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Full text of "La Chanson"

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THE  AlLEM  A.Bli@WIÎ>!l  @@LLE6T10IM 


LA  CHANSON 

REVUE  BI-MENSUELLE 


ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO  BES  SOCIÉTÉS  LYBIQUES 


PREMIÈRE  ANNÉE  :    1878-1879 


RÉDACTEUR  EN    ChEF 

L.  HENRY  LEGOMTE 


îyiRBCTEUR-QÉRANT  : 

A.  PÂTAT 


Biographies,  Ch 
l'oésies,  Comptes-rendui 
des  Dîners  chantants 


Poraaits,  Musique 

Fac-similé,  Curiosités 

Bibliographie 


BUREAUX  DE  LA  PUBLICATION: 

LIBRAIRIE  A.  PATAY,  RUE  BONAPARTE,  18,  PARIS 


PRIX  :    UN  AN,  6   FRANCS 


1"  ANNEE. 


N°  1. 


MAI  1878. 


AOWINISTRATION  «  RÉDACTION 

BUE    BON.^PARTE,    18 
PARIS 

Le  Numéro  :   30  cent. 

Secrétaire  de  la  liédaclion 


V.  DEMEURE 


L.A. 


ABONNEIVIENTS 

Paris,  6  mois  .      .  2  fr. 

Départ',  6  mois .   .  2  50 

Etranger,  C  mois  .  3     » 

Onuc  reçoit  qoe  des  ab'onncmouts  de 

Dirccteur-G&rant 


A.   PAT A Y 


ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIOUES 
Rédacteur   en  Chef  :   I/, -Henry   LE  COMTE 


SOMMAIRE     DU      i."     NUMÉRO 

Notre  but  (l.-uenry  lecomte).  — Banquet  du  Caveau  (eug.  imbert).  —  Ban- 
quet de  la  Lice  C/iansonn/ère  (l.-iienry  lecomte).  —  C'est  le  Prinlempx  quj 
s'éveille  (e.  chebroux).  —  L'Apprenti  rentier  (e.  lucnixl. —  La  Clianaon 
du  ve;ve  (LANtiRAGiN). —  Les  Préliminaires  {] ,  écualié).  —  Galerie  des 
Cliansonniers  :  Charles  Vincent  {l.  iienry  lf.comteJ.  —  Le  Mois  où  Je  suis 
né  (CHARLES  Vincent).  —  Nos  Vieux  Chansonniers  :  Laujon  (eugIi.ne  dail- 
let).  —  Chansons,  chansons  (robert  garnier). 


VENTE   EN   GROS   ET   AU   NUMÉRO 
LIBRAIRIE     ANCIENNE    iET     MODERN 

A.   PATAY 

18,    RUE   BONAPARTE,    18 
PARIS 


^y^2 


LA  CHANSON 


1-/^7 


Sa/ 


La  Chanson,  cette  incarnation  toujours  nouvelle 
et  toujours  diverse  de  l'esprit  français,  n'a  pas  d'or- 
gane. 

Nous  venons  combler  cette  lacune  regrettable  en 
créant  plus  qu'un  journal  —  une  revue  complète, 
spécialement  consacrée  à  ceux  qui  chantent  ou  font 
chanter. 

Sous  ce  titre  :  la  Chanson,  paraîtra  tous  les  mois 
une  livraison  de  12  pages  in-4°,  à  deux  colonnes,  où 
s'écriral'histoire  ancienne  et  moderne  de  la  chanson 
et  des  chansonniers.  Une  couverture-annonce 
garantira  chaque  numéro  ;  la  pagination  sera  suivie 
et  nous  donnerons,  à  la  fm  de  l'année,  le  titre  et  la 
table  nécessaires  pour  la  réunion  en  volume. 

La  Chanson  publiera  les  comptes-rendus  des  ban- 
quets mensuels  du  Caveau,  de  la  Lice  Chansonnière, 
du  Pot-au-feu  et  des  diverses  sociétés  lyriques. 
Nous  préparerons  ainsi  à  l'historien  futur  des 
-  -  -..muses  populaires  les  matériaux  d'un  livre  original 
I  V/ïS  et  varié.  —  Trouveront  également  place  dans  notre 
revue  la  biographie  et  le  portrait  des  chansonniers 
vivants  ou  disparus,  nombre  de  chansons  peu  con- 
nues ou  inédites,  une  bibliographie  raisonnée,  le 
programme  des  concours  lyriques,  l'annonce  des 
soirées  chantantes  extraordinaires  ou  à  bénéfice,  enfin 
une  chronique  sincère  des  cafés-concerts  et  des 
théâtres  parisiens. 

Pour  mener  à  bien  leur  elitl'çjlri«e,:le?'&3îidatei»vs. 
de  LA  Chanson  s'adressent  â'tpil^v''  •';  :.":  •  ,.•  .  .'  î 

Aujs  Chansonniers  de  Paris  et  de  la  province  cTa-* 
bord.  Nous  les  prions  ici  de  nous  'fflpse:  JiM'velîO'; 
leurs  adhésions,  leurs  abonnements,  'les  rénexioiK* 
que  notre  publication  leur: jjailFmrt-s^iiggaïerj.un 
exemplaire  au  moins  de  leîfrs'teuyr^svrfgffméEê,; 
les  meilleures  de  leurs  chansons  inedit'es  'et  deê 
notes  suffisantes  pour  fournir  matière,  au  besoin,  à 
d'intéressantes  et  véridiques  études  biographiques. 

Aux  Editeursjde  Paris  et  des  départements  qui 
publient  des  ouvrages  se  rattachant  à  l'objet  de 
notre  revue,  nous  disons  qu'une  place  sera  toujours 
réservée  aux  comptes-rendus  des  œuvres  dont  ils 
nous  adresseront  deux  exemplaires,  et  nous  les 
invitons  à  nous  envoyer  même  les  moindres  pla- 
quettes. 

Semblable  avis  aux  Editeurs  deMusique,—  et  pré- 
venons tous  les  intéressés  que  les  couvertures  de  la 
Chanson  seront  exclusivement  réservées  aux  annon- 
ces de  librairie  et  de  musique  à  des  prix  très-mo- 
dérés. 

Aux  Musiciens.  —  Nous  prenons  nos  mesures 


pour  donner  à  l'avenir  une  place  à  la  musique 
dans  notre  revue;  nous  prions  donc  dès  aujour- 
d'hui les  jeunes  compositeurs  de  nous  adresser 
leurs  œuvres,  et  surtout  de  mettre  en  musique  les 
chansons  inédites  que  nous  publierons.il  y  aura  de 
la  sorte  rapprochement  amical  entre  paroliers  et 
compositeurs  inconnus,  et  peut-être  en  résultera-t-il 
quelques  œuvres  à  grand  succès. 

Aux  Bibliographes  et  aux  Amateurs.  —  Nous 
accueillerons  avec  reconnaissance  les  documents 
peu  connus  ou  inédits  qu'ils  voudront  bien  nous 
offrir  ;  nous  leur  demandons  de  guider  nos  recher- 
ches et  de  nous  indiquer  les  sources  de  rensei-j 
gnements  incontestables.  I 

Au-x.  Présidents  des  Sociétés  Lyriques.  —  Nous  ' 
les  invitons  à  nous  adresser,  dans  le  plus  bref  délai, 
les  noms  des  réunions  qu'ils  président,  l'indication 
des  sièges  sociaux  et  des  jours  de  tenues,  et  nous 
les  prions  instamment  d'assurer  l'exactitude  de  nos 
informations  en  désignant,  dans  chaque  société,  un 
délégué  chargé  de  correspondre  avec  notre  publi- 
cation et  d'en  faire  apprécier  le  but. 

Nous  voulons  le  succès  d'une  œuvre  entreprise 
dans  le  but  louable  de  défendre  les  réputations  jus- 
tement acquises  et  d'assurer  aux  talents  inconnus 
une  large  place  au  soleil  fécondant  de  la  publicité  ; 
aussi  dèsirons-nous  sincèrement  être  obligés,  après 
jQ..prçnjier  semestre,  de  paraître  tous  les  quinze 
Jj^t^rfe.:*.: 

••'•Lès-' auteurs  désireux    de  posséder  un  certaim> 
,•.  nombre  d'exemplaires  des  numéros  contenant  leurs 
•  œuvres,  seront  priés  de  nous  en  informer  à  l'avance,  ^ 
.  afw.  flue   nous  puissions  exactement    fixer  notre 
''Cirage  '  'fies  numéros  leur  seront  cédés   aux  prix 
•de'libitiire.   Bien  entendu,   il  ne  sera  pas  indis- 
pensable de  prendre  des  numéros  ni  même   d'être 
abonné  pour  collaborer  à  notre  revue  ;  le  comité  de 
rédaction  sera  souverain  pour  admettre  ou  rej  eter  les 
pièces  proposées. 

Tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  devra  être  adres- 
sé franco  au  Rédacteur  en  Chef;  ce  qui  concerne 
l'administration,  l'abonnement  et  les  annonces  au 
Directeur-Gérant.  —  Les  lettres  ou  paquets  non  af- 
franchis seront  rigoureusement  refusés.  —  Toute 
lettre  exigeant  une  réponse  devra  être  accompa- 
gnée d'un  timbre-poste. 

Un  numéro  d'essai  sera  envoyé  à  toute  personne 
qui  en  fera  la  demande  par  lettre  affranchie,  accom- 
pagnée de  30  centimes  en  timbre-poste. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY 


BULLETIN  D'ABONNEMENT 

A  ENVOYER  FRANCO,  ACCOMPAGNÉ  D'UN  MANDAT-POSTE 

Paris  :  2  fr.,  Départements,  2  fr.  50,  Étranger,  3  fr. 

Je  déclare  m'abonner  pour  six  mois  à  la  RevuelLA  CHANSON. 

SIGNATDKB  (lisible) 


(»)  Les  timbres-poste  ne  seront  pas  acceptés.  Par  l'envoi  du  montant  ( 
la  charge  de  Tabonné.  Le  talon  de  la  poste  sert  de  quittance. 


rabonnement  on  évite  les  frais  de  recouvrement  qui  sont  5 


LA    CHANSON 

REVUE  MENSUELLE 

ARCHIVES  DE  LA  CHANSON 

ÉCHO  DES    SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


NOTRE  BUT 


L'œuvre  que  nous  entreprenons  n'a  pas  besoin 
d'être  longuement  motivée. 

Bien  qu'étant  une  humble  division  poétique,  la 
chanson,  sous  ses  aspects  divers,  est  un  document 
important  pour  l'histoire  des  mœurs.  A  ce  titre,  elle 
doit  fixer  l'attention  de  tous  ceux  qui  ont  souvenir 
des  enseignements  passés  et  souci  des  jugements 
à  venir.  En  notre  pays  plus  qu'en  tout  autre.  La 
France  est,  en  effet,  la  patrie  de  la  chanson  par  excel- 
lence. Ridicules,  découvertes,  attentats,  bonnes  ac- 
tions, victoires,  défaites,  tout  y  devient  aisément 
prétexte  à  couplets.  Qu'elle  approuve  ou  fronde,  rie 
ou  pleure,  s'élève  aux  sommets  philosophiques  ou 
s'encanaille  dans  les  lieux  mauvais,  la  chanson  fran- 
çaise fournit  toujours  à  l'observateur  un  intéressant 
sujet  d'étude.  Cette  étude,  nous  la  jugeons  d'autant 
plus  opportune  que,  lanudtiplicité  des  sociétés  lyri- 
ques et  des  cafés-concerts  aidant,  le  nombre  des 
chansonniers  et  des  amis  de  la  chanson  tend  chaque 
joiu"  à  .s'accroître. 

Depuis  cinquante  ans,  il  n'est  pas  un  journal  lit- 
téraire qui  n'ait,  à  l'occasion,  donné  asile  aux  cou- 
plets. Le  nombre  des  publications  spéciales,  par 
contre,  est  plus  que  restreint. 

Le  Mornus  et  le  Jovial  parurent  d'abord;  ils 
étaient  profondément  oubliés  en  1863,  quand  MM. 
Imbert  et  Marchai  fondèrent  In  Muse  Gauloise  qui 
eut  31  numéros.  Le  Bonnet  de  colon  (18(54)  dura 
moins  longtemps  encore.  En  1866,  Eugène  Imbert 
lança  sous  ce  titre  :  la  Chanson,  un  numéro  d'appel 
qui  fut,  hélas  !  unique.  François  Polo  et  Alexandre 
Flan  créèrent,  trois  ans  plus  tard,  la  Clianson  Illus- 
trée, tuée  par  la  guerre  et  la  disparition  de  son  ré- 
dacteur en  chef.  La  Chanson  Française,  recueil  de 
luxe  commencé  par  Charles  Coligny,  continué  plus 
modestement  par  M.  Alfred  Leconte,  est  le  dernier 
journal  que  nous  ayons  à  mentionner,  car  nous  ne 
considérons  comme  intéressant  l'histoire  chanson- 
nière ni  la  Chanson  illustrée,  inventée  par  M.  Bura- 
ni  pour  sa  satisfaction  personnelle,  ni  l'Indépendant, 
snuple  recueil  de  programmes  des  sociétés  lyri- 
ques. 

Plus  heureux  que  nos  prédécesseurs,  réussirons- 
nous  à  faire  œuvre  viable  ?  —  Pourquoi  non  ? 

L'insuccès  de  publications  dignes,  la  plupart,  d'un 
sort  moins  fâcheux,  tient,  suivant  nous,  à  deux 
causes  :  l'habitude  singubère  qu'ont  les  écrivains  de 
n'apporter  aux  feuilles  nouvelles  que  l'appui  de  leur 
collaboration  en  refusant  le  petit  sub.side  qui  est 
T.  I. 


cependant  indispensable  ;  la  qualité  des  fondateurs 
qui,  chansonniers  eux-mêmes,  écoutaient  forcément 
la  voix  professionnelle  et  n'avaient  ni  le  desintéresse- 
ment ni  la  fermeté  nécessaires  pour  applaudir  ou 
critiquer  sincèrement  les  œuvres  de  collègues. 

Ce  dernier  inconvénient  n'est  pas  à  redouter  avec 
nous  ;  quant  an  premier  —  le  plus  grave  —  il  nous 
appartiendra  de  la  combattre  en  faisant  de  notre 
journal  une  publication  vraiment  littéraire,  d'un  in- 
térêt soutenu,  capable  en  un  mot  d'éveiller  les  sym- 
pathies et  de  transformer  en  abonnés  l'armée  des 
de-sservants  ou  amis  de  Momus. 

La  Chanson  paraîtra  le  premier  jour  de  chaque 
mois,  en  une  livraison  de  douze  pages  in-4  k  deux 
colonnes. 

Chaque  numéro  contiendra  : 

Le  portrait  et  la  biographie  d'un  chansonnier  vi- 
vant. 

Le  compte-rendu  des  banquets  du  Caveau,  de  la 
Lice,  et  du  Pot-au-feu, 

Plusieurs  chansons  oubliées  ou  inédites, 

La  Chronique  chansonnière  du  mois  écoulé, 

La  nomenclature  et  la  physionomie  de  toutes  les 
réunions  chantantes, 

La  Bibliographie  de  tous  les  ouvrages  nouveaux 
se  rapportant  à  la  chanson. 

Ce  cadre  est  vaste  ;  tous  nos  efforts  tendront  ce- 
pendant à  l'élargir  encore . 

Bien  que  l'abonnement  soit  notre  objectif  naturel, 
il  ne  sera  pas  indispensable  de  .s'abonner  pour  col- 
laborer à  notrejournal.Nous  accepterons  toute  bonne 
chose,  qu'elle  vienne  d'ami  ou  d'inconnu,  de  Paris 
ou  de  province,  (car  nous  soupçonnons,  dans  les  dé- 
partements, nombre  de  mines  ine.xploitées.)  Nous 
annoncerons  toute  chanson,  nous  rendrons  compte 
de  tout  ouvrage  dont  l'auteur  ou  l'éditeur  nous  adres- 
sera deux  exemplaires.  Nous  nous  rendrons  à  tou- 
tes les  réunions  où  il  y  aura  quelque  chose  à  ap- 
prendre ;  nous  poursuivrons  enfin  partout  et  toujours 
nos  sympathiques  études. 

Toutes  ces  promesses,  sans  doute,  seront  difficiles 
à  tenir,  vu  l'exiguité  de  notre  format.  Aux  chanson- 
niers, aux  amateurs  à  nous  aider,  par  leur  souscrip- 
tion, à  doubler  notre  périodicité.  Nous  désirons  être 
contraints  à  faire  chaque  jour  mieux  et  davanta- 
ge... 

Que  chacun  contribue  donc  à  cette  œuvre  pour 
tous . 

L.  Henry  LECOMTE. 


LA  CHANSON 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAïaE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  5  AVRIL  1878 

Vous  me  demandez, mon  cher  directeur,  un  compte- 
rendu  de  la  dernière  séance  du  Caveau.  Chose  à  la 
rigueur  facile.  Avec  un  peu  d'attention,  beaucoup 
de  mémoire,  une  dose  moyenne  de  sévérité  mitigée 
d'indulgence,  on  peut  y  arriver.  Mais  avons-nous 
bien  le  droit,  dans  un  journal,  une  publication  des- 
tinée à  tous,  de  divulguer  ce  qui  se  passe  en  petit 
comité,  pour  ainsi  dire  en  famille?  Le  Caveau  ne 
fait  pas  de  réclame.  11  va  son  petit  bonhomme  de  che- 
min, sans  s'inquiéter  du  dehors.  Il  s'amuse  en  cati- 
mini, et  la  cordialité  qui  règne  entre  ses  membres 
lui  assure  tous  les  applaudissements  auxquels  il 
aspire. 

Admis  par  faveur  dans  ce  cénacle,  puis-je  sans 
paraître  indiscret  livrer  aux  curiosités  extérieures 
les  délails  d'un  banquet  d'oii  le  profaiium  vulijus 
est  écarté  ? 

Vous  le  pensez,  et  j'y  souscris,  satisfait  d'avoir 
exposé  mon  scrupule.  Mais  si  le  Caveau  allait  ne  pas 
partager  votre  opinion,  et  s'avisait  de  fermer  une 
autre  fois  sa  porte  au  nez  du  critique  trop  bavard, 
qui  en  serait  bien  marri  ?  Ce  serait  votre  serviteur. 

Quels  vides  depuis  quelques  années  dansla  joyeuse 
réunion!  La  Chesneraye,  Flan,  Cabassol,  Monté- 
mont,  Van  Cleem,  comme  on  appelait  le  spirituel 
vieillard,  qu'ètes-vous  devenus  "?  Thiébaux,  qui  fai- 
sait, il  y  a  quinze  ans,  en  vers  si  ingénieux,  ses 
Adieux  au.v  amours,  a  dit  adieu  pour  jamais  au  Ca- 
veau et  à  la  terre.  Louis  Prolat  non  plus  n'est  plus 
là:  avoué  comme  Jovial  était  huissier,  chansonnier 
fé'cond  et  correct,  le  chantre  de  Flora,  le  poète  hardi 
auquel  on  doit  ce  vers  dantesque,  qui  faisait  rugir 
l'onsard: 

Go  fui  tiilto  et  viol.  —  Doux  jolis  instruments! 

Prêtât  était  absent.  Je  revoyais  en  moi-même 
cette  figure  fine  et  goguenarde,  —  pas  jolie,  à  ia 
diffémnce  delà  mère  Angot,  — physionomie  sympa- 
thique, humeur  joyeuse;  gai  compagnon,  comme  le 
Caveau  en  compte  tant. 

Dirai-je  que  les  présents  font  oublier  les  absents, 
et  ([n'en  écoutant  Poulain  ou  Rubois,  Ordonneauou 
Féiiée,  on  regrette  moins  ceux  qui  les  ont  précédés 
dans  la  carrière  lyrique  ?  La  formule  ressemble  à  un 
comphment,  mais  elle  exprime  assez  bien  la  vérité. 
Des  talents  ont  disparu,  d'autres  sont  restés,  d'au- 
tres ciilîn  sont  venus.  Avec  des  nuances,  le  Caveau 
n'a  pas  diminué.  Si  la  poésie  satyrico-champôtre  de 
Lii  Ciiesneraye,  par  exemple  n'est  pas  exactement  re- 
présentée, n'avons-nous  pas  Vincent,  un  Dupont  plus 
peigné,  mois  non  moins  chaleureux  ? 

J'oubliais  la  chanson.  Elle  apparaît  au  coup  du 
milieu,  c'est  le  verre  de  madère  et  le  toast  tradition- 
nel. Tâche  quelquefois  ingrate  pour  un  président. 
Trouver  chaque  mois  ijuelque  chose  d'im  peu  nou- 
veau à  dire  sur  le  inônie  sujet,  sujet  toujours  vi- 
vant, il  est  vrai,  mais  si  souvent  traité  et  rebattu! 
Vincent  s'en  tire  adroitement.  11  boit  un  jour  à  Collé, 
un  auti'o  à  Gallet.  L'antre  soir  c'était  cà  Piron,  le 
joyeux  boui'guignon,  chansonnier  de  nature  plutôt 
que  de  fait,  mais  un  des  ancêtres  du  Caveau.  Rival 


de  Voltaire  en  réparties,  son  maître  en  épigrainmes, 
supérieur  au  grand  homme  comme  auteur  comique. 
Ce  nom  amenait  naturellement  une  allusion  au  cen- 
tenaire qui  se  prépare.  Digression  toute  actuelle, 
bien  conduite  et  fort  goûtée. 

L'actualité,  en  eiïei,  pour  le  dire  en  passant,  l'ac- 
tualité et  la  réponse  sont  les  deux  muses  qui  inspi- 
rent le  plus  fréquemment  les  auteurs  du  Caveau. 
C'est  à  la  première  que  nous  devons  deux  chansons 
sur  l'Estudiantina.  Ordonneau,  un  jeune  (il  y  en  a 
quelques-uns),  a  flagellé  avec  esprit  cette  invasion 
de  puffistes  d'outre-monts.  Aux  réclames  de  divers 
théâtres  et  autres  ('■tablissements  promettant  au  pu- 
blic la  présL'iice  des  pseudo-étudiants,  ils  oppose 
une  al'liclie  bien  faite,  selon  lui,  pour  attirer  du 
monde,  puisqu'on  y  lira  en  gros  caractères  :  L'Estu- 
diantina n'assistera  pas  à  la  représentation. 

Sur  l'air  romantique  écrit  par  Monpou  pour  Alfred 
de  Musset: 

Avez-vous  vu   dans  Barcelone... 

et  l'air  était  bien  de  circonstance,  Clairville,  le 
piquant  vaudevilliste,  blague  à  son  tour  ces  Gil  Blas 
de  pacotille,  ces  César  de  Bazan  d'occasion  que  Pa- 
ris, sous  prétexte  de  mardi-gras,  a  dû  avaler  pon- 
dant trois  semaines.  Rondeau  plein  d'humour  gro- 
tesque, comme  on  en  chante  dans  les  bonnes  revues 
et  comme  Clairville,  un  maître  dans  ce  genre,  en  a 
tant  fait. 

Après  l'actualité,  laréponse.  C'est  un  des  plaisirs 
et  des  désagréments  du  Caveau.  Désagrément  est 
peut-être  trop  fort;  mais  comme  a  dit  Lamotte  : 

L'ennui  naquit  un  jour  de  l'uniformité. 

A  tel  banquet.  Grange,  autre  vaudevilliste  de  pre- 
mier titre,  a  chanté  l'Éventail,  ur  l'air  de  Mon  ga- 
loubet, couplets  dédiés  naturellement  au  confrère 
Duvelleroy,  l'éventailliste  célèbre.  Celui-ci  riposte 
l'autre  jour  par  une  chanson  sur  le  même  air  et  sur 
le  même  sujet.  Congratulations,  aimable  assaut  d'é- 
loges... mérités.  Détail  piquant:  c'était  Grange  qui 
chantait  lui-même,  de  cette  voix  que  vous  connais- 
sez, la  chanson  que  lui  adressait  Duvelleroy.  Un 
homme  moins  modeste  se  serait  trouvé  embar- 
rassé. 

Grange,  quand  il  chante  pour  lui,  a  le  couplet  spi- 
rituel, lin,  une  forme  légère  et  facile.  11  est  peu  ra- 
dical, comme  on  dit  depuis  quelque  temps  en  argot 
politique,  et  chante  la  Rengaine.  Non,  maitre,  malgré 
tout  le  prestige  de  votre  esprit,  vous  ne  nous  per- 
suaderez pas., Non,  croire  au  progrès,  célébrer  le 
grand  Voltaire,  abhorrer  l'ancien  régime,  chercher 
à  détruire  les  abus,  non,  cher  vaudevilliste,  ce  n'est 
pas  de  la  rengaine. 

A  propos  du  progrès,  devant  lequel  Grange  se 
montre  si  sceptique...  à  table,  qu'en  pense  le  Caveau 
en  général  ?  Faut  pas  rire  avec  ça,  dit  Lesueur  en 
homme  prudent.  Louis  Piesse,  qui  craint  de  se  com- 
promettre, murmure  :  Ln  question  est  ii  l'étude.  Ru- 
bois, plus  jeune  et  plus  hardi,  s'écrie:  Suivez  le  cou- 
rfl«/.  Enfin  Fénée,  malgré  sa  barbe  de  Nestor,  ajoute  : 
La  route  est  belle! 

Et  ils  ont  raison  tous  quatre. 

La  chanson  de  Lesueur  estphOosophique  et  boufle. 
Mais  il  ne  faut  pas  prendre  au  mot  le  malin  doyen 
de  la  compagnie.  Il  y  a  longtemps  qu'il  rit,  et  il  nous., 
fera  rire  longtemps  encore,  malgré  ses  quatre-vingt- 


LA  CHANSON 


quatre  ans.  N'est-ce  pas  lui  qui,  il  y  a  quarante  ans, 
chantait  la  bonne  franquette,  et  publiait  ce  couplet  : 

Au  pacte  qu'il  avait  juré 

Dans  une  auguste  enceinte, 
Un  roi,  de  prêtres  entouré 

Osa  porter  atteinte. 
Il  fit  si  bien  qu'un  beau  matin 

Le  peuple  lui  dit:  Sire, 
Sautez,  sautez,  sautez,  pantin; 

Allons,  faites-moi  rire. 

Ce  refrain  :  La  route  est  belle  a  in.spiré  deux  chan- 
sons différentes  à  Fénée.  L'une  est  sérieuse,  pro- 
gressive de  fond,  élevée  de  pensée  ;  l'autre  est  sati- 
rique et  légère. 

Les  Quelques  pourquoi,  de  Jules  Petit,  présentent 
sous  une  forme  châtiée,  mais  sans  prétention,  de 
bonnes  vérités.  On  sent  chez  l'auteur,  outre  une 
grande  force  de  raison,  un  fond  de  littérature  solide 
et  l'étude  des  maîtres. 

Ne  trouve  pas  qui  veut  un  créancier  ! 

s'écrie-t-il  mélancoliquement.  Hélas,  un  Jour  vien- 
dra où  l'on  en  rencontrera  trop  et  où  l'on  s'ingéniera 
à  les  dépister.  C'est  alors  que  Nadot  pourra  dire  : 

Depuis  qu'  d'un'  pareill'  sorte 
C  gàrgottier  m'a  traité. 
Je  n'  pass'  plus  d'vant  sa  porte; 
On  a  sa  dignité. 

Charles  Vincent,  dont  le  talent  est  ap])récié  dans 
un  autre  endroit  de  ce  numéro,  est  décidément, 
comme  son  ami  Plouvier,  un  fidèle  de  l'Ami  Soleil. 
Je  partage  son  sentiment.  Il  chantait,  voilà  long- 
temps déjà  : 

Reviens,  Soleil,  la  nature  t'appelle; 
Viens  au  raisin  donner  le  teint  vermeil. 

Aujourd'hui,  il  adresse  à  Louis  Piesso,  partant, 
non  pour  la  Syrie,  heureusement,  mais  pour  l'Algé- 
rie, ces  vers  de  bon  voyage  : 

Piesse,  emporte  nos  vins  de  France, 
Mais  rapporte-nous  du  Soleil. 

La  chanson  k retaire  de  Granger,  quasi-homonyme 
de  l'auteur  dramatique  dont  je  vous  pai'lais  il  y  a 
un  instant,  est  faite  et  bien  faite,  quoi  que  dise  l'au- 
teur. C'est  un  badinage  léger,  rimé  très-facilement. 

Gustave  Aymard,  le  romancier,  nous  a  raconté, 
dans  une  causerie  dénuée  de  toute  rime,  mais  non 
de  tout  esprit,  comment  il  a  harponné  sa  première 
baleine.  De  la  couleur  locale,  du  brio,  des  mots 
trouvés;  beaucoup  de  bonne  humeur,  et  un  peu 
d'anglais.  Qu'il  me  permette  une  petite  chicane  au 
point  de  vue  géographique  :  il  a  oublié  de  nous  dire 
comment  il  a  pu,  en  deux  mois  seulement,  franchir 
la  distance  qui  sépare  l'Australie  du  détroit  de 
Behring. 

Les  Promenades,  d'Echalié,  voilà  une  chanson 
touchante  et  gracieuse.  C'est  la  promenade  du  bébé 
essayant  ses  premiers  pas  ;  celle  de  deux  amoureux 
à  la  lisière  de  la  forêt  ;  celle  de  la  chère  malade 
appuyée  sur  un  bras  ami  ;  puis  enfln  la  dernière, 
celle  que  ne  peuvent  éviter  ni  les  membres  du  Ca- 
veau, ni  les  critiques  eux-mêmes. 

Il  serait  trop  long,  mon  cher  directeur,  de  vous 
détailler  par  le  menu  la  hste  complète  de  tous  les 
morceaux  qui  ont  été  dits  ou  chantés   dans  cette 


soirée.  Les  oubliés  me  pardonneront  :  ils  auront 
leur  tour  une  autre  fois.  Pourtant,  je  vous  citerai, 
avant  de  finir,  les  couplets  s.\xv  ï Orgueil,  l'orgueil 
compris  comme  capable  d'inspirer  de  belles  actions, 
l'orgueil  se  traduisant  en  patriotisme,  en  vertu ,  en 
dévouement.  Ce  sont  là  des  stances  d'une  grande 
allure  et  d'un  souffle  généreux. 

Abrégeons  donc  cet  article,  car,  ainsi  que  le  chan- 
tait l'autre  soir  un  de  nos  convives  : 

L'ennui  peut  abréger  la  vie. 

Vous  le  voyez,  soit  par  le  choix  des  sujets,  soit 
par  le  point  de  vue  où  les  auteurs  se  placent  pour 
les  traiter,  le  Caveau,  sauf  quelques  exceptions,  cul- 
tive presque  exclusivement  la  chanson  intime,  ce 
que  j'appellerais  volontiers,  pour  employer  une  ex- 
pression souvent  appliquée  à  la  musique,  et  la  pre- 
nant en  bonne  part,  la  chanson  de  chambre .  Il  faut 
reconnaitre  toutefois  qu'ici  la  crainte  du  bruit  n'ex- 
clut pas  la  virtuosité  et  que  l'intimité  augmente  en- 
core le  succès. 

Madame  de  Sévigné  s'apercevait,  à  la  fin  d'une 
lettre,  que  la  ponctuation  y  faisait  complètement 
défaut;  elle  y  remédiait  en  semant  au  bas  de  sa  der- 
nière page  une  foule  de  virgules  et  de  points  qu'il 
était  loisible  au  lecteur  de  disposer  à  son  gré.  Je 
devrais  bien,  comme  elle,  accumuler  ici  toutes  les  i/ 
que  j'ai  omis  de  placer  devant  les  noms  propres 
cités  ci-dessus.  J'ai  craint,  et  c'est  mon  excuse,  de 
donner  à  ce  compte-rendu  l'apparence  froide  d'un 
procès-verbal.  D'ailleurs,  la  notoriété  de  presque 
tous  les  membres  du  Caveau,  la  célébrité  de  quel- 
ques-uns, la  cordialité  de  tous,  e.xpliquent  suffisam- 
ment, et  me  feront  pardonner,  cette  dérogation  aux 
usages  d'une  politesse  un  peu  guindée. 

EuG.  IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET  DU  3  AVRIL,  1878 

La  Lice  Chansonnière  est,  après  le  Caveau,  la 
plus  ancienne  et  la  plus  intéressante  des  sociétés  ly- 
riques. Elle  a  môme,  sur  le  Caveau,  cet  avantage 
d'être  en  majorité  composée  de  membres  jeunes, 
moins  entichés  par  conséquent  des  formes  vieilhes, 
moins  enclins  surtout  à  ravaler  le  présent  au  bénéfice 
du  passé. 

Les  banquets  de  /a  Ljceontlieu,  le  premier  mer- 
credi de  chaque  mois,  aux  Vendanges  deBourgogne. 
Malgré  le  mauvais  temps,  les  convives  d'Avril  étaient 
au  nombre  de  cinquante-cinq.  Après  le  tradition- 
nel Toast  à  la  chanson,  porté  par  le  président  M.  Le 
Boullenger  et  applaudi,  un  nouveau  sociétaire, 
M.  Jules  Moniot,  est  admis  avec  le  cérémonial  d'u- 
sage, remise  du  diplôme  et  accolade;  puis  M.  Che- 
broux  ouvre  la  série  des  chants  par  une  invitation 
que  chacun  répète  : 

Chansonniers,  mes  amis. 
Quand,  par  Momus,  nous  sommes  réunis, 
Vidons  nos  verres 
Et,  gais  trouvères. 
Chantons  toujours 
Le  vin  et  les  amours. 


LA  CHANSON 


Un  visiteur,  M.  Lebègue,  sans  tenir  compte  de  ce 
bon  conseil,  récite,  avec  une  ardeur  un  peu  sombre, 
des  stances^  la  Bastille,  qui  ne  sont  pas  sans  mé- 
rite. M.  Chocque  fait  diversion  en  offrant  sa  Culotte; 
mais  un  M.Goyon,  sous  prétexte  d  «  enfoncer  Tar- 
tufle  »  lui  succède.  Protégé  par  des  lunettes  de  cou- 
leur, vi.siblement  satisfait  de  lui-même,  il  débite,  sur 
un  ton  féroce,  de  banales  déclamations  rimées  avec 
indigence...  et  Tartuffe  n'en  va  pas  plus  mal. — 
M.  Robinot  évoque  son  passé  en  strophes  aimables  : 

Douces  images  que  le  temps 
Dessine  et  grave  en  ma  mémoire 
Venez  me  rappeler  l'histoire 
Et  les  fêtes  de  mon  printemps. 

Gustave  Nadaud  dit  très-finement  une  de  ses  bon- 
nes chansons,  Vous  n'êtes  pas  rieu-r/Ryon, très-sym- 
pathique, chante  la  problématique  i?Messe  du  pau- 
vre ;  Eugène  Baillet,  avec  le  Bon  sens  d'un  paysan, 
faitjustice  d'absurdités  sociales  etcléricales;M.  Echa- 
lié,  pour  M.  Bernard  Lopez,  expose  la  singulière 
Maxime  de  l'amour;  M.  Pingray  conte  Une  foule  de 
blagues,  qui  ne  sont  pas  bien  amusantes  ;  M.  Rubois 
chansonne  un  peu  longuement  le  Candidat  conserva- 
teur ;  M.  Yàlmeldiile  Bonjour  à  la  mansarde  ;M.  Echa- 
lié,  chante,  pour  M.  Caron,  Si  j' étais  mon  chef  de  bu- 
reau, et,  pour  son  propre  compte,  7a  Car/e  et  l'Oi- 
seau ;  Gustave  Nadaud  détaille  avec  esprit  un  excel- 
lent rondeau,  ie  Bw2  aœi;  M.Jules  Moniot  dit  sa 
chanson  de  réception,  le  Marseillais  à  la  Lice,  qui  m'a 
paru  bien  faible  ;  M.  Mordret  dégoise  une  paysanne- 
rie... —  Tout-à-coup  un  visiteur  se  lève  ;  c'est  un 
avocat,  M.  André  Rousselle.  Pris  d'un  besoin  de 
parler,  ce  discoureur  patenté  assaie,  d'une  voix  re- 
dondante, l'éloge  de  lachanson.il  prétend  retrouver, 
bien  au-delà  du  déluge,  sa  bienfaisante  influence. 
A  l'en  croire,  le  couplet  a  toujours  mené  le  monde. 
C'est  une  chanson  que  sonnaient  les  foudroyantes 
trompettes  de  Jéricho,  et  laBastille  s'est  écroulée  par 
l'opération  de  la  Mar seillaise \...  Biahlel  voilà  qui 
bouleverse  les  notions  historiques  :  la  Marseillaise 
en  89  ! ...  Il  me  semble  voir  le  gouverneur  accoudé  au 
parapet  de  sa  citadelle,  prêter  l'oreille  au  chant  des 
assiégeants,  et,  distinguant  l'hymne  de  Rouget  de 
Lisle,  faire  un  bond  de  surprise  en  s'écriant,  comme 
un  personnage  d'Hervé  :  «  Déjà  !  »  —  Sur  ce  trait 
lumineux,  M.  Rousselle  se  rassied;  on  applaudit  par 
politesse  et  les  chants  reprennent. 

Mais  on  n'attend  pas  de  moi  la  nomenclature  com- 
plète des  œuvres  dites  parles  sociétaires  ou  visiteurs. 
Une  observation,  pourtant.  M.  Echalié,  pour  la  troi- 
sième fois,  prête  sa  voix  à  un  camarade.  Cela  se 
comprendrait  si  l'auteur  était  absent  ou  novice,  niais 
chanter  pour  un  rimeur  chevronné  qui,  la  pipe  à  la 
bouche  et  les  coudes  sur  la  table,  regarde  son  in- 
terprète d'un  air  narquois  etrecueille  les  bravos,  me 
parait  le  comble  de  l'obhgeance . 

Terminé  par  une  gaudriole  de  Jules  Jeannin,  le 
banquet  de  la  Lice,  en  somme,  n'a  vu  l'éclosion  d'au- 
cune œuvre  hors  ligne.  Des  vingt-huit  morceaux 
chantés  ou  récités,  le  meilleur,  à  mon  avis,  est  le 
Printemps  qui  s'éveille  de  M.  Chebroux;  je  recom- 
mande à  nos  lecteurs  ces  couplets  charmants  que 
nous  avons  obtenus  pour  notre  premier  numéro  -^ 
couplets  d'actualité  s'il  en  tût  —  sur  lesquels  Colli- 
gnon  a  écrit  une  musique  excellente. 

L.-Henry  LECOMTE. 


C'EST  LE  PRINTEIÏIPS  QUI  S'ÉVEILLE 

Musique  de  J.-B.  COLLIGNON.  (1) 


Les  vents  ont  suspendu 
Leur  complainte  chagrine; 
Les  vallons  ont  perdu 
Leur  blanc  manteau  d'hermine; 
Le  soleil  au  buisson 
Donne  un  premier  sourire, 
Et  Mars,  enfin,  expire 
Dans  un  dernier  frisson. 

Des  fleurs  plein  sa  corbeille, 
Des  chansons  plein  la  voix, 
C'est  encore  une  fois 
Le  printemps  qui  s'éveille  ! 

Avril  revient,  vermeil, 
Tout  s'anime  et  s'apprête 
A  chanter  son  réveil, 
La  nature  est  en  fête  ! 
Jetant  aux  alentours 
Ses  notes  les  plus  franches, 
Le  pinson  pend  aux  branches 
Un  nid,  pour  ses  amours. 

Des  fleurs,  etc. 

Déjà  le  franc  buveur, 
Interrogeant  les  treilles, 
Du  bourgeon  en  sa  fleur 
Escompte  les  merveilles. 
Le  laboureur  sourit. 
Quand,  pour  prix  de  sa  peine, 
Il  revoit  dans  la  plaine 
Seigle  ou  blé  qui  grandit  I 

Des  fleurs,  etc. 

Par  d'éternelles  lois, 
Réglant  toute  harmonie], 
0  terre,  je  te  vois 
Sans  cesse  rajeunie  ! 
C'est  que  dans  les  longs  jours 
Où  tu  semblés  muette. 
Tu  prépares ,  coquette, 
Tes  plus  brillants  atours  ! 

Des  fleurs, etc. 

De  la  terre  amoureux, 
Déjà  l'astre  superbe. 
Caresse  de  ses  feux 
Arbre,  fleur  ou  brin  d'herbe  ; 
Toi  qui  fais  tout  germer. 
Source  vive  et  féconde. 
Soleil,  père  du  monde. 
Fais  aussi  tout  s'aimer  ! 

Des  fleurs  plein  sa  corbeille, 
Des  chansons  plein  la  voix, 
C'est  encore  une  fois 
Le  printemps  qui  s'éveille  ! 

E.  CHEBROUX, 

Vice-président  de  la  Lice  chansonnière. 

(1).    La  musique    se   trouve    chez   Labbé,    successeur 
L.  Viei'lot,  éditeur,  rue  Notre-Dame  de  Nazareth,  32. 


LA  CHANSON 


L'APPRENTI  RENTIERO 


Air  :  Ne  donne  pas  sa  part  au  chat  (Peechelet) 

Après  des  luttes  accablantes, 
Je  suis  riche  !  Enfin,  j'ai  vaincu  ! 
El  je  puis  mourir  de  mes  rentes. 
Moi,  qui  n'en  ai  jamais  vécu  ! 
Misère,  adieu,  vieille  ennemie  : 
Va  !  pour  me  faire  un  sort  princier, 
Tout  plein  de  stricte  économie... 

J'apprends  le  métier 
De  rentier, 
Le  bon^métier 
De  vieux  rentier. 

Vous  croyez  ce  métier  facile  ; 
Hé  bien,  moi,  j'y  suis  peu  ferre. 
Lorsque  je  vague  par  la  ville, 
Regardant  tout,  en  désœuvré, 
S'il  advient  qu'un  ami  m'arrèle, 
Je  l'entends  toujours  s'écrier  : 
—  Qu'as-lu  donc?  tu  parais  tout  bute.. 
J'apprends,  etc. 

Pour  paraître  un  peu  moins  vulgaii-o. 
Je  fréquente  et  puis  recevoir 
Des  gens  ayant  fait  leur  affaire. 
On  s'assemble  parfois  le  soir: 
On  jase  douleurs,  santé  piètre. 
Eaux,  onguents,  qu'il  faut  employer 
Depuis  que  l'on  a  le  bion-ètre. . . 
J'apprends,  etc. 

11  faut,  lorsque  l'on  tient  boutique, 
Se  mouvoir  comme  un  omnibus. 
Poursuivre,  accueillir  la  pratique.... 
Désormais,  je  ne  bouge  plus! 
Hier  encor,  sans  changer  de  place, 
J'ai  pu  rester  dans  mon  quartier 
A  voir  couler  une  Wallace.... 
J'apprends,  etc, 

Je  me  faisais  un  bon  visage 
Quand  des  muses  les  nourrissons 
Me  dérangeaient  de  mon  ouvrage. 
Pour  me  raconter  leurs  chansons  ! 
Je  vais  à  tous  ces  gais  apôtres 
Soumettre  mon  refrain  dernier. 
C'est  mon  tour  d'embêter  les  autres.. . 
J'apprends  etc, 


(1)  Extrait  du  dernier  volume  de  la  Lice  chansonnière  1876, 
en  vente  chez  Labbé,  éditeur,  rue  Notre-Dame  de  Nazareth, 
32,  à  notre  librairie,    prix  1  f.  50 


—  Mais  (direz-vous),  en  politique  ! 
Ceci  change-t-il  votre  humeur  ? 
Soutenez-vous  la  République 

Ou  le  vieux  clan  conservateur? 

—  Point  de  distinctions  subtiles. 
Messieurs  ;  j'appartiens  lout  entier 
Au  grand  parti  des  inutiles  : 

J'apprends  le  métier 
De  rentier, 
I^e  bon  métier 
De  vieux  rentier. 

E.  HACHIN, 

Président  d'honneur  de  la  Lice  chansonnière. 


La  Chanson  du  Verre 


Musique  de  VAUDHY. 


Le  verre  est  un  trésor  fragile 
Mais  c'est  un  précieux  trésor. 
L'homme  a  su  se  le  rendre  utile 
Bien  plus  utile  encor  que  l'or. 

Coupe  aimable,  coupe  joyeuse. 
De  quelques  grains  de  sable  fin 
Te  voilà  faite,  radieuse 
De  contenir  le  meilleur  vin. 
Humecte  ma  lèvre  brûlante. 
De  ce  jus  ou  blond  ou  vermeil. 
En  me  donnant,  ma  douce  amante, 
Tes  baisers  tout  pleins  de  soleil. 

Le  verre,  etc 

Etudie  un  galant  sourire, 

Apprends  à  cligner  ton  œil  noir, 

Belle  coquette  tu  vas  lire 

Tous  ces  secrets  dans  un  miroir. 

Lorsque  dans  ce  miron"  limpide 

Ton  amant  verra,  déjà  vieux. 

Paraître  sa  première  ride 

Et  blanchir  ses  premiers  cheveux. 

Le  verre,  etc. 

Voici  des  fêtes  ou  les  femmes 
Pourront,  amoureuses  du  bal. 
Tourbillonner  devant  les  flammes 
Que  reflettele  pur  cristal. 
Quand  la  lampe  de  l'ouvrière 
En  globe,  doux  comme  l'émail, 


LA  CHANSON 


Ira  concentrer  la  lumière 
Et  la  verser  sur  letravail. 

Le  verre,  etc. 

Ij'orage  gronde,  à  la  fenêtre 
Le  vent  vient  souffler  furieux, 
On  voit  surgir  et  disparaître 
L'éclair  en  déchirant  les  cieux, 
Mis  à  l'abri  de  la  tempête 
Derrière  les  vitres  en  feu , 
Calme,  le  penseur,  le  poète 
Dans  ce  tumulte  cherche  Dieu  ! 

Le  verre,  etc. 

Dans  des  immensités  profondes, 
A  travers  ces  sables  fondus, 
Le  savant  découvre  des  mondes 
Sur  notre  monde  suspendus. 
Qu'il  redescende  du  superbe 
Aux  infimes  les  plus  divers, 
Dans  la  goutte  d'eau,  le  brin  d'herbe. 
Il  trouve  enoor  des  univers! 

Le  verre,  etc. 

A  tes  flacons  on  boit  l'ivresse, 
A  tes  lustres  étinoelants 
Danse  la  rieuse  jeunesse  : 
Pour  guider  nos  pas  chancelants 
Tu  fais  les  vulgaires  lunettes, 
Et  jusqu'à  la  fin  de  nos  jours 
Généreux  verre,  tu  nous  prêtes 
Un  suprême  et  dernier  concours. 


I^e  verre,  etc. 


Joseph  LANDRâGIN, 
Membre  delà  Lice  chansonnière. 


LES    PRELIMINAIRES 


Air  :  Mon  père  était  pot. 

Pour  arriver  plus  sûrement 

Au  but  qu'on  se  propose, 
Ne  rien  faire  que  prudemment. 
Est  une  bonne  chose  ; 

Mais  l'excès  en  tout 

Nuit  toujours,  surtout 
Aux  gens  retardataires  : 

Il  ne  faut  donc  pas 

Egarer  ses  pas 
Dans  les  préliminaires. 


Si  la  fillette  qui  longtemps 

Se  montra  trop  sauvage, 
Endure  un  jour  quelques  instants 
Notre  gai  badinage. 

Sans  nous  attarder 

A  trop  bavarder, 
Franchissons  les  barrières, 

Quitte  à  revenir 

Ensuite  à  loisir 
Sur  les  préliminaires. 

Cependant  quand  le  poids  des  ans, 

En  courbant  notre  échine, 
Aux  ardeurs  de  notre  printemps 
Vient  mettre  une  sourdine. 
Une  belle  en  feu 
A  beau  mettre  en  jeu 
Ses  plus  secrets  mystères. 
Nous  ne  pouvons  rien 
Faire  à  peu  près  bien 
Que  les  préliminaires. 

On  voit  encore  des  garçons, 

Bien  qu'aimant  le  ménage, 
Reculer  devant  les  façons 
Qu'exige  un  mariage  ; 

Pourtant,  de  nos  jours, 

On  rend  les  amours 
Bien  coulants  en  affaires  : 

En  un  petit  mois, 

On  se  voit  deux  fois, 
Pour  tous  préliminaires. 

Nos  avocats,  presque  toujours. 

Pour  défendre  leurs  causes, 
Des  siècles  remontant  le  cours, 
Parlent  de  mille  choses  ; 

Laissant  de  côté, 

Le  délit  cité 
Qui  ne  les  trouble  guères. 

Dans  leur  long  bagoiit, 

Sans  sel  et  sans  goût, 
Tout  est  préliminaires. 

Quand,  de  temps  en  temps,  quelque  Etat 

Se  met  en  république, 
Je  crois  du  dernier  potentat 
Voir  enfin  la  relique  ; 

Car,  j'en  ai  l'espoir, 

Nos  fils  pourront  voir 
Les  peuples  sans  frontières  ; 

De  ce  grand  jour-là. 

Les  faits  que  voilà 
Sont  les  préliminaires  '. 

Jules  ÉCHALIÉ. 

Membre  associé  du  Caveau  et  Secrétaire 
de  la  Lice  chansonnière. 


(1)  Extrait  du  volume   du  Caveau  1877^  en  vente   à  notre 
librairie,  priï  2  fr. 


LA  CHANSON 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


CHARLES  VINCENT 


PRESIDENT  DU  CAVEAU 


Nous  devons  au 
vénérable  et  vivace 
Caveau  cet  hom- 
mage de  placer,  en 
lôte  des  études  litté- 
raires que  l'on  al  tend 
de  nous,  l'histoire  et 
le  portrait  du  chan- 
sonnier qui  le  préside. 

La  physionomie  de 
Charles  Vincent  est, 
d'ailleurs,  originale  et 
sympathique.  Nous 
la  peindrons  sous  ses 
aspects  divers ,  en 
nous  attachant  toute- 
fois de  préférence  à 
ce  qui,  dans  son  œu- 
vre, se  rapporte  au 
genre  préconisé  chez 
nous,  la  chanson. 

Charles  -  Hubert 
Vincent  est  né  à  Fon- 
tainebleau le  15  avril 
1828.  Sorti  à  treize 
ans  de  l'Ecole  supé- 
rieure de  cette  ville, 
il  fut  d'abord  clerc  de 
notaire  et  d'avoué.  Il  vint  à  Paris  comme  ouvrier 
tapissier;  plus  lard,  commis-voyageur,  il  représenta 
simultanément  environ  quinze  maisons  de  com- 
merce. Cela  le  conduisit  en  1848.  Il  était  impossible 
que  Vincent,  dans  l'ardeur  de  sa  vingtième  année, 
saluât  froidement  la  Révolution  de  Février.  Un 
jour  qu'Auguste  Luchet,  gouverneur  du  palais  de 
Fontainebleau,  présidait  à  la  plantation  d'un  arbre 
de  liberté  sur  la  place  de  la  ville,  accourut  à  lui  un 


jeune  chansonnier  qui 
célébra  la  République 
en  strophes  ardentes: 
c'était  Charles  Vin- 
cent. —  Charles  Vin- 
cent a  donc  commen- 
cé par  des  Chansons 
Réjni])licaines.  —  (1) 
Tel  est,  en  effet,  le 
(ili'e  de  son  premier 
recueil,  lequel,  con- 
sidérablement aug- 
menté, parut  à  nou- 
vcvau,  on  1849,  sous 
k'  nom  (V Album  Révo- 
lutionnaire (2),  avec 
une  préface  enflam- 
mée de  Luchet. 
Charles  Vincent  célé- 
brait alors  la  liberté, 
défendait  l'Évangile, 
prêchait  l'amnistie  et 
l'abolition  de  l'écha- 
faud  ;  nous  retrou- 
verons, trente  années 
plus  tard,  l'écrivain 
fidèle  aux  idées  sai- 
nes, aux  passions 
généreuses  de  sa  jeunesse.... 

Charles  Vincent  devint  bientôt  rédacteur  du 
Siècle,  où  il  devait  rester  pendant  nombre  d'années, 
se  ilélassant  par  la  rime  des  fatigues  du  journa- 
lisme. Il  ne  vit  pas,  on  le  comprend,  le  retour  de 
l'enpire  avec  enthousiasme  ;  aussi   proflta-t  -il  de 


[i.j  Avril  1848.  Br.  de  24  pages  gr.  in-18. 
(2)  Avec  gravures   de  Dovritz.   In-8  de  72  pages.  Ces  deux 
piulications  sont  devenues  très-rares. 


LA  CHANSON 


la  première  occasion  de  protester  qui  lui  fut  offerte. 
M.  Garlier,  préfet  de  police  zélé,  fit,  un  jour,  couper 
tous  les  arbres  de  liberté  plantés  dans  Paris.  Dès 
le  lendemain,  Charles  Vincent  improvisait  sous  ce 
titre  :  le  Peuplier,  histoire  d'un  arbre  de  la  liberté, 
une  chanson  dont  voici  le  dernier  couplet  : 

Bel  arbre,  on  cherche  en  vain  la  place 
Où  le  peuple  t'avait  planté  ; 
Ainsi  la  tyrannie  efface 
Jusqu'aux  signes  de  liberté. 
Mais  entre  deux  pavés  s'élance, 
Un  bourgeon  qui  va  refleurir  ; 
Il  est  greffé  sur  l'espérance, 
L'arbre  sacré  de  l'avenir  ! 

Ces  vers,  qui  firent  le  tour  de  la  presse  française 
et  étrangère,  eurent  le  don  d'irriter  M.  Carlier.  Il 
se  vengea  en  faisant  d'abord  condamner,  pour  un 
oubli  de  formalité,  l'éditeur  Brault  à  deux  ans  de 
prison,  en  interdisant  ensuite  le  répertoire  entier 
de  Charles  Vincent.  On  dut  cesser  de  chanter  au 
théâtre  Montmartre  l'Invasion,  vivement  applaudie; 
la  Misère  et  l'Argent,  deu.\  satires  incorrectes  mais 
vigoureuses,  furent  également  mises  à  l'index  ; 
l'autorité  défendit  même  Mon  Manteau,  chanson 
comique  !  —  Charles  Vincent  ne  se  crut  cependant 
pas  condamné  au  silence,  mais  il  abandonna  prudem- 
ment le  terrain  politique. 

Le  talent  de  Charles  Vincent,  nous  l'avons  dit, 
est  multiple.  Nous  abordons  ici  le  journaliste  indus- 
triel, et  l'on  nous  permettra  d'éuumérer  ses  titres 
sans  souci  de  la  chronologie,  pour  revenir  aussi 
tôt  que  possible,  au  chansonnier. 

Charles  Vincent,  d'abord  rédacteur  en  chef  du 
journal  l'Innovateur,  créa,  en  1852,  le  Moniteur  de 
la  Cordonnerie, pix  les  articles  étaient  payés  en  chaus- 
sures, monnaie  que  ne  dédaignèrent  pas  de  célèbres 
écrivains.  On  le  vit  ensuite  à  la  tète  de  divers  jour- 
naux de  modes  :  ï Illustrateur  des  dames,  la  Joie  du 
foyer,  la  Boîte  à  ouvrage.  Il  fonda  une  publication 
des  plus  sérieuses,  7a  Halle  aux  cuirs,  rédigée  avec 
une  autorité  et  une  impartialité  telles,  que  Charles 
Vincent  est  nommé  presque  toujours  à  l'unanimité 
dans  les  jurys  spéciaux.  Enfin,  outre  nombre  d'ar- 
,  ticles  demandés  par  les  encyclopédies  pratiques, 
notamment  par  le  Dictionnaire  économique  de  puil- 
laumin,  Charles  Vincent  a  écrit  une  Histoire  p  la 
Chaussure  dans  l'antiquité,  où  les  questions  arttues 
du  travail  sont  traitée  avec  une  humour  récompeisée 
par  trois  éditions.  I 

Au  miheu  des  travaux  les  moins  poétiques,  Challes 
Vincent  ne  délaissa  jamais  la  muse.  I 


Il  écrivait,  en  même  temps  que  ses  comptes-ren- 
dus industriels,  la  ronde  de  la  Marchande  du  Temple, 
drame  émouvant  de  ses  amis  Luchet  et  Desbuard, 
et  la  Chanson  des  Mariés  pour  le  Cordonnier  de  Crécy 
des  mêmes  auteurs.  Nous  donnons  entièrement  cette 
dernière  production,  qui  fait  un  agréable  contraste 
avec  les  chants  énergiques  que,  jusqu'ici,  nous 
avons  uniquement  signalés  : 

Nous  n'aurons  jamais  d'enfants, 
Jurait  Pierre  à  Madeleine  ; 
Même  quand  ils  sont  charmants. 
C'est  trop  d'ennui,  trop  de  gène. 
Neuf  mois  après,  juste  à  temps, 
Vint  un  garçon,  puis,  sans  peine, 
Se  compléta  la  douzaine... 

Cela  prouve,  on  le  voit  bien. 
Avec  Pierre  et  Madeleine, 
Cela  prouve  on  le  voit  bien. 
Qu'il  ne  faut  jurer  de  l'ien. 

Je  serai  maître  chez  moi  ! 
Jurait  Pierre  à  Madeleine; 
Seul  je  veux  faire  la  loi. 
Etre  roi  dans  mon  domaine. 
Cependant,  du  bout  du  doigt. 
Dès  la  première  semaine. 
Sa  femme  dit-on,  le  mène... 

Cela  prouve,  on  le  voit  bien. 
Avec  Pierre  et  Madeleine, 
Cela  prouve  on  le  voit  bien. 
Qu'il  ne  faut  jurer  de  rien. 

Si  jamais  je  suis  (la  musique  fait)  :  coucou 

Jurait  Pierre  à  Madeleine, 

Je  veux  qu'une  pierre  au  cou, 

Vite  à  la  Seine  on  m'entraîne. 

Il  a  dû  boire  un  bon  coup 

Depuis  qu'il  en  a  l'élrenne, 

Il  a  pu  tarir  la  Seine. . . 

La  Seine  et  lui  vont  lï'ès  bien. 
Aussi  bien  que  Madeleine  ; 
La  Seine  et  lui  vont  très-bien  : 
Il  ne  faut  jurer  de  rien. 

N'est-ce  pas  là  la  vraie  chanson,  gaie,  alerte,  avec 
une  pointe  d'ironie  ?  Le  chanteur  Pacra  se  fit  con- 
naîtrepar  elle  ;  il  passa,  avec  la  pièce,  de  Beaumar- 
chais au  théâtre  delà  Gaîté.  Lamusique  était  d'Olivier 
Métra  qui  en  fit  un  quadrille,  son  premier  succès  eu 
ce  genre.  On  sait  qu'il  dirige  brillamment  aujour- 
d'hui les  bals  de  l'Opéra. 


LA  CHANSON 


Mais  le  grand  succès  do  Charles  Vincent  au  théâ- 
tre îu.\,  l'Enfant  du  tour  de  France,  drame  qu'il  avait 
(^crit  pour  amener  la  fm  des  luttes  sanglantes  du 
compagnonnage,  résultat  en  partie  atteint.  Dans 
cette  pièce,  Darcier  disait  cinq  on  six  chansons: 
deux  sont  devenues  justement  populaires,  la  Ronde 
dos  cordonniers  et  surtout  la  Vieille  Chanson  Fran- 
çaise, dont  il  suffit  de  citer  le  refrain  : 

Française  de  mœurs  et  d'allure, 
Tous  les  ans  la  vieille  chanson 
Rajeunit  son  ton,  sa  figure, 
Dans  la  vendange  et  la  moisson  : 
Salut  à  la  vieille  chanson! 

Vers  la  même  époque,  Charles  Vincent  publia, 
en  collaboration  avec  Edouard  Plouvier,  les  Refrains, 
du  Dimanche,  recueil  de  cinquante  chansons,  illustré 
par'  Gustave  Doré.  Là,  figuent  Frère  Jean,  les  Fils 
du  soleil,  le  Vin,  l'Idée,  le  Savetier;  là  aussi,  concu- 
remment  avec  leJeanGuêlré  de  Dupont  et  le  Jean 
Raisin  de  Mathieu,  ou  plutôt  à  côté  d'eux,  complé- 
tant la  plus  respectable  trinité  rustique,  Charles 
Vincent  créa  Jean  Blé-Mûr,  ((u' Alexandre  Dumas 
s'empressa  d'emprunter  pour  son  Mousquetaire. 
Magnus  Durer  en  avait  fait  la  musique  et  Félicien 
David  l'accompagnement.  Ecoutez  le  début  vigou- 
reux de  ce  chant  superbe  : 

Toute  la  nature  est  en  fêle, 

L'alouette  a  des  chants  nouveaux; 

Paysan,  relève  la  tète, 

Le  soleil  bénit  tes  travaux. 

Do  ta  sueur  et  de  ta  peine 

Il  a  fécondé  le  plus  pur  : 

La  terre,  sous  sa  chaude  haleine 

Enfante  pour  tous  Jean  Blé-Mùr. 

Jean  Blé-mùr,  sous  sa  blonde  écorce, 
Nous  apporte  le  grain; 
C'est  la  vie  et  la  force, 
C'est  le  pain  ! 

Puis  lepoëte  se  tut,  laissant  à  tort  la  place  auxin- 
■  anitésque  propageaient  les  cafés-concerts.  Par  bon- 
heur, l'œuvre  chansonnière  de  Charles  Vincent,  peu 
/•'Ombreuse  sous  le  dernier  règne,  s'est considérable- 
:iient  accrue  ces  temps  derniers.  En  1870,  aux  pre- 
miers jours  d'une  guerre  stupide  et  terrible,  il 
rompit  le  silence  pour  jeter  à' l'enthousiasme  un 
hymne  patriotique  l'Invasion,  que  M"°  Julia  Hisson 
lie  l'Opéra  interpréta  superbement.  Deux  ans  plus 
lard,  présenté  par  M.  Duvelleroy,  Charles  Vin- 
cent pénétrait  au  Caveau.  Il  y  chanta  dix  produc- 
tions   qui    lui  méritèrent  le  titre    de    membre 


titulaire,  qu'il  soutint  avec  7a  Chanson  française, 
Pierre  Dupont,  les  Vins  de  France  et  le  Travail. 
Enfm,  en  janvier  dernier,  le  Caveau  l'éleva  à  la 
dignité  de  président,  et  cet  honneur  paraît  encore 
avoir  doublé  sa  verve.  En  effet,  outre  ses  toasts 
ingénieux  à  Panard,  à  Collé,  à  Gallet  et  à  Piron, 
les  livraisons  récentes  du  Caveau  contiennent  cinq 
chansons  de  Vincent,  que  nous  n'hésitons  pas  à 
classer  parmi  ses  meilleures.  Nous  donnons  à 
l'appui  de  ce  jugement  le  premier  couplet  de  sa 
Chanson-manifeste. 

Messieurs,  je  suis  républicain, 
Cela  ne  surprendra  personne  ; 
Vous  ne  craignez  donc  d'un  Tarquin 
Ni  le  glaive  ni  la  couronne. 
Mais,  sachant  quejl'on  peut  avoir 
L'esprit  de  vertige  au  pouvoir. 
Et  qu'en  devenant  chauve  on  aime 
A  se  coiffer  d'un  diadème, 
Je  jure  ici  que  mon  orgueil 
A  pour  limite  ce  fauleuil. 
Je  m'y  pose,  simple  et  modeste, 
Prenant  ces  mots  pour  manifeste  : 
Pour  un  an  j'y  suis  et  j'y  reste  ! 

Avions-nous  tort  de  dire  que  nous  retrouverions 
dans  l'homme  mûr  d'aujourd'hui  les  convictions  de 
ses  jeunes  années? 

Nous  touchons  à  la  fm  de  notre  tâche.  La  place 
nous  a  fait  défaut  pour  multiplier,  comme  nous  l'au- 
rions désiré,  les  citations.  Charles  Vincent  a  touché 
à  tous  les  genres  de  la  chanson  :  politique,  satire, 
patriotisme,  plaisanterie.  Sa  muse  a  tout  célébré 
avec  un  bonheur  égal.  Il  aime  la  liberté,  le  travail, 
l'amour,  le  vin,  et  les  chante  sans  emphase,  avec 
une  gaité  vive  et  saine. 

Plein  d'énergie  ou  de  tendresse,  son  vers,  avec 
des  mots  justes,  peint  des  sentiments  vrais.  Il  est 
surtout  original,  jeune,  et,  sous  un  apparent  aban- 
don, d'une  correction  exquise.  Nous  donnons  plus 
loin,  comme  un  très-remarquable  spécimen  de  son 
faire,  le  Mois  où  je  suis  né,  poëme  en  cinq  chants 
sur  lequel,  à  l'exemple  de  Dupont  et  de  Nadaud, 
Charles  Vincent  a  lui-même  écrit  une  musique  à  la 
fois  simple  et  savante.  Il  est  impossible  de  célébrer 
plus  éloquemment  ces  inépuisables  matières  à 
chansons:  le  gai  soleil,  l'amour  fécond,  le  vin  vieux, 
l'égalité  vraie,  l'indépendance  mâle  et  le  patriotis- 
me éclairé. 

L.  Henry  LEGOMTE 


10 


LA  CHANSON 


LE  MOIS  ou  JE  SUIS  NÉ 


Musique  de  l'Auteur  des  paroles. 


Alle^rello  morferato 


iiorp'émoutct  F'ftn.flammr   Sous  Ir.schaiidsregnrdsduiie  femme.      Ça 
tientaumoisoùjo  suis    ao.  Ça   ticnfauraoisoûie   suis    né. 


Je  suis  né  le  quinze  (Tavril, 
Alors  que  le  soleil  superbe. 
Délivré  de  cin(i  mois  d'exil, 
Vient,  triomphant,  jouer  sur  l'herbe  ; 
Alors  que  déjà  nous  voyons 
S'ouvrir  la  blanche  pâquerette, 
Et  que,  sous  d'amoureux  rayons, 
La  nature  fait  la  coquette. 

Je  dois  donc  être  pardonné, 
Si  mon  cœur  s'émeut  et  s'enflamme 
Sous  les  chauds  regards  d'une  femme  ; 
Ça  tient  au  mois  où  je  suis  né. 


En  octobre  on  me  baptisa  : 
Tout  était  chansons  et  louanges  ; 
Mais  par  malheur  on  se  grisa 
En  voulant  goûter  aux  vendanges. 
Quand' se  calmèrent  les  cerveaux 
Mon  parrain,  homme  respectable. 
Fit  serment  que  les  vins  nouveaux 
Ne  paraîtraient  plus  sur  sa  table. 

Je  dois  donc  être  pardonné. 
Si  le  vin  vieux  seul  peut  me  plaire  ; 
Ça  tient  au  serment  salutaire 
Du  parrain  que  l'on  m'a  donné  ! 


Pour  fêter  les  jeunes  chrétiens, 
Un  jour,  l'Église  nous  rassemble. 
Riches,  gueux,  nobles,  plébéiens, 
Et  nous  communions  ensemble. 
Cet  exemple  simple  et  puissant. 
Où  1  :  sainte  égalité  brille, 
Prouve  que,  nés  d'un  même  sang, 
Nous  ne  faisons  qu'une  famille. 


Je  dois  donc  être  pardonné  ; 
Si  je  ris  de  la  noble  race  ; 
C'est  qu'en  moi  reste  enoor  la  trace 
De  l'exemple  qu'on  m'a  donné  ! 

Je  suis  né  dans  Fontainebleau, 
Près  de  la  forêt  qu'on  admire , 
Mais  près  aussi  de  ce  château 
D'où  croula  le  premier  empire. 
La  forêt  disait:  Liberté! 
he  château  disait  :  Servitude  ! 
Et  j'abandonnai  la  cité 
Pour  les  bois  et  leur  solitude. 

Je  dois  donc  être  pardonné. 

Si  des  palais  l'or  et  les  marbres 

Me  plaisent  moins  que  les  grands  arbres  ; 

Ça  tient  au  sol  ou  je  suis  né. 

Je  suis  né  dans  ce  mois  heureux 
Où,  sous  les  drapeaux  de  la  France, 
Pieds  nus,  mais  le  cœur  valeureux. 
Tous  couraient  à  sa  délivrance. 
En  vain,  des  rois  gronde  l'airain  : 
Emportés  par  la  foi  française  , 
Hoche  et  Moreau  passent  le  Rhin 
En  entonnant  la  Marseillaise  ! 

Je  dois  dons  être  i^ardonné, 
Si  ma  muse  patriotique 
N'exalte  que  la  République  ! 
Ça  tient  au  mois  ou  je  suis  né  ! 

Charles  Vincent. 


LA  CHANSON 


11 


NOS  VIEUX  CHANSONNIERS 


1^  .A.  XJ  J  O  ]>f 


Il  l'aut  avoir  vu  le  portrait  de  Laujoii  pour  se 
rendre  bien  coniple  de  cette  nature  heureuse  et 
contente  d'elle  et  des  autres.  Aucune  ligne  ne  vient 
déranger  l'harmonie  do  l'ensemble  :  l'œil  est  doux, 
la  bouche  un  peu  sensuelle  et  modestement  railleuse; 
le  nez  quelque  peu  bourbonnien  s'encadre  bien  dans 
deux  joues  un  brin  rebondies  et  qui  durent  être 
roses  pendant  les  quatre-vingts  ans  do  leur  existence. 
L'oreille  est  délicate  comme  celle  d'une  jeune  fdle, 
attentive  et  linement  ourlée  ;  elle  est  ornée  d'un 
naïf  anneau  d'or,  qu'une  mère  aimante  yfllplacer, 
croyant  peut-être  à  sa  nécessité  pour  la  vue  de  son 
lils,  ou  comme  coquetterie,  mais  par  tendresse 
d'abord  dans  l'un  ou  l'autre  cas. 

Laujon  passa  sa  vie  à  féliciter,  à  complimenter,  à 
bénir.  Ses  œuvres,  si  considérables  soient-elles,  ne 
contiennent  pas  d'épigramme  ni  de  reproche. 

Laujon,  ([ui  traversa  l'époque  si  mouvementée  de 
8'J  à  1811,  ne  fit  partie  d'aucune  coterie,  ni  d'aucun 
jiarti  politi([ue.  La  République  avait  bouleversé  ses 
affaires  cl  cependant  il  no  lit  pas  un  couplet  contre  la 
République,  même  après  le  neuf  thermidor,  pas  le  plus 
chétif  quatrain  seulementpour  se  prociu'erla  satisfac- 
tion de  donner  aussi  son  coup  de  pied  au  lyran  tom- 
bé. L'empire  se  lève,  rien  !  pas  môme  une  Cantate 
en  l'honneur  de  leurs  Majcslijs  impériales  cl  royales. 
Heureux  homme  !  que  ton  existence  dut  être 
douce  ! 

Fierre-Laujon,  né  à  Paris  le  3  janvier  1727,  était 
fils  d'un  riche  pi'ocureur  qui  lui  fit  faire  de  très-bon- 
nes études  au  Collège  Louis-le-Grand,  et  qui  avait 
espéré  que  son  fils  ferait  un  jour  un  procureur  ou 
tout  au  moins  un  avocat.  Il  n'en  devait  pas  être  ainsi. 
A  dix-huit  ans  Laujon  avait  déjà  composé  une  pièce 
de  théâtre  tirée  des  pastorales  de  Longus: 
Dapbnis  cl  Cliloé.  Onparlait  lantde  cette  petite  ueuvre 
dans  le  monde  litléraire  que  le  bruit  on  vint  aux  oreilles 
de  la  cour  ;  madame  île  Fompadour,  qui  s'occupait  de 
belles-lettres  àses  heures,  trouva  la  chose  charmante 
etlesBernis,lesNivernois,  les  d'Ayens  et  autres  cour- 
tisans d'alors  firent  chorus  :  c'était  une  réputation 
établie.  Lo  comte  de  Clormont  vit  le  jeune  poète,  il 
lui  plut  ;  il  l'installa  dans  sa  maison  avec  le  titi'o  de 
secrétaire  de  sou  cabinet,  et  bientôt  de  secrétaire 
de  ses  commendernents.  Ces  emplois  fort  lucratifs 
laissaient  à  Laujon  beaucoup  de  temps  qu'il  consa- 
crait à  confectionnerdes  fêles.  Onnommaitainsides 
petites  scènes  lyriques  adaptées  à  toutes  sortes  de 
cérémonies  et  dont  les  acteurs  étaient  toujours  des 
jjersonnagcs  de  haut  rang  qui  trouvaient  charmant 
de  se  faire  peuple  pour  un  moment,  en  représentant 
des  types  de  jardiniers  ou  de  paysans  quelconques, 
qui  chantaient  toujours  la  louange  de  leurs  seigneurs 
et  maîtres  dans  un  langage  baroque  et  riclicule. 
Les  dits  seigneurs  s'amusaient  beaucoup  de  ce  lan- 
gage, et  par  contre  se  distribuaient  ainsi  leur  éloge  à 
eux-mêmes. 

Il  y  a  de  ces  l'êtes  qui  sont  très-longues  et  en  les 
lisant  on  se  sont  tout  disposé  à  plaindre  ceux  qui  en 
étaient  les  héros  ! 
Lors  de  la  guerre  de  sept  ans,  Laujon  suivit  le 


comte  de  Clermont  en  Allemagne  en  qualité  de  com- 
missaire des  guerres;  il  ignora  toujours  en  quoi 
consistaient  ses  fonctions,  mais  il  n'en  fut  pas  moins 
décoré  de  la  croix  de  St-Louis. 

A  la  mort  du  comte  de  Clermont,  arrivée  en  1770, 
Laujon  passa,  tout  naturellement,  comme  un  objet 
mobilier  dans  la  maison  du  prince  de  Condé  héritier 
du  comte,  devint  secrétaire  des  commandements 
du  duc  de  Bourbon  et  continua  son  rôle  de  directeur 
des  fêtes  de  ce  prince  ou  de  bénisseur  perpétuel  à 
Chantilly. 

Laujon,  d'une  nature  très-active,  avait  en  même 
temps  produit  une  grande  quantité  de  pièces  repré- 
sentées sur  les  différents  théâtres  de  la  capitale  et 
sur  ceux  de  la  cour.  L' Amoureux  de  quinze  ans,  "pié- 
cette  ingénieuse  avait  eu  beaucoup  de  retentisse- 
ment ;  le  Couvent  avait  été  remarqué  comme  origina- 
lité, c'est  une  pièce  sans  homme.  Mais  c'est  surtout 
comme  chansonnier  que  Laujon  s'était  acquis  une 
vraie  réputation. 

Aussi  fréquentait-il  assidumenttoutes  les  réunions 
chantantes  d'alors  ;  presque  toutes  ses  chansons 
couraient  parla  ville  après  avoir  passé  par  les  salons. 

Toujours  seule  disait  I\ina,  Les  matines  de  Cylhè- 
ros,  Le  chai  perdu,  Je  vous  prêterai  mon  maneJion, 
Le  calendrier  des  Cocus,  Leroulier  et  vingt  autres, 
sont  autant  de  succès  ;  il  y  a  dans  toutes  ces  œuvres 
légères,  une  grande  facilité,  de  la  rondeur  et  souvent 
de  la  verve.  Elles  ne  sont  pas  toujours  d'une  mora- 
lité sans  reproches  mais...  chansons,  chansons! 

Laujon  est  le  trait  d'union  entre  l'ancien  Caveau 
oi!i  il  fil  entendre  ses  premiers  refrains,  et  le  Caveau 
moderne  ;  sa  longue  carrière  lui  permit  de  tutoyer 
Firon  et  de  serrer  la  main  à  Désaugicrs.  —  La  révo- 
lution fit  perdre  à  Laujon  une  grande  partie  de  sa 
fortune,  il  s'en  consola  sans  perdre  sabonnehumeur. 

Un  l'ève  avait  traversé  une  grande  partie  de  son 
existence:  être  de  l'académie!  trente  ans  durant,  sa 
candidature  fut  en  permanence. 

Un  jour,  enfin!  à  la  mort  de  Fortalès  en  1807,  le 
secrétaire  après  avoir  énuméré  les  différents  candi- 
dats au  fauteuil  vacant,  dit  :  puis  nous  avons,  vous 
le  savez,  M.  Laujon  ;  il  a  80  ans,  nous  savons  où  il 
va,  laissons-le  passer  par  l'académie,  il  y  a  urgence. 
—  et  Laujon  fut  nommé  :  c'était  un  prix  de  persé- 
vérance. 

Il  mourut  en  1811,  le  13  juillet,  en  bon  petit  bour- 
geois du  marais,  rue  SI  Anaslase  ;  il  était  alors  prési- 
dent du  Caveau  moderne.  Aussi  sa  mort  fut-elle 
chantée  sur  tous  les  airs.  —  Le  chevalier  de  Fiis, 
Armand  Gouffé,  Désaugiers,  témoignèrent  des  plus 
sincères  regrets. 

Le  2  décembre  suivant  on  jouait  au  Vaudeville: 
Laujon  de  retour  à  l'ancien  Caveau,  vaudeville  en 
1  acte  par  les  convives  du  Caveau  moderne;  et  cet 
opuscule  obtenait  un  gentil  succès  :  les  personnages 
sont  Laujon,  Fanard,  Favart,  Vadé,  Collé,  etc. 

Cela  nous  prouve  qu'il  y  avait  alors  un  public  qui 
s'intéressait  à  la  chanson  et  aux  chansonniers  —  ce 
public  était  dû  au  Caveau  moderne,  qui  venait  de 
réveiller  en  France,  de  par  la  verve  endiablée  de  ses 
refrains,  l'amour  de  la  chanson  ! 

Eugène  Baillet. 

Cette  notice  est  extraite  de  l'Anthologie  de  la  chanson  fran- 
çaise, depuis  le  i8°  siècle  jusqu'à  nos  jours,  avec  notes  et 
notice  par  Eugène  Baillet,  2  forts  volumes  in-18,  que  publiera 
prochainement  la  librairie    Patay. 


12 


LA  CHANSON 


CHANSONS,  CHANSONS! 


Chaque  mois  nous  publierons  sous  ce  titre  des 
nouvelles  ou  des  chroniques  se  rattachant  à  la  chan- 
son, voire  même  aux  cafés-concerts.  Tout  ce  qui 
sera  dit  ici  le  sera  de  la  meilleure  foi  du  monde  ; 
pas  de  parti  pris,  pas  d'école,  pas  d'église,  nous 
serons  aussi  bien  bienveillants  que  possible,  ce- 
pendant, si  quelquefois Ah!  dam!  si  on  le  mé- 
rite I 


Bonne  nouvelle  !  les  habitants  de  Choisy-le-Roi 
ont  pris  l'initiative  d'une  souscription  pour  élever 
une  statue  à  l'immortel  auteur  de  la  Marseillaise 
qui  mourut  en  1836  dans  cette  gentille  campagne  : 
c'est  Justice!  que  nous  importent  les  défaillances  de 
Rouget  de  l'Isle.  Habituons-nous  à  juger  les  hom- 
mes par  ce  qu'ils  ont  de  grand.  Il  a  conduit  à  la 
victoire  les  armées  républicaines  du  Rhin,  de  Sam- 
bre-et-Meuse  et  les  autres,  car  nos  soldats  alors 
n'avaient  pas  pour  vaincre  des  engins  de  mort  per- 
fectionnés, mais  ils  avaient  dans  le  cœur  l'amour 
de  la  patrie  et  pour  général  la  Marseillaise.  Vous 
tous  qui  avez  frissonné  de  patriotisme  en  l'écoutant, 
portez  votre  offrande  au  comité  de  Choisy. 


L'éditeur  Denlu  vient  de  mettre  en  vente  :  3Ié- 
moires  d'un  vieux  chansonnicv  Saint-Simonien,  par 
Vinçard  aine. 

Ce  vieux  chansonnier  a  80  ans  bien  sonnés  —  il 
n'en  est  pas  moins  vigoureux  de  corps  et  d'esprit. — 
Son  livre  est  écrit  sans  prétention  et  contient  des 
faits  très-importants  pour  l'histoire  de  la  chanson  ; 
nous  y  reviendrons. 


Pour  l'exposition,  les  concerts,  comme  les  thécâ- 
tres,  vont  nous  présenter  ce  qu'ils  ont  de  mieux,  les 
pièces  à  effet,  et  les  artistes  à  succès.  Aussi  le 
Concert  Parisien  annonce-t-il  madame  Bordas  pour 
le  1"''  juin.  La  célèbre  chanteuse  populaire,  pres- 
que la  seule  qui  chante  encore  des  chansons,  fera 
sa  rentrée  avec  des  œuvres  nouvelles  ;  on  dit  le 
plus  grand  bien  de  l'une  d'elle  qui  a  pour  refrain  : 

La  France  ouvre  ses  mains,  peuples,  tendez  les  vôtres. 
Que  la  guerre  pour  tous  soit  un  épouvantait; 
Partout  l'humanité  possède  des  apôtres  : 
Soyons  unis  par  Dieu,  l'amour  et  le  travail! 


La  librairie  Charpentier  vient  de  mettre  en  vente  : 
Parfums,  chants  et  couleurs,  poésies  par  Gustave 


Mathieu,  mort  comme  il  mettait  la  dernière  main 
aux  épreuves  de  son  livre.  Nous  ne  partageons  pas 
l'enthousiasme  immodéré  qu'inspirait  à  ses  amis  le 
chantre  de  Jean-Raisin  ;  dans  notre  prochain  nu- 
méro, nous  pubherons  un  article  bibliographique  et 
nécrologique  à  ce  sujet. 


La  répartition  du  trimestre  d'avril,  de  la  Société 
des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs  de  musique 
était  de  1 25472  f  .25  c.  Il  y  a  un  certain  nombre  d'auteurs 
qui  touchent  de  vingt  à  cent  francs  par  trimes- 
tre, d'autres  plus,  d'autres  moins,  cela  varie  selon 
le  travail  et  le  succès.  Mais,  ce  qui  me  paraît  laisser 
à  désirer,  c'est  que  plus  les  auteurs  travaillent  et 
plus  l'agent  général  gagne:  il  a  touché  pour  sa  der- 
nière année  la  modique  somme  de  28,086  fr.  55  c. 
C'est-à-dire,  beaucoup  plus,  que  n'importe  lequel 
des  sociétaires.  —  Faites-vous  donc  un  nom  dans 
les  arts,  risquez  donc  votre  tête  dans  la  politique 
pour  arriver  au  titre  de  sénateur  de  l'empire  afin  de 
voir  s'accomplir  le  beau  rêve  des  trente  mille  francs 
par  ans,  vous  voyez  qu'il  y  a  des  sentiers  bien  plus 
doux  pour  arriver  à  ce  résultat  :  30,000  !  cette  an- 
née d'exposition,  monsieur  Roliot  les  dépassera! 
Robert  Garnier. 


Le  mercredi  3  avril,  rue  de  Bretagne,  49,  il  y  avait 
soirée  au  bénéfice  de  ri.  Denaujanes,  chansonnier  et 
musicien;  cette  soirée  à  laquelle  un  grand  nombre 
d'auteurs  et  de  chanteurs  ont  prêté  leur  concours 
concordait,  malheureusement ,  avec  le  diner  de  la 
Lice  Chansonnière,  ce  qui  justifiait  l'absence  de 
plusieurs  de  ses  membres  qui  avaient  promis  leur 
concours  :  en  somme,  bonne  soirée  pour  le  bénéfi- 
ciaire, et  agréable  pour  les  assistants. 


Grâce  à  l'infatigable  initiative  de  Noël  Mouret. 
pour  perpétuer  la  mémoire  des  chansonniers  morts, 
un  groupe  d'amis,  malgré  le  mauvais  temps ,  se  sont 
réunis  le  jeudi  11  avril,  rue  Vieille-du-TempIe, 
104,  chez  l'ami  Collignon,  pour  célébrer  exclusive- 
ment par  des  chansons  de  Charle  Gille  le  22"^  an- 
niversaire de  la  mort  de  ce  chansonnier.  Dans  l'œu- 
vre de  Gillss,  on  n'a  que  l'embarras  du  choix,  pour 
trouver  de  belles  et  bonnes  choses  :  Gille  restera 
une  des  gloires  de  la  chanson  moderne. 


■Jeudi  9  mai,  aura  lieu  chez  Collignon  une  soirée 
à  la  mémoire  du  chansonnier  Victor  Rabineau. 

A.  P. 


Le  directeur-Gérant  A.  PATAY 


735.  --  Poitiers,  typ.  .1.  Ressayre.  —  Paris,       ue  d'Aboutir. 


LA  CHANSON 


LIBRAIRIE  A.  PATAY  RUE  BONAPARTE,   18,  PARIS 
Vient  de  paraître  à  notre  librairie  : 

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Le  même,  dans  Vautrin,  notes  biog.,  et   en- 
tiques,  1869,  in-12.  »  50 
Virginie  Déjazet ,    étude  biographique,  1866, 
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Phalanstériennes    et    Saint-Simoniennes 
PAR  A.  H.  BOISSY. 


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Pour  paraître  en  juillet  1878 
L.  J.  BÉOR 

AU  JOUR  LE  JOUR 

Poésies,  Sonnets,  Ballades  et  Chansons. 

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LA  JEUNE  FRANGE 

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Administration  et\rédaotion,  rue  Bonaparte,  18. 

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Revue  de  la  Poésie 

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L'ACADÉMIE  DES  POÈTES 

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Le  Matin. 
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Le  Soir. 
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Douze  des  meilleurs  œuvres  du  Maître,  sur  papier  1[2 
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accompagnées  d'une  notice  par  Philippe  Burty. 

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Librairie  A.  Patay,  18,  rue  Bonaparte. 


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ANNONCES 


Les  annonces  doivent  être  adressées  directe- 
ment à  l'administrateur  A.  Patay. 

Nous  réservons  la  couverture  ■  de  notre  re- 
vue aux  annonces  -  spéciales,  librairie,  arts , 
musique,  sciences,  photographies,  etc.,  etc. 

On  ne  reçoit  que  les  lettres  affranchies 

Pour  les  renseignements  : 

s'adresser  : 

18,  rue  Bonaparte,  18. 
PARIS 


1"  ANNEE. 


N''2. 


JUIN  1878. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

RUE    BONAPARTE,    18 
PARIS 

Le  Numéro  :   30  cent. 

Secrétaire  de  la  Rédaction 

V.  DEMEURE 


ï-.^^ 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois  .      .  2  îr. 

Départ^,  6  mois .   .'  12  50 

Etranger,  6  mois  .  3     » 

Oa  no  reçoit  qoo  des  abonnements  de 


Directeur -Gérant 

A.  PATAY 


\^  REVUE    MENSUELLE  "<     1/ 

ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRiaUES 


Rédacteur  en  chef  :  L.- Henry  LE  COMTE 


SOMMAIRE      DU 


NUMERO 


Lettre  de  Victor  Hugo.  —  Banquet  du  Caveau  (kuo.  imbebt).  —  Banquet 
de  la  Lice  Chansonnière  (L.-HENnv  lecouti;).  —Concert  des  Enfants  de 
Baccluis  (ARTHim  d.naux.  —  Un  coin  de  la  Suisse  (hippolyte  demaniit).  — 
A/on  Vieux  Paris  (claibvilleI.  —  Chant  Printanier  (eug.  imdert).  —  La 
Fvte  du  Travail  (e.  chedroux).  —  Ma  Belle-Mère  (j.-b.  bobixot).  —  La 
dernière  Fleur  (eog.  baillit  .  —  Chanson  d'amour  (l.-j.  béûb).  —  Gale- 
rie des  Chansonniers:  Edouard  Hachin  (l.  hexby  lecomtkJ.  —  Le  Patron 
qui  s'éveille  (a.  de  lyne).—  Circulez!  (uoxtariol.).  —  Le  Mois  Biblio- 
graphique {EvaksE  baillet).  —  Chansons,  Chansons  (robert  garnier.)  — 
j^iste  des  Sociétés  Lyriques. 


iJe  ^uméro  contient  une  lettre  inédite  de  Victor  M^go. 

VENTE    EN   GROS    RT   AU    NUMÉRO 
LIBRAIRIIE      ANCIENNE     ET     MODERN 

A.   PATAY 

18.    RUE   BONAPARTE,    18 
PARIS 


LA  CHANSON 


La  Chanson,  cette  incarnation  toujours  nouvelle 
el  toujours  diverse  de  l'esprit  français,  n'a  pas  d'or- 
gane. 

Nous  venons  combler  cette  lacune  regrettable  en 
créant  plus  qu'un  journal  —  une  revue  complète, 
spécialement  consacrée  à  ceux  qui  chantent  ou  l'ont 
chanter. 

Sous  ce  titre:  la  Ch.\nson,  paraîtra  tous  les  mois 
rme  livraison  de  12  pages  in-4°,  à  deux  colonnes,  oii 
s'écrira  l'histoire  ancienne  et  moderne  de  la  chanson 
et  des  chansonniers.  Une  couverture-annonce 
garantira  chaque  numéro  ;  la  paç-ination  sera  suivie 
et  nous  donnerons,  à  la  lin  de  l'îiiinée,  le  titre  et  la 
table  nécessaires  pour  la  réunion  en  volume. 

La  Chanson  publiera  les  comptes  rendus  des  ban- 
quets mensuels  du  Caveau,  de  la  Lice  Chansonnière, 
du  Pol-aa-teii  et  des  diverses  sociétés  lyriques. 
Nous  préparerons  ainsi  à  l'historien  futur  des 
muses  populaires  les  matériaux  d'un  livre  original 
et  varié.  —  Ti'ouveront  également  place  dans  notre 
revue  la  biographie  et  le  portrait  des  chansonniers 
vivants  ou  disparus,  nombre  de  chansons  peu  con- 
nues ou  inédites,  une  bibliographie  raisonnée,  le 
programme  des  concours  lyriques,  l'annonce  des 
soirées  chantantes  extraordinaires  on  à  bonélice,  enlin 
une  chronique  sincère  des  cales-concerts  et  des 
théâtres  parisiens; 

Pour  mener  à  bien  leur  entreprise,  les  fondateurs 
de  LA  Chanson  s'adressent  à  tous  : 

Aux  Clmnsonniersde  Paris  cl  'Je  la  province  d'a- 
bord. Nous  les  prions  ici  de  nous  faire  parvenir 
leurs  adhésions,  leurs  abonnements,  les  rétlexions 
que  noire  ]jublicalion  leur  pourrait  suggérci',  un 
exemplaire  au  moins  de  leurs  œuvres  imprimées, 
les  meilleures  de  leurs  chansons  inédites  et  des 
notes  suffisantes  pour  fournir  matière,  au  besoin,  à 
d'intéressantes  et  véridiques  études  biographiques. 

Aux  Editeurs  de  Paris  el  des  déparlemenls  qui 
publient  des  ouvrages  se  rattachant  à  l'objet  de 
notre  revue,  nous  disons  qu'une  place  sera  toujours 
1  éservée  aux  comptes-rendus  des  œuvres  dont  ils 
nous  adresseront  deux  exemplaires,  et  nous  les 
invitons  à  nous  envoyei'  même  les  moindres  pla- 
quettes. 

Semblable  avis  aux  Editeurs  deMusique, —  et  pré- 
venons tous  les  intéressés  que  les  couvertures  de  la 
(JHANSoN  sei-oiiL  exclusivement  réservées  aux  annon- 
ces de  libraii'ie  el  de  musique  à  des  prix  très-mo- 
dérés. 

Aux  Musiciens.  —  Nous  prenons  nos  mesures 


pour  donner  à  l'avenir  une  place  à  la  musique 
dans  notre  revue  ;  nous  prions  donc  dès  aujour- 
d'hui les  jeunes  compositeurs  de  nous  adresser 
leurs  œuvres,  et  surtout  de  mettre  en  musique  les 
chansons  inédites  que  nous  publierons.il  y  aura  de 
la  sorte  ra[)prochement  amical  entre  paroliers  et 
compositeurs  inconnus,  et  peut-être  en  résultera-t-il 
quek|ues  o'uvres  à  grand  succès. 

Aux  Bihliograpiies  et  aux  Amateurs.  —  Nous 
accueillerons  avec  reconnaissance  les  documents 
peu  connus  ou  inédits  qu'ils  voudront  bien  nous 
offrir  ;  nous  leur  demandons  de  guider  nos  recher- 
ches et  de  nous  indiquer  les  sources  de  rensei- 
gnements incontestables. 

Aux  Présidents  des  Sociétés  Lyriques.  —  Nous 
les  invitons  à  nous  adresser,  dans  le  plus  bref  délai, 
les  noms  des  réunions  qu'ils  président,  l'indication 
des  sièges  sociaux  et  des  jours  de  tenues,  et  nous 
les  prions  instamment  d'assurer  l'exactitude  de  nos 
informations  en  désignant,  dans  chaque  société,  un 
délégué  chargé  de  correspondre  avec  notre  publi- 
cation et  d'en  faire  apprécier  le  but. 
•  Nous  voulons  le  succès  d'une  œuvre  entreprise 
dans  le  but  louable  de  défendre  les  réputations  jus- 
tement ac([uises  et  d'assurer  aux  talents  inconnus 
une  large  place  au  soleil  fécondant  de  la  publicité  ; 
aussi  désirons-nous  sincèrement  être  obligés,  après 
le  premier  semestre,  de  paraître  tous  les  quinze 
jours. 

Les  auteurs  désireux  de  posséder  un  cerlam 
nombre  d'exemplaires  des  numéros  contenant  leurs 
œuvres,  seront  priés  de  nous  en  informer  à  l'avance, 
alla  ([ue  nous  puissions  exactement  fixer  notre 
tirage  ;  ces  numéros  leur  seront  cédés  aux  prix 
de  libraire.  Bien  entendu,  il  ne  sera  pas  indis- 
pensable de  prendre  des  numéros  ni  même  d'être 
abonné  pour  collaborer  à  notre  revue  ;  le  comité  de 
rédaction  sera  souverain  pour  admettre  ou  rejeter  les 
pièces  proposées. 

Tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  devraètre  adres- 
sé franco  au  Rédacteur  en  Chef;  ce  qui  concerne 
l'administration,  l'abonnement  et  les  annonces  au 
Directeur-Gérant.  —  Les  lettres  ou  paquets  non  af- 
franchis seront  rigoureusenient  refusés.  —  Toute 
lettre  exigeant  une  réponse  devra  être  accompa- 
gnée d'un  timbre-poste. 

Un  numéro  d'essai  sera  envoyé  à  toute  personne 
qui  en  fera  la  demande  par  lettre  affranchie,  accom- 
pagnée de  30  centimes  en  timbre-poste. 

Le  Directeur-Gérant  :  A    PA  TA  Y 


BULLETIN  D'ABONNEMENT 

A    ENVOYER     FRANCO,    ACCOMPAGNÉ    D'UN     MANDAT-POSTE* 

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Jo 

déclare  ni  abonner-  pour  six  mois  h  la  Revue  LA  CHANSON. 

s,cNATUl:.;(àsil,lo) 

la  cha 

l.rs  limlircs-iioslc  ne  seront  pns  acceptés.  Par  renvoi  (lu   moulant  de  l'abonnement  on  évite  les  frais  de  recouvrement  (|ni  s 
■se  de  l'abonné,  l.e  talon  de  la  poste  sert  de  (|uillance. 

ni  h 

LA  CHANSON 


13 


M.  L. -Henry  Lecomte  ayant  faithommage  à 
Victor  Hugo  du  premier  numéro  de  la  Chan- 
son, a  reçu  de  l'éminent  écrivain  la  lettre  sui- 
vante: 

Paris,  le  20  Mai. 

Mon  cher  Confrère, 

Xa  "€J)an6on  est  une  forme  ailée  et 
cljarmante  de  la  pensée  ;  le  couplet  est  le 
gracieux  frère  de  la  stroplje  ;  nous  sommes 
de  la  même  famille. 

je  vous  envoie  mes  vœux  de  succès, 
avec  mon  plus  cordial  serrement  de  main. 

VICTOR  HUGO 


La  Chanson  publie  avec  llorté  ces  lignes  ai 
niables  du  Maître. 

Elle  est  lieureuse  aussi  des  sympalhies  mul- 
tipliées qui,  dans  la  gent  chansonnière  et  dans 
le  public,  ont  accueilli  son  apparition.  Elles  lui 
seront  un  encouragement  à  poursiiivi'O  ce  dou- 
ble but  :  re.\.altation  des  hommes  de  talent  et 
désœuvrés  saines,  la  cri  tique  sévère  desineplics 
et  des  immoralités. 

La  Chanson,  pour  remercier  ses  amis  con- 
nus et  inconnus,  leur  offrira,  le  mois  prochain, 
une  livraison  tout  e.\.ceplionnelle. 

L'annivei'saire  funè))re  de  LiÉn.iNGEu  se  pla- 
çant en  juillet,  le  numéro  3  de  la  Chanson 
sera  consacre  à  la  mémoire  du  plus  grand  des 
chansonniers  français. 

Etudiant  d'une  façon  neuve  Béuanc.kii,  comme 
poète,  comme  auteur  ch-amatique  et  comme 
honnne  privé  ,  le  numéro  spécial  de  lu  Chan- 
son aura  cet  attrait  puissant  de  contenir 
plusieurs  détails  biographiques  inconnus,  et 
nombre  de  couplets  et  de  versinéditsde  l'immor- 
tel chantre  des  amours  et  des  gloires  nationales. 

Nous  invitons  les  auteui-s  qui  voudraient 
contribuer  à  l'éloge  de  Béu.\nger  à  se  mettre  de 
suite  à  l'œuvre  ;  poésies  ou  chansons  devront 
nous  élrc  adressées  avant  le  '15  juin. 

Le  numéro  spécial  de  la  Chanson  sera  le 
complément  inthspensable  de  toutes  les  biogra- 
phies publiées  sur  BlranCtER,  car  il  révélera 
l'exislcnce  de  productions  ignorées,  dignes  ce- 
pentlaut  de  la  plus  éclatante  publicité. 

l 'cuir. ivcrsaire  de  Biîraxgiîr  sera   dignement 
celé  ;ré   par   l'apcthcose   que   nous  préparons. 
A  PATAY. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  k  LITTÉRAIHE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  3  MAI   1878 

II  est  difficile,  en  parlant  plusieurs  fois  de  suite 
des  banquets  du  Caveau,  d'éviter  les  redites.  L'es- 
prit, la  gaieté,  une  douce  philosophie,  çà  et  là  un 
scepticisme  un  peu  trop  marqué,  voilà  ce  qu'on  est 
sûr  de  retrouver  dans  les  productions  qui  s'y  inter- 
prêtent. 

Je  parlais,  à  propos  du  banquet  précédent,  des 
principales  sources  d'inspiration  auxquelles  pui- 
sent les  membres  de  l'aimable  compagnie.  Il  ont 
aussi  recours  volontiers  à  une  forme  commode 
de  la  chanson  presque  improvisée  :  c'est  le  tiroir, 
sorte  de  passe-partout  à  plusieurs  compartiments, 
dont  chacun  encadre  un  sujet  différent.  Le  tout  se 
relie  par  un  refrain  commun.  MM.  Echalié,  Grange, 
Jullien,  Montariol,  Poulain,  Vergeron,  ont,  au  der- 
nier banquet,  adopté  ce  genre,  qui,  tout  facile  qu'il 
paraît,  ne  laisse  pas  d'exiger  beaucoup  de  goût. 
il  a  le  mérite  d'offrir  de  la  variété,  mais  il  faut, 
quel  que  soit  le  sujet,  que  le  refrain  soit  amené 
naturellement  et  sans  effort. 

C'est  un  travail  de  romains;  cette  chute  s'applique 
on  ne  peut  mieux  au  succès  d'une  pièee  de  théâtre, 
et  l'auteur  n'a  pas  manqué  son  couiilet.  DanslaP7u- 
we  au  vent,  M.  Grange  s'abandonne  à  cette  raillerie 
desséchante  que  je  signalais  dans  sa  Rengaine  de 
l'autre  mois.  Les  rêves  du  poëte,  l'espoir  des  peu- 
ples, la  vertu  des  tribuns  et  des  rosières,  tout,  à  l'en 
croire,  s'envole  comme  la  plume  au  vent.  11  est  dif- 
ficile de  mettre  plus  d'esprit  au  service  d'une  thèse 
moins  consolante.  Carpenlras,  Circulez,  messieurs, 
circule/.  !  Tâler  le  terrain,  Parlons  d'autre  cbo--se  :  ces 
morceaux  ont  fait  grand  plaisir.  Tàler  le  terrain,  de 
M.  Poulain,  est  bien  un  peu  7'éac;  mais,  après  boire, 
cela  ne  lire  pas  à  conséquence. 

M.  Garraud,  l'artiste  aimé  du  Théâtre  Français,  a 
repris  poétiquement,  sous  le  titre  deAia  dernicremai- 
tresse,  un  sujet  cher  au  père  Trinquefort  : 

C'est  une  brune  magnifiiiLic. 

L'énigme,  bien  développée,  a  pour  mot  Douleillo, 
et  on  le  chuchotait  d'avance  autour  de  moi.  Excel- 
lente interprétation,  en  outre. 

C'est  aussi  un  vieux  thème  rajeuni  que  la  chanson 
de  M.  Fénée  :  rJ'veux  divorcer  !  tel  est  le  cri  des 
époux  malheureux  en  ménage.  Il  rappelle,  sans  idée 
de  plagiat,  A" le  marie  pas,  Tu  n's'ras pan  longtemps 
mes  amours,  et  autres  aménités  inter  conjugales. 
Reviens,  Chanson  est  dans  une  autre  gamme  ;  c'est 
le  refrain  de  Bèranger  :  Vous  n'êtes  plus  Lisette, 
appliqué  à  la  chanson  elle-même,  maîtresse  dont  on 
se  plaint  sans  cesse  et  qu'on  courtise  toujours. 

Les  visiteurs  chantants  sontrares  :  est-ce  timidité? 
M.  Hervieu  nous  fait  partager  les  doutes  d'un  voya- 
geur: Est-ce  une  grande  dame  ?  Et-ce  une  Cocotte  ? 
Telles  sont  les  questions  qu'il  se  pose  devant  une 
femme  rencontrée  par  lui  dans  les  hôtels,  aux  eaux, 
que  sais-je  !  L'enfant  —  sanspère  — décide  la  ques- 
tion 

M.  Granger  ne  s'est  pas  lancé  dans  la  vie  mo- 
derne. 11  chante  les  fleurs.  11  me  semblait,  en  l'écou- 
tant, entendre  comme  un  écho  Ael'Almanach  des  rjrL- 


14 


LA  CHANSON 


ces,  et,  dans  l'obscurité  du  fond  de  la  salle,  j'entre- 
voyais l'ombre  de  Dorât  souriant. 

Une  chanson  d'actualité,  c'est  celle  de  Rubois,  le 
Candidat  conservateur.  Après  tant  de  succès  passés, 
quelle  déchéance  pour  le  candidat,  quand  cesse  de 
souffler  pour  lui  lèvent  officiel  !  Il  avait  tout,  le  pré- 
fet, le  clergé,  le  bagout  :  il  ne  lui  manque  que  l'élec- 
teur. 

Ij' Exposition,  encore  un  sujet  actuel,  s'il  en  fût, 
a  inspiré  trois  chansons.  L'une,  élevée,  généreuse, 
est  plutôt  un  hymne  qu'une  chanson  proprement 
dite,  hymne  au  travail,  au  progrès,  à  la  fraternité 
des  peuples.  On  y  reconnaît  le  cœur  chaud  et  l'ac- 
cent vibrant  de  Vincent,  le  poète  populaire. 

Une  seconde,  dont  je  voudrais  n'avoir  pas  à  par- 
ler, mérite  toutefois,  par  sa  forme  heureuse,  de  n'ê- 
tre pas  omise.  L'auteur,  à  mes  yeux,  a  le  tort  de 
s'attacher  à  vanter  le  passé  au  détriment  du  présent. 
Rien,  suivant  lui,  de  ce  qui  se  fait  aujourd'hui,  ne 
vaut  ce  qui  se  faisait  autrefois,  et  le  monde,  à  l'en 
croire,  recule  sans  cesse.  Je  n'ai  pas  à  redresser  cette 
tendance,  et  me  borne  à  la  constater  sans  enthou- 
siasme. Que  M.  Jules  Petit,  grand  admirateur  d'Ho- 
race, me  pardonne  ma  remarque.  Son  auteur  favori 
l'a  dit  : 

Fiet  Aristarchus... 

et  c'est  mon  rôle  en  ce  moment. 

Une  troisième  enfin  a  traité,  dans  le  genre  comi- 
que, les  petits  ennuis  qui  résultent,  pour  un  pauvre 
parisien  bien  éloigné  d'être  millionnaire,  de  l'inva- 
sion d'étrangers  que  provoque  la  grande  solennité 
du  jour.  On  a  surtout  applaudi  ce  couplet  : 

Tous  les  légum'  font  grèv'  par  bottes. 
Pouvait-on  prévoir  c'résultat, 
Qu'  nous  aurions  diselt'  de  carottes 
Dans  r  pays  qui  les  inventa? 

et  celui-ci,  au  sujet  de  l'élévation  momentanée  des 
petits  traitements  : 

Aux  employés  la  m'sur'  doit  plaire  ; 
Ils  s'  ront  contents,  j'n'en  peux  douter; 
Mais  moi  qui  suis  surnuméraire, 
Comment  f'ra-t-onpour  m'augmenter? 

M.  Clairville,  lui,  ne  dédaigne  pas  l'actualité, 
mais  il  y  apporte  l'esprit  frondeur  et  un  peu  déni- 
grant que  je  signalais  tout  à  l'heure.  Le  Centenaire 
de  Voltaire,  tel  est  son  sujet. 

Lepoëte,sousle  péristyle  de  la  Comédie-Française, 
s'étonne  des  honneurs  qu'on  lui  prépare.  «  Je  ne  sa- 
vais pas,  dit-il,  être  si  répubhcain  :  j'ai  fait  le  cour- 
tisan, le  flatteur,  le  valet  ;  j'ai  trouvé  bons,  même 
les  vers  du  grand  Frédéric  ;  j'ai  sali  dans  un  igno- 
ble pamphlet  la  mémoire  de  la  Pucelle.»  Vous  vous 
étonnerez  peut-être  d'entendre  ces  aveux  mis  dans 
la  bouche  même  du  vieil  Arouet,  alors  que  son  ma- 
lin interprète  oublie  de  citer  et  Sirven  et  Galas  et  la 
Bastille.  Mais  quoi  ?  c'est  un  article  de  7'  Univers  mis 
en  vaudeville.  Beaucoup  d'esprit  et  autant  d'injus- 
tice. 

Le  vénérable  M.  Lesueur  tonne  contre  le  public, 
qu'il  traite  de  jobard.  Il  a  pu  juger,  aux  applaudis- 
sements qui  ont  accueilli  sa  spirituelle  boutade,  que 
le  public  du  Caveau  mérite  une  exception. 

Nadaud,  un  maître,  terminera  ce  compte-rendu, 
comme  il  a   terminé  la  séance.  Il  a  payé  son  écot 


par  deux  chansons  de  caractères  fort  différents.  Vous 
n'êtes  pas  vieux,  grand  père,  sujet  plein  de  délica- 
tesse et  de  grâce.  Est-on  vieux,  quand  on  aime  et 
qu'on  ei^l  aimé  ?  Puis,  pour  le  bouquet,  le  Bain  des 
Auvei-gnats,  avecce  Tehain: 

Le  plus  di'ôle  des  charbonniers, 
C'est  Gliristophe,  dit  Sacs-Souliers. 

J'oubliais  le  toast.  Vincent  ne  l'a  pas  oublié  :  le 
printemps  —  ce  renouveau  des  âmes  et  des  bois  — 
lui  a  inspiré  quelques  vers  chaleureusement  pensés 
et  vivement  applaudis. 

EuG.  IMBERT 


LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET  DU     1"  MAI    1878 

Paris,  ce  jour-là,  célébrait  l'ouverture  de  l'Expo- 
sition en  s'ofirant  à  lui-même  une  fête  joyeuse.  Cette 
manifestation  patriotique  et  spontanée  a  nui,  comme 
il  fallait  s'y  attendre,  au  banquet  des  Licéens  ;  mais, 
pour  être  peu  nombreuse,  la  réunion  n'en  a  pas  été 
moins  gaie. 

En  l'absence  du  Président,  le  vice-président  Che- 
broux,  traduisant,  au  moment  consacré,  le  sentiment 
général,  a  improvisé  un  toast'  chaleureusement  ac- 
cueilli, et  que  son  peu  d'étendue  nous  permet  de 
reproduire  en  entier  : 

Dans  les  yeux  du  bonheur,  dans  les  airs  le  printemps;  | 
De  doux  mots  fraternels  expirant  sur  la  lèvre  ;  I 

Dans  tous  les  cœurs  en  joie  une   amoureuse  fièvre,    'I 
Comme  s'ils  n'avaient  tous  aujourd'hui  que  vingt  ans  ;  " 
Des  fleurs  et  des  drapeaux   semés    dans   chaque  rue  ; 
La  foule  s'écoulant  paisible,  heureuse,  émue  ; 
Voilà  ce  que  jai  vu,  marchant  vers  ce  Palais, 
Elevé  pour  l'amour,  le  travail  et  la  paix  ! 
Aussi,  voulant  marquer  d'un  vers  patriotique. 
Un  jour  où  tous  les  cœurs  battent  à  l'unisson, 
Je  vous  propose,  amis,  au  nom  de  la  chanson, 
De  boire  à  la  République  ! 

Il  était  naturel  qu'on  entendit  à  la  Lice  plus  d'un 
écho  de  l'émotion  populaire  qui  régnait  au  dehors  ; 
aussi  M.  Jouy,  qu'on  venait  de  recevoir  sociétaire, 
a-t-il,  après  sa  chanson  de  réception,  célébré  la 
solennité  du  jour  en  quelques' vers  bien  frappés. 
Puis,  au  hasard  de  l'inscription,  les  chants  se  sont 
succédés,  coupés  d'applaudissements. 

M.  Chebroux,  qui  vient  de  retremper  sa  verve  aux 
sources  vives  du  pays  natal,  exalte  poétiquement 
les  Rives  du  Clain  ;  M.  Flachat  fils,  après  avoir  de- 
mandé à  une  certaine  Elisa  de  l'aimer  un  peu,  beau- 
coup, passionnément,  s'aperçoit  que  la  belle  ne  l'ac- 
cueille pas  du  tout,  et  met  ses  invocations  et  son 
dépit  en  quatre  jolis  couplets  ;  M.  Quesnel  tantôt  se 
plaint,  tantôt  se  féhcite  d'être  Entre  les  deux; 
M.  Flachat  père,  avec  une  voix  superbe  encore, 
chante  le  Piquillo  de  Darcier ,  le  compositeur  po- 
pulaire, présent  à  la  réunion,  mais  que  l'on  ne  de- 
vait pas  entendre;  M.  Echalié  raconte  7es  Pro- 
menades, justement  louées  dans  notre  précédent 
numéro  ;  M.  Hachin  adresse  à  un  Pierrot  une 
supplique  que  j'apprécie  plus  loin  ;  M.  Pingray, , 
au    nom   de   M.    Poulain,    jure  de  ne  plus   tva- 


LA  CHANSON 


15 


vailler;  M.  Rubois  portraiture /es  Nounous;M.  A. 
de  Lyne  énuraère  ce  qui  n'est  pas  embarrassant  ; 
M.  Théolier  mêle  un  peu  de  prose  à  toutes  ces 
rimes  ;  enfin  Jules  Jeannin  traduit  en  couplets  la 
mauvaise  humeur  de  Dieu  qu'impatientent  les  plaintes 
humaines. 

Tout  cela,  je  dois  le  dire,  était  écoulé  par  des 
oreilles  un  peu  distraites.  La  nuit  venue,  la  fête 
parisienne  avait  pris  des  allures  bruyantes .  A  chaque 
instant  la  détonation  d'un  pétard  troublait  les  chan- 
teurs et  faisait  involontairement  sourire  l'auditoire. 
Le  président  de  la  Lice,  appréciant  intelligemment  la 
situation,  leva  la  séance  avant  l'heure  accoutumée, 
et  chacun  alla  jouir  du  magique  coup-d'œil  d'une 
illumination  générale,  trouvant,  à  part  soi,  que  la 
clameur  immense  d'un  peuple  ardent  aux  pacifiques 
luttes  du  travail  et  du  progrès  valait  la  meilleure 
des  chansons. 

L.-Henry  LECOMTE. 


LE  PASSÉ  DE  LA  CHANSON 


CONCERT  DES  ENFANTS  DE  BACCHUS 


Le  Concert  des  Enfants  de  Baccbus  est  une  asso- 
ciation de  chanteurs  et  de  buveurs  qui  a  peut-être 
donné  l'idée  del'instilulion  du  premier  Caveau: 

Il  existait  sous  Louis  XIII  et  florissaiten  1630.  Il 
reste  peu  de  souvenirs  de  celte  société  bachique 
et  chantante;  cependant  on  connaît  deux  petits 
recueils,  très-rares  et  très-recherchés,  des  éluculjra- 
tionsde  ces  joyeux  buveurs;  on  les  trouve  à  la  suite 
des  deux  parties  du  volume  intitulé  :  Le  Parnasse  dos 
Muses,  ou  Recueil  des  plus  belles  chansons  à  danser, 
auquel  est  adiousté  le  Concert  des  Enl'anls  de  LSae- 
chus,  dédié  à  leurs  rouges  trognes.  A  Paris,  Char- 
lesllulpeau,  1630,  pet.  in-12,  frontispice  gravé. 

A  la  fin  du  Parnasse  des  Muses  on  trouve  le  Con- 
cert des  Enfants  de  Bacchus  assemblez  avec  ses 
Bacchantes,  pour  raisonner,  au  son  des  pots  et  des 
verres,  les  plus  beaux  verset  chansons  à  sa  louange, 
composez  par  les  meilleurs  buveurs  et  sacrificateurs 
de  Bacchus.  81  pages,  2  ff.  de  table.  —  Le  second  tome 
du  Concert  des  Enfants  de  Bacchus,  augmenté  nou- 
vellement du  premier  volume,  136  pp.  1  ff.  de  table 
et  1  blanc. 

La  mention  des  Bacchantes  assemblées  avec  les 
Enfants  de  Bacchus,  pour  raisonner  au  son  des  pots 
et  des  verres,  etc. ,  indique  assez  que  l'association 
dont  nous  parlons  admettait  des  dames  dans  son 
sein;  et,  comme  les  convives  étaient  choisis  parmi 
lesmeilleuvs sacrificateurs  de  Bacchus,  on  doit  sup- 
poser qu'à  la  fin  de  la  séance,  au  lieu  de  raisonner, 
ainsi  que  le  dit  le  titre  du  recueil  des  chansons,  on 
déraisonnait  à  qui  mieux  mieux;  peut-être  faisait-on 
encore  pis. 

Le  Pai'uasse  des  Muses  à  été  réimprimé  à  106  ex- 
emplaires en  1864,  à  Bruxelles,  chez  A.  Mertens  et 
flls,  in-18.  Le  Concert  des  Enfants  de  Bacchus  oc- 
cupe 99  pages  ;  il  se  compose  de  57  chansons.  En 
tête,  on  trouve  une  adresse  aux  Enfants  : 

ï  Compagnons,  il  me  semble  qu'après  avoir  donné 


du  contentement  aux  dames,  il  est  aucunement  rai- 
sonnable de  s'en  donner  à  soy-mesme.  Et  comme 
nous  sommes  tous  enfants  d'un  si  bon  père,  nous 
serions  bien  dénaturés  si  nous  ne  luy  faisions  parois- 
tre  le  ressentiment  des  obligations  que  nous  luy 
avons. 

a.  Nous  devons,  en  reconnaissance  de  ses  bienfaits, 
chanter  publiquement  ses  louanges,  c'est-à-dire 
n'entrer  jamais  aux  lieux  oîi  l'on  célèbre  sa  feste 
qu'avec  un  ferme  propos  de  ne  boire  jamais  plus  de 
trois  verres  de  vin  sans  dire  quelque  cantiques  en 
son  honneur.  Surtout  que  la  discorde  n'entre  jamais 
en  l'esprit  des  frères  mais  bien  de  rire  tous  unani- 
mement en  paix,  afin  que  le  tout  serve  à  la  gloire 
du  père  et  au  contentement  des  enfants.  » 

Arthur  DINAUX.  (1) 


UN  COIN   DE  LA  SUISSSE 

(L'OBERLAND) 


Air  da  Voyage  aérien  (Gustave  Nadaud). 

Sous  les  baisers  d'un  ciel  content 
On  voit  les  fleijrs  grandes  ouvertes  ; 
Vaches  et  bœufs  s'en  vont  broutant 
Sur  des  montagnes  toujours  vertes  ; 
Chaque  vieillard  en  son  chùlet 
Guide  l'cnfanoe  aux  lois  bénies; 
Les  femmes  font  prendre  le  lait 
Au  saint  concert  des  voi.\  unies. 

Le  cœur  par  là  n'est  pas  troublé... 
Jamais  de  lutte...  on  rit,  on  s'aime! 
Le  sol,  pour  tous,  produit  du  blé 
Que  chacun  herse,  ou  bal,  ou  sème  ; 
L'oiseau  qui  laisse  en  paix  son  nid, 
Dans  les  sillons  glane  et  ohausonne, 
Et  le  seigneur,  que  tout  bénit, 
Donne  au  centuple  à  qui  moissonne. 

Quand  le  soleil  a  fait  son  tour, 
Les  pâtres,  hors  de  leurs  cachettes, 
Entonnent  le  chant  du  retour 
Au  timbre  de  mille  clochettes; 
Au  premier  feu  qui  point  le  soir. 
Quand  la  lumière  s'est  voilée, 
Le  chant  ainsi  qu'un  gai  bonsoir 
S'élève  en  chœm'  de  la  vallée. 

Le  dimanche,  en  guise  d'appeau, 
Quand  le  hautbois  joue  en  famille, 
Le  bon  pasteur,  de  son  troupeau, 
Guide  les  jeux  sous  la  charmille  ; 
Sur  un  gazon,  d'heureux  couvert, 
Le  flot  danseur  va  comme  l'onde. 
On  voit  sauter,  sous  l'orme  vert, 
Et  tète  blanche  et  tresse  blonde. 

Il  n'est  par  là  que  peu  d'argent  ; 
Santé,  bonheur  passent  fortune  ! 
Il  n'est  dès  lors  nul  indigent  ! . . . 
Le  bien  pour  tous  !  la  règle  est  une  ! 
Pas  de  valet,  pas  de  rentier, 
An  travail  libre  on  s'associe; 
Uieu,  pour  exemple  au  monde  entier, 
Donne  ce  coin  de  l'Helvètie. 

HippoLYTE  DEMANET, 
Membre  honoraire  de  la  Lice  Chansonnière 


(l)Gettenotioe  est  extraite  du  très-curieux  ouvragede 
M.Arthur  DiNAUx,  les  Sociétés badines,haclnques,  chan- 


16 


LA  CHANSON 


MON   VIEUX    PARIS 


Air  :  .^022  Jicet  omnibus  adira  Coi'inilmm. 


Dans  ce  siècle  efîi-ayaiit,  où  les  locoraoUves 
Brisent,  en  se  brisant,  ceux  qui,  pour  tout  briser. 
Tout  voir,  tout  conquérir,  parlent  pour  d'autre  rives, 
Certains  de  les  soumetli-e  ou  d'y  fraternise)'  ; 
Moi,  seul  à  mon  bureau,  tout  près  de  ma  fenêtre. 
Je  vois  passer  les  fous,  dont  tout  bas  je  me  ris  ; 
Et,  pensant  au  Paris  qui  jadis  m'a  vu  naître, 
Je  regrette  mon  vieux  et  tranquille  Paris. 

Paris  était  borné,  déjà  très-grande  ville, 

Pai'  Montparnasse  au  sud  et  par  Montmarire  au  noi'd, 

A  l'ouest  par  feu  Beaujon,  à  l'est  par  Bclleville; 

Nos  milliers  d'omnibus  n'existaient  pas  encor. 

A  marcher,  à  courir,  plus  lestes,  plus  ingambes, 

Alors  les  Parisiens  n'avaient  pas  désappris; 

Et,  pour  se  porter  mieux,  se  portant  sur  leurs  jambes, 

Gaiment  c'était  à  pied  qu'ils  Iravei'saient  Paris. 

La  griselte  régnait,  sans  rêver -d'un  voyage 
Aux  bains  de  mer,  àBade,  en  Suisse,  —  a  moins  de  frais; 
Pour  aller  en  coucou  roucouler  sous  l'ombrage, 
Nous  avions  Romainville  et  les  Prés  Saint-Gervais. 
Aux  yeux  de  l'innocente  et  naïve  ouvrière, 
Sans  que  moins  de  baisers  en  route  fussent  pris, 
On  passait  la  frontière  en  passant  la  barrière; 
Car  c'était  voyager  que  sortir  de  Paris. 

Les  cœurs  étaient  aimants,  les  estomacs  faciles  ; 
Lise  n'osait  encor  faire  sa  Paméla  ; 
Le  long  des  boulevards,  que  de  tendres  idylles!... 
Pour  séduire  une  belle,  en  cet  heureux  temps- là, 
11  ne  nous  fallait  pas  commander  chez  Vachette, 
Homard,  truffes,  Champagne,  ortolans  ou  perdrix  ; 
Pour  un  sac  de  marrons,  pour  deux  sous  de  galette, 
On  était,  de  mon  temps,  adoré  dans  Paris. 

Sans  nous  agiter  tant,  sans  vouloir  des  miracles, 
Sans  courir,  au  hasard,  par  des  chemins  obscurs. 
Nous  avions  nos  plaisirs,  nos  amours,  nos  spectacles. 
Tout  cela  réuni,    renfermé  dans  nos  murs. 
Mais  on  fit  des  palais  déplus  d'une  masure, 
Et  nous  vîmes  partout,  à  nos  regards  surpris, 
Le  chemin  du  bonheur  se  fermer,  à  mesure. 
Que  plus  grandes  s'ouvraient  les  portes  de  Paris. 

Bref,  ce  sont  nos  progrès  que  pour  nous  je  redoute  ; 
Et  j'entends  répéter,  on  me  disait  hier. 
Que  la  mer  à  Paris  arrivera  sans  doute  ; 
Je  croyais  que  Paris  s'en  allait  à  la  mer. 
Donc  nous  vîmes  en  vain  Rome,  Athènes,  Carthage, 
Sombrer  sous  les  travaux,    par  elles  entrepris. 
Est-ce  donc  pour  aller  au-devant  du  naufrage, 
Que  j'entends  reparler  de  la  mer  à  Paris. 

GLAIRYILLE. 
Membre  titulaire  du  Caveau. 


'■anles  et  liltéraires,  ouvrage  poslhume,  revu  et  classé 
par  G.   Brunet,  2  beaux  vol.  in-8  avec  portrait  à  l'eau- 
forte  a  dessiné  et  gravé  par  G.  Staal,  prix  net,  à  notre 
Ij  rairie  1  fr,50,  au  lieu  de  1-4  fr.  prix  de  l'éditeur, 
li 


CHAN- 


PRINTANIER 

Air  à  faire. 


Sur  la  feirc    tout  est  caresse. 
Voyez  dans  le  ciel  bleu  les  nuages  flottants 
De  l'espoir  et  de  l'allégresse  : 
Voici  le  printemps. 

C'est' le  printemps,  fête  éternelle 

Aux  vieux  refrains  toujours  nouveaux. 

Il  fait  éclore  sous  son  aile 

Et  l3  courage  et  les  travaux 

Un  sang  vermeil  se  précipite 

Dans  les  coeurs  figés  par  l'hiver. 

'i'out  renait,  respire  et  palpite  ; 

Tout  se  dégèle,  tout  est  vert. 

Sur  la'lerre  tout  est  caresse,  etc. 

Déjà  dans  sa  course  rapide 
L'hirondelle  rase  le  sol. 
Les  arbres  sur  la  globe  humide 
Etendent  leur  grand  parasol. 
C'est  le  renouveau  qui  se  lève. 
Femmes  et  fleurs  et  papillons 
S'enivrent  d'une  forle  sève 
Aux  parfums  montant  des  sillons. 

Sur  la  terre  tout  est  caresse,  etc. 

Plus  d'une  voix  longtemps  muette 
Répond  au  réveil  des  beaux  jours  : 
Chant  de  l'avenir  au  poète, 
A  l'oiseau  le  chant  des  amours. 
Sous  l'haleine  des  brises  chaudes 
Fourmillent  des  nids  de  romans. 
Les  prés  se  pavent  d'émeraudes 
Et  les  bois,  de  couples  d'amants. 

Sur  la  terre  tout  est  caresse,  etc. 


Curieux,  le  soleil  regarde 
Au  travers  du  sombre  atelier, 
Et  dans  la  rêveuse  mansarde 
Jette  un  sourire  familier. 
Elançons-nous  vers  la  lumière; 
Lâchons  la  bride  à  notre  essor. 
Plus  de  chaîne,  plus  de  barrière  ! 
Allons,  place  au  peuple  qui  sort  ! 

Sur  la  terre  tout  est  caresse,  etc. 

Éparpillons  sous  la  verdure 
Nos  groupes  par  l'amour  bénis. 
Le  dimanche  de  la  nature 
Fait  bondir  nos  cœurs  rajeunis. 
Employons  suivant  notre  envie 
Ces  jours  que  le  temps  va  borner. 
Hâtons-nous  de  cueillir  la  vie  : 
Elle  est  si  prompte  à  se  faner  ! 

Sur  la  terre  tout  est  caresse.' 
Voyez  dans  le  ciel  bleu  les  nuages  flottants 
De  l'espoir  et  de  l'allégresse  : 
Voici  le  printemps. 

Eug.  IMBERT. 


LA  CHANSON 


17 


iéA  Fête  bu    Travail 


Musique  de  J.-D.  Collignon. 

Us  son!  venus,  les  Icmps  meiUeui-s, 

Rulin  s'uuvi-o  l'ôre  féconde 

Qui  doit  veiidie  la  p;iix  au  monde, 

VA,  le  courage  aux  Iravailleurs. 
Aceoui'oz  dans  nos  murs,  iiaeifiiiuos   eohoilcs, 
N'aspli-ant  désonnais  qu'aux  paisibles  succès, 
],a  France  rajeunie  ouvre  aujourd'liui  ses  perles. 
Aux  enl'anls  du  travail,  aux  soldais  du  progrés  ! 

Lors({iie  lii  France  vous  ai)pellc. 

Venez,  peuples  de  louspays, 

Que  nos  mains,  nos  cœurs  soienl  unis 

La  Répulîliipic  dans  Paris 

Donne  une  l'èle  universelle! 

Dans  la  ruche  où,  de  vos  travaux, 

Demain  vont  briller  les  merveilles, 

0  travailleurs  !  chères  abeilles, 

Apportez  des  outils  nou\eaux. 
A  ci'éer  constamment  rpiand  chacun  s'évertue. 
Remplaçons  par  l'outil  tout  engin  meurtrier  ; 
Place  à  ce  qui  produit...  arriére  ce  qui  tue, 
Un  peuple  riche  et  fort  est  un  peuple  ouvrier. 

Lorsque  la  France  vous  appelle,  elc. 

0  nations  !  pour  l'avenu' 

La  vieille  Europe  s'humanise. 

Ce  que  la  haine  cncor  divise, 

L'amourun  jour  pourra  l'unir. 
Le  progrès  percera  la  dernière  frontière  ; 
Le  vieux  monde  sera,  par  sou  soufle  emporté  ; 
Nous  n'aurons  plus  qu'un  cœur,  qu'une  même  bannière 
Notre  devise  à  tous  sera  :  Fraternité  ! 

Lorsque  la  Franco  vous  appelle, 

Venez,  peuples  de  tous  pays, 

Que  nos  mains,  nos  cœurs  soient  unis, 

La  République  dans  Paris 

Donne  une  fête  universelle  ! 

Ernest  CHEBOUX, 
Vice-pvésident  do  In  Lico  Chansonnière 


(1)  Nous  offrons  avec  plaisir  h  nos  lecteurs  ce  cluuit  élevé. 
La  Fête  du  travail  est  la  première  des  chansons  qui  doivent 
servir  à  la  rentrée  de  M"" Bordas  au  Concert  Parixie/t.  Jions 
svons  donné  précédemment  le  refrain  de  la  seconde,  due  à 
augène  Baillet  :  œuvres  et  interprète  se  vaudront. 


MA  BELLE-MÈRE 


Air  du  Curé  de  Pomponne 

D'un  thème  du  plus  mauvais  goût 

J'ai  la  tète  brisée. 
De  son  refrain  qu'on  dit  partout 

La  note  est  insensée; 
I^a  critique  sans  la  raison 
(Vest  la  nuit  sans  lumière, 
Suis-je  donc  une  exception  ?... 

Moi,  j'aime  ma  bell'mère. 

(Test  une  femme  au  doux  regard 

Où  la  bonté  rayonne, 
Qui,  du    bonheur,  donne  sa  part 

A  ce  qui  1  environne; 
Quand  il  passe  sur  nos  amours 

Un  nuage  éphémère 
Elle  le  dissipe  toujours... 

Moi,  j'aime  ma  belle'mére. 

A  ma  femme  qui,  quelquefois. 

Bougonne  et  fait  tapage. 
Elle  dit,  d'une  douce  voix  : 

»   Vraiment,  ce  n'est  pas  sage 
De  rappeler  à  chaque  instant 

Une  erreur  passagère; 
Ton  père  en  faisaitbien  autant. ..  i 

Moi,  j'aime  ma  bell'mère. 

Si  les  enfants,  à  la  maison. 

(.'.ommeltcnl  une  faute  , 
Et  que  dame  Correction 

S'avance  la  main  haute 
Les  coupables,  pour  s'échapper, 

S'en  font  une  barrière: 
Elle  corrige  sans  frapper... 

Moi,  j'aime  ma  beîrmère. 

Quand  le  printemps  met  au  ciel  bleu 

Sa  robe  la  plus  belle, 
.\nx  mioches  elle  enseigne  Dieu 

Dans  chaque  Heur  nouvelle  ; 
La  bigote  lui  fait  horreur, 

Tartufe  l'exaspère. 
Ce  qu'elle  dit  lui  vient  du  cœur... 

Moi,  j'aime  ma  bcU'mère. 

I.,orsqu'uno  fêle  vient,  le  soii', 

Nous  rassembler  à  table. 
Mes  amis,  on  ne  peut  avoir 

Convive  plus  aimable  ; 
Elle  dit  le  couplet  badin 

Comme  feu  mon  grand-père, 
En  soulignant  le  trait  malin. . . 

Moi,  j'aime  ma  bell'mère. 

Comme  elle  saitbien  que  l'amour 

Fait  naître  la  caresse. 
Elle  éloigne  de  son  graml  jour 

I/omlire  de  sa  vieillesse  ; 
Le  souvenir  lui  dit  tout  bas 

Ce  que  le  cœur  espère, 
Elle  aime  et  ne  s'impose  pas... 
Moi,  j'aime  ma  bell'mère. 

C'est  un  phénix,  me  dites-vous  ; 

Je  le  nie.  et  j'ajoute 
Que  plus  d'une  arrache  pour  nous 

IjBS  ronces  de  la  route. 
Pourquoi  peindre  des  mêmes  traits 

La  mère  et  la  mégère  ? 
Chanson,  tais-nous  donc  deux  poi-lraifs... 

Moi,  j'aime  ma  bolt'mèi-e. 

J.-B.  ROBINOï 


18 


LA  CHANSON 


LA    DERNIÈRE    FLEUR 

M  usique  de  Jacssal-d  (1) 


CHANSON  D'AMOUR 


Tu  m'as  dit  l'autre  jour  dans  un  charmant  sourire  : 
Dimanche  si  tu  veux  nous  irons  à  Clamart. 
Pourrait-on  résister  lorsque  ton  œil  désire  ? 
C'est  dit;  mon  bras  t'attend,  ne  sois  pas  en  retard. 
Si  le  bois  est  petit,  s'il  n'a  que  peu  d'ombrage, 
Qu'importe  !  nous  saurons  y  découvrir  toujours 
Quelque  charmant  coin  vert  perdu  dans  le  feuillage, 

Pour  faire  un  nid  à  nos  amours  ! 
En  mai,  t'en  souviens-tu,  quand  les  lilas  fleurissent, 
Nous  sommes  venus  là  cacher  notre  bonheur-. 
Aujourd'hui  c'est  l'automne  et  les  feuilles  jaunissent. 
Viens  !  nous  chercherons  la  dernière  fleur  ! 

Sera-ce  un  bouton  d'or,  une  humble  pâquerette, 

Ou  quelque  liseron  oublié  du  soleil? 

Nous  la  conserverons,  comme  un  bouquet  de  fête. 

En  attendant  qu'avril  sonne  aux  champs  le  réveil. 

Fleur,  tu  vivras  longtemps  sur  la  table  de  Rose, 

Morte,  dans  un  beau  livre  elle  t'enfermera. 

Et  d'un  doux  souvenir  tu  deviendras  la  cause 

Chaque  fois  qu'elle  l'ouvrira  ! 

En  mai  t'en  souviens-tu,  etc. 
La  verdure  s'en  va,  mais  la  route  est  superbe  ; 
Si  tu  viens  asseztôt,  nous  prendrons  par  Bagneux; 
C'est  un  gentil  village  aux  sentiers  bordés  d'herbe, 
Où  la  romance  dit  qu'on  est  si  bien  à  deux. 
Apporte  ta  gaité,moi  j'aurai  ma  tendresse, 
Tous  les  chemins  sont  courts  quand  je  suis  avec  toi.. 
Et  si  nous  n'avançons  qu'à  petite  vitesse. 

Tant  pis,  l'amour  saura  pourquoi  ! 

En  mai  t'en  souviens-tu,  etc. 

Et  puis. ..  elle  est  venue  et  nous  t'avons  cherchée. 
Dans  les  sentiers  ombreux  dans  les  taillis  perdus, 
Nos  mains  se  rencontraient  dans  l'herbe  desséchée, 
La  nuit  allait  venii-.,...  la  fleur  n'existait  plus  ! 
Je  regardai  ma  belle...  Un  coquelicot  rose 
Sur  sa  joue  à  l'instant  venait  de  se  poser  : 
La  fleur  était  trouvée,  et, toute  fraîche  éolose, 
""     Je  la  cueillis  dans  un  baiser. 

En  mai,  t'en  souviens-tu,  quand  les  lilas  fleurissent , 
Nous  sommes  venus  là  cacher  notre  bonheur  ; 
Aujourd'hui  c'est  l'automne  et  les  feuilles  jaunissent, 
Je  dois  à  l'amour  la  dernière  fleur  ! 

Eugène  BAILLET. 
Trésorier  de  la  Lice  Cliansonniire. 


I  trouve  chez  Labbé,  éditetu  ,  rue  Notre-Dame- 


Aï/-  à  faire. 
L'aube  luit,  la  plaine  irisée 
Sourit  aux  premiers  travailleurs 
Et  leur  montre  —  fraîche  épousée  — 
Son  corsage  brodé  de  fleurs... 
D'avril  première  heure  charmante. 
On  voit,  s'entrelaçant  les  doigts. 
Accourir  l'amant  et  l'amante 
Au  rendez-vous  du  petit  bois  , 

Eparpillée 

Sous  la  feuillée 
Jase  la  bande  des  pinsons 

Le  couple  écoute 

Et  mêle  en  route 
Ses  doux  baisers  à  leurs  chansons! 

Sur  l'aile  d'or  de  l'amourette 
Ils  allaient,  cueillant  les  lilas; 
Ija  mousse,  en  complice  discrète. 
Etouffait  le  bruit  de  leurs  pas... 
Et  le  soleil,  du  coin  des  branches, 
De  ses  flèches  de  diamant 
A  leur  toilette  des  dimanches 
Faisait  comme  un  rayonnement! 
Eparpillée,  etc. 

Ils  s'assirent  sous  l'ombre  épaisse 
D'un  vieux  chêne  dont  les  rameaux 
De  cette  scène  de  tendresse 
Avaient  dû  voir  bien  des  tableaux  ! 
Le  ruisseau  gaspillait  son  onde 
Entre  deux  rives  de  muguet , 
Nul  bruit...  ils  s'aimaient  seuls  au  monde 
Et  les  oiseaux  faisaient  le  guet.. . 
Eparpillée,  etc. 

Ce  que  leurs  lèvres  murmurèrent 
Dans  ce  joli  duo  d'amour. 
Et  ce  que  les  oiseaux  chantèrent, 
Je  vous  le  dirai  quelque  jour; 
Hier,  j'appris  dans  le  village 
Qu'il  étaient  unis  tous  les  deux, 
Et  qu'ils  s'égaraient  davantage 
Dans  le  sentier  des  amoureux. 
Eparpillée 
Sous  la  feuillée 
Jase  la  bande  des  pinsons. 

Le  couple  écoute 

Et  mêle  en  route 
Ses  doux  baisers  à  leurs  chansons  ! 

L.  J.  BÉOR. 


LA  CHANSON 


1© 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


EDOUARD    HACHIN 

PRÉSIDENT  D'HONNEUR  DE  LA  LICE  CHANSONNIÈRE 


Le  nom  d'un  au- 
teur fait  souvent  le 
succès  d'un  livre  ; 
une  chanson,  au  con- 
traire ,  peut  réussir 
complètement  sans 
qu'il  vienne  à  l'idée 
de  ceux  qui  l'appren- 
nent de  regarder  la 
signature  qui  la  ter- 
mine. De  là  vient  que 
la  réputation  de  beau- 
coup de  chansonniers 
émérites  ne  dépasse 
pas  les  cercles  spé- 
ciaux qu'ils  fréquen- 
tent ;  de  là  résulte, 
pour  ceux  que  révolte 
l'injustice,  l'obliga- 
tion de  crier  haut  et 
souvent  au  public  les 
noms  de  ceux  qui  le 
charment  par  des 
chants  émus ,  l'ins- 
truisent dans  de  mâ- 
les couplets  ou  l'a- 
musent par  de  gau- 
lois refrains. 

Edouard  Hachin  est  un  de  ces  derniers.  Il  a  sur- 
tout cherché  et  trouvé  les  effets  de  rire  ;  cependant, 
à  l'occasion,  sa  muse  a  donné  la  note  philosophi- 
que avec  une  vigueur  remarquable .  Ce  n'est  donc 
pas  faute  d'aptitude  ou  de  savoir  qu'il  a  souvent 
préféré  la  gaudriole  au  sermon  rimé,  mais  par  un 
goût  de  nature  que  nous  nous  garderons  bien  de 
'blâmer,  la  chanson  devant  avoir  toujours  et  partout 
ses  franches  coudées.  Après  tout,  le  public  est 


juge  souverain,  et  si 
le  poëte  rencontre  le 
succès  dans  la  voie 
qu'il  a  choisie,  c'est 
lui  qui  a  raison  contre 
les  plus  savantes  cri- 
tiques; or,  c'est  le 
cas  du  chansonnier 
que  nous  racontons 
aujourd'hui. 

Georges -Edouard 
Hachin  est  né  à  Arras 
le  20  mai  1808,  de  pa- 
rents industriels.  Ve- 
nu à  Paris  en  1822,  il 
y  apprit  le  métier  de 
fabricant  d'instru- 
ments de  mathéma- 
thiques,  qu'il  aban- 
donna pour  l'orne- 
ment militaire  ;  fina- 
lement il  devinit  spé- 
cialiste dans  la  fabri- 
cation des  porte- 
mousquetons.  Pen- 
dant de  longues  an- 
nées, Hachin  dirigea, 
rue  de  Braque,  un 
modeste  établissement,  cherchant  le  progrès,  amé- 
liorant les  instruments  de  son  travail.  Il  se  signala 
principalement  par  l'invention  d'un  tour  à  percer,  à 
conscience  mobile,  dont  findustrie  tira  grand 
parti. 

Quand  le  dimanche  fermait  l'atelier ,  Hachin, 
cojime  un  écolier  en  vacances,  savourait  gaiement 
sa  liberté.  De  bonne  heure  assidu  iaux  réunions 
ehmtantes,  il  se  contenta  d'abord  d'écouter,  puis 


20 


LA  CHANSON 


le  désir  le  prit  d'essayer  ses  forces.  La  Lice  chanson- 
nière, fondée  en  183i,  le  reçut  l'année  suivante,  au 
nombre  de  ses  sociétaires.  Hachin  débuta  là  par 
un  tableau  grivois,  Javotte.  De  sa  fenêtre,  l'auteur 
observe  une  voisine  qui  reçoit  de  nombreuses  visi- 
tes; il  s'aperçoit  bientôt  que  l'épicier,  le  bijoutier,  et 
autres  négociants  libres-échangistes  troquent  là 
leurs  fournitures  pour  d'autres  non  patentées  ;  dès 
lors,  à  chaque  arrivant,  il  exhorte  la  belle  : 

Allons,  Javotte, 
Frippe  ta  cotte.. . 

tout  cela  dit  en  vers  lestes,  faciles  et  corrects. 
Javoll3,  bien  accueiUie,  eut  bientôt  une  sœur,  de 
même  nature  charitable.  Ayant  pris  leçons  variées 
d'un  berger,  d'un  prêtre  et  d'un  soldat,  Gertrude 
vient  à  Paris  pour  se  faire  reconnaître  femme  libre 
par  les  Saint-Simoniens.  Elle  expose  ses  principes 
dans  ce  couplet  bien  tourné  : 

On  ne  veut  que  plaisirs  décents 

Pour  filles  de  mon  âge. 
Moi,  j'adore  tous  ceux  des  sens 

Et  j'en  fais  grand  usage. 
Fi!  de  celle  qui  blâmera 
Cette  douce  habitude; 
L'apprendra 
Qui  voudra, 
Ijarira  : 
Gertrude  n'est  pas  prude. 

A  ces  gauloiseries,  publiées  dans  le  premier  vo- 
lume de  la  Lice  Cliansannière.,  succéda  un  gracieux 
portrait  peint  avec  esprit  et  verve,  Ma  Lison,  ma  Li- 
sette. On  a  parfois  attribué  cette  œuvre  à  Déranger 
qui,  certes,  eût  pu  la  signer  sans  danger  pour  sa 
gloire.  Ecoutons  les  principaux  traits  du  caractère 
de  l'héroïne  : 

Qui,  n'ayant  pour  tout  bien 
Que  sa  mine  drôlette. 
Aux  baisers  d'un  vaurien 
Vient  la  livrer  pour  rien  ?. . . 

Aux  pauvres,  en  son  chemin, 
Qui  donne  à  l'aveuglette. 
Sans  songer  que  demain 
Elle  sera  sans  pain  ? 

C'est  ma  Lison,  ma  Lisette, 

La  grisette. 

C'est  ma  Lison, 
Que  j'adore  avec  raison, 

i)/aZ,iso«parut,  en  1835,  dans  le  second  volunlede 
La  Lice.  Le  même  recueil  contient  de  Hachin  fleux 


productions  qui  présentent  un  contraste  intéressant 
avec  cette  chanson  légère.  C'est  d'abord  une  élégie, 
le  Jeune  malade,  dont  nous  donnerons  un  extrait  : 

Je  vous  fais  un  dernier  adieu, 
Oiseaux  qui  désertez  nos  rives  ; 
L'automne  à  ma  poitrine  en  fou 
Fait  sentir  des  douleurs  plus  vives  ; 
La  mort  vient  avec  les  autans 
Me  couvrir  d'ombres  éternelles. 
Vous  ne  reviendrez  qu'au  printemps  : 
Adieu,  timides  hirondelles. 

puis  un  chant  patriotique,  inspiré  par  la  mort,  de  La- 
fayette,  et  dont  nous  citerons  également  quelques 
vers  : 

A  nous,  terre  du  Nouveau-Monde, 

Vient  greffer  celle  de  l'ancien; 

Ta  scvc  la  rendra  féconde, 

D'ellenaîtra  l'arbre  dubien.  i 

Du  bonnet  que  ceindra  son  faîte, 

Tous  les  partis,  pour  se couvi-ir. 

Viendront  pardonner  et  s'unir 

Sur  le  tombeau  de  Lafayctte. 

Les  maîtres  du  genre  ont-ils  fait  beaucoup 
mieux  ?  Hachin,  cependant,  revint  à  la  muse  fo- 
lâtre avec  Jeanneton,  éloge  d'une  «  très-bonne 
fille.  »  Une  seconde  chanson,  inspirée  par  la  Javotte 
de  ses  débuts,  parut  ensuite,  mais  sur  un  ton  plus 
élevé  que  la  première.  On  lira  deux  couplets  des 
Rideaux  avec  un  plaisir  égal  à  celui  que  nous 
éprouvons   à  les  transcrire  : 

Seul  et  m'amusant  de  vos  fautes. 
J'en  dessinais  les  gais  portaits, 
Mais  j'ai  chez  moi  de  nouveaux  hôtes, 
Lise  y  vient  loger  ses  attraits. 
Ma  Lisette  est  encor  timide 
A  des  jeux  pour  elle  nouveaux. 
L'exemple  peut  rendre  intrépide  : 
Javotte,  tirez  vos  rideaux. 
Plus  riche  j'eusse,  àla  fenèlre 
D'où  Lise  lorgne  vos  ébats, 
Mis  un  voile,  mais  le  bien-êti'e 
Peu  de  rimeurs  l'ont  ici-bas. 
De  mon  àtre  employant  la  suie. 
Vingt  fois  j'ai  terni  les  vitraux. 
Mais  Lise  toujours  les  essuie  : 
Javotte,  tirez  vos  rideaux. 

S'inspirant  d'une  légende  de  son  pays  natal,  Ha- 
chin pubha,  vers  la  même  époque,  une  énergique 
invocation  sous  ce  titre  la  Chandelle  d'Arras.  Les  j 
circonstances  actuelles  en  refont  une  actualité  : 


LA  CHANSON 


21 


Lorsque  sur  Luther  ou  les  siens, 
L'enfer  vomissait  les  Jésuites, 
Elle,  d'Arras  kin(;ait  Damiens 
Et  doniasiiuail  ces  hypocrites. 
Ils  ont  encore  ongles  et  dents, 
Mal  cachés  par  leur  soutanelle  ; 
Ah!  bonne  Vierge  des  Ardents 
Jetez  encore  une  chandelle  ! 

A  mesure  que  s'avance  notre  tâche,  nous  nous 
sentons  pris  de  scrupule.  Nous  avons,  en  commen- 
çant, présenté  Hachin  comme  ayant  pour  les  gri- 
voiseries une  prédilection  dénature;  or, jusqu'ici, 
nous  avons  rencontré  dans  son  œuvre  autant  de 
couplets  élevés  c[ue  de  plaisanteries.  La  proportion 
serait  même  plutôt  en  faveur  des  productions  mora- 
les, si  nous  observons  surtout  que  l'âge,  sans 
diminuer  le  talent  du  chansonnier,  a  épuré  sa  verve. 
11  nous  faut  donc  considérer  Hachin  comme  unpoëte 
moraliste  autant  que  charmant.  Les  chansons  qui 
nous  restent  à  énumérerjustifierontamplement  notre 
(lire.  En  effet,  si  Hachin  a  célébré,  sous  le  nom  de 
Turlupin  Tiirlapùiémt,  le  principal  ornement  du  se.xe 
fort,  et  rimé  l'histoire  scabreuse  du  Calorifère  à 
Siizon,  il  a  successivement  écrit  les  Rues  d'An- 
jou et  de  Poilou,  anecdote  aimable,  le  Dépenseiir, 
confession  amusante,  Mon  Taudis,  description  humo- 
ristique, M.  Taupineau,  les  Bateaux- Mouches ,  On 
demande  deslouwières,  la  Tour  Saint-Jacques,  frais 
souvenir  de  jeunesse,  dont  la  vogue  n'est  pas  épuisée, 
enfin  La  Lima/Z/e,  chanson  d'atelier  dont  nous  signa- 
lerons le  premier  couplet  comme  donnant  de  l'au- 
teur l'idée  la  plus  exacte  : 

Le  jour  paraît,  et  la  forge  s'allume 
Allons,  gaîment,  forgerons  et  limeurs. 
Que  nos  chansons  et  le  bruit  de  l'enclume 
De  ce  quartier  réveillent  les  dormeurs  ! 
Le  fer  brûlant,  que  l'acier  ronge  ou  taille 
Au  goût  des  arts  par  nous  va  se  plier: 
Sous  nos  efforts,  tombez,  fine  limaille, 
Au  bruit  joyeux  des  chants  de  l'atelier. 

Travail  et  chanson,  ces  deux  mots  résument 
l'homme.  Hachin  n'a  manié  [la  plume  que  pour  se 
délasser  de  l'outil  ;  cela  seul  exphque  l'indifférence 
qu'il  affiche  pour  ses  œuvres,  remarquables  cepen- 
dant au  triple  point  de  vue  de  la  justesse  de  l'idée, 
de  la  simplicité  du  vers  et  de  la  richesse  des  rimes. 

Hachin,  dans  sa  jeunesse,  écrivit,  en  colla- 
boration avec  Roland  Bauchery,  quelques  vaude- 
villes :  la  Ravaudeuse  du  carrefour  Bussy  (3  actes), 
7,7  Cardeuse  de  matelas  (2  actes),  Fleur  des  champs 


(1  acte),  7a  Famille  du  Paveur  (1  acte),  et  des  inter- 
mèdes comme  le  Livret  de  Pichard.  Tout  cela,  quoi- 
que applaudi,  ne  réussit  pas  à  le  faire  vivre,  et  il  eut 
la  sagesse  d'abandonner  le  théâtre  pour  ne  pas  négli- 
ger son  industrie. 

Après  cinquante-quatre  ans  d'un  travail  manuel  as- 
sidu, Hachin  a  pu  se  retirer  en  1876,  et  vit  aujourd'hui 
d'une  aisance  modeste,  qui  lui  permet  de  satisfaire 
son  goût  pour  la  muse.  A  quelqu'un  qui  le  blâmait 
à  tort  de  rimer,  il  adressait  dernièrement  ce  philo- 
sophique couplet: 

Je  ne  veu.x  jamais  me  défendre 
De  n'être  né  que  pour'^aimer; 
Parmi  les  belles  au  cœur  tendre 
La  chanson  a  su  me  charmer, 
('.'est  la  meilleure  des  maitresses, 
Qui  m'aime  enoor,  vieux^quc  je  suis  ; 
C'est  une  femme  à  qui  je  puis 
Confier  toutes  mes  tendresses. 
Je  n'en  ai  pas  d'autre  profit  ; 
C'est  peu,  mais  cela  me  suffit. 

N-est-ce  pas  finement  et  dignement  répondu. 

Toujours  assidu  aux  réunions  chantantes,  surtout 
à  celles  de  7a  Lice,  dont  il  est  le  plus  ancien  mem- 
bre et  le  président  d'honneur,  Hachin  y  détaille  par- 
fois une  production  nouvelle,  digue  de  ses  ainées. 
Au  banquet  de  Mai,  nous  l'avons  entendu  dire  le 
Pierrot,  spirituel  dialogue,  dont  voici  la  conclusion: 

Mais,  hélas!  mon  pierrot  paitit, 
Malgré  ce  que  j'avais  en  tète  ; 
Je  vis  qu'il  voulait  faire  un  nid 
Et  non  des  chansons,  pas  si  bote  ! 
Des  rêves  de  l'illusion. 
Le  vrai  travailleur  so  retire; 
Mieux  vaut  faire  un  nid  d'oisillon. 
Que  de  chanter  pour  ne  rien  dire. 

Mon  cher  petit  pierrot. 
Je  ne  veux  pas  faire  un  volume, 
Ami,  prête-moi  ta  plume 
I^our  écrire  un  mot. 

On  voit  que  les  soixante-dix  ans  sonnés  de  Hachin 
n'enlèventrienàla  fraîcheur  de  ses  inspirations.  Mais 
pourquoi  ne  pas  vouloir  taire  un  volume  ?  Pourquoi 
ne  pas  réunu"  les  couplets  divers  disséminés  dans 
des  recueils  inaccessibles  au  public  ?  C'est  à  ce  tra- 
vail utile  que  Hachin  devrait  employer  ses  loisirs. 
Tous  les  amis  de  la  chanson  seraientheureux  de  pos- 
séder l'œuvre  complète  de   ce  poète  de  haut  goût, 

doublé  d'un  homme  estimable.  

L. -Henry  LECOMTE. 


LA  CHANSON 


LE  PATRON  QUI  S'ÉVEILLE  !.. 


Parodie  du  Printemps  qui  s'éveille,  de  E.  Cbebroux.  (1) 

Le  soleil  pénétrant 
Dans  l'alcôve  discrète, 
Eclaire,  en  s'y  glissant. 
Une  face  replète  ; 
Soudain  dans  la  maison 
Tout  tremble,  tout  résonne, 
Une  voix  gronde  et  tonne 
A  donner  le  frisson. 

Le  foulard  sur  l'oreille. 

Des  jurons  plein  la  voix 

C'est  encore  une  fois 

Le  patron  qui  s'éveille. 
L'heure  vient  de  sonner 
A  l'horloge  voisine. 
On  l'entend  bougonner. 
Du  fond  de  la  cuisine  ; 
En  se  frottant  les  yeux, 
Il  se  lève  bien  vite. 
Roulant  dans  son  orbite 
Des  regards  furieux. 

Le  foulard  sur  l'oreille,  etc. 
De  boutons,  de  rougeur. 
Tout  son  visage  éclate; 
Son  nez  a  la  couleur 
D'une  vieille  tomate, 
11  a  l'œil  d'un  hibou 
Que  le  jour  eifarouche, 
De  loin  sa  large  bouche 
A  l'aspect  noir  d'un  trou. 

Le  foulard  sur  l'oreille,  etc. 
Il  introduit  ses  bras 
Dans  sa  robe  de  chambre, 
Dont  les  plis  noirs  et  gras 
N'ont  jamais  senti  l'ambre. 
Ses  livres  à  la  main. 
Débraillé,  sans  cravate. 
Traînant  une  savate , 
Il  apparaît  enfin. 

Le  foulard  sur  l'oreille,  etc. 
Il  fait,  en  vieux  sondeur. 
Sa  ronde  matinale, 
Et  sa  mauvaise  humeur 
En  injures  s'exhale  ; 
Il  est  sourd  comme  un  pot, 
Sa  tête  se  balance 
Lui  donnant  l'apparence 
D'un  énorme  magot. 

Le  foulard  sur  l'oreille,  etc. 
Il  n'est  point  amoureux, 
Jamais  ce  cœur  de  glace 
Ne  ressentit  de  feux  ; 
Dans  sa  vieille  carcasse. 
Il  mourra  sans  calmer 
Son  humeur  furibonde 
Ignorant  qu'en  ce  monde 
Le  bonheur  est  d'aimer. 

Le  foulard  sur  l'oreille. 

Des  jurons  plein  la  voix 

C'est  encore  une  fois 

Le  patron  qui  s'éveille  ! 

A.  DE  LYNE. 
Membre  de  la  Lice  Chansonnière. 


(1)  La  clianson  de  E.  Ghebroux  a  paru  dans  notre  premier 
numéro. 


CIRCULEZ  ! 


Air  :  Le  Cordon,  s'il  voui,  plaiL 

Voulons-nous,  sans  bruit,  sans  colère. 

Nous  débarrasser  polimeut 

De  cer.x  que  le  monde  tolère. 

On  ne  saifpas  poui-qjoi  vraiment. 

En  tout  cas  bien  imprudemment"? 

Sachons  imiler  la  police 

Qui  dit  aux  gens  de  la  coulisse, 

Sur  le  boulevard  assemblés  : 

Circulez  I  (A/a) 
Circulez,  Messieurs,  circulez  ! 

Exploiteurs  de  sel  dans  la  lune. 
Ou  d'air  balsamique  à  Pantin, 
Qui  convoitez  notre  fortune, 
Et  l'encaissez  un  beau  matin. 
Pour  enrichir  quelque  câlin, 
Il  faut  ailleurs  vous  faire  pendre; 
Ça  ne  devra  pas  vous  surprendre, 
Car  depuis  longtemps  vous  volez  ; 

Circulez  !  {his) 
Circulez,  Messieurs,  circulez. 

Au  grec  qui  fait  sauter  la  coupe 
A  l'amant  qu'enirelieut  Manon, 
Au  membre  de  l'ignoble  groupe, 
DonI,  par  pudeur,  je  tais  le  nom, 
Et  qui  mérite  un  cabanon. 
On  a  le  tort  et  la  faiblesse 
De  ne  pas  répéter  sans  cesse 
Ces  mots  bien  haut  articulés  : 

Circulez  !  {his) 
Circulez,  Messieui's,  circulez  ! 

Don  Juan  dépeints  par  Molière, 
Masqués  d'une  fausse  amitié 
Vous  osez  dans  notre  volière. 
Nichant  avec  notre  moitié. 
Nous  déshonorer  sans  pitié. 
Tant  de  hardiesse  nous  lasse  ; 
Vainement  voudraient  votre  grâce 
Les  femmes  que  vous  cajolez  ; 

Circulez  !  (bis) 
Circulez,  Messieurs,  circulez  ! 

Partisans  des  anciens  régimes. 
Dont  les  Français  ne  veulent  plus. 
Vous  qui,  pour  poser  en  victimes 
Des  lois  de  nos  nouveaux  élus. 
Faites  des  efforts  superflus. 
Vous  surtout,  vous,  fonctionnaires, 
Pas  encor  démissionnaires. 
Tous,  s'il  le  faut,  bien  muselés, 

Circulez  !  (bis) 
Circulez!  Messieurs,  circulez  ! 

Intransigeants  de  toute  sorte, 
Qui  refusez  de  consentir 
A  tenir  ouverte  la  porte, 
Même  au  sincère  repentir. 
Même  à  qui  veut  se  convertir, 
Ne  pouvant  êlre  que  nuisibles, 
Sur  les  hauteurs  inaccessibles 
D'où  vous  agissez  et  parlez 

Circulez  !  {bis) 
Circulez,  Messieurs,  circulez  ! 

MONTARIOL. 
Membre  titulaire  du  Caveau 


LA  CHANSON 


23 


Le  Mois  Bibliographique 


Mémoires  Épisodiques  d'un   Vieux  Chanson- 
nier Saiiit-Simonien,  par  ViNÇARD  aîné. 

Vinçard  a  82  ans  !  combien  d'hommes,  avant  d'ar- 
river à  cet  âge,  sont  dans  un  état  complet  de  sénilité. 
Vinçard  au  contraii'e  est  plein  de  vigueur  ;  il  assiste 
aux  banquets  de  la  Lice  Chansonnière  et  il  y  chante 
d'une  voix  bien  timbrée,  des  couplets  pleins  de  verve 
comme  il  en  a  fait  pendant  toute  sa  vie.  Il  vient  de 
publier  un  livre  :  Mémoires  d'un  Vieux  Chansonnier 
Saint-Simonien.  Ce  livre  est  plein  d'intérêt  et  d'en- 
seignement. 

La  vie  de  Vinçard  est  la  preuve  qu'avec  du  cœur 
et  du  courage  on  peut  mener  de  front  la  vie  maté- 
rielle et  la  vie  intellectuelle,  le  travail  et  la  pensée  ! 
Vinçard  fut  en  même  temps  un  prolétaire  et  un 
apôtre  ! 

Il  appartient  à  cette  pépinière  d'hommes  remar- 
quables et  forts  qui,  un  peu  aprèsmiihuit  cent  trente, 
se  sont  révélés  sous  le  nom  de  Saint-Simoniens. 

Artistes,  grandfinanciers,  grand  industriels,  hom- 
me descienceou  hommesd'Elatdel'avenir,  ilsétaient 
là  pôle-mèle,  chacun  cherchant  sa  voie,  chacun  sen- 
tant en  lui  de  généreuses  aspirations  vers  l'inconnu  , 
ce  qu'on  pourrait  nommer  des  aspirations  vers  la 
poésie  delà  réalité. 

S'il  y  avait  autant  de  rêves  que  de  raison  dans  les 
principes  émis  par  cette  école,  il  y  avait  avant 
tout  l'amour  de  l'humanité  ;  à  l'état  indéfini  il  est 
vrai,  qu'importe  !  honneur  et  respect  à  ces  cher- 
cheurs ! 

Dans  le  livre  de  Vinçard  on  trouve  des  détails 
très-curieux,  relatifs  aux  premiers  jours  de  la  prati- 
que Saint-Simonienne,  l'échauffourée  de  Charenton, 
les  promenades  chantantes  dans  Paris,  et  d'autres 
excentricités,  tout  cela  est  très-intéressant  à  lire 
aujourd'hui. 

Puis,  comme  dans  toutes  les  réunions  d'hommes, 
les  scissions,  les  personnalités,  les  exaltés,  ne  man- 
quent pas  dans  ce  monde  jeune  et  rêveur!  tout  cela 
est  d'autant  plus  attrayant  que  l'auteur  raconte 
plutôt  qu'il  n'écrit.  Après  la  lecture  de  quelques 
pages,  on  est  tell  ment  familliarisé avec  cette  parole 
qu'on  ne  ferme  plus  le  hvre  ;  il  m'est  arrivé  souvent 
de  lire  deux  fois  la  même   page. 

Le  premier,  chapitrequel'auteur  nomme  modeste- 
ment Avertissement  aux  7eete«r.s;  rappelle  certaines 
pages  de  Rousseau.  Quoi  de  plus  touchant  que  ce 
vieillard  parlant  de  sa  mère  comme  un  enfant  et  se 
rappelant,  les  larmes  aux  yeux,  les  rues  du  vieux 
Paris,  disparues  aujourd'hui,  oii  il  jouait  aux  billes 
y  a  soixante-quinze  ans  ! 

Vinçard  n'a  pas  oubhé  ses  collègues  et  amis  les 
chansonniers.  Pourceuxqui  ne  sontplusila  de  bons 
souvenirs,  petits  bouquets  d'immortelles  déposés 
sur  leurs  tombes;  il  rend  hommage  à  Charles  Gille, 
nn  de  nos  maîtres  en  chanson,  qui  courut  au  devant 
de  la  mort  on  ne  sait  trop  pourquoi,  comme  Ghanu, 
comme  Mercier. 

Ce  qui  charme  dans  le  livre  de  Vinr-ard,  c'est  la 
bonne  foi  et  le  sincère  amour  qu'il  professe  pour 
tous  ceux  qui  l'entourent.  Parle-t-il  du  père  Enfan- 
tin, le  grand  astre  du  ciel  Saint-Simonien,  ou  de 


Gauny  l'ouvrier  penseur,  parle-t-il  de  Ponty,  le 
rapsode  qui,  malgré  ses  soixante-quinze  ans,  accom- 
plit encore  dix  heures  de  travailmanuel  chaque  jour, 
ou  de  Julie  Fanfernot,  en  un  mot  de  tous  ces  vail- 
lants beaucoup  moins  en  vue,  c'est  avec  le  même 
amour,  c'est-à-dire  à  plein  coeur. 

Aujourd'hui,  Vinçard  aine  jouit  d'une  existence 
indépendante,  fruit  de  son  travail  et  récompense  que 
ses  libéraux  amis  lui  ont  offerte.  Vinçard  ne  peut  se 
contenter  de  la  vie  contemplative,  et  c'est  faire  un 
noble  usage  de  son  temps  que  de  l'employer  à  écrire 
des  livres  comme  celui  dont  je  regrette  de  ne  pou- 
voir parler  plus  longuement. 

Les  Heures  perdues,  par  Alphonse  Leclercq 
avec  une  lettre-préface  de  Louis  Blanc. 

IjOngtemps  après,  sur  le  sol  de  la  !•  rance 
On  gémissait  sous  la  main  des  gueiriers, 
Le  pauvi-e  serf  dévorant  sa  soulîVanoe, 
On  renversa  les  donjons  meurtriers. 
Dans  la  foret,  quand  l'ombrage  d'un  chêne, 
Nuit  à  l'ormeau  qu'il  devait  soutenir, 
Le  bûcheron  élague  ce  qui  gène; 
11  ne  faut  pas  douter  de  l'avenir. 

Voilà  la  note  des  chansons  d'Alphonse  Leclercq. 
Oh  !  ce  n'est  point  un  faiseur  de  bouquets  à  Ghloris, 
c'est  un  chansonnier  dont  la  voix  est  souvent  grave.  Il 
est  ami  de  Louis  Blanc  qui  sert  de  parrain,  —  civil, 
bien  entendu — aux  Heures  perdues  et  (|ui  les  présente 
au  public  dans  une  lettre-préface  pleine  d'aménité. 
Il  y  a  deux  parties  distinctes  dans  ce  livre  :  les  chan- 
sons et  les  poésies,  — Les  poésies  sont  des  moralités 
bien  écrites  et  surtout  bien  pensées  ;  les  idées  géné- 
reuses, les  utopies  d'aujourd'hui — réalités  demain  — 
trouvent  un  écho  sonore  dans  les  vers  d'Alphonse 
Leclercq.  11  les  récite  pai'fois  d'une  voix  pleine  d'en- 
train et  dont  l'accent  annonce  la  conviction,  dans  des 
concerts  de  bienfaisance  ou  dans  des  soirées  litté- 
raires. La  Pocsie  et  les  Poêles,  La  Loterie,  Que 
/ait-onsurla  terre  ?  La  Force  et  l'Idée,  tout  cela  est 
chaud,  coloré  et  soutenu  par  un  grand  souffle  éner- 
gi([ue,  non  pas  l'énergie  sombre  du  désespoir,  mais 
celle  qui  console,  qui  espère  et  qui  sait  convaincre. 

La  fantaisie  a  peu  de  place  dans  l'œuvre  de  Le- 
clercq, cependant,  le  sentimentases  pages  dans  les 
Heures  perdues  ;  on  a  toujours  dans  le  cœur  un  petit 
coin  qui  n'a  que  vingt  ans,  et  puis...  à  quoi  servirait 
d'être  poète,  si  ce  n'était  pour  traduire  en  vers  ce  qui 
reste  encore  d'un  peu  bon  sur  la  terre  :  l'amour  et 
l'amitié. 

La  chanson  comporte  plus  de  laisser-aller  que 
l'alexandrin;  aussi  les  chansons  de  Leclercq,  sans 
être  entraînantes,  sont  souvent  d'une  philosophie 
très-gaie  : 

Sans  condition,  ma  Lisette, 
Chaque  jour  me  fait  la  risette 
Et  m'appelle  son  gros  Loulou; 
J'aime  autant  n'avoir  pas  le  sou. 

plus  loin,  examinant  la  situation  faite  aux  rois,  il 
s'écrie  : 

La  tète  sur  un  oredier, 

Chacun  d'eux  s'endormait  tranquille  ; 

Maintenant  comme  un  ouvrier. 

Un  monarque  doit  travailler; 

Le  métier  devient  difficile. 


24 


LA  CHANSON 


Plus  loin,  le  poëte,  réagissant  sur  lui-même,  fait 
cette  promesse,  quitte  à  ne  pas  la  tenir  : 

Dans  la  feuille  qu'on  aime  à  lire, 
Monarchiste  ou  républicain 
Chaque  jour  peut  s'entendre  dire  : 
Vous  êtes  un  affreux  coquin. 
Avec  cette  aimable  tactique 
On  se  mangerait  en  salmis  ; 
Je  renonce  à  la  politique, 
Je  veux  conserver  mes  amis  ! 

Voilàdela  bonne  et  franche  critique,  voilàleschan- 
sons  que  j'aimerais  entendre  dans  la  bouche  de  la- 
jeunesse;  elles  élèveraientsonintelligenceetlui  met- 
traient au  cœur  un  feu  qui  va  s'éteignant,mais  quand 
on  entend  des  poésies  comme  :  C n'est  pas  pour  ça 
que  j'Citi  donné  ma  sœur  ,o\\A  quelle  heure  te  oou- 
che-t-on?  on  est  empoigné  par  la  beauté  du  style  et 

l'ampleur  du  sujet  et  ce  sont  ces cliansons-là 

que  la  foule  répète. 

Eugène  BAILLET. 


CHANSONS,  CHANSONS! 

Les  personnes  qui  posséderaient  quelques  rensei- 
gnements biographiques  sur  Marcillac,  auteur  de 
la  célèbre  chanson  le  Sergent  Mathieu,  sont  priées 
de  les  adresser,  si  peu  importants  qu'ils  soient,  à 
M.  Baillet,  aux  bureaux  de  7a  Chanson. 

Un  concours  poétique  a  eu  lieu  le  jeudi  2  mai, 
rue  des  Envierges,  56,  à  la  société  Les  Fleurs,  pré- 
sidée par  M.  Percheron.  Achille  Duchêne  a  rem- 
porté le  premier  prix,  avec  une  pièce  intitulée  Chant 
de  Trouvère. 

Le  jeudi  9  mai,  la  soirée  annoncée  à  la  mémoire 
de  Victor  Rabineauaétédonnée  chezCoUignon.Ony 
a  chanté  naturellement  du  Rabineau,  c'est-à-dire 
de  bonnes  chansons. 

Les  amis  de  Henri  Piaud  se  sont  réunis,  le  14  du 
mois,  à  Belleville,  pour  venir  en  aide  à  sa  veuve. 
Tous  les  chansonniers  qui  avaient  connu  Piaud 
étaient  là,  mais  le  public  manquait.  Il  y  avait  con- 
cours; le  l^' prix  a  été  remporté  par  Péan,  un  néo- 
licéen,>'le  [2°  par  Jules  Vernier  aspirant  licéen,  le 
3°  par  Alphonse  Leclercqun  vaillant  licéen.  Hurrah! 
pour  la  Lice  Chansonnière  ! 

La  Muse  des  Arls-et-Métiers  vient  de  transporter 
sa  gaieté  et  son  piano  rue  des  Vieilles-Haudriettes, 
5,  café  Michel.  La  première  séance  a  été  brillante; 
nous  y  avons  entendu  J\i.  Charles  Pilon  qui  dit  très- 
gentiment  la  romance,  M.  Lehéricey,  jeune  comique 
qui  se  donne  du  mouvement;  puis,  du  côté  des  da- 
mes, M"""  Eugène  ei  M""  Augustine  Leclère.  Le  po- 
pulaire Glodomir  accompagne  et  Glairo  préside  ;  tout 
va  bien  !  séances  les  samedis,  dimanches  et  lundis. 

Nous  recevons  trop  tard  pour  l'insérer  le  compte 
rendu  delà  charmante  soirée  donnée  par  la  Société 
lyrique  des  Enfants  de  la  Seine  dans  son  local  ha- 
bituel, le  dimanche  19  mai. 

Le  choral  des  Enfants  de  la  Seine  donnera  un 
grand  concert,  le  dimanche  7  juin,  dans  les  salons 
de  Pierre  Petit,  place  Cadet. 

Robert  Garmier. 


SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


(PKEHUEIBE  OSTE) 

CAFÉ  PYGMALION,  boulevard  Sébastopol,  6. 

La  Lyre  amicale  ;  le  dimanche.  Dupont,  pré- 
sident. 

La  Jeunesse   artistique  ;  le  lundi.    Duquet, 
président. 

L'Harmonie  du  commerce  ;  mercredi.  Mo- 
RiN,  président. 

BRASSERIE  DU  RHiN,  boulevard  Sébastopol,  35. 
Les  Epicuriens,  fondée  en  1819;  dimanche 
et  lundi.  Massé,  président. 

La  Lyre  du  commerce  ;  le  mardi.  Bona'in, 
président. 

La  Cordiale;  le  jeudi.  Salmon,  président. 
Les  Vingt  et  un  ;  le  samedi.  L.\moureux,  pré- 
sident. 

CAFÉ  DE  LA  MAIRIE,  rue  de  Bretagne,  49. 
L'Amitié; \e  dimanche,  Joly,  président. 
Les  Amis  du  siècle;  le  lundi,  Leblanc,  pré- 
sident. —  Les  premiers  lundis  de  chaque  mois, 
concoure  de  chansons  et  de  poésies. 

CAFÉ  BOURET,  boulevard  du  Temple,  34. 
Les/am///es;  le  dimanche,  J.  Badou,  président. 
Lhs  gais  Momusicns;  le  lundi.  Leroux  prc- 
sident. 

Les  Intimes;  le  mercredi,  Wangrachet'i;'', 
président. 

CAFÉ  DU  SQUARE,  boulevard  Sébastopol,    12j. 
UArt  musical;  dimanche  et  jeudi,  Prachic, 
pré.îident. 

CAFÉ  SUISSE,  boulevard  Sébastopol,  90. 

Société  lyrique  des  Enfants  de  la  Seine  ; 
dimanche.  Cantarel,  président. 

MAISON  COLLIGNON,  rue  Vieille-du-Temple  104. 

Les  Enfants  du  rtjnzpZe,- dimanche  et  lundi. 
Rue  Saint-Séverin,  38. 

La  Lyre  bienfaisante;  dimanche  et  lundi. 
Couvreur,  président.  —  Le  dernier  lundi  de 
chaque  mois,  soirée  consacrée  à  la  mémoire 
des  auteurs  morts. 

Rue  Dupetit-Thouars,  18. 

La  Lyre  du  Marais;  samedi,  dimanche  et 
lundi,  Pii.  Gilland,  président.  —  Le  troi- 
sième lundi  de  chaque  mois,  soirée  à  la  m.'.!- 
moire  des  auteurs  morts. 

Sur  divers  points,  on  le  voit,  la  bonne  iC\è.e 
de  Mouret  fait  son  chemin. 

Le  Directeur-Gérant  A.  PATAY 


LA  CHANSON 


MÉMOIRES  ÉPISODiaUES 


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Phalanstériennes    et    Saint-Simoniennes 
PAR  A.  H.  BOISSY, 

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accompaguecs  d'une  notice  par  Hhilîppc  Burty.  , 

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ANNONCES 


Les  annonces  doivent  être  adressées  directe- 
ment à  l'administrateur  A.  P.vïay. 

Nous  reservons   la  couverture   de  notre  re- 
vue   aux    annonces   spéciales,    librairie,  arts, 
musique,  sciences,  photographies,  etc.,  etc. 
On  ne  reçoit  que  les  lettres  affranchies. 
Pour  les  renseignements  , 
s'adresser  : 
18,  rue  Bonaparte,  18. 
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A'os    patalo|s;<iies    sont    t'nvo;g>s    à    toute    iiersonne    qui    en    fait    la  denaande   par 
lettre  affranchie.  —  Ecrire  me  Bonaparte.   18. 


LA  CHANSON 


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Le  même,  dans  Vautrin,  notes  biog.,  et   cri- 

.  i      tiques,  1869,  in-12.  »  50 

LES     HANNETONS  Virginie  Déjazet ,    étude  biographique,  1866, 

CHANSONS    ANCIENNES    ET   NOUVELLES  in-12,  br.  »  50 

Potlriit  gravé  à  l'eau-iorte  par  Foulquier.  :  La    même  dans   les   Pistolets  de    mon  père,    'i 

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\ 


1"  ANNEE. 


N°3. 


JUILLET  1878, 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

RUE    BONAPARTE,    18 
PARIS 


Le  Numéro  :   30  cent. 


X^J^ 


ABONNEMENTS 

1 

Paris,  6  mois  .     . 
Départ^,  6  mois.   . 
Etranger,  6  mois  . 

2  fr.   1 

2  50   I 

3  »   D 

On  ne  reçoit  que  des  abonnemeata  de        H 
Bixmoiâ.                                H 

— 

I 

Directeur  Gêran 

1 

A.   PAT A Y 

J 

\^  REVUE    MENSUELLE  ^    1/ 


ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRiaUES 


Rédacteur  en  chef  :  L.- Henry   LE  COMTE 


SOMMAIRE      DU      3=      NUMÉRO 

Béraiigcr  (L.-Henky  Lecomte).  —  l.s  Vie  de  Béranger  (L.  Lauhent-Pichat). 
—  Les  Cliansons  de  Béranger  (k.  Patay).  —  Béranger  Auteur  dramatique 
(L. -Henry  Lecomte).  —  Béranger  Intime  (Euo.Baillet).  —  Béi-anjer (Char- 
les Vincent).  —  A  Béranger  (Octave  Lebesgue).  —  Banquet  du  Caveau 
(Eco.  Imdert).  —  Banquet  de  la  Lice  Chansonnière  (L. -Henry  LecomteJ.— 
Dors  content!  (Georges  Baillet).  —  Cliansons,  Cliansons!  (Robert  Gar- 
NIER,  Victor  Leureton.) 


Ce  Numéro  contient  trois  cents  vers  inédits  de  Béranger. 

VENTE   EN   GROS    ET    AU    NUMÉRO 
IBRAIRIE      ANCIENNE     ET     M  O  D  R  R  N 

A.   PATAY 

18\RUE   BONAPARTE,    18 
PARIS 


LA  CHANSON 


La  Chanson,  cette  incarnation  toujours  nouvelle 
et  toujours  diverse  de  l'esprit  français,  n'a  pas  d'or- 
gane. 

Nous  venons  combler  cette  lacune  regrettable  en 
créant  plus  qu'un  journal  —  une  revue  complète, 
spécialement  consacrée  à  ceux  qui  chantent  ou  font 
chanter. 

Sous  ce  titre:  la  Chanson,  paraîtra  tous  les  mois 
une  livraison  de  12  pages  in-4°,  à  deux  colonnes,  où 
s'écrira  l'histoire  ancienne  et  moderne  de  la  chanson 
et  des  chansonniers.  Une  couverture-annonce 
garantira  chaque  numéro  ;  la  pagination  sera  suivie 
et  nous  donnerons,  à  la  fin  de  l'année,  le  titre  et  la 
table  nécessaires  pour  la  réunion  en  volume. 

La  Chanson  publiera  les  comptes  rendus  des  ban- 
quets mensuels  du  Caveau,  de  la  Lice  Chansonnière, 
du  Pot-au-feu  et  des  diverses  sociétés  lyriques. 
Nous  préparerons  ainsi  à  l'historien  futur  des 
muses  populaires  les  matériaux  d'un  livre  original 
et  varié.  —  Trouveront  également  place  dans  notre 
revue  la  biographie  et  le' portrait  des  chansonniers 
vivants  ou  disparus,  nombre  de  chansons  peu  con- 
nues ou  inédites,  une  bibliographie  raisonnée,  le 
programme  des  concours  lyriques,  l'annonce  des 
soirées  chantantes  extraordinaires  ou  à  bénéfice,  enfin 
une  chronique  sincère  des  cafés-concerts  et  dès 
théâtres  parisiens. 

Pour  mener  à  bien  leur  entreprise,  les  fondateurs 
de  LA  Chanson  s'adressent  à  tous  : 

Aux  Cliansonniers  de  Paris  et  de  la  province  d'a- 
bord. Nous  les  prions  ici  de  nous  faire  parvenir 
leurs  adhésions,  leurs  abonnements,  les  réflexions 
que  notre  publication  leur  pourrait  suggérer,  un 
exemplaire  au  moins  de  leurs  œuvres  imprimées, 
les  meilleures  de  leurs  chansons  inédites  et  des 
notes  suffisantes  pour  fournir  matière,  au  besoin,  à 
d'intéressantes  et  véridiques  études  biographiques. 

Aux  Editeurs  de  Paris  et  des  départements  qui 
publient  des  ouvrages  se  rattachant  à  l'objet  de 
notre  revue,  nous  disons  qu'une  place  sera  toujours 
réservée  aux  comptes-rendus  des  œuvres  dont  ils 
nous  adresseront  deux  exemplaires,  et  nous  les 
invitons  à  nous  envoyer  même  les  moindres  pla- 
quettes. 

Semblable  avis  aux  Editeurs  dsMusique, —  et  pré- 
venons tous  les  intéressés  que  les  couvertures  de  la 
Chanson  seront  exclusivement  réservées  aux  annon- 
ces de  librairie  et  de  musique  à  des  prix  très-mo- 
dérés. 

Aux  Musiciens.  —  Nous  prenons  nos  mesures 


pour  donner  à  l'avenir  une  place  à  la  musique 
dans  notre  revue  ;  nous  prions  donc  dès  aujour- 
d'hui les  jeunes  compositeurs  de  nous  adresser 
leurs  œuvres,  et  surtout  de  mettre  en  musique  les 
chansons  inédites  que  nous  publierons.il  y  aura  de 
la  sorte  rapprochement  amical  entre  paroliers  et 
compositeurs  inconnus,  et  peut-être  en  résultera-t-i} 
quelques  œuvres  à  grand  succès. 

Aux  Bibliographes  et  aux  Amateurs.  —  Nous 
accueillerons  avec  reconnaissance  les  documents 
peu  connus  ou  inédits  qu'ils  voudront  bien  nous 
offrir  ;  nous  leur  demandons  de  guider  nos  recher- 
ches et  de  -nous  indiquer  les  sources  de  rensei- 
gnements incontestables. 

Aux  Présidents  des  Sociétés  Lyriques.  —  Nous 
les  invitons  à  nous  adresser,  dans  le  plus  bref  délai, 
les  noms  des  réunions  qu'ils  président,  l'indication 
des  sièges  sociaux  et  des  jours  de  tenues,  et  nous 
les  prions  instamment  d'assurer  l'exactitude  de  nos 
informations  en  désignant,  dans  chaque  société,  un 
délégué  chargé  de  correspondre  avec  notre  publi- 
cation et  d'en  faire  apprécier  le  but. 

Nous  voulons  le  succès  d'une  œuvre  entreprise 
dans  le  but  louable  de  défendre  les  réputations  jus- 
tement acquises  et  d'assurer  aux  talents  inconnus 
une  large  place  au  soleil  fécondant  de  la  publicité  ; 
aussi  désirons-nous  sincèrement  être  obligés,  après 
le  premier  semestre,  de  paraître  tous  les  quinze 
jours. 

Les  auteurs  désireux  de  posséder  un  certain 
nombre  d'exemplaires  des  numéros  contenant  leurs 
œuvres,  seront  priés  de  nous  en  informer  à  l'avance, 
afin  que  nous  puissions  exactement  fixer  notre 
tirage  ;  ces  numéros  leur  seront  cédés  aux  prix 
de  libraire.  Bien  entendu,  il  ne  sera  pas  indis- 
pensable de  prendre  des  numéros  ni  même  d'être 
abonné  pour  collaborer  à  notre  revue  ;  le  comité  de 
rédaction  sera  souverain  pour  admettre  ou  rejeter  les 
pièces  proposées. 

Tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  devra  être  adres- 
sé franco  au  Rédacteur  en  Chef;  ce  qui  concerne 
l'administration,  l'abonnement  et  les  annonces  au 
Directeur-Gérant.  —  Les  lettres  ou  paquets  non  af- 
franchis seront  rigoureusement  refusés.  —  Toute 
lettre  exigeant  une  réponse  devra  être  accompa- 
gnée d'un  timbre-poste. 

Un  numéro  d'essai  sera  envoyé  à  toute  personne 
qui  en  fera  la  demande  par  lettre  affranchie,  accom- 
pagnée de  30  centimes  en  timbre-poste. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY 


BULLETIN  D'ABONNEMENT 

A  ENVOYER  FRANCO,  ACCOMPAGNÉ  D'UN  MANDAT-POSTE 

Paris  :  2  fr.,  Départements,  2  fr.  50,  Étranger,  3  fr. 

Je  déclare  m'abonner  pour  six  mois  a  la  Revue  LA  CHANSON. 

SIGNATURE  (lislblc) 


(»)  Les  timbres-poste  ne  seront  pas  acceptés.  Par  l'envoi  du  montant  de  l'abonnement  on  ivite  les  frais  de  recouvrement  qui  font  à 
la  ciiarge  de  l'abonné.  Le  talon  de  la  poste  sert  de  quittance. 


LA  CHANSON 


25 


BÉRANGER 


Il  y  aura,  le  seize  juillet,  vingt-et-un  ans,  que  la 
France  a  perdu  son  poëte  populaire.  A  cette  dis- 
tance onpeut,  avec  sérénité,  porter  un  jugement  sur 
l'homme  et  sur  ses  œuvres  :  l'homme  est  très-grand, 
les  œuvres  sont  très-belles. 

Comme  Voltaire,  si  justement  célébré.  Déranger 
fut  le  champion  du  progrès  social.  11  entra,  le  front 
haut,  dans  l'éternelle  mêlée  du  droit  contre  la  force, 
de  la  vérité  contre  l'obscurantisme,  de  lalibre  pensée 
contre  le  dogme,  de  l'avenir  contre  le  passé.  Il  com- 
battit et  vainquit  avec  cette  arme  fragile:  le  couplet. 

Il  faut,  dans  une  chanson, 
Finesse,  grâce  et  saillie, 
Bien  moins  d'art  que  de  folie. 
Plus  d'esprit  que  de  raison. 

Qui  dit  cela?  Déranger  lui  même,  dans  les  vers 
inédits  qu'on  trouvera  plus  loin.  Mais  le  poëte,  trop 
modeste,  ne  donnait  là  que  la  formule  d'une  pro- 
duction légère  et  fugitive, d'une  de  ces  chansonsplai- 
santes  par  lesquelles  son  génie  s'ouvrit  les  esprits  oii 
il  comptait  jeter  la  bonne  semence.  Dès  que  son  nom 
fut  accepté,  Déranger,  sans  dédaigner  la  fmesse  ni 
la  grâce,  éclaira  ses  chants  des  saines  lueurs  philo- 
sophiques, et  s'éleva  progressivement  au  rang  su- 
perbe d'apôtre.  Il  brûla  des  saintes  ardeurs  patrio- 
tiques et  prêcha  la  fraternité,  le  sacrilîce  de  soi- 
même  ,  avec  cette  voix  éloquente,  l'exemple.  11 
défendit  les  humbles  et  jugea  les  superbes.  Damné 
par  l'Eglise,  ce  juste  selon  le  Christ  recommanda  la 
tolérance;  mis  en  prison,  il  n'en  chaula  que  plus 
haut  la  liberté  ;  calomnié,  honni,  il  n'en  aima  que 
plus  tendrement  les  hommes. . . 

Gardons  le  souvenir  reconnaissant  de  ce  noble 
cœuretdece  grand  esprit!  Queleseize juillet,d'abord, 
une  couronne  soit  déposée  sur  la  tombe  de  Déran- 
ger, au  nom  de  la  chanson  moderne  ;  que  la  Répu- 
blique surtout,  au  nom  du  pays  entier,  décerne  à 
Déranger  la  récompense  due  à  tous  ceux  qui,  comme 
lui,  ont  désiré,  prédit,  préparé  l'heure  actuelle  :  une 
statue. 

Il  y  a  urgence,  un  parti  à  la  fois  grotesque  et  si- 
nistre prétend  revendiquer  comme  sien  ce  poëte 
bien  nôtre.  Ne  laissons  pas  aux  pires  ennemis  de  la 
patrie  la  possibilité  d'un  contact  purifiant  ;  préser- 
T.  I. 


vous  d'une  estampille  malpropre  cette  gloire  hon- 
nête !  Nous  tous  que  groupent,  sous  un  drapeau 
lumineux,  l'amour  du  vrai,  le  besoin  du  beau,  le 
respect  de  toute  grandeur  véritable,  poursuivons 
infatigablement  ce  but  :  Déranger  sur  un  piédestal! 
Que  la  République,  fidèle  à  sa  généreuse  habitude 
de  payer  toutes  les  dettes  et  de  réparer  toutes  les 
fautes,  fasse  encore  une  fois  son  devoir  en  érigeant 
la  statue  de  Déranger! 

Et  quelle  occasion  excellente  se  présentera  bientôt 
de  l'inaugurer  solennellement,  en  plein  Paris,  dans 
ce  vaste  jardin  du  Temple,  où  sa  place  est  indiquée 
par  nous  depuis  nombre  d'années,  —  à  quelques  pas 
de  la  maison  oii  le  poëte  vécut  ses  derniers  jours,  au 
milieu  des  pauvres  vaillants  qu'il  a  chantés  et  qui 
l'aiment!  N'aurons-nous  pas  à  fêter,  le  17  août 
1880,  le  premier  centenaire  du  jour  heureux  où 
naquit  Déranger  ?  A  cette  date  prochaine,  la  France, 
enlin  redevenue  elle-même,  aura  repris ,  en  tête  du 
monde,  sa  place  rayonnante.  Toutes  les  libertés  qui 
font  la  grandeur  d'un  peuple  seront  conquises.  Alors, 
en  même  temps  que  l'édition  «  complète  »  de  Dé- 
ranger tiendra,  pour  la  première  fois,  les  promesses 
de  son  titre,  nous  constaterons,  au  pied  de  la  statue 
du  poëte,  le  triomphe  délînitif  des  idées  fraternelles 
qu'il  a  préconisées. 

Législateurs,  philosophes,  poètes,  journalistes, 
penseurs  de  tous  rangs,  veuillons  fermement  cette 
juste  apothéose  !  Acclamons,  après  le  flambeau  Vol- 
taire, Déranger,  l'étoile  !  Peuplons  la  place  publique 
d'fffigies  respectables  !  Opposons,  à  l'exaltation  fu- 
neste des  renommées  sanglantes,  le  culte  fécond 
des  grands  hommes  pacifiques  :  à  l'ombre  de  ses 
autels  augustes  naîtront  les  générations  laborieuses 
et  viriles  ! 

Chansonniers  du  jour,  disciples  gracieux  ou 
sévères  d'unmaître  charmant  et  grave, soyez,  comme 
il  convient,  l'avant-garde  des  enthousiastes!  Prélu- 
dez à  l'hommage  pubhc  par  le  souvenir  filial,  au 
bronze  par  la  couronne  !  L'âme  souriante  de  Déran- 
ger ne  doit  apercevoir  qu'àtraversmillefleursoflertes 
par  vous  la  statue  que  lui  dédiera  la  France  ! 

L.  Henry  LECOMTE. 


26 


LA  CHANSON 


LA 
VIE  DE  BÉRANGER 


Les  Egyptiens  jugeaient  les  morts,  et,  après  une 
enquête  publique,  prononçaient  la  gloriflcation  ou 
l'anathème.  Nous  aussi,  nous  examinons  la  vie  des 
grands  penseurs  disparus,  afin  d'y  trouver  un  ensei- 
gnement pour  ceux  qui  vivent. 

La  biographie  du  chansonnier  illustre  est  très- 
simple.  Les  événements  n'y  sont  pas  compliqués  ; 
l'influence  du  poëte  s'exerça  par  l'action  de  sa  pensée 
et  non  par  celle  de  sa  personne.  Il  fut  toujours  ce 
qu'autrefois  on  appelait  un  sage,  ce  qu'aujourd'hui 
on  doit  appeler  un  honnête  homme. 

Pierre-Jean  de  Béranger  naquit,  à  Paris,  rue 
Montorgueil,  le  17  août  1780.  Son  grand-père  était 
tailleur.  Dans  une  chanson,  le  Tailleur  et  la  Fée, 
le  poëte  donne  lui-même  ces  premiers  détails.  Il 
resta  à  Paris  jusqu'à  l'âge  de  neuf  ans;  il  assista  à  la 
prise  de  la  Bastille  ;  ce  fut  là  pour  lui  une  grande 
leçon  d'histoire  contemporaine.  Quarante  ans  après, 
il  se  rappelait  cette  époque  dans  une  autre  prison 
qu'on  nommait  la  Force.  Vers  cet  âge  de  neuf  ans, 
l'enfant  fut  envoyé  à  Péronne,  chez  une  tante  pater- 
nelle qui  tenait  une  hôtellerie.  C'est  là  qu'au  milieu 
des  loisirs  que  lui  laissaient  ses  fonctions  de  garçon 
d'auberge,  Béranger  lut  Voltaire.  A  chaque  étape 
de  sa  vie,  la  destinée  lui  réservait  un  enseignement. 
L'éducation  que  donne  le  sort  est  rapide  et  substan- 
tielle ;  elle  se  compose  de  grands  spectacles  et  de 
fortes  lectures.  C'est  à  Péronne  que  Béranger  fut 
frappé  de  la  foudre,  accident  qu'il  rappelle  quelque 
part.  A  quatorze  ans,  il  entra  en  apprentissage  chez 
un  imprimeur  de  Péronne,  M.  Laisné,  qui  resta  un 
ami  du  poëte  dont  la  reconnaissance  donne  l'immor- 
talité. Â  dix-sept  ans,  Béranger  revint  à  Paris.  Il 
ébaucha  une  comédie,  les  Hermaphrodites;  il  essaya 
d'édifler  un  poëme  épi  jue,  Clovis  ;  il  composa  plu- 
sieurs dithyrambes  :  le  Déluge,  le  Jugement  der- 
nier, le  Rétablissement  du  culte  ;  il  publia  une  idylle, 
le  Pèlerinage.  Sa  vocation  était  décidée  ;  il  cherchait 
sa  voie.  Vers  ce  temps,  en  proie  aux  luttes  que  la  vie 
impose  même  à  ses  favoris,  découragé  par  la  misère 
qu'il  sut  vaincre  si  noblement  et  qu'il  a  surmontée 
pendant  cinquante  années  en  face  d'une  époque  avide 
et  corrompue,  vers  ce  temps  Béranger  pensa  à  partir 
pour  l'Egypte.  Il  renonça  à  son  projet ,  et  Lisette 
lui  fit  oubhersa  pauvreté.  Toutefois,  l'avenir  demeu- 
rait sombre  et  les  défaillances  revenaient  à  certaines 
heures.  Ici  se  place  la  protection  accordée,  en  1803, 
au  chansonnier  par  Lucien  Bonaparte.  Vers  1809, 
grâce  à  l'appui  d'Arnault,  Béranger  entra  comme 
expéditionnaire  au  secrétariat  de  l'Université,  avec 
douze  cents  francs  d'appointements.  En  1813,  il  fut 
fut  reçu  membre  du  Caveau.  Cette  circonstance,  insi- 
gnifiante en  apparence,  décida  de  sa  gloire  en  lui 
confirmant  sa  vocation.  Le  succès  donna  de  la  certi- 
tude à  son  génie,  et  sa  popularité  marcha  avec  rapi- 
dité. Après  la  seconde  restauration,  elle  était  établie. 
Ses  refrains  frondeurs  trouvaient  des  échos.  Il  grandit 
avec  le_  succès.  En  1815,  l'expéditionnaire  avait  été 
menacé  dans  son  emploi  quand  parut  son  premier 
recueil;- la  publication  des  chansons  nouvelles  de 
1821  amena  sa  démission.  En  outre,  il  eut  à  subir 


trois  mois  de  prison  et  cinq  cents  francs  d'amende.  On 
va  voir  maintenant  jusqu'où  peut  s'élever  le  talent 
persécuté.  «  Croyez-moi,  car  je  suis  souvent  en  pri- 
son !  »  disait  Saint  Paul  ;  on  crut  Béranger,  qui  se 
dressa  comme  un  adversaire  formidable  contre  un 
pouvoir  impopulaire  ;  il  employa  toutes  les  armes 
et  se  jeta  sans  prudence  dans  la  lutte,  oii  toute  une  op- 
position le  suivait.  Ils  ne  virent  que  le  moment  et  ne 
songèrent  pas  au  lendemain.  Un  second  procès  frappa 
le  poëte  d'une  condamnation .  Ici  apparaît  un  de  ces 
personnages  que  le  hasard  rend  célèbres  pour  avoir 
servi  d'instruments  de  persécution.  Marchangy,  raillé 
ridiculisé,  exécré,  ne  méritait  que  l'oubh,  comme 
tant  d'autres.  Dante  plaça  ses  ennemis  en  enfer,  et  le 
châtiment  les  a  illustrés  ;  dans  l'œuvre  de  Béranger, 
Marchangy  joue  le  rôle  d'une  marionnette  à  tête  dure 
qui  reçoit  quelques  coups  de  bâton.  En  1828,  parut 
le  troisième  recueil  de  Béranger  :  c'était  sous  le  mi- 
nistère de  Martignac.  L'Ange  gardien,  le  Sacre  de 
Charles  le  Simple,  et  la  Gérontocratie  valurent  au 
chansonnier  neuf  mois  de  prison  et  dix  mille  francs 
d'amende.  Le  pays  libéral  paya  l'amende. 

Après  1830,  Béranger  pubha  un  dernier  recueil, 
le  plus  beau  et  le  plus  élevé.  Le  poëte  a  toujours 
marché  en  grandissant.  Il  s'est  arrêté  trop  tôt.  Ceux 
qui  se  consacrent  à  la  défense  de  la  liberté  ne  doi- 
vent pas  compter  sur  le  repos.  Il  y  a  toujours  à 
pleurer  pour  les  poètes.  Une  légende  païenne  raconte 
que  chaque  fois  qu'un  danger  menaçait  la  Grèce 
il  y  avait  à  Cumes  un  Apollon  qui  pleurait. 

M.  Bérard,  dans  ses  Souvenirs  de  1880,  raconte 
que  Béranger  «  avait  cherché  à  faire  comprendre 
à  l'assemblée  centrale  de  la  rue  Richelieu  que  la 
République  était  en  ce  moment  impossible  ou  tout 
au  moins  fort  dangereuse  ;  et  telle  était  l'exaspération 
des  esprits,  qu'il  avait  été  presque  maltraité.  »  Les 
amis  du  poëte  arrivèrent  au  pouvoir  et  il  refusa 
tout,  titres  et  emplois.  Cette  conduite  devrait  être 
celle  de  tous  les  gens  de  cœur  ;  toutefois,  nous  devons 
l'honorer  comme  une  vertu,  puisque  Béranger  offre 
un  exemple  presque  unique  d'un  pareil  désintéres- 
sement. Il  se  retira  dès  lors  dans  la  solitude,  et  vécut 
loin  du  monde  jusqu'en  1848.  Il  n'écrivait  plus  et 
cherchait  le  repos.  Comme  sa  réputation  n'était  pas 
une  de  ces  vogues  factices  qui  ne  peuvent  se  soute- 
nir que  par  des  publications  sans  cesse  nouvelles,  il 
jouissait  d'une  popularité  sereine  et  douce.  Tous  les 
regards  connaissaient  ce  simple  vieillard  ;  on  se  le 
montrait  dans  les  rues,  et  l'on  suivait  respectueuse- 
ment ses  cheveux  blancs  rejetés  en  arrière  et  répan- 
dus sur  un  dos  voûté  par  l'âge. 

Février  arriva,  et  la  reconnaissance  du  peuple  se 
manifesta  par  une  explosion  que  Béranger  ne  pré- 
voyait pas.  Il  fut  nommé  représentant  pour  siéger  à 
l'Assemblé  Constituante  .Le  poëte  refusa;  ses  collè- 
gues n'acceptèrent  pas  sa  démission  ;  il  la  renou- 
vela, et  lecture  en  fut  faite  le  matin  même  du  15  mai. 
Ici  se  présente  une  question  :  Béranger  était-il 
libre  ?  Peut-on  se  soustraire  à  un  devoir  ?  Paris  di- 
sait, par  son  vote,  à  l'illustre  chansonnier  :  «  Tu  as 
combattu  pour  la  liberté,  tu  as  souffert  pour  elle  ; 
depuisquinzeanstu  étais  las,  comme  nous,  de  toutes 
les  royautés  et  de  tous  les  despotismes  ;  tu  as  ense- 
mencé le  sol  ;  la  moisson  et  la  vendange  sont  faites  : 
viens  manger  le  pain  des  libres  et  boire  à  la  coupe 
de  l'égalité  ;  tu  avais  fait  un  rêve,  il  est  réalisé  : 
viens  saluer  le  soleil  avec  nous  !  »   Béranger,  pris 


LA  CHANSON 


27 


d'un  accès  de  sagesse  désespérée,  voulut  rester  à 
l'écart.  On  a  publié,  depuis,  quelques  lettres  du 
poète  oli  il  semblait  dire,  en  1848,  comme  il  avait 
dit  en  1830  :  «  Pas  encore  !  »  Nous  admirons  le 
bon  sens  et  nous  vénérons  le  génie;  mais  l'histoire 
de  nos  idées  prouvequ'une  telle  patience  serait  une 
vertu  dangereuse,  et  nous  pensons  que  ce  n'est  pas 
assez  de  savoir  supporter  la  prison  quand  nos  enne- 
mis régnent,  et  qu'il  faut  encore  braver  l'impopula- 
rité, à  l'heure  où  nos  amis  triomphent.  Déranger 
pouvait  sans  scrupule  ni  répugnance  entrer  dans 
celle  Assemblée  où  ses  amis  étaient  en  majorité,  oii 
l'œuvre  qu'on  allait  entreprendre  était  l'cdilication 
de  l'avenir,  oii  l'emportement  et  l'excès  de  quel- 
ques-uns avaient  besoin  d'être  contenus  par  une 
)irudence  respectée.  Les  plus  honnêtes,  les  pins  purs 
ont  traver.-;é  la  l'ournaise  ;  et  qui  sait  ce  qui  serait 
arrivé  en  mainte  circonstance  si  Béranger  eût  prêté 
à  sa  cause  l'autorité  de  son  vote  et  de  sa  personne  ? 
Il  ne  s'agit  pas  là  d'ambition  satisfaite,  ni  d'apo- 
théose bruyante  à  chercher,  ni  d'orgueil  à  tenter  un 
beau  rôle  ;  il  s'agissait  d'un  devoir  à  remplir  et  d'un 
danger  à  affronter.  Nous  regrettons  que  Béranger 
•n'ait  pas  engagé  sa  vie  dans  ces  journées;  la  cou- 
ronne qu'on  a  déposée  sur  sa  tombe  aurait  peut- 
être  eu  quelques  épines;  mais  les  épines  se  mêlent 
harmonieusement  au.\  lauriers,  et  la  grande  gloire 
se  complète  bien  par  un  peu  de  martyre. 

Toutefois,  il  n'yaura  pas  eu  beancoupd'exislences 
en  ce  siècle  pins  dignes  de  servir  d'e.xemple  et  d'être 
proposées  connue  modèle.  Le  désintéressement  le 
jilus  pur  ut  la  loi  de  cette  vie  si  longue.  La  sage 
médiocrité  et  la  pauvreté  sacrée  furent  les  hôtesses 
de  Béranger.  A  une  époque  de  corruption  et  de  cu- 
pidité comme  la  nôtre,  cet  homme  vécut  et  mourut 
sans  un  mauvais  désir,  sans  envie,  satisfait  du  pain 
quotidien,  léguante  la  génération  qui  lui  survit  l'en- 
seignement de  soixante-dix  années  d'une  intégrité 
souriante.  11  sut  vaincre  le  plus  redoutable  ennemi, 
le  besoin,  «  Celui  qui  se  soumet  aux  hommes  s'est 
auparavant  soumis  aux  choses  »,  a  dit  Epictète. 
Béranger  domina  les  idées  morales  de  son  temps 
en  se  faisant  une  gloire  de  ce  dont  la  foule  a  honte, 
et  le  modeste  chansonnier,  qui  subit  trois  condamna- 
tions pour  I  outrage  à  la  morale  publitiue  et  reli- 
gieuse »,  pratiqua  l'Evangile  dans  ce  que  sa  doctrine 
a  de  plus  pur  et  de  plus  méconnu,  dans  son  respect 
pour  la  pauvreté.  —  Il  avait  raillé  le  pape,  répon- 
drait Marchangy  ;  et  la  vie  tout  enlière  du  poëte 
atteste  un  bien  plus  grand  scandale  ;  il  avait  couipris 
le  Christ  en  faisant  le  bien  et  en  restant  pauvre. 

C'est  là  ce  que  le  peuple  a  honoi'é  en  lui.  Le  peu- 
ple a  horreur  des  liypocrisies;  il  diHeste  le  faste 
égoïste  et  méprise  tous  ces  orgireilleux  enrichis  qui 
ont  de  la  boue  aux  genoux  et  aux  lèvres  :  lisent  que  la 
corruption  le  gagne,  que  les  mauvaisrêves  l'obsèdent, 
et,  quand  un  homme  de  bien  meurt,  le  peuple  se 
presse  à  ses  funérailles.  Ce  sont  des  fêtes  où,  pour 
lui,  la  vertu  brille  aussi  claire  que  le  soleil,  et  il 
rentre  dans  ses  ateliers  tumultueux  vivifié,  rassé- 
réné, et  chantant  les  refrains  du  poëte  qui  vient  de 
lui  rendre  l'espérance. 

L.  LAURENT-PICHAT. 


LES  CHAriSONS  DE  BÉRANGER 


On  a  publié,  sur  Béranger,  quantité  d'ouvrages 
oii  l'esprit  et  la  lettre  de  ses  œuvres  sont  jugés  aux 
points  de  vue  les  plus  divers.  Il  y  aurait  puérilité  à 
prétendre  recommencer  un  travail  fait  et  bien  fait. 
Nous  remplaeeronsdonCjàl'avantagede  noslecteurs, 
une  critique  oiseuse  par  un  couplet  inédit  du 
grand  poëte. 

LA  CHANSON 

Il  faut,  dans  une  chanson, 
Finesse,  grâce  et  saillie. 
Bien  moins  d'art  que  de  folie, 
Plus  d'esprit  que  de  raison  ; 
Sans  gailé  point  de  critique, 
Quelque  licence  poétique, 
-Même  un  jeu  de  mois  comique, 
I,e  tout  sur  des  airs  badins  : 
Ayez  ces  façons  de  plaire, 
Et  la  France  tout  entière 
rtc|iétera  vos  refrains. 

Ce  couplet,  trouvé  par  nous  dans  les  papiers  de 
M'"°  Mélanie  Waldor,  est  curieux,  maison  aura  rai- 
son d'y  voir  une  boutade  plutôt  qu'un  précepte  bon 
à  suivre. 

A.  PATAY. 


BÉRÂHGEB  ÂOTEUR  DRâiÂTIQUE 


A  son  aurore,  le  génie  se  cherche  lui-même.  Peu 
d'écrivains  illustres  ont  pris,  sans  hésitation,  la 
voie  qui  devait  les  conduire  au  triomphe.  Les  essais 
variés  de  nos  gloires  littéraires,  leurs  luttes  multi- 
pliées contre  l'obscurité  misérable,  fournissent  d'or- 
dinaire aux  biogra])lics  des  pages  pleines  d'intérêt 
et  d'émotion.  Les  développements  succes.sifs  d'un 
grand  esprit  sont,  pour  l'âme  humaine,  le  plus  élo- 
quent des  spectacles.  Dans  cet  ordre  d'idées,  je  me 
fais  un  devoir  d'offrir,  aux  amis  et  aux  critiques  de 
Béranger,  un  élément  nouveau  d'appréciation. 

Soumis  à  la  loi  commune,  Béranger,  en  effet,  n'a 
point  demandé  d'abord  aux  couplets  l'aliment  de 
ses  rêves  ;  la  poésie  épique,  l'idylle  et  le  théâtre 
ont  successivement  tenté  sa  jeune  muse.  Je  m'atta- 
cherai surtout  à  ses  tentatives  dramatiques,  connues 
seulement  par  un  passage  de  son  autobiographie, 
qu'il  est  urgent  de  reproduire': 

«  J'essayai  plusieurs  comédies,  dont  deux  en 
cinq  actes.  Il  y  en  avait  une  sur  ou  contre  les  savants 
et  une  autre  intitulée  7e.s  Hermaphrodiles,  titre  bi- 
zarre, sous  lequel  je  peignais  des  ho.mmes  effémi- 


28 


LA  CHANSON 


nés,  reste  de  l'ancien  régime,  et  des  femmes  affec- 
tant les  habitudes  de  notre  sexe.  J'écrivis  même 
plusieurs  actes  de  ces  deux  pièces  Ce  n'est  pas  ce 
qui  devait  leur  manquer  de  sens  commun  qui  m'ar- 
rêta, mais  le  soin  que,  presque  malgré  moi,  je  don- 
nais à  la  facture  des  vers,  préoccupé  que  j'étais  du 
choix  de  la  forme,  de  la  saillie  du  mot,  substituant 
même  parfois  l'image  à  l'expression  simple  de  la 
pensée.  De  cette  façon,  qui  tient  de  l'épître,  on  fait 
la  comédie  comme  Gresset  dans  7e  il/ycAa/2f  ;  mais  on 
reste  loin,  je  ne  dirni  pas  de  Molière,  qui  atteint  seul 
la  perfection  du  style  comique,  mais  bien  loin  même 
de  Regnard  qui,  comme  l'auteur  du  Misanthrope, 
avec  des  moyens  et  un  but  différents,  produit  d'un 
jet  la  tirade  et  le  dialogue  dans  une  forme  pleine 
d'esprit,  d'abondance  et  de  gaîlé... 

«  Pour  la  centième  fois,  je  me  mis  donc  à  relire 
mes  auteurs  favoris,  et  je  ne  me  sentis  plus  le  cou- 
rage d'achever  des  comédies,  dont  plus  de  sept 
actes  allèrent  rejoindre  tant  d'autres  ébauches  aban- 
données. Je  m'avouai  que  je  pourrais  être  un  homme 
de  style,  d'imagination  même,  mais  que  je  ne  serais 
pas  un  écrivain  dramatiipie.  A  l'âge  des  présomp- 
tions, il  est  rare  qu'on  découvre  ainsi  ses  entés  fai- 
bles; je  me  suis  toujours  su  un  gré  inluii  de  cet 
acte  de  bon  sens.  Si,  depuis  lors,  j'ai  tenté  quelque- 
fois d'aborder  la  scène,  le  besoin  seul  m'y  a  con- 
traint.Heureusementjen'obtins  jamais  les  honneurs 
d'une  lecture.  » 

Ce  récit,  on  le  verra,  n'est  pas  d'une  exactitude 
absolue.  Béranger  attachait  évidemment  trop  peu 
d'importance  à  des  essais  sans  résultat  pour  leur 
donner,  dans  l'histoire  de  .sa  vie,  la  place  que  je 
veux  leur  faire  aujourd'hui. 

Gomme  annotation  au  fragment  qu'on  vient  de 
lire,  Béranger,  avouant  sa  collaboration  au  vaude- 
ville des  Canitik'ons,  s'irrite  qu'un  bibliomane  lui  ait 
attribué  les  couplets  de  plusieurs  pièces  d'Antier.  Il 
est  certain  que  ce  dernier  possédait,  pour  la  chan- 
son de  théâtre,  un  talent  réel  ;  mais  le  répertoire  des 
agents  dramatiques  attribue  formellement  à  Béi-an- 
gerune  part  de  travail  et  de  droits  dans  les  œuvres 
suivantes  : 

Les  Caméléons  ou  Une  matinée  d'un  homme 
en  place,  vaudeville  en  un  acte ,  avec  Moreau  etWa- 
fflard  (Vaudeville,  25  octobre  1815)  ; 

Haguenier  ou  l'Habit  de  cour,  vaudeville  en  1 
acte,  avec  Anlier  et  Delespine  (Porte-St-Martin,  10 
juillet  1818)  ; 

La  Lsntei-ne  sourde  ou  les  Deux  portefaix,  vaude- 
ville en  1  acte,  avec  Désaugiers,  Antier  et  Hubert 
(Vaudeville  20  mars  1823)  ; 

La  Maison  de  plaisance,  vaudeville  en  1  acte,  avec 
d'Epagny  et  Antier  (Vaudeville,  8  octobre  1823)  ; 

Attila  ou  le  Troubadour,  vaudeville  en  1  acte, 
avec  Antier  et  Bilderberck  (Vaudeville  ,  7  février 
1824; 

Les  Femmes  ou  le  Mérite  des  femmes,  vaudeville 
en  1  acte,  avec  Antier  (Gaîté,  23  mars  1824). 

A  cette  époque,  lesgens  d'esprit  s'associaient  vo- 
lontiers pour  un  ouvrage  de  courte  haleine,  plutôt 
dans  le  but  de  cimenter  leur  amitié  par  un  travail  en 
commim, que  parun  besoin  réel  de  secours;donc, quoi- 
que Béranger,  délicat  ou  modeste,  ait  cru  devoir  s'en 
défendre  je  m'en  tiens  fermementau  catalogue, dressé 
avec  une  attention  minutieuse  pour  la  répartition  équi- 
table des  droits.  Mais,  bien  que  les  pièces  énumérées 
plus  haut  soient  toutes  imprimées,  il  serait  impossi- 


ble, on  le  comprend,  de  déterminer  la  part  exacte 
qu'y  eut  le  grand  chansonnier.  Je  puis  heureusement 
appuyer  le  jugement  que  je  prétends  porter  dutalent 
dramatique  de  Béranger  sur  des  titres  moins  discu- 
tables. 

Ces  titres,  dont  aucun  biographe  n'a  fait  mention 
jusqu'ici,  sont  trois  pièces  de  théâtre,  en  un  acte 
chacune,  écrites  sur  des  gammes  différentes,  avec 
la  préoccupation  constanle  de  la  scène.  Les  ma- 
nuscrits précieux  de  ces  ouvrages  mefurent  un  jour 
communiqués  par  l'inliiiie  ami  du  poëte,  Ben- 
jamin Antier,  (|ui  m'iiouoi'ait  d'une  affection  pater- 
nelle. Je  les  lus  avec  respect,  prenant,  sur  l'autorisa- 
tion de  mon  vieil  ami,  des  notes  abondantes,  que  je 
suis  heureux  d'offrir  aux  lecteurs  de  notre  Chanson. 


La  première  des  œuvres  inédiles  de  Béranger 
porte  ce  titre  attrayant.  Ge  n'est  malheureusement 
pas  l'étude  de  mœurs  qu'il  peut  faire  espérer,  mais 
un  tableau-vaudeville,  broché  pour  la  représentation 
de  clôture  d'une  de  ces  petites  sociétés  dramatiques 
qui  pullulaient  sous  l'Empire.  La  donnée  de  cet  à- 
propos;, destiné  à  l'existenoe  d'un  soir,  est  des  plus 
faibles,  le  dialogue  en  est  sans  éclat,  mais  les  nom- 
breux couplets  qui  égaient  l'œuvre  méritent  une 
attention  particulière.  Je  donnerai  les  plus  remar- 
quables, indiquant  de  la  pièce  ce  qu'il  est  bon  de 
savoir  pour  l'intelligence  des  citations. 

La  scène  est  ouverte  par  Roger,  jardinier  faisant 
auprès  des  acteurs  bourgeois,  office  de  garçon  d, 
théâtre.  Tout  en  mouchant  les  chandelles,  enportane 
les  billets,  en  baissant  la  toile,  Roger  observe,  et 
non  sans  profit,  si  l'on  en  croit  ce  tableau  qu'il  peint 
du  contraste  des  coulisses  avec  la  rampe  : 


Un  amant 

Exprimant 

Son  martyre, 
Rc  dit  tout  près  d'expirer, 
Kt,  s'il  vous  fait  pleurer. 
Au  foyer  s'en  va  rire, 

Telle  aussi, 

Fait  ici 

L'inhumaine, 
Qui,  pour  s'en  laisser  conter, 
A  hà!e  de  quitter 

La  scène. 

Deux  amanis  pris  de  tendresse 
S'unissent-ils  dans  la  pièce. 

Ce  nœud  vain 

Do  l'hvmen 

Fait  l'office, 
Car,  en  vrais  époux  déjà. 
Ils  disputent  dans  la 

Coulisse. 


Par  divers 

Des  travers 

Que  l'on  fronde, 
Je  vois  qu'un  spectacle  ainsi, 
Nous  peint  en  raccourci 

Le  monde. 


LA  CHANSON 


29 


Avec  le  jardinier,  discourt  le  coiffeur  Quézin,  va- 
niteux, bavard,  et  surtout  grand  ami  du  vin:  — 
«  On  me  donne  pourboire,  dit-il,  je  me  fais  un  de- 
voir de  remplir  l'intention  du  fondateur,  etje  bois  u. 
Il  apprécie  pourtant  les  mérites  de  l'eau,  qu'il  énu- 
mère  dans  ce  couplet  : 

Papa  Noô,  dans  sor;  baleau, 
Fut  Iransporlé  jadis  par  l'eau. 
Jusqu'où  croissaient  les  treilles. 
(;hacun  ehei-ehe  ses  intéréis, 
Or,  sans  l'eau,  point  de  cabarets, 
Car  elle  y  t'ait  merveilles; 
Avec  de  l'eau,  je  rase,  enfin, 
0tC2  l'eau,  je  re.sie  sans  vin, 
Et  l'eau,  l'eau,  l'eau. 
Fait  joindre  un  tonneau 
Et  rince  les  bouteilles. 

La  maîtresse  du  logis  interrompt  cet  entretien. 
Philaminte  est  peu  satisfaite.  Directrice  delà  troupe 
des  Amis  deMolinrc,  et  passionnée  pour  l'art  drama- 
tique, elle  voudrait  jouer  sans  cesse,  et  ses  acteurs 
désirent,  pendant  les  beaux  jours,  suspendre  leurs 
représentations:  —  «  Ils  se  trompent  en  croyant 
manquerde  spectateurs  »,  dit  Philaminte: 

Les  habilanls  de  celle  ville 
Uédaigncnl  l'aspect  du  pi'intemps. 
Ils  craignent  un  séjour  tranquille. 
Peuvent-ils  s'amuser  aux  champs? 
Leur  cœur,  blasé  par  l'imposture. 
Préforera  toujours,  je  crois, 
'     Au  spectacle  de  la  nature, 
Un  spectacle  même  bourgeois. 

Les  amis  dont  on  se  plaint  arrivent  précisément 

pour  reprendre   la   disiuite  ;  on  se  querelle,    des 

mots    piquants    sont    dits,  et    Philaminte"    s'en 
irrite  : 

De  vos  procédés  insolents 
Un  joui'  je  tirerai  vengeance. 
Mes  moyens  pourront  être  lents 
Etje  les  couvre  du  silence. 
L'amilié  ne  peut  obliger 
Sur  rien  noli'osexeau  mystère. 
Mais  du  besoin  de  se  venger 
Ui";e  femme  apprend  à  se  laire. 

Un  des  acteurs,  Orgon,  ramène  un  peu  de  calme 
en  exposant  la  bonne  idée  qu'il  aeuede  mettre  sur 
le  théâtre  un  buste  de  Molière.  —Soudain,  un  éclat 
de  rire  part  du  foyer;  c'est  Momus,  envoyé  par  Tha- 
lie  auprès  des  comédiens.  Il  a  fait  en  observateur  son 
voyage  de  l'Olympe  à  la  terre: 

En  courant,  j'ai  vu  de  là-haut 
Les  voyageurs  de  votre  sphère; 
J'ai  vu  par  excès  ou  défaut 
Bien  des  gens  perdus  sur  la  terre  ; 

Si,  pourse  délasser. 

J'ai  vu  des  gens  passer 

La  borne  qu'on  redoute. 
J'ai  vu  que,  pour  les  remplacer, 

D'autres  étaient  en  route. 

J'ai  vu  peu  d'esprits  s'élever; 
J'ai  vu  des  intrigants  descendre; 


J'ai  vu  les  méchants  s'entraver 

Dans  les  chemins  qu'ils  voulaient  prendre  ; 

J'ai  vu  des  courtisans 

Ramper  dans  tous  les  sens, 

J'ai  vu,  quoi  qu'il  en  coûte. 

Vers  le  bien  marcher  quelques  gens. 

Mais  tout  restaient  en  route. 

Momus  approuve  le  projet  des  acteurs  de 
fermer  leur  théâtre  pour  jouir  des  agréments  de  la 
saison  : 

L'âme  tranquille  et  pure. 

Au  hameau  guidez  les  jeux; 

Plus  près  de  la  nature. 

Vous  en  serez  plus  joyeux. 
Pour  leur  gaîté  sans  pai'eille. 
Si  l'on  vante  vos  parents. 
C'est  qu'ils  buvaient  sous  la  Ireille, 
Et  suivaient  l'amour  aux  champs. 

Mais  il  exige  d'eux  le  compte-rendu  de  leurs 
travaux;  on  lui  nomme  quantité  de  pièces  modernes. 
Et  de  Molière'?  Pas  une  œuvre.  Momus  s'indigne. 
Pourquoi  dédaigner  ce  génie? 

Dans  chaque  leçon  qu'il  donne 
Il  sourit  pour  entraîner. 
Même  quand  il  déraisonne 
Il  nous  force  à  raisonner; 
C'est,  dans  plus  d'une  saillie. 
Un  sage  au  sein  des  buveurs. 
Barbouillant  ses  traits  délie 
Pour  mieux  eoi'riger  leurs  mœurs. 

De  quel  droit  alors  prendre  le  nom  ù'Amis  de 
Molière  '?  Après  une  violente  apostrophe,  Momus 
voile  le  buste  du  grand  écrivain,  défend  aux  acteurs 
de  le  découvrir,  et  sort  en  menaçant  de  livrer  les 
coupables  aux  fureurs  du  di;ame.  Défenses  de  dieux 
sont  faites  pour  être  méprisées;  une  actrice  auda- 
cieuse arrache  le  voile  malencontreux  :  Momus  pa- 
rait sous  les  traits  de  Molière,  il  vient,  dit-il,  punir 
le  mépris  fait  de  ses  œuvres  : 

Toujours  j'ai  défendu  le  goût. 
Do  l'art,  j'ai  posé  les  limites 
La  raison  réprouvait  en  tout 
Les  erreurs  qu'enfin  j'ai  proscrites  ; 
En  badinant  j'aicombaitu 
Le  faux  savoir  et  le  caprice. 
J'ai  fait  sourire  la  vertu, 
Etn'ai  fait  pleurer  que  le  vice. 

J'atteignis,  pour  servir  les  lois. 

Où  les  lois  ne  peuvent  atteindre. 

Et  tel  qui  fit  taire  leur  voix 

Eut  sans  cesse  la  mienne  à  craindre  ; 

Près  de  l'innocent  abattu. 

Mon  cœur  démasqua  l'artifice. 

Et  pour  consoler  la  vertu 

J'ai  fait  la  peinture  du  vice. 

Cependant,  il  veut  aider  les  acteurs  à  désarmer 
Momus  ;  il  leur  conseille  d'opérer  avec  Tartufe  la 
clôture  annoncée.  Certains  mots  plaisants  de  l'al- 
locution ont  décelé  le  dieu  badin  qui  se  fait  enfin 
reconnaître  et  pardonne  aux  comédiens  en  ces  ter- 
mes: 

Sachez  que  le  plus  gai  des  dieux 
Punit  moins  qu'il  ne  fronde, 


30 


LA  CHANSON 


Et  que  jamais  sur  cœur  joyeux 

La  haine  ne  se  fonde  ; 
Vous  me  narguiez,  mais,  entre  nous, 
Loin  d'en  i-essentir  du  courroux, 
De  moi  riez,  je  ris  de  vous, 

Car  ainsi  va  le  monde. 

La  paix  signée,  sur  l'engagement  pris  de  donner 
Tartufe  à  la  place  des  trois  pièces  attendues,  le 
vaudeville  final  retentit  : 

Trois  mois  quitter  nos  spectateurs 

A  chacun  cela  coiite. 
Mais,  sans  que  nous  soyons  meilleurs. 

On  reviendra  sans  doute: 
Dans  nos  acteurs  offrant  aux  ris 

Leur  faiblesse  avouée, 
On  se  voit  plus  que  des  amis 

Quand  la  farce  est  jouée. 


L'homme,  sur  la  scène  du  temps, 

N'est  qu'une  marionnette, 
Cinq  fils,  qu'on  appelle  des  sons, 

Font  agir  la  follette: 
Cette  machine,  par  le  sort. 

De  quoique  attrait  douée. 
S'éveille  et  rit,  bâille  et  s'endort. 

Et  la  farce  est  jouée! 

Si  le  cadre  choisi  par  Béranger  n'a  pas  grande 
valeur  littéraire,  il  eût  été  fâcheux,  on  en  conviendra, 
de  n'en  pas  détacher  les  couplets  qu'on  vientde  lire. 
Le  maître  s'y  devine  sous  les  timidités  du  débu- 
tant. 


La  Vieille  Femme  et  le  Jeûna  Mari 

Le  second  manuscrit  de  Béranger  porte  cette  note 
piquante,  de  la  main  de  l'auteur  :  «  Pièce  refusée 
comme  étant  immorale,  ce  qui  est  très-édifiant  de  la 
part  de  MM.  les  Comédiens.  »  En  dépit  des  assertions 
de  l'autobiographie,  il  y  avait  donc  eu  présentation 
et  lecture?  —  Oui,  et  Béranger  précise  le  détail  par 
cette  ligne  spéciale:  «  Lue  en  assemblée  générale,  le 
mercredi 36  juillet  1810.  »  De  cette  œuvre,  destinée 
à  rOpéra-Gomique,je  vois  peu  de  choses  à  dire.  Non 
que  le  jugement  des  acteurs-chanteurs  soit  motivé  — 
la  pièce  est  gaie  sans  licence,  —  mais  il  est  bien 
difficile  défaire  apprécierun  opéra-coraïque  par  une 
analyse,  et  de  citer  des  couplets  qui,  détachés  du 
dialogue,  n'offrent  aucun  sens  et  s'adaptent  à  des 
airs  inconnus.  La  Vieille  Femme  et  le  Jeune  Mari  mé- 
ritait  évidemment  les  honneurs  delà  scène,  et  nul 
doute  qu'à  un  moment  donné  cet  ouvrage  original 
deviendra  l'objet  d'une  publication  favorablement 
accueillie.  On  aura  d'ailleurs  de  l'intrigue,  amusante 
et  bien  conduite,  l'idée  la  plus  exacte  en  lisant  un 
vaudeville  de  M.  Rochefort,  Scipion,  joué  en  1836, 
aux  Variétés,  par  Frédérick-Lemaitre.  Je  signale, 
sansm'arrêter,  cette  rencontre  singulière,  et  j'aborde 
la  troisième  et  la  plus  remarquable  des  pièces  incon- 
nues de  Béranger. 


E<e  Paresseux 

C'est  une  comédie  en  vers,  écrite  avec  les  recher- 
ches de  style  avouées  plus  haut  par  l'auteur,  et  qui 
mérite  une  attention  particulière. 

La  scène  se  passe  à  Paris,  sous  l'Empire.  Cléon, 
homme  de  plaisir,  prétend  faire  épousersa  fille  Elise 
à  Dorante,  son  ami,  domicilié  dans  la  même  mai- 
son. Klise  préférerait  cependant  le  chevalier  Valère, 
et  Dorante  a  pris  jadis,  avec  une  comtesse  sa  cou- 
sine, des  engagements  gênants  pour  ses  projets.  On 
est  arrivé  pourtant  sans  incident  au  jour  du  mariage, 
quand  la  pièce  commence  par  ce  récit  du  valet  Pro- 
vençal: 


Que  de  peines,  bon  Dieu,  pour  nos  apprêts  de  noces  l  i 

Lettres,  bijoux,  musique,  habits,  festins,  caresses, 

A  tout  il  faut  penser,  courir  je  ne  sais  où. 

Sortir  la  bourse  pleine  cl  rentrer  sansun  sou. 

De  son  côté,  mon  maître  aura  fait  ses  affaires  ; 

Pour  voir  curé,  témoins,  magistrats  et  notaires, 

Recueillir  de  l'argent,  pénétrer  à  la  cour. 

Il  m'a  fait  l'éveiller  dès  la  pointe  du  jour  : 

Il  n'a  depuis    dix  ans  fait  une  œuvre  pareille  ! 

Bien  lui  prend  que  l'amour  l'ait  tiré  par  l'oreille. 

Et  moi,  s'entend  ;  car,  seul,  l'amour  en  vain,  je  crois„ 

Pour  l'arracher  du  lit  l'eût  éveillé  dix  fois  : 

Ce  bon  M.  Dorante  a  tant,  tant  de  paresse  ! 

Mois  que  pense  de  nous  la  jalouse  Comtesse, 

Cette  belle  cousine?  elle  doit  tout  savoir; 

Pour  nous  laisser  en  paix,  il  faut  qu'à  se  pourvoir 

Elle  travaille  aussi...  ma  foi,  ce  serait  sage:   ' 

Le  plaisir  de  changer  venge  bien  d'un  volage  !... 

La  comtesse  n'a  pas  pris  si  facilement  son  parti  ;; 
elle  ^e  prouve  en  venant  avec  colère  revendiquer  ses-  ^ 
droits.  Quelle  raison  peut  donc  porter  Dorante  à  la 
délaisserpour  une  provinciale  moins  belle,  moins  spi- 
rituelle et  moins  riche?  —  «  Vous  auriez  dû  trou.-j 
ver  »,  réplique  Provençal  : 


Grand  ami  du  beau-père,  ayant  même  demeure. 
Mon  maître  ici  peut  voir  sa  maîtresse  à  toute  heure,. 
Et  sans  se  déranger  ;  au  lieu  que,  du  Marais 
Jusqu'au  quartier  d'Anlin  où  logent  vos  attraits. 
C'est  par  jour  une  lieue,  eu   trois  ans  plus  de  mille..., 
Vous  avez  eu  longtemps  un  commun  domicile, 
Et  votre  époux  défunt,  qu'on  trouvait  un  pou  vieu.x. 
L'avait  logj  chez  vous,  malgré  les  envieux  ; 
Qu'alors  vous  viviez  bien! 


LA   COMTESSE 

Taisez-vous. 


in" 


PROVENÇAL 

J'imagim 

Qu'un  cousin  peut  loger  auprès  de  sa  cousine... 
Cependant,  sur  la  lin,  le  comte,  un  peu  jaloux, 
Nous  pria  poliment  de  sortir  de  chez  vous; 
La  mort  le  tourmentait...  il  avait  des  lubies  : 
Rien  n'affaiblit  l'esprit  comme  les  maladies!... 


Ces  souvenirs  ne  font  qu'irriter  davantage  la 
comtesse;  elle  a  entre  les  mains  un  moyen  excellent 
de  vengeance,  ruiner  le  traître  en  faisant  casser  un 
testament  discutable.  Elle  a  commencé  déjà  les  hos- 
tilités par  l'envoi  d'exploits  que  Dorante,  Provençal! 


LA  CHANSON 


31 


le  confefsse,  a  brûlés  sans  les  lire.  Son  maître,  pa- 
resseux avec  délices,  ne  lit  ni  n'écrit,  et  les  billets 
ardents,  que  la  comtesse  recevait  autrefois,  étaient 
du  style  et  de  la  main  du  bon  valet.  Ce  dernier  trait 
confond  l'abandonnée,  qui  se  retire  pour  stimuler 
les  gens  de  justice. 

La  perspective  de  la  ruine  effraie  Provençal;  après 
tout,  pourquoi  son  maitre  ne  s'en  tiendrait-il  pas  à 
la  comtesse,  faite  à  ses  habitudes  ?  Elle  vaut  d'ailleurs 
Elise.  Précisément,  celle-ci  parait  avec  son  père,  à 
qui  elle  persiste  à  dire  l'éloge  du  chevalier.  Cléon 
n'aime  pas  Valère,  dont  le  père  lui  a  fait  tort  jadis, 
et  dont  les  manières  réservées  s'accorderaient  peu 
avec  ses  goûts  de  plaisirs:  — Elise  est  d'humeur 
accommodante  ;  ce  qui  la  séduit  en  Valère,  c'est 
qu'il  est  homme  de 
naissance  ;  en  l'épou- 
sant, elle  pourrait 
aller  à  la  cour,  admi- 
rer des  diamants,  „de 
belles  toilettes  ,  'en 
porter  elle-même  : 
la  perspective  est  at- 
trayanle  pour  une 
fille  élevée  sévère- 
ment en  province  ! 
Dorante  ,  cependant, 
ne  lui  semble  pas 
désagréable  ;  aussi 
promet-elle  à  son 
père  d'oublier  le  che- 
valier,mais  en  échan- 
ge, l'ingénue  pré  - 
tend  exiger  de  son 
futur  parures  et  bi- 
joux, et  réaliser,  grâ- 
ce à  lui,  son  rêve, 
briller. 

Cléon  s'ébahit  do 
la  naïveté  de  sa  lille  ; 
mais  Provençal  qui, 
tout  en  préférant  la 
comtesse  ,  ménage 
Elise,  l'excuse.  Rien 
(le  oliis  naluiel,  chez 
une  jeune  beauté, (|ue 
l'envie  de  paraître. 

—  Vous  serez  sa- 
tisfaite, conclut  le  va- 
let mon  maitre  est 
allé  terminer  ses 
achats  : 

...  Le  jour  ne  faisait  que  tle  naîlre 
Qu'avec   grand  bruit  chez  lui  j'ouvre  poi-le  et  fenêtre: 
«  Monsieur?  Monsieur?  Monsieur?  ilfaut  vousmai'ier! 
Debout,  Monsieur,  debout!...  »  Je  me  lueà  crier: 
«  Monsieur,  vous  dormirez  après  le  mariage!...  » 
11  bâille,  ouvre  les  yeux,  se  frotte  le  visage, 
El  dit  :  «  Quelle  heure  est-il  ?  »  —  Sept  heures  elle  quart 
(Il  était    moins)  —  «  Maraud,  tu  m'éveilles  trop  tard  » 
—  Ce  qu'il  n'a  jamais  dit!  —  et,  grâce  à  sa  tendresse. 
Le  voyant  en  bon  train  de  vaincre  la  paresse. 
Je  sors,  et  de  Paris  deux  fois  j'ai  fait  le  !our... 
Il  est  midi,  bientôt  il  sera  de  retour.  i> 

Illusion!  Dorante  paraît,  en  effet,  mais  en  robe  de 


chambre  et  bâillant.  Il  avait  bien  quitté  son  lit,mais, 
n'ayant  personne  pour  l'habiller,  il  s'est  tranquille- 
ment recouché.  Voilà  certes  un  beau  trait  de  paresse, 
et  Cléon  n'en  est  pas  plus  satisfait  qu'Elise.  Dorante 
excuse  son  défaut,  qui  n'est  pas  ce  qu'on  croit.  N'a- 
t-ilpas  fait  la  guerre  et  ne  s'est-il  pas  distingué? 

Si  je  n'eusse  reçu  deux  blessures  fort  graves, 

On  me  verrait  enoor  combattre  avec  nos  braves  ; 

Mais,  quitte  envers  l'Elal,  en  paix  avec  l'honneur, 

Je  suis  le  doux  penchant  qui  me  mène  au  bonheur. 

Ennemi  des  emplois  dont  le  faix  importune, 

Je  ne  voudj-ais  pas  faire  un  pas  vers  la  t'orlunc; 

Je  dédaigne  les  bii'.ns  qui  font  lant  de  jaloux. 

Et,  malgré  les  brocards  dont  vous  m'accablez  tous, 

Ce  qu'on  nomme  paresse  est  ma  philosophie  ! 


Est-il  paresseux, 
d'ailleurs  ?  N'est-ce 
pas  à  la  nonchalance 
de  Pi'ovençal  qu'il 
faut  attribuer  tous 
les  relards  dont  on 
se  plaint?  Cléon,  qui 
le  raille,  s'est-il  fait 
éveiller  aussi  matin 
que  lui  ? 

—  J'étais  levé  plus 
toi,  riposte  le  bon- 
homme. Il  apprécie 
à  leur  valeur  les  jus- 
tilicalions  de  Do- 
rante, et  lui  conseiller 
amicalement  plus 
d'attentions  pour  sa 
lianccc.  Elise  est  jeu- 
ne. Dorante  ne  l'est 
plus  guère  ;  or,  quand 
l'âge  mûr  a  sonné, 
c'est  par  les  polils 
soins  qu'il  faut  inté- 
resser les  belles.  Un 
époux  paresseux  a 
contre  lui  de  mau- 
vaises chances.  De 
plus  Elise ,  comme 
son  père,  avoue  pour 
les  distractions  mon- 
daines un  penchant 
que  Cléon,  très-in- 
dulgent .  définit  et 
motive  de  la  manière 
suivante  : 


A  toute  heure,  en  tout  lieu,  le  plaisir  me  captive, 
Je  voudrais  fuir  toujours  le  sommeil  (|ui  m'en  prive  ; 
A.  table  bon  convive  et  bon  convive  ailleurs 
Pour  vivre  avec  les  fous,  j'ai  choisi  les  meilleurs, 
La  folie  est  fort  bonne  et  sagement  j'en  use, 
J'ai  même  mauvais  Ion  lorsque  cola  m'amuse; 
Plus  d'une  belle  encor  ne  me  eroil  que  trente  ans, 
C'est  vivre  au  moins  cela!  Je  fais  deux  fois  mon  temps, 
Toi,  tu  ne  vivras  pas  ! 


Cependant  il  admet  que,  pour  faire  contre-poids  à 
un  père  peu  sage,  il  doit  choisir  un  époux  raisonna- 
ble pour  sa  lilie.  Dorante  est  biea  son  affaire  ;  il  le 


32 


LA  CHANSON 


comprend  à  merveille  et  lui  demande  déjà  de  com- 
mencer son  rôle  de  réparateur.  Il  n'a  pas  l'argent 
de  billets  échus  et  se  trouve  ainsi  sous  le  coup  d'une 
saisie  ;  de  plus  l'Etat  a  mis,  par  erreur,  tous  ses 
biens  en  séquestre  ;  or,  Dorante  est  riche  et  connaît 
le  ministre  ;  mais  il  l'aut  agir  sans  délai,  les  deux 
choses  devant  être  terminées  le  jour  même.  Quoique 
bon  ami,  Dorante,  demeuré  seul,  frémit  à  la  pensée 
des  démarches  à  iaire  : 

...  Hélas!  la  Comtesse,  autrefois, 
Des  affaires  pour  moi  supportait  tout  le  poids  ; 
De  mes  ljoûIs,  sur  ce  point,  elle  avait  fait  l'élude  ; 
Rien  ne  m'excuserait  dans  mon  i.Ti^ralilude, 
SI  son  cruel  penchant  si  voyager  toujours 
N'eût   en  route,  à    la   fin,  fait  verser  nos  amours. 
Je  hais  tant  voyager!...  puis,  les  charmes  d'Elise... 
Il  se  peut  que  pourtant  je  fasse  une  sottise!. . . 

Il  faut  s'habiller  toutefois,  mais  Provençal  s'oc- 
cupe à  diriger  une  armée  d'ouvriers  et  demarchands 
dont  le  maitre,  assis,  regarde  les  allées  et  venues  : 

J'aime  à  considérer  Ions  ces  hommes  actifs 
Eux  seuls  de  chaque  empire  entretieniienl  la  vie  ; 
De  m'agiter  comme  eux.  j'ai  quelquefois  l'envie... 
Provençal  ? 

PROVENÇAL,  derribreje  lliciilve. 
Oui,  Monsieur. 

DORANTE 

Provençal? 

PROVENÇAL 

Un  moment. 
(Entrant).  Que  voulez-vous.  Monsieur? 

DORANTE 

Donne-moi  ce  roman. 

PROVENÇAL 

M'appeler  pour  cela  lorsque  je  suis  en  nage  ! 

La  sortie  de  Dorante  est  encore  empêchée.  M.  La 
Griffardière,  son  avoué,  vient  lui  apprendre  que, 
sur  requête  de  la  comtesse,  le  tribunal,  jugeant  par 
défaut,  lui  reprend  sa  fortune.  Dorante  tombe  des 
nues;  un  procès?  il  n'en  a  jamais  entendu  parler. 
Provençal  rappelle  à  propos  les  paperasses  brûlées 
sans  lecture  ;  Dorante  se  désole  ;  La  Griffardière 
est,  heureusement,  homme  actif;  il  veut  interjeter 
appel,  et,  pour  consulter  les  pièces  de  la  procédure, 
oblige  Dorante  à  s'enfermer  avec  lui. 

Valère  profite  de  ce  moment  pour  pénétrer  près 
d'Elise  et  jouer  avec  elle  une  scène  de  bouderie.  Il 
a  trouvé,  pour  écarter  Dorante,  un  moyen  excellent, 
un  duel.  Cela  semble  méchant  à  l'ingénue  ;  ne  pour- 
rait-on l'épouser  sans  tuer  le  rival?  Valère  n'aban- 
donne pas  son  idée,  et  Dorante  ne  reparait  que  pour 
être  tiraillé,  d'un  coté  par  le  chevalier  qui  le  provo- 
que, et,  de  l'autre,  par  un  huissier,  chargé  de  saisir 
chez  Cléon.  Il  se  débarrasse  de  l'homme  de  proie 
en  le  faisant  e.xpulser  par  Provençal,  et  de  Valère 
en  acceptant  son  cartel  ;  mais  il  a  plus  de  peine  à 
renvoyer  la  comtesse,  qui  parait  pour  faire  sur  son 
cœur  une  dernière  tentative.  Elle  s'y  prend  adroite- 
ment, la  belle,  en  disant  à  son  paresseux  amant  : 

11  faut  que  l'on  vous  aide  à  vivre, 
Des  moindres  embarras  qu'une  main  vous  délivre. 
Qu'on  éloigne  de  vous  le  fourbe  et  le  méchant 
Qui  voudraient,  par  des  soins,  caresser  le  penchant 
Dont  le  premier  venu  peut  vous  rendre  victime  ; 
Sans  tout  sacrifiera  l'amour,  à  l'estime. 
Un  cœur  sur  vous  toujours  ne  peut  veiller  ainsi. 
Et  ce  coeur  bienveillant,  le  trouvez-vous  ici? 


Dorante 
Quittez,  quillez  ce  ton  ;  redevenez  railleuse, 
Injuste,  opiniâtre  et  même  impérieuse. 
Mais  ne  raisonnez  pas  :  vous  raisonnez  trop  bien  ! 

La  comtesse  a  sa  solution  prête  :  un  petit  voyage 
qui  déliera  Dorante  de  ses  engagements  avec  Cléon, 
permeitraà  Valèred'épouser Elise  et  fera  delasorte 
quatre  heureux.  Un  voyage  !  Dorante  bondit  à  ce 
mot,  et  ne  veut  rien  entendre.  Autour  tle  lui,  cepen- 
dant, les  eimemis  s'accumulent.  La  Griffardière  le 
presse  d'examiner  des  papiers  importants,  l'huissier 
revient  avec  main-forte  et  veut  procéder  à  la  saisie, 
Valère  vient  s'enquérir  du  motif  qui  peut  empêcher 
son  rival  d'être  au  rendez-vous  accepté;  Cléon  de- 
mande le  résidtat  de  démarches  dont  il  a  chargé 
sou  futur  t;enrtre;  Elise,  tout  habillée,  s'enquiert  du 
mariai;e  ;  curé,  notaire,  magistrats,  furieux,  envoient 
des  émissaires  ;  enfin,  la  comtesse,  prévenue  par 
Provençal,  décidément  de  son  bord,  accourt  cher- 
cher la  réponse  à  sa  proposition.  Du  coup,  Dorante, 
anéanti,  tombe  dans  un  fauteuil.  Le' dénouement.— 
heureux  —  de  cet  imbroglio  se  devine.  Tandis 
c|ue  Doi'ante  ne  mettait  même  pas  son  habit, 
Valère  a  fait  en  faveur  de  Cléon  une  démarche  cou- 
ronnée de  succès  :  le  séquestre  mis  sur  ses  biens 
est  levé.  Ce  service,  et  la  réparation  du  tort  que  « 
Cléon  attribuait  au  père  du  chevalier,  fait  faire  à 
celui-ci  un  pas  décisif  :  Elise  sera  sa  femme.  Quant 
à  Dorante,  comprenant  enfin  ses  véritables  intérêts, 
il  dit  humblement  à  la  comtesse. 

Madame,  voulez-vous  me  rendre  un  grand  service? 

LA  COMTESSE 

Lequel  ? 

Dorante 
Epousez-moi.  Vous  avez  bien  dû  voir 
Que  du  remords  tantôt  j'éprouvais  le  pouvoir; 
Vous  l'avouer  alors  était  presque  impossible. 
Me  voici  libre  enfin,  que  votre  cœur  sensible 
M'accorde  le  pardon  que,  si  vous  me  fuyiez, 
J'irais  au  bout  du  monde  implorer  à  vos  pieds. 

Provençal 
Ne  fuyez  pas  si  loin,  il  resterait  en  route. 

Cléon 
A  ses  torts  envers  vous,  j'eus  quelque  part,  sans  doute, 
Permettez  qu'avec  lui  j'implore  son  pardon. 

la  comtesse 
Si  j'allais  vous  livrer  au  plus  triste  abandon  ? 
L'amour  devrait  ainsi  punir  vote  inconstance  ; 
Obligé    de  (rainer,  vous    seul,    votre  existence, 
Vous  pourriez  être  un  jour  un  objet  de  pitié  : 
L'amour  se  vengerait...  j'écoute  l'amitié. 

A  la  grande  joie  de  Cléon,les  deux  noces  arrêtées 
seront  l'occasion  de  festins  et  de  jeux  —  mais  le 
dernier  mot  appartient  à  Dorante,  fidèle  à  son  fâ- 
cheux penchant  : 

Fort  bien,  marions-nous,  mais,  avant  d'épouser. 
Des  fatigues  du  jour  allons  nous  reposer. 

Je  me  suis  abstenu,  dans  le  cours  de  cette  analyse, 
de  tout  jugement;  on  a  pu,  comme  moi,  goûter  des 
vers  alertes  et  s'amuser  de  situations  gaies;  je  dois 
ajouter  que  la  marche  des  scènes  esthabUe,  le  carac- 
tère principal  bienobservéet  constamment  soutenu, 
et  que  le  style  —  point  important  —  n'offre  de  né- 
gligence en  aucun  endroit.  Cette  comédie  est 
absolument  remarquable.  Après  la  mort  de  Béran- 
ger,  il  fut  question,  m'a-t-on  dit,  de  la  représenter 


LA  CHANSON 


33 


à  la  Comédie-Française.  Ce  serait  sa  vraie  place. 
Le  Paressc'uv,  distribué  delà  sorte  : 


Dorante 

Provençal 

Cléon 

Valère 

La  Griffardière 

L'Huissier 


MM. 


Delaunay 
Coquelin    aine 
Tliiron 
Boucher 
Coquelin  cadet 
Barré 


les  rôles  de  femmes,  peu  importants,  jouéspar  deu.\ 
actrices  intelligentes, /e  Pares.9e».v',  dis-je,  obtien- 
drait un  succès  littéraire  et  de  curiosité.  Madame 
Antier,  qui  possède  aujourd'hui  les  trois  manuscrits 
dont  je  viens  de  parler,  se  prêterait  sans  doute  avec 
joie  à  celte  tentative  louable,  doiit  sortirait  agrandie 
la  mémoire  du  poëte  célèbre  qui  fut  son  ami. 

Je  me  résume,  en  terminant.  Béranger  a  fait  du 
théâtre  lonc^neineni,  heureusement;  il  y  a  renoncé, 
non  parce  qu'il  se  sentait  incapable  de  rencontrer  des 
succès,  mais  parce  qu'il  lui  ri'^pngnait  de  s'engager 
dans  une  carrière,  productive  sans  doute,  mais  où 
luttent  sans  cesse,  avec  toutes  les  armes,  les  intérêts 
et  les  amours-propres.  11  eût,  sans  trop  d'efforts, 
écrit,  aussi  bien  que  d'autres,  de  légersvaudevilles, 
de  gracieux  opéras-comiques,  de  iines  comédies;  il 
a  préféré  augmenter  d'admirables  et  inimitables 
chansons  le  trésor  littéraire  de  la  France.  Ce  n'est 
pas  ici  ni  par  moi  qu'il  pourrait  en  être  blâmé. 
L.  He^ry  LECOMTE. 


BÉRANGER  INTIME 


SOUVENIRS  ET  IMPRESSION-^ 

Vous  me  demandez,  mon  cher  Palay,  do  vous 
écrire  Béranger  intime.  Ue  grand  cœur  !  je  suis 
resté  iidèle  au  souvenir  du  maiiro  de  la  (•liaiison. 

Geque  je  pensais  de  lui,  tout  jeunehomme,  quand 
j'avais  le  bonheur  de  le  fréquenter,  je  le  pense 
encore.  Ce  n'est  point  du  fétichisme,  c'est  de  l'ami- 
tié, de  la  reconnaissance  ;  c'est  surtout  de  la  raison. 

Déranger  était  un  homme  dans  la  vraie  acception 
de  ce  qualificatif:  il  en  avait  les  faiblesses  et  les  qua- 
lités, mais  surtout  cette  qualité  rare  et  qui  révèle  un 
grand  cœur:  le  désintéressement. 

En  vieillissant,  il  arrive  des  moments  où  toutes 
les  personnalités  qu'on  a  coudoyées  vous  apparais- 
sent, les  mortes  et  les  vivantes  ;  et,  se  prenant  à 
réfléchir  sur  les  actions  de  ce  monde,  qui  fait  ou  a 
fait  partie  de  soi-même,  on  trouve  des  indifférents 
en  gi'and  nombre,  des  poseurs,  des  gens  d'affaires, 
des  intéressés  cà  vous  connaître  et  (car  il  serait 
injuste  d'être  absolument  misanthrope),  un  petit  cer- 
cle d'amis  vrais,  c'est-à-dire  de  gens  prêts  à  faire 
pour  vous  ce  que  vous  feriez  pour  eux;  mais,  je  le 
répète,  le  type  le  plus  rare,  c'est  le  désintéressé. 

Celui-là  n'a  pas  besoin  d'être  votre  ami  ;  il  a,  vous 
n'avez  pas;  il  sent  qu'il  vous  doit.  Tef  était  Béran- 
ger. Il  a  dit  en  vers  : 

M'est-11  tombé  des  miettes  de  fortune. 
Tout  b.3s  je  dis  :  «  Ce  pain  ne  m'est  pas  dû  ; 
Quoi  artisan  pauvre,  hélas  !  quoiqu'il  fasse, 
N'a  plus  que  moi  droit  à  ce  peu  de  bien  »? 


En  prose,  il  appliquait  cette  manière  de  voir  qui 
était  bien  la  sienne.  Aussi  donnait-il  en  riant  sa  der- 
nière pièce  de  vingt  francs.  Voici  le  fait. 

Je  rencontre  un  jour  un  ami  dont  je  pourrais  citer 
le  nom  ;  «  Ça  ne  va  pas,  me  dit-il,  je  manque  de 
tout;  j'avais  l'intention  de  m'adresser  à  Béranger, 
mais  je  lui  dois  déjà  et...  ».  J'entendais  bien  que  ce 
préambule  voulait  dire:  «  Faites-moi  donc  l'amitié 
de  voir  Béranger  pour  moi  ».  Je  pris  les  devants  : 
«  Voulez-vou.s  que  je  sois  votre  interprète  auprès 
de  lui?  »  —  a.  Vous  me  rendriez  bien  service.  »  La 
chose  était  désagréable,  je  la  lis  desuite.  Arrivé  rue 
de  Vendôme,  Béranger  n'y  était  pas;  j'écrivis  et 
laissai  sur  sa  table  un  mot  au  crayon  dans  lequel 
j'exposais  brièvement  la  situation  de  notre  ami, 
presque  heureux  de  n'avoir  (ju'à  conlier  au  papier 
ce  qu'il  m'eût  été  bien  plus  gênant  de  dire  au  poëte 
de  vive  voix.  Le  soir,  je  revins.  Béranger  accourut 
au  devant  de  moi,  plein  d'affabilité;  «  Vous  arrivez 
bien,  me  dil-il;  voilà  le  petitpaquet  que  je  préparais 
pour  vous.  Ce  pauvre  X,  il  tombemal  ;  voyez!  »,  et 
il  me  montrait  la  souscription  du  petit  paquet:  Ci- 
Joint  vingt  francs  avec  le  regret  de  ne  pouvoir  faire 
plus  ».  Puis  son  œil  bleu  sourit,  et  il  ajouta: 
0  J'aurais  pu  mettre  ci-c/ii  au  lieu  de  ci-joint  ;  mais 
mon  plus  grand  regret  n'est  pas  là,  c'i.'st  de  ne  pou- 
voir mettre  deux  pièces  au  lieu  d'une  sous  ce  pli, 
car,  je  vous  leconfesse,  c'estma  dernière.  11  est  vrai 
que  je  dois  toucher  de  l'argent  demain  ;  ah  !  si 
Judith  savait  cela,  elle  croirait  que  nous  allons  man- 
quer de  pain  !  »  Et  il  riait  comme  un  vrai  gamin. 

Quand  il  donnait  des  conseils  littéraires,  Béranger 
causait  en  accentuant  les  mots  d'une  façon  très- 
sévère;  il  aimait  cela,  on  voyait  dans  son  regard 
et  on  entendait  dans  son  accent  qu'il  était  heureux, 
il  appuyait  ses  observations  de  citations,  souvent 
prises  dans  ses  œuvres,  il  agrémentait  son  discours 
d'anecdotes  pleines  d'intérêt,  et,  de  temps  en  temps, 
il  s'interrompait  pour  plonger  avec  Ijonheur  deux 
doigts  dans  sa  tabatière  en  métal  blanc,  puis  il  re- 
prenait sa  conversation  avec  plus  de  feu  comme  si 
le  tabac  lui  eût  donné  une  vigueur  nouvelle. 

»  N'allez  pas  trop  vite,  disait-il  aux  poëtes,  atten- 
dez l'inspiration.  Si  vous  êtes  bien  pénétré  de  votre 
sujet,  elle  viendra.  Attendez  !  Voir  son  nom  trop 
tôt  sur  un  ])etil  livre  bleu  ou  jaune  est  un  bonheur 
d'enfant  dont  on  se  repent  bien  souvent.  Cherchez 
de  bons  cadres  pour  vos  clumsons;  les  banalités  ne 
servent  à  personne,  sinon  aux  imbéciles,  et  nous 
n'avons  pas  à  compter  avec  eux.  » 

Un  jour,  dans  son  petit  jardin  de  Pas.sy,  il  nous 
conta  ce  détail  plein  d'enseignement  : 

«  Quand  je  demeurais  avec  Manuel  dans  la  rue 
des  Mariyrs,  il  me  disait  souvent;  «  Faites  donc  une 
chanson  contre  les  impôts,  c'est  de  grande  utilité  » 
—  «  Oui,  lui-disais-je,  je  la  ferai ,  et,  ajoutait  Bé- 
ranger, j'aurais  pu  la  faire  de  suite  et  dire:  le  peu- 
ple est  accablé  d'impôts,  qui  nous  délivrera  des 
impôts?  etc.  —  Mais  cela  ne  répondait  pas  à  ma 
pensée,  je  voulais  trouver  un  cadre,  une  action,  et 
ce  n'est  que  longtemps  après  la  mort  de  Manuel  que 
je  m'éveillai  un  matin  avecce  refrain  sur  les  lèvres  : 

Lève-toi,  Jacques,  lève-toi. 
Voici  venir  l'huissier  du  roi!  » 

Béranger, qui  se  donnait  souvent  comme  un  ermite, 
connaissait  au  contraire  et  fréquentait  tout  le  monde, 


34 


LA  CHANSON 


c'esl-à-dire  tout  le  monde  intelligent  :  des  peintres, 
des  sculpteurs,  des  hommes  politiques  de  diverses 
couleurs,  voire  même  des  savants;  il  raisonnait  sur 
tout,  art,  économie,  politique,  industrie  au  besoin; 
et  ceux  qui,  en  l'écoutant  causer,  ne  l'auraient  pas 
connu,  l'eussent  toujours  pris  pour  un  spécialiste 
dans  la  question  qu'il  traitait.  L'épigramme  ne  man- 
quait pas  dans  sa  conversation  ;  souvent  il  caracté- 
risait d'un  mot,quelquefoisun  peu  pointu,  teloutelle, 
mais  le  trait  était  toujours  accompagné  d'un  sou- 
rire fin  qui  disait  clairement  que  l'esprit  seul  et  non 
l'esprit  de  dénigrement  l'inspirait.  On  a  chacun  ses 
petits  défauts. 

Béranger  aimait  la  jeunesse,  la  verdeur,  la  gaité. 
«  Les  gens  tristes  sont  bêtes  s,  disait-il.  J'ai  dans 
la  mémoire  une  chanson  de  1855,  plus  photographi- 
((ue  que  poétique,  qui  retrace  fidèlement  le  portrait 
de  Béranger  à  cette  époque  : 

Son  gi-aml  feutre  gris  sur  la  tote, 

El  son  cep  de  vigne  à  la  main, 

Sans  que  pluie  ou  soleil  l'arrèle 

On  le  voit  toujours  on  chemin. 

En  marchani,  parfois  il  compose 

Les  i-imes  d'un  couplet  nouveau; 

Et  chaque  rue  où  son  pied  pose 

Faii  poùle  dix  coups  de  chapeau. 

La  gaîlé  préside  sans  cesse, 

A  ses  récits,  à  ses  discours, 

ElFamilié  de  la  jeunesse 

Est  le  bonheur  de  ses  vieux  jours! 

Oui  chaque  rue  coûtait  ài\  coups  de  chapeau  à 
Béranger;  sa  tèle  était  très-connue  dans  Paris. 
Ayant  conservé  l'habitude  do  s'habillvr  à  soixante 
ans  comme  à  quarante,  bien  ues  gens  quincl'avaient 
vu  i|u'en  graviu'e  le  reconnaissaient. 

Il  existe  i|uelque  ]inrt  un  [lortrait  de  Béranger  vu 
dndof^,  ilcssiné  par  Mailly,  qui  est  saisissant  de  res- 
semblance. 11  l'ut  Ihiton  1856,  alor^i  que  Mailly,  tout 
jeune,  iléjH'iisnil  dans  ses  dessins  luie  verve  bril- 
lante ((ne  sccnndail  admirablement  son  merveilleux 
coup  de  crayon.  Le  poêle  a  les  mains  derrière  le  dos, 
et  tient  sa  miguonnetle  canne  cep  de  vigne  de  la 
main  droite,  elle  remue  entre  deux  doigts,  la  pensée 
voit  le  mouvemenl.Les  cheveux  rares  mais  longs  et 
bien  blancs  tombent  onduleusement  sur  le  col  de 
chemise  1815  que  toute  la  France  connaît  au  poëte, 
et  le  feutre  gris  à  larges  bords  est  pjsé  négligem- 
ment, un  peu  relevé,  sur  le  devant  de  la  tète  ;  le  pa- 
letot-sac tombe  droit,  et  ne  rappelle  en  rien  les  dra- 
peries de  Rigaud;  en  somme,  ce  dessin  réaliste  est 
une  œuvre  charmante  et  utile  au  point  de  vue  his- 
torique. Mailly  l'a  l'ait  de  visu;  il  attendait  des 
heures  durant,  posté  au  coin  do  la  rue  de  Vendôme, 
que  Béranger  franchit  le  seuil  du  n"  5,  et  le  suivait 
d'un  œil  observateiu',  s'arrêtant  chaque  vingt  pas, 
pour  donner  quelques  coups  de  crayon.  0  enthousias- 
me! ô jeunesse  ! 

Béranger  était  en  relation  avec  tous  lespoëtes  de 
Paris  et  de  la  province  ;  il  les  fréquentait  ou  corres- 
pondait avec  eux.  Les  poètes  de  la  mansarde  étaient 
surtout  ses  amis;  il  avait  pour  eux  un  amour  parti- 
culier; jamais  il  ne  manquait  de  répondre  aux  envois 
despoëtes-ouvriers,  il  comprenait  combien  ces  rap- 
sodes modernes  avaient  besoin  d'être  soutenus  dans 
la  tâche  ingrate  et  difficile  d'instruire  ou  d'amuser 
leurs  fi'ères  en  travail  ;il  souscrivait  à  leurs  livres, 
allait  les  voir  et  les  invitait  à  sa  table:  «  Mais  ne  dé- 
sertez pas  l'atelier,  leur  disait-il  toujours,  c'est  une 


bonnetrib'ine,et  votre  outil  c'est  pour  vous  le  brevet 
d'indépendance  ». 

Parmi  les  chansons  publiées  après  la  mort  de  Bé- 
ranger il  y  en  a  une  intitulée  La  Fée  aux  rimes,  œu- 
vre pleine  de  grands  sentiments  et  de  larges  pen- 
sées, écrite  par  le  grand  poëte  pour  la  glorillcation 
des  petits;  elle  porte  en  sous-titre  :  aux  poêles  ou- 
vriers. 

Un  jour  j'arrivai  chez  Béranger  comme  il  lisait 
cette  chanson  à  madame  Louise  Golet:  —  «  Je  vais 
recommencer  pour  vous,  me  dit-il,  cela  vous  con- 
cerne un  peu  s  Je  fus  émerveillé  et  du  sujet  et  de  la 
forme,  je  témoignai  au  poëte  toute  mon  admiration, 
ainsi  que  madame  Golet.  Je  comptai  les  couplets,  il 
y  en  avait  six.  Comment  se  fait-il  que  cinq  seule- 
ment sont  imprimés?  —  Voici  pourquoi:  le  couplet 
qui  manque  finissait  par  ces  deux  vers  : 

Tuer  les  rois,  n'est-ce  pas  les  sacrer  ? 
C'est  oublier  comme  on  les  chasse! 

Or,  c'est  en  plein  empire  qu'eut  lieu  la  publica- 
tion des  Œuvres  postiiunies,  et  l'on  ne  voulut  pas 
mettre  à  jour  un  couplet  aussi  subversif,  dans  la 
crainte  de  déplaire  à  César,  ce  bon  César  qui,  sous 
prétexte  d'honorer  le  poëte  national,  l'avait  fait  en- 
terrer aux  frais  de  l'Etat,  dix-huit  heures  après  sa 
mort,  fait  inouï  de  politique  peureuse  et  jésuitique. 

Et  cette  autre  chanson  :  Les  Bourreaux  et  les  Rois, 
est-elle  perdue  aussi?  pourquoi  ne  pas  donner  au 
public  juge  l'œuvre  complète  de  Béranger  ?  Com- 
ment !  encore  la  censure  !  celle  de  ses  ennemis  de 
son  vivant,  et  celle  de  sesamis  après  sa  mort?  Sou- 
venez-vous donc,  châtreurs  intéressés  que  votre 
victime  avaité.crit  :  Ahque  Dieunous  délivre  au  moins 
du  censeur  ! 

Notre  raison,  six  mille  ans  endormie, 
Enfin  s'éveille  après  un  long  effort; 
Déjà  chez  nous  on  parle  économie, 
Et  du  vieux  code  on  veut  rayer  la  mort, 
Plus  ménager  d'or  et  de  sang,  je  pense, 
Noire  avenir  aura  de  sages  lois, 
Et,  comme  objets  d'inutile  dépense,. 
Supprimera  les  Bourreaux  et  les  Rois, 

Il  est  cependant  bien  de  Béranger,  ce  couplet,  et, 
puisque  vous  avez  bien  voulu  nous  montrer  le  Bé- 
ranger fadasse  rimant  sans  inspiration,  après  1830, 
des  vers  bonapartistes,  ils  ne  fallait  pas  craindre  de 
nous  montrer  aussi  le  poëte  dans  ces  grands  mo- 
ments où,  inspiré  par  les  sentiments  généreux  qui 
ont  présidé  à  sa  longue  carrière, il  écrivait  ses  beaux 
vers  humanitaires   et  républicains. 

Celte  phrase  me  remet  en  mémoire  un  mot  de 
Béranger  concernant  un  poëte  à  qui  il  achetait  cer- 
tainement ses  œuvres  par  humanité  ;  ilavait  amassé 
trente  exemplaires  des  poésies  de  ce  pauvre  E.  E.  en 
les  achetant  par  deux  ou  quatre  exemplaires.  Un 
jour,  voyant  ce  petit  régimentde  bleus  in-12  :  Vous 
en  vendez  donc?  s  lui  dis-je.  —  a  Non,  me  répon- 
dit-il, mais  vous  voyez,  j'en  achète.  » 

Voilrà,  mon  cher  Patay,  tout  ce  que  je  puis  vous 
dire  concernant  Béranger  intime.  —  Si  j'avais  eu  à 
parler  de  Béranger  CIjansonuier,  yaMi'aiis  faittoutle 
possible  pour  bien  retracer  l'état  des  idées  politiques 
de  1815  à  1830,  afin  d'atténuer,  au  nom  de  la  cons- 
cience qui  a  présidé  à  leur  éclosion,  les  regrettables 
idées  d'un  certain  nombre  de  chansons  nées  pendant 
cette  période,  où  l'on  oublia  si  vite  ce  que  quelques 


LA  CHANSON 


35 


années  de  gloire  avaient  coûté  à  la  France  de  mal- 
heurs et  de  désastres. 

Pauvres  mères,  quand  vous  parlez  de  gloire,  pen- 
sez donc  à  vos  fils,  et  vous,  fils,  souvenez-vous  que 
les  lauriers  de  la  gloire  ne  poussent  qu'arrosés 
des  larmes  de  vos  mères  ! 

Eugène  BAILLET. 


Cinquante  pièces  à  la  louange  de  Béranger  nous 
sont  parvenues  ;  mais  la  place  appartenait  d'abord 
aux  importantes  études  qu'on  vient  de  lire.  Le  co- 
mité littéraire  de  la  Chanson  a  dû  décider  de  ne 
publier  que  les  deux  courtes  productions  suivantes, 
résumant  l'hommage  de  la  chanson  virile  et  de  la 
jeune  poésie  à  l'immortel  écrivain. 


BÉRANGER 


Couplet  d'une  des  chansons  de  réception  de  J' auteur  au  Caveau 
A  Béranger,  grand  philosophe, 
Grand  cliansonnicr,  grand  citoyen, 
En  lui  de  tout  ayant  l'étoffe, 
Il  sut  sagement  n'être  rien. 
Il  eut  la  suprême  des  choses  : 
Le  bonheur  dans  la  liberté, 
Et  c'est  endormi  sur  des  roses. 
Qu'il  passe  à  l'immortaUté. 

Charles  VINCENT, 

Président  du  Caveau. 


A  BÉRANGER 

Comme  tout  est  marqué  d'une  étrange  vieillesse, 
0  Béranger,  depuis  l'heure  où  tu  t'en  allas! 
Nulle  part  on  n'entend  le  rire  aux  frais  éclats. 
Et  la  gaîlé  se  meurt  au  bras  d'une  di  ôlesse. 

L'amour  a  rejeté  son  sceptre  de  lilas  ; 
Romainville  n'csl  plus  ;  Meudon,  on  le  délaisse  ; 
Le  bonnet  a  perdu  ses  titres  de  noblesse 
Et  Lise  a  tout  donné  pour  quelques  falbalas  ; 

Pourtant  on  aime  encor,  ô  poëte,  à  relire 

Les  vers  doux  et  charmants  que  murmura  ta  lyre 

Et  de  tes  gais  refrains  méditer  les  leçons. 

Car,  dans  ce  grand  'Paris,  dont  tu  oofttas  l'histoire, 
Dont  tu  dis  les  plaisirs,  dont  tu  chantas  la  gloire, 
Tout  a  vieilli,  mon  maître,  excepté  tes  chansons. 

Octave  LEBESGUE. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRÂIHE  DU  CAVEAU 


BANQUET  BU  7  JUIN  1878 

Notre  compte-rendu  sera  aujourd'hui  forcément 
écourté.  La  parole  est  à  Béranger  et  à  ses  panégy- 
ristes. Le  Caveau  me  pardonnera  donc  de  lui  ména- 
ger les  lignes.  A  tout  seigneur  tout  honneur. 

En  vertu  du  même  proverbe,  je  commence  par 
Clairville.  Faire  et  défaire,  sur  ces  deux  mots,  notre 
piquant  vaudevilliste  a  brodé  un  bon  nombre  de 
couplets  humoristiques.  On  aurait  dit  autrefois  ba- 
dins, et  même  grivois.  Le  refrain  :  c'est  bien  travail- 
ler, c'est  mal  travailler,  arrive  à  produire  des 
efiets  du  plus  haut  co:nique. 

En  fait  de  proverbes,  Lagarde  est  connaisseur:  il 
en  a  publié  tout  un  recueil.  Il  nous  a  dit  une  chan- 


son à  tiroirs  qui  renferme  des  couplets  ingénieux, 
mais  peu  propres  à  l'éducation  des  demoiselles. 
La  pièce  à  côté  du  trou  :  n'y  a-t-il  pas  là  de  quoi  les 
faire  rêver  ? 

Les  Manœuvres  de  la  dernière  heure,  deFouache, 
L'homme  s'agite  et  la  /emrae7e  mène,  de  Montariol, 
le  Premier  chapitre,  d'Ordonneau,  retracent  avec 
esprit  et  gaieté  certaines  petites  misères,  et  aussi 
quelques  agréments  de  la  vie  humaine. 

Mais  où  l'amertume  d'un  coeur  profondément  at- 
teint déborde  véritablement,  c'est  dans  les  Griefs 
de  Balandard,  malheureux  ami  pour  qui  son  copain 
manque  totalement  de  complaisance.  Ce  n'est  pas  le 
bon  Rémi  —  Ah  !  quel  ami  !  —  qui  se  serait  attiré 
de  pareils  reproches.  Vous  devinez  l'auteur,  mais 
Fénée  est  votre  ami  tout  d'même. 

Grange  stigmatise  les  adorateurs  du  succès.  Il 
s'insurge  contre  le  Vee  victis  de  nos  aieux  ;  mais  je 
ne  crois  pas  qu'il  aille  jusqu'au  mot  de  Mercié,  le 
sculpteur:  Gloria  victis,  qui  est  trop  paradoxal.  Ce 
n'est  pas  de  cette  chanson  que  l'on  pourra  dire,  en 
renvoyant  à  l'auteur  un  de  ses  refrains  :  Jen'avale 
pas  celle-là. 

Jullien  continue  la  série  philosophique  de  ses 
chansons  sur  les  péchés  dits  ca/îiVau.v.  A  f  Orgueil, 
que  nous  avons  remarqué  dernièrement,  il  ajoute 
aujourd'hui  l'Envie,  sujet  plus  difficile  à  traiter,  et 
bien  réussi  néanmoins. 

Parlerai-je  du  toast  ?  C'est  toujours  la  même  chan- 
son; je  parle  de  la  chanson  que  célèbre  le  président. 
Mais  quelle  variété  de  formes  et  de  sujets  pour  la 
célébrer!  Charles  Vincent,  lui,  puise  des  accents  gé- 
néreux à  la  source  féconde  de  l'harmonie  univer- 
selle. Ce  n'était  pas  le  genre  Caveau,  autrefois; 
mais  il  a  coulé  de  l'eau  sous  le  pont  depuis  cet  an- 
cien temps. 

Darcier,  le  maître  chanteur,  nous  a  prouvé  une 
fois  de  plus  que  la  voix  est  peu  de  chose  che^  l'ar- 
tiste, et  que  la  méthode  est  tout.  Ajoutons-y  l'ex- 
pression. La  Vieille  Chansonnàù.  rappeler  à  Charles 
Vincentde  vieux  souvenirs.  Victor,  t'as  tort,  chanson 
de  café-concert,  spirituelle  malgré  cela,  a  fait  va- 
loir une  autre  face  de  son  talent.  Enfin,  Faites  des 
enfants,  la  semonce  vigoureuse  et  patriotique  de 
Rubois,  a  obtenu  le  plus  franc  succès.  Nous  avons 
retenu  le  couplet  suivant,  qui  est  le  dernier.  Serait- 
ce  pas  celui  qui  a  eu  l'honneur  d'éveiller  les  suscep- 
tibilités de  la  vieille  Anastasie  ? 

Matrones  et  gentes  pucelles. 
Donnez,  chacune  à  voti'e  tour, 
Vous,  les  dernières  étincelles, 
Vous,  les  prémices  de  l'amour. 
Puisque  l'homme,  aux  instincts  cupides, 
S'épuise  en  luttes  fr  itricides. 

Faites  des  enfants 

Pour  combler  les  vides  ; 

Faites  des  enfants; 

Voici  le  printemps  ! 

Citons,  pour  ne  rien  oublier,  le  Bon  Génie,  la  Fête 
de  Suzanne,  la  Chemise  et  lEnterrement.  Cette 
dernière  chanson,  triste  par  le  titre  et  gaie  par  la 
forme,  était  un  peu  de  circonstance.  On  parlait,  au 
banquet,  du  décès  d'Alphonse  Salin,  le  doyen  du 
Caveau,  regrettable  comme  homme  et  comme  chan- 
sonnier. Nous  lui  consacrerons,  dans  le  numéro 
prochain,  une  notice  biographique. 

EuG.  IMBERT. 


36 


LA  CHANSON 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANQUET  DU   5  JUIN  1878 

Très-bonne  soirée, dontje  nepuis,  faute  déplace, 
donner  qu'un  procès-verbal  succinct. 

En  l'absence  de  M.  Le  Boullenger,  le  vice-prési- 
dent Chebroux  porte  un  toast  ingénieux  à  Voltaire, 
et  le  fait  suivre  de  paroles  sympathiques  en  faveur 
de  la  Chanson,  dont  nous  le  remercions  cordiale- 
ment ici  ;  Charles  Vincent  redit  sa  fraternelle  chan- 
son de  réception  ;  M.  Alfred  Leconte,  député  de 
l'Indre,  chante  la  Z?0i7eà/)e«sees,  production  philoso- 
phique ;  M.  Hachin  détaille  spirituellement  de  très- 
jolis  couplets  avec  ce  refrain  :  Les  Vieux  ne  veulent 
pas  partir.  —  Enfin  M.  Vatinel,  en  constatant  que 
le  Vent  tourne  à  la  République;  M.  Vergeron,  en 
disant  finement  une  plaisanterie  :  Comme  c'est  fait  ! 
M.Alphonse  Leclcrcq,  en  récitant  une  des  meilleures 
poésies  de  son  récent  volume  ;  Que  fait-on  sur  la 
terrée  ;  M.  Echalié,  en  chantant  l'agréable  musique 
qu'il  a  faite  pour  Jupons  et  Soutanes  de  M.  Pétreaux 
et  pour  l'Amour  et  le  Vin  de  Georges  Baillet  ;  M.  Jules 
Jouy,  en  célébrant  chaleureusement  le  Centenaire 
de  Voltaire,  etM.  Jules  Jeannin,  en  rééditant  les  Re- 
proches du  bon  Dieu,  méritent  et  obtiennent  d'una- 
nimes applaudissements. 

J'omets  des  noms  et  des  œuvres  qui,  sans  doute, 
mériteraient  mention  ;  mais  il  s'agit  aujourd'hui  de 
laisser  libre  carrière  aux  apologistes  de  Béranger, 
et,  devant  ce  maitre  vénéré,  les  moins  humbles  des 
Lycéens  s'effaceront  sans  murmure. 

Pour  bien  fixer,  d'ailleurs,  la  note  dominante  à  la 
Lice,  nous  publions  un  des  succès  du  dernier  ban- 
quet :  Dors  content  !  Dans  cette  chanson,  dédiée  à 
Voltaire,  Georges  Baillet  a  repris  heureusement  l'a- 
postrophe célèbre  du  poète  de  RoUa.  C'est  une  pro- 
duction jeune,    vigoureuse,  et   d'un   excellent  es- 

L.  Henry  LECOMTE. 


DORS  CONTENT!... 


.4ip  de  iladaïue  FaravL. 

0  roi  puissant  de  la  satire, 
Qui  nous  préparas  l'âge  d'or  ; 
Toi  qui  vécus  dans  un  sourire 
Dans  la  tombe  souris  encor  ! 
Tout  un  siècle  plein  de  ta  gloire, 
De  ses  hommages  le  fêtant, 
Acclame  aujourd'hui  ta  mémoire... 
Mon  vieux  Voltaire,  dors  content  ! 

Aux  préjugés  faisant  la  guerre. 
D'un  trait  mortel  quoique  plaisant, 
Tu  finis  de  jeter  à  terre 
Le  despotisme  agonisant  ! 
Gomme  un  flambeau  qui  toujours  brille. 
Ton  livre,  eu  un  jour  écla'ant, 
Guida  le  peuple  à  la  Bastille... 
Mon  vieux  Voltaire,  dors  content  ! 


Rien  encor  n'a  réduit  le  nombre, 
Malgré  le  temps,  malgré  la  loi, 
Des  hypocrites  qui  dans  l'ombre 
Bavent  encore  contre  toi; 
Mais  des  verges  de  ton  génie, 
Tes  petits-fils,  en  les  fouettant, 
Ont  démasqué  leur  calomnie... 
Mon  vieux  Voltaire,  dors  content  ! 

Grâce  aux  bienfaits  de  la  science, 

A  qui  tu  prêtas  ton  appui. 

Le  temps  a  vaincu  la  distance. 

Les  chemins  marchent  aujourd'hui  : 

L'astronome  lit  aux  étoiles, 

La  vapeur  dompte  l'élément, 

Le  progrès  navigue  sans  voiles... 

Mon  vieux  voltaire,  dors  content  ! 

Le  peuple,  au  temple  de  mémoire. 
Un  jour  te  porta,  plein  d'orgueil, 
Plus  tard,  ennemis  de  ta  gloire. 
D'autres  violaient  ton  cercueil... 
Mais  depuis  le  temps  a  fait  naître. 
De  tes  restes  jetés  au  vont. 
Des  disciples  dignes  du  maître... 
Mon  vieux  Voltaire,  dors  content  ! 

En  dépit  de  toutes  les  haines. 

Depuis  cent  ans,  la  liberté. 

Par  quatre  fois  brisant  ses  chaînes, 

Reprit  sa  première  fierté; 

De  plus  d'un  guet-apens  funeste, 

Elle  fut  victime,  et,  pourtant, 

La  République  enfin  nous  reste... 

Mon  vieux  Voltaire,  dors  content  ! 

GeoRSES  BAILLET. 


CHANSONS,  CHANSONS! 


Depuis  la  soirée  dontEug.  Imbert  arendu  compte, 
a  eu  lieu  le  banquet  d'été  du  Caveau,  dit  des  mots 
donnés.  Admis,  par  faveur,  à  cette  réunion  tout  in- 
time, notre  collaborateur  appréciera  le  mois  pro- 
chain les  œuvres  qu'on  y  a  chantées. 


Vous  qui  croyez  encore  qu'on  peut  chanter  sans 
avoir  besoin  de  faire  précéder  la  chanson  d'un  qua- 
drille, ou  sans  être  accompagné  d'un  piano,  allez 
donc  faire  visite  à  nos  amis  les  Fartadets.  Ces  bons 
diables  tiennent  leurs  séances,  les  samedis,  rue  du 
Faubourg-du- Temple,  137.  C'est  peut-être  le  seul 
coin  oîi  la  vraie  goguette  existe  encore. Chacun  pré- 
side à  son  tour;  c'est  plus  démocratique  et  plus  at- 
trayant que  la  présidence  habituelle.  Vous  n'enten- 
drez pas  là  le  répertoire  Beaumaine  —  Delormel  — 
Cabillaud,  mais  celui  de  Charles  Gille,  Rabineau, 
Legentil,  Ryon,  Evrard,  etc.,  c'est-à-dire  la  chan- 
son qui  pense,  qui  aime,  ou  qui  rit,  comme  l'a  si 
bien  dit  Jules  Jouy,  du  large  rire  de  nos  pères. 


Il  y  a  tout  là-bas,  sur  les  hauteurs  de  Belleville, 
rue  desEnvierges,  une  société  chantante  qui  a  nom: 
les  Fleurs.  Galante  comme  son  nom  est  doux,  elle  a 
offert,  le  dimanche  16  juin,  à  ses  habitués,  une  pré- 
sidence de  dames.  —  Grande  attraction  !  —  Aussi  la 
salle  était  trop  petite  ce  jour-là. 


LA  CHANSON 


Madame  Busson,  la  présidente,  ne  paraissait  pas 
embarrassée  de  son  rôle;  pas  guindée  du  tout,  elle 
était  à  la  fois  gaie  et  digne;  les  honneurs  n'avaient 
rien  changé  à  son  aspect  bon  camarade.  Ses  collè- 
gues, mesdames  Francisque  et  L'Aiguillon,  usaient 
aussi  très-gracieusement  du  pouvoir;  en  un  mot, 
c'était  charmant.  Un  double  attrait  avait  attiré  les 
chansonniers-poëtes  :  il  y  avait  concours  de  poésie. 
Le  1"  pri.x  consistait  en...  une  médaille  d'or!  et  c'é- 
tait vrai  !  Elle  a  été  gagnée  par  Jules  Vernier  — 
toujours  lui!  elle  portait  sur  la  face  la  figure  de  la 
République  Française,  et  sur  le  revers:  Dix  francs, 
1875.  N'est-ce  pas  là  une  vraie  médaille  d'or?  Qn_ 
la  rêvait  peut-être  plus  grande!  bah!  l'honneur 
avant  tout!  Voici  la  pièce  médaillée;  c'est  un  son- 
net: 


LE  COFFRET  A  MUSiaUE. 


11  était  vieux,  cassé,  de  forme  peu  tentante. 
Bon  à  jeter  le  soir  au  tas  du  chiffonnier  ; 
Oublié  de  mon  oncle,  ignoré  de  ma  lante, 
Depuis  trente  ans  peut-être  il  gisait  au  grenier. 

Lorsque  je  l'eus  sorti  de  celle  ombre  attristante. 
Clairement  récuré  comme  un  vrai  chaudronnier, 
Je  mis  le  bout  du  doigt  sur  sa  vieille  délente 
Et  fis  s'échapper  l'air  qu'il  gardait  prisonnier. 

Quel  était  cet  air-là  ?  dans  .ses  notes  faussées 
Chantait-il  le  printemps,  les  amours  insensées. 
Le  Champagne  et  l'oubli  des  peines  d'ici-bas  ? 

Non  !  c'était  l'air  sacré  des  canons  et  des  piques, 

C'était  la  Marseillaise  aux  colères  épiques. 

Et,  pendant  tout  un  jour,  j'appelai  des  combats  ! 

Le  deuxième  prix  a  été  remporté  par  Perche- 
ron, et  le  prix  de  chant  par  Monicart,  un  chante  ur 
qui  dit  avec  beaucoup  de  goiît. 


Une  société  qui  n'est  jamais  en  retard  quand  il 
s'agit  d'une  bonne  action,  c'est  la  Société  des  Amis 
du  Siècle,  présidée  par  Leblanc.  Aussi,  le  lundi 
3  juin,  elledonnait  dans  son  local,  rue  de  Bretagne, 
49,  une  soirée  au  bénéfice  des  victimes  de  la  rue 


Des  artistes  de  différents  concerts  avaient  prêté 
leur  bienveillant  concours  à  cette  bonne  œuvre. 
Nous  y  avons  remarqué  MM.  Lombard,  qui  a  joué 
Chatterton  d'une  façon  très-dramatique,  Sutter,  un 
brillant  interprète  de  Victor  Hugo,  Rêva  et  Leblanc 
fils.  Les  dames  ont  fait  triompher  la  romance  par  la 
voixdeMlleElisa,  etla  chanson  joyeuse  par MUesDe- 
montelées,  Georgette  et  d'autres  quej 'oublie.  Bonne 
soirée,  bonne  recelte,  dont  le  montant  a  été  déposé 
à  la  Mairie  du  3'  arroadissement. 


Une  bien  triste  nouvelle  nous  arrive  pour' finir; 
Charles  Poney,  'e  poëte  dont  Toulon  est  fier,  vient 
d'être  frappé  dans  ses  affections  les  plus  vives  ;  sa 
petite-fille,  une  charmante  enfant  de  sept  ans,  vient 
de  succomber,  presque  foudroyée  en  pleine  santé, 
par  la  méningite  La  mère,  fille  unique  du  poëte, 
âgée  de  32  ans,  n'a  pu  supporter  la  perte  de  son 
enfant,  et  l'a  suivie  dans  la  tombe  quinze  jours  plus 
tard. 

Rien  ne  peut  consoler  d'une  douleur  semblable  : 
le  seul  adoucissement  possible  est  celui  que  nous 
envoyons  au  poëte  :  qu'il  sache  bien  que  ses  amis 
partagent  sa  peine  et  qu'ils  pleurent  avec  lui  de  voir 
ce  grand  deuil  couronner  sa  vie,  modèle  décourage 
et  de  probité. 

Robert  GARNIER. 

La  société  lyrique  des  Familles  a  inauguré,  le 
dimanche  2  juin,  son  nouveau  domicile  (Brasserie 
du  Petit-Pont,  rue  du  Petit-Pont,  3.)  Président, 
M.  Mazot.  Beaucoup  de  monde.  Parmi  les  chanteurs 
applaudis,  nous  avons  remarqué  MM.  Bouvet, 
Mazolla,  Ch.  Thomas,  Touliou,  Onard,  —  ce  dernier 
chargeant  tropseschnnsonscomiques.  —  M™"  Leroux 
et  Thierry.  Accompagnateur,  M.  Auguste  Antoine. 


La  Jeunesse  Parisienne  (Café  du  Globe),  sous  la 
présidence  de  M.  Beaucanard,  donne  ses  soirées 
tous  les  mardis.  Signalons  particulièrement  les 
représentations  extraordinaires  du  premier  mardi  de 
chaque  mois.  Les  bons  chanteurs  s'y  donnent  ren- 
dez-vous. Quelques  noms  au  hasard  :  MM.  Jomain, 
Alphonse,  Lelarge;  M""  Angèle,  Mlle  Arnal.  Accom- 
pagnateur :  Auguste  Marcus. 

Victor  LEBRETON. 


A  partir  de  ce  jour,  M.  Victor  Lebreton  fera,  de 
concert  avec  Robert  Garnier,  la  revue  des  Sociétés 
Lyriques.  Les  lecteurs  de  la  CImnson  auront  ainsi  le 
mouvement  complet  de  ces  réunions  intéressantes. 


Madame  Bordas  a  voulu  célébrer  aussi  Voltaii-e. 
Devançant  d'un  jour  la  date  fixée  pour  sa  réappari- 
tion au  Concert  Parisien,  elle  a  chanté  le  30  mai, 
le  Centenaire  de  Voltaire,  de  Paul  Avenel, 
avec  un  succès  énorme.  Depuis,  elle  dit  la  remar- 
quable chanson  de  Chebroux,  que  nous  avons  pu- 
bliée, mise  superbement  en  musique  par  Collignon. 
Nous  reviendrons  à  la  grande  artiste. 


Dimanche  2  juin,  la  Société  des  Familles,  sous  la 
présidence  de  M.  Badou,  a  transféré  ses  réunions 
salle  Bouret:  affluence  énorme. 

Terminons  par  une  annonce  personnelle.  Le 
n"  4  de  la  Càsasob publiera  le  programme  de  notre 
premier  concours.  Que  les  lutteurs  se  préparent  ! 

A.P. 


781.  —  Poitiers,  tjp.  J.  Ressavre.  —  Paris,  3,  rue  d' Aboutir. 


LA  CHANSON 


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soit  cinq  pièces  de  vers  inédites.  —  Frais  d'entrée  : 
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'EN  DISTPJBUTION  A  NOTRE  LIBRAIRIE 

Catalogues  n"'  i,  2  et  3  de  livres  à  prix  marqués. 

lïos    catalosMcs    sont    envoyés    à   tOMte    personne    qui    en    fait   la  demande   par 
lettre  affffrai»cl»ie.  —  Ecrire  rue  Bonapttrte,   18. 


!'■»  ANNEE. 


AOUT  1878. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

RUE   nON.\P.\nTE,    18 

PARIS 

Le  Numéro  :   30  cent. 

Serrêtnirii  tjc  In  lîûclnr'ion 

V.  DEMEURE 


J^,J^ 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois  .      .  2  fr. 

Depart%  6  mois .   .  2  50 

Etranger,  6  mois  .  3     » 

On  ne  reçoit  qne  des  obonnements  do 

Directeur  Gérant 

A.  PAT.VY 


V>  REVUE    MENSUELLE  ^     1/ 

ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRiaUES 


Rédacteur   en  chef  :  L. -Henry   LE  COMTE 


SOMMAIRE      DU      4<=      NUMERO 

Dnilhlo  ronriiiirs  Poétique  ouvert  pur  l,\  i;iiansiin-,  —  Le  IG  Juillet  /.V7.S' 
(A.  l'ATAV).  —  Ilitnquets  (lu  Carc.vu  (Eiic-.  hiiiEnr).  —  Les  Peuples  (Chaules 
Vix.'.ent).  —  /,e.s  Quatre  sa/sons  (J.-B.  Uavagnier).  —  L'Ouvrier  (G.  de  La 
Sai.i.e).  —  (riilerie  des  Chansnnnie's  :  Hustave  Nndaud  (L.-Henby  Lecojite). 
-  Le  Vin  lie  la  liomete.  lA.  Capiies).  —  A  mes  amis  (J.  Lahguier).  —  A  la 
Poésie  ITii.  l.Eci.ERi;.).  —  Banquets  de  la  Lice  Chansonnière  (L.-Henby  Le- 
lunrruj.  —  Mon  Portrait  (E.  Hachis).  —  lin  Chant  à  faire  (.l.-B.  Uobinot).  - 
l.e  Tintamarre  a  la  Liée  i.Icles  Joiiv).  —  le  Mois  BiliHorjraphique  (Eue. 
iMiiEiiTl.  —   '  e  Pire  Cnuln'is^  —  Avis  divers 


-A  CHANSON   SE  TROUVE  AUX   LIBRAIRIES    SUIVANTES 


Rousseau,  iilnoeilcs  Vicloiri\- 
Gayet,  i;bi  Monlinni'h'o,  Li:î. 
Guillemin.lioiil.   i;i;iiiiii;irclin 
Renaud,  laiih.  S:iiiil-M;ulin. 
Gérard,  rno  Munue,  l:i. 
Leroy,  iiir  iriviicr,  i);i. 
Derveaux,  rup  ilAiij;onlriii'\ 
Marpon,  lialoi-ii'  il  ;  l'OiirMiii, 


Quantin,  i- 

(l!>s  Peli' 

n'CMiix 

81. 

Lecampion,  passage  du  i-^auni  on, 

Daniou,  v\ 

c-  .11-'  Mal.  • 

Toupet,  VHP  Sainl-Dcnis,  2"2'.1. 

Colas,  i-ni' 

(Ir    l'ill-lii.. 

.     0. 

Bornet,  nie  de  Bi-clanne,  .58. 

Gorcier.  1'; 

llh.      llll      T        M 

.i   •,  0. 

Minière,  i-nn  do  Tiu-higo,  07. 

Duènie,  r. 

,■  Vifill,.-;' 

-'HimIc, 

-JK. 

Traîin,  nie  du  CL-oissiint,  o. 

Plicque,  r 

1-  ll.unlir,:. 

.,:.   1-2. 

Aumont,  lioul.  do  Slrnsboui-i;',  35. 

Villelard, 

ivcimcilr 

■:     ■lllIieL'S 

1H). 

Baudet     riio  Saiiil-l'Iaoido,  "27. 

Evsillard, 

imssa-ol:- 

.     Liihbé 

10. 

Legeard,  l'auboin'^-  Sainl-l)onir,,254 

VENTE    EN    GROS    i:/     s. II    NUMÉRO 
A     LA     LIBRAIRIE     A.     PATAY,      18,     RUE     BONAPARTE, 


18,     PARIS 


LA  CHANSON 


La  Chanson,  cette  incarnation  toujours  nouvelle 
et  toujours  diverse  de  l'esprit  français,  n'a  pas  d'or- 
gane. 

Nous  venons  combler  cette  lacune  regrettable  en 
créant  plus  qu'un  journal  — une  revue  complète, 
spécialement  consacrée  à  ceux  qui  chantent  ou  font 
chanter. 

Sous  ce  titre:  la  Chanson,  paraîtra  tous  les  mois 
une  livraison  de  12  pages  in-4",  à  deux  colonnes,  oîi 
s'écrira  l'histoire  ancienne  et  moderne  de  la  chanson 
et  des  chansonniers.  Une  couverture-annonce 
garantira  chaque  numéro;  la  pagination  sera  suivie 
et  nous  donnerons,  à  la  iin  de  l'année,  le  titre  et  la 
table  nécessaires  pour  la  réunion  en  volume. 

La  Chanson  publiera  les  comptes  rendus  des  ban- 
quets mensuels  du  Caveau,  de  la  Lice  Chansonnière, 
du  Pot-au-ieu  et  des  diverses  sociétés  lyriques. 
Nous  préparerons  ain,si  à  l'historien  futur  des 
muses  populaires  les  matériaux  d'iin  livre  original 
et  varié.  —  Trouveront  également  place  dans  notre 
revue  la  biographie  et  le  portrait  des  chansonniers 
vivants  ou  disparus,  nombre  de  chansons  peu  con- 
nues ou  inédiles,  une  bibliographie  raisonnée,  le 
programme  des  concours  lyriques,  l'annonce  des 
soirées  chantantes  extraordinaires  ou  à  bénclice,  enfin 
une  chronique  sincère  des  cafés-concerts  et  des 
théâtres  parisiens. 

Pour  mener  à  bien  leur  entreprise,  les  fondateurs 
de  LA  Chanson  s'adressent  à  tous  : 

Aux  Cliansonniers  de  Paris  eu  de  laprovince  d'a- 
bord. Nous  les  prions  ici  de  nous  faire  parvenir 
leur  adhésions,  leurs  abonnements,  les  réllexions 
que  notre  publication  leur  pourrait  suggérer,  un 
exemplaire  au  moins  de  leurs  œuvres  imprimées, 
les  meilleures  de  leurs  chansons  inédites  et  des 
notes  suffisantes  pour  fournir  matière,  au  besoin,  à 
d'intéressantes  et  véridiques  études  biographiques. 

Aux  Editeurs  de  Paris  et  des  départements  qui 
publient  des  ouvrages  se  rattachant  à  l'objet  de 
notre  revue,  nous  disons  qu'une  place  sera  toujours 
réservée  aux  comptes-rendus  des  œuvres  dont  ils 
nous  adresseront  deux  exemplaires,  et  nous  les 
invitons  à  nous  envoyer  même  les  moindres  pla- 
(piettes. 

Semblable  avis  aux  Editeurs  de  Musique,  —  et  pré- 
venons tous  les  intéressés  que  les  couvertures  de  la 
Chanson  seront  exclusivement  réservées  aux  annon- 
ces de  librairie  et  de  musique  à  des  prix  très-mo- 
dérés. 

Aux  Musiciens .  —  Nous  prenons   nos  mesures 


pour  donner  à  l'avenir  une  place  à  la  musique 
dans  notre  revue  ;  nous  prions  donc  dès  aujour- 
d'hui les  jeunes  compositeurs  de  nous  adresser 
leurs  œuvres,  et  surtout  de  mettre  en  musique  les 
chansons  inédites  que  nous  publierons.il  y  aura  de 
la  sorte  rapprochement  amical  entre  paroliers  et 
compositeurs  inconnus,  et  peut-être  en  résultera-t-il 
quelques  œuvres  à  grand  succès. 

Aux  Biljliograplies  et  aux  Amateurs.  —  Nous 
accueillerons  avec  reconnaissance  les  documents 
peu  connus  ou  inédits  qu'ils  voudront  bien  nous 
offrir;  nous  leur  demandons  de  guider  nos  recher- 
ches et  de  nous  indiquer  les  sources  de  rensei- 
gnements incontestables. 

Aux  Présidents  des  Sociétés  Lyriques.  —  Nous 
les  invitons  à  nous  adresser,  dans  le  plus  bref  délai, 
les  noms  des  réunions  qu'ils  président,  l'indication 
des  sièges  sociaux  et  des  jours  de  tenues,  et  nous 
les  prions  instamment  d'assurer  l'exactitude  de  nos 
informations  en  désignant,  dans  chaque  société,  un 
délégué  chargé  de  correspondre  avec  notre  publi- 
cation et  d'en  faire  apprécier  le  but. 

Nous  voulons  le  succès  d'une  œuvre  entreprise 
dans  le  but  louable  de  défendre  les  réputations  jus- 
tement acquises  et  d'assurer  aux  talents  inconnus 
une  large  place  au  soleil  fécondant  de  la  publicité  ; 
aussi  désirons-nous  sincèrement  être  obligés,  après 
le  prcnnier  semestre,  de  paraitre  tous  les  quinze 
jours. 

Les  auteurs  désireux  de  posséder  un  certain 
nombre  d'exemplaires  des  numéros  contenant  leurs 
œuvres,  seront  priés  de  nous  en  informer  à  l'avance, 
afln  que  nous  puissions  exactement  lixer  notre 
tirage  ;  ces  numéros  leur  seront  cédés  aux  prix 
de  libraire.  Bien  entendu,  il  ne  sera  pas  indis- 
pensable de  prendre  des  numéros  ni  même  d'être 
abonné  pour  collaborer  à  notre  revue  ;  le  comité  de 
rédaction  sera  souverain  pour  admettre  ou  rejeter  les 
pièces  proposées. 

Tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  devra  être  adres- 
sé franco  au  Rédacteur  en  Chef;  ce  qui  concerne 
l'administration,  l'abonnement  et  les  annonces  au 
Directeur-Gérant.  —  Les  lettres  ou  paquets  non  af- 
franchis seront  rigoureusement  refusés.  —  Toute 
lettre  exigeant  une  réponse  devra  être  accompa- 
gnée d'un  timbre-poste. 

Un  numéro  d'essai  sera  envoyé  à  loule  personne 
qui  en  feralademande  par  lettre  affranchie,  accom- 
pagnée de  30  centimes  en  timbre-poste. 

Le  Directeur-Gérant  :  A    PATAY 


BULLETIN  D'ABONNEMENT 

A  ENVOYER  FRANCO,  ACCOMPAGNÉ  D'UN  MANDAT-POS" 

Paris  :  2  fr..  Départements,  2fr.  50,  Étranger,  3  fr. 

Je  déclare  m'ahonner  pour  six  mois  a  la  Revue  LA  CHANSON. 
siGNATUftiî  (lisible) 


(»)  Les  timbres-poslc  ne  seront  pas  acceptés.  Par  l'envoi  du  ranntanl  de  l'ahonncmciit  on  (ivitc  les  frais  de  recou 
la  charge  de  l'abonné.  Le  talon  de  la  poste  sert  de  quittance. 


LA  CHANSON 


39 


DOUBLE  CONCOURS  POÉTIQUE 

Ouvert  par  LA  CHANSON 


La  fête  du  30  juin  a  servi  à  démontrer  une  l'ois  de 
plus  le  besoin  d'un  chant  national  français. 

La  sublime  Marseillaise, t\\xï  guida  la  marche  triom- 
phante des  armées  de  93,  est  un  chant  de  guerre  et 
de  révolution  ;  nous  voudrions  pour  la  France  un 
hymne  de  paix  à  la  hauteur  de  son  cri  de  bataille. 
Les  tentatives  faites  pour  le  faire  éclore  sont  restées 
jusqu'ici  sans  résultat. 

Nous  mettons  aujourd'hui  au  concours  un  chant 
aui  soit  la  glorification  de  la  France,  du  Travail  ei 
de  la  Paix,  et  nous  faisons  appel  à  tous  les  poètes 
de  Paris  et  des  départements. 

Il  sera  décerné,  comme  prix  unique  : 

fine  Médaille  en  vermeil 

Sur  laquelle  seront  gravés  la  date  du  concours  et 
le  nom  du  vainqueur. 

Les  pièces  présentées  devront  avoir  sept  couplets 
ou  strophes,  avec  un  refrain  détaché  de  quatre  vers 
(rythme  facultatif). 

La  poésie  couronnée  sera  publié  dans  h  Chanson, 
ainsi  que  les  deux  qui  auront  le  plus  approché  du 
but. 

Deuxième  Concours. 

Un  concours  libre  de  poésies  est  également  ouvert 
par  la  Chanson,  sans  désignation  de  sujets  ni  exclu- 
sion de  genres  ;  odes,  chansons, rondeaux,  sonnets, 
quatrains  même,  nous  accepterons  et  jugerons 
tout.  Les  plus  longues  pièces,  cependant,  ne  devront 
pas  dépasser  60  vers. 

Trois  prix  seront  décernés  : 

l""  PRIX,  une  médaille  en  argent. 

2"°"  PHix,  une  médaille  de  bronze. 

3"°  PRIX,  un  volume  de  poésies. 

Les  pièces  présentées  à  ce  concours  et  au  précé- 
dent seront  soumises  à  un  jury  de  poètes,  de  chan- 
sonniers et  de  journalistes. 

Dans  notre  numéro  du  1"  octobre,  nous  fixerons 
le  joiu"  de  la  distribution  des  récompenses,  et  nous 
pensons  offrir  à  ce  sujet  une  agréable  surprise  aux 
nombreux  amis  de  la  chanson. 

CONDITIONS    DES    CONCOURS. 

Les  pièces  destinées  à  nos  concours  devront  être 
adressées  tranro,  jusqu'au  20  septembre,  à  M.  A. 
Patay,  directeur-gérant  de  7a  Chanson.'KWes  devront 
être  inédites,  non  signées,  et  accompagnées  d'un 
pli  cacheté  contenant  le  nom  et  l'adresse  "de  l'auteur, 
et  portant  extérieurement  la  première  strophe  de  la 
pièce  qu'il  concerne. 

T.  L 


LE  16  JUILLET  1878. 


L'invitation  de  la  Chanson  a  été  entendue;  pour  la 
première  fois,  les  chansonniers  ont  célébré  solen- 
nellement l'anniversaire  funèbre  de  Déranger. 

Le  4-i  juillet,  le  secrétaire  de  la  Lice  Chanson- 
nière envoyait  à  ses  correspondants  et  aisait  insérer 
dans  les  journaux  de  Paris  la  note  suivante  : 

«  Je  m'empresse  île  vous  informer  que  le  Mardi  16 
Juillet  couianl  (Anniversaire  de  la  mort  de  Béranger), 
les  Membres  de  la  L/ce  Chansonnière  se  proposent  de 
rendre  hommage  au  Poêle  national,  en  allant  disposer 
une  couronne  sur  sa  tombe.  Tous  les  amis  de  la  Chan- 
son qui  voudraient  prendre  part  à  cetle  manifestation 
exclusivemenl  littéraire  sont  invités  à  se  joindre  à  eux. 

Rendez-vous  à  2  heures  1/2  précises,  à  la  porte  du 
cimetière  du  Père-Lachaisc.  » 

A  l'heure  fixée,  plus  de  huit  cents  personnes  en- 
tourant le  monument  de  Béranger,  s'écartaient  avec 
curiosité  et  sympathie  devant  les  Licéens,  recon- 
naissables  à  un  insigne  tout  récemment  autorisé. 
Quatre  membres  de  la  société  portaient  une  superbe 
couronne  d'immortelles,  où  se  lisait  cette  dédicace 
en  lettres  noires  : 

A  BÉRANGER 

LA  LICE  CHANSONNIÈRE. 

Les  chansonniers  avaient  justement  pensé  que  le 
simple  dépôt  d'une  couronne  n'eût  pas  offert  une 
solenniU'  suffisante.  Trois  discours  ont  donc  été 
prononcés.  Nous  les  publions  pour  ceux  qui  n'ont 
pu  les  entendre. 

Ernest  Chebroux,  vice-président  delà  Lice  Chan- 
sonnière prend  le  premier  la  parole,  et  lit  d'une 
vjix  émue  les  pages  suivantes,  fréquemment  inter- 
rompues par  les  applaudissements  de  la  foule. 

Messieurs  et  amis, 

Les  grands  anniversaires  se  succèdent;  hier,  ceux 
de  Voltaire  et  de  Rousseau  ;  aujourd'hui,  celui  de 
Bélanger. 

La  France,  Paris  surtout,  a  le  culte  des  morts  qui  lui 
sont  chers.  Je  n'en  veux  pour  preuve  que  votre  empres- 
sement à  répondre  à  notre  appel.  Je  commence  par 
vous  en  remercier  bien  sincèrement,  au  nom  de  la 
chanson. 

Il  y  a  aujourd'hui  vingt  et  un  ans  que  ce  funèbre 
monument  nous  prenait  pour  toujours  une  de  nos 
gloires  nationales  ;  le  plus  grand  chansonnier  français 
venait  de  s'éteindre,  laissant  après  lui  une  douleur  pro- 
fonde, une  sympathie  immense. 

Je  ne  veux  pas  entreprendre  de  vous  raconter  la  vie 
de  ce  joyeux  trouvère;  des  voix  plus  éloquentes  que 
la  mienne  vous  ont  déjà  fait  connaîtra  cette  existence 
toute  remplie  de  gaieté,  d'amour,  de  probité  et  de  philo- 
sophie. 

Je  ne  veux  pas  chercher  si  les  œuvres  de  cet  esprit, 
français  et  patriotique  avant  tout,  ont  pu  avoir  telle  ou 
telle  influence  sur  nos  destinées  politiques  ;  nous 
n'avons  ici,  et  pour  le  moment,  qu'à  nous  entretenir  du 
chansonnier,de  celui  quii'ésumait  en  lui  le  talent,  la  mo- 
destie, le  désintéressement  le  plus  complet  et  une  iné- 
puisable bonté.  Car,  vous  le  savez,  mes  amis,  sa  bourse 
et  son  cœur  étaient  constamment  ouverts. 


40 


LA  CHANSON 


Ce  que  nous  voulons  aujourd'hui,  c'est  rendre  hom- 
mage au  poêle  populaire  qui  a  chanté  nos  gloires  et 
nous  a  consolés  dans  nos  revers;  à  celui  qui  savait  ho- 
norer les  mérites,  flageller  les  vices,  ridiculiser  les  tra- 
vers et  déruasquer  les  hypocrites;  à  cet  esprit  fé- 
cond, ci-éateur  de  cent  chefs-d'œuvre,  et  qui,  réu- 
nissant tous  les  genres  de  la  poésie,  tenait  à  Anacréon 
par  la  gaieté  et  la  délicatesse,  à  Horace  par  la  forme, 
la  grâce  et  la  philosophie  ;  à  celui,  enfin,  dont  les 
refrains,  triomphant  desinsanitésdont  on  nous  abreuve 
chaque  jour,  resteront  longtemps  encore  sur  les  lèvres 
des  amis  du  beau,  qui  pensent  que  la  chanson  ne  peut 
être  inspirée  que  par  les  ardeurs  nobles,  les  sentiments 
vrais,  qui  croient  encore  qu'un  poëte  doit  être  surtout 
l'interprète  de  la  vérité,  du  bon  sens,  et  qu'il  doit, 
comme  Béranger,  demander  ses  inspirations  plus  en- 
core au  cœur  qu'à  l'esprit. 

Oui,  messieurs,  voilà  ce  que  nous  voulons  d'abord  ; 
mais  en  payant  aujourd'hui  à  notre  cher  poêle  un  juste 
tribut  de  reconnaissance  et  de  respect,  nous  voulons 
aussi  vous  demander  si  nous  ne  lui  devons  rien  de  plus 
pour  l'avenir. 

Depuis  longtemps,  déjà,  des  chansonniers  et  amis 
do  la  chanson  caressaient  cet  espoir  :  rendre  Bé- 
ranger au  peuple,  et  lui  ériger  un  monument  par 
une  souscription  nationale...  Mais  je  vous  parle 
h'i  du  passé  ;  les  moments  étaient  difficiles  alors, 
les  appels  de  nos  courageux  amis  restaient  sans  échos  ; 
pour  réunir  sur  cette  tombe  quelques  admirateurs  seu- 
lement du  grand  chansonnier,  et  leur  tenir  le  langage 
(|ue  je  vous  tiens  aujourd'hui,  il  eût  presque  fallu  un 
vole  (le  la  Chamliro.  D'un  autre  cùlé,  le  bronze  était 
devenu  l'are.  On  avait  lellement  coulé  de  ce  inétal  pour 
en  faire  des  canons  et  élever  de  colossales  statues  aux 
f/r;inds  Jiommcs  du  dernier  régime,  qu'il  n'en  restait 
plus  pour  Béranger.  —  l.e  projet  fut  donc,  non  pas 
abandonné,  mais  remis  à  des  temps  meilleurs. 

Rccenimenl  une  nouvelle  finiiUe  lillérairc,  intelligom- 
nient  rédigée  et  dirigée,  publia  la  biographie  de  l'il- 
lustre mort.  Celle  biog'aphie  était  précédée  d'un  article 
énergique,  rappelant  aux  chansonniers  que  le  moment 
était  enfin  venu  de  payer  leur  dette  au  poëte.  Nous 
savons  aussi  i[uc,  dans  le  but  d'obtenir  l'autorisation, 
de  former  un  comité  d'organisation,  une  demande  vient 
d'être  faite  à  M.  de  Marcère,  par  le  rédacteur  et  le  di- 
recteur de  celte  feuille  intéressante  :  le  journal  La  Chan- 
son.—  Queces  courageux  reçoivent  ici,  tous  les  remerci- 
ments  auxquels  ils  ont  droit. 

Oui,  messieurs,  nous  devons  à  Béranger  autre  chose 
que  de  petites  images  ;  nous  devons  à  notre  poëte  na- 
tional une  statue.  Athènes  possédait  celle  d'Anaoréon, 
Rome  celle  d'Horace,  Paris  doit  avoir  celle  de  Béran- 
ger. 

Il  faut  que  cette  bonne  et  riante  figure  s'épanouisse 
dans  une  de  nos  promenade  publiques. 

C'est  à  vous,  vieux  chansonniers,  qui  avez  eu  le  bon- 
heur de  le  connaître  et  de  l'aimer,  vous  de  qui  il  a 
quelquefois  corrigé  le  premier  vers,  encouragé  la  pre- 
mière chanson;  —  c'est  à  vous,  qui  êtes  la  jeune  chan- 
son, et  qui  puisez  chaque  jour  à  la  source  de  cet  esprit 
inlarisable  et  joyeux;  c'est  à  vous  artistes,  écrivains 
c'est  à  vous  tous  que  nous  nous  adressons  aujourd'hui 
pour  nous  aider  dans  cette  tâche  poétique,  pour  con- 
tribuer à  la  réalisation  de  notre  rêve. 

Que  demandons-nous,  après  tout? 

Un  emplacement  :  les  amis  de  Béranger  sont  assez 
nombreux  en  France  pour  payer  le  bronze   et  l'artiste. 

Hâtons-nous  donc,  mes  amis,  que  chacun,  dés  au- 
jourd'hui, se  mette  à  l'œuvre. 

Ne  laissons  pas,  comme  on  nous  le  disait  si  juste- 
ment, ces  jours  derniers,  ne  laissons  pas  les  hommes 
d'une  autre  époque  s'emparer  à  leur  profit  d'une  gloire 
aussi  pure. 

N'oublions  pas,  surtout,  queBéranger  était  un  enfant 
du  peuple  ;  que,  tête  et  cœur,  tout  était  républicain  chez 
lui. 


Demandons  à  la  Répubbquo,  si  généreuse  pour  tout 
ce  qui  est.  beau  et  grand,  de  partager,  d'abréger  même 
nos  efforis. 

Il  n'est  pas  besoin  d'être  jirophète  pour  prédire  le  suc- 
cès de  noire  œuvre. Béranger  a  mérité,  par  son  palrio- 
tisme'etîson  immense  talent,  une  statue  :  il  l'aura! 

Après  Chebroux,  Eugène  Baillet  a  voulu  payer  à 
la  mémoire  de  Béranger  un  hommage  d'autant  plus 
motivé  qu'il  fut  un  des  jeunes  amis  du  grand  poëte, 
dont  il  a,  l'autre  jour,  conté,  dans  ce  journal,  divers 
traits  charmants  de  caractère  ou  de  bonté. 

Aius, 

Je  viens  associer  ma  voix  à  celle  de  mon  ami  (ihe- 
broux  pour  rendre  aussi  à  Béranger  l'hommage  loyal 
auquel  il  a  droit. 

Parmi  les  hommes  les  plus  éminents  de  notre  épo- 
que, en  est-il  un  qui  personnifie  mieux  la  France  que 
Béranger  ? 

Voilà  vingt  ans  que  Béranger  est  mort,  la  postérité 
a  commencé  pour  lui  ;  nous  pouvons  juger  son  œuvre 
sans  passion,  sans  parti  pris. 

La  réputalion  de  Béranger  fut  immense  et  naquit 
vite.  Dès  1815,  époque  de  la  publication  de  son  premier 
volume,  son  nom  était  répété  partout. 

C'est  que  son  nom  signifiait  déjà  patriotisme  après 
avoir  signifié  :  espérance. 

Oui  !  Béranger  a  les  droits  les  plus  incontestables  à 
sa  stalue!  —  C'est  une  dette  de  la  France  qui  ne 
demande  pas  mieux  que  de  la  payer  :  elle  en  a  payé 
bien  d'autres. 

La  statue  après  la  mort  est  la  vraie  récompense  dé- 
mocratique et  républicaine  :  en  frappant  les  yeux  elle 
met  au  cœur  le  souvenir  et  l'encouragement. 

Aussi,  dès  les  premiers  mots  lancés  par  nos  amis  du 
journal  La  Chanson,  tendant  à  consacrer  la  gloire  du 
poëte  en  perpéluant  son  souvenir,  l'idée  a  fait  rapide- 
ment son  chemin. 

Nous  l'avions  tous  en  nous,  il  ne  fallait  qu'une  étin- 
celle pour  la  faire  éclater. 

Ce  n'est  pas  seulement  nous,  les  chansonniers  et  amis 
de  la  chanson,  qui  désirons  élever  une  statue  à  Béran- 
ger ;  je  le  répète,  c'est  la  France  entière  qui  doit  venir 
à  nous,  car,  si  Béranger  fut  un  grand  poëte,  ce  fut  aussi 
un  grand  citoyen,  un  des  plus  beaux  caractères  du 
xix"  siècle.  L'homme  qui  a  écrit: 

L'intolérance  est  fille  des  faux  Dieux  ! 

ne  devrait  avoir  d'ennemi  nulle  part. 

J'ai  lu  récemment  que  les  chansons  de  Béranger 
étaient  immorales.  —  C'est  une  singulière  façon  de  tra- 
vestir les  mots.  — Joyeuses,  voulez-vous  dire?  oui, 
il  y  en  a  de  joyeuses!  voyez  le  grand  malheur,  est-ce 
que  l'heure  de  la  joie  n'a  pas  sa  raison  d'être  dans  la 
vie  ?  csl-cc  qu'elle  n'est  pas  indispensable  à  l'équi- 
libre de  l'existence?  et  quand  nous  parlons  d'un  monde 
meilleur,  quand  nous  travaillons  tous  à  la  réorganisa- 
tion sociale,  pensez-vous  que  nous  ne  réservons  pas 
une  place,  et  une  place  d'honneur,  à  la  gaieté?  Erreur! 
la  joie  est  fortifiante,  et,  au  besoin,  nous  créerions  la 
religion  de  1^  joie  ;  Rabelais,  Lafontaine  et  Béranger  se- 
raient les  officianis  du  temple,  ils  en  vaudraient  bien 
d'autres,  et  le  monde  n'y  perdrait  rien. 

Ne  nous  habituons  pas  à  déchiqueter  ainsi  les  œuvres 
des  grands  hommes,  pour  en  regarder  les  lambeaux 
l'un  après  l'autre  ;  jugeons  l'ensemble  de  l'œuvre, 
voyons-en  la  philosophie  ;  la  partie  politique  n'a  eu  que 
sou  heure,  voyons  loujours  ce  qui  surnage,  c'est-à-dire 
non-seulement  le  sourire  du  poëte,  qui  est  fugitif,  mais 
la  pensée  qui  est  le  rayon  de  son  âme  et  qui  éclaire 
son  livre  à  perpétuité. 

Il  y  a  dans  les  vers  de  Béranger,  comme  dans  toutes 
les  actions  de  sa  vie,  l'amour  de  la  justice.  Il  dit  au 
deshérité  :  «  Espère,  ton  heure  viendra,  mais  n'espère 


LA  CHANSON 


41 


pas  en  maugréant  toujours  ;  tâche  de  garder  ton  sou- 
rire, il  te  donnera  la  force  et  tu  vaincras  par  lui  :  la 
tristesse  te  tuerait.  » 

Il  di  au  prêlro  qui  veut  représenter  Dieu  :  «  Sois 
tolérant,  tu  n'es  qu'un  homme  !  ton  habit  n'est  rien, 
c'est  ta  conscience  qu'il  faut  tenir  m  paix,  compte  avec 
elle.  » 

Déranger  croyait  en  Dieu,  comme  Rousseau,  comme 
Voltaire,  c'est  pourquoi  il  a  écrit  :  le  Fils  du  pape,  le 
Bedenu,  les  Missionnaires,  le  Bnn  Dieu,  les  IJlefs  du 
Paradis,  et  vingt  autres  qu'un"  certain  monde  ne  lui 
pardonneia  jamui.s. 

Cette  partie  de  l'teuvre  do  Bérangor  est  peut-être  la 
plus  importa  nie;  elle  a  contribué,  sous  la  forme  simple 
et  incisive  de  la  chanson  à  répondre,  à  vulgaiiser  l'idée 
de  la  libre  pensée  plus  que  tous  les  grands  discours 
en  vers  et  en  prose;  elle  a  montré,  réduits  à  leur  plus 
simple  e.xpression,  ces  marchands  intéressés,  soutiens 
d'une  religion  qui  n'a  aucun  rapport  avec  Dieu. 

Le  plus  grand  désintéressement  a  toujours  présidé 
aux  actes  de  la  vie  do  liéranger;  il  a  poussé  l'nmour 
du  désinléressement  jusqu'à  en  subir  l'insulle.  «  C'est, 
uu  taux  bonliomme,  a-t-on  dit,  cl  toutes  ses  bonnes 
notions  et  tontes  ses  hoiincs  pensées  ne  sont  qu'une 
combinaison  pour  niônar/er  sa  r/Ioire.  »  Hélas  1  où  peut 
mener  un  pareil  raisonnement'.'  Si  nous  nous  mêlions 
à  calomnier  le  bien,  nous  sommes  bien  près  de  gloi-i- 
lier  le  mal. 

Ce  qu'il  y  a  ilc  rcmarqiialilc  rlr,  ..;  l'auivrc  de  Béran- 
ger,  c'est  la  gradation  conlinuclio  vers  le  grand,  le 
généreux.  Il  suit  lous  les  mouvemenis  humanitaires  ! 
Quoi  de  plus  beau  que  le  volume  des  Dernières  Chan- 
sons, publié  en  '183S'? 

(Jl  pauvres  enranls  du  peuple,  a|]jii-cnc2-les,  ces 
vers,  chanlez-les  !  ils  feront  de  vous  des  hommes  !  Les 
l''ous,  les  (.Ujntreliandiers,  Jacques,  Jeanne  la  Ftousse, 
les  Àf/os  liistoriques,  le  Vieux  Vagabond,  et  toutes 
celles  que  j'oublie. 

Dans  deux  ans,  le  10  noùl  1880,  il  y  :uu-a  cent  ans 
que  Béranger  est  né. 

C'est  ce  jour-l,i  ([u'il  faul  inaugurer  sii  staUic.  C'est  à 
Paris  qu'elle  doit  iHrc  élevée — c'est  un  enfant  de  Paris. 
Elle  a  sa  place  loulo  désignée,  loute  faite  exprès! 
dans  le  square  du  Temple,  tout  |irès  do  la  rue  où  il 
est  morl.  au  milieu  de  celle  popuialion  liavaillcuse  qu'il 
aimait  tant. 

(,)ue  tous  ceux  que  ses  chansons  ont  console,  que 
lous  ceux  qu'elles  ont  instruit,  que  tous  ceux  de  qui 
l'iles  ont  mis  la  joie  au  cœur,  apportent  leur  offrande, 
et  la  stable  sera  liicutùl  l'aile. 

(ju'on  repi'ésoiile  Béranger,  souriant  de  ce  sourire 
qui  lui  olail  l'ainilior,  qr.i  contient  l'ironie  de  Voltaire 
et  la  sagesse  de  Franklin,  et  qu'on  grave  sur  le  pié- 
destal ces  mois  soi'tis  de  son  cicur  : 

Le  bonheur  de  l'humanilé  a  élé  le  songe  de  ma  vie  ! 

D(^^;  liravo."?  chnlenroux  aviiicnl,  A  (livi-:ses  repri- 
ses, souligné  les  phrii-sos  ëncrgi(|U('s  tlo  l'orateur.  Il 
élait  impossible  que  h^s  chansonniers  se  séjiarassent 
lie  l'intelligent  pnlilie  ([ui  les  enloiirail  et  les  ap-, 
prouvait  sans  un  reuiei'cieni.eut  spi'H>ial.  M.  Alphonse 
Leclercq,  au  nom  de  la  Lice,  s'est  chargé  de  ce  soin 
et  .s'est  acquitté  de  sa  lâche  avec  im  grand  Ijonheur 
d'expression.s. 

5  J'espère,  dit-il  en  torniinanl,  qu'en  1880  toute 
la  France  sei'a  représentée  au  centenaire (leBéranger, 
et  (pi'nne  conroime  vraiment  nalionale  sera  di'^posée 
ce  joiir-là  au  pied  de  sa  stahie!   » 

La  eér('>mouie  lerniinée,  la  l'onlo  se  retire,  pro- 
fondément ('nmo.  Le  peuple  a  conservé  vivant  le 
souvenir  do  son  poète;  cid.-i  est  d'un  bon  augure 
pour  l'ienvre  que  ses  admiralenrs  vont  entre- 
prendre.. 

A.  ['.KT.\Y. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAIHE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DES  MOTS  DONNÉS 

Le  banquet  des  3Iots  donnés  est,  pour  le  Caveau 
et  pour  ceux  qui  .s'intéressent  aux  travaux  de  cette 
société  du  gai  savoir,  une  solennité  qu'on  voit  tou- 
jours revenir  avec  plaisir  et  qu'on  attend  avec  im- 
patience. 

J'éprouvais,  je  l'avoue,  quelque  appréhension, 
malgré  la  réussite  des  fêtes  précédentes,  et  malgré 
la  facilité  bien  connue  de  la  plupart  des  membres 
de  la  Société  pour  le  genre  léger  et  comme  impro- 
visé. Un  sujet  imposé,  à  traiter  dans  un  délai  relati- 
vement court,  sujet  quelquefois  ingrat  et  souvent 
peu  en  rapport  avec  les  goûts  particuliers  et  les 
aptitudes  spéciales  de  l'auteur:  ce  n'était  pas  là, 
pensais-je,  de  bonnes  conditions  de  succès.  C'a  été, 
an  contraire,  la  catise  du  succès.  Les  obstacles  n'ont 
fait  ([u'exciter  la  verve  de  nos  chansonniers.  Tous 
ont  tenu  à  montrer  cpie  les  diflicultés  no  sont  faites 
que  pour  être  vaincues,  et  un  éblouissant  feu  d'ar- 
tilice  a  rejeté  dans  l'ombre  les  parties  que  le  temps 
n'avait  pas  permis  de  polir  suflisamment.  Il  doit 
arriver,  en  efl'et,  que  quelques  couplets,  je  ne  di- 
rai pas:  détonnent  ou  fassent  tache  dans  l'ensemble, 
mais  paraissent  un  peu  plus  faibles  que  les  autres. 
11  ne  faut  pas  s'en  étonner: 

iXeqne  semper  arcum 
Tendit  Apollo. 

Ces  faiblesses  relatives  font  mieux  ressortir  le 
mérite  des  parlies  principales  ;  c'est  comme  une 
ombre  voulue  au  tableau.  Reconnaissons  que  cette 
fois  le  sujet  était  vaste:  Les  Peuplesl 

Il  serait  diflicile  de  choisir  une  de  ces  nombreuse?, 
chansons  (on  en  a  chanté  vingt-six),  dont  chacune  a 
pour  sujet  un  peuple  différent,  poiu-  la  soumettre  à 
nos  lecteurs,  et  leur  donner  une  idée  de  l'ensendjle. 
Il  nous  parait  préférable  de  reproduire  les  deux  piè- 
ces c[ui  ont  sei'vi  de  cadre  à  toute  la  soirée;  dans 
l'une,  qui  peut  servir  d'introduction,  et  qui  a  été  en 
effet  chantée  la  première,  le  président  Charles  Vin- 
cent a  fait  appel,  ainsi  qu'on  va  le  voir,  à  ces  idées 
de  concorde  cl  de  fraternité  universelle  qui  font 
quelquefois  sourire  les  vieux  sceptiques  du  Caveau, 
mais  qiii  trouvent  déjà  de  nombreux  et  sympathi- 
ques échos  dans  les  co?urs  jeunes,  et  même  dans 
d'autres. 

La  seconde,  inspirée  à  l'auteur,  qui  n'avait  pas  le 
droit  de  trailer  un  mot  donné,  par  l'invitation  toute 
eracieuse  dont  il  avait  élé  l'objet  de  la  part  de  la 
compagnie  lyrique,  a  précisément  pour  sujet  et  pour 
refrain"  les  lîiots  donn-'s.  Elle  a  clos  la  séance,  et  a 
IKirn  laisser  les  assislants  sous  une  impression  qui 
n'avait  rien  de  trop  pénible. 

Voici  d'abord  la  pièce  de  Charles  Vincent,  qu'il 
inlitulo  :  Les  Peuples. 

Puisque  nous  nous  réunissons. 
Pour  chanter,  ce  soir,  à  la  ronde. 
Toutes  les  nations  du  monde. 
Oc  (lois  \ui  l'-iasl  à  vos   chansons. 


42 


LA  CHANSON 


Puissions-nous  ici  marquer  l'ère 
Où  le  blanc,  le  cuivré,  le  noir. 
Voyant  dans  chaque  homme  leur  frère, 
N'auront  qu'un  but  et  qu'un  espoir! 

Puisse  enfin  se  réaliser 
La  grande  paix  universelle 
Où  nous  verrons  la  foi  nouvelle 
Nous  unir  dans  un  seul  baiser! 

Alors  on  se  dira  :  s  Naguère, 
Par  quelles  aveugles  fureurs 
Nous  faisions-nous  ainsi  la  guerre. 
Pour  des  rois  et  des  empereurs? 

Et  qu'appelle-t-on  l'étranger? 
Qu'appelle-t-on  les  vieilles  haines? 
Le  même  sang  coule  en  nos  veines: 
Pourquoi  donc  nous  enir'égorger? 

Le  sang  qu'on  répand  sur  la  terre 
Ne  peut  rien  y  faire  germer  ; 
Rien  n'est  fécond,  ni  salutaire 
S'il  ne  nous  vient  du  verbe  aimer. 

Pratiquons  cette  loi, d'amour 
Par  la  science  et  l'Évangile: 
Que  le  beau,  le  grand  et  l'utile 
Au  bien  s'unissent  sans  retour!  » 

Le  Caveau  donne  à  tous  l'exemple 
D'une  aimable  fraternité. 
Et  c'est  dans  son  modeste  temple 
Qu'on  peut  chanter  en  liberté. 

Et  quant  à  cette  égalité, 

Qui,  pour  beaucoup,  semble  un  problème. 

Elle  rayonne  ici  quand  même 

Dans  l'éclat  de  notre  gaieté 

De  fleurs  couronnons  donc  nos  têtes; 
Mélangeant  drapeaux,  écussons, 
Des  peuples  préparons  les  fêtes 
Par  notre  exemple  et  nos  chansons! 

Nous  donnerons  à  la  fin  de  cet  article,  pour  l'éloi- 
gn'^r  d'un  voisinage  qui  pourrait  lui  faie  du  tort, 
la  chanson  pour  ou  contre  les  mots  donnés.  Occu- 
pons-nous, sommairement  s'il  se  peut,  des  chansons 
faites  sur  les  mots  donnés.  L'immensité  ou  la  pau- 
vreté de  certains  sujets  était  une  difficulté. 

Tantôt,  le  désir  de  ne  rien  omettre  d'important 
amène  l'encombrement.  Tantôt  la  crainte  de  la  lour- 
deur produit  un  effet  contraire,  et  le  sujet  n'est  alors 
traité  que  superficiellement. 

In  vitium    ducit  eulpa    faga, 

dit  Flaccus.  Il  ajoute,  il  est  vrai  :  Si  caret  arte. 
Mais  les  membres  du  Caveau  n'en  manquent  pas,  et 
ilssaventà  propos  masquer  le  vide  par  un  remplis- 
sage ingénieux  ou  faire  digérer  le  trop  plein  par 
le  piquant  de  la  forme.  Or,  digérer  un  morceau  de 
dictionnaire  ce  n'est  pas  peu  de  chose. 

Duprez  (vous  lisez  bien)  a  tourné  son  sujet  en 
anecdote,  et  ses  Patagous  ne  s'en  sont  pas  plus 
mal  trouvés. 

Les  Persans,  les  Tyroliens,  les  Espagnols  sont 
au  nomb;  e  des  peuples  dont  les  Homères  ont  peut- 
être  eu  trop  recours  au  dictionnaire  historique.  L'é- 
rudition a  ,  par  place,  alourdi  l'allure  chansonnière. 
En  revanche,  les  Arabes, les  Nubiens,  les  Turcsont 
inspiréà  Guérin,  à  Moynot  et  à  Vergeron  de  véri- 
tables chansons,  d'un  tour  libre  et  dégagé.  Charles 
■Vincent,  embarrassé,  paraît-il,  d'avoirdeux  peuples 


sur  les  bras,  les  a  fondus  ensemble,  et  n'en  a  fait 
qu'un  morceau.  Les  Egj'ptiens,  les  Grecs  !  Rien  que 
cela.  Pour  lui,  les  premiers  représentent,  en  art, 
le  grand  ;  et  les  seconds,  le  beau.  Après  nn 
résumé  brilJnnt  des  épisodes  les  plus  marquants  de 
la  vieintellectuelîe  de  ces  deux  nations,  il  arrive,  en 
poëte  philosophe  qu'il  est,  par  un  retour  naturel  aux 
préoccupations  modernes  et  françaises, à  conclure  que 
les  Français  sont  aujourd'hui  les  viais  héritiers  de 
ces  précurseurs  delacivilisalion,  ctqu'ils  réunissent 
dans  leurs  œuvres  le  beau  et  le  grand.  Ce  n'estpas 
moi  qui  m'inscrirai  en  faux. 

Leconte  en  chantant  la  Scandinavie  ,  Grange, 
dans  ses  Danois,  ont  montré  des  qualités  opposées. 
A  l'un,  la  verve  un  peu  exubérante,  l'enthousiasme  ; 
à  l'autre,  l'esprit  froid  mais  fin.  Je  ne  sais,  pour  le 
dire  en  passant,  si  les  Danoises  seraient  enchantées 
du  rapprochement  que  l'auteur,  cette  foispeu  galant, 
établit  entre  elles  et  lés  toutous  de  leurs  pays.  Après 
tout,  auraient-elle  bien  tort  de  se  trouver  blessées  ? 
Un  chien  regarde  bien  un  évêque.  Et  d'ailleurs, 
Grange n'a-t-il  pas  déjà  comparé  l'homme  au  chien 
en  les  renvoyant  dos  à  dos  ? 

■  Les  Italiens  ont  fournià  Jullien  c[uelques  couplets 
intéressants,  où  l'histoire  est  présentée d'iuie  façon 
piquante.  Dans  les  Mexicains,  de  Lagoguée,  c'est  le 
côlébotaniquesurtout  qui  apparaît,  et  nul  ne  s'en 
cent  plaindre. 

La  plus  originale  peut-être  de  toutesces  chansons 
avait  précisément  le  sujet  le  plus  difficile  à  traiter, 
vu  sa  banalité  même. 

Les  Français  :  i(UB  dire  là  dessus  et  que  ne  pas 
dire?  Là  était  l'écueil.  Rubois  a  vaincu  la  difficulté 
par  le  choix,  la  tournure,  l'expression. 

Qui  ne  sait  se  borner   ne  sut  jamais    écrire, 
disait  Despréaux.  Rubois  a  su  se  borner,  et  il  a  mon- 
tré une  lois  de  plus  que  le  Caveau  œorferae  peut  voir 
enlui,    s'il  veut  mériter  ce  nom,  un  disciple  dont  il 
pourra  justement  s'enorgueillir. 

Mouton-Dufrnisse,  très-cnmique  avec  ces  Chi- 
nois.... Mais  je  m'aperçois,  un  peu  tard  sans  doute, 
que  je  développe  outre  mesure  mes  appréciations, 
qui  i!ilcres-;ent  peut-être  beaucoup  ceux  qui  en  sont 
l'objet  (pourquoi  ne  pas  le  supposer?),  mais  qui 
paraîtront  quelquepeu  longues  à  mes  lecteurs.  Pas- 
sons donc  au 

BAÎ^TQUET  DU  5  JUILLET  1878 

Moins  on  est  de  fous,  plus  on  rit. 

Le  proverbe  mis  en  chanson  par  Armand  Gouffé 
peut  être  renversé.  En  effet,  si  le  banquet  de^mots 
donnés  élait.  assez  nombreux,  celui  du  ôjuilletl'était 
peu.  Mais  en  revanche,  la  monotonie  avait  dans  le 
premier  montré  le  bout  de  son  nez,  tandis  qu'au  se- 
cond, malgré  le  nombre  restreint  des  convives,  une 
grande  vaViété  dans  les  productions  a  permis  de  ré- 
sister aux  ardeurs  du  gaz  et  de  l'atmosphère  tropi- 
cale. 

Ici  encore  les  niota  donnés  ont  eu  leur  écho.  Gar- 
raud,  absent  au  banquet  spécial,  a  payé  sa  dette  en 
nous  chantant  les  Russes.  Il  vante  fort  ces  Français 
du  Nord,  comme  il  les  appelle,  leur  attribuant  ainsi 
un  noble  titre  décerné  jtisqu'à  présent  exclusive- 
ment auxPoIonaîs.  Mais  vous  êtesorlévre,.  monsieur 
Josse,  et  je  comprends  les  motifs  de  cette  flatterie 


LA  CHANSON 


43 


quelque  peu  outrée.  Les  Russes  pratiquent  une  large 
hospitalité,  et  offrent  un  accueil  doré  aux  artistes, 
aux  comédiens;  il  n'en  faut  pas  plus  pour  vous  en- 
flammer à  leur  endroit.  Les  roubles  ont  des  reflets 
qui  trompent  l'œil  et  font  voir  tout  en  rose.  Rien  de 
la  Sibérie. 

Autre  peuple.  Toujours  les  mok  donnés,  hzbè- 
doUière,  en  paresseux  qu'il  est,  n'a  pas  traité  son 
mot.  Claii'ville,  non  content  d'avoir  chanté  Pour  le 
roi  de  Pr(«se,et  d'avoir  célébré  les  Flandres  et  le  bon 
Portugal,  s'empare  aussi  des  Ecossais,  délaissés  par 
l'éminent  et  oublieux  journaliste.  Toute  leur  his- 
toire, souvent  sanglante,  se  déroule  en  quelques 
couplets,  ingénieusement  encadrée  dans  cet  impi- 
toyable refrain  : 

Mais  ils  n'ont  pas  de  pantalon. 

Le  vaudevilliste  fin,  mais  cherchant  toujours  le 
côté  grotesque,  triomphe  dans  ces  sortes  de  tours  de 
force.  Heureusement  l'esprit  n'y  perd  rien. 

Le  toast  du  prô.sideal,  inspiré  parle  mois  de  juil- 
let et  les  grandes  dates  qu'il  rappelle, est  peut-être  la 
seule  pièce  (|ui  se  soit  élevée  au  dessus  du  niveau 
coupletier.  Mais  aussi  quels  souvenirs  !  Le  14  juil- 
let, qui  voit  crouler  la  Bastille;  les  trois  glorieuses, 
comme  on  disait  encore  sous  Louis-Philippe.  Puis, 
par  un  acheminement  heureu.x  vers  le  but  de  son 
morceau, l'anniversaire  de  la  mort  de  Béranger  a 
fourni  à  Charles  Vincent  son  mot  de  la  fin:  la  Chan- 
son.Production  variée  de  ton, chaleureuse, et  dite  par 
lui  comme  il  sait  dire  —  (|uandil  ne  chante  pas. 

Grange  ne  cherche  pas  les  grands  sentiments. 
Le  coté  tendre  des  choses  ne  le  touche  guère.  11  est 
froid  et  sceptique.  Un  proverbe  préscnte-t-il  une  face 
consolante,  douce  :  il  va  le  regarder  par  derrière, 
et  vous  en  montre  bien  vile  l'envers.  Quelle  aima- 
ble illusion  pour  le  déshérité  de  se  dire  :  Jejouis  de 
ce  que  je  vois  ;  je  n'y  touche  pas,  si  ce  n'est  des 
yeux  ;  mais  je  crois  le  posséder  :  Voir  c'est  avoii  ! 
Non,  dit  Grange,  ça  n'est  pas  vrai.  C'est  le  contraiie 
qu'il  faut  croire.  "Tant  pis  pour  le  bonheur  rôvé,  le 
positif  est  là,  dur  et  inexorable.  Voir,  ce  n'est  pas 
avoir.  Et  il  le  prouve  ;  et,  pendant  qu'il  poursuit  sa 
démonstration  d'une  voix  nette  et  cruelle,  il  semble 
qu'on  entende  l'oiseau  moqueur  des  forêts  d'Amé- 
rique persiftlant  le  chaut  poétique  et  croyant  du 
rossignol. 

Les  Antipodes,  de  Fénée,  n'ont  pas  le  même 
entrain  que  certaines  chansons  du  même  auteur. 
Il  est  vrai  que  le  sujet  n'y  prêtait  pas  beaucoup,  et 
cette  nomenclature  d'objets  qualilies  tour  à  tour  de 
caca  et  de  nanan,  ne  laisse  pas  d'avoir  quelque  chose 
de  froid;  la  pièce  n'est  pas  sans  mérite  toutefois  ; 
mais  l'auteur  nous  a  rendu  dil'lîcile. 

Le  premier  tour,  c'est  celui  des  chansons  inédites  ; 
elles  ont  été  naturellement  peu  nombreuses,  onze 
en  tout.  Les  Casus  belli,  de  Ripault,lus  par  Grange 
avec  plus  de  goût  que  de  voix,  —  h'Abus  do  la  rai- 
son, de  Montariol,  —  Un  marivaud■^ge,  de  Charles 
Vincent,  —  Les  Plaintes  de  ces  messieurs  à  ces  pe- 
tites dames,  de  Rubois,  —  les  Etirontés,  d'un  ré- 
dacteur de  la  Cimnson,  et  Tranquille,  de  FeuiUée, 
qui  a  ouvert  le  feu,  ont  offert,  comme  dans  un  bou- 
quet aux  mille  couleurs,  la  gaieté,  la  satire,  l'esprit 
sans  méchanceté,  l'énergie  même  et  parfois  la 
grâce.  La  qualité  suppléait  à  la  quantité. 

Vu  l'heure  peu  avancée,  il  a  été  procédé  à  un 
second  tour. 


Ces  seconds  tours  ont  un  certain  attrait.  Non  plus 
celui  de  la  nouveauté,  mais  du  renouveau.  C'est  un 
choix  de  bonnes  chansons  parmi  les  meilleures  ;  il 
est  rare,  en  ces  occasions,  que  l'auteur  ait  la  main 
malheureuse.  L'auditoire,  guidé  par  le  souvenir, 
aiderait  au  besoin  le  chanteur.  Montariol,  dans 
Lequel  des  deux  ?  —  Clairville,  en  décrivant  le 
Monde  microscopique, —  Vincent,  célébrant  le  pays 
de  sa  naissance  et  les  grands  bois  qui  berçaient  les 
rêveries  de  sa  jeunesse,  —  Enfin  V Enterrement, 
chanson  redemandée,  dont  l'auteur  signe  le  pré- 
sent article,  ont  recueilli  des  applaudissements  una- 
nimes. Pourquoi  n'ajouterais-je  pas,  justement  mé- 
rités ? 

Et  maintenant  que  nous  avons  feint  de  reculer, 
mais  pour  mieux  sauter,  exécutons-nous,  et  trans- 
crivons ici,  pour  terminer,  la  chanson  des  ajo^sc/oh- 
nés  qui  a  clôturé  la  séance  annuelle  du  21  juin  der- 
nier : 


AUX  MEMBRES  DU  CAVEAU 


-■Vir:  Allez-vous-en,  yens  delà  aoce. 

Le  bec  en  l'air,  à  voire  porte, 
Rèvoiir,  je  croquais  le  marmot, 
Quand  hier  un  ami  m'apporte 
De  votre  part  un  petit  mot. 
Sur  ce  cher  billet  au  plus  vite 
Je  jette  dos  yeux  étonnés. 

Quoi,  pour  mon  nez 

De  tels  dîners  ! 
C'est  bien  vrai  ;  le  Caveau  m'invite 
A  son  banquet  des  Mots  donnés. 

Or  ce  banquet,  où  nul  profane 
De  pénétrer  n'aurait  le  fiont, 
Compte  plus  d'un  Aristophane, 
Plusieurs  Horaoes,  maint  Piron. 
•Donc,  Phœbus,  il  faut  que  tu  m'aides. 
Car  un  proverbe  suranné, 

Mais  bien  prôné, 

M'a  taquiné  ; 
C'est  :  Aux.  grands  maux  les  grands  remèdes. 
En  est-il  pour  un  mot  donné? 

Dans  celle  lice,  où  vo're  verve 
Cueille  un  succès  à  chaque  pas, 
Piimeur  en  dépit  de  Minerve, 
Me  hasarder...  je  n'ose  pas. 
Ma  muse  n'a  jamais  pu  mordre 
A  ces  sujets  déterminés. 

Vers  retournés, 

Airs  fredonnés, 
Rien  ne  la  soumet  aux  mots  d'ordre, 
Même  par  le  Caveau  donnés. 

Votre  chanson,  en  politiciue, 
Accepte  tout  pour  ce  qu'il  vaut. 
Demeurer  toujours  éclectique. 
C'est  la  devise  du  Caveau. 
Malgré  bien  des  eflforts  contraires, 
Au  principe  vous  ramenez 

Les  obstinés. 

Preuve  ?  Tenez  : 
Les  peuples  sonl  pour  eux  des  frères; 
Pour  vous  ce  sont  des  mots  donnés. 


44 


LA  CHANSON 


Sur  les  méchants,  sur  la  sottise. 
Vous  lancez  un  couplet  moqueur  ; 
Mais,  si  la  bonne  humeur  l'attise, 
L'esprit  ne  fait  pas  fort  au  cœur. 
On  peut  l'ire  d'un  centenaire. 
Mais  jamais  des  infortunés. 

Ainsi,  venez. 

Amis  pannes: 
Le  Caveau,  toujours  débonnaire, 
Pratique  le  grand  mot:  Donnez. 

Peuples  divers,  c'est  votre  thème, 
Par  tous  également  .suivi. 
Moi,  je  suis  frileux  par  système. 
Et  Peuples  d'été  m'eût  ravi. 
Réchauffez-moi  donc  par  vos  tapes; 
Prouvez  que  vous  me  pardonnez, 

Tout  bassinés 

De  vers  mal  nés. 
D'avoir  pris  part  à  vos  agapes 
Et  fait  faux  bond  aux  mots  donnés. 

EuG.  IMBERT. 


LES  QUATRE  SAISONS 


Air  connu. 

Petits  oiseaux,  chantez  l'aurore, 
Chantez  le  printemps,  les  amours. 
Petits  oiseaux,  chantez  encore 
Les  fleurs,  présages  des  beaux  jours; 
('.hantez  dans  la  verte  fouillée 
De  vos  compagnes  les  atoui'S, 
Et,  dans  la  verdure  émaillée, 
Pe'its  oiseaux,  chantez  toujours  ! 

Chantez  le  soleil  qui  colore 
Los  coteaux,  les  champs  et  les  prés. 
Petits  oiseaux,  chantez  encore 
De  (;érès  les  cheveux  dorés  ; 
Chantez  les  moutons  qui  bondissent 
Sous  l'œil  vigilant  des  pastours, 
Et,  lorsque  les  épis  mûrissent, 
Petits  oiseaux,  chantez  toujours! 

Chantez  le  raisin  qui  se  dore 

Pour  nous  donner  dos  vins  nouveaux, 

Et  mêlez  votre  voix  sonore 

Aux  joyeux  airs  des  gais  pipeaux; 

Chantez  le  doux  jus  de  la  tonne 

Dont  s'inspirent  les  troubadours, 

El,  pour  les  fruits  mûrs  de  l'automne, 

Petits  oiseaux,  chantez  toujours  ! 

Quant  tout  se  tait  dans  la  natui'e, 
Ouo  le  ciel  est  gris  et  brumeux, 
Ùuand  on  n'entend  plus  le  murmure 
Des  petits  ruisseaux  sablonneux, 
Lors(]ue  janvier  sème  le  givre 
Dans  nos  bois  naguère  toulîus, 
Et  qu'aux  champs  rien  ne  semble  vivre, 
Petits  oiseaux,  ne  chantez  plus  ! 

J.-B.  DAVAGNIER. 


L^OUVRIER 


Chaque  malin  avant  l'aurore. 
Qu'il  fasse  chaud,  qu'il  fasse  froid. 
Que  le  printemps  d'un  rayon  dore 
Ou  que  l'hiver  glace  mon  toit, 
Dispos  et  joyeux  je  me  lève, 
Pendant  qu'autour  de  moi  tout  dort 
Pour  le  travail  quittant  le  rêve 
Qui  m'a  bercé  dans  ses  flots  d'or. 

La  forge  fume. 
C'est  le  réveil  ! 
Marteaux  frappez  l'enclume  ; 
Le  feu  vermeil 
Déjà  s'allume. 
C'est  le  réveil  ! 

C'est  le  travail  qui  m'a  fait  libre  ; 
Le  pain  que  je  mange  esta  moi 
El  mou  budget,  comme  équilibre, 
Vaut  bien  celui  de  plus  d'un  roi. 
Ma  femme  est  mon  premier  ministri 
Si  mon  domaine  est  limité, 
Chez  moi,  loin  de  l'ennui  sinistre, 
On  trouve  la  fraternité. 

La  forge  fume,  elc. 


Je  suis  seul  àl;oiro  en  mon  verre, 
Mais  en  travailhiut  j'y  bois  dur  ; 
Il  le  faut  bien,  la  forge  altère, 
Et  d'ailleurs  je  bois  mon  vin  pur. 
Je  bois  à  l'avenir  prospère 
Qui  dans  les  rêves  me  sourit, 
Je  bois  à  la  France,  ma  mère. 
Au  sol  libre  qui  me  nourrit. 

La  forge  fume,  etc. 

Ma  femme  a  mis  un  fils  au  monde, 
C'est  un  bonheur  à  la  maison 
Où  de  ce  jour  la  joie  abonde: 
Le  bonheur  a  toujours  raison. 
L'enfant  grandira,  je  l'espère; 
Quand  ses  quinze  ans  arriveront. 
Nous  en  ferons,  comme  son  père. 
Un  brave  et  joyeux  forgeron. 

La  forge  fume,  etc. 

Je  porto  aux  doigts  la  dure  empreinte 
Qu'y  laissent  les  marteaux  de  fer. 
0!  travail,  c'est  ta  marque  samte  ! 
C'est  pour  vivre  que  j'ai  souffert. 
En  ma  force  j'ai  (lonfiance. 
Mais,  quand  viendront  les  cheveux  blancs 
Mes  enfants,  pleins  de  déférence. 
Entoureront  mes  derniers  ans. 

La  forge  fume, 
C'est  le  réveil  ! 
Marteaux,  frappez  l'enclume  ; 
Le  feu  vermeil 
Déjà  s'allume  : 
C'est  le  réveil  ! 

G.  DE  LA  SALLE 


LA  CHANSON 


45 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


GUSTAVE  NADAUD 


MEMBRE  DU  CAVEAU 


Lii  biographie  de 
Nadaud,  comme  celle 
delà  plupart  des  écri- 
vains modernes,  ne 
contient  aucun  de  ces 
événements  dramati- 
ques dont  se  repaît  la 
curiosité  banale. 

Nadaud  (Gustave) 
est  né  à  Roubaix,  le 
20  février  1820,  d'une 
famille  de  commer- 
çants. Pourvu,  dans 
sa  ville  natale,  d'une 
bonne  instruction  pri- 
maire, il  fut  envoyé  à 
Paris,  en  1834,  pour 
compléter  ses  études 
au  collège  Rollin. 

Quatre  ans  après, il 
retournait  à  Roubaix, 
et  y  débutait  dans 
la  carrière  du  négoce. 
En  1840,  la  famille 
Nadaud  vint  à  Paris 
fonder  une  maison  de 
vente  des  tissus  de 
Roubaix  ;  Gustave  fut 
associé  aux  opérations.  La  Muse  commençait  à 
le  lutiner.  Menant  la  double  vie  de  commis  et  d'étu- 
diant, il  trouva  naturel  de  rimer  le  souvenir  des 
plaisirs  faciles  qu'il  goûtait  aux  heures  de  liberté.  A 
cette  époque,  remonte  la  satire  fameuse  des  Raines 
de  Mabille.  Écrite  sans  grand  souci  de  la  forme, 
elle  obtint  rapidement  une  popularité  qui  engagea 
Nadaud  à  poursuivre  ses  essais.  Courageux  et  te- 
nace, il  perfectionna  son  style,  apprit  les  règles  de 


la  composition  musi- 
cale, et  put  bientôt  li- 
vrer au  public  des 
œuvres  remarquables 
par  leur  verve,  leur 
fraîcheur  et  leur 
gaieté. 

Pendant  ce  temps, 
la  Révolution  de  Fé- 
vrier s'était  accom- 
plie. La  crise  commer- 
ciale qui  suivitconfir- 
ma  Nadaud  dans  son 
dessein  bien  arrêté  de 
se  consacrer  à  la  lit- 
térature. Il  quitta,  en 
1849,  la  maison  de 
tissus  qu'il  tenait  , 
place  des  Victoires. 
La  môme  année,  parut 
son  premier  recueil 
de  chansons.  On  y  re- 
marque, entre  autres 
productions  réussies, 
deux  portraits  humo- 
ristiques,^7a  Lorelle 
du  jour  et  la  Loretle 
du  lendemain,  tracés 
avec  un  esprit  impitoyable.  La  première  triomphe, 
prélevant  sur  tous  d'abondantes  contributions  : 

Mon  mobilier,  c'est  ma  biographie 
Qui  doit  finir  au  Mont-de-Piété, 
Et  claaque  objet,  incident  de  ma  vie, 
Me  ditencor  le  prix  qu'il  a  coûté. 

Le  vent  révolutionnaire  a  passé  sur  la  seconde, 
qui  soupire  ce  refrain  mélancolique  : 


46 


LA  CHANSON 


J'étais  coquette, 

J'étais  lorelte. 
Mais  qu'ils  sont  loin,  mes  beaux  jours  d'autrefois, 

La  République 

Démocratique 
A  détrôné  les  reines  et  les  rois. 

Le  recueil  de  Nadaud  fut  accueilli  très-favorable- 
ment ;  ses  chansoDs,  réunies  par  groupesen  albums, 
s'enlevèrent,  et  plusieurs,  éditées  à  part  avec  mu- 
sique composée  par  lui-même,  lui  valurent  un  dou- 
ble succès. 

Nadaud  avait  désormais  sa  place  au  firmament 
littéraire.  L'éditeur  Vieillot,  et,  après  lui,  la  maison 
Heugel  firent  au  chansonnier  applaudi  des  offres 
brillantes  qu'il  accepta  et  qui  le  sauvèrent  de  cette 
lutte  pénible  pour  la  conquête  du  pain  quotidien, 
dans  laquelle  tant  de  talents  précieux  ont  été  brisés. 

D'année  en  année,  de  mois  en  mois,  l'œuvre  chan- 
sonnière de  Nadaud  s'accrut,  toujours  estimée,  sou- 
vent même  adoptée  par  la  vogue.  Elle  se  compose 
aujourd'hui  de  quatre  cents  productions  au  moins, 
où  tous  les  genres  sont  admis,  tous  les  sujets  trai- 
tés, et  que  l'éditeur  Pion  a  réunies  en  cinq  volumes 
sous  ces  titres  : 

Chansons  de  salon,  —  Chansons  populaires,  — 
Chansons  légères,  —  Chansons  nouvelles,  —  Chan- 
sons inédites. 

Nous  glanerons  au  hasard  dans  ce  vaste  champ 
poétique . 

L'auteur  a  des  indulgences  pour  les  filles  folles 
que  sa  muse  a  d'abord  chantées.  Ecoutons  le  pre- 
mier couplet  à' Adèle  : 

Adèle  est  une  lorette, 
Elle  vit  de  ses  amours  ; 
Elle  change  tous  les  jours 
D'amant  comme  de  toilette, 
Et  chacun  de  ses  désirs 
Lui  coûte  un  ou  deux  plaisirs. 
Mais,  dans  sa  noire  prunelle, 
Brille  tant  de  volupté!... 
Adèle,  ma  pauvre  Adèle, 
Cela  vous  sera  compté. 

Pour  absoudre  les  amours  faciles,  le  poète  n'en 
rêve  pas  moins  des  liaisons  plus  licites,  mais  quoi  ! 
est-ce  sa  faute  si  la  vie  de  ménage  ne  l'a  pas  con- 
quis : 

Je  veux  garder  toute  ma  vie 
Sur  moi-même  un  pouvoir  complet. 
Sortir  lorsque  j'en  ai  l'envie. 
Et  rentrer  quand  cela  me  plaît  ; 


Ouvrir  ou  fermer  ma  fenêtre, 
Garder  ou  vendre  ma  maison  ; 
Enfin  je  veux  être  mon  maîlre... 
Voilà  pourquoi  je  suis  garçon. 

Alors  revient  le  tableau  des  jeunes  plaisirs;  M^ 
Chaumière  a  son  chant  après  Mabille. 

Allez,  fringanles 

Etudiantes, 
.\llez  trouver,  étudiants  joyeux. 

Dans  vos  chambrettes. 

Sur  vos  couchettes, 
Le  repos  seul  ou  le  plaisir  à  deux. 

Puis,  comme  contraste,  nous  nous  trouvons  bien- 
tôt en  pleine  pastorale  : 

Pâle  habitant  de  la  ville  adorée, 
Où  le  plaisir  doit  abréger  les  jours, 
Tu  crois  avoir  dans  ta  prison  dorée. 
Tous  les  bonheui-s  et  toutes  les  amours. 
Viens  dans  les  champs  où  brille  la  verdure. 
Dans  nos  sentiers  viens  égarer  les  pas; 
Nous  entendrons  la  voix  de  la  nature. 
C'est  une  voix  que  tu  ne  connais  pas. 

Mais  nos  citations  sont-elles  utiles?  Si  considérable 
que  soit  le  répertoire  de  Nadaud,  renferme-t-il  une 
œuvre  dont  il  faille  rappeler  plus  que  le  titre  ?  — 
Quelle  jeune  fille  n'a  chanté  Est-ce  tout  ?  Perrette 
et  le  Sorcier,  la  Valse  des  Adieux?  —  Quel  ami  du 
vin  n'a  fêté  le  Docteur  Grégoire  ?  —  Quel  amateur 
de  rimes  faciles,  de  traits  malins,  de  rêveries  douces, 
ne  connaît  7es  Amants  d'Adèle,  Satan  marié,  Bon- 
homme, Ursule,  les  Dieux,  l'Histoire  du  mendiant, 
le  Première  Maîtresse,  le  Voyage  aérien,  le  Sultan, 
Macadam,  Carcassonne,  le  Livre  favori,  Made- 
leine, Les  Gros  Mots,  Chut  !,  Mon  Ministère,  Les' 
Deux,  Pandore,  l'Osmanomanie,  l'Anniversaire  de 
l'ouvrier,  le  Train  des  Maris,  tant  d'autres  encore  ? 
—  Et  cette  élégie  touchante,  le  Nid  abandonné, 
qui  n'en  a  répété  la  strophe  finale  : 

Allez,  enfants,  douces  chimères, 
Rêves  menteurs  qui  nous  charmez. 
Vous  n'aimerez  jamais  vos  mères 
Autant  qu'elles  vous  ont  aimés  ! 

Tout  en  applaudissant  chez  Nadaud  la  verve  inta- 
rissable, la  science  du  vers,  un  sentiment  délicieux, 
une  certaine  élévation  philosophique  et  une  aptitude 
rare  à  varier  ses  inspirations,  on  pouvait  regretter, 
dans  ses  chants,  l'absence  de  la  note  virile  et  patrio- 
tique. Les  désastres  nationaux  ont  complété  le  pqëte. 


LA  CHANSON 


47 


Il  était  à  la  campagne,  près  de  Lyon,  quand  la  ter- 
rible Ëfuerre  de  1870  commença;  il  demanda  aussitôt  à 
entrer  dans  l'ambulanee  lyonnaise  qui  se  formait.  Sa 
demande  accueillie,  il  s'engagea  pour  ce  pénible 
service  et  le  fit  pendant  toute  la  campagne.  Il  a  con- 
signé dans  un  livre  {Mes  notes  dlntirmier-,  publié 
par  Pion,  en  1871),  nombre  d'épisodes  émouvants  et 
de  réflexions  sages.  Il  n'est  pas  étonnant,  alors,  que 
Nadaudait  signé,  quelques  mois  plus  tard,  ces  vers 
énergiques  : 

N'attendez  plus  de  moi 
La  molle  poésie, 
Qui,  d'un  secret  émoi, 
Tenait  l'ùnao  saisie; 
•  O  France,  je  t'aimais, 
Jusqu'à  l'idolâtrie; 
Tou^  mes  chants  désormais 
Seront  iiour  ma  patrie! 

Et  cette  invitation  éloquente  à  ses  confrères  en 
poésie  : 

Chanson,  il  f.iul  i-liangcr  de  style, 
Quel  ne  serait  pas  ton  honneur. 
Si  lu  pouvais  le  i-endre  utile 
Sans  perdre  ton  aimable  humeur? 
Les  ans  onl  blanchi  notre  tète. 
L'orage  a  courbé  notre  corp."*; 
Bénis  soient  l'âge  et  la  tenipèlc 
S'ils  rendent  nos  fils  fiers  el  forts  1 

Il  faut,  sous  un  refrain  frivole. 
Cacher  une  leçon, 
Charme,  élève,  console. 
Et  vole,  vole,  vole. 
Chanson  ! 

On  est  heureux  d'entendre,  de  la  bouche  d'un 
maître,  d'aussi  nobles  conseils. 

Bien  que  ses  chansons  eussent  suffi  pour  lui  as- 
signer un  rang  distingué  dans  notre  littérature, 
Nadaud  a  voulu  s'attaquer  à  d'autres  genres.  Il  a 
écrit  un  volume  de  Contes,  Récits  et  Scènes  en 
vers,  édité  récemment  avec  luxe  par  Jouaust,  et  qui 
renferme  des  choses  remarquables,  trop  longues, 
malheureusement,  pour  être  reproduites. 

Il  a  publié,  en  1861,  à  la  librairie  Hachette,  un 
roman  enlprose^et  vers  intitulé  Une  Idylle,  on  l'ob- 
servation vraie  le^dispute  à  l'invention  gracieuse. 

Enfui ,  Nadaud  a  tenté  la  difficile  carrière  du 
théâtre. 5Un  recueil  d'Opérettes  avait  fait  la  joie  des 
salons  de  Paris,  quand]il  rêva  l'honneur  d'un  succès 
à  la  Comédie-Française.  Le  20  février  1870,  à  l'heure 
même  où  sonnait  pour  lui  la  cinquantaine  ,  Nadaud 


lisait  au  comité  de  notre  premier  théâtre  une  pièce 
en  vers  qui  fut  écoutée  avec  intérêt  et  reçue  à  l'u- 
nanimité. Pourquoi  ne  l'a-t-OQ  pas  représentée? 
L.'  poète  l'ignore  et  s'en  tourmente  peu  ;  cependant 
il  juge  bon  de  rafraîchir  parfois  la  mémoire  de  l'ad- 
ministrateur oublieux.  Tous  les  ans  donc,  le  20  fé- 
vrier, M.  Perrin  voit  arriver  une  copie  de  la  lettre 
suivante  : 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  rappeler  que  j'ai,  depuis 

le  20  février  1870,  une  comédie  en  vers  reçue  à 

votre  théâtre.  Il  serait  temps  de  penser  aux  auteurs 

qui  nn  se  recommandent  jias  [lar  leur  impnrtunité. 

«  G.  Nai'aud.  » 

Nous  altendons  avec  curiosité  le  ilénouement  de 
cette  lutte  d'une  patience  contre  une  inertie. 

Plus  hospitalier  pour  Nadaud,  le  Gymnase  lui 
joua,  le  18  juin  1874,  une  comédie  en  deux  actes, 
intitulée  Dubois  d Australie.  L'auteur,  sur  les  con- 
seils de  la  direction,  avait  coupé  tout  un  acte  de  sa 
pièce  et  retranché  les  détails  qui  lui  plaisaient  le 
plus.  —  a  Nous  avons  un  succès!  »  dit,  à  la  fin  du 
spectacle,  M.  Monligny.  Parti  sur  cette  assurance, 
Nadaud  fut  désagréablement  surpris  en  voyant,  le 
lendemain,  sa  comédie  donnée  en  lever  de  rideau. 
Dubois  d  Australie  se  joua  peu.  A  qui  la  faute? 
Nous  attendrons,  pourdécidcr,que  Xadaudait  publié 
son  œuvre  telle  qu'il  l'avait  écrite.  Elle  paraîtra 
bientôt  chez  Tresse,  avec  d'autres  essais  inédits. 

En  résumé,  sous  ses  aspects  divers,  le  talent  de 
Nadaud  réclame  de  la  critique  une  attention  parti- 
culière. Tour  à  tour  folâtre ,  sévère  ou  rêveuse, 
sa  muse  est  avant  tout,  de  bonne  compagnie.  Ses 
refrains,  où  jamais  la  vulgarité  ne  triomphe,  égaient 
souvent  la  table  do  famille.  Recherché,  fêté  partout, 
le  sympathique  chansonnier  donne  à  ses  œuvres, 
en  les  interprétant,  un  relief  considérable,  et  se 
fait  applaudir  à  la  fois  comme  écrivain,  comme  mu- 
sicien et  comme  expert  en  l'art  de  dire. 

Bien  (pie  raillé  par  le  poète,  l'empire  le  fit,  en 
1861,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur.  L'opinion 
publique  ratifia  cette  nomination,  de  même  qu'à 
une  date  plus  récente,  les  lettrés  ont  applaudi  à 
l'excellente  idée  qu'avaient  eue  deux  auteurs  de 
grouper  et  d'animer,  dans  un  vaudeville,  les  créa- 
tions principales  de  Nadaud.  Après  Béranger  et 
Désaugiers,  qui  seuls  l'avaient  obtenu,  le  théâtre 
devait  cet  hommage  au  poëte  qid  continue,  avec 
autant  de  charme  que  d'esprit,  les  bonnes  traditions 
do  la  chanson  française. 

L.-HENRY  LECOMTE. 


LA  CHANSON 


LE  VIN  DE  LA  COMÈTE 


Musique  de  F.  HAUBERT  (1). 


Allrgrettn  leggirn 


chève.  Les  bfaux  jours  voni  fuir  padi-eux,    Mi-gnonne,  laisse-là  Ild 


rn-'?  ■'  f  !  g^=H'  J' T^ 


<»       r      1         er^ 


rê-ve.      Prends    mon    bras    et    par- tons    joy  -  eux!  Viens 


doux  ange,  oublier    nos    peines.    Sur     les   verts    co-teaux  de   Su 


animato. 


res-nesl  C'est   di     -      manche,  aujouï^d'hui   Mu -sette.  Aux  vigne 


viens  courir  tous  deux.  Vidons  un  flacon  savou-reux.    De  vin   î^ei! 
u  H  rit:   . .      (^      dolce. 


veau     de    la    co  -  mè-te       Cest    di -manche,  au-jourd' bui    Mu 


set -te.     Aux    vi-gnes    vienr,... par-tons    tous    deux! 


De  raisins  mûris,  ô  ma  reine. 
Couronne  ton  front  sans  pareil  ; 
Des  rubis  de  ma  eoupe  pleine 
Viens  colorer  ton  teint  vermeil; 
Que  la  liqueur  enchanteresse 
Change  tes  chagrins  en  ivresse  1 

C'est  dimanche,  etc. 


Laissons  le  travairdela  veille, 
Dis-moi  tes  refrains  les  plus  doux  : 
Allons  à  l'ombre  de  la  treille 
Ouïr  la  chanson  des  glougloux  ; 
Kll,  par  raille  baisers,  charmante. 
Imite  leur  bruit  qui  t'enchnnle  : 

C'est  dimanche,  etc. 


Ici  I  IJ nocompnrjnempnt  se  trouve  cliex  C.   Avocat,  érlilniir.  fnnlioiuff  Mnntmarire,  2'i 


LA.  CHANSON 


49 


Uiio  i:e  lU'fUir,  ô  mou  doux  auge, 
l'rusiigc  à  Ion  cœiii-  d'iieurciix  j(jiirti  ; 
Que,  flans  un  bonheur  sans  inélaoge 
Il  éternise  nos  amours. 
Pour  qu'en  l'aimant,  ô  ma  rliério, 
Je  te  chante  toute  la  vie  : 

l'.'osi  dimanrhc  aujounriiui,  Muselle, 
Aux  vignes  viens  l'ourir  tous  deux. 

Vidons  un  flacon  savoureux 
De  vin  nouveau  de  la  comète. 

A.  CAPRiiS 


A  MES  AMIS 


Air  à  l'aire. 


On  a  l'Iianlé  l'amour,  ou  a  idianté  la  gloire  ; 
T.i!  doux  .jus  fin  raisin  inspira  maints  auleui-s  ; 
l'armi  les  plus  féconds,  Désaugiers,  dit  l'histoire, 
Vida  idus  il'un  l'Iacfui  avec  ses  auditeurs. 
Si.  près  de  vous,  amis,  le  chansonninrm'inspii-e 
X'euillez  de  vus  bravos  luidonner  la  moitié  ; 
Puisqu'd  ne  (dianle  plus,  omprnnions-lui  sa  lyre. 
Kl  buvons,  mes  amis,  à  la  sainte  amitié  ! 

I,'Ainour,  jiour  quelques-uns, n'est  qu'un  mot.  unechose 
nui  se  vend  ou  s'aidiolp  à  beaux  ocus  nomplanls  ; 
Mais  pour  nous,  mes  amis,  c'est  le  bébé  tout  rose 
Oui  sourit  ilans  ses  pleurs,  nous  leud  ses  bras  charmants. 
Pour  les  époux  unis,  bien  douce  est  la  viidllesse  ; 
P  leur  reste  un  parfum  du  passé  des  beaux  jours. 
Contenlement  du  eœur  ])asse  avant  la  richesse... 
Duvons,  buvons   auiis,  à  nos  chères  amours  ! 

I^a  gloire  a  l'ait  verser  ici-bas  bien  des  larmes  ; 
(,)uo  d'enfants  sont  partis  pour  ne  plus  revenir  !... 
Mais  i|uaud  la  France  l'ait  un  appel  à  ses  armes 
On  bravo  le  danger  pour  la  gloire  à  venir. 
I /appel  à  l'inilnslrio   est  le  seul  cri  do  guei'rc 
i.luu  la  Kraucû  au,iourd'hui  jette  aux  peuples  amis, 
l.a  |)aix  rend  plus  l'écjnd  le  travail  sur  la  terre... 
Huvons  don."  à  la  paix,  au  bonheur  du  pays  ' 
i.  LARGUIEIl 


A  LA  POÉSiE 


Vierge  aux  chaslcs  atlrails,  lu  règucs  sur  mon  âme, 
.\  vivre  sous  les  lois  je  mois  tout  mon  bonheur, 
Viens,  par  \m  iloux  baiser  de  tes  lèvres  de  femme, 
.Mors  que  je  t'invoque  exalter  mon  ardeur  ! 

Car  tu  sais  raviver  par  la  divine  flamme 
Le  tendre  sontimenl  qui  fait  battre  mon  cœur, 
Sous  ta  sainte  bannière,  ici,  je  le  proclame  : 
La  vérité  triomphe  en  combattant  l'erreur! 

So'ur  do  la  charilé  comme  de  l'espérance. 

Sous  des  ehaines  de  fleurs  tu  caches  la  souffrance 

IJe  tout  noble  pocte,  enfant  déshérité; 

Oui,  je  l'aime  d'amour,  même  avec  frénésie, 
0  toi  qui  de  mes  jours  fais  la  félicité, 
Ange  envoyé  du  ciel,  aimable  poésie! 

TnÉonoRE  LECLERG. 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANQUET   DU    3  JUILLET    1878 

Le  neveu  de  Rouget  de  Lisle  assistait  au  diiier  de 
la  Lice.  Les  chansonniers  ont  prolité  de  celte  ren- 
contre pour  fêter  le  souvenir  du  poète  et  sa  prodi- 
,!,fieuse  Marseillaise.  Les  productions  se  sont  succé- 
dées ensuite  avec  abondance  et  variété. 

Après  un  toast  Lien  accueilli,  Chebroux,  qui  pré- 
side, chante  avec  succès  l'Appel  aux  Avalions,  que 
nous  avons  publié.  —  Faut  que  je  m' paie  un  drapeau, 
dit  alors  M.  Caben,  qui  se  décide  avec  raison  pour 
l'étendard  tricolore.  —  Un  souvenir  de  Pau  nous 
est  agréablement  présenté  par  M.  Marchivo  — 
M.  Echalié  dit  Travailde  Romain,  jolis  couplets  avec 
chute  heureuse.  —  Puis  E.  Hachin  demande  la  pa- 
role pour  une  prolestation-Jrimée  qui  met  notre  jour- 
nal en  cause.  On  sait  que  le  n°  2  de  La  Chanson  a 
donné  le  portrait  de  ce  vétéran  de  la  Lice;  Hachin 
trouve  le  dessin  peu  réussi  et  s'en  plaint  dans  plu- 
sieurs couplets  que  nous  voulons  insérer  comme 
type  de  critique  plaisante. 

MON    PORTRAIT 

DANS  LE  JOURNAL  LA  CHANSON 


au;:  Un'  t'cmiii'  avec  deux  jamli'^i'jlc.  hoi.-i. 

Mon  sort  était  digne  d'envie 
Quand  j'disais  partout  sans  façon: 
"  On  va  fair'  ma  biographie 
El  ma  iigur'  dans  In  Cliniisonl   » 
Lui  beau  jour,  enfin,pl'on  m'envoie 
Ma  figur'  dans  ce  gai  journal, 
Mais,  hélas  !  ce  n'est  pas  de  joie 
Qu'en  m'voyant,  je  m'suis  trouvé  mal! 

.Te  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant, 
Mais  s'voir  si  laid,  c'est  affligeant; 
Ah!  si  j'trouve  un  peintre  obligeant. 
On  m'f'ra  plus  beau  pour  mon  argent. 

Quand  j'montr'  la  tète  du  mauvais  diable 
Que  l'on  dessine  au-d'sus  d'mes  chants. 
On  m'dit  :  k  C'est  très-remédiable, 
Fait's  effacer  vos  airs  méchants  ; 
Cent  peintres,  pour  un  fort  salaire. 
Vous  front  r'semblant  às'y  tromper; 
Vous  ét's  un  homm'  facile  à  r'faire, 
L'  premierv'nu  peut  vous  attraper.» 

Je  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant,  eto. 

Un  ami,  qui  jamais  ne^flatte, 

M'dit,  après  examen  sérieux  ; 

—  «  Mon  cher,  c'est  toi  par  la  cravate 

Et  la  nuance  des  cheveux  !  » 

K  Mais,  lui  dis-je,  est-ce  là  l'ensemble 

Et  le  charme  exquis  de  mes  traits?  »... 

Puisqu'il  prétend  que  ça  me  r'semble, 

C'iui-là,  je  n'iui  r'parl'rai  jamais  ! 

Je  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant,  etc. 


50 


LA  CHANSON 


Vincent  est  fait  de  main  de  maitre. 

Du  sexe  il  altir'  le  regai'd 

L'un'  dit  :  <i  C'est  Frédériok-Lemaître  !  » 

—  «Non,  dit  l'autr',  c'est  Gentil-Bernard!  » 

Devant  ce  beau  dessin,  les  dames 

De  voir  l'original  ont  l'goùt  : 

En  voyant  ma  tête,  les  femmes 

De  moi  n'veulent  rien  voir  du  tout, 

Je  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant,  etc. 

J'me  r'gardais  du  côté  d'ia  Halle 

En  vent'  chez  un  marchand  d'journaux, 

V'ià  qu'un  gamin  crie:  t  Oh!  c'te  balle! 

C'est  la  trompe  à  monsieur  Mojaux!  » 

Cecridu  cœur  et  d'I'innocenoe 

Fait  voir  où  tout  ça  peut  nous  m'ner: 

C'est  inquiétant  d'être  la  r'semblance 

D'un  homm'  qu'on  d'vait  guillotiner  ! 

Je  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant,  etc. 

J'connaîs  un  p'tit  ménage  aimable, 
J'dois  êtr' parrain  de. ..  c'qu'ils  ont  fait, 
A  ma  futur'  commère  à  table 
Imprudemment  j'offr'  ce  périrait: 
D'frayeur  v'ià  c'te  p'tit'  femm'  qui  tremble 
Et  son  mari  qui  m'dit:  «  Gredin, 
T'es  sûr  que  si  mon  goss'  te  r'semble 
Tu  n'périras  que  de  ma  main  !  » 

Je  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant,  etc. 

Maintenant,  je  montre  sans  cesse 
Mon  diplôme,  un  fort  parchemin, 
J'n'ai  que  ce  titre  de  noblesse 
Pour  prouver  qu'je  n'suis  pas  vilain. 
Faudra  qu'en  marquis  d'Létorière 
Baillet  m'photographie  un  jour, 
Comm'  c'est  dans  sa  ooiir  qu'il  opère 
Ça  me  donn'ra  l'air  d'un  homm'  de  cour  ! 

Je  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant,  etc. 

Faite  carotte  tirée  à  nos  Editeurs. 

En  présentant  avec  franchise 

Tous  les  chansonniers  reconnus. 

Faudra  parer  voir'  marchandise 

Quand  vous  tomb'rezaux  premiers  v'nus. 

Fait'  doncd'moi,  pour  que  ça  s'achète, 

Que'qu'chose  d'idéal,  de  rêvé: 

'Vous  pouvez  bien  m'fair'  une  autr'  tète 

Tout  l'mond'  croira  qu' c'est  arrivé. 

Je  n'sais  pas  si  j'suis  exigeant. 
Mais  s'voir  si  laid,  c'est  affligeant; 
Ah  !  si  j'trouve  un  peintre  obligeant, 
On  en  f'ra  plus  beau  pour  mon  argent. 

E.  HACHIN 

Soit,  M.  Hachin,  subventionnez  un  artiste  ;  mais 
le  portrait  que  vous  obtiendrez  sera-t-il,  en  même 
temps,  joli  et  fidèle? 

M.  Antoine  Clesse,  le  Béranger  de  la  Belgique, 
nous  offre  trois  échantillons  de  son  savoir-faire  :  une 
chanson  philosophique,  d'abord,  Petits  airs  et  Peti- 
tes chansons  ;  puis  un  air  bachique,  le  Banquet,  fait 
évidemment  pour  couronner  des  agapes  moins  mo- 
destes que  celles  de  la  Lice  ;  enfin  la  poétique  bio- 
graphie du  célèbre  Jocrisse.  Ces  trois  œuvres  sont 
charmantes,  et  l'auteur  non-seulement  les  dit,  mais 
es  joue  avec  un  talent  réel. 


M.  Alfred  Leconte  nous  apporte  un  écho  des  mots 
donnés  du  Caveau,  en  chantant /es /i>anpa;s  de  Rubois 
et  en  récitant  ses  vers  aux  Scandinaves  et  au  roi  de 
Suède,  productions  appréciées  dans  le  compte  rendu 
qui  précède.  — M.  Picard,  avec  une  chanson  ba- 
chique ;  M.  Leclercq,  en  jalousant  le  sort  heureux 
de  son  chien  ;  M.  Durafour,  en  disant  un  de  ces  ta- 
bleaux populaires  qu'il  réussit  à  merveille;  M.  Es- 
tienne,  en  conseillant  de  chanter  toujours  la  patrio- 
tique Marseillaise  ;  M.  Pingray,  avec  un  bon  refrain 
de  Hachin:  J'suis  abonné!  M.  Moniot,  en  prêchant 
le  Devoir;  M.  Rubois,  en  commentant  spirituellement 
cette  parole  de  l'Ecriture:  Croissez  et  multipliez; 
M.  Jules  Jouy,  en  racontant  une  Visite  au  dompteur 
Bidel  ;  Georges  Baillet,  en  célébrant  la  Paix  et  M.  de 
Lyne,  en  rimant  féloge  du  Clyso-pompe,  instrument 
propice  à  beaucoup  de  mortels,  mais  fatal  à  certain 
préfet,  excitent  tour  à  tour  les  rires  et  les  applau- 
dissements. 

J'ai  gardé  pour  la  fin  une  jolie  chanson  de  M.  J.-B. 
Robinot,  dans  laquelle  le  poëte  provoque,  avec 
d'excellents  arguments,  l'éclosion  d'un  chant  natio- 
nal, destiné  à  succéder  à  la  Marseillaise.  Je  citerai 
fœuvre  entière,  ce  qui,  à  mon  avis,  est  la  meilleure 
façon  de  louanger. 


UN  CHANT  A  FAIRE 


Le  siècle  puissant  que  nos  pères 
Ont  cimenté  de  sang  humain, 
Le  siècle  des  terribles  guerres  , 
Français,  n'a  plus  qu'un  lendemain 
Une  autre  va  bientôt  le  suivre, 
Le  progrès  met  dans  son  berceau 
La  paix  qui  n'a  qu'un  seul  drapeau 
La  raison  qui  n'a  qu'un  seul  livre. 

Que  la  voix  du  canon  se  taise, 
La  grande  et  noble  Marseillaise 
Finit  son  glorieux  labour  ; 
Pour  saluer  l'aube  des  fêtes, 
Aux  peuples  vous  devez,  poêles. 
Une  Marseillaise  d'amour  ! 


Le  bon  sens,  chaque  jour,  arrache 
Un  lambeau  de  l'obscurité. 
Et  guide  maintenant  la  marche 
Des  hommes  vers  la  vérité  ; 
Brisant  les  haines   séculaires 
Les  faux  dogmes  et  les  faux  dieux, 
On  le  voit,  d'un  bras  vigoureux, 
Niveler  déjà  les  frontières. 

Que  la  voix  du  canon  se  taise,     etc. 


Faites  germer  l'intelligence  ; 
Les  douces  et  graves  leçons 
Du  génie  et  de  la  science 
Entrouvrent  les  grands  horizons  ; 
Ralliez  dans  un  chant  unique 
Toutes  les  voix  et  tous  les  coeurs, 
Unissez  vaincus  et  vainqueurs 
Dans  les  bras  de  la  République  ! 

Que  la  voix  du  canon  se  taise,     etc. 


LA  CHANSON 


51 


Repoussez  loutes  reprcsaillus, 

Uonnez-nous  l'orgueil  de  nos  droits, 

C'est  d.-ins  les  grandes  funérailles 

Que  se  raffermissent  les  rois  ; 

Créez,  pour  affianchir  la  terre. 

Une  compagne  au  chant  sacré, 

Un  hymne  d'amour   inspiré, 

Déclarant  la  guerre  à  la  guerre. 
Q'.ie  la  voix  du  canon  se  taise, 
La  grande  et  noble  M/irseiJ/aise 
Finit  son  glorieux  labour; 
Pour  saluer  l'aube  des  fêtes. 
Aux  peii|iles  vous  devez,  poètes, 
Une  MiirsL'iiù'ise  d'amour  ! 

J.-B.  ROBINOT 

Nous  sommes,  Patay  et  moi,  si  complètement  de 
l'avis  de  M.  Kobinot,  que  le  concours  poétique  ou- 
vert aujourd'hui  par  L,i  Chanson  a  pour  objectif 
principal  la  révélation  d'un  hymne  français  et  pa- 
ciliqiic.  La  Mnrse niaise  est  admirable,  mais  n'est- 
elle  ])as  surtout  un  chant  de  colère  ? 

LE  BANQUET  DES  DAMES 

Suivant  une  mesure,  très-sage  au  dire  des  expé- 
rimentés, les  dames  ne  sont  pas  admises  aux  diners 
mensuels  de  la  Lire.  Pour  dodommag-cr  le  beau 
sexe,  les  membres  de  cette  société  chantante  lui  dé- 
dient deux  banquets  par  années,  l'un  en  janvier, 
l'auti'e  en  juillet.  Le  21  du  mois  dernier  donc,  Cla- 
mart  a  repu  les  chansonniers  et  leurs  invitées.  Je 
copie,  sur  la  lettre  d'invitation,  le  programme  de 
cette  fêle  champêtre  : 

A  10  heures  1/2,  rendez-vous  chez  le  restaura- 
teur ; 

A  11  heures,  départ  collectif  pour  une  promenade 
au  bois; 

A  2  heures  très-précises,  à  table  ; 

A  4,  heures  1/2,  séance  des  chants; 

A  7  heures  1/2,  tirage  de  la  tombola  et  distribu- 
tion des  surprises  ; 

A  8  heures,  danse; 

A  11  heures  ,promepade  aux  flambeaux  et  départ. 

Il  y  en  avait,  comme  on  voit,  pour  tous  les  goûts. 

Favorisé  d'un  beau  soleil,  Le  Banquet  des  Dames 
a  tenu  ses  pi'omcsses  de  plaisirs.  Aucun  incident 
ne  s'est  produit,  dont  il  faille  entretenir  nos  lec- 
leui's.  Les  chants  même  ne  nécessiteront  que  quel- 
(|ues  ligues.  Ce  n'est  ])as,  en  effet,  à  ces  réunions 
plép.ières,  (|iicsoul  ilcsIiiK'cs  les  productions  inédites. 
Les  rimçurs  adroits  u'olTrent  aux  dames  que  des 
refrains  applaudis  déjà.  Donc,  après  avoir  men- 
tionné les  couplets  d'à-propos  chantés  par  iMM.  Ha- 
chin,  Chebroux  et  Echalié,  nous  renverrons  à  nos 
comptes  rendus  ancienspourceschansons  plaisantes 
qin  s'appellent  :  Les  Français,  La  Réponse  de 
.'!/"=  Lanç/lumé,  Les  Reproches  du  bon  Dieu,  Ça  n'est 
pas  einiiarrassant,  etc. 

Disons  toutefois  qu'un  visiteur,  M.  Maugé,  le 
Gaspard  remarquable  des  Clovlies  de  Corneville,  tout 
en  aflirmant  qu'il  ne  chanterait  pas.  nous  a  offert 
quelques  couplets  réussis,  et  que  M"°='  Durafour, 
l'une  avec  Les  28  Jours  d'un  Réserviste,  l'autre 
avec  la  populaire  chanson  des  Pommes,  ont  obtenu 
des  bravos  que  n'accordait  pas  seule  la  galanterie. 

Mais  le  grand  succès  de  la  séance  a  été  pour  Mar- 
guerite Robinet,  charmante  blonde  aux  yeux  bleus, 
récitant,  avec  l'esprit  et  la  grâce  de  ses  six  ans, 
une  jolie  poésie  de  son  grand-père.  Ah!  les  puis- 


sants enchanteurs  que  ces  angéliques  créatures,  et 
comme  on  comprend  que  l'aïeul  s'écrie,  dans  la  joie 
de  son  âme  : 

J'ai  des  cheveux  blancs  sur  la  tête, 
Mais  j'ai  le  printemps  dans  le  cœur  ! 

Il  n'y  a  pas  de  fête  complète  sans  charité.  Sur 
l'invitation  du  président,  une  quête  a  été  faite  dans 
la  salle  au  bénéfice  de  la  veuve  indigente  du  chan- 
sonnier Bonnefond  ;  elle  a  produit  54  fr.  75.  —  Je 
finirai  par  ce  chiffre  significatif. 

Henry  LECOMTE. 


LE  TIHTAMARRE  Â  LÀ  LICE 

Cn.iNSOX      DE      RÉCEPTION     K     hk     LiCE      Ch.\NSONNIÈRE 


Au-  :  Mon  père  était  pot. 

Simple  et  modeste  rédacteur 

D'un  journal  satirique, 
(loutre  le  spleen  dévastateur 
Salutaire  empirique, 

Je  viens  essayer 

De  vous  remercier 
En  un  style  barbare, 

Plein  d'un  juste  émoi. 

D'accueillir  en  moi 
Le  joyeux  Tinlamarrc. 

Le  Tintamarre  est  un  luron, 

La  Lice  une  luronne  ; 
De  Vadé,  Panard  et  Piron 
Leur  gaite  s'environne; 

Au  bruit  des  goulots. 

Des  mêmes  gielots 
Leur  maroUo  se  pare... 

Amis,  c'est  pourquoi 

■Vous  fêtez' en  moi 
Le  joyeux  Tintamarre. 

Sur  leur  alerte  bataillon 

Le  même  drapeau  flotte  : 
Haine  de  la  réaction. 
Des  rois,  de  la  calotte; 

Dégoût  des  tyrans 

Et  des  conquérants 
Que  la  guerre  chamarre. . . 

Amis,  c'est  pourquoi 

'Vous  fêtez  en  moi 
Le  joyeux  Tintamarre. 

Bref,  et  Tintamarre  bouffon 

El  Lice  Chansonnière, 
Soldats  fraternels,  ont,  au  fond, 
Une  même  bannière. 

Société,  journal. 

Le  même  idéal 
■y  brille  comme  un  phare... 

Amis,  c'est  pourquoi 

"Vous  fêtez  en  moi 
Le  joyeux  Tintamarre. 

Pardonnez,  si  du  gai  blason 

D'une  feuille  grivoise 
Ma  chansonnette,  sans  raison 
Pour  un  jour  se  pavoise. 
Heureux,  si  les  chants 
Joyeux  ou  touchants 
Que  ma  muse  prépare. 
Excitent  de  vos 
Faciles  bravos 
Le  joveux  tintamarre  ! 

Jules  JOUY. 


52 


LA  CHANSON 


Le  Mois  Bibliographique 


LES  PROVERBES,  Chansojis, par 'Lagarde. 

Une  avoué  n'est  jamais  pris  sans  vers,  comme 
disait  un  chansonnier  de  mes  amis,  par  un  calem- 
bour indigne  d'un  homme  d'esprit. 

Comme  Prolat,  son  collègue  en  procure, 
Lagardc  fat  disciple  d'Epicure. 

Non  content  d'avoir  émaillé  sa  longue  carrière  de 
refrains  joyeux  et  piquants,  M.  Lagarde  a  eu  l'atten- 
tion de  nous  conserver  en  un  recueil  spécial  les 
chansons  proverbesdont  il  est  l'auteur.  Il  faut  lui  en 
savoir  gré,  car  nous  devons  à  la  lecture  de  son  vo- 
lume de  bonnes  heures  de  distraction  et  de  gaieté. 

On  est  fixé  depuis  longtemps  sur  la  valeur  qu'il 
convient  de  reconnaître  aux  proverbes.  La  prétendue 
sagesse  des  nations,  qui  n'est  que  le  recueil  des 
axiomes  les  moins  véritiés,  a  au  moins  la  franchise 
d'avertir  du  peu  de  foi  qu'elle  mérite.  En  effet,  elle 
prend  soin,  en  quelque  sorte,  de  se  contredire  à  tout 
moment  elle-même,  et  il  est  diflîcile  de  trouver  un 
proverbe  auquel  on  ne  puisse  en  opposer  un  tout  à 
l'ail  contraire. 

Les  chansonniers,  heureusement,  ne  s'arrêtent  pas 
à  ces  détails.  Un  proverbe  leur  semble-t-il  propre  à 
s'apphquer  à  un  certain  nombre  decirconstances  co- 
miques ou  de  situations  grotesques  :  vite,  ils  en  font 
un  refrain.  lisse  permettront,  au  besoin, de modilier 
le  proverbe  reçu  ;  ils  iront  même  jusqu'à  en  tirer 
de  nouveaux  de  leur  crû. 

M.  Lagarde,  un  des  plus  anciens  membres  du  Ca- 
veau, a,  comme  ses  collègues,  et  plus  qu'eux  peut- 
être,  cultivé  ce  genre,  qui  prête  à  la  variété.  11  a 
réuni  une  soixantaine  de  chansons  d'un  tour  agréable, 
tantôt  morales,  tantôt  ultra-grivoises,  qui  font  hon- 
neur à  son  esprit.  La  langue  est  facde,  le  style  cou- 
lant, et  l'épigramme,  lorsqu'elle  se  hasarde  cà  poindre 
dans  ces  couplets,  n'est  accompagnée  d'aucun  liel. 

Le  plus  ênedes  trois  n'est  pas  celui  qu'on  pense, 
A  bon  chat  bon  rat,  Il  ne  iaut  Jurer  de  rien  ;  voilà 
quelques-uns  des  titres  qui  semblent  avoir  inspiré 
le  plus  heureusement  M.  Lagarde.  On  en  pourrait 
citer  beaucoup  d'autres,  mais  le  choix  est  difficile. 

Un  détail  bibliographique.  M.  Lagarde,  en  véri- 
table amateur  de  proverbes  qu'il  est,  a  relevé,  à  la 
fin  de  son  volume,  les  titres  d'un  grand  nombre  de 
proverbes  mis  en  chansons  par  diverses  sociétés  lyri- 
ques :  lesDinersdu  Vaudeville,  le  Caveau  moderne, 
la  Réveil  du  Caveau,  lesSoupers  de  Momus,  les  Soi- 
rées de  Momus,  les  Joyeux,  le  Gymnase  lyrique,  et 
enfin  le  Caveau.  A  la  liste  qu'il  publie  on  pourrait 
ajouter  beaucoup  de  titres  qu'il  a  omis  ou  qu'il  n'a 
pas  connus.  Le  recueil  des  Echos  du  Vaudeville, 
dont  les  deux  volumes,  soit  dit  entre  parenthèses, 
sont  aujourd'hui  presque  introuvables,  lui  aurait 
fourni  :  A  bon  chat  bon  rat,  Chacun  s'amuse  à  sa 
manière,  et  beaucoup  d'autres  proverbes  ou  locutions 
proverbiales  mises  en  chansons.  Mais,  comme  dit 
l'auteur  lui-même  dans  un  des  refrains  qu'il  a  trai- 
tés avrès  Protat,  entre  autres  :  Non  licet  omnibus 
adiré  Corinthum. 

Eugène  Imbert. 


LE  RIRE  GAULOIS 

Sous  ce  nom,  qui  rappelle  le  titre  d'une  chanson 
excellente,  M.  Jules  Jouy,  le  fantas(jue  et  virulant 
critique  du  Tintamarre,  a  groupé  autour  de  lui 
certains  fidèles  du  couplet,  licéens  pour  la  plupart. 
Il  les  a  conviés,  le  jeudi  i  juillet,  à  l'inauguration 
d'une  goguette  véritable,  renouvelant  la  joyeuse 
simplicili'  do  celles  d'autrefois.  iiM.  Georges  Baillet, 
Robinot,Jeaniiin,Legcntil, Jules Vei-nier,M°"'Hélie  et, 
beaucoup  d'autres  desservants  de  Momus,  avaient 
répondu  à  son  appel.  La  soirée  d'ouverture  a  donc 
été  très-brillanle,  et  celles  qui  l'ont  suivie  n'oni 
fait  qu'affirmer  le  succès  de  cette  réunion  nouvelle, 
qui  tient  séance  tous  les  jeudis,  au  Café  Michel,  7, 
rue  des  Vieilles-Hau.iriettes. 

E.  C. 


AVIS  DIVERS 

Dans  les  discours  prononcés  à  l'anniversaire  de 
Déranger,  et  qui  sont  surtout  la  paraphrase  de 
l'article  publié  par  le  rédacteur  en  chef  de  La 
Chanson  en  tête  de  notre  livraison  exceptionnelle, 
on  dit  que  des  démarches  ont  été  commencées  pour 
l'œuvi-e  patriotique  de  la  statue  de  l'illustre  poète. 
Ce  délail  est  vrai  ;  les  fondateurs  de  La  ClhDison  se 
sont  mis  en  campagne,  et,  le  mois  prochain,  les 
résultats  obtenus  seront  annoncés  à  nos  lecteurs. 


Septembre  va  ramener  le  bon  temps  des  sociétés 
lyriques.  A  nos  chroniqueurs  habituels  s'adjoindront 
alors  MM.  Gédhé  et  Lci'oy;  c'est  dire  ([ue  l'ieii 
d'intéressant  ne  nous  ('chappera. 


Les  personnes  ipii  nous  adressent  des  lettres 
relatives  à  la  Revue  La  Jeune  Fran,^e,  sont  priées 
d'écrire  directement,  pour  la  rédaction  à  M.  Albert 
D'Aigre,  et  pour  l'administration  à  M.  Léon  Fournol. 
Nous  ne  sommes  absolument  que  le  di'^positaire  et 
vendeur  de  cette  publication. 


Nous  prions  nos  correspondants  de  prendre  note, 
des  lignes  suivantes  qui  l'épondent  à  beaucoup  de 
.juestions  : 

Oui,  la  responsabilité  des  articles  publiés  dans 
La  Chanson  incombe  strictement  à  leurs  signa- 
taires ; 

Oui,  nous  acceptons  l'échange  avec  tous  les  jour- 
naux ou  revues  de  Paris  ou  de  la  province  ; 

Oui,  nous  nous  chargeons  de  la  publication  des 
volumes  et  brochures  pour  le  compte  des  auteurs, 
et  nous  nous  en  occupons  comme  de  nos  publica- 
tions personnelles  ; 

Enfin  les  inexactitudes  qu'on  nous  signale  dans 
l'envoi  des   numéi'os  de  La  Cljauson   pi'oviciiMi'iil 

uniquement  de  la  poste.  C'est  doue  ,■' Itc  adiuiiiis- 

tration  que  les  réclamations  doivent  èlrc  adrcssi'cs. 

Pour  faciliter  la  vente  au  numéro,  nous  iu(li((uons 
aujourd'hui   sur   notre    couverture,    l'adi'i^sse    des    — 
librairies  nii  Ln  Chanson Pf.t  l'éa-ulièi'cnient  déposée,    m 

^:_^,  _  1 

Le  Directeur-Gérant  A.  PATAY 


'.iS.I.  -  Poitiers  typ.  .1.  IlnssAYiiF..  —  l'aris 


l"  ANNEE. 


N°5. 


SEPTEMBRE  1878, 


ADMINISTRATION  &  REDACTION 

RUE    BONAPARTE,    18 
PARIS 

Le  Numéro  :   30  cent. 

Secrétaire  de  la  Rédaction 

V.  DEMEURE 


J^J^ 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois  .      .  2  fr. 

Dépari',  6  mois.   .  2  50 

Etranger,  6  mois  .  3     » 

On  ne  reçoîtqof 


Directeur  Gérant 

A.  PATAY 


V^^  REVUE    MENSUELLE  ^     1/ 

ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRiaUES 


Rédacteur  en  chef  :  L.- Henry  LE  COMTE 


SOMMAIRE      DU      5C      NUMÉRO 

Concours  de  La  Chanson.  —  La  Marseillaise  (Eugène  Baillet).  —  Banquet 
du  Caveau  (EuG.  Imdert).  —  Banquet  de  la  Lice  Ctiansonni'crc  (L. -Henry 
LecositeJ. —  A  Biranqer  (E.  Vatinel).  —  Les  Français  (Henry  RuboisJ.  — 
Le  Soldat  d'un  An  (Constant  Saclé.  —  La  Toilette  de  Suzon  (J.  Fénée).  — 
La  Vraie  Richesse  (Hipolyte  Ryon).  —  Galerie  des  Chansonniers  :  Paul 
Avenel  (L. -Henry  Lecomte).  —  Reviens,  Flonflon  ("Etienne  Ducbet).  — 
Chautfons-nous  !  (Eugiîne  Carlos).  —  Le  Mois  Bibliographique  (Eno. 
Imbert  a.  Patay).  —  Chronique  des  Sociétés  Lyriques  (Gédhé).  —  Paris- 
Concert  (A.  Leroy).  —  Avis  divers. 

Portrait  de  Paul  Avenel. 


LA  CHANSON   SE  TROUVE  AUX  LIBRAIRIES    SUIVANTES 


Rousseau,  place  des  Victoires,  9. 
Gayet,  rue  Montmartre,  133. 
GuiUemin,boul.  Beaumarchais,  IH. 
Renaud,  faub.  Saint-Martin,  162. 
Gérard,  rue  Monge,  13. 
Leroy,  rue  d'Enfer,  93. 
Derveaux,  rue  d'Angoulême,  32. 
Marpon,  Galerie  de  rOdéon,l,à  1. 


Quantin,  r.  des  Petits-Carreaux,  81. 
Danjou,  rue  de  Malte.  21. 
Colas,  rue  de  Turbigo,  30. 
Corcier,  faub.  du  Temple,  9. 
Duème,  rue  Vieille-du-TempIe,  128. 
Plicque,  rue  Rambuteau,  12. 
Villetard,  avenue  des  Amandiers,  20. 
EveiUard,  passage  Bourg  Labbé,  10. 


Lecampion,  passage  du  Saumon,  2 
Toupet,  rue  Saint-Denis,  229. 
Bornet,  rue  de  Bretagne,  58. 
MilUère,  rue  de  Turbigo,  6T. 
Tralin,  rue  du  Croissant,  5. 
Aumont,  bout,  de  Strasbourg,  35. 
Baudet,  rue  Saint-Placide,  27. 
Legeard,  faubourg  Saint-Denis, 254 


VENTE   EN   GROS  ÎOï  JlV   NDMERO 
A     LA     LIBRAIRIE     A.     PATAY,     18,     RUE     BONAPARTE,     18,     PARIS 


LA  CHANSON 


La  Chanson,  cette  incarnation  toujours  nouvelle 
et  toujours  diverse  de  l'esprit  français,  n'a  pas  d'or- 
gane. 

Nous  venons  combler  cette  lacune  regrettable  en 
créant  plus  qu'un  journal  —  une  revue  complète, 
spécialement  consacrée  à  ceux  qui  chantent  ou  font 
chanter. 

Sous  ce  titre  :  la.  Chanson,  paraîtra  tous  les  mois 
une  livraison  de  12  pages  io-i",  à  deux  colonnes,  où 
s'écrira  l'histoire  ancienne  et  moderne  de  la  chanson 
et  des  chansonniers.  Une  couverture-annonce 
garantira  chaque  numéro  ;  la  pagination  sera  suivie 
et  nous  donnerons,  à  la  fin  de  l'année,  le  titre  et  la 
table  nécessaires  pour  la  réunion  en  volume. 

La  Chanson  publiera  les  comptes  rendus  des  ban- 
quets mensuels  du  Caveau,  de  la  Lice  Chansonnière, 
du  Pot-au-teu  et  des  diverses  sociétés  lyriques. 
Nous  préparerons  ainsi  à  l'histoi'ien  futur  des 
muses  populaires  les  matériaux  d'un  livre  original 
et  varié.  —  Trouveront  également  place  dans  notre 
revue  la  biographie  et  le  portrait  des  chansonniers 
vivants  ou  disparus,  nombre  de  chansons  peu  con- 
nues ou  inédites,  une  bibliographie  raisonnée,  le 
programme  des  concours  lyriques,  l'annonce  des 
soirées  chantantes  extraordinaires  ou  à  bénéfice,  enfin 
une  chronique  sincère  des  cafés-concerts  et  des 
théâtres  parisiens. 

Pour  mener  à  bien  leur  entreprise,  les  fondateurs 
de  LA  Chanson  s'adressent  à  tous  : 

Aux  Cliansonniersde  Paris  et  de  laprovince  d'a- 
bord. Nous  les  prions  ici  de  nous  faire  parvenir 
leurs  adhésions,  leurs  abonnements,  les  réflexions 
que  notre  publication  leur  pourrait  suggérer,  un 
exemplaire  au  moins  de  leurs  œuvres  imprimées, 
les  meilleures  de  leurs  chansons  inédites  et  des 
notes  suffisantes  pour  fournir  matière,  au  besoin,  à 
d'intéressantes  et  véridiques  études  biographiques. 

Aux  Editeurs  de  Paris  et  des  départements  qui 
publient  des  ouvrages  se  rattachant  à  l'objet  de 
notre  revue,  nous  disons  qu'une  place  sera  toujours 
réservée  aux  comptes-rendus  des  œuvres  dont  ils 
nous  adresseront  deux  exemplaires,  et  nous  les 
invitons  à  nous  envoyer  même  les  moindres  pla- 
quettes. 

Semblable  avis  aux  Editeurs  de  Musique, —  et  pré- 
venons tous  les  intéressés  que  les  couvertures  de  la 
Chanson  seront  exclusivement  réservées  aux  annon- 
ces de  librairie  et  de  musique  à  des  prix  très-mo- 
dérés. 

Aux  Musiciens .  —  Nous  prenons  nos  mesures 


pour  donner  à  l'avenir  une  place  à  la  musique  • 
dans  notre  revue;  nous  prions  donc  dès  aujour-| 
d'hui  les  jeunes  compositeurs  de  nous  adresser  i 
leurs  œuvres,  et  surtout  de  mettre  en  musique  les  | 
chansons  inédites  que  nous  publierons.il  y  aura  de  i 
la  sorte  rapprochement  amical  entre  paroliers  et  ■ 
compositeurs  inconnus,  et  peut-être  en  résultera-t-il 
quelques  œuvres  à  grand  succès. 

Aux  Bibliographes  et  aux  Amateurs.  —  Nous 
accueillerons  avec  reconnaissance  les  documents 
peu  connus  ou  inédits  qu'ils  voudront  bien  nous 
offrir  ;  nous  leur  demandons  de  guider  nos  recher- 
ches et  de  nous  indiquer  les  sources  de  rensei- 
gnements incontestables. 

Aux  Présidents  des  Sociétés  Lyriques.  —  Nous 
les  invitons  à  nous  adresser,  dans  le  plus  bref  délai, 
les  noms  des  réunions  qu'ils  président,  l'indication 
des  sièges  sociaux  et  des  jours  de  tenues,  et  nous 
les  prions  instamment  d'assurer  l'exactitude  de  nos 
informations  en  désignant,  dans  chaque  société,  un 
délégué  chargé  de  correspondre  avec  notre  publi- 
cation et  d'en  faire  apprécier  le  but. 

Nous  voulons  le  succès  d'une  œuvre  entreprise 
dans  le  but  louable  de  défendre  les  réputations  jus- 
tement acquises  et  d'assurer  aux  talents  inconnus 
une  large  place  au  soleil  fécondant  de  la  pubhcité  ; 
aussi  désirons-nous  sincèrement  être  obligés,  après 
le  premier  semestre,  de  paraître  tous  les  quinze 
jours. 

Les  auteurs  désireux  de  posséder  un  certain 
nombre  d'exemplaires  des  numéros  contenant  leurs 
œuvres,  seront  priés  de  nous  en  informer  à  l'avance, 
afin  que  nous  puissions  exactement  fixer  notre 
tirage  ;  ces  numéros  leur  seront  cédés  aux  prix 
de  libraire.  Bien  entendu,  il  ne  sera  pas  indis- 
pensable de  prendre  des  numéros  ni  même  d'être 
abonné  pour  collaborer  à  notre  revue  ;  le  comité  de 
rédaction  sera  souverain  pour  admettre  ou  rejeter  les 
pièces  proposées. 

Tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  devra  être  adres- 
sé franco  au  Rédacteur  en  Chef;  ce  qui  concerne 
l'administration,  l'abonnement  et  les  annonces  au 
Directeur-Gérant.  —  Les  lettres  ou  paquets  non  af- 
franchis seront  rigoureusement  refusés.  —  Toute 
lettre  exigeant  une  réponse  devra  être  accompa- 
gnée d'un  timbre-poste. 

Un  numéro  d'essai  sera  envoyé  à  toute  personne 
qui  en  fera  la  demande  par  lettre  affranchie,  accom- 
pagnée de  30  centimes  en  timbre-poste. 

Le  Directeur-Gérant  .-  A.  PATAY 


BULLETIN  D'ABONNEMENT 

A  ENVOYER  FRANCO,  ACCOMPAGNÉ  D'UN  MANDAT-POSTE* 

Paris  :  2  fr.,  Départements,  2  fr.  50,  Étranger,  3  fr. 

Je  déclare  m'ahonn&r  pour  six  mois  à  la  Revue  LA  CHANSON. 
SIGNATURE  (lisible) 


(*)  Les  timbres-poste  ne  seront  pas  acceptés.  Par  l'envoi  du  montant  de  l'abonnement  on  évite  les  frais  de  recouvrement  qui  sont  à 
a  charge  de  l'abonné.  Le  talon  de  la  poste  sert  de  quittance. 


LA  CHANSON 


53 


DOUBLE  CONCOURS  POÉTIQUE 

Ouvert  par  LA  CHANSON 


La  fête  du  30  juin  a  servi  à  démontrer  une  fois  de 
plus  le  besoin  d'un  chant  national  français. 

La  sublime  Marseillaise, qui  guida  la  marche  triom- 
phante des  armées  de  92,  est  un  chant  de  guerre  et 
de  révolution  ;  nous  voudrions  pour  la  France  un 
hymne  de  paix  à  la  hauteur  de  son  cri  de  bataille. 
Les  tentatives  faites  pour  le  faire  éclore  sont  restées 
jusqu'ici  sans  résultat. 

Nous  mettons  aujourd'hui  au  concours  un  chant 
qui  soit  la  glorification  de  la  France,  du  Travail  et 
de  la  Paix,  et  nous  faisons  appel  à  tous  les  poètes 
de  Paris  et  des  départements. 

11  sera  décerné,  comme  prix  unique  : 

Une  Médaille  en  vermeil 

sur  laquelle  seront  gravés  la  date  du  concours  et 
le  nom  du  vainqueur. 

Les  pièces  présentées  devront  avoir  au  plus  sept 
couplets  ou  strophes,  avec  un  refrain  détaché  de 
quatre  vers  (rythme  facultatif). 

La  poésie  couronnée  sera  publié  dans  la  Chanson, 
ainsi  que  les  deux  qui  auront  le  plus  approché  du 
but. 

Deuxième  Concours. 

Un  concours  libre  de  poésies  est  également  ouvert 
par  la  Chanson,  sans  désignation  de  sujets  ni  exclu- 
sion de  genres  :  odes,  chansons, rondeaux,  sonnets, 
quatrains  même,  nous  accepterons  et  jugerons 
tout.  Les  plus  longues  pièces,  cependant,  ne  devront 
pas  dépasser  60  vers. 

Trois  prix  seront  décernés  : 

i^'  PRIX,  une  médaille  en  argent. 

2"°  PRIX,  une  médaille  de  bronze. 

3°°  PRIX,  un  volume  de  poésies. 

Les  pièces  présentées  à  ce  concours  et  au  précé- 
dent seront  soumises  à  un  jury  de  poètes,  de  chan- 
sonniers et  de  journalistes. 

Dans  notre  numéro  du  1"  octobre,  nous  fixerons 
le  jour  de  la  distribution  des  récompenses,  et  nous 
pensons  offrir  à  ce  sujet  une  agréable  surprise  aux 
nombreux  amis  de  la  chanson. 

CONDITIONS    DES    CONCOURS. 

Les  pièces  destinées  à  nos  concours  devront  être 
adressées  franco,  jusqu'au  30  septembre,  à  M.  A. 
Patay,  directeur-gérant  de  7a  Chanson.Ellea  devront 
être  inédites,  non  signées,  et  accompagnées  d'un 
pli  cacheté  contenant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur, 
et  portant  extérieurement  la  première  strophe  de  la 
pièce  qu'il  concerne. 

T.  L 


Nous  mettons  avec  plaisir  sous  les  yeux  de  nos  lec- 
teurs une  partie  du  chapitre  intitulé  La  Chanson  sous 
la  RévoluUon,  extrait  de  l'Anthologie  de  la  Chanson 
Française,  depuis  le  XVIII*.  siècle  jusqu'à  nos  Jours, 
par  Eugène  Baillet,  qui  paraîtra  prochainement  à  notre 
librairie,  en  deux  forts  volumes  in-18  raisin. 

A.  P. 


LA   MARSEILLAISE 

De  tous  les  vers,  chants,  hymnes,  cantates, 
odes  et  chansons,  éclos  pendant  la  Révolution, 
deux  œuvres  seules  ont  survécu  triomphalement  : 
la  Marseillaise  et  le  Chant  du  départ.  Pourquoi  ? 
C'est  que  ces  deux  œuvres  contiennent  en  elles 
tout  le  feu,  toute  la  passion,  toute  l'exaltation,  toute 
la  fièvre  de  cette  héroïque  époque. 

Ce  sont  les  deux  voix  mâles  qui  ont  dominé  et 
dirigé  les  grands  bruits  d'armes,  les  cris  de  joie  et 
les  cris  déchirants  qui  ont  retenti  par  toute  la  France 
pendant  les  années  révolutionnaires... 

L'odeur  de  la  poudre  et  du  sang  avait  grisé  la 
population,  elle  n'avaitplusde  chefs  que  ses  instincts  ; 
ceux  qui  voulaient  la  maîtriser  ou  la  guider  étaient 
renversés  par  elle . 

Seuls,  les  grands  chants  patriotiques  étaient 
écoutés  ;  quand  ils  s'élançaient  dans  l'air,  le  peuple 
les  suivait,  comme  entraîné  par  une  puissance  incon- 
nue ;  il  criait  Vive  la  France,  vive  la  République  l  et, 
la  tête  haute  et  le  cœur  plein  d'enthousiasme,  il  mar- 
chait. 

C'est  par  une  nuit  delà  fin  d'avril  ou  du  commen- 
cement de  mai  1792  que  la  Marseillaise  esi  née.  — 
Une  lettre  de  madame  Diétrich  à  son  frère,  datée  de 
Strabourgmai  1792,  fait  que  nous  pouvons  garantir 
cette  date.  On  y  lit  :  o  Cher  frère,  je  te  dirai  que 
depuis  quelques  jours  je  ne  fais  que  copier  et  trans- 
crire de  la  musique,  occupation  qui  m'amuse  et  me 
distrait  beaucoup...  Mon  mari  a  imaginé  de  faire 
composer  un  chant  de  circonstance.  Le  capitaine  du 
génie  Rouget  de  Liste,  un  compositeur  et  un  poète 
fort  aimable,  a  rapidement  faitla  musique  du  chant 
de  guerre  ;  monmari,  qui  est  un  bon  ténor,  a  chanté 
le  morceau  qui  est  d'une  cerlaineoriginalité.  C'est  du 
Gluck  en  mieux,  plus  vif  et  plus  alerte.  Moi,  de  mon 
côté,  j'ai  mis  mon  talent  d'orchestration  en  jeu  ;  j'ai 
arrangé  les  partitions  sur  clavecin  et  autres  instru- 
ments :  j'ai  donc  eu  beaucoup  à  travailler.  Le  mor- 
ceau a  été  joué  chez  nous  à  la  grande  satisfaction  de 
l'assistance.  Je  t'envoie  la  copie  de  la  musique  ;  les 
petites  virtuoses  qui  t'entourent  n'auront  qu'à  la  dé- 
chiffrer et  lu  seras  charmé  d'entendre  le  morceau. 
«  Ta  sœur 
«  Louise  Diétrich,  née  Ochs  » 

Il  est  parfaitement  étabh  que  ce  chant  de  circons- 
tance n'est  autre  que  la  Marseillaise.  En  effet.  Rou- 
get de  Lisle,  son  auteur,  habitait  alors  Strasbourg  où 
il  tenait  garnison  en  qualité  du  capitaine  du  génie. 
Ce  n'est  donc  pas  pendant  l'hiver  de  92,  comme  le 
dit  Lamartine,  cethistorien  par  trop  fantaisiste,  dans 
son  Histoire  des  Girondins,  que  ce  grand  cri  patrio- 
tique fut  entendu  pour  la  première  fois.  Autre  preuve. 
Quand    les    fédérés  Marseillais    vinrent  à  Paris, 

5 


54 


LA  CHANSON 


animés  par  l'esprit  révolutionnaire,  ce  fut  le  30  juillet 
qu'ils  firent  leur  entrée  dans  la  capitale  en  chantant 
L'hymne  de  guerre.  Depuis  plusieurs  mois  déjà  les 
villes  de  province  en  faisaient  exécuter  l'air  dans  les 
théâtres  et  concerts  publics.  Les  Parisiens  répétèrent 
bientôt  ce  chant  qui  les  avait  émerveillés  et  surpris, 
ce  chant  quia  la  double  puissance  de  donner  l'éner- 
gie et  d'entraîner  ceux  que  le  droit  commande  ou 
que  l'iniquité  exaspère,  et  de  faire  fuir  pâles  de  ter- 
reur ceux  qui  veulent  accaparer  la  puissance  et  tous 
les  bonheurs  de  ce  monde  ! 

Ne  sachant  comment  le  désigner,  le  plus  souvent 
on  disait:  la  Chanson  des  Marseillais  ;  c'était  long; 
quel  est  donc  le  premier  qui  nomma  ce  chant  la  Mar- 
seillaise, parrain  anonyme  et  illustre?  — ■  Revenons 
à  Rouget  de  Lisle. 

La  ville  de  Strasbourg  avait  alors  comme  premier 
magistrat  le  baron  Diétrich,  maire  élu.  C'était  un  sa- 
vant, ami  des  arts  et  boa  patriote.  Il  avait  accepté 
d'enthousiasme  le  mouvement  de  89,  mais  il  n'était 
pas  disposé  à  le  suivre  dans  les  fougueuses  consé- 
quences. Rouget  de  Lisle  était  exactement  dans  les 
mêmes  sentiments  ;  de  cette  conformité  d'esprit  na- 
quit entre  le  maire  et  l'officier  une  amitié  très-vive. 
La  maison  de  Diétrich  devint  celle  de  Rouget  de 
Lisle:  chaque  jour  il  y  venait  prendre  ses  repas  en 
famille,  celle  du  maire  était  devenue  un  peu  la  sienne. 
Rouget  de  Lisle  avait  déjà  composé,  l'année  pré- 
cédente, ï Hymne  à  la  liberté,  qui  avait  été  mis  en 
musique  par  Ignace  Pleyel  et  chanté  à  Strasbourg, 
et  diverses  autres  poésies  très-appréciées  dans  son 
entourage.  Aussi,  îaien  souvent  déjà,  après  la  con- 
versation, qui  était  peu  variée,  la  cause  publique,  ta 
auerre  en  faisaient  toujours  les  frais,  l'amphitryon 
avait  dit  à  son  hôte  :  a  Faites-nous  donc  un  chant 
inspiré,  un  chant  qui  entraine  nos  armées.  »  —  «  Je  le 
ferai  !  »  avait  répondu  l'officier. 

Un  soir,  le  poëte  partit,  l'air  plus  soucieux  que  de 
coutume,  comme  si  la  muse  s'était  déjà  emparée  de 
lui.  — Arrivé  dans  sa  petite  chambre,  la  tête  pleine 
de  tout  ce  qui  s'était  dit  le  soir  à  table,  oîi  les  dis- 
cours les  plus  belliqueux  avaient  accompagné  le  ré- 
cit des  récentes  défaites,  il  saisit  son  violon,  dit-il, 
et  les  mots  et  les  notes  se  pressaient  dans  sa  tête 
et  sous  ses  doigts.  A  peine  une  ligne  était-elle  écrite 
que  l'autre  naissait  sous  sa  plume,  et,  comme  dans 
une  extase  patriotique,  le  soldat  de  l'armée  vaincue 
mais  beau  de  rébellion  improvisa  cette  nuit-là 
l'hymne  terrible  au  chant  duquel  la  nation  Française 
marcha  de  victoire  en  victoire.  Puis,  brisé  par  cet 
énergique  effort,  il  s'endormit. 

Le  lendemain  matin,  Diétrich  et  ses  amis  vinrent 
lui  demander  le  chant  qu'il  leur  avait  promis. 
Ce  n'est  que  plein  de  défiance  envers  son  œuvre 
que  Rouget  de  Lisle  le  leur  fait  entendre  ;  l'enthou- 
siasme s'empare  aussitôt  des  auditeurs  ;  ils  se  regar- 
dent, saisis  d'admiration  —  «  11  sera  exécuté  de- 
main à  grandorchestre»  ditDiétrich;  et  il  tint  parole. 
Le  lendemain,  la  première  audition  publique  de  la 
Marseillaise  avait  lieu  au  théâtre  de  Strasbourg  ; 
l'effet  fut  magique. 

La  première  édition,  paroles  et  musique,  parut  à 
Strasbourg,  de  l'imprimerie  de  Ph-J.  Dannbach 
imprimeur  de  la  municipalité,  sous  le  titre  :  Chant 
de  guerre  pour  l'armée  du  Rhin,  dédié  au  Maréchal 
Lukner.  Aucun  nom  d'auteur  n'est  indiqué  et  la 
pièce  ne  contient  que  six  couplets.  Le  couplet  des 


enfants  n'est  pas  de  Rouget  de  Lisle.  Du  reste,  il 
ne  fait  pas  partie  du  cadre  de  la  chanson  ;  le  citoyen 
qui  chante  ne  peut  pas  dire  : 

Nous  entrerons  dans  la  carrière 
Quand  nos  aînés  n'y  sei-ont  plus. 

Ce  personnage  y  est,  dans  la  carrière,  et  ses  aînés 
étaient  les  soldats  du  roi.  —  C'est  donc  un  couplet    1 
non-sens  s'il  n'est  chanté  par  des  enfants  après  la    ^ 
chanson  Unie. 

Quel  en  est  l'auteur  ?  L'abbé  Pessonnaux  disent 
les  uns,  un  nommé  Dubois  disent  les  autres,  on 
l'attribue  ausi  à  Chénier  ;  c'est  la  version  la  moins 
probable,  il  fut  ajouté  très-peu  de  temps  après  la 
création  de  la  Marseillaise,  car  il  figure  déjà  dans 
les  éditions  de  1794. 

Rouget  de  Lisle  avait  envoyé  précédemment 
à  Grétry,  qui  le  relate  dans  ses  Mémoires,  un  exem- 
plaire de  son  chant  avec  prière  d'en  distribuer  des 
copies;  c'est  donc  par  ce  célèbre  compositeur 
que  la  Marseillaise  fit  sa  première  apparition  à 
Paris.  C'est  probablement  Grétry  qui  en  écrivit 
l'accompagnement,  et  c'est  cela  qui  accrédita  l'er- 
reur qu'il  en  avait  composé  l'air. 

Je  ne  parle  pas  de  toutes  les  paternités  attribuées 
à  la  musique  de  la  Marseillaise,  puérilités  ou  his- 
toires de  journabstes  en  quête  de  copie  —  depuis 
sa  naissance  les  preuves  indiscutables  existent  en 
faveur  de  Rouget  de  Lisle. 

L'auteur  de  la  Marseillaise,  je  le  repète,  n'était  •  ' 
pas  plus  républicain  que  son  ami  Diétrich  —  Les 
républicains  étaient  encore  très-clair  semés.  Il  veut 
bien  qu'un  sang  impur  abreuve  nos  sillons,  que  ce 
sang  soit  celui  des  traîtres,  des  rois  conjurés  ;  il 
veut  bien  aussi  qu'on  n'épargne  pas  ces  despotes 
sanguinaires,  ces  complices  de  Bouille.  Mais  avant 
tout  il  voulait  conserver  son  roi,  et  les  événements 
du  10  aolit,  qu'il  appelle  une  catastrophe,  trouvè- 
rent en  lui  un  ennemi  décidé. 

Pendant  que  son  ami  Diétrich  prenait  la  fui  te  vers 
la  Suisse  pour  échapper  à  l'arrestation  prononcée 
contre  lui,  Rouget  de  Lisle,  qui  avait  rendu  sou 
épée  d'officier,  errait  en  Alsace  sans  savoir  au  juste 
ce  que  les  événements  allaient  faire  de  lui.  II  fut 
arrêté  à  la  fin  de  93  et  incarcéré  à  Saint-Germain- 
en-Laye,  où  il  resta  jusqu'au  neuf  Thermidor;  — 
alors,  en  bon  modéré  qu'il  était,  il  célébra  la  chute  de 
Robespierre  : 

Chantons  la  liberté,  couronnons  sa  statue, 
Comme  un  nouveau  Titan  le  crime  est  foudroyé  ; 

Relève  ta  tète  abattue, 
0  France,  à  tes  destins  Dieu  lui-même  a  veillé. 

Roug;  t  de  Lisle,  au  fond  aussi  soldat  que  poëte, 
reprit  alors  du  service  dans  l'armée  ;  il  devint  suc- 
cessivement aide-de-camp  du  général  Hoche, 
puis  chef  de  bataillon;  c'est  en  cette  qualité  qu'il 
combattit  à  Quiberon,  où  il  fut  blessé  d'un  éclat 
d'obus.  Ce  n'est  qu'en  1797  qu'il  rentra  dans  la 
vie  civile,  pour  se  livrer  à  des  travaux  littéraires. 

Il  n'était  alors  âgé  que  de  trente-sept  ans,  c'est- 
à-dire  en  pleine  viribté,  et  cependant  rien  de  re- 
marquable ne  sortit  plus  de  ce  cœur.  Il  avait  en  une 
nuit  épuisé  toute  sa  vigueur,  toute  son  inspiration, 
tout  son  patriotisme.  Les  Essais  en  vers  et  eu 
prose,  publiés  chez  Didot,l'an  V;  L'Ecole  desmcres, 


LA  CHANSON 


55 


comédie  en  vers,  Macbeth  opéra  joué  en  1827, 
tout  cela  est  œuvre  de  cerveau  et  de  travail. 

Pendant  la  période  impériale,  l'auteur  de  la  Mar- 
seillaise se  tait  ;  il  vit  à  la  campagne,  à  Montaigu, 
son  pays  natal.  De  là,  il  entend  peu  le  bruit  que 
fait  la  gloire  de  l'homme  du  jour  qui  n'est  pas 
celle  qu'il  a  rêvée  !  —  Puis  des  revers  de  for- 
tune l'accablent  ;  il  est  forcé  de  vendre  sa  modeste 
part  de  patrimoine. 

Quel  besoin  déchanter,  ou  de  vivre  plutôt,  poussa 
donc  Rouget  de  Lisle  en  1814,  et  lui  dicta  le  Chant 
du  Jura  ? 

Vive  le  Roi  ! 
Noble  cri  de  la  vieille  France, 

Cri  d'espérance, 
De  bonheur,  d'amour  et  de  foi,  etc. 

Ah  !  la  vie  est  parfois  difficile  à  mener;  il  faut 
être  charitable  pour  cet  homme  qui  traînait  péni- 
blement le  fardeau  d'une  réputation  si  grande  et 
qui  se  trouvait  chaque  jour  aux  prises  avec  les 
besoins  de  l'existence. 

Ce  n'est  qu'après  1830  qu'il  reçut  la  décoration, 
plus  une  pension  de  deux  mille  francs  qui,  avec  le 
temps,  fut  portée  à  trois  mille  cinq  cents.  Mais 
alorsil  était  vieux,  maladif,  ennuyé,  ennuyeux,  et  ce 
fut  un  grand  bonheur  pour  lui  quand  le  général 
Blein,  un  de  ses  vieux  amis,  lui  offrit  l'hospitalité 
dans  sa  maison  de  Choisy-le-Roi. 

Il  revint  alors  à  la  vie,  et  souvent  on  le  rencon- 
trait dans  les  avenues  de  Choisy,  tenant  un  livre 
dans  lequel  il  regardait  de  temps  en  temps. 

Son  costume  était  celui  d'un  autre  âge  :  une  lon- 
gue redingote  d'officier  lui  battait  les  talons,  une 
large  perruque  de  l'ancien  régime  et  un  chapeau 
bas  à  larges  bords  complétait  ce  costume  tout  a  fait 
démodé.  Il  mourut  à  Choisy-le-Roi  le  27  juin  1836. 
Il  était  né  à  Montaigu,  près  Lons-le-Saunier,  le 
10  mai  1760. 

On  parle  d'élever  une  statue  à  Rouget  de  Lisle  ; 
on  fera  bien.  La  France  doit  oublier  les  faiblesses  de 
celui  qui  l'a  si  puissamenl  aidé  dans  ses  grandes 
luttes  ;  de  celui  à  qui  elle  doit  en  partie  d'avoir  con- 
servé son  nom.  Faites-la  vite,  cette  statue,  faites-la 
grande,  faites-la  inspirée,  afin  qu'on  puisse  répon- 
dre au  voyageur  qui  demanderait  le  nom  de  ce 
bronze  :  «  C'est  la  Marseillaise  !  » 

Eugène  BAILLET. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAIKE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  2  AOUT  1878 

Mon  compte-rendu  sera  court  aujourd'hui.  Non 
que  la  séance  ait  été  mal  remplie,  mais  il  y  man- 
quait beaucoup  de  convives  et  un  peu  de  silence . 
Lavillégiature,  d'un  côté,  la  rage  de  parler  politi- 
que, de  l'autre,  sont  les  deux  causes  de  ces  deux 
effets.  Les  membres  présents  ont  dû  se  multiplier, 
comme  les  soldats  de  l'ancien  Cirque-Olympique, 
et  reparaître  sous  des  couleurs  diverses.  Un  des 
grands  succès  de  la  soirée,  c'est  la  chanson  de  La 
garde  :  Les  Machines  de  l'Exposition.  Il  en  admi- 
re de  toutes  sortes.  Les  unes  servent  à  imprimer, 
d'autres  à  tuer.  Quand  donc,  s'écrie  l'auteur,  en 
fera-t-on  qui  donnent  de  l'esprit,  qui  assurent  la 


paix,    qui   prolongent    la  vie,  qui    apprennent   à 
aimer  ? 

Le  Remède,  les  Accrocs,  le  Commencement  et  la 
fin,  l'Instrument,  les  Plaisirs  dispendieux,  la  Langue 
universelle,  le  Paresseux,  la  Vigne  en  Bourgogne  : 
tels  sont  les  titres  des  chansons  inéditeschantées  àce 
banquet.  MM.  de  Feuillet,  Rubois,  Montariol,  Gran- 
ge, Ripault,  Clairviile,  Jullien,  Charles  Vincent, 
nous  ont  débité,  sur  ces  sujets  si  divers,  des  cou- 
plets tour  à  tour  graves  ou  piquants,  grivois  ou 
philosophiques. 

N'ai-je  pas  été  un  peu  sévère  pour  Fénée,  l'autre 
jour  ?  Il  a  pris,  en  tout  cas,  sa  revanche  aujour- 
d'hui. Son  La^arde  républicain  (n'allez  pas  lire  la 
Garde  républicaine),  et  surtout  sa  Toilette  de  Suzon, 
ont  obtenu  et  mérité  de  vifs  applaudissements. 

Un  second  tour  a  permis  de  ressusciter  quelques 
chansons  de  l'an  passé.  Puis  l'heure  est  venue  met- 
tre un  terme  à  un  entrain  que  le  président  n'avait 
pas  beaucoup  de  peine  à  retenir  dans  de  justes  li- 
mites. 

0  été,  voilà  de  tes  coups  ! 

Je  finis  par  une  bonne  nouvelle.  Je  l'ai  sue  en  con- 
fidence, etje  la  donne,  sous  le  sceau  du  secret,  aux 
amateurs  de  bonnes  chansons  :  Clairviile  s'occupe 
de  préparer  un  nouveau  recueil  des  siennes,  et  ce 
n'est  pas  un  mince  travail  que  d'en  réunir  l'essaim 
épars.  Apprêtons-nous  donc  à  rire. 

Je  vous  parlerais  bien,  pour  terminer,  d'un  toast 
très-original  de  fond  et  de  forme,  lu  par  le  président. 
Mais  il  croirait  peul-ètre  que  je  n'en  parle  mainte- 
nant que  pour  réparer  un  oubli.  Faut-il  donc  regar- 
der comme  un  mensonge  son  proverbe  favori  :  Aux 
derniers  les  bons  ? 

EuG.  IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET  DU   7  AOUT    1878 

Plus  heureux  que  le  Caveau,  la  Lice  a  réuni,  le 
mois  dernier,  un  nombre  de  convives  très-respec- 
table pour  unbanquetd'été,  etces  convives  payaient 
leur  écot  à  la  chanson  avec  une  ardeur  telle  que 
plusieurs  des  inscrits  n'ont  pu  être  entendus. 

La  quantité  des  productions  n'a,  du  reste,  pas 
nui  à  leur  qualité,  c'est  là  le  point  important.  Le 
président  Chebroux,  après  un  toast  réussi  comme 
ses  précédents,  a  fait  part  aux  assistants  de  la  déci- 
sion gracieuse  du  préfet  de  police,  qui  autorise  la 
société  à  baptiser  ses  banquets  Dîners  de  la  Lice 
Chansonnière,  au  lieu  de  ce  titre  banal  :  Dîner  des 
Vendanges.  M.  Gigot  a  pu  prendre  cette  décision 
sans  troubler  en  rien  la  paix  publique,  mais  si 
mince  que  soit  la  faveur  accordée,  les  Licéens  ne 
l'auraient  pas  obtenue  s'ils  n'avaient  été  voir  le 
préfet  pour  lui  demander  l'autorisation  de  pronon- 
cer, sur  la  tombe  de  Béranger,  les  discours  qu'on  a 
lus.  —  Ce  qui  prouve  qu'une  bonne  action  est  quel- 
quefois récompensée. 

Le  Pierrot  de  Hachin,  le  Salut  au  Voyageur  de 
Chebroux,  les  Deux  Petits  Blonds  d'Eugène  Baillet 
ont  obtenu  des  applaudissements  mérités.  Même 
accueil  à  une  chanson  bien  faite  de  Jules  Echalié, 
dans  laquelle  il  énumère  les  circonstances  où  le 


56 


LA  CHANSON 


Silence  est  éloquent.  —  Jules  Jeannin,  fatigué  sans 
doute  d'exciter  le  rire,  a  voulu  prouver  qu'il  pou- 
vait habilement  rimer  des  couplets  philosophiques  ; 
il  célèbre  les  Réformateurs  avec  une  conviction  que 
l'empire  a  jadis  mal  récompensée,  mais  qui  ne 
pouvait  déplaire  à  ses  auditeurs  républicains.  — 
lien  faut  pour  tous  les  çfoûls,  s'écrie  ensuite  Dura- 
four,  toujours  en  verve  ;  à  quoi  M.  Picard,  ajoute  que 
le  bon  vin,  le  printemps,  l'amour,  Ca  fait  toujours 
plaisir  —  les  bons  refrains  de  cet  auteur  produi- 
sent le  même  effet.  —  M.  Sylvain  SainfrEtienne, 
avec  une  chanson  élevée.  Notre  demeure  n'est 
qu'aux  cieux  ;  M.  Robinet,  décrivant  les  douces 
choses  qu'il  voit  En  fermant  lesy eux;  M.  de  Gonet, 
en  prônant  le  Culte  de  la  gaité,  et  M.  Jouy,  en 
chantant  les  Petites  mains  de  ma  mie,  ont  ensuite 
remporté  chacun  un  succès. 

La  note  badine  a  maintes  fois  résDnné  au  dernier 
banquet.  M.  Quesnel,  dans  une  plaisanterie  sur  le 
Shah  ;  M.  Dubois,  en  s'écriant  :  Ne  poariez-vous 
m'en  prêter  une"!  (Abailard  est  le.  sujet  d'un  des 
couplets,  dont  la  chute  devient  drolatique)  ;  M.  Lé- 
once Guérin,  avec  des  vers  écrits  Sur  le  Pô,  qu'on 
aurait  applaudis  davantage  si  l'auteur  les  avait  ré- 
cités moins  timidement  ;  enfin  Jules  Jeannin,  rede- 
venu plaisant  pour  soutenir  qu'  Y  a  toujours  moyen 
ds'arranger,  ont  été  les  éclats  de  rire  de  la  soirée. 

Comme  d'habitude,  nous  avons  retenu  pour  nos 
lecteurs  une  des  productions  nouvelles  apportées  à 
la  Lice.  On  trouvera  plus  loin  les  couplets  dédiés 
A Béranger  ^arM..  Vatinel,  à  l'occasion  de  la  statue 
projetée  du  grand  poëte.  Ils  occuperont,  dans  la 
Chanson,  leur  place  naturelle. 

L.-Henry  LEGOMTE. 


A  BERANGER 

Le  barde  aimé  dont  j'évoque  la  oendFe 
Nous  a  chanté:  <i  Dieu  m'a  dit  :  ne  sois  rien  », 
Loin  des  honneurs  dont  il  sut  se  défendre. 
Il  s'éteignit  en  simple  homme  de  bien. 
Mais  sa  grande  ombre  ainsi  dormira- t-elle? 
France,  il  clianta  ta  joie  et  tes  douleuïs. 
Puisque  son  nom  fait  battre  tant  de  cœurs, 
Il  faut  le  rendre  à  la  vie  immortelle  ! 

Enfant  du  peuple,  il  a  chanté  pour  lui, 
Que,  par  le  peuple,  il  renaisse  aujourd'hui! 

0  jour  de  deuil,  jour  grand  dans  nos  mémoires  ! 
«  Peuple,  dit-on,  oui,  Béranger  n'est  plus. 
Mais  reste  calme,  à  qui  chanta  nos  gloires. 
Tous  les  honneurs  seront  par  nous  rendus.  » 
Autour  du  char  qu'il  croyait  sa  conquête. 
L'empire  deux  massait  ses  légions, 
Mais,  dominant  «  vieux  habits,  vieux  galons,  » 
Le  peuple  entier  saluait  son  poëte. 

Enfant  du  peuple,  il  a  chanté  pour  lui, 
Que,  par  le  peuple,  il  renaisse  aujourd'hui! 

Non  loin  du  toit,  sa  demeure  dernière, 
Qu'une  statue  en  rappelant  son  nom. 
Rappelle  à  tous  sa  muse  populaire: 
Le  Vieux  Sergent,  Lisette  ou  Frétillon, 
Puissent,  un  jour,  ce  fut  son  espérance, 
Les  étrangers  répéter  ce  refrain  : 
«  Unissons-nous,  et,  nous  donnant  la  main, 
Peuples,  formons  une  sainte  alliance.  » 

Enfant  du  peuple,  il  a  chanté  pour  lui. 
Que,  parle  peuple,  il  renaisse  aujourd'hui! 


Joyeux  bambins  au  sortir  des  écoles. 
Près  de  celui  qui  pour  eux  a  chanté. 
Lorsque  viendront  s'ébattre,  en  troupes  folles. 
Les  frais  bourgeons  de  notre  liberté  ; 
Lui,  saluant  l'aube  d'un  nouvel  âge. 
Et  souriant  à  leurs  pas  cadencés. 
Comme  autrefois  il  redira:  «  Dansez, 
Enfants,  vos  ans  échappent  à  l'orage.  » 

Enfant  du  peuple,  il  a  chanté  pour  lui 

Que,  par  le  peuple,  il  renaisse  aujourd'hui! 

Pour  Manuel,  près  duquel  il  repose, 

II  demandait  une  tombe  autrefois  ; 

Ainsi  que  lui,  servant  la  grande  cause. 

Il  fustigea  les  abus  et  les  rois. 

Que  Béranger  en  bronze  s'édifie. 

Plus  grand  cent  fois  que  maint  héros  vanté, 

Gloire  à  celui  qui  dit  :  «  Humanité, 

Ton  bonheur  fut  le  rêve  de  ma  vie  I  » 

Enfant  du  peuple^  il  a  chanté  pour  lui. 
Que,  par  le  peuple,  il  renaisse  aujourd'hui! 

E.  VATINEL. 


LES  FRANÇAIS 


Air  :  de  la  Treille  de  sincérité. 

Sur  terre. 

Pour  leur  caractère. 

Pour  leur  gaîté,  pour  leurs  succès, 

Partout  on  cite  les  Français. 

Jadis  les  Gaulois,  nos  ancêtres, 
Qui,  déjà,  faisaient  des  jaloux, 
Etaient  à  leur  début,  des  êtres 
Assez  barbares,  entre  nous. 
Aujourd'hui,  lorsqu'ils  nous  décochent 
Leurs  traits  plus  ou  moins  aiguisés, 
Certains  étrangers  nous  reprochent 
D'être  un  peu  trop  civilisés... 

Sur  terre,  etc. 

En  amour  comme  en  politique 
Ils  sont,  dit-on,  capricieux. 
Soif;  mais,  grâce  à  cette  tactique. 
Le  spleen  est  inconnu  chez  eux. 
Ils  sont  forts  en  philosophie, 
De  latin  et  de  grec  farcis, 
Mais  quant  à  la  géographie, 
C'est  le  cadet  de  leurs  soucis. 

Sur  terre,  etc., 

Légers,  railleurs,  aimant  à  rire. 
On  les  a  vus,  vrais  polissons. 
Changeant  souvent  de  point  de  mire, 
Satiriser  tout  en  chansons  ; 
Oui,  mais  l'Europe  est  mal  à  l'aise 
Quand,  craignant  ce  qui  s'en  suivra. 
Ils  entonnent  la  Marseillaise, 
Ou  fredonnent  le  Ça  ira. . . 

Sur  terre,  etc.. 

Ils  sont,  dit-on  ingouvernables  ; 
Pourtant  ces  indisciplinés 
Se  laissent,  par  des  chefs  capables. 
Conduire  par  le  bout  du  nez. 


LA  CHANSON 


57 


On  dit  que,  drapés  dans  leur  gloire, 
Ils  sont  casaniers  et  chauvins  ; 
Mais  quel  peuple  a  plus  belle  histoire, 
Sol  plus  fécond  et  meilleurs  vins? 

Sur  terre,  etc., 

II  est  vrai  qu'ils  sont  peu  modestes, 
Comment  le  soraient-ils?  En  tout 
On  imite  leurs  faits  et  gestes 
D'un  bout  du  monde  à  l'autre  bout. 
Si,  dans  les  produits  de  l'usine, 
Ils  ont  des  émules  nouveaux. 
Dans  les  beaux-arts  et  la  cuisine 
Ils  restent  toujours  sans  rivaux. 

Sur  terre,  etc.. 

S'ils  gobent  de  pieuses  bourdes, 
(Plus  par  intérêt  que  d'instinct). 
Ils  préfèrent  à  l'eau  de  Lourdes 
Le  Suresne  et  le  Chambertin. 
S'ils  aiment  encor  les  panaches. 
Les  galons  et  les  calembours, 
A  leurs  princes,  comme  au.x  pataches. 
Ils  ont  renoncé  pour  toujours. 

Sur  terre,  etc., 

Même  de  nos  femmes,  nos  filles. 
On  glose,  mais  n'onl-elles  pas 
La  grâce  qui,  des  moins  gentilles, 
Rehausse  les  moindres  appas? 
Certes,  il  en  est  de  mœurs  légères. 
Celles-là  nous  vous  les  cédons  : 
Mais,  messieurs,  quant  à  nos  rosières. 
En  bons  Français  nous  les  gardons. 

Sur  terre,  etc., 

Mais,  d'une  façon  incivile. 

On  dit  :  «  Qu'ont-ils  produit  do  neuf?  » 

—  Ils  ont  créé  le  vaudeville, 

El  fait  aussi  Quatre-vingt-neuf. 

On  leur  doit  .loanno  d'Arc,  Voltaire, 

Et  l'auteur  de  Pantagruel  ; 

On  leur  doit  la  pomme  de  terre, 

Et  le  suffrage  universel. 

Sur  terre,  etc., 

Ils  ont   créé  le  journalisme, 

Aboli  l'Inquisition, 

Fermé  les  tours,  ouvert  un  isthme. 

Et  fondé  le  prix  Montyon. 

Si  d'autres  ont  dompte  la  foudre, 

Maints  secrets  ils  ont  su  ravir; 

S'ils  n'ont  pas  inventé  la  poudre 

Qui,  mieux  qu'eux,  a  su  s'en  servir!... 

Sur  terre,  etc., 

Bref,  on  leur  doit  la  loi  salique. 
Les  aérostats,  la  vapeur. 
On  leur  devra  la  République 
Qui  déjà  ne  fait  plus  si  peur. 
Les  appréciant  à  la  ronde. 
Sans  croire  les  désobliger  : 
«  C'est  le  premier  peuple  du  monde. 
Après  nous,  dit  chaque  étranger. 

Sur  terre. 

Pour  leur  caractère. 

Pour  leurgaîté,  pour  leurs  succès; 

Partout  on  cite  les  Français. 

Henry  RDBOIS. 


A  mes  Amis  du  113'  de  Ligne. 

LE   SOLDAT  D'UN  AN 


Air  des  Vingt-huit  jours  (Ben-Tatoux.) 

Puisque  le  devoir  nous  ordonne 
D'être  un  jour  ou  l'autre  soldat. 
Sans  que  l'espoir  nous  abandonne 
Nous  devons  quitter  notre  état; 
Bienheureux,  le  jour  du  tirage, 
Celui  dont  la  félicité. 
Lui  donne  un  an  d'apprentissage 
Pour  faire  un  soldat  respecté. 
Hardiment,  toujours  à  l'exercice, 
Chacun  le  voit  bien  faire  son  service  ; 
Pour  les  amours  et  pour  le  sentiment. 
Vive  à  jamais  le  gai  soldat  d'un  an. 

En  bravant  la  peine  cruelle 
D'être  éloigné  de  ses  parents, 
Son  corps  se  fait  à  la  gamelle 
Autant  qu'à  des  plats  succulents. 
Le  jeudi  soir  et  le  dimanche 
Lorsque  vient  le  fameux  rata. 
Toujours  grâce  à  sa  gaîté  franche, 
Il  fait  un  excellent  gala. 
Hardiment,  etc. 

D'une  vigueur  que  rien  n'altère. 
Pour  astiquer  son  fourniment, 
Philosophe  de  caractère, 
On  le  voit  joyeux  et  chantant. 
A  l'ordinaire,  à  la  cuisine, 
Ou  pour  balayei'  le  quartier. 
Pour  tout  ce  que  l'on  s'imagine. 
Il  esl  sans  cesse  le  premier. 
Hardiment  etc. 

Sans  cesser  jamais  d'être  aimable. 
De  son  regard  fascinateur, 
De  quelque  fillette  agréable 
Il  règne  dans  le  polit  cœur. 
Auprès  de  la  belle  qu'il  aime. 
Son  cœur  esl  comme  un  vrai  volcan. 
Car  l'amour  est  le  bien  suprême 
Qui  sait  plaire  aij  soldat  d'un  an. 
Hardiment,  etc. 

A  l'escnme  à  la  baïonnette. 
Sachant  déployer  son  ardeur. 
Il  faut  voir  comment  il  s'apprête 
Lorsqu'on  lui  dit  :  «  En  ti railleur  \  » 
Marche  de  front,  pas   gymnastique. 
Le  retrouvent  toujours  dispos. 
Car  son  esprit  patriotique 
Sait  faire  honneur  à  nos  drapeaux. 
Hardiment,  etc. 

Braves  enfants  du  Cent-  Treizième, 
Sachons  être   toujours  unis, 
Pour  que  le  progrès  que  l'on  aime 
S'enorgueillisse  de  ses  fils. 
Formons  des  vœux  pour  que  sur  terre 
Règne  le  droit  et  l'équité. 
Et  pour  que  l'Europe  s'éclaire 
Au  soleil  de  la  liberté. 
Plein  de  cœur,  soyons  à  l'exercice. 
Sachons  toujours  faire  notre  service; 
Pour  les  amours  et  pour  le  sentiment, 
Vive  à  jamais  le  gai  soldat  d'un  an. 

Constant  SACLÉ. 


58 


LA  CHANSON 


LA  TOILETTE  DE  SUZON 


air:  Venez,  venez  au  Fidèle  Berger  (adam) 

Voici  revenii-  le  printemps, 
Adieu  les  frimas,  les  autans; 
Les  hôtes  ailés  des  buissons 
Gazouillent  leurs  vives  chansons; 

Viens,  ma  compagne, 

Sans  différer. 

Viens  respirer 

A  la  campagne  ; 

Vite  en  chemin. 
Et,  la  main  dans  la  main, 

Suzon, 
Désertons  la  maison. 

Je  vais  t'aider  à  t'habiller, 
En  toilette,  tu  vas  briller; 
Ne  perdons  pas  un  seul  moment, 
Quitte  ce  simple  ajustement  : 

Ta  main  démêle 

Tes  noirs  cheveux. 

Qu'ils  sont  soyeux. 

Ma  toute  belle  ; 

De  ta  beauté 
Mon  œil  est  enchanté... 

Suzon, 
J'en  perdrai  la  raison. 

Allons,  mets  ton  gentil  corset, 
Déjà  ma  main  tient  le  lacet, 
Mais  je  frissonne  en  te  laçant... 
Ton  regard  devient  caressant. 

Ton  cœur  palpite, 

Tiens,  sens  le  mien. 

Comme  le  tien, 

L'amour  l'agite  ; 

On  est  heureux. 
Quand  deux  cœurs  amoureux, 

Suzon, 
Sont  au  diapason. 

Tout  aime  en  ce  vaste  univers. 
Au  sein  des  airs,  au  fond  des  mers, 
A  tous  les  êtres  animés, 
La  nature  vient  dire;  aimez. 

Au  bois  la  mousse 

Offre  aux  amants 

Tapis  charmants. 

Couchette  douce; 

La  tendre  fleur, 
Se  penche  vers  sa  sœur... 

Suzon, 
D'amour,  c'est  la  saison. 

Ta  peau,  douce  comme  un  satin. 
Ton  pied  mignon,  ton  air  mutin. 
Ta  jambe  ronde  et  faite  au  tour 
M'embrasent  des  feux  de  l'amour, 

Chère  petite, 

Pourquoi  sortir? 

Quand  le  plaisir 

Chez  nous  s'abrite, 

Lève  les  yeux. 
Vois  le  ciel  nuageux... 

Suzon, 
Restons  à  la  maison. 

J.  FÉNÉE. 


LA  VRAIE  RICHESSE 


Musique  de  JULES  JACOB  (1) 

Au  sein  des  splendides  palais, 
Parfois  l'ennui  fait  sa  demeure  ; 
Si  l'on  rit  devant  les  valets, 
A  l'écart,  bien  souvent  on  pleure. 
L'humble  manœuvre,  en  son  taudis, 
Chante  l'amour  et  la  jeunesse  ; 
Les  fleurs  lui  font  un  paradis  : 
Du  pauvre  voilà  la  richesse  ! 

L'ambition  fait  des  martyrs 

De  ceux  que  sans  cesse  elle  raille  ; 

Dans  le  velours  que  de  soupirs 

Que  de  beaux  rêves  sur  la  paille. 

L'or,  ce  n'est  pas  la  liberté. 

Et  les  grandeurs  ont  leur  tristesse  ; 

Les  vagabonds  ont  leur  gaîté  : 

Du  pauvre,  voilà  la  richesse  ! 

Que  d'efforts  et  que  de  tracas 
Pour  courir  après  la  fortune. 
Sans  compter  de  nombreux  faux-pas 
Et  les  trous  qu'on  fait  à  la  lune. 
Plus  d'un,  tout  nu,  rentre  au  bercail 
Ne  rapportant  que  sa  paresse  ; 
L'ouvrier  vit  de  son  travail  : 
Du  pauvre,  voilà  la  richesse  ! 

L'argent  vous  rend  le  cœur  vénal, 
Harpagon  a  l'âme  féroce. 
Et  Marco  meurt  à  l'hôpital. 
Après  avoir  roulé  carrosse. 
Les  parvenus,  du  malheureux 
N'apaisent  jamais  la  détresse  ; 
Les  gueux  ont  le  cœur  généreux  : 
Du  pauvre  voilà  la  richesse  ! 

A  grand  fracas,  certains  rhéteurs 
A  plaisir  créant  des  systèmes, 
Prétendent  faire,  sans  douleurs, 
Avaler  tous  leurs  faux  problèmes; 
Mais,  à  leur  parade  étranger. 
Le  peuple,  simple  en  sa  sagesse, 
Relit  Molière  et  Béranger  : 
Du  pauvre,  voilà  la  richesse  ! 

Un  Crésus  qui  touche  à  la  mort 
Souvent,  spectacle  lamentable. 
Voit,  quand  pour  toujours  il  s'endort, 
Près  de  son  lit  mettre  la  table  ; 
Puis,  dès  le  moment  qu'il  n'est  plus, 
Les  héritiers  pillent  la  caisse  ; 
L'artisan  lègue  ses  vertus  : 
Du  pauvre,  voilà  la  richesse  ! 

Tous  les  inventeurs  de  canons. 
Tous  les  blagueurs  de  la  mitraille. 
Tous  les  grands  diseurs  de  sermons 
Ne  feront  jamais  rien  qui  vaille. 
Honneur  à  qui  donne  du  pain  ! 
Les  travailleurs  ont  leur  noblesse  : 
Guttemberg,  Jacquart  et  Papin, 
Du  pauvre,  voilà  la  richesse  ! 

HlPPOLYTE  RYON. 


(1)  Chez  Deeveaux,  éditeur,  rue  d'Angoulême,  32. 


LA  CHANSON 


59 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


PAUL  AVENEL 

PRÉSIDENT  DE  LA  SOCIÉTÉ  DES  AUTEURS  ET  COMPOSITEURS 


La  chanson  estmul- 
tiple  dans  sa  forme  et 
dans  ses  effets.  Après 
l'avoir  suivie  à  l'ate- 
lier, à  la  goguette  et 
au  salon,  oîi  elle  égaie 
ou  sermonne,  nous  la 
rencontrerons  au- 
jourd'hui sur  la  voie 
publique,  servant 
d'instrument  à  une 
patriotique  vengean- 
ce. 

Paul  Avenel  est  né, 
le  9  octobre  18«3,  à 
Chaumont-  en-  Ve.xin 
(Oise).  Son  père,  no- 
taire estimé,  le  desti- 
nait au  commerce . 
Après  de  bonnes 
études  classiques , 
Paul  fut,  en  consé- 
quence, mis  à  l'école 
spéciale  de  la  rue 
Amelot.  Sorti  en  1840, 
avec  le  cinquième  di- 
plôme des  élèves  lau- 
réats, Paul  entra  dans 
la  maison  de  banque  Durand  et  C'°,  rue  Basse- 
du- Rempart.  Mais  la  carrière  commerciale  lui 
souriait  peu;  aussi  le  retrouvons-nous,  quatre  ans 
plus  tard,  étudiant  en  médecine.  Il  suivait  assidû- 
ment les  cours  d'Orlila,  de  Roux  et  des  autres 
professeurs  célèbres  de  cette  époque,  et  collaborait, 
en  même  temps,  à  l' Avant-Garde,  journal  des 
écoles,  fondé  sous  le  patronage  de  Louis  Blanc.  Paul 
Avenel,  de  plus,  faisait  alors  partie  de  la  Mansarde, 


cénacle  littéraire  ins- 
tallé rue  de  Vaugi- 
rard.  C'est  là  qu'il  fit 
connaissance  de  Pier- 
reDupont,  deLacham- 
beaudie,  de  Watri- 
pon,  de  Delvau  et 
d'autres  écrivains  qui, 
jusqu'à  leurmort,  ont 
été  ses  amis. 

La  monarchie  de 
Juillet  marchait  aux 
abîmes.  Dans  une 
réunion  tenue  rue 
Saint-Victor ,  le  11 
février  1848,  Paul 
Avenel  fut  nommé 
commissaire  de  ce  fa- 
meuxbanquetdes  étu- 
diants où  Ledru-RoUin 
devait  prendre  la  pa- 
ro  le  ;  il  signa,  en  cette 
qualité,  la  déclaration 
des  écoles  qui  parut 
neuf  jours  après.  — 
La  révolution  écla- 
ta. Le  24  février,  Paul 
Avenel  était  à  la  prise 
des  Tuileries,  oii  il  fut  blessé  d'un  coup  de  feu  à 
la  main  gauche.  Il  n'en  pénétra  pas  moins  dans  le 
pavillon  de  Flore,  pour  assister  à  une  scène  carac- 
téristique. 

Dans  la  salle  ouvrant  sur  le  Pont-Royal  était  un 
billard  sur  lequel  trois  combattants  de  la  rue  fai- 
saient la  parade.  Le  premier,  vêtu  d'un  habit  à 
broderies  d'or,  figurait  Louis-Philippe;  le  second, 
enveloppé  d'une  robe  de  chambre  et  coiffé  d'un 


60 


LA  CHANSON 


chapeau  à  fleurs,  personnifiait  la  reine  ;  le  troisième 
enfin,  porteur  d'une  livrée,  représentait  Guizot.  Ces 
personnages  traitaient  la  question  politique  du  jour 
aux  applaudissements  des  citoyens  en  armes  qui  les 
entouraient.  Tout  à  coup  un  homme,  ayant  sur  le 
dos  une  couverture  de  laine  nouée  par  deux  coins  à 
son  cou,  la  tête  abritée  d'un  chapeau  de  paille , 
s'avança  près  des  acteurs  improvisés,  et,  faisant  ré- 
sonner sur  le  parquet  la  crosse  de  son  fusil  : 

—  Et  Brutus  ?  dit-il,  d'une  voix  éraillée. 

—  Il  n'y  est  pas,  répondit  quelqu'un. 

—  Faut  qu'il  y  soit,  reprit  l'interrupteur,  sa  place 
est  là.  Descendez,  vous  autres. 

Les  paradeurs  obéirent.  L'homme  alors  tira  son 
sabre,  coupa  le  tapis  vert  le  long  des  bandes,  s'en 
drapa  à  la  romaine,  monta  sur  le  billard  dépouillé 
en  appelant  le  Louis-Phihppe,  la  reine  et  le  Guizot, 
et,  faisant  à  la  foule  un  grand  geste  avec  son  sabre, 
dit  solennellement:  «  Je  suis  Brutus,  je  vais  juger 
les  coupables  !  » 

—  Bravo  !  bravo  !  crièrent  les  spectateurs,  avec 
des  rires. 

—  Attention!  le  jugement  va  commencer!... 
Paul  Avenel  aime  à  conter  cet  épisode  singulier, 

qui  montre  les  Parisiens  plaisantant  au  bruit  même 
des  coups  de  fusil. 

La  première  chanson  de  Paul  Avenel  naquit  des 
événements  politiques.  Elle  fut  écrite  la  nuit,  dans 
un  poste  d'étudiants  qui  défendaient  une  barricade 
au  carrefour  des  rues  de  la  Harpe  et  des  Mathurins. 
Le  lendemain  du  24  février,  quelques  jeunes  gens 
des  écoles  de  médecine  et  de  droit  la  colportaient 
dans  la  rue,  chantant  avec  accompagnement  de 
tambour,  de  violon  et  de  flageolet,  tandis  que  l'au- 
teur quêtait  pour  les  blessés.  Tout  le  monde  ache- 
tait. On  recueillit,  place  Maubert,  54  fr.  en  gros 
sous  ;  place  de  l'Odéon,  71  fr.  20  ;  place  de  la  Bas- 
tille, 104  fr.  et,  place  de  la  Bourse,  82  fr.  50.  Nous 
donnerons  le  premier  couplet  de  cette  chanson  inti- 
tulée: Z-e  Vingt-quatre  février  ouïe  Maître  et  le  Valet, 
et  que  l'auteur  n'a  pas  recueillie  dans  ses  œuvres  ; 

Sire,  le  peuple  ouvre  les  yeux 
Et  voit  que  nous  sommes  des  gueux  ; 
(Le  peuple  vraiment  s'émancipe!) 
Maintenant  il  ne  doute  plus 
Que  nos  agents  sont  corrompus. 

—  Je  vais,  Guizot, 

Passer  pour  un  nigaud, 
Si  je  suis  vaincu,  lui  dit  Philippe. 

Cette  production,  comme  on  voit,  est  peu  remar- 
quable; la  circonstance  seule  en  fit  le  succès.  Elle 
porte  sur  l'imprimé  le  pseudonyme  du  «  citoyen 
Paul  Sony  »  à  cause  des  mesure  sévères  que  la 


Faculté  prenait  alors  contre  les  étudiants  atteints 
de  l'esprit  révolutionnaire. 

Après  1848,  Paul  Avenel  se  jeta  dans  la  littéra- 
ture quotidienne.  Tour-à-tour  journaliste,  auteur 
dramatique  et  romancier,  il  a  cet  honneur  de  n'avoir 
jamais  écrit  une  ligne  contre  la  liberté,  et  ce  bonheur 
de  n'avoir  pas,  comme  tant  d'imprudents,  contribué 
à  populariser  la  légende  Napoléonienne ,  si  fatale  à 
notre  pays.  Combien  dut-il  s'en  féliciter,  au2décem- 
bre  !  Habitant,  à  cette  date,  rue  de  l'Echiquier,  il  fut 
témoin  de  l'orgie  de  sang  du  boulevard  Montmartre  ; 
il  aperçut  Canrobert  donnant  le  signal  de  regorge- 
ment des  promeneurs  paisibles  ;  il  vit  l'effondrement 
de  la  maison  Sallandrouze,  les  trente-trois  cadavres 
de  la  cité  Bergère,  et  quand,  le  4  décembre,  il  rentra 
chez  lui  avec  du  sang  humain  à  ses  bottes,  il  voua 
une  haine  éternelle  au  second  empire. 

La  chanson  s'offrait  à  Paul  Avenel  comme  une 
arme  excellente  de  combat.  La  prenant  d'une  main 
hardie  et  substituant  la  vérité  aux  traditions  men- 
teuses, il  écrivit  7a  Cour  du  roi  Pétaud  de  même  que 
Béranger  avait  écrit  le  Roi  d'  Yvetot,  peignant  gou- 
vernants et  gouvernés  avec  des  traits  comme  ceux-ci  ; 

Le  roi  faisait,  sans  réfléchir, 

Les  plus  folles  dépenses; 
Les  grands  prenaient  pour  s'enrichir 

Le  restant  des  finances  ; 
Et  le  peuple,  fort  indulgent, 
Remplaçait,  quand  c'était  urgent. 
L'argent  ! . . . 

Ce  point  de  départ  adopté,  Paul  Avenel  continua 
son  œuvre  jusqu'à  la  catastrophe  oh  sombra  honteuv 
sèment  le  pouvoir  né  d'un  crime.  ; 

Plusieurs  des  chansons  composées  sous  l'empire 
et  contre  luisent  encore  inédites  ;  mais  celles  que 
contient  le  volume  de  Paul  Avenel  suffisent  pour 
donner  la  mesure  du  talent  de  l'auteur.  Nous  cite- 
rons particulièrement  Martin  Bidauré,  complainte 
sanglante,  qui  devint  populaire  en  courant  manus- 
crite, le  Venu  deM.  Calvet,  tableau  de  mœurs  élec- 
torales, Emile  au  Cabinet,  les  Comptes  d' Haussmann, 
M.  Alfred,  l'es  Casse-têtes,  la  Vacbe  à  Gambon  et  le 
Plébiscite. 

Dans  la  plupart  de  ces  œuvres  étincelantes  de 
verve,  l'auteur,  il  faut  le  dire,  ne  donne  pas  toujours 
à  la  forme  une  attention  suffisante  ;  préoccupé  de 
frapper  fort  et  juste,  il  admet  parfois  des  mots  ou 
des  tours  de  phrase  blâmés  par  les  puristes.  Ces  né- 
ghgences sont-elles  cherchées,  à  l'intention  des  illet- 
trés à  qui  s'adresse  d'abord  Paul  Avenel?  Nous  se- 
rions tenté  de  le  croire,  car,  à  côté  de  productions 
incomplètes,  Paul  Avenel  en  place  d'autres  qui,  sans 


LA  CHANSON 


61 


rien  perdre  sous  le  rapport  de  la  vigueur  et  de  l'exac- 
titude du  trait,  offrent  de  rares  qualités  de  style.  En 
tête  de  ces  chansons  châtiées,  nous  désignerons  la 
Mort  de  Barbes,  r Immortel  Géant,  les  Funérailles 
de  Fjc/oriVoir  et  l'admirable  Chant  du  Père  Giraud: 

Les  (Jeux  Giraud,  mes  fils,  étaient  deux  gas  honnêtes, 
C'étaient  de  braves  cœurs,  c'étaient  de  fortes  tètes; 
Dieu  les  avait  fait  naître  actifs,  intelligents. 
Et  leurnature  droite  étonnait  bien  des  gens. 
Dans  le  fond  de  leur  âme  ils  avaient  pour  devise 
Trois  mots  républicains  ;  Dieu  !  Liberté  !  Franchise  ! 
Ils  croyaient  à  l'honneur!...  Et,  comprenez-vous  ça? 
Pierre  est  mort  à  Cayenne,  et  Paul  à  Lambessa  ! 

Nous  connaissons  peu  de  poésies  aussi  poignan- 
tes !  —  Avec  le  rire  ou  les  larmes,  Paul  Avenel  a 
constamment  stigmatisé  les  drôles,  triomphants.  Le 
dialogue  suivant,  que  nous  trouvons  au  bas  de  son 
portrait  donné  par  un  journal,  affirmera,  d'une  façon 
originale,  le  sentiment  courageux  qui  domine  sa  vie  : 

—  Ce  dur  portrait  ne  vous  ressemble  pas. 

—  Allons  donc,  vous  voulez  rire? 

—  Dutout. — lime  donne,  en  tout  cas. 
L'air  d'un  monsieur  qui  n'aime  pas  l'empire? 

Oh  !  sans  contredit. 
Eh  bien,  cela  suffit! 

On  aurait  tort  cependant  de  croire  que  Paul  Ave- 
nel n'a  de  chants  que  pour  la  haine.  Le  progrès  le 
charme,  les  souffrances  des  humbles  l'émeuvent, 
et  les  sentiments  intimes  sont  traduits  par  sa 
plume  avec  une  sensibilité  communicative.  La 
Muse  de  l'Histoire,  JoIj  le  Montagnard,  Miro,  Ma 
Mie,  sont  quatre  inspirations  dignes  des  maîtres. 
Enfin,  le  poète,  abordant  le  refrain  bachique  et  des- 
cendant jusqu'à  la  rengaine,  a  trouvé  moyen  de  ren- 
contrer ces  succès  inoubliables  :  Buvons  sec  !  Le 
Pied  qui  r' mue  et  la  Belle  Polonaise. 

En  dehors  de  la  chanson,  où  restera  sa  trace, 
l'œuvre  littéraire  de  Paul  Avenel  est  nombreuse  et 
digne  d'attention.  Comme  journaliste,  il  a  fondé  le 
Daguerréotype  théâtral,  un  Journal  de  la  Jeunesse, 
collaboré  au  Lycée  Français,  au  Mousquetaire  et  à 
cent  autres  feuilles.  Comme  romancier,  il  a  publié 
nombre  d'ouvrages  en  prose  ou  en  vers,  dont  nous 
rappellerons  les  titres  principaux  :  Le  Coui  du  feu. 
Antithèses  morales.  Alcôve  et  boudoir.  Tablettes  d'un 
foUjles  Etudiants  de  Paris,  le  Duc  des  Moines,  le 
Roi  de  Paris,  les  Lipans,  les  Calicots,  Vengeance 
de  femme.  Comme  auteur  dramatique,  il  a,  seul  ou 
en  collaboration,  fait  représenter  plus  de  vingt  vau- 
devilles, comédies  ou  opéra-comiques,  dont  les 
théâtres  de  Paris  ont  gardé  souvenir  :  L Anticham- 
bre en  amour,  M.  Monaco,  le  Pavé  d'or,  la  Chasse 
au  lion,  les  Jarretières  d'un  huissier,  les  Calicots,  le 
Veilleur  de  nuit,  le  Chasseur  de  Pigeons,  le  Beau 


Maréchal,  la  Revanche  de  Candaule,  les  Plaisirs  du 
Dimanche,  etc. 

Paul  Avenel  a  été  membre  du  comité  central  du 
centenaire  de  Voltaire,  délégué  au  congrès  littéraire 
international,  orateur  de  la  loge  des  Cosmopolites  ; 
il  est  membre  de  la  société  des  gens  de  lettres,  de 
la  société  des  auteurs  dramatiques,  et  vient  d'être 
nomuié  président  de  la  société  des  auteurs,  com- 
positeurs et  éditeurs  de  musique. 

Champion  toujours  et  partout  des  causes  justes, 
Paul  Avenel,  alors  que  l'Italie  se  soulevait  à  la  voix 
de  Garibaldi,  mit  sa  plume  au  service  de  la  liberté 
italienne.  Après  l'unification  de  son  royaume,  Vic- 
tor-Emmanuel fit  l'écrivain  chevalier  de  l'ordre  des 
saints  Maurice  etLazare. 

Les  chansons  de  Paul  Avenel,  objet  principal  de 
cette  étude,  ont  obtenu,  en  quelques  années,  quatre 
éditions  successives.  A  l'occasion  de  la  quatrième, 
l'auteur  reçut  de  Victor  Hugo  la  lettre  suivante  : 
Paris,  23  octobre  1875. 

Vous  m'avez  envoyé  votre  livre.  J'ai  lu,  je  vous  re- 
mercie. 

Vous  êtes  un  vaillant  et  noble  esprit.  Je  félicite  dans 
le  chansonnier  le  poëte,  et  je  salue  dans  le  poète  le 
citoyen. 

Victor  Hugo 

Habitant  aujourd'hui  Bougival,  dont  il  est  con- 
seiller municipal,  Paul  Avenel  y  prépare  une  édi- 
tion nouvelle  de  ses  chansons,  dans  laquelle  figure- 
ront ces  productions  récentes  :  Buvons  à  la  gloire  ! 
Ma  belle  France  !  le  Centenaire  de  Voltaire,  et  plu- 
sieurs chants  inédits,  il/on  enterrement civil,en\.re  au- 
tres, donlnousciteronsavecplaisirle  dernier  couplet  : 

D'un  vieux  passé  ne  suivons  pas  l'ornière: 
De  fleurs  des  champs  entourez  mon  cercueil. 
Escortez-moi  sans  bruit  et  sans  lumière. 
C'est  dans  le  cœur  que  doit  être  le  deuil. 
Et  si  mon  nom  en  votre  esprit  demeure. 
Ce  souvenir  sera  mon  monument  : 
0  mes  amis,  puisqu'il  faut  que  je  meure 
Ne  pleurez  pas  à  mon  enterrement! 

C'est  là  de  la  bonne  et  utile  chanson. 

Une  dame  d'opinion  monarchique  présenta  un 
jour  son  album  à  Paul  Avenel,  en  lui  disant  :  «  Vous 
qui  êtes  caustique  comme  M.  de  Voltaire,  voulez- 
vous  mettre  quelque  vers  sur  cette  page  ?»  — ^  Le 
poëte  écrivit  le  distique  suivant  : 

Ma  seule  ressemblance  avec  le  grand  Voltaire, 
C'est  que  mon  père  était,  comme  le  sien,  notaire. 

Il  y  a  là  trop  de  modestie.  Paul  Avenel  peut 
revendiquer  mieux.  Etre,  comme  il  l'est,  le  consola- 
teur des  faibles,  l'ennemi  de  l'obscurantisme,  le  juge 
impitoyable  des  puissants  indignes;,  c'est  ressembler 
au  patriarche  de  Ferney  par  les  meilleurs  côtés. 

L.   Henry  LECOMTE. 


LA  CHANSON 


REVIENS,  FLONFLON. 


AIR  :  0  Neptune,  dieu  des  eaux. 

A  la  France, 

0  gai  flonflon, 
Viens  rendre  l'espérance  ; 

Viens,  au  son 

Du  rigaudon, 
Réveiller  la  chanson. . . 

Qui  pourra  de  notre  patrie 
Dérider  le  front  assombri? 
Est-ce  l'orgue  de  Barbarie, 
UAmanda,  Popol  ou  Cricri'!... 
Retrains  charmants  sous  la  tonnelle, 
Hélas!  qu'ètes-vous  devenus?... 
Depuis  qu'on  a  bridé  son  aile, 
Le  Coq  gaulois  ne  chante  plus... 

A  la  France,  etc. 

La  Chanson,  c'est  le  fouet  comique 
Fustigeant  le  vice  en  riant, 
La  grande  âme  patriotique 
Qui  crie  au  progrès:  En  avant! 
Des  outils  marquant  la  cadence. 
Elle  électrise  l'atelier; 
Les  amours  filent  sa  romance 
Sous  les  lambris  comme  au  grenier. 

A  la  France,  etc. 

La  Chanson,  célébrant  les  roses, 

Les  épis,  les  pampres  naissants 

Et  mille  autres  suaves  choses. 

Fait  croire  au  Dieu  des  bonnes  gens.. 

De  son  plaintif  ou  gai  ramage 

Touchant  et  le  cœur  et  l'esprit, 

De  l'humanité  c'est  l'image: 

C'est  Jean-qui-pleure  et  Jean-qui-rit  ! 

A  la  France,  etc. 

Au  Pont-Neuf,  la  foule  égrillarde, 
Clerc,  bourgeois,  seigneur  et  varlet 
Acclamaient  la  verve  gaillarde 
De  Vadé,  Piron  et  Gallet. . . 
Là,  des  sots  narguant  la  censure, 
Nos  abbés  rabelaisiens , 
Bernis,  Lattaignant  et  Voiture 
Prenaient  les  tonnes  pour  lutrins... 

A  la  France,  etc. 

Aujourd'hui  la  grivoiserie, 
Le  mot  pour  rire  aux  traits  bénins. 
Effarouchent  la  pruderie 
De  nos  Tartuffes  féminins... 
Jadis,  nos  pimpantes  aïeules. 
Dont  Parny  vantait  les  appas. 
Mieux  que  nos  modernes  bégueules. 
Se  donnaient,  ne  se  vendaient  pas. 

A  la  France,  etc. 

0  Chénier,  ô  Rouget  de  l'Isle, 
Panard,  Debraux,  Gouffé,  Brazier, 
Moreau,  Musset,  Rabineau,  Gille, 
Dupont,  Voitelain,  Désaugier, 
Bazile  impose  sa  sourdine 
A  vos  clairons,  à  vos  grelots, 
Et  Béranger  qu'on  embéguine 
Ne  se  fredonne  qu'à  huis-olos. 

A  la  France,  etc. 


Frétillon,  Musette,  Lisette, 

A  présent  manqueraient  de  chic... 

Le  gommeux,  le  daim,  la  crevette. 

Pour  désopiler  le  public, 

Tout  s'exploite...  jusqu'à  la  lyre 

Du  pauvre  trouvère  au  rabais. 

Ce  crétin  qui  ne  sait  pas  lire 

Achète  et  signe  les  couplets. .. 

A  la  France,  etc. 


Dans  nos  fraternelles  goguettes, 
Nous  applaudissons,  chapeau  bas, 
Les  chefs-d'oeuvre  des  vrais  poètes, 
Qui  chez  nous  ne  vieillissent  pas  ; 
De  rimailleurs  à  la  douzaine 
Au  soi-disant  Café-Concert 
C'est  la  tisane  et  la  rengaine. 
Et  non  du  bon  café  qu'on  sert. 

A  la  France,  etc. 

De  Comus,  ces  pitres  gothiques, 
Débitant  leurs  plats  boniments. 
Ont  changé  le  temple  en  boutiques, 
Le  franc  rire  en  ricanements . . . 
Pour  cingler  la  muse  idiote 
De  Jean-Gribouille  et  de  Pasquin, 
Collé,  passe-moi  ta  marotte. 
Prête-moi  ta  batte.  Arlequin... 

A  la  France,  etc. 

Et  pourtant  elle  n'est  pas  morte  : 
Elle  dort,  la  veuve  Chanson... 
Elle  attend  que  de  l'ombre  sorte. 
Liberté,  ton  divin  rayon... 
Enfant  du  joyeux  Vau-de-Vire, 
Reprends  ton  crincrin  plébéien, 
Et  que  bientôt  l'on  puisse  dire: 
Le  monde  chante,  tout  va  bien  ! 

A  la  France, 

0  gai  flonflon. 
Viens  rendre  l'espérance. 

Viens,  au  son 

Du  rigaudon. 
Réveiller  la  chanson... 

Etienne   DUCRET. 


CHAUFFONS-NOUS  ! 


Ecoutons,  les  pieds  devant  l'àtre, 
La  brise  gémir  au  dehors. 
Quand  s'éteint  la  flamme  folâtre 
Qui  lécha  les  flancs  des  bois  morts; 
Sous  nos  cheveux  gris  et  nos  rides, 
Vrais  amis,  amants  d'autrefois. 
Nous  écoutons  nos  cœurs  valides 
Battre  à  l'unisson  de  nos  voix. 
Minuit,  c'est  l'heure  du  mystère. 
Ravivons  notre  vieux  cratère, 

Et  réunissons 

Nos  tisons. 


LA  CHANSON 


63 


Qu'ils  étaient  beaux,  nos  jours  de  fête! 
Comme  on  s'aimait  !  Ah  !  l'heureux  temps! 
Une  humble  fleur,  la  pâquerette, 
Nous  rendait  chagrins  ou  contents! 
On  chantait  alors  la  romance 
Sur  la  guitare,  et,  doux  accords, 
Unissant  l'amour  à  la  France, 
On  applaudissait  sans  efforts  ! 
Repassons  notre  répertoire. 
Voire  aussi  la  chanson  à  boire, 

El  réunissons 

Nos  tisons. 


Les  troubadours  étaient  de  mode, 

Cupidon,  cet  enfant  lutin. 

Qui  s'amusait  à  la  maraude. 

Enlevait  toujours  le  butin. 

On  comptait  fort  peu  de  donzelles, 

La  femme  avait  son  piédestal. 

Le  papillon  fermait  ses  ailes, 

L'artiste  rêvait  d'idéal  ! 

Je  vois  tout  cela  comme  un  songe. 

Sur  le  présent  passons  l'éponge. 

Et  réunissons 

Nos  tisons. 


Autrefois,  au  mot  de  Patrie, 
On  accourait  sus  aux  remparts; 
Mais,  en  partant  pour  la  Syrie, 
On  a  tronqué  les  étendards. 
Le  sol  nourricier,  la  famille. 
Choses  mortes,  l'on  n'en  veut  plus. 
En  revanche  l'argent  fourmille 
Dans  la  soupière  dos  élus  ! 
Le  cœur  léger  et  les  mains  nettes, 
De  ce  tripot  sortons  honnêtes. 

Et  réunissons 

Nos  tisons. 


O  poètes  et  poésie, 
Qu'êtes-vous  devenus,  mon  Dieu? 
Dans  votre  coupe  d'ambroisie, 
Vous  avez  jeté  votre  adieu 
Grand  bataillon  du  vieil  Homère, 
On  nous  attèle  au  char-à-bancs. 
Qui  traîne  la  gloire  éphémère 
De  nos  rimailleurs  au  ruban. 
Passons,  passons  sur  cet  outrage, 
Qui  remplit  mon  àme  de  rage. 

Et  réunissons 

Nos  tisons. 


A  celui  qui  régit  le  monde 
On  s'adresse  de  tous  côtés, 
Présentant  requête  à  la  ronde, 
Comme  aux  commerçants  patentés. 
Les  uns  prêchent  le  Luthérisme, 
D'autres  l'infaillibilité, 
On  revient  même  au  fétichisme. 
Laissant  au  loin  la  vérité  ; 
En  attendant  l'heure  suprême. 
Traduisons  l'immortel  poëme, 

Et  réunissons 

Nos  tisons. 

Eugène  CARLOS. 


Le  Mois  Bibliographique 


FRANCE,  Poésies  Patriotiques,  par  Casimir 
Pertus.  —  Paris,  Sandoz  et  Fischbacher,  1878. 

Le  souffle  patriotique  qui  animait  à  un  si  haut 
degré  le  poëme  de  Gaule  et  Rome,  lequel  est  arrivé 
à  sa  quatrième  édition,  respire  encore  plus  puis- 
samment, s'il  est  possible,  dans  le  nouvel  ouvrage 
de  M.  Pertus.  Il  semble  qu'à  traiter  des  sujets  con- 
temporains, son  talent  grandisse  et  s'élève. 

France  :  quel  titre  !  et  le  poëte  ne  s'en  effraie  pas. 
Il  est  de  taille  à  s'en  montrer  digne.  Le  rôle  de  la 
France  dans  le  passé,  coup-d'œil  rétrospectif  sur 
son  histoire  intellectuelle,  puis  les  revers  récents, 
enfin  le  relèvement  auquel  nous  assistons  :  telles 
sont  les  étapes  que  parcourt  sa  muse  vraiment 
épique. 

Dans  Gaule  et  Rome,  Etori.x  tombait  pour  la 
défense  de  son  pays.  Ici,  l'auteur  nous  conduit,  de 
Jeanne  d'Arc,  qui  continuait  inconsciemment  le  cou- 
rageux Arverne,  et  de  Marceau,  le  héros  républi- 
cain, aux  jours  mêmes  où  nous  vivons,  au  grand 
événement  européen  de  l'Exposition,  au  premier 
mai,  cette  fête  si  touchante  dans  sa  spontanéité,  et 
au  trente  juin,  cet  éblouissement. 

Le  vers  de  M.  Pertus  est  coulant  sans  être  vide, 
large  sans  monotonie,  simple  sans  banalité.  C'est 
le  grand  vers  de  l'épopée  à  la  fois,  et  de  l'ode  ;  ici 
épitre  et  là  satire  ;  véritable  langue  académique 
dans  la  meilleure  acception  du  mot. 

Et  quelle  inspiration  sincère,  quelle  énergie,  et 
quelle  tendresse  pour  celle  qu'il  nomme  aima 
mater!  Tu  sais,  lui  dit-il  : 

Tu  sais  que  chez  toi  les  revers 
Sont  un  ferment  pour  la  victoire. 

Pax  sit  vobiscum  !  c'est  le  titre  de  la  dernière 
pièce,  qui  clôt  admirablement  ce  beau  livre.  C'est  là 
que  se  trouvent  les  vers  suivants  : 

Los  Césars,  ces  veneurs  de  nos  droits  légitimes, 
Ne  pourront  plus  lancer  leurs  meutes  de  canons, 
Puis,  après  l'hallali,  du  sang  de  leurs  victimes 
Baptiser  leurs  piqueurs  sous  de  glorieux  noms. 

Ne  dirait-on  p^as  que  l'auteur  a  deviné  et  devancé 
le  Concours  ouvert  par  notre  journal  ?  Partout  il 
maudit  la  guerre,  il  prêche  la  fraternité  et  le  travail. 
Tout  son  livre  est  une  Marseillaise  pacifique,  bien 
faite  pour  inspirer  les  nombreux  poètes  qui  mani- 
festent, dès  à  présent,  l'intention  de  prendre  part  à 
notre  tournoi. 

Eugène  Imbert. 

Nous  sommes  en  retard  pour  parler  d'un  volume 
de  poésies  de  M.  Germain  Picard,  rédacteur  en 
chef  du  Parnasse.  Antiques  et  Modernes,  tel  est  le 
titre  de  ce  livre  oii  le  talent  de  l'auteur  s'est  exercé 
dans  divers  genres,  et  qui  contient  un  certain  nom- 
bre de  chansons  remarquables  par  le  fond  et  par  la 
forme. 

Champfleury  vient  de  réunir  en  trois  beaux  volu- 
mes les  œuvres  de  ]\Iax  Buchon.  Le  premier 
volume  contient  les  poésies,  le  deuxième  les  chan- 
sons populaires,  le  troisième  les  romans  et  nou- 


64 


LA  CHANSON 


velles.  Nous  rendrons  compte  de  cette  publication 
enrichie  d'eauxyfortes  par  Régamey  et  d'un  beau 
portrait  de  Fauteur  d'après  Courbet.  Prix,  à  notre 
librairie,  6  fr. 

Nous  recommandons  très-vivement  à  nos  lecteurs 
un  charmant  petit  volume  de  bons  vers,  L'Eternel 
Roman,  publié,  à  notre  librairie  par  M.  G.  De  la 
Salle.  Il  est  tiré  à  10  ex.  sur  chine,  à  6  fr. ,  100  ex.  sur 
papier  de  Hollande  à  4  fr,  et  350  ex.  sur  beau  papier 
du  Marais  à  2  fr.  50,  tous  numérotés  par  l'auteur. 
Nous  consacrerons  à  cette  véritable  édition  d'ama- 
teurs un  article  bibliographique. 

A.  P. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Je  désirais  commencer  mes  articles  sur  les  Socié- 
tés lyriques  en  parlantdes  chanteurs  et  des  chansons 
qui  devraient  en  être  les  éléments.  A  cet  effets  j'ai  ren- 
du plusieurs  visites  et  partout  j'ai  reçu  la  même 
réponse.  Aujourd'hui,  nous  dansons,  vous  compre- 
nez, il  faitsi  chaud.  Je  dois  avouer  qu'il  faut  allerdans 
les  sociétés  lyriques  pour  savoir  qu'il  faut  danser 
pour  se  rafraichir  en  été  ;  les  habitués  craignent  pro- 
bablement de  s'enrhumer  et  ne  veulent  pas  se  trou- 
ver entre  deux  airs,  de  là  cette  éclipse  totale  de 
chansons. 

Tous  les  présidents  m'ont  annoncé  des  merveilles 
pour  le  mois  de  septembre;  je  tiendrai  les  lecteurs 
au  courant. 

Je  dois  dire  que  je  n'ai  que  des  compliments  à 
adresser  sur  l'organisation  et  la  tenue  des  soirées, 
le  service  des  cartes  se  fait  admirablement,  et  partout 
j'ai  été  reçu  par  des  jeunes  gens  du  meilleur 
monde. 

GEDHE. 


PARIS-CONCERT. 

Place  de  l'Ecole,  une  étroite  allée  suivie  d'une 
cour  (aujourd'hui  couverte);  tout  au  fond,  une  salle 
pouvant  contenir  à  l'aise  une  cinquantaine  de  per- 
sonnes ;  à  gauche,  un  piano  élevé  de  vingt  centimè- 
tres par  un  trempbn  permettant  au  chanteur  de 
dominer  le  public  :  c'est  la  scène.  Pas  de  décors, 
pas  de  lustres;  des  tables,  des  chaises;  toujours 
beaucoup  de  monde  ;  —  nous  sommes  à  La  Sama- 
ritaine—  Société  lyrique,  direz  vous?  Non,  Goguette, 
alors?  Pas  davantage.  La  Samaritaine  fut,  il  est 
vrai,  une  société  lyrique,  les  sociétaires  se  sont 
fondus,  évaporés;  le,  public,  lui,  est  resté  fidèle.  — 
Invité  à  la  représentation  du  3  août,  à  8  h.  1/2  j'en- 
trais au  Café-Concert  de  la  Samaritaine.  Ne  riez  pas, 
lecteur,  l'établissement  mérite  ce  titre  :  on  y  passe 
d'excellentes  soirées  —  M.  Adolphe,  l'intelligent 
directeur,  sut,  de  presque  rien,  faire  quelque  chose; 
et,  petit  à  petit,  son  café  devint  le  rendez-vous,  ou 
mieux  le  refuge  des  artistes  sans  engagement.  Les 
chanteurs  les  plus  connus  aujourd'hui,  y  ont  essayé 
leurs  ailes,  avant  de  s'envoler  vers  d'autres  régions; 
ils  y  font  encore  de  fréquentes  apparitions,  et  c'est 
toujours  avec   plaisir  qu'ils  prêtent  leur  concours 


aux  représentations  extraordinaires  ou  aux  bénéfices 
où  on  les  convie.  —  Donc,  le  3  août,  je  suis  sorti 
du  Café-Concert  de  la  Samaritaine,  charmé,  subjugé. 
M.  Morin,  le  ténor  bien  connu  donnait  une  repré- 
sentation à  son  bénéfice,  la  salle  était  bondée, 
on  s'écrasait  :  succès  complet  pour  tout  le  monde. 
—  Par  exception,  je  cite  M.  Limin,  il  mérite  une 
mention  toute  particulière  pour  ses  imitations  dans 
son  Guignol  inprovisé.  Plusieurs  artistes  se  sont  fait 
bisser;  je  regrette  de  ne  pouvoir  les  nommer.  Un 
mot  pour  finir.  Il  y  a,  dans  l'étabhssement,  un  côté 
agréable  dont  je  n'ai  pas  parlé,  et  qui,  je  crois,  lui  a 
valu  son  succès  toujours  croissant  :  On  est  chez  Adol- 
phe en  famille  ! 

Cette  particularité  se  trouve  parfaitement  décrite 
en  quelques  couplets  sans  prétention,  signés  Georges 
Baillet  pour  les  paroles,  et  Lucas  pour  la  musique. 
J'en  cite  plusieurs  sans  l'autorisation  de  l'auteur , 
convaincu  qu'il  ne  m'en  voudra  pas  d'un  emprunt 
qui  complétera  très-agréablement  cet  article. 

A  la  porte  point  de  réclames, 
Point  d'affiches,  point  d'écriteaux. 
On  y  voit  jamais  d'ces  programmes 
Faits  pour  attirer  les  nigauds. 
Bien  que  la  sali'  soit  toujours  pleine 
On  n'y  fait  ni  pos'  ni  flaflas  ; 
On  s'amuse  sans  embarras, 
A  la  Samaritaine  ! 

Sans  être  à  l'époque  si  belle 
De  Panard  et  de  Désaugiers, 
La  maison  possède  chez  elle 
Des  poètes,  des  chansonniers; 
Ce  sont  eux  qui,  dans  ce  domaine, 
Mettent  l'entrain  et  la  gaité  : 
C'est  le  Caveau  ressuscité, 
Que  la  Samaritaine. 

Il  Y  a  sept  couplets  dans  ce  style,  ils  viennent 
tous  a  l'appui  de  mon  dire  : 

Tout  se  passe  en  famille,  oui-dà, 
A  la  Samaritaine  ! 

A.  LEROY. 


AVIS  DIVERS 

L'absence  d'une  pièce  importante  nous  oblige  à 
ajourner  l'article  annoncé  sur  la  statue  de  Déranger- 

Nous  continuons  à  demander  quelques  renseigne- 
ments sur  Maroillac.  Ce  maître  chansonnier  a  pu- 
blié un  volume  contenant  cinquante  chansons 
en  1829,  à  Paris,  chez  Constant  Chantpie.  Il  était 
membre  du  Gymnase  Lyrique.  Il  est  l'auteur  de  la 
très-jolie  chanson  Je  suis  f  sergent  Mathieu,  nom 
de  Dieu  !  de  Philoctète,  d'une  chanson  voltairienne 
qui  a  eu  un  grand  succès  :  Mon  Dieu,  mon  Dieu 
quel  triste  état!  et  il  n'a  laissé  trace  nulle  part.  Que 
faisait-il  où  est-il  ?  né  ?  quand  est-il  mort  ?  Voilà  ce 
que  nous  demandons  à  tous  les  échos.  Prière  d'é- 
crire, même  pour  le  plus  petit  détail  à  M.  Eugène 
Baillet,  au  bureau  de  la  Chanson. 

Nos  lecteurs  sont  priés  de  prendre  note  des 
modifications  apportées  au  programme  de  notre  dou- 
ble concours. 

Le  Directeur-Gérant  A.  PATAY 


LA  CHANSON 


SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


deijxiejïie:  i^iste 

CAFÉ  DU  GLOBE,  boulevard  de  Strasbourg,   8. 

La  Renaissance  ;  les  dimanches  eL  mardis. 
Ramel,  président. 

La  Lyre  Française  ;  le  dimanche.  Thibert, 
président. 

Le  Cercle  Intime;  le  lundi.  E.  Hardy,  pré- 
sident. 

La  Jeunesse  Parisienne;  le  mardi.  Beau- 
canard,  président. 

Union  de    Gatté ;  le   mercredi.    Varenne, 
président. 

La  Pensée;  le  mercredi,  Piobinet,  président. 

Cercle  Murger;  le  jeudi.  G.  Targe,  prés. 

Cercle  de  l  Espérance  ;  le  jeudi.  Catherine, 
président. 

Amis    du    Commerce;   le    vendredi.    Paul 
Haber,  président. 

Union  Artistique;  le  samedi.  Paulus,  pré- 
président. 

Cercle  Musset,  le  samedi.  Durieux,  prés. 
SALON  DE  M.  LEBLANC,  Palais-Royal. 

La  Fauvette.  Alexandre  Thouzeric,  prési- 
dent. 

BRASSERIE     SÉBASTOPOL,     boulevard     Sébas- 
topol,  99.  Entrée  rue  Palestro. 

Société  lyrique   des  Enfants  de  la  Seine  ; 
dimanche.  Cantarel,  président. 

La  Lyre  d'Orphée;  le  jeudi.  A.  Bloc,  prési- 
dent. 

CAFÉ  PYGMALION,  boulevard  Sébastopol,  6. 

La  Lyre  amicale  ;  le  dimanche.  Dupont,  pré- 
sident. 

La  Jeunesse    artistique  ;  le  lundi.    Duquit, 
président. 

L'Harmonie  du  commerce;  mercredi.  Mo- 
RiN,  président. 
BRASSERIE  DU  RHIN,  boulevard  Sébastopol,  35. 

Les  Epicuriens,  fondée  en  1819;  dimanche 
et  lundi.  Massé,  président. 

La  Lyre  du  commerce  ;  le  mardi.  Bon'nin, 
président. 

La  Cordiale;  le  jeudi.  Champion,  président. 

Les  Vingt  et  un;\e  samedi.  Lamoureux,  pré- 
sident. 

CAFÉ  BOURET,  boulevard  du  Temple,  34. 
Les  Familles  ;  le  dimanche.  J.  Badou,  président. 

Les  gais  Momusiens;  le  lundi.  Leroux,  pré- 
sident. 

Les  Intimes;  le    mercredi,  Wangrachetik, 
président. 

CAFÉ  DE  LA  MAIRIE,  rue  de  Bretagne,  49. 

L'Amitié;  le  dimanche.  Joly,  président. 

Les  Amis  du  siècle;  le  lundi.  Leblanc,  pré- 


sident. —  Les  premiers  lundis  de  chaque  mois, 
concours;  de  chansons  et  de  poésies. 
COLLIGNON,  rue  Vieille-du-Temple  104. 

Les  Enfants  du  Temjo^e  ;  dimanche  et  lundi. 
Rue  Saint-Séverin,  38. 

La  Lyre  bienfaisante;  dimanche  et  lundi. 
Couvreur,  président.  —  Le  dernier  lundi  de 
chaque  mois,  soirée  consacrée  à  la  mémoire 
des  auteurs  morts. 

Rue  Dupetit-Thouars,  18. 

La  Lyre  du  Marais  ;  samedi,  dimanche  et 
lundi.  Ph.  Gilland,  président.  —  Le  troi- 
sième lundi  de  chaque  mois,  soirée  à  la  mé- 
moire des  auteurs  morts. 

RUE  DES  ENVIERGES,  56,  (Belleville). 

Les  Fleurs,  dimanche  et  lundi.  Percheron, 
président.  Goguette. 

FAUBOURG  DU  TEMPLE,  137. 

Les  Farfadets;  samedi,  dimanche  et  lundi. 
Goguette. 
CAFE  MICHEL,  5,  rue  des  Vieilles-Haudriettes. 

La  Muse  des  Arts-et-Mé tiers;  saniedi,  di- 
manche et  lundi.  Glaireau,  président. 
BRASSERIE  DU  PETIT-PONT,  rue  du  Petit-Pont,  3. 

Société  lyrique  des  Familles;  le  dimanche. 
Mazot,  président. 

Cette  Société  Ijrave  gaîment  les  chaleurs. 

Tous  les  dimanches  on  y  refuse  du  monde  ; 
quant  aux  chanteurs,  tous  rivalisent  d'entrain. 
Citons  M.  Mazot  dans  le  Témoin  Giblou; 
M  Tiercelin  (jeune)  ;  M.  Faubin  dans  Fï'ctor, 
t'as  tort;  MM.  Nicolas  et  X...  pour  le  duo  des 
Réservistes  ;  M.  Honard,  joyeux  boute-en-train, 
ne  variant  pas  assez  son  répertoire  ;  M.  Thomas, 
comique,  genre  Paulus,  àquije  conseilled'aban- 
donner  le  genre  Perrin  qui  ne  lui-  convient 
pas.  N'oublions  pas  M.  Auguste  Antoine, 
l'accompagnateur. 

Victor  LEBRETON. 


Nous  prions  MM  les  présidents  de  toutes  les 
Sociétés  lyriques  de  vouloir  bien  se  mettre  eu 
rapport  avec  notre  journal,  et  de  nous  envoyer  leurs 
programmes  des  soirées  extraordinaires,  de  leurs 
Bals  et  Concerts. 


Nous  prévenons  MM.  les  maîtres  d'établissement 
des  Sociétés  lyriques  qu'un  abonnement  d'un  an  leur 
donne  droit  kune  annonce,  pour  la  location  de  leurs 
salles  vacantes. 


La  Bible- Farce  ou  la  Bible  comme  elle  est,  tel 
est  le  titre  d'une  curieuse  publication  que  fait 
paraître,  en  huit  livraisons  à  50  centimes,  M.  Pierre 
Malvezin.  Cette  publication  se  trouve  à  notre 
librairie,  chez  Fauteur,  18,  rue  dii  Sentier,  et  chez 
tous  les  libraires. 


LA  CHANSON 


LA  JEUNE  FRANCE 

Revue  mensuelle,  littéraire  et  poétique;  un  an  6  fr., 
je  n°  50  cent.  Administration  et  rédaction,  rue  Bona- 
parte, 18.  Vente  en  gros  et  au  numéro,  à  notre  li- 
brairie 


LA  VIE  LITTÉRAIRE 

Supplément  littéraire  des  journaux  républicains  ;  un 
an:  10  fr.,  34,  rue  Richer,  34,  Paris. 


La  Revue  de  la  Poésie 

Gazelle  de  l'Académie  des  poètes,  dirigée  par  un 
comité  présidé  par  M.  Casimir  Pertus,  et  paraissant 
tous  les  mois,  6  fr.,  par  an,  bureaux,  12,  rue  Ganne- 
ron. 


LE  PARNASSE 

Organe  des  concours  littéraires  de  Paris.  —  Rédac- 
teurs en  chef:  ALGESTE  et  Germain  PICARD. 

Abonnements  :  12  fr.  par  an  ;  un  numéro-spécimen  : 
1  fr.  —  Adresser  tout  envoi,  etc.,  h  M.  Germain  PI- 
CARD, rue  du  Val-de-Grâoe,  21,  Paris. 


LA  REVUE  DE  LA  JEUNESSE 

Directeur,  âli  Vial  de  SABLIGNY,  18,  rue  des 
Filles-du-Calvaire,  Paris.  Un  an,  10  fr.,  six  mois  5  fr. 
trois  mois,  2  fr.  50. 


LE  VOLEUR 

Le  meilleur  marché  des  journaux  d'actualités  illus- 
trés, 10  c.  le  numéro. 

Abonnements,  rue  dej  Saint-Pères,  30,  Paris.  Un  an, 
6  fr.,6  mois,  3  fr.  50. 

Rédacteur  en  chef,  A.  de  BRAGELONNE. 


LA  REVUE  PITTORESQUE 

Journal  des  jeux  de  société,  des  jeux  d'esprit  et  des 
amusements  de  famille.  —  Directeur,  Valentin  GAL- 
LET.  —  Administrateur:  M.  JUQUIN,  32,  rue  de  Lan- 
cry,  Paris  (un  an  :  6  fr.) 


L'union  littéraire  et:  le  Sonnettiste  réunis 

40  cent,  le  n°,  paraît  le  10  et  le  25,  de  chaque  mois- 
Paris,  chez  Cherié,  rue  de  Médicis,  13. 


L'ÉCHO  DES  MUSES 

Rédacteur  en  chef,  Lucien  Duc  ;  un  an,  6  fr.  50,  six 
mois,  4  fr.  trois  mois,  2  fr.  Place  du  Marché,  18,  Dra- 
guignan. 

9 

Paraissant  le^lS  de  chaque  mois;  directeur:  Evariste 
CARRANCE.  —  Bureaux,  rue  Molinier,  6,  à  Agen.  . — 
Abonnement:  10  fr.  par  an. 


Paraissant  le  premier  de  chaque  mois.  —  Abonne- 
ment: un  an,  6  fr.  ;  trois  mois,  3  fr.  50,  11,  rue  des 
Marchands,  Toulon, 


LA  GAZETTE  DES  FAMILLES 

Organe  illustré  des  Modes  parisiennes.  —  Littéra- 
ture, Sciences,  Arts,  Enseignement,  Education,  parais- 
sant le  1"  et  le  15  de  chaque  mois.  Abonnements  en 
Europe,  un  an:  14  francs,  six  mois:  8  francs,  Direc- 
teur-Gérant: M.  THIRIFOCQ,  44,  rue  Saint- Jean,  Bru- 
xelles. 


VOLUMES  DU  CAVEAU 

Au  lieu  de  3  fr.,  années  1876,  187T  et  1878,  2  fr., 
neufs,  nous  pouvons  compléter  les  collections.  Le  prix 
varie  selon  les  années. 


ANNONCES 


Les  annonces  doivent  être  adressées  directement 
à  l'administrateur  A.  Patay. 

Nous  réservons  la  couverture  de  notre  revue  aux 
annonces  spéciales,  librairie,  arts,  musique,  scien- 
ces, photographies,  etc.,  etc. 

On  ne  reçoit  que  les  lettres  affranchies. 

Pour  les  renseignements  : 

S'adresser:  18,  rue  Bonaparte,  18. 

PARIS 


EN  DISTRIBUTION  A  NOTRE  LIBRAIRIE 
Catalogue  numéros  1,  2  et  3,  de  livres  à  prix  marqués. 

IVos  catalognes  sont  envoyés  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande  i>ar 
lettre  affranchie. —  Ecrire  rue  Bonaparte,  IS. 


1021.  —  Poitiers,  typ.  J.  Ressayke.  —  Paris,  3,  rue  d'Abouliir. 


1"  ANNEE. 


N°6. 


OCTOBRE  1878. 


ADMINISTRATION  &  REDACTION    Q 

RUE    BONAPARTE,    18 
PARIS 

Le  Numéro  :   30  cent. 

Secrétaire  de  la  Rédaction 

V.  DEMEURE 


r^-A. 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois  .     .  2  fr. 

Départs  6  mois.   .  2  50 

Etranger,  6  mois  .  3     » 

On  ne  reçoit  que  dea  abonnements  de 

Directeur  ■  Gérant 

A.   PAT  A  Y 


V>  REVUE    MENSUELLE  ^     1/ 

ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRiaUES 
Rédacteur  en  chef  :  L. -Henry  LE  COMTE 


SOMMAIRE      DU      6<:     NUMÉRO 

A  nos  Lecteurs  lA  Patay).  —  La  Statue  de  Bérantjer,  lettbe  de  Victor  Hugo. 

—  Banquets  du  Caveau  et  de  la  Lice  Chansonnière  {L.-HEynr  Lf.comte).  — 
Elle!  (Dominique  Flaciiat).  —  Quatre  des  meilleurs  (J.  Lagabde).  —  .40/  s. 
j'étais  Chef  de  Bureau!  (Achille  C'AnoK).  —  Le  Mois  Bibliographique  (Eue 
Imbert).  —  Galerie  des  Chansonniers  :  Basa  Bordas  (L. -Henry   Lecomte) 

—  Le  Vieux  buveur  de  vin  Œ.  Bni'GiiiREj.  —  Courons  au  bois  (Ernest 
Ilnpin).  —  Le  Ballon  GiiTard  (Eugène  Imbert).  —  L'Ondine  (Prosper  Tiblv) 

—  Chronique  des  Sociétés  Lyriques  (Gédhé).  —  Par-ci,  Par-là  {\ 
Leroy).  — Le  Concours  de  La  Chanson.  —  .4  vis  divers. 

Portrait  inédit  de  Mme  Bordas. 


LA  CHANSON   SE  TROUVE  AUX  LIBRAIRIES   SUIVANTES 


Rousseau,  place  des  Victoires,  9. 
Pech,  rue  Saint-Maur,  M6. 
Guillemin,boul.  Beaumarchais,  111. 
Renaud,  faub.  Saint-Martin,  162. 
Gérard,  rue  Monge,  13. 
Leroy,  rue  d'Enfer,  93. 
Derveaux,  rue  d'Ângoulème,  32. 
Marpon,  Galerie  de  l'Odéon,!,  à  7. 


Quantin,  r.  des  Petits-Carreaux,  81 . 
fianjou,  rue  de  Malte.  21. 
Colas,  rue  de  Turbigo,  30. 
Corcier,  faub.  du  Temple,  9. 
Duème,  rue  Vieille-du-Temple,  128. 
Plicque,  rue  Rambuleau.  12. 
Villetard,  avenue  de?  Amandiers,  20. 
Eveillard,  passage  Bourg  Labbé,  10. 


Lecamplon,  passage  du  Saumon,  2. 
Toupet,  rue  Saint-Denis,  229. 
Bornât,  rue  de  Bretagne,  58. 
Minière,  rue  de  Turbigo,  67. 
Tralin,  rue  du  Croissant,  5. 
Aumont,  boul.  de  Strasbourg,  35. 
Baudet,  rue  Saint-Plaoide,  27. 
Legeard,  faubourg  Saint-Denis,  254. 


VENTE    EN   GROS   VJ   .LU    NUMÉRO 
A     LA     LIBRAIRIE     A.     PATAY,     18,     RUE     BONAPARTE,     18,     PARIS 


LA  CHANSON 


La  Chanson,  cette  incarnation  toujours  nouvelle 
et  toujours  diverse  de  l'esprit  français,  n'a  pas  d'or- 
gane. 

Nous  venons  combler  cette  lacune  regrettable  en 
créant  plus  qu'un  journal  — une  revue  complète, 
spécialement  consacrée  à  ceux  qui  chantent  ou  font 
chanter. 

Sous  ce  titre:  la  Chanson,  paraîtra  tous  les  mois 
une  livraison  de  12  pages  in-4°,  à  deux  colonnes,  où 
s'écrira  l'histoire  ancienne  et  moderne  de  la  chanson 
et  des  chansonniers.  Une  couverture-annonce 
garantira  chaque  numéro;  la  pagination  sera  suivie 
et  nous  donnerons,  à  la  lin  de  l'année,  le  titre  et  la 
table  nécessaires  pour  la  réunion  en  volume. 

La  Chanson  publiera  les  comptes  rendus  des  ban- 
quets mensuels  du  Caveau,  de  la  Lice  Chansonnière, 
du  Pot-au-Ieu  et  des  diverses  sociétés  lyriques. 
Nous  préparerons  ainsi  à  l'historien  futur  des 
muses  populaires  les  matériaux  d'un  livre  original 
et  varié.  —  Trouveront  également  place  dans  notre 
revue  la  biographie  et  le  portrait  des  chansonniers 
vivants  ou  disparus,  nombre  de  chansons  peu  con- 
nues ou  inédites,  une  bibliographie  raisonnôo,  le 
programme  des  concours  lyriques,  l'annonce  des 
soirées  chantantes  extraordinaires  ou  à  bénéfice,  enlin 
une  chronique  sincère  des  cafés-concerts  et  des 
théâtres  parisiens. 

Pour  mener  à  bien  leur  entreprise,  les  fondateurs 
de  LA  Chanson  s'adressent  à  tous  : 

Aux  Chansonniers  de  Paris  et  de  la  province  d'a- 
bord. Nous  les  prions  ici  de  nous  faire  parvenir 
leurs  adhésions,  leurs  abonnements,  les  réflexions 
que  notre  puljlication  leur  pourrait  suggérer,  un 
exemplaire  au  moins  de  leurs  œuvres  imprimées, 
les  meilleures  de  leurs  chansons  inédites  et  des 
notes  suffisantes  pour  fournir  matière,  au  besoin,, à 
d'intéressantes  et  véridiques  études  biographiques. 

Aux  Editeurs  de  Paris  et  des  départements  qui 
pubhent  des  ouvrages  se  rattachant  à  l'objet  de 
notre  revue,  nous  disons  qu'une  place  sera  toujours 
réservée  aux  comptes-rendus  des  œuvres  dont  ils 
nous  adresseront  deux  exemplaires,  et  nous  les 
invitons  à  nous  envoyer  même  les  moindres  pla- 
quettes. 

Semblable  avis  aux  Editeurs  de  Musique,— e\  pré- 
venons tous  les  intéressés  que  les  couvertures  de  la 
Chanson  seront  exclusivement  réservées  aux  annon- 
ces de  librairie  et  de  musique  à  des  prix  très-mo- 
dérés. 

Aux  Musiciens.  —  Nous  prenons  nos  mesures 


pour  donner  à  l'avenir  une  place  à  la  musique 
dans  notre  revue  ;  nous  prions  donc  dès  aujour- 
d'hui les  jeunes  compositeurs  de  nous  adresser 
leurs  œuvres,  et  surtout  de  mettre  en  musique  les 
chansons  inédites  que  nous  publierons.il  y  aura  de 
la  sorte  rapprochement  amical  entre  paroliers  et 
compositeurs  inconnus,  et  peut-être  en  résultera-t-il 
quelques  œuvres  à  grand  succès. 

Aux  Bibliographes    et    aux  Amateurs.  —  Nous    j 
accueillerons  avec  reconnaissance  les   documents    ' 
peu  connus  ou  inédits   qu'ils  voudront  bien   nous 
offrir  ;  nous  leur  demandons  de  guider  nos  recher- 
ches et  de  nous  indiquer  les  sources  de  rensei- 
gnements incontestables. 

Aux  Présidents  des  Sociétés  Lyriques.  —  Nous 
les  invitons  à  nous  adresser,  dans  le  plus  bref  délai, 
les  noms  des  réunions  qu'ils  président,  l'indication 
des  sièges  sociaux  et  des  jours  de  tenues,  et  nous 
les  prions  instamment  d'assurer  l'exactitude  de  nos 
informations  en  désignant,  dans  chaque  société,  un 
délégué  chargé  de  correspondre  avec  notre  publi- 
cation et  d'en  faire  apprécier  le  but. 

Nous  voulons  le  succès  d'une  œuvre  entreprise 
dans  le  but  louable  de  défendre  les  réputations  jus- 
tement acquises  et  d'assurer  aux  talents  inconnus 
une  large  place  au  soleil  fécondant  de  la  publicité  ; 
aussi  désirons-uous  sincèrement  être  obligés,  après 
le  premier  semestre,  de  paraître  tous  les  quinze 
jours. 

Les  auteurs  désireux  de  posséder  un  certain 
nombre  d'exemplaires  des  numéros  contenant  leurs 
œuvres,  seront  priés  de  nous  en  informer  à  l'avance, 
afin  que-  nous  puissions  exactement  fixer  notre 
tirage  ;  ces  numéros  leur  seront  cédés  aux  prix 
de  libraire.  Bien  entendu,  il  ne  sera  pas  indis- 
pensable de  prendre  des  numéros  ni  même  d'être 
abonné  pour  collaborer  à  notre  revue  ;  le  comité  de 
rédaction  sera  souverain  pour  admettre  ou  rejeter  les 
pièces  proposées. 

Tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  devra  être  adres- 
sé franco  au  Rédacteur  en  Chef;  ce  qui  concerne 
l'administration,  l'abonnement  et  les  annonces  au 
Directeur-! jéranl.  —  Les  lettres  ou  paquets  non  af- 
franchis seront  l'igoureusement  refusés.  —  Toute 
lettre  exigeant  une  réponse  devra  être  accompa- 
gnée d'un  timbre-poste. 

Un  numéro  d'essai  sera  envoyé  à  toute  personne 
qui  en  fera  la  demande  par  lettre  affranchie,  accom- 
pagnée de  30  centimes  en  timbre-poste. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY 


BULLETIN  D'ABONNEMENT 

A  ENVOYER  FRANCO,  ACCOMPAGNÉ  D'UN  MANDAIT-POSTE* 

Paris  :  2  fr.   50,  Départements,  3  fr.  Étranger,   3  fr.  50. 

Jo  déclare  m'ahoaaei-  pour  six  mois  a  la  Revue  LA  CHANSON. 

SIGNATURE  (lîsible) 


(*)  Les  timbres-poste  ne  seront  pas  acceptés.  Par  l'envoi  du  montant  de  t'abounemcnt  ou  évite  les  frais  de  recouvrement  qui  sont  i 
la  charge  de  l'abonné.  Le  talon  de  la  poste  sert  de  quittance. 


LA  CHANSON 


65 


A  NOS  LECTEURS 


La  Chanson  termine  mijoui-d'hui  son  premier  se- 
mestre. Commencée  pendant  l'été  pour  être  connue 
(juand  viendraient  les  mois  d'hiver,  propices  aux 
choses  de  l'esprit,  notre  publicntion  a  heureusement 
franchi  ce  temps  de  début,  terrible  aux  plus  robus- 
tes volontés.  On  sait  aujourd'hui  ce  qu'elle  veut  et 
<'e  qu'elle  peut.  La  Chanson  a  publié  déjà  la  biogra- 
phie et  1g  porti'ait  de  quatre  chansonniers  vivants, 
estimés  à  divers  titres  ;  elle  a  rendu  au  plu?  illustre 
des  chansonniers  morts  un  hommage  digne  de  lui  ; 
elle  donne  aujourd'hui  l'histoire  complète  et  le  por- 
trait inédit  d'une  énergique  chanteuse  populaire. 
Cette  galerie  artistique,  justement  remarquée,  s'aug- 
mentera successivement  de  tous  ceux,  chansonniers, 
compositeurs,  chanteurs,  dont  le  nom  ou  les  œuvres 
méritent  un  souvenir.  Nous  aurions  mauvaise  grâce 
à  vanter  les  signataires  des  articles,  vers  ou  prose, 
que  nous  avons  offerts  jusqu'ici  ;  à  ces  amis  de  la 
première  heure  vont  s'adjoindre  des  collaborateurs 
nouveaux,  et,  tout  en  conservant  à  La  Chanson  les 
allures  littéraires  qui  nous  ont  valu  tant  d'apjjroba- 
tions,  nous  consacrerons  à  l'actualité  une  place  plus 
importante. 

Cette  résolution  nous  amène  à  tenir  compte  des 
avis  (jui  nous  ont  été  donnés  relativement  au  mode 
de  publicité  de  notre  journal.  A  partir  du  \"  novem- 
bre, La  Chanson  paraîtra  deux  fois  par  mois.  Cha- 
(|ue  numéro,  de  8  pages  in-'i°,  à  2  colonnes,  conticn- 
ilra  une  biographie,  un  portrait,  plusieurs  chansons 
l't  la  chroni(|ue  des  sociétés  lyriques.  Nos  souscrip- 
teurs y  gagneront  ipiatre  pages  de  texte  et  un 
portrait  par  mois.  Nous  nous  imposons  pour  cette 
transformation  des  sacrifices  véritables,  car  l'abon- 
nement ne  sera  que  très-légèremenlaugmeuté.  Nous 
le  fi.xons  ainsi  :  l'aris,  6  mois,  2  fr.  50,  un  an  5  fr.  ; 
Départements:  6  mois,  3  fr.,  un  au  ti  fr.  ;  Etranger, 
le  port  en  sus . 

L'abonnement  d'un  au  partira  du  1"'  numéro  de  la 
publication  (Mai  1878),  l'abonnement  ou  réabonne- 
ment de  6  mois  partira  du  l"  novembre.  Le  prix  du 
numéro  sera  réduit  à  20  centimes. 

Nous  avons  mis  en  réserve  une  certaine  quantité 
de  collectionscomplètes  pour  nos  nouveaux  abonnés 
d'un  an,  et  les  acheteurs  au  numéro  pourront  jusqu'à 
nouvel  ordre  se  proccurer  les  livraisons  qui  leur 
mancpient  au  prix  de  30  centimes,  aux  bureaux  de 
La  Chanson.  11  est  bien  entendu  que  nous  ne  rece- 
vrons des  abonnements  d'un  an  que  pour  les  sous- 
cripteurs qui  désireraient  la  collection  de  la  Chanson 
depuis  le  1"  numéro  ;  les  abonnements  ou  réabon- 
nements à  partir  du  n"  7,  ne  seront  reçus  que  pour 
six  mois. 

Nous  terminerons  en  remerciant  chaleureusement 
nos  confrères  de  Paris  et  des  départements  du  bon 
accueil  fait  à  notre  publication  et  du  bienveillant  con- 
cours qu'ils  nous  ont  prêté  par  leur  publicité. 

Nous  remercions  de  même  nos  souscripteurs  de  la 
progagande  qu'ils  ont  bien  voulu  faire  en  faveur  de 
La  Chanson,  et  nous  les  prions  de  continuer  leur  bons 
offices,  grâce  auxquels  un  genre  de  littérature  émi- 
nemment français  aura  son  organe  écouté.  Notre 
œuvre  est  utile,  que  tous  la  fassent  durable  ! 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY 
T.  L 


LA  STATUE  DE  BÉRANGER 

Il  suftit,  dans  notre  intelligent  et  fraternel  pays, 
d'émettre  une  idée  juste  pourla  voirimmédiatement 
comprise  par  tous  et  épousée  par  nombre  de  bons 
esprits. 

Uuand  nous  avons, en  tête  de  la  livraison  exception- 
nelle consaci'ée  à  Déranger  par  La  Chans'.m,  affirmé 
comme  œuvre  de  justice  et  d'opportunité  l'érection 
d'une  statue  au  poète  populaire,  nous  savions  aller 
au-devant  de  bien  des  désirs.  De  tous  côtés  nous 
sont  arrivées  les  adhésions  les  plus  chaleureuses. 
11  ne  pouvait  cependant  convenir  aux  fondateurs  de 
La  Chanson  d'enlever  à  la  manifestation  qu'ils  pro- 
voquaient son  caractère  national.  Ils  ontdonc  borné 
leurs  efforts  à  la  constitution  d'un  comitéoii  seraient 
représentés  les  corps  littéraires  et  politiques  qui 
font  la  grandeur  et  la  force  du  pays. 

Un  haut  pati'onage  s'imposait  a  notre  œuvre  pa- 
triotique, celui  de  ce  génie  formidable  et  charmant 
qui  est  l'honneur  et  le  modèle  de  la  littérature  fran- 
çaise, Victor  Hugo.  A  l'offre  que  nous  lui  fimes  de  la 
présidence  honoraire  du  comité  en  formation,  le 
Maitre  répondit,  par  retour  du  courrier,  la  lettre 
suivante: 

Septembre  1878 
AMessieuis, 

J'ai  été  l'ami  de  Béranger,  je  m'associe  de  tout 
mon  cœur  aux  hommages  qu'on  rend  à  sa  mémoire, 
et  je  m'empresse  d'accepter  la  présidence  d'honneur 
qu'on  veut  bien  me  conférer. 

Recevez,  Messieurs,  l'assurance  de  mes  sentiments 
trés-distinnués. 

VICTOR  HUGO. 

Cet  important  résultat  obtenu,  nous  avons  invité 
à  nous  prêter  le  concours  de  leurs  noms,  M.  Legouvé, 
de  l'Académie  Française,  M.  Spuller,  député, 
MM.  Jourde,  Claretie  et  Tony  Révillon,  représen- 
tants de  la  presse  politique  et  littéraire.  Plusieurs 
des  adhésions  sollicitées  ne  nous  sont  pas  encore 
parvenues,  mais  la  sympathie  de  ces  honorables 
écrivains  pour  une  œuvre  républicaine  ne  peut  être 
douteuse. 

Nous  n'aurons  là,  on  le  comprend,  que  le  cadre 
du  comité  nécessaire.  La  Chanson  devra  naturelle- 
ment y  être  accueillie  en  la  personne  des  présidents 
du  Caveau  et  de  la  Lice,  le  Conseil  Municipal  en  celles 
des  délégués  de  l'arrondissement  auquel  le  souve- 
nu- de  Bér,anger  est  particulièrement  attaché.  La 
sympathie  des  chansonniers  et  de  nos  édiles  nous 
est  depuis  longtemps  acquise. 

Suivant  le  conseil  donné  par  nous,  la  statue  de 
Déranger  s'élèvera  dans  le  jardin  du  Temple.  Elle 
sera  solennellement  inaugurée  le  19  août  1880,  cen- 
tième anniversaire  de  la  naissance  du  poète. 

Terminons  parun  détail  significatif  et  garant  d'une 
réussite  :  la  souscription  populaire  qui  paiera  le 
bronze  sera  ouverte  par  le  journal  Le  Siècle  —  après 
les  élections  sénatoriales.  11  convient,  en  effet,  de 
ne  distraire  aucune  des  forces  de  la  démocratie  du 
combat  décisif  qui  va  prochainement  s'engager.  La 
statue  de  Déranger  se  fera  vite  au  lendemain  de  la 
victoire  définitive  de  notre  République  aimée. 

L.  Henry  LECOMTE. 


66 


LA  CHANSON 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAIKE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  6  SEPTEMBRE   1878 

Eugène  Imbert  est  en  villégiature,  et  le  signataire 
de  ces  lignes,  qui  le  devait  remplacer  au  banquet  du 
Caveau,  n'a  pu  le  faire,  à  son  grand  regret.  L'obli- 
geance d'un  convive  nous  permet  cependant  de 
donner  aux  lecteurs  de  la  Chanson  la  nomenclature 
exacte  des  œuvres  présentées  à  cette  réunion.  Nous 
la  transcrivons  sans  commentaires. 

Charles  Vincent,  inspiré  par  un  séjour  de  quelque 
semaines  aux  bords  de  la  mer,  a  lu  un  toast  qu'on 
pourrait  intituler  Chanson  de  la  nier.  M.  Dentu,  l'é- 
diteur, est  ensuite  reçu  membre  libre,  et  M.  Eugène 
Grange  interprète  le  remerciement  du  récipiendaire. 
Sont  alors  chantées  ou  dites  les  productions  sui- 
vantes : 

La  Page  tournée,  de  M.  Piesse,  présentée  par 
Clairville. 

La  Muselière,  par  M.  Jullien. 

Les  Souvenirs,  la  Glace  et  le  Feu,  par  M.  Fortin. 

Ernestine,  par  Jules  Echalié. 

Le  Petit   Bourgeois,  par  Rubois. 

Rira  bien  qui  rira  le  dernier,  par  M.  Mouton- 
Dufraisse. 

Plus  royalistequeleroi,  de  M.  Ripault,  interprété 
par  Echalié. 

Le  Crime  et  la  Vertu,  par  M.  Petit. 

Les  Bulles  de  savon,  par  M.  Eugène  Grange. 

Le  Commis-voyageur,  par  Charles  Vincent. 

L'Aiguilleur,  le  Bain  des  Charbonniers,  Brune 
ou  Blonde,  Invitation  Méridionale,  par  Gustave  Na- 
daud. 

Et  vous  vous  étonnez  d'ça,  par  Clairville. 

Le  Papa  Rigolât,  le  Fermier  Nicolas,  par 
M.  Fénée. 

Les  Dieux  de  la  Jeunesse,  de  Desforges  de  Vas- 
sens,  lePatriote,  de  M.  Héné  Ponsard,  chantées  par 
CoUignon,  auteur  des  deux  musiques. 

Un  visiteur,  M.  Coulant,  a  cru  devoir  ajouter  à 
la  Marseillaise  un  couplet,  prière  de  l'humanité  au 
créateur  ;  enfin  un  journaliste  hollandais,  dans  un 
discours  un  peu  long,  a  indiqué  le  but  libéral  auquel 
doivent  tendre  les  efforts  des  hommes  intelligents  : 
bonnes  choses  dites  en  mauvais  français. 

Tel  est  le  procès-verbal  du  banquet  de  Septembre. 
Si  j'ajoute  que  les  convives  étaient  vingt-deux,  onleur 
rendra  cette  justice  qu'ils  se  sont  multipliés  pour 
animer  la  séance.  Je  regrette  de  ne  pouvoir  les  en 
féliciter  plus  longuement. 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANQUET  DU   4    SEPTEMBRE     1878 

Cette  ibis  encore,  en  présence  d'assistants  joyeux, 
a  été  donnée  une  série  de  chants  très-intéres- 
sante. 

J'applaudirai  d'abord  avec  tous  un  joli  toast  de 
Chebroux,  son  invitation  connue  Chantons ,  et 
une  poétique  description  de  l'œuvre  d'un  peintre 
original,    qui    a    fait,  du    trou    laissé    dans    une 


glace  par  la  mitraille,  un  nid  d'oiseaux,  consolant 
à  voir.  Ainsi  du  mal  peut  naître  une  bonne 
chose. 

A  l'un  des  précédents  banquets,  M.  Alphonse 
Leclercq  avait  envié,  en  quelques  couplets  mélan- 
coliques, le  sort  de  son  chien.  M.  Emile  Cahen,  pre- 
nant la  parole  pour  l'animal  jalousé,  réfute  les  asser- 
tions du  maître.  Oui,  sans  doute,  il  serait  très-heu- 
reux s'il  n'avait  à  redouter  ni  chaîne,  ni  muselière, 
ni  bâton,  ni  boulettes.  Conclusion  :  les  chiens  sont 
aussi  malheureux  que  les  hommes,  et  ce  n'est  pas 
peu  dire. 

M.  Maugé,  qui  consacre  décidément  à  la  chanson 
les  loisirs  que  lui  font  les  représentations  alternées 
des  Folies-Dramatiques,  apporte  à  la  Lice  deux 
productions  un  peu  faibles  comme  forme,  mais 
d'un  fond  vigoureux:  Il  faut  chanter  el  A  bon  vin 
point  d'enseigne.  Un  des  couplets  de  ce  dernier 
chant  flétrit  avec  beaucoup  de  verve  les  charlata- 
nesques  promesses  du  gouvernement  disparu . 

M.  de  Gonet  n'a  point,  pour  les  réalistes,  la  ten- 
dresse il'un  certain  public.  Il  les  sermonne  et  les 
adjure  de  peindre  entin  des  scènes  morales  et  pro- 
fitables à  la  masse  lectrice.  —  Vous  verrez  que  cela 
ne  convertira  pas  les  coupables. 

M.  Victor  Lagoguée  reconnaît  et  proclame,  tantôt 
avec  gaieté  tantôt  avec  élévation,  que  Cliaque  chose 
a  son  temps.  Puis  «  Ma  femme  est  à  Valenciennes  » 
dit-il  ;  c'est  le  temps  ou  jamais  de  vivre  joyeuse- 
ment et  d'entonner  le  refrain  gaillard.  Aussi  l'auteur 
ne  s'en  fait-il  pas  faute.  Bonnes  productions,  très- 
bien  détaillées. 

Gustave  Nadaud  célèbre,  avec  la  chaleur  et  l'esprit 
qu'on  lui  connaît,  !  Aiguilleur,  cette  «  Providence  à 
trois  francs  par  jour  »,  dont  nue  négligence  ferait 
couler  tant  de  larmes.  Puis  il  raconte  le  Bain  des 
Auvergnat.^,  anecdote  plaisante,  avec  une  verve  irré- 
sistible. On  a  vigoureusement  applaudi,  comme  bien 
vous  pensez. 

L'anijiversaire  de  M.  Thiers  a  inspiré  à  Rubois 
quelques  strophes  animées  d'un  bon  esprit,  mais 
écrites  sur  un  air  singulièrement  choisi  pour  une 
chanson  patriotique.  Entendez-vous  chanter,  sur 
le  timbre  guilleret  de  Ma  Grand-Mère  ces  vers 
sérieux  : 

En  homme  pi-atiqae, 
Mes  amis,  je  bois 
A  la  Républiqae 
Du  Pelil  Bourgeois. 

Après  tout,  si  l'on  chante  où  est  aujourd'hui 
M.  Thiers,  c'est  évidemment  le  refrain  Combien  je 
regrette  que  fredonne  le  petit  grand  homme,  et 
certes  les  sujets  de  regrets  ne  lui  doivent  pas  man- 


quer 


M.  Echalié,   dans  une  chanson-proverbe,  nous 


dit 


On  devient  aveugle  à  vouloir 
Regarder  le  soleil  en  face, 


et  développe  cette  idée  juste  de  plusieurs  façons 
très-agréables. 

M.  Achille  Caron  se  propose  de  faire  «  à  la  pre- 
mière jolie  fille  qu'il  rencontrera»  une  déclaration 
brûlante.  Conseillons-lai  de  rester  en  France  pour 
tenter  cette  épreuve;  en  Angleterre  on  pourait  la  lui 
faire  chèrement  payer.  Tout  ce  qu'il  risque  chez 


LA  CHANSON 


67 


nous,  c'est  de  voir  ses  vers  mal  accueillis,  contre 
leur  habitude. 

M.  Georges  Baillet  se  réjouit  à  la  pensée  que  son 
perruquier  lui  a  donné  cent  ans  à  vivre.  Puisse-t-il, 
dans  cinquante  ans,  parler  encore  justement  de  sa 
bonne  humeur,  et  se  proclamer  avec  elle  «  le  plus 
nche  du  monde  ». 

M.  Flaehat  rime  les  Conseils  d'une  mèreàsaûUe. 
Les  deux  femmes  vont  partir  pour  un  bal  oîi  peut- 
être  on  renconti'era  le  mari  rêvé.  11  faut  entendre 
le  plan  de  campagne  dressé  par  l'expérimentée,  à 
chaque  détail  duquel  revient  cet  avis  important  : 
Ouvre  l'œil  et  baisse  les  yeux. 

Signalons  nncore  l' Aiilomne,  de  M.  Robinet;  Les 
Femmes  de  la  Gaule,  de  M.  Jouy  ;  Mon  Ane,  de 
AL  Jules  Roux  ;  Mon  Pinceau,  très-bonne  plaisanterie 
de  M.  Adeline;  et  terminons  ce  compte-rendu, 
comme  se  terminent  tous  les  banquets  de  la  Lice, 
par  les  gaudrioles  de  Jules  Jeannin,  aux  chutes  fan- 
tasques et  d'une  large  gaieté. 

Je  ne  voudrais  pas  cependant  passer  sous  silence 
le  plus  heureux  incident  de  la  soirée.  Après  l'audi- 
tion d'une  poésie  de  Nadaud,  comme  le  président 
Chebroux  exprimait  le  regret  de  ne  pas  voir  ce 
maître  chansonnier  tigurer  parmi  les  membres 
de  la  Lice  :  «  Je  m'inscris,  »  s'est  écrié.  Nadaud. 
Ça  été  pour  tous  une  surprise  charmante.  Evidem- 
ment, l'auteur  de  tant  d'œuvres  populairejs  sera 
reçu  par  acclamation.  Nadaud  a  depuis  bien  long- 
temps sa  place  à  la  Lice,  où  l'accueilleront  toute  les 
sympathies  dues  à  un  honnête  homme  et  à  un  homme 
de  grand  talent. 

L.-Henry  LEGOMTE. 


EZH-H^nE  ! 


Je  la  rencontre  chaque  jour, 
Belle  et  fière,  sur  son  passage, 
Dans  mon  cœur,  aussitôt  l'amour. 
Vient  gazouiller  son  doux  ramage. 
Et  sa  voix,  qui  sait  lout  charmer, 
M'allrisle  en  cherchant  à  me  plaire. 
Moi  qui  ne  voulais  pas  aimer  ! . . . 
Amour,  amour,  veux-tu  te  taire! 
Mais,  malgré  moi,  je  suis  ses  pas, 
Et,  tout  rempli  d'un  trouble  extrême. 
Je  soupire,  et  me  dis  lout  bas: 
Qu'il  est  heureux  celui  qu'elle  aime  ! 

J'admire,  timide  amoureux. 
En  suivant  ma  belle  adorée. 
Son  cou  blanc  sous  ses  noirs  cheveux. 
Et  sa  taille  souple  et  cambrée. 
Je  rougis  comme  un  jouvenceau, 
Si  j'aperçois  sa  jambe  fine, 
Quand,  pour  traverser  le  ruisseau, 
Elle  découvre  sa  bottine  ! 
Mais,  malgré  moi,  etc. 

Non  !  la  grande  dame  n'a  pas. 
Malgré  l'art  de  sa  couturière. 
Autant  de  grâce,  autant  d'appaa, 
Que  ma  séduisante  ouvrière. 
Son  teint  vermeil,  éblouissant, 
N'emprunte  rien  à  la  peinture; 
C'est  de  la  force!  c'est  du  sang! 
Elle  est  fille  de  la  nature! 
Mais,  malgré  moi,  etc. 


Qu'il  est  heureux,  son  bien-aimé, 
Quand,  plein  de  délire  et  de  fièvre. 
Quand,  par  l'amour  tout  consumé, 
11  cueille  un  baiser  sur  sa  lèvre! 
Hélas!  mon  seul  bonheur  à  moi. 
C'est  de  la  chanter  à  voix  basse. 
C'est  d'être  tout  tremblant  d'émoi, 
Quand,  belle  et  joyeuse,  elle  passe! 
Aussi,  toujours,  je  suis  ses  pas. 
Et,  tout  rempli  d'un  trouble  extrême, 
Je  soupire,  et  me  dis  tout  bas: 
Qu'il  est  heureux  celui  qu'elle  aime! 

DoiiiNiQiE  FLACHAT, 
De  la  Lice  Chansonnière. 


QUATRE   DES    MEILLEURS 


Air  :  La  Comédie  eal  un  aiivoir 
Parmi  les  joyeux  chansonniers 
Que  la  mort  moissonnait  naguère. 
Brillait  Eugène  Désaugiers 
Qui  soutint  le  nom  de  son  père; 
On  vil  briller  aussi  Festeau, 
PoiN'CLouD,  cet  esprit  qui  pétille, 
'Van  Cleemputte,  honneur  du  Caveau  : 
Ne  sont-ils  pas  de  la  famille  "? 

Toujours  au  dessert,  en  trinquant, 
Désaugiers  fils,  belle  fourchette, 
Chantait  quelque  refrain  piquant, 
Quelqu'agréalile  chansonnette  ; 
Sans  avoir  lu  variété. 
Qui  chez  son  père  éclate  et  brille, 
11  avait  le  trait,  la  gaîté  : 
N'est-il  pas  de  notre  famille"? 

Festeau  croyait,  sans  déroger, 
.  Avec  ses  chansons  populaires. 
Être  un  rival  de  Déranger: 
Il  fit  aussi  les  Rolurières; 
Mais  je  préfère  assurément 
Sa  muse  égrillarde  et  gentille, 
Qui  chanta  d'abord  si  gaîment: 
Il  est  bien  de  noire  famille. 

Poinoloud,  voilà  le  vrai  viveur. 
Qui  vous  désopile  la  rate  ! 
Dans  ses  couplets  pleins  de  saveur 
Quel  esprit,  quelle  verve  éclate! 
A  quatre  ou  huit  vieux  moribonds 
il  eut  fait  danser  un  quadrille. 
Tant  ses  couplets  étaient  féconds  : 
Certe,  il  est  de  notre  famille. 

Mais  le  roi  de  tous,  qui  chantait 

Mieux  que  Pan  jouant  de  la  flulte, 

Et  qui  toujours  nous  exaltait 

Nouveau  Panard,  c'est  Van  Cleemputte-: 

Sur  Pégase  un  beau  jour  monté 

Avec  sa  Lise,  qui  frétille, 

Il  court  à  la  postérité  : 

11  est  bien  de_  notre  famille. 

Lorsque  du  jugement  dernier 
Sonnera  la  grande  trompette. 
Je  veux  que  chaque  chansonnier. 
Ressuscite  avec  sa  musette  ; 
Tous  alors  chanteront  en  chœur! 
La  Chanson  est  si  bonne  fille 
Que  le  Caveau  sera  vainqueur, 
Sràce  aux  talents  de  sa  famille. 

J.  LAGARDE, 
Membre  honoraire  du  Careaa. 


68 


LA.  CHANSON 


AH!  SI  J'ÉTAIS  CHEF  DE  BUREAU! 


Air  :  A  genoux  devant  le  soleil. 
Pauvre  employé  que  la  déveine 
Poursuit  depuis  plus  de  vingt  ans, 
J'ai  vu  mon  espérance  vaine 
S'enfuir  sur  les  ailes  du  Temps; 
Et  maintenant,  loin  de  mon  rêve, 
Penché  sur  quelque  bordereau, 
Je  travaille  sans  fin  ni  trêve.... 
Ah!  si  j'étais  chef  de  bureau! 

Versant  des  torrents  de  lumière 
Sur  mes  obscurs  blasphémateurs. 
J'aurais,  comme  une  La  Vallière, 
Tout  un  cénacle  de  flatteurs. 
Travaillant  forl....  à  ne  rien  faire. 
Et  plus  heureux  qu'un  hobereau, 
Je  serais  astre  dans  ma  sphère, 
Si  j'étais  mon  chef  de  bureau. 

Ah  !  je  saurais  me  faire  craindre. 
Grâce  à  mes  airs  impérieux; 
Mon  personnel  serait  à  plaindre 
Quand  je  roulerais  mes  gros  yeux. 
Oui,  je  serais  un  vrai  despote. 
Et  voudrais  voir,  sur  le  carreau. 
Tous  mes  employés  en  compote, 
Si  j'étais  mon  chef  de  bureau. 

Dédaigneux  de  la  populace. 
Je  deviendi'ais. . .  ordre  moral, 
Et  je  pourrais  voir,  face  à  face, 
Môssieu  l'Directeur  général. 
J'exercerais  ma  vigilance 
Tout  en  lisant  le  I< igavo. 
Et  j'aurais  droil  à  l'insolence. 
Si  j'étais  mon  chef  de  bureau. 

Je  porterais  une  gâteuse. 
Et  surtout  je  ferais  lorgnon; 
J'entretiendrais  une  sauteuse 
Que  je  conduirais  chez  Biguon  ; 
Et,  tel  un  lils  de  la  Pologne, 

Je  viendrais,  rond comme  un  zéro, 

D'aulrui  surveiller  la  besogne. 
Si  j'étais  mon  chef  de  btu'eau. 
Je  pourrais,  assis  sur  ma  chaise, 
Trônant  ainsi  qu'un  demi-dieu, 
Etre  ci-étin  tout  à  mon  aise. 
Et  poser  pour  un  Richelieu. 
Il  me  sultirait  d'un  paraphe  ; 
Je  pourrais,  sans  peur  du  haro, 
Ignorer....  jusqu'à  l'orthographe. 
Si  j'étais  mon  chef  de  bui-eau. 

Puis,  comme  prix  de  mon  air  grave, 
Tous  les  miens,  un  jour,  pourraieni  voir 
L'étoile  éclatante  du  brave 
Rayonner  sur  mon  habit  noir. 
J'aurais  ma  page  dans  l'histoire 
Comme  un  soldat  de  Montereau, 
Et  m'endormirais  dans  ma  gloire, 
Si  j'étais  mon  chef  de  bureau. 

Rêves  dorés  de  ma  jeunesse 
Qu'ont  dispersés  les  noirs  autans, 
0  vous,  dont  la  lointaine  ivresse 
Berça  les  jours  de  mon  printemps! 
De  vous,  que  reste-t-il,  en  somme  ? 
—  Je  suis,  triste  poétereau. 
Même  au-dessous  de  ce  Prudhomme 
Que  le  sort  fit  chef  de  bureau  ! 

ACHILLE  CARON. 
De  la  Lice  Chansonnière. 


Le  Mois  Bibliographique 


ŒUVRES  CHOISIES  de  Max  Buclion,  Paris, 
Sandoz  et  Fischbacher,  1877.  Notice  biographi- 
que par  Cliampfleiiry  H). 

Cette  publication,  due  au  souvenir  pieux  de  l'a- 
mitié, comprend  :  1°  une  traduction  de.s  poésies 
d'Hebel;  2"  une  nouvelle  franc-comtoise,  Le  Mala- 
cliiii;  3°  les  poésies  de  Buchon;  4°  un  recueil  de 
chants  populaires  de  la  Franche-Comté,  pays  de 
l'auteur. 

M.  Champfleury,  qui  est  un  lettré  et  un  curieux, 
n'a  sans  doute  pas  voulu,  dans  sa  notice  biographi- 
que, exagérer  la  valeur  de  son  ami.  Mais,  soit  fai- 
blesse, cette  faiblesse  qu'on  est  tenté  d'avoir  pour 
les  morts,  soit  communauté  de  point  de  vue,  il  s'est 
laissé  aller  à  une  sorte  d'admiration,  contenue  il  est 
vrai,  de  Max  Buchon;  admiration  que  la  lecture  de 
ces  trois  volumes  n'est  peut-être  pas  faite  pour  justi- 
fier complètement. 

Bon  bourgeois,  intelligent,  frotté  un  instant  de 
bohème  parisienne,  puis  retiré  dans  un  fromage  de 
Hollande,  ou  pour  mieux  dire,  de  Gruyère,  et  bor- 
nant là  son  horizon  et  ses  aspirations,  Buchon  avait 
tout  ce  qu'il  faut  pour  faire  un  homme  heureux.  Il 
faut  autre  chose  pour  faire  un  poète.  Aussi  n'est-il 
poète  que  par  la  force  des  choses,  c'est-à-dire  lors- 
que le  sujet  qu'il  a  eu  l'heur  de  rencontrer  porte  en 
soi  sa  poésie.  Et  encore,  là  même,  est-il  plutôt  pho- 
tographe à  la  façon  d'Erckmann  que  véritablement 
écrivain. 

Buchon  s'inspire  toujours  d'Hebel,  qu'il  a  imité 
quelquefois  heureusement.  Les  scènes  champêtres 
et  surtout  urbaine.-^,  le  mouvement  d'une  petite  ville, 
ici  une  situation  touchante,  comme  celle  de  la  Pau- 
vre fille,  ou  d'un  réalisme  comique,  qomme  la  De- 
mandoen  mariage,  tels  sont  ses  sujets  favoris.  Il  y 
met  du  sentimeui.,  çà  et  là  de  la  gaieté,  et  même  de 
l'esprit.  Mais  c'est  un  esprit  un  peu  allemand,  sans 
grande  Ici^èreté.  Le  protestantisme  du  maître  sem- 
ble avoir  déteint  sur  l'élève,  qui  sans  doute  était 
,  tout  disposé  à  en  recevoir  l'empreinte. 

Il  écrit  presque  tous  ses  morceaux  dans  le  même 
rhythme,  en  strophes  de  quatre  vers  à  rimes  plates. 
C'est  le  récit  de  'Théramène  coupé  par  tranches.  De 
là  une  certaine  monotonie.  Sa  rime  est  riche,  d'une 
richesse  obtenue  quelquefois  au  moyen  d'assez  lour- 
des chevilles,  mais  elle  est  riche.  Excepté  cependant 
lorsqu'il  fait  rimer  ensemble  cher  et  approcher, 
Albd-el-Kader  el  parader. 

Ce  n'est  donc  pas  par  ignorance,  mais  par  inad- 
vertance qu'il  a  écrit  la  strophe  suivante  : 

Un  aveugle  plus  loin,  dans  sa  blouse  embourbée. 
Chante  le  Juif  errant,  ou  Pyramc  et  Thisbée, 
Ou  quelque  assassinat,  riméDieu  sait  comment. 
Et  dont  pourtant  chacun  se  munit  lestement. 


(t)En  vente  à  la  libiMii-lo  Pjiliy,  ts,  rue  Bonaparte,  3  vol. 
in-la,  avec  trois  belles  emix-foi-tcs  do  F.  Régamey,  dont  un 
portrait  de  l'auteur  d'après  Courbet,  et  d'unn  musique _  de 
Sc/iann,avecaccompasnement,()  francs  les  trois  volumes  ;«/re's 
à  petit  nombre. 


LA  CHANSON 


I 


Ne  nous  arrêtons  pas  à  celte  blouse  embourbée, 
pour  crottée;  mais  il  est  curieux  de  trouver,  dans  un 
passage  où  l'auteur  raille  la  rime  des  images  d'Epi- 
nai,  une  faute  pareille  à  celle  de  Thishée. 

Nous  parlerons  plus  longuement,  on  le  compren- 
ilra,  des  chants  populaires  de  la  Franche-Comté.  Ici, 
nous  reprocherons  deux  choses  à  Buchon:  premiè- 
rement, beaucoup  des  chants  qu'il  nous  donne  comme 
franc-comtois  sont  aussi  d'ailleurs  et  se  retrouvent 
un  peu  partout.  En  second  lieu,  l'esprit  critique  lui 
fait  souvent  défaut.  Ainsi,  il  ne  s'est  pas  souvenu 
d'une  règle  que  l'instinct  musical  des  masses  même 
les  plus  ignorantes  et  leur  respect  inconscient  pour 
le  rhythme  ont  toujours  maintenue  :  cette  règle 
veut  que  la  disposition  des  rimes  d'une  strophe  se 
reproduise  sans  modification  dans  toutes  les  autres 
strophes  du  même  chant.  Si  cette  règle  lui  avait 
servi  de  critérium,  il  n'aurait  pas  admis,  dans  la 
pièce  intitulée  :  Derrière  chez  ma  lanle,  ce  vers,  qui 
ne  peut  être  authentique  : 

Il  n'  chante  pas  pour  moi, 
attendu  que  dans  cette  pièce  tous  les  ver.s  impairs 
se  terminent  par  une  rime  sonore,  ou,  pour  employer 
l'expression  usitée  encore  dans  les  traités  de  versi- 
fications, par  une  rime  féminine. 

Autre  chicane.  Dans  la  chanson  qui  commence 
ainsi: 

Quand  tu  lenois  la  caille  au  l)ois, 

les  deux  derniers  mots  sont  de  trop,  pour  deux 
raisons  :  la  rime  n'est  plus  la  même  qu'aux  couplets 
précédents,  c'est-à-dire  claire  ou  féminine,  et  le  vers 
a  deux  syllabes  de  plus  que  les  autres. 

Dans  la  Claire  fonlnine,  texte  donné  par  Buchon, 
c'est  une  femme  qui  parle.  Or,  en  revenant  de  noce, 
elle  est  bien  fatiguée,  et  ne  trouve  rien  de  plus  sim- 
ple ((ue  de  se  Ijaigner  en  pleine  campagne  et  ensuite 
de  s'essuyer  à  la. feuille  d'un  chêne.  Puis,  après  ces 
façons  rustiques,  elle  tourne  au  madrigal,  parle  d'un 
bouton  de  rose  qu'elle  a  refusé  à  sou  amant,  de  son 
cœur  enchaîné  au  milieu  de  la  rose,  et  de  son  ami 
Pierre  qui  eu  a  pris  la  clé. 

Combien  le  récit  et  la  mise  en  scène  sont  plus 
vrais  dans  le  texte  canadien,  texte  dont  Buchon  a 
connu  l'existence  par  M.  Marmier,  et  qui  se  trouve 
dans  un  recueil  publi(>  en  18'i8  à  .Montréal  par  Hus- 
ton  !  Ici  c'est  un  lionune  ([ui  est  le  héros  de  la  chan- 
son. 11  revient  de  roule,  et  sa  fatigue  se  comprend. 
La  nature  de  la  rime  des  vers  pairs  aurait  dû  suffire 
pour  avertir  le  collectionneur.  Ils  sont  tous  sourds, 
ou  masculins. 

Les  rimes  des  quatre  premières  strophes  indique- 
raient que  c'est  une  femme  ([ui  parle,  mais  dans  les 
strophes  suivantes  la  rime  du  second  vers  est  tou- 
jours masculine  (chantait,  gai,  affligé,  brouillé,  refu- 
sai, rosier,  etc.)  11  y  a  donc  une  erreur  quelque  part; 
il  est  à  supposer  que  le  chant,  en  passant  de  bouche 
en  bouche,  s'est  modifié  et  corrompu.  Le  texte  ca- 
nadien est  la  clé  du  mystère.  Ici  la  rose  n'est  plus 
l'emblème,  très-raffiné  et  peu  délicat,  de  l'amour  de 
la  jeune  fille,  mais  bien  une  rose  réelle  refusée  par 
le  jeune  homme  à  son  amie,  et  nous  sortons  du  ma- 
drigal pour  rentrer  dans  l'idylle.  Le  refrain,  qui 
change  suivant  les  pays,  est  aussi  mieux  approprié 
au  sujet  dans  le  texte  dont  nous  parlons: 

Il  y  a  longtemps  que  je  l'aime: 
Jamais  ne  l'oublierai. 


Il  est  à  regretter  que  M.  Champfleury  se  soit  abs- 
tenu de  compléter  et  de  rectifier  par  quelques  notes 
le  travail  de  son  ami.  Personne  n'était  plus  autorisé 
que  lui  à  le  faire. 

Dans  certains  chants,  en  effet,  le  texte  est  incom- 
plet. 

La  Fille  d'un  prince  a  dans  le  recueil  huit  strophes 
de  quatre  vers  :  nous  possédons  le  même  chant  en 
quarante-quatre  vers. 

A  propos  de  cette  pièce,  il  n'est  pas  inutile  de 
remarquer  qu'une  autre,  intitulée  De  Dion  et  de  la 
tille  du  roi,  renferme  des  couplets  entiers  de  la  pré- 
cédente. C'est  la  même  défense  faite  par  le  père  à 
sa  fille  d'aimer  son  chevalier.  Emprisonnement  de 
la  fille,  sa  mort  feinte,  conseillée  par  l'amant,  sa 
délivrance  par  le  petit  couteau  /in.  Mais  le  dénoue- 
ment est  changé,  ou  plutôt  l'histoire  a  une  suite,  et 
fort  tragique.  Le  chevalier  se  transforme  en  Barbe- 
Bleue.  Une  fois  mariés,  ils  se  mettent  en  route.  Dans 
les  chants  populaires,  on  chevauche  souvent.  La 
femme  se  meurt  de  faim  et  de  soif.  Lui  n'en  a  cure. 
Il  la  conduit  au  bord  d'un  vivier  et  lui  ordonne  de  s  • 
déshabiller,  afin  qu'il  la  noie.  Le  motif  échappe,  et 
la  femme  ne  s'en  enquiert  point.  Mais  ici  apparaît 
l'astuce  des  filles  d'Eve,  coloré  d'un  prétexte  de 
pudeur  : 

Mettez  voire  épée  sous  vos  pieds, 
Votre  maiileau  devant  votre  nez, 
Et  tournez-vous  vers  le  vivier  : 
Alors  me  déshabillerai. 

Il  obéit  sans  soupçon;  elle  le  pousse  dans  l'eau. 
C'est  alors  à  lui  de  faire  le  supphant: 

Tenez,  la  belle,  voici  les  clés 

De  mes  châteaux,  de  mes  contrées. 

—  Je  n'ai  que  l'aire  de  vos  clés; 
Jo  Irouverai  des  serruriers. 

—  La  belle,  que  diront  vos  amis 
D'avoir  noyé  votre  mari? 

—  Je  dirai  à  tous  mes  amis  : 
Ce  qu'il  voulut  faire,  je  lui  lis. 

La  complainte  de  Jean  Renaud,  qui  est  tout  uu 
petit  poëme,  est  populaire  en  Auvergne  depuis  ua 
temps  immémorial.  Buchon,  en  la  baptisant  franc- 
ccmtoise,  ne  l'a  pas  reproduite  dans  son  intégrité. 
Nous  essaierons  de  le  faire,  à  cause  précisément  du 
mérite  de  la  pièce,  et  le  lecteur  nous  en  saura  peutr 
être  gré,  s'il  veut  bien  tenir  compte  des  élisions 
nécessaires  pour  que  les  vers  n'aient  que  huit 
pieds. 

Jean  Renaud  de  la  guerre  vint. 
Tenant  ses  tripes  dans  ses  mains. 

Sa  mère,  à  la  fenêtre  en  haut, 
Dit:  Voici  venir  mon  fils  Renaud. 

—  Renaud,  Renaud,  réjouis-toi: 
Ta  femme  est  accouchée  d'un  roi. 

—  Ni  de  ma  femme  ni  de  mon  fils 
Mon  cœur  ne  peut  se  réjouir. 

Qu'on  me  dresse  vite  un  lit  blanc 
Pour  que  je  m'y  couche  dedans; 

Mais  faifes-le  dresser  si  bas(l) 
Que  ma  femme  n'entende  pas. 

I       (1)  Si  bas,  c'est-à-dire:  à  si  bas  bruit. 


70 


LA  CHANSON 


Et  quand  ce  fut  vers  la  minuit, 
Jean  Renaud  a  rendu  l'esprit. 

—  Or,  dites  donc,  mère  m'araie, 
Qu'est-ce  que  j'entends  cogner  ici"? 

—  Ma  fille,  ce  sont  les  charpentiers 
Qui  raccommodent  les  greniers. 

—  Or,  dites  donc,  mère  m'amie, 
Qu'est-ce  que  j'entends  pleurer  ici? 

—  Ma  fille,  ce  sont  les  enfants 
Qui  se  plaignent  du  mal  de  dents. 

—  Oi-,  dilcs  donc,  mère  m'amie, 
Qu'est-ce  que  j'entends  chanter  ici? 

■ —  Ma  fille,  c'est  la  procession 
Qui  fait  le  tour  de  la  maison. 

—  Oi-,  dites  donc,  mère  m'amie. 
Quelle  robe  prendrai-je  aujourd'hui? 

—  Quiltez  le  rose,  quittez  le  gris; 
Prenez  le  noir  pour  mieux  choisir. 

Or,  dites  donc,  mère  m'amie. 
Pourquoi  me  mettre  en  deuil  ainsi? 

—  Ma  fille,  il  faut  vous  l'avouer  : 
C'est  Jean  Renaud  qu'est  décédé. 

—  Ma  mère,  dites  aux  fossoyeurs 
Qu'ils  fassent  la  fosse  pour  deux. 

Et  que  le  cercueil  soit  assez  grand 
Pour  qu'on  y  mette  aussi  l'enfant. 

Terre,  ouvre-toi  ;  terre  fends-toi, 
Qucje  rejoigne  Renaud  mon  roi! 

Terre  s'ouvrit,  terre  se  fendit, 
Et  la  belle  fut  ongloulie. 


Tel  est  ce  morceau,  dans  lequel  la  naïveté  de  la 
forme  ne  fait  qu'ajouter,  il  nous  semble,  à  la  réalité 
du  récit  et  à  la  vérité  des  sentiments.  M.  Pécontal, 
dans  ses  Légendes,  a  mis  en  rimes  modernes  celle 
de  Renaud;  mais  il  l'a  singulièrement  affadie.  Au 
lieu  de  ce  guerrier  blessé  mortellement,  mais  rete- 
nant ses  entrailles  pour  rentrer  chez  lui,  il  nous 
présente  Renaud  triste  et  dolent  :  dolent,  un  homme 
qui  porte  ses  tripes  dans  ses  mains  !  Plus  loin,  il 
supprime  tout  le  passage  relatif  au  choix  de  la  robe 
que  doit  revêtirla  femme  de  Renaud  ;  détail  si  vrai,  si 
touchant,  puisque  c'est  ce  petit  incident  de  toilette  qui 
arrache  à  la  mère  l'aveu  qu'elle  essayait  de  retenir. 
Quant  aux  deux  dernières  strophes,  il  n'est  pas  cer- 
tain qu'elles  ne  soient  pas  ajoutées  :  cet  engloutis- 
sement ne  cadre  pas  bien  avec  le  creusement  de  la 
fosse. 

Pour  revenir,  en  terminant,  à  l'ensemble  des 
œuvres  choisies  de  Buchon  et  particulièrement  à  ses 
poésies,  nous  devons  reconnaître,  toute  critique 
mise  à  part,  qu'il  s'en  échappe  un  parfum  de  bonté 
et  d'honnêteté,  quelque  chose  de  sain  qui  rafraîchit 
l'âme  et  parfois  émeut  le  cœur.  Ajoutez,  comme 
goiit  du  terroir,  des  locutions  ignorées  même  de 
Littré  :  lessus,  pour  lessive,  hêtard,  ânichon,  limo- 
ge, chauveau,  hrêcher  pour  sijrir.  Il  résulte  de  cet 
ensemble  une  lecture  agréable,  douce,  qui  fait  aimer 
l'auteur  et  le  pays  qu'il  a  chanté. 

M.  Champtleury  a  négligé,  croyons-nous,  de 
nous  renseigner  sur  la  date  précise  de  la  naissance 


et  de  la  mort  de  Max  Buchon.  Minces  détails,  si  l'on 
veut,  mais  qui  ne  sont  pas  inutiles  pour  qui  veut 
juger  l'esprit  de  l'homme,  le  milieu  dans  lequel  il  a 
vécu,  et  les  influences  qu'il  a  pu  éprouver  ou  exer- 
cer. Mais  le  biographe  s'adressait  plutôt  à  des  amis 
qu'au  public,  et  les  amis  ont  de  la  mémoire. 

L'ÉTERNEL  ROMAN,  par  G.  De  i.a  Salle  (1) 

C'est  toujours  l'éternelle  histoire 
Des  ta  m'aimes?  et  du  baiser 
Qu'on  donne  ou  prend,  et  qui  fait  croire 
Que  ce  temps-là  ne  peut  s'user. 

L'Eternel  Roman,  c'est  l'amour.  M.  De  la  Salle  le 
raconte  après  tant  d'autres,  et  d'une  façon  pourtant 
nouvelle.  On  s'étonne  que  lemême  sujet  puisse  être 
présenté  sous  tant  de  formes  diverses.  Il  y  a  là  une 
fécondité  de  ressources  particulière.  Aussi  l'auteur 
s'inspire-t-il  de  la  nature  extérieure  autant  que  de 
l'amour  même.  Il  ne  sépare  pas  ses  amantes  des 
verts  buissons,  des  sentiers  fleuris,  des  blés  mûrs, 
des  plaines  ensoleillées,  des  grands  bois  et  des  nids 
jaseurs,  qui  encadraient  ses  beaux  jours,  alors  qu'il 
contemplait  : 

•Des  marguerites  dans  les  herbes 
Et  des  étoiles  dans  les  cieux. 

Projets  de  bonheur,  la  Pomme,  qui  rappelle  une 
jolie  pièce  de  V.  Hugo,  A  Ninon  :  voilà  trois  pièces 
parfaitement  réussies.  Beaucoup  de  fraîcheur,  des 
coupes  cavalières,  des  tableaux  à  la  Diaz.  Puis  vient 
l'automne,  avec  sa  note  mélancolique,  et  le  poète 
chante  les  Sonnets  à  une  autre,  la  Disparition,  le 
Soir....  Langue  claire,  d'ailleurs,  style  facile,  rime 
parfois  légère,  signe  de  jeunesse,  après  tout  :  pré- 
cieux défaut  ! 

L'espace  me  manque  pour  les  citations  que  j'au- 
rais voulu  faire.  Le  lecteur  aurait  pu  contrôler  mes 
éloges  et  s'y  associer.  Il  aurait  reconnu  dans  M.  De 
la  Salle  unpoëte  oharmantet  sincèrement  ému. 

Parlerai-je  de  l'exécution  matérielle  — je  devrais 
dire:  artistique,  de  ce  petit  volume? 

Sans  faire  fi  du  fond,  la  forme  a  bien  son  prix. 

Un  papier  comnîun,  des  caractères  usés  sont  bons 
pour  ces  romans  indigestes  dont  les  appétits  vul- 
gaires font  leur  grossière  nourriture.  11  faut  aux 
vers  délicats  une  enveloppe  digne  d'eux.  Ceux  de 
M.  De  la  Salle  sont  édités  d'une  manière  exquise.  Je 
m'attends  à  voir  prochainement  les  poètes  assiéger 
la  librairie  Patay,  pour  obtenir  (à  prix  d'or?  —  je 
l'ignore)  la  favuur  d'être  ainsi  présentés  au  public. 
Quelle  valeur  peuvent  conserver  des  chansons, 
des  poésies  éparses,  publiées  çà  et  là,  dans  une 
feuille  sans  retentissement?  Réunis,  les  vers  for- 
ment un  corps  ;  ilsexistentréeljement;  ils  sont  recher- 
.  chés,  ils  durent,  ils  ne  périssent  plus.  Et  cela,  grâce 
aux  soins  del'édite.ir  presque  autant  qu'au  mérite  de 
l'auteur.  Moi  qui  vous  parle,  j'ai  un  exemplaire  de 
mes  chansons  à  la  bibliothèque  de  Dunkerque,  un  à 
celle  de  Saint-Quentin,  et  même  au  BritishMusœum. 
N'est-ce  donc  rien  ? 

Eua.  IMBERT. 


(1)  Publié  à  notre  librairie,  ce  livre  n'.i  été  tiré  qu'4 
460  exemplaires,  tous  numérotés.  Papier  de  Chine,  10 
ex.  à  6  l^r.  ;  papier  de  HoUunde,  101)  ex.  à  4  fr,  ;  beau 
papier  blanc  du  Marais  350  ex.  à  2  fr.  .'50.  Envoi  franco  à, 
toute  personne  qui  en  fera  la  demande  par  lettre  accompa- 
gnée d'un  mandat-poste. 


LA  CHANSON 


71 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


ROSA    BORDAS 

ARTISTE  LYRiaUE 


Plus  d'une  chan- 
son doit  son  succès  à 
l'air  dont  un  compo- 
site ur  de  mérite  l'a 
dotée,  ou  à  la  faç:on 
dont  l'interprète  l'ar- 
tiste chargé  de  la 
présenter  au  public. 
On  ne  s'étonnera  donc 
pas  de  voir  figurer, 
dans  noti'e  galerie 
biographique,  les  mu- 
siciens et  les  chan- 
teurs justement  ap- 
plaudis. 

Entre  toutes  nos 
célébrités  lyriques  , 
Mme  Bordas  mérite 
une  attention  parti- 
culière. Réagissant 
contre  le  courant 
mauvais  où  les  cafés- 
concerls  entraînaient 
la  chanson,  elle  a, 
la  première,  fait  en- 
tendre au  peuple  de 
Paris  les  mâles  ac- 
cents dont  on  l'avait 
déshabitué.  Le  succès  qu'elle  a  rencontré  dans 
cette  voie  moralisatrice  est  le  plus  significatif  des 
éloges. 

Mme  Bordas,  née  RosaMe  Martin,  vit  le  jour  à 
Monteux  (Vaucluse)  le  18  février  1841 .  Elle  chanta 
dès  qu'elle  put  parler.  L'éclosion  de  la  seconde 
République  fut  l'occasion  de  son  début  dans  la 
chanson  patriotique  ;  elle  apprit  la  Marseil.aiso  sur 
les  genoux  de  son  grand-père,  et  la  répéta   armée 


d'un  petit  drapeau, 
avec  un  effet  dont 
elle  a  conservé  le 
souvenir. 

De  sept  à  onze  ans, 
Rosalie  fut  mise  au 
couvent.  Onl'en  tirail 
parfois,  le  dimanche, 
pour  la  faire  chanter 
au  lutrin  de  Monteux, 
et  l'énergie  de  son 
organe  lui  fit  donner, 
par  les  habitants,  le 
surnom  de  Coq  de  la 
paroisse.  Rosalie  fit, 
de  la  sorte,  ses  pre- 
mières études  musi- 
cales, et  son  talent 
naissant  fut  remar- 
qué tout  d'abord  par 
M.  Brun,  directeur  du 
Conservatoire  d'Avi- 
gnon. 

La  famille  Martin 
tenait  à  Monteux  un 
café  dont  la  fortune, 
un  jour,  se  trouva 
compromise.  Les  pa- 
rents firent  appel  au  dévouement  de  leur  enfant,  et 
Rosahe,  heureuse  d'être  utile  aux  siens,  commença 
dans  l'établissement  paternel  une  série  de  concerts 
qui  attirèrent  et  retinrent  la  foule.  L'honneur  com- 
mercial des  Martin  fut  sauvé. 

Rosalie  continua  ses  représentations  à  Monteux. 
Elle  faisait  d'abord  seule,  et  sans  accompagnement 
les  frais  de  la  soirée.  Bientôt  un  jeune  instrumen- 
tiste lui  fut  adjoint.  Il  s'ensuivit  un  véritable  roman 


72 


LA  CHANSON 


d'amour  honnête,  promptement  dénoué  par  un  ma- 
riage. Rosalie  Martin  épousa  le  musicien  Bordas 
eu  1858. 

Les  nouveaux  mariés  quittèrent  Monteux  pour 
aller  donner  des  représentations  dans  un  café  de 
Mayanne,  pays  natal  de  Mistral,  le  poëte.  Grâce  au 
patronage  de  l'auteur  de  Mireille,  M.etM""=  Bordas 
virent  s'applanir  les  difficultés  nombreuses  d'un 
début.  Ils  marchèrent  dès  lors  de  succès  en  succès. 
Le  Tivoli  d'Avignon,  puis  le  Casino.de  Marseille  et 
celui  de  Lyon  reçurent,  en  1866,  la  visite  de 
M"'°  Bordas.  L'année  suivante,  elle  créait,  àl'Alcazar 
de  Bordeaux,  diverses  chansons  qui  affirmèrent  sa 
réputation  artistique  :  La  Sirène,  l'Herbe,  la  Pierre 
la  Femme  tigrée.  De  retour  à  Marseille,  elle  y  obtint, 
avec  le  Réveil  de  la  Crèle,  un  véritable  triomphe; 
puis  Montpellier  et  Toulouse  acclamèrent  sa  jeune 
renommée. 

Le  public  du  Midi  est  prompt  à  l'enthousiasme  ; 
on  se  défie,  non  sans  raison,  des  gloires  qu'il  invente. 
Paris  seul  donne  aux  artistes  la  consécration  indélé- 
bile. M"=  Bordas  le  comprit.  En  1869,  elle  débutait 
au  Grand  Concert  Parisien. 

L'heure  était  propice.  A  tous  les  degrés  de  l'échelle 
sociale,  la  réaction  se  faisait  contre  le  régime  de 
Décembre.  Tandis  que  Rochefort  introduisait  dans 
lo  pamphlet  politique  le  style  tintamarresque,  il  y 
avait  évidemment  place  au  café-concert  pour  la  chan- 
son mordante  et  virile.  Les  bourgeois  avaient  leur 
Juvénal  hebdomadaire,  le  peuple  réclamait  un  ven- 
geur quotidien:  le  véritable  chant  démocratique 
surgit  avec  M'"°  Bordas  de  la  tombe  où  l'avait  ense- 
veli l'Empire. 

Ce  fut  dans  tout  Paris  une  sensation  profonde.  Il 
semblait  étrange,  presque  ridicule  à  lieaucoup  qu'une 
femme  se  condamnât  aux  couplets  robustes,  pleins 
(le  revendications  et  de  colère,  quand  il  lui  eût  été 
facile  d'être  applaudie  en  chantant,  après  mille,  de 
niaises  obscénités  ;  d'autres,  au  contraire,  buvaient 
avec  avidité  les  chauds  refrains  de  la  chanteuse  nou- 
velle, et  lisaient,  dans  son  regard  étincelant,  une 
promesse  de  délivrance. 

M"°  Bordas  obtint,  d'un  coup,  les  avantages  et  les 
inconvénients  de  la  célébrité.  Elle  fut  applaudie, 
niée,  adulée,  injuriée,  jugée,  caricaturée,  imitée, 
parodiée.  Pendant  un  longtemps  on  ne  s'occupa  que 
d'elle.  Elle  alla,  d'ailleurs,  avec  un  remarquable 
courage  au  plus  fort  du  danger  ;  elle  quitta  à  diver- 
ses reprises  ce  public  qu'elle  avait  fait  et  qu'on  pou- 
vait taxer  d'engouement,  pour  les  publics  bien 
différents  et  bien   indifférents  des   spectacles   de 


féeries  et  de  bouffonneries  outrées  :  le  théâtre  lui 
fut  favorable  autant  sinon  plus  que  le  café-concert. 

Il  est  inutile  de  nous  arrêter  aux  œuvres  qu'inter- 
prétait alors  M""=  Bordas.  Notre-Dame  de  Paris,  la 
Canaille,  le  Vengeur,  l'Orgueil  et  la  Foi,  Mon  âme 
et  Dieu,  Plus  de  irontières,  le  Peuplier,  l'Ame  de  la 
Pologne,  Velléda,  l'Energie,  les  Meurt-de-faim,  sont 
dans  toutes  les  mémoires. 

Un  instant  éloignée,  du  Grand  Concert  Parisien, 
M""  Bordas  y  rentra,  le  15  mars  1871,  pour  chanter 
nos  revers  glorieux  comme  des  succès,  relever  les 
courages  abattus  et  jeter  dans  les  cœurs  ulcérés  le 
patriotique  espoir  d'une  revanche.  De  cette  époque 
datent  Champigny,  de  Baillet,  Epouse  et  mère,  de 
Ryon,  Place  aux  déshérités,  la  Paix  et  beaucoup  de 
productionsvigoureuses,  entre  lesquelles  il  faut  citer 
l'Appel  après  le  Combat,  un  des  plus  grands  succès 
de  l'artiste. 

Pendant  l'hiver  de  1874-75,  M°"=  Bordas  fit,  au 
Concert  du  Dix-Neuvième  siècle,  une  campagne  qui 
fut  signalée  par  un  curieux  incident.  Elle  chantait  un 
satirique  rondeau  d'Hippolyte  Ryon,  intitulé  le  Vice 
et  r Amour  dans  lequel,  après  avoir  énuméré  les 
hontes  sociales,  le  poëte  s'écriait  : 

Pour  nettoyer  la  nouvelle  Gomovrhe, 
Il  faut  encore  un  déluge  de  feu  ! 

Un  bonapartiste  mâtiné  de  jésuite  s'empara  de 
ces  vers  en  criant  que  l'auteur  appelait  sur  Paris 
une  pluie  de  pétrole.  La  dénonciation  produisit  son 
effet  ;  le  lendemain,  M"°  Bordas  se  voyait  interdire 
cette  inoffensive  poésie,  écrite  plusieurs  années 
avant  la  Commune  et  dont,  certes,  le  public  ne  son- 
geait pas  à  tirer  un  enseignement  criminel. 

La  véritf.ble  place  de  M"'°  Bordas  était  au  Concert 
Parisien  où  l'on  avait  coutume  de  l'entendre.  Après 
un  silence  assez  long,  elle  y  fit  sa  rentrée  le  28  octo- 
bre 1876.  De  nouveaux  succès  l'accueillirent  dans 
ces  remarquables  chansons  :  Les  Trois  Couleurs, 
de  Chebroux  et  Collignon,  La  Chanson  de  la  France, 
de  René  Ponsard  et  Colhgnon,  Reviens,  Chanson,  de 
RyoUj  Baillet  et  Dacks,  A  la  Française,  de  Clerc  et 
Carbonnier,  Il  faut  que  je  passe  !  de  Chebroux  et 
Blasini,  Les  Soldats  de  la  République,  de  Cabillaud 
et  Madsagé,  Ma  Vision,  de  Burion  et  Massage. 

M"'  Bordas  dépensait  ses  forces  avec  tant  de  pro- 
digalité pour  le  public,  qu'un  repos  absolu  lui  devint 
nécessaire.  Elle  s'y  résigna,  et  peut-être  ne  chante- 
rait-ellp  pas  encore  sans  la  prière  instante  que  lui 
firent  duelques-uns  de  ses  auteurs  favoris. 

A  lapuite  d'un  repas  chez  M.  et  M"""  Bordas,  le 
28  jaurier  de  cette  année,  la  conversation  tomba 


LA  CHANSON 


naturellement  —  plusieurs  des  convives  étant  chan- 
sonniers —  sur  l'Exposition  projetée,  et  sur  l'in- 
fluence heureuse  qu'aurait  pour  les  recettes  des 
théâtres  et  des  concerts  le  mouvement  considérable 
des  visiteurs. 

—  Pourquoi  ne  chanteriez-vous  pas  alors  ?  dit 
quelqu'un  à  M""°  Bordas.  Vous  êtes  une  gloire  pari- 
sienne et  nul  étranger  ne  traverserait  la  capitale 
sans  vous  entendre. 

M"'°  Bordas  objecta  avec  beaucoup  de  sens  que 
son  répertoire,  d'ailleurs  très-connu,  se  trouvait  en 
retard  sur  l'état  présent  des  esprits.  Il  lui  était 
impossible  d'adresser  des  chants  de  colère  airx 
hôtes  étrangersaccourus  sur  l'invitation  de  la  France. 

A  ceci  la  réponse  était  facile  :  «  Nous  vous  ferons 
des  chansons  »  dirent  les  pootfs,  et  M"'"  Bordas  se 
rendit,  à  h  seule  condition  qu'un  couplet  explicite 
serait  placi'  en  télé  de  sa  chanson  de  rentrée,  pour 
annoncer  son  évolution  vers  la  uiuse  pacilique.  Nous 
sommes  heureux  de  donner  ce  couplet,  écrit  par  E. 
Cbebroux,  comme  préface  à  son  Appel  aux  Nations, 
et  ([ui  ne  ligure  pas  dans  l'œuvre  éditée  : 

Salut,  Paris,  où  j'ai  chanté 
Les  jours  glorieux  de  la  France, 
Où  j'ai,  par  des  chanis  d'espérance, 
Combaltu  pour  la  Liberté, 
Où  j'ai,  mêlant  mes  pleurs  à  ceux  de  la  patrie, 
Consolé  quelquefois  le  grand  peuple  frani/ais; 
Je  te  reviens,  Paris,  6  ma  ville  chérie,    ■ 
Pour  chanter  aujourd'hui  le  travail  et  la  paix  ! 

Le  29  mai  1878,  M"'°  Bordas  opérait  sa  rentrée 
au  Grand  Concert  Parisien  avec  le  CeiHemure  de 
Vollnire,  de  Paul  Avenel  et  Ch.  Hidjans.  Puis  vin- 
■  renl  l'Appel  aux  Nations,  déjà  mentionné,  7a  Fêle 
de  la  France,  de  E.  Baillet  et  Massage,  Buvons  à 
la  gloire.  Ma  belle  France,  de  Paul  Avenel  et  Marc 
Chautagne,  A  la  sanlr  de  la  France,  de  Burion  et 
Chautagne,  Strophes  ù  la  Franco,  de  Achille  Garon 
et  Veruaelde,  l'Esprit  Français,  de  Mérigot  et 
Planquelle,  Les  Bienvenus,  de  Villafranc  et  Gbau- 
tagne,  Instruisons  nos  petits  enfants,  de  Obthot  et 
Darcier,  Quand  on  aime  la  France,  de  Vatinel  et 
Chautagne,  la  Marseillaise  de  h  Paix,  de  E.Ducret, 
le  Vin  Français,  de  E.  Cbebroux  et  Darcier. 

Nous  avons  voulu  ti'anscrire  tO'is  les  titres  des 
œuvres  récemment  écrites  pour  M"'°  Bordas.  Nous 
voilà  loin  de  la  Canaille  et  des  chants  de  haine  ;  il 
est  vrai  que  nous  sommes  également  loin  de  l'Em- 
pire. En.  présence  d'esprits  éclairés  et  de  cœurs 
élargis,  les  fraternels  refrains  ont  seuls  raison  d'être. 
M""  Bordas  les  dit,  chose  remarquable,  avec  un 
talent  égal  à  celui  qu'elle  déployait  dans  les  poésies 
courroucées,  et  sa  réputation  y  a  gagné  une  autorité 
nouvelle. 

A  la  ville,  M"°°  Bordas  est  une  femme  de  taille 
moyenne,  au  regard  vif,  à  la  figure  expressive,  d'ap- 
parence très-robuste.  Vêtue  simplement,  ses  che- 
veux roulés  en  nattes  serrées  autour  de  la  tête,  — 
telle  enliu  que  la  représente  le  portrait  posé  spécia- 
lement pour  notre  journal  —  elle  cause  avec  sens, 
en  «  bon  garçon  ».  Rien,  si  ce  n'est  la  vivacité  de 
ses  gestes  et  de  son  langage,  commune  à  tous  les 
méridionaux,  ne  dénote  un  tempérament  exception- 
nel. Maisrà  peine  a-t-elle  mis  le  pied  ,sur  les  plan- 
ches qu'une  transformation  complète  s'opère.  Vêtue 
d'un  péplum  de  laine  blanche,  les  bras  nus,  la  che- 
velure eh  désordre  sur  les  épaules,  elle  entre  avec 


fièvre,  se  grise  au  feu  de  la  rampe,  au  rythme  des 
vers,  au  son  de  la  musique,  au  bruissement  de  la 
foide.  Son  naturel  exubérant  lui  fait  parfois  dépasser 
le  but,  mais  il  y  a,  dans  son  exagération  même,  tant 
de  vigueur,  tant  de  sincérité,*  que  le  public  frémit 
et  s'enthousiasme.  Ce  sont  alors  des  bravos,  des 
rappels,  des  bis  qui  la  brisent  et  la  rendent  heureuse. 

jyjme  Bordas  n'est  pas  seulement  une  artiste  origi- 
nale et  de  race  vaillante,  elle  est  aussi  une  femme 
très-estimable.  Sa  maison  de  campagne,  ^  Nogent, 
abrite  un  ménage  modèle,  goûtant  le  bonheur  pai- 
sible que  rêve  le  .sage,  et  jamais  prospérité  ne  fut 
mieux  méritée. 

La  poésie  amaintes  foispayésadetteà  M'"° Bordas. 
Au  moment  de  ses  débuts,  Tony  Révillon  offrit,  aux 
lecteurs  de  la  Petite  Presse,  une  esquisse  fantaisiste 
dont  nous  reproduisons  quelques  traits  : 

Elle  a  les  cheveux  blonds  d'une  Eve , 

Son  front  est  pur,  son  ddl  est  bleu; 

Le  regard  exprime  le  rêve; 

La  bouche  répond:  — Sacroldeu! 

Un  croirait  voir  une  statue 

Qui,  lasse  de  son  piédestal, 

En  sérail  enfin  descemUie 

Par  un  maUude  Floréal. 

En  mai  187U,  M.  de  Saint-Prest  publiait,  dans  7e 
Rideau,  des  strophes  chaleureuses  sur  le  talent  de 
l'artiste  et  sa  bienfaisante  influence.  Ala  même  date, 
un  écrivain  sympathi([ue,  M.  Burion,  composait  une 
brochure  avec  la  biographie  de  M'""  Bordas  et  les 
appréciations  diverses  de  la  presse,  et  faisait  suivre 
son  travail  de  vers  enthousiastes,  terminés  ainsi  : 

Vous,  madame,  suivez,  toujours  vaillanle  et  libre, 
La  l'Oule  où  le  succès  vous  souril,  vous  altend; 
Aux  accents  généreux  l'âme  française  vibre: 
Paris  est  le  lion  que  l'on  dompte  enchantant. 

Cinq  ans  plus  tard,   M.M.  Villcmer  et  Ryon  écri- 
vaient, en  l'honneur  de  M'"^    Bordas,    un   rondeau 
charmant  où  sont  rapjelées  ses  créations  principa- 
les et  dont  nous  ne  pouvons  donner  qu'un  extrait  : 
Bordas  !  quel  est  ce  nom"?  Demandez  aux  faubourgs. 
Demandez  à  la  foule,  el  vous  entendrez  dire  : 
«  C'est  la  musc  du  peuple,  et  les  sons  de  sa  lyre 
Font  vibrer  les  clairons  et  battre  les  les  tambours.  » 
On  dirait  Velléda!  Dans  son  poplum  anlif|ue. 
Elle  est  drapée  ainsi  ipi'un  marbre  dePradier, 
Sa  voix  sonne  la  charge  et  son  air  est  guerrier; 
En  la  voyani,  on  dit:  «  Vive  la  Républi  [ue  !  » 
C'est  aussi  Némosis  !  avec  son  fouet  d'airain. 
Elle  cingle  le  fourbe  et  le  lâche  et  le  traître; 
Tous  les  cœurs  sont  émus  dès  qu'on  la  voit  paraître. 
Les  yeux  chargés  d'éclairs,  un  dra|jcau  d'une  main... 

(jhante,  chaule  toujours,  muse  vraiment  Française! 
Tes  vers  doivent  servir  d'Evangile  aux  enfants; 
Apprends-leur  tes  refrains,  et,  quand  ils  seront  grands, 
Conduis-les  à  Berlin,  avec  la  Marseillaise  ! 

Nous  citerions  encore  avec  plaisir  les  jolis  vers 
tracés  par  Cbebroux  au  bas  d'un  portrait  de  l'ar- 
tiste, mais  la  place  nous  manque.  Concluons  donc. 
M""  Bordas,  en  détrônant  au  café-concert  les  stupi- 
dités malsaines,  a  réhabilité  la  chanson  française 
et  vengé  lamorale  publique.  Elle  est  pour  beaucoup 
dans  l'avènement  des  idées  républicaines.  Qu'elle 
parle  longtemps  au  peuple  avec  la  double  autorité 
de-.&oa  talent  immense .  et  de  sa  vie  irréprochable  ! 
Le  peuple  gagnera  toujours  à  l'entendre. 

L.-Henhy  LECOMTE. 


74 


LA  CHANSON 


LE  VIEUX  BUVEUR  DE  VIN 


Paroles:  E.  BnVGVlÈïiE.    .     Musique  :  ivhES  KAVX. 
Larghetto  soslenpto. 


temps!  Qu'on        chsn  .te       1%  .  mour,     la       jeu_ 

nos  _sc  ,     Iffoi       je    n»   coonais'qO'uM  i    .  vres  .  se  ,    Cel  - 
.  le      dès       gros  Ro  .  gef  -  Bob    .    temps .         S'il       fait 
chaud,  c'est     pour    qu'us     kreu  .    v»     .      ge  S'é . 

ihap  .  pe       du       fia 


COURONS  AU  BOIS. 


in!      Reœ  .fli»_»ez       mieM  les      go  .  be  .  let»,  li 
sel     .      te.;      ïer   .   tez       «ou    ,    jour»,  fai .  le»    ri 


.  sej     Versfz.ver.Mi  iu vieuxbu »'reur 


Quand  j'ai  bu,  je  veux  boire  encore  : 
Le  vin,  pour  moi  c'est  l'espérance, 
Le  remède  à  toute  souffrance. 
Le  sauveur  aux  ailes  d'or. 
Masques  des  vanités  humaines. 
Fuyez,  vous  êtes  sans  attraits: 
Je  suis  à  l'abri  de  vos  traits. 
Tant  que  les  cuves  seront  pleines. 

A  moi  les  flots,  etc. 

On  sourit  aux  ambitieux, 

Moi  je  ris  de  leurs  tentatives.; 

Je  ne  ferai  pas  mes  convives 

De  ces  hôtes  mystérieux. 

La  fortune  est  une  apparencel 

Quoiqu'on  encense  le  veau  d'or, 

Le  vrai,  le  solide  trésor, 

C'est  un  flacon  des  vins  de  France. 

A  moi  les  flots  du  jus  divin  ! 
Remplissez  mieux  les  gobelets,  Lisette; 
Versez  toujours,  faites  risette 
Au  vieux  buveur  de  vin  ! 

(1)  L'aceompagnemont  de  piano    se  trouve  aux  bureaux 
de  M  Chanson,  rue  Bonaparte,  18.  Prix  net,  50  centime*. 


Mignonne,  mets  ta  robe  blanche. 
Ton  léger  corsage,  —  voici 
L'aurore;  tu  sais,  c'est  dimanche, 
Il  faut  oublier  le  souci. 
Déjà  résonnent  les  aubades, 
L'oiseau  parle  de  liberté, 
Et  loin  des  couples  trop  maussades 
Courons  au  bois  sentir  l'été. 

Entends  !  les  grands  sapins  frissonnent, 
I^es  ruisseaux  mêlent  leurs  soupirs. 
Les  bouleaux  argentés  rayonnent; 
Tout  s'ouvre  aux  amoureux  désirs./. 
La  brise  caresse  la  vitre  ; 
.\u  livre  d'amour  tant  vanté 
Allons  ajouter  un  chapitre. 
Courons  au  bois  sentir  l'été 

Ce  matin  doit  rougir  la  fraise; 

Si  le  muguet  tombe  flétri, 

Le  genêt  enlace  au  mélèze 

Son  or,  sous  le  soleil  fleuri. 

Allons  où  le  gazon  est  tendre. 

Tes  grands  yeux  sont  plein*  de  clarté... 

L'amour  ne  doit  jamais  attendre. 

Courons  au  bois  sentir  l'été. 

.\llons,  ma  belle,  voir  encore 
Tous  les  tableaux  si  gracieux. 
Du  salon  divin  que  décore 
L'invisible  rapin  des  cieux. 
Haut,  bien  haut,  vont  les  libellules 
Et  j'entends,  dans  l'air  agité. 
L'angelus  clair  des  campanules.,.. 
Courons  au  bois  sentir  l'été. 

Nous  nous  aimerons  sous  les  roses 
Qui  tombent  le  long  des  buissons, 
Quand  fraîches,  tes  lèvres  mi-closes. 
Auront  d'adorables  frissons. 
Lorsque  les  oiseaux,  en  musique, 
Mettront  certain  couplet  dicté 
Par  ta  voix  douce  et  sympathique  •: 
Courons  au  bois  sentir  l'été. 

Oui,  courons  là-bas  où  l'on  s'aime 
Mieux  qu'ici,  mieux  qu'ailleurs,  enfut 
Où  le  cœnr  joyeux  du  bohème 
S'effeuille  sans  trêve  ni  fin; 
Où  rêves  fous  et  réalistes 
Passent  beaux  d'instabilité  ! 
Chassant  les  accents  froids  et  tristes:; 
Courons  au  bois  sentir  l'été. 

Ernest  HUPIN. 


LA  CHANSON 


75 


LE  BALLON  GIFFARD 


Aie  de  la  Treille  do  sincérité  (Dêssugiers.) 

Je  n'ai  pas  foi  dans  ta  ficelle. 

Et  la  nacelle 

Est  sans  aplomlj  : 
Bonsoii',  Gilïai'd,  à  Ion  ballon. 

Monsieur  Gilïai'd,  qui  nous  invite, 
Sait  qu'un  Français  n'a  jamais  peur. 
Montez  tous,  dil-il,   montez  vile 
Ala  giàeo...  delà  vapeur! 
Vous  pourrez  là,  loin  des  naufrages, 
Contempler,  pour  un  faible  prix, 
La  sphère  où  naissent  les  orages 
Kl  les  miM'veilles  de  l'aris. 

Je  n'ai  pas  foi  dans  la  ficelle,  elc. 

J'accciilorais  liien  ta  médaille, 
Mais  elle  n'est  pas  sans  revers; 
Tu  le  sais,  sansque  je  détaille 
Ces  périls  nomlireux  cl  divers. 
Encor,  si  celui  qui  redoute 
La  longueur  do  l'ascension 
Pouvait  faire  arrêter  en  roule, 
A  la  première  slationi 
Je  n'ai  pas  foi  dans  ta  ficelle,  elc. 

Suivez  ces  foules  fascinées  ; 
Qu'altendez-vous?  dit  co  hâbleur. 
J'allends...  le  nombre  des  années. 
Et  je  ne  suis  pas  la  valeur. 
Car  j'y  songe:  quel  mauvais  rêve. 
Sites  ouvriers  révollés 
Choisissaient,  pour  se  mollre  en  grève. 
L'instant  où  nous  serions  moulés! 
Je  n'ai  pas  foi  dans  la  licelle,  etc. 

Ce  ballon  s'altaolie  à  la  terre 

Comme  à  sa  mère  lient  l'enfanl. 

C'esl  un  vrai  cordoan  sanilaire 

Quile  protège  et  le  défend. 

Oui,  je  le  crois;  mais  à  ton  groupe 

Le  moindre  choc  serait  fatal  ; 

Et  je  crains  toujours  qu'on  ne  coupe 

Ce  grand  cordon...  ombilical. 

Je  n'ai  pas  foi  dans  ta  ficelle,  etc. 

Puis,  pour  aller  là-haul,  sans  gloire, 
Exposer  sonàme  et  sa  chair, 
Payer,  sans  compter  le  pourboire, 
Vingt  francs,  je  trouve  que  c'est  cher. 
Je  me  pique  d'èlre  économe: 
Puis-je  ni'élever...  au  rabais"? 
A  combien  cole-l-on  un  homme? 
Me  paierait-on  si  je  tombais? 
Jen'aipas  foi  dans  ta  licelle,  etc. 

Enfin,  s'il  ne  le  faut  rien  taire, 
Voicimon  dernier  argument: 
Je  ne  puis  pas  quiller  la  terre 
Sans  avoir  fait  mon  testament. 
0  toi  qui  meurs  où  tu  t'attaches, 
Lierre,  je  prétends  t'imiter  ; 
Et,  né  sur  le  plancher  des  vaches, 
C'est  là  que  je  veux...  exister. 
Je  n'ai  pas  foi  dans  ta  ficelle, 

Et  ta  nacelle 

Est  sans  aplomb  : 
Bonsoir,  Giffard,  à  ton  ballon. 

EuG.  IMBERT. 


L'ONDINE 


Musique  de  L.    DEMORTREUX  (/). 

Au  bord  d'un  clair  ruisseau,  dans  la  verte  prairie, 

fje  chapeau  sur  les  yeux  cl  la  ligne  à  la  main. 

Tandis  qu'au  fond  de  l'eau  tloltail  ma  rêverie, 

Je  tendais  l'hameçon  au  vulgaire  fretin. 

N'ayant  rien  altrapé,  je  faisais  triste  mine. 

Quand  j'entendis  soudain  ce  doux  chant  de  l'Oiidine: 

«   Le  souvenir,  c'est  moi, 
Le  passé  va  paraître 
El  ton  bonheur  renailrc: 
Poète,  souviens-loi  ». 

.\lors  je  vis  passer,  ainsi  que  dans  un  rêve, 
Ce  lemps  où  la  raison  faisait  ses  premiers  pas, 
Ce  lemps  où.  IressaillanI  do  la  première  sève. 
Je  me  livrais,  joyeux,  à  d'innocents  ébals. 
Dans  le  ruisseau  riait  une  lètc  mutine. 
Elle  chantait  toujours,  invisible,  l'Ondine: 

«  Le  souvenir  c'esl  moi, 
Ije  passé  va  paraître 
Et  ton  bonheur  renaître: 
Poète,  souviens-loi.   » 

Au  menton  de  l'enfant  croît  la  barbe  naissante  ; 
Et  déjà  dans  la  joie  a  glissé  plus  d'un  pleur; 
Elle  fait  tant  pleurer,  celle  flamme  enivrante 
De  l'amanl  qui  poursuit  dans  la  femme  une  fleur  : 
La  vague  du  ruisseau  devenait  purpurine, 
ICI  celle  que  j'aimais  parut,  c'èlail  l'Ondine  ; 

Elle  chantait  :  «  ('.'est  moi. 

Vois  le  passé  paraître 

El  le  bonheur  renailre  : 

I^oëte,  souviens-loi.  » 

Amie,  en  quel  émoi.  Ion  image  me  jelle, 
Est-lu  vivanle  ou  morte,  ombre  ou  réalilé? 
I)e|iuis  que  la  douleur  m'a  consacré  poète. 
Mon  amour  d'autrefois  a  soif  d'éternité. 
Au  pécheur  faligué  la  maison  cristalline 
Doil  offrir  le  repos.  Je  t'aime,  pâle  Ondine  I 

Le  souvenir,  c'esl  toi. 

Je  te  donne  mon  être, 

IjC  bonheur  va  renaître  ; 

Dans  l'onde  accueille-moi. 

Prosi'KR  tibia. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Avec  le  mois  de  Septembre,  voici  revenir  les 
beaux  Jours  des  sociétés  lyriques;  j'approuve  celles 
qui  ferment  leurs  portes  pendant  la  belle  saison, 
afin  de  laisser  aux  sociétaires  la  liberté  d'aller  res- 
pirer un  peu  d'air  pur  sur  les  bords  de  la  Seine  ou 
delà  Marne,  et  celle  de  danser  (pour ne  pas  en  per- 
dre l'habitude)  aux  sons  d'un  crin-crin  criard  dans 
une  guinguette  cachée  derrière  un  massif.  Les  socié- 
tés qui  font  relâche,  renaissent  plus  vivaces  que 
celles  qui,  ayant  lutté  contre  la  canicule,  sont  épui- 
sées quand  revient  l'hiver. 

La  Pensée,  qui  a  repris  ses  Mercredis,  a  fait  une 
brillante  réouverture  :  belle  soirée,  beaucoup  de 
monde  et  d'excellents  chanteurs. 

(1).  Aux  bureaux  du  jeune  Parnasse,  boulevard  Magenta,  57. 


76 


LA  CHANSON 


Les  En/anls  d'Apollon,  qui  hallSiieni  de  l'aile  un 
moment,  ont  de  nouveau  accordé  leur  lyre  et  trou- 
vent déjà  que  leur  salle  du  75,  faubourg  St-Martin, 
est  trop  petite  pour  recevoir  leurs  nombreux  in- 
vités. 

L' Union  Artistique,  président  Paulin  (et  non  Pau- 
lus),  a  donné  son  banquet  annuel  le  1°'  septembre; 
on  a  bu  à  la  prospérité  de  la  société  et  l'on  a  projeté 
une  brillante  soirée  pour  le  début  d'octobre,  j'en 
rendrai  compte. 

J'ai  été  revoir  la  charmante  société,  l'Art  Musical 
et  Dramatique  dans  sa  nouvelle  salle  du  café  Suisse, 
boulevard  Sébastopol;  j'ai  été  reçu  à  bras  ouverts 
par  Monsieur  Prache  qui  est  toujours  le  plus  aima- 
ble des  présidents  ;  j'ai  assisté  à  un  concert  en  fa- 
mille des  plus  attrayants.  La  Fauvette  Parisienne  au 
Palais-Royal,  donne  tous  les  dimanches  de  véritables 
soirées  du  grand  monde,  les  danseurs  et  chanteurs 
rivalisent  d'entrain  et  d'esprit. 

Les  grands  bals  s'annoncent  déjà  ;  j'ai  reçu  plu- 
sieurs invitations,  j'espère  aller  partout,  commen- 
çant par  le  bal  du  5  octobre  donné  par  la  société  l' U- 
nion  de  la  Jeunesse  dans  la  magnifique  salle  de 
Valentino. 

Décidément,  il  y  a  du  plaisir  dans  l'air  pour  celte 
saison. 

GÉDHÉ. 


PAR-CI,  PAR-LA 


Le  9  septembre,  7e  Cerc7e /«siffle  se  réunissait,  ou 
plutôt,  pour  parler  logiquement,  réunissait  ses  invi- 
tés. (Les  sociétaires  brillaient  à  cette  soirée,  par  leur 
absence.) 

Le  bureau  était  représenté  par  M.  Lardy  tout  seul, 
président  toujours  solide  au  poste,  et  qui,  ayant 
accepté  un  mandat,  tient  à  le  remplir  jusqu'au 
haut  ! 

Malgré  tout,  on  s'est  amusé,  et  séparé  fort  tard 
{trop  lard  môme),  après  n'avoir  constaté  heureuse- 
ment que  des  succès  : 

La  petite  Camille,  un  prodige  de  onze  ans,  a  ob- 
tenu un  véritable  triomphe  en  détaillant  avec  beau- 
coup d'esprit  une  chansonnette  Ça  ne  peut  pas  se 
refuser. 

Gédhé  a  fait  une  improvisation,  sur  le  '''ercle  in- 
time, ave  J  des  rimes  données,  dont  les  deux  vers  sui- 
vant ont  été  la  chute. 

Si  le  Cerole  faiblit,  Hnrdy  le  soutiondrr?. 
Et  s'il  n'en  reste  qu'un  il  sera  celui-/à! 

Ce  pastiche  d'un  vers  de  Victor  Hugo  a  été  fort 
applaudi:  bravo,  Gédhé,  voilà  de  l'à-propos! 

Le  loustic  Jomain,  que  feu  L'Indépendant  a  con- 
verti, ne  chante  plus  la  romance;  il  a  fait  rire  aux 
éclats;  il  lui  suftit,  du  reste,  pour  obtenir  ce  résul- 
tat, d'être  naturel. 

La  délicieuse  comédie  Le  Baiser  anonyme  a  été 
interprétée  d'une  'açon  charmante.  Mlle  Rienia  et 
M.  Etienne  jouaient  les  principaux  rôles,  c'est  tout 
dire. 

A.  LEROY. 


La  Société  des  Fleurs,  rue  des  Envierges,  56,  à 
Belleville,  présidée  par  M.  Percheron,  a  donné,  le 
dimanche  8  septembre,  une  soirée  au  bénéfice  de 
son  vice-président.  Un  concours  de  poésie  avait 
été  ouvert  à  cette  occasion.  Le  premier  prix  (une 
médaille  d'or)  a  été  remporté  par  M.  Jules  Vernier, 
coutumier  du  fait,  le  second  par  M.  Dominique  Fia- 
chat,  de  la  Lice  Chansonnière,  le  troisième  par 
M.  Casse. 

A/a Z/jreTjyen/a/saHte, rue Saint-Séverin, 38  (prési- 
dent, M.  Lecouvreur),  lundi  14  octobre,  grand  con- 
cours libre  de  poésie.  Deux  prix  seront  décernés  aux 
auteurs  des  deux  meilleurs  productions  ;  deux  autres 
prix  seront  attribués  à  la  chanteuse  et  au  chanteur 
qu'on  aura  entendus  avec  le  plus  de  plaisir.  La 
soirée  commencera  à  8  h.  1/2  précises. 


LE  CONCOURS  DE  LA  CHANSON 


Le  double  concours  poétique  ouvert  par  La  Chan- 
son est  clos.  Un  grand  nombre  de  chansonniers  et  de 
poètes  ont  répondu  à  notre  appel.  Quel  sera  le  ré- 
sultat de  cette  émulation  louable  ?  Il  serait  impru- 
dent de  le  préjuger.  Si  notre  espoir  se  réalise,  c'est- 
à-dire  si  de  notre  concours  surgit  une  œuvre  vrai- 
ment remarquable,  nous  offrirons  aux  amis  de  la 
Chanson  la  fête  suivante  : 

Une  solennité  littéraire  et  lyrique  sera  organisée 
par  nous,  pour  la  distribution  des  récompenses.  Une 
conférence  sur  la  chanson  sera  faite  par  un  orateur 
compétent,  dont  le  concours  nous  est  promis.  Des 
artistes  aimés  du  public  se  sont  engagés,  en  outre, 
à  interpréter  pour  nous  diverses  œuvres  de  mé- 
rite. Nous  donnerons  enfin  une  fête  capable  de  réjouir 
tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  rénovation  de  la 
chanson.  Tout  cela  est  subordonné  au  résultat  que 
va  donner  l'examen  des  nombreuses  pièces  déposées 
dans  nos  bureaux.  Cet  examen  va  commencer  sans 
retard.  Voici,  par  ordre  alphabétique,  la  liste  des 
poètes  et  des  chansonniers  composant  notre  jury: 

MM.  Eugène  BaiUet,  Henri  de  Bornier  Ernest 
Chebroux,  Jules  Claretie,  Ernest  d'Hervilly,  Eugène 
Imberl,  René  Ronsard,  Léon  Vallade,  Charles  Vin- 
cent. 

La  Chanson  A.U  1"  novembre  contiendra  le  compte- 
rendu  détaillé  des  séances  du  comité.  Nous  espérons 
y  joindre  l'annonce  de  la  matinée  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut  et  qui  ne  pourrait  manquer  d'oiïrir 
un  vif  intérêt. 

Nous  indiquons,  en  tête  du  présent  numéro,  les 
conditions  nouvelles  d'abonnement  à  La  Chanson. 
Le  mode  le  plus  simple  est  l'envoi  d'un  mandat  sur 
la  poste  ;  le  talon  sert  de  quittance.  Nos  anciens 
souscripteurs  sont  priés  de  nous  adresser  au  plus 
tôt  leur  réabonnement,  afin  de  n'éprouver  aucune  in- 
terruption dans  l'envoi  du  journal. 


Le  Directeur  Gérant  A.  PATAY. 


i 


LA  CHANSON 


AVIS  IMPORTANT 

A  titre  rie  Primes,  nous  offrons,  à  nos  abonnés  anciens  et  nouveau.r,   les  lici-es  suivants, 
avec  les  réductions  indiquées. 

PRIME  EXCEPTIONNELLE 

AliBUJ?!  nv  BOX  BOt'ïi.  années  187f)  et  1S77  réunies,  cartonnées  en  pleine  toile,  avec  titre  et 
oruements  sur  les  plats.  Ce  splenrliile  album  renferme  des  fac-similé  d'autographes,  des  portraits,  des 
dessins  de  toutes  les  sommités  artistiques,  littérateurs,  peintres,  poètes,  chanteurs,  sculpteurs,  musi- 
ciens, etc.  etc.,  qui  fréquentent  assidûment  les  Banquets  du  B0.\  BOCK,  créés,  il  y  a  quatre  ans,  par 
Bellot  et  présidés  d'une  façon  si  brillante  par  lui. 

Cet  album  n'a  été  tiré  qu'à  cinq  cejits  exemplaires,  pour  les  habitués  du  BON  BOCIv,  (et  il  sont  nombreux) . 
Nous  avons  prié  M.  Bellot  de  vouloir  bien  réserver  quelques  exemplaires  en  laveur  de  nos  abonnés,  et 
cela  au  prix  de  10  fr.  au  lieu  de  15  Ir.  Nous  invitons  nos  abonnés  à  venir  voir  ce  cliarmanl  Bijou  à  notre 
librairie,  18,  rue  Bonaparte,  et  cela  le  plus  promptement  possible,  un  petit  nombre  étant  seul  à  notre  dispo- 
sition. Les  personnes  qui  désireraient  le  recevoir  par  la  poste  devront  payer  en  plus,  pour  l'emballag-i  cl 
le  transport  2  fr. 

Les  envois  sont  faits  contre  un  mandat  sur  la  poste  ;  le  talon  servira  de  reçu  ;  on  ne  reçoit  pas  les 
timbres-|>oste. 


VOLUMES  AVEC  FORTES  REIJIISES 


ÏjCS  Sucictés  Badines,  Bachiques,  Chanlanles  et 
Litléi-aires,  leur  histoire  et  leurs  travaux,  par  /VliTlIUH 
DINAUX,  2  forts  vol.  in-X,  avccuniiorU'ail  à  I'c;iii-lorle; 
au  lieu  de  l 'i  fr.  1     » 

Collé,  l'un  des  fondateurs  du  premier  C-iveau.  Sa 
correspondance,  /rès  curieuse  et  Jnldrossanto,  l  vol. 
in-8,  avec  un  portrait  sur  acier,  2  fnc-simile  d'auto- 
graphes, au  lieu  de  6  fr.  3     » 

EiC  l*arn»ssc  niiMlical  rraneaSs ,  dictionnaire 
des  médecins  anciens  et  modernes,  morts  ou  vivants, 
POETES  el  CHANSONMEIIS,  par  le  docteur  Acii. 
OMIOHEAU,  1  fort  vol.  de  plus  de  550  pages,  in-12.  au 
lieu  do  1  fr.  3  5t) 

l-,«s  4'lianson>j  de  F.  VEtiGEliOX,  i  vol.  in-1:!, 
au  lieu  do  S  fr.  1  50 

IGwscs  t'I  Cliiirdons,  chansons  pai-  ,1.  I.AZ.MîE, 
1  vol.  in-12,  avec  porti'ait  de  l'autour  à  l'eau-l'orle. 
Pubhé  chez  Lemerre ,  au  lieu  do  3  fr.  1  50 

l^a  »'îc  de  l'aiil  de  Hock,  par  Timolhco  Triumi, 
1  vol.  in-12,  avcf  poriraitsur  acier.  Cevolume  contient 
des  détails  sur  les  CHANS(JîvJS  de  Pmil  de  Kocli,  au 
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Vient  de  paraître,  d'Alphonse  Lecleroq  :  IjES 
HEURES  PERDUES,  chansons  et  poésies  avec  lettre- 
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1877,  1878,  au  lieu  de  3  fr.  chacun.  2     » 

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1  beau  vol.  in-12,  mvcc  le  portrait  de  l'auteur,  gravé 
à  l'eau-fortc,  par  P'OULQUIER,  lu-é  à  300  exempl.,  il 
n'en  resie  [ilus  que  di.x  ex.  5     » 

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in-32,  papier  vergé,  poi'trait  photographié  d'après  la 
charge  de  Mailly.  Tire  à  300,  il  reste  peu  d'exemplaires, 
au  lieu  de  5  fr.  4  50 

lia  Goguette  et  les  Gogucttîcr.s,  par  Eugène 
Imbert.  Etudes  très-curieuses  sur  la  chanson  et  les 
chansonniers,  avec  6  poriraits  de  chansonniers:  Blon- 
del,  Bonnefond,  Colmance,  Durand,  Fesleau,  Rabineau, 
tiré  à  300  expl.  1  vol.  grand  in-18,  les  derniers  exem- 
plaires. ■  2     » 

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notre  librairie. 


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LA  JEUNE  FRANCE 

Revue  mensuelle,  lilléraire  et  poélique;  un  an  6  fr., 
le  n"  50  cent.  Administration  et  rédaction,  rue  Bona- 
parte, 18.  Vente  en  gros  et  au  numéro,  à  notre  li- 
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LA  VIE  LITTERAIRE 

Supplément  littéraire  des  journaux  républicains  ;  un 
an:  10  fr.,  34,  rue  Richer,  34,  Paris. 


La  Revue  de  la  Poésie 

Gazette  de  l'Académie  des  poètes,  dirigée  par  un 
comité  présidé  par  M.  Casimir  Pertus,  et  paraissant 
tous  les  mois,  6  fr.,  pai'  an,  bureaux,  12,  rue  Ganne- 
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LE  PARNASSE 

Organe  des  concours  littéraires  de  Paris.  —  Rédac- 
teurs en  chef:  ALCESTE  et  Germain  PICARD. 

Abonnements  :  12  fr.  par  an  ;  un  numéro-spécimen  : 
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cry,  Paris  (un  an  :  6  fr.) 


L'union  littéraire  et  le  Sonnettiste  réunis 

40  cent,  le  n",  paraît  le  10  et  le  25,  de  chaque  mois. 
Paris,  chez  Cherié,  rue  de  Médicis,  13. 


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ment: un  an,  6  fr.  ;  trois  mois,  3  fr.  50,  11,  rue  des 
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ture, Sciences,  Arts,  Enseignement,  Education,  parais- 
sant le  1"  et  le  15  de  chaque  mois.  Abonnements  en 
Europe  :  un  an,  14  francs,  six  mois,  8  francs,  Direc- 
teur-Gérant: M.  THIRIFOCQ,  44,  rue  Saint- Jean,  Bru- 
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neufs.  Nous  pouvons  compléter  les  collections;  le  prix 
varie  selon  les  années. 


ANNONCES 


Les  annonces  doivent  être  adressées  directement 
à  l'administrateur  A.  Patay. 

Nous  réservons  la  couverture  de  notre  revue  aux 
annonces  spéciales,  librairie,  arts,  musique,  scien- 
ces, photographies,  etc.,  etc. 

On  ne  reçoit  que  les  lettres  affranchies. 

Pour  les  renseignements  : 

S'adresser:  18,  rue  Bonaparte,  18. 

PARIS 


EN  DISTRIBUTION  A  NOTRE  LIBRAIRIE 

Catalogue  numér'os  1,  2,  3  et  4,  de  livres  à  prix  marqués. 

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1021.  —  Poitiers,  typ.  J.  Ressaïbe.  —  Paris,  3,  rue  d'Abouliir 


1"  ANNEE.  —  N°  7. 


1"  NOVEMBRE  1878. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Eevue   Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  <5c  le  1  6  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
V.  DEMEURE 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  k  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 

i>.4nis 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  ti  mois 2  fr.  bO 

Départ»,  6  mois 3        » 

Etranger,  6  mois 3       50 


S0MMAIRI5  :  Galerie  des  Cltansonniers  :  Victor  Hugo  (l.-iienry  lecomte).  —  La  Statue  de  Béraitger,  lettres  de  mm.  legouvé, 
CLARETiE  ET  TONY  RËviLLON.  —  A  M.  Lapoiiite  (ANDRÉ  person).  —  La  Diane  des  Chansons  igeorges  baillet).  —  Encore 
une  goutte  (c.-c.  picard).  —  Mon  Pinceau  (ernest  adeline).  —  Banquet  du  Careau  (eug.  imbert).  —  Banquet  de  la 
Lice  Chansonnière  (l.-henry  lecomte).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  leroy,  v.  lebretox,  a.  patay}. —  Le  Concours 
de  La  Chanson.  —  Nouvelles  et  Avis. 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS   :  VICTOR  HUGO 


La  poésie ,  cette 
musique  de  l'àme,  ap- 
pelle irrésistiblement 
la  musique,  cette  poé- 
sie des  sens.  Ainsi 
complétée,  elle  pénè- 
tre aisément  dans  le 
peuple,  et,  tour  à  tour, 
rémeut  ou  le  console. 

En  tète  des  écrivains 
qui,  par  le  choix  des 
sujets,  la  coupe  de 
leurs  vers ,  l'indica- 
tion précise  de  re- 
frains,' ont  provoqué 
souvent  la  verve  des 
compositeurs,  se  place 
le  géant  de  la  littéra- 
ture contemporaine. 
Lesc/i«Mso?isdeVictor 
Hugo  sont  assez  nom- 
breuses pour  fournir 
le  sujet  d'une  intéres- 
sante étude.  Nous  l'es- 
saierons avec  le  res- 
pect qui  convient. 

Victor  Hugo,  disent 
les  biographes,  est  né 
à  Besançon,  le  26  fé- 
vrier 1802.  Pour  nous 
qui  ne  voulons  point 
raconter  l'homme , 
mais  juger  simplement  un  des  aspect  du  génie 
multiple  de  l'écrivain,  Victor  Hugo  naquit  à  Han 
d'Islande,  en  1821.  C'était  une  création  robuste, 
sculptée  en  prose  étincelante.  L'année  qui  sui- 
vit, la  poésie  conquérait  le  jeune  homme.  Bientôt 
après,  la  chanson.  En  1826,  le  libraire  Ladvocat 


réunissait  en  deux  vo- 
lumes les  Odes  et 
Ballades.  A  cet  ou- 
vrage appartiennent 
La  Fille  d'0-Taïti, 
Encore  à  toi,  Rêves, 
strophes  mises  en  mu- 
sique par  F.  Grast,  — 
Les  deux  Archers , 
La  Légende  de  la 
JS'onne,  récits  cava- 
liers sur  lesquels 
Hippolyte  Monpou  et 
Maurice  Lassimonne 
ont  écrit  des  airs  fa- 
vorablement accueil- 
lis; —  Ecoute-moi, 
Madeleine,  et  Aes  cou- 
plets ^1  un  Passant 
que  l'auteur  affection- 
nait sans  doute,  car  il 
les  encadra  dans  une 
scène  de  Cromwell. 
Au  troisième  acte 
de  ce  drame  colossal, 
déclaration  de  guerre 
acharnée  auxentraves 
niaises,  les  quatre  fous 
du  Protecteur  ouvrent 
la  scène  en  disant,  l'un 
après  l'autre,  quatre 
ballades  singulières. 
Nous  ne  croyons  pas  qu'on  les  ait  jamais  chan- 
tées. Il  y  avait  cependant  motif  à  musique  origi- 
nale dans  des  vers  coupés  de  la  sorte  : 

Pourquoi  fais-tu  tant  de  vacarme, 

Carme? 
Rose  t'aurait-elle  trahi? 

Hi!       .    ■    - 


78 


LA  CHANSON 


ou  rythmés  comme  ceux-ci,  rencontrés  déjà  dans 
les  Odes  et  Ballades  : 

Au  soleil  couchant, 
Toi  qui  '•'as  cliercliant 

Fortune, 
Prends  garde  de  choir, 
La  terre,  le  soir 

Est  brune ... 

Dans  ses  œuvres  théâtrales  postérieures  à 
Cromwell,  Victor  Hugo  se  fit  souvent,  de  la 
chanson,  un  utile  auxiliaire.  On  se  rappelle  l'effet 
d'étonnement  et  de  terreur  produit,  à  la  fin  du 
souper  de  Lucrèce  Borgia,  par  les  versets 
lugubres  du  De  Profundis  répondant  aux  couplets 
bachiques  de  Gubetta  : 

Saint-Pierre,  ouvre  ta  porte 
Au  buveur  qui  t'apporte 
Une  voix  pleine  et  forte 
Pour  chanter  :  Domino! 

La  donnée  sombre  de  Marie  Tudor  est  tra- 
versée par  cette  aimable  sérénade,  mise  succes- 
sivement en  musique,  avec  un  bonheur  égal,  par 
Piccini  et  Gounod  : 

Quand  tu  chantes,  bercée 

Le  soir,  entre  mes  bras. 

Entends-tu  ma  pensée 

Qui  te  répond  tout  bas? 

Ce  doux  chant  me  rappelle 

Les  plus  beaux  de  mes  jours  ! . .  .* 
Chantez,  ma  belle 
Chantez  toujours  ! . . . 

Au  deuxième  acte  de  Ruy  Blas,  alors  que 
l'étiquette  et  l'ennui  torturent  la  jeune  reine, 
un  chant  d'amour  retentit  sous  les  fenêtres  de 
la  désolée,  qui  boit  avidement  ce  rayon  de  soleil  : 

A  quoi  bon  entendre 
Les  oiseaux  des  bois? 
L'oiseau  le  plus  tendre 
Chante  dans  ta  voix. . . 

Dans  Le  Roi  s'amuse,  François  1"  et  son  fou 
Triboulet  disent,  en  alternant,  ce  refrain  déluré  : 

Vivent  les  gais  dimanches 

Du  peuple  de  Paris, 

Quand  les  femmes  sont  blanches, 

Quand  les  hommes  sont  gris \. . . 

Enfin,  les  robustes  soudards  des  Burgraves 
chantent  à  plein  gosier,   au  lever  du  rideau  : 

Dans  les  guerres  civiles 
Nous  avons  tous  les  droits. 
—  Nargue  à  toutes  les  villes 
Et  nargue  à  tous  les  rois1 . . . 

et  leur  orgie  se  complète  par  ce  chœur  insou- 
ciant : 

L'hiver  est  froid,  la  bise  est  forte, 
Il  neige  là-bas  sur  les  monts. 

Aimons,  qu'importe! 

Qu'importe,  aimons! 


En  dehors  de  La  Esmerai.da  qui  est  un  opéra, 
c'est-à-dire  une  chanson  continuelle,  le  théâtre 
■de  Victor  Hugo  contient,  on  le  voit,  diverses 
productions  remarquables  au  point  de  vue  chan- 
sonnier. Notre  récolte  de  poésies  chantées  sera 
plus  abondante  encore  dans  les  livres  où  le  grand 
lyrique  a  dépensé  son  génie.  Les  Orientales 
nous  offrent  une  Chanson  de  Pirates,  la  Sultane 
favorite,  le  Voile,  Sarah  la  baigneuse,  les  Bliiets 
et  la  Romance  Mauresque.  Les  Chants  du  Crépus- 
cule contiennent  un  Hymne  patriotique,  récem- 
ment exécuté  avec  la  solennité  qu'il  réclame  : 

Gloire  à  notre  France  éternelle  ! 
Gloire  à  ceux  qui  sont  morts  pour  elle  ! 
Aux  martyrs,  aux  vaillants,  aux  forts! 
A  ceux  qu'enfante  leur  exemple, 
Qui  veulent  place  dans  le  temple 
Et  qui  mourront  comme  ils  sont  morts  ! 

Signalons,  dans  le  même  volume,  la  Fleur  et 
le  Papillo7i,  des  vers  gracieux  intitulés  Nouvelle 
chanson  sur  un  vieil  air,  et  qui  s'adapte  au  timbre 
naïf  :  J'aime  mieux  ma  mie  : 

S'il  est  un  charmant  gazon 

Que  le  ciel  arrose, 
Où  brille  en  toute  saison 

Quelque  fleur  éclose, 
Où  l'on  cueille  à  pleine  main 
Lis,  chèvrefeuille  et  jasmin, 
.T'en  veux  faire  le  chemin 

Où  ton  pied  se  pose... 

puis  cette  invocation  attendrie  : 

0  ma  charmante. 
Ecoute  ici 
li'amant  qui  chante 
Et  pleure  aussi. 

enfin  ces  couplets  énamourés,  qui  sous  le  titre 
de  Fleur  de  l'âme,  ont  fait  le  tour  du  monde  : 

Puisque  j'ai  mis  ma  lèvre  à  ta  coupe  encor  pleine, 
Puisque  j'ai  dans  tes  mains  posé  mon  front  pâli. 
Puisque  j'ai  respiré  parfois  la  douce  haleine 
De  ton  âme,  parfum  dans  l'ombre  enseveli  ; 
Je  puis  maintenant  dire  aux  rapides  années  : 
Passez,  passez  toujours,  je  n'ai  plus  à  vieillir, 
Allez-vous-en  avec  s'os  fleurs  toutes  fanées, 
J'ai  dans  l'âme  une  fleur  que  nul  ne  peut  cueillir. 

Les  Voix  Intérieures  fournissent,  pour  leur 
part,  Soirée  en  mer,  la  Tombe  et  la  Rose;  —  Les 
Rayons  et  les  Ombres  :  une  barcarolle  et  l'origi- 
nal Gastibeha  ;  —  les  Contemplations  :  Rose, 
frais  souvenir  de  jeunesse,  Si  vous  n'avez  rien  à 
me  dire,  la  Nichée  sous  le  portail;  — la  Légende 
des  siècles  :  le  Chant  d'Eviradnus,  la  Chanson 
des  Aventuriers  de  la  mer  ;  —  les  Misérables, 
les  hardis  couplets  de  Gavroche  : 

Voici  la  lune  qui  paraît, 
Quand  irons-nous  dans  la  forêt? 
Demandait  Chariot  à  Charlotte.  — 
Je  n'ai  qu'un  Dieu,  qu'unroi,  qu'un  liard  et  qu'une  botte 


LA  CH.\NSON 


79 


et  ce  délicieux  rondeau  que  le  poète  met  à  l'actif 
de  Jean  Prouvaire,  un  de  ses  héros  : 

Vous  rappelez-vous  notre  douce  vie 
Lorsque  nous  étions  si  jeunes  tous  deux, 
Et  que  nous  n'avions  au  cœur  d'autre  envie 
Que  d'être  bien  mis  et  d'être  amoureux?... 

Mais  le  livre  où  Victor  Hugo  a  semé  le  jikis 
grand  nombre  de  chansons,  est  cette  œuvre  admi- 
rable et  fulgurante  qui  n'a  d'équivalent  dans 
aucune  littérature  :  les  Châtiments.  La  poésie 
populaire  est  là  vengeresse  des  vertus  bafouées 
et  des  grandeurs  avilies.  A  ceux  qui,  sans  ver- 
gogne, prenaient  place  au  festin  où  les  cfinviait 
le  pseudo-César  :  «  Mangez,  dit  le  fier  exilé, 

Mangez,  moi  je  préfOre 
Ton  pain  noir,  liberté  ! 

Puis  son  cœur  s'attendrit  sur  ce  tableau  sinistre: 
l'homme  au  bagne,  là  mère  à  l'hospice,  les  enfants 
isolés  par  le  crime  : 

Pauvres  petits  oiseaux!... 

Plus  loin  il  chante,  sur  l'air  de  Mal])rouck, 
le  Sacre  du  bourreau  de  l)éceml)re,  et  chacun  de 
ses  vers  sonores  tombe  inflexilde  sur  le  triom- 
phateur sanglant  : 

Dans  l'affreux  cimetière 
Paris  tremble,  ô  douleur,  6  misère  ! 
Dans  l'affreux  cimetière 
Frémit  le  nénuphar... 

L'anecdote  incisive  sert  également  au  poète 
en  courroux  : 

Un  jour.  Dieu  sur  sa  t:ililc 
Jouait  avec  le  diable... 

Les  larmes  succèdent  à  l'ironie  dans  ce  chef- 
d'œuvre  continu.  Peut-on  lire  sans  fi'isonner  ces 
pièces  manifestement  inspirées  :  Le  Chant  de  ceux 
qui  s'en  vont  stir  mer,  l'Hymne  des  transportes,  le 
Rêve  du  Proscrit  : 

A  quoi  ce  proscrit  pense-t-il? 
A  son  champ  d'orge  ou  de  laitue, 
A  sa  charrue,  à  son  outil, 
A  la  grande  France  abattue  ? 
Hélas!  le  souvenir  le  tue. 
Pendant  qu'on  rente  les  Dupin 
Le  pauvre  exilé  souffre  et  prie... 
—  On  ne  peut  pas  vivre  sans  pain; 
On  ne  peut  pas  non  plus  vivre  sans  la  patrie  ! 

Dans  de  virulents  couplets,  ensuite,  le  Juvénal 
républicain  cloue  sur  le  front  du  blême  Bonaparte 
l'épithète  inoubliable  : 

Sa  grandeur  éblouit  l'histoire  ; 

Quinze  ans  il  fut 
Le  dieu  que  traînait  la  Victoire 

Sur  un  affût  ; 
L'Europe  sous  sa  loi  guerrière 

Se  débattit.  — 
Toi,  son  singe,  marche  derrière. 

Petit,  petit. 


Le  livre  se  clôt  superbement  par  un  chant 
d'amour  à  l'adresse  de  la  France.  Beethoven  en 
fournit  la  musique.  Pendant  le  glorieux  Siège  de 
Paris,  Patria  fut  de  tous  les  concerts  organisés 
pour  donner  des  canons  à  la  défense  ou  des 
secours  aux  blessés  : 

Ainsi  que  nous  voyons 
En  mai  les  alcjons. 
Voguez,  ô  nations, 

Dans  ses  rayons. 
Son  bras  aux  cieux  dressé 
Ferme  le  noir  passé 
Et  les  portes  de  fer 

Du  sombre  enfer... 

Notre  tâche  s'achève.  Bien  que  nous  ayons  dû 
nous  borner  à  une  nomenclature  incomplète  et 
froide,  nous  avons  clairement  démontré  que  le 
plus  grand  des  poètes  modernes  n'a  dédaigné,  à 
aucune  époque,  le  genre  de  littérature  bien 
national  que  noire  journal  préconise.  Hymne 
philosophique,  chanson  à  boire,  romance  douce, 
refrain  agile,  couplet  impitoyable,  le  génie  de 
Victor  Hugo  a  tout  essayé.  On  retrouve  dans 
chacune  des  pièces  énumérées  plus  haut  l'abon- 
dance de  pensées  et  l'éclat  de  stjie  propres  à 
l'immense  écrivain.  Victor  Hugo  est  resté  dans 
la  poésie  chantée  ce  qu'il  est  dans  tout  :  un 
maitre  inimitable. 

Le  1"  janvier  1830  paraissait,  à  la  louange 
du  chef  acclamé  par  la  jeune  école  littéraire, 
le  sdunet  suivant,  que  nous  rééditons  pour  le« 
curieux  de  souvenirs  l'omantiques. 

HOMMAGE 

A  toi  qui  descendis,  jeune  encor,  dans  l'arène, 
Méprisant  le  vulgaire  aveugle  et  ses  bravos. 
Loin  de  l'ornière  antique  où  la  foule  se  traîne. 
D'une  gloire  précoce  étonnas  les  rivaux; 

A  toi  qui,  tout  enfant,  une  belle  marraine 
Initiait,  en  songe,  à  des  secrets  nouveaux; 
A  toi,  dont  le  génie  est  un  cheval  sans  rêne. 
Car  une  voix  t'a  dit  :  je  sais  ce  que  tu  vaux! . . . 

A  toi  qui  juges  seul  le  conquérant  avide 

Dont  la  chute  ébranla  son  siècle  encore  vide; 

A  toi  qui  pouvais  prendre  un  glaive  au  lieu  d'un  luth  ; 

Puis  à  toi  qui  chantas  tes  chants  comme  un  prophète 
Avec  son  dieu  qui  parle  ;  à  toi,  le  grand  poète; 
A  toi  qui  seras  roi,  Victor  Hugo,  salut  ! . . . 
Ch.  Lassailly. 
Le  bizarre  enthousiaste  était  bon  prophète. 
Roi  !  Victor  Hugo  l'est,  en  effet,   de  par  son 
éblouissant  génie,  et  ces  royautés-là  défient  les 
tempêtes  humaines.  Méprisant  la  sphère  étroite 
où  s'agite  l'ambition  vulgaire,  le  grand  poète  a 
poursuivi  et  atteint  ce  double  idéal  :  le  vrai  qui 
est  le  but  de  l'esprit,  le  beau  qui  est  l'objectif 
de  l'âme.  Puissance,  lumière  et  bonté,  Victor  Hugo 
restera  l'éternel  honneur  de  la  République  uni- 
verselle des  lettres. 

L.-Henry  LECOMTE 


LA  CHANSON 


LA  STATUE  DE  BÉRANGER 


Nous  avons  reçu  les  lettres  suivantes  : 

Messieurs, 
J'ai  trop  aimé   Béranger  pour  ne  pas  accepter 
l'offre  que  vous  me  faites  de  faire  partie  du  Comité 
qui  doit  s'occuper  de  sa  statue. 

Agréez  l'assurance  de  tous  mes  sentiments  très- 
•distingués. 

E.  LEGOUVÉ. 


Messieurs, 


Septembre  1878. 


Je  serai  très-honoré  de  faire  partie  d'un  Comité 
<:iui  consacrera  tous  ses  soins  à  la  mémoire  de 
Béranger.  Sous  l'empire,  le  ministère  Duruy  m'in- 
terdit justement  (je  veux  dire  précisément)  la  parole 
à  la  suite  d'une  conférence  sur  Béranger,  faite  au 
Orand-Orient.  J'ai  toujours  eu  pour  le  grand  chan- 
sonnier l'admiration  la  plus  vive.  Nul  n'est  plus 
français,  plus  simple,  plus  clair,  et,  par  conséquent, 
plus  grand  que  lui.  Il  a,  comme  La  Fontaine,  sa 
grandeur  dans  un  genre  parfois  dédaigné  et  pro- 
-fondément  national,  car  la  chanson,  comme  la 
baïonnette,  est  une  arme  française. 

Comptez  sur  moi,  Messieurs,  et  pour  travailler  à 
votre  œuvre  de  justice  et  pour  la  propager,  et 
recevez,  avec  mes  remerciements,  l'assurance  de 
mes  sentiments  confraternels. 

Jules  CLARETIE. 

1"  octobre  1878. 

Mes  Chers  Confrères, 
Je  vous  demande  pardon  de  vous  répondre  si 
tard.  J'ai  fait  une  absence  de  quelques  jours,  et, 
à  mon  retour,  j'avais  égaré  votre  lettre  que  je  n'ai 
retrouvée  que  ce  matin.  Je  vous  remercie  d'avoir 
pensé  à  moi  pour  être  des  vôtres,  et  j'accepte  votre 
invitation  avec  un  grand  empressement.  Croyez  à 
mes  sentiments  les  plus  cordiaux. 

Tony  RÉVILLON. 

Ajoutons  à  ces  consentements  écrits  les  adhé- 
sions verbales  très-chaleureuses  des  chanson- 
niers Charles  Vincent  et  Ernest  Chebroux.  Le 
Comité  pour  la  statue  de  Béranger  est  donc 
aujourd'hui  composé  de 

MM.  Victor  Hugo,  sénateur  de  Paris, 

E.  Legouvé,  de  l'Académie  française, 
Pli.  JouRDE,  rédacteur  en  chef  du  5'z'èc/e, 
Jules  Claretie, 
Tony  RÉ  VILLON, 

Charles  Vincent,  président  du  Caveau, 
Ernest  Chebroux,  président  de  La  Lice 
Chansonnière. 

Diverses  personnalités  respectées  s'adjoindront 
bientôt,  nous  l'espérons,  à  ces  noms  significatifs. 
Nos  prévisions  se  réalisent  :  l'œuvre  marche.  A 
-l'heure  voulue  elle  s'accomplira,  en  dépit  des 
clameurs  sottes  ou  intéressées. 

H.  L. 


Le  nouveau  mode  de  périodicité  de  Z.«  CAflïwott  nous  permet 
désormais  de  répondre  à  certaines  critiques  plus  ou  moins 
malveillantes,  auxquelles  nous  ne  pouvions  riposter  jadis 
avant  qu'elles  fussent  oubliées  de  tous.  L'article  qui  suit 
commence  la  série  de  nos  polémiques  littéraires. 

Jusqu'à  présent,  notre  journal  n'avait  inscrit 
le  nom  de  M.  Lapointe  (Savinien)  que  comme 
celui  d'un  confrère  en  chansons  et  notamment 
d'un  abonné.  Sa  négative  personnalité  avait 
trouvé  grâce  devant  le  souvenir  d'anciennes 
relations  de  camaraderie^  et  si  différente  que  soit 
son  attitude  de  la  nôtre,  nul  de  nous  ne  songeait 
à  lui  contester  l'exercice  de  ses  convictions  dont 
l'origine  n'est  un  secret  pour  personne. 

Mais  voilà  qu'à  propos  de  la  statue  de  Béranger, 
ce  monsieur  s'avise  de  nous  prendre  à  partie  ; 
il  nous  accuse  de  vouloir  «  confisquer  à  notre 
profit  la  célébrité  du  poète.  »  Selon  lui,  nous 
sommes  «  des  mangeurs  de  cadavres  et  nous 
voulons  tuer  le  mort...  »  Puis  il  ajoute  :  «  J'ai 
lu  dans  La  Chanson,  sous  la  rubrique  de  je  ne 
sais  plus  quel  nom,  un  article  sur  le  vieux  poète 
qui  est  tout  simplement  le  pavé  de  l'ours  à 
Béranger  et  le  coup  de  pied  de  l'âne  à  César.  >> 

Et  M.  Lapointe  (Savinien)  dit  ces  choses-là 
avec  une  crânerie  bouffonne  et  un  ton  d'autorité 
grotesque  qui  donnent  lieu  de  penser  que  le 
cadavre  est  à  lui,  que  le  moî't  est  sa  propriété, 
qu'il  consent  cependant  à  partager  avec  ses  amis 
et  congénères  du  Petit  Caporal,  dans  la  capote 
duquel  il  épanche,  en  bredouillant,  des  insanités 
que  nos  lecteurs  nous  saurons  gré  de  ne  point 
relever. 

Que  les  renommées  pures  et  bien  acquises 
sont  à  plaindre  lorsqu'elles  ont  des  thuriféraires 
de  la  trempe  de  M.  Lapointe  (Savinien),  et  com- 
bien, à  nos  yeux,  les  gloires  les  plus  brillantes 
perdent  de  leur  éclat,  quand  elles  sont  célébrées 
par  des  ambitieux  vulgaires  qui,  pour  se  faire  une 
réputation  quelconque,  trouvent  le  moyen  d'ac- 
coler leurs  noms  discrédités  à  des  noms  illustres. 

Désormais,  quel  respect  aurait  le  peuple  pour 
son  chansonnier,  lorsqu'il  verrait  sa  mémoire 
préconisée  par  les  courtiers  d'un  prétendant 
ridicule  et  les  courtisans  éhontés  de  la  veuve 
de  l'homme  de  Sedan? 

M.  Lapointe  (Savinien)  prenant  Béranger 
sous  sa  protection  et  se  donnant,  à  lui  et  à  ses 
amis  du  Petit  Caporal,  la  tâche  glorieuse  d'en- 
tretenir dans  son  resplendissement  l'auréole  du 
poète  national  !  C'est  à  pouffer  de  rire  !  et  jamais 
moment  ne  fut  mieux  choisi  pour  appliquer  le 
mot  d'Apelle  à  l'ex-chaussurier  Lapointe  :  Ne 
sutor  supra  crepidam. 

Que  M.  Lapointe  (Savinien),  celui-là  même 
dont  les  élucubrations  poétiques  ont  provoqué 
les  sanglots  des  sergents  de  ville,  nous  laisse  donc 
tranquillement  achever  l'œuvre  que  nous  avons 
entreprise;  ses  conseils  et  son  concours  ne  nous 
sont  point  nécessaires,  et  nous  le  prions  de  ne 
point  penser  à  nous  qui  ne  pensons  guère  à  lui. 
André  PERSON. 


LA  CHANSON 


81 


A  LA  LICE  CHANSONNIÈRE 

LA     DIANE     DES     CHANSONS 

Air  :  a  Amusez-voui,  joyeux  essaims  i>  (Ch.  Gilleî. 
Chantons,  chantons  à  l'unisson! 
Plus  de  haines, 
Plus  de  chaînes! 
Chantons,  chantons  à  l'unisson  : 
Faisons  fête  à  la  chanson!... 

Nous  qui,  pour  tout  héritage, 
De  la  nature,  en  partage, 
Avons  reçu  l'avantage 
D'égaj'er  où  nous  passons  : 
Puisque  Momus  nous  rassemble. 
Chansonniers,  si  bon  vous  semble. 
Mes  amis,  sonnons  ensemble 
La  diane  des  ctiansons!... 
Chantons,  chantons,  etc. 

Sous  l'égide  tutélaire 
De  son  manteau  populaire, 
Ne  craignant  point  de  déplaire. 
Elle  court  villes  et  champs  : 
Et  bannissant  loin  du  monde 
La  haine,  ce  fiel  immonde, 
En  amusant,  elle  émonde 
Le  cœur  aigri  des  méchants!... 
Chantons,  chantons,  etc. 

Souvent  folle,  par  manie, 
Mais  gauloise,  par  génie. 
De  sa  robe  d'Ionie. 
Elle  fait  un  cotillon  :  ' 

Alors,  légère  grisette, 
Elle  chante  avec  Lisette, 
Elle  rit  avec  Musette, 
Et  saute  avec  Frétillon!... 
Chantons,  chantons,  etc. 

Quand,  justement  révoltée. 
Dans  le  sang  de  Prométhée, 
Trempant  sa  flèche  irritée, 
Elle  s'excite  au  courroux  : 
Ne  connaissant  plus  d'entrave, 
Soit-elle  plaisante  ou  grave. 
En  s'envnlant,  elle  bravo 
La  critique  ou  les  verrous!... 
Chantons,  chantons,  etc. 

Aux  doux  accords  de  sa  lyre. 
Dans  un  mystique  délire. 
De  l'amour  elle  fait  lire 
Les  secrets  les  plus  charmants  ; 
Et  de  plaisirs  et  de  roses. 
Voilant  nos  heures  moroses, 
Elle  change  en  rêves  roses 
Nos  fièvres  et  nos  tourments!... 
Chantons,  chantons,  etc. 

De  colères  philippiques 
Aiguisant  le  fer  des  piques, 
Au  sein  des  luttes  épiques 
Elle  fond  comme  un  éclair  ! 
D'une  voix  mâle  et  puissante. 
Elle  entraîne,  saisissante, 
Et  sa  note  frémissante 
En  grondant  monte  dans  l'air!... 

Chantons,  chantons  à  l'unisson  ! 
Plus  de  haines,  etc. 

Georges  BAILLET. 


ENCORE  INE  GOUTTE 


Air.  :  Et  voilà  lu  vie  que  tes  moines  font. 
Quel  dîner  splendide, 
Me  suis-je  amusé  ! 
J'ai,  d'un  doux  liquide. 
Largement  usé. 
Quoi!  mon  verre  est  vide, 
Mais,  par  bonheur,  on  sert 
Et  liqueurs  et  dessert. 
Bon!  coûte  que  coûte. 
J'en  goûte. 
J'en  goûte; 
Encore  une  goutte 
De  ce  divin 
Vin. 
Le  ciel  lui  jjardonne. 
Je  crois  qu'un  voisin 
Dit  que  je  m'adonne 
Au  jus  du  raisin. 
Quand  le  bon  Dieu  donne 
A  boire,  en  flot  vermeil. 
Les  rayons  du  soleil  : 
Moi,  coûte  que  coûte. 
J'en  goûte,  etc. 

Ma  gorge  a  la  crampe. 

Ne  voyez-vous  pas 

Que  si  je  ne  lampe 

J'aurai  le  lampas? 

Dans  mon  verre  trempe 
Mon  nez  crânement  teint 
Des  feux  du  Chambertin, 

Puis,  coûte  que  coûte, 
J'en  goûte,  etc. 

Or,  ce  vin  de  flamme 
Qui  pousse  aux  chansons. 
Chatouille  en  mon  âme 
Des  vœux  polissons. 
Chut,  je  vois  ma  femme 
Qui  me  fait  les  gros  yeux, 
A  moi  le  Condrieux. . . 
Va.  coûte  que  coûte, 
J'en  goûte,  etc. 

A  cette  heure,  en  somme. 

Tout  est  pour  le  bien  ; 

Si  j'ai  mon  jeune  homme, 

Madame  a  le  sien  ! 

Il  est  minuit  comme 
On  parle  de  départ, 
Zest. . .  un  vieux  bouchon  part. 

Tiens,  coûte  que  coûte, 
J'en  goûte,  etc. 

Partons.  ..  je  vacille 
Et  la  terre  aussi  ; 
Il  est  plus  facile 
De  coucher  ici. 
Dans  ce  domicile 
Où  je  trouve  d'ailleurs 
Mes  amis  les  meilleurs  : 
Et,  coûte  que  coûte. 
J'en  goûte. 
J'en  goûte; 
Encore  une  goutte 
De  ce  divin 
Vin. 

G.-C.  PICARD. 


82 


LA  CHANSON 


MON      PINCEAU 


Air  :  A  genoux  devant  le  soleil. 

Ici-bas  chacun,  à  la  ronde, 
Prône  -ce  qu'il  aime  le  mieux. 
Et  rien  autre  chose  eu  ce  momie 
Ne  lui  semble  aussi  précieux. 
Le  soldat  célèbre  la  guerre, 
Le  sculpteur  aime  son  ciseau. 
Le  buveur  adore  son  verre  : 
Moi  je  vais  chanter  mon  pinceau. 

De  tous  les  actes  de  ma  vie 
Il  fut  l'invisible  moteur; 
C'est  pourquoi  je  le  glorifie, 
Car  je  lui  dois  tout  mon  bonheur. 
Le  jour  même  de  ma  naissance 
On  le  plaça  dans  mon  berceau  ; 
Je  grandis  avec  l'espérance 
Be  me  servir  de  mon  pinceau. 

A  quinze  ans,  pour  le  paysage, 
.l'étais  plein  d'admiration; 
•T'aimais  à  peindre  le  feuillage 
Orné  de  quelque  cotillon. 
Que  de  fois,  dans  une  clairière. 
Assis  au  pied  d'un  arbrisseau, 
Je  fis  l'école  buissonnière 
Afin  d'essav-er  mon  pinceau. 

A  vingt  ans,  tout  rempli  de  zèle, 
Je  savais  à  fond  mon  métier  ; 
Alors,  plus  d'un  joli  modèle 
Vint  poser  dans  mon  atelier. 
Doux  souvenir  de  ma  jeunesse  ! 
A  cet  âge  on  voit  tout  en  beau. 
Je  travaillais  avec  ivresse 
Et  rien  n'arrêtait  mon  pinceau. 

Pour  rompre  la  monotonie 
De  mes  tableaux,  de  mes  croquis, 
Le  sac  au  dos,  bourse  garnie, 
Je  parcourus  bien  du  paj's. 
11  me  fallait,  coûte  que  coûte, 
Chaque  jour  un  sujet  nouveau. 
Et  j'allais  semant  sur  ma  route 
Tous  les  trésors  de  mon  pinceau. 

Enfin,  lassé  de  cette  vie. 
Renonçant  aux  folles  amours. 
Avec  une  femme  chérie 
L'hymen  m'enchaîna  pour  toujours. 
Tous  les  ans,  le  jour  de  sa  fête, 
Je  lui  présentais,  en  cadeau, 
Un  portrait,  dont  la  blonde  tête 
Faisait  honneur  à  mon  pinceau. 

Hélas!  en  ce  monde  tout  s'use; 
Car  le  temps  qui  marche  toujours 
Vient  briser  ce  qui  nous  amuse 
Et  si  longtemps  charma  nos  jours. 
Mais,  lorsqu'au  bout  de  ma  carrière, 
Je  ferai  mon  dernier  tableau. 
Ce  n'est  qu'en  fermant  la  paupière 
Que  je  lâcherai  mon  pinceau. 

Ernest  ADELINE. 


SOCIETE  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  4   OCTOBRE  1878. 

A  Charles  Vincent,  président  du  Caveau 

Te  souviens-tu,  mon  cher  ami,  de  ce  savant 
allemand  qui  méditait  une  encyclopédie  sous  ce 
titre  :  DuPot-au-feu?  Il  la  divisait  en  deux  parties  : 
1°  Des  choses  qui  entrent  dans  la  composition  du 
pot-au-feu;  2°  Des  choses  qui  n'y  entrent  pas. 
Tout  se  trouvait  compris  dans  ces  deux  catégories. 

Lorsque  le  président,  debout  devant  la  table, 
Lance  à  ses  auditeurs  un  toast  inévitable. 

Il  me  rappelle  ce  savant,  en  ce  sens  qu'il  puise 
presque  toujours  son  éloge  de  la  chanson  dans 
la  deuxième  catégorie  :  Des  choses  qui  n'y 
entrent  pas.  Et  c'est  forcé  :  tout  a  été  dit. 
Pourtant;  au  dernier  banquet,  le  verre  de 
Panard,  le  vin  qui  le  remplit  figurément,  et  la 
chanson  que  le  vin  inspire,  s'enchaînaient  logi- 
quement et  formaient  un  toast  heureux. 

Le  tour  des  chants  a  répondu  à  ce  début  de  bon 
augure,  et  je  pense  que  tu  auras  applaudi  ainsi 
que  moi,  non-seulement  des  mains,  comme  ton 
devoir  t'y  obligeait,  mais  aussi  in  petto,  au  débit 
inimitable  de  Darcier  ;  à  la  grâce  un  peu  précieuse 
de  Chebroux,  ton  collègue  à  la  Lice  ;  à  la  vigueur 
de  Rubois;  à  la  fantaisie  tour  à  tour  joviale,  mo- 
queuse ou  philosophique  de  ces  aimables  talents 
qui  se  nomment  Poullain,  Piesse,  Mouton-Du- 
fraisse,  Ripault,  Fénée,  Ordonneau,  Clairville. 
Grange  s'est  tu,  mais  Duvelleroy  a  célébré  en 
quelques  couplets  pleins  de  cœur  la  distinction 
dont  ce  chansonnier  émérite  vient  d'être  honoré. 

Maintenant,  laisse-moi  formuler,  mon  cher 
ami,  quelques  critiques  que  toi,  président,  tu  ne 
pourrais  te  permettre.  Pourquoi  Chebroux,  qui 
chante  d'une  voix  sympathique  des  vers  ingé- 
nieusement champêtres,  vient-il,  dans  son  Vin 
Finançais,  nous  parler,  après  le  couplet  de  la 
cuve,  de  la  maturité  des  raisins?  C'est  un  ren- 
versement de  l'ordre  naturel  des  choses.  La 
Gamelle  du  Voisin,  de  Piesse,  qui  renferme  tant 
de  bons  couplets,  finit  malheureusement  par  le 
moins  bien  réussi. 

Rubois  a  remis  à  la  mode  d'aujourd'hui,  en  y 
ajoutant  une  pointe  de  radicalisme,  L Original 
sans  copie,  de  Désaugiers  :  Feu  Monsieur  Mathieu. 
Mais  la  dernière  strophe  semble  démentir  son 
sujet.  De  même,  dans  La  lame  et  le  fourreau, 
Montariol,  non  content  de  nous  glacer  par  le  mot 
horriblement  scientifique  à'aphasie,  s'est  mis  à 
prouver,  sans  le  vouloir,  dans  un  couplet  inat- 
tendu, que  le  fourreau  use  la  lame.  C'est  le  Oui 
et  le  Non  de  Lagarde  qui  l'aura  fait  dérailler  ainsi, 
sans  doute.  Renvoyé  aux  Réflexions  d'Echalié. 

Je  regrette,    en  terminant   ce  compte-rendu 

dont  tu  te  serais  bien  passé,  de  ne  pouvoir  dire 

que  ta  chanson  était  la  meilleure  de  la  soirée; 

mais  c'est  ta  faute  :  pourquoi  n'as-tu  rien  chanté? 

EuG.  IMBERT. 


LA  CHANSON 


83 


LICE  CHANSONNIERE 


BANQUET  DU  2  OCTOBRE  1878 

Les  Sociétés  lyriques  ont,  comme  les  tribunaux 
et  les  collèges,  leurs  séances  de  rentrée.  D'ordi- 
naire elles  se  placent  en  octobre,  mais  cette 
année,  l'Exposition  et  le  beau  temps  aidant, 
beaucoup  des  convives  attendus  à  la  Lice  se  sont 
abstenus.  On  n'en  a  pas  moins  réuni  quarante-sept 
auditeurs  et  chanté  devant  eux  diverses  bonnes 
choses. 

Après  le  toast  de  rigueur,  le  président  Chebroux 
a  annoncé  la  réception,  comme  membres  libres, 
de  MM.  Brûlez  et  A.  Patay.  Ceux  qui  connaissent 
notre  ami  s'étonneront  peu  de  cette  faveur  bien 
motivée  par  les  nombreux  services  qu'il  a  rendus 
et  rend  à  la  chanson. 

La  séance  a  commencé  cette  fois  par  les  cou- 
plets d'ouverture  de  Germain  etBlondel,  que  je 
n'avais  pas  encore  entendus.  J'avoue  les  trouver 
peu  remarquables  et  leur  préférer  l'invitation 
de  Chebroux,  plusjeune  et  d'allure  plus  poétique. 
L'acteur  Maugè,  retenu  à  son  théâtre,  avait 
envoyé  l'expression  rimée  d'un  regret,  qu'on  a 
favorablement  écoutée.  Groupons  pour  un  applau- 
dissement/fo2</e,  pauvre  boule,  de  M.  Picard,  Je 
n'aipas  toxijours  étévicux,  de  M.  Arthur  Lebeau, 
Les  Accrocs,  de  M.  Rubois,  Rose,  de  M.  Robinot, 
Conseils  aux  Chansonniers,  de  M.  Landragin,  Les 
Confidences  dun  prétendant,  de  M.  Vatinel,  Le 
Mépris  des  richesses  et  Ça,  de  M.  Jouy. 

Darcier  et  Collignon,  MM.  Flachat  et  Jules 
Raux  ont  obtenu  tour  à  tour  un  succès  musical. 
On  a  lu,  dans  notre  précédente  livraison,  les 
œuvres  chantées  par  ces  deux  derniers  compo- 
siteurs :  Elle  et  Le  Vieux  Buveur  de  vin;  inutile 
donc  que  je  m'y  arrête,  non  plus  qu'aux  produc- 
tions nouvelles  de  Darcier,  dont  j'aurai  prochai- 
nement à  juger  le  double  talent  de  chanteur  et 
de  musicien. 

Bien  que  la  place  me  soit  mesurée,  j'aurais 
regret  cependant  de  ne  pas  signaler  particuliè- 
rement deux  chansons,  remarquables  à  divers 
titres.  L'une,  signée  de  Hachin,  expose  en  cou- 
plets spirituels  les  misères  d'un  Parisien  chez  qui 
tombe  à  l'improviste  une  caravane  de  provin- 
ciaux : 

Vous  êt's  net'  parent  le  plus  doux 

Cousin,  pour  un  mois  nous  v'ià  cheux  vous  ! 

C'est  plein  de  verve,  d'exactitude  et  de  gaîté. 
L'autre  est  la  Diane  des  chansons,  sonnée  par 
Georges  Baillet  avec  des  notes  vigoureuses  et 
dans  un  style  parfait.  On  la  trouvera  dans  ce 
numéro. 

L.-Henry  LECOMTE. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Les  Epicuriens  (président  Massé)  forment 
toujours  la  société  gauloise  par  excellence;  tous 
les  bons  chanteurs  s'y  donnent  rendez-vous  le 
lundi.  Ce  jour-là  on  ne  danse  pas,  on  a  repris 
scrupuleusement  les  vieilles  et  bonnes  traditions  ; 
le  dimanche,  par  exemple,  on  esquisse  de  joyeux 
quadrilles. 

La  Pastorale,  une  nouvelle  venue,  donne 
tous  les  lundis  de  charmantes  soirées  au  Café 
du  Globe;  les  habitués  prouvent  par  leur  assi- 
duité que  le  plaisir  règne  en  maitre  à  chaque 
réunion  ;  l'excellent  pianiste  Marcusy  fait  danser 
avec  son  entrain  habituel. 

Le  Cercle  infini?  n'a  plus  de  président; 
M.  Hardy  a  donné  sa  démission.  Néanmoins,  le 
lundi  14  octobre,  on  y  donnait  une  grande  repré- 
sentation qui  a  parfaitement  égayé   les  invités. 

L'Harmonie  du  Commerce  offrait,  le  mercredi 
9  octobre,  au  Café  Pygmalion,  une  soirée  intime 
à  ses  membres  honoraires.  On  s'y  est  passable- 
ment ennuyé,  nous  disent  les  mauvaises  langues 
(sous  toutes  réserves). 

Les  Enfants  du  Marais  (président  M.  Chau- 
mette)  offraient  un  bénéfice,  le  14  octobre,  à 
l'excellent  chanteur  Adrien  Souchet,  un  de  ses 
fidèles  habitués.  Le  grand  attrait  de  cette  soirée 
était  le  concours  de  Darcier,  le  roi  des  diseurs 
et  l'un  des  meilleurs  compositeurs  de  l'époque. 
Le  parfait  pianiste  Eug.  Petit,  son  élève  et  son 
admirateur,  l'a  parfaitement  accompagné,  au 
dire  du  maître  qui,  d'habitude,  ne  prodigue  pas 
ses  éloges.  J.-B.  Collignon  a  dit  avec  âme  une 
chanson  dont  il  a  composé  la  musique.  M""  B.. 
l'étoile  d'un  de  nos  grands  concerts,  a  récolté 
selon  son  habitude  des  bravos  à  réveiller  tous 
les  alentours.  Bref,  succès  sur  toute  la  ligne; 
nous  sommes  heureux  de  le  constater  pour  la 
Société  et  pour  le  sympathique  bénéficiaire. 

La  Fauvette  jiarisiennc,  le  dimanche  13  octo- 
bre, a  donné  dans  les  salons  de  la  maison 
Leblanc  (Palais-Royal),  une  grande  soirée  ter- 
minée par  une  tombola.  Plusieurs  bons  artistes 
des  concerts  de  Paris  sont  venus  prêter  leur 
concours  ainsi  que  la  Société  chorale  VOdéon. 
Cette  petite  fête  a  été  charmante;  nous  repar- 
lerons de  cette  Société  parfaitement  organisée. 

Les  Jeunes  Amis  ont  donné  une  représentation 
au  Théâtre  de  l'Athénée,  le  dimanche  13  octobre. 
Nous  n'assistions  pas  à  cette  représentation, 
n'ayant  pas  reçu  d'invitation. 

L'Union  Artistique,  sous  la  présidence  de 
M.  Paulin,  donnait,  le  samedi  5  octobre,  une 
grande  soirée  pour  célébrer  la  réouverture  des 
concerts  d'hiver.  Cette  Société  jouit  d'une 
grande  réputation,  ce  qui  explique  l'empressé- 


84 


LA  CHANSON 


ment  du  public.  Plusieurs  présidents  assistaient 
à  cette  solennité  artistique.  Le  programme  était 
très-attrayant;  outre  la  partie  lyrique,  assez 
forte,  on  a  joué  trois  pièces  dont  l'interprétation 
a  été  remarquable.  Le  cadre  restreint  du  journal 
nous  empêche,  à  regret,  de  rendre  compte  en 
détail  de  tout  le  programme;  nous  citerons  au 
hasard  le  nom  des  artistes  qui  se  sont  fait 
applaudir  :  M""  Riéma  et  Morelli,  M""  Girard, 
MM.  Etienne,  Georges,  Angèle,  Trucus,  Gabriel, 
Raphaël,  Bergalent,  etc.  Nous  souhaitons  bonne 
chance  à  cette  Société  et  nous  l'encouragerons 
toujours  à  cause  de  son  but  artistique. 

A.  LEROY. 


Les  Familles  (Brasserie  du  Petit-Pont)  font 
toujours  salle  comble  tous  les  dimanches.  Il  est 
malheureux  que  les  Sociétaires  répondent  si 
mal  à  l'empressement  du  public,  et  obligent 
leur  président,  M.  Mazot,  à  aller  les  chercher 
au  billard  lorsqu'il  a  besoin  de  leur  concours. 
Quelques-uns  font  exception  à  la  règle  ;  citons 
particulièrement  M.  Duclos,  dont  la  voix  se  fortifie 
et  prend  de  l'ampleur,  MM.  Duval,  Bouvet,  Hutin, 
Ackermann,  qui  a  le  tort  de  vouloir  forcer  sa 
voix.  M""  Leroux,  dont  le  succès  est  complet  dans 
le  Petit  Moulin,  qu'elle  chante  délicieusement. 
Pour  terminer,  je  donnerai  un  regret  à  Auguste 
Antoine,  l'accompagnateur,  qui  va  partir  pour 
l'armée. 

Au  prochain  numéro,  le  compte-rendu  de  la 
Lyre  de  la  Gai  té,  IS,  rue  Descartes,  président 
J.  Letirand. 

Victor   LEBRETON. 


La  Lyre  Joyeuse  (M.  Gautier,  président)  tient 
ses  séances  salle  Guizard,  rue  Grange-aux- 
BelleSj  49,  les  samedis,  dimanches  et  lundis. 
M.  Fi'appé,  pianiste.  On  ne  danse  pas. 

Voici  le  résultat  du  concours  de  poésie  de 
La  Lyre  Bienfaisante,  dont  nous  avons  publié 
l'annonce.  Le  jury  était  composé  de  MM.  Georges 
Baillet,  Etienne  Ducret,  Casse  et  deux  Socié- 
taires. Le  premier  prix  a  été  remporté  par 
M.  Jules  Vernier,  avec  une  jolie  pièce  intitulée 
En  Hiver;  le  deuxième  par  V Avenir,  de  M.  Dé- 
faussé. Une  quête  a  été  faite  pour  les  pauvres 
de  Tarrondissement;  une  somme  égale  à  celle 
recueillie  a  été  versée  par  la  Société  dans  la 
Caisse  des  Ecoles. 

Les  présidents  de  Sociétés  lyriques  sont  priés 
d'adresser  leurs  lettres  d'invitations  pour  bals^ 
soirées,  concerts,  bénéfices,  etc.,  aux  bureaux  du 
journal  La  C/ianso»,  rue  Bonaparte,  18. 


LE  CONCOIRS  DE  LA  CHANSON 


En  raison  de  la  quantité  de  pièces  présentées 
à  notre  double  concours,  la  décision  du  jury  n'a 
pu  être  rendue  à  temps  pour  figurer  dans  la 
présente  livraison.  On  la  trouvera  dans  notre 
numéro  daté  du  16  novembre. 

Nous  parlerons  à  la  même  date  de  la  solen- 
nité littéraire  et  lyrique  de  La  Chanson , 
subordonnée,  on  se  le  rappelle,  au  résultat  du 
concours. 


NOUVELLES    ET    AVIS 


M.  Eugène  Grange,  l'un  des  trois  présidents 
du  Caveau,  vient  d'être  nommé  officier  d'Aca- 
démie. 

La  Lice  Chansonnière  donnera  son  premier 
concert  annuel,  le  15  décembre  prochain,  dans 
les  salons  de  Pierre  Petit,  place  Cadet.  Nous 
publierons  bientôt  à  ce  sujet  d'intéressants 
détails. 

La  première  audition  du  Blessé,  romance  patrio- 
tique dédiée  à  M.  Anatole  de  La  Forge,  et  dont 
les  auteurs  sont  pour  les  paroles  M.  Edmond 
Delière,  et  pour  la  musique  M.  Amédée  Marié, 
a  obtenu  un  grand  succès.  M"°  Amiati  a  interprété 
avec  âme  et  talent  ce  chant  entré  désormais  au  . 
répertoire  de  l'Eldorado. 

Nous  recommandons  aux  chanteurs  de  Sociétés 
lyriques  la  dernière  ci-éation  de  M.  Victorin  à 
l'Eldorado  -.On  n'  tient  pas  cet  article-là,  paroles 
de  MM.  Dorfeuil  et  Gédhé,  musique  de  Strauss. 
Cette  chanson  vient  de  paraître  chez  M.  Roux- 
Quantin,  éditeur,  rue  des  Petits-Carreaux,  41. 

L'Eternel  Roman,  le  charmant  volume  de  poé- 
sies de  M.  G.  de  La  Salle,  publié  à  petit  nombre, 
à  notre  librairie,  fait  rapidement  son  chemin. 
Nous  le  recommandons  à  tous  nos  lecteurs.- 
350  exemplaires  sur  papier  du  Marais,  à 2  fr.  50, 
100  exemp.  sur  papierde  Hollande, à4fr.,10sur 
chine,  6fr.  Envoi  franco  contre  un  mandat-poste. 

Sous  la  rubrique  :  Boite  aux  lettres,  nous 
répondrons  désormais,  dans  notre  journal,  à 
une  partie  des  lettres  qui  nous  sont  adressées. 

Tous  nos  abonnés  recevront  le  septième  numéro 
de  La  Chanson;  ceux  qui  ne  voudraient  pas  se 
réabonner  sont  priés  de  nous  le  renvoyer  par  la 
poste.  Toute  personne  qui  le  conservera  recevra 
le  suivant  et  sera  considérée  comme  abonnée  pour 
le  second  semestre.  Nous  ferons  alors  toucher  le 
montant  de  la  souscription. 


A.  PATAY. 


Le  Direçteur-GératiL  A.  PATAY. 


V-  ANJ^HCE;  —  N»  8. 


16  KOVEMBRE  1878. 


LA    CHANSON 


Birecieur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Revue   Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS    LÏRIQUES 

Paraissant  le  l*-''  tS:  le  16  cle  clTiaq'u.e  nniois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
V.  DEMEURE 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
■MRIS 


RÉDACTEVR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  moi^ 2  f r. 

Départs,  (j  mois 3 

Etranger,  6  mois 3 


SOMMAIRl'j  :  Galerie  des  Chansonniers:  Pierre  Dupont  vi..-iiEN'aY  lecomte\ —  Pierre  Dupont  (paroles  de  ciiarles  vixcent,  musique 
de  BRousMiciiE). —  Le  Double  Concours  de  La  Oianson  :  Proeès-verbal  du  Jurf/  'etjgène  baillet).  —  La  France  (octave  lebesgue}. 
La  France  libre  (edmond  delière'. —  Gurrrc  à  In  ('iw.'rre  .(iahuiel  LîipRÉvosT'.  —  Examen  critique  des  pièces  présentées  au 
l'^'^  Concours  [kvg.  imbert). —  Batirp/et  de  la  Lice  (7m«.soft/.iWe  {l.-hknkv  lecomte). —  Chronique  des  Sociétés  lynques  [x.  leroy, 
GKonÉ,  a.  patayJ. —  Nouvelles. 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  PIERRE    DUPONT 


Le  passé  de  la  chan- 
son contient  des  noms 
et  des  œuvres  dont  il 
est  bon  d'évoquer  le 
souvenir. 

Pierre  Dupont  na- 
quit à  Lyon,  le  2:5 
avril  1821,  d'artisans 
originaires  de  Pro- 
vins. Orpheli  n  à  quatre 
ans,  il  fut  recueilli  par 
son  pari'ain,  curé  de 
Rochetaillée,  qui  se 
chargea  de  son  éihi- 
cation.  A  neuf  ans, 
Dupont  fut  reçu  au 
collège  ecclésiasti(jue 
de  Largentières,  où 
il  resta  jusqu'en  IS.jT. 
Son  protecteur  vou- 
lait le  faire  entrer 
dans  les  ordres,  mais 
Dupont  avait  des  aspi- 
rations différentes;  il 
préféra  la  vie  labo- 
rieuse au  séminaire 
et  fut  successivement, 
à  Lj'on,  ai)prenti  ca- 
nut, clerc  de  notaire 
et  employé  dans  une 
maison  de  banqiie. 

En  1839,  Dupont 
vint  à  Paris  pour  embrasser  la  carrière  des 
lettres.  Il  avait  adressé  déjà,  de  sa  province, 
quelques  odes  légitimistes  à  la  Gazette  de  Franc 
et  à  la  Quotidienne  qui  les  avaient  insérées.  Ce 
souvenir  le  servit  peu.'  En  vain  frappa-t-il  à  la 
porte  des  éditeurs  et  des  journaux;  il  dut,  pour 


vivre ,  accepter  une 
place  chez  un  ban- 
quier de  la  rue  Char- 
lot,  puis  dans  un  pen- 
sionnat. Deux  a]is 
après,  Dupont  retour- 
nait à  Provins,  tirait 
au  sort  et  amenait  le 
n  uméro  trois.  Un  de  ses 
cousins  ouvrit  alors, 
avec  le  concours  de 
l'académicien  P.  Le- 
brun, unesouscriptiou 
destinée  à  racheter  le 
poète  et  à  couvrir  les 
frais  d'impression  des 
JJeiix  Anges,  son  pre- 
mier livre.  Le  succès 
fut  complet.  Bientôt 
libéré,  Dupont  revint 
à  Paris,  présenta  son 
poème  au  concours  de 
l'Académie^  obtint  le 
prix  et  fut,  en  outre, 
mis  en  possession  d'un 
emploi  d'aide  au  Dic- 
tionnaire. 

La  tâche  de  Dupoiit 
consistait  à  écrire 
l'histoire  des  mots  et 
à  parachever  leur  dé- 
iinition  ;  elle  ne  pou- 
vait être  que  très-profitable  à  son  éducation 
littéraire.  Bientôt  fut  écrite  la  chanson  des 
liœufs.  Du  premier  coup,  Dupont  avait  trouvé  sa 
voie  et  y  '  marchait  délibérément.  En  quelques 
jours  la  vogue  des  Bœufs  s'affirma:  Sous  ce  titre 
collectif^    Les  '  Paysans,    Dupont    publia    alors 


86 


Lk  CHANSON 


cinq  chants  rustiques  :  la  Fête  du  village,  le 
Braconnier,  les  Louis  d'or,  la  Musette  neuve,  le 
Chien  de  berger,  que  les  artistes  et  le  public 
accueillirent  avec  la  même  faveur. 

Le  temps  était  à  l'étude  des  questions  sociales. 
Fils  d'artisan,  Dupont  ne  pouvait  se  désintéresser 
de  ces  brûlants  problêmes  ;  il  prit  parti,  comme 
de  raison,  pour  les  déshérités  contré  les  exploi- 
teurs. Sa  première  œuvre  politique  fut  le  Chant 
des  Otcv7'iers,  satire  amère  et  vigoureuse,  dont  le 
retentissement  fut  énorme.  Dès  lors,  Pierre 
Dupont  voua  sa  muse  à  toutes  les  revendications 
comme  à  toutes  les  utopies  généreuses.  Il  quitta, 
pour  assurer  son  indépendance,  le  modeste 
emploi  qu'il  occupait  au  Dictionnaire  de  l'Aca- 
démie, et  chaque  événement  politique  devint 
pour  lui  matière  à  poésie.  En  1847,  un  petit 
poème  :  La  Fin  de  la  Pologne,  parut  avec  son 
nom,  bientôt  suivi  d'une  brochure  :  Sur  certains 
bruits  de  coalition,  d'une  satire  :  L'Agiotage,  et 
de  nombreuses  chansons  républicaines  et  socia- 
listes, entre  lesquelles  nous  rappellerons  :  Le 
Cuirassier  de  Waterloo,  l'Emigrée  de  France,  le 
Chant  des  Nations,  le  Chant  du  pain,  le  Chant 
du  vote,  le  Chant  des  Paysans  et  les  Journées  de 
Juin.  Entre  temps,  le  poète  revenait  à  ses 
tableaux  rustiques  et  célébrait  les  inépuisables 
richesses  de  la  nature  et  les  collaborateurs  mo- 
destes et  précieux  de  l'homme  des  champs  :  Les 
Sapins,  Ma  Vigne,  les  Platanes,  la  Mère  Jeanne, 
les  Filets,  mon  Ane,  la  Vache  blanche,  le  Cerf, 
le  Cochon,  les  Abeilles. 

Pierre  Dupont  chantait  lui-même,  dans  les 
clubs  et  dans  les  cercles  politiques,  ses  produc- 
tions socialistes.  Son  ardeur  le  devait  désigner 
aux  colères  de  la  réaction;  compromis  au  2  Dé- 
cembre, il  resta  caché  pendant  six  mois,  au  bout 
desquels  il  fut  découvert,  traduit  devant  un 
conseil  de  guerre  et  condamné  à  sept  ans  d'exil 
à  Lambessa.  Des  amis  obtinrent  sa  grâce  et 
Dupont,  par  la  suite,  se  tint  à  l'écart  de  la 
politique. 

Nous  voudrions,  pour  la  mémoire  du  poète, 
terminer  là  sa  biographie  ;  nous  devons  cepen- 
dant, pour  l'exemple,  tracer  le  récit  pénible  de 
ses  dernières  années.  Nous  serons  bref.  Jus- 
qu'en 1859,  Dupont  se  rappela  au  souvenir  des 
gens  de  lettres  et  des  gens  du  peuple  par  des 
chants  variés,  dignes  de  sa  renommée  :  Le 
Pâturage,  les  Cerises,  Madelaine,  le  Scieur  de 
long,  le  Camée,  la  Lyonnaise,  le  Chant  du 
Danube,  le  Rêve  du  Paysan,  Schamyl,  d'autres 
encore,  confirmeront  notre  dire.  Soudain  le 
poète  se  tut,  et  si  parfois  son  nom  parvint  au 
public,  ce  fut  dans  de  déplorables  anecdotes 
constatant  ses  habitudes  d'intempérance.  Qu'é- 
tait-il donc  arrivé  ?  Dupont  avait  perdu  la  com- 
pagne de  sa  vie,  et  cherchait  dans  l'ivresse  l'oubli 
de  ses  chagrins.  Qu'était  devenue  la  noble  ambi- 
tion du  chansonnier  applaudi  de  faire  aimer  à 
chacun  son  état,  et  sur  quel  ton  eût-il  pu  vanter 


la  mâle  volupté  du  devoir,  lui  qui  désertait  le 
travail  pour  une  oisiveté  dégradante?  —  Il  eut 
la  pudeur  du  silence. 

Pierre  Dupont  mourut  à  Saint-Etienne,  le 
25  juillet  1870,  à  la  veille  d'événements  poli- 
tiques où  peut-être  son  âme  se  fut  retrempée.  Sa 
disparition  n'émut  qu'un  petit  cercle  d'amis 
indulgents. 

Outre  ses  chansons,  publiées  à  diverses  époques 
sous  ces  titres  :  Cahier  de  Chansons  (1847),  La 
Muse  populaire  (1851),  Chants  et  Chansons 
(1852-1859),  et  les  brochures  dont  nous  avons 
parlé,  on  doit  à  Dupont  :  nombre  d'articles, 
prose  ou  vers,  insérés  dans  le  Polichinelle,  les 
Amis  du  Peuple,  la  Chronique  de  Lyon;  le  texte 
de  la  Légende  du  Juif-Errant  illustrée  par  Doré 
(1855);  une  notice  sur  Rabelais,  mise  en  tête  de 
l'édition  de  Brj  (1857);  Jean  Guêtre,  éducations 
agricoles  (1860):  Muse  juvénile,  études  litté- 
raires (1859);  enfin  un  volume  imprimé  à  Lyon, 
en  1864,  avec  un  certain  luxe,  et  contenant  Dix 
Eglogues.  —  Nous  n'avons  pas  à  juger  ici  Pierre 
Dupont  comme  journaliste  ou  poète  bucolique  ; 
ses  chansons  nous  intéressent  surtout;  elles 
constituent  d'ailleurs  ses  principaux  titres  litté- 
raires. 

La  poétique  de  Dupont,  sans  modèle^  fit,  à  son 
début,  une  impression  profonde.  Elle  était  ori- 
ginale et  virile.  L'intention  de  l'auteur  se  déga- 
geait clairement  de  son  œuvre  :  anoblir  le  travail, 
faire  ressortir  la  poésie  de  la  vie  réelle  ;  ce  but, 
certes,  était  méritoire,  et  le  chansonnier  l'attei- 
gnait en  alliant  l'exactitude  à  ses  aspirations 
propres.  On  aurait  grand  tort  d'imputer  à  Dupont 
les  sentiments  égoïstes  exprimés,  par  exemple, 
dans  les  refrains  des  Bœufs  et  de  la  Vigne;  il  se 
réduisait,  en  les  écrivant,  au  rôle  de  traducteur. 
Ce  qui  ressort,  au  contraire,  de  ses  chants,  est' 
un  immense  amour  de  la  création  et  de  la  créa- 
ture. Par  malheur,  la  forme  des  poésies  de 
Dupont  est  rarement  à  la  hauteur  de  l'idée.  Le 
vers,  peu  facile,  offre  en  beaucoup  d'endroits  des 
obscurités,  des  lourdeurs,  des  inversions  singu- 
lières ou  des  vulgarités  regrettables.  Dupont,  en 
somme,  ne  possédait  ni  l'élégance,  ni  l'esprit,  ni 
le  coup  d'aile  de  Beranger;  il  n'en  reste  pas 
moins  un  chansonnier  remarquable,  dont  les 
intentions  poétiques  sont  admii'ablement  com- 
plétées par  les  airs  pleins  de  couleur  locale  qui 
les  accompagnent,  et  que  l'écrivain,  sans  con- 
naître la  musique,  dictait  à  divers  compositeurs 
stupéfaits  et  ravis. 

Souhaitons  qu'on  reprenne  bientôt,  pour  la 
couronner  par  les  œuvres  inédites,  l'édition 
illustrée  des  Chants  et  Chansons  de  Pierre 
Dupont.  Cet  hommage  définitif  est  dû  au  chantre 
peï'sonnel  et  fécond  des  joies  et  des  douleurs 
populaires. 

L. -Henry  LECOMTE. 


LA  CHANSON 


87 


PIERRE      DUPONT 


1"  COUPLET.  ; 


Musique  de  Brousmiche. 
Moderato. 

Un    a-moupeuxdes  champs,     ai_médela  n'a  -  tu  .  re, 


hantp.rPip.rreDu.pontl     Met  a.mis,laissez-inolch>n.<er  Pierre  Do  .pont! 


Un  amoureux  des  champs,  aimé  de  la  nature, 
Musicien,  poète  aux  sons  mélodieux. 
Dont  les  vers  ont  l'attrait  de  la  vieille  sculpture. 
Et  charment  à  la  fois  notre  cœur  et  nos  yeux  ; 
Dans  le  vague  des  bois  un  l'cvcur  qui  se  plonge, 
Ou  qui  suit  du  regard  l'eau  fuyant  sous  le  ijont, 
C'est  lui!  Son  réalisme  aie  charme  du  songe; 
Mes  amis,  laissez-moi  chanter  Pierre  Dupont! 


Sa  tête  a  de  Jésus  la  douceur  angélique  ; 
Son  grand  œil  bleu  se  perd  dans  le  rêve  cherché  ; 
Sa  lèvre  est  entr'ouverte,  un  peu  mélancolique; 
D'un  nimbe  son  beau  front  semble  être  détaché. 
On  comprend  que  cet  homme  a  l'amour  de  ses  frères, 
Qu'il  fait  passer  son  cœur  dans  ce  regaixl  profond. 
Qu'il  songe  aux  altérés  quand  on  remplit  les  verres  ; 
Mes  amis,  laissez-moi  chanter  Pierre  Dupont  ! 


Il  marche  insoucieux,  rimant  sa  caritilène. 
Ou  la  CliansoH  des  Prés,  ou  la  Fille  des  Champs, 
Ou,traçant  leurs  sillons, /es  Gra«(&.ff «?i«/«dansla  plaine, 
Car  Tyrcis  de  Tyrtée  ignore  encor  les  chants. 
Mais  la  muse  d'airain  le  touche  au  front,  de  l'aile, 
Le  peuple,  en  quarante-huit,  appelle  !  Il  lui  répond; 
Et  ses  refrains,  bientôt,  sont  la  Chanson  nouvelle, 
Mes  amis,  laissez-moi  chanter  Pierre  Dupont  ! 


Patriote  avant  tout,  comme  tous  devraient  l'être. 

De  sa  muse,  à  moitié  descendue  au  tombeau, 

Sort  un  cri  plein  d'élan,  car  il  a  vu  paraître 

Sur  les  grands  monts  Alpins,  France,  ton  vieux  drapeau. 

Ame  républicaine,  il  pense  à  la  patrie. 

Sans  regarder  qui  règne,  et,  relevant  le  front. 

Il  chante  nos  soldats  délivrant  l'Italie  ; 

Mes  amis,  laissez-moi  chanter  Pierre  Dupont! 


Mais  il  quitte  bientôt  les  sanglantes  conquêtes 
Pour  le  creux  des  vallons,  des  forêts  les  hauteurs; 
Le  soleil  et  la  nuit  lui  préparent  ses  fêtes, 
De  grands  bois  diaprés,  d'odorantes  senteurs. 
Pour  chanter  la  nature  et  ses  métamorphoses, 
La  voix  du  rossignol  à  sa  voix  correspond. 
Et  ses  derniers  refrains  sont  les  Adieux  aux  Roses. 
Mes  amis,  laissez-moi  chanter  Pierre  Dupont  ! 


Darcier  interpréta  le  chantre  populaire, 
Darcier,  qui  sait  trouver  dans  l'âme  du  songeur 
Tout  ce  qui  peut  vibrer  :  Espoir,  Amour,  Colère, 
Puis  le  jette  à  l'écho,  joyeux,  tendre  ou  vengeur. 
Le  Pain,  les  Oui-riers,  les  Louis  d'or,  la  Vigne, 
Ou  le  peintre  au  poète,  avec  art,  se  confond, 
Prouvent  que  leur  auteur,  de  l'avenir  est  digne  ; 
Mes  amis,  laissez-moi  chanter  Pierre  Dupont  ! 
Charles  VINCENT. 


LA  CHANSON" 


LE  DOUBLE  CONCOURS  DE  LA  CHANSON 


A  M.  A.  Patay,  directew-ôditeur  de  La  Chanson 
Mon  Cher  Directeur, 

Le  jury  que  tous  avez  chargé  d'examiner  les 
Iiièces  des  deux  Concours  poétiques  ouverts  par  vous 
dans  le  journal  La  Chanson,  vient  vous  rendre  som- 
mairement compte  de  ses  travaux. 

Le  premier  Concours  avait  pour  programme  : 
<i  Un  Chant  qui  soit  la  gloripcation  de  la  France,  du 
Travail  et  de  la  Paix.  «  Le  but  t-êvé  né  nous  a  pas 
semblé  atteint. 

Les  auteurs  se  sont  égarés,  chacun  selon  sa  pensée 
particulière,  et,  partant,  souvent  éloignés  du  sujet. 

Plusieurs  chants  ont  pour  objectif  la  glorification 
essentielle  du  travail  ;  d'autres  sont  des  imprécations 
contre  les  rois  ou  la  tyrannie,  d'autres  enfin  sont 
spécialement  consacrés  à  célébrer  les  merveilles  de 
notre  Exposition  Universelle. 

Tous  ces  sentiments  sont  très-louables  et  souvent 
exprimés  en  fort  bons  vers;  aussi,  n'est-ce  que  pour 
obéir  au  programme  imposé  que  nous  avons  unani- 
mement décidé  que  le  prix  ne  pouvait  être  décerné. 

Cependant  trois  pièces,  sur  les  quatre-vingt-dix- 
sept  qui  nous  ont  été  soumises,  nous  ont  paru  mériter 
d'être  mentionnées  comme  ayant  le  plus  approché 
du  but,  dans  l'ordre  suivant  : 

La  FRA^■cË,■par  Octave  Lebesgue, 

La  France  libre,  par  Edmond  Delière, 

Guerre  a  la  Guerre,  par  Gabriel  Leprévost. 

Le  deuxième  Concours  laissait  aux  poètes  un 
champ  plus  vaste  ;  aussi  le  nomlire  des  pièces  reçues 
s'élevait-il  à  trois  cent  cinquante-neuf. 

Je  ne  vous  dirai  pas  que  les  chefs-d'œuvre  sont 
abondants;  mais  le  jury  constate  avec  satisfaction 
qu'il  y  a  là  un  grand  nombre  de  pièces  de  valeur. 

Ce  qu'il  faut  reprocher  le  plus  aux  concurrents, 
c'est  de  rester  dans  la  poésie  personnelle  ;  le  talent 
abonde,  la  forme  est  parfois  irréprochable,  mais  les 
sujets  manquent  généralement  d'ampleur  et  de  cadre. 

Nous  avons  décerné  les  trois  prix  promis,  et  les 
trois  pièces  que  nous  avons  choisies  : 

1°  Moissons,  sonnet,  par  Francis  Maratuech , 
2°  Chanson  d'automne,  chanson,  par  Georges 

'  Nardin, 
3°  La  Science,  strophes,  par  Julius  Gaëllo, 
reflètent   parfaitement  la  totalité  des  œuvres   que 
nous  avons  examinées  dans  les  six  séances  consa- 
crées à  ce  travail. 

Le  jury  était  composé  de  MM.  Henri  de  Bornier, 
Léon  Valade.  Ernest  d'Hervilly,  Jules  Claretie, 
Charles  Vincent,  Eugène  Imbert,  René  Ponsard, 
Ernest  Chebroux  et  Eugène  Baillet. 

Il  a  jugé  minutieusement,  sans  préoccupation  ni 
de  genre,  ni  d'école.  Sa  décision  satisfëra-t-elle  tout 
le  monde?  Ce  serait  la  première  fois.  Mais  soyez 
persuadé,  mon  cher  Directeur,-  que  nous  avons  fait 
surtout  œuvre  de  conscience. 

Pour  tes  Membres  du  Jury,  qui  ont  signé  le  présent 
procès-verbal-rapport, 

30  octobre  1878.  EUG-BNE  BAILLET. 


Le  résultat  négatif  de  notre  premier  Concours  nous  oblii 
grand  regret,  à  supprimer  ou  tout  au  moins  à  ajourne 
raire  et  lyrique  que  nous  projetions  de  donner  au  nom  de  La  Clu 

Suivant  le  désir  exprimé  par  le  jury,  nous  publions  aujourd'hui  le; 

S ièces  remarquées  au  concours  du  Chant  national.  Nous  le  faisons; 
'un  examen  ci'itîque  des  pièces  présentées,  par  un'  dss  jurés, 
prochain  numéro  contiendra  les  poésies  couronnées  au 
et  un  rapport  littéraire  sur  toutes  les  pièces  examinées 


A     M.     An'TOn 


LA    FRANCE 


La  France  est  la  grande  vaillante. 
Toujours  debout,  toujours  marchant; 
Pour  remplir  sa  tâche  Isrillante, 
Ici,  luttant,  là-bàs,  prêchant. 
En  plein  ciel  son  char  étincelle. 
Semant  d'étoiles  son  chemin; 
Quand  de  lumière  elle  ruisselle. 
L'univers, ébloui  l'appelle 
L'avant-garde  du  genre  humain. 

Rien  n'arrête  sa  marche  altière, 
Et  le  Progrès,  partout,  guide  ses  rangs  épais, 
Peuples,  saluez  sa  bannière  : 
La  France,  c'est  la  Paix! 

La  France  avait  jadis  un  glaive  ; 
L'amour  du  vrai,'  l'amour  du  beau. 
Par  qui  tout  peuple  se  relève. 
Ont  changé  ce  glaive  en  flambeau  ; 
Et,  le  livre  en  main,  elle  fonde 
Un  avenir  prodigieux. 
De  par  sa  lumière  féconde 
Aujourd'hui,  la  France  est  au  monde 
Ce  que  le  soleil  est  au  cieux  ! 
Rien  n'arrête  sa  marche  altière,  etc. 

La  France,  ô  tâche  magnifique  ! 
Dédaignant  les  sanglants  renoms, 
Dans  une  lutte  pacifique 
Oppose  l'outil  aux  canons. 
Dans  la  guerre,  la  tyrannie 
Cherche  des  lauriers  triomphants; 
Mais  la  France  qui  les  renie 
Pour  les  conquêtes  du  génie 
Garde  le  sang  de  ses  enfants  ! 
Rien  n'arrête  sa  marche  altière,  etc. 

La  France  est  la  nation  forte 

Etant  la  nation  du  droit. 

Et  son  souffle  puissant  emporte 

A  tout  jamais  le  dogme  étroit. 

Elle  entre,  superbe,  en  l'histoire. 

Belle  d'amour  et  de  fierté; 

Et.  pour  mieux  affirmer  sa  gloire, 

A  ses  enfants  elle  fait  boire 

Le  lait  pur  dé  la  Liberté  !: 

Rien  n'arrête  sa  marche  altière,  etc. 

La  France  a  dit  :  L'heure  est  venue 
De  proclamer,  dans  le  grand  jour, 
La  religion  inconnue, 
La  religion  de  l'amour. 
Arrachant  aux  guerres  leur  proie  ; 
Elle  ferme  l'ère  des  pleurs. 
Et,  radieuse,  elle  déploie, 
Symbole  de  paix  et  de  joie, 
'  Son  arc-en-ciel  aux  trois  couleurs  ! 

Rien  n'arrête  sa  marche  altière, 
Et  le  Progrès,  partout,  guide  ses  rangs  épais; 
Peuples,  saluez  sa  bannière  : 
La  France,  c'est  la  Paix! 

_  Octave  LEBESGUE 


LA  CHANSON 


8'J 


LA  FRANCE  LIBRE 


Il  s'est  levé,  le  jour  attendu  par  l'histoire! 

Resplendissant,  il  s'est  levé  ; 
Sur  nos  fronts  qui  portaient  le  deuil  de  notre  gloire 

L'espoir  soudain  s'est  relevé. 

La  France  est  libre!  Elle  rayonne, 

Sublime  dans  son  noble  orgueil  ; 
Sur  sa  tombe  brisée,  elle  a  fait  sa  couronne 

Des  fleurs  qui  jonchaient  son  cercueil. 

Salut,  ô  France,  immortelle  lumière! 
Travaille  en  paix,  travaille  en  liberté. 
Chacun  de  tes  jours  apporte  sa  pierre 
Au  temple  de  l'humanité  ! 

De  ces  champs  que  naguère  une  horrible  tourmente 

Couvrit  d'un  voile  ensanglanté. 
Quel  hj'mne  d'allégresse,  à  l'aile  triomphante. 

S'élance  dans  l'immensité  ? 

Sur  le  tapis  mouvant  des  plaines, 

La  faux  éveille  les  chansons  ; 
Et  l'été  voit  rentrer  dans  les  granges  trop  pleines 

L'or  abondant  de  nos  moissons. 
Salut,  ô  France,  immortelle  lumière,  etc. 

Autour  des  lourds  canons  qui  vomissaient  la  haine 

Le  lierre  enlace  l'olivier  ; 
La  paix  descend  du  ciel',  et  de  sa  main  sereine 

Pare  nos  fronts  d'un  pur  laurier. 

La  France  est  lilire  !  Elle  travaille. 

Tous  les  arts  lui  donnent  la  main  ; 
Dans  son  vaste  cerveau  tout  un  monde  tressaille  . . . 

C'est  l'avenir  du  genre  liumain  ! 
Salut,  ô  France,  immortelle  lumière,  etc. 

A  nous,  vaillants  soldats  des  paisibles  conquêtes! 

Pacifiques  vengeurs,  à  nous! 
Soldats  de  l'industrie,  atteignez  tous  les  faites! 

Tous  vos  triomphes  seront  doux. 

Préparant  dans  ses  nobles  veilles 

La  rançon  de  l'adversité, 
La  France  aux  nations  a  promis  des  merveilles 

Pour  en  doter  l'humanité  ! 
Salut,  ô  France,  immortelle  lumière,  etc. 

Aux  sonores  accents  de  notre  renaissance 

'Voyez  les  peuples  accourir. 
Jetant  à  tous  les  vents  ce  cri  :  Vive  la  France  ! 

Qui  retentit  dans  l'avenir. 

En  partageant  avec  le  monde 

Le  fruit  de  ses  riants  labeurs, 
La  France  fait  surgir  la  revanche  féconde 

De  l'abîme  de  nos  malheurs! 
Salut,  ô  France,  immortelle  lumière,  etc. 

Amour  de  la  Patrie,  à  nos  destins  préside  ! 

Remplis  nos  âmes  de  ton  feu; 
Sur  nos  chemins  nouveaux  que  ton  regard  nous  guide. 

Etoile  qui  brille  en  tout  lieu  ! 

Tu  nous  rendras  avec  la  gloire 

Notre  antique  prospérité  ; 
Et  nous  verrons  renaître,  au  soleil  de  l'histoire, 

Les  beaux  jours  de  la  liberté! 

Salut,  ô  France,  immortelle  lumière! 
Travaille  en  paix,  travaille  en  liberté  ; 
Chacun  de  tes  jours  apporte  sa  pierre 
Au  temple  de  l'humanité  ! 

Edmond  DELIÈRE. 


GUERRE  A    LA  GUERRE 


Debout,  du  couchant  à  l'aurore-. 
Hommes  de  bonne  volonté  ! 
L'ère  nouvelle  est  près  d'écloro 
Pour  la  souffrante  humanité. 
La  Paix  sainte  au  divin  sourire 
Nous  appelle  et  nous  tend  les  bras; 
Peuples,  pour  fonder  son  empire 
Votre  sang  ne  coulera  pas! 

Guerre  à  la  guerre  !  plus  de  haine  ! 
Frères,  cessons  de  nous,  armer  ; 
De  la  grande  famille  humaine 
Tous  les  enfants  doivent  s'aimer! 

Levez-vous,  orphelins  et  veuves, 
Doux  martyrs  que  la  guerre  a  faits! 
O  vous  tous,  les  vivantes  preuves 
De  ses  innombrables  forfaits  ! 
Les  premiers,  soyez  les  apôtres 
De  la  paix  calmant  les  courroux. 
Pour  qu'aux  jours  qui  suivront  les  nôtres 
Nul  n'ait  à  pleurer  comme  vous  ! 
Guerre  à  la  guerre,  etc. 

D'assez  de  sang,  d'assez  de  larmes 
Le  sol  humain  fut  abreuvé  ; 
Peuples,  laissez  tomber  vos  armes, 
Et  le  monde  sera  sauvé! 
C'est  assez  de  douleurs  amères. 
Assez  de  sanglots  et  de  deuils  ! 
Il  est  temps  enfiu  que  les  mères 
Ne  pleurent  plus  sur  des  cercueils  ! 
Guerre  à  la  guerre,  etc. 

De  la  force  le  jour  s'achève  ! 
Voici  venir  ces  temps  meilleurs 
Où  les  soldats  au  lieu  du  glaive 
Prendront  l'outil  des  travailleurs. 
Dans  les  immenses  hécatombes 
Nos  fils  ne  seront  plus  fauchés, 
Et  les  berceaux  alors  des  tombes 
Ne  seront  plus  si  rapprochés  ! 
Guerre  à  la  guerre,  etc. 

Dans  le  cercle  affreux  des  batailles, 
0  peuples,  cessons  de  tourner  ! 
A  de  stériles  représailles 
Pourquoi  toujours  nous  condamner? 
De  ce  passé  chargé  de  crimes 
Chassons  l'importun  souvenir. 
Et  qu'il  ne  soit  plus  de  victimes 
Ni  de  bourreaux  dans  l'avenir  ! 
Guen-e  à  la  guerre,  etc. 

Debout,  de  l'un  à  l'autre  pôle, 

Hommes  de  bonne  volonté  ; 

Chacun  d'entre  nous  a  son  rôle 

Dans  l'œuvre  de  fraternité  ! 

Dé  nombreux  siècles  de  démence 

Oublions  les  tristes  fureurs, 

Et  que  pour  les  peuples  commense 

L'ère  des  fructueux  labeurs  ! 

Guerre  à  la  guerre,  etc. 


90 


LA  CHANSON 


Et  toi  de  qui  vient  la  lumière, 
Aux  peuples  cherchant  dans  la  nuit 
0  France  !  annonce  la  première 
A  tous  que  la  grande  aube  a  lui  ! 
Et  puisqu'enfin  au  ciel  moins  sombre 
Brille  l'astre  de  liberté, 
Ne  souffre  plus  qu'on  fasse  l'ombre 
Entre  nous  et  cette  clarté  ! 

Guerre  à  la  guerre  !  plus  de  haine  ! 
Frères,  cessons  de  nous  armer; 
De  la  grande  famille  humaine 
Tous  les  enfants  doivent  s'aimer  ! 

Gabriel  LEPRÉVOST. 


LE     PREMIER     CONCOURS 

DE    LA    CHANSON 


Ainsi  que  nos  lecteurs  ont  pu  le  voir  plus  haut,  le 
concours  relatif  au  chant  national  s'est  terminé  par  un 
résultat  presque  négatif.  En  effet,  la  pièce  qui  a  été 
classée  au  premier  rang  n'a  pas  paru  digne  d'un  prix 
proprement  dit.  Ce  résultat,  s'il  est  de  nature  à 
surprendre  le  public,  à  combien  plus  forte  raison  ne 
doit-il  pas  frapper  désagréablement  les  concurrents 
eux-mêmes!  Il  est  donc  nécessaire  d'expliquer  cet 
insuccès,  commun  à  tant  d'auteurs,  dont  la  plupart 
sont  loin  d'être  sans  mérite. 

Avouons-le  tout  d'abord  :  le  programme  proposé 
constituait  la  première  et  la  plus  grande  difficulté. 
Un  chant  national,  une  Marseillaise  de  la  paix! 
Quelle  carrière  à  parcourir,  à  la  fois  immense  et 
restreinte!  Peut-on  à  volonté  produire,  sur  com- 
mande pour  ainsi  dire,  une  œuvre  de  cette  nature 
qui,  plus  que  tout  autre  exige  de  la  spontanéité  ? 
L'élégance,  la  correction,  l'invention  même,  si  l'on 
veut,  ne  feront  jamais  défaut  à  un  poète  qui  connaît 
son  art  et  en  possède  toutes  les  ressources.  Mais 
l'inspiration,  sans  laquelle  un  chant  véritable  ne 
peut  vivre,  n'obéit  ni  aux  circonstances,  ni  aux 
désirs  de  l'écrivain,  ni  aux  exigences  d'un  concours. 
Elle  est  essentiellement  libre,  indocile  et  prime- 
sautière. 

Nous  parlons  d'inspiration  :  il  ne  faut  pas  entendre 
seulement  par  ce  mot,  dans  la  cause  qui  nous  occupe, 
cette  fougue  de  l'imagination  qui  élève  l'âme  et  la 
guide  vers  la  sublimité  de  la  pensée  et  de  l'expres- 
sion. L'inspiration,  quand  il  s'agit  d'un  chant  national, 
comprend  en  outre  un  amour  profond  de  la  patrie, 
une  foi  vive  dans  la  durée  et  la  grandeur  de  ses 
destinées,  un  dévouement  filial  à  toutes  ces  libertés 
sans  lesquelles  un  peuple  peut  être  une  aggloméra- 
tion d'hommes,  et  comme  un  troupeau,  mais  ne  sera 
jamais  une  nation.  On  ne  mentionne  ici  que  pour 
mémoire  les  qualités,  moins  maîtresses,  mais  indis- 
pensables cependant  à  toute  œuvre  poétique  :  la 
clarté,  l'essence  même  de  la  langue  française  ; 
l'image,  qui  fait  de  la  poésie  une  peinture  ;  la  rime, 
qui  en  fait  une  musique. 

Cette  énumération,et  elle  est  loin  d'être  complète, 
des  conditions  auxquelles  devait  satisfaire,  suivant 
le  jury,  une  œuvre  visant  au  beau  titre  de  chant 
national,  cette  énumération,  rapprochée  du  résultat 
connu  du  concours,  ne  semble-t-elle  pas  donner  à 
entendre  que  ces  conditions  faisaient  défaut  dans  les 


productions  soumises  à  notre  examen?  Une  telle 
conclusion  serait  injuste;  c'est  le  contraire  qui  est 
vrai.  Sans  doute,  dans  le  nombre  très-considérable 
des  morceaux  à  apprécier,  quelques-uns  manquaient 
de  beaucoup  de  qualités  ;  d'autres,  en  très-petit 
nombre,  étaient  émaillés  de  fautes;  mais  il  fautsehâter 
d'ajouter  que  la  verve,  l'enthousiasme,  le  sentiment 
national  et  démocratique,  la  forme  lyrique,  l'énergie 
ou  la  grâce  de  l'expression,  et  beaucoup  d'autres 
marques  d'un  talent  tantôt  jeune  mais  plein  d'avenir, 
tantôt  mûri  et  riche  encore  en  promesses,  ont  tour  à. 
tour  séduit,  ému,  étonné  même  quelquefois  les 
membres  du  iavy. 

Malheureusement,  ces  qualités  étaient  dispersées. 
Chaque  pièce  en  avait  une  part  plus  ou  moins  grande, 
mais  aucune  n'a  paru  les  réunir  dans  une  proportion 
suflSsante.  Aucun  poète  n'a  su,  en  combinant  ces 
diverses  qualités  entre  elles  dans  une  savante  unité, 
en  former  un  indissoluble  et  lyrique  faisceau. 

Là  est  la  cause  de  l'insuccès  général  du  concours 
et  de  l'insuccès  paiticulier  de  tant  de  poètes  qui, 
dans  une  autre  arène,  auraient  pu  à  juste  titre  ambi- 
tionner et  obtenir  des  palmes  glorieuses. 

Quelle  est,  en  effet,  pour  ne  rien  taire,  celles  des 
trois  pièces  préférées  que  nous  pourrions,  avec  certi- 
tude de  n'être  pas  désavoués,  offrir  au  public  comme 
un  véritable  chant  national  ?  Que  le  lecteur  non 
prévenu  étudie  la  France,  la  France  libre  et  Guerre  à 
la  Guerre,  un  cliant,  une  ode  et  une  hymne,  et  il 
ratifiera  ce  verdict  qui  peut  paraître  sévère.  Quant 
aux  concurrents  eux-mêmes,  il  sei'ait  injuste  d'exiger 
de  chacun  d'eux,  du  moins  dès  à  présent,  qu'il  accepte 
sans  murmurer  une  défaite  toujours  inattendue. 

Etant  donnée  une  centaine  de  pièces,  en  extraire, 
au  moyen  d'éliminations  successives  et,  dans  l'origine, 
relativement  faciles,  en  extraire,  disons-nous,  d'abord 
cinquante,  puis  vingt,  puis  dix,  et  enfin  trois  sans 
plus,  c'est  là  un  travail  qui  ne  laisse  pas  d'être  délicat 
et  rninutieux. 

Les  poésies  envoyées  au  concours  étaient  au 
nombre  de  quatre-vingt-dix-sept.  Sept  portaient  la 
signature  de  l'auteur;  deux  n'étaient  pas  inédites, 
mais  imprimées.  L'examen  des  quatre-vingt-huit 
restant  a  rempli  six  séances  de  trois  heures  chacune 
environ,  sans  compter  l'étude  par  chaque  membre 
en  particulier  des  vingt  pièces  réservées  en  dernier 
lieu  comme  leS' meilleures. 

11  est  une  idée,  disons-le  en  passant,  qui  a  dû 
paraître  bonne  à  un  certain  nombre  de  concurrents, 
puisqu'ils  l'ont  mise  à  exécution,  et  qui  a  paru 
singulière  au  jury  :  c'a  été  de  choisir  pour  la  coupe 
du  chant  national  celle  de  la  Marseillaise.  Ces  poètes 
n'ont  pas  songé  qu'ils  adaptaient  ainsi  à  des  vers 
destinés  à  célébrer  la  paix,  un  air  essentiellement 
guerrier.  Nous  n'essaierons  pas  de  convaincre  de 
leur  erreur  ceux  qui  se  sont  crus  obligés  de  suivre 
cette  méthode.  Il  y  faudrait  des  développements  que 
le  présent  exposé  ne  comporte  pas,  d'ailleurs,  cette 
remarque  n'a  influé  eu  rien  sur  la  décision  du  jury, 
et  reste,  malgré  sa  valeur,  purement  platonique. 

La  République  c'est  la  paix,  la  Sepitembrale,  Fax, 
la  Française,  Glorifions  la  France,  Hymne  national, 
le  Chant  de  ta  paix,  la  Fraternelle,  le  Chant  national 
de  la  France,  le  Bardit  du  XIX"  siècle  :  tels  sont  les 
titres  de  poésies  qui  ont  longtemps  tenu  le  jury  en 
suspens,  tant  elles  présentaient  de  mérites  divers, 
mais  presque  égaux.  Il  en  faut  dire  autant  du  Chant 
de  paix,  qui  malheureusement  n'est  pas  tout  à  fait 


LA  CHANSON 


91 


un  chant,  et  de  la  Marseillaise  de  la  paix,  pièce 
remarquable  que  dépare,  et  nous  l'avons  regretté, 
cette  image  au  moins  étrange  : 

Français,  apposons  notre  sceau 
Sur  lé  grand  phare  qui  s'allume. 

L'auteur  de  la  Septembrale,  en  réclamant  l'affran- 
chissement des  femmes  par  l'éducation,  a  cru  devoir 
mêler  à  ce  vœu  celui  d'une  amnistie  :  cette  idée 
était-  elle  à  sa  place  dans  un  chant  qui  doit  revêtir 
et  conserver  un  caractère  général  et  durable? 

Le  Chant  national  renferme,  à  la  septième  strophe, 
les  vers  suivants  : 

La  Républifjue  régnera 
Bientôt  sur  l'univers  entier. 
A  ses  rayons  reverdira 
L'antique  rameau  d'olivier. 
L'astre  revient  au  firmament... 

Le  poète  a  remplacé  l'accent  mâle  qu'on  pouvait 
attendre  de  lui  par  une  surabondance  de  rimes 
masculines.  Il  n'y  a  pas  compensation. 

Dans  Patria,  nous  trouvons  un  cri  qui  jaillit  des 
lumières  de  la  paix. 

Les  Conquêtes  du  travail,  pièce  bien  rimée,  très- 
énergique  de  mouvement  et  de  ton,  n'est  pas  un 
chant  national,  mais  un  chant  purement  démocratique 
et  militant.  Nous  y  avons  rencontré  avec  surprise 
ces  deux  vers,  dont  le  premier  rime  avec  rampe  : 

Dans  les  sillons  la  verte  pampe 
Cache  l'épi  qui  va  jaunir. 

Il  serait  plus  long  que  généreux,  et  aussi  fastidieux 
qu'inutile,  de  relever  toutes  les  imperfections  de 
détail,  tous  les  lapsus,  toutes  les  fautes  quelquefois 
grossières  que  renferment  quelques-unes  dos  pièces 
classées  parmi  les  moins  bonnes.  Néanmoins,  il  est 
possible,  en  signalant  certaines  de  ces  taches,  que 
nous  rendions  service  aux  auteurs  qui,  soit  par 
inadvertance,  soit  par  erreur,  les  ont  laissées  dans 
leurs  vers. 

Ici,  un  poète  nous  peint  : 

La  Paix,  cette  belle  déesse 
Qui  nous  charme  par  ses  aveux. 

C'est  du  Dorât  tout  pur.  Ailleurs,  une  strophe 
commence  ainsi  : 

De  l'épée  ardemment  tueuse... 

Dans  la  Paix,  votes  rime  avec  cohortes.  Tel  autre 
rime  trop  bien  : 

De  l'Atlantique  au  Pacifique, 
Anglais,  Germains,  Chinois,  Hindous, 
Venez  au  banquet  paoifiijue. 

Ailleurs,  on  nous  représente  la  France  comme  une 
femme  dont  les  regards  s'enfuient  de  toutes  parts, 
c'est  la  première  fois  qu'on  a  vu  la  France  loucher. 

Quelques  concurrents  n'ont  pas  craint  d'affronter 
la  lutte  sans  se  douter  des  plus  simples  règles  de  la 
prosodie.  Qui  sait  si  l'auteur  de  la  strophe  suivante 
ne  se  plaindra  pas  d'être  relégué  au  dernier  rang? 

Sans  violence,  mais  avec  un  flambeau  à  la  main, 
Revendiquons  tous  nos  droit  sacrés. 
Luttons  contre   les  erreurs  du  destin, 
Au  nom  du  droit  et  de  l'égalité. 

Un  autre,  au  risque  de  passer  pour  un  novateur 
effréné,  hasarde  cette  terrifiante  révélation  : 

L'union  d'un  peuple  digne  et  sage 
Crée  le  bonheur  et  rend  heureux. 


On  s'en  doutait  peut-être,  mais  on  n'avait  pas 
encore  osé  le  dire.  Le  comique  n'a  pas  manqué  de 
jeter  sa  note  railleuse  dans  ce  concert  un  peu  trop 
grave  : 

Les  impôts  sont  mesquins,  se  dit  le  potentat. 

Faut  améliorer  un  si  fâcheux  état. 

Vide  est  mon  coffre-fort;  cela  ne  me  va  guère. 

Passage  qui  serait  bien  mieux  à  sa  place  dans  une 
médiocre  satire  que  dans  un  bon  chant  national. 

Il  serait  facile  de  citer,  en  regard  des  imperfections 
que  nous  venons  de  rappeler,  des  vers,  des  chutes 
de  couplets,  des  strophes  entières,  remarquables  à 
plus  d'un  titre.  Mais  ce  compte  rendu  excéderait  les 
limites  dans  lesquelles  il  doit  se  renfermer.  S'il  est 
donné  suite  au  projet  qu'un  d'entre  nous  a  suggéré 
au  directeur  de  ce  journal,  le  public  pourra  à  son 
tour  juger  sur  pièces  ;  et  la  comparaison  qu'il 
ne  manquera  pas  d'établir  entre  les  œuvres  soumises 
au  jury  et  les  observations  dont  elle  viennent  d'être 
l'objet,  sera,  nous  n'en  doutons  pas,  la  pleine  confir- 
mation de  l'exposé  qui  précède  (*). 

Répétons-le  en  terminant,  ces  incorrections,  ces 
vices  de  forme  et  de  fond,  ne  se  rencontrent,  tout 
nombreux  qu'ils  sont,  que  dans  de  rares  pièces. 
L'ensemble  du  concours  fait  au  contraire  ressortir 
de  réels  et  remarquables  mérites;  et  tel  chant,  que 
le  classement  a  relégué  peut-être  au  vingtième  rang, 
permet  néanmoins,  par  la  valeur  intrinsèque  qu'il 
présente,  de  concevoir  pour  l'avenir  de  la  poésie 
Ij'rique  française  de  légitimes  espérances. 

Rappeler  ici  les  noms  des  membres  du  jury,  citer 
MM.  Baillet.  de  Bornier,  Chebroux,  Claretie,  d'Her- 
villy,  Ponsard,  Valade,  Ch.  Vincent, et  même  le  signa- 
taire de  cet  article,  c'est  constater  que  la  poésie 
dramatique  et  lyrique,  le  journalisme,  l'histoire,  la 
critique  et  la  chnnson  avaient  dans  ce  comité  des 
représentants  dont  les  concurrents  môme  malheureux 
ne  pourront  récuser  la  capacité  et  dont  tous  avaient 
d'ailleurs  accepté  d'avance  le  jugement.  Le  plus  mo- 
deste des  membres  de  ce  tribunal  littéraire  espère 
qu'on  ne  lui  saura  pas  trop  mauvais  gré  d'avoiraccepté 
la  tâche  ingrate  de  rendre  compte,  en  les  motivant,  des 
décisions,  sévères  peut-être,  mais  impartiales,  que 
notre  conscience  nous  a  dictées. 

EuG.  IMBERT. 


LICE  CHANSONNIERE 


BANQUET  DU  6  NOVEMBRE  1878 

Assistance  nombreuse  et  gâ,ie,  abondance  de  pro- 
ductions réussies,  telle  est,  en  quelques  mots,  la 
physionomie  du  dernier  banquet  de  la  Lice. 

Chebroux  en  est  à  son  toast  vingt-unième;  on  ne 
s'en  douterait  guère  à  voir  la  facilité  avec  laquelle 
il  esquive  les  périls  du  sujet.  Amant  bien  épris,  il 
découvre  chaque  jour  dans  la  chanson,  sa  maîtresse, 
un  attrait  inconnu  et  la  célèbre  avec  des  transports 
nouveaux. 

Je  n'étais  pas  seul,  paraît-il,  à  trouver  suranné  le 
chant  d'ouverture  de  Germain  et  Blondel;  le  bureau 
de  la  Lice  a  mis  dernièrement  au  concours  une  invo- 

(•)  Ce  projet  consisterait  dans  l'insertion  au  journal  La  Chanson^ 
en  nn  ou  plusieurs  suppléments,  des  poésies  dont  les  auteurs  deman- 
deraient cette  insertion  et  consentiraient  à  en  faire  les  frais. 


i)2- 


LA  CHANSON 


cation,  moderne.  C'estM.Robinot  qui  â  remporté  la 
palme,  et  ses  couplets  ont  été  dits,  pour  la  première 
fois  l'autre  jour,  par  le  président.  La  poésie  en  est 
peut-être  un  peu  molle  et  la  musique  de  CoUignon 
ne  m'a  point  paru  bien  chantante  ;  mais  les  inté- 
ressés se  sont  déclarés  satisfaits  du  poète  et  du 
compositeur  :  c'est  là  l'important. 

M.  Alfred  Leconte  n'a  pas  dû  rimer  sur  son  pupitre 
de  député  la  chanson  qu'il  nous  offre  avec  ce  titre  : 
le  Repassage;  est-ce  tant  mieux?  —  M.  Robinot 
vante,  dans  de  frais  couplets,  le  rire  éclatant  de  la 
Piquette  ;  M.  FlacUat  prouve  spirituellement  que  les 
Absents  ont  toujours  fort,  à  quoi  M.  Picard  réplique  : 
Qui  vivra  verra  ;  —  Ça  d'mande  (T  la  réflexion,  conclut 
M.  Echalié,  avec  non  moins  de  bonheur  que  ses  cama- 
rades. 

Une  chanson  très-bonne,  comme  fond  et  comme 
iorme,  c'est  .rOrifjinal,  de  M.  Rubois.  MM.  Nazim, 
Le  BouUenger,  Adeline,  Cahen  et  de  Gonet  ont  ému 
ou  fait  rire  avec  des  productions  bien  différentes  : 
l'Acrobate,  la  Poupée  de  la  grand'mère.  le  Mot  de 
Cambronne,  D'puis  qu  ma  femme  y  met  la  main,  le 
Puits  sans  vin.  —  M.  Anatole  Lionnet  décrit,  à  son 
tour,  une  de  ces  enivrantes  Promenades  d'amoureux 
que  les  poètes  racontent  si  bien  sans  les  avoir  jamais 
faites  ;  peu  d'éclat,  mais  une  grande  habileté  d'exé- 
cution. —  Georges  Baillet,  enfin,  énumère  en  vers 
originaux  tous  les  plaisirs  qu'il  s'offrirait  s'il  gagnait 
Le  Gros  Lot  de  la  Loterie  Nationale. 

Je  dois  noter  comme  caractéristique  la  volonté  que 
manifeste  nombre  de  chansonniers  d'écrire  désor- 
mais eux-mêmes  la  musique  de  leurs  couplets.  Ainsi 
ont  fait  M.  Hachin,  pour  Un  Cousin  de  dieux  nous  ; 
M.  Jules  Raux,  pour  son  invocation  0  vous  qui  faites 
l'endormie;  Georges  Baillet,  pour  Marquise  et  Blan- 
chisseuse; M.  Echalié,  pour  le  Baiser  d'Odette,  de  son 
confrère  Adeline.  Rien  de  plus  naturel  que  ce  cumul 
qui  seul  peut  donner  à  une  œuvre  chantante  l'unité 
voulue.  La  plupart  des  musiques  nouvelles  ont  été 
justement  applaudies;  M.  Echalié  surtout  a  obtenu 
un  double  succès  de  chanteur  et  de  compositeur 
que  je  contresigne  des  deux  mains. 

Jules  Jeannin  m'en  voudrait  peut-être  si  j'oubliais 
la  chanson  qui  a  clos  le  banquet  :  Va  rien  ff  perdu. 
Elle  est  fantasque,  imprévue,  —  très-drôle. 

L. -Henry  LECOMTE 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Renaissance,  dimanche  3  novembre.  La  partie 
lyrique,  peu  importante,  de  cette  soirée,  nous  a 
cependant  très-agréablement  surpris.  M""  Lévy 
possède  une  voix  large  et  sj'mpathique,  elle  a  des 
perles  dans  le  gosier  et  les  a  surtout  prodiguées 
dans  le  grand  air  des  Dragons  de  Viltars.  M.  Albert 
P.,  dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire,  a  parfai- 
tement chanté,  de  concert  avec  M™"  Sirode  (pianiste 
de  :1a  Renaissance)  le  duo  de  La  Favorite.  MM.  Marc 
et  Caraby  ont  été  très-drôles,  oh  mais,  très-drôles 
dans  la  Fanfare  de  Bolbec,  et  puis.,  et  puis  nous 
passons  à  la  partie  théâtrale. 

Martial,  la  comédie  de  M.  Dardignac,  sociétaire, 
a  été  jouée  aussi  bien  qu'il  était  possible  de  l'espérer 
avec  les  éléments  artistiques  que  peut  fournir  une 
société  lyrique.  Soyons  indulgent  et  reconnaissons 
qu'il  y  avait  de  grandes  difficultés  à  faire  mouvoir 
sept  ou  huit  personnages  dans  un  espace  de  trois 


mètres  carrés  ;  mais -aussi  pourquoi  •diable  tant  de 
personnages  ?  J'en  appelle  à  l'auteur  lui-même,  était- 
ce  bien  nécessaire?  — ^  Il  y  a  dans  cette  comédie, 
que  j'appellerai  simplement  dialogue  en  vers,  quelques 
bonnes  idées,  mais  pas  de  pièce  ;  on  sent  que  l'auteur 
s'est  arrêté  juste  au  moment  ou  l'action  allait  com- 
mencer; le  rideau  baissé,  chacun  s'est  demandé 
pourquoi  il  n'était  pas  tombé  cinq  minutes  plus  tôt  ou 
plus  tard.  11  y  a  cependant  des  tirades  à  effets,  qui 
eussent  certainement  porté  dans  un  cadre  plus  large. 
Quant  à  l'interprétation,  j'ai  dit  plus  haut  ce  que 
j'enpensais.  MM.  Moreaux  se  sont  tirés  de  leur  double 
bataille  Cavalerie  et  Infanterie  à  leur  honneur  ;  battus 
sur  la  scène,  la  victoire  n'en  n'est  pas  moins  restée 
aux  deux  combattants,  le  public  ayant  applaudi  leurs 
efforts.  —  I^e  Piano  deBerthe  a  terminé  cette  soirée, 
M™""  Sondre  et  Normand  et  M.  Lefèvre,  un  débutant, 
en  ont  été  les  interprètes;  les  bravos  étaient 
unanimes.  A.    LEROY. 

L'Union  artistique,  s'inspirant  de  l'idée  émise  par  le 
journal  La  Chanson,  donnera,  le  samedi?  décembre, 
une  soirée  extraordinaire,  dont  le  produit  sera  versé 
à  la  souscription  projetée  pour  la  Statue  deBéranger. 

On  ne  chantera  que  des  œuvres  du  grand  chan- 
sonnier national.  Ce  sera  une  soirée  des  plus  intéres- 
santes, dont  nous  rendrons  compte.  Nous  félicitons  et 
remercions  M.  Paulin,  le  président  de  cette  intelli- 
gente société,  pour  sa  bonne  inspiration. 

Nous  tenons  de  bonne  source  que  beaucoup  d'autres 
Sociétés  préparent,  dans  le  même  but,  des  soirées 
exceptionnelles. 

Nous  recommandons  particulièrement  un  excellent 
pianiste-compositeur,  M.  Pontel(rue  S'-Antoine  172), 
qui  désire  mettre  son  talent  au  service  des  Sociétés 
lyriques.  GÉDHÉ. 

Sous  le  nom  de  Société  dramatique  de  i^écréation 
existe,  depuis  onze  ans,  avenue  Bosquet,  31,  une 
réunion  d'artistes  amateurs  qui,  tous  les  dimanches, 
offrent  à  leurs  visiteurs  pièces  de  théâtre  et  inter- 
mèdes. Nous  avons  assisté  à  la  représentation  du 
3  novembre.  M.  Sel,  excellent  comique  de  genre, 
chantait  cette  fois  une  romance  :  Nous  n'avons  plus 
vingt  ans,  paroles  de  M.  Edouard  Gressin,  musique 
de  M.  Léon  Karren.  Œuvre  et  interprète  méritent 
nos  éloges.  M.  Pochet  a  dit  avec  entrain  la  chanson 
J'ose  pas  vous  l'offrir.  Enfin,  la  Saint-François, 
comédie  de  M°"  Amélie  Péronnet,  a  été  jouée 
avec  un  ensemble  rare  chez  des  amateurs.  Nous 
avons  applaudi  M"°  Marie  G.  dans  le  rôle  de  la  mère, 
M"°  Tangre  dans  un  personnage  gai  de  vieille  domes- 
tique, et  surtout  M"°  Gabrielle,  une  ingénue  que 
serait  heureux  de  posséder  plus  d'un  grand  théâtre. 

Salle  très  convenable,  boiis  artistes,  voilà  qui 
motive  suffisamment  l'assiduité  du  public. 

La  Société  lyrique  des  Familles  (président  Badou) 
donnera,  le  samedi  23  novembre,  à  l'occasion  de 
la  Sainte-Cécile,  son  bal  annuel,  salle  Rivoli,  rue 
S'-Antoine,  104.  Les  soirées  de  cette  Société  ont  lieu 
tous  les  Dimanches,- boulevard  du  Temple,  44. 

Le  banquet  du  Caveaii,  coïncidant  avec  la  Toussaint,  a 
été  remis  au  lundi  11  novembre. 

Mme  Bordas,  engagée  simplement  pour  la  durée  de  l'Expo- 
sition, a  q^uitté  le  Concert  Parisien  le  31  octobre.  Sa  dernière 
représentation  a  été  un  triomphe  continuel;'  les  fleurs  jon- 
chaient littéralement  la  scène.  La  retraite  de  la  célèbre  chan-. 
teuse  populaire  ne  saurait  être  définitive. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


1"  ANNEE.  —  N»  9. 


1"  DECEMBRE  1878. 


LA    C 


Revue   Bi -Mensuelle 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Para.issa.nt  le  l'^"'  à:  le  i  6  d.e  diaqiae  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction; 
V. DEMEURE 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉD.\.CTEUR    EN    ChEF 

L. -HENRY  LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois 2  fr.  ba 

Départ»,  G  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3       50 


S0MMAIR]3  :  Galerie  des  Chansonniers  :  Joseph  Darder  (l.-iienry  lecomte\  —  Faites  des  enfants  (paroles  de  henry  rubois, 
musique  inédite  de  darcier).  —  Pièees  couronnées  au  Concours  libre  de  La  Chanson  :  Moissons  (Francis  maratuech;.  — 
Chanson  d'automne  (georges  n,uidin).  —  La  Science  (julius  g.vello).  —  Examen  critique  des  pièces  présentées  au  Concours 
liljre  (EUO.  imbert).  —  Banquet  du  Caveau  (eug.  lmueut;.  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  leroy,  a.  patay].  — 
Avis  divers. 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  JOSEPH  DARCIER 


Interprète  original 
et  compositeur  fécond, 
Darcier  a  double  droit 
de  figurer  dans  notre 
galerie  chansonnière. 

Joseph  Lemaire,  dit 
Dai'cier,  est  né  à  Pa- 
ris, en  1819.  On  le 
vit  d'abord^  vers  1842, 
tenir,  sur  les  théâtres 
de  banlieue  dirigés 
par  les  frères  Soveste, 
l'emploi  des  premiers 
rôles  de  drame.  Il 
jouait  volontiers  les 
créationsde  Frederick 
Lemaitre,  et  se  fai- 
sait applaudir  surtout 
dans  la  Dame  de  Saint- 
Tropez  et  dans  Latude. 
Lemaire,  cependant, 
n'avait  point  de  voca- 
tion théâtrale  décidée  ; 
la  carrière  lyrique  lui 
souriait  davantage,  et 
les  précieuses  leçons 
de  chant  et  d'harmo- 
nie que  lui  donnait 
Delsarte  ne  pouvaient 
que  le  confirmer  dans 
son  désir,  en  dévelop- 
pant ses  aptitudes  mu- 
sicales. Si  bien  que,  la  troupe  nomade  des  Seveste 
s'étant  dispersée,  Joseph  (devenu  Darcier  après 
l'éclatant  succès  remporté  sous  ce  nom,  à  l'Opéra- 
Comique,  par  sa  sœur  aînée),  Joseph,  disons- 
nous,  abandonna  sans  regret  les  lauriers  mélo- 
dramatiques. 


La  première  musi- 
que de  Darcier  fut 
écrite  sur  une  chanson 
d'Eugène  Imbert,  Le 
Preneur  du  roi,  édi- 
tée chez  Flaxland , 
en  1846.  Bientôt  sui- 
virent :  Larmes  d'a- 
mour, Après  la  Ba- 
taille,  Les  Gabiers, 
Aux  armes!  —  Tout 
en  s'essayant  à  la 
composition,  Darcier 
tenait  le  piano  dans 
diverses  goguettes , 
celles  du  Capucin  et 
de  la  rue  Neuve-St- 
Jean ,  entre  autres. 
Joints  à  quelques  le- 
çons particulières,  ces 
travaux  obscurs  le  fai- 
saient vivre.  Le  mot 
n'est  guère  exact  si 
l'on  se  rapporte  aux 
souvenirs  d'amis  qui 
prétendent  que  Dar- 
cier, sans  gîte,  cou- 
chait alors  au  hasard 
d'hospitalités  frater- 
nelles, et  dissimulait, 
sous  un  ample  man- 
teau, les  lacunes  nom- 
breuses de  sa  garde-robe.  Puérilités,  après  tout  : 
au  dur  contact  de  la  misère,  inhérente  à  la  vie 
de  bohème,  l'artiste  se  virilise.  En  1848,  les 
élèves  manquèrent  à  Darcier;  il  entra  alors, 
comme  chanteur,  dans  un  petit  café  du  faubourg 
Saint-Martin.  Là,  un  acteur  qui  doublait  Lafont 


94 


LA  CHANSON 


aux  Variétés  —  Romand,  —  l'entendit,  se  prit 
d'enthousiasme  et  fonda,  pour  présenter  Darcier 
au  public  sérieux,  un  Estaminet  lyrigue,  à  l'entrée 
•du  passage  Jouffroy.  Située  au  premier  étage, 
la  salle  du  nouveau  ,  concert,  précédemment 
•occupée  par  un  club,  était  étroite,  longue  et 
pourvue  d'une  scène.  Dès  les  premiers  soirs,  le 
succès  de  Darcier  fut  immense.  Les  chansons  de 
Dupont^  d'abord,  défrayèrent  le  programme  : 
les  Louis  d'or,  le  Pain,  la  Vigjie,  produisaient, 
grâce  à  l'interprète,  un  effet  irrésistible;  puis 
Darcier  varia  son  répertoire  avec  les  refrains 
uouveaux  de  Gustave  Mathieu,  de  Nadaud  et  de 
Vincent.  Sans  dédain  pour  les  œuvres  légères, 
il  ne  craignait  pas  de  chanter,  après  Déjazet, 
le  Postillon,  deBérat,  et /«  Tirelire  à  Jacqicot,  de 
Clapisson,  après  Géraldy;  ces  audaces  étaient 
justifiées  par  les  bravos  du  tout  Paris  qu'il  faisait, 
en  outre,  juge  de  sa  valeur  créatrice  en  lui  sou- 
mettant ses  musiques  écrites  sur  le  Bohémien  de 
Matliieu,  sur  Mam'selle  Marie  de  Boudin,  et 
vingt  autres  compositions  qu'on  s'accordait  à 
trouver  remarquables. 

La  vogue  de  Darcier  dura  deux  années,  accrue 
encore  par  l'ouverture  des  concerts  populaires 
de  La  Fraternité ,  à  la  salle  Martel.  De  son  fait, 
Jean  Raisin  y  naquit  pour  vivre  jusqu'aux  der- 
niers jours  de  la  chanson  française.  L'artiste  se 
partageait,  sans  fatigue  et  avec  des  chances 
égales,  entre  La  Fraternité  ei  V Estaminet  lyrique. 
Le  théâtre  des  Variétés,  proche  voisin  de  ce 
dernier  concert,  finit  par  s'émouvoir  d'une  con- 
currence redoutable  ;  il  engagea  Darcier,  mais 
pour  le  soumettre  au  débilitant  régime  de  la 
romance  :  ainsi  compris,  le  traité  n'eut  et  ne 
pouvait  avoir  qu'une  courte  durée.  Affranchi, 
Darcier  composa  les  airs  superbes  des  chansons 
de  Charles  Gille,  entreprit  une  excursion  en 
Belgique,  et  chanta  successivement  à  Lyon,  à 
Marseille,  au  Havre  et  dans  quelques  autres 
villes;  la  province  et  l'étranger  ratifièrent  les 
favorables  jugements  de  Paris,  où  l'artiste  revint 
pour  faire  d'heureuses  campagnes  au  Café  de 
France  et  à  celui  de  la  Géante.  Puis,  Offenbach 
l'admit  dans  la  troupe  des  Bouffes-Parisiens  qu'il 
formait.  Le  soir  même  de  l'ouverture  du  nouveau 
théâtre,  Darcier  débutait,  en  compagnie  de  Ber- 
thelier,  dans  une  saynette  d'Edouard  Plouvier 
et  Offenbach,  la  Nuit  blanche  (5  juillet  1855).  Ce 
fut  un  succès,  bien  dépassé  par  celui  du  Violoneux 
de  Mestepès,  Chevalet  et  Offenbach,  qu'on  donna 
le  31  août  suivant  :  Darcier  y  joua  la  scène  du 
violon  brisé  avec  un  pathétique  saisissant.  Mais  si 
le  chanteur  trouvait  aux  Bouffes  l'occasion  de 
ti'iomphes,  le  compositeur  moins  heureux  ne  pou- 
vait songer  à  se  produire  en  concurrence  avec  un 
directeur  égoïste;  Darcier,  bien  édifié,  rompitpour 
entrer  au  Casino  du  Palais-Royal.  Deux  ans  plus 
tard,  le  25  avril  1857,  il  obtenait  au  théâtre 
Beaumarchais,  dans  l'Enfant  du  tour  de  France, 
drame  de  Charles  Vincent  et  Lermite,  le  plus 
■retentissant  et  le  plus  légitime  des  succès. 


On  nous  a  conté,  sur  cette  création  impor- 
tante, une  anecdote  curieuse.  Le  matin  même  de 
la  représentation,  Mélingue,  l'encontrant  sur  le 
boulevard  Vincent  et  Darcier,  dit  à  ce  dernier 
en  lui  serrant  la  main  :  «  Tu  pourras  te  vanter 
d'avoir  un  beau  public  ce  soir;  nous  serons  tous 
là  pour  t'apprécier  en  artistes.  »  —  Darcier 
remercia  d'une  voix  inintelligible.  —  «  Ah  !  mon 
Dieu,  fit  Mélingue,  tu  es  enroué?  Il  faut  qu'on 
ajourne  la  première...  »  —  «  Non,  répondit 
Darcier,  les  auteurs,  grâce  à  la  censure,  n'ont 
déjà  que  trop  attendu;  mais  rassure-toi  :  il  y  a 
deux  voix,  la  voix  qui  parle  et  la  voix  qui  chante; 
celle  qui  parle  est  perdue,  mais  celle  qui  chante 
ira  bien.  «  —  Effectivement,  le  soir,  Darcier 
chanta  superbement;  mais,  au  premier  bis 
demandé  par  la  salle,  Mélingue,  se  levant  d'un, 
fauteuil  d'orchestre,  s'écria  :  «  Non,  mes  amis, 
ne  fatiguons  pas  ce  grand  artiste.  «  —  Le  public 
comprit  et,  malgré  son  état  de  souffrance,  Darcier 
put,  d'un  bout  à  l'autre  de  sOn  rôle,  étonner  par 
sa  voix  et  son  jeu.  L'Enfant  du  tour  de  France 
est  resté  l'œuvre  musicale  la  plus  considérable 
de  Darcier.  Meyerbeer ,  bon  juge ,  disait  : 
«  M.  Darcier  a  dépensé  là  la  monnaie  d'un 
opéra.  »  De  cet  ouvrage  superbe  deux  chansons 
surtout  subsistent  :  la  Ronde  des  Cordonniers  et 
la  Vieille  Chanson  Française  que  l'artiste  dit 
parfois  encore  avec  une  incontestable  autorité. 

Le  21  novembre  de  la  même  année,  dans  les 
Poètes  de  la  treille,  chanson  en  trois  époques  de 
MM.  de  Jallais,  B'ian  et  Pichat,  Darcier  conso- 
lidait, aux  Délassements-Comiques,  par  une 
belle  création,  sa  double  renommée. 

Le  théâtre,  d'ailleurs,  a  toujours  été  pour 
Darcier  source  de  réussites.  Soit  qu'on  l'aie 
chargé  de  rôles  importants,  comme  dans  les 
Doublons  de  ma  ceinture,  d'Alfred  Albert  (Folies- 
Nouvelles,  10  mai  1858)  et  dans  l'Enfant  de 
trente-six  mères,  de  Guénée  et  Jaime  (Déjazet, 
20  novembre  1868)  ;  soit  qu'on  lui  ait  simplement 
demandé  de  compléter,  par  quelques  couplets, 
une  situation  plus  ou  moins  intéressante, 
comme  dans  le  Bataillon  de  la  Moselle  (Cirque, 
28  juin  1860)  et  dans  Mil  huit  cent  soixante-sept 
(Porte  Saint-Martin,  30  décembre  1867),  le 
public  parisien  l'a  constamment  accueilli  avec 
une  faveur  marquée. 

On  n'attend  pas  de  nous  le  récit  complet  de 
la  vie  artistique  de  Darcier,  vie  nomade,  curieuse 
sans  doute,  mais  diflScile  à  retracer  sans  mono- 
tonie. Il  n'est  pas  une  grande  ville  de  France  et 
de  l'étranger  où  ne  se  soit  fait  applaudir  l'original 
chanteur-musicien  ;  il  n'est  pas  un  concert  de  Paris 
où  Darcier  ne  compte  au  moins  une  campagne 
lyrique.  Barthélémy,  l'Alcazar,  l'Eldorado,  la 
Tertulia,  Boléro-Star  l'ont  tour  à  tour  possédé, 
pour  le  présenter  toujours  égal  à  lui-même. 

Les  productions  d'e  Darcier  sont  innombrables  : 
«  C'est,  disait  de  lui  Delsarte,  la  plus  riche 
organisation  musicale  que  je  connaisse.  »  — 
Rappelons  ses  œuvres  principales,  composées  à 


LA  CH.\I^SON 


95 


diverses  époques,  surun  mode  tantôt  sévère,  tantôt 
plaisant,  toujours  savant  et  poétique.  Il  a  fait  : 

Avec  Edouai'd  Plouvier  :  le  Livre  du  bon  Dieu, 
album  de  dix  chansons  adorables^  parmi  lesquelles 
l'Ami  Soleil,  le  Chevalier  Printemps  ;  ^m^  Mon 
Cousin  Pierre  et  Toinette  ; 

Avec  J.-B.  Clément,  plus  tard  membre  de  la 
Commune  :  les  Murgerettes,  album  de  quinze 
productions;  les  Follets,  autre  album  ;  Quand  nos 
hommes  sont  au  cabaret,  les  Cerises  de  Jeannette, 
Je  n'en  ai  pas  le  courage,  Fournaise,  Quatre- 
vingt-neuf;  enfin  les  Chants  du  Préau,  demeurés 
inédits  ; 

Avec  Nadaud  :  les  Amants  d'Adèle,  Chauvin, 
Chut!  les  Deux,  les  Gros  mots,  la  Kermesse,  les 
Ecus  font  des  enfants,  Est-ce  tout?  le  Souper  de 
Manon,  l'Aimable  voleur  et  dix  autres; 

Avec  Desforges  de  Vassens  :  l'Ane,  Dom 
Gobelet,  la  Hache,  Maître  Gringoire,  Marguerite, 
0  ma  Beauté!  Par-dessus  la  haie,  le  Périgourdin, 
les  Pommiers,  Sais-tu  la  chanson? 

Avec  Ch.  Gille  :  le  Bataillon  d'Afrique,  le 
Bataillon  de  la  Moselle,  les  Bleus,  les  Chauffeurs, 
la  Cloche  fêlée,  Marche  de  la  25'"%  la  SB""  Demi- 
Brigade  ; 

Avec  Barrillot  :  le  Bonhomme  Carnaval,  le 
Bonhomme  Chopine,  la  Citerne,  Jeanne  et  Jean- 
Pierre,  Minette; 

Avec  Bouvier  :  La  blonde  Suzon,  la  Canaille, 
Ce  bon  Nicolas,  Fadette,  Je  pleure  mon  bonheur 
perdu,  la  Lanterne  magique.  Mon  p'tit  ?ievcu, 
Osez  Lucas,  les  Péchés  de  Suzon,  le  Peupjlier,  le 
Vieux  passeur,  Versez-moi  du  vin  bleu; 

Avec  Gustave  Mathieu  :  k  Bohémien,  Cendc- 
rinette,  Jean  Baisin,  les  Matelots,   la  Vendange; 

Avec  Charles  Vincent  :  leBéveildc  la  chanson, 
album  de  six  poésies;  puis  l'Aragonaise,le  Chant 
du  Proscrit,  Aimer,  la  Délivrance ,  Garihaldi,  les 
Amours  de  Jean-Pierre,  ISIanon  et  Nanette,  l'In- 
vasion, la  Chanson  française,  les  Fils  du  Soleil, 
les  Vins  de  l' espérance  ; 

Avec  Th.  de  Banville  :  la  Chanson  du  poète, 
la  Sainte-Bohême  ; 

Avec  Murger  :  les  Emigrants,  Marguerite  ; 

kyi&Q,  Bérat  ;  Anne  Margot; 

Avec  Mahiet  de  la  Chesneraye  :  le  Chanvre,  le 
Chemin  des  amoureux.  Mon  Clocher; 

Avec  Festeau  :  Pour  les  pauvres,  le  Bonhomme 
Dimanche; 

Avec  Elisa  Fleury  :  Marceline; 

Avec  Letellier  :  les  Femmes,  c'est  des  trom- 
peuses, le  Chemin  du  Moulin. 

Quoi  citer  encore  :  le  Beait  Nicolas,  Faut  du 
courage.  Si  ça  m'  plaît  d'  partager  mon  bien. 
Mon  âme  et  Dieu,  le  Chagrin  de  ma  voisine  ?. . . 
Mille  compositions  plus  ou  moins  heureuses  s'y 
ajoutent,  sur  des  paroles  de  Bernard  Lopez,  de 
Hachin,  de  Châtillon,  de  Golmance,  de  Baillet, 
d'Eug.  Imbert,  de  Deulin,  de  Rubois,  de  Sauvage^ 
de  Vilmay,  de  Lorin,  de  Ponsard,  de  Bauby,  de 
Drappier,  de  Burani,  de  tous  ceux  enfin  dont 
l'histoire  chansonnière  conservera  les  noms. 


Au  théâtre,  indépendamment  des  pièces  dans- 
lesquelles  il  figurait,  Darcier  a  fourni  la  musiqne 
des  œuvres  suivantes  :  le  Serru?-ier,  de  Dufour  ;. 
le  Dragon  des  Hespérides,  de  De  Jallais  et  Flan  ; 
Fleicr  d'amour,  de  Bauby  ;  Pornic,  de  Deulin  -jAhl 
le  divorce,  àe  Couailhac  et  Renard;  les  Amours 
de  la  Chanson,  de  Bouvier  ;  Pendant  le  siège, 
de  Bernard  Lopez  ;  ^  et  il  tient  en  porte- 
feuille deux  opérettes  terminées  :  Jacqueline,  le 
Marégeur,  et  un  opéra-comique  en  trois  actes, 
la  Nuit  aux  baisers,  que  donneront  les  Folies- 
Dramatiques. 

Voilà  certes  une  œuvre  imposante  et  que 
pouvait  seul  mener  à  bien  un  talent  sans  cesse 
accru  par  le  travail  et  l'étude.  Darcier  passe  tous 
les  jours  quatre  heures  à  son  piano,  et  l'étendue 
de  ses  connaissances  musicales  fait  depuis  long- 
temps de  lui  le  plus  précieux  des  professeurs. 
N'a-t-il  pas  enseigné  sa  sœur,  Michot  de  l'Opéra? 
et  Tliérésa  n'est-elle  pas  redevable  à  ses  conseils 
d'être  une  chanteuse  sérieuse? 

Darcier  chanteur  n'a  point  de  rival.  Sans  exa- 
gération de  pantomine,  simplement,  il  produit  sur 
tous  des  effets  considérables.  Un  mot,  un  geste, 
une  intonation  vraie  lui  soumettent  un  auditoire. 
Respectueux  toujours  et  partout  du  public  et  de 
l'œuvre  qu'il  interprète,  il  a,  certain  soir,  châtié  un 
partenaire  inattentif  de  cette  apostrophe  fou- 
droyante :  «  Gredin,  tu  viens  de  me  voler  un 
quart  de  soupir!  »  —  Mais  Darcier  ne  chante 
plus  guère  que  dans  les  banquets  ou  dans  quelques  . 
représentations  à  bénéfice,  et  c'est  grand  dom- 
mage pour  lesapprentisen  l'art  de  dire  qui  gagne- 
raient tant  à  l'entendre  rappeler  les  succèspassés, 
ou  présenter  lui-même  ces  inspirations  récentes, 
fines  et  charmantes  comme  leurs  aînées  :  La 
Tour  Saint-Jacques,  Victor,  le  Vin  français,  le 
Verre  de  Rabelais,  et  Faites  des  enfants  !  publié 
plus  loin  pour  la  première  fois. 

Que  dirons-nous  de  l'homme?  Il  eut  jadis  des 
velléités  excentriques.  Partout  où  séjournait 
Darcier,  les  entrepreneurs  d'arèijes  populaires 
n'eussent  alors  osé  afficher  leurs  défis  retentis- 
sants; l'artiste,  fier  de  sa  force  physique,  était 
dispos  toujours  pour  entrer  en  lice  et  tomber 
dans  les  règles  «  les  invincibles.  »  Le  temps  a 
l'aison  de  toutes  les  fougues;  Darcier  se  contente 
aujourd'hui  d'être  un  compositeur  admirable, 
un  professeur  irrésistible,  un  diseur  exquis.  L'in- 
telligence et  la  bonté  rayonnent  dans  son  large 
regard  où  l'on  a  voulu  surprendre  de  la  rancune, 
où  nous  ne  lisons,  nous,  qu'une  mélancolie  bien 
motivée  par  l'injustice  du  sort.  Car  —  nous 
terminerons  par  cette  constatation  brutale  et 
triste  —  en  dépit  de  sa  haute  valeur,  reconnue 
par  les  princes  de  l'art  et  de  la  critique,  Darcier 
n'a  jamais  occupé  de  position  bien  lucrative,  et 
c'est  un  vif  chagrin  pour  les  poètes  de  voir,  au 
seuil  de  la  vieillesse,  cette  grande  physionomie 
de  la  vraie  chanson  lutter  encore  avec  les  diffi- 
cultés de  la  vie. 

L.-Henry  LECOMTE. 


96 


LA  CHANSON 


FAITES     DES    ENFANTS 


musique    iiiédîte    de   J.   DARCIER 


^ij  II  H-  ^  ^^^s^^ 

Vons    qDi,par  vos  gràuces  ex.qui  _  e 


_si&     -     &ee 


De    Te-  di_  fi_  ce    so 


les    temps     troa.bles     oo     ooas       som^œes.  Mes 


Voi_ci    le  prio-temps    Fai-îes    des    cq  _  fâato 


Vous  qui,  par  vos  grâces  exquises, 

Gouvernez  le  monde ...  au  total, 

0  femmes,  premières  assises 

De  l'édifice  social. 

Par  les  temps  troublés  où  nous  sommes, 

Mes  belles  croqueuses  de  pommes  : 

Faites  des  enfants  ! . . . 

On  a  besoin  d'hommes  ! 

Voici  le  printemps . . . 

Faites  des  enfants  ! 


Arthémises,  qu'un  long  veuvage 
Met  sur  les  dents ...  il  ne  faut  plus 
Bouder  cet  enivrant  breuvage 
Que  l'amour  verse  à  ses  élus 
Sur  le  duvet  ou  sur  la  mousse. 
Aimez! ...  si  le  cœur  vous  y  pousse 

Faites  des  enfants  ! . . . 

(La  besogne  est  douce) 

Voici  le  printemps . . . 

Faites  des  enfants  ! 


Sous  le  béguin,  l'habit  de  bure. 
Vierges  qui  sans  cesse  priez. . . 
Obéissez  à  la  nature 
Qui  dit  :  Croissez  ! . . .  multipliez  ! . . 
Pour  l'aimer,  chanter  ses  louanges, 
Le  bon  Dieu  n'a-t-il  pas  ses  anges? 

Faites  des  enfants! 

Brodez-leur  des  langes  ; 

Voici  le  printemps . . . 

Faites  des  enfants  ! 


Patriciennes  amoureuses 

Qui,  sur  l'avis  des  médecins, 

A  des  nourrices  plantureuses 

Confiez  vos  petits  poussins, 

(Doux  fruits  de  vos  amours  intimes) 

Qu'ils  soient  bâtards  ou  légitimes  : 

Faites  des  enfants 

Aux  cœurs  magnanimes  ! 

Voici  le  printemps . . . 

Faites  des  enfants  ! 


Villageoises  aux  gorges  rondes, 
Au  teint  bronzé  par  le  soleil, 
Filles  du  peuple,  si  fécondes. 
Par  votre  sang  chaud  et  vermeil. 
Pour  qu'un  jour  le  monde  soit  libre 
Rétablissez  donc  l'équilibre  : 

Faites  des  enfants 

Du  plus  fort  calibre  ! 

Voici  le  printemps. . . 

Faites  des  enfants  ! 


Matrones  et  gentes  pucelles. 
Donnez,  chacune  à  votre  tour, 
Vous,  les  dernières  étincelles. 
Vous,  les  prémices  de  l'amour. 
Puisque  l'homme,  aux  instincts  cupides, 
S'épuise  en  luttes  fratricides  : 

Faites  des  enfants 

Pour  combler  les  vides  ! 

Voici  le  printemps . . . 

Faites  des  enfants  ! 

Henry  RUBOIS. 


LA  CHANSON 


97 


CONCOURS  LIBRE  DE  LA  CHANSON 


MOISSONS 

Sonnet 


Tout  tombe  maintenant  au  tranchant  de  la  faux, 
L'or  pâle  des  blés  mûrs,  l'herbe  de  nos  prairies, 
Et  le  temps,  ce  faneur,  emporte  les  lambeaux 
De  nos  espoirs  déçus  et  de  nos  rêveries. 

Des  guérêts  diaprés,  des  songes  les  plus  beaux, 
Il  ne  reste  bientôt  que  quelques  fleurs  flétries; 
Ce  qui  ne  fane  pas,  c'est  l'herbe  des  tombeaux, 
Car  les  sources  des  pleurs  ne  sont  jamais  taries! 

Mais  nous,  de  jour  en  jour,  de  saisons  en  saisons. 
Nous  allons,  regrettant  les  anciennes  moissons, 
Malgré  lesfruits  nouveaux,  malgré  lesfleurs  nouvelles; 

Pour  rendre  à  tout  jamais  les  jours  heureux  captifs. 
Ou  bien  pour  rattraper  tant  d'amours  fugitifs 
Il  faudrait  tour  à  tour  des  chaînes  ou  des  ailes  ! 

Francis  MARATUECH. 


CHANSON     D'AUTOMNE 


Au-dessus  des  coteaux  voisins, 
La  Vendange,  aimable  bacchante, 
Rit  de  sa  bouche  provoquante. 
Le  front  couronné  de  raisins; 
Et  pressant  la  grappe  sanglante 
Dans  une  coupe  étincelante, 
En  chancelant  sur  ses  genoux. 
D'une  voix  sonore  elle  entonne 
Un  chant  pour  célébrer  l'automne. 
Ivre  de  joie  et  de  vin  doux! 

Je  veux  boire  la  sainte  ivresse 
Dans  ce  vieux  vin  plein  de  soleil, 
Semblable  au  sourire  vermeil 
Sur  la  lèvre  de  ma  maîtresse. 


Maintenant  je  songe  à  l'été, 

A  nos  amours  folles  et  belles, 

Quand  nous  allions  dans  les  brimbelles. 

Pleins  de  jeunesse  et  de  gaîté. 

Qu'elle  était  charmante,  ma  mie! 

Dans  les  monts  la  source  endormie, 

Les  églantiers,  le  hêtre  ancien, 

Les  papillons  blancs,  les  abeiUes, 

Les  fleurs  aux  corolles  vermeilles. 

Et  les  oiseaux  le  savent  bien  ! 

Je  veux  boire  la  sainte  ivresse,  etc, 


J'aima,is  son  regard  étoile, 
Son  babil  de  perruche  verte. . . 

—  Son  cœur  sans  doute  est  cage  ouverte  ; 
L'oiseau  d'amour  s'est  envolé. 

A  ce  jour,  la  belle  m'oublie  ; 
Comme  une  autre,  cette  folie 
S'en  est  allée  avec  l'autan  ! 
Cil  sont  donc  ses  jolis  mensonges, 
Ses  baisers  de  feu,  nos  doux  songes? 

—  Mais  où, sont  les  amours  d'antan? 
Je  veux  boire  la  sainte  ivresse,  etc. 

Bientôt,  plus  de  fleurs  dans  les  champs. 

Plus  de  prairie  ensoleillée. 

Plus  de  ciel  bleu;  dans  la  feuillée. 

Naguère  verte,  plus  de  chants! 

Plus  d'herbe  haute  au  bord  des  rives  ! 

Sous  les  beaux  fruits  aux  couleurs  vives 

On  ne  voit  plus  l'arbre  ployer  : 

La  bise  vient  heurter  ma  porte  ; 

La  neige  brille  ;  —  mais  qu'importe  ! 

La  flamme  rit  dans  le  foyer  : 

Je  vais  boire  la  sainte  ivresse 
Dans  ce  vieux  vin  plein  de  soleil. 
Semblable  au  sourire  vermeil 
Sur  la  lèvre  de  ma  maîtresse. 

Georges  NARDIN. 


LA    SCIENCE 


On  m'a  dit  :  «  Pourquoi  donc  mêler  la  poésie, 
«  Ce  langage  divin,  cette  pure  ambroisie, 
«  A  la  science  aride  aux  pénibles  chemins? 
«  Ne  doit-elle  donc  plus  chanter  les  rêves  roses, 
«  Et  sur  les  sombres  mots  et  sur  les  froides  choses 
«  Jeter  des  fleurs  à  pleines  mains? 

«  Ne  doit-elle  donc  plus  des  murmures  de  l'âme, 

«  De  l'amour  idéal,  délicieuse  flamme, 

«  Etre  l'écho  plaintif  ou  l'accent  radieux? 

«  Pourquoi  donc,  la  couvrant  d'un  vêtement  austère, 

«  Sans  pitié,  la  forcer  à  rester  sur  la  terre, 

«  Quand  sa  patrie  est  dans  les  cieux?  » 

Ah!  jadis,  j'ai  chanté  les  vagues  murmurantes. 
Des  plaines  et  des  bois  les  senteurs  enivrantes. 
Les  rougeurs  de  l'aurore  et  la  rosée  en  pleurs  ; 
Mon  vers  tendre  ou  joyeux  se  couronnait  de  roses, 
Mais  dans  mon  cœur  pensif  d'autres  fleurs  sont  éoloses 
Au  vent  des  terrestres  douleurs  ! 

J'ai  vu  tant  de  regrets,  de  souffrances,  de  larmes, 
J'ai  voulu,  mais  en  vain,  apaiser  tant  d'alarmes. 
J'ai  trouvé  tant  de  cœurs  tristes  jusqu'à  la  mort. 
Que,  sur  l'océan  noir  des  tourments  de  la  terre. 
Cherchant  des  sombres  nuits  à  percer  le  mystère. 
J'ai  dit  :  Où  peut  être  le  port  ? 

Où  peut  être  le  port  pour  ces  barques  lassées, 
Quand  le  vent  est  hurlant,  les  vagues  courroucées, 
Quand  les  astres  trompeurs  se  voilent  dans  les  cieux? 
Quand  l'amour  pur  s'éteint  sous  le  rire  de  glace, 
Et  quand  le  doute  amer  et  désolé  remplace 
L'aveugle  foi  de  nos  aïeux  ? 


98 


LA  CHANSON 


Alors,  je  t'ai  vu  luire,  ô  phare  incomparable, 
J'ai  vu  tes  feux  darder  sur  l'homme  misérable 
Leurs  rayons  triomphants,  leurs  sublimes  clartés, 
J'ai  senti  ta  chaleur  qui  féconde  et  pénètre, 
Avec  le  monde  entier  vivifier  mon  être. 
Savoir,  père  des  libertés! 

J'ai  vu  l'esprit  grandi  par  tes  hautes  pensées 
Se  délivrer  soudain  des  erreurs  insensées 
Qui  l'avaient  entouré  de  leurs  voiles  obscurs  : 
Brisant  enfin  les  jougs  qui  le  faisaient  esclave. 
Je  l'ai  vu,  tout  puissant,  préparer  sans  entrave 
Le  bonheur  des  âges  futurs! 

Oui,  c'est  toi  seul  qui  peux  rassasier  nos  âmes. 
C'est  toi  qui  peux  remplir  p'ar  les  plus  nobles  flammes 
Le  vide  douloureux  de  nos  cœurs  attristés; 
C'est  toi  qui  peux  calmer  les  tourments  et  les  fièvres, 
Toi  qui  peux,  à  jamais,  faire  boire  nos  lèvres 
A  la  coupe  des  vérités! 

Ahl  je  veux  te  chanter,  science  universelle. 
Faîte  vertigineux  d'où  s'échappe  et  ruisselle 
Le  jour  le  plus  brillant  que  l'homme  puisse  voir! 
Je  veux  dire  partout  tes  ivresses  profondes. 
Tout  ce  que  tu  produis  et  tout  ce  que  tu  fondes, 
0  grand,  ô  lumineux  savoir! 

Je  veux  dire  tes  dons,  tes  gages  d'espérance,  ■ 
Je  veux,  aux  yeux  voilés  encor  par  l'ignorance^ 
Dérouler  les  splendeurs  de  ton  vaste  horizon. 
Te  célébrer  toujours,  rédemption  auguste, 
Réceptacle  sacré  du  beau,  du  vrai,  du  juste, 
Couronnement  de  la  raison  I 

JuLius   GAELLO. 


LE     CONCOURS     LIBRE 

DE    LA    CHANSON 


Si  le  jury  a  rencontré,  dans  le  classement  des 
chants  nationaux,  de  sérieuses  difficultés,  l'examen 
des  poésies  envoyées  au  concours  libre  en  a  pré- 
senté de  plus  grandes  encore.  Il  ne  s'agissait  plus 
seulement  de  comparer,  au  point  de  vue  de  la  valeur 
intrinsèque,  des  pièces  roulant  toutes  à  peu  près  sur  le 
même  sujet.  Ici  tous  les  genres,  à  la  fois,  réclamaient 
la  priorité  :  l'élégie,  la  chanson,  le  sonnet,  la  romance, 
l'hymne,  le  rondeau,  la  satire,  stances  lamartiniennes 
ou  couplets  ultra-grivois.  A  qui  entendre  ?  Et  tous 
ces  genres  traités  avec  des  mérites  divers,  beaucoup 
de  qualités,  peu  de  défauts.  Ce  dernier  point  surtout 
embarrasse  et  rend  presque  inapplicable  le  système 
commode  de  l'élimination. 

Mais  quelles  difficultés  sont  insurmontables,  quand 
l'impartialité  se  trouve  soutenue  par  le  dévouement 
à  la  poésie! 

Le  lecteur  connaît  aujourd'hui  le  nom  des  lauréats 
et  les  titres  des  œuvres  couronnées  :  un  sonnet,  une 
chanson,  un  dithyrambe.  Nous  n'avons  pas  à  les 
caractériser.  Disons  seulement  que  les  pièces  contre 
lesquelles  elles  ont  eu  à  lutter  étaient  au  nombre  de 
trois  cent  cinquante-neuf,  dont  onze  hors  concours 
pour  différentes  causes. 

Au  lieu  d'expliquer  pourquoi  ces  trois  poésies,  qui 
se  recommandent  d'elles-mêmes,  ont  été  classées  au 
premier  rang,  nous  croyons  plus  utile  d'examiner 


avec  le  lecteur  quelques-unes  de  celles  qui  n'ont  pu 
y  parvenir,  et  non  toutes,  comme  le  promettait  la 
note  de  la  page  88.  Toutefois,  pour  rester  fidèle 
rapporteur,  nous  devons  ajouter  que  le  jury  ai-econnu 
dans  les  strophes  de  M.  Gaëllo  un  grand  souffle  lyri- 
que, un  style  large,  une  versification  facile,  et  de 
plus  un  sentiment  élevé  des  inspirations  modernes. 
S'il  place  la  science  au-dessus  du  dogme  étroit,  nous 
croyons  qu'il  serait  injuste  de  voir  là  une  procla- 
mation d'athéisme.  D'ailleurs,  ne  devons-nous  pas 
respecter  une  croyance  à  la  toute-puissance  du 
savoir,  aux  lois  positives  de  la  nature,  aussi  bien 
qu'une  foi  sentimentale  inspirée  par  une  religion  on 
une  mythologie  quelconque  ? 

La  chanson  de  M.  Nardin  ne  vise  pas  à  la 
nouveauté,  à  la  création  d'un  génie.  Les  images 
champêtres,  une  nuance  bachique  relèvent  par  leur 
fraîcheur  le  poème  peu  inédit  des  jeunes  amours. 
Une  facture  bien  coulante,  de  la  jeunesse,  une  coupe 
bien  appropriée  à  la  musique,  une  forme  pure,  ont 
déterminé  notre  choix.  A  propos  du  mot  brimbelles 
employé  par  le  poète,  rappelons  au  lecteur  qui  ne  s'en 
souviendrait  pas  que  c'est  un  des  noms  donnés  à 
l'airelle  ou  myrtille,  petit  arbuste  qui  croît  dans  les 
lieux  abrités  et  parmi  les  bruyères. 

Le  sonnet  de  M.  Maratueoh  n'est  qu'un  sonnet, 
mais  que  de  choses  gracieuses  et  fines  dans  un  cadre 
si  étroit!  La  marche  est  d'abord  calme,  pour  ^bien 
poser  les  prémices;  puis  l'antithèse,  ou  plutôt  le 
rapprochement  ingénieux  éclate  à  la  fin  et  laisse  le 
lecteur  sous  une  impression  de  douce  mélancolie. 

Commençons  par  un  avis  qui  a  son  importance. 
Les  observations  détaillées  résultant  de  l'examen 
auquel  chacun  des  membres  du  jury  s'est  livré  à 
l'égard  des  pièces  qui  lui  étaient  échues,  n'ont  pu 
être  toutes  réunies.  Il  en  résulte  que  les  remarques 
qui  vont  suivre  ne  doivent  pas  être  toutes  attribuées 
à  l'ensemble  du  jury,  et  que  certain  nombre  de  ces 
remarques  sont  personnelles  au  rapporteur.  Nous 
avons  tâché  de  les  rendre  aussi  justes  et  aussi  pré- 
cises qu'elles  sont  consciencieuses 

Le  printemps,  et  c'était  inévitable,  a,  je  ne  dirai 
pas  inspiré,  mais  tenté  un  grand  nombre  de  poètes. 
Ici  la  banalité  était  un  écueil,  et  tous  ne  l'ont  pas 
évité.  Pourtant,  le  sujet  a  été  rajeuni  çà  etjà,  tantôt 
par  quelques  vers  pleins  de  fraîcheur,  tantôt  par  des 
comparaisons  ingénieuses. 

La  Chanson  d'avril  contient  des  vers  gracieux, 
mais  aussi  des  vers  faux,  et  c'est  dommage.  Le 
Printemps,  rêverie  d'enfants,  est  au  contraire  d'une 
forme  irréprochable,  mais  renferme  quelques  naïve- 
tés, que  le  sujet  excuse. 

Un  autre  poète  chante  à  la  fois  le  printemps  et 
l'amour,  et  nous  peint  : 

Dans  le  lointain,  deux  jeunes  amoureux 
Cherchant  des  yeux  le  sentier  le  plus  sombre... 

Ne  les  troublons  pas  et  continuons  notre  revue. 

L'amour  en  effet,  comme  le  printemps,  dicte  beau- 
coup de  vers.  C'est  l'inspirateur  par  excellence, 
surtout  des  jeunes  gens. 

En  voici  un  qui  cherche  en  vain  l'amour  qu'il  a 
rêvé  :  Comme  vous,  dit-il  à  ses  amis. 

Comme  vous  j'ai  ou«illi  des  baisers  chauds  ,ct  francs 
Et  senti  deux  seins  durs  palpiter  sous  mes  flancs. 
Pourquoi  donc,  demeuré  seul  à  travers  le  monde. 
Seul  je  poursuis  ma  course  errante  et  vagabonde? 

Question  à  laquelle  l'auteur  ne  répond  pas. 


LA  CHANSON 


99 


Un  poète  singulièrement  vigoureux  et  dans  le  fond 
et  dans  la  forme,  c'est  assurément  l'auteur  de 
Théano.  S'il  faut  s'en  rapporter  au  corps  de  l'écri- 
ture, et  la  manière  même  de  concevoir  et  d'exprimer 
la  pensée  semble  confirmer  ce  premier  indice,  le 
même  poète  n'a  pas  soumis  au  concours  moins  de 
sept  pièces  :  Théano,  que  nous  venons  de  citer,  la 
Revanche,  Dies  illa,  Un  Toast,  Françoise,  Allégorie, 
qui  n'est  qu'un  sonnet,  et  Misanthropie  et  Repentir, 
dont  il  est  difficile  de  citer  trois  vers  de  suite.  Mais 
on  peut  citer  le  sonnet  suivant  : 

ALLÉGORIE 

En  quels  lieux?  —  Je  ne  sais. —  En  quel  temps? —  Je  l'ignore. 
Une  femme  était  là.  Son  front  resplendissant 
Atteignait  l'empyrée.  Un  labeur  tout  puissant 
Allumait  sur  ses  ti-aits  les  flammes  d'une  aurore. 

Le  bruit  l'enveloppait,  orageux,  emplissant 
L'espace  illimité  qui  frémissait  encore, 
Quand,  dans  ses  mains  léger,  le  marteau  bondissant 
Tombait  avec  fracas  sur  l'enclume  sonore. 

Vers  sa  tète,  comme  un  arc-en-ciel  sans  pareils. 
Rayonnait  le  mot  France  en  lettres  immortelles. 
Dans  leurs  durs  tintements,  hostiles  aux  sommeils. 

Les  coups  précipités  semblaient  avoir  des  ailes. 

Mais,  au  lieu  d'en  tirer  de  pâles  étincelles. 

Son  poing  nerveux  lançait  aux  ombres  des  soleils. 

Les  autres  pièces  présentent  le  même  caractère 
d'élévation  et  de  mâle  poésie.  Ajoutez  à  cela  un 
rhythme  tantôt  précipité  et  comme  haletant,  tantôt, 
au  contraire,  calme  dans  sa  force  ou  d'un  élan  con- 
tenu. Quelquefois  le  pittoresque  s'accentue  à  la 
Baudelaire.  A  propos  do  Françoise  : 

Sa  gorge,  comme  un  flot  qui  monte, 
Aspire  au  baiser  qu'elle  éteint. 


Sa  nuque  épaisse  et  sa  croupe  ample, 
Double  colline  oii  touche  un  bois... 

Arrêtons-nous  vite,  pour  citer  ces  vers  d'un  autre 
genre,  extraits  du  Toast  : 

Et  je  bois,  Patrie  ulcérée, 
Enfln, 

A  ces  héros  aux  grandes  tailles 

Qui,  prodigues  d'un  noble  sang, 

En  mirent  la  pourpre  dans  cent 

Batailles, 

Quand  tu  secouais  le  Kremlin, 
Et  remuais  —  qu'on  s'en  souvienne!  — 
Milan,  Moscou,  Madrid,  Ulm,  Vienne, 
Berlin. 

Oh!  puisses-tu,  roulant  ta  poudre, 
fi     Comme  jadis  sur  tous  les  points. 
De  nouveau  saisir  dans  tes  poings 
La  foudre  ! 

Encore  un  auteur  fécond  ou  qui  a  voulu  multiplier 
ses  chances  de  succès.  Quatre  pièces  au  moins  de  la 
même  écriture  fine  et  élégante.  C'est  un  chansonnier; 
il  célèbre  la  liberté,  il  raille  les  aveugles  systématiques, 
il  chante  la  fraternité  et  rend  hommage  à  ceux  qu'il 
appelle  ses  maîtres  défunts.  De  l'esprit,  de  la  chaleur, 
mais  quelques  vers  duriuscules,  comme  celui-ci  : 

Ceux  dont  les  divins  dons  t'ont  parée  et  fleurie. 

Vin-don-ton-pa  !  Cela  rappelle  le  fameux  pa-ra- 
bla-la-fla  de  Pichat  ou  d'un  Lebrun  quelconque. 

EuG.  IMBERT. 
(La  suite  au  prochain  numéro 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU    H    NOVEMBRE  1878. 

Voici  l'hiver  :  l'hiver  ramène  les  chansons. 

Et  les  chanteurs  aussi,  paraît-il,  car  depuis  long- 
temps on  n'avait  vu  la  table  du  banquet  aussi  bien 
garnie.  Figures  joveuses,  épanouies,  ranimées  par 
la  villégiature  et  toutes  prêtes  au  bon  rire.  Le  rire, 
n'est-ce  pas  encore  du  soleil?  Tous,  jeunes  et  vieux, 
semblent  avoir  pi'is  pour  devise  le  refrain  de  Ripault. 
Carpe  dieml  nous  dit-il  après  Horace.  Et  il  a  raison  : 
la  vie  est  si  courte. 

Si  courte?  Pas  déjà  tant  :  voyez  Lesueur,  un  des 
doyens  du  Caveau  :  il  a  quatre-vingt-quatre  ans  et 
il  chante  encore,  et  il  chante  ces  couplets  que  vous 
lirez  dans  ce  journal  même,  couplets  qu'il  intitule  : 
Je  ne  veux  pas  rajeunir.  Et  il  en  donne  de  si  bonnes 
raisons,  et  même  de  si  touchantes,  qu'il  faut  bien  le 
croire. 

La  chanson  à  tiroirs,  ce  cadre  commode  dans  lequel 
apparaissent  tour  à  tour  des  sujets  variés,  ne  manque 
jamais  au  rendez-vous.  La  Pomme  de  discorde,  de 
JuUien,  La  Garde  à  carreau,  de  Guérin,  les  Questions 
du  jour,  àe  Vacher,  retour  de  Suisse,  Les  Abus  de 
la  victoire,  de  Grange,  C'est  de  la  blague,  de  Piesse, 
Ce  que  je  li'ai  jamais  compris,  de  Fénée,  Le  Baume 
tranquille,  de  Lagarde,  ont  offert  aux  auditeurs  une 
série  de  couplets  pleins  de  philosophie  et  de  bonne 
humeur.  Le  petit  coup  de  patte  politique  n'y  apparaît 
qu'en  passant,  et  personne  ne  s'en  plaint.  Voilà  un 
membre  de  phrase  assez  amphibologique  :  ma  foi, 
je  le  laisse  comme  il  est.  A  bon    entendeur,  salut. 

Charles  Vincent  chante  sa  Cinquantaine.  Un  peu 
de  mélancolie, beaucoup  d'entrain,  l'espoir  en  l'ave- 
nir, voilà  ce  qui  donne  à  ces  couplets  un  cachet 
particulier.  J'oubliais  la  résignation  :  J'ai  cinquante 
ans,  dit  le  poète  ;  je  les  prends.  —  Parbleu  ! 

Saluez,  lecteurs  de  La  Chansonl  Voici  un  des  concur- 
rents non  couronnés  qui  se  révèle.  Montariol  aussi- 
a  fait  une  Marseillaise  de  la  paix,  et  d'un  mouvement 
lyrique,  et  d'un  sentiment  élevé,  je  vous  assure. 
Chaleureux  applaudissements  et  bien  mérités. 

Clairville  aime  la  difficulté  ;  il  la  cherche  et  la 
dompte  souvent.  Aujourd'hui  il  traite  les  Voyelles, 
mais  en  se  privant  tour  à  tour  d'une  d'entre  elles. 
Tour  de  force  ingénieux.  L'm  surtout,  vu  les  diverses 
consonnes  devant  ou  derrière  lesquelles  il  peut  se 
trouver  placé,  a  fourni  au  chansonnier  des  vers  plus 
que  piquants. 

Le  jour  des  morts  —  c'était  hier  —  a  inspiré  au 
président  Vincent  un  toast  excellent.  Souvenir  affec- 
tueux donné  aux  membres,  aux  amis  qu'a  perdus  le 
Caveau;  peinture  du  banquet  tenu  là-haut  par  ces 
morts  regrettés  ;  Vincent  a  mis  beaucoup  de  cœur  et 
beaucoup  d'esprit  dans  ces  vers  longuement  applaudis. 

PouUain,  avec  les  Quatre  enfants  de  l'Alsacienne, 
Rubois,  qui  chante  les  Plaintes  des  amants,  ont 
provoqué  à  leur  tour  et  les  rires  et  les  bravos,.  La 
chanson  de  Rubois  est  une  contre-partie  des  Chapons 
de  Béranger.  C'est  la  faute  à  vos  appas,  dit-il, 

Oui,  coquettes, 

Oui,  fillettes, 
C'est  la  faute  à  vos  appas, 
Si  vos  coqs  ne  sont  pas  gras. 

Après  un  Venite  poiemus,  entonné  d'une  voix 
puissante  par  un  visiteur  dont  le  nom  m'échappe, 


100 


LA  CHANSON 


les  frères  Lionnet,  mis  déjà  à  contribution,  ce  à 
quoi  ils  se  prêtent  avec  beaucoup  de  grâce,  ont 
cliarmé  l'auditoire  par  quelques-unes  de  ces  canti- 
lènes  dont  ils  ont  le  secret.  Puis  des  imitations  fort 
réussies  et  acclamées,  vous  pensez  !  Madame  Fontaine, 
que  ce  pauvre  Fernand  Desnoyers  avait  écrite  sur 
l'air  de  la  Bonne  Aventure,  et  Une  promenade  d'amou- 
reux, tableau  plein  de  poésie  dont  Anatole  est 
l'auteur,  ont  montré  une  fois  de  plus  quels  effets  peut 
produire  une  jolie  voix  aidée  d'un  ai't  consommé  et 
guidée  par  un  goût  parfait. 
Donc,  excellente  soirée,  qui  ne  sera  pas  la  dernière. 

EuG.  IMBERT. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Les  Amis  du  Commerce  forment  aujoui'd'hui  une 
des  sociétés  lyriques  les  plus  suivies.  La  soirée  du 
vendredi  8  novembre,  à  laquelle  j'ai  assisté,  a  été 
très-briUante  ;  le  président  M.  Paul  Haber  (un  excel- 
lent chanteur,  entre  parenthèse),  s'est  distingué 
tout  particulièrement.  Parmi  les  ai'tistes  étrangers 
à  la  société,  nous  avons  remarqué  M°°°  Adèle, 
M^^JuHajlNIM.  Adrien  Souchet,Jomain  et  Léo  Tostain. 

L'Amicale  du  Commerce  (président  M.  A.  Roussel), 
la  plus  élégante  de  nos  sociétés,  qui  donne  ses  soirées 
du  vendredi  dans  les  salons  de  Lemardelay,  offrait 
à  ses  habitués  un  grand  bal  le  samedi  16  novembre, 
à  Valentino.  —  De  jolies  femmes,  des  fleurs,  beaucoup 
de  joyeux  cavaliers,  et  le  brillant  orchestre  de 
Deransart.  On  s'attendait  à  une  fête  splendide,  et 
le  succès  a  dépassé  les  espérances  :  c'est  tout  dire. 

La  Lyre  de  la  Gaité-Ilevue,  c'est  le  titre  d'une 
chanson  signée  Léo  Tostain  et  chantée  par  l'auteur 
à  ladite  Société.  Pour  dire  quelques  mots  de  ces 
charmantes  réunions  des  samedis,  dimanches  et 
lundis,  rue  Descai^tes,  j'emprunte  à  Léo  son  manus- 
crit qui  est  en  quelque  sorte  la  photographie  de 
chacun  des  sociétaires.  J'ai  assisté  à  plusieurs  de  ces 
soirées  et  j'en  ai  gardé  un  souvenir  très-agréable. 
La  salle  est  petite,  mais  on  n'en  est  que  plus  en 
famille.  Aussi  quelle  cordialité,  quelle  entente  ! 

Commençons  par  les  dames;  elles  ont  toujours 
droit  à  la  place  d'honneur.  M°"  Durer  dans  le  Petit 
Bleu  de  Suresnes,  nous  fait  venir  le  vin  à  la  bouche  ; 
elle  nous  rajeunit  (comme  dit  Léo).  M"°  Adèle  est 
parfaite  dans  les  Cloches  de  Corneville  et  dans  tout 
ce  qu'elle  chante. M^'^Marie  Lerouge,une  ex-artiste 
des  concerts,  nous  charme  dans  le  présent  comme 
elle  nous  charmait  dans  le  passé.  Bon,  voilà  que 
mon  devoir  de  chroniqueur  me  force  à  dire  de  ces 
choses  !...  bah  !  résignons-nous  :  M"°  Adèle  n'est-elle 
pas  charmante  dans  le  Lit  (chansonnette  bien  entendu) . 
Qu'en  pense  mon  ami  JulesB.  qui  chante  si  bien  Jesuis 
timide'^  Passons  aux  sociétaires,  ils  sont  nombreux  et 
j'en  oublierai  certainement.  M.  Letirand,  président 
intelligent  et  dévoué,  dit  avec  âme  la  Robe  ; 
M.  Guerdet,  vice-président,  Fatma;  le  gigantesque 
Edmond,  secrétaire  larmoyant.  Mignon;  puis 
MM.Plazol,Camier,  Boucher, Souillac,  Corriger,  etc. 
N'oublions  pas  M.  Villois  et  son  aimable  épouse  : 

Juliette  au  charmant  minois 
Et  que  chacun  jalouse; 

et,  pour  finir,  remercions  nos  amis  de  la  chaleureuse 
réception  qu'ils  ont  faite  à  votre  serviteur. 

A.  LEROY. 


La  société  lyrique  La  Renaissance  a  donné  le 
dimanche  17  novembre,  à  la  salle  Herz,  une  matinée 
musicale  et  littéraire  au  profit  des  écoles  laïques  du 
IX°  arrondissement.  Bon  programme  et  bonne 
recette. 

Le  même  jour  (17  novembre),  une  grande  soirée 
était  offerte,  dans  les  salons  de  Pierre  Petit,  par  la 
société  lyrique  des  Enfants  de  la  Seine.  MM.  Bonnet, 
Fernand,  E.  Koch,  Camille,  ont  obtenu  des  bravos 
avec  les  Compagnons  charpentiers,  la  Barque  vole,  la 
Dernière  Fleur,  et  le  Roi  de  Lahore.  Un  Amour 
d'épicier,  bouffonnerie  en  un  acte,  a  été  parfaitement 
joué  par  MM.  Perrot,  E.  Koch  et  M'"=  Hélène. 
Citons  encore  une  fantaisie  sur  Lucie  de  Lamei'moor 
exécutée  parle  violoniste  Mesmin-Luc,  un  duo  enlevé 
par  M™°  Fabvre  et  M.  Mallaivre,  et  des  chœurs  bien 
chantés  sous  la  direction  du  président,  M.  Cantarel. 
Cette  intéressante  société  donne  son  Bal  annuel 
le  samedi  7  décembre,  salle  Rivoli,  rue  Saint- 
Antoine,  104. 


Le  premier  concert  annuel  de  Li  Lïce  Chanson- 
nière sera  donné  le  dimanche  15  décembre,  à 
2  heures  précises,  dans  les  salons  de  Pierre  Petit, 
place  Cadet,  31,  avec  le  concours  de  : 

MM.  Michot,  de  l'Opéra, 

Coquelin  cadet,  de  la  Comédie-Française, 

Darder, 

les  Frères  Lionnet, 

Collignon, 

Jules  Granier,  accompagnateur, 
M'"^'  Marie  de  Verginy 

Olni,     ""^5  du  Conservatoire. 

Prix  des  places  :  2  fr.;  places  réservées  :  3  fr. 

On  trouve  des  billets  chez  Pierre  Petit  ;  Ernest 
Chebroux,  président,  rue  d'Argout,  16  ;  Eugène 
Baillet,  trésorier,  rue  des  Vieilles-Haudriettes,  6; 
Jules  Echalié,  secrétaire,  rue  Montmartre,  55,  et 
aux  bureaux  de  La  Ciianson,  rue  Bonaparte,  18. 


Nos  abonnés  anciens  et  nouveaux  sont  instam- 
ment priés  de  faire  vei'ser  le  montant  de  leur 
abonnement  aux  bureaux  de  notre  journal,  ouverts 
de  8  heures  du  matin  à  8  heures  du  soir,  ou  de  nous 
l'adresser  en  un  mandat  sur  la  poste,  le  talon  servant 
de  quittance.  Plusieurs  souscripteurs  ont  oublié  de 
tenir  compte  de  la  légère  augmentation  de  50  centimes 
applicable  au  second  semestre  ;  ils  voudront  bien 
nous  envoyer   en  timbres-poste  cette  différence. 

Un  certain  nombre  de  collections  ont  été  mises 
en  réserve  pour  nos  abonnés  nouveaux.  Nous 
délivrons  les  six  numéros  du  premier  semestre  au 
prix  de  2  fr.  50  pour  Paris  et  de  3  fr.  pour  les 
départements  (envoi  franco). 


L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  ajournei? 
notre  Boîte  aux  lettres,  et  le  compte-rendu  de  diverses 
publications  qui  nous  ont  été  adressées. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


1"  ANNKE.  —  N"  10. 


16  DECEMBRE  1878. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PAT  A  Y 


Le  Numéro  :  20  eent. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1":'  &  le  1  6  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
Y.  DEMEURE 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
P.tHIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L. -HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois 2  fr.  50 

Départ»,  6  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3       So 


iSOMMAIRH  :  Galerie  des  Chansonniers  :  Clairville  (l.-henry  lecojite).  —  La  Chanson  des  Cigaliers  Joenri  de  bornier).  — 
Je  ne  veux  pas  rajeunir  (lesueur).  —  La  Gerbe  républicaine  {noel  mouret). —  Comment  on  descend  du  pouvoir  (Charles  Vincent). 
Retour  à  la  Lice  Chansonnière  (kug.  imbert).  —  Les  Pièces  présentées  au  Concours  libre  isuite). —  Banquet  du  Caveau  (l.-henry 
LEC051TE).  —  liunquet  de  la  Lice  Chansonnière  (eug.  imbert!.  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  leroy,  gédué,  h.  demanet, 
V.  lebreton,  a.   patavJ.  —  Avis  divers, 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  CLAIRVILLE 


En  embrassant  m  ai- 
gre sa  famille  la  car- 
rière théâtrale,  M.  Ni- 
colaïe  avait  pris  le 
pseudonyme  de  Clair- 
ville.  Beau  nom  de 
théâtre  vraiment,  que 
devait  rendre  célèbre 
le  fils  qui  lui  naquit 
à  Lyon,  le  28  janvier 
1811,  et  qu'on  baptisa 
Louis-François. 

Les  époux  Nicolaïe 
dirigeaient  une  troupe 
de  comédiens  ambu- 
lants; ils  gagnèrent  en 
province  des  sommes 
assez  fortes,  avec  les- 
quelles ils  débarquè- 
rent un  matin  à  Paris, 
où  l'administration  de 
divers  théâtres  de 
second  ordre,  ceux  no- 
tamment du  Luxem- 
bourg et  de  M^'Saqui, 
leur  était  dévolue. 

L'enfance  de  Louis- 
François  s'écoula  par- 
tie à  l'école  primaire, 
partie  dans  les  cou- 
lisses. A  dix  ans,  il 
montait  sur  les  plan- 
ches du  Luxembourg.  Successivement,  et  suivant 
les  besoins  de  l'exploitation  paternelle,  Clairville 
fils  tint,  avec  un  égal  bonheur,  les  emplois  de 
jeune  premier,  de  contrôleur,  de  père  noble  et 
de  souffleur.  L'idée  lui  vint,  en  1829,  de  com- 
poser les  rôles  qu'il  jouait.  Sa  pièce  de  début, 


l'Enraffépar  ruse,  fut 
assez  favorablement 
reçue  du  public  pour 
l'engager  à  renouve- 
ler sa  tentative.  Dans 
l'espace  de  quelques 
moisildonna:î/ayeî«;, 
l'Enfant  du  soldat,  le 
Badigeonneur,  le  Puits 
de  Grenelle,  la  Guerre 
des  ménages,  la  Cita- 
delle d'Anvers,  le  Sé- 
ducteur, Adeline,  les 
Saint-Simonniens,  et 
plusieurs  autres.  De 
toutes  ces  œuvres  de 
jeunesse,  une  seule  est 
imprimée  :  Quatorze 
ans  de  la  vie  de  Na- 
poléon ,  représentée 
cent  fois  en  1830. 

M.  Nicolaïe  mourut 
sur  ces  entrefaites. 
Louis- François ,  ap- 
pelé à  l'Ambigu-Co- 
mique  par  M.  de  Cès- 
Caupenne ,  demanda 
l'autorisation  d'écrire 
sa  pièce  de  début.  Ce 
fut  i836  dans  la  lune, 
œuvre  singulière  et 
pétillante,  qui  com- 
mençait la  série  considérable  et  interminée  des 
revues  de  fin  d'année,  où  triompha  toujours 
Clairville.  Le  succès  de  l'auteur  dépassa  celui 
de  l'acteur;  Clairville  eut  alors  le  bon  esprit  de 
quitter  la  scène  pour  se  consacrer  exclusivement 
à  la  littérature. 


102 


LA  CHANSON 


Seul  ou  en  collaboration  avec  Miot,  Tliéaulon, 
Dartois,  Dennerj,  Dumanoir,  Varin,  Mélesville, 
Thiboust,  Siraudin,  Koning  même,  Clairville  a, 
depuis  quarante  années,  fait  représenter  environ 
quatre  cents  ouvrages  qui,  la  plupart,  se  recom- 
mandent par  une  grande  facilité,  une  verve 
bouffonne,  nombre  de  couplets  ingénieux,  d'allu- 
sions transparentes  et  d'équivoques  hardies. 
Nous  n'avons  pas  à  étudier  ici  l'auteur  dramati- 
que ;  nous  ne  pouvons  cependant  nous  dispenser 
de  rappeler  ses  plus  bruyantes  réussites  :  la 
Propriété  c'est  le  vol,  Clarisse  Harloiue,  les  Sept 
Châteaux  du  Diable,  l'Abbé  galant,  la  Poule 
aux  œufs  d'or,  Léonard,  les  Chansons  populaires, 
Gentil-Bernard,  le  Bourgeois  de  Paris,  Lully,  la 
Corde  sensible,  les  Bibelots  du  Diable,  les  Pantins 
étemels,  Héloïse  etAbélard,  la  Ville  de  M'^'  Angot, 
les  Cloches  de  Corneville. . .  A  quoi  bon  poursuivre? 

Tout  en  rimant  couplets,  rondeaux  et  ensem- 
bles, Clairville  cherchait  partout  et  toujours  des 
sujets  de  chansons  ;  le  refrain  écrit,  il  le  jetait 
dans  un  carton  poudreux.  Un  jour,  le  carton  se 
trouva  plein;  Clairville  alors  fit  deux  parts  des 
papiers  qu'il  contenait,  jeta  la  plus  forte  au  feu  et 
porta  l'autre  à  l-'éditeur  Lecou  qui  la  publia  sous 
ce  titre  :  Chansons  et  Poésies  (1853,  in-12). 

Les  productions  que  contient  le  volume  de 
Clairville  sont  naturellement  variées.  Sur  le 
ton  plaisant,  le  livre  contient  :  les  Plaisirs  de 
l'été,  les  Plaisirs  de  l'hiver,  pendants  réussis  ; 
la  Lorette,  oîi  la  devise  «  courte  et  bonne  «  est 
plaisamment  justifiée,  le  Portrait  de  Lisette, 
Estelle  et  Némorin,  le  Pour  et  le  Contre,  l'Enfer 
et  le  Paradis,  Gros-Jean,  les  Cotillons,  Histoire 
de  beaucoup»  de  ces  Dames,  toutes  choses  émaillées 
de  traits  plus  que  vifs.  —  Le  ton  grave  n'est 
pas  moins  heureusement  employé  par  Clairville  : 
l'Existence,  Comment  je  devins  bête.  Dieu,  Abd- 
el-Kader,  la  Mort  de  Pierrot,  Voyage  avec  une 
muse.  Encore  et  toujours,  Salomon  de  Caus,  le 
Prêtre,  les  Femmes,  et  beaucoup  d'autres,  con- 
tiennent de  réelles  beautés  de  pensée  ou  de  style. 
L'auteur  cependant  ne  fait  pas  mystère  de  son 
ignorance  : 

J'ai  lu  mes  grecs  et  mes  latins 
Chez  les  frères  ignorantins, 

dit-il  ;  combien  de  plus  favorisés  auraient  écrit 
ce  couplet  d'une  philosophie  si  haute  : 

Amas  de  boue,  impur  et  dur  ciment 
Que  le  soleil  transforme  en  diamant, 
Nous  sommes  éblouis  par  réclat  qui  le  change  ; 
Nous  oublions  qu'un  jour  tu  sortis  de  la  fange, 
Nous  te  faisons  briller  sur  le  cou  blanc  d'un  ange, 
Et  l'ange  profané  retourne  à  ton  néant  ! 

Mentionnons  encore,  sur  une  note  très-émue, 
le  vieux  Pauvre,  et  relevons  cette  confession 
singulière  : 

Ma  muse  aime  qu'on  l'émoustille. 
Elle  rit  d'un  propos  grivois  ; 
Mais  c'est  une  élégante  fille 
Qui  m'abandonne  quand  je  bois. 


Quoi  !  cet  intrépide  champion  de  toutes  les 
gaîtés  ne  se  grise  qu'en  vers? —  Sans  doute,  et 
combien  de  rimeurs  font  de  même  !  De  vrai 
Clairville  n'a  jamais  commis  excès  que  de  travail. 
Son  bagage  littéraire  est  considérable  ;  le  livi'e 
publié  chez  Lecou  ne  contient  pas  la  vingtième 
partie  des  chansons  que  Clairville  a  composées. 
Dès  que  se  fonde  un  banquet  périodique,  une 
lettre  d'invitation  lui  parvient.  On  sait  qu'il 
chante,  avec  la  meilleure  grâce  du  monde,  non 
seulement  à  son  tour,  mais  aussi  pour  le  compte 
des  absents  ou  des  paresseux.  Nous  n'exagérons 
pas  en  évaluant  à  trois  mille  les  couplets  gaspillés 
par  Clairville,  dans  le  simple  but  de  satisfaire 
d'exigeantes  amitiés.  Chose  bizarre,  de  toutes  les 
productions  de  Clairville  une  seule  :  l'Ange  et  le 
Démo7i,  médiocre  romance,  a  été  gratifiée  d'une 
musique  nouvelle  par  M.  Montaubry;  toutes  les 
autres  s'adaptent  à  des  airs  consacrés. 

Du  produit  de  ses  œuvres  dramatiques,  Clair- 
ville  acquit  à  Enghien  une  propriété,  modeste 
d'abord,  aujourd'hui  presque  seigneuriale.  Les 
Prussiens  l'ont  un  peu  dévalisée  pendant  la 
guerre,  mais  où  n'est  pas  demeuré  quelque 
souvenir  de  ce  genre  ?  C'est  à  Enghien  que 
Clairville  travaille  le  plus  souvent,  menant  de 
front  ses  obligations  littéraires  et  ses  devoirs 
civiques,  car  il  est  conseiller  municipal  de 
l'endroit  et  couronne,  à  ce  titre,  les  rosières 
tant  persécutées  dans  ses  vaudevilles. 

Clairville  est  l'homme  d'esprit  par  excellence. 
Nature  perspicace,  pétulante,  exceptionnelle,  il 
fait  constamment  et  partout  la  chasse  aux  nou- 
veautés sérieuses  ou  burlesques  pour  y  trouver  le 
sujet  d'à-propos  pleins  de  gaîté  franche  et  d'ori- 
ginalité. C'est  évidemment  sa  cause  qu'il  plaidait 
en  écrivant  jadis  ce  couplet  —  non  publié  : 

Au  champ  d'honneur,  tuer  n'est  pas  un  crime, 
Et  le  courage  on  doit  le  décorer; 
Des  vieux  soldats  la  gloire  est  légitime, 
Mais  tous  ont  fait  et  souffrir  et  pleurer. 
Moi,  d'un  royaume  ou  d'un  nouvel  empire. 
Si  j'étais  roi,  si  j'étais  empereur, 
C'est  à  celui  qui  ferait  le  plus  rire 
Que  je  voudrais  donner  la  croix  d'honneur. 

Il  l'a,  depuis  1857,  et  c'est  justice,  car  nul 
plus  que  lui  n'a  provoqué,  dans  tous  les  publics, 
l'explosion  de  rires  retentissants. 

En  1860,  Clairville  frappait  aux  portes  du 
Caveau  ;  elles  s'ouvrirent  toutes  grandes  devant 
ce  maitre  couplettier  qu'on  appela,  deux  ans 
plus  tard,  à  l'honneur  de  la  présidence.  Il 
remontera  dans  quelques  jours  —  jour  la  cin- 
quième fois,  croyons-nous  —  au  fauteuil,  d'où 
tomberont  alors  des  flonflons  nouveaux,  étin- 
celants  d'une  verve  que  l'âge  n'a  pas  refroidie, 
mais  qu'on  voudi'ait  voir  servir  moins  souvent  à 
l'inutile  apologie  du  passé. 

L.  Henry  LECOMTE. 


LA  CHANSON 


103 


LA  CHANSON  DES  CIGALIERS 

(Dite  à  Caen,  le  jour  de  la  fête  donnée  par  La  Pomme) 


La  Pomme  a  dit  à  la  Cigale  : 

«  Viens  à  Caen  dîner  avec  moi, 

«  Ma  table  n'est  pas  trop  frugale, 

«  Je  suis  gourmande  comme  toi; 

«  On  s'amuse  aux  rives  de  l'Orne, 

«  Sans  qu'on  y  danse  le  cancan, 

«  L'esprit  normand  n'a  rien  de  morne... 

—  Les  Cigaliers  s'en  vont  à  Caen. 

(i  Viens,  la  chanteuse  provençale, 
«  Sans  redouter  un  ciel  brumeux, 
(1  Viens  voir  au  plafond  de  la  salle 
Il  Jaillir  le  bon  cidre  écumeux  ; 
«  Le  cidre  est  la  gaité  de  l'homme, 
<(  Qu'il  vienne  d'Augo  ou  de  Fécamp  ; 
i<  Viens,  Cigale,  sœur  de  la  Pomme, 

—  Les  Cigaliers  s'en  vont  à  Caen. 

«  Viens  ;  comme  toi  je  suis  poète, 
<i  J'ai  conçu  d'illustres  enfants, 
I'  Et  tout  siècle  nouveau  répète 
»  Leurs  noms  en  échos  triomphants  ; 
«  Leur  force  à  leur  grâce  est  pareille, 
«  J'ai  la  colline  et  lo  volcan  ; 
«  Saluez  Malherbe  et  Corneille  ! 

—  Les  Cigaliers  s'en  vont  à  Caen. 

«  Viens  ;  je  n'ai  pas  la  Vénus  d'Arle, 

(i  La  brune  aux  regards  pleins  d'éclairs, 

«  Dont  le  silence  même  parle, 

«  Mais  j'ai  les  blondes  aux  yeux  clairs  ; 

i(  On  les  voit  passer  sous  mes  treilles, 

<c  Aux  labeurs  utiles  vaquant 

«  Avec  un  murmure  d'abeilles!.  . . 

—  Les  Cigaliers  s'en  vont  à  Caen. 

Henri  de  BORNIER. 

Ces   couplets   —    inédits  —    sont    les   seuls   qu';iit    écrits 
l'auteur  célèbre  de  la  Fille  de  Roluiid. 


JE  NE  VEUX  PAS  RAJEUNIR 


Air  du  Vaudeville  de  La  Robe  et   les  Bottes 

Hier,  dans  ma  simple  retraite, 
Une  fée  au  front  radieux 
Me  dit,  en  levant  sa  baguette  : 
Veux-tu  qu'on  te  fasse  moins  vieux? 
—  Le  fruit  vert  que  la  fleur  enfante 
Du  fruit  que  l'été  fit  mûrir 
N'a  pas  la  saveur  enivrante  : 
Non,  je  ne  veux  pas  rajeunir. 

Jadis,  j'avais  rempli  ma  cave 
D'un  vin  fraîchement  vendangé  ; 
Son  goût  d'abord  fut  peu  suave  ; 
Grâce  au  temps  il  a  bien  changé. 
Chaque  jour,  d'un  plus  doux  breuvage 
Je  vois  ma  coupe  se  remplir; 
On  devient  meilleur  avec  l'âge  : 
Non,  je  ne  veux  pas  rajeunir. 


Les  arts,  chère  et  trompeuse  étude, 
Ont  consumé  mes  jeunes  ans; 
Dans  l'ombre  et  dans  l'incertitude, 
J'ai  suivi  des  sentiers  glissants. 
Espérance,  faut-il  te  croire? 
L'horizon  semble  s'éclaircir... 
J'y  vois  bi'iller  un  peu  de  gloire  : 
Non,  je  ne  veux  pas  rajeunir. 

J'ai  vu  nos  cités  tributaires 
Payer  de  honteuses  rançons, 
Et  les  cavales  étrangères 
Ont  aux  pieds  foulé  nos  moissons. 
Comme  les  vents,  le  sort  varie  ; 
Aujourd'hui  je  vois  refleurir 
Le  sol  de  ma  belle  patrie  : 
Non,  je  ne  veux  pas  rajeunir. 

Si  je  retournais  vers  l'enfance. 
Adieu  souvenir  enchanteur, 
Adieu  savoir,  expérience. 
Et  des  biens  plus  chers  à  mon  cœur; 
L'amitié  que  je  vis  éclore 
Ici,  sous  l'aile  du  plaisir, 
Pour  moi  ne  serait  pas  encore  : 
Non,  je  ne  veux  pas  rajeunir. 

LESUEUR. 


LA  GERBE  RÉPUBLICAINE 


Debout!  France  républicaine. 
Foule  aux  pieds  tes  habits  de  deuil  ; 
A  la  patrie  américaine. 
Tu  peux  sourire  avec  orgueil. 
L'auréole  qui  t'environne 
Resplendit  aux  feux  du  soleil. 
Si  la  voix  du  clairon  résonne. 
C'est  pour  annoncer  ton  réveil. 

France,  lève  ton  front  superbe  ! 
Dans  les  champs  semés  autrefois, 
La  République  fait  sa  gerbe. 
Malgré  les  puissants  et  les  rois. 

Paris,  rendez-vous  du  génie. 
Paradis  de  la  vie  en  fleurs. 
Tu  verses  des  flots  d'harmonie 
A  tous  les  peuples  travailleurs. 
Lorsqu'on  fête  à  la  table  ronde. 
Un  grand  nom,  un  beau  souvenir. 
Tu  trinques  à  la  paix  du  monde, 
Aux  Républiques  à  venir. 
France,  etc. 

Tribuns,  vos  accents  populaires 
Sont  applaudis  dans  les  congrès, 
Quand  vous  battez  vos  adversaires 
Avec  les  armes  du  progrès. 
Partout  la  foule  vous  écoute 
Et  vous  accueille  avec  fierté, 
Hardiment,  poursuivez  la  route, 
Qui  conduit  à  la  liberté. 
France,  etc. 


104 


LA  CHANSON 


Greffons  l'arbre  de  la  science, 
Planté  par  nos  mâles  aïeux  ; 
Du  ver  rongeur  de  l'ignorance, 
Détruisons  les  nids  ténébreux  ; 
Entre  la  raison,  les  idoles, 
Elevant  un  mur  mitoyen. 
Gravons  au  fronton  des  écoles  : 
Ici,  l'on  devient  citoyen  ! 
France,  etc. 

Quel  bruit  retentit  dans  l'espace? 
Chaque  fenêtre  a  son  drapeau  : 
C'est  l'enfant  du  progrès  qui  passe, 
Portant  la  cocarde  au  chapeau. 
Son  noble  élan  patriotique 
Est  salué  par  des  bravos. 
Le  cri  :  Vive  la  République 
A  réveillé  tous  les  échos. 

France,  lève  ton  front  superbe  ! 
Dans  les  champs  semés  autrefois 
La  République  fait  sa  gerbe, 
Malgré  les  puissants  et  les  rois. 

NoEL  MOURET. 


COMMENT  ON  DESCEND  DU  POIVOIR 


Air  .'  Les  cinq  codes  que  je  me  flatte 

Dans  ce  fauteuil  j'étais  à  l'aise. 
Des  chants  je  dominais  le  flot, 
Mais  il  faut,  reprenant  ma  chaise, 
Laisser  présidence  et  grelot. 
Quand  sonne  l'heure  fatidique. 
Simplement  faisant  mon  devoir. 
Comme  un  homme  de  race  antique, 
.Je  vais  descendre  du  pouvoir. 

Qui  me  succédera?  Clairville. 
Qui  lui  succédera?  Grange. 
Alors,  on  dira  parla  ville  : 
A  leur  Caveau  rien  n'est  changé  ; 
Car  tous  deux  ont  le  sel  attique, 
La  gaîté  franche  et  le  savoir. 
Et  ces  hommes  de  race  antique 
N'abusent  jamais  du  pouvoir. 

De  Panard  j'ai  vidé  le  verre 
D'un  seul  trait,  sans  y  laisser  rien  ; 
Ainsi  Clairville  devra  faire 
Par  égard  pour  l'usage  ancien. 
Grâce  à  cette  aimable  pratique 
Aujourd'hui  vous  allez  me  voir 
Comme  un  homme  de  race  antique, 
En  buvant,  quitter  le  pouvoir. 

Par  un  criminel  stratagème. 
Loin  de  se  faire  couronner, 
Quitter  gaîment  le  rang  suprême, 
C'est  un  bon  exemple  à  donner. 
Le  Caveau  vit  en  république 
Aussi,  devait-on  le  prévoir, 
Comme  un  homme  de  race  antique 
Je  laisse  à  d'autres  le  pouvoir. 


Pourtant  ce  pouvoir  a  des  charmes. 
Car  on  gouverne  le  Caveau 
Sans  sénateurs  et  sans  gendarmes, 
N'excluant  que  les  buveurs  d'eau  ; 
Mais  si  la  loi  veut  que  j'abdique. 
Ayant  droit  de  dire  :  au  revoir. 
Comme  un  homme  de  race  antique 
Je  chante  en  quittant  le  pouvoir. 

CHARLES  VINCENT. 


RETOUR  A  LA  LICE  CHANSONNIERE 

(4  décembre  1878) 

Votre  maître  des  chants,  mon  vieil  ami  Jeannin, 

De  son  air  à  la  fois  sarcastique  et  bénin. 

Me  donne  la  parole,  et  j'hésite  à  la  prendre. 

Que  vous  dire  en  effet?  Je  n'ai  l'ien  de  nouveau, 

Et  ne  puis  espérer  le  plus  mince  bravo  : 

Je  ne  viens  pas  chanter,  je  viens  pour  vous  entendre. 

L'effort  le  plus  modeste  est  bien  souvent  trompé  : 

Irai-je  donc,  amis,  rimer  coûte  que  coûte, 

Et  chercher,  sans  espoir  de  le  trouver  sans  doute, 

Un  sujet  inédit  qui  vous  ait  échappé? 

Je  pourrais,  attendant  que  ma  verve  renaisse. 

Et  que  tous  vos  printemps  fondent  tous  mes  glaçons, 

Chanter  :  Je  viens  revoir  l'asile  où  ma  jeunesse 

De  votre  expérience  a  reçu  les  leçons. 

Et  je  pourrais  aussi,  martyre  volontaire  ! 

Vous  y  pensiez  peut-être,  oui,  je  pourrais  me  taire. 

La  méthode  est  facile,  on  la  prône,  et  toujours 

C'est  le  dernier  moyen  auquel  on  ait  recours. 

Que  de  flots  ont  coulé  sous  les  ponts  de  la  Seine 
Depuis  ces  beaux  soirs  où,  pour  la  dernière  fois, 
A  vos  joyeux  concerts  j'osai  mêler  ma  voix  ! 
Eh  bien,  malgré  les  coups  que  le  temps  nous  assène, 
Aujourd'hui  comme  alors  nous  nous  réunissons. 
Tantôt  dans  un  salon,  tantôt  sous  la  tonnelle, 
L'écho  redit  partout  le  bruit  de  vos  chansons; 
Et,  pour  mieux  célébrer  la  fête  fraternelle, 
Plaisir  entre  l'esprit  et  le  cœur  partagé, 
L'envie  à  ses  serpents  donne  un  jour  de  congé. 
Le  passé  m'appartient  si  le  présent  m'échappe. 
Que  j'en  ai  vus,  rangés  autour  de  cette  nappe. 
Que  la  mort  loin  de  nous  se  hâta  de  bannir  ! 
Permettez  qu'à  leurs  noms  j'envoie  un  souvenir. 

L'un  charmait  l'atelier,  le  salon,  la  boutique. 
Quoique  de  la  morale  il  respectât  les  lois  ; 
Philosophe  gouailleur,  faubourien  poétique, 
Colmance  a  remisé  son  pégase  gaulois, 
Festeau,  plus  empressé  de  mordre  que  de  plaire. 
Mêlait  son  hymne  sombre  aux  éclats  du  canon  ; 
Le  chansonnier  du  peuple  a  mérité  son  nom. 
Et  contre  les  tyrans  aiguisait  sa  colère. 
Parmi  ces  bons  amis  que  nous  nous  rappelons 
Puis-je  omettre  Mahiet,  le  Dupont  des  salons; 
Le  bachique  Férey,  dont  la  muse  grivoise 
Faisait  de  la  peinture  et  des  vers  à  la  toise  ; 
Bailly,  qui  s'escrimait  contre  les  préjugés  ; 
Bonnefond  le  champêtre  aux  refrains  prolongés? 
Et  combien  d'autres  noms  qu'en  cet  instant  j'oublie  I 
Et  Durand  qui,  cherchant  la  gloire  et  le  profit. 
Signa  plus  de  couplets  que  Béranger  n'en  fit! 
Ils  n'agiteront  plus  tes  grelots,  ô  Polie  ! 
Et  Desforges,  quel  deuil,  amis,  pour  la  chanson! 


LA  CHANSON 


105 


La  nature  en  ses  vers  vibrait  comme  un  frisson, 

Tant  il  exprimait  bien  ces  poétiques  fièvres 

Qui  font  germer  l'amour  aux  cœurs,  le  rire  aux  lèvres! 

Encore  un  autre  absent  :  à  mon  œil  attristé 

Ton  image  revient,  ô  bon  Lachambaudie, 

Toi  qui  jusqu'en  exil  chantais  la  liberté. 

Toi  dont  nos  ennemis  ont  toujours  respecté 

La  muse  populaire  et  partout  applaudie. 

Je  me  trompe  :  un  seul  jour,  un  journal  impudent 

Essaya,  mais  en  vain,  de  baver  sur  sa  gloire  : 

De  son  rire  moqueur,  de  son  ïambe  ardent, 

Vous  savez  si  la  Lice  a  vengé  sa  mémoire. 

Mais  pourquoi  regretter  tous  ces  morts  disparus? 
Ils  ont  laissé  leurs  chants  et  leur  exemple  à  suivre  ; 
Et  de  tant  de  talents  vos  rangs  se  sont  accrus 
Qu'il  me  semble  ce  soir  en  vous  les  voir  revivre. 
Oui,  ces  maîtres  ont  fait  de  dignes  apprentis  ; 
Les  meilleurs  sont  restés  si  les  bons  sont  partis. 
C'est  pourquoi  je  m'arrête  et  renonce  à  m'étendre. 
Je  ne  viens  pas  chanter,  je  viens  pour  vous  entendre. 
EuG.  IMBERT. 


LE  CONCOURS  LIBRE  DE  LA  CHANSON 

(Suite) 


Après  l'auteur  de  Théano  et  celui  des  Aveugles 
systématiques,  il  faut  citer  un  poète  qui  a  envoyé 
beaucoup  de  compositions  variées,  sans  compter 
une  série  de  quatrains.  Dans  un  envoi  écrit  en  vers 
libres  d'une  allure  facile,  il  s'excuse  de  sa  hardiesse. 
Lui,  poète  infime,  oser  concourir!  Mais  son  jeune 
âge  doit  lui  mériter  son  pardon.  C'est  l'espoir  qu'il 
exprime. 

Je  parierais,  pour  moi,  qu'il  n'est  pas  plus  jeune 
qu'il  n'est  poète  infime,  et  il  suffit  de  lire  ses  vers 
pour  s'inscrire  en  faux  contre  cette  double  assertion  : 


Surtout  n'allez  pas 

croire,  au  moins,  que  j 

Sur  la  réalito  de  m 

on  peu  de  talent. 

Quand  je  n 

ie  pose  en  concurront, 

Je  n'ouvre  pas,  Vive  le  tabac!  Mes  Souhaits,  Les 
derniers  instants  d'une  chandelle;  il  suffira  de  citer 
ces  titres,  entre  tant  d'autres,  pour  montrer  que 
l'auteur  joint  la  variété  à  la  fécondité.  Dans  la  pre- 
mière de  ces  pièces,  le  poète  nous  montre  l'ambition, 
la  gloire,  la  politique,  la  fortune,  l'amour,  le  plaisir, 
sonnant  tour  à  tour  à  sa  porte.  Et  lui  de  répondre 
toujours  :  Je  n'ouvre  pas. 

Dinn'  dîan'  dinn'  dinn'...  Mais  à  cette  heure 

Qui  peut  sonner  k  ma  demeure? 

L'amitié...  Qui  n'ouvrirait  pas? 

Entre,  toi  seule  as  des  appas. 

De  toi  la  plus  simple  parole 

Dans  nos  misères  nous  console  ; 

Viens,  que  je  te  serre  en  mes  bras. 

Béranger,  dans  La  Fortune,  avait  déjà  employé 
cette  forme,  mais  Murger  l'a  appliquée  à  une  énu- 
mération  de  même  que  notre  poète.  Dans  la  ballade 
du  Désespéré,  la  Gloire,  l'Amour,  la  Poésie,  la 
Richesse  frappent  aussi  à  la  porte,  qui  s'obstine  à 
rester  fermée.  Puis  vient  la  Mort  : 

Entre,  je  suis  las  de  la  vie. 


répond  le  Désespéré.  Mais  il  a  le  tort  d'ajouter,  par 
une  sorte  d'égoïsme  posthume  : 

Mais  laisse  mon  pauvre  chien  vivre, 
Pour  que  je  puisse  être  pleuré. 

La  romance  est  agréable,  quand  elle  est  courte, 
fine  ou  gracieuse,  et  qu'une  musique  bien  appropriée 
en  relève  la  fadeur  naturelle.  Dans  un  concours,  à  la 
lecture,  la  fadeur  seule  subsiste  presque  toujours. 
Ma  Belle,  L'Indienne,  La  Fiancée  du  viarin.  Elle 
avait  dit  :  Je  t'aime.  Le  Nid  de  fauvettes,  dont  l'au- 
teur, sans  le  vouloir  et  peut-être  sans  le  savoir, 
rappelle  une  jolie  pièce  de  Berquin  ;  les  iMrmes  des 
Fleurs  et  quelques  autres  morceaux  font  pourtant 
exception  à  la  règle  et  se  distinguent  par  de  réelles 
qualités. 

L'élégie  n'a  pas  manqué  de  champions.  Tous  les 
genres  sont  bons,  hors  le  genre  ennuyeux,  s'il  faut 
en  croire  Voltaire. 

L'un  nous  peint  une  jeune  fille  qui  descend  vers 
la  tombe,  pâle  comme  l'insomnie,  comme  la  bougie 
qui  s'éteint,  comme  l'eau  des  grèves,  comme  un  exilé 
vêtu  de  noir. 

Vous  souvenez-vous  des  amours  passés  ! 

murmure  un  autre  ;  et  voilà  le  chapelet  des  souvenirs 
qui  s'égrène  :  l'humble  fleur,  les  baisers,  les  aveux. 
Mais  elle  est  partie,  comme  dit  la  vieille  romance,  et 
chacun  de  ces  souvenirs  est  un  regret. 


EuG.  IMBERT. 


(La  fin  ail  prochain  rtun 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU    6    DECEMBRE  1878. 

Les  assesseurs  accoutumés  de  Charles  Vincent 
manquaient  au  banquet  de  décembre  :  Clairville  était, 
souflrant  et  M.  Grange  préparait  un  pendant  au 
succès  peu  littéraire  de  Coco.  Soutenu  par  la  visible 
sympathie  d'une  assistance  nombreuse,  Vincent  n'en 
a  pas  moins  solennellement  pontifié  devant  ces  reli- 
ques insignes  :  le  verre  de  Panard  et  le  grelot  de 
Collé. 

Ceux  qui  se  plaisent  à  voir  dans  le  Caveau  une 
sorte  de  Sénat  chansonnier,  rebelle  aux  idées  cou- 
rantes, ont  été  quelque  peu  contrariés  ce  soir-là. 
Soit  que  l'absence  des  chefs  déconcertât  la  milice 
réactionnaire,  soit  qu'on  voulût  faire  au  poète 
vigoureux,  qui  présidait  pour  la  dernière  fois,  la 
galanterie  d'une  séance  républicaine,  toutes  les 
chansons  présentées  s'inspiraient  du  meilleur  esprit. 

La  séance  des  chants  a  commencé  par  le  Candidat 
Conservateur,  bonne  satire  de  Rubois,  déjà  connue. 
Quatorze  productions  ont  suivi,  avec  des  mérites  et 
des  succès  différents.  M.  Fénée,  applaudi  pour  un 
fin  tableau  des  personnes  et  des  choses,  A  l'Ombre, 
a  été  moins  heureux  dans  une  plaisanterie  vieillotte 
sur  l'Amoicr.  M.  Piesse  avait  mis  en  rondeau  sous  ce 
titre  :  Choses  et  autres,  les  grands  et  petits  faits  de 
l'année  ;  il  a  rencontré  un  concurrent  dans  M.  Or- 
donneau  qui,  dans  une  Chanson- Bévue  peu  complète, 
n'a  pas  oublié  cependant  le  coup  de  plume  contre 
les  gauchers.  Un  jeune!  et  qui  serait  si  bien  dans  le 
rôle   d'inoffensif!  M.  Edouard  Granger  réclame  la 


106 


LA  CHANSON 


pai'ole  pour  un  rappel  au  règlement  :  «  Ne  parlons 
plus  politique.  )>  dit-il.  —  Soit,  mais  en  attendant 
que  la  motion  soit  acceptée  par  tous,  écoutons  et 
applaudissons  les  spirituels  couplets  dans  lesquels 
M.  Montariol  nous  montre  l'amant  timide,  l'action- 
naire bénévole,  la  Roumanie,  le  parti  (c  sans  nom,  » 
M.  de  Chambord  lui-même  tirant  tour  à  tour  les 
Marrons  du  feu,  —  vous  devinez  pour  qui. 

M.  Poullain,  en  chantant  Je  me  passe  du  reste  ; 
M.  Julien,  en  racontant  Un  Début  malheureux; 
M.  Ripault,  en  disant,  après  Brazier,  Comme  on  fait 
son  lit  on  se  couche  ;  enfin  Rubois,  en  exposant  le 
Cadet  de  mes  soucis,  ont  provoqué  les  bravos  et  les 
rires.  Quelle  singulière  idée  a  eue  M.  Sylvain  Saint- 
Etienne  en  composant  une  invitation  bachique  sur 
l'air  de  la  Marseillaise?  Dire  :  Buvons,  comme 
d'autres  crient:  Marchons  !..  Mais  il  faudrait  chanter 
cette  mu.sique  assis,  ou  boire  debout  :  cruelle  alter- 
native !  —  M.  Lesueur,  témoin  auriculaire  de  la 
bonne  rubrique  employée  jadis,  par  un  Raccoleur 
sous  Louis  XV,  pour  décider  la  recrue,  en  fait  à  son 
tour  le  récit  dans  de  très-bons  couplets.  Le  malin  ne 
promettait  pas  gloire  facile,  fortune  prompte  et 
plaisirs  continuels  : 

Le  militaire  franchement, 

N'a  pas  toujours  de  l'agrément, 

disait-il,  mais...  il  avait  des  mais  irrésistibles. 

Quand  j'aurai  dit  que  MM.  Duprez,  Saint-Germain, 
Garraud,  Pierre  Petit  étaient  au  nombre  des  con- 
vives, et  que  Lassalle,  malgré  son  indisposition  offi- 
cielle, a  dit  la  Chanson  française,  de  Vincent,  avec 
une  ampleur  magistrale,  mon  devoir  de  chroniqueur 
sera  rempli  de  la  façon  la  plus  complète. 

Dans  son  toast,  le  plus  nerveux  des  douze  qu'il  a 
composés  cette  année,  Charles  Vincent  a  voulu 
donner  la  raison  principale  de  sa  prédilection  pour 
le  Caveau;  c'est  que  la  société  impose  à  ses  adhé- 
rents l'obligation  de  ne  chanter  aux  banquets  que 
des  œuvres  inédites.  Evidemment,  la  mesure  est  très- 
bonne  :  on  n'existe  qu'à  la  condition  de  produire.  Je 
reviendrai  plus  tard  sur  ce  point  important.  Comme 
le  veut  la  tradition,  Vincent  a  quitté  la  présidence 
de  la  même  façon  qu'il  l'avait  prise,  en  chantant, 
joyeusement  et  virilement.  On  lira,  dans  ce  numéro, 
les  Adieux  du  fraternel  poète  à  qui  nous  disons  : 
au  revoir! 

L.-Henry  LECOMTE. 


LICE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET  DU  4  DÉCEMBRE  1878 

Homère,  ou,  pour  être  plus  vrai,  les  poètes  errants 
et  niendiants  dont  les  chansons  guerrières  ont  été 
attribuées  après  coup  à  un  seul  et  unique  rapsode, 
jouissaient  d'un  privilège  que  j'envie.  Chacun  de 
leurs  personnages  avait  son  épithète  propre'.  Achille 
aux  pieds  légers,  Agamemnon  le  pasteur  des  peuples, 
Athêné  aux  yeux  verts,  Odysseus  le  cauteleux.  On 
n'en  démordait  pas.  Qu'Achille,  par  exemple,  fût 
assis  au  feu  du  conseil,  ou  couché  dans  sa  tente, 
c'était  toujours  le  héros  aux  pieds  légers,  et  Athêné; 
même  endormie,  si  jamais  la  sagesse  s'endort,  avait 
toujours  les  yeux  verts. 

Ce  privilège  me  manque,  et  j'en  suis  marri.  Au 
lieu    de   caractériser,  suivant  les   chansons   qu'ils 


interprètent,  les  convives  de  la  Lice,  je  n'aurais  qu'à 
placer  sur  chacun  d'eux  une  étiquette,  toujours  la 
même,  et  tout  serait  dit.  Je  vous  présenterais 
ainsi,  tantôt  CoUignon,  le  Tyrtée  des  goguettes,  ou 
Chebroux  la  clé  des  coeurs;  tantôt  Jeannin  le  fantas- 
que ou  Hachin  l'esprit,  ou  bien  encore  Nadot  la 
grâce,  ou  Baillet  le  baryton  du  Marais  ;  et  ainsi  des 
autres.  Ce  procédé  me  dispenserait  d'un  éternel  et 
ennuyeux  dénombrement.  Un  tel  a  chanté  ceci,  tel 
autre  a  dit  cela.  Au  fait,  pourquoi  n'y  pas  renoncer 
tout  de  suite  ?  Laissons  au  registre  du  maître  des 
chants  le  soin  d'être  exact  et  complet.  Bornons- 
nous  à  glaner  au  hasard  quelques  sujets  d'éloge  ou 
de  critique. 

C'était  le  jour  des  souvenirs.  M.  Adeline,  en  traitant 
à  son  tour  le  Doigt  dans  l'œil,  nous  a  rappelé  Nadot, 
qui  l'a  chanté  il  y  a  longtemps.  Paul  Avenel,  dans 
son  Enterrement  civil,  couplets  vigoureux  et  d'une 
haute  philosophie,  s'est  souvenu,  sans  le  savoir,  du 
refrain  d'Alphonse  Leclercq  : 

Enterrez-moi  civilement. 

CoUignon,  dans  la  musique  que  lui  a  inspirée  une 
belle  chanson  de  Nadot  :  Ça  tient  d'  famille,  a  glissé, 
par  réminiscence,  des  passages  reconnaissables  de 
son  air  de  la  Chanson,  de  Desforges.  Baillet  a  ses 
souvenirs  aussi  :  avec  quelle  émotion  spirituelle  il 
nous  peint  cette  Hélène,  la  petite  ouvrière  dont  les 
bas  tournent  au  bleu,  et  les  passagères  amours,  et  la 
disparition  dans  l'inconnu  ! . . .  O  Musette  ! 

11  n'est  pas  jusqu'à  l'auteur  de  ces  lignes  qui  n'ait 
sacrifié  à  Mnémosyne.  Les  absents  lui  ont  inspiré 
quelques  vers  mélancoliques:  quand  je  dis  les  absents, 
je  veux  dire  les  morts.  Que  de  vides!  Mais  aussi 
pourquoi  déserter  la  Lice  pendant  douze  ans?  Lui- 
même  aurait  bien  pu  ne  s'y  plus  retrouver.  Et  il 
aurait  été  privé  du  plaisir  de  serrer  encore  bien  des 
mains  amies. 

L'autre  mois,  au  Caveau,  se  révélait  l'auteur  d'un 
chant  national  remarqué  par  le  jury  du  concours  de 
La  Chanson.  Hier,  à  la  Lice,  Robinot  a  chanté  la 
Fraternelle,  également  citée  avec  faveur  dans  le 
rapport.  Nous  avons  été  heureux  de  joindre  nos 
bravos  à  ceux  qu'il  a  obtenus  de  ses  collègues  et 
amis. 

Entre  amis  ça  n"  se  fait  pas.  le  Luxembourg ,  poésie 
pleine  de  finesse,  le  Petit  vin  traître,  Y  a  toujours 
moyen  d'  s'arranger,  le  Dernier  homme  'surtout, 
méritent  une  mention  particulière,  et  nous  ont  permis 
d'apprécier  les  talents  variés  de  Cahen,  Nazim, 
Vatinel,  Jeannin  et  Henri  Nadot,  déjà  nommé. 

Il  n'y  a  pas  de  soirée  poétique  complète  sans 
Victor  Hugo.  Sutter  nous  a  dit  avec  beaucoup  de 
chaleur,  mais  avec  un  peu  de  précipitation,  qu'ex- 
pliquait d'ailleui's  la  longueur  de  la  pièce,  Petit  Paul, 
de  ce  grand  maître.  Récit  simple  et  touchant  où  le 
poète  a  mis  toute  son  âme  et  toute  sa  grâce.  H  est 
à  regretter  —  pardon  de  la  liberté  grande  !  —  que 
là  trame  disparaisse  souvent  sous  le  fouillis  inex- 
tricable et  brillant  des  plus  capricieuses  broderies. 
0  chevilles,  voilà  de  vos  coups.  Mais  ces  chevilles, 
monsieur,  sont  des  clous  d'or. 

Et  maintenant,  excusez  les  oublis  du  chroniqueur. 
Quant  au  ioast,  qui  soulève  une  grosse  question,  je 
n'en  dis  rien  pour  aujourd'hui.  Je  ne  parle  pas  du 
toast  de  Chebroux,  qui  était  charmant,  mais  du  toast 
en  général. 

EuG.  IMBERT. 


LA  CHANSON 


107 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Le  28  novembre,  les  Enfants  du  Marais  donnaient 
une  grande  représentation  qui  a  été  couronnée  de 
succès.  Les  bravos  ont  été  cueillis  par  MM.  Adrien 
Souchet,  Dubois,  Jomain,  Ambroise,  M"°  Andréa  et 
surtout  une  jeune  personne  qui  a  murmuré  gracieu- 
sement A  travers  le  feuiUaye. 

Une  superbe  tombola  a  terminé  la  soirée  à  la 
grande  satisfaction  des  spectateurs. 

A  la  Lyre  de  la  Gatté,  grand  émoi!  M""  Adèle  a 
reçu  des  mains  du  Président  l'insigne  d'honneur  ; 
c'était  touchant,  parole  d'honneur  ! . . . 

Le  7  courant,  l'Union  Artistique,  s'inspirant  de 
l'idée  émise  par  la  Chanson,  donnait  une  représenta- 
tion extraordinaire  au  bénéfice  de  la  souscription 
qui  sera  prochainement  ouverte  pour  l'érection  d'une 
statue  à  Béranger.  Jamais  peut-être  je  n'aurai  tant 
regretté  que  notre  cadre  ne  nous  permette  pas  des 
comptes  rendus  plus  complets.  Je  serai  donc  forcé- 
ment bref  ! 

La  représentation,  organisée  et  dirigée  d'une 
façon  intelligente  par  M.  Paulin,  président,  a  été, 
j'en  suis  persuadé,  lucrative  et  laissera  certainement 
un  agréable  souvenir  dans  l'esprit  de  tous  ceux  qui 
ont  assisté  à  cette  solennité.  La  salle,  décorée  avec 
beaucoup  de  goût,  avait  pris  d'elle-même  un  air  de 
fête.  Chaque  sociétaire  avait  appris  une  de  ces  vieilles 
et  bonnes  chansons  que  notre  regrette  Béranger  ne 
peut  malheureusement  plus  faire. 

Mais  ses  cendres  ont  certainement  dû  tressaillir  de 
joie  en  entendant  ces  refrains  populaires  arrangés 
pour  la  circonstance  et  d'une  façon  très-savante  par 
M.  BoU,  pianiste  de  la  société,  et  qui  furent  applaudis 
et  bissés  par  un  public  enthousiaste. 

Notre  collaborateur  Gôdhé  a  obtenu  un  succès  de 
poète  dans  un  à-propos  en  vers  récité  par  M.  Néolies. 

Cette  poiîsie  (nous  la  publierons  en  entier  dans 
notre  prochain  numéro)  amenait  naturellement  le 
couronnement  du  buste,  qui  fut  fait  en  grande 
pompe  par  cinq  sociétaires.  Le  grand  succès  de  la 
soirée  a  été  pour  les  interprètes  des  Rêves  de 
Marguei'ite,  un  duo  d'amour  parlé  de  Veroonsin. 

Certes,  il  était  difficile  d'être  plus  naturelle  et  plus 
cliarmante  que  M""  Rolland  et  on  ne  pouvait  désirer 
un  jeune  premier  plus  sympathique  que  M.  Etienne. 

M"°  Mathiide  Arnaud  a  chanté  la  Lisette  de 
Béranger  en  grande  artiste;  M"'  Béra,  toute  trem- 
blante pour  ses  débuts,  s'est  révélée  dans  Monsieur 
Printemps  et  surtout  dans  la  Bergère  de  Bar  bison. 
M"°  Riema,  qui  n'a  plus  besoin  d'éloges,  a  été  toujours 
la  même,  c'est-à-dire  remarquable. 

M.  Raynal,  dans  Peut-on  enti'er'?  a.  îa.\t  onhMev 
Armand  Ben.  M.  Clairval  a  chanté  de  lui  un  Amour 
Tyrolien.  M.  Georges  avec  Onn'  tient  pas  c't  article-là 
ctM.  Denneville  avec  J'en  savais  rien  de  notre  colla- 
borateur Gédhé  ont  fait  rire  et  se  sont  fait  bisser. 
Constatons  encore  les  succès  du  Vieux  Vagabond,  par 
M.  Renaud  ;  les  Hirondelles,  par  Michel;  une  Histoire 
de  voleur,  par  M.  Gabriel;  le  Sénateur,  par  M.  Angèle; 
la  Sainte  Alliance  des  peuples  par  M.  Lioret,  un  débu- 
tant; Paillasse,  par  M.  Clairval,  etc. 

Bref,  comme  je  le  disais,  souvenirs  agréables 
pour  tous. 

Le  même  soir  le  Bal  de  l'Harmonie  du  Commerce 
a  été  simplement  merveilleux.  A.  LEROY. 


La  matinée  donnée,  le  dimanche  8  courant,  par 
la  Mutualité  commerciale  au  théâtre  du  Chàteau-d'eau 
a  été  aussi  brillante  que  celles  des  années  précé- 
dentes ;  le  programme  était  superbe  et  les  artistes 
s'appelaient  :  M°"*  Rousseill,  Amiati,  Duparc, 
Sehmidt,  Mendès,  Marie  Tayau,  MM.  Coquelin  cadet, 
Plet,  Fraizier,  Guillemot,  'V'elly.  Quand  j'aurai  cité 
M.  Maton,  le  roi  des  accompagnateurs,  et  l'orchestre 
de  l'Eldorado  conduit  par  M.  Ch.  Malo,  il  s«ra  facile 
de  comprendre  l'enthousiasme  du  public. 

M"""  Amiati  a  chanté  pour  la  première  fois,  avec 
un  immense  succès,  un  Noël  patriotique,  musique  de 
Ch.  Malo,  paroles  de  Jacques  Grancey  et  Eugène 
Leclerc.  —  Cette  chanson  vient  de  paraître  chez  le 
sj-mpathique  éditeur  Michaëlis,  dont  les  éditions 
artistiques  ont  consacré  la  réputation.       GÉDHÉ. 

Im  Jeunesse  Artistique  de  Vincennes.  —  Cette 
société  lyrique,  qui  compte  deux  années  d'existence, 
donne  tout  les  mois  une  soirée-concert  dans  le 
Casino-Sausserousse.  Nous  avons  assisté  à  la  soirée 
intime  du  7  décembre  ;  nous  y  avons  remarqué  la 
verve  comique  du  président,  M.  Lambert,  et  du 
secrétaire,  M.  Joinneau.  Parmi  les  plus  ï,pplaudis 
citons  ensuite  MM.  Dumon,  Mirey,  Cairon,  Wer- 
melinger,  Acquart  et  le  jeune  Lambert,  sans  oublier 
M.  Gérard,  un  débutant.  Le  piano  était  fort  bien 
tenu  par  M.  Blondel,  l'accompagnateur  de  la  société. 
H.  DEMANET. 


Les  Amis  du  Progrès,  président  Gignoux  (Café  du 
Grand  Jardin,  rue  de  Paris-Belleville).  Cette  société 
donne  tous  les  dimanches  des  soirées  très-suivies. 
Ne  pouvant  nommer  tous  les  bons  chanteurs  qui  s'y 
donnent  rendez-vous,  je  cite  au  hasard  MM.  Dupré, 
Defranoe,  Rauh  et  Fernand  Gauroy.  Une  mention 
spéciale  à  la  charmante  Emélie  Préaux,  âgée  de  onze 
ans,  pour  Cocotte,  scène  comique  de  M.  Pescheux, 
musique  d'Auguste  Marcus,  qu'elle  détaille  avec 
beaucoup  de  finesse. 

£a  Cordiale  (Brasserie  des  Bords  du  Rhin)  attire 
tous  les  jeudis  une  aftluence  considérable.  L'excellent 
président  Champion  dirige  avec  autant  de  tact  que 
de  goût  les  soirées.  La  partie  lyrique  est  largement 
représentée.  — M.  Tronchet,  de  l'Âlcazar^  qui  avait 
pi'èté  l'autre  soir  son  bienveillant  concours,  a  été 
rappelé  deux  fois.  Alphonse  Rueff  a  chanté  les  Gas  de 
Falaise,  avec  beaucoup  d'entrain.  La  pièce  :  On 
demande  un  pitre  n'était  pas  suffisamment  sue.  Quant 
à  Marcus  l'accompagnateur,  sa  réputation  de  pianiste 
est  faite  depuis  longtemps. 

Victor   LEBRETON. 

Le  samedi  16  novembre,  à  minuit,  dans  les  bril- 
lants salons  du  café  Riche,  a  eu  lieu  le  premier 
banquet  des  Artistes  Lyonnais  habitant  Paris. 

Pour  faire  partie  de  cette  réunion  fraternelle,  il 
faut  être  né  dans  le  département  du  Rhône  ou  s'y 
être  naturalisé  par  une  notoriété  artistique  et  un 
séjour  pi'olongé.  Cependant  il  a  été  fait  exception 
en  faveur  des  frères  Lionnet,  qui  avaient  adressé  au 
président  Clairville  une  supplique  en  vers.  Parmi 
les  artistes  présents  au  repas,  citons  :  MM.  Salomon 
de  l'Opéra,  Michot,  Alfred  Quidant,  Berthelier, 
Parade,  Luco,  Mangin,  Mocker,  Perrot,  Guillot, 
Frappa,  Alexis  Bouvier,  Carjat,  Gandon,  etc.,  aux- 
quels s'étaient  joints  des  peintres  et  des  journalistes 
venus  de  Lyon;  en  tout  soixante-dix  convives. 


108 


LA  CHANSON 


Notre  collaborateur  et  ami  Etienne  Ducret  avait 
improvisé  pour  la  circonstance  un  boniment  en 
jargon  Lyonnais  qu'il  a  débité  à  la  grande  joie  des 
gones  réunis.  Le  manque  de  place  nous  empêche 
d'offrir  à  nos  lecteurs  la  primeur  de  cette  pièce  ori- 
ginale. Salomon,  Berthelier,  Durafour,  les  Lionnet, 
Alfred  Quidant  et  Michot  ont  été  chaleureusement 
applaudis.  Ce  dernier  a  couronné  la  fête  en  entonnant 
les  Louis  d'or  de  Dupont. 

Après  avoir  ri.  chanté  et  porté  plusieurs  toasts  à 
la  presse,  on  s'est  séparé  à  cinq  heures  du  matin. 
Bignon  s'était  surpassé  dans  un  service   splendide. 

Un  concours  de  poésie  et  de  chansons  a  eu  lieu,  le 
lundi  18  novembre  dernier,  à  la  Lyre  Bienfaisante. 

Rarement,  des  pièces  aussi  généralement  bonnes 
ont  été  entendues  dans  ces  sortes  de  joutes  litté- 
raires. 

Jules  Vernier,  suivant  son  habitude,  a  remporté  le 
premier  prix,  avec  un  sonnet  intitulé  le  Blason  popu- 
laire. 

Noël  Mouret,  un  vieux  de  la  vieille,  bien  connu, 
du  reste,  a  eu  le  second  prix  pour  la  vigoureuse 
chanson  :  La  Gerbe  Républicaine,  que  nous  repro- 
duisons dans  ce  numéro.  Nos  lecteurs  verront  que 
l'auteur  de  Charlotte  la  Républicaine  n'a  pas  vieilli. 

Pour  ne  pas  mentir  à  son  nom,  la  société  a  fait, 
dans  cette  soirée,  une  collecte  destinée  à  créer  un 
livret  de  caisse  d'épargne  au  profit  d'un  enfant  des 
écoles  laïques  de  l'arrondissement. 

Bravo,  M.  Couvreur!  Puissent  toutes  les  sociétés 
imiter  l'exemple  de  la  Lyre  Bienfaisante! 

Le  bal  annuel  de  la  Société  des  Familles  (président 
Badou)  a  été,  comme  les  précédents,  brillant  et 
animé. 

Le  cercle  lyrique  Ze  Caprice  a  donné,  le  dimanche 
24  novembre,  sa  soirée  d'inauguration  dans  les 
salons  de  la  Brasserie  Suisse,  16,  passage  d'Athènes 
(rue  Saint-Honoré,  178).  Nous  aurons  l'occasion 
de  reparler  de  cette  société. 

Le  Samedi  7  décembre,  bonne  soirée  aux  Farfadets. 
L'un  des  leurs,  un  zélé,  Teulet,  offrait  un  prix  : 
La  Vie  de  Bohème  de  Murger,  s'il  vous  plaît,  à 
celui  qui  ferait  entendre  la  meilleure  chanson  d'un 
auteur  mort.  Le  choix  était  vaste.  Eugène  Baillet  fut 
acclamé  président.  Il  ouvrit  la  séance  par  une  chanson 
trop  oubliée  :  Nicolas  Durand,  de  Vieillefonds,  puis 
tour  à  tour  Béranger,  Hégésippe  Moreau,  Besforges, 
Rabineau,  Charles  Gille,  eurent  les  honneurs  de  la 
soirée.  Flachat  eut  une  heureuse  inspiration  en 
faisant  entendre  un  brUlant  et  vinicole  vau-de-vire 
d'Olivier  Basselin. 

Donner  le  prix  n'était  pas  tâche  facile.  Sur  une 
motion  du  président  les  voix  se  rallièrent  à  l'unani- 
mité sur  Monicard,  qui  non-seulement  avait  chanté 
une  oeuvre  remarquable  :  Les  étoiles  qui  filent,  de 
Béranger,  mais  l'avait  dite  avec  beaucoup  de  goût 
et  d'art.  On  porta  un  toast  au  souvenir  des  vieux 
chansonniers  et  l'on  se  sépara  gaîment;  à  minuit,... 
bien  sonné  ! 

Leduc,  bien  connu  des  vrais  goguettiers  qu'il 
présida  souvent,  vient  de  mourir  à  l'hôpital  Lari- 
boissière,  après  une  longue  maladie.  Sa  veuve,  sans 
ressource  et  malade  elle-même,  pria  notre  ami 
GoUignon  de  s'occuper  des  devoirs  à  rendre  au 
défunt,  la  famille  de  ce  dernier  ayant  déclaré  ne 
vouloir  rien  faire.  Collignon  eut  l'heureuse  idée  d'aller 


chanter  du  Desforges  aux  Epicuriens  (Massé,  pré- 
sident), aux  Vrais  Momusiens  (président  Leroux), 
aux  Enfants  des  Arts  et  Métiers  (Glaireau,  président) 
et  au  Cercle  Intime  (Victor  Garnot,  président).  Les 
collectes  faites  dans  ces  quatre  sociétés  produi- 
sirent 52  francs  qui  paj'èrent  la  funèbre  cérémonie. 
Ce  trait  fait  honneur  à  Collignon  et  aux  sociétés, 
car  toutes  auraient  agi  de  même. 

Leduc  avait  été  quelque  peu  chansonnier  à  ses 
heures.  On  a  de  lui  :  la  Plume,  C'est  le  même,  la  Tom- 
bola, etc.  qu'il  interpréta  souvent  lui-même. 
A.  PATAY. 


AVIS    DIVERS 


Nous  avons  reçu,  comme  il  fallait  s'y  attendre, 
quelques  réclamations  au  sujet  de  nos  concours.  Un 
compositeur  distingué,  que  nous  soupçonnons  d'avoir 
mis  en  musique  un  Chant  national,  s'évertue,  en  fort 
bons  termes,  à  prouver  que  cette  pièce  est  bien  supé- 
l'ieure  aux  chants  couronnés  et  surtout  plus  ijropre  à 
devenir  populaire.  Il  désire,  pour  faire  appel  à 
l'opinion  publique,  que  nous  insérions  et  la  lettre  et 
le  chant  dont  il  s'agit.  Il  comprendra,  d'une  part, 
que  nous  ne  pouvons  décerner  à  un  concurrent 
malheureux  une  faveur  réservée  aux  pièces  couron- 
nées, et  d'autre  part,  que  la  décision  du  jury  a,  en 
ce  qui  nous  concerne,  force  de  chose  jugée.  Cette 
publication,  accordée  à  titre  exceptionnel,  devien- 
drait une  régie  et  nous  amènerait  un  véritable 
débordement. 

L'auteur  d'une  chanson  mentionnée  avec  éloge 
est  surpris,  dit-il,  de  la  surprise  causée  au  jury  par 
sa  rime  de  la  verte  pampe.  Il  semble  craindre  que 
cette  légère  critique  ne  le  fasse  taxer  d'ignorance. 
Ce  mot,  il  le  trouve  dans  Littré,  Nodier,  Landais  et 
autres.  Nul  n'en  doute  ;  mais  il  nous  a  semblé 
que  le  besoin  de  la  rime  avait  ici  forcé  la  main  au 
poète.  C.  Q.  F.  D. 

Nous  nous  abstenons  de  répondre  à  d'autres  obser- 
vations, la  plupart  très-courtoises,  pour  éviter 
d'en  faire  naitre  de  nouvelles,  qu'il  nous  serait 
impossible  d'insérer. 

Nous  prions  les  souscripteurs  de  province,  qui 
ne  nous  ont  pas  encore  envoyé  le  montant  de  leur 
abonnement,  de  nous  le  faire  parvenir,  dans  le  plus 
bref  délai,  en  un  mandat  sur  la  poste  —  le  talon 
servant  de  quittance. Nous  nous  verrions  obligés,  sans 
cela,  de  faire  toucher,  en  mettant  à  leur  ch  arge  les 
frais  de  recouvrement. 

Même  prière  à  nos  abonnés  de  Paris,  à  qui  nous 
rappelons  que  les  bureaux  de  la  Chanson  sont  ouverts 
tous  les  jours,  de  8  heures  du  matin  à  8  heures  du 
soir.  —  Les  timbres-poste  ne  sont  pas  acceptés. 

Nous  invitons  de  nouveau  tous  les  présidents  de 
sociétés  lyriques  à  adresser  leurs  lettres  d'invitation, 
cartes  d'entrée,  etc.  au  journal  la  Chanson. 

Vient  de  paraître  à  notre  librairie  :  la  Musique  à 
la  salle  des  Fêtes,  pendant  VExposition  Universelle 
rfel878,  par  Amédée  Edéma.  Broch.  in-8,  prix  1  franc. 
11  en  sera  parlé  dans  notre  prochain  numéro. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANNEE.  —  N»  11. 


1"  JANVIER  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES    DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1  '='■  (fc  le  16  de  cliaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
V.  DEMEURE 

Le  Numéro  :  20  cent. 


«DMINISTRATION  &  REDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PAUIS 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paria,  6  mois 2  fr.  bO 

Départ»,  6  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3      5o 


SOMMAIRE  :  Galerie  des  C/iansonniers  :  Ernest  Chebroux  (l.-henry  lecomte).  —  Sous  les  verroux  [eu.  desforges  de  vassens). 
Le  Chemin  du  Paradis  perdu  (edouard  legentil).  —  Je  voudrais  pouvoir  rajeunir  (j.  lagarde).  —  A   Béranger  (gédhé). 
Le  Vin  d'Alsace  (Ernest  meininger). —  Brise  ton  luth  (édooard  gressin).  —  Le  Concours  libre  de  la  Chanson  ,  suite  et 
(eug.  imbert).  — Concerts  et  Sociétés  lyriques  [a.  leroy,  a.   patay).  —  Boite  aux  lettres. —  Annonces. 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  ERNEST  CHEBROUX 


La  critique  n'a  pas 

seulement    pour   but 

la    confirmation    des 

renommées  ;  son   de- 
voir principal  est,  au 

contraire,   de    placer 

avant  tous,  à  côté  des 

maîtres,  les  laborieux 

apprentis  que  conduit 

l'amour  du  beau  et  que 

peut  grandir  la  ferme 

volonté  du  bien. 
Ernest    Chebroux 

est    né    à    Lusignan, 

petit  village  du  Poi- 
tou, le  28  septembre 

1840.  Sa  famille  était 
pauvre  ;  le  pain  em- 
plissait rarement  la 
huche,  et  le  bois  man- 
quaitsouvent  au  foyer. 
Le  père,  maçon-pui- 
satier, n'avait  ni  le 
loisir  ni  les  moyens 
d'envoyer  son  fils  à 
l'école  ;  il  l'employait 
plus  volontiers  à  ra- 
masser, pendant  les 
hivers  rigoureux,  des 
branches  mortes  dans 
les  forêts.  —  Charme 
irrésistible  des  pre- 
mières années!  Chebroux  a  gardé  de  son  enfance 
misérable  un  souvenir  reconnaissant  et  attendri 
qu'il  a  fixé  dans  sa  poétique  chanson  des  Hives 
du  Clain! 

Lasse    de  végéter  dans   une    campagne,    la 
famille  Chebroux  alla  s'installer  à  Tours.    Là, 


l'enfant  fut  envoyé  à 
l'école  mutuelle;  mais 
les  difficultés  que  les 
siens  éprouvaient  en- 
core à  vivre  lui  inspi- 
rèrent bientôt  une  ré- 
solution héroïque.  Un 
jour ,  Chebroux  ne 
parut  point  à  la  classe. 
Le  directeur  se  hâta 
d'en  avertir  les  pa- 
rents, qui  préparèrent 
une  correction  vigou- 
reuse. A  l'heure  du 
souper,  l'enfant  repa- 
rut, et,  simplement  : 
—  Mère,  dit-il,  en 
posant  sur  la  table  dix 
gros  sous,  voici  ma 
première  journée  de 
travail. 

Comment  répondre 
à  cela  ?  —  Par  de 
grosses  larmes  et  des 
caresses.  Les  parents 
ne  s'en  firent  pas 
faute. 

De  Tours,  où  il  fut 
typographe ,  relieur, 
Chebroux  accompa- 
gna sa  famille  à  Paris. 
11  y  devint  régleur, 
enfin  imprimeur,  accomplissant  son  destin  qui 
était^  ainsi  qu'il  le  dit  lui-même,  de  noircir  du 
papier  toute  sa  vie. 

Un  travail  manuel  incessant  rend  l'étude  diffi- 
cile. A  quinze  ans,  Chebroux  savait  à  peine  lire; 
mais  un  désir  ardent  de  s'instruire  le  conduisit 


110 


LA  CHANSON 


aux  écoles  du  soir  et  lui  fit  dérober  au  sommeil 
tout  le  temps  nécessaire.  Il  suivait  assidûment 
les  cours  de  grammaire  et  de  dessin.  Bientôt, 
son  professeur  de  français,  remarquant  en  lui 
certaines  dispositions  à  la  poésie,  offrit  de  lui 
enseigner  gratuitement  le  latin.  Ces  leçons  pré- 
cieuses durèrent  deux  années,  au  bout  desquelles 
Chebroux  traduisait  couramment  les  historiens 
et  les  poètes.  Le  dimanche,  par  distraction,  il 
achetait  des  couleurs  et  barbouillait  les  murs  du 
logis  paternel. 

Nous  avons  parlé  des  dispositions  de  Chebroux 
pour  la  poésie  ;  sa  jeunesse  besoigneuse  dut  à  la 
muse  plus  d'un  rêve  consolant.  A  seize  ans,  il 
composait  sa  première  chanson  et  la  portait  à 
l'éditeur  Durand,  un  Licéen  d'alors.  Etre  publié, 
quel  rêve  !  et  comme  le  cœur  battait  au  jeune 
rimeur  en  montant  l'escalier  du  libraire!  — 
Durand  lut  les  couplets,  se  déclara  satisfait  et 
promit  de  les  faire  imprimer.  Puis,  se  ravisant  : 
«  Votre  chanson  n'est  pas  complète,  dit-il;  ce 
passeur  qui  vit  entre  le  ciel  et  l'eau,  ivre  de 
soleil  et  de  liberté,  c'est  très-bien;  mais  ajoutez 
quelques  vers  d'amour,...  que  ça  finisse  par  un 
mariage  !»  —  «  Je  vais  chercher  ce  couplet,  » 
dit  le  poète.  Il  reprit  sa  chanson...  et  la  garda. 

Quelques  années  plus  tard,  Chebroux  devint 
amoureux,  ce  qui  contribua  puissamment  à  dé- 
velopper ses  goûts  littéraires.  On  ferait  un 
volume  avec  les  billets  rimes  échangés  alors  entre 
lui  et  son  ami  E.  Dubois.  Ce  poème  intime,  plus 
heureux  que  la  chanson  du  passeur,  eut  pour 
dénouement  un  bon  mariage. 

Les  terribles  événements  de  1870  imposèrent 
silence  à  toutes  les  muses.  Navré  cependant  de 
voir  la  guerre  civile  succéder  à  l'invasion,  Che- 
broux ressaisit  sa  plume.  Le21mail871,  ilimpi'o- 
visait  et  faisait  imprimer,  au  bruit  des  fusils, 
une  touchante  Invocation  de  la  France  : 

Oh!  qui  donc  mettra  fin  à  tant  d'ignominie? 
Qui  donc,  établissant  une  sainte  harmonie 

Entre  tous  les  humains, 
Sera  la  vérité,  la  sagesse  profonde, 
Le  flambeau  bienfaisant  qui  doit  guider  le  monde 

Vers  de  nouveaux  chemins? 

Une  période  trop  longue  de  représailles  suivit 
la  victoire  lamentable  des  Français  sur  leurs 
frères.  Le  temps  n'était  certes  pas  aux  rêveries,  et 
Chebroux  avait  grandement  raison  de  répondre 
à  ceux  qui  l'engageaient  à  chanter  : 

Lorsque  j'ai  vu  — ■  profond  dégoût, 
Honte  pour  la  raison  humaine,  — 
Le  sang  coulant  à  plein  égoût 
Se  mêler  aux  eaux  de  la  Seine  ; 

Quand  je  vois  des  orphelins  nus, 
Les  yeux  attachés  à  la  terre, 
Appelant  et  pleurant  un  père 
Qu'hélas,  ils  ne  reverront  plus  ! 

Enfin,  quand  je  vois  à  cette  heure. 
Tant  de  misère,  je  gémis, 


Je  suspends  mes  chants  et  je  pleure 
Sur  les  malheurs  de  mon  pays  ! 

Mais  quel  poète  se  pourrait  résoudre  à  l'éternel 
silence? —  En  1872,  Chebroux  collaborait  à  la 
Ligue  des  Poètes,  et,  pour  se  venger  des  misères 
endurées  pendant'  les  deux  sièges,  flétrissait, 
dans  sa  chanson  des  Veuillotins,  les  ténébreux 
artisans  des  malheurs  publics.  Les  Echos  Pari- 
siens sollicitèrent  bientôt  son  concours  ;  il  l'ac- 
corda par  ces  vers  énergiques  : 

Mes  bons  amis,  dans  vos  Echos, 
Vous  voulez  aujourd'hui  qu'avec  vous  j'entre  en  lice  ; 

Lutterez-vous  pour  ces  trois  mots  : 

Liberté,  Progrès  et  Justice? 

Serez-vous  le  fouet  cinglant  les  abus? 

Serez-vous  le  flambeau  qui  répand  la  lumière? 

—  Lors,  amis,  sous  votre  bannière, 

Comptez  un  combattant  de  phis. 

Vers  cette  époque,  Alphonse  Leclercq  con- 
duisit Chebroux  à  la  Lice  Chansonnière.  La  Ligue 
des  Poètes  venait  d'être  condamnée  pour  avoir 
publié  des  chansons  politiques;  Chebroux,  pre- 
nant texte  du  jugement,  rima  ce  conseil  à 
l'adresse  de  ses  frères  en  poésie  : 

Vous  me  direz  —  je  vous  entends  — 
Q'on  ne  saurait  toujours  se  taire,  ' 
Qu'aujourd'hui  d'adroits  prétendants 
Vont. . .  chut  !  ce  n'est  pas  votre  affaire. 
Pour  relever  votre  pays, 
A  la  Vierge  offrez  un  cantique  ; 
Mais  croyez-moi,  mes  bons  amis, 
Ne  faites  plus  de  politique  ! 

Un  mois  après  (mars  1873)  Chebroux  était 
reçu  membre  titulaire  de  la  Lice.  La  même 
année,  on  le  chargeait  du  secrétariat  qu'il  con- 
serva jusqu'en  1877,  où  la  présidence  lui  fut 
décernée. 

Il  est  d'usage,  à  la  Lice  comme  au  Caveau, 
qu'un  toast  en  vers  contenant  l'éloge  de  la 
chanson  soit  prononcé,  chaque  mois,  par  le  poète 
qui  préside  les  banquets.  Douze  fois  de  suite 
donc,  il  lui  faut  rajeunir  par  quelque  originalité 
de  forme  ou  de  pensée  un  thème  rebattu.  Veut- 
on  savoir  comme  Chebroux  triomphait  des  diffi- 
cultés du  sujet?  —  Qu'on  lise  ce  portrait  char- 
mant de  la  chanson  française  : 

La  divinité  que  je  rêve, 

Et  qui  rayonne  sur  mes  jours, 

Est  une  blonde  fille  d'Eve, 

Aux  francs,  aux  robustes  contours. 

Je  vous  la  peins  comme  je  l'aime, 

Insoucieuse,  un  peu  bohème. 

Inconstante  comme  le  temps, 

Changeante  comme  le  nuage. 

Et  portant  sur  son  frais  visage 

Les  fleurs  d'un  éternel  printemps. 

C'est  la  folle  au  joyeux  délire, 

A  l'œil  rempli  de  volupté, 

D'esprit  et  de  malignité  ; 

A  voir  sa  verve  on  pourrait  dire 


LA  CHANSON 


111 


Qu'elle  eut  pour  mère  la  gaité 
Et  pour  père  un  éclat  de  rire  ! 
C'est  celle  que  l'on  voit  toujours, 
Légère  comme  une  gazelle, 
Allant  de  la  plaine  aux  faubourgs, 
De  la  mansarde  à  la  tonnelle, 
Traînant  constamment  avec  elle 
Un  essaim  de  fripons  amoiirs. 
C'est  l'infatigable  frondeuse 
Cinglant,  sans  trêve  ni  repos, 
La  bande  toujours  trop  nombreuse 
Des  cafards,  des  fourbes,  des  sots  ; 
C'est  celle,  enfin,  dont  l'œil  s'enflamme, 
Et  qui,  le  cœur  plein  de  fierté. 
Redevient  une  forte  femme 
Au  soufile  de  la  liberté  ! 

La  présidence  de  la  Lice  étant  vacante, 
Chebroux  en  accepta  complaisamnient  le  fardeau 
pendant  les  huit  derniers  mois  de  1878,  et  c'est 
à  son  refus  seul  que  le  pouvoir  ne  lui  a  pas  été 
continué  pour  l'année  qui  commence. 

Les  poésies  de  Cliebroux  (stroplies,  toasts  ou 
récits)  sont  jusqu'à  ce  jour  plus  nombreuses  que 
ses  chansons;  mais  ces  dernières  se  recom- 
mandent par  un  coloris,  une  élévation,  une  verve 
rares.  Nous  citerons,  parmi  ses  œuvres  les 
plus  connues  :  //  faut  que  je  jjas&e,  le  Concert 
bachique,  Mes  Illusions,  les  Rives  du  Clain,  0 
Veuillotins  que  je  vous  aime  !  le  Printemps  qui 
s'éveille,  Salut  au  voyageur,  Chantons,  les  l'rois 
couleurs,  la  Fête  du  travail,  Premier  chagrin, 
le   Vin  Français,  l'Hiver  a  ses  beaux  jours. 

Plusieurs  de  ces  chansons  ont  été  mises  eu 
musique  par  l'auteur  même;  Darcier,  CoUignon, 
Blasini,  Vaudry,  Echalié,  ont  écritpour  les  autres 
des  mélodies  nouvelles.  Recherchant  surtout  les 
succès  difficiles,  le  poète  adonné  peu  de  choses  au 
concert  ;  M'"°  Bordas  et  Pacra  lui  doivent 
cependant  quelques  créations  heureuses. 

Chebroux  possède  aujourd'hui  une  imprimerie 
achalandée  ;  il  est  de  plus  dessinateur  et  quelque 
peu  peintre.  Entre  une  femme  aimable  et  un  fils 
déjà  grand,  sa  vie  s'écoule,  laborieuse  etpaisiljle, 
partie  à  l'atelier,  partie  au  grand  air^  car  il  a 
déjà  pu  réaliser  ce  rêve  de  tout  Parisien  :  une 
maison  de  campagne. 

Charles  Vincent  fit  jadis  collaborer  Chebroux 
à  la  Chanson  Française.  Le  rédacteur  en  chef 
de  ce  journal,  Coligny^  s'éprit  du  nouveau  venu 
et  le  présenta  partout  comme  un  bon  chansonnier 
de  l'avenir. 

—  Mon  cher  Coligny,  disait  Cliebroux,  vous 
me  faites  souscrire  là  un  billet  qu'il  me  sera 
difficile  de  rembourser. 

Pourquoi  donc?  —  N'est-il  pas  en  fonds 
d'esprit  et  de  poésie?  Par  ce  qu'il  a  fait  déjà, 
préjugeons  ce  qu'il  peut  faire  encore.  Sa  muse^ 
un  peu  trop  bucolique,  entonnera  quelque  jour 
les  refrains  mâles.  Complet  alors,  le  talent  chan- 
sonnier de  Chebroux  n'aura,  dans  le  présent, 
nulle  comparaison  à  redouter. 

L.-Henry  LECOMTE. 


SOUS  LES  VERROUX 

Musique  de  J.-B.  Collign'on  (*) 

Le  ciel  était  d'azur,  la  brise  était  bien  douce 
A  travers  les  barreaux  de  la  sombre  prison; 
Les  oiseaux  éveillés  gazouillaient  dans  la  mousse. 
Comme  un  ami  glissait  dans  l'ombre  un  chaud  rayon. 
Chantez,  chantez  gaîment  dans  vos  nids  de  feuillage, 
Redoutez  l'oiseleur,  évitez  les  réseaux  ; 
Dieu  vous  garde  toujours  des  ennuis  de  la  cage, 
Heureux  petits  oiseaux  ! 

Voltigez,  voltigez,  la  brise  vous  appelle 
A  folâtrer  dans  l'air  et  mêler  vos  chansons  ; 
Pour  vous  nourrir  elle  a  de  son  souffle  fidèle 
Egrené  cette  nuit  l'épi  dans  les  sillons. 
La  source   du  rocher  déverse  sous  l'ombrage. 
Pour  vos  joj'eux  ébats,  ses  plus  limpides  eaux; 
Dieu  vous  garde  toujours  des  ennuis  de  la  cage. 
Heureux  petits  oiseaux! 

Voltigez  par  les  monts,  voltigez  par  les  plaines. 
Deux  par  deux,  poursuivants,  poursuivis  tour  à  tour  ; 
Puis,  au  fond  des  vallons,  à  l'ombre  des  vieux  chênes, 
Vous  irez  reposer  loin  des  chaleurs  du  jour 
Vos  joyeuses  amours  qu'abrite  le  feuillage. 
Que  caressent  les  vents,  que  bercent  les  rameaux  ; 
Dieu  vous  garde  toujours  des  ennuis  de  la  cage, 
Heureux  petits  oiseaux  ! 

Ce  soir,  quand  vous  verrez  s'éveiller  les  étoiles, 
La  tète  sous  votre  aile,  accouplés  dans  vos  nids. 
Vous  vous  endormirez  et  la  nuit  de  son  voile, 
La  nuit  protégera  vos  asiles  bénis. 
Et  le  pauvre  captif,  impuissant  dans  sa  rage, 
Décbirera  ses  doigts  aux  angles  des  barreaux  : 
Dieu  vous  garde  toujours  des  ennuis  de  la  cage, 
Heureux  petits  oiseaux  ! 

Ch.  DESFORGÉS  de  VASSENS. 

(*}     Nous  devons  à  notre  ami  Collignon   communication    de 
cette  œuvre  inédite. 


LE  CHEiMIiX  DU  PARADIS  PERDU 


C'est  dans  Milton,  qu'enfant  j'appris  à  lire. 
•J'ai  parcouru  son  Eden  enchanté. 
Lors,  je  l'aimais,  maintenant  je  l'admire 
Et  comprends  mieux  son  Satan  révolté. 
L'ange  exilé  du  céleste  domaine 
Jette  à  la  foi  le  défi  le  plus  beau, 
C'est  la  pensée  allumant  un  flambeau 
Pour  éclairer  la  conscience  humaine. 
Pour  retrouver  le  paradis  perdu, 
Penseurs,  mordez  dans  le  fruit  défendu. 

Jeune  chanson,  sois  gaie  en  restant  digne  ; 

Quand  tu  naquis,  Sapho  du  cabaret, 

Ton  lange  fut  une  feuille  de  vigne. 

Ton  premier  sein,  un  broc  de  vin  clairet. 

Chante  bien  haut,  en  bravant  la  censure, 

Cher  moineau  franc,  vole  au-dessus  des  lois  ; 

Enivre-nous  de  ton  rire  gaulois. . . 

Petit  couplet  guérit  grande  blessure. 

Pour  retrouver  le  paradis  perdu. 

Bardes,  mordez  dans  le  fruit  défendu. 


112 


LA  CHANSON 


Pour  reposer  dans  la  terre  promise, 
Naïve  enfant,  tu  voiles  ta  beauté; 
Ton  sang  qui  bout  et  ton  âme  insoumise 
Souffletteront  ton  vœu  de  chasteté. 
Car  le  désir,  qui  te  tord  dans  un  rêve, 
Met  sur  ton  front  des  rides  au  réveil  ; 
Fleur  de  vingt  ans,  il  te  faut  le  soleil. 
Sois  femme  enfin,  petite-flUe  d'Eve  ! 
Pour  retrouver  le  paradis  perdu, 
Vierges,  mordez  dans  le  fruit  défendu. 

Peuple  courbé,  pour  soulever  le  monde, 
Comme  Archimède,  il  te  faut  un  levier  ; 
Le  livre  est  là,  dans  ce  Nil  qui  t'inonde 
Baigne  ton  front  pour  te  fortifier  ; 
Lis  et  relis,  plus  d'une  page  austère 
De  fleurs  d'amour  parfume  son  verso  ; 
Pleure  en  rêvant  dans  l'âme  de  Rousseau, 
Pense  avec  Kant  et  ris  avec  Voltaire. 
Pour  retrouver  le  paradis  perdu, 
Lecteurs,  mordez  dans  le  fruit  défendu. 

Hardi  savant,  va,  soulève  les  voiles  ! 
Que  ton  esprit,  enfiévré  d'inconnu. 
Plonge  sans  peur  dans  l'océan  d'étoiles 
Qui,  du  zénith,  éblouit  notre  œil  nu. 
Victoire,  enfin  !  de  ces  célestes  terres 
Depuis  hier,  vainqueur,  nous  te  voyons 
Analyser  leurs  lumineux  rayons. . . 
Le  méchant  seul  a  besoin  de  mystères. 
Pour  retrouver  le  paradis  perdu, 
Savants,  mordez  dans  le  fruit  défendu. 

Oubliez  donc  la  légende  mystique 
Vous,  dont  le  sceptre  est  un  léger  pinceau, 
Rappelez-vous  en  respectant  l'antique. 
Qu'art  et  progrès  n'ont  qu'un  même  berceau. 
Le  vrai  peut  seul  rajeunir  la  peinture 
Et  lui  donner  un  éternel  printemps  ; 
Artistes  fiers,  soyez  de  votre  temps. 
Retrempez-vous  dans  la  grande  nature. 
Pour  retrouver  le  paradis  perdu. 
Peintres,  mordez  dans  le  fruit  défendu. 

Hymne  d'airain,  chanson  aux  larges  ailes, 
Ceux  qui  voulaient  te  jeter  au  néant 
Sont  aveuglés  par  des  flots  d'étincelles  : 
Les  nains  n'ont  pu  bâillonner  le  géant. 
Qu'en  ta  mémoire,  humble  femme  française, 
Elle  retrouve  un  nid  hospitalier, 
C'est  un  drapeau,  ne  vas  pas  l'oublier; 
Berce  tes  flls  avec   la  Marseillaise. 
Pour  retrouver  le  paradis  perdu. 
Français,  mordez  dans  le  fruit  défendu. 

Edouard  LEGENTIL. 


JE   VOUDRAIS  POUVOIR  RAJEUNIR 


Air  de  La  Robe  et   les  Bottes 

Satisfait  de  sa  destinée, 
Un  amateur  du  gai  savoir. 
Dans  sa  quatre-vingtième  année, 
De  chanter  se  fait  un  devoir  ; 
Du  Caveau  ce  membre  honoraire, 
Pressentant  un  long  avenir. 
S'écrie  encor  d'une  voix  claire  : 
Non,  je  ne  veux  pas  rajeunir. 


Quoiqu'étant  presque  du  même  âge. 
Je  ne  suis  pas  du  même  avis. 
Surtout  lorsqu'un  joli  visage 
S'offre  à  mes  regards  éblouis. 
En  admirant  une  fillette. 
J'ai  bien  l'attrait  du  souvenir; 
Oui,  mais  pour  lui  conter  fleurette 
Je  voudrais  pouvoir  rajeunir. 

Dans  notre  première  jeunesse, 

Que  de  douces  illusions  ! 

Mais  hélas  !  dans  notre  vieillesse 

Que  de  tristes  déceptions  ! 

A  chaque  instant,  nouvelles  transes, 

Le  ciel  semble  se  rembrunir: 

Pour  prolonger  mes  espérances 

Je  voudrais  pouvoir  rajeunir. 

Attendez  que  le  vin  vieillisse, 
Nous  dit  le  docte  Lesueur, 
Ce  breuvage  est  bien  plus  propice 
Quand  l'âge  l'a  rendu  meilleur. 
C'est  possible,  mais  je  préfère 
D'un  vin  moins  vieux  me  soutenir. 
Et  pour  en  sabler  à  plein  verre 
Je  voudrais  pouvoir  rajeunir. 

J'ai  vu  déjà  dans  ma  patrie, 
Détrôner  plus  d'un  souverain, 
J'ai  vu  d'une  armée  aguerrie 
Les  débris  joncher  le  terrain  ; 
Contre  un  désastre  politique, 
Afin  de  mieux  me  prémunir. 
Dans  le  sein  de  la  République, 
Je  voudrais  pouvoir  rajeunir. 

En  vain,  au  déclin  de  ma  vie. 
J'invoque  la  sainte  amitié 
Qui  nous  soutient  contre  l'envie, 
Et  dans  nos  cœurs  est  de  moitié; 
Au  Caveau  je  la  vis  éclore. 
Mais  je  crains  de  la  voir  finir  : 
Pour  y  chanter  longtemps  encore 
Je  voudrais  pouvoir  rajeunir. 

J.  LAGARDE. 


A     BERANGER 

A-Propos  dit,  le  7  décembre  1878,  à  l'Union  Artistique. 


Amis,  debout  ! . .  Célébrons  la  mémoire 
Du  citoyen  et  du  grand  chansonnier. 
Qui  fut  du  peuple  et  l'honneur  et  la  gloire; 
Découvrons-nous...  Saluons Béranger! 

Ce  grand  esprit,  Diogène  moderne. 
De  la  gaîté  revêtit  le  manteau  ; 
«  Libre  et  content  »  allumant  sa  lanterne. 
Il  répétait  :  k  Je  roule  mon  tonneau.  » 

En  sa  mansarde,  il  chanta  la  jeunesse, 

La  liberté,  les  ris  et  le  printemps  ; 

Il  fredonna,  le  cœur  plein  d'allégresse  : 

«  Dans  un  grenier,  qu'oti  est  bien  à  vingt  ans!  » 

A  ces  deux  noms  :  Frétillon  et  Lisette! 
Quels  souvenirs  s'éveillent  pleins  d'ardeur  I 
Rêves  perdus! ...  La  dernière  grisette 
Au  lustre  d'or  a  consumé  son  cœur  ! 


LA  CHANSON 


113 


C'est  qu'il  n'est  plus,  le  c'r.antre  populaire 
Dont  les  accents  faisaient  naître  l'amour  ; 
On  chante  encor,  mais  la  Muse  vulgaire, 
Au  rire  faux,  est  la  reine  du  jour. 

Simple  et  modeste,  il  mourut  sans  richesse; 
Par  ses  aïeux,  il  fut  noble  de  nom  ; 
Mais,  rejetant  ses  titres  de  noblesse, 
Il  fut  du  peuple,  et  c'est  là  son  blason  ! 

Il  arracha  le  masque  des  Jésuites, 
Ouvrit  un  culte  à  l'esprit,  au  bon  sens, 
Foulant  aux  pieds  le  dieu  des  hypocrites, 
Il  honora  le  Dieu  des  bonnes  gens. 

Lorsque  nos  fronts,  blanchis  par  les  années, 
Se  pencheront,  par  les  rides  flétris. 
En  souriant,  nos  lèvres  étonnées 
Diront  encor  tous  ses  refrains  chéris. 

La  mort  le  couvre  en  vain  du  sombre  voile 
Dont  l'aspect  seul  nous  arrache  des  pleurs, 
Son  souvenir,  comme  une  blanche  étoile, 
A  tout  jamais  règne  au  fond  de  nos  cœurs  ! 

Qui,  mieux  que  lui,  sut  chanter  l'espérance, 
Le  vin,  la  gloire,  et  donner  aux  petits 
Cette  moqueuse  et  libre  insouciance 
Qu'ils  puisaient  tous  en  ses  nobles  écrits  ! 

Oui,  tour  à  tour,  sa  voix  modeste  etfière 
Fit  résonner  le  chaume  et  le  palais  ; 
Dans  la  chaumière,  elle  disait  :  «  Espère  « 
Chez  le  puissant  :  «  Prodigue  tes  bienfaits  I  » 

Et  nous,  tes  fils,  ô  chansonnier  poète, 
En  attendant  qu'on  t'offre  un  piédestal. 
Nous  déposons  humblement  sur  ta  tête 
Une  couronne,  hommage  filial. 

Nous  honorons  celui  qui  frappe  et  tue 
Quand  il  défend  la  sainte  liberté  ; 
Notre  poète  aussi  veut  sa  statue. 
Lui,  le  champion  de  la  fraternité  ! 

Voici  le  marbre  ! ...  A  l'œuvre,  statuaire  ! 
Que  ton  ciseau  fouille  le  bloc  épais  ! 
Il  faut  que  près  des  héros  de  la  guerre, 
Se  dresse  enfin  un  héros  de  la  paix! 

Amis,  debout  ! . . .  Célébrons  la  mémoire 
Du  citoyen  et  du  grand  chansonnier. 
Qui  fut  du  peuple  et  l'honneur  et  la  gloire; 
Découvrons-nous. . .  Saluons  Déranger  ! . . . 

GÉDHÉ. 


LE   VIN   D'ALSACE 

A  M.  Ch.  Herrmann,  directeur  de  la  Sainte-Cécile 
de  Mulhouse. 

Chantons,  amis,  le  vin  d'Alsace, 
Ce  jus  divin  des  bords  du  Rhin, 
Donnons-lui  la  meilleure  place 
A  la  cave  ou  dans  un  festin. 
Sa  couleur  à  l'or  est  semblable, 
C'est  un  chaud  rayon  de  soleil 
Qui  nous  vient  éclairer  à  table, 
Son  parfum  n'a  pas  son  pareil. 

Allons,  amis,  le  verre  en  main, 

Et  répétons  ce  gai  refrain  : 

De  boire  que  nul  ne  se  lasse. 

Et  vive  le  bon  vin  d'Alsace, 

Ce  doux  nectar  des  bords  du  Rhin! 


De  nos  pères  montrons-nous  dignes, 
Eux  qui  buvaient  comme  des  dieux; 
Vouons  au  produit  de  nos  vignes 
Un  culte  incessant  et  pieux. 
Arborons  comme  unique  emblème, 
La  bouteille  brune  au  long  col 
Pleine  de  ce  nectar  qu'on  aime. 
Et  qui  pousse  dans  notre  sol. 
Allons,  amis,  etc. 

Il  bannit  la  mélancolie, 

Car,  embellissant  nos  vieux  jours, 

Par  lui  du  fleuve  de  la  vie 

Nous  descendrons  gaîment  le  cours. 

Et  lors  de  notre  heure  dernière, 

Sans  regrets  tous  nous  partirons, 

Vidant  encore  un  dernier  verre 

Du  bon  vin  que  nous  préférons. 

Allons,  amis,  le  verre  en  main, 

Et  répétons  ce  gai  refrain  : 

De  boire  que  nul  ne  se  lasse. 

Et  vive  le  bon  vin  d'Alsace, 

Ce  doux  nectar  des  bords  du  Rhin. 

Ernest  MEININGER. 


BRISE   TON    LUTH! 


Chante  !  la  nature  est  en  fête, 
Le  soleil  éclaire  les  cieux. 
Pourquoi  des  larmes  dans  tes  yeux? 
Accorde  ton  luth,  ô  poète! 

Muse,  pardonne  à  ma  soufi'rance; 
Mais  il  me  faut  te  résister. 
O  muse  je  ne  puis  chanter. 
Alors  qu'il  n'est  plus  d'espérance  ! 
Chante  !  etc. 

0  muse,  j'ai  la  mort  dans  l'âme, 
Mon  cœur  ne  fait  que  soupirer! 
0  muse,  laisse-moi  pleurer. 
J'ai  perdu  l'amour  d'une  femme  ! 
Chante!  etc. 

Dans  la  nuit  sombre,  sans  étoiles, 
Quand  elle  venait  me  trouver, 
O  muse,  laisse-moi  rêver! 
Tremblant,  je  dénouais  ses  voQes. 
Chante  !  etc. 

Elle  a  fui  comme  une  hirondelle 
Hélas  !  pour  ne  plus  revenir. 
0  muse  laisse-moi  mourir. 
Afin  d'oublier  l'infidèle.... 
Puisqu'ici-bas  rien  ne  t'arrête, 
Et  que  ton  âme  aspire  aux  cieux; 
La  muse  te  ferme  les  yeux  : 
Brise  ton  luth,  ô  mon  poète  ! 

Edouard  GRESSIN. 


LE  CONCOURS  LIBRE  DE  LA  CHANSON 

(Saite  et  fin) 

Les  Deux  Berceaux^  le  Messager^  brillent  aussi  par 
le  naturel  et  la  délicatesse.  La  Muse  au  Poète 
renferme  de  beaux  vers.  En  voici  une  strophe  : 


Va!  Saisis  d'une  mai 
Et  de  r  autre  ta  lyre 
Et  puis,  ô  pèle: 


t  l'appui  de  la  faiblesse, 
ùnsi  qu'ua  fer  qui  blesse, 


114 


LA  CHANSON 


Sans  chercher  l'ombre  j 
Sans  tfève,  sans  repos, 
Marche,  marche  toujoui 


ie  ou  la  claire  fontaine, 
ns  force,  sans  haleine, 
le  but  est  l'avenir  i 


La  Plume  du  poète  a  heureusement  inspiré  un  des 
concurrents. 

Tu  déchaînes  la  foudre  ou  calmes  la  tempête, 

lui  dit  l'auteur  ; 

Tu  décernes  la  gloire,  et  sèmes  par  tes  vers 
La  liberté,  l'amour  aux  vents  de  l'univers! 

Tout  le  morceau  est  bien  pensé,  bien  écrit  et  plein 
de  verve. 

Dans  la  fantaisie,  il  convient  de  citer  :  les  Phases  de 
la  Lune,  stances  d'une  allure  pimpante  et  dégagée  ; 
Fantasia;  le  Rondel  qui  a  pour  refrain  Guaigner 
Guerdon,  d'un  archaïsme  très-réussi  ;  la  Dernière 
Grisette,  petit  poème  gracieux;  Conseil  à  suivre;  la 
ballade  des  Hommes  de  mai,  pleine  d'esprit  quoique 
politique  ;  mais  pourquoi  l'auteur  choisit-il  pour 
rimer  avec  le  mot  mai,  qui  se  prononce  comme 
jamais,  des  rimes  telles  que  germé,  allumé,  opprimé? 

M.  Bouchor,  un  bon  poète  qui  est  en  même  temps 
un  bon  rimeur,  accouple,  dans  le  Faust  moderne, 
mai  avec  bien-aimé.  Arsène  Houssaye  : 

Pourquoi  pleurer  au  mois  de  mai? 
—  Au  mois  de  mai  je  vis  Claudine, 
Je  vis  Claudine  et  je  Vaimai. 


Enfin,  exemple  pris  plus  haut  : 

Tous  les  faux  biens  qu'on  envie 


Vers  l'ombre,  hélas,  tout  dévie; 
Que  reate-t-il  de  la  vie. 
Excepte  d'avoir  aimé? 

Vous  voyez  que  Hugo  est  tombé  dans  la  même 
faute.  Ce  n'en  est  pas  moins  une  faute.  Les  exemples 
les  plus  illustres  ne  peuvent  ici  faire  autorité. 

M.  Hugo,  qui  rime  d'ordinaire  très-richement,  a 
bien  fait  rimer  ensemble  charmants  et  printemps, 
Lesbos  et  flambeaux,  Jean  Huss  et  disparus  :  devons- 
nous  pour  cela  l'imiter?  Devons-nous  suivre  Alfred 
de  Vigny,  un  maître  poète,  jusque  dans  cette  har- 
diesse, que  j'appelle  une  incorrection  : 


La  rime  dont  il  s'agit  pèche  contre  la  règle  de 
l'oreille  qu'elle  offense,  et  n'est  pas  plus  admissible 
que  protégés  et  assiégeais  ou  archet  et  caché,  un  ancien 
péché  de  M.  L.  Brocherie,  ou  encore  diaprés  et  de 
près,  que  nous  avons  trouvé  dans  le  présent  concours. 


toi  sont  mes  anges, 
réjouissent  mon  cœur. 

Ainsi  parle  le  Dieu  des  bonnes  gens  à  Déranger,  que 
le  céleste  portier  refuse  de  laisser  entrer  au  paradis. 
L'auteur  Je  ces  vers  exalte  avec  chaleur  les  mérites 
de  la  chanson,  et  nous  fournit  une  transition  toute 
naturelle. 

Dans  le  genre  de  la  chanson  proprement  dite,  donc, 
le  jury  a  distingué  les  pièces  dont  les  titres  suivent  : 

Pourquoi  ?ious  chantons,  couplets  pleins  de  désin- 
volture ;  la  Chanson  du  travail;  la  Fiiite  à  Mathurin, 
grivoiserie  spirituelle;  \a.Fête  de Bacchus ;  Pourquoi 
nous  filons  ;  Philosophie,  morceau  bien  pensé  et  bien 
écrit  ;  la  Pluie  ;  A  Petit-Jean,  couplets  dans  lesquels 
l'auteur  fait  entrevoir  à  l'enfant,  sans  amertume,  les 
déceptions  qui  l'attendent  dans  la  vie  ;  Si  j'avais  la 
puissance;  la  Marseillaise  des  blés,  tableau  champêtre 


auquel  il  manque  un  cadre,  je  veux  dire  un  refrain; 
Mariez-vous,  moi  je  reste  garçon;  A  tout  hasard; 
Mes  cinquante-huit  ans  ;  C'est  trop  fort  de  café,  refrain 
peu  neuf,  mais  rajeuni  ;  le  Bonheur  d'être  grand-père; 
Monsieur  Termite,  couplets  qui  ne  manquent  ni 
d'esprit  ni  de  trait,  mais  que  déparent  malheureuse- 
ment quelques  hiatus  ;  Trouvez  l'hymne  gaulois,  dont 
l'auteur  n'a  pas  osé  suivre  le  conseil  qu'il  nous 
donne  en  bons  vers  ;  la  Sérénade,  d'une  tournure 
cavalière,  et  Vive  Paris! 

Dans  Au  large!  on  remarque  un  bel  élan  patrioti- 
que, et  les  stances  suivantes,  datées  de  Belfort,  1870: 

Qu'en  dites-vous,  mes  compagnons  I 
Devons-uous  leur  ouvrir  nos  portes  î 
Pauvres  Prussiens,  nous  vous  plaignons  ; 
Faites  approcher  vos  cohortes. 
Mais  songez  bien  que  vingt  fossés 
Défendent  notre  citadelle. 
Et  que  nous  tous,  à  rangs  pressés, 
Formons  une  ligne  nouvelle. 

Le  jury  n'a  pas  eu  à  relever,  dans  ce  concours, 
autant  de  lourdes  fautes  que  dans  le  précédent.  La 
liberté  laissée  à  l'inspiration  en  est  sans  doute  la  cause, 
tandis  qu'un  patriotisme  peu  éclairé  a  pu  pousser  au 
concours  des  chants  nationaux  plus  d'un  lutteur  mal 
préparé.  Toutes  les  pièces  néanmoins  ne  sont  pas 
exeuptes  d'incorrections,  d'images  forcées  et  autres 
taches.  Que  diriez-vous,  par  exemple,  d'un  homme 
qui  passe  au  travers  du  filet  des  douleurs,  et 
s'échappe,  y  laissant  le  manteau  de  ses  pleurs. . .  en 
otage  ?  L'auteur  de  Espérance  a  gâté  ses  vers  par 
des  images  trop  cherchées  et  mal  trouvées. 

En  fait  d'incorrections,  signalons  aux  auteurs  du 
Jésuite,  du  Séducteur  et  de  la  Chanson  d'avril  les 
vers  suivants  : 

L'or  pour  lui  est  son  atout. 
Il  va  suffire  d'un  serment,  d'un  regard. 
La  nature  a  chanté  un  poème  sans  fin. 

Nous  devons  dire,  pour  être  vrai,  que,  dans  l'espoir 
d'éviter  ou  de  masquer  au  moins  la  faute,  les  auteurs 
de  ces  deux  derniers  vers  ont  écrit  :  11  va  sufflr,  et  : 
La  nature  a  chantée. 

Cette  petite  ruse  est  restée  inutile 

Et  n'a  point  désarmé  la  rigueur  du  jury. 

C'est  donc  avec  raison  qu'un  des  concurrents, 
dans  une  pièce  où  il  revendique  contre  un  poète 
incorrect  les  droits  de  la  critique,  s'écrie  : 

Ne  vaudrait-il  pas  mieux,  c'est  mon  mot  de  la  fin. 
Qu'il  prît  un  bon  traité  de  prosodie  en  main. 
Pour  apprendre  du  moins,  à  défaut  d'autre  chose, 
A  plaider  sans  lapsus  une  mauvaise  cause  î 

Nous  avions  pensé  à  décacheter  les  plis  qui  accom- 
pagnent les  pièces  non  couronnées.  11  nous  semblait 
que,  pour  les  éloges  surtout,  la  publication  des  noms 
donnerait  aux  remarques  du  jury  une  valeur  plus 
grande  et  augmenterait  la  satisfaction  des  auteurs. 
Une  réflexion  nous  a  retenus.  Avions-nous  le  droit  de 
priver,  en  divulguant,  sans  autre  raison,  le  nom  d'un 
auteur  et  le  titre  de  sa  poésie,  alors  qu'aucun  prix  ne 
motivait  cette  divulgation,  de  priver,  disons-nous, 
un  auteur  de  la  faculté  de  présenter  à  un  autre 
concours  la  pièce  non  récompensée  cette  fois  !  Nous 
avons  résolu  cette  question  par  la  négative,  et 
respecté  le  secret  des  auteurs. 

Qui  nous  jettera  la  première  pierre? 

EuG.  IMBERT. 


LA  CHANSON 


115 


CONCERTS  &  SOCIETES  LYRIQUES 


Il  y  a  des  gens  (j'en  connais)  à  qui  vous  ne 
feriez  pas  entreprendre  un  simple  voyage  de  la 
Madeleine  à  la  Bastille,  dans  Tinoifensif  omnibus, 
un  vendredi,  surtout  s'il  tombe  un  13.  Il  3^  en  a  qui 
poussent  la  superstition  plus  loin  :  ils  s'abstiennent 
de  toute  espèce  de  travaux  manuels  ou  intellectuels  : 
ils  s'interdisent  (si  possible)  même  la  pensée  d'une 
idée.  Ils  craignent  sans  doute  de  voir  leur  cervelle 
éclater.  Pourtant  M.  Eugène  Petit,  l'accompagnateur 
de  talent  et  le  chanteur  sympathique  que  vous  con- 
naissez, bravant  les  vieux  préjugés  a,  le  vendredi 
13  décembre  —  je  devrais  dire  ils  ont...  M.  Petit 
avait  un  complice  :  j'ai  nommé  M.  Adolphe,  direc- 
teur du  café-concert  de  la  Samaritaine. ..  (voir  le 
n"  5  de  La  Chanson).  —  Oui,  vous  avez  bien  lu,  le 
vendredi  13  décembre,  il  y  avait,  à  la  Samaritaine, 
représentation  extraordinaire  au  bénéfice  de  M.  Petit. 

—  Décidément  les  superstitions  ont  fait  leur  temps. 
Mais  ne  nous  écartons  pas  de  notre  sujet  et  revenons 
à  cette  soirée  à  jamais  mémorable.  A  8  heures,  on 
ne  pouvait  trouver  un  tabouret;  les  place.s  étaient  à 
l'enchère.  On  se  chuchotait  à  l'oreille  :  «  M"°  B. 
chantera  ce  soir.  «  —  «  Vrai  de  vrai?  »  —  «  Oui, 
Gédhé  doit  la  ramener  en  tramway.  « 

On  riait  à  l'avance,  on  se  frottait  les  mains. 

A  8  heures  1;2,  on  refusait  du  monde.  M.  Adrien 
Souchet,  toujours  complaisant,  s'efforçait  d'écon- 
duire  le  plus  galamment  possible  la  foule  menaçant 
d'envahir  la  salle  de  force.  Il  y  en  a  qui  ont  assisté 
à  la  repi'ésentation  juchés  sur  des  échelles...  au 
dehors  ! 

Enfin,  le  concert  commence  dans  le  plus  profond 
silence,  que  les  applaudissements  viennent  seuls 
troubler.  L'intrépide  Ambroise  essuie  les  planches; 
puis  nous  savourons  des  noms  tels  que  ceux  de 
M""  Maria  Paora,  Berthe  Linas,  etc.,  MM.  Darcier, 
Raynal,  Velly,  Adrien  Souchet,  Victorin,  qui  a 
chanté  une  actualité  à  grand  succès  do  nos  amis 
Dorfeuil  et  Gédhé,  et  dit  avec  âme  Petit  Paul,  de 
Victor  Hugo. 

Ducastel  a  fait  une  conférence  sur  le  bénéficiaire. 
Rien  qu'à  la  pensée  de  Ducastel  conférencier  on  rit, 
n'est-ce  pas?...  Alors  jugez  un  peu... 

Il  faudrait  citer  tout  le  monde  pour  être  juste. 
Les  chanteurs  habituels  de  la  maison,  vous  les  con- 
naissez, tous  artistes  aimés...  Ils  avaient  pour  la 
circonstance  choisi  les  meilleurs  morceaux  de  leur 
répertoire  et  redoublé  de  zèle  et  d'entrain. 

La  face  de  l'excellent  Petit  rayonnait  ;  on  sentait 
qu'il  était  heureux  non-seulement  des  résultats  acquis, 
mais  surtout  du  grand  nombre  d'amis  qui  lui  ont 
apporté,  avec  leurs  félicitations,  de  chaudes  et  cor- 
diales poignées  de  mains. 

Et  M""  B?...  Hélas,  elle  n'est  pas  venue  ! 


L'Eldorado  vient  d'ajouter  un  succès  nouveau  à 
la  nombreuse  série  de  cette  année. 

L'Agence  Rabourdin,  opérette  de  M.  G.  Dorfeuil, 
musique  de  M.  Firmin  Bernicat,  a  pleinement  réussi. 
Les  pièces  à  deux  personnages  sont  rares  au  café- 
concert,  depuis  que  notre  regretté  L.  Quentin  a  quitté 
bien  malgré  lui  le  champ  de  bataille  des  faiseurs. 
Nous  n'entreprendrons  pas  l'analyse  de  cette  comédie 


mise  en  musique  pour  le  concert  ;  l'auteur  y  a 
dépensé  plus  d'esprit  qu'il  n'en  fallait  pour  se  faire 
écouter. 

Il  y  a  dans  l'Agence  Rabourdin  plus  qu'une  opé- 
rette. Le  livret  pouvait  se  passer  de  musique. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Firmin  Bernicat  a  écrit  et 
orchestré  en  érudit  quelques  phrases  musicales 
pleines  de  finesse.  M.  Firmin  Bernicat  n'est  pas, 
comme  on  disait  de  M.  R.  Planquette  avant  les 
Cbc/ies  de  Corneville,  un  musicien  de  l'avenir  ;  c'est 
un  maître  du  présent  qu'on  appréciera  à  sa  juste 
valeur  quand  on  lui  confiera  une  partition  en  trois 
actes. 

•  L'interprétation  a  été  parfaite.  M"""  Duparc,  la 
nouvelle  étoile  de  l'Eldorado,  a  détaillé  d'une  façon 
spirituelle  les  deux  couplets  :  Je  dois  songer  à  ma 
rente,  et  Victorin  a  prouvé  ce  soir-là  que  le  chanteur 
sympathique  était  doublé  d'un  excellent  comédien. 


M.  Denneville  a  fait  une  chanson  pour  les  Epicuriens; 
M°'=  Girard  en  a  été  l'aimable  interprète.  Je  fais 
chorus  aux  bravos  qui  ont  justement  récompensé 
l'œuvre  toute  locale  et  sans  prétention  de  notre  ami 
Denneville;  cependant  mon  devoir  de  critique 
m'oblige  à  lui  dire  que  s'il  a  eu  raison  de  faire  une 
chanson,  je  dis  plus,  une  bonne  chanson,  pour  la 
plus  ancienne  des  sociétés  parisiennes,  il  a  eu  tort  de 
choisir  une  coupe  aussi  commune.  Ohé!  cocher, 
aux  Epicuriens! —  Passe  pour  les  Ambassadeurs.  Les 
licences  permises  dans  ces  sortes  d'établissements 
se  trouvent,  à  mon  avis,  déplacées  dans  une  société 
lyrique  devant  avant  tout  garder  les  vieilles  et 
bonnes  traditions.  Il  ne  manque  pas  de  ponts-neufs 
et  votre  chanson,  M.  Denneville,  3'  aurait  gagné  de 
toutes  les  façons. 

Pendant  que  nous  sommes  en  train  de  signaler 
des  nouveautés,  livrons  à  la  publicité  le  nom  d'un 
nouveau  poète,  M.  Léon.  Il  ne  se  contente  plus 
d'être  le  Capoul  des  sociétés,  l'enfant  chéri  des 
dames,  etc.  Comme  M"°  Sarah  Bernhardt,  il  cumule; 
les  lauriers  de  Béranger  lui  portent  ombrage  et 
incessamment  il  briguera  les  palmes  académiques. 
Nous  avons  entendu  de  lui,  vous  entendez  bien,f/e  lui, 
pas  une  poésie,  non,  quelque  chose  comme  une 
berquinade  avec  des  papillons  venant  tour  à  tour  se 
poser  tantôt  sur  le  nez  de  M.  Massé-Dreyfus  ou  de 
tout  autre  membre  du  bureau  ;  c'est  gracieux  au 
possible,  aussi  quel  succès  !  Faisons  remarquer  en 
passant  que  le  beau  Léon  n'en  est  pas  plus  fier 
pour  ça. 

Dans  la  même  soirée ,  nous  avons  entendu 
M.  Justin,  ex-président  des  Familles,  dans  une 
romance  de  cœur  :  Vous  comprenez  la  chose;  et 
Planer  qui  a  malheureusement  oublié  d'asseoir  sa 
voix  pendant  qu'il  maniait  son  fusil,  et  Boll  donc, 
il  a  accompagné  d'une  atroce  façon  De  ma  fenêtre. 

Terminons  par  un  compliment  à  l'adresse  de 
MM.  Moi'treuil  et  Léon.  Leur  duo  du  Barbier  de 
Séville  mérite  de  sérieux  éloges. 

On  a  eu  la  bonté  de  me  communiquer  une  note 
sur  la  soirée  des  Amis  du  Commerce,  du  vendredi 
6  décembre.  Je  copie  :  a  La  soirée  a  été  charmante, 
côté  des  dames  bien  entendu.  On  a  tiré  une  tombola 
à  la  grande  satisfaction  des  invités,  lots  comiques 
et  lots  sérieux. 

Les  artistes  étrangers  à  la  société  qui  se  sont  fait 


LA  CHANSON 


applaudir  s'appelaient  M"°  Blanche,  une  enfant 
ayant  le  talent  d'une  femme  ;  M"'  Adèle,  très-drôle 
dans  la  ronde  de  la  Kermesse  ;  M.  Adrien  Souchet, 
parfait  dans  Victor  t'as  tort;  M.  Léo,  désopilant 
dans  ces  Veinards  de  Bidards,  et  Jomain  qui  a  chanté 
du  Gédhé  avec  sa  verve  ordinaire.  » 

A.  LEROY. 

Le  premier  concert  annuel  de  la  Lice  Chansonnière 
donné  comme  nous  l'avions  annoncé,  le  15  décembre, 
dans  les  salons  de  Pierre  Petit,  a  été  splendide. 

Le  programe  ne  contenait  pas  moins  de  vingt-cinq 
numéros  ;  on  l'a  suivi  avec  exactitude,  mais  l'heure 
avancée  a  nécessité  la  suppression  de  divers  morceaux, 
La  séance  offrait,  d'un  bout  à  l'autre,  un  vif  intérêt. 
Peut-être  cependant  la  partie  instrumentale  tenait- 
elle  une  place  trop  grande  ;  malgré  le  talent  réel  de 
M"°  de  Verginy  et  de  MM.  Chollet  et  Georges 
Lamothe,  des  chansons  eussent  mieux  fait  l'affaire 
de  la  plupart  des  assistants.  On  devra  s'en  souvenir, 
l'année  prochaine. 

MM.  Michot,  Darcier,  Lionnet  frères,  Collignon  et 
Durafour  ont  obtenu  d'unanimes  bravos  avec  des 
chants  d'allures  diverses.  Deux  charmantes  canta- 
trices, M"°'  Fougère  et  Brun,  la  première  toute 
gracieuse,  la  seconde  toute  vibrante,  ont  été  le 
sourire  de  la  journée.  N'oublions  pas  une  limpide 
description  du  phonographe,  accompagnée  d'expé- 
riences auxquelles  l'assemblée  a  paru  prendre  grand 
plaisir. 

En  résumé,  programme  attrayant,  remarquables 
artistes,  public  nombreux.  Les  organisateurs  ont  eu 
lieu,  croyons-nous,  d'être  satisfaits.  Tant  mieux. 

Nous  publions  aujourd'hui  rà-|)ropos  dit  à  la 
représentation  extraordinaire  de  l'Union  Artistique, 
dont  nous  avons  rendu  compte.  Intelligemment 
organisée  parle  président  Paulin,  cette  soirée  a 
produit  la  somme  nette  de  119  fr.  75,  qui  sera  versée 
à  la  souscription  pour  la  statue  de  Béranger. 

Les  Enfants  du  Temple  ont  repris  leurs  soirées,  tous 
les  dimanches,  chez  Collignon,  rue  Vieille-du- 
Temple,  104. 

Lundi,  IG  décembre,  nouveau  concours  à  la  Lyre 
bienfaisante,  rue  Saint-Séverin  (Couvreur  président). 
l''  prix  :  M.  Cognet,  2'"  prix  :  J.-B.  Robinot. 

Dans  sa  réunion  administrative,  tenue  le  mercredi 
18  décembre,  la  Lice  Chansonnière  a  renouvelé  son 
bureau  pour  l'année  1879.  Ont  été  nommés  : 

Président,  Jules  Echalié; 

Vice-Présidents,  Rubois  et  Flachat; 

Secrétaires,  Adeline  et  Choque; 

Trésoriers,  Eugène  Baillet  et  Cahen. 
Jules  Jeannin  reste  Maître  des  chants  ;  les  Maîtres  des 
cérémonies  ont  été  choisis  parmi  les  membres  libres: 
ce  sont  MM.  Teulet  et  Tribelhorn. 

Dans  la  même  séance,  M.  Paul  Avenel,  président 
delà  Société  des  auteurs  et  compositeurs  de  musique, 
a  été  reçu  membre  titulaire,  ainsi  que  Maugé,  le 
sympathique  artiste  des  Folies  dramatiques. 

La  Gerbe  Républicaine  de  Noël  Mouret,  que  nous 
avons  publiée  dans  notre  précédent  numéro,  vient 
d'être  mise  en  musique  par  Vaudry. 

Le  boniment  dit  par  Etienne  Ducret  au  dîner 
des  Artistes  Lyonnais,  a  paru  chez  Lebailly  (8  pages 
in-8,  prix  10  centimes). 

A.    PATAY. 


BOITE    AUX    LETTRES 

M.  Marcel  L.,  Le  Val.  —  Envoyez  quelque  poésie 
moins  longue  et  moins  intime. 

M.  Emile  M.,  saint- Cyr,  —  Envoyez  autre  chose. 

M.  Emile  C,  Paris.  Nous  publions  autant  que 
possible  de  l'inédit. 

M.  Jules  T.  —  Nous  n'avons  pu  insérer  dans  nos 
numéros  de  décembre  votre  pièce  Aux  Mânes  des 
soldats  français,  qui  n'a  plus  maintenant  d'actualité. 

M.  Théophile  M.,  Neuville.  Le  Cuirasiser  et  son 
cheval  paraîtra  prochainement. 

M.  Célestin  g.,  Lyon.  Votre  aimable  lettre  nous 
faisait  espérer  votre  concours.  Voulez-vous  être 
notre  correspondant,  et  nous  envoyer  les  échos 
chantants  de  la  cité  Lyonnaise  ? 

M.  Esprit  R.,  Nhnes.  —  La  Patriote  nous  est 
parvenue  trop  tard.  M'°°  Bordas  a  quitté  le  concert. 

M.  Charles  T.,  Baume-les  Dames.  Nous  acceptons 
avec  plaisir  votre  travail  sur  les  chants  populaires 
de  la  Franche-Comté. 

M.  A.  Y.  Marignnlles.  Nous  vous  rappelons  votre 
promesse  d'une  propagande  active. 

M.  L.,  Meynac.  Malgré  votre  autorisation  de 
faire  des  coupures,  A  ma  nièce  ne  pouvait  convenir 
à  notre  journal;  envoyez  autre  chose. 

M.  L.-J.  B.,  Piï/uy/ers.  Envoyez-nous  des  chan- 
sons inédites  pour  nos  prochains  numéros. 

M.  A.  P.,  La  Basse.  —  L'Oiseleur  bredouille  est 
impossible  pour  nous;  envoyez  une  autre. 

M"°  Elise  M.  Nîmes.  Nous  attendons  toujours 
votre  envoi. 


PUBLICATIONS    RECOMMANDÉES 

La  Jeune  France,  Revue  mensuelle,  littéraire  et 
poétique.  Un  an,  6  fr.  Librairie  A.  PATAY,  rue 
Bonaparte,  18. 

Le  Parnasse;  organe  des  concours  littéraires  de 
Paris.  Rédacteurs  en  chef  :  Alceste  et  Germain 
Picard.  Un  an,  12  fr.  Rue  du  Val-de-Grâce,  21. 

Revue  de  la  Poésie,  Gazette  de  l'Académie  des 
poètes,  sous  la  direction  de  M.  Casimir  Perthus. 
Un  an,  6  fr.  Rue  Ganneron,  12. 

La  Revue  de  la  Jeunesse.  Rédacteur  :  Ali  Vial 
de  Sabligny.  Un  an,  10  fr.  Rue  des  Filles-du- 
Calvaire,  18. 

La  Revue  Française,  Rédacteur  en  chef:  Evariste 
Carrance.  Un  an,  10  fr.  Rue  Molinier,  6,  Agen. 

Le  Progrès  Artistique,  Rédacteur  en  chef  : 
Al.  Marquant.  Un  an.  10  fr.  ;  6  mois,  5  fr.  Rue 
Petrelle,    24. 

La  Revue  Pittoresque.  Directeur  :  V.  Gallet.  Un 
an,  6  fr.  Rue  de  Lancry,  32. 

Le  Monde  Artiste.  Directeur  :  Ach.  Lemoine. 
Un  an,  20  fr.  Rue  Pigalle,  17. 

L'EcHo  DES  Muses.  Rédacteur  en  chef  :  Lucien 
Duc.  Un  an,  6fr.  Place  du  Marché,  18,  Draguignan. 

La  Plume,  revue  littéraire  bi-mensuelle.  Direc- 
teur :  Jean  de  la  Lende,  Rue  Bleue,  29. 

Le  Directeur  Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANNÉE.  —  N°  12. 


16   JANVIER  1879. 


LA    CHANSON 


Directeiir-Géimnt 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Revue   Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  ±"  <fc  le  16  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
V.  DEMEURE 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  moi? 2  fr.  50 

Départs,  y  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3       50 


SOMMAIRK  :  Galerie  des  Chansonniers  :  Dé.iouf/iers  (i..-iienry  lecomte).  —  La  Chanson  nouvelle  (andré  person).  —  Les 
Chevilles  (eug.  imbert).  —  Aux  Dames  de  la  Lice  (o.-c.  picard).  —  En  Iriver  (jules  vernif.r). —  Rdves  de  seize  ans  (constant 
SACLÉ  et  ALI  viAL  DE  sabligny). —  Quund  on  a  bien  vicu  (Emile  durafour.)  —  La  Flûte  et  le  Tambour  (ch.  thuriet)  — 
Curiosité  lilléruire  :  Ce  qu'on  n'oublie  pas  (f.mile  desciiamps,  ciiarles  coligny).  —  Banquet  du  Ciiveau  (eug.  imbert).  — 
Banquet  de  la  Lice  Chansonnière  (l.-benry  lecomte). —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (prosper  tibia,  g.  b.,  a.  leroy,  a.  patay). 

GALERIE  DES   CHANSONNIERS    :    DÉSAUGIERS 


La  Provence,  ber- 
ceau des  troubadours,. 
avu  naître  l'Anacréon 
français.  Marc -An- 
toine-Madeleine Dé- 
saugiers  vint  au  monde 
à  Fréjus,  le  17  novem- 
bre 1772. 

.Amené  tout  enfant 
à  Paris  par  son  père, 
compositeur  de  mé- 
rite, Désaugiers  fut 
plus  tard  placé  au 
collège  Mazarin,  où  il 
eut  pour  professeur 
de  réthorique  le  célè- 
bre Geoffroy. 

Certes,  l'enfant  ne 
pouvait  faire  présager 
l'homme.  Il  était  mai- 
gre, d'une  santé  faible 
et  d'un  caractère  mé- 
lancolique. A  l'âge  de 
seize  ans  seulement^ 
le  physique  de  Désau- 
giers se  fortifia,  tandis 
que  son  humeur  deve- 
nait enjouée.  Mais  on 
le  voulait  faire  prêtre; 
il  accepta  l'épreuve 
d'une  retraite  de  six 
semaines  au  séminaire, 
et  en  rapporta  la  certitude  d'un  manque  complet 
de  vocation.  Le  théâtre  l'attirait  avec  une  force 
irrésistible.  A  dix-sept  ans,  jetant  décidément 
le  froc  aux  orties,  il  écrivit  une  comédie  en 
un  acte  qui  réussit  au  boulevard,  et  arrangea 
pour  Feydeau  le  Médecin  malgré  lui  de  Molière, 


dont  son  père  écrivit 
la  musique. 

Les  premiers  excès 
de  la  révolution  pro- 
duisirent sur  Désau- 
giei's,  élevé  dans  les 
principes  royalistes, 
une  impression  dou- 
loureuse. 11  prit  le 
parti  de  quitter  la 
France  pour  suivre,  à 
Saint  -  Domingue ,  sa 
sœur,  mariée  à  un  co- 
lon de  cette  ile.  Pru- 
dence humaine  !  La 
tempête  politique  que 
fuyait  Désaugiers  l'at- 
tendait à  Saint-Do- 
mingue. 11  débarquait 
à  peine,  que  la  ter- 
rible révolte  des  nè- 
gres contre  les  blancs 
éclata.  Désaugiersprit 
les  armes,  fut  fait  pri- 
sonnier et  ne  dut  qu'à 
un  incident  fortuit 
d'échapper  à  la  fusil- 
lade. Jeté  dans  un  ca- 
chot, il  s'évada  et  par- 
vint, après  une  course 
périlleuse  de  plusieurs 
jours,  à  joindre  un 
navire  anglais  qui  faisait  voile  pour  les  Etats- 
Unis.  A  bord,  il  tomba  malade  de  fatigue,  et 
l'équipage-,  croyant  reconnaître  les  symptômes 
de  la  fièvre  jaune,  jugea  prudent  de  déposer  le 
Français  sur  le  rivage  de  New-York.  En  proie 
à  une  fièvre  ardente,  presque  nu,  sans  secours, 


118 


LA  CHANSON 


Désaugiers  fût  mort,  si  une  femme  charitable  ne 
l'avait  recueilli  et  soigné  avec  un  dévouement 
absolu.  Revenu  à  la  santé,  Désaugiers  donna 
pendant  quelque  temps  des  leçons  de  clavecin  à 
Philadelphie  ;  dès  que  l'état  de  sa  bourse  le  per- 
mit, il  s'embarqua  pour  revenir  en  France. 

Il  avait  quitté  Paris  en  1792,  il  y  rentrait 
en  1797,  alors  que  les  arts  d'agrément  com- 
mençaient à  reprendre  faveur.  Désaugiers,  priyé 
de  fortune,  travailla  courageusement.  La  musi- 
que, les  lettres,  le  théâtre  lui  offrirent  tour  à 
tour  des  distractions  et  des  ressources.  Quelques 
pièces  ingénieuses  et  de  jolies  chansons  le  firent 
bientôt  remarquer  ;  il  se  lia  d'amitié  avec  les 
jeunes  auteurs  de  l'époque  :  Moreau,  Rougemont, 
Francis,  Chazet,  Brazier,  Gentil,  et  eut  part  à 
nombre  de  succès  remportés  sur  les  scènes  des 
Jeunes-Artistes^  de  la  Montansier,  des  Trouba- 
dours, des  Variétés  et  du  Vaudeville. 

Les  productions  dramatiques  de  Désaugiers 
sont  au  nombre  de  cent  vingt.  La  plupart,  nées 
de  l'à-propos,  ne  pouvaient  obtenir  qu'une  vogue 
passagère  ;  à  leurs  côtés,  des  comédies  offrant 
des  caractères  bien  tracés,  une  versification 
élégante  et  des  situations  vraies,  comme  l'Hôtel 
garni,  le  Mari  intrigué,  l'Homme  aux  précautions, 
et  des  vaudevilles  alertes  comme  le  Mariage 
extravagant.  Monsieur  Sans-Gêne,  le  Dîner  de 
Madelon,  remportaient  plus  que  des  succès  de 
circonstance.  Mais  les  chansons  de  Désaugiers 
surtout  le  devaient  placer  hors  de  ligne. 

C'est  précisément  à  l'époque  de  son  retour  en 
France  que  ce  genre  de  littérature  reparut.  Une 
société  gastronomique  et  chantante  ayant  été 
organisée  par  des  jeunes  gens  baptisés  Garçons 
de  bonne  humeur,  Désaugiers  en  fit  partie,  et  y 
présenta  nombre  de  couplets  remarquables  par 
une  abondance  de  traits,  la  franchise  d'expres- 
sions, le  bonheur  des  saillies  et  une  entraînante 
gaîté.  En  1808,  le  libraire  Capelle  eut  l'idée  de 
ressusciter  le  Caveau,  sous  laprésidence  du  vieux 
Laujon.  Désaugiers  en  était  membre  de.  droit  ; 
il  contribua  puissamment  pour  sa  part  à  la  célé- 
brité qu'obtinrent  bientôt  les  dîners  du  Caveau 
moderne  ;  si  bien  que,  Laujon  étant  mort  et  Piis 
retraité,  il  fut  appelé  à  présider  à  son  tour  les 
joyeux  disciples  d'Epicure. 

Barré  quittant,  après  vingt-trois  ans,  la 
direction  du  Vaudeville,  désigna  Désaugiers  pour 
son  successeur.  Louis  XVIII^  homme  d'esprit, 
ratifia  ce  choix.  En  1815  donc,  le  chansonnier 
prit  possession  du  théâtre  où,  pendant  longtemps, 
il  sut  attirer  et  retenir  la  foule.  Mais,  ballotté 
entre  les  intérêts  et  les  amours-propres,  Désau- 
giers sacrifiait  à  son  devoir  le  repos  de  sa  vie. 
Forcé  de  quitter  le  Vaudeville,  il  y  fut  rappelé, 
en  1825,  par  le  vœu  des  -actionnaires  et  la 
volonté  de  Charles  X.  A  cette  époque,  sa  santé 
s'altéra;  une  impitoyable  maladie,  la  pierre, 
s'était  emparée  de  lui.  Plusieurs  essais  de 
lithotritie  furent  tentés  en  vain  ;  on  dut  recourir 


à  l'opération  de  la  taille.  Désaugiers  supporta  cou- 
rageusement cette  torture;  mais  à  peine  fut-il 
remis  sur  son  lit  que  sa  respiration  devint  difficile  : 
a —  J'étouffe  !  j'étouffe  !  »  disait-il  ense  débattant. 
Il  mourut  le  jour  même  (9  aoîàt  1827). 

Un  peuple  d'amis  le  conduisit  au  Père- 
Lachaise.  Chacun  vantait  son  talent  recomman- 
dable,  la  bonté  de  son  cœur,  sa  probité  inflexible, 
ses  vertus  domestiques,  et  Nodier  put,  sans 
protestation,  proposer  pour  son  monument 
funèbre  cette  dédicace  flatteuse  :  A  Désaugiers, 
qui  n'eut  point  d'ennemi.  » 

Les  chansons  de  Désaugiers  ont  été  publiées, 
à  diverses  époques,  par  Ladvocat,  par  Garnier 
frèreSj  par  Delahays  et  par  Bry,  avec  des  notices 
intéressantes  de  Merle,  de  M.  Bougy  et  d'Alfred 
Delvau;  mais  l'édition  définitive  reste  à  faire  et 
tentera  quelque  jour  un  amoureux  de  gaie 
science. 

La  gaîté,  telle  est,  en  effet,  le  caractère 
distinctif  des  refrains  de  Désaugiers.  Nous  y 
joindrons  la  vérité  d'observation,  qui  leur  con- 
serve une  jeunesse  éternelle.  L'humanité,  après 
tout,  n'a  qu'une  somme  invariable  de  ridicules 
et  de  vices  ;  l'homme  de  notre  temps  reflète 
exactement  celui  des  siècles  passés  ;  le  poète 
donc,  qu'il  burine  une  comédie  comme  Tartuffe, 
ou  qu'il  esquisse  un  petit  tableau  de  mœurs  comme 
le  Jour  de  l'An,  fait  œuvre  impérissable  en  faisant 
œuvre  vraie.  Beaucoup  méconnaissent,  pour  les 
avoir  mal  lus,  les  chefs-d'œuvre  des  maîtres 
en  flonflons  ;  nous  défions  qu'on  trouve,  dans 
Béranger  même,  des  chansons  plus  spirituelles, 
plus  agiles,  plus  impitoyables  que  celles  de 
Désaugiers. 

Il  nous  suffira  de  rappeler,  dans  ses  tableaux 
satiriques  :  le  Jour  de  l'An,  le  Palais  Royal,  le 
Carnaval,  Paris  en  miniature,  les  Plaisirs  du 
Dimanche,  la  Journée  d'un  élégant,  Paris  le  matin, 
Paris  le  soir,  le  Pilier  de  café,  le  Soldat,  les 
Grisettes  ; 

Dans  ses  refrains  de  table  :  Chanson  à  manger. 
Moralité,  la  Table,  le  Ve?Te,  le  Panpan  bachique. 
Quand  on  est  mort  c'est  pour  longtemps,  la  Treille 
de  sincérité,  Verse  encore,  Abonnez-vous,  le  Dîner 
d'étiquette,  le  Souper; 

Dans  ses  chansons-provei'bes  :  Faute  d'un 
moine  l'abbaye  ne  manque  pas;  Tout  ce  qui  luit 
n'est  pas  or.  Petite  pluie  abat  grand  vent,  l'Eau 
va  toujours  à  la  rivière,  la  Moutarde  après  le 
dîner; 

Dans  ses  plaisanteries  populaires  :  Monsieur  et 
Madame  Denis,  la  Bouche  et  le  Nez,  le  Menuisier 
Simon,  la  Mère  Bahu,  tous  les  Cadets  Buteux... 

Mais  il  faudrait  donner  la  nomenclature 
entière  de  ces  œuvres  charmantes,  bien  supé- 
rieures à  celles  de  Favard,  de  Panard  et  de  Collé. 

Certains  ont  reproché  à  Désaugiers  la  trivialité 
de  ses  sujets  et  sa  complète  indifférence  pour  les 
problèmes  graves  ;  c'est  là  une  querelle  injuste. 
On  ne  refait  ni  sa  nature  ni  sa  destinée  :  Désau- 


LA  CHANSON 


119 


giers  avait  pour  mission  de  provoquer  le  rire 
consolant  ;  ainsi  fît-il.  Un  autre,  qu'il  devina  et 
et  patrona  —  Béranger,  —  devait  après  lui 
projeter  les  lueurs  saines  de  la  poésie  sur  les 
questions  sociales.  L'aigle  robuste  plane  dans  les 
hauteurs  avec  des  coups  d'aile  qu'il  ne  faut  pas 
attendre  du  passereau.  —  Est-ce  à  dire  que  le 
passereau  n'ait  pas  sa  raison  d'être? 

L. -Henry  LECOMTE. 


L.\  CHANSON  NOUVELLE 

«  Tous  les  vers  sont  faits,  «  a  dit  M.  deFontanes, 
alors  que,  Grand-Maître  de  rUuiversité,  il  ne 
dédaignait  pas  de  collaborer  à  l' Almanacli  des  Muses, 
et  autres  publications  du  même  genre  et  de  la  même 
élévation  poétiques. 

Cette  affirmation,  devenue  ridicule  par  les  nom- 
breux démentis  que  lui  ont  infligés  les  œuvres  de 
nos  poètes  modernes,  pouvait,  à  la  rigueur,  être 
acceptée  comme  une  vérité  par  les  écrivains  du 
premier  empire. 

Mais  que  P.-J.  Proudhon,  cet  esprit  robuste  et 
clairvoyant,  n'ait  pas  craint,  par  manie  du  paradoxe, 
de  contresigner,  en  la  paraphrasant,  cette  sentence 
d'un  poète  émasculé,  et  cela,  plus  d'un  demi-siècle 
après,  voilà  qui  a  dû  surprendre  tous  ceux  qui 
s'intéressent  au  mouvement  littéraire  de  notre 
époque. 

«  Je  pense,  écrit  P.-J.  Proudhon,  que  le  nombre 
«  des  bons  vers  qui  peuvent  être  faits  dans  chaque 
«  langue  est  en  général  assez  borné  ;  et  pour  la 
«  langue  française  en  particulier,  je  crois  que  ce 
«  nombre  de  vers  était  atteint  avant  Voltaire ...    « 

Ceci  n'est  pas  absolument  un  paradoxe,  mais  bien 
une  hérésie  littéraire;  aussi,  ai-je  peine  à  m'imaginer 
que  Proudhon,  contemporain  de  Hugo,  de  Musset,  de 
Lamartine  et  de  tant  d'autres  énergiques  ou  gracieux 
poètes,  ait  été  de  bonne  foi  lorsqu'il  amplifia  cet 
inqualifiable  propos  de  M.  de  Fontancs  :  «  7'ous  les 
vers  sont  faits.  «  Eh  bien,  non!  tous  les  vers  ne  sont 
pas  faits...  même  après  ceux  des  maîtres  illustres 
que  j'ai  cités  plus  haut,  et,  en  ce  qui  concerne  la 
chanson,  le  nombre  des  bons  vers  n'est  pas  encore 
atteint,  même  après  Déranger  qui  sut  résumer,  dans 
ses  petits  poèmes,  si  variés  de  formes,  toutes  les 
pensées  et  toutes  les  aspirations  de  son  époque. 

Cependant  l'immortel  faiseur  de  chansons  ne  fut 
pas  seulement  de  son  temps  ;  il  est  aussi  du  nôtre. 
Le  Vieux  Vagabond,  Jacques,  Le  Juif-Errant,  Jeanne 
la  Rousse,  et  Isien  d'autres  petits  chefs-d'œuvre  qui  ont 
la  même  note  et  la  même  portée  sociale  n'ont  aucun 
millésime.  Ces  chansons-là  seront  longtemps  encore 
de  terribles  actualités.  Il  en  faudra  des  lois  et  des 
réformes,  des  changements  et  des  transformations, 
avant  qu'elles  deviennent  archaïques  ! 

En  chansons,  ce  qui  manque  surtout  aujourd'hui, 
ce  sont  les  poètes  ayant  des  tendances  analogues  à 
celles  des  œuvres  de  Béranger;  des  chansonniers 
qui,  ne  s'inspirant  que  du  peuple,  se  fassent  l'écho 
de  ses  plaintes  et  traduisent  ses  revendications  légi- 
times. Il  nous  faut  des  poètes  dont  les  chants  res- 
pirent autre  chose  que  la  résignation  à  la  servitude, 
sous  quelque  aspect  qu'elle  s'impose. 

Assez  de  couplets  joyeux  ou  larmoyants,  assez  de 
refrains  ridicules  et  niais  dont  la  diffusion  obsède 


l'esprit  français  quand  il  ne  le  démoralise  pas.  Assez 
de  rimes  grivoises  ou  pseudo-patriotiques  qui  préco- 
nisent la  débauche  et  glorifient  la  guerre  !  Ce  que 
notre  époque  réclame,  ce  sont  des  poètes  vaillants  et 
militants  dont  les  strop'r.es  vibrantes  et  significatives 
soient  sociales,  s'imposent  à  l'imagination,  et  se 
gravent  dans  la  mémoire  comme  ces  chants  des 
rapsodes  antiques  qui  permirent  de  reconstituer 
l'histoire  des  mœurs  grecques.  Le  travail  et  ses  luttes 
auraient  alors,  eux  aussi,  leur  légende,  dont  les  héros 
ne  seraient  pas  moins  intéressants  que  ceux  de  l'Iliade 
ou  de  l'Odyssée.  Secondant  les  vues  sociales  de  nos 
prosateurs  infatigables,  la  chanson  comme  auxiliaire, 
éclairant  les  masses,  aiderait  à  l'impulsion  que  les 
novateurs  tentent  de  donner  au  monde. 

Thomas  Hood  a  plus  fait  pour  le  peulpe  anglais, 
avec  sa  Chanson  de  la  Chemise,  que  tous  nos  rimeurs 
de  flonflons  et  nos  paroliers  de  cafés-concerts  n'ont 
fait  pour  le  peuple  français  —  le  plus  spirituel  de  la 
terre  —  avec  toutes  leurs  productions  anémiques. 
André  PERSON. 


LES     CHEVILLES 

Air  .■  J'ai  vu  le  Parnasse  des  dames. 

On  me  dit  que  pour  un  critique 
Toucher  à  l'art  est  un  danger. 
Risquons-nous  ;  mais,  dans  la  pratique, 
Essayons  du  genre  léger. 
Panard,  des  hauteurs  on  tu  brilles. 
Daigne  me  souffler  ma  leçon; 
Je  fournirais  bien  les  chevilles 
Si  tu  fournissais  la  chanson. 

Je  puis  le  dire  sans  mystère  ; 
Entre  nous,  je  vous  l'avouerai  : 
A  la  ronde,  sur  cette  terre. 
Nous  en  usons,  bon  gré  mal  gré. 
Et  les  grilles  et  les  mantilles, 
Qui  pourrait  ici  le  nier? 
Autant  de  commodes  chevilles 
Dont  se  sert  plus  d'un  chansonnier. 

Un  artisan  qu'à  son  époque 
Les  grands  citaient  comme  un  flambeau 
Ecrivait  d'un  style  baroque 
Et  rimait  à  coups  de  rabot. 
Nous  rions,  nous,  de  ces  vétilles  ; 
Le  plus  mince  faiseur  de  vers 
Enfonce  aujourd'hui  les  chevilles 
Du  vieux  menuisier  de  Nevers. 

Il  vient  une  heure  où  tout  s'enflamme  : 
L'amour  remplace  la  raison  ; 
Et  c'est  alors  que  l'âme  à  l'âme 
Tente  d'infiltrer  son  poison. 
Bêtes  et  gens,  garçons  et  filles 
S'unissant  je  ne  sais  par  où. 
Chaque  trou  rêve  de  chevilles, 
Chaque  cheville  bouche  un  trou. 
Mais  tout  finit,  c'est  une  règle, 
La  vie  ainsi  que  les  chansons. 
Plumes  de  serin,  plumes  d'îiigle, 
Et  nous  et  nos  vers  nous  passons. 
La  mort,  du  bois  de  nos  béquilles 
Clôt  notre  étui  quand  il  lui  plaît. 
Voilà  nos  dernières  chevilles. 
Et  voilà  mon  dernier  couplet. 

Eue.  IMBERT. 


120 


LA  CHANSON 


ÂIX  DAMES  DE  LA  LICE 

Air  :  Elle  aime  à  rire,  elle  aime  à  boire 

Mesdames,  que  ma  joie  est  grande, 
Quand  la  table  de  nos  banquets, 
Grâce  à  vous,  de  minois  coquets, 
Annuellement  s'enguirlande. 
Voyez  comme  avec  cruauté 
Chaque  année  en  passant  nous  traite  ! 
Alors  que  chaque  âge  vous  prête 
Un  nouveau  genre  de  beauté. 

De  votre  enfance,  à  vos  louanges 

Le  souvenir  peut  s'invoquer  : 

A  dix  ans,  gentes  à  croquer, 

A  quinze  ans,  vous  étiez  des  anges  ; 

Mais  des  anges,  en  vérité, 

Qui  nous  faisaient  perdre  la  tête  : 

Mesdames  chaque  âge  vous  prête 

Un  nouveau  genre  de  beauté. 

Quand  on  est  aimé,  quand  on  aime. 

Qu'un  oici  charmant  va  s'échanger, 

Sous  la  couronne  d'oranger 

On  est  toujours  belle...  quand  même! 

Votre  petit  cœur  agité 

Bat  d'une  émotion  secrète  : 

Mesdames,  chaque  âge  vous  prête 

Un  nouveau  genre  de  beauté. 

Peut-être  qu'une  larme  amère 

A  quelquefois  mouillé  votre  œil  ; 

En  revanche,  avec  quel  orgueil 

Un  jour,  vous  direz  :  «  Je  suis  mère!  » 

Pour  un  fils  par  vous  allaité. 

Soins,  veilles,  rien  ne  vous  arrête  ; 

Mesdames  chaque  âge  vous  prête 

Un  nouveau  genre  de  beauté. 

Souvent  une  mère  se  penche 
Bien  gracieuse,  en  soutenant 
Son  bébé  nu,  qui  piétinant 
Vient  fouler  sa  poitrine  blanche  ! 
Elle  baise  à  satiété 
L'enfant  tout  fier  de  sa  conquête  : 
Mesdames,  chaque  âge  vous  prête 
Un  nouveau  genre  de  beauté. 

Enfin,  bonne  maman  aimée. 
Un  beau  matin,  autour  de  vous. 
De  jolis  enfants  aux  yeux  doux. 
Vous  grouperez  toute  una  armée, 
Et  leur  sympathique  gaité 
Embellira  votre  retraite  : 
Mesdames,  chaque  âge  vous  prête 
Un  nouveau  genre  de  beauté. 

G.-C.  PICARD. 


EN     HIVER 

Pâle  et  rêveuse  au  coin  de  l'àtre, 
Votre  front  s'incline  attristé  ; 
Je  n'entends  plus  le  chant  folâtre 
Que  fredonnait  votre  gaité. 
Qui  peut  vous  rendre  si  morose  ! 
Est-ce  Décembre  et  ses  verglas  ?. . 
Tendez-moi  votre  lèvre  rose, 
Et  nous  reverrons  les  lilas. 


Plus  de  larmes,  ô  bien-aimée  ! . . . 
Quand  les  amoureux  ont  vingt  ans, 
La  terre  est  toujours  parfumée, 
L'hiver  est  toujours  le  printemps. 
Qu'importent  la  neige  qui  tombe, 
Le  vent  soufflant  par  les  chemins  ?. . . 
Tendez-moi  ce  cou  de  colombe, 
Et  nous  reverrons  les  jasmins. 

Nous  reverrons,  ma  chère  et  tendre, 
Nous  reverrons  les  gazons  verts, 
Le  parc  où  j'allais  vous  attendre, 
Où  je  vous  murmurais  des  vers  ! 
Nous  reverrons,  sous  les  vieux  saules, 
L'eau  du  moulin  nous  égayer. . . 
Appuyez-vous  sur  mes  épaules, 
Et  les  oiseaux  vont  gazouiller. 

Appuyez-vous,  ma  jeune  reine, 
Appuyez-vous,  ô  ma  Stella  ! 
Nous  reverrons  la  nuit  sereine 
Où  notre  amour  se  révéla  ; 
Nous  reverrons  le  banc  de  mousse 
Où  nous  voulions  vivre  et  mourir  ! . . . 
Appuyez-vous,  rieuse  et  douce. 
Et  le  mois  de  Mai  va  fleurir  ! 

Jules  VERNIER. 


REVES  DE  SEIZE  ANS 

Je  viens  d'avoir  seize  ans,  je  suis  fière  et  joyeuse! 
Seize  ans!  c'est  la  saison  des  roses,  du  bonheur! 
Pour  moi  je  vois  s'ouvrir  une  ère  radieuse 
Qui  charme  mon  esprit  et  fait  battre  mon  cœur. 
Comme  au  travers  d'un  prisme  alors  vient  m'apparaître 
Tout  ce  que  l'existence  a  de  plus  ravissant  : 
Le  rayon  de  soleil  qui  brille  à  ma  fenêtre, 
Les  oiseaux  et  les  fleurs  et  le  zéphyr  naissant. 

Seize  ans,  c'est  l'espérance, 
L'âge  de  la  croyance  ! 
Ma  vie  est  au  printemps, 
Voilà  que  j'ai  seize  ans. 

Je  viens  d'avoir  seize  ans,  tout  palpite  en  moi-même, 
Je  souris  au  ciel  bleu  qui  me  semble  si  beau; 
Tout  m'attire  et  me  cause  une  surprise  extrême, 
Tout  se  révèle  à  moi  sous  un  côté  nouveau. 
0  jeunesse,  je  bois  à  ta  coupe  enivrante. 
Je  cours  dans  les  prés  verts  en  faisant  des  bouquets, 
Je  saute,  je  bondis,  je  folâtre,  je  chante 
Et  l'écho  de  ma  voix  redit  les  gais  caquets. 
Seize  ans,  c'est  l'espérance,  etc. 

■Les  gentils  pa,pillons  voltigent  dans  l'espace, 

Les  insectes  dorés  bourdonnent  sans  répit, 

Du  limpide  ruisseau  l'onde  me  sert  de  glace, 

De  son  plus  frais  manteau  la  terre  se  vêtit. 

Poésie!  Idéal!  pur  courant  qui  m'entraîne! 

Je  t'aime  et  te  salue,  ô  magique  tableau! 

Oui,  grâce  à  mes  seize  ans,  je  suis  maîtresse  et  reine, 

Sur  mon  front  resplendit  ce  précieux  joyau. 

Seize  ans,  c'est  l'espérance, 
L'âge  de  la  croyance. 
Ma  vie  est  au  printemps, 
Voilà  que  j'ai  seize  ans. 

Constant  SACLÉ  et  Ali  VIAL  de  SABLIGNY. 


LA  CHANSON 


121 


QUAND  ON  A  BIEN  VÉCU 


Musique  de  L.-C.  Désormês  {*) 

Buvons,  amis,  la  gaîté  nous  convie, 
Plus  je  vieillis,  plus  je  suis  convaincu 
Que  sans  regret  je  quitterai  la  vie  : 
On  peut  mourir  quand  on  a  bien  vécu! 

Je  n'ai  jamais  couru  la  prétentaine. 

On  dit  de  moi  :  «  Voyez  le  beau  vieillard  !   « 

J'ai  crânement  passé  la  soixantaine, 

Je  suis  enoor  on  ne  peut  plus  gaillard. 

Les  cheveux  blancs  ne  me  chagrinent  guère. 

De  mes  soucis  je  fus  toujours  vainqueur, 

Je  suis  joyeux  comme  j  étais  naguère  : 

On  n'a  vraiment  que  l'âge  de  son  cœur  : 

Buvons,  amis,  etc. 

Je  suis  encor  une  bonne  fourchette. 
J'aime  avant  tout  un  excellent  dîner; 
Je  ris,  je  bois,  mais  jamais  en  cachette! 
Quand  on  vit  bien,  pourquoi  se  chagriner? 
Il  fut  un  temps  où  j'adorais  la  danse. 
On  m'admirait  les  nuits  de  carnaval; 
Mais  aujourd'hui,  cédant  à  la  prudence, 
Je  me  tiens  mieux  à  table  qu'à  cheval. 
Buvons,  amis,  etc. 

J'étais  jadis  un  fort  joli  jeune  homme. 
Ne  riez  pas  —  je  dis  la  vérité; 
Vrai  boute-en-train,  je  possédais  en  somme 
Tout  ce  qu'il  faut  pour  plaire  à  la  beauté. 
On  m'appelait  l'enfant  chéri  des  femmes. 
Quel  temps  heureux  que  celui  des  amours  ! 
Je  suis  bien  vieux,  et  cependant  mesdames. 
Je  le  sens  là...  je  vous  aime  toujours! 
Buvons,  amis,  etc. 

Je  n'aime  pas  à  me  montrer  sévère, 
Un  franc  buveur  doit  être  généreux; 
J'aime  à,  chanter  en  contemplant  mon  verre. 
Lorsque  je  bois,  je  me  sens  plus  heureux. 
Je  vis  le  jour  au  sein  de  la  Bourgogne, 
Mon  biberon  fut  un  grand  gobelet  ; 
Aussi  chacun  peut  lire  sur  ma  trogne 
Que  j'ai  tété  plus  de  vin  que  de  lait! 
Buvons,  amis,  etc. 

J'ai  de  tout  temps  blâmé  le  chauvinisme  ; 
Ne  songeons  plus  à  de  sanglants  succès; 
Pénétrons-nous  de  ce  patriotisme 
Qui  fait  honneur  au  sentiment  français. 
Serrons  nos  rangs,  combattons  l'ignorance, 
Prouvons  enfin  que  vouloir,  c'est  pouvoir; 
Place  au  progrès  !  travaillons  pour  la  France  ! 
Unissons-nous,  tel  est  notre  devoir! 

Buvons,  amis,  la  gaîté  nous  convie. 
Plus  je  vieillis,  plus  je  suis  convaincu 
Que  sans  regret  je  quitterai  la  vie  : 
On  peut  mourir  quand  on  a  bien  vécu, 

Emile  DURAPOUR. 

(')  La  musique  paraîtra  dans  quelques  jours,  chez  Labbé, 
éditeur,  rue  Notre-Dame-de-Nazareth,  32. 


LA  FLUTE  ET  LE  TAMBOUR 


Air  :  Ronde  du  camp  de  Grandpré 

On  me  traite  de  lâche 
Un  matin,  sans  raison  ; 
Sur  ce  mot  je  me  fâche 
Et  je  fuis  la  maison. 
Loin  de  notre  cahute, 
J'apprends  d'un  troubadour 
A  jouer  de  la  flûte, 
A  battre  du  tambour. 

Me  voilà  sur  la  foire, 
Artiste  encouragé 
Par  un  grand  auditoire 
Autour  de  moi  rangé. 
Hardiment  je  débute 
En  prenant  tour  à  tour 
Mon  tambour  et  ma  flûte 
Ma  flûte  et  mon  tambour. 

A  courir  par  le  monde 
On  gagne  peu  d'argent; 
Celui  qui  vagabonde 
Est  souvent  indigent. 
Mais  rien  ne  me  rebute  : 
J'exerce  tour  à  tour 
Mon-  tambour  et  ma  flûte 
Ma  flûte  et  mon  tambour. 

Une  dame  bien  mise, 
Apprenant  ma  valeur, 
De  moi  se  dit  éprise  ; 
Elle  m'ofl're  son  cœur. 
Je  quitte  à  la  minute, 
Pour  lui  faire  ma  cour, 
Mon  tambour  et  ma  flûte, 
Ma  flûte  et  mon  tambour. 

Elle  est  riche,  dit-elle, 
Et  veut  me  faire  un  sort; 
Me  donner  escarcelle 
Pleine  de  louis  d'or. 
En  vain  on  la  répute 
Légère  en  son  faubourg. 
Adieu  tambour  et  flûte. 
Adieu  flûte  et  tambour. 

On  va  chez  le  notaire  : 
Je  l'épouse,  elle  meurt!... 
Je  suis  son  légataire! 
Quel  deuil!  et...  quel  bonheurl 
Mais  quelqu'un  me  dispute 
Le  prix  de  mon  amour  : 
Je  perds  jusqu'à  ma  flûte 
Et  jusqu'à  mon  tambour. 

Une  morale  exquise 
Est  au  fond  du  roman  : 
Fortune  mal  acquise 
Profite  rarement. 
A  la  moindre  culbute 
Tout  sombre  sans  retour. 
Ce  qui  vient  de  la  fiûte 
S'en  retourne  au  tambour. 

Ch.  THURIET. 


122 


LA  CHANSON 


CURIOSITÉ      LITTÉRAIRE 

Rien  de  nouveau  sous  le  soleil!  —  Cette  cruelle  parole  de  Salomon,  roi  sage...  et  dissolu,  a  reçu, 

en  divers  temps,  des  confirmations  éclatantes.  En  feuilletant,  ces  jours  derniers,  la  collection  de  la 

Lice  Chansonnière,  nous  avons  cependant  découvert,  dans  un  récent  volume,  une  chose  piquante 

et  neuve.  Que  nos  lecteurs  veuillent  bien  comparer  ligne  par  ligne,  des  titres  aux  dates,  les  deux 

oésies  suivantes  : 


CE    QU'ON    N'OUBLIE    PAS 

—  Grand  capitaine,  eh  bien?  te  voilà  vieux  et  seul, 
Car  le  vide  se  fait  à  l'entour  des  vieillesses; 

Mais  ton  esprit,  peuplé  de  tes  jeunes  prouesses. 
De  drapeaux  en  drapeaux  se  distrait  du  linceul. 
L'espérance  aux  vieillards  sourit.. .dans  leur  mémoire! 
Recommence  avec  moi  ton  cercle  de  combats, 
D'escadrons  terrassés,  de  remparts  mis  à  bas; 
Evoque  les  plus  beaux  de  tes  beaux  jours  de  gloire. 

—  «  Jenem'en  souviens  pas;  jeme  souviensd'unjour 
Où  j'étais,  pauvre  enfant,  dans  mon  lit,  tout  malade  ; 
Ma  grande  sœur  me  vint  chanter  une  ballade 

Si  douce,  que  le  mal  s'adoucit  à  son  tour.  » 

—  Grand  politique,  eh  bien?  destitué  par  l'âge. 
Te  voilà  morne  et  sombre  à  ton  foyer  glacé  ; 
Mais,  des  bords  du  cercueil  contemplant  le  passé, 
Du  poids  de  ton  néant  son  fracas  te  soulage. 
Redis-nous  ces  congrès,  où,  réglant  tous  les  droits, 
Des  antiques  Etats  tu  changeais  la  fortune. 

Et  ces  luttes  d'orage,  où,  roi  de  la  tribune. 
Tu  parlais  de  plus  haut  que  tous  les  autres  rois. 

—  «  Je  ne  m'en  souviens  pas;  non,  mais  je  me  rappelle 
Que  je  fus  au  collège  à  douze  ans  couronné  ; 

On  appelait  mon  père  un  père  fortuné. 

Et  ma  mère  s'en  fut  prier  dans  la  chapelle.  » 

—  Mon  grand  poète,  eh  bien?  voilà  que  tes  cheveux 
Rares  et  blanchissants  penchent  sur  ton  épaule, 
Comme  sur  le  roc  nu  le  feuillage  du  saule  ; 

Mais  ton  œil  d'aigle  enoor  nous  lance  tous  ses  feux. 
C'est  que  les  souvenirs  sont  le  brasier  dans  l'àtre, 
Qui,  plus  ardent,  pétille  au  souffle  des  hivers. 
Comptons  tous  les  lauriers  moissonnés  par  tes  vers, 
Comptons  tous  les  bravos  de  ton  peuple  idolâtre. 

—  «  Je  ne  m'en  souvienspas;  je  me  souviens  qu'unsoir 
Elle  me  regarda,  vaguement  inquiète.  .  . 

Un  ange,  une  déesse,  un  rêve  de  poète. 

Et  je  l'aimai  !...  Jamais  nous  ne  pouvions  nous  voir.  » 

Ainsi,  de  tous  les  biens  qui  font  le  sort  prospèi'e 

Que  nous  reste -t -il  au  départ? 
La  chanson  d'une  sœur,  le  sourire  d'un  père, 
Le  rapide  aveu  d'un  regard! 

Emile  DESCHAMPS. 

Emile  DeschampSy  par  E.  de  Mirecourt,  1837,  pïig'.  84  et  suiv.) 


CE    QU'ON    N'OUBLIE    PAS 

Gi'and  capitaine  !  eh  bien,  te  voilà  vieux  et  seul, 
Car  le  vide  se  fait  à  l'entour  des  vieillesses  ; 
Mais  ton  esprit,  peuplé  de  tes  jeunes  prouesses, 
De  drapeaux  en  drapeaux  te  distrait  du  linceul. 
L'espérance,  aux  vieillards,  sourit  dans  leurmémoire  : 
Recommence  avec  nous  ton  cercle  de  combats. 
D'escadrons  renversés,  de  remparts  mis  à  bas, 
Evoque  les  plus  beaux  de  tes  beaux  jours  de  gloire? 

—  (c  Je  ne  m'en  souviens  pas. ..Je  me  souviens  d'un  jour 
Où  j'étais,  pauvre  enfant,  dans  mon  lit,  tout  malade  : 
Ma  grande  sœur  me  vint  chanter  une  ballade 

Si  douce  que  le  mal  s'adoucit  à  son  tour.  « 
Grand  politique  !  eh  bien,  destitué  "par  l'âge. 
Te  voilà  sombre  et'morne  à  ton  foyer  glacé. 
Mais,  des  bords  du  cercueil,  contemplant  le  passé, 
Du  poids  de  ton  néant  son  fracas  te  soulage. 
Redis-nous  ces  congrès,  où,  pesant  tous  les  droits. 
Des  antiques  Etats  tu  changeais  la  fortune; 
Et  ces  luttes  d'orage,  où,  roi  de  la  tribune. 
Tu  parlais  de  plus  haut  que  tous  les  autres  rois? 

—  «Je  ne  m'en  souviens  pas...Non:  mais  je  me  rappelle 
Que  je  fus  au  collège  à  douze  ans  couronné; 

On  appelait  mon  père  un  père  fortuné. 

Et  ma  mère  s'en  fut  prier  dans  la  chapelle,  m 

Mon  grand  poète  !  eh  bien  !  voilà  que  tes  cheveux 
Rares  et  blanchissants  tombent  sur  ton  épaule. 
Comme  sur  le  roc  nu  le  feuillage  du  saule  ; 
Mais  ton  œil  d'aigle  encor  nous  lance  tous  ses  feux. 
C'est  que  les  souvenirs  sont  le  brasier  dans  l'àtre, 
Qui  plus  ardent  pétille  au  souffle  des  hivers  : 
Comptons  tous  les  lauriers  moissonnés  par  tes  vers? 
Comptons  tous  les  bravos  de  ton  peuple  idolâtre? 

—  (i  Je  ne  m'en  souviens  pas...  Je  me  souviens  qu'un  soir 
Elle  me  regarda,  belle,  douce,  inquiète; 

J'eusse  été  son  ami,  son  peintre,  son  poète. . . 
Elle  passa. . .  Jamais  je  n'ai  pu  la  revoir.  » 
Soldat,  tribun,  poète,  en  ce  monde  éphémère 

Que  reste-t-il  au  grand  départ  ? 

Ce  qui  vient  d'une  sœur,  d'une  âme,  d'une  mère, 

C'est  encor  la  meilleure  part. 

Charles  COLIGNY. 
Lice  Chansonnière  (20«  volume,  1873-1874). 


Evidemment,  les  deux  signataires  ont  eu  des  rencontres  singulières  d'idées  et  de  style;  mais, 
n'en  déplaise  à  Salomon,  il  y  a  là  une  situation  toute  nouvelle. 

Les  biographes  d'Emile  Deschamps  se  sont  extasiés  avec  unanimité  sur  le  don  de  seconde  vue  que 
possédait  cet  heureux  écrivain.  Emile  Deschamps  donc  a  simplement  deviné,  en  1857,  une  poésie  qui, 
dans  l'ordre  naturel,  ne  devait  éclore  que  seize  ans  plus  tard.  Et  voyez  la  malice!  il  changea,  pour 
l'embarras  futur  de  son  confrère,  une  lettre  à  la  première  strophe,  un  mot  à  la  seconde  et  plusieurs 
vers  au  dénouement.  Mais  Charles  Coligny  n'était  pas  homme  à  prendre  le  change  ;  il  écrivit,  à  son 
heure,  la  pièce  telle  qu'elle  devait  être. 

La  faute  —  si  faute  il  y  a  —  est  évidemment  imputable  aux  facultés  divinatrices  d'Emile  Deschamps. 
C'est  l'explication  que  nous  voulons  trouver  d'une  coïncidence  plus  que  bizarre.  Si  l'intervention 
surnaturelle  n'était  pas  admise,  force  serait  aux  historiens  du  second  poète  de  porter  désormais 
ce  jugement  désagréable  :  «  Le  verre  de  Charles  Coligny  n'était  pas  grand,  mais. . .  il  buvait  dans 
le  verre  des  autres  !»  —  Et  Salomon  triompherait  encore  !  H.  L. 


LA  CHANSON 


123 


SOCIETE  LYRIQUE  Se  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 

BANQUET   DU   3  JANVIER   1879. 

Il  est  assurément  pénible  de  dire  à  des  confrères, 
à  des  amis,  de  dures  vérités,  et  de  blesser  dans  leur 
amour  propre  —  je  ne  dis  pas  dans  leur  vanité  — 
ceux  dont  on  vient  de  presser  la  main.  Cependant 
la  conscience  a  ses  droits,  l'impartialité  a  ses  exi- 
gences, et  devant  certaines  nécessités  l'indulgence 
doit  se  taire. 

Ainsi  voilà  Clairville,  le  nouveau  président,  qui 
nous  lit  un  long  toast  à  la  chanson.  Vers  spirituels, 
bonne  humeur,  douce  ironie;  je  le  veux  bien.  Dans 
sa  Marlon,  il  nous  dépeint,  en  vers  parnassiens,  une 
alsacienne  forte  en  chair,  et  les  rebondissements  de 
sa  croupe  et  ses  rotondités  exubérantes. 

La  chanson  à  tiroirs  ne  sera  jamais  délaissée  com- 
plètement tant  que  Grange  sera  là.  Fouache  se  joint 
à  lui.  L'aryent.  ne  fait  pas  le  bonheur,  dit  ce  dernier. 
Plus  de  Oeurre  que  de  pain!  dit  l'autre,  qui  se  garde 
autant  de  la  politique  qu'un  chat  d'une  tasse  de  lait. 
Ne  parle-t-il  pas,  sur  mon  âme,  des  promesses  de  la 
république  de  Thiers?  Mais  ce  que  méditait  ce  demi- 
homme  d'état  n'était  pas  même  un  tiers  de  république. 
Fénée  ajoute,  mais  sans  méchanceté  :  N'y  comptez 
pas! 

La  nouvelle  présidence  et  la  nouvelle  année 
devaient  inspirer  de  nouvelles  chansons  :  Poulain  et 
Lesueur  ont  traité  le  premier  sujet,  l'un  gravement, 
l'autre  à  la  gauloise.  Le  second  nous  a  valu  de  bons 
couplets  de  Ripault  et  d'Echalié  ;  l'espoir  et  l'ironie 
s'y  marient  heureusement.  Qui  vivra  verra,  dit  le 
proverbe  ;  mais  puisse  le  passé  nous  guider  dans 
l'avenir,  et  attendons  le  bilan  de  Vannée. 

Nos  lecteurs  ont  pu  apprécier  dans  un  précédent 
numéro  la  chanson  pleine  iVtiumour  de  Lesueur  : 
Je  ne  veux  pas  rajeunir.  Lagarde,  lui,  est  d'une 
opinion  contraire  :  il  voudrait  bien  rajeunir;  vous 
connaissez  déjà  les  raisons  qu'il  en  donne.  Vous  les 
avez  lues  dans  le  dernier  numéro. 

Vilmaj,  qui  est  un  poète  de  haut  vol,  témoin  les 
vigoureuses  et  chaudes  strophes  où  il  cliante  l'amante 
de  Camoëns,  est  aussi  un  chansonnier  des  plus  fins. 
Que  les  Turcs  sont  heureux!  s'écrie-t-il.  Ils  ont 
autant  de  femmes  qu'ils  en  désirent  ;  elles  ne  peuvent 
pas,  quand  elles  le  voudraient,  devenir  infidèles;  ils 
ne  remboursent  pas  leurs  emprunts  ;  ils  n'ont  pas 
même  la  peine  de  se  gouverner,  puisque  l'étranger 
s'en  charge,  etc.  Tandis  que  nous...  Vous  devinez 
le  parallèle,  et  il  n'est  obligeant  pour  aucune  des 
deux  parties  en  cause. 

Le  bon  Dieu  nous  dit  .•  Chante,  de  Petit,  est  à  la 
fois  gracieux  et  triste.  C'est  la  vie  tout  entière  de 
l'homme,  depuis  le  premier  nid  jusqu'au  dernier, 
qui  est  la  tombe.  Et  le  chant  continue  toujours, 
pépiement,  joie  ou  douleur,  amour  ou  colère;  tout 
l'inspire,  même  la  fleur,  parfum  sans  voix,  suivant  le 
mot  charmant  du  poète. 

Une  autre  romance,  le  Sommeil  de  Jeanne,  a  paru 
touchante.  Jullien  a  mis  beaucoup  d'âme,  et  sans 
doute  de  souvenir,  dans  ces  vers  mélancoliques. 

Charles  Vincent,  qui  n'est  plus  président,  dit  des 
couplets  de  famille  ;  au  Caveau,  on  est  en  famille. 
Ici  il  célèbre  la  verte  vieillesse  de  l'ami  Duvelleroy  ; 
là,  il  commande,  en  vers,  à  Pestel,  l'ancien  hôte  de 
la  société,  un  déjeuner  fantaisiste  et  pantagruélique. 
Quelle  rondeur  et  quelle   verve  !   on  en  mangerait  ! 


Estienne  (j'ignore  s'il  se  prénomme  Henri),  Piesse, 
Mouton-Dufraisse  et  votre  serviteur  complètent, 
sauf  erreur,  la  liste  des  auteurs  entendus  au  premier 
tour.  La  Mienne,  Pourquoi  Je  n'ai  pas  fait  de  chanson. 
Pourquoi  je  l'aime  et  les  Chevilles,  autant  de  sujets 
accueillis  avec  le  plus  grand  plaisir. 

Tout  cela  est  fort  bien,  mais  vous  voyez,  pour 
revenir  à  mes  observations  du  commencement,  qu'il 
ne  faut  pas  craindre  de  dire  à  chacun  ce  qu'on  a  sur 
le  cœur,  dùt-on  courir  le  risque  de  lui  déplaire  : 
Car  le  Caveau  n'est  pas  ce  qu'un  vain  peuple  pense. 

Tout  bien  compté,  hors  la  gaîté,  la  finesse,  la 
douce  satire,  l'aménité,  l'esprit,  la  raison  enjouée, 
n'attendez  de  lui  rien  de  plus. 

EuG.  IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIERE 

BANQUET     DES     DAMES    (8    janvier   1879) 

Le  bureau  de  la  Lico  avait  suppi'imo  le  lianquet  ordinaire 
de  .lanviei'  pour  donner  au  Banquet  des  Dames  un  éclat 
inaccoutumé.  Le  calcul  s'est  trouvé  juste;  on  mj  pouvait 
souhaiter  une  assistance  plus  nombreuse  et  d'humeur  plus 
gaie. 

La  chanson  de  circonstance  s'est  donné  libre  carrière. 
Quelques  Licéens,  en  tête  desquels  MM.  Hachin,  Rubois  et 
riachat,  ont  salué  les  autorités  nouvelles  avec  des  couplets 
pleins  de  verve  et  de  finesse  ;  iraiili-i's  ont  consacré  au  sexe 
aimable  des  productions  cliarnianlcs  ou  pic|nanles  en  tête 
desquelles  je  placerai  riiommaj^cilélical  de  .M.  l'icird,  que  je 
recommande  aux  lecteurs  du  présent  numéro. 

Le  nouveau  président,  Echalié,  s'est  tiré  avec  honneur  de 
la  difficulté  d  un  premier  toast.  .Vprès  lui,  le  président 
sortant,  Cliebroux,  a  chanté  ses  adieux  au  pouvoir  avec  une 
gaîté  communicative.  Paul  Aveuel,  reçu  Licéen  ce  soir-là, 
a  fait  une  profession  de  foi  noticment  républicaine,  qui 
n'était  pas  pour  déplaire,  et  Charles  Vincent  est  rentré  à  la 
Lice  en  enfant  prodigue  fêté. 

.le  ne  puis,  à  mon  grand  regret,  parler  longuement  des 
|iièces  (|ue  je  viens  d'iudicjncr  el  di'  celles  (|ui  les  ont  suivies, 
dues  à  MM.  Henri  Nadol,  Eugène  Maillet,  Monlariol,  Jullien, 
Itipaull,  Mnutnn-Duh'aisse,  Duialbur  (sorti  celle  fois  du  café- 
concrrl  avec  les  couplets  qu'on  a  lus  tout  à  l'heure),  Ryon, 
(Icorgi's  Daillet,  Cliaigneau,  Jules  André,  Vernaelde,  Sylvain, 
Saint-Elienne  et  Jeaiuiin,  ou  présentées  par  M"=s  [jurafour, 
Gilandi  et  Bertbe  lîréaulté. 

La  séance  des  chants,  en  somme,  a  été  brillante,  et 
j'aurais  rapporté  de  ce  banquet  l'impression  agréable  que 
m'ont  laissée  les  précédents,  s'il  ne  s'était  produit  un  inci- 
dent regrettable. 

.\u  moment  où  l'on  appelait  M.  Joseph  Landragin,  ce  cou- 
pletier  jugea  bon,  en  guise  d'intermède,  de  lancer,  d'une 
voix  avinée,  l'accusation  suivante  :  «  Le  directeur  et  le 
rédacteur  du  journal  La  Chanson  sont  deux  menteurs.  » 
Par  égard  pour  les  assistants,  Patay  et  moi  ne  répondîmes 
point  au  mal-appris.  M.  Landragin  me  reprochait,  paraît-il, 
d'avoir  dit  que  Chebroux  a  refusé  la  présidence  de  la  Lice  pour 
l'année  courante.  Je  maintiens,  bien  entendu,  l'exactitude  de 
mon  renseignement.  Ce  n'était  là,  d'ailleurs,  que  le  prétexte  de 
cette  interpellation  grossière  ;  la  raison  véritable  est  que 
M.  Landragin  —  d'autres  aussi,  dit-on,  —  nous  blâme  d'avoir 
commencé  par.  Chebroux  nos  biographies  de  chansonniers 
jeunes.  Qu'on"  prenne  donc  note  de  ceci  :  La  Chanson, 
absolument  indépendante,  ne  reçoit  consigne  de  personne  ; 
elle  dit  ce  qui  lui  plaît  et  comme  il  lui  plaît,  en  déclinant 
toute  censure  préalable.  Justiciables,  comme  tous,  de  la 
seule  critique  désintéressée,  nous  avons  trop  le  respect  de 
notre  œuvre  et  de  nous-mêmes  pour  ne  pas  relever  verte- 
ment ici  toute  injure,  filt-elle,  comme  l'autre  soir,  éditée 
par  un  homme  ivre. 

L. -Henry  LECOMTE. 


124 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  SOCIETES  LYRIQUES 


Le  20  décembre,  l'Harmonie  Commerciale  donnait 
le  second  concert  de  sa  sixième  saison  dans  la  grande 
salle  Rivoli,  au  104  de  la  rue  Saint-Antoine.  — 
Vingt-cinq  morceaux  composaient  un  programme, 
où  la  musique  instrumentale,  le  chant  et  la  poésie 
se  disputaient  l'auditoire  ;  si  la  séance  eût  commencé 
plus  tôt,  personne  ne  se  serait  plaint  de  la  longueur 
d'une  soirée  où  l'assistance  était  nombreuse,  atten- 
tive et  sympathique. 

En  notre  qualité  de  chansonnier,  nous  ne  louerons 
qu'au  passage  :  V Harmonie  même ,  dirigée  par 
M.  Thouvenel,  président-fondateur,  avec  entrain  et 
expérience;  ses  solistes:  M.  Yvonnet,  interprète  de 
la  poésie  ;  le  talent  déployé  sur  le  piano  par  M.  De- 
broca  de  Gasperi  et  par  sa  mignonne  élève  de  sept 
ans,  M"°  Lucie  Thouvenel,  dont  la  main  gauche  est 
déjà  énergique. 

Les  cantatrices  étaient  M""  Noblet,  M"°  Mathilde 
Arnaud  et  M"°  Lucie  Thouvenel,  déjà  nommée.  — 
Cette  dernière  a  chanté  en  enfant  précoce  le  Petit 
soulier  de  Noël.  —  M""  Noblet  a  fait  preuve  de  sim- 
plicité dans  la  vieille  ronde  de  Liron  Lirette.  de 
science  mélodique  dans  l'air  du  Rossignol,  des  Noces 
de  Jeannette  :  le  contraste  avait  sa  coquetterie.  — 
M"°  Arnaud  était  d'un  excentrique  de  bon  aloi  dans 
Rentrons  bras  d'ssus  bras  d'ssous,  et,  volontiers  avec 
elle,  nous  prendrions  le  Train  des  Amours. 

M.  François  visait  trop  au  creux  dans  Dom  Sébas- 
tien et  les  Rameaux,  alors  surtout  que  le  piano  était 
déjà  par  lui-même,  au  grand  désespoir  de  l'orchestre, 
trop  bas  de  tout  un  ton;  il  aurait  un  vrai  talent 
d'amateur,  s'il  travaillait  la  nuance. 

MM.  Bonnet  et  Daltrof  ont  chanté  avec  humour  : 
Une  Noci;  de  campagne,  Encor  un  p'tit  canon.  Tant 
qu'y  aura  des  femmes.  Chez  /'  ntarchand  d' vin  (prière 
de  ne  pas  oublier  la  virgule  entre  les  deux  derniers 
de  ces  titres). 

M.  Landrevin,  secrétaire  de  la  société  lyrique 
des  Troubadours  (.^8,  rue  Saint-Denis),  a  dit,  avec 
M.  Alfred  Bloc,  un  duo  comique,  M.  Grebou,  dont 
il  est  le  spirituel  auteur.  —  Le  dernier  troubadour, 
M.  Bloc,  a  enlevé  l'auditoire  avec  les  Etudiants  en 
goguette.  Nous  avons  poussé  de  tels  vivats 

Que  le  pro-pro,  que  le  pri-pri 

Que  le  propriétaire  (du  104  de  la  rue  Antoine) 

Va  se  voir  obligé 

De  nous  donner  congé. 

11  ferait  une  mauvaise  affaire. 

Prosper   tibia. 


Le  21  décembre  dernier,  la  Lyre  du  Marais  (prési- 
dent Gilland),  108,  rue  du  Temple,  a  donné  une  soirée 
magnifique  au  bénéfice  d'un  chansonnier. 

Comme  s'ils  s'étaient  donné  le  mot,  tous  les  noms 
populaires  de  la  chanson  s'y  trouvaient;  on  peut 
juger  par  là  de  l'entrain  de  cette  soirée.' . 

Nous  engageons  les  personnes  qui  ne  connaissent 
pas  la  Lyre  du  Marais  à  se  rendre  chez  elle  un 
samedi,  dimanche  ou  lundi  quelconque.  Outre  un 
esprit  de  fraternité  vraiment  admirable,  elles  y 
trouveront  un  accueil  charmant,  dont,  pour  notre 
part,  nous  remercions  bien  les  Membres  de  la  Société. 

G.  B. 


Dans  notre  dernier  article  sur  les  Amis  du  Com- 
merce, une  erreur  nous  fait  dire  «  M"°  Blanche, 
une  enfant  ayant  le  talent  d'une  femme  ;  «  c'est 
«  M"°  Camille  »  qu'on  doit  lire. 

A  la  Cordiale,  un  chanteur  (nous  avons  oublié  son 
nom)  croit  très-agréable  d'écorcher  les  oreilles  du 
public,  et  pousse  des  cris  qui  n'ont  rien  d'humain.  Si 
c'est  une  plaisanterie,  M.  X,  permettez-moi  de  la 
trouver  mauvaise,  et  cessez-la  pour  nous...  sinon 
pour  votre  famille  ! 

A  la  Lyi'e  de  la  Gaité,  M"°  Marie  Lerouge  a 
-remporté  un  grand  succès  dans  le  Noël.  d'Adam. 
M"°  Berthe,  une  virtuose  de  neuf  ans,  s'est  fait  juste- 
ment applaudir  dans  la  Bonne  année. 

L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  terminer 
ici  notre  chronique  habituelle.  Constatons  cependant 
avec  regret  que  les  sociétés  lyriques  (à  part  quelques 
exceptions)  n'ont  pas  encouragé,  comme  elles  le 
devaient,  les  efforts  que  nous  avons  faits  pour  leur 
être  agréables.  On  danse  peut-être  un  peu  trop  dans 
les  sociétés  —  soit  dit  sans  reproche.  —  l>^ous  pour- 
rions répéter,  en  pastichant  Lafontaine  : 

A'ous  chantiez,  nous  en  étions  aises, 
Pourquoi  danser  maintenant?,. 

Actuellement,  nous  prépai'ons  un  travail  qui  pa- 
raîtra dans  le  courant  de  cette  année  à  la  librairie 
Patay,  en  brochure  ou  en  volume  (suivant  l'abon- 
dance des  documents  recueillis),  sous  ce  titre  : 
Goguettes  et  Sociétés  lyriques,  de  1800  à  1880. 
Pour  nous  faciliter  le  travail,  nous  serions  recon- 
naissants aux  présidents  de  nous  préparer  un  résumé 
de  l'histoire  de  leurs  sociétés  ;  nous  le  ferons  prendre 
quand  besoin -sera.  A.    LEROY. 

Le  Caveau  vient  de  renouveler  son  bureau  pour 
l'année  1879.  Ont  été  élus  :  Président,  Clairville; 
vice-président,  Eugène  Grange;  secrétaire-général, 
Lotiis  Piesse  ;  secrétaire-adjoint,  Echalié  ;  archiviste, 
Montariol;  trésorier,  Mouton-Dufraisse  ;  trésorier- 
adjoint,  Julien;  maîtres  des  cérémonies,  Ripault  et 
Poullain. 

Le  Cercle  Intime  vient  de  nommer  M.  Bertin 
président;  le  choix  ne  pouvait  être  plus  heureux; 
nous  en  félicitons  l'élu  et  les  sociétaires. 

Tous  les  lundis,  salle  Bouret,  boulevard  du 
Temple,  34,  les  Vrais  Mumusiens.  Président,  Leroux; 
accompagnateur.  Marins  Fontaine,  pianiste  distingué, 
auteur  et  compositeur.  Le  premier  lundi  de  chaque 
mois,  soirée  extraordinaire.  Cette  soirée  est  une  des 
plus  suivies. 

Le  Cercle  des  Amis  du  Commerce  (M.  P.  Habert, 
président)  tient  ses  réunions  ordinaires  tous  les 
vendredis  à  9  heures,  café  du  Globe,  boulevard  de 
Strasbourg,  8.  Tous  les  mois,  grande  soirée  lyrique, 
avec  tombola  gratuite.  L'intelligent  président  a  fait 
de  ce  cercle  une  réunion  très-attrayante. 

Au  Concert  de  la  Pépinière  (près  la  gare  St-Lazare) 
une  représentation  extraordinaire  sera  donnée,  le 
samedi  25  janvier,  avec  le  concours  d'artistes  distin- 
gués, au  bénéfice  de  notre  camarade  Emile  Durafoar,, 
régisseur-chanteur  de  cet  établissement. 

Nous  ajournons  au  prochain  numéro,  faute  de- 
place,  la  Boîte  aux  lettres  et  divers  comptes-rendus 
bibliographiques. 

Le  Directeur  Gérant,  A.  PATAY. 


2»  ANNEE.  —  N°  13. 


l""-  FEVRIER  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Eevue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l'-'"  t^c  le  16  de  ctiaqTae  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
V.  DEMEURE 


Le  Numéi'o  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18  ^ 
PARIS 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  G  mois 2  fr.  50 

Départs,  (j  mois 3       )) 


S0MMAIR15  :  Galerie  des  Cltansonniers  :  Eugcnn  Baillct  (l.-iieniîy  lecomte).  —  La  Lice  Chansonnière  (paul  avexel).  — 
Hugo,  Musset  et  Lamartine  (paul  ciiocque).  —  Les  Larmes  des  fleurs  (clai^dus  malbet).  —  Promenons-nous  dans  les  bois 
(LÉON  iJUVALciiEi.).  —  Entre  nous  deux  (p.-e.  éraru).  —  Le  Vliompagne  (emile  de  fontavbert).  —  La  Fille  du  Roi  des 
Aulnes  (amédée  édéma).  —  Bibliographie  (eug.  imbeut,  a.  patay).  —  Correspondance.  —  Chronique  des  Sociétés  lyriqttes 
(a.  LEROY,  I1IPP0LYTE  demanet).  —  Echos  et  Nouvellcs.  —  Boite  aux  lettres.  —  Annonces. 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  EUGÈNE  RAILLET 


La  biographie  de  ce 
chansonnier,  comme 
celle  de  la  plupart  des 
poètes  du  peuple,  offre 
peu  d'incidents  remar- 
quables. 

Eugène  Baillet  est 
né  à  Pai'is,  le  20  octo- 
bre 1829,  d'une  fa- 
mille d'artisans.  Mis 
à  l'école  de  six  à  douze 
ans,  il  en  sortit  pour 
faire  son  apprentis- 
sage dans  la  bijoute- 
rie, et  devint  ouvrier 
à  seize  ans. 

Depuis  longtemps 
déjà,  Bailletaccompa- 
giiait  ses  parents  dans 
les  réunions  chantan- 
tes ,  où  florissaient 
alors  Gustave  Leroy, 
Gille,  Rabineau,  Col- 
mance,  Alexis  Dalès, 
Victor  Drappier,  Au- 
guste Alais,  Loynel 
et  vingt  autres  chan- 
sonniers vaillants,  que 
l'enfant  contemplait 
avec  des  yeux  émer- 
veillés, et  qui,  plus 
tard,  devaient  être  ses 
amis.  Pris  d'ambition,  Baillet,  un  jour,  rima 
quelques  couplets  incorrects,  qu'il  soumit  à 
Gustave  Leroy.  Ce  dernier  ne  jugea  pas  le 
débutant  d'une  façon  trop  sévère;  il  voulut 
même  lui  enseigner  les  règles  de  la  prosodie. 
Ces  leçons  et  les  cours  du  soir  que  Baillet  suivit 


assidûment,  le  mirent 
bientôt  en  état  d'é- 
crire avec  assurance. 
Sa  première  chanson, 
/(?.«  Héros  de  la  Bas- 
tille, fut  imprimée  sur 
feuille  volante ,  en 
1847.     . 

La  révolution  de 
Février  mit  en  faveur 
les  publications  de  la 
rue.  Baillet  improvisa 
une  œuvre  satirique, 
le  Citoyen  Guizot , 
qui,  certes,  n'était  pas 
merveilleuse, maisque 
son  actualité  fit  ven- 
dre à  cinquante  raille 
exemplaires.  L'éditeur 
Durand  l'acheta  cinq 
francs,  et  Baillet  de- 
vint un  des  fournis- 
seurs attitrés  de  cet 
homme  honnête  et  sin- 
gulier, dont  il  se  pro- 
pose d'écrire  un  jour  la 
plaisante  histoire.  Cha- 
que événement,  grand 
ou  petit,  devenait  chez 
Durand  matière  à  cou- 
plets. Les  chanson- 
niers, en  permanence 
à  l'imprimerie,  écrivaient  sur  un  coin  de  table 
des  à-propos  rimes,  que  l'on  composait  instan- 
tanément. Baillet  fit  ainsi  plus  de  cinquante 
chansons  dont  les  meilleures  :  Raspail,  Boichot, 
Proudhon,  figurent  dans  Les  Républicaines 
de  1849.  Durand  signait  toutes  les  productions 


126 


LA  CHANSON 


jugées  faibles  par  leurs  auteurs  ;  Baillet  en  aban- 
donna beaucoup  de  la  sorte,  une  entre  autres 
qui  obtint  un  très-grand  succès  et  qui  a  pour 
refrain  : 

Je  veux  retourner  au  village 
Respirer  la  rose  des  champs. 

En  mars  1848,  Baillet  entra  dans  les  Ateliers 
Nationaux.  Il  y  devint  délégué  central,  c'est-à- 
dire  chargé  de  pourvoir  aux  besoins  de  quatre 
brigades  ou  deux  cent  vingt-quatre  hommes.  Ce 
titre  faillit  lui  coûter  cher.  Le  2.3  juin,  il  était 
allé  à  cinq  heures  du  matin,  comme  d'habitude, 
chercher  des  bons  de  pain  aux  bureaux  de  l'ad- 
ministration, situés  au  parc  Monceaux.  Quand  il 
revint,  vers  cinq  heures  du  soir^  des  barricades 
.s'ébauchaient  dans  divers  quartiers.  Pour  .se  faci- 
liter le  passage,  Baillet  imagina  d'arborer  son 
ruban  officiel  de  délégué.  Rue  du  Sentier,  cet 
insigne  produisit  un  effet  mauvais  sur  les  gardes 
nationaux  de  l'ordre  ;  Baillet  fut  arrêté,  fouillé, 
et,  comme  on  trouva  sur  lui  des  bons  de  pain 
pour  huit  cents  livres,  traité  de  meneur,  d'insurgé, 
menacé  de  la  fusillade.  On  le  conduisit  cependant 
chez  le  plus  proche  commissaire  de  police  qui, 
beaucoup  plus  calme,  procéda  à  l'interrogatoire 
du  prisonnier.  Celui-ci  exposa  que  deux  cents 
malheureux ,  réunis  au  passage  Sairite-Avoie, 
attendaient  son  retour  pour  dîner.  —  «  Je  vous 
crois,  M.  Baillet,  répondit  le  commissaire,  car 
je  vous  connais  pour  vous  avoir  vu  dans  les 
sociétés  chantantes.  Otez  votre  ruban,  mettez 
votre  képi  dans  une  poche,  coiffez-vous  de  cette 
casquette  et  partez  vite.  »  —  Baillet  ne  se  le  fit 
pas  répéter,  et  s'enfuit  en  bénissant  la  chanson 
qui  venait  peut-être  de  lui  sauver  la  vie. 

Au  mois  d'octobre  de  la  même  année,  Baillet 
publia  dans  la  Ruche  Populaire,  journal  exclusi- 
vement rédigé  par  des  ouvriers,  un  cri  poétique  : 
Grâce  pour  les  Vaincus,  dédié  au  général  Cavai- 
gnac.  Nous  en  citerons  un  couplet  : 

Uue  d'innoceiils  mavlyrs  a  fait  la  mort  avide! 

Que  de  pauvres  cnfanls  depuis  ces  jours  do  deuil, 

S'aigrissent  à  la  lin  auprès  d'un  liuilet  vide! 

Mais  las!  ([ue  peul-on  dire  aux  pierres  d'un  cercueil? 

Dieu  va  juger  les  morts,  il  devra  les  alisoudre... 

Mais  qu'au  moins  les  vivants  à  nos  yeux  soient  rendus! 

Pourquoi  les  gardez-vous,  puisqu'ils  n'ont  plus  de  poudre"? 

Soyez  grand,  ô  vainqueur,  grâce  pour  les  vaincus  ! 

Béranger,  qui  s'intéressait  beaucoup  à  La 
Ruche,  demanda  au  rédacteur  en  chef  de  lui 
amener  l'auteur  de  cette  chanson.  Intimidé 
d'abord,  Baillet  fut  bientôt  mis  à  son  aise  par 
l'accueil  tout  bienveillant  du  maître.  Cette 
entrevue  devait  être  le  point  de  départ  de  rela- 
tions suivies,  dont  Baillet  a  gardé  le  souvenir 
précieux,  et  qui  lui  permirent  de  rencontrer  chez 
Béranger  certains  hommes  remarquables  de 
l'époque  :  Lamartine,  Lamennais,  Michelet,  Jean 
Reynaud. 

Le  bagage  chansonnier  d'Eugène  Baillet  s'ac- 
crut assez  rapidement  pour  qu'il  pût,  en  1853, 


publier  un  volume,  intitulé  Pleurs  et  soicrires.  On 
lui  fit  un  accueil  sympathique,  qui  se  renouvela 
trois  ans  plus  tard,  quand  une  édition  nouvelle 
parut  avec  ce  titre  :  La  Muse  de  l'atelier.  L'auteur 
n'en  était  déjà  plus  à  compter  ses  succès. 

Vers  la  même  époque,  Baillet  quitta  la  tenaille 
du  bijoutier  pour  l'objectif  du  photographe. 
Pendant  dix  années,  il  promena  sa  gaîté,  ses 
chansons  et  son  appareil  dans  les  provinces.  Ces 
excursions  champêtres,  qui  ne  paraissent  pas 
l'avoir  enrichi,  devaient  donner  à  son  talent 
poétique  un  côté  à  la  fois  rustique  et  attendri, 
facile  à  saisir  surtout  dans  son  troisième  recueil. 
Chansons  d'hier  et  d'aujourd'hui,  édité  en  1867, 
et  dédié  à  la  mémoire  souriante  de  Béranger. 

La  Religieuse  ouvre  le  volume.  On  se  souvient 
de  la  grande  popularité  qu'obtint  ce  parallèle 
exact  des  amours  humaines  et  divines  : 

Je  les  ai  vu  causer  ensemble 

Lés  amoureux! 
Et  je  dis  dans  mon  cœur  qui  tremble  : 

Qu'ils  sont  heureux! 

Vie7is  donc!  fut  également  adopté  par  la  vogue. 
La  dominante  du  talent  de  Baillet  est  le  sentiment. 
Nul  mieux  que  lui  n'a  peint  les  rêves,  les  délices, 
les.  inquiétudes,  les  désespoirs  de  l'amour;  et 
tout  cela  sans  afféterie,  avec  une  mesure  très- 
juste,  l'accent  qui  vient  du  cœur  et  frappe  au 
cœur.  Compjrenez-vous?  Ne  sorjons  plies  amants, 
Une  Amie,  Vous  ne  m'aimez  plus,  C'était  bien  la 
peine,  Mon  cœur  a  vingt  ans  pour  t'aimer.  On 
ne  meurt  pas  d'amour,  et  beaucoup  d'autres  sont 
les  modèles  du  genre.  Mais  Baillet  n'a  pas  qu'une 
corde  à  sa  lyre.  Il  chante  avec  le  même  bonheur 
la  chanson  de  genre,  le  couplet  parisien,  le 
vulgaire  refrain  même  du  café-concert.  —  Qui  ne 
connaît  Ma  Voisine? 

Quand  vous  connaîtrez  ma  voisine, 
Ma  voisine  au  regard  si  doux, 

Rosine, 
Votre  cœur  en  sera  jaloux. 

Et  Madame  Clément,  les  Deux  petit  blonds,  la 
Servante  Marie,  Maman  Gaspard,  Sur  la  route, 
Dix  mille  francs  de  rmite.  Une  Crémerie  parisienne , 
la  Bonne  aux  Voltigeurs,  Nof  jjetit  dernier?. .  . 

Sur  le  ton  grave^  que  Baillet  emploie  plus 
rarement,  il  faut  signaler  le  Tisserand  de  Lisy,  et 
surtout  George  Sand,  où  les  problèmes  sociaux 
sont  résolus  éloquemment  : 

A  l'avenir  que  rêvent  ses  pensées, 
Dis-lui  combien  nous  nous  associons; 
Dis-lui  combien  nous  les  savons  usées 
Nos  lois,  nos  mœurs,  nos  institutions. 
Pour  vous  sauver,  en  vain  le  canon  gronde. 
Abus  vieillis,  peuplade  en  désarroi  ; 
C'est  l'amour  seul  qui  sauvera  le  monde  : 
A  George  Sand  presse  la  main  pour  moi. 

Eugène  Baillet  n'a  pas  interrompu  son  œuvje; 
ses  inspirations  récentes  sont  dignes  en  tous 
points  de  leurs  aînées  :  l' Hirondelle  pirisotmière, 
Champiigny,  Souviens-toi  du  voyageur,  les  Gens 


LA  CHANSON 


127 


qui  savent  boire,  le  Bataillun  de  l'avenir,  les 
Roses  prisoimières,  in  lundi  de  printemps,  Je  n'ai 
plus  d'amoureuse,  enfin /«  Dernière  fleur,  publiée 
par  ce  journal  niénie,  ont  reçu  dans  les  goguettes, 
dans  les  concerts  ou  dans  la  rue  le  plus  favorable 
accueil. 

Nous  commettrions  une  injustice  en  n'asso- 
ciant pas  aux  succès  anciens  et  nouveaux  de 
Balllet  les  divers  compositeurs  (jui  ont  écrit  pour 
ses  chansons  des  mélodies  vraiment  remarqua- 
bles :  Darcier,  Paul  Henrion^  Vaudry,  Marquerie, 
Hubans,  Liébeau,  Blasini^  Clielu,  \\'aclis,  Colli- 
gnon,  Girin,  Joufîroy,  Génin,  Villers,  Villebicliot, 
Bougnol,  Batifort,  Arnaud,  Vannier  et  Jaussaud. 

Si  Baillet  excelle  dans  la  poésie  chantée,  il  ne 
manie  pas  avec  de  moins  bons  résultats  l'alexan- 
drin solennel.  En  novembre  1870,  quand  partirent 
pour  les  avant-postes  les  compagnies  de  guerre 
du  troisième  arrondissement,  Baillet,  qui  figurait 
dans  le  89°  bataillon  en  qualité  de  garde  et  de 
membre  du  conseil  de  famille,  prononça  une 
allocution  chaleureuse.  Nous  .lonnerons  quel- 
ques-uns de  ces  vers  i  nédits  : 

Vous  serez  les  premiers,  nous  serons  1rs  sctonils. 

Vous  ouvrirez  la  marche  et  nous  vous  y  suivrons, 

(lar  il  n'est  en  ce  jour  ni  foyers  ni  l'aniillcs. 

Anx  iirmes!  c'est  le  cri  des  mères  cl  des  lillcs; 

Il  l'aut  vaincre  ou  mourir  :  nous  ne  nous  rcnilruns  |ias! 

Vous  êtes  (les  milliers  .  .  .  nous  sommes  le  eouraj,'e, 

Vous  avez  des  caïKiiis  .  .  .  nous  avo[is  de  la  rai^e 

Et  l'esjjoir  bat  la  cliai'ye  en  marchant  sui'  nos  pas  .  .  . 

Paris,  le  vieux  fauhoui'g  des  grands  cœurs,  où  uous  sdunnis, 
l'aris  n'est  plus  pour  nous  un  pays,  c'est  un  camp. 
Le  camp  répulilicain,  le  camp  des  l'orls,  des  hommes,  ^ 

Kt  dussions-nous  le  voir  aussi  rasé  qu'un  champ, 
Nous  serions  là  debout  —  et  moi'ls  nu'ine,  nos  (indjres 
Viendraient  vous  eniraîner  vivants  sous  les  dccondircs. 
Et  lous  ces  monuments  que  vous  voyez  si  beaux 
Seraient  les  lumulus  de  vos  vastes  tombeaux  ! 

Si  le  pain  nous  manquait,  misé'i'ables  Vandales, 

On  mâcherait  du  plomb  pour  vous  cracher  des  balles!... 

La  colère  patriotique  ne  pourrait  s'exhaler  avec 
plus  d'énergie. 

Eugène  Baillet  a  collaboré  au  Tintamarre,  au 
Tarn  Tarn  et  à  différents  journaux  littéraires. Tra- 
vailleur et  lettré,  il  allait  publier  une  volumi- 
neuse Biographie  des  Conventionnels,  quand  se 
sont  produits  les  désastres  nationaux.  Mais  c'est 
à  la  chanson  qu'il  consacre  la  majeure  partie  de 
ses  veilles  et  de  ses  recherches.  Indépentlamment 
de  nombreux  manuscrits  autographes  ou  docu- 
ments historiques,  sa  bibliothèque  contient  au 
moins  douze  cents  volumes  de  chansons.  A  l'aide 
de  cette  collection  magnifique  et  de  ses  souvenirs 
personnels,  il  a  composé  une  Anthologie  de  la 
Chanson,  depuis  le  XVIIP  siècle  jusqii  à  nos  jours, 
en  ce  moment  sous  presse,  et  qui  sera  remarquée. 
C'est  un  travail  consciencieux,  exécuté  sur  un 
plan  nouveau,  où  figureront  non-seulement  les 
oeuvres  choisies  de  chaque  chansonnier,  mais 
encore  des  notices  et  des  chapitres  formant 
l'histoire  complète  de  la  chanson  moderne. 


Les  trois  premiers  volumes  de  Baillet  sont 
introuvables  en  librairie.  Un  quatrième  paraîtra 
dans  le  courant  de  l'année  présente,  avec  ce  titre 
original  :  Chansons  d'hier  et  d'aujourd'hui, 
2"  édition  très-augmentée  et  considérablement 
diminuée.  Nous  acceptons  la  première  partie  de 
cette  promesse  ;  mais  Baillet ,  en  tenant  la 
seconde,  se  montrera  plus  sévère  pour  lui-même 
que  ne  l'ont  été  les  critiques,  unanimes  à  le 
proclamer,  sur  la  publication  menacée,  homme 
de  goi'it  et  de  style. 

L. -Henry  LECOMTE. 


L'œuvre  patriotique  de  la  statue  de  Béranger 
est  entrée  dans  ]a  période  active.  Nous  publierons 
incessamment  l'organisation  définitive  du  Comité, 
et  la  date  fixée  pour  l'ouverture  de  la  souscription 
publique. 

LA    LICE    CHÂNSO^jNIÈRE 

Chnnsmi     île     i-rrrplion 
\h'  du  Carnaval. 

De  la  chanson  vous  êtes  les  apôtres. 

Vous  propagez  le  rire  et  la  gaité  ; 

Je  suis  heureux,  Messieurs,  d'être  des  vôtres, 

("est  un  honneur  dont  je  suis  très-flatté. 

Dans  vos  banquets  l'esprit  brille  à  son  aise. 

Et  la  critique  y  donne  des  leçons; 

J'en  suis  ravi,  car  ma  musc  est  française, 

Et  son  amour  est  l'amour  des  chansons. 

Je  suis  heureux,  Messieurs,  d'être  des  vôtres 

Pour  ajouter  ma  voi;c  à  vos  refrains. 

A  Béranger  offrons  nos  patenôtres. 

Nous  fi'oquentous  son  église  et  ses  saints; 

Nos  uroinis  pétillent  d'allégresse, 

A  sa  santé  notre  vin  est  tiré, 

Et  c'est  ainsi  que  nous  disons  la  messe 

Pour  célébrer  Lisette  et  son  curé. 

Dans  vos  banquets  l'esprit  brille  à  son  aise. 
On  n'y  voit  pas  Tartuffe  et  Loyola. 
La  ganilriole  y  vient  cueillir  la  fraise 
Sans  que  la  Lice  en  pousse  des  holà! 
A  notre  cour  point  de  flatteurs  serviles, 
Le  gai-savoir  de  plein  droit  est  admis; 
Le  franc-parler  en  chasse  les  Baziles 
l-'our  n'y  laisser  que  de  joyeux  amis. 

J'aime  à  chanter  et  ma  muse  est  française, 

Elle  a  toujours  chanté  la  liberté  ; 

Et  mon  cœur  bat  lorsque  la  Marseillaise 

Conduit  la  France  à  la  postérité. 

Il  bat  enoor  quand  le  progrès  entr'ouvre 

Cet  avenir  des  horizons  prochains, 

Car  Charles-Neuf  n'habite  plus  au  Louvre 

Et  les  Français  se  font  républicains. 

La  République  à  vous  toutes,  Mesdames, 
Aussi  découvre  un  splendide  horizon  ; 
A  son  foyer  chauffez  vos  belles  âmes 
Pour  vous  grandir  aux  yeux  de  la  raison. 
Aimez  vos  fils  jusqu'à  l'idolâtrie. 
Un  cœur  de  mère  en  a  tous  les  moyens  ; 
Mais  donnez-leur  l'amour  de  la  patrie, 
En  République  il  faut  des  citoyens. 

Paul  AYENEL. 


128- 


LA  CHANSON 


HUGO,  MUSSET  ET  LAMARTINE 

Je  venais  de  quitter  la  douceur  maternelle; 
J'étais  homme,  et  mon  cœur  prenait  son  libre  essor,,. 
Une  femme  passa...  j'oubliai  tout  pour  elle, 
Et  son  amour,  bientôt,  décida  de  mon  sort. 
Oh!  comme  je  l'aimais  d'une  tendresse  pure! 
Combien  tout  me  semblait,  alors,  délicieux!.. 
J'adorais  le  printemps;  j'admirais  la  nature; 
Je  m'enivrais  d'amour,  et  bénissais  les  Cieux... 

Or,  dans  cette  heureux  temps  de  suave  délire. 
Tes  vers,  ô  Lamartine,  étaient  doux  à  relire. 

Oh!  nuit  où  mon  amante,  hélas!  s'est  parjurée. 
Et  qui  vit  mon  bonheur,  soudain,  anéanti; 
Heure  de  désespoir  où  l'àme  déchirée. 
J'ai  versé  tant  de  pleurs  sur  mon  amour  trahi. 
Sois  maudite  !..  Depuis,  mon  front  penché  se  ride, 
Et  la  sombre  amertume  est  toujours  en  mon  cœur... 
Ah!  combien  j'ai  souffert  par  toi,  femme  perfide! 
J'ai  douté  du  ciel  même,  alors,  dans  ma  douleur... 

Et,  comme  un  triste  écho  de  mon  poignant  délire, 
Ce  sont  tes  vers,  Musset,  que  j'aimais  à  relire. 

Le  calme  qui,  toujours,  succède  à  la  tempête, 

Remplace  dans  mon  cœur  les  folles  passions. 

Et,  penseur  aujourd'hui,  j'appelle  une  conquête 

Chaque  nouveau  progrès  utile  aux  nations. 

Un  but  moins  égoïste  échauffe  ma  pensée; 

J'aime  l'humanité  pour  toutes  ses  douleurs  ; 

Je  parle  amour  et  paix  à  toute  âme  blessée, 

Et  me  sens  bien  heureux  de  tarir  quelques  pleurs... 

Mais,  pour  mieux  s'enflammer  d'un  si  touchant  délire, 
Hugo,  ce  sont  tes  vers  que  l'on  aime  à  relire! 

Paul  CHOCQUE. 


LES  LARMES  DES  FLEURS 

Je  fis,  hier,  un  doux  et  charmant  rêve 
Qui  maintenant  vient  attrister  mon  cœur  ; 
Son  souvenir  en  mon  âme  soulève 
Mille  pensers  d'une  vague  douleur. 
Le  ciel  brillait  sous  les  feux  de  l'aurore 
Et  le  zéphyr  venait  baiser  les  fleurs, 
Lorsque  je  vis  que  ces  filles  de  Flore, 
En  s'é veillant,  versaient  toutes  des  pleurs! 

—  (c  Pourquoi  pleurer?  »  demandai-je  à  la  rose. 
Elle  me  dit  :  «  Ah  !  vois  mon  triste  sort  ; 
((  Je  viens  de  naître,  à  peine  suis-je  éclose, 
«  Que  devant  moi  se  vient  dresser  la  mort. 
«  Le  papillon  un  instant  me  caresse, 
«'  Mais  quand  le  soir  il  me  voit  m'incliner, 
«  Sans  nul  regret  cet  ingrat  me  délaisse, 
«  Vers  d'autres  fleurs,  il  s'en  va  butiner. 

De  l'oranger,  vers  moi  la  fleur  se  penche, 
A  son  pétale  il  vient  trembler  un  pleur. 
Elle  me  dit  :  «  Vois  ma  corolle  blanche, 
«  Que  Dieu  créa  symbole  de  candeur, 
«  Devrait  orner  le  front  de  l'innocence, 
«  Mais  que  de  fois  me  vient-on  profaner! 
«  Lors  il  me  faut  couronner  l'impudence, 
«  Sur  un  tel  front,  faut-il  donc  me  faner  !  » 


Plus  loin  je  vis  rayonner  l'immortelle  ; 

Je  m'étonnai  de  ne  la,  voir  pleurer  ; 

Mais,  souriant  :  «  Pourquoi  pleurer,  dit-elle, 

«  Du  trépassé  qu'il  vous  faut  honorer 

«  Comme  un  espoir  je  viens  orner  la  tombe; 

«  Je  suis  la  fleur  de  l'immortalité, 

«  Lorsqu'un  Génie  en  ce  monde  succombe 

«  Je  lui  viens  dire  :  «  A  toi  l'Eternité  !  d 

Claudius  MALBET. 


PROMENONS-NOUS  DANS  LES  BOIS 

Le  soleil,  chaud  comme  braise, 
Brûle  le  faîte  des  toits. 
Dans  l'ombre  mûrit  la  fraise... 
Promenons-nous  dans  les  bois. 

Au  bord  des  claires  fontaines. 
Nous  cueillîmes  bien  des  fois 
Des  caresses  par  centaines...   - 
Promenons-nous  dans  les  bois. 

Trouvons,  sous  la  fraîche  arcade. 
Des  fourrés,  des  nids  étroits. 
Où  l'amour  se  barricade... 
Promenons-nous  dans  les  bois, 

Nul  témoin  ne  nous  regarde  : 
Glissons-nous  en  tapinois; 
Rions  des  loups  et  du  garde... 
Promenons-nous  dans  les  bois. 

Les  oiseaux,  filant  leurs  gammes. 
Disent  en  leur  gai  patois  : 
«  Ah!  le  joli  bois.  Mesdames!  » 
Promenons-nous  dans  les  bois. 

La  brise,  de  la  lisière 
Apporte  un  air  villageois  : 
Dansons  parmi  la  clairière... 
Promenons-nous  dans  les  bois. 

LÉON  DUVAUCHEL. 


ENTRE    NOUS   DEUX 


Air  :  Béranger  à  l'Académie 

J'avais  seize  ans,  la  riante  jeunesse 
De  rêves  d'or  entourait  mon  sommeil; 
Jeanne  était  jeune  et  nous  jouions  sans  cesse 
Dans  les  prés  verts  dorés  par  le  soleil. 
De  nos  ébats  remplissant  la  chaumine. 
Chassant  les  pleurs  par  nos  chants  radieux, 
Nous  épandions  notre  joie  enfantine; 
Soudain  l'amour  parut  entre  nous  deux. 

Près  des  ruisseaux,  cherchant  le  frais  ombrage. 
Amants  discrets  nous  cachions  nos  amours, 
Le  rossignol  chantait  dans  le  feuillage, 
C'est  l'âge  d'or  et  les  plus  heureux  jours! 
Dans  un  baiser,  dans  une  même  étreinte, 
Quittant  la  terre  et  planant  sous  les  cieux, 
Nous  nous  aimions  ardemment,  flamme  sainte, 
Le  dieu  d'amour  jouait  entre  nous  deux. 


LA  CHANSON 


129 


Quand  les  autans  auront  blanchi  nos  têtes, 
Puisque  chacun  est  victime  du  temps, 
Si  Dieu  voulait  nous  rappeler  nos  fêtes 
En  ramenant  notre  joyeux  printemps, 
Errant  le  soir,  sur  l'herbe  verte  et  douce, 
Nous  redirions  nos  serments,  nos  aveux. 
Puis  à  son  tour  sur  ce  tapis  de  mousse 
Kamour  viendrait  jouer  entre  nous  deux! 
P.-E.  ERARD. 


LE    CHAMPAGNE 

Pétille  dans  mon  verre, 
Aï  clair  et  mousseux. 
Va,  qu'un  cerveau  vulgaire 
Te  trouve  dangereux  ; 
Moi,  cher  ami,  je  t'aime, 
T'avale  avec  bonheur  ; 
Je  suis  hors  de  moi-même  I 
Tu  fais  bondir  mon  cœur. 

Amis,  chantons  sans  cesse, 

Chantons 
Le  vin  et  la  jeunesse, 

Aimons. 

C'est  par  toi,  que  du  monde 
Sont  bannis  les  ennuis  ; 
Sur  la  machine  ronde 
Tu  provoques  les  ris. 
Allons,  vive  la  joie, 
Bacohus  et  Cupidon  ! 
De  Champagne  je  noie 
Et  tristesse  et  raison. 
Amis,  etc. 

Au  fond  d'une  bouteille, 
Tu  gémis,  mon  mignon! 
Toi,  le  fils  de  la  treille, 
On  te  met  en  prison!... 
"Viens  que  je  te  délivre.. 
Un  coup  de  doigt  suffit: 
Pif.,  paf..  Le  voilà  libre, 
Il  s'envole  et  bondit. 
Amis,  etc. 

Ah  I  coquin,  de  mon  verre 
Tu  voudrais  t'échappcr? 
Non...  ton  heure  dernière. 
Ami,  vient  de  sonner. 
Vois.,  ma  lèvre  t'appelle, 
Vin  pur  et  pétillant; 
Ta  divine  étincelle 
Expire  en  m'enivrant. 
Amis,  etc. 

Ah  !  débouchons  encore  ! 
Bouchons,  sautez  toujours  ! 
Fêtons  jusqu'à  l'aurore 
Le  vin  et  les  amours. 
En  avant  le  Champagne  ! 
Absorbons,  mes  enfants  ! 
Et  battons  la  campagne 
En  vieux  Roger-Bontemps. 

Amis,  chantons  sans  cesse, 

Chantons 
Le  vin  est  la  jeunesse, 

Aimons. 
Emile  de  FONTAUBERT. 


L\  FILLE  DU  ROI  DES  ÂILNES 

Ballade   Populaire   (d'après  une  légende   danoise) 
Musique    de    Niels    ^V.    Gade 

Viens,  ah  viens! 

Le  chasseur  Oluf  suivra-t-il  la  Sylphide  enchan- 
teresse qui,  de  sa  main  légère,  a  caressé  ses  cheveux, 
unjour  que  la  nuit  l'avait  surpris  dans  la  forêt? 

Non  ;  il  a  célébré  sa  fiancée  dans  un  chant  plein 
de  grâce  et  d'abandon  qui  ne  saurait  être  un  men- 
songe ;  il  l'aime  sans  pouvoir  cependant  se  soustraire 
au  souvenir  de  son  rêve  voluptueux.  Il  veut  revoir  au 
crépuscule  les  filles  du  Roi  des  Aulnes,  et  s'enivrer, 
une  fois  encore  des  caresses  de  la  déesse  au  regard 
de  feu  et  aux  traits  pâlis  par  les  rayons  des  astres 
de  la  nuit. 

"  Que  l'on  m'amène  ici 
Mon  coursier  rapide  ; 
D'un  convive  dont  j"ai  souci, 
La  place  reste  vide.  " 
"N'iens,  ah  viens  ! 

C'est  la  flUe  du  Roi  des  Aulnes;  une  mélodie  déli- 
cieuse, à  laquelle  les  bruits  vagues  de  la  foret  prêtent 
leur  harmonie,  a  frappé  son  oreille  et  elle  a  reconnu 
la  voix  du  chasseur. 

Les  Sylphides  dont  elle  est  la  reine,  commençant 
leurs  ébats  nocturnes,  dansent  en  ronde  aux  pâles 
clartés  des  étoiles.  Des  mouvements  vaporeux  et 
légers,  des  ombres  glissant  au  travers  des  arbres 
agités,  des  baisers  lascifs,  des  enlacements  voluptueux 
et  pleins  de  hmgueur  jettent  le  trouble  dans  le  cœur 
de  l'imprudent  Oluf  qui  n'a  pas  craint  d'affronter  le 
péril.  En  vain  il  veut  fuir,  les  belles  filles  des  bois 
l'environnent  pendant  que,  du  milieu  des  bruissements 
de  la  forêt,  une  voix  enchanteresse  s'élève  : 

Il  Salut  à  toi,  mon  beau  rêveur, 

Pourquoi  fuis-tu  ma  vue? 
Ah  I  viens  vers  nous,  mon  beau  seigneur, 

Pour  toi  je  suis  venue. 
Viens,  ah  viens  ! 

<i  Ecoute  encoi-,  mou  tloux  vainqueur, 

Ecoute  ma  voix. 
Qu'à  moi  se  donne  enfin  ton  cœur 
Ton  cœur  et  ta  foi. 
A'iens,  ah  viens  !  *> 
«  Non,  dit-il,  j'appartiens  à  une  fiancée  plus  chaste 
que  toi,  je  ne  serai  pas  infidèle.  « 

(c  Alerte,  mon  coursier  rapide,  fuyons  les  malédic- 
tions des  Sylphides  outragées  et  la  vengance  de  la 
fille  du  Roi  des  Aulnes.  » 

L'aurore  se  lève,  Oluf  ne  revient  pas.  S'il  entendait 
les  plaintes  de  sa  mère,  il  s'attendrirait,  il  reviendrait, 
s'il  peut  encore  revenir... 

Un  cavalier  paraît.  «  C'est  lui,  c'est  lui!  »  s'écrie- 
t-elle.  —  C'est  lui.  —  Il  s'élance  dans  les  bras  de  sa 
mère,  mais  son  visage  est  pâle,  ses  membres  glacés  ; 
il  peut  à  peine  répondre  aux  questions  qu'elle  lui 
adresse  avec  une  tendresse  adorable  ;  il  s'affaiblit  de 
plus  en  plus,  il  tombe  :  il  est  mort. 

La  fille  du  Roi  des  Aulnes  s'est  vengée. 

a  Rêveur  passant,  les  soirs  d'été 

Au  lond  du  bois  solitaire, 
Gardez-vous  de  la  volupté 
Des  nuits  pleines  de  mystère.  » 

Pardonnez-moi  d'avoir,  n'étant  pas  Théophile 
Gautier,  touché  à  cette  jolie  ballade. 

Amédéb  EDÉMA. 


130 


LA  CHANSON 


BIBLIOGRAPHIE 


Nous  parlerons  aujourd'hui  de  plusieurs  publi- 
cations qui  se  rattachent  de  près  ou  de  loin  à  la 
chanson. 

Evariste  Carranoe,  l'infatigable  promoteur  des 
concours  poétiques  du  midi,  nous  adresse  son  Pays 
Bleu.  On  retrouve  là,  comme  dans  ses  précédents 
recueils,  cette  inspiration  pleine  de  patriotisme  et 
d'élévation  qui  rappelle  nos  plus  grands  poètes.  La 
Petite  Robe,  mon  Premier  Cheveu  blanc,  Ma  Lampe 
nous  ont  particulièrement  touché. 

Rouen,  la  vieille  cite  normande,  tel  est  le  sujet 
qu'a  choisi  M.  ïocqueviUe.  En  face  du  chiffre  et  de 
ses  tristesses,  il  revendique  les  droits  de  la  gaité  : 

Mais  ne  dédaignons  pas  ce  doux  rayon  :  le  rire  ! 
Accueillons  quelquefois  l'accorte  l'antaisie. 

Le  rire  et  la  fantaisie  ?  Les  voici  :  c'est  la  Lice 
Chansonnière,  bien  connue  de  nos  lecteurs  ;  la  Lice, 
phalange  toujours  en  éveil,  toujours  renouvelée, 
toujoui'S  chantant.  Nous  avons  sous  les  yeux  son 
volume  de  1877.  Là  brillent  des  noms  que  le  public 
est  habitué  à  applaudir  et  des  œuvres  qui  délVayeront 
longtemps  les  soirées  lyriques. 

Haohin,  l'heureux  auteur  delà  Tour  Saint-Jacques, 
nous  donne  la  correspondance  échangée  entre  un 
arbre  de  la  forêt  de  Compiègne  et  son  frère  des 
boulevards  parisiens.  Picard,  qui  cisèle  un  couplet 
comme  un  joyau,  célèbre  la  Gaudriole.  Dural'our, 
rompu  aux  procédés  du  café-concert,  pousse,  dans 
la  Saint-Crépin,  un  de  ses  plus  gros  éclats  de  rire. 
Ici,  c'est  Charles  Vincent  qui  donne  un  souvenir 
affectueux  à  Desforges  : 

Son  jour,  qui  viendra,  rendra  populaire 
L'auteur  de  Manon  et  des  Grands  pommiers. 

Là,  Jeannin  pleure  ses  folles  illusions  :  0  mes 
hannetons,  quètes-vous  devenus?  Plus  loin,  Baillet 
mêle  à  cet  ensemble  une  note  mélancolique  :  Je  n'ai 
plus  d'amoureuse!  11  se  rappelle  qu'il  est  l'auteur  de 
la  Religieuse,  touchante  élégie  qui  eut  tant  de  succès. 
Georges  Baillet,  son  homonyme,  s'élève,  chose  rare 
chez  les  chansonniers,  jusqu'aux  hauteurs  de  l'ode. 
Combien  de  titres  il  faudrait  citer  pour  donner  une 
idée  du  mérite  et  de  la  variété  de  ce  volume  !  Le 
Conservateur,  de  Piesse;  le  Rire  gaulois,  de  Jouy;  le 
Chasseur  d'ouvrières,  de  Rubois;  le  Clos  Grégoire, 
de  Legentil,  tout  à  fait  pittoresque  et  rabelaisien  ; 
les  Simples  vœux  des  Révérends  Pères,  deVatinel; 
le  Lâche,  de  Robinet.  Ryon,  dans  le  Sei-ment...  mais 
je  n'en  dirai  rien  :  c'est  une  pièce  de  vers. 

Les  Paroles  harmoniques ,  de  M.  Cauvet,  Aubépine 
et  Lilas,  Feuilles  mortes,  de  M.  Garceaud,  renferment 
quelques  chansons  d'un  tour  facile.  Les  couplets  aux 
Soldats  de  la  France  tranchent  sur  la  nuance  un  peu 
grise  des  sonnets. 

M.  Tréfeu  aussi  traite  l'actualité. 

Chantons  de  la  France  l'armée  ! 

s'écrie-t-il.  Ailleurs  il  déclare  avec  franchise  qu'en 
politique  il  faut  de  la  sagesse,  de  la  prudence,  énor- 
mément de  cœur,  de  la  bonté,  mais  jamais  de  fai- 
blesse. Ce  sont  ses  vers,  que  je  transcris  ainsi  pour 
gagner  de  la  place. 


Encore  des  sonnets!  Est-ce  une  maladie?  M.  Georges 
Gourdon  habille  les  siens  si  gentiment  qu'il  est  sûr 
de  les  faire  bien  accueillir  partout.  Papier  vergé, 
caractères  elzéviriens,  eau-forte,  en-tête,  lettres  ini- 
tiales, culs-de-lampe  style  renaissance,  rien  n'y 
manque.  Je  ne  veux  pas  dire  que  ce  soit  là  tout  le 
mérite  des  f'ervenches.  11  s'en  faut.  La  chanson, 
l'élégie  s'entrelacent  aux  sonnets,  l'énergie  à  la 
grâce.  Peut-être  les  larmes  et  le  bon  Dieu  repa- 
raissent-ils trop  souvent.  Louis  Bouton,  l'éditeur- 
graveur,  pouvait  certes  plus  mal  choisir  pour  sa 
petite  débauche  d'illustration.  C'est  un  bijou  pour 
l'amateur,  une  perle  pour  le  bibliophile.  Quel  bien 
n'en  dirais-je  pas  encore,  s'il  m'avait  été  permis  de 
couper  les  feuillets  de  ce  joli  volume! 

EuG.  IMBERT. 


Vient  de  paraître,  à  notre  librairie  :  Balzac,  sa 
Méthode  de  travail,  par  Champfleury.  Cette  plaquette, 
tirée  à  petit  nombre  sur  pa,pier  vergé,  est  accompagnée 
d'un  très-curieux  fac-similé  d'épreuve  corrigée  par 
Balzac,  la  terreur  des  typographes.  Envoi  franco 
contre  un  mandat-poste  de  2  francs. 


Nous  venons  aussi  de  publier  un  petit  volume  de 
vers  do  L.-G.  Gauny  :  La  Foret  de  Bondy,  distiques. 
Format  in-18,  titre  rouge  et  noir,  orné  d'une  eau-forte 
de  Monnin,  d'après  L.  Charbonnel.  Prix  :  1  fr.  50; 
envoi  franco  contre  un  mandat-poste.  Il  en  sera  parlé 
dans  notre  prochain  numéro. 


La  Revue  Française  publie,  sous  la  signature  de 
son  rédacteur  en  chef,  C.  Carrance,  l'appréciation 
suivante  de  V Eternel Rornan,  édité  par  notre  librairie  : 

«  M.  de  la  Salle  est  vraiment  un  poète  heureux; 
il  vient  d'écrire  un  livre  charmant  et  de  le  publier 
sous  un  titre  plus  charmant  encore  :  L'Eternel  Roman, 
c'est  le  joyeux  poème  de  la  jeunesse  qui  chante  si 
bien  au  fond  du  cœur. 

«  C'est  cette  heure  bénie  qui  s'envole  si  vite  et 
que  tout  le  monde  regrette;  c'est  un  doux  et 
frais  éclat  de  rire  traversé  par  les  flèches  d'or  de 
l'espérance,  i) 

I  volume  in-18,  titre  rouge  et  noir,  tiré  à  350  ex. 
Papier  blanc,  2  fr.  50;  papier  vergé,  4  fr.;  papier  de 
chine,  6  fr. 


Nous  lisons  dans  la  Nouvelle  France  chorale  : 
«  M.  Amédée  Edéma  vient  de  publier,  à  la  librairie 
A.  Patay,  18,  rue  Bonaparte,  une  brochure  sous  le 
titre  de  :  La  Musique  à  la  salle  des  Fêtes  pendant 
l'Exposition  universelle  de  1878.  Cet  opuscule  se  lit 
avec  beaucoup  d'intérêt,  et  il  décèle  chez  son  auteur 
des  connaissances  musicales  étendues  et  sérieuses. 
Aussi  les  appréciations  artistiques  qu'il  contient  sont- 
elles  pleines  de  justesse,  et  on  ne  peut  plus  propres  à 
guider  et  à  redresser  les  jugements  de  beaucoup  de 
gens  trop  prompts  à  trancher  les  difficultés  inacces- 
sibles à  leur  compréhension  par  des  affirmations 
catégoriques,  positives.  Ce  sont  là,  d'ailleurs,  les 
corollaires  naturels  de  l'ignorance.  M.  Edéma,  avec 
une  parfaite  équité,  sait  assigner  leur  vraie  place  à 
quelques  compositeurs  modernes  dans  l'Olj'mpe  de 


LA  CHANSON 


131 


l'art.  Mais  s'il  débarbouille  —  d'une  main  légère  — 
les  uns  du  rouge  et  de  la  dorure  dont  on  les  a  couverts 
sans  rime  ni  raison,  il  ne  manque  pas  de  rendre 
hommage  au  talent  des  autres  qui  en  sont  dignes.  Il 
sait  discerner  d'un  coup  d'oeil  exact  les  nuances  qui 
distinguent  chacun,  et  toujours  sa  critique  est  cour- 
toise. La  bienveillance  —  caractéristique  des  vrais 
juges  —  plane  sur  le  tout  comme  une  gaze  légère 
qui,  tout  en  adoucissant  l'éclat  de  la  lumière,  ne 
l'empêche  pas  de  nous  éclairer.  Le  style  de  la 
brochure  dont  nous  parlons  est  facile  et  élégant,  et 
sous  cette  forme  littéraire  se  cache  évidemment  une 
âme  d'artiste  qui  a  su  pénétrer  plus  d'un  secret  de 
la  composition  musicale.  » 
Broch.  iu-8;  prix,  1  franc. 

A.  P. 

Le  directeur  de  La  Chanson  a  reçu  la  lettre 
suivante  : 

■26  janvii-r  1879. 
MON'SlEUli, 

S'il  est  vrai  que  j'étais  ivre,  commi'  vous  le  dites  ilans 
voire  article  que  l'on  croirait  voir  signé  l'aiil  dr  (lassngnac, 
je  vous  adresse  ce  couplet  de  ,lules  .Moineaux  qui,  donnant 
raison  à  votre  dire,  donne  à  l'aposlroplic  qne  je  voiis  ai 
lancée  tout  l'éclat  de  la  vérité. 

Au  fond  d'un  puits,  séjour  Iiuinidc. 

I.a  vérité,  dit  on,  réside; 

Au  retjours,  voyez  l'embarras 

On  dit  :  In  vino  vnrtlaf;. 

Cœurs  droits  qui  pheVL-hez  à  l'atteindre, 

D'un  puits  elle  no  peut  sortir. 

Car  le  l)uvcur  d'eau  peut  mentir, 

Mais  rivroçne  ne  sait  pas  feindre  : 

Ne  cheY<'hez  plus  en  vam 

I.a  vérité  dans  l'eau  quand  elle  est  dans  le  vin. 

Je  compte.  Monsieur,  que  vous  voudrez  bien  |inl)lii'r  cet  le 
petite  réponse  dans  votre  prochain  numéro. 

.losRiMi  hAMIUACIN. 

A  son  esprit,  si  personnel  et  si  tin,  notre  corres- 
pondant adjoint  celui  d'un  confrère;  sachons-lui  gré 
de  ne  nous  point  accabler  par  un  couplet  de  son  crû. 
Donc,  M.  Landragin,  avouant  sou  état  d'ivresse  à  la 
réunion  que  l'on  sait,  en  tire —  élégammant —  cette 
conséquence  que  les  paroles  dites  alors  par  lui  sont 
des  vérités  manifestes.  La  théorie  est  singulière 
et  dénote,  chez  M.  Landragin,  une  logique  au  niveau 
de  son  savoir-vivre.  —  Nous  n'aurons  pas  la  cruauté 
d'insister. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  Cigale  n'a  pas  chanté  pendant  les  huit  mois  de 
l'Exposition,  sans  doute  pour  donner  aux  sociétaires 
le  temps  de  la  visiter  en  détail  ;  mais  cela  ne  pouvait 
durer  plus  longtemps.  Aussi  M.  Deutohe,  président 
inamovible,  pressé  de  sollicitations,  s'est-il  décidé  à 
rouvrir  les  portes  des  salons  de  M.  Demory  (galerie 
de  Valois,  Palais-Royal).  Donc,  le  19  janvier,  le 
public  et  la  presse  étaient  convoqués  à  la  grande 
solennité  de  la  réouverture. 

Le  public  était  représenté  surtout  par  de  fort 
jolies  femmes  et  de  toutes  gracieuses  jeunes  filles, 
dansant,  rouges  de  plaisir,  sous  l'œil  maternel;  la 
presse  par  un  rédacteur  de  l'Evénement  et  votre 
serviteur,  très-flatté  de  passer  quelques  heures  avec 
un  homme  d'esprit. 


Que  dire  de  la  partie  chantante?  Rien  ou  peu  de 
choses  ;  on  s'est  dépêché  d'expédier  au  plus  tôt  le 
côté  ennuyeux  pour  danser  encore,  toujours! 
Cependant,  nous  regretterions  de  passer  sous  silence 
un  violoniste  qui  promet,  M.  J.  Bernis,  de  feu  le 
Tliéàtre-Italien.  Pris  à  l'improviste  et  sans  musique, 
il  a  su  se  faire  applaudir,  ce  qui  est  beaucoup  pour 
un  violoniste. 

Terminons  en  remerciant  M..Deutche  de  l'accueil 
cordial  qu'il  nous  a  fait,  et  espérons  que  la  Cigale^ 
chantant  tout  l'été. 


Ne  se  trouvera  pas  dépourv 
Quand  la  bise  sera  venue. 


A.  LEROY. 


La  Jeunesse  Artistique  de  Vincennes  a  donné, 
le  11  janvier,  un  brillant  concert  dans  le  Casino 
Sausserousse,  où,  tous  les  mois,  une  fête  de  ce  genre 
permet  d'entendre  d'aimables  interprètes,  tels  que 
MM.  Joiiineau,  Cairon,  Mirey,  Assemaine,  Werme- 
linger,  Acquart,  Duraont  et  combien  d'autres  qui, 
sous  l'habile  impulsion  du  président  Lambert  et  de 
l'accompagnateur  Blondel,  attirent  à  leurs  réunions 
une  foule  nombreuse  et  choisie. 

La  Société  lyrique  de  Vincennes-  Saint- Mandé 
alterne  avec  la  précédente  et  donne  ses  soirées  au 
concert  Idalie,  que  dirige  Vcrgeron,  membre  du 
Caveau  et  de  la  Lice  Chansonnière.  Les  interprètes 
sont  là  MM.  Lhomme,  Robinson,  Lamastres,  Char- 
pentier, Moquet  et  Mallard,  sans  oublier  les  toutes 
gracieuses  dames  Noblet  et  Trèbla.  Réunions  char- 
mantes «t  distinguées. 

Hiri'oi.yTE  DEMANET. 


La  Société  lyrique  des  Enfants  de  la  Seine 
(M.  C'antarel,  président)  donnera,  le  dimanche  soir 
2  février,  à  son  siège  social,  20,  rue  Palestro,  une 
grande  soirée  dramatique  et  lyrique.  Cette  même 
Société  offrira,  le  15  février,  salle  Rivoli  (104,  rue 
de  Rivoli),  un  bal  de  nuit  paré,  masqué  et  travesti. 
Ouverture  des  portes  à  11  heures  du  soir;  la  tenue 
noire  est  de  rigueur  pour  les  cavaliers  non  costumés. 

La  Fauvette  Parisienne  donnera  également  un  bal 
intime,  paré,  masqué  et  travesti,  le  8  février,  dans 
les  salons  de  la  Société,  3G,  galerie  Montpensier 
(Palais-Royal). 

A.  P. 


ECHOS   &  NOUVELLES 

Le  théâtre  de  Belleville  joue,  depuis  le  19  janvier, 
une  revue  locale  intitulée  :  V'ià  /ielleville  qui  passe, 
dont  l'auteur,  Michel  Bordet,  est  un  chansonnier 
émérite.  La  pièce  est  remplie  de  couplets,  de  rondeaux 
on  ne  peut  mieux  réussis.  Le  terme  de  l'evue  locale 
est  certes  trop  modeste;  car,  si  certains  types  parti- 
culiers, si  quelques  sujets  spécialement  bellevillois 
ont  fourni  à  l'auteur-acteur  des  scènes  tantôt 
grotesques,  tantôt  touchantes,  il  a  su  trouver  dans 
les  grandes  idées  du  travail,  de  l'armée  nationale,  de 
l'instruction  populaire,  de  la  République,  des  inspira- 
tions dignes  de  son  talent.  Aussi  les  applaudissements 
ne  lui  ont-ils  pas  fait  défaut.  Les  pensées  généreuses 
ne    restent    jamais    sans    échos    dans    les    cœurs 


132 


LA  CHANSON 


plébéiens.  La  Chanson  est  heureuse  de  saluer  ici  un 
de  ses  enfants,  et  lui  souhaite  un  long  succès.  Parnai 
les  interprètes,  bornons-nous  à  citer  M.  Larmet, 
pour  sa  dignité  et  sa  rondeur,  M™"  Sézanne,  qui  dit 
bien  les  vers,  M°"=  Rolland,  qui  les  chante  en  vraie 
Dugazon.  M.  Fouet  a  esquissé  la  silhouette  d'un 
médecin  connu  d'une  façon  très-réjouissante,  et 
M.  Perron,  dans  l'Hymne  à  l'hidustrie,  a  fait  preuve 
de  tenue  et  de  goût. 

E.  I. 


Armand  Potel  vient  de  mourir  à  Montpellier. 

Véritable  enfant  de  Paris,  Potel  avait  fait  partie 
de  la  garde  mobile  en  1848. 11  fut  attaché  au  théâtre 
des  Variétés,  —  puis  aux  Bouffes-Parisiens,  —  au 
Théâtre-Lyrique.  Il  entraàl'Opéra-Comique  en  1862 
et  y  resta  jusqu'en  1877.  Il  tenait  l'emploi  des  ti'ials 
et  possédait  de  sérieuses  qualités  de  comédien. 

On  ignore  généralement  que  Potel  avait  commencé 
par  chanter  dans  les  goguettes;  il  s'était  racheté  de 
la  conscription  au  moyen  de  soirées  organisées  par 
plusieurs  d'entre  elles,  notamment  chez  Montié,  place 
de  la  Corderie-du-ïemple.  Il  avait  composé  quelques 
chansons  qu'il  chantait  lui-même  dans  ces  réunions. 
Son  véritable  nom  était  Pian. 


M.  Paul  Avenel  prépare  la  cinquième  édition  de 
ses  chansons,  augmentée  de  plus  du  double.  La 
plupart  des  pièces  seront  accompagnées  de  notes 
très-curieuses. 


Le  théâtre  des  Folies-Belleville  va  jouer  une 
fantaisie-revue  en  deux  tableaux,  intitulée  Faut  pas 
blaguer  nos  p'tit's  Folies  I  paroles  de  Constant  Saclé, 
musique  nouvelle  de  Richard  Meiners.  Le  journal 
La  Chanson  y  sera  personnifié,  nous  dit-on,  par  une 
aimable  actrice. . .  Nous  serons  là. 


Le  journal  VEcho  de  Vincennes  va  commencer 
prochainement  la  publication  d'un  ouvrage  humo- 
ristique, du  Licéen  Hippolyte  Demanet.  La  Physio- 
logie des  Omnibus,  tel  est  le  titre  de  cette  étude  de 
mœurs,  que  nous  recommandons  à  tous  les  amateurs 
de  ce  qui  peut  instruire  en  amusant. 


IS Académie  des  Muses  Santones  organise,  pour 
l'année  1879,  deux  concours  poétiques,  auxquels 
peuvent  prendre  part  tous  les  littérateurs. 

1°  Sujet  donné  :  les  Baigneuses  de  Royan.  Médaille 
d'honneur  et  prix  divers. 

2°  Sujet  facultatif.  Prix  et  mentions. 

Les  compositions  —  inédites  —  doivent  être 
adressées  à  M.  Victor  Billaud,  délégué,  à  Royan, 
jusqu'au  31  mai  prochain. 


Association  Polytechnique.  Cours  gratuits  et  publics 
pour  les  ouvriers,  rue  Jean-Lantier,  15.  Tous  les 
lundis,  à  9  heures  du  soir,  M.  Rouxel,  professeur. 
Harmonie.  —  Théorie  du  rhythme.  —  Théorie  de  la 
tonalité.  —  Génération  des  accords,  réalisation.  — 
Structure  de  la  mélodie,  accompagnement,  harmonie 
artificielle,  instrumentation.  —  Harmonie  du  lan- 
gage, union  de  la  musique  aux  paroles. 


BOITE     AUX    LETTRES 


M.  F.-E.  E.,  à  Paris.  —  Nous  publierons  par  inter- 
valles vos  études  sur  Jes  chants  étrangers. 

MM.  P.  L.  et  L.  R.,  à  Paris.  — Votre  envoi  touche 
de  trop  près  à  la  politique  ;  nous  ne  sommes  qu'une 
publication  littéraire.  Nous  acceptons  vos  comptes- 
rendus  annoncés.  Envoyez-nous  d'autres  chansons 
en  même  temps. 

M.  S.,  à  Paris.  —  Votre  Souvenir  d' Hégésippe 
Moreau  est  réservé  pour  le  numéro  que  nous  pré- 
parons sur  ce  poète. 

M.  R.,  à  Paris.  —  Nous  sommes  encore  obligés 
d'attendre  avant  de  commencer  la  publication  de 
votre  intéressant  travail  sur  les  trouvères  et  les 
ménestrels. 

M.  F.  B.,  à  Saint-Maur-les-Fossés .  —  Nous  vous 
écrirons  prochainement. 

Deux  ou  trois  abonnés  se  plaignent  de  ne  pas 
recevoir  régulièrement  leurs  numéros.  Les  envois 
étant  faits  très-exactements  par  nous,  c'est  à  l'admi- 
nistration des  postes  que  leurs  réclamations  doivent 
être  adressées. 


PUBLICATIONS  RECOMMANDÉES 

La  Jeune  France,  Revue  mensuelle,  littéraire  et 
poétique.  Un  an,  8  fr.,  Paris  et  départements.  Li- 
brairie A.  Patay,  rue  Bonaparte,  18.  ' 

Le  Pétard,  illustré  par  Alfred  Le  Petit,  paraît 
toutes  les  semaines,  avec  la  collaboration  de  Jules 
Jouy,  E.  Adeline,  Paul  Chocque,  de  la  Lice  Chan- 
sonnière ;  128,  rue  de  Courcelles.  Un  an,  8  fr.; 
six  mois,  4  fr.;  trois,  2  fr.;  le  numéro,  15  centimes, 
chez  tous  les  libraires. 

Le  Lycéen,  Rédacteur  en  chef  Eugène  Enfonce, 
paraît  deux  fois  par  mois.  Unan,  4fr.,  62,  rue 
La  Condamine,  Paris. 

Le  Touriste,  Moniteur  des  Clubs  alpins.  Rédacteur 
en  chef,  Ch.  CofBn.  Paris,  rue  Richelieu,  65. 
Un  an,  10  fr. 

Le  Voleur  illustré.  Rédacteur  en  chef,  A.  de 
Bragelonne,  30,  rue  des  Saints-Pères.  Un  an,  6  fr.; 
le  numéro,  10  centimes,  chez  tous  les  libraires. 

La  Revue  indépendante  du  Nord.  Rédacteur  en 
chef,  Desespringalle,  rue  Saint-Jean,  30,  à  Douai. 
Un  an,  6  fr. 

La  Revue  Méridionale.  Rédacteur  en  chef, 
Paul  Albert,  rue  des  Marchands,  11,  à  Toulon, 
Un  an,  6  fr. 

Le  Parnasse,  Organe  des  concours  littéraires  de 
Paris.  Rédacteurs  en  chef  :  Alceste  et  Germain 
Picard.  Un  an,  12  fr.  Rue  du  Val-de-Grâce,  21. 

Revue  de  la  Poésie,  Gazette  de  l'Académie  des 
poètes,  sous  la  direction  de  M.  Casimir  Perthus. 
Un  an,  6  fr.  Rue  Ganneron,  12. 

La  Revue  de  la  Jeunesse.  Rédacteur  :  Ali  Vial 
de  Sabligny.  Un  an,  10  fr.  Rue  des  Filles-du- 
Calvaire,  18. 

Le  Directeur  Gérant,  A.  PATAY. 


2*  ANNEE.  —  N"  14. 


16  FEVRIER  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES    DE    LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  <!cle  16  de  chaqvie mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
V.  DEMEURE 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,  18 
PABI8 


RÉDACTEUR  EN   CheF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois 2  fr.  50 

Départ»,  6  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3      50 


SOMMAIRIÎ  :  Lu  Statue  de  Béraiiger,  lettres  d'adhésion,  orrjaiiùatioH  du  Comité,  ouverture  de  la  souscription  (l.-henry  lecomte). — 
A  lu  Chanson  (rené  ponsard). —  Les  Fils  du  Soleil  (charles  Vincent,  musique  de  darcier).  —  Clairville  (charles  Vincent). — 
La  Chanson  au  Théâtre  (l.-iienry  lecomte).  —  Banquet  du  Caveau  (eug.  imbert).  —  Banquet  de  la  Lice  Chansonnière. — 
Chronique  des  Sociétés  li/riques  (a  leuoy,  l.  r.,  a.  p.U'ay). 

LA    STATUE    DE   BÉRANGER 


Depuis  le  jour  où  nous  avons  émis,  dans  La 
Chanson,  l'idée  de  consacrer  par  une  statue  la 
mémoire  de  Béranger,  bien  des  invitations  à 
tenter  cette  œuvre  patriotique  nous  sont  par- 
venues. Le  moment  n'était  pas  propice.  Derrière 
le  gouvernement  de  droit,  un  tortueux  pouvoir 
de  fait  gênait  toute  manifestation  démocratique. 
Nous  dûmes  nous  borner  à  préparer  les  voies  pour 
l'heure  attendue  d£s  libertés  réelles.  Cette  heure 
est  venue.  Le  triomphe  définitif  de  la  République 
rend  opportune,  nécessaire,  la  glorification  des 
esprits  lumineux  par  qui  le  règne  de  la  justice 
est  advenu  :  la  statue  de  Béranger  va  se  faire. 

Nous  publions  avec  joie  —  dans  l'ordre  de  leur 
réception  —  les  adhésions  suivantes  : 

Paris,  'ii  janvier. 
Monsieur, 

Je  ne  saurais  avoir  aucune  objection  à  ce  que  mon 
nom  soit  placé  au-dessous  des  noms  de  Victor  Hugo, 
Legouvé,  Spuller... 
Cordialités. 

Emile  de  GIRARDIN. 


21  janvier  1879. 


Monsieur, 


C'est  de  grand  cœur  que  j'adhère  à  votre  projet 
d'élever  une  statue  à  Béranger.  Je  vous  autorise 
donc  à  me  compter  parmi  les  membres  fondateurs 
de  votre  Comité.  Je  mets  V E vénement  a.\a.  disposition 
de  cette  œuvre  libérale  et  patriotique. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'expression  de  mes 
sentiments  confraternels, 

Edmond  MAGNIER, 
Rédacteur  en  chef  de  l'événement. 


Vendredi,  âl  janvier. 
Monsieur  et  cher  Confrère, 

Je  vous  remercie  d'avoir  bien  voulu  penser  à  moi 
pour  le  Comité  de  la  statue  de  Béranger.  Je  consi- 
dérerai comme  un  honneur  d'en  faire  partie. 

Agréez,  Monsieur  et  cher  Confrère,  l'expression 
de  mes  sentiments  bien  sympalliiques. 

Pierre  VÉRON, 
Rédacteur  en  chef  du  charivari. 


Versailles,  25  janvier. 


Monsieur, 


J'accepte  avec  le  plus  grand  plaisir  de  faire  partie 
du  Comité  qui  s'organise  pour  l'érection  d'une  statue 
à  Béranger.  Cotait  presque  mon  droit  d'en  être,  car 
à  la  fin  de  la  préface  do  la  Correspondance  du  poète 
national,  j'avais  indiqué  la  célébration  de  la  date 
du  19  août  1880  comme  devant  être  l'une  de  nos 
fêtes  patriotiques  séculaires  qui  devaient  le  plus 
vivement  faire  battre  le  cœur  de  la  France. 

Réunissez-nous  le  plus  vite  possible  avant  de  faire 
à  la  nation  le  premier  appel,  car  il  faut  que  le 
Comité  soit  bien  complet  et  que  sa  voix  lui  parle 
avec  autorité...  Ignorant  où  vous  en  êtes,  je  ne  puis 
que  me  mettre  à  la  disposition  du  Comité  pour  lui 
rallier,  s'il  lui  plaît,  le  suffrage  et  lui  donner  le  con- 
cours de  ceux  des  vieux  témoins  de  la  vie  de  Béranger 
que  j'ai  connus  par  lui  et  chez  lui. 

Croyez ,   Monsieur ,  à    ma  confraternité  toute 
dévouée. 

Paul  BOITEAU. 

Versailles,  26  janvier  1879. 

Cher  Monsieur, 

C'est  avec  grand  plaisir  que  je  ferai  partie  du 
Comité  chargé  d'élever  une  statue  à  Béranger...  Je 
prends,  de  plus,  l'engagement  de  faire,  au  sujet  du 
poète,  une  conférence  publique,  et  d'y  démontrer 


134 


LA  CHANSON 


combien  le  chansonnier,  élevé  dans  ses  idées  et  ses 
doctrines,   l'a    été  dans    sa  vie    généralement  peu 
connue  au  point  de  vue  de  ses  relations  intimes. 
Agréez  mes  bien  cordiales  civilités. 

Alfred  LECONTE, 
Député  de  l'Indre. 

27  janvier  1879. 
Monsieur, 
,Je  serai  très-honoré  de   faire   partie    du   Comité 
Béranger  et  de  saisir,  une  fois  de  plus,  roccasion  de 
saluer   le    merveilleux  poète   «  qui   n'a   flatté   que 
l'infortune  «. 

A  vous  de  cœur, 

E.  DELA.TTRE, 
Conseiller  municipal. 

Paris,  2i)  janvier  1879. 
Monsieur, 
Je  suis  de  ceux  qui  ont  protesté  et  protestent 
encore  contre  l'injuste  réaction  dont  la  mémoire  de 
Béranger  fut  victime.  J'aime  ce  grand  poète  pour 
une  infinité  de  raisons,  dont  les  principales  sont  qu'il 
a  représenté  au  milieu  du  fouillis  romantique  le  génie 
clair  du  dix-huitième  siècle,  et  que,  pendant  une 
longue  période  de  nos  luttes  pour  la  liberté,  il  a  donné 
une  voix  aux  sentiments  de  nos  pères.  C'est  assez 
pour  que  j'applaudisse  à  votre  oeuvre  et  sois  heureux 
de  m'j  associer. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'expression  de  mes 
sentiments  très-distingués, 

CASTAGNARY, 
Conseiller  municipal. 

29  janvier  1879. 
Monsieur, 

Charles  Vincent  m'avait  en  effet  parlé,  il  y  a 
quelques  mois,  de  votre  projet  d'élever  une  statue 
à  Béranger;  je  lui  avais  dit  que  je  participerais 
de  tout  cœur   à  son  exécution. 

Je  me  mets  donc  à  votre  disposition  pour  le  concours 
qu'il  me  sera  possible  de  donner  à  votre  heureuse  et 
très-sympathique  initiative. 

Veuillez    agréer.    Monsieur,    mes    salutations 
distinguées, 

MURAT, 
Conseiller  municipal  du  S»  arrondissement 


Monsieur, 


Paris,  29  janvier. 


La  demande  de  concours-que  vous  m'avez  adressée 
relativement  à  la  célébration  du  centenaire  de 
Béranger  est  trop  honorable  pour  que  je  ne  me 
fasse  pas  un  devoir  et  un  plaisir  d'y  donner  mon 
acquiescement. 

Béranger  a  chanté  la  liberté,  il  est  resté  indépen- 
dant jusqu'à  sa  dernière  heure.  Il  y  avait  en  lui  non 
seulement  le  génie  poétique,  mais,  ce  qui  est  plus 
rare,  un  caractère. 

Comme  patriote,  comme  républicain  et  comme 
Parisien,  Béranger  a  droit  à  mon  hommage.  Je 
m'associe  donc  bien  volontiers  à  l'œuvre  qui  devra 
contribuer  à  la  consécration  de  sa  mémoire. 

Il  me  paraît  difficile  de  penser  que  la  ville  de  Paris 
reste  étrangère  à  cette  cérémonie. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'expression  de  mes 
remerciements  et  de  mes  sentiments  distingués. 
D'  FRÈRE, 
Conseiller  municipal  du  3^  arrondissement. 


Paris,  29  janvier  1879. 
Monsieur, 
J'accepte  avec  empressement  l'honneur  que  vous 
voulez  bien  me  faire  en  m'offrant  une  place  dans  le 
Comité  chargé  de  faire  élever  une  statue  à  Béranger. 
En   vous    assurant   de    mon   concours    le   plus 
dévoué,  veuillez.   Monsieur,    agréer  l'assurance  de 
ma  considération  la  plus  distinguée. 

E.  CLÉRAY, 
Conseiller  municipal  du  3°  arrondissement. 

Nice,  1er  février  1879. 
Monsieur, 
Vous  ne    pouvez  douter    de  ma   vive  sympathie 
pour  l'œuvre  patriotique  de  la  statue  de  Béranger. 
Je  vous  remercie    d'avoir  pensé  à  moi    et  je  vous 
envoie  l'expression  de  mes  sentiments  dévoués. 

CxusTAVE  NADAUD. 


Monsieur, 


Paris,  3  février  1879. 


Comme  ami  de  Béranger,  et  le  plus  ancien  sans 
doute  de  ceux  qui  vivent  encore,  je  ferai  volontiers 
partie  du  Comité  formé  pour  lui  élever  une  statue. 
Veuillez  donc  me  comprendre  parmi  ceux  qui  adhèrent 
avec  le  plus  d'empressement  et  de  sympathie  au 
projet  dont  l'heureuse  initiative  est  due  à  votre 
journal. 

Agréez,  Monsieur,  l'expression  de  mes  sentiments 
les  plus  distingués. 

MIGNET. 

Auteuil,  5  février  1879. 
Mon  cher  Ami, 

Votre  lettre  est  venue  me  combler  de  joie.  J'avais 
bien  lu  dans  divere  journaux  qu'un  Comité  s'orga- 
nisait en  vue  d'élever  une  statue  à  Béranger,  mais, 
en  voyant  les  noms  illustres  qui  se  trouvaient  à  la 
tête  de  ce  Comité,  je  n'aurais  jamais  pensé  qu'il  fût 
possible  que  le  mien  vînt  s'y  ajouter. 

Je  vous  remercie  donc,  de  grand  cœur,  de  n'avoir 
pas  oublié  le  vieux  comédien,  et  j'accepte.  Je  serai 
très-heureux,  et  plus  encore  honoré  de  vous  prêter 
mon  faible  concours.  Je  fus  l'ami  du  grand  chan- 
sonnier et  son  souvenir  est  resté  gravé  dans  mon 
cœur.  En  lui  élevant  une  statue,  nous  ne  paierons  à 
sa  mémoire  qu'une  bien  faible  part  de  la  recon- 
naissance que  nous  lui  devons  tous  pour  l'œuvre 
impérissable  et  éminemment  française  qu'il  a  créée  : 
la  chanson  patriotique  et  populaire. 
A  vous  de  tout  cœur, 

BOUFFÉ. 


Paris,  5  février  1879. 


Monsieur, 


Veuillez  m'excuser  d'avoir  tardé  à  vous  répondre, 
au  milieu  des  préoccupations  de  ces  derniers  jours. 

J'accepte  très-volontiers  de  figurer  en  si  bonne 
compagnie  dans  le  Comité  qui  provoque  une  sous- 
cription pour  élever  une  statue  à  Béranger.  C'est  un 
honneur  bien  dû  à  ce  grand  poète  national,  que  j'ai 
beaucoup  connu  personnellement,  et  nul  n'est  plus 
disposé  que  moi  à  rendre  hommage  à  sa  mémoire. 

Agréez,  je    vous    prie,   mes   sentiments    bien 
distingués. 

Henri  MARTIN. 


LA  CHANSON;! 


135 


Paris,  6  février  1879. 


Monsieur, 


Répondant  à  votre  lettre  du  26  janvier  dernier, 
je  viens  vous  dire  que  je  serai  heureux  de  participer 
à  l'oeuvre  pour  l'érection  d'une  statue  à  Béranger. 
notre  véritable  poète  populaire  et  national. 

Vous  pouvez  donc,  5lonsieur,  user  de  mon  nom,  si 
obscur  qu'il  soit,  et  le  placer  à  la  suite  de  ceux  si 
autorisés  qui  ont  bien  voulu  se  prêter  à  votre  heureuse 
initiative. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  mes  sincères  salu- 
tations et  l'assurance  de  ma  considération  la  plus 
distinguée, 

A.  DARLOT, 
CoiiseUler  municipal  du  3'  (irrondissement. 

Paris,  le  11  février  1879. 
Monsieur, 
Je  suis  très-sensible  à  l'honneur  que  vous  me  faites 
en  me  demandant  de  placer  mon  nom  parmi  ceux 
des  membres  du  Comité  formé  dans  le  but  d'élever 
une  statue  à  Béranger.  Je  suis  un  des  admii'ateurs  du 
poète,  que  j'ai  eu  l'honneur  de  connaître  person- 
nellement. Mon  concours  et  celui  du  Télégraphe 
vous  sont  acquis. 

Agréez,  Monsieur,  l'expression  de  mes  meilleurs 
sentiments, 

DUMONT, 
Directeur  du  télkgr  \i'he. 

l'aris,  le  12  février  1S7'.1. 

MoNSIEUIi, 

J'ai  communiqué  votre  lettre  au  Comité  dans  la 
séance  du  10  de  ce  mois.  J'ai  l'honneur  de  vous 
informer  que  notre  président,  M.  Edmond  About,  a 
été  délégué  par  le  Comité  de  la  Société  des  Gens  de 
lettres  pour  le  représenter  dans  l'œuvre  de  la  statue 
de  Béranger. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'expression  de  mes 
sentiments  distingués, 

Emmanuel  GONZALÉS, 
Délégué,  Président  honoraire. 

Paris,  1"2  février  1S79. 
Monsieur, 
J'accepte  avec  joie  l'honneur  de  faire  partie  du 
Comité  qui  se  propose  d'élever  une  statue  à  Béranger. 
Aucun  Français  de  ma  génération  ne  peut  être 
infidèle  à  ce  nom  qui  réveille  les  meilleurs  souvenirs 
de  notre  jeunesse. 

A.  HÉBRARD, 
Sénateur,  Directeur  du  temps. 

Paris,  13  février  1879. 
Monsieur, 

Vous  me  faites  l'honneur  de  me  proposer  une 
place  dans  le  Comité  que  vous  formez  pour  élever 
une  statue  à  Béranger. 

J'accepte  avec  empressement  cette  proposition 
qui  me  touche  et  qui  m'honore.  J'applaudis  à  votre 
intelligente  et  généreuse  initiative.  Il  est  temps  de 
rendre  à  la  démocratie  républicaine  ce  libre  esprit, 
ce  grand  poète,  ce  bon  citoyen,  cet  honnête  homme 
que  l'Empire  a  essayé  de  nous  ravir  et  qui  appar- 


tient au  peuple,  à  la  nation  dont  il  a  chanté  la  gloire 
et  les  malheurs,  soutenu  le  courage,  réveillé  les 
espérances. 

La  manifestation  nationale  que  vous  préparez  sera 
bien  accueillie  de  tous  les  Français,  républicains  et 
patriotes,  qui  connaissent  Béranger  pour  avoir  appris 
dans  ses  vers  à  aimer  la  patrie  et  la  liberté,  comme 
à  détester  toutes  les  tyrannies,  toutes  les  hypocrisies 
et  toutes  les  violences. 

Je  vous  remercie  et  vous  prie  de  compter  sur  ma 
gratitude  et  sur  mon  concours  le  plus  empressé. 
Votre  dévoué  concitoyen, 

E.  SPULLER, 
Député  du  3°  arrondissement, 

En  ajoutant  à  ces  lettres  significatives  les 
consentements  déjà  publiés  et  diverses  adhésions 
verbales,  le  Comité  de  la  statue  de  Béranger  se 
trouve  ainsi  composé  : 

VICTOR    HUGO,   Président  d'honneur, 

MM.  Edmond  Aiiout,  président  de  la  Société  des 
gens  de  lettres; 

Paul  Avenel,  président  de  la  Société  des 
auteurs  et  compositeurs  dé  musique  ; 

Eugène  Baillet,  chansonnier; 

Paul  Boiteau,  publiciste  ; 

Bouffé,  artiste  dramatique  ; 

Paul  Burani,  chansonnier; 

Casïagnary,  homme  de  lettres; 

Champeleury,  homme  de  lettres  ; 

Jules  Claretie,  homme  de  lettres  ; 

Ernest  Chebroux,  président  de  la  Lice 
Chansonnière; 

Cléray,  conseiller  municipal  du  3°  arron- 
dissement ; 

Darloï,  conseiller  municipal  du  3°  arron- 
dissement; 

Delattre,  avocat  à  la  Cour  d'appel; 

Uumont,  directeur  du  Télégraphe  ; 

J.  EcHALiÉ,  chansonnier; 

D'  Fkére,  conseiller  municipal  du  3"  arron- 
dissement; 

Emile  de  Gir.vrdin,  député  de  Paris,  directeur 
de  La  France; 

A.  HÉBRARD,  sénateur,  directeur  du  Temps  ; 

Eugène  Imbert,  chansonnier  ; 

Ph.  Jourde,  directeur  du  Siècle  ; 

L. -Henry'  Lecomte,  rédacteur  en  chef  de 
La  Chanson; 

Alfred  Leconte,  député  de  l'Indre  ; 

Ernest  Legouvé,  de  l'Académie  Française  ; 

Lesueur,  de  l'Institut,  membre  du  Caveau; 

Levr.aud,  médecin; 

Edmond  Magnier,  directeur  de  l'Evénement; 

Henri  Martin,  sénateur,  de  l'Académie 
Française  ; 

Mignet,  de  l'Académie  Française; 

MuR.AT,  conseiller  municipal  du  3"  arron- 
dissement ; 

GusT.o'E  Nadaud,  chansonnier  ; 

A.  Patay,  directeur  de  La  Chanson; 

René  Ponsard,  chansonnier  ; 

Tony  Révillon,  homme  de  lettres; 

Spuller,  député  du  3°  arrondissement; 

PierreVéron,  rédacteur  en  chef  duCAwwari'/ 

Charles  Vincent,  président  du  Caveau. 


136 


LA  CHANSON 


Dans  une  réunion  plénière,  tenue  le  13  février 
chez  M.  Murât,  le  Comité  a  été  définitivement 
constitué  comme  suit  : 

Président  d'honneur,  VICTOR  HUGO; 

Président,  Spuller; 

Vice- Présidents ,    Edmond    About,    Ernest 

Legouvé ; 
Trésorier,  Murât; 
Secrétaire,  L. -Henry  Lecomte. 

Commission  executive  :  Paul  Avenel,  Ernest 
Chebroux,  Cléray,  Darlot,  Frère,  Lesueur, 
Charles  Vlncent. 

L'Assemblée^  en  outre,  a  fixé  au  1"  mars 
l'ouverture  de  la  souscription  publique. 


Il  ne  peut  exister  aucune  équivoque  sur  la 
raison  et  le  but  de  notre  œuvre. 

Béranger  est  une  gloire  de  la  France. 

Paris  où  il  naquit,  où  il  grandit,  où  il  mourut, 
Paris  lui  doit  une  statue. 

Cette  statue,  placée  dans  le  jardin  du  Temple, 
sera  solennellement  inaugurée  le  19  août  1880, 
centième  anniversaire  de  la  naissance  du  grand 
chansonnier. 

Notre  appel  s'adresse  à  tous  ceux  qui  se  sou- 
viennent que  Béranger,  pendant  sa  longue  vie, 
a  constamment  prêché  la  fraternité,  combattu 
le  despotisme,  détruit  les  préjugés,  flétri  l'hypo- 
crisie, chanté  les  succès  et  pleuré  les  malheurs 
de  la  patrie. 

La  Fi-ance  libre  a  pour  devoir  d'honorer  en 
Béranger  le  poète  de  génie,  le  grand  citoyen, 
le  vigoureux  porte-lumière. 


A  l'œuvre,  vous  dont  nous  avons  dû  jusqu'ici 
modérer  l'ardeur.  Tribuns,  littérateurs,  soldats, 
de  la  pensée,  parlez,  chantez,  combattez  main- 
tenant pour  l'apothéose  du  maître  !  Il  la  faut 
éclatante,  superbe,  digne  de  notre  pays  recon- 
naissant. 

L.-Henry  LECOMTE. 


Les  souscriptions  seront  reçues,  à  -partir  du 
1"  mars,  chez  M.  Murât,  conseiller  municipal, 
rue  des  Archives,  6  (rive  droite). 

Et  chez  M .  A.  Patay^  éditeur,  rue  Bonaparte,  1 8 
(rive  gauche). 

La  Chanson  donnera  la  liste  de  tous  les  journaux 
de  Paris  et  de  province  où  les  souscriptions  seront 
acceptées.  Elle  publiera  l'annonce  et  le  résultat 
de  toute  représentation,  matinée,  conférence, 
organisée  au  profit  de  la  statue. 
■•  Adresser  toutes  les  communications  au  Secré- 
tariat du  Comité  de  la  statue  de  Béranger, 
rue  Bonaparte,  18. 


A    LA    CHANSON  (-) 


Quantum  mutato... 

Tu  n'es  plus,  ô  chanson!  cette  fille  courue 
Dont  le  père  ignoré  déposa  dans  la  rue 

Le  modeste  berceau. 
Et  qui,  libre  prêtresse,  errant  de  place  en  place. 
Par  un  seul  de  ses  cris  clouait  la  populace 

Les  pieds  dans  le  ruisseau. 


Ce  n'est  plus  toi  la  muse  audacieuse  et  belle 
Qui,  portant  dans  son  âme  effrontément  rebelle 

Les  plus  mâles  fiertés, 
.Jadis,  semblait  former,  de  ses  deux  mains  brutales. 
Une  coupe  profonde  où  d'avides  Tantales 

Buvaient  les  libertés. 


Tu  n'es  plus  cette  femme  aux  mordantes  répliques 
Dont  l'accent  défiait  sur  les  places  publiques 

Les  clameurs  de  haro  ; 
Et  qui,  se  gaussant  bien  des  cuistres  de  collèges, 
Lacérait  les  nouveaux  et  les  vieux  privilèges 

Unguibus  et  rostro. 

Va,  tu  n'es  plus  la  fille  héroïque  et  fantasque 

Qui  s'envolant  joyeuse,  et  sans  tambour  de  basque. 

Ni  rustique  pipeau, 
Chantait  sur  son  chemin  l'hymne  de  la  patrie 
Et  portait,  comme  un  thyrse,  à  sa  main  aguerrie 

La  hampe  d'un  drapeau. 

Tu  traînes  sur  tes  pas  des  chaînes  qu'a  forgées 
La  peur  qui,  chaque  jour,  dans  tes  veines  figées 

Inocule  l'effroi  ; 
Et  tu  trembles  qu'un  sbire,  alors,  ne  te  garotte... 
Quand  il  est  moins  aisé  de  briser  ta  marotte 

Que  le  sceptre  d'un  roi... 

Lasse  des  Philistins  qui  sonnent  ta  victoire. 
Tu  chantes  aujourd'hui  devant  un  auditoire 

Digne  de  tes  caquets, 
Car,  laissant  ton  public  à  ses  bocks  qu'il  déguste, 
Tu  t'en  vas  gargouiller  aux  oreilles  d'Auguste 

Tes  gammes  de  hoquets. 

Va,  tu  n'es  qu'une  inepte  et  lourde  ballerine 
N'ayant  rien  sous  le  crâne  et  rien  dans  la  poitrine, 

Ni  gaîté,  ni  sanglot, 
Et  qui,  froide  ou  cynique  au  milieu  des  orgies, 
Ne  fait  plus. éclater  sur  tes  lèvres  rougies    • 
Qu'un  rire  sans  grelot. 

René  PONSARD 


(•)  Cette  pièce  a  été  publiée  en  1868  dans  le  journal  le 
Nain  jaune.  Nous  en  rétablissons  le  texte  qui  avait  dû  subir 
quelques  modifications,  afin  de  paraître  indemne  devant  la 
censure  impériale.  A.  P. 


LA  CHANSON 


137 


LES    FILS     DU    SOLEIL 


Masiiine    de    DARCIEK   (*) 

Allegro  modp.rato 


Dans  les  mois-son?    et        les      ven  .  dan.ges        Nous  crio:  En-     fants. 
Moderato. 


ctsonfpè.pe  le   pain!     Voui    le     vin    er  son  fpi>    n-    le     pain! 


Fils  du  soleil  et  de  la  terre, 

De  ces  éternels  amoureux, 

Jean  Blé-Mûr,  Jean  Raisin,  son  frère, 

Sous  l'œil  d'en  haut  croissent  tous  deux. 

Pour  les  fêter  que  de  louanges! 

Toute  la  nature  en  gaité, 

Dans  les  moissons  et  les  vendanges. 

Nous  crie  :  —  «  Enfants,  prospérité  !  » 

Celui  dont  viennent  toutes  choses, 
Sur  nous  étend  sa  large  main. 
Relevons  donc  nos  fronts  moroses  : 
Voici  le  vin  et  son  frère  le  pain  ! 

Des  flancs  de  leur  robuste  mère, 
Tous  deux  à  peine  ils  sont  sortis. 
Que  dans  le  vent,  sous  le  tonnerre, 
Ils  portent  droit  bourgeons,  épis. 
Jean  Blé-Mûr  a  la  tête  blonde, 
Jean  Raisin  a  le  teint  vermeil  : 
Ils  s'en  vont  réjouir  le  monde 
Comme  leur  père,  le  Soleil. 

Celui  dont  viennent,  etc. 


Pour  Jean  Blé-Mûr,  pauvre,  on  se  damne, 
Riche,  on  donnerait  ses  trésors. 
Jean  Blé-Mûr,  c'est  la  sainte  manne 
Qui  nous  prend  faibles,  nous  rend  forts. 
Mais  Jean  Raisin,  c'est  l'espérance  ; 
Quand  sa  sève  monte  au  cerveau, 
Un  mirage  endort  la  souiTrance, 
Tout  s'anime  et  nous  semble  beau. 

Celui  dont  viennent,  etc. 

Allons,  travail,  fais  des  miracles, 
Et,  sur  tous,  répands  tes  bienfaits; 
Viens,  renversant  les  grands  obstacles. 
Nous  apporter  la  grande  paix. 
Qu'il  naisse  enfin,  le  jour  prospère 
Oii  l'homme  sera  toujours  sûr 
D'avoir  Jean  Raisin  dans  son  verre 
Et  sur  sa  table  Jean  Blé -Mûr. 

Celui  dont  viennent  toutes  choses, 
Sur  nous  étend  sa  large  main  ; 
Relevons  donc  nos  fronts  moroses  : 
Voici  le  vin  et  son  frère  le  pain  ! 

CHARLES  VINCENT. 


(')  L'accompagnement  se  trouve  chez  Gérard,  éditeur,  boulevard  des  Capucines,  12. 


138 


LA  CHANSON 


CL,AIRVILLE 

On  me  permettra  de  consacrer,  dans  ce  journal,  quelques 
lignes  à  un  homme  dont  tous,  ou  à  peu  près,  ont  applaudi 
les  œuM-es.  Si  Clairville  fut  l'auleur  dramatique  que  La 
France  appelait  avec  raison  le  plus  fécond  et  le  plus  spirituel 
de  nos  vaudevillistes  français,  il  fut  aussi  mon  compagnon  et 
mon  aîné  à  ce  Caveau  que  j'ai  dû  présider  à  sa  place  l'autre 
soir,  et  c'est  comme  membi-e  de  cette  Compagnie  qu'on  me 
permettra  de  lui  rendre  ce  dernier  hommage. 

Notre  Société  du  Caveau  est  tout  intime  ;  en  cela  elle 
convenait  particulièrement  à  Clairville,  qui,  malgré  ses 
nombreux  succès  au  théâtre,  était  resté  un  homme  modeste, 
presque  un  timide,  fuyant  le  monde, -et  ne  vivant,  en  dehors 
de  sa  famille,  qu'avec  ce  Caveau  auquel  il  ne  manquait 
jamais.  On  peut  dire  hardiment  qu'il  était  plus  fier  des  succès 
obtenus  parmi  nous  que  de  ceux  plus  retentissants  de  la  scène 
qui  lui  valurent  la  fortune  et  la  renommée. 

Le  Clairville  que  nous  pleurons  n'est  point  celui  que  le 
public  connaît,  et  do«t  les  refrains  populaires  sont  dans  tous 
les  souvenirs,  sinon  dans  toutes  les  bouches.  S'il  livrait  à  la 
foule  son  rire  large  et  parfois  un  peu  exhubéraut,  il  nous 
réservait  à  nous,  ses  amis,  le  meilleur  de  lui-même,  ses 
plus  délicates  productions. 

Ce  grand  amuseur,  Clairville,  et  cela  étonnera  beaucoup 
de  ceux  qui  liront  ses  chansons  du  Caveau,  était,  dans  toute 
l'acceplion  du  mol,  un  penseur  souvent  original  et  parfois 
profond.  J'en  ai  pour  témoins,  parmi  les  productions  que  sa 
verve  inépuisable  nous  permettait  d'entendre  mensuellement  : 
Dieu,  Les  Astres,  La  Mort,  Métaphysique,  Dans  une  gotUte 
d'eau,  etc.,  car  s'il  a  fait  six  cents  pièces  de  théâtre,  il  a 
fait  au  moins  autant  de  chansons. 

Ce  joyeux  chansonnier  que  l'on  a  pu,  avec  raison,  com- 
pai'er  à  Désaugiers,  était  non-seulement  un  philosophe 
aimable,  mais  encore  un  rêveur  préoccupé  des  plus  abstraits 
problèmes.  Oui,  ce  qui  sur-prcndra  surtout  ceux  qui  ont 
signalé  quelques  irrégularités  dans  son  style,  c'est  qu'ils 
poui'ront  constaler  dans  son  oeuvre  lyrique  des  études  où  la 
profondeur  des  idées  a  su  revêtir  une  forme  à  la  fois 
correcte,  saisissante  et  colorée;  et  cela  malgré  cette  igno- 
rance qu'il  a  raillée  lui-même  dans  une  chatison,  hélas  !  de 
circonstance  aujourd'hui,  et  dont  voici  le  dernier  couplet  : 

Enfin,  quand  j'aurai  fermé  l'œil. 
Amis,  il  faut,  sur  mon  cercueil, 

Mettre  cette  épitapîie  ; 
«  Ci-ïi'it  un  célèbre  écrivain, 
Qui,  de  son  ig;norance  vain. 

Fut  un  vaurien 

Qui  ne  sut  rien. 
Pas  même  l'orthograplie! 

Clairville  était  un  collaborateur  vraiment  fraternel,  émet- 
tant des  idées  que  j'ai  personnellement  quelquefois  com- 
battues, mais  qu'il  n'a  jamais  eu  la  prétention  d'imposer. 
Amoureux  de  la  controverse,  il  l'acceptait  avec  plaisir;  au 
besoin  il  la  provoquait,  et  toujours  avec  cette  bonne  humeur 
intarissable  qui  formait  le  fond  de  son  espi-it  fertile  et 
sincère. 

Je  ne  sais  s'il  nous  sera  donné  de  lire  le  travail  qu'il 
préparait  depuis  longtemps  sur  les  transformations  ([ue, 
selon  lui,  doit  subir  l'humanité  ;  toutefois,  puisqu'il  était  de 
ceux  qui  ne  croient  pas  à  l'anéantissement  complet  de 
l'individualité  humaine,  ce  n'est  pas  adieu  que  je  veux  lui 
dire  ici,  mais  simplement  :  au  revoir. 


Tout  le  Paris  artistique  a  voulu  accompagner  cet  homme 
tant  aimé  au  cimetière  de  Montmartre.  Trois  discours  ont 
été  prononcés  sur  sa  tombe  :  l'un  au  nom  de  la  Société 
des  auteurs  dramatiques,  par  M.  de  Najac;  un  autre  par 
M.  Burani,  au  nom  de  la  Société  des  compositeurs;  le  troi- 
sième enfin,  par  Eugène  Grangiî,  au  nom  du  Caveau.  Ce 
dernier,  collaborateur  et  ami  depuis  plus  de  vingt  ans  du 
regretté  Clairville,  a  plus  particulièrement  ému  l'assistance  ; 
c'est  que  l'orateur,  gagné  lui-même  par  l'émotion,  a  trouvé 
de  ces  expressions  chaudes  et  convaincues  qui  viennent  du 
cœur. 

Charles  VINCENT. 


La  Chanson  au  Théâtre 


Notre  joui'nal  vient  d'avoir  l'honneur  d'être  publiquement 
célébré  dans  des  couplets  sympathiques.  C'est  à  Constant 
Saclé,  digue  fils  de  notre  vieux  camarade  Aristide,  que  nous 
sommes  redevables  de  cette  amabilité  imprévue. 

Constant  Saclé  n'en  est  pas  à  son  début  poétique.  On  a 
publié  déjà  —  nous  et  d'autres  —  plus  d'un  couplet  signé 
de  son  nom.  En  ce  moment  même  Yelly  lui  chante,  à  l'Eldo- 
rado :  Ça  vkndra  toujours  assez  tût  (musique  de  Jules 
Jacob,  éditée  par-  Michaëlis),  et  Chaillier  interprète  de  lui, 
au  Concert-Parisien  :  Comm'  si  c'  n'était  pas  naturel 
(musique  de  Chaillier,  éditée  par  Beauvois)  —  deux  produc- 
tions que  nous  recomnwndons  aux  artistes  de  sociétés 
lyriques.  Mais  il  n'avait  pas  encore  essayé  d'œuvre  d'aussi 
longue  haleine  que  celle  dont  nous  voulons  parler  aujour- 
d'hui. Elle  s'intitule  :  Faut  pas  blaguer  nos  p'tit's  Folies, 
fantaisie-revue  en  trois  tableaux,  et  se  joue,  depuis  le 
1er  février,  aux  Folies  de  BellevUle. 

Les  revues,  on  le  sait,  sont  coulées  dans  un  moule  inva- 
riable. Un  compère  plus  ou  moins  bien  choisi,  y  feint  une 
curiosité  dont  l'auteur  prend  prétexte  pour  montrer  ou 
raconter  les  nouveautés  de  l'année.  Respectueux  des  tradi- 
tions. Constant  Saclé  ne  s'est  point  préoccupé  d'inventer 
un  cadre,  mais,  le  cadre  banal  accepté,  il  s'est  ingénié  à 
le  remplir  de  détails  originaux  et  gais. 

Notre  Chanson,  personnifiée  par  la  robuste  Jl"'=  Amélie 
Veuillet,  trace  elle-même,  au  premier  tableau,  son  portrait 
flatté  : 

Air  de  la    Vigneronne  de  Suresnes. 


Je  suis  de  la  galté  française 
Le  seul,  unique  rejeton  ; 
En  me  lisant  Ton  est  bien  aise, 
Bref,  on  me  nomme  La  Chanson. 
Pal-  les  amours,  la  ijaudriole, 
Je  sais  charmer  les  plébéiens, 
Toujours  ma  nmse  les  console; 
Pour  plaire,  j'ai  tous  les  moyens... 

Je  suis  la  chanson  populaire, 

Et,  dans  ma  franche  gaité, 

Je  chante  à  tous,  d'une  voix  fière, 

La  paix,  l'amour,  la  liberté. 

Tin,  tin,  tin,  dans  mon  joyeux  journal. 

Bien  gaulois,  l'esprit  n'est  point  banal, 

A  tous,  je  sais  plaire 

I-'ar  mon  savoir-faire, 

A  tous,  je  sais  plaire, 
Je  suis  la  chanson  populaire. 

Sur  ce,  le  compère  affriolé  déclare  s'abonner  à  «  l'organe 
des  meilleurs  chansonniers  de  notre  époque  »  et  la  commère 
clôt  la  scène  en  adressant  à  la  chanson  française  des 
conseils  comme  ceux-ci  : 

Chanson,  dans  ton  gai  délire. 
Fais  comme  au  bon  temps  jadis 
Renaître  le  joyeux  rire. 
C'est  trop  de  De  Prûfundis! 

Ouvre-nous  grandes  les  portes 
Quand  le  chagrin  est  au  cœur; 
Nos  âmes  sont  assez  fortes 
Pour-  soulager  la  douleur. 

De  tes  gerbes  d'étincelles 

Fais  jaillir  la  vérité,  _ 

Par  ses  fécondes  parcelles 

Eclaire  l'humanité!... 

La  place  nous  manque  pour  citer  tous  ces  couplets  que, 
sans  doute,  l'auteur  publiera  séparément.  Nous  n'avons  pas 
d'ailleurs  à  signaler  les  seuls  passages  qui  nous  intéressent 
personnellement;  beaucoup  d'autres  méritent  une  appro- 
bation complète,  et  nous  contresignons  de  grand  cœur  le 
succès  du  jeune  chansonnier. 

La'  direction  des  Folies-Belleville  a  monté  la  revue  de 
Constant  Saclé  avec  un  soin  intelligent.  L'apothéose  surtout, 
couronnée  par  la  Marseillaise,  est  saisissante.  Enfin 
M"e  Eugénie  Robert  dit  avec  goût  et  verve  les  refrains  du 
rôle  principal,  et  M.  Richard  Meiners  a  écrit,  pour  les 
couplets  A  la  Chanson  et  pour  la  Ronde  Bellevilloise,  deux 
airs  charmants  qui  feront  le  tour  des  concerts  parisiens. 

H.  L. 


LA  CHANSON 


139 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU   7  FÉVRIER  1879. 


La  dernière  réunion  du  Caveau  s'est  ressentie  de 
la  maladie  de  Clairville,  son  président.  Une  sorte  de 
tristesse  régnait  parmi  les  convives,  et  l'issue  fatale, 
qui  ne  s'est  pas  faitattendre  longtemps,  adonné  raison 
aux  préoccupations  sympathiques  de  l'auditoire. 

Ce  comple-rendu  n'est  pas  une  place  bien  choisie 
pour  apprécier  Clairville  comme  auteur  dramatique, 
ni  même  comme  chansonnier.  An  théâtre,  il  faisait 
surtout  du  métier,  et  sa  plume  infatigable  ne  connais- 
sait pas  le  repos.  Comme  chansonnier,  une  facilité 
parfois  exagérée,  une  recherche  de  la  diificulté  au 
point  de  vue  de  la  forme ,  un  esprit  satirique 
poursuivant  de  sa  moquei'ie  tout  ce  qui  essayait  de 
sortir  de  la  banalité,  un  grand  dédain  de  la  nouveauté, 
la  peur  du  progrès,  tels  étaient  les  traits  les  plus 
saillants  de  son  originalité.  Caractère  affable,  au 
reste,  joyeux  compagnon  à  l'occasion,  obligeant 
même,  voilà  pour  l'homme. 

Faute  d'un  moine,  dit  le  proverbe. . .  Vous  savez 
le  reste.  Le  Caveau  n'en  a  pas  moins  fourni  à  notre 
chronique  sa  moisson  mensuelle  de  productions 
graves  et  douces,  plaisantes  et  sévères,  pour  parler 
comme  Despréaux.  Il  est  heureux  que  je  n'aie  pas  à 
décerner  de  prix,  car  je  serais  bien  embarrassé.  Le 
mérite  général,  la  variété  des  sujets,  voilà  doux 
causes  qui  m'interdiraient  tout  classement. 

Commençons  toutefois  par  l'actualité.  Le  Bom- 
hivore,  sous  ce  titre,  Fouach'3  a  rimé  quelques 
couplets  ultra-comiques  inspirés  d'un  article  du 
Petit  farisien  :  il  s'agit  d'un  instrument  à  vent  qui 
rend  inutile  l'usage  des  fameux  haricots  des  princes. 
La  loterie  nationale,  qui  vient  enfin  de  se  terminer, 
et  dont  nous  n'entendrons  plus  guère  parler  main- 
tenant que  jusqu'au  mois  de  mai  prochain,  a  fait 
naître  deux  chansons.  Si  j'  gagnais  V  gros  lot,  du 
même  Fouache,  et  le  Gros  lot,  du  farouche  critique 
dont  vous  lisez  en  ce  moment  la  prose.  Un  couplet, 
qui  n'est  peut-être  pas  le  meilleur,  a  été  particuliè- 
rement goûté  ;  le  voici  : 

La  révolution  dernière, 
Disons  mieux  :  l'évolution, 
Va-t-elle  tirer  fie  l'ornière 
Notre  docile  nation? 
Perdant  un  soldat  trop.  . .  bibliriue 
Avant  la  fin  de  son  rouleau. 
Puisqu'elle  veut  la  République, 
La  France  a  gagné  le  gros  lot. 

Saint-Germain  s'est  cru  obligé  de  crever  à  coups 
de  chiquenaudes  les  bouffissures  de  M.  Zola.  Beau- 
coup d'honneur  pour  le  style  prétendu  nouveau  de 
l'Assommoir,  d'être  parodié  dans  la  langue  des  dieux. 
O  Delille  !  Enfin,  Echalié  a  réuni  dans  ce  refrain  : 
Nous  tenons  la  République,  les  désirs  et  les  espérances 
d'une  foule  de  bons  citoyens. 

Charles  Vincent,  que  les  circonstances  obligeaient 
ex  abrupto  à  présider,  a  dû  brocher  quelques  vers 
faciles  en  guise  de  toast,  puis  il  a  chanté  le  mois  de 
Février,  idylle  autant  que  chanson,  où  les  oiseaux 
des  bois  donnent  la  réplique  aux  cris  des  masques. 
Je  doute  que  l'ami  Vincent  trouve  mieux  pour  la 
suite  des  mois,  qu'il  doit  continuer.  Le  mois  ou  je  suis 
ne,  qu'il  a  dit  ensuite,  est  connu  de  nos  lecteurs. 
Voir  notre  premier  numéro. 


Piesse  a  pincé  la  corde  grave  :  Je  m'y  laisse 
toujours  prendre,  chanson  pleine  de  cœur  et  de 
finesse.  Jullien  aussi  :  son  Zidore  a  beaucoup  de 
couleur,  et  la  fin,  si  morale,  est  heureusement 
amenée.  Sa  critique  de  VEncre  de  Ripault  est  très- 
ingénieuse,  et  cette  encre,  si  blanche  qu'elle  en  est 
comme  invisible,  lui  a  fourni  des  couplets  inattendus. 

Ripault,  malgré  sa  mauvaise  encre,  fait  de  bons 
vers,  témoin  La  Vingtième  année,  mélange  de  regrets 
et  de  joyeux  souvenii's.  Les  regrets,  c'est  aujour- 
d'hui le  lot  de  Lesueur  :  la  terre  première,  le  paradis, 
à  la  bonne  heure  !  mais  la  sphère  où  nous  vivons 
aujourd'hui,  n'est  plus  qu'un  taudis.  Remarquez 
qu'il  n'en  croit  rien,  le  gai  vieillard,  mais  il  le 
prouve. 

Fénée  tient  à  montrer  qu'il  a  deux  cordes  à  sa 
lyre  :  autant  son  Temps  perdu  a  d'entrain,  autant 
son  Capital  a  de  vigueur;  la  toute-puissance  de  l'or 
s'étale  là  dans  toute  sa  beauté.  V  Enfer  et  le  Paradis, 
de  M.  Boussaton,  un  visiteur,-  n'est  qu'une  courte 
boutade.  Montariol,  dans  La  Hausse  et  la  Baisse,- 
a  dessiné  plusieurs  croquis  très-variés  et  très- 
piquants.  Tiroirs,  mais  bien  remplis. 

Que  d'éloges!  allez-vous  dire,  cher  lecteur.  Quoi, 
pas  une  critique?  Il  faut  bien  finir  parla  :  je  me 
bornerai  à  vous  dénoncer,  sans  le  nommer,  l'auteur 
qui,  dans  une  des  chansons  dites  l'autre  soir,  a  pris 
le  mot  ckrysanthème  pour  un  mot  féminin. 

EuG.   IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANQUET   DU   5  FÉVRIER  1879. 

Une  indisposition  du  rédacteur  en  chef  de  La 
Clianson  l'ayant  empêché  d'assister  au  dernier  ban- 
quet de  la  Lice,  nous  dresserons  pour  nos  lecteurs 
nn  simple  procès-verbal  de  la  soirée. 

Le  président  Jules  Echalié  a  fait  dans  son  toast 
allusion  aux  événements  politiques  qui  venaient 
de  s'accomplir.  Adeline  a  dit.  pour  Achille  Caron, 
une  chanson  toute  d'actualité,  le  Curé  du  Vésinet, 
écrite  sur  un  ton  folâtre,  qu'ont  également  employé 
Jules  Jouy  pour  énumérer  les  Choses  qu'on  n"  voit 
pas  souvent,  et  M.  Bmlez  pour  raconter  l'Histoire 
de  ma  petite  chienne.  M.  Quesnel  a  bien  chanté  Ma 
Voisine  de  Vichy,  production  réussie,  et  M.  Paul 
Avenel  a  présenté  avec  bonheur  une  œuvre  nouvelle, 
France  et  République,  dont  M.  Jules  Grévy  a  bien 
voulu  accepter  la  dédicace  et  qui  vient  de  paraître 
chez  l'éditeur  Michaëlis.  On  trouvera  dans  le  présent 
numéro  le  Cœur  ou  les  Yeux,  de  M.  Alfred  Leconte, 
clianson  sérieuse  qu'on  a  très-bien  accueillie,  de 
même  que  le  Dernier  Homme  et  la  Pianomanie,  de 
Henri  Nadot,  Noël  le  Sans-souci,  de  Vatinel,  les 
Immortelles,  de  Ryon,  le  Suffrage  Universel,  de  Rubois, 
Une  Promenade  à  CUff-Rouse,  de  Flachat,  et  De  ma 
Fenêtre,  que  notre  collaborateur  A.  Leroy  a  chantée 
un  peu  timidement  et  qui  sera  publiée  incessamment 
dans  notre  journal. 

En  résumé,  nombre  de  chansons  écoutées  avec 
plaisir,  mais  dont  la  meilleure  est  assurément  le 
Paradis  des  buveurs,  paroles  et  musique  de  Georges 
Baillet,  un  bon  chansonnier  du  présent,  un  maître 
de  l'avenir. 

X. 


140 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


A  coup  sûr,  les  vieux  goguettiers,  s'ils  fréquentent 
encore  les  Sociétés  (chose  dont  nous  doutons),  doivent 
trouver  bien  du  changement  depuis  que  la  sonnette 
a  remplacé  le  maillet,  que  le  piano  a  tué  les  refrains 
en  chœur,  et  fait  substituer  la  chanson  du  café-concert 
aux  refrains  grivois  et  malicieux  tout  pétillants  de 
verve  et  qui  laissaient  au  moins  quelque  chose  dans 
l'esprit.  Ces  réflexions  me  viennent  tout  naturelle- 
ment après  avoir  assisté  au  dernier  banquet  de  la 
Lice  Chansonnière,  ou  Henri  Nadot,  dans  une  chanson 
pleine  d'humour,  a  spirituellement  raillé  le  piano 
(ceci  tuera  cela).  C'est  la  loi  commune.  De  même 
que  le  piano  a  tué  la  goguette,  et  par  contre-coup, 
les  goguettiers-chansonniers  qui  les  fréquentaient, 
de  même  aussi  la  danse  tuera  les  Sociétés  lyriques. 
Nous  avons  essayé,  dans  feu  l'Indépenilant,  de 
montrer  les  dangers  de  cette  tendance  qui  malheu- 
reusement se  généralise  de  plus  en  plus.  Nous 
croyons  de  notre  devoir  de  crier  avec  conviction  : 
«  Casse-coup;  vous  êtes  dans  une  mauvaise  voie; 
arrêtez-vous,  il  est  encore  temps.  Comment  voulez- 
vous  que  moi,  chroniqueur,  j'écrive,  par  exemple  : 
M""  X  fait  le  cavalier  seul  dans  la  perfection, 
mais  ne  sait  pas  polker,  ou  bien  M.  Z,  tout  essoufflé 
de  la  dernière  valse,  n'a  fait  que  peu  d'effet  dans  la 
Main  de  ma  sœur,  créée  àl'Eldoi.'ado  par  Perrin,  qui 
la  chante  bien  mieux  que  lui...  »  Voilà  pourtant  où 
j'en  serais  réduit  si  les  Sociétés  n'y  prennent  garde. 
A  bon  entendeur  salut. 

Le  bénéfice  de  M.  Mortreuil,  à  la  Samaritaine, 
a  été  des  plus  brillants.  —  Parmi  les  artistes  qui 
sont  venus  prêter  leur  concours,  nous  avons  tout 
particulièrement  remarqué  M.  Rayrial,  qu'un  de  nos 
grands  concerts  s'attachera  incessamment. 

A.  LEROY. 

La  société  orphéonique  la  «  Lyre  Méridionale  » 
qui  a  pris  la  bonne  habitude  de  donner  un  concert 
mensuel,  nous  a  convié  à  celui  qui  avait  lieu  le  4  de 
ce  mois,  et  nous  ne  pouvons  que  la  remercier  de  son 
aimable  invitation.  Cette  société,  à  peine  sortie 
encore  de  la  période  d'éclosion,  ne  peut  certainement 
que  prospérer,  grâce  à  la  direction  si  habile  de  son 
chef,  M.  Lambert,  et  aux  merveilleux  éléments  qui  la 
composent.  Les  voix  remarquables  y  abondent,  et 
l'on  peut,  d'ores  et  déjà,  lui  prédire  qu'elle  aura 
conquis,  avant  peu,  une  place  des  plus  honorables 
parmi  les  sociétés  chorales  dont  Paris  s'enorgueillit. 

Nous  regrettons  vivement  que  le  manque  d'espace 
ne  nous  permette  pas  de  citer  tous  les  membres  de 
la  Lyre  Méridionale  qui  se  sont  fait  entendre,  mais 
nous  ne  nous  pardonnerions  pas  de  passer  sous  silence 
M.  Pelouze,  président  de  la  société,  qui  a  interprété 
avec  une  voix  de  ténor  qui  ne  serait  pas  déplacée  à 
notre  Académie  Nationale  de  musique ,  un  chant 
patriotique  intitulé  :  Strophes  à  la  France.  Ce  chant, 
dû  pour  les  paroles  à  M.  Achille  Caron,  membre  de 
la  Lice  Chansonnière,  et  dont  la  musique,  si  pleine 
d'ampleur,  a  été  écrite  par  M.  Albert  Vernaelde, 
jeune  compositeur  plein  d'avenir,  a  été  créé,  si  nous 
ne  nous  trompons,  au  Grand  Concert  Parisien  par 
la  diva .  populaire,  M"""  Bordas.  11  y  avait  certes 
quelque  témérité  à  s'attaquer  à  un  morceau  chanté 
par  l'éminente  artiste,  mais  les  bravos  enthousiastes 
du  public  ont  prouvé  à  M.  Pelouze  l'éternelle  vérité 
du  proverbe  :  audaces  fortuna  juvat. 


Nous  devons  aussi  mentionner  le  chant  rustique 
intitulé  :  Mes  longs  blés  d^or,  que  nous  a  chanté 
M,  Albert  Vernaelde,  qui  en  estl' auteur,  tant  pour  les 
paroles  que  pour  )a  musique.  M.  Albert  Vernaelde 
qui,  comme  accompagnateur  de  la  société,  a  donné 
des  preuves  de  son  talent  de  pianiste,  a  tenu  à  prouver 
qu'il  avait  droit  aussi  de  réclamer  sa  place  parmi  les 
poètes. 

Mais  il  faut  nous  arrêter,  et  nous  ne  pouvons  plus 
que  citer,  au  hasard  de  la  plume  :  M"°  Flochet,  et 
MM.  Ségnier,  Coch,  Barriel,  Lacombe,  Andral,  etc. 

MM.  Lucciani  et  Marie  ont  fait  preuve,  comme 
comiques,  d'un  talent  réel,  M.  Labor  aîné  s'est  fait 
remarquer  dans  une  chanson  languedocienne,  et 
M.  Labor  jeune  a  mérité  d'être  applaudi,  tant  pour 
sa  magnifique  voix  que  pour  l'expression  mise  par 
lui  dans  son  interprétation  des  Rameaux,  de  Faure. 

La  soirée  s'est  terminée  par  une  audition  de  la 
Toulousaine,  chœur  languedocien,  avec  soli  par 
MM.  Pelouze  et  Barriel. 

Encore  une  fois,  merci  à  nos  amphitryons. 

La  Société  chorale  de  la  Villette  a  donné  son 
banquet  et  son  bal  annuels  le  l"'  février,  dans  les 
salons  de  l'Elysée-Ménilmontant.  La  réunion  était 
présidée  par  M.  AUain-Targé,  député  de  l'arrondis- 
sement. Au  dessert,  M.  Laurent  de  Rillé  a  porté  un 
toastausympathiquedirecteurduCAoraZ.M.Huberty, 
et,  dans  une  brillante  improvisation,  l'éminent  com- 
positeur a  fait  ressortir  l'œuvre  bienfaisante  et 
moralisatrice  de  la  chanson,  porte-voix  populaire  de 
toutes  les  grandes  et  nobles  pensées. 

Forcé  de  se  rendre  à  la  reprise  de  Babiole,  aux 
Bouffes,  M.  Laurent  de  Rillé  n'a  pu  assister  au  bal, 
qui  a  été  très-brillant  ;  on  s'est  séparé  à  6  heures  du 
matin,  emportant  de  joyeux  souvenirs. 

L.  R. 


La  société  des  Enfants  de  la  Seine  a  donné, 
le  2  février,  sa  troisième  grande  soirée  lyrique  et 
dramatique. 

Trois  pièces  en  un  acte  et  divers  intermèdes  com- 
posaient le  programme.  Un  Mari  dans  les  Petites- 
Affiches,  amusante  comédie  de  Jouhaud,  a  fourni  à 
M.  Charles  l'occasion  de  remplir  trois  rôles  de  genres 
différents;  peut-être  a-t-il  un  peu  chargé,  surtout 
en  soldat  vieux  buveur.  M.  Emmanuel  ne  possédait 
pas  assez  son  personnage ,  mais  M""  Blanche  et 
Hélène  ont  été  parfaites  dans  les  rôles  féminins.  Les 
Jurons  de  Cadillac  ont  fait  applaudir  M.  Gaston  et 
M"°  Hélène.  Dans  Un  Mariage  au  gros  sel,  M.  Perrot 
a  joué,  comme  toujours,  en  comédien  consommé. 
M.  E.  Kock,  dont  la  voix  est  agréable,  semblait 
éprouver  une  vive  émotion  ;  de  l'aplomb,  M.  Kock, 
c'est  la  seule  chose  qui  vous  manque.  M"°  Eugénie  a 
été  remarquable  comme  diction  et  comme  chant. 

Diverses  choses  ont,  ensuite,  été  chantées. 
M.  Perrot,  dans  Y  a  pas  que  moi,  a  su  placer  dans 
chaque  couplet  le  nom  d'un  sociétaire  ;  M""  Victoria 
a  bien  dit  les  Premiers  Pas;  M.  Mesmin-Luo  a  exécuté 
un  solo  de  violon  avec  un  talent  réel.  N'oublions  pas 
M.  Albert,  pianiste  de  la  société,  accompagnateur 
d'un  vrai  mérite.  L'habile  président  des  Enfants  de 
la  Seine,  M.  Cantarel,  et  ses  visiteurs  garderont  un 
bon  souvenir  de  cette  soirée.  A.  P. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2'  AÎStNEE.  —  N»  15. 


1"  MARS  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Sevue  Bi -Mensuelle 

ARCHIVES    DE     LA    CHANSON 

ÉCHO   DES    SOCIÉTÉS  LÏRIQ€ES 

Paraissant  le  1"  &  le  1 6  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.   LEROY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  k  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois 2fr.50 

Départ».  6  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3      80 


SOMMAIRE  :  Pour  Déranger  (l.-henry  lecomte).  —  Etudes  sur  /es  Chants  étrangers  (p.-e.  érard).  —  Le  Cœur  ou  tes  Yeux 
(ALFRED  leconte).  —  Nous  tenoHS  la  République  (j.  échai-iè).  —  Petit  et  Grand  (léopold  édarras).  —  Le  Bal  et  la 
Guillotine  (oustave  leroy).  —  Gustave  Leroy  (eugêne  baillet).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  1£roy,  adrien  s., 

I-ROSPER  TIBIA,  L.   R  ). 

POUR     BÉRANGER 


La  souscription  qui  doit  payer  la  statue  de 
Béranger  s'ouvre  aujourd'hui  dans  toute  la 
France.  Son  succès  ne  peut  faire  doute  ;  la  mé- 
moire de  l'illustre  chansonnier,  vivante  parmi  les 
lettrés  et  dans  le  peuple^  sortira  plus  grande 
encore  de  l'épreuve  qui  commence.  Nous  en  avons 
pour  garants  les  nombreux  témoignages  de  sym- 
pathie qui  nous  arrivent,  entre  lesquels  nous 
distinguons  cette  lettre  précieuse  : 


Paris,  le  25  février  1S70. 


Monsieur, 


Diverses  circonstances,  fort  naturelles  chez  un 
vieillard  malade,  m'ont  empêché  de  vous  répondre. 
D'ailleurs ,  confiné  dans  ma  chambre  et  presque 
cloué  sur  mon  fauteuil,  je  n'avais  à  vous  donner 
qu'un  nom  qui  devient  de  plus  en  plus  inutile.  Je 
vous  remercie  de  m'avoir  envoyé  votre  numéro  du 
16  février,  où  je  lis  les  noms  des  membres  du  Comité. 

En  tout  état  de  cause,  je  suis  un  des  partisans  de 
la  statue  de  Béi-anger,  et  j'y  apporterai  certainement 
ma  contribution. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de    ma   haute 
considération, 

E.  LITTRÉ. 

On  nous  permettra  de  répondre  ici  aux  ques- 
tions nombreuses  qui  nous  ont  été  adressées. 

Nous  recommanderons  d'abord  aux  amis  de 
Béranger  le  mode  de  souscription  collective  ;  les 
gros  chiffres  ont  une  éloquence  iri'ésistible.  Tout 
Concert,  toute  Société  littéraire  ou  lyrique, 
pourrait  organiser  au  profit  de  l'œuvre  une 
représentation  spéciale.  En  ceci,  comme  en 
tout,  il  est  bon  de  prêcher  d'exemple.  La  Chanson 
donnera,  le  dimanche  13  avril,  au  théâtre  du 
Château-d'Eau,  une  matinée  exceptionnelle,  avec 
le  concours  d'un  orateur  éminent  et  des  prin- 
cipaux   artistes     de    Paris.     Nous    publierons 


incessamment,  à  ce  sujet,  les  plus  complets 
détails. 

Des  feuilles  de  souscription  seront  déposées 
chez  tous  les  meinljres  du  Comité,  et  distribuées, 
dans  les  bureaux  de  notre  journal,  aux  personnes 
qui  en  feront  la  demande.  Sur  ces  feuilles,  le 
souscripteur  inscrira  lui-même  son  nom  et  la 
somme  versée. 

Le  Comité  n'a  fixé  ni  minimum  ni  maximum 
de  versement.  L'œuvre  conserve  ainsi  son 
caractère  démocratique  ;  mais,  dans  ces  condi- 
tions, nous  ne  pouvons,  on  le  comprendra,  nous 
engager  à  publier  la  nomenclature  détaillée  des 
sommes  reçues.  Par  exception,  cependant,  La 
Chanson  donnera,  dans  son  numéro  prochain, 
la  liste  complète  des  souscriptions  versées  du 
1"  au  14  mars. 

Aux  renseignements  qui  précèdent  et  que  nous 
compléterons,  s'il  est  besoin,  par  des  lettres 
particulières,  nous  ajouterons  une  prière  instante. 

Le  numéro  14  de  La  Chanson  a  été,  dans 
l'intérêt  de  l'œuvre,  adressé  à  tous  les  journaux 
de  Paris  et  de  province.  Si  grande  que  soit  notre 
bonne  volonté,  il  nous  est  impossible  de  suivre  la 
totalité  de  ces  publications  pour  y  chercher  le 
résultat  de  notre  envoi.  Or,  nous  tenons  à  cons- 
tituer, pour  l'avenir,  des  archives  bien  complètes  ; 
nous  tenons  surtout  à  ne  pas  laisser  sans  réponse 
les  critiques  qui  pourraient  se  produire.  Que  les 
journalistes  veuillent  donc  bien  nous  adresser 
un  exemplaire  des  articles  nous  concernant,  et 
que  nos  amis  aient  l'obligeance  de  nous  les 
signaler,  où  qu'ils  se  trouvent.  Nous  ne  dédai- 
gnons aucun  concours  et  ne  redoutons  aucune 
polémique. 

L.  Henry  LECOMTE. 


142 


LA  CHANSON 


ÉTUDES  SUR  LES  CHANTS  ÉTRANGERS 

On  a  beaucoup  écrit  sur  les  chants  russes,  polonais, 
finlandais,  esthoniens,  etc.  La  plupart  des  livres  offerts 
au  public  n'ont  jamais  donné  la  note  réelle  de  ces 
chants.  Nous  qui  avons  vécu  en  Russie,  en  Pologne, 
en  Finlande,  et  sur  les  frontières  de' la  Laponie 
pendant  plus  de  trois  ans,  nous  entreprenons  de 
publier  à  cette  place  nue  série  d'études  véridiques 
et  impartiales.  Nous  avons  vu  et  entendu.  Nous 
donnerons  de  temps  en  temps,  dans  les  colonnes  de 
La  Chanson,  quelques  morceaux  de  musique  inédits 
recueillis  dans  les  traktirs  russes  et  polonais.  Nous 
nous  0  jcuperons  spécialement  de  la  chanson.  Aujour- 
d'hui, pour  notre  début,  nous  parlerons  de  Sigismond 
Krazinskj. 

Krazinsky  est  né  le  12  février  1811.  En  1830,  il 
était  en  Suisse,  où  il  publia  successivement  Agaj 
Khan,  Herman  Ladtslas,  etc.  En  1840,  il  prévoyait  la 
révolution  actuelle,  l'effondrement  de  la  vieille  société 
russe.  Dans  un  prochain  numéro,  nous  donnerons 
quelques  couplets  sur  ce  sujet.  Nous  trouvons  dans 
«  l'Aube  «  de  Krazinsky  une  chanson  que  notre  ami 
Antonovitch  Bialagoursky,  de  Varsovie,  a  mise  en 
musique.  En  voici  quelques  passages,  que  nous 
traduisons  : 

Ton  doux  son, 

0  chanson! 

Vœu  sincère 

Ou  chimère, 

Loin  du  sol 

Prend  son  vol! 

Dans  l'espace 

Le  son  passe 

Radieux! 

Sous  les  cieux 

Va  ma  lyre 

En  délire  ! 

Quelle  légèreté,  quelle  grâce  dans  ces  quelques 
vers  !  Krazinsky  ne  mérite-t-il  pas  le  titre  de  chan- 
sonnier-poète ? 

M.  Charles  de  Noire-Isle,  qui  a  publié  en  1875  un 
volume  sur  Krazinsky,  nous  a  traduit  les  poésies  du 
poète  polonais;  ses  chansons  peu  connues  sont  pour 
la  plupart  inédites  en  Pologne  et  surtout  en  France. 
Nous  avons  copié  celle-ci  dans  un  album  appartenant 
à  M.  le  comte  C.  de  Vilna  (*). 

Avez-vous  par  hasard 
Fixé  votre  re";ard 
Sur  celui  de  la  belle 
Qui,  comme  une  gazelle, 
Dès  que  vient  le  printemps 
Folâtre  dans  les  champs? 
C'est  Lisanska,  la  blonde 
Aux  yeux  bleus, 
Voguant  entre  le  monde 
Et  les  cieux  ! 

Retenant  votre  haleine, 
Auprès  de  la  fontaine 
Allez  bien  doucement. 
Alors  en  ce  moment. 
Du  blond  Phébus  la  flamme 
Réchauffera  votre  âme! 
C'est  Lisanska,  la  blonde 
Aux  yeux  bleus, 
Voguant  entre  le  monde 
Et  les  cieux  ! 

(•)  La  traduction  que  nous  donnons  ici  nous  force  à  modifier 
quelque  peu  le  tour  du  vers. 


Ici  la  feuille  était  déchirée  ;  nous  croyons  pourtant 
pouvoir  reconstruire  la  dernière  strophe  : 

Mais  si,  près  du  rivage, 
La  guettant  au  passage, 
Vous  marchez  dans  ses  pas. 
D'amour  ne  rêvez  pas  ; 
Car  cet  ange  qui  passe 
Est  d'argile  et  de  glace  ! 

(S'est  Lisanska,  la  blonde 
Aux  yeux  bleus. 
Voguant  entre  le  monde 
Et  les  cieux  ! 

Qu'on  nous  montre  une  chanson  comme  celle-ci, 
une  œuvre  de  nos  poètes  français  ayant  ce  cachet  et 
cette  originalité.  Il  y  a  dans  cette  chanson  un  souffle 
vraiment  national,  vraiment  polonais  :  la  mysticité 
et  le  positivisme  ! 

[A  suivre)  P.-E.  ERARD. 


LE     CŒUR     OU    LES    YEUX 

A  mes  amis  les  Chansonniers. 


Au  livre  de  la  vie  arrachant  chaque  jour 
Son  feuillet,  groupons-les  en  livre  de  mémoire 
Pour  y  lire  parfois  nos  chagrins,  notre  amour, 
Nos  actes  terre  à  terre  ou  nos  rêves  de  gloire. 
Le  pied  nous  cloue  au  sol  et  l'âme  monte  aux  cieux, 
Epurons  chaque  jour  cette  flamme  immortelle, 
Faisons  la  part  d  u  corps.  Mais  qui  vaut  mieux  pour  elle, 
Ce  qu'on  fait  pour  le  cœur,  ce  qu'on  fait  pour  les  yeux? 

Méditez  quelquefois  les  rêves  du  penseur 

Vous  qui  ne  cultivez  qu'un  côté  de  la  vie. 

Vous  qui  ne  savez  point,  en  cherchant  le  bonheur, 

Confier  votre  barque  au  vent  de  poésie. 

Ce  souffle  délicat  qui  rapproche  des  dieux 

Est  un  air  parfumé  qui  calme  et  qui  tempère  ; 

Il  donne  la  fraîcheur  aux  choses  de  la  terre, 

Il  est  doux  pour  le  cœur,  il  ne  dit  rien  aux  yeux. 

Le  temps  ride  nos  traits  et  la  tête  blanchit 

Et  les  3'eux  affaiblis  mènent  à  la  dérive. 

Tous  les  plaisirs  du  corps  le  temps  nous  les  ravit, 

Il  anoblit  le  cœur  pourvu  qu'on  le  cultive. 

Il  fixe  en  ses  replis  un  trésor  précieux. 

Des  pensers  grands  et  purs  et  cette  joie  extrême 

De  se  sentir  meilleur  et  qui  rend,  quand  on  aime, 

Tous  les  plaisirs  du  cœur  plus  doux  que  ceux  des  yeux. 

Nous  tous  qui,  chaque  mois,  en  de  folles  chansons 
Eparpillons  l'esprit  ou  semons  la  satire. 
Puisons  dans  notre  cœur  les  traits  que  nous  lançons. 
Ils  doivent  en  piquant  n'empêcher  point  de  rire. 
Quand  nous  nous  séparons  en  faisant  nos  adieux, 
En  nous  serrant  la  main  d'une  amicale  étreinte, 
L'esprit  se  sent  frappé  par  une  double  empreinte 
Pour  le  plaisir  du  cœur,  pour  le  plaisir  des  yeux. 

Dans  un  mois,  disons-nous,  sans  songer  que  la  mort 
Pourraitlnterposer  sa  faux  qui  nous  sépare  ; 
Elle  nous  clôt  les  yeux  :  la  tombe  est-elle  un  port 
Oit  l'âme  s'engloutit,  prend  son  vol  ou  s'égare? 
Mais  qui  soigne  son  cœur  de  l'âme  est  soucieux. 
Au  flambeau  des  vertus  il  puise  ses  lumières. 
Si  donc  la  mort  clora  pour  toujours  nos  paupières. 
Faisons  tout  pour  le  cœur  bien  plus  que  pour  les  yeux. 
Alfrbd  LECONTB. 


LA  CHANSON 


143 


NOUS  TENONS  LA  RÉPIBLIQUE 


Air.  :  La  Queue  emporte  lu  tête 

Jusqu'à  présent,  me  défiant 
Du  Sénat,  de  la  Présidence, 
On  me  voyait  qualifiant 
D'obsour  l'avenir  de  la  France; 
Mais  aux  cinq  et  trente  janvier, 
Finit  le  contraste  comique, 
Et  j'ose  aujourti'liui  m'écrier  : 
No\j^  tea©ns  'la  flépul»lique. 

Jadis  nos  rois,  quand  ils  tombaient. 
Faisaient  des  milliers  de  victimes. 
Et  leurs  successeurs  enjambaient 
Le  trône  par  dessus  des  crimes; 
De  nos  jours,  le  peuple  ravi. 
Se  dit  :  Quel  régime  magique  ! 
Voyez  Thiers,  Mac-Mahon,  Grévy  ! 
Nous  tenons  la  République. 

Nos  députés,  nos  sénateurs, 
Las  d'un  quotidien  voyage. 
Sans  crainte  de  leurs  électeurs 
Pour  Paris  vont  plier  bagage. 
Déjà  Gambetta,  l'homme  actif, 
Prévoyant  et  surtout  logique, 
S'installe  au  Corps  législatif  : 
Nous  tenons  la  République. 

Puis,  dans  nos  lois,  on  va  sévir 
Contre  les  ciiapitres  perfides. 
Désormais  l'on  verra  servir 
Tous  les  Français,  hommes  valides. 
Malgré  vos  airs  doux  et  béats. 
Pieux  jésuites,  sainte  clique, 
Vous  ferez  de  très-bons  soldats  : 
Nous  tenons  la  République. 

Sous  le  suffrage  universel. 
Chez  nous  plus  de  vaines  disputes, 
A  la  discorde  plus  d'autel 
Et  plus  de  fratricides  luttes  ; 
Relève  donc  ton  front  pâli. 
Pauvre  condamné  politique, 
Voici  le  pardon  et  l'oubli  : 
Nous  tenons  la  République. 

Sans  savoir  pourquoi  ni  comment. 
Nous  n'irons  plus  faire  la  guerre 
A  des  nations  qui,  vraiment, 
Plus  que  nous  ne  le  savaient  guère  ; 
Chez  les  autres  trouvant  tout  bien, 
Nous  n'irons  pas  mettre  au  Mexique 
Le  plus  petit  Maximilien  : 
Nous  tenons  la  République, 

Enfin,  tout  en  France  demain 
Aura  repris  une  autre  allure, 
Même  le  faubourg  Saint-Germain, 
Voulant  faire  bonne  figure 
Aux  Républicains,  ses  amis. 
Va  confier,  effort  stoïque. 
Tous  ses  capitaux  endormis  : 
Nous  tenons  la  République. 


Bref,  pour  atteindre  le  niveau 
Qu'établit  cette  nouvelle  ère. 
On  n'entendra  plus  au  Caveau 
De  chanson  réactionnaire  ; 
Tous  ses  couplets  sans  aucun  frein 
(Ceci  n'est  point  hyperbolique) 
Sei'ont  brodés  sur  ce  refrain  : 
Nous  tenons  la  République. 

J.  ECHALIÉ. 


PETIT    &    GRAND 

Musique  de  Ren-Tayoux 


Oui,  le  petit  ]e  le  préfère  au  grand; 
Chacun  son  goût.  Ce  n'est  pas  ordinaire. 
Je  le  sais  bien,  puisqu'on  voit  le  contraire 
Lorsqu'il  s'agit  d'un  bon  appartement. 
Mais,  quant  à  moi.  Messieurs,  pour  logement, 
C'est  le  petit  que  je  préfère. 

Voyez  :  l'amour  est  un  petit  enfant, 
Et  Jupiter,  le  maîire  du  tonnerre, 
Est  un  grand  dieu  qui  fait  trembler  la  terre  ! 
Mais  le  petit  l'emporte  sur  le  grand, 
Quoique  son  feu  semble  moins  violent  ; 
C'est  le  petit  que  je  préfère. 

J'ai  deux  enfants  que  l'on  trouve  charmants  : 
L'un  tout  petit,  il  ressemble  à  sa  mère; 
L'autre  très-grand,  barbu  comme  son  père; 
Mais  quand  je  pense,  hélas  I  qu'en  peu  de  temps 
Il  m'a  déjà  mangé  cent  mille  francs... 
C'est  le  petit  que  je  préfère. 

Dans  un  hôtel  ou  dans  un  restaurant, 
Dans  un  dîner  où  l'on  fait  bonne  chère, 
Bon  vin  se  sert  dans  un  tout  petit  verre, 
Et  vin  commun  dans  un  verre  très-grand; 
Ce  procédé  me  fait  dire  à  l'instant  : 
C'est  le  petit  que  je  préfère. 

Des  orateurs  dépourvus  de  talent, 
—  Qui,  selon  moi,  feraient  mieux  de  se  taire, — 
Font  des  discours  espérant  nous  distraire; 
Comme  un  discours  —  qu'il  soit  petit  ou  grand  — 
A  le  défaut  parfois  d'être  endormant... 
C'est  le  petit  que  je  préfère. 

Dans  un  grand  lit  on  dort  commodément, 
Quand  on  est  seul  ou  quand  on  est  grand-père; 
Mais  petit  lit,  lorsqu'on  forme  la  paire. 
Et  que  tous  deux  on  s'aime  tendrement, 
A  bien  aussi  son  côté  séduisant... 
C'est  le  petit  que  je  préfère. 

Certe,  un  grand  parc  a  bien  son  agrément, 
Mais  un  bosquet  tout  petit  sait  nous  plaire  : 
Les  amoureux  y  cachent  leur  mystère... 
Pour  s'embrasser  il  est  encor  trop  grand  ! 
Laissez-moi  donc  vous  dire  en  terminant  : 
C'est  le  petit  que  je  préfère. 

Léopold  EDARRAS. 


144 


LA    CHANSON 


LE  BAL 

KT 

LA    GUILLOTINE 


Paroles     de    Custave     I.EROY. 


17  mars  1849. 


Air  des  Faux  Dieux^  ou  de  Vive  Paris. 


C'est  aujourd'hui  qu'eut  lieu  le  sacrifice, 
Fasse  le  ciel  que  ce  soit  le  dernier, 
Ils  ont  dressé  le  mortel  édifice 
Qu'un  Peuple-roi  brisait  en  Février  ; 
Elle  est  debout,  la  sanglante  machine, 
A  son  travrail  on  ne  peut  plus  surseoir. 
Républicains!  voici  la  guillotine... 
A  l'Elysée  on  dansera  ce  soir  ! 


Femmes  du  bal,  sonnez  votre  servante. 
Qu'elle  vous  mette  un  corset. .  le  plus  beau, 
Les  condamnés,  ô  douleur  émouvante. 
N'ont  pour  valet  que  celui  du  bourreau  ! 
Votre  calèche,  élégante,  coquette. 
Vous  mène  au  bal  que  donne  le  pouvoir, 
Eux,  pour  calèche  ont  l'ignoble  charrette... 
A  l'Elysée  on  dansera  ce  soir  ! 


Femmes,  riez,  votre  mise  est  parfaite. 
Vos  diamants  lancent  leurs  mille  feux  ; 
Les  condamnés  ont  aussi  leur  toilette, 
Mais  le  bourreau  leur  coupa  les  cheveux  ! 
La  fashion  bourgeoise  et  militaire 
Vous  fait  cortège  et  vous  suit  pour  vous  voir. 
Prêtre  et  bourreau  les  suivent  au  Calvaire..., 
A  l'Elysée  on  dansera  ce  soir  ! 

Propriété  de  l'antenr. 


Strauss  conduira  la  troupe  musicale. 
Femmes,  valsez,  les  sons  harmonieux 
De  sa  musique,  heureuse,  sans  égale, 
Provoqueront  des  soupirs  envieux; 
Eux  pour  musique  ont  leurs  mornes  tortures, 
Et  pour  couvrir  leurs  cris  de  désespoir, 
Le  couperet  grince  dans  ses  rainures... 
A  l'Elysée  on  dansera  ce  soir  ! 


Dansez,  valsez,  faites  valoir  vos  charmes. 
Dansez,  valsez  pour  six  cent  mille  francs. 
Là-bas,  là-bas  deux  veuves  sont  en  larmes. 
Entendez-vous  les  cris  de  leurs  enfants? 
Laissez  tomber  de  vos  mains  si  bien  faites 
Votre  bouquet  ou  votre  fin  mouchoir, 
L'exécuteur  a  fait  tomber  deux  têtes... 
A  l'Elysée  on  dansera  ce  soir! 


Quel  bal  brillant,  quelle  lugubre  scène  I 
Contraste  affreux...  le  rire  et  la  douleur... 
Le  Président  entre  au  bal...  quelle  aubaine, 
Les  patients  ont  vu  l'exécuteur! 
Le  couteau  tombe...  il  sépare,  il  écarte 
Le  chef  du  tronc,  le  sang  jaillit  tout  noir! 
Et  vient  tâcher  le  front  de  Bonaparte..  .. 
A  l'Elysée  on  dansera  ce  soir  ! 


Imp.  de  Beaulé  et  Maignand,  rue  Jacques  de  Brosse,  8. 


LA   CHANSON 


145 


GUSTAVE      LEROY 


18 18-1860 


Ce  chansonnier  fut  incontestablement  un  des  plus 
populaires  de  notre  temps.  De  1842  à  1860,  les  guin- 
guettes, les  ateliers  et  la  rue  retentirent  de  ses 
refrains. 

C'est  en  1843  que  je  vis  Gustave  Leroy  pour  la  pre- 
mière fois.  C'était  un  beau  garçon  de  25  ans,  de  taille 
moyenne  ;  une  mousta- 
che roussâtre,  soigneu- 
sement peignée,  ornait 
son  visage  brun,  enca- 
dré de  cheveux  châ- 
tains qui  touchaient  ses 
épaules  ;  son  œil  bleu 
et  doux  ne  s'allumait 
que  quand  il  chantait. 
Sa  voix  était  un  peu 
sourde,  mais  il  tirait 
parti  de  ce  défaut  et  s'en 
servait  pour  produire 
des  effets  ;  nul  ne  tirait 
parti  de  ses  chansons 
comme  lui;  il  scandait 
bien  ses  vers  et  sou- 
lignait admirablement. 
Gustave  Leroy  fréquen- 
tait assidûment  les  so- 
ciétés chantantes  de 
Belleville  et  de  Ménil- 
montant,  où  il  n'appa- 
raissait qu'en  habit,  ce 
qui  était  d'autant  plus 
remarquable  que  les  ou- 
vriers de  ce  temps-là 
portaient  presque  tous 
la  blouse,  même  le  di- 
manche. Il  était  alors 
ouvrier  brossier;  la  poé- 
sie n'était  pour  lui 
qu'une  distraction,  bien 
qu'il  l'aimât  passion- 
nément; jamais  il  n'a- 
vait fait  imprimer  une 
ligne.  Il  mettait  en  couplets  les  sujets  les  plus  variés, 
mais  pas  de  chanson  sans  une  pointe  politique  ;  on 
sentait  qu'il  y  avait  là  une  nature,  un  tempérament 
de  vrai  chansonnier  populaire.  Une  seule  chanson  de 
lui  avait  été  livrée  au  public,  mais  sans  son  consen- 
tement, ce  qui  ne  l'empêchait  pas  d'être  chantée 
partout;  elle  se  nommait  la  Petite  Javotte  : 

A  la  pauvr'  Javotte 
Jetez  quelques  sous 
Et  sa  p'tite  marmotte 
Va  sauter  d'vant  vous. 

Les  chansons  de  ce  poète-ouvrier  étaient  déjà  ce 
qu'elles  ont  presque  toujours  été  depuis  :  beaucoup 
de  vers  très-prosaïques,  des  idées  communes,  mais 


tout-à-coup  un  trait  flamboj'ant,  un  trait  de  génie 
sort  de  ce  fatras,  vous  empoigne  et  révèle  le  poète. 
Une  société  que  ce  jeune  chansonnier  ne  manquait 
jamais  de  visiter,  c'était  les  Amis  de  la  Vigne,  une 
goguette  située  sur  la  chaussée  Ménilmontant.  On  ne 
buvait  pas  là  plus  qu'ailleurs,  mais  il  est  d'usage 
que  la  goguette  doit 
s'abriter  sous  un  titre 
joj'eux  ou  vinicole. 

Le  président  de  cette 
société  était  un  fana- 
tique de  Gustave  Leroy; 
il  s'appelait  Delort,  bon 
enfant  et  ouvrier  labo- 
rieux qui,  pendant  toute 
la  semaine,  abdiquait  sa 
petite  royauté  du  di- 
manche dans  un  atelier 
de  fondeur,  où  il  avait 
pour  compagnon  d'éta- 
bli un  ami  de  la  chan- 
son nommé  Renard , 
qu'il  amenait  parfois 
avec  lui  et  qui  devait 
un  jour  devenir  le  sym- 
pathique ténor  qui  a 
signé  tant  de  jolies 
musiques  :  Renard  de 
l'Opéra. 

Ce  qu'on  nomme  une 
goguette  aujourd'hui  ne 
donne  guère  l'idée  de 
ce  qu'on  appelait  du 
même  nom  en  1843.  Le 
piano  qui,  de  nos  jours, 
trône  dans  ces  réunions 
et  fait  les  délices  des 
jeunes  barytons  tirés  à 
quatre  épingles,  était 
absolument  inconnu  de 
la  gent  goguettière ,. 
ainsi  que  la  danse.  On 
venait  à  la  goguette  pour  la  chanson  ;  le  goguettier 
l'aimait  joyeuse  ou  sérieuse,  et  quand  Gutave  Leroy, 
qui  était  un  de  ses  dignes  représentants,  apparaissait 
dans  le  sanctuaire,  de  chaleureux  applaudissements 
saluaient  son  entrée  ;  on  se  pressait  autour  de  lui, 
un  ami  lui  tendait  affectueusement  la  main,  tandis 
qu'un  autre  la  lui  saisissait,  vingt  places  lui  étaient 
offertes  de  tous  les  coins  de  la  salle  ;  heureux  celui 
de  qui  il  acceptait  un  tabouret  et  un  verre! 

Gustave  paraissait  toujours  heureux  de  ces  bien- 
veillants accueils  ;  il  avait  un  mot  affectueux  et  un 
sourire  pour  répondre  à  chacun.  Après  avoir  donné 
une  poignée  de  main  au  père,  une  autre  à  deux 
mains  à  la  maman,  il  embrassait  les  enfants  qu'il 
aimait  beaucoup.  Gustave  Leroy  était  le  dieu  le  plus 


146 


LA  CHANSON 


fêté  de  ces  temples  de  la  chanson.  Pourquoi?  C'est 
que  cet  homme  avait  touché  juste  la  note  qu'il  fallait 
faire  entendre  à  son  entourage.  Son  public,  c'était 
l'ouvrier,  mais  il  faut  bien  remarquer  que  l'ouvrier 
qui  préférait  la  goguette,  c'est-à-dire  le  cabaret  où 
l'on  chante  au  simple  cabaret  où  l'on  ne  fait  que 
boire,  celui-là  était  déjà  l'ouvrier  intelligent  et 
penseur. 

A  cette  époque,  peu  éloignée  de  la  nôtre,  sous  le 
règne  de  Louis-Philippe,  la  presse  était  loin  d'avoir 
cette  extension  qu'elle  a  prise  depuis  quelques 
années  et  qui  fournit  chaque  jour  la  nourriture 
intellectuelle  à  des  milliers  de  travailleurs  en  faisant 
pénétrer  la  lumière  dans  leurs  têtes  et  dans  leurs 
consciences.  Aussi  quand  la  chanson,  comme  celle 
de  Gustave  Leroy,  qui  traduisait  en  couplets  histo- 
riques, critiques  ou  philosophiques,  les  idées  qui 
vivaient  dans  l'air,  se  faisait  entendre,  le  succès  était 
assuré.  —  11  y  avait  certainement  là  de  la  politique 
faite  un  peu  à  la  diable,  mais  tout  cela  éveillait  Jbe? 
idées  et  dans  les  fusils  des  plébéiens  dont  les  balles 
trouèrent  les  fenêtres  des  Tuileries,  en  février  1848, 
il  y  avait  des  bourres  faites  avec  les  chansons  de 
Gustave  Leroy. 

Parmi  les  chansons  de  cette  époque  (1843-44-45), 
avec  lesquelles  il  remuait  la  foule,  je  citerai  le  Che^ 
min  de  la  Postérité  : 

Brise,  Momus,  ton  vieux  tambour  de  basque. 
Puisque  l'auteur  n'a  plus  le  droit  enfin 
De  se  gUsser  entre  l'homme  et  le  masque, 
Postérité,  je  quitte  ton  chemin. 

L'Ouvrier,  une  bien  mauvaise  chose  qui  n'en  mon- 
tait pas  moins  b'S  têtes,  ainsi  que  Ma  Pauvreté,  Les 
petits  enfants,  chanson  devenue  très-populaire  : 

Yous  grandirez,  les  récits  de  vos  pères 
De  liberté  parfumeront  vos  goûts  ; 
Restez  petits,  les  rois,  les  dignitaires 
N'auront  pas  droit  sur  vos  frêles  joujoux. 
La  Liberté,  bienfait  si  vrai,  si  tendre, 
Sert  d'échafaud  à  quelques  étourdis. 
Ah  !  pour  l'aimer  et  ne  pas  la  comprendi'e, 
Gentils  enfants,  restez  toujours  petits. 

La  Fête  des  martyrs  obtenait  toujours  des  èis 
nombreux,  surtout  à  ce  couplet  : 

Quand  Saint-Merri  fut  témoin  de  la  lutte 
Où  figuraient  et  noble  et  plébéien. 
De  nos  héros  on  prévoyait  la  chute. 
Ils  étaient  pris  les  armes  à  la  main. 
Par  Saint-Michel  la  mort  fut  remplacée. 
Pauvres  martyrs,  créez  des  droits  nouveaux. 
Vos  chants  fuiront  au  travers  des  bai-reaux. 
On  ne  met  pas  de  chaîne  à  la  pensée  ! 
Muse  de  deuil,  reprends  tes  souvenirs, 
C'est  aujourd'hui  la  fête  des  martyrsJ 

Les  Droits  du  Citoyen,  chansoj)  qui  n'a  jamais  été 
isaprimée,  les  Brebis  : 

.\h  !  revenez,  femmes  prostituées. 
Dont  la  paresse  empoisonna  les  sens. 
Par  le  plaisir  vos  âmes  sont  tijées 
Et  vos  baisers  semblent  avilissants; 
Pour  l'avenir,  épargnez-vous  des  larjnes, 
Vos  blanches  dents  perdront  leur  vif  émail. 
Avant  que  l'âge  ait  soufflé  sur  vos  chai^mes, 
Pauvres  brebis,  revenez  au  bercail. 


La  Bataille  de Flewus,  les  Rendez-vous,  où  l'auteur 
déployait  ainsi  son  drapeau  : 

Nous  n'avons  ipas  ^e  ces  gens  à  jbravades 
Fiers  d'un  honneur  qui  ne  fut  point  prouvé. 
Nous  sommes  tous  enfants  des  barricades, 
Tous  nous  savons  ce  que  pèse  un  pavé  ! 

Puis,  entre  temps  de  chansons  politiques,  des 
chansons  joyeuses  :  Manette  la  Flamande,  le  Mariage 
de  Maclou,  la  Fête  des  démons,  les  Farfadets.  Les 
musiques  de  ces  deux  dernières  sont  aussi  remar- 
quables que  populaires;  elles  sont  de  Gustave  Leroy 
qui  en  a  fait  beaucoup  d'autres. 

Gustave  Leroy,  je  l'ai  dit,  était  alors  ouvrier,  mais 
le  succès  le  poussant,  l'idée  lui  vint  de  vivre  de  ses 
œuvres  littéraires.  Une  inauvaise  chanson,  la  Lionne, 

Lionne,  défend  tes  petits... 

qu'il  fit  lithograpbier  sur  feuille  volante,  se  vendit 
à  plus  de  vingt  mille  exemplaires;  cela  l'encouragea. 
Il  publia  bientôt,  sur  le  même  modèle,  le  Quatorze 
Juillet,  les  Morts,  pièce  vigoureuse,  où  l'auteur  dit, 
en  parlant  des  morts  de  juillet  : 

Ils  s'écrieraient  :  «  Rendez-nous  les  lambeaux 
Dont,  en  juillet,  on  vous  a  fait  l'aumône, 
Avec  nos  os  on  a  calé  le  trône! 
Ah!  si  les  morts  sortaient  de  leurs  tombeaux! 

Puis,  le  plus  grand  de  ses  succès,  l'Entrée  ««/• 
Tuileries  : 

Pauvre  ouvrier,  vous  n'avez  qu'une  blouse. 
On  n'entre  pas  dans  le  palais  des  rois  ! 

11  y  a  dans  cette  chanson  un  couplet  bonapartiste; 
cela  faisait  très-bien  alors  ;  la  gloire,  vue  de  loin,  est 
toujours  séduisçinte,  et  le  pauvre  peuple  qui  aime 
tous  les  héros,  dit  Béranger,  oubliait  de  quel  prix  ij 
avait  payé  quelques  brins  de  laurier. 

Lorsqu'arriva  1848,  Gustave  Leroy  se  livra  corps 
et  âme  à  Durand,  un  ouvrier  intelligent  qui  venait 
de  se  faire  éditeur.  Durand  ne  marchandait  pas  la 
gloire  à  son  auteur;  il  proclamait  haut  et  partout  que 
c'était  un  nouveau  Béranger.  Encore  ajoutait-il  dans 
sa  naïveté  :  Béranger  n'a  jamais  rien  fait  de  pareil  ià 
sa  dernière!  C'était  vrai.  Durand  faisait  alors  affichei' 
les  chansons  de  son  Béranger  sur  les  murs  de  Paris. 
Le  papier  était  rouge  et  mesurait  bien  un  mètre 
carré  ;  cette  propagande  lui  valut  un  accroissemejit 
considérable  de  popularité.  Gustave  Leroy  était 
alors  fabricant  de  chansons. 

Au  lendemain  des  affaires  de  juin  48,  le  chanson- 
nier qui  avait  combattu  du  côté  des  vaincus,  poussa, 
comme  un  rugissement  sortant  des  tombes  à  pein,e 
recouvertes,  ce  cri  de  reveiidioation  :  les  Soldats  du 
désespoir  : 

Quand  gronde  au  loin  la  tourmenta. 
L'exploiteur  peut  se  mouvoir. 
Car  la  faim  enrégimente 
Les  soldats  du  désespoir. 

Les  orphelins  vous  maudissent. 
Vous  auriez  dû  le  prévoir. 
Ils  ont  des  fils  qui  grandissent 
Les  soldats  du  désespoir. 

Tout  vcela  est  écrit  comme  ça  peut,  mais  il  y  a  Jà 
la  note  particulière  âe  l'auteur. 


LA  CHANSON 


147 


En  1849,  Leroy  publia  lui-même,  n'ayant  pas 
trouvé  d'éditeur,  Le  Bal  et  la  Guilloiine.  Le  parquet 
de  M.  Bonaparte  ne  trouva  pas  l'œuvre  de  son  goût 
et  condamna  son  auteur,  en  cour  d'assises,  à  300  fr. 
d'amende  et  six  mois  de  prison,  qu'il  fit  aux  Made- 
lonnettes.  On  donne  en  fac-similé,  dans  le  présent 
numéro,  cette  chanson  comme  une  curiosité  du 
temps;  eUe  n'a  jamais  été  réimprimée. 

Gustave  Leroy  était  d'une  nature  très-douce  et 
aussi  inoffensive  que  ses  vers  étaient  rugueux. 
L'homme  était  même  chez  lui  très-faibie,  facile  à 
entraîner.  Ses  chansons,  malgré  leur  popularité,  ne 
l'ont  pas  empêché  de  vivre  continuellement  dans  un 
état  voisin  delà  misère.  Il  av-.;it  perdu  le  goût  du 
travail  bien  qu'il  eût  pour  compagne  une  courageuse 
femme  dont  l'exemple  pouvait  le  sauver.  —  Ah! 
l'habit  noir  de  1843,  qu'il  était  loin  !  Il  avait  fait 
place  à  la  vareuse  d'abord  grise,  puis  rousse,  puis 
d'une  couleur  inconnue  qu'il  portait  l'hiver  et  l'été 
depuis  plus  de  dix  ans  quand  il  mourut. 

Leroy,  sans  avoir  reçu  une  instruction  soignée, 
avait  cependant  été  partagé  de  ce  côté  mieux  que  la 
plupart  des  enfants  du  peuple.  Sa  mère  qui  avait  été 
longtemps  emploj'ée  dans  les  théâtres,  avait  pour 
amie  M""  Saqui,  la  célèbre  danseuse  de  corde.  Cette 
dernière  se  chargea  de  faire  élever  le  jeune  Gustave, 
qui  n'a  jamais  eu  de  père  légal;  il  fut  mis  en  pension 
à  Versailles  où  il  resta  jusqu'à  l'âge  de  seize  ans. 

En  vieillissant,  le  chansonnier  avait  épuré  son 
style  et  modifié  sa  forme  ;  ses  dernières  chansons 
sont  mieux  écrites  que  leurs  aînées,  la  phrase  est 
plus  correcte,  plus  claire,  l'écrivain  se  révélait. 
Recueillera-t-on  jamais  les  œuvres  de  Gustave 
Leroy?  c'est  peu  problable.  Il  a  bien  écrit  quatre 
cents  chansons.  Pingray,  un  membre  de  la  Lice 
Chansonnière,  en  a  réuni  plus  de  deux  cents  et  s'en 
est  fait  un  beau  volume  qui  sera  très-recherché  un 
jour. 

Gustave  Leroy  mourut  à  l'hôpital  Saint-Louis 
le  14  avril  1860,  des  suites  d'une  chute  qu'il  fit  dans 
une  maison  en  construction.  La  rampe  de  l'escalier 
n'était  pas  encore  posée  ;  il  monta  au  deuxième  étage, 
et,  pour  appeler  un  ami  qui  travaillait  aux  étages 
supérieurs,  il  so  fit  un  porte-voix  de  ses  deux  mains 
en  levant  la  tête;  puis,  pris  d'un  étourdissement 
subit,  il  tomba  dans  la  cour.  On  le  transporta  cliez  lui, 
où  il  resta  plusieurs  jours.  Il  souffrait  peu,  mais  le 
médecin  déclara  qu'il  était  en  danger,  et  -on  le 
conduisit  à  l'hôpital  où  il  resta  près  d'un  mois. 

Le  colonel  Staaf  dit  dans  son  livre  qu'il  était  en 
état  d'ivresse  ;  je  ne  crois  pas  que  ce  soit  une 
calomnie  à  l'adresse  d'un  poète  ouvrier,  mais  c'est 
une  regrettable  erreur,  comme  la  date  de  sa  mort 
qu'il  donne  en  1862.  Gustave  Leroy  était  né  à  Paris, 
le  6  octobre  1818. 

Il  reste  aujourd'hui  peu  de  goguettiers  de  l'époque 
de  Gustave  Leroy,  sinon  le  père  Delort,  l'ex- 
président  des  Amis  de  la  Vigne,  son  fanatique  ami. 
Il  porte  vaillamment  ses  soixante-dix  ans,  et,  comme 
on  ne  veut  plus  de  lui  dans  les  ateliers  (il  est  trop 
vieux),  ni  à  Bicètre  (il  est  trop  jeune),  il  s'est  créé 
un  commerce  et  parcourt  les  rues  de  la  capitale  en 
criant  le  plus  fort  possible  :  «  Avez-vous  des  chaises  à 
rempailler?  Voilà  le  rempailleur!  » 

Eugène  BAILLET. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


11  est  à  remarquer  que,  chaque  fois  qu'une  société 
donne  une  représentation  en  dehors  des  soirées 
ordinaires,  elle  réunit  toujours  un  public  nombreux 
et  les  sociétaires  y  manquent  rarement.  C'est  un 
stimulant  que  nous  ne  saurions  trop  recommander 
aux  présidents;  une  représe  ntation  mensuelle  suffirait, 
croyons-nous  pour  rév-iller  les  endormis  et  faire 
apprendre  des  nouveautés. 

Que  les  sociétés  qui  trouveront  ce  conseil  bon  à 
suivre  en  fassent  leur  profit. 

L'abondance  des  matières  nous  a  forcé  d'ajourner 
quelques  comptes-rendus,  entre  autres  celui  de  la 
Lyre  de  la  Gaîté,  qui  inaugurait  les  embellissements 
de  sa  nouvelle  salle,  to  jours  18,  rue  Desoartes. 

Plusieurs  artistes  ont  collaboré  avec  le  président 
et  les  membres  du  bureau  pour  donner  un  attrait 
tout  particulier  à  cette  solennité.  La  salle  était 
bondée;  à  8  heures  1/2  on  refusait  du  monde  et 
M.  et  M""  Villois  ne  savaient  où  donner  de  la  tète. 

M.  Ducret  a  dit  sa  Marseillaise  des  écoles  avec 
chaleur  et  conviction  ;  l'auteur,  doublé  du  iliseur,  a 
su  faire  tressaillir  la  corde  sensible  d'un  public  qui 
comprenait,  et  l'a  prouvé  en  ne  lui  ménageant  pas 
ses  applaudissements. 

MM.  Duhem  et  Morot  fils  ont  fait  rire,  comme 
toujours,  M"°  Marie  Lerouge.  après  avoir  chanté  la 
Valse  maudite,  a  reçu,  émue,  l'insigne  d'honneur  des 
mains  du  président":  c'était  justice.  La  petite  Berthe 
a  créé  deux  nouveautés  de  Léo  Tostain,  un  rondeau 
etune  chanson  rimé.e  pour  la  circonstance.  M"°  Adèle, 
M"""  Adèle  et  les  amateurs  habituels  de  la  Lyre  ont 
tous  bien  mérité  de  laSoi-iétô. — La  soirée  fut  close 
par  un  punch  gratis!...  Voilà  qui  enfonce  à  jamais 
le  punch  Grasset. 

A  la  Cordiale,  soirée  du  20  février.  La  Fauvette 
Parisienne  et  les  Joyeux  Amis  y  étaient  largement 
représentés  et  les  amateurs  ordinaires  do  la  Cordiale 
leur  avaient  gracieusement  cédé  le  pas,  afin,  je 
suppose,  de  leur  laisser  la  faculté  de  remporter  plus 
commodément  la  plus  grande  part  de  succès;  on 
n'est  pas  plus  intelligemment  poli. 

N'ayant  que  des  éloges  à  faire  nous  commen- 
cerons par  les  dames  ;  la  logique  de  la  galanterie 
française  le  veut  ainsi.  Prenons  donc  ce  sujet  délicat 
par  son  côté  faible,  et  adressons  nos  sincères  com- 
pliments à  M""  Matilde  Leblanc,  Louise  B.  et 
particulièrement  à  la  petite  Amélie,  qu'on  afait  très- 
justement  bisser  dans  Ma  pj-emière  envie  ;  noua  avons 
dit  déjà  tout  le  bien  que  nous  pensons  de  cette 
jeune  artiste. 

Passons  au  sexe  fort;  il  est  nombreux  ;  nous  avons 
les  éléments  artistiques  de  trois  sociétés  (pourvu  que 
nous  ne  fassions  pas  d'oubli!). 

M.  Lourdez  a  ouvert  la  soirée  en  faisant  joyeuse- 
ment résonner  son  xylophone. 

M.  Raux  nous  chante  \eVieux  buveur  de  vin,  une 
de  ses  productions;  notre  journal  l'a  publiée  (voir 
le  n"  6).  —  M.  Larche  dit  la  Pipe  du  Sergent  en 
véritable  artiste,  et  fait  bien  rire  dans  la  fable  les 
Animaux  malades  de  la  peste,  pendant  que  son  ami  et 
collaborateur  —  j'ai  nommé  M.Joigny —  lui  éponge 
consciencieusement  la  figure  avec  ses  mains  substi- 
tuées à  celles  du  chanteur.  Puis  MM.  Alphonse, 
Georges  Gauroy,  Lucianni,  bon  comique  à  la  verve 
train  express,  Gabriel;  dans  un  Monsieur  en  habit  noir. 


148 


LA  CHANSON 


tâche  ingrate  dont  il  a  su  se  tirer  convenablement, 
et  M.  Joigny,  déjà  nommé,  se  font,  successivement 
applaudir.  Terminons  en  signalant  deux  productions 
musicales  de  Marcus,  chantées  par  M.  Delaballe, 
Conseil  et  Papillon,  et  soyons  juste  en  accordant 
plusieurs  bons  points  au  désopilant  comique  Lelarge. 

Le  22  février,  le  Cercle  Musset  îaxi&ii  ses  adieux  au 
sociétaire  Hurbain  ;  mais  il  doit  revenir,  heureuse- 
ment, au  mois  d'octobre  prochain  ;  nous  fêterons 
sans  doute  sa  rentrée.  Un  diplôme  et  une  couronne 
lui  ont  été  remis  sur  la  scène  par  un  sociétaire  au 
nom  du  Cercle,  et  M.  Andrieux,  président,  a  fait 
une  courte  allocution  en  témoignage  de  regret  ; 
M.  Hurbain,  qui  terminait  une  chansonnette  comique 
et  dansante,  a  répondu  qu'il  ne  se  séparait  de  la 
société  qu'avec  un  profond  regret. 

Nous  avons  à  noter  un  solo  de  hautbois  par 
M.  Bertain,  pianiste  et  élève  du  Conservatoire  ; 
M.  Chenal,  dans  nos  Scélérats  d'époux;  M.  Berlioz, 
inimitable  dans  ses  imitations,  copie  Lasouche  et 
Saint-Germain  à  s'y  méprendre.  Citons  encore 
M."""  Clémence  Bosc  et  Anna;  MM.  Verniaud.  bon 
comique,  Jeanneau,  Villaume,  Gaillot,  Jalade, 
Alphonse,  etc.  On  s'est  séparé  très-tard,  mais  très- 
satisfait,  après  avoir  applaudi  la  Consigne  est  de 
Ronfler,  bien  jouée  par  MM.  Chenal,  Gaillot,  M""  Clé- 
mence et  Julliette.  —  Nous  reviendrons  sur  cette 
société,  de  laquelle  (faute  de  place)  nous  ne  pouvons 
parler  plus  longuement  aujourd'hui. 

Je  m'empresse  de  donner  satisfaction  à  la  juste 
réclamation  de  M.  Paulin,  qui  m'écrit  pour  nie  faire 
observer  une  omission  tout  à  fait  involontaire  dans 
ma  dernière  chronique.  Je  suis  donc  très-heureux  de 
constater  que  M.  Raynal  a  fait  ses  premières  armes 
à  l'Union  Artistique  et  que,  comme  beaucoup  d'autres, 
il  y  a  acquis  le  talent  que  vous  lui  connaissez. 
A.  LEROY. 

La  soirée  du  vendredi  14  février  aux  Amis  du 
Commerce  a  été  très-brillante,  grâce  aux  soins  de  son 
président,  M.  Habert,  qui  sait  donner  à  toutes  ses 
soirées  mensuelles  un  attrait  particulier.  Nous 
citerons,  parmi  les  artistes,  d'abord  le  président  qui 
a  chanté  avec  beaucoup  de  brio  le  Charlatan;  puis 
M""  Julia  qui,  avec  une  verve  endiablée,  a  chanté  tes 
Guignons  d'Euphrasie  et  Idéal  et  Réalité  ;  M"""  Arpage, 
dans  le  Rossignol  n'a  pas  chanté  et  une  légende  de 
V.  Hugo;  M"°  Marie,  dans  une  valse  et  dans  un  duo 
avec  son  père.  M.  Adrien  Souchet  a  fait  beaucoup 
rire  dans  Je  suis  enrhumé  du  cerveau  et  dans  les 
Veinards  de  Bidai'ds,  et  a  ému  dans  Papa  Bourdon. 
M.  Raynal  a  été  applaudi  dans  J'ose  pas  vous  l'offrir 
et  J'ons  pas  osé.  M.  Baisserait  a  su  faire  bisser  une 
valse  de  Métra,  exécutée  sur  un  flageolet  de  deux 
sous,  en  fer-blanc.  Mentionnons  encore  M.  Goyon 
dans  J'ai  rêvé  ;  l'Amour  et  la  Cuisine,  duo  par  deux 
inconnus  qui  auraient  pu  se  faire  connaître.  Enfin  la 
soirée  a  été  terminée  par  une  tombola  dans  laquelle 
deux  lots-surprise  ont  soulevé  des  tonnerres  d'applau- 
dissements :  ces  deux  surprises  étaient  les  portraits 
de  MM.  Grévy  et  Gambetta.  Adrien  S. 

Le  mercredi  19  février,  au  restaurant  Notta 
(2,  boulevard  Poissonnière),  la  Société  normanno- 
bretonne  de  la  Pomme  donnait  son  quinzième  dîner. 

Le  président,  M.  Charles  Monselet,  avait  été  attiré 
par  Nice,  l'ancienne  cité  grecque  de  la  Victoire  ;  en 
l'absence    de    l'éminent    littérateur,    M.    Boursin, 


publiciste,  l'un  des  présidents  honoraires,  pontifiait 
avec  son  entrain  habituel. 

La  soirée  a  été  des  plus  gaies  ;  elle  s'est  terminée 
par  un  feu  roulant  de  poésies,  chansons,  complaintes 
et  gauloiseries  du  meilleur  sel.  Le  croustillant  Villon, 
dont  on  a  chanté  la  ballade  mélancolique  Oh  sont  les 
neiges  d'antan?  s'en  serait  esbaudi  d'aise. 

Ne  soulevons  pas  les  voiles  de  cette  réunion  toute 
intime.  Contentons-nous  de  signaler  quatre  villa- 
nelles  glanées  au  pays  natal  par  des  patriotes 
garantis  bon  teint  :  le  Saouleur;  Roupigni,  Roupigno; 
Pour  té,  Margot,  qu'  j'endur'  de  miaux;  les  Preunes. 

Elles  sentaient,  ces  villanelles,  leur  crû  à  quinze 
pas.  Qui  donc,  les  aj'ant  ouïes,  ne  dégoiserait  à  plein 
gosier  «  Viv'  le  cidr  de  Normandie  »  (et  de  Bre- 
tagne)? —  Que  celui-là  se  présente,  et  je  lui  baille... 
la  pomme,  pas  la  nôtre  :  nous  gardons  nos  pépins  ! 

N.  B.  —  On  nous  annonce  la  création  imminente  d'un 
Almanach  pomifère. 

Prosper  TIBIA, 

Pommie, 


Le  Mardi-gras,  la  Société  lyrique  Les  Enfants  de 
la  Seine  a  donné  un  bal  paré  et  travesti  dans  la  salle 
ordinaire  de  ses  réunions,  20,  rue  Palestre.  La  salle 
avait  été  décorée  pour  la  circonstance.  Une  estrade 
avait  été  dressée  dans  le  milieu  de  la  salle  pour 
recevoir  le  bureau. 

A  onze  heures  une  séance  de  chant  a  été  présidée 
par  un  groupe  de  demoiselles  aussi  charmantes  les 
unes  que  les  autres.  Les  membres  du  bureau  ont 
remis  à  chacune  de  ces  demoiselles  un  bouquet  et 
l'insigne  de  leurs  fonctions.  Ce  bureau  féminin 
offrait  un  gracieux  tableau. 

Allons,  M.  Cantarel,  encore  un  bon  point  bien 
mérité. 

Nous  avons  assisté  dimanche  dernier  à  la  soirée 
hebdomadaire  donnée  par  Les  Enfants  d'Apollon, 
faubourg  Saint-Martin,  75. 

Cette  Société  lyrique  possède  une  scène  charmante, 
parfaitement  agencée;  des  artistes  et  des  compo- 
siteurs de  talent  l'honorent  fréquemment  de  leur 
visite  et  ne  dédaignent  pas  d'y  venir  recueillii' 
des  bravos;  nous  citerons,  entre  autres,  M.  Paul 
Henrion,  l'auteur  bien  connu  du  Baiser  des  Adieux, 
MM.  Bourges  et  Debailleuil,  àxiXIX"  Siècle. 

Le  piano  est  tenu  par  un  jeune  militaire  auquel 
Mars  ji'a  pas  fait  oublier  Apollon.  Parmi  les  socié- 
taires nous  avonsparticulièrement  applaudi  M.Victor, 
fin  comique,  qui  détaille  la  chanson  de  genre  avec 
un  talent  qui  rappelle  les  meilleures  créations  de 
Paulus.  En  un  mot,  c'est  une  bonne  et  charmante 
soirée  que  l'on  passe  dans  cette  Société.  Quand 
j'aurai  dit  que  le  directeur,  M.  Emile,  est  un  des 
plus  habiles  et  sympathiques  présidents,  vous  verrez 
qu'il  ne  manque  à  cette  réunion  aucun  élément  de 
succès. 

L.  R. 

Faute  de  place,  nous  ajournons  au  prochain 
numéro  divers  articles,  et  notre  Boîte  aux  lettres. 

Vente  de  LA  CHANSON,  en  gros  et  au  numéro 
pour  les  libraires  : 

Chez  TRAIiIN,  rue  du  Croissant,  5, 

Et  chez  JEANMAIRE  (ancienne  maison  MAR- 
TINON),  rue  des  Bons-Enfants,  32. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANNEE.  —  N"  16. 


16  MARS  1879. 


Directeui'-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


LA    CHANSON 


Revue  Bi -Mensuelle 

ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO   DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l^f  <fc  le  16  de  cliaqtae  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.   LEROY 

Le  Numéro  :  20  cent. 


IDMINtSTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 

p.%ni§) 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois 2fr.S« 

Départ',  C  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3      50 


SOMMAIRE  :  Déranger  et  stf  Statue  {ev G.  imbertj.  —  Proposition  au  Conseil  municipal,  l'"  litte  de  soiiscriijt ion,  avis  (l.-henry 
lecomte).  —  a  la  France  (Francis  mej.vil).  —  Retour  à  la' Lice  (f.  vergerox). —  Je  suis  le  plus  riche  du  monde  {georges 
baillet).  —  Curiosités  de  la  chanson  :  mon  père  était  pot.  —  Appel  aux  Chonsonnicrs-poètes  li/onnnis  (rémy  doutrë).  — 
Banquet  du  Caveau  (eug.  imbert).  —  Banquet  de  la  Lice  Chansonnière  (a.  leroy).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  leroy, 
JANUS,  PROSPER  TIBIA,  VERITAS,  A.  patay).  —  Bibliographie  (eugène  baili-et). 


DÉRANGER  ET   SA  STATUE 

Air  de  Bérangcr  et  l'Académie. 

—  Une  statue!  Et  que  dira  l'envie. 
Source  de  fiel  que  rien  no  peut  tarir? 
Mais  les  méchants,  en  feuilletant  ma  vie, 
Trouveront-ils  une  page  à  flétrir? 
Non,  votre  ami,  que  l'univers  le  sache, 
D'un  lonj;  passé  n'a  rien  à  renier... 

—  Messieurs,  au  nom  de  sa  vertu  sans  tache, 
Une  statue  au  noble  chansonnier! 

—  Un  piédestal!  Ah!  songez  aux  poètes, 
Aux  grands  savants,  aux  orateurs  fameux  : 
Quand  mes  chansons  restent  partout  muettes, 
Puis-je  aspirer  à  m'élever  comme  eux? 

Et  cependant,  aux  jours  de  décadence. 
Des  libertés  je  fus  le  pionnier... 

—  Messieurs,  au  nom  de  son  indépendance, 
Une  statue  au  vaillant  chansonnier! 

—  Un  jour  mon  nom  fut  en  butte  à  l'offense, 
Mais  l'ombre  passe,  et  la  véi'ité  luit. 

Ton  barde  aimé,  tu  sais  bien,  ô  ma  France, 
Que,  fête  et  cœur,  tout  était  peuple  en  lui. 
Oui,  vers  mon  soir,  un  pouvoir  éphémère    ■ 
S'était  glissé,  rampant,  dans  mon  grenier... 

—  Messieurs,  au  nom  de  la  France,  sa  mère, 
Une  statue  au  malin  chansonnier  ! 

—  Le  peuple  eut-il  de  plus  hardis  apôtres  ! 
Peut-être;  mais,  au  combat,  à  l'assaut, 
Déshérités,  je  fus  toujours  des  vôtres. 

La  République  éclaira  mon  berceau  ; 
Aux  fiers  accents  de  notre  Marseillaise 
S'est  éveillé  mon  talent  printanier... 

—  Messieurs,  au  nom  de  la  chanson  française, 
Une  statue  au  jojeux  chansonnier  ! 

—  Une  statue,  à  moi  !  c'est  une  gloire 
Que  l'on  prodigue  à  d'illustres  guerriers. 
Honneur  trop  grand  pour  mon  humble  mémoire  : 
Prenez-vous  donc  mes  fleurs  pour  des  lauriers  ? 
Mais  quoi!  Paris,  qui  reste  capitale. 

Offre  un  jardin  à  l'ancien  prisonnier... 

—  Messieurs,  au  nom  de  sa  ville  natale. 
Une  statue  au  bon  vieux  chansonnier  ! 


AU    CAVEAU 

La  paix,  messieurs,  a  de  pures  victoires  ; 
Ainsi  disais-je,  et  je  pensais  à  vous; 
Car  Béranger  fut  une  de  vos  gloires. 
Et  son  triomphe  à  vos  cœurs  sera  doux. 
Oui,  c'est  de  vous  que  doit  partir  l'exemple. 
Car  le  Caveau  n'est  jamais  le  dernier  ; 
Et  nous  pourrons  élever  près  du  Temple 
.Une  statue  à  votre  chansonnier. 

7  mars  1879.  EuG.    IMBERT. 


Le  27  février,  à  la  séance  du  Conseil  municipal  de 
Paris,  M.  Murât,  conseiller  du  troisième  arron- 
dissement et  trésorier  du  Comité  de  la  statue  de 
Béranger,  a  lu  la  proposition  suivante  : 

Messieurs, 

«  Sur  l'initiative  d'un  journal  spécialement  con- 
sacré à  la  cliaiison,  un  comité  s'est  formé  dans  le  but 
d'élever  un  monument  à  la  mémoire  de  Béranger. 

«  Ce  comité  est  composé  de  membres  de  l'Institut, 
d'hommes  de  lettres,  de  chansonniers,  de  sénateurs, 
de  députés  et  des  quatre  conseillers  municipaux  de 
l'arrondissement  dans  lequel  ou  se  propose  d'ériger 
ce  monument. 

«  Il  a  le  grand  honneur  d'être  présidé  par  le  plus 
illustre  cito\  en,  je  ne  dirai  pas  de  la  France,  mais 
du  monde  :  j'ai  nommé  Victor  Hugo. 

<c  Béranger  est  né  à  Paris,  il  y  est  mort  à  quelques 
pas  du  square  du  Temple,  où  l'on  espère  obtenir  de 
:vous  l'autorisation  de  fêter  ainsi  le  centième  anni- 
versaire de  la  naissance  du  grand  chansonnier, 
le  19  août  1880, 

(1  J'ai  pensé.  Messieurs,  que  le  Conseil  municipal, 
non-seulement  autoriserait  l'érection  du  monument 
dans  ce  quartier  que  Béranger  affectionnait,  mais 
encore  qu'il  voudrait  concourir  à  cette  œuvre  vrai- 
ment nationale,  en  prenant  part  à  la  souscription  qui 
va  s'ouvrir,  d 

Cette  proposition,  signée  par  MM.  Cléray,  Darlot 
et  Frère,  collègues  de  M.  Murât  et  membres  comme 
lui  de  notre  Comité,  a  été  renvoyée  aux  commissions  ■ 
des  beaux-arts  et  des  finances,  où  nous  avons  tout 
lieu  de  penser  qu'elle  sera  bien  accueillie. 


150 


LA  CHANSON 


Voici  la  liste  promise  des  souscriptions  recueillies 
du  1"  au  14  mars. 

La  Chanson  {i<"'  versement) JOO  » 

La  Sociélé  du  Caveau 500  » 

Les  Memljres  de  la  Lice  Chansonnière  {l'^'^  ver- 
sement)    250  » 

La  Société  des  Atiteiirs,  Compositeurs  et  Editeurs 

de  wusixjue 200  » 

Soirée  organisée  par  rWi/oH  Artisiigue 119  75 

La  Société  chorale  les  Enfants  de  Paris 50  » 

MM.  le  IK  Ch.  Bernard 100  » 

Mural,  conseiller  municipal 100 


Le  Personnel  de  la  maison  Murât. 

A.  de  Plazanet 

Piéveilhac 

Félix  Faure,  au  Havre 

Félix  Guénin 

L.  Fornet 

E.-P.  Tluisseau 

G.  Barbier  

Josserand 

Alexandre  Uoy 

A.  Appert 

F.  Pinet 

Charles  Vincent 

Charles  Rochel,  statuaire 

P.  Malvezin,  auteur  de  la  Bible  farce. 

Edmond  Cottinet 

Morin,  conseiller  municipal 

Jules  Toussaint 

Gaudechon,  à  Perronne 

A.  Greniion 

Henri  Chartier.  : 

Emile  Olivier 

Baussau  frères 

Denis,  rue  d'Aboukir,  7 

E.  Chebroux 

Guytard,  à  Saint-Mandé 

Isambert 

Gaubon 

E.  Muzin 

A.  Durand 

■J.-M.  Démoule,  imprimeur  à  Cluny  . . . 


33  50 

20    » 


50    » 


ToTAi 1.865  25 

Ce  chiffre  est  forcément  incomplet;  nous  ne  pou- 
vions, pour  le  grossir,  risquer  de  nuire  à  la  propagande 
en  faisant  rentrerles  listes  en  circulation;  maisToeuvre 
marche,  et,  la  presse  aidant,  sa  réussite  est  certaine. 

La  statue  de  Béranger  ne  doit  pas  être  regardée 
comme  une  manifestation  exclusivement  parisienne  ; 
les  départements  ont  le  droit  et  le  devoir  d'y 
apporter  la  plus  large  contribution.  Nous  tenons  à 
la  disposition  des  journaux  et  des  personnes  qui 
voudraient  bien,  en  province,  s'occuper  activement 
de  la  souscription,  des  listes  imprimées  et  des 
numéros  de  La  Chanson  eom-posés  spécialement  pour 
la  propagande.  Nous  espérons  compter  sous  peu  des 
correspondants  dans  toutes  les  parties  de  la  France. 
On  peut,  dès  à  présent,  souscrire  : 

A  Lyon,  chez  M.  Rémy  Loutre,  chansonnier,  rue 
Madame.  170,- 

A  Saint-Etiemie,  chez  M.  Gonon,  chansonnier,  rue 
Tarantaize,  37; 

A  Toulouse,  chez  M.  Jean  Bernard,  homme  de 
lettres,  rue  de  la  Chaîne,  19; 

A  Granville  {Manche),  dans  les  bureaux  du  Journal 
DE  Granville,  rue  du  Pont. 

Sous  le  patronage  du  Comité,  M.  Jean  Bernard 
doit  faire,  à  Toulouse  et  dans  plusieurs  villes  du 
Midi,  des  conférences  au  profit  de  la  statue  de 
Béranger;  c'est  là  une  heureuse  idée  que  nous 
recommandons  aux  littérateurs,  de  même  que  nous 


signalons  aux  sociétés  lyriques  l'intelligente  initiative 
prise  par  l'Union  Artistique,  et  aux  sociétés  chorales 
l'excellent  exemple  donné  par  les  Enfants  de  Paris. 

La  Chanson  reste  le  moniteur  du  Comité  formé  par 
ses  soins.  Toutes  les  communications  relatives  à  la 
statue  de  Béranger  doivent  donc  être  adressées 
au  Secrétariat,  rue  Bonaparte,  18  (bureaux  de 
La  Chanson). 

A  Paris,  les  souscriptions  seront  désormais  reçues 
dans  les  bureaux  des  journaux  suivants  : 

La  Chanson,  rue  Bonaparte,  18  : 

Le  Siècle,  rue  Chauchat,  24  ; 

L'Événement,  boulevard  des  Italiens,  10; 

Le  Télégraphe,  rue  Coq-Héron,  5; 

Journaux  Professionnels  de  Charles  Vincent, 
boulevard  du  Temple,  41  (de  9  à  0  heures)  ; 

Ze  Monde  Plaisant,  rue  de  la  Fidélité,  9; 

Le  Progrès  Artistique,  rue  Pétrelle,  24  ; 

Et  chez  les  membres  du  Comité  dont  les  noms 
suivent  : 

MM.  Murât,  trésorier,  rue  des  Archives,  6; 
Paul  Burani,  faubourg  Montmartre,  4; 
F.  Chebroux,  rue  d'Argout,  16; 
Jules  Claretie,  rue  de  Louai,  10  ; 
J.  EcHALiÉ,  rue  Montmartre,  55; 
EuG.  Imbert,  rue  de  Belleville,  226  (de  2  à 

5  heures)  ; 
Pierre  Petit,  rue  Cadet,  31  ; 

Quant  à  la  matinée  organisée  par  La  Chanson  — 
et  non  par  le  Comité,  ainsi  que  l'ont  dit  à  tort  plusieurs 
journaux  —  tout  la  fait  prévoir  exceptionnelle  et 
productive.  Notre  célèbre  et  chanmant  confrère 
Jules  Claretie  a  bien  voulu  nous  promettre  de 
rompre,  en  faveur  de  notre  œuvre,  le  silence  qu'il 
s'était  imposé  ;  il  fera,  sur  Béranger  et  la  chanson, 
une  conférence  dont  l'intérêt  se  devine  et  qui  seule 
attirerait  un  nombreux  public.  Notre  numéro  du 
l"'  avril  indiquera  tous  les  autres  éléments  de  succès 
de  cette  représentation  populaire,  à  laquelle  la 
presse  de  Paris  prêtera,  nous  en  sommes  convaincu, 
le  concours  le  plus  sympathique. 

L. -Henry  LFCOMTE. 


A  LA  FRANCE 


Quel  Lieu  surgit  dans  les  airs  frénfissants  ? 
Quel  éclair  brille  en  la  nue  assombrie  ? 
Quelles  ardeurs  et  quels  souffles  puissants 
Vont  ranimer  les  monts  et  la  prairie? 
C'est  le  printemps,  ô  France  endolorie  ! 
Vois  le  soleil  qui  réchauffe  les  troncs 
Les  bois  moussus,  parés  de  liserons  ; 
Vois  fuir  l'hiver  sombre  et  mélancolique  ; 
Chante  et  reprends  tes  sublimes  fleurons, 
0  vieille  Gaule,  ô  jeune  République  ! 

Quel  désespoir,  ô  nuit,  quand  tu  descends 

Sur  notre  armée  indignée  et  meurtrie  ! 

A  nos  appels  les  conscrits  pâlissants 

Sont  restés  sourds  ;  chacun  s'effare  et  crie, 

Et  la  défaite  effrayante  et  flétrie 

Anéantit  les  braves  à  chevrons  ! 

Mais  l'Orient  blanchit  :  dans  les  cieux  prompts 

A  s'enflammer  luit  un  rayon  oblique, 

Et  tous  sont  prêts  à  venger  nos  affronts, 

O  vieille  Gaule,  ô  jeune  République  ! 


LA   CHANSON 


151 


Jadis,  aux  jours  de  gloire  éblouissants, 
Tes  fils  chantaient  :  «  Amour  de  la  patrie, 
Arme  nos  bras!  Accours  à  nos  accents, 
Combats  pour  nous,  ô  Liberté  chérie  !  » 
Tous  se  levaient,  et  leur  troupe  aguerrie 
Voyait  s'enfuir  les  pâles  escadrons. 
Changez  vos  airs  :  plus  de  mort,  ô  clairons! 
Des  nations  l'union  symbolique 
Va  s'accomplir  :  par  elle  nous  vaincrons, 
0  vieille  Gaule,  ô  jeune  République  ! 


Salut  à  vous,  laboureurs,  vignerons  ! 
Enfants  du  peuple,  artisans,  bûcherons, 
Salut!  J'ar  vous  la  grande  loi  s'applique, 
Et  devant  vous'  s'inclinent  tous  les  fronts, 
0  vieille  Gaule,  ô  jeune  République  ! 

Francis  MELVIL. 


RETOUR  A  LA  LIGE 


Musique  de  l'Auteur  des  paroles. 

Lice,  salut,  ô  chère  délaissée  ! 
Sois  indulgente  au  pauvre  déserteur 
Qui  te  gardait  au  fond  de  sa  pensée 
Comme  un  amant  sait  garder  une  fleur. 
Je  te  reviens,  plus  fervent,  plus  fidèle; 
Que  tes  couplets  aux  entrainants  refrains 
Viennent  ce  soir  effacer  d'un  coup  d'aile 
Et  mes  soucis  et  mes  nombreux  chagrins. 

Du  vin  versé  qu'on  double  les  rasades. 
Je  porte  un  toast,  le  cœur  réconforté, 
A  votre  esprit,  mes  vaillants  camarades, 
A  vos  chansons,  à  la  franche  gaîté  ! 

La  nuit  dernière,  amis,  j'ai  fait  un  rêve  : 
Je  revoyais  tous  nos  ohers  trépassés  ; 
Auxchants  joyeux  ne  laissant  pas  de  trêve, 
Je  les  voyais  commeaux  beaux  jours  passés. 
Blondel,  Petit,  ces  soutiens  du  fi'anc  rire, 
Festeau,  Bailly,  près  d'Elisa  Flcury, 
Suivaient  Férey  excitant  leur  délire 
Par  les  accords  d'un  rythme  favori. 

Du  vin  versé,  etc. 

Chanu,  Dugas,  dédaignant  l'étiquette. 
Près  de  Durand  écoutaient  Bonnefond 
Leur  fredonner  son  hymne  à  la  piquette, 
Chant  plein  d'entrain  s'il  n'est  pas  très-profond; 
Le  vieux  Colmance  y  chantait,  bouche  pleine, 
Narguant  Thémis  et  ses  agents  taquins  ; 
Desforges,  lui,  rimeur  de  longue  haleine, 
Jetait  au  vent  ses  chants  républicains. 

Du  vin  versé,  etc. 

En  les  perdant  on  perdit  la  goguette. 
Où  les  Debraux,  les  Gille,  les  Leroy, 
En  essayant  les  chants  de  leur  musette. 
Daubaient  d'aplomb  sur  la  cour  et  le  roi. 
Elle  n'est  plus,  mais  la  Lice  remplace 
Ces  rendez-vous  des  jeunes  flonflonniers; 
Chacun  de  nous  venait  marquer  sa  place 
Au  Panthéon  des  malins  chansonniers. 

Du  vin  versé,  etc. 


Gais  successeurs  de  ces  fervents  apôtres. 
Porte-drapeau  du  vieil  esprit  gaulois. 
On  reconnaît,  dès  qu'on  se  fait  des  vôtres, 
Que  la  chanson  ne  peut  rester  sans  voix. 
Vive  Chebroux,  sa  note  est  claire  et  tendre; 
Vive  Echalié,  Baillet,  jeune  pinson; 
Vivent  vous  tous  qu'on  aime  tant  entendre. 
Amants  chéris  de  la  reine  chanson. 

Du  vin  versé,  etc. 

A  vous,  Serthier,  Hachin,  Nadot,  mes  maîtres, 
Qui  ciselez  le  vers  avec  tant  d'-art, 
Chefs  acclamés  des  chercheurs  d'hexamètres, 
Dont  nous  suivons  le  magique  étendard  ; 
A  vous  ce  toast;  allons,  folle  milice. 
Debout!  trinquons,  pour  nous  c'est  un  devoir 
Que  boire  à  ceux  qui  fondèrent  la  Lice,    > 
A  nos  aînés  dans  l'art  du  gai  savoir  ! 

Du  vin  versé  qu'on  double  les  rasades. 
Je  porte  un  toast,  le  cœur  réconforté, 
A  votre  esprit,  mes  vaillants  camarades, 
A  vos  chansons,  à  la  franche  gaîté  ! 

F.  VERGERON. 


JE  SUIS  LE  PLIS_R1CHE  DU  MONDE 

iR  de  ;  Adku,  je  vous  fuis,  bois  chnrnmnt  (Doche  père). 

Que  d'Arpagons  aux  doigts  crochus, 
Ici-bas,  cherchent  la  fortune  j"* 
Comptant  parmi  ses  fils  déchus. 
Cette  dame  me  tient  rancune; 
Mais  le  bonheur,  en  travaillant, 
Nous  vient  de  partout  à  la  ronde  : 
Moi.  qui  n'ai  pas  un  sou  vaillant, 
Je  suis  le  plus  riche  du  monde  ! 

Bacchus,  qui,  lorsque  j'ai  trois  sous, 
Comme  une  cocotte  me  lorgne. 
Ne  m'a  point  fait  le  sort  si  doux 
De  Midas,  ce  roi  caliborgne. 
Mais,  de  ce  pouvoir  enchanté. 
Je  me  ris  fort,  et  je  le  fronde  ; 
J'ai  la  jeunesse  et  la  gaîté  : 
Je  suis  le  plus  riche  du  monde  ! 

Pour  mes  amours,  j'ai  fait  le  choix 
D'une  fille  robuste  et  sage. 
Qui  possède,  tout  à  la  fois. 
Les  doux  attraits  et  le  courage. 
Vingt  ans  battent  dans  son  cœur  d'or, 
Et  je  l'aime  autant  qu'elle  est  blonde; 
L'amour  est  un  bien  beau  trésor  : 
Je  suis  le  plus  riche  du  monde  ! 

J'aime  les  champs,  la  plaine  d'or 
Qu'un  gai  messidor  ensoleille, 
Mais  ce  que  j'aime  plus  encor, 
C'est  le  fruit  qui  pend  à  la  treille. 
Il  nous  donne,  à  tous,  la  santé. 
Teint  frais  et  face  rubiconde, 
Aussi,  lorsque  j'en  ai  goûté  : 
Je  suis  le  plus  riche  du  monde! 

De  nos  jours  l'argent  fait  florès. 
Mais  souvent  nous  charge  d'entraves, 
Combien  de  Crésus-Damoclès 
De  la  fortune  sont  esclaves. 


152 


LA    CHANSON 


Pauvre  hère,  mais  sans  émoi, 
Je  vis  clans  une  paix  profonde  ; 
La  liberté  loge  chez  moi  : 
Je  suis  le  plus  riche  du  monde  ! 

Je  n'ai  point  la  prétention 
D'enrichir,  après  moi,  la  France  ; 
Mais,  d'une  autre  donation. 
Je  fournis,  du  moins,  l'espérance  : 
De  trois  marmots,  père  déjà, 
J'ai  prouvé  ma  race  féconde, 
Je  puis  mourir,  mon  sang  vivra  : 
Je  suis  le  plus  riche  du  monde! 

Héritier  d'un  sang  généreux. 
Sève  ardente,  sous  rude  écorce, 
De  mes  ancêtres  valeureux. 
J'ai  le  caractère  et  la  force. 
J'aime  à  relire  leurs  vertus. 
De  gloire,  leur  passé  m'inonde  ; 
Un  nom  pur  vaut  bien  des  écus  : 
Je  suis  le  plus  riche  du  monde  ! 

Georges  BAILLET. 

CURIOSITÉS  DE  LA  CHANSON    C) 

Rien  de  plus  connu  que  le  timbre,  rien  de  plus 
rare  que  le  texte  ci-dessous  : 

Mon  père  était  Pot. 

Buvons  à  tirelarigot, 

Ohers  amis,  à  la  ronde  ! 
Au  Dieu  du  vin  soyons  dévot  : 
Il  gouverne  le  monde  ! 
Jadis  nos  aïeux 
Prêchoient  encor  mieux 
Cette  morale  sainte. 
Mon  père  étoit  Pot, 
Ma  mère  étoit  Broc, 
Ma  grand'mère  étoit  Pinte. 

J'eus  pour  parrain  le  dieu  Bacchus  : 

Ce  fut  sous  une  treille 
Que  de  lui  le  nom  je  reçus 
D'enfant  de  la  bouteille! 
Dès  que  je  fus  né, 
De  ce  jus  sacré 
J'eus  la  première  atteinte. 
Mon  père  étoit  Pot,  etc. 

La  nourrice  que  je  tétois 
Me  donnoit  la  bouillie  ; 
Mais  à  ce  mets  je  préférois 
Le  vin  de  Malvoisie  ! 
Enfant,  je  suçois, 
Au  lieu  de  hochets. 
Un  raisin  de  Corinthe. 
Mon  père  étoit  Pot,  etc. 

J'avois  douze  ans  quand  je  soutins 

En  forme  de  logique. 
Sur  la  différence  des  vins 
Une  thèse  bachique  ! 
Monté  sur  un  banc. 
Fier  comme  Artaban, 
Je  poussai  bien  ma  pointe. 
Mon  père  étoit  Pot,  etc. 

(*)  Sous  ce  titre,  nous  publierons  désormais,  dans  chaque 
numéro  de  La  Chanson,  soit  une  rareté  poétique,  soit  une 
étude  sur  la  chanson  ou  les  chansonniers  du  passé. 


A  présent  que  je  suis  docteur. 

Messieurs,  venez  m'entendre; 
Bien  mieux  qu'un  autre  professeur. 
Je  saurai  vous  apprendre 
Qu'il  faut,  nuit  et  jour, 
Boire,  plein  d'amour, 
A  la  santé  d'Aminte  I 
Mon  père  étoit  Pot, 
Ma  mère  étoit  Broc, 
Ma  grand'mère  étoit  Pinte. 


APPEL 

AUX    POÈTES-CHANSONNIERS    LYONNAIS 

Lyon,  la  seconde  ville  de  France,  parmi  les 
nombreuses  sociétés  qu'elle  possède ,  ne  compte 
aucune  réunion  de  chansonniers.  Pourtant,  la  ville 
de  Pierre  Dupont  est  assez  riche  en  rimeurs;  pour- 
quoi n'aurait-elle  pas  une  petite  Académie  du  rire 
gaulois  et  de  la  chanson,  un  Caveau  lyonnais  enfin? 

Usant  de  son  droit  d'initiative,  et  pour  obvier  à 
cette  indifférence  ou  à  cet  oubli,  le  soussigné  fait 
un  appel  à  tous  les  Lyonnais  amis  de  la  rime  et  de 
la  chanson.  Une  réunion  préparatoire  aura  lieu 
prochainement  au  café  d'Albret,  quai  de  l'Est.  Les 
journaux  de  Lyon  donneront  le  jour  et  l'heure  de 
cette  réunion. 

Tous  les  rimeurs  grands  ou  petits  peuvent  prendre 
le  présent  avis  comme  une  invitation  à  prêter  leur 
concours  pour  créer  le  Caveau  Lyonnais. 

Un  Caveau  pour  nous  unir 

Contre  les  défauts  du  monde, 

Pour  chansonner  à  la  ronde  • 

Tous  les  vices  à  loisir. 

Aux  amis  de  la  musette, 

Béi-anger,  le  grand  poète. 

Se  fit  toujours  une  fête 

De  dire  un  refrain  nouveau; 

Imitons  ce  grand  modèle, 

Que  l'union  fraternelle 

Fonde  chez  nous  un  Caveau  ! 

RÉMY  DOUTRB. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 

Donc  le  Caveau  tint  ses  assises, 
Où  nul  jamais  ne  se  grisa. 
Le  sept  mars,  sept  heures  précises, 
Chez  Band,  au  café  Corazza. 
Car,  pour  plaire  à  ces  chers  confrères, 
Et  cet  honneur  leur  est  bien  dû, 
En  vers  plus  ou  moins  littéraires 
Je  broche  mon  compte  rendu. 
On  se  tait,  une  fois  à  table. 
Pour  donner  un  bon  coup  de  dent  ; 
Puis  vient  le  toste  inévitable, 
Où  brille  notre  président. 
Clairville,  perdu  pour  la  rime, 
Comme  de  juste,  en  fait  les  frais  : 
Tribut  sincère  et  légitime 
De  souvenirs  et  de  regrets. 
Ripault,  Saint-Etienne,  Blainville, 
Fouache,  Vergeron  et  Vincent 
:  A  leur  tour  célèbrent  Clairville, 

Ce  soir  —  et  pour  jamais  —  absent; 
,  Et  leur  amitié  s'évertue. 
Rappelant  les  succès  passés... 
—  On  n'a  pas  parlé  de  statue, 
Mais  de  couronne,  et  c'est  assez. 


LA  CHANSON 


153 


Lesueur,  en  sa  veiTe  attique, 
Brave  du  temps  les  doigls  pesants  : 
Sa  Progression  erotique 
Est  digne  de  ses  jeunes  ans. 

Nous  devons  au  joyeux  Demeuse 
Deux  contes  d'un  sel  très-gaulois  ; 
Et  Piesse,  de  sa  plume  heureuse, 
A  la  Chanson  trace  ses  lois. 

Je  pourrais  bien  ici  les  dire, 
Si  j'avais  affaire  à.  des  sols  ; 
Mais  pour  vous,  à  quoi  bon  réduire 
La  chanson  de  Piesse  en  morceaux? 

—  Calembour!  signe  de  vieillesse! 
Voyez  Garnier,  de  l'Opéra  : 

Quand  il  en  commet,  c'est  qu'/î  baisse. 
Plus  tard  il  se  redressera. 

Monlariol,  digne  archiviste 
De  nos  succès,  de  nos  douleurs, 
Pince  aujourd'hui  la  corde  triste, 
Car  le  rire  est  si  jjrès  des  pleurs  f 

Baillet,  en  ressources  fertile, 
Tantôt  grave,  tantôt  plaisant, 
Donne  plus  d'un  avis  utile 
Dans  le  bon  sens  d'un  paysan. 

Schutz,  qui  n'est  pas  des  plus  novices, 
D'un  ton  mâle  nous  a  vanté 
Et  le  bois  et  tous  les  services 
Qu'il  rend  à  notre  humanité. 

—  Il  faut  plaire!  nous  dit  Lagarde. 
Parbleu  !  qui  le  sait  mieux  que  lui  ? 
Il  proche  d'exemple  et  n'a  garde 
De  jamais  provoquer  l'ennui. 

Encore  un  qui  jamais  n'ennuie, 
C'est  Mouton  :  sans  se  mettre  en  eau. 
Il  nous  chante  Pendant  la  pluie. 
Couplets  coulants...  Mais  Ordonneau, 

Homme  prudent,  ordonne  au  sage. 
S'il  ne  veut  être  le...  pigeon, 
De  gratter  le  badigeonnage  : 

—  J'aurais  mieux  aimé  :  badigeon. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  lactique 
Est  bonne  sous  tous  les  climats; 
Et  Guérin  la  met  en  pratique 
En  disciple  de  saint  Thomas. 

Tout  député  qu'il  est,  Leconte, 
Sans  manquer  à  sa  mission, 
Nous  régale  d'nn  joli  conte  : 
La  première  confession. 

Une  lacune  ici  subsiste 
Et  jette  un  froid  sur  mon  vélin  : 
Je  ne  trouve  plus  dans  ma  liste 
Le  sujet  qu'a  traité  Poullain. 

Sage  ennemi  de  tout  extrême 
Et  vrai  sectateur  de  Chaulieu, 
(Dans  ses  amours  fait-il  de  même?) 
Fénée  en  tout  cherche  un  milieu. 

Grange,  que  le  tiroir  attire. 
Ne  veut  pas  passer  pour  bougon. 
Mais  il  sait  plaire,  et  sa  satire 
Cingle  la  pelle  et  le  fourgon. 

Il  n'aime  pas  la  politique, 

Mais,  comme  un  noble  à  cent  quartiers. 

C'est  encore  la  République 

Qu'il  raille  le  plus  volontiers. 

Granger  II  :  la  guen-e  lui  pèse; 
Il  parle  un  peu  sévèrement 
Et  nous  défend  la  Marseillaise, 
Mais  pendant  la  paix  seulement. 


Vergeron,  à  la  rouge  mine. 
Ne  craint-il  pas  de  la  pâlir 
Dans  son  Hôtel  de  la  Débine, 
Triste  abri  qu'il  faut  démolir? 

Quand  la  gaudriole  s'est  tue, 

J'ai  pu  —  comment  n'y  pas  songer?  — 

Quêter  —  en  vers  —  pour  la  statue 

Que  nous  devons  à  Déranger. 

Ces  couplets,  bien  tournés  du  reste. 

Ont  obtenu  plus  d'un  bravo. 

Moi  qui  redoutais  une  veste  ! 

—  On  n'en  porte  pas  au  Caveau. 

Sur  cet  intéressant  chapitre 
J'en  )Jourrais  dire  bien  plus  long; 
Mais  je  craindrais  à  juste  titre 
De  fatiguer  mon  Apollon. 

Terminons  donc  cette  folie  ; 
Car  trop  longtemps  ma  plume  court; 
Et  ceux  qu'en  ce  moment  j'oublie 
Savent  bien  qu'ils  auront  leur  tour. 

D'après  ce  récit  véridique, 
\'ous  voyez  qu'en  fait  de  nouveau. 
Quoi  ([uè  prétende  maint  critique. 
On  peut  s'adresser  au  Caveau. 

nari  1879  EuG.  IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET  DU   5  MARS  1879. 

A  qui  décerner  la  pomme  dans  ces  tournois  mensuels  de 
chansonniers-poètes,  où  le  chanteur,  presque  toujours 
interprète  de  son  œuvre,  a  la  conviction,  s'il  ne  réussit  pas, 
d'avoir  été  mal  compris?  Mon  embarras  s'explique.  (Juant 
à  la  critique,  peut-elle  trouver  une  place  sérieuse  dans  ces 
concours  intimes,  ces  luttes  d'esprit  qu'on  ne  saurait  jamais 
trop  encourager?  Nous  ne  le  croyons  pas.  Si  quelques  cou- 
plets ou  rimes  faibles  viennent  de  temps  à  autre  jeter  leurs 
notes  discordantes  dans  l'ensemble  et  rompre  l'harmonie, 
peut-être  est-il  plus  sage  de  faire  la  sourde  oreille  en 
feignant  de  croire  que  tout  est  pour  le  mieux  dans  la 
meilleure  des  Lices.  D'ailleurs,  les  points  de  comparaison 
ont  aussi  leur  utilité.  Les  satellites,  rayonnant  autour  de 
l'astre  Béranger,  ont  bien  leur  valeur,  et,  quand  le  soleil 
se  cache,  la  nuit  nous  ramène  les  étoiles  que  nous  nous 
estimons  heureux  de  voir  briller.  Ceci  posé,  analysons 
comme  quelqu'un  qui  croit  que  c'est  arrivé. 

M.  Echalié  raconte  un  rêve  en  vers  qui  lui  sert  de  toast 
traditionnel  et  obligatoire.  Son  rêve  finit  par  un  cauchemar, 
jugez-en  :  au  moment  de  franchir  les  portes  du  temple  des 
chansonniers,  il  est  réveillé  par  la  foudre;  c'est  vexant. 
Un  loustic  traduirait  sa  longue  tirade  en  une  ligne  :  «  Il 
s'est  cassé  le  nez  contre  la  porte.  »  Sa  poésie  n'entend  pas 
de  cette  oreille  et  se  termine  ainsi  : 

Je  bois  à  Vmenir 
De  1(1  Chanson  ijui  ne  doit  pas  mourir^ 
Je  bois  h.  vous,  prêtres  de  la  déesse,  . 
Qui  saurez  faire,  en  travaillant  sans  cesse, 
Dé  notre  culte  un  culte  respecté 
Et  de  mon  rêve  une  réalité. 

Espérons  que  M.  Echalié  verra  bientôt  s'ouvrir  toutes 
grandes  les  portes  de  ce  temple  que  la  modestie  de  son  rêve 
ne  lui  permet  pas  encore  de  franchir. 

M.  Echalié  fait  aussi  de  la  musique;  il  interprète,  de 
M.  Ryon,  les  Roses  d'amour,  et  de  Rubois,  la  Muse 
Chanson.  Ah!  si  j'avais  su,  dit  M.  Pingray — '  et  moi  donc! 
M.  Tribelhorn,  le  Paradis  des  Buveurs,  de  Georges  Baillet, 
succès  pour  l'interprète  et  l'auteur;  -M.  Fouache,  Si  je 
gagnais  V  gros  lot!  ou  les  Rêves  d'un  vidangeur;  M.  Ver- 
geron, le  Retour  à  la  Lice,  que  nous   publions  dans  ce 


154 


LA  CHANSON 


numoro,  et  Jean  Labeur,  un  chaut  plein  de  vigueur  que 
l'auteur  clianle  avec  toute  l'énergie  qu'il  comporte.  N'ou- 
blions pas  l'Appétit  vient  en  maiigeaiit,  chansonnelte 
commise  par  le  signataire  du  présent  article,  en  collabo- 
ration avec  son  camarade  Gédhé  ;  les  Venettes  du  5  0/0,  de 
M.  Ed.  Hachin,  brûlante  actualité  :  gageons  que  l'auteur 
était  de  ceux  que  la  venelle  a  empoigné;  c'est  le  revers  de 
la  médaille  des  rentiers  (quand  donc  aurais-je  de  ces 
venettes-là),  et,  pour  se  venger,  M.  Ilacliiu  fait  bravement 
rimer  sait  avec  Say.  Si  la  rime  manque  de  richesse,  c'est  la 
faute  à  M.  Say;  s'en  plaindra-t-il?  —  M.  Picard,  dans  son 
Mercredi  des  Cendres,  nous  dit  «  Pietourne  à  la  poussière,  » 
mais  avec  tant  d'esprit  qu'on  lui  pardonne  le  côté  funèbre 
de  sa  chanson;  M.  Rubois  nous  peint  sa  Devanture  en 
maître';  nous  savourons  une  bonne  production  de  M.  Georges 
Duplessis,  le  Vieux  Corbeau;  M.  Adeline,  son  interprète, 
fait  bien  vibrer  ces  vers  sentant  la  mort  d'une  lieue,  mais 
aussi  d'une  grande  vérité.  M.  Henri  Nadot  dit  avec  beaucoup 
de  goût  Bonsoir  voisin,  bonsoir  voisine.  M.  Paul  Avenel 
trouve  qu'on  n'est  pas  vieux  à  cinquante  ans,  et  je  suis  entiè- 
rement de  l'avis  de  sa  bonne  chanson.  M.  Rochet  nous  dit 
drôlement  (jii'il  n  des  filles  —  mais  paraît  que  c'est  pas 
toujours  drôle  ;  —  M.  Ryon,  de  sa  voix  grave  et  sympathique, 
récite  sou  Jean  Mi^iire ,  et  se  fait  particulièrement 
applaudir  dans  le  Cabaret  de  la  Futaille  ;  c'est  un  Eden,  ce 
cabaret,  et  sa  desci'iplion  donne  l'envie  d'y  faire  un  tour. 
Nous  entendons  successivement  Je  suis  eniploijé  de  bureau, 
de  Dubois  ;  Aux  Cliausoiiniers,  de  Ach.  Caron;  le  Renoureau, 
de  Robiuot,  qu'on  ci'oirait  écrit  par  un  poète  de  vingt  ans; 
Nuil  d'amiiur,  poésie  de  Jules  Jloniol.  ,M.  Albert  Pellet  intei'- 
prèle,  de  Paul  Chocqne,  Oreillard  TV  chez-  les  Zoulous  :  très- 
amusaiil,  le  [iclit  Hadinguet  se  servant  de  ses  oreilles  connue 
d'un  InniieÈ-  ]ioar  arriver  plus  vite  :  «  On  ne  ta  fait  plus  à 
bitii,  I)  dil-il.  Heureusement!  M.  Jouy,  à  la  nuise  linlania- 
resque,  l'ail  rire  avec  Mon  Adèle;  M.  Ilassi!  posliile  pour 
entrer  dans  la  Lice  et  récite  :  Visite  à  la  Liée  Chiiiisuuiiière  : 
M.  Jides  Jeannin  termine  en  égayani  (oui  le  moiulc  ]iar 
une  de  ces  chansons  dont  il  a  la  propriélc  et  ipi'il  sait  rendre 
amusanle  ipiand  même. 

A  qui  d(''cerner  la  pomme,  disais-je  en  commençant  cet 
article;  Jcerles,  nous  n'avons  que  Pembarras  du  choix  dans 
ce  fouillis  de  couplets  et  de  poésies  dont  la  plus  grande  partie 
valent  bien  les  meilleures  chansons  du  café-concert  que  le 
public  baptise  grands  succès.  Constatons-le,  le  banquet  du 
5  mars  a  donné  le  jour  à  de  fort  bonnes  choses  ;  mais,  avant 
tout,  nous  croyons  èlre  l'interprète  du  sentiment  général  en 
déclarant  que  les  bravos  les  plus  spontanés  et  les  plus 
sincères  ont  justement  récompensé  (|uel(ini's  vers  inédits  de 
M.  Alfred  Leconte,  Ma  preniièrr  Hmiff'xsiiiii  ;  c'est  court, 
mais  c'est  bon,  et  la  chute  toute  rabelaisienne  (nous  croyons 
0  r  l'appeler  ainsi)  j 

A  défaut  de  papier,  je  me  sers  d'une  feuille. 

a  surpris  et  aurait  fait  rire  le  confesseur  lui-même,  s'il  avait 
pu  Pentendre. 

A.  LEROV. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Nous  regrettons  sincèrement  de  n'avoir  pu  nous 
rendre  au  concert  donné  à  la  salle  Herz,  le  5  mars, 
par  M"°  Sarah  Alphen  ;  on  nous  aflîrme  qu'il  a  été 
des  plus  brillants,  et  l'on  ajoute  qu'un  directeur 
d'une  de  nos  grandes  scènes  lyi'iques  doit  s'attacher 
incessamment  la  sympathique  chanteuse,  du  grand 
ihéâtre  de  Versailles. 

Le  même  soir,  la  société  lyrique  Union  et  Gaité 
oifrait  un  grand  concert  à  ses  membres  d'honneur. 
Les  noms  les  plus  aimés  des  sociétés  sont  venus 
contribuer  au  grand  succès  de  cette  représentation. 


Nous  nous  promettons  d'aller  prochainement 
rendre  une  visite  au  salon  du  Globe  (8,  boulevard  de 
Strasbourg)  local  de  ladite  société. 

Je  reçois  la  lettre  suivante. 

«  Monsieur  le  Secrétaire  du  journal  La  Chanson, 
«  Je  vous  informe  que  quelques  fautes  d'impression 
se  sont  glissées  dans  votre  numéro  du  1°'  mars. 
Cercle  Musset  :  au  lieu  de  M.  Andrieux  président, 
veuillez  mettre  A.  Durrieu  ;  quant  à  M.  Verniaud,  ne 
l'ayant  jamais  connu,  je  suppose  que  c'est  de 
M.  Berlioz  que  vous  avez  voulu  parler.  Agréez  tous 
mes  remerciements  pour  votre  article  et  croyez-moi 
votre  tout  respectueux, 

A.  DURRIEU, 
Président  du  Cercle  Musset.  » 

Le  dimanche  9  mars. les  Gais  Momusiens  (président 
M.  Leroux)  donnaient  une  matinée  lyrique  et 
dramatique,  salle  de  l'Alhambra.  Arrivé  un  peu  tard, 
et  M.  Leroux  —  on  ne  peut  penser  à  tout  —  ayant 
oublié  de  réserver  une  petite  place  au  chroniqueur 
de  La  Chanson,  je  ne  puis  donner  qu'une  idée 
incomplète  de  cette  représentation,  ayant  tout 
entrevu  par  le  gros  bout  de  la  lorgnette.  Nous  avons 
rencontré  là  quelques  amateurs  des  sociétés  lyriques, 
MM.  Camut,  Jomain,  Robert,  Georges,  Franck  — 
M"""  Limât,  Lorain,  M""  Julia,  Prieur,  Henriette  — 
MM.  Metivet,  Meunier,  Vaast,  Denis,  Lefèvre  etc. 
A  part  Jomain,  qui  a  été  moins  amusant  que 
d'habitude,  ces  Messieurs  et  ces  Dames  ont  été, 
chacun  dans  leur  genre,  applaudis  avec  plus  ou 
moins  d'enthousiasme.  Les  artistes  qui  avaient 
obligeamment  prêté  leur  concours  s'appelaient 
M""  Nancy,  Fabre; MM.  Limât,  Fradel,  Mallièvre. — 
M.  Viala  est  venu  lui-même  s'excuser,  un  affreux 
mal  de  gorge  lui  dictant  un  repos  forcé.  Le  Cercle 
Philharmonique ,  dirigé  par  M.  Dupa,  a  fait  les 
intermèdes  musicaux  ;  on  a  osé  jouer  la  Marseillaise  — 
vous  avez  bien  lu  :  la  Marseillaise\  Le  bis  n'a  pas  été 
accordé  ;  le  public  le  réclamait  pourtant  avec  assez 
d'énergie. 

Quand  je  vous  aurai  appris  qu'on  a  joué  La  Botte 
de  mon  père-,  un  Homme  comme  il  faut,  que  les 
clodoohes  Adrien,  Jules,  Léon,  Victor,  ont  dansé  le 
quadrille  de  la  famille  Bidard,  et  que,  moins  veinard 
que  ladite  famille,  je  n'ai  rien  gagné  à  la  grande 
tombola  gratuite  composée  de  50  lots  sérieux,  vous 
ne  pourrez  vous  étonner  qu'on  soit  parti  satisfait 
en  se  promettant  de  revenir  quand  il  plaira  aux 
Gais  Momusiens  d'ajouter  un  succès  de  plus  à  leur 
actif. 

Nous  avons  déjà  fait  savoir  que  nous  préparons 
un  travail  concernant  les  sociétés  —  sous  ce  titre 
Goguettes  et  Sociétés  lyriques  de  1820  à  nos  jours.  ■ — ■ 
A  ce  propos,  nous  avisons  les  présidents  qu'à 
l'avenir  chaque  numéro  de  La  Chanson  publiera,  sous 
cette  rubrique  :  Paris  qui  chante,  l'histoire  de  chaque 
société  en  particulier.  Nous  commencerons  par  les 
Epicuriens,  la  plus  ancienne  des  Sociétés  lyriques 
parisiennes.  Les  présidents  peuvent  dès  à  présent 
nous  adresser  tous  les  renseignements  concernant 
leur  société  :  les  premiers  arrivés  seront  les  premiers 
servis. 

Au  dernier  moment,  on  nous  informe  que 
l'Harmonie  du-  Commerce  (président  M.  Morin, 
directeur  J.  Brevet)  prépare,  pour  le  6  avril,  une 
matinée  artistique  et  musicale. 


LA  CHANSON 


155 


Les  Enfants  de  Lutece  prêteront  leur  concours  à 
cette  solennité  ;  nous  serons  là.  Personne  n'ignore 
que  V Harmonie  du  Commerce  a  remporté  les  trois 
grands  prix  d'honneur  au  dernier  concours  interna- 
tional de  Paris. 

A.  LEROY. 

Dimanche  23  février,  anniversaire  de  la  fondation 
de  la  Renaissance  (Café  du  Globe,  boulevard  de 
Strasbourg).  Salle  comble,  comme  toujours;  soirée 
charmante  et  programme  très-bien  composé.  La 
Renaissance  tient  à  honneur  de  conserver  la  place 
brillante  qu'elle  occupe  parmi  les  sociétés  lyriques. 
M.  Ramel,  son  intelligent  président,  souffrant,  était 
remplacé  au  bureau  par  M.  Saunier,  vice-président, 
qui  s'acquitte  de  ses  fonctions  avec  beaucoup  de  tact. 
Quant  àlapartieai'tistique,  nous  citerons  au  hasard  : 
M"°  Dupont,  dont  la  voix  bien  timbrée  est  extrême- 
ment sympathique;  M.  Donckel,  très-applaudi  dans  un 
récit  :  Le  Turco  de  la  Commune .  Qui  se  ressemble  se 
gène  est  un  acte  très-fin  et  très-amusant;  seulement, 
pourquoi  M.  Victor  C.  et  M"""  R.  jouaii>nt-ils  au 
souffleur?  Un  bon  point  bien  mérité  à  M.  Hcurj  M., 
qui  a  composé  son  personnage  d'étudiant  en  rupture 
de  cours  d'une  façon  fort  originale.  Somme  toute,  un 
succès  pour  la  Renaissance. 

JANUS. 

Mardi  4  mars  1879,  troisième  concert  do  la  sixième 
saison  de  l'Harmonie  Commerciale,  salle  Rivoli, 
104,  rue  Saint-Antoine.  —  Directeur,  Alexandre 
Thouvcnel. 

L'élément  musical  féminin  était  représenté,  comme 
au  dernier  concert,  par  M"""  Noblet,  M"*"  Mathihie 
Arnaud,  et  M"°  Lucie  Thouvenel  :  cette  dernière  est 
âgée  de  sept  ans  et  demi. 

M"'°  Noblet  a  chanté  avec  goût  et  finesse  une 
ariette  de  Philémon  et  Baucis;  une  indisposition 
regrettable  ne  lui  a  pas  permis  do  jeter  les  notes 
hautes  avec  sa  décision  accoutumée.  —  Elle  était  plus 
maîtresse  d'elle-même  dans  la  Marmotte,  de  la 
Camargo.  Lui  reprocherons-nous  d'avoir  enlevé  à  ce 
morceau  son  cachet  Renaissance?  Nous  ne  l'oserons 
pas,  bien  que  notre  époque  recherche  les  épicos. 

M"°  Arnaud  dit  plus  qu'elle  ne  chante,  et  perle  plus 
qu'elle  no  dit.  Sa  préoccupation  constante  de  la 
nuance  ralentissait  peut-être  le  mouvement  général 
de  la  Tireuse  de  Cartes.  Mais,  quelle  délicatesse  dans 
le  Refrain  de  noce!  Bravo,  sous  cette  réserve  que  la 
demoiselle  d'honneur  doit  être  un  peu  émue  après 
deux  verres  de  Champagne  :  l'estomac  et  les  conve- 
nances l'exigent. 

On  nous  avait  fait  craindre  pour  la  voix  de 
M"°  Lucie  Thouvenel,  à  la  suite  d'une  imprudence 
d'enfant.  Il  n'en  est  rien  heureusement;  nous  l'avons 
bien  vu  dans  Ce  que  j'aime  le  mieux  (paroles  de 
M.  Landrevin),  et  Maison  à  louer.  —  D'autre  part, 
la  jeune  artiste  fait  des  progrès  sur  le  piano,  grâce 
à  son  maître,  M.  Debroca  de  Gasperi. 

Les  Troubadoicrs  de  la  rue  Saint-Denis  étaient 
représentés  par  MM.  Bonnefoy,  président,  et  Alfred 
Bloc.  M.  Bonnefoy  a  chanté,  d'une  voix  sympathique, 
les  Jeunes  gens  et  la  Saint- Lundi.  Pour  vous,  M.  Bloc, 
je  vais  vous  attraper  en  ami.  Vous  avez  bien  dit 
Un  jeune  homme  crédule  ;  et,  si  vous  ne  saviez  pas 
Un  gros  Lot,  c'est  qu'il  vous  avait  fallu  remplacer 
au  pied  levé  M.  Bonnet,  lequel,  pour  interpréter 
Un  Monsieur  sans  façon,  s'absente.  Mais   pourquoi 


classer  dans  votre  répertoire  les  Veinards  de  Bidards, 
ce  dernier  mot  de  l'esprit  du  concert?  Sursum  corda, 
M.  Bloc,  ou,  plus  clairement,  haussez  vos  cordes 
(traduction  non  garantie). 

Le  Conservatoire  lui-même  avait  trois  délégués  : 
M"°  Rosamond,  MM.  Lavergne  et  Fournier,  pour  la 
partie  poétique  et  littéraire.  Voilà,  du  coup,  trois 
artistes  en  herbe.  —  Tout  aurait  marché  à  souhait, 
s'ils  n'avaient  eu  le  souffleur  dans  le  dos,  position 
contraire  aux  nécessités  de  l'acoustique. 

L'Harmonie  même  a  fait  des  prouesses,  surtout 
dans  la  Marseillaise,  vieil  hymne  éternellement  jeune. 
Modérez-vous,  enivres  sonores;  accordez-vous, 
petites  flûtes,  et  votre  chef,  un  vétéran,  dira: 
«  Musiciens,  je  suis  content  de  vous.  » 

Prosper  tibia. 

Les  concerts  se  suivent  et  ne  se  ressemblent  pas. 

Nous  avions  fait  une  ample  provision  de  bravos 
pour  nous  rendre  au  concert  mensuel  que  la  I^yre 
Méridionale  donnait,  le  4  de  ce  mois,  au  lieu  habituel 
de  ses  réunions,  café  des  Négociants,  boulevard 
Sébastopol,  99;  malheureusement,  la  soirée  a  telle- 
ment laissé  à  désirer,  que  presque  tous  nos  applaudis- 
sements nous  sont  restés  pour  compte.  La  cause  en 
a  été,  paraît-il,  dans  la  trop  grande  bienveillance  du 
président  qui  a  cru  devoir  autoriser  à  se  faire 
entendre  dos  étrangers  à  la  société.  Il  en  est  un 
entre  autres,  M.  G.,  dont  nous  tairons  le  nom  pour 
cette  fois,  qui  a  chanté  je  ne  sais  quel  morceau  de 
musique  sérieuse  avec  une  voix  et  un  accent  d'un 
comique  irrésistible;  ce  Monsieur  a  trouvé  le  moyen 
de  reculer  les  limites  du  ridicule.  Nous  passons  pour 
aujourd'hui  les  autres  sous  silence,  mais,  à  bon 
entendeur,  salut  ! 

Et  maintenant  que  nous  eu  avons  fini  avec  ceux- 
là,  nous  adresserons  nos  meilleures  félicitations  au 
nouveau  directeur  de  la  société,  M.  Albert  Vornaelde 
qui,  sous  ce  titre  :  C'est  dimanche,  nous  a  chanté  une 
très-gracieuse  mélodie  de  sa  composition,  j>aroles  et 
musique.  M.  Pelouze  a  interprété  avec  beaucoup 
d'expression  les  Vendanges  de  la  République,  chant 
devenu  populaire  grâce  à  la  musique  de  J.-B.  CoUi- 
gnon.  Citons  encore  MM.  Sévérat,  Séguier,  Lacombe 
et  Labor  aîné,  dont  la  voix  est  très-sympathique,  et 
Lucciani,  comique  d'un  réel  talent;  M.  Fourcade 
s'est  trompé,  mais  on  nous  dit  qu'il  est  homme  [à 
prendre  sa  revanche,  attendons  ;  MM.  Lelarge  et 
Crémieux  promettent,  tiendront-ils? 

Le  chœur  la  Toulousaine,  avec  solipar  MM.  Pelouze 
et  Sévérat,  a  clos  la  soirée. 

VERITAS. 

P.  S.  Nous  serions  désolé  qu'on  pût  voir  un  oubli 
dans  notre  silence  à  l'égard  des  dames  ;  c'est  pure 
galanterie  de  notre  part. 

Le  banquet  annuel  des  anciens  élèves  de  l'Ecole 
Turgot  a  eu  lieu  le  2  mars,  dans  les  salons  du  café 
Riche.  Les  organisateurs,  mettant  à  profit  la  présence 
de  différents  artistes,  ont  improvisé  une  soirée 
charmante  dans  laquelle  on  a  entendu  MM.  Marais, 
de  rOdéon  ;  Bonjean,  du  Théâtre-Lyrique;  Berville, 
du  Palais-Royal;  Leiris,  Chàpuis,  Picard  et  le 
compositeur  Jules  Raux,  qui  a  interprété  une  de  ses 
dernières  chansons,  connue  de  nos  lecteurs:  le  Vieux 
buveur  de  vin. 


15G 


LA  CHANSON 


Les  Enfants  de  Saint-Denis,  choral  dirigé  par 
M.  Dumet,  a  donné,  le  G  mars,  son  concert  annuel. 
Quatre-vingt-dix  exécutants,  nombreux  et  excellents 
artistes  des  théâtres  de  Paris  chaleureusement 
applaudis;  résultat,  plus  de  mille  spectateurs., La 
Marseillaise  de  la  Paix,  d'Etienne  Ducret,  arrangé  à 
quatre  voix  par  M.  Monestier,  a  obtenu  un  grand 
succès. 

M.  Garnot  vient  d'être  nommé  président  du  Cercle 
Intime.  Cette  fois,  le  cercle  tient  un  président  pour 
longtemps. 

La  Lijre  bienfaisante  a  inauguré,  le  dimanche 
9  mars,  son  nouveau  local,  quai  Saint-Michel,  9. 
Grâce  à  l'activité  du  président,  M.  Couvreur,  la 
salle  était  comble  et  la  soirée  a  été  pleine  d'attrait. 
Le  camarade  Etiene  Ducret  a  dit  une  chanson  de 
circonstance.  Nous  reparlerons  prochainement  de 
cette  société,  qui  tient  ses  réunions  les  dimanches  et 
lundis. 

La  Renaissance  a  donné  le  11  mars,  une  représen- 
tation extraordinaire  dont  nous  rendrons  compte 
dans  notre  prochain  numéro. 

La  Fauvette  Parisienne  donnera,  le  dimanche 
23  mars,  à  9  heures,  une  soirée  extraordinaire  au 
bénéfice  de  M.  Lourdez,  pianiste  de  la  société.  — 
Galerie  Montpensier,  36  (Palais-Royal). 

A.  P. 


BIBLIOGRAPHIE 

La  Forêt  de  Bondij,  distiques,  par  L.-G.  Gauny  (*) 

Le  poète  ne  vieillit  pas  ;  ses  cheveux  s'argentent, 
son  front  se  ride,  sa  joue  prend  le  teint  de  l'âge, 
mais  son  cœur  et  sa  pensée  restent  jeunes.  C'est 
à  l'apparition  de  la  nouvelle  œuvre  de  Gauny  que 
ces  réflexions  me  sont  nées. 

•  Il  y  a  trente  ans  que  j'ai  lu  pour  la  première  fois 
des  vers  de  Gauny,  dans  les  Poésies  sociales  des 
ouiiriers.  Un  souflle  puissant  et  acre  les  animait  de 
sa  fièvre  et  certifiait  la  sincérité  de  la  plume  qui 
les  avait  écrits.  Dans  ce  nouveau  poème,  La  Forêt 
de  Bondy,  je  retrouve  la  même  vigueur,  les  mêmes 
idées  généreuses,  les  mêmes  aspirations  grandioses. 

Le  seul  côté  fantaisiste  du  poète  dans  cette  œuvre, 
c'est  de  l'avoir  distribuée  en  distiques.  Est-ce  heu- 
reux? Je  ne  le  crois  pas.  Ce  mode  de  rythme  est 
très-agréalrle  à  l'oieiUe  dans  les  pièces  de  petite 
dimension,  mais  ici  nous  avons  72  pages  à  paccourir 
sur  le  même  sujet. 

Je  ne  puis  résister  au  désir  de  citer  le  passage 
suivant,  empreint  d'une  ardeur  toute  juvénile  : 

Ne  reculons  jamais  devant  im  mot  sans  peur 
Qui  .se  montre  tout  nu  quand  il  nous  vient  du  cœur. 
Apôtre  populaire,  en  souJïrant  il  faut  dire 
A  chacun  ce  qu'il  doit  adorer  ou  maudire. 
Marciions  droit  sur  celui  qui  veut  nous  IjaiUonner 
L'âme,  sans  aucun  bruit,  pour  mieux  l'exterminer, 
alarmes. 


iible 


i  lointa 


ro 


Voilà  la  note  de  Gauny;  elle  se  ressent  de  sa 
nature  un  peu  solitaire,  mais  elle  est  bien  à  lui, 
droite  et  vigoureuse.  La  Forêt  de  Bondy,  c'est  la 
vie;  l'auteur  du  poème  y  attaque  les  abus  en  leur 
sautant  à  la  gorge;  voilà  le  sujet.  Il  y  a  de  quoi 
faire,  et  le  poète  a  besoin  d'ètre_  doublé  du  philo- 
sophe pour  réussir. 

Le  titre  est  peut-être  un  peu  énigmatique,  mais 
ce  petit  livre,  œuvre  de  lettré,  est  surtout  écrit  pour 
des  lettrés  qui  ne  chercheront  pas. 

Pour  metti'e  son  œuvre  plus  à  même  d'être  lue 
avec  fruit  par  tous,  Gauny  aurait  dû  la  faire  pré- 
céder d'une  page  de  préface  explicative. 

L'auteur,  entraîné  par  la  grandeur  de  son  but, 
marche,  marche,  et'voit  toujours  se  dérouler,  dans 
son  imagination  ardente,  le  tableau  qu'il  expose  ; 
mais  le  lecteur,  plus  froid,  a  parfois  besoin  d'être 
guidé,  éclairé  sur  le  sujet  qu'on  veut  représenter  à 
ses  yeux. 

Une  grande  qualité  chez  Gauny,  c'est  la  sonorité 
du  vers.  Je  voudrais  pouvoir  citer,  à  l'appui  de  mon 
dire,  un  tiers  de  ce  poème.  Si  parfois  quelques  dis- 
tiques sont  un  peu  teintés  de  misanthropie,  cela  ne 
dure  pas,  car  Gauny  n'est  point  un  Alceste,  c'est  un 
combattant,  un  nerveux,  chez  qui  le  sang  plébéien 
bout  : 

Je  suis  seul,  et  pourtant  l'action  m'ensoi'celle  ; 

En  espritj  dans  mon  cœur,  son  roulis  s'amoncelle. 

Où  sont-ils  les  torrents,  les  monts,  et  les  combats 

Qui  brillent  orageux  sous  le  feux  des  soldais  ? 

Je  voudrais  que  mes  cris  qu'aucun  frein  ne  modère 

Pussent  se  dérouler  sur  un  clan  solidaire  ; 

Pour  la  fraternité,  s'il  le  fallait,  sortir 

De  ce  monde  en  montant  le  bûcher  d'un  mart^-r; 

Bans  les  pa^'s  lointains  qu'ombragent  les  platanes 

M'arrèter  en  révolte  aux  portes  des  cabanes; 

Et,  pour  éperonner  leurs  pauvres  habitants, 

Chanter  l'hymne  connu  de  nos  vieux  combattants. 

Dans  les  landes,  le  soir,  en  rejnuant  la  braise 

De  rame  des  bouviers,  ch.anter  la  Marseillaise; 

Et  la  nuit,  près  des  joncs  qui  frissonnent  sur  Teau, 

Sur  im  cheval  sauvage  aller  au  grand  galop 

Annoncer  aux  cités  l'étonnante  nouvelle 

Qu'en  secret  chez  le  peuple  un  volcan  se  révèle, 

Qu'au  fond  de  tous  les  cœurs  on  l'entend  bouillonner. 

Qu'il  va  sauter  dans  Pair  et  qu'il  veut  rayonner. 

Il  y  a  dans  cet  accent  un  profond  amour  de  l'hu- 
manité. Gauny  a  fait  deux  parts  de  sa  vie  :  le  travail 
et  l'étude.  Ce  n'est  point  un  savant  d'origine,  mais 
un  enfant  du  peuple  studieux,  qui  sait  surtout  ce  qui 
ne  s'enseigne  pas.  Il  a  dans  le  cœur  des  convictions 
sincères  et  profondément  enracinées,  fruits  de  l'expé- 
rience et  de  la  méditation. 

Cherchez  son  livre,  vous  qui  aimez  la  saine  poésie 
et  qui  sentez  en  vous  que  l'avenir  ne  peut  pas  tou- 
jours mentir  à  ses  généreuses  promesses. 

C'est  un  mignon  in-1 8  raisin,  imprimé  sur  beau 
papier,  avec  titre  rouge  et  noir.  Un  dessin  vigou- 
reux de  Charbonnel,  très-joliment  gravé  àl'eau-forte 
par  Monnin,  figure  en  tête,  et  il  sort  de  la  librairie 
A.  Patay,  qui  n'en  est  pas  à  son  coup  d'essai  en  fait 
de  publications  artistiques. 

Eugène  BAILLET. 


Vente  de  LA  CHANSON,  en  gros  et  au  numéro 
pour  les  libraires  : 

Chez  TRALIN,  rue  du  Croissant,  5, 

Et  chez  JEANMAIRE   (ancienne   maison    MAR- 
TINON),  rue  des  Bons-Enfants,  32. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2»  ANNEE.  —  N°  17. 


1"  AVRIL  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  !«'  <3c  le  1 6  de  cliacixae  xïiois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.   LEROY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


ADMINISTRATION  <&  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois 2  fr.  50 

Départ»,  6  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3      80 


SOMMAIRE  :  Lettre  de  .V.  Edmond  Turquet.  —  Réponse  [L.-tiEtiRY  lecomte).  —Elude  sur  les  Chants  étrangers.  —  (p.-e.  érard).  — 
le  Coin  du  feu  [g.  1.EPKÈV0ST].  — Elle  était  si  jolie  (kdouard  ripault.)  —  D'après  Fénélon  (moxtariol).  —Monseigneur  le 
Capital  (fénée).  —  Le  Poète  et  l'oiieau  (e.  savaudy).  —  Le  Vieux  Corbeau  (georges  duplessis).  —  Avec  Elle  (léo  tostain).  — 
Mes  Cinquante-huit  ans  (joseph  lavergne).  —  L'Hirondelle  prise  au  piège  (rémy  doutre).  —  L' Ex-Cuirassier  et  son 
cheval  (Théophile  mathierre).  —  L'Esprit  départies,  ruel).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  {a.  leroy,  prosper  tibia).  — 
Nouvelles  et  Avis  (a.  patay). 


M.  L.-Henry  Lecomte,  rédacteur  en  chef  de  La 
Chanson  et  secrétaire  du  Comité  de  la  statue  de 
Béranger,  a  reçu  la  lettre  suivante  : 

Paris,  le  17  mars  1S70. 

Monsieur  le  Secrétaire, 

Vous  avez  bien  voulu  me  faire  savoir  que  le 
Comité  formé  pour  élever  une  statue  au  poète  popu- 
laire Béranger  était  définitivement  organisé,  et  qu'il 
allait  se  mettre  à  l'œuvre  sous  le  patronage  des  noms 
les  plus  illustres  dans  la  littérature  et  la  politique. 
Vous  me  demandez  en  même  temps  si  le  Comité  peut 
compter  sur  le  concours  du  ministère  de  l'Instruc- 
tion Publique  et  des  Beaux-Arts ,  soit  pour  une 
souscription,  soit  pour  la  fourniture  de  bronze. 

J'ai  à  peine  besoin  de  vous  dire  que  je  m'associe 
de  tout  cœur  à  votre  entreprise  patriotique  et  que 
le  concours  prêté  par  mon  administration  sera  aussi 
large  que  nos  ressources  nous  le  permettront.  C'est 
dans  le  désir  de  vous  prêter  une  aide  sérieuse  que  je 
vous  prierai  de  me  faire  connaître,  aussitôt  que 
possible,  les  projets  définitifs  du  Comité,  sans  lesquels 
il  m'est  difficile  de  déterminer  la  part  contributive 
de  l'Etat. 

Permettez-moi  d'ajouter  que  je  verrais,  quant  à 
moi,  dans  cet  hommage  rendu  au  grand  chansonnier 
national,  une  admirable  occasion  de  faire  appel  au 
talent  de  nos  architectes  et  de  nos  sculpteurs,  en 
mettant  au  concours,  non  pas  seulement  un  projet 
dé  statue,  mais  un  projet  de  monument  plus  complet 
comprenant  au  besoin  d'autres  figures  et  des  bas- 
reliefs.  Aucun  motif,  assurément,  ne  semble  plus 
fait  pour  exciter  le  génie  des  artistes  français  ;  aucun 
monument  ne  serait  élevé,  au  milieu  de  plus  cha- 
leureux applaudissements,  sur  une  place  de  Paris. 

Recevez,  Monsieur  le  Secrétaire,  l'assurance  de 
ma  considération  très-distinguée. 

P'   le  Ministre  de  l'Insimction  Publique  et  des 
Beaux-Arts, 

Le  Sous-Secrétaire  d'Etat, 

Edmond  TURQUET. 


M.  L. -Henry  Lecomte  a  répondu  : 

Paris,  le  21  mars  1879. 
Monsieur  le  Ministre, 

Je  m'empresse  de  vous  adresser  tous  les  rensei- 
gnements que  demande  votre  lettre  si  sympathique. 

Le  Comité  formé  pourélever  une  statue  à  Béranger 
veut  ériger  cette  statue  dans  le  jardin  du  Temple, 
au  centre  du  quartier  auquel  le  souvenir  du  poète  est 
particulièrement  attaché,  à  quelques  pas  de  la  maison 
où  Béranger  vécut  ses  derniers  jours.  La  statue  sera 
payée  par  une  souscription  publique ,  et  solennellement 
inaugurée  le  19  août  1880,  centième  anniversaire  de 
la  naissance  du  grand  chansonnier. 

Il  était  à  peu  près  décidé  qu'on  éviterait  le  concours 
public,  comme  éloignant  la  plupart  des  maîtres  et 
occasionnant  une  grande  dépense  de  temps  et  d'argent; 
mais,  à  cela,  des  objections  nombreuses  ont  été  faites 
et  le  Comité,  sans  doute,  décidera  le  concours. 

Nos  désirs  se  bornent  à  l'érection  d'une  statue, 
suffisante  pour  la  mémoire  d'un  homme  qui  fit  de  la 
simplicité  la  règle  de  sa  vie  ;  cela,  cependant,  est 
subordonné  au  chiffre  des  souscriptions  recueillies,  . 
et  nul,  dans  le  Comité,  ne  s'opposerait  à  ce  qu'il  fût 
donné,  au  monument  dédié  à  Béranger,  des  propor- 
tions plus  vastes  et  une  grande  importance  artistique. 

Je  crois,  Monsieur  le  Ministre,  n'avoir  point  d'autre 
éclaircissement  à  vous  fournir.  Le  Comité,  en  somme, 
n'est  qu'au  début  de  son  œuvre.  Connaissant  'sa 
composition,  vous  avez  très-justement  apprécié  la 
signification  politique  et  littéraire  de  la  manifestation 
qu'il  prépare.  Béranger  est  une  gloire  foncièrement 
honnête  et  profondément  populaire  ;  à  ce  double 
titre,  son  souvenir  mérite  du  gouvernement  de  la 
République  la  sympathie  que  vous  voulez  bien  me 
"promettre  dans  un  langage  patriotique  dont  il  m'est 
doux,  au  nom  du  Comité,  de  vous  remercier  avec 
l'émotion  la  plus  vive  et  la  gratitude  la  plus  sincère. 

Je  vous  prie  d'agréer,  Monsieur  le  Ministre,  l'assu- 
rance de  mon  dévouement. 

L.-HBNRY  LECOMTE. 


158 


LA  CHANSON 


La  grande  matinée  littéraire  et  lyrique,  organisée 
par  Jm  Chanson  au  profit  de  la  souscription  pour  la 
statue  de  Béranger,  aura  lieu  le  dimanelie  13  avril 
(jour  de  Pâques),  à  1  heure  1/2  très-précise,  au 
théâtre  du  Château-d'Eau,  rue  de  Malte. 

En  promettant  d'énumérer  aujourd'hui  les  éléments 
de  succès  de  cette  solennité,  nous  avions  compté  sans 
les  lenteurs  de  l'organisation.  Notre  ferme  désir  de 
n'annoncer  que  des  auditions  certaines  nous  contraint 
à  garder  le  silence.  Mais  tous  nos  abonnés  recevront, 
dans  quelques  jours,  un  imprimé  contenant  le  pro- 
gramme détaillé  du  spectacle  et  l'indication  du  prix 
des  places. 

Une  erreur  grave  a  été  commise  dans  la  première 
liste  des  souscriptions  pour  la  statue  de  Béranger. 
Au  lieu  des  200  francs  que  nous  croyions  votés  par  la 
Société  des  Auteurs,  Compositeurs  et  Editews  de 
musique,  cette  société,  deux  jours  après  notre  publi- 
cation, a  voté  la  somme  de  500  francs. 
~  Voici  la  lettre  nous  informant  de  ce  fait  : 
«  Monsieur, 

tt  Le  syndicat  de  la  Société  des  Auteuvs,  Compositeurs  et 
Editeurs  de  musique,  dans  sa  séance  du  18  mars,  a  voté  la 
somme  de  cinq  cents  francs  pour  la  statue  de  Béranger, 
notre  grand  chansonnier.  Il  tient  à  honneur  de  voir  la  société 
qu'il  représente  figurer  parmi  les  premiers  souscripteurs  de 
cette  œuvre  ^lationale. 

11  Le  Président, 
te  Paul  Avenel.  » 

Rectification  sera  faite  sur  la  seconde  liste  que 
nous  imprimerons  dans  notre  numéro  du  16  avril. 
Tous  nos  correspondants  voudront  bien  nous  adresser 
au  plus  tôt  les  noms  et  les  chiffres  qu'ils  désireraient 
publier. 

H.  L. 


ÉTUDE  SUR  LES  CHANTS  ÉTRANGERS 

(Suite) 

Nous  devions  consacrer  cet  article  à  Slovasky,  mais 
le  peu  de  place  dont  nous  disposons  nous  oblige  à 
remettre  cette  intéressante  étude  —  un  peu  longue  — 
à  un  prochain  numéro.  Aujourd'hui  nous  donnerons 
la  traduction  d'une  romance  russe  :  5ofoue7  (le  Rossi- 
gnol) que  tous  les  paysans  russes  chantent  dans  les 
bois,  les  soir  d'été  ;  nous  en  détacherons  quelques 
strophes.  Si  nous  en  croyons  nos  amis  de  Russie,  la 
musique  de  cette  chanson  serait  due  à  M.  Aliabéier. 
L'auteur  nous  est  inconnu  ;  d'après  d'anciens  docu- 
ments, elle  est  attribuée  à  un  poète  de  la  Baltique  : 
Delvigor. 

Malheureux,  je  suis  sur  la  terre, 

L'adversité  voilà  ma  part  ; 

Ici  je  cache  ma  misère 

Et  viens  seul  rôver  à  l'écart. 

Rossignol,  doux  rossignol. 

Chante,  chante  et  prends  ton  vol  ! 

De  ton  chant  la  nuit  est  éprise. 
Ton  chant  clair  vibre  et  s'enfuit 
S'unissant  au  chant  de  la  brise  : 
C'est  la  prière  de  la  nuit  ! 
Rossignol,  doux  rossignol, 
Chante,  chante  et  prends  ton  vol  ! 


Dans  la  forêt,  ombreuse  voûte, 
Lançant  tes  accents  enchanteurs. 
Rossignol,  c'est  toi  que  j'écoute. 
Tu  rends  le  bonheur  à  nos  cœurs  ! 
Rossignol,  doux  rossignol. 
Chante,  chante  et  prends  ton  vol  ! 

Cette  poésie  ne  vous  rappelle-t-elle  pas  la  Romance 
d'Esthelle  de  Florian  ? 


(Sera  continué) 


P.-E.  ERARD. 


LE  COIN  DU  FEU 


De  l'an  qui  va  mourir  le  glas  funèbre  sonne. 
Les  bois  sont  désolés,  la  campagne  frissonne  ; 
Il  pleut,  il  vente,  il  neige,  il  fait  froid;  c'est  l'hiver! 
Mais  le  bien-être  est  là,  près  du  feu  qui  pétille. 
Et  plus  étroit  se  fait  le  cercle  de  famille 
Autour  de  ce  feu  clair. 

Tenons  porte  fermée  et  fenêtre  bien  close. 
On  ne  voit  au  dehors  que  cette  triste  chose  : 
Un  ciel  gris  et  brumeux  qui  semble  s'ennuyer, 
N'ayant  plus  son  soleil,  ainsi  qu'un  corps  sans  âme  ; 
Les  rayons  maintenant  nous  viennent  de  la  flamme 
Joyeuse  du  foyer. 

Les  arbres  ont  perdu  leur  voûte  de  verdure, 
Et  les  oiseaux  ont  fui,  chassés  par  la  froidure  ; 
Tout  le  charme  des  bois  avec  eux  est  parti! 
Mais  qu'importe  au  dehors  les  branches  effeuillées, 
Quand  le  cri  du  grillon,  compagnon  des  veillées, 
Dans  l'âtre  a  retenti  ! 

Si  la  forêt  se  tait,  si  la  campagne  est  sombre 
Et  tristement  s'endort  dans  le  silence  et  l'ombre 
Sous  un  ciel  froid  pareil  au  toit  noir  des  prisons, 
Qu'importe  !  à  l'intérieur  l'allégresse  est  plus  vive, 
On  chante,  on  cause,  on  rit,  et  gaîment  on  active 
La  fiamme  des  tisons. 

Il  fait  si  bon,  blotti  près  de  la  cheminée, 
Ecouter  la  rafale  au  dehors  déchaînée 
Faire  rage,  impuissante,  autour  du  chaud  logis! 
Et,  tandis  que  la  pluie  à  flots  se  précipite, 
Tourner  et  retourner  la  bûche  qui  crépite 
Sur  les  chenets  rougis! 

Puis  quand  de  neige  au  loin  la  campagne  est  couverte 
Et  sous  ce  blanc  linceul  repose  froide,  inerte, 
Comme  sous  le  suaire  un  mort  dans  son  cercueil, 
Qu'importe  !  la  maison  lumineuse  est  remplie 
De  mille  bruits  joyeux,  et  bien  vite  on  oublie 
Qu'au  dehors  tout  est  deuil  ! 

Viens  donc,  ô  triste  hiver  !  avec  ton  froid  cortège 
De  pluie  et  de  frimas,  de  brouillards  et  de  neige, 
Avec  ton  ciel  pâli  remplaçant  le  ciel  bleu  ! 
Déjà  tu  couvres  tout  de  tes  funèbres  ombres; 
Maisil  nous  reste  encor,  pour  braver  tes  jours_sombres, 
La  place  au  coin  du  feu. 

G.  LEPRÉVOST. 


LA   CHANSON 


159 


ELLE  ÉTAIT  SI  JOLIE! 

Je  l'ai  rencontrée,  un  beau  jour, 
Fraîche,  pimpante  et  bien  chaussée, 
Montrant  sa  jambe  faite  au  tour, 
Sous  sa  tunique  retroussée  ; 
Il  pleuvait,  je  lui  proposai 
Un  abri  sous  mon  parapluie  ; 
Un  mois  après  je  l'épousai... 
Elle  était  si  jolie  ! 

Beaux  jours  de  ma  lune  de  miel, 
Vous  avez  passé  comme  un  songe  ! 
J'ai  vu  trop  tôt  que  dans  mon  ciel 
Cette  lune  était  un  mensonge, 
Mais  sur  mon  cœur  au  désespoir. 
L'ingrate,  aimée  à  la  folie. 
N'en  garda  pas  moins  son  pouvoir  : 
Elle  était  si  jolie  ! 

Pour  contenter  tous  ses  désirs, 
Dans  mon  ardeur  j'avais  beau  faire. 
Sa  soif  brûlante  des  plaisirs 
N'a  jamais  pu  se  satisfaire; 
Dieu  sait  tout  ce  que  dépensa 
Sa  ruineuse  coquetterie, 
Tout  mon  patrimoine  y  passa  : 
Elle  était  si  jolie! 

Encor  si  sa  fidélité 
M'eût  payé  de  mes  sacrifices  ; 
Mais  mon  amour  avait  compté 
Sans  tous  ses  coupables  caprices. 
La  cruelle  me  lit,  hélas  ! 
Vider,  vingt  fois,  jusqu'à  la  lie, 
La  coupe  de  feu  Ménélas  : 
Elle  était  si  jolie! 

Elle  n'est  plus  !  à  son  tombeau 
Où  je  vais  rêver  de  ses  charmes, 
Chaque  anniversaire  nouveau 
Me  voit  arriver  tout  en  larmes  ; 
Son  portrait,  sculpté  richement 
Dans  un  beau  marbre  d'Italie, 
Resplendit  sur  son  monument... 
Elle  était  si  jolie  ! 

Edouard  RIPAULT. 


D'APRÈS  FÉNÉLON 

Air  de  Pkiloctète 

En  l'altérant,  citer  de  Fénélon  ' 
Une  éclatante  et  profonde  pensée, 
La  tentative  est  peut-être  insensée. 
Car  on  devient  plagiaire  et  félon. 
Mais,  lorsqu'il  peut  agrandir  son  domaine, 
Le  chansonnier  ne  doit  pas  hésiter  ; 
Donc,  mon  audace  ira  jusqu'à  chanter  : 
L'homme  s'agite,  et...  la  femme  le  mène! 

Je  fais  souvent  des  efforts  surhumains 
Pour  aller  voir  quelque  gai  vaudeville, 
Où  les  Grange,  les  Meilhac,  les  Clairville 
Auront  semé  le  sel  à  pleines  mains  ; 
Mais  Héloïse,  aimant  le  beau  Dumaine, 
Le  mélodrame  et  tout  ce  qui"s' ensuit, 
A  l'Ambigu  vite  elle  me  conduit  : 
L'homme  s'agite,  et  la  femme  le  mène  ! 


Lorsqu'un  ami  voulut  bien  m'envoyer. 
Le  vendredi  de  la  semaine  sainte. 
Une  bourriche,  à.  l'heure  de  l'absinthe, 
Je  m'apprêtai  soudain  à  festoyer  ; 
Mais,  en  voyant  un  gras  chapon  du  Maine, 
Angélina  frémit,  se  courrouça. 
Et  la  morue,  hélas!  le  remplaça  : 
L'homme  s'agite,  et  la  femme  le  mène  ! 

«  Le  croirais-tu,  me  dit  un  député, 
«  Très  librement  chaque  jour  j'invalide, 
«  Sans  que  jamais  la  droite  m'intimide, 
«  L'élu  qui  n'eut  qu'un  scrutin  frelaté. 
i<  Eh  !  bien,  après  l'échec  de  du  Demaine, 
<i  Contre  X  j'allais  encore  m' acharner, 
«   Quand  Rose  a  su  pour  lui  m'endoctriner  : 
«  L'homme  s'agite,  et  la  femme  le  mène  ! 

Je  rentre  un  soir,  de  fatigue  accablé, 
Comptant  dormir  à  côté  de  Gertrude  ; 
Mais  elle,  alors,  malgré  ma  lassitude. 
De  ses  faveurs,  sans  trêve,  m'a  comblé. 
L'ardeur  de  Phèdre,  et  le  cœur  de  Chimène, 
S'étant  ligués  pour  m'ôter  tout  repos. 
Cette  nuit-là  j'ai  dit  fort  à  propos  : 
«  L'homme  s'agite,  et  la  femme  le  mène.  » 

Un  type  enfin,  c'est  le  mari  d'Eglé, 
Qui,  richement  doté  par  la  nature. 
Parait  si  fort,  dans  sa  haute  stature, 
Qu'en  bronze  pur  on  le  croii'ait  coulé. 
Veut-il  chasser,  aussitôt  l'inhumaine. 
Par  les  cheveux  prenant  cet  Absalon, 
Il  est  traîné   de  salon  en  salon  : 
L'homme  s'agite,  et  la  femme  le  mène  ! 

MONTARIOL. 


A  mon  bon  camarade  et  collègue  G.  Bourgeois. 

MONSEIGNEUR  LE  CAPITAL 


Air  du  Rocher  de  Sutnte-Avelle. 

Pauvres  humains  qui  végétez  sur  terre. 
Chacun  de  vous  convoite  mes  faveurs, 
Par  mon  pouvoir,  je  chasse  la  misère, 
Et  sous  mes  pas  on  voit  naître  des  fleurs. 
D'un  noir  taudis,  souvent  je  fais  un  Louvre, 
Tout  s'embellit  sous  mon  soufile  vital. 
En  ma  présence,  allons,  qu'on  se  découvre  ! 
Saluez-moi,  je  suis  le  Capital  ! 

Avec  raison,  je  sème  des  richesses  ; 
Mais,  si  parfois,  dans  un  moment  d'erreur, 
A  l'intriguant  j'accorde  mes  largesses, 
De  l'artisan  je  stimule  l'ardeur; 
Dans  l'univers,  mon  pouvoir  est  immense; 
Mon  talisman,  c'est  le  brillant  métal. 
Rien  ne  résiste  à  ma  toute-puissance  : 
Saluez-moi,  je  suis  le  Capital! 

C'est  moi  qui  fais  que  femme  grisonnante 
Peut  épouser  un  homme  jeune  encor. 
Et  qu'une  vierge,  au  front  pur,  attrayante, 
Se  voit  livrée  au  vice  pour  de  l'or. 
Séchant  des  pleurs  et  creusant  des  abîmes, 
A  chaque  instant,  soit  propice  ou  fatal. 
Je  pousse  au  bien,  j'inspire  aussi  des  crimes  : 
Saluez-moi,  je  suis  le  Capital! 


160 


LA  CHANSON 


Pour  obtenir  un  bonheur  illusoire, 
Hommes  sans  foi,  vous  devenez  cruels  ; 
Fraternité,  devoir,  amour  et  gloire 
Sont  immolés  par  vous  sur  mes  autels. 
Prosternez-vous,  taisez  votre  faconde, 
Courbez  vos  fronts  devant  le  piédestal 
Du  plus  grand  roi  qui  domine  le  monde  : 
Saluez-moi,  je  suis  le  Capital  ! 

Petitsenfants,  lorsque  je  vous  protège, 
Vous  souriez  dans  vos  riches  berceaux  ; 
Et  vous,  vieillards,  quand  la  mort  vous  assiège, 
C'est  encor  moi  qui  pare  vos  tombeaux  ; 
Tout  malheureux  que  ma  main  déshérite 
N'a  pas  toujours  un  lit  à  l'hôpital  ; 
Car  posséder  est  le  plus'beau  mérite  : 
Saluez-moi,  je  suis  le  Capital  ! 

H.  FÉNÉE. 


LE  POÈTE  ET  L'OISEAU 

Musique  de  Emile  Picard 

Chants  et  parfums  sortent  de  la  feuillée  ; 
Que  dit  l'oiseau?  que  murmure  la  fleur? 
Moi  je  ne  sais,  mais  mon  âme  éveillée. 
Semble  y  répondre  et  me  laisse  rêveur. 
Petits,  chantez...  n'ayez  crainte,  mes  belles... 
Oh!  je  ne  suis  ni  méchant  ni  jaloux, 

Comme  vous  mon  âme  a  des  ailes... 

Je  suis  un  oiseau  comme  vous. 

On  naît  oiseau  :  dans  l'enfant  qui  babille 
N'est-ce  pas  vous  que  l'on  entend  parler? 
Et  plus  gaîment  s'il  joue  et  s'il  sautille. 
Ne  craint-on  pas  de  le  voir  s'envoler! 
A  ce  penser  quel  trouble  m'inquiète  ! 
Le  ciel  m'attire  et  me  paraît  plus  doux  ; 

L'enfant  est  devenu  poète... 

Je  suis  un  oiseau  comme  vous. 

Je  vois  un  nid.  Si  l'amour  n'est  qu'un  rêve, 

Expliquez  donc  ses  miracles  un  jour! 

Le  vieux  serpent  a-t-il  pu  séduire  Eve  ? 

C'était  un  nid  qui  lui  parlait  d'amour. 

Aimer  c'est  lire  à  l'éternel  poème 

Des  mots  qu'hélas!  on  comprend  peu  chez  nous. 

Je  viens  d'apprendre  comme  on  aime... 

Je  suis  un  oiseau  comme  vous. 

Libres,  chantez!  chantez,  les  voix  joyeuses!... 

Maispi'ès  de  moi;  ne  vous  éloignez  pas  : 

Ah!  redoutez  pour  vos  ailes  soyeuses 

Cet  oiseleur  qui  vous  guette  là-bas.' 

Sous  le  ciel  bleu  tout  rayon  nous  enchante  ; 

Narguez  la  cage...  à  d'autres  les  verrous!... 

C'est  la  liberté  que  je  chante  : 

Je  suis  un  oiseau  comme  vous. 

Ainsi  que  vous  j'ai  su  vivre  sans  maître  ; 
Le  cœur  léger  je  poursuis  mon  chemin. 
J'espère  en  Dieu  qui  me  bénit  peut-être, 
Et  cet  espoir  sourit  au  lendemain. 
Pour  un  peu  d'or,  qu'avec  peine  l'on  glane, 
Eh  !  quoi,  j'irais  me  mettre  à  deux  genoux? 

On  ne  peut  ramper  lorsqu'on  plane... 

Je  suis  un  oiseau  comme  vous. 

E.  SAVAUDY. 


LE  VIEUX  CORBEAU 


C'était  l'hiver.  Au  fond  d'une  sombre  forêt. 
Sur  les  confins  altiers  de  la  blonde  Lorraine, 
Un  lugubre  corbeau  dans  l'ombre  discourait; 
D'affreux  gémissements  la  nature  était  pleine. 
Et  ce  corbeau  disait  (bavant  avec  effort 
Quelques  lambeaux  sanglants)  à  sa  progéniture  : 
«L'homme,  orgueilleux  et  vain,  n'est  bon  qu'après  samort; 
Aux  petits  des  oiseaux,  Dieu  donne  la  pâture. 

Du  bruit  de  vos  exploits  remplissez  la  nature, 

Détruisez-vous  sans  fin; 
Il  faut  bien  qu'aux  corbeaux  vous  serviez  de  pâture, 

Hommes,  nous  avons  faim! 

Depuis  cent  cinquante  ans  je  parcours  l'univeA; 
Partout  j'ai  rencontré  quelques  champss  de  bataille  ; 
Pour  connaître  les  maux  de  vingt  peuples  divers. 
Sur  les  cœurs  pantelants  mon  bec  a  fait  ripaille. 
Je  n'ai  jamais  jeûné,  grâce  à  de  grands  guerriers, 
Qui,  du  Dieu  des  combats  se  firent  les  apôtres  ; 
Nous  aurons,  mes  enfants,  des  humains  par  milliers. 
Tant  qu'on  verrasur  terre  un  peuple  en  gêner  d'autres. 

Du  bruit  de  vos  exploits,  etc. 

Le  monde,  cependant,  a  fait  quelques  progrès; 
Par  de  nouveaux  engins  s'accroissent  les  victimes; 
Quelques  hommes  d'Etat  s'assemblent  en  congrès 
Pour  décider  la  guerre  et  protéger  ses  crimes. 
Tous  les  jours  on  invente  un  canon  meurtrier. 
Pour  un  fusil  nouveau  combien  de  gens  célèbres! 
Retenez  bien  leurs  noms,  loin  de  les  oublier. 
Respectons,  mes  enfants,  ces  inventeurs  funèbres. 

Du  bruit  de  vos  exploits,  etc. 

Je  sais  bien  que,  jadis,  quelques  libres  penseurs 
Ont  murmuré  ces  mots  :  La  paix  universelle  ! 
C'était  pour  consoler  des  familles  en  pleurs 
Que  ce  rêve  insensé  naquit  d'une  cervelle  ! 
La  paix  dans  l'univers!  que  feraient  les  corbeaux? 
Forgez,  fondez,  limez  ;  la  terre  est  par  trop  blanche, 
La  mort  se  blottit  bien  dans  des  plis  de  drapeaux  ; 
Dans  l'ombre  nous  guettoijs  ;  vous  avez  dit  :  Revanche  ? 

Du  bruit  de  vos  exploits,  etc. 


Soudain  un  bruit  confus  interrompt  ce  discours; 
De  sinistres  éclairs  déchirent  les  nuées; 
Des  voix  d'hommes,  d'enfants  appellent  au  secours  ; 
On  voit  briller  au  loin  les  feux  de  deux  armées. 
Rassemblant  ses  petits,  le  corbeau  dit  :  «  Enfin! 
Nous  aurons  à  manger  ;  car  la  terre  est  rougie  ; 
Bénissons  le  Seigneur  qui  fit  l'orgueil  humain 
Et  le  peuple  insensé  qui  fit  la  Monarchie  ! 

Du  bruit  de  vos  exploits  remplissez  la  nature. 

Détruisez-vous  sans  fin  ; 
n  faut  bien  qu'aux  corbeaux  vous  serviez  de  pâture, 

Hommes,  nous  avons  faim  !  « 

Georges  DUPLESSIS. 


LA  CHANSON 


161 


AVEC     ELLE 

Je  ne  vous  dirai  pas  son  nom, 
Son  nom  doux  comme  une  caresse, 
Et  cependant,  je  le  confesse. 
Il  parfumerait  ma  chanson. 
Ma  muse  inconstante  et  rebelle 
Semble  vouloir  faire  un  effort 
Pour  chanter  une  fois  encor 
Les  charmes  qui  plaisent  en  elle. 

Son  caquetage  toujours  plaît, 
Elle  est  vive  et  spirituelle, 
Et,  quand  on  babille  avec  elle. 
Le  temps  bien  vite  disparaît. 
Son  bon  sens  est  une  étincelle 
Qui  ne  brille  jamais  en  vain, 
Et  sans  médire  du  prochain 
On  aime  à  jaser  avec  elle. 

On  peut  admirer  sans  détour 

Son  pied  mignon,  sa  main  si  blanche, 

Sa  taille  fine,  et  de  sa  hanche 

On  peut  adorer  le  contour. 

De  lumière  son  œil  ruisselle 

Et  ses  mouvements  gra';ieux 

Font  trouver  bien  délicieux 

L'instant  où  l'on  joue  avec  elle. 

J'aime  son  rire  franc  et  bon 
Qu'avec  plaisir  chacun  répète. 
Et  qui  dessine  une  fossette 
Au  bas  de  son  joli  menton. 
Sa  gaîté,  déployant  son  aile. 
Nous  montre  l'émail  de  ses  dents; 
On  croit  toujours  avoir  vingt  ans. 
Amis,  quand  on  rit  avec  elle. 

Mais  dans  l'abandon  des  plaisirs, 
Si  parfois  la  plaisanterie 
Dépasse  la  galanterie, 
Un  regard  calme  les  désirs. 
En  amour,  je  la  crois  cruelle, 
Ses  attraits  lui  donnent  ce  droit; 
Pour  être  plus  heureux  qu'un  roi. 
Il  suffirait  d'être  aimé  d'elle. 

LÉO   TOSTAIN. 


MES  CINQUANTE-HUIT  ANS 

Air  :  La  Bohémienne  en  a  menti. 

Vous  voilà  tous,  mes  chers  enfants, 
Pour  fêter  mon  anniversaire  ; 
Avec  vous  je  veux  boire  un  verre 
Au  souvenir  de  mon  printemps  : 
Car  lorsque  vient  l'expérience 
Ce  n'est  jamais  qu'à  nos  dépens. 
Et  l'on  regrette  son  enfance 
Lorsque  l'on  a  cinquante-huit  ans. 

Quand  on  était  jeune,  on  pouvait 
Par-çi,  par-là,  conter  fleurette 
A  mainte  gentille  fillette 
Possédant  attrait  sur  attrait  ; 
Mais  l'âge  rend  atrabilaire 
Et  fait  croître  des  cheveux  blancs  : 
Au  beau  sexe  on  ne  peut  plus  plaire 
Lorsque  l'on  a  cinquante-huit  ans. 


J'ai  vu  les  deux  Napoléon, 
J'ai  vu  Louis  le  dix-huitième, 
Charles  dix  et  Philippe  même. 
Sombrer  par  la  voix  du  canon; 
Par  une  guerre  pacifique 
Malgré  les  nombreux  dissidents. 
Je  vois  fleurir  la  République  ! 
Mes  amis,  j'ai  cinquante-huit  ans. 

Désaugiers,  a  dit  :  mes  enfants, 
(Dans  un  spirituel  ouvrage  (*), 
«  Qui  plie  à  soixante  ans  bagage 
Vécut  toujours  assez  longtemps,  m 
Bientôt,  pour  moi,  va  sonner  l'heure 
Où  l'on  quitte  amis  et  parents, 
Pour  peupler  la  sombre  demeure. 
Car,  hélas  !  j'ai  cinquante-huit  ans. 

Joseph  LAVERGNB. 
Le  Dîner  de  Madelon,  vaudeville 


L'HIRONDELLE  PRISE  AU  PIÉ6E 

Bien  loin  du  ciel  natal  une  pauvre  hirondelle. 
Prise  dans  les  filets  d'un  méchant  braconnier, 
Disait,  voyant  partir  ses  sœurs  à  tire-d'aile 
Sous  les  rayons  dorés  d'un  soleil  printanier  : 
<c  Là-bas,  dans  mon  pays,  la  colline  est  fleurie, 
«  Mon  frère  le  pinson  retrouve  sa  gaîté, 
«  Ne  me  retenez  pas,  rendez-moi  ma  patrie, 
«  Et  ce  bienfait  de  Dieu  qu'on  nomme  Liberté...  » 

Pourleurs  frères  proscrits,  quipleurent  loin  deFrance, 
Fauvettes  et  pinsons,  dans  les  bois  réunis, 
Invoquent  dans  leurs  chants  le  pardon,  la  clémence, 
Rendez  à  ces  martyi'S  la  famille  et  leurs  nids. 
«  Vivre  loin  du  pays,  loin  de  ceux  que  l'on  aime, 
«  C'est  mourir  lentement  d'un  perfide  poison,  * 

«  L'homme  doit  être  bon  et  c'est  le  mal  qu'il  sème, 
«  L'homme  ne  doit  qu'aimer  et  je  meurs  en  prison. 
«  Mon  crime,  quel  est-il?  J'ai  voulu  rester  libre 
(I  Et  vos  pièges  maudits  arrêtèrent  mon  vol. 
«  Ce  cri  de  Liberté  qui  dans  l'espace  vibre, 
(;  Ne  le  prononcez  pas,  ce  serait  plus  qu'un  vol  ! 
Pour  leurs  frères  proscrits,  etc. 
«  Sous  ce  climat  mortel  j'ai  vu  tant  de  misère, 
«  J'ai  vu  tant  de  sanglots,  tant  d'amères  douleurs  ; 
«  Là,  j'ai  vu  l'exilé  qui  demandait  sa  mère 
«  Et  murmurait  un  nom  au  milieu  de  ses  pleurs. 
«  C'était  un  nom  d'ami,  d'une  femme  chérie, 
«  D'un  père,  d'une  sœur,  d'un  blond  et  rose  enfant, 
«  L'orphelin  sans  amis  réclamait  la  patrie, 
«  Cette  mère  de  tous  que  l'on  aime  et  défend...  » 
Pour  leurs  frères  proscrits,  etc. 
Le  printemps  est  passé,  déjà  la  neige  tombe 
Et  ces  êtres  chéris  sont  encore  là-bas. 
Le  sol  Calédonien,  comme  une  large  tombe. 
Pour  beaucoup  s'est  ouvert...  il  ne  les  rendra  pas  ! 
Il  n'est  donc  plus  ici  d'air  libre,  ni  de  place 
Pour  ces  fils  du  pays,  que  brise  le  malheur  ? 
La  France  a  donc  au  cœur  comme  un  monceau  de  glace 
Qu'elle  ne  s'émeut  pas  devant  tant  de  douleur  ? 
Quand  donc  pourrons-nous  dire  auxproscrits  de  la  France  : 
«  Venez,  frères,  venez,  tous  vos  maux  sont  finis; 
<i   C'est  l'heure  de  la  paix,  c'est  assez  de  souffrance, 
«  Revenez  parmi  nous,  revenez  dans  vos  nids. 
RÉMY  DOUTRE. 


162 


LA  CHANSON 


L'EX-CUIRÂSSIER  ET  SON  CHEVAL 


Là,  là!  plus  doucement,  ô  mon  vieux  compagnon! 
Car  le  travail  est  rude  à,  creuser  le  sillon. 
Et  le  collier  pesant  sur  ta  moite  encolure 
Pourrait,  en  la  rouvrant,  élargir  ta  blessure. 
Là,  là  !  mais  qu"as-tu  donc  ?  A  ma  voix  tu  frémis. 
Toi  qui,  jusqu'à  présent,  fus  si  doux,  si  soumis. 
Sur  le  sol  martelé  ton  fier  sabot  résonne, 
Sur  ton  col  arrogant  ta  crinière  frissonne, 
Et  tu  ronges  ton  mors,  le  regard  plein  d'éclats. 

Qu  as-tu  donc?— Je  comprends Cegrondementlà-bas 

Qui  nous  arrive  sourd,  sur  l'aile  parfumée 
Du  zéphjr  qu'alourdit  ces  flocons  de  fumée, 
A  réveillé  soudain  tes  souvenirs  guerriers. 
—  Rêveras-tu  toujours  Reischoflén  et  lauriers? 
Calme-toi,  pauvre  ami,  car  ce  bruit  qui  t'étonne, 
N'est  pas  le  sourd  écho  de  l'obusier  qui  tonne  : 
Mais  c'est  celui  d'un  train  qui,  roulant  sur  son  rail, 
Vient  apporter  à  tous  la  vie  et  le  travail. 
Va,  Cocotte,  reprends  un  maintien  moins  épique, 
Et,  cadençant  ton  pas  au  bruit  d'un  cliant  rustique, 
Dans  la  plaine,  grisé  d'enivrantes  senteurs, 
Trace  de  droits  sillons,  en  marchant  sur  les  fleurs. 
Et  quand,  avec  l'été,  nous  viendra  l'abondance, 
Je  veux  dans  ta  crinière  à  la  fauve  nuance 
Placer  près  du  laurier,  s'enlaçant  à  jamais, 
Le  gai  coquelicot,  emblème  de  la  paix. 

Théophile  MATHIERRE. 


L'ESPRIT  DE  PARTI 


A  Monsieur  A.  Patay,  Direcleur  de  La  Chanson 
Paris,  le  19  mars  1879. 
Pascal  avait  raison,  le  «  moi  »  est  haïssable,  mais  il  est 
des  circonstances  dans   lesquelles    il   faut    savoir    vaincre 
certaines  répugnances  ;  celles  qui  me  décident  à  solliciter  la 

fmblicité  de  vos  colonnes  m'autorisent-elles  suffisamment  à 
e  faire  '?  —  Vous  en  jugerez. 

Le  jeudi  13  courant,  je  lisais  dans  le  Petit  Caporal  daté 
du  di  (suivant  le  singulier  usage  adopté  par  tous  les 
journaux  du  matin  et  du  soir)  l'entrefilet  suivant  : 

«  Dans  le  dernier  numéro  de  La  Chanson,  revue  bi- 
mensuelle, nous  trouvons  une  romance  d'un  M.  Echalié  qui 
porte  ce  titre  : 

Nous    TENONS    LA    RÉPUBLIQUE 

et  au-dessous  : 

Air  :   La  queue  emporte  la  tête. 

La  queue  emporte  la  tète  ;  mais  c'est  ce  que  les  conser- 
vateurs ne  cessent  de  dire.  » 

Cédant  à  ma  vieille  habitude  de  dire  ce  que  je  pensé, 
j'adressai  à  M.  Philéas  Fogg  (???),  signataire  de  l'article 
Choses  et  autres^  cette  lettre  que  je  retrace  de  mémoire  : 

«  Monsieur, 

«  Je  lis  tous  les  jours  votre  feuille  et  particulièrement 
vos  articles  qui  veulent  être  mordants  et  spirituels  et  qui  ne 
sont  qu'aigres-doux. 

«  Dans  celui  de  ce  matin,  vous  parlez  d'un  M.  Echalié 
auteur  d'une  chanson  intitulée  :  JVûWS  tenons  la  République. 

«  Ce  un  est  rempli  d'atticisme  et  rappelle  «  l'œil 
souverain  ».  Il  n'y  a  vraiment  que  vous  pour  trouver  de  ces 
'mots  ironiques  et  dédaigneux  qui  écrasent  un  homme. 

«  Ce  M.  Echalié,  qui  est  président  de  la  Lice  Chansonnière 
et  membre  du  Caveau,  a  sur  vous  un  avantage  marqué  : 
c'est  de  publier  des  chansons  de  lui  et  qui  sont  bien  à 
lui.  J'ai  lu  la  sienne,  je  crois  m'y  connaître,  et  je  l'ai  trouvée 
très-bien  faite  ;  elle  ne  contient  pas  un  seul  vers  de  quatorze 


pieds  comme  celui  que  vous  perpétrez  ce  matin  a  Le  pauvre 
nomme,  etc.  »  Elle  a  un,  avec  un  hiatus  par  dessus  le 
marché. 

«  Les  lauriers  de  M.  Lorgeril  vous  empêcheraient-ils  de 
dormir  "? 

«  J'ajoute  que  vos  mots  de  la  fin  sont  parfois  réussis;  ils 
sont  alors,  il  est  vrai,  empruntés  à  l'Evénement,  comme  celui 
d'aujourd'hui  sur  le  magistrat  constipé. 

«  Je  serais  charmé  et  surpris  de  vous  voir  pubher  ma 
lettre,  mais  je  n'ose  l'espérer. 

«  Croyez-moi,  Monsieur,  votre  lecteur  et  votre  adver- 
saire sans  rancune  ». 

Le  15,  dans  son  numéro  du  16,  M.  P.  F.  déposait  dans  sa 
Petite  Correspondance,  à  la  troisième  page,  en  caractères 
microscopiques,  les  lignes  que  voici  : 

«  M.  Kuel.  —  «  L'esprit  qu'on  veut  avoir  gâte  celui  qu'on 
a,  »  dites-vous.  Pas  toujours,  cher  Monsieur;  la  preuve  c'est 
que  dans  votre  lettre  vous  avez  voulu  en  avoir  et  que  vous 
n'avez  rien  gâté  —  il  est  vrai  qu'il  y  a  peut-être  une  bonne 
raison  à  cela...  » 

Un  coup-d'oeil  rapide  jeté  sur  le  Petit  Caporal,  à  l'article 
Choses  et  Autres  de  M.  P.  F.  m'ayant  laissé  ignorer  ce 
piquant  paragraphe,  j'adressai  aussitôt  à  M.  Philéas  un 
nouveau  billet,  chargé  cette  fois,  sans  me  douter  que  j'allais 
lui  fournir  les  éléments  d'un  mot  vraiment  réussi  et  nulle- 
ment emprunté  à  l'Evénement. 

Voici  le  mot  ;  c'est  à  coup  sûr  l'un  des  meilleurs  qui  soit 
sorti  de  la  plume  acérée  de  M.  P.  F.  : 

«  M.  Ruel,  à  Neuilly.  —  On  vous  a  déjà  donné  ce  matin, 
mon  brave  homme.  Inutile,  au  reste,  de  charger  vos  lettres; 
votre  style  est  déjà  bien  assez  lourd,  allez.  » 

Etourdi  du  coup  (il  y  avait  de  quoi,  convenez-en),  j'essaie 
néanmoins  de  riposter,  sans  charger  ma  lettre  cette  fois  : 

Neuilly,  16  mars. 

«  Monsieur  Philéas  Fogg, 

«  Brave  homme,  soit;  je  n'ai  pas  d'esprit,  accordé;  mais 
il  y  a  quelqu'un  qui  en  a  plus  que  vous,  Voltahe  l'a  dit  : 
c'est  tout  le  monde. 

«  Alors,  pourquoi  ne  pas  prendre  vos  lecteurs  pour  juges 
en  leur  soumettant  les  pièces  du  procès  que  j'ai  pris  la 
liberté  grande  de  vous  intenter  au  nom  de  la  prosodie  et  du 
bon  goût. 

«  Ah  !  voilà,  c'est  qu'il  faudrait  reconnaître  ses  torts,  et  il 
paraît  qu'au  Petit  Caporal  on  n'aime  pas  cela. 

«  Un  de  vos  chefs  de  lile,  et  je  dis  des  plus  célèbres,  votre 
maître  à  tous,  P.  Fogg,  D.  Mocrate,  Brumaire  et  consorts, 
en  pareille  occurrence,  n'hésita  pas  à  s'exécuter  de  bonne 
grâce  ;  ce  qu'il  fit,  il  y  a  dix  ans,  de  la  façon  la  plus  galante, 
j'aflirme  qu'il  vous  conseillerait  de  le  faire  aujourd'hui. 

«  Voyons,  un  bon  mouvement;  mieux  vaut  tard  que 
jamais. 

«  Si  vous  craignez,  de  me  faire  une  réclame  à  laquelle  je 
ne  songe  guère,  croyez-le  bien,  insérez  ma  correspondance 
en  supprimant  ma  signature. 

«  De  la  pâte  ferme  à  nos  lecteurs!  allez-vous  me  répondre. 
Rassurez-vous,  ils  ont  la  digestion  facile.  » 

Deux  jours  s'écoulent,  pas  de  réponse.  Ce  matin  19  mars, 
perdant  tout  espoir,  je  lance  à  mon  silencieux  adversaire  ce 
billet  : 

Neuilly,  19  mars  79. 

«  Monsieur  Philéas  Fogg, 

«  Le  lendemain  et  le  surlendemain  du  banquet  des  fidèles 
et  de  la  glorification  de  l'héroïque  journée  de  Sedan,  je 
n'avais  pas  l'outrecuidante  pensée  que  vous  puissiez  gratifier 
de  quelques  lignes  étincelantes  le  braVe  homme  qui  vous 
importune  de  sa  lourde  prose,  mais  après  trois  jours  de 
silence,  vous  me  permetti-ez  de  constater  que  vous  n'avez 
rien  trouvé  de  précis  à  me  répondre  sur  ces  deux  points  : 

«  1»  Vers  de  quatorze  pieds,  perpétré  pai'  vous  avec  un 
hiatus  à  la  clef 

a  2°  Mots  de  la  fin  empruntés  à  l'Evénement. 

«.  Cet  aveu  muet  me  suffit,  quant  à  présent. . .  » 


LA  CHANSON 


163 


L'incident  est  clos,  je  crois,  ce  qui  ne  m'empêchera  pas  de 
jeter  mon  coup-d'œil  quotidien  sur  le  Petit  Caporal,  dont  je 
ne  saurais  trop  recommander  la  lecture  à  tous  les  amis  de 
la  chanson  et  de  la  vieille  gaîté  française . 

Sur  ce,  mon  cher  confrère,  je  vous  remercie  à  l'avance 
de  votre  cordiale  hospitalité. 

Tout  et  bien  à  vous, 
J.  RUEL. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Représentation  du  11  mars,  à  la  Renaissance.  — 
Le  monde  arrive  tard,  mais  enfin,  à  dix  heures,  la 
salle  est  comble.  Après  l'ouverture  de  Guillaume 
Tell,  par  M.  Canet,  pianiste ,  les  planches  sont 
essuyées  assez  agréablement  par  MM.  P.  Launet, 
baryton,  Duvergray,  ténor,  et  un  jeune  comique, 
M.  Samuel,  qui  promet.  La  toile  tombe  et  se  relève 
presque  immédiatement  sur  une  saynette  à  deux 
personnages,  Nicole  la  Repasseuse,  due  à  la  collabora- 
tion de  MM.  Raphaël  May  et  Jules  Quidant,  tous 
deux  sociétaires,  me  dit-on.  M"°  Lévy-NicoUe  ne  se 
contente  pas  d'être  jolie,  elle  joue  avec  grâce  et  sa 
voix  est  loin  d'être  désagréable.  Quant  à  M.  Ramel, 
il  manque  d'aplomb;  s'il  se  tenait  mieux  eii  scène, 
peut-être  lui  découvrirait-on  des  qualités  artistiques, 
mais 

Avant  de  porter  un  jugement  téméraire 
La  seconcle  audition  me  parait  nécessaire. 

Nous  écoutons  M.  Mortreuil,  un  artiste  conscien- 
cieux qui  travaille  ce  qu'il  chante.  M.  Angel  de  L-U-A 
s'est  fait  bisser  dans  J'ai  i-icn  compris  ;  franchement 
il  a  été  drôle.  Une  conférence  au  tambour,  par 
M.  Moreaux  ;  puis  le  Capoul  des  sociétés.  M.  Léon, 
tire  de  son  filet  de  voix  tout  le  parti  qu'il  est 
possible  d'en  tirer.  Des  méchantes  langues  affirment 
même  qu'avec  le  filet  en  question  il  pêche  tous  les 
cœurs  assez  naïfs  pour  se  laisser  prendre  aux  ficelles 
que  pas  un  chanteur  ne  dédaigne  d'employer.  Allez 
donc  lutter  quand  on  n'a  à  sa  disposition  qu'un  simple 
hameçon  ! 

Après  une  valse  chantée,  que  M""  Lucie  nous  a 
gentiment  roucoulée,  j'ai  vu  poindre  le  nez  de 
M.Alphonse?...  (rien  de  commun  avec  celui  que 
Dumas  fils  a  rendu  populaire).  Dans  le  même  moment, 
le  maître  des  chants  annonçait  qu'après  la  pièce 
Livre  III,  Chapitre  I",  les  artistes  des  Concerts  de 
Paris  se  feraient  entendre.  J'ai  jugé  prudent,  après 
avoir  réglé  mon  bock  et  donné  dix  centimes  au 
garçon  (ce  qui  prouve  quel  désordre  régnait  dans 
mes  idées),  de  gagner  la  porte  sans  avoir  l'air  de 
rien.  Avaler  M.  Alphonse  me  paraissait  trop  raide  ! 
Mais,  me  direz-vous,  il  est  donc  des  concerts  de 
Paris?  —  Oui!...  et,  de  plus,  la  gigantesque 
araignée  qui  séjourne  sous  le  dôme  osseux  du  type 
ci-dessus  dénommé  n'a  pas  encore  changé  de 
plafond. 

23  mars,  à  la  Fauvette  Parisienne,  bénéfice  de 
M.  Lourdez,  pianiste  d'un  talent  incontestable.  — 
L'abondance  des  matières  nous  force  à  résumer  le 
plus  possible  notre  impression  sur  cette  représenta- 
tion. Comme  entrée,  hâtons-nous  d'ajouter  qu'elle  a 
été  excellente.  Nous  savourons  unFo/-a«-i'e»;musical, 
orchestré  parM. Lourdez,  ainsi  qu'un  boléro  du  même, 
parfaitement  chanté  par  M.  Benjamin.  M.  Larche  a  dit 


le  Hanneton  très-finement;  M.  Henri  H.,  Le  Marchand 

de  vin  n'est  pas  encore  fermé  ;  M"°  Angèle  a  chanté  : 
Je  suis  naïve,  avec  le  talent  qu'on  lui  connaît.  Nous 
avons  applaudi  de  tout  cœur  M.  Marcus  dans  le 
Mariage  d'un  Cabotin.  Ajoutons  qu'il  y  a  dans 
M.  Marcus  autre  chose  qu'un  chanteur  ;  il  s'est 
révélé  parfait  diseur  et  très-bon  comédien  dans  deux 
imitations.  Citons  encore  un  solo  de  flûte  (auteur, 
M.  Sannua)  et  Petit  écho,  de  M.  Lourdez,  joué  sur 
harmoniflùte  par  M.  Alberta.  —  Somme  toute,  bonne 
soirée  pour  M.  Lourdez  et  les  invités,  presque  tous 
sociétaires,  qui  se  sont  fait  un  devoir  d'assister  à 
cette  charmante  fête  intime  et  lui  ont  prouvé  par 
leur  présence  combien  il  est  sympathique  aux 
membres  de  la  Fauvette  Parisienne. 

Dernières  nouvelles  par  fil  télégraphique. 

Bal  des  Intimes,  Hôtel  Continental,  tout  simple- 
ment merveilleux!. . .   on  s'écrasait! .. . 

Même  nuit ,  Union  Artistique  et  Cercle  Intime 
réunis  :  Bal  costumé!...  feu  d'ai'tifice  tiré  par 
Rugierri!...  pas  de  malheur  à  déplorer.  Compliment 
sincère  aux  organisateurs  Paulin  et  Garnot  ! . . . 

Nous  publierons  dans  notre  prochain  numéro 
l'histoire  de  la  société  lyrique  des  Epicuriens. 

A.  LEROY. 

Le  Bal  des  Chevaliers  de  la  Thum  donné,  le  15  mars, 
dans  les  salons  de  Valentino,  a  été  très-brillant. 
Cette  joyeuse  société  s'est  montréeàla  hauteur  desa 
réputation.  Devansart  a  fait  exécuter  à  son  orchestre 
les  danses  les  plus  enlevantes,  ajoutant  même  à 
l'occasion  des  coups  de  fusil  et  même  de  canon.  Il  y 
aura  l'an  prochain  une  mitrailleuse!  Rassurez-vous, 
chères  lectrices,  elle  sera  chargée  avec  des  violettes 
et  des  roses. 

La  Mi-Carême  a  été  fêtée  par  la  société  lyrique 
Les  Enfants  de  la  Seine  par  un  bal,  dans  son  coquet 
local  de  la  rue  Palestro,  20. 

Les  dames  étaient  charmantes  et  faisaient  ressortir 
de  ravissants  costumes  et  de  fraîches  toilettes. 

C'était  un  tableau  des  plus  agréables,  qu'en- 
cadrait dignement  une  décoration  aussi  gracieuse 
qu'intelligente. 

La  soirée  s'est  prolongée  jusqu'à  deux  heures  du 
matin,  et  les  invités,  en  se  séparant,  ne  disaient 
qu'une  chose  :  déjà! 

C'est  assez  dire  qu'on  s'était  amusé.  Constatons 
que  la  bonne  part  du  succès  de  la  soirée  a  été  pour 
M.  Albert,  le  pianiste  de  la  société  (sur  le  talent 
duquel  nous  n'avons  plus  à  insister)  pour  la  façon 
dont  il  a  exécuté  les  danses  nouvelles  les  plus 
entraînantes. 

Les  amis  de  la  chanson  et  de  sa  sœur  la  romance 
nous  sauront  gré  de  leur  signaler  trois  mélodies  de 
notre  ami  René  Asse,  créées  par  M.  Frantz  Villaret 
dans  le  grand  concert  donné  salle  Erard,  le  lundi 
17  mars,  par  M""  et  M.  Buonsollazzi  : 

Une  Berceuse,  musique  de  M.  Henri  Duvernoy,  le 
savant  professeur  du  Conservatoire;  l'Ame  du  Rêve, 
musique  de  L.  Demortreux,  le  vaillant  directeur  du 
Jeune  Parnasse;  la  Fleur  du  Souvenir,  musique  de 
Frantz  Villaret,  qui,  dans  la  circonstance,  s'inter- 
prétait lui-même. 

Le  poète,  ainsi  que  les  compositeurs  et  l'artiste 
ont  obtenu  un  vif  succès. 


164 


LA  CHANSON 


Ces  trois  œuvres  sont  éditées  :  les  deux  premières, 
chez  M.  Batlilot  ;  la  troisième,  chez  M.  O'Kelly. 

A  cette  occasion,  nos  félicitations  aux  promoteurs 
d'une  soirée  aussi  brillante  que  réussie. 

Prosper  tibia. 

Les  Gueules-de-loup.  —  Sous  ce  titre,  on  trouve 
chez  M.  Roux-Quentin,  éditeur,  43,  rue  des  Petits- 
Carréaux,  et  à  la  librairie  A.  Patay,  un  petit 
recueil  de  chansons  dont  la  plus  grande  partie  sont 
inédites.  Nous  ne  saurions  recommander  trop  chaleu- 
reusement à  nos  lecteurs  habituels  la  lecture  de  ces 
bouffonneries  et  gaudrioles  écrites  avec  la  finesse  et 
l'esprit  tout  particuliers  à  notre  regretté  Léon 
Quentin.  Ses  œuvres  complètes  formeront  six  volumes 
sous  les  titres  suivants  :  Les  Gueules-de-loup  ;  les 
Rires  jaunes,  chansons  et  boutades  ;  Fumée  de  ciga- 
rettes, chansonnettes  et  fantaisies  ;  Les  Larmes  roses, 
bluettes  et  romances;  Les  folles  du  Logis,  pochades 
et   flonflons;  Bssais  poétiques,  œu.vres  de  jeunesse. 

Ali  !  si  mon  père,  quelqu'il  fut, 

Ne  m'eut  pas  mis  sur  cette  terre, 

Tort  il  eût  eu,  mon  père. 

Tort  il  eût  eu  ! 

dit-il  dans  le  refrain  d'une  de  ses  bonnes  bouffon- 
neries. —  Certes,  Quentin  ne  pouvait  mieux  dire;  son 
père  a  eu  mille  fois  raison  de  donner  le  jour  à  un 
poète  dont  la  place  était  d'avance  marquée  dans  notre 
galerie  des  chansonniers. 

A.  L.  - 


NOUVELLES    ET   AVIS 


M.  Turquet  vient  de  décider  que  la  pension  de 
1,200  francs  accordée  à  Edouard  Plouvier,  mort  il  y 
a  trois  ans,  serait  conservée  à  sa  veuve.  Cela  ne  nous 
surprend  pas  de  la  part  du  Sous- Secrétaire  d'Etat  aux 
Beaux- Arts. 

Nous  sommes  en  retard  pour  signaler  l'apparition 
d'un  vaillant  journal,  Le  Quartier  latin,  dirigé  par 
M.  Amédée  Folleville.  Cordial  souhait  de  réussite. 

Nous  recommandons  à  nos  lecteurs  Le  Molière, 
journal  littéraire  et  artistique  (M.  Georges  Berry, 
rédacteur  en  chef).  Le  numéro  du  dimanche  23  mars 
contenait  un  intéressant  article  de  Jules  Claretie 
sur  le  Caveau. 

Le  Jeune  Parnasse,  dont  la  publication  était  inter- 
rompue depuis  quelque  temps,  vient  de  reparaître, 
toujours  sous  la  direction  de  M.  Demortreux,  l'habile 
compositeur.  Notre  camarade  Alphonse  Leclercq, 
de  la  Lice  Chansonnière,  en  est  le  rédacteur  en  chef. 

M.  Paul  Avenel  prépare  la  cinquième  édition  de 
ses  chansons.  Ce  volume,  considérablement  augmenté, 
sera  orné  des  portraits  de  Victor  Noir,  Martin 
Bidauré,  Baudin,  Barbes,  et  complété  par  des  notes 
historiques  très-curieuses. 

Seront  prochainement  publiées,  par  souscription, 
les  Premières  Chansons  de  Georges  Baillet,  avec 
portrait  de  l'auteur  et  dix  musiques  gravées. 


La  Paix,  hymne  national  d'Evariste  Carrance  pour 
les  paroles,  et  de  P.  Cavallo  pour  la  musique,  vient 
de  paraître  chez  l'éditeur  Lemoine.  Disons,  en  même 
temps ,  que  notre  confrère  Evariste  .Carrance , 
l'habile  directeur  de  la  Revue  Française,  vient  d'être 
nommé  officier  d'Académie. 

L'éditeur  Benoît,  rue  Meslay,  31,  vient  de  mettre 
en  vente  Edmée,  romance  inspirée  à  Constant  Saclé 
par  le  Médecin  des  Folles,  publié  dans  le  Petit  Journal. 
Du  sentiment,  de  la  grâce,  —  et  une  musique  excel- 
lente due  à  Tac-Coen  :  le  succès  est  assuré. 

Les  écrivains  qui  désireraient  concourir  pour 
la  XP  Olympiade  de  l'Académie  des  Poètes  sont  invités 
à  adresser  franco  cinq  poésies  inédites  à  M.  Elle  de 
Biran,  vice-président  et  archiviste  de  l'Académie, 
22,  rue  des  Missions,  à  Paris. 

Des  médailles  de  vermeil,  d'argent  et  de  bronze 
seront,  comme  précédemment,  décernées  à  la  suite 
de  ce  concours. 

La  rive  droite  a  eu  jusqu'à  ce  moment  le  monopole 
des  sociétés  lyriques.  Pourquoi  la  rive  gauche,  déjà 
si  déshéritée  au  point  de  vue  de  la  distraction  et  de 
la  gaîté,  n'en  compterait- elle  que  quelques-unes 
dans  son  sein  ? 

Un  groupe  de  jeunes  gens  des  VI°  et  XIV°  arron- 
dissements, faisant  tous  partie  de  diverses  sociétés 
de  la  rive  droite,  ont  entrepris  d'en  fonder  une 
essentiellement  dramatique  dans  le  VI'  arrondis- 
sement, et  font  appel  à  leurs  camarades  habitant  de 
ce  côté  pour  l'accomplissement  d'un  projet  dont  la 
réalisation  offrirait  tant  d'avantage  aux  jeunes  gens 
amateurs  de  plaisirs  sains  et  intelligents. 

Pour  les  adhésions  et  les  renseignements  s'adresser 
aux  bureaux  du  journal  La  Chanson. 

(Les  personnes  qui  connaîtraient  un  local  con- 
venable sont  priées  d'en  donner  avis). 

La  société  chorale  Les  Enfants  de  la  Seine,  sous 
la  directiondeM.  P.  Cantarel,  vientde  se  reconstituer 
pour  la  saison  des  concours.  Les  répétitions  ont  lieu 
les  mercredis  et  vendredis,  à  9  heures  du  soir,  rue 
d'Aboukir,  74. 

Les  personnes  qui  désireraient  prendre  part  aux 
études  peuvent  se  faire  inscrire  aux  jour,  lieu  et 
heures  ci-dessus  indiqués. 

Nous  publierons  dans  le  premier  numéro  de  notre 
troisième  semestre  les  détails  de  notre  second  con- 
cours poétique. 

Nous  prions  nos  abonnés  de  Paris  et  des  dépar- 
tements, qui  ne  nous  ont  pas  encore  fait  parvenir  le 
montant  de  leur  réabonnementdul"'novembre  1878, 
de  nous  l'adresser  sans  retard. 

A.  P. 


Vente  de  I<A  CHANSON,  en  gros  et  au  numéro 
pour  les  libraires  : 

Chez  TBAIiIN,  rue  du  Croissant,  5, 

Et  chez  JEANMAIRE  (ancienne  maison   HAR- 
TINON),  rue  des  Bons-Enfants,  32. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANNEE.  —  N°  18. 


16  AVRIL  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


Eevue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  i.^^  A:  le  16  de  ctiaqvie  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.   LEROY 


Le  Numéro  :  20  cent. 


IDMINISTRATION  k  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN   CheF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

Paris,  6  mois 2  fr.  59 

Départ»,  6  mois 3       » 

Etranger,  6  mois 3       50 


SOMMAIRE  :  Notre  Matinée  (a.  patay).  —  Stances  à  Béronger  (armand  silvestre).  —  Pam  qui  c/ianfe  :  la  Société  lyrique  des 
Epicuriens  (a.  leroy).  —  Curiosités  de  lu  Chaînon  :  Les  Gcus  comme  il  faut  (béranger).  —  Regrets  (rené  ponsard.  — 
Adieu  (béranger).  —  La  Vieille  Clinnson  (paroles  de  coarles  Vincent,  musique  de  darcier).  —  France  (leopold  sarrade). — 
Deuxième  Concours  poétique  du  journal  la  chanson.  —  Banquet  du  Caveau  (eug.  imbert}.  —  Banquet  de  la  Lice  Chansonnière 
(l. -HENRY  lecomte).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  leroy,  gédiie,  prosper  tibia,  a.  patay).  —  Avis. 


NOTRE    MATINÉE 


La  matinée  populaire  douriée  au  théâtre  du 
Château-d'Eau  par  La  Chanson  vient  de 
s'achever.  Le  résultat  ne  peut  encore  être 
exactement  connu;  la  recette,  nous  le  crai- 
gnons, ne  couvrira  pas  les  frais  ;  qu'importe  ! 
la  manifestation  de  La  Chanson  aura  toujours 
eu  le  mérite  de  venir  la  première  et  de 
stimuler  tous  ceux  pour  qui  l'organisation  de 
matinées  ou  soirées  spéciales  est  possible. 

Le  Comité  de  la  statue  lui-même  accomplii-ait 
son  devoir  strict  en  usant  de  sa  grande  influence 
pour  donner  à  l'Opéra  une  solennité  httéraire 
et  musicale  au  profit  de  l'œuvre. 

Nous  ferons,  quand  le  moment  sera  venu, 
le  compte  trop  long  des  difficultés  et  des 
mauvais  vouloirs  contre  lesquels  nous  nous 
sommes  heurté.  Nous  ne  voulons  aujourd'hui 
que  remercier  hautement  et  sincèrement  tous 
ceux  dont  le  concours  nous  a  été  si  précieux  : 

M.  Jules  Claretie  d'abord  qui,  dans  une 
conférence  remarquable,  a  mis  en  lumière, 
avec  un  rare  bonheur  d'expression,  les  aspects 
divers  du  caractère  et  du  talent  de  Béranger  ; 

M.  Armand  Silvestre  qui,  sur  notre  prière, 
a  presque  improvisé  les  stances  admirables 
qu'on  trouvera  plus  loin  ; 

M.  Renard,  le  très-habile  directeur  de 
l'Eldorado,  qui  a  mis,  avec  une  obhgeance 
parfaite,  ses  artistes,  son  répertoire,  sa  scène 
même  à  notre  disposition  ; 


Les  artistes  :  M""  Rousseil  qui  a  dit  avec 
une  ampleur  magistrale  le  poétique  à-propos 
de  M.  Silvestre;  M"'°  Bordas,  énergiquement 
inspirée;  M""  Rose  Meryss,  Amiati,  Duparc, 
Caroline  et  Louise  Durafour,  charmantes  et 
dignes  des  plus  grands  éloges  ;  M.  Darcier, 
égal  à  lui-même  ;  M.  Sarrus,  à  la  voix  chaude; 
M.  Debailleul,  si  gracieux;  et  les  très-parfaits 
acteurs  de  la  Jeunesse  de  Béranger,  MM.  Pacra, 
Perrin,  Gaillard,  M"°  Rolland,  luttant  d'esprit 
et  de  verve  ; 

Le  chef  d'orchestre  de  l'Eldorado,  M.  Charles 
Malo,  et  les  accompagnateurs; 

M.  Emile  Durafour,  notre  collègue  de  la 
Lice,  qui,  non  content  de  nous  apporter  l'appui 
de  son  talent  aimé,  avait  bien  voulu  se  charger 
de  diriger  la  partie  artistique  du  programme 
et  s'est  acquitté  de  sa  tâche  avec  beaucoup 
de  tact  et  d'habileté  ; 

M.Victor  Garnot,  président  du  Cercle  Intime, 
et  M.  Paulin,  président  de  l'Union  Artistique, 
dont  le  fraternel  dévouement  nous  a  épargné  le 
soin  de  démarches  et  de  détails  innombrables  ; 

Enfin  les  présidents  des  Sociétés  lyriques, 
faisant  fonctions  d.e  commissaires  dans  la  salle 
où,  grâce  à  eux,  pas  une  réclamation  ne  s'est 
produite. 

A  tous,  encore  une  fois,  merci. 

Et  maintenant,  que  beaucoup  d'autres, 
après  nous,  travaillent  au  succès  de  cette 
œuvre  nationale  :  la  statue  de  Béranger. 


14  Avril. 


A.  PATAY. 


LA  CHANSON 


STANCES  A  BÉRANGER 

Dites  par  M"^  Rousseil,  au  Théâtre  du  Chàteau-d'Eau 
le  13  avril  1879 


Salut,  ô  Béranger  !  Par  les  temps  respectée, 
Ta  gloire  te  sui'vit  et  ne  craint  plus  l'affront. 
Car  la  muse  immortelle  a  mêlé,  sur  ton  front, 
Aux  roses  de  Mosohus  les  lauriers  de  Tyrtée  ! 


Plus  haut  que  la  clameur  des  sots  et  des  méchants, 
Comme  un  astre  affranchi  de  la  brume  amassée. 
Dans  le  ciel  raj'onnant  de  l'humaine  pensée 
Monte  ton  nom  sacré  sur  l'aile  de  tes  chants. 


C'est  que  la  Liberté  vengeresse  réclame 

Ce  nom  vaillant  et  pur  qu'on  voulait  lui  voler 

Et,  devant  l'avenir  fier  de  le  consoler. 

Sur  son  drapeau  vainqueur  l'écrit  en  traits  de  flamme. 


C'est  que,  fidèle  au  peuple,  aux  maîtres  indompté, 
De  jours  libérateurs  doux  et  vivant  présage. 
Des  autels  avilis  détournant  ton  visage. 
Tu  ne  servis  jamais  qu'un  dieu  :  la  Liberté  ! 


Oh  !  comme  tu  l'aimais  quand,  muette  et  voilée, 
Portant  un  joug  français  taillé  par  l'étranger. 
Dans  l'ombre  où  mûrissait  l'heure  de  la  venger, 
Tu  baisais  ses  pieds  nus  et  sa  robe  étoilée. 


Non,  tu  n'as  aimé  qu'elle,  et  le  peuple  et  ses  droits  ! 
Et  si  ta  lyre  en  deuil,  qu'affolait  la  tourmente, 
Au  soldat  de  Brumaire,  un  jour,  fut  trop  clémente. 
Tu  ne  pleurais  en  lui  que  le  vaincu  des  rois  ! 


Ah  !  nous  avons  revu  notre  France  meurtrie. 
Sous  des  pas  ennemis  ses  beaux  flancs  déchirés  ; 
Mais,  de  ces  jours  amers  faisant  des  jours  sacrés, 
La  République  vint,  qui  vengea  la  patrie  ! 


Ah!  tu  mourus  trop  tôt,  bien  que  mort  plein  de  jours, 
Doux  vieillard  !  —  Car  enoor,  ta  chanson  d'espérance 
Pour  la  seconde  fois  eiît  consolé  la  France 
Et  vers  nos  foyers  morts  ramené  nos  amours  ! 

Oui,  tu  mourus  trop  tôt,  car  cette  heure  est  la  tienne 
Qui  voit  la  Liberté  sourire  à  nos  enfants. 
De  nos  bonheurs  conquis,  de  nos  droits  triomphants. 
Il  n'est,  ô  Béranger,  rien  qui  ne  t'appartienne  I 

De  tout  ce  qui  grandit  la  France  d'aujourd'hui 
Nous  offrons  une  part  à  ta  grande  mémoire.  — 
D'un  pas  ferme  et  vainqueur  entre  donc  dans  ta  gloire, 
0  toi,  pour  qui  le  jour  de  la  justice  a  lui! 

10  avril  1878  Armand  SILVESTRE. 


PARIS    QUI   CHANTE 


La  Société  lyrique    des  Epicuriens 

Deux  cent  soixante-dix  ans  avant  J.-C,  un  célèbre 
philosophe  athénien,  Epicure,  enseignait  que  le 
p  laisir  est  le  seul  but  qu'on  doit  chercher  à  atteindre  ; 
mais  le  plaisir,  selon  lui,  résidait  dans  la  culture  de 
l'esprit  et  la  pratique  de  la  vertu.  Ses  sectateurs,  les 
Epicuriens,  n'ont-ils  pas  tant  soit  peu  dénaturé  sa 
doctrine?.  .  .  Demandez  à  M.  Massé,  leur  président 
actuel,  qui  m'a  très-obligeamment  communiqué  les 
documents  relatifs  à  sa  société,  dont  je  vais  succincte- 
ment tracer  l'historique.  (Pardon,  chers  lecteurs, 
d'avoir  fait  un  peud'éruditionàcoupde  dictionnaire). 

En  ce  temps-là  —  1819  après  J.-C.  —  un  restau- 
rateur nommé  Lemoine  hébergeait,  tous  les  lundis 
soir,  un  groupe  de  joyeux  compères  fort  amateurs 
d'un  certain  plat  de  lapin,  qu'ils  arrosaient  conscien- 
cieusement avec  du  petit  bleu  très-coquet,  paraît-il, 
que  les  empoisonneurs  de  nos  jours  ont  complètement 
dénaturé,  les  lâches  !  C'était  le  bon  temps  à  l'ancienne 
barrière  de  la  Villette,  et  les  vieux  goguettiers 
gardent  encore  le  souvenir  de  l'enseigne  du  père 
Lemoine  (A  la  Grâce  de  Dieu).  Ces  bons  vivants 
faisaient  présider  leurs  balthazars  intimes  par 
un  chansonnier  jovial  dont  le  nom,  s'il  n'est  pas  passé 
à  la  postérité,  n'en  est  pas  moins  venu  jusqu'à  nous. 
Il  s'appelait  Camédon,  et,  quoique  aimant  rire,  ne 
négligeait  pas  le  solide.  Les  petits  plats  de  lapin 
succédaient  aux  litres  du  petit  bleu,  et  faisaient  les 
délices  de  cesjoyeux  enfants  d'Epicure  ;  on  chantait 
de  sa  place  entre  deux  bouchées,  et,  quand  la 
mémoire  faisait  défaut,  on  cherchait  la  rime  au  fond 
. du  verre . 

La  consommation  des  petits  plats  augmentant 
dans  des  proportions  désastreuses  pour  les  chats  du 
quartier,  il  s'en  suivit  une  grève  (que  la  chronique 
de  cette  époque  n'a  jamais  relatée),  mais  qui  eut  pour 
conséquence  le  déménagement  des  Epicuriens . 
M.  Godard  devint  alors  leur  pourvoyeur.  Il  habitait 
Belleville,  au  coin  de  la  rue  de  Paris. 

La  présidence  passa  dans  les  mains  de  Blondel, 
chansonnier  lui  aussi,  faisant  lui-même  la  musique 
de  ses  chansons.  (C'est  le  premier  qui  ait  osé  com- 
poser des  airs  sans  connaître  les  notes).  Il  acquit 
de  la  sorte  une  certaine  popularité  :  ceci  prouve 
qu'il  n'est  pas  urgent  d'être  savant  pour  avoir  des 
idées  musicales  ou  poétiques.  La  société  s'agrandissant 
considérablement,  les  Epicuriens  quittèrent  défini- 
tivement la  banlieue,  et  s'installèrent  sur  le  boulevard 
du  Temple,  au  Café  du  Capucin.  Les  Epicuriens 
commençaient  à  s'aristooratiser  ;  on  buvait  encore 
du  vin  mais  les  petits  plats  étaient  passés  à  l'état  de 
légende.  Les  Èp'curiens  tenaient  alors  le  milieu 
entre  la  goguette  et  la  société  lyrique;  un  piano,  le 
premier  que  les  sociétés  aient  possédé,  accompagnait 
les  chanteurs;  aussi  le  patron  de  l'établissement, 
jaloux  de  leur  succès,  transforma-t-il  la  salle  de 
réunion  en  café-concei't.  On  plie  bagage  et  l'on 
s'installe  chez  M.  Maréchal,  au  coin  de  la  rue 
Chariot.  Presque  en  même  temps,  Blondel  quitte  la, 
présidence  et  passe  la  main  à  son  ami  Massé,  vice- 
président,  sociétaire  depuis  1832,  et  qui  avait 
successivement  passé  par  tous  les  grades.  Dès  lors, 
la  société  acquit  une  réputation  qu'elle  conserve 
encore    aujourd'hui,   malgré   la  concurrence.    On 


LA  CHANSON 


167 


organise  des  bals  de  famille  à  l'Elysée  Ménilmontant 
et  au  Château-Rouge  ;  désormais  l'élan  est  donné  et 
tout  marche  à  souhait. 

Les  goguettes  deviennent  de  plus  en  plus  nom- 
breuses d'années  en  années;  l'administration,  s'étant 
émue  de  ces  réunions  pourtant  inoifensives,  crut 
devoir  les  faire  fermer  toutes.  Grâce  à  l'énergie  de 
M.  Massé,  les  Epicuriens  continuèrent  à  se  réunir  et 
ne  furent  jamais  inquiétés,  malgré  les  orages  poli- 
tiques qui  bouleversèrent  la  société,  et,  par  contre- 
coup, les  sociétés. 

Voilàtrente  ans  que  M.  Massé  préside  les  Epicuriens, 
et  il  ne  semble  pas  devoir  quitter  la  présidence  de 
sitôt.  On  lui  doit  quelques  bonnes  chansons,  entre 
autres  le  Conseil  des  rats  que  j'ai  toujours  entendu 
avec  plaisir.  Il  fut  douze  ans  maître  des  chants  à  la 
Lice  Chansonnière;  ses  œuvres  sont  imprimées  dans 
les  volumes  que  ladite  société  publie  annuellement. 

Les  Epicuriens  sont  installés,  depuis  une  dizaine 
d'années,  chez  Guerapin  (Brasserie  des  Bords  du 
Rhin,  35,  boulevard  Sébastopol).  Le  dimanche,  on 
danse  ;  le  lundi  on  ciiante,  et  les  plus  sympathiques 
amateurs  s'y  donnent  rendez-vous.  Nous  ne  pouvons 
nous  étendre  plus  longuement  sur  cette  société, 
mais,  nous  l'espérons,  elle  n'a  pas  dit  son  dernier 
mot.  Ajoutons,  pour  finir,  qu'elle  a  donné  naissance 
à  la  plus  grande  partie  de  celles  existant  aujour- 
d'hui, et  particulièrement  aux  Moinusiens,  présidés 
par  M.  Leroux,  et  nommés  d'abord  les  Enfants  de 
Momus. 

A.  LEROY. 


CURIOSITÉS  DE  LA  CHANSON    () 

LES    GENS    COMME    IL    FAUT 
Air  :  Vaudeville  de  Florian. 

Non,  le  grand  monde  et  son  jargon. 
Mes  amis,  n'ont  rien  qui  me  plaise  ; 
Dans  nos  grands  cercles  à  grand  ton, 
Encor  si  l'on  baillait  à  l'aise  ! 
La  gaîté  s'y  trouve  en  défaut. 
Au  bord  des  lèvres  elle  expire  : 
Mes  amis,  les  gens  comme  il  faut, 
Comme  il  faut  ne  savent  pas  rire. 

Lise  me  disait  l'autre  jour  : 

—  Pour  amant  j'avais  un  ministre. 

Gravement  il  me  fit  la  cour, 

De  ses  vœux  il  tenait  registre  ; 

Le  cœur  trop  bas,  le  ton  trop  haut, 

Deux  fois  il  ne  pouvait  me  plaire  : 

Mon  ami,  les  gens  comme  il  faut. 

Comme  il  faut  ne  savent  rien  faire. 


(•)  Cette  chanson,  de  la  première  manière  de  Béranger, 
parut  en  1806  dans  la  Guirlande  de  Fleurs.  Elle  ne  figure  pas 
dans  ses  œuvres  où,  assurément,  elle  aurait  tenu  sa  place. 
Nous  la  publions  non-seulement  pour  nos  lecteurs,  mais  pour 
collectionner  les  œuvres  éparses  du  grand  chansonnier. 

A.  PATAY. 


Nous  sommes  gais  dans  nos  grabats, 
Narguons  les  grands  qui  nous  dédaignent  ; 
Ils  aiment  peu,  ne  chantent  pas. 
Et  de  boire  ces  messieurs  craignent. 
Le  plaisir  cache  ce  qu'il  vaut 
A  ceux  que  jamais  il  n'enivre  : 
Mes  amis,  les  gens  comme  il  faut. 
Comme  il  faut  ne  savent  pas  vivre. 

BÉRANGER. 


REGRETS 


Le  paganisme  auquel  je  rends  hommage, 
L'un  après  l'autre  a  perdu  tous  ses  dieux  ; 
L'Olympe  est  vide,  et  c'est  vraiment  dommage 
Qu'on  ait  crevé  son  pourpris  radieux; 
Son  culte  était  si  favorable  aux  hommes 
Que  l'on  pouvait,  sans  crainte  pour  cela, 
A  belles  dents  mordre  à  toutes  les  pommes... 
On  n'en  voit  plus  des  Dieux  comme  ceux-là  ! 


Les  rois  d'alors,  à  ce  que  dit  l'histoire, 
Conduisaient  paître  eux-nièmes  leurs  troupeaux, 
Et  préféraient  aux  chants  de  la  victoire 
Ceux  de  la  flûte  ou  des  joyeux  pipeaux; 
Avec  leurs  bœufs  buvant  à  la  même  onde. 
Ces  va-uu-pieds,  après  un  tel  gala, 
Sans  chanceler  dictaient  des  lois  au  monde... 
On  n'en  voit  plus  des  rois  comme  ceux-là  ! 


La  Grèce  avait,  elle  aussi,  ses  bohèmes, 

Fils  du  Caprice  et  de  la  Pauvreté  : 

L'un  fut  Homère  :  en  naissant  ses  poèmes 

Ont  pris  leur  vol  pour  l'immortalité. 

Ce  vieux  rapsode  au  sublime  délire, 

Sur  ces  baillons  que  la  Muse  étoila. 

Portait  gaîment  sa  besace  et  sa  lyre... 

On  n'en  voit  plus  des  gueux  comme  ceux-là? 

Souvent,  hélas  !  de  mon  cœur  qui  grommelé, 
Je  cherche  en  vain  à  réprimer  un  cri. 
Lorsque  je  vois  tomber  de  la  mamelle, 
Tous  ces  enfants  qui  meurent  sans  abri  ; 
Je  songe  au  temps  où,  charitable  et  probe, 
Vincent  de  Paulj  sans  pompe  ni  fla-fla. 
Les  reeueillait  dans  un  pan  de  sa  robe... 
On  n'en  voit  plus  des  saints  comme  ceux-là  ! 


Un  chansonnier,  des  rayons  de  sa  gloire, 
A  couronné  les  fronts  audacieux 
De  ces  grands  fous,  d'éternelle  mémoire, 
Dont  les  regards  allaient  fouiller  les  cieux; 
Leur  renommmée  est  encor  si  vivante, 
Qu'à  leurs  noms  seuls,  les  fils  de  Loyola 
Semblent  frappés  d'une  horrible  épouvante. 
On  n'en  voit  plus  des  fous  comme  ceux-là! 

René  RONSARD. 


168 


LA  CHANSON 


^ee/b  *>îff/<t^/y-, 


ADIBU! 


Air  :  T'en  souviens-tu?  ou  Air  nouveau  de  M.  L.  Aeadie. 


France,  je  meurs,  je  meurs,  tout  me  l'annonce. 
Mère  adorée,  adieu.  Que  ton  saint  nom 
Soit  le  dernier  que  ma  bouche  prononce. 
Aucun  Français  t'aima-t-il  plus  ?  Oh  !  non. 
Je  t'ai  chantée  avant  de  savoir  lire. 
Et  quand  la  mort  me  tient  sous  son  épieu, 
En  te  chantant  mon  dernier  souffle  expire. 
A  tant  d'amour  donne  une  larme.  Adieu  ! 


Lorsque  dix  rois,  dans  leur  triomphe  impie, 
Poussaient  leurs  chars  sur  ton  corps  mutilé, 
De  leurs  lambeaux  j'ai  fait  de  la  charpie 
Pour  ta  blessure,  où  mon  baume  a  coulé. 
Le  ciel  rendit  ta  ruine  féconde  ; 
De  te  bénir  les  siècles  auront  lieu  ; 
Car  ta  pensée  ensemence  le  monde. 
L'Égalité  fera  sa  gerbe.  Adieu! 


Demi-couché,  je  me  vois  dans  la  tombe. 
Ah  !  viens  en  aide  à  tous  ceux  que  j'aimais  ; 
Tu  le  dois,  France,  à  la  pauvre  colombe 
Qui  dans  ton  champ  ne  butina  jamais. 
Pour  qu'à  tes  lils  arrive  ma  prière, 
Lorsque  déjà  j'entends  la  voix  de  Dieu, 
De  mon  tombeau  j'ai  soutenu  la  pierre. 
Mon  bras  se  lasse  ;  elle  retombe.  Adieu  ! 


Extrait  diss  Œmres 
Saints-Pères,  6. 


omplètes  de  Béranger,  édition  populaire   à.  10  centimes  la  livraison,  chez  Garnier  frères,  rue  des 


LA  CHANSON 


169 


LA     VIEILLE      CHANSON 


Paroles 


CBARLESIVINCENT 


Allegretto 

La    vieiljc  chanson, mes-  a  _  mis,  Est  u.ne  bonne      fU 
.le;  Qui'  sait  l'ai.mcr  est  vite    ad  .  rais    Dons  sa  graiidp    fa  .  mil' 

.le  Mais         II     lui    faut   des      bôuto-cn-train,  Pre .  naiiLBac.chu.s  poi 


Musique 
de 

DARCIER 


La  vieille  chanson,  mes  amis, 

Est  une  bonne  fille  ; 
Qui  sait  l'aimer  est  vite  admis 

Dans  sa  grande  famille. 
Mais  il  lui  faut  des  boute-en-train, 

Prenant  Bacchus  pour  guide, 
Qui  puissent  à  chaque  refrain 
Lever  gaîment  un  verre  plein 

Et  le  reposer  vide  ! 

Française  de  mœurs  et  d'allure, 
Tous  les  ans  la  vieille  chanson 
Rajeunit  sa  voix,  sa  figure 
Dans  la  vendange  et  la  moisson. 
Salut,  salut  à  la  vieille  chanson  !  {bis) 

Dame  !  Elle  n'a  pas  les  grands  airs 

De  la  triste  romance  ; 
Elle  n'a  pleuré  qu'aux  revers 

De  notre  belle  France. 
Vint  le  succès,  plus  de  chagrin  : 

Sans  faire  la  grimace 
C'est  elle  qui  chanta  Catin, 
La  vivandière  à  l'œil  mutin, 

Que  la  victoire  embrasse  ! 

Française  de  mœurs  et  d'allure, 
Tous  les  ans  la  vieille  chanson 
Rajeunit  sa  voix,  sa  figure 
Dans  la  vendange  et  la  moisson. 
Salut,  salut  à  la  vieille  chanson  !  {bis) 


Quand  ses  premiers  maris  sont  morts, 

Entonnant  une  ronde  : 
(i  Partez,  dit-elle,  et  sans  remords 

(c  Aimez  dans  l'autre  monde!» 
La  mort  a  pu,  sans  effrayer 

Cette  joyeuse  épouse. 
Lui  prendre  Panard,  Désaugier... 
Car  ce  n'est  que  de  Béranger, 

Qu'elle  sera  jalouse  ! 

Française  de  mœurs  et  d'allure, 
Tous  les  ans  la  vieille  chanson 
Rajeunit  sa  voix,  sa  figure 
Dans  la  vendange  et  la  moisson, 
Salut,  salut  à  la  vieille  chanson  !  {bis) 

La  vieille  chanson  aujourd'hui 

Se  voile  et  se  lamente. 
C'est  que  Béranger  s'est  enfui 

Des  bras  de  son  amante! 
Plus  d'un,  voulant  sécher  ses  yeux 

En  vain  court  auprès  d'elle, 
Offrir  ses  chansons  et  ses  vœux  : 
«  Non,  toujours  au  chantre  des  gueux 

Je  veux  rester  fidèle  !  » 

Baissant  tristement  éa  figure. 
Aujourd'hui  la  vieille  chanson 
Remplace  son  joyeux  murmure 
Par  ce  refrain  au  triste  son  : 
Salut,  salut  à  la  veuve  chanson  1  {bis) 


On  trouve  la  musique  de  M.    Darcier,  avec   accompagnement  de  piano,  chez   M.   Labeé,   éditeur,  rue  Notre-Dame-de-' 
Nazareth,  3î,  à  Paris. 


170 


LA  CHANSON 


FRANCE! 

HYMNE    NATIONAL    DE    LA   PAIX 
Musique  de  Ben  Tatoux  (') 

Français,  l'avenir  nous  regarde, 
Ornons  de  fleurs  notre  drapeau  ; 
Sous  les  pas  de  notre  avant-garde 
Doit  éclore  un  bonheur  nouveau  ! 
De  la  paix  faisons  la  conquête  : 
Voilà  le  plus  beau  fait  guerrier. 
France,  il  manque  à  ta  noble  tête 
Cette  couronne  de  laurier  ! 

Français,  chantons,  chantons  la  France, 
La  France  est  l'âme  du  Progrès; 
Chantons,  chantons  V Indépendance, 
L'Amour,  le  Travail  et  la  Paix\ 

La  France  est  toujours  la  première 
Quand  il  s'agit  d'humanité. 
Elle  a  gravé  sur  sa  bannière  : 
Justice,  Amour,  Fratetmité  I 
Que  la  haine,  à  jamais  bannie. 
Disparaisse  de  nos  chemins  ; 
Et  que  la  sublime  harmonie 
Unisse  et  nos  cœurs  et  nos  mains  I 

Français,  chantons,  etc. 


Travaillons,  travaillons  sans  cesse. 
Le  travail  donne  la  gaîté; 
Au  sol,  il  donne  la  richesse  ; 
A  l'esprit,  la  fécondité  ! 
C'est  lui  qui  donne  à  la  patrie 
La  vigne,  les  blés  et  les  fleurs  1 
Salut  aux  arts,  à  l'industrie  : 
Salut  à  tous  les  travailleurs  ! 

Français,  chantons,  etc. 


Brisant  du  passé  toute  entrave, 
La  vérité  reprend  ses  droits  ; 
Notre  paj's  n'est  point  esclave. 
L'égalité  dicte  nos  lois! 
A  l'horizon  de  notre  France 
S'allume  une  pure  clarté  ; 
Cette  aurore,  c'est  l'espérance  : 
C'est  ton  soleil,  ô  liberté  ! 

Français,  chantons,  etc. 


(*)  La  musique,  avec  ou  sans  accompagnement,  se  trouve 
à  la  librairie  A.  Patay,  rue  Bonaparte,  18. 


L'étude  à  la  sagesse  unie 
Nous  aide  à  triompher  du  mal  ; 
L'instruction  mène  au  génie. 
Et  le  génie  à  l'idéal  !  — 
Eclairons  l'obscure  ignorance  ; 
A  créer  soyons  toujours  prêts  : 
Les  plus  grands  soldats  de  la  France 
Seront  les  soldats  -du  progrès  ! 

Français,  chantons,  etc. 

Français,  laissons  tomber  nos  armes 
Et  fermons  l'ère  des  combats  ; 
Assez  de  deuils,  assez  de  larmes. 
Pour  le  travail  gardons  nos  bras  !  — 
De  la  France  un  jour  l'auréole 
S'étendra  sur  le  monde  entier  ; 
Et  tous  les  peuples,  pour  symbole, 
Prendront  la  branche  d'olivier! 

Français,  chantons,  chantons  la  France, 
La  France  est  l'âme  du  Progrès; 
Chantons,  chantons  l'Indépendance, 
L'Amour,  le  Travail  et  la  Paix  ! 

LÉOPOLD  SARRADE. 


DEUXIÈME   CONCOURS    POÉTIQUE 

Du  journal  La  Chanson 


La  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes  et  chan- 
sonniers pour  tresser  la  couronne  poétique  de 
Béranger.  Elle  met  aujourd'hui  au  concours  : 

1°  Une  chanson  de  six  couplets  ou  strophes  au 
plus,  avec  ou  sans  refrain  ; 

2°  Un  sonnet  ; 

3"  Une  poésie  (ode,  dithyrambe,  ballade,  rondeau, 
conte,  fable)  ne  dépassant  pas  soixante  vers. 

Le  tout  se  rapportant  à  Béranger. 

Il  sera  décerné  trois  prix  pour  chaque  genre,  et 
des  mentions  honorables,  s'il  y  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  un  diplôme  spécial,  avec 
allégorie^  et  paraphé  par  tous  les  membres  du  jury. 
Les  pièces  couronnées  seront,  en  outre,  publiées 
dans  La  Chanson. 

Le  même  auteur  pourra  prendre  part  aux  trois 
concours,  mais  avec  une  seule  pièce  dans  chacun  des 
trois. 

Nous  publierons,  dans  le  prochain  numéro  de  La 
Chanson,  les  conditions  de  notre  triple  concours. 


LA  CHANSON 


171 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET    DU  4  AVRIL  1879. 

J'avoue  que  je  suis  sorti  du  Caveau,  vendredi  dernier, 
avec  un  sentiment  de  mécontentement.  Vous  le  comprendrez. 
On  s'est  cru  des  dispositions  naturelles  pour  la  chanson;  on 
les  a  cultivées  ;  on  s'est  nourri  de  la  lecture  des  maîtres  ; 
on  s'est  elTorcé  de  marcher,  de  loin,  sur  leurs  traces.  Et 
voilà  qu'on  entend  au  Caveau  des  gaillards  comme  Nadaud 
et  deux  ou  trois  autres,  y  compris  M.  Grange,  qui  joignent 
la  verve  à  la  facture,  la  profondeur  à  l'esprit,  la  philosophie 
à  la  bonne  humeur  et  la  morale  à  la  gaîté.  C'est  véritable- 
ment à  jeter  le  manche  après  la  cognée,  et  à  désespérer  de 
l'avenir. 

Une  autre  déconvenue  encore.  J'arrive  au  bamiuet  ayant 
en  poche  le  récit,  en  vers  s'il  vous  plaît,  de  la  séance  de  la 
Lice  de  l'avant-veille.  Doux  cents  vers  à  peine,  et  je  me 
disais  naïvement  que  le  Caveau  serait  heureux  de  connaître 
une  fois  par  hasard  ce  qui  se  passe  chez  une  société,  non 
pas  rivale,  mais  émule  de  la  sienne.  Et  puis,  voilà  ([ue,  dans 
le  toast  traditionnel  à  la  chanson,  le  président  se  plaint  de 
l'abus  des  vers.  Les  tirades  lui  font  peur.  Il  proscrit  les 
récits.  Le  sonnet  lui-môme,  si  discret  dans  sa  brièveté,  le 
sonnet,  qui  se  fourre  partout  précisément  parce  qu'il  tient 
peu  de  place,  le  pauvre  sonnet  est  mis  à  l'index. 

C'est  déjà  bien  assez  d'avoir  un  loast  en  vers,  a  dit 
spirituellement  le  président. 

Eh  bien  !  j'ai  lancé  ma  tartine  tout  de  môme,  et  j'ai  célébré 
ces  bons  amis  de  la  Lice;  mais  je  ne  possédais  pas  tous  mes 
moyens,  et  j'ai  dû,  pour  éviter  de  trop  fatiguer  mon  auditoire, 
supprimer  à  la  lecture  nombre  de  passages,  et  peut-être  des 
•meilleurs.  Je  serai  donc  forcé  de  soumettre  à  mes  lecteurs, 
dans  l'intérêt  de  ma  gloire  et  de  leur  plaisir,  mon  poème 
reconstitué.  Je'  leur  en  fais  grâce  pour  aujourd'hui.  S'il 
m'était  arrivé,  du  reste,  d'assoupir  tous  les  convives,  on 
n'aurait  pas  eu  quarante  personnes  à  léveiller  ;  nous  étions 
trente  au  plus.  Les  mauvaises  langues  disent  vingt-huit. 

Il  est  naturel  que  dans  une  telle  disposition  d'esprit,  je  ne 
m'étende  pas  longuement  sur  les  détails  de  cette  soirée,  qui, 
pour  être  courte,  n'a  pas  laissé  d'être  bien  remplie.  .\u 
moment  où  tant  d'esprits  sont  préoccupés  de  l'imposante 
cérémonie  qui  se  prépare  pour  le  13  de  ce  mois,  où  le 
souvenir  de  Rérauger  plane  sur  toutes  les  intelligences  et 
remue  tous  les  cœurs,  je  serais  mal  venu  à  jeter  dans  le 
murmure  de  l'enthousiasme  général  la  note  discordante  de  la 
critique.  Un  simple  procès-verbal  suflira  pour  aujourd'hui. 
Plus  tard  je  serai  moins  bref,  et  rendrai,  à  loisir,  à  chacun 
la  justice  qui  lui  est  due. 

Citons  donc  avant  tous,  pour  ne  pas  l'oublier  cette  fois, 
Poullain,  qui  prétend  que  l'homme  est  un  loup  pour  soti 
semblable.  Le  Genou,  l'Enquête,  la  Mnin,  Mm's,  ont  fait 
briller  tour  à  tour  les  qualités  diverses  d'Echalié,  de  Vacher, 
de  Lesueur  et  de  Charles  Vincent.  Montariol  nous  dit  Où  le 
bât  le  blesse.  Moyneau  chante  Ce  qu'on  ne  peut  dire.  Ripault 
prouve  que  Tant  vaut  l'homme  tant  vaut  la  chose,  et  Fénée 
chante  de  façon  à  n'être  pas  accueilli  comme  un  chien  dans 
un  jeu  de  quilles.  Gardons  pour  la  fin,  comme  dessert,  la 
Cigale,  et  la  Fourmi,  d'une  aimable  sagesse  ;  Chanson 
maigre,  de  titre  seulement  ;  et  surtout  Ascendit  cadendo, 
ingénieuse  et  fine  contre-partie  du  refram  de  Colmance  : 

Plus  on  monte  et  plus  on  descend. 


Auteurs  :  Julien,  Petit  et  M.  Grange. 


Eus.   IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANQUET  DU   2  AVRIL  1879. 


Les  dîners  chantants  se  suivent...  et  se  ressemblent.  Au 
dessert,  un  toast  rimé  ;  après  le  café,  nombre  de  chansons 
graves  ou  folles,  bonnes  ou  mauvaises,  toutes  bien  accueillies. 
Je  pourrais  résumer  par  ces  quelques  mots  le  banquet  d'avrU, 
mais  nos  lecteurs  s'accommoderaient  peu  de  ce  procès-verbal 
trop  succinct.  Les  productions  dites  l'autre  soir  méritent 
d'ailleurs  un  examen  sérieux. 

Echalié,  le  président  de  la  Lice,  a  eu,  le  mois  dernier,  la 
mauvaise  chance  de  se  déboîter  un  genou.  Condamné  à 
l'immobilité  physique,  il  n'en  déploie  que  plus  d'activité 
intellectuelle.  Son  toast,  lu  par  le  vice-président  Rubois,  et 
sa  chanson,  présentée  par  ,\deline,  valent  largement  ses 
œuvres  antérieures.  Souliaitons,  en  employant  le  mot  du 
patient,  qu'il  revienne  bientôt  à  la  Lice  avec  deux  bonnes 
a  pattes.  »  En  satisfaisant  tous  ses  camarades,  la  présence 
d'Echalié  mettra  fin  à  l'embarras  de  M.  Caron  qui,  ayant  en 
tête  abondance  de  bons  couplets,  ne  peut  les  en  faire  sortir, 

Car  Echalié  dans  son  lit  est  malade... 

très-bon  sentiment  dont  je  tiens  compte,  mais  qu'il  eût  été 
logique  d'expi'imer  autrement  qu'en  chanson. 

Au  début  de  la  séance,  on  avait  procédé  à  la  remise  du 
diplôme  de  sociétaire  à  Gustave  Nadaud,  reçu  depuis  long- 
temps membre  de  la  Lice;  formalité  accomplie  au  bruit 
d'acclamations  qui  disaient  éloquemment  la  joie  mêlée  d'or- 
gueil des  Licéens.  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  naturelle- 
ment été  pour  le  célèbre  récipiendaire,  .\lfred  Leconte  a 
chanté  Mu  Philosophie;  Henri  Nadot  a  dit  Mon  Homonyme, 
cl  Ciuslave  Nadaud  a  interprété  lui-même  deux  de  ses 
meilleures  productions  :  Trois  mille  francs  de  rente  et 
l'Epingle  sur  la  manche  —  on  devine  avec  quel  succès. 

Sous  ce  titre,  les  Effrontés,  Eugène  Imbert  nous  peint  les 
chansonniers  du  jour  attelés  au  char  du  progrès  et  manquant 
de  respect  aux  dogmes  surannés  et  aux  princes  inutiles. 
Jouent-ils  bien  tous  ce  beau  rôle? 

Dans  Un  Voyage  en  mer,  M.  Flachat  nous  conte  sa 
mésaventure  conjugale;  mais  le  dénouement  se  laisse  deviner 
trop  tôt  pour  que  l'intérêt  n'en  soulfre  pas. 

La  romance,  le  refrain  bachique  et  le  couplet  humoris- 
tique ont  toujours,  à  la  Lice,  des  servants  fidèles.  Chebroux, 
en  dépeignant  les  Beaux  jours  de  l'hiver  ;  Leconte,  avec  te 
Roman  de  la  Vie;  Robinet,  en' nous  apprenant  Comment  on 
parle  aux  fleurs,  expriment  de  très-poétiques  sentiments. 
Eugène  Baillet  célèbre  les  Gens  qui  savent  boire  avec  une 
conviction  que  possèdent  au  même  degré  Georges  Baillet  et 
M.  Picard,  maître  du  genre.  /(  faut  bien  faire  quelque  chose, 
de  M.  Vatinel;  Un  Miracle,  de  M.  Legentil;  Le  Budget 
communal,  de  M.  Duplessis;  On  n'a  jamais  pu  savoir, 
d'Adeline  ;  et  la  Mécanique  de  Charlotte,  de  M.  Fénée,  ont 
été  accueillis  par  de  francs  rires. 

J'aurais  regret  de  ne  point  signaler  Vive  la  République  ! 
de  M.  Ruel,  et  surtout  le  Chant  des  Braves,  de  Paul  .'Vvenel, 
récit  émouvant  de  l'aventure,  trop  fréquente,  hélas!  d'une 
jeune  fille  à  qui  la  guerre  tue  son  fiancé.  Dans  la  nuit, 
Gervaise  entend  tous  les  morts  héroïques  chanter  l'hymne  de 
colère.  A  travers  ces  strophes  respire  un  ardent  patriotisme. 

Je  m'en  tiendrai  aux  comptes-rendus  précédents  pour  les 
chansons  non  inédites,  et  je  terminerai  en  félicitant  les 
poètes  d'avoir  tenu  rigueur  au  printemps  retardataire.  Le 
soleil  pâle  et  larmoyant  de  l'avril  présent  ne  mérite  pas  le  plus 
léger  salut  :  tous  l'ont  parfaitement  compris. 

L.-Hbnry  LECOMTE. 


172 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Renaissance,  soirée  du  \"  avril.  —  Loin  d'être  une 
attrape,  le  programme  du  l'^'  avril  a  tenu  largement 
ce  qu'il  promettait.  Fais  ce  que  dois,  interprété  par 
M"°  Julia,  MM.  Ramel  et  Armand,  a  pleinement 
réussi.  Il  y  a  des  difficultés  dans  la  diction  des  tirades 
de  cet  épisode  dramatique.  M"°  Julia  et  M.  Ramel  s'en 
sont  bien  tirés;  ils  ontde  plus  réussi  à  nous  émouvoir. 
M.  Mallet  jouait  le  principal  rôle  às.ns,  Monsieur  mon 
Domestique;  il  a  beaucoup  gagné  depuis  que  je  ne 
l'avais  entendu;  encore  un  effort  dans  cette  voie  et 
nous  le  proclamerons  premier  larbin.  M"°  X,  qui 
veut  garder  l'anonyme,  par  modestie  sans  doute, 
possède  des  qualités  théâtrales  qu'elle  a  l'air  d'ignorer; 
nouvellement  mariée  (dans  la  pièce),  son  époux, 
M.  Moreau,  lui  persuade  qu'on  pouvait  la  tromper 
avec  une  Amanda  quelconque  avant,  mais  après  I 
avec  une  femme  ayant  des  yeux  comme  ça!  allons 
donc,  est-ce  que  c'est  possible?..  Nous  étions  joliment 
de  son  avis.  Un  bravo  à  MM.  Paul  Launay  etMortreuil 
et  nos  sincères  compliments  à  M""  Rosine  qui  sait 
chanter,  dire,  faire  rire  et  charmertout  àlafois.  J'en 
oublie  et  des  bons,  entre  autres  M.  Marcus,  mais  notre 
cadre  a  des  limites  et  nous  nous  arrêtons  à  regret. 
L'Harmonie  du  Commet'ce  tient  à  prouver  qu'elle 
possède  tous  les  éléments  de  succès  désirables.  Par- 
faitement organisée  par  son  intelligent  président, 
M.  Morin,  et  savamment  dirigée  par  le  soliste  tant 
aimé,  M.  A.  Brevet,  elle  a,  le  6  avril,  ajouté  un 
succès  de  plus  à  son  actif  déjà  bien  partagé.  La 
société  chorale  des  Enfants  de  Lutèce,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Gaubert,  les  a  largement  secondés  pour 
cette  matinée  dans  laquelle  les  noms  les  plus  connus 
des  cafés-concerts  se  sont  fait  applaudir.  Citons  au 
hasard  M""  Demay,  M.  Paulus,  M.  Brunet,  M.  Fon- 
tenay,  de  l'Opéra-Comique,  M.  Renot,  du  Théâtre- 
Français,  M"°  Nais-Lévy,  M.  Lamarche,  actuelle- 
ment au  Conservatoire,  bientôt  à  l'Opéra,  M"'^  Coyon- 
Hervixe,  etc.  ;  puis  les  solistes  de  l'harmonie, 
MM.  Ingand,  Oreyfus.  Auber,  Salingue,Chevy,  Somlt. 
On  comprendra  facilement  qu'avec  de  tels  noms  le 
nombreux  public  ait  applaudi  de  tout  cœur  en  se 
promettant  de  revenir  s'il  plaît  aux  organisateurs  de 
donner  une  seconde  audition,  c'est-à-dire  d'obtenir 
un  nouveau  triomphe.  Entre  la  première  et  la 
deuxième  partie,  on  a  fait  une  quête  au  profit  des 
inondés  de  Szejdin.  S'amuser,  c'est  bien,  mais  ne  pas 
oublier  les  malheureux,  c'est  mieux. 

Surprise  agréable  au  Cercle  du  Cotillon,  du  boule- 
vard Voltaire.  Au  moment  où  on  s'y  attendait  le 
moins,  on  nous  fit  passer  dans  les  salons  d'à  côté 
transformés  pour  la  circonstance  en  théâtre  français. 
Notre  cadre  ne  comportant  pas  la  critique  intime, 
nous  devrions  taire  nos  impressions;  cependant  nous 
espérons  qu'on  ne  nous  en  voudra  pas  d'avoir  pour 
une  fois  dérogé  à  nos  habitudes.  M""  S.  Lasserre 
débutait  dans  Après  le  bal,  comédie  de  circonstance 
s'il  en  fut  jamais.  Malgré  les  difficultés  des  jeux  de 
scène  dans  un  espace  de  3  mètres  cai'rés  et  si  près 
du  public  qu'on  pouvait  presque  tendre  la  main  aux 
acteurs.  M""  Lasserre  s'est  montrée  à  la  hauteur  de 
sa  tâche,  vaillamment  secondée  par  M.  Calixte  et  un 
comédien  ayant  fait  ses  preuves.  Le  public  n'a  pas 
ménagé  ses  bravos  qui  leur  revenaient  de  droit. 
Les  fureurs  de  l'amour,  la  pièce  de  résistance  du 
programme    dramatique,   a  peut-être    moins   bien 


réussi;  cependant  les  artistes  ont  bien  mérité  des 
Folies  Voltaire.  M"°  Leroux,  toute  mignonne  en  mar- 
chande de  plaisir,  a  surpris  par  son  aplomb;  elle 
savait  son  rôle  et  soufflait  aux  autres.  Nous  n'avons 
pas  assez  de  bons  points  à  leur  offrir.  M.  Aubarède 
père  manquait  un  peu  de  mémoire,  mais  se  rattrapait 
si  intelligeamment  qu'on  oubliait  qu'il  n'a  plus 
vingt  ans.  Quant  à  Calixte  et  Delafontaine,  ils  ont 
été  désopilants.  Nos  compliments  aux  organisateurs 
de  la  fête  ;  on  n'est  pas  plus  aimable  avec  ses  invités. 
Faisons,  pour  terminer,  cette  réflexion  en  aparté  : 
le  cotillon  est  une  danse  bien  agréable  surtout  quand 
on  a  des  voisines  disposées  à  faire  enrager  leur 
voisin.  A.   LEROY. 


7  avril  79 


Cher  Monsieur  Patay, 


Deux  de  mes  bons  amis  qui  signent  de  charmantes 
lithographies  sous  le  ;  pseudonyme  de  Tal-Zar  chez 
nos  principaux  éditeurs  de  musique,  ayant  été 
calomniés  en  des  termes  que  je  tairai  et  qui  semble- 
raient émaner  de  concurrents  envieux,  je  tiens  à 
témoigner  non  seulement  de  la  sympathie  que  j'ai 
pour  eux,  mais  encore  à  me  porter  garant  de  leur 
honorabilité  et  de  leur  patriotisme.  A  côté  de  l'un 
d'eux  j'ai  combattu  sous  le  drapeau  de  Belfort,  je 
mets  au  défi  les  calomniateurs  de  pouvoir  citer  pour 
eux  un  seul  des  faits  glorieux  que  mes  excellents 
amis  ont  à  leur  actif. 

La  jalousie  seule  peut  expliquer  les  méchants 
propos  qui  ont  circulé. 

Veuillez,  dans  votre  estimable  journal,  insérer  ces 
quelques  lignes  et  vous  m'obligerez  personnellement. 
Votre  bien  dévoué, 
GÉDHÉ. 

Le  mercredi,  26  mars,  au  restaurant  Notta  (2,  bou- 
levard Poissonnière),  la  société  de  la  Pomme  tenait 
son  seizième  dîner. 

M.  Monselet,  bien  que  de  retour  de  Nice,  n'a  pu  y 
assister  :  la  séance  était  donc  présidée  par  M.  Boursin, 
père  légitime  du  petit  Bonhomme  Gérard  (l'enfant  et 
son  papa  vont  bien,  très-bien  même). 

La  réunion  était  peu  nombreuse  et  disposée  à  se 
retirer  de  bonne  heure  ;  mais  elle  a  jeté  les  bases 
d'une  grande  fête  littéraire  et  artistique,  dont  nous 
servirons  à  nos  amis  la  primeur. 

Prosper  tibia. 

Le  café-concert  de  l'Alhambra  a  donné  cette 
semaine  une  petite  opérette  qui  a  obtenu  un  grand 
succès  que  nous  croyons  mérité. 

Titre  :  Compositeur  et  Chanteuse.  Auteur  :  M.  Albert 
Caprès  ;  compositeur  :  M.  L.  Demortreux. 

Le  poème  très  réussi  est  agrémenté  d'une  musique 
fort  gracieuse  que  leurs  interprètes,  M.  Augustel  et 
M"°  Carré,  une  aimable  débutante  qui  fera  son 
chemin,  interprètent  à  ravir. 

Le  Dimanche  4  mai  la  société  lyrique  des  Enfants 
de  la  Seine  donnera  sa  4°  soirée  extraordinaire  dans 
son  local  ordinaire,  20,  rue  Palestre. 


A  partir  du  1"  mai  f  S99,  le  prix  de  l'abonnement  & 
I.A  CHAKSom  sera  de  S  tr.  par  an  pour  Paris  et  les 
départements  ;  Etranger,  le  port  en  sus.  Toute  personne 
qui  conservera  le  n"  -1  Osera  considérée  comme  réabon- 
née ;  nous  ferons  alors  toucher  de  suite.  ^  En  cas  de 
cessation  d'abonnement,  renvoyer  le  numéro  avec  le 
mot  REFUSÉ  sur  la  bande.  I.es  abonnements  de  8  mois 
seront  acceptés  par  mandats-poste. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


LA  CHANSON 

REVUE   BI-MENSUELLE 

ARCHIVES    DE   LA  CHANSON 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

DEUXIÈME    ANNÉE  :    1879-1880 


RÉDACTEUR   EN    ChEF  : 

L.-HENRY  LECOMTE 


Biographies,  Chansons 

Poésies,    Comptes-rendus 

des  Dîners  chantants 


DlRBCTEDR- GÉRANT  : 

A.  PÂTAY 


Portraits,  Musique 

Fac-similé,  Curiosités 

Bibliographie 


BUREAUX  DE  LA  PUBLICATION  : 

LIBRAIRIE  A.  PATAY,  RUE  BONAPARTE,  18,  PARIS 


PRIX  :    UN   AN,    6    FRANCS 


2'  ANNEE.  —  N"  19. 


1"  MAI  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Géï'ant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  <5c  le  16  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.   LEROY 

20  cent,  le  Numéro 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 


France,  UQ  an 6  fr. 

»        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  A  nos  Abonnés  et  Lecteurs  (a.  patay).  —  Deuxième  Concours  poétique  de  la  chanson.  —  Pai-is  qui  chante  :  la 
Société  lyrique  les  Enfants  d' Apollon\\.  leroy). —  Le  Livre  nouveau  (eugène  grange). —  La  Statue  de  la  Liberté  (jon  lazare). — 
Le  Dieu  Sote/ (dénis  langat).  —  Hommage  à  Pierre  Dupont  (j.-c.  pieroux).  —  Toast  à  la  Chanson  (ernest  chebroux).  — 
Eugène  Imliert  (l.-henry  lecomte).  —  Souscription  pour  Tu  statue  de  Béranger,  2'|'«  lùte.  —  Le  Banquet  de  lu  Lice  Chan- 
sonnière {eug.  imbert).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  leroy,  véritas).  —  Nouvelles  et  Avis. —  supplément  :  Portrait 
d'Eugène  Imbert,  d'après  la  photographie  de  Pierre  Petit. 


A  NOS  ABONNES  &  LECTEURS 


Avec  ce   numéro   commence  la  deuxième  année 
(le  La  Chanson. 

Nous  voulons  tout  d'abord  remercier  nos  abonnés, 
nos  lecteurs  et  la  presse  de  Paris  et  des  départements 
pour  tous  les  témoignages  de  sympathie  qu'ils  nous 
ont  prodigués.  La  Chanson,  croyons-nous,  a  franchi 
la  période  difficile  et  fait  vaillamment  ses  preuves. 
Elle  doit  cependant  entrer  dans  la  voie  des  améliora- 
tions. Le  procédé  employé  pour  les  derniers  portraits 
publiés  laissant  à  désirer,  nous  avons  dû  les 
suspendre  et  nous  décider  à  de  grands  sacrifices 
pour  obtenir  de  meilleurs  résultats.  A  l'avenir  nos 
abonnés  —  nos  abonnés  seulement  —  recevront  une 
fois  par  mois  soit  un  beau  portrait,  soit  un  fac- 
similé  d'autographe  ou  une  musique.  Nous  avons 
dans  nos  cartons  quantité  de  bonnes  choses  reçues 
depuis  longtemps  qui  verront  successivement  le  jour  ; 
nous  donnerons  plus  souvent  de  la  musiqu'e,  et,  à  la 
demande  de  beaucoup  de  nos  correspondants,  nous 
publierons  dans  chaque  numéro  une  ou  deux  poésies 
autres  que  des  chansons.  Paraîtront  également  des 
articles  variés  sur  la  chanson,  son  influence  et  son 
histoire ,  des  biographies  très-intéressantes ,  des 
curiosités  chansonnières,  et  bon  nombre  de  surprises 
littéraires.  Nous  donnerons  aussi  prochainement  de 
courtes  notices  sur  les  poètes  ou  chansonniers  qui 
n'ont  pas  encore  de  titres  suffisants  aux  biographies 
étendues,  et  nous  invitons  nos  abonnés  écrivains  à 
nous  envoyer,  dès  aujourd'hui,  les  renseignements 
biographiques  et  bibliographiques  qui  les  concei'nent. 
En  tenant  ce  programme  nous  devons  compter 
que  nos  "abonnés  non  seulement  nous  seront  fidèles, 
mais  qu'ils  nous  prêteront  un  fraternel  concours  en 
faisant  une  propagande  active  pour  La  Chanson. 
Nous  pourrons  alors  faire  une  publication  remar- 
quable de  ce  journal  qui  n'est  pas  une  spéculation 
mais  une  œuvre  loyale  et  convaincue. 

A.  PATAY. 


DEUXIÈME   CONCOURS    POÉTIQUE 

Du  journal  La  Chanson 


La  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes  et  chan- 
sonniers pour  tresser  une  couronne  poétique  à 
Béranger.  Elle  met  aujourd'hui  au  concours  : 

1°  Une  Chanson  de  six  couplets  ou  strophes  au 
plus,  avec  ou  sans  refrain  ; 
2°  Un  Sonnet  ; 

3°  Une  Poésie  (ode,  ballade,  conte,  fable,  etc.)  ne 
dépassant  pas  soixante  vers; 

Le  tout  se  rapportant  à  Béranger. 

Il  sera  décerné  pour  chaque  genre  trois  prix,  et 
des  mentions  honorables,  s'il  y  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  diplômes  spéciaux,  avec 
allégorie,  et  paraphés  partons  les  membres  du  jury. 
Ces  diplômes  seront  de  dimensions  calculées  pour 
l'encadrement. 

Les  pièces  couronnées  seront,  en  outre,  insérées 
dans  La  Chanson. 

Toutes  les  pièces  envoyées  au  concours  seront 
publiées  collectivement  à  la  seule  condition,  pour 
chaque  auteur,  de  souscrire  à  cette  publication 
suivant  la  quantité  de  vers  insérés.  Le  prix  de  la 
souscription  sera  porté  à  la  connaissance  de  tous 
avant  le  commencement  de  l'impression. 

Le  même  auteur  pourra  prendre  part  aux  trois 
concours,  mais  avec  une  seule  pièce  dans  chacun 
des  trois. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites,  non 
signées  et  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  et  portant  extérieure- 
ment le  premier  vers  de  la  poésie  présentée. 

Le  Concours  est  ouvert  aujourd'hui  1°"' Mai  et  sera 
clos  le  16  juillet  1879,  anniversaire  de  la  mort  de 
Béranger. 

Toutes  les  communications  relatives  au  Concours 
doivent  être  adressées  franco  à  M.  A.  Patay, 
directeur  de  La  Chanson,  rue  Bonaparte,  18. 


LA  CHANSON 


PARIS    QUI   CHANTE 


La  Société  lyrique    les  Enfants  d'Apollon 

Vers  la  fin  de  l'année  1868,  j'entrais  pour  la 
première  fois  dans  un  petit  établissement  de  la  l'ue 
de  Cléry.  J'en  vois  encore  la  devanture  verte  ornée 
d'arbustes  en  toutes  saisons,  le  comptoir  à  droite, 
quelques  tables  de  marbre  blanc,  et  au  fond  l'escalier 
tournant  menant  au  premier.  Là,  se  réunissaient 
quelques  amis  faisant  simplement  leur  partie  en 
buvant  quelques  bocks.  Un  beau  soir,  quelqu'un  dit  : 
«  Si  nous  fondions  une  société  Ijrique?  »  Du  désir  à 
l'exécution  il  n'y  a  qu'un  pas,  quand  il  s'agit  d'une 
simple  formalité.  On  était  à  cette  époque  dans  la 
période  d'empire  libéral;  les  autorisations  s'obtenaient 
facilement,  la  préfecture  préférant  de  beaucoup  les 
réunions  chantantes  aux  réunions  politiques!  Calixte 
fut  nommé  président  à  l'unanimité.  Le  bureau  consti- 
tué, il  ne  s'agissait  plus  que  de  trouver  un  titre;  on 
propose  Les  Enfants  d'Apollon,  il  obtient  la  majorité 
des  suffrages  :  et  voilà  comment  fut  fondée  cette 
société,  comptant  aujourd'hui  près  de  onze  années 
d'existence. 

Les  jours  de  réunion  furent  fixés  aux  dimanches 
ei  jeudis  dans  la  salle  du  premier,  petite,  basse  de 
plafond,  mal  agencée.  On  y  étouffait,  le  patron  de 
l'établissement  trouvant  le  moyen  d'empiler  soixante- 
dix  à  quatre-vingts  personnes  dans  un  espace  où 
l'on  tenait  bien  vingt-cinq  à  l'aise,  ce  qui  n'empêche 
pas  qu'on  y  jouait  des  pièces  à  deux  et  trois  person- 
nages sur  l'estrade  servant  de  scène. 

Je  me  souviens  d'un  à-propos  en  vers,  signé  Calixte, 
joué  par  l'auteur  et  le  joyeux  secrétaire  Moquet, 
aujourd'hui  marchand  de  charbons  et  bois  en  gros  (je 
ne  vous  donnerai  pas  son  adresse,  j'aurais  l'air  de  lui 
faire  une  réclame).  Ce  gros  et  bon  Moquet  remplissait 
le  rôle  d'Apollon,  et  Calixte,  le  président,  allait  le 
trouver  dans  son  nuage  pour  obtenir  l'autorisation 
de  devenir  ses  enfants  et  d'en  prendre  le  titre,  ambi- 
tion grande  !  Cet  à-propos,  finement  tourné  et  inter- 
prété non  moins  finement,  obtint  un  grand  succès. 

La  société  devenait  tous  les  jours  de  plus  en  plus 
nombreuse  ;  de  dix  ou  douze  membres  fondateurs,  on 
comptait,  quelques  mois  après,  plus  de  soixante 
inscrits;  M.  Calixte,  devant  ce  grand  succès,  eut 
une  bonne  pensée  ;  il  proposa  la  fondation  d'une 
caisse  de  secours  ;  des  représentations  furent  données 
mensuellement  au  bénéfice  de  l'œuvre;  quelques 
mois  après,  M.  Calixte  achetait  une  obligation  au 
nom  de  la  société.  Le  résultat  dépassait  toutes  les 
espérances  ;  le  succès  allait  croissant  ;  malheureuse- 
ment, la  guerre  arrive  et  disperse,  en  grande  partie, 
l'élément  jeune  de  la  société.  Cependant  ceux  qui 
restèrent,  Calixte  en  tête,  se  réunissaient  encore  de 
temps  en  temps.  La  société  quitte  la  rue  de  Cléry  et 
s'installe  à  l'ancien  café  Moka,  rue  de  la  Lune.  La 
soirée  d'inauguration  eut  lieu  le  6  août  1870,  au 
bénéfice  des  blessés  de  l'armée  du  Rhin.  C'est  dans 
cet  établissement  que  fut  construit  le  premier  théâtre 
que  les  sociétés  aient  possédé.  On  se  retrouve  presque 
tous  après  la  guerre,  quoique  chacun  ait  fait  large- 
ment son  devoir  devant  l'ennemi. 

La  Commune  nous  disperse  de  nouveau,  et  c'est 
après  ces  événements  que  la  société  se  retrouve  rue 
de  Metz,  où  elle  reprend  une  nouvelle  vigueur. 
C'est  toujours  Calixte  qui  préside  ;  on  joue  des  pièces 
à  quatre  et  cinq  personnages,  et  les  artistes  de  talent 


nous  prêtent  leur  concours.  Nous  retrouvons  les 
anciens  de  la  fondation,  Gédhé,  Ducasse,  Moquet, 
Alexandre,  plusieurs  autres  dont  le  nom  m'échappe, 
et  le  signataire  de  cet  article,  un  zélé,  je  vous 
l'assure.  Nous  transportons  les  Enfants  d'Apollon 
chez  M.  Peigné,  75,  faubourg  Saint-Martin.  Calixte 
a  quitté  la  présidence,  et,  dans  l'espace  de  quelques 
mois,  elle  passe  successivement  dans  les  mains  de 
MM.  Vivenis,  Dorfeuil,  Bonnet,  Ambroise;  main- 
tenant c'est  M.  Emile  qui  préside,  et,  nous  l'espérons, 
pour  longtemps.  Ici,  nous  ouvrons  une  parenthèse 
pour  citer  quelques  passages  d'une  lettre  que  Charles 
Pérey  adressait  à  Gédhé  sous  la  présidence  Vivenis, 
en  juillet  1876,  et  que  feu  le  journal  l'Indépendant 
a  reproduite. 

«   Mon  cher  Gédhé, 

(c  Tu  la  connais,  cette  société  chantante  des  Enfants 
d'Apollon  dont  tu  fus  une  des  fortes  colonnes  au 
temps  des  présidences  successives  de  nos  excellents 
Calixte  et  Bonnet,  alors  qu'il  y  avait  pour  sociétaires  : 
Varin,  Boulland,  Leroy,  Nérac,  Henri,  Poirrier, 
Dujat,  Lange,  Adrien  et  Baptiste,  le  bon  Baptiste, 
l'ami  Baptiste,  le  chanteur  qui  ne  chante  pas,  mais 
qui  se  tord  la  rate  au  plaisir  d'entendre  les  autres.  Il 
me  semble  bon  de  donner  un  souvenir  aux  anciens... 

«...  Puisque  tu  me  demandes  quelques  mots  sur 
l'ensemble  actuel  de  la  Société  d'Apollon,  sans 
remonter  jusqu'à  sa  fondation  dont  vous  avez  déjà 
parlé,  le  prétexte  m'est  favorable  et  se  présente 
naturellement;  c'est  la  représentation  donnée  au 
bénéfice  de  son  président,  M.  Vivenis....  « 

Charles  Pérey.  après  avoir  fait  l'éloge  de  M.  Vi- 
venis, et  celui  des  artistes  étrangers  prêtant  leur 
concours,  passe  en  revue  les  Enfants  d'Apollon 
présents  :  «  MM.  Alexandre,  Jacquet,  Martin, 
Beauvillain,  Lemarié,  RuUon,  Francis,  escadron 
fidèle  de  la  discipline  intérieure  et  très-attentionnés 
envers  leurs  visiteurs. 

«  M.  Emile,  un  homme  de  bonne  compagnie  que  les 
bravos  ne  tentent  plus,  et  qui,  si  j'en  crois  les  indis- 
crétions, les  obtiendrait  encore  ; 

((  Léonce  et  Georges,  spécialistes  de  la  tyrolienne 
qui  les  fait  applaudir.  Ambroise,  ténor  léger  dont  la 
voix  est  très  sympathique.  Gérard,  également  fort 
goûté.  Ducasse,  chanteur  sentimental  et  de  douce 
émotion. 

«  M"" Joséphine,  Henriette, EugénieetM""^ Francis, 
toutes  gracieuses  et  faites  pour  plaire  et  charmer, 
ce  dont  elles  s'acquittent  à  merveille. 

«  Bonnet,  l'excellent  Bonnet,  que  l'on  voit  trop 
rarement,  l'infidèle,  tant  de  verve,  de  franchise  et 
de  naturel  dans  ses  rôles  et  ses  chansonnettes.  Enfin 
Bernardet,  le  pianiste,  chanteur  et  compositeur,  dont 
le  talent  est  apprécié  et  qui,  depuis  longtemps,  devrait 
s'être  envolé  pour  de  plus  hautes  régions,  si  son 
amitié  ne  le  clouait  aux  Apollon...  n 

Il  faudrait  citer  la  lettre  entière  pour  comprendre 
toute  son  importance  ;  personne  n'ignore  les  motifs 
qui  nous  forcent  à  nous  arrêter. 

Ces  quelques  lignes,  écrites  il  y  a  bientôt  trois 
ans,  prouvent  qu°  les  Enfants  d'Apollon  sont  bien 
vivants.  Nous  sommes  heureux  personnellement  de  le 
constater,  et  nous  croyons  fermement  que,  sous  la 
présidence  de  M.  Emile,  la  société  marchera  dans  la 
voie  du  progrès,  c'est-à-dire  continuera  l'œuvre  si 
bien  commencée  par  nos  amis  Calixte  et  C'°. 

A.  LEROY. 


LA  CHANSON 


LE     LIVRE     NOUVEAU  0 


Air  DE  :  Béranger  à  l'Académie 

Hier,  amis,  je  feuilletais  un  livre 
Empreint  encor  d'un  souffle  printanier, 
Ce  livre  aimable  où  Janin  fait  revivre 
L'homme  qui  fut  notre  grand  chansonnier  ; 
Et  l'âme  émue,  en  le  voyant  renaître, 
Je  me  disais  :  —  Les  chants  qu'il  sut  rimer 
Nous  ont  appris  à  saluer  un  maitre. 
Ce  livre-là  nous  apprend  à  l'aimer. 

La  calomnie  à  tout  renom  s'attache, 
Sur  toute  gloire  elle  épand  son  venin  ; 
Mais  Béranger,  sans  reproche  et  sans  tache, 
Sort  triomphant  du  livre  de  Janin. 
Sous  le  fusain  qui  pour  nous  le  crayonne. 
Ses  traits  si  doux  semblent  se  ranimer; 
D'un  double  éclat  dans  sa  tombe  il  rayonne  : 
Ce  livre-là  nous  apprend  à  l'aimer. 

On  vous  a  dit  :  «  C'était  un  faux  bonhomme. 
Et  sous  un  masque  il  cachait  son  orgueil.  «  . 
Ah  !  pour  savoir  comme  il  faut  qu'on  le  nomme, 
Lisez  sa  vie  éparse  en  ce  recueil. 
Sous  le  ciel  libre  ou  du  fond  des  bastilles, 
On  voit  toujours  l'homme  se  résumer 
Dans  ses  chansons  qu'il  appelle  ses  filles: 
Ce  livre-là  nous  apprend  à  l'aimer. 

Sans  vanité,  mais  fier  à  sa  manière, 

A  la  faveur  il  déclinait  ses  droits. 

Simple  avant  tout,  quand  à  sa  boutonnière 

Un  grand  voulait  attacher  une  croix  : 

('  Pour  rehausser,  disait-il,  les  mérites 

Du  vieil  habit  que  je  sais  estimer. 

Dieu  dans  les  champs  a  mis  les  marguerites.  » 

Ce  livre-là  nous  apprend  à  l'aimer. 

De  l'humble  toit  sa  muse  était  l'amie  ; 
C'est  là  qu'il  puise  et  donne  ses  leçons; 
Lorsque  pour  lui  s'ouvre  l'Académie, 
Il  s'intitule  h  un  faiseur  de  chansons.  « 
Quand  elle  dit  au  chantre  de  Lisette  : 
«  Suspends  ici  ton  luth  pour  nous  charmer,  « 
Il  lui  répond  :  u  Je  n'ai  qu'une  musette.  » 
Ce  livre-là  nous  apprend  à  l'aimer. 

Pour  rester  libre,  il  ne  voulut  rien  être  ; 

Il  se  dérobe  à  la  célébrité. 

Riches,  puissants,  cherchaient  à  le  connaître. 

Et  d'aucun  d'eux  il  n'a  rien  accepté. 

En  son  logis  la  misère  commande. 

Mais  les  faveurs,  s'il  en  va  réclamer, 

Ce  n'est  jamais  pour  lui  qu'il  les  demande  : 

Ce  livre -là  nous  apprend  à  l'aimer. 


(*)  Au  moment  où  le  nom  de  Béranger  est  dans  toutes  les 
bouches,  nous  croyons  bon  de  donnex'  l'excellente  chanson 
que  le  président  actuel  du  Caveau  a  publiée  sur  l'illustre 
chansonnier,  lors  de  l'apparition  du  beau  livre  que  Jules  Janin 
a  consacré  à  Béranger, 

A.  P. 


Oui,  sa  vertu  s'y  montre  à  chaque  ligne  ; 
Et  quand  Janin  fait,  d'un  lustre  nouveau. 
Briller  cet  homme  à  la  fois  humble  et  digne. 
Il  glorifie  un  enfant  du  Caveau. 
Joignons  le  livre  à  la  lyre  muette, 
Que  l'un  par  l'autre  ils  viennent  s'affirmer  ; 
Pour  ses  chansons  admirons  le  poète. 
Et  par  ce  livre  apprenons  à  l'aimer  ! 

Eugène  GRANGE. 


LA  STATUE  DE  LA  LIBERTÉ 


Un  torse  exquis,  la  mamelle  puissante. 
Un  galbe  pur  rêvé  par  Phidias  ; 
Qu'elle  était  belle,  alors  que,  frémissante, 
Elle  planait  comme  Tirésias. 

Son  œil  de  feu  s'abîmant  dans  la  nue, 
Semblait  chercher  de  sublimes  clartés; 
La  déité  trop  longtemps  méconnue 
Crispait  sa  main  sous  ses  nerfs  irrités. 

Qu'elle  était  belle,  ainsi,  demi-pàmée  ; 
On  aurait  dit  que  de  poignants  sanglots 
Sortaient,  bruyants,  de  sa  gorge  opprimée, 
Comme  la  houle  enfle  et  raidit  les  flots  ! 

Son  front  altier,  que  flèrement  couronne 
Un  bonnet  rouge  aux  chatoyants  reflets. 
Semble  cruel;  pourtant  elle  pardonne 
Au  durs  tyrans,  aux  tristes  roitelets. 

Sur  cette  terre  aride,  où  son  pied  pose. 
Elle  a  semé  d'abondantes  moissons 
Pour  l'ouvrier  dont  la  sueur  arrose 
Ce  sol  sacré,  qu'encor  nous  bénissons. 

Aimez-la  bien,  enfants,  c'est  votre  mère  ; 
Par  elle,  un  jour,  vous  serez  tous  unis; 
Et  que  de  l'un  et  de  l'autre  hémisphère 
Les  préjugés  soient  à  jamais  bannis  ! 

JoB  LAZARE. 


LE    DIEU     SOLEIL 


0  vous  qui  ne  voulez  plus  croire, 
Je  veux  vous  redonner  la  foi  : 
Il  est  au  ciel  un  dieu  de  gloire 
Qui  s'impose  à  vous  comme  à  moi. 
Qu'un  vain  fantôme  armé  sans  cesse 
Ait  la  foudre  pour  appareil. 
Le  vrai  Dieu  sourit  et  caresse  : 
Ah  !  bénissons  le  dieu  Soleil  ! 

Que  sont  les  fleurs  qui  se  colorent 

Pleines  de  miel  et  de  senteurs  ; 

Les  blés  qui,  tout  chargés,  se  dorent; 

Les  fruits  mûrs  aux  douces  saveurs; 

Les  chants  d'oiseaux  dans  les  vieux  ormes  ; 

Dans  les  coupes  le  vin  vermeil? 

C'est  le  soleil  sous  mille  formes  : 

Ah!  bénissons  le  dieu  Soleil! 


LA  CHANSON 


Par  lui  cœurs  et  lèvres  s'unissent  ; 
Par  lui,  qui  nous  touche  du  ciel, 
Les  nids,  les  berceaux  se  remplissent; 
Par  lui  le  monde  est  éternel. 
Aimer,  ce  besoin  fait  de  flamme, 
Toujours  nouveau,  toujours  pareil. 
C'est  avoir  du  soleil  dans  l'âme  : 
Ah!  bénissons  le  dieu  Soleil I 

Oui,  c'est  là  le  dieu  véritable 
Par  qui  tout  se  meut  et  se  tient; 
Pouvoir  immense,  inéluctable, 
A  qui  tout  va,  de  qui  tout  vient. 
Ah!  du  matin  qui  nous  convie 
Jusqu'au  soir  du  dernier  sommeil. 
Puisqu'on  lui  tout  puise  la  vie 
Adorons  tous  le  dieu  Soleil  ! 

Denis  LANGAT. 


TOAST  A  LA  CHANSON  (*) 


HOMMAGE  A  PIERRE  DIPONT 

Musique  de  M'ie  ¥r.  Couturier 

Salut  à  toi  !  chantre  de  la  nature. 

Amant  chéri  des  sons  harmonieux. 

Ton  noble  cœur,  au-dessus  de  l'injure. 

Ne  s'occupait  jamais  des  envieux. 

Et  dédaignant  leur  injuste  critique. 

Tes  fiers  accents  s'élevaient  jusqu'aux  cieux. 

Quand  tu  chantais  la  jeune  République, 

Les  Sapins  verts,  la  Vigne  et  les  grands  Bœufs. 

Ta  noble  muse,  empreinte  d'espérance, 
Rêvait  d'amour  et  de  fraternité  ; 
Elle  rêvait  le  bonheur  de  la  France, 
Quand  tu  chantais  avec  tant  de  fierté. 
Hélas  !  depuis,  une  sombre  avalanche 
Fondit  sur  nous,  roulant  avec  fracas  ; 
Mais  la  patrie,  en  son  jour  de  revanche. 
Se  souviendra  de  ton  Chant  des  soldats.. 

Lorsque  des  dieux  tu  chantais  l'ambroisie. 
Le  doux  nectar,  père  de  la  gaîté, 
La  France  alors  lut  avec  frénésie 
Tes  chants  divins,  empreints  de  liberté. 
Mais  vint  l'empire,  effroyable  tempête, 
Qui  nous  couvrit  de  désordres  confus  ; 
.  La  liberté  longtemps  baissa  la  tête. 
Le  rossignol,  hélas!  ne  chantait  plus. 

Tu  soulageais  le  cœur  plein  d'amertume 

Du  travailleur  des  champs,  de  l'atelier. 

De  l'ai'tisan  faiblissant  sous  l'enclume. 

Quand  tu  chantais  le  Chant  de  l'ouvrier. 

Tes  chants  d'amour,  plus  puissants  que  la  haine. 

Versent  dans  l'âme  un  sublime  trésor  ! 

Et  la  vertu  domine  en  souveraine 

Dans  la  Légende  et  les  Cent  louis  d'or. 

Repose  en  paix,  cher,  illustre  poète. 

Vois  tes  amis  en  ces  lieux  réunis, 

Où,  chaque  année,  ils  célèbrent  ta  fête. 

Près  de  la  Saône  aux  rivages  bénis. 

Et  sur  ses  bords,  vrais  témoins  de  ta  gloire. 

Où  tu  jouais,  enfant,  en  liberté. 

Un  monument  digne  de  ta  mémoire 

Dira  ton. nom  à  la  postérité. 

J.-C.    PIEROUX. 


Chanson,  âme  de  nos  festins. 
Pour  qu'on  en  garde  la  mémoire, 
Dis-nous  un  peu  de  ton  histoire, 
Viens-tu  des  Grecs  ou  des  Latins  ? 

Dis-nous  le  secret  de  ton  âge. 
Dis-nous  à  qui  tu  dois  le  jour. 
Est-ce  à  Bacchus?  est-ce  à  l'Amour? 
Viens-tu  d'un  fou?  viens-tu  d'un  sage? 

Viens-tu  des  hommes,  ou  lies  Dieux? 
Pour  rendre  tes  charmes  fidèles, 
Faut-il  te  peindre  avec  des  ailes? 
Es-tu  de  la  terre,  ou  des  cieux? 

L'historien  cherchant  la  trace 
De  ta  naissance  et  de  ton  nom, 
Des  bras  du  tendre  Anacréon, 
Te  fais  passer  dans  ceux  d'Horace. 

En  France,  tu  parais  plus  tard. 
Rabelais,  qui  de  toi  s'inspire. 
Te  communique  son  franc  rire  ; 
Tu  séduis  Piron  et  Panard. 

Puis,  bientôt,  Désaugiers  jalouse 
Ces  aimables  voluptueux; 
Enfin,  un  robuste  amoureux, 
Béranger,  un  matin  t'épouse. 

0  chanson,  rayon  de  gaîté. 
Le  ciel  dut  t'envoyer  sur  terre 
Pour  faire  oublier  la  misère 
Dont  le  genre  humain  est  doté. 

Reste  la  muse  grave  ou  folle, 
Vivant  par  l'esprit  et  le  cœur. 
Gardant  toujours  pour  la  douleur 
Le  refrain  qui  berce  et  console  ! 

Chante  l'amour  et  ses  élus; 
Chante  le  doux  jus  de  la  grappe  ; 
Du  bout  de  ta  marotte  frappe 
Sur  le  vice  et  sur  les  abus. 

Reste  cette  muse  féconde 
Qui,  pour  aider  l'esprit  nouveau, 
Veut  aussi  porter  le  flambeau 
Qui  doit  un  jour  guider  le  monde. 

Chanson,  je  bois  à  tes  succès; 
Qu'elle  soit  ou  grecque  ou  latine, 
Peu  m'importe  ton  origine. 
Ton  cœur  sera  toujours  français  ! 

Ernest   CHEBROUX. 


(')  Notre  parrain  et  ami  Chebroux,  de  la  Lice  Chanson- 
nière, vient  de  réunir,  pour  ses  amis  seulement,  ses  toasts 
de  la  présidence.  Nous  sommes  heureux  de  mettre  sous  les 
yeux  de  nos  lecteurs_un  extrait  de  notre  exemplaire. 


LA   CHANSON 


EUGÈNE      IMBERT 


Les  critiques  moroses  marchandent  l'admiration 
aux  contemporains,  sous  prétexte  que  l'on  n'en  a 
jamais  assez  pour  les  morts.  11  est  inutile,  suivant 
eux,  d'écrire  des  chansons  après  Béranger,  des  fables 
après  La  Fontaine ,  ces  maîtres  ayant  élevé  la 
chanson  et  la  fable  à  une  hauteur  que  nul  ne  saurait 
atteindre.  D'un  ton  sentencieux,  ils  disent  donc  aux 
génies  disparus  :  «  Vous  n'aurez  point  de  successeurs 
dans  la  voie  où  vous  avez  marché  ;  vos  travaux  ne 
féconderont  pas  d'intelligences;  votre  gloire  sera 
immortelle,  mais  de  l'immortalité  des  tombeaux,  et 
les  générations  se  contenteront  de  décliifFrer  votre 
parole  comme  les  hiéroglyphes  des  Pyramides.  »  — 
Langage  absurde,  injurieux  pour  ceux-là  même  dont 
on  prétend  protéger  la  mémoire,  et  que  les  rimeurs 
de  notre  temps  font  bien  de  ne  pas  écouter.  Tant 
que  le  soleil  éclairera  le  monde  et  mûrira  les  raisins, 
tant  que  l'amour  éclora  dans  les  cœurs,  tant  que  les 
sentiments  humains,  joyeux  ou  tristes,  trouveront 
dans  l'expansion  un  accroissement  de  vitalité,  poésies 
et  chansons  auront  raison  contre  les  plus  solennelles 
théories. 

Si  bien  doués,  d'ailleurs,  qu'aient  été  les  poètes 
du  passé,  les  champs  d'idées  qu'ils  cultivèrent  sont 
assez  vastes  pour  qu'on  y  puisse,  après  eux,  glaner 
de  nombreux  épis.  L'important  est  que  la  récolte 
nouvelle  soit  faite  avec  discernement- et  une  origi- 
nalité véritable  de  procédés.  Ce  discernement,  cette 
originalité  sont  les  qualités  distinctives  du  chan- 
sonnier que  nous  racontons  aujourd'hui. 

Eugène  Alphonse  Monet  de  Maubois,  dit  Imbert 
(du  nom  des  parents  quil'ont  élevé,  sa  tante  paternelle 
et  le  mari  de  celle-ci),  est  né  à  Paris  le  14  mars  1821. 

Après  de  bonnes  études  au  collège  Charlemagne, 
il  suivit  pendant  un  an  le  cours  de  droit,  sans  y 
prendre  goût,  et  entra  dans  l'administration  en  1843. 

A  dix-neuf  ans ,  sa  muse  préludait  jjar  deux 
romances,  Dans  l'exil.  Est-ce  pécher?  Nous  donnerons 
un  couplet  de  cette  dernière,  écrite  sur  un  ton 
ravissant  de  naïveté  : 

L'autre  soir,  près  de  la  chapelle. 
Passait,  fredonnant  un  refrain, 

Malhurin  ; 
Aussitôt,  sans  que  je  l'appelle. 
Il  m'accoste,  et  sur  le  chemin 

Prend  ma  main. 
Joyeux,  sur  son  cœur  il  la  serre, 
.le  ne  pouvais  pas  l'empêcher... 
Seulement  j'ai  souri,  mon  père. 

Est-ce  pécher? 

Conduit  dans  quelques  sociétés  lyriques,  Eugène 
Imbert  y  prit  part  à  divers  concours,  obtint  plusieurs 
prix,  et  sentit  s'accroître  d'autant  son  goût  pour  la 
chanson. 

Depuis  plus  de  vingt  années,  Imbert  rimait  des 
couplets  auxquels  il  n'attachait  pas  grande  impor- 
tance, quand  Thaïes  Bernard,  un  maître  poète,  lui 
conseilla  de  réunir  ses  productions  en  volume.  Elles 
parurent  chez  Havard,  en  1862,  sous  ce  titre  : 
Ballades  et  Chansons,  avec  un  avant-propos  de 
Thaïes  Bernard  affirmant  Imbert  comme  le  premier 
chansonnier  de  l'époque.  On  nous  permettra  de  nous 
arrêter  à  cet  important  recueil. 

Le  volume  s'ouvre  par  une  préface  en  couplets  où 


le  rôle  de  la  poésie  chantée  dans  les  temps  passés  et 
présents  est  finement  apprécié  : 

Aux  champs,  la  ballade  crédule 
Charme  encor  les  longs  soirs  d'hiver. 
Tandis  qu'à  l'atelier  circule 
Un  couplet  parfois  un  peu  vert. 
On  ehanlail,  même  aux  barricades. 
De  vieux  airs  tout  bas  regrettés... 

Rêvez,  ballades; 

Chansons,  chantez! 

Puis  défile  tout  un  essaim  de  chansons  philoso- 
phiques, populaires,  fantaisistes,  attendries  ou 
badines,  très-remarquables  la  plupart. 

Eugène  Imbert  aime  la  nature  ;  il  la  célèbre  dans 
des  vers  d'un  fraiscoloris,  pleins  de  sentiments  délicats 
et  de  persuasive  éloquence.  Ecoutez  ce  vivant  tableau 
de  l'Automne  : 

La  terre  est  froide  et  le  ciel  gris  ; 
Et  vers  la  colline  embrumée 
Des  chaumes,  rustiques  abris. 
Monte  une  bleuâtre  fumée. 
Le  meunier  rallume  en  tremblant 
Les  sarments  que  sa  main  tisonne. 
Et  nargue,  en  vidant  son  pot  blanc. 
Le  premier  brouillard  de  l'automne. 

//  a  neigé  ce  matin,  poésie  charmante  dans  laquelle 
l'auteur  unit  heureusement  les  êtres  et  les  choses, 
mérite  une  mention  particulière  : 

Comme  les  dernières  pensées 
St'  l'uncnt  aux  vcnls  dus  hivers, 
Loi'sqno  mes  cliiinsniis  (lis|ii.'rsées 
.loucheront  les  cheniiiis  déserts, 
Ile  mes  refrains,  si  frais  la  veille, 
Vicndras-tu  pleurer  le  destin. 
En  murmurant  à  mon  oraille  : 
Il  a  neigé  ce  matin? 

Les  Amis  du  lierre.  Bi'ises  d'avril.  Déranger,  Mon 
pauvre  village.  Ne  vends  pas  tes  baisers.  Gardons  nos 
souvenirs,  sa  Fenêtre,  et  dix  autres,  sont  également 
écrites  avec  une  sensibilité  délicieuse. 

La  poésie  sociale  est  aussi  brillamment  représentée 
dans  le  recueil  d'Eugène  Imbert.  La  Tour  Saint- 
Jacques  .  Notre-Dame,  Garibaldi,  Lamennais,  la 
Chanson  du  bouleau,  donnent  la  note  grave  du 
penseur  ému  des  épreuves  subies,  soucieux  des  périls 
futurs,  apôtre  quand  même  du  progrès  humain. 

Eugène  Imbert  réussit  également  le  tableau  popu- 
laire et  le  couplet  fantaisiste.  Le  Rat  du  septième 
Léger,  Quand  je  n'avais  pas  de  chemise,  C'est  trop 
long.  Enclume  et  Marteau,  la  Saint-Propriétaire,  le 
Café  des  Incurables,  le  Pavillon  du  Vieux  Lapin,  Mon 
Jeune  Homme  et  surtout  les  Bottes  de  Bastien,  imitées 
ou  contrefaites  une  centaine  de  fois,  ont  obtenu  dans 
le  monde  des  lettres,  dans  lés  réunions  chantantes  et 
dans  la  rue  le  plus  éclatant  et  le  plus  légitime  succès. 

Les  œuvres  poétiques  d'Eugène  Imbert  ont  été 
rééditées,  en  1870,  sous  ce  titre  singulier,  Les 
Hannetons,  et,  en  1875,  sous  celui  de  Chansons 
choisies.  Ces  deux  volumes,  déjà  rares,  contiennent, 
comme  de  raison,  les  couplets  récents  de  l'auteur. 
Ils  méritent,  autant  sinon  plus  que  leur  aînés, 
l'attention  de  la  critique;  mais  le  défaut  d'espace 
nous  empêche  de  citer  autre  chose  que  des  titres. 
Signalons  donc  aux  amateurs  de  chants  sérieux  : 


LA  CHANSON 


Olivier  Basselin,  les  Chansonniers,  Encore  un  jour, 
l'Etabli,  la  Nuit,  Il  fait  soleil,  le  Clocher,  les  Feuilles, 
la  Ferme,  Confiance,  le  Chasselas,  et  aux  gourmets 
de  gaîtés  spirituelles  :  Ma  Pipe,  les  Hannetons,  les 
Grèves,  Nous  ne  sommes  pas  ivres,  le  Bout  de  l'an 
d'un  Goguettier,  l'Original,  la  Troisième. 

En  plus  de  ses  chansons  publiées,  Imbert  garde 
pour  ses  intimes  nombre  de  refrains  politiques  ou 
d'actualité.  Ses  poésies  principales  ont  été  mises  en 
musique  par  Henri  Streich,  Faure,  Darcier,  Duval, 
CoUignon,  Roger,  Etienne  Rey,  Marquerie,  Jeannin, 
Vaudry,  etc.  Il  a  composé  lui-même  quelques  airs  : 
Mon  pauvre  village.  Il  a  neigé  ce  matin,  de  lui  ;  la 
Route,  de  Supernant;  Fleurs  et  Douleurs,  de  M°"=  Elle, 
et  d'autres. 

Eugène  Imbert  n'aime  pas  seulement  la  chanson, 
mais  il  saisit  toutes  les  occasions  de  rendre  justice  ou 
hommage  aux  cliansonniers.  L'épitaphe  de  Drappier, 
au  Père-Lachaise  ;  les  vers  sur  la  tombe  de  Voitelain, 
à  Neuilly;  les  strophes  improvisées  à  la  mort  de 
Ch.  Qille  et-  les  vers  pour  son  bout  de  l'an  qu'on 
croyait  être  le  dernier;  une  chanson  sur  Pierre 
Dupont  ;  divers  éloges  de  Béranger  ;  enfin  le  souvenir 
aux  membres  disparus  de  la  Lice,  publié  dans  ce 
journal,  tout  affirme  éloquemmentle  sentiment  fra- 
ternel dont  le  poète  est  animé. 

Le  côté  remarquable  du  talent  chansonnier  d'Eu- 
gène Imbert  est  la  forme,  une  forme  élégante,  nette, 
irréprochable,  que  Béi'anger  seul  jusque-là  avait 
aussi  pleinement  possédée.  On  ne  s'en  étonnera 
guère,  quand  on  saura  qu'Imbert  a  composé  un 
remarquable  Traité  de  prosodie  moderne,  et  qu'il  a 
publié  nombre  de  pages  très-littéraires  dans  le 
Mousquetaire  de  Dumas,  le  Journal  de  Paris  (où  il 
faisait,  concurremment  avec  About,  l'article  théâtre), 
le  Biogène,  le  Tarn  Tarn,  la  Muse  Gauloise,  le  Réveil, 
la  Tribune  Lyrique,  et  dix  autres  feuilles.  Son  talent 
d'analyse,  que  nos  lecjteurs  ontpu  souvent  apprécier, 
est  tel  qu'après  la  lecture  de  l'article  qu'il  publia, 
dans  La  Chanson,  sur  les  poésies  de  Max  Buchon, 
Champfleury  lui  écrivit  une  lettre  étonnée  et  ravie, 
commençant  par  ces  mots  :  «  Il  existe  donc  encore 
un  sens  critique  en  France?  « 

Indépendamment  des  œuvres  que  nous  avons 
cnumérées,  Imbert  a  publié,  en  prose  :  Affaire 
Clemenceau,  Réquisitoire  de  l' Avocat-général,  opuscule 
qui,  tout  en  réfutant  les  paradoxes  fatalistes  de 
M.  Dumas  fils,  est  une  imitation  du  style  emphatique 
des  organes  ordinaires  du  ministère  public.  Il  a,  de 
plus,  réuni  en  une  brochure  intitulée  La  Goguette  et 
les  Goguettiers  toute  une  série  d'études  sur  le  monde 
de  la  chanson,  dont  la  lecture  est  des  plus  ins- 
tructives. 

Sous  un  abord  froid,  Imbert  possède  une  nature 
ouverte  et  franche.  Sans  fiel,  mais  enclin  à  la 
raillerie,  il  s'est  attiré  de  quelques-uns  le  reproche 
de  n'être  pas  sérieux.  Ceux-là  confondaient  évidem- 
ment la  sincérité  avec  la  pose.  Un  chansonnier  n'est 
pas  obligé  d'être  gourmé  et  de  s'ériger  en  prophète. 
La  bonne  santé  produit  la  bonne  humeur,  et  Imbert, 
Dieu  merci,  se  porte  à  merveille. 

Par  sa  science  du  vers,  par  l'élévation  de  ses  idées, 
Eugène  Imbert  mérite  d'être  placé  au  premier  rang 
des  chansonniers  modernes.  —  Le  concours  actif  qu'il 
veut  bien  prêter  à  notre  journal  ne  nous  a  pas  semblé 
une  raison  suffisante  pour  taire  le  bien  que  nous 
pensons  de  lui. 

L.-Hbnry  LECOMTE. 


SOUSCRIPTION 

Pour   élever  une  Statue  à  Béranger 

2n»e  Liste 

La  Société  des  Auteurs,  Compositeurs  et  Editeurs 
de  musique  (différence  de  la  somme  de  200  fr. 
publiée   dans  la  l'"  liste  avec  celle  de  500  fr. 

votée  par  cette  société) 300     » 

MM.  Mignet,  de  l'Institut 100     » 

Ernest  Legouvé 25    » 

Henri  Martin 20     » 

E.  C 2    » 

447     » 
1>|=  liste 1.865  25 

Total 2.312  25 

Aucune  des  listes  en  circulation  n'est  encore 
rentrée. 

Le  Pétard  (Alfred  Le  Petit,  directeur)  reçoit  les 
souscriptions  pour  la  statue  de  Béranger  dans  ses 
bureaux,  128,  rue  de  Courcelles,  à  Levallois-Perret. 

M.  Evariste  Carrance  vient  d'ouvrir  la  souscription 
dans  les  colonnes  de  la  Revue  Française,  qu'il  dirige 
si  brillamment  depuis  quatre  ans,  à  Agen  (Lot-et- 
Garonne). 

Le  Midi  Artiste  de  Toulouse  agit  de  même,  et  fait 
un  chaleureux  appel  aux  directeurs  des  théâtres  de 
cette  ville  pour  qu'ils  organisent  des  représentations 
au  profit  de  la  statue  du  grand  poète. 

Tous  nos  remerciments,  chers  confrères. 

H.  L. 


Trois  omissions  regrettables  ont  été  commises 
dans  l'article  d'en-tête  de  notre  dernier  numéro, 
article  écrit  à  la  hâte  et  dont  nous  n'avons  pu  revoir 
les  épreuves.  Nous  avons  oublié  de  rendre  justice  à 
M.  Victorin,  de  l'Eldorado,  pour  la  façon  chaleureuse 
dont  il  a  dit  le  récit  patriotique  de  Jemmapes ;  deux 
rappels  successifs  ont  afiirmé  son  grand  talent. 
M.  Eugène  Petit,  le  sympathique  accompagnateur 
que  tout  Paris  connaît,  mérite  aussi  nos  remerci- 
ments. Enfin,  nous  tenons  à  dire  que  l'admirable 
buste  de  Béranger,  signé  par  M"'  Fanny  Davenne, 
et  qui  a  servi  à  la  cérémonie  du  couronnement,  nous 
avait  été  très-gracieusement  prêté  par  M.  Denis, 
un  de  nos  abonnés,  grand  ami  des  arts  et  des  choses 
littéraires. 


Nous  sommes  heureux  d'annoncer  à  nos  lecteurs 
que  la  belle  conférence  sur  Béranger,  faite  par 
M.  Jules  Claretie  au  début  de  notre  Matinée,  sera 
prochainement  publiée  à  notre  librairie,  au  profit  de 
la  souscription  pour  la  statue  du  grand  chansonnier. 


Nous  donnerons,  dans  le  prochain  numéro  de  La 
Chanson,  le  chifi"re  exact  des  dépenses  et  des  recettes 
de  notre  Matinée. 


La  rive  gauche  aura  prochainement  aussi  sa 
grande  matinée  pour  la  souscription  Béranger.  Les 
sociétés  lyriques  du  cinquième  arrondissement,  sur 
l'initiative  de  l'une  d'elles,  préparent  une  représen- 
tation à  la  salle  de  la  rue  d'Arras.  Toutes  les  sociétés 
lyriques  suivront  évidemment  cet  exemple. 


LA  CHANSON 


LE    BANQUET    DE    LA    LICE    CHANSONNIÈRE 

DU    2    AVRIL    1879 

Raconté    au    Banquet    du   Caveau,   le   4  avril 


Ceci  n'est  qu'une  simple  esquisse. 
Ah  !  c'est  vrai,  vous  ne  savez  pas  : 
Mercredi  j'étais  à  la  Lice  ; 
C'était  avant-hier.  Gai  repas. 
Sur  ma  foi  ;  brillante  assemblée. 
Bonnes  chansons!  Quant  au  nectar... 
La  fête,  que  rien  n'a  troublée. 
Se  prolongea  même  un  peu  tard. 

Donc,  bien  que  le  travail  lui  pèse, 

Votre  serviteur  a  pensé 

Que  le  Caveau  serait  bien  aise 

De  savoir  ce  qui  s'est  passé. 

On  m'accuserait  de  malice. 

Et  —  qui  sait?  —  d'un  dessein  pervers 

Si  pour  le  dîner  de  la  Lice 

Je  ne  rimais  pas  quelques  vers. 

Mais,  si  ma  verve  ne  s'allume, 

Je  risque  de  rester  capot  : 

0  Vincent,  prête-moi  ta  plume  ! 

Prêtez-moi  votre  encre,  ô  Kipault! 

Que  ce  calembour  de  goguelte 

Chez  vous  n'excite  pas  d'émoi  : 

Il  est  bon,  mais  sur  votre  tète 

Je  jure  qu'il  n'est  pas  de  moi. 

Soixante-dix  !  Table  superbe  ! 
Vous  savez  à  qui  l'on  a  bu. 
Tous,  depuis  le  poète  imberbe 
Jusqu'au  vieux  chansonnier  barbu  ? 
A  la  chanson,  dive  bacchante. 
Voix  de  l'éternel  renouveau. 
Ici  grave,  ailleurs  provocante; 
La  chanson,  muse  du  Caveau! 

Sait-on  où  le  bonheur  réside  ? 
Est-on  mieux  mort,  debout,  assis? 
Pour  lUibois,  qui  ce  soir  préside. 
C'est  le  Cadet  rie  ses  soucis. 
Salut,  lîaillet,  jeune  poète. 
En  train  de  passer  chansonnier! 
Attendez  que  pousse  sa  crête  : 
Il  ne  sei'a  pas  le  dernier. 
Or,  tandis  que  Georges  moissonn* 
Dans  le  champ  de  l'Humanité, 
Gonet  prend  sa  voix  polissonne 
Et  sacrifie  à  la  Gaieté. 

—  Dans  ce  monde  rien  ne  repose. 
Ecoutez  l'ami  Vatinel  : 

Il  faut  bien  faire  quelque  chose, 
Prêche-t-il  d'un  ton  solennel. 

—  Que  faire,  quand  sous  la  ramure 
Deux  à  deux  errent  les  amants? 
Désenchanté,  Chocque  murmure  : 
Envolez-vous,  rêves  charmants  f 
Legentil,  bravant  les  obstacles, 
Décoche  d'un  air  résolu    " 

Sa  chanson  sur  les  faux  miracles  ; 
Un  vrai,  le  savoir,  a  bien  plu. 
La  chanson  n'aime  pas  la  gêne  ; 
Elle  s'échauffe  à  boire  frais. 
Ainsi  parle  Baillet  (Eugène), 
Dit  le  baryton  du  Marais  : 
Vivent  les  gens  qui  savent  boire  f 
Ce  n'est  pas  un  refrain  d'ici. 
Les  buveurs  ont  aussi  leur  gloire! 
Parbleu,  les  chansonniers  aussi! 
Hachin,  dédaigneux  des  sornettes, 
A  pris  son  plus  caustique  accent 
Pour  nous  dépeindre  les  Venettes 


De  ce  malheureux  cinq  pour  cent. 
Puis  le  gros  Flachat  nous  régale 
D'un  drame  triste,  sombre,  amer  : 
Mal  de  cœur,  transe  conjugale 
D'un  bourgeois  qui  voyage  en  mer. 

—  Fi  des  peintures  épicées  ! 
Nous  devons  au  grave  Picard 
Des  stances  finement  pensées. 
Des  vers  ciselés  avec  art. 
Cette  fois  pourtant  il  fait  trêve 
Par  hasard  à  sa  gravité. 

Et,  pour  caresser  un  doux  rêve, 

Il  met  la  raison  de  côté. 

Un  autre...  Diable  de  mémoire! 

Je  n'en  ai  pas  plus  qu'un  linot. 

C'était...  voyons  :  un  nom  à  boire... 

Robin...,  Robinet...,  Robinet! 

Oui,  Robinet  ?  sa  fine  oreille. 

Dans  la  plaine  aux  mille  couleurs, 

Du  papillon  et  de  l'abeille 

Apprend  Comment  on  parle  aux  fleurs. 

Ruel,  si  prompt  à  la  réplique. 

Ne  redoute  pas  les  moqueurs  ; 

Son  cri  :  Vive  la  République 

Anime,  électrise  les  coeurs. 

Cahen,  j'ai  le  droit  de  le  peindre. 

Et  de  le  charger,  si  je  vçux. 

Car  ce  n'est  pas  moi  qui  puis  craindre 

Qu'il  vienne  me  prendre  aux  cheveux. 

Mais  redoutez  son  caractère. 

Car  il  vous  traite,  sans  quartier. 

De  gueusard  son  propriétaire 

Et  de  Dumolard  son  portier. 

Je  devrais,  dans  celte  bluette, 
M'arrêter  court  et  rester  coi, 
Mais  il  ne  faut  pas  que  j'omette 
Un  seul  auteur;  voici  pouniuoi. 
Désertant  sa  noble  bannière. 
Jadis  plus  d'un  épicurien 
Faisait  la  Lice  buissonnière. 
Et  sa  femme  n'en  savait  rien, 
A  présent,  il  faut  que  ça  change  ; 
Et,  grâce  à  nos  comptes-rendus. 
Il  doit  rendre  compte  à  son  ange 
Des  instants  loin  d'elle  perdus. 

—  Monsieur  n'a  plus  liouvé  sa  route  ! 
Comment  !  lu  n'as  donc  pas  chanté  ? 
Où  donc  étais-tu?  Je  m'en  doute. 

La  Chanson  ne  t'a  pas  cité. 

Oui,  Chanson,  c'est  là  que  tu  brilles  : 

On  le  devra,  pour  quelques  francs, 

La  tranquillité  des  familles, 

La  moralité  des  parents. 

Mais  voici  toute  une  fournée 

De  joyeux  enfants  du  Caveau  : 

Leconte,  Nadaud  et  Fénée 

Viennent  partager  notre  veau. 

—  Haine,  amour,  dévouement,  envie. 
Peu  de  printemps,  beaucoup  d'hivers  : 
Tel  est  le  Roman  de  la  vie. 

Que  Leconle  nous  conte...  en  vers. 
Fénée,  auteur  infatigable 
Qui  ne  manque  pas  un  banquet, 
A  daigné  se  montrer  aimable 
En  traitant  un  sujet...  coquet, 
Un  sujet  qui  le  ravigote  ; 
Il  chante,  pour  nous  dérider, 
La  mécanique  de  Charlotte, 


Que  rien  ne  peut  raccommoder. 
Nadaud  n'a  pas  le  fouet  qui  cingle  ; 
Blesser  n'est  jamais  son  projet  ; 
Mais  sur  la  pointe  d'une  Epingle 
Il  bâtit  un  piquant  sujet. 
Alors  Nadot  (Henri)  s'anime  ; 
11  se  courrouce,  à  tort,  je  crois  ; 
II  se  plaint  que  son  homonyme 
Veuille  pour  lui  porter  sa  croix. 
Après  l'auleur  des  deux  Gendarmes, 
Chebroux,  sur  un  ton  différent. 
De  l'Hiver  célèbre  les  charmes  : 
Lourde  tâche  qu'il  entreprend! 

Rapprochement  assez  comique  : 
Dans  ce  banquet  tout  fraternel. 
J'applaudis  ta  voix  sympathique, 
Jullien,  qui  n'es  pas  d'Avenel; 
Or,  au  banquet  de  La  Chapelle 

—  Entre  les  deux  nouveau  lien  — 
Je  trouve  un  auteur  qu'on  appelle 
Avenel,  qui  n'est  pas  Juhen. 
Celui-là,  sur  les  cordes  graves. 
Célèbre  un  sujet  palpitant  : 

Il  fait  chanter...  le  C/iomp  desbravest 

Je  fiissonnais  en  l'écoutant, 

Et  je  me  disais,  l'âme  émue  : 

Pour  mieux  égayer  le  repas. 

S'il  nous  disait  son  Pied  qui  r'muet 

Echalié  ne  l'enlendra  pas. 

Caron,  dont  la  verve  est  badine. 

Porte  un  nom  terriblement  noir; 

Mais  que  chantait  donc  Adeline? 

Dame,  on  n'a  jamais  pu  savoir. 

—  Et  vous?  —  Monsieur  est  trop  honnête: 
En  vers  durs,  mais  bien  écoutés. 
Moi,  j'ai  peint  ma  propre  binette. 

Car  j'ai  chanté  les  Effrontés. 

Puisque  en  ce  moment  je  plaisante 
En  critique  exempt  de  venin. 
Permettez  que  je  vous  présente 
Mon  cher  camarade  Jeannin. 
Que  voulez-vous  qu'on  lui  réponde? 
Il  chante,  quand  on  va  partir  : 
On  ne  peut  pas  plaire  à  tout  V  monde. 
Vieax  proverbe,  qu'il  fait  mentir. 
Du  grotesque  il  a  le  génie. 
Et  chacun  se  perd  en  suppo- 
sitions sur  cette  manie 
Qu'il  a  de  marcher  sans  chapeau. 
Je  le  connais  de  longue  date, 
Et  n'en  suis  plus  trop  esbrouffé  ; 
Je  sais  qu'en  lui-même  il  se  flatte 
(11  est  bon!)  d'être  né  coiffé. 

Ce  récit  n'est  pas  très-épique, 

Mais  comment  n'être  pas  banal 

Quand  on  rédige  une  chronique 

En  style  de  procès-verbal? 

Ainsi  la  muse  est  honorée 

A  La  Chapelle,  près  Paris. 

Dites  si  pareille  soirée 

Ne  vaut  pas  cent  sous,  vin  compris? 

Cet  ancien  bourg  de  La  Chapelle 

(Je  suis  dévot  à  ma  façon). 

Je  proposerai  qu'on  l'appelle 

La  chapelle...  de  la  chanson. 

EuG.   IMBERT. 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  SOCIETES  LYRIQUES 


Le  lundi  21  avril,  l'Union  et  Gaité  fêtait  l'anni- 
versaire de  sa  fondation  par  une  grande  solennité 
musicale  et  dramatique.  Exceptionnellement,  pour 
la  circonstance,  M.  Guilhot  avait  gracieusement  offert, 
son  siège  présidentiel  à  M.  Varenne,  ex-président 
fondateur,  qui  a  cru  bien  faire  en  cédant  la  direction 
à  l'élément  jeune  de  sa  société.  Un  programme 
alléchant  avait  attiré  le  public  d'élite  des  sociétés 
lyriques  ;  beaucoup  de  jolies  femmes,  c'est  même 
étonnant  ce  qu'il  y  avait  de  jolies  femmes!  enfin, 
pour  notre  part,  nous  ne  nous  en  plaindrons  jamais. 
Les  deux  champions  de  la  soirée  ont  été  M"°  Lévy, 
de  qui  l'éloge  n'est  plus  à  faire,  et  M.  Hurbain.  Tous 
deux,  après  un  discours  bien  senti  de  M.  Varenne, 
reçurent  le  diplôme  de  Membre  d'honneur  aux 
applaudissements  répétés  de  toute  la  salle. 

La  petite  Emilie  Préaux  (âgée  de  dix  ans)  a, 
comme  toujours,  obtenu  un  grand  succès.  M.Larche, 
de  la  Fauvette  Parisienne,  a  fort  bien  dit  La  Conscience 
de  V.  Hugo;  M.  Jules  Raux  nous  a  chanté  Le  Vieux 
buveur  de  vin,  un  succès  de  sa  composition.  On  a 
fait  une  quête  pour  les  pauvres  de  l'arrondissement, 
et  la  soirée  s'est  terminée  par  On  demande  des 
domestiques,  parfaitementinterprétépar  MM.  Berlioz, 
Willaume  et  Bouvier. 

Le  5  mai,  le  Cercle  Intime  donne  une  grande 
représentation  au  bénéfice  de  M.  Félix,  le  dévoué 
garçon  des  sociétés  du  Café  du  Globe  ;  nous  serons 
tous  là  ! 

M.  Alexis  Vander  Reben  m'adresse  une  longue 
lettre  où  il  donne  raison  à  un  de  mes  entrefilets 
signalant  les  tendances  réellement  trop  prononcées 
à  la  chorégraphie  dans  les  sociétés.  Mon  aimable 
correspondant  ajoute  que  j'oublie  qu'il  existe  au 
moins  une  société  où  le  piano  ne  tient  qu'une  place 
très  secondaire,  et  où  les  Béranger,  les  Désaugiers, 
les  G.  Leroy,  etc.,  sont  fêtés  et  accueillis  avec 
autant  d'enthousiasme  que  les  jeunes  chansonniers 
qu'on  applaudit  les  dimanches  et  lundis,  lorsqu'ils 
veulent  bien  rendre  visite  à  la  Lyre  Bienfaisante, 
quai  Saint-Michel.  Pour  répondre  à  M.  Alexis, 
j'ajouterai  n'avoir  pas  oublié  l'existence  de  la  Lyre. 
.Je  suis  heureux  de  redire  qu'elle  a  un  président, 
M.  Couvreur,  aimant  et  fêtant  la  chanson  comme  elle 
doit  être  aimée  et  fêtée.  De  plus,  avant  que  ces 
lignes  ne  soient  livrées  à  la  publicité,  j'aurai  profité 
de  l'aimable  invitation  de  mon  correspondant  pour 
rendre  une  visite  amicale  à  l'unique  et  vrai  temple  de 
la  chanson.  J'ai  nommé  la  Lyre  Bienfaisante. 

Encore  une  protestation,  venant  toujours  à  l'appui 
de  la  campagne  que  j'ai  entreprise  contre  la  Choré- 
graphie Lyrique  ;  celle-ci  est  signée  Georges  Fiess 
fils.  Elle  est  énergique,  mais  malheureusement  trop 
longue  pour  que  je  puisse  l'insérer  en  entier.  Il  dit 
avec  raison,  que  si  l'on  continue,  il  n'y  a  plus  qu'à 
écrire,  sur  la  porte  des  sociétés  :  Ici  l'on  danse,  le 
pastiche  du  poteau  célèbre  de  la  place  de  la  Bastille; 
il  termine  en  prononçant  un  De  Profundis  sur  sa 
société,  la  Pastorale,  dont  il  n'est  plus  commissaire 

■         "  A.  LEROY. 


Les  Joyeux  Amis,  soirée  du  9  avril  1870.  —  Nous 
ne  pouvons  que  remercier  bien  sincèrement  M.  Lar- 
geot,  président  de  la  société  dont  nous  venons  de 
transcrire  le  nom  quelque  peu  épicurien,  de  la  bonne 


pensée  qu'il  a  eue  de  nous  inviter  à  ce  concert,  qui 
a  largement  justifié  Vépithète  d'extraordinaire  'portée 
sur  les  lettres  d'invitation.  La  soirée  a  été  complète, 
et  nous  regrettons  vivement  que  le  manque  d'espace 
ne  nous  permette  pas  de  donner  à  chacun  la  part 
d'éloges  qu'il  mérite.  MM.  Séguier,  Pelouze,  Fer- 
nand,  etc.,  ont  à  leur  disposition  de  magnifiques 
voix  dont  ils  savent  merveilleusement  tirer  parti  ; 
MM.  Marcus  et  Luciani  sont  des  comiques  irrésis- 
tibles; MM...  mais  nous  nous  arrêtons  car,  pour 
être  équitable,  il  nous  faudrait  remplir  les  huit  pages 
du  journal.  Quant  aux  dames,  toutes  ont  été  char- 
mantes, mais  l'impartialité  nous  fait  un  devoir  de 
décerner  la  palme  à  M"°  Malthide,  qui  est  une 
véritable  artiste,  dans  toute  l'acception  du  mot. 

Nous  ne  dirons  rien  de  M"°  Emilie  Préaux,  qui  a 
joué  le  Brelande  moutards  avec  une  telle  intelligence, 
qu'en  disant  d'elle  tout  le  bien  que  nous  en  pensons, 
nous  ne  pourrions  que  blesser  -profondément  sa 
modestie.  VERITAS. 

M.  Alphonse  Rueff  nous  écrit  pour  se  plaindre 
d'un  jugement  trop  dur,  porté  sur  lui  par  notre 
collaborateur  A.  Leroy  dans  le  n°  17  de  La  Chanson. 
Il  afiîrme  jouir  de  toutes  ses  facultés  mentales,  et 
proteste  que  si  sa  place  n'est  pas  à  l'Opéra,  elle  n'est 
pas  non  plus  à  Charenton.  Nous  lui  devons  acte 
de  sa  réclamation,  dont  ses  amis  apprécieront  la 
légitimité. 

NOUVELLES   ET   AVIS 

Vient  de  paraître  à  notre  librairie,  rue  Bona- 
parte, 18,  Lettre  à  M.  Alexandre  Dumas  fils,  par 
M.  Darnelle.  Prix,  1  fr.  Nous  rendrons  compte  de 
cette  très-intéressante  publication. 

Petit  Tournoi  poétique  mensuel,  entre  nos  abonné  s 
SEULEMENT.  A  partir  du  1"''  Mai,  La  Chanson  ouvre 
un  concours  mensuel.  Les  envois  doivent  avoir 
lieu  du  V"  au  25  du  mois.  Sujet  à  traiter  cette 
fois  :  un  proverbe  au  chois,  en  un  seul  couplet.  Les 
trois  meilleures  productions  seront  publiées  dans 
La  Chanson,  par  ordre  de  mérite. 

Nous  ferons  prochainement  brocher,  avec  cou- 
verture ,  les  dix-huit  premiers  numéros  de  La 
Chanson.  Le  nombre  des  collections  complètes  est 
restreint  ;  les  abonnés  anciens  ou  nouveaux  qui 
voudraient  acquérir  notre  première  année  feront 
bien,  dès  aujourd'hui,  d'en  retenir  un  exemplaire.  Le 
prix  du  volume  sera  de  4  fr.  50. 

A  partir  du  1°'  Mai,  le  prix  de  l'abonnement  à  La 
Chanson  sera,  pour  Paris  et  les  départements,  de  6  fr. 
par  an;  six  mois,  3  fr.  Etranger,  le  port  en  sus. 

Toute  personne  qui  conservera  le  n"  19  sera 
considérée  comme  réabonnée  ;  nous  ferons  alors 
toucher  de  suite.  En  cas  de  cessation  d'abonnement, 
renvoyer  le  numéro  avec  le  mot  Refusé  sur  la 
bande  de  l'administration.  On  peut  s'abonner  ou  se 
réabonner,  aux  bureaux  du  journal,  tous  les  jours, 
de  8  heures  dvr  matin  à  9  heures  du  soir,  ou  par  la 
poste,  le  talon  du  mandat  servant  de  quittance. 

Nous  prions  les  retardataires,  qui  ne  nous  ont  pas 
encore  acquitté  leur  renouvellement  du  l^novembre^ 
de  se  mettre  en  règle  au  plus  tôt. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2*  ANNEE.  —  N»  20. 


16  MAI  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO   DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  &  le  16  de  cliaqiae  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.    LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR    EN    ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

1)         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  Légende  et  Venté  (l.-iienry  lecomte).  —  Toast  du  Président  du  Caveau  (eugéne  graxgé;.  —  Une  Noce  à  Saint- 
Josep/i  (l.jJullien). —  Mai  {\.  mouton-dufraisse).  —  La  Chanson  (i.  larguier).  —  Le  premier  sourire  (henry  rubois).  — 
Les  Oiseaux  de  Flora  (eugéne  carlos).  —  Chantons  la  bière  (eugéne  meixinger).  —  Curiosités  de  la  chanson  :  Le  nuage 
(EMILE  zola);  L'amour  marchand  de  plaisir  (béranger).  —  Pour  Béranger  (h.  l.).  —  Banquet  du  Caveau  (l.-henry  lecomte). — 
Banquet  de  la  Lice  Chansonnière  (eug.  lmbert).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (prosper  tibia,  a.  patay,  robert  garnier). — 
Annonces  et  Avis. 


LEGENDE   &  VERITE 

Il  faut  en  finir  avec  les  traditions  bêtes  et  les 
malfaisants  grotesques.  Les  lecteurs  de  La  Chanson 
nous  pardonneront  de  les  entretenir  aujourd'hui 
du  bonapartisme,  cette  honte,  et  de  M.  Savinien 
Lapointe,  ce  grimaud. 

Le  bonapartisme  se  désole  que  nous  ayions  reven- 
diqué Béranger  comme  un  cliampion  des  idées 
républicaines,  et  M.  Lapointe  est  le  porte- voix  de  la 
faction  effarée.  Nous  relevons,  dans  un  numéro  du 
Petit  Caporal,  les  malpropretés  suivantes  : 

«  Le  festival  organisé  au  Cliàteau-d'Eau  en  l'honneur  du 
«  chansonnier  national  n  n'a  ou  aucun  retentissement. 
J'ajoute  qu'il  n'en  méritait  aucun,  n'étant  rien  de  plus  qu'une 
plate  comédie  jouée  par  des  histrions  républicains,  qui 
s'étaient  ingéniés  de  faire  entrer  dans  leur  farandole  le 
chantre  de  Napoléon...  » 

Suit  une  longue  diatribe  contre  le  gouvernement 
de  la  République  qu'elle  n'atteint  guère,  contre 
Victor  Hugo  et  contre  les  honorables  membres  du 
Comité  de  la  statue  de  Béranger.  La  pudeur  m'interdit 
de  la  reproduire  et  la  raison  me  défend  d'y  répondre. 
Aussi  bien,  le  dernier  paragraphe  de  l'article  dévoile 
suffisamment  le  véritable  but  de  l'écrivailleur  : 

«  L'idée  d'élever  une  statue  à  Béranger  n'était  et  ne 
pouvait  être,  de  la  part  des  républicains,  qu'une  indigne 
Hypocrisie  et  une  injure  pour  l'illustre  nioit.  Nous  nous 
félicitons  qu'elle  n'ait  pas  réussi.  La  statue  que  les  répu- 
blicains n'ont  ni  la  possibiUté  ni  le  droit  d'élever  à  Béranger, 
l'Empire  la  lui  élèvera.  » 

Voilà  qui  est  dit,  et  l'ombre  de  Béranger  n'a  qu'à 
se  résigner  à  la  patience.  M.  Lapointe  serait  bien 
naïf  s'il  n'était  bien  déloyal.  Quel  motif  aurions- 
nous  d'abandonner,  à  son  début,  une  œuvre  acclamée 
de  tous  et  qui  n'attend  qu'un  vote  du  Conseil  Muni- 
cipal pour  marcher  au  plus  heureux  dénouement?  — 
L'insuccès  de  la  matinée  du  Château-d'Eau?  — 
M.  Lapointe  sait  pertinemment  qu'elle  était  une 
manifestation  personnelle  du  directeur  de  LaChanson, 
et  que  son  peu  de  réussite  ne  peut  influer  en  rien 
sur  le  résultat  définitif  de  l'œuvre  nationale.  Mais  où 
la  mauvaise  foi  se  réfugierait- elle,  si  les  bonapar- 
tistes n'en  faisaient  la  base  fondamentale  de  leurs 
argumentations  ? 


M.  Lapointe  déclare  avec  solennité  que  Béranger 
a  chanté  Napoléon.  Nous  le  savons  et  nous  n'avons 
pas  la  sottise  de  lui  en  garder  rancune. 

Oui,  Béranger  se  fit,  du  souvenir  de  Napoléon, 
une  arme  retentissante  contre  la  roj'auté  jésuitique. 
Pouvait-il  prévoir  qu'en  aidant  les  esprits  libéraux 
de  sou  temps  à  fixer  la  légende  du  soldat  couronné, 
il  préparait  les  voies  où,  trente  ans  plus  tard,  mar- 
cherait un  aventurier  sinistre?  Le  poète,  d'ailleurs, 
estimait  le  régime  impérial  à  sa  valeur  réelle  ;  les 
Souvenirs  du  peuple  n'eflacent  pas  le  Jioi  d'Yvetot. 
Quand  le  second  empire  s'édifiaparle  crime,  Béranger 
se  tint  à  l'écart,  gardant  un  silence  que  le  pays  sut 
interpréter.  Il  professait,  pour  les  triomphateurs 
d'alors,  un  mépris  souverain.  Il  avait  bien  jugé  Louis 
Bonaparte  et  dès  ses  débuts.  En  janvier  1849,  il 
écrivait  à  M.  Manuel  les  lignes  suivantes  :  «  Je  suis 
obligé  de  rendre  à  Louis  Bonaparte,'' les  visites  que 
j'en  ai  reçues;  cela  me  cause  beaucoup  de  peine.  Je 
n'aurai  pas  à  le  féliciter.  Que  de  sottises  déjà!  Ces 
gens-là  ne  connaissent  pas  le  pays  et  je  ne  sais  s'ils 
auront  le  temps  d'apprendre  à  le  connaître.  Pourtant 
ils  ont  besoin  d'y  rester  pour  avoir  de  quoi  vivre...» 

Si  Béranger  eût  été  l'homme  que  rêve  M .  Lapointe, 
l'empire  n'aurait  pas  hâté  et  confisqué  ses  funérailles, 
par  peur  d'une  manifestation  républicaine  ;  il  n'aurait 
surtout  pas  refusé  d'autoriser  l'érection  du  monu- 
ment que  projetaient,  en  1865,  les  amis  du  poète. 
Non,  quoi  qu'il  fit  dire,  le  césarisme  avait  surveillé 
Béranger  vivant  et  le  redouta  mort.  Si  différent  de 
ses  applaudisseurs,  ce  vieillard  au  front  pur  et  aux 
mains  nettes  était,  pour  le  tyranneau  moustachu,  le 
spectre  de  la  démocratie  honnête,  suppliciée  mais 
invaincue. 

Nous  reprendrons,  s'il  est  besoin,  contre  un  plus 
digne  adversaire,  l'apologie  facile  du  maître.  Il  nous 
serait  pénible  d'accoler  plus  longtemps,  au  nom 
vénéré  de  Béranger,  celui  d'un  piteux  manœuvre  de 
lettres.  Concluons  donc.  Pour  avoir,  à  diverses 
reprises,  reçu  l'aumône  de  Béranger,  il  ne  s'ensuit 
pas  que  M.  Lapointe  ait  le  droit  de  poursuivre  la 
mémoire  du  grand  chansonnier  de  sa  sollicitude 
niaise.  On  ne  se  venge  pas  d'un  bienfait  avec  autant 
de  cruauté! 

Vi'aiment,  comme  les  phalènes  étourdies,  ceux-là 


10 


LA  CHANSON 


surtout  recherchent  la  lumière  qui  n'ont  raison 
d'être  qu'à  l'ombre.  Nul  n'empêche  M.  Savinien 
Lapointe,  ancien  collaborateur  d'audacieux  socia- 
listes, de  rimer  aujourd'hui  des  «  Souvenirs  et 
Regrets  «  pour  le  plaisir  des  blouses  blanches  inoc- 
cupées, et  de  tirer  du  famier  bonapartiste  le  pain  de 
ses  vieux  jours;  mais  nous  lui  conseillons  de  ne  plus 
maculer  de  sa  prose  le  piédestal  de  la  statue  que  la 
France  républicaine  veut  élever  à  l'un  de  ses  enfants 
illustres.  Il  y  a  de  sévères  châtiments  pour  des  actes 
moins  obscènes. 

L.-Henrt  LECOMTE. 


TOAST  DU  PRÉSIDENT 

Banquet  du  4  mai  1879. 

A  Béranger,  Messieurs  !  La  Chanson  est  en  fête, 
Car  on  doit  ériger  bientôt  à  son  prophète 
Une  statue  en  bronze,  au  sein  de  ce  Paris 
Qu'il  égaya  longtemps  de  ses  refrains  chéris. 

Je  suis  peu  partisan,  j'en  conviens,  des  statues 

Qu'on  n'élève  souvent  que  pour  être  abattues 

Par  le  vent  furieux  des  révolutions  ; 

Ressemblant,  en  ce  point,  aux  Constitutions 

Qui,  la  plupart  du  temps,  sont,  par  les  Assemblées, 

Faites  pour  être,  un  jour,  par  d'autres  violées. 

Mais  Béranger  n'a  pas  à  craindre  un  sort  fatal  ; 

Sa  Muse  le  protège,  —  et  sur  son  piédestal 

Il  peut  monter  sans  peur.  Du  peuple  la  colère 

Respectera  toujours  le  chantre  populaire. 

On  peut  bien  renverser  l'image  d'un  tyran, 

Le  bronze  d'un  Colbert,  celui  d'un  conquérant; 

Deux  fois,  Paris  a  pu,  dans  sa  rage  félonne, 

.Teter  Napoléon  à  bas  de  la  Colonne  ; 

La  foule  est  inconstante  et  le  vent  peut  changer. 

Mais  qui  s'attaquera  jamais  à  Béranger? 

Mieux  que  par  des  gardiens  et  mieux  que  par  des  grilles, 

Usera  préservé  par  les  Chansons,  ses  fliles. 

Ainsi  que  ces  chansons,  ce  bronze  est  immortel. 

Certes,  il  est  des  dieux  dont  on  brise  l'autel  ; 

Mais  Béranger  n'est  pas  de  ces  morts  que  l'on  tue  ! 

Si  quelques  forcenés  menaçaient  sa  statue, 

Aux  cris  séditieux  de  l'émeute,  aussitôt 

La  foule  répondrait  par  le  Roi  d'Yvetot, 

Par  les  charmants  refrains  de  l'amant  de  Lisette, 

La  fille  au  bonnet  rond,  la  joyeuse  grisette  ; 

Car  il  était  du  peuple,  ainsi  que  ses  amours, 

Etle  peuple  charmé  l'honorera  toujours. 

Buvons  donc,  mes  amis,  à  ce  glorieux  maître, 

A  ce  grand  chansonnier  qui  ne  voulut  rien  être, 

Qui,  sous  un  toit  modeste  et  dans  la  pauvreté. 

Pouvait  prétendre  à  tout  et  n'a  rien  accepté  ; 

Dont  le  luth  a  porté  la  joie  et  la  lumière 

Dans  le  palais  du  riche,  et  dans  l'humble  chaumière  ; 

A  ce  vaillant  esprit,  éminemment  français. 

Qui  frondait  du  pouvoir  les  abus,  les  excès, 

Et  qui,  lorsque  le  sort,  hélas  !  trahit  nos  armes. 

Avait  pour  les  vaincus  et  des  chants  et  des  larmes. 

Buvons  à  ce  poèt"6,  honneur  du  vieux  Caveau, 

Dont  le  front  va  briller  d'un  lustre  tout  nouveau. 

Et  quand  à  l'acclamer  la  France  se  dispose, 

A  celui  dont  on  va  fêter  l'apothéose. 

De  fleurs  et  de  lauriers  payons  notre  rançon  ! 

A  Béranger,  Messieurs  !  c'est  boire  à  la  Chanson  ! 

Eugène  GRANGE, 
Président  du  Caveau. 


NOCE  A  SAINT-JOSEPH 


Air  :  Une  Fille  est  un  oiseau 
Une  noce  à  Saint-Joseph!.. 
J'entre  pour  voir  l'épousée; 
Mais  la  chose  est  malaisée. 
Je  suis  au  fond  de  la  nef. 
De  l'autel  elle  est  partie  ; 
Je  cours  à  la  sacristie... 
La  voilà  !  sa  modestie 
A  la  vierge  fait  songer... 
Mais,  que  vois-je?  c'est  bien  elle, 
C'est  Clara,  mon  infidèle, 
Sous  le  bouquet  d'oranger  ! 

Malgré  son  air  de  candeur, 
Oui,  cette  fille  charmante 
Quatre  mois  fut  mon  amante. 
Je  l'aimais  avec  ardeur. 
Ah!  j'ai  brisé  notre  idylle. 
Pour  une  cause  futile  ; 
Je  voyais  qu'avec  Emile 
Il  me  fallait  partager!... 
Là,  franchement,  je  l'admire 
De  paraître  ici  sans  rire. 
Sous  le  bouquet  d'oranger  ! 

Mais  regardons  le  mari  : 
Il  est  petit,  maigre  et  blême. 
Ah!  je  ne  crois  pas  qu'elle  aime 
Un  homme  aussi  rabougri. 
Pauvre  garçon,  quand  je  pense 
A  ce  qu'elle  a  d'exigence. 
Jugeant  d'après  l'apparence. 
Pour  lui  je  dois  m'affliger; 
Qu'il  apprête  son  courage. 
Il  trouvera  de  l'ouvrage 
Sous  son  bouquet  d'oranger! 

Mais  elle  m'a  vu.  —  Mon  Dieu 
Comme  elle  paraît  émue  ! 
Moi-même  ça  me  remue  ; 
Vite  fuyons  de  ce  lieu! 
Laissons  en  paix  la  pauvrette, 
Que  malgré  tout  je  regrette, 
Oublions  cette  amourette  ; 
Son  pauvre  cœur  si  léger 
Peut-être  est  rempli  d'alarmes, 
Et  prêt  à  verser  des  larmes 
Sous  son  bouquet  d'oranger! 

L.  JULLIEN. 


MA  i 

Air  :  Elle  a  trahi  ses  serments  et  sa  foi. 

Hier  matin,  un  splendide  soleil 

De  ses  flots  d'or  inondait  ma  fenêtre  ; 

Il  saluait,  éclatant  et  vermeil. 

Le  mois  de  mai  qui  venait  de  renaître. 

Adieu  l'hiver,  la  neige  et  les  glaçons. 

Les  bois  sont  pleins  d'oiseaux  et  de  chansons! 

C'est  la  saison  de  l'amour  et  des  chants. 
Des  papillons,  des  lilas  et  des  roses; 
Tout  resplendit,  au  retour  du  printemps, 
Par  l'harmonie  et  les  métamorphoses  ! 
Quand  l'aubépine  embaume  les  buissons, 
Les  bois  sont  pleins  d'oiseaux  et  de  chansons  ! 


LA  CHANSON 


11 


Ce  joli  mois  est  un  riant  couplet. 

Un  airjoj'eux  qui  jamais  ne  s'oublie, 

Un  gai  refrain  qui  sourit  et  qui  plait, 

C'est  la  chanson  du  matin  de  la  vie  ! 

Tout  s'y  traduit  en  amoureux  frissons, 

Les  bois  sont  pleins  d'oiseaux  et  de  chansons  ! 

On  voit  venir,  cherchant  ses  nids  déserts. 
Des  bords  lointains,  l'iiirondelle  frileuse  ; 
Aux  chants  voisins,  s'élancer  dans  les  airs, 
En  gazouillant,  l'alouette  joyeuse. 
Qui  semble  dire  avec  des  plus  doux  sons  : 
Les  bois  sont  pleins  d'oiseaux  et  de  chansons! 

Que  d'amoureux  profitant  des  beaux  jours. 
Iront  heureux  roucouler  sous  l'ombrage  ! 
Le  rossignol,  témoin  de  leurs  amours, 
Leur  chantera  dans  son  charmant  langage  : 
—  Aimez  encor,  même  après  les  moissons, 
Les  bois  sont  pleins  d'oiseaux  et  de  chansons! 

Petit  pinson,  dans  la  cage  abrité 

Pendant  l'iiiver,  allons,  ouvre  tes  ailes  ! 

Envole-toi  !  reprend  ta  liljerté  ! 

Les  tiens  là-bas  te  sont  restés  fidèles  ; 

Pour  mieux  chanter  va  prendre  des  leçons, 

Les  bois  sont  pleins  d'oiseaux  et  de  chansons  I 

La  vigne  enfin  a  des  bourgeons  naissants, 
L'espoir  déjà  sourit  à  la  folie  ! 
Et  nous,  amis,  pour  colorer  nos  cliants 
Trempons  gaiment  nos  plumes  dans  la  lie  ! 
Et  chansonniers,  rossignols  et  pinsons, 
Tout  ici-bas  redira  sa  chanson. 

A.  MOUTON-DUFRAISSE. 


LA     CHANSON 


Mesdames  et  Messieurs,  amateurs  d'harmonie, 
Accourez  à  ma  voix  à  nos  gais  rendez-vous. 
Où  règne  la  chanson  la  tristesse  est  bannie. 
Le  plaisir  qu'elle  inspire  est  toujours  des  plus  doux; 
Elle  habita  longtemps  le  grenier  de  Lisette, 
Les  salons  autrefois  l'accueillaient  par  hasard  : 
Aujourd'hui  méconnue,  on  rit  de  la  pauvrette. 
«  Du  progrès  la  chanson  est  le  porte-étendard  !  » 

Au  bonheur  des  amants  la  chanson  s'intéresse, 

A  table,  à  l'atelier,  elle  aime  à  séjourner; 

Elle  a  pour  la  mansarde  une  vive  tendresse, 

Plus  d'un  pauvre  lui  doit  le  pain  de  son  dîner; 

Son  rire  est  large  et  franc  sans  cesser  d'être  honnête, 

Elle  sait  égayer  sans  oripeaux  ni  fard  ; 

Elle  a  perdu  beaucoup  en  perdant  son  poète. . 

«  Du  progrès  la  chanson  est  le  porte-étendard  !  » 

Jadis  sous  Mazarin  tout  était  à  la  fronde. 
On  mettait  en  couplets  le  vice  et  les  abus  ; 
Puis  vint  une  chanson  qui  fit  le  tour  du  monde; 
Sa  gloire  est  oubliée...  on  ne  la  chante  plus. 
Un  jour  que  l'étranger  franchissait  la  frontière, 
Chénier  pour  le  chasser  fit  le  Chant  du  Départ; 
De  ces  chants  glorieux  la  France  est  toujours  fière. 
«  Du  progrès  la  chanson  est  le  porte-étendard  !  » 

J.    LARGUIER. 


LE    PREMIER    SOIRIRE 

0  mère  de  la  race  humaine. 
Lorsque  Adam  encore  innocent, 
A  travers  l'Eden,  son  domaine, 
Te  guidait  d'un  bras  caressant; 
Quand,  dans  son  amoureux  délire. 
Il  te  contemplait  à  genoux, 
Ah  !  combien  dut  lui  sembler  doux. 
Belle  Eve,  ton  premier  sourire  ! 

Lorsque  Avril,  après  la  froidure, 
Nous  ramène,  avec  le  soleil. 
Des  bois,  des  champs,  fleurs  et  verdure. 
Tout  le  somptueux  appareil  ; 
Quand,  loin  de  la  ville,  il  aspire 
L'air  pur  des  monts,  propice  à  tous. 
Au  promeneur  qu'il  semble  doux, 
0  printemps,  ton  premier  sourire  ! 

Lorsque,  pour  délit  ou  pour  crime, 
Thémis  prend  cet  être  sans  bruit. 
Et  que,  criminel  ou  victime, 
11  l'onge  sou  frein  jour  et  nuit; 
Quand  de  ses  maux  le  terme  expire 
Et  qu'elle  tire  les  verrous. 
Au  prisonnier  qu'il  semble  doux, 
Liberté,  ton  premier  sourire! 

Alors  que,  vieilli  moins  par  l'âge 
Que  par  les  veilles,  les  tracas. 
L'humble  travailleur  envisage 
L'avenir  exempt  d'embarras; 
Quand,  dans  sa  ronde  tirelire, 
I>es  louis  remplacent  les  sous, 
Ali  !  combien  doit  lui  sembler  doux. 
Fortune,  ton  premier  sourire  ! 

Fruit  d'un  amour  chaste  ou  profane. 
Lorsque  celle  à  qui  tu  dois  tant. 
Sans  peur  que  sa  beauté  se  fane, 
Calme  tes  cris  en  t'allaitant  ; 
Quand,  même  laid,  elle  t'admire 
Et  t'entoure  de  soins  jaloux, 
A  ta  mère  qu'il  semble  doux, 
Nouveau-né,  ton  premier  sourire! 

Lorsque,  malgré  nos  Hippocrates, 
Notre  mère  faillit  mourir. 
Depuis  blancs,  bleus  et  démocrates, 
Chacun  d'eux  prétend  la  guérir  ; 
Quand,  ralliés  sous  ton  empire. 
S'embrasseront  renards  et  loups, 
A  tes  enfants  qu'il  sera  doux, 
O  France,  ton  premier  sourire! 

Henry  RUBOIS. 


LES    OISEAUX  DE  FLORA 

Gais  messagers  d'une  folle  tendresse, 
■Qu'il  était  beau  le  jour  où,  glorieux. 
Tout  triomphant,  tout  riche  de  jeunesse, 
Sur  mes  genoux,  il  vous  mit  radieux! 
Comme  il  m'aimait!  Comme  j'étais  heureuse! 
Jamais,  depuis,  je  n'eus  d'aussi  beaux  jours; 
L'homme  est  changeant...  la  vie  est  ténébreuse, 
Il  n'aime  plus,  et  vous  chantez  toujours  ! 


12 


LA  CHANSON 


Petits  lutins,  vous  pépiiez  de  Taile, 
Lorsqu'amoureux  il  me  prenait  la  main, 
Qu'il  me  jurait  d'être  bon  et  fidèle! 
Mais  ce  serment  n'eut  pas  de  lendemain.  ! 
Je  vois  encore  à  ma  pauvre  fenêtre 
Ses  lilas  blancs  et,  comme  nos  amours. 
Fleurs  et  printemps  vont  aussi  disparaître  ! 
Le  ciel  est  sombre,  et  vous  chantez  toujours! 

Un  jour,  hélas!  j'avais  fermé  ma  porte, 
Nous  nous  boudions,  il  n'était  pas  venu!... 
Je  crus  d'abord  que  mon  âme  était  forte... 
Mais  je  pleurais!...  S'il  s'était  souvenu? 
J'entends  du  bruit...  je  tressaille...  j'écoute... 
O  ma  raison,  venez  à  mon  secours... 
Non...  c'est  le  chat  qui  vous  guette  sans  doute. 
Pauvres  oiseaux,  et  vous  chantez  toujours  ! 

Depuis,  j'attends  !  et  peut-être  j'espère  !... 
Pendant  que  lui,  trompant  le  sort  moqueur... 
Goûte  en  passant  l'ivresse  mensongère, 
Pacte  d'un  jour  que  n'inscrit  pas  le  cœur. 
Vous  qui  vivez  pour  aimer,  pour  le  dire. 
Vocalisant  tous  vos  moindres  discours. 
Oiseaux  méchants,  me  faut-il  vous  maudire?... 
S'il  n'aime  plus,  pourquoi  chanter  toujours!... 

Eugène  CARLOS. 


CHANTONS    LA    BIERE 

A  mon  ami  Jules  WOLF,  de  Mulhouse 


Pourquoi  toujours  chanter  le  vin? 
Il  est  encor  sur  cette  terre 
D'autres  boissons,  comme  la  bière. 
Port  dignes  d'un  joyeux  refrain. 

Dans  notre  verre 
La  blonde  bière 
Mousse  bien  fort 
Par-dessus  bord. 
Encore  un  verre 
De  cette  bière  ; 
Amis!  buvons, 
Gaîment,  chantons. 

Chaque  pays  a  sa  boisson. 
Qu'il  chérit  fort  et  qu'il  vénère. 
Nous  possédons,  amis,  la  bière, 
C'est  le  jus  béni  du  houblon. 

Dans  notre  verre,  etc. 

Gambrinus  but  tout  le  premier 
Ce  liquide,  nous  dit  l'histoire  ; 
C'est  son  seul  vrai  titre  de  gloire  ; 
Plus  d'un  roi  pourrait  l'envier. 

Dans  notre  verre,  etc. 

Vénérons  de  ce  franc  buveur 
La  mémoire  si  respectable. 
Qui  s'égarait,  sortant  de  table. 
Dans  les  bons  houblons  du  Seigneur. 

Dans  notre  verre,  etc. 


Le  monde  entier  bientôt  boira. 
Croyez-moi,  notre  blonde  bière, 
Car  elle  ne  redoute  guère. 
Du  vin  le  noir  phylloxéra. 

Dans  notre  verre 
La  blonde  bière 
Mousse  bien  fort 
Par-dessus  bord. 
Encore  un  verre 
De  cette  bière  ; 
Amis  !  buvons, 
Gaîment,  chantons. 

Ernest  MEININGER. 


CURIOSITÉS  DE  LA  CHANSON  C) 


LE  NUAGE 

Musique  de  Louis  Maiiguery 

On  donc  vas-tu,  nuage, 
Nuage  radieux? 
Couves-tu  quelque  orage, 
Quelque  vent  furieux? 
Vas-tu,  vapeur  légère, 
Te  gonfler  de  colère. 
Et  cacher  à  la  terre 
Le  soleil  et  les  cieux? 

N'es-tu  rien  qu'un  point  sombre 
Qu'effacera  le  vent? 
Noieras-tu  ton  peu  d'ombre 
Dans  le  jour  éclatant?... 
Vers  la  voûte  éternelle 
Tu  fuis  à  tire-d'aile  ; 
Mon  beau  nuage  frêle. 
On  se  perd  en  montant. 

Réponds  !  es-tu  tonnerre, 
Vomiras-tu  le  feu? 
N'es-tu  qu'ombre  légère, 
Blancheur  dans  le  ciel  bleu? 
—  Non  !  de  la  terre  lasse. 
Je  m'enfuis  dans  l'espace  ; 
Je  suis  l'âme  qui  passe 
Et  qui  remonte  à  Dieu  ! 

Emile  ZOLA. 

Il  y  a  un  peu  de  tout  dans  ces  vers  de  mirliton, 
excepté  du  naturalisme  et  de  la  poésie  ;  M.  Zola  y 
pastiche  à  la  fois  Musset,  Victor  Hugo  et  Lorgeril. 

Voilà  certainement  une  nouvelle  explication  de  la 
haine  de  M.  Zola  contre  Victor  Hugo  ;  il  ne  peut  lui 
pardonner  son  impuissance  poétique. 

NEMO. 


(*)  Nous  empruntons  cette  chanson  et  les  quelques  lignes 
qui  l'accompagnent  à  notre  confrère  le  Nain  Jaune, 


LA   CHANSON 


13 


Nous  publierons  désormais,  dans  chaque  numéro 
de  La  Chanson,  une  ou  deux  productions  de  Béranger, 
quin'ontpasété  recueillies  dans  ses  Œuvres  complètes. 

L'AMOUR  MARCHAND  DE  PLAISIR 

Air  :  Du  petit  matelot. 

Combien  de  fois  poui'  plaire  aux  belles 
L'Amour  a  changé  de  métier  ! 
Financier,  pour  briller  près  d'elles  ; 
Pour  les  voir,  adroit  serrurier;  [bis.) 
Ramoneur  en  cas  de  surprise  ; 
Toujours  fripon,  pour  réussir; 
Enfin,  par  dernière  entreprise. 
Ce  dieu  va  criant  du  plaisir. 

Partout  il  suit  les  pas  des  Grâces, 

Afin  qu'on  le  suive  partout. 

Aux  belles  qu'il  voit  sur  leurs  traces. 

Du  plaisir  il  vante  le  goût,  {bis.) 

«  Venez,  dit-il,  à  ma  corbeille  ; 

Jeunes  beautés,  venez  choisir  !  » 

Et  puis  il  ajoute  à  l'oreille  ; 

<;  Prenez  sans  voir,  c'est  Am  plaisir  !  » 

Mais  en  livrant  sa  marchandise, 

Il  l'eut  être  payé  comptant; 

Bien  souvent  le  plaisir  se  brise 

Dans  les  mains  d'un  objet  charmant,  [bis.) 

L'innocente  alors  se  plaint-elle. 

Le  dieu  répond,  tout  prêt  à  fuir  : 

«  S'il  ne  se  brisait  pas,  ma  belle. 

Serait-ce  donc  là  à\x  plaisir?  » 

BÉRANGER. 


POUR   BERANGER 


Notre  ami  Joseph  Lavergne  s'est,  depuis  quelques 
années,  installé  à  Malakoff".  Acteur  et  poète,  il  y 
rime  des  couplets  et  joue  la  comédie  sur  un  théâtre 
qu'il  a  fait  construire  dans  sa  propriété  même.  La 
salle,  baptisée  Théâtre  des  Intimes,  peut  tenir  à  peu 
près  quatre-vingts  personnes.  L'entrée  en  est  gra- 
tuite, mais,  d'ordinaire,  on  fait  une  quête,  tantôt 
pour  les  pauvres  tantôt  pour  les  écoles  —  Lavergne 
est  conseiller  municipal.  —  Plaisir  et  bienfaisance 
vont  ainsi  de  pair. 

Lavergne,  étant  chansonnier,  devait  naturellement 
songer  à  apporter  sa  contribution  à  la  statue  de 
Béranger.  Le  lundi  5  mai,  nous  étions  conviés  à  une 
soirée  dramatique  et  lyrique,  à  l'issue  de  laquelle 
une  quête  devait  être  faite  au  profit  de  la  souscription. 
Le  spectacle  était  composé  d'un  tableau  de  la  Tour 
de  Nesles,  de  deux  vaudevilles  et  de  divers  intermèdes. 
Tout  a  bien  marché.  Lavergne,  après  avoir  fait 
frémir  dans  Buridan,  a  fait  rire  aux  larmes  dans  le 
Dubrochet  du  Naufragé  de  la  Méduse.  MM.  Hivet, 
Féburier,  Pensière  et  Vautier;  M""  Dodin,  Hivet  et 
Féburier  ont  obtenu,  comme  acteurs  ou  comme 
chanteurs,  des  applaudissements  mérités.  Enfin, 
M.  Vaillant  a  dit  avec  âme  les  belles  stances  d'Armand 
Silvestre  connues  de  nos  lecteurs. — Etnous  sommes 
revenus,  rapportant  50  francs  50  centimes  pour  la 
statue  de  Béranger. 

Nos  sincères  remercîments,  ami  Lavergne. 


Les  Enfants  du  Marais,  sous  la  présidence  de 
M.  Chaumette  (I,  rue  Dupuis)  ont  donné  une  soirée 
oii  MM.  Darcourt,  Eugène,  Defrace,  Denis,  Pillon  et 
M"°  Augustine  Simon  ont  rivalisé  de  talent  et  de 
zèle.  Une  tombola  organisée  par  le  bureau  a  produit 
18  francs  pour  la  statue  —  premier  versement  de 
cette  société  qui  se  promet  de  recommencer. 


M.  J.  F.  Gonon,  chansonnier  lyonnais,  nous  a  fait 
parvenir  18  francs,  montant  des  premières  souscrip- 
tions recueillies  par  lui. 


Nous  tenons  de  bonne  source  que  M.  Anatole 
Lionnet  organise  une  soirée  au  profit  de  la  souscription 
Béranger. 


Le  dimanche  25  mai,  la  Société  des  Familles  (pré- 
sident M.  Badou)  donnera,  dans  son  local  ordinaire, 
salle  Bouret,  34,  boulevard  du  Temple,  une  grande 
soirée  pour  la  statue  de  Béranger. 


On  nous  assure  que  des  quêtes  pour  l'œuvre  ont 
été  faites  en  divers  endroits,  une  notamment  pendant 
un  bal  donné  à  Valentino  par  une  société  lyrique. 
Le  produit  de  cette  quête  n'a  été  versé  ni  aux  bureaux 
de  La  Chanson  ni  ohei'.  M.  Murât,  trésorier  du  comité. 
Nous  voulons  ne  voir  là  qu'une  négligence. 


Le  procliain  numéro  de  La  Chanson  contiendra 
une  troisième  liste  de  souscription. 

H.  L. 


SOCIETE  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  2  MAI   1879. 

Une  surprise  agréable  nous  attendait  au  Caveau.  Au 
moment  même  où  La  Chanson,  désireuse  d'associer  particu- 
lièrement cette  société  vénérable  et  vivace  à  l'hommage 
solennel  que  doit  recevoir  Béranger ,  empruntait  à 
M.  Eugène  Grange ,  président  actuel,  quelques  couplets 
anciens,  consacrés  au  grand  chansonnier,  îl.  Grange  traitait 
de  nouveau  ce  fécond  sujet  avec  sa  verve  et  son  talent  des 
meilleurs  jours.  Le  toast  lu  l'autre  soir  par  le  président  du 
Caveau  porte,  en  effet,  pour  titre  :  La  Statue  de  Béranger. 
La  manifestation  projetée  a  naturellement  les  sympathies  de 
M.  Grange,  et  il  le  témoigne  en  vers  charmants,  très-applaudis, 
et  que  nous  nous  sommes  empressés  de  recueillir.  Nos 
lecteurs  les  liront  avec  le  plaisir  que  nous  avons  éprouvé  à 
les  entendre. 

Les  convives  sont  rarement  aussi  nombreux  au  Caveau 
qu'à  la  Lice,  mais  l'entrain  des  chansonniers  est  égal,  et  les 
honneurs  sont  faits  aux  visiteurs,  ici  comme  là-bas,  avec  la 
meilleure  grâce  du  monde.  C'est  ainsi  que  la  séance  des 
chants  a  été  ouverte  par  des  couplets  et  un  récit  dits  d'une 
façon  très-plaisante  par  un  jeune  artiste,  M.  Desroseaux. 

Un  des  vétérans  du  Caveau,  Bugnot,  a  suivi  de  près 
Clairville.  M.  Lagarde  adresse  à  l'ami  disparu  un  souvenir 
plein  de  sentiment  et  de  poésie  dont  l'assemblée  s'est 
montrée  fort  émue.  M.  Fouacne  ramène  la  gaîté  en  énumé- 
rant  les  Etres  inutiles,  et  M.  IJuprez  exprime,  sur  la  même 
note  comique,  divers  regrets  sous  ce  titre  :  Si  j'avais  su! 


14 


LA  CHANSON 


Ne  rendez-pas  service,  s'écrie  M.  Montariol;  refrain 
misantliropique  qae  dément  fort  heureusement  le  couplet 
final.  M.  Gan-aud  chante  un  peu  tard  la  Loterie  Nationale; 
M.  Moulon-Uufiaisse,  par  contre,  célèbre  un  peu  tôt  les 
charmes  du  mois  de  Mai  :  il  y  a  compensation. 

On  sait  qu'au  précédent  banquet,  M.  Grange  a  protesté, 
non  sans  raison,  contre  l'envahissement  des  sociétés  chan- 
tantes par  l'ale.xandrin  ;  M.  Ripault  présente  requête  pour  le 
sonnet  si  gracieux,  si  court,  et  qui  vaut  un  long  poème... 
quand  il  est  sans  défaut  :  hou  plaidoyer  qui  nous  a  pai'U 
attendrir  le  juge-présiJent.  —  M.  Ordonneau  se  déclare 
l'Ami  des  Petits  en  plusieurs  couplets  lestes,  bien  tournés 
et  étrangers  à  la  politique  ;  M.  Orangé  chante  la  Proie  et 
l'Ombre  avec  l'esprit  qu  il  met  dans  tout  ;  M.  Bernard  Lopez 
pleure  les  Choses  d'antan:  M.  Jullien  décrit  les  amusantes 
noces  de  son  village,  où  les  amoureux,  depuis  un  temps 
immémorial,  disent,  suivant  le  mot  heureux  do  Béranger 
«  les  Grâces  avant  le  Benedicite  »  ;  enfin  M.  Fénée  termine  le 
premier  tour  par  Certitude,  une  chanson  pleine  de  verve  et 
de  vérité. 

MiM.  Poullain,  Fouache,  Fénée  et  Jullien  ont  fait  les  frais 
d'un  second  tour  avec  des  couplets  connus  déjà,  mais  toujours 
bons  à  entendre. 

Excellente  soirée,  en  somme,  où  les  membres  du  Caveau 
ont  brillamment  augmente  le  trésor  littéraire  de  leur 
aimable  compagnie. 

L.-IIeniu'  LECOMTE. 


LICE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET   DU    7  MAI  1879. 

11  y  a  certaines  épidémies  passagères  qui  sévissent  pério- 
diquement. En  ce  moment,  les  chansonniers  ont  foi  dans 
l'almanach,  qui  leur  dit  que  nous  sommes  en  mai,  et  ils 
célèbrent  le  printemps,  chose  inconnue  jusqu'à  ce  jour. 
D'autres,  par  esprit  d'imitation,  ou  parce  que  le  mot  est 
dans  l'air,  ne  font  plus  un  couplet  comique  sans  y  coudre 
une  plaisanterie  sur  les  belles-mères. 

Hier  j'ai  constaté  trois  cas  de  la  première  maladie  et 
quatre  de  la  seconde.  Heureusement  les  typhus  passent  et 
l'esprit  reste.  Je  ne  nommerai  donc  pas  les  coupables  pour 
cette  fois. 

Sérieux,  philosophique,  gai,  grivois  et  même  ultra  grivois, 
tous  les  genres  ont  été  représentés  au  banquet  du  î  de  ce 
mois,  tous  excepté  le  genre  ennuyeux.  La  poésie  s'est  donné 
carrière  dans  V Eternelle  Chanson,  d'Eugène  Baillet;  la  Plage 
royannaise,  de  M.  Camille  Chaigneau  ;  la  Paix,  de  Vergero'n, 
et  dans  le  sonnet  où  Caron  déplore  avec  plus  d'amertume, 
peut-être,  qu'il  ne  convient,  le  triste  sort  de  l'humanité  : 
Nous  puisons,  dit-il. 

Dans  l'espoir  de  mourir  le  courage  de  vivre. 

L'Apprenti,  de  Landragin,  est  sérieux  aussi,  mais  attendri, 
et  moral  avec  grâce. 

Ruel,  dans  le  Conservateur,  satire  mordante,  Rubois, 
dans  les  Mauvais  coucheurs  et  la  Devanture,  Aubry,  le 
vieux  chansonnier  populaire,  dans  le  Refrain  perdu  et  Pierre 
Gringoire,  Cahen,  en  célébrant  son  diplôme  et  le  bonheur 
qu'il  lui  doit,  ont  su  donner  la  note  gaie  que  tout  concert 
réclame. 

Comme  c'est  fait!  La  Marchande  de  maquereaux. 
Braguette,  la  Marseillaise  des  Cornards  ont  fait  valoir  le 
talent  plus  qu'oseur  de  Vergeron,  Jeannin  et  Jouy.  Mais 
pourquoi  donc,  au  refrain  de  la  Marseillaise  précitée,  dont 
Pair  est  pourtant  entraînant,  tant  de"  convives  s'abstenaient- 
ils  de  faire  chorus? 

On  le  voit,  la  qualité  des  chansons  ne  manquait  pas  plus 
que  la  quantité.  Encore  n'ai-je  cité  ni  Robinet,  ni  Picard,  ni 
Raux,  ni  Lebeau,  le  nouveau  sociétaire,  ni  votre  serviteur, 
qui  le  fut.  Et  pourtant  A  table!  Qui  vivra  verra,  La  belle 
demi- douzaine,  et  même  la  Troisième  :  toutes  ces  pièces 
mériteraient  bien  une  mention  honorable.  Et  que  n'aurais-je 
pas  à   dire,  si   la  place  ne   m'était  si  parcimonieusement 


mesurée,  de  ce  beau  refrain  emprunté  aux  armes  de  la 
ville  de  Paris  :  FLUCTUAT  NEC  MERGITUR?  J'en  citerai  un 
couplet  toutefois,  pour  la  clôture  : 

Le  voyez-vous  sur  les  vagues  profondes, 
Ce  cher  esquif  qui  porte  notre  sort? 
Enfin  vainqueur  et  des  vents  et  des  ondes. 
Vers  Favenir  il  poursuit  son  essor. 
Bon  pavillon,  tière  et  sainte  relique, 
Les  ouratrans  n'osent  plus  l'effleurer  : 
C'est  le  vaisse  .u  de  notre  Uépuljliquc  ; 
11  Hotte  sans  sombrer. 

Chantez-moi  cela  sur  l'air  du  Vicu  des  bonnes  yens  de 
Béranger,  mettez-y  un  peu  de  voix  et  d'accent,  et  je  vous 
assure  que  vous  ferez  beaucoup  d'eftet. 

Mais  un  dernier  conseil  d'ami,  ô  chansonniers  mes  frères  : 
attendez,  pour  rechanter  le  printemps,  que  cet  hiver  de 
sept  mois  soit  complètement  terminé,  et  surtout,  au  nom 
d'Apollon,  notre  grand  saint,  laissez  pour  quelques  années 
reposer  les  belles-mères  ! 

Vous  les  retrouverez  toujours  assez  tôt. 

EuG.  IMBERT. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Le  samedi  26  avril,  au  théâtre  de  Levallois- 
Perret,  la  Société  musicale  de  l'imprimerie  Paul 
Dupont  a  donné  un  Concert  vocal  et  instrumental 
des  plus  intéressants!  —  Le  piano  était  tenu  par 
notre  ami  L.  Demortreux. 

Comme  artistes  du  dehors,  on  a^entenduM^'Négrié, 
MM.  Golbert  et  Négrié  ;  les  chanteurs  sociétaires 
étaient  MM.  Sartor,  Bessat  et  Marck,  qui, tous  trois, 
ont  fait  preuve  de  verve  et  de  talent. 

Nous  avons  principalement  remarqué  :  Une 
Matinée  de  mai,  fantaisie  écrite  pour  fanfare,  par 
M.  E.  Prunier,  directeur  et  organisateur  de  la  fête; 
un  chant  patriotique,  Ne  touchez  pas  à  la  République, 
hymne  à  la  paix,  dont  la  musique  est  de  L.  Demor- 
treux, et  les  paroles  de  MM.  René  Asse  et  Jacques 
Jalmey.  L'enthousiasme  a  été  tel  que  les  auteurs - 
ont  été  hissés,  bon  gré  malgré,  sur  la  scène  et  ont 
dû  adresser  au  public  quelques  paroles  entrecoupées 
par  l'émotion.  Honneur  à  M.  Sartor,  interprètej 
Prosper  tibia. 

L'Union  Parisienne  et  la  Réunion  des  Familles, 
sous  la  présidence  de  MM.  Mazot  et  Lestourgie,  ont 
donné,  le  lundi  28  avril,  une  pièce  inédite  en  un 
acte,  Andréa  le  Sculpteur, "^2^1:^  un  sociétaire,  M.  Alfred 
Desfossez.  L'auteur  n'a,  dit-on,  que  dix-huit  ans  et 
n'en  est  qu'à  son  début.  Son  ouvrage  offre  naturelle- 
ment des  inexpériences,  mais  il  n'est  pas  sans  mérite 
et  il  obtiendra  sans  doute  un  réel  succès  quand  il  sera 
joué  plus  couramment.  M"°  Zélie  Oulié  a  su  rendre  ■ 
convenablement  un  rôle  vraiment  difHcile  ;  MM.  Des- 
fossez père,  Lesturgie  et  l'auteur  ont  également 
bien  tenu  leurs  personnages. 

MM.  Gouget,  Georges,  Moinet,  Ch.  Thomas.  Paul 
ThouUiot,  Masson,  Lesturgie  e't  Mazot,  chanteurs 
habituels  de  la  réunion,  ont  ensuite  obtenu  des 
applaudissements  mérités,  ainsi  que  M"'^'' Zélie  Oulié, 
Rosa,  Isabelle  (Estienne)  Vautier,  Pauline  et  Persj'n 
Léo  qui  prêtaient  leur  concours  à  cette  soirée  de 
famille.  M""^  Léo,  comme  toujours,  a  été  pleine 
d'entrain  dans  En  dessous  et  le  Champagne,  et  M.  Léo 
a  chanté  avec  succès  une  chanson  de  liii  :  Je  n  suis 
pourtant  p)as  ta  bell'  mèi'e. 

Nous  remercions  de  l'accueil  sympathique  qu'on 
nous  a  fait,  et  nous  nous  promettons  de  retojirner 
prochainement  dans  cette  agréable  réunion. 


LA  CHANSON 


15 


La  société  lyrique  des  Enfants  de  la  Seine  a  donné, 
le  4  mai,  dans  son  local,  20,  rue  Palestro,  sa  quatrième 
soirée  lyrique  et  dramatique. 

Un  vaudeville  en  un  acte,  les  Conférences  chez 
Beaubichon,  a  obtenu  un  franc  succès,  bien  interprété 
qu'il  était  par  M.  Charles  qui  s'est  parfaitement  tiré 
de  ses  quatre  rôles,  par  MM.  Perrot,  Emmanuel  et  par 
M""  Hélène.  Les  Rêves  de  Marguerite  ont  valu  à 
M"°  Blanche  et  à  M.  Eug.  Koch  (toujours  un  peu 
timide)  de  vifs  applaudissements.  Mam'zclle  Jeanne, 
opérette  en  un  acte,  a  été  un  véritable  triomphe  pour 
M.  Pej'rot  et  surtout  pour  M.  Eug.  Koch  dont  la 
voix  sympathique  a  fait  ressortir  les  beautés  de  la 
partition.  M"°  Eugénie  a  chanté  avec  brio ,  et 
M"°  Victorine  qui  aifrontait  le  public  pour  la  première 
fois  a  été  dédommagée  de  sa  peur  par  des  bravos 
mérités. 

Dans  les  intermèdes,  on  n  entendu  M"°  Maria, 
une  voix  charmante;  }.L  Jules  Koch,  qui  chante 
avec  beaucoup  de  goût;  M.  Samson,  neveu  du  grand 
artiste  de  la  Comédie-Française,  qui  a  dit  avec 
succès  le  Hanneton;  M.  Bergier,  qui  a  bien  chanté 
le  Lac  de  Lamartine,  et  M.  Eug.  Koch,  interprétant 
une  très-jolie  romance  de  M.  Albert  Vernouillet, 
pianiste  de  la  société. 

Rendons  justice  au  président,  M.  Cantarel,  pour 
le  mal  qu'il  se  donne.  Une  bonne  part  de  succès 
revient  à,  son  zèle  infatigable. 

Malgré  la  non-présence  du  directeur  et  du  chroni- 
queur habituel  de  notre  journal,  ce  compte-rendu 
exact  prouve  que  La  Chanson  a  de  fidèles  correspon- 
dants dans  les  sociétés  lyriques. 


Le  bénéfice  de  M.  Félix,  le  garçon  dévoué,  actif 
et  intelligent  des  sociétés  lyriques,  n'a  pas  été  aussi 
brillant  qu'on  pouvait  le  supposer  (j'ai  vu  des  vides 
dans  la  salle),  si  l'on  songe  que  la  majeure  partie  des 
sociétés  se  réunissant  au  café  du  (îlobo  en  étaient  les 
promotrices  et  apportaient  un  appui  sinon  pécuniaire 
du  moins  moral.  Au  moment  où  nous  écrivons, 
nous  ignorons  quel  résultat  il  a  donné  ;  nous  espérons 
pour  M.  Félix  qu'il  est  tout  au  moins  satisfaisant. 
Toutefois  le  public  présent  n'a  pas  dû  regretter  son 
argent  :  on  lui  a  servi  des  artistes  du  meilleur  crû. 
Citons  M.  Raynal,  ex- membre  de  l'Union  Artistique, 
qui  gagne  tous  les  jours  en  jeu  et  en  voix  ;  son  frère 
lui  a  tracé  la  route  et  il  semble  vouloir  la  suivre, 
de  telle  sorte  qu'on  les  confondra  incessamment. 
MM.  Marc  et  Caraby,  toujours  très-drôles  dans  fa 
Fanfare  de  Botbec,  etc..  La  présidence  du  bureau 
avait  été  dévolue  à  M.  Garnot,  président  des  Intimes, 
qui  s'est  acquitté  de  sa  tâche  comme  il  a  l'habitude 
de  le  faire,    c'est-à-dire  consciencieusement. 

A.  PATAY. 


Le  jeudi  soir  S  mai,  c'était  fête  dans  la  jolie  petite 
salle  de  la  rue  de  Bretagne,  49. 

La  vieille  goguette  oifrait  une  soirée  au  doyen  de 
ses  présidents,  le  bon  vieux  Delort.  Il  y  avait  là  des 
chansonniers  qu'on  ne  rencontre  plus  guère  dans  les 
sociétés  et  qui  ont  fait  entendre  des  œuvres  vieilles 
ou  nouvelles,  mais  toutes  marquées  au  coin  dont  la 
marque  est  regrettablement  perdue.  Nous  citerons 


au  hasard  :  Noël  Mouret,  Jeannin,  René  Ponsard, 
Tostain,  Evrard,  Robinot,  Guigue,  et,  parmi  les  nou- 
veaux :  Chebroux,  Georges  Baillet,  Rubois,  Flachat, 
Legentil,  Péan. 

Parmi  les  fervents  de  la  vieille  Goguette,  étaient 
présents  :  Collignon  et  Vaudry,  deux  compositeurs 
populaires  ;  ChoUet,  A.  Patay,  directeur  du  journal  La  ' 
Chanson;  et  ])aTmi  les  jeunes,  Monicard,  Teulet,  etc. 

Eugène  Baillet,  le  président  de  la  soirée,  avait 
annoncé  une  petite  conférence,  dont  le  sujet  était 
Charles  Gille  et  les  Chansonniers  de  son  temps;  il  s'en 
est  acquitté  à  la  satisfaction  générale.  Quand,  après 
avoir  retracé  la  vie  et  apprécié  les  œuvres  de  Charles 
Gille,  il  a  cité,  au  nombre  des  chansonniers  lutteurs 
qui  entouraient  ce  maître,  les  noms  d'Auguste  Alais 
et  Joseph  Landragin,  qui  tous  deux  étaient  présents, 
les  bravos  les  plus  sympathiques  ont  éclaté  dans  toute 
la  salle.  On  a  aussi  chaleureusement  applaudi  quand 
Baillet  a  dit,  comme  conclusion  :  u  Charles  Gille  fut 
«  condamné  à  la  prison,  Gustave  Leroy  aussi,  que 
«  leur  importait!  L'idée  qu'ils  soutenaient  faisait  son 
«  chemin  et  le  temps  leur  a  donné  gain  de  cause,  car 
«  aujourd'hui  que  le  gouvernement  de  la  L'raiice  est 
i<  la  République,  soyons  fiers  de  constater  que  tous 
«  ces  poètes  du  peuple  étaient  déjà,  en  pleine  monar- 
«  chie,  des  chansonniers  républicains.  « 

Le  résultat  du  concours  poétique  a  été  proclamé 
par  Eugène  Imbert  qui  a  nommé  quatre  lauréats  dans 
l'ordre  suivant  :  Achile  Duchenne,  Rubois,  Evrard 
et  Péan. 

RoiiERT  GARNIER. 


Une  nouvelle  société  vient  de  se  fonder  sous  la 
présidence  de  M.  V.  Dumont.  Titre  :  La  Mandoline. 
Elle  tient  ses  soirées,  44,  boulevard  du  Temple. 
L'inauguration  a  eu  lieu  samedi  10  mai.  Nous  en 
parlerons  dans  notre  prochain  numéro.  Une  indispo- 
sition de  notre  collaborateur  A.  Leroy  nous  force 
d'ajourner  ses  articles  à  notre  prochain  numéro. 


M.  Perrin,  l'artiste  aimé  de  l'Eldorado,  vient  de 
créer,  avec  un  vrai  succès,  une  chansonnette  intitulée 
C'est  comme  si  vous  n'en  aviez  pas,  dont  il  a  composé 
la  musique.  Les  paroles  sont  de  nos  amis  Dorfeuil  et 
Gédhé.  Elle  est  éditée  chez  M.  Roux-Quentin, 
41,  rue  des  Petits-Carreaux. 

On  trouve  chez  le  même  éditeur  :  On  n  tient  pas 
cet  article-là.  chansonnette.  Le  vieux  Paris,  chanson. 
J'en  savais  rien,  chansonnette,  le  Nouveau  Maître 
d'école,  chanson,  la  Politique  de  Jeannette,  chanson  — 
créations  de  l'Eldorado  et  de  l'Alcazar. 


M.  Anselme  Blanchard,  membre  de  l'Association 
des  Comptables,  vient  de  faire  paraître  chez  Rousseau, 
éditeur,  9,  place  des  Victoires,  un  projet  d'associa- 
tion nationale  pour  la  fédération  des  sociétés  de 
secours  mutuels.  Prix,  50  centimes.  Nous  recom- 
mandons cette  brochure  à  nos  lecteurs. 


16 


LA  CHANSON 


POETIQUE 

Du  journal  La  Chanson 


La  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes  et  chan- 
sonniers pour  tresser  une  couronne  poétique  à 
Béranger.  Elle  met  aujourd'hui  au  concours  : 

1°  Une  Chanson  de  six  couplets  ou  strophes  au 
plus,  avec  ou  sans  refrain  ; 

2°  Un  Sonnet  ; 

3°  Une  Poésie  (ode,  ballade,  conte,  fable,  etc.)  ne 
dépassant  pas  soixante  vers  ; 

Le  tout  se  rapportant  à  Béranger. 

Il  sera  décerné  pour  chaque  genre  trois  prix,  et 
des  mentions  honorables,  s'il  y  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  diplômes  spéciaux,  avec 
allégorie,  et  paraphés  partons  les  membres  du  jury. 
Ces  diplômes  seront  de  dimensions  calculées  pour 
l'encadrement. 

Les  pièces  couronnées  seront,  en  outre,  insérées 
dans  La  Chanson. 

Toutes  les  pièces  envoyées  au  concours  seront 
publiées  collectivement  à  la  seule  condition,  pour 
chaque  auteur,  de  souscrire  à  cette  publication 
suivant  la  quantité  de  vers  insérés.  Le  prix  de  la 
souscription  sera  porté  à  la  connaissance  de  tous 
avant  le  commencement  de  l'impression. 

Le  même  auteur  pourra  prendre  part  aux  trois 
concours,  mais  avec  une  seule  pièce  dans  chacun 
des  trois. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites,  non 
signées  et  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  et  portant  extérieure- 
ment le  premier  vers  de  la  poésie  présentée. 

Le  Concours,  ouvert  depuis  le  V^  Mai,  sera 
clos  le  16  juillet  1879,  anniversaire  de  la  mort  de 
Béranger. 

Toutes  les  communications  relatives  au  Concours 
doivent  être  adressées  franco  à  M.  A.  Patay, 
directeur  de  La  C/ianson,  rue  Bonaparte,  18. 


Nous  rappelons  à  MM.  les  pi'ésidents  des  sociétés 
lyriques  que  nous  publions  les  communications  rela- 
tives à  leurs  sociétés.  Celles  qui  sont  destinées  au 
.numéro  du  l"'  du  mois  doivent  être  envoyées  le  25 
du  mois  précédent,  dernier  délai,  et  pour  le  numéro 
du  16,  jusqu'au  10.  Nous  rendrons  compte  des 
grandes  soirées  pour  lesquelles  on  nous  aura  fait 
parvenir  des  lettres  d'invitation. 

Nous  publierons  prochainement  les  noms  des 
membres  du  jury  de  notre  grand  Concours  poétique. 

Nous  rappelons  à  nos  abonnés,  poètes  et  chan- 
sonniers, notre  petit  Tournoi  mensuel. 

Petit  Tournoi  poétique  mensuel,  entre  nos  abonnés 
SEULEMENT.  A  partir  du  1"  Mai,  La  Chanson  oxiMve 
un  concours  mensuel.  Les  envois  doivent  avoir 
lieu  du  l"'  au  25  du  mois.  Sujet  à  traiter  cette 
fois  :  un  proverbe  au  choix,  en  un  seul  couplet.  Les 
trois  meilleures  productions  seront  publiées  dans 
La  Chanson,  par  ordre  de  mérite. 


A  partir  du  prochain  numéro,  nous  rendrons 
compte  ou  nous  annoncerons  toutes  les  publications 
dont  il  aura  été  adressé  un  exemplaire  aux  bureaux 
du  journal,  18,  rue  Bonaparte. 


AUX  AUTEURS  ET  COMPOSITEURS  DE  MUSIQUE 

Nous  recevons  depuis  longtemps  de  nombreuses 
lettres  nous  priant  de  vouloir  bien  nous  charger 
d'éditer,  au  compte  des  auteurs,  soit  en  grand  format 
piano,  soit  en  petit  format  guitare  ou  même  en  cahier 
populaire  à  dix  centimes.  Beaucoup  de  nos  corres- 
pondants ont  la  certitude  (et  nous  sommes  de  leur 
avis)  que,  si  l'on  s'occupait  sérieusement  de  leurs 
œuvres,  elles  obtiendraient  le  même  succès  que  beau- 
coup de  celles  publiées  par  les  éditeurs  qui  ne  veulent 
éditer  que  des  noms  connus. 

Nous  cédons  aux  demandes  qui  nous  ont  été  faites  et 
voulons  tenter  de  faire  ressortir  le  mérite  inconnu,  en 
mettant  à  la  disposition  des  auteurs  nos  relations 
commerciales.  A  partir  de  ce  jour,  nous  répondrons 
à  toute  demande  de  renseignements  à  laquelle  sera 
joint  un  timbre-poste.  Nous  prions  nos  correspon- 
dants, pour  simplifier  notre  travail,  de  nous  dire 
clairement  l'édition  qu'ils  désirent,  grand  format 
piano,  avec  ou  sans  gravure  ;  petit  format  guitare, 
avec  ou  sans  gravure.  Indiquer  le  nombre  d'exem- 
plaires pour  le  tirage.  Pour  ceux  qui  désireraient 
être  édités  en  cahiers,  nous  en  commencerons  pro- 
chainement la  publication  sous  le  titre  :  Les  Echos 
de  la  Chanson,  et,  pour  les  œuvres  politiques  :  I^es 
Refrains  du  Peuple. 

Nous  nous  chargeons  également  de  la  publication 
de  volumes  ou  brochures  pour  le  compte  des  auteurs, 
quel  que  soit  le  genre  de  l'œuvre,  après  lecture,  bien 
entendu. 


En  vente  a  notre  librairie,  avec  remise  de  dix 
pour  cent  à  nos  abonnés,  les  volumes  suivants  : 

Eugène  Imbert  :  Ballades  et  Chansons,  1  vol.  2  fr.; 

Les  Hannetons,  chansons  anciennes  et  nouvelles, 
1  beau  vol.  avec  portrait  à  l'eau-forte  par  Foulquier, 
10  exemplaires  seulement  à 5  fr.; 

Chansons  choisies,  élégies  parisiennes,  1  vol.  in-32, 
papier  vergé,  portrait-charge,  à 5  fr.; 

La  Goguette  et  les  Goguettiers,  études  parisiennes, 
avec  six  portraits  de  chansonniers  :  Blondel,  Pesteau, 
Colmance,  Bonnefond,  Durand,  Rabineau,  grand 
in-18 2  fr. 

Tous  ces  volumes  n'ont  été  tirés  qu'à  300  exempl.; 
il  en  reste  peu.de  chaque.  Avis  à  nos  abonnés. 

Alphonse  Leclercq  :  Les  Heures  perd,ues,  poésies 
et  chansons,  1  vol.  in-18 3  fr.  50 

Savinien  Lapointe  :  Mes  Chansons,  1860',  in-32, 
les  derniers  exemplaires 1  fr. 

G.  B.  :  Loisirs  de  conférences,  chansons  imprimées 
à  petit  nombre  pour  quelques  amis,  exemplaires  sur 
papier  de  couleur 1  fr.  50 

Papier  blanc,  rare 1  fr. 

Nous  nous  chargeons  de  compléter  les  collections 
du  Caveau  et  de  la  Lice  Chansonnière.  Le  prix  des 
volumes  varie  suivant  leur  rareté. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANNEE.  —  N«  21. 


1"  JUIN  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  <Sc  le  16  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.    LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sam  Supplément 


IDMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  La  Cavalcade  de  Saùit-Germaùi-en-Laye.  —  La  Paix  (f.  vekgeron).  —  A  la  Jeune  Amérique  (jules  celés).  — 
De  ma  fene'tre  (a.  lerot).  —  Curiosités  de  la  Chanson  :  Le  Rvi  Dagobert  ;  Le  Joyeux  Français  (béranger).  —  Combat  de 
nuit,  paroles  de  G.  de  la  landelle,  musique  de  levelixg,  notes  par  de  fresnoy.  —  Un  acte  de  justice  (l.-henry  lecomte).  — 
3c  Liste  de  souscription  pour  la  statue  de  Béranger.  —  La  Chanson  en  province  (jules  célès).  —  Bibliographie  (l.-henry 
lecomte).  —  Chronique  des  Sociétés  li/riques  (a.  leroy,  vèritas,  a.  tatay).  —  m—.-"-.»  -'  -<•■■ 


■  Nouvelles  et  Annonces, 


VILLE  DE  SAINT-6ERIViAIN-EN-LAYE 


.SOCIETE  DES  FETES  ET  DES  Al'.TS 


OTexid.!     12:2      IVEai       X  ^r7^ 


DE   biei\fabsa]\ce: 

Organisée  par  le  Comité  de  la  Société 

SOUS  LE  PATRONAGE  DE  L'ADMINISTRATION  MUNICIPALE 

Avec  le  concaiirH  des  9°  et  f  f  •  nogiiiicnts  de  <'buHHeur!!i, 
de  lu  Mui^ique  iiiiinicipiilo  et  de  dilférenteM  «^ociétëN  de 
la  ville  et  des  environH. 


LES  CHANTS  l  CHANSONS  POPDLMRES  DE  LA  FRANCE 

COMPOSITION  DU   CORTÈGE  : 


rande 


l.Gendai-merie. 

2.  Peloton  de  Cavale 

tenue. 

3.  Hérauts    d'armes    portant   la 

bannière  de  la  ville,  et  celles 
sur  lesquelles  sont  inscrits  les 
mots  :  Charité,  Bienfaisance. 

4.  Trompettes  en^costume  moyen 

âge. 

5.  Musique  de  Bougival  en   cos- 

tume moyen  âgo. 

6.  Le  Chef  de  la  Cavalcade  suivi 

de  son  porte-fanion, 

7.  Breack  du  Comité 

8.  Char  de  la  Chanson,  attelé  de 

quatre  chevaux. 

9.  Roland    accompagné  de  Sei- 

gneurs et  Gardes. 

10.  Le  Roi  Dagobert. 

11.  Le  Comte  Ory. 

12.  Charmante  Gabrielle. 

13.  Musique   du  11=  régiment   de 

Chasseurs  en  costume  Louis 
XIV. 

14.  Malborough  s'en  va-t-en  guerre 

15.  Convoi  de  M.  Malborough. 

16.  Char  de  Charité.  Ce  char  attelé 

de  quatre  chevaux,  repré- 
sente une  grande  corbeille 
de  fleurs  entourée  d'enfants. 


Dans  les  Gardes-Franc^îi 
peloton  de  gardes  suii 
la  Permission  de  dis  he 

^har  delà  Musique  munie 
attelé  de  quatre  chevai 


Roi   d'Vvetot,   Jeanneton 


et  5 

I.  Fanfan  la  Tulipe. 

.  Marquis  de  Carabas. 

'.  Cadet  Roussel,  ses  fils  et  ses 
filles.    - 

t.  Chant  du  départ. 

.  CommissairesduGouvernem'. 

..  La  Marseillaise,  généraux,  pe- 
loton de  volontaires  de  1793, 
hussards  d'Augereau,  hom- 
mes et  femmes  du  peuple. 

.  Char  de  la  France,  attelé  de 
huit  chevaux. 

.  Musique  de  la  commune  de 
Chambourcy. 

.  La  Mère  Michel. 

.  M.  et  M"«  Denis. 

.  La  Boulangère  a  des  écus. 

.Travestissements  de  genre  et 
de  fantaisie. 

.  Charlatans  et  voitures  diverses 

.  Goum  arabe. 

.  Peloton  de  cavalerie  en  grande 
tenue. 


GRANDE  F/UNTASIA  PAR  LE  GOUM  ARABE 
Et  Défilé  sur  l'Esplanade  du  Château  devant  les  Tribunes 

Les  maisons  seront  pavoisées,  les  rues  ornées  de  mâts  garnis 
de  drapeaux  aux  couleurs  nationales. 
Le  soir,  brillantes  illuminations  et  Bal  de  nuit. 


Les  organisateurs  ont  eu  l'idée  heureuse.  Les 
Citants  et  Chansons  populaii'cs  de  la  France  prêtent 
bien  à  une  fête  de  ce  genre. 

Depuis  Roland  avec  son  cor  d'ivoire  jusqu'à  la 
Mère  Michel,  tous  les  personnages  de  nos  chansons 
populaires  figuraient  dans  le  défilé.  Le  Roi  Dagobert 
chevauchait  auprès  du  comte  Ory.  Malborough,  très 
drôle,  s'en  allait  en  guerre,  à  deux  pas  du  Roi d'Yvetot. 
Fanfan  la  Tulipe  précédait  le  Chant  du  Départ,  et  la 
Marseillaise,  entourée  de  volontaires,  apparaissait 
devant  la  France. 

Debout,  tenant  une  palme  verte,  la  tête  altière 
sous  sa  couronne  murale,  la  jeune  femme  qui  repré- 
sentait la  France  avait  une  belle  allure.  A  ses  pieds 
un  lion  était  couché.  A  sa  droite.  Minerve;  à  sa 
gauche,  la  Justice  en  longs  péplums  blancs.  Puis  des 
allégories  formaient  à  ses  côtés  un  cercle  divers  et 
gracieux  :  le  Commerce  en  Mercure  ;  l'Industrie 
vêtue  à  l'Antique  ;  la  Jeune  République,  rayonnante  ; 
la  Liberté,  les  Arts,  la  Peinture,  la  Musique,  l'Agri- 
culture. 

La  Boulangère  fermait  la  marche,  et  de  cette  foule 
travestie  s'échappaient  des  bouffées  de  gaieté.  Chaque 
chanson  avait  son  représentant,  et  chaque  repré- 
sentant chantait  sa  chanson.  Des  airs  gais  montaient, 
des  refrains  faisaient  rire,  et  d'autres,  héroïques,  les 
couplets  de  la  Révolution,  dominaient  et  mettaient 
une  note  grave  en  cet  ensemble. 

Quatre  musiques,  de  Saint-Germain,  de  Bougival, 
de  Chambourcy,  renforcées  de  celle  du  11''  régiment 
de  chasseurs,  ajoutaient  à  l'animation. 

La  foule  considérable  courait  de  rue  en  rue  pour 
voir  et  revoir.  Sur  la  place,  on  se  glissait  difficilement. 
Les  abords  du  château  étaient  envahis.  Les  marches 
de  l'église  débordaient.  Toute  saillie  était  prise 
d'assaut. 

On  avait  réservé  la  terrasse  aux  membres  du  comité 
et  aux  invités,  au  nombre  de  mille  environ,  et  lorsque 
la  cavalcade  a  passé  devant  eux,  c'a  été  comme  une 
vision  magique  égayant  un  immense  panorama. 

La  fête,  ajoutons-le,  n'a  pas  seulement  été  belle. 
Elle  a  été  aussi  fructueuse.  Et  les  pauvres  en  profi- 
teront largement. 

Nos  sincères  compliments  aux  organisateurs  et  aux 
acteurs  de  cette  belle  et  joyeuse  cavalcade. 

La  Direction. 


18 


LA  CHANSON 


LA  PAIX 


Elle  s'imposera, 
La  paix  large  et  féconde, 
La  paix  pour  tout  le  monde; 

Elle  s'imposera, 

Et  tout  refleurira. 

Ils  ne  sont  plus  ces  temps,  où  le  laurier  stérile 
Ne  fleurissait  qu'aux  fronts  des  guerriers  les  plus  forts, 
Ces  temps  où  l'on  armait  toute  force  virile, 
Où  les  grands  achetaient  un  trône  avec  des  morts. 
Rois,  vous  ne  verrez  plus  ces  luttes  colossales 
Où,  sans  but,  sans  motif,  nos  aînés,  des  héros, 
Sur  un  ordre  de  vous,  victimes  ou  bourreaux, 
Enproclamantvosnoms,succombaientsousles  balles. 

Elle  s'imposera,  etc. 

On  a  compris  enfin,  dans  le  siècle  où  nous  sommes, 
Ce  qu'il  faut  en  vingt  ans  et  de  soins  et  d'amour 
A  de  pauvres  parents  pour  élever  des  hommes 
Qu'un  boulet  meurtrier  vient  détruire  en  un  jour. 
Vos  craintes,  désormais,  ne  seront  qu'éphémères, 
Nos  enfants  n'étant  plus  esclaves  des  méchants. 
Par  leur  amour  filial  et  par  leurs  soins  touchants 
Sauront  vous  épargner  bien  des  pleurs,  pauvres  mères  ! 

Elle  s'imposera,  etc. 

Quand  vos  fils,  vos  soutiens,  de  leurs  chairs  pantelantes. 
Jonchaient  un  sol  aride,  en  de  lointains  climats, 
Vous,  qu'on  vit,  bons  vieillards  aux  jambes  chancelantes, 
Demander  en  pleurant  un  guide  pour  vos  pas. 
L'avenir  vous  sourit,  plus  d'heures  de  tristesse, 
Les  maux  par  vous  soufferts  seront  sans  lendemain. 
Et  ces  bras  bien-aimés  à  vos  débiles  mains, 
Serviront  pour  toujours  de  bâtons  de  vieillesse. 

Elle  s'imposera,  etc. 

Les  prés  vont  reverdir,  hâtez- vous,  jeunes  flllea. 
Déjà,  j'entends,  là-bas,  chanter  les  violons, 
Courez,  assemblez-vous  et  formez  des  quadrilles, 
Le  chevalier  printemps  vous  appelle  aux  vallons. 
Celui  dont  le  doux  nom  fleurissait  vos  pensées 
N'ira  plus,  fer  en  main,  combattre  l'étranger. 
Le  laurier  fera  place  au  bouquet  d'oi'anger. 
Aimez,  livrez  vos  cœurs,  ô  chastes  fiancées. 

Elle  s'imposera,  etc. 

Sous  l'are-en-ciel  béni  du  drapeau  tricolore, 
Symbole  universel  de  la  Fraternité, 
Nous  verrons  se  lever,  radieuse,  l'aurore 
Des  grands  destins  prédits  à  notre  humanité. 
Ayons  la  foi  ;  croyons  au  soleil  qui  se  lève. 
Au  soleil  éclairant  tout  chemin  ténébreux; 
Sachons  nous  préparer  à  ces  jours  plus  heureux 
Où  la  plume  et  l'outil  remplaceront  le  glaive. 

Elle  s'imposera, 
La  paix  large  et  féconde, 
La  paix,  pour  tout  le  monde  ; 

Elle  s'imposera. 

Et  tout  refleurira. 

F.  VERGERON. 


A  iron  ami  E.  Bouchet. 

A  LA  JEINE  AMÉRIQUE 

Derrière  l'Occident  où  pour  nous  tout  s'achève, 
Où  notre  œil  ne  voit  plus  que  ténèbres  géants. 
S'étend  un  sol  fertile  et  si  rempli  de  sève 
Que  pour  le  contenir  Dieu  mit  deux  océans. 
C'est  l'Amérique,  ô  France  ;  elle  dont  le  cœur  vibre 

A  chacun  des  pas  que  tu  fais  ; 
Le  sol  où  son  pied  fort  se  sent  fier  d'être  libre 

Fut  arrosé  de  sang  français  ! 

Saluons,  saluons  la  superbe  Amérique, 

Cette  reine  des  nations, 
Et  fasse  Dieu  que  notre  République 
(Comme  sa  sœur,  la  puissante  Amérique) 
Soit  sauvée  à  jamais  des  révolutions! 

Mais  si  tes  fils,  ô  France,  ont  payé  de  leur  vie 

La  sainte  liberté  de  ta  sœur  d'outre-mer, 

La  terre  que  leur  sang  en  ce  jour  a  rougie 

N'a  jamais  fécondé  pour  eux  le  fruit  amer. 

Et  plus  tard  ceux  des  tiens  que  nos  haines  civiles 

Faisaient  déserter  la  cité 
Chez  elle  ont  pu  trouver,  sans  tendre  de  sébiles. 

Du  pain  blanc  et  la  liberté. 
Saluons,  etc. 

Le  peuple  américain  est  un  peuple  de  sages 
Qui  pratique  avec  fruit  toutes  les  libertés, 
Il  aime  le  travail  et,  —  n'était  ses  usages,  — 
Avec  lui  nous  aurions  bien  des  affinités. 
Nous  avons  comme  lui  la  foi  républicaine, 

Et  l'amour  sacré  de  nos  droits. 
Et,  de  même  que  lui,  nous  n'avons  plus  de  haine. 

Puisque  nous  n'avons  plus  de  rois  ! 

Saluons,  saluons  la  superbe  Amérique, 

Cette  reine  des  nations. 
Et  fasse  Dieu  que  notre  République 
(Comme  sa  sœur,  la  puissante  Amérique) 
Soit  sauvée  à  jamais  d-es  révolutions  ! 

Jdles  CÉLÈS. 


DE    MA    FENETRE 


Musique  de  T.  Bernardet  (*) 

Près  du  ciel  avec  les  oiseaux». 
J'habite  une  simple  chambrette  ; 
Lorsque  j'entr'ouvre  mes  rideaux, 
Le  gai  soleil  me  fait  risette. 
Pour  vis-à-vis  j'eus  deux  grands  yeux 
Que  je  vis  souvent  apparaître. 
Et  dont  je  devins  amoureux 
De  ma  fenêtre. 

J'admirais,  quand  venait  l'été. 
Les  fleurs,  les  plantes,  la  verdure, 
Formant  un  cadre  à  sa  beauté 
Qui  souriait  à  la  nature. 
Hélas!  l'hiver  trop  tôt  venait. 
Et  faisait  alors  disparaître 
Les  fleurs,  le  cadre  et  le  portrait 
De  la  fenêtre  ! 

(*)  La  musique  se  trouve  chez  Mesnel,  éditeur,  36,  rue  de 
Lancry. 


LA  CHANSON 


19 


Aussi,  Cupidon,  fin  matois, 
Dédaignant  d'enfoncer  ma  porte, 
Passa-t-il  par  dessus  les  toits  ; 
Est-ce  ainsi  qu'un  dieu  se  comporte. 
Il  entra  chez  moi  sans  détour  ; 
J'aurais  voulu  punir  ce  traître  ; 
Mais  on  ne  peut  jeter  l'amour 
Par  la  fenêtre  ! 

Ange  adorable  ou  bien  démon, 
J'enrageais  de  la  voir  si  belle; 
J'aurais  voulu  que  la  maison 
S'écroulant  me  rapprochât  d'elle. 
Aussitôt  qu'elle  apparaissait. 
Un  frisson  parcourait  mon  être, 
Et  mon  pauvre  cœur  s'envolait 
Par  la  fenêtre  ! 

Ah  qu'ils  étaient  doux  ces  instants 
Oii,  plongé  dans  la  rêverie, 
Je  contemplais  ses  traits  charmants, 
Où  j'écoutais  sa  voix  chérie. 
Et  lorsqu'un  signe  de  sa  main, 
Dans  mon  cœur,  l'espoir  faisait  naître. 
Tous  mes  baisers  prenaient  le  train 
Par  la  fenêtre  ! 

Un  jour,  s'enfuit  la  blonde  enfant. 
En  laissant  sa  cage  déserte, 
Et  de  mon  caprice  innocent 
Je  garde  au  cœur  la  plaie  ouverte. 
Depuis,  je  pleure  en  mon  réduit, 
Murmurant  :  l'amour  est  un  traître. 
Fermez  la  porte,  il  s'introduit 
Par  la  fenêtre  ! 

A.  LEROY. 


CURIOSITÉS  DE   LA  CHANSON 


CHANSON 

Copiée  sur  un  manuscrit  du  X™e  siècle,  déposé 

à  la  Bibliothèque  nationale  (*) 

Le  bon  roi  Dagobert 
Mettoit  sa  culotte  à  l'envers  ; 
Le  grand  Saint  Eloi 
Lui  dit  :  0  mon  roi. 
Vous  êtes  en  vérité 
Par  trop  mal  culotté  : 
Eh  bien,  lui  dit  le  roi. 
Je  vais  la  remettre  à  l'endroit. 

Il  avoit  un  chapeau 
Qui  le  coëflfoit  comme  un  taureau  ; 
Le  grand  Saint  Eloi 
Lui  dit  :  0  mon  roi, 
Une  corne  au  milieu 
'  ■       Vous  iroit  beaucoup  mieux  : 

■    Eh  bien,  lui  dit  le  roi. 
Je  veux  bien  qu'on  m'en  mette  trois. 


(•)  C'est  la  première  version  de  cette  chanson  populaire, 
que  le  temps  a  singulièrement  développée,  car  elle  ne  compte 
pas  aujourd'hui  moins  de  vingt-quatre  couplets. 


Il  avoit  pour  les  vers 
Le  goîit  et  l'esprit  de  travers  ; 
Le  grand  Saint  Eloi 
Lui  dit  :  0  mon  roi. 
Laissez  aux  oisons 
Faire  des  chansons  : 
Eh  bien,  lui  dit  le  roi, 
C'est  vous  qui  les  ferez  pour  moi. 

Souvent  avec  ses  chiens 
Il  avoit  de  longs  entretiens  ; 
Le  grand  Saint  Eloi 
Lui  dit  :  0  mon  roi. 
Tous  ces  longs  entretiens 
Sont  des  discours  de  chiens  : 
Eh  bien,  lui  dit  le  roi. 
Je  vais  les  remplacer  par  toi. 

Son  grand  fauteuil  de  fer, 
D'une  sangle  étoit  recouvert  ; 
Le  grand  Saint  Eloi 
Lui  dit  :  O  mon  roi. 
Tous  les  meubles  des  grands 
Devroient  être  en  argent  : 
Ah  !  ah  !  lui  dit  le  roi. 
Vous  êtes  orfèvre,  je  le  vois. 

Il  avoit  à  Paris 
Fondu  tout  l'or  de  Saint-Denis  ; 
Le  grand  Saint  Eloi 
Lui  dit  :  0  mon  roi, 
Vous  irez  en  enfer. 
Cela  me  paroît  clair  : 
Eh  bien,  lui  dit  le  roi. 
Il  faut  bien  être  en  quelque  endroit. 

LE    JOYEUX    FRANÇAIS 

Air  :  Frère  Jean  à  la  cuisine. 

Que  les  grelots  et  le  masque 
Fixent  le  Plaisir  chez  nous  I 
Ce  dieu,  puisqu'il  est  fantasque, 
Doit  se  plaire  chez  les  fous. 

Point  d'accès 

Aux  excès 
Enfantés  par  l'art  de  nuire  : 
Il  n'est  qu'un  joyeux  délire 
Qui  puisse  plaire  aux  Français. 

Des  Grecs,  charmants  fabulistes, 
Quand  on  détrôna  les  dieux, 
Momus  aux  évangélistes 
Céda  son  rang  dans  les  cieux  ; 

Puis  après, 

Sans  regrets. 
Narguant  la  loi  qui  l'exile, 
Sur  terre  il  cherche  un  asile, 
Qu'il  trouve  chez  les  Français. 

Rions  de  qui  veut  proscrire 
Ce  dieu  qui  rit  plus  que  tous  ; 
Rions  de  tel  qui  déchire 
Et  croit  rire  comme  nous. 
Rions,  mais 
Désormais 
Ne  rions  qu'en  faisant  rire. 
Et  qu'on  juge,  au  plus  gros  rire, 
Quel  est  le  meilleur  Français  ! 
(1804)  BÉRANGER. 


20 


LA  CHANSON 


COMBAT      DE      NUIT 

Entre  les  deux  cotres  de  22  canons  le Rouhan  Soîibise,  commandé  par  Piene  Vanstabel,  et  le  corsaire  anglais  l'Amiral  Rodney 

—  1780  — 


(^rfr7 


^m 


IJ-    J    ■>  IJ^^ 


grande 


Paroles  inédite 


G.  DE  LA  UNDELLE 


Flam-bnyail    en      bleu.        Je       vois      on      sil-la.çe!     Si    . 


.  lonoc'    !kiuI    cl      bas!        Sans      bruil    l'é-qui-   pa    -    ge  a 
fj\ ■  ff  ^ 

fail       bran  -le  -bas.  Nuit  noi       -        re,  nuit 

D'un    -    Kerque    a       son 
Fran  -    ce    pour       la        gloi    -    re 


Musique  inédite 

de 

LEVELING 


De  ton       pa 


vil     .      Ion.. 


Nous  faisions  la  course 
Avec  Vanstabel, 
Lune  ni  grande  ourse 
N'éclairaient  le  ciel  ; 
La  mer,  en  revanche, 
Paraissait  de  feu  ; 
Son  écume  blanche 
Flamboyait  en  bleu. 

—  «  Je  vois  un  sillage  ! 

—  0  Silence,  haut  et  bas  ! 
Sans  bruit  l'équipage 

A  fait  branlebas. 

Nuit  noire  ! 
Dunkerque  a  son  carillon, 
France,  pour  la  gloire 
De  ton  pavillon  ! 

—  a  Pas  de  canonnade 
Sans  commandement!...  « 

—  On  sait,  camarade, 
Choisir  son  moment. 
Mais  quel  est  cet  autre 
Au  brillant  remous? 
On  dirait  un  cotre 
Tout  pareil  à  nous  !  » 

—  a  Pour  se  reconnaître 
Des  fanaux  en  l'air!...  » 
Sans  couleurs,  le  traître 
Ouvre  un  feu  d'enfer  ! 

Nuit  noire,  etc. 


—  ti  II  perdra  sa  peine. 
Nous  l'approchons  bien  !  » 

—  (c  Mais  le  capitaine 
Ne  commande  rien  ! 
L'anglais  nous  mitraille, 
Et  nous  nous  taisons! 

A  quand  la  bataille  ?..  » 

—  «  Regardez,  garçons; 
En  pleine  lumière 

Et  la  gorge  en  sang, 
Vanstabel,  derrière. 
Muet,  sur  son  banc  !  » 

Nuit  noire,  etc. 

Il  se  change  en  cible 
Pour  parler  des  doigts  ; 
Quel  combat  terrible 
Ce  combat  sans  voix  ! 
Ses  yeux  en  colère 
Nous  commandent  :  Feu  ! 
A  la  fin,  tonnerre  ! 
Nous  entrons  au  jeu. 

—  a  On  te  voit!  Sois  calme! 
Nous  le  vengerons  ; 

A  tes  vieux  la  palme  ! 
Nous  le  coulerons  ! 

Nuit  noire,  etc. 

—  «  Qu'il  se  rende  ou  meure  ! 
Vive  Vanstabel!..  » 


Puis,  en  moins  d'une  heure, 
Le  combat  fut  tel 
Que  notre  superbe 
Grêle  de  boulets 
Comme  mauvaise  herbe 
Faucha  les  Anglais. 
Leur  barque  insolente 
Sombra  sous  leur  poids. 
Et  de  cent  cinquante 
On  en  sauva  trois  ! 

Nuit  noire,  etc. 

Dunkerque  vit  naître 
Pierre  Vanstabel 
Survivant  pour  être 
Sauveur  immortel. 
Sous  la  Répid)lique, 
Quatorze  ans  plus  tard, 
Pilote  héroïque 
Imitant  Jean  Bart, 
Par  son  énergie 
Il  donna  du  pain 
A  notre  patrie 
Qui  mourait  de  faim. 

L'histoii-e 
Se  trace  un  même  sillon 
France,  pour  la  gloire 
De  ton  pavillon  ! 


LA  CHANSON 


21 


A  part  quelques  romances  ou  chansons  dont  la  musique 
fut  faite  par  Etienne  Arnaud,  Allyre  Bureau  ou  Hippolyfe 
Vannier,  l'auteur  de  la  chanson  ci-contre,  Gabriel  de  La 
Landelle,  ancien  officier  de  marine  nommé  lieutenant  de 
vaisseau  durant  le  siège  de  Paris,  n'a  "uère  traité  comme 
chansonnier  que  des  sujets  maritimes.  La  plus  ancienne  de 
ses  chansons,  qui  fut  populaire  dans  nos  ports,  est  le  Gabier 
de  misaine,  parodie  des  Laveuses  du  Couvent. 

Ah  ça!  beau  gabier  de  misaine. 

Avec  ta  chemise  de  laine 

Et  ton  chapeau  noir  bien  ciré, 

Où  vas-tu  les  mains  dans  les  poches? 

Tu  t'en  vas  faire  tes  bamboches; 

Par  toi  tout  sera  chaviré. 

Gare  !  Gare  I 
Ne  te  frotte  pas  à  la  garde, 
Aux  ijendarmes  surtout  prends  garde, 

Joli  gabier 

Vaillant  et  léger  ! 

La  suite  est  au  recueil  publié  à  la  librairie  Dentu,  le 
Gaillard  d'avant,  chansons  maritimes,  qui  a  ou  plusieurs 
éditions  et  où  nous  remarquons,  dans  la  chanson  Jean  Bart, 
les  trois  couplets  suivants  qui  correspondent  bien  au  dernier 
du  Combat  de  nuit. 

La  France  n'ayant  plus  de  pain, 
Etait  quasi  morte  de  faim  ; 
Pour  elle  c'est  le  cas  de  moudre  ! 
Les  Hollandais  avaient  rallé 
Le  grand  convoi  chargé  de  blé. 
Sur  eux  va  tomber  la  foudre 
.\vec  Jean  liart. 

A  bord,  tant  qu'on  fera  le  ([uart, 

A  la  belle  étoile 

Torchant  de  la  toik% 
A  bord,  tant  qu'on  fera  le  quaii, 
On  chantera  Jean  Bart. 

Gare  dessous!  le  vingt-neuf  juin. 

Sur  les  six  heures  du  matin. 

Attrape  à  commencer  la  danse  ! 

—  o  Bord  contre  bord,  et  main  sur  main, 

A  toute  la  France,  demain 

Nous  donnerons  l'abondance  !  o 

A  dit  Jean  Bart. 
A  bord,  etc.. 

Tenant  tout  ce  qu'il  promettait, 
Comme  un  vieux  brave  qu'il  était. 
Il  met  la  famine  en  déroute  ; 
De  façon  que  les  bons  Français 
Qui  ne  manquaient  plus  de  pain  frais 
Disaient  en  cassant  la  croûte  : 
Vive  Jean  Bart ! 

A  bord,  tant  qu'on  fera  le  quart, 

A  la  belle  étoile 

Torchant  de  la  toile, 
A  bord,  tant  qu'on  fera  le  quart. 
On  chantera  Jean  Bart. 

Chose  remarquable,  c'est  exactement  à  cent  ans  de  dis- 
tance aue  les  deux  marins  dunkerquois  Jean  Bart  et  Pierre 
Vanstabel   ravitaillèrent  la  France  affamée,  —  le  premier 

Îiar  la  reprise  sur  les  Hollandais  du  convoi  de  grains, 
e  29  juin  169-4,  —  le  second  en  faisant  entrer  à  Brest  le 
convoi  d'Amérique  durant  la  nuit  du  12  au  13  juin  1791, 
(24  au  25  prairial,  an  II)  par  le  dangereux  passage  ou  Raz 
de  Sein,  tandis  qu'une  division  anglaise  bloquait  la  passe 
principale  nommée  l'Iroise. 

Dans  une  étude  sur  ce  Pilotage  héroïque,  G.  de  La 
Landelle  a  écrit  : 

a  Les  combats  des  9,  10  et  13  prairial  ne  furent  certes 


pas  inutiles;  celui  du  10  et  les  routes  prises  par  l'armée 
navale  de  Villaret-Joyeuse  cou\Tent  très-bien  Vanstabel.  Ceci 
n'est  pas  contestable.  Toutefois,  si  le  grand  convoi  de  la 
Virginie  arrive  à  bon  port,  ce  n'est  point  parce  qu'à  la  suite 
du  13  prairial,  le  vieil  amiral  anglais  Howe  a  dû  laisser  le 
champ  libre,  en  se  retirant  avec  ses  pertes  et  ses  cruels 
profits  ;  mais  bien  parce  que,  tandis  que  la  division  Montagu 
bloque  l'Iroise,  Vanstabel  avec  ses  cent  quarante  voiles, 
dont  trois  vaisseaux  de  haut  bord,  l'un  coulant  bas,  les  deux 
autres  au  dépoun-u  de  personnel  par  suite  de  l'épidémie, 
ose  s'engager  dans  ce  dangereux  Raz  de  Sein  où  les  moindres 
barques  du  pays  ne  se  risquent  guère  sans  que  le  patron 
s'écrie  : 

a  —  Mon  Dieu,  protégez-moi  pour  passer  le  Raz,  car  mon 
navire  est  petit,  et  la  mer  est  grande!  » 

0  Vanstabel  aurait  pu  s'écrier  au  contraire  : 

a  —  Le  passage  est  si  petit,  et  mon  convoi  est  si  grand  ! 
mes  vaisseaux  sont  si  nombreux,  si  pressés,  si  gros  !  et 
plusieurs  gouvernent  si  mal  pour  franchir  ce  chenal  étroit 
Dordé  d'écueils  si  menaçants  !  » 

Villaret-Joyeuse,  revenu,  le  23  au  malin,  de  la  bataille  du 
13  prairial,  à  bord  de  son  vaisseau  La  Montagne  criblé  de 
boulets  et  avec  dix-huit  autres  vaisseaux,  est,  depuis  deux 
jours,  dans  une  inquiétude  profonde  au  mouillage  avancé  de 
Bertheaume.  Tout  à  coup,  ô  bonheur!  le  23  prairial  au  point 
du  jour,  il  reconnaît  avec  transport  le  convoi  di-  Vanstabel. 

Tous  les  efforts  de  l'ennemi  sont  déjoués;  voici  du  pain! 

Durant  ses  traversées  de  Brest  à  l'embouchure  de  la 
Chesapeack,  en  Virginie,  et  de  Virginie  en  France,  Vanstabel, 
pour  couvrir  sa  marche,  ne  fit  pas  moins  de  trente-neuf 
prises,  dont  la  eorvcKe  anglaise  le  Scorpifln  en  route  pour 
rapporter  en  .Vngleterre  les  drapeaux  français  enlevés  aux 
forts  et  à  la  garnison  de  Pondichéry.  Vanstaljcl  eut  l'honneur 
de  remettre  ces  trophées  au  Comité  de  salut  public.  La 
Convention  décréta  qu'il  avait  bien  mérité  de  la  patrie. 

Après  d'autres  mémorables  services,  Pierre  Vanstabel,  à 
peine  âgé  de  cinquante-trois  ans,  mourut  à  Dunkerque  le 
30  mars  1797. 

Sous  sommes  heureux  de  livrer  les  premiers  à  la  publicité 
la  chanson  que  iMM.  G.  de  La  Landelle  et  Leveling  viennent 
de  consacrer  à  un  Irait  de  la  vie  de  ce  héros  trop  peu  connu. 

DE  FRESNOV. 


UN  ACTE  DE   JUSTICE 


Le  gouvernement  républicain,  rompant  en  visière 
avec  un  absurde  préjugé,  va,  dit-on,  reconnaître  aux 
artistes  dramatiques  des  droits  à  la  Légion  d'honneur, 
égaux  à  ceux  de  tous  les  autres  citoyens.  On  cite 
déjà  les  nomiS  des  premiers  bénéflciaires  de  cette 
démocratique  mesure.  L'idée  est  juste  et  restera 
bonne  si  Ton  sait  éviter  l'abus.  Bien  débuter  surtout 
est  essentiel.  Un  nom  s'impose  tout  d'abord  à  la 
sollicitude  du  ministre  des  beaux-arts,  celui  d'un 
artiste  de  très-haut  mérite,  et  chez  qui,  chose  rare, 
le  caractère  est  au  niveau  du  talent  :  Bouffe. 

C'est  à  Bouffé  que  la  République  doit  le  premier 
ruban  d'honneur.  Il  le  mérite  par  d'immenses  services 
rendus  à  l'art  dramatique  et  par  la  dignité  de  sa  vie 
privée  :  or,  sous  le  loj'al  régime  qui  court,  mériter 
c'est  obtenir. 

Recevez  dès  aujourd'hui  mes  sincères  félicitations, 
illustre  et  cher  Bouffé.  Vous  rappelez-vous  que  je 
Fai  demandée  pour  vous,  il  y  a  douze  ans,  cette  croix 
que  vous  allez  obtenir?  —  La  justice  est  parfois  de 
ce  monde. 

L. -Henry  LECOMTE. 


22 


LA  CHANSON 


SOUSCRIPTION 

Pour   élever  une  Statue  à  Béranger 
3nie  Liste 

MM.  Adrien  Souchet,  artiste  lyrique 2  » 

Rocli  Girod,  correspondant  du  journal  he 

Mont-Blanc 2  » 

Société  des  Enfants  du  Marais  (!'=''  versement).  18  j> 

Société  lyrique  l'Espérance  k(jvene\le,l'^(iaèle.  2  50 

JIme  veuve  Muffat-J  oly »  50 

M.  L.  Fauvel,  à  Monligny  (Haute-Saône) 5  » 

1er  envoi  de  M.  Evariste  Carrance,  directeur 
de  La  Renie  Française,  à  Agen  : 

MM.liébot '. i  » 

Evariste  Carrance 5  » 

Cavallo 5  » 

M""<=  P.  de  lierticr 5  » 

MM.  Aimé  lleinhard 3  » 

Brossette 2  » 

Paul  Bonnefoy 2  i 

Victor  Madeleine 6  n 

1er  envoi  de  M.  J.-F.  Gonon,  chansonnier  : 

MM.  J.-F.  Gonon 1  50 

Rozier  Marcellin »  50 

Dutreuil  Jacques »  50 

Lafay  Jacques »  50 

Joseph  Maissiat «  50 

Bichon  Jean 1  » 

Adolphe  Pailloux »  50 

V.  Meunier »  50 

J.  Jullia »  50 

Deygas  Adrien 1  i> 

FayoUe j.  50 

Mmes  Kaisser 1  » 

Moreau 1  » 

Jjlles  Rosine  Moreau 1  » 

Thérèse  Moreau 1  » 

MM.  Emile  Moreau \  » 

Dubost 1  » 

Léon  Fayet s  50 

Anthelme  Desvignes »  50 

Rémy  Pramayon »  50 

M.  et  Mme  Coste 2  » 

MM.  Glaudius  Bonnet »  50 

Alfred  Bonnet »  50 

Société  lyrique  l'Amitié 30  65 

Produit  de  2  quêtes  faites  au  théâtre  des  Intimes- 

Malakoff  (Joseph  Lavergne,  directeur) 50  50 

M.  Tallois 20  » 

Société  lyrique  des  Familles 50  » 

228  15 

Listes  précédentes 2.312  25 

Total 2.540  iO 


LA  CHANSON  EN  PROVINCE 


LYON.  —  Parmi  les  nombreuses  sociétés  chan- 
tantes qui  existent  à  Lyon,  notamment  dans  les 
quartiers  ouvriers,  il  en  est  une  que  je  veux  faire 
connaître  à  nos  lecteurs  goguettiers,  car  son  organi- 
sation diffère  essentiellement  de  toutes  les  autres 
sociétés  du  même  genre,  aussi  bien  celles  de  Paris 
que  celles  de  Lyon.  Elle  a  pour  titre  :  Les  Amis  de 
la  Chanson;  son  but?  son  titre  l'indique,  et  c'est  là 
plus  ancienne  goguette  de  la  ville.  Son  siège  est  à 
la  Croix-Rousse,  au  restaurant  Aubert,  dans  la  rue 
des  Ecoles.  Les  réunions  sont  entièrement  privées  ; 
elles  ont  lieu  le  troisième  samedi  de  chaque  mois  et 


les  hommes  seuls  y  sont  admis.  Chaque  sociétaire  a 
une  carte  parmanente  pour  ses  entrées  ;  quelques 
jours  avant  les  réunions  les  secrétaires  font  distribuer 
200  lettres  d'invitation  aux  amis  et  connaissances 
et,  chose  à  constater,  le  nombre  des  fervents  dépasse 
toujours  la  quantité  de  places  disponibles.  Mais  aussi, 
il  faut  bien  le  dire,  la  société  a  pour  amis  tous  les 
meilleurs  chanteurs  amateurs  de  la  ville  et  elle 
compte  parmi  ses  membres,  outre  une  variété  de 
chanteurs  très-estimés,  des  artistes  populaires  comme 
MM.  Andrieux,  Bouchard,  Claude  Gauthier,  Lumière 
et  Stéphane.  (L'Opéra  de  Paris  ne  tardera  pas  à 
nous  enlever  ce  dernier,  et  ce  sera  une  grande  peine 
pour  nous.) 

Parmi  les  nouveautés  du  crû  qui  se  sont  chantées 
cet  hiver  avec  succès,  je  citerai  : 

Fraternité,  paroles  et  musique  de  Claude  Gauthier, 
chanson  chantée  par  l'auteur. 

La  Maîtresse  du  Forgeron ,  paroles  de  Joanny 
Peigneaux,  chanson  chantée  par  Guillermin. 

La  Consolante,  chanson  locale,  paroles  de  F.  Ri- 
voire,  musique  de  Chignard.  Cette  chanson,  chantée 
avec  beaucoup  de  finesse  et  d'entrain  par  notre 
sympathique  ami  Lumière,  est  le  plus  grand  succès  de 
la  saison.  Succès  de  paroles,  de  musique  et  de  diction. 

Buvons  à  la  chanson!  chanson  chantée  par  Andrieux; 
paroles  de  votre  serviteur,  musique  de  Louis  Caloin. 

Chez  les  Amis  de  la  Chanson  le  chant  est  dirigé 
par  un  président  et  deux  assesseurs  et  le  piano  est 
tenu  par  M.  Louis  Caloin,  l'auteur  inspiré  de  Beau 
ciel  bleu,  cette  valse  à  la  mode  dans  tous  les  salons 
lyonnais. 

Jules  CÉLÈS. 


BIBLIOGRAPHIE 


Lettre  à  M.  Alexandre  Dumas  fils,  par  Albert 
Darnelle  (Paris,  librairie  A.  Patay,  1879  ("*). 

La  gloire  de  M.  Dumas  fils  est  incontestable,  mais 
le  talent  de  ce  Dauphin  littéraire  est  depuis  longtemps 
discuté.  M.  Darnelle  apporte  aujourd'hui  son  contin- 
gent de  critiques  sincères  aux  juges  indécis. 

M.  Darnelle  est  jeune,  épris  de  la  haute  littérature 
et  de  la  morale  vraie.  Evidemment  l'œuvre  de 
M.  Dumas  fils  ne  saurait  le  satisfaire.  11  fait  donc 
franchement  le  procès  à  l'écrivain  trop  fêté  qu'il 
affirme  (;  plus  sceptique  que  dévoué,  plus  railleur  que 
chrétien,  plus  bateleur  que  prédicateur,  »  et  la 
démonstration  de  cette  triple  infériorité  est  faite  avec 
une  vigueur,  une  lucidité  triomphantes. 

Peut-être  M.  Darnelle,  après  ai^oir  sévèrement 
jugé  les  comédies  récentes  de  M.  Dumas  fils,  montre- 
t-il  trop  d'indulgence  pour  sa  pièce  de  début,  la 
Dame  aux  Camélias,  qui  n'est  au  fond  qu'une  oeuvre 
habile,  mais  profondément  immorale.  Cette  réserve 
faite,  on  ne  peut  qu'applaudir  à  l'acte  de  virilité  il e 
M.  Darnelle.  La  manière  dont  le  critique  dit  son  fait 
au  Dumas  politicien,  prétentieux,  insulteur,  parfaite- 
ment nul  et  révoltant,  mérite  surtout  les  remercî- 
ments  de  tous  ceux  qui  ont  souci  de  la  dignité  des 
lettres. 

, ,  Nous  souhaitons  sincèrement ,  à  la   brochure  de 
M.  Albert  Darnelle  le  grand  succès  qu'elle  mérite. 
L. -Henry  LECOMTE. 

(')  Envoi  franco  contre  1  fr.  en  timbres-poste. 


LA   CHANSON 


23 


CHRONIQUE  DES  SOCIETES  LYRIQUES 


Cercle  Intime,  président  Garnot,  soirée  du  12  mai.  — 
Immense  succès  avec  la  collaboration  de  VUnion 
Artistique!... 

Plusieurs  sociétés  nous  annoncent  leur  fermeture 
pendant  les  grandes  chaleurs.  Nous  restreindrons 
donc  le  cadre  de  nos  chroniques  habituelles  jusqu'à 
l'entrée  de  l'hiver.  — A  ce  propos,  j'ai,  dans  plusieurs 
numéros  consécutifs,  demandé  aux  présidents  qu'ils 
aient  l'obligeance  de  m'envoyer  des  notes  relatives 
à  leurs  sociétés,  afin  d'en  faire  l'historique!... 
J'attends  toujours!...  Nous  faudra-t-il supprimer  la 
rubrique  Paris  qui  chante?...  sous  laquelle  on  a  déjà 
lu  l'histoire  des  Epicuriens  et  celle  des  Enfants 
d'Apo/lnnl  Un  peu  de  complaisance,  Messieurs  les 
présidents,  s'il  vous  plaît! 

C'estle  printemps,  les  fouilles  poussent.  Z,'6'^yl/?(?i)Me 
vient  de  paraître  :  c'est  l'organe  spécial  de  L'Union 
Artistique.  Cette  nouvelle  feuille  a  pour  devise  : 
Semper  majores  spectat.  L'abonnement  (bonne  précau- 
tion) est  rigoureusement  payable  d'avance.  J'y  trouve 
de  la  prose  et  un  sonnet  signé  Néol,  des  articles  de 
fonds  en  combles,  sous  les  rubriques  Chers  Lecteurs 
et  Amis!  L'Argot  des  Coulisses!  A  mes  Camarades! 
Broquilles!  Voyez  par  ci.  Voyez  par  là!  Revue  Auto- 
graphe! Promenade  dans  les  Combles!  etc..  De  la 
réclame!...  et  même  de  l'esprit!...  tout  ça  sous  les 
signatures  de  Paulin,  Denneville,  Moulagauffi-e,  etc.. 
Bonne  chance  à  notre  confrère  en  J.-C!  Dans  notre 
prochain  numéro  nous  espérons  pouvoir  donner 
l'histoire  de  cette  société. 

A.  LEROY. 

Le  cercle  de  l'Union  Républicaine  du  vingtième 
an'ondissement,- qui  a  son  siège  29,  rue  des  Cendriers, 
donnait  le  15  mai,  au  profit  de  sa  bibliothèque,  une 
soirée  littéraire  et  musicale  à  laquelle  il  avait  bien 
voulu  nous  convier.  Ce  cercle  est  dû  à  l'initiative  de 
quelques  citoyens  du  quartier;  il  y  a  là  un  exemple 
que  nous  voudrions  voir  suivi  dans  tous  les  arron- 
dissements. 

La  salle,  qui  peut  contenir  six  cents  personnes, 
était  comble.  La  soirée  a  été  des  plus  intéressantes; 
nous  nous  sentions  heureux  de  voir  cette  foule 
applaudir  les  admirables  vers  des  Cliâtiments  et  de 
la  Légende  des  Siècles. 

A  notre  grand  regret,  nous  ne  pouvons  citer  tous 
les  artistes  ou  amateurs  qui  sont  venus  se  faire 
entendre;  nous  signalerons  seulement  M.  Lemaire 
qui  a  fait  preuve,  comme  comique,  d'un  talent  réel; 
M.  Lévy,  l'interprète  de  Victor  Hugo. 

Le  programme  annonçait  :  Dans  l'exil,  comédie 
en  un  acte,  de  M.  Jules  André,  le  poète  énergique 
qui  a  récemment  publié  la  Corde  de  fer,  livre  ou 
l'élévation  du  style  rivalise  avec  l'ampleur  de  l'idée 
et  la  noblesse  des  sentiments  ;  pour  des  raisons  que 
nous  ne  connaissons  pas,  cette  pièce  n'a  pas  été  jouée, 
nous  le  regrettons  vivement;  nous  sommes  convaincu 
que  cela  nous  eût  été  une  occasion  d'applaudir  une 
fois  encore  au  talent  si  vigoureux  de  M.  Jules  André. 
VERITAS. 

Za  Lyre  rf'0?'/)Ae>,  sous  la  présidence  de  M.  J.  Daubé, 
a  donné,  le  samedi  10  mai,  au  Café  du  Globe.  8,  bou- 
levard de  Strasbourg,  une  grande  soirée  à  laquelle 
ont  pris  part  un  certain  nombre  de  chanteurs  et 
chanteuses  de  diverses  sociétés.  La  soirée  a  été  des 


plus  attrayantes,  nous  a-t-on  dit;  nous  avons  reçu 
l'invitation  trop  tard.  Nous  prions  les  présidents  de 
nous  faire  parvenir  les  lettres  d'invitation  plusieurs 
jours  à  l'avance. 

Le  lundi  19  mai,  les  sociétés  réunies  l'Union 
Parisienne  et  la  Réunion  des  Familles  donnaient, 
dans  la  belle  salle  de  l'Ermitage,  29,  rue  de  Jussieu, 
un  drame  en  un  acte,  le  Doigt  de  Dieu,  bien  inter- 
prété par  MM.  Desfossez  père  et  fils,  Gouget,  Mazot, 
Lesturgie  et  Charles.  M.  et  M""  Léo  et  les  chanteurs 
et  chanteuses  habituels  ont  complété  la  soirée. 

Le  lundi  2  juin,  grande  soirée  au  bénéfice  d'un 
sociétaire  malade. 

Le  24  mai,  la  société  Union  et  Gaîté  (M.  Guilhot, 
président)  a  donné  une  grande  soirée  dont  nous 
rendrons  compte 

La  soirée  donnée  le  dimanche  25  mai  par  la  société 
des  Familles  (M.  Badou,  président),  au  profit  de  la 
souscription  Béranger,  a  produit  50  francs.  Outre  les 
chanteurs  assidus  à  cette  société.  M"""  Camille, 
Oranger  et  Victoria  ont  bien  voulu  prêter  leur 
gracieux  concours. 

Notre  ami  J.-B.  CoUîgnon,  compositeur  et  chan- 
teur, MM.  Jomain,  Emile  Henri,  Léon.  Vast,  Henrius 
et  un  récitateur  dont  le  nom  nous  échappe,  ont  eu 
des  succès  mérités.  MM.  Emile  Henri  et  Léon 
avaient  appris,  pour  cette  soirée,  du  Béranger;  le 
premier,  l  Adieu  que  nous  avons  publié  dans  notre 
n°  18;  le  second,  les  Hirondelles.  La  soirée  s'est 
terminée  par  le  couronnement  de  Béranger  et  par 
les  belles  stances  de  M.  Armand  Silvestre,  dites  par 
M.  Emile  Henri,  sociétaire.  Nos  remercîments  à 
tous,  sans  oublier  M.  Marins  Fontaine,  l'habile 
accompagnateur  de  la  société. 

Répondant  à  l'appel  de  notre  journal  aux  Sociétés 
lyriques,  les  Joyeux  Amis  donneront,  le  mardis  juin, 
une  grande  soirée  extraordinaire  au  profit  de  la 
Statue  de  Béranger.  avec  le  concours  d'artistes  des 
concerts  de  Paris  et  des  Sociétés  lyriques,  dans  la 
salle  du  Concert  du  XIX"  siècle,  61,  rue  du  Château- 
d'Eau.  Nous  prions  nos  abonnés  et  lecteurs  de  vouloir 
bien  assiter  à  cette  soirée.  Les  bureaux  ouvriront 
à  7  heures  1/2. 

La  Fauvette  Parisienne  (M..  A..  Thouzery  président) 
donne  aujourd'hui  l"  juin  sa  dernière  soirée  de  la 
saison,  dans  les  salons  Mercier,  36,  galerie  Mont- 
pensier  (Palais-Royal). 

Lundi  2  juin,  grande  soirée  à  la  Lyre  bienfaisante, 
9,  quai  Saint-Michel,  au  profit  de  la  statue  de  Bé- 
ranger. M.  Couvreur,  en  véritable  président  de  la 
vieille  goguette,  a  organisé  pour  cette  soirée  un 
concours  de  chansons  en  l'honneur  de  Béranger;  de 
plus,  on  doit  spécialement  entendre  les  chansons  du 
maître.  Cette  soirée  sera  des  plus  intéressantes,  nous 
en  sommes  assuré  d'avance. 

Jeudi  5  juin,  la  Cordiale  donnera  une  grande 
soirée  extraordinaire  avec  le  concours  d'artistes  des 
Concerts  des  sociétés  lyriques,  dans  son  local  ordi- 
naire. Brasserie  des  Bords  du  Rhin,  35,  boulevard 
Sébastopol. 

Nous  lisons  dans  V Assemblée  nationale  du  19  mai 
les  lignes  suivantes  : 

Encore  un  succès  àl'actif  de  l'Eldorado  :  M.  Renard, 
son  habile  directeur,  devient  de  plus  en  plus  coutu- 
mier  du  fait. 


24 


LA  CHANSON 


Cette  fois-ci,  c'est  un  rondeau-valse  que  nous  avons 
à  signaler  :  «  Quand  on  a  vingt  ans  «,  poésie  char- 
mante d'un  auteur  toujours  bien  inspiré,  M.  Hippolyte 
Ryon,  musique  de  M.  Abel  Queille. 

Le  public  fait  une  véritable  fête  à  M""  Amiati,  la 
gracieuse  et  sympatliique  créatrice. 

L'Eldorado  tend  à  suivre  une  marche  nouvelle,  et 
nous  voyons  avec  plaisir  une  littérature  vraiment 
française  faire  disparaîtrelcsBidard,Popaul  et  autres 
créations  de  même  espèce. 

Nous  publierons  prochainement  la  biographie  de 
L.  Quantin,  par  notre  collaborateur  A.  Leroy. 

A.  PATAY. 


NOTRE  TOURNOI  MENSUEL 


Nous  avons  reçu  peu  d'envois  et,  dans  le  nombre, 
plusieurs  des  concurrents  ont  confondu  le  dicton 
avec  le  proverbe.  Nous  n'avons  donc  qu'un  couplet 
à  publier.  Si  nous  avons  reçu  peu  de  poésies,  beau- 
coup de  lettres  nous  sont  arrivées.  Toutes  disent 
qu'un  couplet  ne  suffit  pas  pour  un  concours.  Nous 
accédons  à  ces  nombreuses  demandes  et  nous  propo- 
sons, pour  notre  prochain  Tournoi,  qui  sera  clos 
le  25  juin,  une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  sujet 
libre.  Une  seule  pièce  sera  insérée  dans  notre  journal 
et  l'auteur  aura  droit  à  dix  exemplaires.  Les  noms 
des  deux  suivants  seront  indiqués  ainsi  que  le  titre 
de  leurs  chansons.  Nous  rappelons  que  nos  abonnés 
seuls  peuvent  prendre  part  à  nos  petits  concours. 

QUI  A  BU,  BOIRA  ! 


Vingt  fois  on  vous  fut  infidèle, 
Vingt  fois,  hélas!  tout  fut  rompu... 
Pauvre  amant,  aux  pieds  de  la  belle 
Pourquoi  donc  être  revenu  ? 
u  Plus  de  vin  !  de  folles  ivresses  ! 
Bien  souvent  buveur  le  jura!... 
—  A  ces  coupes  enchanteresses,    ■ 
Buveur,  amant  :  Qui  but,  boii^al 

Marc  THÉZELOULT. 


Plusieurs  de  nos  abonnés  des  départements  nous 
écrivent  qu'ils  se  désabonnent  parce  que  nous  ne 
publions  pas  ou  pas  assez  de  leurs  œuvres.  Nous  ne 
contestons  pas  leur  droit  de  se  désabonner,  nous  les 
prions  seulement  de  nous  faire  parvenir  le  montant  de 
leur  abonnement  échu  depuis  le  1"  novembre  1878. 

D'autres  nous  ont  retourné  le  n°  19  en  aj'ant  soin 
de  garder  le  portrait.  Cela  prouve  que  notre  supplé- 
ment avait  quelque  valeur  à  leurs  yeux.  Nos  compli- 
ments à  ces  messieurs. 

Nous  prions  nos  abonnés  de  province  qui  con- 
tinuent leur  abonnement  de  nous  faire  parvenir  le 
montant  de  leur  réabonnement  le  plus  vite  possible, 
car  nous  avons  un  certain  nombre  de  pièces  reçues 
depuis  longtemps,  et  même  composées,  qui  doivent 
paraître  prochainement,  et  il  est  de  toute  justice  que 
nous  publiions  de  préférence  celles  des  abonnés  qui 
nous  restent  fidèles. 


Nous  prions  nos  acheteurs  au  numéro  de  demander 
le  journal  La  Chanson  chez  tous  les  libraires  mar- 
chands de  musique  et  de  journaux.  La  distribution 
devant  en  être  faite  partout,  les  amis  de  la  chanson 
nous  rendront  service  en  la  réclamant  chez  tous  les 
marchands. 

Nous  prions  instamment  les  abonnés  qui  ne  veulent 
pas  continuer,  de  nous  renvoyer  sous  bande  portant 
leur  nom  et  leur  adresse  les  n""  19,  20  et  21,  sans 
quoi  nous  ferons  toucher  àbref  délai  pour  régulariser 
nos  livres  d'abonnement. 

Nous  avons  lu  avec  plaisir  àz.xi%  le  Midi  Artiste, 
qui  paraît  à  Toulouse,  une  très-intéressante  biogra- 
phie de  M"°  Jeanne  Flachat,  accompagnée  de  sa 
charmante  photographie.  Ce  journal  qui  s'occupe  de 
théâtres,  concerts,  littérature  et  beaux-arts,  rivalise 
avec  succès  avec  les  publications  parisiennes  du 
même  genre. 

Nous  publierons  très-prochainement  une  liste  des 
sociétés  lyriques.  Avis  aux  intéressés. 

Vient  de  paraître  :  les  Refrains  de  la  rue,  de  1830 
à  1870,  recueillis  et  annotés  par  H.  Gourdon  de 
Genouillac.  Nous  en  rendrons  compte  dans  notre 
prochain  numéro.  Nous  l'envoyons  dès  aujourd'hui 
à  toute  personne  qui  nous  en  fera  la  demande  accom- 
pagnée d'un  mandat-poste  de  2  francs.  Les  timbres- 
poste  ne  seront  pas  reçus. 

En  vente  chez  Blanquin,  éditeur,  25,  faubourg  du 
Temple,  la  Rose  à  Rosa,  par  C.  Saclé. 

Signalons  à  nos  lecteurs  un  journal  nouveau  :  Le 
Théâtre  pour  tous,  dirigé  par  Léon  Beauoallet.  Succès 
certain.  Le  numéro,  10  centimes. 

Le  double  concours  de  poésie  que  nous  avons 
annoncé,  ouvert  par  V Académie  des  Muses  Santonnes, 
sera  clos  le  31  mai. 

M.  Gustave  DelecoUe  vient  de  publier  le  Rappel 
du  Passé,  poésie  dite  au  pied  de  l'arbre  de  la  liberté, 
à  ViUeneuve-l'Archevêque  (Yonne).  En  vente  chez 
l'auteur  et  dans  nos  bureaux.  15  centimes. 

Vient  de  paraître  :  Le  Livre  d'or,  poésies  choisies 
extraites  du  /'arna«se.  Nous  en  rendrons  compte 
prochainement. 

Vient  de  paraître  à  notre  librairie,  par  Albert 
AUenet,  rédacteur  en  chef  de  La  Jeune  France  : 

De  la  Démocratie  athénienne  ; 

Les  Etapes  de  89  ; 

Le  Système  électoral  de  la  Révolution 
française  ; 

Le  Premier  Empire  et  la  Liberté  ; 

Brochures  grand  in-8  tirées  à  200  exemplaires 
seulement. 

Envoi  contre  demande  franco  accompagnée  de 
50  centimes  en  timbres-poste  pour  chaque  brochure. 

AVIS    AUX    MARCHANDS    LIBRAIRES 

Vente  en  gros  et  au  numéro  de  LA  CHANSON 
aux  Bureaux  du  Journal,  18,  rue  Bonaparte  ; 

Chez  Jeanmaire  (ancienne  maison  Martinon), 
rue  des  Bons-Enfants,  32. 

Aux  Messageries  de  la  Presse,  rue  du  Croissant, 
9  et  11. 

Chez  Girard,  libraire-commissionnaire,  13,  rue 
Monge. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2'  ANNKE.  —  N°  22. 


16  JUIN  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
^uns  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  &  le  16  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.    LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


IDMINISTRATION  L  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an ti  fr. 

»        six  mois ît  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  Avis.—  Curiosités  de  La  Cliimson  :  Couplets  à  M""  J...,  Peu  de  chose  (béranoer).  —  Chanson  bohémienne  (ooier 
u'ivry).  —  Faut  hen  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tète  (g.  randon).  —  Soirée  des  Joyeux  amis.  —  Banquet  du  Caveau  (l-'Henr^ 
lecomte).  —  Montons  à  la  barrière  (DALjis  aîné).  —  Datés  aine  (a.  patay).  —  Banquet  de  la  Lice  Chunsonniùre  (elg.  i.mbert).  — 
Chronique  des  Sociétés  lyriques  {a.  leroy,  prosper  tibia,  a.  p.,  hippolyte  demanet).  —  Souvelles  et  avis  (a  patay).  — 
SUPPLÉMENT  :  Portrait  de  Dalès  aine. 


NOUVEAU   MODE  D'ABONNEMENT 

En  vertu  d'un  décret  rendu-  en  exécution  de 
l'article  9  de  la  loi  du  7  mai  1879,  le  service  des 
postes  est  autorisé,  à  partir  du  1"  juin  présent,  à 
recevoir  dans  tous  les  bureaux  de  postes  de. France, 
moyennant  un  droit  de  '■'<  p.  lOO,  les  abonnements  et 
féabonnements  aux  journaux. 

Les  sommes  versées  pour  prix  d'abonnement 
seront  transmises  par  le  bureau  de  poste  de  dépôt 
à  l'administration  des  journaux,  au  moyen  d'un 
mandat  spécial  conten:int  toutes  les  indications 
nécessaires  au  service  de  l'abonnement. 

Le  droit  de  3  p.  100  sera  préalablement  déduit  du 
prix  de  l'abonnement  pour  les  journaux  dont  les 
éditeurs  auront  déclaré  prendre  ce  prélèvement  à 
leur  charge. 

La  Chanson  prend  à  sa  charge  le  droit  de  'i  p.  100 
spécifié  ci-dessus. 

CURIOSITÉS    DE    LA  CHANSON 

COUPLETS  A  M'i"  J .  . .  (•) 
Kn  lui  en  voyant  les  Lettres  sur  la  Mythologie 
Air  :  Hippolyte 
Belle,  acceptez  de  Demoustier 
Les  Lettres  tant  de  fois  relues. 
Combien  il  gâta  de  papier 
Pour  des  déesses  inconnues  ! 
Laissant  là  leurs  brillants  portraits. 
Dont  l'éclat  fait  naître  des  doutes. 
En  ne  chantant  que  vos  attraits. 
Il  pouvait  les  célébrer  toutes. 

J'ignore  du  galant  auteur 
Quelle  peut  être  l'Emilie  ; 
Mais  il  écrit,  selon  son  cœur. 
Toujours  à  la  plus  accomplie. 
En  envoyant,  de  son  séjour, 
A  cette  adresse,  chaque  lettre. 
S'il  en  avait  chargé  l'Amour 
Ce  dieu  vous  l'eût  été  remettre. 

(')  Judith. 


Ah!  que  mes  vœux  touchent  le  sort! 
Dans  ce  jour,  on  verra  les  belles 
De  ces  Lettres  payer  le  port 
Par  un  retour  d'ardeurs  fidèles. 
J*",  alors  n'oubliez  pas. 
En  ouvrant  ces  Lettres  jolies. 
Que  par  intérêt,  dans  ce  cas, 
Je  ne  les  ai  point  affranchies. 

1804  

PKLT  DE  CHOSE 

Air  :  La  marmotte  a  mal  au  pied. 

Aux  beaux  esprits  laissons  le  mot,  (   .  • 

Et  préférons  la  chose.  \ 

On  rit  d'un  sage,  on  prône  un  sot  : 

De  tout  l'or  est  la  cause  ; 
Car  tout,  dans  ce  monde  fallot,  )   /  ■ 

Tient  à  bien  peu  de  chose.  ) 
Pour  la  chose  l'un  est  en  feu,         )    i- 

L'autre  au  sort  s'en  repose.  \ 
Le  courage  s'en  fait  un  jeu    ' 

Et  l'espoir  la  suppose. 
Combien  pour  qui  la  cliose  est  peu,  /   ;  ■ 

Combien  sont  peu  de  chose!       \ 
Une  prude  avec  son  amant       \   ,■ 

Au  bout  de  l'an  compose. i 
Si  parfois  sur  le  sentiment 

Pour  plaire  il  se  repose, 
La  belle  s'écrie  à  l'instant  )   i  • 

Que  c'est  trop'peu  de  chose.   \ 
Le  plus  fin  prend  femme  à  son  goût. 

Bien  neuve  il  la  suppose. 
L'hymen  lui  prouve  tout  à  coup 

Que  la  fleur  est  éolose; 
"  Mais  ce  qui  lui  manque,  après  tout,  )   .■ 

N'est  que  bien  peu  de  chose.       ( 
Tout  est-il  mal  ?  tout  est-il  bien  ? 

Sur  cela  chacun  glose  ; 
Mais  celui  qui  n'approuve  rien 

A  lui-même  en  impose. 
Pour  qui  se  contente  du  bien,  )   ,  •. 

Le  mal  est  peu  de  chose.  \ 
18«4  BÉRANGER  (* 


bis. 


bis. 


(')   Ces   deux   chansons  ne  figurent  pas  dans   les  OEtwres 
complètes  du  grand  chansonnier. 


26 


LA  CHANSON 


.caere  suis  la. Mère  vers  Kou  .va     et    va!.. 
LE  CŒun, 


Nous   pas.  sons     oous     al.lonsl.    nous    af. 


.  Ions   Bohe'mieos  par  les  mools  par  les  déserts 


gris  par  les  bois  profonds  par  les  grands  horizons 

La  Mère.  —  Passe  sur  la  glèbe  amère, 
Suis  la  mère 
Vers  Kouva.. 
Et  va!... 
Le  Chœur.  —  Nous  passons,  nous  allons, 

Nous  allons,  Bohémiens,,  par  les  monts, 
Par  les  déserts  gris,  par  les  bois  profonds. 
Parles  grands  horizons. 

La  Mère.  —  Rappelle-toi,  «  fils  de  femme  » 
Lorsque  brame 
Le  Pan  blanc, 
Ton  sang  !... 
Le  Chœur.  —  Nous  nous  le  rappelons, 

,    Nous  gardogis,  Bohémiens,  par  les  monts. 
L'âme  du  Pan  blanc  par  les  bois  profonds. 
Par  les  grands  horizons. 

La  Mère.  —  Danse  autour  de  la  marmite 
Sur  le  rite 
Des  aïeux 
Des  cieux! 
Le  Chœur.  —  Oui,  toujours  nous  dansons. 
Nous  dansons,  Bohémiens,  par  les  monts, 
Sur  les  vieux  refrains  qu'en  chœur  nous  chantons 
Par  les  grands  horizons. 

La  Mère.  —  Où  ton  cheval,  où  ton  âne 
Passe,  glane 
Les  butins 
Des  tiens!... 
Le  Chœur.  — •  Nous  passons,  nous  glanons, 
Nous  glanons,  Bohémiens,  parles  monta, 
Par  les  déserts  gris,  par  les  bois  profonds, 
Par  les  grands  horizons. 

La  Mère.  —  Si  la  fièvre  entre  en  ta  tente 
Quand  il  vente, 
Jette  aux  feux 
Des  œufs!... 
Le  Chœur.  —  Nous  veillons,  nous  vivons, 
Nous  vivons,  Bohémiens,  nous  bravons 
La  fièvre  et  la  peste  et  tous  les  poisons 
Par  les  grands  horizons. 


La  Mère.  —  Que  les  fils  de  tous  les  couples 
Naissent  souples 
Et  des  dents 
Mordants  !... 
Le  Chœur.  —  Nous  naissons,  nous  mordons, 
Nous  naissons,  Bohémiens,  par  les  monts. 
Par  les  déserts  gris,  par  les  bois  profonds, 
Par  les  grands  horizons. 

La  Mère.  —  Hurrah  !  fils,  qu'il  te  souvleane, 
Marche  !  —  Advienne 
Que  pourra  ! 
Hurrah!... 
Le  Chœur.  —  Hurrah!  Hurrah  !...  Marchons, 

Marchons  tous,  Bohémiens,  par  les  monts, 
Par  les  déserts  gris,  par  les  bois  profonds, 
Par  les  grands  horizons. 

OGIER  D'IVRY  (*). 


FAUT  BEN  QU'I'  EN  AIT  OU'AIM'  LA  TÊTE 

.J'egpèr'  que  vous  n'  m'accus'rez  pas 
D'être  un  gourmand,  un  parasite, 
Si  j'  vous  avou'  qu' j'aim'  les  bons  r'pa», 
Et  surtout  ceux  où  l'on  m'invite  ; 
Mais  aussi  faut  voir,  au  festin, 
Combien  ma  tenue  est  discrète  ! 
Sert-on  d'  la  carpe  ou  du  lapin. 
Faut  ben  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tête. 

Ma  mèr'  qu'était  r'passeus'  de  fin 

N'a  jamais  bien  su  m'  dire  au  juste 

L'  nom  d'  mon  auteur,  mais  mon  parrain 

M'a  fait  cadeau  de  c'iui  d'Auguste. 

J'aim'rais  bien  mieux  d'un'  grand'  maison  . 

Etr'  fils  unique  et  vivre  en  fête. 

Mais  quand  on  sait  s'  faire  un'  raison. 

En  fait  d'ancêtre  et  d'  blason, 

Faut  ben  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tête. 

Soldat,  pour  ma  part  de  lauriers, 

J'  n'ai,  par  un  sort  des  plus  contraires, 

Partagé  que  ceux  d'  ces  guerriers 

Qu'on  nomme  infirmiers  militaires. 

L'arme  confiée  à  mon  bras 

N'a  jamais  fait  d'  brillant'  conquête; 

J'avais  rêvé  d'autres  combats  ; 

Mais  en  fait  de  gloire,  ici  bas, 

Faut  ben  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tête. 

J'aspirais  au  tendre  agrément 
D'un'  connaissanc'  fraîche  et  novice, 
Mais  j'  dus  en  v'nir,  finalement, 
A  me  rabattr'  sur  un'  nourrice... 
Encor  dus-je  attendre  mon  tour 
Pour  toucher  le  cœur  de  Jeannette. 
Que  voulez-vous?  en  fait  d'amour. 
Quand  de  quibus  on  est  à  court. 
Faut  ben  qu'i' en  ait  qu'aim'  la  tête. 

(•)  M.  Ogier  d'Ivry  a  écrit  spécialement  pour  nous  cette 
oeuvre  inédite  sur  une  musique  que  tout  Paris  a  entendue 
pendant  l'Exposition,  au  Concert  de  l'Orangerie,  et  que  l'on 
faisait  bisser  tous  les  soirs  par  les  bohémiens  de  Moscou. 
Cet  air,  croyons-nous,  n'a  été  recueilli  nulle  part.  Notre 
collaborateur  a  adapté  des  paroles  qui  s'harmonisent  on  na 
peut  mieux  à  cette  musique.  Disons  en  même  temps  que 
M.  Ogier  d'Ivry  vient  de  publier  chez  Fisbacher  un  nouveau 
volume  de  poésies,  Nouvelles  rimes  de  cape  et  d'épée,  que  noua 
recommandons  à  nos  lecteurs. 


LA  CHANSON 


J'ai  voulu  prendre  un  numéro 

A  la  lot'ri'  du  mariage, 

Mais  r  sort  m'a  donné  moins  qu'  zéro... 

Je  n'  vous  en  dis  pas  davantage. 

Quiconque  veut  goûter  d' l'hymen 

Pique  au  hasard  de  la  fourchette  ; 

Au  p'tit  bonheur!  simple  ou  malin, 

Dans  cette  espèce  d'arlequin, 

Faut  ben  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tête. 

ISagttère  on  n'  pouvait  plus  chanter! 
«•  Liberté,  liberté  chérie!  « 
Mais  on  avait  pour  se  r'monter 
«  Dunois  partant  pour  la  Syrie.  » 
Sur  ce  galoubet  triomphal 
Fallait  accorder  sa  musette  ; 
Si  c'  n'était  pas  un  fier  régal, 
Dame!  en  fait  d'  chant  national. 
Faut  ben  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tête. 

Content  du  peu  qui  m'est  offert, 
Comme  on  dit,  au  banquet  d'  la  vie. 
D'avaler  ma  clé  comm'  Gilbert, 
J'  n'ai  jamais  eu  la  moindre  envie. 
Un'  clé  n'est  pas  un  mets  sérieux, 
Aussi  moi  qui  n'  suis  pas  poète, 
Mais  philosophe,  c'  qui  vaut  mieux. 
Je  m'  dis  que  même  aux  festins  des  dieux. 
Faut  ben  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tète. 

Sachant  borner  mou  horizon, 

Je  m'  suis  casé  dans  la  vidange  ; 

Ça  va  toujours,  pas  d'  mort'  saison  ; 

Car  en  somra'  faut  toujours  qu'on...  mange 

Je  n'  suis  pas  d'  ces  esprits  étroits 

Qu'un  cheveu  sur  la  soupe  arrête  ; 

Dans  la  grand'  curé'  des  emplois 

Où  les  plus  forts  ont  1'  premier  choix, 

Faut  ben  qu'i'  en  ait  qu'aim'  la  tête. 

(J.  RANDON. 


La  soirée  organisée  au  profit  de  la  souscription 
Béranger  par  la  société  lyrique  les  Joyeux  Amis,  a  été 
superbe.  Tous  les  amis  de  la  chanson  s'y  étaient  donné 
rendez-vous. 

Indépendamment  de  quelques  sociétaires  dontnous 
regrettons  de  n'avoir  pas  les  noms,  divers  artistes 
de  concerts  ont  contribué  à  l'éclat  de  cette  fête.  Nous 
citerons  tout  d'abord  l'excellent  M.  Debailleul,  de 
l'Alcazar  d'été  ;  puis  l'excentrique  Reval;  MM.  Plu- 
met, de  la  Ruche  ;  Dufour,  des  Ambassadeurs  ; 
Augustel,  de  la  Scala;  Chiffony,  Miles,  Desroolies  et 
Ferrand,  du.  XlX°  siècle.  M"°  Dora,  de  l'Alcazar 
d'été;  M"°  Claudia,  de  la  Ruche;  M""  Liovent, 
Blokette  et  Adelina  du  XIX°  siècle  ont  été  le  charme 
et  la  grâce  de  cette  représentation,  remarquable 
par  la  réunion  de  talents  nombreux  et  divers,  et 
pendant  laquelle  l'ordre  le  plus  parfait  n'a  cessé  de 
régner. 

Il  y  aurait  injustice  à  ne  pas  mentionner  l'amusant 
M.  Bouchotty,  l'homme  à  la  poupée,  et  la  Lyre 
Méridionale  qui,  sous  la  direction  de  M.  Vernaelde, 
a  fait  entendre  brillamment  le  seul  morceau  de 
Béranger  figurant  au  programme  :  Honneur  aux 
fnfants  de  la  France. 


Nous  remercions  vivement  et  sincèrement  les 
organisateurs  de  cette  belle  soirée,  le  président 
Lucciani  en  tête,  et,  parmi  leurs  collaborateurs, 
M.  Villemer  qui  s'était  chargé  de  la  régie  avec  une 
complaisance  parfaite. 


SOCIETE  LYRIQUE  8:  LITTÉRAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  6  JUIN  1879. 

Comme  toute  chose  ici-bas,  le  toast  rimé  par  lequel  est 
interrompu  chaque  dîner  chantant  a  ses  partisans  et  ses 
détracteurs.  Les  uns  lui  savent  gré  de  ses  allures  littéraires 
et  les  autres  l'accusent  de  donner  aux  réunions  chanson- 
nières une  apparence  d'académies.  On  ne  peut  du  moins 
contester  au  toast  ce  mérite  de  contraindre  le  président  à 
essayer  de  traiter  d'une  façon  neuve  une  donnée  banale. 
Que  de  recherches,  que  d'efforts  n'a  pas  accomplis  un 
président  lorsque,  comme  M.  Eugène  (îrangé,  il  a  porté 
quarante-huit  fois,  sur  rhythmes  variés,  le  toast  à  la  chanson! 
Aussi  comprend-on  que  M.  (irangé,  à  la  reprise  quarante- 
neuvième,  s'avoue  incapable  de  découvrir  un  thème  nouveau. 
Mais  à  quoi  bon,  dit-il,  s'ingénier?  Au  Caveau,  coutumes, 
timl)res,  convives,  tout  —  sauf  le  vin  —  n'est-il  pas  vieux? 
Vous  pensez  bien  qu'en  s'accusant  d'impuissance,  M.  Grange 
trouve  moyen  de  dire  des  choses  originales,  neuves  et  qu'on 
applaudit  avec  raison. 

Tn  vétéran  du  Caveau,  M.  Lagarde,  s'est  multiplié,  l'autre 
soir,  à  la  satisfaction  générale.  Le  Curieux,  l'Enfant 
terrible,  Ma  Bretelle,  donnent  franchement  la  note  comique. 
Sur  le  ton  grave,  Charles  Vincent  adresse  à  un  astre  pares- 
seux une  invocation  éloquente.  Reviens,  soleil,  s'écrie-t-il, 
et  chacun  de  faire  clionis.  Un  rayon  de  soleil,  n'est-ce  pas 
la  gaîté,  la  santé,  la  fécondité  pour  tons!  iMais,y  a-t-il  encore 
un  soIpII  ? 

Les  rencontres  de  sujets  sont  fréquentes  entre  chanson- 
niers. Tandis  (jue  M.  Ripault  traitait  sérieusement,  après 
Brazier,  le  dicton  :  Comme  on  fait  son  lit  on  se  couche, 
M.  IHouton-Dufraisse  énumcrait  en  couplets  badins  ce  qu'on 
fait  Sur  le  lit.  Succès  égal  pour  deux  productions  de  formes 
différentes  mais  d'égal  mérite. 

On  n'est  pas  parfait,  dit  M.  Fouaclie,  qui  prouve  son 
affirmation  de  façon  très-amusante.  ,M.  Juilien  côtoie  la 
philosophie  avec  son  Tambour  crevé,  et  iM.  Fénée  rime 
joyeusement  de  très-drolatiques  conseils  ;ï  un  ami  sur  le 
point  de  prendre  femme. 

Le  bon  côté  des  réunions  littéraires,  c'est  que,  à  l'inverse 
de  la  plupart  des  assemblées  politiques,  les  idées  les  plus 
opposées  y  peuvent  librement  être  émises. 

,\insi  l'autre  soir  le  «  républicain  »  Montariol  ayant,  à 
propos  de  pétitions  et  de  mandements,  revendiqué  avec 
énergie  le  droit  des  citoyens  aux  clartés  saines  et  aux  libertés 
vraies,  le  «  conservateur  n  Eugène  Grange  a  répliqué  par 
quelques  mordants  couplets  démontrant,  clairement  hélas  ! 
que  la  République,  comme  les  gouvernements  qu'elle  a  rem- 
placés, prend  souvent  Deux  balances  pour  peser  les  hommes 
et  les  choses.  Brochant  sur  ces  plaidoyers  pour  et  contre, 
«  l'opportuniste  »  Charles  Vincent  a  développé  en  trois  mots 
de  la  sagesse  moderne  :  Patience,  travail  et  science,  en 
vers  très-vigoureux  et  animés  d'un  esprit  très-progressiste. 
Républicain,  conservateur  et  opportuniste  (je  me  sers  des 
qualifications  prises  par  les  auteurs  même)  ont  été  récom- 
pensés par  des  bravos  qu'ils  méritaient  tous  trois,  soit  pour 
le  fond  soit  pour  la  forme  de  leurs  chansons. 

Le  grand  succès  du  banquet  a  été  pour  Gustave  Nadaud 
qui  s'est  prodigué  avec  une  grâce  parfaite.  Brune  et  Blonde, 
composition  inédite,  spirituelle  comme  ses  aînées,  la 
Garonne,  l'Epingle,  le  Bain  des  Auvergnats,  ont  fait 
applaudir  une  fois  de  plus  la  muse  aimable  et  fine  du  poète 
et  sa  façon  merveilleuse  de  compléter  ses  œuvres  en  les 
interprétant  mieux  qu'aucun  artiste. 

L.-Henkv  LECOMTE. 


28 


LA  OHANS0N 


MONTONS 


A    LA    BARRIÈRE 


Am   di'  Marchons   ii   la   frontière    (Chari.es   Gille) 


Nous  avons  qu&uqu's  radis, 
Pierre  il  faut  fair'  la  noee  ; 
Moi,  vois-tu,  les  lundis 
J'aime  à  rouler  ma  bosse  : 
J'  sais  du  vin  à  six  ronds, 
Qui  n'est  pas  d'  la  p'tit'  bière: 
Pour  rigoler,  montons. 
Montons  à  la  barrière  ! 


N'  perdons  pas  un  instant, 
L'  ciel  est  des  plus  superbes  ; 
J'  mont'rons  Ménilmontant 
Jusqu'au  bouillon  aux  herbes. 
Là  j'  boirons  queuqu's  gorgeons 
Pour  notr'  halte  première  : 
Pour  rigoler,  moutons, 
Montons  à  la  barrièrre  ! 


Maint  endroit  m'est  connu, 

J'  te  conduirai,  mon  homme, 

A  la  ferm'  du  Chat  nu 

Ou  bien  au  P'tit  Bonhomme... 

Les  lapins  y  sont  bons 

Et  n'  sent'nt  pas  la  gouttière  : 

Pour  rigoler,  montons, 

Montons  à  la  barrière. 


Quand  nous  aurons,  mon  vieux. 
Bien  bu,  bien  fait  bombance, 
Nous  r'viendrons  chez  Lizeux 
Faire  un  tour  à  la  danse. 
P't-êtr'  bien  qu'  nous  y  pinc'rons 
Quelque  particulière  : 
Pour  rigoler,  montons, 
Montons  à  la  barrière  ! 


J'  dans'rons  un  chaloupant 
A  la  mode  nouvelle, 
Si  queuqu'  mauvais  oh'napan 
Veut  nous  chercher  querelle, 
Eh  bien!  j'  nous  align'rons 
Tu  sais  qu'  c'est  mon  affaire  : 
Pour  rigoler,  montons. 
Montons  à  la  barrière  ! 


Pour  entendre  chanter  : 
Le  pêcheur  à  la  ligne, 
De  là,  j'  veux  t'  faire  entrer 
Aux  Amis  de  la  vigne. 
Ce  sont  de  francs  lurons, 
Sans  gêne  et  sans  manière  : 
Pour  rigoler,  montons. 
Montons  à  la  barrière  ! 


T'entendras  fredonner 
Plus  d'un  chant  politique. 
Mais  toi  qu'aime  entonner 
Quelque  refrain  bachique, 
Si  l'on  chante  :  Marchons, 
Marchons  à  la  frontière  ! 
Tu  répondras  :  Montons, 
Montons  à  la  barrière  ! 


De  la  socilliété 

Quand  se  fra  la  clôture. 

Si  t'es  trop  éreinté 

Nous  r'viendrons  en  voiture. 

Puis  dès  d'main  nous  r'taup'rons 

Toute  la  s'maine  entière... 

Pour  rigoler,  montons 

Montons  à  la  barrière  !        , 

DALÈS  Aîné. 


LA  CHANSON 


27 


DALÈS      aîné 


1M»S-1»«57 


Lo  lundi  15  juin  1857,  plus  de  chu\  cents  personnes 
suivaient  un  modeste  convoi  jusqu'au  cimetière  du 
Père-Lachaise.  Le  défunt  n'était  ni  un  favorisé  de 
la  fortune,  ni  un  de  ces  noms  qui  font  accourir  les 
curieux  ;  tous  les  assistants  avaient  connu  celui  qui 
s'en  allait,  et  tous  l'estimaient. 

Dalôs  aîné  avait  fréquenté  les  goguettes  depuis 
1840  très-assidûment,  nous  pourrions  même  dire 
tous  les  jours.  Sa  première  poésie  remonte  au 
baptême  du  duc  de  Bordeaux;  il  était  bien  jeune 
alors,  étant  né  le  17  janvier  1802,  à  Strasbourg.  Ses 
parents,  passementiers,  firent  des  fournitures  pour 
l'armée  sous  l'Empii'e  et  pendant  les  Cent-jours  ;  à  la 
rentrée  des  Boui'bons,  ceux-ci  refusèrent  de  payer 
les  dettes  du  gouvei'nement  impérial;  de  là,  ruine. 
A  cette  épociue,  la  famille  Dalès  vint  à  Paris.  Elle 
se  composait  du  père,  de  la  mère  et  de  trois  enfants. 
Dalès  aîné,  qui  avait  été  au  collège  de  Strasbourg, 
savait  parfaitement  l'allemand  ;  cela  lui  servit  plus 
tard  à  faire  plusieurs  traductions  qui  furent  trôs- 
remarquées,  sous  le  nom  de  divers  littérateur?  en 
réputation.  Comme  on  le  pense  bien,  ces  traductions 
étaient  peu  pa.yées,  et  quelquefois  pas  du  tout.  Une 
fois  à  Paris,  le  père  reprit  sa  profession  de  passe- 
mentier, et  Dalès  travailla  dans  la  maison  paternelle 
jusqu'au  jour  où  il  partit  soldat.  Il  fit  la  promenade 
d'Espagne  sous  les  ordres  du  duc  d'Angoulème;  il  y 
gagna  un  sahi-e  d'Itnnnenr,  non  pour  avoir  tué  beau- 
coup, mais,  ce  (|ui  valait  mieux,  pour  avoir  sauvé 
la  vie  à  son  lieutenant  qui  sans  lui  fût  mort  noyé.  Son 
père  le  racheta  après  trois  ans  et  demi  de  présence 
au  corps,  qu'il  quitta  avec  le  grade  de  sergent- 
fourrier.  Pendant  ce  temps,  il  avait  fait  à  peine  trois 
ou  quatre  romances  pour  chanter  ses  amours,  et 
un  à-propos  joué  dans  une  soirée  chez  son  colonel. 
Rentré  dans  la  vie  civile,  Dalès  reprit  son  métier  de 
passementier.  Vers  la  fin  du  règne  de  Charles  X,  il 
publia  chez  Terry,  au  Palais-Royal,  un  pot-pourri, 
les  Barricades,  qui  se  vendit  à  des  milliers  d'exem- 
plaires et  qui  est  devenu  fort  rare  depuis.  Un  peu 
plus  tard,  il  fit  pour  les  «  Marchands  de  nouveautés,  « 
comme  on  disait  à  cette  époque,  Amours  et  intrigues 
des  Grisettes  de  Paris,  ou  Revue  des  Belles  dites  de  la 
petite  vei'tu.  Toutes  les  publications  de  Dalès  aîné, 
jusqu'à  1840,  en  exceptant  bien  entendu  celles  qui 
furent  écrites  par  lui  pour  des  écrivains  connus, 
ont  été  signées  J.-B.  Ambs-Dalès.  Ambs  était  le  nom 
de  sa  mèi-e,  pour  laquelle  il  eut  un  culte  véritable 
jusqu'à  ses  derniers  moments.  U Arc-en-ciel  de  la 
liberté,  volume  de  chansons  recueillies  par  E.  De- 
braux  et  publié  en  1831,  renferme  une  Oraison  funèbre 
des  braves  morts  pour  défendre  la  patrie,  signée 
J.-B.  Ambs-Dalès.  "  Une  biographie  de  Chodruc 
Duclos  parut  également  à  cette  époque  avec  le  même 
nom. 

Lorsque  le  Petit-Lazary,  de  théâtre  de  marion- 
nettes   qu'il   était   se  transforma    en  prenant   des 


acteurs  vivants  pour  remplacer  ses  marionnettes, 
ce  fut  Dalès  aîné  qui  mit  la  pièce  de  Florian, 
les  Deux  billets,  en  vaudeville  ;  il  y  intercala  des 
couplets  charmants  et  fit  adopter  ce  nouveau  genre. 
Peu  après,  il  écrivit  une  autre  pièce  dont  le  titre 
nous  échappe  pour  le  même  théâtre. 

Vers  1840,  Alexis  Dalès,  le  chansonnier  populaire 
dont  nous  donnerons  aussi  la  biographie  prochaine- 
ment (on  a  souvent  confondu  les  deux  écrivains), 
emmena  avec  lui  son  frère  Dalès  aîné  aux  Amis  de 
la  Viyne  oii  lui,  Alexis,  tenait  le  marteau  présiden- 
tiel. En  voyant  les  ovations  faites  aux  chansons  de 
son  frère  et  aux  cliansonniers  de  cette  époque, 
L.  Festeau.  Ch.  Gille,  Leroy,  et  bien  d'autres,  par  le 
public  nombreux  qui  fréquentait  alors  les  goguettes, 
Dalès  aîné  se  mit  à  rimer  de  plus  belle.  Partout  où 
il  y  avait  concours  de  poésies,  il  remportait  des  prix, 
soit  à  l'Institut  lyrique,  aux.  Gais  Pipeaux,  à  In 
Pipe.  etc. 

Dalès  aîné  n'est  pas  aussi  chansonnier  que  son 
frère  Alexis,  mais  il  est  plus  correct.  Sa  note 
était  plutôt  la  romance.  Il  rencontra  cependant 
un  grand  et  vrai  succès  populaire.  Charles  -Gille 
venait  d'écrire  Marchons  à  la  frontière,  sur  une 
musique  qu'il  composa  en  même  temps  que  les 
paroles;  Dalès  fit  sans  aucune  prétention,  sur  l'air 
alors  en  vogue.  Montons  à  la  barrière,  que  nous 
reproduisons  à  titre  de  curiosité.  Cela  se  chanta  dans 
les  goguettes,  dans  les  ateliers,  puis  dans  la  rue  par 
E.  Baumester  à  qui  l'auteur  avait  donné  l'autorisation 
de  la  mettre  dans  ses  cahiers.  On  l'entendit  même 
comme  intermède  au  théâtre  de  la  Gaîté.  Nous 
constaterons,  en  passant,  que  très-souvent  les  succès 
populaires  ne  sont  pas  obtenus  par  les  meilleures 
œuvres  de  leurs  auteurs.  Si  nous  avions  un  choix  à 
faire  dans  les  chansons  de  Dalès  aîné,  nous  donnerions 
la  préférence  à  Retire-toi  de  mon  soleil,  La  Liberté 
n'existe  pas,  le  Progrès,  l'Arc- en-ciel  de  la  liberté, 
Quand  je  te  vois  sourire.  Rendez-moi  mes  rêves  chéris, 
Viens  ma  gentille.  Aux  Peuples,  Doux  langage  des 
yeux.  Un  Vœu  à  la  Vierge,  Que  me  veux-tu?  le  Ver 
luisant,  ^.^  mi  des  ministres,  satire  contre  les  ministres 
de  Louis-Philippe.  Deux  fois  Dalès  aîné  a  retrouvé 
le  succès  de  la  rue  presque  égal  à  celui  de  Montons 
à  la  barrière.-  ce  fut  en  1849,  avec^e  Chant  des  Conscrits, 
musique  de  Léonce  Cohen,  dont  nous  citerons  un 
couplet  : 

Aux  accents  de  la  Marseillaise, 
Pour  aller  chercher  les  combats, 
Nos  pères  en  quatre-vingt-treize 
Couraient  tous  se  faire  soldats. 
Imitons-les,  n'avons-nous  pas 
Ainsi  qu'eux  une  âme  française  ! 
Partons  gaîment,  jeunes  conscrits, 
Fils  de  Paris  ! 

et,   quelques    années    plus   tard,  avec    Un    Verre, 
cantate  bachique.  Ce  fut  encore  Eugène  Baumester 


30 


LA  CHANSON 


qui  eut  seul  le  privilège  de  faire  paraître  cette 
chanson  et  de  la  rendre  populaire.  L'éditeur  Durand, 
qui  se  connaissait  en  succès  dès  rues,  en  acheta  la 
propriété  ;  depuis  elle  passa  dans  la  maison  Vieillot 
(Labbé,  successeur).  "Voici  le  premier  couplet  : 

Voyez  ces  fûts  rangés  dans  le  celUer  ; 
Entendez-vous  comme  un  cri  d'allégresse  f 
De  gais  refrains,  échos  de  l'ateher,^ 
Viennent  bannir  loin  de  nous  la  tristesse. 
Et  de  ce  vin,  captif  dans  les  tonneaux, 
En  bouillonnant,  la  liqueur  frémissante, 
Pour  se  prêter  à  notre  soif  ardente. 
Chasse  la  bonde  et  se  rit  des  cerceaux. 
Un  verre  !  (bis) 

Loin  de  nous  qui  n'est  pas  buveur  ! 

Devant  le  Pomard,  le  Madère, 

Disons  des  lèvres  et  du  cœur  : 
Un  verre  ! 

M.  Charles  Nisard,  dans  son  ouvrage  des  Chansons 
populaires  chez  les  Anciens  et  chez  les  Français,  essai 
historique  suivi  d'une  Etude  sur  les  chansons  des  rues 
contemporaines  (*),  la  cite  en  entier  avec  beaucoup 
d'éloges  et  la  donne  comme  un  modèle  du  genre. 

Dalès  aîné  présida  des  goguettes  presque  constam- 
ment pendant  quinze  ans.  Il  a  fait  beaucoup  de  chan- 
sons d'ouverture  pour  chacune  d'elles.  Il  collabora 
au  journal  le  Cabinet  de  lecture,  au  Voleur,  et,  avec 
beaucoup  d'assiduité,  à  l'ancien  Tam-tam  de  Com- 
merson,  ainsi  qu'au  Tintamarre.  Il  a  dirigé  l'Echo 
lyrique;  il  a  publié  des  almanaehs  chantants  et 
recueilli  deux  ou  trois  petits  chansonniers  pour 
divers  éditeurs. 

La  biographie  deDebureau,  qui  parut  in-32  (édition 
populaire,  10,000  exemplaires  à  dix  centimes),  est 
introuvable  et  se  vend  relativement  cher  dans  les 
ventes  quand  par  hasard  elle  s'y  rencontre.  Plusieurs 
de  ses  chansons  ont  inspiré  des  musiciens  et  ont  été 
gravées  eh  musique.  Malgré  ce  nombreux  bagage, 
il  reste  peu  de  l'œuvre  de  Dalès  aîné,  qui  lui-même 
était  des  plus  insouciants  pour  sa  réputation 
littéraire. 

Pendant  plus  de  quinze  ans,  il  tint  la  comptabilité 
à  la  compagnie  des  Citadines;  dans  ses  dernières 
années,  il  était  comptable  dans  une  maison  de  banque. 

H.  Mailly,  dans  son  Musée  lyrique,  qui  ne  contient 
que  quatre  portraits  de  chansonniers,  donna  celui  de 
Dalès  aîné.  Henri  Piaud  fit  les  quatre  vers  suivants 
qui  figurent  au  bas  : 

Ce  masque  souriant  offre  Dalès  aîné  ; 
De  nos  bruyants  concerts  c'est  le  président  né, 
Et  par  de  gais  propos  dont  il  n'est  point  avai'e, 
Il  participe  au  Tintamarre. 

A.  PATAY. 


LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET  DU  4  JUIN  1879 

Je   m'étais   déjà   douté  de   l'influence    que  peut 
exercer  sur  le  moral  du  genre  humain  en  général,  et 
particulièrement   des  poètes  et  autres  artistes,  le 
genre  de  nourriture.  Despréaux  a  dit  : 
Souvenez-vous  bien 
Qu'un  dîner  réchauffé  ne  valut  jamais  rien. 
Cette  remarque,  d'ailleurs  fort  juste,  ne  s'adresse 


(•)  2  forts  volumes  de  plus  de  300  pages,  chez  Dentu,  1867, 
prix  :  10  francs. 


qu'aux  gourmands.  Berchoux  et  d'autres  ont  exposé 
de  très-bons  principes  au  point  de  vue  de  l'art  culi- 
naire. Mais  j'ai  pu  constater,  au  banquet  d'hier,  que 
le  manque  de  variété  dans  les  aliments  produit  des 
effets  singuliers  et  presque  surprenants.  Le  lecteur 
ignore  peut-être  que  le  premier  plat  qui  paraît  sur 
la  table  de  la  Lice  Chansonnière,  après  les  hors- 
d'œuvre,  est  invariablement  un  plat  de  poisson,  et 
que  ce  poisson  est  toujours  une  barbue  à  la  sauce 
blanche.  C'est  singulier,  mais  c'est  comme  cela. 
Peut-être  est-ce  le  résultat  d'un  vœu,  ou  bien  la 
suite  d'une  obligation  imposée  au  maître  de  l'établis- 
sement par  un  testateur  bizarre.  Peut-être  une  idée 
particulière  du  chef,  une  toquade,  que  sais-je  !  Et 
pourtant,  les  chefs  changent  et  la  barbue  demeure, 
et,  comme  par  un  accord  tacite,  les  sociétaires  ne 
soufflent  mot. 

Et  pourtant  ce  régime,  presque  inoffensif  pour  les 
convives  peu  assidus,  opère  sur  ceux  qui  y  sont 
soumis  mensuellement  un  effet  sensible.  Leur  sang 
s'alourdit,  leur  verve  tend  à  s'éteindre.  Il  y  a,  oon 
pas  pléthore,  mais  consomption.  N'était  le  marteau 
présidentiel,  dont  Rubois,  heureusement,  s'escrime 
avec  vigueur,  la  somnolence  s'ensuivrait  bientôt. 

Jeannin  et  quelques  autres  gaudrîoleurs  échappent 
parleur  tournure  d'esprit  à  cette  léthargie  poisson- 
nière. D'autres  la  secouent  par  moments.  Les  visiteurs 
ne  la  soupçonnent  même  pas  la  première  fois. 

Aussi  Randon,  le  spirituel  caricaturiste,  a-t-il  mis 
dans  sa  chanson  toute  la  verve  qui  éclate  dans  ses 
dessins.  Le  titre  est  dur,  mais  les  couplets  sont  fins  : 
Faict  ben  qu€  en  ait  qu'aini  la  tête  (*),  dit-il  dans  sa 
feinte  résignation.  Je  n'essaye  pas  d'énumérer  tous 
les  déchets  sociaux,  tous  les  débris  politiques  et 
autres  dont  il  veut  bien  se  contenter  alors  que  les 
bons  morceaux  sont  le  lot  de  ses  camarades  de 
table. 

J'ai  cité  Jeannin  :  Un  drôle  de  rêve,  et  A  la  guerre 
comme  à  la  guerre  présentent  des  situations  comiques 
oii  le  gros  sel  ne  tue  pas  l'esprit.  Le  bain  des  charbon- 
niers, de  Nadaud  ;  Je  me  suis  laissé  faire,  la  dernière 
chanson  de  Rubois,  si  bien  interprétée  par  Darcier, 
sont  de  bons  morceaux  bouffes.  M.  Brûliez  y  ajoute 
//  n'y  a  pas  d'erreur.  M.  Michaud,  dans  La  Maison  de 
Suzon,  force  un  peu  la  note;  mais  que  .ne  ferait  pas 
passer  son  entrain  communicatif  ?  Du  reste,  le  sou- 
venir de  la  Maison  tranquille,  de  Colmance,  ne  l'a 
pas  mal  inspiré. 

La  grâce  brillait  plus  particulièrement  dans 
quelques  productions  :  Vous  n'êtes  pas  vieux.  Conseils 
à  ma  muse.  Mes  Illusions,  Nos  amours,  ont  fait  juste- 
ment applaudir  les  noms  inégalement  connus  de 
Nadaud,  Robinot,  Chebroux  et  Cadot. 

Une  série  de  poésies  récitées  sans  musique  a  jeté 
un  instant  quelque  froid ,  malgré  le  mérite  des 
auteurs.  Caron,  dans  Fais  ce  que  dois,  a  montré  de 
l'élévation  et  de  l'énergie;  ce  sont  ses  qualités 
habituelles.  La  Chanson  :  pour  ce  sujet,  si  souvent 
traité,  M.  Sanglier,  qui  n'est  pas  un  novice,  a  su 
trouver  des  idées  neuves  et  des  accents  vrais. 

Le  vin  ne  manque  janiais  d'adorateurs  ;  je  parle 
d'adorateurs  platoniques,  car  les  bouteilles  ne  sont 
pas  toujours  vidées  à  notre  banquet.  M.  Landrevin, 
dont  plus  d'un  succès  a  rendu  le  nom  populaire, 
chante  le  Franc  vigneron  de  manière  à  faire  tres- 

(')  Nos  lecteurs  trouveront  cette  chanson  dans  le  présent 
numéro. 


LA   CHANSON 


31 


saillir  d'aise  dans  sa  tombe  le  vieux  Bonnefond. 
Buvons/  dit  M.  Miniot;  Buvons!  chante  Picard. 
Sujet  banal,  couplets  nouveaux.  Puis  vient  Durafour, 
qui  d'une  voix  vibrante  entonne  un  refrain  plein  de 
joyeuse  humeur. 

On  peut  mourir  quand  on  a  bien  vécu!  (*) 
Puisque  je  suis  en  si  beau  chemin,  et  que  j'ai 
nommé,  sans  y  penser,  presque  tous  les  chanteurs 
de  la  soirée,  pourquoi  ne  complèterais-je  pas  mon 
énumération?  Donnons  donc  un  bon  souvenir  à 
Flachat  :  les  Conseils  d'une  mère  à  sa  fille  se  résument 
par  ce  refrain  plein'de  finesse  : 

Ouvre  l'œil...  et  baisse  les  yeux. 

Les  Laborieux,  de  Gabriel  de  Gonet,  couplets  bien 
pensés,  mais  bien  nombreux,  expriment  de  bons 
sentiments.  M.  Asse,  en  naviguant  sur  le  Fleuve 
bleu,  unit  la  forme  à  la  couleur;  et  Adeline,  qui  nous 
avait  lu  au  commencement  un  toast  poétique  de  ce 
pauvre  Echalié,  toujours  cloué  sur  sa  chaise,  a  repris 
sa  voix  grave  pour  nous  redire  :  On  n'a  jamais  pu 
savoir,  gaudriole  tout  à  fait  grivoise. 

Constatons,  en  finissant,  que  personne  n'a  lancé  le 
moindre  lardon  contre  les  belles-mères,  et  espérons 
qu'au  prochain  banquet  nous  ne  serons  plus  exposés  ' 
à  voir  la  bar-bue  qui  s'avance. 

EuG.  IMBERT. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  grande  soirée  du  samedi  24  mai  à  l'Union  et 
Gaîté  a  été  ce  que  sont  toujours  les  représentations 
extraordinaires  de  cette  charmante  société.  Nous 
avons  applaudi  tout  particulièrement  M"""  Rosine 
dans  J'  suis  toute  chose,  qu'elle  a  chanté  en  dessous  ; 
M.  Lefèvre,  de  la  Fauvette  Parisienne,  comme  flûtiste; 
MM.  Berlioz  et  Lucianni,  deux  comiques  qui,  chacun 
dans  leur  genre,  méritent  des  bravos;  M"°  Mar- 
guerite, une  toute  mignonne  jeune  fille,  à  qui  il  ne 
manque  que  de  l'aplomb,  c'est-à-dire  l'habitude  de 
la  scène.  Si  vous  rencontrez  ma  femme,  nous  dit  Joraain, 
si  drôlement  qu'on  rit.  M.  Marcus  obtient  aussi  un 
grand  succès.  M"°  Julia  se  fait  bisser  ;  M.  Brémont, 
du  Conservatoire,  récite  l.a  Robe  en  comédien 
d'avenir.  Nous  terminons  ce  procès-verbal  en  remer- 
ciant les  membres  du  bureau  de  la  façon  toute 
gracieuse  avec  laquelle  ils  accueillent  le  chroniqueur 
de  La  Chanson. 

La  soirée  de  clôture  du  cercle  Musset  a  été  on  ne 
peut  plus  intéressante;  on  y  a  joué  Brelan  de 
Moutards  et  Voiture  à  vendre.  Les  interprètes 
MM.  Emilie,  Berlioz,  Klotz  et  Rueff  ont  été  ce  qu'ils 
sont  toujours,  pleins  de  verve  et  d'entrain.  Somme 
toute,  bonne  soirée,  précurseur  de  grands  succès 
pour  la  prochaine  réouverture. 

Jusqu'au  dernier  moment,  j'ai  cru  pouvoir  assister 
à  la  représentation  extraordinaire  que  la  Cordiale 
donnait  le  5  juin.  Je  regrette  sincèrement  de  n'avoir 
pu  tenir  ma  promesse  d'autant  plus  que  malgré  la 
chaleur  tropicale  dont  nous  jouissons  depuis  quelque 
temps,  les  amateurs  sociétaires  et  autres  qui  s'y 
sont  fait  entendre   ont  trouvé  le  moyen  de  se  faire 

(■■)  Cette  cftanson  a  été  publiée  dans  notre  n"  12. 


applaudir  aussi  chaleureusement  que  la  température 
le  permettait. 

L'Union  Artistique  ferme  ses  portes.  La  dernière 
représentation  de  la  saison  a  été  donnée  le  7  juin. 
Inutile  de  dire  qu'on  s'y  épongeait  consciencieu- 
sement. Toutefois  chacun  s'y  est  montré  à  la 
hauteur  de  la  lourde  tâche  qui  lui  incombait  et  la 
pièce  On  demande  des  domestiques,  interprétée  par 
nos  amis  Cherville,  Georges  et  Gabriel,  a  été  enlevée 
à  la  satisfaction  générale.  C'est  le  grand  succès  de 
la  soirée.  11  en  est  d'autres  que  nous  serions  heureux 
de  signaler  à  nos  lecteurs,  mais  notre  cadre  a  des 
limites  qui  nous  forcent  à  la  discrétion.  Ne  quittons 
pas  cette  société  sans  annoncer  qu'elle  se  propose  de 
rouvrir  à  la  saison  prochaine  sur  des  bases  toutes 
nouvelles  qui  feront  époque  dans  les  annales 
lyriques.  Nous  en  reparlerons  longuement  dans  notre 
prochain  numéro. 

A.  LEROY. 

Samedi  24  mai,  au  106  de  la  route  de  la  Révolte 
(salle  Fournier),  l'Union  Chorale  de  Clichy  a  organisé, 
sous  la  direction  de  M.  André  Vignat,  un  concert 
populaire  au  bénéfice  d'un  sociétaire  blessé  :  cette 
généreuse  entreprise  a  reçu  sa  récompense. 

L'élément  féminin  était  représenté  par  M"'  X, 
étoile  en  villégiature  qui  a  filé  incognito  au  travers 
de  ce  petit  ciel  artistique,  et  par  M"°  de  Genest, 
mignonne  débutante,  dont  la  modestie  s'est  gracieu- 
sement marquée  dans  «  C'est  bête,  fose  pas.  »  — 
Osez,  Mademoiselle,  et  tout  ira  bien. 

Les  interprètes  du  sexe  fort  étaient  MM.  Maufay, 
Meunier,  Hardy,  Victor,  comiques;  Sartor  et  Linck, 
romanciers.  —  Il  y  a  eu  peu  ou  point  de  faiblesse.  — 
Une  mention  spéciale  à  M.  Maufay,  qui  dans  Une 
Drôle  de  soirée,  s'est  montré  plus  qu'un  amateur,  et 
à  M.  Sartor,  dans  A'^e  touchez  pas  à  la  République 
(paroles  de  MM.  René  Asse  et  J.  Jalmey,  rédacteurs 
au  Monde  plaisant). 

L.  Demortreux  tenait  le  piano.  —  Les  chœurs 
dirigés  par  M.  Mondain,  avaient  entrain  et  tonalité. 

Mercredi  28  mai,  au  restaurant  Notta(2,  boulevard 
Poissonnière),  la  société  «  la  Pomme  »  donnait 
son  18°  dîner,  le  dernier  avant  les  vacances. 

Ce  dîner  a  été  le  plus  gai,  peut-être,  de  la  saison  r 
n'était-il  pas  présidé  par  M.  Charles  Monselet,  qui  a 
émaillé  le  dessert  de  ses  inimitables  sonnets?  C'était 
un  vrai  feu  d'artifice,  dans  lequel  de  petits  pommiers 
audacieux  ont  mélangé  d'humbles  pétards.  —  De 
plus,  on  a  jeté  les  bases  d'une  fête  littéraire  semblable 
à  celle  qui  mit  les  Caennais  en  émoi,  l'an  dernier. 
Nantes,  patrie  du  président,  sera  vraisemblablement 
le  théâtre  d'une  agape  intellectuelle  dont  nous  ferons 
connaître  ultérieurement  le  programme. 

Prosper  tibia. 

Il  3'  a  deux  ou  trois  mois,  un  groupe  de  jeunes 
gens,  amateurs-artistes  de  Rueil,  formaient  une 
société  sous  ce  nom  :  La  Pomponnette.  Le  dimanche 
25  mai ,  cette  société  offrait  gratuitement  une 
première  solennité  au  théâtre  de  la  Renaissance  à 
Rueil.  Plus  de  600  personnes  assistaient  à  cette  fête. 
Des  artistes  de  divers  théâtres  et  concerts  parisiens 
avaient  apporté  leur  concours.  Nous  aurons  l'occa- 
sion de  reparler  de  cette  société. 

Le  dimanche  1"  juin,  la  Fauvette  Parisienne,  sous 
la  présidence  de  M.  Thouzery,  donnait  sa,  dernière 


32 


LA  CHANSON 


soirée  de  la  saison.  Il  était  littéralement  impossible 
de  trouver  de  la  place  ;  les  trois  salons  étaient 
combles.  Le  Choral  de  l'Odéon,  sous  la  direction  de 
M.  Lasserre,  a  parfaitement  exécuté  Une  Matinée  de 
■printemps  et  les  Paysans.  M.  Lasserre  a  chanté  avec 
succès  une  chanson  de  lui.  M""  Mathilde,  Berthe, 
Madeleine,  Louise  et  Angèle  ont  eu  le  succès 
qu'elles  méritaient.  MM.  Augustel,Prosper, Benjamin, 
Lamarre,  Berlioz,  Henri  H.,  dans  des  genres  tous 
dififérents ,  ont  su  se  faire  écouter  avec  plaisir. 
MM.  Lerjs  et  Lefèvre  ont  fait  entendre  le  duo  de  la 
Reine  de  Chypre.  Le  trio  pour  violon,  flûte  et  piano 
de  M.  Lourdez,  ainsi  que  plusieurs  musiques  inédites 
de  ce  compositeur  de  talent,  ont  fait  le  plus  vif 
plaisir  à  entendre.  M.  Lourdez  est  le  pianiste  de 
la  Fauvette  Parisienne  dont  il  est  membre.  Nous 
oublions  sans  doute  des  noms,  le  programme  étant 
des  plus  chargés.  Une  tombola  a  terminé  la  soirée. 
Il  était  près  d'une  heure  et  deujie  du  matin. 

A.  P. 

Chalet  Idalie.  — Nous  avons  assisté  cette  semaine 
à  l'inauguration  de  la  nouvelle  salle  de  spectacle- 
concert  de  cet  établissement,  laquelle  a  été  ouverte  le 
jeudi  5  juin,  à  la  foule  envahissante  des  curieux  et 
du  public  Vincennois. . . 

Que  dire  de  Marguerite  Baudin,  si  pleine  d'une 
crânerie  comique  dans  Le  Gigot  à  l'ail,  Mon  Dodore 
et  Ernest- Emestine,  de  M™"  Brugère  qui  vocalise 
comme  un  rossignol  dans  Galathée  et  Le  Mari  à 
la  porte. 

M"""  Garay,  très-amusante  dans  La  Kermesse, 
très-fine  dans  Un  grand  mauvais  Sujet,  opérette 
rondement  enlevée  avec  le  concours  de  son  mari; 
M"°  Delvaud,  une  toute  jeune  iîlle,  chante  gentiment, 
bien  que  La  Passerelle  et  Le  Sentier  couvert  soient 
orchestrés  dans  un  ton  trop  grave  qui  nuit  à  sa 
tonalité. 

Bousquet ,  un  musicien  doublé  d'un  chanteur 
excentrique,  est  désopilant  avec  son  Gommeux  nègre 
et  Miss  Kochette  ;  Moch  a  soulevé  des  salves  d'applau- 
dissements avec  Bibi  d'  bébé  et  Si  c'était  à  refaire; 
Garay  souligne  intentionnellement  :  Ça  commence  ; 
quelle  jactance,  quel  entrain,  dans  son  Professeur  de 
logique! 

Coilignon  est  le  compositeurTchanteur  populaire 
que  chacun  sait...  sympathique  et  ému  dans  La 
barque  volée,  tendre  avec  sa  Manon;  enfin  Georges 
est  un  jeune  tyrolien  qui  sait  plaire  dans  un  genre 
qui  offre  peu  de  variété. 

L'orchestre  marche  à  merveille  sous  l'habile 
direction  de  M.  Desormes  ;  Vergeron  a  eu  bon  goût 
pour  trier,  sur  le  volet,  des  artistes  sachant  plaire 
au  public  connaisseur  et  de  bon  goût  qui  compose 
la  population  de  Vincennes. 

Enfin  pour  être  juste,  nous  rendrons  hommage 
aux  prodigalités  de  MM.  Bouley  et  Arnaud,  les 
propriétaires  de  l'établissement. 

HippoLYTE  DEMANET. 


NOUVELLES   &   AVIS 


Le  concert-conférence  qui  a  eu  lieu  le  dimanche 
25  mai  àl'Elysée-Montmartre,  sous  la  pi'ésidence  de 
M.  Lockroy,  et  organisé  par  le  syndicat  des  artistes 
musiciens-instrumentistes,  a  tellement  réussi  qu'une 


seconde  matinée  doit  avoir  lieu  le  29  juin  dans  un 
théâtre  de  Paris,  sous  la  présidence  d'honneur  de 
Victor  Hugo.  MM.  Ch.  de  Sivry,  Marins  Bagger, 
chef  d'orohestre  des  Fantaisies  parisiennes  ,  et 
Ch.  Mole  retrouveront  les  succès  qu'ils  ont  obtenus 
la  première  fois.  Les  démonstrations  de  M.  Magnat, 
le  dévoué  professeur  des  sourds-muets,  sont  des  plus 
intéressantes  et  des  plus  concluantes. 

M.  Weckerlin,  bibliothécaire  au  conservatoire  de 
musique,  est  parti  ces  jours  derniers  pour  Colmar 
où  il  va  diriger  la  première  représentation  d'un 
opéra  inédit  de  sa  compositipn,  écrit  en  dialecte 
alsacien,  la  Vendange.  M.  Weckerlin  est  alsacien; 
il  a  tenu  à  donner  à  l'Alsace  la  primeur  de  son 
œuvre.  Outre  que  M.  Weckerlin  est  un  compositeur 
distingué,  il  est  de  plus  grand  collectionneur  de 
chansons.  Sa  bibliothèque  particulière  est  la  plus 
complète  en  chansons  anciennes  et  modernes  en  tous 
genres. 

Nous  lisons  dans  le  Journal  de  Vervins,  à  la  date 
du  S  juin,  le  quatrain  suivant  : 

BÉRANGER 

Un  grand  nom!  un  grand  cœur!!  autant  qu'un  grand  poète, 
A  sa  louange  on  n'en...  dira  jamais  assez!!! 
.^lais  poui'  un  tel  sujet  ma  lyre  n'est  pas  faite, 
Je  finis  :  Il  fut  bon!  il  fui...  surtout...  français!!! 

Alfreb  GONTIER. 

Notre  confrère  Amédée  Folleville,  rédacteur  eu 
chef  du  Quartier  Latin,  émet  une  idée  qui  ne  man- 
quera pas  de  trouver  des  échos  parmi  la  jeunesse 
des  Ecoles.  Il  s'agit  de  fêter  grandement  le  jour  de 
la  remise  des  drapeaux  à  notre  armée. 

Les  adhésions  arrivent  nombreuses,  un  comité 
s'organise.  Inutile  d'ajouter  que  toutes  nos  sympa- 
thies sont  acquises  à  ce  projet. 

M.  E.  Grange,  président  du  Caveau,  a  lu  au 
Théâtre-Cluny  une  pièce  en  cinq  actes,  les  Vacances 
de  Beuutaudon . 

La  Lice  Chansonnière  a  reçu  au  nombre  de  ses 
membres  M.  Arthur  Lebeau.  .1.  Jeannin  et  Cahen 
lui  servaient  de  parrains. 


Notre  Tournoi  mensuel  sera  clos  le  25  juin.  Nous 
rappelons  qu'il  consiste  en  une  chanson  n'ayant  pas 
plus  de  six  couplets,  sujet  libre.  —  Une  seule  pièce  sera 
insérée  dans  notre  journal  et  Fauteur  aura  droit  à 
dix  exemplaires.  Les  noms  des  deux  suivants  seront 
indiqués,  ainsi  que  les  titres  de  leurs  chansons. 

Nos  abonnés  seuls  peuvent  prendre  part  à  nos 
Petits  Concours. 

Nous  rappelons  à  tous  nos  abonnés  que  nous  avons 
fait  brocher  la  première  année,  que  nous  enverrons 
franc  de  port  à  toute  personne  qui  nous  enverra  un 
mandat  sur  la  poste  de  5  francs.  Les  timbres-poste 
ne  seront  pas  reçus.  Prise  dans  nos  bureaux,  18,  rue 
Bonaparte,  4  fr.  50. 

Nous  prions  nos  abonnés  qui  n'ont  pas  le  premier 
semestre  et  auxquels  il  manquerait  des  numéros, 
de  se  hâter  d'en  faire  la  demande  s'ils  veulent  se 
compléter. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANNEE. 


N°  23. 


1"  JUILLET  1879. 


LA 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi-Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  <5c  le  16  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.   LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 


France,  un 


Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  •  Aiivet  à  tous  (k.  patay).  —  Banquet  du  Caveau,  Mois  doitnds  (l.-henry  LF,co^iTE).  —  Curioxilés  de  In  Chiui-son  : 
U  Mort  et  la' Police  nÈrtANGERl  -  Vive  la  '^publique  (jules  ruel).  -  Souve>dr  d'IUgé^ippe  Movenu  (sigus).  -  Vahundonnee, 
paroles  de  ^bdLaIm:.;.  musique  de  paolo  meveu).  -  Le  Conserualeur  (.ules  h.;el).  Paris  nui  etwnte  :  Les  Joyeux 
Amis  (A.  LEROY).  -  miiograplue{Ei:G.  imbert).  -  L'Automue  (j.-i..  robixot).  -  Adolphe  Vaudrij  (uobert  uARNieR).  - 
Nourrîtes  et  Avis  (a.  tatay). 

conseillers  imniiéipaux.  d't'crivains,  de  jounia- 
li.stes  et  de  chansonniers. 

Cette  année,  nous  faisons  appel  à  ce  Comité 
ainsi  (pi'à  toutes  les  souuuités  artistiques,  litté- 
raires, politiques  et  chansonnières,  qui  voudront 
bien  prendre  part  à  la  célébration  do  cet 
anniversaire  qui  doit  précéder  la  grande 
solennité  du  19  août  de  l'an  prochain,  l'érection 
de  la  statue  de  Béranger  dans  le  square  du 
Temple. 

Béranger,  qui  lut  toujours  l'apôtre  du  bien, 
l'ami  du  progrès,  du  libéralisme  et  l'ennemi 
de  l'intolérance  politique  et  rehgieuse  ;  en  un 
mot,  Béranger  que  quelques-uns  semblent 
encore  méconnaître,  nous  appartient  par  sa 
naissance,  son  caractère,  son  cœur  et  ses 
oeuvres  :  tout  était  peuple  en  lui. 

L'hommage  que  nous  voulons  rendre  à 
Béranger  est  tout  littéraire .  Qui  plus  que  lui  a 
excellé  dans  son  genre? 

Nous  ferons  connaître  par  la  voie  de  la 
Presse  l'heure  et  le  lieu  du  rendez-vous.  Les 
membres  du  Comité  voudront^  sans  doute,  en 
célébrant  le  2,2°  anniversaire  de  la  mort  de 
Béranger,  rendre  un  nouvel  hommage  à 
l'auteur  du  Dieu  des  Bonnes  gens,  du  Vagabond 
et  des  Hommes  noirs. 

A.  PATAY. 

Directeur  de  I.a  Chanson,  membre  du  Comité  Béranger. 


Il  y  a  aujourd'hui  un  nu,  notre  rédacteur 
en  chef  à  cette  même  place,  dans  un  cha- 
leureux article ,  disait  aux  chansonniers 
qu'ils  devaient  marclier  à  l'avant-gai-de  des 
enthousiastes  de  la  gloire  du  plus  grand  des 
chansonniers,  Béranger. 

Cet  appel  fut  aussitôt  entendu  de  la  Lice 
Chansonnière  et  de  plusieurs  membres  du 
Caveau.Un  avis  fut  envoyé  aux  journaux  quel- 
ques jours  à  peine  avant  le  16  juillet,  anni- 
versaire de  la  mort  de  l'illustre  chansonnier. 

Nous  avons  alors  pu  constater  par  l'em- 
pressement de  la  foule  à  répondre  à  cette 
invitation,  que  l'on  pouvait  réaliser  l'idée 
que  nous  caressions  depuis  longtemps,  d'ériger 
une  statue  au  maître  de  cette  littérature  émi- 
nemment française,  la  chanson. 

A  partir  de  cette  époque ,  nous  avons 
employé  tous  nos  efforts  pour  créer  un  Comité 
qui  pût  aider  à  la  réalisation  de  notre  but, 
voir  Béranger  en  bronze  au  centre  de  ce 
Paris  qui  l'a  vu  naître  et  mourir.  Ce  Comité, 
dont  Victor  Hugo  a  bien  voulu  accepter  la 
présidence  d'honneur,  se  compose  de  membres 
de  l'Institut,   de   sénateurs,   de  députés,  de 


34 


LA  CHANSON 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DES  MOTS  DONNES  (20  JUIN) 

Indépendamment  de  ses  dîners  mensuels,  le 
Caveau  donne,  tous  les  ans,  un  banquet  d'été,  à 
l'issue  duquel  se  chantent  les  «  Mots  donnés  »  dis- 
tribués par  le  sort  en  séance  administrative. 

Cette  réunion  supplémentaire  est  tout  intime,  et, 
d'ordinaire,  aucun  visiteur  n'y  est  admis.  Le  Caveau, 
cependant,  a  bien  voulu  faire  une  double  exception 
en  faveur  d'Eugène  Imbert  et  du  signataire  de  ces 
lignes.  Je  ne  pourrai  malheureusement  reconnaître 
l'amabilité  de  la  jojeuse  compagnie  par  un  compte 
rendu  bien  détaillé. 

La  série  des  Mots  donnés  était,  cette  année,  la 
Cuisine,  ou,  plus  exactement,  les  Mets.  Pour  ces  sujets 
imposés,  souvent  en  opposition  complète  avec  le 
tempérament,  le  goût  du  chansonnier  qui  les  traite, 
la  critique  a  pour  devoir  l'indulgence.  Devoir  facile, 
car,  étant  données  tant  de  difficultés  à  vaincre,  les 
productions  chantées  l'autre  soir  sont  loin  d'être 
maiivaises.  Dans  quelques-unes,  toutefois,  le  travail 
est  un  peu  trop  visible,  et  la  collaboration  obligée  de 
la  Cuisinière  bourgeoise  a  gêné  la  verve  de  plus  d'un 
poète  ;  il  fallait  s'y  attendre. 

M.  Eugène  Grange  qui,  pour  donner  un  aspect 
particulier  à  cette  fête  de  famille ,  s'était  vêtu  du 
costume  complet  d'un  chef  de  cuisine,  a  ouvert  la 
séance  des  chants  par  un  ordre  de  service  spirituel- 
lement écrit  et  débité,  et  par  une  ingénieuse  apologie 
de  tous  les  potages  connus. 

Vingt  mets  à  peu  près  ont  ensuite  défilé,  cuits 
entre  rimes  plus  ou  moins  riches  et  accommodés  sur 
ponts-neufs  ou  airs  nouveaux  :  les  Ho7's-d'œuvre, 
présentés  par  M.  Montariol  ;  le  Saumon,  par  M.  Du- 
velleroj  ;  la  Poule ,  par  M .  Duprez  ;  l'Oie ,  par 
M.  Pouache  ;  la  Dinde,  par  M.  Vergeron  ;  le  Gibier 
à  poil,  par  M.  Jullien  ;  le  Gibier  à  plumes,  par 
M.  Piesse;  l'Omelette,  par  M.  Grange;  le  Homard, 
par  M.  Mouton-Dufraisse  ;  le  Jambon,  par  Alfred 
Leeonte  ;  les  Tripes,  par  Fénée  ;  la  Morue  et  les 
Pieds  de  mouton,  par  Charles  Vincent;  le  Miroton, 
par  M.  Moynot.  —  J'en  passe. 

Avec  ces  titres  et  ces  noms,  les  lecteurs  de  La 
Chanson  devineront  la  plupart  des  résultats  atteints 
au  moyen  de  couplets  sages,  fous,  moraux,  grivois, 
politiques  même.  L'impression  générale  a  été  très- 
satisfaisante;  je  le  constate  avec  plaisir. 

Outre  les  membres  titulaires  du"  Caveau,  trois 
chansonniers  ont  pris  la  parole  au  banquet  des  Mots 
donnés.  M.  Michel  a  chanté  la  Tête  de  veau;  M.  Ar- 
mand Liorat  a  célébré  les  Salades  ;  enfin  Eugène 
Imbert  a  fait  l'éloge  du  Sel  —  en  pot-pourri.  Sel  de 
cuisine,  sel  de  table,  sels  chimiques,  sel  médicinaux, 
Imbert  n'a  rien  oublié  dans  cette  œuvre  émaillée  de 
calembours  et  saupoudrée  de  ce  sel  attique  qui  est, 
au  Caveau,  l'assaisonnement  obligé. 

L. -Henry  LECOMTE. 


CURIOSITÉS    DE    LA  CHANSON 


LA  MORT  ET  LA  POLICE 

De  par  le  préfet  de  police 

Qui  vous  sait  à  l'extrémité. 

Moi,  monsieur,  délégué  d'office. 

Je  viens  vous  remettre  en  santé. 

A  table,  et  vive  la  gaîté! 

Que  vos  docteurs  d'ici  fassent  retraite; 

Or,  de  mourir  défense  vous  est  faite, 

Obéissez,  monsieur,  ne  mourez  pas! 

Vous  mort,  il  faut  qu'on  vous  enterre  ; 
Que  de  gens  viendront  au  convoi  ! 
Pleureurs  de  mauvais  caractère, 
Prêts  à  tout  mettre  en  désarroi.  (*) 
Nous  savons  comment  tombe  un  roi  : 
Voudriez-vous  que  le  char  de  l'Empire 
Sur  votre  fosse  allât  faire  un  faux  pas? 
Bieii  que  ce  mot  vous  arrache  un  sourire. 
Obéissez,  monsieur,  ne  mourez  pas! 

Tout  vous  défend  la  résistance  ; 

Le  prince  et  ses  législateurs 

Comptent  pour  rien  ce  (|ue  la  France 

Vous  dut  de  chants  consolateurs! 

Vous  n'êtes  point  de  nos  flatteurs. 

Pour  les  mouchards,  (*')  une  loi  fort  bénigne 

Vous  met  au  ban,  vous,  avec  les  forçats  (***), 

Flétri  du  nom  de  citoyen  indigne, 

Obéissez,  monsieur,  ne  mourez  pas! 

Vivez  !  A  la  cour  vont  éclore 
Grandeur,  clémence  et  loyauté. 
Grâce  à  l'argent  qui  sert  de  chlore, 
Nous  amputons  la  liberté. 
Déesse  au  parlage  effronté. 
Presse  et  tribune  existent  pour  mémoire. 
Avoir  raison  n'est  plus  un  embarras  ; 
Ne  sachant  rien,  le  peuple  va  tout  croire. 
Obéissez,  monsieur,  ne  mourez  pas! 

Mais  votre  nom,  avant  l'année, 

Doit  de  plus  en  plus  s'amoindrir. 

Sous  votre  couronne  fanée. 

Sans  risque  pour  nous  à  courir. 

Alors  sans  bruit,  sans  discours  (**"),  sans  service. 

Un  char  décent  vous  conduira  là-bas  ! 

En  attendant,  aux  ordres  de  police. 

Obéissez,  monsieur,  ne  mourez  pas! 

DÉRANGER. 


(*)  «  J'apprends  que  des  hommes  de  parti  ne  voient  dans 
cette  triste  solennité  qu'une  occasion  de  renouveler  ces 
désordres,  etc.  »  {Proctam.  du  Préfet  de  police,  16  juillet  1857). 

(••)  u  Le  cortège  funèbre  était  précédé  d'un  peloton  de 
sergents  de  ville...  Derrière  le  char  venait  un  autre  peloton 
de  sergents  de  ville.  »  (La  Bédollière,  Béranger.) 

(•"•)  La  loi  électorale  restreinte  par  la  Légistative. 

("■••)  <i  Le  gouvernement  ne  souffrira  pas  qu'une  manifes- 
tation tumultueuse  se  substitue  au  deuil  respectueux  et 
patriotique  qui  doit  présider  aux  funérailles  de  Béranger.  » 
[Proctam.  du  Préfet  de  police.) 

Rappelons  que  cette  chanson  prophétique  a  été  écrite  par 
Béranger  en  1853,  quatre  ans  avant  sa  mort.  Elle  ne  figure 
pas  dans  ses  Œuvres  complètes. 

A.  P. 


LA  CHANSON 


35 


VIVE  LA  REPIBLIQIE  ! 

J'aime  à  pousser  ce  cri  légal, 

Mais  ce  qui  m'est  égal 
C'est  d'en  entendre  un  différent, 

Tout  membre  de  la  clique 

Doit  être  tolérant  : 

Vive  la  République  ! 

«  Partant  pour  la  Syrie,  «  hélas! 

Rappelait  Ménélas, 
L'air  de  Rouget  nous  est  rendu. 

L'aigle  est  mélancolique, 

Bazile  est  éperdu  : 

Vive  la  République  ! 

On  va  mettre  enfin  le  holà, 

Tartuffe  et  Loyohi 
Inculquaient  aux  petits  garçons 

Leur  tièvi'C....  évangélique; 

Assez  de  leurs  leçons  : 

Vive  la  République  ! 

Nous  la  tenons  bien  aujourd'hui. 

Sourions  de  celui 
Que  voudrait  poser  en  sauveur 

Sa  bande  l'amolique  ; 

A  Chaillot  le  rêveur  : 

Vive  la  République  ! 

Bonaparte,  Orléans,  Bourbons, 
Pour  nous  vous  êtes  bons. 

Vous  ne  voulez  que  noti'e  bien, 
Mais,  trois,  ça  se  complique  ! 
■Carte  à  payer,  combien? 
Vive  la  République  ! 

Ce  besoin  d'être  gouvernés 

Menés,  tondus,  bernés, 
Si  difficile  à  concevoir. 

Pour  quelques-uns  s'explique; 

Liberté,  c'est  devoir  : 

Vive  la  République  ! 

Un  Président,  au  lieu  d'un  Roi, 

Quel  affreux  désarroi, 
Le  char  de  l'Etat  va....  sombrer, 

Prud'homme  a  la  colique, 

Pitt  va  nous  démembrer  : 

Vive  la  République! 

Laissons  en  paix  les  potentats 
Régner  dans  leurs  états, 

Le  pied  sur  leur  peuple  à  genoux. 
Argument  sans  réplique. 
Restons  libres  chez  nous  : 
Vive  la  République  I 

Le  travail  moralisateur 

Et  pacificateur. 
Fait  taire  et  transforme  l'airain, 

Peuple  au  cœur  héroïque, 

Voilà  ton  souverain  : 

Vive  la  République  ! 

Tout  monarque  a  ses  courtisans, 

Nous  sujets-partisans 
De  l'aimable  reine  chanson, 

Malgré  la  loi  salique. 

Chantons  à  l'unisson: 

Vive  sa  République  ! 

Jules  RUEL. 


SOUVENIR  D'HÉGÉSIPPE  MOREAU 


Quand,  d'une  voix  sonore. 
Les  cloches  de  Provins 
Chantent  dans  les  ravins 
Le  réveil  de  l'aurore, 

Je  me  sens  frissonner. 
L'âme  tout  attendrie. 
Couché  dans  la  prairie, 
J'écoute  bourdonner 

Leurs  vieux  battements  d'ailes  ; 
De  ce  drelin-din-don. 
S'élance  un  faux  bourdon 
De  strophes  immortelles. 

Car  l'âme  de  Moreau 
Plane  sur  la  vallée. 
Comme  dans  sa  volée 
Fait  l'humble  passereau. 

Elle  attend  la  fermière, 
Ange  de  son  foyer. 
Qu'on  croit  voir  tournoyer 
Dans  la  même  lumière. 

0  poète,  attends-nous 
Aux  bords  de  la  Voulzie, 
Où  vient  la  poésie 
Te  pleurer  à  genoux  ! 

Sous  son  bleu  diadème. 
Le  frais  mj'osotis 
Que  tu  chantas  jadis. 
Redit  tout  bas  qu'il  t'aime. 

Parmi  les  moissonneurs, 
Sur  la  gerbe  dorée. 
Viens,  ô  mon  adorée. 
Viens  rendre  les  honneurs 
A  ceux  qu'un  sort  néfaste, 
En  dépit  des  autels, 
A  rendus  immortels, 
Par  l'amour  pur  et  chaste. 

Vois  !  leur  cher  souvenir 
Et  le  parfum  des  roses. 
Qui  toutes  sont  écloses, 
Semblent  nous  retenir 
Sous  la  fraîche  églantine  ; 
Viens  en  ces  lieux  charmants 
Que  recherche  l'ondine. 
Vaporeuse  blondine 
Qui  berce  les  amants. 

Entends-tu  l'harmonie 
Du  limpide  ruisseau 
Dire  au  petit  roseau  : 
«  Compare  Sidonie 
«  A  Louise  Lebeau  ; 
«  Ces  deux  âmes  fidèles, 
«  Couvriront  de  leurs  ailes 
u  Leurs  amis  au  tombeau.  » 

siaus. 


36 


LA  CHANSON 


L'ABANDONNEE 

Musique     de     PAOLO     MEYER 
Mouvl  de  Valee. 


te         Mc.n     rêve    aux  ai  _   les      d'or. 

!';''(:!   CÔnuiï'c   «Jus    autfe.foTs         j-e.tais  folle  pi    ri 


Le  soleil  qui  se  lève 
Et  la  nuit  qui  s'endort, 
Ne  troublent  plus  mon  rêve, 
Mon  rêve  aux  ailes  d"or. 

Comme  vous  autrefois  j'étais  folle  et  rieuse, 
Je  courais  dans  les  champs  après  les  papillons, 
J'étais  joyeuse  alors,  et  mon  âme  rêveuse 
Avait  encor  la  fleur  de  ses  illusions. 

Le  soleil  qui  se  lève,  etc. 

Un  jour,  il  est  parti,  celui  que  mon  cœur  aime, 
Parti  bien  loin,  hélas!  sans  espoir  de  retour; 
En  me  disant  adieu,  sa  main  pressa  la  mienne, 
Je  n'ai  gardé  de  lui  que  ce  gage  d'amour. 

Le  soleil  qui  se  lève,  etc. 

Mais  je  l'emporterai,  je  le  sens,  dans  la  tombe. 
Cette  bague  où  nos  noms  se  trouvent  enlacés. 
Et  si  ce  fier  vautour  cherche  un  jour  sa  colombe, 
Il  veri'a  dans  mon  cœur  les  maux  qu'il  a  causés. 

Le  soleil  qui  se  lève 
Et  la  nuit  qui  s'endort. 
Ne  troublent  plus  mon  rêve, 
Mon  rêve  aux  ailes  d'or. 

J.-B.  DAVAGNIER. 


LE  CONSERVATEUR 


Des  vieux  usages  de  nos  pères 
Qui  font  les  nations  prospères 
De  la  famille  et  de  la  foi. 
De  l'ordre  et  du  «  chacun  pour  soi;  » 
De  ma  fortune  et  de  ma  place, 
En  haine  de  la  populace 
Et  (le  tout  esprit  novateur, 
Je  suis  conservateur. 

Aux  accents  de  la  Marseillaise, 
Le  peuple  ne  se  sent  pas  d'aise. 
Imbécile,  au  lieu  de  crier. 
Ne  vaudrait-il  pas  mieux  prier. 
L'hymne  sacré  de  l'espérance  : 
«  Jésus,  sauve  Rome  et  la  France,  » 
Voilà  le  chant  libérateur  : 
Je  suis  conservateur. 

Pendant  que  l'incrédule  à  Lourdes 
Traite  nos  miracles  de  bourdes. 
Un  pasteur  au  cœur  trop  aimant. 
Est  flétri  par  un  jugement. 
Les  bonnes  sœurs  et  les  chers  frères, 
Sont  menacés  comme  les  pères. 
Malgré  ce  flot  dévastateur. 
Je  suis  conservateur. 

Dans  ce  siècle  oii  l'erreur  fourmille. 
Du  saint  foyer  de  la  famille. 
Qu'avec  soin  Littré  soit  exclu, 
Veiiillot  seul  y  doit  être  lu. 
Pour  moi,  pieux  célibataire. 
En  secret  je  relis  Voltaire, 
Mais  motus  à  mon  directeur  : 
Je  suis  conservateur. 

De  notre  antique  droit  d'aînesse, 
Plus  d'une  fois  dans  ma  jeunesse. 
J'approuvai  la  suppression, 
Quelle  étrange  aberration  ! 
Au  jour  tardif  de  l'héritage, 
Devant  la  douleur  du  partage. 
J'ai  maudit  le  législateur  : 
Je  suis  conservateur. 

Au  malheureux  qui  m'importune, 
A  l'amitié  dans  l'infortune, 
A  la  quêteuse  aux  doux  regards, 
Je  sais  témoigner  des  égards  ; 
Mais  à  l'indiscret  qui  persiste, 
Je  réponds  :  Que  Dieu  vous  assiste 
,Et  soit  votre  consolateur  : 
Je  suis  conservateur. 

Invariable  en  politique. 
Je  me  soumets  à  la  tactique 
Du  grand  parti  de  l'union, 
Chacun  a  son  opinion. 
Lys  ou  coq  voilà  ma  devise. 
Et  pour  que  rien  ne  nous  divise. 
J'admets  l'aigle  triomphateur  : 
.  Je  suis  conservateur. 


LA   CHANSON 


37 


Dans  les  luttes  électorales, 
Que  de  manœuvres  immorales 
Font  triomphez'  nos  ennemis, 
Contre  nous  tout  leur  est  permis  ; 
Si,  par  hasard,  je  touche  aux  listes. 
Les  républicains  formalistes 
M'appellent  falsificateur  : 
Je  suFs  conservateur. 

«  Gloire  au  travail,  place  au  mérite,  » 
—  Formule  creuse  qui  m'irrite; 
((  L'art  et  non  le  sabre  vainqueur, 
i(  L'école  et  non  le  sacr6-cœur,  » 
• — ■  C'est  avec  ces  phrases  banales 
Que  nous  marchons  aux  saturnales. 
Si  Dieu  n'envoie  un  dictateur.... 
Je  suis  conservateur. 

Pour  toute  vie  irrégul'èro, 
Avec  le  ciel,  a  dit  Molière, 
Il  est  des  accommodements, 
Malgré  les  dix  commandements. 
Mon  faible  cœur  n'est  pas  de  pierre, 
Mais  je  ne  crains  rien,  car  saint  Piei're 
Me  connaît  comme  souscripteur  : 
Je  suis  conservateur. 

Jules  RUEL. 


PARIS   QUI    CHANTE 


La   Société    lyrique    des    Jnyeux     Amis 

M.  Lucianni,  vice-président  des  Joyeux  Amis, 
m'adresse  (en  y  joignant  une  lettre  charmante)  et 
avec  un  emprensemimt  que  je  me  jilais  à  constater, 
l'historique  de  sa  société.  Dans  de  telles  conditions 
ma  tâche  se  trouve  notoirement  simplifiée.  J'en  suis 
très-heureux,  et  j'accepte  avec  reconnaissance  le 
rôle  de  copiste  qu'il  me  faut  prendre  malgré  les 
protestations  que  la  modestie  des  membres  du  biu-eau 
rédacteur  ne  manqueront  pas  d'attribuer  à  ma  prose. 

Avant  d'être  ce  qu'ils  sont  aujourd'hui,  c'est-à- 
dire  disciples  convaincus  de  la  mère  chanson.  Les 
Joyeux  Amis  cultivaient  avec  ardeur  l'art  nautique  : 
ils  étaient  bien  une  quinzaine,  lorsque,  à  force  de 
ramer,  la  bande  joyeuse  échoua  un  jour  à  Asnières. 
11  n'y  a  rien  comme  quelques  coups  d'avirons  pour 
mettre  en  appétit  les  estomacs  de  vingt  ans.  Aussi 
quelle  joie  après  un  tel  exei'cice  d'arriver  sain  et 
sauf  dans  un  port  où  l'on  trouve  des  hôtesses  aux 
yeux  bleus,  doubléesde  bout,eilles  aux  flancs  arrondis! 
Le  choc  du  verre  fait  jaillir  la  chanson;  de  la  chan- 
son l'amitié  naît  aussi.  Pour  avoir  le  plaisir  de  se 
revoir  plus  souvent  on  fonda  une  société  séance 
tenante  et  on  l'appela  /es  Joyeux  Amis.  Donc,  en 
juillet  1876,  Asnières  fut  témoin  de  l'élection  du 
premier  président.  M.  Numa  Bassaget,  plein  de  zèle 
et  de  dévouement,  obtint  d'unanimes  suffrages. 
Passèrent  d'emblée  vice-président  et  trésorier 
MM.  Zanzibar  et  Lafleur.  Le  bureau  constitué,  on 
se  réunit  pour  la  première  fois  en  août  1876.  café  du 
Caire,  place  du  même  nom.  C'est  là  que  l'inaugura- 
tion eut  lieu;  elle  fut  splendide!...  Cependant,  il 
arriva  ce  qui  arrive  presque  toujours  :  quelques 
désaccords  surgirent.  Le  président,  le  comité,  et  les 
sociétaires  ne  s'entendaient  plus.  M.  Bassaget  passion- 
nément amoureux  de  la  rame  (ce  qui  entre  parenthèse 


est  une  passion  d'un  platonique  indiscutable),  le 
président,  dis-je,  voulait  conserver  à  la  société  un 
caractère  nautique  et  lyrique  tout  à  la  fois.  Les 
sociétaires,  moins  amoureux  des  avirons  que  des 
chansons,  déclarèrent  ne  jamais  vouloir  céder  sur  ce 
point.  M.  Bassaget  donne  sa  démission  et  la  société 
d'un  commun  accord  s'ajourne  (vu  les  grandes 
chaleurs)  à  l'hiver  prochain.  C'est  en  février  1878, 
que  les  Joyeux  Amis  se  reforment  sous  de  nouvelles 
bases  dans  la  salle  du  café  des  Négociants,  99,l)oule- 
vard  Sébastopol,  local  qu'ils  occupent  actuellement. 
M.  Pierre,  élu  président,  s'efforce  de  donner  à  la 
société  b^  côté  artistique  que  nous  lui  connaissons. 

M.  Adam  lui  succède  et  signale  sa  prise  de  posses- 
sion par  un  coup  d'éclat.  11  organise  un  concert  à 
la  salle  Pierre  Petit.  Malheureusement  les  foi'malités 
de  la  censure  n'ayant  pas  été  remplies,  il  fallut 
l'ajourner  au  dimanche  suivant,  ce  qui  le  fit  échouer 
complètement.  1\L  Adam  désolé  et  surtout  dépité 
donne  sa  démission  le  lendemain  (juillet  1878).  La 
société  passe  dans  les  mains  de  M.  Largeot  avec 
M.  Lucianni  comme  vice-président,  M.  Beroux 
secrétaire  et  M.  Bury  trésorier. 

Possédant  une  direction  inlelligcnte  et  de  nom- 
breux éléments  artistiques.  Les  Jnyeux  Amis  ne 
pouvaient  que  prospérer.  Ils  prospèrent  !  L'art 
chorégraphique  complètement  négligé  pour  l'art 
lyrique  n'a  pas  peu  contribué  aux  résultats  obtenus  ; 
nous  devons  rendre  cette  justice  à  M.  Largeot.  Sous 
ce  rapport  il  s'attire  toutes  nos  sympathies;  par 
contre  les  jeunes  filles  le  voient  d'un  très-mauvais 
œil.  C  est  une  lutte  engagée  entre  le  beau  sexe  et 
lui,  eu  sortira-t-il  vainqueur?... 

Notons  encore  à  l'actif  de  M.  Largeot  l'initiative 
du  concert  donné  au  XIX°  siècle  au  profit  de  la 
statue  (le  Béranger  et  dont  notre  rédacteur  en  chef 
a  fait  le  compte  rendu  ;  témoignons-lui  de  nouveau 
toute  notre  reconnaissance  et  donnons  en  terminant 
la  nomenclature  altrégoe  des  artistes  contribuant  au 
succès  toujours  croissant  de  cette  société.  M""  An- 
gèle,  Louise,  Léontine,  Caroline,  Jenny,  Suzon, 
Barouzy,  Emilie  Préaux,  la  plus  jeune  (10  ans  je 
crois),  pas  la  moins  aimée.  MM.  Lafleur,  Marcus, 
Lelarge,  Lucianni.  Gustave  Marie,  Laglume,  Guil- 
loton,  Andral,  Gardin,  Larith,  Perron,  Lagalfe, 
Munier,  Brémont,  Bury,  etc.,  etc.  Cet  ensemble 
attrayant  de  chanteurs,  diseurs  et  artistes  dont  les 
noms  d'un  grand  nombre  nous  échappent,  attire  un 
public  choisi  qui  prouve  par  ses  applaudissements 
chaleureux  et  mérités  combien  on  s'amuse  au  sein 
des  Joyeux  Amis. 

A.  LEROY. 


BIBLIOGRÂPHSE 


La  Gamme  du  Sonnet,  en  trois  dizains,  par  Casimir 
Pertus  (Paris,  Sandoz  et  Fischbacher,  1879).  —  Un 
peu  de  tout,  chansons,  poésies,  fables,  théâtre,  par 
PouUain  (Paris,  Dentu,  1879). 

Je  veux  parler  aujourd'hui,  et  en  même  temps,  de 
ces  deux  livres  bien  différents  l'un  de  l'autre.  Ils  no 
perdront  rien  au  rapprochement.  Pertus  ne  pourra 
s'en  plaindre  et  Poullain  en  sera  fier.  Un  peu  de  tout 
et  la  Gamme  du  Sonnet  ont  un  caractère  commun  : 
la  sincérité  ;  les  deux  poètes  n'écrivent  que  ce 
qu'ils  pensent  ;    mais     le    style    de  l'un  est    plus 


38 


LA  CHANSON 


artiste;  celui  de  l'autre,  si  je  puis  parler  ainsi,  plus 
bonhomme.  Pertus  est  paré  sans  recherche,  PouUain 
simple  sans  négl  gence,  ou  du  moins  sa  négligence 
est  voulue  et  devient  un  agrément. 

Les  sujets  sont  dissemblables  comme  la  forme. 
Poullain  chante  les  douceurs  de  la  famille,  les 
charmes  de  l'amitié,  les  parfums  du  mad(=re  topaze, 
les  enivrements  du  pot-au-feu.  Pertus  célèbre  les 
grands  caractères  do  l'antiquité,  exalte  les  hautes 
vertus,  flagelle  les  méchants,  vante  et  enseigne 
l'éloquence.  Ici  je  vois  Horace  animé  par  le  Falerne, 
là  Juvénal  armé  de  lanières  vengeresses;  disons  le 
mot  juste  :  le  poète  et  le  chansonnier. 

Poullain  est  membre  du  Caveau.  Il  s'en  vante, 
mais  on  le  devinerait.  C'est  là  qu'il  a  dû  puiser,  non 
pas  ses  qualités  naturelles  de  rondeur  et  de  gaîté, 
mais  son  amour  du  léger  paradoxe  et  cette  tendance 
aux  regrets  du  passé.  Dans  Le  vieux  Paris  où  je  suis 
né,  il  se  montre,  comme  Clairville,  qui  a  traité  le 
même  sujet  à  sa  manière,  laudator  tempoi'is  acti  se 
puero,  mais  avec  moins  d'amertume.  Ailleurs,  il 
rétorque  Béranger  et  chante  : 

Dans  un  grenier  qu'on  est  mal  à  vingt  ans  ! 

'Voilà  bien  les  deux  notes  favorites  de  la  spirituelle 
académie  chansonnière. 

Poullain  n'aime  pas,  du  reste,  ce  qui  divise  les 
hommes,  mais  ce  qui  les  unit.  Il  fuit  la  politique  et 
cherche  les  banquets  : 

Dans  ma  chanson  jamais  la  politique 

N'assombrira  ma  riante  gaîté. 

){lanc,  rouge  ou  bleu,  le  vin  m'est  sympathique... 

Il  se  peint  là,  et  n'est  jamais  mieux  lui-même  que 
lorsqu'il  chante  le  Petit  bleu  gaulois,  la  Mère  Sans- 
souci,  le  Cochon  de  Saint-Antoine. 

Le  Nid  d'hirondelle,  le  Dieu  des  pauvres  gens,  Mon 
Ruisseau,  le  Petit  miroir,  ma  Chambrctte,  un  Rêve, 
ma  Maisonnette,  les  deux  Jumeaux  particulièrement, 
sont  des  morceaux  où  brillent  tour  à  tour  une  franche 
gaîté,  une  grâce  touchante,  une  éloquence  chaleu- 
reuse. C'est  le  cœur  doublant  l'esprit. 

Si  l'amour  est  un  mal,  c'est  le  meilleur  des  maux, 
s'écrie  notre  épicurien.  Mais  écoutez  comment  il 
comprend  l'égoïsme  de  sa  secte  : 

Egoïstes,  c'est  bon,  n'est-ce  pas,  d'être  à  soi  ; 
Du  bonheur,  au  logis,  de  pratiquer  la  loi  ; 
De  n'avoir,  étant  deux,  qu'une  même  pensée. 
Qu'une  pulsation  par  les  deux  cœurs  poussée  ; 
De  voir  se  conformer  volontés  et  désirs  ; 
De  prendre  à  deux  la  peine  ainsi  que  les  plaisirs? 
Cela  se  passe  ainsi  lorsque,  d'une  main  sûre, 
Ce  grand  coquin  d'amour  vous  a  fait  sa  blessure, 
.Jusqu'à  ce  qu'un  bambin,  de  sa  charmante  voix, 
Vous  dise  :  Halte-là  !  Maintenant,  part  à  trois  ! 
Le  voilà,  le  gamin,  le  blondin,  l'enfant  rose, 
Qui  force  la  maison  en  tyran  qui  s'impose  ; 
Qui  prend  votre  repos,  parfois  voire  santé, 
Qui  veut  tout,  à  son  tour,  sans  être  contesté  ; 
Vous  êtes,  comme  on  dit,  pris  dans  son  engrenage, 
Et  le  jeune  despote  est  maître  du  ménage... 

Nous  nous  reprocherions  de  ne  pas  mentionner  la 
pièce  de  vers  que  Poullain  a  bien  voulu  adresser  à 
nos  amis  et  qu'il  intitule  :  Merci  à  la  Chanson,  en 
souvenir  de  Béranger. 

Pertus  ne  fait  pas  fi  de  l'actualité.  S'il  chante 
Socrate,  Brutus  et  Sophocle,  il  ne  dédaigne  pas 
Tragaldabas,  et  même  —  risum  teneatis  —  le  Petit 
Journal.  Daniel  Manin,  dans  ses  sonnets,  coudoie 
Lydie,  et  Victor  Hugo  y  donne  la  main  à  Michel  Ange. 


Je  pensais  que  pour  choisir  dans  ces  trois  dizains 
un  sonnet  à  citer,  je  n'avais  qu'à  les  relire  tous.  De 
là  précisément  redoublement  d'embarras.  Pour  m'en 
tirer,  ne  pouvant  faire  un  choix,  j'en  citerai  deux, 
le  premier  et  le  dernier.  Voici  donc  celui  qui  ouvre 
le  livre. 

LE  SONNEX 

Magique  est  son  pouvoir  :  poème  colibri, 

Tel  que  l'aigle,  il  s'élève  aux  régions  sublimes, 

Puis,  selon  son  caprice,  après  les  hautes  cimes, 

Il  parcourt  les  bosquets  où  l'amour  a  souri. 

Il  reflète  le  deuil  d'un  regard  assombri  ;  ^ 

Il  est  le  doux  écho  des  sentiments  intimes  ; 

Comme  avec  des  pinceaux  il  peint  avec  ses  rimes, 

Et  parfois  lance  un  trait  d'un  air  tout  aguerri. 

La  resserrant,  il  semble  agrandir  la  pensée' 

Qui,  dans  un  cadre  étroit  savamment  enchâssée, 

Brille  ainsi  qu'un  rubis  en  sa  monture  d'or, 

Et,  semblable  en  vitesse  aux  vertes  demoiselles, 

Il  déploie  et  secoue,  en  son  rapide  essor. 

Deux  quatrains,  deux  tercets,  vives  et  doubles  ailes. 

Ce  dernier  vers  n'est-il  pas  véritablement  ailé, 
lui  aussi?  Mais  passons,  au  contraire  de  Boileau,  du 
doux  au  grave  : 

MACTE  ANIMO 

Si  l'implacable  sort  te  prodigue  l'outrage, 

S'il  te  poursuit  toujours  de  ses  coups  odieux, 

Souviens-toi  du  Gaulois  qui  défiait  ses  dieux 

Quand  sur  lui  la  tempête  éclatait  avec  rage. 

Allons!  poète,  jette  au  milieu  de  l'orage 

L'imperturbable  accent  d'un  vers  mélodieux, 

Et,  le  regard  fixé  vers  ton  but  radieux, 

.\u-dessus  du  malheur  élève  ton  courage  ! 

Sous  les  vents  déchaînés  marche,  affermis  ton  pas  ; 

Va  toujours  en  avant  ;  ne  t'inquiète  pas 

Si  le  ciel  embrasé  peut  te  réduire  en  poudi'e  ; 

Traverse,  le  front  haut,  les  flamboîments  de  l'air  : 

Ta  plume  en  se  trempant  dans  les  feux  de  la  foudre 

Fera  sur  le  papier  jaillir  aussi  l'éclair! 

A  quoi  bon  faire  ressortir  la  netteté,  la  vigueur 
de  ce  style  riche  dans  sa  simplicité,  énergique  sans 
emphase?  Si  quelque  chose,  en  littérature,  approcha 
jamais  de  la  perfection,  ce  sont  assurément  de  tels 
vers. 

Et  j'admire  que  ce  poète,  qui  peignait  l'an  dernier 
d'un  brosse  si  hardie  les  grands  tableaux  d'une  épopée 
gauloise,  déploie  dans  ces  nouvelles  miniatures  des 
qualités  inattendues  et  rares  de  finesse  et  de  préci- 
sion. Ne  mérite-t-il  pas  qu'on  dise  de  lui-même  ce 
qu'il  disait  tout  à  l'heure  du  sonnet  : 

La  resserrant,  il  semble  agrandir  la  pensée. 

EuG.  IMBERT. 


De  La  Chanson 
PIÈCE  COURONNÉE 

L'AUTOMNE 

Chantez  la  saison  qui  donne 

Le  rêve  divin  ; 
Moi  j'aime  à  chanter  l'automne, 

La  saison  du  vin. 


LA  CHANSON 


39 


Le  soleil  abrège  sa  course  : 
Le  brouillard  attendrit  le  fruit  ; 
Le  vent  ride  l'eau  de  la  source 
Où  la  feuille  tombe  sans  bruit. 
L'été  suit  sur  son  aile  brune 
La  route  des  joyeux  printemps  ; 
La  brise  fraîchit,  et  le  temps 
Nous  fait  aimer  le  clair  de  lune. 
Chantez,  etc. 

La  gerbe  a  quitté  son  royaume 
Pour  la  grange,  et  dort  en  repos; 
Mais  on  voit  courir  dans  le  chaume 
Le  chasseur  ardent  et  dispos. 
Puis  le  soir,  quand  tombe  la  fièvre 
De  l'âpre  plaisir,  on  le  voit 
A  table,  iieureux  ou  maladroit, 
Suivre  encor  le  parfum  du  lièvre. 
Chantez,  etc. 

La  longue  soirée,  où  le  rire 
Eveille  les  piquants  discours, 
Où  la  gaudriole  en  délire 
Glane  à  la  moisson  des  amours, 
Fait  de  la  cachette  discrète, 
En  attendant  les  vins  nouveaux, 
Déranger  les  derniers  fagots, 
Pour  prendre  les  ^  ieux  vins  de  fête. 
Chantez,  etc. 

A  l'aurore,  alerte  et  joyeuse 
Des  riants  coteaux  on  peut  voir 
Descendre  la  grappe  frileuse 
Qu'attire  vers  lui  le  pressoir. 
Le  maillet  chiuitc  sur  la  tonne. 
Qui  répète  ses  gais  refrains, 
Et  l'air  parfume  les  chemins 
Des  effluves  du  vin  d'automne. 
Chantez,  etc. 

C'est  à  l'automne  que  l'on  range 
Les  fruits  fécondés  par  l'été  ; 
C'est  à  l'automne  que  l'on  change 
La  folie  en  douce  gaîtô. 
Ce  que  je  lui  reproche.  Lise, 
C'est  qu'insouciant  à  sa  voix, 
L'automne  laisse  quelquefois 
L'amour  emporter  sa  valise. 

Chantez  la  saison  qui  donne 

Le  rêve  divin; 
Moi  j'aime  chanter  l'automne, 
La  saison  du  vin. 

J.-B.  ROBINOT. 
■Viennent  ensuite  : 

Le  Vin  du  souvenir,  par  Georges  Lemaître, 
Rêve  et  Réveil,  par  Marc  Thézeloup. 

3"°  Tournoi  mensuel  ouvert  du  1"'  au  25  juillet 
Nos  abonnés  seulement  ont  le  droit  d'y  prendre 

part  avec  une  seule  pièce,  quelqu'en  soit  le  genre, 

ne  dépassant  pas  GO  vers. 
Dans  notre  tournoi  du  mois  de  mai,  nous  avons 

oublié  de  mentionner  les  titres  et  les  noms  des  deux 

concurrents  qui  viennent  à  la  suite  de  celle  publiée. 

Mieux  vaut  tard  que  jamais!  de  M.  E.  Chouasnet,  et 

Bon  chien  chasse  de  race,  de  M.  Mathierre. 

A.  P. 


ADOLPHE  VAUDRY 


Nous  devions  rendre  compte  à  cette  place  du  con- 
cert organisé  par  des  amis  au  bénéfice  de  Vaudry; 
à  notre  grand  regret  nous  remplaçons  ce  compte 
rendu  par  un  article  nécrologique . 

Le  20  juin  dernier,  Adolphe  Vaudry,  le  composi- 
teur de  tant  de  mélodies  devenues  populaires, 
mourait  à  l'hôpital  Lariboisière  où  il  avait  été  amené 
la  veille  ;  il  avait  58  ans.~ 

Depuis  longtemps  Vaudry  paraissait  en  proie  à 
des  chagrins  et  répétait  souvent  qu'il  mettrait  fin  à 
sa  vie  ;  c'est  ce  qu'il  a  elTectivement  exécuté  au 
moyen  de  deux  réchauds  de  charbon. 

Les  formalités  de  justice  ne  permirent  pas  que 
l'enterrement  eut  lieu  avant  le  23,  à  huit  heures. 
M.ilgré  cette  heure  matinale,  le  cortège  était  nom- 
breux, car  Vaudry  était  très-sympnthique. 

Les  assistants  avaient  remplacé  la  traditionnelle 
immortelle  à  la  boutonnière  par  une  rose;  ils  symbo- 
lisaient ainsi  la  jeunesse,  éternelle  au  cœur  de 
l'artiste. 

Parmi  les  chansonniers  présents  nous  avons 
remaïqué  :  Noël  Monret,  Eug.  Imbert,  Evrard, 
Landragin,  Denanjanes,  Auguste  Guigue,  Etienne 
Ducret,  Lecbiiro.  Cahen,  Arthur  Lebeau,  Hippolyte 
Ryon,  Legontil,  René  Ponsard,  M""  Elle  Deleschaux, 
J.-B.  Collignon,  coni|)ositeur  et  ch:uiteur,  L.  Labbé, 
éditeur.  Le  journal  La  Chanson  était  représenté  par 
son  directeur  A.  Patay. 

Sur  le  bord  de  la  fosse,  Eugène  Baillet,  le  plus 
ancien  collaborateur  de  Vaudry,  a  prononcé  au 
milieu  du  recueillement  le  plus  complet,  les  paroles 
suivantes  : 

Amis, 

Quand  l'un  de  nous  quitte  les  rancs  du  bataillon 
de  la  chanson  pour  s'endormir  dans  l'éternité,  nous 
nous  sentons  tous  atteints  et  notre  gi'oupe.  qui 
s'éclaircit  chaque  jour,  se  rassemble  aussitôt  pour  faire 
cortège  à  celui  qui  s'en  va.  C'est  pourquoi  aujour- 
d'hui nous  sommes  là  sur  la  tombe  de  Vaudry  qui 
était  un  de  nos  vaillants. 

Que  lut  Vaudry  dans  le  monde?  un  di'classé.  Il  est 
né  ayant  au  front  l'étoile  de  génie  musical,  mais  le 
destin  qui  l'avait  doué  ainsi  l'avait  fait  naître  dans 
le  berceau  du  prolétaire... 

Il  faut  que  tu  chantes,  lui  disait  l'inspiration  qui 
débordait  son  cœur,...  il  faut  que  tu  travailles, 
répondait  la  nécessité  !  Voilà  la  lutte  de  toute  sa 
vie.  Que  de  souffrance,  que  d'humiliations  à  subir! 
Celui  dont  l'existence  toute  matérielle  est  comblée 
par  la  fortune,  celui-là  a  toujours  l'ironie  sur  les 
lèvres  devant  l'artiste  que  la  nécessité  accable. 
Accueillons-les  ces  réprouvés  du  sort,  ces  natures 
délicates,  tendons-leur  la  main,  et  quand  nous  voyons 
de  braves  travailleurs  :  le  compagnon  maçon,  le 
charpentier .  le  menuisier ,  occupés  à  bâtir  des 
maisons,  disons:  Oui,  votre  œuvre  est  courageuse  et 
utile,  mais  celui-là  fait  œuvre  utile  aussi  qui,  comme 
Vaudry,  apporte  dans  les  mansardes  —  œuvres  de 
vos  bras  —  la  gaîté  et  l'harmonie  par  la  chanson  et 
la  musique. 

Oui,  ami,  tu  peux  dormir  en  paix,  tu  as  fait  ta  part 
de  travail,  et  si  de  guerre  las  tu  nous  as  quittés 
volontairement,  nous  n'avons  qu'à  t'en  témoigner 
nos  regrets  ;  c'est  un  mystère  pour  nous,  ta  con- 
science seule  fut  juge  de  ton  action,  inclinons-nous! 


LA  CHANSON 


Oui! -dors  en  paix!  dors  bien  doucement,  enseveli 
que  tu  es  dans  les  fleurs  de  notre  amitié! 

Les  choses  les  plus  tristes  de  ce  monde  ont  leur 
consolation  :  tu  as  vécu  parmi  les  pauvres;  te  voilà 
dans  la  fosse  des  pauvres  :  mais  tu  ne  laisses  pas 
l'oubli  derrière  toi  et  longtemps  encore,  les  ouvriers, 
tes  frères,  en  mnuiaiit  l'outil;  la  jeune  Mlle  au  sein 
de  sa  famille,  et  le  gamin  en  montant  le  faubourg 
qui  mène  à  l'atelier,  rediront  les  refrains  sur  lesquels 
tu  as  répandu  lu  fraîcheur,  la  jeunesse,  la  vie,  en  un 
mot  le  charme  irrésistible  de  tes  mélodies!  Ami, 
adieu  ! 

Nous  publierons  prochainement  une  notice  sur 
Vaudry,  par  Eugène  Baillet. 


NOUVELLES   &   AVIS 


Le  volume  que  M.  Gourdon  de  GenouiUac  vient 
de  publier  à  la  librairie  Dentu  (*),  les  Refrains  de  la 
j'ue  de  1830  à  1870,  ne  tient  pas  tout  ce  que  son 
titre  promet.  Il  y  a  beaucoup  de  refrains  cités,  mais 
il  y  en  a  encore  plus  d'oubliés.  Il  était  du  reste 
difficile  de  fal.-e  plus  que  l'auteur  a  fait,  dans  un 
cadre  aussi  restreint  (une  centaine  de  pages  pour 
l'espace  de  quarante  années).  Il  fallait  donc  faire  un 
choix  ;■  c'est  ce  que  l'auteur  a  fait  et  c'était  son  droit. 
Tel  qu'il  est,  nous  recommandons  la  lecture  de  ce 
volume  qui  non-seulement  rappelle  toutes  les  chan- 
sons citées,  mais  qui  en  même  temps  fait  revenir  à 
la  mémoire  celles  qui  n'ont  pu  y  trouver  place. 
Notre  ami  et  collaborateur  Eugène  Baillet  termine 
un  tr.'S-grand  travail,  très-complet,  sur  le  même 
sujet,  qui  paraîtra  probablement  cet  hiver.  C'est  une 
Anthologie  de  la  Chanson  qui  formera 2  forts  volumes 
d'au  moins  500  pages  chaque. 

Nos  lecteurs  apprendront  avec  plaisir  que  notre 
ami  Eugène  Baillet  prépare  aussi  pour  paraître  très- 
prochainement  en  souscription  son  volume  de 
chansons  choisies.  Nous  publierons  les  conditions 
dans  notre  prochain  numéro. 

Le  Livre  d'or,  qui  vient  de  paraître  aux  bureaux 
de  la  revue  le  Parnasse,  21,  rue  du  Val-de-Gràce, 
renferme  un  choix  de  poésies  publiées  dans  cette 
revue  de  1877  à  1878.  L'éloge  n'est  plus  à  faire  des 
membres  d'honneur  du  comité  qui  veulent  bien  prêter 
leur  concours  à  cette  publication  :  MM.  de  Banville, 
Coppée,  de  Bornier,  des  Essarts,  Prudhome,  F.  Pittié, 
G.  Picard,  Soularj,  etc.,  et  parmi  les  collaborateurs 
habituels:  MM.  Ogier  d'ivry,  Lambert,  VugoJ, 
G.  Borbey,  etc. 

Nous  sommes  certain  que  tous  nos  lecteurs  voudront 
pos^éder  ce  volume  qui  renferme  tant  de  bons  vers. 

Nous  parlerons  ti"ès-pi'ochainement  du  travail 
complet  et  très-intéressant  sur  le  regretté  poète 
Albert  Glatigny,  publié  récemment  par  notre  colla- 
borateur Job-Lazare. 

L'Union  et  Gaité,  danssa  séance  du  10  juin,  a  réélu 
M.  Varenne  président,  et  c'était  justice. 

Au  Métronome,  33,  rue  de  Rivoli,  Emile  Benoit 
jeune,  éditeur  déjà  connu,  vient  d'ouvrir  une  maison 
nouvelle.  —  Collection  des  classiques  du  piano  : 
musique  à  cinq  centimes  la  page. 

(•)  Cet  ouvrage,  tiré  à  SOO  exemplaires  seulement,  se 
trouve  aussi  à  notre  librairie.  Envoi  contre  uu  mandat-poste 
de  2  francs. 


Dimanche  dernier,  le  liasard  nous  fit  entrer  au 
concert  Vacheresse  au  Point-du-Jour.  Parmi  les 
bonnes  chansons  que  nous  avons  entendues  et  applau- 
dies, citons  en  première  ligne  une  poésie  remarquable 
intitulée  Souvenir!  de  notre  collaborateur  A.  Leroy. 
La  musique  du  chef  d'orchestre  P.  Bletry  nous  a 
particulièrement  frappés;  elle  parle  et  chante  tout 
à  la  fois.  L'orchestration  est  faite  de  main  de  maître. 
Quant  à  l'interprète,  nous  regrettons  que  son  nom 
nous  échappe  ;  il  mérite  tous  nos  éloges;  au  reste  les 
applaudissements  ne  manquent  jamais  à  l'artiste 
qui  sait  intelligemment  choisir  ses  chansons. 

Le  lundi  9  juin,  la  société  la  Lyre  bienfaisante, 
sous  la  présidence  de  M.  Couvreur,  donnait  dans  son 
local,  9,  quai  Saiut-Michel,  une  grande  soirée  pour 
la  souscription  Béranger.  La  salle  était  comble.  Le 
programme  a  été  fidèlement  suivi  ;  on  n'a  chanté 
que  du  Béranger,  et  le  concours  de  poésie  a  donné 
le  résultat  suivant  :  huit  concurrents,  la  pièce  cou- 
ronnée A  Béranger,  auteur  M.  Cognet. 

Trois  prix  de  chant  ont  été  donnés  à  M™""  Alexis, 
Vurère  et  M""  Lalande.  Une  quête  a  été  faite  ;  elle 
a  produit  16  fr.  50  qui  ont  été  versés  dans  nos 
bureaux. 

M.  Branchard,  ex-président  do  La  France  Moderne, 
nous  a  remis  23  fr.,  produit  net  d'une  quête  faite 
pendant  un  bal  donné  à  Valentino  par  cette  société, 
le  29  mars  dernier. 

Plusieurs  de  nos  abonnés  se  plaignent  de  ne  pas 
avoir  reçu  leurs  numéros.  Le  service  des  abonnés 
étant  fait  très-régulièrement  par  nous,  nous  prions 
nos  abonnés,  si  le  cas  se  renouvelle,  d'adresser  leurs 
réclamations  à  M.  le  Directeur  des  postes. 

Nous  rappelons  à  tous  nos  abonnés  que  nous  avons 
fait  brocher  la  première  année  de  La  Chanson  que 
nous  enverrons  franc  de  port  à  toute  personne  qui 
nous  adressera  un  mandat  sur  la  poste  de  5  francs. 
Les  timbres-poste  ne  seront  pas  reçus.  Prise  dans 
nos  bureaux,  18,  rue  Bonaparte,  4  fr.  50. 

La  Chanson  demande  des  correspondants  litté- 
raires partout  où  l'on  chante.  Nous  accueillerons 
avec  empres.sement  toutes  les  communications  qui 
peuvent  intéresser  nos  lecteurs  et  qui  rentreront 
dans  notre  cadre. 

Nous  prions  nos  acheteurs  au  numéro  de  demander 
le  journal  La  Chanson  chez  tous  les  libraires  et  mar- 
chands de  musique  et  de  journaux.  La  distribution 
devant  en  être  faite  partout,  le.'^  amis  de  La  Chanson 
nous  rendront  service. en  la  réclamant  chez  tous  les 
marchands. 

A.  P. 


-    AVIS    AUX    MARCHANDS    LIBRAIRES 

Vente  en  gros  et  au  numéro  de  LA  CHANSON 
aux  Bureaux  du  Journal,  18,  rue  Bonaparte; 

Chez  Jeanmaire  (ancienne  maison  Martinon), 
rue  des  Bons-Enfants,  32. 

Aux  Messageries  de  la  Presse,  rue  du  Croissant, 
9  et  11. 

Chez  Girard,  libraire-commissionnaire,  13,  rue 
Monge. 

Chez  Traslin,  rue  du  Croissant. 

Chez  Quentin-Roux,  rue  des  Petits-Carreaux,  41. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2*  ANNÉE.  —  N'  24. 


16  JUILLET  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-  Géran  t 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES   SOCÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  ±"  <!c  le  16  de  chaqu-e  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.  LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PABIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»         six  mois 3  i» 

Etranger,  le  port  en  sus 


Portrait  de 


SOMMAIRE  :  Concours  poétique  en  l'honneur  de  Béranger  —  Curiosités  de  la  Chanson  :  La  Coupe  vide  (m.  Robespierre).  — 
Aime-moi,  paroles  de  firmin  bonnans,  musique  de  M""  marie  duport.  —  Monsieur  Rustique  (albert  vernaelde).  —  Ma 
première  Confession  (a.  leconte).  —  Jeun-Paul  ou  l'Amour  de  la  pairie  (paul  avenel).  —  Le  chêne  (camille  soubise).  — 
Les  Fredaines  de  lu  chanson,  porlraits-charges  et  notices.—  Léon  Quentin  (a.  i.eroy).  —  Ma  Femme  (léon  Quentin).  — 
Banquet  du  Caveau,  le  Petit  Pain  de  l'employé  (eug.  imbert).  —  Banquet  de  la  Lice  Chansomaére  (a.  patay).  —  Risette 
(PROSPER  tibia).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (robert  garnier,  goroeron,  léo  tostain).  —  siipplement  ■  n--'-'"'  ''- 

LÉON    QUENTIN. 

CONCOURS  POÉTIQUE  0 

En   l'honneur  de   P.-J.    Béranger 

La  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes  et  chan- 
sonniers pour  tresser  une  couronne  poétique  à 
Béranger.  Elle  met  aujourd'hui  au  concours  : 

1°  Une  Chanson  de  six  couplets  ou  strophes  au 
plus,  avec  ou  sans  refrain  ; 

2°  Un  Sonnet  ; 

3°  Une  Poésie  (ode,  ballade,  conte,  fable,  etc.)  ne 
dépassant  pas  soixante  vers; 

Le  tout  se  rapportant  à  Béranger. 

II  sera  décerné  pour  chaque  genre  trois  prix,  et 
des  mentions  honorables,  s'il  j  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  diplômes  spéciaux,  avec 
allégorie,  et  paraphés  partons  les  membres  du  jury. 
Ces  diplômes  seront  de  dimensions  calculées  pour 
l'encadrement. 

Les  pièces  couronnées  seront,  en  outre,  insérées 
dans  La  Chanson. 

Toutes  les  pièces  envoyées  au  concours  seront 
publiées  collectivement  à  la  seule  condition,  pour 
chaque  auteur,  de  souscrire  à  cette  publication 
suivant  la  quantité  de  vers  insérés.  Le  prix  de  la 
souscription  sera  porté  à  la  connaissance  de  tous 
avant  le  commencement  de  l'impression. 

Le  même  auteur  pourra  prendre  part  aux  trois 
concours,  mais  avec  une  seule  pièce  dans  chacun 
des  trois. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites,  non 
signées  et  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  et  portant  extérieure- 
ment le  premier  vers  de  la  poésie  présentée. 

Le  Concours,  ouvert  depuis  le  V  Mai,  sera 
clos  le  19  août  1879,  anniversaire  de  la  naissance  de 
Béranger. 

Toutes  les  communications  relatives  au  Concours 
doivent  être  adressées  franco  à  M.  A.  Patay, 
directeur  de  La  Chanson,  rue  Bonaparte,  18,  à  Paris. 

(*)  Un  grand  nombre  de  lettres  nous  ont  été  adressées  pour 
que  la  fermeture  du  concours  n'ait  lieu  qu'à  la  date  de  la 
naissance,  de  préférence  à  celle  de  la  mort.  Nous  faisons 
droit  à  ces  demandes;  le  concours  sera  définitivement  clos 
le  19  août  inclus. 


CURIOSITÉS   DE   LA  CHANSON 


LA  COUPE  VIDE  (*) 

Air  :  Mon  père  était  pot. 

0  Dieu!  que  vois-je,  mes  amis? 

Un  crime  trop  notoire 
Du  nom  charmant  de  Rosatis 
Va  donc  flétrir  la  gloire. 

O  malheur  affreux! 

0  scandale  honteux! 
J'ose  le  dire  à  peine. 

Pour  vous  j'en  rougis. 

Pour  moi  j'en  gémis, 
Ma  coupe  n'est  pas  pleine. 

Eh  vite,  donc  emplissez-la 

De  ce  jus  salutaire. 
Ou  du  Dieu  qui  nous  le  donna 
Redoutez  la  colère  ; 
Oui,  dans  sa  fureur 
Son  thyrse  vengeur 
S'en  va  briser  mon  verre. 
Bacchus  de  là-haut 
A  tout  buveur  d'eau 
Lance  un  regard  sévère. 

0  mes  amis,  tout  buveur  d'eau, 
Et  vous  pouvez  m'en  croire. 
Dans  tous  les  temps,  ne  fut  qu'un  sot, 
J'en  atteste  l'histoire  : 

Ce  sage  effronté  ! 

Cynique  vanté. 
Me  parait  bien  stupide; 

0  le  beau  plaisir 

D'aller  se  tapir 
Au  fond  d'un  tonneau  vide! 

Maximilien  ROBESPIERRE. 


(•)  Cette  chanson  a  été  trouvée  dans  les  archives  de  la 
société  littéraire  et  lyrique  des  Rosati,  dont  nous  publierons 
prochainement  l'historique  par  notre  rédacteur  en  chef. 

A.  P. 


42- 


LA  CHANSON 


AIME-MOI 

Musique  de  W^"  Marie  Duport  (de  Bucharest) 


soir  quand    la   ouil   tumbe  prèb  de  buo  biea  aime    gur 
UD     rameau     perche  l'omme     l'écho    rêveur        qui 


ne  lepapiL_loa     ai    .     me    sa    fleur    chérie 


Aime-moi  comme  on  aime  une  blanoVie  colombe, 
Qui  retourne  en  chantant,  le  soir,  quand  la  nuit  tombe, 
Près  de  son  bien-aimé  sur  un  rameau  perché; 
Comme  Fécho  rêveur  qui,  d'une  voix  plaintive, 
Répète  tour  à  tour  de  l'une  à  l'autre  rive 
Les  plaintes  d'un  amant  sur  le  gazon  couché. 


Aime-moi  comme  on  aime  au  printemps  de  la  vie  ; 

Comme  le  papillon  aime  sa  fleur  chérie, 

Les  plantes  la  rosée,  et  l'abeille  son  mie!  ; 

Comme  un  chant  de  bonheur  qu'on  entend  surla  grève; 

Comme  le  fiancé,  qui  poursuit  dans  un  rêve 

Sa  jeune  fiancée  au  cœur  pur  et  sans  fiel. 


Aime-moi  comme  au  ciel  où  les  vierges,  les  anges. 
D'éternelles  amours  se  font  de  doux  échanges; 
Aime-moi  comme  j'aime  et  ton  front  et  tes  yeux,  ■ 
Quand  ta  main  dans  ma  main,  au  pied  de  la  colline, 
Assise  à  mes  côtés,  ton  regard  s'illumine 
Et  me  rend  plus  heureux  qu'un  ange  dans  les  cieux. 

FiRMiN  BONNANS. 


A  Eugène  Baillet 

MONSIEUR   RUSTIQUE 


Musique  de  l'A  uteur  des  paroles 

J'aime  peu  les  bruits  de  la  ville, 

Je  plains  le  pauvre  citadin. 

Pour  moi  les  champs  sont  un  asile, 

J'ai  ma  maison  et  mon  jardin. 

Sans  mener  cette  vie  austère 

B'un  ermite  ou  bien  d'un  chartreux, 

Je  goûte  en  cultivant  la  terre 

Tous  les  plaisirs  d'un  homme  heureux. 

Sans  donner  prise  à,  la  critique, 
Je  passe  le  temps  doucement, 
On  m'a  surnommé  simplement 
Monsieur  Rustique. 

Je  plante,  je  bêche  ou  défriche, 
J'ai  pour  ma  part  deux  bons  arpents. 
Quoique  je  ne  sois  pas  bien  riche, 
Plus  d'un  vient  vivre  à  mes  dépens. 
D'abord  le  long  de  la  muraille^ 
Je  possède  un  vaste  verger. 
Et  c'est  moi  qui  sème  et  qui  taille 
Ce  que  les  oiseaux  vont  manger! 
Sans  donner  prise,  etc. 

Lorsque  je  suis  par  trop  morose, 
J'ai  ma  cave  pour  m'égayer. 
J'y  prends  un  vieux  Château-Larose 
Ayant  bien  vingt  ans  de  loyer. 
Ce  remède  fort  agréable 
Agit  toujours  avec  succès; 
Je  redeviens  joyeux,  aimable, 
Avec  tout  mon  bon  sens  français  1 
Sans  donner  prise,  etc. 

Je  ne  brigue  pas  les  suffrages, 
De  gloire  je  n'ai  nul  besoin, 
J'aime  mieux  rentrer  mes  fourrages 
Et  lier  mes  bottes  de  foin. 
Mon  royaume,  c'est  mon  domaine. 
J'y  suis  roi,  député,  sujet, 
A  ma  guise  je  m'y  promène 
Délibérant  sur  main  projet. 
Sans  donner  prise,  etc. 

Je  n'ai  pas  titre  de  noblesse, 
La  gaîté  voilà  mon  blason, 
Et  quand  au  chagrin  je  le  laisse 
Se  débattre  avec  la  raison. 
Aussi  je  me  porte  à  merveille, 
Pour  moi  tout  remède  étant  vain, 
Si  je  débouche  une  bouteille, 
C'est  pour  y  trouver  du  vieux  vin. 
Sans  donner  prise,  etc. 

Sans  vouloir  prétendre  au  génie. 
Lorsque  j'ai  l'esprit  de  travers, 
J'ai  rinoff'ensive  manie 
De  vouloir  faire  aussi  des  vers. 
Loin  d'imiter  maints  philosophes. 
Ennemis  du  gai  rigodon, 
Joyeux,  j'encadre  dans  mes  strophes 
Les  dieux  Bacchus  et  Cupidon. 
Sans  donner  prise,  etc. 


LA  CHANSON 


43 


Sans  redouter  l'heure  dernière, 
Pour  la  mort  je  suis  déjà  prêt  ; 
Ayant  fort  bien  vécu  sur  terre, 
Je  m'endormirai  sans  regret. 
Et  puis,  au  retour  de  la  rose, 
Les  oiseaux,  mes  gais  compagnons, 
Viendront,  éparpillant  leur  prose. 
Des  amis  redire  les  noms! 

Sans  donner  prise  à  la  critique. 
Je  passe  le  temps  doucement, 
On  m'a  surnommé  simplement 
Monsieur  Rustique. 

Albert  VERNAELDE 


MA  PREMIÈRE  CONFESSION 


Ce  que  je  vais  conter  est  vrai  sans  hyperbole; 
C'est  la  vérité  pure  en  sa  naïveté. 
J'avais  alors  huit  ans  et  j'allais  à  l'école. 
Toujours  vif  et  joyeux,  l'esprit  plein  de  gaîté, 
Espiègle,  j'en  conviens,  mais  j'étais  de  mon  âge, 
J'étais  chaste  à  la  fois  et  de  corps  et  d  esprit; 
J'étais  candide  au  moins  si  je  n'étais  pas  sage, 
Je  l'étais  à  l'excès  et,  ma  foi,  bien  m'en  prit. 
Un  jour  le  maître  dit  :  «  Vous  allez  à  la  messe, 
(c  Cela  ne  sufrit  p  is  pour  être  homme  de  bien  ; 
«  Chacun  de  vous,  enfants,  doit  aller  à  confesse 
«  Une  fois  chaque  mois  pour  être  bon  chrétien.  i> 
J'obéis  comme  un  autre  et  je  fus  à  l'église, 
Et  puis,  quand  mon  tour  vint,  au  confessionnal. 
Ignorant  les  péchés  qu'il  fallait  que  je  dise, 
Puisqu'auJ&md  je  sentais  n'avoir  pas  fait  de  mal, 
Moû-confîteor  dit,  le  curé  m'interroge  : 

—  «  N'ivez-vous  point  menti,  volé,  sacré,  juré?  — 

—  «Non,  monsieur  le  curé.  »  —  «Cela  fait  votre  éloge; 
«  N'avez-vous  point  parfois,  ajoute  le  curé, 

«  Attouché  de  vos  doigts  la  honteuse  partie, 
«  La  plus  sale  du  corps  et  qu'on  ne  nomme  pas, 
«  Qui  d'un  chrétien  fervent  blesse  la  modestie?  » 
Chaque  mot  augmentait  mon  visible  embarras. 
Il  fallait  bien  répondre,  enfin,  je  me  recueille 
Et  dis  pour  satisfaire  à  cette  question  : 

—  «  A  défaut  de  papier  je  me  sers  d'une  feuille.  » 
.Là  dessus  je  reçus  mon  absolution. 

25  janvier  79  A.  LECONTE. 


JEÂN-PÂIL  ou  L'AMOUR  DE  LA  PATRIE 


Regardez,  mes  amis,  ce  portrait  de  famille 
Pendu  le  long  du  mur,  sous  les  rideaux  du  lit. 
C'est  Jean-Pâul.  La  bravoure  en  son  regard  pétille. 
Devinant  sa  valaur,  sa  mère,  un  jour,  lui  dit  : 
«  Marche  àl'honneur  !  La  France  épuisée  est  meurtrie; 
«  Pars,  mon  fils,  suis  ton  cœur  et  reviens  triomphant. 
«  Le  soldat  doit  avoir  l'amour  de  la  patrie, 
«  Ta  mère  à  la  maison  prîra  pour  son  enfant. 
Cela  s'explique. 
Mes  amis. 

Elle  aimait  son  pays 

Et  la  République. 


Il  quitta  le  sarrau  pour  l'habit  militaire 
En  gardant  la  fierté  du  paysan  lorrain, 
Et  partit  pour  se  battre  en  simple  volontaire. 
La  mort  fauchait  alors  sur  les  deux  bords  du  Rhin, 
Marchant  au  premier  rang  à  travers  la  fumée, 
Jean-Paul  ne  craignait  pas,  comme  on  dit,  pour  sapean, 
Aussi  fut-il  cité  devant  toute  l'armée 
Pour  avoir  enlevé  de  ses  mains  un  drapeau. 
Cela  s'explique, 
Mes  amis. 

Il  aimait  son  pays 

Et  la  République. 

Jean-Paul  après  la  guerre  a  revu  le  village, 
De  ses  faits  glorieux  il  ne  se  vantait  pas. 
Son  amour  pour  la  France  augmentait  avec  l'âge. 
Il  nous  disait  toujours  en  parlant  des  combats  : 
«  Mes  enfants,  que  ceci  dans  votre  esprit  se  grave, 
(c  L'honneur  du  nom  français  ne  doit  jamais  périr. 
«  Le  soldat  patriote  aime  à  combattre  en  brave, 
«  Et  mourir  bravement,  c'est  noblement  mourir. 
Cela  s'explique, 
Mes  amis. 
Il  aimait  son  pays 
Et  la  République. 

Paul  AVENIEL. 


LE    CHÊNE 


A  Victor  HL'OO 

Lorsque  dans  la  forêt  sonore 
Soufflent  l«s  brises  du  printemps. 
Sous  les  caresses  de  l'aurore 
Que  chantes-tu,  vieux  chêne  de  cent  ans? 

—  Je  dis  ,-iux  amoureux  :  a  J'ai  des  nids  dans  mes  branches, 
A  mes  pieds  j'ai  des  Heurs  qui  renaissent  toujours  1 
Voulez-vous  des  chansons  ?  voulez-vous  dos  pervenches? 
Ce  que  j'ai  de  plus  doux,  je  l'offre  à  vos  amours  !  » 

Je  te  vénère,  ô  chêne  antique. 
Pour  ta  force  et  pour  ta  bonté. 
Car  ta  grande  voix  prophétique 
Enseigne  la  fraternité  ! 

Voici  que  les  blondes  étoiles 
Dans  le  lac  bleu  vont  se  mirer-; 
L'araignée  a  tendu  ses  toiles... 
Lorsque  tout  dort,  pourquoi  donc  murmurer? 

—  Je  dis  aux  exilés  :  «  Dormez  sous  mon  ombrage  ; 
Il  verse  l'espérance  avec  l'oubli  des  maux. 
Voyageurs  sans  abri,  ne  craignez  pas  l'orage. 

Sur  vos  fronts  attiistés  j'étendrai  mes  rameaux!  » 
Je  te  vénère,  etc. 

Mais  la  tempête  se  déchaîne 
Et  sème  au  loin  tes  feuilles  d'or, 
•  Quand  le  vent  gronde,  ô  mon  vieux  chêne, 

Que  dit  ta  voix,  plus  fraternelle  encor? 

—  Je  dis  au  bûcheron  :  «  Prends  une  branche  morte, 
Pour  le  pauvre  vieillard  qui  grelotte  sans  feu  ; 
Malheur  au  riche  heureux  qui  lui  ferme  sa  porte  ! 

Il  faut  nous  entr'aider  pour  obéir  à  Dieu.  « 

Je  te  vénère,  ô  chêne  antique. 
Pour  ta  force  et  pour  ta  bonté. 
Car  ta  grande  voix  prophétique 
Enseigne  la  fraternité  ! 

Camille  SOUBISE 


44 


LA  CHANSON 


AliES  DE  LA 


A    POMPONNE-LES-BOIS 


J.  JEANNIN 


(Juand  jo  ramassais  du  crotin 
Pour  noir'  jardin. 

Tel  est  le  refrain  d'une  chanson  de  Jeannin  qui  a 
motivé  le  dessin  ci-dessus.  C'est  le  gamin  de  Paris 
dans  toute  la  bonne  acception  du  mot.  Jeannin  est  la 
note  gaie  de  la  Lice  Chansonnière,  il  en  est  aussi  le 
Maître  des  Chants  et  l'Archiviste;  quel  cumulard  !  Et 
ce  n'est  pas  tout  :  c'est  aussi  lui  qui  nous  souffle  des 
airs  pour  nos  chansons  ;  et  s'avançant  vers  vous  d'un 
air  mystérieux,  ces  paroles  lui  sortent  péniblement 
de  la  gorge  :  «  Tu  ne  connais  donc  pas  la  Clé  du 
Caveau?  «  Jeannin  fait  partie  de  la  Lice  depuis 
nombre  d'années,  aussi  nos  recueils  possédent-ils  une 
quantité  considérable  de  ses  refrains,  d'une  origina- 
lité et  d'un  drolatique  auxquels  on  les  reconnaît 
toujours  facilement.  Néanmoins,  quand  il  le  veut, 
il  touche  avec  réussite  la  corde  sérieuse  ou  sentimen- 
tale. Comme  signe  particulier,  il  n'a  jamais  rien  sur 
la  tète  et  il  perd  son  billet  de  chemin  de  fer  quand 
il  vient  à  Pomponne-les-Bois. 


(*)  Ces  deux  portraits-charj 
sont  empruntés  à  un  très 
numérotés   et   paraphés,    qui  n'ont   pas  él 

LES  FREDAINES    DE  LA   CHANSON,    rccit    d'un 

Jules    Ecltalié  à   ses  camarades  de  la   Lit 
contient,  en  outre,  un  groupe  photographi 


gnent 


et  les  notices  q_ui  les  ac( 

et  rare  volume  tiré  à  cent  < 
mis   dans  le 

fête  champêtre  offerte  par 
chansonnière.  Ce  volume 
des  invités,  dix  portraits- 
notices  écrites  par  Eugène 
sont  réunies  dans  ce  livre 


5  dessinés  par  Ernest  Chebroux 
Baillêt.  Plus  de  vingt  chansons  ou  po- 
qui  manque  à  tous  les  collectionneurs.  Nous   avons  été  assez  heureux 
pour  en  obtenir  cinq  exemplaires  que  nous  mettons  à  la  disposition  de 


ÎT.  RYON 

Voici  le  Capitaine  Cupidon,  ses  armes  .et  ses  iné- 
vitables ailes.  De  son  nom  patronymique  il  se  nomme 
Ryon  et  de  plus  Hippolyte.  Si  notre  dessinateur  l'a 
travesti  ainsi,  c'est  qu'il  est  jeune,  galant  et  blond, 
ce  qui  est  indispensable  pour  porter  un  tel  costume, 
et  qu'il  nous  a  chanté  à  Pomponne-les-Bois  Le 
Capitaine  Cupidon,  une  petite  chanson  régence  qui, 
de  par  son  sujet  éternel  et  sa  facture  aisée  et  gracieuse, 
sera  chantée  par  tous  les  amoureux  de  France  et  de 
Navarre.  Ryon  en  a  fait  bien  d'autres,  c'est  un  de 
nos  chansonniers  les  plus  féconds,  et  le  public  fait 
toujours  le  meilleur  accueil  à  ses  productions  senti- 
mentales :  C'était  ma  mie,  —  le  Jour  de  l'an  du 
Pauvr-e,  —  le  Cimetière  du  Village,  —  le  Vice  et 
l'Amour,  —  les  Vieilles,  —  le  Berceau  vicie,  —  le 
Médaillon  brisé.  —  les  Mémoires  d'une  Rose,  et  tant 
d'autres,  ont  été  et  sont  encore  de  véritables  succès. 
Ryon  a  été  président  de  la  Lice  Chansonnière  ;  sa 
voix  est  douce  comme  ses  vers  et  son  regard,  et 
quand  il  lance  la  ballade  amoureuse,  cachez  vos 
beaux  yeux  derrière  vos  éventails,  Mesdames,  et 
gare  au  Capitaine  Cupidon  ! 

nos  abonnés  amateurs  de  vraies  raretés  chansonnières.  —  Envoi 
franco  contre  nn  mandat-poste  de  10  francs  au  nom  de  A.  Patay, 
directeur  de  La  chanson,  rue  Bonaparte,  18 


LA   CHANSON 


45 


LÉON      QUENTIN 


18»3-i873 


La  personnalité  du  chansonnier  dont  nous  allons 
brièvement  tracer  la  biograpliie  n'a  pas  tranché 
d'une  façon  très-marquante  dans  la  longue  série  des 
adeptes  qui  ont  suivi  les  traces  de  notre  immortel 
Béranger.  Léon  Quentin  n'a  pas  eu  le  temps  matériel 
d'achever  son  œuvre,  la  mort  a  fauché  cette  grande 
intelligence  au  moment  où  ses  nombreux  et  légitimes 
succès  pouvaient  lui  conférer  l'une  des  premières 
places  dans  notre  galerie  contemporaine.  On  chante 
trop  aujourd'hui  (ou  plutôt  trop  légèrement)  pour 
se  souvenir  du  nom  de  ceux  qui  tour  à  tour  nous 
font  rire  ou  pleurer.  Gagner  de  l'argent  à  fabriquer 
des  chansons  bonnes  ou  mauvaises,  je  vous  l'accorde 
sans  conteste;  mais  quant  à  acquérir  la  moindre 
somme  de  gloire,  il  faut  y  renoncer!  Le  café-concert 
a  tué  le  nom  du  chansonnier!  c'est  indiscutable. 

Né  au  Havre,  en  1833,  le  21  février,  Léon  Quentin 
lit  ses  études  à  Paris  et  sortit  de  l'institution  Dufour, 
rue  Montorgueil,  à  l'âge  de  onze  ans  et  demi 
pour  entrer  en  apprentissage  chez  un  teinturier  en 
plumes.  Il  rimaillait  déjà  à  cette  époque,  mais  son 
instruction,  trop  incomplète,  lui  l'endait  la  tâche 
ingrate,  le  gênait,  en  un  mot.  Aussi  poussé  par  le 
feu  sacré  de  la  poésie,  il  acheta  des  livres  et  se  refit, 
seul,  une  nouvelle  éducation.  Travailleur  actif  et 
intelligent,  Léon  Quentin  no  pouvait  manquer  d'arriver 
promptoment  au  but  qu'il  caressait.  A.  dix-huit  ans, 
il  débutait  au  café-concert  par  une  saynète  en  vers 
à  deux  personnages  :  Frisette  et  Brioc/tet  (*).  C'était 
un  coup  de  maître;  le  succès  dépassa  tout  ce  qu'il 
pouvait  rêver.  Loin  de  s'enthousiasmer  outre  mesure, 
notre  jeune  poète  s'attacha  à  faire  mieux  et  ses 
créations  remarquables  au  café-concert  tant  en 
opérettes  qu'en  chansons  se  comptèrent  depuis  par 
centaines;  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  les  énu- 
mérer.  Beaucoup  d'entre  elles  méritaient  une  place 
d'honneur  dans  notre  journal.  Néanmoins,  voici  quel- 
ques titres  qui  éveilleront  certainement  chez  nos 
lecteurs  d'agréables  souvenirs.  Nous  prenons  au 
hasard  dans  le  genre  bouffe  où  il  excellait.  Ok/  la, 
la,  j'  suis  rien  comm'  il  faut!  gaudriole  devenue  très- 
populaire;  Donnez-moi-z-en  pour  deux  sotfs,  que  le 
signataire  de  cet  article  interprétait  avant  de  con- 
naître son  auteur  et  où  il  dit  avec  tant  de  finesse 
dans  le  dernier  couplet  : 

Plutôt  que  de  me  reprendre, 
Bons  critiques  entre  nous 
Vous  qu'avez  d'  l'esprit  à  revendre 
Donnez-moi-2-en  pour  deux  sous. 

L.  Quentin,  loin  d'avoir  besoin  des  dix  centimes 
d'esprit  qu'il  réclame  dans  ce  couplet  final,  en  avait 
assez  à  lui  seul  pour  se  permettre  des  débauches  de 
temps  en  temps  et  se  trouvait  assez  riche  pour  faire 
l'aumône  aux  critiques  malheureux. 

C  monsieur  qui  s'  fait  couler  en  bronze?... 
Connais  pas!... 
dit-il  dans    une    chansonnette  que  bien    des   gens 
méritant  une  statue  ne  dédaigneraient  pas  de  signer. 

f*)  Frisette  et  Briochet  est  la  première  édition  musicale  de 
L.  Bailly,  et  se  joue  encore  en  province. 


L.  Quentin  abordait  tous  les  genres  avec  un  égal 
succès;  la  chanson  triste  ou  gaie  lui  était  familière, 
la  chansonnette  avec  parlé,  la  romance,  les  chants 
patriotiques  même!  Marceau,  musique  de  Robert 
Planquette.  qu'il  composa  quelques  mois  avant  sa 
mort  sous  la  signature  Scitaunard  est  un  tour  de 
force  dû  à  sa  plume  féconde.  Combien  d'autres  nous 
échappent!...  Au  reste  nous  avons  entre  les  mains  un 
petit  volume  intitulé  Les  Gueules  de  loups  (*)  contenant 
des  bouffonneries  et  gaudrioles  dans  lequel  nous 
pouvons  puiser  sans  choisir  des  couplets  où  l'esprit 
pétille  à  chaque  ligne.  La  plupart  de  ses  cliansons  sont 
inédites  et  inconnues,  le  deuxième  couplet  du  Sourd- 
Muet  polyglote,  par  exemple,  où  il  démontre  com- 
ment on  se  fait  comprendre  des  belles  dans  tous 
les  pays  : 

On  parvient  à  tout  lorsqu'on  ose  ; 
Ne  pouvant  pas  dire  le  mot, 
Il  mettait  le  doigt  sur  la  chose 
Et  l'entretien  s'ouvrait  bientôt. 

La  Vareuse  à  Poivrot,  gauloiserie  bachique  à 
deux  voix  pour  un  homme  seul  (dédiée  à  notre  ami 
Gédhé),  la  Ballade  de  Nim/jortcki,  Voici  tliicer.  Ma 
femme,  étude  matiHmoniale  que  nous  publions  plus 
loin,  les  Animaux  peints  par  un  autre.  Ça  d'vient 
gênant!  Protestation  des  Cliameaux,  Le  Défunt  récal- 
citrant, etc..  sont  autant  de  petits  chefs-d'œuvre 
dans  leur  genre.  Léon  Quentin  travaillait  générale- 
ment seul;  ses  collaborateurs  sont  peu  nombreux. 
Pourtant  il  signa  quelques  chansons  et  deux  ou  trois 
opérettes  avec  H.  Collé.  Quelque  temps  avant  sa 
mort,  il  s'était  attaché  tout  spécialement  notre  ami 
Gédhé,  avec  lequel  il  fit  jouer  plusieuis  opérettes 
qui  furent  et  sont  encore  de  grands  succès  :  Amours 
et  Spiritisme,  musique  de  Robillard,  la  Queue  du 
Diable,  musique  de  Bernicat,  Monsieur  Virginie, 
musique  du   même,   La  Tempête  conjugale,  etc.,  etc. 

11  a  laissé  entre  les  mains  de  notre  ami  Gédhé 
plusieurs  œuvres  inachevées  (ce  ne  sont  pas  les 
moins  bonnes)  entre  autres  un  opéra-bouffe  en  3  actes 
destiné  au  théâtre  des  Bouffes  et  intitulé  Les  Ama- 
zones; la  musique  est  signée  Georges  Douay.  Ce 
serait  peut-être  la  fortune  du  directeur  assez  auda- 
cieux pour  oser  monter  cette  pièce  avec  tout  le  luxe 
qu'elle  comporte.  On  le  voit  par  les  lignes  qui 
précèdent  et  nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  la 
Parque  inexorable  est  venue  avant  l'heure  nous 
enlever  un  homme  d'esprit  doublé  d'un  vrai  chan- 
sonnier !  C'est  le  21  février  1873  qu'il  nous  serra  la 
main  pour  la  dernière  fois.  Il  souffrait  depuis  long- 
temps d'une  phtisie  pulmonaire  ;  le  plus  triste  est 
qu'il  se  voyait  mourir.  Sa  vaillante  femme  lui  fut 
d'un  grand  secours  dans  les  dernières  années  de  sa 
longue  et  cruelle  maladie  (les  chansons  ne  rappor- 
tant pas  toujours  de  quoi  payer  les  honoraires  du 
médecin).  Il  eut  la  consolation  de  quitter  cette  terre 


(•)  Se  trouve  chez  M.  Roux-Quentin,  éditeur,  rue  des  Petita- 
Carreaux,  41,  et  aux  bureaux  de  La  Chanson. 


46 


LA  CHANSON 


entouré  des  soins  assidus  et  constants  d'une  fidèle 
compagne.  Quelques  heures  avant  de  s'éteindre  il 
nous  disait  avec  le  sourire  triste  qui  le  quittait 
rarement  : 

«  On  s'endort  dans  la  vie  et  la  mort  nous  réveille 
en  chemin.  »... 

A.  LEROY. 


IVIA     FEIWIVIE   0 

ÉTUDE    MATRIMONIALE 


En  ce  siècle  de  balivernes, 
Ne  me  parlez  pas  des  chansons 
Qu'enfantent  nos  auteurs  modernes 
Et  qui  ne  rendent  que  des  sons; 
Aimant  les  couplets  de  haut  goût, 
Je  me  sens  d'humeur,  sur  mon  âme, 
A  porter  ce  soir  un  gi^and  coup, 
Et  pour  sujet  j'ai  pris  ma  femme. 

Pour  que  ma  femme  se  transporte, 
C'est  bien  peu  d'être  provoquant. 
Il  faut  qu'un  homme  ait  l'âme  forte. 
L'esprit  incisif  et  piquant  ; 
Il  faut  faire  preuve  de  cœur. 
Et  ne  pas  faiblir  dès  l'entame  ; 
Fermeté,  droiture  et  chaleur. 
Voilà  ce  qui  plaît  à  ma  femme. 

Arrive-t-il  que  je  me  grise. 
Mon  épouse,  en  femme  d'esprit, 
De  gronder  n'a  pas  la  sottise 
Et  ne  sait  qu'aiuier  son  mari. 
Le  vin  me  rend  tout  guilleret, 
Il  me  dispose  à  l'épigramme. 
Et  plus  j'accuse  un  grand  plumet, 
Plus  ça  fait  plaisir  à  ma  femme. 

Si  quelque  affaire  au  loin  m'appelle, 
Je  ne  puis  briser  mes  liens  ; 
Pour  me  retenir  auprès  d'elle. 
Elle  a  d'aftreux  petits  moyens; 
Alors,  si  grande  est  la  vigueur 
Qu'elle  met  à  serrer  sa  trame, 
Que  cela  m'arrache  le  cœur 
De  me  séparer  de  ma  femme. 

Indomptable  comme  une  mule. 
Je  l'avoue,  elle  est  par  moment. 
D'un  entêtement  ridicule 
Devant  les  meilleurs  arguments. 
Bravant  le  trait  qui  la  confond. 
Elle  s'agite,  elle  s'enflamme  ; 
Il  faut  pousser  la  chose  à  fond 
Pour  venir  à  bout  de  ma  femme. 

J'en  dirais  certes  davantage 
Sur  mon  épouse  et  ses  vertus. 
Mais  les  malins  du  voisinage 
Prétendraient  que  je  n'en  sors  plus. 
Je  dois  donc,  malgré  mon  regret, 
Mettre  une  sourdine  à  ma  flamme. 
Ne  pouvant,  sans  être  indiscret. 
Rester  plus  longtemps  sur  ma  femme. 
LÉON  QUENTIN. 

(•)  Cette  chanson  est  extraite  du  Yolume  de  chansons 
ayant  pour  titre  les  Gueules-de-Loups,  en  vente  chez  Quentin- 
Roux,  41,  rue  des  Petits-Carreaux,  et  aux  bureaux  de  La 
Chanson,  18,  rue  Bonaparte.  [Envoi  franco  contre  1  fr.  en 
timbres-poste). 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  4  JUILLET  1879 

Comme  toujours,  ce  banquet,  qui  suit  de  près  celui  des 
Mots  donnés,  en  est  comme  un  écho.  Les  absents  reviennent, 
les  paresseux  se  rattrapent.  Mais  ne  naît-il  pas  de  là  un 
peu  de  monotonie?  Nos  lecteurs  en  jugeront. 

M.  lUpault,  qui  ne  mérite  pas  et  qui  n'aime  pas  qu'onl'oublie, 
a  trouvé  moyen,  en  chantant  la  Choucroute,  de  lancer  le 
couplet  patriotique.  Le  souvenir  de  l'Alsace  l'y  autorisait. 
Mais  il  a  cru  devoir,  après  tant  d'autres,  jouer  aussi  de  la 
belle-mère.  Qu'on  me  ramène  aux  carrières  ! 

Fouache,  pour  mot  donné,  a  pris  la  Carotte.  Carotteurs, 
carottés,  carotticrs  :  vous  devinez  la  kyrielle.  Elle  est  très- 
gaie.  Mais  que  dirait  Lamartine,  s'il  entendait  affubler  du 
doux  nom  d'Elvire  une  goton  quelconque  ! 

Granger  est  aussi  un  trop  tard  aux  plats.  Sous  ombre  de 
jambon,  il  nous  sert  le  cochon  tout  entier.  J'ai  pensé  à  la 
chanson  de  Kabineau  sur  le  même  sujet.  Dans  celle  de 
Granger  s'enchâsse  naturellement  le  mot  connu  sur  l'avare, 
qui,  comme  le  cochon,  n'est  utile  qu'après  sa  mort.  Mais 
pourquoi  rééditer,  à  propos  de  porc,  la  mauvaise  plaisanterie 
des  cléricaux  contre  les  honnêtes  gens  qui  désirent  être 
inhumés  sans  pompe  religieuse  ? 

Son  Amende  Jionorable  lui  a  inspiré  des  couplets  plus 
ingénieux.  Pouquoi  amende  honorable  ?  direz-vous.  Pour 
avoir  commis  l'enormité  —  impardonnable  au  Caveau  —  de 
dire  des  vers.  Horresco  referens.  Mais  il  a  juré  qu'on  ne 
l'y  prendrait  plus.  Tant  pis  pour  nous. 

Le  Haricot  de  mouton,  de  Jullien,  prouve  que  le  sujet  le 
plus  ingrat  peut  inspirer  le  vrai  chansonnier.  Il  voit  bien  les 
navets,  il  compi'end  bien  l'éclanche  ;  mais  il  cherche  en  vain 
le  haricot.  0  feinte  ignorance  de  l'art  culinaire  !  Je  m'éten- 
drais volontiers  sur  la  Veuve  d'Arthur,  piquante  élégie,  si 
ces  deux  mots  ne  jurent  pas  d'être  accouplés,  m.ai8  ce 
n'était  pas  une  première  audition. 

Fénée  chante  la  Cuisine  au  Caveau  :  série  de  quatrains 
sur  les  mots  donnés  et  sur  les  auteurs  auxquels  ils  sont  échus. 
Quelques  couplets,  pour  être  franc,  manquent  un  peu  de 
trait,  et  la  liste  n'est  pas  complète.  Espérons  qu'en  y  mettant 
la  dernière  main,  il  n'oubliera  pas  le  sel.  Mais  son  tiroir  : 
Tu  t'en  ferais  mourir  est  cocasse  et  plein  d'entrain,  et  ses 
Animaux,  gaudriole  à  laquelle  une  réminiscence  involontaire 
de  Pline  ne  gâte  rien,  sont  bien  réussis. 

.Je  changerais  bien  avec  eux. 

dit-il  :  il  n'est  pas  bête. 

Après  les  mots  donnés  ou  pris,  les  chansons  à  côté. 

Charles  Vincent,  qui  est  poète  et  gourmet,  célèbre  le 
Cuisinier  et  le  Sommelier  :  il  glisse  son  couplet  humanitaire, 
ma  foi,  et  aussi  son  rayon  de  soleil.  Mais  son  Mal  de  dents, 
plus  simple,  est  aussi  vrai.  Mal  cruel  qui,  dans  mainte 
circonstance  critique,  oppose  au  succès  un  implacable  veto. 
Paul  de  Kock  peint  quelque  part  un  jeune  homme  troublé 
dans  ses  amours  par  un  mal  inconnu  :  Ce  n'était  pas  un  mal 
de  dents. 

L'amour,  le  jeu,  le  vin  :  lequel  vaut  mieux?  se  demande 
Grange,  sans  r,  quoiqu'il  chante.  L'excès  en  tout  est  un 
défaut,  a  dit  un  de  ses  devanciers.  Il  le  prouve  spirituelle- 
ment, et  fait  comme  certain  bon  vivant  : 

11  ne  voulut,  quand  Tâge  vint, 
Du  jeu,  des  femmes  ni  du  vin. 

Mais  il  remplace  tout  cela  par  la  chanson.  Par  force  ou  par 
goiit?  Les  deux  sans  doute. 

Ça,  de  Mouton-Dufiaisse,  et  Bien  avec  tout  le  monde,  de 
Monlariol,  sont  de  véritables  chansons,  l'une  plus  philoso- 
phique et  plus  chaleureuse,  l'autre  plus  caustique  et  plus 
gaie.  Mais  l'une  et  l'autre  ont  fait  grand  plaisir,  et  ajuste 
titre. 

Citons,  pour  terminer,  la  chanson  qui  a  ouvert  la  séance 
des  chants  —  après,  toutefois,  un  toast  très  applaudi  — 
celle  de  Liorat,  le  nouveau  titulaire,  qui  a  tourné  son 
remercîment  avec  (inesse.  Mais  n'était-ce  pas  déjà,  par  la 


LA  CHANSON 


transparence  des  sous-entendus,  une  chanson  presque  digne 
du  second  tour?  Il  est  vrai  qu'on  n'en  fait  plus. 

Je  vous  parlerais  bien  de  ma  chanson  ;  mais  je  craindrais 
d'en  dire  trop  de  bien,  ou  trop  peu.  .l'aime  mieux  vous 
soumettre  ci-après  le  Petit  pain  de  l'employé,  et  terminer 
ici  un  compte  rendu  bien  long. 

Encore  n'ai-je  parlé  ni  de  la  Chanson  française,  de  Vincent, 
sur  laquelle  tout  a  été  dit,  ni  de  La  Troisième,  qu'on  enten- 
dait bien  pour  la  vingtième  fois. 

Les  membres  du  Caveau  verront  que  s'ils  ont  célébré  bien 
des  mets  dans  leurs  chansons,  je  n  ai  pas  non  plus  épargné 
les  mais  dans  ma  chronique. 


LE  PETIT  PAIN  DE  L'EMPLOYÉ 


Air  de  Mimi  Pinson  (Bérat) 

Pour  charmer  vos  doctes  oreilles 
Et  les  échos  de  oes  salons, 
D'autres  vanteront  les  merveilles 
Du  vin  choisi  que  nous  sablons. 
La  complainte  est  parfois  touchante  ; 
Pourtant,  dussé-je  être  raillé, 

Moi,  je  vous  chante. 
D'une  voix  qui  n'est  pas  méchante, 
Le  petit  pain  de  l'employé. 

Flânant  tout  au  pins  les  dimanches, 
Vieux  commis  d'un  greffe  ignoré, 
Depuis  vingt  ans  j'use  mes  manches 
Sur  un  bureau  fort  peu  doré. 
Il  faut  bien  nourrir,  c'est  l'usage, 
Mon  corps  par  le  travail  ployé, 

Mais  je  ménage, 
Et  savoure,  pour  tout  potage. 
Le  petit  pain  de  l'employé. 

De  nous  deux  on  rira  sans  doute  : 
Quand  je  déjeune  en  grossoyant, 
J'aime  à  faire  craquer  ta  croûte, 
Petit  pain,  tendre  et  croustillant  ; 
Un  simple  verre  d'eau  t'arrose. 
Un  verre  où  j'ai  souvent  noyé 

Souci  morose... 
Je  te  dois  plus  d'un  rêve  rose, 
Cher  petit  pain  de  l'employé. 

Dans  la  rue  un  passant  s'approche  ; 
11  a  faim,  il  est  presque  nu. 
Diable  !  pas  un  sou  clans  ma  poche, 
Car  le  quinze  est  sitôt  venu! 
—  Je  n'ai  qu'une  chétive  aumône, 
Dis-je  d'un  ton  humilié... 

Ami,  pardonne, 
Et  reçois  du  cœur  qui  le  donne 
Le  petit  pain  de  l'employé. 

Et  signant  d'une  main  tremblante 
Sur  la  feuille  d'émargement. 
Je  soupire,  et  trouve  bien  lente 
La  marche  de  l'avancement. 
Quand  verrai-je  —  c'est  ma  marotte 
Mon  espoir  enfin  monnayé  ? 

Va,  pauvre  ilote, 
En  attendant,  souffre  et  grignote 
Le  petit  pain  de  l'employé. 


La  retraite  "vient  avec  l'âge  ; 

Quant  à  l'âge,  lui  vient  toujours. 

Alors  dans  un  obscur  village 

Plantant  mes  choux  sur  mes  vieux  jours. 

Je  pourrai,  je  crois,  me  permettre. 

Du  maire  et  des  voisins  choyé, 

D'être  mon  maître... 
Mais  je  regretterai  peut-être 
Le  petit  pain  de  l'employé. 

EuG.  IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIERE 


•       BANQUET  DU  3  JUILLET. 

Ce  banquet  a  servi  à  la  rentrée  de  notre  sympathique 
président  Jules  Echalié  qu'une  chute  malheureuse  avait 
empêché  depuis  plusieurs  mois  de  présider  nos  agapes. 
Chacun  était  heureux  de  le  revoir  parmi  nous. 

Comme  à  tous  les  dîners  de  cette  époque  de  l'année,  le 
nombre  des  convives  était  peu  considérable  l'autre  soir  ;  la 
réunion  n'en  a  pas  été  moins  intéressante  ;  beaucoup  de 
bonnes  œuvres  ont  été  onlcndues. 

Après  le  toast  obligé,  Echalié  a  dit  la  chanson  d'ouver- 
ture de  Jeannin,  Aux  visili'ws  de  la  Lice,  et  donné 
communication  de  l'appel  fait  par  La  Chanson  au  sujet  du 
22i>  anniversaire  de  la  mort  de  lîéranger.  Toast,  chanson  et 
communication  ont  été  accueillis  avec  une  faveur  égale. 

Vernaelde,  un  néo-Lieéen,  auteur,  compositeur  et  chan- 
teur, a  dit  de  sa  plus  belle  voix  les  Strophes  à  la  France  de 
Carori,  et  une  bonne  chanson  de  lui,  paroles  et  musique,  et 
que  nos  lecteurs  trouveront  dans  ce  numéro  :  Monsieur 
kustique.  Picard,  le  ciseleur  de  taut  de  fins  couplets,  a  chanté 
Roule  imiju'à  demain,  et  M.  Jules  Raux,  visiteur  assidu, 
Adieu  mu  belle,  musiiiue  de  sa  composition. 

Alfred  Leconte,  le  di'pulé,  membre  du  Caveau  et  de  la  Lice, 
a  récité  une  pièce  Irès-belle  que  nous  aurions  voulu  publier 
aujourd'hui,  Béranger  et  ses  accusateurs  .m  ais  nous  donnons 
du  mémo  auteur  un  polit  conte  tout  gaulois,  force  nous  est 
d'ajourner  au  prochain  numéro  la  poésie  remarquable  que 
nous  ne  saurions  trop  applaudir. 

Hachin,  notre  président  d'honneur  a  dit  une  chanson 
nouvelle,  Si/ avec  l'esprit  et  la  finesse  qui  se  rencontrent 
dans  toutes  ses  œuvres.  Rubois  a  chanté  sa  dernière  chanson 
couronnée  au  concours.  Je  me  suis  laissé  faire,  et  des 
couplets  d'actualité.  Doléances  de  Popaul  qu'un  malentendu 
seul  empêche  de  fimirer  à  la  suite  de  ce  compte-rendu. 
M.  Rousset  a  interprété  avec  ampleur  la  superbe  cnanson  de 
Georges  Baillet,  Le  Paradis  des  buceiirs. 

Tandis  que  Cliocque  présonlait  une  chanson  d'Eugène 
Baillet,  dont  il  a  fait  la  musique,  le  même  Baillet  Eugène 
chantait  une  romance  de  lui.  Un  Lundi  de  printemps,  sur  la 
charmante  musique  nouvelle  de  Paul  Hennon. 

Jules  Jouy  a  élé  très-drôle  dans  sa  chanson  à  tiroirs, 
Si  quelqu'un  roiiinil  pi-nidre  ma  place:  Charles  Peau  a 
célébré  Lt'S  Jolix  n^i'.r  Idras:  Cahen  a  fait  entendre  une 
chanson  bien  pousi--,  /,'  fiut  marquer  notre  passar/e;  Albert 
Pellet  et  Arthur  LrheaM  ont  chanté,  le  premier  Versez  du 
Chiitciu  bleu,  lo  scroml,  Tu-  me  caches  quelque  chose. 

Jeannin  a  prouvé  qu'il  avait  plus  d'une  corde  à  sa  lyre  ; 
il  a  dit  Lu  rieille  Isalieaa,  œuvre  pleine  de  sentiment  ;  puis, 
poui  iLi. ailier  cnnime  de  coutume  par  un  rire  général,  il  a 
racon!''  .'  ■  '''vigc  ilc  Xini  avec  cette  verve  bouffonne  qui  lui 
est  particulière. 

J'ai  pmCitè  du  petit  nombi'e  des  chanteurs  pour  citer  tout 
le  mouùo  ;  j'espère,  du  moins,  n'avoir  oublié  personne. 

A.  PATAY 


LA  CHANSON 


RISETTE 

Musi(jue  de  F.  de  Nartigue 

Voudrais -tu,  gente  Risette, 
Avec  moi  rire  un  moment? 
Allons,  viens,  ma  mignonnette  : 
Je  veux  rire  seulement. 

Si  je  suis  célibataire. 
J'ai  parfois  des  procédés; 
Je  suis  discret,  et  sais  taire 
Les  secrets...  recommandés. 

Je  sais  pincer  la  guitare. 
Aussi  bien  que  mes  amis; 
Je  sais  même  (chose  rare) 
Egayer  mes  ennemis. 

Elle  a  voulu,  la  Risette, 

Avec  moi  rire  un  moment. 

—  Mais,  depuis  ?...  —  J'ai  l'âme  nette 

Nous  faisons  du  sentiment. 

Prosper  tibia. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Samedi  14  juin,  la  société  dramatico-lyrique 
L'Etoile,  de  Levallois-Perret,  donnait  un  grand 
concert  à  ses  membres  honoraires  avec  le  concours 
de  ses  membres  d'honneur.  Disons  tout  de  suite  que 
cette  société  compte  parmi  ces  derniers  des  artistes 
distingués  de  l'Opéra,  du  Conservatoire,  de  la  Renais- 
sance, du  Palais-Royal,  de  l'Alcazar,  de  l'Eldorado, 
du  XIX"  Siècle,  du  Concert  Européen,  de  la  Scala 
de  Milan. 

Le  concert  a  été  enlevé  avec  un  entrain  admi- 
rable. M"°  Noblet,  élève  de  M.  Giraudet,  s'est  fait 
applaudir  dans  Un  Mariage  d'oiseaux  et  l'air  de  l'abeille 
de  La  Reine  Topaze  ;  M""  Ponsard  dans  le  grand  air 
de  la  Reine  de  Chypre  et  le  Vertige  de  Villaret; 
M""  Angèle  Maurice  dans  les  Etudiants  en  goguette  et 
la  Vénus  des  halles  ;  M"°  Eugénie  B.  en  récitant  les 
Châtiments  de  Victor  Hugo.  MM.  Marins  N.,Lancède 
Teissier,  Faivre,  Valtier,  ont  eu  leur  part  du 
succès.  Mais  il  est  impossible  de  rendre  l'effet  produit 
par  l'ouverture  de  Zampa  et  celle  de  Si  j'étais 
roi  exécutées  sur  l'orgue  et  piano  par  MM.  Paul 
Faucbet  et  Duplessis,  lauréats  du  conservatoire,  ainsi 
que  par  les  deux  solos  de  violon  exécutés  par 
M.  Jules  Aubert  dont  le  talent  est  incontestable. 
L'apothéose  de  la  soirée  a  été  pour  M.  Dubois  qui, 
en  récitant  Jemmapes  et  en  chantant  En  fourrière 
et  terminant  par  une  grande  scène  d'imitation  le 
Langage  des  choses  qui  ne  parlent  pas,  a  enlevé  et 
transporté  la  salle.  M.  Fusier  empêché  n'a  pu  donner 
sa  note  dans  ce  magnifique  concert,  dont  toutes 
les  parties  ont  été  à  la  hauteur  et  dignes  de  la  répu- 
tation que  la  société  l'Etoile  a  su  conquérir. 

Robert  GARNIER. 

Le  26  juin,  la  société  lyrique  les  Enfants  de  la 
Gaîté,  offrait  à  ses  habitués,  dans  sa  petite  salle  de 
famille  de  la  ruedes  Francs- Bourgeois,  n°  40,  chez 
M.  P. -H.  Corgeron,  une  soirée  dont  le  bénéfice  est 
destiné  à  grossir  la  souscription  Béranger. 

On  n'a  chanté  que  des  œuvres  du  grand  chanson- 
nier national.  M"'  Armand  Destroges,  MM.  Castel, 
Noch,  Levasnier,    Samson,    Donare,  Rémy,  Jules 


Knocpfler,  ainsi  que  M.  Destroges,  pianiste,  se  sont 
montrés  les  dignes  enfants  de  la  lyre  et  les  bravos 
qu'ils  ont  récoltés  prouvent  que  les  bonnes  chansons 
sont  toujours  jeunes  et  que  le  goût  du  beau  n'est  pas 
disparu.  Enfin,  grâce  aux  soins  de  M.  Fosty,  le 
président  de  la  société,  qui  sait  donner  à  toutes  ses 
soirées  des  dimanches,  lundis,  jeudis  et  samedis,  un 
attrait  tout  particulier,  celle  du  26  juin  a  été 
brillante,  le  succès  grand  et  la  recette  bonne. 

On  ne  danse  pas  à  la  société  lyrique  des  Enfants 
de  la  Gaîté,  et  c'est  tant  mieux. 

P.-H.  GORGERON. 

Le  jeudi  3  juillet,  la  société  r Union  des  Familles 
réunissait  dans  le  local  habituel  de  ses  réunions, 
salle  de  l'Hermitage,  rue  de  Jussieu,  28,  toutes  les 
sociétés  lyriques  du  Y"  arrondissement  pour 
un  grand  Concours  de  chant.  La  société  philarmo- 
nique  dudit  arrondissement  prêtait  sa  fanfare  qui  a... 
essayé  la  Marseillaise. 

Ail  heu  ces,  MM.  Jably  et  Gramet,  du  concert 
du  Chalet,  sont  venus  se  faire  entendre  ainsi  que 
M""' Léo.  Inutile  de  dire  que  ce  trio  a  soulevé  d'una- 
nimes bravos. 

Ensuite  7  médailles  ont  été  distribuées  aux  sept 
personnes  qu'un  jury  avait  désignées,  et  un  diplôme 
accompagnait  chacune  de  ces  médailles. 

Un  des  jeunes  gens  qui  avait  concouru  a  eu  l'incon- 
venance de  réclamer  à  haute  v  oix  et  dans  des  termes 
blessants  pour  l'impartialité  du  jury,  parce  qu'il 
n'avait  pas  été  médaillé.  Il  me  semble  qu'une  récom- 
pense lui  était  cependant  due,  et  je  propose  qu'on 
lui  offre  vu  manuel  de  la  civilité  française. 

Le  jardin  qui  précède  la  charmante  salle  de  l'Her- 
mitage était  enguirlandé  aux  couleurs' nationales, 
les  arbres  étaient  remplis  de  lampions;  des  feux  de 
bengale  ont  été  allumés  et  des  pétards  ont  été  tirés. 

Ne  terminons  pas  sans  adresser  nos  compliments 
aux  organisateurs  de  cette  fête  de  famille  et  surtout 
à  M.  Gouget  qui  s'est  montré  l'homme  du  monde 
que  nous  connaissons  et  sur  lequel  devrait  bien 
prendre  modèle  le  Monsieur  qui  réclamait. 

La  société  la  Lyre  de  la  Gaîté  donnait  dans  son 
local  habituel,  18,  rue  Descartes,  le  samedi  5  juillet, 
sa  soirée  mensuelle  extraordinaire. 

M.  Corrège  et  M"°  Armandine  quiavaient  obtenu, 
et  surtout  bien  mérité,  chacun  une  médaille  au  Con- 
cours des  sociétés  lyriques  du  Y"  arrondis- 
sement, se  sont  fait  applaudir  et  la  société  la  Lyre 
de  la  Gaîté  a  saisi  cette  occasion  pour  offrir  à  M""  Ar- 
mandine un  insigne  d'honneur.  M""  Villois,  la 
maîtresse  de  l'établissement,  a  offert  un  superbe 
bouquet,  et  un  habitué  de  nos  réunions  une  magni- 
fique parure  en.,  lingerie  ;  quelques  vers  ont  été  dits 
pour  la  circonstance,  mais  je  les  passe  sous  silence 
pour  qu'on  ne  m'accuse  pas  de  faire  de  la  réclame 
pour  mon  compte. 

La  soirée  a  été  couronnée  avec  le  concours  de 
M"»  Joseph;  MM.  Gramet  et  Jably,  du  Chalet; 
M.  Hervier,  de  la  Renaissance;  M.  Lacoste,  le  sym- 
pathique tyrolien,  et  M""  Adèle.  Après  une  liste 
comme  celle-là  tout  commentaire  est  superflu. 

Nous  rappelons  à  cette  occasion,  que  tous  les 
1'"  samedis  du  mois  une  soirée  extraordinaire  est 
donnée  à  la  Lyre  de  la  Gaîté. 

LÉO  TOSTAIN. 

Le  Directeur- Gérant,  A.  PATAY. 


2'  ANNEE. 


1"  AOUT  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Géran  t 
A.  PATAY 

20  cent.  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  !«'  «Se  le  16  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.   LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


Sl.iMMAIRE  :  Le  liî  Juillet  1879  ,-  Discours  de  MM.  h.-Henry  Lecomte,  Eugène  Baillet,  Alfred  Leconte,  Charles  Vincent.  Engelbauer, 
Chebroux  (a.  patay).  —  Bérnnijer  et  .^oii  nccu-saleur  (alfrbd  leconte).  —  Curio-nté.\'  de  La  Chanson:  .le  ne  suis  plus  sibéte 
(HENRI  DE  isornier).—  Le  Printemps  (perret  de  germii;xey). —  Le  Codi;  Ilfdicn  (a.  leiîlanc).—  Lettre  de  L.-Henry  Lecomte  au 
directeur  de  la  paix.  —  Lice  Chansonnière,  Banquet  des  Dames  (a.  patay).  —  'i^  Concours  mensuel  de  La  Vhanxon  :  La 
craie  noblesse  {iiippolyth  daouët).  —  4"  concours.  —  Echos  et  Nourelles,  —  Ams. 


LE  16  JUILLET  1879 


il  est  indispensable  de  donner  ici  le  procès-verbal 
détaillé  de  cette  solennité.  La  fantaisie  la  plus 
complète  a  présidé,  en  effet,  aux  comptes-rendus  de 
la  presse  parisienne,  sympathiques  cependant  pour 
la  plupart. 

Quelques  jours  à  l'avance,  le  directeur  de  La 
dhamon  faisait  autographier  et  envoyait  aux  jour- 
naux grands  et  petits  la  note  suivante  : 

«  Dans  son  dernier  numéro,  le  journiil  Ln  CIkiiisoii 
invite  tous  ceux  qui  ont  conservé  le  souvenir  de  notre  poète 
national  Déranger,  à  prendre  pari  à  la  célébration  du 
220  anniversaire  de  sa  mort.  Les  membres  du  lAireiiii,  de 
la  Lire  Cluiiisonnièn',  plusieurs  députés,  conseillers  nnini- 
clpaux  et  membres  du  Comité  de  la  .Statue  de  lîéranser, 
assisteront  à  celle  manifestation  purement  littéraire. 

«  On  se  réunira  à  la  porte  du  cimetière  du  l'ère-Lacliaise, 
le  mercredi  16  juillet,  à  trois  heures  précises.  » 

De  son  côté,  la  Lice  Chansonnière  conviait  tous 
ses  membres  dans  les  mêmes  termes  que  Tannée 
dernière.  Au  moment  fixé,  mille  personnes  à  peu 
près  attendaient  soit  à  la  porte  du  cimetière,  soit 
auprès  du  tombeau  de  Déranger,  dont  les  gardiens 
avaient  peine  à  défendre  les  abords,  réservés  aux 
manifestants. 

A  trois  heures  et  demie,  la  cérémonie  commençait. 
Au  nom  de  la  Lice  Chansonnière,  Edouard  Hachin, 
son  président  d'honneur,  déposa  une  très-belle  cou- 
ronne d'immortelles  en  prononçant  quelques  mots 
bien  accueillis.  L.-Henry  Lecomte  prit  alors  la 
parole.  Il  appartenait  à  notre  ami,  comme  rédacteur 
en  chef  de  La  Chanson,  de  rappeler  les  droits  de 
Béranger  à  une  statue,  et,  comme  secrétaire  du 
Comité,  de  donner  la  raison  principale  du  peu  d'ac- 
tivité imprimé  jusqu'ici  à  la  propagande.  Il  l'a  fait 
dans  un  style  concis,  vigoureux,  très-remarquable 
au  jugement  de  l'assemblée  qui  a  salué  l'orateur  par 
des  bravos  émus  dont  Henry  Lecomte  a  pu  retrouver 
l'écho  dans  plusieurs  journaux  importants  de  Paris. 
Voici  la  page  éloquente  de  notre  ami  : 
Messieurs, 

Je  dois  vous  remercier  d'abord  de  l'empressement  que 
vous  avez  mis  à  répondre  à  notre  appel.  Le  pèlerinage  d'au- 


jourd'hui aura  sur  rteuvré  commencée  une  inlluence  heureuse 
que  je  veux  préciser.       r 

Il  y  a  cinq  mois,  sui'  l'initiative  du  journal  La  Chanson, 
un  Comité  de  littérateurs  et  d'hommes  politiques  fut  cons- 
titué dans  le  but  d'élever  une  statue,  à  Béranger.  Vers  la 
même  époque,  la  Ilépublique  se  sentit  assez  forte  pour  être 
clémente  ;  elle  rendit  leur  patrie  à  de  nombreux  égarés.  La 
majorité  des  républicains  considéra  comme  un  devoir  de 
venir  en  aide  aux  amnistiés  sans  ressources  ;  de  nombreuses 
commissions  se  formèrent  à  cet  effet.  La  charité  doit  toujours 
et  partout  avoir  le  champ  libre  ;  le  Comité  Déranger  ne  voulut 
point  paraître  disputer  à  des  malheureux  trop  punis  déjà  l'obole 
démocratique  :  il  suspendil  toute  propagande.  A  l'heure 
présente,  la  lâche  des  citoyens  réunis  dans  l'intérêt  des 
amnistiés  étant  sinon  accomplie,  du  moins  considérablement 
avancée,  le  droit  strict  du  Comité  Béranger  est  de  rompre 
le  silence  et  de  travailler  activement  au  succès  de  sa 
paliiolii)ue  entreprise.  La  fête  littéraire  que  l'on  célèbre  ici 
si.'ia  II-  point  de  départ  naturel  de  cette  phase  décisive  ;  elle 
a,  vous  le  voyez,  une  réelle  importance. 

Messieurs,  nul  ne  peut  contester  la  légitimité  ni  l'oppor- 
tunité de  l'hommage  que  nous  préparons.  Un  pays  s'honore 
en  gloi'iliant  ses  grands  hommes.  Aucun,  plus  ({ue  Déranger, 
n'a  droit  à  l'apothéose.  Il  eut  le  génie,  la  bonté,  l'honnêteté. 
Sorti  des  rangs  du  peuple,  il  fut  conslamment  l'ami  des 
humbles  (|ue,  tour  à  tour,  il  conseillait,  e\alluil,  consolait. 
11  combatlit,  auprix  de  son  repos  et  de  sa  liberté,  la  lyrannie, 
d'où  qu'elle  vint,  de  la  force  ou  du  dogme,  des  lois  ou  des 
prêtres.  Il  donna  tout  à  tous  sans  accepter  rien  de  personne. 
Il  reste,  enfin,  dans  le  panthéon  de  ce  siècle,  la  plus 
sympathique  incarnation  de  l'esprit  incisif,  du  patriotisme 
vaillant,  de  l'abnégalion  persistante,  de  la  fraternité  vraie. 
Le  temps  est  venu,  Messieurs,  de  substituer,  dans  la 
reconnaissance  populaire,  les  gloirespacifiques  aux  renommées 
sanglantes,  ceux  qui  créent  à  ceux  qui  tuent.  La  France  est 
grande  surtout  parce  qu'elle  est  le  foyer  formidable  et 
bienfaisant  où  le  cerveau  de  l'univers  s'éclaire,  où  le  cœur 
des  peuples  s'échauffe.  Justement  orgueiheux  de.  nos 
annales,  ayons  pom'  les  penseurs  disparus  le  respect  cpii 
convient;  payons  nos  dettes  au  passé,  et  préparons  l'avenir 
en  établissant  le  culte  aimable  et  fécond  de  l'idée.  Inaugurons, 
Messieurs,  par  l'effigie  vénérable  de  Béranger,  cet  imposant 
défilé  de  statues  méritées  qui,  dans  l'esprit  de  notre  muni- 
cipalité prévoyante,  doit  transformer  les  places  de  Paris  en 
écoles  de  civisme.  Accomplissons  notre  œuvre  loyalement, 
démocratiquement,  sous  le  regard  de  tous,  avec  tous  les 
concours.  Nous  lui  conserverons  ainsi  le  précieux  caractère 
d'une  manifestation  nationale,  et,  le  jour  venu,  nous  pourrons 
écrire,  sur  le  piédestal  du  bronze  que  salueront  des  accla- 
mations unanimes,  cette  dédicace  à  la  fois  simple  et  superbe  : 
A  Béranger,  ta  France! 


50 


LA  CHANSON 


Sur  lin  ton  plus  familier,  mais  avec  une  vigueur 
égale,  Eugène  Baillet,  représentant  de  la  Lice  Chan- 
sonnière, a  retracé  d'une  façon  neuve  le  rôle  poli- 
tique du  grand  poète  ;  il  a  été  fréquemment  inter- 
rompu par  des  applaudissements  : 

Mes  Amis, 

Car  ici  nous  sommes  tous  amis  ;  les  personnes  qui  ont 
bien  voulu  su  joindre  à  nous  y  sont  venues  guidées  par  une 
pensée  qui  est  la  nôtre  :  rendre  hommage  à  Béranger. 

Ce  qi>e  j'ai  à  vous  dire  est  le  reflet  des  sentiments  qui 
animent  mes  collègues  de  la  Lice  Chansonnière,  une  petite 
société  littéraire,  chantante  surtout,  où  l'on  a  conservé  le 
culte  de  la  chanson,  de  la  chanson  vraie,  c'est-à-dire  de  celle 
qui  amuse  avec  intelligence,  qui  instruit  ou  qui  fait  aimer, 
en  un  mot  de  la  chanson  dont  Béranger  fut  non-seulement 
le  représentant  mais  l'initiateur. 

Ce  que  je  veux  vous  dire  surtout,  c'est  la  tâche  (jue 
Béranger  a  accomplie.  C'est  de  démonti-er  ce  qu'il  a  l'ait  de 
cette  poésie  ailée,  comme  dit  Victor  Hugo,  ou  de  cette  arme 
aussi  française  que  la  baïonnette,  selon  la  jolie  expression 
de  Jules  Claretie  :  la  chanson. 

Certes  les  grands  penseurs  du  XVIlle  siècle  ont  vaillamment 
combattu  :  Montesquieu,  Voltaire,  Raynal,  J.-J.  Rousseau, 
Diderot,  D'Alembert,  Ilelvétius,  et  bien  d'autres,  soldats  plus 
obscurs  mais  aussi  dévoués,  ont  écrit  des  livres  immortels. 

Mais  pour  qui  ces  pages  sublimes  étaient-elles  écrites? 
pour  quelques  privilégiés  du  sort;  le  peuple  alors  ne  savait 
pas  lire  dans  ces  livres-là  ! 

Quand  Béranger  parut,  il  comprit  qu'il  y  avait,  en  s'ins- 
piranl  de  ses  puissants  devanciers,  une  œuvre  à  accomplir  : 
metti'C  à  la  portée  de  tous  les  principes  de  la  raison. 

.\lors  s'nmparant  de  ce  petit  genre  dédaigné,  le  couplet,  il 
coiffa  la  philosophie  du  bonnet  de  la  gaité  et  lui  prépara 
ainsi  son  entrée  partout. 

La  France  entière  retentit  bientôt  de  ses  refrains  et  au 
nez  des  missionnaires  tout  puissants  le  peuple  allait  chantant; 

En  vendant  des  prières 
Soufflons,  soufflons,  soufflons,  morbleu. 
Eteignons  les  lumières 
Et  rallumons  le  feu! 

Vers  la  même  époque,  les  robes  noires  et  violettes  veulent 
s'emparer  de  l'éducation  de  la  jeunesse  et  l'on  eulond 
chanter  sur  un  air  de  pont-neuf  : 


Dès  ce  moment  Béranger  est  le  point  de  mire  de  la  haine 
cléricale.  L'ennemi  avait  senti  la  force  du  lutteur,  il  avait 
compris  que  ce  n'était  plus  à  quelques  érudits  que  Béranger 
s'adressait,  mais  à  la  foule.  On  chante  sans  savoir  lire,  si  on 
ne  chante  pas  on  entend  chanter  et  l'idée  se  propage  avec 
rapidité;  plus  elle  est  ironique  plus  elle  va  vite,  voilà  ce  qui 
fait  la  force  incontestable  du  chansonnier. 

C'était  aussi  l'époque  où  la  vieille  noblesse,  qui  depuis 
vingt  ans  promenait  son  inutilité  et  son  ridicule  à  l'étranger, 
venait  au  nom  de  sa  prétendue  divinité  réinstaller  en  France 
ce  qu'elle  appelait  ses  droits,  oubliant  que  depuis  89  il 
n'existait  plus  d'autres  droits  que  les  droits  de  l'homme. 

Or,  tandis  que  les  rimeurs  à  gages  suaient  à  fabriquer  des 
odes  et  des  cantates  en  l'honneur  de  ce  monde  fossille  — 
Béranger  toujours  prêt  à  combattre  le  bon  combat  écrivait 
tranquillement  le  sourire  à  la  lèvre  :  k  Marquis  de  Carabas  ! 
et  poussant  la  malice  à  son  comble,  il  rimait  sa  chanson  afin 
qu'elle  puis.se  être  immédiatement  répétée  partout  sur  l'air 
du  roi  Dagobert. 

Et  bientôt  tous  ces  beaux  Messieurs  chamarrés  en  long  en 
large  de  rubans  de  toutes  couleurs  et  de  croix  de  toutes  les 
dimensions,  entendent  autour  de  leurs  voitures  le  populaire 
qui  leur  chante  ironiquement  : 

Chapeaux  bas,  chapeaux  bas, 
Gloire  au  marquis  rie  Carabas  ! 

Après  le  Marquis  de  Carabas,  la  Marquise  dePretentaille, 
puis  le  Poète  de  cour,  les  Capucins,  tous  les   personnages 


de  ce  carnaval  y  passeront,  le  poète  ne  quitte  plus  la  plume; 
chaque  jour  c'est  un  couplet  nouveau  sur  toutes  ces  carica- 
tures vivantes  et  le  peuple,  qui  a  trouvé  une  voix  qui  est 
bien  la  sienne,   fait  chorus  et  applaudit. 

Les  prêtres,  les  procureurs,  les  juges  crient  au  chien 
eiu'agé  sur  le  chansonnier;  qu'importe!  il  a  son  but  :  la 
bataille  est  engagée,  le  chansonnier  ne  cédera  pas!  On  le 
jette  en  prison,  on  lui  inflige  des  amendes,  qu'importe  !  Tant 
que  ce  monde  grotesque  qui  s'intitule  la  noblesse  ou  ce 
fétiche  qui  se  nomme  la  royauté  de  droit  divin  seront  là,  le 
poète,  la  raison  au  cerveau  et  l'ironie  sur  la  lèvre,  inoculera 
sans  arrêt  le  poison  du  dédain  pour  tout  ce  (|ui  est  faux. 

Ses  amis  s'en  mêlent  :  ils  lui  disent  que  sa  santé  n'y 
résistera  pas  :  Bah  !  répond  Béranger,  j'ai  la  vie  dure  !  il  le 
faut. 

Puis  quand  l'étranger  s'éloigne  du  territoire  où  la  pauvre 
France  le  nourrissait  depuis  quatre  ans,  le  poète  chante! 

11  ne  reproche  pas  aux  rois  coalisés  contre  nous  les 
malheurs  qui  viennent  de  mettre  sa  pati'ic  sur  le  bord  du 
néant,  non  !  Mais  plus  radical  il  s'écrie  : 


Béranger  eu  quelques  mots  avait  établi  la  synthè^  de  la 
question  politique  et  humanitaire  des  temps  modernes  : 


Oui!  tout  est  là  dans  ces  deux  lignes  du  poète,  qui  mérite 
dès  lors  d'être  nommé  le  poète  national. 

Inscrivons  ces  mots  sur  nos  bannières  républicaines,  afin 
qu'ils  se  gravent  dans  nos  cœurs  et  les  peuples  seront 
sauvés. 

Le  bon  sens  des  foules  ne  se  trompe  pas  et^  le  jour  de  la 
grande  fête  de  mai  tS48,  .sur  les  banderolles  qui  ornaient  le 
Champs-de-Mars,  on  lisait  : 


Voilà  notre  Béranger!  voilà  celui  à  qui  nous  devons  une 
statue.  Sans  doute  sa  modestie  pourrait  se  contenter  de  ce 
tombeau  où  il  repose  près  de  son  intègre  ami,  celui  dont  il 
disait  : 

Bras,  tète  et  cœur,  tout  était  peuple  en  lui. 

de  l'indomptable  tribun  Manuel.  Mais  le  peuple  aussi  a  ses 
principes,  sa  gloire,  et  il  est  tellement  fatigué  de  rencontrer 
sans  cesse  les  statues  des  rois  qui  l'ont  tyrannisé  pendant 
des  siècles,  qu'il  veut  avoir  aussi  ses  statues,  les  statues 
plébéiennes  ! 

Les  travailleurs  en  se  montrant  le  bronze  de  Béranger 
dans  le  square  du  Temple  où  nous  désirons  la  voir,  se  diront 
entre  eux  :  C'était  le  fils  d'un  cabaretier  de  village,  son 
grand-père  était  un  pauvre  tailleur!  et  sa  noblesse?  elle 
était  dans  son  cœur;  ses  titres?  c'est  d'avoir  travaillé  à 
détruire  les  préjugés,  à  répandre  la  lumière,  à  rappeler  au 
patriotisme  ceux  qui  désespéraient  de  la  France;  ses  titres? 
c'est  le  désintéressement  qui  a  présidé  à  toutes  les  actions 
de  sa  vie  quand  les  puissants  qui  l'entouraient  lui  olfraient 
des  croix,  des  places,  la  fortune  ;  lui,  né  dans  le  peuple,  est 
resté  l'ami  et  le  soutien  du  peuple,  voilà  ses  titres,  ds  sont 
trop  grands  pour  être  figurés  sur  un  blason  ! 

A  I  œuvre  tous  !  que  chacun  dans  la  mesure  de  ses  moyens 
accomplisse  sa  tâche.  Un  comité  existe  ;  il  faut  que  les 
membres  du  conseil  municipal  qui  font  partie  du  comité 
invitent  chaleureusement  leurs  collègues  à  nous  donner 
promptement  leur  décision,  i\  faut  que  les  journalistes  du 
comité  fassent,  dans  leurs  colonnes,  un  sympathique  appel 
en  faveur  de  la  souscription  ;  la  presse  est  la  grande  puissance, 
d'elle  dépend  une  grande  partie  du  résultat  ;  le  comité  ren- 
.ferme  aussi  des  députés,  des  chansonniers,  que  chacun 
d'eux  ait  sa  liste.  Aucun  nom  ne  personnifie  mieux  la  France 
que  celui  de  Béranger. 

Que  le  riche  de  qui  il  a  charmé  les  loisirs,  donne  sa 
pièce  d'or,  que  l'ouvrier  qu'il  a  instruit  et  consolé  donne  son 
sou  et  nous  verrons,  le  19aoiît1880,  grande  et  belle  s'élever 
la  statue  du  poète  national  et  populaire,  du  grand  patriote 


LA  CHANSON" 


51 


Alfred  Leconte,  député  de  l'Indre  et  chansonnier, 
a  voulu  que  la  poésie  lut  de  la  fête.  Faisant  un 
parallèle  entre  Béranger  et  Marchangy,  il  a  flétri 
l'acousateur  et  glorifié  l'accusé  dans  des  vers 
excellents,  très- bien  dits  et  dont  le  succès  a  été 
très-vif.  Voici  cotte  pièce  que  complète  l'intéres- 
sante notice  publiée  plus  loin  : 

Le  penseur  qui  parcourt  tombeaux  ou  cimetièie 
Où  les  débris  humains,  transformés  en  poussière. 
Aux  plantes  de  la  terre  offrent  un  aliment, 
Ou,  s'échappant  en  gaz,  forment  un  ('lément 
Qui  devient  tour  à  tour  un  insecte,  une  rose, 
(^ar  au  fond  tout  renaît  et  se  métamorphose. 
Le  penseui',  repoussant  la  banale  oraison, 
Sent  là  grandir  son  âme  et  mûrir  sa  raison. 
Sans  d'abord  regarder  la  mort  comme  un  refuge, 
IJ'un  œil  calme  et  serejn  il  voit,  il  compte,  il  juge; 
Il  est  sur  la  limite  où  commence  la  mort. 
Où  s'achève  la  vie  ;  il  touche  au  sombre  bord 
Où  l'ahime  s'entr'ouvre,  où  l'inlini  commence. 
Où  ne  peut  pénétrer  ni  regard,  ni  science. 
La  mort  suit  le  terrain  des  générations 
Exploité  par  la  peur  et  les  religions. 
La  mon  nous  ouvre-t-elle  une  nouvelle  route? 
On  ne  peut  le  prouver,  on  y  croit  ou  l'on  doute. 
On  en  parle,  on  y  songe,  au  fond  on  n'y  voit  point. 
Jamais  aucun  flambeau  n'éclairera  ce  point. 
La  foi  porte  un  bandeau,  mais  lu  raison  pour  croire 
Veut  sentir  ou  toucher,  repousse  l'illusoire. 
Le  doute  est  plus  logique  :  aucun  mort  revenu 
N'a  pu  nous  renseigner  sur  ce  point  inconnu. 
Vivons  donc  sagement,  sans  terreur,  sans  tristesse, 
(tu  le  doit;  on  le  peut  en  cherchant  la  sagesse. 

—  Pour  nous  guider  jugeons  par  des  comparaisons. 
L'histoire  du  passé  nous  fournit  des  leçons; 
L'histoire  va  sonder  tombeaux  ou  cimetières; 

Les  exemples  humains  lui  prêtent  des  lumières. 

—  Or,  plein  de  ces  pcnsers  graves  et  sérieux, 
Sondant  tout  à  la  fois  et  la  terre  et  les  cieux, 
Chcrchani,  pour  mon  esprit,  réponse  qui  lui  plaise, 
.le  pi'omcnais  mes  pas  ilans  le  Père-Lachaise. 

—  Par  un  temps  calme  et  pur  avez-vous,  par  hasard, 
llu  pied  de  la  chapelle,  étendu  le  regard 

Sur  l'immense  Paris  et  vu,  par  la  pensée, 

La  lièvre  de  la  foule  en- son  sein  condensée? 

Avez-vous  réfléchi  sur  ses  agissements? 

Tout  y  grouille  à  la  l'ois  :  les  plus  bas  sentiments, 

L'égoïsme,  l'orgueil,  la  honte,  la  colère. 

L'ambition  nue  rien  ne  saurait  satisfaire  ; 

Sous  des  habits  dorés  des  cœurs  faux  et  méchants. 

Parfois,  sous  des  haillons,  des  cœurs  riches  el  grands  ; 

Mais  partout  le  finaud  allant,  coûte  que  coûte. 

Ecrasant  ou  rampant  pour  se  frayer  la  route. 

Obtenant  par  faveur  des  places  ou  des  croix. 

Mentant  pour  parvenir  ou  mendiant  des  voix. 

Ile  ces  hommes  enfin  que  la  fortune  embauche  I 

—  Je  quittai  la  chapelle  et  descendais  à  gauche, 
Chargeant  de  mon  dédain  tout  ce  monde  avdi. 
Quand  je  vois  tout  à  coup  le  nom  de  Marchangy  : 

Cl  Un  serpent  (Dieux  !  ce  mot  me  rappelle 

«  Marchangy  qui  rampa  vingt  ans!) 

Il  Un  serpent  qui  fait  peau  nouvelle 

«  Dès  que  brille  un  nouveau  printemps, 

a  Fond  sur  nous,  triomphe  et  nous  livre 

«  Aux  fers  dont  on  pare  la  loi. 

«  Sans  liberté  je  ne  peux  vivre, 

«  Pauvres  pêcheurs  priez  pour  moi.  » 

—  Ils  sont  morts  Ions  les  deux,  le  juge  et  l'accusé, 
Au  jugement  public  chacun  est  exposé. 

Contre  qui  va  tonner  le  vrai  réquisitoire? 
Devant  te  jugement  qu'enregistre  l'histoire. 
Te  voilà,  Marchangy,  flétri  comme  un  serpent 
Qui  rampe,  bave  et  mord,  à  l'aspect  repoussant, 


Et  malgré  tes  écrits,  savants,  profonds  peut-être. 
Personne  désormais  ne  cherche  à  te  connaître. 
Tu  dois  à  la  chanson,  tu  dois,  comprends-le  bien. 
De  rester  quelque  chose...  un  mauvais  citoyen; 
Tu  dois  à  Béranger  de  survivre  à  toi-même. 
H  a  lancé  sur  toi  son  plaisant  anathème 
Et  te  voilà  Uélri,  Marchangy,  le  gaulois, 
(jui  pour  le  condamner  as  torturé  les  lois. 

—  Hugo  flétrit  ainsi  les  hommes  de  l'empire. 
Puissants  et  chamarrés,  ils  en  ont  pu  sourire, 
Mais  leurs  noms  resteront  cloués  au  pilori. 
Ainsi  que  Béranger  y  cloua  Marchangy  ; 
Juges  s'avilissant  aux  commissions  mixtes 

Et  prenant  au  hasard  pour  compléter  leurs  listes. 
Proscrivant  laljoureurs,  artisans,  citadins. 
Leur  faisant  un  grief  d'être  républicains, 
Quaud  ils  devaient  plutôt  les  sauver,  les  défendre. 
Les  venger  au  besoin,  ils  les  auraient  fait  pendre. 
Si  pendre  était  permis.  —  L'exil  et  la  prison 
De  ces  hommes  loyaux  ont  eu  bientôt  raison. 

—  Bourreaux,  vous  qui  portiez  la  robe  rouge  ou  noire. 
Vos  noms  seront  flétris  aux  pages  de  l'histoire. 
Béranger  en  prison,  Hugo  dans  son  exil. 

Ont  eu  le  cœur  plus  lérme  et  l'esprit  plus  subtil. 

.Auprès  de  leurs  grands  noms  que  sont  donc  vos  grimoires 

Et  le  fatras  pompeux  de  vos  récpiisitoires? 

Quand  un  Laubardemont  prend,  accuse  et  punit, 

On  le  raille,  on  le  hait,  l'histoire  le  maudit. 

—  Voici  les  résidlals  :  d'une  part  l'infamie. 
De  l'autre  le  martyre  et  l'auréole  amie. 

—  Ils  viennent  d'Apollon  les  traits  que  nous  lançons  : 
Juges  de  l'avenir,  méditez  ces  leçons  ! 

En  l'absence  de  M.  Eugène  Grange,  président  du 
Caoeaii,  Charles  Vincent  a  rappelé  en  très-bons 
termes  les  titres  littéraires  du  Tj'rtce  français  et 
son  passage  dans  la  vénérable  société  chansonnière  : 

Après  les  éloiiuents  discours  que  vous  venez  d'entendre, 
je  ne  puis  dire  ipie  quelques  mots  au  nom  du  Caveau. 

Uéranger  fut,  en  effet,  un  des  membres  actifs  de  cette 
Société;  et  lui,  qui  ne  voulait  rien  être,  y  accepta  cependant 
les  fonctions  de  secrétaire. 

Si  ce  n'est  pas  au  Caveau  que  Béranger  écrivit  ses 
meilleures  chansons,  c'est  là,  tout  au  moins,  qu'il  chanta 
celles  ipii  devinrent,  les  plus  populaires.  Ainsi  de  Madame 
Gréguivc,  de  FrHMun,  de  lu  Gaudriole,  de  Roger -Bontemps, 
de  Mu  Ciraiid'Ml're,  etc.,  et  dans  un  autre  ordre  d'idées  : 
de  i'Uabil  de  Cour,  de  /(/  Censure,  de  Vieux  habits,  vieux 
galons,  puis,  sur  un  ton  plus  élevé,  le  Nouveau  Diogène  ; 
enfin.  Celle  fine  et  courageuse  satire  le  Roi  d'Yvetot,  que, 
pauvre  petit  employé  à  1 ,200  francs,  il  adressait  à  celui  qui, 
en  ce  moinent-là,  faisait  trembler  le  monde.  Plus  tard, 
lorsque  la  police  attribuait  ces  couplets  à  de  hauts  person- 
nages, Béranger  ne  craignait  point  de  dire  :  «  L'auteur,  c'est 
moi  ;  »  comme  plus  tard  encore  il  devait  répondre  :  «  Je 
n'ai  chanté  que  la  Patrie  et  n'ai  flatté  que  l'infortune.  » 

Béranger  est  donc  une  des  gloires  du  Caveau  ;  aussi, 
dès  que  le  journal  «  la  Chanson  s  eut  émis  l'idée  du 
monument  qui  lui  sera  élevé  l'an  prochain,  notre  Société  y 
souscrivit-elle  une  des  premières. 

Ce  n'est  point  que  la  mémoire  dt^  Béi'anger  ait  besoin 
de  cette  manifestation  pour  être  ravivée.  Le  marbre  et  le 
bronze  que  nous  allons  lui  consacrer  auront  disparu  depuis 
longtemps  que,  de  l'auteur  du  Vieux  Vagabond,  de  Jacques 
et  des  Fous,  l'œuvre  durera  encore. 

Cependant,  il  est  bon  de  laisser  aux  générations  qui  vont 
suivre  un  témoignage  de  notre  reconnaissance  pour  celui 
qui  a  si  courageusement  défendu  nos  libertés,  et  surtout 
celle  qui  nous  est  la  plus  chère,  la  liberté  de  conscience. 
Nous  rendrons  ainsi,  en  même  temps,  un  juste  hommage  à 
la  chanson  qui,  si  léger  que  son  genre  puisse  paraître,  n'en 
demande  pas  moins  pour  être  complète,  avec  du  cœur  et  de 
l'esprit,  ce  bon  sens  et  cette  clarté  que  Béranger  possédait 
à  un  si  haut  degré,  et  qui  sont  les  qualités  caractéristiques 
de  notre  littérature  nationale. 


LA  CHANSON 


Une  surprise  attendait  là  l'assistance.  Un  vieillard 
inconnu,  s'annonçant  comme  le  cousin  de  Béranger, 
demanda  la  parole.  Nous  conserverons  à  la  harangue 
de  M.  Engelbauer,  Danois  naturalisé  Français,  sa 
naïveté  d'allures  qui  ajoute  encore  à  la  sincérité  de 
ses  pensées  attendries  : 

Messieurs  et  chers  .\mis, 

Permettez-moi  de  vous  appeler  ainsi,  vous  êtes  c-omme 
moi  les  admirateurs  de  notre  immortel  poète  Béranger. 

.le  n'ai  pu  assister  l'an  dernier  à  la  cérémonie  commé- 
morativi'  cpie  vous  aviez  organisée,  mais  je  suis  heureux  de 
pouvoir  aujourd'liui  vous  remercier  et  de  votre  invitation  et 
de  la  manifestation  par  la((uelle  vous  honorez  si  dignement 
la  mémoire  du  chansonnier  populaire. 

Depuis  plus  de  vingt  années,  j'ai  eu  l'Iionneur  et  me 
suis  donné  comme  devoir  de  veiller  sur  la  tombe  et  d'entre- 
tenir les  attributs  funéraires  marquant  la  place  où  notre  tant 
regretté  Uérangcr  a  été  enseveli.  En  1S65,  je  pris  l'initiative 
de  placer  son  buste  auprès  de  celui  de  Manuel,  aidé  par 
une  souscription,  et  j'eus  le  bonheur  de  réussir  dans  cette 
entreprise.  L'inauguration  eut  lieu  le  10  octobre  1866,  en 
secret,  nous  étions  encore  sous  l'Empire.  Nous  étions  une 
trentaine  (  entre  autres  son  vieil  ami  le  poète  Benjamin 
Antier).  Un  seul  discours  fut  prononcé;  on  ,  se  sépara,  et 
deux  journaux  firent  un  article  sur  la  cérémonie.  Plus  tard, 
en  1877,  le  monument  était  tombé  en  ruine.  J'ai  été  assez 
heureux,  aidé  par  M'ne  V  Perrotin,  pour  le  faire  restaurer 
entièrement. 

Et  aujourd'hui  c'est  un  bonheur  pour  moi  de  ne  plus 
èlre  seul  pour  rendre  hommage  et  honneur  à  la  mémoire  de 
notre  immortel  poète  national;  ainsi  permettez-moi  aujour- 
d'hui de  remercier,  au  nom  de  la  famille  de  Béranger  à 
laquelle  j'ai  l'honneur  d'appartenir,  la  Société  de  la  Lice 
Cliansonnière  pour  cette  belle  couronne  qu'elle  apporte  et 
place  sur  sa  tombe.  Et  permettez-moi  aussi,  par  la  même 
occasion,  d'exprimer  mes  remercîments  sincères  au  rédac- 
teur et  au  directeur  du  journal  La  Chanson  pour  l'initiative 
qu'ils  ont  prise  de  faire  placer  la  statue  de  Béranger  au 
square  du  Temple.  Ils  ont  su  organiser  une  commission 
dans  laquelle  notre  bien-aimé  et  illustre  poète  Victor  Hugo 
a  bien  voulu  accepter  la  présidence  d'honneur,  et  l'hono- 
rable député  du  3"  arrondissement,  M.  Spuller,  la  présidence 
activa.  Avec  des  noms  aussi  illustres  et  honorables  en  tête 
de  la  commission,  ils  ne  peuvent  manquer  de  réussir  dans 
leur  entreprise  de  faire  élever  une  statue  à  notre  bien-aimé 
Béranger,  qui  l'a  bien  méritée  comme  poète  national  et 
populaire.  Quel  ho'nneur  et  quel  bonheur  ce  sera  pour  sa 
famille,  ses  amis  et  la  typographie  (à  laquelle  Béranger 
appartenait  dans  sa  jeunesse)  devoir, après 23-ans  d'oubli(*) 
dresser  sa  statue  dans  un  des  plus  populaires  quartiers  de 
Paris,  et  où  il  est  mort. 

Avant  de  linir,  mes  chers  amis,  permettez-moi  personnelle- 
ment de  vous  témoigner  ma  rcconrftiissance  sincère  pour 
l'hommage  que  vous  avez  rendu  à  la  mémoire  du  grand 
chansonnier;  cela  vient  d'un  vieillard  qui  ne  peut  penser 
avoir  encore  bien  des  années  àvivre;  il  peut  mourir  tranquille 
maintenant,  parce  que  d'autres  auront  soin  de  la  tombe  de 
Béranger. 

Enfin  Chebroux  a  remercié  l'auditoire  par  ces 
quelques  phrases  pleines  de  cœur  : 

Mes  Amis, 

(]'est  comme  membre  de  la  commission  executive  que  je 
viens  ajouter  quelques  mots  seulement  aux  discours  prononcés 
sur  cette  tomlje. 

Il  y  a  un  an,  devant  ce  même  monument,  je  vous  disais, 
en  parlant  de  la  statue  à  élever  à  notre  poète  national  : 
Commençons  l'céuvre  ;  aujourd'hui  je  viens  vous  dire  : 
achevons-la. 


{•)  Il  y  a  là  une  erreur;  le  tombeau  de  Béranger  n'a  été 
délaissé  que  pendant  vingt-et-un  ans.  La  raison  en  est 
simple:  le  journal  La  Chanson  n'existait  pas. 


Je  viens  faire  appel,  non-seulement  à  tous  les  membres 
du  comité  de  la  statue  Béranger,  mais  encore  à  tous  ceux 
qui,  ayant  au  cœur  le  souvenir  de  cet  esprit  éminemment 
français,  voudraient  se  joindre  à  nous  et  nous  prêter  le  con- 
com-s  de  leur  plume,  de  leur  parole,  de  leur  bourse 
même. 

Kous  avons  promis  à  la  mémoire  de  Béranger  un  monu- 
ment digne  de  son  génie,  de  son  patriotisme  et  de  notre 
reconnaissance. 

N'oublions  pas  que  l'échéance  approche. 

.\vant  un  au,  il  nous  faudra  acquitter  cette  dette  sacrée, 
qui  devrait  être  une  dette  nationale. 

Il  faut  que  le  19  août  1880,  le  square  du  Temple  reçoive, 
aux  applaudissements  du  peuple,  la  statue  de  cet  enfant  de 
Paris. 

iNe  négligeons  en  rien,  mes  amis,  l'occasion  de  rendre  un 
hommage  éclatant  au  plus  grand  chansonnier  français. 

Si,  comme  on  le  dit  avec  raison,  la  France  est  fière  de 
ses  gloires,  quel  meilleur  moment  de  le  prouver? 

Et  n'est-ce  donc  pas  une  bonne  chose  de  revoir  une 
figure  aussi  souriante,  aussi  généreuse^  aussi  honnête  que 
celle  de  Béranger? 

Cela  repose  un  peu  la  vue,  et  console  de  bien  des  images 
que  nos  yeux  sont  souvent  obligés  de  subir. 

Donc  à  l'œuvre,  mes  amis  ! 

En  attendant  la  l'éalisation  de  notre  rêve,  merci  à  tous 
ceux  ijui  déjà  ont  bien  voulu  nous  aider,  à  tous  ceux  aussi 
qui  ont  voulu  faire  avec  nous  le  pieux  pèlerinage  d'aujour- 
d'hui. 

Encore  une  fois,  à  tous  et  à  toutes,  merci! 

A  quatre  heures  et  demie,  la  foule  se  retirait, 
vivement  impressionnée. 

Pour  être  complet,  disons  que  M.  Murât,  trésorier 
du  Comité,  et  plusieurs  présidents  de  sociétés  lyri- 
ques étaient  présents,  et  que  diverses  couronnes  ont 
été  suspendues  au  monument  par  la  Lyre  de  la  Gaîté, 
V  Union  Parisienne,  Réunion  des  Familles  et  la  rédac- 
tion du  Paris -Concert  conduite  par  M.  Fernand 
d'Héramberg,  rédacteur  en  chef. 

Le  22"  anniversaire  de  Béranger  a  été,  comme  on 
voit,  célébré  avec  éclat.  La  Chanson  en  est  heureuse 
et  quelque  peu  flère,  au  point  de  vue  surtout  de 
l'utilité  qui  doit  en  résulter  pour  l'œuvre  de  la  statue 
de  Béranger,  provoquée  par  elle. 

A.  PATAY. 


mmii  ET  m  mcusâteur 


Béranger  fut  trois  fois  poursuivi  directement  et 
une  fois  indirectement  pour  la  publication  de  ses 
œuvres.  Son  accusateur  fut  toujours  Marchangy, 
homme  néfaste  pour  la  justice  et  pour  la  morale.  Il 
était  avocat-général  au  moment  où  les  listes  des 
jurys  étaient  dressées  par  les  préfets  suivant  leur 
bon  plaisir.  Souvent  les  mêmes  noms  s'y  représen- 
taient et  nous  devons  en  citer  ici  comme  exemple 
deux  réprouvés  par  la  conscience  publique,  celui 
de  M.  Héron  de  Villefosse,  président  du  jury,  qui 
condamna  M.  de  Lavalette,  et  celui  de  M.  Trouvé, 
président  du  jury,  qui  condamna  les  quatre  sergents 
de  La  Rochelle.  Ces  deux  hommes  se  sont  montrés 
d'une  facilité  extrême  pour  condamner  au  gré  du 
pouvoir  ceux  qu'on  leur  donnait  à  juger.  Cette 
assertion,  copiée  à  peu  près  textuellement  sur  les 
notes  posthumes  de  Béranger,  laisse  de  leurs  per- 
sonnes le  plus  déplorable  souvenir. 

Dans  la  chanson  la  Faridondaine  ou  la  Conjuration 
des  chansons  se  trouve  ce  vers  de  Béranger  : 

<i  (}ue  dirait  de  mieux  Marchangy?  » 


LA   CHANSON 


Et  cettB  appréciation  du  personnage  dans  les 
notes  : 

«  Cet  avocat-général  fut,  sans  contredit,  le  plus 
«  infatigable  interprétateur.  Il  employait  à  ce  métier 
c(  tout' ce  qu'il  pouvait  avoir  d'esprit.  Toutefois,  ce 
(c  qu'il  faut  surtout  lui  reprocher,  c'est  sa  conduite 
«  dans  l'affaire  des  quatre  malheureux  sergents  de 
«  La  Rochelle,  dont  le  plus  âgé  avait  vingt-six  ans.  >i 

Plus  loin,  on  lit  : 

«  Marchangy  déploya  contre  moi  un  grand  talent 
(c  soutenu  du  désir  de  rendre  ma  condamnation  la 
«  plus  rigoureuse  possible.  « 

Le  premier  procès  qui  suivit  la  publication  du 
second  volume  de  Béranger  eut  lieu  le  8  dé- 
cembre 1821.  Il  fut  condamné  à  trois  mois  de  prison 
qu'il  fit  à  Sainte-Pélagie. 

Ses  chansons  incriminées  surtout  furent  :  Les  deux 
Sœurs  de  charité,  les  Cnpurins,  les  Chantres  de 
paroisse,  l'Enrhumé,  et  surtout  les  deu.x  derniers 
vers,  bien  qu'ils  fussent  remplacés  par  des  points 
dans  le  dernier  couplet.  «  Des  points  poursuivis  eu 
justice!  «  dit  Béranger. 

Nous  donnons  en  entier  le  couplet,  en  soulignant 
les  deux  vers  qui  ne  sont  point  l'ejiroiluits  dans  les 
œuvres  de  Béranger  : 

.Mais  la  charte  encor  nous  défiMid, 
Du  roi  c'est  l'immorlel  enfaul. 

Il  l'aime,  on  le  présume, 

Oui,  mais  papa  ijai-daiil  la  (lui. 

■  Traite  sa  pile  comme  I.olli. 

Amis,  c'est  là. 

Oui,  c'est  cela, 

(l'est  cela  qui  m'cnrhiimi'. 

Marchangy  incrimina  en  mémo  temps  les  chansons 
ayant  pour  titre  :  Le  Bon  Dieu,  le  \' ieux  Drapeau,  la 
Mort  du  roi  Christophe. 

Dans  son  emportement  il  alla  jusqu'à  dire  à  pro- 
pos de  la  chanson  du  Bon  Dieu  :  «  Est-ce  ainsi  que 
Platon  parlait  de  la  Di\inité?  n 

("'était  l'odieux  joint  au  ridicule. 

La  publication  des  débats  des  chansons  incri- 
minées donna  à  ce  procès  un  retentissement  immense 
dont  grandit  la  popularité  de  Béranger. 

Pour  Marchangy,  ce  n'était  pas  précisément 
atteindre  le  but  qu'il  visait.  Aussi  fit-il  vite  un  nou- 
veau procès  de  récidive  parce  que  l'on  reproduisait 
dans  le  compte-rendu  des  journaux  les  chansons  incri- 
minées.Ce  nouveau  procès  aboutit  à  un  acquittement. 

Dupin  aîné,  défenseur  de  Béranger  dans  ces  deux 
procès,  déploya  un  grand  talent  de  logique  et  d'élo- 
quence. 

En  1825,  sous  le  ministère  de  Villèle,  le  libraire 
Ladvocat  publia  un  troisième  volume  de  chansons  de 
Béranger.  Pour  éviter  une  nouvelle  publicité  en 
faveur  de  l'auteur,  ce  n'est  pas  à  lui  qu'on  intenta  le 
procès,  mais  à  Ladvocat  qui  en  fut  quitte  pour  une 
minime  condamnation.  C'est  ainsi  que  Béranger  fut 
poursuivi' indirectement,  comme  nous  l'avons  dit  au 
début  de  cette  notice.  Ce  procès  eut  peu  de  reten- 
tissement. 

Pendant  son  séjour  à  la  prison  de  Sainte-Pélagie 
à  la  suite  de  son  premier  procès,  Béranger  composa 
les  chansons  suivantes  :  La  Liberté,  la  Chasse,  Ma 
Guérison.  l'Agent  provocateur.  Mon  Carnaval.  l'Ombre 
d'Anacréon,  l'Epitaphe  de  ma  Muse,  dans  un  couplet 
de  laquelle  il  flétrit  son  accusateur  Marchangy  et 
que  nous  reproduisons  dans  la  pièce  de  vers  qu'on  a 
lue  tout  à  l'heure. 


Béranger,  laissé  en  repos  jusqu'en  1828,  fut  de 
nouveau  poursuivi  après  la  publication  du  quatrième 
volume  de  ses  oeuvres.  La  France  avait  alors  pour 
la  gouverner  le  ministère  Martignac.  Marchangy 
était  mort  le  2  février  182G.  Béranger  n'en  fut  pas 
moins  poursuivi  ;  il  apprit  au  Havre,  où  il  était  allé 
passer  quelques  jours  chez  son  ami  Dupont,  de 
l'Eure,  le  commencement  des  poursuites  qui  le 
conduisirent  pour  six  mois  en  prison  avec  dix  mille 
francs  d'amende. 

11  était  allé  au  Havre  passer  quelques  jours,  seul, 
au  bord  de  la  mer,  pour  s'approvisionner  d'air,  sui- 
vant sa  propre  expression. 

Ce  ne  fut  plus  Dupin,  mais  Barthe  qui  défendit 
Béranger.  Dupin,  alors  député,  aurait  pu  être  gêné 
par  sa  position  même.  Béranger  le  dissuada  et 
repoussa  ses  services  amicaux. 

Le  procès  eut  lieu  le  10  décembre  1828.  Béranger 
fut  condamné  pour  outrages  à  la  personne  du  roi  et 
à  la  famille  royale,  et  aussi  pour  atteinte  à  la  morale 
publique. 

Le  Sacre  de  Charles-le-Simjjle .  Les  infiniment 
petits,  l'Ange  gardien,  furent  les  principales  chansons 
incriminées.  La  iiremière  avait  déjà  été  une  des 
causes  de  la  condamnation  dans  le  premier  procès. 

Dans  le  premier  comme  dans  le  dernier,  Marchangy 
se  montra  toujours  agressif  et  accusateur  passionné. 

L'accusateur  et  l'accusé  raorts,  c'est  à  l'histoire 
de  les  juger. 

Ai.FRKii  LECONTE. 


CURIOSITÉS    DE    LA  CHANSON 

,]E  NE  SUIS  PLUS  SI  BÈTE!  (') 
A  M™»  X*" 

Vous  l'avez  dit,  et  je  le  crois 
Quoique  mon  orgueil  en  murmure. 
J'étais  assez  bête  autrefois; 
Ah  !  Madame,  la  chose  est  dure! 
Ai-je  fait  des  progrès  depuis? 
Vous  l'affirmez  ;  c'est  fort  honnête  , 
Je  veux  vous  croire  et  je  ne  puis... 
Non,  non  !  je  ne  suis  plus  si  bête  ! 

Oui,  j'étais  à  faire  pitié  : 

Je  croyais  aux  vertus  fidèles. 

Au  dévoûment,  à  l'amitié, 

Je  comptais  sur  les  hirondelles; 

J'étais  heureux,  j'étais  charmé 

Dès  qu'un  regard  me  feisait  fête  ; 

Aimant,  je  croyais  être  aimé... 

Non,  non  !  je  ne  suis  plus  si  bête  ! 

Dès  qu'une  femme  me  disait  : 

«  Aimez-moi  pour  que  je  vous  aime!  » 

Aussitôt  elle  me  plaisait, 

J'avais  mon  bonheur  en  moi-même  ; 

Souvent,  hélas  !  on  abusa 

D'une  trop  facile  conquête. 

Et  mon  cœur  à  ce  jeu  s'usa... 

Non,  non  !  je  ne  suis  plus  si  bête! 


(•)  M.  Alphonse  Daudet,  clans  ses  Souvenirs  publiés  par  la 
Jeune  France,  a  parlé  d'une  chanson  improvisée  il  y  a  vingt 
ans  par  M.  Henri  de  Bornier.  L'auteur  de  la  Fitle  de  Roland 
a  retrouvé  pour  nous  cette  chanson. 

A.   P. 


54 


LA  CHANSON 


Jadis,  quand  l'éclair  de  vos  yeux 
Traversait  mes  jeux  et  mon  âme, 
J'avais  l'air  sot,  triste,  ennuyeux, 
C'est  que  j'avais  grand  cœur,  Madame 
J'avais  peur  de  vous  admirer, 
J'allais  même  en  perdre  la  tète  ; 
Je  ne  savais  que  soupirer... 
Non,  non  !  je  ne  suis  plus  si  bête! 

Henri  de  BORNIER. 


LE    PRmTEÎVlPS 


La  tei're  reprend  sa  parure, 
Le  coucou  chante  dans  nos  bois; 
Les  prés  se  couvrent  de  verdure, 
L'hirondelle  effleure  nos  toits  ; 
Tous  les  troupeaux  quittent  l'étable 
Pour  s'ébattre  dans  les  parcours; 
Berger  soupire  tes  amours 
Auprès  de  la  bergère  aimable... 

C'est  le  printemps  ! 

Saison  charmante 
De  la  jeunesse  et  des  amants. 
Où  tout  est  rose,  où  tout  enchante  ; 

C'est  le  printemps. 

Déjà  les  jeunes  villageoises. 
En  jupons  courts,  roses  corsets. 
Vont  aux  blés  rêveuses,  sournoises. 
Cueillir  coquelicots,  bluets. 
Tout  dans  la  nature  bourdonne 
Un  chant  d'amour  au  créateur  ; 
La  fillette  écoute  son  cœur  : 
Une  voix  secrète  y  résonne... 
C'est  le  printemps,  etc. 

On  entend  l'alouette  alerte 
Chanter  en  planant  dans  les  cieux. 
Et  partout  dans  la  plaine  verte 
La  voix  du  laboureur  joyeux; 
Qu'elle  est  belle,  la  bigarrure 
Des  trèfles,  des  colzas  en  fleurs! 
La  brise  est  pleine  de  senteurs. 
On  entend  vivre  la  nature. 

C'est  le  printemps,  etc. 

Tout  est  amour  dans  les  bocages, 
Dans  les  champs,  les  arbres  fleuris; 
Amour  dans  les  tendres  ramages 
De  nos  petits  oiseaux  chéris. 
Oui,  c'est  comme  un  concert  immense 
Qui  monte  à  Dieu  dans  ce  réveil  ; 
Tu  nous  reviens,  fécond  soleil. 
En  nous  rapportant  l'espérance. 

C'est  le  printemps  ! 

Saison  charmante 
De  la  jeunesse  et  des  amants. 
Où  tout  est  rose,  où  tout  enchante  , 

C'est  le  printemps  ! 

PERRET  DE  GERMIGNEY 


LE  CODE  INDIEN 


Air  ;  Mon  Ht  solitaire 

Chez  lui,  l'homme  est  le  roi  quand  même  ; 

Dieu  lui  donna  l'autorité, 

La  force,  le  pouvoir  suprême, 

La  raison  et  la  volonté. 

Sa  femme  doit  vivre  à  sa  guise. 

N'avoir  qu'un  seul  but  :  obéir, 

Etre  son  esclave  soumise. 

Et  prévoir  son  moindre  désir. 

Or,  Mesdames  retenez  bien. 

Qu'il  n'est  qu'un  seul  être 

Qui  soit  votre  maître. 
Après  l'homme  il  ne  reste  rien  ; 
Ainsi  le  veut  le  code  indien. 

D'après  les  lois  de  la  nature. 
Tout  homme  n'est  qu'un  animal; 
Qu'il  soit  bien  taillé  de  structure. 
Qu'il  soit  beau,  laid,  doux  ou  brutal. 
Fidèle,  ou  qu'il  ait  des  maîtresses. 
Sobre,  paresseux,  ou  gourmand, 
Sa  femme  lui  doit  des  caresses 
Et  des  soins  jusqu'au  dévouement. 
Or,  Mesdames,  etc. 

Lorsque  l'époux  chante  ou  veut  rire, 
La  femme  doit  rire  et  chanter  ;- 
Mais,  s'il  veut  parler  ou  médire. 
Elle  doit  toujours  l'écouter. 
Indulgente,  douce,  modeste. 
Elle  doit  servir  les  repas, 
Manger  après  lui,  s'il  en  reste. 
Et  jeûner  s'il  n'en  reste  pas. 
Or,  Mesdames,  etc. 

Quand  le  mari  d'un  long  voyage 
Revient,  la  femme  sans  détours. 
Doit  compte  au  maître  du  ménage 
De  son  temps  et  de  ses  discours. 
En  juge  et  bourreau  s'il  la  frappe, 
La  femme  doit,  à  ses  genoux  , 
Remercier  à  chaque  tape 
Et  baiser  les  mains  de  l'époux. 
Or,  Mesdames,  etc. 

Mesdames,  calmez  vos  alarmes, 
Ces  lois  sont  d'un  autre  pays; 
En  France  on  sourit  à  vos  charmes 
Et  vous  captivez  vos  maris. 
Vos  vertus,  nobles  souveraines, 
Ont  soumis  bien  des  potentats. 
Vos  bras  ne  sont-ils  pas  des  chaînes 
Qu'on  caresse  et  ne  brise  pas  ? 

Or,  Mesdames  retenez  bien, 

Qu'ici  pas  de  maître  ; 

Mais  partout  le  bien-être 
L'homme  est  votre  unique  soutien, 
Car  ce  sont  les  lois  de  l'hymen. 

A.LEBLANC. 


LA  CHANSON 


55 


L. -Henry  Lecomte  nous  demande  de  publier  la 
lettre  suivante,  adres.^ée  par  lui  au  directeur  du 
journal  La  Paix,  qui  ne  l'a  pas  insérée  : 

Paris,  le  23  juillet  1879. 
MoNSlEUli, 

Dans  La  Paix  àe.  ce  joui'  un  de  vos  rédacteurs  propose 
<c  d'arracher  à  l'oubli  la  mémoire  de  Frédérick-Lemaîlre  n 
en  construisant  un  mausolée  dans  le  cimetière  Montmartre.  A 
titre  d'ami  des  dernières  années  du  grand  comédien , 
permettez-moi  de  combattre  cette  idée. 

Fi-édérick-Lemaître  est  mort  à  peu  prés  isolé,  pauvre, 
désespéré  de  n'avoir  pu  obtenir  la  représentation  d'adieux  à 
laquelle  ses  glorieux  travaux  bii  donnaient  des  droits  incon- 
testables. Dès  IH7I1,  II'  public  appi'enait  par  moi  la  position 
fielleuse  du  prodisirnx  iirtiste,  sans  qui!  ma  triste  confidence 
éveillât  autre  cliosç  cpu'  des  sympathies  platoniiiues.  D  serait 
étrange,  avouez-le,  de  voir,  à  l'indiirérence  coupable  pour  le 
vivant,  succéder  la  sollicitude  inutile  pour  le  mort.  N'ayant 
rien  fait  autrefois,  nul  n'a  le  droit  de  rien  faire  aujourd'hui  ; 
et,  si  la  famille  de  Frederick  est  iiien  inspirée,  elle  empê- 
chera l'odieuse  comédie  des  faux  regrets  de  se  jouei-  sur  ce 
grand  cadavre. 

\\  existe,  d'ailleurs,  un  moyen  OKjins  lianiil  et  plus  efllcace 
de  perpétuer  le  souvenir  de  Frédéricli-I.emnili-e  :  la  ville  du 
Havre  at  celle  de  Paris  peuvent  donner,  la  première  à  la 
rue  de  la  Gafl'e  où  Frederick  est  né,  la  si^conde  à  la  rue  de 
Bondy  où  il  est  mort,  le  nom  du  Talma  populaire.  Je  l'ai 
demandé  sans  résultat  trois  mois  après  le  décès  du  célèbre 
comédien;  mais,  transmis  par  la  voix  de  la  presse,  mon 
conseil  serait  sans  doute  écouté  des  municipalités  parisienne 
et  havraise.  Je  serais  heureux.  Monsieur,  qui;  vous  voulussiez 
bien  m'aider  à  mener  cette  campagne,  et  je  vous  en  fais 
d'avance  mes  sincères  remercîmcnls. 

Veuillez,  Monsieur,  croire  à  mes  sentiments  de  lionne 


confraternité 


l-.-IlKMlV  I.I't.O.MÏK. 


LICE  CHANSONNIERE 

BANQUET    DES     DAMES     (20    JUILLET). 

Oniiml  il  s'a-il.  (l'inie  lèle  dr  famille,  1rs  l.icèi'iis  l'I  Iriirs 
visilenrs  lialiiliii'ls  IVnil  rarcineiil  dèfiinl.  M.-iliirè  la  pluie  aliiiii- 
(laiile.  1 1 1.  convives  se  liouvaii'iil  réunis  à  l!(iuliii;ui'  |Hnn- le 
l)ani|uel  ilil  (/'('/('.  C.iiuuui!  un  le  pcnsi'  liicu,  la  iiruiucnadi'  au 
Ijois  u'a  pas  été  loiii;u(';  ci'iicudaul  les  iulrépidi's.  c'est-à-dire  les 
jeunes,  ont  tenu  à  l'euiplir  relie  partie  du  progrannne  qui,  pour 
le  reste,  a  été  lidélcnieul  suivi. 

A  deux  heures,  cluuaui  [ii-euail  place  à  la  lahie;  à  cinq  heures, 
le  Champagne  élaul  liu  et  le  café  versé,  la  séance  des  chants 
commençait. 

Jules  Fxhalié  a  dit  le  Banquet  ili>  Boulogne,  couplets  de 
circonstance  hicu  accueillis.  Stanislas  Toslaiu,  cliau<nnuier  di^  la 
bonne  école,  a  chanté  J'  crois  que  V  liaii  Dieu  ii'  m'en  rmiilra 
pas  pour  ça.  Flacliat  avait  aussi  i-iiné  un  à-propos.  Je  dîne  à 
Bouiiifine.  Iiii'ii  l'ail,  liicu  ilil  cl  applaudi.  Galion  a  débité  trop 
vili!  une  houtiide  plitiasapliique  inédite,  et  Georges  Baillet  a 
chaulé  d'un  ton  trop  liant  (ce  ipii  lui  arrive  souvent)  sa  Chanson 
aux  Dames  qui  mérite  d'être  lue  :  nous  la  publierons  prochai- 
uenient. 

Alfred  Lecoutc  a  dit  avec  l'art  qu'on  lui  connaît,  les  Deux 
fohiplés.  Clieliroux  a  clé  nu  des  heureux  de  la  fcte  :  Vive  le 
rSamiiiet  d'été  lui  a  valu  iion-seiilcnient  les  bravos  du  sexe  fort, 
mais  le  tiis  rigourensemenl  iiilerdil  lui  a  été  accordé  parce  qu'il 
était  demandé  par  toutes  les  dames  pour  le  couplet  suivant  : 

Nos  dames,  soit  dit  sans  mystère, 
Ont  vr,aiment  des  airs  séducteurs. 
Ce  n'est  plus  un  bouquet  de  lleurs, 

C'en  est  tout  un  parterre. 
Pour  Tentrain,  la  franche  gaîté, 
Vive  notre  banquet  d'été. 

J'ai  parlé  du  bonheur  de  Chebroux;  c'est  qu'avant  de  chanter 
lui-même,  il  avait  entendu  interpréter  de  la  façon  la  plus  char- 
mante, par  M""  Caroline  Durafour,  s,o\\  Printemps  qui  s' éveille. 
Enfin,  il  a  obtenu  encore  un  grand  succès  en  disant  Mes 
Illusions. 


M.  RucI,  un   visiteur   assidu,   a   répondu  à  certaine  raillerie 
publiée  par  Monselet  dans  l'Erénemeiit  par  les  vers  suivants  : 

Un  esprit  charmant  et  moqueur 
A  lancé  le  trait  qui  pétille 
Sur  celte  .igape  de  famille 
Où  chacun  a  la  joie  an  cour. 
.T'aurais  compris  SchoU,  le  s<'eptique. 
Daubant  sur  nous,  nmis  ilouselut. 


Un- 


poeti 


tique 


Railler  Muin 

s,  ti 

!  que  ocst 

Monsieur  de 

Cup 

Vous  êtes  pa 

r  tn 

p  hunionst 

Sachez  que 

ien 

ne  nous  att 

D'ailleurs,  k 

toul 

Evcticmcnt 

Un  proverbe 

la  ( 

it  :  le  sage 

Est  prep.iré: 

ton 

Doit  donc  l'a 

re  ic 

1  bon  visa" 

.\u  journal  i 

e  M 

Majnier, 

Aimable  et  1 

ien 

'her  ibroni 

laid. 


Nous  buvons  h.  toi  de  grand  cœur. 

Emile  Durafour  a  redit,  à  la  satisfaction  générale,  Quand  on 
a  liiea  réeu.  que  mis  lecleurs  connaissent,  et  Un  Refrain 
bourfiiiifjiitDi.  Ku;;ène  llailict  a  recueilli  les  'applaudissements 
que  niéiilc  /7?s;;/'//  du  Paijsan.  M.  Janssoulé,  visiteur,  a 
chanté  largemcul  /((  Patrie  du  Franc,  dont  il  fit  la  musique. 
/>fl  Code  Indien,  que  l'im  a  lu  tout  à  riieure,  a  été  bien  inler- 
[irélé  par  son  auteur,  .M.  A.  l.eblam'.  Raretés  tA  l'Ami  d'Eloi, 
de  Jeauuin,  uni,  comme  toujours,  excité  de  francs  rires. 
M.  (;ii,ii-|es  Hochet,  slaln.iire  cl  ancien  Licéen,  a  chaulé  J'ai  des 
/iltes.  .Mil»  bdui.sc  llnrifoiu'  a  délaillé  Irès-liuement  lu  Lanterne 
magique;  le  duo  des  Pi/j'erari  a  été  dit  dans  la  perfection  par 
elle  et  sa  sieur  Garnline.  llachiii  a  chaulé  Si I  la  Une  chanson 
que  nous  avons  déjà  signalée,  et  tes  Amours  île  mon  grand - 
père.  M'ic  Sauvanel.  .\|i"o<  Ti'ibellinnie  et  Chiicque  ont  inter- 
prété, la  première  ta  Voi.r  des  bosquets,  la  secmidc  Pâles 
Voyageurs,  !•[  la  tniisiènie  tes  Fleurs  de  l'an  dernier,  m\\f\qi\e. 
de  son  mari  :  succès  pour  toutes,  on  le  devine. 

A  onze  heures,  après  un  bal  joyeux,  la  plupart  des  assistants 
reprcuaieul,  il.uis  îles  voilures  de  course,  la  route  de  Paris, 
chanl.'int  en  cliiiqu'  r'i  se  diFuiianl  l'enilez-vons  pour  le  grand 
banque:  d'hiver.  ^^^  j,^,^.,,^,^^; 


TROisiiMË  mmn  memdel 

Dp   La    Chamon 
PIÈCE   COURONNKE 

LA  VRAIE  NOBLESSE 

Brave  artisan,  pour  qui  la  destinée, 
Cruel  fardeau,  se  résume  en  labeurs  ; 
Vous,  plébéien,  phalange  infortunée 
Dont  le  puissant  exploite  les  sueurs, 
Levez  ce  front  où  le  travail  imprime 
En  traits  sacrés  son  blason  glorieux; 
Pour  le  ternir,  en  vain  l'on  vous  opprime  : 
Vous  êtes  noble  en  dépit  des  a'ieux. 

Vous  jeune  tille,  humble  enfant  du  village, 
Qu'un  beau  printemps  vint  faire  épanouir: 
Vous,  que  le  monde  et  son  brillant  mirage 
N'ont  jamais  eu  le  pouvoir  d'éblouir; 
Vous  qui,  gardant  votre  belle  innocence. 
Avez  chassé  des  flatteurs  odieux  ; 
Vous  qui  restez  pure  dans  l'indigence, 
Vous  êtes  noble  en  dépit  des  a'ieux. 

Vaillant  soldat  qu'une  ardeur  magnanime 
A  fait  bondir  au  milieu  des  combats  ; 
•  Vous  qui  voyant  tomber  mainte  victime, 
Avez  cent  fois  affronté  le  trépas  ; 
Vous  qui  cent  fois  à  travers  le  carnage 
Avez  passé  sublime,  radieux; 
Honneur  à  vous,  à  votre  grand  courage  ! 
Vous  êtes  noble  en  dépit  des  a'ieux. 


56 


LA  CHANSON 


Poète,  enfin,  dont  les  accords  magiques 
Plus  d'une  fois  ont  ravi  les  mortels  ; 
Vous  que  Ton  vit  aux  vertus  héroïques 
Rendre  un  tribut  d'iiommages  immortels; 
Vous  qui,  mettant  votre  divin  génie 
A  célébrer  ce  paj's  glorieux. 
Mourez  encore  en  chantant  la  patrie, 
Vous  êtes  noble  en  dépit  des  aïeux. 

Le  Mans.  HlPPOOTE  DAGUET. 

Viennent  ensuite  : 

Souvenir  du  cœur,  par  M.  Marc  ïhézeloup,  de  Caen  ; 
Le  Bonhomme  Misère,  par  M.  Emile  de  Fontaubert, 
d'Oradour-sur-Vayres. 


4"''  Tournoi  mensuel  ouvert  du  l"'  au  25  août. 

Nos  abonnés  seulement  ont  le  droit  d'y  prendre 
part  avec  une  seule  pièce,  quel  qu'en  soit  le  genre, 
ne  dépassant  pas  soixante  vers. 

La  pièce  couronnée  sera  insérée  dans  La  Chanson 
et  l'auteur  aura  droit  à  dix  exemplaires. 

Les  noms  des  deux  suivants,  ainsi  que  les  titres 
de  leurs  poésies,  seront  publiés. 


ECHOS    &    NOUVELLES 


Anniversaire  de  la  Prise  de  la  Bastille. 

Au  grand  banquet  qui  a  eu  lieu  le  14  juillet  der- 
nier, au  Casino  de  l'Ile-de-la-Jatte,  le  nouvel  hymne 
national  (*)  :  France!  a  fait  sensation.  La  diva 
Mathilde  Romi  a  interprété  ce  chant  avec  un  rare 
talent;  une  ovation  enthousiaste  a  été  faite  à  la  ohai'- 
mante  artiste.  M.  Louis  Blanc  qui  présidait  le  banquet, 
s'est  levé  pour  lui  serrer  la  main  et  la  complimenter. 
Les  auteurs,  MM.  Léopold  Sarrade  et  Ben-Taj'oux, 
ont  eu  une  bonne  part  dans  le  succès  obtenu  par  la 
célèbre  cantatrice;  ils  ont  été  chaleureusement 
acclamés. 

Nous  apprenons  que  Mathilde  Romi  chantera 
France!  le  dimanche  3  août,  à  la  fête  de  Neuilly- 
Plaisanee,  au  magniiîque  concert  organisé  par 
MM.  Rocher  et  Derousse. 

Le  concert-conférence  du  29  juin,  organisé  au 
théâtre  des  Nations  avec  le  concours  du  syndicat 
des  Artistes  musiciens,  ayant  pour  but  la  démonstra- 
tion de  la  méthode  Magnat  pour  l'instruction  des 
sourds-muets,  a  été  des  plus  intéressants.  M.  Ed. 
Lockoy  présidait.  Etaient  présents  :  MM.  Molens, 
Schœloher,  sénateurs,  et  Laisant,  député. 

La  Marseillaise  a  été  superbement  exécutée  sous 
la  direction  de  M.  Frédéric  Deslandes.  Une  poésie 
de  circonstance  de  M.  René  Asse,  a  été  parfaitement 
dite  par  M.  Peutat.  La  Bohémienne  (air  de  ballet)  a  été 
un  franc  succès  pour  M.  Gabriel-Marie.  La  Rédemption 
d'Istar,  très-beau  poème  de  M.  Bertol-Graivil, 
musique  de  M.  Charles  de  Sivry,  interprétée  par 
M"'  Irma  Marié  et  M.  Mauzin,  a  obtenu  tout  le 
succès  que  cette  œuvre  mérite.  Auteur,  compositeur 
et  interprètes  ont  été  à  la  hauteur  de  cette  œuvre 
magistrale   qui  avait  été  presque  improvisée  pour 

(*)  Se  trouve  chez  A.  Patay,  18,  rue  Bonaparte. 


cette  matinée.  Nous  pouvons  lui  prédire  dès  aujour- 
d'hui un  très-grand  succès,  durable  et  mérité.  Citons 
aussi  de  M.  Pénavraire  :  l'ouverture  de  Michel  Cer- 
vantes, œuvre  inédite  très-réussie.  Nous  ne  pouvons 
tout  citer,  mais  nous  pouvons  affirmer  que  cette 
matinée  restera  dans  la  mémoire  des  assistants. 

ï.  Michaëlis  (45,  rue  de  Maubeuge)  vient  d'éditer 
la  Chanson  de  la  Pomme,  œuvre  couronnée  à  juste 
titre  aux  fêtes  données  en  187<S  par  la  ville  de  Caen, 
à  l'occasion  du  pèlerinage  des  Pommiers  vers  la 
patrie  de  Malherbe.  Les  paroles  "sont  de  M.  Marc 
Thézeloup,  et  la  musique  de  M.  Achille  Dupont, 
deux  Normands  garantis  bon  teint  pour  l'esprit  et 
le  cœur. 

Dans  la  biographie  de  L.  Quentin  nous  avons  omis 
de  citer  deux  grands  succès  qui  durent  encore  : 
Flutinos  et  Roncheno,  saynète,  et  Un  Bénéficiaire 
dans  l'embarras,  opérette,  toutes  deux  en  collabora- 
tion avec  Emile  Durafour. 

Nous  apprenons  la  mort  de  Louis  Magot,  décédé 
le  9  juillet  à  l'âge  de  60  ans.  Magot,  qui  spéciale- 
ment faisait  de  la  chanson  sociale,  laisse  beaucoup 
d'œuvres  inédites.  Ses  chansons  sont  peu  connues.  Il 
a  été  le  président  fondateur  de  la  société  des  Petites 
Plumes  dont  nous  faisions  partie.  Nous  publierons 
prochainement  une  notice  sur  lui  par  Eugène  Châ- 
telain. 

Nous  souhaitons  la  bienvenue  à  un,  nouveau 
journal  très-bien  rédigé  et  imprimé  avec  luxe 
sur  papier  teinté,  La  Vie  Lyonnaise,  en  vente  chez 
Marthou,  galerie  de  l'Odéon. 

Nous  recommandons  à  nos  lecteurs  le  troisième 
dizain  des  Sormets  Parisiens  de  M.  Paul  Vibert,  publié 
chez  Chérie,  ainsi  que  l'Année  poétique  de  notre 
collaborateur  Paul  Pujol. 

Vient  de  paraître  :  Epitre  aux  Français  par  notre 
collaborateur  Gustave  Delecolle.  Prix  :  20  centimes, 
chez  l'auteur  à  Villeneuve-l'Archevêque  (Yonne),  et 
à  notre  librairie. 

Nous  enregistrons  avec  plaisir  le  franc  succès  de 
M""  Amiati  à  l'Eldorado  avec  Powquoi  n' es-tu  plus 
Nanon?  de  MM.  Vatinel  et  Paul  Henrion,  deux 
membres  de  la  Lice  Chansonnière. 

A.  P. 


AV  1  S 


Nous  prévenons  nos  lecteurs  et  nos  correspon- 
dants que  les  abonnements  à  LA  CHANSON  sont 
reçus  dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  France, 
sans  aucun  frais  pour  nos  nouveaux  abonnés  et 
pour  les  renouvellements. 

Nous  invitons  nos  abonnés  de  Paris  et  des 
départements  qui  n'ont  pas  encore  acquitté  le 
montant  de  leur  abonnement  ou  réabonnement 
dû  depuis  le  !«■•  mai,  .de  nous  le  faire  parvenir 
d'ici  à  l'apparition  du  prochain  numéro  de  LA 
CHANSON,  s'ils  ne  veulent  pas  éprouver  d'inter- 
ruption dans  l'envoi  du  journal. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANN?:E.  —  N*  26. 


16  AOUT  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l«f  &  le  16  de  cliaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A   LEROY 

20  ceut.  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an. 6  Ir. 

.)        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :    La  jeune  F: 

(l,.-nF,NR 


':vii«AiKK  :   Ut  jeuiœ  France  (julien  i.ufiiu.).  —  Etitdes  aur  les  chants  étrangers  (l'.-Ë.  erard).  —   Ln  Statue  de  Béranger ^ 

(i,.-nF.MiY  i.iîcoMTK,  —  !,"  Liste  de  soHserijtlion.  —  L'Alouette  des   Gaules  (do.mimquk  flachat).  —  Les  diX-hud  uns  de  Lise 

(nipiMM.YTK  iji;iia\d).  —  Imjjriii-iiliiii.s  de  Popaul  (HENRI  RUBois).  —  La  Chanson  du  Ménestrel  (Francis  maeatukch),  —  NO'' 

Amours  (adoi.imik  iad(it).   —  lldiliogriiiihie  (TH.   vuili.ermedlnand).  —  Banquet  du  ('«(■enK  (eug.   imbert).  —  Banywef  de  la 

l.ke  Phnnsoiiiiirre  ;'i..-i]KNr:Y  ikcisiti:).     —  Hclws  et  Nouvelles  {a.   pvtay). 


.1  iiii'ltn;  en  inti<iiiiic 

Kutendez-vous,  au  loin,  dans  l'air  épais  et  lourd. 
Des  ombres  du  passé  sortir  ces  cris  funèbres? 
Ija  guerre,  l'ignorance  et  l'abus,  tour  à  tour, 
Kont  un  suprême  appel  à  l'ange  des  ténèbres... 
Mais,  de  nos  Jeunes  cœui's,  qui  tendent  vers  le  jour, 
Monte  un  liymne  de  paix,  d'espérance  et  d'amour. 


C'est  l'hymne  de  la  jeune  France! 
^       Le  passé  s'émeut...  l'ombre  fuit  : 

Plus  de  ténèbres,  plus  de  nuit, 

De  misères  ni  de  souffrance! 
Les  maux  du  genre  humain  semblent  près  de  finir  : 

Le  monde  entier  se  renouvelle 

Et,  joyeux  d'acclamer  la  parole  nouvelle, 
Les  peuples,  sur  nos  pas,  marchent  vers  l'avenir! 

Sombre  esclave,  du  fond  des  âges 
Peuplés  de  tourments  et  d'enfers. 
L'homme  vient,  accablé  d'outrages  ; 
Il  marche,  secouant  ses  fers... 

Le  temps  passe...  Du  serf  la  vie  est  moins  cruelle, 
Puis,  main-morte,  taille  et  gabelle 
Vont  disparaissant  devant  lui..'. 
Le  vieux  monde  tremble  et  chancelle... 

Ije  peuple  naît!...  l'existence  est  plus  belle... 
Un  astre  aux  yeux  de  tous  a  lui  ! 


(')  Nous  sommes  heureux  d'emprunter  ce  charmant  dessin 
d'André  Gill  à  la  Jeune  France,  jeune  et  vaillante  revue 
mensuelle  nui  parait  depuis  le  l""mai  1878.  Abonnement 
pour  toute  la  France  :  un  an  8  Ir.  S'adresser  ,à  la  librairie 
A.  PATAY,  rue  Bonaparte,  18. 

A.  P. 


(vni.   aîAA. 


58 


LA  CHANSON 


C'est  l'astre  de  la  jeune  France  ! 

L'aube  se  lève,  l'ombre  fuit  ; 

Plus  de  ténèbres,  plus  de  nuit. 

De  misères  ni  de  souffrance  ! 
Le  bien-être  s'accroît  ;  le  malheur  va  finir. 

Le  monde  entier  se  renouvelle. 

Et,  suivant  du  regard  la  lumière  nouvelle, 
Les  peuples,  sur  nos  pas,  marchent  vers  l'avenir  !... 

Le  vieux  monde  a  croulé  ;  plus  de  fers  :  l'homme  est  libre  ! 

Le  serf  émancipé  fait  place  au  citoyen... 

L'esprit  de  tous  s'élève  et,  plus  fier,  tout  cœur  vibre  ; 

Chacun,  fort  de  son  droit,  ne  rêve  que  le  bien; 
Le  savoir  chasse  l'ignorance. 
Le  fanatisme  fuit  devant  la  tolérance. 

Tout  grandit  :  la  vertu,  le  courage,  l'honneur  ! 

Et,  dans  les  champs  nouveaux  que  le  Progrès  féconde, 
La  Liberté  sainte  ouvre  au  monde 

Une  ère  de  travail,  de  paix  et  de  bonheur... 

C'est  l'ère  de  la  jeune  France  ! 

Le  jour  s'est  levé. ..  l'ombre  à  fui. 

Plus  de  ténèbres,  aujourd'hui. 

De  misères  ni  de  souffrance  ; 
L'homme  est  heureux,  enfin,  le  mal  vient  de  finir, 

Le  monde  entier  se  renouvelle... 

Et,  radieux  d'entrer  dans  cette  ère  nouvelle, 
Les  peuples,  sur  nos  pas,  marchent  vers  l'avenir!... 


Montauban. 


Julien  LUGOL. 


ÉTUDES  SUR  LES  CHANTS  ÉTRANGERS 

Suite  (*) 

Poursuivant  partout,  quand  même  et  toujours, 
notre  but  :  étttdier  la  littérature  étrangère  et  la 
faire  connaître  aux  lecteurs  français,  nous  chevau- 
chions sur  le  sol  africain  en  quête  de  livres  arabes 
et  de  chants  populaires  et  patriotiques  de  l'Orient, 
lorsque  La  Chanson  nous  rappela  que  sa  rédaction 
voulait  bien  accueillir  nos  renseignements  littéraires. 

Nous  nous  proposons  d'envoyer  bientôt  à  notre 
intelligent  directeur  une  collection  de  chants  arabes 
et  guerriers  recueillis  dans  les  gourbis  et  les  bivouacs. 

Nous  avons  débuté  par  les  chants  du  Nord,  les 
refrains  orientaux  feront  suite. 

Souvent  le  succès  ne  couronne  pas  nos  recherches  : 
la  tâche  est  rude.  Qu'importe!  nous  l'avons  entre- 
prise et  nous  irons  jusqu'au  bout.  La  littérature 
française  rayonne  sur  l'univers  entier  ;■  la  France 
ignore  la  littérature  étrangère. 

Pourquoi  ne  traduirions-nous  pas  les  chefs-d'œuvre 
étrangers  alors  que  nos  poètes,  nos  historiens,  etc., 
sont  lus  dans  toutes  les  langues  et  dans  tous  les 
pays?  Connaissant  la  littérature  d'un  peuple,  le  lec- 
teur se  fera  une  idée  plus  large  et  plus  vraie  de  ses 
mœurs  et  coutumes.  Quelques  écrivains  —  nos 
devanciers,  plus  érudits,  ayant  des  noms  illustres, 
universellement  connus  —  ont  tenté  ce  que  nous 
tentons  aujourd'hui,  m^ùs  sans  succès.  Il  y  a,  sans 
doute,  témérité  de  notre  part  lorsque  nous  repre- 


(•)  Voir  le  N"  17  de  La  Chanson. 


nons  —  à  peine  entré  dans  la  carrière  littéraire  — 
l'œuvre  inachevée,  que  dis-je,  à  peine  ébauchée. 

Que  chacun  y  apporte  sa  pierre  et  l'édifice 
s'élèvera. 

Notre  satisfaction  personnelle  suffisant  seule  à 
notre  ambition  et  notre  devise  ayant  toujours  été  : 
Fais  ce  que  dois,  advienne  que  pourra!  nous  ne 
faillirons  pas  et  consacrerons  toutes  nos  forces  à  ce 
que  nous  croyons  être  notre  devoir  d'écrivain  utile 
et  impartial. 

Après  la  romance  du  Rossignol  présentée  à  nos 
lecteurs  dans  notre  dernière  étude,  nous  donnerons 
le  chant  suivant  :  Pnlosa  veter  (voix  de  la  brise). 
Allez  dans  les  vallons  de  l'Ukraine,  lorsque  le  ciel 
est  pur  et  la  nuit  calme,  quand,  au  loin,  se  dessine 
sur  les  monts  la  silhouette  du  chasseur  de  buffles, 
tous  les  échos  vous  rediront  ce  chant,  toutes  les 
tentes  retentiront  de  ces  accents  guerriers.  L'au- 
teur —  si  nous  en  croyons  le  rédacteur  en  chef  du 
journal  russe  Le  Citoyen  (un  de  nos  amis)  —  est  un 
des  chefs  de  ces  Khirghizes  dont  les  Arméniens 
gardent,  depuis  1877,  le  souvenir,  souvenir  plein  de 
haine  et  d'espoir  : 

L'airain  tonne 

Et  bondit; 

La  colonne 

Dans  la  nuit 

Et  sans  bruit 

Se  déroule... 

—  Que  tout  croule! 

S'il  le  faut 

Sous  l'assaut. 

Le  courage 

Et  la  rage 

De  nos  coups  ! 

La  victoire 

Et  la  gloire 

Sont  à  nous  ! 

Leur  cohorte 

Tombe  morte... 

. . .  Dans  nos  bras, 

Jamais  las, 

Sont  leurs  femmes 

Et  l'amour  ! 

Dans  la  fièvre 

Notre  lèvre 

A  son  tour, 

Frémissante 

Et  sanglante, 

Veut  enfin 

Et  sans  fin 

Aller  prendre 

Un  baiser  ! 

On  comprendra  facilement  que  le  rhythme  préci- 
pité et  étrange  de  ce  chant  nous  ait  embarrassé  pour 
rendre  dans  notre  traduction  ce  souffle  à  la  fois 
féroce  et  amoureux  qui  fait  l'originalité  des  chants 
de  l'Ukraine. 

La  route  est  tracée;  que  d'autres  s'y  acheminent 
et  fassent  mieux,  voilà  ce  que  nous  souhaitons. 

P.-B.  ERARD. 

[A  suivre) 


LA  CHANSON 


59 


LA  STATUE  DE  BÉRANGER 


Le  27  février,  M.  Murât  faisait  au  Conseil 
Municipal  de  Paris,  en  son  nom  et  en  celui 
de  ses  trois  collègues,  MM.  Cléray,  Darlot  et 
Frère,  comme  lui  membres  du  comité  Déranger, 
une  proposition  tendant  à  obtenir  du  conseil 
l'autorisation,  pour  le  comité,  d'ériger  une 
statue  H  Déranger  dans  le  jardin  du  Temple, 
et  la  participation  de  la  ville  à  la  souscription 
ouverte  à  cet  effet.  Renvoyée  aux  commissions 
des  beaux-arts  et  des  finances,  cette  proposi- 
tion a  été  rapportée,  en  ces  termes,  par 
M.  Collin,  dans  la  séance  du  8  août  : 

«  Messieurs, 

«  Votre  commission  des  beaux-arts  a  l'honneur 
(le  vous  proposer  le  sujet  de  délibération  suivant  : 

«  Le  Conseil  délibère  : 

«  1°  11  y  a  lieu  d'accorder  un  emplacement  dans 
le  square  du  Temple  au  comité  de  souscription 
formé  pour  y  élever  un  monument  à  Déranger. 

«  2°  Le  Conseil,  sur  l'avis  de  sa  commission  dos 
(iiiances,  souscrit  pour  la  somme  de  mille  francs.  » 

Les  deux  termes  de  ce  projet  ont  été  votés 
séance  tenante.  Nous  en  remercions  vivement, 
au  nom  du  Comité,  le  Conseil  Municipal. 

L'obstacle  qui  gênait  notre  commission 
executive  est  levé  ;  sa  tâche  va  réellement 
commencer. 

Aussitôt  les  vacances  terminées,  une  réunion 
générale  du  comité  sei'a  provoquée,  pour  la 
discussion  de  mesures  importantes. 

Dès  aujourd'hui,  nous  l'affirmons  avec  joie, 
le  succès  de  l'œuvre  est  assuré. 

Qui  pourrait  s'en  étonner  ou  n'y  pas 
applaudir  ? 

L. -Henry  LECOMTE. 


SOUSCRIPTION 

Pour   élever  une  Statue   à  Béranger 

i""»  Liste 

Allocation  volée  par  le  Co/iseîiiWMHiC(pa(  de  Pai'is.  1 .000     » 
Société   lyrique   La  France  Moderne  (produit 

d'une  quête) 23     » 

Société  lyrique  La  Lyre  bienfaisante  (produit 

d'une  collecte) 16  50 

Société  lyrique  Les  Joyeux  Amis  (produit  net 

d'un  concert) 70  20 

Versement  fait  par  le  Progrès  Artistique 11     » 

MM.  Janin,  dessinateur 2     » 

Uelaney 2     r> 

Malperluy »  50 

H.Durand 5     « 

Théodore  Leclerc,  chansonnier 2    i 

G.  Leprévost 5     » 

k  reporter 1.137  20 


Report 1.137  20 

René  Johanny,  à  Nice 3     » 

LarochellCj  ex-directeur  de  la  Porte  Saint- 
Martin 20     » 

Rourdonneaux 5     » 

0.  Grisard 5     n 

M"i«  veuve  Ventujol,née  Fauvel 3     » 

2<=  Envoi  de  M.  Evarisle  Carrance,  à  .\gen  : 

M.  Ad.  Chaumont 5     » 

JI'"<=  L.  l'ourcin 2     i> 

2'=  Envoi  de  M.  J.-F.  Gonon,  chansonnier  : 

MM.  L.  Gharrière »  50 

.\.  Coignet »  50 

R.  l'eyraud »  50 

.\ug.  Craët 1     k 

Marcellin  Goignel »  50 

Honoré  Cochet n  50 

Adrien  Fraisse »  50 

J.-R.  Revol »  50 

Claude  Fenouil n  50 

Séon  .loannès »  50 

.Vntoine  .Magand »  50 

Renoit  Reviron »  50 

>Jeaii  Petiot »  50 

MM.  Esuault 1     » 

Vincent 2     » 

Esnault 1     d 

Herré »  50 

Garrigues »  50 

J.-R.  Zahel »  50 

Leblanc 1     » 

Albert ■ 1     I) 

Le  Rruu »  50 

Russière »  50 

Emile  Schwander »  50 

Rouigeois i>  50 

II.  Schwander I      i> 

Py 1    » 

lleiniliunseï' »  50 

Rey 1     » 

Koch 1      n 

Dauer 1     » 

C.  Parant 1      » 

l'allé »  50 

Monero 2     „ 

A.  Meyer 1     >. 

llerburgcr 2     » 

A.  Morin 1     u 

niuni ■>  50 

Ad.  Lanihurl »  50 

Gabriel  Villard 3     i> 

Louis  Soret 1     » 

Pierre  Ninet 1     » 

Lcdru 1     » 

A.   Potel »  50 

Johanneau n  50 

S.  Chamanski »  50 

Latour »  50 

Pierre  Leclerc 5     d 

Morel 1     » 

Colin.. 3     » 

Etienne 2  •  » 

Renard »  50 

Dcmouy 5    » 

Derreulx-Douvillé 5     » 

Albert  Larcher 5     » 

Henri  Gosse  de  Gorre 5     » 

Larcher  père 5     » 

Godbert 2'    i. 

Pierre  Desjardin 1     " 

1.258  20 
Listes  précédentes 2.540  40 

Total 3.798  60 


60 


LA  CHANSON 


L'ALOIETTE  DES  GAULES 

Musique  de  l'Auteur  des  paroles 

A  l'heure  où  le  joui-  vient  d'éelore, 
Lorsqu'aux  champs  tout  va  s'éveiller, 
Que  les  oiseaux  vont  babiller. 
Et  le  ciel  s'ouvrir  à  l'aurore, 
Entendez-vous  dans  l'éther  bleu 
Cette  voix  que  la  brise  entraîne? 
C'est  l'Alouette  dans  la  plaine. 
Qui  chante  sa  prière  à  Dieu  ! 

Un  long  frisson  court  dans  les  saules! 
Une  plainte  sort  des  grands  bois  ! 
C'est  que  l'Alouette  des  Gaules 
Pleure  !  pleure  sur  les  Gaulois  ! 

«  Je  puis  bien  pleurer,  moi,  dit-elle, 

«  Trop  souvent,  j'ai  vu  dans  mon  vol, 

«  Des  bai'bares  fouler  ton  sol, 

«  O  ma  pauvre  Gaule  immortelle  ! 

i<  Depuis  que  du  chauve  César 

«  Les  nombreuses  hordes  romaines 

((  Chargèrent  tes  enfants  de  chaînes, 

c(  Pour  les  atteler  à,  son  char!  « 

Un  long  frisson,  etc. 

Il  Puis,  j'ai  vu  de  la  Germanie, 
«  Ces  bandes  fauves  de  vautours, 
«  Qui  brisèrent  sur  leur  parcours, 
((  'Ion  nom.  Gaulois,  et  ton  génie! 
«  Ton  clergé  bénissant  leur  camp, 
((  Eut  bonne  part  du  peuple  esclave, 
«  Jusqu'au  jour,  enfin,  où  la  lave 
(i  Terrible  jaillit  du  volcan  !  » 
Un  long  frisson,  etc. 

«  Si  j'ai  vu  tes  douleurs  profondes. 
«  J'ai  vu  tes  siècles  glorieux  ! 
«  Peuple  !  ils  furent  grands,  tes  aïeux  ! 
«  Ils  ont  aussi  conquis  des  mondes  ! 
«  Mais  la  conquête  est  un  fléau, 
«  La  guerre  a  des  lueurs  funèbres, 
«  Sa  torche  brûle  en  des  ténèbres, 
«  La  torche  n'est  pas  un  flambeau!  » 
Un  long  frisson,  etc. 

«  Un  jour  dans  mon  vol  solitaire, 
ic  Je  murmurais  :  Au  gui  l'an  neuf! 
«  Quand  j'aperçus  quatre-vingt-neuf 
«  Dont  l'aube  illuminait  la  terre. 
«  Oh  !  ma  Gaule  !  quel  beau  réveil  ! 
«  A  toi  lo  droit,  à  toi  la  force  ! 
«  Tu  fus  belle,  malgré  ce  Corse, 
«  Qui  mit  un  crêpe  à  ton  soleil  !  « 
Un  long  frisson,  etc. 

«  Tous  ces  Bonapartes  !  ces  princes  1 

«  Ont  disparu  sous  le  mépris. 

«  Mais  hélas  !  à  tes  flancs  meurtris, 

«  Ils  ont  arraché  deux  provinces  ! 

«  Ces  deux  sœurs  qui  pleurent  là-bas, 

«  Chère  Lorraine  !  pauvre  Alsace  ! 

«  Sont  une  éternelle  menace, 

«  Germains  ne  les  rendrez-vous  pas?  » 

Un  long  frisson,  etc. 


«  Mais,  va  !  marche  avec  assurance, 
Il  Je  vois  tous  tes  enfants  s'unir. 
«  Marche  !  marche  vers  l'avenir, 
Il  0  vieille  Gaule!  leune  France! 
<i  Et  vierge  et  mère,  avec  fierté, 
«  Le  sein  gonfié  sous  sa  tunique, 
«  France,  allaite  la  République  ! 
((  C'est  l'Enfant-Dieu  !  la  Liberté  !  » 

Un  long  frisson  court  dans  les  saules, 
Un  cri  d'amour  sort  des  grands  bois  ; 
Oh  !  sainte  Alouette  des  Gaules, 
Chante  toujours  pour  les  Gaulois! 

Dominique   FLACHAT. 


LES  DIX-fiUlT  ANS  DE  LISE 

ROM.\NCE 
Air  :  Geutît.'i  qui  parfmnez  mes  revus  (Hi'îG.  Morea.o) 


Vous  me  demandez,  ma  charmante. 
Pourquoi  votre  cœur  bat  si  fort, 
Pourquoi  vous  devenez  tremblante 
En  écoutant  parler  Lindor. 
Par  quelques  mots,  belle  petite. 
Je  vais  dissiper  vos  tourments  : 
Si  votre  cœur  ainsi  s'agite,  )    .  ■ 

C'est  que  vous  avez  dix-huit  ans!S 

Pourquoi  l'oiseau  de  la  clairière 
Chante-t-il  quand  vient  le  printemps 
De  l'amour  le  divin  mystère 
Qui  met  le  trouble  dans  ses  sens  ? 
C'est  qu'ici-bas  la  créature 
Aspire  à  des  plaisirs  charmants  : 
Votre  âme  s'ouvre  à  la  nature,  )    i  ■ 
Lise  vous  avez  dix-huit  ans!     ) 

Quand  de  Lindor  la  voix  craintive 
Parle  d'amour  et  d'avenir, 
Son  langage  vous  rend  pensive 
Et  puis  bientôt  vous  fait  rougir. 
Vous  venez,  fauvette  frileuse, 
Vous  blottir  en  ses  bras  tremblants  : 
L'inconnu  vous  rend  curieuse  :  }   •■ 
Lise  vous  avez  dix-huit  ans  !      ) 

Lorsque  seule  sur  votre  couche 
Un  doux  rêve  vient  vous  bercer, 
Votre  bouche  cherche  une  bouche. 
Votre  baiser  cherche  un  baiser  ! 
Vous  rêvez  à  de  douces  chaînes, 
Votre  âme  a  des  désirs  troublants; 
Un  sang  plus  chaud  coule  en  vos  veines:/   .  ■ 
Lise  vous  avez  dix-huit  ans  !  j 

L'amour  est  le  soleil  splendide 
Dont  le  pur  et  divin  rayon 
Fait  dans  une  âme  chrysalide 
Eolore  un  brillant  papillon  ! 
De  ce  rayon  la  douce  flamme 
Cause  ces  divers  changements  : 
La  jeune  fille  devient  femme  ;  )    i  • 
Lise,  vous  avez  dix-huit  ans  !  ) 

HiPPOLYTB  DURAND. 


LA  CHANSON 


61 


IMPRÉCATIONS  DE  POPÂIL 

A  PROPOS  OE  I.A   MORT  IIK  SON  l'UlNCE   (*) 


Air  de  Cadet  Hoiu-isel 

Méchants  Zoulous,  laids  moricauds,  [bis) 
Race  à  Caïn,  chiens,  radicaux,  {bis) 
Beuglait  certain  bonapartiste 
Plus  fort  en  gueule  qu'un  dentiste  : 

Ah!  ah!  ah!  sovez  tous. 
Soyez  maudits,  méchants  Zoulous  I 

Méchants  Zoulous...  Sans  le  savoir 
En  le  tuant,  lui,  notre  espoir. 
Quelle  é|iine,  sauvage  engeance, 
Vous  tirez  du  pied  de  la  France... 

Méchants  Zoulous...  Queussi-ciueurai, 
Bien  qu'il  était  votre  ennemi, 
N'auriez-vous  pu  —  rares  mervi'illes  — 
Vous  contenter  de  ses  oreilles? 

Ah!  ah!  oh!  sojez  tous, 
.Soyez  maudits,  méchants  Zoulous! 

Méchants  Zoulous...  Futur  César. 
Sur  nos  conseils,  à  tout  hasard, 
Il  venait  vous  trouer  la  panse... 
I/honneur  était  pour  vous,  je  pensée 

Ah!  oh  !  oh  !  soyez  tous, 
Soyez  maudits,  méchants  Zoulous  ! 

Méchants  Zoulous...  Pauvre  innocent. 
Que  lui  servit,  Diou  tout  puissant. 
D'être  le  filleul  du  Saint-Père 
Et  de  porter  un  scapulairo? 

Méchants  Zoulous...  Un  Montijo. 
Malgré  Sedan  et  Waterloo, 
Eut,  par  un  tour  de  passe-passe. 
Repris  la  Lorraine  et  l'Alsace. 

Méchants  Zoulous...  S'il  eût  régné. 
Oh!  cei'te,  il  n'eût  rien  épargné 
Pour  rendre  la  Franco  prospère. 
Ainsi  que  l'avait  fait  son  père. 

Méchants  Zoulous...  Comble  d'horreur, 
Moi,  qu'il  eût  fait  vice-empereur. 
Il  va  me  falloir,  triste  rôle. 
Changer  mon  dévouement  d'épaule . 

Méchants  Zoulous...  Enfin,  mordieu  ! 
Faut-il  voir  là  le  doigt  de  Dieu 
Qui,  dans  son  fils,  punit  la  mère 
D'avoir  rêvé  quelque  Brumaire? 

Méchants  Zoulous,  conclut  Popaul, 
Blême  et  frappant  du  pied  le  sol  : 
Je  vous  hais,  mécréants  d'Afrique, 
Presque  autant  que  la  République  ! 

Ah!  oh!  oh!  soyez  tous. 
Soyez  maudits,  méchants  Zoulous. 

Henuy  RUBOIS. 


(")  Couplets  chantés  au  Banquet  de  la  Lice  Chansonnière  Am. 
.1  juillet,  par  l'auteur,  un  des  vice-présidents  de  c«tte  société. 
A.  P. 


LA    CHANSON    DU    Fi^ÉNESTREL 


Tant  que  tu  seras,  douce  France, 
La  terre  des  vins  généreux; 
Tant  que  l'amour  et  la  vaillance 
Rendront  tes  fils  aventureux  ; 
Tant  que  la  folle  insouciance 
Hantera  chaumière  ou  castel  : 

Oui  nous  aurons  des  épopées, 
Des  héros  et  des  coups  d'épées, 
Que  chantera  le  ménestrel. 

Honneur  à  qui  —  dans  la  bataille 
Que  l'on  se  livre  sans  courroux  — 
A  des  rivaux  faits  à  sa  taille 
Porte  de  victorieux  coups! 
Celui  qui  jamais  ne  défaille, 
A  nous  de  le  rendre  immortel! 
Après  toute  briU.inte  joute, 
Aux  noms  connus  un  nom  s'ajoute 
Que  chante  chaque  ménestrel. 

Aux  vainqueurs  tous  les  cris  de  joie. 
Battements  de  mignonnes  mains, 
Coupes  d'or,  écharpes  de  soie... 
Puis  l'ivresse  des  lendemains. 
Quand  le  cortège  heureux  flamboie 
En  revenant  des  carrousels! 

A  nous  d'exprimer  les  délires 

Qui  des  cœurs  émus  font  des  lyres, 

"Vibrant  aux  voix  des  ménestrels! 

Francis  MARATUECH. 


A  Monsieur  Achille  Caron 

NOS      AMOURS 


Voici  venir  Mai,  la  fête  des  fleurs! 
Prenant  en  pitié  nos  peines  cruelles. 
Les  rayons  d'avril  ont  séclié  nos  pleurs  : 
Chantons  la  chanson  des  amours  nouvelles, 
La  jeune  chanson,  fille  du  printemps, 
Qui  s'éveille  au  nid  des  oiseaux  contents. 
Et  que  les  amants,  fiers  de  leurs  vingt  ans. 
Dans  les  bois  ombreux  disent  à  leurs  belles  : 
Chantons  la  chanson  des  amours  nouvelles! 

Les  insectes  d'or  et  les  papillons, 
VoLiges  essaims,  lueurs  passagères, 
Folâtrent  gaîment  parmi  les  sillons  : 
Chantons  la  chanson  des  amours  légères, 
La  chanson  d'un  jour  éclose  au  matin. 
Ephémère  idylle  au  rire  argentin. 
Doux  caprice  dont  le  vol  incertain 
S'arrête  un  instant  aux  vertes  fougères  : 
Chantons  la  chanson  des  amours  légères  1 

Les  prés  reverdis,  si  charmants  à  voir. 
S'irisent  à  l'aube,  et  de  nouveaux  êtres 
Y  naissent  déjà,  gages  pleins  d'espoir  : 
Chantons  la  chanson  des  amours  champêtres, 


62 


LA  CHANSON 


La  chanson  du  pâtre  et  du  laboureur, 

Où  passe  le  souffle  ardent  du  bonheur, 

Eglogue  reprise,  après  le  labeur. 

Par  les  paysans,  au  pied  des  grands  hêtres  : 

Chantons  la  chanson  des  amours  champêtres. 

La  blanche  aubépine  emplit  les  halliers 

D'enivrants  parfums  et  d'agaceries, 

Et  s'offre  aux  baisers  des  frais  écoliers  : 

Chantons  la  chanson  des  amours  fleuries. 

Duo  que  zéphyre  emporte  joyeux, 

Avec  les  flocons  légers  et  soyeux. 

Vers  d'autres  pays  et  sous  d'autres  cieux. 

Par  les  bois,  les  monts  et  par  les  prairies  : 

Chantons  la  chanson  des  amours  fleuries! 

La  patrie  enfin  renaît  aujourd'hui  ! 
L'éclair  fulgurant  qui  soft  des  abîmes. 
Comme  un  fier  signal  sur  nos  fronts  a  lui  : 
Chantons  la  chanson  des  amours  sublimes  ! 
Chantons  la  famille  et  l'humanité  ! 
Qu'un  hymne  viril,  par  tous  répété. 
Porte  les  refrains  de  la  liberté 
Jusqu'aux  pics  ardus  des  plus  hautes  cimes  ! 
Chantons  la  chanson  des  amours  sublimes  ! 
Adolphe  CADOT. 


BIBLIOGRAPHIE 

L'auteur  d'Ous  qu'est  mon  fusil  et  de  tant  d'autres 
chansons  devenues  populaires,  M.  Joseph  Lavergne, 
fondateur  et  propriétaire  du  Théâtre  des  Intimes,  à 
Malakoff,  a  réuni  sous  le  titre  de  :  Mes  Filles,  quel- 
ques-unes de  ses  plus  fraîches  productions. 

Tour  à  tour  philosophique,  gracieuse,  bachique,  la 
muse  de  M.  Lavergne  célèbre  la  gloire  et  le  mérite, 
l'amour  et  l'amitié,  le  vin,  la  table  et  les  joyeux 
plaisirs. 

Toutes  les  conditions,  tous  les  sentiments  de 
l'humaine  nature  sont  passés  en  revue,  tout  jusqu'aux 
artistes  auxquels  l'auteur  a  consacré  un  chapitre 
entier  d'élégies. 

La  chanson  est  la  plus  haute  expression  de  l'esprit 
français,  elle  peint  les  mœurs,  les  tendances  d'une 
époque,  et  les  témoignages  qu'elle  laisse  à  la  posté- 
rité ne  sont  pas  à  dédaigner. 

M.  Laveigne  est  un  de  ces  historiens  du  présent, 
et  son  livre  placé  à  côté  des  éphémérides  de  Veissier 
des  Combes,  des  piècesfugitives  de  quelques  membres 
du  Caveau,  sera  utilement  consulté  par  les  auteurs  de 
l'avenir. 

En  effet,  chaque  époque  ne  se  peint-elle  pas  dans 
les  chansons  ou  les  proverbes  qui  ne  sont,  pour  la 
plupart,  que  des  refrains  de  chansons,  tandis  que  la 
morale  de  beaucoup  de  chansons  n'est  souvent  qu'un 
proverbe  mis  en  musique  ;  le  moyen-âge  ne  s'est- 
il  pas  peint  tout  entier  dans  Carfe</?02(sse/ et  le  dicton 
de  Jehan  de  Nivelle,  le  XVIP  siècle,  dans  les  Maza- 
rinades  dont  le  Cardinal  italien  se  vengeait  si  spiri- 
tuellement par  son  mot  :  qu'ils  content,  mais  qui/s 
payent,  et  M.  Scribe,  dans  son  discours  de  réception 
à  l'Académie  française  ne  s'écriait-il  pas  : 

«  Voulez-vous  connaître  la  société  du  XVIII'  siècle , 
cette  société  élégante  et  spirituelle,  raisonneuse  et 
sceptique,  qui  croyait  au  plaisir  et  ne  croyait  pas  en 
Dieu? 

«  Voulez-vous  une  idée  de  ses  mœurs,  de  sa 
philosophie  et  de  ses  petits  soupers  ? 


«  Ne  vous  adressez  pas  à  la  comédie,  elle  ne  vous 
dirait  rien  :  lisez  les  chansons  de  Voisenon,  de 
Boufflers  et  du  Cardinal  de  Bernis.  « 

Le  livre  de  M.  Lavergne  justifie  complètement, 
pour  notre  temps,  le  programme  donné  par  l'illustre 
académicien.  Il  renferme  des  chansons,  des  odes, 
véritables  pièces  de  poésie,  délicates,  fines,  et  il  nous 
suffira  de  citer  le  titre  de  quelques-unes  pour  montrer 
quelle  variété  de  sujets  a  été  traitée  : 

La  Citoyenne  de  1848,  Je  rengaine  mon  compliment, 
Poires  cuites  au  four,  le  Prisonnier,  l'Enfant  et  la 
Vierge,  les  Sauveteurs,  Vive  M.  D.  (actuellement  sous 
presse). 

Nous  nous  résumerons  en  félicitant  M.  Lavergne 
de  son  joyeux  travail,  et  en  appelant  de  nos  vœux 
un  nouveau  recueil  qui,  nous  le  prédisons,  s'il  répond 
à  celui  que  nous  venons  d'analyser,  aura  aussi  un 
véritable  succès. 

Th.  VUILLERMEDUNAND. 


SOCIETE  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  l>r  AOUT  1879 


0  ]nots  donnée,  me  suivrez-vous  toujours  ? 
pourrais-je  m'écrJer,  en  modifiant  un  des  plus  jolis  refrains 
de  Hérangei-.  Quelques  mets  ont  en  effet  encore  émaillé  ce 
banquet  :  le  Pot  au  feu,  de  l'ouUain,  lequel  préside  par 
parenthèse  une  société  du  même  nom;  le  Macaroni,  du 
même  auteur,  les  Cervelles,  de  Garraud  :  tout  cela,  malgré 
des  qualités  réelles,  sent  un  peu  le  réchauffé  aujourd'hui. 
Félicitons-nous,  en  présence  de  tous  ces  mets,  d'avoir  évité 
les  scies. 

L'actualité,  à  la  bonne  heure  !  Vous  pensez  si  là  tempéra- 
ture choisie  dont  nous  jouissions  il  y  a  si  peu  de  temps  a  dû 
être  attrapée  au  vol  et  chansonnée  comme  il  faut.  Jullien, 
lui,  cherche  le  soleil,  et  promet  une  récompense  honnête  à 
qui  le  lui  rendra.  Lagarde,  qui  met  malicieusement  sur  le 
compte  de  cette  gueuse  de  République  tous  les  maux  qui 
accablent  la  pauvre  humanité,  depuis  les  cors  aux  pieds 
jusqu'aux  cornes  conjugales,  ne  manque  pas  non  plus  de  lui 
attribuer  l'ombre  attristante  et  le  froid  hiémal  dont  nous 
sortons  à  peine. 

Mais  Vincent,  le  poète  du  soleil,  apparaît,  radieux  comme 
son  astre  favori  :  l'exposition  de.s  arts  appliqués  à  l'indus- 
trie, l'humanité  et  la  lumière,  le  progrès  et  la  liberté,  tel 
est  son  thème;  et  vraiment  il  semble,  dans  son  enthousiasme, 
avoir  dérobé  à  l'oeil  du  monde,  comme  parle  Ronsard,  quel- 
ques-uns de  ses  rayons  les  plus  chauds. 

Son  mois  de  Juillet  est  aussi  plein  d'ardeur  :  la  peinture 
des  champs,  l'espoir  de  l'automne,  et  surtout  le  souvenir 
d'une  date  flamboyante,  la  grande  aurore  du  quatorze,  lui 
ont  inspiré  de  vigoureux  accents.  Moins  poète  quand  il  veut, 
il  ne  dédaigne  pas  le  couplet  badin  :  témoin  son  C'est 
permis. 

Dans  ce  dernier  genre,  plutôt  chanson  que  poésie,  brillent 
Lagarde,  Ripault,  Fouache,  Petit,  Montariol,  et  surtout 
Grange  :  La  Clé  du  coU're-fort,  le  Sexe  faible,  les  Fichus 
ijaurts  d'heure.  Dieu  et  Diable,  le  Lit  de  Procuste,  les 
Impairs,  ces  six  chansons,  et  particulièrement  les  trois 
dernières,  dépassent  en  gaîté  piquante  et  en  ingénieuse 
satire  le  niveau,  cependant  élevé,  du  Caveau.  Le  Champagne 
de  l'esprit  s'est  piqué  d'honneur  pour  rivaliser  de  mousse 
brillante  avec  le  cliquet  qu'offrait  à  tous  les  convives  le 
nouveau  chevalier  de  la  légion  d'honneur,  l'heureux  Léon 
Gucrin . 

Granger.,  dans  les  Petites  Dames  et  Affaire  de  boutique, 
Duprez,  qui  a  traité  pour  la  millième  fois  ce  proverbe  Comme 
on  fait  son  lit  on  se  couclie,  Fénée,  dont  les  Vivats  épicuriens 
sont  remplis  de  yerve,  ont  obtenu  aussi  leur  part  de  succès. 
Je  crois  bien  n'avoir  oublié  aucun  des  chanteurs  présents, 
si  ce  n'est  un  seul,  qui  ne  pourra  pas  s'en  plaindre,  et  c'est  : 

EuG.   IMBERT. 


LA   CHANSON 


63 


LICE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET    DU    6    AOUT    1879 

L'autre  jour  je  cherchais,  accoudé  sur  ma  lable, 
Le  front  entre  mes  mains,  quelle  forme  acceptable 
Je  pourrais  bien  donner  à  mon  toast  de  ce  soir. 
Une  heure  se  passa  sans  que  l'horizon  noir 
Se  laissât  IraveVser  par  la  moindre  éclaircie  ; 
J'allais  laisser  ma  tâche  en  la  traitant  de  scie, 
Quand  soudain  j'aperçus,  assise  à  mon  côté. 
Noire  ficine-Chanson  qui,  m'ayant  écouté, 
Venait  à  ma  douleur  apporter  le  remède 
El  donner  à  mon  toast  le  secours  de  son  aide. 

»  Depnis  longtemps,  dit-elle,  on  vante  vos  banquets  ; 

«  De  toutes  paris,  j'enlends  s'exercer  les  caquets 

o  .Sur  vos  charmants  repas  ;  même,  les  journaux  cilenl 

«  Vos  menus  succulents  et  vous  en  félicitent. 

«  On  vous  dit  gens  d'esprit,  heureux  de  presque  rien, 

«  Bons  enfants  et  n'ayant  de  culte  que  le  mien. 

«  Sur  ce,  chacun  de  vous,  par  des  airs  d'importance, 

«    Croit  devoir  rehausser  l'éclat  de  sa  prestance, 

«  Et,  comme  on  dit  ailleurs  en  style  bien  trouvé, 

«  Très-sérieusement  croit  que  c'est  arrive. 

a  Eh  bien!  non  ;  je  suis  loin  d'être  aussi  satisfaite 

«  tjue  vous  le  semblez  croire,  et  je  suis  ainsi  faite 

«  Qu'il  me  faut  sans  retard  en  termes  assez  brefs 

u  Vous  peindre  franchement  mes  très-graves  griefs. 

«  Et  puisque,  président,  tu  tourmentes  ta  lyre 

«  Pour  le  prochain  banquet,  tu  n'auras  plus  qu'à  lin^ 

»  Ce  que  je  vais  dicter  pour  tes  amis  et  toi. 

u  D'abord,  vous  enfreignez  votre  première  loi 

«  Qui  consiste  à  dîner  à  sept  heures  précises; 

«  A  peine  si  je  vois  dix  personnes  assises 

«  Quand  sonne  la  demie,  et  vous  savez  pourtant 

n  (Jue  des  chants  la  séance  y  perdra  juste  autant. 

H  Si  vous  appelez  ça  de  zèle  faire  preuve, 

i<  Je  ne  m'y  connais  plus.  Mais  à  quelle  autre  épreuve 

€  Me  mettez-vous  encoj?  C'est  l'heure  de  chanter 

«  Et  voici  qu'un  de  vous  se  met  à  réciter 

«  Sur  un  ton  lamentable  un  lamentabh;  thème 

«  Qu'il  décore  du  nom  mystii|uc  de  poème. 

«  Ah  çal  mais  à  ([uoi  bon  se  dire  chansonnier 

«  Si  l'on  vient  sciemment  ensuite  le  nier? 

«  A  quoi  bon  s'appeler  :  La  Lice  Chansonnière, 

«  Pour  traiter  la  chansop  d'aussi  fourbe  manière  1 

«  Et  mes  bruyants  flonllons,  et  mes  joyeux  glouglous. 

Cl  Voyons,  répondez-moij  que  diable  en  faites-vous? 

Cl  Laissez  au  doux  rêveur  sa  douce  poésie 

«  Et  les  douces  douceurs  de  sa  douce  ambroisie, 

«  Et  soyez  chansonniers,  chansonniers  avant  tout, 

ce  Chansonniers  partout,  oui,  chansonniers  jusqu'au  bout. 

ce  Et  puis,  de  grâce,  amis,  ah!  je  vous  en  conjure, 

ce  Gardez-vous  donc  au  moins  de  me  faire  l'injure 

n  De  répéter  vingt  fois  une  même  chanson, 

«  Votre  muse  peut  bien  en  variant  le  son 

«  Chaque  mois  accoucher  de  quelque  œuvre  inédite 

0  Et  laisser  au  public  le  soin  de  la  l'édite.  » 

La  Chanson  disparut  mais  mon  toast  était  fait, 
Et  plus  je  refléchis,  plus  je  crois  qu'en  effet 
Notre  idole  a  raison  de  se  montrer  sévère. 
Allons,  pas  de  rancune,  amis,  voici  mon  verre. 
Et  pour  remplir  ce  soir  ma  noble  mission 
Je  bois  à  la  Chanson,  première  audition. 

Les  trois  points  indiqués  par  M.  Echalié  dans  le  toast 
qu'on  vient  de  lire  appellent,  en  effet,  une  prompte  réforme. 
La  Chanson  y  contribuera,  pour  sa  part,  en  ne  parlant 
désormais,  dans  ses  comptes-rendus  de  dîners  chantants, 
que  des  œuvres  inédites. 

Le  banquet  d'Août  est  un  des  moins  suivis  de  l'année. 
Trente  convives  à  peine  étaient  réunis  aux  Vendanges.  La 
jeune  société  chansonnière  fait  cependant  tous  les  jours  de  1 


nouvelles  recrues.  Elle  a  reçu,  l'autre  soir,  comme  membres 
libres,  MM.  Kousset  et  Eugène  Caron,  et,  comme  membre 
correspondant,  A.  Desrousseaux,  le  célèbre  chansonnier 
Lillois,  le  Béranger  du  Nord.  Tous  ont  acclamé  ce  dernier 
nom,  et  Uurafour  a  déclaré  qu'il  était  fier  d'avoir  servi  de 
pai-rain  à  Desrousseaux  devant  la  société  des  auteurs  et 
compositeurs.  Voilà  qui  est  bien,  et  les  Licéens  peuvent  à 
bon  droit  compter  sur  leur  nouveau  collègue. 

Les  productions  présentées  au  dernier  banquet  appar- 
tiennent, comme  d'habitude,  aux  genres  les  plus  variés.  Les 
Strophes  patriotiques  de  l'Alouelte  des  Gaules,  très-bien 
chantées  par  M.  Flachat  sur  une  musique  un  peu  molle,  ont 
précédé  la  Famille  à  Camille;  rengaine  populaire  traitée 
par  Durafour  sur  la  note  bruyante  qu'il  donne  à  merveille, 
et  les  Dix-huit  ans  de  Lise,  romance  soupirée  par  M.  Ilippoljle 
Durand.  M.  Ilachin  a  fait  ensuite  comparaître  le  coupable 
soleil  pour  lui  racontera;  qui  se  jiasse.'^ovA  venus  ensuite  : 
M.  Vatinel,  adres.sant  aux  Bons  Pires  des  encouragements 
iiiinii|ues  couronnés  par  ce  cri  du  cœur  de  M.  Brûlez,  Il 
faut  balayer  ça!  et  M.  Jules  Baux,  avec  la  bonne  musique 
écrite  par  lui  sur  la  Mifinonne  de  Ryon.  Comme  ça  diminue 
s'est  alors  écrié  Chebroux,  non  sans  mélancolie.  Ce  n'est  pas 
Ions  les  jours  fêle,  a  conclu  Georges  Baillet.  Hélas!  non; 
et  M.  Achille  Caron  le  sait  bien,  lui  qui  fait  endèver  la 
Feuille  de  présence,  de  même  que  M.  Buel,  avouant  que 
Ça  laisse  à  désirer. 

En  ajoutant  aux  chansons  que  je  viens  d'énumi  ler  le  Clair 
de  lune,  de  M.  Paul  iVvenel,  le  Parfait  Licéen  de  M.  Echalié, 
le  Second,  de  M.  liochet,  lu  Meule  du  temps,  de  M.  Leblanc, 
j'aurai  donné  la  nomenclature  complète  des  œuvres  nou- 
velles ilites  l'autre  soir  et  qui  se  recommandent  par  des 
qualités  diverses  de  fond  ou  de  forme. 

(-omplèle  !  —  Non  pas.  Un  visiteur  a  présenté,  sous  ce 
titre  :  Chacun  son  lonr,  une  chanson  à  tiroirs  écrite,  suivant 
les  règles  du  genre,  en  six  couplets  tour  à  tour  modestes, 
grivois,  moraux,  patriotiques,  .satiriques  et  philosophiques. 
On  a  paru  les  écouter  sans  fatigue.  Je  me  pardonnerais 
d'autant  moins  de  garder  le  silence  que  celte  chanson  est 
la  première  ipi'ait  essayée, 

L.-HeiNHV  LECOMTE. 


4""'  TOURNOI  MI-INSUEI,  OUVERT  DU  1°''  .VU  25  .\OUT 

Nos  abonnés  seulement  ont  le  droit  d'y  prendre 
part  avec  une  seule  pièce,  quel  qu'en  soit  le  genre, 
ne  dépassant  jDas  soixante  vers. 

La  pièce  couronnée  sera  insérée  dans  J.a  Chanson 
et  l'auteur  aura  droit  à  dix  exemplaires. 

Les  noms  des  deux  suivants,  ainsi  que  les  titres 
de  leurs  poésies,  seront  publiés. 


Notre  grand  concours  poéticjuiî  en  l'honneur  de 
Béranger  sera  clos  définitivement  le  16  août  au  soir. 

Voici,  par  ordre  alphabétique,  la  liste  des  poètes 
et  des  chansonniers  composant  notre  jurj  : 

MM.  Eugène  Baillet,  Henri  de  Bornier.  Ernest 
Chebroux,  Jules  Claretie,  Ernest  d'Hervilly,  Eugène 
Imbert,  René  Ponsard,  Léon  Vallade,  Charles 
Vincent. 

Vu  le  grand  nombre  de  pièces  déposées  et  la  saison 
des  vacances,  nous  ne  pouvons  fixer  aujourd'hui 
l'époque  où  le  jugement  sera  rendu  ;  nous  le  dirons 
dans  un  prochain  numéro. 

A.  P. 


64 


LA  CHANSON 


ECHOS    &    NOUVELLES 


Vient  de  paraître  à  notre  librairie,  en  vente  au 
profit  de  la  Sotiso'iption  Béranger,  la  conférence 
faite  par  Jules  Claretie,  au  théâtre  du  Château-d'Eau, 
à  la  matinée  Béranger.  Prix  :  1  franc.  Nous  en 
reparlerons  prochainement. 

Nous  recevons  la  lettre  suivante  : 

Paris,  le  28  juillet  1879 

Cher  Monsieur, 
La  tombe  de  notre  ami  Leduc,  mort  depuis  bientôt  un  an, 
n'a  pas  encore  d'entourage.  Je  viens  vous  prier  d'ouvrir 
dans  votre  digne  journal  une  petite  souscription  dans  laquelle 
vous  pouvez  inscrire  la  société  des  Eiifaiils  du  Marais  pour 
la  somme  de  cinq  francs. 

Dans   l'espoir   que  vous  voudrez   J)ien   accueilli]'  ma 
demande,  j'ai  l'honneur  d'être  votre  dévoué 

CHAUMETTE,  président. 

Nous  nous  associons  à  l'initiative  prise  par  le 
président  de  la  société  des  Enfants  du  Marais.  Le 
ilirecteur  de  La  Chanson  souscrit  personnellement 
pour  5  francs.  La  souscription  est  ouverte  dans  nos 
bureaux.  Nous  publierons  les  noms  des  souscripteurs 
qui  auront  versé  le  montant  de  leurs  souscriptions. 

Nous  sommes  en  retard  vis-à-vis  de  notre  confrère 
Ali  Vial  de  Sabligny  qui  vient  d'avoir  la  douleur  de 
perdre  sa  mère.  iVl™"  j.  de  Sablignj  avait  écrit  avec 
talent  des  romans,  des  nouvelles  et  des  poésies  très- 
remarquables.  De  plus  que  son  talent  et  son  esprit, 
elle  possédait  une  âme  élevée  et  un  grand  cœur. 
Nous  nous  associons  au  deuil  de  notre  confrère, 
l'habile  directeur  de  la  Revue  de  la  Jeunesse. 

Le  compositeur  Thvs  vient  de  mourir  à  Bois- 
(Juillaume,  près  de  Rouen,  à  l'âge  de  soixante-douze 
ans.  Son  corps  a  été  ramené  à  Paris  par  sa  fllle, 
M""  Pauline  Thys,  et  inhumé  à  Montmartre,  dans  un 
caveau  de  famille. 

A.  Thys  était  grand  prix  de  Rome  en  1833,  et  il 
se  plaisait  à  rappeler  qu'il  fut  à  cette  époque,  avec 
Adam,  un  des  véritables  créateurs  de  l'opérette.  En 
effet,  les  musiciens  étaient  alors  chargés,  sous  le 
voile  de  l'anonymat,  des  ariettes  et  des  airs  inter- 
calés dans  les  pièces  à  mise  en  scène.  A.  Thys  fit 
ainsi  la  Belle  limonadière,  la.  Nuit  au  Sérail,  etc., 
dont  les  motifs  servent  encore  de  timbres  à  nos 
vaudevillistes. 

Il  eut  à  l'Opéra-Comique  quatre  petites  pièces  bien 
accueillies.  Aida,  Oreste  et  Pylade,  l'Amazone  et  la, 
Sournoise  ;  c'est  surtout  dans  la  romance  qu'il  eut 
une  grande  vogue.  M""'  Sabatier  et  Richelmi  lui 
durent  leurs  premiers  et  leurs  plus  grands  succès. 

Fondateur,  avecBourget,  de  la  Société  des  auteurs, 
compositeurs  et  éditeurs  de  musique,  il  fut  élu 
•  plusieurs  fois  président  de  cette  Société. 

Le  Comité-directeur  provisoire  de  l'Union  des 
Poètes  français  et  étrangers,  réuni  mardi  dernier,  a 
décidé  de  présenter  à  la  prochaine  Assemblé  géné- 
rale, qui  aura  lieu,  24,  rue  et  salle  Pétrelle,  le 
lundi  25  août,  à  8  heures  et  demie  du  soir,  l'ordre 
du  jour  suivant  : 

Nomination  du  bureau  ; 

Lecture  du  procès-verbal  de  la  précédente  Assem- 
blée générale  ; 


Formation  et  affichage  d'une  liste  d'adhérents,  où 
chacun  des  membres  présents  choisira  des  noms  et 
dressera  une  liste  de  vote,  comprenant  cinq  membres 
pour  faire  partie  du  Comité-directeur  définitif,  et 
quatre  membres  chargés  de  les  suppléer  en  cas  de 
besoin  ; 

Dépouillement  du  scrutin  par  quatre  membres 
délégués  ; 

Nomination  du  trésorier  ; 

Versement  des  cotisations  de  chaque  adiiérent 
entre  les  mains  du  trésorier  ; 

Deuxième  lecture  des  statuts  et  propositions 
diverses. 

Pour  le  comité  provisoire, 
Le  Secrétaire, 

J.  Le  'FUSTEC. 

La  société  la  Pomme,  composée  de  Bretons  et  de 
Normands  résidant  à  Paris,  met  au  concours  pour 
cette  année  les  sujets  suivants  : 

I.  —  (Bretagne)  Eloye  de  Jacques  Cassard  (mor- 
ceau en  prose)  :  l"'  Prix.  —  Une  médaille  d'or; 
2°  Prix  —  Une  médaille  de  vermeil. 

IL  —  (Bretagne)  Sonnet  ■'sur  Michel  Columb  : 
Prix.  —  Un  objet  d'art. 

III.  —  (Normandie)  Pièces  de  vers  sur  les  poètes 
Normands  :  1"  Prix.  —  Médaille  d'or;  2"  Prix.  — 
Médaille  de  vermeil. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  avant 
le  15  septembre  1879,  à  M.  Chesnel,  secrétaire 
général  de  la  société,  21,  boulevard  Saint-Martin, 
Paris.  Ils  porteront  une  devise  qui  sera  répétée  sur 
une  enveloppe  cachetée  contenant  le  nom  de  l'auteur. 
Les  enveloppes  contenant  le  nom  d'un  auteur  à  qui 
une  mention  honorable  aura  été  décernée,  ne  seront 
ouvertes  que  sur  l'autorisation  expresse  du  lauréat. 

Le  concours  sera  clos  le  20  septembre  exclusi- 
vement. 

La  distribution  des  prix  du  concours  de  la  Pomme. 
aura  lieu  en  séance  solennelle,  à  Nantes,  le  4 
octobre  1879. 

Troisième  grand  Concours  poétique  de  l'Académie 
Mont-Réal  de  Toulouse,  clos  le  l"'  septembre. 

1°  Ode  aux  Bienfaiteurs  de  l'humanité,  sujet  imposé. 
Cent  vers  au  plus. 

2°  Sujet  libre.  Quarante  vers  au  plus. 

Adresser  les  manuscrits  à  M.  Albert  Mailhe, 
12,  place  Rouaix,  à  Toulouse.  Joindre  un  franc  en 
timbres-poste  pour  frais  d'inscription. 

M.  Evariste  Carrance  publia  pour  la  première 
fois  en  1876,  Les  Mystères  de  Royan.  qui  eurent  un 
succès  dont  la  presse  se  souvient  encore.  Il  était  juste 
de  mettre  ce  livre,  qui  est  une  vraie  page  de  la  vie 
humaine,  à  la  portée  de  tous. 

Pour  recevoir  franco  1  édition  populaire  grand 
format,  qui  vient  de  paraître,  adresser  1  fr.  25  à 
M.  LÉON  DUPRÉ,  6,  rue  Molinier,  à  Agen  (Lot-et- 
Garonne). 

Le  vingt-troisième  concours  poétique,  ouvert  eir 
France  le  15  août  1879,  sera  clos  le  1"  décembrel879. 
Vingt  médailles,  or,  argent,  bronze,  seront  décer- 
nées. —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé 
franco,  à  M.  Evariste  Carrance,  Président  du  Comité, 
6,  rue  Molinier,  à  Agen  (Affranchir). 

Le  Directeur-Gérant,  k.  PATAY. 


2'  ANNEE. 


N*  27. 


1"  SEPTEMBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-  Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
San*  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1"  &  le  16  cle  cliaciu.e  i^nois 


Seci'étaire  delà  Rédaction 
A  LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 


Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  Galerie  des  chansonniers  :  Etienne  Ducret  (eug.  imbert).  —  Chansonniers  et  Coupletiers  (andre  person).  — 
Curiosités  de  la  Chanson  :  La  Cabane  oii  sont  mes  outils  (pierre  Dupont).  —  Ne  chantez  plus  la  Marseillaise  (jules  celés).  — 
Le  Veuf  et  la  Puce  (Elisée  klotz).  —  Le  Conservateur  au  temple  (francis  melvil).  —  A  la  Bastille,  paroles  d  octave 
LEBEsouE,  musique  'Je  Francis  cbassaigne).  —  A  Béranrjer  encore  une  chanson  (rénédoutre  et  j.-f.  oonon).  —  La  chanson 
en  province  (jules  celés).  —  Nécrologie  (r.  o.).  —  Chronique  des  sociétés  lyriques  (a.  leroy,  prosper  tibia,  a.  p.).  — 
Quatrième  Concours  mensuel  de  La  Chanson,  L'Espérance  (hippolyte  daguet).  —  Choses  et  Autres  (e.  b.,  a.  p.). 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS   :  ETIENNE  DUCRET 


Ducret  est  un  exem- 
ple de  ce  que  peuvent 
la  volonté  et  le  courage, 
deux  vertus  moins  rares 
qu'on  ne  croit  cliez  les 
poètes.Vivre  mal  de  son 
travail  et  pas  du  tout  de 
sa  plume,  telle  fut  d'a- 
bord sa  position.  Plus 
tard  l'un  et  l'autre  de- 
Tinrent  plus  productifs, 
puis  se  confondirent 
ensemble  pour  le  faire 
vivre.  Volumes  pour  le 
colportage,  chansons- 
réclames  pour  la  publi- 
cité, voilà  son  labeur. 
Je  ne  parle  pas  des 
pièces  de  théâtre  :  les 
unes  ne  lui  ont  rien 
rapporté,  qu'un  peu  de 
gloire,  les  autres  sont 
encore  inédites. 

DucretestnéàDijon, 
le  12  mars  1829.  Sa  mère 
étaLUnièce  d'Emile  Cot- 
ten&f  acteur,  auteur 
dramatique  et  chanson- 
nier, triple  talent  dont 
le  petit-neveu  ne  lais- 
sera pas  perdre  l'héri- 
tage. Il  avait  deux  ans, 
quand  des  revers  de 
fortune  forcèrent  ses 
parents  à  s'établir  à 
Lyon.  C'est  là  qu'il  fut 
élevé  et  qu'il  vécut  jusqu'à  l'âge  de  vjngt-six  ans.  On 
peut  donc  dire  qu'il  est  Lyonnais.  Aussi  possède-t-il 
à  un  haut  degré  cette  bonne  humeur  narquoise  et 
cette  verve  méridionale  qui  distinguent  les  Lyonnais. 
Je  dis  méridionale  en  parlant  de  Lyon,  car 
Pour  nous  autres  Picards,  c'est  déjà  le  midi. 


D'abord  enfant  de 
chœur,  puis  élève  dans 
un  externat  clérical,  il 
fut  tour  à  tour  pro- 
fesseur, clerc  d'avoué, 
commis  marchand,  cho- 
riste. C'est  au  théâtre 
des  Célestins  qu'il  dé- 
buta, et  comme  acteur 
et  comme  chansonnier. 
C'est  sur  ce  théâtre  que 
fut  exécutée  sa  pre- 
mière chanson  :  Le  peu- 
ple est  roi.  On  était 
en  1848. 

Un  éloge  de  Suchet, 
en  prose,  celui  de  Jac- 
quart,  en  vers,  plusieurs 
monologues,  également 
en  vers,  représentés  au 
même  théâtre,  obtin- 
rent du  succès  et  valu- 
rent i  leur  auteur  une 
popularité  que  Lyon 
n'a  pas  encore  oubliée. 
La  gloire,  c'est  bien, 
mais  les  écus?  Ducret 
avait  dix-neuf  ans,  on 
était  en  1850,  une 
femme,  un  enfant  à 
nourrir.  Il  gagnait  six 
cents  francs  par  an. 


0  chère  médiocrité! 

0  modeste  célébrité  ! 

Jours  légers  qu'aujourd'hui  j'envie  ! 

On  mangeait  vingt-cinq  francs  par  mois. 

Sautant  sur  les  pics  de  la  vie. 

Leste  e\  fringant  comme  un  chamois. 


66 


LA  CHANSON 


Il  est  facile  de  rire  du  naufrage,  une  fois  au  port. 

Enfin,  encouragé  par  Achard,  il  part  pour  Paris, 
la  terre  promise  des  poètes,  dans  leurs  rêves.  Mal- 
heureusement, même  à  Paris  il  faut  manger.  Le 
travail  ne  rebutait  pas  Ducret  :  qu'il  en  trouvât 
seulement,  il  était  satisfait.  Commis  aux  écritures, 
employé,  puis  gérant  d'une  grande  maison  de  papiers, 
il  était,  en  1869,  à  la  tête  d'une  vingtaine  de  mille 
francs  qui  ne  devaient  rien  à  personne  :  des  inven- 
tions heureuses  comme  conception,  des  insuccès  dus 
aux  circonstances  le  ruinèrent.  Il  fallut  recom- 
mencer. Il  eut  une  inspiration  et  se  jeta,  poète- 
commerçarit,  à  corps  perdu  dans  la  réclame. 

Son  Album  des  spécialités  en  vogue  est  un  tour  de 
force.  Paroles  et  musique,  près  de  dix  mille  vers, 
consacrés  à  la  gloire  d'une  moutarde  quelconque  ou 
de  je  ne  sais  quelle  farine  de  santé  !  Chatouillez 
donc  votre  muse  en  faveur  des  bons  Crespin,  de 
Vidouville;  cherchez  des  strophes  dignes  de  la 
maison  qui  n'est  pas  au  coin  du  quai  !  Eh  bien, 
Duoret  a  tout  abordé,  tout  chanté,  tout  vanté;  le 
sel  Pradel  et  la  Margarine,  la  moutarde  Bornibus  et 
la  machine  Singer.  Mais  il  est  impartial,  et  confond 
dans  le  même  amour  le  vermouth  Jouvence  et  l'amer 
Picon,  la  Belle  Jardinière  et  Godchau.  Et  dans 
toute  cette  poésie  (ô  Phœbus,  pardon!),  on  rencontre 
des  couplets  qui  ne  seraient  déplacés  nulle  part.  On 
trouve  aussi,  il  faut  l'avouer,  des  phrases  comme 
celle-ci,  où  il  est  difficile  de  reconnaître  des  vers  : 
«  Pour  être  sûr  que  cet  extrait  n'est  pas  de  contre- 
bande, il  faut  exiger  le  cachet  de  Ricqlès  sur  la 
bande  ». 

Etonnez-vous  qu'à  tant  travailler  l'on  devienne 
habile.  Le  chansonnier  est  comme  le  forgeron  : 
fabricando  fit  faber.  Ducret  possède  une  facilité 
étonnante,  mais  il  possède  aussi  la  forme  et  la 
langue.  On  reconnaît  la  trace  de  bonnes  humanités. 
Joignez  à  cela  un  débit  entraînant,  une  mimique 
expressive,  une  voix  mordante,  enfin  ce  qu'un 
parisien  mal  appris  appellerait  :  du  chien.  Musicien 
par  surcroît. 

Nos  abonnés  ont  pu  lire  dans  le  n°  5  de  La  Chanson 
des  couplets  de  Ducret  intitulés  :  Reviens,  flonflon. 
Sa  Marseillaise  de  la  Paix,  que  chantait  cet  été 
M""  Bordas,  a  obtenu  un  beaii  succès.  Sa  Marseillaise 
des  Ecoles  fait  aussi  son  chemin.  Ducret  est  libéral, 
comme  toutes  les  belles  natures,  républicain, 
comme  tous  les  esprits  énergiques  et  francs.  Il  a  de 
la  vigueur,  du  trait,  de  l'enthousiasme.  Ecoutez  ces 
vers,  et  dites-moi  s'il  y  reste  la  moindre  odeur 
d'alcool  menthe  ou  de  bitter  Guy  : 

Jaillis,  vapeur!  Sous  ton  éclair, 
Sortant  de  sa  nuit  insensée 
L'humanité  s'est  redressée 
Au  fiât  lux  de  Gutenbevg. 
Par  toi  l'horizon  s'est  ouvert 
Au  mâle  essor  de  la  pensée... 

Il  excelle  aussi  à  chanter  le  pays  des  Gohes.  et 
Pisten-claque-pan!  et  le  Ganrfowx  roulant  sa  sampote. 

Ducret,  aujourd'hui  attaché  à  la  maison  Lebuilly, 
une  des  grandes  usines  de  la  littérature  foraine,  est 
membre  de  la  société  des  auteurs  et  compof5iteurs  de 
musique,  de  celle  des  auteurs  dramatiques  et  de  Ja 
Lice  Chansonnière.  Il  est  auteur  cVm  Théâtt'e  de 
Guignol,  illustré  par  Randon. 

EuG.  BIBERT. 


CHANSONNIERS  ET    COIPLETIERS 


Ln  des  symptômes  de  décadence  de  la  chanson,  c'est 
assurément  l'étonnante  facilité  avec  laquelle  les  paroliers 
exploitent  ce  geni'e  de  poésie  qui,  naguère  encore,  étant 
considéré  comme  un  art,  en  avait  toutes  les  qualités,  et  qui 
n'est  plus  aujourd'hui,  grâce  au  rôle  grotesque  qu'on  lui 
impose,  qu'une  industrie,  qu'un  mercantilisme  dont  1  exercice 
n'exige  ni  aptitude  littéraire ,  ni  aspiration  poétique  et, 
parfois  même,  aucune  connaissance  prosodique. 

Oij  sont  donc  ]es  œuvres,  je  ne  dis  pas  sérieuses  ni  étudiées, 
mais  simplement  raisonnables  de  ces  coupletiers  dont  l'incons- 
cience n'exclut  pas  l'audace?  Où  sont-elles  les  productions 
qui  méritent  d'être  saluées  au  passage,  qui  vaillent  la  peine 
d'être  classées  et  auxquelles  on  puisse,  un  jour,  assigner 
une  place  quelconque  dans  l'histoire  de  notre  langue  et  de 
notre  poésie,  ainsi  que  cela  a  été  fait  pour  les  œuvres  de 
nos  devanciers? 

Depuis  vingt-cinq  ans,  au  moins,  et  notamment  depuis  la 
création  de  ces  étanlissemenls  parisiens  où  l'on  chante  avec 
accompagnement  d'orchestre,  la  chanson  a  passé  par  telles 
épreuves,  elles  a  subi,  sous  la  plume  effrénée  des  gens  qui 
la  cultivent  aujourd'hui,  tant  de  changements  dans  son 
caractère,  dans  son  allure  et  surtout  dans  son  langage,  que 
les  quelques  personnes  qui  s'attachaient  encore  à  sa  destinée 
et  qui  notaient  attentivement  ses  évolutions  régulières,  sur- 
prises de  ses  transformations  anormales,  ne  la  l'econnaissent 
plus.  Elle  dont  la  devise  avait  été  si  longtemps  :  molle  atque 
faci'tum,  et  dont  le  principal  mérite  consistait  dans  la  vivacité 
du  style,  dans  la  délicatesse  de  l'expression,  le  tour  simple 
et  naturel  de  la  phrase... 

Quelle  dégringolade  ! 

Je  sors  d'un  café-concert,  et  j'écris  sous  l'influence  d'une 
impression  pénible. 

11  faut  convenir  que  le  public  de'  ces  endroits-là  est  doué 
d'un  tempérament  exceptionnel,  pour  digérer  comme  il  le 
fait,  les  platitudes  qu'on  lui  ressasse,  tous  les  soirs,  sur  des 
airs  insipides  et  d'une  vulgarité  stupéfiante. 

S'il  m'était  permis  de  donner  à  cet  article  les  proportions 
que  son  sujet  comporte,  et  que  le  journal  La  Chanson  n'est 
pas  en  mesure  de  m'accorder,  je  développerais  ma  critique 
en  appréciant  à  leur  valeur  les  différents  répertoires  des 
coupletiers  en  vogue  et  j'arriverais  à  démontrer  que  la 
chanson  au  lieu  d'être  dans  la  voie  de  progression  est  dans 
la  voie  contraire.  Aussi  bien,  tout  est  pour  le  mieux,  car  il 
me  faudrait  avoir  recours  aux  citations,  et,  je  l'avoue,  je  ne 
suis  pas  encore  assez  désœuvré  pour  me  livrer  à  une  pareille 
besogne. 

Du  reste,  le  but  de  cet  article  n'est  pas  positivement  de 
blâmer  les  honnêtes  industriels  qui  ont  fait  de  la  chanson 
métier  et  marchandise,  et  l'exploitent  comme  ils  l'entendent, 
mais  bien  de  prévenir  nos  amis  les  «  chansonniers  »  des 
dangers  qu'ils  font  courir  à  la  chanson  en  la  conduisant  au 
concert  où  elle  n'est  admise,  cela  est  incontestable,  qu'en 
se  conformant,  bon  gré  malgré,  au  mauvais  goût  qui  y 
domine. 

Je  regrette  profondément  de  ne  pas  encore  avoir  vu,  à 
cette  place,  la  protestation  motivée  d'un  membre  du  Caveau 
ou  d'un  sociétaire  de  la  Lice  Chansonnière.  Sa  plume  mieux 
exercée  et  plus  autorisée  que  la  mienne  n'aurait  pas  manqué 
d'avoir  une  portée  significative.  Les  déductions  réfléchies 
qu'un  chansonnier  de  profession  aurait  tirées  de  la  situation, 
eussent  été  préférables  à  la  critique  indécise  d'une  peisonne 
sans  notoriété,  et  qui  plus  est,  tout  à  fait  désintéressée  dans 
la  question. 

Si  quoiqu'un  révoquait  en  doute  les  déplorables  effets  du 
concert,  je  l'engagerais  à  jeter  un  coup-d'œil  sur  les  milliers 
de  chansons  qui  ont  eu  les  honneurs  de  la  rampe  et  dont  le 
succès  de  quelques-unes  a  eu  de  formidables  retentis- 
sements, et  je  le  prierais  de  me  dire  le  nombre  de  celles 
qui,  supportant  la  lecture,  ne  soient  pas  entachées  de  rémi- 
niscences ou  d'imitations  malheureuses. 

La  Chanson  des  rues  qui  avait  pour  ménestrels  de  pauvres 
diables,   chantant  faux  la  plupart  du  temps,  eut  du  moins 


LA  CHANSON 


un  avantage  sur  la  chanson  des  concerts,  c'était  de 
s'adresser  directement  au  peuple  qu'elle  insti'uisait  en 
l'égayant,  et  parfois  même  développait  en  lui  les  aspirations 
sociales  qui  se  sont  accentuées  au  point  de  se  transformer 
en  revendications. 

A-t-on  chanté  un  moment  dans  ce  Paris  où  les  goguettes 
étaient  si  nombreuses  !  En  a-t-on  mis  en  circulation  de  ces 
couplets  joyeux,  patriotiques,  satiriques  !  En  a-t-on  jeté 
dans  le  courant  des  idées  modernes ,  de  ces  refrains 
éclatants,  de  ces  strophes  sonores,  vaillantes,  spirituelles  et 
mordantes  !  (*) 

Certaines  chansons,  à  cette  époque ,  qui  n'avaient  pour 
truchement  qu'un  Thespis  de  barrière,  franchisaient  tout  à 
coup  les  murs  de  Paris,  et  allaient  réveiller  les  grands 
échos  de  la  France.  Ces  chansons-là  volaient  de  leurs 
propres  ailes,  et  elles  allaient  loin. 

Semblable  à  l'oiseau  qui  chante  en  liberté,  la  chanson  des 
rues  n'a  jamais  été  bornée  dans  son  vol,  ni  entravée  dans 
son  essor.  Tandis  que  la  chanson  des  concerts,  celle  qui  se 
produit  entre  l'exhibition  d'un  phénomène  —  nabot  ou  titan  — 
et  les  cabrioles  périculeuses  d'un  gymnusiarque,  celle-là 
s'échappe  rarement  du  lieu  qui  l'a  vue  naître.  Phalène 
étourdie,  elle  se  carbonise  les  ailes  aux  lustres  auxquels  elle 
emprunte  son  éclat  éphémère  et  ne  parvient  que  péniblement 
au  grand  air,  qui  ne  lui  est  pas  toujours  favorable. 

Qu'on  le  sache  bien,  il  est  dans  la  chanson  française 
comme  dans  tout  ce  qui  concerne  la  littérature,  des  prin- 
cipes rigoureux,  îibsolus  qui  relèvent  de  la  tradition  et 
desquels  il  n'est  pas  permis  de  s'affranchir  à  moins  d'être 
une  personnalité  comme  Gustave  Nadaud  ou  un  novateur  de 
la  puissance  de  Pierre  Dupont.  Ces  doux  maîtres  ont  pu 
modifier  sa  physionomie,  mais  ils  no  l'ont  pas  défigurée. 

ANiiRii   PERSON. 

(•)  M.  Gouivlon  de  Genouillac  vient  dn  recueillir  et  d'annoter  les 
Refrains  de  la  Rue  de  1830  à  1870.  Pour  ma  part,  je  lui  sais  gré 
d'avoir  réuni  quelques  refrains  populaires.  Mais  je  ne  saurais  lui 
accorder  un  satisfecit  pour  la  façon  plus  que  légère  avee  laquelle  il 
commente  ses  citations.  Puis  qvio  d oublis,  que  de  lacunes!  Je  me 
réserve,  pour  un  autre  moment,  la  tîLche  facile  de  critiquer  le  livre 
"le  M.  Gourdon  do  (ienouiUac. 


CURIOSITÉS    DE   LA  CHANSON 


A  mon  ami  cl  hôlc  bianveillanl  M.   TIUEVOZ 

LA  CABANE  OU  SONT  MES  OUTILS  (*) 

Chanson  copiée  sur  l'autographe  de  l'auteur 

Laissons  la  maison  et  la  grange, 
Etable,  écurie  et  cellier; 
A  la  moisson,  à  la  vendange, 
Venez  sous  ce  toit  familier! 
C'est  la  cabane  où  j'entrepose 
Mes  outils  :  le  vin  s'j  tient  frais. 
Quand  vient  midi  je  m'y  repose. 
Je  goûte  et  fait  mon  somme  après. 

Sous  ce  toit  que  rougit  la  tuile, 
Entre  ces  murs  sans  art  bâtis, 
Inaugurons,  mes  bons  amis, 
Avec  bon  pain,  bon  vin,  bonne  huile, 
La  cabane  où  sont  mes  outils. 

Voyez  fumer  cet  attelage. 
Voyez  ces  sillons  s'entr'ouvrirl 
Ces  bêtes  au  brillant  pelage 
Forcent  la  terre  à  me  nourrir, 


(*)  Cette  chanson  inédite  vient  île  paraître  dans  le  n»  du 
\"  août  1879  de  la  revue  littéraire  la  Province  à  qui  nous 
l'empruntons.  A.  P. 


A  nourrir  aussi  ma  famille 
Et  d'autres  qui  n'ont  pas  de  blé. 
Jusqu'à  ce  moineau  qui  me  pille  ! 
La  fauvette  m'a  consolé. 
Sous  ce  toit,  etc. 

Gentille  petite  fauvette    . 

Qui  fais  du  crin  de  mes  chevaux 

A  tes  petits  une  couchette, 

Ta  voix  ranime  nos  travaux. 

Des  insectes  et  des  chenilles 

Tu  purges  nos  champs,  nos  forêts, 

Dans  mes  pommiers  tu  t'égosilles 

Quand  les  rossignols  sont  muets. 

Sous  ce  toit,  etc. 

L'été  recouvre  ma  cabane 
De  clochettes  et  de  houblon. 
De  jasmin,  de  verte  liane. 
Auprès,  comme  en  un  frais  vallon, 
Rougit  la  fraise  ;  la  cerise 
Ne  mûrira  qu'un  peu  plus  tard, 
Doux  appel  à  la  gourmandise  ! 
La  main  obéit  au  regard. 
Sous  ce  toit,  etc. 

Puisque  la  huche  ni  la  gourde 
Ne  se  désemplissent  jamais. 
Bonne  vendange  et  moisson  lourde, 
Mais  surtout  sachons  vivre  en  paix! 
Mordez  les  poires  et  les  pêches, 
Belles  filles,  à  belles  dents! 
Vos  lèvres  paraissent  plus  fraîches 
Quand  les  étés  sont-plus  ardents  ! 
Sous  ce  toit,  etc. 

La  serpe  unie  à  la  faucille, 
C'est  le  plus  solide  blason 
Qu'attache  un  père  de  famille, 
A  sa  cabane,  à  sa  maison. 
Entourons-le  d'une  couronne 
Où  brille,  en  toute  sa  beauté, 
La  rose  qu'à  ses  enfants  donne 
Une  mère  :  c'est  la  bonté  ! 

Sous  ce  toit  que  rougit  la  tuile. 
Entre  ces  murs  sans  art  bâtis, 
Inaugurons,  mes  bons  amis, 
Avec  bon  p.-iin,  bon  vin,  bonne  huile, 
La  cabane  où  sont  mes  outils. 
Vénissieui,  2  avril  1868.  PlERRE  DUPONT. 


Aux  Amis  de  la  Chanson 

NE  CHANTEZ  PLUS  LA  MARSEILLAISE 

Air  :  La  bière  et  le  vin  (R.  Planquette) 
Les  rois  aujourd'hui  sont  bannis 
Et  c'est  le  peuple  qui  gouverne  ; 
Mais,  quand  ses  maux  semblent  finis, 
Faut-il  donc  toujours  qu'il  se  berne? 
Quoi!  dans  ces  jours  silencieux 
11  ose  répéter  lui-même 
L'hymne  sanglant  que  nos  aïeux 
Chantaient  dans  la  luttte  suprême  ! 

Pour  bercer  ta  force  virile. 
Au  lieu  d'exhaler,  ô  Français, 
L'ode  à  la  guerre  civile 
Chante  donc  un  hymne  à  la  paix  ! 


68 


LA  CHANSON 


Il  faut  vraiment  qu'il  ait  rêvé 

Ce  peuple  aujourd'hui  qui  nous  crie 

Que  «  contre  nous  tous  est  levé 

«  L'étendard  de  la  tyrannie  !  » 

On  croirait  voir,  par  l'action 

Qu'il  met  dans  le  fait  qu'il  atteste. 

Des  rois  la  coalition 

Et  Brunswik  et  son  manifeste  I 

Pour  bercer,  etc. 

«  Aux  armes I  »...  Mais  à  quel  propos? 
La  France  n'a  personne  à  craindre  I 
Le  dernier  de  ses  tyranneaux 
Chez  les  Zoulous  vient  de  s'éteindre. 
Pour  provoquer  si  grand  courroux 
Craint-on  les  cachots  ou  les  grilles  ? 
La  liberté  règne  chez  nous 
Et  nous  n'avons  plus  de  Bastilles  I  (*) 

Pour  bercer,  etc. 

Peuple,  ceux  qui  jadis  chantaient 
Les  sti'ophes  de  Rouget  de  l'Isle, 
Etaient  opprimés  ;  ils  luttaient 
Au  nom  du  droit  dans  chaque  ville. 
C'est  pour  assurer  ton  repos 
Qu'ils  ont  péri  dans  la  fournaise  ; 
Toi,  par  respect  pour  ces  héros, 
Ne  chante  plus  leur  Marseillaise  I 

Pour  bercer  ta  force  virile, 
Au  lieu  d'exhaler,  ô  Français, 
L'ode  à  la  guerre  civile 
Chante  donc  un  hymne  à  la  paix  ! 

Jules  CÉLÈS  (*) 


LE    VEUF    ET    LA    PUCE 

(fable  inédite) 

Une  puce  (en  janvier!)  poursuivait  de  sa  rage 
Un  pauvre  homine,  alité  dans  son  lit  de  veuvage  ; 

Il  suait  sang  et  eau. 

Pour  défendre  sa  peau  ; 

—  Mais  que  me  veux-tu  donc,  insecte  sanguinaire? 

Depuis  bientôt  un  an 
Que  ma  femme  repose  en  un  lieu  funéraire, 

Tu  me  saignes  à  blanc  1 

Il  raconte  la  chose 
A  quelqu'un  qui  croit  fort  à  la  métempsycose  : 

—  Eh  !  parbleu  mon  ami,  tu  ne  devines  pas 

Que  depuis  son  trépas. 
Ta  femme  est  revenue  avecque  son  astuce 
Pour  te  retorturer,  dans  le  corps  d'une  puce  ? 
Je  vais  l'anéantir!... 

—  Garde-t-en  bien,  car  venant  à  mourir. 
Elle  pourrait  revivre,  et  femme  te  rejoindre  ; 

«  Entre  deux  maux,  toujours,  il  faut  choisir  le  moindre  » 

Elisée  KLOTZ. 


(•)  Cette  chanson  a  été  chantée  par  l'auteur,  le  14  juillet 
dernier,  au  banquet  anniversaire  de  la  prise  de   la  Bastille. 

A.  P. 


LE  CONSERVATEUR  AU  TEMPLE 

(1852) 
Seigneur,  je  vous  rends  grâce  à  genoux  de  m'avoir 
Créé  tel  que,  jamais,  nul  en  moi  n'a  pu  voir 

L'un  de  ces  hommes  sans  prudence, 
Qui,  vers  n'importe  quoi  marchant  sans  se  troubler, 
Devant  n'importe  qui  gardent  leur  franc-parler, 

Et  leur  farouche  indépendance  ; 

L'un  de  ces  gens  hardis  qui  veulent  sonder  tout  ; 
Qui  ne  se  pâment  pas  devant  un  petit  bout 

De  ruban  vert,  bleu,  rouge  ou  rose  ; 
Qui,  du  titre  et  du  rang  niant  le  doux  parfum. 
Ne  conviendront  jamais  qu'avant  d'être  quelqu'un, 

Il  faut  que  l'on  soit  quelque  chose  ; 

De  ces  gens  enrôlés  dans  l'opposition. 
Et  qui,  loin  de  rougir  de  leur  abjection, 

Semblent  fiers  de  leur  petit  nombre, 
Et  préfèrent  aux  cours,  aux  châteaux,  aux  palais, 
Aux  parcs  impériaux  regorgeant  de  valets, 

Leur  taudis  solitaire  et  sombre  : 

De  ces  gens  eifrontés  qui  ne  respectent  rien, 

Qui  disent  du  plus  noble  :  —  Est-il  homme  de  bien  I 

A-t-il  été  toujours  honnête? 
Dont  l'âme  est  inflexible  et  roide  comme  un  pieu, 
Et  qu'on  ne  voit  jamais,  si  ce  n'est  devant  Dieu, 

Baisser  leur  orgueilleuse  tête  ; 
De  ces  gens  sans  égards  pour  le  fait  accompli, 
Qui  s'en  vont  remuer  ce  que  couvrait  l'oubli. 

Même  ce  qui  ne  sent  pas  l'ambre. 
Et,  fouillant  sans  pudeur  les  haillons  du  passé. 
Veulent  savoir  comment  un  règne  a  commencé 

En  brumaire  ou  bien  en  décembre  ; 

De  ces  hommes,  enfin,  au  regard  ferme  et  froid. 
Qui,  se  mêlant  partout  de  défendre  le  droit 

Et  les  lois  qu'on  fait  disparaître. 
Combattent  sans  espoir  et  volent  au  trépas  ; 
Comme  si  la  justice  et  les  lois  n'étaient  pas 

Toujours  le  bon  plaisir  du  maître  ! 

Je  ne  serais  jamais,  seigneur,  de  ces  gens-là. 
De  ceux  qu'un  pouvoir  sage  en  tout  temps  exila. 

De  ceux  qui,  la  chose  étant  faite. 
Au  plus  fort,  au  vainqueur  osent  montrer  le  poing; 
Et,  malgré  ma  douceur,  il  ne  me  déplaît  point 

Qu'on  fusille  ces  trouble-fête. 

Toujours  on  me  verra  devant  le  souverain 
Célébrer  les  vertus  de  la  verge  et  du  frein  ; 

Je  serai  la  bouche  qui  prône, 
La  main  qui  ne  craint  pas  de  recevoir,  le  front 
Qui  se  courbe  ;  et  toujours  mes  lèvres  baiseront 

Le  velours  qui  couvre  le  trône. 

Je  suis  heureux  ;  je  vis  riche,  oisif  et  soumis  ; 
Hors  les  gens  dangereux,  je  n'ai  point  d'ennemis! 

Je  méprise  la  maladresse. 
Des  pauvres,  des  captifs,  des  proscrits,  des  vaincus; 
On  cite  mes  bons  mots,  mes  succès,  mes  éous; 

Ma  joue  est  vermeille,  et  j'engraisse. 

Continuez,  seigneur,  à  me  bien  protéger  : 
Un  jour,  si  du  pays  vous  deviez  vous  venger, 

Ecrasez  les  castes  obscures; 
Mais,  quels  que  soient  le  maître  et  le  gouvernement, 
Faites  que  je  conserve  invariablement 

Mes  rentes  et  mes  sinécures. 

Francis  MELVIL. 


LA  CHANSON 


69 


A  LA  BASTILLE  (') 

Musique   de   Francis   CHASSAIGNE 


Più    moderato 
Recl'tativo   a  p 


on,Ali!c'est  biea  lo  même  frisson  Qui  traversa  toutes  ces 
oluto. 


forts     Mêlaot      leurs  suprêmes    efforts  Le. soleil  bril. 
olempo.  raU. 


U  Soudaiu.des  groupes  faubouriens, Ce  cri  s'e'lèïC.Cito. 

I  Ur 


Sans  hésiter,  sans  peur,  sans  larmes, 
Les  habitants  des  vieux  faubourgs 
Aux  bruyants  appels  des  tambours 
Quittent  les  outils  pour  les  armes. 
On,  voit  accourir  dans  leurs  rangs, 
Fiers  et  stoïques,  des  enfants, 
Des  vieillards  et  des  jeunes  femmes. 
Les  cœurs  battent  à  l'unisson, 
Ah  !  c'est  bien  le  même  frisson 
Qui  traverse  toutes  ces  âmes. 
Sur  ces  êtres  faibles  ou  forts, 
Mêlant  leurs  suprêmes  efforts 

Le  soleil  brille. 
Soudain,  des  groupes  faubouriens, 
Ce  cri  s'élève  :  «  Citoyens, 

A  la  Bastille  !  » 

Ils  vont  conduits  par  l'espérance. 
Sans  mousquetons  et  sans  pourpoint 
Et  n'ayant  que  la  pique  au  poing 
Venger  des  siècles  de  souffrance. 
Ils  sojit  devant  les  sombres  tours 
(Témoins  hideux  des  anciens  jours) 

(•)  Chanté  par  M.  Prévost  à  l'Eldorado,  et  par  M.  Delians 
à  La  Ruche.  L'accompag-nement  de  piano  se  trouve  chez 
E.  Beauvois,  éditeur,  rue  ïiquetonne,  S3. 


Us  se  battent  ;  la  mort  qui  passe 
Des  assaillants  fait  des  héros  ; 
Un  sang  généreux  coule  à  flots. 
Maintenant  ils  sont  face  à  face. 
Mais  les  combattants  en  haillons 
Ont  défuit  les  beaux  bataillons 

Que  l'or  habille  ; 
Superbe,  le  peuple  a  planté 
L'étendard  de  la  Liberté 

A  la  Bastille  ! 

Après  la  victoire,  l'ivresse 
Dans  Paris  remplissait  les  cœurs 
Et  l'on  célébrait  les  Vainqueurs 
Par  de  bruyants  cris  d'allégresse. 
Dans  les  carrefours,  des  blessés 
Tout  sanglants,  à  peine  pansés, 
Choquaient  leurs  coupes  à  la  ronde  ; 
Ceux  même  qui  pleuraient  un  deuil 
Buvaient  en  clouant  le  cerceuil 
A  l'indépendance  du  monde. 
Déchargés  du  poids  de  leurs  fers 
Ils  oubliaient  les  maux  soufferts, 

Et  chaque  fille. 
Au  bal  de  juillet  se  pressa  : 
Le  peuple  triomphant  dansa 

A  la  Bastille  ! 

Grand  comme  l'orage  qui  plane, 
De  sa  voix  haute  qui  tonnait, 
Paris  le  lendemain  sonnait 
De  l'humanité  la  diane. 
Et  plus  d'un  grand  courba  le  front, 
Qui  jadis  prodiguait  l'affront, 
Et  cacha  sa  pâleur  dans  l'ombre. 
Il  avait,  le  lion  géant, 
Jeté  vingt  siècles  au  néant 
Et  déchiré  le  passé  sombre. 
Quatre-vingt-neuf  sera  toujours. 
Dans  notre  histoire  des  grands  jours, 

L'astre  qui  brille  : 
Honneur  au  peuple  qui  vainquit, 
Caria  République  naquit 
A  la  Bastille  ! 

Octave  LEBESGUE. 


A  BÉRÂNGER  E\CORE  DNE  CHANSON 


Air  :  Ze  feu  du  prisonnier  (Béranger). 

Je  veux  chanter  le  chantre  populaire 
Que  tout  un  peuple  a  couronné  jadis. 
Un  nom  sacré  que  la  France  vénère, 
Que  l'indigent  fredonne  en  son  taudis. 
Humble,  rêveur,  sa  muse  si  chérie 
Chantait  le  vin,  l'amour  à  l'unisson. 
Au  chansoanier  de  ma  belle  patrie, 
A  Béranger  encore  une  chanson. 


bit. 


Et  quoiqu'il  fût  grand  ami  de  la  table, 
Jamais  humain  ne  fut  plus  généreux. 
Probe  à  l'excès,  son  âme  charitable 
Prêta  secours  à  bien  des  malheureux. 
Ami  des  fleurs,  du  peuple  et  de  Lisette, 
Inspire  moi  des  vers  à  ta  façon  I 
Au  souvenir  du  chansonnier  poète,    ]   i- 
A  Béranger  encore  une  chanson.       S 


70 


LA  CHANSON 


Homme  de  bien,  martyr  delà  pensée, 
De  sa  prison,  sa  muse  bien  des  fois 
En  son  essor  vers  la  foule  empressée 
Cbanta  le  peuple  et  fit  trembler  les  rois. 
Il  n'eût  chanté  les  gloires  de  l'empire, 
S'il  eût  connu  de  Sedan  la  leçon  : 
Il  aurait  cru  déshonorer  sa  lyre.    )  ^^-^ 
A  Béranger  encore  une  chanson.  ] 

Candide  et  fier,  bouillant  d'indépendance. 

Tant  il  aimait  la  sainte  liberté. 

Tout  en  voulant  le  bonheur  de  la  France, 

Il  critiqua  prétraille  et  papauté. 

Tout  comme  lui  j'aime  la  solitude, 

Les  bois,  les  champs,  la  fertile  moisson  ; 

Dans  ses  refrains  j'ai  borné  mon  étude,  )   i  ■ 

A  Béranger  encore  une  chanson.  ] 

RÉMY  DOUTRE  et  J.-F.  GONON. 


LA  CHANSON  EN  PROVINCE 

Lyon.  —  Depuis  ma  dernière  lettre,  plusieurs 
soirées  fort  remarquables  ont  été  données  dans  les 
salons  de  M.  Aubert.  Les  plus  attrayantes  ont  été 
celle  du  14  juillet,  jour  anniversaire  de  la  Bastille, 
et  celle  du  21  du  môme  mois,  en  souvenir  de  la  mort 
de  notre  regretté  Pierre  Dupont.  Le  temps  m'a 
manqué  pour  vous  adresser  à,  son  heure  le  compte- 
rendu  de  ces  charmantes  fêtes  lyriques,  auxquelles 
ont  pris  part  divers  artistes  de  nos  théâtres  muni- 
cipaux ainsi  que  plusieurs  poètes  et  rédacteurs  de  la 
presse  lyonnaise. 

Je  ne  reviendrai  pas  sur  ces  fêtes  déjà  anciennes, 
auxquelles  de  longs  articles  des  plus  élogieux  ont 
été  consacrés  par  les  principaux  journaux  de  notre 
ville;  seulement  je  veux  en  déduire  ceci  :  c'est 
qu'une  réaction  énergique  s'opère  contre  le  réper- 
toire par  trop  famélique  des  cafés-concerts  et 
que  le  public  intelligent  ne  demande  qu'à  revenir 
à  la  vraie  chanson  française;  c'est-à-dire  à  celle 
dont  votre  glorieux  Caveau  et  votre  non  moins 
laborieuse  Lice  ont  conservé  l'honnête  et  spirituelle 
tradition,  ce  dont  je  les  félicite  bien  sincèrement. 

La  société  des  Ainis  de  la  Chanson  vient  de  perdre 
deux  de  ses  membres  influents  :  MM.  Claude 
6authieretStéphane,etc'est Paris  quivabénéficierde 
leur  taleiït.  M.  Stéphane  est  engagé  comme  l"'  ténor 
à  l'Opéra  populaire  que  MM.  Husson  et  Martinet  vont 
inaugurer  en  octobre  prochain  sur  la  vieille  scène 
de  la  Gaîté.  Mais,  ainsi  que  l'a  dit  Désaugiers  : 
Faute  d'un  moine  Tabbaye 
Ne  manque  pas. 

et  les  Amis  de  la  Chanson,  stimulés  dans  leur  zèle 
par  les  bravos  enthousiastes  du  public  qui  se  presse 
pour  les  entendre,  et  guidés  par  les  bonnes  répé- 
titions que  leur  fait  faire  chaque  jeudi  un  des  leurs, 
M.  Caloin,  professeur  d'harmonie  et  compositeur  de 
musique,  ils  sauront  longtemps  encore  maintenir 
haut  et  ferme  le  drapeau  de  la  chanson  gauloise 
dans  nos  goguettes  lyonnaises. 

Jules  CÉLÈS. 


l\iECil©Ï.OGlE 

Louis  Magot  est  mort  le  9  juillet.  11  avait  60  ans.  C'était 
une  personnalité,  mais  une  personnalité  peu  connue.  Sa  mort 
la  révèlera-t-elle?  —  Ici,  se  dresse  un  point  d'interrogation. 


Il  rima  et  il  laisse  des  rimes  considérables. 

Il  chanta  ;  que  dis-je  ?  Il  fit  des  chansons  qui  ne  furent 

fioint  chantées.  Elles  le  seront  peut-être  un  jour,  son  bagage 
ittéraire  est  assez  important.  Nous  nous  proposons  d'en 
faire  l'inventaire  et  d'en  parler  prochainement. 

Magot  était  sceptique.  Il  raillait.  Il  avait  du  Voltaire  dans 
la  lace  moins  la  bonhomie.  11  avait  beaucoup  d'esprit  mais 
peu  de  finesse .  Il  était  capricieux ,  indécis ,  versatile . 
Jeune,  il  aborda  la  pohlique.  On  le  crut  ambitieux.  Il 
l'était,  en  effet,  mais  sans  ampleur.  Puis  la  misère  —  cette 
hideuse  conseillère  —  le  fit  frapper  aux  portes  les  plus 
extrêmes.  Et  il  savait  ce  qu'il  faisait,  car  il  a  rimé  une 
chanson  avec  ce  refrain  : 

a  Mendier  ce  n'est  pas  se  vendre  i> 

Nous  croyons  devoir  objecter  que  l'homme  qui  mendie 
no  s'appartient  plus.  Il  s'annihile  ? 

C'est  ainsi  que  l'ouvrier  sertisseur  quitta  un  jour  le 
tabouret  de  l'atelier  pour  s'asseoir  dans  un  fauteuil  d'em- 
ployé de  la  caisse  d'épargne.  Cela  ne  dura  pas  ;  phtysique 
depuis  sa  jeunesse,  il  était  constamment  malade.  Et  moins 
qu'un  ouvrier,  un  employé  doit  l'être.  Il  dut  retourner  à 
l'établi. 

En  1867,  Magot,  rêva  de  créer  une  société  d'auteurs  plus 
ou  moins  inconnus  sous  cette  dénomination  :  Les  Jeunes. 
Or,  comme  Magot  ne  l'était  déjà  plus,  ce  titre  :  Les  Jeunes 
discordait  à  son  oreille.  Sa  société  s'appela  :  Les  Petites 
Plumes.  Elle  vécut  quelques  mois  à  l'état  de  duvet.  Les 
Petites  Plumes  ne  grandirent  pas;  un  coup  de  vent  les 
éparpilla. 

Mais  quelques  Jeunes  se  rassemblèrent  en  1869.Le  Franc 
Parleui'  de  Paris  fut  créé  par  eux.  Ses  allures  affirmèrent 
son  litre.  Magot  qui  était  au  nombre  des  rédacteurs  écrivit 
deux  ou  trois  articles  remarquables.  Mais  le  journal  dut 
mourir,  tué  par  Emile  Ollivier  en  janvier  1870,  après 
l'assassinat  de  'Victor  Noir. 

Les  événements  de  1870-71  firent  à  Magot  une  popularité 
dans  son  arrondissement.  Il  abordait  la  tribune  populaire  et 
présidait  souvent  les  clubs  de  son  quartier.  Ses  phrases 
humoristiques  faisaient  rire  ses  auditeurs. 

La  commune  de  Paris  le  nomma  à  l'administration  muni- 
cipale du  12"=  arrondissement.  Arrêté  pour  ce  fait  lors  de 
l'entrée  des  troupes  à  Paris,  il  fut  traduit  devant  un  conseil 
de  guerre.  Il  rima  une  Ode  aux  français  et  un  poème  ayant 
pour  titre  Les  Otages.  Ces  deux  œuvres  le  sauvèrent  de  la 
déportation. 

Magot  reniait  son  passé.  Ses  amis  lui  tournèrent  le  dos. 
Enfin,  Magot  s'alita.  Il  mit  quatre  années  à  mourir.  Il  écrivit 
jusqu'à  sa  dernière  heure. 

11  se  réconcilia  avec  l'église  catholique  après  s'être  fait 
protestant  et,  selon  ses  dernières  volontés,  son  cercueil  fut 
aspergé  d'eau  bénite. 

Sa  famille  et  deux  ou  trois  étrangers  accompagnèrent  son 
corps  au  cimetière. 

Requiescat  in  pace 

R.  G. 


CHROmOUE  DES  SOCIETES  LYRIQUES 

Pour  une  fois  Victor  n'a  pas  eu  tort.  Il  a  droit 
aux  remercîments  du  chi'oniqueur  de  La  Chanson. 

J'ai  reçu,  doublé  d'une  lettre  charmante,  un 
compte-rendu  que  je  livre  à  la  publicité  sans  en 
changer  une  syllabe  : 

Soirée  intéressante  lundi  dernier  à  la  société  des  Gais 
Momusiens. 

Les  Jurons  de  Cadillac  qu'ils  nous  ont  donnés  comme 
pièce  de  résistance,  ont  été  bien  enlevés  par"Mn>i=  Lausanne 
et  M.  Victor. 

Cette  charmante  comédie,  quoique  bien  détaillée,  eût 
cependant  gagné  à  être  un  peu  plus  étudiée  par  ses  deux 
interprètes.  Ensemble  satisfaisant  en  somme. 

Jline  Augusta,  qu'on  nous  dit  engagée  en  province,  nous  a 


LA  CHANSON 


71 


chanté  d'une  manière  très  fine,  et  surtout  très  gaie,  la  jolie 
chansonnette  Méchant!  méchante! 

M.  Alphonse  a  été  très-drôle,  notamment  dans  sa  seconde 
chansonnette,  la  chanson  si  populaire  de  i)!fartio?OM()' chantée 
par  un  Anglais. 

Si  nous  osions,  nous  conseillerions  à  M.  Marty  de  choisir 
des  récits  autres  que  la  Nîdt  terrible,  qui  ne  convient  que 
très  peu  à  son  organe...  féminin. 

M'Io  Henriette,  MM.  Dagorus,  Gaugloff  (pianiste)  Georges 
et  tutti  quanti  complétaient  la  soirée.  VICTOR. 

J'assistais  à  la  dernière  soirée  de  la  Renaissance 
(M.  Ramel  président).  C'est  vous  dire  que  je  me  suis 
amusé. 

Je  passe  brièvement  sur  la  première  partie  dans 
laquelle  se  sont  fait  entendre  de  fort  bons  amateurs, 
entre  autres  MM.  Jomain,  Raynal,  etc.,  M"°  Louise, 
la  toute  mignonne  Louise,  jeune  blonde  dont  la  jolie 
tête  d'enfant  mutin,  les  yeux  à  faire  rêver,  les  pieds 
et  les  mains  de  duchesse,  dont  le  sourire  découvre 
trente-deux  perles  enchâssées  dans  un  écrin  rosé, 
nous  fait  savourer  les  Amoureux  de  Catkerine. 

Puis  nous  arrivons  à  la  deuxième  partie.  C'est  la 
pièce  de  résistance  ;  l'armée  de  réserve  donne,  nous 
sommes  loin  de  nous  en  plaindre.  La  victoire  est 
complète.  Le  Luthier  de  Crémoniie  a  fait  florès.  Un 
premier  prix  à  chacun  des  interprètes.  M""  Doucet 
a  des  qualités  incontestables  ;  elle  dit  juste;  la  voix, 
quoique  faible,  est  très-sjmpathique  et  fait  bien 
vibrer  la  corde  sentimentale.  M.  Donckel  n'a  plus 
besoin  d'éloges  ;  disons  que  pour  cette  pièce  il  s'était 
surpassé.  M.  Moriack  n'avait  qu'un  rôle  secondaire 
dont  il  a  su  tirer  parti.  Quant  à  M.  Donckel,  sa  tâche 
était  rude.  Le  rôle  principal  lui  incombait.  On 
connaît  ce  rôle  d'amoureux  ;  c'est  sans  conteste  le 
plus  difflcultueux  de  la  pièce. 

Rien  à  redire!  Notre  plume  de  critique  nous 
échappe  des  mains  et  nous  nous  bornerons  comme 
éloges  à  la  constatation  d'un  pleur  dont  je  certifle 
l'authenticité.  A  un  moment  donné,  on  a  pu  voir  les 
grands  yeux  noirs  de  ma  voisine  de  gauche  noyées 
dans  de  douces  larmes  que  l'artiste  avait  fait  couler. 
Fi!  M.  Donckel,  que  c'est  vilain  de  faire  pleurer 
d'aussi  jolis  yeux!  A.LEROY. 

La  société  la  Gaité  française  (président  M.  Thibert) 
a  organisé  au  théâtre  de  l'Alhambra,  2.3,  faubourg 
du  Temple,  le  vendredi  15  août,  une  grande  soirée 
extraordinaire  pour  la  fondation  d'une  caisse  de 
secours.  —  L'intention  était  bonne,  mais  le  jour  mal 
choisi  et,  par  suite,  l'assistance  peu  nombreuse.  — 
Que  cette  gaie  société  ne  se  décourage  pas  :  elle  nous 
a  paru  renfermer  des  éléments  précieux  de  jeunesse 
et  de  bonne  volonté.  Prosper  TIBL\. 

La  Cordiale  donnera,  le  jeudi  1  septembre,  une 
grande  soirée  dans  son  local  ordinaire,  35,  boulevard 
Sébastopol. 

Le  samedi  6  septembre,  grande  soirée  de  réouver- 
ture AuCercle  Murger,  sous  la  présidence  de  M.Targe, 
café  du  Globe,'  8,  boulevard  de  Strasbourg. 

Le  Cercle  Musset,  sous  la  présidence  de  M.  Durrieu, 
fera  sa  réouverture  le  13  septembre  dans  son  ancien 
local,  boulevard  de  Strasbourg,  8,   Café  du  Globe. 

Le  lundi  15  septembre,  concours  de  poésie  et  de 
chants  à  La  Lyre  Bienfaisante,  9,  quai  Saint-Michel, 
sous  la  présidence  de  M.  Couvreur:  Deux  prix  de 
poésie  libre  ne  dépassant  pas  60  vers,  et  quatre 'prix 
de  chant  dont  deux  pour  les  dames  ;  à  8  heures  1/2 
précises.    ■  A.  P. 


QUATRIÈME  CONCOURS  MENSUEL 


De  La  Chansoi 


PIECE   COURONNEE 

L'ESPÉRANCE 

Pourquoi  parles-tu  d'allégresse. 
Faible  oiseau,  pauvre  prisonnier? 
Pourquoi  ces  refrains  de  tendresse. 
Ces  doux  chants  d'amour  printanier? 
Pourquoi  cette  note  si  pure, 
Ces  accents  si  mélodieux? 
Loin  des  chants,  loin  de  la  verdure. 
Captif,  hélas  !  tu  peux  donc  être  heureux  ? 

As-tu  donc  oublié  ces  rives 
Où  l'aurore,  au  souris  vermeil. 
Caressait  vos  bandes  naïves 
Saluant  son  joyeux  réveil? 
As-tu  donc  oublié  la  ronce 
Où  pendit  ton  nid  gracieux? 
Un  doux  chant,  voilà  ta  réponse  : 
Captif,  hélas!  tu  peux  donc  être  heureux? 

Tu  peux  donc,  sans  douleur  amère. 
Contempler  le  cruel  bourreau 
Qui,  malgré  les  cris  de  ta  mère. 
T'arracha  jeune  à  ton  berceau? 
Tu  peux  donc,  du  fond  d'une  cage, 
Voir  au  loin  tes  amis  joyeux 
Sans  cesser  ton  joli  ramage?.,. 
Captif,  hélas!  tu  peux  donc  être  heureux? 

Mais  que  dis-je,  ô,  quand  je  t'accuse 
D'oublier  l'air  libre  et  les  champs? 
Loin  des  cieux,  frêle  fleur  recluse, 
Tu  sour'i.^  encore  au  printemps. 
Dans  les  fers,  la  noble  espérance 
Console  ainsi  le  malheureux  : 
Bel  oiseau,  redis  ta  romance; 
Libre  demain,  tu  pourras  être  heureux! 

Oui,  demain,  d'une  aile  légère, 
Franchissant  ce  cachot  obscur, 
Tu  pourras  rejoindre  ta  mère 
Qui  t'appelle  aux  plaines  d'azur. 
Tu  pourras,  oubliant  tes  peines, 
Savourer  ce  bien  précieux 
Que  tu  chantes  malgré  tes  chaînes  : 
Libre,  demain,  tu  pourras  être  heureux! 

Comme  toi,  mais  sans  le  «comprendre, 
J'éprouvais  un  naissant  espoir. 
Quand  soudain  tu  vins  faire  entendre 
Ces  accents  au  mâle  pouvoir. 
Je  revois  les  fils  de  la  France 
Secouant  leur  joug  odieux... 
Chante  encore  ;  à  nous  l'espérance  : 
Libres  demain,  nous  serons  tous  heureux! 

-      Le  Mans.  HiPPOLYTB    DAGUET. 

Viennent  ensuite  ; 

Za  Chanson  d'autrefois,  de  M.  Octave  Pradels; 

Partons  au  bois,  de  M.  Victor  Clément. 

39  pièces  nous  ont  été  envoyées. 


72 


LA  CHANSON 


Nous  avons  reçu  la  lettre  suivante  que  nous  nous 
empressons  de  publier  : 

Malakoff-Vanves,  19  août  1879. 

Au  directeur  du  journal  La  Chanson 
Mon   cher  Patay, 

J'ai  la  salisfacUon  de  vous  annoncer  que  sur  ma  propo- 
sition, le  conseil  municipal  de  Malakoff-Vanves,  à  l'exemple 
de  celui  de  Paris,  a  volé  une  somme  de  50  francs  pour 
l'érection  de  la  statue  de  Béranger.  C'est  bien  peu  il  est 
vrai,  et  je  regrette  vivement  de  n'avoir  pu  obtenir  davantage, 
mais  notez  qu'il  y  a  en  France  36,000  communes  et  que  si 
chacune  apportait  son  obole  à  l'œuvre  si  bien  commencée 
par  La  Chanson,  ce  serait  un  joli  résultat. 

Je  vous  serre  amicalement  la  main. 

Joseph   LAVERGNE. 

Merci,  mon  cher  Lavergne,  de  votre  initiative. 
Veuillez  être  notre  interprète  près  de  vos  collègues 
que  nous  remercions  d'avoir  été  les  premiers  à 
suivre  l'exemple  du  conseil  municipal  de  Paris, 
exemple  qui,  nous  l'espérons,  sera  suivi  sinon  par 
tous  du  moins  par  un  grand  nombre,  notamment 
par  toutes  les  communes  du  département  de  la 
Seine. 

Béranger  n'a-t-il  pas  chanté  le  Curé  de  Meudon, 
l'Aveugle  de  Bagnolet,  etc.,  etc. 

A.  PATAY. 


CHOSES  ET  AUTRES 


SOUSCRIPTION  POUR  LA  TOMBE  DE   LEDUC 
Iro  Liste 

Société   des  Enfants    du  Marais  (Chaumelte 

président) 5    » 

MM.  A.  Patay,  directeur  de  La  Chanson 5    » 

J.  Lavergne,   chansonnier 1     » 

Denis . .'. 2  50 

Eugène  Baillet,  chansonnier 3     » 

Total 16  50 

La  souscription  reste  ouverte.  Nous  faisons  appel 
aux  nombreux  camarades  de  Leduc. 

La  Lice  Chansonnière,  malgré  ses  quarante-huit 
ans  d'existence  est  toujours  jeune!  Le  dimanche 
17  août  elle  baptisait  un  nouveau  membre  libre 
qu'elle  appelle  son  petit  dernier.  Il  a  nom  Rousset,  la 
face  réjouie  et  la  main  bien  ouverte  pour  recevoir 
celle  de  ses  amis.  C'est  dans  sa  jolie  propriété  de 
Saintry  près  Corbeil  que  le  néophyte  avait  convié 
ses  parrains  et  collègues  à  cet  eifet.  Ce  baptême  ne 
fut  pas  sans  dragées,  mais  en  guise  d'eau  lustrale 
l'amphytrion  avait  bel  et  bien  mis  en  chantier  une 
gentille  feuillette  d'un  certain  vin  de  la  Côte  Saint- 
Jacques  récolté  par  lui  ;  car  si  Rousset  ne  fait  pas  de 
chanson  il  fait  de  bon  vin,  agréable  compensation. 
Quant  aux  prières,  elle  ont  été  remplacées  par  de 
joyeuses  chansons.  Notre  galant  maître  des  chants 
Jeannin  avait  rimé  des  couplets  de  circonstance  qui 
avaient  pour  refrain  d'embrasser  l'aimable  hôtesse  ; 
heureuse  inspiration  dont  il  s'acquitta  très-bien. 
Cahen  a  dit  la  Châtelaine  de  Saintry,  à-propos  très- 
applaudi,  Georges  Baillet  a  célébré  le  Vin  de  la  côte 
Saint-Jacques,  puis  chacun  à  son  tour,  Lebeaux, 
Chebroux,  Robineau,  Eugène  Baillet,  Durafour, 
Flachat,  Adeline  ont  dit  avec  entrain  leurs  meilleurs 


refrains.  Nous  étions  quarante-cinq!  pauvre  feuil- 
cette!  quelle  assaut!  Elle  en  est  morte? 

Quant  à  nos  chères  et  charmantes  demoiselles 
Durafour,  je  veux  bien  vous  dire  qu'elles  ont  inter- 
prété d'une  façon  ravissante  le  répertoire  Graindor  et 
le  duo  des  Pifférari,  mais  je  ne  vous  dirai  pas  qu'elles 
ont  été  applaudies,  ce  serait  écrire  un  pléonasme. 

Tout  à  coup  l'écho  apporte  un  bruit  joyeux  de 
violon  et  de  clarinette.  C'est  Georges  Baillet, 
Adeline  et  le  jeune  Caron  qui  ont  improvisé  un 
orchestre  dans  la  grande  avenue  des  tilleuls.  En 
deux  minutes  le  bal  est  au  complet.  Là,  c'est  Eugène 
Baillet  qui  enseigne  à  M""  Durafour  la  polka  qu'il 
ne  sait  pas;  plus  loin  Labbé  exécute  un  pas  absolu- 
mentignoré  des  chorégraphes  académiques.  Chebroux 
fait  à  Cahen  un  vis-a-vis  quelque  peu  dégingandé. 
On  remarque  l'absence  du  directeur  de  La  Chanson.: 
Patay,  un  de  nos  plus  joyeux  danseurs,  qui  avait  été 
invité;  il  manque  au  tableau.  Georges  Baillet  dirige 
son  orchestre  à  la  vapeur,  pas  d'arrêt,  en  avant 
deux  1  Bravos  !  l'orchestre ,  nos  musiciens  sont 
superbes,  et  nos  dames  donc!  quel  entrain!  Che- 
broux l'a  dit  : 

Ce  n'est  pas  un  bouquet  de  fleurs, 
.  C'en  est  tout  un  parterre. 

et  pendant  ce  temps-là,  Jeannin,  grimpé  dans  un 
arbre,  et  Lebeaux,  qui  ne  peut  se  livrer  à  nos  plaisirs, 
contemplent  leurs  vieux  amis  devenus  de  jeunes 
gamins,  pQur  cette  fois  seulement.  C'est  au  chant  du 
chœur  de  la  Lice  que  s'est  effectué  le  retour.  Vous 
reviendrez,  j'espère,  -nous  crie  Rousset.  Allons  !  La 
Lice  a  encore  de  la  joie  et  du  bon  vin  sur  la  planche 
de  l'avenir!  E.   B. 

Le  conseil  municipal  de  Lons-le-Saulnier  vient 
de  délibérer  sur  l'érection  d'une  statue  à  Rouget  de 
l'Isle. 

Le  conseil  a  voté  en  principe  l'érection  de  cette 
statue  et  a  décidé  qu'il  sera  constitué  un  comité 
provisoire,  composé  des  sénateurs  et  députés  dp. 
Jura  et  des  membres  du  conseil  municipal  de  Lons- 
le-Saulnier. 

Ce  comité  sera  chargé  d'examiner  dans  quelles 
conditions  ce  monument  devra  être  élevé,  et  d'orga- 
niser à  cet  effet  une  souscription  nationale*. 

Nous  apprenons  la  fondation  d'un  orchestre 
d'amateurs  sous  le  nom  de  Société  symphonique 
Les  Trouvères. 

Le  siège  est  9,  'place  du  Château-d'Eau,  maison 
Orange.  Cette  société  qui  compte  déjà  une  trentaine 
de  membres  adhérents,  fait  appel  aux  amateurs, 
violoncelles,  altos,  hautbois  et  bassons. 

Le  chef  d'orchestre  est  M.  Jules  Raux. 

Le  bruit  court  que  le  nom  d'André  Gill,  le  spirituel 
caricaturiste,  doit  figurer  sur  la  première  liste  des 
promotions  dans  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur. 
Certain  que  cette  nouvelle  se  réalisera,  nous  féli-  - 
citons  le  Ministre  des  Beaux-Arts  et  le  vaillant 
artiste. 

Vient  de  paraître  à  notre  librairie,  en  vente  au 
profit  de  la  Souscription  Béranger,  la  conférence 
faite  par  Jules  Claretie,  au  théâtre  du  Château-d'Eau, 
à  la  matinée  Béranger.  Prix  :  1  franc. 

Dans  notre  prochain  numéro  nous  parlerons  de 
toutes  les  publications  qui  nous  ont  été  envoyées. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2'  ANNKB.  —  N'  28. 


16  SEPTEMBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
&(m&  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l"<5cle  16  de  chaque  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.  LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,  18 


RÉDACTEUR  EN  ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  Galerie  des  Cliansonniers,  Desrousseaux  (l.-iienri  lecomte).  —  La  Chanson  d'autrefois  (octave 

Canchon-Dormoire  ou  le  Petit  Quinquin,  paroles  et  musique  de  desrousseaux.  —  Bnrcarolle,  paroles  de  g.  nardin,  musique 
de  ciiARt.Es  JAUME.  —  Bunquet  du  Caveau  (l.-henry  lecomte).  —  Banquet  de  la  Lice  Chansonnière  (eug.  imbert).  — 
Correspondance  (uenri  rtjbois).  Chronique  des  Sociétés  lyriques.  —  choses  et  autres. 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS   :  DESROUSSEAUX 


Depuis  un  tem|is  im- 
mémorial, au  Mardi- 
Gras  et  à  la  Mi-Carôme, 
des  ouvriers  masqués 
parcourent,  dans  l'a- 
pr(Js-midi,  les  rues  de 
Lille,  en  chantant  et 
vendant  des  couplets 
qui  retracent  les  faits 
principaux  de  l'année 
écoulée.  Ces  couplets, 
composés  d'ordinaire 
par  des  gens  illet- 
trés, sont  exclusive- 
ment écrits  en  patois 
lillois. 

En  1838,  A.  Desrous- 
seaux, qui  avait  alors 
près  de  dix-huit  ans, 
mit  en  chansons  trois 
types  populaires  :  le 
Marchand  de  pommes 
de  terre,  la  Faiseuse  de 
café  et  le  Marchand  de 
chansons.  Le  jour  du 
Mardi-Gras,  l'auteur, 
costumé  en  marchand 
de  chansons,  et  deux 
de  ses  amis,  transfor- 
més, l'un  en  marchand 
de  pommes  de  terre, 
l'autre  en  diseuse  de 
bonne  aventure,  mon- 
tèrent dans  une  voitu- 
re découverte,  sur  le 
devant  de  laquelle  se 
trouvait  un  tambour  et  derrière  quelques  musiciens, 
et  parcoururent  la  ville  en  chantant,  ou,  pour  mieux 
dire,  en  jouant  chacun  son  personnage.  Les  chan- 
sons de  Desrousseaux.  quoique  assez  mal  faites, 
étaient  cependant  meilleures  que  la  plupart  de 
celles  qui  se  débitaient  pendant  le  Carnaval.  Elles 


furent  enlevées  en  quel- 
ques heures  et  devin- 
rent promptement  po- 
pulaires. Deux  ans  plus 
tard,  Desrousseaux  fai- 
sait vendre,  dans  une 
circonstance  analogue, 
quelques  autres  pro- 
ductions, parmi  lesquel- 
les le  Spectacle  gratis 
dont  nous  reparlerons 
plus  loin  :  même  succès 
pour  le  jeune  rimeur. 
L'heure  de  la  cons- 
cription était  sonnée. 
Les  parents  de  Des- 
rousseaux n'auraientpu 
le  remplacer  qu'en  y 
employant  tout  leur 
avoir;  il  ne  voulut  pas 
accepter  un  aussi  grand 
sacrifice.  Le  jour  du 
tirage  au  sort,  sa  mère, 
consultant  son  cœur 
plutôt  que  sa  raison,  lui 
glissa  dans  la  poche 
une  de  ces  coiffes  ou 
membranes  que  cer- 
tains enfants  ont  sur  la 
tête  en  venant  au  mon- 
de et  qui  sont  réputées 
porterbonheur  non-seu- 
lement à  leurs  proprié- 
taires naturels  —  d'où 
le  proverbe  :  être  né 
coiffé  —  mais  encore, 
dans  certains  cas  particuliers,  à  ceux  qui  les  détien- 
nent momentanément.  Malgré  la  peau  divine  — 
c'est  ainsi  qu'on  appelle  à  Lille  cette  espèce  de 
talisman, —  dans  un  canton  où  le  numéro  150  était 
mauvais,  Desrousseaux  tira  bravement  le  numé- 
ro 72. 


74 


LA  CHANSON 


Prenant  sa  mésaventure  avec  philosophie,  Desrous- 
seaux  adressa  à  ses  amis  de  la  société  des  Fils  de 
Béranger  une  chanson  intitulée  Mes  Adieux,  dont 
Toici  le  refrain  : 

Je  vais  partir,  ainsi  le  veut  la  loi, 
Mes  bons  amis,  penserez-vous  à  moi? 

Puis  il  entra  au  46°  de  ligne,  où  il  passa  sept  ans 
à  jouer  de  la  clarinette  et  du  violon,  à  donner  des 
leçons  de  solfège  aux  enfants  de  troupe  ou  aux  élèves 
musiciens,  et  à  faire  danser  les  soldats,  c,ar,  ainsi 
qu'il  le  dit  dans  une  chanson  autobiographique 
encore  inédite  : 

Dins  tout'  caserne,  in  France, 

On  trouve  euu'sall'  de  danse. 

Desrousseaux  tint,  en  outre,  l'emploi  de  violon 
dans  les  théâtres  ou  les  bals  de  diverses  villes  de 
garnison,  notamment  à  Paris.  Il  écrivait  alors,  de 
loin  en  loin,  des  romances  qu'il  trouvait  lui-même 
détestables  et  qui,  pour  cette  raison,  n'ont  jamais  vu 
le  jour. 

De  retour  à  Lille,  vers  la  fin  de  1847,  Desrousseaux 
entra  au  Mont-de-Piété  comme  surnuméraire  avec 
l'espoir  d'obtenir  promptement  un  emploi  lucratif. 
Ses  économies  s'épuisèrent  cependant  avant  que  son 
rêve  se  réalisât.  Heureusement,  un  soir,  il  fit  par 
hasard  la  rencontre  d'un  ami  qui  le  conduisit  au 
Cercle  Lyj-ique,  réunion  chantante  très  en  vogue. 
Le  bruit  s'étaut  répandu  que  l'auteur  du  Spectacle 
g7-atis  assistait  au  concert,  le  président  invita  Des- 
rousseaux à  dire  cette  chanson  qui,  pendant  son 
absence  et  à  son  insu,  était  devenue  populaire. 

—  Mais,  objecta  le  chansonnier,  je  n'ai  jamais 
chanté  en  public,  et  mon  œuvre  n'est  pas  entière- 
ment présente  à  ma  mémoire. 

—  Qu'importe  !  répondirent  cent  voix  ;  on  vous 
soufflera  :  nous  la  savons  tous. 

Conduitde  force  au  piano,  Desrousseaux  s'exécuta 
et  obtint  un  succès  colossal.  Enivré  par  les  applaudis- 
sements qui  retentissaient  pour  la  première  fois  à 
son  oreille,  il  rentra  chez  lui,  la  tête  en  feu,  et  ne 
se  coucha  qu'après  avoir  composé  sa  chanson  des 
Amours  de  Jeannette  et  de  Girotte  qui  est  encore  une 
de  ses  meilleures  productions.  Il  en  écrivit  quelques 
autres  les  jours  suivants,  et  alla  les  chanter  au  même 
Cercle  où  des  soirées  musicales  avaient  lieu  tous  les 
lundis.  Séance  tenante,  on  ouvrit  une  souscription 
destinée  à  couvrir  les  frais  d'un  petit  recueil  des 
chansons  de  Desrousseaux. 

Cette  publication  eut  une  influence  décisive  sur 
la  destinée  de  notre  chansonnier.  Bien  que  tirée  à 
plusieurs  milliers  d'exemplaires,  la  première  édition 
fut  promptement  épuisée.  Un  riche  négociant, 
adjoint  au  maire,  grand  collectionneur  d'objets  de 
toute  nature  se  rattachant  à  l'histoire  de  Lille,  se 
procura  l'opuscule  de  Desrousseaux  et  exprima  le 
désir  de  posséder  un  autographe  de  l'auteur.  Celui- 
ci  s'empressa  de  satisfaire  à  cette  demande.  Instruit 
de  la  position  précaire  de  Desrousseaux.  l'honorable 
négociant  craignit  de  le  voir  quitter  Lille,  et,  sur  sa 
recommandation,  le  poète  entra  d'abord  au  comptoir 
d'Escompte,  puis,  un  peu  plus  tard,  à  l'Hôtel-de- 
Ville  où,  après  avoir  été  simple  expéditionnaire, 
sous-chef  et  chef  de  bureau,  il  dirige  actuellement 
l'important  service  de   l'octroi. 

Le  premier  recueil  de  Desrousseaux,  publié  en 
1848,  a  été  suivi  d'un  second  puis  d'un  troisième, 
en  1849.  Quatre  volumes  et  quelques  livraisons  d'un 


cinquième  ont  été  édités  plusieurs  fois,  de  1857  à 
1873,  sous  ce  titre  :  Chansons  et  Pasquilles  lilloises. 
Ils  abondent  en-  œuvres  pleines  de  verve  et  d'un 
franc  esprit.  Le  Parrainage,  les  Tables  tournantes, 
r  Garchon  de  Lille,  le  Jour  des  Noces,  les  Vieilles 
Croyances,  le  Café,  la  Rattacheuse,  Liquette,  le  Mont- 
de-Piété;  Jean  Gilles  et  cent  autres  sont  des  tableaux 
populaires  très-vrais  et  d'une  gaîté  communicative. 
Comme  la  plupart  des  anniens  chansonniers, 
Desrousseaux  n'employa  d'abord  que  des  airs  connus. 
Quoique  musicien,  il  ignorait  posséder  une  source  de 
mélodie.  Un  Jour,  ayant  écrit  d'un  jet  sa  fameuse 
Canchon-Dormoire ,  berceuse  communément  appelée 
le  Petit  Quinquin.  que  nous  publions  dans  ce  numéro, 
il  chercha  vainement  à  y  adapter  un  pont-neuf  quel- 
conque et  se  vit  forcé,  bien  à  regret  (ce  mot  est  de 
lui)  de  noter  l'air  nouveau  qui  lui  vint  en  tête.  Trop 
modeste,  Desrousseaux  craignait  que  sa  musique 
nuisît  aux  paroles.  Il  se  décida  cependant  à  inter- 
préter lui-même  sa  chanson  en  public  :  l'auditoire  fut 
éleotrisé.  Cinq  cents  voix  répétèrent  en  chœur  ce 
refrain  à  la  fois  si  simple  et  si  original  qui  peut  laisser 
froids  ceux  qui  ne  connaissent  pas  les  mœurs  de 
l'ancienne  capitale  de  la  Flandre,  mais  qui  alla  droit 
au  cœur  des  Lillois  : 

Dors,  min  p'tit  quinquin, 
Min  p'iit  pouo.hin, 
Min  ffros  rojin  ; 

Te  m' l^ras  du  chagrin 

Si  te  n'  dors  point  qu'à  d'main. 

Pendant  une  grande  partie  de  la  nuit,  des  jeunes 
gens  se  promenèrent  dans  la  ville  en  chantant 
l'œuvre  de  Desrousseaux.  Un  mois  plus  tard,  tout 
Lille  connaissait  l'air  du  Petit  Quinquin.  Arrangé 
maintes  fois  en  pas  redoublé,  en  polka,  en  quadrille, 
il  a  depuis  longtemps  fait  son  tour  de  France,  et 
bon  nombre  de  nos  musiques  militaires  l'on  exécuté 
en  Afrique,  en  Italie,  en  Crimée,  en  Chine  et  ailleurs. 
Depuis  lors,  Desrousseaux  a  composé  la  plupart  des 
airs  de  ses  chansons.  Presque  tous,  d'une  facture 
particulière  et  d'un  rhythme  facile,  ont  acquis  une 
grande  popularité  dans  le  Nord  et  ont  aussi  été 
arrangés  en  quadrilles  et  en  pas-redoublés  pour 
orchestre  et  pour  piano. 

Desrousseaux,  qui  possède  une  jolie  petite  voix  de 
ténor,  interprète  ses  œuvres  avec  beaucoup  de  goût 
et  d'esprit.  Pendant  plus  de  vingt  ans,  il  a  pris  part 
à  des  concerts  de  bienfaisance  dans  quantité  de  villes 
du  Nord  et  du  Pas-de-Calais.  Son  nom  sur  une  affich;e 
était  une  raison  de  recette.  Que  d'infortunes  il  a 
soulagées  de  la  sorte  ! 

Ce  n'est  pas  à  Desrousseaux  qu'on  peut  appliquer 
le  proverbe  :  Nul  n'est  prophète  en  son  pays.  La 
société  des  Lettres  et  des  Sciences  de  Lille  lui  a 
décerné,  dans  une  séance  solennelle,  une  médaille 
d'or.  Tous  les  journilistes  de  cette  même  ville,  se 
sont  occupés  de  lui  comme  chansonnier,  musicien  et 
chanteur.  Il  est  cité  dans  toutes  les  publications 
ayant  trait  à  l'histoire  locale  et  occupe,  notamment, 
une  très-belle  place  dans  la  Biographie  lilloise  de 
H.  Verly.  Dans  une  pièce  en  un  acte  intitulée  les 
Chansons  de  Desrousseaux,  que  M.  Géry-Legrand  a 
publiée  et  a  fait  représenter  au  théâtre  de  Lille,  se 
trouve  le  rondeau  suivant,  qui  complétera  fort  agréa- 
blement la  partie  critique  de  notre  travail  : 
Air  :  des  Comédiens. 
Lisez,  mon  cher,  le  poète  de  Lille, 
Le  chansonnier  au  charme  merveilleux, 


LA  CHANSON 


75 


Car  Desrousseaux  transmet,  dans  notre  ville, 
A  nos  enfants  l'esprit  de  nos  aïeux. 

C'est  grâce  à  lui  que  la  chanson  patoise 

A  refleuri  dans  l'arrière-saison. 

Il  ralluma  celte  verve  gauloise 

Qui  semblait  morte  avec  Brûle-Maison.  (1) 

Son  cadre  étroit  offre  une  œuvre  complète  : 
L'humour  et  l'art  y  brillent  tout  entiers, 
Et  l'on  retrouve  aux  tons  de  sa  palette 
Une  couleur  d'Ostade  et  de  Téniers, 

Peintre  flamand,  il  rend  d'après  nature. 
Ainsi  qu'ils  sont,  les  hommes  et  les  lieux; 
A  la  Kermesse  ou  dans  la  filature 
Il  a  trouvé  tous  ses  refrains  joyeux. 

Refrains  chéris,  vous  avez  su  distraire 
Les  longs  labeurs  dans  les  noirs  ateliers... 
0  Desrousseaux,  ta  muse  populaire 
Vivra  toujours  au  cœur  des  ouvriers  ! 

Ta  folle  muse,  effrontée  et  narquoise. 
Semble  de  tout  aimer  à  se  moquer. 
Aux  fats,  aux  sots,  elle  vient  chercher  noise. 
Mais  sous  son  rire  on  sent  ses  pleurs  couler... 

Ta  jeune  muse  a  des  grâces  d'aïeule 
Quand  le  vieux  temps  par  elle  est  raconté. 
Et  sa  chanson,  qui  n'est  jamais  bégueule. 
Brille  toujours  par  son  honnêteté  ! 

Sur  le  Béduit  (2)  comme  sur  la  Placette,  (3) 
On  peut  sans  peur  suivre  partout  ses  pas... 
Sa  probité  se  révèle  à  Tlirinctte, 
Son  cœur  ému  frémit  chez  Cassc-Bras.' 

Lille  en  est  fière  et  toujours  ta  mémoire, 
Poète  heureux,  vivra  dans  ta  cité  ; 
Ah  !   chante  encor,  chante  sa  vieille  gloire. 
Son  vieil  honneur,  sa  vieille  liberté. 

Lisez,  mon  cher,  le  poète  de  Lille^ 
Le  chansoimier  au  charme  inerveilleux. 
Car  Desrousseaux  transmet,  dans  notre  ville, 
A  nos  enfant  l'esprit  de  nos  aïeux. 

Plusieurs  cabaretiers  ont  pris  pour  enseigne» 
des  titres  des  œuvres  principales  de  Desrousseaux. 
Un  faïencier  a  fait  quatre  douzaines  d'assiettes 
imprimées,  reproduisant  autant  de  scènes  de  ses 
'  chansons  ou  pasquilles.  En  même  temps  qu'il  met- 
tait dans  le  commerce  une  pipe  représentant  le 
général  Faidherbe,  un  fabricant  de  pipes  livrait 
également  aux  fumeurs  du  Nord  la  tête  du  chanson- 
nier. Enfin,  et  c'est  ce  à  quoi  il  paraît  tenir  le  plus, 
Desrousseaux  est  estimé,  on  peut  même  dire  aimé 
de  tous  ses   concitoyens. 

Si  Jasmin  et  Mistral  sont  dignes 

De  voir  leur  patois  applaudi 

Alors  qu'il  chantent  au  Midi, 

Desrousseaux  a  les  mêmes  titres 

Devant  d'équitables  arbitres 

Pour  qu'on  applaudisse  aussi  fort 

Ses  chefs-d'œuvre  en  patois  du  Nord. 

Nous  sommes  entièrement  de  l'avis  exprimé  dans 
ces  vers  par  N.  Martin,  et  nousvenons  de  le  prouver 
en  racontant  dans  La  Chanson  le  poète  lillois.  Nous 
n'espérons  sans  doute  pas  faire  chanter  en  public  ses 
œuvres  à  Paris,  où  le  dialecte  dont  il  se  sert  est  incon- 
nu ;  mais,  leur  lecture  n'étant  pas  plus  difficile  que  celle 
des  vieux  auteurs   français,  notre  devoir  était  de 


(!)_  Chansonnier   Lillois  du    XVIII"   siècle,    dont   nous    donnerons 
«Itérieuremftnt  la  biographie, 
(2  et  3)  Quartier»  populaireB. 


signaler  les  C/iansons  et  Pasquilles  lilloises  aux 
amateurs  de  linguistique  ainsi  qu'à  tous  ceux  qui, 
en  littérature  comme  en  musique,  aiment  ce  qui 
sort  des  sentiers  battus. 

Nous  avons  annoncé,  dans  notre  numéro  du 
16  août,  la  réception  de  Desrousseaux  comme 
membre  honoraire  de  La  Lice  Chansonnière.  Par  un 
singulier  effet  du  hasard,  le  numéro  du  diplôme  qui 
lui  confère  ce  titre  est  le  malencontreux  72  qu'il  tira 
jadis  au  sort.  Nous  nous  féliciterions  que  cette 
rencontre  inspirât  à  Desrousseaux  la  résolution  de 
prendre  du  service  actif  dans  la  milice  chansonnière 
de  Paris.  Il  a  l'esprit,  la  franchise,  le  large  rire,  trois 
bonnes  armes  pour- porter  à  nos  ridicules  et  à  nos 
abus  des  coups  victorieux. 

L.-HisNRv  LECOMTE. 


LA   CHANSON    D'AUTREFOIS 

Air  à  faite. 

Sainte  chanson,  qui  désertas  la  France, 
Les  temps  sont  loin  où  tes  hardis  couplets 
Fêtaient  l'amour,  la  gloire  et  l'espérance 
Et  couronnaient  tous  les  joyeux  banquets  ! 
Jours  regrettés  où  les  âmes  françaises 
A  tes  accents  savaient  se  souvenir... 
Où  les  flonflons  étaient  des  Marseillaises 
Qui  découvraient  les  champs  de  l'avenir! 
Reviens,  chanson  !  à  ton  charmant  empire 
Assujettir  encor  tes  fils  gaulois... 

Rends-nous  le  sain  et  joyeux  rire... 

Rends-nous  les  refrains  d'autrefois  ! 

Nos  bons  aïeux  savaient  vider  leurs  verres  ; 

A  tour  de  rôle  ils  disaient  sans  façon 

Tes  gais  refrains...  puis  embrassaient  nos  mères, 

Et  nous  naissions,  parfois,  d'une  chanson. 

Chantant  le  vin,  nos  pères  savaient  boire... 

Sachant  aimer,  ils  chantaient  les  amours... 

Et  le  Grenier  et  la  Mh-e  Grégoii-e 

Valaient  pour  eux  plus  que  nos  longs  discours  ! 

Reviens,  chanson!  etc. 

Le  thème  était  l'amour  de  la  patrie  ! 

Et  soit  qu'il  but  à  son  drapeau  vainqueur. 

Soit  qu'il  pleurât  la  liberté  flétrie... 

Quand  l'un  chantait,  tous  reprenaient  en  chœur. 

Que  c'était  beau  !  D'une  énergique  ronde 

Les  fiers  accents  vibraient  à  l'étranger! 

Tous  nos  couplets  faisaient  le  tour  du  monde  ; 

La  France  alors  s'appelait  :  Déranger  ! 

Reviens,  chanson  !  etc. 

En  vain,  chez  nous,  quittant  ta  flère  trace, 
Des  airs  bâtards  ont  usurpé  ton  nom. . . 
Ils  vont  mourir,  découvre-toi  la  face 
Et  chez  tes  fils  reviens,  noble  chanson  ! 
Il  faut  des  chants  à  la  France  nouvelle, 
Pour  ses  festins  comme  pour  ses  combats  : 
Qu'Anacréon  ressuscite  pour  elle 
Et  qu'un  Tyrtée  enfiamme  ses  soldats  ! 

Reviens,  chanson!  à  ton  charmant  empire 

Assujettir  encor  tes  fils  gaulois. 

Rends-nous  le  sain  et  joyeux  rire. 
Rends-nous  les  refrains  d'autrefois! 

Octave  PRADELS. 


76 


LA  CHAJNfSON 


CÂNCHON-DORMOIRE   OU    LE    PETIT-QUINQUIN 

Berceuse  populah'e  lilloise 


Paroles     et    musique    de    DESROIISSE41IX. 


te„D'dors    point  qu'à   d'maia.     Ainsi,  iiiut' jour,  enn'   pauv'    din   _  tel ,-.  lié  -   re,         la     a  _  mi  _.clOi. 


tant.       sia.         p'.tit        gar  _  chon    .     Qui, _d  puis    tro3  .quarts  .  d'hea  _.  re    .n'fai.-i  Jot    qn'braire. 


Si    les    sache    efqu'lo  fais"  do, do. 


«  Dors  min  p'Iit  quinquin  (1), 

Min  p'tit  pouchin. 

Min  gros  rojin  ; 
Te  m'  fras  du  chagrin, 
Si  te  n'  dors  point  qu'à  demain. 


«  Ainsi,  l'aut'  jour,  eun'  pauv'  dintellière, 
In  amiclotant  (2)  sin  p'tit  garchon. 
Qui  d'puis  tros  quarts  d'heure,  n'  faijot  qu'  braire  (3), 
Tachot  d'  l'indormir  par  eun'  canchon, 
EU',  li  dijot  :  «  Min  Narcisse, 
D'main  t'aras  du  pain  n'épice, 

Du  chue  à  gogo, 
Si  t'es  sache,  et  qu'  te  fais -dodo. 
«"Dors,  etc... 

«  Et  si  te  m'  ]aich'  faire  eun'  bonn'  semaine, 
J'irai  dégager  tin  biau  sarrau, 
Tinpataîon  d'  drap,  tin  giliet  d' laine... 
Comme  un  p'tit  milord  te  s'ras  farrau! 
J'  t'acat'rai,  l' jour  de  1'  ducasse  (4), 
Un  porichineir  cocasse, 

Un  terlututu, 
Pour  juer  l'air  du  Capiau-pointu . . . 
«  Dors,  etc.. 


«  Et  si  par  hasard  sin  maîte  s'  fâche, 
Oh'est  alors  Narciss'  queAious  rirons! 
Sans  n'n  avoir  invi,  j'  prindrai  m'n  air  mâche  (7), 
J' li  dirai  sin  nom  et  ses  sournoms, 
J'  li  dirai  des  faribolles, 
I  m'in  répondra  des  drôles, 

Infin,  un  chacun 
Verra  deu-t  postac'  au  lieu  d'un. ..  » 
d  Dors,  etc.. 

«  Allons  serr'  tes  yeux,  dors  min  bonhomme, 
J'  vas  dire  eun'  prière  à  P'iit-Jésus, 
Pour  qu'i  vienne  ichi,  pindant  tin  somme, 
T'  fair'  rêver  qu'  j'ai  les  mains  plein's  d'écus. 
Pour  qui  t'apporte  eun'  coquille,  (8) 
Avec  du  chirop  qui  guille  (9) 

Tout  r  long  Q  tin  minton... 
Te  pourléqu'ras  tros  heur's  de  long  !  » 
«.  Dors,  etc.. 


«  Nous  irons  din  1'  cour  Jeannette-â-Vaques,  g^ 
Vir  les  marionnett's.  Comme  te  riras, 
Quand  t'intindras  dire  :  •  Un  doup'  pou'  Jacques/  (5) 
Pa'l'  porichinell'  qui  pari'  magas!...  (6) 
Te  li  mettras  dms  s'  menotte, 
Au  lieu  d'  doupe,  un  rond  d'  carote  ! 
I  t'  dira  :  Merci  f... 
Pins'  comm'  nous  arons  du  plaisi  !  » 
«  Dors,  etc.. 

Ni  les  marionnett's,  ni  1'  pain  n'épice 
N'ont  produit  d'effet .  Mais  V  martinet 
A  vit'  rappajé  (12)  1'  petit  Narcisse, 
Qui  craingnot  d'  vir  arriver  1'  baudet. 
Il  a  dit  s'  canchon-dormoire...  (13) 
S'  mère  l'a  mis  dins  s'n  ochennoire,  (14) 

A  r'pris  sin  coussin  (15), 
Et  répété  vmgt  fos  che  r'frain  : 
«  Dors  etc. 


«  Le  mos  qui  vient,  d'  Saint- Nicolas,  ch'est  1'  fiête, 
Pour  sûr,  au  soir,  i  viendra  t'  trouver. 
1 1'  f  ra  un  sermon,  et  t' laich'ra  mette 
In  d'zous  du  balot  (10),  un  grand  painnier. 
I  r  rimplira,  si  t'es  sache, 
D'  séquois  qui  t'  rindront  bénache  (11), 

Sans  cha,  sin  baudet 
T'invoira  un  grand  martinet. 
«  Dors,  etc.. 


(1)  Om'nyuin.  diminutif  lie  Kind,  mot  flamaad  signifiant  :  enfant  ;  par  conséquent  :  enfantelet,  fanfaa.  En  général,  pour  les  mères  qui  l'emploient, 
quinquin  est,  ainsi  ^ue  pouchin  (poussin)  et  rojin  'rai<tia)  un  mot  d  amitié  sans  signification  précise.  (2)  Amicloter.  Dodeliner,  câliner.  (3)  Pleurer 
€  Li  uns  brait  et  l  autre  kuie.  •  L'un  pleure  et  l'autre  crie  —  R3nait-la-nouvel,  par  J.  Houdoy.  (4)  Je  t'achèterai  à  la  Kermesse.  ^5)  Un  liard 
pour  J&cgues.  Doupe  (liard  ;  Jacques  est  le  surnom  de  Polichinelle.  (6)  Parler  à  la  manière  des  enfants,  en  disant  ze  pour  je,  etc.  (7)  Méchant. 
(8)  Coauille  —  gâteau  de  NoBl.  (9)  Sirop  qui  coule;  quiller  pour  couler  ne  se  dit  que  des  matières  épaisses,  telles  que  le  sirop,  l'huile,  etc. 
(10)  Balot,  tuyau  de  cheminée.  (Il)  De  choses  (te'jiioi's)  qui  te  feront  plaisir,  te  rendront  bien  aise.  (12)  Apaisé.  (13)  Canchon-Dormoire.  Toute 
chanson  dite  pour  endormir  un  enfant;  par  «xterision,  mots  inintelligibles  que  chantonnent  ordinairement  les  enfants  lorqu'on  les  endort, 
lij  Ochennoire,  berceau.  (15;,   Coussin,  carreau  ou  métier  de  dentellière. 


LA  CHANSON 


77 


BARCAROLLE 


de    Bi! 


et   de    Neufchâtel 


Musique  de  Charles  JAUME 
And^"- J-:48.- 


AÎS       '    fil    de  l'eau.  Au         fil    de     Teau- 


Penche  sur  ma  poitrine 
Ton  doux  front,  ma  divine  : 
Veux-tu,  le  temps  est  beau, 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fil  de  l'eau  I 

Sur  l'onde  qui  s' étoile 
Au  soleil,  notre  voile 
Semble  une  aile  d'oiseau. 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fil  de  l'eau! 

Pour  que  plus  doux  il  flotte, 
Amour,  malin  pilote. 
Conduit  notre  bateau. 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fil  de  l'eau  I 

Ta  bouche,  fraise  mûre, 
A  comme  le  murmui'e 
Suave  du  roseau. 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fil  de  l'eau  ! 

Le  lac  sommeille.  Admire 
Le  flot  clair  où  se  mire 
La  vigne  du  coteau. 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fli  de  l'eau  ! 


Ta  chevelure  belle 
A  la  brise  s'emmêle, 
Comme  un  blond  écheveau. 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fil  de  l'eau  ! 

Que  ta  lèvre  est  brûlante! 
Dieu  !  ta  gorge  tremblante 
Bondit  comme  un  agneau  ! 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fil  de  l'eau  ! 

Comme  ton  œil  bleu  brille! 
Puisque  tes  bras,  gentille, 
M'ont  pris  dans  leur  étau, 

—  Laissons  aller  la  frêle 

Nacelle 
Au  fil  de  l'eau  ! 


G.    NARDIN. 


L. -Henry  Lecomte  m'tidresse  la  lettre  suivante. 
Paris,  le  i  septembre  1879 
Mon  cher  Païay, 

Bien  qu'il  ait  été  dit,  au  déhul  de  Lu  Chmison,  que  les 
opinions  les  plus  dissemblables  pounaienl  ùlre  librement 
exprimées  dans  ses  colonnes,  nombre  de  personnes  paraissent 
vouloir  me  rendre  responsable  de  la  lolalilé  des  articles 
qu'elle  contient.  Cette  interprétation  fausse  a  eu  et  peut 
avoir  encore  pour  moi  des  conséquences  fâcheuses.  Permettez- 
moi  donc  de  déclarer  nettement,  dans  La  Chanson  même, 
que  j'entends  n'accepter  la  responsabilité  que  des  seuls 
articles  publiés  avec  ma  signature. 
Je  vous  serre  la  main, 

L.-HENnv  LECOMTE. 

Il  demeure  entendu,  mon  cher  Lecomte,  que 
chaque,  écrivain  est  seul  responsable  de  ce  qu'il 
signe.  En  fondant  la  Chanson,  mon  but  à  été  de  créer 
une  tribune  vraiment  libre  où  chacun  pût  exprimer 
sa  pensée.  Si  La  Chanson  était  politique,  j'aurais  eu 
soin,  comme  directeur,  de  lui  donner  l'unité  voulue, 
et  la  ligne  tracée  eût  été  infiexiblement  suivie. 
Partisan  de  toutes  les  libertés,  j'ai  voulu  accueillir 
les  idées  les  plus  divergentes,  fussent-elles  contraires 
à  mes  propres  opinions. 

Je  m'empresse,  mon  cher  Lecomte,  de  saisir' 
l'occasion  qui  m'est  offerte  de  vous  remercier  publi- 
quement du  précieux  concours  que  vous  m'ayez 
prêté  jusqu'à  ce  jour  comme  rédacteur  en  chef,  et 
que  je  vous  prie  de  vouloir  bien  me  continuer. 

Encore  une  fois  —  la  dernière,  —  les  auteurs 
répondent  seuls  littérairement  de  leurs  œuvres,  et 
la  responsabilité  de  la  direction  de  La  Chanson,  m'in- 
combe tout  entière. 

Cordiale  poignée  de  main. 

A.  PATAY. 


78 


LA  CHANSON 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTÉRAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  5  SEPTEMBRE 

Le  banquet  du  Caveau  a  eu  lieu,  l'autre  soir,  dans  des 
conditions  particulières.  La  salle  ordinaire  des  festins  étant 
en  l'éparation,  les  convives  ont  dû  se  résigner  à  prendre 
place  dans  le  salon  commun  du  rez-de-chaussée.  Séparés 
du  public  par  un  simple  paravent,  poursuivis  de  regai'ds 
curieux,  les  coudes  serrés  et  les  genoux  heurtés,  les  mem- 
bres du  Caveau  ont  fait  contre  fortune  bon  cœur,  et  la 
séance  de  chants,  pour  n'être  pas  bien  longue,  n'en  a  pas 
moins  offert  un  réel  intérêt. 

M.  Eugène  Grange,  prenant  pour  thème  la  question  pen- 
dante du  divorce  a  écrit  un  de  ces  toasts  spirituels  et  de 
forme  irréprochable  dont  il  est  coutumier.  Il  concluait  à 
l'indissolubilité  du  mariage  contracté  entre  la  Chanson  elle 
Caveau.  Quelle  loi  pourrait  porter  le  trouble  dans  ce  bon 
ménage  ? 

Couplets  bien  tournés  du  célèbre  Duprez  sur  ce  dicton 
prudent  :  N'éveiUez  pas  le  chat  qui  dort.  M.  Edouard 
Granger  reprend  l'exclamation  du  mélancolique  Hamlet  : 
Des  mots,  des  mots  f  poav  en  tirer  des  déductions  gaies. 

M.  Jullien  envoie  un  souvenir  agréable  à  sa  Madeleine. 
M.  Piesse,  en  biographiant  les  Abbés  galants,  donne  un 
pendant  réussi  à  sa  chanson  ies  .  Abbés  chansonniers. 
M.  Liorat  chante  une  boutade  excellente  sous  ce  titre  :  Y  a 
du  monde.  IL  Eugène  Grange  retrouve  dans  sa  mémoire 
certaine  Frisette,  proche  parente  de  Lisette  et  de  Mimi 
Pinson,  et  célèbre  ses  charmes  et  ses  qualités  d'une  façon 
tout  aimable.  M.  Montariol  adresse  à  ce  très-jeune  Victor, 
que  les  bonapartistes  voudraient  coiffer  d'une  couronne  si 
lourde,  une  série  de  questions  dictées  par  un  sentiment 
honnête  jusqu'à  la  naïveté,  supposant  avec  vraisemblance 
que  les  partisans  du  jeune  homme  le  pousseront  un  jour  au 
crime,  ne  s'écrie-t-il  pas 

Dis-moi,  Victor,  dis-moi  le  feras-tu? 

Hé  !  sans  doute,  si  le  dit  Victor  accepte  le  rôle  de  prétendant. 
Est-il  un  prétendant  qui  ne  soit  poui'  tout  faire?  —  Charles 
Vincent  renonce,  cette  fois,  à  la  chanson  de  haut  vol  pour 
essayer  le  couplet  badin  :  essayer  et  réussir.  Il  a  eu  cette 
idée  plaisante  et  neuve  après  avoir  exécuté  en  plusieurs 
couplets  les  Varations  de  l'agrément,  de  faire  la  contre- 
partie de  ces  mêmes  couplets  en  énuméfant  les  désagré- 
ments de  l'existence.  On  a  ri  et  applaudi,  Fénée  le  premier, 
qui  fait  avec  tant  d'entrain  résonner  au  Caveau  la  note  gaie. 
L'Histoire  d'une  mécanique,  drôlerie  bien  gazée,  et  la 
Romance  du  Fou,  qui  justifie  son  titre  par  l'absence  de 
rimes  et  d'idée  suivie,  ne  nuiront  certes  pas  au  renom  du 
joyeux  Fénée. 

M.  Saint-Germain  a  très-gracieusement  clos  la  séance  en 
disant,  à  la  demande  générale  la  Conférence  de  .M.  Eyraud 
qui,  bien  que  privée  des  jeux  de  scène  trouvés  par  l'artiste 
au  Gymnase,  n'en  a  pas  moins  produit  un  grand  effet. 

J'avais  raison,  on  le  voit,  de  dire  que  le  banquet  de 
septembre  a  été  véritablement  intéressant,  malgré  les 
conditions  peu  favorables  du  local.  Ce  désagrément,  d'ail- 
leurs, ne  doit  plus  se  renouveler.  Dès  le  mois  prochain,  le 
grelot  de  Collé  retentira  dans  le  salon  accoutumé  pour  fêter, 
paraît-il,  une  réception  extraordinaire. 

L.-Henry  LECOMTE. 


LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET    DU   3    SEPTEMBRE   1879 


Un  toast  et  plus  de  vingt  chansons,   et  nous  n'étions  pas 
trente!  Voilà  un  joli  bilan. 


Aurait  pu  dire  V.  Hugo  ;  mais  il  avait  oublié  notre  mer- 
credi et  il  était  à  Veules  ce  jour-là.  On  ne  pense  pas  à  tout. 

Oui,  plus  de  vingt  chansons,  et  là-dessus  au  moins  quinze 
de  bonnes. 

Je  n'aime  pas  beaucoup  les  toasts  en  vers.  Je  recon- 
nais pourtant  qu'Echalié  a  réussi  le  sien  sur  la  chanson  et 
l'amitié  qu'elle  fait  naître  ou  cimente  entre  ses  adeptes. 
L'affection  est  une  corde  qu'il  sait  faire  vibrei'  et  qui  résonne 
toujours  juste  à  la  Lice  :  c'est  une  des  cordes  de  sa  lyre. 

Les  sonnets  aussi  sont  en  vogue.  Tout  le  monde  en  fait 
ou  croit  en  faire.  Caron  y  brille.  Les  deux  qu'il  nous  a  dits 
présentent,  outre  une  forme  précise  et  poétique  à  la  fois,  une 
énergie  et  une  grâce  qu'on  rencontre  peu  souvent.  Les 
triolets  n'ont  pas  donné  ce  soir-là. 

De  Gonet,  qui  rappelle  Picard  par  la  voix  surtout,  aime  à 
chanter  le  vin:  aujourd'hui  le  baptise  eaa  vineuse.  Robinot, 
qui  n'est  pas  buveur,  implore,  en  stances  émues,  le  secours 
de  la  science  contre  le  phylloxéra.  Les  Flambeaux,  de  Choc- 
que,  chantés  par  M.  Pellet  sur  un  air  qui,  avec  moins  de 
réminiscences,  aurait  passé  pour  nouveau  ;  —  Ça  tient  de 
famille,  de  Nadot,  interprété  par  Collignon  avec  la  chaleur 
communicative  que  vous  lui  connaissez,  voilà  pour  le  sérieux. 
L'Ouvrière,  de  Rubois,  les  Joyeux  flacons,  d'Adeline,  le 
Meilleur  des  mondes,  de  Dubois,  chanson  remplie  d'actua- 
lités, représentaient  le  genre  mixte,  tantôt  ironique,  tantôt 
gracieux. 

Le  comique  proprement  dit,  et  même  le  cocasse  ne  perdent 
jamais  leurs  droits  à  la  Lice.  C'est  le  piment  de  la  chanson. 
Chocque,  déjà  nommé,  Cahen,  Jeannin,  Lebeau  dérideraient 
un  conclave.  JV'  comptez  pas  là-d'  ssus.  Si  cà  ne  dépendait 
que  de  moi,  Fermons  nos  boutiques,  (Hommes  noirs,  d'où 
sortez-vous?),  Çà  n'  va  qu  d  un'  fesse...  Quels  titres,  mes 
enfants!  et  quels  couplets!  C'est  à  vous  faire  frémir...  de 
rire.  Avenel,  quoique  absent,  ne  nous  décoche-t-il  pas  de 
loin  une  nuée  de  Prunes!  je  n'ose  en  dire  du  bien  :  la 
chanson  m'est  dédiée. 

L'inédit  n'a  pas  seul  occupé  la  soirée.  Monsieur  Zéro, 
d'Hachin,  très-mgénieux  et  dit  avec  finesse,  est  pour  moi 
une  ancienne  connaissance  et,  comme  son  auteur,  revue 
toujours  avec  plaisir, 

'Tous  sociétaires.  Quant  aux  visiteurs,  deux  seulement  ont 
osé  affronter,  comme  auteurs,  le  feu  des  bougies.  M.Leblanc, 
dont  la  voix,  un  peu  émue,  ne  manque  pas  de  charme, 
célèbre  la  chanson,  qui  accompagne,  soutient,  console 
l'homme  ; 

Tout  le  long,  le  long  de  sa  carrière. 

Ces  couplets   m'ont   paru  fort  jolis  et  ont  été   vivement 
applaudis. 

L'autre  visiteur,  ancien  licéen  quasi  relaps,  apportait  un 
contingent,  non  meilleur,  mais  plus  gros,  deux  chansons, 
sur  ma  foi  (je  ne  me  savais  pas  si  fécond)  :  Ma  manière  de 
voir  et  les  Plaintes  d'un  visiteur.  Un  couplet  qui  sera 
longtemps  d'actualité  a  réuni  tous  les  suffrages.  Dussé-je, 
comme  Rubois  pour  ses  Zoulous,  m'attirer  les  foudres  du 
Petit  Caporal  (*),  je  veux  citer  ce  couplet  : 

J'en  suis  d'accord,  cette  femme  était  mère 
Et  pleure  un  fils  qui  meurt  à  l'étranger. 
Cette  douleur,  bien  juste  et  bien  amère, 
Je  la  comprends,  mais  sans  la  partager. 
Oui.  cette  mère  eut  de  rudes  éprouves, 
Mais  du  passé  j'y  vois  le  châtiment. 
Si  vous  pleurez  sur  qui  fit  tant  de  Vi 
Permettez-moi  de  penser  autrement 

Et  maintenant,  prenez  ma  tête  ! 

(•)  Petit  journal  publié  à  Paris, 


LA  CHANSON 


79 


Plus  on  est  de  fous,  plus  on  rit, 
disait  Armand  Goutfé.  Je  ne  dirai  pas  : 

Moins  on  est  de  fous,  plus  on  chante. 

Mais  vous  voyez  qu'en  serrant  les  rangs  on  remplit  bien 
des  vides. 

EuG.    IMlîERT. 


CORRESPONDANCE 

Au  Directeur  de   La   Chanson 

Paris,  6  septembre  1879. 
Mon  cher  M.  Patay, 
Au.  sujet  de  ma  chanson  :  Imprécations  de  Popaul, 
publiée  dans  votre  numéro  26,  le  Petit  Caporal  a 
jugé  bon  de  communiquer  à  ses  lecteurs  une  lettre 
injurieuse  pour  moi.  J'y  ai  fait  une  l'éponse  très- 
modérée,  que  le  sieur  Amigues  n'a  pas  eu  la  loyauté 
d'insérer,  je  vous  serais  obligé  de  lui  donner  l'hos- 
pitalité dans  La  Chanson. 

Merci  et  bien  à  vous, 

H.  RUBOIS. 
A   Monsieur   le    Directeur   du   Petit   Caporal 
Paris,  le  30  août  1879. 

On  me  communique  un  article  de  votre  journal,  daté 
du  25  courant,  signé  Arsène  Thévenot,  de  Troyes,  dans 
lequel  ce  rédacteur  se  livre  à  une  véritable  débauche  d'in- 
jures à  propos  de  quelques  couplets  sur  la  mort  du  jeune 
prétendant,  que  j'ai  l'ait  insérer  dans  le  journal  La 
Chanson. 

Je  reconnais  parfaitement  à  ce  Monsieur  le  droit  de  se 
servir  d'épithètes  grossières  telles  que  insanité,  idiote  et 
même  infâme  qui  ne  visent  que  mon  œuvre;  mais  celle  de 
misérable,  qui  s'adresse  à  ma  personne,  dépasse  les  bornes 
de  toute  polémique. 

Je  demande  donc  à  votre  correspondant  de  la  retirer 
purement  et  simplement,  sinon  je  me  verrais  dans  la  né- 
cessité de  m'adresser  aux  Tribunaux  afin  d'obtenir  répa- 
ration. 

Bien  que  je  ne  sois  pas  nommé  dans  le  dit  article,  je 
suis  assez  clairement  désigné  comme  auteur  des  Impréca- 
tions de  Popaul,  pour  exigi^r,  aux  termes  de  la  loi,  l'inser- 
tion de  cette  réponse  dans  votre  prochain  numéro. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  rédacteur,  l'assurance  des 
sentiments  qu'on  se  doit,  même  entre  adversaires  politi- 
ques. 

Henry  RUBOIS, 
Ancien  membre  du  Caveau, 
Vice-Président  de  fa  Lice  Chansonnière. 


I 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Dans  le  courant  du  mois  d'août,  la  société  lyrique 
de  Vincennes- Saint- Mandé  a  donné,  sous  la  tente  du 
bal,  à  Saint-Mandé,  un  concert  au  profit  des  pauvres. 

Citer  les  chanteurs  qui  ont  mérité  les  bravos  du 
public,  ce  serait  nommer  tout  le  monde  ;  contentons- 
nous  de  constater  le  succès  de  MM.  Lasmartre, 
Lambert,  Lesueur,  Burgueyre,  Meunier,  Rebon, 
Joinneau  et  L'Homme.  M"°'  Dupont  et  Blanche  Prat 
ont  fait  beacoup  de  plaisir  dans  leurs  romances. 

Le  succès  de  la  soirée  a  été  :  Le  Rêve  d'Yvonnette, 
joué  par  MM.  L'Homme,  Joinneau  et  M""  Desormes. 
M.  L'Homme  s'est  fort  bien  tiré  de  son  rôle  de 
marin;  quanta  M.  Joinneau,  — le  breton  Pacôme  — 


il  a  été  exhilarant;  ce  n'est  plus  un  amateur,  c'est 

un  véritable  artiste.  M"""  Desormes  a  fait  voir  qu'on 

pouvait  être  à  la  fois  jolie  femme  et  bonne  actrice. 

En  somme,   bonne  soirée,  pour  les  chanteurs  et 

pour  les  assistants. 

Louis  PETIT. 

Le  jeudi  4  septembre,  malgré  la  chaleur,  salle 
comble  à  la  Cordiale,  35,  boulevard  Sébastopol. 

M.  Marie,  des  Joyeux  amis,  a  gaiement  ouvert 
la  soirée  par  C'est  tout  ce  que  j'peux  faire  pour 
vous. 

MM""  Adèle,  Berthe  et  M""  Henriette  ont  re- 
cueilli les  bravos  qu'elles  méritaient.  La  Française 
a  été  bien  interprétée  par  M.  Delaballet.  Jules  Raux 
le  compositeur-auteur  que  nos  lecteurs  connaissent, 
a  chanté  Mon  âne,  paroles  et  musique  de  lui. 
M.  Gabriel  Dassis  a  obtenu  les  honneurs  du  bis, 
bien  qu'il  soit  interdit  dans  Milord  Gigue-Gigue, 
vrai  succès  de  danse.  Deux  saynettes.  Après  la  noce 
et  De  fil  en  aiguille,  toutes  deux  interprétées  par 
M"°  Adèle  et  M.  Gabriel,  ont  été  bien  aooui^llies. 
Un  proverbe,  A  bon  chat  bon  rat,  de  M.  Gabriel, 
sociétaire  de  la  Cordiale,  était  représenti'  pour  la 
première  fois  et  interprété  par  MM.  Georges, 
Alphonse  D.  et  l'auteur  ;  cette  pièce  a  paru  très- 
goûtée    des  spectateurs;    elle    le   mérite  du  reste. 

M.  Buisseret  a  exécuté,  sur  l'ocarina,  une  polka, 
et  la  Valse  des  /{oses  sur  le  flageolet.  Mentionnons 
aussi  M.  Daltroff.  pour  la  façon  dont  il  a  chanté  la 
parodie  de  A  la  Française  et  C'est  pas  vrai! 

M.  Marcus,  le  pianiste  de  la  société,  a  droit  à 
une  part  des  succès  des  chanteurs,  comme  accom- 
pagnateur. 

.Le  samedi  6  septembre,  grande  affluence  au  Cercle 
Murger,  café  du  Globe.  8.  boulevard  de  Strasbourg. 
Cette  soirée  de  réouverture  à  commencé  à  9  heures 
avec  le  concours  du  Progrès  Philharmonique,  société 
instrumentale,  qui,  intercalée  dans  le  programme,  a 
exécuté  avec  succès  Les  Volontaires  de  93,  ainsi  que 
le  Tour  de  Marne,  fantaisie.  Parmi  les  romances  et 
chansonnettesnous  avons  remarqué  particulièrement: 
M.  Mathieu  dans  Tais-toi  Zoé  ei  Quoi  que  t'as  vu, 
qui  lui  ont  valu  un  légitime  succès.  M.  Reval,  dans 
Le  monde  tel  qu'il  est.  chansonnette  satirique  fort 
bien  détaillée,  ainsi  que' M.  Lucien  dans  Un  baptême, 
grande  scène  comique. 

Nos  compliments  à  M"""  Berthaud  et  M"°  Blanche. 

La  soirée  s'est  terminée  par  La  Consigne  est  de 
ronfler,  vaudeville  en  un  acte,  joué  par  MM.  Dupuis 
et  Mathieu,  M"'''  Elisa  et  Gaston.  En  un  mot  soirée 
des  plus  attraj'antes  donnant  naissance  à  une  série 
d'autres  représentations  qui  auront  lieu  le  3'°'^  samedi 
de  chaque  mois;  tous  les  autres  samedis,  soirée 
dansante. 

Nous  avons  reçu,  le  4  septembre,  de  la  société 
dramatico-lyrique  l'Etoile,  la  somme  de  17  francs, 
produit  d'une  quête  faite  dans  une  soirée,  donf  on 
nous  communique  en  même  temps  le  compte-rendu 
suivant  : 

Le  5  juillet  dernier,  la  société  l'Etoile  donnait  dans 
sonlocal  ordinaire,  47,  rue  de  Courcelles,  à  Levallois- 
Perret,  une  soirée  intime,  la  salle  étant  trop  petite 
pour  contenir  le  public  désireux  de  témoigner  sa 
sympathie  à  cette  vaillante  société,  qui  ne  néglige 
rien  pour  amuser  ses  visiteurs.  C'est  à  cette  façon 


LA  CHANSON 


d'agir  qu'est  due  l'affluenoe  d'habituésqui  recherchent 
ses  concerts. 

Le  programme  a  été  bien  rempli  ;  nous  avons 
particulièrement  à  féliciter  MM.  Paivre  et  Valtier, 
deux  amateurs,  M.  Meunier  dans  la  chanson  A  la 
six  quat'  deux,  de  même  que  M.  Bolot  dans  sa 
Tyrolienne^  et  MM.  Teissier,  Thevenin,  Louis  Schuz, 
ce  dernier  dans  ses  naïvetés,  qui  lui  valent  toujours 
les  bravos. 

M.  Jules  Aubert,  violoniste  distingué,  a  fait 
entendre  un  solo,  //  Trooatore,  fantaisie  qu'il  a 
exécutée  avec  beaucoup  de  talent.  Les  sympathiques 
Lauréats  du  Conservatoire,  MM.  P.  Fauchey  et 
Duplessis,  ont  enlevé  avec  leur  brio  habituel  et  une 
exécution  hors  ligue  La  Valse  des  Jardins  d'Armide, 
morceau  de  piano  à  quatre  mains. 

Une  bonne  note  au  commissaire  général  des  fêtes 
M.  Faitot  pour  sa  désopilante  imitation  des  médecins, 
surtout  pour  celle  du  médecin  eharlatnn  dans  laquelle 
il  a  été  à  la  hauteur  d'un  véritable  artiste. 

M.  Thouvenel,  aux  applaudissements  de  la  salle,  a 
retracé  la  vie  du  chansonnier  populaire,  l'immortel 
Béranger,  et  terminé  en  demandant  que  l'on  favorise 
par  une  quête  l'initiative  prise  par  le  journal  La 
Chanson  pour  l'érection  d'une  statue  à  notre  grand 
poète  lyrique  :  cette  quête  a  produit  17  francs. 

Terminons  en  constatant  le  grand  succès  remporté 
par  M.  Dubois  qui  nous  a  chanté  avec  son  talent 
habituel  trois  chansonnettes  de  son  répertoire.  Les 
Grimaces  de  l'amour  ;  C'est  de  première  nécessité;  Le 
Parleur  éternel;  et  nous  a  dit  d'une  façon  magistrale. 
Les  Pompiers,  poésie  de  Paul  Burani!  Les  bis  et  les 
bravos  qui  ont  accueilli  cet  excellent  artiste  étaient 
vraiment  mérités  ;  nous  espérons  qu'une  de  nos 
grandes  scènes  populaires  lui  donnera  bientôt  la 
possibilité  de  développer  son  incontestable  talent. 

En  somme,  soirée  charmante  et  succès  pour  tous. 

L'Union  et  Gatté,  donnera,  lundi  22  septembre 
dans  son  local,  8.  boulevard  de  Strabourg.  une  soirée 
extraordinaire,  avec  le  concours  de  La  Cordiale,  La 
Fauvette  Parisienne  et  La  Renaissance. 

La  société  V Union  lyrique  a  transporté  ses  réu- 
nions, de  la  rue  Vieille-du-Temple  au  boulevard 
Magenta,  166.  Tous  les  dimanches. 

MM.  les  Présidents,  sociétaires  et  visiteurs  des 
Sociétés  Lyriques,  qui  donnent  leurs  soirées  au 
Café  du  Globe,  sont  prévenus  que  FELIX,  l'in- 
telligent garçon  chargé  du  service  des  sociétés, 
devient,  dans  cet  établissement,  le  vendeur  du 
journal  la  Chanson,  au  numéro,  de  même  qu'il 
recevra  les  Abonnements 

Nous  avons  reçu  une  lettre  non  signée  d'un- so- 
ciétaire de  la  Renaissance;  cette  lettre  reproche 
à  notre  collaborateur  Leroy,  d'avoir  oublié  de  citer 
M.  Ramel,  président,  dans  le  compte-rendu  du 
Luthier  de  Crémone  ;  notre  chroniqueur  est  accusé 
de  la  suppression  d'un  personnage.  A.  Leroy  étant 
absent  de  Paris,  nous  n'avons  pu  lui  soumettre 
cette  lettre,  mais  nous  sommes  certain  qu'il  se 
serait  empressé  de  réparer  son  oubli,  car  nous 
savons  que  M.  Ramel  interprète  toujours  ses  rôles 
en  véritable  artiste. 


2 

, 

5 

» 

7 

16  50 

CHOSES  ET  AUTRES 

SOUSCRIPTION  POUR  LA   TOMBE  DE  LEDUC 

2e  Liste 


Eugène   Imbert,  chansonnier 

Eugène  Carlos,  homme  de  leltres 

l''<=  Liste. 
Total... 

La  souscription  reste  ouverte. 


Plusieurs  membres  du  jury  chargé  de  l'examen 
des  poésies  envoyées  au  grand  concours  ouvert  par 
La  Chanson  en  l'honneur  de  Béranger.  étant  absents 
de  Paris,  le  résultat  de  ce  concours  ne  pourra  être 
publié  que  dans-nôtre  numéro  du  16  octobre. 


5°  CONCOURS  MENSUEL  OUVERT  DU  l"'  AU  25  SEPTEMBRE 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part  avec 
une  pièce  ne  dépassant  pas  60  vers,  sujets  et  gem'es 
libres. 

Le  1"  prix  sera  publié  dans  le  journal  et  recevra 
dix  exemplaires.  Les  titres  et  les  noms  des  auteurs 
des  deux  pièces  suivantes  seront  publiés. 

Dans  sa  réunion  du  lundi  25  août,  la  société  de 
l'Union  des  Poètes  a  nommé  son  comité  directeur. 
Ont  été,  élus  membres  actifs  :  MM.  Bertol-Graivil, 
Duplessy,  Lefustec,  Morot-Gaudry,  de  Courmont  ; 
membres  suppléants  .'MM.Jeansoulé,  Jean,  A.Patay, 
Lhébrard;  trésorier  provisoire  :  M.  Marchand. 
M.  Bertol-Graivil  s'est  désisté  de  membre  actif  en 
faveur  de  M.  Jeansoulé  et  remplace  ce  dernier 
comme  suppléant. 

Vient  de  paraître  aux  bureaux  de  La  Chanson,  les 
Abeilles,  chanson  dédiée  à  Pierre  Dupont,  paroles  de 
Georges  Baillet,  musique  de  M"°  Anaïs  Brianny, 
avec  accompagnement  piano,  et  format  guitare. 

Les  abonnements  au  journal  La  Chanson,  sont  reçus 
dans  tous  les  bureaux  de  poste.  Les  frais  sont  à  la 
charge  du  journal. 

Nous  prions  instamment  les  retardataires  qui  ne 
nous  ont  pas  encore  envoyé  le  montant  de  leur 
réabonnement,  dû  depuis  le  1"  mai,  de  nous  le  faire 
parvenir  sans  retard. 

Nous  rappelons  à  tous  nos  abonnés  que  nous  avons 
fait  brocher  la  première  année  ;  nous  l'enverrons 
franc  de  port  à  toute  personne  qui  nous  enverra  un 
mandat  sur  la  poste  de  5  francs. 

Nous  prions  nos  abonnés,  qui  n'ont  pas  le  premier 
semestre  et  ceux  auxquels  il  manquerait  des  numéros, 
de  se  hâter  d'en  faire  la  demande  s'ils  veulent  se 
compléter. 

A  la  demande  de  nos  abonnés,  nous  rétablirons 
prochainement  dans  nos  colonnes  la  Boîte  aux  lettres; 
ceux  qui  désirent  une  réponse  particulière  sont  priés 
de  joindre  un  timbre-poste  pour  la  réponse. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


2"  ANNKE. 


N*  29. 


1"  OCTOBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
&am  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l^r  (jc  le  16  de  clnaqiae  rxiois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.LEROY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


ADMINISTRATION  &  REDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L. -HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•)         six  mois 3   » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  Galerie  des  Cliansonniers,  H.  Le  Boullenger.  —  Je  me  suis  laissé  faire  (henri  rubois).  —  Les  Morts  d'amour 
(EDOUARD  GRESSIN.)  —  Uii  Itoi  pressi!  {elg.  imuert).  —  A  Marié  de  flsle  (bertol-graivil).  —  Aux  Sapeurs-Pompiers  (l.-g. 
OAUNY.)  —  Triolets  à  Lucile  (henri  mai.let).  —  Cinquième  concours  mensuel  de  La  Chanson  :  la  Clianson  des  Aventuriers 
(ange  pechsieja).  —  Nécrologie  (e.  b.;.  —  Souscription  Déranger.  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (a.  p.,  henry  mallet). 
Choses  et  autres  (a.  p.)  —  supplément  :  Minou,  paroles  et  musiiiue  de  jules  raux. 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  H.  LE  ROULLENGER  (*) 


Le  boulanger  que 
vous  voyez  ici  est  Le 
Boullenger  de  la  Lice 
Chansonnière,  dont  il 
eat  le  joyeux  Président 
depuis  deux  ans  et  pour 
la  dixième  fois  peut- 
être.  Quand  il  vient  par- 
mi nous,  grâce  à  des 
procédés  qui  lui  sont 
tout-à-fait  personnels, 
il  laisse  chez  lui  les  an- 
nées qu'il  comptait 
avant  1848,  et  nous 
apparaît,  jeune  et  plein 
d'entrain .  Vous  trou- 
verez plus  loin  le  ta- 
bleau de  la  journée  du 
20  août,  qu'il  a  tracé 
en  quatrains  brillants 
de  verve,  et  où  chacun 
de  nous  a  une  petite 
part  de  la  promenade 
de  l'amitié  ;  —  en  fait 
d'amitié,  du  reste,  il 
n'a  pas  affaire  à  des 
ingrats.   —  Le   Boul- 

^  (•)  Ce  portrait-charge  et  la  notice  qo 
a  un  très-curieux  et  rare  volume  tiré 

et  paraphés,  qu)  n'ont  pas  été  mis  dans  le  commerce  :  Li:s  fre- 
daines DE  LA  CHANSON,  récit  d'une  fête  champêtre  o/ferle  par  Jules 
Echalid  à  ses  camarades  de  la  Lice  chansonnière,  le  20  aaâl  18T6.  Ce 
volume  contient,  en  outre,  un  groupe  photographié  des  invités,  dix 
portraits-charges     dessinés    par    Erneet    Chebroux,     avec    notices 


lenger  fait  partie  de 
la  Lice  Chansonnière 
depuis  bien  longtemps, 
et  il  en  a  orné  les 
recueils  d'une  foule 
de  chansons  badines  et 
philosophiques. 

Il  traite  aussi  avec 
succès  les  sujets  les 
plus  sérieux.  La  chan- 
son du  Lahoureur,  que 
contient  ce  petit  volu- 
me, est  certainement 
l'œuvre  d'un  penseur. 

Cet  article  était  com- 
posé et  devait  paraître 
dans  notre  dernier  nu- 
méro ;  des  circonstan- 
ces imprévues  nous  ont 
forcé  de  l'ajourner. 
Nous  étions  loin  de 
penser  à  la  mort  de 
Le  Boullenger,  quoi- 
que souffrant  depuis 
très-longtemps. 

(Voir  l'article  Né- 
crologie à  la  page  85.) 
A.  PATAY. 

écrites  par  Eugène  BaiUet.  Plus  de  vingt  chansons  ou  poésies 
sont  remues  dans  ce  livre  qui  manque  à  tous  les  collectionneurs. 
Nous  avons  été  assez  heureux  pour  obtenir  cinq  exemplaires  (il  en 
reste  encore  deux)  que  nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  abon- 
nés amateurs  de  vraies  raretés  chansonnières  -~-  Envoi  franco 
contre  un  mandat-poste  de  10  francs  au  nom  de  A.  Patay,  directeur , 
de  La  Chanson^  rue.  Bonaparte,   18.  A.  P. 


LA  CHANSON 


JE  ME  SUIS    LAISSÉ  FAIRE... 

ou  UNE  FILLE  FACILE 

Musique      nouvelle      de     J.      Darcier, 
OH  Air  la  Queue  emporte  la  tête. 

Fille  d'Eve  aux  yeux  noirs  fripons, 
A  l'humeur  gaie,  au  cœur  sensible, 
Personne,  en  amour,  j'en  réponds. 
Ne  m'a  trouvée  inaccessible. 
Riche  ou  gueux,  pingre  ou  généreux. 
Chaque  fois  —  suis-je  assez  sincère  — 
Que  m'a  su  plaire  un  amoureux... 
Moi,  je  me  suis  laissé  faire  !.. 

Sauf  un  chérubin  d'apprenti 
Qui  m'avait  souvent  embrassée. 
Jusqu'à  quinze  ans,  c'était  gentil. 
Je  n'avais  péché  qu'en  pensée. 
Au  couvent  on  me  confina  ; 
Lors,  mon  confesseur,  moine  austère. 
Tant  et  si  bien  m'endoctrina... 
Que  je  me  suis  laissé  faire  !... 

Doux  souvenir  de  mon  printemps. 
Je  me  revois  frivole,  aimable  ; 
Sans  être  belle,  à  dix-huit  ans 
On  avait  la  beauté  du  diable. 
Bref,  Un  jour  fixant  l'œil  sur  moi, 
Un  jeune  officier  (grave  affaire) 
M'enlève  à  mon  couvent...  Ma  foi 
Moi,  je  me  suis  laissé  faire  !... 

Festinant  avec  des  garçons 
Ayant  force  Champagne  en  tête, 
Ivres,  en  propos  polissons 
Ils  se  disputaient  ma  conquête. 
Soudain  pour  se  mettre  d'accord 
L'un  d'eux  (la  chose  est  assez  claire) 
Parle  de  me  tirer  au  sort... 
Moi,  je  me  suis  laissé  faire  1... 

Bien  que  l'effraie  un  peu  l'hymen. 
Toute  fille,  on  se  l'imagine 
A  peur,  après  mîir  examen, 
De  coiffer  sainte  Catherine. 
Plus  riche  d'écus  que  d'attraits, 
Juste  à  point  ma  chance  ordinaire 
Me  sert  un  mari  fait  exprès... 
Moi,  je  me  suis  laissé  faire  1 . . 

Veuve  enfin  !  libre  désormais  ! 
Je  ne  pleurai  point  mon  pauvre  homme  ; 
Pour  le  défunt,  qui  n'en  peut  mais 
Qu'on  rie  ou  pleure,  c'est  tout  comme. 
Sans  enfants,  j'adressais  des  vœux 
Au  ciel  afin  d'être  un  jour  mère  ; 
Un  galantin  m'en  promit  deux... 
Moi,  je  me  suis  laissé  taire  !... 

Franche  fille  de  bon  aloi 
J'aime  le  confort  et  l'aisance  ; 
Mon  caprice,  telle  est  ma  loi; 
Et  nargue  de  la  médisance  ! 
Bien  que  déjà  sur  le  retour. 
Toujours  folle  par  caractère, 
Tant  que  me  sourira  l'amour 
Moi,  je  me  laisserai  faire  !... 
(Inédit) 

Henry  RUBOIS, 
Vice-Président  de  La  Lice  Chansonnière. 


A  Monsieur  le  Vicomte  Henri  de  Bornier 

LES     MORTS     D'AMOUR 

BALLADE 

Musique  nouvelle  d'EuGÈNE  LAMàRE 


Dame  Loyse  aimait  d'amour 
Richard,  jeune  et  beau  capitaine. 
Or  il  advint  qu'un  certain  jour 
L'empereur  fit  guerre  lointaine. 
Etant  mandé,  Richard  ceignit 
L'écharpe  aux  couleurs  de  sa  dame. 
Prit  son  épée  et  puis  partit 
Le  cœur  brisé,  la  mort  dans  l'âme  I 

Quand  le  vent  gémit  dans  les  branches, 
On  voit  au  sommet  de  la  tour 
Errer,  la  nuit,  deux  ombres  blanches! 
Priez!  ce  sont  les  morts  d'amour  I 

Dans  la  tour,  Loyse,  à  l'instant 
S'enferma  pour  verser  des  larmes  ; 
Hélas!  elle  en  répandit  tant 
Que  la  belle  en  perdit  ses  charmes. 
Chacun  était  au  désespoir  ; 
Les  hirondelles  désolées 
Fuyaient  les  vieux  toits  du  manoir  ; 
L'herbe  croissait  dans  les  allées  1 

Quand  le  vent,  etc. 

Les  nobles  preux,  barons  chrétiens 
Que  guidait  alors  Charlemagne, 
Taillaient  en  pièces  les  païens 
Là-bas,  sous  le  ciel  bleu  d'Espagne. 
Superbe  entre  tous  ces  vaillants, 
Bravant  les  flèches  sarrasines, 
Richard  battait  les  mécréants 
Dans  les  ravins,  sur  les  collines. 

Quand  le  vent,  etc. 

Pleurant  toujours  le  paladin, 
Une  nuit,  en  songe,  Loyse 
Vit  sous  le  fer  d'un  Africain 
Tomber  son  amant  par  surprise. 
Elle  en  eut  un  tel  désespoir 
Que  la  pauvre  perdit  la  vie 
Au  moment  où  dans  le  manoir 
Richard  revenait  à  sa  mie  1 

Quand  le  vent,  etc. 

Il  reçut  son  dernier  soupir. 

Puis  baisant  au  front  son  amante  : 

«  Seigneur  Dieu,  faites-moi  mourir!  » 

Dit-i)  d'une  voix  défaillante. 

Prenant  pitié  du  triste  sort 

Fait  à  leur  amour  éphémère. 

Dieu  les  réunit  dans  la  mort, 

Les  ayant  séparés  sur  terre  ! 

Quand  le  vent  gémit  dans  les  branches, 
La  nuit,  au  sommet  de  la  tour. 
On  voit  depuis  deux  ombres  blanches. 
Priez  !  ce  sont  les  morts  d'amour  1 
{Inédit)  Edouard  GRESSIN. 


LA  CHANSON 


83 


UN  ROI  PRESSE 

Air  de  la  Valse  des  Comédiens 

La  France  échappe  à  d'indignes  entraves. 
Nous  lui  rendons  et  le  trône  et  l'honneur. 
Oui,  peuple  ingrat,  c'est  ce  roi  que  tu  braves 
Qui  malgré  toi  veut  fonder  ton  bonheur. 

Nouveau  phénix,  que  le  vieux  temps  renaisse. 
Pendant  trente  ans  j'avais  patienté  ; 
J'ai  dans  l'exil  consumé  ma  jeunesse. 
Mais  le  printemps  a  fait  place  à  l'été. 

L'automne  enfin  sur  moi  vient  de  s'étendre  ; 
Ma  vue  est  trouble  et  mon  front  est  chenu. 
A  soixante  ans  on  ne  peut  plus  attendre  ; 
En  route,  amis  !  car  l'instant  est  venu. 

Avec  espoir  j'entre  dans  la  carrière; 
Mais  pour  hâter  un  ti-iomphe  trop  lent, 
Rogneurs  d'écus  et  vendeurs  de  prière, 
Ralliez-vous  à  mon  panache  blanc. 

Bons  laboureurs,  pour  qui  l'ancien  régime 
Eut  tant  de  fleurs  et  des  fruits  si  dorés, 
Rappelez-vous  votre  sainte  maxime  : 
Tout  pour  les  rois,  et  le  reste  aux  curés. 

Obéissez  à  ce  roi  qui  vous  aime. 
Chers  paysans,  car  je  puis  à  vos  yeux 
Faire  pousser  du  blé  sans  qu'on  en  sème  ; 
C'est  un  secret  qui  vient  de  mes  aïeux. 

Brave  artisan,  je  connais  ta  souffrance  ; 
J'y  compatis  ;  mais  sous  ton  humhle  toit. 
Pour  être  heureux  borne  ton  espérance 
A  travailler  :  nous  penserons  pour  toi. 

Il  est  des  mots  qu'une  oreille  dévote 

Ne  peut  ouïr  sans  de  mortels  frissons  : 

Ne  parlez  plus  de  suffrage,  de  vote  ; 

On  vous  prendrait  pour  de  vils  francs-maçons  : 

De  tous  les  maux  j'apporte  le  remède, 

Et  je  puis  seul  sauver  la  nation. 

Ce  jour  viendra,  mais  il  faut  que  Dieu  m'aide 

A  museler  la  Révolution. 

Libres  penseurs,  gens  de  sac  et  de  corde, 
Au  joug  divin  courbez  votre  raison. 
Que  la  science  avec  la  foi  s'accorde  ; 
Soyez  croyants,  ou  gare  la  prison! 

Et  toi,  Paris,  toi  qui  de  tout  te  railles. 
En  attendant  qu'on  puisse  te  punir. 
Nous  planterons  des  lis  sur  tes  murailles  : 
Emblème  pur  qui  pourra  t'assainir. 

Prêtres  du  Dieu  qui  soutient  ma  puissance. 
Multipliez  pour  moi  vos  orémus. 
Roi  par  mes  droits  et  roi  par  ma  naissance, 
Je  me  sens  las  de  l'être  in  partibus. 

Pour  le  succès  vous  pouvez  tout  promet1«re  ; 
Endoctrinez  le  public  ingénu. 
Tout  est  permis  pour  devenir  le  maître  ; 
A  l'impossible,  après,  nul  n'est  tenu. 

Convertissez  par  vos  sacrés  oracles 
Le  faubourien  qui  feint  de  m'oublier. 
En  ma  faveur  risquez  quelques  miracles  ; 
Vous  le  savez,  je  suis  bon  pour  payer. 


L'hérédité  fut  toujours  mon  principe  ; 
Tout  vrai  pouvoir  par  elle  se  défend. 
Or,  une  erreur  qu'il  faut  que  je  dissipe. 
C'est  que,  dit-on,  je  n'aurais  pas  d'enfant. 

Pas  d'enfant,  moi  !  que  c'est  mal  me  connaître  I 
Jusqu'à  présent  rien  ne  pressait  :  enfin 
Rome  l'ordonne,  un  rejeton  va  naître. 
Et  dans  neuf  mois  vous  aurez  un  dauphin. 

La  France  échappe  à  d'indignes  entraves. 
Nous  lui  rendons  et  le  trône  et  l'honneur. 
Oui,  peuple  ingrat,  c'est  ce  roi  que  tu  braves 
Qui  malgré  toi  veut  fonder  ton  bonheur. 
(Inédit)  EuG.   IMBERT. 


A  MARIÉ   DE    L'ISLE    () 


Marié  de  l'Isle  est  mort!... 

Cet  homme  qu'on  emmène 
S'est  brisé  comme  au  vent  se  brise  le  vieux  chêne, 
Et  la  Muse  divine  en  apprenant  ce  deuil 
Est  venue  à  genoux,  au  pied  de  son  cercueil. 
Déposer  des  lauriers  et  le  couvrir  de  voiles, 
Puis,  la  nuit  de  son  ciel  a  chassé  les  étoiles... 

Après  avoir  longtemps  travaillé  pour  son  art. 
Poursuivi  cette  vie  errante  du  hasard, 
L'âme  et  le  cœur  remplis  d'une  mâle  espérance, 
Après  avoir  couru  l'Etranger  et  la  France 
Toujours  luttant,  tnujours  grand,  toujours  acclamé, 
Le  lourd  cercueil  de  plomb  sur  son  corps  s'est  fermé. 
On  se  souvierit  de  toi,  là-bas,  dans  notre  Alsace  — 

Alsace  !  0  nom  chéri  qu'on  aime  et  qui  vous  glace  — 

Dans  la  Lorraine,  à  Metz,  cette  vieille  cité. 

Ton  précieux  souvenir  à  jamais  est  resté. 

Puis,  ensuite,  l-'aris,  cette  clarté  du  monde. 

Que  l'on  voulut  plonger  dans  une  ombre  profonde, 

S'est  levé  tout-à-coup  et  te  tendant  les  bras 

T'a  dit:  Viens,  ô  mon  fils,  nous  ne  t'oublierons  pas!  — 

De  l'Islc  dut  aussi  lutter  contre  l'envie 

—  (Flot  débordant  du  Styx,  ce  seul  but  de  la  vie. 

Qui  remplit  notre  cœur  d'un  lâche  désespoir) 

Et  son  ciel  devînt  sombre,  et  son  horizon  noir.  — 

A  présent  que  nos  yeux  ont  vu  son  corps  descendre 
Dans  la  nuit  du  sépulcre  où  l'homme  devient  cendre, 
Que  son  funèbre  char  par  nous  accompagné 
S'en  est  retourné  vide  et  caparaçonné. 
Malgré  l'herbe  qui  croît  déjà  sur  son  cercueil. 
Tremblants,  nous  hésitons  à  nous  couvrir  de  deuil. 

Portée  avec  respect  au  pied  de  l'Hélîcon, 
La  pierre  sur  laquelle  on  va  graver  ton  nom 
Sera  le  triste  et  seul  souvenir  de  ton  ombre. 
Et  tu  n'entendras  pas  de  ta  demeure  sombre 
Sangloter  tes  enfants,  dont  les  cris  de  regrets 
Iront  grossir  le  vent  soufflant  dans  les  cyprès. 

11  faut  que  dé  tourments  le  cœur  humain  s'abreuve; 
Et,  comme  l'eau  du  ciel  alimente  le  fleuve. 
Pour  grossir  le  torrent  nébuleux  des  douleurs 
Nous  devons  y  verser  nos  sanglots  et  nos  pleurs. 
BERTOL-GRAIVIL, 
Rédacteur  en  chef  du  Progrès  Artistiqw. 

(*)  Hommage  à  M""s  Galli  et  Irma  Marié. 


84 


LA  CHANSON 


AUX    SAPEURS-POMPIERS 


0  vous,  braves  Sapeurs  !  qui  veillez  dans  Tarène 

'  De  nos  sombres  cités. 
Où  la  flamme  parfois  se  dresse  souveraine 
Sur  les  vents  révoltés  , 

Nos  souvenirs  sont  pleins  de  vos  grandes  inaages. 

Insouciants  vainqueurs  ! 
Le  peuple  est  votre  ami  :  recevez  les  hommages 

Que  vous  offrent  nos  cœurs. 

Vous  êtes  nos  héros,  nos  sauveurs  et  nos  frères, 

Car  jamais  votre  main 
Ne  s'arma  dans  nos  temps  de  crises  populaires 

Contre  le  genre  humain. 

Devant  les  coups  de  faux  de  la  mort  qui  s'avance, 

Toujours  prêts  à  partir. 
Oh  !  vous  êtes  vraiment  les  soldats  de  la  France 

Qu'on  ne  peut  pervertir. 

Votre  allure  d'aplomb  nous  redresse  la  face 

Et  nous  croyons  enoor 
Que  la  fraternité,  dont  la  splendeur  s'efface, 

Reprendra  son  essor. 

En  volant  au  péril  si  haute  est  votre  taille 

Dans  sa  mâle  beauté. 
Que  son  ombre  obscurcit  l'éclat  de  la  bataille 

De  ce  monde  irrité. 

Quand  vous  courez  au  feu,  qui  se  roule  en  délire, 

Où  trône  le  trépas, 
La  femme  vous  révère  et  l'enfant  vous  admire. 

Egaré  dans  vos  pas. 

C'est  alors  que  la  vie  à  grands  flots  vous  inonde. 

Et  vous  courez  toujours 
Sans  effroi  vers  la  mort  qui  frappe  dans  ce  monde 

La  somme  de  vos  jours. 

En  dévorant  le  sol,  qui  de  loin  vous  sépare 

Du  bûcher  qui  grandit. 
Chacun,  en  frémissant,  aux  martyrs  vous  compare 

Et  la  foule  applaudit. 

Votre  poste  est  là-bas  où  la  flamme  poudroie 
Sur  les  pignons  croulants, 

Et  nous,  nous  contemplons  la  gloir'e  qui  flamboie 
Sous  vos  milliers  d'élans  ! 

Quand  on  marche  au  combat  le  tambour  bat  la  charg 

Et  les  plis  da  drapeau 
Ombragent  ceux  qu'atteint  la  première  décharge 

En  montant  à  l'assaut. 

Mais  devant  vous  jamais  la  fanfare  ne  sonne, 
Quand  vous  courez  au  feu 

C'est  l'austère  devoir  qui  muet  vous  couronne 
Dans  un  suprême  adieu. 

Vous  en  êtes  plus  grands  !  de  vos  destins  sublimes 

Cet  oubli  nous  est  cher; 
Vos  fastes  sont  gravés  partout  où  vos  victimes 

Ont  laissé  de  leur  chair. 

Quand  d'une  haleine  ardente  au  fort  de  la  mêlée 

On  vous  voit  accourir. 
Vous  savez,  en  bravant  la  toiture  écroulée, 

Qu'il  faut  vaincre  ou  mourir. 


A  tuer  le  brasier  chacun  de  vous  s'apprête, 
Mais  c'est  en  combattant  ; 

Aucun  affreux  danger,  amis,  ne  vous  arrête 
Quand  le  feu  vous  attend. 

Du  vestibule  en  feu  jusqu'au  dernier  étage 
Vous  prenez  corps  à  corps 

La  flamme  impérieuse  et  votre  âme  partage 
Ses  terribles  transports. 

Quand  l'incendie  ondoie  au  roulis  de  ses  flammes, 

Hurlante  contre  vous. 
On  voit  grandir  vos  corps  et  pétiller  vos  âmes 

Qui  combattent  pour  nous. 

Un  esprit  familier  nous  monte  à  la  cervelle 

En  sondant  vos  destins 
Et,  d'un  jet  lumineux,  tout  à  coup  nous  révèle 

Nos  avenirs  lointains. 

Quand  vous  vous  abîmez,  brisés  par  la  toiture 

Sous  la  dent  de  la  mort, 
La  vie,  où  vous  tombez,  bondit  dans  la  nature 

Et  vous  ramène  à  bord  ! 

L'éternelle  action,  du  fond  de  son  mystère, 
Vous  soulève  et  vous  rend 

Aux  actes  valeureux  qui  délivi'ent  la  terre 
En  nous  régénérant. 

Vous  revenez  ici  pour  féconder  la  race 

De  ces  hommes  d'amour 
Qui,  tout  à  la  patrie  et  le  cœur  sans  cuirasse, 

S'immolent  chaque  jour. 

Les  flammes  contre  vous  sont  d'implacables  juges 

Qui  flxent  votre  sort; 
Vos  oorps-de-garde,  amis,  sont  d'austères  refuges 

Où  vous  guette  la  mort. 

Dans  ces  temps  de  colère  et  de  sombre  injustice, 

Nos  esprits  effarés 
Se  troublent,  mais  vos  cneurs  devant  le  sacrifice 

Sont  nos  flambeaux  sacrés  ! 

Sous  nos  gladiateurs  le  cirque  s'ensanglante 

Et  du  haut  des  gradins 
lien  est  qui  drapés  dans  la  pourpre  éclatante 

Se  gorgent  de  festins. 

L'homme  dans  sa  démence  est  l'ennemi  de  l'homme  ; 

Le  monde  marche  ainsi 
En  singeant  tristement  les  débauches  de  Rome, 

Mais  vous  êtes  ici! 

L'espérance  ouvre  au  loin  son  vaste  et  beau  domaine, 

Pour  nous  entretenir 
Donnons-nous  rendez-vous  dans  la  concorde  humaine 
Qu'arbore  l'avenir  ! 
(Inédit)  L.-a.  GAUNY. 


A  mes  camarades  de  Jr  Renaissance 


TRIOLETS  A  LUCILE 

Dits  par  M.   DONCKELLE,   de   la  Renaissance 

A  votre  beauté  je  rêvais 
Hier  matin,  dans  ma  chambrette 
Dont  vous  aviez  fait  un  palais; 
A  votre  beauté  je  rêvais... 


LA  CHANSON 


85 


Souvenir  que  je  chérissais, 
Me  rappelant  ma  mignonnette! 
A  votre  beauté  je  rêvais, 
Hier  matin,  dans  ma  chambrette. 

Je  repassais  les  heureux  jours 
Où  je  vous  appelais  m'amie. 
Des  premiers  temps  de  nos  amours 
Je  repassais  les  heureux  jours. 
On  jurait  de  s'aimer  toujours  : 
La  prudence  était  endormie. 
Je  repassais  les  heureux  jours 
Où  je  vous  appelais  m'amie  : 

Dans  l'ivresse  de  mes  vingt  ans, 
Votre  cœur  me  parut  sincère; 
Oui,  je  crojais  à  vos  serments 
Dans  l'ivresse  de  mes  vingt  ans. 
Mais  vous  aviez  d'autres  amants  ; 
Et  j'en  eus  la  preuve,  ma  chère. 
Dans  l'ivresse  de  mes  vingt  ans 
Votre  cœur  me  parut  sincère. 

J'étais  jaloux,  lorsqu'un  galant 
Sur  vos  pas  détournait  la  tète. 
Pour  lorgner  votre  pied  charmant. 
J'étais  jaloux  lorsqu'un  galant 
Disait,  de  son  air  conquérant  : 
Tudieu!  la  superbe  brunette  ! 
J'étais  jaloux  lorsqu'un  galant 
Sur  vos  pas  détoui'nait  la  tête. 

Un  beau  jour,  vous  m'avez  quitté 
Pour  aller  courir  par  la  ville. 
Fuyant  mon  hospitalité. 
Un  beau  jour  vous  m'avez  quitté. 
J"ai  maudit  votre  iniquité 
Nombre  de  fois,  belle  Lucile. 
Un  beau  jour  vous  m'avez  quitté 
Pour  aller  courir  par  la  ville. 

A  votre  beauté  je  rêvais 
Hier  matin,  dans  ma  chambrette 
Dont  vous  aviez  fait  un  palais; 
A  votre  beauté  j,e  rêvais... 
Souvenir  que  je  chérissais. 
Me  rappelant  ma  mignonnette  ! 
A  votre  beauté  je  rêvais 
Hier  matin,  dans  ma  chambrette. 
Henry  MALLET. 


CINQUIÈME  mmu  MENSUEL 

De  La  Chanson 
PIÈCE    COURONNÉE 

LA  CHANSON  DES  AVENTURIERS 

•    Vers  les  sommets  où  le  vent  roule, 
Du  pas  assuré  des  lions, 
Au  loin,  au  large,  nous  allions 
Par  dessus  la  fange  et  la  foule. 
Rêvant  la  tempête,  rêvant 
Le  laurier  sur  l'aire  escarpée, 
Nous  allions  par  les  monts,  l'épée 
En  main  et  les  cheveux  au  vent. 


Des  reines,  de  nos  fiertés  ivres, 
Dans  nos  bras  gaîment  se  lançaient, 
Et  follement  applaudissaient 
Aux  âpres  chansons  de  nos  cuivres. 
Nous,  toujours...  toujours  poursuivant 
La  nue  où  la  gloire  est  campée, 
Nous  allions  par  les  monts,  l'épée 
En  main  et  les  cheveux  au  vent. 

Salut  aux  nj'mphes  chasseresses  ^ 
Qui,  nous  penchant  sur  le  gazon, 
Nous  versaient  l'attrayant  poison 
De  leurs  chaleureuses  tendresses!.. 
A  plein  broc  ces  flammes  buvant. 
Savourant  la  franche  lippée. 
Nous  allions  par  les  monts,  l'épée 
En  main  et  les  cheveux  au  vent. 

Ni  les  sacripants  ni  les  filles 
Ne  virent  jamais  nos  talons-; 
Nous  tombions  comme  un  vol  d'aiglons 
Sur  les  insolentes  bastilles... 
Jusqu'aux  cieux,  leur  cîme  bravant 
Dans  les  foudres,  envelopée. 
Nous  allions  par  les  monts,  l'épée 
En  main  et  les  cheveux  au  vent. 

Nos  poings  auraient  brojédes  pierres 
Aussi  puissamment  qu'un  fruit  mûr; 
Nous  aurions  fait  voler  un  mur 
Dans  le  souffle  de  nos  rapières! 
Sur  les  piques  nous  entravant. 
Drus  aux  chocs,  prompts  à  l'équipée, 
Nous'allions  par  les  monts,  l'épée, 
En  main  et  les  cheveux  au  vent. 

Fouetté  comme  une  valetaille 
Ou  déchiré  comme  un  papier, 
Le  reitre  effaré  lâchait  pied  : 
11  faisait  bon  voir  la  bataille, 
Dans  ses  gloires,  nous  enlevant, 
Quand,  plus  triomphants  que  Pompée, 
Nous  allions  par  les  monts,  l'épée 
En  main  et  les  cheveux  au  vent. 

Ange  PECHMÉJA. 

Sa"mt-Cére  (Lot). 

Viennent  ensuite  : 

Adieux  â  la  muse,  de  M.  Firmin  Bonnans,  à  Saiiit- 
Maur  (Seine). 

Le  Divorce,  de  M.  J.-A.  Fauché,  à  Bourron  (Seine- 
et-M  irne). 

47  pièces  nous  ont  été  envoyées  à  ce  concours. 


I\IECKOLOGIE 

La  Lice  Chansonnière  vient  de  faire  une  perte 
digne  de  ses  regrets  les  plus  sincères  dans  la  per- 
sonne de  son  directeur,  M.  Hippolyte  Le  BouUenger, 
décédé  le  17  septembre,  à  l'âge  de  67  ans. 

Pendant  plus  de  dix  ans,  il  fut  Président  de  la 
Société  ;  aussi  les  Licéens,  qui  l'aimaient  comme 
on  aime  un  père,  étaient-ils  nombreux  à  son  convoi. 

Le  Bureau  de  la  Lice  était  représenté  par  Jules 
Échalié,  président,  Henry  Rubois,  vice-président, 
Eugène  Baillet,  trésorier,  et  Cahen,  trésorier-ad- 
joint— venaient  ensuite,  sans  compter  ceux  que  nous 
oublions  parmi  les  Licéens  nouveaux  et  anciens  : 
Chocque,  Lebeaux,  Dubois,  Teulet,  Jolly,  Germeaux, 
Picard,  Henri  Nadot,  Georges  Baillet,   Ryon,  Che- 


LA  CHANSON 


broux,  Robinot,  Péan,  Caron,  Pingray,   de  Gonet, 
Brûlez,  Chagniat,  etc.,  etc. 

En  déposant  sur  la  tombe  une  couronne  d'im- 
mortelles offerte  par  la  Lice  Chansonnih'e,  Jules 
Echalié  a  prononcé  d'une  voix  émue  le  discours 
suivant  qui  contient  les  appréciations  les^jlus  exac- 
tes du  talent  et  du  caractère  de  notre  ami  re- 
gretté. 

Mes  Amis, 

La  Lice  Chansonnière  fait  aujourd'hui  une  perte  bien 
douloureuse,  et  le  devoir  que  tous,  jeunes  et  vieux,  anciens 
et  nouveaux  Licéens,  nous  venons  remplir  ici  est  de  ceux 
qui  brisent  le  cœur  et  l'ont  couler  des  larmes  amères,  car 
tous,  nous  avons  pu  apprécier  ce  que  valait  ce  vétéran  de 
la  Chanson  :  Hippolyte  Le  lioullenger. 

Pendant  plus  de  trente  ans  qu'il  fut  des  nôtres,  non-seule- 
menl  son  talent  de  véritable  chansonnier  lit  la  gloire  de 
notre  Lice  et  le  charme  de  nos  réunions,  mais  son  caractère 
si  plein  de  bonhomie  et  de  gaîté,  son  esprit  si  fin,  sa  ma- 
nière d'être  si  -affable  envers  tous,  et  cette  philosophie 
inépuisable  et  si  joyeuse  qu'elle  arrachait  un  sourire  au  plus 
éprouvé,  toutes  ces  qualités  poussées  à  l'extrême,  n'avaient- 
elles  pas  fait  de  ce  digne  camarade  le  Rabelais  de  notre 
société? 

J'ai  dit  :  sa  philosophie  inépuisable.  Oui,  mes  Amis,  c'est 
là  le  côté  qui  frappait  le  plus  en  lui.  Et  certes,  que  d'occasions 
il  rencontra  dans  sa  vie  de  la  mettre  à  profit  !  Car  il  eut  une 
large  part  dans  nos  misères  humaines  :  revers  de  fortune, 
souffrances  continuelles  et  déceptions  de  toutes  sortes,  voilà 
son  lot. 

Mais  la  nature  qui  met  toujours  le  remède  à  côté  du  mal, 
l'avait  fait  chansonnier  et  chansonnier  philosophe,  chanson- 
nier de  cette  vieille  école  que  nous  admirons  en  la  regret- 
tant, chansonnier  qui  accepte  son  sort  et  enrit,  quel  qu'il  soit. 

Quel  exemple  superbe,  mes  Amis,  nous  laisse  ce  cher 
camarade  !  Quel  souvenir  il  aura  gravé  dans  nos  cœurs  en 
échange  des  regrets  qu'il  emporte  !  Disons-lui  donc  merci 
et  adieu,  à  ce  vieil  Ami  ;  merci  de  son  œuvre  que  nous 
méditerons  dans  nos  moments  de  découragement  ;  merci  de 
son  passage  au  milieu  de  nous  qui  nous  a  rendus  plus  forts 
et  meilleurs;  et  adieu  pour  toujours. 

Que  cette  humble  couronne  d'immortelles  que  je  dépose 
sur  la  tombe,  mon  vieux  camarade,  au  nom  de  La  Lice 
Chansonnière  que  tu  aimais  et  ijui  t'estimait,  soit  le  gage  de 
nos  regrets  ! 

Après  ces  touchantes  paroles  qui  avaient  si  bien 
exprimé  les  sentiments  de  tous,  chacun  félicita 
■vivement  Echalié,  puis  nous  nous  rendîmes  sur  la 
tombe  de  Vaudrj  • — •  toute  proche  de  celle  de  Le 
Boullenger;  • — elle  est  garnie  de  fleurs  et  de  cou- 
ronnes, et  comme  la  tristesse  a  sa  joie,  celle-là  fut 
bien  douce  pour  moi  de  voir  que  l'oubli  n'habitait 
pas  dans  le  cœur  des  amis  de  la  chanson.         E.  B. 


Une  réunion  générale  des  membres  du  oomité-de 
la  statue  de  Béranger  aura  lieu  dans  les  premiers 
jours  d'octobre.  Les  résolutions  prises  seront  pu- 
bliées dans  La  Chanson. 

Cent  trente-neuf  poètes  ont  pris  part  au  grand 
concours  ouvert  par  La  Chanson,  en  l'honneur  de 
BÉRANGER.  Nous  rendrons  compte  de  ce  concours 
aussitôt  que  les  travaux  du  Jury  seront  terminés. 

Salon  des  Vendanges  de  Bourgogne,  14,  rue  de 
Jessaint  (La  Chapelle)  Paris.  Grande  Soirée- 
goguette,  donnée  le  mercredi  15  octobre  1879, 
à  8  heures  du  soir,  par  la  Lice  Chansonnière  dans  le 
local  ordinaire  de  ses  banquets,  sous  la  direction 
du  Bureau  de  la  Société,  Jules  Echalié,  président,  au 
bénéfice  de  la  souscription  pour  élever  une  statue 
à  Béranger. 


Concours  de  Chansons,  sujets  libres.  ■ — •  Trois 
prix  seront  décernés  par  un  jury  composé  de  trois 
membres  nommés  à  l'ouverture  de  la  soirée. 

Les  pièces  couronnées  seront  insérées  dans  le 
journal  La  Chanson. 

A  10  heures  :  Béranger  Chansonnier,  causerie  par 
Eugène  Baillet,  trésorier  de  la  Société. 

La  Lice  Chansonnière  convie  fraternellement  la 
Vieille  et  la  Jeune  Goguette  à  cette  soirée.  —  Tous 
ceux  qui  ont  conservé  le  culte  de  la  Vraie  Chanson 
Française,  dont  Béranger  est  resté  la  personnifi- 
cation et  le  Maître,  auront  à  cœur  en  assistant  à 
cette  fête,  d'apporter  leur  obole  pour  l'érection  de 
sa  statue.  —  Prix  d'Entrée  :  50  centimes  par 
personne. 

NOTA.  —  Les  Pièces  de  Concours  seroat  reçues  au  Siège 
de  la  Société,  rue  de  Jessaint,  jusqu'à  8  heures." 

Nous  savons  qu'un  grand  nombre  de  Sociétés 
Lyriques  organisent  des  soirées  au  profit  de  la  sous- 
cription Béranger.  Nous  prions  les  organisateurs  de 
nous  les  faire  connaître  assez  à  temps  pour  les  an- 
noncer à  nos  lecteurs. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


FÉDÉRATION  DES    SoClÉTÉS    LYRIQUES    DE    PaRIS. 

Le  Directeur  de  La  Chanson  émettait  dernière- 
ment, devant  plusieurs  Présidents,  l'avis  qu'il  serait 
bon.  utile  même,  de  créer  un  lien  entre  tous  les  Pré- 
sidents et  Directeurs  de  Sociétés  lyriques  et  drama- 
tiques, et  cela  dans  l'intérêt  même  des  Sociétés,  des 
Sociétaires  et  des  Visiteurs. 

Il  est  certain  que  cette  Fédération,  une  fois  bien 
fondée,  pourrait  organiser  plusieurs  représentations 
tous  les  ans,  sur  une  des  grandes  scènes  parisiennes, 
soit  au  bénéfice  de  leurs  caisses,  soit  au  bénéfice 
d'une  bonne  œuvre.  Dix  ou  quinze  Sociétés,  tour 
à  tour,  fourniraient  le  meilleur  de  leur  personnel, 
pour  organiser  une  grande  représentation.  Cela 
aurait  l'avantage  de  faire  ressortir  les  interprètes' 
artistes  amateurs.  Les  artistes  sortis  des  Sociétés 
pour  entrer  soit  au  théâtre  soitau  concert,  et  ils  sont 
nombreux,  seraient  de  droit  Membres  d'honneur,  et 
prêteraient  très-certainement  leur  concours.  Leg 
visiteurs  assidus  des  Sociétés  sont  en  assez  grand 
nombre  pour  remplir  la  phis  grande  salle  de  spec- 
tacle de  Paris  ;  la  recette  serait  assurée  d'avance 
par  la  composition  de  l'affiche.  Plusieurs  Présidents 
nous  ont  promis  leur  concours  ;  que  ceux  qui  veu- 
lent créer  une  œuvre  utile,  envoient  leur  adhésion 
par  écrit  au  Directeur  de  La  Chanson,  18,  rue  Bona- 
parte. 

Les  nouvelles  occupations  de  notre  chroniqueur 
des  Sociétés  lyriques,  A.  Leroy,  le  retenant  souvent 
éloigné  de  Paris,  nous  avons  chargé  M.  Henry 
Mallet  de  cette  partie  de  la  rédaction.  Nous  prions 
MM.  les  Présidents  de  lui  réserver  une  place  dans 
les  grandes  soirées.  Prière  d'envoyer  les  invitations 
à  M.  A.  Patay,  aux  Bureaux  du  journal  La  Chanson, 
18,  rue  Bonaparte.  A.  P. 

La  réouverture  du  Cercle  Musset  qui  a  eu  lieu 
le  13  septembre,  8,  boulevard  de  Strasbourg,  (Café 
du  Globe)  a  été  des  plus  brillantes.  Dans  le  courant 
de  la  soirée  se  sont  fait  entendre  M""  Emilie  Préaux 


LA  CHANSON 


87 


rappelée  dans  une  charmante  chansonnette  intitulée 
Je  ne  sais  pas,  MM.  Urbain  clans  Bolivard;  Berlioz 
dans  Qu'est  ce  que  tu  prends  7  Willaume,  Galliot, 
Andral,  Jalade  et  Durrieu,  président  du  Cercle 
Musset,  très-applaudi  dans  la  superbe  poésie  de 
Victor  Hugo  :  La  Nuit  du  2  décembre.  Puis  on  a  con- 
tinué par  les  Deux  Scéléi'ats,  saynette  en  un  acte,  dans 
laquelle  MM.  Urbain  et  Galliot  ont  rivalisé  de  verve 
et  d'entrain. 

Nous  souhaitons  une  bonne  réussite  au  Cer- 
cle Musset  qui,  sous  la  présidence  de  M.  Durrieu, 
ne  peut  que  prospérer  et  briller  avec  éclat  parmi 
les  sociétés  lyriques. 

Le  14  septembre,  la  Renaissance,  8,  boulevard  de 
Strasbourg  (café  du  Globe)  inaugurait  ses  soirées 
d'hiver.  Elle  donnait  à  cette  occasion  une  des  plus 
charmantes  pièces  de  son  répertoire  :  Philippe,  inter- 
prété par  les  étoiles  de  la  société,  M"°  Julia, 
M"""  Renaud,  MM.  Ramel  père  et  fils  et  M.  Donckèle. 

M"°  Julia  a  parfaitement  nuancé  un  rôle  très- 
dithoile,  M°"  Renaud  est  une  excellente  ingénue, 
dont  le  seul  défaut  est  de  parler  un  peu  vite.  (Ce 
n'est  pas  un  re[jroche  que  je  lui  adresse  mais  un 
conseil  que  je  me  permets  de  lui  donner,  dans  son 
intérêt  même.  Quant  à  M.  Ramel  père,  président 
de  la  Renaissance,  \e  rôle  de  Philippe  est  sans  contre- 
dit un  de  ses  meiljcurs;  il  a  été  vaillamment  secondé 
par  son  flls  qui  a  bien  rendu  un  personnage  de 
viveur  fat  et  insolent.  M.  Donckèle,  toujours  sym- 
pathique a  su  s'attirer  les  applaudissements.  Ah  mon 
Dieu!  j'allais  commettre  un  grave  oubli  J'oubliais 
M.  Chevalier  qui  mérite  un  bon  point  pour  s'être 
fait  une  tête  de  domestique  capable  de  faire  rêver 
huit  nuits  de  suite  de  valet  de  chambre. 

Dans  la  partie  lyrique,  je  citerai  en  première  ligne 
M.  Cane  qui  ne  se  contente  pas  d'être  un  excellent 
pianiste  mais  qui,  de  plus,  compose  des  mélodies 
charmantes.  M.  Paul  Launay  a  chanté  d'une  façon 
magistrale  l'air  de  la  Calomnie  du  Barbier.  Alexis, 
chanteur  de  genre,  Georges  Dever,  comique  très- 
amusant,  M"»  Louise  Bienvenu  qui  s'est  beaucoup 
fait  applaudir  dans  une  fort  belle  poésie  intitulée  : 
le  Progrès,  etc.,  etc.  Je  suis  obligé  d'en  passer,  faute 
de  place.  En  somme,  un  succès  de  plus  à  l'actif  de  la 
Renaissance  qui  n'en  est  plus  à  les  compter. 

Mes  remerciements  sincères  à  M.  Donckèle  qui  a 
bien  voulu  se  charger  de  la  tâche  ingrate  de  dire  mes 
Triolets  à  Litcile  et  qui  s'en  est  acquitté  avec  talent. 

H.  M. 

Le  14  septembre,  sous  la  direction  de  son  ha- 
bile directeur,  M.  V.  Desmet  flls,  la  société  cho- 
rale :  Les  Enfants  de  Saint-Denis,  offrait  à  ses 
membres  honoraires,  dans  la  vaste  salle  Méret, 
une  superbe  matinée  musicale,  avec  le  concours  de 
M'""  Marguerite  et  Henriette  Baretti,  des  Variétés, 
de  MM.  Barnoldt  de  l'Opéra-Comique,  Favart  et 
Feuchet,  lauréats  du  Conservatoire,  et  du  populaire 
chansonnier  Hippolyte  Ryon.  Le  piano  de  Pleyel- 
Volff  a  été  brillamment  tenu  par  M.  P.  Cordelle. 

Malgré  l'orage,  plus  de  quinze  cents  spectateurs 
sont  venus  prendre  part  à  cette  solennité,  pourl'exé- 
cution  de  laquelle  les  vaillants  artistes  ont  rivalisé 
de   talent. 

M"°  Marguerite  Baretti  a  dit  avec  une  grâce 
charmante  :  Ah/  Monsieur  f  et  la  Lettre  de  la  Cou- 
sine. 

Barnoldt    a    été   désopilant   dans  :   Ganivet,    les 


Canards,  Si  j'étais  f  invisible,  et  surtout  dans 
les  Tourtereaux,  et  la  Tyrolienne  des  Perruquiers, 
duos  comiques,  dont  M"°  Henriette  Baretti  a  tenu 
sa  partie  avec  un  entrain  parfait. 

Favart  a  été  on  ne  peut  plus  pathétique  dans  le 
Bal  masqué  de  Verdi  et  dans  le  solo  du  Chœur  des 
Hirondelles  du  grand  maître  Béi'anger  ;  il  a  dit 
aussi  le  Forgeron  de  la  Paix  d'une  façon  vrai- 
ment magistrale. 

L'air  varié,  Helvétie,  exécuté  sur  deux  clarinettes, 
par  MM.  Vink,  et  ***.  Belle  France,  chantée  par 
M.  GuiUemin,  et  Maudit  Printemps,  par  M.  Calais, 
ont  été  chaleureusement  applaudis. 

Hippolyte  Ryon  après  avoir  entonné  lui-même, 
de  sa  plus  belle  voix,  son  Versez-moi  donc  à  boire  et 
ses  Polichinelles  de  Paris,  nous  a  récité,  à  la  de- 
mande générale',  son  Lion  de  Belfort,  tout  palpitant 
d'héroïque  patriotisme. 

Enfin,  quatre  grands  chœurs  :  les  Navigateurs, 
le  Sylpliie,  de  Masseur,  avec  son  joli  solo  si  bien 
chanté  par  M.  Démur  père,  les  Hirondelles,  k  bou- 
che close,  musique  de  Laurent  de  Rillé  et  la  Mar- 
seillaise de  la  Paix  d'Etienne  Ducret,  exécutée  par 
les  Enfants  de  Saint-Denis,  ont  obtenu  le  succès  le 
plus  mérité. 

Une  quête  au  profit  des  Ecoles,  qui  a  pro- 
duit 85  fr.,   a  complété  la  fête. 

En  résumé,  bonnes  paroles,  belle  musique,  ex- 
cellents interprètes,  un  public  nombreux  et  satis- 
fait,  voilà  ce  que  nous  appelons  du  concert. 

La  Lyre  Bienfaisante.  9,  quai  Saint-Michel, 
donnait  le  15  septembre,  sous  la  présidence  de 
M.  Couvreur,  une  grande  soirée,  avec  concours 
àePoésies.  Le  jury  était  composé  de  MM.  BertuUien, 
Etienne  Ducret,  Delaunay,  Cahen,  Panard. 

Le  l"'  prix  a  été  donné  à  M.  Cognet  pour  le 
Mari  de  Jeanne,  poésie  dramatique.  M.  Octave 
Lebesgues  a  remporté  le  second,  avec  une  poésie 
A  Mademoiselle  Sarah  Bernard  Un  prix  d'exception 
pour  une  chanson,  Paris  la  nuit,  a  été  accordé  à 
M.  Diot. 

Les  prix  de  récit  et  de  chant  ont  été  remportés 
par  M"'  Vurère,  M"'  Fornande,  MM.  Sutter  et 
Paul  Touillot. 

Soirée  bien  remplie  et  des  plus  attrayantes,  comme 
on  le  voit. 

A.   P. 

Ne  voulant  pas  manquer  de  parole  à  M.  Emile,  le 
président  des  Enfants  d'Apollon,  j'ai  bravé  la  tem- 
pérature pour  assister  à  la  soirée  extraordinaire 
donnée  le  jeudi  18  septembre,  avec  le  concours 
d'artistes  des  concerts  et  des  sociétés  lyriques.  Les 
noms  de  Bourges  et  de  Debailleul  inscrits  au  programme 
avaient  suffi  pour  remplir  outre  mesure  la  trop 
petite  salle  du  Café  de  la  Paix,  75,  boulevard  Saint- 
Martin,  dans  laquelle  des  commissaires  zélés  par- 
viennent à  entasser  le  double  du  public  qu'elle  peut 
contenir. 

Le  programme  a  tenu  ce  qu'il  promettait  et  si 
Debailleul  nous  a  privés  du  plaisir  de  l'entendre,  en 
compensation  Bourges  nous  a  chanté  avec  l'entrain 
que  vous  lui  connaissez  Tais-toi,  Zoé,  une  de  ses 
dernières  créations  ;  inutile  d'ajouter  qu'il  a  été 
acclamé  et  rappelé.  M"°  Julia  a  apporté  sa  verve 
habituelle  dans  Je  n  fais  pas  ma  Tata  et  mon  Bien- 
aimé,  elle  en  a  été  récompensée  par  de  nombreux 
applaudissements.  M.  Vincent,  de  la  Renaissance,  le 


LA  CHANSON 


futur  pensionnaire  du  Conservatoire,  a  fait  valoir 
son  magnifique  organe  dans  la  romance  de  Don 
Sébastien  et  dans  le  Roi  des  Bohémiens  ,"M.  Monicart 
qui  se  tient  éloigné  depuis  quelque  temps  des 
sociétés  lyriques,  a  bien  voulu  se  faire  entendre 
dans  Laissons  la  porte  ouverte.  Fi  !  M.  Monicart,  que 
c'est  vilain,  lorsqu'on  possède  une  voix  comme  la 
vôtre,  de  délaisser  ainsi  vos  nombreux  amis.  Je 
citerai  ensuite  M"°  Adèle,  fort  applaudie  dans  une 
chanson  arabe,  Balkaïra  dont  la  belle  musique 
est  de  M.  Guidant,  puis  M""  Elisa  et  M°"Arpage. 
MM.  Marcus,  Bladier,  des  Amis  du  Commerce,  David 
qui  a  très-bien  dit  la  Veillée,  poésie  de  François 
Coppée,. Emile,  Néofol.  etc.,  etc. 

Je  suis  parti  au  moment  où  le  rideau  se  levait  sur 
La  Consigne  est  de  ronfler.  Après  avoir  serré  la  main 
à  M.  Cantarel,  président  des  Enfants  de  la  Seine,  et  à 
M  H.  Perrot,  son  secrétaire,  j'ai  regagné  mes 
pénates  (qui  ne  se  trouvent  pas  précisément  faubourg 
Saint-Martin)  emportant  un  agréable  souvenir  de  la 
soirée  des  Enfants  d'Apollon.  H.  M. 

Le  22  septembre  a  eu  lieu  la  soirée  d'inaugura- 
tion de  l'Union  et  Gaîté.  Tout  l'éclat  possible  avait 
été  donné  à  cette  solennité  à  laquelle  les  princi- 
paux artistes  de  la  Renaissance,  de  la  Cordiale  et  de 
la  Fauvette,  avaient  été  convins.  La  scène  des 
Fourchambnult  a  été  très-bien  interprétée.  M.  Ur- 
bain s'est  principalement  fait  remarquer  dans 
l'interprétation  de  ses  chansonnettes.  Nous  de- 
vrions désigner  aussi  un  artiste  très-original  qui, 
dans  une  petite  allocution,  a  trouvé  le  moyen 
d'imiter  parfaitement  le  cri  de  différents  ani- 
maux, mais  nous  ne  pouvons  citer  son  nom  qui 
ne  nous  est  parvenu  que  très-indistinctement  aux 
oreilles.  Le  compositeur  Jules  Raux,  inscrit  au 
programme  pour  dire  sa  nouvelle  chanson  :  Miaou/ 
ne  s'est  pas  fait  entendre,  nous  le  regrettons. 
En  résumé,  nous  n'avons  que  des  félicitations  à 
adresser  à  M.  Varenne,  président,  à  M.  Gabriel, 
régisseur,  ainsi  qu'à  tous  les  artistes  qui  ont 
prêté  leur  concours  à  cette  soirée.  Il  ne  nous 
est  pas  possible  de  citer  tous  les  noms,  vu  le 
grand  nombre  d'artistes  qui  ont  paru  sur  la  scène. 
A  ce  propos,  nous  est-il  permis  de  faire  remarquer 
très-amicalement  aux  organisateurs  que  le  pro- 
gramme était  trop  chargé  ?  Malgré  cela,  la  soi- 
rée a  été  excellente  et  promet  de  beaux  jours  à 
l'Union  et  Gaîté.  A.  P. 

Nous  n'avons  pas  encore  parlé  de  la  Lyre  amicale 
de  Paris,  ayant  ses  réunions  chaque  dimanche,  au 
café  Pygmalion,  boulevard  de  Strasbourg,  n°  6, 
président  M.  Dupont. 

Le  22  septembre  dernier,  une  foule  nombreuse 
s'était  rendue  à  la  soirée  donnée  par  cette  société  ; 
malgré  l'invitation  que  nous  avait  faite  le  président, 
nous  n'avons  pu  y  assister  étant  attendu  ce  même  jour 
dans  une  autre  société  ;  nous  pouvons  néanmoins  en 
donner  le  compte-rendu. 

La  danse  comme  d'habitude  a  précédé  le  chant 
qui  a  été  divisé  en  deux  parties.  Entre  la  première 
et  la  seconde ,  le  vaudeville  f/we  chambre  à 
deux  lits,  a  été  joué  en  véritables  artistes  par 
M.  Julien  Alix,  membre  d'honneur  de  la  Lyre  amicale, 
et  M.  Charles-Henri  D.  Citons  aussi  MM.  Marcus, 
Jules,  Bloch,  Léon  G.,  Julien  Alix,  M"°"  J***  et  E**, 
qui  dans  les  deux  .parties  de  chant  ont  été  chaleu- 
reusement applaudies. 


De  nouvelles  pièces  sont  à  l'étude  et  cette  société 
promet  d'agréables  surprises  à  ses  visiteurs. 

La  Fauvette  Parisienne  fera,  le  dimanche  5 octobre, 
sa  réouverture  des  soirées  d'hiver,  36,  galerie 
Montpensier  (Palais  Royal),  sous  la  présidence  de 
M.  Touzery.  Nous  en  rendrons  compte. 

Le  cercle  lyrique  Le  Caprice,  donne  tous  les 
dimanches  à  9  heures  soirée,  maison  Richeffeu, 
167,  galerie  de  Valois  (Palais  Royal),  M.  Staudt, 
président. 

Henry   MALLET. 

Un  nouveau  concert  vient  d'ouvrir.  37,  rue  Saint- 
Sébastien,  maison  L.  Schmitt  (près  le  boulevard 
Richard-Lenoir).  Le  Concert  Voltaire  est  intelligem- 
ment dirigé  par  M.  A.  Caprès  ,  très-connu  comme 
auteur  ;  le  piano  est  habilement  tenu  par  M.  L. 
Demortreux,  pianiste-compositeur  distingué.  Les 
samedi,  dimanche,  lundi  et  jeudi. 

A.  P. 

GRANDE  SALLE  A  LOUER 

Pour  Sociétés  lyriques.  Chorales,  Instrumentales, 
de  secours  mutuels  et  autres,  pouvant  contenir  aisé- 
ment 300  personnes,  parfaitement  disposée  pour  la 
danse,  très-bien  aérée  par  5  grandes  fenêtres,  au 
premier,  sur  la  rue.  Maison  PICHARD,  3,  rue  de 
Rivoli.  , 

Nos  abonnés  trouveront  intercalée  dans  le  présent 
numéro  une  chanson,  paroles  et  musique  de  notre 
collaborateur  Jules  Raux.  Cette  chanson  dont  le 
succès  musical  fait  le  tour  des  sociétés  lyriques,  n'a 
pas  encore  été  mise  dans  le  commerce  ;  nos  abonnés 
en  ont  la  primeur. 

A.  P. 

'Vient  de  paraître  à  notre  librairie  Le  Carnaval  de 
nos  jours,  pièce  en  vers  par  J.-B.  Davagnier,  in-4°à 
deux  colonnes,  imprimée   en  rouge.  Prix  :  20  cent. 

UUnion  littéraire,  revue  bi-mensuelle  des  poètes 
et  prosateurs,  vient  de  changer  complètement  de 
rédaction.  La  direction  littéraire  de  cet  intéressant 
organe  a  été  confiée  à  M.  Bertol-Graivil,  qui  n'aban- 
donne pas  pour  cela  son  poste  de  rédacteur  en  chef 
du  Progrès  artistique. 

Office  de  la  Presse,  de  la  librairie  et  des 
beaux-arts;  siège  provisoire,  22,  rue  Notre-Dame- 
de-Nazareth,  Paris. 

Vente  et  achat  d'imprimeries,  librairies,  papete- 
ries, cession  de  théâtres,  de  journaux,    etc. 

Consultations  sur  tout  ce  qui  concerne  la  pro- 
priété littéraire  et  artistique  —  de  4  à  6  heures. 


AVIS    AUX    MARCHANDS    LIBRAIRES 

"Vente  en  gros  et  au  numéro  de  LA  CHANSON 
aux  Bureaux  du  Journal,  18,  rue  Bonaparte  ; 

Chez  Jeanmaire  (ancienne  maison  Martinon), 
rue  des  Bons-Enfants,  32. 

Aux  Messageries  de  la  Presse,  rue  du  Croissant, 
9  et  11,  et  rue  de  Lille,  19  et  21. 

Chez  Girard,  libraire-commissionnaire,  13,  rue 
Monge. 

Chez  Traslin,  rue  du  Croissant. 


Le  Directetir-Gérant,  A.  PATAY. 


2*  ANNEE. 


N"  30. 


16  OCTOBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.  PATAY 

20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO   DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l^r  &  le  1 6  de  chaqiae  mois 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.  LEROY 


20  cent,  le  Numéro 
Sans  Supplément 


IDMINISTRATION  <l  RÉDACTION 

18,- RUE  BONAPARTE,  18 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an $  fr. 

y>         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOMMAIRE  :  Le  Vin  du  Souvenir,  paroles  de  o.  lemaitre/ musique  de  A.  Marcus.  —  Aux  Abonnés  et  aux  Lecteurs  c?eLa 
Chanson  (a.  patay.)  —  Banquet  au  Caveau  (eug.  imbert). —  Banquet  de  la  Lice  Chansonnière  (l.-henrylecomte). —  Pauvre 
Chanson,  que  vas-tu  devenir  ?  {guorges  baillet). —  Portrait  d'Homère  (juliette  mancelière).—  AM^^'X...  (j.  larotjier)  — 
La  Patriote  (esprit  rosier).  —  Vieille  chanson  de  Lithuanie  (bertol-oraivil).  —  L'Oreiller  d'Eglantine  (savaudy).  —  Le 
Printemps  (oustave  delecolle). —  Choses  et  autres. —  Bibliographie  (eug.  imbert,  a.  a.) — Chronique  des  Sociétés  lyriques 
(HENRI  MALLET,  A.  patay). —  Annonccs. 


LE      VIN      DU 

Paroles  inédites  de  G.  LEMAITRE. 
Moderato. 


gret.teRe.  Baissontdans  le  bon  vieux  via    AI. 
_  Ions!  ver.sez  ver_  sez    eu.  co_    re    Je 
sens       l'i  .  vres  .   se    m'é  .   tour,  dir  Pour 

re  .  voir  tous    ceux  que      j'a_  do  _  reVer. 
.  sez        le      vin        du       çou  _    ve  _    nir 


SOUVENIR 

Musique  nouvelle  de  A.  MARCUS 

A  dix  ans  j'allais  à  la  classe  ; 
Mais  avec  quelques  compagnons, 
J'aimais  mieux  courir  à  la  chasse 
Aux  abeilles,  aux  papillons  ; 
Sur  mon  sommeil,  ma  bonne  mère, 
Veillait  comme  un  ange  gardien  ; 
Et  quand  je  rouvrais  la  paupière, 
Son  cœur  battait  contre  le  mien. 
Allons,  versez,  etc. 

A  vingt  ans,  âge  où  la  jeunesse 
A  besoin  d'air  et  de  chanson. 
J'entendis  des  cris  de  détresse, 
Le  bruit  du  fusil,  du  canon. 
Contre  l'ennemi  de  la  France 
Qui  s'avançait  à  rangs  pressés. 
Je  combattis  avec  vaillance  : 
Jours  de  gloire  à  jamais  passés  ! 
Allons,  versez,  etc. 
A  trente  ans,  j'avais  une  belle 
(Un  soir  d'été  j'obtins  sa  foi), 
Je  n'avais  jamais  aimé  qu'elle, 
Elle  n'avait  aimé  que  moi. 
Hélas  !  au  printemps  de  sa  vie. 
L'écho  ne  redit  plus  la  voix. 
Mais  je  vois  son  ombre  chérie 
Dans  mon  verre  lorsque  je  bois. 
Allons,  versez,  etc. 
Maintenant  survient  la  vieillesse. 
Déjà  blanchissent  mes  cheveux. 
Illusions,  gloire  et  jeunesse, 
•    Adieu,  je  rejoins  mes  aïeux. 
Mais  avant  que  la  froide  terre 
Couvre  à  jamais  mes  sens  glacés, 
J'aime  à  vous  revoir  dans  mon  verre, 
Souvenirs  des  beaux  jours  passés. 
Allons,  versez,  versez  encore  : 
Je  sens  l'ivresse  m'étourdir, 
Pour  revoir  tout  ce  que  j'adore 
Versez  le  vin  du  souvenir. 


90 


LA  CHANSON 


AUX  ABONNÉS  ET  ÂCX  LECTEURS 

De    La    Chanson 

Le  présent  numéro  termine  notre  troisième 
semestre;  La  Chanson  compte  aujourd'iiui  dix-Iiuit 
mois' d'existence. 

Nous  avons  commencé  par  paraître  mensuelle- 
ment; six  mois  après  nous  paraissions  tous  les  quinze 
jours,  donnant,  grâce  à  la  suppression  de  la  couver- 
ture, seize  pagesde  texte  par  mois,  au  lieu  de  douze. 

Un  grand  nombre  de  nos  abonnés  et  de  libraires 
nous  demandent  maintenant  ;de  paraître  toutes  les 
semaines.  Cela  certes  nous  serait  très-agréable, 
mais  nous  ne  voulons  pas  donner  moins  de  huit 
pages  ni  augmenter  nos  prix  d'abonnement. 

Pour  arriver  au  résultat  que  nous  désirons  autant 
que  personne,  c'est-à-dire  à  donner  le  double  pour 
le  même  prix,  nous  faisons  appel  à  nos  abonnés  et 
à  nos  acheteurs  au  numéro.  Que  chacun  d'eux  fasse 
de  la  propagande  active  en  faveur  de  La  Chanson 
parmi  leurs  amis  et  les  personnes  que  notre  publica- 
tion intéresse  ;  que  chacun  fasse  un  ou  plusieurs 
abonnés  nouveaux,  que  nos  abonnés  des  départements 
nous  mettent  en  relation  avec  les  libraires  de  leurs 
villes  qui  s'occupent  de  la  vente  des  journaux  et  de  la 
musique  ;  que  ceux  qui  ont  de  l'influence  sur  les 
journaux  de  leurs  localités  fassent  annoncer  La 
Chanson  avec  persistance.  —  Grâce  au  résultat  de 
cette  propagande,  nous  pourrons  très-prochainement 
paraître  toutes  les  semaines  et  publier  plus  prompte- 
ment  les  pièces  reçues  par  notre  comité  de 
rédaction. 

Qui  parle  des  chansonniers  en  dehors  de  notre 
publication?  Et  ne  sera-t-elle  pas  pour  l'avenir,  la 
seule  histoire  chansonnière  de  ce  temps?  —  En 
travaillant  pour  nous,  les  amis  de  la  chanson  travail- 
leront donc  pour  eux-mêmes. 

A.  PATAY. 

Pour  nous  éviter  des  frais,  nous  prions  nos 
abonnés  de  nous  faire  parvenir  de  suite  le  montant 
de  leur  réabonnement.  Le  numéro  du  l"'  novembre 
sera  envoyé  à  tous  ;  ceux  qui  le  conserveront  seront 
considérés  comme  réabonnés  ;  les  autres  voudront 
bien  nous  renvoyer  le  numéro  avec  la  mention  refusé 
sur  la  bande. 

Quelques  personnes  n'ont  pas  encore  acquitté  leur 
réabonnement  du  1"  mai;  nous  supprimerons, 
au  16  novembre,  l'envoi  du  journal  à  toutes  celles 
qui  ne  se  mettront  pas  en  règle  d'ici  là.  Le  prix  du 
troisième  semestre  n'en  restera  pas  moins  dû. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU   CAVEAU 


BANQUET   DU   3    OCTOBRE 

Un  des  convives  du  Caveau  se  plaignait  hier,  dans  un 
couplet,  de  la  persistance  du  mauvais  temps  : 

Voilà    riiîver    qui    l'ecommence, 
s'écriait-il    douloureusement.   Sa  plainte  et  sa  douleur  re- 
tardent.    Les    beaux   Jours    reviennent,   au    contraire^    et 
retiennent    encore,  soit  à  la  campagne,  soit  aux  eaux,  un 
grand  nombre  de  visiteurs,  ordinairement  plus  assidus. 

D'où,  pénurie  de  chanteurs  ;  mais,  comme  dit  un  pro- 
verbe, qui  cette  fois  n'est  pas  menteur,  si  l'on  n'a  pas 
la  quantité,  on  se  rattrape  sur  la  qualité .  Puis,  si 
l'inédit  ne  donne  pas  assez,  on  a  le  regain.  Une  chan- 
son, pour  n'être  pas  nouvelle,  n'en  est  pas  moins  bonne, 
si  l'on  sait  bien  la  choisir.  Ainsi  a-t-on  fait.  Nous  avons  vu 
reparaître,  et  sans  nous  en  plaindre,  ces  bons  et  braves 
JGendarmes,  qu'Allard-Pestel  admire  et  plaint,  et  le  même 
auteur  nous  a  conté,  dans  un  rondeau  plein  de  grâce  et 
de  cœur.  Ce  que  peuvent  dire  deux  beaux  yeux.  Slouton- 
Dufraisse  nous  a  redit  sa  rencontre  avec  la  Voisine  de 
l'Omnibus.  Juteau,  d'une  voix  sympathique,  a  chanté 
la  Jeanne  de  Desforges,  qu'on  entend  toujours  avec  plaisir, 
et  que  Collignon  a  illustrée  d'une  musique  remarquable- 
ment appropriée  au  sujet. 

L'inédit  n'a  pas  complètement  fait  défaut.  Le  Caveau, 
qui  jamais  ne  sombre,  a  inspiré  à  Piesse  des  couplets  que 
j'appellerai  patriotiques.  Fier  de  ses  amis,  de  leur  courage, 
de  leur  persistance  à  soutenir  le  drapeau  de  la  gaie  science, 
il  célèbre  en  accents  émus  la  pérennité  de  sa  compagnie, 
Domestica  fada! 

Jullien,  souvent  sérieux  et  même  grave,  s'émancipe  cette 
fois  :  il  chante  la  Lune,  et  quelle  lune  !  Aussi,  pourquoi  va- 
t-il  s'asseoir  —  le  soir  —  sur  le  gazon  humide  ?  On  peut 
s'enrhumer  partout.'  Le  remède  est  auprès  du  mal  :  devise 
consolante,  si  elle  n'est  pas  toujours  vraie,  que  Montariol 
prétend  ériger  en  pi'incipe;  jolis  couplets,  dans  lesquels  le 
fameux  article  7  n'est  pas  oublié,  comme  bien  Vous  pensez, 
ni  les  banquets  royalistes  de  l'autre  semaine. 

Fénée,  comme  un  vrai  chansonnier  qu'il  est,  chante  Le 
Pour  et  le  Contre.  Il  excelle  dans  ces  tableaux  comiques, 
qu'il  pousse  quelquefois,  sans  qu'on  s'en  plaigne,  jusqu'à  la 
charge  désopilante.  Petit  (Jules)  est  un  Phocion  ganté  :  vi- 
gueur, mordant,  dédain  du  convenu,  sincérité,  conviction, 
il  relève  encore  ces  qualités  par  un  style  net,  précis,  clas- 
sique. Voyez  sa  Chanson  à  dire,  d'où  il  veuf  exclure  la 
politique,  et  vous  serez  de  mon  avis. 

Trois   chansons  de  Charles  Vincent,  une  touchante,    une 

guerrière   et  une longue.    Tel  est  son  contingent.  Ses 

Souvenirs  sur  un  vieil  air  ont  un  accent  personnel  qui 
charme.  Son  Tambour  est  plein  d'entrain,  et  l'auteur  sem- 
ble, en  disant  sa  chanson,  battre  la  charge  comme  son 
héros. 

L'Eau  bénite  de  Cour,  du  président  Grange,  présente, 
sous  la  forme  d'un  tiroir,  une  série  de  couplets  qui  sont 
autant  de  petites  comédies.  Le  directeur  du  théâtre,  qui 
trouve  trop  bonne  pour  sa  scène  la  pièce  qu'on  lui  pré- 
sente et  qui  renvoie  l'auteur  aux  Français  ;  le  père,  qui 
promet  de  donner  à  un  soupirant  sa  fille  dans  six  ou  sept 
ans  ;  le  ministre,  accueillant  un  savant  qui  sollicite  et  n'ob- 
tient pas  la  croix,  par  ces  mots  consolateurs,  mais  peu 
consolants  :  Vous  avez  des  droits  ;  tous,  et  bien  d'autres, 
donneurs  d'eau  bénite  de  Cour.  La  pièce  a  dû  être  redite. 

Comme  je  n'ai  pas  la  prétention  d'être  complet  dans  ce 
compte-rendu  déjà  long  d'une  soirée  trop  courte,  je  m'abs- 
tiens de  citer  une  chanson  à  boire,  de  Piesse,  l'Echelle, 
de  Ripault,  et  les  Couplets  d'un  Visiteur.  Personne  ainsi 
ne  pourra  se  plaindre. 

EuG.   IMBERT. 

Vient  de  paraître  le  Recueil  des  mots  donnés  de  1879  (*), 
La  Cuisine,  avec  le  portrait  du  président  en  costume  offi- 
ciel, toque  et  veste  blanches. 

I  mandat-poste  de 


LA  CHANSON 


91 


LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET     DU     1"     OCTOBRE 

Octobre  est  le  mois  des  vendanges  et  des  rentrées  ;  il 
fournit,  par  conséquent,  aux  présidents  de  Sociétés  litté- 
raires un  thème  excellent  de  discours  et  de  toasts  ;  le  salut 
aux  vins  nouveaux  et  aux  amis  anciens.  M.  Eclialié  n'a 
pas  fait  faux-bond  à  la  tradition,  mais  cette  fois  son  toast, 
coupé  presque  en  couplets,  marchait  d'une  rapide  allure. — 
Au  fait,  pourquoi  n'enlend-on  jamais  de  toast  chanté  "? 

J'ai  dit  que  je  ne  parlerais  désormais,  dans  ces  comptes- 
rendus,  que  des  œuvres  inédites  ;  je  veux  faire  exception 
aujourd'hui  en  faveur  de  deux  chansons  de  Le  Boullenger, 
dites,  en  souvenir  de  lui,  par  ses  camarades  Echalié  et 
Chebroux.  Chanson  d'ouverture  et  Le  Pays  îles  Cliimères 
sont  deux  productions  remarquables  d'un  poète  trop  peu 
connu. 

Les  uns  s'en  vont,  les  autres  arrivent.  La  Lice  fait  sans 
cesse  des  recrues  nouvelles.  Elle  a  reçu  l'autre  soir,  mem- 
bre titulaire,  le  chansonnier-compositeur  .Vlbert  Vernaelde, 
et,  membre  libre,  M  Detouche.  Le  premier  a  remercié, 
comme  il  est  d'usage,  par  une  chanson  de  réception  presque 
improvisée,  adroite  et  bien  tournée  cependant.  Le  second 
a  payé  son  écot  avec  une  chanson  inédite  de  liéranger  — 
vous  lisez  bien  :  liéranger  !  —  La  pièce  intitulée  le  Père 
Degordale,  paraît-il,  de  1822.  J'en  ai  retenu  le  refrain  : 

Pour   fêter   le   Dieu   des    vendanges, 
Le  patron  de  la  Cùte-d'Or, 
Et,  pour  bien  clianter  ses  louanges, 
Allons  chez  le  père  Degor. 

C'est,  en  définitive,  un  croquis  d'ami  dans  lequel  on 
cherche  vainement  à  retrouver  la  touche  du  maître.  N'y 
aurait-il  pas  erreur  dans  la  date  annoncée?  Et  ne  serait-ce 
pas  une  des  œuvres  primilivcs  de  Déranger  auxquelles  leurs 
cadeltes  seules  donnent  de  l'iiilrrèt? 

M.  Cahen,  dans  la  ChàlcUiuw  de  Sahitry,  a  les  effusions 
d'un  estomac  reconnaissant,  (leorges  lîaillet  plane  de  haut 
et  donne  à  tous  ce  patriotique  conseil  : 

Sur  nos  drapeaux,  au  lieu  de  pique, 
Citoyens,  mettons  un  flamlieaul 

Vous  devinez  quelles  antithèses  sont  venues  sous  sa 
plume,  qu'il  a  rarement  maniée  avec  autant  de  vigueur. 
Les  Trois  Compagnons  de  M.  Robinet  sont  racontés  avec 
une  saveur  particulière.  Ti'ois  amoureux,  après  une  longue 
absence,  s'attablent  sous  une  tonnelle  ;  tout  en  buvant, 
chacun  vante  les  charmes  de  sa  belle  qui  l'attend.  Un 
bruit  de  violon  se  fait  entendre  soudain  ;  une  noce  défile  : 
dans  la  mariée,  les  compagnons,  rivaux  à  leur  insu,  recon- 
naissent leui'  maîtresse  ;  ils  se  consolent  philosophiquement 
en  vidant  leur  gobelet.  —  Anecdote  charmante. 

M.  Hachin  nous  offre  Madelon,  chanson  drôle  sur  un 
drôle  d'air;  M.  Pingray,  les  Deux  moments,  qui  ne  sont  pas 
désagrables;  M.  fiodet,  l'Ivresse  bleue,  chanson  bachique  à 
laquelle  la  'Treille  de  Chebroux  fait,  un  poétique  pendant. 

M.  Caron  ne  chante  pas;  il  déclame,  et  de  terribles  vers 
niant  Dieu  qui  ne  s'en  soucie  guère.  C'est  là  précisément  le 
principal  argument  de  M.  Caron  ;  Dieu  ne  se  fâche  pas  des 
injures  qu'on  lui  adresse,  donc  Dieu  n'est  pas.  C'est  être 
cruel  que  d'exiger  de  Dieu  les  petites  rancunes  d'un  homme  ! 

M.  Berthier  que  je  n'avais  jamais  entendu  a  dit  la  Coupe 
du  Temps  ot  le  Choix  d'un  Ami,  deux  choses  spirituellement 
écrites,  nnemont  débitées.  M.  Leblanc  recommande  chaude- 
ment aux  enfants  la  lecture  ;  Georges  Baillet  plaint  la  chan- 
son poursuivie  par  l'alexandrin  ;  M.  Vernaelde  soupire  un 
Bandeau  d'amour;  enfin  Imbertîait,  dans  son  Prétendant 
résigné,  de  la  bonne  satire  politique. 

Ai-je  oublié  quelqu'un?  — Oui,  Jeannin,  toujours  amusant 
dans  ses  pochades  —  un  peu  connues. 

Bonne  soirée,  en  somme,  et  début  encourageant  des 
banquets  d'hiver. 

L.-Henry  LECOMTE. 


Nous  avons  reçu  la  lettre  et  la  chanson  suivantes 
que  nous  publions  avec  plaisir. 

Mon   cher  Patay, 

Nous  avons  trop  l'amour  et  le  culte  de  la  chanson  pour 
ne  point  réagir  contre  le  débordement  de  cette  espèce  de 
littérature  tonitioiante  qui  envahit  nos  goguettes  en  ce  mo- 
ment et  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  «  récits  ». 

Nous  admirons  beaucoup  leurs  auteurs,  mais  nous  pen- 
sons cpi'ils  feraient  mieux  de  s'adresser  à  la  Comédie  Fran- 
çaise, ou  à  tout  autre  établissement  ad  hoc  où  nous  irions 
les  entendre  avec  plaisir. 

La  goguette  (on  l'a  dit  souvent)  est  le  temple  de  la 
chanson  ;  pourquoi  se  tromper  de  porte  ? 

Il  est  vi-ai  que  chez  eux,  nos  bons  curés  chantent  ou 
récitent  suivant  le  prix  convenu  entre  eux  et  leurs  clients  ; 
mais  comme  nous  ne  faisons  pas  payer,  nous  demandons  à 
rester  purement  dans  nos  principes. 

Je  joins  à  cette  lettre  une  chanson  que  je  vous  prie  d'in- 
sérer dans  votre  journal.  C'est  de  la  critique,  soit,  mais 
de  la  critique  de  bon  aloi  !  Honni  soit  tpii  mal  y  pense  ! 

Puissent  tous  mes  collègues  partager  mes  sentiments. 
Recevez,  mon  cher  Patay,  l'assurance  de  ma  profonde 
considération. 

Georges  BAILLET. 


PAUVRE  mnm,  que  vamïi  devenir 


Air  :  T'en  souviens-tu. ..  .etc. 

Pauvre  chanson,  de  quel  fiel  on  t'abreuve. 
Quel  vent  maudit  souffle  à  ton  horizon? 
Malgré  tes  maux,   une  nouvelle  épreuve 
S'apprête  enoor  à  ternir  ton  blason  : 
S'accompagnant  de  grands  coups  de  tonnerre 
Contre  qui  rien  ne  peut  te  prémunir, 
L'Alexandrin  te  déclare  la  guerre . . . 
Pauvre  Chanson,  que  vas-tu  devenir  ? 

Qu'ils  sont  heureux  les  penseurs  pleins  de  flamme 

Qu'inspire  ainsi  tant  de  fécondité  ! 

Ces  mots  charmants  :  Hélas  !  mon  cœur  I  mon  âmel 

Los  mènent  tous  à  l'immortalité  ! 

Avec  un  rien,  avec  une  pensée 

Qu'un  seul  couplet  peut  trois  fois  contenir. 

En  se  mouchant,  ils  font  une  Odyssée, 

Pauvre  Chanson,  que  vas-tu  devenir  ? 

Comme  aujourd'hui  tout  ce  qui  fait  tapage,' 
A  tort  ou  non,  au  succès  a  des  droits, 
Ce  goût  du  jour,  pour  peu  qu'il  se  propage, 
Ira  bientôt  régner  au  fond  des  bois  : 
Les  rossignols  en  apprenant  sans  peine 
Les  longs  sujets  qu'ils  devront  retenir, 
Réciteront  des  vers  à  perdre  haleine, 
Pauvre  Chanson,  que  vas-tu  devenir  ? 

Dans   une  lutte   aimable   et  fraternelle, 

Tous  tes  enfants  se  donnent  rendez-vous  ; 

Et  c'est  à  C[ui,  pour  te  rendre  plus  belle, 

De  te  parer  se  montrera  jaloux  : 

Partout  déjà,  l'on  discute,  l'on  prône 

Le  gai  refrain  qu'Apollon  va  bénir. . . . 

C'est  un  poème  en  huit  chants  qu'on  couronne. . . , 

Pauvre  Chanson,  que  vas-tu  devenir? 


92 


LA  CHANSON 


Hier  encor,  sous  le  masque  du  Rire, 

En  quelques  mots  tu  semais  en  chemin 

L'éclair  joyeux  ou  l'ardente  satire 

Qu'on  répétait  partout,  le  lendemain. 

Mais,  de  nos  jours  (qui  donc  n'a  pas  son  maître?) 

Tes  petits  vers  n'ont  qu'à  bien  se  tenir. 

Car  l'art  divin  se  cote  au  kilomètre .  . . 

Pauvre  Chanson,  que  vas-tu  devenir?. . . 

Adieu,  Chanson,  adieu  !  Fuis  loin  des  hommes, 
Et,  vers  les  cieux,  prends  ton  vol,  pour  toujours. 
On  est  trop  fort,  dans  le  siècle  oii  nous  sommes, 
Pour  croire  encor  à  tes  légers  discours.  .  . 
Un  jour,  pourtant,  si  les  peuples  fidèles 
Revendiquaient  ton  joyeux  souvenir. 
Comme  autrefois,  ouvrant  tes  larges  ailes. 
Pauvre  Chanson,  daigne  nous  revenir  ! 

Georges  BAILLET. 


LE     PORTRAIJ     D'HOMÈRE 

Air  :    Salut,  petit  cousin  germain  (Béranger) 

Mon  cœur  aime  tous  les  talents. 
Ma  main  encense  toute  gloire  ; 
Petite  cigale,  mes  chants 
Pourront-ils  vivre  en  la  mémoire  ? 
Peut-être  un  peu,  car  mes  héros 
Refléteront  sur  moi,  j'espère  ; 
Aujourd'hui  mes  légers  pipeaux 
Vont  chanter  le  portrait  d'Homère. 

Il  est  chez  nous,  c'est  un  français. 
Qui  n'a  vu  sa  photographie? 
Même  noblesse  dans  les  traits. 
Même  aspect  plein  de  bonhomie. 
L'inamovible  sénateur. 
Vigoureux  septuagénaire, 
Brillant  toujours  comme  orateur. 
N'est-il  pas  le  portrait  d'Homère  ? 

Honnête  homme  et  bon  citoyen, 
Se  guidant  par  sa  conscience. 
Plutôt  que  faire  un  serment  vain , 
Il  s'exila  loin  de  la  France. 
Il  y  revint  dans  nos  douleurs. 
Rapportant  son  fier  caractère 
Et  vouant  sa  vie  aux  labeurs  ; 
N'est-ce  pas  le  portrait  d'Homère? 

-Déjà  bien  jeune  adolescent, 
Il  faisait  applaudir  sa  lyre  ; 
De  nos  jours  il  est  le  plus  grand 
Pour  drame,  poème,  satire. 
Il  a,  par  son  talent  si  beau. 
Le  respect  de  la  France  entière, 
Fière  de  son  Victor  Hugo 
Comme  la  Grèce  l'est  d'Homère. 
{Inédit)  Juliette  MANCELIÈRE. 


A    MADEMOISELLE    ** 

Aux  uns  Dieu  donne  la  richesse, 
A  vous  il  donna  la  beauté  ; 
Je  croyais  avoir  la  sagesse, 
En  vous  voyant  j'en  ai  douté. 
{Inédit)  J.  LARGUIER. 


A  M™»  Rosa  Bordas 

LA     PATRIOTE 

CHANT    NATIONAL 
Musique   de   G.   BOYER 

Peuple  français,  souviens-toi  de  ta  gloire 
Qu'ont  faite  illustre  à  jamais  tes  aïeux. 
Ces  fiers  guerriers,  ces  héros  dont  l'histoire 
A  consacré  les  hauts  faits  merveilleux  ! 
Ce  souvenir  grandira  ton  courage 
Et  ton  courage,  appui  de  ton  espoir. 
Pour  repousser  tout  indigne  servage 
Te  rendra  fort  à  l'heure  du  devoir. 

Que  La  Patriote  toujours 
Soit,  pour  nous,  un  chant  d'espérance, 
Un  chant  de  gloire  pour  la  France 
A  qui  nous  vouons  nos  amours. 

Si  les  vertus  ont  rendu  grands  nos  pères, 
Sachons,  comme  eux,  être  aussi  vertueux 
Et  nous  aurons  des  destins  plus  prospères. 
Car  les  vertus  font  les  peuples  heureux. 
De  tout  ton  cœur  aime  la  République 
Qui  veut  pour  tous  la  sainte  Egalité 
Et,  quand  bien  haut  parle  l'honneur  civique, 
Français,  salue  en  lui  la  liberté. 

Que  La  Patriote,  etc. 

N'ayons,  Français,  qu'une  seule  et  même  âme  1 

Que  l'union  préside  à  nos  destins  !.. 

N'est-elle  pas  un  consolant  dictame  ? 

Par  l'union  soyons  républicains  ! 

La  République  est  une  bonne  mère. 

De  ses  enfants  elle  veut  le  bonheur  ! 

Que  dans  nos  mains  son  drapeau  légendaire 

Flotte  toujours  pour  la  France  et  l'honneur. 

Que  La  Patriote  toujours 
Soit,  pour  nous,  un  chant  d'espérance. 
Un  chant  de  gloire  pour  la  France 
A  qui  nous  vouons  nos  amours. 

Esprit  ROSIER. 


CURIOSITES    DE   LA  CHANSON 


VIEILLE  CHANSON  DE  LITHUANIE 
(Imité  d'un  chant  Lithuanien) 
Mamère  un  jour  m'a  dit  :  k  Va  dans  le  bois,  ma  fille, 
Chercher  la  fleur  d'hiver  et  la  neige  d'été.   «  — 
Un  matin,  tristement,  je  quittai  ma  famille. 
Cherchant  la  fleur  d'hiver  et  la  neige  d'été. 
Je  contemplai  les  bois,  les  prés,  le  flot,  la  vague. 
J'entendis  un  pasteur  parler  à  mon  côté  : 

Tu  contemples  les  bois,  les  prés,  le  flot,  la  vague, 

Seul,  je  puis  te  donner  ce  qui  te  serait  cher. 

Si  tu  veux  être  bonne  et  me  laisser  ta  bague.  — 

Voilà  ce  que  tu  veux,  donne  ce  qui  m'est  cher. —  | 

Dans  le  bois  de  sapin  va  cueillir  une  branche 

Et  porte-la  chez  toi  :  voilà  la  Fleur  d'Hiver. 

Puis  quand  tes  doigts  auront  déposé  cette  brancheyj 

De  ce  flot  que  la  mer  sur  la  grève  a  jeté. 

Dans  ta  ohétive  main  saisis  l'écume  blanche. 

Et  tu  posséderas  de  la  Neige  d'Eté. 

BERTOL-GRAIVIL. 

Rédacteur  en  chef  du  Progi-ès  Artistique. 


LA  CHANSON 


93 


BIBLIOGRAPHIE 


STROPHES  JIILITAXTES,  par  Ange  Péchméja 
Paris,  1879,  Hachette. 

«  Un  poète  singulièrement  vigoureux  et  dans  le 
fond  et  dans  la  forme,  disions-nous  dans  notre  compte 
rendu  du  concours  libre  de  La  Chansnn  (voir  numéro 
du  1"  décembre  1878),  c'est  assurément  l'auteur  de 
Théanon.  Et  nous  citions  le  sonnet  intitulé  Allégorie, 
quelques  vers  de  Françoise,  à  l'ample  croupe,  et 
quelques  strophes  du  Toast. 

Nous  venons  de  lire  le  recueil  de  M.  Péchméja, 
car  c'est  de  lui  que  nous  parlions  ainsi  sans  le 
connaître,  et  nous  devons  avouer  que,  loin  d'avoir 
rien  à  retrancher  des  éloges  que  nous  écrivions  alors, 
les  expressions  nous  manquent  aujourd'hui  pour 
caractériser  avec  justesse  son  remarquable  talent. 

Hardi  dans  sa  conception,  maître  de  sa  pensée, 
il  se  joue  à  travers  les  rhythmes  les  plus  calmes  ou 
les  plus  abracadabrants  avec  une  facilité  merveilleuse. 
Le  mot  inattendu,  maïs  juste,  arrive  de  soi-même, 
comme  chez  tant  d'autres  le  mot  banal.  Sa  phrase, 
ici  hachée  et  courte,  parcourt  ailleurs  trois  ou  quatre 
strophes  d'une  seule  tenue  ;  elle  rappelle  alors  la 
fameuse  période  cicéronienne,  période  divisée  par 
tronçons  mais  toujours  serpentant,  vivace  et  bondis- 
sante, comme  parle  Moreau,  parvenant  à  son  but  sans 
efforts  et  le  saluant  d'un  éclair. 

Les  sources  où  l'auteur  puise  ses  inspirations  sont 
toutes  élevées  :  l'amour  de  la  patrie  ;  la  haine  du 
laid,  qui  dans  l'ordre  moral  se  nomme  le  mal  ;  la 
soif  de  l'infini;  le  mépris  de  tout  ce  qui  est  vil  et 
bas;  l'adoration  du  vrai,  qui  est  la  nudité  du  beau. 

A  une  bigote,  le  Paon,  sont  des  portraits  vivants 
de  vérité  et  d'un  comique  achevé.  La  fin  du  premier 
de  ces  morceaux  est  sanglante  :  Crois-tu,  dit-il  à  la 
vieille  enfiellée, 

Que,  quand  sur  Ion  vieux  corps  le  prêtre  aura  chanté, 

Les  bons  vivants  que  tu  déchn'es 
Prendront  naïvement  la  puanteur  des  cires 

Pour  l'odeur  de  ta  sainteté? 

Et  le  Paon,  comme  il  est  peint! 

S'il  tire  son  mouchoir,  tout  le  monde  éternue. 

Dans  le  genre  épique,  citons,  car  il  faut  choisir, 
Régulus,  et  dans  le  genre  humoristique  et  touchant, 
Une  victime,  ce  pauvre  lombric  écrasé  par  un  prome- 
neur nonchalant  : 

En  me  rapetissant,  j'avais  erandi  la  bête 

Sur  laquelle  mon  pied  tomba  comme  un  carreau; 

J'avais  fait  un  martyr  de  ce  reptile  honnête, 

Qui  de  moi  —  troc  vengeur  —  faisait  un  vil  bourreau. 

Le  Revanche,  Némésis,  Jeux  [innocents  sont  encore 
des  pièces  éminemment  remarquables.  C'est  du 
Hugo  réussi,  et  du  Hugo  jeune. 

Illusions  perdues  :  sous  ce  titre,  le  poète  dépeint 
d'abord  les  rigueurs  d'une  fière  beauté. 

—  Fière...  de  son  esprit?  —  Non  :  l'esprit  d'une  rose! 

—  De  son  savoir,  de  ses  vertus?  —  Non,  je  suppose. 

Ces  rigueurs  l'exaspèrent  enfin,  et  la  force  de  son 
amour  le  fait  sortir  des  gonds. 

Ma  foi,  je  voulus  en  finir 

Avec  ce  régime  d'attente. 

Bref,  ivre  comme  si  l'on  m'eijt  gorgé  d'arack. 
Sans  parler  au  concierge  étant  monté  chez  elle, 
J'ouïs,  en  étreignant  de  rage  son  corps  frêle, 
Quelque  chose  qui  faisait  crac. 


Alors,  au  désespoir  d'un  élan  si  peu  sage. 
Bien  convaincu  d'ailleurs  qu'elle  se  trouvait  mal, 
Je  cherchai  des  ciseaux,  me  traitant  d'animal, 
Pour  lui  débrider  le  corsage. 

J'y  parvins^  mais  sa  voix  n'avait  plus  de  chanson; 
Bouche  béante,  œil  clos.  Dans  l'angoisse  prolixe 
De  ce  problème  obscur,  j'en  sollicitais  l'x, 

Quand  soudain  des  torrents  de  son  ' 

Jaillirent  d'elle,  comme  un  flot  d'une  rivière. 
Du  son,  et  puis  du  son.  Y  perdant  mon  hébreu. 
Je  me  dis  à  part  moi  :  Serait-ce  donc,  mon  dieu, 
De  ce  son  qu'elle  était  si  fière  ? 

Voilà  donc  le  secret  de  son  orgueil  !  Enfer! 
Elle  était  en  carton...  Elle  est  en  marmelade. 

Fort  bien,  direz-vous  ;  voilà  de  la  vigueur,  de 
l'audace,  de  la  couleur.  Mais  où  est  dans  tout  cela 
le  genre...  comment  dire?.,  académique?  De  pareilles 
pièces  oseraient-elles  se  présenter  dans  un  concours, 
aux  Jeux  floraux  ou  bien  à  l'Institut? 

J'avoue  que  je  n'y  avais  pas  pensé.  Mais  si  l'idée 
m'était  venue  de  chercher  dans  ces  vers  mâles  et 
hardis  le  cachet  bourgeoisement  modéré  et  conve- 
nablement aplati  qui  sied,  aux  yeux  de  certaines 
personnes  prudentes  et  sages,  à  tout  poète  cossu  et 
bien  cravaté,  j'aurais  hautement  félicité  l'auteur  de 
n'avoir  coupé  à  sa  muse  ni  les  ailes  ni  les  ongles. 
N'avons-nous  pas  assez  de  versificateurs  laiteux? 
Acclamons  donc  le  vaillant  lutteur  ennemi  de  toute 
espèce  de  masque  et  même  de  la  feuille  de  vigne. 
Laissons  les  Prudhommes  classiques  moisir  dans  leur 
prose  mal  rimée. 

J'aurai  voulu  citer,  au  moins  par  extrait,  les 
Guerriers  fantômes,  les  Gueux;  mais  la  place  me 
manque. 

Ne  nous  demandons  pas  si  certains  sujets  ultra 
métaphysiques  sont  bien  du  domaine  de  la  poésie. 
L'exemple  et  le  succès  de  M.  Peoliméja  nous  répon- 
draient victorieusement.  Mentionnons  seulement  le 
sentiment  de  surprise  qu'éprouve  un  lecteur  superfi- 
ciel ou  léger,  lorsque,  après  un  morceau  tel  que 
La  Dévote  ou  Le  Paon,  par  exemple,  il  se  trouve  en 
face  d'un  poème  sur  la  science,  sur  Vêtre  et  le  non 
être,  sur  le  négatif,  dont  l'excès  produit  la  mort,  et 
sur  le  positif,  qui  est  la  source  de  la  vie. 

Annonçons  pour  finir,  l'apparition  promise  de 
nouveaux  recueils  de  M.  Péchméja  :  Les  Fruits  du 
mal,  les  Fleurs  du  rêve.  Pochades  grotesques,  etc., 
sans  compter  plusieurs  œuvres  théâtrales.  Nous 
avons  du  pain  sur  la  planche. 

EuG.  IMBERT. 


A  MES  HEURES  PERDUES,  par  Louis  Goblet. 

—  Paris,  chez  E.  Rouveyre.  —  M.  L.  Goblet  a 
tort  de  croire  —  le  croit-il?  —  qu'il  a  «  perdu  ses 
heures  d  en  publiant  ce  coquet  petit  volume.  Le  temps 
consacré  à  l'art — quelle  que  soit  la  valeur  de  l'artiste  — 
n'est  jamais  du  temps  mal  employé.  —  Les  vers  de 
M.  Goblet  sont  jeunes  :  il  y  a  une  certaine  inex- 
périence dans  ce  début,  mais  l'auteur  ne  doit  pas  se 
décourager  ;  qu'il  continue  à  donner  vaillamment  à 
la  littérature  les  rares  loisirs  que  lui  laisse  sa  situa- 
tion, et,  sans  nul  doute,  nous  aurons  promptement 
de  lui  une  nouvelle  oeuvre  qui  marquera  un  progrès 
sensible. 

(Z  a  Jeune  France)  A.  A.. 


94 


LA  CHANSON 


L'OREILLER  D'EGLANTINE 


Ah  !  qu'il  est  blanc  son  oreiller  : 

Doux  nid,  fine  dentelle, 
Parfum  qu'on  ne  peut  détailler, 

Mais  qui  vous  dit  :  c'est  elle. 
Sont  front  a  laissé  son  contour 

Sur  la  plume  affaissée  : 
En  le  baisant  avec  amour 

Aurait-on  sa  pensée?... 
Ah  !  qu'il  est  blanc  son  oreiller! 

Ah  !  s'il  parlait  son  oreiller, 

Il  en  aurait  à  dire  1 
Son  cœur  vient-il  de  s'éveiller? 

Elle  rêve  et  soupire... 
Un  sourire,  une  larme,  un  rien, 

Sont  une  confidence  ; 
Le  nom  qu'elle  cache  si  bien 

Il  le  connaît  d'avance... 
Ah  !  s'il  parlait  son  oreiller  ! 

Ahl  que  j'aime  son  oreiller! 

Amour,  tu  t'y  révèles  : 
Pour  lui  tu  dus  te  dépouiller 

Du  duvet  de  tes  ailes... 
Ne  me  vient-elle  pas  de  toi 

Cette  effluve  de  flamme 
Qui  fait  comme  lever  en  moi 

L'aurore  de  mon  âme? 
Ah!  que  j'aime  son  oreiller! 

Ahl  si  j'étais  son  oreiller, 

L'oreiller  d'Eglantine! 
La  sentir  sur  moi  sommeiller 

Dans  sa  grâce  enfantine  ! 
Ma  raison  se  trouble  et  se  perd 

En  extase  muette, 
Et  crois  voir  le  ciel  ouvert 

Au  dessus  de  ma  tête... 
Ahl  si  j'étais  son  oreiller! 

SAVAUDY. 


LE    PRINTEMPS 

SONNET 

Le  printemps  ouvre  ses  mains  pleines  : 
Il  tombe  des  milliers  de  fieurs, 
Et  voici  nos  bois  et  nos  plaines 
Imprégnés  de  tendres  senteurs. 

Les  zéphirs  aux  tièdes  haleines. 
Captifs  dans  leur  prison  d'hiver, 
S'échappent  en  brisant  leurs  chaînes 
Dès  que  paraît  le  gazon  vert. 

L'Amour  à  leur  suite  s'élance, 
Et  lajeunesse  recommence 
Soudain  pour  la  terre  et  pour  nous; 

Et,  dans  la  nature  en  démence. 

Ce  n'est  plus  qu'un  baiser  immense  I 

. .  .Et  les  cieux  deviennent  jaloux  I 

Gustave  DELECOLLE. 


CHOSES    &    AUTRES 


Nous  avons  reçu  la  note  suivante  : 

Aux  termes  des  statuts  de  la  société  des  auteurs,  com- 
positeurs et  éditeurs  de  musique  (Agence  RoUot),  les 
sociétaires  doivent  être  réunis  en  assemblée  générale  au 
moins  une  fois  par  an. 

Le  28  juin  1879,  l'année  était  écoulée  et  les  sociétaires 
n'ont  pas  été  encore  convoqués . 

Un  autre  article  des  statuts  dit  que  des  assemblées  géné- 
rales extraordinaires,  pour  un  objet  détermiué,  peuvent 
avoir  lieu  dans  l'intervalle,  et  sur  la  demande  écrite  de 
25  sociétaires. 

Une  demande  d'assemblée  générale  extraordinaire  ayant 
pour  objet  de  traiter  des  questions  relatives  à  l'administra- 
tion, signée  par  37  sociétan-es,  a  été  remise  au  syndicat  qui 
a  répondu  que  l'objet  n'était  pas  suffisant. 

Ces  Messieurs  comptent-ils  donc  s'éterniser,  ou  comme  on 
le  croit  généralement,  n'osent-ils  pas  se  présenter  devant 
les  sociétaires  réunis  pour  prendre  la  défense  de  l'Agent 
Général  RoUot,  dont  la  commission  des  comptes  doit 
demander  le  renvoi  pour  des  motifs  graves. 

Pour  la  Commission  des  Comptes  : 
Le  Sea'étaire, 

Louis  GABILLAUD, 


Les  cent  trente -neuf  poètes  qui  ont  pris  part  à 
notre  grand  concours  en  l'honneur  de  Béranger 
nous  ont  envoyé  359  pièces  diverses.  Nous  rendrons 
compte  de  ce  concours  aussitôt  que  les  travaux  du 
Jurj'  seront  terminés. 

L'abondance  des  matières  nous  force  encore 
d'ajourner  notre  boîte  aux  lettres. 

Nous  publierons  très-prochainement  la  longue 
liste  des  pièces  admises  parle  comité  d'examen  et  qui 
paraîtront  prochainement  dans  La  Chanson. 

Notre  Concours  périodique  est  ajourné  au  mois 
prochain. 

SOUSCRIPTION  POUR  LA  TOMBE  DE  LEDUC 

Société   des  Enfants   du  Marais,  M.  Chaumette 

pi'ésident 5  » 

MM.  A.  Patay,  directeur  de  La  Chanson 5  » 

J.  Lavergne,  chansonnier 1  » 

Denis 2  50 

Eugène  Baillet,  chansonnier 3  » 

Eugène  Imbert,  chansonnier 2  « 

Eugène  Carlos,  homme  de  lettres 5  » 

H.-E.  Valère  aîné,  chansonnier 2  » 

Total....        25  50 
La  souscription  reste  ouverte  ;  nous  faisons  appel 
aux  amis  de  Leduc  :  La  souscription  sera  close  lors- 
que nous  aurons  recueilli  cinquante  francs. 

Le  banquet  offert  à  M.  Carolus  Duran,  qui  a  eu 
lieu  jeudi  soir  à  YHôtel  de  l'Europe,  a  été  un  écla- 
tant triomphe  pour  le  grand  artiste  lillois.  La  salle 
des  fêtes  de  l'hôtel  était  comble  :  la  table  en  fer  à 
cheval  la  remplissait  toute  entière  et  encore  les 
convives  se  trouvaient-ils  à  l'étroit  ;  on  n'aurait  pas 
pu  placer  un  couvert  de  plus. 

Le  repas  terminé,  de  nombreux  chants  ont  embelli 
la  suite  de  la  soirée  :  M.  Riquier-Delaunay  a  bien 
voulu  interpréter  une  œuvre  d'un  enfant  du  Nord, 
illustre  aussi,  Paris,  de  Nadaud  ;  M.  Corneillier, 
des  Orphéonistes,  a  chanté  les  Hirondelles;  mais 


LA   CHANSON 


95 


c'est  surtout  pour  le  trouvère  si  justement  cher  à 
tous  les  fils  de  la  Flandre,  pour  Desrousseaux  qu'a 
été  le  triomphe. 

Sur  les  instances  unanimes  qui  lui  ont  été  adres- 
sées, notre  bon  chansonnier  a  dit  de  la  plus  exquise 
manière  V Habit  d'mùi  grand'père,  puis  le  Pana,  et 
deux  de  ses  pasquilles,  adorables  tableaux  de  genre 
des  mœurs  lilloises.  Il  serait  impossible  d'exprimer 
le  plaisir  que  ces  quatre  morceaux  ont  causé  à  l'au- 
ditoire et  qu'ont  traduit  des  rires  inextinguibles  et 
des  bravos  interminables. 

{L'Echo  du  Nord.) 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

La  soirée  de  réouverture  donnée  le  27  septembre, 
boulevard  de  Strasbourg,  8,  café  du  Globe,  par  la 
société  J.a  Pastorale,  a  été  des  plus  brillantes.  Dès 
8  heures,  on  ne  trouvait  plus  de  places.  J'adresse  ici 
tous  mes  remercîments  à  M.  le  président  qui  avait  eu 
la  précaution  de  m'en  réserver  une.  (Puisse  son 
exemple  être  suivi  par  MM.  les  présidents  qui  envoient 
des  lettres  d'invitation  au  journal  La  Chanson). 

La  soirée  se  divisait  en  trois  parties  : 

1°  Romances  et  chansonnettes  par  les  meilleurs 
artistes  des  sociétés  lyriques  ; 

2°  Une  scène  Des  Fourchambault  très-bien  inter- 
prétée par  MM.  Moria  et  Guilloton,  tous  deux  de  la 
Lyre  d'Orphée  ; 

3'  Une  série  d'expériences  amusantes  de  prestidi- 
gitation présentées  par  M.  Dikson,  professeur,  qui 
sait  joindre  à  une  merveilleuse  habileté  la  courtoisie 
la  plus  exquise. 

En  somme,  bonne  soirée  qui  fait  honneur  à 
M.  Damillot,  le  président.  N'oublions  pas  M.  Marcus, 
le  pianiste-compositeur. 

Grande  soirée  mensuelle  le  jeudi  2  octobre  aux 
Enfants  d'Apollon.  Pas  un  vide  dans  la  salle.  Très- 
belle  soirée  à  laquelle  MM.  Bourges  et  Debailleul 
ont  bien  voulu  prêter  leur  concours. 

Ils  en  ont  été  récompensés  par  des  bravos  fré- 
nétiques. On  s'est  séparé  en  se  donnant  rendez- 
vous  pour  la  grande  soirée  de  novembre.  M.  Emile, 
Président,  nous  ayant  promis  des  merveilles,  atten- 
dons-nous à  être  surpris  agréablement. 

La  Fauvette  Parisienne  a  inauguré  la  réouverture 
de  ses  soirées  le  5  octobre,  au  Palais-Royal.  Peu 
d'artistes  s'y  sont  fait  entendre,  mais  en  revanche, 
la  qualité  a  suppléé  à  la  quantité.  C'est  M.  Bellon, 
arrivé  le  premier  en  scène,  qui  a  déridé  les  specta- 
teurs. Ce  jeune  artiste  possède  un  beau  timbre  de 
voix  et  promet  un  bon  comique  pour  l'avenir.  Son 
successeur, M.  Henri  H., est  un  habitué  de  nos  concerts; 
son  jeu  aisé  et  guilleret  entraîne  les  applaudis- 
sements. L'air  du  Pardon  de  Ploërmel  a  été  chanté  par 
une  jeune  basse  del8  ans  environ,  M.  Lefebvre,  qui  a  en 
lui  l'étoffe  d'un  bon  chanteur.  Quoique  n'ayant  que 
des  félicitations  à  adresser  à  M.  Lefebvre,  nous  lui 
conseillerons  cependant  de  choisir  des  morceaux  un 
peu  plus  courts.  M"°  Marguerite  a  été  charmante 
dans  la  chanson  Méchant,  méchante.  L'attrait  de  la 
soirée  reposait  sur  MM.  Leiris  et  Jules  Raux.  De 
sa  voix  fraîche,  M.  Leiris  a  dit  la  Chanson  de  Mignon 
qui  a  fait  soupirer  bien  des  cœurs  !  Est  venu  ensuite 
le  compositeur  Jules  Raux  qui  a  détaillé  d'une  façon 
originale    les    couplets  de    sa  malicieuse    chanson 


Miaou.  Pour  clore  le  récit  de  cette  bonne  soirée, 
citons  encore  M.  Fernand  qui  est  doué  d'un  organe 
très-agréable,  et  M.  Durel,  le  sympathique  barj'ton  à 
qui  nous  reprocherons  de  ne  pas  se  montrer  assez 
souvent  en  public. 

Mardi,  7  octobre,  grande  soirée  à  la  Renaissance 
(Café  du  Globe,  6,  Boulevard  de  Strasbourg). —  Un 
public  nombreux,  comme  toujours,  assistait  à  cette 
soirée  où  se  sont  fait  entendre  les  artistes  les  plus 
aimés  des  Sociétés  lyriques.  Citons  au  hasard 
MM.  Paul  Launay,  Vincent,  Donckèle,  MM"""  Julia, 
Bienvenu,  etc.,  etc.  Nous  avons  entendu  et  applau- 
di un  jeune  violoniste  d'avenir.  M.  Camille  Pugnot, 
qui  conduit  son  arciiet  avec  une  agilité  merveilleuse 
et  un  talent  véritable. 

Le  programme  offrait  comme  partie  dramatique 
la  reprise  du  Luthier  de  Crënone.  Nous  ne  revien- 
drons pas  sur  cette  pièce  dont  notre  ami  Leroy  a 
donné  un  compte-rendu  détaillé.  Signalons  seule- 
ment que  les  interprètes  se  sont  surpassés  et  que 
M.  Bigot,  qui  abordait  pour  la  première  fois  le  rôle 
ingrat    de  Sandro,  s'en   est   fort  vaillamment  tiré. 

Le  Luthier  de  Crémone  servait  également  aux  dé- 
buts d'une  charmante  recrue  de  M.  Ramel,M"°Paula, 
qui  a  interprété  d'une  façon  remarquable  le  rôle 
difficile  de  Gianina.  Nous  sommes  certain  d'avance 
que  M.  Ramel,  en  habile  président  qu'il  est,  saura 
fixer  pour  longtemps  cette  nouvelle  étoile. 

Nous  publierons  prochainement  l'historique  de 
la  Renaissance,  depuis  sa  fondation. 

Les  Enfants  de  la  Gaîté,  40,  rue  des  Francs-Bour- 
geois, viennent  de  faire  leur  réouverture  sous  la 
direction  de] M.  Sergent  père,  le  nouveau  président. 
Cette  Société  prépare  une  nouvelle  grande  soirée 
pour  la  statue  de  Bér.\nger. 

Le  20  octobre,  grande  soirée  à  YUnion  et  Gaité. 
M.  Varenne  pr'ésident,  8,  boulevard  de  Strasbourg. 

Le  dimanche  19  octobre,  la  société  lyrique  les 
Enfants  de  la  Seine,  sous  la  présidence  de  M.  Can- 
tarel,  donnera  dans  son  local  ordinaire ,  20,  rue 
Palestre,  une  grande  soirée  au  profit  de  la  sous- 
cription pour  la  statue  de  Béranger. 

Nous  invitons  toutes  les  sociétés  qui  organisent  des 
soirées  pour  la  souscription  Béranger,  de  nous  en 
faire  part  à  l'avance  pour  que  nous  puissions  les 
annoncer  à.  temps.  Il  en  sera  rendu  compte  dans 
La  Chanson. 

L'idée  d'une  Fédération  ■•syndicale  des  Sociétés 
Lyriques  Parisiennes  fait  son  chemin.  Nous  en  re- 
parlerons prochainement. 

Réparons  un  oubli  qui  s'est  glissé  dans  notre 
dernier  numéro.  En  donnant  le  compte-rendu  de 
la  grande  soirée  donnée  par  la  Lyre  Amicale, 
nous  avons  omis  de  citer  M.  Fortuna  Lévy  qui, 
depuis  longtemps,  prête  son  concours  à  cette  Société. 

Nous  publierons,  dans  notre  prochain  numéro, 
les  comptes-rendus  de  la  réouverture  de  YUnion  ar- 
tistique, M.Paulin,  président,  et  de  la  grande  soirée 
des  Amis  du  Commerce,  très  habilement  dirigée  par 
M.  Paul  Habert.  Cette  Société  donnera  le  31  octo- 
bre, dans  son  local  ordinaire,  8,  boulevard  de 
Strasbourg,  une  grande  soirée  au  bénéfice  de 
M.  Bladier,  appelé  prochainement  sous  les  dra- 
peaux. Henry  MALLET. 


•96 


LA  CHANSON 


Le  vingt-cinquième  Banquet  annuel  du  Hareng 
Saur  se  tiendra  le  1"  novembre  prochain,  jour  de 
la  Toussaint,  au  restaurant  du  Cadran,  des  Buttes 
Chaumont,  rue  Pessart,  7,  à  6  heures  1;2  précises. 
Prix  :  5  francs.  On  peut  souscrire  avant  le  25  cou- 
rant, chez  M.  Imbert,  rue  de  Belleville,  226,  ou  aux 
bureaux  de  La  Chanson. 


AUX  AUTEURS    ET  COMPOSITEURS  DE  MUSIQUE 

Nous  recevons  depuis  longtemps  de  nombreuses 
lettres  nous  priant  de  vouloir  bien  nous  charger 
d'éditer,  pour  le  compte  des  Auteurs,  soit  en  grand 
format  piano,  soit  en  petit  format  guitare  ou  même 
en  cahier  populaire.  Beaucoup  de  nos  correspon- 
dants ont  la  certitude  (et  nous  sommes  de  leurs  avis) 
que,  si  l'on  s'occupait  sérieusement  de  leurs  œuvres, 
elles  obtiendraient  les  mêmes  succès  que  beaucoup 
de  celles  publiées  par  les  éditeurs  qui  ne  veulent 
éditer  que  des  noms  connus. 

Nous  cédons  aux  demandes  qui  nous  ont  été  faites 
et  voulons  tenter  de  faire  ressortir  le  mérite  inconnu, 
en  mettant  à  la  disposition  des  auteurs  nos  relations 
commerciales.  Nous  répondrons  à  toute  demande  de 
renseignements  à  laquelle  sera  joint  un  timbre- 
poste.  Nous  prions  nos  correspondants,  pour  simpli- 
fier notre  travail,  de  nous  dire  clairement  l'édition 
qu'ils  désirent,  grand  foi'mat  piano,  avec  ou  sans 
gravure  ;  petit  format  guitare,  avec  ou  sans  gravure. 

Nous  préparons  pou*  paraître  très-prochainement 
des  cahiers  de  chansons  à  10  centimes.  Nous  prions 
les  auteurs  qui  voudraient  y  collaborer  de  nous 
envoyer  des  chansons  à  bref  délai  pour  être  soumis 
au  comité  d'examen.  Les  auteurs  seront  avertis  de 
celles  qui  seront  reçues  pour  être  publiées  aux  con- 
ditions suivantes  :  envoyer  le  montant  de  cent  exem- 
plaires qu'ils  recevront  aussitôt  parus  (soit  dix  francs). 
C'est  de  la  publicité  gratuite,  puisque  l'auteur  est 
remboursé  intégra,lement  en  exemplaires.  Ces  cahiers 
sont  appelés,  croyons-nous,  à  un  grand  tirage. Chaque 
livraison  renfermera  une  chanson  à  succès  connue, 
une  chanson  avec  sa  musique,  trois  ou  quatre  bonnes 
chansons  inédites,  et  souvent  le  por^rfliV  d'un  chan- 
sonnier ou  compositeur  populaire. 

Nous  nous  chargeons  également  de  la  publication 
de  volumes  ou  brochures  pour  le  compte  des  auteurs, 
quel  que  soit  le  genre  de  l'œuvre,  après  lecture  bien 
entendu. 


PUBLICATIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.  PATAY 


Documents  pour  servir  à  la  biographie  de  Balzac  : 
Balzac  au  Collège,   par  Champfleury,    avec  un  dessin 
d'après  nalui'e  par  A.  Queyroy,  in-16  carré,  papier  vergé, 

tiré  à  200  exemplaires  seulement 2    m 

Qtielqiies  exemplaires  sur  papier  couleur 3    i> 

Balzac,  sa  Méthode  de  travail,  par  Champfleury, 
avec  un  très-curieux  fac-similé  d'une  page  d'épreuve  corri- 
gée, in-16  carré,  papier  vergé,  tiré  à  400  exempl. .       2     » 

Quelques  exemplaires  sur  papier  de  couleur ... .       3    i 

L'Eternel   Roman,   Poésies    par    G.   de   La  Salle^ 

10  exemplaires,  papier  de  chine,  à 6     » 

100          id.           papier  vergé,  à i     » 

350          id.          papier  blanc  du  Marais,  à 2  50 

■iOO  —  tous   numérotés  par  l'auteur. 

Titre  rouge  et  noir. 


Lettre  a  M.  Alexandre  Dumas  fll8,  par  Albert 
Darnelle,  broch.  iii-8,  petit  nombre,  prix 1     » 

La  Forêt  de  Boudy,  Distiques  par  G.  Gauny,  avec 
une  eau-forte  de  Monnin,  d'après  L.  Charbonnel,  un  volume 
in-18  raisin,  titre  rouge  et  noir,  petit  nombre 1  50 

De  la  Démocratie  athénienne,  par  Albert  Allenet, 
brochure  tirée  à  200  exemplaires.  —  Prix »  50 

Les  Etapes  de  89,  du  même,  brochure,  prix. .       »  50 

Le  Système  électoral  de  la  Révolution  Française, 
du  même,  brochure  in-8 n  50 

La  Musique  "a  la  Salle  des  Pètes  pendant  l'Expo- 
sition Universelle  de  1878,  par  ,\mfi)ée  Edéma,  brochure  de 
32  pages  in-8. —  Prix 1     » 

Les  Tribulations  d'un  Exposant,  ou  les  Jurés  de  la 
Classe  XI  jugés  par  un  Exposant,  brochure  in-16  carré, 
papier  teinté »  50 

Béranger  et  la  Chanson,  conférence  faite  par  Jules 
Claretie  au  Tliéâtre  du  Château- d'Eau  —  (Se  vend  au 
profit   de   la  statue  de   Déranger).—   Prix 1     » 

Le  Carnaval  de  nos  jours,  par  J.-B.  Davagnier, 
pièce  en  vers  in-'t",  2  colonnes,  impression  en  rouge      o  20 

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Balzac,  l'Homme  et  l'Œluvre,  par  Champfleury, 
orné   d'un  portrait. 

TJn  Comédien  au  dix-neuvième  siècle  :  Frédé- 
rick-Lemaitre,  Etude  artistique  sur  documents  inédits 
par  L.- Henry  Lecomte,  2  forts  volumes  in-8  avec 
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jusqu'à  îwsjowrs,  avec  notes  et  notices^  par  Eugène  Baillet, 
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Chansons  de  Paul  Avenel,  5^  édition  considérablement 
augmentée,  avec  notes  historiques,  les  portraits  de 
Victor  Noir,  Martin  Bidauré,  Baudin,  Barbes  et  celui  de 
l'Auteur,  un  volume  in-18. 

Georges  Baillet,  ses  premières  chansons,  avec  le  por- 
trait de  l'Auteur  et  dix  Musiques  gravées,  un  volume  in-18. 

tJn  Roman  par  G.  de  La  Salle,  un  volume  in-18. 


mrSIQUE  PUBLIEE  A  L4  SIEIHE   LIBRAIRIE 

Bureaux  du  Journal  La  Chanson. 

Le  vieux  Buveur  de  vin,  Clianson.  —  Paroles  de 
Brugnière,  -Musique  de  Jules  Baux.  —  Grand  format  avec 
accompagnement   de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

France,  hymne  de  la  Paix.  Chant  patriotique.  Paroles 
de  L.  Sarrade,  Musique  de  Ben-Tayoux,  avec  gravure  grand 

formai,  accompagnement  de  piano,  net 1     » 

Petit  format  avec  gravure,  net »  30 

L'Enterrement,  tableau  populaire,  paroles  d'EuGÈNE 
Imbert,  musique  de  Dauvergne,  petit  format  avec  gra- 
\'ure,  net »  30 

Les  Abeilles,  chanson.  Paroles  de  Georges  Baillet, 
Musi(jue  de  M""  Anais  Brianny,  avec  gravures  :  Grand  for- 
mat et  accompagnement  de  piano,  net 1     » 

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Miaou  !  clianson  féline.  Paroles  et  Musique  de  Jules 
Baux,  grand  format  sans  gravure  avec  accompagnement 
de  piano,  net _S.  "  50 

Toutes  ces  publications  seront  envoyées  franco  dans 
toute  la  France  à  toute  personne  qui  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'un  mandat- 
poste  à  partir  de  cette  somme. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY 


2*  ANNEE.  —  N»  31. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


1"  NOVEMBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
À.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES    DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  !«''  <5cle  16  de  chaque  mois 

les  Abonnements  partent  du  1"  Mai  &  du  1er  Novembre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 

Annonces,  la  ligne...     »  50 
Réclame,  —  1    » 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  k  RÉDACTION 

^  18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN   ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»        six  mois 3  k 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOlsdlIMIJ^IïaE!  : 


Le  Tailleur  et  la  Fée  (béranger).  —  Citants  nationaux  de 
France,  élude  musicale  (a.  édéma). —  Curiosités  de  la  chanson  : 
Le  Baiser  du  matin.  —  Aux  Chansonniers  {\cmLLE  CA.ROti).  — 
L'Aveugle  Amoureux  (ch.  thuriet).  —  Le  cas  du  grand 
Emile    (Emile    carré).  —   La  Sonde  (cii.  egrot  et  jules 


DENIS).  —  Polichinelle  et  ma  Poupée  (albert  goullé).  — 
La  Statue  de  Béranger  (n.  l.)  —  Chronique  des  Sociétés 
lyriques  (gedhé.  h.  mallet,  b.  van  camp,  a.  patay).  — 
Choses  et  Autres. 


LE    TAILLEUR     &    LA     FÉE 


publiée  par  MM.  Garnier  frères,  rue  des  Saînts-Pères,  6. 


édition  POPUL^iRB  à  10  centimes  la  livraison 


LA  CHAl^SON 


CHANSON   CHANTÉE  A   MES  AMIS    LE   19   AOUT 

JOUR   ANNIVERSAIRE    DE    MA   NAISSANCE 

Air  d'Angéline  (deWiLnEM) 

Dans  ce  Paris  plein  d'or  et  de  misère, 

En  l'an  du  Christ  mil  sept  cent  quatre-vingt, 

Chezun  tailleur,  mon  pauvre  et  vieuxgrand-père, 

Moi  nouveau-né,  sachez  ce  qui  m'advint. 

Rien  ne  prédit  la  gloire  d'un  Orphée 

A  mon  berceau,  qui  n'était  pas  de  fleurs  : 

Mais  mon  grand-père,  accourant  à  mes  pleurs, 

Me  trouve  un  jour  dans  les  bras  d'une  fée  ; 

Et  cette  fée,  avec  de  gais  refrains,  )  , . 

Calmait  le  cri  de  mes  premiers  chagrins  .    \     "" 

Le  bon  vieillard  lui  dit,  l'âme  inquiète  : 

«  A  cet  enfant  quel  destin  est  promis  ?  « 

Elle  répond  :  «  Vois-le,'sous  ma  baguette, 

«  Garçon  d'auberge,  imprimeur  et  commis. 

«  Un  coup  de  foudre  ajoute  à  mes  présages  :  (*) 

«  Ton  fils  atteint  va  jiérir  consumé  ; 

(i  Dieu  le  regarde,  et  l'oiseau  ranimé 

«  Vole  en  chantant  braver  d'autres  orages.  » 

Et  puis  la  fée,  avec  de  gais  refrains. 

Calmait  le  cri  de  mes  premiers  chagrins. 

«  Tous  les  plaisirs,  sylphes  de  la  jeunesse, 
«  Eveilleront  sa  lyre  au  sein  des  nuits. 
«  Au  toit  du  pauvre  il  répand  l'allégresse  ; 
«  A  l'opulence  il  sauve  des  ennuis. 
«  Mais  quel  spectacle  attriste  son  langage  ? 
«  Tout  s'engloutit,  et  gloire  et  liberté  : 
«  Comme  un  pêcheur  qui  rentre  épouvanté, 
«  Il  vient  au  port  raconter  leur  naufrage .   » 
Et  puis  la  fée,  avec  de  gais  refrains, 
Calmait  le  cri  de  mes  premiers  chagrins. 

Le  vieux  tailleur  s'écrie  :  c  Eh  quoi  !  ma  fille 
«  Ne  m'a  donné  qu'un  faiseur  de  chansons  ! 
(c  Mieux  jour  et  nuit  vaudrait  tenir  l'aiguille 
u  Que,  faible  écho,  mourir  en  de  vains  sons.  » 
a  Va,  dit  la  fée,  à  tort  tu  t'en  alarmes  ; 
«  De  grands  talents  ont  de  moins  beaux  succès. 
«  Ses  chants  légers  seront  chers  aux  Français, 
«  Et  du  proscrit  adouciront  les  larmes;  » 
Et  puis  la  fée,  avec  de  gais  refrains, 
Calmait  le  cri  de  mes  premiers  chagrins. 

Amis,  hier  j'étais  faible  et  morose. 

L'aimable  fée  apparaît  à  mes  yeux. 

Ses  doigts  distraits  effeuillent  une  rose  ; 

Elle  me  dit  :  k  Tu  te  vois  déjà  vieux. 

M  Tel  qu'aux  déserts  parfois  brille  un  mirage,  (**) 

«  Aux  cœurs  vieillis  s'offre  un  doux  souvenir. 

«  Pour  te  fêter  tes  amis  vont  s'unir  : 

«  Longtempsprès  d'euxrevis  dans  un  autre  âge.  » 

Et  puis  lai  fée,  avec  de  gais  refrains, 

Comme  autrefois  dissipa  mes  chagrins. 

BÉRANGER. 


(*)  L'auteur  fut  frappé  de  la   foudre  dans  sa  jeunesse. 

(••)  Les  effets  fantastiques  du  mirage  trompent  les  yeux  du  voyageur 
jusque  dans  les  sables  du  désert  ;  il  croit  voir  devant  lui  des  forêts, 
des  lacs,  des  ruisseaux,  etc. 


CHANTS  NATIONAUX  DE  FRANCE 


ETUDE     MUSICALE 


Un  chant  national  ne  se  commande  pas  :  il  nait  et  s'impose. 
Il  nait  dans  une  heure  de  surexcitation,  produit  de  la  haine, 
du  fanatisme  ou  de  l'amour.  La  Marseillaise  est  née  de  la 
haine  dans  le  cœur  d'un  royaliste  ;  les  magnifiques  chorals 
de  Luther....  non,  je  ne  dirai  pas  qu'ils  soient  nés  du  fana- 
tisme, ces  cantiques  victorieux  que  le  grand  réformateur, 
humanisant  le  prêtre,  resserrant  les  liens  de  la  famille, 
réunissant  toutes  les  pensées  sur  un  livre  commun,  entonnait 
au  milieu  des  villes  et  dont  l'harmonie  rayonnait  à  cent  lieues; 
non,  il  sont  nés  de  l'amour,  du  plus  ardent  amour  dont  un 
homme  ait  jamais  aimé  les  hommes.  Ces  chants  qui  ont 
transporté  le  peuple,  qui  pénètrent  sans  alîoler,  qui  inspirent 
les  résolutions  durables,  chants  de  paix,  d'union  et  de 
fraternité,  demeurent  des  types  universels  de  musique 
nationale. 

Notre  Marseillaise,  malgré  son  irrésistible  puissance 
d'entraînement,  n'est  qu'un  cri  de  colère,  une  voix  de 
vengeance  qui  demande  du  'sang.  Le  début,  d'un  rythme 
vulgaire  et  commun,  n'a  aucune  valeur  mélodique,  mais  la 
phrase  que  l'on  chante  ensuite 

n  Contre  nous,  de  la  tyrannie 
Il  L'étendard  sanglant  est  levé,  d 

dont  l'énergie  pompeuse  me  paraît  cependant  un  peu 
amoindrie  par  la  chute  musicale  qui  termine  la  période,  fait 
jaillir  une  flamme  communicative  à  laquelle  on  ne  peut  se 
soustraire. 

«  Entendez-vous,  dans  nos  campagnes 

(i  Mugir  ces  farouches  soldats 

a  Qui  viennent  jusque  dans  nos  bras, 

0  Egorger  nos  nls  et  nos  compagnes?  » 

Oui,  l'on  sent  ici  la  douloureuse  indignation,  la  fureur 
concentrée  du  soldat  qui  défend  son  foyer,  sa  patrie  ;  l'on 
voit  se  préparer  l'élan  final  dans  une  progression  trop 
symétrique  pour  ne  paraître  point  un  pou  déclamatoire  :  ce 
n'est  pas  ainsi  que  l'artiste  réfléchi  aurait  amené  la  formi- 
dable explosion.  Rouget  de  Lisle  n'était  pas  un  vrai 
musicien  ;  il  le  dit  lui-même  dans  une  lettre  adressée  à 
Berlioz  :  »  Votre  tête  paraît  être  un  volcan  toujours  en 
«  éruption  ;  dans  la  mienne  il  n'y  eut  jamais  qu'un  feu  de 
a  paille  qui  s'éteint  en  fumant  encore  un  peu. . .  »  L'en- 
thousiasme et  le  génie  ne  sauraient  atteindre  à  la  perfection 
sans  l'étude  :  la  Marseillaise  est  une  œuvre  incomplète  dont 
le  refrain,  violent  comme  un  coup  de  tonnerre,  est  aussi  peu 
musical.  Elle  n'est  plus  en  harmonie  avec  les  idées  qui 
doivent  prévaloir  aujourd'hui,  elle  ne  saurait  disposer  le 
peuple  aux  immenses  fédérations  que  l'avenir  nous  prépare. 
Qu'elle  soit  conservée  cependant  ;  c'est  un  document  histo- 
rique, car  si  elle  fut  écrite  contre  les  hordes  étrangères  ou 
émigrées  qui  voulait  supprimer  la  France,  elle  n'en  garde 
pas  moins  le  reflet  partiel  d'une  époque  d'afli'anchissement 
à  jamais  glorieuse. 

Comme  chant  national,  à  la  Marseillaise,  je  préférerais 
de  beaucoup  le  Chant  du  Départ.  Cet  hymne  se  développe 
noblement  comme  un  principe  vainqueur  qui  s'impose;  là, 
point  de  surexcitation  factice,  point  de  déclamation,  point 
de  désordre  rythmique.  Le  motif  s'élève  sans  secousse  et 
l'émotion  gagne  de  proche  en  proche  jusqu'au  moment  où 
s'épanouit  le  refrain  dont  l'accent  est  véritablement  épique. 

Je  n'ai  rien  à  dire  du  Chant  des  Girondins,  composition 
médiocre  où  l'on  trouve  pom'tant  une  phrase  pleine  de 
tristesse  héroïque  : 

n  Mourir  pour  la  patrie u 

ni  de  l'air  ridicide  et  niais 

K  Partant  pour  la  Syrie...  d  • 

Nous  avons  encore  bien  des  chants  plus  ou  moins  natio- 
naux, beaucoup  de  cantiques,  beaucoup  de  Noëis  et  un 
certain  nombre  de  vieux  motifs  d'une  très-grande  valeur 
que  l'église  nous  a  conservés  :  j'en  parlerai  dans  d'autres 
articles  si  les  lecteurs  Ae  La  Chanson  s'intéressent  à  ces 
petites  études.  Au  reste,  le  véritable  chant  national  de  notre 
pays  n'existe  pas  encore. 


LA  CHANSON 


99 


En  1844,  Berlioz  écrivit  un  Hymne  à  la  France  sur  des 
vers  d'une  insuffisance  notoire  signés  :  Auguste  Barbier.  Une 
poésie  toujours  faible  et  par  instants  ridicule,  ne  pouvait 
embraser  le  cerveau  de  lierlioz,  aussi,  cette  collaboration 
ne  nous  a-l-elle  donné  qu'un  admirable  morceau  de  concert, 
produit  d'une  imagination  toujours  attirée  vers  les  formes 
grandioses,  ■  toujours  féconde,  toujours  sûre  d'elle-même, 
toujours  secondée  par  l'entente  la  plus  parfaite  des  combi- 
naisons expressives;  pour  un  chant  national,  il  faut  quel- 
que chose  de  plus  :  if  faut  que,  pendant  l'orage,  un  éclair 
ait  tracé  dans  tous  les  cœurs  l'ineffaçable  sillon,  ou  bien 
que  dans  une  heure  d'irrésistible  entraînement,  une  voix  ait 
chanté  ce  qu'éprouvaient  cent  mille  poitrines. 

On  frémit  en  pensant  à  l'œuvre  qui  aurait  pu  voir  le  jour 
si  le  nouveau  lieelhoven  que  nous  avons  perdu  il'y  a  dix  ans, 
si  Heclor  Berlioz  avait  réussi  à  entraîner  une  fois  tous  les 
cœurs  français.  Mais  le  passé  ne  nous  appartient  pas  :  regar- 
dons l'avenir  et  attendons. 

Attendons  qu'un  autre  génie  apparaisse  pour  célébrer 
dignement  notre  pairie,  et,  puisque  nous  n  avons  pas  de 
chant  national,  rappelons-nous  que  l'Hymne  à  la  France  est 
digne  de  figurer  à  toutes  nos  fêtes  populaires. 

A.  EDÉMA. 


CURIOSITES    DE    LA  CHANSON 


LE  BAISER  DU  MATIN  (') 

Air  connu 

A  ton  i^éveil  la  volupté  préside, 
De  tous  ses  feux  elle  embrase  mon  sein 
Et  son  nectar  est  sur  ta  bouche  humide 
Quand  je  reçois  le  baiser  du  matin. 

Vois  s'entr'ouvrir  cette  rose  vermeille, 
Près  d'elle  accourt  un  amoureux  essaim  : 
Parfum  de  rose  et  doux  miel  de  l'abeille 
Sont  sur  ta  lèvre  au  baiser  du  matin  1 

Au  jour  naissant  lorsque  vient  la  rosée, 
La  pâle  fleur  se  ranime  soudain  ; 
Plus  douue  encore  à  mon  âme  embrasée 
Est  la  fraîcheur  du  baiser  du  matin  ! 

Entre  tes  bras,  aimable  enchanteresse. 
Heureux  le  soir  j'attends  un  jour  serein, 
Si  l'amour  dort  vaincu  par  ton  ivresse 
Il  se  réveille  au  baiser  du  matin  I 

(•)  Cette  poésie  fut  chantée  dans  les  rues  de  Paris,  jouée 
sur  l'orgue  vers  1821,  noua  assuret-on.  L'auteur  nous  est 
inconnu. 

A.  P. 


AUX    CHANSONNIERS 

Ait'  à  faire 
0  chansonniers,  à  l'art  restez  fidèles. 
Et,  sans  cesser  d'être  parfois  moqueurs. 
Que  vos  chansons  emportent  sur  leurs  ailes. 
Bien  haut  toujours  les  esprits  et  les  cœurs! 

Eh  quoi!  dit-on,  la  chanson  serait  morte, 
Dont  les  accents  plaisaient  aux  travailleurs? 
Le  temps  n'est  plus  de  l'œuvre  saine  et  forte 
Qui  leur  versait  l'espoir  de  jours  meilleurs  ; 
Serait-il  vrai  que  maintenant  la  foule 
Que  si  longtemps  l'amour  du  beau  guida. 
D'obscénités  demande  qu'on  la  soûle. 
Et  n'applaudit  qu'aux  «  Amants  d'Amanda.  » 
N'en  croyez  rien,  à  l'art  restez,  etc. 


Ah  !  pour  le  peuple,  amis,  c'est  une  insulte, 
Et  si  son  âme  a  soif  de  chants  joyeux. 
Fils  de  la  Gaule,  il  a  gardé  le  culte 
Des  fins  couplets  qui  charmaient  ses  aïeux; 
Il  ne  hait  point  la  gaîté  large  et  folle 
Et  le  mot  leste  et  badin  lui  sourit, 
Mais  il  entend  qu'au  moins  la  gaudriole 
Soit  saupoudrée  aussi  d'un  peu  d'esprit. 
0  chansonniers,  etc. 

Tout  en  chantant  la  paix  et  l'industrie, 
Que  votre  Muse,  en  ses  mâles  accords. 
Fasse  germer  l'amour  de  la  patrie. 
Car  seul  il  fait  les  pays  vraiment  forts. 
Que  de  héros  créa  la  Marseillaise, 
Courant  joyeux  au  devant  des  périls  ! 
De  son  refrain  jaillit  quatre-vingt-treize, 
Les  chants  virils  font  les  peuple  virils. 
0  chansonniers,  etc. 

Sans  trop  vouloir  viser  au  sacerdoce. 
Dans  vos  couplets  glissez  quelques  conseils  ; 
Que  l'art  pour  vous  ne  soit  pas  un  négoce, 
Qu'il  soit  la  force  aidant  aux  fiers  réveils  I 
Par  vos  chansons  faites  œuvre  civique  ; 
En  enseignant  la  solidarité, 
Faites  à  tous  aimer  la  République 
Qui  dans  ses  flancs  porte  la  liberté  ! 

0  chansonniers,  à  l'art  restez  fidèles 
Et,  sans  cesser  d'être  parfois  moqueurs. 
Que  vos  chansons  emportent  sur  leurs  ailes, 
Bien  haut  toujours  les  esprits  et  les  cœurs  I 

Achille  CARON. 


L'AVEUGLE    AMOUREUX 

Air  de  Lantara,  de  Dociib 

Lorsqu'au  gai  printemps  de  la  vie, 
Nous  comptions  nos  plus  heureux  jours, 
Les  dames  faisaient  notre  envie  : 
Où  sont  nos  premières  amours? 
Alors,  dans  de  vives  prunelles, 
Nous  lisions  plus  d'un  doux  espoir  : 
Comment  ne  pas  aimer  les  belles. 
Quand  on  a  des  yeux  pour  les  voir? 

Plus  tard  ce  fut  bien  autre  chose, 
Aux  jours  brûlants  de  notre  été, 
Femmes  plus  fraîches  que  les  roses. 
Quel  pouvoir  eut  votre  beauté  ! 
En  vain,  vous  étiez  trop  cruelles  ; 
Vous  nous  mettiez  au  désespoir  : 
Comment  ne  pas  vous  aimer,  belles. 
Quand  on  a  des  yeux  pour  vous  voir? 

A  présent,  je  n'y  vois  plus  goutte, 
Pauvre  aveugle  sans  avenir! 
Des  fleurs  qu'on  cueille  sur  sa  route. 
Je  n'ai  plus  que  le  souvenir... 
Mais,  rempli  d'ardeurs  éternelles. 
Mon  cœur  encor  fait  son  devoir. 
Comment  ne  pas  vous  aimer,  belles, 
Quand  on  eut  des  yeux  pour  vous  voir  ? 

Ch.  THURIET. 


100 


LA  CHANSON 


LE  CAS  DU  GRAND  EMILE 


PAR   UN   PETIT    EMILE 


Un  auteur  admirable 
A  surgi  dans  Paris  ; 
Sa  gloire  incomparable 
Occupe  les  esprits. 
Il  paraît  que  sur  mille 
Pas  un  n'a  son  savoir. 
Ce  grand  homme  est  Emile  ; 
Il  a  fait...  l'Assommoir. 

Les  jaloux  font  tapage 
Et  poussent  des 
Holà! 
Mais  on  n'a  pas  d'ouvrage 
Ecrit  dans  ces 
Eaux-là. 

En  prince  des  critiques, 
Oser  juger  d'un  mot 
Les  hommes  politiques 
Et  notre  maître  Hugo, 
C'est,  dit-on,  de  l'audace  ! 
On  le  peut  quand  on  a 
Effacé  même  Horace, 
En  écrivant...  Nana. 
Les  jaloux,  etc. 

Des  romanciers  prophètes 
Emile  est  le  plus  fort  ; 
Ses  œuvres  si  bien  faites 
Ont  poussé  sans  effort. 
Vous  qui  voulez  qu'en  prose 
On  écrive  avec  art, 
Lisez  Bouton'  de  Rose 
Et  les  Rougon-Macquard. 

Les  jaloux,  etc. 

On  a  fait  Joséphine 
Et  l'Amant  d'Amanda. 
Puis  d'une  plume  fine 
Est  sorti  Canada._ 
Ces  poèmes  sublimes 
Et  faits  pour  émouvoir, 
Sont  des  œuvres  infimes 
Auprès  de  l'Assomm-oir. 
Les  jaloux,  etc. 

Autant  qu'il  est  modeste 
Emile  est  érudit, 
C'est  moi  qui  vous  l'atteste 
Et  c^est  lui  qui  le  dit. 
Quand  on  veut  faire  école 
Et  qu'on  fit  C Assommoir 
J'admets  qu'on  se  cajole 
A  grands  coups  d'encensoir. 

Les  jaloux,  etc. 

La  République  existe, 
Il  lui  souffle  tout  bas  : 
«  Deviens  naturaliste, 
Ou  tune  seras  pas  ■». 
La  sentence  profonde 
De  ce  roi  des  savants 
Fera  le  tour  du  monde 
Ainsi  que  ses  romans. 


Les  jaloux  font  tapage 
Et  poussent  des 
Holà! 
Mais  il  n'est  pas  d'ouvrage 
Ecrit  dans  ces 
Eaux-là  ! 

Emile  CARRÉ. 


D'une  correspondance  adressée  à  M.  Laborde,  notaire  à 
Saint-Gîniez-de-Dromour  (Basses-Alpes)  nous  extrayons  l'effu- 
sion poétique  suivante  qui  est  une  excellente  préface  à  la 
chanson  du  même  auteur  publiée  à  la  suite  : 

Cher  Monsieur, 

Epris  de  vos  horizons  sans  fin,  de  vos  monts 
altiers,  de  vos  collines,  de  vos  vallons  profonds,  de 
vos  ravins  tortueux,  vrais  précipices  vertigineux, 
incommensurables  ;  de  vos  sentiers  sans  équilibre,  si 
périlleux,  tout  crevassés;  vos  belles  cascades,  si  bien 
étagées,  ondoyantes  ;  ces  ruisseaux  serpentants  et 
fugitifs...  enfin  ces  vents,  parfois  si  fougueux... 
tandis  que  l'air  toujours  cadencé  du  haut  de  vos 
montagnes,  rend  gai.  Tout  cela  charme,  enchante 
et  vous  rive  à  ces  âmes  qu'on  trouve-là,  si  pré- 
venantes, si  bonnes,  si  hospitalières,  qu'on  est  tout 
surpris  d'être  sur  la  terre,  quand  on  se  croirait  aux 
cieux. 

Jules  DENIS.' 


LA   SONDE 

Si  de  l'éther  sans  fin,  l'homme  a  percé  la  voûte  ; 
S'il  a,  hardi  chercheur,  déterminé  la  route 

De  tant  d'astres  aux  cieux  ; 
Des  entrailles  du  globe  en  fouillant  le  mystère, 
Moderne  Prométhée,  il  dérobe  à  la  terre 

Ses  secrets  précieux. 

C'est  la  sonde, 

Qui   du    monde 
Dévoile  à  nos  regards  tant  de  trésors  divers  ; 

A  la  sonde 

Si  féconde. 
De  nos  accents  joyeux  consacrons  les  concerts. 

Voyez-vous  au  Levant  ces   steppes  innombrables? 
Des  pays  africains  connaissez-vous  les  sables, 

Spectacle  désolant? 
Qui  donc  un  jour  rompra  la  solitude  morne, 
Qui  donnera  la  vie  aux  horizons  sans  borne 
De  ce  sol  dévorant  ? 

C'est  la  sonde, 

Qui   de  l'onde 
Et  de  tous  ses  bienfaits  dotera  les  déserts; 

A  la  sonde 

Si  féconde. 
De  nos  accents  joyeux  consacrons  les  concerts. 

Qui  fait  mugir  ainsi  cette  machine  énorme  ? 
Qui  peut  communiquer,  à  cette  masse  informe, 

Des  efforts  si  puissants  ?  [lonne  ; 

Par  l'anthracite  en  feu  l'eau  dans  ses  fiancs  bouil- 
Et  le  monstre  bondit  et  de  vapeur  sillonne 

Les  airs  retentissants. 


LA   CHANSON 


101 


Et  la  sonde, 

Par  le  monde, 
De  nos  coursiers  de  feu  fait  jaillir  les  éclairs  ; 

A  la  sonde, 

Si  féconde 
De  nos  accents  joyeux  consacrons  les  concerts. 

De  tant  de  régions,  pour  aborder  la  rive 
A  travers  l'Océan,  la  voile  est  trop  tardive. 

Les  vents  trop  inconstants  ; 
Poussé  par  son  essence  à  la  limite  extrême, 
Des  arts  qu'il  a  créés,  l'homme,  arbitre  suprême, 

A  su  vaincre  le  temps. 

C'est  la  sonde. 

Qui  du   monde. 
Par  l'hélice  emportés  nous  fait  franchir  les  mers  ; 

A  la  sonde, 

Si  féconde 
De  nos  accents  joyeux  consacrons  les  concerts. 

Imposant  au  génie  une  indigne  barrière. 

Qui  peut  dire  au  mortel  lancé  dans  la  carrière  : 

«  Là,  ton  rôle  est  fini?  » 
Son  destin  lui  permet  un  règne  sans  partage  ; 
Il  suit  avec  amour  le  séduisant  mirage 

Du  champ  de  l'infini. 

C'est  la  sonde, 

Qui    du    monde, 
Dévoile  à  nos  regards  tant  de  trésors  divers  ; 

A  la  sonde 

Si  féconde. 
De  nos  joyeux  accents  consacrons  les  concerts. 

Ch.   EGROT  et  Jules  DENIS. 


POLICHINELLE    ET    M.\    POUPÉE 


Musique  à  faire 

Ce  fut  le  premier  jour  de  l'an 
Qu'on  nous  les  donna  pour  étrenne. 
Nous  nous  étions  avec  Etienne 
Rencontrés  chez  bonne  maman. 
L'une  nonchalamment  couchée, 
L'autre  sur  l'étagère  assis, 
Ils  semblaient  déjà  bons  amis, 
Polichinelle  et  ma  poupée. 

Dès  qu'Etienne  en  ses  mains  l'eut  pris 
Et  qu'il  eut  tiré  la  ficelle, 
Voilà-t-il  pas  Polichinelle 
Qui  s'agite  et  fait  de  grands  cris? 
Elle  parut  fort  effrayée, 
Baissa  modestement  les  yeux... 
Puis  ils  se  sourirent  tous  deux, 
Polichinelle  et  ma  poupée. 

Ils  s'aiment  tous  les  deux  d'amour. 

Me  dit  mon  cousin  à  l'oreille. 

"Vraiment!  Tu  crois?  C'est  à  merveille. 

Voyons-les  se  faire  la  cour. 

Il  la  tenait  entrelacée  ; 

Il  gambadait,  il  criait  fort. 

Ils  paraissaient  très-bien  d'accord, 

Polichinelle  et  ma  poupée. 


Hélas  la  ficelle  a  cassé  ; 

Polichinelle  reste  inerte, 

De  Margot  la  robe  est  ouverte, 

Et  le  beau  châle  est  tout  froissé. 

Voilà  de  belles  équipées, 

Dit  grand'maman.  mes  chers  amours, 

C'est  là  qu'en  arrivent  toujours 

Polichinelles  et  poupées. 

Londres.  ALBERT   GOULLÉ. 


LA   STATUE  DE  BÉRANGER 


La  réunion  générale  du  Comité  Béraiiger,  relardée  par 
l'absence  de  divers  membres,  a  eu  lieu,  vendredi  24  octobre, 
chez  M.  Murât,  conseiller  municipal.  M.  Spuller,  député  du 
troisième  arrondissement,  présidait.  Après  lecture,  par  le 
secrétaire  L.-Henry  Lecomte,  d'un  rapport  concluant  à  la 
nécessité  d'une  action  vigoureuse  et  immédiate,  l'assemblée 
a  nommé  une  délégation  composée  de  j\lM.  Murât,  Charles 
Vincent  et  A.  Palay,  à  l'ellet  de  voir  les  directeurs  des 
grands  journaux  acquis  au  Comité,  pour  les  inviter  à  ouvrir 
sans  retai'd  la  souscription  dans  leurs  colonnes.  Les  délé- 
gués rendront  compte  du  résultai  de  ces  démarches  au 
début  de  la  prochaine  réunion  générale,  fi.xée  au  jeudi 
0  novembre. 

Vingt  mille  francs  restent  à  recueillir.  Dès  aujourd'hui, 
les  amis  de  la  chanson  et  les  citoyens  sympathiques  à  notre 
œuvre  sont  invites  à  la  plus  active  propagande.  Oi'phéons, 
sociétés  lyriques,  cénacles  littéraires,  concerts,  tous,  à 
Paris  ^ou  en  province,  ont  le  devoir  d'apporter,  à  la  statue 
de  Déranger,  une  coniributinn  ti'ès-large. 

La  Life  Cliinisoiinicrc  et  la  société  lyrique  dos  Enfants 
de  lu  Si'iiH'  viennent  de  commencer  la  campagne  délinitive 
par  des  soiiées  extraordinaires  dont  il  est  parlé  plus  loin.  Ce 
sont  là  des  exemples  qui  veulent  être  unanimement  suivis. 

M.  Spuller,  président  elleclil'  du  Comité,  a  l'enouvelé, 
l'autre  soir  l'offre  qu'il  avait  déjà  faite  de  collaborer  person- 
nellement à  l'œuvre  par  la  plume  et  par  la  parole.  Cette 
offre  sera  sans  doute  bientôt  utilisée,  de  même  que  celle 
faite,  dans  des  termes  identuiues,  par  M.  Tony  Révillon. 

Vouloir  suffit.  A  la  besogne,  partout  et  tous,  et  la  statue 
de  Béranger  sera  dressée,  le  jour  dit,  à  la  grande  gloire  de 
l'esprit  français. 

H.  L. 

La  première  soirce-goguotte  organisée  par  La  Lice 
Chansonnière  au  profit  de  la  statue  de  liéranger  a  eu  lieu 
le  15  octobre,  aux  Vendanges  de  Bourgogne.  Malgré  le 
mauvais  temps,  l'assistance  était  nombreuse.  Nous  avons 
peu  de  chose  à  dire  de  la  soirée  en  elle-même.  Les  dames  y 
étant  admises,  les  chansonniers  ont  dit  surtout  leurs  œuvres 
consacrées  par  le  succès.  Sentimentales,  patriotiques,  lestes 
même,  il  y  en  avait  pour  tous  les  goûts.  Un  bon  point  à 
MM.  Hachin,  Imbert  et  Chebroux,  qui  ont  chanté  des  pro- 
ductions inédites.  La  causerie  de  M.  Eugène  Baillet  sur 
Béranger  chansonnier  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  —  Résul- 
tat delà  soirée  :  85  francs  verses  à  la  souscription. 

L'abondance  des  pièces  envoyées  au  concours  ouvert  à 
cette  occasion  n'a  pas  permis  de  rendre  le  jugement  séance 
tenante.  Voici  les  chansons  couronnées  quelques  jours  plus 
tard  par  les  membres  du  Jury,  MM.  Chebroux,  Imbert  et 
René  Ponsard.  !<"■  Prix  :  les  Deux  chats;  2^  Prix  :  le  Gar- 
deur  de  cochons;  3"  Prix  :  les  deux  Réveils;  Mentions 
HONORABLES  :  le  Phylloxéra,  les  Roseaux^  Fais  wie  chanson 
sur  moi. 

Nous  prions  les  auteurs  des  pièces  couronnées  de  se  faire 
connaître  ;  leurs  œuvres  seront  insérées  dans  le  prochain 
numéro  de  La  Chanson. 

Les  prix  ainsi  que  les  manuscrits  des  chansons  non  cou- 
ronnées sont  déposés  aux  bureaux  de  La  Chanson,  où  ils 
seront  délivrés  tous  les  jours  à  partir  du  i"^  novembre. 

38  poètes  avaient  concouru. 

Merci  et  bravo  à  nos  camarades  de  La  Lice. 


102 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  grande  soirée  donnée  par  la  société  lyrique  et 
chorale  des  Enfants  de  la  Seine,  au  profit  de  la 
souscription  Béranger,  a  été  des  plus  attrayantes 
et  entièrement  consacrée  à  l'immortel  chansonnier. 
M.  Bovério  a  dit  les  Stances  à  Béranger  d'Armand 
Silvestre.  Cette  remarquable  poésie  a  été  publiée 
dans  notre  n°  18.  M.  J.  Kocli  a  interprété  le  Petit 
marchand  de  chansons,  de  F.  Bérat;  M"'  Victorine  a 
aussi  chanté  de  F.  Bérat  la  Lisette  de  Béranger  :  ces 
deux,  œuvres  étaient  tout-à-fait  de  circonstance. 
M.  Eugène  Kock  a  chanté  les  Hirondelles,  avec  accom- 
pagnement du  choi'al,  M.  Berthier,  Roger  Bontemps, 
M.  Debette,  le  Ménétrier  de  Meudon,  M.  Emanuel, 
le  Sénateur.  Les  Gaulois  et  ks  Francs  ont  été  inter- 
prétés par  le  Choral,  chaque  couplet  chanté  par  un 
sociétaire.  L'idée  était  heureuse  et  fort  originale. 
M.  Branss  a  chanté  Jupiter  et  les  poètes.  Quoique 
n'étant  pas  de  Béranger,  cette  chanson  se  rattachait 
comme  les  chansons  de  Bérat,  à  la  circonstance. 
M"°  Eugénie  a  bien  interprété  la  Fille  du  Peuple  ; 
M.  Perrot  a  chanté  en  costume  le  Carillonneur,  de  la 
bonne  façon  ;  les  Rossignols,  duo  parfaitement  inter- 
prété par  M"°  Maria  et  M.  Eugène  Koch.  Toutes  ces 
œuvres  de  Béranger,  interprétées  par  la  jeune  géné- 
ration, ont  prouvé  une  fois  de  plus  par  les  marques 
de  satisfaction  que  les  assistants  ont  traduites  par 
de  nombreux  bravos  très  mérités,  que  les  œuvres  du 
grand  chansonnier  n'avaient  pas  vieilli.  Les  airs  seuls 
sont  vieux.  Que  les  compositeurs  fassent  de  la  mu- 
sique nouvelle  et  Béranger  sera  encore  une  fois  dans 
toutes  les  bouches.  Il  y  a  dans  son  œuvre  quantité 
de  chansons  qui  seront  toujours  d'actualité. 

La  soirée  a  fini  par  des  stances  à  Béranger  écrites 
spécialement  pour  cette  soirée  par  M.  Ch.  Haas,  et 
dites  avec  un  peu  trop  d'emportement  par  M.  Bergier. 
Que  M.  Ch.  Haas  nous  permette  aussi  de  lui  dire 
qu'il  s'est  trop  fréquemment  écarté  de  son 
sujet.  Ces  deux  messieurs  sont  jeunes,  j'espère  qu'ils 
ne  verront  pas  là  de  notre  part  une  critique,  mais 
un  conseil  amical. 

M.  Jules  Denis  avait  encore  obligeamment  prêté 
le  splendide  et  très-ressemblant  buste  de  Béranger, 
par  M"°  Fanny  Davesne. 

La  société  avait  organisé  une  loterie  avec  138  lots 
offerts  en  grande  partie  par  les  visiteurs  assidus  et 
les  sociétaires.  Le  produit  de  cette  loterie,  dont  le 
prix  du  billet  n'était  que  de  10  centimes  (notez  qu'il 
y  avait  une  pendule  et  d'autres  lots  fort  beaux) 
a  été  de  200  Francs.  Cela  prouve  le  grand  désir 
que  cette  société  avait  d'apporter  sa  part  à  l'érection 
de  la  statue  de  Béranger.  Nous  remercions  très- 
chaleureusement  MM.  les  sociétaires  des  Enfants 
de  la  Seine  et  M.  Cantarel,  leur  président  infa- 
tigable, non-seulement  au  nom  du  journal  La  Chan- 
son, mais  aussi  au  nom  du  Comité.  Nous  avons 
l'assurance  que  les  autres  sociétés  tiendront,  elles^ 
aussi,  à  organiser  une  soirée  au  profit  de  la  statue. 

A.  P. 

Concert  des  Folies   Saint-Martin,   64,  faubourg 

Saint-Martin.  Je   suis   allé  faire   un  tour   dans    ce 

nouvel  établissement,  qui  est,  à  mon  avis,  le  concert 

le  plus  élégant  du  quartier,  ^où  se  trouvent  groupés 

.  tous  les  premiers  établissements  de  ce  genre. 

Son  Jardin   d'hiver  est  une  merveille  :  je  rends 


hommage  à  l'habile  architecte  qui  a  pu  opérer  Cette 
transformation  ;  j'aurais  cru  qu'une  fée  seule  pouvait 
accomplir  un  tel  prodige. 

Le  répertoire  est  parfait  et  la  troupe  excellente  ; 
citons  au  hasard  quelques  noms  :  MM.  Caudieux, 
Dubois,  Benézit,  Sautereau,  Thise,  M""  Vallu, 
Aurohe,  Sarita,  Blanche,  etc. 

Inutile  de  faire  de  la  réclame  pour  ce  concert,  les 
bravos  du  public  l'ont  déjà  fait  connaître  du  Bou- 
levard Saint-Denis  au  Boulevard  des  Etudiants,  que 
Caudieux  célèbre  dans  une  chanson  qui  sera  le  succès 
de  l'année,  bien  certainement. 

GÉDHÉ. 

Jeudi  2  octobre,  grande  soirée  aux  Enfants 
d'Apollon,!^,  faubourg  Saint-Martin.  Inauguration 
des  grandes  soirées  mensuelles  du  Saint-Jeudi. 

Une  très-agréable  innovation  due  à  M.  Emile, 
président  de  cette  société,  a  apporté  un  charme  de 
plus  à  cette  réunion.  Le  bureau  était  tenu  par  trois 
charmantes  demoiselles,  toutes  trois  vêtues  de 
blanc.  M"°  Dolonne,  la  présidente  du  jour,  portait 
en  sautoir  un  large  ruban  blanc.  Le  ruban  bleu  de 
M"°  Sarto,  la  jolie  vice-présidente,  faisait  ressortir 
très-agréablement  les  roses  de  son  teint  ;  enfin  la 
jeune  M"°  Blondelet  portait  fort  coquettement 
l'écharpe  rouge. 

M.  Léopold  a  ouvert  la  séance  avec  une  verve  et 
un  entrain  remarquables  par  Instruire  en  amusant. 

M.  Victor  Métayer  lui  a  succédé,  revêtu  pour  la 
circonstance  d'un  costume  très-original  ;  il  a  recueilli, 
en  chantant  Patachon,  les  bravos  de  tous. 

M.Bladiera  dit:  Sans  avoir  l'air  de  ?Ven;M"°Le- 
large  La  fête  de  Boulogne;  M.  Pacra  fils,  Je  pleure 
ma  pipe.  Dire  que  M.  Bourges  s'est  fait  entendre 
dans  :  C'est  pas  généreux  et  Ma  politique  à  moi,  la 
voilà,  et  que  M.  Debailleul  a  chanté  avec  autant  de 
talent  que  de  charme  :  Le  Déjeuner  sur  l'herbe,  dis- 
pense de  tous  commentaires  ;  les  nombreux  bravos 
auxquels  ces  deux  excellents  artistes  du  XIX"  siècle 
sont  accoutumés  ne  leur  ont  pas  fait  défaut.     • 

Great  attraction  :  M.  X. . .  a  peint  à  l'huile,  en 
2  minutes  I;2,  un  fort  joli  paysage;  puis  M.  Habert 
a  dit  :  Le  Marchand  de  Mottes,  Ambroise,  Turlurette, 
David,  Tu  dis  si  bien  je  faime,  MM.  Vincent  avec  : 
Le  Retour  de  l'exilé,  Plantey,  La  Mule  dé  Pedro,  et 
Georges  avec  Jeàn-Bart,  ont  su  charmer  l'assemblée. 

M""  Adèle  a  chanté  avec  talent  :  Oiseau  léger,  en 
s'accompagnant  au  piano. 

M"°  Marie  a  dit  coquettement  :  Colifichets  nouveaux, 
et  avec  grâce  Pas  si  vite,  et  M"°  Julia  n'a  trompé 
personne  en  disant  :  Les  hommes,  il  n'y  a  rien  de 
meilleur . 

Malgré  l'heure  avancée,  c'est  avec  plaisir  que  l'on 
a  entendu  :  Une  femme  qui  mord,  vaudeville  en  un 
acte,  interprété  par  MM.  Marigny  et  Perret  et  la  j 

charmante  M"°  Elisa. 

Succès  oblige,  et  c'est  avec  impatience  que  le 
Saint-Jeudi  de  novembre  est  attendu,  car,  à  coup 
sûr,  il  ne  le  cédera  en  rien  à  son  aîné. 

Un  Amateur  très-satisfait. 

La  grande  soirée  lyrique  donnée  le  10  octobre, 
café  du  Globe  par  le  Cercle  des  An^is  du  Commerce, 
M.  Habert,  président,  n'a  pas  été  moins  brillante 
que  les  précédentes,  malgré  quelques  vides  dans  la 
salle.  Notre  format  nous  empêche  de  signaler 
tous  les  artistes  qui  s'y  sont  fait  entendre.  Citons 


J 


LA  CHANSON 


103 


seulement  MM.  Adrien  Souchet,  l'excellent  comique, 
Charles  Cerf,  Marcus,  M"°  Lucie,  etc. 
,    En  somme,  agréable  soirée,  ce  qui  d'ailleurs  est 
d'habitude  au  Cercle  des  Amis  du  Commerce. 

Répondant  à  l'aimable  invitation  que  nous  avait 
envoyée  M.  Durrieu,  président  du  Cercle  Musset, 
nous  avons  assisté  à  la  grande  soirée  mensuelle 
donnée  le  samedi  11  octobre.  Salle  bien  garnie,  bons 
chanteurs,  en  un  mot  charmante  soirée.  Citons  en 
premier  parmi  les  artistes  que  nous  avons  entendus, 
MM.  Berlioz,  Andral,  Urbain,  Durrieu,  Bertain  du 
Conservatoire,  la  petite  Emilie  Préaux  et  d'autres 
noms  que  le  manque  de  place  nous  empêche  de 
nommer,  puis  l'excellent  accompagnateur  Cane, 
pianiste  du  Cercle  Musset  et  de  la  Renaissance. 
H.  MALLET. 

La  soirée  donnée  le  mercredi  15  octobre,  au  béné- 
fice de  notre  excellent  ami  Marty  par  les  sociétés 
lyriques  la  Renaissance  et  les  Gais  Mo?nusiens,  au 
siège  social  de  cette  société,  café  Bouret,  44,  boule- 
vard du  Temple,  a  dépassé  au  point  de  vue  artis- 
tique tout  ce  que  le  bénéficiaire  osait  espérer. 
M.  Moria  a  été  désopilant  dans  un  Voyage  dans  mes 
poches,  spirituel  monologue,  MM.  Paul  Launay, 
Buisseret,  Denis,  le  petit  Dever,  M"°'  Julia  et  Laure 
ont  fait  assaut  de  verve  et  de  talent.  M.  Albert  P... 
du  Conservatoire  qui  avait  bien  voulu  prêter  son 
concours  pour  cette  soirée,  en  a  été  récompensé 
par  des  applaudissements  sans  fin. 

M""  Dolls,  l'étoile  des  sociétés  lyriques,  a  obtenu 
dans  Estevanille  Gunzalès,  un  acte  en  prose  qu'elle 
interprétait  avec  MM.  Moria  et  Marty,  le  légitime 
succès  que  lui  valent  sa  diction  juste  et  son  incon- 
testable talent.  Excellente  soirée  pour  le  public  et 
pour  notre  ami  Marty. 

Eugène  VAN  CAMP. 

Le  lundi  20  octobre,  très-belle  soirée  donnée  par 
la  société  lyrique  Union  et  Gaîté  à  l'occasion  de  sa 
dixième  grande  réunion. 

Les  meilleurs  artistes  des  sociétés  Ij^riques 
s'étaient  donné  rendez-vous  au  café  du  Globe  ;  nous 
y  avons  remarqué  MM .  Marcus ,  Andral ,  Paul 
Launay,  le  sympathique  baryton  de  la  Renaissance, 
Bergier,  Jules  Raux,  Berlioz  et  Urbain,  tous  deux 
membres  d'honneur,  Lemaire,  Gabriel,  M"""  Julia, 
membre  d'honneur,  la  petite  Préaux,  Berthe, 
Adèle,  etc.  M.  Jules  Raux  a  chaxiié Miaou  àla satis- 
faction générale. 

Nous  adressons  nos  compliments  à  M.  Varenne, 
dont  la  courtoisie  attire  de  tels  éléments  aux  grandes 
soirées  données  par  la  société  qu'il  préside. 

La  Société  nationale  des  Orphéonistes  Lillois  a 
donné ,  le  lundi  27  octobre,  sa  première  soirée  musicale 
de  l'hiver  1879-1880. 

On  y  a  entendu  comme  instrumentistes  M.  Brug- 
geman,  pianiste,  et  M.  Gruson,  flûtiste.  Le  premier 
s'est  fait  vivement  applaudir,  en  jouant  d'abord 
l'Invitation  à  la  valse  de  Weber,  puis  le  Bananier, 
de  Gotschalk,  et  le  second  a  fait  une  ample  moisson. 
de  bravos  en  exécutant  deux  fantaisies  :  l'une  sur 
les  Huguenots,  l'autre  sur  la  Promise. 

La  pai'tie  vocale  était  confiée  à  trois  des  meilleurs 
solistes  de  la  célèbre  société  chorale.  M.  Muissart, 
baryton,  a  dit  avec  beaucoup  de  goût  et  de  sentiment 
la  Cauatine  de  Robert  Bruce  (Halevy)  et  Un  soir  de 
Mai  de  Faure.   M.  Morel,  ténor,  a  dit  une  jolie 


romance  d'un  artiste  de  Douai,  M.  Détrain,  et  dont 
voici  le  titre  :  Le  Carillonneiir  Flamand,  et  M.  Auguste 
Leclercq,  basse,  a  chanté  magistralement  le  grand 
air  de  S  émir  amis  ;  ces  deux  derniers  ont  interprété 
en  véritables  artistes  le  morceau  capital  de  la  soirée  : 
le  duo  de  Guillaume  Tel  (  G  Mathilde  !) 

Un  jeune  homme,  qui  se  destine,  dit-on,  au  théâtre, 
a  fort  bien  récité  La  Grève  des  Forgerons. 

Enfin,  un  chanteur  de  genre,  M.  Rutteau,  a  charmé 
l'auditoire  enchantant,  pour  mieux  dire,  en  jouant 
les  quatre  chansonnettes  dont  voici  les  titres  :  Je  me 
rapapillotte  (Tauven)  ;  le  Portrait  de  ma  tante  (Wachs); 
les  Idées  de  Christophe  (Massayé)  ;  Chez  mes  voisins 
(Thuillier). 

En  somme,  excellente  soirée. 

La  Renaissance  donnera  très-prochainement,  sur 
une  de  nos  grandes  scènes  parisiennes,  un  bénéfice 
pour  Lebassy,  le  chanteur  aimé  que  tout  le  monde  a 
applaudi  dans  ses  nombreuses  créations  et  qui  est 
en  ce  moment  malade  à  l'hôpital.  Ce  bénéfice  sera 
donné  avec  le  concours  d'artistes  de  tous  les  ihéâtres 
et  concerts  de  Paris  toujours  prêts  à  secourir  l'in- 
fortune d'un  camarade  et  parmi  lesquels  figurent 
M.  Lassalle,  de  l'Opéra,  M™"' Judic  et  Thérésa. 

Nous  donnerons,  dans  notre  prochain  numéro,  le 
programme  de  cette  soirée,  une  des  plus  belles  sans 
contredit  de  toutes  celles  organisées  sous  le  patro- 
nage d'une  société  lyrique. 

H.  MALLET. 

A  La  Cordiale,  le  jeudi  G  novembre,  grande  soirée 
d'installation  dans  son  nouveau  local.  Café  hollandais, 
50,  galerie  Montpensier  (Palais-Roj'al). 

La  société  h'rique  et  chorale  des  Enfants  dç  la 
Seine  donnera,  le  dimanche  9  novembi'e,  sa  grande 
soirée  lyrique  et  dramatique,  dans  son  local  ordinaire, 
20,  rue  Palestro,  à  7  heures  du  soir. 

Dimanche  9  novembre.  Concert  de  Lyon,  12,  rue 
de  Lyon,  à  1  heure,  Matinée  offerte  à  ses  membres 
honoraires  par  la  société  l'Alliance  Chorale  de  Paris, 
sous  la  direction  de  M.  Amuat,  avec  le  concours 
d'artistes  distingués  de  l'orchestre  des  Trouvères, 
dirigé  par  M.  Jules  Raux. 

Le  Cercle  Intime,  M.Victor  Garnot,  président, 
a  donné,  le  25  octobre,  sa  grande  soii'ée  de  réouver- 
ture ;  nous  en  rendrons  compte  dans  notre  prochain 
numéro. 

SOUSCRIPTION  POUR  LA   TOMBE  DE  LEDUC 

M .  Sauvanet 3  fr; 

Total 28  50 

Nous  faisons  un  dernier  appel  aux  amis  de  Leduc. 


CHOSES     &    AUTRES 


Le  prochain  numéro  de  La  Chanson  con- 
tiendra le  compte-rendu  du  grand  concours 
poétique  ouvert  par  elle  en  l'honneur  de 
Béranger. 

M.  Jules  Claretie,  dont  on  joue  en  ce  moment 
les  Mirabeau  au  théâtre  des  Nations,  prépare  une 
saison  prochaine  brillante. 

On  annonce,  en  effet,  qu'il  est  l'auteur  de  la  pièce 


104 


LA  CHANSON 


qui  succédera  à  la  Vénus  Noire  ;  cette  pièce  est  inti- 
tulée le  Clown.  M.  Dumaine  en  jouera  le  rôle  principal. 
■  C'est  également  un  drame  de  M.  Claretie  qui 
suivra  Cendrillon,  quand  la  féerie  de  la  Porte-Saint- 
Martin  voudra  le  permettre. 

L'impartialité  nous  fait  un  devoir  de  reproduire 
la  lettre  suivante  adressée  au  rédacteur  en  chef 
du  Figaro,  en  réponse  à  la  lettre  de  M.  Gabillaud, 
publiée  dans  ce  journal  et  par  plusieurs  autres . 

«  Monsieur, 

«  J'ai  l'honneur  de  vous  informer  qu'en  réponse  à 
la  lettre  de  M.  L.  Gabillaud,  lettre  parue  dans  le 
numéro  du  Figai'o  de  ce  jour,  7  octobre,  je  viens  de 
donner  les  ordres  nécessaires  pour  faire  assigner 
M.  Gabillaud  en  diffamation,  par  devant  le  Tribunal 
de  police  correctionnelle,  à  sa  plus  prochaine  au- 
dience. 

«  Je  vous  serai  infiniment  obligé  de  vouloir  bien 
insérer  la  présente  lettre  dans  votre  plus  prochain 
numéro. 

((  Avec  mes  remercîments,  veuillez  agréer,  etc. 

L.    ROLLOT. 

H  Agent  général  de  la  Société  des  auteurs, 
compositeurs  et  éditeurs  de  musique.  » 

Le  commandant  Orse,  chevalier  de  la  légion  d'hon- 
neur,auteur  à-esJaiiissaires,  des  Etoiles  dumonde  et  des 
Brises  folles,  vient  d'être  nommé  officier  d'académie. 

Le  moniteur  de  l'armée  annonce  en  ces  termes 
cette  nomination  : 

«  M.  Orse  n'est  pas  seulement  un  soldat  solide  : 
«  c'est  aussi  un  littérateur,  un  poète  distingué,  et 
«  nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  la  distinction  dont 
«  il  vient  d'être  l'objet.  » 

Nous  publierons  très  prochainement  dans  nos 
colonnes,  l'histoire  du  Caveau  et  celle  de  la  Lice  chan- 
sonnière, très-complète  et  très-intéressante. 

Nous  rappelons  à  tous  nos  abonnés  que  nous  avons 
fait  brocher  la  première  année  ;  nous  l'enverrons 
franche  de  port  à  toute  personne  qui  nous  adressera 
un  mandat-poste  de  5  francs. 

Nous  prions  nos  abonnés  qui  n'ont  pas  le  premier 
semestre  et  ceux  auxquels  il  manquerait  des  numéros, 
de  se  hâter  d'en  faire  la  demande  s'il  veulent  se 
compléter. 

Les  abonnements  et  réabonnements  au  journal  Za 
Chanson  sont  reçus  dans  tous  les  bureaux  de  poste. 
Les  frais  sont  à  la  charge  du  journal. 

Nous  prions  instamment  les  retardataires  qui  ne 
nous  ont  pas  encore  envoj'é  le  montant  de  leur 
réabonnement,  de  nous  le  faire  parvenir  sans  retard. 

Le  succès  de  France  s'affirme  de  jour  en  jour. 
Au  grand  concert  organisé  par  l'Harmonie  de  l'associa- 
tion polytechnique  du  3'=  arrondissement,  qui  a  eu  lieu  le 
15  du  courant,  salle  Rivoli,  ce  morceau  était  le  great 
attraction.  —  Mathilde  ROMY  a  chanté  le  nouvel 
hymne  national  de  la  Paix  avec  beaucoup  de 
sentiment;  elle  a  eu  trois  fois  les  honneurs  du  rappel. 
N'oublions  pas  de  féliciter  l'Harmonie  polytechnique 
du  3°  arrondissement  qui  a  exécuté  France!  d'une 
façon  splendide.  En  somme,  très-belle  soirée 

En  vente  chez  M.  Quentin-Roux,  éditeur,  41,  rue  des 
Petits-Carreaux,  les  chansons  àiuccèi  de  MM.  Dorfeuil 
et  Gédhé  :  On  n  tient  pas  cet  article-là,  la  politique  de 


Jeannette,  le  nouveau  Maître  d'école.  C'est  comme  si 
vous  n'en  aviez  pas.  J'en  savais  rien  !  le  Vieux  Paris. 
Format  piano  3  fr.,  format  guitare  1  fr. 

M°"^  Cazalo  Sténio,  leçons  de  chant,  de  piano  et 
de  déclamation,  tous  les  jours,  rue  de  l'Université, 
157  bis.  Nous  publierons  prochainement  une  œuvre 
musicale  de  cette   dame,  qui  est  aussi  compositeur.   ~ 

Maison  Pichard,  3,  rue  de  Rivoli.  Grande  Salle  à 
louer  pour  Sociétés  Lyriques,  Chorales  et  autres, 
disposée  pour  la  danse,  bien  aérée  par  5  fenêtres  au 
1"  sur  la  rue,  pouvant  contenir  300  personnes. 

Agrandissement  du  Progrès  artistique.  «Nous 

avons  décidé  de  former  une  société  au  capital 
modeste  de  50.000  francs,  divisé  en  mille  actions 
de  ,50  francs,  afin  de  pouvoir  offrir  dès  à  présent 
soit  2  soit  4  pages  de  texte  en  plus,  à  nos  lecteurs, 
sans  augmenter  autant  que  possible  le  prix  de  notre 
journal. 

«  Nous  avons  voulu  donner  à  cette  souscription  une 
allure  qui  lui  permit  d'être  accessible  à  tous,  riches 
ou  humbles,  et  voici  dans  quelles  conditions  nous 
allons  lancer  l'émission  de  ces  actions  de  50  fr  : 

«  5  francs  en  souscrivant  ;  7  fr.  50  au  moment  de  la 
répartition  et  5  fr.  seulement  de  trois  mois  en  trois 
mois,  si  toutefois  le  conseil  d'administration  ne 
décide  pas,  à  un  moment  donné,  qu'il  y  a  lieu 
d'arrêter  les  versements. 

K  L'argent  rapportera  un  intérêt  de  5  0/0.  » 
{Progrès  artistique,  17  octobre  1879). 

Nous  tiendrons  les  lecteurs  de  La  Chanson  au 
courant  de  cette  souscription. 

L'Echo  musical,  journal  musical,  bi-men- 
suel.  —  Edit. -direct.  M.  E.  Mahillon,  23,  chaussée 
d'Anvers,  à  Bruxelles.  Un  an  3  fr.  30.  On  s'abonne 
dans  les  Bureaux  de  La  Chanson.  —  Bulletin  des 
Sociétés  musicales  belges.  —  Nouvelles  artistiques 
et  théâtrales. 

Le  Phare,  revue  bi-mensuelle,  Littérature,  Indus- 
trie, Beaux-Arts.  Un  an,  6  fr.  M.  P.  Prouteau, 
directeur,  18,  rue  des  Martyrs. 

Le  Biographe,  publication  mensuelle  illustrée 
en  photographie  de  MM.  Chapelet  et  Jean  Bernard. 
Un  an  :  12  francs,  à  Paris,  LEROUX,  éditeur,  28,  rue 
Bonaparte;  à  Bordeaux,  91,  rue  Malbec. 

The  musical  Standard,  le  meilleur  et  le  plus 
grand  des  journaux  musicaux  de  Londres.  Abon- 
nement :  15  s.  par  an.  Paraît  tous  les  vendredis, 
chez  M.  Reeves,  185,  Fleet-street.  Londres.  (On 
s'abonne  aux  bureaux  de  La  Chanson.) 

Pour  nous  éviter  des  frais,  nous  prions  nos 
abonnés  de  nous  faire  parvenir  de  suite  le  montant 
de  leur  réabonnement.  Le  numéro  du  1°'  novembre 
a  été  envoyé  à  tous;  ceux  qui  le  conserveront  seront 
considérés  comme  réabonnés  ;  les  autres  voudront 
bien  nous  renvoyer  le  numéro  avec  la  mention  refusé 
sur  la  bande. 

Quelques  personnes  n'ont  pas  encore  acquitté  leur 
réabonnement  du  1*'  mai  ;  nous  supprinàèrans, 
au  16  novembre,  l'envoi  du  journal  à  toutes  celles 
qui  ne  se  mettront  pas  en  règle  d'ici  là.  Le  prix  du 
troisième  semestre  n'en  restera  pas  moins  dû. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY 


2"  ANNEE.  —  N»  32. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


16  NOVEMBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO   DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  !«'  c!c  le  16  de  chaque  mois 

Les  Abonnements  partent  dul"  Mai  &  du  1"  Novembre 


Secrétaire  de  laRédactiori 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  ...     »  50 
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Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  k  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOnVCl^T^IE-IE 


Un  Premier-Paris  (charles  Vincent).  —  A  Hélène  (l.-henry 
lecomte).  —  Concours  de  la  Lice  Chansonnière  :  Les  Deux 
Chats  (HENRY  RUBOis).  —  Le  Gardeur  de  cochons  (de 
courmont).  —  Les  doux  Réveils  (paul  chocque).  —  Bératujer 
(ousTAVE  bouchez).  —  L'Ingratitude  et  la  Reconnaissance  (syl. 


devenish).  —  Progrés!  (p.-e.  erard).  —  Lettre  de  M.  Laurent 
de  Rillé.  —  Banquet  du  Caveau  (eug.  imbert).  —  Banquet 
de  la  Lice  Chansonnière  (l.-iiknry  lecomte).  —  Dîner  du 
Hareng  Saur  (eug.  imbert).  —  Chronique  des  Sociétés 
lyriques  (henry  mallet).  Avis  important.  —  Choses  et  autres. 


UN      PREMIER-PARIS 


Air  :    De    ta    Treille  de  sincérité 


Espérance, 
0  ma  vieille  France  ! 
Sans  redouter  le  lendemain, 
Suis  tranquillement  ton  chemin. 

Eh  quoi!  dans  le  temps  où  nous  sommes. 
Parce  que  pour  Monsieur  Humbert 
Votèrent,  je  crois,  sept  cents  hommes, 
On  nous  dit  :  le  pays  se  perd  ! 
En  admettant,  ce  dont  je  doute. 
Qu'avec  eux  nous  nous  égarions, 
Pour  retrouver  la  bonne  route, 
On  est  encor. . .  sept  millions  ! 
Espérance,  etc. 

Voyez  l'affreux  socialisme. 
Il  monte  et  va  tout  submerger  ! 
Mais  monarchisme  et  césarisme 
Sont  prêts  à  braver  le  danger. 
Nous  connaissons  cette  tactique  : 
Répandre  partout  la  terreur, 
Puis  égorger  la  République 
Dans  les  griffes  d'un  empereur. 
Espérance,  etc. 

Demandons  au  plus  misanthrope 
Si  ce  n'est  pas  chez  nous  encor 
Que  tous  les  banquiers  de  l'Europe 
Recherchent  le  crédit  et  l'or. 
Ajoutons,  sans  forfanterie. 
Par  des  faits  pouvant  l'appuyer, 
Que  l'art  et  la  fine  industrie 
En  France  ont  toujours  leur  foyer. 
Espérance,  etc. 


Laisser  dire,  sans  laisser  faire, 
Marcher  malgré  ce  qu'on  dira. 
C'est  la  maxime  salutaire, 
Dont  bientôt  on  s'inspirera. 
Que  du  passé  l'abus  s'endorme, 
Et  d'un  sommeil  assez  profond. 
Pour  qu'ayant  obtenu  la  forme 
Nous  puissions  conquérir  le  fond. 
Espérance,  etc. 

Conservons  donc  notre  suffrage  ; 
S'il  est  sujet  à  des  erreurs, 
Instruisons-le,  c'est  le  plus  sage. 
Et  c'est  moins  cher  que  des  sauveurs. 
Laissons  celui-là  qui  s'étonne, 
Lorsqu'on  est  à  peine  au  printemps 
De  n'avoir  point  les  fruits  d'automne.. 
Mais  aidons  à  l'œuvre  du  temps. 
Espérance,  etc. 

L'idée,  à  la  machine  humaine. 
Est,  comme  à  l'engin,  la  vapeur; 
Au  but  veut-on  qu'elle  nous  mène 
Il  faut  l'utiliser  sans  peur. 
C'est  par  le  vote  que  s'échappe 
Ce  qu'on  aurait  tort  d'arrêter  ; 
Car  si  l'on  fermait  la  soupape 
La  machine  pourrait  sauter. 

Espérance, 
0  ma  vieille  France  ? 
Sans  redouter  le  lendemain 
Suis  tranquillement  ton  chemin. 

CHARLES  VINCENT. 


106 


LA  CHANSON 


A    HELENE 


Comme,  à  l'aube,  les  fleurs  nouvellement  écloses 
S'inquiètent  des  jours  qui  leur  sont  destinés. 
Mignonne  née  d'hier,  vos  esprits  étonnés 
Semblent  peser  le  bon  et  le  mauvais  des  choses... 

Oh!  demeurez...  voyez,  déjà  nos  fronts  moroses 
A  votre  premier  cri  se  sont  rassérénés, 
Et,  vous  qui  n'aimez  pas  encore,  vous  tenez 
Deux  cœurs  énamourés  dans  vos  petits  doigts  roses. 

Vivez  !  —  il  est  très-bon  de  vivre  —  dans  le  ciel, 
Où  vous  étiez  un  doux  et  charmant  Ariel, 
Peut-être  vous  a-t-on  dit  du  mal  de  la  terre  ? 

N'y  croyez  point  :  chez  nous,  en  de  merveilleux  nids 
Tièdes,  parfumés,  abrités  de  mystère. 
Chantent  les  blonds  enfants,  radieux  et  bénis! 
Octobre  1879.  L.-HenrY  LECOMTE 

CONCOURS  DE  LA  LICE  CBMSONNIÈRE 

[Grande  Soirée  du  15  octobre  1879) 
1"  Prix 

LES  DEUX  CHATS 

Air  :  T'es  mon  ami  tout  d'  même 


J'ai  pour  voisins  deux  jolis  chats, 
L'un  maigre,  l'autre  gras; 

Minet  voit  comblés  tous  ses  vœux. 
Matou  vit  d'espérance.  .. 
Le  plus  heureux  des  deux 
N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Minet  a  pour  maître  un  rentier. 
Matou,  mon  savetier; 

L'un  a  toujours  le  ventre  creux. 
L'autre,  pleine  la  panse. 
Le  plus  heureux  des  deux 
N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Minet  —  régime  plein  d'appas  ' — 
Fait  ses  quatre  repas  ; 

Matou,  de  reliefs  douteux 
Fait  sa  maigre  pitance. 
Le  plus  heureux  des  deux 
N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Lorsqu'entouré  de  soins,  chez  lui 

Minet  baille  d'ennui, 
Matou  jouant  à  divers  jeux 

S'en  donne  en  conscience!.. 

Le  plus  heureux  des  deux 

N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Minet,  pour  cause,  est  impuissant. 
Matou,  jeune  pur-sang, 

A  vingt  rejetons  vigoureux 
A  donné  l'existence. 
Le  plus  heureux  des  deux 
N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Minet,  sage  chat  de  bon  ton. 
Est  mis  dans  du  coton  : 

Matou,  pour  ses  méfaits  nombreux 
Est  mis  en  pénitence... 
Le  plus  heureux  des  deux 
N'est  pas  celui  qu'on  pense. 


Quand  Minet  dort  le  plus  souvent, 

Matou,  le  nez  au  vent. 
Rôde...  afin  d'éteindre  les  feux 

Des  chattes  en  démence  !... 

Le  plus  heureux  des  deux 

N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Minet  étant  pur  angora, 

Mort,  on  l'empaillera  ; 
Matou,  lui,  sera  par  des  gueux 

Mangé  ;  —  c'est  sûr  d'avance  ! 

Le  plus  heureux  des  deux 

N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Minet,  c'est  le  conservateur, 
MatoTi,  le  novateur; 

L'un  a  le  confort  plantureux, 
L'autre  l'indépendance  : 
Le  plus  heureux  des  deux 
N'est  pas  celui  qu'on  pense. 

Henry  RUBOIS, 

Vice-Président  de  la  Lice  Chansonnière 


2°  Prix 

LE   GARDEUR  DE   COCHONS 


Oh  !  les  grands  bois,  le  beau  soleil. 
Les  champs  de  blés  en  fleurs,  les  roses! 
Oh  !  les  grands  bois,  le  beau  soleil, 
Salut  amour  !  Salut  réveil 
Des  hommes  et  des  choses  ! 

Mon  bisaïeul  était  un  serf 
Descendant  tout  droit  d'un  esclave  : 
Mais  mon  grand-père  avait  du  nerf, 
Son  flls  —  mon  père  —  était  un  brave  ! 

Il  a  jeté  dans  le  ruisseau 
Les  oripeaux  de  valetaille, 
La  livrée  et  tout  son  trousseau  ; 
Aux  abus  il  livra  bataille  ! 

Moi  je  garde  encor  les  cochons, 

Mais  je  suis  un  homme  !..  et  je  vote  !.. 

Mes  flls  s'instruisent,  nous  marchons 

Avec  le  progrès  côte  à  côte  ! 

Oh  !  les  grands  bois,  le  beau  soleil,  etc. 

Dans  la  nature  tout  me  plaît 
Même  l'homme  s'il  n'est  maussade  ; 
Je  vis  de  pain,  de  petit  lait. 
De  fromage  blanc,  de  salade. 

Libre  et  fier  de  ma  liberté, 
Je  me  demande  tout  de  même 
Si  ma  peau  vaut,  en  vérité, 
Celle  d'un  porte-diadème. 

Pourquoi  pas  ?  mes  lois  sont  ses  lois  ! 
Tout  court  au  même  but  en  somme  ; 
Et,  gardeurs  de  cochons  ou  rois. 
Le  grand  mérite  est  d'être  un  homme. 
Oh  !  les  grands  bois,  le  beau  soleil  !  etc. 


LA  CHANSON 


107 


Chacun  son  air!  chacun  son  droit  ! 
Dans  le  calme  ou  dans  la  tempête, 
Marche,  bon  homme,  ferme  et  droit! 
Va  !  haut  le  cœur  et  haut  ia  tète  ! 

Quand  j'ai  dit  :  Oui  !  quand  j'ai  dit  non  !  (") 
Rien  après,  qu'il  vente,  qu'il  tonne, 
Pas  même  la  voix  du  canon, 
Rien  ne  m'émeut,  rien  ne  m'étonne! 

Prêt  pour  la  lutte  à  tout  moment. 
Et  fort  de  ma  vertu  civique. 
Je  veille  et  je  dors  librement 
Au  souffle  de  la  République  ! 

Oh!  les  grands  bois,  le  beau  soleil  ! 
Les  champs  de  blés  en  fleurs,  les  roses  ! 
Oh  !  les  grands  bois,  le  beau  soleil  ! 
—  Salut  amour  !  salut  réveil 
Des  hommes  et  des  choses  ! 

De  COURMONT. 
de  l'Union  des  poètes  français  et  étrangers. 
(')  Allusion  au  vote. 

3°  Prix 

LES  DOUX  RÉVEILS 


Dans  le  berceau,  parfois,  nous  rêvons  d'anges, 
D'étoiles  d'or,  de  papillons,  de  fleurs... 
Parfois  aussi  des  figures  étranges 
En  sommeillant  nous  font  verser  des  pleurs. 
Mais  pour  chasser  toute  image  eifrayante 
Un  saint  amour  est  toujours  en  éveil  ; 
Lorsqu'on  revoit  sa  mère,  souriante, 
Ahl  chers  enfants,  l'adorable  réveil! 

Voici  venir  avril,  les  douces  brises. 
Les  chauds  rayons,  et  le  cliant  des  oiseaux; 
Les  saules  yç)nt  baigner  leurs  branches  grises 
Dans  le  cristal  limpide  et  bleu  des  eaux... 
Tout  est  joyeux  !  et  le  vieillard  austère 
Sourit  lui-même,  alors,  au  grand  soleil, 
Tout  chante  et  rit,  tout  s'aime  sur  la  terre. 
Du  gai  printemps  saluons  le  réveil  ! 

Par  son  labeur  lorsqu'enfln  toute  femme 
Pourra  gagner  le  pain  de  chaque  jour  ; 
-Lorsqu'un  or  vil  (marché  souvent  infâme) 
Ne  paiera  plus  la  gloire  ni  l'amour  ; 
La  grandeur  vraie  alors,  et  la  sagesse, 
Resplendiront  d'un  éclat  sans  pareil, 
Et  nous  dirons,  le  cœur  rempli  d'ivresse  : 
De  la  vertu  saluons  le  réveil  ! 

Mon  existence,  amis,  fut  secouée 
Par  le  remous  des  folles  passions. 
Comme  les  flots  agitent  la  bouée 
Quand  l'ouragan  surprend  les  alcyons... 
Mais  dans  l'hymen  où  l'horizon  s'épure 
J'ai  retrouvé  le  ciel  calme  et  vermeil; 
Près  d'une  femme  à  l'àme  chaste  et  pure 
De  mon  bonheur  saluez  le  réveil  1 

Jésus,  cet  homme  à  l'âme  fraternelle. 

Chassa  du  temple,  un  jour,  tous  ces  vendeurs 

Qui,  salissant  sa  doctrine  immortelle, 

Pour  le  veau  d'or  sont  toujours  pleins  d'ardeurs. 

Hélas  !  quand  donc,  leur  frottant  l'épiderme 

A  coup  de  fouet  de  l'épaule  à  l'orteil, 

0  Rédempteur,  viendi'as-tu  d'un  bras  ferme 

De  ta  justice  opérer  le  réveil  ? 


Un  peuple  esclave  un  jour  brisa  ses  chaînes 
Et  proclama  pour  tous  la  liberté  1... 
Mais  un  guerrier  soudain  saisit  les  rênes, 
Et  cet  élan  d'amour  fut  arrêté... 
Pourtant  je  crois  au  jour  de  délivrance 
Où  secouant  enfin  un  long  sommeil, 
Nous  reverrons  le  grand  peuple  de  France 
De  tous  ses  droits  saluer  le  réveil  ! 

Paul  CHOCQUE, 

de  la  Lice  Chansonnière. 

Mentions   Honor.^bles  : 

Le  Phylloxéra,  auteur  inconnu . 

Les  Roseaux,  auteur  Georges  Baillet. 

Fais  une  chanson  su)-  moi,  auteur  Cahen. 


BERANGER 

Musique  de  l'.Vuteur  des  paroles. 

Une  statue  à  notre  cher  poète, 
A  Déranger,  le  roi  de  la  chanson  ! 
Amis,  j'en  suis  et  nous  ferons  la  quête 
Pour  récolter  une  riche  moisson. 
Enfant  du  peuple  il  avait  l'âme  grande, 
Pour  nous  défendre  il  restait  le  dernier... 


Donnez,  donnez  aujourd'hui  votre  ofl'rande  )  ,  . 
jer,  l'immortel  chansonnier.    )     * 


Pour  Déranger, 


La  pauvreté,  nourrice  du  génie, 
Rendit  plus  forts  son  esprit  et  son  cœur, 
Il  enlaçait  l'ineffable  harmonie 
Pai'  une  strophe  à  son  grelot  moqueur. 
11  nous  a  dit  ses  rêves  de  jeunesse. 
Avec  Lisette  il  chante  son  grenier; 
Donnez  à  qui  sema  tant  d'allégresse  ; 
Pour  Déranger,  l'immortel  chansonnier. 

Jamais  son  luth,  brillant  comme  laflamme, 
Ne  fut  séduit  par  le  faste  des  cours  ; 
La  Liberté  guida  toujours  son  âme. 
Comme  sa  plume  et  comme  ses  discours. 
Par  la  satire  il  fustigea  la  race 
De  l'oppresseur  qui  le  fît  prisonnier  : 
Donnez,  donnez  au  petit-fils  d'Horace, 
Pour  Déranger,  l'immortel  chansonnier. 

11  a  sifflé  des  sots  de  toutes  sortes, 
Des  courtisans  et  de  tous  les  degrés. 
Car  il  fallait  braver  maintes  cohortes. . . 
Pour  assurer  la  marche  du  Progrès. 
11  a  sondé  la  route  inexplorée. 
Comme  Colomb,  le  hardi  nautonnier  : 
Donnez,  donnez,  cette  dette  est  sacrée. 
Pour  Déranger,  l'immortel  chansonnier. 

Comme  une  mer  sous  le  vent  qui  l'agite, 
La  France  alors  s'inspirait  par  sa  voix. 
A  Manuel,  à  Constant,  à  Latïïtte, 
Il  s'allia  pour  soutenir  nos  droits. 
Vous,  qui  toujours  combattez  l'ignorance, 
Donnez,  donnez  pour  lui  votre  denier  ; 
Un  monument  doit  s'élever  en  France 
Pour  Déranger,  l'immortel  chansonnier. 

Lille.  -  Inédit.  Gustave  BOUCHEZ. 


bis 


108 


LA  CHANSON 


INGRATITUDE  ET  LA  RECONNAISSANCE  0 

«  Ingratitude  is  abhorred  by  God  and  man.  » 

L'ESTRANGB. 

L'ingratitude,  hélas  !  est  au  cœur  un  ulcère 
Dont  l'aspect  repoussant  et  la  malignité 
Empoisonnent  encor  sur  notre  pauvre  terre 
Tant  de  maux  que  déjà  souffre  l'humanité  ! 
C'est  un  vice  hideux,  dont  le  contact  infâme 
Efface  des  bienfaits  le  plus  doux  sentiment  ; 
Il  dessèche  et  flétrit  l'esprit,  le  cœur  et  l'âme, 
Et  semble  défier,  ici,  tout  châtiment  ! 

Mais  l'ingrat  oublieux  du  dévouement  immense 
De  l'être  plein  d'amour,  comme  un  ange  gardien, 
Qui  dirigea  ses  pas  dès  sa  plus  tendre  enfance. 
Qui  pour  le  rendre  heureux  jamais  n'épargna  rien. 
Peut-il  goûter  la  paix  sous  le  poids  d'un  tel  crime?... 
Peut-il  impunément  voir  sans  remords  au  cœur 
Les  pleurs  et  le  chagrin  de  sa  pauvre  victime 
Qui  peut-être  en  lui  seul  avait  mis  son  bonheur?... 

Oh  !  non!  Dieu  ne  saurait  permettre  en  sa  justice, 
Qu'un  crime  aussi  noir  passe  au  mépris  de  ses  lois!... 
Il  lui  doit,  dès  ce  monde,  infliger  pour  supplice, 
Du  remords,  sans  répit,  l'inexorable  voix!. . . 
Quelle  que  soit,  alors,  souvent  aux  yeux  du  monde, 
L'impunité  factice  à  laquelle  il  prétend, 
L'ingrat,  tout  bas  frissonne  à  cette  voix  qui  gronde, 
Echo  du  châtiment  tôt  ou  tard  qui  l'attend  ! 

Quel  suave  contraste  est  la  reconnaissance, 
Ce  baume  bienfaisant  qui  dilate  le  cœur, 
Et  vient  avec  amour  y  doubler  la  puissance 
D'accepter,  et  de  rendre  à  son  tour  le  bonheur  ! . . . 
0  vous  qui  l'ignorez,  quel  malheur  est  le  vôtre, 
Et  que  je  vous  plains  tous  de  n'en  connaître  rien!... 
Il  est  si  doux  de  rendre  un  bienfait  pour  un  autre, 
Et,  même  pour  le  mal,  de  rendre  encor  le  bien  ! . . . 

C'est  plus;  c'est  un  devoir  que  Dieu,  danssa  clémence. 

Comme  un  tribut  d'amour  en  notre  âme  a  placé, 

Et  qui  trouve,  ici  bas,  sa  douce  récompense 

A  faire  l'avenir  repayer  le  passé  I . . . 

Et  dire  que  pourtant  il  est  sur  cette  terre 

Tant  d'êtres  pour  qui  c'est  comme  un  fardeau  trop  lourd  ; 

Dont  le  cœur  égoïste,  afin  de  s'y  soustraire, 

A  cette  voix  de  Dieu,  reste,  hélas!  toujours  sourd  !.. . 

Sainte  Reconnaissance  !  oh  !  quelle  pure  ivresse 
Tu  nous  as  prodiguée  et  nous  promets  encor  ! . . . 
Dans  nos  cœurs  continue  à  régner  en  maîtresse  ; 
La  richesse  de  l'âme  est  le  plus  beau  trésor  ! . . . 
Vous  qui  lisez  ces  vers,  joignez  à  ma  prière 
La  vôtre  pour  qu'enfin  Dieu  permette  qu'un  jour, 
Cette  vertu  si  douce  étouffe  sur  la  terre 
La  noire  ingratitude  à  son  souffle  d'amour  ! 


Ile  Trinidad,  "West  Indiès. 


Syl.  DEVENISH. 


C^)  Cette  pièce  nous  a  été  envoyée  directement  de  Vile 
rrznirfac?  avec  une  lettre  charmante.  Nous  sommes  heureux 
de  voir  que  Jm  Chanson  qui  compte  plusieurs  abonnés  à 
Londres^  en  Suisse,  en  Belgique^  ainsi  qu'en  Espagne,  en 
comptera  prochainement  dans  les  colonies  anglaises.  M.  Sjl. 
Deyenisch  est  une  illustration  créole  qui  fut  25  ou  30  ans 
au  service  de  la  Reine. 


PROGRÈS! 


Athlète  aux  bras  d'acier,  devant  qui  tout  se  range, 
Qui  va  droit  devant  soi,  sans  jamais  reculer, 
De  tous  les  grands  penseurs,  toi,  le  radieux  ange, 
Impassible,  tu  vois  tout  le  passé  crouler! 

Progrès!  Sous  ton  talon,  maintiens-les  dans  la  fange. 
Ces  rois  que  dans  le  gouffre  un  jour  tu  fis  rouler; 
Des  siècles  ténébreux  sois  celui  qui  nous  venge, 
Que  l'univers  entier  voie  ton  flambeau  briller! 

Brisant  tous  nos  liens,  chantant  la  délivrance, 
Nous  marchons  avec  toi,  gravissant  l'avenir. 
Et  trouvant  malgré  tout  le  temps  de  te  bénir! 

Debout!  Et  dans  tes  poings  prends  le  marteau  science, 
Frappe  !  Et  que  nous  voyions  au  cri  de  :  Liberté  ! 
De  l'enclume  des  ans  jaillir  la  vérité  ! 

P.-E.  ERARD. 

Alger,  7  octobre  1879. 

A  la  réunion  générale  du  Comité  Déranger,  tenue 
le  6  novembre  sous  la  présidence  de  M.  Spuller,  le- 
secrétaire  L. -Henry  Lecomte  a  donné  lecture  de 
l'adhésion  suivante,  qu'il  venait  de  recevoir  : 

Paris,  5  novembre  1879. 

Monsieur, 

Déranger  est  le  premier  qui  ait  cru  à  l'Orphéon.  Il  a  pré- 
dit son  avenir,  il  a  tracé  son  programme,  il  a  trouvé  sa 
devise  en  écrivant  son  immortelle  Lettre  à  Wilhem  : 


Si  Déranger  n'est  pas  le  père  de  l'Orphéon,  il  est  au 
moins  son  parrain. 

Je  me  suis  trop  attaché  à  l'œuvre  de  l'Orphéon  pour  ne 
pas  regarder  comme  un  devoir  et  un  honneur  de  m'associer 
avec  empressement  à  votre  projet. 

On  ne  saurait  trop  honorer  notre  grand  poète. 

Recevez,   Monsieur,   l'assurance    de  mes   sentiments 
dévoués, 

Laurent  de  RILLÉ. 

A  la  liste  des  membres  du  Comité,  que  connaissent 
nos  lecteurs,  seront  désormais  ajoutés  les  noms  de 
MM.  E.  Littré,  sénateur,  membre  de  FAcadémie 
Française,  Georges  Murât  et  Laurent  de  Rillé. 


SOCIETE  LYRIQUE  &  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  7    NOVEMBRE 

Quarante  convives  -r  nombre  académique,  —  un  toast 
et  seize  chansons  :  voilà  le  bilan  de  la  soirée.  Que  de 
paresseux  ces  chiffres  accusent!  Encore  deux  auteurs  se 
sont-ils  fait  entendre  chacun  deux  fois.  Et  pourtant  ce 
retour  des  voyageurs  et  des  campagnards,  ces  figures 
ouvertes  et  riantes,  cette  salle  splendidement  restaurée, 
auraient  dû  inspirer  sociétaires  et  visiteurs,  non  pas  mieux, 
mais  plus  abondamment. 

Au  milieu  du  repas,  le  toast  obligé. 

On  les  trouve  ingénieux,  et  ils  valent  toujours  à  lem' 
auteur  des  applaudissements  souvent  mérités,  ces  discours 
en  vers  longs  ou  courts,  dans  lesquels  le  président,  sous 
ombre  de  célébrer  la  chanson,  donne  carrière  à  toutes  les 
fantaisies  de  son  imagination  capricieuse. 

Recommandation  à  notre  imprimeur  de  conserver  la 
composition  de  ce  dernier  alinéa,  qui  me  servira  encore 
plus  d'une  fois.  Il  pourrait  même  le  faire  clicher. 


LA  CHANSON 


109 


Dans  les  chants  proprement  dits,  le  genre  sérieux  n'a  été 
représenté  que  par  trois  morceaux  :  Ne  soyons  pas  sévères, 
de  Poullain,  les  Vieux  amis,  de  Lesueur,  et  un  Premier 
Paris,  de  Vincent.  L'un  nous  convie  à  l'indulgence  et  le 
second  à  l'amitié;  le  dernier,  comme  le  Ciirardin  de  1848, 
s'écrie  avec  conviction  :  Confiance!  confiance!  J'espère,  et 
je  crois  que  la  sienne  (sa  confiance  —  à  Vincent)  ne  sera 
pas   trompée,  et  que  nous  pourrons  dire  toujours,  avec  lui  : 

O  France, 
Suis  tranquillement  ton  chemin. 

L'actualité,  qui  manque  rarement  au  Caveau,  et  c'est  tant 
mieux,  a  cette  l'ois  encore  fait  des  siennes.  Ripault,  dans  les 
Intransigeants,  Guérin,  dans  les  Deux  bouts  de  la  chan- 
delle, Echalié,  dans  Montrez-moi  ça,  Grang-é,  dans  Comme 
chez  Nicolet,  ont  égrené  des  couplets  variés,  sérieux  ou 
caustiques,  presciue  tous  inspirés  par  des  faits  récents.  C'est 
la  honne  satire  et  la  seule  qui  soit  quelquefois  utile.  La 
littérature,  le  théâtre,  la  politique,  le  comité  de  Déranger 
môme,  à  chacun  son  paquet.  iM.  Zola,  un  romancier  dont  le 
réalisme  est,  dit-on,  un  peu  crû,  remplace  aujourd'hui  la 
rengaine  des  belles-mères  :  il  a  défrayé  trois  ou  quatre 
couplets. 

On  a  pu  lire  dans  le  numéi'o  7  de  ÏJi  Chanson  (novembre 
1878)  Mon  Pinceau,  d'Adeline  :  cette  chanson  lui  a  valu 
l'autre  jour  un  vif  succès,  ainsi  que  On  n'a  jamais  pu  savoir, 
que  j'avais  applaudi  à  la  Lire  Cliansonnière. 

Madame  Harlte-Bteue,  le  IJiahtc  liermile,  Hôte  de  la 
maison,  le  Mirage,  ont  mis  en  relief,  sous  des  aspects  divers, 
le  talent  de  Fénée,  si  heureux  dans  la  gaudriole,  de  Granger 
(Edouard),  classique  avec  esprit,  de  Liorat,  à  l'émotion 
souriante,  et  de  Jules  Petit,  très-fin  et  très-pittores(|ue  dans 
sa  légende  arabe.  Piesse  a  fait,  en  chaulant  Suzon,  un 
véi'itable  tour  de  force  de  rimcur,  qui  n'enlève  rien  à  la 
gaîté  de  son  histoire.  Je  ne  voudrais  pas  oublier  Jullien, 
quoiqu'il  se  soit  plaint  d'être  enroué,  mais  c'est  un  truc  de 
comédien,  et  son  débit  est  toujours  net  et  spirituel. 

Ici,  j'éprouve  un  remords,  et  je  me  demande  si  cette 
conspiration  du  silence  que  j'inaugure  aujourd'hui  contre 
l'institution  du  toast,  j'ai  bien  la  force  d'en  commencer 
l'exécution  lorsque  je  viens  d'entendre,  retracée  avec  tant 
de  finesse  et  de  bien  dire,  l'histoire  de  la  chanson  de  table 
depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours.  Allons,  une  exception 
pour  celte  fois  seulement,  mais  (pièce  soit  la  dernière. 

Un  visiteur  —  ceci  est  pour  terminer  —  nous  permet 
d'extraire  de  sa  chanson,  intitulée  N'y  a  pas  d'  raison  pour 
qu'  ça  commence,  le  couplet  suivant,  qui  répond  à  certaines 
préoccupations  malveillantes  relatives  à  Victor  Hugo,  et  qui 
par  conséquent  ne  pourra  déplaire  à  nos  lecteurs,  malgré 
sa  chute  forcément  grivoise  : 


«  Ton  grand 

l^oète  se 

fait  vieux. 

Jevoisdùjh 

a  tombe, 

Me  disait  un 

jeune  e 

vieux  ; 

Avec  lui  que 

sa  gloir 

2  y  tombe  ! 

—  Il  eut  des 

erreurs, 

je  l'admets 

Et  devant  ce 

génie  il 

une use 

Je  comprend 

s  des  ré 

erves,  maïs 

L'oubli,  poui 

un  tel  r 

om,  jamais 

N'y  a  pas  d' 

raison  p 

Dur  qu'  ça  c 

ommence. 

EUG. 

IMBEP.T. 

LIGE  CHANSONNIÈRE 


BANQUET    DU    5    NOVEMBRE 

Dans  son  toast  de  novembre,  M.  Echalié  fait  l'apologie  des 
toasts  qu'il  aime  (quand  ils  ne  sont  pas  écrits  par  lui).  Je  suis 
de  son  avis  ;  les  toasts  rimes  —  par  M.  Echalié  ou  par 
d'autres  —  ont  une  raison  d'être,  et  profitent  tout  au  moins 
à  celui  qui  les  compose,  en  l'obligeant  à  des  efforts  renouvelés. 

Mais  une  chose  contre  laquelle  on  me  permettra  de 
protester,  c'est  la  chanson  d'ouverture.  11  y  a,  dans  cette 
tradition,  quelque  chose  d'agaçant  et  de  puéril.  Quel  besoin 
d'assimiler  une  soirée  littéraire  à  une  conférence  religieuse 
en  chantant  quelque  Veni  Creator  ?  Les  chansonniers  ne 
frisent-ils  pas  le  ridicule  en  invoquant  les  dieux  de  la 
goguette  pour  des  œuvres  complètes  et  limées  qu'ils  n'ont, 


le  moment  venu,  qu'à  tirer  de  leurs  portefeuilles?  Un  usage 
n'est  pas  bon  par  cela  seul  qu'il  est  un  usage,  et  les  Licéens 
feront  bien  de  renoncer  à  celui-là. 

Est-ce  une  chanson  que  présente  M.  Gonel?  —  J'oublie, 
dit-il.  Imitons-le,  par  indulgence.     . 

Fais  une  clianson  sur  moi!  s'écrie  M  .  Caheu  traduisant 
un  désir  de  son  épouse  en  couplets  gais,  ingénieux  et 
dignes  de  la  mention  honorable  que  la  Lice  leur  a  décernée. 

M.  Leblanc,  dans  ses  Hommes  du  Progrès,  semble  avoir 
pris  à  tâche  de  mettre  en  vers  le  dictionnaire  des  grands 
hommes;  j'eusse  préféré  moins  de  noms  et  un  plus  complet 
développement  de  l'idée,  qui  est  heui'euse. 

M.  Hrulez  refait  pour  la  centième  fois  la  vieille  chanson 
en  partie  double  :  «  C'est  ce  qui  me  désole  —  c'est  ce  qui  me 
console...»  Le  besoin  s'en  faisait-il  sentir? 

Rubois  a  chanté  ses  Deux  chats,  premier  prix  du  concours 
delà  Lice.  On  a  lu  tout-à-l'heure  cette  production  où  il  y 
a  des  trouvailles  d'expressions  sinon  d'idées. 

M.  .\deline  a  Deux  Maitresses,  la  bouteille  et  la  chanson, 
et  il  les  chante  de  manière  à  les  rendre  fidèles,  sur  une 
musique  composée  par  lui-même.  —  Ils  en  viendront  tous  là! 
Pourvu  que  les  compositeurs  ne  leur  rendent  pas  la  pareille! 

Chebroux  pense  aux  gazons  fanés,  aux  arbres  chauves  de 
l'hiver  si  proche  : 

Voici  venir  les  sombres  jours, 

Quo  je  vous  plains,  pauvres  amours  ! 

Et  le  coin  du  feu?  Vous  pensez  bien  que  le  poète  ne  l'a  pas 
oublié  ;  mais  (luoi,  ce  n'est  pas  le  soleil  ! 

M.  Jules  Ruel  avec  deux  poésies  de  M.  Carcassonne  ; 
SI,  Fuschs  avec  un  récit  poignant,  le  Sommeil  du  vieillard  ; 
MM.  Uobinot  et  Caron,  avec  des  œuvres  de  dilférents  genres, 
ont  été  applaudis. 

J'ai  gaidé  pour  la  fin  les  trois   plus  heureux  producteurs 
de   la  soirée.   M.  llachin,  d'abord,  amusant,  fin,   spirituel, 
aussi  bon  diseur  ipie  bon  poète.  Son  refrain  : 
Il  n'en  reste  guère, 
Il  n'en  reste  pas  ! 
vient  après   des  couplets   où  les  traits  abondent,  pleins  de 
variété  et  d'inattendu. 

M.  Henri  Nadol,  ensuite,  avec  une  chanson  plaisante  sur 
le  Divorce  : 

Pour  recommencer 
A  quoi  bon  divorcer! 

et  une  romance  attendrissante,  l'Hirondelle  attardée. 

M.  Allard-Pestcl,  enfin,  avec  deux  de  ces  chansons  à 
tiroirs  qu'affectionne  le  Caveau  dont  il  fait  partie  ;  Il  faut 
parfois  gazer  lavérité  clRentrez  votre  voiture  :  bons  sujets, 
l)ien  traités. 

J'ai  parlé  plus  ou  moins  longuement  de  toutes  les  produc- 
tions inédites;  comme  d'habitude,  des  chansons  connues  ont 
complété  la  soirée,  au  total  intéressante. 

L.-Henry  LECOMTE. 


LE   HARENG   SAUR 

DINER    ANNUEL    LE    1er    NOVEMBRE 


Vous  me  demandez,  mon  cher  Patay,  de  vous  renseigner 
sur  les  faits  et  gestes   des  convives   du  Hareng  Saur.  Je 
conçois  que  vous  teniez  à  ce  que  La  Chanson  continue  à 
mériter  son  titre  de  journal  bien  informé  ;  mais  n'est-ce  pas 
un  peu  de  prétention   pour    une    réunion    d'amis,   et  une 
réunion  annuelle,  d'aspirer  aux  honneurs  de  la  publicité? 
Vous  insistez  :  allons-y  de  notre  compte  rendu. 
liE  gaîté  vient,  le  chagrin  sort 
Quand  nous  fêtons  le  Hareng  Saur. 

Jamais  ce  refrain  de  notre  chanson  d'ouverture  n'a  été 
plus  vrai  qu'hier.  Bonne  santé,  bonne  humeur,  bonne  amitié, 
et,  ce  qui  ne  gâte  rien,  bonne  chère  :  quels  éléments 
voudriez-vous  de  plus,  pour  une  soirée  gastronomique  et 
chantante  ?  Aussi  s'en  est-on  donné  à  cœur  joie .  Auteurs  et 
amateurs  ont  fêté  le  Hareng  et  la  chanson  qui,  le  jour  de  la 
Toussaint,  sont  toujours  inséparables,  de  manière  à  regretter 
qu'il  n'y  ait  qu'une  Toussaint  par  an. 

Notons,  parmi  les  amateurs  M.  Brunin,  et  particulièrement 
M.  Postel,  dont  la  diction,  comique  sans  charge,  a  soulevé 


110 


LA  CHANSON 


des  rires  de  bon  aloi  et  de  bon  goût  comme  ses  chansons. 
JImes  Teulet,  Postel  et  Brunin  n'ont  pas  dédaigné  de  se  faire 
entendre,  au  grand  plaisir  de  tous,  non  plus  que  notre 
camarade  Malhilde,  qui  est  la  gaîté  de  toutes  nos  bonnes 
réunions. 

Je  me  reprocherais  d'oublier  Teulet,  dont  la  voix  est 
failjle,  mais  dont  la  diction  est  si  juste. 

Les  auteurs  ont  tenu  à  ne  pas  rester  en  arrière  et  ont  tiré 
de  leur  sac  leurs  meilleurs  morceaux.  Duchenne,  l'inépui- 
sable chansonnier-éditeur,  est  un  vieux  Hareng  Saur,  et 
soutient  dignement  son  titre.  Sa  jovialité,  qui  ne  manque 
pas  de  profondeur  à  l'occasion,  s'est  donné  carrière.  Faut 
s'  la  couler  douce  et  Les  Curés  jugés  par  Giroux  ont  obtenu 
des  bravos  mérités.  Fiubois,  Lebeaux  et  Cahen,  de  la  Lice 
Chansonnière,  représentaient  avec  honneur  cette  vaillante 
phalange  de  chansonniers  militants.  La  Femme  du  Chan- 
sonnier, les  Deux  Chats,  Faites  des  enfants.  Souvenirs  de 
Jeunesse  et  Quand  ma  femme  y  met  la  main  :  autant  de 
productions  dans  lesquelles  la  fine  et  la  grosse  plaisanterie, 
le  bon  sens,  la  gaîté  et  même  un  gi-ain  de  philosophie 
alternent  avec  la  grâce. 

Francisque,  lui,  vous  le  connaissez  :  il  ne  chante  qu'aux 
refrains,  mais  il  dit  avec  feu  des  vers  choisis  avec  goût.  Les 
Fraises  nous  avaient  alléchés  ;  nous  avons  réclamé  et  obtenu 
les  Pommes  ;  les  deux  morceaux  sont  en  eflét,  comme  les  fruits 
dont  ils  portent  le  nom,  l'un  plus  sucré,  l'autre  plus  piquant. 

Gozora,  l'artiste  auquel  la  romance  a  dû  de  si  jolis  succès, 
a  retrouvé  pour  nous  sa  voix  des  beaux  jours,  et  a  fait 
admirer  une  fois  encore  sa  méthode  exquise.  Jamais,  je  crois, 
n  n'a  dit  avec  plus  de  bonheur  Magdeleine,  vieille 
mélodie  toujours  jeune  de  Félicien  David.  Le  Hareng  Saur 
fait  de  ces  résurrections. 

Mais  ce  banquet  lui-même  n'était-il  pas  une  résurrection? 
,^près  les  interruptions  et  les  deuils  des  dernières  années, 
c'était  comme  une  renaissance.  Une  chanson  d'ouverture  y 
trouvait  naturellement  sa  place.  Dans  l'origine,  à  quoi  bon"? 
On  était  sept  le  premier  jour.  La  curiosité  s'en  mêlant,  on 
devint  plus  nombreux  ;  les  amis  amenaient  les  amis.  Les 
vides  faits  par  la  mort  se  comblaient.  Hier,  convives  en 
partie  nouveaux,  mais  toujours  choisis  :  un  discours  était 
nécessaire,  et  le  président  s'est  sacrifié  et  il  a  chanté,  sur 
l'air  de  Faut  d'  la  vertu,  pas  trop  n'en  faut,  ou  à  peu  près, 
une  chanson  d'ouverture  dont  voici  quehjues  strophes.  Et 
d'abord,  le  refrain  : 


La  gaîté  vient,  le  chafn'in  sort 
Quand  nous  fêtons  le  Hareng  Sa 


liis,  en  chœur! 


Ce  poisson,  que  le  feu  parfume, 
C'est  l'hiver  qu'il  se  voit  fêté, 
A  la  Toussaint  ;  c'est  la  coutume  ; 
D'autres  l'aimeraient  mieux  laite. 


vous  qu'il  soit  h.  l'aii 
le  feu  bien  mijoté, 
'        la  braise 


Or,  croye 
Quand,  s 
Il  entend  crier  uaiiti  la  i) 

*  L'espoir  de  sa  postérité  î 

Nouveau  Laurent,  je  te  révère, 
Et  veux  que  tu  sois  arrosé  ; 
En  ton  honneur  je  bois  ce  verre, 
B^t  te  voilà  canonisé. 

Du  Hareng  Saur  le  plus  vieux  membre 
A  fait  ce  toast  plus  ou  moins  neuf 
A  Paris  ce  premier  novembre 
Mil  huit  cent  suixante-dix-neuf. 

Et  puis  le  refrain.  Ça  n'aura  peut-être  pas  le  succè~s  de  la 
Marseillaise,  mais  c'est  moins  ennuyeux  que  la  Parisienne. 

Ajoutons  que  notre  Vatel  a  tenu  à  se  distinguer.  Je  ne 
crois  pas  qu'il  soit  possible,  pour  un  prix  relativement 
modéré,  de  trouver  un  service  plus  abondant  et  plus  succu- 
l^nt.  Nous  nous  sommes  tous  promis  de  revenir  souvent  voir 
au  Cadran  des  Buttes  Chaumont  s'il  est  l'heure  de  bien 
dîner. 

EuG.  IMBERT. 


CHRONIQUE  DES  SOCIETES  LYRIQUES 


La  Lyre  amicale  de  Paris,  6,  boulevard  Sébastopol 
(président  M.  Dupont),  tient  la  promesse  qu'elle  s'est 
faite  de  rendre  ses  soirées  de  plus  en  plus  attrayantes-. 
La  place  nous  manque  pour  donner  le  compte-rendu 
détaillé  de-  la  soirée  du  26  octobre.  Deux  pièces  ont 
été  véritablement  bien  interprétées  :  Un  duel  sans 
témoin,  par  M.  Julien  Alix,  membre  d'honneur,  et 
M.  Charles  Henry  D.,  et  Un  pr'ocès  en  séparation, 
par  MM.  Descourt  et  Pergeot,  du  Cercle  Lavallière. 

On  annonce  que,  dans  la  soirée  du  16  novembre, 
MM.  Julien  Alix  et  Pergeot  joueront  Un  Monsieur 
en  habit  noir.  MM.  Léon  G.  et  Gorges,  sociétaires, 
se  feront  entendre,  dans  la  soirée  du  23  novembre, 
dans  les  Médecins  tant  pis  et  tant  mieux. 

Le  banquet  suivi  de  bal  que  la  société  La  Lyre 
amicale  donne  chaque  année  à  l'occasion  de  la  Sainte- 
Cécile,  aura  lieu  le  samedi  6  décembre,  dans  les 
salons  de  M.  Richefèu,  galerie  de  Valois,  167  (Palais- 
Royal).  On  trouve  des  invitations  au  siège  social,  6, 
boulevard  Sébastopol,  et  près  de  MM.  les  sociétaires. 

Nous  tenons  de  bonne  source  que  la  Lyre  amicale 
prépare  une  soirée  pour  la  statue  de  Béranger. 

Lundi  3  courant  a  eu  lieu  l'ouverture  des-cours  de 
l'Association  polytechnique ,  section  de  FHôtel-de- 
Ville,  sous  la  présidence  de  M.  de  Mcnorval  maire- 
adjoint  du  4'  arrondissement.  Une  conférence  a  été 
faite  par  M.  Albert  Meugé,  avocat  à  la  cour  de  Paris. 
Plusieurs  médailles  et  mentions  pour  l'année  1878- 
1879  ont  été  décernées  aux  lauréats  pendant  cette 
séance. 

L'excellente  société  symphonique  Les  TrouvéreSj 
fondée  par  M.  Lemaître,  il  y  a  trois  mois  à  peine,  et 
dirigée  par  l'intelligent  compositeur  Jules  Baux, 
prêtait  son  gracieux  concours  à  cette  solennité. 
Son  exécution  lui  a  valu  les  félicitations  toutes  parti- 
culières de  M.  le  Maire  et  le  bureau  de  la  section 
lui  a  offert  une  médaille  commémorative  en  vermeil. 

Mardi  4  novembre,  grande  soirée  mensuelle  de 
La  Renaissance.  Moins  de  monde  qu'aux  soirées 
précédentes,  malgré  la  bonne  composition  du  pro- 
gramme. Nous  y  avons  applaudi  M"°  Rosine,  qui 
faisait  sa  rentrée  après  quelque  temps  d'absence  ; 
M"°  Lucie,  sa  sœur,  qui  chante  la  romance  délicieuse- 
ment; M"'^  Julia;  M"°  Louise  Bienvenu  qui  nous  a  dit 
le  Sergent  Lazare;  M.Adrien  Souchet  désopilant  dans 
Je  suis  enrhumé  du  cerveau;  M.  Paul  Launay  qui  a 
accompli,  de  concert  avec  la  charmante  M""  Dolss,  le 
prodigieux  tour  de  force  d'apprendre  en  quelques 
minutes  et  de  chanter  ensuite  en  public  le  duo  de 
la  Petite  Mariée.  Citons  également  M"°  Paula  qui 
interprétait  pour  la  première  fois  le  rôle  d'Hélène 
dans  les  Ouvriers,  un  acte  en  vers  où  M"°  Julia, 
M'  Donckèle  et  M.  Leram  ont  obtenu  leur  succès 
habituel. 

Pour  terminer,  annonçons  qu'en  son  assemblée 
mensuelle  du  7  novembre,  La  Renaissance  a  nommé 
une  commission  de  six  membres  chargés  d'organiser 
son  Grand  Bal  annuel  ainsi  que  son  banquet  qui 
qui  ne  peut  manquer  cette  année  d'être  magnifique, 
grâce  aux  nouvelles  réformes  apportées  dans  les 
finances  de  cette  société  par  les  soins  de  plusieurs 
membres  du  bureau,  éminemment  économistes. 


LA  CHANSON 


111 


La  romance  Moti  beau  pr^intemps,  paroles  et  musi- 
que de  M.  Fortunat  Lévy,  interprétée  par  l'auteur 
à  la  Lyre  amicale,  a  obtenu  un  légitime  succès. 
M.  Lévy  doit  être  satisfait  et  continuera  à  nous 
donner  de  nouvelles  productions.  Il  peut  être  certain 
qu'elles  seront  favorablement  accueillies. 

C'était  fête  le  dimanche  9  novembre  'au  Cercle 
Béranç/er,  rue  Vieille-du-Temple,  127. 

Cette  société,  sous  la  présidence  de  M.  Robyn, 
avait  organisé  une  soirée  en  l'honneur  du  grand 
chansonnier  et  pour  contribuer  à  l'érection  de  sa 
statue. 

Tout  s'est  passé  avec  la  cordialité  la  plus  parfaite. 
Le  buste  de  Béranger  était  là,  couronné  de  fleurs,  et, 
par  une  heureuse  inspiration,  on  lui  avait  donné 
pour  pendant  le  buste  de  la  République. 

Des  artistes  de  différents  concerts  avaient  prêté 
leur  généreux  concours  :  M.  Sautereau ,  qui  ne 
refuse  jamais  son  talent  quand  il  s'agit  d'une  bonne 
action  ;  il  a  très-joliment  dit  les  Cloches  de  Meudon, 
et  la  Chambrette  de  fjarçrjn;M.  Marcus,  dont  la  voix 
rappelle  celle  de  Bruet,  a  détaillé  avec  entrain  Ce 
qu'on  dit  et  ce  qu'on  pense;  Les  Cocardiers  ont  été 
très-bien  interprétés  par  M.  Planer;  Adrien  Souchet, 
le  désopilant  comique,  a  dit  avec  son  entrain  habi- 
tuel Je  suis  enrhumé  du  cerveau. 

Nous  avons  aussi  des  éloges  à  décerner  aux  divers 
sociétaires  qui  se  sont  fait  entendre.  M.  Fourmy  a 
eu  l'heureuse  idée  de  chanter  le  Carillonneur  de 
Béranger  ;  il  se  grime  bien  et  dit  avec  vérité  ;  aussi 
l'a-t-on  chaleureusement  applaudi.  M.  Conton,  dans 
Mignonne,  il  faut  aimer , 'M.  Emile,  dans  les  Dames 
Françaises;  M.  Marck,  dans  le  Mariage  de  Nicole; 
M.  Berdin,  dans  le  Coupé  de  Lise,  et  M.  Couppas, 
dans  N'envoyez  pas  le  jeune  Maître,  se  sont  chacun  à 
leur  tour  attiré  les  bravos  de  l'assemblée.  Et  les 
chanteuses?  Nous  n'en  avons  entendu  i^ue  deux, 
mais  la  qualité  remplaçait  la  quantité,  et  les  bis 
demandés  par  toute  la  salle  à  M""  Leclerc  et  à 
M""  Lacroix  leur  ont  prouvé  la  sympathie  générale. 

Il  nous  faudrait  citer  bien  d'autres  noms,  mais  la 
place  nous  manque. 

La  recette  a  été  de  109  francs,  déposés  chez  le 
trésorier  du  Comité.  On  ne  saurait  trop  applaudir 
et  encourager  cette  jeunesse  des  Sociétés  lyriques 
qui  tient  à  honneur  d'avoir  sa  part  dans  l'œuvre 
patriotique  de  la  statue  de  Béranger.  Nous  savons 
que  d'autres  soirées  s'organisent.  Bravo!  bientôt  vos 
confrères  de  l'Orphéon  vont  aussi  se  mettre  entrain; 
allons,  la  satue  est  faite  ! 

La  matinée  offerte  à  ses  membres  honoraires  par 
l'Alliance  Chorale  de  Paris  a  eu  lieu  le  dimanche 
9  novembre  avec  un  succès  complet.  Le  programme, 
suivi  de  point  en  point,  comprenait  des  chansons  par 
MM.  Marius  Labarre,  Debailleul,  Thise,  Jules  Raux, 
Donckèle,  Leiris,  Durel,  Jomain,  Benoist,  M""''Heu- 
zé,  Eugénie  Robert  etRivoire;  des  chœurs  chantés 
par  l'Alliance  et  divers  morceaux  par  l'Orchestre  des 
Trouvères.  Dans  la  partie  vocale,  le  grand  succès  a 
été  pour  Debailleul,  charmant,  Thise,  comique, 
Jules  Raux,  fin  et  distingué.  L'Alliance  Chorale  a 
donné  avec  un  ensemble  parfait.  Quant  à  VOrchestre 
des  Trouvères,  &a.  est  étonné  des  résultats  obtenus 
en  trois  mois  par  Jules  Raux;  bien  des  orchestres 
de  concerts  ne  valent  pas  cette  société  d'artistes 
amateurs . 


Compliments  à  notre  collaborateur  Lemaître, 
régisseur  par  circonstance,  et  félicitations  aux 
organisateurs  de  cette  matinée  brillante  et  productive . 

Le  9  novembre,  la  société  lyrique  des  Enfants  de 
la  Seine  donnait  sa  cinquième  soirée  dramatique  et 
lyrique,  sous  la  présidence  de  M.  Cantarel,  20,  rue 
Palestre.  Le  Cheveu  blanc,  la  charmante  comédie 
d'Octave  Feuillet,  a  été  très-bien  interprété  par 
M.  Perrot,  M"°'  Hélène  et  Maria.  Le  duo  du  Pré- 
aux-Clercs, par  M"°  Eugénie  et  M.  Bergier,ia  été 
fort  applaudi.  Les  Deux  Sourds  de  Jules  Moineaux 
ont  été  enlevés  avec  entrain  par  tous  les  acteurs, 
MM.  Perrot,  Emmanuel,  Charles  et  M""  Hélène. 
M.Emmanuel  avait  déjà,  dans  une  chansonnette,  été 
accueilli  par  des  bravos  chaleureux.  Le  duo  Les 
Rossignols  (de  Béranger)  a  été  chanté  avec  plus 
d'assurance  que  la  première  fois  par  M"°  Eugénie 
Kock  et  M"°  Maria  dont  la  voix  est  des  plus 
agréables.  Le  trio  du  Maître  de  Chapelle,  dit  par 
MM.  Eug.  Kock,  Bergier  et  M"=  Maria,  n'était  pas 
assez  su;  de  là  quelques  hésitations.  D'autres  socié- 
taires se  sont  fait  entendre  dans  le  courant  de  cette 
soirée. 

Le  zèle  de  M.  Cantarel  et  le  bon  vouloir  des 
sociétaires  font  que  les  soirées  de  cette  société  sont 
toujours  attrayantes. 

La  soirée  d'installation  de  la  société  la  Cordiale, 
au  café  Hollandais  (Palais-Royal)  a  été  des  plus 
brillantes.  Nous  on  reparlerons. 

La  grande  soirée  du  Cercle  Intime  (Garnot  prési- 
dent) a  été  des  plus  brillantes. 

Parlons  aussi  de  celle  de  V Union  Artistique  (Paulin 
président).  La  reprise  des  soirées  intimes  de  cette 
société  a  été  fort  brillante.  Nous  en  donnerons 
quelques  détails  intéressants  dans  notre  prochain 
numéro.  Cependant  nous  pouvons,  dès  aujourd'hui, 
signaler  les  bons  débuts  de  nouveaux  sociétaires, 
qui  présagent  une  saison  remarquable  comme  exé- 
cution  et    choix  des   choses  interprétées. 

L'Union  Artistique  prépare  une  matinée  au  théâtre 
des  Arts,  pour  le  dimanche  7  décembre. 

Nous  avons  annoncé  dans  notre  dernier  numéro 
que  la  société  lyrique  les  Amis  du  Commerce  prépa- 
rait une  grande  soirée  au  bénéfice  de  M.  Bladier, 
appelé  sous  les  drapeaux.  Nous  sommes  heureux 
d'apprendre  qu'elle  a  été  des  plus  fructueuses.  Nous 
félicitons  vivement  MM.  les  Membres  de  la  société 
lyrique  des  Amis  du  Commerce  de  n'avoir  pas  voulu 
se  séparer  d'un  de  leurs  camarades  sans  lui  donner 
cette  dernière  preuve  de  sympathie. 

Suivant  ce  bon  exemple,  la  Renaissance  a  donné 
également  un  bénéfice  pour  un  de  ses  sociétaires, 
M.  Buisseret,  qui,  comme  M.  Bladier,  est  appelé  sous 
les  drapeaux.  Cette  soirée  n'a  peut-être  pas  été  aussi 
brillante  que  pouvait  l'espérer  le  bénéficiaire,  mais 
du  moins,  il  a  pu  constater  que  tous  ses  amis  avaient 
fait  leur  possible  pour  y  coopérer  dans  la  mesure  de 
leurs  moyens. 

La  Jeunesse  artistique,  M.  Fléraker  président, 
donnera,  le  samedi  22  novembre,  un  grand  bal  de 
nuit  à  Vex-salle  Valentino,   251,  rue  Saint-Honoré. 


112 


LA  CHANSON 


Samedi  G  décembre,  salle  Rivoli,  104,  rue  Saint- 
Antoine,  bal  de  la  Sainte-Cécile  donné  par  la 
société  chorale  et  lyrique  des  Enfants  de  la  Seine, 
et  la  société  philharmonique  du  5"  arrondissement. 

La  grande  soirée  organisée  par  la  société  lyrique 
La  Renaissance  avec  le  concours  d'artistes  des 
théâtres  et  concerts  de  Paris,  au  bénéfice  de  M.  Le- 
bassy,  aura  lieu  le  Dimanche  23  novembre,  au 
Théâtre  des  Arts. 

Parmi  les  artistes  qui  ont  bien  voulu  prêter  leur 
concours,  citons  :  M°"  Marie  Laurent,  du  théâtre 
des  Nations  ;  M"°  Jeanne  Nay,  du  G-ymnase,  M"°Marie 
Tayau,  M°"=  de  Valfort,  M"°  Jacob,  1"  prix  du 
Conservatoire,  M"°  Rosine,  M"°"  Julia  et  Lucie,  de 
la  Renaissance,  M..  TsiiWa.de,  de  la  Porte  Saint-Martin, 
M.  Guillot,  ex-artiste  de  l'Opéra  comique,  Ducastel 
de  l'Eldorado,  Plessis  des  Folies-Rambuteau,  Bruet, 
de  l'Alcazar  d'hiver,  etc. 

On  peut  se  procurer  dès  à  présent  et  sans  augmen- 
tation de  prix  des  billets  pour  cette  matinée  au  siège 
social  de  la  Renaissance,  café  du  Globe,  8,  boulevard 
de  Strasbourg. 

Henry  MALLET. 


AVIS  IMPORTANT 


Malgré  notre  désir  de  publier  le  résultat  du  grand 
concours  ouvert  par  La  Chanson  en  l'honneur  de 
Béranger,  nous  sommes  encore  obligés  par  des 
circonstances  indépendantes  de  notre  volonté  de 
l'ajourner  à,  notre  prochain  numéro. 


CHOSES     &    AUTRES 


En  tous  les  temps,  l'esprit  humain  a  voulu  sonder 
les  mystères.  L'incertitude  des  causes  et  des  fins  de 
la  vie  donne  à  la  connaissance  de  l'avenir  un  attrait 
irrésistible.  Cette  connaissance  est  non  seulement 
possible  mais  encore  certaine,  aujourd'hui  que  les 
sciences  positives  ont  acquis  leur  complet  dévelop- 
pement. 

De  retour  à  Paris,  après  une  très-longue  absence, 
la  célèbre  M"°  B.  Appoline  M.  vient  d'ouvrir  un 
cabinet  de  consultation ,  7,  rue  Rameau  (place 
Louvois).  Elle  y  reçoit  de  1  à  5  heures,  tous  les  jours, 
excepté  le  dimanche. 

M"°  B.  Appoline  M.  a  voulu  d'abord  donner  aux 
représentants  de  la  'presse  parisienne  des  preuves 
incontestables  de  son  savoir,  accru  par  une  étude 
constante.  Il  est  immense.  Pour  cette  prêtresse  con- 
vaincue, la  machine  humaine  et  les  lois  inflexibles 
qui  la  régissent  n'ont  pas  de  secrets.  Phrénologiste, 
physionomiste-bucomancienne,  chironomoniste  et  chi- 
romancienne, M""  B.  Appoline  M.  stupéfie.  Nous  la 
recommandons  particulièrement  à  ceux  qui,  comme 
nous,  croient  aux  miracles  de  la  science. 

H.  L. 


Nous  lisons  dans  V Eldorado-Programme  : 
«  Le  dernier  numéro  du  journal  La  Chanson 
{\"  novembre)  contient,  sous  ce  titre  :  Chants 
nationaux  de  France,  Etude  musicale,  un  article  où 
il  est  dit  entr'autres  choses  étranges,  que  «  la  Mar- 
seillaise est  née  de  la  haine  dans  le  cœur  d'un 
royaliste,  que  «  c'est  une  œuvre  incomplète  dont 
le  refrain  est  peu  musical  » ,  que  «  le  véritable  chant 
national  de  notre  pays  n'existe  pas  encore,  »  etc.,  etc. 
«  Ce  réquisitoire  contre  l'hymne  patriotique  de 
Rouget  de  Lisle  est  signé  :  A.  Edéma.  Nous  y 
répondrons  dans  notre  prochain  numéro,  mais  nous 
tenons  à  dire  dès  aujourd'hui  combien  nous  avons 
été  étonné  de  trouver  un  tel  article  dans  les  colonnes 
du  journal  qui  a  pris  l'initiative  de  la  souscription 
pour  la  statue  de  Béranger. 

Ange  PITOU. 

Si  M.  Pitou  est  étonné  de  trouver  «  un  tel  article  » 
dans  nos  colonnes,  nous  sommes  non  moins^étonné 
de  trouver  son  nom  au  bas  des  lignes  qui  précèdent. 
M.  Pitou,  à  qui  nous  adressons  régulièrement  La 
Chanson,  aurait  du  lire  dans  notre  n''  28  la  lettre  où 
je  disais  que  toute  liberté  était  laissée  à  nos  collabo- 
rateurs sous  leur  responsabilité  personnelle.  Un 
journal  littéraire  doit,  selon  moi,  agir  de  cette  façon. 
Comme  je  l'ai  dit,  si  La  Chanson  était  politique,  je 
suivrais  une  ligne  de  conduite  invariable. 

Ceci  dit,  nous  attendons  l'article  commencé  de 
M.  Pitou,  après  quoi  nous  passerons,  s'il  y  a  lieu, 
la  parole  à  M.  Edéma. 

Nous  sommes  heureux  d'apprendre  que  M.  Carvalho 
va  enfin  faire  jouer  «  I.e  Sans-souci  »  de  Ben-Tayoux. 
Le  poème,  charmant,  est  du  fameux  fabuliste  F.  Ta- 
vernier.  Quant  à  la  musique,  c'est  tout  simplement 
un  petit  chef-d'œuvre. 

Les  Folies-Belleville  vont  très-prochainement 
donner  une  revue  en  trois  actes  et  quatre  tableaux  : 
«  //  est  crevé,  V  ballon  »  de  MM.  Jules  Jouy,  notre 
jeune  confrère  du  Tintamarre,  Ed.  Legentil  et 
J.  Chocas. 

Voici  les  titres  des  quatre  tableaux  :  Le  Théâtre 
à  l'envers.  Vive  la  France,  Zig-zags  dans  Paris,  La 
Place  de  la  République. 

Bonne  chance  à  la  bonbonnière  bellevilloise. 

M"'  Bordas  doit  prochainement  faire  sa  rentrée 
au  Grand  Concert  Parisien. 
Nous  y  serons. 

A  l'Eldorado,  M"°  Pazzoti  vient  de  créer  avec 
succès  Le  mot  Aimer,  de  notre  collaborateur  Prosper 
Tibia,  musique  de  Jules  Strauss. 

Vient  de  paraître  une  nouvelle  revue  mensuelle 
littéraire,  LA  JEUNESSE,  rédacteur  en  chef  Marins 
Pouget,  avec  la  collaboration  des  principaux 
écrivains  de  Paris  et  delà  Province. Un  an,  3fr.  50; 
6  mois,  2  fr.  8,  rue  Dausménil,  à,  Périgueux  (Dor- 
dogne).  Nous  souhaitons  la  bienvenue  à  cette 
nouvelle  revue  dont  nous  reparlerons. 

Plusieurs  abonnés  se  sont  plaints  de  n'avoir  pas 
reçu  notre  dernier  numéro.  Nous  les  prions  d'adresser 
directement  leurs  réclamations  à  l'administration  des 
postes,  dont  nous  avons  beaucoup  à  nous  plaindre 
depuis  quelques  temps. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY 


2*  ANNEE.  —  N*  33. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


1"  DECEMBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES    DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l^'  &  le  16  de  chaque  moia 

Les  Abonnements  partent  du  1er  Mai  &  du  1"  Novembre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  . 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  k  REDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR  EN   ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>i         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


soa^nycjLiiaE  : 


Galerie  des  Chansonniers  :  Charles  Cobnance  (eugéne  baillbt). 
—  Regrets  (Charles  colmance).  —  Grand  Concours  poétique 
de  la  Chanson,  pî'èce^  couronnées  :  Béranger  (edmond  de- 
lière).  —  A  Béranger  (francis  melvil).  —  A  Béranger 
(rené  johanny).  —  A  Béranger  (dazin-desrues).  —  A  Bé- 
ranger (saint-quentin).  Sonnet  à  Béranger  (ernest  piau). 


A  Béranger  (anonyme).  —  Honneur  à  Béranger  (paul  pujol). 
Chanson  (fèlix  wagener).  —  Notre  Concours  mensuel.  — 
Séance  annuelle  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et 
éditeurs  de  musique  (x.)-  —  Réponse  à  M.  Ange  Pitou  (a. 
édéma).  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (henry  mallet).  — 
Choses  et  autres  (a.  patay). 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS   :  CHARLES    COLMANCE 


Si  j'avais  à  désigner 
les  quatre  premiers 
chansonniers  de  notre 
temps,  je  n'hésiterais 
pas,  après  avoir  cité 
Pierre  Dupont,  Gustave 
Nadaud  et  Charles  Gille, 
à  donner  la  quatrième 
place  à  Charles  Col- 
mance. Colmance  est 
une  voix  et  non  un  écho 
comme  il  y  en  a  tant  ; 
c'était  donc  un  maître 
chansonnier.  11  a  tout 
ce  qu'il  faut  pour  cela  : 
l'entrain  d'abord  ,  'le 
sentiment,  le  coloris, 
l'imprévu  dans  l'expres- 
sion et  le  laisser  aller 
dans  le  style. 

Les  premières  chan- 
sons de  Colmance  é- 
taient  brutales  jusqu'à 
l'indécence  ;  le  Cochon 
d'Enfant,  qui  obtint  un 
très  grand  succiis  en 
1844,  est  le  type  d'un 
monde  qui  n'a  jamais 
vécu  que  dans  des  coins 
et  fait  exception  à  la 
race  humaine  comme 
les  lépreux,  les  fous 
ou  les  assassins.  Emile 
Zola  fait  chanter  le  Co- 
chon d'Enfant  par  un 
de  ses  héros  les  plus 
sales  dans  l'Assommoir;  c'est  la  punition  du  chan- 
sonnier. 

Il  était  juste  que  le  grand-maître  du  naturalisme 
—  un  vilain  mot  pour  une  vilaine  chose  —  allât 
chercher  une  chanson  absolument  oubliée  à  l'époque 
où  ses  personnages  sont  en  scène,  pour  la  mettre  dans 


la  bouche  de  l'un  d'eux, 
du  moment  qu'elle  pou- 
vait aider  à  le  rendre 
aussi  repoussant  que 
possible  ;  et,  afin  de  le 
faire  paraître  plus  com- 
mun encore,  l'auteur  de 
r  Assommoir  dénsituvele 
refi-ain  de  cette  chan- 
son. Au  lieu  de  dire  : 
Quel  cochon  d'enfant/ 
Coupeau  chante  Que  co- 
chon d'enfant!  O  litté- 
rature !  ô  déshérités  1 
vous  avez  encore  bien 
des  ennemis  en  ce 
monde  ! 

Colmance  était  un 
Parisien  pur  sang;  il 
était  né  rue  des  Mené-. 
ti'iers,  une  vieille  rue 
du  moyen-âge  disparue 
aujourd'hui,  le  26  avril 
1806.  —  11  apprit  le 
métier  de  graveur  sur 
bois.  —  Tout  jeune  en- 
core, il  fréquentait  as- 
sidûment les  sociétés 
chantantes  dites  go- 
guettes. Ce  qu'il  y  a  de 
plus  surprenant,  c'est 
que  Colmance  arriva 
jusqu'à  trente-cinq  ans 
sans  avoir  pensé  jamais 
à  rimer  un  couplet.  Ce 
n'est  que  vers  1840  que 
l'idée  lui  en  vint,  voici  comment  : 

Un  chansonnier  de  mérite  et  fort  en  Togue  alors, 
Alexis  Dalès,  avait  promis  à  Colmance  une  chanson 
que  ce  dernier  désirait  chanter  ;  au  moment  de  tenir 
sa  promesse,  Dalès  refusa  la  chanson.  Colmance, 
très-contrarié,  lui  dit  :  «  Garde-les,  tes  chansons  ! 


114 


LA  CHANSON 


«  pour  être  plus  sûr  d'en  avoir,  maintenant,  je  me 
les  ferai  moi-même,  n  —  Et  il  se  tint  parole.  C'est 
donc  à  la  mauvaise  humeur  d'Alexis  Dalès  que  nous 
•devons  le  chansonnier  Colmanoe. 

Les  chansons  de  Colmance  eurent  un  succès  ins- 
tantané ;  à  peine  finies,  elles  étaient  répétées  dans 
la  rue  et  dans  l'atelier.  Leur  point  de  départ  était 
les  cabarets  chantants  de  Belleville  ou  Ménilmontant; 
c'est  là  que  Colmanoe  les  faisait  entendre.  Il  avait 
la  voix  traînante,  désagréable  et  trouée  ;  il  n'en 
■obtenait  pas  moins  des  ovations  indescriptibles. 
Malheur  au  camarade  qui  était  appelé  avant  lui 
quand  le  maître  des  chants  avait  dit  :  Nous  enten- 
drons en  troisième  notre  ami  Colmance  !  les  applau- 
dissements éclataient  et  l'on  n'écoutait  plus  personne 
jusqu'au  moment  fortuné  où  Colmance  entonnait, 
au  milieu  du  silence  le  plus  complet,  quelque  chose 
comme  ceci  : 

Je  n'aime  pas  ces  êtres 
Noceurs  indiscrets, 
Qui  vont  traîner  leurs  guêtres 
Dans  cent  cabarets. 
Quand  le  vin  est  potable    ■ 
Moi  je  suis  bien  plus  stable 
Et  je  ne  sors  de  table 
Que  deux  jours  après! 

Lon  Ion  la,  quand  ma  tasse  est  pleine, 
Lon  lon  la,  de  vin  d'Argenteuil, 
Lon  lon  la,  que  l'orage  vienne, 
Lon  lon  la,  moi  je  m  en  bats  l'oeil  ! 

On  criait  bis  de  tous  les  coins  de  la  salle,  et 
Colmance  recommençait  de  la  meilleure  grâce  du 
monde.  Dans  certaines  goguettes  de  la  banlieue,  le 
nom  de  Colmanoe  figurait  sur  un  écusson  entre  ceux 
de  Béranger  et  de  Debraux  ;  il  appelait  cet  honneur  : 
être  empaillé  vivant. 

La  chanson  conduit  rarement  à  la  fortune  ;  aussi 
Colmanoe  mena-t-il  touj(iurs  une  existence  difficile. 
Après  le  travail  il  essaya  le  commerce,  ni  l'un  ni 
l'autre  ne  lui  réussit.  Il  avait  heureusement  un 
honnête  homme  pour  éditeur  :  Louis  Vieillot,  qui 
vint  souvent  au  secours  du  chansonnier. 

En  1856,  une  chanson  de  Colmanoe  eut  un  très- 
grand  retentissement  :  Les  pt'its  Agneaux.  Les  revues 
de  théâtre,  les  journaux,  tout  s'en  mêla.  , 

C'est  un  ami  ^ — ^  je  pourrais  dire  un  fanatique  de 
Colmanoe,  Emile  Maubert  qui,  lui  ayant  dit  un  jour  : 
Fais-moi  donc  June  chanson  où  l'on  casse  tout,  avait 
provoqué  la  muse  turbulente  du  chansonnier. 

Souvent  depuis,  en  parlant  de  cette  chanson,  on 
l'a  confondue  avec  le  Pied  qui  r'miie  et  autres  ren- 
gaines du  même  temps  ;  c'est  là  une  erreur ,  la 
chanson  des  Pt'its  Agneaux  est  gaie  et  bien  faite.  En 
voici  le  dernier  couplet  et  le  refrain  ;  c'est  puéril, 
mais  c'est  original  et  chantant  : 

Enfin  nous  fournissons, 
A  la  botte,  à  la  pelle. 
Des  monceaux  de  tessons. 
Des  débris  de  vaisselle. 

Dieu  !  quel  bacchanal  ! 
C'est  au  point  que  le  commissaire, 

Un  jour  de  colère, 
A  mis  sur  son  procès-verbal  : 

Ohé  !  les  p'tits  .\gneaux. 
Qu'este'  qui  cass'  les  verres? 
Les  poêlons,  les  fourneaux, 
Les  plats,  les  soupières? 


Qu'este'  qui  cass'  les  pots  ? 

Les  p'tits,  les  gros. 
Les  brocs,  les  verres. 
Qu'este'  qui  cass'  les  verres, 
Qu'este'  qui  cass'  les  pots? 

C'est  toujours  la  pipe  à  la  bouche  que  Colmance 
composait  ses  couplets.  «  Quand  je  ne  fume  pas  je  ne 
trouve  rien,  «  me  disait-il  un  jour  ;  aussi  pour  trouver 
sans  cesse  il  ne  quittait  pas  sa  pipe  ;  c'était  le  plus 
souvent  ce  qu'on  nomme  un  brule-gueule,  il  en 
aspirait  la  fumée  avec  un  bonheur  qui  faisait  fris- 
sonner ses  larges  narines.  Colmance  sans  sa  pipe 
n'était  pas  ressemblant. 

Les  traits  de  son  visage  étaient  plus  vieux  que  lui, 
et  les  rides  de  son  front  lui  donnaient  à  cinquante 
ans  l'apparence  d'un  vieillard.  Seul  son  sourire 
clignotant  et  gouailleur  avait  conservé  une  certaine 
verdeur. 

Il  avait  fait  un  congé  de  sept  ans  dans  l'armée 
française,  et  rien  n'était  plus  drôle  que  de  l'entendre 
raconter  les  histoires  de  casernes  les  plus  originales 
et  les  moins  susceptibles  d'être  confiées  au  papier;  là, 
comme  dans  ses  chansons,  il  savait  mettre'  en  scène 
et  faire  œuvre  d'artiste. 

Il  y  a  dans  les  chansons  de  Colmance  une  note 
qui  lui  est  bien  particulière,  c'est  le  gracieux  dans  le 
naturel  :  Paris  s'en  va,  le  Café  des  Pieds  humides, 
La  Coupe  des  Dieux,  Claire  Nonore,  Nini  trop  tôt 
faite,  malgré  son  refrain,  La  dixième  muse.  Gazouillez 
Alouettes  et  bien  d'autres. 

Un  recueil  des  chansons  de  Colmance  a  été  publié 
par  là  maison  Vieillot,  il  en  contient  cent  cinquante 
—  il  en  existe  bien  autant  d'inédites  ;  —  c'est  un 
joli  volume  à  faire,  il  ne  faut  pas  laisser  perdre 
cette  partie  intéressante  du  chansonnier  populaire 
à  qui  l'on  doit  :  le  Cabaret  des  ti'ois  lurons,  la 
Rencontre,  Simple  histoire,  la  Musette,  le  Bal  du  fer  à 
cheval,  les  Croquants,  une  des  meilleurs  pièces  de 
son  livre,  etc.  —  La  chanson  que  nous  publions 
aujourd'hui  est  inédite,  c'est  une  des  dernières  de 
l'auteur:  Colmance  en  était  au  chapitre  des  regrets, 
mais  il  n'en  avait  pas  moins  conservé  son  talent 
d'observateur  et  son  style  tout  particulier. 

Charles  Colmanoe  est  mort  à  Montmartre  le 
13  septembre  1870  —  et  c'est  en  habits  de  soldats 
citoyens,  pendant  que  le  canon  prussien  tonnait 
autour  de  la  capitale,  que  nous  accompagnions  pour 
la  dernière  fois  ce  joyeux  chansonnier. 

Eugène  BAILLET. 


REGRETS 

Air  :  Dansons  la  Carmagnole. 


Bouchons  que  je  regrette, 
Bancs  vermoulus, 
Pots  biscornus, 
Bijoux  de  la  guinguette 
Qu'êtes-vous  devenus? 

On  a  maçonné  la  CourtUle, 
On  a  plâtré  Ménilmontant, 
Aux  murs  oii  grimpait  la  charmille 
Brillent  le  gaz  et  le  clinquant. 
Noël  et  Mardi-gras 
Dorment  sous  les  plâtras. 
Bouchons,  etc. 


LA  CHANSON 


115 


Le  vin  qui  fait  sauter  les  chèvres 

De  notre  zone  a  disparu, 

Nous  n'avons  pour  laver  nos  lèvres 

Qu'un  jus  épais,  noir  et  bourru. 
Nos  brocs  ont  pris  le  deuil 
Des  coteaux  d'Argenteuil. 
Bouchons,  etc. 

Heureux  temps  de  la  rémoulade, 
Siècle  doré  du  fricandeau, 
Où  le  quinquetet  la  salade 
S'abreuvaient  au  même  tonneau, 

Où  trônait  en  été 

Le  fromage  habité. 

Bouchons,  etc. 

Réceptacle  de  folle  joie. 
Séjour  d'ivresse  et  de  vertu 
Où  la  famille  autour  d'une  oie 
Mangeait  à  bouche  que  veux-tu  ; 

Où  la  ciboule  et  l'ail 

Escortaient  le  bétail. 

Bouchons,  etc. 

On  défilait  un  répertoire 
•De  refrains  tant  soit  peu  gaillards, 
D'altérantes  chansons  à  boire, 
Puis  les  papas  et  les  moutards 
Poussaient  à  pleine  voix 
L'air  de  Robin-des-Bois. 
Bouchons,  etc. 

Le  violon,  la  contrebasse 
Accordaient  leurs  sons  aigre-doux, 
Puis  on  criait  :  en  phice  !  en  place  ! 
Pour  la  contredanse  à  deux  sous  ! 

En  avant  I  les  amoui's 

S'en  donnaient  pour  huit  jours  I 

Bouchons  que  je  regrette, 

Bancs  vermoulus. 

Pots  biscornus, 
Bijoux  de  la  guinguette 
Qu'êtes-vous  devenus? 

Charles  COLMANCE. 


Nous  publions  aujourd'hui  les  pièces  couronnées 
au  Grand  Concours  Poétique  ouvert  par  La  Chanson 
en  l'honneur  de  Béranger. 

Notre  prochain  numéro  contiendra  le  rapport  fait,' 
au  nom  du  jury,  par  Eug.  Imbert,  et  l'indication  des 
pièces  ayant  obtenu  des  mentions  honorables. 


CONCOURS  DE  LA  CHANSON 

POÉSIES 
1"  Prix 

BÉRANGER 


Le  peuple  a  ses  jouets,  idoles  qu'à  la  gloire 

Eleva  la  faveur  d'un  jour; 
Mais  il  a  ses  tombeaux  près  desquels  il  vient  croire, 

Immuable  dans  son  amour. 

Incorruptible  sentinelle. 

Son  souvenir  veille  autour  d'eux, 
Jetant  pieusement  l'or  pur  de  l'immortelle 

Sur  leurs  vestiges  radieux. 


De  ces  tombes  que  garde,  hommage  populaire, 

Le  sceau  de  l'immortalité, 
Tombe  de  Béranger,  u'es-tu  pas  la  plus  chère 

A  ce  peuple  qu'il  a  chanté  ? 

Lorsque  de  la  France  abattue 

S'éteignit  l'astre  triomphal. 
Qui  donc  la  consola?  Celui  dont  la  statue 

A  notre  cœur  pour  piédestal . 

Qui  donc  la  releva,  palpitante  et  meurtrie. 

Pleurant  sur  son  dernier  fleuron? 
Voix  sublime  où  vibrait  l'âme  de  la  patrie, 

Qui  rendit  la  flamme  à  son  front? 

Qui  ranima  les  défaillances, 

Quand  des  revers  immérités 
Entraînaient  dans  le  flot  de  nos  désespérances 

Le  reste  de  nos  libertés? 

Ce  fut  un  chansonnier...  saluez  un  poète, 

Et  des  plus  grands  qu'on  ait  aimés. 

Attendri  tour  à  tour,  ou  sceptique,  ou  prophète 
Aux  accents  d'amour  enflammés. 
Le  peuple,  sa  muse  fidèle. 
Inspira  ses  cliants  les  plus  beaux. 

Et  le  sommet  où  règne  une  strophe  immortelle 
Dominait  des  mondes  nouveaux. 

Chansonnier!.. .  rien  de  plus!  Il  suffit  à  sa  vie 

Comme  à  sa  gloire,  ce  rayon  ! 
Ne  remplissait-il  pas  une  époque  ravie 

Du  bruit  d'une  seule  clianson? 

Quand  il  lançait  dans  la  fournaise 

Sa  chanson  pleine  de  fierté, 
Quelle  arme  espérais-tu,  quelle  arme  plus  française 

Pour  tes  combats,  ô  liberté  ! 

C'est  au  bruit  des  chansons  que  marchaient  nos  ancêtres 

Par  le  péril  enorgueillis  ; 
C'est  avec  des  chansons  qu'ils  oubliaient  leurs  maîtres, 

Nos  serfs  par  le  joug  avilis. 

Partout  la  chanson  éloquente 

Jette  au  vent  ses  refrains  bénis. 
C'est  ton  refrain  vengeur,  ô  Marseillaise  ardente 

Qui  transforme  notre  pays  ! 

Aux  champs  de  l'avenir,  que  son  rêve  ensemence, 

Que  Béranger  guide  nos  pas  ; 
Que  dans  nos  souvenirs  il  cueille  pour  la  France 

Des  fleurs  qui  ne  périront  pas  ; 

Sa  chanson,  rapide  étincelle. 

Rallume  la  fraternité 
En  dorant  des  feux  purs  d'une  aurore  nouvelle 

Le  règne  de  l'humanité. 

Peuple  qu'il  aimait  tant,  que  ton  cœur  se  souvienne 
Toujours  de  ce  chantre  inspiré. 

Ne  sépare  jamais  ta  gloire  de  la  sienne  ; 

Ton  cœur  dans  son  cœur  a  vibré. 
Et  si  parfois  d'obscurs  outrages 
Voulaient  assombrir  ce  beau  jour. 

Parle  ;  et  vois  aussitôt  se  fondre  ces  nuages 
Aux  seuls  rayons  de  ton  amour  ! 

Edmond  DELIÈRE, 

'  Rédacteur  ea  chef  du  Guetteur  de  Saint-Quentin. 


116 


LA  CHANSON 


2"  Prix 

A  BÉRANGEI\ 

Après  la  grandiose  et  sanglante  épopée, 

Quand  la  France  en  ses  mains  vit  briser  son  épée, 

Quand,  expiant  trop  tard  son  orgueil  insensé, 

L'Empire  succomba  sous  le  poids  de  ses  fautes, 

Derrière  nos  vainqueurs,  naguère  encore  nos  hôtes, 

Surgit  le  monde  noir  et  hideux  du  passé. 

La  France,  avec  stupeur,  à  cette  heure  fatale, 

Vit  sortir  de  la  nuit  la  race  féodale. 

Les  blêmes  habitants  des  antiques  palais. 

Et  les  vieux  émigrés  aux  figures  étranges. 

Qui,  depuis  vingt-cinq  ans,  combattaient  nos  phalanges, 

Dans  les  rangs  allemands  ou  dans  les  rangs  anglais. 

C'étaient  les  Carabas  suivis  des  Pretintailles, 
S'efforçant  d'ajuster  à  leurs  petites  tailles 
Les  lambeaux  teints  du  sang  sacré  de  nos  héros  ; 
Les  moines,  les  marquis,  les  frocs  et  les  cocardes, 
Et  les  rois  décrépits,  précédés  de  leurs  gardes, 
Entourés  de  bouffons  et  suivis  de  bourreaux  ; 
C'était  le  défile  des  masques  et  des  gnomes, 
Le  lugubre  sabbat  des  nains  et  des  fantômes. 
Au  grand  jour  des  vivants  osant  s'aventurer. 
Sinistre  cauchemar  d'un  Hoffmann  en  délire, 
Ténébreux  carnaval  dont  il  fallait  sourire 
Pour  n'en  pas  avoir  peur  et  pour  n'en  pas  pleurer  ! 
C'est  alors  que  du  fond  du  vieux  peuple  stoïque 
Sortit  un  combattant,  pauvre,  obscur,  héroïque. 
De  ceux  qu'aux  jours  de  deuil  Paris  sait  enfanter; 
Sans  faiblir  un  instant  il  fit  tête  à  l'orage. 
Et,  pour  rendre  aux  vaincus  l'espoir  et  le  courage. 
D'une  voix  éclatante  il  se  mit  à  chanter. 
Il  chanta  nos  drapeaux,  nos  gloires  éternelles. 
Dragons  et  cuirassiers  fiers  et  droits  sur  leurs  selles, 
Les  conscrits  de  seize  ans  dignes  d'un  Panthéon, 
Les  grenadiers  marchant  dans  l'ardente  fumée, 
Tous  géants,  tous  soldats  de  l'invincible  Armée 
Qui  du  Caire  à  Moscou  suivit  Napoléon. 
Défiant  l'étranger  campé  sur  nos  décombres, 
Les  rois,  les  conquérants,  les  hypocrites  sombres 
Qui  voulaient  en  bûcher  transformer  chaque  autel, 
Souflletant  le  passé,  les  ténèbres,  l'abîme, 
Il  triompha  d'eux  tous  ;  et  ce  combat  sublime 
De  son  nom  inconnu  fit  un  nom  immortel. 
Ce  nom,  c'était  le  tien,  Béranger!  —  O  Poète, 
Regarde  :  leur  déroute  est-elle  assez  complète  ? 
Ce  que  tu  pressentais  s'est-il  bien  accompli? 
Plus  de  classes  !  A  tous  la  même  loi  s'applique  ; 
Et,  guérissant  nos  maux,  la  jeune  République 
Sur  nos  divisions  jette  un  voile  d'oubli. 
L'œuvre  qui  nous  unit  prouve  assez  ta  victoire  ; 
Le  soleil  fut  toujours  haï  de  l'ombre  noire  ; 
Par  ceux  dont,  hier  encor,  nous  étions  menacés, 
Ta  gloire,  ô  Béranger,  fut  toujours  combattue; 
Si  la  patrie,  enfin,  te  dresse  une  statue. 
C'est  que  les  mauvais  jours  sont  à  jamais  passés. 
C'est  ta  fête,  ô  chanteur  !  Si,  du  fond  du  mystère 
De  l'immortalité,  tu  laisses  sur  la  terre 
Tomber  un  long  regard  souriant  et  profond, 
Tu  verras  en  tout  lieu  —  car  ce  n'est  plus  un  rêve, — 
La  liberté  qui  naît,  l'aurore  qui  se  lève, 
Le  peuple  qui  grandit  et  les  rois  qui  s'en  vont  ! 
Les  Rosiers  Saint-Servan.  FranciS  MELVIL. 


3=  Prix 

A  BÉRANGER 

Ce  siècle  était  encore  un  siècle  de  tempête, 

Lorsque  tu  lui  jetas  tes  chants  harmonieux, 

Et  la  foule  étonnée,  alors,  leva  la  tète 

Vers  celui  qui  chantait,  lorsque  grondaient  les  cieuxl 

Toujours  calme  et  serein  dans  ta  verve  puissante, 
Au  milieu  des  éclairs,  tu  caressais  Lison, 
Et,  bravant  tout  danger,  ta  lyre  insouciante 
Répondait  à  la  foudre  avec  une  chanson. 

Tu  chantais  les  amours  et  les  vieux  vins  de  France, 
Les  larmes  se  séchaient  à  ta  douce  gaîté, 
En  t'écoutant,  les  cœurs  s'ouvraient  à  l'espérance, 
Et  ta  voix  déridait  même  la  pauvreté  ! 

Quels  francs  éclats  de  rire  égayaient  la  misère 
De  ces  deux  tendres  sœurs,  Lisette  et  Frétillon, 
Elles  qui,  pour  trésor,  n'avaient  sur  cette  terre 
Que  leur  cœur  plein  de  joie,  et  que  leur  cotillon! 

Et  tu  chantais  aussi  la  patrie  et  ses  gloires, 
Notre  drapeau  poudreux  usé  par  les  combats, 
Haillon  qui  dans  ses  plis  portait  plus  de  victoires 
Qu'il  n'avait  devant  lui  vu  tomber  de  soldats  ! 

Tu  te  riais  des  grands  dans  tes  vers  sans  contrainte. 
Et  des  traits  acérés  de  ton  esprit  moqueur 
En  dépit  de  leur  nom  tu  les  frappais  sans  crainte, 
Jamais  vaincu,  du  moins,  sinon  toujours  vainqueur  1 

Au  fond  de  la  prison  que  t'ouvrit  ton  génie 
Peur  notre  liberté,  poète,  tu  luttais  ; 
Citoyen,  tu  luttais  contre  la  tyrannie; 
Libre,  malgré  tes  fers,  poète,  tu  chantais! 

Tu  chantais  le  réveil  du  lion  de  la  Gaule 
Le  jour  où  se  levant  superbe  et  triomphant, 
La  Bastille,  aux  efforts  de  sa  puissante  épaule, 
Tomba,  comme  un  jouet  sous  la  main  d'un  enfant. 

C'était  l'heure  où,  lassé  d'être  un  peuple  d'esclaves, 
Dressant  son  front  courbé  sous  un  joug  odieux. 
Ce  peuple  de  Titans,  pour  briser  ses  entraves. 
Ivre  de  liberté,  luttait  avec  les  dieux  ! 

C'est  ce  peuple  français  qui  dans  ses  jours  dé  fête 
Fredonnait  tes  couplets  et  tes  refrains  joyeux. 
Et  ta  lyre  pour  lui  ne  fut  jamais  muette. 
Même  quand  la  douleur  vint  à  mouiller  tes  yeux. 

Il  me  semble  te  voir  auprès  de  ta  fenêtre. 
Dans  ton  grenier,  les  yeux  errants  dans  l'infini, 
Regardant  sur  les  toits  la  verdure  renaître, 
Et  les  oiseaux  venir  y  préparer  leur  nid  ; 

Et  tu  suis  dans  l'azur  leur  course  vagabonde. 
Cherchant  à  t'inspirer  de  leurs  joyeux  ébats, 
En  écoutant  parfois,  dans  ta  tête  féconde, 
La  voix  de  ta  Lison  qui  te  parle  tout  bas. 

Mais,  à  tes  premiers  vers  déjà  ta  main  s'arrête  ! 
La  plume,  en  frémissant,  s'échappe  de  tes  doigts  I 
Béranger,  n'es-tu  plus  le  chantre  de  Lisette? 
Poète,  de  l'amour  n'entends-tu  pas  la  voix? 

Ton  front  n'est  plus  rêveur,  et  ton  œil  étincelle, 
Tu  chantes  les  plaisirs,  et  tu  veux  t'arrêter  ? 
Quel  rêve  de  malheur  effleure  de  son  aile 
Ta  lyre  qui  frissonne  et  ne  peut  plus  chanter? 


LA  CHANSON 


117 


Réponds-moi  !  —  Mais,  soudain,  j'entends  le  bruit  des  armes. 
Tu  ne  peux  achever  ta  joyeuse  chanson; 
Alors,  sur  le  papier  que  tu  mouilles  de  larmes, 
Le  vieux  sergent  a  pris  la  place  de  Lison  ! 

René  JOHANNY. 


SONNETS 
1"  Prix 

HOMMAGE  A  BÉRANQER 


Tant  que  la  ville  en  pleurs,  tant  que  les  prés  en  herbe 

Ont  lancé  par  la  voix  de  leur  ami  fervent. 

Soit  qu'on  maudît  le  sabre  ou  qu'on  fêtât  la  gerbe, 

L'anathème  au  despote  et  la  ballade  au  vent, 

Tant  que  la  France,  aïeule  au  courage  superbe, 

Et  Lisette  ont  mêlé,  dans  l'œuvre  du  savant, 

Le  rire  de  Térence  aux  larmes  de  Malherbe, 

On  a  ri  bien  des  fois  et  pleuré  bien  souvent. 

Maintenant  qu'il  n'est  plus  et  que  ta  noble  face, 

0  Liberté!  paraît  quand  l'apôtre  s'efface. 

Déifiée,  admets  sa  gloire  à  ton  autel. 

L'éternité  du  bronze  épouse  son  image, 

Et  son  ombre  attendait  rayonnante  l'hommage 

Du  poète,  éphémère  au  poète  immortel. 

Biarritz.  BAZIN-DESRUES. 


2°  Prix 

A    BÉRANGER 

Après  un  long  oubli  de  ton  nom,  de  sa  gloire, 
La  France,  ô  Béranger!  se  réveille  aujourd'hui! 
Des  réparations  enfin  le  jour  a  lui  : 
La  France  va  payer  sa  dette  à  ta  mémoire  ! 
Il  est  venu  ce  jour  où  ceux  qui  t'avaient  nui 
Au  vœu  du  peuple  ont  vu  répondre  la  victoire. 
Le  peuple  savait  bien  qu'il  devait  toujours  croire 
Aux  principes  sacrés  que  tu  chantais  pour  lui  I 
Oui  !  cette  heure  a  sonné,  bien  que  lente  et  tardive, 
Où,  longtemps  assoupi,  ton  souvenir  s'avive, 
Comme  un  lointain  rayon  de  l'immortalité  ! 

Libre    enfin,  notre  France,  un  instant  abattue. 
Se  relève  et  s'honore  en  dressant  ta  statue, 
Symbole  de  sa  gloire  et  de  sa  liberté  ! 

Liège.  SAINT-QUENTIN. 


3°  Prix 

SONNET  A  BÉRANGER 

Quel  bonheur  de  s'asseoir  au  festin  préparé  ! 
Les  couverts  et  les  vins,  double  délicatesse, 
Etincellent,  mais  non  pas  autant  que  l'hôtesse, 
Et  chaque  sens  aura  son  tour  d'être  enivré. 
Un  édit  agréable  a  banni  la  tristesse; 
Le  dessert  est  servi,  chaud,  succulent,  doré. 
L'on  a  bu;  la  chanson  monte  et  vibre  à  son  gré, 
Et  si  ce  n'est  les  voix,  les  cœurs  ont  la  justesse. 
La  gamme  et  la  pensée,  un  beau  couple  de  sœurs, 
Luttent  de  passions,  et  luttent  de  douceurs. 
Ecoutez  :  Béranger  donne  sa  poésie, 


C'est  dire  son  amour,  sa  foi,  ses  droits,  ses  dieux. 
Si  bien  qu'en  ce  gala  riche  et  mélodieux 
L'âme,  elle  aussi  friande,  a  son  plat  d'ambroisie. 
Aadrésy.  Ernest  PI  AU. 


CHANSONS 
I"  Prix 

A    BÉRANGER 

(Anniversaire  du  16  Juillet  1857) 

C'en  est  donc  fait,  la  tombe  s'est  ouverte, 
Et  le  génie  est  remonté  vers  Dieu  ; 
Un  peuple  entier,  la  tête  découverte, 
A  sa  dépouille  est  venu  dire  adieu. 
Mieux  que  son  nom  sa  belle  âme  épurée 
Contre  l'oubli  devra  le  protéger  ; 
Vous  qui  chantiez  par  sa  bouche  inspirée. 
Muses,  portez  le  deuil  de  Béranger  I 

Je  m'en  souviens,  sa  voix  nous  disait  comme. 
Par  la  vertu  que  ne  rebute  rien. 
L'enfant  s'élève  à  la  dignité  d'homme 
Et  comme  l'homme  un  jour  est  citoyen. 
Contemporain  d'une  époque  fiétrie 
Où  nous  avions  tant  d'affronts  à  venger, 
Il  nous  apprit  l'amour  de  la  patrie  : 
Enfants,  portez  le  deuil  de  Béranger  I 

Souvent  aussi,  pour  un  sujet  plus  tendre. 
Des  nobles  chants  abaissant  la  hauteur, 
En  doux  accents,  son  luth  nous  fit  entendre 
Le  premier  cri  qui  s'échappe  du  cœur. 
De  vos  amours,  —  ô  perfide  maîtresse 
Qu'avec  un  autre  il  fallait  partager,  — 
Sa  muse  fut  la  folâtre  prêtresse  : 
Amants,  portez  le  deuil  de  Béranger! 

Pour  embellir  d'une  clarté  sereine 
Les  derniers  soirs  que  Dieu  vous  a  laissés. 
Et  pour  ravir  au  temps  qui  vous  entraîne 
Le  souvenir  de  vos  bonheurs  passés, 
Sa  muse  encor,  dans  sa  philosophie, 
D'un  doux  refrain  sait  vous  encourager; 
Au  Créateur  gaîment  il  se  confie  : 
Vieillards,  portez  le  deuil  de  Béranger  ! 

De  ses  canons  lorsque  l'Europe  entière 
Nous  envoyait  les  menaçants  échos, 
A  ses  accents,  courant  vers  la  frontière 
Chaque  conscrit  devenait  un  héros. 
Plus  tard,  hélas  !  quand  vint  le  grand  naufrage 
Qui,  dans  ses  flots  devait  tout  submerger, 
De  notre  gloire  il  chanta  le  veuvage  : 
Soldats,  portez  le  deuil  de  Béranger  ! 

Mais  dans  le  ciel  une  étoile  nouvelle 
Projette  au  loin  ses  lumineux  rayons  : 
Mort  et  réveil  !  serait-ce  l'étincelle 
Du  beau  génie,  hélas  !  que  nous  pleurions? 
Non,  ce  n'est  pas  un  effet  de  mirage 
Qui  m'éblouit  d'un  éclat  mensonger; 
Je  vois  là- haut  resplendir  son  image  : 
Ne  portons  plus  le  deuil  de  Béranger! 

(Anonyme). 


118 


LA  CHANSON 


2°  Prix 

A  BÉRANGER 


J'avais  vingt  ans,  j'habitais  un  grenier; 
Mais  bien  souvent  j'y  recevais  Lisette  ; 
Ses  jolis  jeux  éclairaient  ma  chambrette, 
Un  rossignol  chantait  dans  son  gosier. 
Insouciants,  sans  regret,  sans  envie, 
En  nous  jurant  de  ne  jamais  changer. 
Nous  soupirions,  Fâme  toute  ravie. 
Tes  chants  d'amour,  ô  divin  Béranger. 

Lise  un  matin  disparut  pour  toujours. 
L'azur  avait  tenté  cette  hirondelle, 
Pour  le  plaisir  à  l'amour  infidèle  ; 
Je  restai  seul  à  pleurer  les  beaux  jours. 
Mais  arrosant  la  morose  tristesse 
D'un  vin  doré  qui  grise  sans  danger. 
Je  fredonnais,  dans  une  douce  ivresse, 
Tes  chants  d'espoir,  ô  joyeux  Béranger. 
Dans  mon  chemin  souvent  j'ai  rencontré 
Des  hommes  faux  se  drapant  dans  le  vice, 
Foulant  aux  pieds  la  pudeur,  la  justice 
Pour  un  hochet,  pour  un  ruban  moiré. 
De  mon  tonneau,  comme  ton  Diogène, 
Ne  voulant  point  pour  eux  me  déranger, 
Je  leur  jetais  à  la  face,  sans  gêne. 
Tes  chants  vengeurs,  honnête  Béranger. 
Quand  l'ennemi  poussait  ses  bataillons. 
Comme  un  torrent  vers  la  vieille  frontière; 
Quand  se  levait  la  Nation  entière 
Et  que  le  sang  inondait  les  sillons. 
Quand  nous  tombions  de  défaite  en  défaite 
En  proie  aux  durs  afi"ronts  de  l'étranger, 
Nos  combattants  chantaient  dans  la  tempête 
Tes  chants  de  guerre,  ô  noble  Béranger. 
Oui,  c'est  toujours  à  toi  qu'on  en  revient; 
Ta  muse  a  fait  tout  le  tour  de  la  vie, 
Toujours  honnête  et  jamais  asservie  : 
Son  chant  joyeux  à  chaque  âge  convient. 
Célébrant  tout  :  Gloire,  amour,  vin,  Patrie, 
Sur  chaque  fleur  elle  allait  voltiger 
Et  nous  jetons  sur  ta  tombe  chérie. 
Des  verts  lauriers,  immortel  Béranger. 
PoméTo\s.  Paul  PUJOL. 


3°  Prix 

CHANSON 


Quand  le  soleil  ruisselle  dans  la  plaine, 
Quand  la  fauvette  a  regagné  son  nid, 
Que  la  forêt  de  cantiques  est  pleine, 
Quand  tout  en  nous  se  réveille  et  sourit, 
Avec  l'oiseau  qui,  de  son  gai  ramage, 
Anime  tout,  les  prés  et  les  buissons, 
Avec  la  brise  agitant  le  feuillage. 
De  Béranger  redisons  les  chansons. 

Quand,  à  vingt  ans,  notre  âme  épanouie 
S'entr'ouvre,  heureuse,  au  soufile  de  l'amour. 
Que  l'existence'apparaît  réjouie 
Par  le  bonheur  renaissant  chaque  jour. 
Lorsque  toute  heure  est  une  heure  de  fête 
Pour  notre  cœur,  et  que  nous  chérissons 
Le  doux  éclat  des  grands  yeux  de  Lisette, 
De  Béranger  redisons  les  chansons. 


Quand  l'ennemi  menace  la  frontière. 
Que  la  Patrie  appelle  chaque  enfant, 
Du  sol  sacré  que  ravage  la  guerre, 
Surgit  un  peuple  entier  qui  le  défend. 
Dans  ces  moments,  aux  jours  de  luttes  saintes, 
Quand  au  combat  tous  nous  nous  élançons, 
Pour  étouffer  les  sanglots  et  les  plaintes. 
De  Béranger  redisons  les  chansons. 

Aux  jours  d'exil,  quand  loin  de  la  patrie, 
Nous  regrettons  nos  champs  et  nos  coteaux, 
Où  s'écoula  notre  enfance  chérie. 
Où  le  soleil  et  le  ciel  sont  si  beaux. 
Si  près  de  nous  l'hirondelle  qui  passe 
Vient  rappeler  ceux  que  nous  regrettons. 
Avec  des  pleurs,  pour  amoindrir  l'espace. 
De  Béranger  redisons  les  chansons. 

Pour  célébrer  la  puissante  déesse 
Dont  le  nom  seul  met  nos  cœurs  en  émoi. 
L'idéal  saint,  la  fée  enchanteresse 
Dont  nous  suivons  enfin  la  douce  loi. 
Aux  accents  fiers  de  cette  Marseillaise, 
Qui  jette  au  sein  de  généreux  frissons. 
Pour  bien  chanter  la  Liberté  française, 
De  Béranger  redisons  les  chansons. 

Liège.  FÉLIX  WAGENBR. 

La  publication   des   pièces   couronnées  à  notre 
grand  concours  nous  oblige  à  remettre  au  prochain 
numéro  nombre  d'articles  et  d'informstions . 
A.  P. 


NOTRE  CONCOURS  MENSUEL 

Nous  reprenons  à  partir  de  ce  numéro  notre 
Concours  Mensuel  de  chansons  entre  nos  abonnés 
seulement.  Les  pièces  seront  reçues  jusqu'au  20  de 
chaque  mois.  La  chanson  couronnée  sera  publiée, 
ainsi  que  les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux 
suivantes. 

Le  lundi  17  novembre,  la  société  des  Auteurs, 
Compositeurs  et  Editeurs  de  musique  a  tenu  sa 
séance  annuelle  dans  la  salle  du  Grand-Orient,  rue 
Cadet,  sous  la   présidence   de  Paul  Avenel. 

Dès  l'ouverture  de  la  séance,  une  discussion 
s'engagea  entre  la  commission  des  comptes  et  le 
syndicat,  ce  dernier  voulant  maintenir  l'ordre  du 
jour  annoncé  dans  la  lettre  de  convocation,  c'est-à- 
dire  le  vote  pour  remplacer  les  trois  syndics  sortants 
avant  la  lecture  du  rapport  de  la  commission  des 
comptes,  tandis  que  ceUe-ci  demandait  la  priorité 
pour  son  rapport  et  le  voie  ensuite. 

Les  deux  camps  ayant  des  orateurs  ardents  qui 
criaient  chacun  de  leur  côté,  un  indescriptible 
et  regrettable  tumulte  s'éleva  pour  durer  pendant 
plus  d'une  heure.  Une  proposition  de  l'éditeur 
Rhodé,  à  laquelle  le  syndicat  acquiesça  et  qui  fut 
votée  par  l'assemblée,  ramena  un  peu  d'ordre. 

La  commission  des  comptes  avait  obtenu  que  le 
vote  n'aurait  lieu  qu'à  la  fin  de  la  séance.  La  parole 
fut  donnée  à  M.  Lebailly,  trésorier,  remplissant  les 
fonctions  de  secrétaire,  pour  la  lecture  du  rapport 
annuel.  Ce  rapport  rédigé,  avec  clarté  et  constatant 
les  progrès  toujours  croissants  de  la  société,  rendant 
compte    des    travaux   du  syndicat  et  donnant   en 


LA  CHANSON 


119 


termes  pleins  de  cœur  des  regrets  aux  sociétaires 
décédés  dans  le  courant  de  l'année,  fut  souvent 
interrompu  par  les  bravos  approbateurs  de  l'as- 
semblée. 

La  parole  ayant  été  donnée  ensuite  à  M.  Philibert, 
président  de  la  commission  des  comptes,  il  en  usa 
largement;  la  lecture  de  son  rapport  ne  dura  pas 
moins  d'une  heure  quarante  minutes.  Il  est  rédigé 
avec  esprit  et  intelligence,  les  effets  à  produire  sont 
bien  amenés,  on  sent  en  l'entendant  que  M.  Philibert 
a  l'habitude  du  théâtre.  L'assemblée  écouta  avec 
une  attention  soutenue  l'énoncé  des  faits  les  plus 
graves  contre  la  gestion  de  l'agent  général  de  la  so- 
ciété. Une  lettre  irrespectueuse,  écrite  par  ledit  agent 
général  et  témoignant  de  son  peu  de  respect  pour 
ses  administrés,  souleva  surtout  l'indignation  de 
l'assemblée  qui,  un  peu  surprise  de  telles  révélations, 
remercia  par  des  applaudissements  la  commission 
du  travail  difficile  et  laborieux  qu'elle  avait  accompli. 

Après  cette  lecture,  l'orage  reparut  à  l'horizon; 
les  conversations  les  plus  animées,  les  plus  passion- 
nées même,  se  tenaient  dans  les  différents  groupes 
qui  s'étaient  formés.  Il  y  avait  quatre  heures  que  la 
séance  durait,  cela  ne  s'était  jamais  vu!  —  Aussi,  sur 
deux  cent  cinquante  sociétaires  présents  àl'ouverture 
de  la  séance,  c'est  à  peine  s'il  en  restait  cent  cin- 
quante dans  la  salle. 

Le  moment  de  voter  était  venu.  Que  s'était-il 
passé  dans  l'esprit  de  la  commission  des  comptes? 
Ses  membres  criaient  de  toute  la  force  de  leurs 
poumons  :  ne  volez  pas/  C'était  la  commission  qui 
avait  proposé  et  fait  adopter  ce  vote  à  la  fin. 

Le  Ijureau  ne  tenant  compte  que  des  statuts  et  de 
l'ordre  du  jour  procéda  sagement  au  scrutin  et  les 
sociétaires  y  répondirent  au  nombre  de  cent  trois 
sur  cent  quarante  présents. 

Les  trois  nouveaux  syndics  furent  élus  au  premier 
tour;  ce  sont  MM.  Eugène  Bailletcomme  auteur,  Marc 
Chautagne,  compositeur,  et  Lafleur  comme  éditeur. 
Des  applaudissements  sympathiques  accueillirent 
cette  triple  élection. 

Il  résulte  de  cette  séance  qu'il  y  a  là  un  conflit 
arrivé  à  sa  période  aiguë^et  que  la  société  des  Auteurs- 
Compositeurs  a  besoin  d'en  sortir  au  plus  vite.  Le 
moyen  qui  nous  paraît  le  meilleur  est  une  réunion 
extraordinaire  dans  laquelle  l'agent  général,  dont  la 
démission  est  demandée  —  par  un  petit  nombre  de 
sociétaires,  il  est  vrai  —  viendrait  se  défendre  contra- 
dictoirement  ;  c'est  affaire  au  syndicat  dont  la  tâche 
sera  rude. 

Mais  quelle  séance  1  Pauvre  Paul  Avenel  !  il  avait 
perdu  sa  voix...  et  sa  sonnette  aussi. 

X... 


M.  Ange  Pitou  me  fait  l'honneur  de  reproduire 
dans  les  colonnes  de  VEldorado-Progi-amme  (*)  un 
article  que  j'ai  publié  dernièrement  sous  ce  titre  : 
«Chants  nationaux  de  France  (**),»  et  pour  accomplir 
une  ancienne  promesse,  il  accumule  contre  le  direc- 
teur de  La  Chanson  et  son  malheureux  collaborateur 
une  avalanche  de  syllogismes  vainqueurs. 

Après  quinze  jours  d'angoisse,  le  coup  fatal  m'est 
porté.  Au  moins,  Monsieur,  on  a  de  l'humanité,  on 
ne  prolonge  pas  inutilement  l'agonie  de  ses  victimes  : 

(•)  N»  238.  —  22-28  novembre  1879. 
(")  Voyez  La  Chanson,  n'  31. 


quinze  jours...  Il  y  aurait  de  quoi  trouver  des 
raisons  pour  innocenter  le  diable  en  personne,  mais 
pour  annéantir  un  pauve  écrivain  criminellement 
déchaîné  contre  la  Marseillaise,  que  fallait-il  !  A 
tout  autre  une  journée  de  réflexion  :  à  vous,  une 
heure. 

Depuis  l'instant  oii  vous  avez  tiré  du  fourreau  votre 
longue  rapière,  j'ai  perdu  le  sommeil.  Je  la  vois  tou- 
jours s'agiter  au-dessus  de  votre  tête  comme  si  elle 
voulait  pourfendre  dix  moulins  à  vent.  Je  crois 
même  entendre  dés  cris  affreux;  de  grâce,  Monsieur, 
rengainez  votre  instrument,  l'ds  coups,  que  vous 
m'avez  portés  ont  sutB  à  me  convaincre,  je  signerai 
tout  ce  que  vous  voudrez. 

Maintenant,  lecteur,  tâchons  de  nous  soustraire 
aux  oreilles  de  mon  ennemi  afin  de  confondre  tran- 
quillement sa  critique. 

M.  A.  Pitou  a  inventé  un  mode  nouveau  de  réfuta- 
tion qui  laisse  bien  loin  en  arrière  les  sublimités  de 
lasoolastique  :  ses  arguments  forment  quatre  grandes 
divisions  ou  catégories  : 

1°  Mots  soulignés.  —  Les  appréciations  musicales 
étant  avant  tout  subjectives,  je  ne  puis  répondre  à 
mon  adversaire  s'il  ne  croit  pas  devoir  lormuler 
nettement  sa  pensée  :  je  me  bornerai  donc  à  établir 
ici  un  fait  bien  connu  que  certaines  italiques 
semblent  contester  :  Oui,  Rouget  de  Lisle  était 
royaliste  constitutionnel  et  refusa  d'accepter  le 
décret  de  la  convention  qui  déclarait  Louis  Capet 
déchu  du  trône  de  France. 

2°  Point  d'exclamation.  —  Ce  point  d'exclamation 
est  placé  après  les  mots  :  Etude  musicale.  M.  A. 
Pitou  a  taillé  lui-même  sa  plume  pour  la  rendre 
incisive,  une  plume  qui  ne  fut  point  arrachée  de 
l'aile  d'un  corbeau. 

3°  Affirmations  diverses.  —  Par  deux  fois,  M.  A. 
Pitou,  homme  d'une  rare  modestie,  affirme  que  ses 
idées  sont  celles  d'un  grand  nombre  de  personnes. 
Certes,  nul  ne  le  contestera  :  en  France  on  imite 
volontiers  son  voisin  et  l'on  se  donne  rarement  la 
peine  de  raisonner  ses  opinions.  Conclusion  :  ne 
comptez-pas,  pesez. 

4°  Témoignage  universel.  —  Je  cède  la  parole  à 
M.  A.  Pitou,  sa  phrase  est  de  celles  qui  se  font 
justice  à  elles-mêmes  : 

«  Il  n'appartient  à  personne  de  dénier  à  l'hymne 
c(  de  Rouget  de  Lisle  un  caractère  consacré  par  le 
«  temps  et  que  ne  lui  ont  jamais  contesté  —  bien  au 
«  contraire  —  les  générations  qui  se  sont  succédé 
«  depuis  1792  ». 

J'aimerais  à  rendre  à  mon  honorable  contradic- 
teur l'hospitalité  qu'il  a  concédée  généreusement  à 
mon  article  et,  surtout,  à  mettre  sous  vos  yeux 
certain  paragraphe  amusant  où  de  grands  mots  sont 
amalgamés  d'une  façon  bizarre  avec  le  nom  du 
chansonnier  que  nous  aimons  et  respectons  tous, 
mais  cette  réponse  est  déjà  trop  longue  pour  une 
attaque  sans  base  solide;  au  reste  le  lecteur  pourrait 
mal  prendre  la  chose  et  s'imaginer  qu'on  se  moque 
de  lui. 

Génie  immortel,  Déranger,  tu  souris  là  haut  en 
voyant  ton  nom  si  plaisamment  invoqué  en  faveur 
de  la  Marseillaise. 

A.  ÉDÉMA. 


120 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Une  société  lyrique,  l'Union  joyeuse^  vient  de  se 
former  dans  le  XIV  arrondissement. 

J^^  Union  joyeuse  donne  tous  les  dimanches,  à  huit 
heures,  une  soirée  lyrique  et  dramatique,?  bis,  ave- 
nue d'Orléans  (salle  des  Folies-Montrouge). 

La  formation  de  V  Union  joyeuse  est  due  à  l'initia- 
tive d'un  groupe  de  jeunes  gens  ayant  tous  fait 
partie  de  diverses  sociétés  lyriques  de  la  rive 
droite. 

Nous  souhaitons  une  réussite  complète  à  nos  amis 
Dauthenay,  Marc  et  Cabrézy,  qui  sont  les  promo- 
teurs et  les  premiers   fondateurs  de  VUtnon  joyeuse. 

Nous  donnei'ons  prochainement  un  compte-rendu 
d'une  des  grandes  soirées  de  cette  société. 

Cercle  Mozart,  13,  rue  Sainte-Croix-de-la-Breton- 
nerie,  tous  les  dimanches  à  8  heures,  soirée  lyrique. 
Nous  engageons  vivement  les  chanteurs  à  rendre 
de  temps  en  temps  une  visite  à.  cette  société  présidée 
par  M.  Corvée  ;  ils  sont  sûrs  d'être  les  bienvenus. 

La  société  lyrique  la  Pastorale  donne  tous  les 
lundis,  à  8  heures  1/2,  une  soirée  musicale  et  dan- 
sante, café  du  Globe,  8,  boulevard  de  Strasbourg, 
dans  le  courant  de  laquelle  se  font  entendre  les 
meilleurs  artistes  des  sociétés  lyriques. 

Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  que  l' Union  artis- 
tique {M.  Paulin,  président)  donnera,  dimanche  7  dé- 
cembre, sa  vingtième  représentation  au  Théâtre 
des  Arts,  à  une  heure  précise.  On  trouve  des  billets 
au  siège  de  la  Société,  8.  boulevard  de  Strasbourg 
(café  du  Globe),  et  aux  bureaux  de  la  Chanson.  Pris 
du  billet  :  un  franc. 

La  Cordiale  donnera,  le  4  décembre,  une  grande 
soirée  à  son  siège  habituel,  10,  Galerie  Montpensier 
(Palais-Royal). 

Le  banquet  annuel  suivi  de  bal  de  nuit  que  la  Zyre 
amicale  (Dupont,  directeur)  donne  à  l'occasion  de  la 
Sainte-Cécile,  aura  lieu  le  samedi  6  décembre,  167, 
galerie  de  Valois,  maison  Richefeu  (Palais-Royal). 
On  trouve  des  cartes  d'invitation  au  local  social,  6, 
boulevard  Sébastopol. 

La  matinée  organisée  par  la  société  lyrique  la 
Renaissance  au  bénéfice  de  M.  Lebassi  n'ayant  pas 
donné  au  point  de  vue  financier  un  résultat  aussi 
-  satisfaisant  qu'on  était  en  droit  d'espérer,  cette  so- 
ciété complétera  la  bonne  œuvre  qu'elle  a  commen- 
cée en  donnant,  le  dimanche  7  décembre,  une  soirée 
extraordinaire  au  bénéfice  du  même  artiste,  en  son 
local  habituel,  8,  boulevard  de  Strasbourg. 

Henry  MALLET. 


CHOSES    &    AUTRES 

Il  nous  revient  qu'un  jeune  homme,  se  disant 
parent  de  Déranger,  s'est  présenté  chez  diverses 
personnes  pour  solliciter  plus  ou  moins  convena- 
blement des  secours.  Nous  tenons  à  déclarer  que  ce 
Monsieur  n'est  autorisé  à  se  servir  ni  du  nom  du 
directeur  de  La  Chanson  ni  de  celui  d'aucun  membre 
du  Comité  de  la  statue  de  Béranger. 

Au  Concert  de  la  Pépinière,  une  soirée  extraor- 
dinaire sera  donnée,  le   samedi    13    décembre,   au 


bénéfice  de  M.  Durafour,  artiste  et  régisseur  de  cet 
établissement. 

Notre  collaborateur  et  ami  Eugène  Baillet  a  été 
nommé,  le  17  novembre,  membre  du  syndicat  de  la 
société  des  Auteurs,  Compositeurs  et  Editeurs  de 
musique;  il  a  obtenu  54  voix.  Ses  deux  concurrents  : 
MM.  Félix  Savard  et  le  docteur  Mayer  ont  eu,  le 
premier  28  voix,  le  second  6.  —  A  la  formation  du 
bureau,  Eugène  Baillet  a  été  nommé  secrétaire  du 
Syndicat  à  l'unanimité. 

Comme  nous  l'annoncions  dans  notre  dernier  nu- 
méro, M""' Bordas  a  fait  sa  rentrée  sm  Grand  Con- 
cert Parisien,  faubourg  Saint-Denis. 

M.  Valentin,  l'habile  directeur  de  cet  établisse- 
ment, a  su  retenir  à  Paris  l'artiste  amie  du  public, 
à  laquelle  plusieurs  directions  de  province  avaient 
déjà  fait  des  offres  brillantes.  Le  samedi  22  no- 
vembre, Rosa  Bordas,  accueillie  par  de  chaleureux 
applaudissements  et  de  nombreux  bouquets,  a  inter- 
prété le  Vin  de  Marsala,  de  Gustave  Nadaud,  la 
Marseillaise  du  Travail,  de  M.  X.,  musique  de 
M.  Massage,  chef  d'orchestre  de  l'établissement,  et 
les  Canons,  paroles  d'Henri  Nadot,  de  la  Lice  chan- 
sonnière, musique  de  Daroier,  le  compositeur  popu- 
laire. Le  succès  a  été  complet;  l'interprétation  de 
cette  dernière  chanson,  à  laquelle  le  visa  de  la  cen- 
sure avait  été  refusé  jusqu'à  ce  jour,  a  été,  selon 
nous,  une  grande  hardiesse  de  la  part  de  M"°  Bor-  ^ 
das.  Entendre  sortir  de  la  bouche  d'une  femme  : 
Taisez  vos  gueules  que  l'on  s'entende,  cela  était  plus 
que  difficile,  eh  bien  M""  Bordas  a  su  s'en  tirer  vic- 
torieusement. Pour  être  complet,  ajoutons  que  ses 
camarades  lui  ont  off'ert  une  superbe  couronne  en 
témoignage  de  satisfaction  de  la  revoir  parmi  eux. 

La  chanson  les  Canons  est  éditée  chez  Labbé,  rue 
Notre-Dame-de-Nazareth,  32,  éditeur  des  chansons 
d'Henri  Nadot. 

M"°  Amiati  fera  sa  rentrée  à  l'Eldorado  dans  les 
premiers  jours  du  mois.  M"°  Pazzotti  vient  de  créer 
avec  succès  Un  Jour  de  Mai,  sonnet  de  H.  Ryon  de 
la  Lice  Chansonnière,  musique  de  M.  Jules  Jacob. 

M""  Duparc  a  créé  Tout  en  péchant,  paroles  de 
notre  collaborateur  Octave  Pradels,  musique  de 
H.  Wahs. 

M"°  Maria  Pacra  chante  avec  succès,  du  même  . 
auteur.  Qui  n'en  a  qu'in  n'en  a  guère  I  musique  de 
M.  Alfred  d'Hack. 

Hurbain  interprète  de  la  bonne  façon  une  chan- 
sonnette de  Jules  Jouy  de  la .  Lice  Chansonnière  : 
Faut  que  j'vous  le  présente  un  d'  ces  jours  !  musique 
de  Duhem. 

M"°  Lannes,  qui  a  quitté  l'Eldorado  il  y  a  quel- 
ques semaines,  a  débuté  brillamment  aux  Bouffes 
Parisiens,  sous  le  nom  de  Clary,  dans  les  Noces  d'Oli- 
vette. 

La  Revue  littéraire  et  artistique  ouvre  un  concours 
de  Monologues  sous  la  présidence  de  Coquelin  ca- 
det. 

La  maison  Tresse  offre  à  l'auteur  de  la  pièce  pri- 
mée le  recueil  des  saynettes  et  monologues  publié 
par  ses  soins. 

Les  manuscrits  doivent  être  déposés  aux  bureaux 
de  la  Revue,  29,  rue  Bleue,  avant  le  15  décembre. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY 


2-  ANNEE. 


N»  34. 


20  CENT,  LE  NUMERO 


16  DECEMBRE  1879. 


LA    CHANSON 


Directeur-  Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES    DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Para.issa.nt  1©  1"  <îc  le  16  de  chaque  mois 

les  Aionnements  partent  du  l"  Mal  &  du  i"  Novemire 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  .. 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,  18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


S  o  :ac  3«c  .A.  lia  E 


Compte-rendu  du  grand  Concours  poétique  en  l'Iionneur  de 
Béranger  (eug.  ihbert).  —  Pauvres  Amours!  (ernest 
ciiEBROUx).  —  Bringue  et  Fringue  (rené  ponsard).  — 
29  novembre  1879  (Charles  péan).  —  A  M.  A.  Pataij 
(ELISÉE  KLOTz).  Chanson  d'hiver  (Georges  nardin).  —  Ban- 


quet du  Caveau  (l.-h.  lecomte).  —  Banquet  de  la  Lice 
Chansonnière  (eug.  imbert).  —  Deux  mots  (a.  édéma).  — 
A  M.  Pitou  (a.  patay).  —  Lettre  de  M.  Gubil'aud.  —  Biblio- 
graphie (l.-h.  lecomte).  —  Les  Têtes  de  bois.  —  Chronique 
des  Sociétés  lyriques  (uenry  maClet).  —  Choses  et  autres. 


GRAND    CONCOURS    POÉTIQUE   O 

Ouvert  par  La  Chanson  en  l'honneur  de  Béranger 


Il  n'est  pas  inutile,  avant  de  rendre  un  compte  sommaire 
des  travaux  du  Jury,  de  donnei'  une  idée  de  la  tâche  qu'il 
avait  à  accomplir. 

Sonnets,  chansons,  poésies  libres  :  telles  étaient  les  trois 
arènes  ouvertes  aux  concurrents;  or,  cent  quinze  sonnets, 
cent  quarante-sept  chansons  et  quatre-vingt-dix-sept  poésies 
libres  ont  été  envoyés  ;  ce  qui  forme  un  total  de  trois  cent 
cinquante-neul  pièces  à  examiner.  Une  dizaine  seulement 
ont  été  écartées  pour  fait  de  signature.  Il  s'agissait  bien, 
en  effet,  comme  ont  le  voit,  d'un  grand  concours. 

On  n'attend  pas  de  nous  une  appréciation  détaillée  des 
mérites  et  des  défauts  que  le  Jury  a  relevés  dans  toutes 
ces  pièces.  Il  aurait  fallu  tenir  un  procès-verbal  interminable 
et  minutieux.  Et  puis,  quel  intérêt?  Devions-nous  nous 
érigei'  en  professeurs,  et  prétendre  donner  des  leçons  de 
goût,  de  grammaire  ou  même  de  versilication  à  des  poètes 
dont  plus  d'un  assurément  aurait  aussi  bien  tenu  sa  place 
parmi  les  juges  que  parmi  les  concurrents?  Nous  ne 
t'avons  pas  pensé. 

La  partie  la  plus  faible  nous  a  paru  être  la  chanson.  T/est 
étrange  alors  qu'il  s'agit  de  Béranger.  La  moyenne  s'élève 
dans  le  sonnet  ;  et  les  poésies  libres,  odes,  ballades,  fables 
et  contes,  car  nous  avions  de  tout  cela,  ont  présenté  des 
qualités  diverses,  mais  incontestables.  Aussi  est-ce  sur  ce 
point  que  les  divergences  d'opinions  se  sont  manifestées 
avec  le  plus  de  vivacité  dans  le  sein  du  Jury.  Toutefois,Jes 
deux  pièces  désignées  pour  le  premier  et  pour  le  deuxième 
prix  sont  assez  promptemcnt  sorties  hors  de  pair.  Mais 
laquelle  choisir  pour  le  premier  prix?  Laquelle  reléguer  au 
second  rang  ?  Là  a  commencé  une  nouvelle  difficulté. 

Des  mérites  si  divers,  une  façon  si  difl'érente  de  traiter  et 
même  de  comprendre  le  sujet  imposé,  créaient  un  véritable 
embarras.  Ici  plus  d'élan,  là  plus  d'énergie  ;  chez  un  poète, 
un  style  net,  concis,  sévère  ;  chez  l'autre,  une  expression 
facile,  légère,  poétique.  Devions-nous  préférer  Dante  à 
Virgile,  Horace  à  Juvénal? 

Chaque  pièce  a  eu  ses  chauds  partisans,  ses  vaillants 
défenseurs.  Ce  n'est  pas  un  mince  honneur  pour  M.  Melvil 
d'avoir  tenu  si  longtemps  en  balance,  par  une  œuvre  qui, 
dans  un  autre  concours,  aurait  sans  doute  obtenu  haut  la 
main  la  première  récompense,  les  opinions  des  jurés.  Qui 
sait?  Le  public  lui-même  se  partagera  peut-être  aussi  en 
deux  camps  presque  égaux.  Heureux  serions-nous  si  nous 
avions  pu  nous  ranger  par  avance  à  l'avis  du  plus  grand 
nombre. 


La  nature  même  du  sujet,  le  genre  littéraire  adopté  par 
le  poète  auquel  le  concours  est  consacré^  le  caractère  anti- 
politique  que  tous  ont  tenu  à  maintenir  aux  manifestations 
dont  lîéranger  est  aujourd'hui  l'objet  ;  toutes  ces  considéra- 
lions  ont  décidé  le  Jury  en  faveur  de  Virgile  ou  d'Horace,  ou 
pour  mieux  parler,  de  M.  Delière.  Dante  ou  Juvénal,  je 
veux  dire  M.  SIelvil,  se  consolera  de  venir  cette  fois  au  second 
rang. 

La  rime,  chez  le  premier,  n'affecte  pas  cette  richesse 
exagérée  dont  certaine  école  fait  grand  étalage,  et  le  second, 
au  contraire,  se  distinguerait  chez  nos  modernes  ciseleurs 
de  vers. 

M.  Melvil  procède  par  strophes  de  six  alexandrins,  bien 
alignés,  non  pas  lourds,  mais  graves,  comme  des  fantassins 
intrépides.  M.  Delière  a  choisi  une  strophe  à  vers  inégaux, 
et  se  rapproche  ainsi,  autant  qu'une  ode  peut  ressembler  à  la 
chanson  sans  perdre  son  caractère,  de  la  forme  aimée  de 
Béranger,  du  couplet. 

C'est  au  bruit  des  chansons  que  marchaient  nos  ancêtres, 

dit-il  lui-même. 

Son  concurrent  voit  surtout  dans  Béranger  le  poète  politi- 
que et  laisse  dans  l'ombre  la  partie  gracieuse  et  légère  de 
son  œuvre.  C'est  peut-être  celle  qui  vivra  le  plus. 

Que  la  lyre  à  la  corde  d'airain  ne  garde  pas  de  rancune  à 
la  Muse  ailée. 

Mais  n'est-il  pas  temps  de  donner  satisfaction  à  la  juste 
impatience  des  poètes  qui,  pour  n'avoir  pas  obtenu  de  prix, 
n'en  ont  pas  moins  été  jugés    dignes   d'une  récompense? 

Voici  donc  la  liste  des  mentions  accordées. 

POÉSIES  LIBRES  (Odes,  ballades,  etc.) 

l''«  Mention  :  M.  Denis  Langat,  de  Paris  ; 
2o  _  M.  L.-J.  Masurel,  de  Lille; 
3<!        —        M.  Edouard  L'Hôte,  d'Aubenton. 

CHANSONS 

d"  Mention  :  M.  Hyppolyte  Daguet,  du  Mans  ; 

2e        —         M.  L.  Fauvel,  de  Montigny-lès-Cherlieu  ; 

30        —        M.  Berdoulef,  de  Paris. 


(•}  Les   pièces  couronnées  ont    été  publiées  dans  notre  précédent 
numéro.  —  Les  diplômes  seront  envoyés  à  la  fin  de  janyier. 


122 


LA  CHANSON 


SONNETS 

l"  Mention  :  M.  A.-E.  R.,  de  Mortagne  ; 
2<î        —        M.  Gustave  Deltel,  de  Cardes  ; 
3^        —        M.  Pierre  Pernot,  de  Paris. 

Que  si  quelques  concurrents  s'étonnent  ou  se  plaignent  de 
ne  point  voir  leur  nom  figurer  dans  cette  liste,  nous  nous 
plaisons  à  croire  que  ce  ne  sera  ni  l'auteur  de  la  fable  dans 
laquelle  se  trouvent  les  vers  suivants  : 

Fuya  ■< 

ni  celui  qui  n'a  pas  craint  d'écrire  : 

Ces  vainqueurs  qui  avaient  transcrit  dans  nos  annates 

Valmy.  Fleurns.  Austerlitz,  léna... 
Alors  il  s'élevait,  et  du  fond  de  son  âme 
11  trouvait  des  accents  toujours  pleins  d'ironie  ; 

ni  l'auteur  de  ces  vers  peu  coulants  : 

Que  chacun  à  Paris  pour  rendre  ^râce 
De  Bérenger  [sic)    aux  vertus,  au  grand  cœur, 
liUe  bien  suivre  la  trace  ; 


ni   l'auteur   de   ce   quatrain    dont  la  fin   a   quelque  chose 
d'amer  mais  de  juste. 

Mais  hélas,  de  beaucoup  telle  est  la  pauvre  histoire. 
Qu'on  vous  chante  surtout  quand  vous  ne  chantez  plus. 

ni  enfin  le  poète  qui,  plus  correct,  mais  plus  naïf,  complète 
ainsi  sa  description  de  l'opulence  d'une  parvenue  : 

Aujourd'hui  Lisette  a  des  chevajix,  des  voitures, 
Dans  son  boudoir  ua  faux  printemps. 
Et  sur  son  pain  des  conlitures  ! 

N'est-ce  pas  là  en  effet  le  comble  du  luxe,  et  je  dirai 
même  de  l'insolence? 

Un  des  concurrents,  et  non  des  moins  heureux,  avait 
hasardé  une  rime  que  le  Jury  n'a  pu  admettre  :  libertés  et 
te  luttais.  J'ignore  si  M.  Melvil,  qui  a  remporté  aujourd'hui 
un  deuxième  prix,  et  qui  l'année  dernière  m'avait  fait 
l'honneur  de  m'écrire  pour  combattre  mon  opinion,  qui  était 
celle  du  Jury,  au  sujet  de  la  prononciation  du  mot  mai, 
j'ignore,  dis-je,  si  M.  Melvil  renouvellera  en  faveur  de  hittais 
et  libertés  les  trois  arguments  qu'il  invoquait  alors,  à  savoir: 
1"  la  rareté  des  mots  pouvant  rimer  avec  mai;  2°  la  pro- 
nonciation de  ce  mot  dans  certaines  localités;  3»  les 
exemples. 

liC  premier  ne  serait  guère  de  mise  ici.  Le  deuxième  me 
remet  en  mémoire  un  passage  du  Roman  chez  la  portière 
d'Henry  Meunier  ;  «  ...Malheureux,  sont-celà  les  sentiments 
que  je  t'ai  inculqués?  »•  Et,  comme  la  lectrice  prononce  ce 
mot  à  la  provençale,  une  des  habituées  s'écrie:  Inculqiièsl 
on  n'a  pas  encore  vu  celui-là.  A  quoi  une  autre  réplique  : 
Ça  doit  être  un  général  espagnol. 

Quant  aux  exemples,  c'est  une  grosse  affaire,  qui  ne  peut 
être  traitée  en  ce  moment.  Il  ne  nous  semble  pourtant  pas 
miil  suffise  de  montrer  qu'une  règle  a  été  violée  quelque- 
fois pour  prouver  qu'elle  n'existe  pas,  alors  surtout  que 
cette  règle  repose  sur  le  bon  sens  et  l'évidence. 

Un  de  nos  collègues  penchait  seul  pour  admettre  la  rime 
controversée,  plus  peut-être  par  indulgence  que  par  convic- 
tion :  .Voyons,  lui  dis-je,  prononce  tout  haut  et  de  suite 
ces  quatre  mots  :  Mars,  avril,  mai,  juin.  Il  le  fit,  et  s'avoua 
vaincu.  Littré  ne  prononce  pas  autrement.  J'irai  plus  loin  : 
Si  les  exemples  autorisent  une  dérogation  aux  règles,  il  me 
sera  donc  permis  d'oser  en  grammaire  ce  qu'on  ose  en  versi- 
fication, et  d'écrire  cette  phrase  :  L'élève  que  j'ai  app'is  à 
écrire...  Ce  n'est  pas  français,  direz-vous.  Il  se  peut,  mais 
j'ai  pour  moi  un  exemple.  Dans  une  de  ses  chansons  les 
plus  justement  admirées.  Déranger,  qui  pourtant  soigne  son 
style,  a  dit  ; 

Vous  que  j'appris  à  pleurer  sur  la  France. 

Par  ces  motifs,  la  cour  confirme. 

Outre  les  neuf  pièces  qui  ont  été  jugées  dignes  d'un  prix 
et  les  neuf  qui  ont  obtenu  une  mention,  il  serait  injuste 
d'omettre  celles  dans  lesquelles  le  Jury  a  reconnu,  dans  des 
proportions  inégales,  des  qualités  de  pensée,  de  style  ou  de 
mouvement.  Je  citerai  donc,  en  terminant,  pour  continuer 
mon  rôle  de  fidèle  rapporteur,  parmi  les  sonnets,  celui  qui 
se  termine  par  ce  vers  : 

Votre  centenaire,  ou  le  fera-t-on  ? 


Bien  dit,  mais  hors  de  la  note  ;  puis  Un  cri,  la  Lyre  de 
Béranger,  et  enfin  le  morceau  qui  commence  ainsi  : 

Des  sentiments  du  peuple  humble  dépositaire. 

Les  poésies  libres  les  plus  remarquées  portent  les  titres 
suivants  :  Souvenir;  Ballade  en  l'honneur  de  Béranger,  et 
le  Dieu  de  la  chanson. 

En  chanson,  La  Muse  française,  le  Centenaire  de 
Béranger,  Une  Statue  à  Béranger,  puis,  malgré  l'exagéra- 
tion de  son  pessimisme,  la  Chanson  de  nos  jours. 

Le  Jury  dont  je  viens  d'exposer  les  travaux,  était  com- 
posé, comme  l'année  dernière,  de  MM.  Valade,  d'Hervilly, 
Charles  Vincent,  Baillet,  de  Bornier,  Ponsard,  Claretie, 
Chebroux,  et 

EuG.  IMBERT. 


PAUVRES  AWIOURS!  (*) 


Froid  et  brumeux  voici  venir  Octobre, 
De  longs  frissons  semblent  passer  dans  l'air, 
De  ses  rayons  le  soleil  est  plus  sobre, 
L'oiseau  se  tait,  tout  annonce  l'hiver  ; 
Vous  qui  cherchez  et  l'ombre  et  le  mystère, 
En  vagabonds  vous  qui  courez  tous  nus, 
Lorsque  les  froids,  bientôt,  seront  venus, 
Pauvres  amours,  comment  allez-vous  faire? 

Voici  venir  les  sombres  jours, 

Que  je  vous  plains,  pauvres  amours  I 

Au  fond  des  bois,  dans  d'épaisses  cachettes 
Vous  embusquant  comme  de  vils  gredins, 
En  avez- vous  surpris  de  ces  fillettes? 
En  avez-vous  commis  de  ces  larcins? 
Mais,  dépouillant  les  retraites  ombreuses 
Oii  vous  alliez  vous  glisser  en  sournois, 
Le  sombre  hiver,  hélas  !  pour  de  longs  mois 
Revient,  chassant  les  colombes  frileuses. 

Voici  venir  les  sombres  jours, 

Que  je  vous  plains,  pauvres  amours! 

Adieu  pour  vous,  adieu  les  heures  fi'anehes, 
Vous  n'irez  plus  battant  les  verts  buissons, 
Faisant  vos  nids  dans  l'herbe,  sous  les  branches, 
Foulant  aux  pieds  les  futures  moissons  : 
Car  il  faut  dire  aussi,  petite  engeance, 
Que  dans  vos  jeux  vous  ne  respectez  rien. 
Que  vous  riez  au  nez  de  tout  gardien. 
On  a  pour  vous  toujours  tant  d'indulgence. 

Voici  venir  les  sombres  jours, 

Que  je  vous  plains,  pauvres  amours  ! 

Gentils  enfants,  pour  nos  sombres  demeures 
Si  vous  quittez  les  bois,  le  beau  ciel  bleu, 
Il  est  encor  pour  vous  de  douces  heures 
Que  vous  saurez  trouver  auprès  du  feu. 
Discrètement  vivant  là,  portes  closes, 
Dans  le  satin  ou  la  bure  blottis, 
Vous  attendrez,  ô  mes  pauvres  petits, 
Que  le  printemps  ait  réveillé  les  roses. 

Voici  venir  les  sombres  jours, 

Que  je  vous  plains,  pauvres  amours  1 

,rf,7.  Ernest  CHEBROUX. 

de  La  Lice  Chansonnière. 


{")  Pour  paraître-  prochainement  chez  Labbé,  éditeur,  rue 
Notre-Dame-de-Nazareth,  32. 


LA  CHANSON 


123 


BRINGUE  &  FRINGUE 

CHANSON    DE    BORD 

A  mon  vieux  matelot  Gustave  AIMARD 

Allons,  matelots,  allons  ! 
Bringue  et  fringue  ! 
Fringue  efbringue  ! 

Allons,  matelots,  allons  ! 

La  terre  est  sous  nos  talons. 
'  Comme  aujourd'hui  c'est  dimanche, 
L'hôtesse  qui  se  démanche 
Fourbit  tout...  jusqu'à  ses  seaux  ; 
Et  dire  que  sa  vaisselle 
Qui  ce  matin  étincelle. 
Sera  ce  soir  en  morceaux  I 
J'entends  crier  que  Fanchette 
Règle  à  grands  coups  de  fourchette 
Le  compte  de  nos  repas  ; 
C'est  vrai,  mais  qu'on  lui  pardonne. 
Car  les  baisers  qu'elle  donne, 
Elle  ne  les  compte  pas. 
Puis,  Fanchette  a  tant  de  zèle, 
Qu'on  trouve  toujours  chez  elle 
Des  mets  selon  tous  les  goûts  ; 
A  nos  vœux  toujoui's  propice 
Il  faut  voir  comme  elle  épice 
Nos  plaisirs  et  ses  ragoûts. 
Je  veux  faire  une  toilette 
Ebouriffante  et  complète 
Comme  celle  des  lurons 
Et  veux  à  ma  convenance, 
A  mes  souliers  d'ordonnance 
Une  paire  d'éperons. 
A.yant  part  à  ma  richesse, 
Margot,  comme  une  duchesse, 
Portera  mante  et  chapeau  ; 
Puis  elle  enduira  de  plâtre 
Son  brun  visage  folâtre 
Pour  se  déhâler  la  peau. 
Si  quelqu'un,  par  aventure, 
Nolisant  une  voiture, 
Met  le  cap  sur  le  coteau. 
Nous  en  doublerons  l'allure 
Au  moyen  de  la  voilure 
Et  du  gréement  d'un  bateau. 
Que  le  bourgeois  grogne  au  glose, 
Moi,  j'aime  mordre  à  nuit  close 
Aux  voluptés  de  hasard... 
Il  m'en  faut  de  toute  sorte, 
Ou  bien  avant  que  je  sorte 
Je  chavire  le  bazar. . . 
Car  tel  est  mon  caractère  : 
Aimant  l'amour  sans  mystère, 
Sans  gaze  et  sans  attirail, 
Quand  je  suis  dans  l'opulence, 
Joyeusement  je  m'élance 
Du  cabaret  au  sérail. 

Allons,  matelots,  allons  ! 
Bringue  et  fringue  ! 
Fringue  et  bringue  ! 

Allons,  matelots,  allons  ! 

La  terre  est  sous  nos  talons. 

René  PONSARD. 


A  la  mémoire  de  Doua  Mercedes 

29     NOVEMBRE     1879 


Royale  enfant,  brisée  à  tes  vingt  ans, 
La  mort  t'a  prise  et  jeune  et  triomphante. 
Comme  l'orage,  en  un  jour  de  printemps, 
Brise  la  fleur  superbe  et  rayonnante. 
Dans  le  sépulcre,  où  doucement  lu  dors. 
N'entends-tu  pas  une  voix  qui  te  crie  : 
«  Repose  en  paix,  reste  parmi  les  morts. 
Le  roi  d'Espagne  aujourd'hui  se  marie  !...^i> 

Morte  à  vingt  ans  !  à  l'âge  des  amours 

Ton  triste  sort  intéressa  le  monde; 

On  vit  se  joindre  au  deuil  menteur  des  cours 

Plus  d'un  regret  sur  la  machine  ronde. 

Dans  maint  endroit  le  naïf  murmura 

Emu  devant  tant  de  mélancolie  : 

«  Jamais  le  roi  ne  se  consolera!,.. 

Le  roi  d'Espagne  aujourd'hui  se  marie  ! 

Pour  remplacer  la  pauvre  Mercedes, 
Une  autre  vient  d'une  terre  lointaine, 
Jeune  comme  elle,  et  bientôt  les  Certes 
La  recevront  comme  leur  souveraine. 
Le  flot  montant  a  détruit  les  sillons. 
Tout  est  ruine,  au  pays  de  Murcie... 
Payez,  pour  dot  il  faut  des  miUons... 
Le  roi  d'Espagne  aujourd'hui  se  marie  1 

Au  loin  Cuba  se  révolte  et  se  tord 
Pour  terrasser  ce  monstre  :  l'esclavage  ; 
Le  noir  se  lève  et  méprisant  la  mort 
Répand  partout  le  meurtre  et  le  ravage. 
L'Espagne  souffre  ;  et  qu'importe  ?  le  mal 
Bientôt  va  fuir  devant  la  dynastie... 
Dansez,  chantez,  fêtez  l'Escurial, 
Le  roi  d'Espagne  aujourd'hui  se  marie  !... 

La  mort  t'a  mise  au  dessous  du  petit 
Toi  qui  vivante,  un  jour  te  trouvas  reine; 
La  mort  t'a  mise  au  dessous  du  proscrit, 
Mais  de  ton  front  elle  a  chassé  la  haine 
Bien  plus  heureuse,  enfant,  que  maint  vivant 
Tu  ne  crains  plus  le  poison  de  l'envie. 
Qui  vient  frapper  le  roi  le  plus  puissant  !.. . 
Le  roi  d'Espagne  aujourd'hui  se  marie  !... 

Dors,  mon  enfant,  ne  te  réveille  pas  ! 
Et  que  te  fait  la  couronne  royale?. . . 
Dors,  dors  en  paix  le  sommeil  du  trépas, 
Sans  regretter  ta  couche  nuptiale. 
Tous  ces  serments  qu'on  prononce  aujourd'hui 
On  te  les  fit,  à  toi  que  l'on  oublie.. . 
Dors,  mon  enfant  ;  dors  sans  songer  à  lui... 
Le  roi  d'Espagne  aujourd'hui  se  marie!... 
Charles  PÉAN, 

Inédit.  de  la  Lice  Chansonnih^e . 


A     M.     A.     PATAY 

Directeur  de  LA  CHANSON 

La  Fable  et  la  Chanson  sont  de  même  famille, 
Accordez-leur  le  même  droit; 

Celle-là  c'est  la  mère  et  celle-ci  la  fille, 
Logez-les  sous  le  même  toit. 

Elisée  KLOTZ. 


124 


LA  CHANSON 


CHANSON  D'HIVER 

Musique  à  faire 
A    mon    ami    Jules     GAULLE  T. 

Les  bois  feuillus  reverdiront 

—  Patientez,  mes  belles  — 
Pour  ombrager  votre  doux  front 

De  leurs  feuilles  nouvelles  ; 

Les  oiselets  reohanteront 

—  Gazouillez,  jeunes  belles  — 
Encor  vos  doigts  fins  cueilleront 

Les  grains  bleus  des  brimbelles  ; 

Les  fraises  aussi  mûriront 

—  Comptez  les  jours,  ô  belles  — 
Mais  vos  bouches  leur  font  affront, 

Etant  plus  fraîches  qu'elles  ; 

Les  herbes  du  val  grandiront 

—  Réjouissez-vous,  belles  — 
Nous  danserons  encore  en  rond, 

Ou  bien  en  ribambelles  ; 

Les  lys  des  étangs  s'ouvriront 

—  Consolez-vous,  mes  belles  — 
Bientôt  vos  yeux  rêveurs  suivront 

En  l'air  les  hirondelles  ; 

Les  genêts  d'or  refleuriront 

—  Songez-y,  toutes  belles  — 
Voici  ipai  :  vos  amants  sauront 

Si  vous  êtes  fidèles. 

Georges  NARDIN. 


SOCIETE  LITTERAIRE  ET  LYRIQUE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  5  DECEMBRE  1879. 

Les  caprices  atmosphériques  qui  transforment  Paris  en 
cité  groënlendaise  ont  nalureilement  empêché  beaucoup 
des  membres  du  Caveau  d'assister  au  Banquet  de  décembre. 
Le  toast  du  Président  Grange,  qui  souhaitait  la  bienvenue 
aux  chansonniers  retour  de  villégiature,  n'a  donc  pas  eu 
tous  les  auditeurs  sur  lesquels  on  devait  compter.  Il  n'en  a 
pas  moins  été  chaleureusement  accueilli;  le  passage  où 
M.  Grange  donnait  un  souvenir  aux  amis  absents  pour 
toujours  a  surtout  vivement  ému.  — Imbert  dira  ce  qu'il 
voudra,  les  toasts  ont  décidément  du  bon. 

M.  Duvelleroy  a  profité  du  Dernier  Banquet  de  l'année 
pour  dresser  un  rapide  bilan  de  1879.  Du  goût  et  une 
mordante  ironie  signalent  cette  chanson. 

M.  Mouton-Dufraisse  met  en  couplets  réussis  divers 
préceptes  gastronomiques,  philosophiques,  moraux  plus  ou 
moins  avec  ce  refrain  :  Vous  m'en  direz  des  nouvelles. 
M.  Ripault  chante  les  Résignations  forcées  sur  un  ton  peu 
mélancohque. 


Il  faut  souffrir 


'  peut  empêcher. 


On  devine  les  traits  soulignés  par  ce  vers. 

M.  Fouache,  lui,  célèbre  Une  Invention  nouvelle  permet- 
tant aux  belles-petites  du  jour  de  reconstituer  aisément  leur 
capital.  Sujet  scabreux,  traité  avec  la  légèreté  voulue. 
M.  Piesse  est  en  pleine  bucolique  avec  son  Tic-tac,  de 
coupe  heureuse.  M.  Grange  préfère  un  de  ces  sujets  à  tiroirs 
pu  il  excelle.  Les  Fiches  de  consolation  tentent  aujourd'hui 
sa  verve.  Le  mari  trompé  couvert  d'honneurs,  l'auteur  sifflé 
qui  voit  tomber  un  confrère,  le  joueur  décavé  souffletant  un 


grec,  le  mourant  espérant  une  seconde  vie,  autant  de 
tableaux  tracés  avec  des  couleurs  chatoyantes  et  d'une 
exactitude  impitoyable. 

M.  Montariol  n'en  est  plus  à  son  premier  regret  ;  il  y  a 
beau  jour  qu'il  lui  paraît  triste  d'être  de  la  même  race  que 
MM.  Philippart,  Blanqui  et  Baudry  d'Asson.  —  Qui  ren 
pourrait  blâmer? 

M.  Ordonneau  voit  intelligemment  passer  le  Bout  de 
l'oreille  sous  les  travestissements  variés  des  humains. 
M.  Fénée  met  en  scène  dans  les  Tromperies  de  Jean  Giblou 
un  paysan  qui  substitue  volontairement  le  mot  vrai  à  l'expres- 
sion parlementaire  et  s'en  excuse  chaque  fois  avec  une  feinte 
bonhomie.  Erreurs  serait,  à  mon  avis,  un  titre  plus  exact 
que  Tromperies. 

M.  Pingray  chante  avec  émotion  Quelques  couplets  inti- 
tulés Si  j'avais  sm.' Je  regrette  de  le  dire,  il  n'a  pas  su,  cette 
fois,  donner  à  sa  chanson  une  forme  suffisante  pour  voiler 
la  pauvreté  du  fond.  11  a  fait  et  fera  mieux. 

Charles  Vincent  terminera  ce  compte-rendu  comme  il  a 
terminé  la  séance  des  chants.  Deux  productions  nouvelles, 
Matérialisme  et  Spiritualisme  et  le  Soleil  de  la  Saint-Martin 
ont  fait  apprécier  les  mérites  divers  de  sa  muse.  La  première 
est  d'une  philosophie  mâle,  la  seconde  est  gracieuse  avec 
des  choses  très-fines  de  sentiment. 

L.-Henry  LECOMTE. 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANQUET  DU  3  DÉCEMBRE 


Quelle  soirée  glaciale,  ô  dieux  et  déesses  !  Et  toi  surtout, 
pauvre  Mercure,  comme  tu  devais  être  ratatiné  au  fond  de 
ton  tube  de  cristal  !  Salle  froide,  vin  froid,  et  même  quelques 
chansons. . .  Dame,  sur  vingt-huit  morceaux,  il  peut  bien 
s'en  glisser  quelques-uns  qui  ne  soient  pas  de  première 
chaleur. 

Est-ce  l'influence  de  la  température?  La  note  élégiaque 
a  paru  dominer  d'abord  :  Le  Lys,  idylle  gracieuse  en 
triolets,  d'Albert  Godet  ;  le  Cimetière  du  village,  touchante 
imitation  de  Gray,  par  Byon,  tout  en  nous  berçant  agréa- 
blement, ne  nous  réchauffaient  pas.  Encore,  si  l'on  avait 
pu  applaudir...  des  pieds  ! 

Notez  que,  par  une  ironie  peut-être  déplacée,  Péan 
entonne  sa  Chanson  d'hiver  ;  Chebroux,  qui  n'a  pas  meilleur- 
cœur,  soutient  que  L'hiver  a  ses  beaux  jours  ;  enfin,  comme 
pour  mettre  le  comble  à  notre  exaspération,  Jouy  s'écrie  d'un 
air  qui  voulait  paraître  convaincu  :  Le  printemps  est  chez 
nous  ! 

Montrez-moi  ça,  avais-je  envie  de  lui  dire.  Mais  Echalié 
s'est  chargé  de  la  réponse,  et  sa  chanson,  que  j'avais 
entendue  le  mois  dernier  au  Caveau,  n'a  rien  perdu  de  sa 
bonne  humeur  ni  de  son  actualité. 

Le  thermomètre  lyrique  remontait.  La  gaudriole  pouvait 
entrer  en  scène.  Jeannm  alors  a  procédé  à  son  Examen  de 
conscience  :  quel  examen,  et  quelle  conscience  !  Puis  le 
Passage  du  Désir,  dont  vous  devinez  le  sujet;  puis  Bras 
dessus  bras  dessous  de  Cahen  et  Lebeaux,  tableau  grivois 
plein  de  vérité  ;  Ten  raffole,  chanson  comique  de  Baux  ; 
Petite  Sœur,  récit  plus  fin,  mais  encore  égrillard  d'Hachin; 
et  C'est  l'  premier  et  C'est  V  dernier,  et...  que  sais-je?  La 
gaieté  se  dégelait,  sinon  l'air.  Il  n'est  pas  jusqu'à  Caron, 
le  poète  iambique,  qui  n'ait  sacrifié  aux  grâces  faubou- 
riennes :  Ce  ti'esù-pas  nous  qui  verrons  ça,  chanson  sous  le 
pouce,  renferme  des  couplets  bien  frappés  ;  mais  je  dirais 
volontiers  à  l'auteur,  non  pas  comme  Voltaire  à  son  confrère 
André  :  Faites  des  perruques  ;  mais  :  Faites  des  sonnets,  des 
satires,  des  poèmes  même,  plutôt  que  des  couplets  à  tiroirs. 
Non  omnia  possumus  omnes,  a  dit  Virgile,  et  La  Fontaine  : 
Ne  forçons  point  notre  talent.  Vous  imaginéz-vous  Colmance 
écrivant  une  tragédie?  La  chanson  et  ses  adeptes  seraient 
fiers  d'une  recrue  de  celle  valeur,  mais,  avec  ses  habitudes 
d'esprit,  il  lui  faudra  un  peu  d'étude  et  beaucoup  d'efforts. 
La  Fleur  du  souvenir,  voilà  une  charmante   inspiration  ! 


LA  CHANSON 


125 


Béranger  et  sa  statue,  la  grande  préoecupation  du 
moment,  ne  pouvaient  manquer  d'inspirer  encore  quelques 
beaux  vers.  Baillet,  un  des  membres  du  Comité,  n'a  pas 
failli  à  sa  tâche  ;  il  a  obtenu,  par  ses  couplets  chaleureux, 
un  succès  qui  va  se  continuer  sur  toutes  nos  scènes  chan- 
tantes. Voici  la  première  strophe  et  le  refrain,  privés  de  la 
musique  de  Tac-Coën  : 

Assez  de  piédestaux  aux  rois  ! 
La  France,  aujourd'hui  citoyenne. 
Oubliant  ces  briseurs  de  lois. 
Rêve  de  gloire  plébéienne. 
Pensons  aux  nobles  par  le  cœur 
Plus  qu'aux  nobles  par  la  naissance. 
Béranger,  ton  nom  dit  :  Honneur, 
Patrie,  amour,  indépendance. 

Au  grand  poète,  au  citoyen 
Dont  la  muse  trop  tôt  s'est  tue, 
A  Béranger.  l'homme  de  bien, 
La  France  doit  une  statue. 

Puisqu'on  avait  passé  du  dou.Y  au  grave,  Vatinel  ne 
pouvait  mieux  venir.  D'une  voix  émue  il  nous  a  fait  comme 
un  adieu,  non  le  dernier,  espérons-le.  Je  veux  chanter 
encore,  s'écrié-t-il,  malgré  la  vieillesse,  malgré  les  temps 
orageux,  malgré  les  malheurs  passés. 

Le  souvenir  n'éteint  pas  l'espérance  ! 

Et  il  a  raison.  Puissions-nous,  comme  le  poète,  puiser  au 
contraire  dans  les  leçons  de  l'adversité  un  courage  nouveau 
pour  affronter  les  luttes  du  lendemain  ! 

C'est  ce  que  je  vous  souhaite,  mes  chers  frères,  et  aussi 
d'avoir  les  pieds  plus  chauds  que  je  ne  les  ai  eus  ce  soir-là. 
Et  voyez  les  conséquences  désastreuses  de  cette  séance  trop 
sibérienne  :  le  lendemain  au  matin,  la  neige  commençait  u 
tomber. 


Et  la  neige  tombe  toujo 


E.  IMBERT. 


DEUX  MOTS 


Un  correspondant  désire  connaître  ma  pensée  sur 
l'œuvre  nouvelle  de  MM.  Sarrade  et  Ben  Tayoux  : 
France,  hymne  national  de  la  Paix. 

Je  répondrai  en  deux  mots  : 

Les  idées  qui  doivent  constituer  le  fonds  littéraire 
d'un  chant  national  ont  été  développées  par  Victor 
Hugo  dans  la  dernière  pièce  des  Châtiments  :  n  Lux  » 
(le  jour,  opposé  à  Nox,  la  nuit). 

Une  symphonie  funèbre  et  triomphale,  composée 
par  Berlioz  pour  l'apothéose  des  victimes  de  Juillet, 
le  seul  des  ouvrages  du  grand  maître  français  qui 
soit  devenu  populaire,  présente,  par  l'ampleur  de 
ses  formes,  l'indicible  majesté  de  sa  mélodie  on- 
doyante, l'énergie  pompeuse  et  calme  de  son  accent, 
tous  les  genres  de  beauté  par  lesquels  une  compo- 
sition devient  immortelle . 

Condensez  l'intuition  prophétique  du  poète,  sachez 
vous  élever  jusqu'au  lyrisme  de  son  livre  vengeur  ; 

Faites  jaillir  de  votre  poitrine,  en  un  jour  de 
surexcitation  sublime,  des  accords  aussi  vibrants 
que  ceux  du  musicien  et  vous  aurez  produit  V Hymne 
de  la  Paix. 

A  vous  d'examiner  si  France  est  le  chef-d'œuvre 
attendu  ;  à  l'avenir  de  prononcer  sans  appel. 

A.  ÉDÉMA. 


Après  la  réponse  de  notre  collaborateur  Edéma  à 
l'article  de  M.  Ange  Pitou,  j'aurais  voulu  moi  aussi 
répondre  quelques  mots.  Le  manque  de  place  m'a 
forcé  à  les  remettre  au  présent  numéro.  M.  Pitou 
a  cru  sans  doute  bien  m'embarrasser  en  disant  que 
le  moment  était  bien  mal  choisi  par  les  admirateurs 
de  Béranger  de  publier  une  critique  violente  de  la 
Marseillaise,  et  il  me  demande  si,  le  cas  échéant,  je 
publierais,  sans  en  dégager  tout  au  moins  la  respon- 
sabilité du  journal,  un  article  hostile  à  Béranger. 
Certes  si  on  apportait  à  La  Chanson  soit  une  diatribe, 
soit  un  pamphlet  contre  Béranger,  cela  ne  verrait 
pas  le  jour  dans  nos  colonnes,  mais  une  critique 
honnête,  juste  et  de  bonne  foi,  y  serait  accueillie  par 
nous  qui  ne  croyons  pas  plus  Béranger  impeccable 
que  le  pape  infaillible. 

Mais  revenons  à  la  Marseillaise.  M.  Pitou  nous 
paraît  douter  que  Rouget  de  Lisle  fut  un  officier 
royaliste.  D'autres  chants  du  même  auteur,  écrits 
depuis  la  Marseillaise,  prouvent  qu'il  le  fut  toujours. 
M.  Pitou  dit  qu'il  a  bien  le  droit  de  s'étonner  et  de 
signaler  ce  qu'il  appelle  une  eri'eur  de  tactique  de  ma 
part. 

//  n'appartient  à  personne,  ajoute  M.  Pitou,  de 
dénier  à  l'hymne  de  Rouget  de  Lisle  un  caractère 
consacré  par  le  temps  et  qui  ne  lui  a  jamais  été  contesté. 

Je  vais  encore  une  fois  bien  surprendre  M.  Pitou 
en  lui  mettant  sous  les  yeux  le  jugement  de  Proudhon 
le  grand  révolutionnaire. 

...  La  Marseillaise  n'est  qu'une  amplification  de  rhéto- 
rique, pareille  à  une  harangue  de  Vergniaud  ou  de  Robes- 
pierre. L'intention  en  était  bonne;  l'enthousiasme  et  la 
colère  y  bouillonnent  ;  elle  fit  bien  son  service,  mais  c'est 
tout  ce  que  la  critique  peut  dire  à  son  avantage.  Le  style  est 
factice,  emphatique  et  vide,  un  Uett  commun  du  commen- 
cement à  la  fin.  L'auteur  n'a  trouvé  ni  pensées,  ni  expressions 
originales,  et  l'on  peut  douter  aujourd'hui,  en  relisant  cette 
pièce,  si  le  peuple  qui  l'adopta  pour  hymne  national  et  qui 
la  chantait  en  marcliant  à  l'ennemi,  avait  réellement  cons- 
cience de  lui-même,  s'il  était  mûr  pour  la  liberté.  A  cet 
égard,  je  n'hésite  point  à  dire  que  le  Chant  des  Travailleurs 
de  1850  me  paraît  une  inspiration  plus  vraie,  plus  réelle, 
d'un  idéalisme  par  conséquent  plus  profond  que  la  Mar- 
seillaise. 

P.-J.  PROUDHON. 

A  ce  jugement  plus  que  sévère,  qui  laisse  bien 
loin  derrière  lui  la  modeste  critique  de  notre  colla- 
borateur Edéma,  j'oppose  le  vers  du  poète  Barthé- 
lémy, disant  de  la  Marseillaise  «  ce  chant  tombé  du 
ciel  dans  la  tête  d'un  homme  «,  et  je  conclus  que, 
loin  de  nier  l'œuvre  accomplie  par  la  Marseillaise, 
je  suis  surpris  qu'un  gouvernement  républicain  n'ait 
pas  encore  accompli  po'ur  Rouget  de  Lisle  ce  que 
nous  réaliserons  pour  Béranger.  Ce  que  la  France 
anti-cléricale  doit  à  Béranger,  l'Etat  le  doit  à  Rou- 
get de  Lisle.  La  statue  de  Béranger  à  Paris,  celle  de 
Rouget  de  Lisle  à  Lonsle-Saulnier,  voilà  ce  que 
nous  verrons  en  1880. 

^  A.  PATAY. 

Nous  recevons  la  lettre  suivante  que  l'impartialité 
nous  fait  un  devoir  de  publier  : 

Monsieur, 

Le  rédacteur  du  compte-rendu  de  la  séance  annuelle  de  la 
Société  des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs  de  musique,  se 
demande  ce  que  signifiaient  les  «  Ne  votez  pas!  criés  de 
toute  la  force  de  leurs  poiunons  par  les  membres  de  la 
commission  des  comptes. 


126 


LA  CHANSON 


Ces  messieurs  n'avaient -nullement  l'intention  d'empêther 
le  vote  pour  le  remplacement  des  syndics,  vote  qu'ils  avaient 
proposé  eux-mêmes  de  mettre  à  la  fin  de  la  séance  ;  seule- 
ment, voici  ce  qui  est  arrivé  : 

M.  Rhodé  ayant  remis  à  M.  Paul  Avenel  un  ordre  du  jour 
invitant  le  syndicat  à  voter  dans  sa  première  séance  la  révo- 
cation de  l'Agent  général  Rollot,  conclusion  naturelle  du 
rapport  de  la  commission  des  comptes,  M.  Paul  Avenel  s'est 
empressé...  de  ne  pas  le  mettre  aux  voix. 

C'est  pour  ce  motif  que  la  commission  essayait,  en  vain, 
d'empêcher  les  sociétaires  de  voler  pour  le  remplacement 
des  syndics  sortants  avant  qu'ils  se  soient  prononcés  sur  cet 
ordre  du  jour,  qui  a  été,  fort  adroitement,  je  dois  le  dire, 
escamoté  par  le  président  du  syndicat.  La  preuve,  c'est  qu'à 
ce  sujet,  une  protestation  que  j'ai  enire  les  mains  a  été  ré- 
digée séance  tenante  et  signée  par  quinze  sociétaires. 

"Donc,  Monsieur,  je  vous  prie,  en  mon  nom  personnel,  de 
voulou'  bien  donner,  dans  votre  prochain  numéro,  une  petite 
place  à  la  rectification  ci-dessus,  ce  dont  je  vous  serai  infi- 
niment obligé. 

Veuillez  agréer  mes  salutations  empressées. 

L.  CABILLAUD, 

Secrétaire  de  la  Co7nmission  des  comptes. 


BIBLIOGRAPHIE 


Souvenirs  de Fi'édérick  Lemaîlre^publiés.par  son  fils. 
—  Paris,  Ollendorf,  1  vol.  in-18. 

Dès  volurûineux  Mémoii'es  rêvés  par  Frederick 
Lemaître  pendant  vingt  années,  et  qui  devaient  être 
l'histoire  dramatique  de  trois  quarts  de  siècle, 
aucun  chapitre  ne  fut  écrit.  Le  titre  du  volume 
publié  par  M.  Lemaître  fils  est  donc  une  supercherie 
contre  laquelle  je  dois  mettre  en  garde  le  lecteur. 

Un  ne  retrouve  dans  ces  Souvenirs  ni  la  force 
pathétique  ni  la  verve  spirituelle  que  le  grand 
comédien  dépensait  au  théâtre,  dans  la  conversaBon, 
ou  dans  sa  correspondance.  M.  Lemaître  fils  rend 
à  la  mémoire  de  son  père  un  hommage  contestable 
en  lui  attribuant  ce  recueil  banal  où  des  idées 
yulgaires  sont  exprimées  dans  un  style  médiocre  et 
souvent  incorrect.  —  «  Que  les  pères  sont  malheureux 
d'avoir  des  fils!  «  disait  le  profond  Robert  Macaire.. 

La  critique  ne  peut  être  qu'indifférente  à  cette 
spéculation  de  librairie. 

Jules  Bailly  :  Les  Heures  de  soleil,  poésies.  Paris, 
A.  Ghio,  1  vol.  in-18. 

Les  «  heures  de  soleil  «  sont  les  moments  bénis 
où  la  muse  arrache  le  poète  aux  platitudes  et  aux 
misères  de  la  réalité  pour  le  transporter  dans  le 
resplendissant  pays  du  rêve. 

M.  Jules  Bailly  fait  remonter  à  son  enfance  sa 
première  rencontre  avec  la  muse.  Elle  lui  fit  alors 
prêter  une  oreille  attentive  au  langage  des  choses  et 
des  êtres.  Ces  goûts  de  saine  rêverie  se  sont 
développés  avec  le  temps.  M.  Jules  Bailly  est 
aujourd'hui  un  amant  passionné  de  la  nature,  un 
fraternel  consolateur  de  ceux  qui  souffrent,  un 
croyant  robuste. 

Le  volume  élégant  qu'il  offre"  au  public  contient 
toutes  ses  poésies  composées  de  1854  à  1879,  et 
publiées  déjà,  la  plupart,  dans  divers  recueils  lit- 
téraires. C'est  une  œuvre  considérable  et  digne 
d'examen. 

Les  strophes  attendries  y  coudoient  les  chants 
mâles,  et  toujours  le  poète,  respectueux  du  lecteur 
et  de  lui-même,  poursuit  l'idéal  dans  les  chemins  de 
ja  justice  et  de  la  vérité.  Il  unit,  à  l'originalité  du 


fond,  la  perfection  de  la  forme.  On  en  jugera  par  ce 
drame  laconique,  intitulé  Fidélité  : 

Julie  avait  vingt  ans,  œil  noir,  cheveux  d'ébène, 
La  mort  de  ses  amours  avait  rompu  la  chaîne  : 
Un  an  s'était  passé  depuis  que  son  époux 
L'avait  vue,  en  mourant,  pleurer  à  ses  genoux, 

L'autel,  la  revoyant  toujours  joyeuse  et  belle, 
Pour  la  seconde  fois  s'allumait  devant  elle. 
—  L'œil  pensif,  et  couché  sous  le  soleil  nouveau, 
Un  grand  chien  noir  veillait  à  côté  d'un  toinbeau. 

Les  pièces  les  plus  remarquables  du  volume  sont 
évidemment  celles  où  l'auteur  parle  des  deux  enfants 
qu'il  a  perdues.  Ce  sont  des  pages  charmantes  et 
que  ne  liront  pas  sans  attendrissement  ceux-là  sur- 
tout qui  ont  subi  la  même  douloureuse  épreuve  : 
Oh  !  que  se  passe-t-il  au-delà  du  cercueil, 
■Dieu  puissant,  qui  donnez  ou  la  joie  ou  le  deuil? 
Et,  puisqu'on  vous  le  cœur  meurtri  de  l'homme  espère. 
Montrez,  dans  votre  ciel,  ces  enfants  à  leur  père, 
Plus  beaux,  plus  radieux  qu'ils  n'étaient  parmi  nous  !  •- 

Vous  le  verrez  tomber  dans  l'ombre'  à  vos  genou,\. 
Et  leur  tendre  les  bras,  et  chanter  que  vous  êtes 
Libre  de  nous  trouble!'  au  milieu  de  nos  fêtes  !... 

•    Je  voudrais  multiplier  les  citations,  mais  la  place 
me  manque, 

Je  crois  au  succès  de  ce  livre  sincère,  honnête, 
académique  dans  le  bon  sens  du  mot,  et  je  serre 
cordialement  la  main  du  poète. 

L.-Henry  LECOMTE. 


LES  TETES  DE   BOIS 

Sous  ce  titre  original,  un  petit  groupe  d'artistes  : 
peintres,  poètes  et  littérateurs,  fêtaient,  le  samedi 
29  novembre,  leur  première  réunion  d'hiver  dans 
un  dîner  intime  et  sans  façon  où  l'esprit  et  même  la 
gaîté  n'étant  pas  défendus,  chacun  usa,  — ^^  abusa  large- 
ment de  la  permission.  Mais  il  paraît  que  personne' 
ne  s'en  est  plaint. 

Guère  plus  que  les  Aventuriers  de  la  mer  de  Hugo 
en  arrivant  à  Cadix,  nous  étions  à  peine  une  quin- 
zaine : 

—  Colombel,  l'infatigable  organisateur  de  ces 
agapes  artistiques,  arborant,  comme  l'étendard  de 
l'intelligenoe,  son  vaste  front,  superbe,  olympien  !  — 
Henri  de  Beaulieu,  coloriste  à  outrance,  et  de  plus 
très  brillant  causeur  et  poète  raffiné,  témoin  le  sonnet 
intitulé:  La  Couleuvre,  qu'il  détaille  en  perfection;  — 
le  critique  d'art  Jean  Dolent,  collectionneur  au  flair 
exercé,  esprit  chercheur  —  et  trouveur,  qui  veut  bien 
de  temps  en  temps  nous  offrir  le  régal  d'un  plat  choisi 
de  ses  «  vers  d'éventails  )>,  selon  la  coquette  expres- 
sion de  l'auteur,  sachant  combien  nous  en  sommes  tous 
friands!  —  puis  les  peintres  Rapin  et  Besnus; 
Bigot,  de  la  Vie  Moderne,  à  qui  nous  devons  la  joie 
d'avoir  reçu  une  carte  d'invitation  illustrée  d'un 
crayon  à  la  fois  aisé  et  facétieux;  — Jules  Gaullet, 
le  sympathique  représentant  de  la  librairie  Char- 
pentier ;  —  Antony  Valabrègue,  poète  plein  de 
distinction,  clair-obscuriste  exquis  apprécié  des 
délicats;  —  Léon  Duvauchel,  Paul  Debrie,  le  doux 
Sterne;  l'aqUa-fortiste  Teyssonnières ;  et  enfin,  le 
lyrique  Georges  Nardin  et  sa  mèche  blonde,  un 
nom  que  les  lecteurs  de  La  Chanson  verront  ici  avec 
plaisir. 


LA   CHANSON 


127 


Au  dessert,  comme  il  convient,  les  poètes  ont  dit 
des  vers.  Valabrègue  a  lu  J.e  Cidre  et  Paysage 
d'hiver,  deux  pièces  remarquables;  Besnus  a  chanté 
d'une  façon  ravissante  l'immortelle  Chanson  de 
Musette  et  les  Corbeaux  de  Murger,  que  le  grand 
bohème  lui  demand-nt  souvent  lui-même  d'inter- 
préter, et  dont  le  souvenir  ému  faisait  en  ce  moment 
trembler  la  voix  ;  Dolent  nous  a  donné  la  primeur 
de  nouveaux  «vers  d'éventails  »,  frais  éclos;  Nardin 
a  dit  un  sonnet  que  le  défaut  de  place  nous  empcclie 
de  reproduire, et  surtout  de  Beaulieu  a  fait  s'esclaffer 
toute  la  tablée,  avec  des  maximes  du  fameux  Dela- 
croix, mises  en  vers  et  traduites  mot  à  mot.  C'a 
été  le  bouquet  de  rires  de  cette  inoubliable  soirée. 

Il  était  plus  de  minuit,  qu'on  songeait  seulement 
au  départ. 

Alors,  dans  une  accolade  générale,  les  Tètes  de 
Bois  s'entre-ohoquèrent  fiévreusement  ;  on  se  dit 
adieu  comme  pour  une  suprême  séparation  :  les 
pleurs  coulaient;  des  serments  s'échangeaient.  On 
dut  nous  arracher  des  bras  l'un  de  l'autre... 

C'était  poignant! 

UNE  TÈTE  DE  BOIS. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Dimanche  23  novembre,  la  Fanfare  la  Sirène 
donnait  son  banquet  de  la  Sainte-Cécile.  Un  grand 
nombre  d'invités  assistait  à  cette  fête  intime. 

Plusieurs  poésies  et  chansonnettes  ont  brillam- 
ment terminé  cette  jojeuse  soirée  où  la  cordialité 
la  plus  parfaite  n'a  cessé  de  régner. 

Nous  avons  surtout  applaudi  un  jeune  artiste, 
M.  Maire,  qui  a  dit  avec  beaucoup  de  goût  les  Amnis- 
ties, de  Louise  Coppe.  Cet  ai'tisto  a  des  moyens  et  de 
la  persévérance.  Nous  l'en  félicitons.  Bien  des  com- 
pliments à  MM.  Corbin,  Bourol,  Micou,  Mercier, 
Strenbel  et  à  l'intarissable  Boivin. 

Nous  avons  eu  à  regretter  l'absence  de  deux 
invités,  MM.  Maréchal,  comique  désopilant,  grave- 
ment malade  en  ce  moment,  et  Jules  Raux,  le  sym- 
pathique auteur-composiieur  dont  un  pas  redoublé 
«  France,  salut f)>  a  été  exécuté  avec  succès  par  la 
fanfare,  cet  été,  aux  concerts  du  Palais-Royal,  du 
Ranelagh  et  de  la  place  des  Vosges. 

M.  Levasseur,  directeur  de  la  Sirène,  a  présidé  le 
banquet  avec  autant  de  charme  que  de  tact  et  de 
bon  goût. 

G.    L. 

Le  24  novembre  salle  comble  à  l'Union  et  Gaîté, 
8,  boulevard  de  Strasbourg.  Citons  MM.  Gressier 
qui  a  dit  l'Enfant  de  Paris,  Auguste  B.  Voilà  com- 
ment on  est  républicain,  Urbain,  membre  d'honneur, 
X  connais  un  coin.  Etiennes  de  l'Union  Artistique 
a  parfaitement  dit  la  Soirée  perdue  d'Alfred  de 
Musset.  A  bon  Chat,  bon  Rat,  proverbe  inédit  en  un 
acte  de  M.  Gabriel,  a  été  bien  interprété.  M.  Andral, 
président  du  cercle  de  l'Amitié,  M.  Bergier  et 
M""  Maria  du  Conservatoire  ont  recueilli  de  nom- 
breux applaudissements. 

En  dépit  de  la  neige  qui  tombait  à  flocons,  les 
invités  de  la  Cordiale  n'ont  pas  manqué  d'assister  à 
la  soirée,  du  4  décembre.  Le  rideau  s'est  levé  pour 
l'interprétation  des  Héritiers  Champignol,  comédie 
de   M.    Gabriel,  jouée   pour  la  première  fois   par 


M"°  Adèle,  MM.^  Georges,  Douillard,  Gabriel  et 
Charles.  Cette  petite  pièce  en  un  acte,  écrite  entrés 
bon  style,  a  été  fort  goûtée.  La  fin,  cependant, 
gagnerait  à  être  retouchée,  car  le  dénouement  est 
si  brusque  qu'il  semble  par  cela  même  invraisem- 
blable. Que  M:  Gabriel  ne  prenne  pas  notre  critiqué 
en  mauvaise  part,  d'autant  plus  que  nous  avons 
applaudi  sincèrement  K'  son  succès.  —  Subitement 
se  dresse  un  point  noir  à  l'horizon  :  le  pianiste 
Marcus,  bloqué  par  la  neige,  n'a  pu  arriver  jusqu'au 
Palais-Royal!  On  se  résigne  donc  à  chanter  sans 
accompagnement.  M.  Marie  commence  hardiment, 
mais  pourquoi  redit-il  sans  cesse  la  même  chanson? 
Nous  aimons  la  variété  même  quand  l'artiste  chante 
agréablement.  Après  M.HenriL.,M.Castelle  a  inter- 
prété avec  beaucoup  d'entrain  la  chanson  de  Ganicet. 
Les  bravos  ont  ensuite  été  partagés  entre  M"°  Mar- 
guerite qui  a  soupiré  gracieusement  l'air  de  Mignon, 
et  le  compositeur  Jules  Raux  qui  nous  a  fait  entendre 
une  nouvelle  chanson  J'en  raffole .  L'auteur  du 
Vieux  buveur  de  vin  et  de  Miaou  est  décidément 
heureux  dans  ses  inspirations,  car  J'en  raffole  est  son 
troisième  succès  de  l'année.  Nous  sommes  surpris 
que  des  sociétés  lyriques  qui  ont  à  leur  disposition 
de  tels  éléments  n'en  profitent  pas  pour  organiser 
quelques  grandes  soirées  dans  une  salle  de  théâtre, 
soit  au  profit  de  leurs  caisses  de  secours,  soit  au 
profit  d'une  bonne  œuvre,  et  même  au  profit  de  la 
Statue  de  Béranger,  soirée  qui,  dans  beaucoup  de 
sociétés,  reste  encore  à  l'état  de  projet  ! 

Nous  avons  assisté,  le  samedi  6  décembre,  au 
banquet  suivi  de  bal,  donné  par  la  Lyre  amicale  de 
Paris  dans  les  salons  Richefeu,  Palais- Royal;  à 
cette  occasion,  5L  Dupont,  président  de  cette  société, 
nous  permettra  de  lui  renouveler  ici  nos  remercie- 
ments pour  l'attentiem  qu'il  a  eue  d'adresser  une 
invitation  au  journal  La  Chanson. 

Un  dîner  de  50  couverts,  dont  le  menu  faisait 
honneur  aux  connaissances  gastronomiques  de  la 
commission  chargée  de  sa  composition,  formait  la 
première  partie  de  la  fête.  Au  dessert,  alors  que  le 
Champagne  pétillait  dans  les  verres,  de  nombreux 
toasts  ont  été  portés,  d'abord,  ainsi  que  l'exigeait 
la  galanterie  française,  à  la  santé  des  dames  qui 
avaient  bien  voulu  embellir  de  leur  présence  cette 
réunion  intime,  puis  ensuite  à  M.  Dupont, le  dévoué 
président  de  la  Lyre  amicale,  et  qui.  à  ce  moment, 
semblait  un  père  entouré  de  sesjoyeux  enfants.  Comme 
on  le  pense  bien,  le  journal  La  Chanson  n'a  pas  été 
oublié,  et  l'on  a  bu  à  sa  prospérité.  Puis,  après  le 
café,  on  a  passé  dans  la  salle  de  bal,  où  l'on  a  dansé 
jusqu'à  6  heures  du  matin  ;  on  s'est  séparé  en  se 
donnant  rendez-vous  pour  l'année  prochaine.  La 
Lyre  amicale  a  prouvé  une  fois  de  plus  qu'elle  était- 
une  des  premières  sociétés  lyriques  de  Paris. 

Le  grand  bal  de  nuit  donné  Salle  Rivoli,  le  6  dé- 
cembre, par  la  société  lyrique  des  Enfants  de  la 
Seine,  à  l'occasion  de  la  Sainte-Cécile,  a  été  des 
plus  brillants.  Par  les  soins  de  cette  société,  la  salle 
Rivoli  avait  été  décorée  avec  un  goût  charmant. 
Tentures,  tapis,  bannières  et  trophées,  rien  n'y 
manquait,  et  la  vue  d'ensemble  offrait  un  agréable 
coup  d'œil.  De  plus,  un  public  nombreux  avait  ré- 
pondu aux  lettres  d'invitation  lancées  par  M.  Can- 
tarel  dans  les  sociétés  lyriques,  bravant  la  neige  qui 
rendait  les  chemins  inaccessibles  aussi  bien  aux  pié- 
tons qu'aux  voitures. 


128 


LA  CHANSON 


Pendant  le  cours  du  bal,  les  Enfants  de  la  Seine 
ge  sont  fait  entendre  dans  une  polka  chantée,  qui 
a  obtenu  les  honneurs  du  bis  et  des  applaudissements 
unanimes,  puis,  vers  trois  heures,  un  grand  feu 
d'artifice,  composé  de  pétards  et  flammes  de  Bengale, 
a  été  tiré  par  les  soins  de  M.  Perrot,  artificier  ordi- 
naire de  la  société,  qui  a  parfaitement  réussi  à  rem- 
plir la  salle  pendant  quelques  minutes  d'une  fumée 
épaisse,  qui  vous  prenait  à  la  gorge.  Bref,  on  s'est 
beaucoup  amusé  au  bal  des  Enfants  dé  la  Seine,  qui, 
leur  président  en  tête,  se  sont  multipliés  pour  faci- 
liter le  service,  tenant  à  honneur  de  soutenir  la  vieille 
réputation  dont  jouit  à  juste  titre  cette  excellente 
société. 

La  vingtième  matinée  lyrique  et  dramatique 
donnée  ledima.nahe7décerabre'pa,vrUniotiA?'tistique, 
avait  attiré,  malgré  le  mauvais  temps,  un  public 
nombreux  au  théâtre  des  Arts. 

Le  succès  a  été  très-vif,  et  il  doit  être  d'autant 
plus  agréable  aux  organisateurs  que  le  programme 
ne  portait  que  des  noms  de  sociétaires.  Trois  pièces 
en  un  acte,  La  Salle  de  police,  les  Trois  Bougeoirs  et 
la  Carte  à  payer,  ont  été  enlevées  avec  entrain  et 
talent  par  MM.  Cherville,  Etienne,  Raymond, 
Gabriel,  Néel,  Roy,  Marcel,  M""'  Legrain  et  Louise. 

Plusieurs  chansons  ou  poésies  complétaient  la 
représentation.  MM.  Urbain,  Denneville  et  Raymond 
dans  la  partie  comique,  M"°'  Roy  et  Lucie  dans  la 
partiesentimentale,  ont  obtenu  des  applaudissements 
nombreux.  M.  Gabriel  a  dit  avec  beaucoup  d'esprit  un 
monologue  intitulé  Je  ne  veux  plus  fumer . 

Entre  les  deux  séances  de  chant,  M.  Dioksonn  a 
beaucoup  intéressé  avec  trois  expériences  de  presti- 
digitation exécutées  fort  adroitement. 

Cette  matinée,  en  somme,  a  été  digne  en  tous 
points  de  la  grande  réputation  de  l'Union  Artistique. 

A.  P. 

La  société  lyrique  La  Nationale,  qui  tient  ses 
soirées  les  dimanches  et  lundis,  3,  rue  de  Rivoli,  a 
donné,  le  lundi  8  décembre,  une  grande  soirée  à 
bénéfice.  Jobin  et  Nunette,  vaudeville  en  un  acte,  a 
été  bien  interprété  par  M"°  et  M.  Masse  ;  des  ro- 
mances et  des  chansonnettes  ont  été  chantées  par 
des  sociétaires  qui  méritent  les  applaudissements 
recueillis;  le  piano  était  tenu  par  M.  Seraene,  le 
jeune  compositeur  qui  compte  déjà  plusieurs  succès 
populaires.  Une  tombola  a  terminé  la  soirée. 

Il  s'est  glissé  dans  notre  dernière  chronique  une 
erreur  que,  sur  la  demande  de  l'intéressé,  nous  nous 
empressons  de  rectifier. 

Nous  avons  annoncé  M.  Corvée  comme  président 
du  Cercle  Mozart.  M.  Corvée  nous  fait  savoir  que, 
depuis  les  dernières  élections,  il  n'est  plus  que  socié- 
taire, et  qu'en  outre,  le  siège  social  du  Cei-cle  Mozart 
est  transféré  108,  rue  du  Temple. 

Le  banquet  annuel  de  la  société  lyrique  La  Re- 
naissance aura  lieu  le  samedi  3  janvier  1880,  dans 
les  salons  du  Grand-Orient,  16,  rue  Cadet,  banquet 
suivi  d'un  grand  bal  avec  orchestre  de  15  musiciens. 
Les  personnes  qui  désirent  assister  au  banquet  et 
au  bal  sont  priées  de  vouloir  bien  se  faire  inscrire 
au  siège  social  de  La  Renaissance,  café  du  Globe, 
8,  boulevard  de  Strasbourg. 

Le  prix  fixé  est  de  7  francs  par  personne,  bal 


compris.  Les  inscriptions  ne  seront  reçues  que  jus- 
qu'au 25  décembre. 

Nous  engageons  vivement  nos  amis  des  sociétés 
lyriques  à  assister  au  bal  de  La  Renaissance,  qui  sera 
l'un  des  plus  beaux  de  la  saison. 

Henry  MA.LLET. 


CHOSES    &    AUTRES 


SOUSCRIPTION  POUR  LA  TOMBE  DE  LEDUC 

Listes  précédentes 28  50 

Denanjeanne,  chansonnier. .  2    » 

Tralin,  éditeur 5    » 

Total...  35  50 

Nous  rappelons  aux  nombreux  amis  retardataires 
que  c.ette  souscription  sera  close  à  la  fin  de  l'armée. 
Le  directeur  de  Z  a  Chanson,  d'accord  avec  M.  Chau- 
mette,  le  président  des  Enfants  du  Marais,  fera 
dans  le  mois  de  janvier  mettre  la  tombe  du  camarade 
Leduc  en  état,  suivant  la  somme  recueillie. 

PASSÉ,  PRÉSENT  ET  AVENIR 

M""  B.  Appoline  M.,  institutrice  franco-améri- 
caine, donne  des  leçons  et  consultations  sur  la  Phré- 
nologie,  la  Physionomonie,  la  Bucomancie,  la  Chiro- 
nomonie  et  la  Chiromancie,  en  français  et  en  anglais, 
de  midi  à  5  heures  et  de  7  à  9  heures,  tous  les  jours 
excepté  le  dimanche,  7,  rue  Rameau  (Place  Louyois). 

—  Marcel,  drame  en  un  acte  en  vers,  de  notre 
collaborateur  Bertol-Graivil,  doit  être  représenté 
prochainement  à.  Toulouse.  M.  Jean  Bernard,  direc- 
teur du  Biographe,  mènera  les  répétitions  de  ce 
drame,  paru,  il  y  a  trois  semaines,  dans  la  Vie 
lyonnaise. 

Il  nous  est  impossible  d'accuser  réception  de  toutes 
les  lettres  que  nous  recevons.  Il  nous  faudrait  pour 
cela  plusieurs  secrétaires  et  une  somme  assez 
ronde  à  afl'ecter  aux  frais  de  correspondance. 

Nous  répondrons  seulement  aux  lettres  accom- 
pagnées d'un  timbre  pour  la  réponse,  et  à  l'avenir 
dans  la  Boite  aux  lettres  de  notre  Journal. 

Nous  recommandons  la  BELLE  SALLE  de  M.  Pi- 
chard,  3,  rue  de  Rivoli.  Cette  salle,  une  des  plus 
belles  de  Paris,  est  encore  libre,  excepté  les 
dimanches  et  lundis. 

L'Echo  musical,  journal  musical  bi-mensuel. 
—  Edit. -direct.  M.  E.  Mahillon,  23,  chaussée  d'An- 
vers, à  Bruxelles.  Un  an,  3  fr:  3Q.  On  s'abonne  dans 
les  Bureaux  de  Za  Chanson.  — Bulletin  des  Sociétés 
musicales  belges.  —  Nouvelles  artistiques  et  théâ- 
trales. 

The  musical  Standard,  le  meilleur  et  le 
plus  grand  des  journaux  musicaux  de  Londres. 
Abonnement  :  15  s.  par  an.  Paraît  tous  les  ven- 
dredis, chez  M.  Reeves,  185,  Fleet-strèet,  Londres, 
(On  s'abonne  aux  bureaux  de  La  Chanson.) 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY 


3'  ANNEE.  —  N»  35. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


1"  JANVIER  1880. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1«'  <5cle  16  de  ohaqvie mois 

les  Aionnements  partent  du  1er  Mai  &  du  1"  Novembre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  .. 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


«OMINISTRATION  Ji  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR   EN    ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


so3ycnyc^û^iE.E 


Galerie  des  Chansonniers  :  Eugène  Grange  (l.-henry  lecomte).— 
Les  Fiches  de  consolation  {eugène  grange).  —  Chanson  du 
nouvel  an  (g.  leprévost).  —  Aux  Chansonniers  (eugène 
CHATELAIN).  —  Le  vieux  berger  des  Alpes  (ch.  uertebig.  — 
L'oiseau  bleu,  paroles  de  henry  rubois,  musique   inédite 


de  DARCiER.  —  Sixième  Concours  mensuel  de  La  Chanson  : 
L'Econome  (louis  bogey).  —  La  Statue  de  Béranger  (h.l.)  — 
La  Récidive  de  M.  Ange  Pitou  (a.  édêma).  —  Le  Caveau 
Verviétois  (h.  l.).  —  Le  Denier  des  Ecoles  (simon  gatoye).  — 
Choses  et  autres  (a.  patay). 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  EUGÈNE  GRANGE 


Le  théâtre  et  la  chan- 
son sont  inséparables. 
Les  bons  vaudevillistes 
font  les  meilleurs  chan- 
sonniers. On  Ta  vu  par 
les  biographies  de  Dé- 
saugiersetdeClairville; 
nous  en  donnons  aujour- 
d'hui Grange  comme 
troisième  exemple. 

Pierre-Eugène  Basté, 
dit  Grange,  est  né  à 
Paris,  rue  Beautreillis, 
le  16  décembre  1813. 
Commencées  à  l'école 
mutuelle,  ses  études 
s'achevèrent  au  collège 
Charlemagne  où,  dit-on, 
la  muse  tragique  le  vi- 
sita. Placé  par  ses  pa- 
rents dans  une  maison 
de  banque,  il  en  sortit 
bientôt  pour  embrasser 
la  carrière  littéraire. 

A  dix-sept  ans  il  fai- 
sait jouer,  sur  les  petits 
théâtres  du  boulevard 
du  Temple,  des  vaude- 
villes signés  seulement 
de  son  prénom  d'Eu- 
gène. Il  était  l'auteur 
favori  du  public  des 
Funambules  et  du  spec- 
tacle de  M"""  Saqui.  On 
l'appelait  le  Scribe  du 
boulevard  du  Temple. 

Ses  vaudevilles  lui  rapportaient  cinquante  francs 
l'acte,  une  fois  payés.  Il  y  a  loin  de  ce  chiffre  aux 
droits  d'auteur  que  lui  réservait  l'avenir. 

Si  grande  était  la  vogue  de  M.  Eugène,  que 
M"'  Saqui  voulut  s'attacher  exclusivement  le  jeune 
auteur  à  succès.  Elle  l'invita  un  jour  à  déjeuner,  et. 


entre  la  poire  et  le  fro- 
mage, lui  proposa,  s'il 
voulait  ne  travailler 
que  pour  son  théâtre, 
une  somme  fixe  de 
douze  cents  francs  par 
an,  à  titre  de  prime, 
plus  soixante  francs  par 
acte  au  lieu  de  cin- 
quante. C'était  le  Pac- 
tole !  Eugène  accepta, 
et,  pendant  un  an  ou 
deux,  il  devint  l'au- 
teur unique  du  théâti'e 
Saqui. 

L'ambition  lui  vint. 
En  1833,  il  donnait, 
aux  Folies  -  Dramati- 
ques, une  pièce  en  trois 
actes,  Le  Gamin,  en  col- 
laboration aveoMartin- 
Lubize.  Puis,  en  1836, 
il  aborda  les  grands 
théâtres  en  présentant 
aux  Variétés  le  Tour 
de  faction,  qui  obtint 
un  grand  succès.  II 
était  lancé  et  ne  s'ar- 
rêta plus.  Il  aborda  tous 
les  genres  :  comédie, 
vaudeville,  drame,  fée- 
rie, revue  de  fin  d'année, 
et  réussit  dans  chacun 
d'eux.  Le  nombre  de 
ses  pièces  ne  s'élève 
pas  aujourd'hui  à  moins 
de  trois  cent  cinquante,  ce  qui  représente  une 
somme  de  travail  vraiment  prodigieuse.  Pour  ne 
rappeler  que  quelques-uns  des  plus  grands  succès 
de  Grange,  nous  citerons  :  Les  Bohémiens  de  Paris, 
les  Paysans  et  la  Voleuse  d'enfants,  à  l'Ambigu- 
Comique  ;  Fualdès  et  les  Crochets  du  père  Martin,  à  la 


130 


LA  CHANSON 


Gaîté  ;  les  Sept  Merveilles  du  monde,  à  la  Porte  Saint- 
Martin  ;  Un  mari  qui  se  dérange,  les  Trois  bougeoirs, 
au  Gj'mnase  ;  la  Goton  de  Béranger,  le  Théâtre  des 
Zouaves,  Furnished  apartment,  l  Ut  dièze,  les  Domes- 
tiques, aux  Variétés;  la  Mariée  du  mardi-gras,  Mimi- 
Bamboche,  les  Diables  roses,  le  Supplice  d'un  homme, 
la  Beauté  du  diable,  la  Consigne  est  de  ronfler,  au 
Palais-Royal;  enfin,  aux  Nouveautés,  Coco,  qui 
compte  deux  cents  représentations. 

Le  vaste  bagage  dramatique  d'Eugène  Grange 
fournirait  aisément  le  sujet  d'une  intéressante 
étude,  mais  c'est  surtout  de  Grange  chansonnier 
que  nous  devons  parler  ici. 

La  direction  nouvelle  du  Palais-Royal,  qui  venait 
d'obtenir  son  premier  succès  d'argent  avec  le  Punch 
Gî'assot,  de  Grange,  Delacour  et  Lambert-Thiboust, 
fonda  chez  Brébant  un  dîner  mensuel  appelé  le  Dîner 
des  Gnouf-Gnouf.  On  y  chantait  naturellement  au 
dessert.  Un  soir  que  Grange  venait  de  faire  entendre 
une  chanson,  Clairville,  qu'on  avait  invité,  lui  dit  : 

—  Comment  ne  fais-tu  pas  partie  du  Caveau  ? 

—  Le  Caveau  !  riposta  Grange  surpris,  est-ce 
qu'il  existe  encore? 

—  Mais  certainement.  Ses  banquets  ont  lieu  le 
premier  vendredi  de  chaque  mois,  chez  Douix,  au 
Palais-Royal.  Si  tu  veux,  je  t'y  présenterai. 

—  Volontiers. 

Le  mois  suivant  (mai  1865)  Grange,  sous  le  patro- 
nage de  son  ami  et  collaborateur  Clairville,  assistait 
au  dîner  du  Caveau,  où  il  faisait  entendre  une  chanson 
de  circonstance,  la  Clédu  Caveau,  dontnous  détachons 
ce  couplet  : 


clé  du  Caveau,  joyeux  i 
Livre  charmant,  livre  complet! 
Du  luth  gaulois,  c'est  le  glossaire 
Et  les  archives  du  couplet. 
Jours  de  gaîté,  jours  de  soufFrance 
Y  dévident  leur  écheveau... 
Ou  refait  Vhistoire  de  France 
Rien  qu'avec  la  Clé  du  Caveau. 


Aux  applaudissements  de  l'assemblée,  Louis  Protat 
qui  présidait  se  leva  aussitôt  et  offrit  au  visiteur  de 
devenir  membre  titulaire  du  Caveau . 

—  Avec  grand  plaisir,  répondit  Grange. 
Depuis  ce  jour,  il  est  un  des   membres   les   plus 

assidus  de  l'Académie  chantante.  Il  y  a  dit  trois 
cents  chansons  environ,  qui  sont  insérées  dans 
les  volumes  du  Caveau.  Oui,  trois  cents  chansons  !... 
sans  compter  les  toasts  en  vers  qu'il  a  prononcés 
comme  président,  et  qui  sont  aujourd'hui  au  nombre 
de  soixante-douze.  Voilà,  certes,  de  la  fécondité; 
mais  la  facilité  de  Grange  est  extrême. 

—  Ces  toasts,  ces  chansons,  lui  disait-on  un  jour, 
doivent  vous  prendre  beaucoup  de  temps  et  vous 
occasionner  un  grand  travail? 

—  Je  suis  très-paresseux,  répondit-il,  et  si  cela 
me  causait  la  moindre  fatigue,  soyez  certain  que  je 
m'en  abstiendrais. 

De  fait,  sa  production  au  théâtre  n'en  a  pas  été 
ralentie  un  instant.  Il  est  peu  de  mois  où  son  nom 
ne  figure  sur  une  afBche  parisienne. 

Le  talent  chansonnierde  Grange  est  indiscutable.  Il 
a  l'observation,  la  verve,  le  trait.  Il  possède  surtout 
une  grande  dextérité  pour  la  rime.  S'inspirant tantôt 
d'un  proverbe,  tantôt  d'un  fait,  souvent  d'un  mot,  il 
esquisse  en  un  tour  de  main  cinq  ou  six  petits  tableaux 
de  genre  résumant  les  bons  et  les  mauvais  côtés  de 
l'existence.  Nous  signalons  la  chanson  qui  suit  cette 


notice  à  l'attention  desgourmets  littéraires.  Ontrouve 
rarement  autant  d'esprit,  de  gaîté,  d'exactitude,  unis 
à  d'aussi  brillantes  qualités  de  style.  Tout  j  est,  le 
fond  et  la  forme. 

La  chanson  est.  surtout  de  ropposition. 
Fronder,  fronder  sans  cesse  est  sa  vocation. 

Ainsi  dit  Grange  dans  un  de  ses  toasts  présidentiels. 
Partant  de  cette  donnée  vraie,  il  s'est  escrimé  de  la 
plume  contre  bien  des  abus  et  des  ridicules.  Il  n'a 
pas  fui  le  terrain  politique,  si  favorable  à  la  satire. 
Peut-être  en  quelques  circonstances ,  dans  ses 
Vei'saillaises  par  exemple,  a-t-il  frappé  fort  plutôt 
que  juste;  ne  lui  en  tenons  pas  rigueur.  Après  avoir 
avec  raison  chansonné  les  petits  travers  des  républi- 
cains, Eugène  Grange  viendra  à  notre  grande  et 
sage  République  comme  y  sont  venus  tant  de  bons  et 
brillants  esprits. 

Ne  traduisent-ils  pas  déjà  les  aspirations  modernes, 
ces  vers  de  son  Diogène  : 


Je  SUIS  ne  pauvre,  et  je 

Pauvre,  en  ma  peau  de  prolétaire, 

Ayant  pour  couche  un  coin  de  terre 

Cil,  libre  et  de  tous  ignoré. 

Je  dors  sous  le  ciel  azuré. 

Dans  les  palais,  sombres  bastilles, 

N'entre  jamais  l'astre  vermeil 

Qui  vient  égayer  mon  réveil  ; 

Ses  rayons  dorent  mes  guenilles  : 

Rois,  ôtez-vous  de  mon  soleil  ! 

Et  le  poète  n' a-t-il  pas  fait  un  pas  décisif  vers  la 
lumière  en  composant  ce  couplet  impitoyable  : 

Sur  ses  sujets,  la  royauté 
Prélève  une  liste  civile, 
Leur  donne  peu  de  liberté 
Et  beaucoup  de  sergents  de  ville  ; 
Au  peuple  elle  impose  la  loi, 
La  noblesse  en  est  affranchie... 
J'aime  l'équité,  c'est  pourquoi 
"   Je  n'aime  pas  la  monarchie .' 

Malgré  son  abord  réservé.  Grange  a  l'humeur 
bienveillante.  Il  est  généralement  aimé  de  ses 
camarades  du  Caveau,  qu'il  aime  également.  Pour- 
tant il  a  la  répartie  vive  et  parfois  même  assez 
caustique.  Exemple  : 

Un  jour,  un  de  ses  collaborateurs  lui  apporte  un 
vaudeville  qu'il  venait  d'écrire  d'après  un  scénario 
élaboré  en  commun.  Lecture  faite  :     . 

—  Revois  ça,  arrange,  complète  la  chose,  lui  dit 
son  collaborateur. 

Grange  le  reconduitjusqu'à  la  porte  de  son  cabinet. 
Là,  le  visiteur  croit  devoir  dire  : 

• —  Surtout,  en  revoyant  notre  pièce,  n'ôte  pas  les 
mots  drôles. 

—  Au  contraire,  répond  Grange,  j'en  mettrai! 
Renouvelant  son  bureau  pour   1880,  le   Caveau 

vient,  pour  la  septième  fois,  de  conférer  à  Eugène 
Grange  l'honneur  de  la  présidence.  Toasts  et  cou- 
plets vont  donc  jaillir  encore  de  sa  veine  inépui- 
sable .  Nous  les  pressentons  dignes  de  leurs  aînés  et 
capables  de  rendre  plus  fière  encore  la  vieille 
Académie  des  chansons. 

L.-Henry  LECOMTE, 


LA  CHANSON 


131 


LES  FICHES  DE  CONSOLATION 


Air  :   Vaudeville  de  Partie  carrée 

Lorsqu'en  ce  monde  on  éprouve  un  déboire, 
Que  d'une  tuile  on  n'a  pu  se  garer, 
Faut-il  en  perdre  et  le  rire  et  le  boire  ? 
Faut-il  gémir  et  se  désespérer? 
Des  accidents  le  vrai  sage  se  fiche, 
En  se  disant  qu'en  notre  affliction 
Le  sort  toujours  nous  réserve  une  fiche 
De  consolation  {bis). 

Un  grand-papa,  chéri  de  sa  famille, 
Vient  tout-à-coup  de  descendre  au  cercueil  ; 
A  son  convoi  l'assistance  fourmille, 
Pour  tous  les  Biens  ce  trépas  est  un  deuil. 
Heureusement,  le  digne  homme  était  riche, 
Très  économe,  et  sa  succession 
Aux  héritiers  en  pleurs  offre  une  fiche 
De  consolation. 

Ce  bon  mari,  sous-chef  au  ministère, 
D'aimer  sa  femme  avait  fait  son  bonheur. 
Quand  il  apprend  que  l'épouse  adultère 
En  tapinois  jongle  avec  son  honneur. 
Quel  coup  affreux  pour  ce  cœur  de  caniche  !... 
Mais  il  reçoit  la  décoration  : 
«  Ah!  dit  notre  homme,  au  moins  c'est  une  fiche 
De  consolation  I  » 

Quand,  au  théâtre,  un  auteur  dramatique 
Donne  un  ouvrage  atrocement  sililo. 
Contre  l'arrêt  d'une  injuste  critique 
Vous  le  voyez  de  colère  gonflé  ; 
Son  grand  chagrin  est  de  quitter  l'affiche... 
Mais  qu'un  confrère  en  répétition 
Tombe  à  son  tour...  Allons,  c'est  une  fiche 
De  consolation  ! 

D'un  gros  banquier  la  danseuse  Palmjre 
Reçoit  les  soins.  —  Ça  manque  d'agrément; 
Mais  il  faut  bien  qu'en  calèche  on  l'admire. 
D'ailleurs  il  est  un  dédommagement  : 
Au  vieil  Arthur  à  crinière  postiche, 
Dont  elle  doit  subir  la  passion, 
Elle  en  adjoint  un  jeune  comme  fiche 
De  consolation. 

Au  cercle,  un  soir,  contre  mon  ordinaire, 
A  l'écarté  je  jouais  sans  témoins; 
A  chaque  coup,  mon  heureux  partenaire 
Me  filoutait  d'un  jeton...  pour  le  moins. 
Vexé  de  voir  que  ce  monsieur  me  triche 
Et  met  ma  bourse  à  contribution  ; 
En  le  gifflant  je  me  paie  une  fiche 
De  consolation. 

Des  esprits  forts  partout  l'espèce  abonde, 
Comme  un  progrès  l'athéisme  est  admis  ; 
Mais  lorsqu'on  doit  enfin  quitter  ce  monde. 
En  y  laissant  épouse,  enfants,  amis. 
Je  dis,  dût-on  me  traiter  de  godiche, 
Que  l'espérance  ou  la  conviction 
De  les  revoir  au  ciel  est  une  fiche 
De  consolation  ! 


Eugène  GRANGE, 

Président  du  Caveau. 


CHANSON  m  NOUVEL  AN 


C'en  est  fait  de  la  vieille  année. 
Car  le  doigt  de  la  destinée 
Marque  minuit  sur  le  cadran, 
Et  le  temps  qui  guette  à  la  porte 
Prend  la  moribonde  et  l'emporte  ! 
Amis,  voici  le  nouvel  an  ! 

La  vieille  année  a  rendu  l'âme  ; 

Et  qu'on  la  loue  ou  qu'on  la  blâme,   ' 

Eloge  et  regrets  superflus  ! 

De  mille  attraits  divers  ornée 

Voici  venir  la  jeune  année  ; 

L'autre  est  morte,  n'en  parlons  plus! 

Pourquoi  regarder  en  arrière  ? 

Qu'il  soit  plein  d'ombre  ou  de  lumière. 

Tout  le  passe  nous  est  connu. 

Et  la  plus  douce  souvenance 

Ne  vaut  pas  la  moindre  espérance. 

Nouvel  an,  sois  le  bienvenu  ! 

A  peine  viens-tu  de  paraître, 
Et  déjà  les  fronts  semblent  être 
Moins  troublés  et  moins  soucieux  ; 
Ainsi,  quand  est  proche  l'aurore. 
Sous  l'ombre  qui  les  couvre  encore 
On  peut  voir  s'éclaircir  les  cieux  ! 

Plus  d'un  regard  aussi  flamboie  ; 
C'est  qu'en  ce  jour  de  franche  joie 
Le  cœur  resserre  ses  liens  ;  ■  ■ 

C'est  que  chacun  de  nous  espère 
Que  l'an  nouveau  sera  prospère 
Et  pour  lui-même  et  pour  les  siens; 

C'est  qu'aux  soucis  on  a  fait  trêve, 
Et  qu'on  se  berce  du  doux  rêve 
D'un  avenir  toujours  heureux, 
Sachant  que  l'an  qui  bien  commence 
Est  comme  une  bonne  semence  . 
Qui  produira  des  fruits  nombreux. 

Donc,  mes  amis,  trinquant  ensemble, 

Fêtons  le  jour  qui  nous  rassemble, 

Car  il  est  minuit  au  cadran  ; 

Et,  pour  qu'en  biens  l'année  abonde, 

Mes  amis,  portons  à  la  ronde 

Un  joyeux  toast  au  nouvel  an  ! 

TOAST  (*) 

Au  nouvel  an  !  à  tous  au  monde 
Qu'il  apporte  joie  et  santé. 
Et  que  sa  course  soit  féconde 
Pour  le  bien  de  l'humanité  ! 


[Inédit). 


Londres. 

[Inédit). 


G.  LEPREVOST. 


{*)  Le  toast  peut  être  dît 


refrain  après  chaque  couplet. 


132 


LA  CHANSON 


AUX  CHANSONNIERS 

Musique  de  Eugène  Blangy. 
Des  chansonniers  je  constate  l'absence 
Bans  les  endroits  où  la  chanson  a  cours, 
Autour  de  moi  tout  n'est  qu'indifférence; 
Et  le  public  calque  l'esprit  des  cours. 
Partout  l'erreur,  partout  l'hypocrisie  ; 
Tartufe  règne  et  donne  des  leçons. 
Pour  ramener  chez  nous  la  poésie, 
Bons  chansonniers,  faites-nous  des  chansons. 

Eh  quoi  !  le  peuple  intelligent  s'amuse 
A  fredonner  d'insipides  couplets  ; 
La  gaudriole  est  la  dernière  muse 
Dont  les  chanteurs  se  sont  fait  les  valets. 
Non  !  plus  de  chants  qui  nous  corrompent  l'âme, 
Place  aux  beaux  vers,  aux  harmonieux  sons. 
A  votre  voix,  pour  que  le  cœur  s'enflamme, 
Bons  chansonniers,  faites-nous  des  chansons. 

Assez  longtemps  on  a  chanté  les  treilles, 
L'amour,  le  vin,  la  gloire  et  les  lauriers  ; 
Pourquoi  ne  pas  nous  flatter  les  oreilles 
En  critiquant  la  guerre  et  les  guerriers  ? 
Des  temps  passés,  je  sais  les  résistances. 
Le  monde  marche...  et  peuple,  nous  passons. 
Quand  la  vapeur  abrège  les  distances. 
Bons  chansonniers,  faites-nous  des  chansons. 

De  préjugés  l'humanité  fourmille  ; 
Unissons-nous  pour  les  saper  un  peu. 
Par  l'amitié  formons  une  famille. 
Tout  doucement  l'homme  fait  ce  qu'il  peut. 
De  l'avenir  pour  aplanir  la  route. 
Les  vieux  abus  nous  ensevelissons; 
Pour  préparer  des  fourbes  la  déroute, 
Bons  chansonniers,  faites-nous  des  chansons. 

Si  je  descends,  convaincu  dans  l'arène. 
C'est  que  je  veux  y  paraître  à  mon  tour. 
La  volonté  qui  me  guide  et  m'entraîne. 
Entraînera  tous  les  hommes,  un  jour. 
Ils  combattront  sans  armes,  sans  cuirasse. 
Et  chanteront  simplement  les  moissons, 
Mais  les 'Gaulois  auront  changé  de  race... 
Bons  chansonniers,  faites-nous  des  chansons. 

Quels  sont  ces  fils  qui  traversent  le  monde  ? 
On  më  répond  :  —  C'est  l'électricité. 
Sous  l'eau,  dans  l'air,  que  la  tempête  gronde  ; 
Le  télégraphe  est  à  l'immensité.  — 
Quand  la  pensée  est,  par  une  étincelle 
Mue,  emportée  à  tous  les  horizons, 
On  peut  rêver  la  paix  universelle, 
Bons  chansonniers,  faites-nous  des  chansons. 
Inédit.  Eugène  CHATELAIN. 


A  mon  aimable  Mécène 

LE  VIEUX  BERGER  DES  ALPES 

J'ai  recueilli  la  plainte 
De  notre  vieux  Derger, 
Et  sans  rien  y  changer 
Je  redis  sa  complainte. 

Au  pied  des  monts  altiers,Vlans  cette  humble  chaumière, 
Je  suis  né,  j'ai  vieilli.  Contre  un  riche  palais 
Sous  un  autre  soleil,  point  ne  la  céderais. 
Non!  pour  goàter  ailleurs  existence  princière. 


Les  Alpes  sont  si  belles 

Avec  leurs  beaux  coteaux, 

Leurs  murmurants  ruisseaux, 

Leurs  neiges  éternelles  ! 
Il  y  a  bien  longtemps,  sous  les  yeux  de  ma  mère, 
Sur  ces  gazons  fleuris,  pour  la  première  fois, 
Je  fis  mes  premiers  pas.  Ma  mère,  je  la  vois 
Sourire  à  mes  efforts.  Souvenance  bien  chère. 

Que  la  montagne  est  belle  ! 

Mais  ce  pieux  souvenir 

Rien  ne  peut  l'adoucir, 

O  destinée  cruelle. 

Oh!  quand  j'avais  vingt  ans,  un  nid  de  tourterelle 
Dans  un  profond  ravin  n'était  pas  bien  caché  ; 
Léger  comme  un  cabri,  je  l'avais  déniché. 
Alors,  Robert  aimait  la  douce  et  brune  Adèle. 

O  neiges  éternelles. 

Soyez  donc  pour  toujours 

Mes  plus  chères  amours  I 

Que  les  Alpes  sont  belles  1 

En  menant  nos  brebis  à  travers  la  montagne, 
Par  les  prés,  les  ravins,  les  bosquets  d'alentour, 
Que  nous  étions  heureux  !  Mais  je  n'ai  plus  d'amour, 
Je  ne  sais  que  pleurer  ;  j'ai  perdu  ma  compagne. 

Tendre  rose  flétrie, 

A  toi  mon  souvenir 

Jusqu'au  dernier  soupir, 

Ma  compagne  chérie. 

Cabris,  paissez  en  paix  l'herbe  tendre  et  fleurie, 
Sur  vous  je  veillerai.  Vous  êtes  mon  bonheur. 
Vos  bêlements  joyeux  me  redonnent  du  cœur; 
Pour  vous  aimer,  agneaux,  je  m'attache  à  la  vie. 

Que  la  montagne  est  belle 

Avec  vous,  mes  agneaux! 

Allez,  mes  gais  chevreaux, 

Broutez  l'herbe  nouvelle  ! 

Malgré  tous  mes  malheurs,  au  milieu  des  montagnes, 
Je  suis  heureux  encor.  Je  trouve  de  bons  cœurs, 
On  sait  aimer  Robert.  Broutez  gazons  et  fleurs. 
Chevrettes  et  brebis,  ô  mes  tendres  compagnes  I 

Que  la  montagne  est  belle 

Grâce  à  vous  mes  agneaux. 

Allez,  mes  gais  chevreaux, 

Broutez  l'herbe  nouvelle  ! 

Rassemble  tes  brebis,  mon  aimable  Fidèle, 
Hâtons-nous,  mon  bon  chien,  car  l'orage  est  prochain, 
Le  ciel  est  tourmenté  et  long  est  le  chemin, 
Ecoute  cette  voix;  j'entends  bien,  on  appelle. 

Regagnons  le  village. 

Offrons  aux  malheureux 

Notre  lait  écumeux  ; 

Sauvons-le  de  l'orage. 

Dans  nos  monts  dangereux,  que  la  neige  couronne. 
D'aider  notre  prochain  nous  sommes  soucieux, 
La  charité,  dit-on,  nous  rapproche  des  cieux. 
Ce  n'est  que  pour  donner  que  le  bon  Dieu  nous  donne. 

Ici  point  de  misère  ! 

Quel  pays  délicieux! 

On  se  croirait  aux  cieux 

Et  l'on  est  sur  la  terre . 

Versailles,  le  U  décembre  1879.  Qg,   HERTEBIG. 

[Inédit). 


LA  CHANSON 


133 


A    l'ami   DAHCIER 

L'OISEAU       BLEU 

REGRETS  d'dN  VIEUX  GARÇON 
Musique  inédite  de  J.  Darder 


rû. ses, sâcliez  pour- ^fQoi    je    m.inquo     au      rende 


vous    Si  mon  cœur  reste   i'.-ui:^' enoori'  mes  Geiifc  n'ocl 


^^^p 


plus  d'.iine    à    la    clt';ConiDie   à   viu>;l  a3f.   jCToa 
Ho_pe     M.-I18    l'oiseau    bleu 


l'oi-seau      bleu      6'esl     en  .  vo     .       le 

Jeunes  beautés,  séduisantes  sirènes 
A  qui  je  dois  tant  de  péchés  si  doux, 
Qui  de  mon  cœur  teniez  jadis  les  rênes. 
Sachez  pourquoi  je  manque  au  rendez-vous. 
Si  mon  cœur  reste  jeune  encore, 
Mes  sens  n'ont  plus  d  ame  à  la  clé, 
Comme  à  vingt  ans  je  vous  adore. 
Mais  l'oiseau  bleu  s'est  envolé  !.. 

0  vous  de  qui  j'eus  la  faveur  première. 
Naïve  enfant,  plaignez  votre  Faublas... 
Gardez  longtemps,  ma  gentille  écolière, 
L'illusion  que  j'ai  perdue,  hélas  ! 

Souvent  au  rivage  du  Tendre 
Pour  vous  mon  encens  a  brûlé... 
Belle,  inutile  de  m'attendre 
Car  l'oiseau  bleu  s'est  envolé  !.. 

Je  lis  encor  votre  dernière  lettre, 
Bacchante  aimable,  au  regard  amoureux  ; 
Un  rendez-vous.. .  Je  le  voudrais  promettre, 
Mais  à  quoi  bon?..  Suis-je  assez  malheureux! 

Oui,  de  vos  baisers  je  me  sauve, 
Plus  qjie  vous  j'en  suis  désolé  ; 
Mais  que  ferais-je  en  votre  alcôve 
Quand  l'oiseau  bleu  s'est  envolé  !.. 

Dans  ce  portrait,  adorable  et  fidèle. 
Dont,  frissonnant,  je  détaille  les  traits, 
Tableau  vivant...  ô  provocante  Adèle, 
Je  vous  revois  plus  belle  que  jamais  ! 

Aux  contours  de  votre  corsage 
S'attache  en  vain  mon  œil  troublé... 
On  souffre  à  contempler  la  cage. 
Quand  l'oiseau  bleu  s'est  envolé  !.. 


Moi,  vieux  garçon,  blasé  comme  un  satrape, 

Qui,  sans  jamais  songer  au  lendemain. 

Fis  de  la  vie  une  éternelle  agape 

Et  méconnus  les  douceurs  de  l'hymen. 
Sur  ma  couchette  solitaire 
Parfois  une  larme  a  coulé 
En  songeant  à  la  fois  dernière 
Où  l'oiseau  bleu  s'est  envolé!.. 

D'être  galant,  aimable,  je  me  pique  ; 

Mais  en  amour  que  valent  les  discours? 

Vous  ririez  trop  d'un  amant  platonique  ; 

Adieu,  beautés,  adieu  donc  pour  toujours. 
Si  belle  encor  que  soit  sa  mine 
—  Tel  qu'un  donjon  démantelé  — 
L'homme  n'est  plus  qu'une  ruine 
Quand  l'oiseau  bleu  s'est  envolé  !. . . 

Henry  RUBOIS, 

Inédit.  de  la  Liée  Chansonnière, 


SIXIÈME  COIOURS  MENSUEL 

De  La  C/ia?iso>i 
PIÈCE  COURONNÉE 

L'ÉCONOME 

Air     de  Bonhomme  (c. .  nadaud.) 

Foin  de  la  folle  dépense 
Qui  mange  son  capital  ! 
Ce  n'est  pas  bien  gai,  je  pense, 
De  mourir  à  l'hôpital. 
Une  sage  économie 
Guide  chacun  de  mes  pas  ; 
C'est  une  prudente  amie 
Dont  je  ne  m'éloigne  pas. 

Econome 

Je  me  nomme  : 
L'économie  est  mon  fort... 
Voyez  donc  mon  coffre-fort. 

Entretenir  un  ménage 
Est  pour  vous  un  lourd  fardeau  : 
Combien  d'argent  déménage 
Par  le  fait  du  porteur  d'eau. 
Lui  payer  sa  marchandise 
Serait  pour  moi  par  trop  dur, 
Aussi  je  l'économise. .. 
Et  je  bois  mon  vin  tout  pur. 
Econome,  etc. 

L'hiver,  que  de  combustible 
Il  faut  pour  ne  pas  geler! 
La  soirée  est  bien  terrible, 
Que  d'huile  il  vous  faut  brûler! 
J'évite  les  frais  de  l'âtre 
Et  d'un  lieu  mal  éclairé... 
Le  soir,  je  reste  au  théâtre 
Dans  un  fauteuil  rembourré . 
Econome,  etc. 

Je  vois  vos  cuisines  pleines 
De  faïences  en  morceaux; 
Vos  fragiles  porcelaines 
Disparaissent  par  monceaux. 


134 


LA  CHANSON 


A  fuir  cette  épidémie 

Je  mets  un  soin  diligent, 

Et  par  pure  économie 

Je  me  sers  de  plats  d'argent. 

Econome,  etc. 
Vous  pataugez  dans  la  crotte 
Et  sur  de  glissants  pavés  ; 
Mais,  hélas  I  plus  d'une  botte 
Y  reste,  vous  le  savez. 
C'est  fâcheux,  je  vous  assure, 
Un  soulier  estropié  ! 
Pour  épargner  ma  chaussure... 
Je  ne  vais  jamais  à  pied. 

Econome,  etc. 
Que  sur  moi  fonde  la  peste, 
La  goutte  ou  le  choléra. 
Ma  fortune  —  s'il  en  reste  — 
A  mes  proches  passera. 
Mais  un  cercueil  de  bois  tendre 
A  pourrir  n'étant  pas  long. 
L'économie  à  ma  cendre 
Accorde  un  cercueil  de  plomb. 

Econome 

Je  me  nomme  : 
L'économie  est  mon  fort... 
Voyez  donc  mon  coffre-fort. 

A  Genève.  LoOIS   BOGEY. 

Viennent  ensuite  : 

Alsace  et  Lorraine,  de  M.  Louis  Brunet,  de  Saint- 
Benoît  (Ile  de  la  Réunion). 

Les  Longs  froids,  de  M.  HippolyteDaguet,  duMans. 
49  pièces  avaient  été  envoyées. 


LA  STATUE JDE  BERANGER 

Dans  une  séance  récente,  le  Conseil  municipal  'de 
la  ville  de  Fontainebleau,  où  Béranger  a  quelque 
temps  résidé,  vient  de  voter  cent  francs  pour  la 
statue  du  poète  national. 

La  température  cruelle  que  nous  traversons  et  les 
grandes  misères  qui  en  résultent  suspendent  une  fois 
encore  l'œuvre  de  la  commission. 

Nous  espérons  cependant  annoncer  bientôt  aux 
lecteurs  de  La  Chanson  divers  résultats  importants, 
trop  mollement  poursuivis  jusqu'ici. 

L'échéance  approche  ;  il  est  urgent  que  certains 
membres  du  Comité  cessent  de  prendre  pour  consigne 
le  mot  officiel  modifié  :  «  Tout  laisser  dire  et  ne  rien 
faire!  »  H.  L. 

LA  RÉCIDIVE  DE   M.  ANGE  PITOU 

Où  est  la  question?  —  Sur  un  terrain  trop  person- 
nel, il  me  semble  et  par  cela  même  peu  intéressant 
pour  le  public.  A  qui  faire  subir  la  responsabilité  de 
cette  déviation?  —  A  mon  adversaire,  dit  M.  Ange 
Pitou.  —  Oui,  sans  doute  il  est  facile  d'affirmer  ; 
beaucoup  moins  de  prouver  :  parcourez  l'Eldorado- 
Programme  (*),  vous  verrez. 

Ceux  qui  m'ont  fait  l'honneur  de  lire  mes  articles 
savent  que  je  ne  refuserai  jamais  une  réponse 
sérieuse  à  un  critique  de  bon  aloi,  tous  connaissent 
mon  ardent  désir  de  contribuer,  dans  ma  petite 
sphère,  au  triomphe  des  vérités  artistiques,  tous  me 
loueront  de  ne  point  lever  une  armée  pour  dissiper 


(•)  N»  241  —  13-19  décembre  1879. 


des  bulles  de  savon,  tous  comprendront  combien  est 
misérable  une  argumentation  qui  n'a  d'autre  base 
que  des  erreurs  perfidement  présentées.  Certes, 
M.  A.  Pitou  a  jeté  suffisamment  de  fumée  pour  se 
noircir  lui-même  :  que  «  j'honore  la  Marseillaise  de 
mon  dédain  »,  que  je  sois  un  «  illustre  critique 
musical  »,  que  je  m'appelle  ou  non  «  Modeste  », 
que  jeu  méprise  Michelet  »,  (ce  philosophe  sublime 
avec  lequel  je  voudrais  apprendre  à  regarder  de 
haut  les  mesquines  idées),  que  je  trouve  k  plaisantes  » 
certaines  poésies  de  mes  collaborateurs,  ce  sont  là 
autant  de  maladroites  insinuations,  poussières  qu'un 
souffle  venant  du  coeur  balaye  et  pousse  où  il  con- 
vient. Ceux  qui  sentent  jugeront. 

Dans  ma  précédente  réponse  (*),  j'ai  fait  suivre 
le  nom  de  M.  A.  Pitou  de  ces  mots  :  «  homme  d'une 
rare  modestie  »  et,  là-dessus,  mon  contradicteur 
s'est  imaginé  que  je  lui  reprochais  son  orgueil.  Ce 
n'était  pas  ma  pensée;  je  voulus  seulement  tourner 
en  ridicule  cette  manie  si  commune  de  se  placer 
toujours  derrière  des  paravents.  Nous  avons  un& 
âme  pour  penser,  pensons  donc;  n'acceptons  pas 
d'autrui  les  opinions  que  nous  pouvons  contrôler 
nous-mêmes,  ne  prêtons  pas  à  d'autres  nos  passions 
microscopiques.  Si  nous  avons  lu  quelque  part  que 
Béranger  obtint  une  pension  pour  l'auteur  de  la 
Marseillaise,  n'allons  pas  en  induire  quoi  que  ce  soit 
sur  le  Chant  de  guei^re  de  l'armée  du  Rhin  ;  si  Michelet 
s'écrie,  parlant  du  chef-d'œuvre  de  Rouget  de  Lisle  : 
«  le  monde,  tant  qu'il  y  aura  un  monde,  le  chantera 
«  à  jamais  »,  n'en  concluons  pas  que  le  tout  est  plus 
grand  que  sa  partie  ou  bien  qu'il  y  avait,  chez  les 
deux  Bonaparte!  de  l'étoffe  à  fabriquer  cent  mille 
coquins  (**). 

Je  l'ai  dit  et  nul  ne  le  conteste  :  «  Un  chant 
national  ne  se  commande  pas,  il  naît  et  s'impose»; 
par  le  peuple,  il  devient  populaire,  il  devient  natio- 
nal par  l'empire  qu'il  exerce  sur  les  destins  de  la 
patrie,  il  perd  ce  caratère  en  même  temps  que  se 
transforme  celui  de  la  nation.  Voilà  pourquoi  la 
Marseillaise  doit  être  détrônée. 

Cela  est  triste  à  dire,  mais  vrai,  je  le  crains  : 
aujourd'hui,  à  un  chant  national,  il  faudra  la  pompe 
officielle  et  des  exécutions  incessamment  répétées; 
si  grande  est  la  facilité  de  nos  engouements!  Livré 
à  lui-même,  l'ouvrier  apprend  Nicolas,  l'étudiant 
suit  cet  exemple,  la  femme  de  salon  imite  aussi,  et 
l'on  voit  de  petites  filles'  répéter  dans  la  rue  ce 
couplet  à  leurs  petits  frères.  L'éditeur  de  Nicolas 
s'enrichit  ;  celui  du  Noyer,  un  délicieux  lied  de 
Schumann,  n'aurait  pas  avec  sa  chanson  de  quoi 
vivre  deux  jours.  A  moins  de  préférer  Nicolas  au 
Noyer  (j'en  crois  M.  A.  Pitou  bien  capable),  il  faut 
convenir  que  «  l'opinion  de  la  nation  cent  fois  for- 
(c  mulée  depuis  92  »  n'a  pas  une  valeur  que  l'on  ne 
puisse  contester. 

Ce  n'est  pas  la  nation  qui  chante  Nicolas,  direz- 
vous;  je  l'espère  ;  je  prétends  alors  qu'elle  ne  chante 
pas  non  plus  la  Marseillaise,  qu'elle  n'en  a  pas  fait 
un  hymne  de  paix. 

La  France,  à  peine  afiranohie,  voyant  avec  fureur 
des  hordes  étrangères  violer  son  territoire,  se  leva 
indignée  :  la  Marseillaise  fut  et  son  chant  national, 
et  son  appel  à  la  vengeance;  la  France  délivrée 
demande  autre  chose  :  le  génie  lui  répondra. 
'  A.  ÉDÉMA. 

(")  La  Chanson  n«  33. 

(*•)  Voyez  Victor  Hugo,  Lanfrey,  Ténot,  etc. 


LA   CHANSON 


135 


LE  CAVEAU  VERVIÉTOIS 


Un  Caveau  vient  de  naître,  à  qui  La  Chanson  veut 
souhaiter  la  bienvenue. 

Quand  et  comment  l'idée  de  cette  société  littéraire 
a-t-elle  germé?  La  préface  de  son  premier  Annuaire 
nous  l'apprend  : 

Plusieurs  essais  d'association  littéraire  avaient 
été  vainement  tentés  à  Verviers  quand,  le  25  sep- 
tembre 1878,  un  groupe  de  onze  personnes  se  réunit 
et  fonda  une  nouvelle  société,  sous  le  titre  modeste 
de  Caveau  Verviétois. 

De  nombreux  indices  démontraient  aux  fondateurs 
que  leur  pays  possédait  assez  d'éléments  pour 
travailler  au  développement  de  la  littérature  belge. 
Il  importait  donc  de  grouper  ces  éléments,  de  faire 
connaître  les  jeunes  talents,  et  d'établir  entre  eux 
un  lien  fraternel,  sans  tomber  dans  les  travers  des 
coteries. 

La  suite  prouva  que  le  noyau  des  fondateurs  du 
Caveau  avait  pensé  juste.  Presque  aussitôt,  l'affluence 
des  membres  obligea  la  société  à  s'installer  dans  un 
local  plus  vaste  ;  les  séances  se  tinrent  tous  les  quinze 
jours,  et  do  nombreux  travaux  y  furent  présentés. 

Nous  devons  surtout  appuyer  sur  ce  qui  constitue 
l'originalité  du  Caveau  Verviétois,  et  en  fait  peut-être 
une  société  unique  dans  son  genre  en  Belgique. 

Afin  d'arriver  au  perfectionnement,  chaque  travail 
présenté,  vers  ou  prose,  est  remis,  après  lecture,  à 
un  membre  de  la  société,  qui  est  chargé  d'en  faire  la 
critique  écrite  pour  la  séance  suivante.  Ces  critiques, 
qui  ne  peuvent  s'attacher  qu'à  Li  forme  —  les  opi- 
nions philosophiques  et  politiques  des  auteurs  ne 
devant  jamais  être  discutées  —  se  font  d'une 
manière  amicale,  quoique  approfondie  et  conscien- 
cieuse. Parce  système,  les  auteurs  se  rendent  mutuel- 
lement des  services  inappréciables. 

Bientôt  le  jeune  Caveau  sentit  le  besoin  d'une 
scène  plus  vaste.  Une  fête  littéraire,  offerte  aux 
dames,  fut  organisée  pour  le  20  avril  1879,  et  réussit 
au-delà  de  toute  espérance.  L'œuvre  était  donc  défi- 
nitivement établie.  Dans  le  cours  d'une  année,  le 
Caveau  aida  à  l'éclosion  de  cent  vingt-quatre  oeuvres 
diverses  pour  la  propagation  desquelles  la  création 
d'un  Annuaire  fut  décidée. 

Nous  avons  sous  les  yeux  ce  volume,  écrit  partie 
français,  partie  en  wallon;  un  intérêt  puissant  s'est 
dégagé  pour  nous  de  sa  lecture.  L'avenir  appartient 
évidemment  à  cette  société,  dont  le  but  est  noble  et 
le  courage  très-grand. 

Le  conseil  d'administration  du  Caveau  Verviétois 
est  ainsi  composé  :  Président,  Karl  Griin;  vice-pré- 
sident, Albert  Bonjean  ;  trésorier,  Adolphe  Tasquin; 
secrétaire,  Armand  Weber  ;  Commissaire,  Jos. 
Xhoffer.  L'appel  qu'il  fait  «  à  tous  ceux  qui  ont 
reconnu  l'immense  influence  de  la  littérature  sur  le 
cours  d&  la  civilisation  »  ne  peut  manquer  d'être 
entendu. 

Nous  envoyons  au  Caveau  Verviétois  nos  vœux 
sincères  de  réussite. 

H.  L. 


LE  DENIER  DES  ECOLES  (*) 

Dédié  au  Cercle  des  Imperméables 


Par  la  raison  et  la  science. 

Combattre  les  instincts  mauvais. 

Au  faible  donner  confiance 

Est  un  sacerdoce  de  paix. 

Le  cœur  chaud  qui  bat  sous  la  blouse, 

A  le  sentiment  délicat  ; 

D'un  luxe  effréné  qu'il  jalouse, 

Cessons  enfin  de  faire  état. 

En  te  versant  à  pleine  main. 

Féconde  semence 

D'où  naît  la  science. 
Nous  ouvrons  un  large  chemin 
A  l'avenir  du  genre  humain. 

Le  Cercle  des  Imperméables, 

Soldat  dévoué  du  Progrès, 

Par  ses  efforts  infatigables 

Marche  de  succès  en  succès. 

Il  veut  que  dans  les  bas-fonds  sombres 

Où  tâtonne  un  peuple  illettré, 

L'instruction,  perçant  les  ombres, 

Montre  un  coin  du  ciel  azuré. 

En  te.  versant,  etc. 

Partout,  au  village,  à  la  ville. 
On  voit  le  vaillant  pionnier, 
Moissonner,  dans  un  champ  fertile, 
Grains  par  grains,  les  fonds  du  Denier. 
Le  paria  qui  s'étiole 
Dans  un  misérable  taudis, 
Grâce  à  lui,  sera  par  l'école 
Un  homme  utile  à  son  pays. 

En  te  versant,  etc. 

Défrichant  le  sol  de  l'enfance, 
Malgré  l'obstacle  et  l'aquilon, 
Dans  les  taillis  de  l'ignorance 
Il  creuse  un  fructueux  sillon. 
Il  prépare  ainsi  la  récolte 
Nécessaire  à  l'humanité. 
En  te  versant,  etc. 

Il  se  déclare  l'adversaire 
Des  restaurateurs  du  passé 
Et  de  tout  pouvoir  arbitraire 
Par  quatre-vingt-neuf  renversé. 
Si  le  présent  est  à  l'orage, 
La  lutte  ardue  à  soutenir. 
Il  dit,  retrempant  son  courage, 
Je  travaille  pour  l'avenir. 

En  te  versant  à  pleine  main. 

Féconde  semence 

D'où  naît  la  science. 
Nous  ouvrons  un  large  chemin 
A  l'avenir  du  genre  humain. 


Andrîmont  (Belgique), 


Simon   GATHOYE. 


(•)  Cette  chanson  est  e 
Verviétois,  dont  il  est  parlé 
vêler  nos  emprunts,  mêi 
wallonne. 


npruntée  au  premier  volume  du  Caveau 
û-contre  Nous  nous  proposons  d'y  renou- 
e  dans   les  chansons  écrites    en  langue 


136 


LA  CHANSON 


CHOSES    &    AUTRES 

Nous  sommes  obligé  de  remettre  à  notre  prochain 
numéro  notre  Chronique  des  Sociétés  Lyriques,  les 
comptes-rendus  ne  nous  étant  pas  parvenus  à  temps. 

Au  sujet  de  notre  Concours  Béranger,  nous  avons 
reçu  un  certain  nombre  de  lettres  des  poètes  ayant 
pris  part  à  ce  Concours,  qui  nous  demandent  de 
ré  unir  leurs  œuvres  à  part,comme  cela  a  lieu  pour  d'au- 
tres Concours,  en  faisant  payer  les  frais  d'impression. 

Nous  nedemandons  pas  mieux  que  d'être  agréable 
à  tous.  Nous  sommes  donc  prêt  à  réunir  sous  le 
titre  de  Couronne  poétique  offerte  à  la  mémoire  de 
Béranger,  toutes  les  pièces  qui  nous  ont  été  envoyées, 
à  raison  de  10  centimes  la  ligne,  titre  et  signature 
compris,  dans  le  format  de  La  Chanson  et  sous  forme 
de  supplément.  Chaque  auteur  sera  en  outre  tenu  de 
prendre  dix  exemplaires  au  moins,  soit  2  fr.  à  ajouter 
au  montant  des  lignes  imprimées.  —  Prière  de  nous 
écrire  de  suite  à  ce  sujet. 

Le  bureau  du  Caveau  est  ainsi  composé  pour 
l'année  1880  :  Président,  Eugène  Gran'gé;  vice-pré- 
sident, Charles  Vincent.  Les  autres  fonctions  sont 
confirmées  aux  titulaires  du  précédent  exercice. 

Dans  sa  séance  administrative  du  17  décembre, 
la  Lice  Chansonnière  a  procédé  au  renouvellement 
de  son  bureau  pour  1880.  Hippolyte  Ryon  a  été 
nommé  président;  Ernest  Chebrouxet  Georges  Baillet 
vice-présidents  ;  Charles  Péan  secrétaire  ;  Achille 
Caron  secrétaire-adjoint.  Eugène  Baillet,  Emile 
Cahen,  trésoriers,  et  J.  Jeannin,  maître  der<  chants 
ont  été  maintenus  dans  leurs  fonctions.  Brûlez  et 
Pellet,  membres  libres,  ont  été  nommés  maîtres  des 
cérémonies.  Le  Banquet  des  Dames  (hiver)  aura  lieu 
le  7  janvier,  à  5  heures  1;2  très-précises,  aux  Ven- 
danges de  Bourgogne,  14,  l'ue  de  Jessaint,  à  La 
Chapelle.  Prix  de  ce  Banquet  :  6  francs.  On  trouve 
des  billets  chez  le  trésorier  Eugène  Baillet,  6,  rue 
des  Vieilles-Haudriettes. 

La  soirée  donnée  le  13  décembre,  au  bénéfice  de 
notre  camarade  Emile  Durafour,  régisseur  du  con- 
cert de  La  Pépinière,  a  été  des  plus  brillantes. 
Debailleul  y  a  remporté  un  véritable  succès  dans 
deux  romances  de  son  répertoire.  M.  Désorme,  chef 
d'orchestre,  a  offert  au  bénéficiaire  une  superbe 
couronne  au  nom  de  tous  les  artistes.  Une  autre 
couronne  lui  a  été  remise  au  nom  des  habitués  de 
l'établissement.  Notre  ami  Durafour  a  remercié 
d'une  voix  véritablement  fort  émue. 

Le  sympathique  directeur  de  l'Eldorado,  qui  tou- 
jours met  la  direction  et  les  artistes  de  son  concert  à 
la  disposition  de  toutes  les  bonnes  œuvres,  vient 
encore  une  fois  de  donner  un  bon  exemple.  Pendant 
toute  la  durée  du  froid,  une  distribution  de  soupe 
est  faite  tous  les  matins  à  cent  cinquante  indigents  du 
quartier.  Ce  fait  ne  nous  étonne  pas  de  la  part  de 
M.  Paul  Renard  ;  nous  souhaitons  seulement  qu'il 
trouve  beaucoup  d'imitateurs. 

Un  bon  exemple  à  suivre,  par  le  temps  qui  court  : 

La  c(  Lyre  Bienfaisante  »  (  9,  quai  Saint-Michel)  a 
donné  le  lundi  15  décembre  dernier,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Couvreur,  une  soirée  extraoï^dinaire  au 
profit  des  pauvres  du  V°  arrondissement. 

Inutile  de  dire  qu'avant  9  heures  toutes  les  places 
étaient  deux  fois  prises. 

La  soirée  s'est  terminée  par  une  tombola  composée 


de  82  lots  —  tous  sérieux  —  off'erts  par  les  membres 
et  par  les  habitués.de  la  société. 

Le  produit  de  cette  tombola,  dontchaque  billetavait 
été  fixé  à25centimes,  s'est  élevé  àlOOfr.,  chiffre  rond. 

M.  Labbé,  éditeur,  rue  Notre-Dame  de  Nazareth, 
vient  de  mettre  en  vente,  en  petit  format,  la  Saint-Quen- 
tinoise,  hymne  de  Edmond  Delière,  musique  de  Marié. 

Notre  camarade  Hippolyte  Ryon,  l'auteur  de  tant 
de  charmantes  romances,  vient  d'avoir  la  douleur 
de  perdre  sa  mère. 

Le  dimanche  21  décembre,  un  petit  groupe  de 
chansonniers  et  d'amis  de  la  chanson  sont  allés 
déposer,  au  cimetière  Montparnasse,  une  couronne 
sur  la  tombe  d'Hégésippe  Moreau,  à  l'occasion  du 
quarantième  anniversaire  de  sa  mort. 

MM.  Brieux  et  Salandri  ont  remporté  dimanche, 
aux  matinées  des  Jeunes  du  Théâtre  Cluny,  un  véri- 
table succès  avec  Bernard  Palissy,  drame  en  un  acte 
et  en  vers  ;  nous  sommes  heureux  de  le  constater. 

M.  Léon  Valade  publie  une  série  de  poèmes  imités 
d'Henri  Heine,  les  Nocturnes.  Lire  le  Progrès  Artis- 
tique depuis  le  28  novembre,  tous  les  vendredis. 

Notre  collaborateur  E.-P.  Erard  vient  de  rem- 
porter une  palme  de  bronze  à  l'Académie  poétique. 

Nous  prions  les  membres  du  Caveau  et  de  La  Lice 
Chansonnière  de  nous  faire  parvenir  dans  le  plus 
bref  délai  leurs  photographies.  Nous  avons  l'inten- 
tion de  publier  les  groupes  de  ces  sociétés,  en  1880. 

Nous  publions  la  fin  de  la  lettre  si  poétique  de 
l'auteur  de  La  Sonde,  parue  dans  notre  n"  31. 

«  Je  chemine,  je  vole  si  rapidement,  que  déjà  je  suis 
arrivé  à  la  Grande-Chartreuse  (Grenoble). 

Fameuse  retraite,  celle-là;  et  pourtant  jamais  elle  ne 
sera  la  mienne. 

Quelle  plus  ravissante  retraite  que  la  toute  puissante  et 
majestueuse  nature. 

Ses  myriades  d'astres  aussi  splendides  que  mystérieux, 
laboratoire  de  l'infini,  qui  longtemps  encore,  à  tout  jamais 
peut-être,  défiera  les  plus  puissantes  intelligences! 

C'est  la  plus  haute  affirmation,  c'est  aussi  la  plus  sublime 
contemplation  ! 

Qu'on  se  sent  libre,  face  à  face  avec  l'Eternel  ! 

Ces  mondes  variés,  tous  infinis,  entrevus  à  travers  ces  séries 
d'astres,  de  plus  en  plus  innombrables,  sont  soutenus  dans 
leui'  immensité,  seulement  par  une  force  vraiment  magique. 

Ces  merveilles,  si  grandes  qu'elles  puissent  être  n'éclîap- 
pent-elles  pas   trop  souvent  à  notre  perspicacité. 

La  plus  belle  retraite  serajlonc  celle-là  qui,  sans  horizon 
et  sans  bornes,  est  l'immensité  même  ! 

Frère,  que  je  regrette  peu  celle  de  ces  Chartreux,  qui 
prosternés  ventre-à-terre,  rampant,  presque  ensevehs.  — 
Sépulcre  mouvant  pour  saisir  quoi?. . . 

Dieu  en  boîte  —  en  simple  tabernacle  de  sapin  doré —  hélas!  ! 

Heureusement  l'àme  plane,  et  ne  rampe  pas.  —  Dieu  ne 
saurait  être  compression  —  puisque  c'est  à  la  pensée  si 
grande  de  cette  sublime  contemplation,  qu'on  est  vérita- 
blement dans  l'admiration. 

Ainsi,  je  vous  livre,  courant  sur  un  rail  rapide,  mes 
meilleures  impressions  de  voyage.  —  Adieu  la  vapeur  siffle, 
et  je  file  jusqu'à  Digne.  »  DENIS 

Nous  rappelons  que  La  Renaissance  donnera  son 
banquet  et  son  grand  bal  annuels,  le  samedi  3  janvier, 
au  Grand  Orient  de  France,  16,  rue  Cadet.  On  trouve 
des  billets  à  La  Renaissance,  8,  boulevard  de  Stras- 
bourg, café  du  Globe. 

Le  jeudi  8  janvier,  grande  soirée  à  la  Cordiale, 
50,  galerie  Montpensier  (Palais-Royal). 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY 


3*  ANNEE.  —  N*  36. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


16  JANVIER  1880. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  i."  <5c  le  16  de  chaque  mois 

Les  Abonnements  partent  du  1er  Mai  &  du  l"  Novemhre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces, 
Réclame, 


ligne  .. 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


«DMINISTRITION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 

»         six  mois 

Etranger,  le  port  en  sus 


S03V!:3VCJ^IS.E 
Galerie  des  Chansonniers  :  Jules  Echalié  (eucène  baii.let.  — 
La  Cage  et  ^'Oî'çeau  (juleséchalié).  —  Banquets  fin.  Careau 
et  de  la  Lice  Chansonnière  (euo.  imbert).  —  Les  Mélodies  de 
Schumann(A.  édéma).  — A  Guillaume  /«'(Edouard  gressin).  — 
Bibliographie     (eug.     imbert.    —    Le     Sommeil    (victor 


billaud).  —  Les  Dents  de  sagesse  (j.  lagarde).  Choses  et 
autres.  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  {HEtis.Y  mallet).  — 
PremierConcours  entre  les  Solistes  des  Sociétés  lyriques  de 
Paris. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  JULES  ÉCHALIÉ 


Jules  Echalié  est  un 
des  jeunes  chanson- 
niers à  qui  La  Chanson 
doit  une  place  :  c'est 
le  président  sortant  de 
la  JJce  Chansonnière. 

Déjà  l'an  dernier,  lors 
de  sa  nomination,  nous 
voulions  donner  sa  bio- 
graphie. Si  nous  avons 
attendu  que  Jules  Echa- 
lié fut  descendu  du  fau- 
teuil de  la  présidence, 
qui  à  la  Lice  est  une 
modeste  chaise,  notre 
tâche  n'en  sera  que  plus 
facile. 

Un  côté  poétique  du 
talent  d'Echalié  s'est 
révélé  à  nous  :  il  est 
d'usage  à  la  Lice  qu'au 
milieu  du  banquet  le 
président  prononce  un 
discours  en  vers  appelé 
un  peu  pompeusement: 
Le  toast  à  la  Chanson. 
Echalié  s'est  acquitté 
de  cette  tâche  avec 
beaucoup  d'esprit,  de 
finesse  et  surtout  en  vers  très-francs,  faciles  et 
sans  prétention.  Le  poète  sent  bien  que  ce  qu'il 
écrit  aujourd'hui  est  une  feuille  que  demain  empor- 
tera; aussi  sait-il  la  graver  dans  la  mémoire  par 
l'intérêt  actuel  qu'il  donne  à  son  œuvre  ;  une  fois 


ce  sont  ses  amis  qu'il 
met  en  scène  ;  le  mois 
suivant,  l'événement  du 
jour  est  jugé  d'une  fa- 
çon caustique  dans  ses 
vers  et  le  final  est  tou- 
jours un  bon  mot  en 
faveur  de  la  Muse  Chan- 
son, qui  doit  attendre 
derrière  la  porte  du 
salon  pendant  le  récit 
du  toast  en  son  hon- 
neur que  le  dernier 
mot  lui  en  ouvre  la 
porte. 

La  chère  impatiente, 
comme  les  bravos  l'ac- 
cueillent dès  qu'elle  ap- 
paraît! Les  Licéens  lui 
doivent  de  beaux  suc- 
cès, il  est  vrai,  mais  ils 
ne  sont  pas  ingrats  pour 
elle,  surtout  quand  elle 
entre,  comme  dans  les 
vers  d'Echalié,  en  don- 
nant le  bras  à  la  poésie. 
Voici  un  extrait  chaud 
de  bonne  confrater- 
nité du  Toast  de  dé- 
cembre, c'est-à-dire  du  douzième  :  Echalié  parle  de 
son  successeur  inconnu  : 

. . .   Qu'importe  pour  ce  grade 
Celui  qui  sortira  du  rang, 
Avant  tout  c'est  un  camarade 


138 


LA  CHANSON 


Aujourd'hui  petit,  demain  grand, 

Qui  doit  redevenir  ensuite 

Ce  qu'il  est  :  simple  troubadour, 

Car  notre  ligne  de  conduite 

Est  dans  ces  mois  :  chacun  son  tour. 

Combien  je  la  trouve  admirable 

Cette  maxime,  mes  amis, 

Et  combien  est  fort  et  durable 

Le  pouvoir  où  tous  sont  admis. 

Aussi  la  Lice  Chansonnière 

Doit-elle  ne  jamais  finir, 

Grâce  à  la  jeune  pépinière 

Des  présidents  de  l'avenir. 

Et  pour  clore  gaîment  l'année 

Je  veux  à  mon  douxième  mois 

Que  ma  tâche  soit  terminée 

Par  trois  joyeux  toasts  à  la  fois. 

D'abord  je  bois  à  notre  Lice, 

A  la  chanson  !  sa  noble  sœur  ! 

Et  je  termine  sans  malice 

En  buvant  à  mon  successeur. 

Ily  a  dans  ces  vers  pleins  de  verve  un  parfum  de 
sincère  camaraderie  qui  s'éprouve  à  la  lecture  et 
bien  plus  encore  à  l'audition.  C'est  le  fond  du 
caractère  deJulesEchalié. C'est  un  vrai  Bourguignon, 
haut  de  stature  et  large  d'épaule,  il  en  a  gardé  un 
brin  l'accent.  Il  est  né  à  Dijon,  en  1846  et  en  octobre, 
le  mois  des  vendanges  !  Dans  ce  beau  département 
de  la  Côte-d'Or  qui  sent  la  chanson,  non  seulement 
Piron  y  est  né  mais  Déranger  y  fut  en  nourrice. 

Les  chansons  d'Echalié  sont  nombreuses  :  il 
affectionne  surtout  le  genre  appelé  vaudeville  que 
l'on  nomme  aussi  en  argot  chansonnier  :  Chansons  d 
tiroirs.  C'est  le  plus  souvent  un  proverbe  qui  sert  de 
refrain.  Autant  de  couplets,  autant  de  sujets,  il  faut 
dans  le  cours  d'une  chanson,  justifier  cinq  ou  six  fois 
le  dicton  juste  ou  faux  qui  sert  à  relier  les  couplets 
entre  eux. 

Echalié  réussit  bien  ce  genre  un  peu  vieux  qu'il  a 
su  rajeunir  par  beaucoup  d'imagination  et  en  moder- 
nisant les  sujets  ;  sa  forme  est  poétique  et  soignée, 
un  peu  trop  même;  je  reprocherai  à  Echalié  de 
manquer  en  chanson  du  laisser-aller  qui  convient  si 
bien  à  ce  genre. 

Ses  principales  chansons  sont  :  La  Cage  et  l'Oiseau, 
Comment  on  devient  aveugle.  L'homme  propose  et  Dieu 
dispose,  Ernestine,  Les  plus  mat  chaussés.  Nous  tenons 
la  République,  Quand  on  n'a  pas  ce  que  Von  aime  et 
cinquante  autres  qui  se  trouvent  un  peu  partout. 

Les  succès  intimes  d'Echalié  sont  nombreux  par- 
tout où  l'on  aime  la  chanson  de  bon  goût.  Sa  répu- 
tation est  établie.  A  la  Lice  Chansonnière,  au  Caveau, 
au  Bon  Bock,  au  Pot-au-feu,  les  échos  répondent 
succès  à  l'appel  de  son  nom.  Ce  qui  lui  manque,  c'est 
un  succès  populaire,  un  de  ces  succès  de  la  rue,  si 
bafoués  et...  si  enviés.  Cela  viendra,  n'en  doutons 
pas. 

Voici  les  vaillants  états  de  service  de  notre 
jeune  chansonnier:  il  fit  ses  premières  armes  aux 
Echos  Parisiens,  un  recueil  rédigé  par  la  prime- 
jeunesse  du  temps;  il  est  entré  à  la  Lice  Chansonnière, 
et  a  donné  sa  part  dans  tous  les  volumes  publiés 
depuis;  dès  1873,  il  en  fut  pendant  deux  ans  le 
secrétaire  le  plus  studieux,  le  plus  fervent.  Durant 
ces  deux  années,  il  a  complètement  organisé  les 
archives  de  la  Lice;  aujourd'hui,  grâce  à  lui,  les 
moindres  papiers,  le  plus  petit  journalse  rattachant  de 
près  ou  de  loin  à  la  société,  a  sa  place,  son  numéro 
d'ordre.  C'est  une  collection  riche  de  documents  du 
plus  haut  intérêt  pour  l'histoire  delà  chanson.  C'est 


pourquoi  bien  qu'encore  un  nouveau  dans  la  Lice 
Chansonnière  et  comme  marque  de  remercîments  et 
de  bonne  sympathie,  il  fut  élu  président  à  l'unani- 
mité pour  l'année  1879 . 

En  1876,  Echalié  entrait  au  Caveau,  qui  le  nom- 
mait l'année  suivante  membre  titulaire  et  l'admettait 
à  son  bureau. 

Jules  Echalié,  comme  tous  les  hommes  intelligents 
de  notre  génération,  est  homme  de  progrès;  c'est 
un  brave  ami,  droit  et  sûr,  un  bon  citoyen,  et  quand 
sa  chanson  dit  :  Vive  la  France,  son  refrain  chante  : 
Vive  la  République. 

Eugène  BAILLET. 


LÀ  CAGE  &  L'OISEAU 


Air  du  Jaloux  malade. 

Amis,  il  faut  en  toute  chose 
Agir  avec  discernement; 
Confondre  l'effet  et  la  cause 
Nous  attire  bien  du  tourment  ; 
A  ce  propos  certain  adage 
Quoique  vieux  est  toujours  nouveau  : 
Gardez-vous  d'acheter  la  cage 
Avant  de  posséder  l'oiseau. 

Quelque  bébé  vient-il  de  naître. 
Sans  même  qu'il  en  sache  rien, 
On  baptise  le  petit  être  ; 
Bon  gré  mal  gré  c'est  un  chrétien. 
De  la  raison  s'il  n'a  pas  l'âge, 
Le  remettre  aux  mains  d'un  bedeau, 
C'est  lui  faire  acheter  la  cage 
Avant  de  posséder  l'oiseau. 

De  certain  rimeur  qu'on  admire 
Parcourant  les  travaux  divers. 
Je  cherche  encor  ce  qu'il  veut  dire 
Lorsque  j'arrive  au  dernier  vers. 
Remplir  ainsi  page  après  page, 
Sans  un  sujet  dans  le  cerveau, 
N'est-ce  pas  acheter  la  cage 
Avant  de  posséder  l'oiseau? 

Maintenant  que  l'on  se  marie 

Après  trois  seniaines  de  cour, 

Sans  l'avoir  mis  de  la  partie 

On  dit  :  «  Plus  tard  viendra  l'amour.  » 

Mais  plus  tard  d'un  mauvais  ménage 

Les  époux  offrent  le  tableau. 

Pour  avoir  acheté  la  cage 

Avant  de  posséder  l'oiseau. 

Pour  asservir  une  province. 
Sans  avoir  son  consentement. 
On  voit  de  nos  jours  plus  d'un  prinoe 
Prendre  le  plomb  pour  argument; 
Mais  le  cœur  d'un  peuple  en  servage 
Méprise  toujours  le  drapeau 
De  qui  veut  acheter  la  cage 
Avant  de  posséder  l'oiseau. 

La  politique  me  fait  rire 

Quand  je  vous  vois,  hommes  d'Etat, 

Pour  votre  vieillesse  construire 

Un  inamovible  Sénat. 

Hélas!  je  comprends  votre  rage 

Quand  d'autres  mangent  le  gâteau  : 

Vous  aviez  acheté  la  cage 

Avant  de  posséder  l'oiseau. 


LA  CHANSON 


139 


Mes  amis,  que  faut-il  conclure 
D'un  proverbe  si  bien  prouvé? 
Que  de  la  vie  il  faut  exclure 
Tout  ce  qui  n'est  pas  motivé. 
Au  terme  de  notre  voyage 
Si  nous  ne  trouvons  qu'un  tombeau, 
Du  moins  n'achetons  cette  cage 
Qu'au  moment  d'y  mettre  l'oiseau. 

25  décembre  1879.  JULES   ECHALIE. 


BANQUETS  DU  CAVEAU 

'EZ't    de    la     I_iice     CJiti.an.sonnièr€ 
1—7  JANVIER  1880 


Je  vois  quelquefois  sourire  certains  chansonniers  à  l'audi- 
tion de  couplets  qu'ils  n'ont  pas  écrits.  Genre  Caveau, 
disent-ils,  et  dans  leur  pensée,  c'est  une  épigramme. 

Le  genre  Caveau,  en  effet,  existe,  mais  ne  mérite  pas  le 
dédain  qu'on  simule  à  son  égard.  C'est  à  proprement  parler 
le  genre  salon.  Les  travers  éternels,  les  ridicules  du  jour, 
l'anecdote  d'hier,  les  vices  générau.v  de  l'immanité,  les 
tics  des  individus,  l'écho  d'une  première,  une  pointe  sur  la 
politique  contemporaine  :  voilà  son  domaine  ;  il  est  vaste, 
et  permet  à  tous  les  genres  d'esprit  de  s'e.\ercer  avec  plus 
ou  moins  de  bonheur  ou  de  succès. 

Maintenant,  que  l'habitude  de  chanter  entre  soi,  que 
la  tendance  à  rimitation,  que  l'examen  par  un  comité  des 
pièces  à  publier,  que  les  conseils  des  plus  expérimentés  aux 
plus  novices,  engendrent  entre  les  productions  d'une  même 
société  un  air  de  famille,  il  est  difficile  de  le  nier.  Que  dis- 
je?  |Moi  qui  vous  parle,  je  me  sens  quelquefois^  et  cela  sans 
m'en  plaindre,  envahi,  je  veux  dire  gagné  par  l'inlluence 
ambiante. 

Mais  de  là  à  la  monotonie,  il  y  a  loin,  et  cette  atmosphère 
de  bon  sens  mitigé  par  la  gaîté  n'étouffe  nullement  l'ongina- 
hté.  Quoi,  des  chansonniers  originaux  au  Caveau  !  direz-vous. 

Oui,  dans  tout  le  Cnveau,  si  je  suis  bien  compter, 
Il  en  est  jusqu'à  trois  que  je  pourrais  citer. 

Oui  trois,  que  je  choisis  pour  les  prendre  à  parlie  parmi  les 
membres  présents  l'autre  soir. 

L'un,  qui  se  lient  quelquefois  dans  le  rang,  en  sort  souvent 

Four  se  sentir  plus  libre.  Un  vif  sentiment  de  la  nature, 
amour  du  soleil,  de  la  vigne,  des  grands  bois,  de  tout  ce 
qui  est  chaud,  vibrant,  indépendant,  font  de  lui  un  digne 
successeur  de  Dupont. 

Un  autre,  sérieux  même  dans  la  gaudriole,  profondément 
sensé,  ne  s'attache  qu'à  des  sujets  nets,  précis,  pratiques  en 
quelque  sorte.  Son  talent,  peu  fantaisiste,  est  essentiellement 
roturier  ;  prenez  le  mot  dans  son  meilleur  sens.  Comme  il  a 
vécu  ou  vu  vivre  ce  qu'il  raconte  ou  dépeint,  il  donne  à 
toutes  ses  productions  un  caractère  solide  et  vrai. 

Le  troisième  c'est  la  poésie  qui  l'inspire.  Elévation  d'idées, 
chaleur  de  conviction,  forme  littéraire,  telles  sont  ses 
qualités.  Il  se  monlie  ([uelquefois  trop  poète, dans  le  milieu 
oii  il  se  produit,  pour  qu'on  lui  accorde  le  titre  de  chanson- 
nier. Il  chante  la  chasse,  les  vieux  Gaulois,  les  plaines  elles 
paysans,  les  forêts  aux  grands  chênes.  Les  souvenirs  de  la 
vieille  patrie,  de  la  France  féconde,  donnent  à  ses  vers  une 
senteur  de  terroir  qui  fortifie  l'àme. 

Outre  Vincent,  Jullien  et  Vilmay  —  les  aviez-vous  recon- 
nus?—  MM.  Lesueur,  Piesse,  Fouache,  Lagoguée,  Mouton- 
Dufraisse,  Fénée  et  Grange  ont  tenu  dignement  le  drapeau 
de  la  chanson,  je  pourrais  dire,  pour  quelques-uns,  le  grelot 
de  la  folie.  Les  Plaintes  d'un  président,  les  Souhaits  d'une 
bonne  année,  Défions-^ious  des  apparences.  Ma  femme  est  à 
Valenciennes,  l'Homme  blasé  :  sont  des  tableaux  bien  saisis, 
relevés  çà  et  là  d'un  trait  piquant.  Le  Coin  du  feu,  les 
Ivressesincurabtes,  chansons  un  peu  plus  sérieuses,  n'en  ont 
pas  été  moins  goûtées.  L'art  de  panser  les  blessures  est  un 
des  succès  de  la  soirée.  J'en  dirai  autant  du  message  prési- 
dentiel qui,  sous  la  forme  d'un  teste,  présente  avec  esprit  la 
situation  des  affaires  intérieures,  extérieures,  financières,  etc. , 
de  l'Etat...  du  Caveau. 


La  vie  est  une  blague, 
Et  je  veux  en  sortir. 

Dit  VHomme  blasé  de  Fénée.  Mon  compte  rendu  a  la  pré- 
tention de  n'être  pas  une  blague,  mais  j'en  veux  sortir,  et  ce 
sera  en  disant,  comme  au  commencement  :  la  chanson  genre 
Caveau  a  pour  fouet  un  éventail  ;  elle  est  mordante  sans  venin, 
grave  sans  tristesse,  moraliste  sans  morgue  ;  il  ne  lui  man- 
que, parfois^  qu'une  chose.  Quoi?  je  vous  le  dirai  plus  tard. 

Dans  son  toste,  M.  Grange  —  et  celle  remarque  va  me  servir 
de  transition,  —  constatait  que  les  relations  du  Caveau  avec 
les  Enfants  d'Apollon,  la  Lice  Chansonnière  et  autres 
goguettes  étaient  excellentes.  Ne  lui  en  déplaise,  la  Lice  n'est 
pas  une  goguette,  mais  bien  une  société  organisée,  ayant 
son  banquet  mensuel  et  son  volume  annuel,  tout  comme  le 
Caveau.  Et  précisément,  le  7  de  ce  mois,  avait  lieu  le 
banquet  dont  j'ai  à  vous  parler.  Or  il  faut  ici  mêler  aux 
lauriers  quelques  myrtes.  Les  dames  qui,  comme  le  disait  un 
ancien  président,  ont  fait,  font  et  feront  toujours...  l'orne- 
ment de  nos  soirées,  émaillaient  en  effet  la  fête  de  leurs 
brillantes  toilettes  et  de  leurs  gracieux  visages.  Aussi  jeunes 
et  vieux  se  sont-ils  mis  en  frais  pour  célébrer  ce  beau  jour. 
Echalié,  Chebroux,  Jeannin,  Sylvain  Saint-Etienne,  se  sont  dis- 
tingués. D'autres  ont  tiré,  pour  la  circonstance,  leurs  chansons 
de  derrière  les  fagots,  et  c'a  été  un  feu  d'artifice  de  bonne 
humeur  et  d'aimables  flatteries.  Flatteries?  non  :  vérités  est  ■ 
plus  juste.  Pourquoi  parmi  ces  dames,  si  nombreuses,  trois 
seulement  ont-elles  osé  chanter!  Je  le  regrette  sans  le  com- 
prendre. M""=  Tribelhorn  et  M'i^s  Durafour  se  sont  dévouées 
et  n'ont  pas  eu  à  s'en  repentir.  Elle  se  sont  acquittées  de 
leur  tache,  l'une  en  cantatrice  de  goût,  celles-ci  en  véritables 
artistes.  Il  était  difficile  de  chanter  mieux,  mais  d'autres 
auraient  pu  recueillir  encore  des  applaudissements. 

Je  puis  vous  le  dire  à  présent,  ce  qui  manque  au  Caveau, 
ce  n'est  pas  la  romance  ni  même  le  sonnet,  on  s'en  con- 
solerait facilement;  ce  sont  les  dames. 

Côté  des  hommes,  les  chansons  ont  presque  toutes  été 
choisies  dans  la  gamme  gaie.  Dubois,  Georges  Baillet,  .Adeline, 
Cahen,  Durafour  nous  ont  dit  successivement  :  Le  raisin  ne 
mûrira  pas,  Un  joyeux  ménage.  Mes  deux  maîtresses.  Qui 
se  ressemble  s'assemble,  La  Famille  à  Camille.  Avenel  a  bu 
à  la  gloire.  Je  ne  puis  tout  citer;  mais  pourquoi  diable  un 
visiteur  que  je  ne  nomme  pasva-t-il  chanter,  devant  des  dames, 
le  fameux  couplet  du  mari  dans  la  Troisième^  Je  le  trouve 
raide,  non  le  mari,  mais  le  chanteur.  Heureusement  les 
dames  ont  dissimulé  leur  embarras  bien  compréhensible,  en 
applaudissant  à  tout  rompre.  Donc  tout  est  bien  qui  finit 
b'en-  EuG.  IMBERT. 

MM.  A.  Leblanc  et  A.  Godet  ont  été  reçus  membres  de 
de  la  Lice  Chansonnière.  Leurs  diplômes  leur  ont  été  remis 
au  présent  banquet. 

LES  MÉLODIES  DE  SCHUMANN 


I.  CHANSON  DU  MATIN  (*) 

Au  commencement  du  mois  d'août,  un  jour  que  la 
transparence  de  l'atmosphère  semblait  convier  les 
hommes  à  l'éternel  banquet  où  l'âme  se  répare,  un 
jeune  étudiant  s'arrêtait  devant  une  jolie  habitation, 
au-dessous  d'une  fenêtre  couronnée  de  lierre  dont 
les  Persiennes  étaient  soigneusement  fermées  à 
l'intérieur.  Nous  sommes  bien  loin  de  la  ville,  dans 
un  village  isolé  :  l'horloge  sonne,  comptons...  cinq 
heures  ;  oh  il  est  bien  matin  ;  un  étudiant  levé  sitôt, 
cela  mérite  attention. 

Bientôt  le  lierre  de  la  croisée  s'agite  un  peu,  les 
volets  se  replient,  un  bras  nu  suivi  d'une  petite  tête 
mignonne  et  rieuse  paraît  au-dehors,  ensuite  un 
corsage  blanc.  La  jeune  fille  regarde  avec  atten- 
tion :  sans  doute  elle  veut  savoir  si  la  journée  sera 
belle  ou  si  le  soleil  est  levé  :  elle  tient  à  la  main 
une  rose  blanche  qu'elle  porte  à  ses  lèvres  ;  fi,  Made- 
moiselle,   c'est  très-vilain    d'embrasser  les   fleurs. 


140 


LA  CHANSON 


autant  vaudrait  donner  un  baiser  à  son  fiancé.  La 
fenêtre  reste  ouverte  et  l'apparition,  accoudée  un 
instant,  se  retire;  écoutez  : 

Quand  d'un  rêve  bercée 
Je  m'éveille  à  demi 
Ma  première  pensée 
Est  toute  h.  mon  ami. 
De  son  regard  vainqueur 
Je  n'ai  pu  me  défendre 
Comme  il  aurait  mon  cœur 
Si  je  pouvais  le  prendre. 

Quelle  délicatesse  dans  ces  notes  martelées  timi- 
dement dont  l'union  si  intime  avec  les  syllabes 
qu'elles  colorent  fait  d'une  série  de  sons  répétés,  le 
plus  aimable  lambeau  de  mélodie  que  l'on  puisse 
placer  dans  la  bouche  d'une  fiancée  qui  caresse  avec 
joie  son  amour  sans  songer  un  instant  à  en  contrarier 
l'expansion. 

Comme  elle  avoue  sa  tendresse  que  rien  n'a  encore 
traversée,  la  gracieuse  enfant  I  En  elle  tout  est 
calme,  tout  est  limpide  ;,  point  d'inquiétude,  ni  tour- 
ments, ni  agitation.  Une  naïveté  triomphante,  aussi 
aimable  dans  sa  chanson  que  le  sourire  sur  ses 
lèvres,  voilà  son  acte  d'amour.  Encore  trop  hardi 
pour  elle  !  Je  crois  voir  son  visage  se  couvrir  d'un 
rose  reflet  pendant  que  sa  main  redit  sur  le  piano  la 
première  mélodie  comme  un  écho  hésitant. 

Amoureuse  de  quinze  ans  ne  manque  pas  d'aplomb  : 
notre  héroïne  se  remet  bien  vite,  repousse  avec  un 
petit  air  martial  ses  cheveux  blonds,  sent  son  cœur 
palpiter  plus  fort,  traduit  sur  le  clavier  quelques 
élans  craintifs,  achève  de  dilater  son  âme,  répète 
les  quatre  premiers  vers  de  sa  romance,  non  sans  y 
ajouter  quelques  variantes  qui  font  ressortir  le  côté 
passionné  de  l'idylle,  enfin  nous  dit  son  secret  sans 
détours  :  «  J'adore  mon  ami.  «  Un  accord  plein 
d'âpreté  vient  souligner  ces  mots  ;  la  chanteuse  vous 
avertit  ainsi,  belle  lectrice,  que  la  nécessité  lui 
donnerait  des  griffes  si  une  rivale  s'avisait  de  lui 
disputer  sa  conquête. 

Quelques  jours  après  la  petite  scène  champêtre 
que  je  viens  de  vous  raconter,  la  fenêtre  couronnée 
de  lierre  cessa  d'être  matinale,  mais,  le  soir,  deux 
jeunes  gens  y  restaient  longtemps  à  causer.  M.  le 
Maire  avait  passé  par  là.  ^_  ÉDÉMA. 


A     GUILLAUME  r 

noi   de  Prusse,  Empereur    d'Allemagne 

Vers  écrits  le  19  janvier  1 87 1 ,  jour  de  la  bataille  de  Buzenval 


0  soldats,  dont  le  sang  couvre  déjà  la  terre, 

Nobles  enfants. 
Vous  si  jeunes  encore  et  qu'une  horrible  guerre 

Rend  si  vaillants  ; 
Combattez,  combattez  pour  la  mère  Patrie 

Prête  à  mourir  ; 
Combattez,  combattez  pour  la  rendre  à  la  vie, 

A  l'avenir. 
Elle  attend  tout  de  vous,  ô  mes  héros  imberbes. 

Mes  fiers  lions  ! 
Elle  veut  être  reine,  ô  citoyens  superbes, 

Des  nations! 
Elle  est  là,  bras  meurtris,  face  cadavéreuse, 

Flancs  amaigris  ; 
Mais  tu  grondes  dans  l'ombre,  ô  ma  ville  houleuse, 
0  mon  Paris  ! 

(•)  Schumann,  op.  51,  n°  2.  Paris,  Durand  et  C"  éditeurs,  4,  place 
de  la  Madeleine.  Prix  :  1  fr.  35  net. 


Gronde,  gronde  toujours,  cité,  fournaise  ardente 

Aux  coeurs  de  feu. 
Bientôt  resplendira  de  ta  flamme  éclatante 

L'horizon  bleu. 
Alors  apparaîtra  ce  géant  de  lumière 

Et  d'équité 
Qui  de  ses  vastes  mains  sèmera  sur  la  terre 

La  Liberté, 
Et  les  rois  trembleront,  le  front  dans  la  poussière, 

Criant  merci  ! 
Les  peuples  répondront,  le  cœur  pur,  l'âme  fière  : 

«  Fuyez  d'ici  ! 
«  Fuyez,  et  laissez-nous  à  cette  ère  nouvelle 

«  Chère  à  nos  cœurs  ; 
«  Nous  voulons,  retrouvant  l'amitié  fraternelle, 

(c  Sécher  nos  pleurs! 
(c  Quels  étaient  donc  vos  droits  pour  susciter  la  guerre, 

«  Sombres  tyrans  ? 
K  De  qui  les  teniez-vous  pour  ravager  la  terre 

(C  Et  ses  enfants  ? 
«  Est-ce  Dieu  qui  vous  dit  dans  sa  bonté  sublime  : 

«  0  souverains, 
«  Gouvernez  les  humains  et  dans  l'immonde  crime 

«  Plongez  vos  mains  ! 
«  Vous  êtes  rois,  c'est  bien  !  vous  pouvez  à  votre  aise 

«  Parler,  agir; 
(C  Et  si  le  peuple  dit  votre  justice  biaise, 

«  Laissez  mugir. 
«  L'hiver,  quand  il  fait  froid,  donnez  fête  joyeuse, 

«  Dansez,  riez; 
<;  Ne  vous  occupez  pas  si  la  plèbe  frileuse 

«  Frappe  des  pieds. 
«  Pour  arriver  au  but,  point  d'illusions  vaines, 

ce  De  faux  serments  ! 
«  Et  du  sang  s'il  le  faut,  dût-il  couler  des  veines 

«  De  blonds  enfants  ! 
«  Après  de  tels  exploits,  ô  souverains  augustes, 

«  Morts  et  pontons 
«  Réserveront  un  jour  à  vos  superbes  bustes 

«  Les  panthéons  ». 
Est-ce  Dieu,  dites-moi,  qui  vous  tint  ce  langage  ? 

Rois,  répondez  ! 
Est-ce  Dieu  qui  voulut  le  monde  à  l'esclavage? 

Rois,  vous  mentez  ! 
Ces  droits,  comme  un  voleur,  vous  les  prîtes  dans  l'ombre, 

Monstres  humains. 
Et  vous  vîntes  la  nuit,  fauves,  le  regard  sombre, 

Chaînes  en  mains. 
Et  puis  avec  mépris,  «  Lions  la  populace 

En  son  sommeil  ;  d 
Et  le  peuple  pâlit  en  voyant  tant  d'audace 

Au  grand  soleil. 
Mais  ces  jours  sont  passés,  et  vient  la  délivrance. 

Brisons  nos  fers  : 
La  France  se  relève  et  s'écrie  espérance 

A  l'univers  ; 
Et  l'univers,  pleurant  sous  le  joug  monarchique, 

Sèche  ses  yeux. 
Acclamant  à  genoux  la  France  république 

Fille  des  cieux  ! 

Voilà  quel  est  le  peuple  et  voilà  ses  pensées. 

Guillaume,  Roi, 
Bombarde  notre  ville,  et,  ces  fêtes  passées. 

Contemple-toi. 


LA  CHANSON 


141 


Assassine  l'enfant  dans  les  bras  de  sa  mère, 

0  froid  vieillard. 
Si  le  crime  blêmit  ta  face  auguste  et  fière, 

Mets-toi  du  fard  ! 
Mais  en  est-il  besoin?  Non,  car  ton  âme  atroce 

Ne  peut  frémir, 
Et  tu  peux  voir  de  même,  ô  souverain  féroce, 

Naître  et  mourir. 
Paris  était  pour  toi  la  vile  populace 

Sans  dignité  ; 
Que  son  sombre  mépris  te  jailllise  à  la  face, 

0  Majesté. 
Paris  était  pour  toi  le  noir  limon  qui  coule 

Dans  les  ruisseaux  ; 
Paris  ouvre  son  sein,  il  en  sort  une  foule 

D'enfants  héros  ! 
Entre  le  peuple  et  toi  vois-tu  la  différence. 

Noble  empereur? 
Alors  qu'il  est  sublime  et  grand  dans  sa  souffrance. 

Tu  fais  horreur  ! 
O  vieillard  insensé,  termine  ta  carrière, 

Gonflé  d'orgueil  : 
Il  n'existe  pas  moins  un  petit  coin  de  terre 

Pour  ton  cercueil. 
Et  toi,  ma  belle  France,  ô  ma  chère  patrie. 

Tu  renaîtras 
Calme,  pure  et  riante;  et  toi,  Prusse  flétrie 

Tu  crouleras  ! 

Edouard  GRESSIN. 


BIBLIOGRAPHIE 


LE  LIVRE  DES  BAISERS,  nar  Vii.tiiii  Rillaud,  Royan, 
-1879;  LES  PETITS  POUCETS  LITTÉRAIRES,  par  Jules 
Lagarde,  Dreux,  1877. 

Jamais  livre  ne  fut  mieux  nommé  que  celui  de  M.  Billaud. 
On  s'y  baise  à  bouche  que  veux-tu,  et  toujours  et  partout, 
surtout  en  plein  air,  sous  les  bois,  dans  les  prés,  en  bateau. 

El  naturellement  les  oiseaux  se  penchent,  les  indiscrets, 
et  les  fleurs  sont  bien  près  de  rougir,  quoiqu'elles  fassent 
semblant  de  ne  rien  voir.  Le  poète  a  bien  raison  de  dire  : 


II  ne  s'agit  donc  pas  ici  de  morceaux  de  longue  haleine, 
mais  de  petits  tableaux,  tous  un  peu  pareils,  le  sujet  le  veut, 
mais  gracieux  et  frais.  Beaucoup  de  paysages.  Le  gazon  y 
ressemble  à  de  vrais  tapis,  la  nature  y  revêt  une  teinte 
fantaisiste  ;  les  fleurs  y  ont  une  vague  odeur  de  boudoir, 
et  je  soupçonnerais  volontiers  les  barques  d'y  glisser  sur 
des  eaux  de  senteur.  Je  vous  laisse  à  penser  si  la  ramure 
et  la  mûre,  les  prés  et  les  cieux  empourprés,  les  saules 
et  les  épaules  font  tinter  au  bout  de  ces  vers  longs  ou 
courts  leurs   consonnances   frissonnantes. 

Mais  quoi?  nous  sommes  en  plein  Watteau,  mais  un  Watteau 
au  pastel  ;  ne  nous  étonnons  donc  pas  si  les  parties  claires 
sont  souvent  relevées  des  mêmes  touches  roses.  Un  reproche 
toutefois  :  au  milieu  des  dryades,  des  tritons  et  des  naïades, 
détonne  un  mot  trivial. 

Fais  un  beau  jour  de  ma  nuit  grise, 

dit  le  poète  à  sa  mignonne; 

côte  à  côte,  en  gais  écoliers, 
Entrant  k  la  fois  dans  l'Idylle, 
Nous  vieillirons  avec  Virgile 
Sous  les  cytises  familiers. 

Or,  c'est  à  la  même  femme  qu'il  dit  dans  une  autre 
^strophe: 

Il  faut  que  je  vive  avec  toi. 

Malgré    cette  petite  tache,  et  quoique  dans  un  passage 


M.  Billaud  suppose  que  le  soleil  peut  s'arrêter,  ce  qui  est 
très  fort  pour  qui  ne  bouge  pas,  il  serait  injuste  de  ne  pas 
reconnaître  dans  ses  vers  une  inspiration  soutenue,  un 
amour  sérieux  de  la  forme,  une  grâce  constante  et  une  véri- 
table chaleur.  La  note  émue  est  rare  ;  pourtant  La  fin  du 
Roman  et  Morte  sont  deux  pièces  pleines  de  sentiment. 
Propos  féminins.  Variations  sur  un  thème  connu  diffèrent 
aussi,  dans  un  autre  genre,  de  la  couleur  générale  du 
volume. 

Le  livre  des  Raisers  :  il  n'est  guère  possible  d'écrire  ce 
titre  sans  se  reporter  par  la  pensée  au  livre  de  Jean  Second 
Evei-ardi.  M.  Billaud  ne  paraît  se  préoccuper  d'aucune  imita- 
tio'n  ;  il  est  presque  partout  aussi  moderne  dans  ses  inspira- 
tions et  dans  son  expression  que  le  Tibulle  du  .VVI<=  siècle 
affectait  d'être  antique,  non  sans  grâce;  mais  la  communauté 
du  sujet  donne  aux  deux  poètes  un  air  de  famille.  Un  avan- 
tage toutefois  demeure  à  notre  contemporain  (en  est-ce  bien 
un  dans  ces  matières?  Je  le  croirais),  c'est  qu'il  pousse 
moins  loin  la  vivacité  des  peintures.  Puisse-t-il,  en  tout  cas, 
ne  pas  ressembler  au  poète  batave  par  la  brièveté  de  sa  vie, 
et  chanter  encore  longtemps  pour  notre  plaisir! 

I.es  prudes  médiront  ;  qu'importe! 
dit-il  quelque  part.  Je  le  crois,  pour  peu  qu'elles  tombent, 
par  e.xemple,  sur  ces  vers  : 

J'apercevais  des  mains  délicutcs  et  blanthes, 

1)63  corsets  trop  étroits  qui  craquaient  sur  les  hanches, 

O  délire  !  et  des  seins  dont  les  boutons  bronzés 

Se  dressaient  frissonnants  sous  les  lèvres  des  hommes 

Tandis  que  sur  leur  neige  il  pleuvait  des  baisers. 

ou  encore  sur  ceux-ci  : 

Toujours  l'amour  veut,  despote  au  possible. 
Qu'on  mette  à  la  cible 
Au  milieu  du  noir. 

Le  lecteur  me  saurait  gré,  sans  doute,  de  multiplier  les 
citations,  mais  je  dois  me  borner,  cl  il  trouvera  dans 
ce  même  numéro  une  pièce  de  M.  Billaud  reproduite  fout  au 
long. 

M.  Billaud,  qui  est,  si  je  ne  me  trompe,  le  créateur  de 
l'Académie  des  Musi'S  Sautones,  n'est  pas  seulement  un 
poète  charmant  et  juvénile,  mais  aussi  un  imprimeur  de 
goût  ;  il  a  édité  lui-même  ses  vers,  et  splendidement,  et 
Henry  Somni  les  a  illustrés  d'une  quarantaine  de  croquis 
Irès-spiriluels. 

M.  Lagarde,  lui,  n'est  pas  poète,  ou  du  moins  il  ne  veut 
pas  l'être.  Il  se  borne  au  bon  sens,  à  l'esprit,  au  mot  fin  ou 
piquant.  C'est  un  des  vétérans  du  Caveau,  et,  eiilre  deux 
chansons,  il  se  distrait  à  crayonner  de  petits  bas  de  page. 
C'est  une  anecdote,  une  répartie  amusante,  quelquefois 
une  simple  charade  ou  quelque  autre  jeu  d'esprit.  L'auteur 
n'a  donc  besoin,  pour  réussir,  que  de  justesse  et  de  bonne 
humeur,  ce  qui  ne  lui  manque  pas. 

Sans  doute  l'élévation  du  sentiment,  la  vigueur  de  la 
satire,  l'enthousiasme  propre  à  la  poésie  lyrique,  sont  des 
qualités  précieuses;  maisl'à-propos,  la  mesiu'c,  la  bonté  qui 
tempère  l'épigramme,  la  gaîté  qui  éclaire  un  couplet,  ne 
sont  pas  non  plus  à  dédaigner,  et  sont  moins  communs 
qu'on  no  pense. 

On  lira  donc  avec  plaisir,  et  avec  profit  même,  les  Petits 
Poucets  littéraires  de  M.  Lagarde,  volume  qui  clôt  provi- 
soirement la  série  des  publications  qu'il  a  faites  jusqu'ici 
et  dont,  pour  les  amateurs  de  raretés,  je  rappelle  les  dates 
diverses  : 

En  1853,  recueil  de  chansons  avec  vignettes  un  volume 
in-12;  en  1856,  autre  volume  in-12,  avec  un  prologue  sur 
les  différents  caractères  de  la  chanson;  en  1860,  un  recueil 
de  chansons  et  poésies  diverses,  même  format;  en  1865,  les 
Proverbes  en  chansons,  in-12,  dont  il  a  été  parlé  dans  le 
n"  4  de  ce  journal  (août  1878)  ;  en  1868,  Chants  d'Automne; 
en  1870,  Chansons  nouvelles  par  un  vieux  chansonnier. 

Un  catalogue,  même  intéressant,  est  froid.  Terminons  par 
une  courte  citation  : 

Mais  où  donc  allez-vous?  dis-je  au  jeune  Camille, 
Qui  sur  le  boulevard  court  comme  un  insensé. 

—  Je  vais,  me  répond-il,  jusques  à  la  Bastille. 

—  Hé  bien,  prenez  tm  fiacre.  —  Oh,  non  !  Je  suis  pressé. 

E.  IMBERT. 


142 


LA  CHANSON 


A    ALBERT    MERAT    ET    LEON   VALADE 


Sachant  que  pour  revivre  elle  a  l'éternité, 
Sur  l'oreiller  de  soie  elle  dort,  blanche  et  calme  ; 
L'amour  l'aurait  choisie  en  lui  donnant  la  palme, 
Au  temps  où  notre  monde  adorait  la  beauté. 
Riche  à  prendre  en  pitié  l'or  de  Californie  . 
Un  rêve  est  descendu  sur  ses  grands  yeux  dormants; 
Son  âme  est  un  Eden  où  des  oiseaux  charmants 
Versent  dans  la  clarté  des  torrents  d'harmonie. 
Le  songe  se  poursuit,  mais  admirons  d'abord 
Comme  elle  est  belle  ainsi  sur  son  lit  étendue  ; 
Les  Grâces,  qui  lui  font  une  cour  assidue, 
Ont  trouvé  pour  ses  traits  un  merveilleux  accord. 
La  dormeuse  eut  toujours  fort  peu  de  sympathie 
Pour  tout  ce  qui  ressemble  aux  appétits  princiers  ; 
Peut-être  que  Cybèle  avait  trop  de  boursiers, 
Pour  un  pays  lointain  ce  soir  elle  est  partie . 

Vers  les  horizons  bleus  aux  rêves  grands  ouverts 

Elle  a  pris  son  essor,  allant  à  l'aventure  ; 

Son  esprit  créateur  élargit  la  nature. 

Et  des  cieux  plus  profonds  sont  bientôt  découverts. 

Du  songe  vaporeux  si  l'on  revient  sur  terre 
On  voit  dans  la  dormeuse  un  poème  inconnu  ; 
Son  dernier  mouvement  a  mis  sa  gorge  à  nu, 
Et  l'œil  voudrait  aller  plus  loin  dans  le  mystère. 

Il  découvre  déjà  sous  l'édredon  soyeux 
La  naissance  des  seins  dont  les  pointes  se  dressent, 
Mais  des  flots  de  batiste  autour  du  corps  s'empressent, 
Et  la  vierge  aussitôt  s'éveille,  ouvrant  les  yeux. 

Et  l'on  songe  que  née  en  des  jours  moins  étranges. 
De  Laure  ou  Béatrice  elle  aurait  été  sœur  : 
Pour  l'avoir  faite  avec  cet  air  plein  de  douceur. 
Sa  mère  aura  conçu  sous  les  baisers  des  anges. 
Victor  BILLAUD. 


LES  DENTS  DE  SAGESSE 

Air   de  Pilati. 
Il  est  deux  choses,  qui  chez  l'homme 
A  percer  mettent  bien  du  temps  ; 
Sans  plus  tarder  je  vous  les  nomme  : 
Ce  sont  la  sagesse  et  les  dents. 


Presque  toujours,  quand  la  jeunesse 
Commence  à  prendre  ses  ébats, 
Arrivent  les  dents  de  sagesse. 
Mais  la  sagesse  ne  vient  pas. 
Le  jeune  Arthur,  rempli  de  zèle 
Pour  le  joli  jeu  de  l'amour. 
S'aperçoit  qu'une  dent  nouvelle 
Dans  sa  mâchoire  a  vu  le  jour  ; 
Par  malheur,  de  mainte  maîtresse 
Il  cultive  trop  les  appas  ; 
S'il  lui  vient  des  dents  de  sagesse, 
La  sagesse  ne  lui  vient  pas. 

Ursule  pour  le  mariage 

Montre  toujours  beaucoup  d'ardeur, 

Et,  malgré  son  double  veuvage, 

Y  voit  encor  le  vrai  bonheur  ; 

Dans  l'âge  mûr  notre  princesse 

D'un  jeune  mari  fait  grand  cas. 

Avec  quatre  dents  de  sagesse, 

La  sagesse  ne  lui  vient  pas. 

La  douairière  qui  se  vante 

D'épouser  un  joli  garçon, 

Le  joueur  qui  perd  sur  la  rente, 

Restent  sourds  à  chaque  leçon. 

Vieux  lion  et  jeune  tigresse 

Se  livrant  d'amoureux  combats, 

Ont  en  vain  leurs  dents  de  sagesse, 

La  sagesse  ne  leur  vient  pas . 

Quand  donc  vient  pour  l'être  qui  pense 

Cette  sagesse,  vrai  phénix? 

On  peut  souvent,  dans  l'existence, 

La  désigner  par  la  lettre  X. 

Ce  n'est  qu'à  l'extrême  vieillesse 

Que  parfois  elle  ouvre  ses  bras 

A  quoi  bon  les  dents  de  sagesse. 

Si  la  sagesse  ne  vient  pas  ? 

J.  LAGARDE, 

Membre  honoraire  du  Cavtau. 


CHOSES    &    AUTRES 

SEPTIÈME    CONCOURS    MENSUEL 
Ouvert  au  i^^  du  20  de  chaque  mois 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part  avec 
une  chanson  de  6  couplets  au  plus  avec  ou  sans 
refrain. 

Le  1°'  prix  sera  publié  dans  le  journal  et  recevra 
dix  exemplaires. 

Les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux  pièces 
suivantes  seront  publiés. 

Nous  prions  toutes  les  personnes  qui  nous  envoient 
des  chansons  de  vouloir  indiquer  les  timbres  des 
airs. 

On  nous  prie  de  rectifier  les  noms  suivants. 
L'auteur  du  sonnet  à  Béranger,  3*  prix  publié  dans 
notre  n°  33,  se  nomme  Pion,  et  non  Piau  imprimé 
par  erreur. 

La  première  mention,  sonnet,  concours  Béranger, 
n°  34,  lire  de  Montagne  au  lieu  de  Mortagne. 

Dans  notre  n"  35,  la  chanson  le  Denier  des  Ecolts, 
il  manque  les  deux  vers  suivants  au  quatrième 
couplet  : 

Et  rend  possible,  sans  révolte, 
Le  règne  de  l'égalité. 


LA  CHANSON 


143 


Le  poète-chansonnier  L.-M.  Ponty,  dont  les 
journaux  se  sont  beaucoup  occupés,  lors  de  l'appari- 
tion du  livre  :  Poésies  sociales  des  ouvriers,  est  mort 
le  24  décembre  dernier.  Dans  notre  prochain  numéro 
nous  donnerons  une  chanson  inédite  de  ce  prolétaire 
remarquable,  ainsi  qu'une  notice  par  notre  collabo- 
rateur Eugène  Baillet. 

Nous  avons  remis  à  la  veuve  de  notre  camarade 
Leduc  la  somme  de  35  fr.  50,  montant  de  la  sous- 
cription que  nous  avions  ouverte  dans  notre  journal. 
Madame  Leduc  se  charge  de  l'arrangement  de  la  tombe 
de  son  mari  et  nous  prie  de  remercier  en  son  nom  les 
souscripteurs. 

On  rendra  visite  à  la  tombe  de  Leduc  le  dernier 
dimanche  du  mois,  25  janvier,  à  2  heures,  cimetière 
de  Saint-Ouen.  Prière  aux  amis  de  Leduc  et  aux 
chansonniers  d'en  donner  avis. 

A  la  suite  du  différend  survenu  entre  M.  Rollot, 
agent  général,  et  MM.  Gabillaud,  Philibert, 
Rohdé  et  Dubost,  membres  de  la  société  des  auteurs, 
compositeurs  et  éditeurs  de  musique,  au  sujet  de 
l'administration  et  du  règlement  des  comptes  de 
cette  société,  M.  Rollot  avait  assigné  en  diffamation 
les  quatre  membres  ci-dessus  nommés. 

MM.  Gabillaud  et  autres  avaient  fait  publier 
dans  les  journaux  une  lettre  dans  laquelle  ils  annon- 
çaient que  la  société  avait  décidé  le  renvoi  de 
M.  Rollot. 

L'affaire  est  venue  devant  la  11"  chambre  correc- 
tionnelle. 

M°  Tommy-Martin  a  plaidé  pour  M.  Rollot; 
M°  Doumerc  a  présenté  la  défense  des  prévenus. 

Le  tribunal  a  écarté  le  délit  de  diffamation  et  n'a 
retenu  que  celui  d'injures. 

En  conséquence,  MM.  Gabillaud,  Philibert,  Rohdé 
et  Dubost  ont  été  condamnés  solidairement  à 
400  francs  d'amende. 

En  sortant  de  l'audience,  ces  messieurs  ont 
immédiatement  interjeté  appel  de  ce  jugement. 

{Le  Soir) 

Un  nouveau  journal  vient  de  paraître  :  La  Voix 
qui  parle  f  —  Voilà  un  titre  qui  oblige.  En  attendant 
qu'il  le  justifie,  il  lance  son  petit  programme  qui  a 
la  forme  carrée  d'un  manifeste  :  «  Notre  journal 
est  une  tribune  où  chacun  pourra  monter  et  d'où 
toute  voix  pourra  se  faire  entendre...  Que  tous  ceux 
qui  souffrent  d'une  injustice  ou  d'une  félonie 
quelconque  viennent  à  nous  ;  ils  trouveront  à  la 
Voix  qui  parle  un  organe  qui  sera  l'écho  de  leurs 
réclamations  et  le  défenseur  de  leurs  intérêts.  » 

Salut  et  bonne  chance  à  notre  confrère  qui  nous 
semble  vouloir  porter  haut  sa  bannière. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

La  grande  soirée  donnée  le  samedi  13  décembre 
1879  par  Le  Cercle  Musset  a  été  des  plus  brillantes. 
Dès  9  heures,  la  salle  du  café  du  Globe  était  comble 
et  M.  Durrieu,  Président  du  Cercle,  a  profité  de 
cette  circonstance  pour  adresser  au  public  quelques 
mots  bien  pensés  en  faveur  des  pauvres  de  Paris  et 
a  demandé  la  permission  de  faire  une  collecte  en 
leur  faveur.  Celle-ci  a  produit  28  fr.  10  qui  ont  été 
versés  par  les  soins  de  M.  Durrieu  au  Nouveau 
Journal  Républicain. 


Dans  le  courant  de  la  soirée  se  sont  fait  entendre 
les  meilleurs  chanteurs  des  sociétés  lyriques. 
M.  Duprey,  mandoliniste,  a  été  rappelé  dans  la 
cavatine  de  Robert,  puis  dans  un  air  des  Cloches. 
M.  Marion  s'est  montré  bon  diseur  dans  un  récit  : 
Gilbert.  MM.  Jalade  et  Klotz  très  applaudis  tous 
les  deux  :  l'un  dans  Buvons  à  ceux  qui  ne  sont  plus, 
l'autre  dans  J'aiguéque  chose  dans  le  dos;  M.  Durrieu, 
qui  interprétait  une  poésie  de  M.  Jalade,  secrétaire- 
trésorier  du  Cercle,  a  obtenu  les  honneurs  du 
rappel.  M.  Galliot  s'est  fait  bisser  dans  Je  pleure. 
M.  Berlioz  a  été  comme  toujours  le  triomphateur  de 
la  soirée  et  a  été  désopilant  d'abord  dans  deux 
chansons  comiques  de  son  répertoire,  puis  dans 
Un  homme  à  trucs,  vaudeville  en  un  acte  dont  il  est 
l'auteur  et  qu'il  a  très-bien  enlevé  de  concert  avec 
MM.  Bataille  et  Rigoulet,  qui  s'y  sont  montrés 
excellents  comiques.  Ne  terminons  pas  sans  rappeler 
que  M.  Cane,  pianiste  du  Cercle  Musset  et  de  La 
Renaissance,  s'est  montré  comme  toujours  parfait 
accompagnateur  et  compositeur  distingué. 

Le  14  décembre  la  Société  lyrique  l'Union  Joyeuse 
adonné  une  grande  matinée  salle  des  Folies  Montrouge, 
7  bis,  avenue  d'Orléans.  Le  succès  a  répondu 
à  l'appel  de  cette  nouvelle  société;  la  salle  qui 
contient  300  personnes  était  comble.  Le  programme 
était  des  plus  attrayants  et  a  été  rempli  d'un  bout  à 
l'autre.  Parmi  les  artistes  qui  se  sont  fait  entendre, 
citons  M"°  Térachéï,  mignonne  jeune  fille  qui  a 
fort  bien  chanté  la  romance  de  Mignon  et  le  Muguet; 
M"°  Georgette  a  crânement  enlevé  Pristi,  Sapristi, 
faut  que  f  me  décide  des  Cloches  de  Corneville  ; 
M"°  Juliette  Jazelle,  l'excellente  artiste  du  Concert 
des  Folies  Montrouge,  a  été  bissée  et  rappelée  dans 
La  Lettre  de  l'Enfant  et  la  Prière  à  Sainte  Catherine. 
MM.  Hébert  et  Vannier,  tous  deux  bons  chanteurs 
de  genre  ;  M.  Karl  fils,  des  Folies  Montrouge, 
désopilant  comique,  a  obtenu  le  plus  vif  succès  dans 
Quand  je  vis  Clémentine  ;  M.  Victor  a  bien  détaillé 
V Agent  des  courses  ;  M..  Cn.v!Ù>y  a.]i^\a.\xài  à  outrance 
dans  la  Revanche  des  Belles-mères  ;  Une  Femme  qui 
se  grise,  vaudeville  en  un  acte,  très-lestement  enlevé 
par  M"°  Hélène,  M.  Georges  Brun,  M.  Caraby  quia 
tenu  le  1°' rôle  avec  beaucoup  de  brio  et  Alexis  Marc, 
superbe  dans  le  rôle  d'Annibal. 

Signalons  aussi  l'Orchestre,  composé  de  quatre 
sociétaires,  et  de  la  pianiste.  M""  Karl,  qui  accom- 
pagne avec  un  réel  talent.  Ces  Messieurs  se  sont  fait 
bisser  dans  La  Camargo. 

Une  quête  faite  au  profit  de  L'œuvre  des  Couvertures 
a  produit  26  fr.  50. 

Cette  matinée  fait  le  plus  grand  honneur  à  l'Union 
Joyeuse  qui,  je  l'espère,  "sous  la  direction  de 
MM.  Balland  et  Dauthenay,  ne  s'arrêtera  pas  en  si 
beau  chemin. 

La  2°  grande  soirée  artistique  donnée  par  la  Société 
lyrique  et  dramatique  La  Lyre  d'Orphée,  avec  le 
concours  de  nombreux  artistes,  a  eu  lieu  la 
21  décembre  1879,  Salle  Pierre  Petit,  Place  Cadet. 
C'est  un  nouveau  succès  à  enregistrer  à  l'actif  de  cette 
Société.  Salle  bien  garnie,  excellents  artistes, 
programme  des  mieux  choisis,  en  un  mot  tous  les 
éléments  nécessaires  pour  réussir.  La  Société  lyrique 
La  Lyre  d'Orphée  s'est  placée  du  coup  au  premier 
rang  des  sociétés  artistiques. 

Le  jeudi  18  décembre,  La  Muse  des  Arts  et  Métiers 
qui  tient  ses  séances  dans  la  jolie  petite  salle  de 


144 


LA  CHANSON 


M.  Naudet,  rue  des  Vieilles-Haudriettes,  5,  sous  la 
présidence  de  M.  Leboucher,  a  donné  sa  soirée  au 
profit  de  la  Statue  de  Béranger.  La  salle  était  comble 
et  l'entrain  le  plus  vif  brillait  sur  tous  les  visE^es  des 
chanteurs  amis.  D'autres  sociétés  avaient  prêté 
leur  concours.  Nous  avons  surtout  remarqué 
M.  Voisin  qui  a  dit  avec  beaucoup  de  brio  la  Tourte 
à  papa;  MM.  Leboucher  et  le  joyeux  Antony  dans 
le  duo  Les  Cousins  germains.  M.  Félix  a  très  bien  dit 
une  Tyrolienne,  M.  Ernest  a  chanté  avec  énergie 
Chapeau  bas  devant  la  République  \  M""  Madeline  et 
Louise  ont  chanté  en  vraies  artistes,  la  première 
Je  ?i'  sais  comment  ça  .<'  fit,  et  M"°  Louise  le  Moulin 
du  Diable.  Pardon  pour  ceux  que  j'oublie,  il  faudrait 
tout  citer. 

Le  piano  était  tenu  par  notre  vieil  ami  Clodomir, 
le  populaire  auteur  de  tant  de  mélodies  si  pleines  de 
sentiment  et  de  grâce. 

Eugène  Baillet  a  dit  sa  dernière  chanson  toute  de 
circonstance,  La  Statue  de  Béranger.  Cette  poésie 
vigoureuse  a  été  chaleureusement  accueillie  et  la 
brillante  musique  de  Tac-Coen  qui  l'accompagne 
aidant,  nous  entendrons  bientôt  ces  couplets  dans 
tous  les  concerts. 

Un  reproche.  Eugène  Baillet  est  le  seul  qui  dans 
cette  soirée  ait  parlé  de  Béranger.  Ne  serait-il  pas 
bon  que  dans  ces  séances  données  en  l'honneur  du 
poète  national,  quelques  sociétaires  chantassent  des 
chansons  du  grand  Maître.  Cela  ferait  une  heureuse 
compensation  au  répertoire  habituel  des  concerts  quel- 
quefoisunpeu... faible,  ilfautbien l'avouer.  Larecette 
a  produit  42  fr.  10.  Allons  voilà  encore  un  petit 
morceau  de  la  statue.  Ça  marche,  à  qui  le  tour? 

Le  3  Janvier,  la  Société  lyrique  La  Renaissance 
donnait  son  Banquet  et  son  grand  Bal  annuels,  Salle 
du  Grand  Orient.  A  la  suite  du  Banquet  (de  70  cou- 
verts) les  Membres  de  La  Renaissance  ont  offert  à  leur 
Président,  M.  A.  Ramel,  une  magnifique  lyre  d'or, 
en  souvenir  du  7°  anniversaire  de  la  fondation  de 
La  Renaissance. 

Le  Bal  a  été  très-brillant,  plus  de  500  personnes 
y  assistaient  :  les  hommes,  presque  tous  en  fracs,  les 
dames,  rivalisant  de  grâce  et  d'élégance.  On  a 
dansé  jusqu'à  7  heures  du  matin  aux  sons  d'une 
excellente  musique,  l'orchestre  se  composait  de 
15  musiciens.  La  Renaissance  a  prouvé  qu'elle  sait 
conserver  la  place  qu'elle  occupe  parmi  les  sociétés 
lyriques. 

Henry  MALLET. 


Le  Dimanche   15  Février  1880 

PREMIER       CONCOURS 

Ouvert 

Entre  les  Solistes  des  Sociétés  lyriques  de  Paris 

Hôtel    des  Chambres   Syndicales,    rue    de    Lancry,     10 
RÈGEiEAIEIVT      »C      COISCOVRS 

ARTICLE    PREMIER 
Un  Concours  de  solo  est  ouvert  entre  les  chanteurs  et  les  chanteus 
faisant  partie  des  Sociétés  lyriques  de  Paris. 
ARTICLE  IL 
Ce  Concours  comprend  ; 


Pour  les  Hommes 

Basses  et  Barytons.  {Air  d'opéra). 
Basses  et  Barytons.  [Romances). 

Ténors [forts  ténors). 

Ténors [ténors  légers] 

Tyroliens. 

Comiques •  {de  genre). 

Comiques {excentrigues) 


Pour  les  Dames 

Fortes  chanteuses. 
Chanteuses  légères.  {Air  d'opéra). 
Chanteuses  légères,  [Bomances). 
Tyroliennes. 

Comiques {de  genre). 

Comiques {concentriques) 


[H  ne  devra  être  chanté  que  3  couplets  par  romance  et  par  chansonnette). 


ARTICLE  III. 
Aucun  Soliste  ne  peut  entrer  en  lice  s'il  ne  fait  régulièrement  partie 
d'une  Société   lyrique    de  Paris,   au  moins  un  mois  avant  le    dernier 
délai  d'inscription  pour  le  Concours. 

ARTICLE  IV. 

Seront  exclus  du  Concours,  tout  chanteur  et  toute  chanteuse  ayant 
fait  partie  ou  faisant  partie. d'une  troupe  lyrique  de  Théâtre  ou  de 
Café-Concert,  ainsi  que  tout  artiste  de  profession. 

ARTICLE  V. 
Chaque  concourant  chantera  un  murceau  à  sonchoix  (airouromance). 
Il  devra   se    munir   d'un    second  morceau,  dans    le     cas  où  le  Jury 
voudrait  l'entendre  une  deuxième  fois. 


ARTICLE  VI. 
Chaque  concourant,  avant  d'entrer  en  lice,  devra  remettre  ou  faire 
remettre  par  le   Commissaire  du  Concours,  au  Président  du  Jury,  un 
exemplaire  du  morceau  qu'il  va  chanter. 

ARTICLE  VIL 
Chaque  concourant  pourra  se  faire  accompagner  par  son  accompa- 
gnateur. 

ARTICLE  VIIL 

Les  Jurys  des  Concours  seront  composés  de  sommités  artistiques , 
compositeurs,  professeurs  de  chant,  chefs  d'orchestre,  etc. 

ARTICLE  IX. 
Les  récompenses  consistent  en  médailles  et  diplômes. 
ARTICLE  X. 


ARTICLE  XL 

Chaque  Membre  de  Société  lyrique  qui   voudra  participer  k  ce  Con- 
cours devra   se   faire  inscrire  par  l'intermédiaire  du  Président  de    la 
Société  lyrique  dont  il  fait  partie,  et  son  inscription  devra  être  adressée 
au  Comité-Directeur,  avant  le  1"  Eévrier  prochain. 
ARTICI-E  XII. 

Le  Président  d'une  Société  lyrique,  dont  un  ou  plusieurs  Membres 
désirent  participer  au  Concours,  devra  le  ou  les  faire  inscrire  en 
adressant,  franco.,  avant  le  l*'  Février,  au  Président  ou  au  Secrétaire 
du  Comité-Directeur,  au  Siège  du  Comité,  chez  M.  Orange,  11,  place 
de  la  République,  la  feuille  d'adhésion  ci-jointe,  après  y  avoir 
consigné  une  réponse  à  la  suite  des  questions  qui  y  sont  foi'mulées. 

ARTICLE  XIII. 
Les  prix  seront  décernés  à  la  suite  de  chacun  des  Concours. 

ARTICLE  XIV. 
L'ordre  dans  lequel  chaque  concourant  se  fera  entendre,  sera  réglé 
par  un  tirage  au  sort,  qui  aura  lieu  le  Dimanche  8  Février,  salle  Orange, 
II,  place  de  la  Républi(^ue,  à  2  heures  très  précises. 

Chaque  Soliste,  insent  au  Concours,  a  le  droit  d'assister  ou  de  se 
faire  représenter  à  cette  séance. 

ARTICLE  XV. 
Le  Concours  aura  lieu,  salle  des  Chambres  Syndicales,  10,  rue  de 
Lancry;  il  commencera  le  dimanche  15  Février,  à  1  heure  tj'ès  précisé , 
''    11T--.J:    -*..     ï.  o  heures  du  soir,  suivant  le 
îoncours. 
ARTICLE  XVI. 
Chaque   concourant   doit  être  présent  un  quart  d'heure  au  moins 
avant  l'ouverture    du  Concours   auquel  il  participe  et    il  ne  doit   pas 
s'absenter  pendant  tout  le  temps  que  durera  ce  Concours,  afin  d'^re 
à  la  disposition  du  Jury  dans  le  cas   où  il  voudrait  l'entendre  une 
seconde  fois. 

Arrêté  en  séance  du  4  Janvier  1880. 

Le  Comité-Directkur  : 
MM.  E.  Dblaportb,  Président,  Chevalier  de  la  Légion  d'honneur, 
Lestivant,  Vice-Président  {Président  de  la  Muse  Gauloise). 
Cantarel,  Vi ce- Président  iPrésideut  dtis  En(a.nts  de  l&  Seine). 
Leboucher,  Secrétaire  (Président  de  la  Muse  des  Arts-et-Mé tiers) 
PiTois,  Secrétaire  (Président  des  Amis  de  la  Renaissance). 
Orange,   Trésorier  (ex-Vice-Président    de    l'Art     musical  et 

3ramatique). 
Badoc    (Président  des  Familles). 
Canh    [Président  des  Enfants  de  la  Gaieté). 
Dupont,  Président  de  la  L^re  Amicale). 
Leroux  {Président  des  Gais  Momusiens). 
Ramel  (Président  de  la  Renaissance). 
Nota  bene.  —  MM,  les  Présidents  qui  désireraient  des  exemplaires  du 
présent  Règlement.,  devront  en  faire  la  demande  au  Siège  du  Comité. 

Nous  ne  pouvons  qu'approuver  et  souhaiter  la 
réussite  de  pareils  Concours,  qui  se  rattachent  à 
ridée  que  nous  avons  émise  dans  notre  numéro  29 
d'une  Fédéi^ation  Artistique  de  sociétés  lyriques  de 
Paris  jiour  l'organisation  de  grands  Concerts. 

Nous  tiendrons  les  sociétés  lyriques  au  courant 
de  ces  concours. 

A.  PATAY. 


Le  Directeur-Gérant^  A.  PATAY. 


3«  ANNEE.  —  N*  37. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


1"  FEVRIER  1880. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY. 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
oUTrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  l»'  <5cle  16  de  chaque  mois 

Les  Abonnements  partent  du  1er  Mai  &  du  1"  Novemire 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  . 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


IDMINISTRATION  &  REDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChBF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


soDynavc^û^iiaiE 


La  Musique  populaire  (a.  édéma). —  Le  Paris-nouveau  (georges 
baii.i.et).  —  Aux  Enfants  (auguste  gouts).  —  Nouvelle 
légende  du  temps  jadis  (bertol-oraivil).  —  Haff  en  Haff 
(EUGÈNE  Carlos}.  —  La  Charité  (etienne  ducret).  —  A 
M.  Edmond  Delière  (eu.  hutin).  — L'Hiver  (fauché).  —  Une 


définition  de  l'amour  (marius  martin).  —  Gloire  à  la  chanson 
(esprit  rosier).  —  Chant  républicain  (a.-e,  r.).  —  Les 
Jeunes  et  M.  Talien,  —  Le  Dîner  des  Parisiens  de  Paris.  — 
Chronique  des  Sociétés  lyriques.  —  Bibliographie.  —  Choses 
et  autres. 


LA      MUSIQUE     POPULAIRE 


Une  page  de  l'histoire  s'offre  à  nos  méditations, 
en  même  temps  superbe  et  navrante  :  le  XVI"  siècle. 
Heure  décisive  où  le  génie  humain  sommé  de  replier 
ses  ailes,  les  aurait  perdues  bien  des  fois  si,  d'un 
effort  gigantesque,  il  n'eut  réussi  à  en  ombrager  le 
monde.  Car,  malgré  le  magnifique  effort  intellectuel 
qui  marquera  cette  date  —  les  révélations  de 
Copernic,  la  découverte  du  continent  américain, 
l'éclosion  de  l'art  moderne  appelée  Renaissance  — 
l'avenir  chancelant,  le  passé  vermoulu,  ne  pouvaient 
former,  en  se  rapprochant,  qu'un  sol  sans  fixité 
ouvert  aux  ébats  tjranniques  des  princes.  Alors, 
pour  exister,  il  fallait  se  défendre,  pour  vivre,  il 
fallait  attaquer,  il  fallait  mépriser  la  mort  pour 
formuler  sa  pensée,  pour  écrire  il  fallait  affronter  le 
bûcher. 

Rome  gouvernait  l'Europe,  Rome  repaire  des 
papes  occupé  par  Alexandre  VI  d'abord,  ensuite  pai- 
Jules  II.  Le  premier  eut  des  passe-temps  d'un  goût 
délicat  :  on  sait  qu'il  fut  l'amant  incestueux  de  sa 
propre  fille  et  quel  temple  de  prostitution  devint  le 
Vatican  sous  son  pontificat.  Un  jour  il  permet  à  son 
fils  de  massacrer  des  prisonniers  parqués  à  cet  effet 
sur  la  place  Saint-Pierre,  pendant  que  lui-même, 
en  compagnie  de  sa  maîtresse  Giulia  Bella,  prodigue 
ses  applaudissements  au  noble  chasseur  quand  sa 
flèche  a  frappé  le  but  !  — L'autre,  démon  en  chasuble, 
ivrogne,  fourbe,  débauché,  blasphémant  de  tous  ses 
poumons,  mérite  aussi  un  coin  dans  la  paille  fétide 
de  nos  annales.  Après  eux  s'avança  Léon  X,  l'incré- 
dulité sur  les  lèvres,  ayant  à  la  main  le  tarif  des 
indulgences  et  encourageant  partout  ce  trafic  mal- 
propre. 

Ainsi  débuta  le  XVI°  siècle,  complément  du  moyen- 
âge  et  appelé  comme  lui  le  régime  du  feu  :  la  fumée 
des  bûchers  rabattue  sur  l'Europe  au  nom  du  Christ 
servait  de  linceul  à  l'idée;  des  chairs  brûlées  vives 
naissait  une  légion  d'esclaves,  mais  aussi  des  vengeurs 
qui  frappèrent  au  visage  le  colosse  immonde. 

Le  peuple  souffrait  et  ne  comprenait  pas.  Un 
impérieux  besoin  de  lumière  desséchait  ses  veines, 
une  soif  ardente  d'inconnu  ;  d'ailleurs,  ne  sachant  à 
quelle  source  puiser  la  fraîcheur,  à  quelle  fontaine 
se  désaltérer,  il  perdait  peu  à  peu  l'énergie.  Sa  reli- 


gion qu'il  voyait  indignement  servie  devenait  pour 
lui  un  tourment,  et  le  doute,  entré  dans  son  âme,  la 
livrait  aux  malsains  délires. 

De  là  tant  de  fureur  autour  des  bûchers,  tant  de 
joie  à  l'aspect  de  la  douleur,  tant  d'injures  à  l'héré- 
tique, tant  d'outrages  au  condamné,  tant  de  bras 
usurpant  la  besogne  des  exécuteurs  ;  de  là  l'ivresse 
d'une  populace  jalouse  des  privilèges  du  bourreau. 

A  ce  peuple  insensé  qui  voyait  dans  le  sang  une 
semence  de  conciliation,  la  rage  assouvie  laissait  le 
remords  :  du  fond  de  sa  poitrine  s'élevait  une  plainte 
plus  lamentable  que  celles  des  martyrs  ;  prosterné, 
sans  audace,  sans  espoir,  la  tête  penchée  vers  le  sol, 
il  répétait  un  cri,  toujours  le  même  :  Sitio  !  Sitio  l 

Ce  cri  un  homme  l'avait  déjà  entendu  :  Jean  Hus, 
mais  la  voix  de  cet  homme  fut  étouffée  sous  les  voci- 
férations du  tribunal  ecclésiastique  devant  lequel  il 
comparut,  trop  tôt  pour  ses  contemporains,  trop  tôt 
pour  la  postérité,  à  l'instant  ,  propice  pour  sa 
renommée,  car,  de  son  bûcher,  monta  vers  le  ciel  un 
oriflamme  sanglant  où  chacun  put  lire  sa  devise  :  «  La 
coupeaupeuple!  «etcependant, le  confesseur  anéanti, 
les  peuples  n'osèrent  tendre  la  main,  la  coupe  demeura 
loin  des  lèvres  et  toujours  retentissait  le  même  cri  : 
Sitio!  Sitio l 

Enfin,  un  homme  répondit. 

Dans  une  langue  que  nul  ne  connaissait  la  veille, 
que  tous  parlèrent  le  lendemain  :  douce  comme  un 
sourire  de  femme,  vibrante  comme  l'accent  joyeux 
d'un  monde  qui  vient  de  sortir  du  chaos  :  une  muse 
nouvelle  était  descendue  sur  la  terre,  enseignant  un 
langage  nouveau  :  elle  s'appelait  Consolatrice. 

Elle  tendit  la  main  au  riche  et  le  riche  regarda  le 
misérable,  au  pauvre  et  le  pauvre  essuya  ses  yeux; 
elle  fixa  le  tyran  et  le  tyran  se  prit  à  trembler,  elle 
sourit  au  malheureux  et  le  malheureux  entrevit 
l'espérance.  Elle  dit  à  la  France  :  «  Avec  moi  tu 
vaincras  les  ennemis  de  la  liberté  «  ;  elle  dit  à 
l'Europe  :  «  Je  raserai  toutes  les  bastilles,  je  procla- 
merai l'égalité  «  ;  elle  dit  aux  deux  mondes  :  «  Avec 
le  bronze  des  canons,  je  bâtirai  un  autel,  si  grand 
qu'on  l'apercevra  de  tous  les  points  d'un  hémisphère, 
si  brillant  que  le  soleil  pâlira  devant  lui,  si  respecté 
que  les  peuples  ennemis  viendront  sur  ses  degrés 


146 


LA  CHANSON 


s'agenouiller  en  signe  de  concorde.  Des  étendards  de 
toutes  les  nations,  je  ferai  une  couronne  et  l'on  verra 
flamboyer  au  milieu  le  mot  de  tous  les  cœurs  : 
Fraternité  ». 

Ensuite  la  muse  se  dressa,  drapée  de  blanc  ;  elle 
choisit  un  amant  mortel  et  lui  ordonna  de  chanter 
pour  le  peuple. 

Aussitôt  Luther  entonna  ses  chorals  :  la  Musique 
tendait  les  bras  au  souverain  de  l'avenir. 

«  La  musique  est  un  des  plus  beaux  et  des  plus 
«  magnifiques  présents  de  Dieu;  par  elle,  on  repousse 
«  bien  des  tentations  et  des  mauvaises  pensées  ;  elle 
«  donne  la  vie  à  la  parole;  chantons!  Que  tout  maître 
«  d'école  soit  musicien,  qu'aucun  prédicateur  ne 
«  monte  en  chaire  sans  avoir  appris  à  solfier.  » 

Telle  fut  la  pensée  de  Luther. 

Avant  lui,  la  musique  existait  certainement.  Etait- 
elle  populaire?  Les  documents  de  l'époque  permettent 
de  répondre  :  non.  Aujourd'hui,  on  la  considère 
volontiers  comme  accessible  seulement  aux  esprits 
cultivés;  c'est  en  faire  un  art  parasite,  la  condamner 
en  principe,  la  stériliser.  Bien  opposées  furent  les 
vues  de  Luther,  et,  je  n'hésite  pas  à  le  dire,  plus 
justes,  plus  larges,  plus  fécondes. 

Il  n'a  pas  établi,  selon  l'usage  précieux  des  médio- 
crités de  tous  les  temps,  une  distinction  subtile  entre 
la  théorie  et  la  pratique.  Il  a  noté  les  battements  de 
son  cœur  sans  se  demander  si  d'autres  que  lui 
pourraient  le  comprendre,  et,  lorsqu'à  son  entrée 
dans  Worms,  il  chanta  d'une  voix  tonnante  son 
célèbre  choral  ;  s'il  interrogea  du  regard  la  foule  qui 
s'était  portée  sur  ses  pas;  s'il  voulut  savoir  combien 
l'avaient  entendu,  les  larmes  répondirent  assez. 

Suivant  le  caractère  spécial  des  époques,  l'expan- 
sion artistique  des  sociétés  revêt  diff'érentes  formes  ; 
la  chanson  les  renferme  toutes.  Et  nous  prenons  ce 
terme  dans  son  acception  la  plus  large,  nous  en 
faisons  un  synonyme  du  mot  chant.  Plus  de  catégories 
arbitraires,  de  restrictions  étroites,  de  mesquines 
vanités  !  La  chanson  appartient  au  peuple,  voilà  pour- 
quoi nous  voulons  étendre  son  domaine  et  ne  rejeter 
de  son  cadre  aucune  manifestation  de  la  vie  collec- 
tive ou  individuelle  traduite  par  un  dessin  musical. 

On  raconte  que  les  Hébreux,  arrêtés  devant  Jéricho, 
.virent  s'écrouler  les  murailles  de  cette  ville  au  son 
de  la  trompette.  Comment  interpréter  ce  récit  ?  Y 
verrons-nous  un  prodige  ou  une  absurdité  cléricale? 
Ni  l'un  ni  l'autre  :  nous  aimons  mieux  croire  que 
l'auteur  sacré  a  voulu  immortaliser  par  une  image 
saisissante,  un  brillant  fait  d'armes  et  montrer  l'as- 
cendant des  mélodies  guerrières. 

Nous  aussi,  nous  avons  des  murailles  à  prendre 
d'assaut,  mille  fois  plus  résistantes  que  celles  de 
Jéricho  ;  les  unes  divisent  les  citoyens  d'une  même 
patrie,  les  autres  font  se  haïr  les  différentes  nations  ; 
il  y  en  a  pour  abriter  les  rois  contre  la  justice  de 
leurs  sujets,  pour  servir  de  refuge  aux  partisans 
des  solutions  mitigées;  n'oublions  pas  celles  qui 
séparent  du  peuple  les  marionnettes  nippées  que  l'on 
voit  figurer  aux  bals  ofiîciels  ou  particuliers,  ni  celles 
qu'il  faut  réduire  avant  de  pénétrer  chez  certains 
porte-rubans  des  deux  sexes. 

Rien  ne  résistera  aux  fédérés  qui  marcheront  en 
chantant,  et,  si  vous  doutez  de  la  puissance  des 
hymnes  populaires,  pensez  aux  trompettes  de  Jéricho, 
pensez  à  la  Marseillaise,  pensez  à  l'œuvre  immense 
accomplie  par  lès  chorals  de  Luther^ 

A.  ÉDÉMA. 


A  mon  ami  Paul  A  VENEL. 

LE      PARIS  -  NOUVEAU 

Couplets  en  réponse  à  la  satire  de  Boileau  : 
LES  EMBARRAS  DE  PARIS 


Ara.  :   Faut  d'  la  vertu,  pas  trop    n'en    fautl... 

Ah  !  que  dirait  Monsieur  Boileau,  )    ,  ■ 
S'il  voyait  le  Paris-nouveau?...      ( 

Le  poète,  à  l'humeur  caustique. 
Qui  n'  trouvait  bien  que  ses  écrits, 
En  vrai  bourgeois,  fait  la  critique 
Des  embarras  du  vieux  Paris  : 
Ah  !  que  dirait,  etc. 

Il  se  plaint,  avec  amertume, 
Qu'  çhaqu'  jour,  avant  l'heur'  du  réveil. 
Le  bruit  des  marteaux,  sur  l'enclume. 
Vient  le  troubler  dans  son  sommeil  : 
Ah  !  que  dirait,  etc. 

A  cette  époque,  où  la  grand'  ville 
L'était  dix  fois  moins  qu'aujourd'hui, 
Le  brave  homme  se  fait  d' la  bile 
De  voir  trop  d'  monde  autour  de  lui  : 
Ah  I  que  dirait,  etc. 

L'  vieux  Paris,  avec  ses  petit's  rues, 
N'avait  guèr'  plus  d'  soleil  qu'il  n'  faut, 
Maint'nantqu'lesru's  sont  d' grand's  av'nues, 
On  n'  sait  où  s'  mettr'  quand  il  fait  chaud  1 
Ah!  que  dirait,  etc. 

Par  l'affreux  temps  qui  nous  assiège, 
Nos  papas  avaient  beau  jurer, 
Tout's  les  fois  qu'il  tombait  d' la  neige. 
Fallait  trois  s'main's  pour  la  r'tirer  : 
Ah  !  que  dirait,  etc. 

Paris,  certe,  au  point  d'  vu'  physique, 
A  bien  changé,  mais  c'est  égal, 
Où  r  Progrès  défi'  la  critique. 
C'est  surtout  au  point  d'  vu'  moral  : 
Ah  I  que  dirait,  etc. 

Autrefois  seules  les  cocottes 
Arrêtaient  1'  monde,  en  l'accostant  ; 
Aujourd'hui  les  marchands  d'  culottes. 
En  plein  jour,  en  font  tout  autant! 
Ah!  que  dirait,  etc. 

Les  maris  craignant  trop  les  bosses, 
Avaient  honte  d'être  cocus  ; 
Aujourd'hui,  même  avant  ses  noces. 
C'est  à  qui  le  sera  le  plus  ! 
Ah  !  que  dirait,  etc. 

Dans  ce  temps-là,  tout  gentilhomme 
Posait  encor  pour  la  valeur  : 
Maint'nant,  dans  ce  siècle  à  la  gomme, 
On  ne  pos'  plus  qu'  pour  son  tailleur  I 
Ah  !  que  dirait,  etc . 

C'était  Raoin',  c'était  Molière, 
C'était  Corneiir  qu'on  allait  voir  ; 
Aujourd'hui,  la  foule  est  plus  flère  : 
EUe  fait  queue  à  l'Assommoir  ! 
Ah!  que  dirait,  etc. 


LA  CHANSON 


147 


Dans  ce  temps-là,  les  rois  despotes 
Entraient  en  bott's  au  Parlement  : 
Mais,  aujourd'hui,  c'est  à  coup  d'  bottes. 
Qu'on  leur  f  rait  voir  l'appartement  ! 
Ah  !  que  dirait,  etc . 

D' la  Bastille  aux  sombres  poternes, 
Nos  vieux  papas  s'  plaignaient  déjà  : 
La  Bastille  des  temps  modernes, 
S'étend  d'  Paris  à  Nouméa  ! 
Ah  1  que  dirait,  etc . 
Dans  ce  temps  d'exactions  sinistres. 
On  s'  courbait  d'vant  1'  Gouvernement  : 
Aujourd'hui,  ce  sont  les  ministres 
Qui  font  la  cour  au  parlement  1 
Ah  1  que  dirait,  etc. 

Moralité 

Bref  1  on  a  beau  fair'  la  grimace, 
Ma  moral',  c'est  qu'  dans  tous  les  temps, 
Quoi  qu'il  arrive  et  quoi  qu'on  fasse, 
Les  peupl's  ne  s'ront  jamais  contents  !.., 

V'ià  c'  que  dirait  monsieur  Boileau, 
S'il  voyait  le  Paris-nouveau  ! 

Georges  BAILLET. 

Vice-Président  de  la  Lice  Chansonnière 

AUX  ENFANTS 

Air  à  faire 

Charmants  rois  de  nos  fêtes, 
Un  nimbe  de  soleil 
Semble  ceindre  vos  têtes 
Au  moment  du  réveil. 
Votre  divin  sourire 
Est  sur  nous  tout  puissant; 
L'homme  sous  votre  empire 
Se  courbe  obéissant. 

Doux  anges  privés  d'ailes, 
Vous  qui  de  l'arbre  humain 
Etes  les  fleurs  nouvelles, 
Egayez  le  chemin  ! 
Vous  n'avez  que  la  joie. 
Vous,  fils  de  la  douleur  ; 
Lorsqu'à  vos  cils  de  soie 
Scintille  un  léger  pleur. 
Votre  mère  s'empresse 
De  calmer  vos  sanglots 
Avec  une  caresse. 
Et  le  lait  coule  à  flots.. 
Doux  anges  privés  d'ailes,  etc. 

Pour  aplanir  la  route 
Où  vous  devez  passer. 
Enfants,  rien  ne  nous  coûte; 
Nous  voulons  avancer. 
Et  notre  marche  altière, 
O  nos  fils,  vous  conduit 
Aux  sources  de  lumière 
Où  le  grand  progrès  luit  ! 
Doux  anges  privés  d'ailes. 
Vous  qui  de  l'arbre  humain 
Etes  les  fleurs  nouvelles, 
Egayez  le  chemin  I 

inédit).  Auguste  GOUTS. 


NOUVELLE  LEGENDE  DU  TEMPS  JADIS 

A    Victor   SOUCHON 


Or,  du  vieux  manoir  le  sire  est  sorti 
Pour  aller  voguer  sur  la  mer  profonde. 
Le  ciel  était  pur  quand  il  est  parti  : 
«  Je  vais,  disait-il,  découvrir  un  monde  ». 

Tourne,  mon  fuseau,  tourne  mille  fois. 
Hou...  comme  le  vent  souffle  dans  les  bois. 

Quand  il  est  parti  le  ciel  était  pur. 
L'épouse  et  l'enfant  pleuraient  en  silence; 
Le  beau  chevalier  amoureux  d'azur 
Riait  àla  vie,  à  l'espace  immense. 

Tourne,  mon  fuseau,  tourne  mille  fois. 
Hou...  comme  le  vent  souffle  dans  les  bois. 

Amoureux  d'azur,  le  beau  chevalier 
Avait  sans  pleurer  quitté  sa  compagne. 
Il  ne  revint  pas,  mauvais  nautonier 
Que  partout  un  vent  mortel  accompagne. 

Tourne,  mon  fuseau,  tourne  mille  fois. 
Hou...  comme  le  vent  souffle  dans  les  bois. 

Mauvais  nautonier,  il  ne  revint  pas  ; 
Sa  compagne  est  morte,  et  dans  la  nuit  sombre 
Souvent  glisse  et  fuit,  gémissant  tout  bas. 
Une  ombre  qui  cherche  au  loin  une  autre  ombre. 

Tourne,  mon  fuseau,  tourne  mille  fois. 
Hou...  comme  le  vent  souffle  dans  les  IdoIs. 
BERTOL-GRAIVIL, 

[Inédit).  Bédacteur  en  chef  du  Progris  Artistique. 


HAFF  EN  HAFF 

On  se  figure  que  la  vie 

N'a  qu'une  couleur  nuit  et  jour; 

Non,  le  réel,  la  fantaisie 

Y  jouent  un  rôle  tour  à  tour  ! 

On  peut  fort  bien  dans  les  nuages, 

Se  perdre  en  rêves  vaporeux... 

On  peut  en  bravant  les  orages, 

Rire  affligé.;  pleurer,  heureux! 

Plafonds  dorés,  sombre  mansarde, 
Riche,  indigent,  ou  sage,  ou  fou, 
Ce  que  la  Providence  garde, 
Ce  qui  s'en  vaje  ne  sais  où... 
Rien  ne  m'étonne,  m'inquiète. 
J'ai  bons  bras  et  bon  sentiment; 
Même  on  dit  que  j'ai  bonne  tête 
Pour  mon  petit  gouvernement. 

Admirant  toutes  les  merveilles 
Je  souris  aux  anges  divins 
Et  leur  compose  des  corbeilles 
De  roses,  d'ambre  et  de  bons  vins  I 
Si  ma  voix  s'exalte  en  délire. 
Je  monte  haut  sans  m'en  douter, 
Tant  que  les  cordes  de  ma  lyre 
Sous  mes  doigts  savent  résister. 

Soupirant  avec  l'élégie 
Folâtrant  avec  la  gaîté, 
Mon  luth  reprend  son  énergie 
Pour  dire  un  chant  de  liberté  I 


148 


LA  CHANSON 


Mon  âme,  grande  d'harmonie. 
Se  chamaille  avec  mon  esprit. 
Et  mon  coeur,  ô  triste  manie. 
Chante  l'amour,  pauvre  proscrit  ! 

Oui  je  crois  le  savoir  comprendre, 
Cet  idéal  qu'on  nomme  amour. 
Trésor  sans  prix  qu'on  ose  vendre, 
Que  beaucoup  donnent  sans  retour  1 
En  amitié,  j'en  ai  la  preuve, 
Plus  d'un  noble  cœur  m'est  resté. 
Sachez-le  bien,  faire  peau  neuve, 
C'est  perdre  sa  propriété. 

Aussi  je  tiens  à  mes  ancêtres, 
Vieilles  bouteilles,  vieux  papiers, 
Vieux  sentiments,  vieux  hexamètres, 
Et  j'ajouterai  :  vieux  troupiers. 

Eugène  CARLOS. 


LA    CHARITE 

Strophes  par  Etienne  DUCRET 

Récitées  par  M"'  Léonie  DESFORGES,  au  Concert  donné  au  profit 
des  Pauvres,  au  théâtre  de  Saint-Quentin,  le  6  janvier  1880 


La  Charité,  fille  des  Cieux, 
S'en  va  par  la  ville, 
Tendant  sa  sébile, 
'  Riches,  donnez  pour  faire  des  heureux. 
Pauvres,  donnez  :  «  Les  gueux 
S'aiment  entr'eux  !  » 

Quand,  l'hiver,  grande  est  la  froidure. 
Quand  l'âtre  est  vide  et  le  pain  cher, 
Quand  Dieu  refuse  leur  pâture 
Même  aux  petits  oiseaux  dans  l'air... 
Que  de  gens  que  la  faim  assiège  ! 
Que  de  mères  sans  vêtements  ! 
D'enfants,  de  vieillards  grelottants  ! 
Alors,  malgré  les  vents,  la  neige, 
La  Charité,  fille  des  Cieux,  etc. 

Sur  son  parcours,  alerte  et  franche. 
Pour  amasser  son  cher  trésor, 
Elle  confond,  dans  sa  main  blanche. 
Le  sou  modeste  aux  pièces  d'or. 
Par  ce  temps  de  cruelle  épreuve. 
Tout  ce  qu'on  donne  de  bon  cœur, 
La  moindre  off'rande  a  sa  valeur, 
Même  le  denier  de  la  veuve  ! 
La  Charité,  etc. 

C'est  qu'il  lui  faut  beaucoup  de  langes. 
De  pain,  de  bardes,  de  fagots. 
De  lait  pour  tant  de  petits  anges. 
Qui  sanglotent  dans  leurs  berceaux! 
Aux  malades,  c'est  un  doux  baume. 
Du  bouillon  pour  les  sustenter. 
Comment  faire  patienter. 
Hélas  I  tout  ce  monde  qui  chôme  ? 
La  Charité,  etc. 

Du  presbytère  à  la  mairie, 
Dans  les  salons,  à  l'atelier. 
De  porte  en  porte  elle  mendie. . . 
Et,  s'il  le  faut,  sans  sourciller. 


Tour  à  tour  plaintive  et  coquette. 
Elle  va  chercher  la  Vertu 
Au  Concert...  même  au  Bal...  pourvu 
Que  la  Pitié  soit  de  la  fête. 

La  Charité,  etc. 
«  O  puissants  du  monde,  dit-elle, 
Donnez  pour  les  infortunés  ! 
Vous  dont  bien  maigre  est  l'escarcelle, 
Artisans,  Villageois,  donnez  1 
Si  grande  que  soit  sa  misère. 
Sous  le  chaume  ou  dans  les  faubourgs, 
Le  malheureux  trouve  toujours 
Plus  malheureux  que  lui  sur  terre.  » 

La  Charité,  etc. 
Donnons  !  Eh  1  qu'importe  l'orage  ! 
Dans  les  assauts  et  les  revers 
Se  retrempe  notre  courage  : 
Nos  faisceaux  bravent  les  hivers. 
La  Charité,  dans  sa  clémence, 
Consolant  tes  fils  affligés. 
Ouvre  encore  aux  maux  étrangers 
Tes  bras...  ô  généreuse  France! 

La  Charité,  etc. 
N'as-tu  pas  eu  faim,  froid....  que  sais-je? 
En  Mil-Huit-Cent-Soixante-Dix, 
Quand,  livrée  au  bras  sacrilège 
D'impitojables  ennemis. 
Dans  leur  cercle  de  feu,  de  glace, 
De  fer...  sur  toi  l'obus  crachait. 
Et  quand  l'Allemagne  arrachait 
De  ton  sein  la  Lor7'aine-Alsace  ?... 

La  Charité,  etc. 
Et  tu  vis  !  ô  mère  Patrie  ! 
Et,  dans  la  lutte,  tu  grandis  ! 
Bras,  tête,  cœur,  flambeau,  génie. 
En  avant  donc,  France!...  et,  pour  prix 
De  tes  pacifiques  victoires. 
Dieu  bientôt  couvrira  tes  champs 
D'épis  mûrs  pour  tous  tes  enfants, 
De  palmes  pour  toutes  tes  gloires. 

La  Charité,  etc. 
Merci  !  Salut  !  Charité  sainte. 
Qui,  rapprochant  tous  les  partis. 
Dans  une  fraternelle  étreinte 
Nous  embrasse  grands  et  petits  ; 
Toi  qui,  pour  saluer  l'aurore 
De  la  Paix  féconde  en  bienfaits. 
De  nos  plis  èteus,  blancs,  rouges...  fais 
Ton  oriflamme  tricolore  ! 

La  Charité,  etc. 

Envoi  : 
Ange,  de  qui  la  Bienfaissance, 
Léonie,  emprunte  les  sons, 
Émue,  avec  reconnaissance, 

0  toi  qu'à  bon  droit  nous  nommons 
N  otre  fauvette,  notre  amie, 

1  ci,  la  foule  en  t'acclamant 
E  t  dans  son  cœur  te  redisant 
Merci  1  quand  tu  passes,  s'écrie  : 

La  Charité,  fille  des  Cieux, 

S'en  va  par  la  ville. 

Tendant  sa  sébile, 
Riches,  donnez  pour  faire  des  heureux  1 
Pauvres,  donnez  :  a.  Les  gueux 

S'aiment  entr'eux  I  » 


LA  CHANSON 


149 


A   M.    Edmond   DELIERE 

SOUVENIR  DE  SON  ODE  A  BÉRÂNGER 

Il  est  bien  beau,  poète,  à  cette  heure  de  gloire, 
De  chanter  les  héros  de  notre  Liberté! 
Qui  sait  graver  leurs  noms  aux  fastes  de  l'histoire 
Peut  prétendre  comme  eux  à  l'immortalité. 

Alors  que  nous  goûtons  les  fruits  de  leur  victoire. 
Ces  géants  ne  sont  plus  qui  pour  nous  ont  lutté. 
Sur  le  roc  élevons  un  temple  à  leur  mémoire; 
Léguons  leur  souvenir  à  la  postérité. 
Poètes  généreux,  harmonieux  génies. 
Divins  esprits,  flambeaux  aux  clartés  infinies. 
Phares,  sur  nos  chemins  par  Dieu  même  allumés, 

Eclairez  notre  nuit  de  vos  pures  lumières  ; 
Apprenez  aux  enfants  des  rustiques  chaumières 
A  vénérer  toujours  ceux  qui  les  ont  aimés  ! 

Ch.  HUTIN. 


L'HIVER 

Musique    à   faire 

Le  sombre  hiver  à  la  barbe  neigeuse 
De  ses  frimas  partout  afflige  l'œil, 
Et  de  l'oiseau  la  voix  douce  et  joyeuse 
N'est  plus  qu'un  cri  de  tristesse  et  de  deuil  ; 
Vite  un  fagot,  que  le  foyer  pétille. 
Et  près  de  moi,  Suzon,  viens  t'accouder  : 
Un  peu  d'amour,  montre-toi  bonne  fille  ; 
11  fait  trop  froid,  ce  soir,  pour  me  bouder. 
Le  vent  du  nord  ébranle  nos  fenêtres. 
Le  temps  n'est  plus  où  les  tièdes  zéphirs, 
En  agitant  le  feuillage  des  hêtres. 
Des  amoureux  emportaient  les  soupirs. 
Mais  nos  rideaux,  à  défaut  de  charmille. 
Des  indiscrets  sauront  bien  nous  garder  : 
Un  peu  d'amour,  montre-toi  bonne  fille; 
Il  fait  trop  froid,  ce  soir,  pour  me  bouder. 
Entends  dehors  le  souffle  de  la  bise 
D'un  blanc  grésil  saupoudrant  le  chemin; 
N'es-tu  pas  mieux  près  du  feu  que  j'attiseî 
Crois-moi,  Suzon,  reste  jusqu'à  demain. 
Au  firmament  nulle  étoile  ne  brille  : 
Par  un  tel  temps  vas-tu  te  hasarder  ? 
Un  peu  d'amour,  montre-toi  bonne  fille  ; 
11  fait  trop  froid,  ce  soir,  pour  me  bouder. 
Veux-tu,  d'ailleurs,  seule  dans  ta  chambrette, 
Voir  se  geler  tous  tes  petits  trésors  ? 
Quoi  !  te  trouver  morte  sur  ta  couchette  I 
Epargne-moi,  j'^iurais  trop  de  remords. 
Laisse  ma  main,  dégrafant  ta  mantille, 
Vers  un  lieu  sûr  tendrement  te  guider  : 
Un  peu  d'amour,  montre-toi  bonne  fille  ; 
Il  fait  trop  froid,  ce  soir,  pour  me  bouder. 

Bourron  (Seine-et-Marne).  FAUCHE. 

{Inédit).  

UNE   DÉFINITION   DE   L'AMOUR 

L'amour  est  la  chanson  que  chante  la  jeunesse, 
Que  redit  l'âge  mûr  —  en  détonant  parfois  ;  — 
Que  le  vieillard  voudrait",  auprès  d'une  maîtresse, 
Chanter  encore  alors  qu'il  a  perdu  sa  voix. 

M"»eiii«-  Marius  MARTIN. 


Hommage  à  M.  Jules  Eclialié 

GLOIRE    A     LA    CHANSON 

iltisique    d'Albert   Petit 


Chantons  tous  à  l'unisson  : 
Honneur,  gloire  à  la  chanson  1 
Reine  de  la  gaudriole. 
Elle  met  les  coeurs  en. train 
Et  jette,  à  chaque  refrain, 
Une  note  qui  console. 

Par  la  voix  de  l'ouvrière. 
Dès  que  brille  le  soleil, 
La  chanson  qui  n'est  pas  fière 
Est  le  fionflon  du  réveil  ; 
Elle  s'égrène,  en  cadence. 
Sous  les  baisers  des  amours, 
Et  comme  un  chant  d'espérance, 
Elle  nous  charme  toujours. 
Chantons,  etc. 

Pleine  d'attraits  et  de  grâce. 
Parfois  de  virilité. 
Elle  aime,  adore  l'espace. 
Mais  hait  la  servilité  ; 
Du  peuple  vaillante  fille, 
Tout,  en  elle,  réjouit. 
Et,    sous  son  regard  qui  brille 
Plus  d'un  cœur  s'épanouit. 
Chantons,  etc. 

Sur  le  chemin  de  la  vie. 
Le  front  couronné  de  fleurs, 
Elle  aime,  l'âme  ravie, 
A  consoler  les  douleurs. 
Ravissante  et  tendre  Muse, 
Par  le  plaisir  et  l'amour, 
Pour  le  peuple  qu'elle  amuse, 
Elle  fut  créée  un  jour. 
Chantons,  etc. 

Comme  une  douce  caresse, 
Elle  soupire  parfois. 
Doux  écho  de  la  tendresse. 
On  entend  frémir  sa  voix  ; 
Mais,  quand  elle  jette  au  monde 
Son  accent  de  vérité. 
Alors  elle  surabonde 
De  force  et  de  liberté. 
Chantons,  etc. 

Sois,  ô  chanson  populaire, 
Le  doux  charme  du  foyer. 
Ta  sagesse  nous  éclaire 
Et  tu  sais  nous  égayer  ; 
En  toi,  tout  plaît,  tout  enchante; 
Tes  refrains  sont  gais  et  doux  I 
Pour  le  peuple,  chante,  chante 
Et  reste  au  milieu  de  nous. 

Chantons  tous  à  l'unisson  : 
Honneur,  gloire  à  la  chanson  I 
Reine  de  la  gaudriole. 
Elle  met  les  cœurs  en  train 
Et  jette,  à  chaque  refrain, 
Une  note  qui  console. 

s-  Esprit  ROSIER. 

{Inédit). 


150 


LA  CHANSON 


CHANT  REPUBLICAIN 

A  M.  JULES  FERRY 
Ministre  de  Tinstruction  publique  et  des  Beaux-Arts. 


Atr  :  Minuit,  chrétiens^  etc. 

Quand  nos  aïeux  eurent  brisé  leurs  chaînes, 
En  proclamant  de  tout  homme  les  droits, 
On  vit  surgir  des  sanglantes  arènes 
La  République  à  la  place  des  rois  ! 
De  l'étranger  on  vainquit  l'alliance, 
Au  mâle  accent  de  Rouget  transporté  !... 
Peuple  français,  chante  ta  délivrance 
Au  cri  d'honneur,  patrie  et  liberté  !  (bis). 

Mais  une  éclipse  assombrit  notre  histoire 
Par  le  retour  de  quelques  potentats  ; 
Croyant  remplir  le  siècle  de  leur  gloire, 
Ils  n'ont  laissé  que  lâches  attentats  ! 
Et  nous  avons  ressaisi  la  puissance, 
Au  nom  des  lois  et  de  l'égalité  ! 
Peuple  français,  chante  ta  délivrance, 
Au  cri  d'honneur,  patrie  et  liberté  ! 

Salut  enfln  à  cette  République 
Qui  s'est  assise  au  foyer  de  nos  cœurs; 
Qu'à  son  seul  nom,  d'un  feu  pa:triotique. 
Ont  enflammés  les  plus  nobles  ardeurs  ! 
Car  nous  avons  chassé  de  notre  France 
La  tyrannie  avec  la  royauté  ! 
Peuple  français,  chante  ta  délivrance. 
Au  cri  d'honneur,  patrie  et  liberté! 

France,  entends-tu  partout  ces  airs  de  fête  î 

Tes  ennemis  sont  à  jamais  vaincus  ; 

Va,  de  lauriers  ceindre  ta  fière  tête, 

Car  les  beaux  jours  pour  toi  sont  revenus! 

Tes  enfants  ont,  dans  leur  reconnaissance, 

A  ton  drapeau  juré  fidélité  ! 

Peuple  français,  chante  ta  délivrance. 

Au  cri  d'honneur,  patrie  et  liberté  ! 

Oui,  désormais,  à  la  démocratie 
Nous  resterons  attachés  par  le  cœur. 
Cause  du  peuple,  et  sacrée  et  bénie. 
Dont  la  voix  dit  :  Paix,  justice,  grandeur! 
Guerre  à  jamais,  guerre  au  cléricalisme  : 
C'est  l'ennemi,  par  Satan  suscité  ! 
Et  ranimons  notre  patriotisme, 
Au  cri  d'honneur,  patrie  et  liberté  ! 

Gloire  à  Paul  Bert  dont  le  discours  sublime, 

En  dévoilant  de  nouveaux  horizons, 

A  découvert  à  nos  regards  l'abîme 

Où  Loyola  trame  ses  trahisons  ! 

Gloire  au  grand  Maître,  à  l'éloquent  Ministre 

Dont  la  parole  a  toute  autorité 

Pour  expulser  la  cohorte  sinistre. 

Au  cri  d'honneur,  patrie  et  liberté! 

Jour  radieux,  lève-toi  sur  la  France  ! 

Vive  Ferry!  vive  l'Article  sept! 

Dans  un  transport  de  joie  et  d'espérance. 

Saluons  tous  cet  immortel  projet. 

Nous  chasserons  cette  milice  noire, 

Dont  l'air  béat  cache  l'iniquité  ; 

Et  nos  enfants  diront  notre  victoire, 

Au  cri  d'honneur,  patrie  et  liberté  ! 

A.-E.  R.  (de  Montagne). 
Paris,  le  15  septembre  1879. 


LES  JEUNES  ET  MONSIEUR  TÂLIEN 


Nous  empruntons  à  notre  spirituel  confrère  de 
l'Hydropathe  le  compte-rendu  suivant  : 

La  douzième  matinée  des  Jeunes  avait  lieudimanche 
dernier. 

La  pièce  de  Gustave  Rivet  m'attirait  ;  je  remercie 
notre  ami,  car  je  lui  dois  une  de  ces  matinées 
qu'un  ancien  aur'ait  marqué  d'une  pierre   blanche. 

D'abord  une  conférence  de  M.  Alphonse  Pages 
sur  Molière.  —  M.  Pages  dit  bien,  a  le  mot  qui 
touche  à  propos,  la  pensée  est  frappée  au  bon  coin. 
D'un  sujet  qui  a  exercé  la  plume  et  l'éloquence  de 
plus  d'un  maître,  il  a  su  tirer  des  aperçus  ingénieux 
et  nouveaux.  Il  s'est  spirituellement  conquis  la 
sympathie  d'un  auditoire  mal  disposé,  il  faut  le  dire, 
par  une  trop  longue  attente. 

Puis  un  lever  de  rideau  :  le  Chapeau  Bleu  de  Léon 
Duvauchel,auquel  j'adresse  mes  compliments  hydro- 
pathesques,  et  qui  me  pardonnera  de  passer  sur  sa 
bleuette,  pour  arriver  au  magnifique  à-propos  sur 
Molière,  de  Gustave  Rivet. 

Là,  je  l'avoue,  j'ai  été  empoigné.  Vraiment  l'esprit 
du  maître  a  inspiré  l'auteur.  Quelque  funéraire  que 
soit  le  titre  :  le  Cimetière  de  Saint-Joseph,  la  pièce 
n'en  est  pas  moins  pleine  de  mouvement  et  de  vie. 

La  toile  se  lève  sur  le  cimetière  où  l'intolérance 
des  prêtres  et  surtout  l'ingratitude  de  Louis  XIV  ont 
laissé  enfouir  nuitamment  la  dépouille  du  grand 
comédien  :  commence  alors  un  dialogue  de  fossoyeurs 
qui  vous  a  des  allures  shakspeariennes  tout  à  fait  de 
situation.  Alceste,  Philinte...  vont,  en  beaux  vers, 
rendre  un  dernier  hommage  à  ce  maître.  Survient 
de  son  côté  Tartufe  qui  insulte  à  cette  dépouille  et 
foule  de  son  pied  infâme  le  [front  de  celui  qui  lui  a 
arraché  pour  toujours  son  masque  hypocrite.  Cette 
suprêmeinsultereçoit  son  châtiment.  Les  comédiens 
indignés  forcent  Tartufe  à  courber  les  deux  genoux 
sur  cette  terre,  obtenue  par  prière,  qu'il  a  tenté  de 
souiller. 

Tel  est  le  tableau  qu'a  traité  magistralement 
Gustave  Rivet. 

Pourquoi  dois-je  moins  admirer  la  cérémonie? 
Est-ce  le  souvenir  de  l'impression  que  je  ressens, 
quand  on  fête  Molière  à  la  Comédie  française  ?  Sans 
doute;  que  cependant  M.  Talien  ne  prenne  point 
cette  boutade  pour  une  critique.  On  ne  saurait  trop 
louer  l'intelligence  avec  laquelle  il  a  su  faire  ressortir 
par  la  beauté  du  cadre  le  tableau  conçu  par  Rivet. 
Ses  moyens  sont  forcément  bornés.  Et,  s'il  m'est 
permis  de  m'étonner,  c'est  qu'il  puisse  sur  sa  scène 
restreinte  nous  donner  même' une  image  affaiblie 
des  jouissances  que  nous  procure  le  théâtre  de  la  rue 
Richelieu.  Que  ne  ferait  pas  M.  Talien  dans  la  salle 
immense  de  l'Odéon,  dont  on  a  tiré  jusqu'à  présent 
un  si  misérable  parti. 

Des  éloges  en  terminant  à  la  désopilante  pochade 
de  notre  co-hydropathe  Germain  Picard.  Trop 
embrasse,  qui  mal  étreint,  est  une  de  ces  pièces  qui 
ne  se  raconte  pas.  Il  faut  qu'elle  se  rie  au  théâtre 
même. 

Paul  VIVIEN. 


LA  CHANSON 


151 


LE  DINER  DES  PARISIENS  DE  PARIS 


Ce  n'est  pas  seulement  au  théâtre  qu'a  été  célébré 
l'anniversaire  de  la  naissance  de  Molière,  le  jeudi  15 
janvier;  outre  le  déjeuner  du  Moliêriste,  organisé 
par  Georges  Monval,  le  savant  archiviste  de  la 
Comédie  française,  un  repas  intime  a  eu  lieu,  à  cette 
occasion,  chez  Brébant,  le  dîner  des  Parisiens  de 
Paris.  11  s'agit  d'un  groupe  d'artistes  et  de  littéra- 
teurs, récemment  constitué  et  que  réunit  un  même 
amour  pour  la  «  grand'ville  n. 

A  ce  dîner  étaient  présents,  entre  autres,  les  bons 
peintres  Alexandre  Ségé,  l'auteur  des  Chaumes  et 
des  Ajoncs  en  fleurs;  Jean  Desbrosses,  l'ami  si  enthou- 
siaste, si  dévoué  de  Chintreuil,  le  seul  peut-être  qui 
ose  aborder  franchement  les  grandes  masses  de 
verdure  et  les  études  de  la  nature  agreste  des  mon- 
tagnes; Henri  Saintin,  l'auteur  du  Héron,  remarqué 
au  salon  dernier;  Jules  Valadont,  le  délicat  portrai- 
tiste ;  les  littérateurs  Jules  Christophe  et  Léon 
Duvauchel,  bien  connus  des  lecteurs  des  revues 
littéraires,  celui-ci  auteur  du  Chapeau  bleu,  petit 
acte  en  vers  jeunes  et  frais  applaudi  récemment  au 
théâtre  Cluny  et  dont  ce  journal  a  publié  une  chanson 
dans  son  numéro  du  1"  février  1879. 

M.  Jules  Christophe  a  porté  ce  toast  en  vers  : 

Au  bon  sens  génial,  au  grand  rire  cruel 

Qui  vienl  de  Itabelais  et  de  Pantagiuel, 

A  la  justice,  au  vrai  triomphants,  à  Molière  1 

A  celui  qui  peignit  la  grâce  singulière 

De  Célimène,  dont  il  devait  tant  souffrir 

Et  qui  vécut  son  œuvre  liélas  !  pour  en  mourir  ! 

M.  Léon  Duvauchel  a  proposé  de  boire  ensuite  à 
François  Coppée,  le  plus  exquis  des  Parisiens  et  au 
succès  du  Trésor. 

Et  comme  «  tout  doit  finir  par  des  chansons  «,  ainsi 
que  le  prétend  un  Parisien  de  quelque  valeur,  le 
musicien  populaire  Marc  Chautagne  et  son  compère 
Edouard  Doyen,  qui  étaient  de  la  fête,  se  sont  mis 
au  piano  et  ont  interprété  avec  une  verve  entraînante 
deux  de  leurs  plus  célèbres  bouffonneries  :  «  Fallait 
pas  qu'y  aille  et  Charmante  Rosalie .  » 

Puisque  nos  amis  ne  dédaignent  pas  les  chansons 
gauloises,  et  vraiment  ils  auraient  tort,  rappelons- 
leur  que  ce  journal  va  bientôt  célébrer  le  centenaire 
d'un  Parisien  du  plus  grand  mérite  en  ce  genre  ; 
Béranger.  Mais  sans  doute  ils  y  ont  songé  et  pensent 
à  se  joindre  à  nous  pour  cette  solennité.  De  quelque 
façon  qu'on  juge  l'œuvre  du  poète,  il  ne  faut  pas 
oublier  qu'il  est  l'auteur  du  Vieux  Vagabond,  des 
Contrebandiers,  de  Jeanne  la  Jiousse,  des  Etoiles  qui 
filent,  des  Fous,  de  l'Histoire  d'une  idée,  et  qu'il  a  pu 
écrire  très-justement  : 

«  Je  n'ai  flatté  que  l'infortune.  » 

Un  parisien. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  société  les  Enfants  du  Marais,  présidée  par 
M.  Chaumette,  a  donné  le  2  janvier  une  grande 
soirée  au  bénéfice  d'une  personne  nécessiteuse.  La 
recette  a  été  très  satisfaisante,  grâce  au  programme 
attrayant  sur  lequel  figurait  le  nom  sympathique  de 
M.  Adrien  Souchet,  que  ses  amis  étaient  heureux  de 


revoir.  Aussi  ne  lui  ont-ils  pas  ménagé  leurs  applau- 
dissements, bien  mérités  du  reste. 

M"'  Emelien  a  eu  un  véritable  succès  dans  la 
Vénus  de  Marseille.  M.  Emile,  un  Perrin  de  l'avenir, 
a  dit  avec  talent  l'Agent  des  Courses.  MM.  Richard, 
Defrace,  Paul  Germain,  Eugène,  Jules,  Charles  se 
sont  fait  chaleureusement  applaudir.  M"°  Jeanne  et 
M""  Errussière  ont  été  charmantes,  l'une  dans  la 
romance,  l'autre  comme  chanteuse  de  genre. 

A  la  Cordiale,  deux  comédies  et  des  chansons, 
voilà  le  programme  de  la  soirée  du  8  janvier  dans 
laquelle  on  a  entendu  M"°'  Adèle  Blocli  et  Jeanne, 
MM.  Bouska,  Henri  L.  et  Musler.  L'été  de  la  Saint- 
A/ar<m  a  étéjoué  par  M"'*  Irma,  Marie,  MM.  Douillard 
et  Gabriel.  Nos  compliments  à  M.  Castelle  qui  a  bien 
rendu  la  scène  de  folie  de  l'Assommoir.  La  toute  jeune 
M"°  Rosine  chante  avec  beaucoup  d'intelligence,  et 
M"°  Marguerite  dit  avec  beaucoup  de  goût  Les 
premiers  beaux  jours,  mais  elle  devrait  s'appliquer  à 
dominer  son  émotion.  Le  comique  Marcus  a  été 
étourdissant,  c'est  du  reste  une  des  étoiles  de  nos 
sociétés  lyriques.  M.  Tribelhorn  de  la  Lice  Chan- 
sonnière, inscrit  pour  chanter  La  Cave  de  Georges 
Baillet,  s'est  ravisé  au  dernier  moment  et  nous 
n'avons  pu  entendre  sa  belle  voix  sonore.  L'air  de 
Si  j'étais  roi  a  été  roucoulé  en  voix  mixte  par 
M.  Fernand,  et  M.  Jules  Raux  a  chanté  avec  succès 
Gentil  Lutin,  l'une  de  ses  premières  compositions. 

La  pièce  de  M.  Jeannin,  les  Héritiers  Champignol, 
a  été  jouée  pour  la  2°  fois  par  M""  Adèle,  très-senti- 
mentale, MM.  Gabriel,  Charles  et  M.  Besnier,  qui 
remplit  son  rôle  avec  une  grande  distinction. 

La  société  lyrique  Union  et  Gaîté  a  donné,  le 
lundi  12  janvier,  une  grande  soirée  avec  le  concours 
d'artistes  distingués  des  sociétés  lyriques. 

Dans  le  courant  de  la  soirée  se  sont  fait  entendre  : 
M.  Berlioz,  du  Cercle  Musset,  qui  a  dit  avec  son 
succès  habituel  :  Une  drôle  de  soirée.  Nos  bons  com- 
merçants, les  Fcrevisses  ;  M.  Saget  dans  Notre  siècle; 
M.  Pin,  dans  Benoist;  M.  Rigoulat,  dans  Veijus  ; 
M.  Andral,  dans  l'air  rfî(  C^ew'!'er(du  Val  d'Andorre); 
M.  Bourbonnais,  très-amusant  dans  L'homme  aux 
grands  pieds  et  Bibi-Lolo  de  Saint-Malo  ;  M.  Pillois 
très-applaudi  dans  La  Grève  des  Forgerons  et  dans 
la  fable  Le  Corbeau  et  le  Renard,  racontée  par  un 
Anglais  ;  M.  Marie  qui  a  dit  avec  goiit,  Les  femmes 
ou  j'  m'en  rapporte  à  la  Galerie  et  F  a  rien  d'dans  ; 
M.  Galliet,  dans  Bonheur  et  Guignon  ;  M.  Penot  qui 
a  très-bien  réussi  sa  série  d'imitations.  M""  Julia  à 
qui  la  société  Union  et  Gaîié  avait  offert  un  magni- 
fique bouquet  de  lilas  en  remerciement  du  concours 
bienveillant  qu'elle  prête  depuis  longtemps  à  cette 
société,  a  dit  deux  des  plus  belles  romances  de  son" 
répertoire,  Quand  on  a  vingt  ans  et  Mon  Bien-Aimé. 
Inutile  de  dire  qu'elle  a  été  bissée  et  rappelée;  elle 
nous  a  dit  ensuite  avec  son  entrain  endiablé,  Ua  des 
Bottes  et  Cydalise.  La  soirée  a  continué  par  Un  bal 
à  la  Sous-Préfecture,  saynète  en  un  acte,  très-leste- 
ment enlevée  par  M.  Lemaire,  Sac  à  Papier,  et 
M.  Pin,  Graine-de-Niais. 

En  somme,  très-belle  soirée  et  salle  comble,  ce  qui 
du  reste  est  d'habitude  aux  réunions  de  l'a  société 
lyrique  Union  et  Gaîté. 

Au  Palais-Royal,  galerie  Montpensier,  9,  dans  un 
salon  retiré,  se  tient  le  Cercle  de  l'Espérance  qui  a 
donné  le  15  courant  une  soirée  artistique  du  plus 
haut  intérêt. 


152 


LA  CHANSON 


La  séance  ouverte  par  l'audition  de  Paris-valse, 
nous  a  fourni  l'occasion  d'entendre  M.  Giradot  à  qui 
la  timidité  sied  à  merveille;  M.  Géo  qui  répand  la 
bonne  humeur  par  sa  verve  de  bon  aloi;  M.  Couture 
qui  possède  un  doux  timbre  de  baryton  ;  et  M.  Ver- 
mouillet  qui  récite  avec  beaucoup  de  style  et  chante 
L'Etoile  du  Nord  en  musicien  consommé. 

M.  Catherine,  qui  ne  laisse  entendre  qu'un  petit 
filet  de  voii,  a  détaillé  son  Courrier~a.yec  des  accents 
qui  parlent  au  cœur.  D'une  voix  sympathique, 
M.  Didier  a  murmuré  une  Orientale  charmante. 
Quanta  M.  Marquet,  il  a  droit  à  tous  nos  éloges,  car 
il  a  interprété  en  maître  Les  fous,  de  Tagliaflco,  et 
Lalla-Rouk.  II  nous  reste  encore  à  parler  de  M.  Jules 
Raux  qui  interprète  avec  une  originalité  saisissante 
ses  deux  compositions  :  J'en  raffole  et  Gentil  Lutin. 

Le  piano  a  été  tenu  par  M°"  Catherine  qui  accom- 
pagne comme  chantent  les  grands  artistes.  Seule, 
l'interprétation  de  la  comédie  en  Wagon  a  été  faible 
delà  part  du  sexe  fort. 

Le  9  février  (lundi  gras),  le  Cei'cle  de  l'Espérance 
donne  un  bal  paré,  masqué  et  tramsti,  36,  galerie 
Montpensier,  à  10  heures.  La  toilette  de  bal  est  de 
rigueur  pour  les  personnes  non  costumées.  Entrée  des 
voitures,  24,  rae  Montpensier. 

Nous  avons  reçu  de  M.  Damilot,  président  de  la 
société  lyrique  la  Pastorale,  la  somme  de  12  francs, 
produit  d'une  quête  pour  la  statue  de  Béranger. 

La  société  des  Enfants  de  la  Seine,  présidée  par 
M.  Cantarel,  donnera,  le  dimanche  1"  février,  sa 
sixième  soirée  dramatique  et  lyrique,  à  7  heures  1/2, 
dans  son  local  habituel,  20,  rue  Palestre. 

Dans   la   même  salle,    cette  société  donnera,  le 
mardi-gras  10  février,  un  bal  de  nuit  paré  et  masqué, 
sous  la  présidence  des  dames  ot  demoiselles. 
Henry   MALLET. 


BIBLIOGRAPHIE 


Nous  recommandons  à  nos  lecteurs  un  volume  de  beaux 
vers,  La  Sevelée,  par  Louis  Gare!,  publié  à  Lyon  par  sous- 
cription. Nous  avons  été  assez  heureux  pour  en  obtenir 
quelques  exemplaires  que  nous  enverrons  franco  par  la 
poste  à  toute  personne  qui  nous  en  fera  la  demande  accom- 
pagnée d'un  mandat  de  i  francs,  prix  de  la  souscription. 

Nous  empruntons  à  La  Jeune  France  le  compte-^rendu 
suivant  : 

LA  SEVELÉE,  par  Louis  Garel,  —  Comme  Pierre  Dupont,  Louis 
Garel  est  Lyonnais  ;  comlne  le  cliantre  des  Bœufs  et  de  la  Vigne  dont 
il  fut  l'ami  et  avec  lequel  il  trinqua  sous  les  tonnelles  des  bords  de  la 
Saône,  le  poète  de  la  Sevelée  est  bien  le  rôdeur  passionné  des  champs 

âui  se  roule  dans  les  herbes,  mord  les  jeunes  pousses  des  buissons  en 
eurs  et  se  couche  voluptueusement  entre  deux  sillons  pour  sentir  de 
plus  près  rimraense  palpitation  de  la  nature  en  travail.  Ah!  Thomme 
qui  a  écrit  ce  livre  est  un  paysan  qui  aime  fièrement  la  terre!  La 
sève  y  coule  de  toutes  les  pages  ;  à  chaque  strophe  le  laboureur  siffle, 
le  bœuf  mugit,  roiseau  chante,  la  feuille  frémit  et  la  glèbe  fécondée 
se  pâme  sous  Tembrassement  superbe  du  soleil.  Nous  ne  pensons  pas 
que,  depuis  Dupont,  aucune  Géorgique  ait  donné  une  plus  juste  sensa- 
tion, et  plus  intense,  de  la  ferme,  de  la  prairie,  de  la  basse-cour,  des 
mille  détails  de  la  plantureuse  vie  champêtre,  avec  ses  acres  et  forti- 
fiants parfums,  et  le  nom  de  Lucrèce  vient  naturellement  à  la  pensée, 
en  lisant  ce  beau  livre  si  réel  et  si  vivant,  A.  A. 

Le  Livre  des  baisers  de  M,  Victor  Billaud,  dont  notre 
collaborateur  Eugène  Imbert  a  rendu  compte  dans  notre 
dernier  numéro,  sera  envoyé  à  toute  personne  qui  nous  en 
fera  la  demande  accompagnée  d'un  mandat-poste  de  5  francs, 
prix  de  ce  charmant  volume  illustré  de  40  vignettes  et  d'un 
frontispice  à  l'eau-forte  par  Henri  Somm. 

Le  volume  Les  Petits  Poucets  littéraires  de  M.  Lagarde 
sera  de  même  envoyé  à  toute  demande  accompagnée  de 
1  fr.  50  en  timbres-poste. 


CHOSES    &    AUTRES 

Les  diplômes  pour  uotrc  concours  Béranger  seront  très- 
prochainement  envoyés  non  seulement  aux  auteurs  des  pièces 
couronnées,  mais  aussi  à  ceux  des  pièces  mentionnées. 

Nous  rappelons  à  tous  ceux  qui  ont  pris  part  à  ce  con- 
cours que,  pour  répondre  à  plusieurs  demandes,  nous 
publierons,  dans  le  format  de  La  Chanson  et  sous  forme  de 
supplément,  sous  le  titre  de  Couronne  poétique  offerte  à  la 
mémoire  de  Béranger,  toutes  les  pièces  qui  nous  ont  été 
envoyées,  en  faisant  payer,  comme  cela  a  lieu  généralement 
dans  les  autres  concours,  les  frais  d'impression  à  raison 
de  0  fr.  10  c.  la  ligne,  et  la  souscription  à  dix  exemplaires 
au  moins,  soit  2  francs  en  plus  de  l'insertion.  Cette  publi- 
cation n'aura  lieu  que  vers  la  fin  de  mars.  Jusque-là  nous 
ne  demandons  aux  auteurs  que  leur  adhésion  ;  plusieurs  se 
sont  trop  hâtés  en  nous  envoyant  le  montant  d'avance. 

Voilà  qui  est  bien  entendu.  Que  les  retardataires  nous 
envoient  leur  adhésion  d'abord.  Nous  les  aviserons  au 
moment  de  la  publication  delà  somme  qu'ils  auront  à  verser. 

Notre  appel  a  été  entendu,  et  la  tombe  de  Leduc  a  reçu 
dimanche,  z5  janvier,  la  visite  de  nombreux  amis  du  chan- 
sonnier. Baillet  s'est  fait  l'éloquent  interprète  de  leurs  pieux 
regrets,  et  a  déposé  sur  cette  tombe,  en  leur  nom,  une 
couronne  due  au  concours  généreux  de  tous.  Ces  sortes  de 
fêtes  commémoratives  fortifient  les  cœurs,  et  les  vivants  sont 
heureux  de  pouvoir  espérer  qu'eux-mêmes,  après  que 
l'heure  de  la  séparation  finale  aura  sonné,  inspireront  aux 
amis  restants  quelques  regrets  sincères. 

Nous  ne  saurions  trop  recommander  à  MM.  les  présidents 
des  sociétés  lyriques  de  se  rendre  à  l'appel  fait  par  le  Comité 
dirigé  par  l'infatigable  M.  Delaporte  dont  la  devise  semble 
être  Vouloir,  c'est  pouvoir.  Nous  sommes  certain  qu'avant 
peu  les  concours  entre  les  solistes  des  sociétés  lyriques  de 
Paris  seront  bien  fondés.  Déjà  trois  députés,  MM.  Tiersot, 
Alfred  Leconte  et  Daulresme  ont  bien  voulu  prendre  sous 
leur  patronnage  cette  innovation  artistisque.  Les  sociétés 
lyriques,  comme  l'a  si  heureusement  dit  M.  Delaporte,  sont 
les  salons  du  peuple  !  Dans  notre  prochain  numéro,  nous 
publierons  le  programme  complet  de  ce  premier  concours, 
avec  tous  les  noms  des  membres  du  jury,  choisis  parmi  les 
célébrités  les  plus  compétentes  dans  l'art  du  chant  et  de  la 
musique.  Nous  pensons  que  les  retardataires  (il  y  en  a 
toujours)  qui  viendront  mercredi  ou  jeudi  5  février  au  plus 
tard,  pourront  encore  prendre  part  à  ce  concours  quoique  les 
inscriptions  doivent  être  closes  le  premier  février.  Tous  nos 
compliments  à  ce  Comité-Directeur  dont  le  zèle  de  chaque 
membre  seconde  si  bien  celui  du  président. 

SEPTIÈME    CONCOURS    MENSUEL 
Ouvert  du  {'=''  au  20  février. 

Le  nombre  des  pièces  qui  nous  sont  parvenues  nous  ayant 
paru  insuffisant,  nous  les  joindrons  à  celles  du  concours  de 
lévrier. 

Nous  rappelons  que  nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendi'e 
part,  avec  une  chanson  de  six  couplets,  avec  ou  sans  refrain. 

Le  premier  prix  sera  publié  dans  le  journal  et  recevra 
dix  exemplaires.  Les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux 
pièces  suivantes  seront  publiés. 

■    Nous  prions  toutes  les  personnes  qui  nous  envoient  des 
chansons  de  vouloir  bien  indiquer  les  timbres  des  airs. 

Prière  à  M.  A.  R.  S.  de  nous  faire  connaître  son  adresse 
ou  le  bureau  où  nous  pourrions  lui  écrire  poste  restante. 

Nous  recevons  toujours  des  réclamations  d'abonnés  aux- 
quels ne  parviennent  pas  régulièrement  leurs  numéros. 
Nous  les  prions  de  vouloir  bien  adresser  directement  leurs 
réclamations  à  la  poste,  dont  nous  avons  beaucoup  à  nous 
plaindre  ;  s'il  en  fallait  une  preuve  récente,  nous  n'aurions 
qu'à  alléguer  le  retard  de  notre  dernier  numéro,  qui 
provient  uniquement  de  ce  que  notre  imprimeur  n'a  reçu  le 
cliché  du  portrait  que  plusieurs  jours  après  l'expédition. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


I 


S"  ANNEE.  —  N"  38. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


16  FEVRIER  1880. 


LA 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1^'  <5;le  16  de  chaque  mois 

Les  Abonnements  partent  dul"  Mai  &  du  1"  Novemhre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  . 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  &  REDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,  18 
PARIS 


RÉDACTEUR    EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

))        six  mois 3  » 

Etranger,  1»  port  en  sus 


SOl^/LH/LJi^XZElZE: 


Galerie  des  Chansonniers:  Charles Supeninnt {sua.  imbert). — 
Les  Grillons  (ch.  supernant).  —  L(t  Part  du  poète  (l.-urnry 
i.ecomte).  —  Banquet  du  Caveau  (eug.  imbert).  —  Banquet 
de  la  Liée  Chansonnière  (l.-henry  lecomïe).  —  La  Nuit  des 
amours,  paroles  de  clément  casse,  musique  de  .i 


La  Statue  de  Déranger  (euoène  baillet).  —  Toast  de  février 
(iiipi'oi.yteryon).  —  Chronique  des  Sociétés  li/riques  [a.  PAr\Y, 
HENRY  MALLET).  —  Coticours  entre  tes  Solistes  des  Sociétés 
Itjriijues.  —  Choses  et  Autres, 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  CHARLES  SUPERNANT 


Supcrnant  (  Louis - 
Charles),  plus  connu 
dans  le  monde  de  la 
chanson  sous  le  nom 
de  Carie  Daniel,  était 
né  le  14  mars  1815.  Il 
est  mort  le  28  décem- 
bre 1873,  d'une  maladie 
contractée  aux  rem- 
parts pendant  le  siège 
de  Paris;  car,  malgré 
ses  cinquante-cinq  ans, 
il  avait  voulu  faire  son 
devoir  de  garde  na- 
tional. 

Dans  sa  jeunesse,  il 
avait  été  soldat,  ou- 
vrier compositeur,  ar- 
tiste dramatique.  Plus 
tard  il  occupait  un  em- 
ploi dans  une  compa- 
gnie d'assurances.  Il 
sut  toujours  réserver 
une  part  de  son  temps 
à  l'étude  et  à  la  poésie. 
Comme  compositeur,  il 
avait  pris  une  part  ac- 
tive à  la  préparation  de 
nouveaux  tarifs.  Ar- 
tiste, il  a  joué  sur  le 
théâtre  du  Luxembourg 
et  sur  ceux  des  frères 
Séveste.  C'était  le  temps 
en  effet  où  ces  direc- 
teurs exploitaient  seuls 
les  scènes  de  la  ban- 
lieue. Chaque  soir,  les  acteurs,  tout  costumés,  s'en- 
L tassaient  dans  une  voiture  pour  aller  représenter  à 
Grenelle  la  pièce  qu'ils  venaient  de  jouer  à  Mont- 
martre. Souvenir  de  Thespis  et  de  son  char  comique  ! 
Supernant  tenait  l'emploi  des  amoureux,  des  jeunes 
premiers  rôles,  et  s'en  acquittait  avec  beaucoup  de 
l 


chaleur  et  de  distinc- 
tion. Un  artiste  qui  l'a 
connu  vers  1838  à  Bo- 
bina, comme  on  disait 
alors,  me  le  certifiait 
encore  tout  récemment. 
Je  connais  de  Super- 
nant plus  de  soixante 
pièces,  et  je  ne  connais 
pas  tout.  Editées  un  peu 
partout,  dans  les  Echos 
du  Vaudeville,  dans  des 
recueils  de  chanteurs, 
quelques-unes  ont  eu 
de  la  vogue.  Le  Samedi 
soir,  tableau  touchant 
de  la  vie  ouvrière,  se 
chantera  longtemps  en- 
core. Citons,  dans  le 
genre  gracieux ,  Mon 
printemps.  Sous  les  bois; 
dans  le  genre  mélanco- 
lique, les  Cierges  éteints, 
la  Dernière  seconde  ; 
dans  le  genre  grave. 
Pécheresse,  le  Retour  à 
Dieu.  Le  Chemin  de  l'a- 
mitié, la  Vengeance  du 
Chêne  sont  des  légendes 
dramatiques.  La  Bou- 
deuse, Ronde  de  Noce, 
Un  Regard  en  arrière, 
la  Moisson,  et  surtout 
Au  poste,  nous  montrent 
dans  le  talent  de  Super- 
nantie côté  pittoresque 
et  souriant.  La  Route,  au  contraire,  mêle  à  la  des- 
cription presque  minutieuse  des  choses  cette  sorte 
d'amertume  qu'inspire  aux  esprits  rêveurs  la  con- 
templation de  la  vie  humaine. 

Les  Grillons,  que  nous  reproduisons  plus  loin,  pré- 
sentent un  tableau  plein  de  tristesse  et  de  grâce. 


154 


LA  CHANSON 


Ecoutez  ce  couplet  de  Mon  jmntemps  : 
■    Je  n'avais  plus,  dans  ma  délresse, 
La  force  de  vivre  ou  d'aimer  ; 
Mais  aujourd'hui  de  ma  maîtresse 
Le  souvenir  vient  m'animer. 
Que  le  parfum  des  fleurs  écloses 
Donne  de  doux  enivrements  ! 
Mon  amour  est  comme  les  roses  : 
Il  fleurit  avec  le  printemps. 
Cette  note    élégiaque  domine  chez  notre  poète. 
Presque  partout  on  retrouve,  comme  dans  les  Grillons, 
ce   rapprochement   entre  la   nature    et   ses   divers 
aspects,  d'une  part,  et  de  l'autre,  l'âme  et  ses  émo- 
tions intimes.  N'est-ce  pas  là  toute  la  poésie? 

Longtemps  avant  que  Mouret  eût  inauguré  ses 
soirées  en  l'honneur  des  auteurs  morts,  dans  les- 
quelles on  exécute  surtout  les  œuvres  de  Charles 
Gille  (Mouret  a  épousé  la  sœur  de  ce  chansonnier), 
nous  avions  commencé  à  célébrer  leur  mémoire  à  la 
société  de  la  rue  Lamartine.  C'est  à  cette  occasion 
que  Supernant  avait  fait  une  longue  suite  de  cou- 
plets où,  passant  en  revue  un  bon  nombre  d'anciens 
chansonniers,  il  les  caractérisait  à  sa  manière.  Je 
■citerai  celui-ci  : 

Tout  auprès  d'eux  prenant  part  à  la  fête, 
Collé,  Gouffé,  Panard,  à  l'unisson, 
Chacun  de  vigne  ayant  orné  sa  tête. 
Applaudissaient  un  joyeux  échanson. 
C'était  Brazier,  dont  la  muse  indocile 
Accueillait  mal  la  syntaxe  et  son  mors. 
Bah  !  la  gaieté  suffit  au  vaudeville  ; 
Point  de  pédants  chez  les  chansonniers  morts. 

■J'ai  choisi  ce  couplet  pour  protester  contre  le 
reproche  qu'il  contient  à  l'égard  de  Brazier,  qui 
n'était  pas  aussi  incorrect  qu'on  l'a  prétendu. 

Quelques-unes  des  chansons  de  Supernant  sont 
adaptées  à  des  airs  connus.  Bougnol  en  a  mis  un 
grand  nombre  en  musique,  et  avec  succès.  J'ai 
essayé  moi-même  de  traduire  en  notes  la  Route  et  la 
Branche  de  saule. 

Il  avait  composé  plusieurs  opérettes,  soit  seul,  soit 
en  collaboration  avec  M.  Jules  de  La  Guette,  l'au- 
teur d'une  parodie  très  connue  des  Deux  Gendarmes. 
Il  avait  aussi  réuni  et  condensé  en  une  sorte  d'opéra- 
comique,  sous  le  titre  des  Contes  Rémois,  les  épi- 
sodes les  plus  piquants  du  recueil  de  M.  de  Chevigné. 
J'ai  eu  en  outre  entre  les  mains  r Innocence  d' un  For- 
çat, drame  tiré  d'une  nouvelle  de  Charles  de  Bernard. 

Il  faut  bien  parler,  au  moins  pour  mémoire,  de 
certains  articles  sur  la  Goguette  qui  firent  lors  de 
leur  apparition  et  plus  tard  encore  un  grand  bruit 
dans  le  public  chansonnier.  Bien  des  cris  de  paon 
s'élevèrent,  bien  des  haines  prirent  naissance,  et 
cela  se  comprend.  Il  est  donc  impossible  de  passer 
cet  épisode  sous  silence.  Supernant  lui-même  me 
reprocherait,  s'il  vivait,  de  l'avoir  laissé  dans 
l'ombre.  Ces  articles,  qui,  suivant  l'usage  du  journal 
où  ils  parurent,  n'étaient  pas  signés,  furent  publiés 
par  l'Atelier,  aux  mois  de  mai,  août  et  octobre  1844. 
Supernant  avait  pour  collaborateurs,  à  ce  journal, 
entre  autres  ouvriers,  Pascal  et  ce  même  Corbon 
qui  depuis...  mais' alors  il  n'était  pas  sénateur. 
Inspiré  par  une  honnêteté  sincère  et  par  un  rigo- 
risme peut-être  exagéré,  Supernant  offrait  de  la 
Goguette  et  des  goguettiers  une  peinture  assurément 
peu  flatteuse.  C'était  un  tableau  poussé  au  noir  ; 
mais  les  citations  que  l'écrivain  apportait  à  l'appui 
de  sa  philippique  ne  laissaient  pas  d'être  accablantes 
pour  les  auteurs  et  pour  leur  auditoire. 


Cette  sévérité  dont  Supernant  faisait  preuve  à 
l'égard  des  chansonniers  de  son  temps,  il  l'exerçait 
aussi  envers  lui-même.  Jamais  il  ne  s'exposa  au 
reproche  d'immoralité.  Sans  doute,  comme  beaucoup 
d'entre  nous,  il  ne  craignait  pas  de  pincer  à  l'occa- 
sion la  corde  folichonne.  Peines  de  cœur  et  Notes  de 
voyage  prouvent  qu'il  aurait  pu  obtenir  dans  ce  genre 
de  véritables  succès.  Mais  il  n'eut  jamais  consenti  à 
chanter  en  public  même  les  moins  décolletées  de  ses 
productions.  Il  n'en  faisait  part  qu'à  ses  intimes,  au 
dessert. 

Le  vin  même,  un  des  lieux  communs  de  la  chan- 
son, se  montrait  peu  dans  ses  couplets.  Aussi,  quand 
il  entrait  dans  une  société  lyrique,  le  public  disait-il 
à  demi  voix  :  Voilà  le  poète.  Et  il  l'était,  dans  le  bon 
sens  du  mot  :  poète,  non  pour  chanter  seulement, 
mais  pour  dire,  pour  prouver  quelque  chose,  pour 
enseigner. 

Supernant,  qui  avait  beaucoup  plus  d'entrain  et 
de  joyeuse  humeur  dans  l'intimité  qu'on  n'aurait  pu  le 
croire,  était  un  des  trois  fondateurs  du  Hareng  Saur, 
banquet  annuel  qui  se  tenait  chaque  Toussaint  et 
dont  je  vous  promets  l'histoire.  Or, 

Etant  seul  survivant^  il  faut  que  je  me  hâte. 

Ses  qualités  étaient  la  sincérité,  le  courage  à 
exprimer  ses  sentiments  et  ses  opinions,  lors  même 
qu'il  savait  qu'ils  pouvaient  n'être  pas  conformes  à 
ceux  de  ses  auditeurs.  Ce  n'était  pas  bravade,  mais 
amour  de  la  vérité.  Ses  défauts  (qui  n'en  a  peu  ou 
prou?)  :  un  peu  d'excès  dans  le  développement  de 
ses  idées,  et,  par  suite  de  son  aversion  pour  la  bana- 
lité, quelque  recherche.  Son  débit  se  ressentait 
naturellement  des  unes  et  des  autres  :  beaucoup  de 
soin,  d'intelligence,  de  jeu,  si  je  puis  dire,  mais  trop 
de  soulignés. 

Camarade  obligeant,  amidévoué,  mari  affectueux, 
il  a  laissé  chez  tous  ceux  qui  l'ont  pu  connaître  des 
souvenirs  vivaces  et  de  sincères  regrets. 

Je  regrette  vivement  que  l'espace  qui  m'est 
accordé  m'oblige  à  écourter  cet  article.  J'espère 
bien  me  dédommager  plus  tard,  et  payer  plus 
amplement  à  ce  véritable  poète  le  tribut  qu'il 
mérite  et  comme  ami  et  comme  chansonnier. 

La  veuve  de  Supernant  avait  annoncé,  dans  les 
jours  qui  suivirent  sa  mort,  l'intention  où  elle  était 
de  publier  le  recueil  de  ses  poésies.  Il  est  à  souhaiter 
qu'elle  donne  enfin  suite  à  ce  projet.  Tous  les  amis 
du  poète  l'en  remercieront. 

EuG.  IMBERT. 


LES    GRILLONS 

SOLITUDE 
Air  :  Notre-Dame  du  mont  Carmel. 
Dans  cette  nuit  froide  et  profonde 
Qui  sur  les  bois  jette  un  linceul. 
Sous  mon  toit,  comme  dans  le  monde, 
Sans  vous,  grillons,  je  serais  seul. 
De  mon  foyer,  troupe  folâtre, 
Venez  égayer  les  clartés  ; 
0  joyeux  habitants  de  l'âtre, 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 
Souvent  ma  pensée,  asservie 
Aux  tableaux  de  l'âtre  enflammé, 
Comprit  le  néant  de  la  vie 
Au  dernier  charbon  consumé. 


LA  CHANSON 


155 


Si  l'œil  humain  pouvait  descendre 
Au  fond  des  cœurs  désenchantés  ! 
—  Après  le  feu  reste  la  cendre... 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 
Parfois,  comme  des  salamandres, 
Les  flammes  dansent  sous  mes  yeux, 
Traçant  d'innombrables  méandres 
Dans  leurs  élans  capricieux; 
A  cette  fête  fantastique. 
Grillons,  vous  êtes  invités. 
Car  vous  en  êtes  la  musique... 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 
Puis,  c'est  une  Sodome  ardente 
Que  Dieu  d'un  regard  embrasa... 
Et  je  songe  à  l'enfer  de  Dante  : 
Lasciat'  ogni  spei-anza... 

—  Est-il  vrai?  Dieu  les  abandonne 
Ceux  que  son  fils  a  raclietés?... 
Non  !  il  punit,  puis  il  pardonne; 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 
La  neige  au  seuil  de  ma  demeure 
Attache  son  suaire  blanc, 

Et  l'eau,  de  ma  vitre  qui  pleure, 
Tombe  avec  un  bruit  morne  et  lent; 
Le  vent  souffle  au  dehors,  dans  l'ombre; 
Et  pourtant,  grillons,  écoutez  ! 
Plus  que  la  nuit  mon  âme  est  sombre... 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 

A  deux  genoux  dans  sa  chaumière 

—  C'était  la  nuit  aussi,  jadis  1  — 
On  murmurait  près  de  sa  bière 
A  voix  basse  :  De  profundis! 

Je  contemplais  ses  traits  livides 
Avec  des  yeux  épouvantés... 

—  Les  cercueils  pleins  font  les  cœurs  vides- 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 
Dans  l'àtre  à  la  lueur  blafarde, 

La  flamme  a  cessé  de  courir  ; 
Mon  foyer  pâli  me  regarde 
Avec  des  yeux  qui  vont  mourir; 
La  vapeur,  blanche  d'étincelles, 
S'en  élève  en  flots  argentés... 
L'âme  ainsi  retrouve  ses  ailes  ; 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 
Mais  pourquoi  toutes  ces  pensées 
Dans  lesquelles  mon  cœur  s'aigrit? 
Je  les  croyais  bien  effacées 
De  mon  âme  et  de  mon  esprit. . . 

—  Des  compagnons  que  j'eus  sur  terre, 
Vous,  les  seuls  qui  soyez  restés, 

Pour  endormir  le  solitaire, 
Chantez,  grillons,  grillons,  chantez. 

Ch.  SUPERNANT. 


LA  PART  DU  POÈTE 

(iMlïÉ  DE  SCHILLER) 

«  Prenez  possession  du  monde 

—  Aux  mortels  un  jour  cria  Dieu  — 

(i  C'est  à  vous  la  terre,  à  vous  l'onde, 

La  vallée  oii  le  torrent  gronde. 

Le  volcan  d'où  jaillit  le  feu  !  » 

Et  la  voix  se  taisait  à  peine 

Que  déjà  chacun  s'emparait, 


Le  noble  d'un  vaste  domaine, 

Le  cultivateur  de  la  plaine. 

Le  bûcheron  de  la  forêt. 

Le  marchand  de  mille  matières 

Bientôt  remplit  un  entrepôt. 

Et  le  roi,  posant  des  barrières. 

Aux  villes,  aux  champs,  aux  rivières, 

Réclama  la  dime  et  l'impôt... 

La  curée  splendide  était  faite  ; 

Soudain,  l'âme  pleine  de  foi, 

Un  homme  au  ciel  leva  la  tête 

Et  dit  :  «  Moi,  je  suis  le  poète. 

Père,  qu'as-tu  gardé  pour  moi?  » 

—  «  Eh  quoi  !  fit  Dieu,  pas  une  obole 
N'échut  au  plus  pauvre  de  tous?.. 
Où  donc  étais-tu,  tète  folle. 
Lorsque  retentit  ma  parole  ?  « 

—  «  Seigneur,  j'étais  à  tes  genoux. 
«  Absorbé  dans  le  grand  mystère, 
Ebloui  par  ta  majesté. 

J'ai  perdu  ma  part  de  la  terre  ; 
Me  laisseras-tu,  juge  austère, 
Atout  jamais  déshérité?  « 

—  «  Hélas,  par  ma  volonté  même. 
Sur  terre  plus  rien  n'est  à  moi. 
Dit  Dieu  dans  sa  bonté  suprême  ; 
Mais  viens,  ô  doux  rêveur  que  j'aime. 
Mon  ciel  me  reste,  il  est  à  toi  !  » 

L. -Henry  LECOMTE. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  ET  LITTÉRAIRE  DU  CAVEAU 

BANQUET  DU  6  FÉVRIER 

Musc,  changeons  de  style  et  quittons  la  satire. 

Boileau  a  raison.  Ainsi  ferai-je  aujourd'hui.  Le  Caveau  a. 
daigné,  non  pas  s'émouvoir,  mais  se  souvenir  de  quelques 
plaisanteries  nioffensives,  du  moins  dans  l'intention,  dirigées 
dans  ce  journal  contre  l'usage  antique  et  solennel,  comme  on 
dit  dans  .\tlialie,  des  tosles  présidentiels.  Le  toste  s'est 
redressé,  ma  foi,  et  vigoureusement.  De  même  que  je  ne 
sais  quel  philosophe  prouvait  —  en  marchant  —  le  mouve- 
ment, le  tosto  a  démontré,  par  son  allure  piquante  quoique 
courtoise,  et  aussi  par  des  précédents  ingénieux,  qu'il  est 
admissible,  qu'il  est  utile,  qu'il  est  indispensable.  Je  n'irai 
pas  à  rencontre.  Une  cause,  même  mativaise,  si  bien  plaidée, 
est  vite  gagnée;  à  plus  forte  raison,  si  elle  est  bonne. 

Puis  a  commencé  le  défilé  des  chansons  :  une  vingtaine 
environ,  ce  qui  est  un  joli  chiffre.  La  partie  sérieuse  est  la 
moins  riche,  comme  quantité,  s'entend.  La  Danse  macabre, 
de  Piesse,  bien  pensée  et  ciselée  avec  art  ;  l'Immortalité  de 
Molière,  sirophes  larges  et  animées  de  Garraud;  Murger  et 
Musette,  de  Vilmay,  qui  se  propose  de  traiter  successivement 
en  chansons  les  couples  célèbres,  et  qui  a  bien  réussi  ce 
premier  tableau.  Ajoutons-y  les  Vins  de  France,  que  Charles 
Vincent  célèbre  avec  une  chaleur  digne  d'eux,  non- 
seulement  en  poète,  mais  en  goui'met,  et  le  Pâtre,  de  Louis 
de  Courmont,  tableau  rustique  vaste  comme  la  nature,  et 
d'une  poésie  chaudement  colorée. 

Mouton-Dufraisse,  Ripa.ult,  Jullien,  Lesueur  donnent  la 
note  gaie  :  Le  Pique-assiette,  les  Raccrocs,  l'Homme 
déclassé.  Les  Bêtises,  sont  des  croquis  fort  différents  de  ton 
et  de  manière,  mais  remplis  d'esprit  et  de  traits  heureux. 

Fénée,  qui  n'est  jamais  le  dernier  quand  il  s'agit  de 
joyeuse  humeur,  a  rajeuni  un  vieux  sujet  bien  des  fois 
traité,  le  Marchand  de  plumes;  c'est,  comme  on  le  devine, 
une  série  de  rapprochements  ou  de  jeux  de  mots.  Alexis 
Dalès  avait  écrit  il  y  a  longtemps  pour  les  chanteurs  des  rues 
quelques  couplets  sur  ce  sujet,  mais  il  s'était  visiblement 
inspiré  de  Charles  Lepage.  Le  nouvel  arrangeur  n'a  pas  été 
le  plus  maladroit. 


156 


LA  CHANSON 


Les  Conseils,  de  Jules  Petit,  Au  comptant,  d'EclialIé,  la 
Pendule  détraquée,  de  Grange,  voilà  encore  des  sujets  bien 
trouvés  et  bien  conduits.  Le  premier  a  peut-être  un  peu 
plus  d'amertume  ;  le  second,  de  bonhomie  ;  le  dernier,  de 
croustillant.  On  a  beaucoup  ri  surtout  de  celte  pauvre 
aiguille  qui  ne  peut  plus  marquer  midi. 

Liorat  chante  les  Vieilles  choses  avec  d'affectueux  regrets 
et  un  enthousiasme  rétrospectif  qu'il  aurait  tort  d'exagérer. 
Son  petit  trumeau  est  si  doux  de  couleur,  que  le  présent 
paraît  tout  noir  à  côté.  N'est-il  pas  injuste  en  parlant  de 

L'esprit  gaulois  qu'liâlas,  nous  n'avons  plus  ? 

Et  sa  chanson  ne  donne-t-elle  pas  à  l'auteur  un  formel 
démenti  '! 

Comme  chansons  de  circonstance,  nous  avons  eu  les  cou- 
plets par  lesquels  Poullain  a  souhaité  la  bienvenue  à  Charles 
Band,  restaurateur  ordinaire  et,  ce  soir-là,  invité  du  Caveau, 
et  les  couplets  de  réception  de  Georges  Murât,  nouveau 
membre  libre .  H  est  utile,  quand  les  m-ands  arbres  vieillissent, 
et  le  Caveau  en  compte  beaucoup  de  chenus,  de  songer  aux 
pépinières,  l'espoir  des  forêts  de  l'avenir.  K'oublions  pas  non 
plus  Lagarde,  le  joyeux  épicurien,  qui,  quoique  absent,  était 
représenté  par  sa  chanson  du  Swltan. 

J'ai  gardé  pour  la  fin  la  chanson  d'un  visiteur  qui  a  pour 
titre  un  Candidat,  non  seulement  à  cause  de  l'adhésion 
unanime  qu'elle  a  soulevée,  mais  parce  qu'elle  serait  de 
nature,  si  elle  était  mal  comprise,  à  passer  pour  réactionnaire, 
tandis  qu'elle  n'est  que  juste  et  que  l'auteur  est  un  répu- 
blicain. Ce  candidat,  c'est  un  amnistié.  La  politique  a  ses 
flux  et  ses  reflux.  On  doit  donc  admirer  le  courage,  même 
malheureux,  et  plaindre  les  vaincus  ;  mais  il  est  difficile  de 
tolérer  l'orgueil  dans  l'ingralitude  et  la  prétention  dans 
l'incapacité.  C'est  ce  que  l'auteur  a  voulu  ex()rimer  dans 
cette  profession  de  foi  comique  d'un  amnistié  qui  aspire  à  la 
députation.  Je  veux,  dit-il, 

Je  veux  qu'  les  honim'  soient  tous  libres,  tous  frères. 

Qu'ils  aient  mém'  part  au  commun  revenu. 

Abolissons  les  lois  qui  m'  sont  contraires, 

Le  cod'  pénal,  surtout,  qu'  j'ai  trop  connu. 

Sur  l'instruction,  l'armée,  et  d'autr'  chapitres 

J'en  dirais  long  et  je  s'rais  écouté  ; 

Mais  j'  viens  d'  là-bas  ;  c'est  1'  meilleur  de  mes  titres. 
Citoyens,  fait'-moi  député. 
Une  des  chutes  qui  a  produit  le  plus  d'effet  est  celle-ci: 

Je  le  sais  bien, 


L  prochaine, 
Le  rang  d'  nnnistre  a  bon  droit  m'eiit  tenté  ; 
Mais  j'  n'ai  jamais  écrit  dans  1'  Père  Duchêne. 
Citoyens,  fait'-moi  député. 

J'estime  volontiers  qu'il  y  a  de  bonnes  gens  partout,  et 
voulus  faire  le  don  Quichotte  :  Vous  connaissez,  objectai-je, 
la  comparaison  de  Jésus;  la  république  céleste  est  semblable 
à  un  berger,  elc.  Vous  savez  qu'il  y  a  plus  de  joie  à  retrouver 
une  brebis  perdue  qu'à  en  conserver  cent  autres  i]ui  n'ont 
pas  quitté  le  parc.  —  Assurément,  me  répondit-on,  mais  au 
moins  faut-il  que  ce  soit  une  brebis. 

Et  vodà  ma  lance  rompue . 

Je  repris  :  On  peut  être  amnistié  et  capable... 

—  Oui,  comme  on  peut  être  amnistié  et  n'être  qu'un  sot. 
Que  n'a-t-on  pas  dit,  et  justement,  contre  les  lettres  d'obé- 
dience, qui  donnent  à  un  ignorant  le  droit  d'enseigner  ce 
qu'il  ignore  !  Ferez-vous  donc  du  titre  d'amnistié  un  brevet 
de  capacité? 

Et  voilà  ma  rondache  coupée  en  deux. 

—  Je  ne  sache  pas,  ajouta  un  autre,  qu'il  y  ait  dans  l'île  Nou 
une  source  miraculeuse  dont  les  eaux  possèdent  le  don  féeri- 
que de  changer  en  aigles  les  merles  qui  s'y  sont  désaltérés. 

Et  voilà  mon  armet  aplati,  et  moi  aussi.  Défendez  donc 
les  absents!  E.  IMBERT. 

LICE  CHANSONNIÈRE 

BANQUET  DU  4  FÉVRIER 

Est-ce  l'influence  du  brouillard  ou  des  décès  multipliés 
dont  nous  entretiennent  les  journaux?  Le  ton  général  des 
chansons  dites  l'autre  soir  à  la  Lice  était  d'une  gravité  sin- 
gulière. La  plupart  des  convives  avaient  cru  devoir  rimer 
des  préceptes  de  morale  ou  de  politique  honnête,  qui  cou- 
ronnaient peu  gaiement  un  repas  d'ailleurs  assez  mal  servi. 


Jeannin  lui-même,  dont  les  gaudrioles  coupent  et  terminent 
d'ordinaire  les  banquets  par  de  gros  éclats  de  rire,  Jeannin 
a  chanté  de  solennels  couplets  dédiés  Aux  Enfants  du 
peuple...  Le  brouillard  et  les  nécrologies,  l'ous  dis-je. 

Des  obligations  présidentielles,  celle  de  toaster  mensuel- 
lement n'est  pas  faite  pour  effrayer  le  nouveau  directeur  de 
la  Lice.  Byon  a  le  vers  facile,  la  verve  abondante,  et  la 
santé  qu'il  a  portée  à  la  République  et  à  la  chanson  a  ces 
deux  immortelles  »  méritait  bien  les  bravos  qui  l'ont 
accueilhe.  Nos  lecteurs  en  jugeront  par  eux-mêmes. 

Jules  Rau.x,  intéressé  par  les  aventures  de  la  Gervaise  de 
M.  Zola,  célèbre  un  des  instruments  de  travail  de  cette  perle 
des  blanchisseuses  : 


Comme  l'outil  qu'ils  chantent,  les  couplets  de  l'auteur 
(paroles  et  musique)  sont  capables  de  glisser...  sur  la  pente 
du  succès. 

Avec  Adcline  fleurit  la  romance.  Je  rêve  de  toi,  mignonne, 
dil-il  à  celle  qu'il  aime.  Vous  devinez  toutes  les  flatteries 
adroites  débitées  sous  le  couvert  de  ce  songe  plus  ou  moins 
authentique.  - 

Le  Doute,  de  M.  Vilmay  ;  l'Oiseau  sans  nid,  de  M.  Petit- 
Pierre;  le  Gardeur  de  cochons,  de  M.  de  Courmont  ;  le  Noël  de  la 
libre  pensée,  de  M.  de  Gonet,  appartiennent  surtout  au  genre 
sérieux  dont  j'ai  signalé  l'envahissement.  Mérites  divers, 
succès  égaux. 

M.  Hachin,  lui,  est  toujours  dans  le  ton  agréable  de  la 
vraie  chanson  ;  mais,  au  lieu  de  fi'edonner  ses  œuvres 
nouvelles,  il  les  a  dites,  l'autre  jour.  Cela  n'en  a  pas  changé 
l'allure  au  point  que  l'on  n'ait  pu  saluer  deux  très-jolis 
tableaux  de  genre. 

Alfred  Leconte  en  veut  beaucoup  à  la  censure  ;  il  la  flagelle 
et  lui  conseille  le  repos  qu'elle  a  bien  gagné.  Le  spirituel 
député-poèle  ferait  bien  d'aller  chanter  ses  vers  mordants 
aux  oreilles  du  ministre,  qui  ne  me  paraît  pas  disposé  à 
casser  aux  gages  la  vieille  Anastasie. 

M.  Paul  Avenel  raconte  l'Histoire  de  Manon  dans  un 
de  ces  pots-pourris  qu'atfectionnaient  jadis  les  maîtres  chan- 
sonniers. Malgré  les  timbres  joyeux  qu'il  fait  résonner,  ce 
récit  attriste  plutôt  qu'il  égaie  ;  c'est  là  sans  doute  ce  que 
voulait  l'auteur. 

Une  chose  tout  aimable,  c'est  le  rondeau  sur  le  rire,  écrit 
par  M.  Robinet  avec  entrain,  grâce  et  belle  humeur. 

Chebroux,  trop  modeste,  a  fait  noter  par  je  ne  sais  quel 
compositeur  un  air  nouveau  pour  ses  Pauvres  amours  que 
nos  lecteurs  connaissent.  J'aime  beaucoup  mieux  l'air  primi- 
tif, composé  par  le  chansonnier  lui-même. 

Le  Mouvement  général  de  M.  Leblanc,  et  une  poésie  sans 
titre  d'Alfred  Leconte  ont  fait  plaisir. 

M.  Goûts,  d'une  voix  bien  émue,  demande  que  l'on  répète 
ses  chansons  ;  elles  en  valent  assurément  la  peine,  et  je  ne 
serais  pas  étonné  de  voir  son  souhait  exaucé  dans  un  avenir 
prochain.  Une  chanson-proverbe.  Les  Conseilleurs  ne  sont 
pas  les  payeurs,  de  M.  Haas,  dénote  également  un  certain 
mérite  ;  elle  renferme  surtout  un  couplet  politique  très  réussi. 

M.  Pingray,  comme  Molière,  prend  son  bien  où  il  le 
trouve.  On  a  sans  doute  gardé  souvenir  de  la  chanson  pleine 
d'attici.çme,  colportée  dans  nos  rues  avec  ce  refrain  : 

c'est  pas  toujours  les  mêmes 
Qu'auront  l'assiette  au  beurre. 

M.  Pingray  reprend  ces  vers  semi-prophétiques  pour  les 
modifier  ainsi  : 


Evidemment,  la  version  nouvelle  détrônerall'ancienne  ;  elle 
est  plus  expressive  et  plus  substantielle.  Mais  le  poète  n'a  pas 
toujours  réfléchi  aux  applications  qu'il  en  faisait.  Venant  par 
exemple  après  un  couplet  sur  l'amour,  le  refrain  de 
M.  Pingray  produit  un  effet  non  cherché.  L'amour,  un 
fricot!  —  Singulier  amour  que  celui  où  l'amant  trouverait  à 
boire  et  à  manger  ! 

Quatre  chansons  connues  de  MM.  Ryon,  Echalié,  Jeannin 
et  Cahen  ont  porté  à  vingt  le  nombre  des  productions 
entendues. 

L.-Henry  LECOMTE. 


LA   CHANSON 


157 


LA  NUIT  DES  AMOURS 

IDYLLE 

Paroles  de  Clément  Casse^  musique  de  J.-C.  ïhorel 
15 


l'on    peut     s'ai  _    mer      en -rê  -  vaut.    Moû 
Refrain. 


gnoD     .       ne,    souïiens  -  toi     tou.jours   de 


la   douce    nuit  des  amours    Mifrnonae,  souviens 
Il  H  !i,b. 


toi  toujours  de      la  douce  nuit  des    amours 

Ecoute,  ma  belle  peureuse, 
Dans  la  forêt  silencieuse, 
Le  bruit  d'une  valse  amoureuse, 
Que  font  les  feuilles  sous  le  vent. 
C'est  l'heure  de  la  rêverie, 
Tout  charme  mon  âme  attendrie  ; 
Les  bois  sont  pleins  d'herbe  fleurie 
Où  l'on  peut  s'aimer  en  rêvant. 

Mon  cœur  ressent  de  douces  choses 
Aux  baisers  de  tes  lèvres  roses  : 
Mignonne,  souviens-toi  toujours 
De  la  douce  nuit  des  amours. 


Au  ciel  il  n'est  pas  un  nuage, 
La  lune  à  travers  le  feuillage. 
Pour  en  parer  ton  blanc  corsage. 
Argenté  les  fleurs  du  chemin. 
Ta  bouche  a  le  plus  frais  sourire. 
Tes  veux  sont  mourants  de  délire. 
Et  sous  le  baiser  qui  m'attire, 
Ta  main  frissonne  dans  ma  main. 
Mon  cœur,  etc. 

Le  rossignol  sous  la  ramure. 
Prés  de  son  amante  murmure, 
Et  vient  couvrir  de  sa  voix  pure 
L'écho  de  nos  baisers  d'amour. 
Auprès  de  toi,  chère  maîtresse. 
Mon  cœur  s'enivre  à  ton  ivresse. 
Il  n'est  qu'un  regret  qui  l'oppresse. 
C'est  que  déjà  voici  le  jour. 

Mon  cœur  ressent  de  douces  choses 
Aux  baisers  de  tes  lèvres  roses  : 
Mignonne,  souviens-toi  toujours 
De  la  douce  nuit  des  amours. 


A  Mon  ami  A.  P.vtay,  diicclour  du  Journal  La  Clianson 

LA  STATUE  DE  BÉRAÎ^GER 


Musique  tic  Tac-Coen  (*) 

Assez  de  piédestaux  aux  rois... 
La  France,  aujourd'hui  citoyenne, 
Oubliant  ces  briseurs  de  lois. 
Rêve  de  gloire  plébéienne. 
Pensons  aux  nobles  par  le  cœur 
Plus  qu'aux  nobles  par  la  naissance. 
Béranger,  ton  nom  dit  :  Honneur, 
Patrie  !  Amour  !  Indépendance  ! 

Au  grand  poète,  au  citoyen. 
Dont  la  muse  trop  tôt  s'est  tue, 
A  Béranger,  l'homme  de  bien. 
Au  grand  poète,  au  citoyen, 
La  France  doit  une  statue  ! 

Après  avoir  chanté  les  gueux. 
Pour  les  consoler  de  leurs  peines, 
De  nos  exilés  malheureux 
Ses  refrains  allégeaient  les  chaînes. 
La  prison  s'ouvre  à  ses  couplets  ; 
Qu'importe  ses  jours  qu'il  expose  : 
Enfant  du  peuple,  il  n'a  jamais 
Du  peuple  déserté  la  cause  ! 

Au  grand  poète,  etc. 

Mil  huit  cent  quinze!...  Entendez-vous? 
Sous  nos  murs  l'étranger  s'avance... 
Béranger  chante  :  Serrons-nous, 
Espérance  et  vive  la  France  ! 
Puis,  quand  la  vieille  royauté 
Montre  un  drapeau  blanc  qu'on  abhorre, 
Béranger  chante  avec  fierté  : 
Gloire  à  l'étendard  tricolore  ! 

Au  grand  poète,  etc. 


(")  La  musique  se  trc 
Dame-de-Nazareth . 


chez  Laljbé,  éditeur,  32,  rue  Notre- 


158 


LA  CHANSON 


Pour  adoucir  les  mauvais  jours, 
Qu'aux  rois  ligués  doit  notre  histoire, 
Béranger  clianta  les  amours, 
Comme  l'espérance  et  la  gloire. 
Refrains  joyeux,  où  vingt  beautés 
A  sa  voix  paraissaient  éclore. 
Nos  grands-pères  vous  ont  chantés, 
Nos  fils  vous  chanteront  encore! 
Au  grand  poète,  etc. 

Des  frais  atours  de  la  chanson. 
Affublant  la  philosophie, 
11  faisait  aimer  la  raison 
Sous  les  habits  de  la  folie  ; 
Son  nom  mettait  au  front  des  rois 
L'effroi  du  coupable  en  délire. 
Pendant  que  la  France  à  sa  voix 
Se  ranimait  dans  un  sourire  ! 
Au  grand  poète,  etc. 

De  fleurs,  de  lauriers,  de  drapeaux. 

Ornons  l'image  humanitaire 

De  ce  pacifique  héros. 

Du  grand  chansonnier  populaire. 

En  lui,  fêtons  en  ce  beau  jour 

L'ardente  foi  patriotique  ; 

Et  qu'il  s'éveille  à  notre  amour. 

Au  cri  :  Vive  la  République! 

Au  grand  poète,  au  citoyen. 
Dont  la  muse  trop  tôt  s'est  tue, 
A  Béranger,  l'homme  de  bien. 
Au  grand  poète,  au  citoyen, 
La  France  doit  une  statue 

Eugène   BAILLET, 
Trésorier  de  la  Lice  Chansonnière. 


TOAST  A  LA  GHANSON 

BANQUET    DU    4    FÉVRIER 


Chanson,  fille  de  l'Espérance, 
Toi,  qui  du  monde  as  fait  le  tour. 
Toi  dont  la  patrie  est  la  France 
Où  l'on  t'aime  d'un  tendre  amour  ; 
Chanson  —  élégie  ou  satire  — 
Toujours  jeune  dans  ta  beauté, 
Toi  qui  nous  fais  penser  ou  rire, 
Toi  qui  sèmes  la  vérité  ; 
Chanson  qui,  toujours  d'âge  en  âge. 
Berças  les  sages  et  les  fous  ; 
Chanson  !  reçois  ici  l'hommage 
Que  je  te  rends  au  nom  de  tous. 
On  te  voit,  traversant  l'histoire. 
Tantôt  glaive  et  tantôt  drapeau; 
Célébrant  aujourd'hui  la  gloire, 
Demain,  pleurant  sur  un  tombeau. 
Quand  l'hiver,  le  pauvre  murmure. 
Ta  voix  audoucit  les  frimas, 
C'est  grâce  à  toi  que  la  nature 
Revêt  sa  robe  de  lilas. 
Avec  les  francs  buveurs,  joyeuse 
Tu  siffles  de  malins  couplets 
Et  tu  te  fais  grave  et  railleuse 
En  passant  devant  les  palais. 
Salut,  chanson  !  ouvre  tes  ailes  : 


Viens  planer  sur  notre  Banquet, 

Ce  soir,  tes  disciples  fidèles 

De  leurs  vers  te  font  un  bouquet. 

Janvier  dort  enfin  sous  la  neige, 

Bientôt  sonnera  le  réveil; 

La  chanson  que  l'amour  protège 

Apporte  un  rayon  de  soleil  ! 

De  Février  qui  nous  rassemble 

Je  veux  vous  dire  un  souvenir 

Auquel  nous  trinquerons  ensemble, 

Les  yeux  tournés  vers  l'avenir. 

C'est  en  ce  mois,  l'anniversaire 

D'un  jour  heureux  et  triomphant 

Où  le  vieux  Lion  populaire 

Brisa  son  bâillon  étouffant. 

Buvons  à  ce  jour  magnifique 

Qui  vit  soudain  étinceler 

Cette  deuxième  République 

Qu'un  traître  devait  nous  voler. 

La  Chanson  !  —  la  Muse  Française  — 

Etait  là,  lançant  deux  refrains  : 

Partout  grondait  la  Marseillaise 

Avec  le  chant  des  Girondins  ! 

Le  vingt-cinq,  Dupont,  l'âme  pleine 

De  joie  et  de  généreux  cris. 

Composa  la  Républicaine  ! 

Qui  se  chanta  dans  tout  Paris. 

Amis,  je  bois  au  peuple  libre 

Qui  renverse  un  joug  détesté  ! 

Je  bois  à  la  chanson  qui  vibre 

Quand  souffle  un  vent  de  liberté  ! 

Je  bois  au  fier  refrain  qui  sape 

Une  tyrannie  aux  abois  ; 

Je  bois  au  vers  vengeur  qui  frappe 

Sur  les  courtisans  et  les  rois  ! 

Je  bois  aux  strophes  fraternelles 

Quand  le  peuple  a  fait  sa  moisson  ; 

Je  bois  à  ces  deux  immortelles  : 

La  République  !  et  la  Chanson  ! 

HiPPOLYTE   RYON, 
Président  de  la  Lice  Chansonnièi'e. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Le  dimanche  1"  février,  la  société  les  Enfants  de 
la  Seine,  présidée  par  M.  Cantarel,  a  donné  dans 
son  local  ordinaire,  20,  rue  Palestre,  sa  sixième 
soirée  dramatique  et  lyrique.  Les  Ressources  de  Jona- 
<Ans,  comédie-vaudeville  en  un  acte,  ont  été  enlevées 
trèslestement  par  M'^'^'^Louise,  Hélène  et  MM.  Charles, 
Emmanuel,  Perrot,  Un  Caprice,  comédie  d'Alfred 
de  Musset,  a  été  interprété  par  MM"'^''  Hélène  et 
Louise,  convenablement.  M.  Jules  Kooh  ferait  bien 
de  se  défier  de  son  manque  de  mémoire.  Le  Violo- 
neux, opérette,  musique  d'Offenbach,  semble  faire 
partie  du  répertoire  des  Enfants  de  la  Seine.  Nous 
l'avons  vu  bien  des  fois  interpréter  par  divers 
sociétaires;  nous  avouons  que  les  derniers  inter- 
prètes ne  nous  ont  pas  fait  oublier  les  anciens,  bien 
au  contraire .  C'est  une  revanche  à  prendre  surtout 
pour  M.  Eugène  Koch.  M"°  Eugénie  et  M.  Perrot 
ont  plus  approché  de  leurs  devanciers.  Comme 
intermèdes,  il  nousreste  à  citer  M"°  Eugénie  dans  le 
duo  de.  la  FlîUe  enchantée,  M"°  Victorine  dans  Baiser 
Mignon,  M""  Berthe,  Passera-t-il,  Passera-t-elle, 
M.  Bergier,  l'air  de  la  Calomnie  du  Barbier  de  Séville. 


LA  CHANSON 


159 


¥ 


M.  Samson,  un  sociétaire  auteur,  dont  nous  par- 
lerons procliainement,  a  dit  de  la  bonne  manière 
Les  Ecreuisses.  M.  Emmanuel  chante  l'Homme  qui 
pleure  d'une  façon  à  vous  fendre  l'âme.  Nousregret- 
tons  de  ne  pas  savoir  le  nom  du  chanteur  qui  a 
interprété  en  artiste  J'  suis  vaporeux.  Cette  même 
société  a  donné,  le  mardi  gras,  une  splendide  fête 
présidée  par  des  demoiselles.  La  salle,  complètement 
transformée,  offrait  un  effet  magique  ;  des  flots  de 
lumière  inondaient  de  superbes  toilettes.  MM.  Go- 
blet  et  Perrot  avaient  mis  tout  leur  talent  et  leur  bon 
goût  à  la  décoration  do  li  salle,  méconnaissable. 
Toutes  les  personnes  qui  ont  assisté  à  cette  soirée, 
qui  prendra  date  dans  les  annales  de  la  société,  con- 
serveront un  heureux  souvenir  de  cette  fête  qui  s'est 
prolongée  jusqu'à  trois  heures  du  matin.  Inutile 
d'ajouter  que  le  dévouement  de  M.  Cantarel  à  la 
société  des  Enfants  de  la  Seine,  entraîne  forcément 
le  zèle  des  sociétaires. 

A.   PATAY. 

Malgré  le  brouillard,  la  grande  soirée  mensuelle 
donnée  le  mardi  3  février,  par  la  société  lyrique  La 
Renaissance n^ en  a  pas  été  moins  brillante. Une  opérette 
et  des  chansons  composaient  le  programme  de  cette 
soirée,  dans  laquelle  nous  avons  eu  le  plaisir  d'en- 
tendre :  M.  Voisin,  artiste  lyrique,  qui  a  dit 
avec  talent  A'os  Amateurs,  grande  scène  d'imitation; 
M.  Mortreuil  aîné,  très  amusant  dans  Je  me  rappa- 
pillotte  ;  M.  Paul  Lauuay,  de  [m  Renaissance,  a  inter- 
prété le  Bonheur  n'est  rju'en  rêve,  musique  de  Jules 
Quidant;  le  succès  qu'obtient  partout  M.  Paul  Launaj 
nous  dispense  d'en  faire  ici  un  nouvel  éloge,  con- 
tentons-nous dédire  qu'il  a  été  applaudi  à  outrance; 
l'inimitable  Jomain  nous  a  dit  avec  cette  manière  qui 
n'appartient  qu'à  lui.  J'ai  perdu  innii  Pépin,  et  à  la 
demande  générale.  J'ai  mon  coup  d'  feu;  il  a  eu  les 
honneurs  de  la  soirée  ;  M™"  Valette,  des  Amis  du 
Commerce,  a  été  beaucoup  applaudie  dans  La  diseuse 
de  bonne  aventure  et  la  Femme  à  Papa  ;  la  gentille 
M"°  Louise,  une  étoile  des  sociétés  lyriques,  a  fait  une 
ample  moisson  de  bravos  avec  le  Petit  abbé  et  la 
Pigeonne  ;  M"°  Julia,  de  la  Renaissance,  qui  a  dit 
avec  entrain  //  a  des  Bottes  et  J'  veux  devenir  une 
femme  du  monde  ;  Le  Coq  en  jupnni,  opérette  en 
un  acte,  a  été  brillamment  interprété  par  M""  Pauline 
Davoine  et  M.  Goujon,  tous  deux  de  la  Renaissance. 
N'oublions  pas  M.  Cane  qui  compose  de  charmantes 
mélodies  et  accompagne  avec  talent. 

Le  cercle  de  l'Espérance  donnera,  le  dimanche 
7  mars,  une  matinée  au pj-ofit  des  Pauvres,  salle  Pierre 
Petit.  Nous  en  reparlerons. 

Henry  MALLET. 

L'Union  Artistique  (café  du  Globe,  9,  boulevard 
Strasbourg)  ne  donne  qu'une  grande  soirée  chaque 
mois;  aussi  apporte-t-elle  un  soin  tout  particulier 
dans  la  composition  et  l'exécution  de  son  programme. 
Celui  du  7  février  se  compose  du  premier  acte  de  // 
ne  faut  jurer  de  rien,  comédie  en  trois  actes  du 
Français,  de  Un  jeune  homme  pressé,  vaudeville  en 
un  acte,  des  Variétés,  et  des  Jurons  de  Cadillac, 
comédie  en  un  acte  du  Gymnase,  le  tout  agrémenté 
de  quelques  chansons. 

Le  premier  acte  dellne  faut  jurer  de  rien,mter^rété 
par  MM.  Néol  et  Valentin,  n'était  pas  suffisamment 
su,  ce  quiaamené  quelqueslégères hésitations.  Néan- 
moins, MM.  Néol  et  Valentin  ont  su  nuancer  leurs 


rôles  avec  goût  et  ont  obtenu  des  applaudissements 
bien  mérités. 

Un  jeune  homme  pressé,  interprété  par  MM.  Cher- 
ville,  Néol  et  Gabriel,  n'a  été  qu'une  longue  explo- 
sion de  rires.  Impossible  d'avoir  plus  de  verve  et  de 
brio  que  ces  Messieurs. 

Dans  les  Jurons  de  Cadillac,  M""  Louise  et  M.  Cher- 
ville  ont  fait  preuve  d'une  réelle  valeur  artistique. 
M.  Cherville  est  on  ne  peut  plus  drôle  sous  les  traits 
du  capitaine  Cadillac  et  M"°  Louise  est  une  très 
gracieuse  comtesse,  pour  les  beaux  yeux  de 
laquelle  nous  subirions  volontiers  la  même  épreuve 
que  le  capitaine  Cadillac. 

Quant  à  la  partie  lyrique,  nous  citerons  parmi  les 
chanteurs  M.  Michel,  qui  a  dit  avec  goût  Bonjour 
Printemjjs  et  le  Iloléro  de  l'Etudiant;  M.  Paulin, 
président  do  l'Union  Artistique,  qui  s'est  fait  entendre 
dans  le  Baiser  à  la  Dame  ;  M.  Gabriel,  très- applaudi 
dans  les  Ecrevisses  ;  M.  Raymond ,  amusant  au 
possible  dans  l'Avocat  des  Maris. 

Nous  avons  assisté,  le  lundi  9  février,  à  la  soirée 
donnée  par  la  société  Union  et  Gaité. 

Parmi  les  artistes  qui  se  sont  fait  entendre  nous 
citerons  en  première  ligne  M.  Berlioz,  l'excellent 
comique  du  Cercle  Musset,  dans  Qu'est-ce  que  tu  prends. 
MM.  Renaud,  pianiste,  Borschmek,  Marie,  Cordier, 
H.  Pin,  Lemaire,  Bourbonnet,  Saget,  Himin,  Bou- 
rier  et  Jandct,  ont  fait  une  ample  moisson  de  bravos. 
La  pièce:  Les  amis  de  Gustave,  vaudeville  en  un 
acte,  a  été  assez  lestement  enlevé  par  MM.  Pin  et 
Lemaire,  seulement  je  conseille  à  ces  Messieurs  de 
repasser  leurs  rôles. 

Le  roi  de  la  soirée  a  été  l'amusant  comique  Lelarge 
que  l'on  avait  fait  passer  pour  mort  et  qui  n'a  pas  l'air 
d'en  avoir  envie.  Il  a  interprété  une  scène  d'imita- 
tions, dont  il  est  l'auteur,  intitulée  :  La  fête  de  Bou- 
logne, et  dans  laquelle  il  imite  la  toupie  hollandaise, 
la  roue  du  pain  d'épice  et  les  boniments  des  saltim- 
banques.  Son  camarade  Berlioz  lui  servait  de 
compère. 

Une  leçon  de  galanterie  en  passant  !  Pourquoi 
M.  le  maître  des  chants,  n'ayant  qu'une  seule  dame 
inscrite,  a-t-il  attendu  la  fin  de  la  soirée  pour  faire 
chanter  la  charmante  M"°  Lucie. 

La  Lyre  de  la  Gaîté,  présidée  par  M.  Letiran, 
vient  de  donner  une  soirée  au  bénéfice  des  pauvres 
du  V  arrondissement.  Elle  a  produit  trente-cinq 
francs  qui  ont  été  remis  au  Maire.  Tous  les  samedis, 
dimanches  et  lundis,  soirée  à  8  heures,  18,  rue 
Descartes. 


SEPTIÈME    CONCOURS    MENSUEL 
Ouvert  du  /^r  mi.  20  février. 

Nous  rappelons  que  nos  abonnés  seuls  ont  droit 
d'y  prendre  part  avec  une  chanson  de  six  couplets, 
avec  ou  sans  refrain. 

Le  premier  prix  sera  publié  dans  le  journal  et 
recevra  dix  exemplaires. 

Les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux  pièces 
suivantes  seront  publiés. 


160 


LA  CHANSON 


CONCOURS  ENTRE  LES  SOLISTES 
Des  Sociétés  Lyriques 


Plus  de  50  sociétés  lyriques  ont  répondu  à  l'appel 
du  comité  dirigé  par  M.  Delaporte.  200  concurrents 
doivent  prendre  part  aux  concours  qui  auront  lieu 
les  dimanclies  15,  22  et  20  février,  en  matinées,  au 
Tivoli  Womsol;  le  15,  entre  30  basses  et  barytons, 
6  fortes  chanteuses  et  37  comiques  excentriques. 
Font  partie  du  jury  :  MM.  Barré,  de  l'Opéra-Comi- 
que; Adrien  Boieldieu,  compositeur;  Bonnohée, 
professeur  au  Co7jseruatoirc;  Si&vdmHI  David,  compo- 
siteur; Guiraud  et  Kowalski,  compositeurs,  et  Jules 
Lefort,  professeur  de  chant.  Le  dimanche  22  février 
doit  avoir  lieu  le  2°  Concours  entre  7  forts  ténors, 
Styroliennes,  42comiquesde  genre  (hommes),  2  comi- 
ques excentriques  (dames).  Les  membres  du  jury  du 
2°  concours  sont  MM.  Barnold,  de  l' Opéra-Comique; 
Des-Rosau,  chanteur;  Guillot  et  Hermann,  chefs 
d'orchestre;  Georges  Piter,  chanteur-compositeur. 
Le  3°  Concours,  29  février,  aura  lieu  entre  11  basses 
et  barytons,  opéra,  15  chanteuses  légères,  32  ténors 
légers  et  13  comiques  de  genre  (dames).  Les  membres 
du  jury  seront  pris  parmi  ceux  déjà  nommés. 

Nous  tiendrons  nos  lecteurs  au  courant  de  cette 
heureuse  tentative,  appelée  croyons-nous,  à  d'excel- 
lents résultats. 

A.  PATAY. 

CHOSES    &    AUTRES 


Oh  maudit  hiver!  que  de  ravages  tu  causes 
dans  nos  rangs.  Tes  rigueurs  ont  rendu  malades 
ceux  d'entre  nous  qui  se  portaient  bien  et  tué 
ceux  dont  la  santé  était  chancelante.  Au  nom- 
bre de  ces  derniers,  il  faut  inscrire  M""  Noël 
Mouret,  l'épouse  du  vaillant  chansonnier  qui, 
à  trente  ans  de  distance,  a  donné  au  peuple  ces 
deux  viriles  chansons,  Charlotte  la  Républi- 
caine et  la  Gerbe  Républicaine.  Non-seulement 
M"°  Mouret  tenait  à  la  chanson  par  son  mari, 
mais  elle  était  la  sœur  du  chansonnier  popu- 
laire Charles  Gille;  c'était  sa  sœur  non  par  les 
liens  de  famille  seulement  mais  aussi  par  la 
pensée,  elle  vouait  au  souvenir  de  son  frère 
un  culte  qui  ne  s'est  éteint  qu'avec  elle . 

C'est  pourquoi  à  son  enterrement  purement 
civil  on  retrouvait  réunis  les  chansonniers  et 
les  amis  de  la  vraie  chanson,  de  cette  belle  et 
honnête  fille,  si  maltraitée  dans  les  concerts 
d'aujourd'hui.  Nous  citons  au  hasard:  Eugène 
Imbert,  Guigue,  Eugène  Baillet,  Cahen,  Ducret, 
Denanjanne,  Evrard,  l'éditeur  Labbé,  M™°  Elle 
Deleschaux,  Edouard  Legentil,  ChoUet,  Lié- 
beau, Teulet,  le  chanteur  Marcel  Boucher,  etc. 

Le  journal  La  Chanson  était  représenté  par 
son  directeur  A.  Patay.  M"°  Mouret  était  âgée 
de  68  ans. 


Le  25  janvier,  a  eu  lieu  au  théâtre  du  Château- 
d'Eau,  une  Matinée-conférence  organisée  par  le 
comité  de  la  Société  Philanthropique  des  Ecoles 
laïques  du  3°  arrondissement,  sous  la  présidence  de 
M.  Roques,  ancien  maire  de  Puteaux. 

La  conférence  a  été  faite  par  M.  Bonnet-Duverdier, 
avec  le  concours  d'artistes  tels  que  M""'  Juana  et 
Duparc,  MM.  Victorin,  Welly  et  Fugère,  de  l'Eldo- 
rado. Il  est  inutile  de  dire  que  le  concert  a  été  des 
plus  brillants.  La  société  symphonique  Les  Trouvères 
sous  la  direction  de  son  habile  .chef  Jules  Raux, 
prêtait  son  concours  à  cette  œuvre  patriotique  et 
exécutait  les  meilleurs  morceaux  de  son  répertoire 
chaleureusement  applaudis. 

Cette  société  dont  le  but  est  de  faire  de  la  musique 
sérieuse  et  à  laquelle  nous  portons  un  vif  intérêt, 
fait  appel  à  tous  les  amateurs  de  musique  d'ensemble. 

Les  personnes  qui  désireraient  en  faire  partie  sont 
priées  de  vouloir  se  faire  inscrire  tous  les  lundis  et 
jeudis,  au  siège  social,  11,  place  de  la  République 
(Maison  Orange),  de  9  à  11  heures  du  soir. 

C'est  le  29  janvier  qu'est  venu,  devant  la  cour, 
l'appel  interjeté  par  MM.  Dubost,  Gabillaud,  Philibert 
et  Rodhé,  membres  de  la  Commission  des  comptes 
de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs 
de  musique  assignés  par  M.  Rollot,  agent  général  de 
ladite  Société,  pour  diffamation. 

La  cour  a  fait  droit  aux  conclusions  deM'Doumerc, 
avocat  des  appelants,  a  infirmé  le  jugement  du  24  dé- 
cembre dernier,  et  a  condamné  M.  Rollot  à  tous  les 
dépens  de  première  instance  et  d'appel. 

Le  lundi  2  février  la  société  des  Auteurs-Compo- 
siteurs et  Editeurs  de  Musique  avait  à  élire  en 
assemblée  générale  extraordinaire,  un  syndic  pour 
compléter  son  syndicat.  Trois  candidats  étaient  en. 
présence.  Chacun  d'eux  est  monté  à  la  tribune  à  son 
tour.  Leurs  professions  de  foi  étaient  toutes  trois 
taillées  sur  le  même  modèle  et  se  résumaient  ainsi  : 
renvoi  de  l'agent  général. 

L'assemblée  était  composée  de  135  membres. 
M.  Philibert,  le  plus  hostile  des  trois  candidats, 
a  été  élu  par  -88  voix  et  ses  compétiteurs  en 
ayant  obtenu  31  cela  fait  119  voix  contre  l'agent 
général  dont  les  silencieux  amis  ont  déposé  dans 
l'urne  seize  bulletins  blancs.  Car  c'est  une  chose 
assez  remarquable  qu'après  plus  de  quinze  années 
de  gestion,  l'agent  général  n'aie  pas  eu  à  présenter 
un  sociétaire-candidat  pour  soutenir  sa  cause.  C'est 
grave  ! 

Vient  de  paraître  chez  Corsier,  éditeur,  9,  faubourg 
du  Temple  Valse  des  papillons,  et  le  Jour  de  Van  des 
amours,  paroles  de  Noël  Mouret,  musique  de 
J.-C.  Thorel.  Du  même  compositeur,  La  Grisière, 
quadrille  pour  piano. 


Belle  et  grande  Salle  à  Louer 

Salons  du  Progrès,  Boulevard  de  l'Hôpital,  36 
les  Mardis,  Me9'credis,  Vendredis  et  Samedis 

Nous  recommandons  cette  jolie  salle  tout  agencée 
pour  sociétés  lyriques  ou  autres  réunions  et  pouvant 
contenir  600  personnes. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


3°  ANNEE.  —  N»  39. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


1"  MARS  1880. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Par-aissant  le  i."'  A:  le  16  de  chaque  naois 

Les  Ahonnements  partent  du!" Mai  &  du  1"  Novembre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  . 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEP 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


so:M:3vi:.A.xiaE 


Les  Mélodies  de  Schumann  (a.  édéma).  —  Etudes  sur  les  chants 
étrangers  (p.-e.  erard).  —  Le  Dîner  des  Parisiens  de  Paris 
(un  parisien).  —  Les  Parisiens  de  Pai-is,  paroles  de  Edouard 
DOVEN,  musique  de  j.-marc  chautacîne.  —  Le  Rieur  (j.-b. 
robin'ot).  —  A  une  Babylonienne  (l.-o.  gauny).  —  Inhuma- 
lion  précipitée  (i,.-o.  oauny).  —  N'aimez  jamais.  Marquise 
(PAUI.  wiii.ff).  —  Les  Têtes   de  Bois  (une  ii'.te  de  bois).  — 


Aux  Télés  de  Bois  (jules  gaillard).  —  Ma  réception  au 
Caveau  (georges  murât).  —  Société  des  Auteurs,  Compo- 
siteurs et  Editeurs  de  musique  (un  vieux  sociétaire).  — 
Concours  entre  les  solistes  des  Sociétés  lyriques  (a.  patay).  — 
Chronique  des  Sociétés  lyriques  (jiarcelliuSj  henry  mallet). 
Choses  et  autres. 


LES  MÉLODIES  DE  SCHUMANN  0 


II.  LE  NOYER  (**) 

Passant  le  soir  auprès  du  noyer,  sous  les  fenêtres 
à  demi  fermées  d'une  jolie  habitation,  je  distinguai 
une  mélodie  plaintive,  telle  qu'on  eut  dit  une  liarpe 
dont  quatre  cordes,  caressées  d'un  soufHe,  auraient 
vibré  sous  le  vent,  les  autres  répondant  une  à  une 
au  contact  des  doigts  et  agitées  avec  délicatesse, 
comme  pour  velouter  un  peu  les  sons  aigus  do  la 
phrase  aérienne.  Celle-ci  glissait,  monotone,  désolée, 
incisive  et  s'éteignait  presque  aussitôt,  laissant  à 
découvert  un  dessin  continu  dont  les  caprices  mélo- 
dieux conserveront  à  l'ensemble  une  teinte  vague, 
uniforme,  au-dessous  de  laquelle  vont  se  détacher, 
à  plusieurs  octaves  de  distance,  les  notes  principales 
de  la  romance,  devenues  ainsi  de  véritables  harmo- 
niques (**■). 

J'avais  vingt  ans  :  à  cet  âge,  l'âme  qui  a  conservé 
sa  pureté  native  rêve  un  ange  à  aimer  pour  la  vie. 
Je  m'arrêtai  croyant  avoir  trouvé  le  mien.  Ces 
accords,  ce  timbre  juvénil  me  faisaient  frémir,  je 
pressentais  le  bonheur,  je  devinais  une  amie,  je 
sentais  mes  yeux  se  mouiller  ;  je  me  figurais  entendre 
deux  voix,  voix  des  lèvres  et  voix  du  cœur,  celle-ci 
s'efforçant  de  mentir,  celle-là  incapable  de  rien 
déguiser.  J'écoutais  : 


joyousi 


Devant  la 

Dans  les  verts 
)'un  noyer  chantaient  les  oiseaux. 
La  fleur,  voix  mystérieuse, 
Mêlait  un  soupir 
Au  murmure  du  zéphyr. 

Silène 


I 


:  fille 
Parlez  plus  bas,  i 

Parlez  plus  Das. 
Son  cœur  écoute, 
Epanoui  ; 
Et  soupire  et  doute 
Si  vous  parlez  de  lui. 


A  rombre  de  la  uliarniillo 
Les  gazouillements, 
Les  soupii-s,  les  propos  charmants. 
Parlaient  de  la  jeune  fille. 
Qu'oppresse  la  nuit,  le  jour, 
Son  premier  rôve  d'amour, 
silence  ! 


réveillez  pas  ; 


Ces  dernières  strophes,  dites  à  demi-voix,  péné- 
trèrent en  moi  comme  une  réponse  à  mes  pensées 

(•)  Voyez  le  n»  36. 

(■*)  Schumann,  op.  25  n^  3.  Paris,  Durand  etC'»  éditeur,  4,  place  de 
la  Madeleine  ;  prix  :  1  fr.  65  net. 

(•**)  On  appelle  ainsi  certains  sons  qui  naissent  spontanément  des 
vibrations  d'un  engin  sonore.  Ex.  :  frappez  sur  le  piano  un  /"a  grave, 
vous  entendrez  la  12"  et  la  17"  supérieures  de  cette  note,  soit  do  et  la. 


les  plus  intimes,  mon  émotion  ne  put  se  contenir, 
mes  larmes  coulèrent.  Tout  à  coup  une  main  me 
saisissant  le  bras,  fît  s'envoler  mon  rêve  ;  j'eus  honte 
de  ma  sensibilité,  je  perdis  contenance  et,  détournant 
la  tête,  je  cherchai  à  m'éloigner.  Je  ne  le  pouvais 
pas  :  il  fallait  revenir,  je  revins.  Une  femme  très- 
âgée  dont  la  démarche  paraissait  étrange  s'approcha 
de  moi,  me  fit  quelques  signes  inintelligibles, 
m'adressa  des  paroles  incohérentes,  d'où  je  conclus 
que  ses  idées  avaient  perdu  toute  lucidité.  Ensuite 
elle  se  recueillit  et  ajouta  : 

«  C'estl'enfant  de  mafille  que  vous  venez  d'entendre, 
c'est  la  dernière  de  mes  filles  :  celle  qui  fiît  sa  mère 
mourut  à  vingt  ans  :  je  veux  vous  montrer  sa  tombe 
et  son  linceul  blanc  ;  moi  qui  lui  donnai  la  vie,  je 
porte  chaque  jour  des  fleurs  sur  la  terre  où  elle 
repose,  venez  partager  notre  deuil  :  aucun  ami  n'eut 
jamais  à  ce  point  ma  confiance,  mais  vous  avez  compris 
la  romance  de  mon  enfant.  » 

Alors  me  prenant  la  main,  elle  me  conduisit  sous 
le  noyer,  tout  près  d'une  fontaine  dont  l'eau, 
recueillie  dans  un  bassin,  filtrait  en  gouttelettes  à 
travers  une  bordure  de  lierre  formant  ainsi  une  petite 
cascade  avant  de  se  perdre  sous  les  hautes  herbes 
que  l'humidité  entretenait  au  dessous. 

Nous  demeurions  silencieux:  elle,  comme  absorbée 
par  une  pensée  pénible,  moi,  timide  à  ses  côtés, 
n'osant  l'interroger.  Une  jeune  personne  s'approchant 
alors,  se  mit  à  genoux  sur  un  banc  de  mousse,  et, 
moi-même,  touché  à  cette  vue,  je  me  laissai  entraîner 
vers  elle.  On  mit  dans  sa  main  ma  main;  sans 
réflexion,  je  m'agenouillai  pendant  que  son  aïeule 
s'écriait  montrant  une  tour  démantelée  encore  debout 
sur  un  coteau  voisin  : 

(c  Là,  fut  le  repaire  du  dernier  seigneur  de  la 
contrée  égorgé  par  le  peuple  dès  qu'on  parla  de 
liberté.  Ici  même,  au  lieu  où  jaillit  cette  source, 
aboutissait  un  souterrain  dépendant  du  château.  Ma 
fille  y  fut  traînée  vivante  et  l'odieuse  prison  devint 
son  tombeau.  Dieu  lui  donna  pour  linceul  cette  nappe 
d'eau  limpide  ;  pour  abri  ce  noyer  qui  la  protège 
l'hiver  contre  les  gelées  et  l'été  la  rafraîchit.  » 
A.  ÉDÉMA. 


xm 


LA  CHANSON 


ETUDES  SUR  LES  CHANTS  ÉTRÂNGERSO 

{Suite) 


Algérie  (Hussein  Dey). 

Dans  notre  dernière  étude,  Voix  de  la  brise,  nous 
avons  promis  aux  lecteurs  quelques  chants  arabes 
et  des  refrains  de  bivouacs.  Voici  une  romance  arabe 
traduite  par  notre  ami,  El-Kaïm,  du  bureau  indigène 
des  Djidjelli.  Il  faut  l'entendre  chanter  par  un  flls  de 
Mahomet,  sur  cet  air  lent  et  mélodieux  qui  fait  le 
charme  de  tous  les  chants  orientaux.  Messaoudah 
est  une  de  ces  romances  que  les  flls  de  Cheiks  ont 
fait  connaître  dans  les  salons  français  de  l'Algérie,  et 
plus  d'un  des  grognards  de  Sidi-Ferruph  se  souviendra 
sans  doute  de  l'avoir  entendu  chanter  pendant  les 
courts  instants  de  répit  que  nous  laissaient  les 
Kabyles,  alors  qu'il  fallait  gagner,  en  l'arrosant  de 
sang  français,  chaque  pouce  de  la  terre  brûlante 
d'Afrique. 

Ainsi  que  nous  l'avons  déclaré,  il  ne  nous  appar- 
tient pas  de  juger  les  œuvres  que  nous  soumettons 
aux  lecteurs.  Notre  mission  n'est  pas  de  critiquer  et 
nous  ne  voulons  pas  dépasser  le  but. 

Quoique  nos  études  littéraires  sur  les  chants  étran- 
gers, commencées  depuis  longtemps,  n'aient  pas  été 
remarquées,  nous  avons  pourtant  reçu  divers  encou- 
ragements, —  c'est  plus  que  nous  ne  méritons.  Ainsi, 
notre  ami  P.  d.  R.  (de  Parlosk),  compositeur  russe, 
nous  engage,  au  nom  de  ses  confrères,  à  continuer  la 
traduction  des  chants  de  l'Esthonie.  Il  ne  nous  reste 
plus  qu'à  exprimer  un  regret  sincère,  celui  de  ne  pas 
avoir  été  suivi  par  nos  confrères,  plus  érudits  et 
dont  le  nom  a  plus  d'autorité. 

Ceci  dit,  nous  donnons  plus  bas  la  traduction  de 
Messaoudah  : 

Les  boutons  de  la  rose 
N'ont  jamais  la  fraîcheur 
De  sa  lèvre  mi-close 
Au  doux,  souris  moqueur. 

AUab !  AUah ! 

En  ce  beau  jour 

Prêche  l'amour 
A  la  suave  Messaoudah  ! 

Son  regard  est  de  flamme 
Et  èon  poignet  d'acier 
Sait  planter  une  lame 
Au  cœur  de  l'étranger  ! 
Allah!   Allah  !  etc. 

Dans  son  cœur  qui  palpite 
Vit  un  sang  africain  ; 
Sur  son  sein  qui  s'agite 
Nul  n'a  posé  la  main  ! 
Allah!  Allah!  etc. 


Allah!  Allah!  etc. 

Exauce,  moi,  de  grâce, 
Allah  !  Allah  !  Allah  ! 
O  rage,  dans  l'espace 
S'enfuit  Messaoudah  ! 
Allah!  Allah! 
I  beau  jour 


Nous  laissons  à  nos  lecteurs  le  soin  d'analyser  ce 
chant  et  celui  de  l'Ukraine  paru  dans  notre  dernière 
étude.  Tous  deux  ont  le  même  sonffle  ! 

P.-E.  ÉRARD. 


(')  Voiries  n"  17,  26  de  La  Chanson. 


LE  DINER  DES  PARISIENS  DE  PARIS 


Deux  surprises  attendaient,  jeudi- 19' février,  les 
convives  du  Grand  Quinze,  chez  Bréb3,nt  :  c'était 
d'abord  une  très-artistique,  très -fantaisiste  eau- forte 
du  peintre  Henri  Saintin,  laquelle  remplaçait,  d'une 
façon  délicate,  la  vulgaire  carte  découpée  ou  ornée 
d'une  vignette  chromolithographié.e  des  menus  habi- 
tuels; nous  la  reproduirons  prochainement;  puis 
après,  des  vers  humouristiques  dits  par  nos  confrères 
J.  Vautrey,  Alf.  Sonnet,  Lud.  d'Arthies,  et  des 
strophes  de  Léon  Duvauchel,  inspirées  par  le  tableau 
de  Jean  Desbrosses,  Le  Brouillard  dans  la  montagne, 
qu'on  verra  au  prochain  Salon  ;  —  c'était  une  spiri- 
tuelle chanson  de  Marc.  Chautagne  et  Edouard 
Doyen,  qu'on  applaudit  à  tout  rompre.  Ecrite 
spécialement  pour  cette  réunion  fraternelle,  elle 
fera  cependant  bientôt,  nous  en  sommes  persuadé, 
le  tour  des  sociétés  chantantes,  puisque  nos  amis  nouï 
autorisent  à  l'insérer,  toute  fraîche  éclose,  dans  les 
colonnes  de  La  Chanson. 

UN  PARISIEN. 


A  notre  Ami  Léon  Davauohel 

LES   PARISIENS    DE  PARIS 

Chantés  au  2"  dmer  des  Parisiens  de  Paris  le  i9  février  1880 


Paroles  de  Edouard  Doyen,  musique  de  J.-Marc  Chautagne 

On  a  chanté  les  Francs-Comtois, 
Les  Picards,  les  Normands  et  les  Champenois  ; 

Les  Bourguignons,  les  Navarrois, 
On  a  même  chanté  jusqu'aux  Iroquois. 
Tout  cela  ne  me  touche  guère, 
Moi  je  prétends,  vidant  mon  verre. 
Chanter  aujourd'hui,  mes  amis, 
Les  vrais  Parisiens  de  Paris  {bis). 

Chaque  province,  de  tous  temps, 
A  fraternellement  groupé  ses  enfants. 

Qui,  parmi  nous,  serrent  leurs  rangs. 
Seuls  les  gens  de  Paris  s'en  vont  tous  errants. 

C'est  un  grand  tort,  et  pour  qu'il  cesse. 

Au  sein  de  l'antique  Lutèce 

Formons  le  faisceau,  mes  amis. 

Des  vrais  Parisiens  de  Paris. 

Nous  comptons,  parmi  nos  aînés 
Qui,  dans  le  vieux  Paris  se  sont  illustrés, 

Des  maîtres  de  tous  vénérés 
Pour  les  grands  souvenirs  qu'ils  nous  ont  laissés. 

Beaumarchais,  Villon  et  Molière, 

Jean  Goujon,  Lesueur,  Voltaire. 

Voilà,  je  le  crois,  mes  amis, 

De  vrais  Parisiens  de  Paris. 

Paris  est  l'immense  berceau 
De  tout  être  qui  pense  et  rêve  le  beau. 

A  son  peuple  qu'on  dit  badaud 
Il  faut  chaque  matin  donner  du  nouve?,u. 

Art,  musique,  littérature, 

A  son  cœur  tout  sert  de  pâture. 

Car  du  génie  ils  sont  épris 

Les  vrais  Parisiens  de  Paris, 


LA   CHANSON 


163 


C'est  de  Paris  qu'on  vit  surgir, 
(Quand  le  peuple  écrasé  se  mit  à  rugir) 

Ces  grands  hommes  sachant  mourir 
Pour  défendre  nos  droits  et  nous  affranchir. 
Dans  la  tourmente  populaire, 
Du  ventre  de  la  Cité-Mère 
La  Liberté  sortit  aux  cris 
Des  vrais  Parisiens  de  Paris. 


LE     RIEUR 

Am  :  Heureux  habitants  des  gais  vallons  de  l'Eeîvétie  (plantade) 

Rire  un  peu  de  tout 
C'est  jeter  des  fleurs  dans  sa  vie. 

Rire  un  peu  partout, 
Joyeux  viveur,  voilà  mon  goût. 

Qu'un  sage  après  tout 
Taxe  ma  gaîté  de  folie. 

J'en  ris  entre  nous  : 
Les  sages  souvent  sont  les  fous. 

Je  ris  quand  je  vois 
L'orgueilleux  que  raison  flagelle. 

J'ai  ri  bien  des  fois 
Du  Pape  infaillible  et  des  Rois. 

Galant  et  grivois, 
Je  ris  quand  je  trompe  ma  belle 

Et  je  ris  ma  foi 
Quand  elle  en  fait  autant  que  moi. 

Je  ris  des  méchants 
Qui  se  déchirent  sur  la  terre. 

Je  ris  des  pédants. 
Des  envieux,  des  impuissants. 

Je  ris  des  amants 
Timides,  je  ris  quand  mon  verre. 

Inspirant  mes  chants. 
Couvre  de  fleurs  mes  cheveux  blancs. 

Je  ris  quand  le  vin 
Pétillant  sur  la  table  arrive. 

Je  ris  au  festin 
Où  circule  le  mot  badin. 

Je  ris  au  refrain 
Chassant  la  romance  plaintive. 

Jetant  de  Catin 
La  coiff'e  au  dessus  du  moulin. 

En  toute  saison 
Je  ris  lorsque  je  vois  ensemble 

Sagesse  et  raison. 
Les  deux  ennemies  à  Suzon, 

Quitter  ma  maison 
Dès  que  le  plaisir  nous  rassemble, 

Chassé  par  les  sons 
De  ses  baisers,  de  mes  chansons. 

Fou,  qui  prend  toujours 
L'cpine  en  recherchant  la  rose 

Et  qui  des  amours 
Ne  sait  pas  embellir  tes  jours, 

Tes  tristes  discours 
Rendraient  mon  front  sombre  et  morose. 

Je  fuis  ton  séjour 
Gar  je  ne  veux  vivre  que  pour 

Aimer  le  plaisir 
Bire  à  la  fleur  que  Dieu  me  donne, 

Aimer  pour  jouir 
Et  devenir  vieux  sans  vieOlir, 


Puis  pour  bien  finir. 
En  dégustant  mon  vin  d'automne, 

Chanter  l'avenir 
En  souriant  au  souvenir. 

Quand  juste  et  fatal 
Le  temps  à  mon  âme  immortelle 

Fera  le  signal 
D'abandonner  son  vieux  local, 

Le  sol  végétal 
Que  la  dépouille  renouvelle 

Aura  le  total 
De  ma  gaîté  pour  floréal. 

Rire  un  peu  de  tout 
C'est  jeter  des  fleurs  dans  sa  vie, 

Rire  un  peu  partout. 
Joyeux  viveur,  voilà  mon  goût. 

Qu'un  sage  après  tout 
Taxe  ma  gaîté  de  folie 

J'en  ris  avec  vous  : 
Lés  sages  souvent  sont  les  fous. 

J.-B.  ROBINOT. 

De  la  Lice  Chansonnière. 


A    UNE    BABYLONIENNE 


Elisa  MERCŒUR. 

Dans  tes  regards  charmants  où  l'azur  se  repose, 
J'ai  vu,  sous  les  lueurs  du  futur  enchanté, 
De  nos  êtres  défunts,  dont  Dieu  nous  recompose. 
S'envoler  les  esprits  vers  son  immensité  I 
Ta  parole  a  pour  moi  de  divines  caresses 
Dont  on  cause  à  jamais  en  s'adorant  toujours; 
Malgré  l'heure  qui  fuit  qu'un  million  d'ivresses 
Dans  l'éclair  d'un  baiser  enlacent  nos  amours  ! 
Ta  haute  intelligence  aux  courses  de  sa  flamme 
M'éclaire  en  me  montrant,  de  ton  âme  à  mon  âme, 
Des  bonheurs  d'avenir  dont  tu  m'enivreras. 
Ton  souffle  a  réchauffé  mon  sang  glacé  par  l'âge , 
Laisse-moi,  sans  frémir  du  cyprès  qui  m'ombrage, 
Renaître  sur  ton  sein  en  mourant  dans  tes  bras  ! 
L.-G.  GAUNY. 


INHUMATION    PRECIPITEE 

Lft  putréfaction  est  le  seul  vrai  signe  de  la  mort 
PORTAL  (•). 

Réveil  abominable...  Oii  suis-je?...  Ouvrez  donc  vite  !.. 

Déclouez  cette  bière...  Au  secours!..  Oh!  mon  Dieu  !... 

Je  vis.,  j'étouffe...  àmoi!!...  —  Mais  il  faut  que  j'évite 

De  m'user  pour  m'enfuir  de  cet  horrible  lieu... 

Oh!  j'ai  froid...  fossoyeur!!...  Ah!  s'il  pouvait  m'enteridre., 

Ma  chair  en  frissonnant  s'écorche  à  chaque  effort... 

Sous  la  terre  je  sens  de  la  terre  s'étendre... 

La  vie  au  bout  des  dents  va  dévorer  la  mort!... 

Ma  femme...  mes  enfants...  la  fohe  et  la  rage 

Roulent  dans  ce  cercueil  leur  ténébreux  carnage... 

Tout  en  sang  je  ne  puis  en  écarter  les  joints. . . 

De  quelque  crime  affreux  la  victime  se  venge  ! 

Mon  être  me  fait  peur...  Que  j'ai  faim  !.. .  On  me  mange!... 

Ohl  supplice  infernal!!...  Je  me  ronge  les  poings... 

L.-G.  GAUNY. 


(*)  Portai  (Antoinejmédecin  français  11742-1832),  un  des  fondateurs 
de  1  Académie  de  médecine  (1820}. 


164 


LA  CHANSON 


N'AIMEZ  JAMAIS,  MARQUISE  ! 

Air  de  Menuet 

Auprès  de  Philis,  la  bergère, 
Lysandre,  le  joli  berger, 
Soupirait  d'une  voix  légère 
Les  feux  d'un  amour  passager! 
L'innocente  tôt  fut  conquise, 
Et  Lysandre  eut  cent  envieux  : 

—  Philis  avait,  belle  Marquise, 
Votre  sourire  et  vos  beaux  yeux  ! 

L'émoi  soulevait  son  corsage. 
Et  soudain  son  front  rougissait. 
Quand,  pour  la  voir  à  son  passage, 
Le  beau  Lysandre  paraissait. 
La  première  ardeur  est  exquise. 
Et  son  trouble  est  délicieux  ! 

—  Vous  le  savez,  belle  Marquise, 
Je  vois  se  baisser  vos  beaux  yeux  ! 

Mais  Lysandre  fut  infidèle, 
Et  Philis  pût  voir  son  berger 
Répéter,  près  d'une  autre  belle, 
Que  son  cœur  ne  savait  changer  ! 
Elle  en  mourut,  la  pauvre  éprise. 
Maudissant  l'amour  et  les  dieux  ! 

—  N'aimez  jamais,  belle  Marquise, 
L'amour  fait  pleurer  les  beaux  yeux  ! 

Paul  WOLFF. 


LES   TÊTES     DE    BOIS 


Je  ne  dédaigne  ni  les  viandes 
dorées  ni  les  bouteilles  pou- 
dreuses; mais  j'aime  surtout 
ces  lieux  de  réunion  intime 
ou  manger  est  la  petite  atfaire; 
on  n'y  vient  guère  que  pour 
faire  de  l'esprit  :  chacun  ap- 
porte son  plat. 

Jeun  DOLENT. 

Ces  paroles  qui  me  servent  d'épigraphe  et  que 
j'emprunte  au  livre  d'un  accent  si  particulier  de 
notre  compagnon  ès-arts  et  festins,  lequel  livre  mi- 
rifique a  pour  titre  :  Une  volée  de  Merles,  n'ont 
jamais  été  mieux  de  mon  goût  qu'à  notre  dernier 
banquet.  En  effet,  outre  que  tout  le  monde  était  en 
belle  humeur  et  que  les  mets  n'avaient  rien  de 
recherché,  la  petite  académie  mangeante  qui 
siège  au  café  d'Alençon  se  trouvait  à  peu  près  au 
grand  complet.  Citons,  seulement  parmi  ceux  avec 
qui  les  lecteurs  de  La  Chanson  n'ont  pas  encore  fait 
connaissance  :  le  comte  Ch.  d'Osmoy,  député  ;  les 
peintres  Paul  Sébillot  (le  même  qui  signe  de  très 
intéressantes  études  sur  la  Bretagne),  Q-alerne, 
Artigue  et  Frédéric  Régamey  ;  le  sculpteur  hors- 
concours  Etienne  Leroux  ;  l'architecte  Terrier  ; 
Alexandre  Georges,  compositeur  de  musique; 
Sonnet,  de  la  Vie  Domestique,  Edouard  Sohuré,  de 
la  Revue  Alsacienne,  puis,  pour  terminer  dignement 
cette  longue  présentation,  le  stupéfiant  Jules  Gaillard, 
avocat  et  bon  poète  —  rara  avis.  Ce  qui  fait,  à 
chacun  le  sien,  quantité  de  ces  plats  dont  parle  notre 
■ami  Jean  Dolent.  De  sorte  qu'on  n'a  pas  jeûné. 

Sitôt  les  faims  calmées,  nous  avons  eu  l'heur 
d'entendre  le    comte  d'Osmoy    dans    une   légende 


bretonne  arrangée  par  lui  pour  le  piano  :  Simonne. 
Car  M.  d'Osmoy  ne  se  contente  pas  d'être  un  écrivain 
dilettante  distingué,  c'est  aussi  un  musicien  char- 
mant :  son  Petit  Jean,  surtout,  excellemment  inter- 
prété par  le  parfait  pianiste  Georges,  est  une 
berceuse  d'un  effet  pittoresque  et  destinée  à  devenir 
populaire,  dès  qu'on  pourra  se  la  procurer  dans  le 
recueil  de  mélodies  qui  va  paraître  prochainement 
chez  l'éditeur  Michaelis. 

Puisque  nous  sommes  en  pleine  harmonie,  il  est  à 
propos  de  parler  des  très  jolis  vers  d'Antony 
Valabrèg'ue,  dits  par  l'auteur  avec  autant  de  charme 
qu'ils  en  méritent;  Peurs  de  femme,  le  Dimanche  des 
mendiants.  Temps  d'hiver  sont  extraits  des  Poèmes 
Parisiens,  édités  ces  jours-ci  par  Lemerre  —  l'habile 
homme  !  Qu'ils  sont  fort  imagés  et  délicatement 
traités,  ces  petits  poèmes!  La  poésie  de  Valabrègue, 
sincèrement  émue,  d'une  grâce  touchante,  ne  fait 
pas  plus  de  bruit  qu'un  mince  filet  de  source  courant 
dans  la  verdure;  mais  elle' n'en  garde  pas  moins 
pour  les  cœurs  assoiff'és  de  tendre  idéal,  sa  fraîcheur 
limpide,  douce  et  désaltérante... 

Ensuite  ce  fut  le  tour  de  Georges  Nardin  à  la 
blonde  chevelure.  Le  futur  poète  des  Prémices,  sour- 
noisement tapi  dans  un  angle  de  la  salle,  se  délectait 
au  conte  en  vers  quelque  peu...  gaulois  de  l'éven- 
tailliste  Dolent,  lorsqu'il  fut  soudain  arraché  de  sa 
retraite  et  dut  faire  tintinnabuler  joyeusement  à  nos 
oreilles  charmées  (il  prétend  que  non)  les  rimes 
sonnantes  et  millionnaires  de  sa  chanson  moyen  âge, 
la  Belle  Yseulr,  ciselée  comme  une  aiguière  de  Cellini 
et  agrémentée  d'archaïsmes  délicieux. 

Après  quoi  vinrent  Sonnet,  justement  applaudi  à 
la  lecture  d'une  pièce  d'assez  longue  haleine,  et 
enfin  Edouard  Schuré.  L'Alouette  de  ce  dernier, 
s'élevant  dans  les  airs,  au  petit  jour,  l'aile  tout 
humide  de  rosée,,  et  acclamant  la  rouge  flamme  du 
soleil  naissant  d'une  infinité  de  roulades  sonores  et  de 
trilles  endiablés,  nous  a  semblé  s'arrêter  peut-être 
un  peu  court  :  mais  est-ce  bien  un  défaut  ? 

Toutefois  c'est  au  jongleur  Gaillard  qu'il  était 
réservé  de  décrocher  la  timbale  du  succès.  Le  lauréat 
de  la  Cigale,  sur  un  sujet  et  des  rimes  donnés  séance 
tenante,  a  de  suite  improvisé  et  comme  en  se  jouant  , 
le  sonnet  reproduit  à  la  page  suivante  où  il  se 
trouve  ingénieusement  encadré  par  le  joli  dessin 
composé  tout  exprès  par  l'éminente  Tête  de  Bois 
P.  Teyssonnières,  de  l'Illustration.  C'est  merveille  de 
voir  ainsi  personnifiées  la  Peinture,  la  Musique,  la 
Poésie,  et  le  lecteur  se  gaudira  comme  nous  dans 
l'admiration  de  ces  mignons  génies  laborieusement 
occupés  à  leur  besogne  habituelle  et  s'y  livrant  avec 
une  candeur  vraiment  adorable.  Il  serait  tout  à  fait 
à  désirer  que  sonnet  et  composition  figurassent  en 
tête  de  cet  intéressant  volume  écrit,  illustré  et 
publié  en  ce  moment  par  les  plus  anciens  membres 
de  la  société,  connue  à  l'origine  sous  l'appellation 
du  «  dîner  de  l'Invalide  ». 

Je  reparlerai,  pour  terminer,  des  Corbeaux  de 
Henry  Miirger,  chantés  de  nouveau  et  avec  tant 
d'âme  par  le  peintre  Besnus,  qui  trouva  l'air  (inédit) 
en  compagnie  de  l'auteur  de  la  Chanson  de  Musette, 
Dans  cet  air-là,  une  simple  mélopée,  il  y  a  comme 
des  planements  d'ailes  noires,  et  la  note  finale  se 
poursuit  au  loin...  loin  :  tel,  dans  la  vallée,  un  appel 
de  pâtre  sur  la  montagne. 

UNE  TÊTE  DE  BOIS. 


LA  CHANSON 


165 


AUX  TETES  DE    BOIS 


Entre  Têtes  de  Bois  nous  vidons  notre  gourde, 
Mêlant  aux  flots  du  vin  les  flots  purs  de  nos  cœun 
Comme  en  fojer  ami  brûle  notre  falourde. 
Quoique  Têtes  de  Bois,  nos  essences  sont  sœurs. 

Si  la  vie  à  porter  à  chacun  paraît  lourde. 
Le  soutien  fraternel  peut  nous  rendre  vainqueurs. 
Il  n'arrive  jamais  qu'on  fasse  ici  de  bourde  : 
L'amitié  défendrait  de  paraître  moqueurs. 

«  L'invalide  »  qui  veille  à  la  place  Vendôme, 
Cherchant  son  Empereur  sous  le  céleste  dûme. 
Nous  plairait  davantage  en  étant  égrillard. 

Nous  chiffonnons  la  Muse  à  claire  collerette, 
Gaîment  nous  effeuillons  femmes  et  pâquerettes  : 
Chaque  Tête  de  Bois  possède  un  cœur  gaillard. 

Jules   GAILLARD. 


166 


LA  CHANSON 


MA  RECEPTION  AU  CAVEAU 


BANQUET  DU  6  FEVRIER  1880 


Air  :  La  Femme  à  barbe 

Me  voilà  membre  du  Caveau  ; 

Pour  moi,  Messieurs,  c'est  une  gloire; 

Le  fait  va  paraître  nouveau. 

Et  beaucoup  n'y  voudront  pas  croire. 

Mais  il  faut  faire  une  chanson 

Ayant  la  couleur  et  le  son 

Si  je  veux,  comme  mon  beau-père, 

De  Panard  boire  un  jour  le  verre. 

Car,  on  ne  peut  plus  le  nier, 

Vous  m'avez  sacré  chansonnier  ; 

A  ce  fait  on  devait  s'attendre 

Et  cela  ne  peut  point  surprendre, 

De  mon  beau-père  étant  le  gendre  (*). 

Je  vous  suis  donc  reconnaissant  ; 
Mon  remercîment  est  sincère  : 
De  Grange,  Nadaud  et  Vincent, 
Je  suis  désormais  le  confrère. 
J'ai  Duvelleroy  pour  parrain, 
Au  Pot-au-Feu  j'aurai  PouUain, 
Et  par  quelques  chansons,  peut-être. 
Comme  eux  je  me  ferai  connaître. 
Car,  on  ne  peut  plus  le  nier,  etc. 

Mais  d'abord,  cherchons  un  sujet 
Joyeux,  gracieux  ou  superbe  ; 
Que  la  rime  y  vienne  d'un  jet. 
Ainsi  que  l'eau  du  ciel  sur  l'herbe. 
Cherchons  et  la  forme  et  le  fond, 
Comme  Vilmay  soyons  profond  ; 
Pour  chanter  comme  lui  la  Gaule, 
Il  ne  me  faut  qu'un  coup  d'épaule  1 
Car,  on  ne  peut  plus  le  nier,  etc. 

Dois-je  faire  comme  JuUien 

Des  chansons  pleines  de  tendresse? 

Ou  bien  prendre  le  sacré-chien. 

Dont  s'anime  Mouton-Dufraisse. 

Faut-il  saisir  l'esprit  au  vol 

De  Piesse  et  de  Montariol? 

Ou,  l'allure  déboutonnée. 

Rire  à  plein  ventre  avec  Fénée  ! 

Car,  on  ne  peut  plut  le  nier,  etc. 

D'aucun  d'eux  je  n'ai  le  savoir, 

Ma  voix  est  d'un  faible  calibre  ; 

Je  me  tiendrai  dans  le  devoir 

Que  l'on  demande  au  membre  libre  : 

Payer  la  cotisation. 

Offrir,  à  la  réception. 

Le  Champagne  à  vague  écumante. 

Pour  applaudir  lorsque  l'on  chante  ! 

C'est  là  que  je  saurai  briller  ; 

Mais,  un  jour,  en  franc  chansonnier, 

Je  veux,  Messieurs,  me  faire  entendre, 

Et,  par  mon  talent,  vous  surprendre 

Tous  et  lui  dont  je  suis  le  gendre  I 

Georges  MURAT. 


(•)  L'auteur  de  ces   couplets  a  épousé   la   fille   du  chan- 
sonnier Charles  Vincent,  vice-président  du  Caveau. 


SOCIETE  DES  AUTEURS,  COMPOSITEURS 

ET  EDITEURS  DE  MUSIQUE 


La  Chanson,  qui  a  ses  entrées  partout,  n'avait  garde  de 
manquer  le  12  février  à  l'assemblée  générale  de  la  société 
des  Auteurs,  Compositeurs  et  Editeurs  de  musique,  qui  se 
tenait  dans  la  salle  du  Grand-Orient.  II  s'agissait  d'entendre 
l'Agent  général  Rollot  se  défendre  des  accusations  portées 
contre  lui  dans  le  rapport  de  la  commission  des  comptes. 
Chaque  camp  est  animé,  on  sent  qu'il  y  aura  bataille.  Les 
signatures  sur  la  feuille  de  présence  sentent  la  fièvre. 
M.  Rollot,  morne,  froid,  les  traits  bouleversés,  prend  place 
au  bas  de  la  tribune.  II  y  a  là  trois  chaises,  il  est  assis  sur 
celle  du  milieu  ;  des  farceurs  (il  y  en  a  partout)  disent  : 
«Voilà  l'accusé.»  On  dirait  qu'il  attend  Pandore  et  son  com- 
pagnon. L'attitude  du  syndicat  qui  compose  le  bureau  est 
calme  et  digne. 

M.  Colombier  monte  à  la  tribune...  un  discours  de 
maître  d'école  à  ses  élèves...  Passons.  Arrivons  de  suite 
à  l'orateur  attendu,  M.  Laurent  de  Rillé.  Il  a  télégraphié  de 
Rruxelles  hier  à  son  co-sociétaire  du  Diapason  (une  petite 
société  ayant  pour  but  de  dîner  joyeusement  ensemble  chez 
Brébant,  ce  qui  n'est  pas  ridicule  du  tout)  ;  Je  serai  là 
demain.  Voilà  un  ami  au  moins  !  et  il  y  est.  Son  apparition  à 
la  tribune  est  toujours  bien  accueiUie.  C'est  un  causeur  char- 
mant que  M.  Laurent  de  Rillé,  il  parle  devant  une  assemblée 
avec  aussi  peu  d'embarras  que  s'il  devisait  avec  sa  blan- 
chisseuse ;  il  trouve  et  cherche  à  prouver  que  M.  Rollot  est 
un  bon  administrateur  :  «  C'est  vrai  qu'il  est  bourru,  dit-il, 
malhonnête  même,  et  je  conviens  qu'il  a  écrit  une  lettre 
contre  des  sociétaires  que  je  qualifie  de  déplorable  ;  mais 
cette  rudesse  a  été  utile  à  votre  société.  Si  j'avais  été  votre 
Agent  général,  continue  M.  Laurent  de  Rillé,  ah!  les  choses  se 
seraient  passées  d'une  toute  autre  façon.  Je  suis  très  facile 
à  vivre,  j'aime  la  politesse  dans  les  relations,  vos  livres 
auraient  été  tenus  dans  le  meilleur  ordre,  enfin  je  crois 
qu'on  n'aurait  pas  eu  à  se  plaindre  de  moi;  mais...  votre  société 
aurait  touché  cent  vingt-cinq  mille  francs  par  an  au  lieu  de 
sept  cent  mille.  »  On  rit  et  on  applaudit;  on  a  raison,  tout 
cela  est  d'un  gentil  personnage  de  comédie  moderne.  Seule- 
ment soyons  sérieux  pour  un  moment  et  résumons  ce 
discours  :  M.  Rollot  est  malhonnête,  bourru,  il  insulte  et 
traîne  dans  la  boue  ses  administrés,  c'est  vrai,  mais...  il 
faut  le  conserver  ;  IT.  Laurent  de  Rillé,  aurait  été  doux, 
affable,  conciliant,  il  aurait  tenu  les  livres  de  la  société  d'une 
façon  irréprochable,  mais  cela  aurait  nui  à  la  société  ; 
tirez-vous  de  là  comme  vous  pourrez. 

M.  Philibert  répond  à  M.  Laurent  de  Rillé,  d'une  façon 
courtoise,  mais  d'une  logique  serrée;  il  est  aussi  très  applaudi. 

Voici  venir  M.  Rollot;  il  a  la  partie  belle  en  somme,  deux 
mois  nous  séparent  de  l'accusation  et  le  temps  adoucit  tout. 
Il  monte  à  la  tribune  lentement,  il  ne  regarde  pas  l'assem- 
blée, il  étale  devant  lui  des  mains  de  papier  écolier,  son 
débit  est  court  d'haleine;  pourtant  ses  amis  sont  là  tout  près 
de  lui,  M.  Métra  semble  lui  dire  du  regard  :  a  Voyons  un 
peu  d'aplomb,  montez  d'un  ton  s.  Rien,  la  voix  reste  dans 
te  gosier.  Il  tourmente  les  pauvres  feuilles  de  papier  qu'il 
a  devant  lui;  rien,  la  salle  est  froide,  pas  un  applaudissement, 
et  cela  a  duré  deux  heures  !  Il  a  cité  des  fables,  il  a  parlé 
de  son  jardinier,  il  a  dit  qu'il  avait  administré  en  père  de 
famille,  qu'il  était  pauvre,  qu'il  avait  de  la  famille ,  etc. 

Vous  voyez  qu'il  y  avait  beaucoup  de  choses  dans  ce 
discours-là.  Apres  tout  une  petite  place  pas  bien  difficile  à 
tenir  et  qui  ne  demande  que  quelques  heures  de  travail  par 
jour,  pour  35,000  francs  qu'elle  a  rapportés  l'an  dernier 
(tout  près  de  100  francs  par  jour),  une  petite  place  comme 
cela  vaut  bien  d'être  défendue.  M.  Rollot  demandait  à  se 
retirer,  mais  cette  brfute  de  Lindheim  (expression  de 
M.  Rollot)  est  là  qui  le  force  à  remonler  à  la  tribone  et  veut 
qu'il  s'explique  des  horreurs  qu'il  a  dites  et  écrites  contre 
lui  Lindheim.  Aie  !  L'Agent  général  voudrait  bien  s'en  aller, 
il  balbutie,  il  remonte  son  binocle,  il  change  son  dossier 
de  main.  Oui,  c'est  vrai,  j'ai  écrit  cela,  mais  je  croyais. . . 
j'avais  cru...  jene  pensais  pas...  Quelle  pitoyable  chose 
qu'un  homme  accablé   sous  le  poids  d'une  mauvaise  action  ! 


LA  CHANSON 


167 


U  est  tard,  il  faut  voter,  le  président  Paul  Avenel  a  épuisé 
sa  voix,  il  passe  la  sonnette  et  la  parole  à  son  secrétaire 
Baillet  qui  pose  la  question  sur  laquelle  on  va  voter.  Sa  voix 
est  vibrante,  mais  ce  n'est  pas  une  voix  qu'il  faudrait,  c'est 
un  corps-de-chasse!  Pendant  ce  temps  un  syndic  qu'on  nous 
dit  être  M.  Boissière,  le  seul  Rolotiste  du  syndicat,  est  monté 
sur  sa  chaise,  il  est  en  sueur,  ses  bras  font  le  télégi'aphe,  que 
dit-il?  Le  vote!  59  voix  approuvent  le  rapport  et  5'J 
approuvent  l'agent.  Tableau  !  Oue  conclure  de  toute  cette 
séance  ;  sinon  que  l'agent-général  a  su  en  administrant 
d'une  façon  si  paternelle  la  société  mettre  contre  lui  moitié 
de  ses  administrés.. . 

Est-ce  une  situation  bi^  normale  pour  lui?..  La  parole  est 
au  syndicat  ! 

UN  VIEUX  SOCIÉT.UUE. 


PREMIER   CONCOURS  ENTRE  LES  SOLISTES 
Des   Sociétés  Lyriques    au   Tivoli-Vaux-Hall 

LE  DIMANCHE  15  FÉVRIER 

Membres  du  jury  :  MM.  Barré, de  l'Opéra-Comique  ; 
Adrien  Boieldieu,  compositeur  ;  Bonnohée,  professeur 
au  Conservatoire  ;  Samuel  David,  compositeur  ;  Gui- 
raud  et  Kowolski,  compositeurs  ;  et  Jules  Lefort, 
professeur  de  chant. 

Basses  et  barytons.  — Deux  l"'prix  :  MM.  Huet, 
de  l'Union  française;  Juvénal  des  Amis  de  l'Espé- 
rance. —  2"  prix  :  MM.  Francfort,  des  Enfants  de 
la  Gaieté;  Jules  Kock,  des  Enfants  de  la  Seine.  — 
3°'  prix  :  MM.  Mauret,  de  la  Lyre  Méridionale  ; 
Dages,  de  la  Muse  des  Arts  et  Métiers;  Pillon,  des 
Enfants  du  Marais.  —  4"  prix  :  MM.  Labor,  de  la 
Lyre  Méridionale  ;  Follet,  de  la  Philarmonique  du 
V"arrondissement;is\@iAe,  du  Cercle  Musset. 

Dames,  FORTES  CH.vNTEUSES.  —  1"  prix  :M"'^' Poirier, 
de  l'Amitié  Artistique.  —  2°  prix  :  M"°  Dubosc,  des 
Enfants  de  la  Seine. 

Comiques  excentriques.  —  Membres  du  jury  : 
MM.  Barnold,  de  i Opéra-Comique  ;  Des-Rosau,  chan- 
teur; Guillot  et  Hermann,  chefs  d'oixhestre  ;  Georges 
Piter,  chanteur- compositeur.  —  l"'  prix  :  M.  Daltrof, 
des  Familles.  —  2"  prix:  MM.  Chauchard,  de  l'Echo 
des  concerts  ;  Bourgeois,  de  Clémence  Isaure;  Fourmy, 
du  Cercle  Déranger;  Péhée,  de  Clémence  Isaure; 
Boulon  Léon,  des  Amis  Inséparables  ;  Thiébault, 
des  Amis  de  la  Lyre.  — 3°' prix  :  MM.  Antony,  de  la 
Muse  des  Arts  et  Métiej-s  :  Poacet,  des  Enfants  de 
l'Amitié  ;  Garnier,  de  la  Capricieuse.  —  4"  prix  : 
MM .  Lefèvre,  des  Amis  du  travail;  Arthur  Charles, 
de  Clémence  Isawe ;  Defente,  des  Amis  de  la  gaieté  de 
Montmartre  ;  Haase,  des  Enfants  de  la  Seine. 

Concours  du  Dimanche  22  Février 

Membres  dujury:  MM.  Samuel  David,  compositeur; 
F.  Strauss,  Barré,  de  l'Opéra- Comique;  Deflfès, 
compositeur. 

Forts  ténors.  —  1°'  prix  :  M.  Barriel,  de  la  Lyre 
Méridionale.  —  2°  prix  :  M.  Pelouze,  de  la  Lyre 
Méridionale.  —  3°  prix  :  M.  Castor,  de  la  Muse 
Gauloise. 

Tyroliens.  —  1"  prix  :  M.  G.  Pieffert,  des  Amis  du 
travail.  —  2'  prix  :  M.  Berdin,  du  Cercle  Déranger.  — 
3°  prix  :  M.  Barreau,  de  V Avenir  Artistique. 

Comiques  excentriques.  —  Membres  du  jury  : 
MM.  Aurel,  Barnold,  de  l'Opéra-Comique  ;  Guillot  et 
Hermann,  chefs  d'orchestre  ;  F.  Strauss.  —  1""  prix 
ex-œquo   :  M.   Voisin,    de  la    Cour  des   Miracles; 


M.  Beck,  de  l'Echo  dés  Concerts;  M.  Pigenier,  de 
Sambre-et-Meuse.  —  2°  prix  :  M.  Perrot,  des  Enfants 
de  la  Seine.  —  3"  prix  :  M.  Renault,  des  Amis 
inséparables  ;  M.  Demarchi,  des  Enfants  de  la  Seine; 
M.  Berlioz,  du  Cerle  Musset.  — 4°  prix  :  M.  Dogemont. 
Dans  notre  prochain  numéro,  nous  rendrons  compte 
du  troisième  et  dernier  concours  et  nous  publierons  le 
rapport  des  membres  du  Jury  sur  l'ensemble  des 
trois  concours.  Devant  les  résultats  acquis,  nous 
engageons  fortement  le  Comité-Directeur  à  pour- 
suivre l'œuvre  commencée,  en  ouvrant  de  suite  un 
concours  dramatique  de  diction.  Beaucoup  de  sociétés 
lyriques  ayant  parmi  leurs  sociétaires  des  réci- 
tateurs,  et  même  des  comédiens  qui  promettent, 
nous  nous  proposons  de  soumettre  prochainement 
au  Comité-Directeur  une  idée  qui,  croyons-nous, 
donnera  aussi  satisfaction  à  un  certain  nombre  de 
sociétaires  des  réunions  lyriques. 

A.  PATAY. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Transportée,  8,  boulevard  de  Strasbourg,  IjaCor- 
diale  a  donné  sa  soirée  mensuelle  le  12  février. 
MM.  Gabriel,  Musler,  Capelli,  ont  ouvert  la  séance 
avec  entrain.  M""  Berthe  qui  se  perfectionne  de  jour 
en  jour  a  chanté  avec  grâce  la  Pigeonne  et  le  Réséda. 
M.  Castelle,  hou  comique,  très  naturel  dans  la  scène 
du  mouchoir,  devrait  se  défaire  des  imitations  de 
vieillard  et  de  grognard  d'Austerlitz  qui  commencent 
à  s'user.  La  comédie  A  bon  chat,  bon  rat,  de  M.  Jeannin, 
a  été  jouée  par  MM..Besnier,  Gabriel  et  Douillard. 
Dans  les  petits  Cadeaux  de  J.  Normand,  nous  avons 
remarqué  une  jeune  artiste  très-fine,  M"°  Adèle. 
Ça  n  se  voit  pas  a  été  chantonné  gaiement  par 
M.  Marie;  nous  avons  entendu  M.  Philippe  qui 
possède  un  bel  organe  mais  qui  le  retient  dans  la 
gorge.  M.  Andral  a  chanté  d'une  voix  généreuse  le 
Forgeron,  suivi  d'une  polka  exécutée  sur  l'ocarina  par 
M.  Verdier.  La  Chanson  du  papillon  interprétée  par 
M.  Douillard  a  valu  de  nombreux  applaudissements 
à  son  auteur,  M.  Marins,  pianiste  de  la  société. 
M.  Leufer  aurait  été  très-amusant  s'il  n'avait  abusé 
du'nombre  et  de  la  longueur  des  couplets  du  Hanneton. 

M.  Fernand  a  dit  avec  goût  l'air  de  Martha, 
mais  nous  devons  lui  dire  qu'il  use  trop  de  la  voix 
mixte.  La  chanson  J'en  raffole  qui  avait  été  rede- 
mandée, a  été  interprétée  d'une  façon  entraînante 
par  son  auteur,  M.  Jules  Raux.  Quant  à  M"°  Bloch, 
elle  est  tout  bonnement  charmante  et  nous  regrettons 
de  ne  l'avoir  entendue  qu'une  seule  fois  dans  le 
courant  de  la  soirée. 

Le  Cordiale  donnera  le  jeudi  11  mars  une  grande 
soirée  au  profit  de  la  souscription  pour  la  Statue  de 
Déranger,  café  du  Globe,  au  1".  Entrée  par  le  bou- 
levard de  Strasbourg,  à  8  heures  précises. 
MARCELLIUS. 

Bonne  soirée  le  samedi  14  février,  au  Cercle  Musset, 
8,  boulevard  de  Strasbourg.  Dès  9  heures  la  salle 
est  comble.  Après  une  brillante  ouverture  exécutée 
par  mon  ami  et  collaborateur  Cane,  la  soirée  com- 
mence. M.  Borschneck  dit  avec  succès  une  poésie 
de  Paul  Deroulède,  La  Marseillaise.  Le  public 
n'oublie  pas  que  ce  sont  les  débuts  de  M.  Borschneck 


168 


LA  CHANSON 


et  lui  accorde  de  nombreux  applaudissements  ; 
Berlioz,  le  1='' comique  du  cercle,  met  tout  le  monde 
en  belle  humeur  avec  une  chansonnette,  J'ai  rien 
C07np?'is.  M.  Willaume  interprète  Amis,  que  l'on  me 
verse  à  boire  et  se  fait  vivement  applaudir.  Grand 
succès  pour  M.  Géo,  dans  /'  vous  certifie  qu  ça  n  se 
voit  pas  et  C'est  le  Cliquot;  M.  Marie,  dans  C'est  tout 
c  que  j' peux  faire  pour  vous;  M.  Galliot,  dans  une 
romance  inédite.  Amour  et  Raison  ;  M.  Cordier,  très- 
applaudi  dans  l'Epicier  droguiste  et  dans  Y  a  des 
injustices  ;  M.  Rigoulat ,  dans  Elle  est  Rosière. 
M.  Jalade,  secrétaire  du  Cercle  Musset,  obtient  un 
vrai  succès  avec  une  poésie  intitulée  Alsace,  dont 
il  est  l'auteur  et  dans  Chapeau  bas  devant  la  Marseil- 
laise. Galliot  recueille  des  bravos  pour  La  Lettre  à 
mes  amis,  une  belle  poésie,  et  le  désopilant  Berlioz 
revient  nous  lire  la  Lettre  du  Fusilier  Bridet  à  sa 
famille.  La  Fête  de  Boulogne,  grande  scène  d'imita- 
tions exécutée  par  l'excellent  grimacier  qu'on 
appelle  Lelarge,  obtient  le  même  succès  qu'à  la 
Renaissance  et  à  l'Union  et  Gaité.  Un  fou  rire 
s'empare  du  public  au  moment  de  la  scène  de  magné- 
tisme. Citons  :  M""  Lucie,  de  la  Renaissance,  qui  se 
fait  rappeler  dans  C'est  Gustave  qu'est  cause  de  ça, 
puis  M^'Vallet,  des  Amis  du  Commerce,  qui  obtient 
les  honneurs  du  bis,  dans  la  Femme  à  Papa.  Pour 
finir  Tue-toi  le  premier,  vaudeville  en  un  acte,  très- 
lestement  enlevé  par  MM.  Berlioz  et  Rigoulat. 

Nos  compliments  à  M.  Durrieu,  président  du 
Cercle  Musset,  pour  l'habileté  qu'il  apporte  dans  la 
direction  des  soirées. 

La  soirée  du  18  février  au  Cercle  de  l'Espérance, 
36,  galerie  Montpensier,  a  commencé  par  le  Vieux 
Buveur  de  vin  publié  dans  le  n"  6  de  La  Chanson  et 
interprété  parle  compositeur  Jules  Raux.  M.  Gaohelin 
nous  fait  partdes  réflexions  charmantes  de  La  petite 
Laure,  et  M.  Villain  s'est  plaint  d'un  accent  comique, 
de  ne  pouvoir  être  invisible. 

La  diction  alternant  avec  le  chant,  nous  avons 
entendu  successivement  M"°  Marthe  qui  récite  La 
Âoèeavecunsentiment très-poétique,  et  M.Catherine 
qui  chante  avec  un  naturel  attendrissant  les  goûts  de 
son  petit  neveu.  M.  Pascal  articule  nettement  la  farce 
des  Lapins  et  récite  avec  goût  le  Cheveu  blanc.  Les 
Rosières  nous  ont  été  présentées  par  M.  Hamel  qui 
manque  de  hardiesse,  mais  qui  envoie  assez  genti- 
ment mu  Baiser  à  la  Dame. 

La  Romance  de  Mignon  qu'on  retrouve  partout,  a 
été  dite  d'une  voix  ravissante  par  M.  Jules  Raux.  Il 
serait  injuste  de  ne  pas  citer  dans  ce  compte-rendu 
le  nom  de  M.  Catherine  qui  accompagne  les  chants 
avec  un  talent 'digne  des  plus  grands  éloges. 

MARCELLIUS. 

La  Lyre  Amicale,  6,  boulevard  Sébastopol,  présidée 
par  M.  Dupont,  prépare  une  grande  soirée  au  profit 
de  la  Statue  de  Béranger.  Nous  sommes  heureux  de 
constater  qu'à  la  Lyre  Amicale,  où  nous  avons  passé 
quelques  instants  dimanche  dernier,  nous  avons 
entendu  avec  plaisir  MM.  Grignon,  Julien  Alix, 
Charles  Henrj,  Georges,  etc.,  etc.  M""-  Weyckmans, 
M""  Berthe.  Nous  ne  doutons  pas  que  la  soirée 
Béranger  ne  soit  intéressante  et  fructueuse. 

Les  Inséparables,  3,  rue  de  Rivoli,  M.  Noël 
président,  préparent  aussi  une  grande  soirée  pour  la 
Statue  de  Béranger.  Bravo  et  merci.  Bientôt  les 
sociétés  retardataires  voudront  aussi  apporter  leur 
part  à  notre  œuvre.  À.  P. 


Nous  engageons  vivement  nos  lecteurs  à  assister 
àla  soirée  extraordinaire  qui  sera  donnée  le  mercredi 
10  mars,  dans  les  salons  du  café  du  Globe,  8, 
boulevard  de  Strasbourg,  avec  le  concours  de  toutes 
les  sociétés  lyriques  qui  ont  là  leur  siège,  au  bénéfice 
de  Félix,  l'intelligent  garçon  de  café  qui  depuis 
longtemps  fait  le  service  de  ces  sociétés  avec  un  zèle 
qu'elles  sont  heureuses  de  récompenser. 

Mardi  2  mars,  grande  soirée  mensuelle  donnée 
par  la  Renaissance.  Cette  société  donnera  le  samedi 
20  mars  un  Grand  Bal  paré  et  travesti,  avecoi'chestre, 
dans  les  salons  du  Café  Corraza,  9, 10, 11,  12,  galerie 
Montpensier  (Palais-Royal). 

Henry  MALLET. 


CHOSES    &    AUTRES 


Une  assemblée  générale  des  membres  du  Comité 
de  la  STATUE  DE  BÉRANGER,  aura  lieu  le  lundi 
l<=r  Mars,  chez  M.  MURAT,  trésorier  de  l'œuvre. 

Il  en  sera  rendu  compte  dans  le  prochain 
numéro  de  LA  CHANSON. 

SEPTIÈME    CONCOURS    MENSUEL 

Ouvert  du  l^^'  au  20  février. 

Le  grand  nombre  de  pièces  (53)  n'a  pas  permis  aux 
membres  du  jury  de  nous  faire  connaître  à  temps 
les  pièces  couronnées.  Nous  les  publierons  dans  notre 
prochain  numéro. 

HUITIÈME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  1^^'  au  20  mars. 

Nous  rappelons  que  nos  abonnés  seuls  ont  droit 
d'y  prendre  part  avec  une  chanson  de  six  couplets 
au  plus,  avec  ou  sans  refrain. 

Le  premier  prix  sera  publié  dans  le  journal  et 
recevra  dix  exemplaires. 

Les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux  pièces 
suivantes  seront  publiés. 

Samedi  21  février,  au  Grand  Concert  Parisien, 
Adieux  de  M""  Bordas.  Salle  comble.  La  chanteuse 
populaire  a  été  couverte  de  fleurs;  bouquets,  cou- 
ronnes, bravos,  rappels,  rien  ne  lui  a  manqué.  Cette 
soirée  est  une  des  bonnes  parmi  les  nombreuses 
soirées  à  succès  de  la  vaillante  artiste. 

M.  Jean  Hommey,  professeur  au  Conservatoire, 
fait  paraître  depuis  peu  de  temps  une  Publication 
Musicale  nouvelle  sur.  les  paroles  des  grands  poètes 
français,  depuis  le  XV°  siècle  jusqu'à  nos  jours, 
Chants  symphoniques,  mélodies  de  concert,  romances, 
lieds,  chanso7îs,  virelais.  Nous  recommandons  vivement 
cette  publication  qui  se  trouve  chez  l'auteur,  5,  rue 
Milton,  et  chez  L.  Mayer  fils,  rue  Maubeuge. 

M.  LEROUX,  rue  Chapon,  4.  Spécialité  d'insignes 
pour  Sociétés  lyriques,  chorales  et  autres. 

Nous  prions  nos  correspondants  qui  désirent  une 
réponse  de  joindre  un  timbre-poste  dans  leurs  lettres. 

Nous  prévenons  nos  abonnés  qui  ne  nous  ont  pas 
encore  envoyé  le  montant  de  leur  réabonnement 
du  1"  novembre,  que  nous  ferons  toucher  à  bref 
délai  les  abonnements  en  retard. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


3»  ANNEE. 


N°  40. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


16  MARS  1880. 


LA    CHANSON 


Directeur-  Gérant 
A.    PATAY 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Eevue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  \."  <3c  le  16  cle  ctiaqiae  rxiois 

Les  Abonnements  partent  du  {"  Mai  !c  du  \"  Novembre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  . 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  &  REDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 
PARIS 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


SOIv4:]yi:-A.XI6DB  : 


La  Statue  de  Bérane/er  (l.-henry  lecomte).  —  Banquet  des 
Amis  de  Pierre  Dupont  (a.  patay).  —  Banquet  du  Caveau 
(eug.  imbert).  —  Banquet  de  la  Liée  Chamonnière  (L.-nENR.Y 
lecomte).  —  7»  Concours  de  La  Chanson  :  te  Dieu  des 
Vieil/es  Gens  (louis  bogeyJ.  —  El/e  et  moi,  paroles  et  mu- 
sique de  FERNAND  STRAUSS.  —  A  Madame  "'  (.f.  larguier). 


Une  Tombe  Française  (auguste  luth).  ~~  Il  faut  accélérer  le 
pas  (germain  picard).  —  Te  souvieiK-tu  (charles  ségouin).  — 
S»  Concours  de  La  Chanson.  —  Nécrologie.  —  3'  Concours 
entre  les  solistes  des  Sociétés  bjriques.  —  Chronique  des 
Sociétés  lyriques  (henry  mallet,  Alfred  bertinot,  mar- 
CELLius).  —  Choses  et  autres. 


LA    STATUE    DE    BÉRANGER 


Dans  les  derniers  jours  de  février,  M.  Spuller 
avait  adressé  aux  membres  du  Comité  de  la  statue 
deBéranger  une  lettre  contenant  invitation  pressante 
à  une  réunion  extraordinaire,  dont  il  précisait  ainsi 
l'objet  : 

u  Après  les  rigueurs  exceptionnelles  d'un  hiver  (jui  n'a 
pas  permis  de  songer  à  recueillir  des  fonds  pour  d'autres 
œuvi'es  que  l'assistance  publii|ue,  le  moment  est  venu  de 
savoir  si  le  Comité  de  la  statue  de  fiéranger  entend  reprendre 
la  souscriplion,  la  pousser  avec  énergie,  organiser  des  confé- 
rences et  des  concerts,  provoquer  des  adhésions,  instituer 
le  concours,  faire  en  un  mot  tout  ce  cjui  est  nécessaire  pour 
mener  à  bonne  tin  l'entreprise.  » 

La  réunion  a  eu  lieu  le  lundi  l"'  mars,  chez 
M.  Murât,  conseiller  municipal  et  trésorier  de 
l'œuvre.  Elle  a  été  décisive. 

Le  programme  indiqué  dans  la  convocation  répon- 
dait évidemment  au  sentiment  général.  Les  membres 
présents  affirmaient  hautement  la  nécessité  d'agir; 
les  membres  absents  eux-même  devaient  apporter 
à  la  discussion  des  avis  conformes  et  déterminants. 
L'assemblée  a  fait  le  plus  chaleureux  accueil  aux 
deux  lettres  suivantes  : 

Paris,  le  29  février  1880. 

Monsieur  le  Président  et  cher  Collègue, 
Ne  pouvant  assister  à  la  réunion  du  Comité  demain  lundi 
soir,  je  vous  prie  de  vouloir  agréer  et  faire  agréer  mes 
excuses.  Je  m'associe  d'avance  à  tout  ce  qui  pourra  être 
décidé  pour  mener  à  bonne  fin  l'œuvre  entreprise.  Déranger 
a  tenu  une  trop  grande  place  dans  la  France  du  dix-neu- 
vième siècle  pour  qu'il  ne  soit  pas  du  devoir  de  notre  époque 
de  consacrer  un  monument  à  sa  mémoire. 

Agréez,  je  vous  prie,  mes  sentiments  les  plus  dévoués. 
Henri  MARTIN. 

Sèvres,  le  1"  mars  1880. 

Monsieur  le  Président, 

Une  indisposition  persistante  qui  me  force  à  garder  la 
chambre  m'empêche,  à  mon  grand  regret,  d'assister  à  la 
séance  du  Comité  de  la  statue  de  Béranger. 

La  voix  d'un  absent  ne  peut  compter  ;  toutefois  je  me 
proposais  de  dire  que,  malgré  certaines  considérations  poh- 
tiques  mises  en  avant,  malgré  la  difficulté  de  recueillir  la 
somme  nécessaire,  il   me  paraît  injuste  de  ne  pas  faiie  de 


vifs  ell'orts  pour  répondre  à  l'appel  des  rédacteurs  de  La 
Chanson. 

L'anniversaire  fixé  peut  être  reculé  el  me  semble  peu 
important  ;  ce  qui  l'est,  c'est  d'élever  à  Béranger  un  monu- 
ment modeste  comme  l'élait  l'homme. 

Sans  doute  la  fin  du  siècle  est  aux  prises  avec  de  bien 
graves  questions.  Est-ce  une  raison  pour  oublier  Béranger? 

A  une  époque  plus  calme,  moins  tourmentée,  la  génération 
qui  suivra  accuserait  Paris  d'ingratitude  si  l'image  du  poète 
restait,  par  son  indifférence,  voilée  dans  l'oubli  et  systéma- 
tiquement méconnue. 

En  vous  priant  de  m'excuser  auprès  de  mes  collègues, 
veuillez  agréer.  Monsieur  le  Président,  l'expression  de  mes 
meilleurs  sentiments.  CHAMPFLEURY. 

La  délibération  ne  pouvait  être  longue.  Après 
avoir  pris  connaissance  de  l'état  des  sommes 
recueillies,  formant  un  total  de  5,000  francs,  le 
Comité,  à  l'unanimité,  a  décidé  qu'une  impulsion 
vigoureuse  devait  être  immédiatement  donnée  à  la 
propagande,  et  voté  les  résolutions  qui  suivent  : 

«  Des  remerciements  seront  adressés  à  M.  Laurent 
de  Rillé,  qui  a  promis  le  concours  des  sociétés 
orphéoniques  des  départements.  Un  appel  sera  fait 
à  ces  sociétés  ainsi  qu'à  toutes  les  sociétés  musicales 
et  lyriques  de  France  pour  obtenir  leur  concours 
sous  forme  de  souscriptions,  de  concerts  et  de 
réunions  chantantes. 

«  Une  sous-commission,  présidée  par  M.  E.  Dela- 
porte,  se  mettra  directement  en  rapport  avec  ces 
diverses  sociétés. 

«  Une  conférence  publique  sur  Béranger,  son 
œuvre  politique  et  patriotique,  sera  faite  au  théâtre 
du  Château-d'Eau,  le  dimanche  25  avril,  par  M.  Spul- 
ler, assisté  des  conseillers  municipaux  du  3°  arron- 
dissement. 

<(  D'autres  conférences,  des  matinées  dramatiques 
et  musicales  seront  organisées  par  une  sous- 
commission  spéciale. 

«  Enfin  un  concours  pour  l'exécution  de  la  statue 
de  Béranger,  sera  prochainement  ouvert  entre  les 
artistes  sculpteurs.  » 

A  l'issue  de  la  séance,  des  remerciements  ont  été 
votés  à  la  presse  pour  l'aide  qu'elle  a  prêté  déjà  au 


170 


LA  CHANSON 


Comité,  et  qu'elle  voudra  certainement  lui  continuer 
pendant  la  période  active  qui  commence. 

Voilà,  certes,  de  la  besogne  excellente,  et  le 
résultat  final  des  efforts  que  va  tenter  le  Comité  ne 
peut  être  douteux  pour  personne.  Les  orphéons, 
fondés  sous  l'inspiration  directe  de  Déranger,  les 
sociétés  Ij'riques,  reflets  des  orphéons,  les  cafés- 
concerts  même,  où  le  grand  chansonnier  est  juste- 
ment vénéré,  tiendront  à  honneur  d'apporter  leur 
contribution  à  l'œuvre  de  reconnaissance  nationale, 
patronée  par  tous  ceux  qui  sont  aujourd'hui  la  gloire 
de  notre  littérature. 

L.-Henry  LECOMTE. 


BANQIET  DES  AMIS  DE  PIERRE  DUPONT 

Samedi  21  février  a  eu  lieu,  au  Pré-aux-Clercs,  le 
banquet  des  ^m/s  de  Pierre  Dupont.  Cent  dix  convives 
avaient  répondu  à  l'appel  des  organisateurs  et  ont 
pris  part  à  cette  fête  de  l'amitié. 

Au  dessert,  des  lettres  d'excuse  de  MM.  Barodet, 
député  de  la  Seine,  Sixte  Delorme,  Pierre  Salle  et 
Antoine  Bail,  ont  été  lues  par  M.  Louis  Garel,  con- 
seiller municipal  de  Lyon. 

Nous  publions  la  lettre  de  M.  Barodet,  qui  retrace 
une  conversation  intime  qui  eut  lieu  entre  lui  et  le 
grand  poète  quelques  heures  avant  sa  mort. 

Paris,  12  février  1880. 
Mon  cher  Garel, 

A  la  hâte  et  au  moment  ou  la  discussion  sur  Tamnistie  va 
s'ouvrir  à  la  Chambre,  je  vous  trace  le  récit  que  vous  me 
demandez,  si  tardivement,  pour  votre  réunion  des  amis  de 
Pierre  Dupont,  Je  ne  saurais  faire  bien,  en  courant  de  la 
sorte,   mais  l'exactitude,  du  moins,  y  sera. 

Il  était  assis  dans  un  grand  fauteuil,  au  salon  du  rez- 
de-chaussée,  chez  son  frère.  Louise,  son  excellente  sœur, 
était  seule  avec  lui.  Sur  la  table,  une  tasse  contenant  une 
tisane.  Nous  entrons,  mon  îils  Alfred  et  moi.  Un  cri  de  joie 
s'échappe  de  la  poitrine  fatiguée  du  malade,  u  Oh  !  mes 
«  amis,  que  je  suis  heureux  de  vous  voir!  Que  de  bien  vous 
«  me  faites  !  venez  vous  asseoir  à  côté  de  moi,  l'un  à  droite, 
G  l'autri;  à  gauche.  Plus  près,  plus  près  encore,  que  je  vous 
a  sente  et  que  je  puisse,  à  volonté,  presser  vos  mains?  » 

Nous  lui  demandons  s'il  va  mieux.  Lui,  sans  répondre,  nous 
interroge  à  son  tour  :  «  Avez-vous  des  nouvelles  d'Adolphe? 
«  (alors  en  Russie).  Comment  va  ce  bon  Jules  Descours  ? 
a  Garel  reste  bien  longtemps  à  Morestel,  Et  Veyrat?  Et  le 
«  père  Rossy?  Et  le  docteur  Monteilhet?  Et  Sixte?  Ah!  si 
«  nous  pouvions  nous  réunir  encore  pour  choquer  le  verre, 
«  causer  et  chanter  !  » 

Ce  jour-là,  il  ne  dit  rien  de  l'affreuse  guerre  qui  allait  com- 
mencer. Li  doux  poète  n'y  pouvait  penser  sans  une  profonde 
tristesse.  Il  n'y  pensait  donc  point,  car  sa  figure,  amaigrie 
et  souffrante,  et  son  œil  vif  exprimaient  plutôt  la  gaieté.  Il 
parla  beaucoup,  avec  un  charme  infini,  laissa  un  libre  cours 
à  sa  vive  imagination,  s'abandonna  à  sa  verve  intarissable, 
fut  pétillant  d'esprit,  ne  négligea  pas  !e  calembourg  pour 
rire. 

Il  aurait  bien  voulu  nous  faire  oublier  que  nous  avions 
un  malade  sous  les  yeux  et  que  ce  malade  était  un  de  nos 
plus  chers  amis. 

Mais,  de  temps  en  temps,  la  douleur  lui  arrachait  une 
plainte  et  le  forçait  de  s'interrompre. 

Nous  le  prions,  plusieurs  fois,  de  ne  point  se  fatiguer.  Nous 
parlons  de  nous  retirer.  —  «  Oh  !  non.  Pas  encore,  mes  amis. 
Restez!  Je  suis  trop  heureux  d'être  avec  vous.  »  Et  il 
recommençait  à  nous  charmer  sans  ménagements  pour  sa 
santé.  C'était  le  dernier  éclat  d'un  foyer  sur  le  point  de 
s'éteindre. 

Quand  vint  le  moment  de  nous  retirer,  il  nous  retint 
•ucore  et  dit  à  sa  sœur  ;  «  Louise,  fais  un  grog  pour  nos 
amis.  »  — Je  veux  refuser.  Impossible.  Le  grog  bu,  le  poète 
prend  la  tasse  où  était  la  tisane,  la  porte  à  ses  lèvres  et,  avec 
un  regard  et  d'un  ton  de  voix  d'une  douceur  extrême,  dit  à 
mon  fils,  en  la  lui  présentant; —  «  Bois,  Alfred.  »  Après 
quoi,  il  me  passe  la  tasse  à  mon  tour  et  me  dit  ;  a  Bois  aussi, 
toi  »  et  c'est  lui-même  qui  achève  le  contenu. 


Cette  manière  si  touchante  et  si  délicate,  imitée  du  Christ, 
de  nous  faire  ses  derniers  adieux  et  de  nous  faire  comprendre 
que  nous  ne  le  reverrions  plus,  nous  remua  si  profondément 
que  nous  eûmes  beaucoup  de  peine  à  retenir  nos  larmes. 

(i  Je  reviendrai  te  voir  mardi,  lui  dis-je,  en  lui  serrant  la 
main.  —  «  Bien, dit-il,  adieu!  mes  amitiésâtous  nos  amis.» 

C'était  le  dimanche  24  juillet  1870,  à  5  heures  du  soir. 

Le  lendemain,  à  7  heures  du  matin,  on  venait  ra'apprendre 
que  le  chantre  des  Bœufs  et  des  Sapins  n'était  plus. 

Il  était  mort  en  pleine  connaissance  et  avec  la  sérénité 
d'un  honnête  homme  qui  s'était  dépensé  pour  l'humanité  et 
qui  lui  laissait  son  àme  dans  ses  chants  populaires,  si 
beaux  et  si  purs,  consacrés  à  la  nature,  au  travail,  à  la  patrie 
et  à  la  République. 

Mes  chers  amis,  en  les  chantant  demain  soir,  vous  vouS' 
remettrez  en  pleine  communion  d'idées  et  de  sentiments  avec 
notre  cher  et  grand  poète.  C'est  la  meilleure  manière  d'ho- 
norer sa  mémoire;  c'est  celle  qu'il  nous  eût  conseillée  en 
nous  recommandant  la  gaieté.  Je  serai  avec  vous  parla  pensée 
et  par  le  cœur. 

Ne  pensez-vous  pas  que  le  moment  soit  venu  de  continuer 
la  souscription,  interrompue  par  de  terribles  événements, 
ouverte  en  1870,  dans  le  but  d'élever  un  modeste  monument 
à  la  mémoire  de  notre  ami,  dans  le  Parc  de  la  Tête  d'Or? 

A  vous.de  cœur, 

D.  Barodet. 

Le  banquet  s'est  terminé  par  des  chansons  et  des 
poésies  inédites  de  Pierre  Dupont.  Plusieurs  pièces 
de  vers,  faites  pour  la  circonstance  à  la  gloire  du 
poète  populaire,  ont  été  dites  par  leurs  auteurs. 

Ainsi  s'est  terminée  cette  fête  fraternelle  qui  s'est 
prolongée  bien  avant  dans  la  nuit,  et  où  la  plus 
franche  gaieté  n'a  cessé  de  régner  parmi  les  assis- 
tants.        {Le  Petit  Lyonnais.)  Jh.  T. 

Nous  avons  la  certitude  que  le  Conseil  municipal 
ainsi  que  les  habitants  de  Lyon  voudront  mettre  à 
exécution  l'idée  émise  dans  le  dernier  paragraphe 
de  la  lettre  de  M.  Barodet.  Nous  verrons  donc  dans 
un  temps  très  prochain  les  statues  de  Pierre  Dupont  à 
Lyon,  Rouget  de  Lisle  àLons-leSaulnier,  et  Béranger 
à  Paris.  Et  ce  sera  justice,  car,  comme  l'a  si  juste- 
ment dit  Jules  Clarétie,  la  Chanson,  comme  la 
baïonnette,  est  une  arme  française.       A.  PATAY. 


SOCIETE  LYRIQUE  ET  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 

BANQUET  DU  5  MARS 


Le  gros  Louis  XVIII  aurait-il  été  heureux,  l'autre  soir,  s'il' 
avait  pu  assister  au  banquet  du  Caveau!  On  y  fêtait  son| 
poète  favori,  Horace,  et  quel  poète  a  plus  de  droit  à  être' 
fêté  que  lui  dans  la  maison  de  Béranger  ?  Oui,  une  chanson^ 
et  un  toste  s'inspirant  du  vieux  Flaccus  ont  en  quelque  sorte' 
ouvert  et  clôturé  la  séance.  C'était  un  heureux  encadrement 
pour  une  belle  soirée. 

DiSfugere  iiives... 

C'est  le  printemps,  le  renouveau,  la  fin  des  périls,  l'espoir^ 
renaissant,  l'amour  rajeuni.  Un  visiteur  assidu,  que  vous' 
reconnaîtrez  peut-être,  a  eu  cette  bonne  idée  d'abriter  sonl 
refrain  sous  le  grand  nom  du  lyrique  romain,  et  le  succèsi 
l'en  a  récompensé. 

Quî  fit,  Mecœnas,  ut  nemo  quam  sibi  sortem 
Seu  ratio  dederit,  seu  fors  objecerit,  illa 
Contentus  vivat? 

C'est  le  thème  choisi  par  le  président  pour  son  toste 
traditionnel.  Nul  n'est  content  de  sa  position,  nul  ne  se  borne 
à  de  justes  désirs,  nul  ne  se  renferme  dans  sa  sphère.  Je  ne 
lui  chercherai  pas  querelle  et  ne  lui  reprocherai  pas  de 
vouloir  entraver  l'amour  du  progrès  et  les  légitimes  ambi- 
tions; je  me  joins  aux  applaudisseurs  et  rengaine  ma' 
critique  :  ne  buvait-il  pas  à  la  chanson  ? 

Un  léger  nuage  plana  un  moment  sur  la  nombreuse 
assemblée  :  ce  brave  Allard-Pestel,  ancien  restaurateur  àxv 
Caveau,  avait  quitté  ses  camarades,  ses  amis,  pour  un  mond^' 
qu'on  dit  meilleur.  Chant  funèbre,  par  Charles  Vincent,  qui' 


LA  CHANSON 


171 


ne  laisse  jamais  échapper  l'occasion  d'exprimer  ses  sentiments 
fraternels.  Mais  la  bonace  est  tôt  revenue,  après  ce  souvenir 
donné  à  l'avant-dernier  Balaine. 

Ijorsque  le  Champagne 
Fait  en  s'échappant  : 
Pan  !  pan! 

Oh,  oh  !  s'agit-il  d'un  récipiendaire  arrosant  son  diplOme  ? 
Non,  mais  d'un  membre  de  la  joyeuse  compagnie  qui  célèbre 
en  trinquant  son  élévation  au  rang  d'oflicier  d'Académie. 
Fouache,  le  sympathique  élu,  en  rapporte  l'honneur  à  ses 
amis.  Trop  modeste!  comme  on  le  lui  prouve  en  couplets 
bien  tournés. 

Vous  dirai-je  ensuite  les  litres  de  toutes  les  chansons  qui 
se  sont  succédé?  Monlariol  a  chanté  :  Vive  la  politique! 
Jullien,  L'Homme  modeste.  Grange,  Le  Vent,  Petit,  Trois 
et  deux,  Vilmay,  Le  Chemin  de  Montre-  Tout,  qui  touche  à 
l'extrême  gauche  du  genre  égrillard.  Fénée,  le  bon  apùlre, 
explique  toutes  les  imperfections  de  son  héros  par  cette 
excuse  qu'O»,  ne  se  fait  pas  soi-même.  Peut-être  est-ce  bien 
heureux.  L'héroïne  de  Lesueur,  elle,  cherche. ..  je  ne  sais 
quoi  ;  mais  je  sais  qu'elle  s'écrie  avec  désespoir,  après 
chaque  recherche  et  chaque  couplet  : 
Jo  n'  vois  pas  seul'inent  la  queu'  d'un. 

On  n'en  meurt  pas  et  La  puce  à  l'oreille  nous  montrent 
le  Mouton-Uufraisse  des  grands  jours  :  gaîté,  douce  satire  et 
plaisanterie  piquante. 

Le  Conte  oriental  n'est  qu'une  nouvelle  édition,  en  cou- 
plets, d'une  histoire  bien  connue,  celle  de  la  chemise  d'un 
homme  heureux.  Je  me  rappelle  très  bien  que  le  dernier 
récit  qu'on  en  a  fait  —  il  y  a  longlemps  —  (l'auteur  n'était-il 
pas  .\ndrieux  ?)  se  terminait  par  ce  vers  : 

Cet  homme  heureux  n'avait  pas  de  chemise. 

Terminons  la  série  gaie  en  citant  la  chanson  de  lîuraui. 
Le  joyeux  auteur  du  Sire  de  Fich' -ton-camp  expose  en  cou- 
plets spirituels  la  difficulté  qu'il  éprouve  à  fairct  une  chanson. 
Toute  entreprise,  fût-ce  les  travaux  d'Hercule,  lui  semble 
plus  abordable.  11  ne  craint  pas  d'ajouter  : 

Je  fais  un  enfant  à  ma  feinmo 
Plus  aisément  qu'une  chanson. 

C'est  pousser  l'hyperbole  bien  loin.  Liorat  se  rappelle  le 
temps  ou  il  allait  Cueillir  la  Rose  à  Funtenay  ;  et  la  Muselle 
de  ce  temps-là  éclaire  de  son  œil  fripon  les  fonds  moussus 
des  bois.  Son  idylle  est,  dans  une  gamme  plus  moderne, 
sœur  de  ces  anciennes  brunettes  que  chantaient  nos  pères 
sur  un  air  de  clavecin,  avec  accompagnement  de  nasse 
continue.  L'amour,  à  travers  les  âges,  ne  fait  que  changei- 
de  costume;  quelquefois  même  il  n'en  a  pas  du  tout;  mais 
toujours  l'homme  dira,  toujours  la  femme  murmurera  : 
Aimons  ! 

Aimons!  c'est  le  refrain  de  Vincent.  Mais  il  en  agrandit 
le  domaine.  Pour  lui,  l'amitié,  la  fraternité  sont  le  déve- 
loppement forcé  de  l'amour  ;  quand  je  dis /brf»,  j'entends 
naturel.  C'était  jusqu'à  présent  le  morceau  le  plus  sérieux 
de  la  soirée.  Mais  la  note  grave  va  sonner  par  la  bouche  de 
Leconte.  Le  nez  busqué,  l'œil  perçant,  la  voix  vibrante,  raidi 
sur  ses  ergots,  c'est  le  coi|  gaulois  qui  chante  le  Réveil  des 
peuples.  Chant  énergique  et  imagé,  réveil  puissant.  Quel 
sommeil  ou  même  quelle  apathie  résisterait  à  de  pareils 
accents  : 

Un  peuple  est  grand  quand  il  sait  être  libre  : 
Réveillons-nous,  Français,  réveillons-nous  ! 

EuG.  IMBERT. 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANaUET  DU    3  MARS 

Un  vent  de  discorde  souffle  parmi  les  Licéens.  Une  insti- 
tution dont,  ici  même,  on  a  tour  à  tour  affirmé  et  contesté 
l'utilité, 

te  toste,  puisqu'il  faut  l'appeler  par  son  nom, 

est  menacé  de  mort  violente.  La  majorité  des  membres  de 


la  Lice  lui  reprochent  non-seulement  de  n'être  pas  une 
chanson,  mais  encore  de  tenir,  dans  chaque  livraison  men- 
suelle, la  place  d'une  chanson...  qui  pourrait  être  bonne. 
Toute  minorité  a  droit  à  la  réplique.  Directement  atteint, 
Ryon  a  riposté  par  des  vers  assez  vifs  qui  n'ont  point  fait 
ti'iompher  sa  cause.  A  l'avenir,  les  toasts  de  la  Lice  ne  seront 
plus  imprimés.  Leur  raison  d'être  se  trouve  dès  lors  consi- 
dérablement atténuée,  et  leur  confection  nécessitera  désor- 
mais chez  le  président  une  philosophie  dont,  pour  ma  part, 
je  serais  incapable. 

La  chanson  bachique  a  compté  au  dernier  banquet  quatre 
bons  représentants,  MM.  Ryon,  Péan,  Moniot  et  Kobinot  ;  la 
chanson  de  genre  a  été  traitée  avec  bonheur  par  MM.  Echa- 
lié,  Cahen  et  Leblanc;  enfin  la  corde  grave  a  vibré  sous  les 
mains  habiles  de  MM.  de  Courmont,  Luth,  Duplessis  et  Mo- 
reau.  Comme  de  raison,  les  Clievaliers  de  la  bouteille.  Si  je 
possédais  le  pouvoir.  Buvons,  ont  plu  par  leur  franche 
alinre;  Ne  payez  qu'en  sortant,  les  Proverbes,  Tout  n'est 
pas  couleur  de  rose,  ont  excité  le  rire  ;  /((  Main  du  sang, 
Une  Tombe  française,  le  Ministre  Renard,  Illusions  et  Sou- 
venirs, ont  ému. 

Darcier,  le  maître  diseur,  était  venu  pour  détailler  une 
musique  nouvelle,  écrite  par  lui  sur  des  paroles  de  Hachin. 
C'est  l'odyssée  d'une  certaine  bonne,  dont  la  vue  est  si  faible, 
qu'elle  prend  la  caserne  pour  le  marché  et  s'oublie  aux  bras 
de  tourlourous  en  croyant  promener  son  maître.  C'est 
ennuyeux,  dit  le  bourgeois  bénévole  : 

Etre  sur  les  pas  d'Adèle. 

Auteur  et  compositeur  ont  eu  le  succès  qu'ils  méritaient. 
Rubois  est  bien  ambitieux.  J'  voudrais,  dit-il, 

J"  voudrais  fair'  un'  chanson 
Qu'applaudit  tout  le  monde  ! 

Son  rêve  n'a  pas  été  réalisé  cette  fois  encore,  car  beau- 
coup de  ses  intentions  ont  échappé  à  l'auditoire,  qui  n'a  pas 
semblé  plus  satisfait  de  ses  couplets  sur  le  Droit  de  réunion, 
souvent  excessifs. 

Georges  Baillet,  dans  un  aimable  rondeau,  retrace  les 
plaisirs  et  les  rêves  de  son  enfance,  doux  souvenirs  qui  sont 
déjà  des  regrets. 

Paul  Avenel  sous  ce  titre  :  Mes  citansons,  a  fait  la  véri- 
table préface  de  l'édition  nouvelle  de  ses  œuvres.  On  a 
remarqué  qu'il  était  revenu  à  des  sentiments  moins  hostiles, 
par  conséquent  plus  justes  envers  les  œuvres  de  Béranger, 
dont  la  signification  républicaine  n'aurait  jamais  dû  lui 
échapper. 

M.  Auguste  Goûts  chante  le  Printemps,  sans  doute  pour 
hâter  sa  venue.  Un  certain  mérite  de  facture  rachète  le 
manque  d'originalité  inhérent  au  sujet. 

Le  Bastien  de  M.  Brûlez  souffre  d'un  mal  inconnu  ;  il  va 
consulter  le  sérugien  de  son  village,  et  ce  dernier,  qui  a  fait 
ses  éludes,  lui  dit  :  »  Tu  es  amoureux,  marie-toi.  »  —  Le 
mariage,  remède  de  l'amour?  —  Est-ce  que  quelqu'un  n'a 
pas  déjà  dit  cela?  N'importe,  il  est  des  choses  qu'on  ne  sau- 
rait trop  dire... 

Imbert,  justement  applaudi  pour  une  chanson  gaie,  les 
Hasards  singuliers,  a  été  moins  heureux  avec  son  Candidat, 
dont  précisément  il  indiquait  le  mois  dernier,  aux  lecteurs 
de  La  Ctianson,  le  sens  véritable.  Des  Licéens,  qui  ne  fi- 
gurent pas  sans  doute  au  nombre  de  nos  abonnés,  ont 
déclaré  l'œuvre  réactionnaire  en  la  renvoyant  dédaigneuse- 
ment au  Caveau.  Eh!  Messieurs,  le  Caveau  n'a  pas  attendu 
votre  avis  pour  faire  bon  accueil  à  ce  croquis,  dans  lequel 
il  voyait,  lui  juge  calme,  un  portrait  non  chargé  de  ces 
quelques  pantins  lugubres  qui  sont  aujourd'hui  des  obstacles 
à  notre  marche  en  avant. 

J'aurais  volontiers  mentionné  la  chanson  a  genre  Caveau  « 
dite  par  un  visiteur  de  ma  connaissance  ;  mais,  à  la  fin  de 
son  œuvre,  l'auteur,  avec  une  modestie  évidemment  sincère, 
a  jugé  bon  de  s'écrier  : 

Mes  couplets  sont  si  peu  de  chose 
Qu'  ça  n   vaut  pas  la  pein'  d'en  parler, 

Alors,  pourquoi  en  parlerais-je? 

L.-Henry  LECOMTE. 


172 


LA  CHANSON 


SEPTIÈME  COIOURS  MENSUEL 

De  La  Chanson 
PIÈCE  COURONNÉE 

LE  DIEU  DES  VIEILLES  GENS 


Air  du  Dieu  des  bonnes  gens 

Depuis  longtemps,  Prudhomme  d'un  air  grave 
Me  dit  :  u  Enfant,  sois  enfin  sérieux. 
«  L'insouciance  est  toujours  une  entrave  ; 
«  Enrichis-toi,  tu  t'en  trouveras  mieux. 
«  Chasse  à  jamais  cette  philosophie 
«  Qui  se  blottit  au  coeur  des  indigents!...  « 
—  Oui,  je  vous  crois  :  allons  !  je  sacrifie 
Au  dieu  des  vieilles  gens  {bis). 

Sans  plus  tarder  je  prends  un  pas  de  course, 
Tant  je  désire  être  enfin  arrivé  ; 
Tout  essoufflé,  je  m'arrête  à,  la  Bourse, 
Temple  en  renom,  à  Mercure  élevé. 
Pour  mettre  à  sac  maint  bourgeois  qui  s'j  fie, 
Je  tente  un  coup  des  plus  intelligents, 
Et,  cote  en  main,  ma  foi,  je  sacrifie 
Au  dieu  des  vieilles  gens. 

Mon  cœur,  tout  neuf,  à  la  blonde  Octavie 
S'était  donné  sans  calcul  un  beau  jour  : 
Pauvres  tous  deux,  nous  faisions  de  la  vie 
Un  rêve  heureux  tout  parfumé  d'amour. 
Mais  j'ai  changé...  Parlez-moi  de  Sophie 
Ses  beaux  éous  sont-ils  pas  engageants? 
Sa  dot  en  main,  ma  foi,  je  sacrifie 
Au  dieu  des  vieilles  gens. 

Malgré  le  froid,  alors  que  l'aigre  bise 
A  ma  fenêtre  avec  rage  hurlait. 
Souvent  chez  moi  l'amitié  s'est  assise, 
Et  le  chagrin  aussitôt  s'envolait. 
Riche  aujourd'hui,  d'elle  je  me  défie  : 
Ces  bons  amis  pourraient  être. . .  exigeants. 
J'ai  tout  rompu...  Ma  foi,  je  sacrifie 
Au  dieu  des  vieilles  gens. 

J'aimais  d'amour  les  fleurs,  la  poésie, 
Les  gais  couplets,  les  oiseaux  et  les  ris; 
Mais  grave  enfin,  cela  me  rassasie  : 
L'utile  seul  a  pour  moi  quelque  prix. 
Parfois  encor  ma  muse  versifie 
Sur  des  sujets  bien  plus...  encourageants. 
J'ai  tout  vendu...  Ma  foi,  je  sacrifie 
Au  dieu  des  vieilles  gens. 

Mais  non  !  mon  cœur  n'a  pas  fini  de  battre  ! 
Je  t'aime  encore,  ô  ma  blonde  beauté  ! 
Je  veux,  amis,  m'amuser  comme  quatre, 
Boire  avec  vous  à  notre  pauvreté. 
Versez,  versez  !  le  vin  nous  vivifie. 
Si  je  faiblis,  vous  serez  indulgents... 
Chantons,  rions!..  Point  je  ne  sacrifie 
Au  dieu  des  vieilles  gens. 

Genève.  LouiS  BOGBY. 

Viennent  ensuite  : 

La  Rosière,  de  M.  P.  Berdoulet  ; 

Répétez  mes  chansons,  de  M.  Auguste  Goûts. 


A  M"=  Alberta  Caspar  von  der  Frave 

ELLE    &    MOI 

Paroles  et   musique  de   Fernand  STRAUSS 
an(a. 


ÎV  COLTLET.Î 


Ah!   que  ne  suisTie  uii«  hiron-<lel  .  le, 
Pre-naiil     son  vol        an  -  <fa  -  ci    _    eux 


Ah!     que     ne    suis-je  u-ne  hi_ron.  délie 
Vo.ya-geanI     sous  l'a.jur    des 


Ah!  que  ne  suis-je  une  hirondelle, 
Prenant  son  vol  audacieux. 
J'irais  bâtir  mon  nid  près  d'elle. 
Ah!  que  ne  suis-je  une  hirondelle, 
Voyageant  sons  l'azur  des  cieux. 

Ah!  que  ne  suis-je  aussi  la  brise. 
Pour  lui  porter  un  mot  d'espoir  ; 
Afin  que  son  cœur  ne  se  brise. 
Ah!  que  ne  suis-je  aussi  la  brise. 
Pour  la  calmer  quand  vient  le  soir. 

Ah!  que  ne  suis-je  un  blanc  nuage  ! 
Fuyant  bien  loin  mon  triste  exil, 
J'embellirais  son  voisinage. 
Ah  I  que  ne  suis-je  un  blanc  nuage, 
Pour  la  revoir  sans  nul  péril. 

Ah!  que  ne  suis-je  la  fleur  tendre. 
Que  sa  main  cultive  avec  soin  ; 
Son  parfum  lui  ferait  entendre. 
Ah  !  que  ne  suis-je  la  fleur  tendre! 
Ce  que  mon  cœur' lui  dit  de  loin. 

Que  pourrais-je  bien  être  encore? 
Pour  lui  prouver  tout  mon  amour. 
L'éclat  de  la  nouvelle  aurore? 
Qui  dans  mon  cœur  a  fait  éclore 
L'espoir  de  son  prochain  retour. 


A  MADAME  *" 

>-ménité,  bonté,  vous  possédez.  Madame, 
du  assemblage  heureux  de  douces  qualités, 
pravé  sur  votre  front  aussi  pur  que  votre  âme, 
dnissant  votre  esprit  à  toutes  ces  beautés, 
coi  Dieu,  si  richement  vous  dote  avec  largesse, 
témoignant  par  ses  dons  l'amour  qu'il  a  pour  vous, 
i-<ci  bas  nous  devons  imiter  sa  sagesse, 
gous  unir  par  le  cœur  qu'il  comble  d'allégresse 
tSn  nous  faisant  aimer  son  plus  bel  œuvre  en  vous. 
J.  LARGUIER. 


LA   CHANSON 


173 


UNE  TOMBE  FRANÇAISE 

Musique  à  faire 
Cette  plaine  aujourd'hui  triste  et  silencieuse 
N'avait  pas  autrefois  ce  calme  si  touchant. 
Ah!  qu'elle  était  riante  et  paraissait  joyeuse 
Au  lever  du  soleil  comme  au  soleil  couchant; 
C'est  qu'elle  n'avait  pas,  au  sein  de  sa  verdure, 
Des  Français  valeureux  qui  près  d'elle  étaient  morts  ; 
C'est  qu'elle  n'avait  pas  cette  sombre  parure, 
Ces  soldats  dont  les  bras  étaient  vaillants  et  forts. 

En  passant  sur  l'herbe  fleurie, 
Où  ces  braves  sont  morts,  un  jour,  pour  la  patrie, 
Enfants,  mettez-vous  à  genoux 
Et  vous,  hommes,  découvrez- vous! 

S'ils  allaient  s'éveiller,  peut-être  le  tonnerre 
Gronderait-il  encore  en  roulant  dans  les  cieui  ; 
Peut-être  que  le  sang  inonderait  la  terre. 
Peut-être  que  la  mort  fermerait  bien  des  yeux. 
Qu'ils  reposent  en  paix,  tous  ces  preux  de  la  France  1 
Lorsque  l'on  tombe  ainsi  l'on  est  plus  que  vainqueur, 
Et  quand  l'âme  s'envole,  emportant  la  souffrance, 
On  entend  dans  la  toml)e  encor  battre  le  coeur. 
En  passant,  etc. 

Aussitôt  que  la  nuit  les  couvre  de  son  voile 
Et  rejette  sur  eux  ses  regards  assombris, 
Aussitôt  que  parait  une  première  étoile. 
On  entend  des  soupirs,  des  murmures,  des  cris. 
Ce  n'est  pas  des  mourants  la  plainte  douloureuse, 
Car  leurs  cœurs  étaient  pleins  d'héroïque  fierté. 
C'est  la  brise  qui  vient,  timide  et  langoureuse, 
Les  bercer  dans  les  fleurs  et  dans  l'éternité. 

En  passant  sur  l'herbe  fleurie 
Où  ces  braves  sont  morts,  un  jour,  pour  la  patrie  : 
Enfants,  mettez-vous  à  genoux. 
Et  vous,  hommes,  découvrez-vous. 
3  mars  1880.  AuGUSTE   LUTH. 


IL  FAUT  ACCELERER  LE  PAS 

Air  connu 
J'ai  lu  dans  un  livre  peu  sage  : 
«  Qui  va  doucement  va  longtemps.  « 
Oui,  mais  en  suivant  cet  adage, 
On  n'arrive  jamais  à  temps. 
L'occasion  passe  légère  ; 
Malheur  à  qui  ne  l'atteint  pas! 
Pour  l'atteindre  que  faut-il  faire  ? 
Il  faut  accélérer  le  pas. 

Gros -Jean  marchant  à  la  victoire 
A  son  bâton  de  maréchal 
Dans  son  sac  et  rêve  à  la  gloire 
D'être  avant  six  mois  caporal. 
Mais  pour  cela  que  doit-il  faire? 
Attendre  le  destin  ?  Non  pas  ; 
Car  Gros-Jean  sait  bien  qu'à  la  guerre 
Il  faut  accélérer  le  pas. 

Arthur  auprès  de  sa  maîtresse 
Passe  les  jours  à  deviser, 
Mais  en  vain  le  désir  le  presse. 
Il  n'ose  ravir  un  baiser. 
Allons,  morbleu  !  plus  de  courage, 
Monsieur  Arthur,  ne  faites  pas 
Comme  Platon  l'amour  en  sage... 
11  faut  accélérer  le  pas. 


Hector,  baron  de  fraîche  date. 
Va  chez  les  grands  faire  sa  cour. 
II  se  croit  très  bon  diplomate 
Et  veut  être  ministre. . .  un  jour. 
Mais  enfin,  las  de  ses  courbettes. 
On  lui  fait  dire  :  «  Les  pieds  plats, 
«  Mon  cher  baron,  troublent  nos  fêtes  ; 
«  Il  faut  accélérer  le  pas.  « 

Vous,  messieurs,  dont  la  seule  étude 
Est  de  vivre  joyeusement. 
Si  quelquefois  la  solitude 
Attriste  votre  appartement. 
Pour  oublier  cette  mégère 
Sur  votre  lit  ne  baillez  pas, 
Venez  avec  nous  vous  distraire... 
Mais  en  accélérant  le  pas. 

Germain  PICARD. 

Rédacteur  en  chef  du  Parnasse. 


TE    SOUVIENS-TU 


Te  souviens-tu,  ma  Virginie, 
Des  beaux  taillis  du  Bas-Meudon 
Où  l'on  allait,  jours  de  folie, 
S'asseoir  tous  deux  sur  le  gazon? 
Te  souviens- tu  de  la  charmille 
Qui  nous  couvrit  de  son  rideau. 
Le  jour  où...  séduisante  fille. 
Tu  m'apparus  sans  ton  manteau? 

Te  souviens-tu  de  cette  époque 
Où  l'on  dînait  à  Robinson, 
Dans  un  restaurant  équivoque. 
Seuls  dans  les  blés,  près  d'un  buisson? 
Te  souviens-tu  de  ce  grand  cliêne. 
De  ce  chalet  tout  frais  repeint 
Où  l'on  parlait  d'amour  sans  gêne. 
De  cet  amour,  hélas,  éteint! 

Te  souviens-tu,  belle  infidèle, 
De  ce  touchant  et  tendre  aveu 
Que  tu  fis- — je  me  le  rappelle  — 
Dans  le  chemin  sous  le  ciel  bleu? 
Mais   qu'elle  a  peu  duré  l'ivresse 
De  cet  amour  d'un  soir  d'été  ! 
O  bel  écho  de  ma  jeunesse. 
Dis-moi  pourquoi  tu  m'as  quitté. 

Que  je  voudrais,  femme  parjure. 
N'entendre  plus  jamais  ta  voix! 
Et  cependant,  idole  impure, 
Je  te  regrette  quelquefois. 
Je  vois  ton  regard  qui  sans  trêve 
Me  suit  partout  comme  un  témoin, 
Démon  que  j'ai  vu  dans  un  rêve. 
Dans  un  beau  rêve  aussi  bien  loin. 

J'ai  voyagé,  mais  l'insomnie 
Me  poursuivait  dans  le  sommeil  ; 
Ton  frais  minois,  ma  Virginie, 
Etait  présent  à  mon  réveil. 
Le  temps  de  voir  l'oiseau  qui  vole, 
Et  mon  amour  allait  finir  ; 
Le  temps  de  dire  une  parole. 
Ce  n'était  plus  qu'un  souvenir. 

Charles  SÉGOUIN. 


174 


LA  CHANSON 


HUITIÈME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  fer  au  20  mars. 
Nous  rappelons  que  nos  abonnés  seuls  ont  droit 
d\Y  prendre  part,  avec  une  chanson  de  six  couplets 
au  plus,  avec  ou  sans  refrain. 

Le   premier  prix  sera  publié  dans  le  journal  et 
recevra  dix  exemplaires. 

Les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux  pièces 
suivantes  seront  publiés. 


l\ECKOLOGIE 


Un  des  membres  du  Caveau,  le  doyen  des  titu- 
laires, Allard-Pestel  ,  vient  de  mourir  dans  sa 
67°  année.  Restaurateur,  il  fut  d'abord,  comme  Lan- 
delle,  l'hôte  du  Caveau,  et  son  nom  figure  plus  d'une 
fois  dans  les  chansons  d'Albert  Montémont,  Festeau, 
Van  Cleempute  et  autres  célébrités  chansonnières. 
En  1855,  Jules  AUard  fut  reçu  membre  associé  du 
Caveau;  il  devint  membre  titulaire  en  1864. 

Voici  les  paroles  prononcées  sur  sa  tombe  par 
Charles  Vincent  : 

(c  Je  viens,  au  nom  de  la  société  du  Caveau,  dire 
un  adieu  à  l'excellent  camarade  que  nous  venons 
de  perdre. 

«  Allard-Pestel  était  un  artiste  de  race. 

«  Dessinateur  distingué,  il  s'éprit  de  la  fille  d'un 
restaurateur  célèbre,  et  n'hésita  pas  un  instant  à 
laisser  les  pinceaux  pour  les  fourneaux.  Il  en  fut 
largement  récompensé,  car,  en  épousant  M"^  Pestel, 
il  trouva  un  bonheur  qui  ne  s'est  jamais  démenti. 

«  Retiré  des  affaires  avec  une  fortune  laborieu- 
sement acquise,  il  n'oublia  pas  ce  Caveau  dont  il 
avait  été  longtemps  l'hôte  avant  d'en  devenir  le 
convive. 

(i  II  s'y  présenta  avec  des  chansons  dont  la  fran- 
chise et  l'entrain  lui  valurent  le  titulariat,  et  devint 
ainsi  l'un  des  membres  actifs  de  cette  fraternelle 
réunion. 

«  Pendant  ces  dernières  années,  empêché  de  se 
rendre  au  Caveau,  autant  qu'il  l'aurait  voulu,  par 
une  maladie  qui  le  retenait  souvent  chez  lui,  de 
même  que  le  peintre  s'était  fait  restaurateur,  le  res- 
taurateur chansonnier,  le  poète  se  fit  jardinier, 
comme  Alphonse  Karr,  et  sa  collection  de  tulipes, 
une  des  plus  belles  connues,  l'ont  fait  apprécier  de 
tous  les  horticulteurs  émérites. 

«  Allard-Pestel  laissera  un  vide  parmi  nous,  car, 
à  un  esprit  original,  il  joignait  l'allure  gauloise  et 
surtout  la  sincérité.  Ce  que  l'on  peut  ajouter  har- 
diment, et  que  ne  démentiront  pas  ceux  qui  l'ont 
connu,  c'est-à-dire  aimé,  c'est  qu'AUard-Pestel  fut 
non  seulement  un  homme  de  talent,  un  bon  citoyen, 
mais  encore  un  homme  de  cœur,  dans  toute  l'accep- 
tion du  mot. 

«  Adieu,  mon  vieil  ami,  ou  plutôt  au  revoir.  » 


TROISIÈME  CONCOURS  ENTRE  LES  SOLISTES 
Des   Sociétés  Lyriques   au   Tivoli-Vaux-Hall 

LE  DIMANCHE  29  FÉVRIER 

Membres  du  1"  jury  :  MM.  A.  Boïeldieu,  compo- 
siteur; S.  Da-Vid,  compositeur;  BeSès,  compositeur; 
Nicot,  de  l'Opéra;  P.  Strauss,  secrétaire. 

Basses  et  barytons.  —  1°'  prix  :  M.  Pomarède, 


des  Enfants  d'Apollon.  —  2°  prix.  :  M.  Pinguet,  des 
Enfants  de  la  Gaieté.  —  3'  prix  :  M.  Bichelberger, 
des  Enfants  de  Charonne.  —  4'  prix  :  M.  Se  vin,  de 
la  Cour  des  Miracles.  —  Mentions  honorables  : 
MM.  Bertrand,  de  l'Echo  des  Concerts,  Brunel,  de 
l'Avenir  artistique. 

Chanteuses  légères.  —  2°'  prix  :  M°"  Trottin, 
des  Gais  Momusiens,  M"°  Renaud,  des  Gais  Pari- 
siens, M"'  Lardener,  de  la  Nationale.  —  3°'  prix  : 
MM"""  Weykmans,  de  la.  Lyre  amicale;  Smith,  de 
l'Echo  des  Concerts;  Aline,  de  l'Union  Parisienne. 

TÉNORS  LÉGERS  :  MM.  Chapini,  de  l'Avenir  artis- 
tique; Lacombe,  de  la  Lyre  Méridionale.  —  2°  prix  t 
M.  Noël  de  la  Lyre  des  Travailleurs.  —  3"^  prix  : 
MM.  E.  Kock,  des  Enfants  delà  Seine;  Mituret, 
des  Gais  Momusiens  ;  Raphaël,  de  la  Cour  des  Mi- 
racles ;  Chaillé,  de  la  Lyre  Joyeuse.  —  4°  prix  : 
M.  Seleux,  des  Enfants  du  Nord.  —  Mentions  hono- 
rables :  MM.  Labor,  de  la  Lyre  Méridionale  ;  Y exler,. 
de  la  Mandoline  ;  Perrin,  de  la  Gaieté  de  Montmartre  ; 
Pacot,  des  Amis  de  la  gaieté  de  Montmartre;  Bonnet, 
de  l'Avenir  artistique;  Contout,  du  Cercle  Béranger. 
Membres  du  2"  jury  :  MM.  Aurel,  Barnold^ 
Piter,  Hermann  et  F.  Strauss. 

Comiques  de  genre  (Dames).  —  1"  prix  :  M"°  Ma- 
thilde  de  l'Echo  des  concerts.  —  2°  prix  :  M  Herstin, 
de  la  Muse  Gauloise.  —  3°^  prix  :  M"°'  Berthe,  de  la 
Capricieuse, Destignj,  des  Gais  Parisiens.  —  4°  prix: 
W"  Speltjiens  de  l'Harmonie  du  V"  arrondissement. 
—  Mention  honorable  :  M"^  Ludwig,  de  la  Muse 
Gauloise. 

Dimanche  21  mars,  distribution  des  récompenses, 
Grande  Salle  des  Fêtes,  au  Palais  du  Trocadéro, 
avec  le  concours  d'artistes  éminents,  de  Sociétés  de 
symphonie,  d'harmonie  et  des  premiers  prix  du 
Concours. 

Voir  les  grandes  affiches . 

Une  quête  sera  faite  au  profit  de  la  Statue  de 
Béranger. 

Nous  rendrons  compte  de  cette  grande  solennité, 
et  nous  publierons  le  compte-rendu  des  membres  du 
jury  sur  le  concours. 

Prix  des  places  :  Loges,  5  fr.  Fauteuils,  3  fr.. 
Stalles  de  Galerie  et  de  Tribune  2  fr.  Les  billets  qui 
seront  pris  d'avance  dans  les  sociétés  ou  au  siège  du 
Comité  (II,  Place  de  la  République)  Fauteuils  1  fr.  50 
Stalles  de  Galerie  et  de  Tribune  1  fr. 

N.-B. —  Un  service  spécial  d'Omnibus  à  prix  réduit,, 
aller  et  retour,  pour  le  Trocadéro,  partira  de  la  Place 
de  la  République,  11  {Maison  Orange). 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  grande  soirée  donnée  le  25  février  par  la- 
Fantaisie  Lyrique  au  bénéfice  d'un  de  ses  membres, 
a  été  des  plus  brillantes. 

La  Revanche  de  Fortunia,  opérette  en  un  acte  a 
été  jouée  d'une  façon  remarquable  par  MM.  "Waast 
et  Ville  de  l'Union  Lyrique. 

Changement  de  Garnison,  vaudeville  en  un  acte 
interprété  par  M"'  Georges,  MM.  Bayer,  Bertinot 
et  Giboulot  a  fait  grand  plaisir  et  a  été  fort  applaudi. 

M.  Waast  est  très-amusant.  M.  Ville,  un  comique 
de  talent  a  obtenu  un  franc  succès  dans  Qu'est-ce  que 
tu  prends?  Notre   collaborateur  Bertinot  a  soulevé 


LA  CHANSON 


175 


une  hilarité  générale  avec  Za  Bête  à  Jeanjean,  chan- 
sonnette comique  dont  il  est  l'auteur. 

La  charmante  M"°  Marguerite  chante  Violettes  et 
Jeunes  Filles  très-agréablement.  Une  bonne  note 
aussi  à  MM.  Cooper  frères,  Boivin  et  Bayer  qui  ont 
fait  de  leur  mieux.  La  Fantaisie  Lyrique,  que  nous 
ne  connaissions  pas  encore,  tient  ses  soirées  tous  les 
lundis  à  la  grande  Brasserie  Strasbourgeoise,  166, 
boulevard  Magenta. 

Nous  lui  souhaitons   bonne   chance  et  prospérité. 

Le  samedi  28  février,  la  Lyre  Joyeuse,  présidée 
par  M.  Chaillé,  donnait,  dans  les  salons  du  Petit 
Trion,  un  superbe  banquet  de  75  couverts.  Au  des- 
sert, le  président  a  porté  un  toast  aux  dames,  à 
l'avenir  de  la  société  et  à  la  prospérité  du  journal 
La  Chanson  ainsi  qu'à  son  directeur  {la  Lyre  Joyeuse 
avait  invité  ce  dernier  à  cette  fête  toute  de  famille 
où  la  gaité  était  sur  tous  les  visages).  Après  le  toast, 
M.  Chaillé  a  chanté  l'air  d'Haydée,  M"''  Maria  a 
chanté  d'une  superbe  voix  Chaleauiiun,  M.  Leroy  a 
chanté  un  couplet  d'à-propos  pour  le  président. 
M.  Cahors  avait  fait,  lui,  une  chanson  sur  l'air  de 
Biribi,  mon  ami,  qui  a  été  fort  applaudie.  M"''^  Cécile 
et  Célina  ont  eu  leur  part  de  succès.  D'autres 
personnes  dont  les  noms  nous  échappent,  on  le 
comprendra  facilement,  ont  pris  part  au  chant.  Le 
président  a  clos  cette  période  par  Je  ne  veux  plus 
fumer,  qu'il  a  dit  dans  la  perfection  ;  puis  la  danse  a 
commencé  pour  ne  finir  qu'à  7  heures  du  matin. 
De  pareilles  réunions  ne  peuvent  laisser  que  de  bons 
souvenirs  à  tous  ceux  qui  y  ont  assisté. 

H.  MALLET. 

Les  GaisMomusiens,  M.  Leroux  président,  donnaient 
le  1"'  mars  leur  soirée  mensuelle  avec  grand  éclat 
et  devant  un  auditoire  nombreux.  Après  une  brillante 
ouverture  du  pianiste,  M.  Marins  Fontaine,  M.  Pou- 
dras ouvre  la  séance  des  chants  par  une  romance, 
et  obtient  de  grands  applaudissements.  M.  Michel 
met  tout  le  monde  d'humeur  joyeuse  avec  Z)o«îie2- 
vous  la  peine  d'entrer,  qu'il  chante  avec  finesse. 
M"°  Elisa,  qui  possède  une  jolie  voix,  chante  Bois 
avec  l'Amour  avec  un  vif  succès.  M.  Georges 
recueille  de  nombreux  bravos  avec  deux  tyroliennes, 
■/'  suis  pas  content,  et  Va  t' asseoir.  Nous- sommes  heu- 
reux de  constater  les  grands  progrès  qu'a  faits 
M"°  Henriette,  elle  détaille  très- gentiment  les  Sou- 
venirs de  voyage.  M.  Brunel,  une  forte  basse,  a  eu 
beaucoup  de  succès  dans  le  Clocheteur  de  Nuit. 
M"°°  Acheray  chante  très-gaillardement  :  Il  était 
Caporal.  De  Fil  en  Aiguille,  vaudeville  en  un  acte, 
a  été  joué  convenablement  par  M"°  Marie  et  M.  Mo- 
reau. 

Le  public  a  fait  une  véritable  ovation  à  M"°  Julia, 
de  la  Renaissance;  elle  a  chanté  avec  beaucoup  de 
sentiment  :  La  République  fait  son  nid  et  le  Déjeuner 
sur  l'herbe.  N'oublions  pas  l'amusant  Monnier  qui  a 
provoqué  un  rire  général  avec  une  bonne  chan- 
sonnette de  son  répertoire. 

Petite  Bête  vit  encore,  opérette  en  un  acte,  a  été 
très-lestement  enlevée  par  M"°  Prieur  et  le  comique 
Monnier. 

Alfred  BERTINOT. 

Le  dimanche  21  mars,  à  8  heures  du  soir.  Hôtel 
de  l'Union  des  Chambres  syndicales,  10,  rue  de 
Lancry,  les  Amis  de  la  Seine  donneront  une  Soirée 
avec  le  concours  d'artistes  des  Concerts  de  Paris  : 
MM.  Debailleul,  Lebassi,  Cousin,  X.  etc.,  etc.,  et  de 


l'harmonie  La  Jeune  France,  dirigée  par  M.  Boscher. 

La  Société  lyrique  La  Renaissance  donnera  le 
dimanche  4  avril,  à  1  heure  I;2  une  grande  matinée 
au  théâtre  de  Belleville,  avec  le  concours  d'artistes 
des  théâtres,  concerts  et  sociétés  lyriques  de  Paris. 

Nous  en  parlerons  plus  longuement  dans  notre 
prochain  numéro. 

Le  3  avril,  la  Société  La  Lyre  de  la  Gaieté,  18,  rue 
Descartes,  donnera,  sous  la  présidence  de  M.  Leti- 
rand,  une  soirée  extraordinaire  au  profit  de  la 
statue  Béranger. 

Nous  avons  annoncé  que  la  Société  lyrique  La 
Lyre  Amicale  de  Paris,  Président  M.  Dupont,  tenant 
ses  réunions  chaque  dimanche.  Grand  Café  Pygma- 
lion,  boulevnrd  Sébastopol  n°  6,  organisait  un 
Concert  pour  la  statue  de  Béranger  ;  nous  sommes 
heureux  de  faire  connaître  que  cette  société  donnera 
en  effet  le  Lundi  5  A  vril,  une  soirée  tout  à  fait  extra- 
ordinaire avec  le  concours  de  véritables  artistes  et 
chanteurs  distingués. 

Nous  rendrons  compte  dans  notre  prochain  nnméro 
de  la  soirée  de  la  Cordiale  au  profit  de  la  statue  de 
Béranger,  et  delà  soirée  d'inauguration  de  la  Société 
L'Escholière,  présidée  par  M.  Gouget.  Les  dimanches, 
jeudis  et  samedis,  91,  rue  de  Seine,  café  Hubert. 
Henry  MALLET. 

En  visitant  incognito  les  sociétés  lyriques  nous 
nous  sommes  arrêté  dimanche  dernier  au  Cercle 
Mozart  où  nous  n'avons  pas  entendu  moins  de 
25  morceaux  dans  l'espace  de  deux  heures  I  Les 
noms  qui  s'ofl'rent  les  premiers  sous  notre  plume 
sont  ceux  de  MM.  Mercier,  Dufoulon,  Monnier, 
Constant,  Gustave,  Jules  l"'. 

M.  Jules  2°  ferait  bien  d'apprendre  ses  pièces  à 
l'avance,  et  M.  Remy  devrait  s'apercevoir  qu'il 
chante  un  ton  trop  haut.  M.  Henry  est  sobre  de 
gestes  mais  il  chante  agréablement.  M"°  Louise 
chante  gentiment  La  Mansarde  de  l'Ouvrière  et 
M.  Auguste  roucoule  avec  intelligence  l'air  de  Mar- 
tha.  M.  Etienne  s'est  cru  obligé  de  nous  chanter  sept 
couplets  d'un  ton  monotone  mais,  en  revanche, 
M.  Notaris,  donne  la  note  juste  et  promet  un  bon 
comique  pour  l'avenir.  La  timide  M"°  Virginie  a 
détaillé  d'une  voix  sympathique  La  C hanibrette  de 
Garçon.  M.  Jules  Raux  rappelé  bruyamment  par  les 
spectateurs  a  du  redire  le  cinquième  couplet  de  son 
originale  chanson  jl/<'aot<,  qu'il  chante  dans  la  perfec- 
tion. Invité  à  se  faire  entendre  une  seconde  fois. 
M.  Jules  Raux  a  dit  avec  un  charme  touchant  la 
romance  de  Mignon.  M""  Louise  est  remarquable  de 
bon  goût  lorsqu'elle  chante  discrètement  Finissez  et 
Laissez-moi. 

MARCELLIUS. 


CHOSES     &    AUTRES 


Nous  publions  avec  plaisir  la  lettre  suivante  : 
Notre  théâtre^  mon  cher  monsieur  Patay,  vient  d'obtenir 
un  nouveau  succès,  et  très-vif.  Depuis  le  commencement  de 
ce  mois,  il  donne  Belleville  en  iSSO,  revue  prophétique 
bourrée  de  rondeaux  spirituels  et  de  couplets  alertes.  Michel 
Bordât,  l'auteur,  est  coutumier  du  fait.  I/instruction  gra- 
tuite, le  divorce,  les  asiles  pour  la  vieillesse,  et  autres 
desiderata  de  la  démocratie,  défilent  devant  le  spectateur 
comme  des  réalités.  Plus  d'armée  !  l'Etat  et  l'Eglise  séparés  ! 
Quel  rêve  !  Mais  dans  dix  ans  on  voit  tant  de  choses.  Gaudin, 


176 


LA  CHANSON 


le  comique  plein  de  rondeur,  est  d'un  ébahissement  commu- 
nicalif,  et  M™"  Rolland  prête  au  personnage  de  Belleville 
son  entrain,  sa  voix  et  sa  gaminerie.  Un  détail  que  je  ne 
dois  pas  oublier,  c'est  l'hommage  rendu  au  journal  La 
Chanson,  grâce  à  l'initiative  duquel  s'élève  —  l'auteur  parle 
toujours  au  présent  —  dans  le  square  du  Temple,  la  statue 
de  Béranger.  Vous  jugez  des  applaudissements.  Et  là  dessus 
Belleville  débite  avec  esprit  deux  couplets  de  la  chanson 
Béranger  et  sa  Statue,  insérée  au  n«  16,  du  16  mars  1879. 
J'ai  pensé  que  ce  petit  compte  rendu  vous  ferait  plaisir,  et 
à  vos  lecteurs. 

UN  BELLEVILLOIS. 

Vient  de  paraître  à  notre  librairie,  18,  rue  Bona- 
parte, Vous,  Valse  chantée,  paroles  et  musique  de 
M.  L.  P.  Cette  Valse  chantée  obtient  de  jour  en  jour 
un  véritable  succès  dans  les  salons. 

Le  banquet  des  anciens  élèves  de  l'Ecole  Turgot 
se  tenait  cette  année  dans  V Hôtel  Continental. 

A  l'issue  du  repas,  après  le  toast  d'usage,  une 
soirée  intime  a  été  organisée,  dans  laquelle  se  sont 
fait  entendre  M.  Chapuis  qui  chante  avec  grâce  Le 
Déjeuner  sur  l'herbe,  et  récite  avec  beaucoup  de  tact 
La  Nuit  terrible;  M.  Leguernic  qui  développe  avec 
énergie  l'air  du  Pardon  de  Ploërmtl  ;  M.  Picard 
qui  récite  avec  un  sentiment  charmant  et  commu- 
nicatif  La  Bonne  Fortune  d'Alfred  de  Musset. 

Dans  deux  genres  différents,  M.  Baillion  s'est 
montré  également  heureux,  d'abord  avec  les  Ecre- 
«ïsses  de  J.  Normand,  ensuite  avec  \e  Naufragé  àe 
Coppée. 

M.  Jules  Raux  a  interprété  les  trois  compositions 
de  son  répertoire,  Miaou,  Gentil  Lutin  et  T en  raffole, 
avec  lesquelles  il  remporte  un  succès  continu.  La 
Chanson  bachique  d'Hamlet  a  été  chantée  artis- 
tement  par  M.  Bonjean,  du  Théâtre  Lyrique. 

Pour  paraître  incessamment  : 

Les  Œillets,  poésies,  par  M.  Marins  Pouget, 
rédacteur  en  chef  de  La  Jeunesse,  directeur  de 
l'Union  des  Jeunes.  Ce  volume,  qui  sera  vendu  en 
librairie  3  fr.  50,  est  offert  en  prime  aux  abonnés  de 
La  Chanson  pour  2  fr.  50.  —  S'adresser  au  bureau 
du  journal,  ou  à  M.  Marius  Pouget,  rédacteur  en 
chef  de  La  Jeunesse,  à  Périgueux. 

L'Académie  Mont-Réal  de  Toulouse  a  l'honneur 
d'informer  MM.  les  Poètes  et  Littérateurs  de  France 
que  les  sujets  imposés  pour  le  grand  concours 
de  1880  sont  :  1°  Première  section,  Poésie,  Ode  à 
Molière  (100  vers  au  plus),  et  2°  Troisième  section, 
Prose  (200  lignes  au  plus).  Eloge  de  l'abbé  de  VE-pée, 
bienfaiteur  des  sourds-muets. 

Les  manuscrits  seront  reçus,  12,  place  Roubaix, 
à  Toulouse,  du  l"'  mai  au  1"  septembre  1880. 

Nous  recommandons  à  nos  lecteurs  qui  s'inté- 
ressent à  la  question  du  divorce  la  brochure  de 
M.  Georges  Berry  :  Moralité  du  divorce.  Prix  1  franc, 
chez  tous  les  libraires. 


La  Jeunesse  va  faire  paraître  prochainement 
comme  organe  de  l'Union  des  /eu/ies,  un  journal 
hebdomadaire  l'.ivenir  Litté7'aire;  les  collaborateurs 
de  la  Jeunesse  lui  ayant  promis  déjà  leur  concours, 
c'est  un  nouveau  succès  certain. 


L'Académie  des  Muses  Santones  organise  pour 
l'année  courante  deux  Concours  dont  l'un  mérite 
surtout  d'appeler  l'attention  des  littérateurs. 

L'Académie  fera  imprimer  à  ses  frais  le  meilleur 
des  recueils  de  vers  qui  lui  seront  présentés . 

Les  manuscrits  devront  contenir,  en  une  ou  plu- 
sieurs poésies,  800  vers  au  moins  et  1500  au  plus. 

L'ouvrage  couronné  sera  imprimé  à  500  exem- 
plaires, —  édition  de  luxe.  —  A  moins  que  sa 
disposition  ne  s'y  oppose,  il  sera  blanchi  de  façon  à 
former  un  volume  d'environ  150  pages. 

350  exemplaires  seront  mis  à  la  disposition  de 
l'auteur,  et  150  resteront  acquis  à  l'Académie. 

Les  manuscrits  devront  être  expédiés,  d'ici  le 
30  Avril  1880,  à  M.  Victor  Billaud,  Secrétaire  de 
l'Académie  des  Muses  Santones,  à  Royan  (Charente- 
Inférieure). 

Amiati,  la  sympathique  artiste,  a  fait  sa  rentrée 
à  YEldorado  en  créant  Patrie,  stances  patriotiques 
de  M.  Charles  Canivet,  musique  de  M.  Kœning,  de 
YOpéra.  La  vaillante  artiste  a  été,  comme  toujours, 
accueillie  par  de  chaleureux  bravos  que  lui  mérite 
bien  sou  réel  talent. 


Salon  des  Vendanges  de  Bourgogne,  14,  rue  de 
Jessaint  {La  Chapelle),  Paris.  —  Grande  Soirée- 
Goguette,  donnée  le  mercredi  24  mars  1880,  à 
huit  heures  du  soir,  parla  LICE  CHANSONNIÈRE, 
dans  le  local  ordinaire  de  ses  banquets,  sous  la 
direction  du  Bureau  de  la  Société,  Hyppolyte  Ryon, 
président,  au  bénéfice  de  la  souscription  pour  élever 
une  Statue  a  Béranger. 

Deux  Concours  de  chansons  :  1°  Sujets  libres; 
2°  Sujets  patriotiques.  ■ —  Trois  prix  pour  le  premier 
concours,  dont  un  de  douze  volume,  et  trois  pour  le 
deuxième,  dont  les  Chants  du  Soldat,  offerts  par 
l'auteur  M.  Paul  Deroulède,  avec  autographe,  seront 
décernés  par  un  Jury,  nommé  à  l'ouverture  de  la 
soirée.  Les  pièces  couronnées  seront  insérées  dans 
le  journal  La  Chanson. 

A  10  heures,  La  Chanson  pendant  la  Révolution, 
causerie  par  Eugène  Baillet,  trésorier  de  la  Société. 

La  Lice  Chansonnière  convie  fraternellement  la 
vieille  et  la  jeune  Goguette  à  cette  soirée.  —  Tous 
ceux  qui  ont  conservé  le  culte  de  la  vraie  chanson 
française,  dont  Béranger  est  resté  la  personnifica- 
tion et  le  maître,  auront  à  cœur,  en  assistant  à  cette 
fête,  d'apporter  leur  obole  pour  l'érection  de  sa 
statue. 

Prix  d'entrée  :  50  centimes  par  personne. 

Les  pièces  de  concours  seront  reçues  au  siège  de 
la  Société,  rue  de  Jessaint,  jusqu'à  8  heures,  et  chez 
le  secrétaire,  Charles  Péan,  96,  faubourg  du  Temple, 
qui  recevra  également  les  souscriptions  de  ceux  qui 
ne  pourraient  assister  à  cette  soirée. 

Les  dames  y  seront  admises. 

N.-B.  —  Les  pièces  de  concours  sont  aussi  reçues 
aux  bureaux  du  journal  La  Chanson. 

Par  une  décision  spéciale,  les  membres  de  la 
Lice  Chansonnière  ne  pourront  pas  concourir. 


Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


3«  ANNEE.  —  N°  41. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


1"  AVRIL  1880. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.     PAT A Y 


Il  est  rendu  compte  de  tout 
ouvrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1^^  <5c  le  16  de  chaque  mois 

Les  Abonnements  partent  du4er  Mai  &  du  1er  Novembre 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  . . . 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  ingérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  &  REDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,   18 


RÉDACTEUR   EN    ChEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

»        six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


so:M:3yi:.A.iE,E 


Solennité  du  Trocadéro,  Discours  de  M.  Alfred  Leconte.  — 
Un  Candidat  (eug.  imbert).  —  Au  coin  d'  la  Ru'  d'  la  Lune 
(louis  cabillaud).  —  Ya  qu'un  pays  com?n'  ça  dans  V 
monde  (oeorges  baillet).  —  Huitième  Concours  de  La 
Chanson  :  Chez  Lisette  (dénis  langat).  —  Société  des  Auteurs, 


Compositeurs  et  Editeurs  de  musique  (robert   garnier).  — 
Compfe-rendu  (a.  patay).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques 

(ALBERT  BERTINOT,  J.-C.  T.,  JULES  RAUX,  X.,  E.  LBOBNTIL, 

L.  T.).  —  Choses  et  autres. 


SOLENNITÉ     DU    TROCADÉRO 

Distribution   des  prix   aux   Lauréats    du  premier    Concours    des    Sociétés    lyriques 

DlSCOUIiS  D'OLlVEirrUBE  par  .Vlfred  Leconte,  député  de  l'Indre,  président  d'iionnem- 


Mesdames,  Messieurs, 

En  nous  reportant  à  une  statistique  .sur  les 
sociétés  chantantes  et  les  goguettes,  qui  remonte  à 
trente  ans,  on  trouve  qu'il  y  avait  clans  Paris  et  la 
banlieue  un  nomlire  considérable  de  sociétés  chan- 
tantes autorisées  et  de  goguettes.  La  statistique  se 
continuant,  on  arrivait  à  un  chiffre  de  15,200  chan- 
sons nouvelles  qui  s'y  chantaient  annuellement.  En 
ajoutant  à  ce  chiffre  les  chansons  de  circonstance 
faites  par  les  amateurs  pour  les  noces,  fêtes  et 
baptêmes  ou  autres  solennités,  on  trouvait  que  Paris 
fournissait  à  lui  seul  la  matière  de  300.000  chansons  ; 
que  la  France  avait  une  moyenne  de  500,000  chan- 
sons. Cela  justifie  bien  le  mot  de  Bériinger  :  La 
chanson  est  une  plante  indigène. 

Cette  statistique  est  exacte,  tant  exagérés  qu'en 
semblent  les  chiffres.  Le  vent  de  la  liberté  qui  avait 
soufflé  en  1848,  avait  fait  éclore  beaucoup  de  ces 
sociétés.  Le  despotisme  impérial  fut  pour  elles  un 
terrible  faucheur  qui  les  détruisit.  La  chanson  vive 
et  luronne,  toujours  frondeuse  par  son  essence  même, 
n'en  mourut  pas,  mais  elle  se  concentra  entre 
d'intimes  amis  qui  en  conservèrent  la  tradition  ;  les 
•goguettes  disparurent,  quelques  sociétés  chantantes 
survécurent  à  la  condition  de  rester  respectueuses 
ou  flatteuses  à  l'endroit  du  pouvoir  qui  s'était  imposé 
à  la  France  par  la  violence  et  la  terreur. 

La  censure,  cette  arme  perfide,  compagne  de  la 
tyrannie,  aiguisa  ses  grands  ciseaux  et  ne  ferma  les 
yeux  que  sur  les  banalités  parfois  grossières  des 
cafés-concerts  ou  les  fadaises  insipides  qu'on  y 
débitait,  au  grand  regret  des  chanteurs  et  souvent 
du  public.  C'était  un  poison  qu'on  versait  sur  la 
chanson  et  dans  les  cœurs,  pour  amoindrir  les  uns 
et  faire  atrophier  l'esprit  des  autres. 

La  censure  existe  encore,  on  dirait  qu'Anastasie 
est  immortelle.  C'est  à  nous  de  lui  fermer  la  bouche 
et  les  yeux  par  la  direction  même  de  nos  aspirations 
dans  les  jouissances  littéraires,  si  chères  à  tous  les 


hommes  d'esprit  et  de  cœur.  Ne  croyez  pas  qu'elle 
soit  endormie,  les  velléités  tyranniques  la  trouvent 
bien  vite  sur  ses  pieds  et  dans  les  orages  passagers  du 
24  et  du  16  mai,  les  sociétés  chantantes  qui  avaient 
pu  se  reconstituer  se  sentaient  plus  ou  moins 
menacées. 

Aujourd'hui  que  la  République  est  sortie  de  ses 
langes,  aujourd'hui  qu'elle  déploie  ses  forces,  qu'elle 
grandit  chaque  jour  nous  apportant  dans  les  plis  de 
sa  robe  les  généreux  élans  de  la  liberté  et  de  l'indé- 
pendance, la  chanson  sent  aussi  grandir  ses  ailes, 
s'épanouir  ses  traits  et  choisit  enfin  les  sujets  si 
divers,  qui  conviennent  si  bien  à  ses  allures  hardies 
ou  égrillardes,  mais  toujours  pleines  de  cœur  au  fond 
et  souvent  pleines  d'esprit  : 

Elle  a  grandi  la  chansonnette  ; 
lîéi'anger  para  ses  atours, 
Helit  sa  jupe  et  sa  muselle. 
Quoique  grande  elle  rit  toujours. 

Son  but  suprême  et  idéal,  amuser  et  instruire,  se 
manifeste  par  des  traits  qui  passent  rapides  et 
doivent  briller  comme  une  fusée  étincelante  et  fugi- 
tive comme  elle.  Sa  nature  même  ne  comporte  pas 
les  longueurs,  il  lui  faut  la  vivacité  du  trait  qui 
frappe  avec  la  promptitude  de  l'éclair. 

La  chanson,  aimée  partout,  convient  particu- 
lièrement à  notre  tempérament  gaulois,  gai,  vif, 
frondeur  et  malin.  Enfin,  quoiqu'on  fasse  on  ne  la 
tuera  jamais  en  France.  Aussi,  vous  le  voyez,  c'est 
elle  qui  est  la  cause  première  de  la  solennité  de  ce 
jour.  La  goguette  a  donné  naissance  aux  sociétés 
lyriques,  l'art  se  multipliant  est  venu  lui  porter  son 
concours  et  rien  n'est  plus  édifiant  que  de  voir  les 
hommes  de  bureau  ou  de  l'atelier  se  grouper  en 
famille  à  des  dates  fixes  dans  de  joyeuses  réunions, 
s'y  exercer  dans  des  joutes  intelligentes  et  artis- 
tiques, y  développer  le  goût  inné  que  des  applau- 
dissements encouragent. 

Qui  pourrait  nier  qu'un  jour  deces  luttes  amusantes 


178 


LA  CHANSON 


ne  sortiront  pas  de  grands  ai'tistes;  n'en  est-il  pas 
déjà  qui  ont  ainsi  débuté  ? 

Toutes  les  espèces  du  genre  s'y  déploient  et  s'y 
coudoient  ;  la  chanson,  la  chansonnette,  la  romance, 
la  gaudriole,  la  charge,  la  parodie,  le  vaudeville, 
les  grands  airs,  sous  les  mille  formes  que  prend 
l'esprit  pour  se  faire  jour  et  briller.  Mais  U  ne  faut 
pas  omettre  un  point  qui  lui  donne  toujours  du  relief, 
c'est  que  l'esprit  ne  doit  jamais  oublier  le  cœur.  C'est 
ainsi  qu'on  arrive  par  l'art  à  moraliser  et  faire  de 
nous  des  êtres  meilleurs. 

L'art  est  le  culte  de  l'idéal,  ne  perdons  pas  cela 
de  vue. 

Il  y  a  dans  l'art  un  point  de  perfection  comme  de 
bonté  ou  de  maturité  ;  celui  qui  le  sent  et  qui  l'aime 
a  le  goût  parfait  ;  celui  qui  ne  le  sent  pas  et  qui  aime 
en  deçà  ou  au  delà  a  le  goût  défectueux.  Il  y  a  donc 
un  bon  et  un  mauvais  goût  et  l'on  dispute  des  goûts 
avec  fondement.  Ce  que  La  Bruyère  a  écrit  pour  les 
grands  ouvrages,  il  faut  aussi  l'appliquer  aux  petits  : 
tout  ce  qui  tend  à  l'idéal  se  manifeste  par  l'art. 

Durant  les  concours  dont  nous  couronnons  les 
lauréats  aujourd'hui,  toutes  les  espèces  de  la  chanson 
se  sont  étalées  avec  plus  ou  moins  de  délicatesse  et 
on  peut  être  un  délicat  même  dans  le  burlesque  dont 
cependant  il  faut  être  très-sobre.  C'est  la  première 
fois  qu'un  pareil  concours  a  lieu.  C'est  une  innovation 
heureuse  qui  donnera  des  fruits.  C'est  un  progrès 
réalisé  qui  en  suppose  un  autre  antérieur,  l'organi- 
sation des  sociétés  lyriques  entées  sur  les  goguettes. 
Le  progrès  est  la  vie  des  peuples,  comme  le  mou- 
vement affirme  la  vie  de  l'animal. 

C'est  pour  encourager  ce  progrès  que  le  concours 
a  été  établi.  L'amour  des  arts  s'implantant  chaque 
jour  davantage  dans  nos  goûts,  dans  nos  mœurs, 
dans  nos  habitudes,  nous  ne  demandons  pas  comme 
les  Romains  de  la  décadence  Panem  et  circences, 
leurs  distractions  étaient  cruelles  puisque  le  sang  y 
coulait  à  flots  ;  nous  demandons  mieux.  Après  le 
travail  il  nous  faut  les  jouissances  intellectuelles 
et  morales  ;  c'est  la  religion  de  l'avenir,  car  l'art 
touche  au  divin  et  l'art  doit  y  trôner.  C'est  le  seul 
trône  que  comporte  la  République. 

Je  m'arrête,  et  je  termine  en  vous  félicitant,  vous 
tous  qui  avez  pris  part  aux  concours  et  particu- 
lièrement vous,  Mesdames,  qui  avez  bien  voulu  vous 
mêler  à  la  lutte. 

N'oublions  pas  que  la  société  de  l'avenir  rapproche 
de  plus  en  plus  par  l'éducation  et  le  savoir  les 
hommes  et  les  femmes  et  qu'ainsi  se  réalisera  un 
progrès  immense  et  édifiant;  car  la  présence  de  la 
femme  dans  les  sociétés  y  impose  à  l'homme  le 
respect  et  la  tenue.  Nous  vous  remercions  donc  de 
vous  mêler  à  nous.  — Que  votre  exemple  se  mul- 
tiplie. 

Vous  allez,  chacun  des  lauréats,  recevoir  la  récom- 
pense que  vous  méritez  ;  qu'elle  soit  un  encoura- 
gement pour  vous  et  un  stimulant  pour  les  concur- 
rents qui  n'ont  pu  arriver  au  but  désiré.  Mais 
n'oubliez  pas,  les  uns  et  les  autres,  que  si  vous  voulez 
mériter  le  nom  d'artiste,  il  vous  faut  une  persévérance 
tenace  et  un  travail  constant. 

Enfin,  messieurs  les  membres  du  Jury,  au  nom  des 
sociétés  lyriques,  je  vous  adresse  les  plus  sincères 
et  chaleureux  remerciements.  Votre  présence  aux 
concours,  vous  qui  êtes  des  maîtres  ès-arts,  leur 
donne  un  vif  éclat  et  devient  un  stimulant  pour  les 
amateurs  qui  viennent  devant  vous   exposer  leurs 


talents  acquis,  incomplets  mais  souventprimesautiers. 
Ce  premier  concours  no  s'arrêtera  pas  là,  je  le  sais, 
et  grâce  à  votre  initiative,  à  votre  dévouement,  à 
vos  leçons  généreuses,  il  sera  suivi  de  nouvelles 
luttes  artistiques  qui  deviendront  de  plus  en  plus 
brillantes.  Merci  donc,  pour  votre  zèle  et  votre 
sympathie. 

Merci  également  à  vous,  messieurs lesorphéonistes, 
qui  agissez  fraternellement,  en  mêlant  vos  chants 
harmonieux  aux  bravos  mérités  par  les  lauréats. 
C'est  un  acte  courtois  que  vous  faites  là  :  «  Amour  se 
paie  par  amour.  «  Les  sociétés  lyriques  vous  ren- 
dront la  réciprocité,  quand  vous  ferez  appel  à  leur 
talent  pour  vos  solennités.  Ainsi  les  arts  créent  un 
lien  fraternel,  c'est  un  de  leurs  beaux  privilèges. 

Ils  nous  donnent,  de  plus,  une  occasion  de  remer- 
cier, au  nom  de  toutes  les  Sociétés  lyriques,  et  je  sens 
que  je  suis  leur  interprète  sincère,  M.  Delaporte,  le 
premier  initiateur  du  Concours  et  messieurs  les 
présidents  de  plusieurs  de  vos  sociétés  lyriques, 
dévoués  comme  lui  à  la  cause  de  l'art  populaire,  qui 
se  sont  groupés  autour  de  lui. 

Vous  le  voyez,  messieurs,  les  maîtres  donnent 
l'exemple.  C'est  une  route  généreuse  qu'ils  vous 
ouvrent,  suivez-les  ;  vous  ,y  trouverez  du  charme  au 
milieu  des  difficultés  de  l'étude  et  la  joie  de  prendre 
un  sentier  qui  conduit  vers  le  beau,  vers  le  bien, 
ce  but  suprême  de  la  vie  intelligente  et  morale. 


UN    CÂNDJDAT   (') 


Air  :  Ah,  ma  chère,  il  m'a  fait  des  traits. 

Pauvre  proscrit,  je  rentr'  dans  ma  patrie, 

Et  je  n'  suis  pas  fâché  de  la  revoir 

Pour  consacrer  à  cette  mèr'  chérie 

Les  p'tits  talents  qu'à  coup  sûr  j'  dois  avoir. 

Pendant  deux  mois  j'ai  servi  la  Commune  ; 

Ce  dévouement  aujourd'hui  m'  sera  compté. 

Sur  cinq  cents  plac'  c'est  l' moins  qu'  j'en  réclame  une  : 

Citoyens,  fait'-moi  député. 

Citoyens  {bis),  fait'-moi  député  {bis). 

Embrigadé  dans  cette  étrang'  milice 
Où  l'on  vidait  moins  de  cartouch'  que  d'  brocs, 
J'  fis  comm'  les  autr'  sans  y  mettr'  de  malice  : 
Pour  trente  sous pouvais-je  être  un  héros? 
Les  Versaillais  s'apprêtaient  à  m'  descendre  ; 
J'avais  1'  dessous  :  je  n'ai  pas  résisté, 
Et  noblement  je  me  suis  laissé  prendre  : 
Citoyens,  fait'-moi  député. 

Vous  n'iriez  pas  donner  votre  suffrage 
Les  yeux  fermés  et  sans  savoir  à  qui. 
Ma  profession.  —  Ouvrier. . .  sans  ouvrage. 
J'  pai4'  peu,  mais  j'  pense  aussi  bien  que  Blanqui. 
De  nos  bourgeois  le  vieil  édifie'  craque, 
Entre  le  rouge  et  le  blanc  cahoté  : 
Pour  que  j'  vous  aide  à  raser  la  baraque, 
Citoyen,  fait'-moi  député. 


(•)  Plusieurs  de  nos  lecteurs  qui  lisent  attentivement  les 
comiites-rendus  du  Caveau  et  de  la  Lice  Chansonnière,  nous 
ont  demandé  de  publier  la  chanson  Un  Candidat,  dont  il  a 
été  parlé  dans  deux  numéros.  C'est  toujours  avec  plaisir  que 
nous  publions  une  œuvre  de  notre  collaborateur  Eugène 
Imbert. 


LA   CHANSON 


179 


Je  veux  qu'  les  homm'  soient  tous  libres,  tous  frères; 

J'y  cours,  le  cœur  joyeux  ; 

Qu'ils  aient  mêm'  part  au  commun  revenu. 

J' l'attends  un'  demi-heure. 

Abolition  des  lois  qui  m'  sont  contraires, 

Puis  une  heure,  puis  deux... 

Du  cod'  pénal  surtout,  qu'  j'ai  trop  connu. 

Désespéré  je  pleure! 

Sur  l'instruction,  l'armée  et  maints  chapitres 

Pauvre  amoureux  transi, 

J'en  dirais  long  et  je  s'rais  écouté  ; 

Hélas  !  sans  voir  ma  brune. 

Mais  j'  viens  d'  là-bas,  c'est  l' meilleur  de  mes  titres  : 

Je  posai  tout'  la  nuit 

Citoyens,  fait'-moi  député. 

Au  coin  d' la  ru'  d'  la  Lune. 

Si  vous  osiez,  messieurs,  par  aventure 

Le  lend'main  je  la  vis 

Chiner  trop  fort  mon  humble  boniment, 

Au  bras  d'un  militaire; 

J'irais  offrir  la  mêm'  candidature 

Tremblant  je  la  suivis 

A  la  candeur  d'un  autre  arrondiss'ment. 

Dans  l'ombre  avec  mystère. 

A  l'est,  au  nord,  au  midi,  je  le  gage. 

Afin  de  liquider 

C'est  en  triomph'  que  je  serais  porté  ; 

Ma  tristesse  importune. 

Mais  je  suis  las  de  mon  dernier  voyage  : 

J'allais  me  suicider 

Citoyens,  fait'-moi  député. 

Au  coin  d'  la  ru'  d'  la  Lune. 

J'  pourrais  avoir,  comme  un  tas  d'  gens  d' la  haute, 

C'en  était  fait  de  moi, 

L'ambition  de  vivr'  de  mes  loisirs  ; 

Lorsqu'une  voix  de  femme 

Mais,  quoique  j'  sois  tout  à  fait  à  la  côte, 

Me  crie  :  «  Arthur,  est-c'-toi? 

En  homm'  prudent,  je  modèr'  mes  désirs. 

«  C'est  moi-même,  madame. 

Je  le  sais  bien,  à  la  session  prochaine. 

Mais  qui  donc  êtes-vous?  « 

Le  rang  d'  ministre  à.  bon  droit  m'eût  tenté... 

«  Je  suis  l'aimable  brune 

Mais  j'  n'ai  jamais  écrit  dans  1'  Pèr'  Duchêne. 

Qui  te  donna  rendez-vous 

Citoyens,  fait'-moi  député. 

Au  coin  d'  la  l'u'  d'  la  Lune.  » 

J'en  vois  pas  mal  qui  dans  1'  silence  et  l'ombre 

«  Comment,  c'est  vous!...  c'est  toi?.,  i) 

Demeurent  cois  pour  se  faire  oublier. 

«  C'est  moi-même  en  personne  ; 

De  ces  cafards  je  n'  grossirai  pas  1'  nombre  : 

J'  viens  te  rendre  ma  foi.  » 

Je  suis  trop  iier  et  j'aim'  pas  l'atelier. 

«  Ah  !  que  vous  êtes  bonne  !  » 

Ce  faux  pardon  qu'on  nous  impose  en  France, 

<c  Je  t'en  prie,  mon  petit  Arthur, 

Je  le  subis  sans  l'avoir  accepté. 

N'  me  garde  pas  rancune  ; 

De  r'commencer  je  garde  l'espérance... 

Je  t'apporte  un  cœur  pur 

Citoyens,  fait'-moi  député  ; 

Au  coin  d'  la  ru'  d'  la  Lune.  » 

Citoyens  (bis),  fait'-moi  député  {bis). 

Au  moment  où  j'  croyais 

Eugène  IMBERT. 

M'envoler  de  la  terre. 

J'appris  qu'  cell'  que  j'aimais 
Etait  épouse  et  mère. 
Nous  ayant  fait  épier. 

AU  COIN  D'  LA  RUE  D'  LA  LUNE 

L'  mari  —  quelle  infortune  ! 
M'  gratifia  d'un  coup  d'  pied 

LÉGENDE    BOUFFE 

Au  c.oin  d'  la  ru'  d' la  Lune. 

Je  n'ai  jamais  connu 

Les  baisers  d'une  mère. 

D' la  patience  à  c't  afi'ront 

Je  n'ai  jamais  reçu 

J'allais  sortir  des  bornes, 

Les  calottes  d'un  père; 

Quand  je  vis,  sur  son  front, 

Ces  braves  gens,  oui-dà. 

S'  dresser  un'  pair'  de  cornes. 

N'avaient  guèr'  de  fortune, 

En  riant,  je  me  dis  : 

Car  on  m'abandonna 

J'  vois  qu'  c'est  pas  pour  des  prunes 

Au  coin  d' la  ru'  d'  la  Lune. 

Qu'on  fit  la  Port'  Saint-Denis 

Au  coin  d'  la  ru'  d'  la  Lune. 

Un  brave  pâtissier. 

Touché  de  ma  misère, 

Moralité 

Voulut  bien  m'adopter. 
Moi,  je  me  laissai  faire. 
A  la  joi'  des  passants. 

La  moral',  mes  amis. 

—  Hélas  !  mon  cœur  en  saigne  !  — 
C'est  qu'amants  et  maris 

Log'nt  à  la  même  enseigne. 
Aussi  je  voudrais  voir 

—  Sans  en  excepter  une  — 

J'  fis,  sans  flatt'rie  aucune, 
Des  brioch's  bien  longtemps 

Au  coin  d'  la  ru'  d'  la  Lune. 

A  seize  ans,  je  ne  sais  où. 

Tout's  les  femm's  pendu's  c'  soir 

J'  rencontre  un'  joli'  femme; 

Au  coin  d'  la  ru'  d'  la  Lune. 

J'en  d'viens  amoureux  fou. 

Re-moralité 

Et  j'  lui  déclar'  ma  flamme. 

De  cet  ange  aux  yeux  doux, 

Mesdam's,  j'  vous  d'mand'  pardon, 

L' lend'main  soir  à  la  brune, 

J'  vous  estime  et  j'  vous  aime. 

J'obtins  un  rendez-vous 

Mais  j'  dis  qu'  rester  garçon. 

Au  coin  d' la  ru'  d' la  Lune. 

C'est  le  bonheur  suprême". 

180 


LA  CHANSON 


J'  sais  des  mai'is  pourtant 
Dont  le  bonheur  sans  lacune 
Va  toujours  en  croissant 
Au  coin  d'  la  ru'  d'  la  Lune. 

Louis  GABILLA.UD. 


A  mon  ami  Jules  ÈCHALIE 


YÂQllTN  PAYS  COMMÇÀ  DANS  L' 

Macédoine  patriotique 


Air  du  vauileville  le  Dîner  de  garçon 

Dans  notre  époque  de  combats 

Et  de  tourmentes  politiques, 

Les  gais  refrains  cèdent  le  pas 

Aux  fiers  couplets  patriotiques  : 

Certes,  le  sujet  que  voici 

En  bien  des  matières  abonde. 

Et  moi,  bon  Français,  Dieu  merci, 

Je  veux  chanter  la  France  aussi  : 

Ya  qu'un  pays  comm'  ça  dans  1'  monde  !.. 

Pour  un  sujet  aussi  profond. 
Ma  forme  est  légère,  sans  doute, 
Mais  de  me  sauver  par  le  fond 
Je  vais  tenter,  coûte  que  coûte  : 
C'est  que,  voyez-vous,  jeune  ou  vieux, 
Qu'on  nous  envie  ou  qu'on  nous  fronde, 
(C'était  ainsi  chez  nos  aïeux), 
En  France,  on  est  toujours  joyeux... 
Ya  qu'un  pays  comm'  ça  dans  1'  monde  !. 

Le  sang  chaud  et  le  teint  fleuri 

Grâce  au  vin  que  son  sol  lui  donne, 

Le  Français,  j'en  fais  le  pari, 

En  bonne  humeur  ne  craint  personne. 

Où  trouverait-on  ici-bas. 

En  effet,  terre  plus  féconde? 

Chez  nous  l'esprit,  à  chaque  pas, 

Fleurit  à  côté  du  chass'las... 

Ya  qu'un  pays  comm'  ça  dans  1'  monde!. 

Le  Français  qu'on  n'oserait  pas 
Taxer,  je  crois,  de  «  nihilisme,  » 
Quoi  qu'il  en  soit,  je  1'  dis  tout  bas, 
Ne  raffoir  guèr'  du  despotisme  ; 
Mais  pour  congédier  ses  rois. 
Point  besoin  que  la  foudre  gronde, 
Avec  un  couplet  dans  la  voix, 
Il  sait  revendiquer  ses  droits... 
Ya  qu'un  pays  comm'  ça  dans  1'  monde!. 

Maintes  cliques,  en  ce  moment, 

S'en  vont  criant  :  à  l'injustice  ! 

Soit  disant  que  1'  gouvernement 

S'oppose  à  leur  moindre  caprice  : 

«  Quoi  !  faudra-t-il  vous  voir  chassés 

((  De  cette  France  furibonde, 

«  Vous  qu'elle  a  si  bien  engraissés 

«  Durant  tant  de  siècles  passés  !  » 

Ya  qu'un  pays  comm'  ça  dans  1'  monde  ! . 

Mais  chez  nous  on  est  bon  enfant  ; 
Craignant  toujours  quelque  méprise, 
Ce  que  l'un,  aujourd'hui,  défend. 
Un  autre,  demain,  l'autorise! 
«  Bons  jésuites,  en  vérité, 


«  Calmez  votre  douleur  profonde, 

K  Ce  que  la  France  a  décrété 

K  N'est  pas  encore  exécuté...  » 

Ya  qu'un  pays  comm'  ça  dans  1'  monde!. 

Mes  amis,  pour  finir  gaîment, 
Suspendons  là  toute  critique, 
Et,  croyez-moi,  pour  le  moment. 
N'ayons  plus  qu'une  politique  : 
Pour  unir  nos  coeurs  et  nos  voix, 
Levons  nos  verres  à  la  ronde. 
Et  buvons  au  vieux  sol  gaulois 
En  répétant  tous  à  la  fois  : 
Ya  qu'un  pays  comm'  ça  dans  1'  monde!. 
Georges  BAILLET. 


HUITIÈME  CONCOURS  MENSUEL 

De  La  Chanson 
PIÈCE    COURONNÉE 

CHEZ  LISETTE 

(Liberté,    Ei/alité,    Fraternité) 


C'est  fête  aujourd'hui  chez  moi,  Lise; 
Et  j'inscris,  voulant  m'égayer. 
Notre  libérale  devise 
Sur  la  porte  de  mon  grenier. 
Là,  présidant,  sans  étiquette. 
Un  monde  vraiment  sans  façons, 
J'accueille  en  gilet,  en  chaussons. 
En  jupons  courts,  même  en  cornette. 
Elle  admet  presque  en  caleçons,  (  j,j_ 
La  république  de  Lisette  * 

Bientôt  un  pas  chorégraphique. 
Léger  comme  un  trot  d'escadron, 
Se  dessine  au  son  harmonique 
D'une  clé  frappant  un  chaudron. 
Alors  saturnale  complète  ! 
Tout  de  fièvre  semble  agité  ; 
Le  lustre  est  soudain  culbuté. 
Et  j'entends  gémir  ma  couchette. 
C'est  la  parfaite  liberté 
Que  la  liberté  chez  Lisette  I 

Furieux,  le  propriétaire 
Grimpe,  de  son  bougeoir  orné; 
Il  dit  bien  haut  qu'il  faut  se  taire. . . 
Il  est  aussitôt  cramponné. 
Roulé  comme  une  pirouette . 
Malgré  son  ventre  et  son  chapeau, 
Dans  un  quadrille  tout  nouveau. 
De  main  en  main  l'on  se  le  jette. 
Et  voici  le  charmant  tableau 
De. l'égalité  chez  Lisette  ! 
De  trinquer  l'on  serait  bien  aise  : 
En  avant  le  roi  des  sirops  ! 
Débouchez  les  litres  à  seize  ; 
Tendez  les  tasses  et  les  pots... 
Je  vois  ces  messieurs  en  cachette 
Boire  à  même  le  flacon  plein  ; 
Nous,  dans  le  verre  du  voisin, 
Mesdames,  faisons  la  sucette. 
Elle  boit  la  part  du  prochain, 
La  fraternité  chez  Lisette. 


LA  CHANSON 


181 


Soudain  quatre  agents  de  police 

Viennent  nous  dire  :  Suivez-nous  ! 

Mimi,  Fanohon,  Rose  et  Clarisse, 

Crins  au  vent,  ont  l'air  de  chiens  fous. 

Paul  perd  sa  manche  de  jaquette; 

Arthur  se  sent  craquer  par  là  ; 

Au  poste,  mis  comme  cela, 

On  nous  mène  finir  la  fête. 

Jamais  l'agent  ne  comprendra  /  /  ■ 

La  politique  de  Lisette  !  ^ 

Denis   LANGAT., 
Viennent  ensuite  : 

Le  Libre  penseur,  de  M.  Paul  Pojaud,  de  Paris; 
On  méprend  souvent  pour  un  autre,  de  M.  Davagner, 
de  Paris. 

SOCIÉTÉ  DES  AUTEURS,  COMPOSITEURS 

ET  ÉDITEURS  DE  MUSIQUE 


La  Société  des  Auteurs,  Compositeurs  et  Editeurs 
de  musique  continue  à  intéresser  le  monde  des 
artistes. 

Le  Syndicat,  dans  la  séance  du  19  mars,  après 
avoir  pris  avis  du  conseil  judiciaire  de  la  Société,  a 
révoqué  de  ses  fonctions  l'agent-général,  M.  RoUot. 
Mais  cela  ne  suffit  pas  à  ce  dernier  ;  il  se  cale  dans 
son  fauteuil  et  dit  :  «  Je  ne  m'en  irai  pas!  »  On 
envoie  les  huissiers,  il  repond  :«  Je  veux  un  procès  !  » 

Pendant  ce  temps-là,  son  ami  Jennius-Joncières, 
un  sociétaire  qui  ne  trouvait  pas  le  jour  du  rapport  de 
la  Commission  des  comptes  (17  novembre  1879)  le 
Syndicat  assez  radical  et  par  ce  fait  se  déclarait 
nettement  contre  l'agent-général,  qu'il  soutient 
aujourd'hui,  M.  Jennius-Joncières,  dis-je,  sonne  le 
tocsin  dans  La  Liberté.  Mais  son  tocsin  ifait  aussi  peu 
de  bruit  dans  le  monde  que  sa  musique,  et  les 
sociétaires,  loin  de  s'ameuter,  vieunent  chaque  jour 
féliciter  le  Syndicat  des  résolutions  qu'il  prend. 

M.  Jennius  entretient  ses  lecteurs  des  Jetons  de 
présence  de  2  fr.  50  que  touchent  les  membres  du 
Syndicat  ou  des  Commissions  créées  par  la  nécessité 
de  la  situation.  Nous  trouvons,  nous,  qu'il  est  beau- 
coup plus  intéressant  d'entretenir  les  lecteurs  de  La 
Chanson  des  Louis  d'or  de  présence  empochés  par 
l'agent-général,  M.  RoUot,  dans  son  année  sociale  qui 
vient  de  finir  le  15  mars.  —  Voici  cet  édifiant  petit 
compte  : 

Sommes  touchées  par  l'agent-général  :  année 
1879-1880. 

Le  31  mai  1879 3,600  fr. 

«   31  août  id 3.600 

<i  30  novembre  id 3,600 

((  29  février  1880 3,600 

«  15  mars  1880,  solde..   19,715    34 

Total 34,115    34 

Hein!  J'espère  qu'elle  fait  les  choses  grandement 

la  Société  des  Auteurs-Compositeurs.  —  Ces  artistes, 

toujours  les  mêmes! 

Comprenez  -  vous    maintenant    pourquoi  l'agent 

Rollot   a  tant  de   dévouement  pour  la   société  et 

pourquoi  il  désirerait  pousser  le  zèle  jusqu'à  mourir 

à  son  poste  ? 

Cent  neuf  francs  par  jour  de  présence  pour  quelques 

heures   de   travail,  travail  qui  ne   consiste  pas  en 


comptabilité,  M.  Rollot  n'y  entend  rien;  —  ni  en 
correspondance,  —  l'agent  Rollot  a  deux  secré- 
taires ;  —  mais  enfin  en  travail  quelconque. 

Allons  !  mes  amis,  un  peu  de  courage,  faites  des 
chansons,  faites  de  la  musique,  et  vous,  éditeurs, 
risquez  des  sommes  importantes  dans  des  publi- 
cations souvent  infructueuses,  cela  vous  rapportera 
quelques  centimes  de  droits,  mais  votre  agent- 
général,  LUI  !  a  la  main  large  et  continuera  à 
puiser  dans  votre  caisse,  ch&qne  ^oar  cent  neuf  francs 
en  belles  espèces  sonnantes.  C'est  la  seule  musique 
qu'il  aime.  Robert  GARNIER. 

Le  Syndicat  vient  d'envoyer  à  tous  les  sociétaires 
la  circulaire  suivante  : 


Mo 


cher  contre 


Dans  sa  séance  du  19  Mars  1880,  le  Syndicat,  assisté  de  son  conseil 
judiciaire,  visant  des  droits  que  lui  confèrent  le»  Statuts  de  la  Société 
et  le  traité  passé  avec  TAgent-Général,  a  révoqué  M.  Rollot  de  ses 
fonctions. 

En  vous  annonçant  cette  décision,  cher  Collègue,  nous  sommes  heu- 
reux de  pouvoir  porter  à  votre  connaissance  que  votre  Société  n'u 
rien  h.  craindre  pour  sa  prospérité.  Votre  Syndicat  surveille  vos 
intérêts  avec  sollicitude  ;  ayez  en  lui  toute  confiance.  Il  saura,  en  temps 
voulu,  réduire  h  leur  juste  valeur  les  insinuations  malveillantes 
dirigées  contre  sa  gestion. 

Dans  la  séance  du  17  février  1880,  M.  Rollot  avait  déclaré  que, 
n'étant  plus  obéi  de  son  personnel,  il  ne  pouvait  pas  répondre  de  lu 
répartition  d'Avril,  qu'il  déclinait  toute  responsabilité  à  ce  sujet,  qu'il 
abandonnait  cette  tache  au  Comité  ou  à  la  Commission,  mais  qu'il  ne 
s'en  mêlerait  phts. 

La  Conimission  administrative  a  pris  alors  sous  sa  responsabilité 
le  travail  des  employés  de  Tagence,  c'est-à-dire  d'assurer  ladite 
répartition. 

En  conséquence,  mon  cher  Collègue,  j'ai  l'honneur  de  vous  annoncer 
que  nos  répartiteurs  ont  répondu  par  leur  zèle  à  l'attente  de  la 
Commission  et  que  les  prochains  droits  d'auteur  h  répartir  le  5  Avril, 
se  montent  à  la  somme  de  111,072  fr.,  c'est-à-dire  plus  de  10,000  francs 
que  la  répartition  de  Janvier  dernier. 

Agréez    mon  cher  Collègue,  l'assurance  de  ma  parfaite  consi 
dération. 


Pour  copie  conforme 

Le  Secrétaire, 
EuoiîNE  BAII.LET. 


Le  Président  du  Syndical, 
Paul  AVENEL. 


Nous  avons  donné,  en  tête  du  présent  numéro,  le 
discours  prononcé  par  M.  Alfred  Leconte  ,  député 
de  l'Indre,  au  début  de  la  grande  solennité  musicale 
du  Trocadéro.  A  cette  fête  assistaient  les  députés 
membres  d'honneurs,  les  compositeurs,  professeurs 
et  artistes  jurés,  dont  nous  avons  publié  les  noms. 

Après  la  distribution  des  prix  aux  lauréats  du 
grand  concours,  le  concert  a  commencé.  Le  choral 
des  Enfants  de  Lutèce  dirigé  par  M.  Gaubert,  la 
Fanfare  du  Marais  dirigée  par  M.  Daumann,  l'har- 
monie l'Echo  du  Mont-Blanc  (M.  Poraud  directeur), 
l'Harmonie  Lemaire  Aivigée  par  M.  Moret,  MM.  Mon- 
tardon,  violoniste,  et  Lowenthal,  pianiste,  prêtaient 
à  la  solennité  leur  gracieux  concours. 

Parmi  les  lauréats,  M.  Chapini,  de  l'Avenir  Artis- 
tique a  très-bien  chanté  le  Défilé,  chant  patriotique; 
MM.  Daltroff,  des  Familles,  et  Beck,  de  l'Echo  des 
concerts,  ont  obtenu  de  grands  succès,  le  premier 
avec  la  Pêche  à  la  ligne,  le  second  dans  l'Agent  des 
courses.  M.  Huet,  de  f  Union  Française,  a  dit  le  Réveil 
du  peuple,  paroles  inédites  de  M.  Alfred  Leconte, 
musique  de  M.  Lataste  ;  succès  d'auteur,  de  compo- 
siteur et  d'interprète.  M"«  Dubocs,  des  Enfants  de 
la  Seine,  un  peu  intimidée  au  début,  s'est  bientôt 
rassurée  et  a  recueilli  de  vifs  applaudissements  avec 
le  Napolitain.  MM.  Voisin  de  la  Cour  des  Miracles,  et 
Piginier  des  Enfants  de  Sambre-Meuse,  l'un  dans  les 
Gêneurs,  l'autre    dans  le  Hanneton,  ont   été   très- 


182 


LA  CHANSON 


applaudi.  M.  Juvénal,  des  Amis  de  l'Espérance,  a 
dit  la  Lettre  de  l'Enfant,  à  la  satisfaction  générale. 
MM.  Barriel  et  Lacombe  de  la  Lyre  Méridionale  et 
Pomarède  des  Enfants  d'Apollon,  ont  parfaitement 
chanté  les  airs  de  L  ucie  de  Lamermoor,  de  Si  j'étais  fiai 
et  du  Trouvère. 

L'heure  avancée  n'a  pas  permis  d'entendre 
M"e  Mathilde  Rose,  dont  on  dit  le  plus  grand  bien, 
non  plus  que  M.  Piéffert,  tyrolien. 

Le  piano  était  tenu  par  M.  Marius  Fontaine  dont 
l'éloge  n'est  plus  à  faire. 

La  quête  faite  au  profit  de  la  statue  de  Béranger  a 
produit  215  francs,  qui  ont  été  versés  chez  M.  Murât, 
trésorier  du  Comité. 

La  matinée  du  21  mars  a  brillamment  inauguré  la 
série  des  fêtes  au  palais  du  Trocadéro. 


La  soirée-goguette  donnée  le  mercredi 24  mars  par 
la  Lice  Chansonnière,  au  profit  de  la  souscription 
Béranger,  a  été  des  plus  attrayantes.  On  remarquait 
dans  l'assistance  un  grand  nombre  de  dames.  Parmi 
les  chansonniers  ou  amis  de  la  chanson  ayant  répondu 
à  l'appel  de  la  Lice,  nous  citerons  :  E.  Bellot.  le 
joyeux  président  du  Bon  Bock,  Edouard  Hachin, 
Ryon,  Jeannin,  Paul  Avenel,  Mouret,  Legentil,  Péan, 
Evrard,  Denanjanne,  Chebroux,  Ponsard,  Cahen,  de 
Gronet,  Labbé,  Chatelin,  Jouy,  Adeline,  etc. 

Rousset  de  Méry  a  lu  une  très-jolie  pièce,  fort 
applaudie;  Adrien  Dézamy,  le  fin  poète,  a  dit  de 
beaux  vers  sur  le  Portrait  de  Victor  Hugo  ;  Georges 
Baillet  a  obtenu  un  grand  succès  avec  la  chanson 
qu'on  a  lue  dans  ce  numéro  ;  M.  Henri  Avenel  a  dit 
avec  beaucoup  de  talent  les  Deux  Mères,  poésie 
vigoureuse  de  son  père  ;  Alfred  Leconte  a  chanté  les 
Républicains  de  carton;  Eugène  Imbert  a  été  vivement 
applaudi  pour  une  chanson  de  circonstance;  M°'°Elie 
Delesohaud,  auteur  (paroles  et  musique)  de  Madame 
la  Pomme  et  Sire  le  Raisin,  a  eu  aussi  sa  part  de 
bravos.  Enfin  Chebroux,  Péan,  Echalié  et  beaucoup 
d'autres  ont  obtenu  des  succès.  M.  Couvreur, 
président  de  la  Lyre  Amicale,  a  été  le  seul  à  chanter 
du  Béranger.  Les  Fous  ont  fait  grand  plaisir. 

Une  causerie  d'Eugène  Baillet  sur  la  chanson  pen- 
dant la  Révolution  a  vivement  intéressé. 

340  pièces  diverses  avaient  été  envoyées  aux 
concours,  auxquels,  nous  l'avons  dit,  les  membres 
de  la  Lice  ne  pouvaient  prendre  part.  Nous  publierons 
dans  notre  prochain  numéro  la  décision  des  jurés 
nommés  à  l'issue  de  la  soirée  :  MM.  Eugène  Baillet, 
Chebroux,  Echalié,  Péan  et  Ponsard. 

Les  entrées  ont  produit  123  francs. 

A.  PATAY. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  Renaissance  a  donné,  le  dimanche  7  et  le  mardi 
9  mars,  deux  grandes  soirées  qui  marqueront  dans  les 
annales  de  cette  société.  Jamais,  en  effet,  on  n'avait 
réuni  sur  le  programme  autant  de  noms  d'artistes  et 
d'amateurs  distingués.  Le  dimanche  7  mars,  on  jouait 
devant  une  salle  comble  :  Les  femmes  qui  pleurent, 
comédie  en  un  acte,  interprétée  par  M"""  Ozanne,  du 
Grand-Théâtre  de  Bordeaux,  M"^  Henriette  ***, 
MM.  Marty  et  Mallet.  Tout  le  monde  connaît  cette 
spirituelle  comédie  ;  disons  seulement  que  M"°  Ozanne 


a  joué  en  comédienne  consommée,  que  M"°  Hen- 
riette, qui  débutait  dans  le  rôle  de  Clotilde,  a  révélé 
d'excellentes  dispositions,  que  M.  Marty  est  un  jeune 
premier  de  beaucoup  d'avenir  et  que  notre  camarade 
Henry  Mallet,  membre  d'honneur  de  la  Renaissance, 
s'est  montré  plein  de  verve  et  de  bonhomie  dans  le 
rôle  de  Chambly,  le  joueur  constamment  décavé. 

Le  mardi  suivant,  jour  de  la  grande  soirée  men- 
suelle, M.  Valerio,  de  VOdéon,  et  M"«  Cassothy,  de 
la  Po?'te  Saint-Martin,  ont  interprété  d'une  façon 
hoi;s  ligne  Nos  gens,  un  acte  rempli  d'esprit  dans 
lequel  ils  ont  fait  une  ample  moisson  de  bravos. 
Intermèdes  de  chants  par  MM.  Marcus,  Voisin,  Paul 
Launay,  W^"^  Cassothy  jeune,  Julia,  Lucie,  etc. 
MM.  Vighi  frères,  Cortiglioni,  et  Cecconi,  mandoli- 
nistes  italiens,  ont  obtenu  un  vrai  succès  dans  le 
4°  acte  du  Trouvère,  puis,  sur  la  demande  générale, 
ont  exécuté  une  valse  au  milieu  des  applaudissements. 

Les  œuvres  de  Béranger  occupaient,  le  11  mars, 
une  grande  partie  du  programme  de  la  Cordiale; 
c'est  ainsi  que  se  sont  succédé  les  excellents  couplets 
de  :  V Horoscope  tiré  par  M"'=  Jeanne;  les  Gueux, 
vantés  par  M.  Marie  ;  le  Carillonneur  mu  avec  un 
talent  remarquable  par  M.  Perrot  ;  le  duo  des  Rossi- 
gnols dans  lequel  on  ne  se  lassait  pas  d'entendre 
MiieMariaetM.  Eug.  Koch;  les  Enfantsde  laFrance, 
chantés  avec  sentiment  par  M""  Berthe,  et  la  Lisette, 
dite  avec  charme  par  MUe  Marguerite. 

Dans  le  courant  de  la  soirée,  nous  avons  eu  l'oc- 
casion d'entendre  une  coquette  composition  de 
M.  Marcus,  La  polka  des  oiseaux.  M"«  Adèle  s'est 
révélée  véritablement  artiste  dans  Jean-Marie;  elle 
était  du  reste  bien  secondée  par  MM.  Douillard  et 
Gabriel.  Dans  une  saynette  très-vive  d'allures, 
M^^"  Jeanne  a  montré  une  mutinerie  ravissante,  et 
nous  adressons  nos  compliments  à  l'auteur  des  Pe- 
tites Provinciales,  M.  Jeannin,  qui  décidément  prend 
sa  place  au  soleil.  MM.  Georges  B.  et  Boverio  ont 
dit  chacun  une  pièce  à  Béranger.  MM.  Charles, 
Mussler,  Emmanuel  ont  jeté  la  note  gaie  et  MM.  Mau- 
rice, Philippe  et  Bergier  la  note  sentimentale. 

M.  Chapuis  a  raconté  avec  une  grâce  séduisante  le 
Déjeuner  sur  l'herbe,  et  M.  Durel  a  dit  avec  une  jolie 
voix  de  baryton  l'air  du  Trouvère.  Nous  avons  dis- 
tingué ensuite  les  talents  différents  de  M"'=^  Bloch, 
Lucie  et  M.  Chevalier, 

M.  Jules  Raux  a  chanté  avec  son  originalité  habi- 
tuelle Miaou  et  nous  a  fait  entendre  ensuite  une 
remarquable  chanson,  le  Palais  des  Ribauds,  paroles 
de  Haasse,  musique  de  Champion,  deux  sociétaires 
de  )a  Cordiale.  La  soirée  s'est  terminée  par  le  cou- 
ronnement de  l'immortel  chansonnier  populaire  Bé- 
ranger. 

Cette  soirée  a  produit  :  recette,  43  fr.  60;  quête 
17  fr.  35;  total  :  60  fr.  95  pour  la  statue. 

Le  19  mars,  un  magnifique  concert  a  été  donné 
par  le  Cercle  de  l'Etoile,  dans  la  salle  de  l'Hôtel  des 
Chambres  syndicales,  rue  de  Lancry. 

Grand  succès  pour  tous  les  amateurs  qui  se  sont 
fait  entendre  dans  cette  soirée. 

M.  Maire  a  chanté  avec  talent  les  Rameaux,  de 
Faure,  et  Dis-moi  quel  est  ton  pays. 

On  a  fait  une  grande  ovation  à  M""  Wagon  après 
l'air  des  Bijoux  de  Faust,  et  le  duo  des  Dragons  de 
Villars. 

On  a  entendu  avec  plaisir  deux  jeunes  élèves  dû 


I 


LA  CHANSON 


183 


Conservatoire  :  M.  Rouvière,  un  fort  ténor,  et 
M""  Hilder,  une  Falcon.  Ces  deux  artistes  ont  obtenu 
un  grand  succès  dans  le  Miserere  du  Trouvère. 

En  somme,  bonne  soirée  (où  rien  n'a  fait  défaut, 
mandolinistes,  chansonnettes,  poésies,  distribution 
de  bouquets  aux  dames),  ce  dont  il  faut  remercier  le 
président.  M.  Bannes,  qui  organise  si  brillamment 
ces  agréables  réunions.         Alfred  BERTINOT. 

Société  du  Franc-Rire.,  rue  de  Belleville,  café  des 
Omnibus.  —  Charmante  soirée  que  celle  du  21  mars 
où  successivement  nous  avons  entendu  :  M"""  Hélène, 
dans  Pensez  aux  Abeilles  et  Me/s  ton  bonnet,  Magde- 
laine.  Nous  sommes  étonné  que  cette  dame  ne  soit 
pas  engagée  au  concert.  La  bonne  voix  de  M.  André 
nous  a  fait  entendre  Le  printemps  veut  qu'on  aime, 
puis  M"°  Cécile,  avec  sa  voix  un  peu  faible  par  timi- 
dité, a  chanté  Cest  la  faute  des  oiseaux.  M.  Richard 
a  fort  bien  interprété  Chapeau  bas  devant  la  Mar- 
seillaise et  la  Nuit  des  amours,  parue  dans  le  journal 
La  Chanson.  Nous  apprenons  que  ce  chanteur  est 
engagé  au  concert  des  Folies  de  Belleville.  M""  Clé- 
mence a  dit  à  ravir  le  grand  air  de  7a  Juive  et  les 
Regrets  de  Mignon.  M""  Charrj'  a  chanté  le  Cabaret 
de  la  Futaille,  du  regretté  compositeur  A.  Yaudry, 
Ryon  pour  les  paroles.  Enfin  citons  :  MM.  Rodolphe 
dans  Z-weWe,  Vasseur,  JofFroy,  Francis,  les  comiques 
Léon  N.  dans  les  Etudiants,  Carie  dans  Ma  Pélagie, 
Hubert  dans  J'  suis  partngeux. 

Nos  compliments  à  M""  Rohen,  l'excellente  ])ianistc 
de  cette  société.  J.-C.  T. 

C'est  dans  l'Hôtel  de  l'Union  des  Cliambres  syndi- 
cales qu'a  eu  lieu,  le  21  mars,  le  deuxième  concert  de 
la  société  chorale  les  Atnis  delà  Seine. 

L'harmonie  la  Jeune  France,  habilement  dirigée 
par  M.  Boscher  y  a  exécuté  avec  beaucoup  de  brio 
deux  ouvertures,  la  Castigliana  et  Emira. 

Le  choral  des  Amis  de  la  Seine,  très-bien  conduit 
par  M.  Aubry,  a  interprété  à  son  tour  deux  chœurs, 
les  Marguerites  et  les  Hirondelles.  Dans  ce  dernier 
morceau,  le  soliste  M.  Manjeon  s'est  distingué  de  la 
bonne  façon. 

Parmi  les  heureux  de  la  soirée,  citons  encore 
M.  Cousin,  bon  comique;  M""  Virginie,  un  peu 
timide;  M.  Maquaire, agréable,  mais  sobre  de  gestes; 
M""  Léo,  remarquable  de  tact;  M.  Davenne,  au  jeu 
fort  aisé;  M.  Roger,  à  la  bonne  diction;  M.  Marcus 
très  adroit  dans  ses  imitations  ;  M"°  Berthier,  ravis- 
sante dans  le  Petit  Abbé  ;  M.  Alix,  plein  d'entrain; 
M"°  'Wej'ckmans,  très-fine  dans  les  Joujoux;  M.  Pla- 
ner, entraînant  de  verve  ;  M.  Monicard,  remarquable 
de  bon  goût  dans  II  faut  aimer;  M"°  Julia  fort  amu- 
sante par  ses  remontrances  à  Cydalise.  M.  Poma- 
rède  a  la  voix  facile  et  son  succès  aurait  été  double 
s'il  n'avait  un  peu  précipité  les  mouvements  de  l'air 
du  Trouvère. 

M.  Lebassi  peut  se  vanter  d'avoir  eu  un  triomphe 
à  l'aide  de  ses  étonnantes  imitations  de  fliites  cham- 
pêtres. Il  n'y  avait  que  M.  Debailleul  qui  put  se  faire 
applaudir  après  lui;  inutile  d'ajouter  qu'il  a  été 
comme  toujours  le  charmeur  àvi  Déjeuner  sur  l'herbe. 
Jules  RAUX. 

Excellente  soirée  le  14  mars  au  Cercle  Mozart. 

M.  Jules,  M"°  Louisa,  M.  Monnier,  M.  Jérôme, 
M"'  Strohl,  M"'  Jeanne  se  sont  fait  applaudir  tour  à 
tour.  M.  Simon,  M"°Laure,  M.  Auguste,  M.  Mercier, 
M""  Virginie,  M.  Marius  ont  ensuite  pris  leur  bonne 


part  de  succès.  M.  Notaris  a  chanté  Fleur  de  baiser, 
une  romance  inédite,  charmante.  M"''  Céline  Corvée 
a  chanté  avec  goût  la  Valse  maudite,  mais  le  genre 
comique  convient  mieux  à  son  tempérament. 

M""  Louis  chante  gracieusement  le  Petit  Abbé,  et 
il  est  fort  agréable  d'entendre  dire  par  M.  Monicart 
le  rondeau  Vous  souvenez- vous?  Une  mention  spé- 
ciale est  due  à  M.  JuUien  qui  possède  une  voix  très 
sympathique  ;  à  M.  Lagrange  qui  récite  avec  beau- 
coup d'intelligence  ;  à  M.  Simon  qui  est  un  excellent 
comique,  et  à  M.  Huet,  qui  chante  avec  beaucoup 
d'âme  Chapeau  bas  devant  la  Marseillaise . 

La  chanson  Miaou,  redemandée,  a  été  dite  encore 
une  fois  par  le  compositeur  Jules  liaux  à  qui  les 
bravos  ne  manquent  pas.  M.  Lagrave  a  fort  bien 
réussi  la  scène  de  la  Bénédiction.T)3.iis  l'air  de  Martha, 
M.  Fernand  a  développé  sa  voix  généreuse,  et 
M"°  Notaris  a  dit  très  finement  la  chanson  Tout  bas. 
Ajoutons  que  la  séance  a  été  menée  rondement  par 
le  président  du  cercle,  M.  Corvée.  X. 

Le  16  mars ,  salle  Chabaille  (Belleville),  les 
chansonniers  et  les  amis  de  la  chanson  s'étaient 
donné  rendez-vous  dans  le  but  de  prêter  un  appui 
fraternel  à  un  de  leurs  amis.  Cette  œuvre  de  soli- 
darité a  permis  en  même  temps  de  ressusciter  une  de 
ces  anciennes  soirées  de  goguette  du  temps  où  une 
musique  tapageuse  ne  permettait  pas  encore  à 
certaines  élucubrations  soi-disant  chantantes  de  se 
produire  eff'rontément  au  grand  jour. 

Tout  d'abord,  disons  que  le  double  but  projeté  a 
été  atteint  au  delà  ;  citons  au  hasard  parmi  les 
chansonniers  :  Evrard,  Legentil,  Ryon,  Mouret, 
M"""  Elle  Denanjanes,  Alph.  Duclienne,  Péan,  Pot- 
Louis,  Casse,  etc.,  dont  les  productions  nouvelles  ont 
tour  à  tour  réjoui  et  attendri  les  nombreux  auditeurs. 

Parmi  les  interprètes  :  Ma^er,  Francisque,  Mège- 
mont,  Ambroise,  M"""  Busson.  Paillette  Richard, 
Jacquet,  etc.,  les  uns  par  des  chansons,  les  autres 
avec  dos  récits  ont  su  prouver  qu'il  restait  encore 
des  étincelles  de  ce  vieux  feu  sacré  qui  s'appelle 
l'esprit  français. 

Inutile  d'ajouter  que  le  directeur  du  journal  La 
Chanson  était  présent  à  cette  réunion. 

La  soirée  s'est  terminée  par  le  compte-rendu  du 
concours  poétique  : 

2°  prix  unique  à  la  pièce  Les  rayons  du  Soleil, 
auteur  :  C.  Casse. 

En  résumé,  bonne  soirée  pour  l'esprit  et  le  cœur. 
E.  LEGENTIL. 

Le  jeudi  18  mars,  la  société  lyrique  VEscholière 
donnait  sa  séance  d'ouverture  rue  de  Seine,  91, 
brasserie  Huber.  La  salle,  parfaitement  décorée  et 
suffisamment  aérée,  était  bondée  de  monde. 

Le  président  avait  organisé  la  soirée  en  homme 
qui  connaît  son  affaire.  Tout  éloge  à  cet  égard  serait 
superflu.  Il  suffira  de  dire  que  M.  Gouget  est  ce  pré- 
sident. 

Le  côté  artistique  était  représenté  par  plusieurs 
chanteurs  et  diseurs  agréables,  M.  Revol  en  tête. 
Quant  au  côté  des  dames,  pour  être  juste,  il  faut 
avouer  qu'il  était  faible. 

Une  magnifique  tombola,  composée  d'environ 
80  lots,  a  terminé  cette  soirée  à  la  satisfaction  de 
tous,  et  chacun  s'est  quitté  en  se  donnant  rendez- 
vous  pour  les  samedis,  dimanches  et  jeudis  suivants, 
jours  de  réunion  de  cette  société.  L.  T. 


184 


LA  CHANSON 


Ce  ne  sont  pas  les  spectateurs  qui  manquaient  à 
la  soirée  du  Cercle  de  l'Espérance,  le  18  mars. 

Une  saynette,  T.ei  deux  maris  garçons,  jouée  mali- 
cieusement par  MM.  Catherine  et  Lebas,  a  mis  les 
invités  en  bonne  humeur.  M.  Huet,  un  peu  enroué, 
a  murmuré  gentiment  Mon  rêve,  puis,  de  sa  voix 
agile,  M""  Noblet  a  chanté  avec  un  goût  parfait  l'air 
des  Noces  de  Jeannette.  La  charité  a  été  implorée  par 
M.  Couture  qui  chante  très-agréablement.  Quant  à 
M.  Jules  Raux,  il  a  retrouvé  son  succès  habituel  en 
interprétant  sa  joyeuse  chanson  J'en  rajfole. 

Le  duo  de  Philémon  et  Baucis  nous  a  permis  d'ap- 
précier à  leur  juste  valeur  la  fraîche  voix  de 
M""  Catherine  et  le  joli  timbre  de  baryton  de  M.  Pio- 
caluga.  Nos  compliments  à  ces  deux  artistes. 

Une  gaie  pochade  intitulée  Pas  de  chance  a  été 
interprétée  rondement  par  MM.  Carol,  Auberthier 
et  Villard.  M.  Lécher  s'est  fait  remarquer  par  un 
naturel  du  plus  haut  comique. 

L'auteur  ne  s'est  pas  précisément  mis  en  frais 
d'imagination  pour  le  sujet;  il  a  tout  simplement 
transporté  à  la  scène  une  plaisante  anecdote  que 
nous  avons  tous  lue  dans  le  Hanneton  :  celle  d'un 
voyageur  fantaisiste  qui  en  voulant  épousseter  son 
haut-de-chausse  par  la  portière  d'un  wagon,  le  laisse 
choir  sur  la  voie  ferrée  et  se  trouve  ainsi  dans  une 
situation  fort  critique.  Vous  savez  le  reste. 

11  y  avait-là,  croyons-nous,  le  point  de  départ  d'un 
vaudeville  amusant,  qu'il  n'était  pas  impossible  de 
développer  avec  quelque  agrément,  pour  en  faire  ce 
que  l'on  appelle  une  pièce  de  salon.  Faut-il  reprocher 
à  l'auteur  de  l'avoir  tout  de  suite  fait  dévier  vers  la 
charge  à  gros  sel?  Nous  ne  le  pensons  pas,  puisque 
l'on  a  ri. 

En  somme,  malgré  quelques  imperfections,  cette 
bouffonnerie  ne  laisse  pas  que  d'être  amusante  ;  elle 
a  du  reste  obtenu  le  succès  qu'elle  méritait,  —  succès 
mondain,  il  est  vrai,  dans  lequel  il  est  diflBcile,  pour 
un  auteur,  de  discerner  la  part  due  à  l'estime  d'avec 
celle  qui  revient  au  talent. 

La  Jeunesse  Artistique  {E.evh'met  président)  donnait 
le  19  mars,  dans  son  local  habituel,  rue  Palestro,20, 
une  soirée  dramatique.  On  jouait  les  Cloches  de 
Corneville.  Représentation  au  total  satisfaisante. 
M""  Herbinet  a  joué  et  chanté  avec  goût  le  rôle  de 
Q-ermaine;  M""  Ernestine  a,  été  une  Serpolette  pleine 
de  verve  ;  M.  Pollack  a  joué  Gaspard  avec  un  talent 
réel  ;  M.  Emmanuel  a  chanté  parfaitement  les  diffé- 
rents airs  du  marquis;  M.  Préval,  malgré  sa  panto- 
mine exagérée,  a  fait  rire  dans  Grenicheux;  M.  Her- 
binet, dans  le  rôle  sacrifié  du  bailli,  a  montré  une 
entente  parfaite  du  théâtre;  enfin  MM.  Albert, 
Heriché,  Longatte  et  Didier  ont  fait  preuve  de  zèle. 

Disons-le  pourtant,  la  grande  pièce  choisie  aurait 
pu  être  remplacée  avec  avantage.  L'orchestre  de  la, 
Jeunesse  Artistique  brille  par  son  absence  ;  les  artistes 
amateurs  font  à  peine  au  piano  la  moitié  des  répé- 
titions nécessaires  ;  enfin  la  salle  est  d'une  exiguïté 
qui  rend  les  manœuvres  de  la  figuration  difficiles  ;  de 
tout  cela  résultent  des  variations  de  temps,  des  notes 
discordantes  dans  les  ensembles  et  plus  d'un  incident 
dont  le  public  s'égaie  volontiers. 

Il  existe  dans  le  répertoire  des  théâtres  de  vaude- 
ville, des  Bouffes,  voire  de  l'Opéra-Comique,  nombre 
de  pièces  à  quatre  ou  cinq  personnages  dont  les 
sociétés  lyriques  devraient  exclusivement  composer 
leurs  spectacles.  Le  talent  des  sociétaires  s'y  dépen- 
serait avec  de  meilleurs  résultats. 


Le  samedi  3  avril,  à  la  Lyre  de  la  Gaîté,  18,  rue 
Descartes,  sous  la  présidence  de  M.  Letirand,  grande 
soirée  au  profit  de  la  statue  de  Béranger. 

Dimanche  4  avril,  V Union  Joyeuse  donnera  une 
grande  matinée  à  1  heure  1;2,  salle  des  Folies-Mont- 
rouge,  7  bis,  avenue  d'Orléans. 

Lundi  5  avril,  boulevard  Sébastopol,  6,  café  Pyg- 
malion,  la  Lyre  amicale,  présidée  par  M.  Dupont, 
donnera  une  grande  soirée  au  profit  de  la  statue  de 
Béranger. 


CHOSES     &    AUTRES 


NEUVIÈME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  i^r  an  20  avril. 
Nous  rappelons  que  nos  abonnés  seuls  ont  droit 
d'y  prendre  part,  avec  une  chanson  de  six  couplets 
au  plus,  avec  ou  sans  refrain. 

Le  premier  prix  sera  publié  dans  le  journal  et 
recevra  dix  exemplaires. 

Les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux  pièces 
suivantes  seront  publiés. 

Vient  de  paraître  à  l'Alliance  des  Sciences,  des 
Arts  et  des  Lettres  :  Cigale  et  Bourdon,  opérette  en 
un  acte  (deux  personnages)  paroles  de  Jenny  Touzin 
et  de  Jacques  Maillet,  musique  de  A.  Godefroy.  — • 
Passage  de  l'Opéra,  18,  galerie  de  l'Horloge.  — 
4  francs. 

La  société  lyrique  du  Lac  Sainf-Fargeau  donnera, 
dimanche  4  avril,  à  1  heure,  au  Lac  Saint-Fargeau, 
276,  rue  de  Belleville,  un  concert  au  profit  des 
pauvres  des  XIX"  et  XX°  arrondissements,  sous  la 
présidence  d'honneur  de  MM.  Gambetta  et  Allain- 
Targé,  députés.  Prix  des  places  :  1  franc  et  50  cent. 

Société  des  Auditions  lyriques,  2°  année.  —  La 
Société  des  Auditions  lyriques  est  une  Association 
artistique  ayant  pour  objet  de  faciliter  l'audition 
des  oeuvres  destinées  aux  scènes  lyriques  ! 

Elle  fait  appel  à  la  fois  :  aux  Compositeurs  désireux 
de  se  produire;  aux  Artistes  disposés  à  leur  servir 
d'interprètes  et  enfin  aux  personnes  qui  s'intéressent 
au  progrès  de  l'art  musical. 

La  première  audition  a  eu  lieu  dans  la  salle  Henri 
Herz,  le  20  avril  1879. 

La  Société  est  placée  sous  la  direction  et  le  patro- 
nage de  Membres  fondateurs  qui  font  les  avances 
nécessaires  à  son  fonctionnement. 

Elle  se  compose,  en  outre  : 

De»  Membres  honoraires  ou.  Sociétaires  qui  assistent 
à  toutes  les  réunions  publiques  ou  privées,  organisées 
par  la  Société.  Chacun  des  membres  honoraires 
reçoit  gratuitement  un  exemplaire  des  partitions  et 
autres  œuvres  que  la  Société  fait  éditer.  La  cotisation 
des  membres  honoraires  est  de  vingt-cinq  francs  par 
an. 

Et  des  Membres  actifs  qui  comprennent  les  Compo- 
siteurs, Auteurs  et  Artistes  prêtant  Içur  concours  à 
la  Société.  Les  membres  actifs  sont  affranchis  de 
toute  cotisation. 

Les  adhésions  sont  reçues  au  siège  de  la  Société, 
17,  rue  de  Maubeuge,  par  M.  Charles  Lumière,  son 
représentant. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


3*  ANNEE.  —  N*  42. 


20  CENT.  LE  NUMERO 


16  AVRIL  1880. 


LA    CHANSON 


Directeur-Gérant 
A.    PATAY 


11  est  rendu  compte  de  tout 
ouTrage  dont  il  est  déposé 
deux  exemplaires  dans  nos 
Bureaux. 


Revue  Bi -Mensuelle 
ARCHIVES     DE     LA    CHANSON 

ÉCHO    DES    SOCIÉTÉS   LYRIQUES 

Paraissant  le  1  "  <5c  le  1 6  de  chaque  mois 

Les  Abonnements  partent  du  1er  Hai  h.  du  1er  Novemire 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
H.  MALLET 


Annonces,  la  ligne  . 
Réclame,  — 


Les  manuscrits  non  insérés 
ne  seront  pas  rendus. 


ADMINISTRATION  &  REDUCTION 

18,  RDE  BONAPARTE,   18 
PARIS) 


RÉDACTEUR   EN    CeLEF 

L.-HENRY     LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an «  ftr. 

»         six  mois 3  » 

Etranger,  le  port  en  sus 


S01>d:JVi:.A.IE.S  : 


La  Conférence  du  23  aDnV(L.-HENRY  lecomte). —  Les  Mélodies 
de  Schumann  (a  édéma).  —  Banquet  du  Caveau  (euo. 
imbbrt).  —  Banquet  de  ta  Lice  Ç/ia/tsonnière  (l.-henry 
lecohte).  —  La  Fleur  sauvage  (edmond  deliére).  —  Le 
Petit    Bleu  (albert  chanterac).  —   La  Langue  Universelle 


(f.  berdoulet).  —  Une  Confession  (eug.  garradd).  — 
Société  des  Auteurs,  Compositeurs  et  Editeurs  de  musique 
(ROBERT  qarnier).  —  Bibliographie  (eug.  imbert).  —  Les 
Auteurs- Amateurs  dans  lei  Sociétés  lyriques  (henry  mai-let). 
Chronique  des  Sociétés  lyriques[\.  b.,  x.,  b.  m.).  Choses  et  autre» 


LA  CONFÉRENCE  DU  25  AVRIL 


Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé  déjà,  une  confé- 
rence sera  faite,  le  dimanche  25  avril,  au  théâtre  du 
Château-d'Eau,  par  M.  Spuller,  député  du  IIP  arron- 
dissement, S0U8  la  présidence  de  M.  Henri  Martin, 
l'éminent  historien  national. 

Cette  conférence  a  pour  but  de  contribuer  à  l'érec- 
tion  de  la  statue  de  Déranger. 

Tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'œuvre  patriotique 
entreprise  sur  l'initiative  de  La  Chanson  voudront, 
par  leur  présence,  contribuer  à  l'éclat  de  cette 
solennité  littéraire. 

Le  programme  comprend  divers  chœurs  chantés 
par  les  Enfants  de  Lutèce,  sous  la  direction  de 
M.  Gaubert,  et  divers  morceaux  exécutés  par 
l'harmonie  la  Gauloise,  dirigée  par  M.  E.  Blanquin. 
Mais  l'attrait  principal,  irrésistible,  de  la  séance 
consiste  dans  l'important  travail  de  M.  Spuller.  Sous 
ce  titre  :  la  Statue  de  Béranger,  le  célèbre  orateur 
doit  motiver  l'œuvre  du  Comité  qu'il  préside,  par  une 
étude  originale  et  puissante  des  œuvres  et  de  la  vie 
de  l'immortel  chansonnier. 

La  conférence  du  président  estimé  de  V  Union 
Républicaine  réduira  certainement  à  néant  les 
calomnies  intéressées  et  les  appréciations  inintelli- 
gentes dont  une  certaine  presse  s'est  faite  récemment 
l'écho.  Elle  aura  donc,  sur  l'avenir  de  notre  œuvre, 
une  influence  considérable. 

C'est  sous  le  patronage  des  conseillers  municipaux 
du  IIP  arrondissement,  en  parfaite  communion 
d'idées  et  de  sentiment  avec  M.  Spuller,  que  la 
solennité  du  25  avril  a  été  organisée.  Nous  remercions 
dès  aujourd'hui  M.  Georges  Murât  du  dévouement 
qu'il  a  montré  en  cette  circonstance.  Il  a  tout 
préparé,  tout  réglé,  et  c'est  à  lui  que  l'on  devra 
reporter  l'honneur  du  succès  éclatant  que  tout  fait 
espérer. 

L.-Hbnry  lecomte 


LES  MÉLODIES  DE  SCHUMANN  0 


III.  BERCEUSE  (♦*) 

Cette  berceuse  que  j'ai  entendue  pour  la  première 
fois,  il  y  a  plus  de  dix  ans,  je  ne  l'oublierai  jamais. 

Le  9  mars  18",  j'étais  allé  au  Cimetière  du  Nord, 
à  Montmartre,  m'asseoir  sur  le  tombeau  que  Berlioz 
partage  avec  miss  Smithson,  l'Ophélie  de  1830. 
Etendu  sur  le  bord  de  la  pierre,  je  regardais  triste- 
ment s'étioler  deux  plantes,  les  seules  que  l'hiver 
avait  épargnées ,  quand  une  forme  blanche  se 
glissa  par  une  allée  étroite  jusqu'auprès  d'un  tertre 
jonché  de  roses.  Vous  auriez  dit  une  jeune  femme 
dont  la  démarche  eût  été  alanguie  par  le  chagrin, 
une  jeune  épouse  peut-être  qui  venait  pleurer  un 
rêve  de  bonheur.  Je  ne  vis  point  son  visage,  car 
le  respect  me  défendait  contre  la  curiosité,  mais 
mon  cœur  s'émut  à  sa  voix  : 

Dors,  bel  ange  en  qui  j'eipère. 
Douce  image  de  ton  père, 
Comme  en  un  divin  miroir, 
11  me  semble  encor  te  voii*. 

Un  rayon  vermeil  se  joue 
Sur  ta  lèvre  et  sur  ta  joue 
J'ai  séché  tes  jeux  en  pleurs 
En  t'offrant  ces  belles  fleurs. 

Et  tandis  qu'en  ton  sourire, 
L'innocente  paix  respire. 
Perle  humide  en  les  cils  d'or, 
Une  larme  brille  encor. 

Sa  romance  n'avait  rien  du  rythme  défloré  sur 
lequel  sont  presque  toujours  modelés  les  morceaux 
de  ce  genre  ;  rien  de  bien  nouveau  non  plus  dans  la 
coupe  des  phrases  musicales,  ni  d'imprévu  dans  les 
contours  mélodiques.  Chaque  strophe  reproduisait 
uniformément  la  précédente  :  pas  un  accent  de  plus, 
pas  une  différence  de  sonorité,  pas  la  plus  légère 
altération  de  nuances.  Pourtant,  ces  sons,  portés  par 


(•)  Voir  les  n"  36  et  39. 

(*')  Scbamann,  op-.  25,  n"  14.  —  Durand  et  C'",  éditeurs,  4,  pla«e  de 
la  Maâeleine.  Prix  :  85  cent,  net. 


186 


LA  CHANSON 


un  souffle  au-dessus  des  tombeaux,  pénétraient  mon 
âme  d'une  tristesse  aimée.  Bienheureux  souvenirs  du 
passé,  à  vous  seront  mes  dernières  pensées;  je  veux 
jusqu'à  la  fin  aimer  et  souffrir;  car  ni  les  transports 
de  l'amour,  ni  l'ivresse  du  plaisir,  ni  l'épanouisse- 
ment de  la  joie  n'ont  égalé  pour  moi  les  délices  de 
vos  douleurs. 

Je  n'ai  jamais  su  le  nom  de  la  belle  visiteuse,  j'ai 
entrevu  seulement  ses  traits  sous  un  rajon  rouge  du 
soleil  couchant.  Son  costume  blanc  la  faisait  paraître 
très-pâle;  ses  cheveux,  tombant  sur  son  corsage,  y 
marquaient  à  peine  une  teinte  plus  foncée  et  ses 
joues  décolorées  faisaient  ressortir  l'éclat  de  ses 
yeux  où  toute  sa  vie  paraissait  concentrée.  A  l'en- 
droit qu'elle  venait  de  quitter,  aucun  indice  ne 
trahissait  sa  pensée  secrète  ;  des  fleurs  effeuillées 
sur  l'herbe,  puis  une  dalle  à  peine  visible  qui  sem- 
blait dire  :  «  C'est  là.  « 

...  Le  13  décembre  suivant,  je  retournai  sur  la 
tombe  de  Berlioz  espérant  renouer  l'histoire  inter- 
rompue. Hélas!  le  gazon  desséché  laissait  voir  deux 
marbres,  deux  marbres  sans  inscription.  Je  pensai 
qu'une  mère  peut  mourir  de  la  mort  de  son  enfant. 
A.  ÉDRMA. 


SOCIETE  LYRIQUE  ET  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 


BANQUET  DU  2  AVRIL 

Je  soutiens,  ou  plulôl  je  détlai-e  sans  le  soutenir,  que 
l'intérêt  d'un  compte  rendu  est  en  raison  inverse  de  celui 
qu'a  présenté  la  séance  dont  il  est  rendu  compte.  Cela  va 
passer  pour  un  paradoxe,  je  le  crains.  Mais  comment 
voulez-vous,  à  mouis  de  disposer  d'un  espace  presque  sans 
hmite,  ciler,  examiner  de  nombreuses  chansons  qui  toutes 
ou  à  peu  près  méritent  une  mention  particulière  ?  Quand, 
au  contraire,  il  y  a  pénurie,  le  chroniqueur  a  le  loisir,  sans 
excéder  des  bornes  raisonnables  et  nécessaires,  de  s'appe- 
santir sur  quelques  morceaux,  d'en  peser  les  qualités  et  les 
défauts,  et  de  soumettre  ainsi  aux  lecteurs  une  appréciation 
motivée. 

Ces  réflexions  me  sont  suggérées  par  la  soirée  d'hier.  Le 
nombre  et  la  qualité  s'y  étant  trouvés  réunis,  le  choix  est 
difficile  des  productions  à  mentionner,  très  peu  pouvant  être 
passées  sous  silence. 

Teste  et  couplets  de  réception  (trois  réceptions  en  un 
seul  jour,  s'il  vous  plaît  :  on  ne  dira  pas  que  le  Caveau 
périclite.  Ajoutons  toutefois  que  je  n'ai  vu  jusqu'ici  dans  les 
trois  heureux  élus  qu'un  seul  chansonnier,  Burani  ;  des 
deux  autres,  l'un  promet  de  le  devenir,  et  le  troisième  ne 
se  soucie  guère  de  le  devenir  jamais),  teste  et  couplets  de 
réception,  disais-je,  ont  ouvert  la  séance.  L'esprit  de 
Grange  a  fait  applaudir  l'un,  comme  de  coutume,  et  la 
camaraderie  a  accueilli  les  autres. 

Partageons,  pour  nous  reconnaître,  les  chansons  nouvelles 
entendues  hier  en  quatre  catégories  :  Philosophie,  gaieté, 
grivoiserie,  naturisme.  L'hiver  n'a  pu  échapper  au  triste 
privilège  d'inspirer  de  nombreux  couplets,  qui  sont  autant 
de  malédictions.  Jullien  s'est  distingue  dans  la  peinture  des 
dégâts  occasionnés  par  cette  cruelle  saison.  Grange  a  pris 
l'hiver  au  moral,  et  sa  chanson  qui  a  pour  refrain  ; 
chaque  printemps  est  un  hiver  de  plus, 

est  pleine  d'une  fine  mélancolie.  Il  se  hâte,  il  est  Vrai,  se 
rappelant  son  rôle  de  président,  de  retourner  au  dernier 
couplet  ce  refrain  désenchanté,  et  déclare  qu'au  milieu  de 
tant  de  bons  amis,  pour  lui  : 

»  •  .chaque  hiver  est  un  printemps  de  plus. 

Grand  succès,  et  bien  mérité. 

Grand  succès  aussi  pour  Duprez,  qui,  comme  un  débutant, 
a   balayé  les   planches.  Sa  Mélancolie,  c'est  son  titre,  est 


remplie  de  sentiment  et  même  de  poésie;  en  voici  le  refrain, 
qui  est  toujours  heureusement  amené  : 


Jlaisla  gaieté  réclame  la  parole.  La  Vieille  l'uriilondaine, 
de  Poullain,  Une  Confession,  de  Garraud,  le  heau  diseur, 
les  ÏMpins,  de  Petit,  Insouciance  et  gaielé.  de  Mouton- 
Dufi-aisse,  les  Bosses,  de  Lesueur  (  je  crois  bit-u  que  cette 
dernière  chanson,  toute  bonne  qu'elle  est,  n'est  |ias  nouvelle, 
mais  il  n'importe)  :  voilà  de  ces  sujets  qui  l'ont  toujours 
florès  au  Caveau  et  partout  où  la  bonne  humeur  et  l'esprit 
sont  en  honneur.  Montariol,  qui  est  loin  de  déparer  ce 
groupe,  a  voulu,  à  son  tour,  traiter  un  refrain  latin.  C'est 
un  mal  qui  coarx.  Quantum  nmtatus  ah  ///o  /  s'écrie-t-il. 
Suit  une  série  de  dégommages  tout  à  fait  njouissante  : 
Hector  et  Virgile  n'en  ont  jamais  rêvés  de  pnreds.  Les 
couplets  à  boire,  de  Piesse,  rentrent  dans  la  même  caté- 
gorie :  ils  sont  d'une  excellente  facture,  qui  rachète  ce  que 
le  fond  a  de  peu  neuf 

La  grivoiserie  a  fourni  deux  productions  dillérciites,  mais 
également  réussies  :  L'hoinm£  a  Vhorreiir  ilit  ride,  de 
Vacher,  qui  s'élève  à  des  hauteurs...  épiques,  et  Mes 
Amours,  de  Fénée,  qui,  sur  l'air  de  la  valsp  îles  Roses, 
chante  le  de  Pro/wfirfw  le  plus  cocasse  sur  ses  anciennes 
\ictimes. 

La  chanson  de  Ripault,  Le  long  de  la  Hicicre,  me  servira 
de  transition  :  elle  touche  à  la  fois  au  genre  léger  et  au 
genre  descriptif  :  chacun  des  sites  qu'il  i-pucontre,  des 
groupes  qu'il  surprend,  des  ^coudes  qui.'  suit  la  marche 
aventureuse  de  sa  rivière,  est  un  tableau  à  part  finement 
décrit. 

Charles  Vincent,  qui  aime  et  connaît  la  nature,  et  la 
chante  souvent  et  bien,  célèbre  le  Prinleiiipi:,  vieux  sujet 
toujours  neuf,  surtout  quand  il  est  rajeuni  par  des  élans 
d'espoir.  Murât,  son  élève  en  peinture,  nous  a  donné  ce 
qu'il  intitule  modestement  Un  Croquis  de  prinleuips.  C'est 
jeune  et  gracieux. 

Et  puis...  voilà  tout,  je  crois.  M.  Sylviiiii  Saint-Etienne, 
un  poète  émérile,  n'a  rien  dit.  Lierai,  le  [la ressens,  n'a  rien 
fait,  (juant  à  moi...  .\u  fait,  j'ai  chanté  sept  couplets 
nouveaux  ayant  pour  refrain  : 

Ça  n'  se  voit  pas  sur  la  tignre. 

Et  je  vous  assure  qu'il  y  en  a  bigrement,  des  choses  qui 
ne  se  voient  pas  sur  la  figure.  Aussi  n'ai-je  pas  essayé  de  les 
énumérer  toutes. 

.\i-je  bien  entendu,  ou  me  suis-ie  trompé  ?  Est-il  vrai  que 
deux  vers  destinés  par  leur  place  à  rimer  ensemble  se 
terminent,  l'un  par  trouve  et  l'autre  par  s'enlrouvrel  Je 
n'ose  l'affirmer.  Avis  à  l'auteur. 

Eue.  IMHIiHT. 


LIGE  CHANSONNIERE 


BANQUET  DU    7  AVRIL 

Ryon  a  trouvé  un  moyen  très-ingénieuv  de  satisfaire  en 
même  temps  les  partisans  et  les  ennemis  du  toast  ;  il  s'est 
abstenu  de  paraître  au  banquet  d'avril.  —  ■  Quelle  chance, 
ont  dit  les  uns,  nous  n'aurons  point  de  toast  aujourd'hui.»  — 
—  «  Quel  bonheur,  se  sont  écrié  les  autres,  nous  en  aurons 
deux  le  mois  prochain!  »  —  Touchante  harmonie! 

Chebroux  a  présidé  avec  urbanité  et  verve  la  séance  des 
chants,  au  total  intéressante. 

Les  refrains  à  boire  sonnent  toujours  bien  dans  les  réunions 
chantantes.  Buvons  du  vin,  dit  joyeusement  M.  Armand 
Mordret  ;  M.  Bernard  Moreau  voit  aussi  le  bonheur  dans  le 
jus  de  la  treille  ;  M.  Auguste  Luth  refait  avec  originalité  le 
portrait  aimé  du  Docteur  Grégoire  ;  enfin  M.  Flachat  «  verse  à 
boire  à  Pierre  Gringoire  »  avecunerondeur  qui  n'exclut  pas 
le  sentiment. 

La  chanson  de  genre  a  fourni  un  contingent  non  moins 
brillant  et  plus  nombreux  encore.  Le  Joueur  de  flageolet, 
de  Hachin;  le  Jeu  n'en  vaut  pas  la  chandelle,  de  M.  Càron; 
Châtelaine  et  Paysan,  de  W.  Robinot;  les  Déboires  de  la 


LA  CHANSON 


187 


loterie,  du  .M.  Leblanc;  Je  m'y  laisse  toujours  prendre,  de 
M.  Cahen  ;  Dans  les  blés,  de  M.  Moniot  ;  L'  bon  Dieu  n'  m'en 
voudra  pas  pour  ça,  de  M.  Stanislas  Tostain,  brillent,  les 
unes  par  la  finesse,  les  autres  par  la  sensibilité,  et  ont  été 
très-favorablement  reçues. 

Un  des  plus  anciens  sociétaires,  M.  Vatinel,  licéen  depuis 
trente-cinq  ans,  quitte  Paris  pour  Fontainebleau  ;  il  a  fait  i 
ses  collègues  des  adieux  en  couplets  attendris  et  émouvants. 
Mais  quoi,  Kontainebleau  n'est  pas  si  loin  que  la  Lice  ne 
puisse  corapter  sur  la  présence  de  M.  Vatinel  à  plus  d'un 
banquet  encori'. 

Mil.  Maic-liivc,  Ponsard,  Jeannin  et  Péan  ont  obtenu  de 
grands  su<ié>  de  rires  avec  de  bonnes  gaudrioles. 

Collignoii.  de  passage  à  Paris,  a  été  le  triomphateur  de  la 
soirée.  Il  ;i  liii  avec  àme  la  jolie  chanson  de  lîaillet.  Elle 
s'appelail  Mnifitierite,  et  avec  une  énergie  superbe  Le 
Semeur  de  llesioi'ges. 

Quelques  poésies  ont  agréablement  coupé  les  chants.  On 
a  vigoureusement  applaudi  un  magistral  sonnet  de  Ponsard, 
des  vers  ironiques  A  Tartuffe  par  M.  .Vuguste  Goûts,  enlin 
un  sonnet  humoristique  de  Chebroux,  dont  la  terminaison  a 
dû  faire  In-ssaillirid'aise  l'ombre  de  Cambronne. 

l.-henrv  lecomti:. 


Samedi  V7  mars,  a  eu  lieu  à  l'Eldorado  la  première 
audition  de  La  Fleur  sauvage,  romance  dramatique 
de  MM.  Déliera  pour  la  poésie,  et  Marié  pour  la 
musique,  ("est  M"°  Amiati  qui  était  chargée  de  l'in- 
terpréter. L'érainente  chanteuse  s'est  montrée  à  la 
hauteur  de  l'œuvre;  c'est  dire  que  cette  audition  a 
été  un  triple  succès. 

Nous  sommes  assez  heureux  pour  pouvoir  donner 
à  nos  lecteurs  le  texte  entier  des  beaux  vers  de 
M.  Dali  ppf. 

LA    FLEUR    SAUVAGE    (  ) 

Romance    dramati(|iic 


I     M.    Paul   RESARD 

On  la  nommait  la  fleur  sauvage. 
Dieu  seul  se  rappelait  son  nom 
Et  vraiment  son  charmant  visage 
Brillait  d'un  étrange  rayon. 
Quaud  sous  un  pâle  clair  de  lune, 
Que  ses  yeux  noirs  éblouissaient. 
Apparaissait  sa  beauté  brune, 
Les  [lassants  parfois  se  signaient. 
Pourtant  tu  n'étais  pas  méchante, 
Fi-êle  (leur  d'un  pays  lointain, 
Qu'en  un  jour  de  sombre  époiivante 
Apporta  l'aile  du  destin. 

Gi'andis  chez  nous,  ô  fleur  sauvage! 
(irandis,  ô  fleur  de  pureté, 
A  l'abri  d'un  nouvel  orage, 
A  l'ombre  de  la  liberté  ! 

l-:ile  savait  qu'elle  était  belle  ; 
Le  clair  ruisseau  le  lui  disait. 
Mais  aux  plus  doux  propos  rebelle, 
Bien  vite  son  cœur  se  fermait. 
Pourtant  voici  qu'un  cri  de  guen'e 
Soudain  éclate  et  t'ait  surgir 
IVun  peuple  la  sainte  colère... 


(•)  En 


Labbé,  éditeur, 


:-de-Na2areth,  32. 


0  vierge,  pourquoi  donc  pâlir? 
Enfant,  ce  n'est  point  ta  patrie 
Qui  défend  un  sol  menacé. .. 
Va  dans  les  bois,  toute  fleurie, 
Cacher  le  rêve  commencé. 

Grandis  chez  nous,  etc. 


Ah  !  la  patrie  est  où  l'on  aime  I 

Celui  que  j'aimais  est  parti; 

Et  voilà  pourquoi  mon  front  blême 

Caresse  un  rêve  anéanti. 

A  tous  mon  secret  se  révèle. 

Oh  !  je  ne  suis  plus  fière  !  oh  non  ! 

Et  par  sa  blessure  cruelle 

Mon  cœur  va  vous  jeter  son  nom. 

Vous  frémissez  et  sous  un  voile 

Vous  voulez  me  cacher  son  sort. 

Mon  âme  a  perdu  son  étoile  ; 

Une  voix  me  dit  qu'il  est  mort. 

Grandis  chez  nous,  etc. 

Un  soir  d'été  d'un  reflet  rose 
Eclaire  le  sang  répandu. 
Quel  gentil  cavalier  repose 
Auprès  de  ce  corps  étendu  î 
C'est  elle!  C'est  la  fleur  sauvage! 
Près  d'elle  un  mousquet  est  jeté. 
De  cette  arme  as-tu  fait  usage 
Pour  défendre  la  liberté  ? 
Pauvre  âme  avant  l'heure  flétrie, 
Un  désespoir  la  dévorait. 
Elle  est  morte  pour  la  patrie 
De  celui  qui  la  dédaignait. 

Tu  revivras,  ô  fleur  sauvage, 
Céleste  fleur  de  pureté  ; 
A  l'abri  d'un  nouvel  orage, 
Tu  fleuriras  en  liberté. 

Edmond  DELIÈRB. 


LE    PETIT    BLEU 


On  a  chanté  le  gai  Champagne, 
Et  le  bourgogne  et  le  bordeaux , 
Célébré  les  doux  vins  d'Espagne, 
Fêté  tous  les  crus  sans  rivaux. 
Mais  moi,  qui  suis  du  peuple,  et  qui  ne  connaît  guère 
Ces  vins  de  grand  seigneur,  je  veux  ici,  morbleu, 
Célébrer  aujourd'hui  le  vin  du  prolétaire 
Et  chanter  les  vertus  de  WxircàAQ  petit  bleu. 

Petit  bleu,  scintille,  scintille. 
Verse-nous  l'amour,  la  gaîté  ; 
Vin  clairet,  pétille,  pétille; 
Inspire-nous  un  chant  de  liberté  I 

Au  petit  bleu  point  d'étiquette. 
Point  de  cachet  sur  son  bouchon  ; 
Mais  il  triomphe  à  la  guinguette. 
Il  est  le  roi  de  la  chanson. 


LA  CHANSON 


Jamais  il  n'a  bi'illé  dans  le  cristal  sonore  ; 
Mais  il  rougit  souvent  les  verres  de  deux  sous; 
On  les  vide  gaîment,  on  les  remplit  encore, 
Et  bientôt  il  vous  met  tout  sans  dessus  dessous. 
Petit  bleu,  etc. 

C'est  le  copin  de  la  bouffarde, 

L'ami  bien  cher  à  l'artisan  ; 

C'est  le  rayon  de  la  mansarde, 

C'est  le  bonheur  du  paysan. 
C'est  de  lui  que  naquit  un  jour  la  chansonnette. 
Pleine  des  mots  piquants  du  vieil  esprit  gaulois. 
Devant  lui,  mes  amis,  inclinons  donc  la  tête 
Et  venons  au  plus  tôt  nous  ranger  sous  ses  lois. 

Petit  bleu,  scintille,  scintille  ; 
Verse-nous  l'amour,  la  gaîté; 
Vin  clairet,  pétille,  pétille; 
Inspire-nous  un  chant  de  liberté. 

Albert  CHANTERAC. 


A  tous  les  Amis  de  l'Humanili' 

LA    LANGUE  UNIVERSELLE  () 


S'il  est  une  œuvre  fraternelle 
Qui  sur  les  peuples  rayonna. 
C'est  bien  la  Langue  Universelle 
Que  François  Sudre  nous  donna. 

Les  sept  notes  de  la  musique 
En  sont  le  facile  alphabet  ; 
Un  procédé  simple  et  magique 
Dévoile  le  divin  secret. 
Sans  avoir  aucune  science. 
Dans  l'univers,  jeunes  et  vieux, 
Ont  promptement  la  connaissance 
De  ce  langage  merveilleux. 
S'il  est,  etc. 

Ni  livres,  ni  temps,  ni  dépense. 
Non,  rien  n'est  à  sacrifier  ; 
Cette  langue  nous  en  dispense. 
Même  sans  savoir  solfier. 
Et  par  un  moyen  fort  habile. 
Elle  présente  les  bienfaits 
D'être  pareillement  utile 
Aux  aveugles  et  sourds-muets. 
S'il  est,  etc. 

0  Sudre,  lumière  féconde, 
Quel  trésor  n'as-tu  pas  semé  ! 
Bientôt  tous  les  peuples  du  monde 
Vont  se  comprendre  et  vont  s'aimer. 
A  travers  toutes  les  frontières 
Ta  langue  se  fait  un  chemin. 
C'est  l'union  des  hémisphères 
Et  le  flambeau  du  genre  humain. 

Saluons  une  ère  nouvelle, 
Français,  Espagnols,  Iroquois... 
Voici  la  Langue  Universelle  ! 
C'est  le  tombeau  de  tous  les  rois. 


(•)  Conférences  publiques  et  gratuites  sur  la  Langue  Universelle,  le 
dimanche,  à  2  heures,  rue  du  Foin,  2.  Les  dames  y  sont  admises. 


L'Egalité  fait  l'homme  sage, 
Et  le  sage  est  l'ami  du  .beau  : 
Nous  parlerons  même  langage 
Dans  l'amour  du  même  drapeau. 

S'il  est  une  œuvre  fraternelle 
Qui  sur  les  peuples  rayonna, 
C'est  bien  la  Langue  Universelle 
Que  François  Sudre  nous  donna. 

F.  BERDOULET. 


UNE     CONFESSION 


Aie.  :  La  queue  emporte  la  tête 

J'étais  un  fieffé  garnement, 
On  le  répétait  à  la  ronde; 
Les  femmes  me  trouvaient  charmant. 
Je  les  adorais  brune  ou  blonde, 
Avec  ou  sans  nom  blasonné. 
Fou  de  leur  grâce  enchanteresse. 
Pour  elles  j'aurais  tout  donné 
Aux  beaux  jours  de  ma  jeunesse. 

Leur  plaire  me  semblait  si  doux  ; 
Je  ne  rêvais  pour  toutes  choses 
Que  de  cueillir,  à  leurs  genoux, 
Des  baisers  sur  leurs  lèvres  roses. 
Quitte  à  partir  sans  requiem, 
J'aurais  voulu,  dans  mon  ivresse, 
Pouvoir  posséder  un  harem 
Aux  beaux  jours  de  ma  jeunesse. 

Toujours  en  quête  d'inconnu. 
Chaque  hiver,  intrigue  nouvelle! 
Au  bal,  à  l'aspect  d'un  sein  nu. 
S'enflammait  ma  pauvre  cervelle. 
Dans  mon  appartement  discret, 
Plus  d'une  aimable  pécheresse 
Le  soir  se  glissait  en  secret 
Aux  beaux  jours  de  ma  jeunesse. 

Dès  que  l'été  reparaissait. 
En  respirant  sa  chaude  haleine. 
Du  feu  brûlant  qui  me  poussait 
J'avais  sans  cesse  l'âme  pleine. 
A  des  boudoirs  particuliers, 
Pour  fêter  Vénus,  ma  déesse. 
Succédait  l'ombre  des  halliers 
Aux  beaux  jours  de  ma  jeunesse. 

Soixante  retours  des  saisons 
Nous  font  barbes  et  têtes  blanches, 
Emportant  nos  bleus  horizons 
Et  les  gais  devis  sous  les  branches. 
Pour  moi  le  temps  vient  de  sonner 
L'heure  de  l'austère  sagesse. 
Pourquoi  ne  puis-je  retourner 
Aux  beaux  jours  de  ma  jeunesse  ! 

Il  me  reste  le  souvenir, 
Mieux  encore  :  un  autre  moi-même, 
Dont  le  présent  et  l'avenir 
Ont  pour  mon  cœur  un  charme  extrême. 
De  mon  fils  lorsque  je  connais, 
Dans  ses  amours,  une  prouesse, 
Alors  j'ai  vingt  ans  !  je  renais 
Aux  beaux  jours  de  ma  jeunesse. 

EuG.  GARRàUD. 


LA  CHANSON 


189 


SOCIETE  DES  AUTEURS,  COMPOSITEURS 

ET  ÉDITEURS  DE   MUSIQUE 


Les  amis  anonymes  de  M.  RoUot  ont  tenu,  le 
lundi  12  avril,  une  réunion  privée  dans  la  salle  du 
Skating  de  la  rue  Blanche. 

Cette  réunion  avait  été  officiellement  annoncée 
par  plus  de  dix  journaux.  On  savait  que  les  grands 
prêtres  du  parti  devaient  officier  et  que  le  dieu 
Rollot  serait  visible  à  la  représentation  ;  aussi  la 
porte  était-elle  fermée  à  tout  profane.  On  ne 
pénétrait  dans  le  sanctuaire  qu'avec  une  carte 
rigoureusement  personnelle.  On  devait  être  au  moins 
deux  cents  de  par  le  nombre  des  invitations  lancées. 
Certes  les  fidèles  allaient  s'écraser  dans  la  grande 
salle  du  Skating,  puis,  n'avait-on  pas  avant  tout  les 
cinquante-neuf!  vous  savez,  les  cinquante-neuf  qui 
ont  voté  contre  le  rapport  de  la  Commission  des 
comptes  et  au  nom  de  [qui  M.  Rollot  fait  un  procès. 
Enfin  tout  était  prévu  et  le  Syndicat  n'avait  plus 
qu'à  céder  la  place  devant  la  masse  compacte  des 
sociétaires. 

A  l'heure  indiquée  il  y  avait  une  trentaine  de 
personnes  dans  la  salle;  puis  trente-une...  puis  une 
autre  ;  on  les  comptait.  Enfin  !  quand  le  chiffre 
imposant  de  quarante-cinq  fut  constaté,  on  ouvrit  la 
séance. 

Et  les  cinquante-neuf?  vous  savez  les  cinquante- 
neuf  au  nom  de  qui  M.  Rollot  fait  un  procès,  où 
sont-ils  donc!  Patience,  ils  vont  arriver  en  bataillon 
serré  sans  aucun  doute. 

Après  quelques  paroles  en  mi  bémol  du  fidèle 
Colombier,  la  présidence  fut  confiée  au  maestro 
Laurent  de  Rillé.  C'est  un  homme  qui  connaît  son 
affaire  ;  il  est  calme,  il  est  correct,  un  brin  rusé,  en 
somme  la  sonnette  est  en  bonne  main. 

M.  Laurent  de  Rillé  fait  en  quelques  mots  bien 
sentis  l'historique  du  conflit  qui  existe  entre  le 
Syndicat  et  l'ex-agent-général.. .  En  ce  moment  un 
bruit  se  produit  au  dehors...  ce  sont  les  cinquante- 
neuf  attendus!...  Rienl...  c'est  une  voiture  qui  passe! 

M.  Rollot  presse  la  main  à  son  ami  Monplot,  à 
qui  le  sociétaire  Henri  Min  vient  d'en  dire  deux,  et 
semble  lui  demander  du  regard  :  et  nos  cinquante- 
neuf?  vous  savez,  nos  cinquante-neuf  au  nom  de  qui, 
etc.  Vous  ne  les  avez  donc  pas  convoqués? 

La  salle  est  froide  à  force  d'être  vide...  Mais 
voici  venir  l'ami  Jennius.  Sa  mémoire  est  grande, 
il  sait  par  cœur  tous  les  articles  qu'il  a  semés  dans 
la  Liberté,  il  les  récite  sans  faire  une  faute,  un 
grand  silence  règne...  La  porte  s'ouvre...  cette  fois 
les  voici  nos  braves  cinquante-neuf...  Pas  encore, 
c'est  un  monsieur  qui  a  cru  qu'il  y  avait  répétition 
au  Skating...  il  fait  demi  tour  et  s'en  va.  Le  pré- 
sident lit  un  ordre  du  jour  dans  lequel  le  Syndicat 
est  mis  en  suspicion.  Murmures.  Ah!  si  les  cinquante- 
neuf  étaient  la!  mais  rien!  On  vote  et  trente-cinq 
signatures    demandent  simplement   une  assemblée 


Trente-cinq,  vous  avez  bien.  lu!...  Infidèles  cin- 
quante-neuf où  êtes- vous  donc? Récompense  honnête 
est  promise  à  celui  qui  les  retrouvera  ;  elle  consiste 
en  l'un  des  rares  exemplaires  du  Sardanapale  de 
M.  Joncières...  exemplaire  non  coupé  bien  entendu. 

Et  pendant  toutes   ces   petites   émeutes,  qui   se 


passent  dans  des  coins,  le  Syndicat  continue  à 
administrer  la  Société  avec  calme  et  vigilance.  Plus 
de  cent  mille  francs  ont  été  réparti-s,  comme  droits, 
aux  sociétaires  depuis  le  .5  avril,  par  les  soins  de  la 
Commission  administrative  du  Syndicat  et  de  M.  Flo- 
quet,  l'agent-général  provisoire. 

Robert  GARNIER. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  Progrès  de  la  science,  stances  par  F. -Auguste  Renard, 
Bouibonne-les-Uains,  1879.  —  Chansons,  par  K.  Griin, 
Verviers,  1879.  —  Les  Voyageurs,  poèmes  légendaires,  par 
Francis  Melvil,  Paris,  Lemerre,  1880. 

Poèmes  légendaires,  ce  sous-titre  définit  exactement 
l'œuvre  de  M.  Melvil.  Légendes,  en  effet,  et  des  moins  mo- 
dernes que  ces  récits  :  Héraclès,  Saiil  à  Guilboah,  Rome 
fondée,  Cliarlemagne  pleurant  et  tant  d'autres,  sans  compter 
les  Pèlerins  d'Emmaiis  et  la  Vision  du  Dante.  Babel  est  un 
petit  poème  et  par  la  grandeur  du  sujet  et  par  los  dévelop- 
pements que  l'auteur  y  a  consacrés.  Quelques  p.cces  tran- 
chent sur  la  couleur  héroïque  de  l'ensemble.  Ceci  n'est  pas 
un  reproche.  Le  Conservateur  au  Temple,  la  Tristesse  du 
bon  Dieu,  notamment.  On  trouve  là  une  note  gauloise  pres- 
que inattendue  : 

C'est  le  chuDt  du  pinsoD  sous  un  ciel  orageux. 

Une  idée  fataliste  semble  dominer  le  poète.  Son  titre  le 
dit.  Les  Voyageurs,  ce  sont  les  hommes,  c'est  l'humanité 
même,  s'acheniinant  vers  un  but  pour  elle  inconnu,  but  que 
l'auteur  indique  d'avance  :  le  néant.  Mais,  entre  le  point  de 
départ  et  le  point  d'arrivée,  que  de  pas,  que  d'efforts,  que 
de  luttes  et  même  que  de  victoires!  En  vani,  comme  Héra- 
clès, l'homme  voit  ses  travaux  bafoués  ;  en  vain  il  ensevelit 
sous  les  cendres  d'un  bûcher  l'amertume  d'être  méconnu. 

Ses  ennemis,  broyés  sous  le  poids  du  remords. 
Pâles,  désespérés,  condamnés  par  leurs  crimes, 
Succombèrent  bientôt,  misérables  victimes 
Do  la  haine  d'un  peuple  et  du  courroux  des  dieux. 


Partout  l'encens  divin  fuma  sur  ses  autels, 
Et  le  pâtre  rêveur  des  grands  monts  immortels 
Bien  souvent  raperçut,  au  fond  des  cieux  sans  voiles, 
Posant  ses  pieds  d'azur  sur  de  blanches  étoiles. 

Voilà  la  véritable  consolation  du  sage  et  du  courageux  : 
l'estime  de  la  postérité,  qui  n'est  que  l'écho  de  sa  propre 
conscience.  Voilà  la  véritable  réponse  à  ces  questions  désen- 
chantées : 

A  quoi  bon  tant  chercher  la  fortune  et  la  gloire. 
Et  l'admiration  du  pauvre  genre  humain, 
Puisque  le  plus  beau  jour  s'éteint  dans  la  nuit  noire, 
Et  qu'un  sépulcre  ouvert  est  au  bout  du  chemin  ? 

Quelle  que  soit  la  solution  que  l'on  donne  aux  problèmes 
qu'agite  M.  Melvil  dans  ses  strophes  éloquentes,  et  ils  sont 
nombreux,  on  ne  peut  lui  refuser  un  grand  souffle,  un  mou- 
vement plein  d'ampleur,  un  vers  précis  dans  son  élégance, 
et  par  dessus  tout  un  sentiment  exact  des  époques  et  des 
lieux  où  il  place  ses  sujets.  Son  style  est  net,  quoique  coloré, 
simple,  quoique  imagé;  il  s'assouplit  dans  l'idylle  avec 
autant  de  grâce  qu'il  revêt  d'énergie  dans  l'épopée.  Quelle 
désolation  dans  ce  tableau  de  la  terre,  qui  meurt  après  la 
mort  de  son  dernier  habitant  ! 

Le  monde  n'était  plus  qu'un  globe  affreux  et  blême, 

Masse  horrible  et  sans  nom,  boule  aux  flancs  crevassés. 

Astre  sépulcre.  Enfin  vint  le  moment  suprême  : 

Un  craquement  vibra  dans  les  éthers  glacés, 

Et  l'Espace  rendit  à  l'éternel  mystère 

Défigurés,  hideux,  tournoyants,  dispersés, 

Les  mfoï-mes  débris  de  ce  qui  fut  la  Terre. 

M.  Griin  ne  s'élève  pas  à  de  telles  hauteurs  et,  tout  Alle- 
mand qu'il  est,  sa  muse  reculerait  devant  ces  vastes  tableaux. 


190 


LA  CHANSON 


L'histoire,  la  mythologie,  la  cosmogonie  ne  sont  pas  son 
fait.  Elle  peint  de  petits  tableautins  de  genre  ;  la  caricature 
même  ne  l'effraye  pas,  et  le  rire  gaulois,  autant  qu'un  ger- 
mano-belge peut  y  atteindre,  lui  dicte  d'aimables  chansons. 
Le  cercle  des  intimes,  une  fêle  locale,  le  potin  du  jour_, 
autant  d'occasions  de  rimer.  Il  s'en  tire  avec  bonne  humeur, 
et,  sans  détrôner  Clesse,  il  donne  à  la  Belgique,  sa  patrie 
d'adoption,  un  joyeux  chansonnier  de  plus.  Le  Dimanche  de 
l'ouvrier,  les  Fous,  qui  ne  sont  pas  ceux  de  Béranger  mais 
qui  les  rappellent,  les  Hommes,  dont  le  refrain  est  heureu- 
sement imité  de  Festeau  : 


Au  physique 


isi  qu'au  moral, 
plaisant  animal  ; 


Enfin  les  Tribulations  d'une  vierge  —  il  s'agit  de  celle  de 
la  Salette  —  présentent  le  talent  de  M.  Griin  sous  des 
aspects  variés  et  toujours  plaisants. 

M.  Renard,  que  je  n'ai  garde  d'oublier,  chante  en  vers 
bien  frappés  les  merveilles  de  la  science  et  surtout  les  plus 
récentes.  La  vapeur,  l'électricité,  l'aérostatique,  le  téléphone 
défilent  successivement  sous  nos  yeux  ;  et  la  planète  Lever- 
rier,  et  les  machines  agricoles,  et  que  sais-je  !  C'est  un 
poème  didactique  réduit,  mais  intéressant. 

E.  IMBERT. 


LES     AUTEURS-AMATEURS 

Dans  les  Sociétés  lyriques 


La  Fédération  des  Sociétés  lyriques  est  maintenant 
un  fait  accompli. 

Ce  premier  résultat  est  magnifique,  assurément; 
mais  nous  croyons  qu'il  y  a  encore  quelque  chose  à 
faire  pour  l'avenir  des  sociétés  lyriques.  Certai- 
nement, l'heureuse  initiative  du  Comité  ouvre  une 
voie  nouvelle  aux  sociétés;  grâce  à  cette  union, 
une  sérieuse  et  constante  émulation  va  s'établir 
entre  elles,  chacune  étant  désireuse  de  produire, 
lors  des  concours,  des  artistes  qui  lui  fassent  honneur. 

Mais  nous  avons  parlé  plus  haut  d'un  autre 
progrès  à  accomplir,  le  voici. 

Il  existe,  dans  toutes  les  sociétés  lyriques,  à  côté 
des  sociétaires  chanteurs,  d'autres  amateurs  qui, 
bien  que  ne  rendant  pas  les  mêmes  services  que 
leurs  camarades,  n'en  ont  pas  moins  droit  au  même 
encouragement.  Nous  voulons  parler  des  sociétaires- 
auteurs  et  compositeurs.  En  effet,  si  les  premiers 
prêtent  aux  sociétés  le  concours  de  leur  voix,  les 
seconds  ne  produisent-ils  pas  pour  elles,  et  pour  elles 
exclusivement,  par  la  raison  même  qu'ils  ne  sont  pas 
connus. 

Que  l'un  de  ces  inconnus,  un  de  ces  sa,ns-nom, 
éprouve  le  désir  de  produire  ses  œuvres  sur  une 
scène  plus  vaste  et  devant  un  public  plus  nombreux 
que  celui  de  sa  société,  dès  la  première  démarche,  il 
se  trouve  découragé;  le  directeur  du  concert  et 
l'éditeur  auxquels  il  s'adresse  lui  répondent  invaria- 
blement, le  premier  :  Faites-vous  connaître  et  nous 
vous  chanterons,  le  second  :  Faites-vous  chanter  et 
nous  vous  éditerons.  Pourtant,  dans  le  nombre  des 
productions  présentées  à  cesMessieursparles  auteurs 
ou  compositeurs  débutants,  il  en  est  de  certaines  qui 
valent  bien  certaines  chansons  de  concerts  et  qui 
obtiendraient  un  succès  si  elles  voyaient  le  feu  de  la 
rampe. 

N'y  a-t-il  pas  quelque  chose  à  faire  pour  ces 
sociétaires  auteurs  et  compositeurs  et  ne  méritent- 
ils  pas  le  même  encouragement  que  le  comité  de 
Fédération  accorde  aux  chanteurs  ? 


Nous  laissons  au  Comité  le  soin  d'étudier  cette 
idée  et  de  l'apprécier,  son  expérience  lui  donnant 
toute  l'autorité  nécessaire  pour  mener  à  bonne  fin 
l'accomplissement  de  ce  projet  :  Assurer  l'avenir  des 
Sociétés  lyriques  en  établissant  entre  elles,  en  même 
temps  qu'une  active  émulation  artistique,  les  relations 
amicales  nécessaires  à  leur  existence  même. 

Hekry  MALLET. 


CHRONIQUE  DES  SOCIETES  LYRIQUES 


Le  19  mars,  un  magnifique  concert  a  été  donné 
par  le  Cercle  de  VEtoile,  dans  la  salle  de  l'Hôtel  des 
Chambres  syndicales,  rue  de  Lancry. 

Grand  succès  pour  tous  les  amateurs  qui  se  sont 
fait  entendre  dans  cette  soirée. 

M.  Maire  a  chanté  avec  talent  les  Rameaux,  de 
Faure,  et  Dis-moi  quel  est  ton  pays. 

On  a  fait  une  grande  ovation  à  M""  Wagon  après 
l'air  des  Bijoux  de  Faust,  et  le  duo  des  Dragons  de 
Villars. 

On  a  entendu  avec  plaisir  deux  jeunes  élèves  du 
Conservatoire  :  M.  Rouvière,  un  fort  ténor,  et 
M""  Hilder,  une  falcon.  Ces  deux  artistes  ont  obtenu 
un  grand  succès  dans  le  Miserere  du  Trouvère. 

En  somme,  bonne  soirée  (oii  rien  n'a  fait  défaut, 
mandolinistes,  chansonnettes,  poésies,  distribution 
de  bouquets  aux  dames),  ce  dont  il  faut  remercier  le 
président,  M.  Bannes,  qui  organise  si  brillamment 
ses  agréables  réunions. 

A.  B. 

Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  la  Lyre  de  la 
Gaité  a  donné,  le  samedi  3  avril,  une  soirée  extra- 
ordinaire au  profit  de  la  Statue  de  Béranger. 

Parmi  les  artistes  qui  ont  prêté  leur  concours, 
nous  avons  remarqué  M.  Jules  Tiercelin,  ténor, 
qui  a  très-bien  chanté  Les  Carriers  et  un  fragment 
d'Haydée,  Ahl  que  la  nuit  est  belle.  M.  Gouget  pré- 
sident de  la  Société  lEsckolière  a  chanté  une 
chanson  de  Béranger  et  a  récité  la  Grève  des 
For(jeron%.  M""''  Armandine,  Henriot,  Berthe  et 
Jeanne  ont  su  charmer  l'auditoire  par  leurs  chants. 

La  soirée  s'est  terminée  par  une  Tombola  qui, 
ajoutée  aux  quêtes  précédentes,  a  produit  50  francs 
qui  ont  été  versés  entre  nos  mains  pour  être  i-emis  à 
M.  Murât,  le  trésorier  de  l'œuvre. 

X. 

Le  samedi  3  avril,  l'Union  Artistique  donnait  sa 
grande  soirée  mensuelle,  pour  les  débuts  de 
MM.  Debertal,  Bonnet,  Maurice,  Floréal,  et  Marce- 
lin. A  9  heures  la  petite  salle  du  Globe  (que,  soit  dit 
en  passant,  le  patron  du  café  devrait  bien  faire 
restaurer)  était  comble  et  l'on  commençait  la  soirée. 
Nous  avons  entendu  successivement  M.  Debertal 
dans  y  sais  pas  comment  qu'on  s'y  prend,  M.  Cher- 
ville,  l'Employé  d'  la  grande  vitesse,  M.  Floréal, 
l'Homme  aux  grands  pieds,  M.  Michel,  qui  dit  d'une 
façon  charmante  Les  regrets  de  Mignon,  M.  Maurice 
dans  Bonheur  et  Guignon,  M.  Gabriel,  qui  obtient 
beaucoup  de  succès  avec  Les  Ecrevisses,  M.  Bonnet 
dans  la  Valse  des  Feuilles,  M.  Raymond  désopilant 
dans  Le  Portier  V  jour  du  terme.  Après  un  entr'açta 
de  quelques  minutes,  la  toile  se  lève  sur  l'Affaire  de 
la  rue  de  Lourcine,  le  joyeux  vaudeville  devenij 
légendaire,  joué  par  l'élite  de  l'Union  Artistique,  j'ai 


LA   CHANSON 


191 


nommé  M""  Louise,  MM.  Cherville,  Paulin,  le 
s^'mpathique  président,  Gabriel  et  Floréal.  Ces 
messieurs  rivalisent  à  qui  mieux  mieux  de  verve  et 
de  bonne  humeur  et  font  pâmer  la  salle  pendant 
trois  quarts  d'heure.  Ils  sont  récompenst'S  par  de 
nombreux  bravos  et  rappels.  Dans  la  seconde  partie 
nous  entendons  M"'^  Lucie,  l'étoile  de  la  Renaissance, 
dans  Le  Sourire,  puis,  à  la  demande,  générale  dans 
Tous  les  hommes  disent  ça  ;  M""  Lucie  fait  chaque 
jour  de  nouveaux  progrès  et  révèle  dès  à  présent 
toutes  les  qualités  d'une  chanteuse  d'avenir;  M.  Mar- 
celin qui  détaille  très-finement  Le  Déjeuner  sur 
l'Herbe,  M.  Raymond,  dans  le  Candidat  Courbe- 
manche;  M.  Michel,  dans  un  air  de  Martha,  et 
M.  Cherville,  dans  C^est  toute'  que  f  peux  faire  pour 
vous.  Très-belle  soirée,  ce  qui  du  reste  est  d'habitude 
à  l'Union  Artistique 

H.  M. 

L'Union  Joyeuse  ne  donne  ses  séances  qu'à  des 
intervalles  assez  éloignés  et  qui  varient  de  deux  à 
trois  mois,  mais  en  revanche,  elle  apporte  un  grand 
soin  à  la  composition  de  son  programme. 

La  grande  matinée  qu'elle  donnait  le  4  avril  dakns 
la  salle  du  concert  des  Folies  Montrouge  en  est  une 
preuve  certaine.  Un  orchestre  composé  de  douze 
musiciens  donnait  un  grand  attrait  à  cette  repré- 
sentation. 

Après  le  Salon  des  délices,  brillante  ouverture 
exécutée  par  l'orchestre,  M.  Caraby  ouvre  la 
séance  par  Un  bandeau  sur  les  yeux;  M.  Leriguer, 
chante  .ivec  sentiment,  La  fille  de  marbre,  et 
L'oiseau  s'envole  ;  M.  AlexisMarc,  le  premier  comique 
de  l'Union  Joyeuse  débite  le  Premier  bain  d'un 
Auvergnat  avec  sa  verve  habituelle.  M.  Varnier, 
chante  Celle  que  j'aimions  et  les  Pleurs  de  Nicelte. 
M""  Valette  est  une  charmante  conteuse  ;  elle  récite 
très-gentiment  Oh  Monsieur!  et  le  Singe  qui  montre 
la  lanterne  magique.  Un  solo  de  flûte  par  M.  Dinot 
a  fait  grand  plaisir;  M.  Hébert  ne  possède  qu'un 
léger  fllet  de  voix,  mais  il  sait  bien  s'en  servir,  il 
chante  Le  long  de  la  Seine  à  gué  et  le  Contrat  des 
Amours.  M.  Victor  se  plaint  des  Ingrats  et  M""  Geor- 
gette  chante  très  gracieusement  Méchant,  méchante. 
M.  Cabanis  exécute  une  brillante  fantaisie  sur  le 
hautbois.  L'auditoire  a  été  très  émotionné  par 
M""  Valette  qui  a  récité  une  jolie  poésie  de 
M"°  Rousseil  :  La  grande  proscrite. 

M.  Jonas  nous  montre  les  inconvénients  du  poil  à 
gratter,  et  M.  Beck  chante  avec  beaucoup  d'entrain 
Faut  pas  faire  les  malins. 

Il  est  inutile  de  faire  séparément  l'éloge  de 
chaque  artiste.  Nous  nous  bornerons  à  constater 
qu'ils  ont  rivalisé  de  verve  et  de  gaîté  et  qu'ils  ont 
tous  été  bissés.  A.  B. 

Le  7  avril,  Les  Vrais  Amis,  donnaient  leur  soirée 
d'ouverture  à  la  Brasserie  Cidranès,  14,  boulevard 
Magenta.  Dès  8  heures  la  salle  était  comble.  Après 
une  brillante  ouverture  de  M.  Tallandier,  pianiste, 
MM.  Goujon,  Bonomé  et  Victor  ouvrent  la  séance 
avec  entrain.  M.  Ville  le  désopilant  grimacier  de 
l'Union  Lyrique  provoque  un  fou  rire  avec  Quel 
drôle  de  Quartier.  M.  Delsériès  vient  réhabiliter  les 
Auvergnats;  il  récite  fort  bien,  mais  il  ne  devrait  pas 
sortir  de  son  genre  ;  le  comique  ne  lui  va  pas.  Une 
jeune  flUe  d'une  douzaine  d'années.  M""  Charlotte, 
fait  rire  l'auditoire  jusqu'aux  larmes  avec  II  demeure 


rue  Popincourt  et  Heureusement  pour  moi;  elle 
promet  une  bonne  artiste  pour  l'avenir.  M.  Launay 
de  la  Renaissance  chante  Les  myrtkes  sont  flétris 
avec  beaucoup  de  succès.  M'"  Marguerite  de 
l'Union  Lyrique  chante  la  Légende  des  hirondelles, 
d'une  voix  douce  et  sympathique,  nous  regrettons 
vivement  de  ne  l'avoir  entendue  qu'une  fois  dans  le 
courant  de  la  soirée.  Une  comédie  en  un  acte.  Chez 
l'Avocat,  a  été  très-bien  interprétée  par  M""-' Pauline 
et  M.  Donckèle . 

Le  roi  de  la  soirée  à  été  l'amusant  Vaast  de 
l'Union  Lyrique;  il  a  débité  avec  une  verve  endiablée 
Je  suis  papa  depuis  c  matin  et  la  Politique  à  Chris- 
tophe. Citons  aussi  M"i='  Lucie  et  Mathilde  de  la 
Renaissanc-e,  MM.  Cabaret,  Donckèle,  Jonas  et 
Beck  qui  ont  contribué  au  succès  de  la  soirée. 

Avec  un  programme  aussi  attrayant  les  Vrais 
Amis  sont  sûrs  de  réussir. 

Nous  le  souhaitons  de  tout  notre  cœur. 
A.  B. 

Chaque  semaine  la  Cordiale  tient  ses  réunions  au 
Globe,  8,  boulevard  de  Strabourg,  excepté  le  premier 
jeudi  du  mois.  La  soirée  du  8  avrila  été  ouverte  par 
une  bonne  chansonnette  Le  refrain  d'autrefois, 
paroles  de  M.  Gabriel,  musique  de  M.  Marcus. 
M""  Marguerite  a  chanté  avec  sentiment  les  Regrets 
de  Mignon.  Sont  venus  ensuite  MM.  Henriel,  Charles, 
Marie,  Mussler. 

Dans  la  comédie  de  Perrier,  Chez  l'A  vocat,  en 
dehors  des  rôles  principaux  très-bien  tenus  par 
M"°  Adèle  et  M.  Gabriel,  l'amusant  comique  Lelarge 
et  M.  Douillard  se  sont  fait  remarquer  par  une 
mimique  très-réussie.  M"°  Berthe  et  M.  Bousquat 
ont  été  très-gofttés  dans  leurs  chansons.  M.  Bergier, 
a  un  puissant  organe  et  dit  bien  la  Grève  des  For- 
gerons, mais  il  manque  quelquefois  de  naturel. 
M.  Auguste!  a  une  grande  habitude  de  la  scène  et  dit 
bien  la  chansonnette. 

M"°  Jeanne  a  été  très-enjouée  et  M.  Georgebé 
très-persifleur  dans  la  comédie  de  Narrey,  Comme 
elles  sont  toutes.  L'éloge  de  M.  Jules  Raux  n'est  plus 
à  faire  et  l'on  ne  peut  dire  ce  qu'on  applaudit  le  plus, 
ou  de  l'artiste,  ou  du  compositeur  de  la  jolie  romance 
Gentil  Lutin.  X. 

Le  Cercle  Musset  donnait,  le  samedi  10  avril,  une 
grande  soirée  d'adieu  à  l'un  de  ses  membres, 
M.  Berlioz.  Aussi  dès  9  heures  était-il  impossible  de 
trouver  une  place  dans  la  salle.  Cette  soirée  char- 
mante devait  être  présidée  par  M.  Paul  de  Musset, 
frère  du  grand  poète,  mais  à  la  dernière  heure  il 
s'est  excusé  par  lettre  de  ne  pouvoir  y  assister. 
Parmi  les  artistes  qui  ont  eu  le  plus  de  succès  citons  : 
MM.  Marie,  Gaillot,  Jalade,  Borschneck,  Vuillaume, 
l'amusant  Géo,  qui  conte  très-drôlement  C'est  le 
Cliquot  qu'en  est  la  cause.  M .  Durieu,  le  sympa- 
thique président  du  Cercle,  très-applaudi  dans  une 
poésie  de  François  Coppée.  Andouard,  de  la  Renais- 
sance, rappelé  dans  La  femme  à  papa,  c'est  Nana. 
M.  Marion,  qui  récite  la  Robe  avec  beaucoup  de 
sentiment.  Le  vaudeville  Madame  est  couchée  a  été 
lestement  enlevé  par  MM.  Berlioz,  Cordier  et 
Mlle  Lucie  de  la  Renaissance,  qui  est  une  petite 
soubrette  très-avenante.  Une  simple  question. 
Pourquoi  le  bouillant  M.  Da  Sylva  semble-t-il  avoir 
un   mécanisme   dans  le  corps,  quand  il  récite  une 


192 


LA  CHANSON 


A  l'issue  de  la  soirée  une  médaille  d'argent  a 
été  offerte  en  souvenir  à  M.  Berlioz  par  ses  cama- 
rades. Il  les  a  remerciés  et  a  fait  ensuite  ses  adieux 
ail  public  dans  quelques  paroles  fort  émues.  Puis 
une  quête  a  été  faite  au  profit  des  pauvres  qui 
ne  sont  jamais  oubliés  aux  réunions  du  Cercle  Musset. 

H.  M. 

Le  lundi  19  avril,  soirée  avec  concours  de  poésie 
et  chansons,  à  la  Lyre  bienfaisante,  présidée  par 
M.  Couvreur,  9,  quai  Saint-Michel.  Soirées  tous  les 
dimanches  et  lundis,  à  9  heures. 

M.  Victor,  du  Cercle  des  Sociétés  lyi'iques,  donnera 
le  jeudi  29  avril,  à  8  heures  précises,  brasserie 
Baudin,  157,  faubourg  Saint-Antoine,  une  grande 
soirée  extraordinaire  sous  le  patronage  de  la  Muse 
Gauloise,  présidée  par  M.  Lestivant,  avec  le  con- 
cours de  M;  Ludot,  violoniste,  et  des  lauréats  des 
concours  lyriques. 

A  11  heures  1;2,  pantomine  par  les  artistes  des 
Funambules,  suivie  d'une  grande  tombola.  Prix  du 
bUlet  :  50  cent. 

On  trouve  des  billets,  11,  place  de  la  République, 
maison  Orange.  Nous  invitons  nos  lecteurs  et  les 
habitués  des  sociétés  lyriques  à  assister  à  cette 
grande  soirée. 

Nous  rendrons  compte  dans  notreprochain  numéro 
de  la  belle  soirée  donnée  par  la  Lyre  amicale,  au 
profit  de  la  statue  de  Béranger,  ainsi  que  du  concert 
donné  par  la  société  lyrique  et  dramatique  l'Etoile, 
dans  la  salle  du  nouveau  théâtre  de  Levallois. 


CHOSES    &    AUTRES 


NEUVIEME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  i^'  au  30  avril. 

Nous  rappelons  que  nos  abonnés  seuls  ont  droit 
d'y  prendre  part,  avec  une  chanson  de  six  couplets 
au  plus,  avec  ou  sans  refrain. 

Le  premier  prix  sera  publié  dans  le  journal  et 
recevra  dix  exemplaires. 

Les  titres  et  les  noms  des  auteurs  des  deux  pièces 
suivantes  seront  publiés. 

Au  moment  où  nous  mettons  sous  presse,  le 
résultat  du  grand  concours  de  la  Lice  Chansonnière 
ne  nous  est  pas  encore  connu. 

La  librairie  Dentu  vient  de  mettre  en  vente  un 
volume  appelé  à  un  succès  littéraire  et  de  curiosité  : 
Mes  Souvenirs,  par  Bouffe.  Le  grand  comédien  y 
raconte  avec  charme  sa  vie  intime  et  ses  triomphés 
artistiques.  Le  Gamin  de  Paris,  Michel Perrin,  Pauvre 
Jacques,  Grandet  et  tant  d'autres  types  heureux  sont 
analysés,  jugés,  vivifiés  par  leur  créateur  dans  ce 
livre  où  l'on  retrouve  la  force  pathétique  et  la  verve 
spirituelle  qui,  pendant  trente  années,  firent  pleurer 
ou  rire  au  théâtre.  Un  fort  vol.  in-18,  avec  préface 


de  M.  Legouvé  et  plusieurs  portraits  à  l'eau-forte. 
Prix  :  3  fr.  50. 

Le  Figaro  annonce  que  le  célèbre  baryton  Ismaël 
vient  de  chanter  dans  un  concert,  à  Marseille,  une 
nouvelle  production  musicale  de  Faure,  le  non  moins 
célèbre  baryton,  et  avec  un  tel  succès  que  l'artiste 
a  dû  répéter  en  entier  cette  chanson  dont  le  titre 
est  :  Je  ci'oisl  Nous  ajouterons  qu'éditée  chez  Heuzel, 
cette  chanson  a  pour  auteur  Charles  Vincent,  membre 
du  Caveau  et  de  la  Lice  Chansonnière. 

Salle  des  conférences.  —  Séance  de  piano,  par 
M.  Ben-Tayoux. 

M.  Ben-Tayoux  a  entrepris  une  tâche  difficile 
qu'il  est  en  train  de  mener  à  bonne  fin.  Il  donne, 
chaque  lundi,  à  la  salle  des  Capucines,  des  séances 
dans  lesquelles  il  exécute  des  morceaux  de  piano 
qu'il  explique  et  commente  avec  talent.  L'idée  est 
bonne  et  doit  être  encouragée. 

Nous  avons  surtout  beaucoup  apprécié  les  défi- 
nitions relatives  au  mécanisme  et  au  style,  aux  genres 
classique  et  romantique,  les  explications  ingénieuses 
sur  certains  doigtés.  Toutes  ces  théories  sont  frappées 
au  bon  coin  et  clairement  exposées. 

On  a  beaucoup  applaudi  M.  Ben-Tayoux  comme 
pianiste  et  comme  conférencier. 

Nous  nous  proposons  de  retourner  aux  lundis  de 
M.  Ben-Tayoux.  Ses  programmes  sont  variés,  son 
talent  se  plie  fort  bien  aux  divers  genres  qu'il 
interprète  et  la  soirée  ainsi  passée  est  agréable  et 
instructive.  Le  public  prouve  par  ses  bis  que  M.  Ben- 
Tayoux  est  à  la  hauteur  de  sa  tâche. 

{La  Paix.) 

LEROUX,  4,  place  Chapon.  —  Spécialité  d'in- 
signes pour  sociétés  lyriques  et  autres. 

Belle  et  grande  Salle  à  Louer 

Salons  du  Progrès,  Boulevard  de  l'Hôpital,  36 
les  Mardis,  Mercredis,  Vendredis  et  Samedis 
Nous  recommandons  cette  jolie  salle  tout  agencée 
pour  sociétés  lyriques  ou  autres  réunions  et  pouvant 
contenir  ôC^  personnes. 

Avec  le  présent  numéro  finit  la  deuxième  année 
de  LA  CHANSON.  Le  prochain  numéro,  contenant 
notre  nouveau  programme,  sera  envoyé  à  tous 
nos  abonnés.  Nous  prions  ceux  qui  ne  voudraient 
pas  renouveler  leur  abonnement  de  nous  renvoyer 
le  numéro  avec  le  mot  REFUSÉ  sur  la  bande 
d'envoi.  Les  réabonnements  sont  reçus  dans  tous 
les  bureaux  de  poste  de  Paris  et  des  départements. 
Les  frais  sont  à  la  charge  du  journal.  Il  suffit  donc 
de  verser  TROIS  FRANCS  pour  six  mois,  ou 
SIX  FRANCS  pour  un  an. 

Nos  abonnés  recevront  prochainement  le  titre 
et  la  taible  des  deux  premières  années  de  LA 
CHANSON,  formant  un  beau  volume  in-4o. 

Le  Directeur-Gérant,  A.  PATAY. 


LA   CHANSON 

JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 


ÉCHO    DES   SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Théâtres,    Concerts,    Littérature,     Beaux-Arts 


RÉDACTEUR    EN    CHEF    :     L.-HICllNm^y      LECOIVLTE 
DIRECTEUR    :    A.,    FA.XA.Y 


BUREAUX    DE    LA    PUBLICATION 
LIBRAIRIE   A.  PATAY,  RUE   BONAPARTE,    18,   PARIS 


1881 


y  ANNÉE. 


N"  1. 


lO  CENTIMES. 


15  MAI  1880 


LA   CHANSON 


Direckur-Oérant, 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailéêet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCnO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits  non   insérés   ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  laligne. 
Réclames,        — 


La  chanson,  comme  la  baïonnette, 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &  RÉDACTION 

18,  EUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  Chef 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  > 

Etranger,  un  an 8» 


La  Fête  du  Château-d'Eau  et  la  Conférence  de  M.  Spuller 
sur  liéranger  (l.-henry  lecomte).  — A(ous(a.  patay). 
—  Thomas  Hood  {l.  laurent-I'Ichat;.  —  La  Chanson 
de  la  Chemise  (charles  poncy).  —  Les  Petites  Mains 
de  ma  Mie  (paroles  de  jules  jouy,  musique  de  paul 
HENRION). —  Neuvième  Concours  mensuel deLaChaason. 


SOMMAIRE: 

—  B.DaguetU..  p.).  —  Chanson  du  Printemps  (hippolyte 
daguet).  —  Société  des  Auteurs,  Compositeurs  et  Edi- 
teurs de  Musique  (Robert  garnier).  —  Une  Première 
à  l'Eldorado  tpxvL  wolf).  —  Chronique  des  Sociétés 
lyriques.  —  Choses  et  autres.  —  Le  Caoutchouc, 
cûanson  annonce  (etienne  ducret). 


M.  E.  SPULLER,  Député  du  IIP  Arrondissement 

pnÉsiuE.'vx  nv  coMirû  »e  la  j^tatce  ue  bér^iivgcb 


Lafôte  organisée  sous 
lepalronage  des  conseil- 
lers municipaux  du 
3«  arrondissement,  au 
profil  de  la  statue  de 
Béranger,  a  été  superbe. 

La  vaste  salle  duChâ- 
leau-d'Eau  était  pleine. 
Sur  la  scène,  derrière 
le  fauteuil  du  prési- 
dent, le  buste  de  Dé- 
ranger couronnait  un 
élégant  piédestal  orné 
de  fleurs  et  de  verdure. 
Plusieurs  députes  et 
sénateurs,  denombreux 
représentants  de  la 
presse  parisienne,  dé- 
partementale, étran- 
gère même ,  étaient 
assis  auprès  des  mem- 
bres du  comité,  parmi 
lesquels  on  remarquait 
MM.  Ilébrard,  Gasta- 
gnary,  Bouffé,  Alfred 
Leconte,  Ranc,  Le- 
vraud,  Charles  Vin- 
cent, Georges  Murât, 
Eugène  Imbert,  Ghe- 
broUx,  Eugène  Baillet, 
René  Ponsard,  le  direc- 
teur et  le  rédacteur 
en  chef  de  £a  Chanson. 

A  deux   heures,  le  bureau, 
Martin,  président,  MM.  Cléray, 


composé  de  M.  Henri 
Darlot,  Frère,  Murât, 


assesseurs,  prenait  pla- 
ce. L'harmonie  la  Qavr 
loise  exécutait  aussitôt 
un  pas  redoublé,  très 
vivement  applaudi.  Le 
choral  Les  Enfants  de 
Lutcce  chantait  ensuite 
avec  l'ensemble  mer- 
veilleux qui  a  fait  sa 
réputation,  et  la  Gau- 
loise achevait,  par  une 
ouverture,  la  première 
partie  artistique  du  pro- 
gramme. 

M.  Henri  Martin  prit 
alors  la  parole.  Dans  une 
allocution  familière,  il 
traça,  avec  un  rare  bon- 
heur d'expressions,  le 
portraitintimedugrand 
poète  qu'il  a  connu  per- 
sonnellement «  simple, 
caustique,  donnant  à 
tout  venant  son  néces- 
saire, et  s'évertuant,  au 
contraire  des  jésuites, 
à  définir  toutes  les 
nuances  du  bien  ». 

La  conférence  de 
M.  Spuller  a  suivi. 
C'était  le  point  impor- 
tant du  programme; 
ça  été  un  événement  littéraire.  Quoique  souffrant, 
l'orateur  a  été  digne  de  lui-même  et  du  sujet  fécond 
qu'il  avait  choisi.  L'œuvrede  lastatuede  Bérangerne 


LA  CHANSON 


pouvait  êlre  mieux  motiyée.  Dans  son  discours,  abon- 
dant en  citations  heureuses,  en  rapprochements  ingé- 
nieux, en  allusions  spirituelles,  M.  Spuller  a  mer- 
reilleusement  raconté  la  vie  du  poëte  populaire,  et 
dignement  apprécié  ses  chansons  principales.  Il 
s'est  élevé  surtout  contre  la  réaction  qui  poursuit 
encore  la  mémoire  de  Béranger,  en  prouvant  qu'il 
serait  souverainement  injuste  de  faire,  comme  l'ont 
fait  certains  pygmées  de  lettres,  porter  à  Béranger 
seul  la  peine  d'une  erreur  politique  qu'il  a  partagée 
avec  tous  les  esprits  libéraux  de  la  première  partie 
de  ce  siècle.  La  conclusion  naturelle  du  discours  de 
M.  Spuller,  a  été  que  Béranger  fut  constamment  le 
champion  vigoureux  et  honnête  de  la  démocratie, 
et  que,  par  conséquent,  l'œuvre  entreprise  par  le 
comité  est  éminemment  patriotique. 

Je  retrouverais  facilement  dans  ma  mémoire  les 
passages  principaux  do  ce  plaidoyer  magnifique, 
mais  le  discours  entier,  recueilli  par  la  sténogra- 
phie, sera  prochainement  publié  par  la  commission 
de  propagande,  et  je  me  réserve  d'eu  parler  longue- 
ment alors  aux  lecteurs  de  la  Chanson. 

La  solennité  a  été  terminé  par  un  second  chœur 
des  Enfants  de  Lutèce,  et  la  Marseillaise,  brillam- 
ment exécutée  par  la  Gauloise. 

Belle  journée,  au  total,  qui  va  donner  à  l'action  du 
comité  présidé  par  M.  Spuller,  une  impulsion  nou- 
velle que  le  succès  doit  couronner. 

L.  Henry  Lecomte. 


Le  prochain  numéro  de  La  Chanson  contiendra  une 
nouvelle  liste  de  souscriptions'  pour  la  statue  de 
Béranger. 


A  TOUS 

Succès  oblige,  la  Chanson  inaugure  la  troisième 
année  de  son  existence  en  doublant  sa  périodicité. 
Elle  paraîtra  désormais  tous  les  huit  jours,  sans 
que  le  prix  d'abonnement  soit  augmenté. 

Nous  entrons  donc  décidément  dans  la  voie  que 
nous  avons  frayée  pendant  deux  ans.  Chaque  nu- 
méro de  Za  Chanson  hebdomadaire  contiendra  : 
1"  la  biographie  avec  portrait  d'un  chansonnier, 
d'un  compositeur  de  musique  ou  d'un  artiste  lyri- 
que connu  ;  2^  une  chanson  en  musique  ;  o"  soit  uae 
chanson  d'une  célébrité  politique,  littéraire  ou  ar- 
tistique, soit  une  chanson  en  patois  d'une  de  nos 
provinces,  soit  une  chanson  ancienne  difficile  à  re- 
trouver. 

Dès  qu'un  succès  ou  l'actualité  aura  mis  en  évi- 
dence une  personnalité  rentrant  dans  notre  cadre, 
nous  donnerons  son  portrait  et  sa  biographie.  Nous 
publierons  également  la  biographie  des  chanson- 
niers de  province  dont  la  réputation  n'est  plus  à 
faire,  car  nous  tenons  à  faire  de  notre  journal  le 
mémorial  de  la  chanson,  non  seulement  de  Paris, 
mais  de  la  France  entière. 

Nous  publierons  allernalivement  une  Quinzaine 
dramatique,  par  L. -Henry  Lecomle,  et  une  Quinzaine 


musicale  par  Amédée  Édéma  ;  puis  une  chrsnique 
hebdomadaire  des  cafés-concerts,  et  de  nombreux 
documents  sur  la  chanson  ancienne  et  moderne, 
entre  autres  une  très-intércssanté  élude  de  M.  Al- 
fred Leconte,  député  de  l'Indre,  intitulée  Ronget  de 
Lisleet  la  MfarseiUaise. 

Indépendamment  de  nos  Concours  mensuels,  aux- 
quels nos  abonnés  seuls  ont  le  droit  de  prendre 
part,  nous  ouvrirons  quatre  grands  Concours  tri- 
mestriels entre  tous  les  poètes  :  concours  de  son- 
nets, contes  et  monologues,  concours  de  poésies 
diverses,  enfin  concours  de  chansons  avec  sujet  im- 
posé. La  pièce  couronnée  à  ce  dernier  tournoi  sera 
mise  au  concours  comme  musique,  pour  êlre  inter- 
prétée dans  une  de  nos  grandes  salles  lyriques. 

Notre  cadre  élargi  va,  comme  on  voit,  embrasser 
tout  ce  qui  touche  à  la  chanson  ainsi  qu'à  la  mu- 
sique populaire.  Nous  comptons  en  France  et  à  l'é- 
tranger nombre  d'abonnements  qui,  grâce  à  notre 
périodicité  fréquente  et  à  la  modicité  de  nos  prix, 
devront  augmenter  dans  de  grandes  proportions. 
Nous  tirons  à  10,000  exemplaires  le  présent  numéro, 
avec  l'espoir  d'élever  encore  ce  chiure  très-respec- 
table. La  C%ff«so;i  étant  reçue  par  toutes  les  sociétés 
lyriques  importantes,  et  se  trouvant  dans  tous  les 
établissements  publics,  comptera  donc  facilement 
oO,000  lecteurs,  et  ce  chilfre  sera  certainement  dé- 
passé quand  nous  publierons  une  chanson  d'actua- 
lité, ce  que  nous  ferons  fréquemment. 

Un  dernier  mot.  Pour  faire  face  aux  dépenses  que 
nécessite  la  publication  de  portraits  spécialement 
gravés  pour  nous  et  de  musiques  inédites,  nous 
avons  dû,  comme  tous  les  journaux,  réserver  une 
place  à  la  publicité.  Nous  inaugurons  dans  ce  nu- 
méro une  série  d'annonces  en  chansons,  que  nous 
croyons  appelée  à  un  succàs  de  vogue  et  de  curiosité. 
A.  Patay. 


THOMAS    HOOD 


Nous  n'avons  pu  trouver  à  la  fidèle  traduction  de  Poney 
une  meilleure  préface  que  les  lignes  suivantes,  extraites 
du  beau  livre  intitulé  :  Les  Poètes  de  combat. 

L'auteur  de  cette  sinistre  chanson,  de  ce  sombre 
chef-d'œuvre,  est  un  poète  anglais,  nommé  Thomas 
IIoOD.  Il  était  né  presque  avec  le  siècle  et  mourut  en 
1843.  li  est  classé  parmi  les  humoristes  et  n'est  connu, 
chez  nous,  que  par  une  monographie  pleine  d'intérêt 
que  M,  Forgues  a  publiée  sur  sa  vie.  Thomas  Hood 
menaune existence  de  poète,  tourmentée, incertaine, 
misérable,  et  il  s'éleignit  dans  le  dégoût.  La  Chanson 
de  la  Chemise  parut,  tour  la  première  fois,  dans  le 
Punch,  que  nous  appelons  le  Charitari  anglais. 
L'eflet  fut  instantané  ;  le  succès  prit  les  proportions 
d'un  événement  social. 

Tout  ce  que  les  économistes  avaient  entassé  dans 
leurs  livres  consacrés  aux  classes  laborieuses,  toutes 
les  pétitions  au  Parlement,  tous  les  pamphlets  char- 
tistes,  toute  l'éloquence  et  toutes  les  statistiques 
dépensées  au  profit  de  la  misère,  tout  cela  fut  dé- 


LA  CHANSON 


passé  par  les  strophes  du  poÈle.  L'opinion  publique 
s'émut,  cl  eecri  fit  tressaillir  l'Angleterre  :  quand  la 
voix  du  poète  frappe  juste,  elle  porte  plus  loin 
qu'aucune  parole. 

Thomas  Hood  composa  d'autres  poèmes  dans  le 
même  genre  :  l'Horloge  de  la  maison  de  travail,  sorte 
de  danse  macabre  de  l'industrie  et  le  Loi  du  lahon- 
'/vv'/',  qui  fait  pensera  Robert  Burns,  auteur  de  la 
ballade  du  Grain  d'Orge. 

Robert  Burns,  le  fermier  écossais,  plus  heureux 
que  Thomas  Ilood  (je  parle  de  sa  gloire)  est  célèbre 
ici,  et  peut  être  lu  en  français,  grice  à  la  traduction 
complète  de  M.  Léon  de  Wailly. 

Thomas  Hood  savait  que  son  nom  vivrait.  La  vie 
lui  avait  été  difficile  ;  il  comptait  sur  la  postérité 
qui  lui  devait  une  compensation.  La  postérité  a  été 
juste. 

Quelques  jours  avast  de  mourir,  Tho.mas  Hood  se 
trouvait  avec  plusieurs  amis.  On  causait;  il  demeu- 
rait triste.  Tout  à  coup  il  prit  une  plume,  et  dessina 
machinalement  une  espèce  de  tombeau  sur  lequel 
il  mit  une  statue  qui  lui  ressemblait.  Il  man- 
quait un  nom  à  ce  monument  funéraire  ;  il  y  mit 
le  sien.  Il  ne  restait  plus  qu'à  y  poser  l'épitaphe  ; 
Thomas  Hood  écrivit  ces  mots  :  «  Ile  sang  the  song 
of  the  shirt.  >  —  «  Il  a  chanté  la  chanson  de  la 
chemise.  ■> 

L.  Latjrent-Pichat. 


M  CHANSON  DE  M  CHEMISE 

Imitée  de  l'Anglais. 

Seule,  en  sa  mansarde  isolée 

Uui  penche  au  bord  des  toits  saillants, 

La  paupière  rouge  et  gonflée, 

Ses  bras  maigres  et  défaillants, 

Une  couturière  épuisée 

Ourle  et  coud  sans  repos  ni  frein 

Kt,  d'une  voix  creuse  et  brisée, 

Chante  ce  sinistre  refrain  : 

Assise  à  terre,  sur  la  paille, 
Le  front  courbé  sur  tes  genoux. 
Travaille,  maudite,  travaille  : 
Ourle,  pique  et  couds  ! 

Travaille!...  Dès  que  le  coq  chante. 
Fatigue  tes  yeux  et  tes  doigts 
Jusqu'à  l'heure  où,  pâle  et  touchante, 
La  lune  vient  blanchir  les  toits. 
Travaille  encore,  toujours,  sans  trêve, 
Malgré  le  vertige  et  la  faim  ; 
Ourle  et  couds  jusque  dans  ton  rêve 
Quand  la  fièvre  t'endort  enfin. 

Assise  à  terre,  sur  la  paille,  etc. 

Travaille,  travaille,  maudite, 
Quand  l'hiver  gèle  ton  cachot, 
Quand  l'été  dans  les  champs  palpite, 
Quand  le  soleil  est  clair  et  chaud. 
Croupis  comme  les  criminelles, 
Lorque,  sous  les  cieux  éclatants. 
Les  printanières  hirondelles 
Te  narguent  avec  le  printemps. 

Assise  à  terre,  sur  la  paille,  etc. 


— Qu'ai-je  pour  prix  de  tant  d'ouvrage? 

Un  grabat,  un  toit  effondré, 

Des  haillons  qu'au  premier  chômage 

Pour  manger  le  soir,  je  vendrai  ; 

Une  croûte  de  pain  durcie, 

Dos  murs  froids  pour  m'emprisonner 

Et  si  nus,  que  je  remercie 

Mon  ombre  de  s'y  dessiner  I 

Assise  à  terre,  sur  la  paille,  etc. 


— Tu  jeûnes,  tu  veilles,  lu  sues. 
— 0  riches,  songez  qu'en  usaol 
Ces  chemises  sthien  cousues 
Vous  usez  ma  vie  et  mon  sang. 
Ah  1  faut-il  donc  que  Dieu  permette 
Qu'un  morceau  de  pain  soit  si  cher 
Et  qu'à  si  vil  prix  on  achète 
Mon  travail,  mes  pleurs  et  ma  chair? 

Assise  à  terre,  sur  la  paille,  etc. 


Mais  quoi  ?  C'est  ainsi  qu'on  respecte, 
Chez  vous  la  femme  qui  vous  sert  ? 
Mieux  vaut  être  l'esclave  abjecte 
D'un  sauvage,  au  fond  du  désert  1 
Ah  ;  la  mort,  la  mort  que  j'appelle, 
Quand  répondra-t-elle  à  mon  cri? 
Je  suis  un  squelette  comme  elle, 
Tant  j'ai  souffert,  jeûné,  maigri  ! 

Assise  à  terre,  sur  la  paille,  etc. 


Oh  Dieu!  cueillir  la  violette 

Dans  la  mousse,  au  bord  des  torrents  ; 

Sentir  le  ciel  bleu  sur  ma  tôle. 

Le  gazon  sous  mes  pas  errants  ! 

La  santé,  dans  mon  sang  malade, 

Refleurirait  si  bien  là-bas  !... 

El  dire  qu'une  promenade, 

()  malheur  !  me  coûte  un  repas  ! 

Assise  à  terre,  sur  la  paille. 

Oh  !  rienqu'unjour,  oh  !  rien  qu'une  heure 
Du  beau  soleil  qui  resplendit  ! 
—Mais  non  :  travaille,  sue  et  pleure. 
Saugloter  t'est  môme  interdit. 
P>efoule  en  toi  le  pleur  qui  brille 
Brûlant,  au  bord  de  chaque  cil  : 
Car  il  rouillerait  ton  aiguille. 
Car  il  arrêterait  ton  fil. 

Assise  à  terre,  sur  la  paille,  etc. 

—  Dans  sa  mansarde  délabrée, 
L'oeil  par  l'agonie  obscurci. 
Hâve,  pâle  et  dô.sespérée. 
Une  femme  chantait  ainsi. 
C'était  la  pauvre  couturière^ 
Hélas!  qui,  de  sa  propre  main, 
Venait  de  coudre  son  suaire, 
Et  qui  mourut  le  lendemain. 

Assise  à  terre,  sur  la  paille, 
Le  front  courbé  sur  tes  genoux, 
Travaille,  maudite,  travaille  : 
Ourle,  pique  et  couds  I 


Chari.es  Poncy, 
de  Toulon. 


LA  CHANSON 


LES  PETITES  MAINS  DE  MA  MIE"' 

CHANSON  INÉDITE 
Paroles  de  JULES  JOUY,  Musique  de  PAUL  HENRION 


i?CODPtET. 


Si  devant  vonsjevienschia. 


ter  les    doox      ap  .    pas      ^e 


ma        mai 


l'ij'"  I     '     I    1  I  M     I    J     J    I     I 

te»,  se,  Sleg_.siears, c'est    sDr.tont    poof  van  _ 

Ses   mains,  di  _  gnes  d'à  .  ae      Us 


car    el   .    leg     tfap.plan^  di  .  raient 
pas  Les       pe  _    ti    _    tes  inains     de      .  ma 


Je  le  dis,  sans  nul  embarras, 
Ma  Lise  n'est  pas  de  ces  femmes 
Qui  pour  payer  leur  falbalas, 
Simulent  d'amoureuses  flammes. 
Elle  ne  vend  pas  son  amour, 
Et  pour  gagner  son  humble  vie, 
Elles  travaillent  chaque  jour       } 
Les  petites  mains  de  ma  mie.      ) 

Aussi,  je  dois  en  convenir, 
Elle  n'a  pas,  pauvre  et  joyeuse, 
Plus  d'argent  que  n'en  peut  tenir 
L'ouvrier,  dans  sa  main  calleuse. 
Mais,  si  sonartçent  est  léger, 
Son  obligeance  est  infinie  : 
Elles  sont  grandes  pour  donner  ( 
Les  petites  mains  de  ma  mie  !     j 


Ms 


Ms 


(1)  Nos  lecteurs  ont  la  primeur  de  cette  œuvre  char- 
mante que  doit  interpréter  à  la  Scdla  le  sympathique 
chanteur  Debailleul.  Ce  sera,  nous  en  sommes  certains, 
un  nouveau  succès  populaire  pour  Paul  Henrion.  Nous 
publierons  prochainement  la  biographie  du  compositeur 
et  celle  de  l'artiste. 


Si  je  viens  à  les  embrasser 
Les  mains  de  la  charmante  fille, 
C'est  seulement  pour  effacer 
Les  piqûres  de  son  -aiguille  ; 
Car,  à  force  de  travailler, 
Le  soir,  au  près  de  la  bougie. 
Souvent  je  les  ai  vues  trembler    jl 
Les  petites  mains  de  ma  mie.      \ 


lis 


Parfois,  quand  la  diane  aux  remparts 
Nous  appelait,  pendant  le  siège, 
A  l'ombre  de  nos  étendards, 
lise  se  mêlait  au  cortège. 
Quand  elle  me  disait  tout  bas  : 
Meurs,  s'il  le  faut  pour  la  patrie  ! 
Alors  elles  ne  tremblaient  pas     l   , . 
Les  petites  mains  de  ma  mie  1     ) 


NEUVIEME  CONCOURS  MENSUEL 

ENTRE     LES     ABONNÉS     DE     Lci     ChaUSOV. 

1"   Prix  :  Chanson  de  Printemps,  par  Hippolyte  Daguet. 
2nic  Prix  :  A  mes  Oiseaux,  par  Gabriel  Leprévost. 
3mc  Prix  :  La  Crémaillère,  par  Auguste  Renard. 
39  pièces  nous  ont  été  envoyés. 


II.  Daguet,  né  à  Paris  en  février  18B1,  habite 
la  province  depuis  -1859.  lia  fait  ses  études  à  l'école 
supérieure  du  Mans  et  est  entré,  à  quinze  ans,  en 
qualité  de  commis  d'écritures,  à  la  direction  des 
contributions  directes. 

Une  maladie  grave  de  la  vue  le  força  d'abandonner 
son  emploi  en  1870.  Cette  maladie  d'une  part  en  le 
concentrant  sur  lui-même,  une  vive  affection  déçue 
d'autre  part,  déterminèrent  chez  lui  certaines  ten- 
dances poétiques.  Il  a  collaboré  depuis  à  différents 
journaux  du  Mans  et  d'Angers  et  à  diverses  publica- 
tions littéraires,  entre  autres  la  Revue  des  poètes  et 
le  Sonnettiste.  Vainqueur  dans  plusieurs  tournois 
poétiques  ouverts  par  l'Académie  de  Mont-Réal  et  la 
Muse  BépuMicaiiie  d'Evreux,  il  a,  nos  lecteurs  s'en 
souviennent,  obtenu  deux  prix  aux  Concours  Men- 
suels de  la  Chanson.  En  le  couronnant  aujourd'hui 
pour  la  troisième  fois,  nous  sommes  heureux  d'an- 
noncer que  les  premières  œuvres  de  M.  H.  Daguet 
seront  prochainement  réunies  en  volume  sous  ce 
titre  :  Poëmes  et  Poésies  fugitives. '^om  leur  prédisons 
un  brillant  succès.  A.  P. 


LA  CHANSON 


CHANSON  DU  PRINTEMPS 

La  terre,  une  fois  encore, 
Se  pare  des  nouveaux  dons 
Que  le  printemps  fait  éclore. 
Partout  des  fleurs,  des  bourgeons, 
Couvrent  à  foison  les  branches  : 
Oh  1  les  bienheureux  dimanches 
Que,  dans  peu,  nous  passerons  1 

Plus  de  frimas  ni  de  pluie. 
Le  soleil,  de  ses  rayons. 
Caresse  l'âme  ravie 
Que  glaçaient  les  aquilons. 
J'entends  chanter  la  fauvette  : 
Oh  1  les  riants  jours  de  fétc 
Que,  dans  peu,  nous  compterons  ! 

Le  long  des  sentiers  paisibles 
Reverdissent  les  buissons. 
Conviant  les  cœurs  sensibles 
Aux  amoureuses  chansons. 
Pris  des  blanches  aubépines. 
Oh  1  les  extases  divines 
Que,  dans  peu,  nous  goûterons  1 

Ah  1  si,  comme  la  nature, 

La  France  —  que  nous  aimons  — 

Se  relève  intacte  et  pure, 

Après  de  si  durs  affronts  : 

Le  jour  de  la  délivrance. 

Oh  !  quel  doux  cri  d'espérance 

Vers  le  ciel  nous  pousserons  1 

Hirroi.YïE  Daguet. 


SOCIETE  DES  AUTEURS,  COMPOSITEURS 

ET  EDITEURS  DE  MUSIQUE 

Des  gens  qui  désireraient  voir  les  sociétaires,  ou 
tout  au  moins  une  partie  des  sociétaires  en  guerre 
ouverte  avec  le  syndicat,  ont  répandu  récemment  le 
bruit  que  les  syndics  étaient  bien  résolu  à  chasser 
les  éditeurs  de  la  société.  Nous  pourrions  même  citer 
des  éditeurs  à  qui  ce  propos  a  été  tenu  pour  obtenir 
leurs  signatures  au  bas  d'une  demande  d'assemblée 
générale  immédiate  et  de  bien  d'autres  choses,  qui, 
en  l'état  présent  de  la  société,  seraient  aussi  nui- 
sibles que  préjudiciables  aux  intérêts  de  tous  et  ne 
feraient  qu'engendrer  la  discorde  parmi  les  socié- 
taires. 

Nous  sommes  autorisés  à  certifier  que  rien  n'est 
plus  faux  et  absurde  que  ce  bruit.  Aucun  fait  ne  peut 
le  motiver  et  jamais  cette  pensée  n'est  entrée  dans 
les  intentions  du  syndicat  où  figurent  quatre 
Miteurs. 

Cette  fois  encore,  la  malveillance  et  le  mensonge 
ne  réussiront  pas  à  détourner  le  syndicat  de  la 
lâche  qu'il  poursuit..,  c'est-à-dire  de  préparer  la 
répartition  de  juillet  par  une  surveillance  active  et 


d'en  terminer  avec  son  ex-agent  général,  afin  de 
pouvoir  réunir  de  suite  les  sociétaires  en  assemblée 
pour  rendre  compte  de  sa  conduite  et  de  ses  actes, 
ainsi  que  pour  répondre  face  à  face  aux  calomnies, 
dont  il   a  été  si  souvent   l'objet    depuis  plusieurs 

mois. 

Robert  Garnier. 


UNE  PREMIÈRE  A  L'ELDORADO 

On  a  trop  souvent  attaqué  le  café- concert  — et  par- 
fois avec  raison  —  pour  qu'il  ne  nous  semble  pas 
juste  de  signaler  les  progrès  qui  s'y  réalisent.  C'est 
surtout  à  l'Eldorado  qui,  grâce  au  goût  éclairé  de 
son  directeur,  M.  Paul  Renard,  marche  visiblement 
dans  celte  voie  d'amélioration,  que  l'on  peut  cons- 
tater l'élévation  constante  du  niveau  artistique  d'un 
genre  trop  décrié.  Cet  établissement  nous  a  donné, 
samedi  dernier,  la  première  audition  d'une  œuvre 
sur  laquelle  nous  nous  permettons  d'appeler,  pour 
quelques  instants,  l'attention  de  nos  lecteurs. 

Il  s'agit  d'un  duo  dramatique  :  La  Fiancée  de 
Raguse,  créé  par  mesdames  Amiati  et  Juana,  et  dû, 
pour  la  musique,  à  M.  Godefroy,  et  pour  le  poëme, 
à  la  collaboration  de  deux  auteurs,  qui  ont  déj^  fait 
leurs  preuves,  MM.  Léon  Labarre  et  Jacques  Gran- 
cey. 

La  scène  se  place  à  la  fin  du  XVI"  siècle,  alors  que 
la  Dalmatie  souffrait  de  l'oppression  de  Venise. 
Vassili,  —  fils  d'un  Hetman  qui  s'est  expatrié  à  Ra- 
guse, et  s'est  mis  au  service  de  la  puissante  Répu- 
blique, aime  et  veut  épouser  Zeragana  jeune  orphe- 
line Dalmate.  En  vain  Vassili  offre-t-il  son  or  et  ses 
palais:  ce  que  veut  Zemgana  ce  n'est  pas  la  richesse, 
mais  la  vengeance  : 

Sois  mon  libérateur,  et  je  deviens  la  femme! 
dit-elle  au  jeune  homme  que  l'amour  ne  tarde  pas  à 
ranger  sous  les  drapeau  de  la  Dalmatie. 

Nous  voici  bien  loin,  n'est-ce  pas,  des  drôleries 
et  des  pantalonades? 

Sur  celte  donnée,  toute  d'amour  etdepatriotisuie, 
M.  Godefroy  a  composé  une  musique  charmante, 
dont  il  faut  louer  le  lyrisme  soutenu  et  l'orchestra- 
tion soignée.  Aubade,  récitatifs,  romance  et  strophes 
sont  d'excellente  facture  et  savamment  écrits  pour 
les  voix  des  interprètes.  Car  il  y  avait  là  une  tenta- 
tive hardie,  —  et  qui  a  réussi  —  à  présenter  ensem- 
ble deux  artistes  dont  le  tempérament  artistique 
et  l'organe  oflrent  de  grandes  similitudes. 

Mesdames  Amiati  et  Juana —  dontZa  Chansons^ 
propose  de  publier  les  portraits  et  les  biographies 
—  se  sont  fait  chaleureusement  applaudir  pour  le 
talent  avec  lequel  elles  ont  fait  valoir  leurs  rôles,  et 
pour  la  grâce,  toute  orientale,  avec  laquelle  elles 
portent  les  costumes  pittoresques  et  rehaussés  d'or 
du  Russe  Vassili  et  de  la  jeune  Dalmate  Zemgana. 

Nos  compliments  aux  auteurs,  aux  artistes  et  à  la 
direction. 

Paul  Wolff. 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Nous  voyons  avec  plaisir  que  si  les  sociétés  lyri- 
ques de  Paris  marchent  à  merveille,  il  en  est  aussi 
dans  la  banlieue  qui  chaque  jour  grandissent  et  pro- 
gressent. 

La  société  lyrique  VEloile,  de  Levallois-Perret  est 
de  celles-là. 

Le  10  courant,  celte  société  nous  invitait  à  assister 
à  un  grand  concert  donné  par  elle  au  profit  de  l'Or- 
■plidUiat  de  sa  commune. 

N'était  le  manque  d'espace,  nous  aurions  nombre 
de  bonnes  appréciations  à  faire  sur  les  sympathiques 
artistes,  membres  d'honneur  de  VEtoile,  qui  prê- 
taient leur  concours. 

La  soirée  a  brillammeut  commencé  par  l'ouver- 
ture do  la  Mudtf,  de  Porttcl,  exécutée  sur  l'orgue  et 
le  piano  par  MM.  Paul  Fauchey  et  Arthur  Fauchet, 
lauréats  du  Con.servatoire. 

Mme  Noblet,  bien  connue  déjà  du  publie  parisien, 
a  chanté  à  ravir  l'air  à'Acléon  et  le  Pré  aux  Clercs. 

Mlle  Lucie  Durié  du  Conservatoire  nous  a  fait  en- 
tendre la  romonce  de  Paul  et  Virgmie  et  l'air  de 
Mignon.  Ces  deux  artistes  méritent  les  plus  chauds 
éloges. 

M.  Piccaluga^  lauréat  du  Conservatoire,  nous  a 
particulièrement  charmé.  Nous  voyons  en  lui  un 
artiste  de  grand  avenir.  Aussi  a-t-il  su  faire  ressor- 
tir, avec  la  romance  du  Pardon  de  Ploermel  et  une 
délicieuse  berceuse,  Ponni  pure,  toutes  ces  qualités 
de  VOIX,  de  diction  et  de  jeu,  que  l'on  rencontre  si 
rarement  réunies  chez  un  chanteur. 

M.  Karl,  du  Vaudeville,  a  dit  avec  un  grand  senti- 
ment et  une  justesse  remarquable  :  La  Rôle  et  le 
Confiteor. 

M.  Rouvière,  du  Conservatoire  possède  une  jolie 
voix  de  ténor  dont  il  s'est  fort  agréablement  servi 
dans  la  Manola  et  Grand'mère. 

M.  Georges  Royer,  un  comique  de  genre  très  fin 
et  très  distingué,  a  reçu  du  public  la  récompense 
duo  à  son  talent.  Aussi  Paméla  et  la  Fausse  Monnaie 
ont-ils  été  l'objet  de  plusieurs  rappels. 

M.  Albert  Vcrnaelde,  membre  de  la  Lice  chanson- 
nière, a  chaulé  une  aubade  dont  il  est  l'auteur  pour 
la  musique  :  Chante  encore  une  fois  ei,  Histoire  d'une 
serine  et  d'un  pinson. 

Des  applaudissements  réitérés  lui  ont  prouvé  l'in- 
térêt que  le  public  avait  pris  à  sa  composition. 

MM.  Paul  Fauehejr,  Arthur  Fauchet  et  Duplessis 
ont  terminé  la  soirée  par  une  exécution  brillante  et 
savante  de  VEtoile  du  Nord. 

Ces  trois  artistes  de  grande  valeur  ont  rendu  avec 
âme  et  talent  quelques-unes  de  ces  pages  sublimes 
de  l'illustre  Meyerbeer,  dont,  grâce  à  leurs  travaux 
de  haute  composition,  les  richesses  harmoniques  ne 
sauraient  plus  leur  être  inconnues. 

Citons  encore  Mme  Angèle  Maurice,  MM.  Peyron- 
net,  Robert,  Cayeux  auxquels  nous  demandons 
pardon  do  ne  pas  accorder  plus  de  détails. 

Une  quête  faite  au  milieu  de  la  soirée  a  produit 
bo  francs. 

La  recette  a  été  largement  satisfaisante  et  l'œuvre 
généreuse  de  la  société  VEtoile  apportera  une  amé- 
lioration au  sort  de  ces  infortunés,  privés  dans  leur 
enfance  des  joies  intimes  si  pures  et  si  vivifiantes 
du  foj'er  et  de  la  famille. 

Albert  deNervalk. 

Le  lundi,  12  avril  dernier,  la  société  V  Union  Pari- 
s'benne,  inaugurait  sa  nouvelle  salle,  3,  rue  du  Petit 
Pont,  maison  Léon. 

La  présidence  était  confiée  au  sympathique  cama- 
rade Léon  Tostain,  qui  a  dirigé  cette  soirée  en  homme 
habile,  et  nous  avons  vu  se  succéder  nos  meilleurs 
artistes  (^s  sopiétés  de  la  rive  gauehe. 


Citons  d'abord  les  premiers  arrivés,  nos  amis  Jouas 
et  Victor,  ce  premier  lauréat  du  concours  des  sociétés 
lyriques  dw  Paris,  puis  Beck,  I'"-'  prix  du  même  con- 
cours. Enfin  pour  èlre  juste  il  faut  citer  tout  le  monde; 
nos  amis  Pouget,  qui  a  dit  V Hiver,  Huet  fils,  i»''  prix 
du  concours  sus  énoncé,  le  joyeux  chansonnier 
Etienne  Ducret,  qui  nous  a  dit  avec  sa  verve  accou- 
tumée :  Il  faut  ioire,  musique  de  Duheni. 

Notre  bon  camarade  Defrance,  dit  jloumoutte,  a 
chanté  :  0  Saturninl  chansonnette  de  son  crû,  très 
spirituellement  tournée  et  très  finement  inter- 
prétée. 

Madame  Edmond  a  supérieurement  détaillé  la 
chanson  de  oh  1  la  !  la  I  duPeti  t  Abbé.  Puis  M""'  Henriette 
et  Ernestine  se  sont  fait  applaudir  à  juste  titre,  elles 
ont  élé  très  gracieuses. 

Puis  Quélin,  qui  sait  toujours  choisir  de  gais  et 
spirituels  refrains. 

Enfin  l'ami  Adrien  Soucliet,  sur  lequel  tout  éloge 
est  inutile;  il  est  trop  aimé  du  public  pour  que  nous 
essayions  un  compliment,  ajoutons  toutefois  qu'il 
sera  un  des  fervents  de  nos  réunions,  qui  tiennent 
les  lundis  ai  jeudis  de  chaque  semaine. 

Bref,  le  jeudi  suivant,  VJ  avril,  une  magnifique  tom- 
bola gratuite  a  terminé  la  seconde  réunion  de 
VUnioïi  Parisienne,  notre  camarade  Defrance  a  peint 
on  S  minutes,  montre  en  main,  une  marine  à  l'huile, 
qui  a  été  liréa  à  la  tombola  officielle  offerte  par  la 
société. 

Au  moment  de  mettre  sous  presse,. pous  consta- 
tons avec  plaisir  que  la  soirée  du  lundi,  19  avril,  a 
été  fort  brillante.  Nos  artistes  habitués  ne  nous  ayant 
pas  fait  défaut,  nous  avons  eu  en  plus  Me.-sieurs 
Desfossés  père  et  fils,  Bonnet,  Lacoste,  Dubost,  et  au 
bureau  comme  assesseurs  Messieurs  il/ftZZef  du  journal 
La  Chanson,  notre  joyeux  camarade  Guiche  et  notre 
sympathique  et  agréable  romancier  Edmond  Vallée. 

J'allais  oublier  de.  vous  dire  que  j'ai  chanté 
quatre  fois 

Mme  Adèle. 

Une  soirée  extraordinaire  a  eu  lieu  le  19  avril  à  la 
Lyre  Bienfaisante. 

Grand  nombre  de  chansonniers  y  assistait. 

Dix  des  membres  de  la  Lice  chansonnière  étaient 
présents. 

Des  9  heures,  la  petit  salle  du  quai  Saint-Michel, 
n"  9,  était  comble. 

La  société  offrait  à  ses  visiteurs,  un  double  con- 
cours de  chant  et  de  chansons. 

En  voici  le  résultat  : 

Chant  :  (côté  des  dames)  un  prix  unique  a  été  dé- 
cerné à  M'""  Ventujol,  une  amie  de  la  chanson. 

(Côté  des  hommes)  1°''  prix  :  Dardot. 

2°       »    :  Couvreur  (président). 

Le  concours  de  chansons  se  composait  de  7  pièces  : 

0.  Lebesgue  a  remporté  le  premier  prix  avec  une 
charmante  production  intitulée  :  Marquise. 

J.  B.  Robinet,  le  2°  prix,  avec  une  chanson  vigou- 
reuse Le  travail  ! 

Cognet,  sociétaire-auteur  a  rendu  hommage  à  la 
Lice,  dans  une  bonne  chanson  de  lui. 

Du  1°''  mai  au  i"'  septembre,  le4  soirées  des  di- 
manches sont  supprimées;  réunions  tous  les  lundis 
seulement. 

G.  B. 

Un  auditoire  nombreux  assistait,  le  dimanche 
2'd  avril,  à  la  soirée  donnée  par  VUiiion  Lyrique,  1G6, 
boulevard  Magenta. 

A  9  heures  et  demie  M.  Bonneville  ouvre  sa  séance 
des  chants  par  Ra]}inlU4oi.  M.  Nathan  recueille  de 
nombreux  bravos  avec  la.  Barcarolle  des  amours,  joUe 
romance,  dont  il  est  l'auteur-eompositeur.  Malgré  sa 
voix  faible,  M.  Blondel  détaille  bien  le  Déjeuner  sur 
,l'herbe. 

M,  Bernut,  dans  Pas  moyen,  serait  tout  à  f^it  réussi 


LA  CHANSON 


s'il  appropriait  un  peu  mieux  les  gestes  aux  parolbs. 
Un  bon  baryton,  M.  Gauthier. chante  Pendant  Voi-age 
avec  beaucoup  de  succès.  M.  Paulus,  de  la  Scala,  dans 
Je  me  raUUine  est  imité  à  s'y  méprendre  par  l'amu- 
sant Ville;  nous  sommes  très  surpris  que  ce  jeune 
artiste  ne  soit  pas  encore  au  concert . 

Le  mariage  au  fluj/eolet,  opérette  en  un  acte  est  en- 
levée par  Mlle  Marguerite  et  M.  Leblanc;  ce  dernier 
joue  la  scène  de  la  colère  avec  beaucoup  de  naturel 
et  Mlle  Marguerite  est  d'une  mutinerie  charmante. 

M.  Vaast  est  toujours  très  applaudi  avec  les  Idées 
à  Christophe. 

La  Tasse  de  Thé,  jouée  d'une  façon  remarquable  a 
valu  de  nombreux  applaudissements  à  ses  inter- 
prètes :  Mlle  Pauline,  MM.  Cabaret  et  Goujon. 

Alf.  B. 

La  Cordiale  est  infatigable,  aussi  le  29  avril  dou- 
nait-elle  une  nouvelle  soirée  présidée  par  les  dames. 
Dans  cette  réunion,  nous  avons  remarqué  un  jeune 
artiste,  M.  II.  Chapuis,  qui  a  récité  avec  goùi  le 
Premier  amour  et  chanté  avec  beaucoup  de  grâce  le 
Gentil  Z«<i«,de  Jul<îs  Raux.  Un  duo  du  Chnle't,  inter- 
prété par  M">=  Marguerite  et  M.  Eousquat  a  été 
gentiment  rendu. 

MM.  Bouvier,  Vuillaume,  Georgcbé,  Mussler  et 
Marie  se  sont  lait  applaudir  comme  d'usage.  M.  .Iules 
Raux,  quoique  fort  enroué,  a  dit  avec  son  aisance 
habituelle,  la  belle  chanson  d'Hippolyte  Ryon,  Mirer 
et  Prinkijips.  Ajoutons  qu'il  y  avait  un  véritable 
attrait  jiour  les  spectateurs  à  entendre  le  .sj'nipa- 
thique  cojnpositeur  concurremment  avec  ses  inter- 
prètes, dont  l'un  d'eux  par  exemple,  M.  Ilenriel  a 
très  bien  réussi  la  chanson  Je  ne  prends  rien  entre 
mes  repas. 

Papillon,  vole!  là  gracieuse  mélodie  de  Marcus,  a 
été  redite  avec  charme  par  M.  Douillard.  M.  Boverio 
imite  parfaitement  les  animaux,  nous  le  recomman- 
dons aux  auteurs.  M'""  Gerlacqui  conduit  si  bien  sa 
voix,  a  l'ail  une  ample  moisson  de  bravos. 

La  Cravate  litanche  a  été  très  agréablement  jouée 
par  M»°  Adèle  et  M.  Gabriel. 

Une  bonne  nouvelle  pour  les  sociétés  IjTiques. 

M.  Orange  vient  de  louer  l'ancienne  salle  de 
VAlhambra  où,  depuis  17  avril,  les  sociétés  lyriques 
donnaient  des  représentations  tous  les  soirs.  Le  con- 
cours dramatique  aura  lieu  le  20  juin.  MM.  les  pré- 
sidents des  sociétés  lyriques  sont  instamment  priés 
do  faire  inscrire  dès  à  présent  les  noms  de  leurs  so- 
ciétés, 23,  faubourg  du  Temple,  ou  Maison  Orange, 
1 1,  place  de  la  République.  Nous  avons  la  certitude 
qu'avant  peu  l'Union  des  Présidents  des  sociétés  de 
Paris  sera  un  fait  accompli,  et  qu'un  Cercle  sera 
créé  au  centre  de  Paris,  c'est-à-dire  faubourg  du 
Temple,  au  siège  de  l'Union  des  sociétés. 

Pour  la  location  de  la  salle,  s'adresser  à  M.  Orange. 


CHOSES  &  AUTRES 


Vient  de  paraître  aux  bureaux  de  la  CHANSON, 
Album  des  Dames  par  M"'°JulietleManceliôre,  cahier 
à  10  centimes. 

DIXIÈME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  20  mai  au  20  avril. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part, 
avec  une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou 
sans  refrain. 

A  l'avenir  nous  publierons,  en  même  temps  que 
la  pièce  qui  aura  obtenu  le  \"'  prix,  une  petite  no- 
tice et  le  portrait  de  l'auteur  couronne,  s'ily  consent. 


Voici  le  résultat  du  double  concours  ouvert  par  la 
Lice  Chansonnière,  à  l'occasion  de  sa  grande  soirée 
du  2i  mars.  —  340  pièces  avaient  été  reçues. 

Chansons  patriotiques  : 

Pas  de  1°''  prix. 

2™  prix  Quatre-vingt-treize,  par  A.  Cornuel. 

omo    —   if,g  piig  (i^  r^.Qig^  pj^j  'SoqI  Mouret. 

.[ino    —  - 1(1,  Société  future,  Anonyme. 

•p''  mention  Le  Semeur,  Anonyme. 

2"iic    —  le  Peuplier,  par  Léon  Londy. 

3"'"    —  Le  Petit  tambour,  par  Albert  Pelletier. 
S'-ujets  libres: 

i"''  prix  L'Occupée,  par  Jules  Terny. 

•iino  —    £g  Bonnet  de  Lisette,  par  Georges  Montigny. 

31110  —    ji  Robinson,  par  Bourdelin. 

li^"' mention  Un  bon  curé  lisant  Boccace,  Anonyme. 

2"'°  —    La  Statue  de  Béranger,  » 

31110  _    Etes-vous  comme  moi  !  » 

Les  pièces  couronnées  seront  publiées  dans  nos 
prochains  numéros.  Prière  aux  auteurs  anonymes  de 
vouloir  bien  se  faire  connaître. 

Nous  étant  arrête  dimanche  au  jardin  des  Tuileries, 
nous  avons  assisté  au  concert,  donné  par  la  société 
d'harmonie  l'Echo  dti  Mont  Blanc.  Les  morceaux  dont 
l'exécution  a  produit  le  plus  d'effet  sont  France, 
salut!  l'allégro  de  Jules  Raux,  et  la  Marche  de  Pi- 
rouelle.  Dans  la  Croix  de  Jérusalem  et  la  Polka  de 
Boisson,  nous  avons  distingué  deux  excellents  pis- 
tons, le  chef,  M.  Poreaud,  et  un  soliste.  L'exécution 
de  Confidence  a  été  assez  terne,  et,  pour  jouer  la 
Sierra- Nevada,  l'alto  solo  devra  modifier  son  style 
et  ne  pas  couper  eu  deux  les  mots  de  ses  phrases 
musicales. 

M.  Emile  Durafour  étant  en  relation  directe  et  ami- 
oalc  avec  les  principaux  artistes  des  théâtres  et  con- 
certs de  Paris,  a  l'honneur  d'informer  les  personnes 
qui  désirent  organiser  dos  concerts  ou  représenta- 
tions théâtrales  qu'il  esta  même  de  satisfaire  à  leurs 
demandes  dans  le  plus, bref  délai  et  aux  conditions 
les  plus  raisonnables.  Ecrire  à  l'adresse  suivante  : 

E.    DUBAl'ODR, 

Directeur  de  l'Agence  Parisienne,  II,  rue  de  la 
Terrasse  {Paris). 


Ejc  ps'i'.ssMit  ntBiuéro.  cotBDposé  poEiv  |»iKralti*e  le 
â*^'"  Bssai,  a  été  retarde  par  «Ee.**  cSi-coDti.stiance^  bib<ïc- 
tlantCN  de  notre  volonté.  JLes  per.^oaaBles  ïjbbI  le  rece- 
vfOBit  et  (£Bifl  31e  TOïBdrnâCBBt  ni  .H^nÏBOBBner  bbb  resaoBiveler 
EcBBB*  abonBieEiBent.  mobb^  pB'iée.s  do  biobbs  lo  l'ctOBBB'nca* 
nvec  le  Bitot  BtIi)i<'I.'^Û  .xiar  En  l)andc  d'envoi.  lient 
alBonneBiBeBBtM  .?jeB*out  reçiE^  daaiM  Iobbs  le.s  liBBB'eaBBx  de 
poste  de  Paris  et  de.«  départeBiBesBts.  BiCS  frai»  sont  « 
In  charité  «Ibb  joiarnal.  U  siaffit  donc  de  vea-scr  XltOI@ 
B<^9t.%.^'CS  poaar  six  iibobs,  obb  SIX^  I'Bj%3'C^  potar 
Ban  an. 

rVos  alaonnés  receva'ont  proclBaincaBBCUt  le  titre  et  la 
table  des  deaax  prcBiiièrcs  nnaaécs  do  Ki.%.  CUAJVJSO^', 
forasBant  asn  l)eaia  volasaBBC  ân-A^. 


Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 


Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,  G,  rue  Martel. 


LA  CHANSON 


LE   CAOUTCHOUC 

Couplets  élastiques,  par  ETIENNE  DUCRET 
(Air  du  Cotillon,  de  Brazier). 


REFRAIN 

0  Caoutchouc  !  Caoutchouc  1 

De  partout, 
On  te  prise,  on  t'achète. 
Car,  n'importe  où, 

Le  bout 
De  caoutchouc 
Vraiment  se  prête 
A  tout... 

Le  bon  Caoutchouc, 
'  Case  fond,  se  dissout,  se  coule, 

Se  tisse,  se  coud, 
Qa  s'élire  :  chacun  son  goût  I 

En  gai  sapajou, 
En  tête  à  grimace  on  le  moule  : 

L'Industrie  ot  l'Art, 
Le  Plaisir  même  en  a  sa  part. 

0  Caoutchouc  1  etc, 

C'est  le  Uheron, 
Le  Tablier  de  la  nourrice, 

Le  tube  mignon 
Du  clyso;  c'est  balle  ou  balon, 

C'est  de  l'Harpagon 
Le  bas  qui  bride  la  varice... 

Enfin...  (riez  donci) 
De  mon  portier  c'est  le  cordon  ! 

0  Caoutchouc!  etc. 

C'est,  en  voyageant, 
Le  doux  coussin,  la  chancelière; 

Du  cocher  fringant 
C'est  l'imperméable  caban... 

Un  doigtier,  un  gant; 
C'est  cette  rose  jarretière, 

Qu'un  soir,  ohl  bonheur! 
Ravira  le  garçon  d'honneur! 

0  Caoutchouc!  etc. 

Gloire  à  l'inventeur 
De  ce  phénomène  exotique 

S'appliquant  sans  peur 
Au  fluide,  au  gaz,  à  la  vapeur,.. 

Qui  donne  :  au  fumeur 


Sa  blagne,  —  au  sourd,  son  acoustique, 

Sa  gomme  aux  auteurs 
Afin  d'effacer  leurs  erreurs... 

0  Caoutchouc!  etc. 

Le  Caoutchouc  prend 
Au  moral,  comme  en  politique  : 

Chaque  concurrent 
S'allongeant,  puis  se  retirant, 

Souvent  le  tyran. 
En  luttant  contre  l'élastique, 

Gomme  le  tirant 
De  mes  bottes,  craque  en  tirant. 

0  Caoutchouc!  etc. 

Oui  le  Caoutchouc 
Sur  terre  à  tout  prèle  sa  gomme  : 

Qu'il  soit  raide  ou  mou. 
Utile  objet,  simple  joujou; 

Lecteur  sage  ou  fou, 
Ici  môme,  vous  voyez  comme, 

Sans  difficulté, 
A  ma  chanson  il  s'est  prêté... 

0  Caoutchouc!  etc. 

La  Moralité 
De  ces  couplets,  messieurs,  mesdames, 

C'est  qu'en  vérité. 
Pour  être  bien  Caoutchouté, 

L'hiver  et  l'été, 
11  faut,  à  Paris,  sans  réclames, 

Aller  en  chercher 
7,  RUE  Aboukir,  chez..  Larcher... 

REFRAIN. 

0  Caoutchouc  !  Caoutchouc  ! 

De  partout, 
On  te  prise,  on  t'achète, 
Car,  n'importe  où. 

Le  bout 
De  Caoutchouc 
Vraiment  se  2>réte 
A  tout. 


MEDAILLE 

D'ARGENT 


CAOUTCHOUC 

EXPOSITIONS    UNIVERSELLES  1855-1867 

7,   RUE  D'ABOUKIR,   7 

Maison    LARCHER 


MÉDAILLE 

D'ARGENT 


Manteaux.  —  Paletots  double 
face.  —  Cabans.  —  Tous  vêle- 
ments en  caoutchouc. 

Tubes  pour  le  Gaz,  —  la  Vapeur, 
—  l'Irrigation,  —  l'Acoustique. 

Qommes  anglaise  &  française. 


—  Rondelles,  Manchons,  Cor- 
des, Fils,  tous  Articles  moulés 
&  sur  modèles. 
Bretelles.  —  Jarretières.  —  Bas 
pour  varices.  —  Tablier  de 
e.  Dessous  de  bras. 


Gants  &  Doigtiers. 

Articles  de  voyages.  --  Cous- 
sins à  air.  —  Oreillers.  — 
Couvertures.  —  Chancelières 
à  eau  chaude. 

eau 


Chaussures  avec  semelles  en 

GuTTA    pour    empêcher    de 

glisser, 
Gutta-Percha  pour  le  moulage 

et  la  galvanoplastie. 
Gutta  préparée  coutre  les  dpu- 

leurs. 


Dissolution  de  caoutchouc.  —  liéjmratioiis  de  mmteaua;.  -^  PRIX- FIXE. 


3"  ANNÉE.  —  N"  8. 


*0  CENTIMES. 


22  MAI  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-  Gérant. 
A.   PATAY 


La  chanson  est  uns  forme  ailée  et 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les   manuscrits   non   insérés   ne   seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction, 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne...    1 
Réclames,        —  2 


La  chanson,  comme  la  baïonnette, 
est  une  arme  fï'ançaise. 

J.  CLARETIE. 


flOmiNISTRaTION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  DONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EX  ChEF 

L.-HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE  : 


Galerie  des  Chansonniers  :  Alexis  Bouvier  (L.-Hbnby  Lecomtf).  — 
lièrangcr  et  la  Chanson  (Julk^  Clauktik).  —  Banquet  dit.  Caveau 
(L.-HiîNHY  Lkoomtk).  —Banquet  de  la  Lice  Cha'isonniùre  (Eue. 
l,MtiiîKT).  — Mes  lon^s  blés  d'or,  paroles  ot  musiiiue  iI'Aldkiit  Vi:u- 
NAKLUB.  —  Quatre- Vingt-Treizo  (A,  ConNym,).  —  Curiosités  de  la 


Chanson  :  Souvenir  et  Regret  (Ciuhliis  GAnNinn).  —  La  Coupe  aa 
Peuple  (A.  Edbma).  —  Le  Cercle  des  Sociétés  Lyriques  (Maximb  Guy). 
—  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (G.  Lkuaithr,  Maximk  Gov).  — • 
Le  Cosmétique  au  Uaisin,  chandon-annoncc  (EriEssB  DucnEr). 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :    ALEXIS  BOUVIER 


Bien  que  Bouvier  ail 
élablisa réputation  sur- 
tout avec  le  feuillelou 
populaire,  il  appartient 
àlachansonpar  nombre 
d'œuvres  originales  et 
qu'on  redira  longtemps 
encore. 

Alexis  Bouvier  est  né 
à  Paris,  en  1830,  d'une 
famille  d'ouvriers.  Il 
apprit  l'état  de  ciseleur 
en  bronze,  qu'il  exerça 
jusqu'à  l'igo  de  vingt- 
sept  ans.  Il  employait 
ses  loisirs  à  coiiiplcter 
jiar  l'étude  son  inPlruc- 
lion  première  très  in- 
suffisante, et  put  bien- 
tôt débuter  dan.s  le 
2/oiistifjue,  joumsil  nau- 
tique et  littéraire.  De 
1800  à  1870  il  figura 
dans  la  rédaction  de 
tjus  les  petits  journaux 
courageux  qui  faisaient 
à  l'empire  une  guerre 
acharnée.  Il  travaillait 
en  même  temps  pour 
le  théâtre,  cultivant  de 
préférencele  vaudeville 

et  l'opérette.   A    cette  

époque  remontent  les  pièces  suivantes,  écrites  par 
Bouvier  seul  ou  en  collaboration  avec  Prével  et 
Vergeron  :  Danseuse  et  3/arqmse,  Un  Amour  de  la  rue 


Copeau,  Une  Histoire  de 
2)apilton,  Versez  Mar- 
(pt  ls,Mlle  de  L  ongchamp. 
Eurêka,  la  Veuve  d'un 
Vivant,  la  Gamine  de 
Village,  la  Poupée  à 
musique,  Suzanne  au 
bain  et  le  Carnaval  des 
Fleuristes. 

Il  eut,  dit-on,  assez 
de  mal  à  placer  en  li- 
brairie une  œuvre  vio- 
lente, intitulée  :  les 
Créanciers  de  l'Ècha- 
faud.  Les  lauriers  de 
Gaboriaul'empèchaient 
alors  de  dormir.  De 
fait,  ce  fut  un  roman 
judiciaire  qui  le  sortit 
complètement  de  l'om- 
bre. Auguste  Manette, 
en  feuilletons,  en  vo- 
lume, puis  au  théâtre, 
obtint  un  succès  reten- 
tissant. 

Un  recueil  de  nou- 
velles, publié  avec  un 
litre  emprunté  à  la  cé- 
lèbre chanson  de  Gus- 
tave Leroy,  les  Soldats 
du  Désespoir,  les  Pau- 
rires,  le  Mariage  d'un 
forçat,  agrandirent  le  renom  de  Bouvier.  Ce  fut 
alors  qu'il  entra  au  Petit  Jottrnal  pour  y  donner  la 
Femme  du  mort,  puis  à  La  Lanterne  où  la  Grande  Tza, 


ilHH!  [AU  ti; 


■r.:-HH\/.:i:\  ut 


MMVI//'    -i: 


jfSSJB^.,      (5»C?    ,'î?=ÏI 


LA  CHANSON 


,.|  GKpif  et.  ':'3/Ûê:ùii/m:ije  cjnl  obtenu  ijn,  succès 
--gHe  i;[U)>-Mf7('  i??i'Mi.-,S'5w/r(iy-énicoursSÎB  publi- 
cation dans  le  même  journal,  promet  de  dépasser 


jiîiMymajWài*; 


lant  de  làrmilice  chansonnière.  lJfûU3<J«jproiiiTOicinEi 

]  ^  reiéH^à.di:'li-iil'*'ïé'l'l(aie  cat^^\(^_H)f^j;}Jî,gédy^JjLf^■!(/w^-^ 

lot  les  iftres  suivante' de  chang^gjSg^|u^e^aveQ^le 


,.,.Une^tatiie|àgEéraiiger!    11  eût  été  bien  étonné 

JsïlordUiJwàilUîlJiln  jour  on  lui   élèverait  une 

(StAtuÇjjaJpr^j.qu'il  refusait  un  mâusôl'ée  dé  marbre 

et  interdisait  qu'on  prononçât  le  moindre  discours 

iâ^>ï)1(rd4le.sk'^ÀÏ)^: 


la  MtoiideiSustninia-iGaiiiaiUei,- 


Ce  bon  Nimlm,  la  Ciiansmi  du  .Bnhémin,  In  Cfi.rrssmsû- 


de  Cham>l^sif^i^^gJiaUers  de  l'brdre  dioprifi^ç^^}^,^ 


•ta  fimhéey  Dspui^s  ee-- jouv-là 


'sbîtMt^'(jMiMiU"'^huhnande,_  le  Gros  PicJiet, 


M.  l'Avocat,  Dans 


^1^. 


Je  2)leure  mon  honlieur  perdu,  la  Lanterne  magique, 
la  Mandarine,  Mécliante,  ilonp'tit  neveu,- Moû\  vieux 
«l'Ofmiii,  A^ii-i  Gifthoii,\N\!fiIenr'  pm  comm]  ,,çà.,  Osei!{,,,J^ii 
['•_\'ÉÙlpify((s4icl  h' ruH ier  à s(aaS,e,  les  ft'f^hM d»mzon 
ie'E{&UÙk'%IÀ,..Xe, ■P'ckf.yVm'i , Ify . Kàct^i^  ' cow6nnê\^fiégin( 
la  Saint-Limdi,  Silence  dans  les  raiiijs,  Un,  homme  à 
mer, 'Versez-moi  du  rin  lileu,  la  Vieille  garde...  malade, 

Vlà  Madelon. 

!)\i  ■i'(IV\9J^^  :ift^''''?s^;  viFP®  -nomenclature^  significative. 
..,,Ji(i)U|4«<s,\genj;ç,^i  v^^soi.t  amplement  représentés,  et 

i\ii'iu^^fs*iRÇW\t-'(^ft(9^'.^HU'''''^  qui  n'éveillent  le  souvenir 
««i'Utfti^Wc's^^  dfi-\«i9«<\ert  ou  des  rues. 
v,\  riilie6i\i«uaiçieç,çivl*(it)ituels  de  Bouvier  sjintFiéd^nc 
i  Sau^toief,  Xvfissjji^^ïip,  IJalleau,  Damer  surtout,  qui 
Mi^a  tn<}M,xé'(POUi>J\(5S,i(3,^ux  chefs-d'œuviedu,poète,  V  ; 
v,s\p5#if\««VK4  ^M.fi,Q(i,mill<!,  deux  airs  bien'  4i3^mbh- 

blés  mais  (i'uae\<^gf4ô  ])eauté.  '^ 

.s-iKHiA.ui(pïiij»si^ue,IAlex  s  Bouvier  est  le  tj  pe  du  co- 
-■'llOS6ecdodiiT.<S(i>s3iiœil)a  l'expression  rèvfeuse  Sagaitc 
••'iast^'BapfflnsiweMïli.Mit  l'entendre  dans  qT,vç|(iue  itu- 
v')\nioil'''d'<ath!iïi  a.^^^Ml)HWoc/i,  pai  exemple^  débiter  d  une 
'juVei'i  cli'audu'.iseBiipCiési  !S  chanip$|rBSj,  Jantaisiates  oa 
"1>  cdTniii(MJwiéesii.l    .\\\\s\\  Vf'w''  *  i^ 

•"'"•'■liyM'ëfa'ïtti'uW'fJiservale^î'pPfe'ànt  un  peintre*'' 
••'<' vrâî,"«a'lyri(tué'Billcèi  e. 

La  sinceritêj,  tçnê  ei.t,  en  efict,  u  dominas 
'"'ment'aS  Sh'ûmr'.'^A  rencontre  de  la  plM| 

.ecri'vairîs  sortisf  au  piiuple,  qui  etouflent  en  eyx  te 
'  '  nauirèf  pbw'se''iivrer  aux  fadeurs  et  pasticber 
7!''les''marHAïi''a§' lettres,  Bouvier  est  leslé  1  homme 
''"'yïgoijyux'^t.'pi'ffiM-sautier  de  son  origine.  Plus  in- 
""  veMeu^''(fu%M'lfMê,  I  lus  instinctif  que  lettré,  il  sait 
donner  .aux  fttfflfet'une  intensité  de  vie  qui  surprend 
"""él  conq|lîWle"lfecteir.  Il  réussit  dans  la  chanson, 
',"coîiftië''aM!fe 'l'é  Mfiiai,  parce  qu'il  y  dépense  une 

'''*^d4uV"dB'MM'Uè'  e.    y    met    des  aiccents  d'une 
'*^"sinîi5lfèWé"'vï?ilfe',''de   ies  accents  qui  Viennent  du 

«i^'V   ï.■^\  ,vï»>v.>.,'i^   .«\,              L.  Henry  Lecomxe. 
mV  '>v,'>'''o>\(.     i\    ./vu ^ 

lui     !.:»     .-l'IlvirM)!     ;.|,    „„„,.,.,    ,„     i,,.,ullma...; 


-m 


BERANGER  ET  LiimNS&N 


(1)- 


^  Tr'osterife'/ qui  "peux  bieriiie''.pas  naître, 

A  me  chercher  n'use  point  jqj^i  flambeau. 
"'Sage  mort'él,'j"ai  'su par  la  fenêtre 
■■— — Jeter-gaiment-Parge-n'tTie  mon  tomlDeau  ! 

"ËI;'i)ourtant  pe'SoËti'e'''n:'êst  plus'di^ne  d'une  sta- 
,tvie- que  cet  enfant  duipeuple 'qtt'i'tHanta  pour  le 
^p'fetLp'lè "et  dont  ou  peut  dire  ai*S3J,J.oomme  le  disait 

de  soit-a-mi-le-l«è«a-MaBU«i -: ^- 

iVT  (J5ras,  tète  et  cœur,  tout  était  peuple  en  lui  ! 

l 'Béranger  'auïa  donc'  sa  statue. ,  Il    l'aura   le  jour 
!','ll^éir\j),i.4tt  Cfînlièrnè!,ani;\^f  js.^ire  de  sa  naissance. 
■' lï'laiDtilneur  de  I  cette  idée' da'  centenaire  et  delà 
s^atlié'dè'Bértab'géT' "reViéût  au  fondateur  du  journal 

g.  Çii««TO«,  M.  Patavj  et  à  son  rédacteur  en  chef, 
.  Keptly/-X'ècpjnie.  (A-^lK'ur  appel,  les  adhésions  les 
plus  glorieuses  ont  répondu  bien  vite  ;  un  comité 
dont  "Victor  Huga  -a  accepté  la  présidence  d'hon- 
neur s'est  constitué,  et  c'est,  entouré  des  plus  dé- 
■voue  et  des  plus  aimés  des  membres  de  ce  comité, 
que  je  viens,  au  profit  de  l'érection  de  cette  statue, 
■^OU"  pirkr  de  cette  forme  éternelle  de  l'esprit  fran- 
(  ^i>,  U  Unnson,  et  de  l'immortel  chansonnier  qui 
^l^^çises  refrains  jusqu'en' plein  azur,  comme  l'a- 
Irnulle  gauloibO. 

Je  ne  diiai  rien  du  Béranger  des  flonflons,  de 
celui  qu'qn  se  figure  sous  la  treille,  le  verre  en  main, 
la  pouipre  du  vin  sur  les  lèvres.  C'est  ce  Béranger- 
li  je  le  sais,  qui  fut  toiit  d'abord  populaire,  c'est 
Im  dont  on  fredonna  tout  d'abord  les  refrains,  c'est 
la  1^pi.angei  épicurien  ît  badiin,  à  qui  Désaugiers 
l^to^rait  peut-être  la  palnie  jie  là  bonne  humeur. 
J^'^^gt  tine  qualité  seconAàiye, 'à'mon"a^is,,que 
.^d  èëéie  !bôute-en-train  de  la  table  et'd^s,^'opew  de 

oMus f  un  bon  vivant  ne -vaudra' jamais  un  ton 
œa^îrant  Le  Béranger  voltairieh  et  sa!îiric|iu^^' celui 
qu'on  détestait  à  Montiouge  et  qtfon  çûtj' volojoliers 
excommunie  à  Rome  a  poplant  yaiOamijient 
lutte  dans  ses  chansors  narquoise^ '^fort  ennemies 
du  moyen-âge,  qui  Een(aient'"  leur\,(^ix.-h'|i^[^èmo 
siècle  et  qui  piquaient  droit'â  leur  iut,|'barl3^1ées 
comme  des  flèches. Ses  ce  upiètsleeersontpïus  fa.it  ijour 
la  libre  pensée  que  bien  djes'iiiscqtirs';  niais  laissant 
là,  je  le  répète,  le  railhur,"i(iïs  c*e  KiMlaii'^\'(i'|iVi,  fai- 
sait rentrer  sous  terre  leé'toin'mes'ijpirs'^t^ué  jfouet- 
tail,  son  éclat  de  rire,  et  l'amoureux  qui„^cliantant 
ses  amours,  immortalisa  Lisëlté,  4e  ne  ji^rler,ai  ^que 
du  Béranger  poète  populaire 'è't 'poète  national. 

Il  est  de  bon  ton,  mcssiyn'i's;  'de ''déclarer  aujôur- 


'  "jtljl'^xt'ràjt'de  ïaj'conférenp^de  .J|Ule^||qifirçti,e„pv}f'liée 
par  le 'comité,  ef  Venliiie  i'iiQtre'librairie.au  p.rofit^e  la 


LA  CHANSON 


11 


d'h.ui  que  Béranger  n'est  plus  à  la  mode.  On  feint 
de  croire  que' ces  vers  qui  ont  passionné  des  géné- 
ralions-n'oAt  plus fi^n  ànous dire,  Eli  bjoij  1  lor^qug^, 
pris  de  vtristésse  aUd'aocablcmejil,  ë 'lajenï.éiilôiiji 
épreuves  de  la  palriç,^vpus,ypudî'ç^, retrouver  quel- 
que part  le  libre  accent  gaulois, l'a  vraie  fibre  fran- 
çaise, le  cn'i'^ïtrrd{!^é'et''-fiferJaMIi'-^eU'ple;é6J'â86, 
mais  toujours  debout,  ouvrez  un  des  volumes  du 
vieux  Béranger;  parcourez,  fredonnez  tout  bas 
quelqu'une  de  ces  chansons,  oubliées,  et  soudain 
vous  vous  sentirez  anijné  d'un  espoir  qui  coiasole 
et  l'amertume  éprouvée  se  changera  doucement, 
sûrement  en  certitude.  Gela  est  si  bon  la  clarté,  le 
sens  commun,  la  vérité,  la  gaieté,  la  santé,  —  toutes 
ces  choses  si  françaises,  —  et  les  chansons  de  Bé- 
ranger consolent  des  abaissements  de  la  littérature 
qui  se  fait  triviale  en  croyant  se  faire  vraie,  et  des 
turpitudes  de  certains  refrains,  trônes,  aux  parodies 
des  ruisseaux  I 


(A  suivre). 


JOLES  Claretie. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  ÏT  LITTERAIRE  DU  CAVEAU 

B.\NOUET  DtJ   1  'MAI 


La  doyenne  des  sociétés  chantantes  est  encore  un 
modèle  pour  toutes.  Elle  cultive ^avec  un  égal  bon- 
heur le  couplet  mordant  etle refrain  grivois,  lachap- 
son  de  table  et  l'hymne  patriotique.  Ses  membres, 
dédaignant  avec  raison  la  théorie  siligulière  en  vertu 
de  laquelle  une  chanson  poiu-  ûlré  bonne  devrait  con- 
tenir des  négligences,  oui  le  culte  do  la  forme,  de 
celte  forme  élégante  qui  n'exclut  .ni  l'imprévu  ni  la 
verve,  et  sans  laquelle  aucune  ueuS're  littéraire  n'a 
chance  de  durée.  Enfin,  les  visiteurs  sont  reçus  au 
Caveau  avec  une  çûrdia,l'ité  parfaite.  Q'est  une  réu- 
nion qui,  avec  les  titres  solenùels  d'une  académie, 
a  le  charme  d'un  cercle  d'iniimijSiUne  a§sbci;atlon  do 
lettrés  et  d'hommes  du  monde.  ;     '     '';  '- 

Lehanquetdc  mai  aétéparliculièrementattrayànt. 
La  présence  de  nombreux  visiteurs ,  parmi  les- 
quels lé  très  sympathique  M.  de  La  Pommeraye,  la 
uislributiun  par  Gustave  Nadçiud  'de  roses  magnifi- 
ques recollées  à  Nice  dans  Id' chalet  i'ândofe  (son 
Carcassoiiiié) ,  enfin  là  réception,  comme' merabre 
libre,  de  l'hôte  du  Caveau,  M.  Bandi  réception'  lar- 
gement arrosée  de  Champagne,  tout' contribuait  à 
donner  à  cette  soirée  uh  entrain  remarquable.' 

Le  toast  d'Eugène  Grange,  iaspiré  par  Mai,  a  été 
vigoureusement  applEliidï';^ 'c'étâw  ■}'iSticle;'"»ar''te 
■taasleur  émérite  n'âiVjai-ki  jaiBaj.S'jtmiiplU3  fiJeapiiit  à 
plus  de  sensibilité.  Cctle,,(Jflj[jijJ,èj^-ii<^.4i)^p',?wVpl 
s'c.-it  retrouvée  dans  1e^, chanson  presque  liaprivipiée 
pai'  le  président  du  CaiWalï  'i!  W'Uiï&iiiré^'iik  teôn 
homonyme  Oranger; jmwt'réioommtjaii,  tandis  qu^e'  la 
première  faisait  mervQilljo,  daB£] 'des 'iîûuplet&  intitu- 
lés ^c  C'0!f?(;!«  !«'(?(?  rfe  ^'^î/f;^.,',,^  ,1  ,  ,|.  ,  .  ,     ,    ,, 

Le  nombre  des  sujetSi.de,  clianson^  est  .limité. 
Fénée  a  beau  s'écrier  avec  sa  ve^'ye  ordinaire  :  Il 
nous  faut  des  chansons,  plusieur.i  de  sos  camarades 
n'ont  fait  que  prêter  une  forme  nouvelle  à  des  don- 
nées connues;  ainsi  M-Lagaïde  a.\:ec\'Iio»,i>mg.p>-ûpose, 
M.FouacheavecJ/o?iPrf</.Z^j'je%|îkI,.MO|Vi,l,onrPg/):;ajS(Se 
avec  Ce  qui  grise  et  dcgr'îse,,M..  Léon  Giiérin'a(vec,7e 
Pour  et  le  Contre.  M.  Podnaill''à'ptl<l'é  dïél'ôii"^'o't)'u- 


lailre  Q^iand  le  tâtiment  va,  tout  va,  pour  refrain  à  des 
coupletsi  pleine'  de  .gaiîtô. -ÀTi-iiiojJj o'jjsO'/'îH^pSQiupioeto'i 
M.  Montariol  avec  réteignafion'';".  M'.' JuU-ibnl  déraoœtçeïAi. 
S[!)irituell6iinenl' qa©i  la;ichoSè''l{i>pîUS'4iffloiliei«6t  dei'-nl 
garder  son  arg0at,iiet|MiiJul65i'Pblit]  tra»&idu,toan«;(l:> 
fieur  un  labléaui'loriï^mcieiik.i.'i'   .i>iuni  •.(!   . -..ntc.ila 


que  auaacie,ux;;feyignj:;a,Spii;  ij;^^^^^^ 

cifiiiue  pouf  ,pf,.i(;}ife;;,^ç  ]J,o,n  |3nlreUen,,dii^t\or^^^^,-(j^^^^._,^,^ 

étui  de.làmé  ^:    .,,,|,,.,,,,||    ,,i    h,., h    ■../«•.A    vi    '.n^,,'v,v,s\L 

■  AhS  l^aTiégbfrcitptur.Ha  proériétéi/lDuI)  i-.iic.K  )  iiissiU 

j       ,  G«r4onaHo«iC<Bflj()3.8n'P&''foitei&*atéi.,(iiiiHiil  -.'il  k;»! 

\ies  H'^f:d$>iMmg%^è^^mM;^}M:^ 

si6te  Féhge;  eQà,'  /*W'|^.<i,7f  .M•,iX^WS,f(fi(^^,#,,u^ 
titres  diTeirs„,olj),U|t^vi^e^,|3,r^y,5)S,.  ,■,■,,',•,„  ,,,\'|  i ,  .,,;,  \um'/'. 
■Ada  demande  i^énérul8,'Nada-Md  a  dit  tr^is,  Idoisespiq 
productions  :;  6']mfk-pmjeti  ,o>hdrmaia/l9  iriiésaïiptiifltt»^  (; 
d'une  promenade  dîajmOoreu^v  li  Cr<mro-Mtmttà>lelBaiiBiii6 
des  Charboimimis,  d'uaomoHVeîneiit-sii  origiaaiietlait-ihj 

gai.      .    ■;  ,    n,p    liii.n-Hi     /.ii'MV     iiii'l)    -i);iii  ,i'j'<ui[.(u.a  ol 

'Il  y'  aurait  ■faussé'm'oâest'ie'  âe'Wa'pkA'  ^m^Mi'uI 
l'accueil  aimable   fait  par  les  convives  à   quelques 
couplets  6aliriqiuôs6iga:égcld  moH'ndmvpt'^iiiijphJiaxv-1 
sant  les  discours  im'ianiabWB  duaomnbl.9nuoppoït>tti3-ir> 
nisme  :  Les  Tei)2ps)0sà)it'pas'TO>ius'.y'-'^>  ''I'  >-i'iylK->  ini 

Caveau. ,i...,    ^,,',^„./  ^,„|  in',  jli  •iniino'i  —  ylil  lUinl 


;i)l 

.jlHif, 

nij'l 


■  H  I 


(  ,   iiTri  ■.■'■■^W'W    n.V    'jlui-.ib   ilB^'jM 

.l-j"ix;'.''j-';  '1  lU'X'tl  l'i'l'Vfe'iH't?"^""'  '■^'^'-'^ 
N'Iivlib'MibuindKia  airp 

VI  t;  lU-niMiK  .-orpiu  ^.  i.l  .iK'n  ob  o-ih'io'I  Âi:i[t\H 

,,j,[..(lf  J»«lnqnotidW(*»ni«i^i    /il   Uinmiixnq  )•! 

l-i  :.l  ,h:)'t'-.l  IriiilA  .■rr<i|  tii:'<'l  ..:r;i(irioariK(l;> 

(   lii.rn 


>iii  .I/i.  t)  •jl-;riiflK'jn.'; 


vives  tel'esl'M  l'ésnhié' lé'  bilad' dc'^éette! âo^Veyi'N-è l'I'' 
Irbyez  pas  PoBrc^Mti  ^në  lA'^iàWe'm^'iAkHi  'ëâWU'ef^V.H. 
Eu  visilè.ura,  o(uiv;.,;çaiSOt}ièti),tiies,!,n«p„,iia,fèl,ç  t^îu)^:^ 
ciunarade,, pélélJcéft  rTr.,aveQ,qael,«iiit|^iqi,fii,,iawltei„'A^ 
bonne  hdPKfUijj  r^,(^iAifineU<?s>d#mier\^  .§î\j,nlSSr«Vv^-,nu 
fait  tort, aUiWnW.WiBPWliJ 4eS|ii|(?JiiJ[>«ô'WliawiS,iq»«iu'i. 
avaient  bvii^Tbas.,«la,wat,  J,?,çaut*K'5f.ClW4tàe',-e§ttlÉ>T7  Jil 
'ment  ôlçi4c'ft^,fi4w*^fiMii'CQ(lSîrîfOiUP/i.toc«  GJj(etofiOHS,.',ib 
Jdannini'ftailftcn.  eit,iinoj„,pu'«strMiÀ  iflM'P?itHKi<fA>iiptniii 
Fliachal„P!4raj;Q.\jiA'  eiU,QSdewPa.Hl«ili.i*l(itAat:dl'ftWAPe^iK. r 
setaienVil^.festéti'au.fùiid  dÇ  ■l^'Mmt^  ■U\q^.i*,\(l^  hi::> 
informe.  '•  'l'v'i'i'Sv, 

(Fame.dft^t/DHf  c^giniqwes„}4  gaî|l.ii.pi'*j;gai$i^to^i() 
Iljsépitt^it.qu'pn  .prità-ifiefiar  dg^is^Bï))per^,a,  l^t>.-y,i 
selnce.de/qes  fwk  m  ,l;6(i|0V!.l)l^J.48i>Mïf'«»'J  S9Mït*?Wiaq 
ilTfajinVwefit  qiiiWlctupp,ft»l)r^fi',P/i.l,iP.**fl'^  WAftOfi  n> 
friuts,.  t.a,uta,*«J  J)lli&;ÇIHni3iiQ»p,BftéMqu<i*iJ*Q,(p,„f  Jft-uuji 

beaux;  mais 'à  table;  un  fin,  RQU^âji,  v;a,iJ!(;  Wl^u».  J«ii;m 
comprends  que  le  récitatif,  esiV^  du  Cafe-Concert  et 
chassé  même  dolagiogaipOte'pa^i'Ue^jton'o^fStfiJraKigie 


mène  et  ^r^^ia  ji^^M'^^ii'^K:?^"/; 

joyeux  refrain.  ■  ;^  'Ji„,,v,  iiM.i  n;'i  .ioiJa!.lh;  :A[-mi> 
Je  constate,  sans.itirûp  p«?cilesîlôrii[di'ajll£iirâ!o(pa,nr,i(l 
M  Aredd,  dans.le,  ife>(is«<,'rf*'âi4i^<''Wai:4si)iel:>Qax6ni\-i.\t. 
qui  da.ns  Une  Page  d histoire,  a.  si.istmlipéi\eD,-y^ïei>  m 
vigiureus  la  uaissancedu  second  eiii|)j.re  ont  obtenu 
et*'iii'érilé'deVits'iiiJt>ïSudî^^èaie±(ts.'*^"  'ZnT^HtLa 

Puis  viennent  l,es  co.uplets  trè-<  historiques  de 
Leblanc  le  Prôffrè's,-6'ti'^es  grands  hommes  du  passé 
défilent  en  si  grand  nombre  que  les  vers   en  sont 


12 


LA  CHANSON 


comme  encombrés.  Mon  vieux  Chêne,  de-  M.  Luth, 
Marquise,  de  Lebesgue,  Salut  au  Voyageur,  de  Ghe- 
broux,  rentrent  petit  àpelit  dans  le  vrai  genre  delà 
chanson,  encore  poétique,  un  peu  rèvfuse,  mais 
chantée.  De  Gonet,  MM.  Bernard-Morot  et  Quesnel, 
enfin  Nadaud,  y  naviguent  à  pleines  voiles,  avec  des 
pavillons  divers,  cela  va  sans  dire.  Gtistave  le  «««m- 
ï«w,  auquel  je  donnerais  volontiers  pour  sous-litre: 
l'Etudiant  farceur  corrigé,  est  une  peinture  vraie. 
Angélique  et  Pépi'ii,  dont  la  musique  est  signée 
Rizzio  (  sans  douie  un  descendant  de  Marie  Stuaii.... 
parles  hommes),  est  une  houlïonnerie  bien  réussie. 
Entre  les  deux  :  appliquer  cette  situation  à  tout  ce 
que  vous  voudrez,  vous  êtes  sûr  de  rencontrer  du 
comique.  Rien  du  centre  gauche  !  La  Complainte  du, 
Nicotine  til  VlnfaiUihle,  c'est  du  Nadaud,  et  du  plus 
piquant.  Le  Nicotine,  c'est  un  monsieur  qui  réussit 
à  se  guérir  du  tabac;  VInfaillible,  c'est  une  énigme 
amusante  dont  le  mol  n'apparaît  qu'au  dernier  cou- 
plet. 11  ne  s'agit  pas  du  pape,  comme  vous  pourriez 
le  supposer,  mais  d'un  vieux  richard  qui  épouse 
une  jeune  et  belle  fille  :  vous  pensez  s'il  le  sera.... 
infaillible  ! 

La  gaudriole  peut  venir,  la  place  est  prèle,  et  nos 
oreilles  aussi.  Cahen  nous  décrit  \KTSte  de  Cochon, 
un  cabaret  de  Charonne.  Après  le  Cabaret  des  Trois 
Lurons,  le  Café  des  Incurables,  le  Pavillon   du   Vieux 

Lapin,  et  mainte  autre  peinture  prise  sur  le  vif 

from  life  —  comme  disent  nos  voisins,  Cahen  a  su 
trouver  de  bons  coups  de  crayon  et  des  traits  ingé- 
nieux :  que  sera-ce  quand  la  chanson  sera  terminée  1 
Péan  chante  Les  Troncs  ;  mais,  pardon  I  je  ne  cite 
cette  production,  toute  bien  réussie  qu'elle  a  semblé 
que  comme  une  transition  pour  vous  parler  d'un 
sujet  à  l'ordre  du  jour.  Les  troncs  mènent  à  l'église 
et  précisément  la  question  cléricale  a  inspiré  trois 
chansonniers.  Péan  père,  Alfred  Le  Petit,  le  spirituel 
caricaturiste  et  M.  Grégoire  ont  fait  preuve  d'ironie 
et  même  de  chaleur.  Ivous  avons  donc  bruyamment 
applaudi  Le  Pape  sur  la  piaille,  la  Jlarseillaisc  des  Jé- 
suites, peut-être  un  peu  iougue,  et  VEncyclique. 

Est-ce  le  moment  de  tirer  l'échelle?  Pas  encore 
Yoici  Jeanniu,  et  iiar  conséquent  un  fou  rire  Ca 
niaiiqu'de  chic  et  d'élégance!  s'écrie-t-il  à  propos 
d'une  foule  d'accidents  pourtant  fort  communs  dans 
la  vie  de  ce  monde,  comme  se  moucher  sur  sa  man- 
che ou  même  couper  t-a  femme  en  morceaux.  Jean- 
nin  me  parait  bien  difficile,  pour  un  gaillard  qui 
vous  chante  avec  tant  de  résignation,  dans  d'autres 
cas  bien  plus  funestes  :  A  la  guerre  comme  à  la 
guerre  ! 

On  ne  peut  guère  aller  plus  loin  dans  le  comique 
n est-ce  pas?  Attendez:  Hachin  prend  la  parole 
pour  pemdre  et  plaindre  le  triste  sort  de  cettebonue 
en  maison  chez  de  vieux  rentiers,  qui  ne  peut  voir 
que  de  loin  son  amoureux,  enchaînée  qu'elle  est  à 
un  allreux  caniche  râpé.  Ce  caniche,  elle  le  promène 
mais,  dit-elle  avec  désespoir  :  ' 

Mais  mon  chien  ne  veut  pas  pisser! 

Et  là-dessus  je  lire  l'échelle.  Mais,  dira-l-ou  cher 
chroniqueur,  vous  vous  oubliez.  11  le  faut  bien  '  pour 
que  ceux  que  j'ai  omis  exprès  de  mentionner  me  le 
pardonnent.  Je  note  seulement,  pour  montrer  avec 
quelle  attention  j'ai  tout  écoute,  que  j'ai  entendu 
hier,  pour  la  première  fois  prononcer  ckii-ri-ère 
Mo-h-ere,c6  qui  est  trop  long,  et  par  contre,  ciu-leace 
ce  qui  est  trop  court.  ' 

Je  crains  que  vous  ne  pensiez  le  contraire  de  mon 
compte-rendu. 

EuG.  Imbep.i. 


A  mon  Père. 


MES  LONGS  BLÉS  D'OR 

CHANT   RUSTIQUE 

Paroles  et  Musique  d'Albert^VERNAELDE. 


cru.  e        En  _    fan.  te    des    é.  pis     m 
REFRAIN 


:'est  le     pain    de       l'a.ve.    nir 


Lorsque  le  coq,  de  sa  voix  claire, 
Joyeux,  chante  le  grand  réveil 
Et  que  la  nature  s'éclaire 
De  tous  ses  rayons  de  soleil  ; 
'Uors,je  reprends  mon  ouvrage 
Plein  de  bonheur  et  de  gailé. 
Mou  cœur  est  rempli  de  courage. 
Mon  front  plein  de  sérénité. 
Mes  longs  blés  d'or,  etc. 

Puis  lorsque  le  soleil  décline 
Et  que  le  soir  mystérieux, 
Urunissant  la  verte  colline. 
Vient  verser  l'ombre  sur  les  yeux. 


LA  CHANSON 


13 


Près  de  ma  bonne  Madeleine, 
J'entends  au  loin  mes  hlés  frémir, 
Le  vent  m'apporte  leur  haleine 
Et,  content,  je  puis  m' endormir.' 
Mes  longs  blés  d'or,  etc. 

L'automne  fait  ployer  mes  granges, 
Sous  le  poids  des  nombreux  épis, 
Qui,  s'entassant  en  blondes  franges, 
Forment  un  radieux  tapis. 
Alors,  je  regarde  avec  joie 
Le  fruit  de  mon  rude  labeur 
Et  les  beaux  jours  que  Dieu  m'envoie. 
Font  le  bonbeur  du  laboureur  ! 
Mes  longs  blés  d'or,  etc. 

Si  mes  blés  sont  tout  ce  que  j'aime, 
Avec  la  chanson  du  pipeau, 
France,  je  préfère  quand  même 
Le  grand  culte  de  ti)n  drapeau  I 
Sans  m'occupcr  de  polilique. 
Sans  voir  mon  travail  arrèlé, 
Je  sème  jiour  la  Hépublique 
Et  je  chante  la  liberté  1 

Mes  longs  blés  d'orsout  nja  richesse, 
Je  les  ai  vus  croître,  grandir, 
Le  soleil  les  mûrit  sans  cesse 
Et  c'est  le  pain  de  l'avenir  I 


CONCOURS  DE  LA  LICE  CHANSONNIÈRE 

SUJETS   PATRIOTIQUES   (2"  Prix). 

QUATRE-VINGT-TREIZE 

Craignant  les  seigneurs,  les  prévôts. 
Le  peuple  alors  pouvait  à  peine 
Vivre,  manger,  tant  les  impôts. 
En  lourds  anneaux  tordaient  sa  chaîne. 
Soudain,  on  le  vil  d'un  élan 
Briser  le  joug  de  Louis-Seize, 
El  se  lever  :  c'était  en  l'an 
Quatre-vingt-treize  : 

Quatorze  siècles  d'un  seul  coup 
S'écroulent  ;  parmi  leur  poussière. 
Tes  bourreaux,  peuple,  sont  debout, 
Sur  eux  épuise  ta  colère  ; 
La  liberté  guide  tes  pas. 
Sa  voix,  la  seule  qui  t'apaise. 
Rugit  ton  réveil  et  leur  glas. 
Quatre-vingt-treize  I 

Va.  combuls,  moiLr.s  ;  le  genre  humain 
ï'applaudil  ol  sèche  sos  hiriiirs. 
Maiulcuanl  ce  n'est,  plus  du  pain 
Qu'il  faut  demander,  mais  des  armes! 
Des  piques,  glaives  et  canons, 
Sortent  luisants  de  la  fournaise  ; 
T'em plissant  d'éclairs,  de  rayons, 
O'iatre-ving't-lreize  ! 


C'est  son  ère,  il  connaît  ses  droits. 
Au  lieu  d'obéir,  il  ordonne. 
Il  sait  broyer,  sachez-le,  rois, 
Une  tète  avec  sa  couronne  ; 
Donner,  en  vous  narguant  toujours, 
A  ses  vengeurs,  la  3IarsciUa,ise ; 
A  ses  grands  hommes,  tes  grands  jours, 
Quatre-vingt-treize  I 

Ces  droits  que  vous  avez  légués 
A  vos  enfants,  cet  héritage. 
Pour  nous  le  ravir,  intriguez, 
Traîtres,  posez  l'échafaudage 
De  vos  coups  d'Etat  dans  la  nuit; 
La  nation  tressaille  d'aise 
A  ton  souffle  qui  les  détruit. 
Quatre-vingt-treize  1 

Il  vif  toujours,  le  souvenir 
De  leurs  travaux  et  de  leur  gloire. 
Et,  comme  eux,  nous  pourrions  fournir 
Une  page  encore  à  l'histoire. 
Forts  de  nus  droits,  nous  attendrons  ; 
Mais  si  dans  un  seul  on  nous  lèse. 
Alors  nous  recommencerons 
Quatre-vingt-treize  I 

A.    CORXUEL. 


CURIOSITES  DE  LA  CHANSON 


Tout  le  monde  connaît  la  réputation  de  M.  Charles 
Garnier,  comme  architecte  de  l'Opéra,  mais  peu  de 
personnes  savent  qu'il  caresse  les  Muses  à  ses  moraeni'^ 
de  loisir.  Nous  empruntons  au  Recueil,  si  riche,  du 
Caveau,  les  couplets  suivants  : 

SOUVENIR  ET  REGRET 

AïK  de  la  Lê'jèi'e  : 
J'avais  des  cheveux  épais, 
Formant  une  belle  houppe. 
J'avais  des  cheveux  épais 
Brillants  et  noirs  comme  jais; 
Mais  maintenant  ça  m'ia  coupe, 
Car.  fuyant  mon  ciùne  osseux, 
Ce  n'est  plus  que  dans  ma  soupe 
Que  je  trouve  des  cheveux. 

Oui,  je  baisse,  (Hs) 
Mes  amis,  je  le  confesse, 

Oui,  jebaissel  (Ms) 
Cré  matin  1 

J'deviens  crétin  I 

J'avais  un  œil  plein  de  feu, 
Perçant,  vif,  ardcul,  espiègle, 
J'avais  un  n:il  plein  de  feux, 
Qui  rendait  l'aigle  envieux  ; 
ilais,  comme  lout  se  dérègle 
Sous  le  climat  de  Paris, 
Hélas  !  j'u'ai  plus  mon  œil  d'aigle, 
J'n'ai  plusqu'dos  œils-de-pcrdrix. 
Oui,  je  baisse,  etc. 


14 


LA  CHANSON 


1  «l/OU  TÙo'i 


J'avais  de  1res  beaux  mollets, 
Aussi  nerveux  qu'une  tresse, 
J'avais  de  très  beaux  mollets 
Qii'ies  dam's  ne  trouvaient  pas  laids. 
Mais  en  mon  corps  tout  s'affaisse  ; 
Qu'est-c'  que  ces  dames  diront, 
En  voyant  que,  plein  de  graisse. 
Mon  mollet  de  coq  est  rond  î        ,     ,-, 
Oui,  je  baisse,  etc. 

J'appelais  avec  respect  '"'1'  «'"-'i-'  ''•■■'' 
Les  ministres  de  la  France,-'^'""'"'-'  ''^''  ^ 
J''appelais  avec  respect'  ' 
Excellenc'  tout  l'cabinet  ; 
Mais  j'ai  perdu  coniiance  '  '  '  '  '  ''  '  '' ''  '  ' 
D'puis  qu'chaqu'jaur  7  en  a  d'nouveàilx', 
Et  je  n'dis  plus ':  Excellence,  ''■■'■  '■  ''  t- 
Qu'à  leuré  garçons  dé lui-ékùif.' "'"'-' 

Oui,  je  b^isse.,elc..,i  ^,,„oj,,uJ  Xiv  !I 
J'entendais'tiarfaileniebft/CiJj.va-ii  «wA  n'i 
Jadis,  voleïiiles  abeilles,' u  ,-/irj  ■innuo:^  ,l'.î 
J'eatendais  panfaiteniônt  •  ■  -'irj  ••-^.■•^\  'ju'' 
Des  :moucb,'s<le  bourdonaeiheii<Lç  aii  ftJ'io'i 
Mais,  tristeâsessans  paTeiUes^'i'icUMa  <.\y,V. 
L'âg"  mûr  me  rend  Tscn  coiifaBc;iJO!i  sioù. 
Si  les  murs  ont  des  oreilles,:  •- 1  >.';',■ 
D'puis  j'ié  suis,  moi,  j'n'en  ai  plus. 

Oui,  je  baisse,  etc. 

Je  faisais  d'Jolis  couplets,   ^  .j  ^,  i<3>  ,  f,  ■ , , 
Élâ)ns'm(llïi-'ma;tfrte  <#t'ait  pliA^,'^ 0  '  ^ *-'  > 
Je  faisais  d'jolis  couplets, 
y^rs.  Je  î^antUéon  j'allais  ; 
,  Mais  .voyez  quelle  est  ma  peine, 
Bi'cêtre  est  rtiainlenanl  mon  but, 
Èt'pour  qu'a  mon  sort  j'm'entraine, 
On  m'a  fourré  d'I'Institut. 

DiiiJ^|5ejba,isse,  etc.     : ,       , 

Vous  voyez,  mes,  bons  amis, 
Gomme  en  moi  tout  dégénère, 
Vous  voj^ez,  nies  bons  amis. 
En  quel  état  je  suis  mis  I 
Ma  substance  médullaire 
S'ramoUirdans  mon  cerveau; 
Je  l'proUv'  puisque  j'viens  de  faire 
Un' cliaaêon  pour  le  Caveau. 

Oui,  je  baisse, (t«),,, 
Mes  amis,  je  le,çpiifesse!,>;  ,    .      ■■ 

Oui,  je  baiss,e;Ji(Ji.s),i    ,:  .    :;,,  ,1':': 

Gré  m^tiUil  ;  1  -  >  ,  , 

J'deviens  créliij.I     ,,,.     .  , 

Charles  Garnier. 


LA  COUÉi  AU  PEUPLE 

Il  n'y  a  pas  à  Paris  unte  '  seule  publication,  où  la 
musique  populaire  soit  sérieusement  défendue,  en- 
couragée, expliquée;  aussi  tious  voyotis  cbaque  jour 
tomber  dans  l'oublï'leS'gran'des  œuvres,  qui  pour- 
raient revendiqiièfrc^itlti'ei'dedaignées'îiarle  monde 


élégant  comme  trop  peu  arauçantes,  inconnues  ,du 
peuple,  qui  n'en  soupçonne  même  pas  l'éxi'stetçe, 


..tetçe 


peuple,  qui  n'en  soupçoE 
délaissées  de  tous. 

Delà,  une  place  9.  occuper,  une  injustipe  â'réparer. 

Aujourd'hui,  nous  prenons  celte  .place';  "(ijeiham 
ncjus  tenterons  de  réparer  l'injustice.  Ajoutons  une 
esjplication  :  ;.;.  '  ■  .  !  1  '■'■■■^   .-ii  ii'i':»,M 

JLa  musique  populaire!, !a«,..prôseO)t^Hpoiis.-;toais 
asjDects  :  la  cbansoji.propre:m6nt;dite^;C6Uei'iqu,Qjl9n 
cHante  en  plein  air,  à  table,  en  sociclé  ;,  lajsymip^JôQie, 
ca,dre  immense  qui  embrasée  les  Cûmp,o&i|ipB5iyiO- 
caies  et  instrumentales  :  où,  l'orcbestreiPonsfirviQ  ■upe 
iràporlance  capitale  ;, enfin  l'opéra.  Aices.trois  fqrRiies 
lyriques,  correspondent  tOTia:mo!tS;:j;aolagj2iii-aewe'at, 
initiation,  complément;,  notre .progr^mipe , est ,ljii,  nos 
mpyens  d'action,  notre  but. 

JNous  saisirons  ail' passage,  les'  productions  '  ïîiies 
et|délicates  qui  jaillissent  à  chaqùe'inslaat  'sôas'  la 
plpme  des  hommes  de'taleûl;  1  telle,  '  la  rônia'iiéelie 
Pajul  Henrion,  publiéfcdans' nblré''pïém'ier' û'ûiïéio. 
Gejs  gentilles  bluettes,  qui  sont  pour  n'oùs  'l'eSp'rès- 
siiin  gracieuse  d'un  art  sdtis 'prétention, ■fcapti'vent 
leè  esprits  les  moins  cùltiTês, 'y'fbilt  germëfla;  pfte- 
mière  semence  :  l'attention rêûëeïi'i!&;"'q;n:i'eét'ieic6i(n- 
méncement  de  radnjjlçaljon.-,,,  |,  ,;,,|,|  j^;,,:'.!  ^^/K 

jNous  suivrons  pas  à,  pas,  .dWS^.lfiW  jÇ.a-r^^è'Ç?.  glo- 
rieuse,  les  différents  ,  ouvrages  .qi^e  lùos,  sQçiétés 
ar^stiques  ont  pour;i)iisçiQn  cj.'acçli,paa,t|er  Cili,e?i,pous, 
eti  si  parfois  l'activité  des  artistes  ne  répond  pas  à 
notre  impatience,  si  le  Beau  demeure  trop  longtemps 
méconnu,  si  l'accueil  du  pubUc  nou&  .paraît  i^^^jifi/i^ .,  s 
ou  son  indifférence  blâmable,  nous  proclamerons 
hautement  noire  pensée,  fieïs' dé  notre  initiative, 
jaloux  de  noire  indépendance-; 

Nous  ferons  en-quelque  ,sorte,  l'hisloii;©  du4|ijéâlre, 
prêtant  la  publicité  tiè  notre  revue  âiix  drànife  ly- 
riques, dessinés  à  grands  traits,  simples  à  la  façon 
des  tragédies  anciennes,  dépourvus  de  surcharges, 
affranchis  cle  tout  rafûnemenl. 

On  le  voit,  notre  horizon  n'a  pas  de  limites;  nous 
voguons  vers  l'infini,  disant  à  tous  :  «  Apportez  votre 
obole  au  directeur  de7a  C/ianson,  venez  avec  nous  : 
votre  concours  intelligent  ajoutera  encore,  à  no.tre 
autorité.  Craindrez-vous  de  marcher  sous  un  éten- 
tard,  qui  porte  pour  devise  le  mot  de  Jean  Hus  :  Za 

i  ,.,,",:-^  n„'--,..i,i  n.nr,ih(^mWya 

\  ....rKl.'.  :'""»,::.. M J  =  i:'V:'mo.I  «-..ï 

LE  CERCLE  DES  SOCIETES  L^MQUES 


M,  Orange,  le  sj'mpathiqaè'  propTiélaire'  de'la;  nou- 
velle salle  de  Concerts  des  Sociétés,  lyriques,,  fX^iiixi- 
bourg  du  Temple,  se  propose  de,  irau^forujier  cet 
immeuble  et  d'y  apporter  de  nombreux  embellisse- 
ments. Il  est  décidé  à  faire  construire,  a.u;-çl,e^pus,<lu 
café  quatre  grandes  salles  a,vec  écènc  vastè^^et 
coquette  et  pouvant  '  contenir  200' pél-ït/ùfaësi  Ces 
salles  seront  affectées  aux  réunions  hëbdoniadâ'îi'es 
des  Sociétés  lyriques.  ■  -^  1     i  :     .',> 

Le  café  qui  précède  le  théâtre  sera  complèlecnant 
isolé  de  celui-ci,  et  rp,^  péné,trera  ,dçLns.la  î,^.l\^  du 
rez-de-chaussée  par  un  couloir  qui  Rongera  le  nou- 
veau café  où  M.  Of'ati'^ë  plàcoïàdès  'bi'lïà'rdâ'.'  l'à'sille 


LA  CHANSON 


15 


de  théâtre  actuelle  va  être  entièrement  restaurée, 
et  sera  réservée  pour  les  Concours,  Bals  de  nuit  (avec 
plancher  mobile)  Banquets  et  Grandes  soirées  que 
donneront  les  Sociétés. 

Nous  félicitons  M.  Orange  pour  l'excellente  idée 
qu'il  est  entrain  de  réaliser. Grâce  à  lui,  les  Sociétés 
lyriques  de  Paris  posséderont  bientôt  un  CERCLE 
digne  d'elles  et  le  grand  problème  de  la  fédération 
des  Sociétés  lyriques  se  trouvera  près  d'être  résolu. 

Maintenant,  c'est  aux  Sociétés  lyriques  à  aider 
de  tous  leurs  moyens  les  efforts  de  M.  Orange  et  à 
se  grouper  le  plus  tôt  possible  autour  du  Comité 
d'Union.  Une  circulaire  sera  prochainement  adressée 
à  chaque  Pré.sident  et  les  adhésions  seront  reçues  tous 
les  jours  au  siège  du  Comité,  '23,  faubourg  du  Tem- 
ple. Plus  leur  nombre  sera  grand,  plus  grand  sera  le 
succès.  La  salle  de  concerts  est  à  louer  tous  les 
jours,  pour  réunions  de  tous  genres. 

Le  concours  dramatique  entre  les  Sociétés  lyriques 
commencera  le  11  juin. 

Maxime  Guy. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Quoique  les  concerts,  organisés  dans  la  salle  des 
Sociétés  lyriques  de  Paris,  %',,  faubourg  du  Temple, 
aient  eu  peu  de  publicité,  le  public  s'y  est  rendu 
avec  assez  d'empressement. 

■  Il  n'est  guère  possible  de  faire  un  compte-rendu 
des  spectacles,  qui  ont  eu  lieu  chaque  soir  dans  cette 
salle,  on  no  peut  en  donner  qu'un  léger  aperçu  en 
citant  parmi  les  sociétés  lyriques  qui  s'y  sont  lé  plus 
fait  remarquer  :  Les  Enfants  de  la  Seine,  la  Muse  des 
arts  et  métiers,  le  cercle  Musset,  la  3/use  Gauloise,  la 
Renaissance,  les  Gais  3Iomusie>is,  le  Pa'pillon,  l'Echo 
des  concerts,  etc. 

Les  artistes,  qui  ont  occupé  la  scène  sont  des 
amateurs,  et  nous  devons  reconnaître,  que  l'inter- 
prétation des  œuvres  récitées  ou  chantées  a  fourni 
une  excellente  moyenne;  nous  devons  môme  ajouter 
que  nous  n'espérions  pas  trouver  un  tel  résultat  en 
aussi  peu  de  temps. 

Beaucoup  de  noms  se  placent  sous  notre  plume, 
mais  pour  nous  résumer,  nous  citerons  particulière- 
ment iMlle  Tannesy,  qui  a  fait  remarquer  son  goût 
de  la  bonne  école  dans  la  Reine  de  Saba,  de  Gounod. 
Viennent  ensuite  :  Mme  Zélo-Durand,  Mlle  Rose, 
Mlle  Schniilz,  Mlle  Lucie. 

M.  Durel  a  été  vivement  applaudi  en  chantant  le 
Vieux  buteur  de  vin,  de  Jules  Baux;  M.  Huet  a  été 
fort  goûté  dans  Chapeau  bas,  doïac-Coeu;  M.  Ber- 
lioz, dans  le  récit  En  2))'ovince;  M.  Chapuis  dans 
Gentil  Lutin,  de  Jules  Raux,  déjà  nommé;  M.  Rivet 
dans  le  monologue  Un  monsieur  en  habit  noir.  Une 
mention  est  due  aussi  à  MM.  Billiard,  Victor  et 
Voisin. 

QuelquaaraDCiétés  instrumentales  ont  prêté  leur 
concours,  ce  êmC^'h' Orchestre  des  Trouvères,  qui  nous 
a  fait  entendre  des  soli  de  pistous,  exécutés  par 
MM.  Pichancourt  et  Lefebvre  ;  l'Harmonie  VEcho  du 

(;n:.  ,1    ,;l:.|    Uv.r,   -^a  •'?i^..<-*|-B-.-u.l, 

Lundi  10  mai,  salle  Rossel,  rue  de  Belleville,  soirée 
extraordinaire  au  bénéfice  d'un  chansonn^ppS^qRjpJG 
Trop  peu  de  monde,  quelques  bonnes  productions. 

'"Mm  Mbnîtiarti'Perchet,  Ckssfe,  T)enàtijàntléfe';'E%l'ard,"' 
Tculet  et  quelques  chanteurs  xooi^qu^s,,  onj.  to\ip,i^ij 
tour  égayé  ou  ému  l'assemblée.  M'me'Produomme  a 
dit  avec  beaucoup  de  charme  une  chanson  à  boire, 

.(et)6Mt9Ut  i^iC^anvrei  qui  f^jtabi^SwalftirilakîSMavJl^j 
de  sa  voix.  Une  querelle  à  M.  Perchet,  dont  les  vers, 
bien  frappés   et  bien   dits,  célébraient  le  Progrès. 
Pourquoi  s'obstioê-asil  fil  n'eSiida'reété.îJasïMSéftip 
à  nous  peindre  Salomon  de  Gaus  gémissant  dans  un 


cabanon  de  Bicêtre?  Salomon  a  eu  le  premier  l'idée 
d'employer  la  vapeur  comme  force  motrice,  mais  il 
n'a  jamais  été  fou  ni  prisonnier.  Le  mart^^rologe  de 
la  science  est  assez  long  sans  qu'il  soit  besoin  d'y 
ajouter,  sur  la  foi  d'une  légende  apocrj^phe  dont 
l'auteur  s'est  dévoilé  lui-même, une  %ictime  déplus. 

Les  Prunes,  de  M.  Casse,  sont  une  gracieuse  idylle. 
Denanjannes,  qui  compose  mieux  qu'il  ne  chante,  a 
fait  plaisir  dans  ses  Invalides  :  Invalides  du  travail, 
invalides  de  l'amour,  invalides  de  la  guerre  :  tiroir 
démocratique  bien  fait.  Robinot,  pour  qui  l'âge  n'a 
pas  de  glace,  chante  le  printemps  comme  un  jeune 
homme,  et  M.  Monicard  a  dignement  interprété  ses 
fraîches  inspirations. 

Mouret,  qui  présidera  sûrement  encore  quand  il 
sera  descendu  aux  Champs-Elyséens,  tenait  magis- 
tralement le  marteau,  ou  plutôt  la  sonnette  prési- 
dentielle. Bons  éléments,  soirée  agréable,  mais,  je 
le  répèle,  trop  peu  de  monde. 

L'abondance  des  matières  bous  ayant  obligé  de 
passer  sous  silence,  dans  notre  précédent  numéro, 
la  grande  soirée  mensuelle  donnée  le  samedi  1=''  mai 
par  I'Union  Artistique,  au  café  du  Globe,  8,  boule- 
vard de  Strasbourg,  nous  nous  empressons  de  com- 
bler cette  lacune. 

Disons  que  la  Société  présidée  par  M.  Paulin  s'était 
surpassée  et  que  cette  soirée  a  été  splendide.  Les 
meilleurs  chanteurs  des  concerts  et  sociétés  s'étant 
donnés  rendez-vous  ce  soir-là  chez  M.  Paulin  et  les 
pièces  ont  été  parfaitement  rendues.  Nous  nous 
étendrons  plus  longuement  sur  la  grande  soirée  du 
mois  de  juin. 

Le  samedi  8  mai,  le  Cercle  Musset  donnait  sa 
dernière  grande  soirée  de  la  saison,  aussi,  dès 
8  heures  1/2  la  salle  était-elle  comble. 

A  l'ouverture  de  la  séance,  M.  Durieu,  le  sympa- 
thique président  du  Cercle,  donne  lecture  d'une  let- 
tre de  M.  Paul  de  Musset  qui  s'excuse  de  ne  pou- 
voir présider  la  soirée,  retenu  au  Trocadéro  par  les 
préparatifs  de  la  fêle  donnée  le  lendemain  en  l'hon- 
neur de  son  frère.  A.près  un  morceau  d'ouverture 
brillamment  exécuté  par  notre  ami  et  collaborateur 
Giovanni-Cané,  nous  avons  entendu  avec  plaisir 
MM.  Berlioz,  Jalade,  Durieu,  Géo,  Borschnech,  Wuil- 
laume,  Marie,  Rigoulat,  etc.  Le  petit  Da  Sylva  a 
décidément  du  vif  argent  dans  les  veines,  car  il  ne 
tenait  pas  une  minute  en  place  sur  la  scène,  ce  qui 
a  même  été  la  cause  que  plusieurs  de  nos  amis  qui, 
placés  au  fond  de  la  salle  n'avaient  pas  saisi  un 
traître  mot  de  son  récit  se  sont  obstinés  à  le  prendre 
pour  un  clown  !...  Mais,  que  cet  excellentbon  se  ras- 
sure, nous  avons  réussi  depuis,  mais  non  sans  peine, 
à  les  détromper. 

Au  total,  charmante  soirée  pleine  d'entrain  et  de 
cordialité.  A  minuit  le  présideat  a  levé  la  séance 
et  l'on  s'est  séparé  en  se  promettant  de  se  retrouver 
l'hiver  prochain. 

Maxime  Guy. 

La 'société  lyrique  le  Pinson,  a  transféré  son  sîége 
social,  café  Bouret,  44,  boulevard  du  Temple.  Soirées 
lyriques  et  dramatiques  tous  les  mercredis  à  8  h.  1/2. 
'"■■■•"   '  •        ,                                                   M.  G. 
*d ^ ■ 

.PVous  invitons^  les  souscripteurs  à  nous  faire  par- 

Wâih'''dè"^iiité 'ié  uionliïat ''ke'Jt^uV  aiftonneinént  ou 

5^al|onn^ment^  Dès   le  S5  eouranf,  nous  ferons  tou- 
trei^WdoÂlîîcAle,  en  laissant  à  la   charge  def4  retar- 
dataires les  15  ceutimos  tle    frni-.i   prélevés   par   la 
Poste. 
',■-)  t^'j.Hioiiif/^'fj  Ki;)jJ-iijoo  ■    :  j  r-  -;i-inh    aO 

Le  Dio'ecteur-Gérant  :  A.  PATAY. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C",  6,  rue  Martel. 


-16 


LA  CHANSON 


LE   COSMÉTIQUE   AU  RAISIN 

Couplets   rosés,   par   ETIENNE    DUCRET 
(Air  de  La  Treille  de  Sincérité,  Désaugiers). 


Ma  jolie 
Et  fraietie  Emilie, 
Vos  lèvres  doivent  leur  carmia 
Au  doux  Cosmétique  au  Raisin  1  (ôis). 

Vous,  que  j'ai  naguère  connue 
Le  front  blême,  le  teint  pâlot, 
Depuis  qu'on  vous  voit,  dans  la  rue 
Bonaparte,  chère  belle,  au 
Cinquante-cinq,  hanter  Pierlot... 
Comme  mainte  étoile,  applaudie 
A  l'Alcazar,  à  l'Alhambra, 
Au  Vaudeville,  à  l'Harmonie, 
Au  Fraoçais,  même  à  l'Opéra: 

—  Ma  jolie,  etc. 

Plus  de  fard  !  plus  de  terre  d'ombre 
Corrodant  le  derme  m.uqueuxl... 
Sans  Cérat,  Cold-Cream  ni  concombre. 
Ce  Cosmétique  viniqueux 
Le  recolore  :  car,  mieux  qu'eux. 
D'empourprer  du  jus  de  la  vigne 
De  l'esprit  le  riant  carquois 
Baccbus,  je  l'avoue,  était  digne... 
Aussi,  voilà  pourquoi,  je  crois: 

—  Ma  jolie,  etc. 

Quand  le  froid  fend,  gerce  et  déchire 
Le  pistil  de  la  tendre  fleur. 
Quand  la  lèvre,  à  chaque  sourire, 
Nous  arrache  un  cri  de  douleur, 
Oa  quand  Phœbus,  par  trop  d'ardeur. 


Fait  sentir  à  plus  d'une  rose 
L'excès  cuisant  de  ses  rayons, 
Avec  ce  petit  bâton  rose, 
Nargaant  la  rigueur  des  saisons: 

—  Ma  jolie,  etc. 

Oui,  l'Actrice,  la  grande  Dame, 
L'humble  Soubrette,  àquimieuxmieux. 
Prisent  cet  onctueux  dictame. 
Cher  aux  Gandins  jeunes  ou  vieux, 
(Oh!  n'en  rougissez  pas,  Messieurs  !) 
Puisque  cet  heureux  stratagème 
Est  iitite  autant  que  charmant. 
Et  puisqu'en  vous  regardant,  j'aime 
A  constater  qu'en  ce  moment  : 

—  Ma  jolie,  etc. 

Or,  laissez-moi,  gentille  blonde. 
Tout  en  vous  faisant  le  présont 
De  cette  pâte  rubiconde, 
Au  Uniment  si  bienfaisant, 
Vous  souhaiter,  dès  à  présent  : 
Que  votre  bouche  purpurine. 
Riant  de  ceux  qui  n'en  ont  plus, 
Conserve  sa  grâce  divine 
Jusqu'à  quatre-vingts  ans  et  plus... 


Emilie, 
Et  que,  pour  la  vie. 
Vos  lèvres  gardent  leur  carmin. 
Grâce  au  Cosmétique  au  raisin!  (bis). 


PRIME  A   NOS    ABONNÉS 

PREMIÈRE  ANNÉE  DE  LA  CHANSON 

Un  beau  volume  in-4''  broché. 

Au  lieu  de  6  francs,  S  francs  pris  dans  nos  bureaux;  par  la  poste,  S  fr.  50.  —  Envoyer  un  mandat-poste  au  nom 

de  A.  PATAY  (les  timbres-poste  ne  sont  pas  reçus). 

LA   CHANSON 

est  mise  en  vente  le  samedi,  chez  tous  les  libraires,  marchands  de  journaux  et  de  musique  de  France. 
PRIX   DU   NUMÉRO  :   10    CENTIMES 


On  demande  des  courtiers  d'annonces  et  des  courtiers  d'abonnements  (bonnes  remises). 


Vente  en  gros  :  RUE  DU  CROISSANT,  20  —  PARIS 


3'  ANNÉE.  —  N"  3. 


lO  CENTIMES. 


29  MAI  1960 


LA   CHANSON 


Directew-Gérant . 
A.  PATAY 


la  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
6st  le  gracieuK  ffàrs  da  lastropha. 
Y.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction. 
MAXIME  GUY 


Annonces,  [aligne. .  > 
Réclames,        — 


Li  ihànson,  comme  M  bâronnette, 
ttt  unt  arme  ttàitçaisa. 

J.  CLARETIS. 


ADMINISTRATION    &  RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


Rin-ACTEUR  EN  Ghep 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an. .  ; 8  » 


SOMMAIRE  : 


Galerie    Àrtistiqaê  :     Thèrêsa    (L.-Hinnr    Licohtb).     —   Lïttc     de 
nptiorts  pour   la  Stata*  dt  Béranger,  —  La  Salon   de    4880 
"       t).  —  Reiac  de  la  Afaslque  Popalaire.  (A.  Ediîma).  — 


liibliographte   {V. 
d'£DODiUD  Domn, 


ïKjuo  de  J.-Marc  CuiDTAena.  — £ 


farii,   paroU 
occttptg  (Joli 


Sàcu). 


Cariotitèa  de  la  Ckaruon  :  La  Complainte  da  ioldat.  — 
dramatique  (L.-IIhkrt  Licomti).  — Nécrologie  (Cowstaut 
•  Chroniqaa  des  Sociètèê  Lyriques  (Jplbs  Raci,  A.  B.).  — 
,  —  Lt  Tabe-Ltfatseur,  chanion-rtelune  (BTiB:inB  DucaoT.) 


GALERIE  ARTISTIQUE  :    THÉRÉSA 


Emma  "Valadon,  dite 
Thérésa,  est  née  à  Paris, 
cité  Riverin,  le  2b  avril 
183u. 

Ses  parents,  pauvres 
comme  Job,  étaient  trop 
préoccupés  de  trouver 
la  subsistance  quoti- 
dienne pour  veiller  at- 
tentivement sur  les 
faits  et  gestes  de  leur 
enfant.  Elle  s'élevadonc 
au  hasard,  et  prit  de  son 
père,  violon  dans  un  bal 
public,  le  goût  de  la 
chanson.  Pas  un  refrain 
ne  courait  les  rues  que 
Thérésa  ne  l'apprit  pour 
en  réjouir  les  oreilles 
des  voisins.  A  l'âge  de 
douze  ans,  elle  entra 
comme  apprentie  chez 
une  modiste,  que  l'in- 
dépendance de  son  ca- 
ractère épouvanta  bien- 
tôt. Elle  fit  de  la  sorte 
dix- huit  ateliers  en 
deux  années. 

On  raconte  qu'à  cette 
époque,  elle  était  pos- 
sédée d'un  tel  amour 
du  théâtre,  qu'un  jour 
elle  n'hésita  pas  à  chanter  dans  les  cours,  afin  de  se 
procurer  l'argent  nécessaire  pour  assister  à  une  re- 
présentation de  l'Ambigu. 


La  mort  de  son  père 
la  laissa  bientôt  libre 
d'obéir  à  l'instinct  qui 
l'attirait  vers  les  plan- 
ches. Grâce  à  la  protec- 
tion d'une  choriste,  elle 
entra  d'abord  comme 
figurante  au  théâtre  de 
la  Porte  Saint-Martin. 
Elle  s'engagea  ensuite 
pour  chanter  le  «ouplet 
sentimental  au  café  du 
Géant,  puis  à  l'AIcazar. 
Enfin,  après  une  cam- 
pagne dans  un  café  de 
Lyon,  elle  débuta  au 
concert  de  l'Eldorado^ 
avec  deux  cents  francs 
d'appointements  men- 
suels. C'était  en  1862, 
et  Thérésa  continuait  à 
soupirer  sans  succès  la 
romance  langoureuse. 
Le  directeur  de  l'AIca- 
zar, M.  GoubMt,  la  vit, 
eut  comme  une  révé- 
lation, et  lui  offrit  trois 
cents  francs  par  mois 
pour  chanter  en  charge 
les  divers  morceaux  de 
son  répertoire.  Elle  com- 
mença par  Fleur  des 
Alpes,  qu'elle  assaisonna  d'accent  alsacien  et  de  dé- 
hanchements bizarres;  son  succès  fut  très  grand. 
Dès  lors,  Thérésa  passa  à  la  dignité  d'étoile.  L'Eldo- 


18 


LA  CHANSON, 


rado  et  l'Alcazar  se  la  disputèrent  à  coups  de  billets 
de  banqpie  ;  les  journaux  de  Paris  s'occupèrent  d'elle 
pour  l'exalter  ou  la  honnir  ;  divers  auteurs  lui  com- 
posèrent un  répertoire  abondant,  où  le  cynisme  s'u- 
nisait  au  ridicule  ;  enfin,  comble  d'honneur,  le  pa- 
lais des  Tuileries  et  les  salons  du  faubourg  Saint- 
Germain  s'ouvrirent  tout  grands  devant  elle. 

Il  serait  puéril  de  s'indigner  aujourd'hui  des  ova- 
tions folles  qui  ont  accueilli  jadis  Thérésa.  L'empire 
était  dans  son  droit  et  dans  son  rôle  en  patronnant 
une  méthode  nouvelle  d'abrutissement.  Mais  on  peut 
s'étonner  avec  raison  de  l'obstination  que  met  la 
critique  parisienne  à  perpétuer  la  légende  malsaine 
dont  Thérésa  a  trop  longtemps  profité. 

La  vogue  de  Thérésa  est  résultée  d'abord  de  ceci  : 
que  tout  en  elle  était  parodie.  Elle  n'était  pas  plus 
femme  que  chanteuse,  et  les  imperfections  étranges 
de  son  physique  servaient  merveilleusement  les  exa- 
gérations de  pantomime  ou  d'organe  sous  lesquelles 
elle  dissimulait  l'indigence  de  sa  méthode.  Les  raf- 
finés se  pâmaient  à  l'audition  d'œuvres  travestissant 
l'esprit  et  la  forme  des  poésies  populaires,  et  la 
masse  peu  clairvoyante  applaudissait  ces  charges 
que  l'on  donnait  en  haut  lieu  pour  de  fidèles  portraits. 
Thérésa  n'a  plus  aujourd'hui  de  raison  d'être. 
L'âge  est  venu  rapidement  pour  elle,  empâtant 
ses  traits  et  changeant  en  un  excessif  embompoinl 
la  maigreur  extrême  dont  elle  tirait  d'irrésistibles 
effets.  Sa  voix  n'est  qu'un  souvenir;  nous  en  donne- 
rons pour  preuve  l'unanimité  de  ses  applaudisseurs  à 
vanter  exclusivement  sa  diction:  or,  pour  la  criti- 
que bénisseuse,  tout  chanteur  qui  ne  chante  plus  est 
un  diseur  émérite.  Thérésa  en  est  à  cette  phase 
pénible.  Son  répertoire,  d'aillfjurs,  a  vieilli  comme 
elle,  et  nul  n'écouterait  sans  écœurement  les  refrains 
saugrenus  qui  lui  ont  fait  autrefois  une  popularité 
plus  tapageuse  qu"enviable. 

Jugeons  brièvement  Thérésa  dans  celte  Madame 
Grégoire,  taillée  pour  elle  sur  un  patron  sexagénaire. 
Son  masque  est  dévasté,  son  allure  pesante,  son 
geste  gauche,  sa  voix  dure  et  courte.  On  a  dû  écrire, 
sur  les  vers  de  son  rôle,  des  accompagnements  lents, 
monotones  et  faciles.  Quand  le  compositeur  se 
laisse  aller  à  quelque  rhylhme  alerte,  elle  est  obli- 
gée de  dissimuler,  par  des  intonations  excentriques, 
la  faiblesse  et  la  lourdeur  de  son  organe.  La  chan- 
teuse vibrante  de  la  Gardeuse  d'Ours,  de  la  Femme 
à  Barhe,  du  Retour  de  Suzon  même  n'existe  donc 
plus,  et  la  diseuse  tant  vantée  ne  fait  que  s'appro- 
prier, en  les  grossissant  jusqu'à  la  trivialité,  les  pro- 
cédés de  Darcier,  son  vieux  maître. 

Bannie  du  concert,  Thérésa  poursuit  au  théâtre  le 
succès  qui  la  fuit.  Nous  ne  croyons  pas  à  la  réussite 
d'une  tentative  dont  divers  essais  malheureux,  la 
Famille  Trotùllat  par  exemple,  auraient  dû.  la  dé- 
tourner. Et  cela  n'a  rien  qui  nous  afflige.  La  vraie 
chanson  ne  pourra  que  gagner  à  la  retraite  défini- 
tive de  cette  braillarde  funeste,  qui  a  mis  sa  gloire  à 
ridiculiser  la  poésie  naïve  et  saine  née  du  peuple  et 
vénérée  par  tous  les  esprits  lucides. 

L. -Henry  Legomte. 


SOUSCRIPTION 

Pour   élever  une  Statue  à.  Béranger. 


gmo  Liste.  ■ 

Allocation  votée  par  le  Conseil  municipal    de  Malakoff- 

Vanves 50    » 

Allocation  Totée  par  le  Conseil   municipal   de 

Fontainebleau 100    » 

Les  Membres  de  la  Lice  Chansonnière  (  2«  ver- 
sement)    200    » 

Société  lyrique  l'Etoile  (produit  d'une  quête)  .  17    » 
Société  lyrique  les   Enfants  de  la  Seine   (pro- 
duit dune  soirée) 200    » 

Cercle  Béranger  (produit  d'une  soirée).  .     .     .  109    » 
La  Muse  des  Arts  et  Métiers    (produit   d'une 

soirée) 42  10 

Société  lyrique    la    Pastorale  (produit    d'une 

quête) 12    • 

Société    lyrique    la    Cordiale    (produit    d'une 

soirée) 60  95 

La  Lyre  de  la  Gaîté  (produit  d'une  soirée).     .  50    » 
Produit  d'une  quête  faite   au  Trocadéro,  pen- 
dant la  solennité  du  21  Mars 215    » 

MM.  Mignel,  de  l'Institut  (2"' versement).   .   .  50    » 
Haranger,    propriétaire   des  Magasins    . 

A  Jacques  Molay 50    » 

Francis  MeWil 5    » 

Albert  Vernaelde 1    » 

J.-C.  Pierroux,  chansonnier 2    » 

Jules  Cabanon 10    » 

Edouard  Lep .     .' 3     » 

Hippolyte  Daguet,  ctiansonnier  ....  1    » 

Frobert,  chansonnier 1     » 

Un  chansonnier  de  province 2    » 

M""  Juliette  Mancelière 2    » 

MM.   Emile  Lane 5    » 

Auguste  Miellé 1     » 

Odeqh 1» 

Pelouze 1    » 

Auguste  Renard 5    » 

Desrousseaux,  chansonnier 5     ■ 

P.  J.  M.  Béranger,   à  Lausanne  (Suisse).  40    » 

SouscriptionrecueillieparM. P.  J.  M. Béranger.  75     ■ 

Mil.   Ad.  Martin,  artiste  musicien 2    » 

Détré 5    ., 

Lobbé,  iuge  de  paix  du  3=  arrondissement  5    n 

Baulard,  tabricant  de  glaces 20    » 

Anonyme 2    » 

Anonyme 10    » 

M""  Brunon 5    » 

M.  Louis  Dedieu 5    » 

Les  Employés  de  la  Société  des  Auteurs,  Com- 

fositeurs  et  Editeurs  de  musique  :  MM. 
loquet,  5  f r  ;  Dusson  aîné  2  fr.;  Dusson 
jeune,  2  fr.;  'Tostain.  5  fr.  ;  Largeau,  2  fr.  ; 
Lebrun,  5  fr.;  Delamarre,  1  fr.;  Ginestous, 
2  fr.;  Desnoyers, 2  fr.;Lavallard,5fr.;  Viard, 

2fi.;  Julian,  2fr.  ;  Lanne,  2fr.;  Soive,  2  fr.  .  39  » 
MM.  Gustave  'Weltzer,  2fr.;  Joseph  Weltzcr, 
50  c.  ;  Mantreaux,  50  c.  ;  Maintieaux,  50  c.  ; 
Beyiier  50c.;  Hippolyte,  60  c,  ;  Morizot,  50  c; 
Surloppe,  50  c.  ;  Feuillet,  50  c.  ;  Lazard, 50c.; 
Gahéry,    50    c,  ;    Leroy,  50  c.  ;  Celset,  1  fr.  ; 

Pech,  50  c 9     » 

Total 1.418  05 


Les  souscriptions  sont  reçues  tous  les  jours  chez 
M.  MuRAT,  trésorier,  rue  des  Archives,  6,  et  aux  bureaux 
de  La  Chanson,  rue  Bonaparte,  IS. 


DIXIEiilE  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  20  mai  au  20  juin. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part, 
avec  une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou 
sans  refrain. 

A  l'avenir  nous  publierons,  en  même  temps  que 
la  pièce  qui  aura  obtenu  le  l^'  prix,  une  petite  no- 
tice elle  portrait  de  l'auteur  couronné,  s'ily  consent. 


LA  CHANSON 


LE  SALON  DE  1880 

(!'='•  article) 

Après  les  explications  si  nettes  de  M.  Turquet,  en 
réponse  à  une  interpellation  de  M.  Robert  Milchell, 
la  plupart  des  critiques  qui  avaient  été  faites  au 
début  du  salon,  tombent  ou  plutôt  changent  d'a- 
dresse. Il  est  maintenant  hors  de  doute  que  si 
M.  Turquet  avait  été  secondé  par  le  Jury  de  pein- 
ture, nous  n'aurions  pas  assisté  à  cette  totir  de  Babel, 
dont  le  spectacle  dure  encore. 

Ces  Messieurs  ayant,  en  effet,  voulu  «  faire  une 
bonne  farce  i>  au  sous-secrétaire  d'État  républicain, 
ont  rendu  inutiles  ses  efforts  pour  arriver  à  un  clas- 
sement intelligent  et  facilitant  les  comparaisons. 
Espérons  que,  l'année  prochaine,  on  trouvera  le 
moyen  d'empêcher  le  retour  de  semblables  manœu- 
vres, si  préjudiciables  à  l'art  et  à  nos  artistes. 

Cette  étude,  très  restreinte,  ne  me  permettra  que 
de  signaler  les  œuvres  les  plus  remarquables  dans 
chaque  catégorie,  en  suivant  le  classement  :  Hors 
concours,  exempts,  étrangers,  non  exempts. 

En  première  ligne,  je  placerai  la  Fontaine,  de 
M.  Henner,  Il  règne  dans  ce  tableau  un  charme 
infini  ;  cette  femme  aux  formes  harmonieuses  et 
indécises  se  modelant  sur  le  fond  noir  d'uu  épais 
taillis,  est  d'un  aspect  charmant  ;  la  note  gaie  du 
ciel  bleu  fait  avec  le  paysage  mélancolique  un  con- 
traste merveilleusement  poétique. 

M.  Pelouse  nous  montre  une  grève  aride  et  tour- 
mentée, fouettée  par  une  mer  aux  vagues  mouton- 
neuses ;  cette  toile  est  d'un  charme  puissant.  Qui- 
conque a  rêvé  aux  bords  de  l'Océan,  reconnaîtra  la 
justesse  de  ces  grands  effets  lumineux. 

Le  portrait  de  M.  Grôvy,  par  M.  Bonnal,  est  cer- 
tes une  excellente  peinture,  mais  je  lui  préfère 
le  Job  qui  pourrait,  sans  crainte,  être  mis  en  paral- 
lèle avec  certains  tableaux  de  nos  anciens  maîtres. 

M.  Feyen-Perrin  nous  fait  admirer  dos  grandes 
dames,  ou  tout  au  moins  de  fort  jolies  parisiennes, 
vêtues  en  pêcheuses  de  crevettes.  Il  y  a  des  gens 
qui  prétendent  que  les  jolies  femmes  disparaissent  ; 
M.  Feyen  Perrin  sait  les  retrouver.  Pourtant,  il  est 
dillicile  de  croire  que  ces  pêcheuses  aux  attaches 
fines  soient  les  robustes  filles  des  côtes  normandes. 
Le  Soir  aux  champs,  de  M.  Jules  Breton,  ne  sou- 
lève pas  la  même  critique.  Voilà  de  vraies  filles  des 
champs,  exténuées  par  une  longue  journée. de  tra- 
vail. Et  quel  sentiment  juste  et  délicat  dans  ce 
tableau  1 

On  a  autant  admiré  que  critiqué  la  Jeanne  d'Arc, 
de  M.  Bastien  Lepage.  On  s'est,  en  effet,  demandé, 
tout  en  reconnaissant  la  valeur  de  la  peinture,  quelle 
était  l'utilité  de  représenter  sous  cette  forme  bruta- 
lement réaliste,  la  poétique  Jeanne.  Je  crois  qu'en 
général  il  est  de  ces  légendes  ou  de  ces  figures  qu'on 
ne  doit  toucher  qu'avec  la  plus  grande  finesse  et  la 
plus  grande  discrétion. 

Les  Palanq^iins,  de  M.  Guillaumet,  sont  le  digne 
pendaiit  du  Laghouat  de  l'année  dernière.  Ces  deux 


toiles  font  de  lui  le  premier  de  nos  peintres  algériens. 
C'est  bien  là  ce  pays  du  soleil  aux  couleurs  éclatantes 
et  au  ciel  d'un  bleu  profond. 

Je  citerai  encore  M.  Morot  avec  un  Bon  Samaritain 
qui  le  met  au  rang  de  nos  meilleurs  artistes,  et 
dont  on  parle  pour  le  prix  du  Salon  ; 

M.  Roll  dont  la  Grève  des  Mineurs  est  très  juste- 
ment admirée  ;  les  Courges,  de  M.  Vallon  ;  les  Ener- 
vés de  Jumièges,  de  M.  Luminais  ;  Fin  d'automne,  de 
M.  Rapin  ;  la  Françoise  de  Rumini,  par  Blanchard, 
qui  nous  fait  d'autant  plus  regretter  la  mort  préma- 
tiu'ée  de  ce  véritable  artiste  ;  les  deux  portraits 
exposés  par  M.  Carolus  Buran  ;  la  Grand'  route,  par 
M.  Français  ;  le  llexicet,  de  M.  Jacquet,  tableau  bril- 
lant qui  nous  reporte  aux  peintres  de  la  fin  du  siècle 
dernier  ;  Un  coin  d'église,  par  Bonvin  ;  le  portrait  de 
M.  Guillaume,  par  Baudry  ;  enfin,  le  Centenaire,  par 
Adrien  Moreau,  et  VFau  dormante,  de  M.  Hanotteau, 
que  l'on  peut  placer  au  rang  de  ses  meilleurs 
tableaux.  Georges  Murât. 


REVUE  DE  LA  MUSIQUE  POPULAIRE 

Théâtre  de  l'Opéra.  —  Concert  historique. 

Malgré  les  embarras  sans  nombre  qui  ont  assailli 
M.  Vaucorbeil  depuis  le  commencement  de  sa  gestion, 
l'Opéra  semble  secouer  peu  à  peu  sa  torpeur  aristo- 
cratique, et,  sous  la  main  qui  le  dirige,  on  devine 
une  àme  noble,  une  conviction  ardente,  les  batte- 
ments d'un  cœur  dévoué. 

L'impulsion  est  due  aux  eflbrts  du  nouveau  direc- 
teur et  au  concours  précieux  du  secrétaire  général, 
I  M.  Ghérouvrier.  Disons  en  passant  que  M.  Ghérouvrier 
défendit  constamment  dans  sa  jeunesse  les  doctrines, 
qu'il  est  en  train  de  consolider  aujourd'hui. 

La  nouvelle  administration  vient  de  nous  donner 
un  premier  gage  de  ses  dispositions  progressives  : 
d'autres  suivront  de  près.  Parlons  du  Concert  histo- 
r'istique  de  samedi  dernier. 

L'art  ancien  y  était  représenté  par  trois  maîtres 
dont  on  peut  dire  qu'ils  n'eurent  de  rivaux  qu'eux 
mêmes  :  Lully,  Rameau  et  Gluck  ;  l'art  moderne  par 
M.  Massenet  qui  a  dirigé  lui-même  sa  légende  sacrée  : 
la  Vierge;  enfin,  Grétry  et  Rossini  ont  servi  de  trait 
d'union  :  celui-ci  avec  le  final  magnifique  du  troi- 
sième acte  de  Moïse,  celui-là  avec  un  air  d'Anacréon. 

Pour  nous,  les  fragments  d'opéras  anciens  ont  été 
la  partie  attrayante  tlu  concert  :  Alceste  de  Lully  sur- 
tout, et  les  Fêtes  d'Hébe  de  Rameau.  L'ouverture 
d.' Alceste,  d'un  dessin  très  pur,  n'est  pas  une  simple 
trouvaille,  une  proie  à  faire  le  bonheur  du  chercheur 
curieux,  elle  pénètre  par  son  accent  vrai,  elle  excite 
un  vif  intérêt,  fait  renaître  le  plaisir  dans  l'àme.  Une 
scène  tragique  suit  de  près.  Tragique?  Non  :  bur- 
lesque plutôt,  plaisante  à  la  façon  d'Aristophane.  Je 
vois  d'ici  le  vieux  Caron,  assis  au  fond  de  sa  barque, 
répétant  d'un  ton  goguenard  un  récitatif  qui  peut 
encore  servir  de  modèle  aux  inusiciens  de  notre 
époque  : 

«  Il  faut  passer  tôt  ou  tard,  il  faut  passer  dans  ma 


20 


LA  CHANSON 


barque...  >  Autour  de  lui  les  ombres  se  lamentent  :  il 
y  a  cohue  aux  rivages  du  Styx;  quelque  épidémie  là 
haut  sans  doute  1  Mais  voici  qu'un  homme  s'élance 
bousculant  à  son  passage  les  ombres  éplorées  ;  im- 
puissant contre  lui,  le  vieux  Caron  veut  en  vain 
défendre  sa  barque,  elle  reçoit  le  nouveau  venu  et  en- 
fonce prodigieusement  sous  son  poids,  car  celui  qui 
survient  ainsi,  c'est  le  héros  qui  nettoya  la  terre  de 
monstres  et  tyrans,  Alcide,  plus  souvent  nommé 
Hercule. 

Les  Fites  d'Hébé  nous  reposent  de  cette  saillie  un 
peu  lourde  :  là,  tout  est  gracieux,  riant,  vaporeux. 
Derrière  un  nuage  chante  l'Amour,  puis  Hébé  ajoute 
sa  voix  à  ce  concert  aérien,  dont  l'harmonie  voltige 
douce  et  caressante,  un  peu  superficielle  comme  le 
siècle  poudré  qui  l'a  vue  naître. 

Je  m'arrête  ici  ;  quelques  lignes  ne  sauraient  louer 
dignement  VJphigénie  en  Tauridt,  ni  quelques  mor- 
ceaux en  donner  une  idée  :  j'attends  l'exécution  inté- 
grale. 

Un  mot  encore  : 

L'Opéra  va  s'ouvrir  au  peuple,  gratuitement  ou  à 
prix  réduits.  Pour  ce  peuple  si  novice,  si  peu  cul- 
tivé, puisez  aux  sources  de  l'art,  remontez  à  sa  nais- 
sance :  la  simplicité  naïve  de  Lully  et  de  Rameau  le 
captiveront  bien  plus  que  les  entassements  mélodi- 
ques des  opéras  de  Meyerbeer  ou  l'inspiration  iné- 
gale de  ceux  de  Rossini.  On  n'apprend  pas  à  lire 
dans  les  ouvrages  d'Edgar  Quinet. 

À   Kniui.. 


BIBLIOGRAPHIE 

MES  «OirVEinnS.  -  ISOO-ISSO,  —  par  BouFFâ, 
Pari»,  Dtntu,  fort  in- 12,  avec  eaux-fortes.  .  .  3  fr.  50. 
Quelques  personnes,  et  même  des  critiques,  s'atten- 
dent, dès  que  parait  l'autobiographie  d'un  comédien, 
à  y  trouver,  non  pas  seulement  des  détails  sur  la  vie 
de  l'auteur  et  des  anecdotes  théâtrales,  mais  aussi, 
et  surtout,  des  leçons  d'art  dramatique,  un  exposé 
exprofesso  de  la  façon  d'étudier  tel  ou  tel  rôle,  de  le 
composer,  de  le  jouer.  Ils  ne  prennent  pas  garde  que 
le  comédien  qui  retracerait  ainsi  par  le  menu  ses 
travaux  personnels  semblerait  s'ériger  en  maître, 
en  modèle  absolu,  en  professeur  de  perfection.  Ils 
crieraient  alors,  et  avec  raison,  à  l'outrecuidance  et 
au  pédantisme. 

Bouffé  s'est  garanti  de  ce  travers.  Il  donne  bien, 
à  l'occasion,  ses  idées  sur  la  manière  d'interpréter 
certains  personnages  ;  il  hasarde,  k  titre  de  conseils 
les  réflexions  que  lui  suggère  l'expérience,  et  cela 
surtout  à  un  point  de  vue  général  ;  mais  il  ne  va  pas 
plus  loin,  et  se  renferme  sagement  dans  son  titre. 

Ues  Souvenirs,  tel  est  le  domaine  qu'il  s'est  tracé  et 
dont  il  ne  sort  pas.  Il  est  assez  vaste  encore,  La  vie 
d'un  comédien  n'est-elle  pas  un  peu  celle  de  tous  le» 
comédiens,  à  de  rares  exceptions  ?  La  vocation,  la 
difficulté  du  début,  la  lutte  financière  avec  les  di- 
recteurs, les  succès  inespérés,  les  chutes  inatten- 
dues, les  espoirs  trompés  ;  puis  la  vie  de  famille, 
les  Toyages  :  e'e«t  là  l'histoire  de  tous.  L'accent  sevd 


et  les  délails  diffèrent.  Puis  les  anecdotes,  qui  ne 
sont  pas  un  des  moindres  attraits  de  ces  sortes  d'ou- 
vrages. 

La  carrière  de  Bouffé  a  été  longue,  bien  qu'il  ait 
dû  renoncer  au  théâtre  à  un  âge  où  il  pouvait  en- 
core espérer  de  nouveaux  succès.  11  conte  avec  sinv 
plicité,  sans  prétendre  au  style  comme  il  le  dit  lui- 
même  ;  mais  sa  bonhomie  n'est  pas  sans  malice,  et 
ce  n'est  guère  que  dans  l'appréciation  du  mérite  de 
ses  prédécesseurs  et  de  ses  contemporains  qu'il  est 
sobre  de  restrictions.  Amoureux  comme  il  l'a  tou- 
jours été  de  l'art  du  théâtre,  il  était  naturel  qu'il 
professât  pour  ceux  qui  l'ont  cultivé,  non  seulement 
avec  succès,  mais  surtout  avec  une  véritable  supé- 
riorité, une  admiration  sincère.  Perlet,  P»tier,  Bru- 
net,  pour  ne  parler  que  des  artistes  étrangers  à  la 
Comédie-Française,  firent  sur  notre  comédien  une 
impression  durable  et  profonde.  Le  naturel,  le  co- 
mique de  bon  goût,  l'horreur  de  la  charge,  qualités 
qu'il  possédait  lui-même,  se  développèrent  par  Its 
exemples  qu'il  en  avait  sous  les  yeux  et  par  les 
conseils  qu'il  recevait. 

Jamais  meilleure  semence  ne  tomba  dans  un  ter- 
rain plus  fertile. 

Je  ne  parlerai  pas  des  premiers  rôles  que  joua 
Bouffé.  J'ai  le  chagrin  d'avouer,  pourtant,  que  je 
l'ai  vu,  au  théâtre  des  Nouveautés,  jouant  le  rôle  de 
Jonas  et  faisant  la  cuisine  dans  le  ventre  d'une  ba- 
leine. J'avouerai  aussi  qu'en  1829,  époque  où  re- 
monte ce  souvenir,  je  n'étais  peut-être  pas  très  apte 
encore  à  juger  du  mérite  d'une  pièce  ou  d'un  acteur: 
Mais  j'ai  vu,  beaucoup  plus  tard,  l'artiste  dans  ses 
plus  remarquables  créations,  et  j'ai  pu  constater, 
ainsi  que  toute  une  génération,  quelle  vérité  il  ap- 
portait dans  son  jeu,  quelle  sûreté  d'exécution,  et 
quelle  conscience  jusque  dans  les  moindres  détails. 
Rire  ou  larmes,  bonhomie  ou  duplicité,  jeunesse, 
vieillesse,  il  savait  tout  représenter  avec  une  égale 
perfection.  Mais  vouloir  m'étendre  sur  les  qualités 
qui  ont  fait  de  Bouffé  un  des  premiers  comédiens  de 
notre  époque,  ce  serait  plaider  une  cause  depuis 
longtemps  gagnée. 

Ses  Souvenirs  sont  pleins  d'intérêt,  et  se  lisent, 
malgré  la  vérité  des  faits  et  la  simplicité  des  évé- 
nements, comme  se   lirait  un   roman    attachant. 

L'anecdote  piquante  s'y  rencontre  à  propos.  Les 
représentations  ruralei,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi, 
offrent  parfois  des  mésaventures  comiques. 

Les  théâtres  de  société,  la  visite  à  l'invalide  cen- 
tenaire, les  claqueurs,  l'histoire  du  Gamin  de  Paris, 
la  rencontre  des  deux  mystificateurs  Romieu  et 
Monnier,  les  congés  en  province,  combien  d'autres 
épisodes  et  même  de  chapitres  entiers  j'aurais 
voulu  pouvoir  citer  t  Mais  le  feuilleton  dramatique 
d'un  grand  journal,  fût-ce  celui  du  Temps,  n'y  suffi- 
rait pas. 

J'en  serai  consolé,  si  je  puis  croire  que  j'ai  inspiré 
au  public  le  désir  de  lire  dans  le  livre  même  tant 
de  passages  comiques  ou  touchants,  et  surtout  cette 
histoire  simplement  contée  d'une  existeace  de  la- 
beur, de  courage  et  de  succès.         Eua.  Imbbrt. 


LA  CHANSON 


21 


LES  PARISIENS  DE  PARIS 

Paroles  d'Edouard  BOVEH, 
Mnaiqae  do  J.-Maro  CHAOTAGNE. 

AlleRpcdo 

On      a cban  _  te'     les      Francs      eom 


-lois    Le»  l'i-cards,   les    Nor-mauds    et    IcsChani.pe. 


_noi8       Les     Bour  -gui   _  gaoDS,       Lus      ^a  _  va 


•    l'o  _  ri_Biuuo     do     l'a.iis  J" 


Chaque  province,  de  tous  temps, 
A  fraternellement  groupé  ses  enfants. 

Qui,  parmi  nous,  serrent  leurs  rangs. 
Seuls  les  gens  de  Paris  s'en  vont  tous  errants. 

C'est  un  grand  tort,  et  pour  qu'il  cesse, 

Au  sein  de  l'antique  Lulèce 

Formons  le  faisceau,  mes  amis,  , 

Des  vrais  Parisiens  de  Paris. 

Nous  comptons,  parmi  nos  aînés 
Qui,  dans  le  vieux  Paris  se  sont  illustrés, 

Des  maîtres  de  tous  vénérés 
Pour  les  grands  souvenirs  qu'ils  nous  ont  laissés 

Beaumarchais,  Villon  et  Molière, 

Jean  Goujon,  Lesueur,  Voltaire. 

Voilà,  je  le  crois,  mes  amis. 

De  vrais  Parisiens  de  Paris. 

Paris  est  l'immense  berceau 
De  tout  être  qui  pense  et  rêve  le  beau. 

A  son  peuple  qu'on  dit  badaud 
Il  faut  chaque  matin  donner  du  nouveau. 

Art,  musique,  littérature, 

A  son  cœur  tout  sert  de  pâture. 

Car  du  génie  ils  sont  épris 

Les  vrais  Parisiens  de  Paris. 


C'est  de  Paris  qu'on  vit  surgir, 
(Quand  le  peuple  écrasé  se  mit  à  rugir) 

tes  grands  hommes  sachant  mourir 
Pour  défendre  nos  droits  et  nous  affranchir. 

Dans  la  tourmente  populaire, 

Du  ventre  de  la  Cité-Mère 

La  Liberté  sortit  aux  cris 

Des  vrais  Parisiens  de  Paris. 
^ 

CONCOURS  DE  LA  LICE  CHANSONNIÈRE 

SUJETS  LIBRES  (1"  Prix). 
FANTAISIE 

A  certain  minois  frais  et  doux. 
Que  semblait  amuser  ma  peine, 
Je  demandais  un  rendez-vous 
Pour  quelque  jour  de  la  semaine. 

—  Non,  dit-elle,  pas  aujourd'hui, 
Contenez  votre  amour  sincère. 
Car  c'est  lundi,  j'attends  celui 
Que  je  regarde  comme  un  père. 
Alors,  dis-je,  demain  mardi 
Vous  daignez  être  ma  compagne  ; 
Déjà  les  bois  ont  reverdi, 

Nous  dînerons  à  la  campagne. 

—  J'aime  les  bois  et  le  printemps, 
Votre  offre  me  parait  galante. 
Mais  le  mardi,  depuis  longtemps, 
Je  m'en  vais  dîner  chez  ma  tante. 

Mercredi,  si  je  puis  penser 
Que  rien  déjà  ne  vous  engage, 
A  vos  pieds  j'irai  déposer 
Mon  plus  respectueux  hommage. 

—  Hélas!  malgré  les  plus  grands  soins, 
Notre  trop  fragile  nature 

A  souvent  d'étranges  besoins, 
Mercredi  j'ai  mon  pédicure. 

Jeudi,  dépouillant  la  froideur 
Que  vous  témoignez  à  ma  flamme, 
Laissez-moi  vous  peindre  l'ardeur 
Et  les  appétits  de  mon  âme. 

—  Pour  le  jeudi,  croyez-le  bien. 
J'ai  déjà  donné  ma  parole. 
C'est  le  jour  où  mon  collégien 
Quitte  les  bancs  de  son  école. 

C'est  donc  le  vendredi  qui  suit 
Que  je  vous  lirai  le  poëme 
Et  les  sonnets  que,  dans  la  nuit, 
M'inspire  mon  amour  extrême. 

—  J'écouterais  bien  vos  chansons. 
Mais  vendredi,  j'ai  la  visite 

Et  les  édifiants  sermons 
D'un  révérend  père  jésuite. 

Samedi  serait  un  beau  jour 
Si,  par  pitié  pour  ma  détresse, 
Votre  cœur  cessait  d'être  sourd 
Aux  reproches  de  ma  tendresse. 


22 


LA  CHANSON 


—  Ma  mère  et  moi,  car  nous  avons 
Entre  nous  plus  d'une  bisbille, 
Quand  samedi  vient  nous  lavons 
Notre  linge  sale  en  famille. 

Si  samedi  m'est  interdit 

Au  moins  accordez-moi  dimanche. 

Mais  la  traîtresse  répondit, 

En  mettant  le  poing  sur  la  hanche  : 

—  Quand  je  vaudrais  si  peu  que  rien, 
Monsieur,  c'est  trop  d'impolitesse, 
Sachez  que  j'ai  le  cœur  chrétien, 
Dimanche  je  vais  à  la  messe. 

le  Havre.  Jules  TERNY. 


CURIOSITES   DE   LA   CHANSON 


tA  CeMPtÂtNTE  m  SetOAT 


Alfred  Delvau,  dans  ses  Noëls  et  Chants  Populai- 
res de  la  France,  dit  avoir  entendu  et  recueilli  cette  la- 
mentable histoire  sur  les  bords  de  la  Vienne.  Gérard 
DE  Nerval  la  donne  en  partie  dans  les  Filles  de  feu, 
ainsi  qu'Henry  Murger  dans  les  Vacances  de  Camille. 
—  Les  auteurs  de  Madame  Grégoire  l'ont  intercalée, 
avec  des  modifications,  dans  le  rôle  nouveau  de  Thérésa 

A.  P. 

Je  me  suis  engagé 
Pour  l'amour  d'une  blonde. 
Non  pour  mon  anneau  d'or 
Qu'à  d'autr'elle  a  donné, 
Mais  à  caus'd'un  baiser 
Qu'elle  m'a  refusé. 

Je  me  fuis  engagé 

Dans  l'régiment  de  France. 

Là  où  que  j'ai  logé, 

On  m'y  a  conseillé 

De  prendre  mou  congé 

Par-dessous  mes  souliers. 

Dans  mon  chemin  faisant. 
Je  trouv'mon  capitaine. 
Won  capiiain'me  dit  : 
Où  vas-tu,  sans-soucis? 
Je  vais  dans  ce  vallon 
Rejoind'mon  bataillon 

J'iui  reconnais  au  doigt 
L'anneau  d'or  de  Marie, 
L'anneau  d'or  qui  liait 
Nos  deux  cœurs  pour  jamais. 
Je  n'ai  plus  rien  alors 
Puisqu'il  a  l'anneau  d'or. 

Auprès  de  ce  vallon 

Coule  claire  fontaine. 

J'ai  mis  mon  habit  bas. 

Mon  sabre  au  bout  d'mon  bras. 

Et  je  me  suis  battu 

Gomme  un  vaillant  soldat. 

Là-bas  dans  les  verts  prés 
J'ai  tué  mon  capitaine. 
•  Mon  capitaine  il  est  mort, 
Et  moi  je  vis-t-encore. 
Oui,  mais  dedans  trois  jours 
Ce  sera-z-à  mon  tour. 


Celui  qui  me  tuera 
Ce  s'ra  mon  camarade. 
Il  me  band'ra  les  yeux 
Avec  un  mouchoir  bleu 
Et  me  fera  mourir 
Sans  me  faire  souffrir. 

Que  l'on  mette  mon  cœur 
Dans  une  serviette  blanche, 
Qu'on  l'envoie  au  pays 
Dans  la  maison  d'ma  mie. 
Disant  :  «  Voici  le  cœur 
De  votre  serviteur.  » 

Soldats  de  mon  pays, 
Ne  l'dit'pas  a  ma  mère; 
Mais  dites-lui  plutôt 
Que  je  suis  à  Bordeaux 
Avec  les  Polonais, 
Qu'ell'n'me  revoira  jamais. 


QUINZAINE  DRAMATIQUE 

Athénée-Comique  :  Les  Dindons  de  la  farce.  —  Vau- 
deville :  Nos  députés  en  robe  de  chambre.  —  Théâtre 
DES  Arts  ;  Madame  Grégoire. 

La  nouvelle  pièce  de  l'Athénée-Comique  a  des 
intentions  de  comédie,  mais,  au  théâtre,  l'intention 
n'a  jamais  été  réputée  pour  le  fait.  Malgré  quelques 
jolies  scènes  et  l'entrain  des  acteurs,  les  Dindons,  de 
MM.  Monselet  et  Lemonnier,  ne  s'ébattront  pas 
longtemps.  Je  le  regrette  car,  en  définitive,  cette 
œuvre  fait  un  contraste  heureux  avec  les  inepties 
épicées  qui  composent  le  répertoire  du  lieu. 

Le  titre  de  la  comédie  de  M.  Paul  Ferrier  semble 
annoncer  une  œuvre  politique.  Il  n'en  est  rien,  et 
l'auteur  n'a  cherché  que  l'occasion  de  scènes  plai- 
santes. Trois  députés  d'opinions  différentes  profitent 
des  vacances  pour  aller  revoir  la  ville  qu'ils  repré- 
sentent. Ils  y  sont  en  butte  aux  persécutions  de 
leurs  électeurs,  et  reprennent  avec  enthousiasme  le 
chemin  du  Palais-Bourbon,  où  ils  comptent  se  dé- 
dommager par  un  sommeil  bienfaisant.  Action 
légère,  mais  amusante  parfois,  et  qui  fournit  aux 
artistes  du  Vaudeville  l'occasion  de  bonnes  carica- 
tures. 

Je  voudrais  pouvoir  dire  quelque  bien  du  vaude- 
ville que  vient  de  représenter  le  Théâtre  des  Arts. 
Membres  du  Caveau,  les  auteurs  sont  un  peu  des 
nôtres.  Est-ce  une  raison  pour  déguiser  la  vérité  ? 
Non,  quoiqu'il  en  coûte  de  la  dire.  La  pièce  est 
inepte,  malpropre  et  ennuyeuse.  La  vigoureuse 
commère  célébrée  par  Béranger  y  joue  un  rôle  semi- 
bouffon,  semi-larmoyant,  dont  aucun  intérêt  ne  se 


Madame  Grégoire  a  pour  nièces  trois  jeunes  filles 
qui  servent  chez  elle  et  que  courtisent  trois  dra- 
gons. Ces  dragons,  croyant  enlever  des  actrices  qui 
les  ont  fascinés,  enlèvent  les  innocentes.  Mme  Gré- 
goire se  met  à  la  poursuite  des  trois  couples.  On 
devine  le  dénouement,  retardé  par  une  foule  de 
mascarades,  d'arrestations,  de  bousculades  et  de 


Le  public  du  premier  soir,  bien  que  très  visible- 


LA  CHANSON 


23 


ment  sympathique,  n'a  pu  contenir  l'expression 
d'un  vif  mécontentement  à  certaines  scènes  où  le 
dialogue  et  les  mouvements  de  scène  atteignent  les 
limites  extrêmes  du  dévergondage.  Le  deuxième 
acte  est  particulièrement  révoltant.  MM.  Burani  et 
Ordonneau  ont  commis  là  une  erreur  grave  dont  ils 
porteront  la  peine,  car,  quoi  qu'aient  écrit  certains 
critiques  trop  indulgents,  la  pièce  ne  tiendra  pas 
longtemps  l'affiche. 

J'ai  dit  ailleurs  ce  qu'est  Thérésa  dans  Madame 
Grégoire.  MM.  Delorme  et  Verlé  ont  droit  à  des  élo- 
ges dans  leurs  rôles  soldatesques.  Les  autres  inter- 
prètes ne  méritent  pas  d'être  nommés. 

La  plupart  d.s  théâtres  de  Paris  gagnent,  à  l'aide 
de  reprises  plus  ou  moins  heureuses,  le  jour  désiré 
de  la  clôture  traditionnelle.  Le  public  les  verra  fer- 
mer sans  trop  de  regret,  car  l'année  théâtrale  n'a 
produit,  en  résumé,  aucune  de  ces  oeuvres  qui  da- 
tent, et  mis  en  relief  aucun  artiste  donnant  de  légi- 
times espérances. 

L.-IIenrt  Lecomte. 


NÉCROLOGIE 


Le  monde  artistique  vient  de  faire  une  grande 
perle,  dans  la  personne  de  notre  ami,  Tony  RiefUer, 
compositeur  de  musique,  mort  à  vingt-six  ans,  à 
l'Asile  Sainte-Anne,  le  lo  mai.  Musicien  de  talent, 
pianiste  d'un  rare  mérite,  il  avait  »u  conquérir  l'es- 
time de  tous.  G  était  une  nature  aimante,  confiant 
dans  l'avenir.  Je  crois  encore  le  voir  lorsque,  quel- 
ques jours  avant  son  décès,  qui  nous  a  tous  frappés 
de  stupeur,  le  jour  même  où  la  fièvre  s'empara  de 
lui,  il  me  disait  avec  joie  que  sa  femme  venait  de 
mettre  au  monde  un  fils.  Pourquoi  faut-il  que  la 
mort  ait  en  un  instant  anéanti  les  projets  qui  ger- 
maient dans  la  lèle  de  ce  pauvre  ami  et  jeté  toute 
une  famille  dans  la  désolation,  en  privant  l'art  musi- 
cal d'un  compositeur  qui  d'ici  peu  de  temps  aurait 
été  un  des  maîtres  de  l'opérette. 

Les  œuvres  de  Tony  Rieffler,  très  nombreuses, 
sont  toutes  empreintes  d'un  cachet  d'originalité. 
Parmi  les  pièces  de  théâtre,  citons  la  Petite  Bohé- 
mienne, opérette  en  trois  actes,  représentée  aux 
Bouffes- Populaires,  et  dans  laquelle  il  s'était  révélé 
un  musicien  de  talent,  les  Faux  Nez  et  la  Chanteuse 
par  Amour,  à  l'Alcazar  ;  la  Belle  Françoise,  les  Écos- 
seuses  de  Pois  et  le  Chien  de  la  Chaiitetâe,  à  la  Scala  ; 
sans  compter  un  grand  nombre  d'opérettes,  duos  et 
saynètes  qu'il  serait  trop  long  d'énumérer.  Travail- 
leur infatigable,  il  comptait  de  grands  succès  au 
Concert,  entr'autres  :  On  peut  entrer.  Pardon  Madame, 
Si  t'avais  pas  ta  mère,  la  Bottine  à  Titine,  Seule,  les 
Noces  d'or,  J'en  veux  ma  part,  et  la  gracieuse  polka  de 
A  ton  bras,  qui  restera. 

L'heure  matinale  de  l'enterrement  et  le  jour  qui 
était  le  lundi  de  la  Pentecôte,  où  l'on  donnait  des 
matinées  dans  tous  les  théâtres  et  concerts,  ont  em- 
pêché beaucoup  d'artistes  de  se  rendre  aux  obsèques. 
Nous  devons  pourtant  constater  la  présence  de  M.  Ur- 
bain, du  théâtre  de  la  Renaissance,  Charles  Voisin, 
fils  de  la  directrice  de  la  Scala,  Raspail,  chef  d'or- 
chestre du  Tivoli  Vaux-Hall,  Bérod,  de  la  Scala, 
Ed.  Drucker,  le  collaborateur  et  l'intime  du  défunt, 
Bocq,  directeur  du  Monde  musical,  Mme  Zélia  Dela- 
noy  et  Mlle  Mialet,  de  la  Scala. 

Constant  Saclé. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQliES 

Samedi,  13  mai,  le  Cercle  de  l'Étoile  donnait  sa 
dernière  soirée  de  la  saison  dans  la  salle  de  l'Hôtel 
des  chambres  syndicales,  rue  de  Lancry. 

Grand  succès  pour  Mlles  Dehaut  et  Hermann  qui 
prêtaient  leur  concours  à  cette  représentation.  Le 
3™°  acte  du  Fils  naturel  a  été  interprété  d'une  bonne 
façon  par  MM.  Paul  Banès,  Etienne,  Rueff  et  Van- 
Beulaer.  M.  Banès,  qui  a  été  pendant  dix  ans  pension- 
naire du  Théâtre-Français  de  Rouen,  a  joué  le  rôle 
du  marquis  d'Orgerac  d'une  manière  digne  des  plus 
grands  éloges. 

Citons  aussi  :  MM.  Maire  et  Rouvière  qui  ont  lar- 
gement contribué  au  succès  de  la  soirée. 

Alfred  B. 

Les  Amis  de  la,  gaité  de  Montmartre  ont  donné,  le 
16  mai,  leur  soirée  intime  dans  la  salle  Pétrelle. 

Quoique  bien  composé,  le  programme  manquait 
de  noms  d'artistes-dames.  La  partie  comique,  assez 
intéressante,  a  été  tenue  par  MM.  Dreano,  Vaudry, 
Defente,  bien  jeune,  mais  très  intelligent  ûa^ixs  Paris 
en  poche;  Beaux,  amusant  dans  Je  dine  chez  Tata  ; 
Renard,  pas  bien  drôle  !  Rouvreau,  Desrieux,  Pillot, 
Bertrand  et  P.  Blanchot. 

Les  champions  de  la  romance  étaient  M.  Bacot 
qui,  avec  peu  de  voix,  chante  agréablement  Les 
lèvres  roses  ;  M.  Bordeau  qui  manque  un  peu  d'au- 
torité dans  le  Forgeron;  et  M.  E.  Blanchot,  dont 
l'organe  vocal  n'a  aucune  sonorité. 

M.  Wexler  a  été  charmant  dans  le  Déjeuner  sur 
l'Jierbe,  et  M.  Fourtier,  fort  agréable  dans  la  Mule  de 
''Pedro. 

M.  Grenier  fait  la  Ij'rolienne  en  artiste  consommé. 
C'est  un  plaisir  que  d'entendre  M.  Pringuet;  sa  voix 
agile  se  prêle  facilement  aux  exigences  de  l'air  de 
Richard-cœur-de-Lion.  Jules  Raux. 

Le  lundi  de  la  Pentecôte,  la  Fantaisie  Lyrique 
donnait  une  représentation  extraordinaire.  Nous 
avons  entendu  M.  Cooper  Albert,  désopilant  dans 
J'ons  marié  Thérèse  ;  M.  Nathan,  très  applaudi  dans 
■J'ai  yerdu  mon  amie.  M.  Callebert  récite  L'ivresse  du 
Forgeron  d'une  voix  chaiide  et  bien  timbrée  ;  mais 
avec  trop  peude  gestes.  Un  petit  prodige  d'une  dou- 
zaine d'années,  Mlle  Charlotte,  provoque  une  hila- 
rité générale  avec  J'connais  c'te  trompette  là;  le  bruit 
court  qu'elle  est  engagée  à  la  Scala. 

L'histoire  d'un  sou,  interprétée  par  Mlle  Marguerite, 
Mme  Blondel,  MM.  Lartelier  et  Inderbilzin,  n'était 
passuffisammentsue,  mais  quelques bounesréparties 
de  Mme  Blondel  ont  sauvé  plusieurs  fois  la  situation. 

Le  garçon  et  la  d'moiselle  d'honneur,  duo  comique, 
chanié  par  Mlle  Charlotte  et  M.  Ville,  a  fait  grand 
plaisir. 

La  Fantaisie  Lyrique  prépare  pour  le  mois  pro- 
chain une  grande  soirée  ;  les  chanteurs  seront  accom- 
pagnés par  un  orchestre. 

Mercredi,  19  courant,  soirée  à  la  salle  Chabaille, 
passage  Kutzner,  au  bénéfice  d'un  compositeur  ma- 
lade. Mlle  Fortin  aété  justement  applaudie.  M.  Juliano 
a  chanté  Le  Nid  sons  les  fleurs  avec  beaucoup  d'art. 
M.  Sutter  a  interprété  finement  Mimi  Pinson.  Les 
vieilles  chansons  ne  sont  pas  toujours  les  moins 
bonnes.  Pot-Louis,  qui  le  sait  bien,  nous  a  rendu 
une  de  ses  plus  anciennes.  L'Hiver,  d'Hégésippe 
Moreau  et  La  Nuit  de  décembre,  de  Hugo,  ont  fait 
valoir  les  qualités  dramatiques  de  Francisque.  Ru- 
bois,  Jeannin,  comme  auteurs,  sont  habitués  au 
succès.  Prix  de  chant  :  Mme  Lecœur  et  M.  Richard. 

A.  B. 


Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C«,  6,  rae  Mar/el. 


24 


LA  CHANSON 


LE  TUBE-LEVASSEUR 

Couplets   anti-narcotiques,   par  ETIENNE   DUCRET 


(Air  :  Faut-il  avoir  du  guignon). 


Arrière,  cMbouk,  cigarre, 
Narghilé,  blague,  tabacs  ! 
Noir  Brûle-gueule,  aussi  gare  ! 
Votre  prestige  est  à  bas... 
Jean  Nicot,  ta  renommée 
Trouve  un  digne  successeur 
Dans  la  suave  fumée 
Du  bon  Tube-Levasseur...  (bis) 

Fin  comme  la  tige  opale 
Des  roses  que  nous  aimons. 
Quand  j'aspire,  quand  j'avale 
Son  arôme  à  pleins  poumons, 
Comme  un  doux  souille  de  fée, 
Glisse,  de  la  lèvre  au  cœur, 
La  bienfaisante  bouffée 
Du  bon  Tube-Levasseur...  (bisj 

Jadis,  pauvre  cachochique, 
Je  toussais,  à  qui  mieux  mieux  ; 
Aujourd'hui,  sans  narcotique. 
Je  le  sens  (c'est  merveilleux  !) 
Plus  ae  catarrhe,  de  rhume. 
Plus  d'asthme,  ni  maux  de  cœur. 
Depuis  que  je  ne  consume 
Que  des  Tubes-Lbvasseur...  (bis) 

L'autre  jour,  près  de  ma  belle, 
J'arrive,  la  bouche  en  cœur... 
«  Pouah  !...  ton  haleine,  dit-ello. 
Est  infecte...  pars,  fumeur!...  » 
Qui  peut  avec  la  sirène 
Me  remettre  en  bonne  odeur  ? 
Rien  qu'une  demi-douzaine 
De  bons  Tubes-Levasseur...  (bis'' 

Oui  le  tabac  (c'est  notoire), 
D'inconvénients  est  plein... 
Il  fait  perdre  la  mémoire, 
Cupidon  même  s'en  plaint... 
Du  nouveau  feu  que  j'allume, 
Clarisse  prise  l'ardeur, 
Quand  avec  elle  je  hume 
Un  bonTuBE-LEVASSKUR...  (bis) 


Au  boudoir,  au  Gynécée, 
A  table,  au  lit  même,  on  peut. 
Sans  vertige,  sans  nausée, 
En  griller  autant  qu'on  veut... 
Pour  sa  vertu  sans  pareille, 
Ses  parfums  et  sa  saveur, 
Au  beau  sexe  je  conseille 
Le  bon  Tube-Levasseur...  (bis) 

L'étudiant,  la  grisette. 
Le  seigneur,  le  paysan. 
Le  gavroche,  à  la  guinguette, 
Le  pacha  sur  son  divan. 
Voire  la  sainte-n'y-touche, 
Popol  même  avec  sa  sœur 
Ne  portent  plus  à  leur  bouche 
Que  le  Tube-Levasseur...  (bis) 

Plus  de  mâchoire  noircie  1 
Déjà,  dans  ses  ateliers, 
Osanmi,  de  jalousie. 
Fait  grincer  ses  râteliers.., 
Le  marchand  de  pipe  écume  ; 
La  buraliste  se  meurt, 
De  crainte  que  l'on  ne  fume 
Que  des  Tubes-Letasseur...  [bis) 

Ur,  d'où  lui  vient  celte  vogue  ? 
C'est  qu'habile  pharmacien, 
Son  auteiu  a  su,  sans  drogue, 
L'inventer  pour  notre  bien  ; 
C'est  que  tout  l'aréopage 
Des  grands  médecins,  en  chœur. 
Dans  les  journaux  rend  hommage 
Au  bon  Tube-Levasseur...  (bis) 

Goutteux,  catarrheux,  phthisiques. 
Hâtez-vous  donc  d'accourir  ; 
Venez,  tousseurs,  asthmatiques, 
Puisque  c'est  pour  vous  guérir 
Que  ma  muse  :  23,  rue 
De  la  Monnaie,  a  l'honneur 
De  chanter  la  bienvenue 
Du  bon  Tube-Levasseur...  (bis) 


l'RAIVCE 
Vn  an  :  6  francs. 


ETHAAIGER 

Vil  an  :  S  francs. 


JOURNAL   DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

est  mise  en  vente  le  samedi,  chez  tous  les  libraires,  marchands  de  journaux  et  de  musique  de  France. 


PRIX  DU  NUMERO  :  40  CENTIMES 


On  demande  des  courtiers  d'annonces  et  des  courtiers  d'abonnements  (bonnes  remises) 


Vente  en  gros  :  RUK  DU  CROISSANT,  20  —  PARIS 


?,o  ANNÉE.  —  N»  4, 


lO  CENTIMES." 


'6  JUIN  M 


LA   CHANS 


Directeur-  Géran  t . 
A.   PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailée  et 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  te  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits   non  insérés   ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


JLa  chanson,  comme  /a  baïonnette 
est  une  arms  française. 

J.  CLARETie. 


ADMINISTRATION    &  RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 

PAnis 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY  LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


Galerie  des  Chansonniers  I  Henry  Dlarger  (L.-Hp.-inv  Lecomïb).  — 
Jiérangcr  et  la  Chanson,  suite  et  fin  (Jules  Claurtie).  —  Le  Salon 
de  ISSO,  2'"»  article  (Geouobs  JIubat).  —  Ton  Cœur  esl-il  fermé? 
Paroles  de  Maxiue  Guy,  musique  do  JuLBS  Ql'idant.  —  Lettre  d'an 
Jeune  Marié  (GBoncEs  Lélio).  —  Les  Fils  de  Rois  ont  da  malheur 


chez  nous  (Noël  Mouoet).  —  Chronique,  des  Sociétés  Lyrique! 
(G.  LEiiAiTnE,  Hip.  GcrcHE,  A.  BKnTlsoT).  —  Concours  dramatiqin 
entra  les  Solistes  des  Sociétés  lyriques  de  Paris,  Circulaire  e 
Règlement  da  Comité,  —  Choses  et  autres,  —  La  Triboulelte 
clianson-rcclamc  (ETlE^■^r,  Dcceet) 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :    HENRY  MURGER 


Celui-là  fu(,  le  poèlc 
fidèle  de  la  pau\a'elo 
courageuse,  le  chanlrc 
gTacleux  et  ému  dos 
joies  libres  et  des 
;i  mours  légères.  Son 
œuvre,  toute  consacrée 
à  la  jeunesse,  reste 
étonnamment  jeune. 

Henry  Murger  naquit 
le  2i  mars  1822,  à  Pa- 
ris, rue  des  Trois-Frè- 
res,  dans  vme  maison 
uii  son  père  cumulait 
les  fonctions  de  con- 
cierge et  la  profession 
de  tailleur. 

La  première  enfance 
(le  Murger  s'écoula  chez 
les  locataires  de  cette 
même  maison,  au  pre- 
mier étage  surtout,  où 
logèrent  successive- 
ment Garcia,  Lablaclie 
et  Baroilbet.  La  Mali- 
Ijran,  fille  de  Garcia, 
eut  souvent  pour  lui 
'les  chansons  et  des 
caresses.  Il  fréquenta 
ensuite  l'école  commu- 
nale. A  treize  ans,  ses 
parents  jugèrent  qu'il 
en  savait  assez,  et  le  placèrent  comme  petit  clerc 
dans  une  étude  d'avoué.  Trois  ans  plus  tard,  sur  la 
recommandation  de  M.  de  Jouy,  l'académicien,  Mur- 


ger devint  secrétaire 
d'un  grand  seigneur 
russe,  lo  comte  de  Tols- 
loy.  Cet  emploi,  quasi- 
siuccure,  lui  valut,  pen- 
dant dix  années,  qua- 
rante francs  par  mois. 
C'était  peu,  et  Murger 
songea  à  demander  à 
la  littérature  un  sup- 
plément de  numéraire. 
Il  entra  au  Corsaire- 
Satan,  puis  à  VAo'tiste, 
sans  que  les  nouvelles 
à  la  main  et  les  petits 
vers  qu'il  donnait  à  ces 
deux  journaux  lui  rap- 
portassent gloire  ou 
profit.  Ce  ne  fut  qu'a- 
près 1848,  quand  la 
Révolution  de  février 
lui  eut  fait  perdre  son 
emploi,  que  Murger  se 
mit  sérieusement  au 
travail.  Il  professait 
alors  pour  la  rime  une 
adoration  exclusive. 
Champfleury,  plus  pra- 
tique, le  décida  à 
écrire  en  prose.  Son 
début  fut  un  coup  de 
maître  ;  il  publia  dans 
le  Corsaire,  chapitre  par  chapitre,  les  étonnantes 
Scènes  de  la  vie  de  Bohême,  dont  le  succès  fut  énor- 
J  me.  Chaque  feuilleton  lui  était  payé  quinze  francs- 


26 


LA  CHANSON 


Le  livre,  vendu  cinq  cents  francs  à  un  éditeur,  fut 
tiré  à  soixante-dix  mille  exemplaires,  et  ïhcodoro 
Barrière  en  lit  un  drame  original  et  poignant. 

A  partir  de  cette  époque,  les  journaux  et  les 
revues  sollicitèrent  la  collaboration  de  Murger.  Il 
publia,  à  des  intervalles  inégaux,  diverses  études 
de  mœurs,  rassemblées  depuis  par  la  librairie  Michel 
Lôvy  en  douze  volumes  intitulés  :  Scènes  de  la  vie 
de  iohême,  les  Buveurs  d'eau,  le  Dernier  rendez-rons, 
Madame  Ohjmjie,  le  Pays  latin,  Propos  de  tille  et 
2)roi)os  de  théâtre,  le  Roman  de  tontes  les  femmes.  Scè- 
nes de  campagne,  Scènes  de  la  vie  de  jeunesse,  le  Sabot 
rouge,  les  Vacances  de  Camille,  Ballades  et  Fantai- 
sies. 

Si  ces  ouvrages  consolidaient  la  réputation  litCé- 
raire  de  Murger,  ils  n'éloignaient  raalbeureusement 
pas  de  lui  la  mauvaise  fortune.  Murger  continuait  à 
mener  cette  vie  de  bohème  qu'il  donne  lui-môme 
comme  «  le  stage  de  l'Académie,  de  l'Hôtel-Dieu  ou 
de  la  Morgue  ;  »  vie  singulière  et  pénible,  où  des 
gens  bien  doués  emploient  plus  de  jours  à  recueillir 
cent  sous  qu'il  ne  leur  faudrait  d'heures  pour 
gagner  cent  francs  ;  vie  coupable,  en  délinilivc,  qui 
n'est  qu'un  hymne  constant  à  la  paresse,  et  dans 
laquelle  finit  par  sombrer  la  dignité  la  plus  robuste. 
Murger  eut  beau  rompre  avec  les  plus  compromet- 
tants de  ses  amis,  les  habitudes  de  sa  jeunesse  le 
suivirent  dans  l'âge  mûr.  Il  ne  put  jamais  s'astrein- 
dre à  ces  besognes  continues  qui,  seules,  assurent 
l'indépendance  ;  il  vécut  constamment  d'expédients. 
Disons  pourtant  à  son  excuse  qu'il  avait  le  travail 
diiricile,etque,  si  fort  que  le  pressât  le  besoin,  il  tint 
toujours  à  honneur  de  ne  livrer  aucune  œuvre  au 
public  avant  d'en  être  absolument  satisfait.  Cons- 
cience rare,  et  qui  préserve  contre  l'action  dix  temps 
le  monument  littéraire  qu'il  a  bâti. 

Au  mois  d'août  1838,  Murger  fut  décoré,  et  tous 
ses  confrères  l'eu  félicitèrent  chaudement.  Trente 
mois  plus  tard,  il  succombait  à  une  maladie  cruelle, 
laissant  d'unanimes  regrets. 

Deux  pièces  en  un  acte,  le  Bonhomme  Jadis,  resté 
au  répertoire  de  la  Comédie-Française,  et  le  Serment 
d'Horace,  joué  au  théâtre  du  Palais-Royal,  complè- 
tent, avec  un  recueil  de  poésies  intitulé  les  Nuits 
d'hiver,  la  liste  des  ouvrages  de  Murger. 

Les  NvÀts  d'hiver  ne  virent  le  jour  qu'après  la 
mort  de  Mm-ger.  Il  en  avait  préparé  la  publication 
avec  un  soin  extrême.  Là  sont  réunies  ses  inspira- 
lions  les  plus  charmantes,  les  plus  douloureuses, 
les  plus  personnelles.  C'est  dans  ce  volume  que  la 
critique  puisa;  lors  du  décès  de  Murger,  la  justifica- 
tion des  regrets  amers  qu'elle  publiait  ;  c'est  là  que 
nous  étudierons  le  Murger  chansonnier  qui  doit 
intéresser  particulièrement  nos  lecteurs. 

Les  poésies  de  Murger  sont,  la  plupart, .  rhy th- 
mées  de  façon  à  tenter  les  musiciens.  La  jeunesse 
n'a  qu'un  temps,  Mlle  Musette,  Si  tu  veux  être  la  ma- 
done, les  Emigrants,  Marguerite,  ont  heureusement 
inspiré  MM.  Schann,  Darcier,  Pugno  et  divers  au- 
tres. La  Lettre  à  Ninon,  Ophélia,  Renovare,  le  Requiem 
d'amour,  Chanson  d'hiver,  auront  évidemment  un 


sort  pareil.  M.  L.  Bordèse  n'a,-t-il  pas,  l'aulre  jour, 
mis  en  musique  le  Chien  du  braconnier,  et  n'a-l-on 
pas  dit,  ici  même,  quel  succès  obtiennent  les  Cor- 
beaux,  chantés  par  le  peintre  Besnus  sur  l'air  Irouvé 
par  lui  en  compagnie  du  poêle,  et  que  la  Chanson 
espère  bien  publier  un  jour. 

Murger  excellait  à  conter  les  amours  finis  et  à 
pleurer  les  maîtresses  envolées.  Ses  vers  sont  pleins 
de  grâce,  d'esprit,  de  tendresse  mélancolique.  La 
Chanson  de  Musette,  particulièrement,  est  un  chef- 
d'œuvre  d'émotion  et  d'originalité.  Elle  évoque 
irrésistiblement  le  souvenir  de  cette  admirable 
figure  de  la  Jeunesse  attristée,  par  laquelle  le  sculp- 
teur Aimé  Millet  a  très  justement  personnifié  la 
muse  du  doux  poète  trop  tôt  disparu. 

L.-Henry  Lecomte. 


BÉRANGER  ET  LA  CHANSON 


(1) 


(suite  et  fin) 

Ceux  qui,  en  ces  temps  derniers,  ont  contesté  à 
Béranger  sa  valeur  littéraire  et  morale,  n'ont  pas 
voulu,  n'ont  pas  su  voir  peut-être  quelle  était  la 
note  maîtresse  de  la  poésie  de  Béranger,  cette  note 
patriotique,  véritablement  populaire,  simple  comme 
tout  ce  qui  est  grand,  et  qui,  partie  du  peuple, 
allait  droit  vers  le  peuple  par  lo  plus  court  chemin  ; 
)a  clarté.  Ils  n'ont  pas  vu  que  Béranger  voulait  sur- 
tout enseigner  ;  ils  ont  oublié  tous  ces  vers  prover- 
bes qui  courent  les  mémoires  comme  des  maximes 
de  Voltaire,  tous  ces  préceptes  de  dévouement  ou  de 
bonté,  de  patriotisme  et  de  liberté,  que  Béranger  a 
fait  passer  dans  tous  les  cœurs,  parce  qu'il  les  a 
trouvés  dans  le  sien.  Et  croyez-vous,  d'ailleurs, 
que  Béranger  eût  l'orgueil  de  se  comparer  aux  plus 
grands  maîtres  ?  «  Je  n'ai  que  de  l'esprit,  disait-il 
un  jour,  Et  Lamartine  a  du  génie  I  »  Mais  c'est  beau- 
coup en  France  que  d'avoir  de  l'esprit  et  surtout 
d'avoir  le  bon  esprit  et  le  courage  de  s'en  servir.  — 
«  Savez-vous  comment  je  vous  appelle,  Béranger  ? 
lui  disait  un  jour  M.  Thiers.  Je  vous  appelle  l'Ho- 
race français.  —  Que  dira  l'autre  ?  »  répondit  le 
poète  en  souriant. 

C'est  encore  Béranger  qui  écrivait  très-modeste- 
ment à  Brazier  : 

Si  l'on  dit  que  j'ai  fait' des  odes, 
N'en  crois  rien,  j'ai  fait;  des  chansons. 

Il  le  savait  bien,  d'ailleurs,  que  son  titre  véritable, 
son  titre  devant  la  postérité,  ce  serait  celui  de  chan- 
sonnier. Avec  son  bon  sens  aiguisé,  il  ne  dédaignait 
pas  ce  nom,  qui  n'evit  point  suffi  à  une  ambition 
plus  haute. 

Il  savait  que  la  chanson,  cotte  chose  charmante, 
ailée,  légère,  est  véritablement  française.  C'est 
avec  des  chansons  qu'au  temps  passé  on  enlevait 
les  fillettes  et  les  villes  I  Ua  refrain  électrisait  une 
armée  ;  une  ariette  faisait  battre  un  cœur  !  Quelle 
puissance  qu'une  chanson  !  Napoléon,  partant  pour 
la  campagne  de  Russie,  et  montant  en  selle,  fre- 

(1)  Voir  le  ;i°  2  de  La  Chanson 


LA  CHANSON 


27 


donnait  entre  ses  dents  un  refrain,  et  c'était  Malbo- 
roiig  s'en  ra-l-di  ffucrre.  Sur  presque  tous  les 
cadavres  des  grenadiers  de  la  garde,  à  Waterloo,  les 
Anglais  rainassaisnt  de  petits  cahiers  de  papier 
imprimé,  et  c'étaient  des  cahiers  de  chansons. 
Depuis  la  Chanson  de  Roluiid,  que  chantaient  les 
preux  bardé3  de  fer,  jusqu'à  la  Chanson  du  salpêtre 
quejetaient  auvent  les  soldats  de  Sambre-et-Meuse, 
c'était  une  chanson  qui,  combattant  avec  les. Fran- 
çais, leur  avait  gagné  la  victoire. 

Voltaire  disait  à  propos  des  chansons  que,  «  pour 
bien  réussir  dans  les  petits  ouvrages,  il  faut  dans 
l'esprit  de  la  finesse  et  du  sentiment,  avoir  de 
l'harmonie  dans  la  tête,  ne  point  trop  s'élever,  ne 
point  trop  s'abaisser  et  savoir  n'être  pas  trop 
longl  1)  Béranger  fit  de  ces  «  petits  ouvrages  »  dont 
parlait  Voltaire  de  grandes  œuvres  et  il  ajouta 
comme  une  parure  nouvelle  à  notre  littérature 
nationale. 

Il  fut,  il  est  le  chansonnier,  comme  La  Fontaine 
est'  le  faMier.  El  ne  savait-il  pas  tout  ce  que  vaut 
la  chanson?  Né  savait-il  pas  quelle  arme  terrible  elle 
est  entre  une  main  habile?  La  chanson  comme  la 
baïonnette,  est  une  arme  française  !  C'est  l'héroïsme 
des  Douze  Pairs  que  nos  premiers  soldats  chantaient 
en  allant  aux  batailles.  C'est  la  chanson  de  RoleH 
Wace  que  fredonnaient  nos  serfs  courbés  sous 
leurs  seigneurs.  C'est  en  chantant  que  Jacques 
Bonhomme  oubliait  ses  douleurs  ou  vengeait  ses 
injures.  Les  chansons  contre  la  Ligue  traversaient 
l'air  de  Paris  décimé,  assiégé,  affamé.  Les  chansons 
contre  le  Mazarin  faisaient,  comme  les  chants 
d'Amphion,  remuer  les  pavés  et  se  dresser  les  bar- 
ricades de  la  Fronde.  La  royauté  tombait  au  refrain 
d'une  chanson,  et  la  patrie  renaissait  aux  accents 
de  la  Marseillaise.  Les  classiques  du  peuple,  ce  sont 
les  chansonniers.  Jules  Glaretik. 


LE  SALON  DE  1880 

(2"  article) 

La  galerie  des  Exempts  nous  offre  beaucoup  de 
h'cs  bonnes  œuvres,  et,  si  l'on  est  amené  à  regretter 
l'exemplion  du  jury  pour  certaines  autres,  il  faut 
pourtant  rendre  justice  à  l'onsomble,  qui  est  bon. 

L'œuvre  que  je  citerai  volontiers  la  première  porte 
un  titre  bien  .simple  :  Dans  la  Campaijne.  Ne  vous  y 
fiez  pas.  M.  Lcrolle,  médaillé  de  l'année  dernière, 
veut  marcher  rapidement  à  la  conquête  du  «  hors 
concours,  »  et  ira  plus  loin  s'il  continue  à  marquer 
,ses  étapes  de  cette  façon.  Une  jeune  fille  tricote  en 
faisant  paître  ses  moutons;  elle  est  charmante  d'at- 
titude et  de  vérité.  Dans  ce  tableau,  il  n'y  a  pas  d'ac- 
cessoires; tout  a  bien  sa  raison  d'être  et  est  peint  en 
Conséquence. 

Je  ne  dirai  pas  la  même  chose  de  la  toile  de 
M.  Danlan  :  Un  coin  d'atelier.  Je  trouve  que  l'acces- 
soire y  occupe  trop  de  place,  et  force  l'attention  au 
détriment  des  deux  figures,  qui  sont  très  justes.  La 
jeune  femme  surtout,  dont  la  pose  ravissante  est  très 
vraie:  en  somme,  c'est  là  un  bon  tableau. 


M.  Balavoine,  avec  La  Séance  interrompue,  nous 
montre  également  un  modèle  au  repos,  et,  ma  foi, 
un  beau  modèle,  joliment  point.  Le  châle  noir,  qui 
l'enveloppe  en  partie,  est  d'un  effet  très  réu.ssi. 

M.  Manet  envoie  cette  année  deux  toiles.  De  l'une, 
Chez  le 2)ère  Lathwilc,  je  no  dirai  rien;  de  l'autre,  le 
portrait  de  M.  Anlonin  Proust,  je  ne  ferai  que  des 
éloges. Voilà  un  magnifique  portrait  qui  fait  regretter 
que  son  autour  ne  s'en  tienne  pas  à  ce  genre  ;  c'est,  il 
me  semble,  le  meilleur  qu'ait  fait  cet  artiste. 

Des  nombreux  tableaux  représentant  la  Mort  de 
Marat,  celui  de  M.  Aviat  est  véritablement  le  seul 
digne  d'intérêt;  il  est  surtout  sobre  et  ne  force  pas 
l'attention  par  l'effet  violemment  dramatique.  La 
lumière  joue  de  la  façon  la  plus  heureuse  autom"  de 
la  jeune  femme,  qui  exprime  bien  l'horreur  et  l'étou- 
nement  de  son  crime. 

La  Mort  de  La  Tour-dJ Auvergne,  le  premier  grena- 
dier de  France,  par  M.  Moreau,  de  Tours,  est  d'un 
effet  puissant  ;  les  pcrsonnnages  groupés  autour  du 
corps  du  héros  ressentent  bien  la  douleur  et  le  regret. 
Le  représentant  du  peuple,  surtout,  répond  à  l'idée 
qu'on  se  fait  de  ces  hommes  de  fer  habitués  à  voir  la 
mort  faucher  autour  d'eux  les  plus  illustres  et  les 
plus  dignes. 

Le  tableau  de  M.  Le  Blant  nous  montre  également 
des  héros  républicains,  mais  ceux-là  sont  aux  prises 
avec  l'f'nncmi.  Une  nombreuse  troupe  do  chouans 
les  entoure;  la  fusillade  éclate  sur  toutes  les  faces  du 
bataillon  can-é,  semant  la  mort  parmi  leurs  farouches 
adversaires  sans  les  an-ètcr.  Ce  drame  poignant  est 
supérieurement  rendu.  Le  paysage  est  également 
très  heureusement  peint. 

Les  éloges  n'ont  pas  manqué  à  M.  Dagnan-Bouve- 
ret  pour  son  Accident,  et  c'est  de  toute  justice.  Nous 
sommes  loin  de  ces  tableaux  de  genre  peints  pour 
l'œil,  sans  souci  de  la  vérité.  Dans  un  genre  bien 
dtl'érent.  Saint  Herhland,  figure  monumentale  desti- 
née à  l'église  de  Bagncux,  il  faut  également  recon- 
naître le  réel  talent  de  M.  Dagnan. 

La  Marchande  de  ï'oissons  à  Dieppe,  de  M.  lla- 
quctlc,  prouve  que  cet  artiste  réussit  aussi  bien  la 
figure  que  la  nature  morte.  11  est  impossible  de  ne 
pas  acheter  à  une  marchande  aussi  avenante,  propo- 
sant des  poissons  de  cette  fraîcheur  ! 

Le  Braconnier,  de  M.  Delort,  nous  fait  assister  à  une 
de  ces  scènes  fréquentes  sur  les  lisières  des  forêts. 
Deux  gendarmes  ont  découvert,  devant  la  chaumière 
d'un  bûcheron,  un  chevreuil  mort  caché  par  des  bran- 
chages, et  dressent  procès-verbal.  Le  braconnier  a 
bien  l'attitude  rageusement  résignée  devant  la  force. 
Le  paysage  est  bien. 

M.  Hippolytc  Dubois  expose  deux  toiles  :  Le 
Musicien  aral/e  et  Une  Rue  d'Alger;  la  dernière  est  de 
beaucoup  la  meilleure,  très  joliment  rendue  et  prise 
sur  le  vif. 

M.  Dameron,  élève  de  M.  Pelouse,  marche  à  grands 
pas  sur  les  traces  de  son  maître  :  La  Ferme  de  Ker- 
lavcn  nous  fait  voir  un  très  curieux  effet  de  soleil 
couchant* 

Citons  encore,  dans  les  exempts,  M.  Lelolr,  dont 


28 


LA  CHANSON 


la  Pêche  avait  déjà  ûugré  avec  honneur  à  l'exposilion 
des  aqxiarellistes  ;  M.  Julien  Dupré,  qui  fait  tous  les 
ans  de  nouveaux  progrès  ;  M.  Amand  Gautier,  dont 
la  Répétition  au  cornent  est  d'un  sentiment  si  fin  ;  Ze 
Cellier  de  Chardin,  de  M.  Delanoy;  Fleurs  des  Champs, 
de  M.  Leclaire;  Ze  Train  de  2ilaisir,  de  M.  Schmidt, 
toile  très  originale  ;  JiaMais,  cwé  de  Meudon,  de 
M.  Garnier  ;  Fumée  d'Amh-e  gris,  de  M.  Sargeut  ;  les 
deux  tableaux  de  M.  de  Penne  ;  Ze  Port  ZoumersoX 
l'Avanl-2)orl  de  Danherque,  de  M.  Lapostolet;  Embar- 
quement de  Fleurs,  de  M.  Jeannin  ;  enfin,  Le  Tullia- 
num  pendMwt  la  persécution,  de  M.  Guay,  grand  ta- 
bleau d'un  bel  effet.  Georges  Murât. 


TON  COEUR  EST-IL  FERME 

Romance 

l'aroIcN  «lo  jllnxiiiie  &lîl', 
!Uii.si<iuc   de   JulôM  fflTIUAniT. 


i^.""  COUPLET 


blonds   chelteui     1»         so       jon.ersa     frsî.cbe. 

se        coDi  _    œe  au     temps     be    .      ni 
d'nu.tre-  fois  y   .    rons    ooas     eo  .co.re    ma 


les  grands  bois    Re_  chercher   ronibre  et    le     mys  ^ 
Refrain.  Mod'.» 


de    ma    cban  _  soD  vois.  lu!.         Je 


^ 


r,  1"'^-    \'Cr^^ 


er.  dra-is        la  rai.   son  sans     ton      » 


coeur      se_  _  fcrmail,  _j/,  Ui  ,    sot      .   -  ia,  j,,  ^  ^_    s' 


Pour  parer  ton  minois  charmant, 

Va  revêtir  la  robe  blanche 

Qui  plaît  si  fort  à  ton  amant, 

Ma  Lise,  aujourd'hui,  c'est  dimanche. 

Yoisl  le  soleil  est  radieux, 

Et  répand  des  torrents  d'ivresse  ; 

Son  chaud  rayon  donne  à  tes  yeux 

Des  reflets  d'or  pleins  de  tendresse. 

Ton  cœur  est-il  fermé,  Lisette, 
Aux  doux  accents  de  ma  chanson  ? 
Vois-tu  I...  je  perdrais  la  raison 
Sans  ton  amour,  ma  mignonnette. 
Vois-tu  1...  je  perdrais  la  raison 
Si  ton  cœur  se  fermait,  Lisette. 

Les  prés  verts  se  couvrent  de  fleurs, 
Pour  orner  ton  riant  corsage, 
Et  mêler  leurs  vives  couleurs 
A  l'incarnat  de  ton  visage. 
Le  rossignol  aux  purs  accents. 
Dans  une  tendre  mélodie. 
T'invite  à  fêter  le  printemps  ; 
Ecoute  sa  voix,  mon  amie. 

Ton  cœur  est-il  fermé,  etc. 

Quitte  ce  vilain  air  boudeur 
Qui  sied  si  mal  à  ta  figure. 
Reprends  le  sourire  moqueur 
Que  t'a  donné  dame  Nature. 
Redeviens  la  joyeuse  enfant 
Au  cœur  ardent  de  poésie, 
Je  ne  reconnais  plus  vraiment 
Celle  que  mon  âme  a  choisie. 

Ton  cœur  est-il  fermé,  Lisette, 
Aux  doux  accents  de  ma  chanson  '? 
Vois-tu  1...  je  perdrais  la  raison 
Sans  ton  amour,  ma  mignonnette. 
Vois-tu  1...  je  perdrais  la  raison 
Si  ton  cœur  se  fermait,  Lisette. 


LETTRE  D'UN  JEUNE  MARIÉ 

Rondeau 

Paroles  de  Georges  EiÉLIO, 
]llusîc|ue  de  Ciicrniain  Ei.%.IIRl!]rVJ$. 


Mon  cher  Gontran,  je  l'ai  promis, 

Il  faut  queje  te  conte 
Le  cas  ou  ton  ami  s'est  mis; 

Ceci  n'est  pas  un  conte  : 
A  Besançon,  un  certain  jour, 

(Heureuse  circonstance), 
D'une  fillette  faite  au  tour 

Je  fis  la  connaissance. 
Brunette  à  l'œil  noir,  plein  de  feu, 

Elle  rûarchait  seulette, 
Et  je  me  dis  :  «  Ce  n'est  qu'un  jeu 

Pour  faire  sa  conquête.  » 


LA  CHANSON 


29 


Ses  jupons  retroussés  un  brin 

Laissaient  voir  jambe  fine, 
Et  pimpante,  sur  le  chemin, 

Trottinait  sa  bottine. 
Bref,  au  coin  d'un  noir  carrefour, 

Voilà  que  je  l'accoste; 
Tout  en  lui  contant  mon  amour. 

Mon  cœur  courait  la  poste  : 
Je  lui  dis...  je  ne  sais  plus  quoi. 

Qu'elle  était  fraîche  et  belle, 
J'offris  ma  fortune  et  ma  foi 

Sans  qu'on  fit  la  cruelle. 
En  voyant  mon  aspect  courtois, 

Monsieiu',  répondit-elle, 
C'est  pour  le  bon  motif,  je  crois, 

Que  vous  me  trouvez  belle. 
Vous  avez  l'air...  d'un  bon  garçon, 

Et,  si  ma  main  vous  tente, 
Je  vous  permets,  et  sans  façon, 

De  consulter  ma  tante. 
Du  même  pas,  marchant  .tous  deux, 

Nous  arrivons  bien  vite  ; 
Et,  bête  comme  un  amoureux. 

D'effroi,  mon  cœur  palpite. 
La  vieille  tante,  ayant  toussé, 

Prit  une  forte  prise. 
Me  voyant  aussi  fort  pincé 

Parut  un  peu  surprise. 
Mais,  se  remettant  vivement  : 

«  Ma  nièce  est  bonne  fille, 
«  Me  dit-elle  d'un  air  charmant) 

«  Elle  est  sage  et  gentille  ; 
«  Gomme  dot,  elle  a  sa  vertu, 

«  Et,  n'ayant  mère  ou  père, 
a  Vous  ne  serez  jamais  battu 

«  Par  votre  belle-mère. 
«  Demandez  aux  maris,  oui-dà, 

«  C'est  un  rude  avantage; 
4  Qa  vaut  bien  une  dot,  cela; 

«  C'est  lapais  du  ménage. 
«  Mariez-vous  sans  autre  émoi, 

«  Mais  faites-moi  marraine. 
«  Pas  de  belle-mère,  ma  foi, 

«  Ça  vaut  bien  la  douzaine  ». 

Nous  voilà  mariés  d'hier. 

Faut-il  donc  tout  te  dire  ; 
Tu  poux  comprendre  à  mon  air  fier 

Ce  qu'on  ne  peut  écrire  ; 
Qu'il  te  suffise  de  savoir 

Que,  pour  plaire  à  la  tante. 
J'ai  fait  carrément  mon  devoir 

Et  ma  femme  est  contente. 
Voilà  mon  histoire  en  deux  mots, 

Et  bientôt  la  marraine 
Verra  gros  et  joufflus  marmots 

Commencer  la  douzaine  1 
Morale  :  «  Viens  à  Besançon  ; 

Dans  ce  pays  prospère 
On  trouve  femme  sans  façon 

Et  pas  de  belle-mère. 


CONCOURS  DE  LA  LICE  CHANSONNIERE 

SUJETS  PATRIOTIQUES  (3"  Prix). 

Les  lils  ie  rois  odî  ë  mallieiir  cliez  bous 

Le  roi  Soleil  el  Louis  le  Quinzième, 
Sires  galants,  trop  souvent  amoureux, 
N'ont  pas  laissé,  quittant  le  diadème. 
Un  fils  vivant  pour  régner  après  eux. 
Depuis  ce  temps,  fatalité  bizarre, 
—  Est-ce  un  arrêt  dicté  par  le  remords  ?  — 
Les  fils  de  rois  de  France  et  de  Navarre, 
S'en  vont  trôner  au  royaume  des  morts. 

Adulateurs  des  majestés  royales, 
Convenez-en,  le  ciel  n'est  pas  pour  vous, 
Malgré  l'encens  des  vieilles  cathédrales, 
Les  fils  de  rois  ont  du  malheur  chez  nous. 

Louis  Dix-sept,  ce  monarque  fantôme, 
Que  la  chronique  a  mis  au  rang  des  rois, 
Pauvre,  ignore,  sous  un  vieux  toit  de  chaume, 
Vécut  souflïaut,  oublié  par  les  lois  ; 
Ce  faible  enfant  n'eut  pas  un  jour  de  fête, 
Sa  vie,  hélas  1  s'envola  par  lambeau. 
Triste  et  chétif  au  vent  de  la  tempête, 
Il  s'éteignit  comme  un  pâle  flambeau. 
•\dulateurs,  etc. 

Après  avoir  conquis  l'Em'ope  entière. 
Forgé  des  fers  contre  la  liberté, 
Napoléon  termina  sa  carrière, 
Brisé,  vaincu  par  la  fatalité. 
Cruel  destin,  l'héritier  du  grand  homme. 
Meurt  prisonnier  dans  un  palais  ducal, 
Celui  qui  fut,  on  naissant,  roi  de  Rome, 
Eut  pour  couronne  un  bandeau  sépulcral. 
Adulateurs,  etc. 

Riche  d'amour,  de  galté,  de  jeunesse, 
Père  adoré,  fils  aine  d'Orléans, 
Tout  lui  sourit,  les  grandeurs,  la  richesse. 
Tout  lui  promet  de  la  gloire  et  des  ans. 
Mais  un  malin,  trahi  par  la  fortune. 
Sur  le  pavé  son  pied  fit  un  faux  pas. 
Il  en  mourut  !  le  peuple  sans  rancune, 
A  déploré  son  funeste  trépas. 
Adulateurs,  etc. 

Dernier  martyr,  c'est  Napoléon  Quatre, 
Gomme  son  père  il  veut  être  empereur, 
Un  prétendant  doit  apprendre  à  combattre, 
Il  faut  qu'il  parte  exercer  sa  valeur. 
Pom-  préparer  son  esprit  au  carnage. 
De  l'Angleterre,  il  suitUe  pavillon. 
Puis  va  tomber  sous  les  coups  d'un  sauvage, 
Gomme  un  oiseau  pris  dans  un  tourbillon. 

Adulateurs  des  majestés  royales. 
Convenez-en,  le  ciel  n'est  pas  pour  vous, 
Maigre  l'encens  des  vieilles  cathédrales, 
Les  fils  de  rois  ont  du  malheur  chez  nous. 
Noël  Mouret. 


30 


LA  CHANSON 


CHOSES   ET  AUTRES 

LA  SOCIÉTÉ  DES  ADTEDRS,  COMPOSTEURS  ET  ÉDITEURS 
DE  MUSIQUE  ET  L'AGENT  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

Le  syndicat  de  la  Société  des  auteurs,  composi- 
leurs  et  éditeurs  de  musique,  se  fondant  sur  des 
erreurs  de  gestion  et  des  irrégularités  d'écritures, 
avait  signifié  son  congé  à  M,  Rollot,  agent  de  la 
Société. 

M.  BoUot  résistait  à  cet  ordre,  prétendant  que 
cette,  décision  ne  pouvait  être  donnée  que  par  les 
sociétaires  mêmes  réunis  en  assemblée  générale.  ' 

Le  tribunal  civil  de  la  Seine,  sur  les  plaidoiries  de 
M»'  Albert  Martin  et  Boumerc,  a  déclaré  que  c'était 
a  bon  droit  que  le  syndicat  avait  révoqué  l'agent  de 
la  Société  ;  le  jugement  autorise  en  conséquence  le 
renvoi  de  M.  Rollot,  en  se  faisant,  au  besoin,  aider 
de  la  force  publique. 

Nous  avons  annoncé,  dans  notre  numéro  du 
1^'' juillet  1879,  la  mort  d'Adolphe  Vaudry,  compo- 
siteur de  musique,  décédé  le  20  juin  précédent.  A 
l'occasion  de  l'anniversaire  de  cette  date  funèbre, 
un  grand  nombre  d'amis  et  de  collaborateurs  de 
Vaudry  organisent  une  soirée  extraordinaire  dont 
le  produit  est  destiné  à  l'éreciion  d'un  monument. 
Cette  soirée  aura  lieu,  le  mardi  l'a  juin,  à  la  salle 
Rosel,  rue  de  Belleville,  n"  27.  Tous  les  amis  de  la 
chanson  et  de  la  musique  populaire  tiendront  à 
honneur  d'y  assister.  Tombola,  composée  de  lots 
sérieux,  et  notamment  de  20  portraits  de  l'artiste 
regretté.  Prix  d'entrée  :  50  centimes  par  personne. 

Le  dimanche  suivant,  20  juin,  visite  a  la  tombe,  et 
inauguration  du  monument.  Rendez-vous  à  ?<  heu- 
res, route  d'Epinay,  à  la  porte  du  cimetière  (Saint- 
Ouen). 

Los  beaux  jours  de  l'Alhambra  sont  revenus.  Est-ce 
le  changement  do  nom  qui  a  ramené  à  cette  Salle  la 
laveur  du  public  ?  Toujours  est-il  que  la  Salle  des  So- 
ciétés lyriques  est  pleine  chaque  soir. 

Voici  la  liste  des  pièces  qui  y  ont  clé  représentées 
la  semaine  dernière  :  Jean-Marie  ,  C'était  Gertrndc, 
Une  femme  (jici  se  r/rise.  Los  interprètes  étaient  Jl. 
Marion,  qui  trouve  des  accents  très  dramatiques  ;  M. 
Albert,  qui  joue  fort  consciencieusement  ;  M.  Hertz, 
quiadutalent mais dontle jeu estfroid;  M.  Lagrange, 
t[ui  a  beaucoup  d'entrain.  Du  côté  des  dames,  citons  : 
Mlle  Tannesy,  charmante  mais  un  peu  tiuiidc  ;  Mlle 
.Vnglobert,  toujoui's  gracieuse  et  souriante  ;  Mme  Men- 
ées, qui  lire  un  excellent  parti  de  ses  rôles. 

Les  chanteurs  qui  se  sont  le  plus  fait  applaudir 
sont  le  petit  Adolphe,  qui  étonne  l'auditoire  par  son 
jeune  âge  et  qui  chante  dans  la  perfection  C'est  pas 
vrai,  de  Bruant,  et  Miaou,  l'originale  chanson  de  Ju- 
les Baux  ;  M.  Boyer  qui  s'est  fait  rappeler  dans  le 
Déjeuner  sur  l'herie  de.Gollin,  et  Quand  on  a  -vingt  aus, 
de  Byon  ;  M.  Founny,  dans  la  Petite  Atala  ;  M.  Dal- 
Iroff  dans  la  Pèche  à  la  ligne. 

M.  Chapini  a  fait  entendre  des  notes  magnifiques 
dans  Le  Vieux  buveur  de  vin.,  de  Jules  Raiix  et  Les 
Myrtlies  de  Faure.  Il  ne  faut  pas  oublier  les  frères 
Lionel,  deux  gymnastes  élégants  et  fort  adroit,s. 
G.  Lemaître. 

Salle  comble  à  la  soirée  intine  donnée  le  30  mai  à 
la  salle  Pétrelle  par  les  Amis  de  la  Qalté  de  Mont- 
martre. 

Comme  l'a  fait  remarquer  notre  collaborateur 
M.  Jules  Baux,  les  dames  manquent  au  proa-ramme; 
mais  des  artistes  lois  que  [MM.  [ringuet,  "Del'ente, 


Grenier  et  Blanchot,  comblent  cette  lacune.  Parmi 
les  amateiu-s  les  plus  applaudis,  citons:  M.  Dcfente. 
dans  Zon,  Zon,  Zvn,  Zaine;  Blanchot,  dans  Henri  IV 
a  découché  et  M.  Beaux,  dans  le  Sport smawn.  M.  Gre- 
nier tient  l'auditoire  sous  le  charme  avec  une  jolie 
tyrolienne  le  Vin  des  Amours  ;  c'est  plaisir  de  l'en- 
tendre roucouler.  L'éloge  de  M.  Pinguet  n'est  plus  à 
faire;  dès  son  entrée  en  scène,  il  est  applaudi  de 
toutes  parts.  Il  serait  injuste  de  ne  pas  noter 
MM.  Pillot,  Bordeau,  Perrin,  B^cot,  Bertrand  et 
Dréano  qui  ont  fait  de  leur  mieux. 

A.  Bertinot 

L'Union  2)arisienne  a  donné  jeudi  27  mai,  un*  soirée 
extraordinaire,  (dans  le  local  habituel  de  ses  réu- 
nions, 3,  rue  du  Petit-Pont,  à  l'occasion  de  la  distri- 
butions de  ses  nouveaux  insignes. 

Le  côté  lyrique  a  été  brillamment  soutenu  par  les 
habitués  de  cette  société,  de  plus  il  nous  a  été  donne 
d'applaudir'  plus  spécialement  notre  joyeux  cama- 
rade Adrien  Souchet  dans  sa  désopilante  bouflbnnerie 
de  la  Reine  des  halles.  —  M"''  Alexandrine  a  dit  avec 
une  jolie  voix  et  une  grâce  exquise,  les  Amoureux  du 
Luxembourg.  —  M.  Charpentier  nous  a  ému  avec  le 
Retenant  de  Victor  Htigo.  —  M'""  Tréblat  a  savamment 
modulé.  Il  faut  si  peu  de  chose  ;  —  puis  notre  ami 
Moumoutte  a  exécuté  en  8  minute  une  marine  à 
l'huile,  qu'il  a  offerte  à  la  tombola';  —  enfin,  vers 
10  heures,  au  moment  oii  M'"°  Adèle  terminait  un  de 
ses  joyeux  refrains,  tous  les  sociétaires,  revêtus  de 
leur  insigne,  ont  fait  irruption  sur  la  scène,  et  notre 
maître  des  cérémonies,  M.  Jack  a  présenté,  avec  sa 
distinction  et  son  tact  habituels,  un  bouquet  à 
M"'"  Adèle,  tandis  que  le  secrétaire  de  la  société  lui 
offrait  un  insigne  d'honneur  en  ajoutant  ces  quel- 
ques mots  : 

La  société  l'Union  parisienne  est  heureuse  de  saisir 
cette  occasion  pour  tous  remercier  dn  gracieux  concours 
que  tous  voulez  bien  prêter  à  toutes  ses  séances,  elle 
vouspirie,  en  outre.  Madame,  d'accepter,  comme  Vexpres- 
sion  de  sa  reconnaissance,  avec  l'insigne  d'honneur  que 
voici,  le  titre  de2)remier  membre  honoraire.. )y 

Ce  petit  speech  a  produit  le  meilleur  effet  possible, 
les  applaudissements  frénétiques  ont  acceuilli  cette 
faveiu'  bien  méritée. 

Ensuite:  Une  femme  modèle,  opérette  en  lui  acte,  a 
été  interprétée  par  M""'  Adèle  et  M.  Léo.  —  M""^  Adèle, 
dans  son  costume  de  paysanne,  était  ravissante,  son 
jeu  très-savant,  son  timbre  toujours  fort  agréable.  — 
Quant  à  l'ami  Léo,  nous  dirons  qu'il  a  fait  ce  qu'il  a 
pu,  mais  si  son  jeu  était  médiocre,  en  revanche  sa 

voix  était  assez désagréable,  nous  y  sommes  du 

reste  habitués,  il  nous  pardonnera  celte  critique. 

Le  camarade  Bol,  le  sympathique  pianiste  est 
venu  alléger  la  tâche  de  M.  Pradel,  accompagnateur 
de  la  société.  —  Inutile  d'ajouter  que  la  "Marclie 
indienne  était  de  la  fête. 

Une  magnifitjue  tombola  offerte  par  la  société, 
selon  sa  louable' habitude,  a  terminé  cette  i'ête  de 
famille  et  l'on  ne  s'est  quitté  qu'à  11  heures  3/4  en  f-e 
donnant  rendez-vous  pour  les  lundis  et  jeudis  sui- 
vants. 

N.  R.  Kous  rappelons  que  la  salle  est  pourvue  de 
vasistas  qui  permettent  une  aération  indispensable 
pour  la  saison. 

HiPPOLÏTE  GUICHE 

La  société  de  Récréalious  Dramatiques,  10,  rue 
Fabert,  donnait  dimanche  30  mai  sa  dernière  soirée 
de  la  saison.  Le  Rêve  d'Ivonnette  et  Brouillé  depuis 
Wagram,  ont  été  parfaitement  interprétés.  Plusieurs 
intermèdes  de  chant  ont  complétés  cette  soirée,  nous 
regrettons  de  ne  pouvoir  citer  des  noms.  Nous  comp- 
tons combler  cette  lacune  à  la  réouverture  qui  aura 
lieu  en  septembre. 


LA  CHANSON 


31 


DEUXIEME  CONCERT 

ENTRE  LES  SOLISTES  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES  DE  PARIS 

L'accueil  favorable  fait  par  les  sociétés  lyriques 
au  COIVCOURS  ME  CHA.WT  ouvert  lelo  février 
dernier,  nous  a  encouragés  à  donHsr  suite  à  ces 
luttes  intéressantes  qui  peuvent  aider  si  puissam- 
ment les  progrès  artistiques  de  nos  jeunes  amateurs. 

Le  Comité  vient  de  décider  qu'un  CONCOURS 
DRAMATIQUE,  dont  le  règlement  est  ci-joint, 
serait  ouvert  le  27  juin  prochain. 

Nous  pouvons  aujourd'hui  disposer  de  la  salle  de 
théâtre  située  rue  du  Faubourg-du-Temple,  n"  23, 
qui  prend  le  nom  de  Salle  des  Sociétés  lyri- 
ques et  dramatuiiies  de  Paris. 

Le  Comité  a  voulu,  en  outre,  permettre  aux  Socié- 
tés de  s'exercer  sur  la  scène  même  où  elles  seront 
appelées  à  concourir. 

Déjà  quelques  unes  d'entre  elles  ontcompris  l'im- 
portance et  les  nombreux  avantages  de  cette  mesure. 
C'est  ainsi  que,  depuis  le  17  avril  dernier,  jour  de 
l'ouverture  de  cet  te  salle  de  concerts,  les  programmes 
de  soirées  ont  été  composés  par  les  Sociétés  sui- 
vantes :  l'Echo  dca  Concerts,  le  Cercle,  Musiiet,  les 
Enfants  de  la  Seine,  l:  Papillon.,  la  Muse  des  Arts-et- 
Metiers,  la  Muse  Gauloise,  les  Gais  Momusiens,  la 
Itemiaissance,  le  Cercln  Bévani/er,  la  Cour  des  Miracles, 
les  Ai/lis  Insi'parahles,  la  Clémeace  hanrc,  etc.,  etc. 

Nous  ne  doutons  pas  que  les  autres  Sociélés  ne 
suivent  cet  exemple,  et  bientôt  cette  nouvelle  salle 
deviendra  le  centre  de  toutes  les  Sociétés  artistiques 
do  Paris. 

D'ailleurs,  toutes  facilités  leur  seront  données  ; 
vous  n'auriez,  Messieurs  les  Présidents,  qu'à  vous 
mettre  en  rapport  avec  le  Comité,  dont  le  siège  est 
dans  l'établissement  même,  pour  obtenir  tous  les 
renseignements  dont  vous  auriez  besoin. 

Nous  vous  prions.  Messieurs  et  cliers  Collègues, 
d'inviter  vos  Sociétés  à  participer  au  Concours 
drainati(]uo  ;  vous  serez  convaincus,  comme 
nous,  que  cette  ûouvollo  lutte  fera  faire  un  progrès 
sensible  à  nos  vaillantes  sociélés  d'amateurs,  en  au- 
gmentant encore  les  nombreuses  sympathies  qui  les 
entourent. 

Veuillez  agréer.  Messieurs  et  chers  Collègues, 
l'assurance  de  nos  sentiments  dévoués. 

Les  Membres  du  Comité  : 

E.  DELA.POUTE,  Chevalier  de  la  Légion  d'honneur, 
Président, 

LESTIVANT,  Président  do  la  Muse  Gauloise,  Vice- 
Président, 

CANTAHEL,  Président  des  Enfants  de  la  Seine,  Vice- 
Président, 

Ll<: BOUCHER,  Président  de  la  Muse  des  Arts-ettMd- 
ticrs.  Secrétaire, 

OHAKGE,  ex-Vice-Président  de  l'Art  Musical,  Tré- 
sorier, 

LEROUX,  Président  des  Gais  Momusiens, 

DURIEU,  Président  du  Cercle  Musset, 

A.  PATAY,  Directeur  de  la  Chanson,  écho  des  Sociétés 
h/riq)ies. 

PAl'LiN,  Président  de  l'Union  Artistique, 

AUBEUT,  Président  du  Pa-jùllon. 

BSÈG«.E5ïlîi^"I'  MU  C©.liC«)lIRS 

ARTICLF,  rUKMUÎR.  —  Un  concom-s  Dramallciue  et  de  DUm'on  csl 
alicjues  île  Paris. 


uni  .-iilre  l<-s..So>.'lotis  Lvi 
Alil'.   li.  —  Ce  Conc-oiiii 


ii-cnd  ; 


co:vcouRS  nœ  nicTiow 

Entre  li'.i  Membres  des  Sociétés, 
K*oiirles  lioniinntcs.  Poiii*  les  daines. 

Pni'siol)ram.Tti([uo. — Pnïsie  LéfçèvD,  |  Poésie Promatiqne. — Poésie  Lps^tre. 


COi'VC'OfJRIS  I»K,*MATÎQiri!; 

Entro  les  Sociétés. 
COMKDlEfen  pro3oouen vers).— VAin)EVILLE(ou Comédie- VauJevilto). 
OPERETTE  (on   fragments    d'Opéra-Comique). 
ART.  III,  —  Les  épreuves  de  ces  Concours  consistent  : 

Poar  les  Concours  de  Diction  : 
nécitor  60  vers  au  plus. 

Pour  les  Concours  Dramatiques  : 
Comédie.  —  1  Proverbe,  1  aolo  ou  fragments    d'un    acte,  ne  du- 
rant pas  plus  de  40  minutes  (au  maximum). 

Vaudeville.  —  1  acte  ou  fragments  d'un  acte,  ne  durant  pas 
plus  de  40  minutes  (au  maximum). 

Wpérette.  —  1  acte  ou  fragments  d'un  acte  d'Opéra-Conùque  ne 

durant  pas  plus  de  40  minutes  (au  maximum). 

ART.  IV.  —  Chaque  Président  do  Société  en  s'inscrivant  devra  faire 
remettre  au  Siège  du  Comité  Directeur  ; 

1"  \}n  exemplaire  des  pièces  jouées  par  la  Société. 

2"  (2  exemplaires  des  pièces  qui  serviront  d'épreuves  au  Concours  de 
Diction).  — ■  {Toute  pièce  de  vers  inédite  devra  porter  en  grosses  lettres 
le  mot  :  Inédit.) 

ART,  V,  —  Chaque  Société  devra  fournir  les  accessoires  ;  costumes, 
perruques,  etc..  (excepté  les  meubles),  dont  elle  a  besoin  pour  la  pièce 
ipii  doit  lui  servir  d'épreuve  ;  elle  devra  se  ^munir  en  outre  de  son 
accompagnateur. 

ART.  Vï.  —  La  même  Société  no  peut  participer  qu'une  seule  fois 
ô  chacun  des  genres  du  Concours  dramatique,  .^lais  la  même  Société 
peut  participer  aux  3  Concours  :  Vaudeville,  Comédie  ou  Opérette. 

ART.  VII.  —  Suivant  le  nombre  des  concurrents  participant  au  Con- 
cours de  Diction,  il  pourra  être  formé  jilusieurs  groupes.  Les  2"  prix  de 
chacun  do  ces  groupes  luttm-ont  ensemble  pour  obtenir  le  l*"'  prix. 

ART.  Vill.  —  Toute  Société  qui  no  répondra  pas  à  l'appel  de  son 
nutnéro  ne  participera  pas  au  Concours. 

ART.  IX.  —  Nul  n'est  admis  à  participer  à  ce  Concours  : 

1"  S'il  n'est  membre  actif  d'une  Société  Lyrique  de  Paris,  depuis  le 

2»  S'il  fait  (Uommcs  on  Dames)  ou  s'il  a  fait  partie  régulièrement 
ou  irrégulièrement  d'une  troupe  de  Café-Concert  ou'  de  Théâtre,  ainsi 
(|ue  s'il  est  Artiste  de  profession,  enfin  s'il  a  opporté  son  Concours 
dans  un  concert  quelconque,  moyennant  rétribution. 

ART.  X.  —  .\ucune  Société  ne  peut  prendre  part  au  Concours,  si  elle 
n'est  légalement  autorisée  depuis  le  l*-'""  avril  dernier. 

ART.  XI.  —  En  cas  de  réclamation  motivée  et  régulièrement  adressée 
au  (Àimité,  lo  Président  do  la  Société  qui  en  serait  l'objet,  sera  tenu 
de  se  présenter  à  l'appel  du  Comité  ({ui  l'invitera  à  lui  fournir  des 
preuves  pouvant  annuler  les  réclamations. 

Si  ces  réclamations  régulièrement  justifiées,  n'avaient  pu  se  produire 
que  pendant  le  cours  des  Concours,  ou  même  après  ces  Concours,  et 
avant  la  distribution  des  prix,  la  Sociélû  qui  en  serait  l'objet,  sera  privée 
ilu  prix  qu'elle  aurait  pu  obtenir. 

AllT.  XII.  —  Les  réconipeuses  consistent  en  Médailles  et  Diplômes, 
ART.  XIII,  ■ —  Les   Kécompensos   seront    décernées    personnellement 
aux  Sociétaires  qui  piu'ticiperont  au  Concours  de  diction. 

penses  seront  déceiriées  à  la  Société. 

En  outre,  le  jury  pourra  accorder  des  Diplômes  aux  Sociétaires  qii. 
se  seront  l'ait  le  plus  remarquer.  ' 

ART.  XIV.  --  Les  prix  seront  proclamés  on  séance  solennelle,  dont 
le  jour  sera  ultérieurement  fixé. 

ART.  XV.  Les  Jurjs  des  Concours  seront  composés  d'Arlisles  émi- 
lu'nls.  Auteurs,  Coinpositcurs,  Proi'esseurs,  Acteurs,  clc-,  etc. 

ART.  XVI.  —  Chaque  Sociélairc  qui  voudra  participer  au  Concours 
de  diction,  devra  se  l'.iiie  inscrire  pai'  l'jmermédiaire  de  son  Président. 

Cliaqiie  ï'iY-siilenL  lera  inscrire  sa  Société  pour  lo  Concours  drama- 
tique, en  adressant  franco  pour  le  0  juin,  à  minuit,  terme  de  rigueur, 
au  Président  ou  au  Secrétaire  du  Coiiiilé-Uirecteur,  au  Siège  du  Comité, 
23,  rue  du  Eaubourg-du-Tcmple,  salle  des  Sociétés  Ljriques.U  feuille 
d'adhésion  ci-jointe,  aplès  y  avoir  consigné  une  réponse  à  la  suite  des 
questions  qui  y  sont  formulées.  * 

ART.  XVII L'ordre   du    Concours   sera    réglé    par  un  tirage  au 

sort,  qui  aura  lieu  le  dimanche  13  juin,  à  1  heure  très  précise  au 
siège  du  Comité. 

MM.  les  Présidents,  ainsi  que  les  Sociétaires  participant  au  Concours, 
sont  invités  à  assister  à  celte  séance. 

Le  Concours  aura  lieu  salle  des  Sociélés  Lyriques  de  Paris,  23,  rue 
du  Faubourg-du-Temple,  il  commencera  le  dimanche  27  juin. 

Les  autres  jours  du  Concours,  ne  pouvant  être  fixés  que  suivant  le 
nombre  d'adhésions  adressées  au  Comité,  seront  indiqués  aux  Sociétés 
le  jour  du  tirage  au  sort. 


32 


LA  CHANSON 


LA   TRIBOULETTE 

Couplets   mousseux,   par   ETIENNE    DUCRET 
Air  du  Curé  de  Pomponne, 


À.  Paris,  numéro  dix-neuf, 

De  GozUu  dans  la  rue, 
On  nous  a  reconstruit  à  neuf 

La  buvette  connue. 
Où,  dans  le  vieux  Quartier-Lalin, 

Nos  grands-papas  en  fête, 
Allaient,  il  m'en  souvient. 
Chez  Martin, 

Boire  la  TRIBOULHTTE. 

L'ancien  bouchon,  transfiguré, 

Resplendit  de  lumières, 
Agrandi,  tout  frais  décoré 

De  glaces,  de  patères... 
Par  un  ricbe  comptoir  d'étain 

Le  tableau  se  complète  .. 
Aussi,  comme  on  revient 
Chez  Martin, 

Boire  sa  TRIBOULETTE  1 

Des  gais  enfants  de  (îambrinus 

La  phalange  fidèle 
Peut  s'y  régaler  gorgihus 

De  Bière  fraternelle. 
Tous,  francs  buveurs,  hommes  de  bien. 

En  gibus,  en  casquette, 
Sont  égaux  (sais-tu  bien  ?) 

Chez  Martin, 
Devant  la  TRIBOULETTE. 

Aux  dominos,  à  l'écarté. 

Au  Ullard  on  s'obstine. 
Même  aux  dames;...  et  lagaîlé 

Brille  sur  chaque  mine  ; 
Puis,  \e  réchaud  de  cuivre  en  main. 

Pipes  et  cigarettes 
Fument  avec  entrain, 

Chez  Martin, 
Au  choc  dos  Triboulettes  I 

La  TRIBOULETTE  a  pour  bocal 

Une  amphore  en  faïence, 
Ou'émaille  un  vernis  virginal, 

Du  pied  jusques  à  l'anse  ; 
Un  godet  rond  d'écume  plein 

Lui  sert  de  collerette, 
Et  l'on  voit  le  nom  peint 
De  Martin 

Sur  chaque  TRIBOULETTE. 


Son  nom  vient-il  de  Tri 

Qui  fait  rire  sans  geindre? 
Du  doux  émoi  qui  triloiilait 

Molière  ?  ou  du  cylindre 
Cher  au  bijoutier?...  Galurin, 

Qu'importe,  jarniguette  1 
Lorsque,  l^^nnie  en  main, 
Chez  Martin 

Je  bois  ma  TRIBOULETTE  1 

D'où  jaillit  pour  nous  ce  flot  pur 

Qui  picote  et  ravive  ? 
C'est  du  Pas-de-Calais,  bien  sûr, 

Qu'en  wagon  il  arrive... 
Si  l'Orient,  chaque  matin, 

Ses  rayons  d'or  nous  jette. 
C'est  du  Nord  que  nous  vient 
Chez  Martin 

La  blonde  TRIBOULETTE  ! 

Lorsque  la  belle  nous  a  mis 

Trop  de  mousse  à  la  lèvre, 
Le  bon  Martin  nous  versé,  amis. 

Un  excellent  Genièvre... 
C'est  un  chasse-bière  divin 

Qui  flatte  nos  luettes, 
Quand  nous  avons,  compain, 
Chez  Martin, 

Bu  cinq,  six  TRIBOULETTES  1 

Vous  qui  souffrez,  pauvi-es  maris, 

D'une  épouse  revêche. 
Cerveaux  troublés  'et  cœurs  marris. 

Gueux  que  poursuit  la  dêche', 
Venez,  en  narguant  le  Destin, 

Sans  tambour  ni  trompette. 
Noyer  votre  chagrin. 
Chez  Martin, 

Dans  une  TRIBOULETTE  ! 

Martin,  quoique  de  bien  des  maux 

Elle  soit  le  remède. 
En  Fûts,  en  Paniers,  comme  en  Pois, 

A  ion  marché  la.  cède... 
Pour  chanter  en  chœur  le  refrain 

De  notre  chansonnette, 
Viens  avec  moi,  frangin. 
Chez  Martin 

Boire  une  TRIBOULETTE  1 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C",  6,  rue  Martel, 


A.  PATAY,  Directeur-Gérant. 


3°  ANNÉE.  —  N°  5. 


lO  CENTIMES. 


12  JUIN  M 


LA   CHANSON 


Directeur- Gérant. 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  âHéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  Id  gracieux  fràre  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits   non  insérés   ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  aUY 


Annonces,  laligne. 
Réclames,        — 


Lac/ianso/i,  co/n/ne/a6afon/ie((â 
est  uns  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &  RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L. -HENRY  LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•  six  mois 3  • 

Etranger,  un  an ••■  8  » 


SOMMAIRE  : 


Al!  criez  pliia  :  A  hua  ht  CommiininlM  (PiKuim  LicnAiiTiBii;i>iK).  — 
AuSaloit{^mmTC«mmi).—ituinsaincdramali,iuetL.-n.Uc„«TH). 
—  Jtet'ue  de  la  Musique  populaire  (A.  Kiikua).  —  Banquet  du 
Caroau  (Eue.  lanKiir).  —  Les  Abeilles,  paroles  de  GBonoEa  B»ir.i.KT, 
niuâiquc  tic  A\ais  Diuannv.  — ■  Curiosités  de  ta  Chanson  :  la  JIcllc 


Jauly.  —  Galerie  des  Chansonniers  :  Lachambeaadie  (L.-Ur. 
iKcojnr.).— Chronique  de  l'Eldorado  (PiBimE  et  Paii).  —  ('Aroni 
des  Sociétés  lyriques  (A.  Bebtixot,  Maïijir  Giï).  —  Choses 
autres.  —  la  'Chdtdlaine,  dianson-réclame  (Ktiknsr  DtcnnT). 


Il 


IS 


CHANSON 
Air  de  Philoctète. 


Quoi  !  désormais  tout  penseur  est  suspect  I 
Pourquoi  ces  cris  et  cette  rage  impie? 
N'avons-nous  pas  chacun  notre  utopie 
Qui  de  cliacun  mérite  le  respect? 
Ail  !  combattez  vos  pencliants  égoïstes 
Par  les  élans  de  la  fraternité  ; 
Au  nom  de  l'ordre  et  de  la  liberté, 
Ne  criez  plus;  A  bas  les  Communistes  ! 

Pourquoi  ces  mots  seraient-ils  odieux  : 
Egalité,  Communisme,  Espérance, 
Quand  chaque  jour  de  l'horizon  s'élance 
Pour  tout  vivant  un  soleil  radieux  ? 
Ah!  croyez-moi,  les  cruels  anarchistes 
Ne  sont  pas  ceux  que  vous  persécutez: 
0  vous,  surtout,  pauvres  déshérités. 
Ne  criez  plus  :  A  bas  les  Communistes  ! 


Quand  des  chrétiens  réunis  au  saint  lieu 
S'agenouillait  la  famille  pressée, 
Communiant  dans  la  môme  pensée, 
Grands  et  petits  s'écriaient:  Gloire  à  Dieu  ! 
Frères,  le  ciel  ouvre  aux  socialistes 
Sa  nef  d'azur  pour  des  rites  nouveaux  ; 
Pas  d  intérêts,  pas  de  cultes  rivaux  : 
Ne  criez  plus:  A  bas  les  Communistes! 

Amis,  la  terre  a-t-elle  pour  les  uns 

Des  fruits,  des  fleurs, — des  ronces  pour  les  autres? 

D'un  saint  travail  devenons  les  apôtres: 

Tous  les  produits  à  tous  seront  communs. 

Rassurez-vous,  esprits  sombres  et  tristes, 

La  nuit  s'envole,  espérons  un  beau  jour; 

Si  vous  brûlez  d'un  fraternel  amour. 

Ne  criez  plus:  A  bas  les  Communistes! 

Pierre  LACHAMBEAUDIE. 


Typographie  et  Lithographie  de  Félix  Malteste  et  C,  rue  des  Deux-Portes-Saint  Sauveur,  ici. 


34 


LA  CHANSON 


A.XJ    SALON 

PEINTURE 

Grève  de  mineurs. 

Tons  vigoureux,  sujet  sévère, 
Beaucoup  d'effet,  peu  de  couleur  ; 
C'est  sombre  comme  la  douleur. 
Et  triste  comme  la  misère. 

FEVE>I  PERBIli 
Le  Retour  des  pêcheuses. 
Gomme  un  poétique  ruban, 
Voici  venir,  majestueuses, 
De  Feyen  les  blondes  pêcheuses, 
Vivantes  fleurs  de  l'Océan. 

JCTLiEIS  IIREXO:« 

Le  Soir. 
Quel  doux  soleil  couchant,  quelle  vigueur,  quel  ton  ; 
four  être  ainsi  du  vrai  le  fidèle  interprète. 
Peindre  ne  suffit  pas.  Monsieur  Jules  Breton, 
Il  faut  surtout  être  poète  I 

J.  J.  WEER'^rS 
Portrait  de  G.  Nadaud. 
Voici  Nadaud,  le  roi  de  nos  refrains  gaulois. 
En  roi  j'aurais  voulu  voir  ces  tempes  ornées 
De  lauriers...,  mais,  dans  l'art,  les  tètes  de  nos  rois 
Ne  sont  pas  toutes  couronnées! 

PURHACX'r 

i' -Amour  vainqiieur. 
Triomphant  et  railleur,  voilà  bien  le  vampire, 
L'implacable  tyran  qu'on  appelle  l'amour; 
Il  est  vainqueur...  pourtant  la  belle  semble  dire  : 
Attends,  va,  polisson,  j'aurai  bientôt  mon  tour! 

BtEKUR 
Portrait  du  Marquis  de  Gallifet. 
L'œil  est  fier  et  hautain,  l'altitude  énergique, 
Et  la  bouche  ébauchant  un  «  Sacré  nom  de  Dieul  s 
Semble  vouloir  crier  :  A  bas  la  République! 
Lancer  le  Vœ  vktis  et  commander  le  feu. 

co'r 

L'Orage. 
Pour  ces  deux  amoureux  qu'importe  la  tempête, 
Oa  se  tient  plus  serrés  alors  que  l'on  a  peur. 
L'orage  gronde  bien  au-dessus  de  leur  tête, 
Mais  le  soleil  est  dans  leur  cœur! 

UGiViVGR 

Le  Sommeil. 
De  qui  rêves-tu,  chaste  fille  d'Eve? 
Uue  peut-il  germer  sous  ton  front  si  pur? 
Avec  des  lutins,  au  pays  du  rêve. 
Sans  doute  lu  cours  les  sentiers  d'azur  1 

SCULPTURE 

AIXEELÎIW 
Mignon. 

C'est  rempli  de  douceur  et  de  mélancolie, 

La  pose  est  gracieuse  et  pleine  d'abandon  ; 

La  vigueur  ae  la  forme  à  la  grâce  s'allie. 

C'est  vivant,  c'est  gentil,  c'est  coquet,  c'est.  .Mignon. 

€R(»]!$¥ 
Un  Nid. 
pans  son  nid  de  satin,  6  la  blonde  couvée. 
Dormez,  beaux  chérubins;  veillant  sur  son  trésor, 
Votre  mère  attend  là,  souriante  et  charmée, 
Pourvouspendreà son  sein,  un  uidplus doux  encorl 


BOISSE.AII 

Le  Crépuscule. 
C'est  bien  le  crépuscule,  heure  où  la  pâle  lune 
Se  lève,  combattant  les  derniers  feux  du  jour  ;' 
Il  descend,  abritant  de  sa  grande  aile  brune 
Ce  crocheleur  de  cœurs,  l'amour  1 

Ernest  Chebroux. 


OUINZAINEJRAWATIQDE 

Porte  Saint-Martin  :  La   Mendiante.    —    Troupes 
d'été    :    Folies-Dramatiqiies,    Fantaisies-Parisiennes, 
Folies-Nouvelles.  —  Cercle  ees  sociétés  lyriques  : 
Les  Noces  de  Jeannette,  Mme  Zélo-Duran. 
Le   théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin,  pour  pré- 
parer à  l'aise  une  férié,  vient  de  reprendre  un  mé- 
lodrame fortement  charpenté,  mais  qui  a  semblé 
terriblement  vieillot.  la  Mendiante,  d'ailleurs  jouéo 
d'une  façon  médiocre,  fera  peu  d'argent. 

Tandis  que  beaucoup  de  théâtres  ferment  leurs 
portes  par  crainte  des  mois  chauds,  des  inyjressarii 
courageux  composent  des  troupes  et  louent  des 
salles  pour  donner,  pendant  ces  mêmes  mois,  des 
représentations  dont  les  vaudevilles  connus  font 
tous  les  frais.  Les  Folies-Dramatiques  jouent  ainsi 
les  Vacances  de  Beautendon  ;  les  Fantaisies-Parisien- 
nes, Un  premier  coup  de  canif,  etc.  Les  artistes,  en- 
gagés un  peu  au  hasard,  suppléent  par  l'entrain  à 
l'expérience  qui  leur  manque,  et  il  ne  paraît  pas 
que  le  public  regrette  les  piécettes  chantées  qui 
composent  le  répertoire  d'hiver  de  ces  deux  théâ- 
tres. 

Par  compensation  à  cette  revanche  du  vaudeville, 
le  Troisième-Théâtre-Français,  asile  de  la  comédie, 
vient  de  disparaître  pour  redevenir  temple  de  l'opé- 
rette. Pour  tant  faire  que  de  changer  l'appellation  et 
le  genre  de  ce  théâtre,  j'aurais  préféré  de  beaucoup 
qu'on  lui  restituât  le  nom  de  Déjazet  et  qu'on  en  fit 
une  scène  de  comédie-vaudeville.  La  réouverture 
des  Folies-Nouvelles,  opérée  sans  bruit  et  sans  éclat, 
ne  peut  laisser  prévoir  le  destin  réservé  à  une  en- 
treprise dont  le  besoin  ne  se  faisait  pas  précisément 
sentir. 

La  Chanson  a  plusieurs  fois  entretenu  ses  lecteurs 
de  l'heureuse  transformation  opérée  par  M.  Orange 
à  l'Alhambra  du  faubourg  du  Temple.  Devenu  Cer- 
cle des  sociétés  li/riques,  ce  locsd  reçoit  maintenant 
la  visite  des  familles  du  quartier,  très  assidues  à 
payer  de  bravos  le  talent  dépensé  par  des  artistes- 
amateurs,  auxquels  très  souvent  viennent  se  joindre 
des  artistes  de  profession. 

Le  mercredi  2  juin,  M.  Orange  conviait  son  pu- 
blic et  la  presse  à  une  représontation  extraordi- 
naire, donnée  avec  le  concours  de  trois  élèves  du 
compositeur  Samuel  David  :  Mmes  Zélo-Duran,  TaIi-~ 
nesy  et  Suzanne  Corman.  Ces  deux  dernières,  douées 
de  voix  bien  timbrées  et  dirigées  d'après  une  mé- 
thode excellente,  n'ont  pu  suffisamment  vaincre 
leur  timidité  et  dissimuler  leur  ignorance  du  geste. 
—  Mme  Zélo-Duran,  au  contraire,  a  fait  preuve  d'Un 


LA  CHANSON 


35 


réel  talent  de  chanteuse  et  de  comédienne.  Elle  in- 
terprétait ce  chef  d'œuvre  d'esprit,  de  goût  et  de 
sentiment  qu'on  appelle  les  Noces  de  Jeannette.  La 
pièce  est  trop  connue  pour  qu'il  soit  besoin  d'énu- 
mérer  les  efifets  variés  que  comporte  le  rôle  principal. 
Emotion,  dépit,  colère,  malice  et  sensibilité,  Mme 
Zélo-Duran  a  tout  exprimé  avec  un  bonheur  égal. 
Sa  voix  harmonieuse  exécute  avec  le  même  charme 
et  la  même  sûreté  la  romance  lente  et  les  vocalises 
alertes.  C'est  merveille  de  voir  tant  d'art  uni  à  tant 
de  jeunesse  :  on  chante  rarement  mieux  à  l'Opéra- 
Gomique,  et  l'on  y  joue  souvent  plus  mal. 

Un  élève  du  Conservatoire,  M.  Henry,  secondait 
avec  intelligence  Mme  Zélo-Duran. 

Le  programme  de  la  soirée  comprenait,  en  outre, 
nombre  de  morceaux  chantés  ou  récités  par  les 
lauréats  du  concours  des  Sociétés  lyriques.  On  a 
beaucoup  applaudi  Mlle  Valatte,  MM.  Pomarcde, 
Fourmy,  Royer  et  le  petit  Adolphe. 

L. -Henry  Legomte. 


REVUE  DE  LA  MUSIQUE  POPULAIRE 

THÉA.TRE  DU  Chateau-d'Eau.  —  Si  jVfaisiîoi. 

Si  j'étais  roi,  j'ouvrirais  à  mes  sujets  un  théilre, 
petit  comme  celui  du  Chàteau-d'Eau,  décoré  avec 
simplicité,  très  modéré  dans  ses  prétentions  pécu- 
niaires ;  un  théâtre  qui  n'aurait  pour  acteurs  que 
des  artistes  dévoués,  c'est-à-dire  maniables  ,  des 
élèves  au  besoin,  théâtre  où  ne  paraîtraient  jamais 
ni  chiens  savants,  ni  virtuoses,  où  un  répertoire 
Choisi  permettrait  à  mon  peuple  de  s'arracher  le 
soir  aux  réalités  glaciales  du  jour. 

Là,  on  entendrait  les  opéras  vraiment  populaires  : 
la  Vestale,  Femand  CoHez  de  Spontini.  Entre  deux 
paravents  :  le  FreyscMU:,  Don  Juan,  Béatrice.  On 
'  exécuterait  les  chants  patriotiques  :  la  3Iarseillaise, 
le  Chant  du  Départ,  la  Symphonie  funèbre  et  triom- 
phale à  la  gloire  des  morts  de  Juillet;  enfin,  divers 
ouvrages  d'une  haute  portée  artistique  :  certains 
fragments  de  Beethoven,  les  mélodies  de  Schu- 
manU)  etc.  .'  On  rejetterait  l'oeuvre  inutile  et  vaine 
du  musicien  qui  veut,  avant  tout,  voir  s'épanouir 
les  routiniers  ventrus  de  l'orchestre.  On  proscrirait 
le  tire  plein  de  sous-entendus,  la  gaieté  surmenée 
qui  cache  l'ennui  du  blasé  ;  la  première  affiche  de- 
viendrait le  gage  des  promesses  de  l'avenir,  et  certes 
on  n'y  lirait  pas  :  Si  j'étais  Roi. 

Je  n'aurais  pas  de  ministère  des  Beaux-Arts  ;  je 
n'accorderais  ni  privilèges,  ni  subventions.  Tous 
mes  théâtres  auraient  le  Inème  droit  sur  les  produc- 
tions des  auteurs  qui  n'existent  plus,  et  de  la  con- 
currence naîtrait  le  progrès.  J'exigerais  un  respect 
absolu  de  la  pensée  du  maître  j  tel  existerait  l'ou- 
vrage à  sa  mort,  tel  il  serait  représenté,  sans  cou- 
pures, sans  surcharges  vocales,  sans  suppression  ni 
addition  de  parties.  Et,  en  forme  de  conclusion, 
j'ajoute  que,  dans  un  État  comme  celui  dont  j'es- 
quisse l'image,  je  ne  chanterais  pas...  si  j'étais 
Leroy.  A.  Edéma. 


SOCIETE  lYRIQUE  ET  LITTERAIRE  DU  CAVE.IU 

Danciuct  du  4  Juin. 

Grand  Roy,  cesse  de  vaincrt  ou  je  cesse  d'écrire, 
disait  Boileau  à  Louis  XIV,  et  il  avait  raison. 
L'éloge  à  jet  continu  fatigue...  celui  qui  le  dé- 
cerne. Aussi  désirerais-je  parfois  que  les  chanson- 
niers du  Caveau  se  montrassent,  par  hasard,  infé- 
rieurs à  eux-mêmes,  pour  laisser  quelque  répit  à 
mes  bravos.  Mais  ce  n'est  pas  encore  aujourd'hui 
que  j'aurai  la  satisfaction  de  mordre. 

A  part  deux  ou  trois  morceaux,  non  pas  mauvais, 
mais  ne  sortant  pas  de  l'ordinaire,  la  soirée  de  Ven- 
dredi a  été  variée  et  brillante. 

la  Mère  et  les  Enfants,  couplets  émus  de  Charles 
Vincent,  les  Travers  de  l'ami  Thomas,  de  JuUien, 
Ne  nous  endormons  pas,  de  Pouache,  la  Muse  des 
Chansons,  de  M.  Fuehs,  et  Fontainebleau,  de  Murât, 
ont  fait  un  vif  plaisir. 

Une  série  de  refrains  gais  et  caustiques  a  obtenu 
un  grand  succès  de  rire.  En  voici  les  auteurs  et  les 
titres  : 

Montariol  ;  Je  m'en  lave  les  mains  ; 

Grange  :  Le  refroidissement  ; 

Petit  :  Je  n'I'ai  pas  fait  exprès'; 

Vincent,  déjà  nommé  :  Boire  et  ilanger  ; 

Fénée  :  Je  préfère  m'en  aller  ; 

Mouton-Dufraisse  :  On  n'est  pas  parfait. 

Tout  cela  dans  la  vraie  note  du  Caveau  :  Bonne 
humeur,  critique  légère,  forme  nette,  franche  allure. 

Les  couplets  de  Ripault  :  La  lampe  merveilleuse, 
ont  quelque  chose  de  plus,  une  nuance  très  fine  de 
mélancolie  ;  son  refrain  :  Ah  !  si  j'avais  la  lampe 
d'Aladin  1  est  diversement  et  toujours  heureusement 
amené. 

Enfin,  car  je  ne  puis  m'étendre  autant  que  je  le 
voudrais  sur  le  menu  de  ce  régal  anacréontique,  je 
citerai  comme  ayant  obtenu  les  honneurs  de  la  soi- 
rée, si  j'en  juge  par  les  applaudissements,  six  pièces 
dont  voici  les  titres  :  Moi  aussi  ou  Ma  démission,  le 
Petit  mot  pour  rire,  la  Mouche  de  M.  Letortu,  Un 
joli  rêve,  le  Toast  et  Histoires  mêlées. 

Dans  la  première,  St-Germain  a  semé  les  allusions 
les  plus  piquantes.  Liorat,  dans  la  seconde,  a  créé, 
sous  un  vieux  titre,  un  sujet  inattendu.  La  Moxdche 
et  le  Rêve,  sont  de  Nadaud.  Le  Toast,  de  Grange, 
Qagelle  avec  vigueur  les  excès  du  naturalisme  dans 
le  roman  et  la  chanson.  Quant  aux  Histoires  mêlées, 
si  je  n'ai  pas  craint  de  mentionner  leur  succès, 
je  n'ose  en  faire  l'analyse,  et  je  me  borne  à  donner  le 
nom  de  l'auteur  : 

EUG.  Imbert. 


LA  CHAiVSOiV,  étant  donnée  l'importance  de  son 
lirage,  doit  se  trouver  chez  tous  les  libraires^  mar- 
chands de  journaux,  et  dans  tous  les  kiosques  do 
Paris.  IVous  prions  les  acheteurs  au  nun[iéro  de  la 
réclamer  instamment  dès  le  samedi,  et  de  nous 
signaler  les  omissions  qui  |iourraient  être  faites  par 
les  porteurs. 


33 


LA  CHANSON 


A  la  Mémoire  de  PIERRE  DUPONT. 


™^.„    mei^tiL™ 

CHANSON 

Paroles  de  GEORGES  BAILLET;  MusiouE  ce  ANAIS  BRUNNY(I) 


■t*'  Cioople» 


soir Benreai,   si,  comme  les_  a_  beil  -   les, 


tODS   qaelqoes  bn-tin»      De    nos  la.beufs  et  de  oa» 
^.^REP,  Largo  sosteouto. 

veiUes!..         Daos  le  champ  de       I^ho  ..  ma  -  aî.te, 

ij'  I  I  I  I  j  I  Mjjj.iTT'i  ri  I  n 


Lé  dooi  miel   de   la  [iber-lé'... 

L'abeille,  en  butinant,  bourdonne  ; 
Et  c'est  ainsi  que  nous  faisons, 
Lorsque  l'enclume  qui  résonne 
Donne  l'éveil  à  nos  chansons. 
Le  devoir  qui  nous  sert  de  livre 
Rend  plus  légers  nos  lourds  travaux, 
Kt,  cherchant  des  progrès  nouveaux, 
Nous  vivons  pour  qui  nous  fait  vivre. 
Dans  le  champ  de...  etc. 

Dans  les  épreuves  de  la  vie 
Nous  aidant,  pour  sortir  vainqueurs, 
Jamais,  le  serpent  de  l'envie. 
Un  seuljour,  n'a  mordu  nos  cœurs. 
Sans  colère,  comme  sans  haine, 
Subissant  notre  sort  commun, 
Nous  ne  demandons  pour  chacun 
Qu'une  place  à  la  ruche  humaine... 
Dans  le  champ  de...  etc. 


(1)  Cette  chanson  vient  de  paraître  aux  Bureaux  du 
journal  la  Chanson,  en  grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  et  dans  le  petit  format  guitare  Elle  est 
en  vente  chez  tous  les  marchands  de  Musique. 


Du  repos  sacré  des  dimanches. 
Savourant  les  antiques  lois. 
Dès  que  reverdissent  les  branches 
Nous  allons  rêver  dans  les  bois  ; 
Et  là,  si  la  fortune  place 
Quelque  cabaret,  en  chemin, 
Nous  entrons,  mais  le  lendemain, 
Plus  gais,  nous  reprenons  besace. 
Dans  le  champ  de...  etc. 

Libres,  enfin,  de  toute  entrave, 
Frères,  saluons  l'âge  d'or  ; 
Le  travailleur  n'est  plus  l'esclave, 
Comme  il  l'était  hier  encor. 
Grâce  à  notre  ère  de  merveilles 
Qui  voit  nos  efforts  triomphants, 
Nous  fonderons  pour  nos  enfants 
La  République  des  abeilles. 

Dans  le  champ  de  l'humanité. 
Heureux  qui  sème  et  qui  moissonne 
La  fleur  féconde  qui  nous  donne 
Le  doux  miel  de  la  liberté  1... 

♦ 

CURIOSITÉS   DE   LA  CHANSON 


Nous  devons  à  notre  collaborateur  M.  Ch.  Thuriet,  de 
Baume-les-Dames  (Doubs),  la  communication  de  cette 
naïve  et  gracieuse  bluette,  bien  connue  à  Montbéliard. 

M.  Ch.  Thuriet  est  l'auteur  d'exellentes  recherches 
littéraires  sur  les  Traditions  et  Légendes  populaires  de 
la  Franche-Comté,  ainsi  que  d'une  bonne  étude  sur  Max 
Buchon.  A.  P. 


LA  BELLE  JAULY 

Toici  la  Pentecôte, 

Belle  Jauly  I 
La  fraise  est  à  mi-côte 

Du  bois  joli. 

Déjà  roses  nouvelles 

Ont  refleuri  ; 
C'est  le  temps  où  les  belles 

Changent  d'amis. 

Changerez-vous  le  vôtre, 

Belle  Jauly  ? 
—  Non,jen'enveuxpas  d'autre 

Que  mon  ami. 

Le  temps  fane  la  rose 

La  fraise  aussi, 
II  change  toute  chose, 

Mon  cœur,  nenni  1 


DIXIÈME  CONCOURS  MENSUEL 

Ouvert  du  20  mai  au  20  juin. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y   prendre   part, 

avec  une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou 

sans  refrain. 

A  l'avenir  nous  publierons,  en  même  temps  que 
la  pièce  qui  aura  obtenu  le  !'=■'  prix,  une  petite  no- 
tice et  le  portrait  de  l'auteur  conconnné,  s'il  y  con- 
sent. 


LA  CHANSON 


37 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :   LACHAMBEAUDIE 


Tout  Paris  a  connu  cet  homme  simple  et  bon, 
moraliste  bohème  qui  colportait  ses  leçons  rimées 
avec  plus  d'obstination  que  de  chance,  et  les  récitait 
un  peu  partout  avec  une  conviction  qui  gagnait 
l'auditeur  le  plus  sceptique. 

Pierre  Lachambeaudie  était  né  à  Montignac  (Dor- 
dogne),  le  16  décembre  1806.  Son  père,  ancien  sol- 
dat, l'envoya  jusqu'à  l'âge  de  neuf  ans  dans  une 
école  de  village,  puis  au  collège  de  Montignac,  au 
séminaire  de  Sarlat,  enfin  au  collège  de  Brives  où 
se  terminèrent  ses  études.  Il  avait  dix  ans  quand  se 
manifesta  chez  lui  la  vocation  poétique.  Tous  ses 
loisirs  étaient  occupés 
à  la  confection  de  co- 
médies, de  fables  ou  de 
chansons.  Rien  n'est 
resté  de  ces  essais,  brû- 
lés par  le  père  inculte  ; 
malheur  bientôtrèparé. 
Après  d'heureux  dé- 
buts dans  le  Kaléidos- 
cope, journal  bordelais 
dirigé  par  Jacques 
Arago,  Lachambeaudie 
fit  imprimer  à  Sarlat, 
en  1829,  un  premier 
volume  intitulé  Essais 
poétiques.  La  révolu- 
tion de  Juillet  lui  ins- 
pira quelques  chants  ; 
il  entreprit,  à  la  même 
époque,  la  publication 
d'un  recueil  mensuel  de 
poésies.  Mis  en  de- 
meure d'opter  entre  la 
carrière  littéraire  et 
l'emploi  qu'il  occupait 
alors  dans  les  bureaux 
de  la  compagnie  de 
chemin  de  fer  de 
Roanne  àj  St-Etienne, 
il  se  résigna  momen- 
tanément au  silence. 
Bientôt,  emporté  parun 


^A 


''  C^C^Ta. 


violent  désir  de  gloire ,  Lachambeaudie  partit  pour 
Paris,  où  il  exerça  quelqie  temps  la  profession  de 
maître  d'études.  Tombé  milade  de  dégoût  et  d'en- 
nui, il  dut  entrer  à  l'hôpital,  qui  le  rejeta  dans  les 
rues  de  Paris  sans  moyens  d'existence;  il  logea  pen- 
dant plus  d'un  an,  à  trois  sous  par  nuit,  dans  un 
garni  suspect. 

Adhérent  né  de  toutes  les  utopies,  Lachambeau- 
die s'était  rallié,  dès  l'origine,  au  saint-simonisme; 
un  de  ses  coréligionaires  le  tira  d'embarras  en  l'ad- 
mettant comme  découpeur  dans  une  fabrique  de 
fleurs  artificielles.  A  ses  moments  les  plus  tristes, 
il  n'avait  jamais  délaissé  la  muse;  la  certitude  du 
pain  quotidien  d'jnna  à  sa  verve  un  stimulant  nou- 


veau. A  peine  composées,  ses  fables  étaient  insérées 
dans  le  Charivari;  leur  nombre  augmenta  assez 
rapidement  pour  que  Mme  Galti  de  Gamond,  li- 
braire phalanstérienne,  en  pût  faire,  en  1839,  sous 
ce  titre  :  F  ailes  populaires,  une  édition  que  l'auteur 
se  mit  à  colporter  dans  les  ateliers  et  les  réunions 
littéraires.  Une  seconde  édition  des  mêmes  Fables 
parut  en  1840,  puis  une  troisième,  qui  s'épuisait 
quand  le  poète  fit  la  connaissance  de  Béranger. 
Celui-ci  ne  manquait  jamais  une  occasion  de  bien- 
fait ;  grâce  à  sa  protection,  Lachambeaudie  parta- 
gea avec  Pierre  Dupont,  en  1814,  le  secours  annuel 
légué  par  Maillé -La- 
tour -Landry,  et  pu- 
blia chez  Perrotin  une 
quatrième  édition  de 
ses  œuvres,  qui  lui  va- 
lut une  médaille  aca- 
démique de  2, OOOfrancs. 
1818  servit  la  réputa- 
tion de  Lachambeaudie, 
en  lui  permettant  de 
faire  entendre  ses  poé- 
sies dans  les  réunions 
publiques  ;  mais  les 
opinions  avancées  qu'il 
crut  devoir  professer 
alors  faillirent  être  fu- 
nestes pour  lui.  Mem- 
bre directeur  du  club 
Blanqui,  il  fut,  après 
les  journées  de  juin, 
arrêté  et  conduit  à  la 
Conciergerie  par  des 
gardes  nationaux  zélés. 
Mis  en  liberté  sur  les 
démarches  de  Béran- 
ger, Lachambeaudie 
continua  de  réciter, 
dans  les  banquets,  les 
concerts  et  les  repré- 
sentations à  bénéfice, 
des  vers  politiques. 
Une  édition  nouvelle 
de  ses  œuvres  parut  à  cette  époque,  imprimé 
avec  luxe,  et  précédée  d'une  remarquable  étude 
littéraire  par  Pierre  Leroux. 

Le  coup  d'Etat  prit  Lachambeaudie  dans  son  lit 
pour  l'envoyer  à  Gayenne.  Béranger  s'entremit  en- 
core et  le  fabuliste  ne  fut  condamné  qu'au  banisse- 
ment.  Il  choisit  Bruxelles  comme  résidence,  et  y 
publia  un  petit  recueil  inlitiilé  Flewrs  d'exil.  En 
août  1856,  il  recevait  à  l'improviste,  de  l'infatigable 
Béranger,  un  passeport  pour  la  France,  avec  autori- 
sation de  passer  huit  jours  à  Paris.  Ce  temps  écoulé, 
le  grand  chansonnier  conseilla  à  son  protégé  de 
rester,  sans  se  préoccuper  de  la  police  impériale; 
Lachambeaudie,  qui  ne  demandait  pas  mieux,  reprit 


38 


LA  CHANSON 


effectivement,  sans  être  inquiété,  ses  habitudes  de 
récitations  et  de  colportage.  S'étant  fixé  plus  tard 
aux  environs  de  Paris,  il  y  grossit  son  bagage  poé- 
tique d'un  nouvel  opuscule  :  les  Fleurs  de  Ville- 
moiMe. 

Lacbambeaudie  s'était  marié,  en  1841,  avec  une 
femme  aussi  pauvre  que  lui,  qui  lui  donna  deux 
enfants  et  mourut  folle  après  dix  ans  de  ménage. 
En  186B,  il  épousait  à  Paris  Mme  veuve  Labarre,  née 
Etiennette  Barjot,  qu'il  avait  aimée  et  célébrée 
trente-quatre  ans  auparavant.  Cette  union  clôtura 
pour  Lacbambeaudie  la  vie  de  misère.  Les  événements 
de  1870  le  retrouvèrent,  comme  tous,  sur  la  brèche. 
Il  commit  l'imprudence  de  s'associer  encore  aux 
menées  de  l'agitateur  Blanqui,  sans  encourir  toute- 
fois aucune  poursuite.  Mais  les  angoisses  patrioti- 
ques, les  déceptions  multipliées  qu'il  lui  fallut  en- 
durer alors,  influèrent  sur  son  esprit  et  son  cœur 
d'une  façon  déplorable  : — «  Je  deviens  d'un  athéisme 
qui  m'effraie!  >  disait-il  lui-même.  Il  conçut  et 
exécuta  le  projet  singulier  de  préparer  une  édition 
définitive  de  ses  œuvres,  en  supprimant  le  nom  de 
Dieu  qui  y  revient  assez  fréquemment.  Le  7  juillet 
1872,  Lacbambeaudie  mourut  à  Bruaoy,  où  il  fut 
inhumé  civilement  le  surlendemain,  en  présence 
d'une  foule  sympathique.  ' 

Gomme  homme,  Lacbambeaudie  a  laissé  des  re- 
grets unanimes.  Il  avait  un  cœur  ardent,  une  âme 
loyale,  une  nature  désintéressée.  Comme  poète,  la 
place  qui  lui  est  assignée  est  des  plus  honorables. 
Son  vers  facile  manque  cependant  de  relief,  et,  si 
courts  qu'ils  soient,  ses  apologues  pèchent  d'ordi- 
naire par  la  diffusion.  Ses  conclusions,  plus  géné- 
reuses que  celles  de  La  Fontaine,  ne  sont  pas  ame- 
nées» comme  dans  les  fables  de  l'illustre  conteur,  par 
une  mise  en  scène  ingénieuse  et  complète;  mais 
leur  enseignement  est  d'une  morale  irréprochable. 
La  Goutte  ireaic,  le  Rossignol,  la  Robe  de  l'innocence, 
VEtoile  et  la  Flewr,  la  Source,  le  Gland  et  le  ChamjU' 
gnon,  le  Chêne  et  l'Arbuste,  la  Locomotive  et  le  Cheval 
sont  particulièrement  intéressants  comme  forme  et 
comme  argument. 

Lacbambeaudie  n'a  pas  un  renom  de  chansonnier 
égal  à  sa  réputation  de  fabuliste.  Il  a  toutefois  écrit 
nombre  de  couplets,  chœurs,  ballades  ou  cantates 
remarquables.  Nous  citerons,  parmi  les  plus  connus  : 
La  Pauvreté  c'est  l'esclavage,  Iselle,  l'Oiseau  bleid,  Cou- 
vrons de  /leurs  le  Chemin  du  devoir.  Mes  Rêves,  l'U- 
silrier.  Aimez-moi  comm'  mes  bêtés;  Même  quand  l'oi- 
seau marche  on  sent  .cju'il  a  des  ailes,  enfin  Ne  criez 
plus  :  A  bas  les  Communistes,  que  l'on  reproduit  en 
tête  de  ce  numéro  comme  une  curiosité  de  la  rue, 
et  qui  donne  bien  la  mesure  littéraire  et  philoso- 
phique du  poète,  apôtre  attendri,  rêveur  inoffensif. 

Cette  chanson  fut  affichée  sur  tous  les  murs  de 
Paris,  le  16  avril  1848.  Il  y  avait  alors  un  réel  courage 
à  prendre  la  défense  d'hommes  que  menaçait  la 
fureur  ignorante  des  gardes  nationaux  accourus  en 
armes  des  départements. 

L.-Henry  Lecomte. 


CHRONIQUE  DE  L'ELDORADO 

M.  Armand  Viclorin  a  fait  sa  rentrée.  Il  a  dit  Un 
Maître  d'école,  de  M.  A.  Mathivet,  et  deux  chanson- 
nettes nouvelles  ;  il  a  reçu  du  public  les  plus  chaleu- 
reux applaudissements. 

Mlle  Bonnaire,  en  tournée  de  congé,  a  obtenu,  à 
Toulouse,  les  mêmes  succès  qu'à  Bordeaux;  la  sym- 
pathique artiste  doit  aller  à  Saint-Pétersbourg  pour 
revenir  fin  juillet  à  l'Eldorado. 

Mlle  Juana,  en  congé  depuis  le  1'^''  juin,  rentrera  le 
1"  septembre. 

Mlle  Amiati  est  applaudie  comme  elle  le  mérite 
dans  Pauvre  Jeanne,  de  M.  A.  Siegel,  musique  de 
Paul  Henrion,  le  compositeur  populaire. 

Mlle  Duparc  interprète  avec  succès  A  travers  les 
rideaux  !  de  M.  Péricaud,  musique  de  M.  Ch.  Malo, 
l'habile  chef  d'orchestre  de  l'Eldorado. 

Chez  Niniche,  opérette  de  MM.  Péricaud  et  Delor- 
mel,  musique  de  M.  Villebichot,  interprétée  par 
Mlle  Dalty  et  MM.  Gaillard  et  Mathieu,  a  parfaite- 
ment réussi. 

Nous  parlerons  dans  notre  prochaine  chronique 
de  la  rentrée  de  Mlle  Pozotti  et  des  débuts  de  M.  An- 
tony,  ainsi  que  de  ceux  de  Mlle  Gilberte,  chanteuse 
de  genre,  dont  on  dit  le  plus  grand  bien. 

M.  Mathieu  vient  d'avoir  la  douleur  de  perdre  son 
père,  nous  lui  adressons  nos  sincères  compliments 
de  condoléance. 

Mlle  Louise  Berihier,  bien  connue  des  habitués 
des  sociétés  lyriques,  tient  convenablement  sa  place 
à  l'Eldorado.  Pierre  et  Paul. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Salle  comble,  le  mercredi  2  juin,  à  l'inauguration 
du  nouveau  local  du  Pinson,  au  café  Bouret,  44, 
boulevard  du  Temple.  M.  Delsériès  ouvre  la  séance 
par  une  poésie  de  circonstance,  le  Régisseur. 
MM.  Vaast,  Ville,  Beck,  Jonas  et  Victor  tiennent  la 
partie  comique  avec  beaucoup  d'entrain.  Mlle  Ma- 
thilde  se  fait  vivement  applaudir  dans  Èla  Grande 
sœur.  M.  Paul  Fontaine  possède  une  bonne  |diction  ; 
il  récite  parfaitement  la  tirade  de  St-  ValUer,  du  Roi 
s'amuse.  Mlle  Marguerite,  de  l'Union  lyrique,  en  dé- 
licieux costume  de  paysanne,  chante  J'ose  pas  passer 
par  ce  chemin-là,  avec  beaucoup  de  succès.  Le  Clou 
de  la  soirée  a  été  le  dut)  bouffe  du  Garçon  et  de  la 
d'moiselle  d'honneur,  chanté  par  le  grimacier  Ville  et 
la  petite  Charlotte,  qui  se  fait  connaître  avantageu- 
sement dans  toutes  les  sociétés  lyriques.  Le  genre 
comique-excentrique,  était  tenu  par  Mme  Senès  et 
Mlle  Julia,  de  la  Renaissance.  Dans  le  sérieux,  nous 
remarquons  MM.  Kleinans,  Louis  et  Launay.  Une 
polka  à  4  mains,  exécutée  parla  petite  Jeanne,  âgée 
de  cinq  ans,  et  Mme  Ad.  Pauchet,  son  professeur, 
a  été  accueillie  par  une  salve  d'applaudissement  ; 
c'est  plaisir  de  voir  cette  ravissante  petite  fille  pro- 
mener ses  doigts  mignons  sur  le  clavier,  sans  man- 
quer une  seule  fois  de  touche. 


LA  CHANSON 


39 


Les  Pattes  Manches,  opérette  bouffe  en  un  acte,  a 
été  enlevée  très  lestement  par  MM.  Vaast  et  Ville  de 
y  Union  lyrique.  Nous  nous  réservons  de  juger  plus 
tard,  comme  elle  le  mérite,  laconduitede  deux  mes- 
sieurs étrangers  au  Pinson,  mais  membres  d'une 
autre  société  lyrique,  qui  se  sont  fait  remarquer 
par  les  propos  inconvenants  qu'ils  tenaient  liaute- 
ment  à  l'égard  des  dames  artistes.  Je  souhaite  que 
ces  quelques  lignes  leur  tombent  sous  les  yeux  et 
leur  servent  de  leçon.  Alfred  Bektixot. 

A  Y  Union  parisienne,  lundi  7  juin,  grand  succès  de 
M.  Hue,  dans  :  Que  je  tondrais  avoir  des  ailes. 

Jamais  bouffonnerie  ne  fut  rendue  d'une  façon 
plus  désopilante  et  les  assistants  riaient  tellement 
bruyamment  qu'un  rassemblement  de  G.UUO  per- 
sonnes environ  encombrait  la  rue  da  Petit-Pont  et 
s'étendait  jusqu'aux  quais.  Un  assistant  môme,  M. 
Bélier,  a  été  pris  d'un  engorgement  de  rate  et  trans- 
porté d'urgence  à  l'Hôtel  Dieu  —  qui  heureusement, 
se  trouve  à  proximité  de  l'établissement. 

Les  soirées  de  VEspérance  sont  agréables,  mais 
elles  commencent  tard.  M.  Catherine  détaille  gra- 
cieusement la  Promenade  d'amour,  et  MM.  Hue  et 
Dofl'  sont  comiques  dans  1  Indécision  et  Pitié  pour 
ma  figure. 

M.  Peters  fait  entendre  une  belle  voix  de  basse 
dans  Un  mol  d'espoir.  M.  Huet,  qui  chante  avec  goût, 
devrait  soigner  davantage  sa  mémoire.  L'auteur  de 
Miaou,  M.  Jules  Raux,  est  toujours  applaudi.  Nous 
voudrions  citer  aussi  un  bon  comique  qui  a  expliqué 
le  Règne  animal,  mais  son  nom  nous  échappe. 
Mme  Leroy  a  interprété  avec  beaucoup  d'entrain  C'a 
m' fait  d'ia  peine. 

Dans  la  dernière  soirée  donnée  par  la  Cordiale, 
MM.  Henricl,  Millier,  Charlevé  et  Douillard  ont  joué 
d'une  façon  comiqueune  scène  de  M.  Gabriel,  intitu- 
lée Durâcuire  et  Bouchencfrur . 

La  partie  chantante  était  conduite  par  MM.  Marie 
et  Mussler.  Des  compliments  particuliers  sont  dus 
à  MM.  "Wuillaume,  Bousquat,  Launay,  Bouvier.  — 
M.  Goyard  a  chanté  gentiment  une  bien  vieille  chan- 
son :  Brise  des  nuits.  M.  Henriel  s'est  fait  rappeler 
avec  la  chanson  comique  do  Jules  Raux,  Je  ne  prends 
rien  entre  mes  repas. 

Les  dames  ont  eu  leur  part  de  succès,  Mlle  Adèle 
avec  l'air  du  Rossignol,  Mlle  Marguerite  avec  le  Lys, 
Mlle  Jeanne  avec  la  chanson  de  Marcus,  Qui  veut 
m'aimer,  Mlle  Julia  dans  La  femme  à  papa,Ull6  Louise 
dans  Grand'mêre  c'est  le  vent. 

La  saynette  Un  coup  de  commerce  a  été  vivement 
enlevée  par  Mlle  Jeanne,  Marguerite;  MM.Georgebô 
et  Gabriel. 

La  société  dramatico-lyrique  l'Etoile  de  Levallois, 
réunit  en  ce  moment  les  éléments  d'une  fête  de 
nuit  offerte  aux  sociétés- parisiennes,  au  Casino  da 
l'ile  de  la  Grande  Jatte,  le  samedi,  ;!  juillet,  ooncert, 
liai,  feu  d'artifice,  tombola,  divertissements  de  toute 
nature . 

Service  spécial  de  voitures. 

Rien  ne  sera  négligé  pour  laisser  de  bons  souve- 
nirs à  tous  ceux  qui  y  assisteront. 

Une  nouvelle  société  lyrique  vient  de  se  former  ; 
Les  Amis  de  Béranger .  Ses  soirées  auront  lieu  tous  les 
mercredis  au  Café  Hollandais,  KO,  Galerie  Mont- 
pensier  (Palais-Royal). 

Une  scission  vient  d'avoir  lieu  dans  l'une  des  plus 
9,nciennes  et  des  meilleures  Sociétés  lyriques.  La 
moitié  des  membres  de.  la  Renaissance,  alléguant 
pour  motif  la  mauvaise  gestion  des  afTaires  de  pettp 


Société,  ont  donné  leur  démission,  et  viennent  de 
fonder  dans  le  même  local,  Café  du  Globe,  8,  boule- 
vard do  Strasbourg,  la  Société  lyrique  la  Favorite. 
Ils  donnent  ce  soir,  12  juin,  une  grande  soirée  d'i- 
nauguration, dont  nous  rendrons  compte  dans  notre 
prochain  numéro. 
Salut  et  prospérité  à  la  Favorite. 

Maxime  Guy. 


CHOSES  ET  AUTRES 


La  Société  académique  de  Saint-Quentin,  dans  sa 
séance  publique  annuelle  a  couronné,  ex  œquo,  trois 
pièces  de  poésie  :  A.  Vroudlion,  par  M.  Aug.  Cizel  ; 
le  Sacrifice,  par  M.  Edmond  Delière,  et  Vercingéto- 
rix,  par  M.  Achille  Millien.  80  pièces  araient  été 
envoyées  ;  quatre  ont  obtenu  des  mentions  hono- 
rables. 

Nous  souhaitons  la  bienvenue  à  nos  nouveaux  con- 
frères, la  Tribune  de  la  Seine  et  le  Pierre  Corneille, 
splendide  publication  mensuelle,  dirigée  par  Julien 
Goujon.  Cette  revue,  vraiment  artistique,  rivalise 
avec  les  belles  publications  de  Paris.  Poésies,  Litté- 
rature, Musique,  Illustrations,  rien  n'y  manque.  Un 
an  12  fr.,  rue  Saint-Sever  à  Rouen. 

S'il  existe  encore  des  gens  croyant  au  jugement 
dernier,  qu'ils  viennent  aux  Folies-Bergère  I  Hs  en 
entendront  les  trompettes  (du  Jugement  dernier]  dans 
la  fantaisie  de  Génin  aine,  sur  Â'ida,  de  Verdi. 

On  bisse  chaque  soir  ce  bel  intermède  musical. 

Outre  l'attraction  irrésistible  de  son  magnifique 
jardin,  le  théâtre  des  Folies-Bergère  en  oilre  une 
multitude  d'autres  au  public  parisien,  provincial  et 
étranger.  En  voici  la  nomenclature  :  DALVINI,  jon- 
gleur japonais  d'une  prestesse  prodigieuse;  LEO- 
NATI,  le  vélocipédistc  qui  opère  sur  son  bicj'clo 
l'ascension  d'une  spirale  ;  SIIED  LE  CLAIR,  trapéziste 
aérien.  Les  OHIFFILÏ,  les  deux  c'owns  gymnastes 
burlesques  qui  obtinrent,  il  y  a  quelques  mois,  un 
vif  succès  d'hilarité. 

Vient  de  paraître  à  notre  librairie,  18,  ru»  Bona- 
parte. 

Les  Strophes  militantes  par  Ange  Pechméja. 
Nouvelle  édition;  1  vol.  in-18.  —  Lire,  dans  notre 
n"  SO,  le  compte-rendu  de  notre  collaborateur 
Eugène  Imbert  sur  la  première  édition,  parue  chez 
Hachette. 

Guirlande  de  Roses  et  de  Bluets,  poé- 
sies posthumes,  recueillies  et  publiées  par  M. 
Juillers  de  Thorns,  un  beau  vol.,  format  Charpen- 
tier, 3  fr.  50. 

Nocturnes,  poèmes  imités  dé  ffenri  Heine,  par  Léon 
Valade.  1  vol.  in-18,  papier  teinté,  tiré  à  très  petit 
nombre,  prix  1  fr.  50.  Nous  eu  reparlerons  dans  notre 
prochain  numéro. 


A  louer,  ponr  comitéa,  réunions,  soeictéa,  olc, 
SALOIV  pouvant  <>on(enir  SO  poraonnes.  Location  an 
trimestre,  au  mois,  à  la  semaine  ou  j>  la  soirée. 
S'adresser  :  OfDce  de  la  Prcq^p  et  des  Arts,  11,  rue 
de  Çrifssgl,  de  4  à  0  litpres, 


40 


LA  CHANSON 


LA    CHATELAINE 

Couplets  à  Liqueur,  par  ETIENNE  D.UCRET 
Air  :  Et  pourtant  je  n'  suis  pas  dévote. 


La  Châtelaine  !  ah  !  que  c'est  bon  1 

Puisque  j'en  ai  la  bouche  pleine, 

En  son  honneur,  je  veux,  cré  nom  I 

Entonner  une  canlilùnc. 

Dans  le  castel  de  nos  aieux, 

Le  troubaùour,  près  d'une  Hélène, 

De  plaisir  la  mangeait  des  yeux... 

Ici,  l'on  peut,  à  qui  mieux  mieux, 

Se  payer  une  CMtelame, 

On  peut  boire  sa  Châtelaine  1 

Si,  sans  façon,  le  châtelain, 
Jadis,  courtisait  la  vilaine, 
Sur  le  gazon,  plus  d'un  vilain 
Glissait  avec  la  châtelaine... 
Celle  dont  nous  sommes  épris 
Ne  nous  permet  pas  ce  sans-gêne  : 
En  l'embrassant,  sur  le  tapis. 
Prenons  bien  garde,  mes  amis, 
De  renverser  la  Châtelaine, 
Ménageons  notre  Châtelaine  ! 

Ces  dames  pendent  leurs  bijoux 
Aux  anneaux  d'une  châtelaine  ; 
La  nôtre,  d'un  lien  plus  doux, 
Par  le  coUj  morgue  !  nous  enchaîne  : 
Son  amoureux,  quand  il  s'endort. 
En  croquant  une  madeleine, 
Croît,  dans  son  cœur,  sentir  encor 
Se  dévider  le  ruban  d'or 
De  notre  blonde  Châtelaine, 
Il  rêve  de  la  Châtelaine  I 


La  Châtelaine  a  de  Vesprit, 
Le  ffoût  fin ,  la  mine  agréable  ; 
Elle  Vous  met  en  appétit 
Lorsqu'avec  elle'  on  est  à  table. 
Le  derme  ambré  de  son  sein  rond 
Bût  alléché  le  dieu  Silène;... 
Je  connais  môme  un  vieux  barbon. 
Qui  veut  se  faire,  au  biberon. 
Allaiter  par  ma  Châtelaine  :    , 
Il  veut  tèter  la  Châtelaine  ! 


Pour  l'introduire  en  mon  ^mlais, 
Belle,  mais  sans  faire  sa  mousse, 
Ma  Châtelaine  a  pour  valets. 
Messieurs,  quatre  doigts  et  le  pouce. 
Celte  déesse  de  mon  cœur 
Fait  son  temple  de  ma  bedaine. 
Et  je  m'écrie  :  «  Ahl  quel  bonheur  1  ■ 
Quand  descend,  de  la  nef  au  chœur. 
Ma  bienfaisante  Châtelaine  ; 
Laissez  entrer  la  Châtelaine  î 


Elle  ne  sort  pas  du  couvent 
Des  Carmes,  ni  de  la  Chartreuse  ; 
Mais  elle  passe  bien  avant 
La  Bénédictine  mielleuse... 
Brillante,  sur  son  piédestal. 
De  ses  rivales,  par  centaine. 
Jamais  le  roturier  bocal 
N'ébrèchera  le  fier  cristal 
Du  corset  de  ma  Châtelaine... 
Garçon,  servez  la  Châtelaine  1 


Car  son  corset  est  un  flacon 
Qui  récèle  un  divin  dictame, 
Nectar  qui,  redonnant  du  ton 
A  l'estomac,  réjouit  l'âme  I 
Pour  te  faire  une  nation, 
0  ma  France  républicaine. 
Forte  de  constitution, 
Fais-toi  tirer  un  million 
De  canons  de  la  Châtelaine!... 
Versez  à  flots  la  Châtelaine  1 


Amis,  dans  un  riant  festin, 
Charmant  les  ennuis  de  la  vie. 
Quand  de  Comus  le  gai  tintin 
A  fraterniser  nous  convie. 
Dans  nos  verres  et  dans  mes  vers. 
Buvons,  chantons,  à  perdre  haleine, 
Ce  digne  objet  de  nos  concerts, 
La  reine  de  tous  les  desserts  : 
La  délectable  Châtelaine  ; 
Buvons,  chantons  la  Châtelaine  l 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C",  6,  rue  Martel. 


A.  PAT  A  Y,  Directeur-Gérant. 


3»  ANNÉE.  —  N»  e. 


*0  CENTIMES. 


19  JUIN  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant . 
A.  PATAY 


La.  chanson  est  une  forme  ailée  et 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
ésf  /e  gracieux  frère  de  la  strophe, 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 

PABAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction, 
MAXIME  GUY 


Annonces,  laligne. 
Réclames,        — 


La  chanson,  comme  ta  baronnette 
est  une  arme  française, 

J.  CLARETIE. 


aDMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  ■ 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


Calerie  des  Chansonniers  :  Noël  Mouret  (Elxkm!  Imbert).  —  Le  Salon 
de  ISSO,  3"'»  article;  T.  Ribol  (GiionGiis  .Miiut).  —  La  Chanson 
en  Province  (Un  Lïoskais).  —  Le  Bonhomme  misère,  paroles  de 
J.-B,  DivAG!(iRii,  musique  de  Paolo  Mayeh.  —  Association  philo- 
de    Ne   -  "•  -  ..  _    r. 


A  l'Eldorado  (FEnifASD  Mohel).  —  C 
(Edmokd  Vallb,  Maximb  Gut,  AlFl 
antres.    —    A 


Ique   des  Sociétés  lyriques 

Bbutisot).    —    Choses    et 

Grande»    Terrassés,    chanson-réclame   (Etiessb 


nju» 


tilly,  —  Ce 


forgeant,..    (Jules    Ruel).  — 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :    Noël  MOURET 


Noiil  Mouret  est  né  à 
Paris  le  13  décembre 
1812.  Son  i)èrc  était  cor- 
donnier. II  semble  qu'il 
y  ait  dans  cette  pro- 
l'ession  une  sorte  d'al'ti- 
Bité  pour  la  chanson,  si 
l'on  en  juge  par  le  grand 
nombre  de  chanson- 
niers qui  lui  ont  appar- 
tenu de  près  ou  de  loin. 
Dauphin  était  cordon- 
nier, Bonnefond  aussi, 
Gibon  ,  également  ; 
•  Landragin  est  coupeur 
en  chaussures. 

L'instruction  d'un  ga- 
jnin  de  Paris,  surtout  à 
l'époque  où  Mouret 
était  gamin,  on  devine 
ce  que  ce  pouvait  être. 
Il  fréquentait  un  peu 
l'école  primaire,  beau- 
coup l'école  buisson- 
nière,  et  préférait  au 
travail,  à  l'assiduité  de 
la  classe  ces  flâneries  si 
douces  au  jeune  âge  et 
si  regrettées  plus  tard. 
Sa  carrière  s'en  ressen- 
tit.D'ahord commis  dans 

la  nouveauté,  il  se  mit 

ouvrierenarticlesde  fourrurespour  le  voyage. De  18b2 
■à  1866,  ilresta  garçon  demagasin  dans  lamèmemaison. 
Vers  cette  dernière  époque,  la  vigueur  nécessaire  pour 


Bancs  de 


continuera  tenir  cet  em- 
ploi lui  faisant  défaut,  il 
s'établit  bouquiniste,  et 
il  l'est  encore. 

Cette  vie,  peu  riche  en 
événements, fulremplie 
presqueenlièrcmentpar 
la  chanson.  Or,  la  chan- 
son, quand  d'ailleurs 
l'existence  matérielle 
estassurée,nesuflit-elle 
pas  à  remplir  une  car- 
rière? 

Tantôt  il  peint  les 
mœurs  et  les  travers  du 
jour.  Paméla,  ou  Is.  Con- 
fession d'une  grisette,  sa 
première  œuvre,  qui  re- 
monte à  1842;  V Enfant 
deParis,  \a  Reine  du  cM- 
teau  des  fleurs,  la  Favr- 
vette  de  Paris,  autant  de 
portraits  pris  sur  le  vif. 
Tantôt  il  aborde  la  ro- 
mance :  Adieux  à  ma 
jeunesse,  la  Voix  de  mon 
âine,  les  Enfants  égarés. 
Reste  près  de  ta  mère,  les 
Papillons;  puis  des  su- 
jets plus  sévères  :  les 
Souvenirs  d'un  soldat, 
Etes-vous  plus  sage,  les 
l'école,  où  se  trouvent  ces  vers  : 

L'instraclion  est  la  rosée 
Qui  fertilise  le  progrès. 


42 


LA  CHANSON 


N'y  a-t-il  pas  là  un  retour  amer  vers  les  jeiines 
années  dépensées  au  hasard?  Il  comprenait  ce  qui 
lui  manquait.  Que  d'efforts  il  lui  fallut,  lorsque  la 
muse  vint  lui  souffler  àl'oreille  ses  premiers  refrains, 
pour  revêtir  ses  inspirations  d'une  forme  non  seule- 
ment littéraire,  mais  même  grammaticale!  Il  n'y 
parvint  pas  de  prime  saut.  Les  conseils  de  l'amitié, 
direz-vous,  pouvaient  suppléer  jusqu'à  un  certain 
point  au  défaut  d'instruction  première.  Ecoutez  ce 
qu'il  me  disait  à  ce  sujet. 

t  TJn  ami,  me  disait-il,  m'a  fait  sans  le  vouloir  un 
grand  tort.  Il  traitait  surtout  la  fantaisie.  Je  chercliai 
à  marcher  sur  ses  traces,  à  imiter  ce  qui  me  charmait. 
Mais,  au  contraire  de  lui,  j'étais  privé  d'instruction. 
Les  idées  poétiques  que  je  pouvais  avoir  ne  trouvaient 
que  péniblement  le  développement  et  la  forme  qui 
leur  étaient  nécessaires.  Au  lieu  de  m'engager  à 
sui%Te  une  autre  voie,  de  me  conseiller  un  genre  sé- 
rieux, pratique,  où  la  raison  et  le  bon  sens  priment 
la  poésie,  il  se  bornait  à  approuver,  à  admirer  même 
quelquefois  les  productions  que  je  soumettais  à  son 
examen.  Je  ne  fus  ainsi,  longtemps,  que  le  pâle  reflet 
d'une  individualité  étrangère.  Ce  n'est  que  plus  tard 
que  j'ai  pu  me  dégager  de  cette  influence,  et  traiter 
des  sujets  appropriés  à  mon  milieu,  à  mon  caractère, 
à  mes  aspirations.  » 

Ainsi  parlait  le  vieux  chansonnier.  Aussi  répudie- 
t-il  volontiers  ses  œuvres  de  jeunesse. 

Peut-être  a-t-il  tort.  Si  la  recherche  de  la  grâce 
l'entraine  à  quelques  excès,  si  çà  et  là  les  figures 
sont  forcées,  on  doit  y  reconnaître  néanmoins  beau- 
coup de  facilité,  des  pensées  souvent  heureuses  et 
un  souci  de  la  forme  auquel  lesproductions  destinées, 
en  ce  temps-là,  à  la  rue  n'avaient  pas  toujours  habi- 
tué le  public. 

Ainsi  que  le  rappelait  récemment  un  entrefilet  de 
ce  jom'ual,  à  l'occasion  du  décès  de  la  sœur  de  Char- 
les Gille,  troisième  femme  de  Mouret,  ce  chansonnier 
s  a  donné  au  peuple,  à  trente  ans  de  dislance,  ces 
deux  viriles  chansons,  Charlotte  la  Républicaim  et  la 
QerierépiMicainet.  Il  a  comme  encadré  sa  carrière 
lyrique,  qui  pourtant  n'est  jsas  close,  entre  deux 
élans  de  patriotisme. 

La  première  de  ces  chansons,  que  cite  Ranc  dans 
Soiis  l'Empire,  obtint  à  son  apparition  un  succès  qui 
dm-e  encore;  la  Qerie  a  paru  dans  le  numéro  10  de 
la  Chanson  (16  décembre  1878). 

Car  la  note  politique,  et  par  conséquent  démocra- 
tique, ne  manque  pas  dans  l'œuvre  de  Mouret.  Ses 
couplets  à  Louis  Napoléon  Bonaparte,  où  figure  mal-" 
heiu'eusement  cette  expression  d'une  confiance  bien 
vite  trompée  : 

Proscrit  d'hier,  le  peuple  t'accompagne  : 
Sème  les  champs  défrichés  par  Proudhon  ; 
Mêle  ton  souETle  au  vent  de  la  Montagne... 

Contenaient  en  revanche  d'énergiques  avertisse- 
ments :  ' 

Pour  déjouer  les  coups  d'Etat  d'un  traître, 
Dans  nos  greniers  nous  possédons  du  fer  ; 
Nos  murs  noircis  recèlent  du  salpêtre  : 
Pour  l'enflammer  il  ne  laut  qu'un  éclair. 

Le  vrai  goguettier  chanterait  sur  un  volcan. 
Mouret  n'y  faillit  pas.  Savez-vous  ce  qu'il  faisait  le 


li=r  décembre  1851,  au  soir?  Pendant  que  les  gens  de 
police  organisaient  en  silence,  d'un  côté  de  la  rue  de, 
la  Barrillerie,  leur  coup  nocturne,  lui,  en  face,  au 
coin  de  la  rue  Galande,  à  la  goguette  du  Sacrifice 
cVAiraham,  il  sapait  en  vers  virulents  les  panaches 
de  l'époque,  au  grand  éhahissement  de  certains  trou- 
piers fourvoyés  dans  la  salle. 

Mouret,  imitant  en  cela  beaucoup  de  ses  confrères, 
et  non  des  moins  habiles,  n'a  pas  dédaigné  de  tra- 
vailler pour  la  rue.  Baumester,  Aubert,  Durand,  entre 
autres,  ont  imprimé  dans  leurs  recueils  un  certain 
nombre  de  ses  productions.  C'est  là  que  parurent, 
pour  la  première  fois  les  Enfants  égarés.  Plus  d'un 
lecteur  se  rappelle  sans  doute  ce  couplet  : 

La  cloche  de  la  vieille  église 

Ke  tinte  plus  depuis  longtemps.  , 

Le  bois  agité  par  la  brise 

Fait  voler  ses  cheveux  flottants. 

Le  soleil  sur  une  autre  terre 

Va  porter  sa  vive  chaleur  ; 

Le  jour  s'éteint  :  partons,  mon  frère , 

J'ai  faim,  j'ai  froid,  et  puis  j'ai  peur, 

I<;i  apparaît  le  défaut  que  je  signalais  tout  à  l'heure  : 
l'excès  dans  la  grâce,  l'image  un  peu  cherchée,  le- 
poète  parlant  au  lieu  de  son  personnage.  Ce  bois  qui 
fait  voler  ses  cheveux,  et  beaucoup  d'autres  passages 
que  je  pom'rais  citer,  sont  entachés  de  maniérisme. 
Mais  c'est  l'exagération  d'une  qualité. 

Cette  préoccupation  de  la  grâce  n'est  pas  tant 
recherche  qu'habitude  ;  car  dans  mainte  occasion  le 
langage  familierdu  poète  s'image  et  sefleuritpresque 
inconsciemment.  Un  exemple,  qui  m'a  frappé  il  y  a 
longtemps  :  Mouret  présidait  —  il  a  souvent  présidé 
—  une  société  lyrique  dont  les  soirées -avaient  lieu 
chez  Joninon,  rue  de  la  Grande  Truanderie.  Il  est 
d'usage  que  le  président  salue  par  un  applaudisse- 
ment les  chanteurs  et  surtout  les  chanteuses  qui  se 
font  entendre.  Or,  ce  jour-là  une  dame  ('nommons-la 
madame  Alexis,  si  vous  voulez)  venait  de  chanter, 
bien,  je  crois,  mais  n'importe.  Voici  la  phrase  que 
Mouret  trouva  pour  provoquer  les  bravos  de  l'audi- 
toire :  Mes  amis,  nous  allons  détacher  une-  rose  de  la 
couronne  de  nos  applaudissements,  et  l'effeuiller  sur' 
la  tète  de  madame  Alexis.  Ce  petit  speach  ne  peint-il 
pas  bien  la  manière  du  chansonnier? 

Au  temps  où  florissait  Mouret,  comme  aujourd'hui 
peut-être,  le  budget  du  chansonnier  ouvrier  n'était 
rien  moins  que  riche.  Certains  dimanches,  huit  jours 
après  la  quinzaine  de  paye,  la  bourse,  au  matin, 
était  vide.  Que  devenir  et  comment  répondre  aux 
agaceries  du  soleil  printanier?  Durand  était  là,  provi- 
dence quelque  peu  usurière  du  coupletier  dans  l'em- 
barras. Mouret  était  autorisé,  une  fois  pour  toutes,  à 
lui  porter  chaque  dimanche  une  chanson  nouvelle, 
actualité  ou  autre  :  ci,  cinq  francs.  C'était  une  trou- 
vaille, et  la  gaîté  dominicale  couronnait  dignement, 
grâce  à  une  improvisation  bien  sentie,  une  semaine 
de  labeur. 

Moins  heureux  était  Gustave  Leroy  dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie.  Durand  lui  prenait  jusqu'à 
trois  chansons  par  semaine,  mais  il  ne  les  payait  que 
deux  francs  chacune. 

Ainsi  sont  nées  —  je  reviens  à  Mouret  —  un  peu 


LA  CHANSON 


43 


h;Uivement  tant  de  productions  qiii  émaillent,  avec 
celles  do  Victor  Gaucher,  d'Alexis  Dalès,  d'Auguste 
Boury,  de  Théodore  Leclerc,  d'Eugène  Hazard,  les 
recueils  des  éditeurs  à  bon  marché,  et  dont  les  titres 
formeraient  une  énumérationTtrop  longue.  L'auteur 
se  souvient-il  lui-môme  de  la  Ménagère  et  le  pot  m, 
feu,  de  V Appel  aux  moissonneurs,  du  Clair  et  lune'} 
Parmi  ses  succès  les  plus  récents,  il  faut  citer 
Ouvrez  vos  rideaux,  dont  Vaudry  a  écrit  la  musique, 
cl  le  Jour  de  l'an  des  amours,  pour  lequel  Thorel  a 
trouvé  ime  heureuse  mélodie. 

J'ai  dit  que  Moiiret  a  souvent  présidé  des  .sociétés 
chantantes.  Il  en  a  fondé  plusieurs.  Il  a  en  outre  or- 
ganisé des  soirées  en  l'honneiu  des  chansonniers 
f       morts.  Seulement,   comme  le  siège  de  ces  soirées 
•change  souvent,  on  inaugure  généralement  le  nou- 
veau local  par  les  chansons  de  Gillc.  Quelques  autres 
auteurs  ont  eu,  parait-il,  leur  tour,  mais  la  pléiade 
est  encore  loin  d'être  complète.  Il  est  bon  qu'on  se 
hiUc  :  d'une  part,  les  auditeurs  qui  ont  connu  les 
cliansonniers  morts  s'éclaircissent,  et  de  l'autre,  le 
nombre  de  ces  derniers  s'augmente  de  jour  en  jour. 
Espérons  que  l'excellent  camarade  que  je  viens  de 
I       présentcràmeslecteursferalonglempscncoro  applau- 
f"     dir  les  œuvres  de  ses  contemporains  disparus. 

Je  me  suis  plu  à  développer  cette  notice  un  peu 
plus  qu'il  n'est  d'usage,  non  pas  seulement  à  cause 
de  l'importance  même  de  celui  qui  en  est  l'objet, 
mais  aussi  parce  qu'il  me  parait  résumer  en  lui  le 
caractère  général  de  l'ouwier  poète  et  goguetlier. 
Amoureux  de  la  chanson,  amoureux  do  la  goguette, 
on  l'a  toujours  vu  stir  la  brèche,  organisant  dos  soi- 
rées à  bénéfice,  présidant  des  sociétés  lyriques, 
ouvrant  des  souscriptions.  C'est  un  type,  et  son  por- 
trait devient  ainsi  la  peinture  en  r.iccom-ci  du  monde 
chansonnier.  Eue.  Imbert. 


LE  SALON  DE  1880 

;i°   ARTICLE. 

Un  grand  nombre  d'artistes  étrangers  ont  exposé 
cette  année,  et  il  est  très  intéressant  de  remarquer 
que  les  envois,  tout  en  croissant  en  nombre,  croissent 
en  qualité.  Parmi  ces  artistes,  beaucoup,  la  moitié 
au  moins,  ne  sont  étrangers  que  de  nationalité  et 
sont  Parisiens  au  point  de  vue  de  l'art.  En  effet,  leurs 
tendances,  leurs  procédés,  sont  ceux  de  leurs  maitres, 
et  ces  derniers  ont  nom  :  Bonnat,  Gabanel,  Gérome, 
Luminais,  etc.,  etc. 

Ou  peut  être  fier  et  heureux  de  constater  cet  hom- 
mage rendu  à  notre  école,  car  la  plupart  des  meil- 
leurs toiles  exposées  cette  année  dans  la  section 
étrangère,  sont  dues  aux  pinceaux  des  élèves  de  nos 
maîtres  français. 

Il  est  impossible  de  parler  des  étrangers  sans  com- 
mencer par  La  Bataille  de  Grûnwald  ;  c'est  le  premier 
tableau  qui  frappe  les  yeux  et  force  l'attention.  On 
est  effrayé  quand  on  pense  à  la  somme  de  travail 
qu'il  a  fallu  pour  mener  à  bonne  fin  une  aussi 
colossale  entreprise.  M.  Matejko  aurait  peut-être  pu 


sacrifier  un  peu  de  la  taille  au  profit  de  l'ensemble, 
car  si  quelques  figures  sont  bien  ordonnées,  le  reste 
est  tellement  embrouillé  qu'une  vingtaine  de  stations 
sont  nécessaires  pour  arriver  à  se  faire  une  idée  de 
cet  entassement  de  corps  ;  encore  faut-il  mentale- 
ment couper  le  tableau  en  nombreuses  tranches  et 
les  examiner  les  unes  après  les  autres.  La  couleur  en 
est  également  un  peu  bizarre,  des  clairs  inattendus 
et  des  tons  généralement  cuivrés  font  de  l'ensemble 
de  cette  toile  une  chose  étrange  et  confuse. 

le  Co-Avoi  d'un  enfant  en  Finlande,  de  M.  Edelfelt, 
se  recommande  par  une  très  solide  peinture  et  un 
grand  sentiment  d'observation;  chacuaedes  figures 
composant  la  triste  escorte  a  son  cachet  particulier 
et  exprime  les  différents  sentiments  qui  l'agitent. 

L'Orphelinat  de  Katmjk,  de  M.  Ai-tz,  se  rapproche 
beaucoup,  comme  facture,  du  tableau  de  M.  Edel- 
feldt;  un  peu  plus  de  liberté  dans  la  touche  et  une 
magnifique  lumière  font  de  celte  toile  une  œuvre 
charmante  et  digne  de  la  récompense  obtenue. 

Les  deux  envois  de  M.  Mauve,  Les  Bûcherons  et  le 
Troupeau  de  moutons,  prouvent  que  cet  artiste, 
quoique  né  en  Hollande,  comprend  nos  fins  pay- 
sages ;  le  dernier  surtout  rappelle  le  bon  temps  de 
notre  regretté  Jules  Héreau.  Le  grand  tableau  de 
M.  Emile  Delperie,  Députés  Gaulois  tenant  faire  amende 
honorable,  etc.,  est  très  joliment  composé;  la  couleur 
est  sobre  et  l'expression  heureusement  rendue. 

Un  simple  paysage  de  M.  P.  Smith,  Apirès  la  piluie, 
malheureusement  placé  un  peu  haut,  est  d'une  très 
grande  vérité.  C'est  un  eflet  observé  avec  justesse  et 
bien  peint. 

h'A?<tomne,  fruits,  parM.  Robie,  est,  à  mon  avi?, 
un  des  bons  sinon  le  meilleur  tableau  de  fruits  que 
nous  ayons  vu  cette  année.  Il  est  difficile  de  rendre 
avec  plus  de  naturel  les  raisins,  les  pêches  et  les  su 
perbes  prunes  très  heureusement  groupés  d'ailleurs. 

On  n'a  plus  à  faire  l'éloge  de  M.  Pasini  :  Les  Cava- 
liers circassiens  {Souvenir  [d'Orient),  qu'il  expose, 
ont  le  brillant  merveilleux  et  le  coloris  si  charmant 
que  nous  sommes  accoutumés  de  rencontrer  chez  le 
peintre  des  pays  ensoleillés. 

Le  Jugement  de  l'infant  Don  Carlos,  de  M.  Lira,  ne  mé- 
rite pas,  je  trouve,  les  éloges  faits  par  une  partie  de 
la  critique.  On  ne  reconnaît  pas  là  le  terrible  Phi- 
lippe II;  le  Grand  Inquisiteur  lui-même  a  plutôt 
l'air  d'un  morne  bon  vivant  que  d'un  pourvoyeur 
d'auto-da-fé. 

Quelques  tableaux  sont  encore  à  citer  : 

Le  BllUophile  de  M.  Aranda,  petite  toile  de  beau- 
coup d'expression  ;  les  quatre  tableaux  de  M.  Aima 
Tadema,  dont  l'un,  VÉté  est  très  original; 

Dans  une  Sardinière,  à  Concarneau,  de  M.  Kroger; 

Tente  des  Nomades,  de  M.  Bridgman,  tableau  al- 
gérien d'un  très  joli  ton  ; 

Une  Halte,  de  Ridgway  Knight  ; 

Le  tableau  de  M.  Bisehop,  VBternel  l'avait  donné, 
V Eternel  V a  ôté,  peint  avec  un  soin  extrême  et  une 
grande  entente  du  dessin  ;  et,  enfin,  celui  de  M.  Hag- 
bort  :  Sur  la  place  d'Agan,  dans  la  manière  de  Feyen 
Perrin. 


44 


LA  CHANSON 


Parmi  les  nombreux  portraits  de  la  section  étran- 
gère, se  font  surtout  remarquer,  par  leurs  qualités 
exceptionnelles  :  de  M.  VaslavBrook,  M.  G.,  général 
au  service  de  la  Chine  ;  de  M.  G.  Lehmann,  peintre 
russe,  Madame  H.  L.,  et  de  M.  Castiglione,  portrait 
de  M.  G.  G. 

T.  RIBOT 

L'exposition  rétrospective  de  l'œuvre  de  T.  Eibot, 
organisée  dans  les  «  Galeries  de  l'Art  »  et  ouverte 
au  public  le  13  mai,  vient  de  se  terminer.  Quatre- 
vingt-dix  œuvres,  toiles  ou  dessins  absolument 
remarquables,  ont  permis  de  juger  l'artiste  qui 
compte  parmi  les  meilleurs. 

La  peinture  de  Ribot  est  personnelle  et  n'est 
comparable  à  aucune  de  celles  de  ses  contemporains; 
il  faut  remonter  loin  en  arrière  pour  retrouver  un 
équivalent.  Il  réunit  la  manière  savante  et  sombre 
des  meilleurs  maîtres  espagnols  à  la  naïveté  et  à  la 
grande  observation  des  hollandais.  Le  Caharet  Xor- 
onand  montre,  en  effet,  avec  la  diversité  des  types,  de 
l'observation,  de  la  vie,  poussées  si  loin  chez 
Teniers  et  Van  Ostade,  une  largeur  d'exécution 
digne  des  maîtres  que  je  citais  tout-à-l'beure. 

A  côté  de  cela,  des  études  de  vieilles  ou  de  jeunes 
femmes  comme  les  aimait  Rembrandt,  avec  les  tons 
les  plus  chauds,  les  plus  brillants,  corrigés  par  une 
couleur  sévère  répandant  sur  la  toile  un  clair-obscur 
général  qui  en  double  la  saveur. 

Les  Jeunes  filles  avec  des  fleurs,  la  Jeune  fille  atix 
poules,  le  Chat  malade,  etc.  Puis,  la  Comptabilité,  les 
Lunettes,  la  Mère  Morleu,  Jean  qui  rit,  Jean  Raisin, 
et  tant  d'autres. 

Enfin  les  cuisiniers,  par  lesquels  le  maître  s'est  fait 
connaître,  ont  là  deux  superbes  représentants  :  les 
Cuisiniers  plumeurs  et  la  Fête  du  chef,  deux  tableaux 
d'une  verve,  d'une  largeur  et  d'un  rendu  véritable- 
ment merveilleux. 

On  savait  que  Ribot  est  un  maître  ;  à  qui  en  dou- 
terait encore  la  preuve  vient  d'être  victorieusement 
fournie,  et  il  faut  ici  remercier  ceux  qui  ont  permis 
de  le  faire  publiquement.  Les  «  Galeries  de  l'Art  » 
n'ont  jamais  mieux  justifié  leur  titre. 

Georges  Mur.\t. 


tA  EttÂNeOlTEN  PRflVINGE 

Samedi  dernier,  a  eu  lieu,  à  Lyon,  la  réunion  men- 
suelle des  Amis  de  la  Chanson. 

Dès  sept  heures,  de  nombreux  groupes  de  socié- 
taires et  d'invités  se  forment  dans  les  jardins  de 
M.  Auberl,  propriétaire  de  la  salle  des  reunions  de 
la  Société. 

Cette  salle  avait  été  artistement  décorée  pour  la 
circonstance.  Les  bustes  de  Béranger  et  de  Pierre 
Dupont  frappent  tous  les  regards  ;  celui  de  Béranger, 
entouré  de  palmes  et  de  fleurs,  se  détachant  sur  un 
fond  de  drapeaux  tricolores,  excite  l'admiration. 

A  neuf  heures,  en  l'absence  de  M.  Andrieux, 
président  de  la  Société,  et  de  M.  Gauthier, 
M.  Guillumin  ouvre  la  séance  en  remerciant  les  nom- 


breux invités  d'avoir  bien  voulu  venir  honorer  la 
réunion  de  leur  présence.  Il  donne  ensuite  la  parole 
à  M.  Claude  Gauthier  qui,  dans  une  romance  des 
mieux  choisies,  dévoile  un  véritable  talent,  que  se- 
conde une  voix  de  baryton  des  plus  belles.—  M.  De- 
meure, avec  sa  voix  douce  et  fraîche,  obtient  des 
applaudissements.  —  M.  Bernet,  par  une  chanson 
comique,  oppose  un  contraste  charmant.  —  M.  Gon— 
guet,  dans  le  splendide  morceau  de  Rions,  chantons,, 
mes  amis,  se  fait  couvrir  de  bravos.  —  M.  Sagnon  se 
surpasse  dans  une  tyrolienne  des  mieux  nuancées. 
—  M.  Mortier,  le  chanteur  bien  connu  par  son  dé- 
vouement ,  chante  Maître  Simon,  avec  un  talent 
accompli.— M.  Nemoz  apparaît  sous  un  costume  co- 
mique des  mieux  réussis  ;  il  provoque  les  rires  par 
de-i  scènes  pleine  d'esprit.  —  M.  Sanaoze  déclame 
avec  talent  unepièce  de  vers,  rappelant  nos  malheurs 
passés  ;  V Enfant  à  la  barricade  est  pour  lui  un  vrai 
triomphe. —  M.  Bourgeois,  avec  sa  belle  voix  de 
ténor,  dévoile  un  véritable  talent  dans  Le  Rêve, 
qu'il  interprète  en  chanteur  accompli. 

La  parole  est  donnée  à  M.  Lumière  pour  une  com- 
munication particulière.  M.  Lumière  rappelle  que 
cette  soirée  se  donne  en  l'honneur  du  souvenir 
de  Béranger,  et  dit  qu'il  croit  bon,  utile  même,  de 
retracer  la  vie  du  grand  chansonnier  populaire, 
dont  le  souvenir  a  été  jusqu'à  ce  jour  trop  oublié.  Il 
indique  sommairement  dans  quelles  circonstances 
étranges  se  passèrent  les  années  d'enfance  de  Bé- 
ranger; il  montre  ensuite  l'homme  se  mettant  à 
l'élude  à  l'âge  où  depuis  longtemps  déjà  on  l'a  aban- 
donnée généralement. 

Il  parle  ensuite  de  son  grand  amour  pour  le  peu-  . 
pie,  lequel  est  traduit  dans  plusieurs  de  ses  chan- 
sons patriotiques  ;  puis  il  termine  en  disant  que  si  le 
peuple  de  France  a  oubliéjusqu'à  ce  jour  ce  vrai  Fran- 
çais, aujourd'hui  une  souscription  nationale  est  ou- 
verte pour  élever  un  monument  à  Béranger.  Les 
«  Amis  de  la  chanson  »,  dit-il,  ne  pouvaient  rester 
insensibles  ou  indifférents  à  une  œuvre  aussi  pa- 
triotique, et  ils  font  un  appel  à  tous  leurs,  membres 
et  invités,  ce  soir  réunis,  pour  apporter  une  part 
aussi  grande  que  possible  à  cette  belle  œuvre.. 
(Nombreux  applaudissements.) 

Une  collecte  est  aussitôt  faite  et  produit  la  somme 
de  170  fr.  4o  c,  qui  seront  envoyés  au  Comité  du 
monument. 

M.  Priolan  se  fait  ensuite  applaudir  dans  une- 
chanson  de  Béranger. 

M.  Schok,  l'excellent  comique,  vient  prouver  une 
fois  de  plus  son  talent  dans  une  chansonnette  pleine 
d'esprit. 

Dans  une  pareille  soirée,  la  flùle  de  M.  Coulon  ne- 
peut  rest-:r  muette  ;  cet  artiste,  dont  le  talent  n'est 
plus  à  discuter,  charme  tout  l'auditoire  avec  une 
pastorale. 

M.  Giroud,  par  sa  voix  douce  et  fine,  se  fait  ap- 
plaudir dans  Au  clair  de  la  lune. 

M.  Lumière  ne  veut  pas  se  contenter  de  son  dis- 
couis;  sa  voix  chaude  et  vibrante  dévoile  une  fois 
de  plus  son  talent  d'artiste  accompli  dans  un  mor- 
ceau nouveau,  la  Cuve.  Chaque  strophe  est  accompa- 
gnéii  de  bravos  répétés. 

M.  Plaron,  dans  une  chansonnette  comique,  est 
couvert  d'applaudissements. 

MM.  Gauthier,  Némoz  et  Coulon  trouvent,  dans  de- 
nouvelles  auditions,  les  échos  de  leurs  premiers 
succès. 

Grand  est  encore  le  nombre  de  ceux  dont  le  talent 
devrait  nous  charmer,  mais  l'heure  avancée  ne  per- 
met pas  de  prolonger  ces  instants  trop  courts  ,et  le 
président  annonce  que  la  soirée  est  terminée.  On  se 
dispose  à  partir,  lorsque  de  toutes  parts  on  récfame- 


LA  CHANSON 


45 


la  Consolante,  chanson  finale  et  de  circonstance, 
qu'interprète  avec  une  grande  vérité  M.  Lumière,  et 
dont  chaque  couplet  est  salué  par  de  nombreux  bra- 
vos. Au  dernier  couplet,  le  nom  de  l'auteur,  M.  Ghi- 
gnard,  directeur  de  l'Harmonie  Gauloise,  s'échappe  de 
toutes  les  bouches  ;  l'heureux  compositeur,  n'ayant 
pu  disparaître  assez  à  temps,  reçoit  les  félicitations 
âe  tous. 

On  ne  saurait  terminer  ce  compte-rendu,  sans 
adresser  les  plus  sincères  remerciements  à  M.  Caloin, 
le  musicien  compositeur  bien  connu,  pour  le  con- 
cours gracieux  qu'il  prête  à  la  Société  qui,  certaine- 
ment, lui  doit  la  plus  grande  partie  de  ses  succès. 

Un  Lyonnais. 


[ME  MÎSIKE 


Paroles  ce  J.-B.  DAÏAGNIER.  Nusioue  de  PAOLO  MAYER 


^o^éfatS. 


<Jé  «oi»<l'Duc  vkilleori.  gi.he,     El, 


^g^^i^P^ 


^aoo4  jc.>or\^it  n>e*  a.ïeuE,  ,^  mon  qostume  je  ^a. 


jours.  otiB»  liumœfs  lise  «poclc    goe.iull^»  lîloua»«e 
BEP.  •  tenlo. 


jpqiBA,a>a        Jaquç^.  Bonbotcoie         <lii_  j}ue«  -  .flan , 


Jlvamme^  ^gj^-^^  giea    qoti   e«ji    ctj.eû 


Tantôt  j'habite  la  chaumière 

Et  tantôt  je  loge  au  grenier; 

Je  vis  de  pain  noir  et  d'eau  claire, 

Et  mon  palais  c'est  l'atelier. 

Je  fais  l'épingle  et  je  façonne, 

0  riches,  vos  temples  altiers  ; 

Dans  les  champs,  je  fauche  et  moissonne  ; 

C'est  moi  qui  peuple  les  chantiers. 

C'est  moi  qu'on  nomme,  elc 


Jeune,  on  prend  ma  première  sève  : 
Je  suis  soldat  et  je  défends 
Mon  pays,  quand  le  fil  du  glaive 
Des  rois  tranche  les  difïérends. 
Pour  le  fer,  le  plomb,  la  mitraille, 
Ma  poitrine  est  un  bouclier  ; 
Je  meurs  sur  le  champ  de  bataille 
Ou,  meurtri,  je  rentre  au  foyer. 

C'est  moi  qu'on  nomme,  etc. 

Après  avoir  tissé  la  toile. 

Après  avoir  filé  le  lin, 

Je  vois  s'assombrir  mon  étoile. 

C'est  l'heure  triste  du  déclin. 

Vieux  et  perclus,  courbé  par  l'âge. 

Je  trottine  par  le  chemin. 

Aidé  d'un  bâton  de  voyage  ; 

Aux  bons  passants,  je  tends  la  main. 

C'est  moi  qu'on  nomme 
Jacques  Bonhomme, 
Jacques  Bonhomme  qui  n'a  rien 
Que  son  chien. 


ASSOCIATION  PHILOTECHNIQBE  DE  NEUILLY 

»i.strîl>ii(ioB  des  |>ri\    ISMO 


M.  Talbot,  délégué  parle  ministre  de  l'Instruction 
Publique,  a  présidé  la  cérémonie.  M.  Talbot,  dans 
une  courte  improvisation,  a  décerne  aux  professeurs 
comme  aux  élèves  la  part  d'éloges  que  chacun  méri- 
tait; il  a  conclu  par  un  souvenir  à  la  France,  fait 
appel  au  plus  sacré  des  devoirs,  au  sentiment  le 
plus  élevé  :  le  patriotisme,  et  terminé  en  citant  ce 
couplet  de  Béranger,  le  poëte  national  : 

De  tes  grandeurs  tu  sus  te  faire  absoudre 
France,  et  ton  nom  triomphe  des  revers; 
Tu  peux  tomber,  mais  c'est  comme  la  foudre 
Qui  se  relève  et  gronde  au  haut  des  airs  ; 
Le  Rhin  aux  bords  ravis  à  ta  puissance 
Porte  à  regret  le  tribut  de  ses  eaux; 
Il  crie  au  fond  de  ses  roseaux  : 
Honneur  aux  Enfants  de  la  France  ! 

M.  Daix,  maire  et  président  de  l'Association, 
s'élait  chargé  du  rapport,  un  chef-d'œuvre  de  tact 
et  d'esprit. 

Le  soir,  a  eu  lieu  un  diner  de  GO  couverts,  présidé 
par  M.  Talbot  en  remplacement  de  M.  Hérold,  préfet 
de  la  Seine  empêché.  Des  toasts  ont  été  portés  par 
MM.  Roux,  Talbot,  Villeneuve,  Simonnct  à  M.  Daix, 
le  sympathique  maire  de  Neuilly.  Enfin,  M.  Noilhan, 
poëte  et  chmsonnier,  rédacteur  en  chef  de  VÉcho, 
de  l'arrondissement  de  Saint-Denis,  a  dit  les  deux 
premiers  couplets  et  chanté  les  derniers,  d'une  chan- 
son de  J.  Ruel,  que  nos  lecteurs  liront  avec 
plaisir.  Ces  couplets,  interprétés  avec  beaucoup  de 
verve  et  de  talent,  ont  été  chaleureusement  applau- 
dis. 


46 


LA  CHANSON 


C'EST  EN  FORGEANT. 


Messieurs,  amis,  il  est  un  vieil  adage 
Qu'auprès  de  vous,  je  veux  chanter  ce  soir, 
Dans  ce  banquet  où  chacun  rend  hommage 
Au  dévouement ,  au  travail,  au  savoir; 
El  ce  dicton  qxie  mon  vers  éphémère 
Va  commenter,  modeste  tâcheron, 
Je  le  dédie  à  notre  excellent  maire  : 
C'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron.. 

En  tout  il  faut  faire  un  apprentissage, 

Les  nouveaux-nés  n'en  sont  pas  même  exempts. 

Leurs  doigts  mignons  sous  les  plis  d'un  corsage, 

Vont  découvrir  des  trésors  jaUlissants-l 

Et  les  pauvrets  jouant  à  qui  perd  gagne, 

Qui  sont  d'abord  réduits  au  biberon, 

Plus  tard  gaiment  sableront  le  Champagne  : 

C'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron. 

Dans  Béranger,  enfant,  j'appris  à  lire... 

Puis,  de  Hugo  j'admirai  l'art  divin... 

Et,  frémissant  aux  accords  de  sa  lyre, 

Bientôt  j'aimai  le  poète  Sylvain; 

Sur  ces  grands  noms,  quand  il  répand  l'outrage, 

Maint  Patouillet  croit  égaler  Fréron. 

Bavez  encor,  VeuiUot  vous  encourage  : 

C'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron. 

Certain  gascon,  fils  d'un  père  dentiste, 
A  son  parrain  demandait  :  quel  état 
Dois-je  choisir  :  médecin,  journaliste, 
Auteur,  acteur,  professeur,  avocat? 
Mon  cher  filleul,  pour  peu  que  ça  te  plaise, 
Fais-toi  jésuite,  et  par  ton  saint  patron. 
Vrai,  tu  pourras  mentir  tout  à  ton  aise  : 
C'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron. 

Un  député,  fougueux  bonapartiste, 
Hier  encor  fidèle  à  son  drapeau, 
Clame  aujourd'hui  sa  foi  légitimiste, 
Tristam...  triste  homme,  il  a  changé  de  peau  ; 
Demain,  sans  doute,  une  autre  monarchie 
Verra,  pour  lui,  s'entrouvrir  son  giron. 
A  qui  le  tour  ?  la  limite  est  franchie  : 
C'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron. 
Chez  un  grand  peuple  attestant  sa  puissance. 
En  lui  traçant  son  droit  et  son  devoir, 
La  liberté  n'est  jamais  la  licence 
Et  dans  la  loi  s'incarne  le  pouvoir. 
Les  citoyens  de  la  libre  Amérique, 
Qui,  sous  l'habit,  qui,  sous  le  bcurgeron. 
Ont  vu  grandir  leur  jeune  république: 
€'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron. 

Jean-Jean  n'a  pas  de  goût  pour  la  bataille, 
Gloire,  victoire  ont  sur  lui  peu  d'effet, 
Au  sifflement  aigu  de  la  mitraille 
Il  devient  pâle,  ému,  tremblant,  défait. 
Bien  vile  au  feu  le  conscrit  s'habitue, 
Son  cœur  bondit  à  l'appel  du  clairon. 
Et  comme  un  autre  il  charge,  tire,  tue  : 
C'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron. 


La  mort  n'est  rien,  la  vie  est  peu  de  chose, 
Sachons  user  de  ce  peu  sagement  ; 
Tous  à  l'envi,  sans  relâche  et  sans  pose, 
Faisons  le  bien  avec  discernement. 
Notre  devise  est  :  Guerre  à  l'ignorance; 
Fraternité,  c'est  ton  plus  beau  fleuron  : 
L'instruction  doit  relever  la  France, 
C'est  en  forgeant  qu'on  devient  forgeron. 

Jules  Rxiel. 


A  L'ELDORADO 

Voici  l'instant  des  congés  et  des  villégiatures. 
Chanteurs  et  chanteuses  prennent  tour  à  tour  leur 
vol,  et  vont  —  pour  se  reposer— interpréter,  dans 
les  concerts  de  province  et  à  l'étranger,  leurs  créa- 
tions les  plus  récentes.  Le  Café-Concert  ne  chôme 
pas  pour  cela,  car  c'est,  aussi  le  moment  choisi  par 
les  Directeurs  pour  produire  de  jeunes  artistes,  qui 
peuvent  ainsi  faire  connaissance  avec  le  public,  et 
se  tenir  prêts  pour  la  saison  d'hiver. 

Nous  avons  assisté  la  semaine  dernière,  à  l'Eldo- 
rado, —  toujours  soucieux  d'assurer  l'excellence  de 
sa  troupe,  —  à  deux  de  ces  débuts  :  celui  de  Mlle 
Gilberte,  une  diseuse,  et  celui  de  M.  Antony,  un  co- 
mique de  genre. 

Nous  reparlerons, — dans  une  prochaine  chronique, 
—  de  Mlle  Gilberte,  qui  ne  nous  a  pas  paru  en  pos- 
session de  tous  ses  moyens,  et  qu'il  faut  revoir  pour 
la  juger  à  sa  valeur.  Elle  a  d'ailleurs  à  son  actif  de 
la  gentillesse,  de  l'intelligence,  et  un  organe  agréa- 
ble. 

M.  Antony,  lui,  a  déjà  quelque  expérience  de  la 
scène.  Nous  l'avons  entendu  dans  quatre  chanson- 
nettes de  son  répertoire  :  Ze  Bo%  Moment  ;  Je  me  ra- 
liapillote  ;  Je  suis  rampant  et  Sans  avoir  l'air  de  rien  ; 
et  nous  devons  lui  reconnaître  d'incontestables  qua- 
lités. La  voix  est  juste  et  porte  bien,  la  diction  est 
claire.  On  voit  que  M.  Antony,  —  grimé  et  costumé 
comme  il  convient,  —  cherche  à  faire  valoir,  par  la 
mimique  et  par  le  jeu  de  la  physionomie,  l'idée 
comique  des  couplets  qu'il  détaille.  Le  véritable  co- 
mique est  effectivement  celui  qui  met  dans  l'œuvre 
interprétée  une  note  personnelle,  et  qui  souvent 
provoque  le  rire  avant  d'avoir  ouvert  la  bouche.  Que 
le  jeune  artiste  soigne  toutefois  ses  gestes.  Oh  I  trop 
de  gestes  1  Et  qu'il  se  garde  surtout  de  ployer  au- 
tant les  jambes,  et  de  sautiller  comine  s'il  marchait 
sur  des  charbons  ardents  !  C'est  là  une  légère  cri- 
tique, et  l'accueil  favorable  qu'il  a  rencontré  prouve 
qu'il  saura  tenir  sa  place  à  l'Eldorado.  Il  ne  lui  reste 
plus,  pour  s'affirmer  davantage,  qu'à  se  créer  un  ré- 
pertoire de  chansons  nouvelles.  Allons,  Messieurs 
les  auteurs,  des  manuscrits  pour  M.  Antony  ! 

Quatre  autres  artistes,  d'un  genre  tout  différent,  les 
sœurs  Mathews,  dites  Les  Midgets  Ainéricaines,  dé- 
butaient également  à  l'Eldorado  pour  remplacer,  — 
comme  intermède,  —  le  Violon  naturaliste  des  frères 
Massini.  Imaginez  quatre  fillettes,  dont  la  plus  âgée 
n'accuse  guère  plus  de  quatorze  ans,  exécutant  avec 


LA  CHANSON 


47 


l'agilité  et  l'aplomb  de  clowns  consommés,  une  sé- 
rie d'exercices  acrobatiques,  depuis  le  saut  périlleux 
jusqu'à  la  pj'ramide  humaine  I 

Il  y  a  là  une  grande  dépense  de  force  et  de  sou- 
plesse, notamment  de  la  part  de  la  plus  jeune  d'entre 
elles,  qui  fait  preuve  d'une  adresse  incroyable  dans 
un  âge  si  tendre.  Aussi,  toute  la  salle  a-t-elle  ap- 
plaudi à  outrance  ces  curieuses  étrangères,  char- 
mantes dans  leurs  maillots  roses  et  dans  leurs  blancs 
costumes  semés  de  paillettes  d'argent. 

Ferxand  Motel. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

L'Union  Parisienne,  3,  rue  du  Petit-Pont,  a  donné, 
jeudi  10  juin,  une  soirée  extraordinaire  à  l'occasion 
de  la  décoration  de  Mesdames  Alexandrin  et  Anna. 

U Union  Parisienne  continue  à  bien  faire  les  choses  ; 
rien  ne  manquait,  bouquets  aux  dames,  tombola 
gratuite,  artistes  distingués,  auditeurs  choisis. 

Nous  avons  eu  le  plaisir  d'applaudir,  outre  nos 
artistes  aimés  et  habitués,  M.  Fageon,  le  ténor  si 
sympathique,  M.  Adrien  Soiichct,  intarissable  de 
verve  et  d'entrain,  puis  M.  Auger,  du  Théâtre  de  la 
Renaissance,  qui  nous  a  dit  :  Rappelle-iol,  Pauvre 
Jeanne,  et  le  grand  air  du  Chalet. 

Voiture  à  vendre  a  été  interprété  par  nos  amis  Léo 
et  Guiche, — ce  dernier pourun  début  aété  passable, 
quand  à  Léo,  il  a  passé  ;  somme  toute,  on  les  a  digé- 
rés tous  deux. 

Edjiond  V.\llé. 

Samedi,  12  juin,  grande  soirée  d'inauguration  de 
la  société  lyrique  la  Farorite.  Cette  société  n'avait 
rien  négligé  pour  s'attirer  les  sj'mpathies  du  pu- 
blic :  Distribution  de  fleurs  à  toutes  les  visiteuses, 
magnifiques  bouquets  offerts  aux  dames  artistes, 
cordialité  parfaite,  programme  attrayant  et  artistes 
de  derrière  les  fagots,  rien  n'a  manqué  pour  donner 
un  éclat  brillant  à  cette  fête  de  famille.  Aussi,  dès 
8  heures,  était-il  difficile  de  trouver  une  place  dans 
la  salle  du  café  du  Globe  ;  plus  de  50  personnes  ont 
dû  môme  se  retirer  devant  la  difficulté  de  se  pro- 
curer des  sièges.  Après  un  petit  speech  prononcé 
par  M.  Swrcoiif,  M.  Gané,  l'excellent  pianiste-com- 
positeur ouvre  la  soirée  avec  la  Marc/te  indienne.  La 
place  nous  manque  pour  relater  ici  les  noms  de  tous 
les  artistes  qui  ont  prêté  leur  concours  ;  citons  seu- 
lement parmi  ceux  qui  ont  obtenu  le  plus  de  suc- 
cès, Mlles  Madeline,  Marthe  et  Julia  ;  cette  der- 
nière nous  a  dit  avec  son  entrain  endiablé  et  en 
s'accompagnant  avec  des  cymbales,  Entrez,  c'est 
l'instant.  MM.  Lion,  Ernest,  Marie,  Launay,  rappelé 
et  bissé  ;  Chevalier,  Marthy,  très  apprécié  dans  le 
Scarabée  ;  Leroy,  Ambroise,  Alexis,  Bousquat,  Flo- 
réal, Andouard,  gommeux  très  réussi  ;  Guilloton, 
dont  la  diction  juste  a  été  applaudie  dans  la  tirade 
de  Ruy  Blas  ;  Demay,  qui  a  obtenu  du  succès  dans 
■Te  Sîiis  rampant  ;  Voisin,  très  bon  dans  les  Gêneurs  ; 
Marcus,  inimitable  dans  le  Marchand  de  lorpiettes  ; 
Lévy  qui  a  récité  avec  finesse  la  pièce  de  cent  sons  ; 


Jomain,  très  drôle  dans  Si  tous  rencontre::^  ma  fem- 
me ;  Royer  nous  a  rappelé  Debailleul  avec  le  Déjeu- 
ner sur  l'herbe  et  les  Souvenirs  du  zillagc  ;  cet  artiste 
possède  une  voix  très  sympathique  et  ne  serait  pas 
déplacé  sur  la  scène  d'un  de  nos  grands  concerts. 

En  somme,  bonne  soirée,  présidée  par  M.  Car- 
terro.  Les  grandes  soirées  dramatiques  de  la  Favo- 
rite auront  lieu  le  2"=  samedi  de  chaque  mois. 

Maxime  Guy. 

Samedi  a  eu  lieu  le  concert  mensuel  de  la  Société 
lyrique  La  Cordiale,  de  Levallois-Perret. 

Le  public  a  comme  d'habitude  fêté  chaleureuse- 
ment ces  jeunes  amateurs  qui,  à  chaque  audition 
nouvelle,  donnent  des  preuves  de  progrès  sérieux. 

Au  premier  rang,  il  convient  de  nommer  M.  Fer- 
dinand Reigers,  qui  a  récité  avec  vigueur  la  Cfrèvedes 
Forgerons. 

Le  Président  de  la  Cordiale,  M.  Laporte,  a  le  talent 
d'intéresser  et  d'amuser  par  des  tours  de  prestidigi- 
tation habilement  exécutés. 

Nous  devrions  faire  l'éloge  de  tous  les  chanteurs 
inscrits  au  programme  ;  mais  l'espace  nous  fait  dé- 
faut. Nous  nous  bornerons  à  citer  MM.  Panissié,  Clé- 
ment et  Gouvasé,  qui  ont  particulièrement  mérité 
les  applaudissements. 

La  Cordiale  donnera  le  samedi  26  juin,  au  Casino 
de  l'ile  de  la  grande  Jatte,  un  grand  concert,  suivi 
de  bal,  au  profit  des  écoles  laïques. 

Alfred  Bertixot. 


CHOSES   ET  AUTRES 

Quelques  lecteurs  se  sont  étonnés  de  ne  pas  voir 
le  compte-rendu  du  dernier  banquet  de  la  Lice 
Chansonnière  accompagner,  comme  d'habitude, 
l'article  consacré  mensuellement  au  Caveau.  La 
lettre  suivante  donnera  la  raison  de  cette  lacune  . . . 
volontaire. 

Paris,  le  28  mai  4880. 
Mon  cher  Patay, 

Les  membres  de  la  Lice  Chansonnière,  réunis  en 
séance  administrative  le  26  mai,  sur  la  proposition 
de  leur  camarade  Adeline,  m'ont  chargé  de  vous 
prier  de  ne  plus  faire  de  compte-rendu  de  banquets 
de  la  société  dans  le  journal  La  Chanson  dont  vous 
êtes  directeur. 

Recevez,  mon  cher  Patay,  mes  sincères  salutations, 
Ze  secrétaire,  Ch.  Péan. 

Nous  regrettons  —  pour  la  Lice  —  la  décision 
votée  par  quelques  Licéens,  dent  le  nombre  ne 
représente  pas  la  majorité  des  membres  de  cette 
société. 

MM.  Hippolyte  Ryon  et  Ernest  Chebroux  ont 
donné  leur  démission  de  Président  et  de  Vice-Pré- 
sident de  la  Lice  Chansonnière. 


Nous  rappelons  aux  amis  de  la  Chanson  que  i 

ration  du  modeste  monument,  élevé  à  Adolphe  Vaudn 
par  ses  camarades,  aura  lieu  dimanche  prochain, 
20  juin,  au  cimetière  Saint-Ouen.  Rendez-vous  à  trois 
heures,  route  d'Epinay  {Porte  du  Cimetière.) 


48 


LA  CHANSON 


A  notre  ami  ADRIEN  SOUCHE  T. 


AUX    GRANDES    TERRASSES! 

Par  ETIENNE  DUCRET 
Air  :  C'était  pas  la  peine....  (La  Fille  de  M""^  Angot). 


Au  dieu  du  picton  rendons  grâces  :  \ 

Aux  Grandes  Terrasses,  | 

Oui,  prenons  nos  places;  >    (bis) 

On  s'y  met  sens  dessus  dessous  i 

Avec  un  bon  Litre  à  Dix  sotcs  !...  ] 

Au  boulevard  des  Invalides, 

Titi,  Gravoche  et  Galino 

Hantent  ces  Terrasses  splendides. 

En  face  la  o-ue  Oudinot. 

Ça,  Lisette,  qu'on  se  déhanche  I 

Le  gousset  plein,  le  cœur  content, 

Allons-y,  puisque  c'est  dimanche, 

Bras  dessus-dessous,  en  chantant  : 

Au  dieu  du  picton,  etc. 

Bu  faubourg  et  de  la  banlieue 
A  ce  rendez-vous  égrillard 
Pour  caramboler,  on  fait  queue, 
A  (jîcatre  soiis  l'heure,  ato  Billard... 
Les  Rivaux,  même  au  Jeu  de  Boule, 
A  gogo,  boules  ou  vainqueurs, 
S'y  gorgent,  sans  perdre  la  boule, 
De  Viu,  Café,  Bière  et  Liqueurs, 

Au  dieu  du  picton,  etc. 

VAprès-Midi,  de  la  Physique 
Nous  charment  les  tours  enchanteurs  ; 
La  nuit,  on  y  trinque  en  Musique, 
Pour  faire  chorus  aux  clianteurs... 


Là,  si  la  Mère  de  Famille 

Est  éclairée  à  giorno, 

L'Amour  sourit  sous  la  Charmille, 

Au  reflet  d'un  discret  fallot... 

Au  dieu  du  picton,  etc. 

Des  Bonnes  Gens  aimable  Fée, 
Une  Naïade  y  fait  jaillir, 
De  sa  Cascade  au  gai  trophée 
La  Source  vive  du  plaisir... 
Viens,  viens  donc,  ma  Lise  fidèle, 
Sous  ces  Berceaux  aux  mille  fleurs, 
Avec  moi,  tu  vas,  sans  chandelle, 
En  voir  de  toutes  les  couleurs... 

Au  dieu  du  picton,  etc. 

A  dix  heures,  Feu  d'Artifice  1 
Tout  s'embrase  1...  c'est  le  Bouquet  ! 
Bravo  1  qu'un  hourrah  retentisse 
De  la  Galerie  au  Bosquet  1 
Des  Mille-Nuits  oui,  c'est  un  Conte 
Puisque  le  public  jovial 
Pour  s'égayer  en  fin  de  compte, 
Compte  sur  le  Comte  Abrlal...  (1) 

Au  dieu  du  picton  rendons  grâces  : 
Aux  Grandes  Terrasses, 
Oui,  prenons  nos  places; 
On  s'y  met  sens  dessus  dessous 
Avec  un  bon  Litre  à  Dix  sous!... 


(bis) 


(1)  Le  Comte  Abrial  est  l'heureux  fondateur,  propriétaire  et  directeur  de  ce  charmant  Eden! 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C«,  6,  rue  Martel, 


A.  PATAY,  Directeur-Gérant. 


3=  ANNÉE.  -  N-"*. 


lO  CENTIMES. 


26  JUIN  1880 


AN» 


Directeur- Gérant. 
A.  PATAY 


Là  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frâre  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  laligne... 
Réclames,        — 


La  c/ianson,  comme  ;a/)aranno((6 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  RUE  BONAP.LRTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 


France,  un  an. . . 

•  six  mois. 

Etranger,  un  an. . 


6fr. 
3  . 
8» 


SOMMAIRE 


Galerie  des  Chansonniers  :  Victor  Riibincaa  (Andi 
Sidon  de  IHSO,  i""  cl  deniior  arlltle  (Gboucks 
an  bouijuel,,  paroles  ie  Ed.  Gbessik.  inujiiiue  do  i 
Jionnet  de  Liselle  (C1eoui;bj  Mu.vrioM).  —  La  Soc 
CuitjîlainJ.    —  Quinzaine  dramatique  ^L.-Ubmii 


P,B,,so»).  -  Le 
:un.x).  -  Dans 
.  Laiure.  —  Le 
é  fulurc  (EuuMB 
xco,uu).  —  Les 


r  populaires  au  tkédlre  des  Nations  (A.  BEaTisoT).  —  La 
n  en  province  (A.  U-mfenE).  —  Chronique  de  la  Scala  (A. 
)t).  —  Bibliographie  (Ejiile  Bj-émout).  —  Choses  et  autres, 
inique  des  Sociétés  Lyriques. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :    Victor  RABINEAU 


Ceci    n'est   pas   uuo  : 

biographie;  c'eslàpeiiio 

l'esquisso   d'uu    chan- 
sonnier dont  le  carac- 

lùrc  militant  cl  les  ten- 
dances   déinocralifiucs 

ont  su  lui  conquérir  la 

sympathie  do  la  classe 

dirigée    qui    propagea 

ses    œuvres    dans    la 

France  entière. 
Plus  favorisé  que  la 

plupart  de  ses  confrères, 

Victor  Rabineau  reçut 

une  ins  truc  tion  sérieuse 
que  des  "malheurs   de 

famille  ont  interrompue 

trop  tôt. 

EufaDt  du  peuple,  un  fils  du  privilège 
Auimilé  par  l'élude  et  lu  jeux, 
J'aieru.murchaiilleutcgelaueollcgc, 
Site  Gucor  lel  duut  leur  moude  orogeux. 
Je    cite    ces    quatre 
vers   sans    les    recom- 
mander   autrement    à 
l'attention  du  lecteur, 
que  comme  le  témoi- 
ynage    du    séjour    de 
Victor  Rabineau  au  col- 
lège do  La  Flcclie.  De 
là  sa  facilité  à  assouplir 
notre  langue  aux  diffé- 
rents rythmes  que  comporte  le  genre  multiforme 
de  la  chanson. 
Et  dire  qu'un  écrivain  d'uu  mérite  incontestable  a 


VICTOR    RABINEAU 


osé  écrire  que  les  étu- 
des scolastiqucs  étaient 
funestes  aux  tempé- 
raments poétiques,  et 
que  Pinstruction  était 
une  entrave  à  la  voca- 
tion. Cela  est  assu- 
rément une  plaisan- 
terie dont  le  dévelop- 
pement, si  subtil  qu'il 
soit,  ne  convaincra  per- 
sonne. Qu'on  en  juge  : 
ï  Heureux  les  poètes 
«  ignorants. Ils  nevoient 
«  pas  la  nature  à  tra- 
«  vers  les  lunettes  des 
«  livres,  comme  le  dit 
«  par  expérience  le  spi- 
«  rituel  Dryden  ;  ils  ne 
«  consultent  pas  de  poé- 
«  liques,ils  n'entendent 
«  rien  aux  théories... 
«  Ils  marchent  seuls 
«  dans  leur  sainte  inno- 
«  cence;  leurs  pieds  ne 
<L  s'embarrassent  point 
«  dans  les  langes  de 
«  l'école;  ils  ne  s'éga- 
«  rent  point  à  la  pour- 
«  suite  de  lueurs  trom- 
«  penses  dans  les  bour- 

J  «  biers  de  Pimitation  ; 

«  ils  n'analysent  ni  ne  décrivent.  Ils  sentent,  ils 
«  aiment,  ils  chantent  :  la  science  étouffe  l'instinct. 
«  Heureux  les  poètes  ignorants!...  » 


50 


LA  CHANSON 


Eh  bien  I  il  y  a  gros  à  parier  que  si  Yictor  RaLineau 
n'avait  point  passé  par  le  collège,  ses  chansons,  très 
châtiées  et  savamment  facturées  pour  la  plupart, 
auraient  beaucoup  d'analogie  avec  celles  dont  le 
style  justifie  dans  sa  plus  large  expression  ce  distique 
bien  connu  : 

Les  vers  sont  enfants  de  la  lyre  : 
Il  faut  les  chanter,  non  les  hre. 

De  ce  qu'un  grand  nombre  de  personnes  peu 
lettrées  cultivent  la  chanson  avec  une  certaine  habi- 
leté, et  quelques-unes  même  avec  une  apparence  de 
supériorité,  il  n'en  faudrait  pas  conclure  à  la  satis- 
faction de  l'auteur  cité  plus  haut  et  répéter  avec  lui 
que  l'instruction  est  le  dissolvant  de  l'inspiration. 

C'est  qu'ils  sont  rares  les  poètes  qui  peuvent  dire 
comme  Adam  Billaut  en  1636  : 

N'est-ce  pas  un  effet  de  l'essence  suprême 
De  voir  d'un  feu  divin  mes  esprits  animés. 
Que  ressemblant  un  champ  cultivé  de  lui-même. 
Je  produise  des  fruits  que  l'on  n'a  point  semés. 

Et,  deux  cents  ans  plus  tard,  Béranger  : 
Et  ces  épis  que  mon  printemps  vit  naître, 
Sont  ceux  d'un  champ  où  rien  ne  fut  semé. 

Donc,  Victor  Rabineau  avait  fait  d'excellentes  étu- 
des ;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas,  comme  Michel  Se- 
daine  au  début  de  sa  vie,  de  tailler  de  la  pierre  pour 
vivre,  et  cela  jusqu'au  moment  où  les  forces  phy- 
siques lui  faisant  défaut,  il  chercha  à  utiliser  son 
intelligence  dans  une  profession  moins  dure,  sinon 
moins  exigeante. 

C'est  au  milieu  des  préoccupations  incessantes 
d'une  existence  presque  toujours  mal  assurée,  que 
Rabineau  écrivit  les  charmantes  choses  que  beau- 
coup d'entre  nous  n'ont  pas  oubliées. 

Quand  on  songe  qu'il  y  a  des  gens  qui  affirmeront 
encore  aujourd'hui  que  la  misère  est  le  meilleur 
stimulant  de  la  pensée  ;  qu'elle  galvanise  la  muse 
endolorie  ;  qu'elle  lui  donne  du  ressort  et  lui  permet 
les  grandes  échappées  à  travers  l'idéal.  Quelle  inqua- 
lifiable boullbnnerie  ! 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  robuste  et  gracieux  chanson- 
nier sut  résister  avec  une  sorte  de  crânerie  à  tous 
les  heurts  de  la  destinée,  et  couvrit  souvent,  hélas  ! 
d'un  joyeux  éclat  de  rire,  le  cri  sinistre  de  la  faim. 

Il  mourut  à  l'hôpital;  cela  était  inéluctable!  J'en 
trouve  la  preuve  dans  ces  quelques  lignes  que  j'ex- 
trais du  journal  la  Démocratie,  à  la  date  du  ■21  juin 
1869: 

t  La  mort  vient  encore  d'inscrire  un  nom  de  poète 
sur  l'obituaire  de  l'hôpital. 

«  Victor  Rabineau  qui  s'est  éteint  ces  jours  der- 
niers à  l'âge  de  53  ans,  à  Lariboisière,  était  un  chan- 
sonnier politique.  Ses  œuvres,  éparses  dans  la  mé- 
moire du  peuple,  avaient  un  tel  accent  de  virilité, 
que  la  censure  dut,  plus  d'une  fois,  en  entraver  la 
diffusion. 

«  Chansonnier  populaire  à  une  époque  où,  pour 
mériter  ce  titre,  il  ne  suffisait  pas  d'avoir  dans  son 
bagage  littéraire  des  Femmes  à  tarde  et  des  Pomjners 
de  Nanterre,  Victor  Rabineau  devint  l'interprète  des 
vœux  démocratiques  ;  et,  souvent,  avec  autant  de 
verve  et  de  talent,  disons-le,  que  les  Lachambeau- 
die,  les  Barrillot,  les  Gh.  Gilles,  il  fit  courageuse- 


ment et  sans  détonner  sa  partie  dans  le  concert  des 
idées  nouvelles. 

«  Qu'on  en  juge  par  ces  fragments  des  Malthu- 
siens : 

Qu'attendez- vous,  enfants  du  prolétaire, 

Quand  vous  n'avez  ni  travail,  ni  crédit  ? 

Celui  qui  chôme  est  de  trop  sur  la  terre. 

Allez- vous  en  !  les  Malthusiens  l'ont  dit  1 

Pour  toi,  qu'hélas  !  l'inaction  torture. 
Une  famille  est  un  mytlTe  moqueur. 
Tu  dois,  rebelle  aux  lois  de  la  nature 
De  par  Malthus,  ossifier  ton  cœur. 
La  faim  sévit  sur  la  plèbe  inutile 
Et  tord  l'enfant  à  ton  cou  suspendu  : 
N'approche  plus  ta  femme  trop  fertile. 
Comme  le  pain,  l'amour  t'est  défendu. 


Allez-vous  en  !  Partez,  race  flétrie  ! 
Le  sol  ne  peut  contenir  tous  vos  rangs. 
Le  champ  des  morts  est  la  seule  patrie 
Qu'à  leurs  maudits  réservent  les  tyrans. 
Et  même  si  la  misère  est  trop  lente 
A  vous  tirer  de  cet  horrible  enfer, 
Ils  l'aideront  :  l'Ordre  à  la  main  sanglante 
Aura  pour  vous  des  canons  et  du  fer  ! 

«  Victor  Rabineau,  qui  joignait  à  la  vigueur  de 
l'esprit  l'appui  d'une  raison  éclairée  et  les  ressom'- 
ces  d'une  intelligence  cultivée,  laisse  un  grand 
nombre  de  chansons  forcément  inédites,  frappées, 
pour  la  plupart,  à  la  même  effigie  que  les  Malthtir- 
siens.  Si  personne  ne  les  imprime,  ce  malheureux 
chansonnier,  fauché  par  la  misère,  ne  laissera  de 
son  passage  ici-bas,  qu'un  petit  volume  de  poésies, 
les  Filles  du,  Hasard,  publié  en  1860,  et  le  souvenir 
qu'une  âme  dévouée  et  qu'un  cœur  sincère  lèguent 
à  l'amitié.  » 

Je  rappellerai,  pour  terminer,  quelques-unes  des 
chansons  de  Victor  Rabineau.  Floricola,  «  lo  t'amo  » 
Killery,lQ5  Baisers  perdus,  sy&ni  le  caractère  de  la 
romance,  sont  des  poésies  ravissantes  ;  l'idée  s'y 
fait  jour  sans  contrainte,  l'expression  ne  détonne 
jamais,  et  le  ver|,  quoique  laborieusement  travaillé, 
ne  se  ressent  d'aucun  eûbrt.  Gela  est  gracieux  sans 
alféterie. 

Quant  à  ses  chansons  proprement  dites,  elles  ont 
la  même  contexture  que  ses  romances  ;  elles  sont 
écrites  avec  soin  et  ont  presque  toutes  une  netteté, 
un  relief  et  un  éclat  qui  décoiicertenl  la  critique. 

Généralement  les  vers  de  cet  «  auteur  chanson- 
nier »  sont  vigoureusement  frappés  et  sont  fréquem- 
ment terminés  par  des  assonances  d'une  vibration 
métallique.  La  Locomotive,  Rabelais,  le  Dernier  mu 
vieux,  la  Gloire  militaire.  Voici:  l'hiver,  les  Vieua; 
tambours,  la  Bou/farde,  j'en  passe  et  des  meilleures. 
Mais  j'espère  bleu  que  tout  n'est  pas  dit  sur  Victor 
Rabineau  et  qu'un  jour  ou  l'autre,  une  plume  mieux 
exercée  et  ayant  plus  de  notoriété  que  la  mienne, 
nous  retracera  la  vie  tourmentée  de  ce  poète  qui  fut 
si  longtemps  sympathique  à  la  classe  ouvrière  à 
laquelle  il  était  fier  d'appartenir. 

André  Pierson. 

Notre  collaborateur  Eug.  Imbert  dans  La  Goguette  et 
les  Goguettiers,  a  donné  une  longue  et  curieuse  bio- 
graphie de  Victor  Rabineau.  Ce  volume,  tiré  à  petit  nom- 
bre, se  trouve  aux  bureau.x  de  La  Clianson.  Envoi  franco 
contre  un  mandat-poste  de  S  francs. 


LA  CHANSON 


51 


LE  SALON  DE  1880 

4«  ET   DERNIEE   ARTICLE. 

De  nombreux  tableaux,  d'innombrables  devrais-je 
dire,  composent  ce  que  j'appellerai  «  la  galerie  des 
non  exempts  ».  A  mon  grand  regret,  je  me  vois 
obligé  de  terminer  rapidement  ce  court  examen  du 
Salon  et  ne  pourrai  étudier  complètement  cette  par- 
tie pourtant  si  intéressante  de  l'exposition.  Je  me 
bornerai  à  donner  la  nomenclature  des  œuvres  les 
plus  remarquables,  à  mon  jugement. 

L'Embouchure  de  la  Gironde  de  M.  Coquand,  est 
d'une  poésie  grandiose.  Bien  éclairé,  bien  peint,  ce 
tableau  est  un  des  meilleurs  des  non  exempts. 

Il  est  regrettable  que  Le  Lever  dit,  soleil  dans  la 
vallée  de  l'Oise,  do  M.  René  ïener,  n'ait  pas  été  récom- 
pensé; cette  toile  barmonieusc,  très  étudiée  et  très 
vraie,  a  une  valeur  réelle. 

Le  Campement  aux  environ  de  BisJira,  de  M.  Girau- 
det,  est  très  juste  d'impression;  l'artiste  connaît 
l'Algérie  et  rend  d'une  manière  très  agréable  la 
couleur  chaude  et  originale  de  ce  pays. 

Dans  la  même  catégorie  de  vérité  d'impression, 
et  quoique  dans  un  tout  autre  genre,  je  placerai  le 
Moulin  de  Veules  en  Caux  de  M.  Arlus,  et  le  Varech  à 
marée  basse  de  M.  A.  Flameng. 

M.  Barillot  expose  les  Etangs  de  St-Paul  de  Varax- 
A  part  les  jambes  des  bœufs,  qui  me  paraissent 
trop  rigides,  ce  tableau  est  très  Ijien  ;  l'air  circule 
autour  des  deux  grands  ruminants,  le  ciel  descend  à 
l'horizon  :  très  bonne  œuvre,  en  somme,  et  digne  de 
la  Z"  médaille  obtenue. 

Mme  Barillot-Bonvaletse  montre  habile  peintre  de 
fleurs  ;  ses  Chr//saathènes,  la  fleur  à  la  modo  au  Salon, 
sont  très  réussies,  ainsi  quo  le  magnifique  bouquet 
do  Moses  trémières  qui  leur  sert  de  pendant. 

La  Ville  de  Vezelai/  (Yonne)  de  M.  Adolphe Guillon, 
donne  envio  d'aller  voir  cet  endroit  ;  voilà  une  excel- 
lente toile,  faite  do  main  de  maître,  et  qui  mérite 
absolument  la  seconde  médaille  accordée.    . 

Les  fleurs  jetées  sur  le  corps  de  VAlMne  de 
Mme  Anaïs  Beauyais  sont  bien  jolies. 

Le  portrait  de  U.  D.  par  M.  Jacques  Jobbé-Duval, 
le  fils  du  sympathique  conseiller  municipal  qui 
est  en  môme  temps  artiste  de  talent,  est  solidement 
peint. 

La  Mort  dit.  Chevalier  d'Assas,  par  M.  de  Caillas, 
nous  faut  assister  à  ce  patriotique  épisode  de  la 
guerre  de  Sept  Ans  ;  ce  drame  émouvant  est  bien 
composé  et  placé  dans  un  joli  paysage. 

César  s'ennuie,  de  M.  Motte,  est  d'une  jolie  couleur 
et  d'un  bel  ensemble. 

Je  citerai  encore  :  La  Veuve  de  M.  Laugée  fils,  ta- 
bleau émouvant  et  d'une  grande  observation  ;  Les 
Carrières  d'Amérique,  de  M.  Malifas,  paj'sage  d'an 
grand  ellet;  Le  Jour  de  paye,  do  M.  Camer-Belleuse; 
Liaus  la  prairie,  de  M.  Allongé;  les  Herbages  de 
MerDiUe  et  le  Troupicau  en  marche  de.  Jl.  Marais  ;  Le 
Départ  de  l'escadron,  de  M.  Jazet  ;  L'Heure  du  café,  do 
M.  Dupaty,  très  jolie  étude  prise  sur  le  vif;  Dans  les 


montagnes,  de  M.  Desbrosses  ;  Dans  les  Cressonnières, . 
à  Veules,  de  M.  Clary,  et,  enfin,  le  portrait  de 
M.  Dentu,  le  célèbre  éditeur,  par  M.  Acloque,  celui 
de  Mlle  Baretta,  par  Mlle  Louise  Abéma,  et  celui  de 
M.  Hayem,  par  M.  Valladon. 

La  sculpture  n'a  point  soulevé  les  mêmes  débats 
que  la  peinture.  Tranquillement  installée  dans  l'im- 
mense nef,  elle  écoutait  froidement  les  clameurs 
venant  du  premier  étage,  et,  dès  le  premier  jour,  elle 
s'est  montrée  d'ensemble  au  public,  nous  prouvant 
que  la  statuaire  française  est  décidément  en  progrès 
croissant.  Beaucoup  d'œuvres  de  premier  ordre  ou 
au-dessus  de  la  moyenne  sont  là  pour  affirmer  ce 
fait. 

Parmi  les  premières,  je  citerai  VEve  de  M.  Falguière, 
figiu-e  charmante  ;  la  petite  tête  mutine  écoutant 
complaisammentle  serpent,  couronne  gracieusement 
le  corps  délicat  de  notre  gourmande  aïeule. 

V Adolescence  de  M.  Suchetet,  dans  un  genre 
différent,  est  un  véritable  bijou  de  finesse,  de  grâce 
et  de  forme. 

Il' Arlequin  de  M.  de  Saintr-Marceaus  est  extraordi- 
naire de  vie  ;  il  semble  que  ce  malicieux 
compère,  qui  a  tout  l'air  de  chercher  une  niche  à 
faire,  va  descendre  de  son  piédestal,  et,  agitant  sa 
batte,  en  donner  à  tort  et  à  travers  sur  ses  admi- 
rateurs qui  sont  là,  le  cou  tendu. 

Orphée  et  Eurydice  de  M.  Paris,  forment  un  joli 
groupe,  extrêmement  harmonieux  ;  la  difficulté  de 
rendre  une  apparition  par  la  sculpture  a  été  heureu- 
sement vaincue. 

La  Biblis  changée  en  source  de  M.  Suchetet  ne 
méritait  pas,  il  me  semble,  l'excès  d'honneur  qu'on 
lui  a  fait  ;  très  bien  modelée  il  est  vrai,  la  figure  ne 
passionne  pas,  elle  est  un  peu  froide. 

M.  Mercié  expose  une  Judith  à  laquelle  je  repro- 
cherai un  peu  trop  d'afféterie.  M.  Delaplanche,  avec 
une  Enfance  d'Orphée,  prouve  que  les  Salons  ne  se 
ressemblent  pas  ;  en  effet  ce  groupe,  bon  pour  tout 
autre,  étonne  de  la  part  de  l'auteur  de  la  Musique. 

La  Mignon  de  M.  Aizelin,  est  très  joliment  mo- 
delée; cet  artiste,  dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire, 
a  rendu  d'une  façon  charmante  ce  délicieux  type,  la 
tête  surtout  a  une  expression  très  particulière. 

Le  Dante,  de  M.  Aube,  est  exposé  cette  année  en 
bronze;  il  a  gagn  j  à  cette  transformation.  La  Lecture 
de  M.  Ghatrouss.%  statue  représentant  une  jeune 
femme  assise,  est  charmante  de  composition. 

M.  Paul  Bacqu.a  envoie  Une  jeune  fille  ;  on  peut 
regretter  que  le  jury  n'ait  pas  compris  cette  œuvre 
parmi  les  récompensées  ;  des  qualités  incontestables 
l'indiquaient  pour  une  3"  médaille. 

Je  finirai  ce  simple  exposé  de  la  sculpture  par  les 
deux  bustes  de  M.  Guillemin,  Un  Janissaire,  Une 
jeuve  fi,lle  au  Caire  et  la  Jeune  fille  Florentine,  par 
M.  Moricc,  le  vainqueur  du  concours  pour  la  statue 
de  la  République  ;  ce  dernier  buste  est  d'une  délica- 
tesse exquise,  le  livret  est  inutile  pour  apprendre 
à  l'amateur  l'origine  du  modèle. 

Georges  Murât 


52 


LA  CHANSON 


A  mon  ami  ED.  LACHENAL 


m     1 


'«iM 


_ _      oW^^iW. 

Paroles  de  ED.  GRESSIN.  Musique  ce  EUG.  LAHARE. 

RONDEAU 


PIAKO. 


cho  ,  6e*     que  ^ou»  In_les  sans  cùJ  couprcuKV  J'a.» 


Dans  un  bouquet  de  blanches  roses 
Vous  trouvâtes  un  billet  doux 
Qui  vous  disait  cent  mille  choses 
Que  vous  lûtes  sans  nul  courroux  ! 

J'avais  seize  ans,  l'âme  craintive, 
Et  j'éprouvai  presque  un  regret. 
Lorsque  du  pli,  toute  pensive, 
Vous  brisâtes  le  vert  cachet  1 

Quand  vous  finîtes  de  le  lire 
Je  vis  se  gonfler  votre  sein  ; 
Et  deux  larmes  dans  un  sourire, 
Vinrent  tomber  sur  votre  main. 

Le  lendemain,  bonheur  extrême, 

M'éveillant  dès  l'aube  du  jour. 

Je  vous  disais  :  Rose,  je  t'aime  ! . . . 

Dans  un  bouquet,  naquit  l'atnour]! 


CONCOURS  DE  LA  LICE  CHANSONNIERE 

SUJETS  LIBRES  (2=  Prix). 

LE  BONNETDE  LISETTE 

—  (r  Lisette,  prends  bien  garde  en  allant  à  la  fête 
De  perdre  le  bonnet  qui  couronne  ta  tête  ; 
Fillette,  prends  bien  garde  en  suivant  ton  chemin 
De  laisser  envoler  ta  gentille  coiffure; 

Le  diable  est  bien  soutent  caché  dans  la  ramure, 
Et  le  vent  souffle  fort  autour  du  vieux  moulin.  » 

Lisette,  en  promettant  de  se  montrer  soigneuse. 
Comme  un  oiseau  léger  partit,  toute  joyeuse. 
Son  bonnet  retenu  par  un  nœud  de  satin  ; 
Elle  disait  tout  bas,  en  quittant  son  village  : 

—  «  Je  ne  crains  pas  le  diable  et  je  nargrie  l'orage, 
«  Et  le  vent  peut  souffler  autour  du  vieux  moulin.  » 

Cependant,  au  retour,  elle  eut  moins  de  prudence. 
Après  s'être  un  peu  trop  échauffée  à  la  danse, 
Son  bonnet  détaché,  près  du  beau  Mathurin, 
Elle  allait  cheminant,  tête  folle  et  légère, 
Ne  se  souvenant  plus  des  leçons  de  sa  mère, 
Et  du  vent  qui  soufflait  autour  du  vieux  moulin. 

Le  diable  la  guettait,  et,  pour  mieux  la  surprendre, 
Il  rendit  Mathurin  plus  galant  et  plus  tendre  ; 
Celui-ci  tout  d'abord  s'empara  de  sa  main, 
Puis,  petit  à  petit,  il  osa  davantage, 
Et....  le  vent  qui  soufflait,  en  ce  moment  fît  rage. 
Emportant  le  bonnet  par  dessus  le  moulin. 

Plaignez,  .plaignez  le  sort  de  Lisette  affolée 
Qui  ne  put  rattraper  sa  coiff'ure  envolée. 
Mais  qui  dut  au  plus  tôt  faire  un  petit  béguin!... 
Et,  si  vous  m'en  croyez,  quand  vous  irez  seuleltes, 
Serrez,  serrez  toujours  la  bride  à  vos  cornettes  ; 
Car  le  vent  soufQe  fort  autour  du  vieux  moulin. 
Georges  Montigmy. 


SUJETS  PATRIOTIQUES  (4=  Prix). 

LA  SOCIÉTÉ  FUTURE 


Voyez-là  bas,  dans  les  herbes  fleuries, 
S'ébattre  et  rire  un  fol  essaim  d'enfants  ; 
En  attendant  l'heure  des  rêveries. 
Comme  ils  sont  gais,  heureux  et  triomphants  I 
L'enfance  unit  ce  monde  en  miniature, 
C'est  le  tableau  de  la  fraternité  : 

C'est  la  société  future 

Représentant  la  liberté. 

Lorsque  le  ciel  de  ses  pleurs  nous  inonde, 
Et  que  les  vents  refroidissent  les  airs. 
J'aime  écouter  chanter  ce  petit  monde 
Sous  les  abris,  où  régnent  ses  concerts. 
Obéissant  aux  lois  de  la  nature. 
L'harmonie  aide  à  la  tranquillité  : 

C'est  la  société  future 

Se  réglant  par  la  liberté. 


LA  CHANSON 


53 


La  cloche  sonne;  on  l'écoute  avec  joie  ; 
L'heure  des  jeux  vient  de  tinter  pour  tous; 
Habits  de  serge  aiix  cotillons  de  soie 
Vont  se  mêler  sans  trouble  et  sans  jaloux. 
Tais  aux  repas  la  même  nourriture 
Est  partagée  avec  égalité  : 

C'est  la  société  future 

Au  banquet  de  la  liberté. 

L'enfant  grandit,  et  les  petites  filles 
Songent  déjà,  c'est  le  printetnps  des  cœurs; 
Et  les  garçons,  espoirs  de  leurs  familles, 
Des  préjugés  sont  les  futurs  vainqueurs. 
L'amour  est  franc,  l'esprit  est  sans  torture; 
Voyez  les  fronts  radieux  de  beauté: 

C'est  la  société  future 

Grandissant  à  la  liberté. 

Non,  plus  d'erreuri  non,  plus  de  perfidie! 
On  s'aimera  comme  à  l'école,  un  jour; 
Il  ne  faut  plus  qu'aucun  homme  mendie, 
De  par  la  loi  d'un  fraternel  amour. 
Le  monde  ancien  aux  vers  sert  de  pâture 
A  l'avenir  sourit  la  vérilé  : 

C'est  la  société  future 

Rayonnant  à  la  liberté. 

Eugène  Châtelain. 


OniNZAJNE  DRAMATIOnE 

Nos  Députés  en  robe  de  chambre.  —  Ambigu-Comique  : 
Les  Mouchards.  —  Reprises  diverses. 

.l'ai  parlé  trop  laconiquement  do  la  pièce  que  joue 
on  ce  moment  le  Vaudeville,  A^os  Députés  en  robe  de 
cliamhre.  Une  seconde  audition  mo  fournit  le  pré- 
texte d'un  alinéa  supplémentaire.  M.  Paul  Ferricr  a 
fait  prouve  d'esprit,  d'observation  et  de  verve  dans 
cette  comédie  fort  amusante.  Sans  doute,  la  plupart 
des  situations  sont  exagérées,  et  les  types  présentés 
sont  plutôt  des  charges  quo-  des  portraits,  mais,  tel 
qu'il  est,  l'ouvrage  mérite  d'être  vu  et  applaudi. 
Parmi  les  interprètes,  M.  Golombey  a  droit  à  une 
mention  particulière.  Il  représente  avec  finesse) 
goût  et  mesure,  le  député  légitimiste  Castel-Mcillian. 
La  comédie  de  M.  Fcrrier  est  la  première  satire  poli- 
tique jouée  depuis  la  proclamation  de  la  troisième 
République.  De  pareilles  œuvres  sont  pourtant  utiles. 
Il  est  bon  de  rappeler  parfois  à  ceux  dont  le  hasard 
a  fait  les  arbitres  de  nos  destinées  qu'ils  ne  sont  que 
des  hommes. 

Après  l'Odyssée  hilarante  de  deux  voleurs  célè- 
bres, L'Ambigu  offre  au  public  l'Iliade  de  quelques 
héros  de  la  rue  de  Jérusalem. 

La  pièce  des  MoiccMrds  comprend  deux  parties 
bien  distinctes,  une  action  dramatique  et  un  épi- 
sode comique.  La  première  montre  un  ancien  viveur 
ruiné,  Dangély,  qui  fait  le  métier  d'espion  pour 
obtenir  les  moyens  de  continuer  son  existence  de 
plaisir,  et  qui,  démasqué  devant  sa  fille  et  la  femme 
qu'il  aime,  se  brûle  la  cervelle.  La  seconde  met  en 
scène  un    méridional  du  nom  de  Capoulade,  hâ- 


bleur mais  excellent  garçon,  venu  à  Paris  pour  cher- 
cher et  trouver  la  fortune.  C'est  M.  Lacressonnière 
qui  joue  Dangély  avec  plus  de  conscience  que  d'é- 
clat ;  c'est  M.  Dailly  qui  représente  Capoulade  avec 
un  entrain  dont  la  haute  critique  s'est  fort  émer- 
veillée. Il  a  de  la  chance,  ce  Dailly  ;  le  voilà,  de  par 
les  besoins  d'une  entreprise  boulevardièrc  et  le 
caprice  d'une  presse  superficielle,  passé  à  l'état 
d'étoile.  Son  physique  pourtant  est  vulgaire,  et  ses 
procédés  monotones  n'aboutissent  qu'à  des  effets 
très  gros...  Allons,  ce  Dailly  a  de  la  chance. 

Le  reste  de  l'interprétation  est  simplement  conve- 
nable ;  mais  la  mise  en  scène  a  été  traitée  avec  une 
recherche  qui  pourrait  bien  assurer  à  la  pièce  un 
chiffre  enviable  de  représentations. 

Les  Fantaisies-Parisiennes  et  les  Folies-Drama- 
tiqiies  ont  renouvelé  ou  corsé  leurs  affiches  avec 
différents  vaudevilles  dont  je  ne  ne  vois  rien  à  dire. 
Le  mauvais  temps  aidant,  ces  théâtres  encaissent 
des  recettes  plus  que  sutTisantes  ;  c'est  là  le  point 
important  pour  les  directions  d'été,  qui  se  soucient 
de  l'art  moins  encore,  s'il  est  possible,  que  les  direc- 
tions d'hiver.  L.-IIenry  Lecomte. 


LES   AUDITIONS   POPULAIRES 

AU  THÉÂTRE  DES  NATIONS 


Notre  rédacteur  en  chef,  M.  Henry  Lecomte, 
poussera  probablement  des  cris  d'aigle  eu  me  voyant 
piéliner  sur  ses  plates-bandes,  mai.s  lanl  pis;  je  ne 
puis  résister  au  désir  de  vous  parler  des  auditions 
publiques  qui  ont  lieu,  chaque  dimanche,  au 
tbéâtre  des  Natious. 

L'année  dernière,  elles  avaient  donné  des  résul- 
tais assez  satisfaisants;  espérous  qu'ils  seront  meil- 
leurs encore  cette  aunée,  grâce  a  la  grande  impulsion 
dounée  par  M.  Ballande.  " 

Avant  d'aller  plus  loin,  je  me  permettrai  une 
réilexion.  —  Pourquoi  jouer  des  aclt'S  entiers  ou 
des  séries  de  scèues  interminables,  qui  faiiguent 
les  spectateurs?  —  Une  audition  de  dix  minutes 
suffit  largement  pour  juger  un  artiste. 

Parmi  ceux  que  nous  avons  entendus,  plusieurs 
révèlent  de  bonnes  dispositions,  mais  beaucoup 
d'autres  laissent  à  désirer. 

Mlle  Lindow  possède  une  assez  bonne  voix,, 
mais  elle  aurait  dû  prendre  un  autre  morceau  que 
l'air  de  Robin,  des  Bois,  doot  elle  ne  savait  pas  le 
premier  mot. 

Mlle  Tanésy  est  encore  bien  faible;  néanmoins, 
elle  dit  à  peu  près  bien  le  finale  An  Songe  d'une  nuit 
d'été. 

Nos  compliments  à  Mme  Zélo-Duran  qui  a  su 
vaincre  louies  les  difficultés  de  l'air  des  Z'iaMœM^i 
de  la  C'ouro7i7ie  ;  celle  jeune  personne  s'esr,  revolée 
en  véritable  artiste  dans  la  comédie.  Mine  Vial  a 
récité  d'un  ton  lugubre  et  monotone  Je  troisième 
acte  de  Lucrèce  Borgia  ;  M.  Pély  qui  lui  donnait 
laréplique  dans  (xennnro  a  grand'besoin  de  travail- 
ler. A  défaut  d'un  gr;iiid  'talent,  M.  Dan)Ou  dans 
Don  César,  de  Uuy  Blas,  a  montré  quil' avait  au 
moins  l'habitude  de  la  .'icène. 

Nous  n'en  dirons  pas  aulant  de  M.  de  Saint- 
Martin  qui  a  joué  Alvarez  du  Supplice  d'ïme  femme, 
d'une  façon  déplorable.  Alfred  Bertinot. 


54 


LA  CHANSON 


tA  fiHANSfllHN  PfiflVINfiE 

Mon  cher  Monsieur  Patay, 

Je  vous  adresse,  pour  remettre  au  comité  de  la  sta- 
tue de  Béranger,  46  fr.  20  centimes,  provenant  d'une 
collecte  faite  samedi  soir,  à  Lyon,  au  banquet  des 
«  Amis  de  Pierre  Dupont  »  et  18  fr.  80  récoltés  en 
dehors,  soit  6o  francs. 

Notre  réimion,  comme  toujours,  a  été  des  plus 
fraternelles  et  s'est  prolongée  fort  avant  dans  la  nuit. 
Il  a  fallu  faire  appel  à  la  raison  pour  nous  résoudre 
à  nous  séparer.  Notre  banquet,  qui  avait  été  très  gai 
jusqu'à  minuit  et  demi,  grâce  au  concours  d'éléments 
que  nous  ne  possédons  pas  toujours,  reçut  une  re- 
crudescence d'entrain  par  l'arrivée  de  nos  amis  Le- 
pers  et  Maugé,  qui  sont  venus  nous  rejoindre  après 
la  représentation  du  Tamiour  Major,  qui  obtient  un 
grand  succès  dans  notre  ville. 

Je  me  fais  un  devoir,  au  nom  des  «  Amis  de  Pierre 
Dupont»  de  rendre  hommage  au  chers  amis  qui,  pen- 
dant six  heures,  nous  ont  émerveillés  par  leur  talent. 
Permettez-moi  donc,  cher  directeur,  de  m'acquitter 
de  cette  dette  de  reconnaissance. 

Tout  d'abord,  mes  remerciements  les  plus  sincères 
à  notre  ami  Moras  et  à  sa  dame  qui  n'avait  pas  craint 
d'affronter  une  société  où  la  plus  belle  moitié  du 
genre  humain  ne  vient  presque  jamais,  pour  nous 
prodiguer  son  grand  talent  de  pianiste.  M.  Moras 
avec  sa  voix  chaude  et  vibrante,  dirigée  avec  un 
talent  que  l'on  rencontre  rarement  chez  les  ténors, 
nous  a  tenus  sous  le  charme. 

Le  duo  de  la  Reine  de  Chypre  ainsi  que  l'Insensé 
nous  ont  permis  d'apprécier  la  rondeur  et  la  puis- 
sance d'un  organe  qui  est,  d'un  bout  à  l'autre,  par- 
faitement homogène.  Nous  lui  souhaitons  dans  l'ave- 
nir tout  le  succès  qu'il  mérite. 

Notre  ami  Lepers  nous  a  chanté  l'air  des  échaudés 
de  Madame  Favart  avec  un  entrain  et  une  perfection 
rares.  La  Garonne  est  une  gaseonnade  qui,  dite  par 
lui,  a  excité  une  hilarité  générale. 

Notre  ami  Maugé,  dont  vous  connaissez  le  talent 
de  comédien,  nous  a  gratifiés  de  trois  de  ses  chansons 
qu'il  a  chantées  avec  un  goût,  un  charme  indicible. 
Rien  de  plus  français,  de  plus  spirituel.  Maugé  est 
aussi  bon  poète  que  bon  artiste. 

Parmi  les  amis  de  Pierre,  je  dois  aussi  mentionner 
l'ami  Claude  Gauthier  qui  nous  a  fait  frissonner  en 
nous  chantant  la  Tomle  et  les  Champs  vendus  ;  notre 
ami  Sanaoze  qui  nous  a  dit  la  Rôle  et  une  scène  du 
Lion  amoureux  en  véritable  artiste  ;  l'ami  Guillermin 
qni  a  chanté  avec  sa  verve  habituelle  l'Action,  de 
Pierre  Dupont,  et  l'Enclume,  œuvre  d'un  Lyonnais, 
Peignaux,  que  je  vous  recommande.  Un  jeune  gar- 
çon, notre  ami  Chambon,  nous  a  chanté  le  Percheron 
du  Rhône,  les  Carriers  et  le  Chêne,  trois  œuvres  de 
Pierre  Dupont,  avec  une  voix  et  un  sentiment  qui 
nous  promettent  un  excellent  interprète  de  la  vraie 
chanson.  Notre  ami  Dubost  de  Lantilly,  un  fervent 
ami  de  Pierre,  nous  a  chanté  un  à-propos  qui  a  pro- 
voqué la  plus  douce  gaité.  Enfin,  artistes  ou  ama- 


teurs ont  rivalisé  d'entrain,  et  samedi  est  bien  une 
des  plus  belles  soirées  que  nous  ayons  jamais  eues. 

Pour  être  complet  je  dois  dire  que  j'ai  concouru, 
dans  la  mesure  de  mes  moyens,  à  distraire  nos  amis 
en  disant  les  Cerises  de  Pierre  Dupont,  en  donnant  la 
réplique  à  notre  ami  Moras  dans  le  duo  de  la  Rehie  de 
Chypre,  enfin  en  chantant  le  Sermon  iachique  de  Jules 
Jacob,  la  Consolante  de  notre  ami  Ghignard,  et  Je 
briserais  mon  verre,  de  Ben-Tayoux. 

Les  amis  qiie  j 'oublie  me  pardonneront,  j 'en  suis  sûr. 

En  attendant  le  plaisir  de  vous  voir,  agréez,  cher 
Monsieur  Patay,  la  cordiale  poignée  de  main  que  je 
vous  envoie.  A.  Lumière. 

Chronique  de  la  Scala 

Samedi,  a  eu  lieu  la  première  représentation  de 
Tous  Marseillais,  opérette  en  un  acte  de  M.  Bézond, 
musique  originale  de  M.  Germain  Laurent. 

La  donnée  de  cette  boufionnerie  est  insignifiante 
et  de  sort  pas  de  l'ordinaire  ;  mais  les  jeux  de  scène 
et  les  situations  comiques,  habilement  amenés,  y 
abondent,  et  font  le  succès  de  la  pièce. 

Le  but  des  auteurs  était  de  faire  rire  ;  ils  ont  par- 
faitement réussi,  c'est  tout  ce  qu'on  leur  demandait. 

Interprétation  excellente  par  MM.  Bérod,  Brunet, 
Bienfait  et  Mlle  Worton. 

Aucun  début  important  à  signfi,ler.  Les  artistes  de 
la  Scala  étant  tous  depuis  longtemps  aguerris  au  feu 
de  la  rampe,  nous  nous  bornerons  à  citer  les  chan- 
sonnettes nouvelles  qui  ont  eu  le  plus  de  succès  ; 

Je  n'  m'attendais  pas  à  ça,  de  Léon  Fournier,  mu- 
sique de  Jules  Jacob,  interprétée  par  M.  Paul  Bert. 

Ça  laisse  à  désirer,  de  Brigliano,  musique  de 
Brunet,  détaillé  finement  par  Mlle  Blockette,  la  trans- 
fuge des  Folies-Rambuteau. 

Ma  dernière  chanson,  de  Laroche,  musique  de 
Duhem,  chantée  par  M.  Debailleul. 

Nous  remarquons  aussi  l'amusant  Bourges  qui  se 
fait  rappeler  deux  fois,  avec  Chapeau  jaune  et  gros 
mollets  et  Saperlotte  et  Sacrédié. 

Le  duo  du  Trouvère,  chanté  par  le  baryton 
Debailleul  et  Mme  Patry,  obtient  chaque  soir  un 
immense  succès. 

On  ne  saurait  trop  encourager  ces  tentatives  de 
propagande  du  grand  répertoire  au  café-concert. 
Alpred  Bebtinot 


BIBLIOGRAPHIE 

Nocturnes,  par  Léon  Valade.  (1) 
M.  Léon  Valade,  qui  naguère  écrivit  avec  M.  Mérat 
une  remarquable  traduction  rimée  de  l'Intermezzo, i 
prenait  plaisir,  tandis  que  son  ancien  collaborateurl 
revenait  en  plein  Paris,  à  se  bercer  encore  dans  lai 
nuit  poétique  de  Henri  Heine.  Les  Nocturnes,  qu'ilJ 

(1)  Vient  de  paraître,  à  la  librairie  A.  Patay,  18  ruej 
Bonaparte.  En  vente  chez  tousies  libraires;!  vol.in-18.f 
papier  teinté,  tiré  à  petit  nombre,  prix  :  i  fr.  50. 


LA  CHANSON 


55 


nous  donne  aujourd'hui,  sont,  comme  V Intermezzo, 
une  imitation  en  vers  des  célèbres  slroph.es  du  poêle 
franco-allemand. 

Si  le  caractère  de  Heine  n'a  pas  toujours  donné 
lieu  aux  appréciations  les  plus  favorables,  en  re- 
vanche son  talent,  fait  de  sentimentalité  morbide  et 
d'ardente  sensualité,  reste  au-dessus  de  toute  con- 
testation. Il  a  joué,  en  pinçant  de  ses  propres  nerfs 
avec  la  fiévreuse  ironie  d'un  âpre  désespoir,  les  airs 
les  plus  précieux,  les  plus  suaves  et  les  plus  péné- 
trants. Homo  duplex  !  a-t-on  dit.  Il  est,  certes,  un 
des  plus  brillants  exemples  de  cette  humaine  dupli- 
cité. Mieux  encore  I  on  dirait  qu'il  y  a  en  lui,  non 
pas  un  homme  double,  mais  un  homme  et  un  Dieu; 
et  quand  je  lis  ses  œuvres,  il  me  semble  toujours  y 
voir  Apollon  écorcher  Marsyas,  Apollon  et  Marsyas 
n'étant  là  du  reste  que  deux  aspects  différents  de  sa 
propre  individualité. 

M.  Léon  Valade  a  interprété  ce  délicat  et  nerveux 
poète  avec  toute  la  sympathie  possible  et  la  plus 
musicale  virtuosité.  Il  est  entré  de  plein  pied  dans 
le  Palais  magique  des  douces  et  décevantes  visions, 
des  adorables  et  cruelles  chimères,  des  fleurs  au 
splcndide  et  perfide  épanouissemeni,  à  l'âme  eni- 
vrante et  vénéneuse.  Il  l'a  conquis  ;  il  en  a  saisi  et 
dompté  l'insaisissable  et  capricieux  génie  ,  il  nous 
en  ouvre  à  deux  battants  les  portes  d'or  ;  il  nous  en 
révèle,  dans  tout  leur  éclat  et  dans  toute  leur  inten- 
sité, les  tendres  et  douloureux  enchantements. 

Il  n'est  pas  besoin  de  très  bien  savoir  la  laogue 
du  poète  imité,  pour  sentir  qu'il  a  été  interprété 
avec  amour,  avec  fidélité,  avec  bonheur.  La  sensa- 
tion, le  sentiment,  l'idée,  ne  semblent  rien  avoir 
perdu  en  force  ni  en  beauté,  pour  avoir  été  trans- 
plantés sur  le  domaine  de  la  poésie  française.  L'ex- 
pression a  gardé  une  si  Iraiche  et  si  piquante  origi- 
nalité qu'où  ne  peut  croire  à  une  simple  imitation. 
Le  traducteur  a  dû  penser  et  sentir  tout  cela  à  nou- 
veau, pour  que  le  mot  juste  et  la  rime  exacte  aient 
jailli  avec  un  tel  primesaut  et  un  si  parfait  accoid. 
Il  doit  en  outre,  pour  avoir  accompli  ce  très  harmo- 
nieux tour  do  force,  être  de  longue  date  profondé- 
ment initié  à  toutes  les  ressources  qu'olfre  le  génie  de 
notre  langue  et  de  notre  prosodie. 

Et  maintenant,  M.  Valade  nous  doit  un  bon  vo- 
lume de  poésie  absolument  personnelle.  Il  nous 
annonce,  d'ailleurs,  une  série  de  Tableaux  vénitiens. 
0  Titien,  Giorgione  et  Véronèse  I 

[Rappel).  Emile  Blémont. 


CHOSES  ET  AUTRES 

Nous  avons  reçu  la  lettre  suivante  : 

Paris,  le  iS  Juin  ISSO. 
Cher  Monsieur  Patay, 
Vous  avez  inséré,  dans  le  numéro  de  ce  jour,  une 
notice  biographique  sur  Noël  Muuret,  notice  dont  le 
signataire  est  M.  Eugène  Imbert.  Il  y  est  parlé  incidem- 
ment de  mon  père,  et  c'est  avec  surprise  que  J'ai  lu  la 
phrase  suivante  ; 

«  Durand  était  la  providence  quelque  peu  usurière  du 
a  coiipUtier  dans  l'embarras.  » 


Vous  comprendrez  facilement  que  j'ai  lieu  d'être 
étonné  de  cette  qualification  désobligeante,  s'app'  ■!  i.ut 
à  un  homme  de  bien  dont  la  vie  a  été  toute  de:  i^^vuue- 
ment  et  de  confraternité,  et  qui  est  mort  ne  laissant  que 
de  bons  souvenirs  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu.  Le  si- 
gnataire de  l'article,  moins  que  tout  autre,  aurait  dû 
l'employer.  Vous-même,  cher  Monsieur  Patay,  qui  avez 
connu  mon  père,  qui  vous  comptait  au  nombre  de  ses 
amis,  auriez  pu,  ce  me  semble,  retrancher  sans  incon- 
vénient pour  la  valeur  de  l'article,  cette  phrase  que 
M.  Imbert  sf  probablement  laissé  tomber  de  sa  plume 
sans  y  attacher  d'importance. 

Vous  savez  que  mon  père,  loin  d'être  la  providence 
quelque  peu  usurière  des  coupletiers  dans  l'embarras,  n'a 
jamais  laissé  aucune  infortune  faire  un  vain  appel  à  son 
cœur,  et  qu'il  était  toujours  le  premier  à  venir  en  aide 
aux  confrères  besoigneux. 

Quant  au  paragraphe  qui  a  rapport  à  Gustave  Leroy, 
il  est  complètement  faux.  Jamais  mon  père  n'a  payé  une 
chanson  deux  francs,  et  Gustave  Leroy,  qui  venait  jus- 
qu'à huit  à  dix  fois  par  semaine  à  l'heure  des  repas  chez 
la  providence  usurière,  y  trouvait  toujours  son  couvert 
mis,  et  souvent  sans  elle  il  se  serait  couché  sans  souper. 

Vous  savez  comment  mon  père  a  été  récompensé  par 
Gustave  Leroy. 

Mais  je  prêche  un  converti  et  ma  lettre  est  déjà  assez 
longue. 

Je  compte,  cher  Monsieur  Patay,   que  vous  voudrez 
bien  insérer  cette  lettre  dans  votre  prochain  numéro,  et 
je  vous  prie  de  me  croire  votre  toujours  bien  dévoué. 
HippoLYTE  Durand. 


Commo  nous  l'avions  annoncé,  la  soirée  eu  l'hon- 
ncui  d'Adolphe  Vaudry,  lo  compositeur  populaire, 
a  eu  lieu  lo  la  juin,  rue  do  Paris,  27,  à  Bcllcvillc.  La 
présidence  en  a  été  donnée  à  Eugène  Baillet  qui  a 
ouvert  la  séance  eu  disant  :  «  J'accepte  la  présidence 
qui  m'est  olferto  parce  que  je  suis  le  premier  colla- 
borateur do  Vaudry.  C'est  en  1838  qu'il  composa  sa 
première  musitjuo  pour  ma  chanson  Viens  donc,  qui 
eut  aussitôt  un  grand  succès.  > 

Tout  ce  que  la  vieille  goguette  compte  d'amis 
était  là.  Mme  Vaudenesso  avait  apporté  la  note 
gaie  à  cette  petite  fête,  et  Marcel  Boucher,  l'artiste  à 
la  voix  sonore  et  sympathique,  a  dit  avec  ampleur 
Za  Gerbe  républicaine,  paroles  de  Mouret,  musique 
do  Vaudry.  Les  bravos  n'ont  pas  manqué  à  ces  deux 
artistes.  La  somme  nécessaire  à  l'érection  d'une 
tombe  à  Vaudry  (but  de  la  soirée),  a  été  grandement 
réunie,  et  le  dimanche  suivant,  20  juin,  la  chanson, 
représentée  par  ses  plus  fervents  disciples  arrivait, 
fidèle  au  rendez-vous,  à  4  heures,  au  cimetière 
St-Ouen. 

Nous  avons  remarqué,  parmi  les  chansonniers  pré- 
sents, Noél  Mouret,  Hippolyte  Ryon,  René  Ponsard, 
Georges  Baillet,  Gabriel  de  Gonet,  Brûlez,  Legentil, 
Guigue,  Jules  Jeannin,  Mme  Elle  Deleschaux, 
Evrard,  Denanjanes,  Clément  Casse,  et  beaucoup 
d'autres  dont  les  noms  nous  échappent;  le  journal  la 
Chanson  était  représenté  par  son  directeur,  A.  Patay. 
Chacun  portait  a  la  boutonnière,  non  l'iinmortelle 
mais  une  rose.  Une  cotuonne  eu  immortelles  rouges 


56 


LA  CHANSON 


a  été  placée  sur  la  tombe;   elle  porto  ces  mots: 
A  YauAry,  ses  amis,  ses  collaborateurs. 

Eugène  Baillet  a  pris  la  parole  en  ces  termes  : 
I  Mes  bons  amis, 

«  Nous  n'avons  plus  de  regrets  à  esprimcr  tou- 
ebant  Vaadry  ;  nous  les  avons  exprimés,  à  cette 
place  mémo  et  en  toutes  circonstances. 

«  Aujoui'd'liui,  ce  que  je  désire,  c'est  de  remercier 
la  camaraderie  qui  a  bien  voulu  se  joindre  à  nous 
pour  décorer  la  tombe  de  Vaudry  d'une  pierre  qui 
rappelle  ses  succès  les  plus  populaires,  et  qui  mar- 
que la  sympathie  qui  entourait  l'ami  que  nous  avons 
perdu  il  y  a  un  an. 

«  La  fraternité  n'est  pas  un  vain  mot  parmi  nous, 
cette  tombe  en  est  la  preuve  !  Car,  si  peu  luxueuse 
soit-elle,  ce  qu'elle  a  coûté  a  été  gagné  péniblement 
et  sou  par  sou  par  les  travailleurs  amis  de  Vaudry 
qui  l'ont  érigée.  Merci  à  nos  amis  anciens  et  nou- 
veaux. 

«  Mais  remercions  particulièrement  notre  vieux 
chef  de  file  Noël  Mouret,  plus  infatigable  que  les 
jeunes  !  Son  dévouement  en  cette  circonstance  a  été 
à  la  hauteur  de  son  amitié  pour  le  compositeur  de 
la  Religieuse,  et  tant  que  nous  aurons  parmi  nous 
des  cœurs  comme  le  sien,  l'oubli  ne  viendra  pas 
s'asseoir  sur  la  tombe  de  nos  amis.  » 

Après  ces  quelques  mots  écoutés  avec  recueille- 
ment, M.  Francis  a  dit  le  sonnet  suivant,  dû  à  la 
plume  verveuse  et  colorée  de  Legentil  : 

Le  Bout  de  l'An  d'Adolphe  Vaudry 

2(1  juin  1880. 

Repose  en  paix,  "Vaudry,  dans  f  humble  cimetière, 
Dors  au  milieu  de  ceux  qui  te  chantaient  en  chœur  ; 
En  cet  obscur  séjour,  la  bourgeoisie  altièce 
Ne  t'insultera  pas  de  son  salut  moqueur. 

Le.s  jaloux  impuissants  ne  feront  point  litière 

De  ces  chansons  d'azar  qui  nichaient  dans  ton  cœur, 

Car  l'inspiration  élève  une  frontière 

Qui  sépare  les  sots  de  l'artiste  vainqueur. 

Ce  siècle  vise  au  front  les  rêveurs,  les  poètes. 
Et  notre  indifférence  ainsi  que  les  tempêtes 
Déracine  le  chêne  et  courbe  le  roseau; 

Un  jour  que  tu  chantais,  Rossini  des  mansardes, 
La  misère  survint,  et  de  ses  mains  blafardes, 
Comme  un  méchant  enfant,  elle  étouffa  l'oiseau. 

Chacun  des  assistants  détacha  alors  la  rose  or- 
nant sa  boutonnière,  et  la  déposa  sur  la  tombe  qui, 
en  un  instant,  fut  couverte  de  ces  fleurs  que  Vaudry 
aimait  tant  de  son  vivant,  et  que  l'amitié  lui  prodi- 
gue après  sa  mort.  XXX. 

Il  sera  rendu  compte,  dans  notre  prochain  numéro,  du 
Banquet  d'été  du  Caveau,  dit  Banquet  des  mois  donnés. 


DIXIÈME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouverû  du  20  mai  au  3.0  juin. 
Le  grand  nombre  de  pièces  reçues  nous  force  à 
remettre  au  pioehain  numéro  le  résultat  du  tournoi. 


CHROHIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

COi^XOURS    DRiïItIjll'IQKE    ET    DE    DICTlOAl 

df»  Sociétés    lyriques   de  Paris. 

Quoique  beaucoup  de  Sociétés  lyriques  soient  eu 
vacances  pendant  l'été,  trente  ont  répondu  à  l'appel 
du  comité.  Le  concours  commencera  le  dimanche  27 
juin  (salle  des  sociétés  lyriques,  2'3,  faubourg  du 
Temple),  et  aura  lieu  tous  les  soirs,  jusqu'au  diman- 
che 4  juillet.  Cinquante  concurrents  dont  quatre 
dames  doivent  prendre  part  au  concours  de  diction, 
et  un  nombre  beaucoup  plus  grand,  hommes  et 
dames,  doivent  interpréter  une  trentaine  d'actes  ou 
fragments  d'actes  de  comédies,  vaudevilles  et 
opérettes.  Nous  rendrons  compte  de  ce  concours  qui 
intéresse  tous  les  membres  et  les  habitués  des 
sociétés  lyriques,  dont  le  nombre  est  considérable 
dans  Paris. 

Lundi  dernier,  malgré  le  mauvais  temps,  un  audi- 
toire assez  nombreux  assistait  à  la  soirée  donnée  par 
la  Fantaisie  li/rique,  107,  boulevard  Magenta. 
M.  Halphen  récite  la  Situation  d'une  façon  fort  comi- 
que. Grand  succès  pour  M.  Ville  dans  Saperlotte  et 
Sacrédié  ;  nous  sommes  heureux  d'annoncer  que  ce 
jeune  artiste  va  débuter  prochainement  à  l'Alcazar 
d'été.  L'amusant  Vaast  recueille  do  nombreux  bra- 
vos avec  Une  journée  à  la  correctionnelle  ;  Mlle  Mar- 
guerite est  toujours  très  applaudie  dans  VEsclave 
Manche  et  Violettes  et  Jeunes  filles,  ses  deux  chansons 
favorites. 

MM.  de  Bar,  Fontaine,  Cooper  frères,  Gallebert  et 
Victor  ont  aussi  eu  leur  part  de  succès. 

J'oubliais  de  vous  dire  que  j'ai  joué  Adélaïde  et 
Vermouth,  avec  Mlle  Marguerite  ;  on  m'a  dit  que  la 
pièce  avait  bien  marché...  mais  je  vous  le  donne 
sous  toutes  réserves.  Alfred  Bertinot. 

On  nous  prie  de  publier  la  note  suivante  : 
«  Les  membres  de  la  Société  la  Renaissance 
protestent  énergiquement  contre  l'article  paru  dans 
la  Chanson  du  13  juin,  signé  Maxime  Guy,  ;,nnon- 
çant  que  la  moitié  des  membres  de  cette  Société 
avaient  démissionné  pour  cause  de  mauvaise 
gestion. 

«  Dans  la  réunion  mensuelle  du  4  juin,  un  vote  de 
confiance  a  été  donné  au  Bureau;  sept  sociétaires  sur 
trente-un  «  ainsi  que  l'établissent  les  livres  »  ont 
démissionné.  » 

La  Lyre  de  la  Gaîte  donnera  une  grande  soirée, 
sous  la  présidence  de  dames  et  avec  le  concours  de 
nombreux  artistes,  le  samedi  3  juillet,  8,  rue 
Descartes. 


L'^bondauce  des   matières  nous  foft-ce  à    rcnltttrc 
au  prociiain  auméro  notre  Chan^on-réelaluc. 

Le  Birecteur-Qérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C,  6,  rue    Martel. 


3=  ANNÉE. 


N»». 


«O  CENTIMES. 


JUILLET  M 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant. 
A.  PATAY 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ^"1g;\t?a"'^ 


La  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  te  gracieuK  frère  de  la  strophe, 
V.  HUGO. 


ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits   non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


La  chanson,  comme  la  baïonnette 
st  une  arme  française. 

J.  CLARETie. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


A   roccfiHion   de   la   l<'ùCc 


ifionalo  du    lA  jii 
appelé  À  I 


illct. 


In  "CIIAWSOX"  publient  un  numéro    exceptionnel 
'N  ^rnnd  NucoèN. 


Galerie  des  Chanéoimiera  :  hèjaicl  (L.-Hekhy  Lbcomtb).  ■ —  Revae  de 
la  Musique  populaire  (A.  Édêma)  ^ —  Banquet  du  Caveau,  Mots 
donnés  (Ern.  Ihhhht).  —  A  Holnmon  (B,ii  iidklis).  —  Ulner  du 
Cercle  Pigallc  — -  Ça   laisse  à  désirer  (J.    Rlki.}.  —  Chronique  des 


SOMMAIRE: 

nrcrts  —  Le  banquet  des  quatre  aaîson,iy  Sonnet  (J.  Nicolle). 
nccrl  de  l'École  Galin-Paris-Chevé  (Th.  Poket)  —  Chronique  ■ 
cictt-s  lyriques  (A.  Bertinot,  SÏ.  G.)  —  Résultat  du  Diù  " 
urs  de  la  Chanson  —  Choses  et  autres. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :    DEJAZET 


Déjazel!  Nous  écri- 
vons toujours  ce  nom 
iivec  unejoie  attendrie. 
Aucune  fcnune,  au  théâ- 
tre, ne  nous  causa  de 
plaisirs  aussi  vifs,  et 
n'aida  plus  à  notre  édu- 
cation artistique. 

Nous  avons  connxi 
Déjazet  pondant  quinze 
années.  Il  nous  sou- 
vient comnae  d'hier  du 
jn-emier  jour  où  nous  la 
vîmes.  Celait  pendant 
le  carnaval  de  1861  ; 
nous  arpentions  lesbou- 
Icvards  enguenillés  et 
bruyants,  triste  ainsi 
qu'il  convenait  à  un  ti- 
mide, quand  un  ami, 
prenant  en  pitié  noire 
■confusion  juvénile, 
nous  tira  de  la  foule, 
et,  sans  avertissement, 
nous  conduisit  au  plus 
humble  étage  d'un  petit 
théâtre  du  boulevard  du 
Temple.  L'afïiche  an- 
nonçait les  TroisGamins, 
vaudeville.  Lasalleétait 
comble,  mais  silen- 
cieuse. Au-delà  de  la 
rampe  faiblement  éclairée,  un  rideau  représentait, 
sous  quarante  aspects  différents,  une  actrice  qu'on 
nous  dit  être  la  fée  de  la  maison.  Le  nom  de  Déjazet 


n'éveilla  guère  en  nous 
qu'un  senlhnent  de  cu- 
riosité, surexcité  parle 
souvenir  de  lectures 
furlives,  anecdotes  ga- 
lantes ou  comédies 
alertes,  et  les  promesses 
de  plaisir  qu'on  se  fai- 
sait à  nos  côtés  nous 
cuirassèrent  unique- 
ment d'exigence. 

La  toile  levée,  uri  dia- 
logue assez  vulgaire 
.s'engagea,  puis  un  ga- 
min parut,  blond  et 
rose,  malicieux,  gam- 
badant et  chantant  : 
c'était  Déjazet. 

Nous  nous  sentîmes 
bientôtenprésenced'un 
grand  art.  Ce  person- 
nage, en  effet,  n'avait 
d'un  gamin  que  le  nom  ; 
faux  dans  son  caractère, 
fantaisiste  dans  son  cos- 
tume et  son  maintien, 
il  semblait  exact,  ce- 
pendant, au  plus  grand 
nombre,  et  séduisait. 
Poétiser  nous  a  toujours 
paru  méritoire  ;  nous 
sûmes  d'abord  gré  à 
Kartiste  de  ne  s'être  point  astreinte  à  la  copie  facile 
de  malpropretés  physiques  ou  morales.  Le  spectacle 
continuant,  Déjazet  se  livra  tout  entière  au  public  ; 


58 


LA  CHANSON 


natis  fûmes  désarmé,  aux  instants  du  dialogue,  par 
sa  connaissance  prol'onde  des  détails,  sa  manière 
unique  de  souligner  et  d'atténuer  à  la  fois  le  mot 
scabreux,  et  conquis,  à  l'audition  des  couplets,  par 
la  fraîcheur  de  son  organe  et  l'expression  de  son  ta- 
lent musical.  Autour  de  nous,  chaque  spectateur, 
épanoui,  battait  des  mains.  Nous  partîmes,  songeur, 
pour  revenir  le  lendemain,  puis  le  jour  suivant,  et 
dès  lors,  à  son  insu,  Déjazet  eut  dans  l'ombre  un  ad- 
mirateur infatigable,  véhément,  pris  de  ce  sentiment 
exalté  que  les  reines  de  théâtre  inspirent  seules,  et 
qui  a  tout  de  l'amour,  sauf  l'égoïsme  et  la  déraison. 

Nous  compterions  par  centaines  les  soirées  heu- 
reuses dont  nous  lui  fûmes  redevalîles.  Nous  l'étu- 
diàmes,  sur  des  scènes  diverses,  dans  plus  de  vingt 
rôles  ;  partout  et  dans  tout  Déjazet  demeura  pour 
nous  la  personnalité  singulière,  poétique,  charmante, 
du  premier  jour. 

Pauline-Virginie  Déjazet  était  née  à  Paris,  rue 
Saint- André-des- Arts,  le  30  août  1798.  Son  père,  Jean 
Déjazet,  exerçait  la  profession  de  tailleur  ;  l'argent 
qu"il  en  retirait  ne  pouvant  suffire  à  l'entretien  de  sa 
famille  composée  de  treize  enfants,  plusieurs  de  ces 
enfants  y  suppléaient  en  figurant  dans  les  ballets  de 
l'Opéra.  On  pensa  naturellement  à  élever  "Virginie 
pour  un  emploi  semblable.  Dès  qu'elle  put  marcher, 
sa  sœur  Thérèse  et  le  chorégraphe  Gardel  lui  pro- 
diguèrent des  leçons.  Klle  en  profita  vite  ;  à  cinq 
ans,  en  effet,  elle  débutait  comme  danseuse  sur  le 
petit  théâtre  des  Capucines. 

Le  théâtre  des  Jeunes-Artistes,  celui  des  Jeunes- 
Elèves,  le  Vaudeville  et  les  Variétés  engagèrent  suc- 
cessivement Virginie  poiu'  lui  confier  des  person- 
nages d'enfants,  d'amoureuses  ou  de  soubrettes.  En 
1821,  elle  débuta  au  Gymnase,  y  fit  quelques  créa- 
tions heureuses,  et  s'engagea  ensuite  aux  Nouveau- 
tés (1828),  puis  au  Palais-Royal  (1831).  C'est  à  ce  der- 
nier théâtre  que  Déjazet  remporta  ses  plus  éclatants 
succès  :  les  Chansons  de  Béranger,  Ze'torières,  les  Pre- 
mières armes  de  Richelieu,  Vert- Vert,  Indiana  et  Char~ 
lemagne,  la  Fille  de  Dominique,  Voltaire  en  vacances 
et  cent  autres.  Le  Palais-Royal,  pourtant,  se  sépara 
d'elle,  en  1844,  pour  une  mesquine  question  d'inté- 
rêt, et,  pendant  seize  ans,  Déjazet  alla  de  scène  en 
scène,  retrouvant  constanunent  la  vogue  et  la  sym- 
pathie publique.  Elle  put  alors  tenter  de  travailler 
chez  elle.  Le  petit  théâtre  des  Folies-Nouvelles,  acheté 
et  rouvert  sous  son  uom,  la  vit  d'abord  reprendre  ou 
créer  avec  bonheur  quantité  d'ouvrages  :  les  Premières 
armes  de  Figaro,  Monsieur  Garât,  Grain  de  Sable, 
Lamun,  Getitil-Bernard,  le  Dégel,  les  Pistolets  de  mon 
2)ère,  etc.  ;  puis  la  fortune  se  lassa  et,  en  1870,  le 
théâtre  Déjazet  ferma,  tandis  que  sa  patronne  recom- 
mençait sa  vie  nomade. 

On  apprit  tout-à-coup  qu'elle  était  malade  et 
pauvre  dans  une  maison  de  Montmartre.  Ce  fut  par- 
tout u.n  étonnement  indigné.  Le  Gaulois  émit,  le  pre- 
mier, l'idée  d'une  solennité  artistique  en  l'honneur 
et  au  profit  de  l'illustre  comédienne.  Tous  les  jour- 
naux l'approuvèrent  et  offrirent  leur  concours.  L'élan, 
digne  de  Paris,  eut  des  résultats  dignes  de  celle  qui 


l'inspirait.  Une  représentation  superbe,  donnée  à 
l'Opéra  le  27  septembre  1874,  la  tombola  qui  suivit, 
divers  bénéfices  organisés  en  province,  produisirent 
une  somme  considérable,  qui,  bien  que  bizarrement 
employée  par  les  promoteurs  de  cette  œuvre  chari- 
table, suffit  à  assurer  la  tranquilité  des  derniers 
jours  de  Déjazet.  Elle  mourut  à  Paris,  le  l'"'  décembre 
1873,  laissant  d'unanimes  regrets. 

Les  rôles  établis  par  Déjazet,  et  dont  la  nomencla» 
lure  emplirait  aisément  un  numéro  de  ce  journal,  se 
peuvent  résumer  en  deux  créations  inoubliables  : 
Gentil-Bernard  et  Frétillon.  Etre  une  grisette  ave- 
nante, insoucieuse  de  la  grammaire  et  de  la  morale, 
ou  quelque  amoureux  imberbe,  joli  comme  une  fille, 
ardent  comme  un  garçon,  jetant  à  tous  les  vents 
madrigaux  et  baisers,  fut,  à  vrai  dire,  l'unique  tra- 
vail de  Déjazet. 

Les  auteurs,  au  lentemain  d'un  succès,  copiaient 
servilement  ses  allures  pour  lui  fournir  un  rôle  fa- 
vorable, et  privaient  ainsi  le  public  du  plaisir  de- 
voir son  intelligence  aux  prises  avec  une  idée  neuve. 
On  s'étonnait  avec  raison  de  la  voir  imprimer  un  ca- 
chet dissemblable  à  des  personnages  visiblement 
taillés  sur  le  même  patron.  L'actrice  faisait  la  pièce. 
Elle  possédait  un  talent  original,  agissant,  sans  âge 
ni  sexe.  Sa  caractéristique  était  l'esprit,  un  esprit 
continu,  mordant,  féminin  au-delà  de  toute  expres- 
sion ;  son  défaut  grave,  le  manque  de  vérité,  tenait 
exclusiveuient  à  l'invraisemblance  et  aux  difficultés 
du  genre  qu'elle  porta  si  haut.  Rien  de  plus  faux  et 
de  plus  scabreux,  en  effet,  que  le  point  de  départ 
de  ces  œuvres  où  le  même  individu  doit  intéresser 
les  désirs  de  tous  :  des  femmes  en  tant  que  person- 
nage fictif,  des  hommes  en  tant  que  personnage  réel. 
Mais  elle  avait  le  goût,  la  distinction,  la  grâce,  et  ce 
don  rare,  indéfinissable  et  irrésistible  :  le  charme. 

La  quantité  de  vaudevilles  représentés  par  Déjazet, 
l'art  immense  et  personnel  qu'elle  dépensait  dans 
les  innombrables  couplets  qui  parsemaient  ses  rôles, 
suffiraient  à  justifier  son  admission  dans  la  galerie 
ouverte  par  nous  aux  célébrités  chansonnières.  Mais 
Déjazet  ne  se  contentait  pas  de  chanter  merveilleu- 
sement les  vers  des  autres,  elle  en  écrivait  elle-même 
de  très  jolis.  Qu'on  en  juge  par  ces  couplets,  adres- 
sés aux  auteurs  de  Madame  Favart,  en  faveur  du 
fils  malheureux  de  la  célèbre  comédienne  qu'elle 
personnifiait  alors: 


Gentil  Masson,  joyeux  Saintioe, 
Vous  dont  l'esprit  est  opulent, 
À  la  vieillesse  qui  s'incline 
Donnez  l'obole  du  talent. 
Vous  qui  m'avez  faite  quêteuse 
Par  le  prestige  de  votre  art... 
Que  ma  demande  soit  heureuse  : 
Donnez  au  fils  de  madame  Favart  ! 


Quand  par  votre  piume  légère. 
Leurs  noms  sont  encore  ennoblis, 
Que  le  triomphe  de  la  mère 
Soulage  les  malheurs  du  fils  ! 
Et,  cbague  soir  plus  courageuse, 
Cent  fois  je  bénirai  mon  art 
Qui  m'aura  faite  la  quêteuse 
Des  deux  auteurs  de  Madame  Favart  ! 


LA  CHANSON 


59 


L'iiilelligcute  et  libérale  sociélé  tlu  Caveau  avait 
•ou  bien  garde  de  ne  point  se  faire  représenter  à  la 
solennité  donnée  à  l'Opéra  en  l'honneur  delà  fée  des 
couplets.  Des  vers  émus,  composés  pour  la  circons- 
tance par  Eugène  Grange,  y  furent  chantés  avec 
grand  effet.  Déjazet  touchée  voulut  en  remercier 
le  Caveau.  Le  2  octobre  187-!,  elle  pénétrait  au  sein 
<le  ces  agapes  qu'on  rendues  célèbres  nos  maîtres  chan- 
.sonniers.  Elle  y  fut  fétee,  conune  bien  on  pense. 
Couplets,  sonnets,  rondeaux,  chantèrent  pour  elle  à 
l'cnvi.  Elle  riposta  par  des  chansons  dites  avec  tant 
(l'esprit  et  de  verve  que  l'assemblée,  à  l'unanimité, 
lui  décerna,  sur  la  proposition  de  Grange,  la  prési- 
dence honoraire,  vacante  par  le  décès  rie  Janin. 

Aucune  femme  n'avait  obtenu  jusqu'.alors  la  faveur 
«rêtre  reçue  par  l'Académie  chansonnière  ;  aucune, 
vraisemblablement,  ne  l'obtiendra  dans  l'ave- 
nir. Déjazet  s'était  formée  sans  modèle,  elle  n'eut 
jamais  de  rivale  et  n'a  point  laissé  d'héritière. 
L. -Henry  Lecomte. 


REVUE  DE  LA  MUSIQUE  POPULAIRE 

OPÉRA-COMUItm.  —    LalUi-nuucIc. 

C'est  le  voyage  de  Lalln-Rouck,  jeune  princesse 
d'une  cour  orientale  (jui  va  ri!Joindr(!  sou  fiancé, 
souverain  lui-même  d'un  royaume  ami.  On  jurerait 
à  la  voir  qu'elle  s'éloigne  à  regret.  Sans  doute  les 
fatigues,  l'ennui  de  la  route,  l'incessante  obsession 
de  ceux  qui  l'accompagnent  lui  font  regretter  sa 
patrie.  Puis,  l'enfant  est  précoce  ;  elle  no  voit  pas  la 
nécessité  d'aller  si  loin  chin-clier  un  mari. 

»  Sous  le  feuillage  sombre, 
«  Il  venait  chaque  soir...  » 

Depuis  son  départ,  cette  ombre  a  suivi  ses  pas; 
sous  les  traits  d'un  pauvre  chanteur,  elle  a  conquis 
l'amour  de  la  belle  voyageuse  ;  elle  sera  aimée  sous 
le  manteau  de  pourpre  quand  elle  placera  sa'  cou- 
ronne sur  le  front  de  l'aïuaute  interdite. 

Cette  donnée  fournit  deux  actes  d'inspiration 
exquise,  agrémentés  des  incidents  qui  surviennent 
au  théâtre  quand  une  amoureuse  espiègle,  une  sui- 
vante complice  et  un  vieux  protecteur  se  trouvent 
réunis. 

Le  vieux,  infatué  de  son  importance  avait,  au 
premier  acte,  l'air  vainqueur  d'un  homme  sûr  de 
lui-même  : 

«  De  près  ou  de  loin, 

«  Il  faut  avec  soin, 

>  Surveiller  la  belle...  » 

Maintenant,  quelle  mine  piteuse,  quelle  ligure 
grotesque  ! 

«  Ah!  funeste  ambassade...  » 

La  suivante  Mirza,  plus  avisée,  rit  de  lui  et  sert  de 
Figaro  à  l'aimable  Rosine  : 

«  Si  vous  ne  savez  plus  aimer...  • 
La  petite  reine  rêve  toujours  : 

«  Nuit  d'amour,  nuit  parfumée...  » 
Le  roi  soupire  une  romance  peu  originale,  simple 
succès  d'interprétation,  puis  une  barcarolle  cares- 
sante. 


Tout  cela  sur  un  fonds  vaporeux  formé  par  des 
ensembles  d'une  saveur  délicieuse  : 

•  C'est  ici  le  pays  des  roses...  » 

•  Voici  le  repos  du  soir...  » 

L'opéra  de  Félicien  David  est  de  1869.  On  l'a  repris 
plusieurs  fois,  toujours  avec  succès.  Tous  les  amis 
de  la  chanson  doivent  connaitre  ce  chef-d'œuvre 
qui  leur  tend  la  main. 

Basses  prédestinées  aux  rôles  d'éternels  dupés,  à 
vous  les  couplets  de  Baskir  ;  vous,  ténors,  soyez  un 
instant  esclaves  et  rois,  adressez  à  vos  maîtresses  les 
couplets  de  Noureddin.  Gracieux  soprani,  les  rêve- 
ries d'une  amante  vous  procureront  peut-être  un 
mari,  et  si  l'une  de  vous,  passant  devant  un  miroir, 
a  lu  sur  son  visage  l'expression  d'une  coquetterie 
mutine,  qu'elle  dise  les  moqueries  de  Mirza. 

Et  toi,  public  impassible,  qui  verrais  sans  frémir 
les  trois  gorgones  combattre  sur  la  scène,  secoue  un 
peu  ta  sonanolence,  prends  la  pcùne  d'émettre  une 
oi)iniou:  tu  perdrais  l'iiabitude  d'avoir  du  jugement. 

A.  Edéma. 


Société  lyrique  et  littéraire  du  Caveau 

Banquet  des  Mots  donnés 


Le  troisième  vendredi  de  juin,  la  société  du  Caveau 
s'est  réunie,  comme  tous  les  ans,  à  pareille  époque, 
eu  banquet  d'été.  C'est  le  banquet  des  Mots  doutes. 

Cette  nécessilé  de  traiter  à  jour  fixe  un  sujet  im- 
posé par  le  sort,  car  c'est  le  sort  qui  assigne  à 
prcs'iwe  tous  les  membres  le  mol  qui  doit  leur  ins- 
pirer une  chanson,  ne  laisse  pas  d'être  quelquefois 
dure  et  réduit  quelques  esprits  à  de  grands  efforts  de 
travail.  D'autres,  au  contraire,  semblent  se  jouer  des 
obstacles.  Le  sujet  est-il  aride:  ils  y  cueillent  des 
fleurs;  triste:  ils  l'égayeat.  D'ailleurs,  les  chan- 
sonniers du  Caveau  sont  rompus  à  cet  exercice  de 
haute  voltige,  et  rarement  ils  manquent  leur 
coup. 

Les  Environs  dé  Paris,  tel  était  le  titre  général  des 
Mots  donnés.  Argenteuil,  Bondy,  Bougival, Chantilly, 
Charenton,  Maisons- Laffîtte,  Palaiseau,  Rambouillet, 
Saint-Deais,  Saint-Germain,  Saint-Leu,  et  d'autres 
localités  plus  ou  moins  célèbres,  ont  successivement 
défilé  devant  nous,  tantôt  décrites  minutieusement 
ou  rehaussées  par  des  souvenirs  historiques,  tantôt 
servant  comme  de  prétexte  à  des  couplets  à  côté. 
Ensemble,  au  total,  très  varié  et  très  intéressant.  Un 
membre  ordinairement  peu  assidu,  Lagoguée,  est 
venu  jeter  sa  note  gauloise,  et  sa  Laitière  de  Mont- 
fermeil&îail  le  plus  vif  plaisir.  Féaée,  dans  une  longue 
complainte  sur  Saiiit-Denis  (air  de  La  Palisse^  a 
trouvé  des  couplets  tout-à-fait  comiques.  Le  Cha- 
renton, de  Duprez,  le  Boiidy,  de  JuUien,  les  Vertus, 
de  votre  serviteur,  rentrent  bien  aussi  dans  le  genre 
de  la  chanson  proprement  dite.  Au  contraire,  Saint- 
Leu,  Maisons-Laffitte  et  Chantilly  ont  donné  à  Jules 
Petit,  à  Mouton-Dufraisse  et  à  Grange  un  cadre  heu- 


60 


LA  CHANSON 


reux  pour  développer,  en  même  temps  qu'une  éru- 
dition sobre,  des  qualités  plus  sérieuses  ;  fines  des- 
criptions, anecdotes  piquantes,  réflexions  élevées, 
font  de  ces  morceaux  autant  de  petits  poèmes.  La- 
gardea  irailé  Palaiseau  d'une  manière  exclusivement 
historique,  en  retraçant  l'épisode  de  la  Pie  toleusc. 
Saint-Germain,  enfin,  qui  n'a  aucune  prétention  à 
la  laideur,  s'est  débattu  comme  un  beau  diable  contre 
Saint-Gcrmaiii  en  Laije.  Il  l'a  retourné  sous  toutes 
ses  faces,  le  retapant,  le  retroussant,  l'allongeant,  et 
en  exprimant,  en  somme,  des  couplets  spirituels. 

Dire  que  les  Guides-Joanne,  ainsi  que  le  Didot- 
Bottin,  sont  restés  étrangers  à  cette  dépense  d'éru- 
dition poétisée,  ce  serait  déguiser  la  vérité.  Le  livre 
de  Labédollière  sur  les  Environs  de  Paris  a  dû  four- 
nir aussi  son  contingent  de  renseignements  curieux. 
Mais  on  a  beau  être  chansonnier  :  on  ne  renferme 
pas  pour  cela  une  encyclopédie  dans  sa  tête,  et  celui 
qui  n'éludie  pas  l'histoire  s'expose  quelquefois  à 
inventer...  la  poudre  à  canon. 

Le  volume  spécial  qui  doit  contenir  toutes  les 
poésies  lues  ou  chantées  à  ce  banquet,  et  en  outre 
les  chansons  des  absents,  sera  attendu  avec  impa- 
tience et  lu  avec  plaisir. 

EuG.  Imbekt. 


CONCOURS  DE  LA  LICE  CHANSONNIERE 

SUJETS  LIBRES  (3»  Prix). 

A.  i=î.OBiisrsoisr 

Amants,  imitez  le  pinson; 
Fuyez  Paris  superbe  ! 
Venez  aimer  à  Rohinson 
El  vous  rouler  dans  l'herbe. 

Vous  verrez  en  visitant  Sceaux, 
Par  quelque  jour  de  fête, 
Près  l'église  aux  frêles  arceaux, 
Le  buste  d'un  poète. 
Dans  ce  pays  calme  et  riant 
Qui  vit  ton  œuvre  éclore. 
Sur  ta  tombe,  doux  Florian  ! 
Tu  nous  charmes  encore. 
Amants,  etc.. 

Prenez  à  droite  le  chemin 
Où  la  glycine  pousse  : 
Suivez  les  buissons  de  jasmin, 
Les  deux  pieds  dans  la  mousse  ; 
Et  vous  atteindrez  RoMnson, 
Un  nid  dans  la  verdure, 
Où  l'Amour  redit  sa  chanson 
Tant  que  le  beau  temps  dure. 
Amants,  etc.. 

Là,  cent  fois,  grâce  au  dieu  malin, 
Bonnet  de  jouvencelle 
A  sauté,  faute  de  moulin. 
Par  dessus  la  tonnelle. 
l»ans  ce  cabaret  si  vanté, 


La  nappe  est  toujours  mise  ; 
Et  l'on  y  célèbre  l'été 
En  manches  de  chemise. 
Amants,  etc.. 

Tout  en  haut  du  vieux  marronnier. 
Est  un  joyeux  asile 
Où  le  vin  coule  à  plein  panier, 
Où  s'aimer  est  facile. 
Et  quand  le  panier  redescend 
Les  bouteilles  sont  vides, 
Le  cœur  se  croit  adolescent, 
Le  front  n'a  plus  de  rides. 
Amants,  etc.. 

Escaladez  les  échelons, 
Grimpez,  couples  ingambes 
Les  grisettes  aux  cheveux  blonds 
Vont  vous  montrer  leurs  jambes... 
En  rajustant  leur  cotillon, 
Elles  prendront  des  poses 
Qu'on  pourra  voir  de  Chatillon 
A  Fontenay-aux-Roses  ! 
Amants,  etc.. 

Les  rameaux  fleuris  et  touffus. 
Les  liserons  en  tresses. 
Laissent  passer  des  bruits  confus 
De  chants  et  de  caresses... 
Mais  le  chaume  vert  de  gazon 
Vous  dérobe  et  vous  garde, 
Mieux  que  le  châle  que  Lison 
Pendait  à  sa  mansarde. 
Amants,  etc.. 

Que  tenter  en  cet  heureux  coin  ? 

Une  tendre  aventure... 

On  n'a  qu'un  pinson  pour  témoin. 

Qui  rit  à  la  nature. 

Ce  virtuose  des  grands  bois 

Est  à  coup  sûr  un  sage, 

Puisqu'il  préfère  au  bord  des  toits. 

Un  abri  de  feuillage. 

Amants,  imitez  le  pinson  ; 

Fuyez  Paris  superbe  ! 

Venez  aimer  à  RoMnson 

Et  vous  rouler  dans  l'herbe. 

BOTJRDELIN. 


Cette  chanson  est  la  dernière  de  celles  couronnées  au 
double  concours  de  la  Lice. 

Les  prix  seront  délivrés  par  M.  Charles  Péan,  secré- 
taire, iaubourg  du  Temple,  96. 


filNEfl  Dtl  mm  PIGAttE 


Le  Cercle  Pi-galle.,  connu  depuis  longtemps  pour 
ses  revues  de  fin  d'année,  a  fondé,  depuis  quelques 
mois,  un  dîner  mensuel.  Le  huitième  a  eu  lieu  le 
lundi  14  juin,  chez  Laurent,  boulevard  de  Clichy. 

Une  lettre  style  assommoir  avait  convié  les  invités 
qui  se  sont  rendus  avec  empressement  à  cette  invi- 
tation... distinguée.  Le  président  d'honneiu-,  M.  E. 
Adam,  le  sympathique  secrétaire  général  du  théâtre 


LA  CHANSON 


61 


des  Arts,  a  porté  au  dessert  un  toast  aux  bons  orga- 
nisateurs do  la  fête.  MM.  A.  Gauthier  et  A.  Ducoing, 
puis  au  président  du  Cercle  Pi  galle,  M.  J.  Chenne- 
vard.  Ce  dernier  a  répondu  par  une  boutade  humo- 
ristique fort  spirituelle  sur  M.  E.  Adam  qui  ne  se 
sentait  plus  de  joie,  puis  les  chants  ont  commencé. 

M.  Foubert  a  ouvert  le  l'eu  par  une  bonne  vieille 
chanson,  le  Fait,  puis  M.  Fromentin  a  enlevé  la  salle 
par  sa  chaleureuse  manière  d'interpréter  Jeanne  est 
grise,  do  Ben  Tayoux,  et  le  Oonclier,  d'un  autre 
auteur. 

M.  Victor  Lagoguée,  l'un  des  doyens  du  cercle  et 
membre  du  6'«w«2«,  a  dit  avec  sa  finesse  habituelle 
la  Laitière  de  Mmitfermeil,  sa  d<^rnière  et  toute  gra- 
cieuse composilion  qui  iait  partie  de  la  série  dos 
mots  donnés  du  Caveau,  les  Environs  de  Paris  ;  enfin, 
voulant  i)articiper  à  l'éclat  de  cette  soirée,  nous 
avons  entendu  M.  J.  Lévy  dans  Heitreusement  et 
Malheureusement  ;  M.  Boejat  a  joué  sur  l'accordéon 
l'ouverture  des  Dragnns  de  tillars,  M.  Maires  a 
chanté  M.  Beaiitenips,  M.  Soumis  a  tort  bien  détaillé 
une  chanson  de  Judic  intiluléc  Un  Qaillard  ;  puis  la 
.B«tttV^ic<io«,  de  Coppée,  dite  avec  talent  par  M.  Clia- 
pron,  est  venue  jeter  sa  noie  grave  et  majestueuse. 
M.  Krauss,  encore  un  doyen  du  Cercle,  a  donné  im 
joli  échantillon  d'esprit  gaulois  en  lisant  le  prospec- 
tus d'un  nouveau  journal  qui  va  se  fonder  sous  le 
titre  du  Petit  carré,  et  se  disposant  à  satisfaire  les 
besoins  (le  rhuni;inité.  Mais  le  clou  de  la  soirée  était 
ccrlaincnicnt  l:i  présence  de  M.  Jules  Huel,  ani'ieu 
membre  du  Caceiin  et  de  ?«Z!'fe,rundest'onilaleursilu 
Cercle  J'igalle,  i'\  de  M.  Charelli,  le  charmant  témir 
pensionnaire  de  rOpéra-(;omi([U('.  Le  i)ri'mier  riius 
a  dit  trois  di'  ses  productions  ;  nous  en  publions  une, 
Ça  laisse  à  désirer,  que  nos  lecteurs  lii'onl  avec  plai- 
sie  ;  l'accueil  le  plus  chaleureux  a  été  fait  à  ces  jolies 
compositions  pleines  du  véritable  esprit  iraueais  et 
d'un  patriotisme  Ar  bon  aldi.  M.  tlharelli  enlin  a 
donné  avec  la  meilleure  grilce  du  monde,  l'air  de 
Jérusalem,  la  romance  de  Mignon,  et  celle  de  3Iartha. 
Sa  voix  fraîche  et  puissante,  conduite  en  vérilabU; 
artiste,  a  produit  la  plus  vive  émotion  sur  tous  les 
invités,  et  chaque  morceau  a  été  .salué  de  plusieurs 
salves  d'applaudissement. 

On  s'est  séparé  à  onze  heures  passées  en  se  don- 
nant rendez-vous  au  mois  prochain.  Personne  n'y 
manquera,  car  M.  Jules  Ruel  a  bien  voulu  accepter  la 
jjrésidence  du  neuviènu'  diner,  cet  attrait  nous 
assure  encore  une  bonne  soirée.  Allons,  les  dîners 
du  Cercle  sont  bien  fondés  niainlenant,  ils  alterne- 
ront avec  ceux  du  Bon  Bock.  Le  Cercle  Pigallc  n'avail 
nullement  besoin  de  fonder  ces  agréables  banquets 
pour  être  connu  :  tout  le  monde  a  entendu  parler  de 
ses  Rerncs  imlciM'nilantes  jouées  avec  tant  de  succès 
sous  l'Euipivc  <•!  sous  l'Ordre  moral,  par  ces  comé- 
diens auteurs-amateurs. 

Les  convives  étaient  au  nombre  de  60,  plus  des 
deux  tiers  membres  du  Cercle  Pigalle  ;  les  invités 
presque  tous  autetu'S,  artistes,  chanteurs. 

Beaucoup  de  gaité,  d'expansion,  d'entrain,  et  ce 
qui  ne  gâte  rien,  un  dîner  excellent. 

Le  piano  était  habilement  tenu  par  M.  Gauthier 
père. 


A    mes  jeunes  et  vieux  amis  du  Cercle  Pigalle. 
Un  de  ses  anciens  membres,  1852-1853. 

Suivant  Pangloss,  dans  le  meilleur  des  mondes, 
Tout  va  très  bien  et  tout  est  pour  le  mieux  : 
Je  crois,  malgré  ces  paroles  profondes, 
Qu'on  y  décrit  un  cercle  vicieux. 


Quand  nous  voyons  triompher  la  sottise, 
D'un  vain  espoir  le  talent  se  leurrer. 
Et  maint  auteur  placer  sa...  marchandise, 
Ça  laisse  à  désirer. 

Le  Créateur  voyant  le  premier  homme 
S'ennuyer  seul,  d'Eve  lui  fit  cadeau; 
«  Croque  la  femme  et  respecte  la  pomme,  s 
—  Dit  l'Eternel  —  «  ou  gare  à  mon  bedeau.  » 
Pour  nos  époux  bientôt  le  doux  mystère, 
N'en  est  plus  un...  Dieu  les  voit  délirer... 
Une  heure  après,  ils  gémissaient  sur  terre; 
Ça  laisse  à  désirer. 

Depuis  ce  jour  jusqu'à  l'heure  où  nous  sommes, 
A  nos  regrets  rien  n'a  pu  mettre  un  frein; 
Maudits  pépins,  vous  coûtez  cher  aux  hommes. 
Matin  et  soir,  c'est  le  même  refrain. 
De  son  destin  nul  mortel  en  ce  monde 
N'est  satisfait,  le  mal  semble  empirer. 
Jeunes  et  vieux,  nous  crient  à  la  ronde  : 
Ça  laisse  à  désirer. 

Eh  bien!  docteur,  comment  vont  les  affaires? 
Demande  un  jour  au  célèbre  Ricord, 
Un  médecin  connu  de  ses  confrères. 
Comme  excellent  pourvoyeur  de  la  mort. 
Pas  mal,  et  vous?  fait  avec  bonhomie. 
Notre  savant,  l'autre  de  soupirer  : 
Des  (luxions,  mais  pas  d'épidémie, 
Ça  laisse  à  désirer. 

Un  malfaiteur  entre  deux  bons  gendarmes. 
Comparaissait  devant  un  tribunal, 
Quand  le  bandit  se  lève  et  fond  en  larmes, 
(J'ai  lu  cela  dans  le  Petit  Journal). 
«  Un  mol  »  dit-il  —  et  montrant  des  menottes. 
Ses  deux  voisins  qu'envoyait  transpirer; 
«  Quand  ces  Messieurs  s'agitent  dans  leurs  bottes, 
«  Ça  laisse  à  désirer.  » 

Une  maman  à  sa  fille  naive 
Qu'elle  initie  aux  devoirs  de  l'hymen. 
En  l'embrassant  disait  :  quoiqu'il  arrive. 
Résigne-toi,  ma  chérie;  à  demain. 
A  travers  l'huis,  au  lever  de  l'aurore. 
L'oreille  au  guet,  elle  entend  murmurer  : 
<  Deux  mots  à  peine  et  Félix  dort  encore, 
<  Ça  laisse  à  désirer.  » 

a  La  République  est  des  malheurs  le  pire,  n 
—  Dit  Ratapoil,  d'un  accent  convaincu;  — 
«  Mais,  grâce  au  ciel,  immortel  est  l'Empire, 
a  Puisqu'à  Sedan,  même,  il  a  survécu. 
«  D'un  prince  aimé,  j'honore  la  mémoire, 
«  Et  pour  "Victor,  il  me  faut  conspirer, 
a  Quant  au  papa,  c'est  connu,  comme  gloire, 
«  Ça  laisse  à  désirer.  » 

Prendre  le  temps  comme  il  vient  et  sa  femme 
Par  la...  douceur,  c'est  encore  le  plus  sûr. 
Pour  travailler  au  salut  de  son  âme, 
Escobarder,  mince,  oh!  la,  la!  c'est  dur. 


62 


LA  CHANSON 


Dans  l'Océan  pousser  sa  belle-mère, 
C'est  naturel,  on  aime  à  respirer. 
Mais  qu'un  plongeur  l'arrache  à  l'onde  amère. 
Ça  laisse  à  désirer. 

Salut  à  toi,  joyeux  Cercle  Pigalle  ! 
A  ton  banquet  il  m'est  doux  de  m'asseoir, 
Quel  renouveau,  ma  joie  et  sans  égale, 
Je  rajeunis  d'au  moins  trente  ans,  ce  soir, 
Mais  de  mon  front  bieniôl  sexagénaire. 
Ma  chevelure  a  le  tort  d'émigrer, 
Près  du  beau  sexe  en  service  ordinaire. 
Ça  laisse  à  désirer. 

J.  RUEL. 


ELDORADO 

L'engagement  de  Perrin,  qui  touchait  à  son  terme, 
vient  d'être  renouvelé  pour  une  nouvelle  période. 
C'est  le  sixième  engagement  signé  par  l'excellent 
Artiste  depuis  son  entrée  à  l'Eldorado,  où  il  se  l'ait 
applaudir  depuis  seize  ans. 

Mlle  Pazzotti  s'est  fait  applaudir  dans  une  valse 
<lè  M.  Frantz  Liouville  :  C'est  l'Amour,  paroles  de 
M.  ïhéolier. 

Mlle  DuPARC  a  créé  avec  succès  Zoraà  la  Mmt- 
resqne,  chanson  arabe  de  M.  Laureucin,  musique 
charmante  de  M.  Paul  Henrion. 

Antony  a  fait  un  succès  de  sa  première  création  : 
Ma  fe'iH'tM  est  en  roi/age,  paroles  de  MM.  Villemer  et 
Dc'lormel,  musique  de  M.  Ch.  Pournjr. 

L'Eldorado  ne  pouvait  laisser  passer  la  distribution 
des  drapeaux  à  l'armée  s'ans  célébrer  cette  fêle  patrio- 
tique par  une  œuvre  de  circonstance. 

M.  A.  Honoré,  l'auteur  de  Jemmapes,  a  écrit,  à  cette 
occasion  un  poëme  ;  Salwt  au  drapeau  !  qui  sera  dit 
par  Viclorin  Armand. 

Mlle  Amiati,  toujours  fêtée,  a  repris  une  de  ses 
meilleures  chansons  dramatiques  :  Amour,  Folie! 
A.  R. 

AMBASSADEURS  —  SGALA. 

Malgré  le  temps  peu  favorable,  le  concert  des 
Ambassadeurs  encaisse  chaque  soir  de  belles  recet- 
tes, grâce  à  son  programme  toujours  varié,  et  à 
l'excellente  composition  de  sa  troupe.  Au  premier 
rang  il  convient  de  citer  : 

M.  Libert,  le  dénicheur  de  succès,  toujours  très 
applaudi  dans  sa  chanson  Pstt,  pstt  ; 

M.Arnaud,,  qui  détaille,  très  finement  les  nom- 
breuses scènes  comiques  qui  composent  son  réper- 
toire ; 

Mme.Faure  obtient  aussi  un  grand  succès  avec 
Ipsiioé,  une  chanson  nouvelle  des  plus  originales. 

Parmi  les  nouveautés  à  succès,  nous  remarquons  : 

Sur  le  paquebot,  grande  scène  à  transformation  de 
MM.  Baumaine  et  Blondelet,  exécutée  par  l'amusant 
Reyar,  et  les  Cris  de  la  rue,  saynète-panorama  des 
mêmes  auteurs,  musique  de  Deransart.  Cette  spiri- 


tuelle bouffonnerie  est  enlevée  avec  brio  par  une 
partie  de  la  troupe.  C'est  avec  plaisir  que  novis  enre- 
gistrons l'immense  succès  de  Mlle  Jenny  Milss,  la 
célèbre  danseuse  anglaise. 

Enfin,  comme  great  attraction,  les  frères  Léopold, 
remarquables  dans  leurs  acrobaties  musicales,  et  les 
tours  surprenants  qu'ils  exécutent  sur  la  barre  fixe. 

J'oubliais  le  plus  petit  —  de  taille  —  je  veux  par- 
ler du  jeune  Norbel,  petit  prodige  âgé  de  9  ans  1/2, 
à  qui  le  public  fait  chaque  soir  une  grande  ovation. 

Tous  Marseillais,  l'amusante  opérette  de  MM.  Be- 
zond  et  Germain  Laurent,  tient  toujours  rafïiche  de 
la  Scala  avec  le  même  succès.  Quelques  chanson- 
nettes nouvelles  par  Mmes  "Worton,  Patry,  Mialet, 
Zélia  et  Marguerita,  forment  un  programme  très 
attrayant. 

Samedi,  nous  sommes  arrivés  juste  à  temps  pour 
constater  le  nouveau  triomphe  de  M.  Debailleul, 
dans  sa  chanson  patriotique  Voilà  pourquoi  j'aiine 
les  ouvriers.  Le  sympathique  artiste  s'est  pénétré  de 
la  jolie  poésie  de  M.  Villemer,  et  a  rendu  avec  talent 
la  musique  vigoureuse  de  M.  Girard. 

Bourges  un  peu  indisposé,  n'a  pu  créer  sa  nou- 
velle chanson,  Le  vin  ça  ravigote. 

Alfred  Bertinot. 

Notre  collaborateur  Bertinot  donnera  dans  cbaque 
n"  une  chronique  des  concerts.  Nous  informons 
MM.  les  directeurs  que  lui  seul  est  chargé  de  se  pré- 
senter au  nom  du  journal  La  Chanson;  nous  les  prions 
dé  lui  réserver  le  même  accueil  qu'à  nous. 

A.  P.       , 


LE  BANOUET  DESJUATRE  SAISONS 

Le  21  juin  dernier  a  eu  lieu  chez  Marguery  la 
26°  réunion  trimestrielle  du  banquet  des  Quatre  Sai- 
sons, sous  la  présidence  de  M.  Uescors,  le  nouveau 
président.  Cette  société  de  chansonniers,  fondée  par 
M.  Alexandre   Roy,  réunit  les    poètes  (?)  les  plus 
égrillards  de  notre  époque.  L.  Hugonis,  J.  MioUe, 
N.  Chaperon,  etc.,  sont  les  plus  vives  fleurs  de  ce 
joli  bouquet.  Il  est  impossible  de  reproduire  la  der- 
nière chanson  de  Louis  Hugonis,  qui  a  obtenu  un 
si  formidable  succès,  mais  nous  nous  empressons  de 
publier  le  sonnet  réaliste  suivant,  de  M.  J.  Nicolle,  qui 
donne  timidement  la  note  des  œuvres  des  joyeux 
marchands  des  quatre  saisons. 
Sonnet. 
Quand  tu  chantes  Phœbus  ou  le  ciel  étoile. 
Quand  tu  chantes  les  bois  et  la  verte  campagne. 
Tes  accents  les  plus  doux  appellent  la  compagne 
Vers  qui  ton  cœur  naïf  soudain  s'est  envolé. 

Oh  !  poète  imprudent  1  Ton  pauvre  esprit  voilé, 
Ignore  donc  qu'à  deux  la  vie  est  pis  qu'un  bagne. 
Ou  le  boulet  rivé  toujours  vous  accompagne. 
En  amour,  crois-le  bien,  le  plus  fin  est  volé?... 

Si  j'aime  errer  le  soir  pensif  et  solitair«, 

Si  je...  mais  je  m'arrête...  Abbab  !  pourquoi  me  taire. 

Que  mon  prestige  y  gagne,  ou  bien  y  perde  ;  mais 

Si  j'adore  les  blés,  la  vigne  et  le  bocage. 

Si  je  cherche  en  les  bois  le  plus  épais  feuillage. 

C'est  pour  faire...  Voilà,  je. n'oserai  jamais. 

J.-NlGSlLK. 


LA  CHANSON 


63 


CONCERT  DE  L'ÉCOLE  GALIN-PARIS-CHE^ï 

Le  coiicert  gratuit,  donné  par  l'Ecole  Galin-Parii5- 
Chevé  au  Trocadéro,  r  été  des  plus  brillants  :  en 
effet,  rélément  populaire  qui  y  dominait  dans  une 
large  part  concourait  à  lui  donner  ce  caractère  gran- 
diose cfue  revêt  la  musique,  faite  par  les  masses  pour 
les  masses. 

Les  chœurs  (de  300  exécutants)  se  sont  fait  remar- 
<iuer  par  leur  ensemble,  ainsi  que  par  leur  netteté 
d'attaque,  qualités  difficiles  à  obtenir  avec  un  chœur 
aussi  nombreux. 

Nos  félicitations  sincères  à  M.  Guilmanl,  le  sym- 
patliique  organiste,  qui  a  su  mettre  son  talent  à  la 
portée  du  public  en  interprétant  délicieusement  sur 
l'orgue  les  maîtres  de  l'école  moderne,  tels  que  Le- 
fébure,  Wély,  Lemmens,  etc. 

Nous  ne  pouvons,  l'auto  d'espace,  nous  arrêter  plus 
longtemps  sur  cet  intéressant  concert  ;  nous  ter- 
minerons en  félicitant  bien  sincèrement  M.  Chevé, 
l'intelligent  directeur  de  l'Ecole,  des  résultats  remar- 
quables qa'il  a  obtenus,  et  nous  attendrons  la  pro- 
chaine occasion  d'apprécier  les  progrès  de  l'Ecole 
(  ial  in-Paris-Chevé. 

ÏH.    PORET. 


CHRONIQUE  DES  SOCIETES  LYRIQUES 


Le  samedi  21')  juin,  la  société  des  Epicuriens  a 
offert  une  grande'  fête  de  uuil,  au  Chelleau-Houge,  à 
toutes  les  sociétés  lyriques  de  Paris.  Favorisée  d'un 
temps  splendidc,  cette  fête  a  pleinement  réussi. 
A  I  heure  il  y  a  eu  course  au.x  canards,  suivie  d'un 
su|)crlir  feu  d'artitice  et  d'un  brillant  concert,  donné 
dans  les  jnrdins  éclairés  à  giorno.  Puis  on  a  dansé 
jus(ju'au  jour,  et  c'est  avec  regret  qu'on  s'est  séparé 
a  B  heures  du  matin  en  emportant  un  joyeux  sou- 
venir de  cette  fête  charmante. 

M.  G. 

La  Lyre  Eépiiblicame,  transférée  café  du  Globe, 
boulevatd  de  Strasbourg,  a  donné  le  :iO  juin  une 
représentation  extraordinaire  avec  le  concours  des 
meilleurs  artistes  des  concerts  de  Paris.  Nous 
rendrons  compte  dans  notre  prochain  numéro  de 
cette  intéressalnte  soirée. 

L'Union  Lijriqwc  donnera  demain,  4  juillet,  une 
grande  soirée,  au  bénéfice  de  M.  Ville,  le  synipathique 
artiste  qui  doit  débuter  prochainement  à  l'Alcazar 
d'été. 

La  société  lyrique  le  Pinson  annonce,  pour  le 
14  juillet,  un  grand  bal  de  nuit  au  bénéfice  des 
pauvres  dans  son  local  habituel,  café  Boiu-et,  44, 
boulevard  du  Temple. 

Alfred  Bertinot. 

Nous  rendrons  compte  du  concours  dramatiqueetde 
diction  des  sociétés  lyriques,  dans  son  ensemble, 
aussitôt  qu'il  sera  terminé. 


.     DIXIEME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  20  mai  au  20  juin. 
!'=■•  prix  :   La  Noce  de  ma  sœur,  de  M.  J.  Larguier, 
Paris. 


2°  prix  :  Les  Origines,  par  M.  I,ouis  Bogey,  Suisse. 

3"  Le  Peuple  de  Paris,  par  M.  Edmond  Bérenguier,, 
Var. 

Nous  publierons  ces  trois  pièces  dans  nos  pro- 
chains n"'.  o9  concurents  ont  pris  part  au  concours. 


CHOSES   ET   AUTRES 

ONZIÈME  CONCOURS  MENSUEL 
Ouvert  du  20  juin  au  20  juillet. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

A  l'avenir  nous  publierons,  en  même  temps  que 
la  pièce  qui  aura  obteiui  le  i^'  prix,  une  petite  no- 
tice et  le  portrait  de  l'auteur  conronné,  s'il  y  con- 
sent. 

Mnie-Perrotin,  veuve  de  l'éditeur  de  ce  nom,  a  fait 
prési'nl  au  musée  Carnavalet  de  divers  (ilijels  ayant 
ai)partenu  à  Bcranger  :  sa  pendule,  son  fauteuil  et 
son  dernier  chapeau. 

La  Société  des  Auteurs,  Compositeurs  et  Éditeurs 
de  Musique  est  en  pleine  prospérité,  si  l'on  en  juge 
par  les  chilfres.  La  ré|]avlition  de,  janvier  était  (le 
r.'.O.SlKl  fr.  94  c.  ;  celle  d'avril  de  141,I7'2  fr.  78  c.  ;  celle 
de  juillet  prochain  sera  de  14n,4t)o  fr.  8o  cl!. 

M.  Kollot  vient  d'interjeter  appel  du  jugement  du 
27  mai. 

Le  Concours  de  Victor  Hugo,  ouvert  par  VUnion. 
littéraire  (!;'.,  rue  de  Médicis),  vient  de  reculer  la 
date  de  sa  clùturi?  au  '.'.1  juillet.  Ia-  jury  est  composé 
de  MM.  Théodore  de  Banville,  François  Coppée,  Léon 
Valade,  secrétaire,  Bertol  Graivil. 

La  Société  nationale  d'encouragement  au  bien 
a  décerné,  dans  sa  séance  publique  du  23  mai  der- 
nier, une  médaille  d'iionneur  à  M.  Casimir  Pertus, 
pour  son  poènui  VEpopce  du  drapeau,  poème  vérita- 
blement national.  Jamais  la  République  n'a  inspiré 
des  accents  plus  vigoureux  et  plus  patriotiques  : 
celte  épopée  est  la  Marseillaise  de  l'histoire. 

Nous  souhaitons  la  bienvenue  à  la  Petite  Gaule^ 
journal  hebdomadaire  littéraire,  artistique,  ayant 
à  sa  tète  MM.  Georges  Berry  pour  directeur,  et  Pages 
de  Noyez  conuue  rédacteur  en  chef. 

Hymne  au  Drapeau  Français,  chant  patriotique  de 
V.  Gresset  et  Constant  Sacle,  musique  de  Bovery,  sera, . 
à  partir  du  11  juillet,  interprété  sur  plusieurs  théâtres 
et  concerts.  Nous  lui  prédisons  le  plus  grand  succès. 

En  vente  à  notre  librairie  :  Place  aux  Femmes  ! 
poème  par  notre  collaborateur  J.  A.  Fauché.  Prix 
30  c.  Cette  poésie  a  obtenu  une  médaille  au  concours 
poétique  de  Bordeaux. 


LA  CH.iniSOiV,  étant  donnée  l'importance  de  son. 
tirage,  doit  se  trouver  chez  tous  les  libraires,  ntar- 
chunds  de  journaox,  et  dans  tous  les  kiosques  de 
Paris.  IVous  prions  les  acheteurs  au  numéro  de  la 
réelamèr  instamment  dès  le  samedi  matin,  et  de 
nous  signaler  les  omissions  qui-  pourraient  être 
faites  par  les  porteurs  dans  certain  quartiers. 

IVous  avons  réimprimé  le  n*^  2,  qui  était  épuisé,  on 
pourra  doue  se  procurer  tous  les  n''^  parus  jusqu'à  ce- 
jour,  cheK  tous  les  marchands. 


64 


LA  CHANSON 


VIA  C'QUE  C'EST  QU'UN  ENTERR'MENT 


(1) 


Paroles  de 
EUGÈNE   IMBERT 


TABLEAU  POPULAIRE 


Musique  de 
DAWERG9IE 


11'  Cotiplet- 


sage;  Brave  homm'.cesl  dommoge.'  Hai«  j'ainf  le  fromage,  J'ails  flSme:  Allons-; gainiscntiV'Iàc'qaec'esIqu'aneoterr'DienI 


Ea  attendant  le  corbillard, 
L'un  fait  sa  fin'  parti'  d'billard. 
Un  autre  que  la  soif  galope 
En  vrai  misanthrope 
Va  seul  hoir'  sa  chope; 
C'tte  boisson  pousse  au  sentiment. 
V'ià  c'que  c'est  qii'un  enterr'ment. 

Lentement,  d'un  pas  de  docteur, 
_  Arrive  enfin  l'ordonnateur  ; 
Et  pendant  qu'  la  veuv'  se  lamente, 
La  foui'  mécontente 
D'un  grande  heur'  d'attente. 
Sourit  à  c'fortuné  moment. 
Y'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 

Si  quéqu'fois  par  respect  humain, 
A  l'église  on  s'arrête  en  ch'min. 
Un  brave  abbé,  pour  peu  de  chose, 

Aux  amis  propose. 

De  peur  qu'on  ne  glose, 
D'ieur  trousser  un'  mess'  lestement. 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 

L'défunt,  travaillant  comme  un  chien, 

Au  prochain  f'sait  encor  du  bien; 

Fort  mauvais  catholique,  en  somme... 
S'il  fut  honnête  homme. 
Mon  Dieu,  c'est  tout  Comme, 

Dit  le  vicaire  adroitement. 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 

Alors  le  servie'  s'accomplit  ; 
Dans  nol'  chapelle  on  dort  ou  lit  ; 
Dans  un'  second'  c'est  un  baptême. 

Et  dans  un'  troisième 

Un'  noce  d'  carême  : 
Chacun  a  son  p'tit  boniment. 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 


Pauvre  épous',  j'te  vois  dans  d'beaux  draps  1 
Et  c'est  p't-êtr'  les  seuls  que  t'auras. 
D'ennui  déjà  le  mari  bâille. 

Et  l'mouch'roa  qui  braille 

Couvre  la  bass'-taille  ; 
Le  mort  seul  se  tient  décemment. 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 

De  nouveau  l'défunt  est  enl'vé. 
Et  par  un  chemin  mal  pavé 
Le  cortège  arrive  au  clm'tière, 

Près  d'I'ancienn'  barrière 

Où  l'année  entière 
Saint-Lundi  s'fêt'  religieus'ment. 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 

Arrive  un  monsieur  tout  en  noir. 
Criant  :  Il  n'y  a  donc  pus  d'espoir  ! 
Tout  à  coup  voilà  qu'i'  s'  dégomme, 

Et  le  pauv'  cher  homme, 

Qui  pu'  le  rogomme, 
Sur  l'herb'  s'affal'  pas  proprement. 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 

Là  tous  les  cœurs  sont  confondus, 
On  pense  à  ceux  qu'on  a  perdus; 
On  va  visiter  sa  famille, 

Son  père  ou  sa  fille, 

Et,  d'fll  en  aiguille, 
Chez  l'mann'zingue  on  rappliqu'  viv'ment. 
'  V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 

Enfin,  charmé  d'un  si  beau  jour. 
On  r'vient  en  s'disant  :  A  qui  l'tour? 
Sans  claquer  il  vaut  mieux  que  j'  fade. 

Dit  un  camarade  : 

J'offre  la  salade, 
Le  veau,  l'fromage  et  l'arros'ment. 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  enterr'ment. 


(1)  Vient  de  paraître   au  bureau  du  journal  la  Chanson,  avec  accompagnement  de  Jules  Raux.  Petit  format, 
25  centimes.  En  vente  chez  les  marchands  de  musique. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C=,  6,  rue  Martel, 


A.  PATAY,  Directeur-Gérant. 


3«  ANNEE. 


N»  9. 


tO  CENTIMES. 


lu  JUILLET  li 


LA   CHANSON 


Directeur-  Gérant . 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
^st  te  gracieux  frère  de  la  strophe, 
V.  HUGO, 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits   non    insérés    ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. . 
Réclames,        — 


Lachanson,commelâbaJonnsUe 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE  : 

l-a  Vite  «le  In  France,  paroles  Je  J.-B.  UUBIXOT,  musique  do  JLLES  IIACX.  —  .%.  ceux  qui  reviennent  (L.-HEXRY  LECOMTE). 

—  lie  «[guiitorzo  Juillet  (EUfiÈNE  IMBERT).  —   lien  nrapeaux  (G.   LEI'llÉVOST).  —  Va  llévolution  (AUGUSTE  ALAIS). 

—  E,e  Pavillon  (RENÉ  PO.NSARD).  —  Rouget  de  L,i»lc  (ALFRED   LECO.NTE).  —  ]IInrche   des  Marseillois  (ROUGET  DE 

i.ISLE).  —  L,c  Chant  du  Képart  (M.-J.  CHÉNIEH).   —  Veillons  au    salut  de  rUni|iire  (DE  BOY) L,e   Chant  des 

Ouvriers  (PIERRE  DUPONT).  —  Ija  Marianne  (A. -M.  .MONMN.  —  I.,a  Sainte  Alliance  des  Peuples  (P.-I.  DE  BÉRANGER). 
Aux  liecteurs. 


LA  FÊTE  DE  LA  FRANCE 


Paroles  de  J.-B.  ROBINOT 

C'osl  aiiiourd'liiii  rannivcrsairi! 
D'un  jour  au  spli^udidc  réveil, 
Où  le  drnil  voulut  sur  la  terre 
-•Vvoir  sa  jilace  au  grand  soleil. 
G'esl  ce  jimr-là  que  le  courage 
De  nos  pères  a  renversé 
La  lîaslille,  et  qu'ils  ont  osé 
Combattre  et  vaincre  resclavage. 

Français,  chantons  le  retour  glorieux 
Du  jour  béni  de  notre  délivrance  : 
C'est  aujourd'hui  la  Fête  de  la  France, 
C'est  aujourd'hui  la  Fètc  des  Aïeux! 

Pieds  nus,  en  haillons  et  sans  armes. 
Les  y(!ux  lixés  sur  l'avenir. 
Ils  mouraient  pour  sécher  les  larmes 
De  l'enfant  qu'ils  voyaient  grandir. 
En  détruisant  la  citadelle, 
Ils  semaient  sur  l'humanité 
L'espérance  et  la  liberté. 
Avec  la  paix  universelle. 

Français,  chantons,  etc. 

Par  la'  parole  et  par  le  glaive 
Ils  combattaient  pour  la  raison, 
(jui  grandit  l'homme  et  le  relève 
Mieux  que  no  le  l'ail  un  blason. 


14    JUILLET 

Musique  de  Jules  RAUX  (1) 


Poursuivons  la  tâche  héro'iciue 
Qu'ils  ont  commencée,  et  sans  bruit. 
Pour  tous  faisons  germer  h;  fruit 
De  l'Arbre  do  la  Republique  ! 
Français,  chantons,  etc. 

Un  siècle  a  passé  sur  leur  gloire. 
Et  Bazile  a,  par  plus  d'un  tour. 
Tenté  de  ternir  la  mémoire 
De  ces  vaillants  soldats  du  jour  : 
La  vérité  toujours  tlagellc 
Bazile  et  ses  tristes  mojxns. 
Célébrons  en  vrais  citoyens 
Cette  date  unique...  immortelle! 

Français,  chantons,  etc. 

Oue  le  travail  donne  à  la  terre 

La  joie  et  la  fécondité; 

Que  l'amour  seul  chasse  la  guerre, 

(Jomplice  de  l'obscurité  ! 

Tous  les  ans,  joyeuse  et  féconde, 

La  liberté  met  son  reflet 

Au  front  du  Quatorze  Juillet 

Dont  les  rayons  couvrent  le  monde. 

Français,  chantons  le  retour  glorieux 
Du  jour  béni  de  notre  délivrance  : 
C'est  aujourd'hui  la  Fêle  de  la  France, 
C'est  aujourd'hui  la  Fête  des  Aïeux. 


(1)  Cette   patriolique  chanson  sera   interprétée  dans  un  grand  nombre  de  théâtres  et  de  concerts.  Elle 
est  en  vente  chez  tous  les  marchands  de  musique. 


LA  CHANSON 


A  CEUX  OUI  REVIENNENT 


Amis,  la  République  indulgente  et  sereino  ■ 
Des  foyers  regrettés  vous  ouvre  le  cheuiin  ; 
Tout  s'efface,  et  vers  vous  tendant  sa  large  main, 
Paris  prête  au  pardon  sa  grâce  souveraine. 

Où  le  peuple  a  des  droits,  la  vertu  seule  est  reine  ; 
Sans  colère  aujourd'hui  songeant  au  lendemain, 
Travaillez  en  silence  au  grand  progrès  humain  : 
La  France  est  une  ruche  et  non  pas  une  arène. 

Inspirés  par  l'ardeur  du  bien,  la-soif  du  beau. 
Allumez  de  l'amour  le  magique  flambeau; 
Quand  la  haine  se  tait,  la  fraternité  fonde... 

A  l'œuvre  !  la  patrie  auguste  veut  tenir, 

Du  présent  recueilli  dans  une  paix  profonde. 

Le  gage  d'un  fécond  et  superbe  avenir  ! 

Juillet  1880. 

L.-Henry  Lecomie. 


tt  fitlÂTflJZE  iUlLtET 

Air  des   Vendtinges  de   la   République 
(Collignon) 


Fier  et  joj-eux  comme  un  dimanche. 
Voyez,  à  l'appel  des  tambours, 
Ce  Paris,  humaine  avalanche. 
Rouler  du  haut  de  ses  faubourgs. 
Il  veut  rétablir  l'équilibre 
Entre  la  force  et  la  raison; 
Il  veut  vivre,  il  veut  mourir  libre; 
Il  veut  détruire  une  jirison. 

Salut  au  réveil  de  la  France  ! 
Las,  enfin,  des  tourments  souiforls, 
Le  front  rayonnant  d'espérance,  )    „• 
Le  grand  peuple  a  brisé  ses  l'ers.  ) 

Une  noblesse  sans  entrailles. 
Mais  riche  en  lettres  de  cachet. 
Laissait  pourrir  dans  ces  murailles 
Les  malheureux  qu'elle  y  cachait  : 
Parents  des  victimes  séduites. 
Vieux  confidents  remerciés. 
Ennemis  des  pères  jésuites. 
Ecrivains,  surtout  créanciers. 

Salut,  etc. 
0  bonheur!  Ma,lgré  leur  cocarde 
Et  leur  drapeau  fleurdelisé. 
Les  braves  soldats  de  la  garde 
Avec  nous  ont  fraternisé. 
Alors,  en  un  clin  d'œil,  sans  phrase. 
Par  la  résistance  excité, 
Paris  attaque,  prend  et  rase 
La  Bastille..,  et  la  royauté. 

Salut  elc 


Cette  solennelle  réplique, 
0  France,  fut  ton  premier  pas. 
En  route  pour  la  République  ! 
La  foudre  ne  s'arrête  pas. 
En  vain  la  tourbe  mercenaire. 
Rois,  prélats,  courtisans,  valets, 
Voudront  détourner  ton  tonnerre  : 
S'ils  te  gênent,  supprime-les. 
Salut,  etc. 

Nous  étions  des  bêtes  de  somme. 
Mais  pour  tous  la  liberté  luit. 
Maintenant  le  serf  est  un  homme; 
Le  champ  qu'il  féconde  est  à  lui. 
Le  savoir  succède  au  courage 
Et  trace  de  nouveaux  chemins. 
Paix  à  tous!  Le  droit  de  suffrage 
Nous  fait  tomber  l'arme  des  mains. 
Salut  au  réveil  de  la  France  ! 
Las,  enfin,  des  tourments  soufferts. 
Le  front  rayonnant  d'espérance,    )   „• 
Le  grand  peuple  a  bris»  ses  fers,  j 

EUG.    IMBERT. 


LES     Dl=Î.^A.r»EA.XJX: 


Soldats,  quelle  douleur  secète 

Vous  fait  ainsi  courber  la  tête 

Sous  les  longs  plis  de  vos  drapeaux  ? 

—  D'un  œil  morne  sondant  l'espace 
L'un  d'eux  répondit  à  voix  basse  ; 

«  Pour  des  soldats  ils  sont  trop  beaux  1  » 
Oh!  je  comprends  votre  soufTrance  ! 
Mais  si  grand  qu'ait  été  l'afîront, 
Soldats,  sous  le  drapeau  de  France 
On  peut  toujours  lever  le  front! 

Oui  1  ceux  que  vous  portiez  naguère 
Etaient  de  vieux  drapeaux  de  guerre. 
De  cent  combats  nobles  débris  1 
L'ennemi  s'en  fait  un  trophée  1 

—  «  L'un  dit  d'une  voix  étouffée  : 

«  Nous  les  auroHp  bientôt  repris  !  » 
Oh  !  je  comprends  votre  espérance. 
Car  si  grand  qu'ait  été  l'affront, 
Soldats,  sous  le  drapeau  de  France 
On  peut  toujours  lever  le  front  I 

Sur  vous,  soldats,  la  France  compl-e  ! 
Mais  pour  effacer  notre  honte 
A  quoi  servent  de  vains  regrets? 
Au  lieu  de  paroles  stériles 
Il  faut  des  actions  viriles  ! 

—  Ils  dirent  tous  :  «  noua  som.mes  prêts  ! 
Gardez  votre  flère  espérance  ! 

Oai,  si  grand  qu'ait  été  l'affront, 
Soldats  !  sous  le  drapeau  de  France 
On  peut  toujours  lever  le  front  ! 

G.  Lepeévost. 


LA  CHANSON 


67 


LA  RÉVOLUTION 


Ail'  :   \e  raillez  plus  la  Garde  citoyenne. 
I. 

Kii  déroulant  tes  mille  ca^•actère^5 
Livre  immortel  par  nos  pères  dicté, 
Inspire-nous,  Bible  des  prolétaires, 
L'amour  du  peuple  et  de  la  vérité  ! 

L'œuvre  commence  où  la  liberté  brille 
Aux  chauds  rayons  du  quatorze  juillet  ; 
(j'est  Desmoulin,  attaquant  la  Kaslille, 
•C'est  notre  histoire  à  son  premier  feuillet. 

Le  drapeau  blanc  voit  son  prestige  antique 
Tomber  aux  pieds  des  Parisiens  vain(£Uours, 
Oui  s'érigeant  en  phalanges  civiques 
Pour  étendard  prennent  les  trois  couleurs  ! 

Des  droits  de  l'homme  ouvrant  l'ère  nouvelle 
La  liberté  marche  à  pas  de  géant 
Folle  de  peur  la  royauté  chancelle, 
Déjà  le  peuple  en  rêve  le  néant. 

A  la  tribune,  au  bravos  de  la  France 
•<Jui  vient  diclcr  les  droits  du  Tier.s-Elrtt? 
d'est  Mirabeau,  ce  foudre  d'éloquence, 
Qui  va  bientôt  mourir  en  aix)stal. 

Affranchissant  la  raison  qui  s'empresse 
D'anéantir  blasons  et  parchemins. 
Un  flambeau  luit,  ce  flambeau  c'est  la  presse 
Oui  du  progrés  éclaire  les  chemins. 

Faible  jouet  d'intrigues  souterraines 
Vers  l'étranger  pour  chercher  du  secours, 
Louis  s'enfuit,  on  l'arrête  à  Varenues, 
Traîtres  à  son  peuple,  il  veut  l'appui  des  cours. 

Le  haut  clergé,  la  noblesse  peureuse 
Avec  noire  or  émigrent  lâchement, 
Coalisant  l'Europe  furieuse. 
De  la  Vendée  ils  soldent  l'armement. 

Et  complétant  leur  œuvre  de  vengeance. 
De  la  lamine  ils  dressent  le  tableau, 
Par  leurs  agents  ils  affament  la  France, 
De  la  misère  ils  triplent  le  fléau. 

Contre  eux  alors  le  peuple,  armant  sa  haine. 
Jette  ce  cri  :  «  dans  leur  sang  vengeons-nous,  k 
Puis  du  dix  août  la  lutte  souveraine 
Voit  en  ce  jour  les  tjTans  à  genoux. 

Surpris  d'effroi  devant  ce  grand  exemple. 
Les  députés  comprenant  leur  devoir, 
Font  enfermer  la  monarchie  au  Temple, 
Au  nom  du  peuple  ils  prennent  le  pouvoir. 

Verdun  est  pris,  les  Prussiens  en  sont  maîtres . 
Avant  d'aller  repousser  l'étranger, 
Danton  s'écrie  :  Exterminons  les  traîtres 
lit  déclarons  la  patrie  en  danger  ! 


Sublime  élan  !  la  France  tuiU  eulière 
S'enrôle  aux  cris  :  Vive  la  nation, 
Continuant  son  œuvre  populaire, 
.Septembre  élit  une  Convention 

Qui  proscrivant  la  forme  monarchique, 
Au  nom  du  droit,  au  nom  de  la  raison. 
Sur  un  ■s'olcan  fonde  la  République, 
Dont  le  drapeau  va  franchir  l'horizon. 

Partout  sa  vue  enfante  l'héroïsme  ; 
Valmy,  Fleurus,  sacrent  nos  bataillons; 
Pulvérisés,  les  fers  du  despotisme 
Tombent  devant  n*s  soldats  en  haillons. 

Meure  Capet,  la  nation  l'ordonne 
Par  ses  tribuns  dont  l'ardeat  plaidoyer 
Dans  un  scrutin  jette  tète  et  couronne. 
Sur  l'échafaud  du  froid  vingt-un  janvier! 

Ce  fier  défl  de  la  grande  révolte 
A  fait  liguer  les  tyrans  accroupis. 
Victoire  à  nous  !  Quelle  immense  récolte  ! 
Fauchons  les  rois  comme  des  champs  d'épis. 

Poétisant  la  liberté  française. 
Rouget  de  Liste,  à  la  voix  des  combats, 
Exhale  un  chant:  Ce  chant,  la  Marseillaise, 
Change  en  héros  un  million  de  soldats. 

En  déroulant  tes  mille  caractères. 
Livre  iuunortel   où  sont  écris  nos  droits 
Inspire-nous,  Bible  des  prolétaires, 
L'amoiu-  du  peuple  et  la  haine  des  rois. 

Auguste  Alais 


LE  PAVILLON 


Air:  du  Prince  Eugène  (Emile  Dchraux). 

Novice  encor  dans  l'âge  des  beaux  rêves. 
Verse  des  pleurs  en  quittant  ton  berceau  ; 
Moi,  qui  n'ai  pas  de  foyer  sur  les  grèves. 
Sans  nul  souci,  je  retourne  au  vaisseau; 
Nous  n'avons  pas  la  même  idolâtrie. 
Toi,  dont  l'amour  voue  un  culte  aux  climats  : 

A  ton  clocher  je  préfère  nos  mâts 

Le  pavillon  c'est  la  patrie  ! 

Quand  le  flot  dort,  j'aime  à  voir  sur  nos  têtes 
Se  dérouler  ses  longs  plis  floconneux; 
J'aime  à  le  voir,  tordu  par  les  tempêtes. 
Tracer  dans  l'air  un  sillon  lumineux. 
Que  par  les  vents  son  étofle  flétrie 
Offre  à  nos  yeux  l'aspect  d'un  oripeau. 

Pour  notre  cœur  c'est  toujours  le  drapeau 

Le  pavillon,  c'est  la  patrie! 

Quand  le  Vengeur  qu'éternise  l'histoire. 
De  ses  derniers  et  terribles  boulets. 
Fit  hésiter  le  vol  de  la  Victoire 
Qui  s'abattit  sur  le  pont  de  l'Anglais, 
On  vit  surgir  de  sa  coque  meurtrie 
Une  guenille,   elle  émergeait  des  flots 

Et  ranimait  l'ardeur  des  matelots 

Le  pavillon,  c'est  la  patrie  ! 

René  Ponsard 


LA  CHANSON 


ROUGET  DE  LISLE 


Le  20  a^Til  1792,  l'Assemblée  Législative  décrétait 
la  guerre  contre  l'empereur  d'Autriche  François  I", 
roi  de  Bohème  et  de  Hongrie. 

La  nation  française  tout  entière  appuyait  cette 
déclaration.  Le  11 'juillet,  le  président  de  l'A'ssemblée, 
Aube.rt-Dubayet,  pro- 
nonçait au  milieu  cl"un 
religieux  silence  celle 
formule  simple  et  ter- 
rible : 

«  Citoyens,  la  Patrie 
est  en  danger  ! 

Tous  les  cœurs  pa- 
triotes, stimulés  par 
l'enfantement  de  nos  li- 
bertés.comprirent  ridée 
grandiose  que  contena  i  I 
cette  proclamation.ïous 
les  citoyens  étaient 
pri'Ms  à  sacrifier  leur  vie, 
Leurs  vœux,  leurs  bras, 
leur  àme,  tout  était  pour 
le  triomphe  delà  France 
menacée. 

La  nouvelle  de  l;i 
déclaration  de  guerre 
se  répandit  comme  iiu 
éclair  allumant  le  pa- 
triotisme de  tous  les 
Français,  laboureurs  ou 
citadins,  artisans  nu 
soldats,  bourgeois  ou 
savants. 

Ce  fut  une  solennelle 
époque  !  C'était  le  nou- 
veau monde  des  liber- 
tés faisant  la  guerre  au 
vieux  monde  de  la  ly- 
rannie.  L'enthousiasine 
avait  envahi  la  grande 
nation  qui  brisait  les 
fers  de  l'esclavage  ou  de 
la  féodalité.  Casernes  et 
ateliers  étaient  animés 
d'un  même  esprit.  Il 
fallait  lutter  et  vaincre  pour  le  bonheur  de  l'himianité. 

A  Strasbourg,  comme  partout,  un  sentiment  im- 
mense et  généreux  inspirait  les  esprits. 

Il  faut  préparer  l'attaque  et  la  défense  ! 

Il  nous  faut  des  armes  matérielles  et  morales  ! 

Aucune  ne  manquera. 

Dans  un  élan  de  patriotisme  sublime,  un  officier 
du  génie,  familier  avec  les  inspirations  poétiques, 
cède  aux  instances  du  maire  de  Strasbourg,  Dietrich, 
et  de  ses  amis,  réunis  en  un  banquet  patriotique.  lise 
recueille,  prend  le  violon,  conficlent  de  ses  mélodies, 
invoque  la  Muse  de  la  Liberté  et  crée  à  la  fois  les 
paroles  et  la  musique  d'un  chant  qu'il  appelle  le 
Chant  de  guerre  pour  l'armée  du  Rhin. 

Communiqué  aux  convives  patriotes  ce  chant  ma- 
gnifique les  ravit,  exalte  leur  patriotisme,  se  repro- 
duit comme  par  enchantement,  parvient  à  Marseille 

(1)  Un  volume  parai(ra  bientôt,  publié  par  l'auteur  de  cette  notice. 


émerveille  les  peuples  qu'il  anime  et  revient  à  Paris- 
où  on  le  baptise  du  nom  d'hj'mne  des  Marseillais. 
Za  Marseillaise  avait  été  enfantée  dans  la  nuit  du 
2o  au  2i5  avril  1792. 
C'est  une  date  immortelle,  car  la  Marseillaise 
a  prêté  son  puissant 
concours  aux  succès  de 
nos  armées.  Joseph 
Rouget  de  Lisle,  sou 
auteur,  s'est  acquis  un 
nom  inséparable  des . 
gloires  de  la  grande  et 
généreuse  Révolution 
française. 

Rouget  de  Lisle  avait 
trente-deux  ans  quand 
il  a  fait  la  Marseillaise. 
Il  était  né  le  10  mai 
1760,àLons-le-Saulnier. 
Connu  généralenu'nl 
^m:la  MarseillaiseSQw\i\ 
il  a  composé  beaucoup 
d'autres  poésies  de 
toute  espèce,  rarement 
répandues  aujourd'hui^ 
mais  qu'une  publica- 
tion prochaine  fera  cou- 
naitre  (1^ 

Prose  et  vers,  tout  aii- 
nonce  dans  Rouget  de 
Lisle  un  esprit  délicat^ 
un  cœur  généreux,  une 
honnêteté  irréprocha- 
ble, ime  droiture  éner- 
gique et  exquise. 

Longtejups  malheu- 
reux, il  a  dû  à  un  illus- 
tre citoyen,  à  Béranger.. 
le  bonheur  qui  lui  sourit 
au  déclin  de  sa  vie. 

La  Mai'seillaisen.  valu 
bien  plus  de  cent  mille- 
hommes  pour  le  triom- 
phe de  nos  armes. 
La    Mai)seillaise    est 
presque  le  Palladium  de  nos  libertés. 
Elle  a  son  feuillet  dans  le  recueil  de  nos  lois. 
Il  faut  donc  à  son  auteur  une  place  éminente  dans- 
nos  cités.  Sa  statue  est  nécessaire  à  Choisy-le-Roi  où 
il  mourut,  à  Lons-le-Saulnier  où  il  a  vu  le  jour. 

C'est  en  honorant  les  images  des  grands  citoyens- 
qu'on  entretient  les  grandes  idées  d'un  peuple  libr^^ 
et  républicain. 

Anous, Français,  de  rendre  enfin-justice  à  des  noms^ 
justement  honorables  en  élevant  à  Rouget  de  Lisle.. 
ainsi  qu'à  Béranger,  les  statues   qu'ils  ont  méritées. 
Alfred  Leconte, 

Député  de  l'Indre. 


^  Le  comité  cliargé  d'élever  uno  i 

posé:  Président,  ilenjamin  Raspail ,    .  .v^-. 

Secrétaires:  Alfred  Leconle  cl  I-.  Stempfcl 


nue  a  Rouget  de  Lisle  est  ainsi  com- 
Vice-Président.  Générjl  de  ClianaU 


LA  CHANSON 


MARCHE 


DES  MARSEILLOIS 


Allons,  cnfans  do  la  Patrie, 
Le  jour  de  gloire  est  arrivé. 
Contre  nous  de  la  tyrannie 
L'étendart  sanglant  est  levé,      [bis) 
Entendez-vous  dans  les  campagnes 
Mugir  ces  féroces  Soldats? 
Ils  viennent  jusques  dans  vos  bras 
Egorger  vos  flls,  vos  compagnes  (2  . 

Aux  armes,  Citoyens!  formez  vos  bataillons  : 

Marchez  [Us),  qu'un  sang  impur  abreuve  nosSillons(3 
En  chœur  : 

Marchons  (Sw),  qu'un  sang  impur  abreuve  nos  Sillons. 
Que  veut  cette  horde  d'esclaves. 
De  traîtres,  de  rois  conjurés  ^1)  "? 
Pour  qui  ces  ignobles  entraves, 
Ces  fers  dés  longtemps  préparés?      [Ms^ 
Français,  pour  nous,  ah  !  quel  outrage: 
Quels  transports  il  doit  exciter! 
C'est  nous  qu'on  ose  méditer 
De  rendre  à  l'antique  esclavage. 

Aux  armes,  Citoyens!  etc. 

Quoi  !  des  cohortes  étrangères 
Feroicnt  la  loi  dans  nos  foyers! 
Quoi  !  ces  phalanges  mercenaires 
Terrasseroient  nos  fiers  guerriers  !      (bis'' 
Grand  Dieu,  par  des  mains  enchaînées 
Nos  fronts  sous  le  jous  se  ploieroient! 
De  vils  despotes  doviendroient 
Les  maîtres  de  nos  destinées  ! 

Aux  armes,  Citoyens  !  etc. 


*  Nous  reproduisons  à  titre  de  cui-iosité  une  de 
la  Marseillaise,  Elle  porte  sur  l'imprimé  la  mention  suivante  :   t(  Clian 
tée  sur  diKrans  théâtres,  chez  Frère,  Passage  du  Saumon  ». 

(1)  «  L'hymne  dos  Marscillois  n'est  pas  vide  de  tout  mérite.  Le 
lyrique  a  eu  le  grand  talent  d'y  mettre  de  l'enthousiasme  sans  pa- 
Toîtro  ampoulé.  D'ailleurs  celte  ode  républicaine  vivra  parce  qu'elle 
fait  époque  dans  notre  Révolution  ».  Chateaubriand,  Essai  sur  les 
Révolutions,  1797.  —  «  Ce  n'est  pas  la  poésie,  c'est  la  musique  qui 
fera  vivre  l'hymne  révolutionnaire  ».  Le  même,  1826. 

(2)  La  plupart  des  éditions  reproduisent  ainsi  ces  vers  : 

Ils  viennent  jusques  dans  nos  bras 

Egorger  nos  fils,  nos  compagnes. 
C'est    un    tort.    Combien,  aussi,  y    a-t-il  de  personnes,  parmi  celles 
qui  chantent  ce  couplet,  qui  s'abstiennent  de  faire  du    dernier    vers  un 
vers  de  neuf  syllabes  et  de  dire  : 

Egorger  nos  fils  et  nos  compagnes? 

(3)  Au  second  vers  du  refrain,  on  a  coutume  de  substituer  au  mot 
marchez  I:  mot  marchons,  qui  doit  seulement  apparaître  à  h  reprise 
en  cbœur. 


Tremblez,  tyrans,  et  vous,  perfides, 
L'opprobre  de  tous  les  partis. 
Tremblez  :  vos  projets  parricides 
Vont  enfin  recevoir  leur  prix,      (iis] 
Tout  est  soldat  pour  vous  combattre  : 
S'ils  tombent,  nos  jeunes  héros, 
La  terre  en  produit  de  nouveaux 
Contre  vous  tous  prêts  à  se  balli'f. 
Aux  armes,  Citoyens  !  etc. 

Français,  en  guerrier.?  magnanimes  (!j;. 
Portez  ou  retenez  vos  coups  : 
Epargnez  ces  tristes  victimes, 
A  regret  s  armant  contre  nous.      (bis) 
Mais  ces  despotes  sanguinaires  (G), 
Mais  les  complices  de  Bouille, 
Tous  CCS  tigres  qui  sans  pitié 
Déchirent  le  soin  do  leur  mère!... 

Aux  armes,  Citoyens!  etc. 

Amour  sacré  de  la  Patrie, 

Conduis,  soutiens  nos  bras  vengeurs. 

Liberté!  liberté  chérie, 

Conbats  avec  les  défenseurs.       (bis) 

Sous  nos  drapeaux  que  la  Victoire 

Accoure  à  tes  mâles  accens  : 

Que  tes  ennemis  expirans 

Voient  ton  triomphe  et  notre  gloire  (7). 

Aux  armes,  Citoyens  !  etc. 

(4)  Variante,  inventée  par  quelque  royaliste  : 
De  traîtres  en  vain  conjurés. 

(3)  Chateaubriand,  en  imprimant  à  Londres,  en  1797,  le  chant  de 
Kouget  de  l'isle,  n'a  pas  reproduit  ce  couplet.  M.  Staaiï,  dans  sa 
Litièralure  française,  l'a  omis  également. 

(6)  Le  texte  porte  despotes  au  pluriel  et  sanguinaire  au  singulier. 
Certaines  éditions  ont  corrigé  despote;  d'autres,  leurs  mères.  J'incli- 
nerais à  ajouter  Vs  au  mot  sanguinaire,  tout  simplement.  On  peut  bien 
pardonner  ce  lapsus  à  la  rapidité  de  la  composition. 

(7)  Ici  se  termine  la  Marseillaise  :  six  couplets  en  tout.  SI.  Staad' 
en  ajoute  un  dont  la  platitude  contraste  singulièrement  avec  ceux  qui 
précèdent  : 

Que  l'amitié,  que  la  patrie 

Fassent  l'objet  de  tous  nos  vœux. 

Ayons  toujodrs  l'âme  remplie 

Des  feux  qu'ils  inspirent  tous  deux. 
C'est  de  la  poésie  de  cantique. 
Quant  au  couplet  des  enfants  : 

Nous  entrerons  dans  la 


Il  est  de  Dubois,  qui  le  composa  pour  la    fête  civique    du    14    octo- 
bre 1792. 


70 


LA  CHANSON 


LE   CHANT  DU  DEPART 


Cet  hymne  guerrier,  yérîtatili 
aussi  à  la  frontière  les  quatorze  armée! 
Chénier  le  composa  en  1794,  et  Mèliul 


frère  de    la    Mariteillaise,    conduisit 
mces  (le  la  République.  Marie-Joseph 


La  victoire,  en  chantant,  nous  ouvre  la  barrière, 

La  liberté  s;aide  nos  pas. 
Et,  du  Nord  au  îlidi,  la  trompette  guerrière, 

A  sonné  l'heure  des  combats. 

Tremblez,  ennemis  de  la  France  ! 

Rois  ivres  de  sang  et  d'orgueil! 

Le  peuple  souverain  s'avance  : 

Tyrans,  descendez  au  cercueil  ! 

CHŒUR. 

La  République  nous  appelle. 
Sachons  vaincre  ou  sachons  périr  : 
Un  Français  doit  vivre  pour  elle, 
Pour  elle  un  Français  doit  mourir! 

UNE  MÈRE  DE   FAMILLE. 

De  nos  yeux  maternels  ne  craignez  point  les  larmes; 
Loin  de  nous  de  lâches  douleurs  ! 

Nous  devons  triompher,  quand  vous  prenez  les  armes  : 
C'est  aux  rois  à  verser  des  pleiu's. 
Nous  vous  avons  donné  la  vie. 
Guerriers,  elle  n'est  plus  à  vous  : 
Tous  vos  jours  sont  à  la  patrie  ; 
Elle  est  votre  mère  avant  nous. 

CHŒUR    DES   MÈRES   DE   FAMILLE. 

La  République  vous  appelle,  etc. 

DEUX  VIEILLARDS. 

Que  le  fer  paternel  arme  la  main  des  braves  ; 

Songez  à  nous  au  champ  de  Mars  : 
Consacrez  dans  le  sang  des  rois  et  des  esclaves 

Le  fer  béni  par  vos  vieillards  ; 

Et  rapportant  sous  la  chaumière. 

Des  blessures  et  des  vertus. 

Venez  fermer  notre  paupière. 

Quand  les  tyrans  ne  seront  plus. 

CHŒUR  DES  VIEILLARDS. 

La  République  vous  appelle,  etc. 

UN  ENFANT. 

De  Barra,  de  Viala,  le  sort  nous  fait  envie  ; 

Ils  sont  mnrts,  mais  ils  ont  vaincu  ; 
Le  lâche  accablé  d'ans  n'a  point  connu  la  vie  : 

Qui  meurt  pour  le  peuple  a  vécu. 

Vous  êtes  vaillants,  nous  le  sommes  ; 

Guidez-nous  contre  les  tyrans  ! 

Les  républicains  sont  des  hommes; 

Les  esclaves  sont  des  enfants. 

CHŒUR  DES  ENFANTS. 

La  République  nous  appelle,  etc. 


UNE   EPOUSE. 

Partez,  vaillants  époux,  les  combats  sont  nos  fêtes  ; 
Partez,-  modèles  des  guerriers; 

Nous  cueillerons  des  fleurs  pour  pu  ceindre  vos  tétes 
Nos  mains  tresseront  vos  lauriers. 
Et  si  le  temple  de  mémoire 
S'ou^Tait  à  vos  mânes  vainqueurs. 
Nos  voix  chanteront  votre  gloire. 
Et  nos  flancs  portent  vos  vengeurs. 

CHŒUR    DES   ÉPOUSES. 

La  République  vous  appelle,  etc. 

UNE  JEUNE  FILLE. 

Et  nous,  sœurs  des  héros,  nous  qui  de  l'hyménée 
Ignorons  les  aimables  nœuds. 

Si,  pour  s'unir  un  jour  à  notre  destinée. 
Les  citoyens  forment  des  vœux, 
Qu'ils  reviennent  dans  nos  murailles. 
Beaux  de  gloire  et  de  liberté. 
Et  que  leur  sang,  dans  les  batailles, 
Ait  coulé  pour  l'égalité. 

CHŒUR   DES   JEUNES   FILLES. 

La  République  vous  appelle,  etc. 

TBOIS   GUERRIERS. 

Sur  ce  fer,  devant  Dieu,  nous  jurons  à  nos  pères, 

■  A  nos  épouses,  à  nos  sœurs, 
A  nos  représentants,  à  nos  fils,  à  nos  mères. 

D'anéantir  nos  oppresseurs  ! 

En  tous  lieux,  dans  la  nuit  profonde 

Plongeant  l'infâme  royauté, 

Les  Français  donneront  au  monde 

Et  la  paix  et  la  liberté. 

CHŒUR  GÉNÉRAL. 

La  République  nous  appelle. 
Sachons  vaincre,  ou  sachons  périr  : 
Un  Français  doit  vi\Te  pour  elle; 
Pour,  elle  un  Français  mourir. 

M.-J.  Chénier. 


VEILLONS  AU  SALUT  DE  L'EMPIRE 


ïs  titres  différents 
i.  Dans    l'idée  de 


Ce  chant  social  date  de  1793,  et  a  été  publ 
de  Chant  civique,  le  Salât  de  la  France,  t 
l'auteur,  Empire  signifiait  La  Patrie. 

Les  paroles  sont  généralement  attribuées  à  De  Boy,  le  nom  de   1 
teur  de  la  musique  est  resté  inconnu.  A.  P. 


Veillons  au  salut  de  l'Empire, 
Veillons  au  maintien  de  nos  droits  : 
Si  le  despotisme  conspire, 
Conspirons  la  perle  des  rois  ! 

Liberté  !  que  tout  mortel  te  rend  hommage. 
Tremblez,  tyrans!  vous  allez  expier  vos  forfaits  ! 

Plutôt  la  mort  que  l'esclavage  1 

C  est  la  devise  des  Français. 


LA    CHANSON 


71 


Du  Paint  de  noire  patrie 

Dépend  celui  de  l'univers; 

Si  jamais  elle  est  asservie, 

Tous  les  peuples  sont  dans  les  fers. 
Liberté  !  que  tout  mortel  te  rende  hommage. 

Tremblez,  tyrans!  vous  allez  expier  vos  Ibrlaits 
Plutôt  la  mort  que  l'esclavage! 
C'est  la  devise  des  Français! 

Ennemis  de  la  tyrannie 

Paraissez  tous,  armez  vos  bras 

Du  fond  de  l'Europe  avilie, 

Marchez  avec  nous  aux  combats. 
Liberté!  liberté!  que  ce  no  n  sacré  nous  rallie. 
Poursuivons  les  tyrans,  punissons  leurs  l'ortaits! 

Nous  servons  la  même  patrie  : 

Les  hommes  libres  sont  Français. 

Jurons  union  éternelle 

Avec  tous  les  peuples  divers; 

Junms  une  guerre  mortelle 

A  tous  nos  rois  de  l'univers. 
Liberté!  liberté!  que  ce  nom  sacré  nous  rallie. 
Poursuivons  les  tyrans,  punissons  leurs  forfaits  ! 

On  ne  voit  plus  qu'une  patrie 

Quand  on  a  l'ilme  d'un  Français. 

De  Boy. 


LE  CHANT  DES  OUVRIERS '" 

1846 


iitiriuiis  cru  manquer  ù  notre  programme  en  oc  publiant  pas 
lauson  démocratique  et  sociale.  Pierre  Dupont  doit  rester  dans  la 
■0  du  peuple.  Son  œuvre  est  remplie  de  belles  et  bonnes  clioses, 
que  nous  voudrions  entendre  cbanter  plus  souvent  par  les  classes 
laborieuses  dont  Dupont  s'est  si  souvent  fait  riiitcrprjite.  A.  P. 

Nous  dont  la  lampe,  le  matin. 
Au  clairon  du  coq  se  rallume; 
Nous  tous  qu'un  salaire  incertain 
Ramène  avant  l'aube  à  l'enclume; 
Nous  qui  des  bras,  des  pieds,  des  mains. 
De  tout  le  corps  luttons  sans  cesse. 
Sans  abriter  nos  lendemains 
Contre  le  froid  de  la  vieillesse. 

Aimons-nous,  et  quand  nous  pouvons 
Nous  unir  pour  boire  à  la  ronde, 
Oui^  le  canon  se  taise  ou  gronde. 

Buvons 
A  l'indépendance  du  monde! 

Nos  bras,  sans  relâche  tendus. 
Aux  flols  jalons,  au  sol  avnre. 
Ravissent  leurs  trésors  perdus, 
Ce  qui  nourrit  et  ce  i[iu  pave  : 
Perles,  diamants  et  niélaux. 
Fruit  (.lu  coleau,  grain  de  la  plaine 
Pauvres  moutons,  quels  bons  manteaux, 
Il  se  lisse  avec  notre  laine! 

Aimons-nous,  etc. 

(Juel  fruit  tirons-nous  des  labeurs 
Oui  courbent  nos  maigres  échines? 
Où  vont  les  flots  de  nos  sueurs  ? 
Nous  ne  sommes  que  des  machines. 


(1)  Extrait  de 


complètes  Je  Pierre  Dupont. 
r  chaque  chant,  chez  PI 
chez  Gornier,  1  vol.  in-lS.  2  tr. 


..       beaux  vol.  avec 
■ditcur.  Priï  20  fr., 


Nos  Babels  montent  jusqu'au  ciel, 
La  terre  nous  doit  ses  merveilles  : 
Dès  qu'elles  ont  fini  le  miel, 
L&  maître  chasse  les  abeilles. 

Aimons-nous,  etc. 

-Vu  fils  chélif  d'un  étranger 
Nos  feumies  tendent  leurs  mamelles, 
Et  lui,  plus  tard,  croit  déroger 
En  daignant  s'asseoir  auprès  d'elles; 
De  nos  jom's,  le  droit  du  seigneur 
Pèse  sur  nous  plus  despotique  : 
Nos  filles  vendent  lem?  honneur, 
Aux  derniers  com'tauds  de  boutique. 

Aimons-nous,  etc. 

Mal  vêtus,  logés  dans  des  trous. 
Sous  les  combles,  dans  les  décombres 
Nous  vivons  avec  les  hiboux 
Et  les  larrons  amis  des  ombres  ; 
Cependant  notre  sang  vermeil 
Coule  impétueux  dans  nos  veines; 
Nous  nous  plairions  au  grand  soleil 
Et  sous  les  rameaux  verts  des  chênes. 

Aimous-nous,  etc. 

.\  chaque  fois  que  par  torrents 
Notrt!  sang  coule  sur  le  monde, 
l'.'esl  toujours  pour  quelques  tyrans 
nue  cotte  rosée  est  féconde: 
Mena  geons-le  dorénavan  t, 
L'amciiu'  est  plus  fort  que  la  guerre. 
En  attendant  qu'un  meilleur  veut 
Soul'lle  du  ciel  ou  de  la  ten-c. 

Aimons-nous,  et  quand  nous  pouvons 
Nous  unir  pour  boire  à  la  ronde. 
Que  le  canon  se  taise  ou  gronde. 

Buvons 
.A  l'indépendance  du  monde  ! 

PlEPvRE  DDPONT. 


LA.  :M[A.R.iA.p^isrE 


Air  :  de  Mimi  Pi'iison  (F.  Bée.4.t) 

lelte  chanson  complètement  inconnue  de  la  jeune  génération,  a  t-irculé 
mscril.- en  ISol,  avec  un  véritable  SUCCC.S.  Nous  l'imprimons  pour  la 
mièic  fois,  avec  le  nom  de  son  véritable  auteur.  Elle  a  souvent  été 
ibiiée  à  d'autres.  Antoine  Hlarc  Monnlu  est  un  de  nos  graveurs  et 
aforlislcs  distingués. 


A.  P. 


Frères,  dans  ma  haute  mansarde 
Qui  s'ébranle  el  craque  à  tout  vent, 
Sur  un  mur  que  le  lenips  lézarde. 
Je  possède  un  porlrail  vivant  : 
Le  portrait  de  celle  que  j'aime; 
A  son  front  aux  nobles  contours. 

Sans  diadème, 
Rayonne  la  grandeur  suprême... 
C'est  Marianne,  mes  amours. 

Pas  de  perles,  pas  d'or  qui  brille. 
En  sa  mise,  rien  de  mesquin  ; 
Mieux  sied  à  cette  altière  fille 
L'éclat  d'un  rouge  casaquin. 
Aux  anneaux  de  sa  L'he\-é]are 
Elle  n'a  pas  de  vains  alours, 

Mais  pour  parure. 
D'épis  blonds  une  aigrette  pure, 
La  Marianne,  mes  amours. 


72 


LA  CHANSON 


Klle  lieut  une  longue  pique 
Dont  tremblent  fort  ses  ennemis; 
Son  pied  chausse  un  cothurne  antique, 
Foulant  de  fastueux  débris  ;         , 
Uue  les  rois  lui  fassent  la  guerre, 
Contre  elle,  bastions  et  tours 
Me  tiendront  guère  : 
Elle  doit  conquérir  la  terre, 
La  Marianne,  mes  amours. 

Tout  en  elle  est  force  et  jeunesse, 
Bien  qu'elle  ait  vu  plus  d'un  hiver. 
Du  poignard  qui  vengea  Lucrèce 
A  Rome  elle  aiguisa  le  fer  ; 
Depuis  les  siècles  et  l'orage 
Ont  sur  nous  déroulé  leur  cours 

Par  maint  ravage. 
Mais  elle  échappe  à  tout  naufrage, 
La  Marianne,  mes  amours. 

Onana  apparut  quatre-vingt-treize 
Marianne  apparut  aussi. 
Elle  chantait  la  Marseillaise 
Et  l'Europe  en  eut  grand  souci  : 
A  la  voix  des  strophes  guerrières, 
Nos  pères  quittaient  leurs  faubourgs 

Et  leurs  chaumières. 
Pour  aller  défendre  aux  frontières 
La  Marianne,  mes  amours. 

Dans  la  tempête  populaire 
Elle  surgit  en  février. 
Ombrageant  d'une  palme  austère 
Le  front  vainqueur  de  l'ouvrier; 
Malgré  le  vieil  ordre  qui  gronde, 
Elle  a  semé,  pour  de  beaux  jours. 

Sur  notre  monde 
L'égalité,  graine  féconde, 
La  Marianne,  mes  amours. 

Frères,  nous  saurons  la  défendre 
Contre  l'égoïsme  en  couroux. 
C'est  vainement  qu'il  fait  entendre 
Bruit  de  chaînes  et  de  verroux  ; 
La  multitude  haletante 
Voit  un  astre  suivre  son  cours. 

Dans  la  tourmente. 
C'est  l'étoile  resplendissante 
De  Marianne,  mes  amours. 

A. -M.  MONNIN. 


LA  SAINTE  ALLIANCE  DES  PEUPLES" 


^dus  avons  cru  devoir  remettre  en  mémoire  cette  belle  chanson  de 
notre  grand  chansonnier  national,  Déranger,  œuvre  humanitaire,  toujours 
rêvée,  de  la  fraternité  universelle.  Quand  verra-t-on  le  hut  atteint? 

A.  P. 

J'ai  vu  la  paix  descendre  sur  la'^ terre; 
Semant  de  l'or,  des  fleurs  et  des  épis. 
L'air  était  calme,  et  du  Dieu  de  la  guerre 
Elle  étouffait  les  foudres  assoupis. 
«  Ah  !  disait-elle,  égaux  par  la  vaillance, 
«  Français,  Anglais,  Belge,  Russe  ou  Germain, 
t  Peuples,  formez  une  sainte  alliance, 
«  Et  donnez-vous  la  main. 


(1)  chantée  en  réjouissance  de  l'évacuation  du  territoire  français, 
au  mois  d'octobre  1818. 

Extrait  des  OEuvrcs  complètes  de  Déranger.  Edité  chez  MM.  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Suints-Pères.  Edition  populaire  illustrée,  10  cen- 
times ta  livraison. 


«  Pauvres  mortels,  tant  de  haine  vous  lasse; 
«  Vous  ne  goûtez  qu'un  pénible  sommeil. 
«  D'un  globe  étroit  divisez  mieux  l'espace; 
«  Chacun  de  vous  aura  place  au  soleil. 
"-  Tous  attelés  au  char  de  la  puissance, 
«  Du  vrai  bonheur  vous  quittez  le  chemin. 
•<  Peuples,  formez  une  sainte  alliance 
«  Et  donnez-vous  la  main. 

«  Chez  vos  voisins  vous  portez  l'incendie  ; 
<t  L'aquilon  souffle,  et  vos  toits  sont  brûlés  ; 
«  Et  quand  la  terre  est  enHp.  refroidie, 
«  Le  soc  languit  sous  des  bras  mutilés. 
«  Près  de  la  borne  où  chaque  état  commence, 
«  Aucun  épi  n'est  pur  de  sang  humain. 
«  Peuples,  formez  une  sainte  alliance 
«  Et  donnez-vous  la  main. 

«  Des  potentats,  dans  vos  cités  en  flammes, 
«  Osent  du  bout  de  leur  sceptre  insolent 
«  Marquer,  compter  et  recompter  les  âmes 
«  Que  leur  adjuge  un  triomphe  sanglant. 
«  Faibles  troupeaux,  vous  passez,  sans  défense, 
«  D'un  joug  pesant  sous  un  joug  inhumain. 
«  Peuples,  formez  une  sainte  alliance, 
<e  Et  donnez-vous  la  main. 

«  Que  Mars  en  vain  n'arrête  point  sa  course, 
«  Fondez  les  lois  dans  vos  pays  souffrants; 
«  De  votre  sang  ne  livrez  plus  la  source 
«  Aux  rois  ingrats,  aux  vastes  conquérants. 
«  Des  astres  faux  conjurez  l'influence, 
«  Effroi  d'un  jour,  ils  pâliront  demain. 
«  Peuples,  formez  une  sainte  alliance, 
«  Et  donnez-vous  la  main. 

«  Oui,  libre  enfin,  que  le  monde  respire; 
«  Sur  le  passé  jetez  un  voile  épais. 
«  Semez  vos  champs  aux  accords  de  la  lyre  ; 
«  L'encens  des  arts  doit  brûler  pour  la  paix. 
«  L'espoir  riant,  au  sein  de  l'abondance, 
«  Accueillera  les  doux  fruits  de  l'hymen. 
«  Peuples  formez  une  sainte  alliance, 
«  Et  donnez-vous  la  main.  » 

Ainsi  parlait  cette  Vierge  adorée. 
Et  plus  d'un  roi  répétait  ses  discours. 
Comme  au  printemps  la  terre  était  parée  ; 
L'automne  en  fleurs  rappelait  les  amours  (1). 
Pour  l'étranger,  coulez,  bons  vins  de  France  : 
De  sa  frontière,  il  reprend  le  chemin. 
Peuples,  formons  une  sainte  alliance 
Et  donnons-nous  la  main. 

P.-J.   BÉRANGER. 


(1)  L'automne  de    1818    fut    d'une   beauté    remarquable  :  be, 
d'arbres  fruitiers  refleurirent,  même  dans  le  nord  de  la  France. 


Tous  les  petits  faits  du  jour  s'effacent  devant 
les  trois  grandes  idées  qu'évoque  ou  l'ait  naître 
la  Fête  nationale  du  14  juillet  :  la  chute  de  la  Bas- 
tille, la  disti'ibution  des  drapeaux  et  l'amnistie. 
Za  Chanson  aujourd'hui  les  célèbre  de  son 
mieux.  Nos  lecteurs  trouveront  dans  le  prochain 
miméro  l'histoire  complète  de  la  quinzaine  chan- 
sonnière. 


Prière  àk  MM.  les  Eiibraires  de  province  d'adresser 
leurs  commandes  À  leurs  Correspondants. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C",  6,  rue   Martel, 


3=  ANNEE. 


N"  10. 


lO  CENTIMES. 


17  JUILLET  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant. 
A.  PATAY 


La.  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
€5(  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUQO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. . . 
Réclames,        — 


La  chanson,  comme  la  batonnstte 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,   BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr- 

■  six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE  : 


Halerie  MastcaU  :  I.nitrenl  de  lUlli  (L.-1Ikmi«  LKnoiiTr.).  —  Lvtlra 
du  ConiiU'  Jîi'ianf^er  aux  directeurs  des  Sociétés  Orphéoniques.  — 
r.es  Chanta  du  II  Jnillrt  (A.  Eiiiiui).  —  Uanqael  du  Caveau  (L.- 
Jliî,>Kv  LECouxr,).  —  Dixième  concours    nieriHuet    de  la  Clinnson  :  La 


,ce  de  ma  sœur  (J.  LinociKn).  —  Les  Origines  ,Lm:is  Bogkï). 
Uiographic  (Geoboes  Mibat).  —  Chronique  des  Concerts  (Ali- 
htinot).  —  chronique  des  Sociétés  Lyriques.  • — •  Choseset  Auli 
■  Le  Hammam,  chanson-réclame  (Ecgése  Caulos). 


GALERIE  MUSICALE  :   LAURENT  DE  RILLE 


Il  faut,  conslalci'  avec 
une  joie  patriotique  le 
grand  mouvement  qui 
s'opère  pour  enlever 
o,ux  distractions  dan- 
gereuses du  cabaret 
l'ouvrier  des  villes  ou 
<les  campagnes.  Musées 
et  Ijibliolhèques  popu- 
laires sont  multipliées 
avec  une  générosité 
intelligente.  Ce  mou- 
vement, que  les  faits 
politiques  ont  considé- 
Tablenienl  accéléré,  a 
pris  naissance,  au  len- 
demain do  la  révolution 
de  juillet,  sous  l'impul- 
sion vigoureuse  de  deux 
hommes  inséparables 
dans  le  souvenir  recon- 
naissant des  masses  : 
Béranger  et  Wilhem. 
L'un  conseillait,  l'autre 
exécutait,  et  leur  œuvre 
commune,  l'Orp'shéon,  a 
reçu  du  temps  la  consé- 
cration du  succès. 

Parmi  les  continua- 
teurs de  Wilhem,  Lau- 
rent deRillémériteune 
mention  particulière. 
Il  s'est  dévoué  corps  et  âme  à  cette  mission  morali- 
satrice, et  pas  un  orphéon  de  France  ne  lui  marchande 
la  sympathie. 


Laurent  do  liillô  esL 
né  à  Orléans,  eu  1828.  Il 
fil  SCS  études  au  collège 
de  Tours.  Déjà  l'amour 
de  la  musique  le  possé- 
dait ;  il  étonnait  par  son 
talent  d'improvisation 
le  vieux  pianiste  qu'on 
lui  avait  donné  pour 
maître.  Bientôt  le  jeune 
compositeur  voulut  un 
orchestre  pour  exécuter 
ses  œuvres  ;  il  fonda 
sans  larder  une  société 
d'instrumentistes  dont 
il  recruta  les  éléments 
parmi  ses  condisciples. 
De  nombreux  succès 
intimes  en  résultèrent. 
Quand  sonna  pour  lui 
la  vingtième  année, 
Laurent  de-  Rillé  vint 
faire  son  droit  à  Paris  ; 
il  associanaturellement 
dans  ses  études  le  code 
et  la  musique,  et  suivit 
le  cours  d'harmonie  pro- 
fessé par  Elwarl  au 
Conservatoire. 

Passant  un  jour  rue 
Bellefond,  il  entendit 
un  groupe  d'ouvriers 
qui  chantaient  en  chœur;  il  en  ressentit  une  émotion 
très  vive  qui  détermina  sa  vocation.  Dès  la  même 
année  (1848)  il  écrivit  des  chœurs,  chantés  aussitôt, 


LA  CHANSON 


par  les  fïiekj»es  sQdiélôs<ôtaIb"lies  àiRaaiis,  .tia  proituG- 
lian  -s'aoeiKit  au  .fitr.et  àitaestiïEe  qu«  les  .eiriphécœ-s  &e 
mulliplïèrcnt.  Elle  est  aujourd'hui  trop  nom'breuse 
pour  qu'il  soit  possible  do  l'énumérer  ici  ;  nous  rap- 
pellerons seulement,  parmi -ses  oeuvres  les  plus  re- 
marquables :  la  Saint-Hubert,  les  Baveurs,  la  Retraite, 
les  Bergers,  les  Batteurs  de  hlé,  l'Exilé,  la  Valse  des 
soiiffes,  les  Chantres,  Malborough,,  l'OriMoii  en  voyage, 
l'Océan,  le  Pardon  d'Auraij  et  les  Hirondelles  de 
Béranger. 

Ces  titres  suflisent  pour  faire  connaître  une  des 
faces  du  talent  de  Laui'ent  de  Rillé,  la  -variété.  Il 
réussit  en  effet  le  fehœur  d'action  comme  le  tableau 
rustique,  le  chant  de  colère  comme  le  récit  plaisant. 

Toutes  ses  productions  décèlent  la  science  des 
rythmes,  l'entente  de  l'harmonie,  un  sentiment  mé- 
lodique plein  de  franchise  et  de  clarté. 

On  doit,  en  outre,  à  Laurent  de  Rillé,  plusieurs 
chœurs  pour  enfants,  des  messes,  des  morceaux 
d'orchestre  et  les  œuvres  théâtrales  suivantes  :  le 
Petit  Poucet,  3  actes  (Athénée,  18(38)  ;  \».  Liqwew  d'or, 
Z  actes  (Menus-Plaisirs,  ISTb)  ;  les  Pattes  Hanches, 
1  acte  (Bouffes,  1877)  ;  Babiole,  :'.  actes  (Bouffes,  1878); 
et  la  Princesse  Marmotte,  '.'•  actes,  représentée  récem- 
ment à  Bruxelles.  Ces  diverses  partitions,  opéras- 
comiqties  plutôt  qu'opérettes,  ont  obtenu  des  succès 
très  enviables. 

Diseur  agréable,  orateur  habile,  professeur  émé- 
rite,  Laurent  de  Rillé  fait  depuis  plusieiu's  années, 
à  la  Sorbonne,  un  cours  d'histoire  de  la  musique 
dont  l'intérêt  a  été  plusieurs  fois  signalé  par  les 
organes  spéciaux.  Enfin,  chargé  par  le  gouverne- 
ment français  d'importantes  missions  artistiques, 
et  membre  de  nombreux  comités  relatifs  à  l'instruc- 
tion publique  ou  aux  progrès  industriels,  il  a  conquis 
vaillamment  le  grade  d'officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  les  rubans  de  divers  ordres  étrangers. 

Oîi  que  se  tiennent  les  réunions  orphéoniques,  ou 
c[ue  se  jugent  les  grands  concours  de  musique  vocale, 
Laurent  de  Rillé  préside  et  décide.  Il  excelle  surtout 
à  prononcer  les  petites  allocutions  humoristiques, 
compléments  obligés  des  banquets  populaires. 

Le  Comité  de  la  statue  de  Béranger,  qui  croit  avec 
raison  que  les  orphéons  contribueront  largement  à 
son  œuvre  de  justice,  devait  attacher  une  significa- 
tion particulière  à  l'adhésion  de  Laurent  de  Wllé. 
Cette  adhésion,  la  Chanson  l'a  reçue,  entière  et  cha- 
leureuse, et  nous  y  voulons  voir  le  présage  dii  suc- 
cès de  l'appel  que  le  Comité  adresse  aujourd'hui  aux 
sociétés  chorales  de  France. 

L.-Henry  Lecomte. 


nïmanehe  proclmin.  18  juillet,  à  l'occasion  du 
S3"ie  anniversaire  iiinèbre  de  R^-ran^cr,  un  .  pèleri- 
nage de  soutenir  aura  lieu  au  l'ère-Liachaise. 

I..a  CUi%MSOIV  convie  les  membres  du  comité  lié- 
ran$;er,  les  représentants  législatifs  et  municipaux, 
de  Paris,  et  tous  les  amis  connus  ou  inconnus  de 
nérnngei-.  ik  cette  uianilcstation  toute  lîltérainO'  en 
l'honneur  du  poëto  national. 

Réunion  à  3  Bieiores  précises,  à  la  porte  du  cime- 
tière. 


\u-riComite  de  la    Slalue  .<l, 
racitjur?  tic  loutojf  ilpri  ^fiuotcl 


]lé, 


1,1  les 


oij,lièonl,|i,«  a.  :ri-an.c.  : 

Monsieur  le  Uiekcteur, 

Un  Comité  de  nataliilités  politiques,  littéraires  et 
artistiques,  a  été  récemment  formé,  sous  la  prési- 
dence honoraire  de  Victor  HUGO  et  la  présidence 
effective  de  M.  Spdller,  député  du  III"  arrondisse- 
ment de  Paris,  dans  le  but  d'élever,  dans  le  square 
du  Temple,  une  statue  à  Béranger. 

La  place  considérable  que  Béranger  a  tenue  dans- 
le  XTx°  siècle,  l'influence  bienfaisante  de  ses  chants  ■ 
patriotiques,  font  à  tous  les  citoyens  un  devoir  de 
contribuer  à  celte  œuvre  de  reconnaissance  nationale. 

Ce  devoir,  nul  ne  le  comprendra  mieux  que  les 
Orphéons  de  France,  fondés  sinon  par  Béranger,  du 
moins  sous  son  inspiration  directe,  puisqu'il  a  prédit 
leur  avenir,  tracé  leur  programme  et  trouvé  leur 
devise  en  écrivant  ces  vers  inoubliables  : 

Les  cœurs  sont  bien  près  de  s'entendre 
Quand  les  voix  ont  fraternisé. 

C'est  donc  avec  confiance  que  le  Comité  de  la  Statue 
de  Béranger  s'adresse  à  la  société  que  vous  dirige/, 
pour  lui  demander  son  concours,  sous  forme  de 
souscription  collective,  de  concerts  ou  de  réunions 
chantantes. 

Les  Orphéons  de  France,  toujours  prêts  quand  it 
s'agit  d'œuvres  de  bienfaisance  et  de  patriotisme, 
tiendront  à  honneur  de  contribuer  à  l'érection  de  In 
statue  de  l'immortel  chansonnier. 

MIÎMBRES  DU  COJIITÉ  DK  LA  STATClî  DE  liliRANGEH 

VICTOR  HUGO,  Prêùdcnl  d'ilonnem: 
SPULLER,    Députe,  Prèsideni. 

Edmond  AHOUT,  Ilomnm  de  letlies.  ]  , 

E.  LEGOUVÉ,  de  l'inslilnl.  )    ''«-''■'•»'*"'>■■ 

MURAT,  Ciinscillcr  municipal,    Trcsorier. 

L.-Honrv  LECOSITE,  Secréiairc. 


Paul  AVENUL,  Homme  de  lellic 
Eugène  BAILLET,      id. 
Paul  BOITEAU,  id. 

BOUFFÉ,  Artiste  drainalique. 
Paul  BURAM,  Homme  de  lettre 
CASTAGN'ARY,  Conseiller  d'Éta 
CHAMPFLEURY,  Homme  delelti- 
Ernest  CllEBBOUX,    id. 
Jules  CLAUETIE,        id. 
CLÉRAY,  Conseiller  municipal. 
DAKLOT.  id.   - 

jœLAPORTE,      organisateur     d 

DELATTRE,  Conseiller  municipa 
Camille  DE  VOS,  Directeur  de  1 

Nouvelle  France  Chorale, 
.Iules  ECHALIÉ,  Hommi 
D' FRÈRE,  Conseiller  r 
Emile    de     GIRARDIN 

Directeur  de  la  Fra 
A.  HÉBUARD,  Sénateur,  Directeu: 

du   Temps. 


Député 


Eug.  UIBERT,' Homme  de  lell 
Pli.  JOURDE,  Diiectour  du  Sii 
LAUREN'T  DERlLLÉ.Composii 
AUVed  LECONTE.dépuli  de  l'In 
LESUEUR,  do  rinslilul. 
LEVRAUD,  Conseiller  munici 
Victor  LORY,  Direclcur  de  17; 

des  OriMons. 
Edmond  MAGNIER,   Directoui 

ÏJù-énetnenl. 
Henri  MARTIN',  del'Insticul.S 


JIIGN'ET,  de  l'Inslilul 
Gustave     INADAUD, 
lettres. 


1  Cha 


A.  PATAY,Diroctei 
René  PON'SARD.  Homme  de  lel 
TONY  RÉVILLON.  id. 

A.  RA.NC.  Id. 

SIMON.  Directeur  de  yOrph, 
Pierre  VÏiROK,  Homme  de  le 
Charles  VINCENT.  id. 


Les  souscriptions  collectives  ou  2>cr.S:0nneUes  devront 
être  adressées  directement  à  M.  MURAT,  Conseiller  mu- 
uieipal  et  -trésorier  de  l'œuvre.,  S,  rue  des  Archives. 

le  joîirnal  h^  Ctî3MS,QTi,  organe  du  Comité,  en  pii-- 
hliera  la  liste  complète. 


LA  CHANSON 


LES  CHANTS  DU  14  JUILLET 


Nous  coiisacrei-ous  notre  prochaine  Rcvtie  de  la 
lUUS'ifjue  populaire  à  rapprécialion  des  coneerls  qui 
imt  été  donnés  aux  Tuileries  et  au  Luxembourg  dans 
la  soirée  du  li  juillet. 

Rassemblons  aujourd'hui  quelques  notes  hislrj- 
riques  sur  les  œuvres  composées  à  dilféreiUes  époques 
o.n  l'honneur  de  héros  qui  ont  assuré  le  triouiphr  de 
la  Révolution. 

Ces  expansions  d'une  âme  qui  concentre  en  soi  et 
sait  exprimer  la  pensée  de  cent  mille  ne  naissent 
jamais  qu'à  la  lumière,  au  soleil  de  la  lilicrté  :  avant 
1789,  la  France  n'eut  pas  de  chants  nationaux.  Ni 
Vive  Henri  IV,  ni  Char  manie  Gahrklle  ne  sauraient 
mériter  ce  titre,  malgré  les  tentatives  de  la  Restau- 
ration pour  nous  persuader  que  ces  deux  prodiiclions 
naédiocres  avaient  eu  ce  caractère  sou.s  rancieiinc 
nKmarehie. 

Donc,  au  \ii  juillet  1780,  les  combaltants  ([ui  so 
portèrent  contre  la  Bastille  ne  se  rallièrent  à  aucun 
hymne  populaire;  —  le  Ca  ira  et  la  Carmaijnole  ne 
se  répandirent  point  avant  17'.)()  et  1792  —  mais  unr 
fois  la  i'orleresse  rasée,  arrachée  de  terre  jusqu'à  ses 
londcmcnts,  jjiétinée  par  le  peuple,  la  France  retrou\ii 
sa  voix,  la  voix  qu'elle  eut  sans  doute  à  répo(iiie  des 
druides. 

Deux  ouvrages  apparurent  d'abord,  que  le  temps  a 
■(importés  sans  retour:  VHi/mius  du  ti  juillet,  de  trosscc 
\'X  Joseph  (;hénior,  et  La  Prise  cJe  la  Bastille,  draiiu' 
sacré,  paroles  et  musique  de  Marc  Antoine  Désau- 
giers,  qui  l'ut  chanté  à  Notre-Dame  le  l:!  juilli;';ii«'J". 
Le  lendemain,  on  célébra  la  l'été  de  la  Fédéralion. 

Quand  revint  pour  la  cinquième  t'ois  le  glorieux 
anniversaire,  Joseph  (ihénier  composa  un  liymiu' 
national  plus  beau  qu'aucun  do  ceux  qui  l'avaiiMii 
précédé;  Méhul  sollicita  l'honneur  d'en  écrire  la 
musique;  on  l'appela  le  Chant  du  Déiiart. 

Celte  inspiration  grandiose  s'associe  à  l'un  il(>  mes 
rêves  : 

«  Je  voyais  l'autel  d(;  la  patrie,  dressé  sur  la  pente 
du  Trocadéro;  autel  immense,  abrité  de  l'euillage, 
devant  lequel  on  venait  prêter  serment.  Plusieurs 
groupes  éloienl  i''clielonnés  le  long  de  la  colline:  des 
i'i'Uiuics,  (les  vicilliinls,  des  eiilaïUs,  des  jeuui'S  liUes, 
lies  gucn'icrs.  Tous  ensemble  el  le  pemile  (Uilier  qui 
si^  prcissait  aux  alentours  enlounèreiit  1»;  Chant  du, 
Di'part.  Cette  foule  recueillie  disait  le  refrain  avec 
une  intensité  d'accent  à  donner  le  vertige  : 

«  La  République  nous  appelle, 
•<  Sachons  vaincre  ou  saclions  périr 
•  Un  Français  doit  vivre  pour  elle, 
«  Pour  elle  ua  Français  doit  mourir.  » 

«  Une  mère  gravit  alors  les  degïés  de  l'autel  et 
jura  de  no  pas  troubler- de  ses  larmes  les  guerriers 
([ui  devaient  parlir  :  toutes  les  mères  confirment  ce 

'^^■l■In^■lll  : 

•<  La  liépublique  vous  appelle...  » 
'<  Deux  vieillards  ^"avancent  pour  lu'nir  les  glaivi's  ; 


tous  les  vieillards,  unis  devant  l'autel,  exaltent  le 
courage  des  guerriers  : 

«  La  République  vous  appelle. ..  » 
"  Un  enfant  fait  couler  des  pleurs  au  souvenir  de 
deux  jeunes  martyrs  morts  pour  n'avoir  pas  voulii, 
renoncer  à  leur  drapeau  :  tous  les  enfants  imiteront 
cet  exemple  : 

<«  La  République  vous  appelle...  » 
«  Une  épouse  promet  de  tresser  des  couronnes  cl 
d'en  orner  les  fronts  -victorieux  :   toutes  les  épouses 
envoient  au  combat  leurs  époux  : 

«  La  République  vous  appelle...  » 
«  Une  jeune  tille,  véluc  de  blanc,  monte  iiéreiuent 
à  l'autel  :  Pour  mériter  cette  vierge,  il  faudra  du  cou- 
rage, d'héroïques  efforts  :  les  jeunes  filles  s'avancent, 
elles  n'appartiendront  qu'aux  vainqueurs  : 
<•  La  République  vous  appelle...  » 
'■  Knfin,  tous  les  giu-rriers  tirent  leurs  épées  ;  ils 
ont  juré,   la  liberté  est  conquise  : 

"  La  République  nous  appelle, 
■  Sachons  vaincre  ou  sachons  périr: 
•<  Un  Français  doit  vivre  pour  elle. 
«  Pour  elle  un  Français  doit  mourir.  » 
(-1  '^l'irn:]  A.  Kdk.m.i. 


SOCIÉTÉ  LITTÉRAIRE  ET  LYRIQUE  DU  CAVEAU 


L'été  fait  sentir  son  intluence  au  Caveau  comme 
ailleurs.  Les  convives  étaient  peu  nombreux,  l'autre 
soir,  mais,  grâce  à  l'entrain  des  assistants,  la  séance 
n'en  a  pas  moins  oflért  un  intérêt  véritable. 

Eugène  Grange  est.  par  excellence  l'homme  du 
toast  rimé.  L'actualité  lui  fournil  des  thèmes  qu'il 
développe  constamment  avec  un  art  infini. 
L'Aiiinislie,  par  exemple,  a  été  pour  lui  le  prétexte 
dune  fantaisie  moitié  satirique,  moitié  plaisante, 
au  total  très  réussie. 

Nos  lecteurs  ont  sans  doute  gardé  le  souveni?' 
des  couplets  publiés  dans  le  numéro  8  de  la  Chan- 
son, sous  ce  titre  :  .1  lioblnson.  L'auteur  de  ces  cou- 
plets, M.  Emile  Bourdelin,  assistait  au  banquet  du 
(  ;  iveau  ;  il  les  a  chantés  si  agréablement  que  l'assem- 
blée en  a  demande  d'autres,  qui  ont  obtenu  le  plus 
complet  succès. 

I-\mée  a  le  trait  et  la  verve;  il  l'a  prouvé  une  fois 
de  plus  dans  une  chanson  humoristique.  On  n'sait 
traiûient  comment  fahre. 

M.  Ripault  ne  voit  pas  grande  diflérence  entre 
Jadis  et  .Urjoiird' ht' i  :  mêmes  abus,  mêmes  vices 
mêmes  ennuis,  hélas. 

M.  X.  Roy,  avec  quelques  couplets  fort  lestes  sur 
I  Cette  ckose-là;  M.  Jullien,  avec  une  romance  toute 
gracieuse,  le  Retour  de  l'oUean  ;  M.  Montariol,  avec 
deux  chansons  excellentes,  V Amour  et  l'Arijent  et 
le  Ml,i!.r  est  Vcnaeiiil  du  h'ien  ;  M.  Grange,  avec  iine 
criiiqi  e  !n;s  mordante  de  la   décision  ministérielle 


LA  CHANSON 


supprimant  les  tambours  ;  M.  Mouton-Dufraisse  en 
recommandant  la  Folie  comme  la  véritable  sagesse, 
ont  mérité  et  obtenu  des  applaudissements  una- 
nimes. 

Enregistrer  les  succès  des  autres  donne  envie  d'en 
remporter  soi-même.  J'ai  donc  présenté  aux  mem- 
bres du  Caveau  quelques  couplets  de  ma  façon  sur 
lesquels  Jules  Baux  a  écrit  une  musique  d'un  goût 
parfait,  et  qui  seront  bientôt  au  répertoire  de  l'Eldo- 
rado :  Ètes-vons  comme  moi  ?  — On  leur  a  fait  très 
bon  accueil. 

L'arrière  petit-flls  de  Panard  était  présent  auban- 
qtiet.  Ou  l'a  entendu  avec  quelque  surprise  déclarer 
<iu'il  ne  connaissait  aucune  des  chansons  de  son  aïeul. 
Sic  transit  gloria  mundi  !        L.-Hemry  Lecomte. 


DIXIÈME  CONCOURS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON 


«I.  Lapguîer.  Né  àParis  en  1823, successivement 
apprenti  chez  un  orfèvre, fondeuren  caractères  et  comp- 
table, J.  Larguicr  n'a  eominencé  qu'en  I860  à  écrire, 
pour  ses  amis  seulement,  des  poésies  ou  des  chan- 
sons. Il  organisa,  vers  la  même  époque,  des  réunions 
semestrielles  où  étaient  admis  surtout  les  membres 
de  la  société  de  secours  mutuels  du  quartier  Sainl- 
Thomas-d'Aquin.  L'amitié  des  sociétaires  lui  imposa 
les  fonctions  d'administrateur  puis  celle  de  secrétaire 
((ui  lai  ont  valu,  en  1X78,  une  médaille  d'argent  du 
minisire  de  l'intérieur. 

Le  bagage  poétique  de  J.  Larguiov,  abondant  on 
pièces  intimes  ou  d'ii-propos,  prouve  de  la  vcïve  et 
de  la  facilité. 

î  er    Prix. 

■    LA  NflCE  BHVfA  SEUR 

C'est  aujourd'hui  que  ma  sœur  se  marie, 

Kl  mon  plaisir  ne  saurait  s'égaler; 

Un  beau  soleil  a  doré  la  prairie, 

Et  l'on  entend  les  oiseaux  gazouiller. 

Mon  tour  viendra,  je  n'en  fais  pas  mystère; 

Jean,  mon  cousin,  m'a  dit  avec  douceur 

Qu'il  voudrait  bien...  mais  chut!  Sachons-nous  taire... 

«  C'est  aujourd'hui  la  noce  de  ma  sœur.  » 

Notre  logis  a  pris  un  air  de  fêle. 

De  frais  bouquets  les  murs  blancs  sont  ornés  ; 

Moi  seule,  hélas  I  ne  suis  pas  ericor  prèle, 

Quand  les  garçons  sont  tous  enrubannés... 

Je  vois  ma  sœur,  ô  mon  Dieu,  qu'elle  est  belle  ! 

J'envie  alors  un  instant  son  bonheur, 

Jean  me  sourit,  ma  peine  est  moins  cruelle... 

«  C'est  aujourd'hui  la  noce  de  ma  sœur.  » 

Des  invités  bien  vive  est  l'allégresse. 
Le  fiancé  n'est  pas  vilain  garçoii  ; 
Son  regard  tendre  est  comme  une  caresse 
Qui  sait  charmer,  quoiqu'un  peu  sans  façon. 
En  ce  moment,  j'entends  sonner  la  cloctie, 
Quand  un  rej^rel  vient  agiter  mon  cœur  ; 
Mais  je  rougis...  car  mon  cousin  s'approche... 
«  C'est  aujourd'hui  la  noce  de  ma  sœur.  » 

Un  court  chemia  nous  mène  à  la  chapelle, 
Où  le  pasteur,  vieillard  à  cheveux  blancs, 
Demande  à  Dieu  les  grâces  qu'il  appelle 
Sur  les  époux,  ses  bien  aimés-enfants. 


Mon  âme  émue,  heureuse  et  recueillie, 
Planait  au  ciel,  près  du  divin  Sauveur, 
Quand  Jean  me  dit  :  Si  tu  voulais,  Julie... 
«  C'est  aujourd'hui  la  noce  de  ma  sœur.  » 

Puis  les  époux,  la  figure  riante, 

Ont  au  logis  fêté  les  grands  parents. 

Après  dîner  la  joie  est  plus  bruyante  ; 

Od  pleure  un  peu,  mais  les  cœurs  sont  contents. 

Le  soir,  un  bal  vient  finir  la  journée, 

El  je  choisis  mon  cousin  pour  danseur  ; 

Il  me  demande:  L  quand  notre  hyménée-?... 

«  C'est  aujourd'hui  la  noce  de  ma  sœur.  » 

J.  Larguier. 


2»  Prix 

LES  ORIGINES 

Air  :  Bonne  tante  Rose,  qu'atez-tows  fait  ï 

Soleils  de  nos  académies,  >     • 

Professeurs  qui  n'ignorez  rien,  .  ; 

Devant  vos  classes  endormies. 
Mon  Dieu  !  comme  vous  parlez  bien  ! 
Par  vos  recherches  j'imagine, 
Un  grand  progrès  s'est  accompli  : 
Vous  connaissez  notre  origine... 
Pour  vous  ça  ne  fait  pas  iin  pli. 
Grave  science  ! 
Ti'op  grave  science  ! 
Je  suis  pour  cela  plein  d'insouciance. 

Oh!  la  la 
.\  moi,  bon  vivant,  que  me  fait  cela? 

Cherchez  plutôt,  grands  philosophes, 
Quel  fut  le  premier  gg.i,.reli'afin  ; 
Découvrez  les  preûiiftrés  strophes 
Faites  pour  trier  le  chagrin. 
De  '-es  couplets  pleins  "d'un  bon  rire 
:  Mf  fut  le  joyeux  inventeur  ? 
Siu  lo  bronze"  il  nous  faut  inscrire 
Le  nom  de  ce  vrai  bienfaiteur. 
Grave  science  ! 
Trop  grave  science  ! 
Je  n'ai  pour  cela  plus  d'insouciance. 

Oh  !  la  la 
Dis-moi,  si  lu  peux,  d'où  nous  vient  cela. 

Traitez,  du  moins,  docteurs  hors  ligne. 
Des  sujets  un  peu  plus  humains  ; 
De  nos  coteaux  la  verte  vigne 
Nous  vient-elle  bien  des  Romains  ? 
Pour  la  gaité  le  jus  d'automne 
Fut-il  toujours  un  jus  divin  '? 
Eleva-l-on  sur  une  tonne 
Une  statue  au  dieu  du  vin  ? 
Grave  science  ! 
Trop  grave  science  ! 
Je  n'ai  pour  cela  plus  d'insouciance. 

Oh  !  la  la  ! 
Dis-moi,  si  tu  peux,  d'où  nous  vient  cela 

Pardonnez-moi  si  je  me  moque 
De  vos  plus  éloquents  discours. 
Et  dites  s'il  fut  une  époque 
Où  l'on  ignorait  les  amours. 
Qui  fut  le  premier  sur  la  terre 
A  goûter  ce  précieux  don  ? 
Pour  capitale  eût-il  Cythère, 
El  pour  monarque  Cupidon  ? 
(jrave  science  ! 
Trop  grave  science  ! 
Je  n'ai  pour  cela  plus  d'insouciance. 

Oh  !  la  la  ! 
Dis-moi,  si  tu  peux,  d'où  nous  vient  cela. 


LA  CHANSON 


No  vous  creusez  pas  tant  la  tèlo 
A  chercher  un  savoir  bien  vain  ; 
Soye-z  plutôt  toujours  en  qutHe 
De  chanson,  d'amour  et  de  vin. 
Mais  pour  apprendre  à  les  connaître 
Ke  remettez  pas  à  demain, 
Par  eux  vous  comi)rcndrez  peut-être 
L'origine  du  genre  humain. 
Gravfï  science  ! 
Trop  grave  science  ! 
Je  n'ai  pour  cela  plus  d'insouciance. 

Oh  !  la  la  ! 
Dis-moi,  si  tu  peux,  d'oii  nous  vient  cela. 

Louis  Bogey. 


EGLOGUE 


Des  chagrins  fuyant  la  cohorte. 

Et  nos  jambes  à  notre  cou, 

Nous  nous  dirigeons  vers  Saint-Gloud 

iiù  tous  deux  l'amour  nous  transporto. 

De  ce  parc  où  la  l'oulc  abonde 
Craignant  peu  les  g;iis  tourbillons. 
Tout  ;i  nos  rêves  nous  alliims 
.Sans  nous  inquiéter  du  monde. 

Celle  que  je  n'ose  nommer 
Entendit  de  moi  douces  choses... 
J'ai  chitïonné  les  rubans  roses 
Qu'elle  avait  mis  pour  me  charmeur. 

Pour  ravir  au  sort  inconstant 
Un  peu  de  bonheur  éphémère, 
Retournons!  retournons,  ma  cliére 
«  Où  nous  nous  sommes  aimés  tant.  » 

F.  Mariette. 


BIBLIOGRAPHIE 


L'éditeur  (Juniitin  publie  un  volume  de  Charles 
Jourdan  :  Croijiii.s  ali/ériens  ;  croquis,  en  ellél,  mais 
enlevés  de  main  de  iuaitn^  et  ayant  le  double  attrait 
de  la  vérité  et  du  charme.  (Je  livre  sera  le  compa- 
gnon obligé  du  voyageur  en  Algérie  ;  mieux  que  le 
meilleur  guide,  il  iiiilicra  h?  touriste  aux  mœurs, 
coutumes,  caractères  des  liiiréreutcs  races  (|\ii  vivent 
sur  le  sol  algérien;  iiour  c.rux  qui  coiiuaissriil  notre 
colonie,  ils  retrouveront  eu  le  lisant  leurs  èiiiolions 
premières  et  les  multiples  impressions  que  l'ait  naî- 
tre ce  pays  du  soleil. 


VercingétoriXi  par  Edmond  Cottinet. 

L'éditeur  Caïman  Lév^-  juiblie  un  nouveau  volume 
d'Edmond  CottincU,  Veirijujétofix,  drame  en  prose. 
Los  éloges  n'ont  pas  dl\  manquer  à  l'auleur  pour 
cette  œuvre  saine  et  forte  marquée  au  bon  coin  et 
dont  quelques  scènes  ont  une  grandeur  incontes- 
table.' Trouvera-t-on  un  directeur  assez  ami  de  l'art, 
du  vrai,  pour  monter  cette  pièce  ?  Je  ne  sais,  mais 
en  attendant  il  faut  la  lire.  Do  pareilles  œuvres  font 
du  bien,  arrivant  après  1N-4.NA  et  d'autres  ordures  du 
même  genre. 

Une  préface,  qui  n'est  pas  le  morceau  le  moins 
délicat  du  volume,  expose  avec  esprit  la  pensée  de 
M.  Cottinet,  pensée  française  et  patriotique  par 
excellence. 

Georges  Murât. 


■.EKEIVDES  SACREES,  -  par  Evariste  Carrance 
—  Agen,  1880. 

L'auteur  de  ce  livre,  indigné  par  le  dévelop- 
pement croissant  d'une  littérature  dépravée,  a  voulu 
réagir  en  donnant  au  peuple  des  histoires  édifiantes. 
Ces  histoires,  il  les  a  facilement  trouvées  dans  le 
livre  superbe  qui,  depuis  tant  de  siècles,  fait  l'ad. 
miration  des  penseurs  et  des  poètes  :  la  Bible.  M. 
Carrance,  tantôt  en  vers,  tantôt  en  prose,  a  rajeuni 
ces  légendes  terribles  ou  charmantes  qui  ont 
inspiré  tant  de  chefs-d'œuvre.  Son  livre  ingénieux 
et  attrayant  est  surtout  honnête,  et  ce  n'est  pas  un 
mérite  mince,  par  le  temps  denatnralisme  qui  court 


l,ES  BEAUX  JOURS  nTIW  POÈTE,  -  par  Hippo- 
LYTE  BUFFENOIR.  —  Paris,  Ghio. 

Le  poète  Rodez  rencontre,  dans  un  salon,  la  ba- 
ronne de  Bragela.  Un  refrain  de  romance  goûté  par 
tous  deux  décide  de  leur  avenir.  Rodez  demande  un 
rendez-vous  qu'on  lui  accorde  sans  liésiter.  Il  triom- 
phe, et  ce  sont  alors  dans  Paris  et  dans  les  bois 
environnants  mille  charmants  pèlerinages  d'amour 
comme  tous  en  ont  laits. . .  ou  rêvés.  Lu  baronne  a 
un  mari  qui  l'a  quittée  pour  vivre  avec  une  canta- 
trice. Mortellement  blessé  en  duel,  ce  mari  recom- 
mande ingénument  sa  femme  à  Rodez,  et  le  poète 
jure  de  consacrer  sa  vie  tout  entière  à  l'ex-baronne. 

Episode  très  romanesque,  sans  grande  invention, 
mais  écrit  dans  un  style  briUanl,  gracieux  et  con- 
vaincu. 

1.E  COO  ET  I.,.*  POI'I.E,  —  proverbe  en  uq  acte.  — 
par  Louis  Bogey.  —  Paris,  OllendorlT. 

Les  revendications  récentes  d'un  bruyant  groupe 
féminin  ont  inspiré  cet  ouvrage,  léger  de  fond  et  de 
forme. 

Une  femme,  exaltée  par  les  déclamations  de  la 
réformatrice  Scholaslique  Schelmine.  néglige  son 
ménage  et  prétend  contraindre  son  mari  a  l'obéis- 
sance passive. 

On  apprend  bientôt  que  Scliolastique  a  disparu 
avec  l'argent  versé  par  ses  naïves  adhérentes.  Suffi- 
samment édifiée,  l'épouse  s'humilie  devant  l'époux 
qui  pardonne.  —  Scènes  alertes,  agrémentées  de 
bons  couplets. 

H.  L. 

L'auleur  des  Poèmes  de  la  RétoUctioii,  Emmanuel 
des  Essarts,  dans  un  article  intitulé  :  La  poésie  en 
1879,  commence  par  les  lignes  suivantes  : 

«...  D'abord  salut  aux  poètes  inconnus  d'hier  qui 
sa  révèlent  avec  de  sérieuses  promesses  de  talent. 
Nous  serons  toujours  des  premiers  à  leur  tendre 
>ine  main  fraternelle.  Ainsi  M.  Augustin  PoUet, 
encore  inégal  et  inexpérimenté,  nous  décèle  des 
(jualiiés  natives  et  charmantes  dans  ses  Brises  bas- 
séennes.  Le  titre  est  singulier  et  fait  allusion  à  un 
pays  bien  peu  connu,  à  un  bourg  obscur  du  dépar- 
tement du  Nord.  Mais  on  piisso  sur  le  titre,  quand, 
en  ouvrant  le  livre,  on  débute  par  un  «  programme  » 
plein  d'originalité,  surunrhythme  neuf  et  dansant  : 

Quelquefois  peut-être  Archiloque  et  Dante, 
Pourront  inspirer  à  mon  àme  ardente. 
Une  œuvre  terrible,  amère  et  grondante. 
Comme  un  bruit 
D'enfer  dans  la  nuit. 

Toutes  les  stances  qui  suivent  sont  empreintes 
de  grâce  et  de  fraîcheur  :  La  première  Hirondelle, 
Penchant  du  cœur,  la  Source  surtout,  V Inexprimable, 
Vision,  En  songeant  à  l'Hiver,  le  Passé  et  l'Avenir.  La 
Chanson  d'Automne,   par  sa    verve  et  son  aisance 


LA  CHANSON 


rhythmique,  rappelle  les  tours  de  force  de  Panard  et 
de  Béranger.  Akx  Chênes  de  la  France!  cette  invoca- 
tion qui  termine  le  volume,  fait  alteiadre  un  penseur 
dans  ce  bucolique  gracieux  et  ingénu.  Au  reste, 
deux  ans  avant  de  publier  les.  Brises  dasséennes, 
M.  PoUet  avait  fait  paraître  les Souzenirs  de  la  guerre. 
Les  sonnets  qui  composent  ce  volume  sont  d'une 
correcte  et  solide  facture.  Les  beaux  vers  n'y  man- 
quent pas.  Nous  trouvons  pourtant  plus  d'origina- 
lité daos  ces  stances  idylliques  qui  ne  quitteront  pas 
notre  bibliothèque.  Le  Triomphe  d'une  Impure,  du 
même  poè'e,  e?t  un  dram-e  vivement  dialogué,  mais 
qui  n'a  pas  non  plus  l'accent  personnel  que  je  crois 
avoir  saisi  dans  ces  paysages  de  la  Bassée  : 

Oh  !  les  vols  d'oiseaux  dont  la  trace  fume, 

Les  grands  peupliers  baignés  par  la  brume, 

Les  clochers  pointus  dont  le  coq  s'allume. 

Les  châteaux 

Couvrant  les  coteaux. 

(Journal  le  Midi.) 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

Samedi  dernier,  le  concert  de  la  Sc.vla.  nous  con- 
voquait à  la  première  représentation  d'V/i  cocher  qui 
suit  les  bonnes,  opérette  en  un.  acte  de  M.  Jouhaud, 
musicpie  de  Germain  Laurens.  D'une  donnée  qui 
n'est  pas  neuve,  l'auteur  a  su  tirer  une  petite  pièce 
très  amusante,  qui  ne  serait  pas  du  tout  déplacée 
sur  la  scène  d'un  de  nos  théâtres  de  genre.  La  mu- 
sique fraîche  et  originale -<le  M.  Germain  Laurens  u 
largement  oontribiié  au  bon  accueil  fait  par  le  public. 

M.  Bienfait,  dans  le  rôle  du  cocher,  est  un  typ(,> 
très  réussi,  et  Mlle  Zélia  est  une  soubrette  que  l'on, 
suivrait  volontiers  sans  être  cocher. 

A  roccasion  de  la  fèto  du  14  juillet,  deux  chansons 
patriotiques  ont  été  créées  : 

A  la  Bastille  !  paroles  de  M.  Le  Rouland,  musique 
lie  M.  do  l^eiehenslein,  chantée  par  Mme  Patry. 

les  Drapeaux  de  la  RépiMique,  paroles  de  Villemer, 
musique  de  Gh.  Pourny,  chantée  par  M.  Debailleul. 

Inutile  (le  dire  que  les  auteurs  et  les  interprètes 
ont  été  chaleureusement  acclamés.  Grand  succès 
pour  l'amusant  Bourges  dans  une  chansonnette  nou- 
velle, Xa crisse  l'éyoutier  ;  MM.  Bienfait,  Brunet,  Fer- 
nand  Kelm,  Mmes  Marguerila,  Zélia  et  Worton  se 
font  aussi  applaudir  chaque  soir  avec  les  meilleures 
i-.hansonnettes  de  leur  répertoire. 


Aux  A:\tUASSADEUKS,  tous  les  soirs,  (•haiisoanelles 
nouvelles  par  MM.  Libert,  Arnaud,  iJul'our,  Reyard 
et  Mme  Elisa  Faure.  Sans  oublier  le  petit  Norber, 
les  frères  Léopold  et  Mlle  Jenny  Mills,  la  célèbre 
danseuse  anglaise. 

Un  nouveau  concert,  le  Goncert  de  l'éioii.e,  va 
s'ouvrir  i)rnchaiuement, avenue  de  la  Grande  Armée. 

Le  directeur  de  cet  établissement,  M.  Fortin,  s'est 
assuré  le  concours  «le  M.  Mathieu,  ex-ténor  ilc  IXi- 
])éra,  comme  régisseur-administrateur. 

Parmi    les   artistes   engagés,   nous  pouvons  «Icja 
nommer  :  M.'\I.  Doria,  Derame,  Casiel,  Kmilien;  Mmes  1 
Lemonnier,  Gréty,  Jlarion,  etc.,  etc.  j 


Avec  une  troupe  ainsi  composée,   le  Concert  de 
l'étoile  est  sûr  de  réussir. 

Nous  le  souhaitons  de  tout  notre  cœur. 

L'abondance  de  copie  nous  oblige  de  remettre  au 
prochain  numéro  les  comptes-rendus  de  I'Alcazar 
d'été  et  du  concert  de  la  Gaîté-Rochechouart. 
Alfred  Bertinot. 


CHRONIQUE    DES   SOCIÉTÉS    LYRIQUES 

I^a  grande  soirée  donnée,  le  30  juin,  par  la  Lyrk 
Républicaine,  a  été  des  plus  brillantes  et  des  plus 
animées.  A  8  heures  et  demie,  il  était  impossible  de 
trouver  une  place  dans  la  petite  salle  du  rez-de- 
chaussée  du  Café  du  Globe. 

Parmi  les  artistes  qui  se  sont  fait  entendre  dans 
cette  représentation,  nous  remarquons  :  MM.  Ray- 
mond, de  Ba-ta-cUui,  Marty,  de  la  Renaissance,  Za- 
cliarie,  Gaston,  Marie,  Mlles  .Iulia,  Amélie,  et  une 
quantité  d'amateurs  des  Sociétés  Lyriques  dont  les 
noms  nous  échappent.  La  dernière  nuit  d'André 
Chénier,  monologue  en  vers,  a  valu  de  ncjmbreux 
applaudissements  à  son  interprèle,  M.  Marty.  Une 
grande  tombola,  composée  de  plus  de  cinquante  lots, 
a  été  tirée  à  la  fin  de  la  séance. 

Nous  félicitons  particulièrement  le  président  de  la 
Lyre  Républicaine,  M.  Duchcmin,  pour  le  soin 
apporté  dans  l'exécution  du  programme,  et  pour  son 
habileté  à  organiser  d'aussi  agréables  soirées. 

La  Jeunesse  Lyrique  et  Dramatkjue  a  donné  un 
i;rand  concert  dimanche  dernier  à  la  salle  Pé- 
trelle. 

Pour  cette  fois,  nous  n'apprécierons  pas  MM.  "V'é- 
ron  et  Yauris  qui  faisaient  leurs  débuts;  nous  leur 
tenons  compte  de  l'émotiou,  et  les  engageons  à  tra- 
vailler. 

M.  Vichet,  le  premier  comique  de  la  société  a  eu 
beaucoup  de  succès  avec  :  Yn'iu'cn  faut  -pas  [dus  que 
ca,  chansonnette  comique  dont  il  est  l'auteur;  dans 
les  Siiiles  d'un  premier  lit,  et  dans  3/o7i  cœur  soupire. 
l"ne  bonne  note  aussi  à  MM.  Maurice  et  Lallée  qui 
lait  de  leur  mieux.  Mme  Vaillant  a  récité  avec  beau- 
coup de  t&lenl\e  Refenant,  de  Victor  Hugo.  Les  for- 
faits de  Pipermans,  vaudeville  en  un  acte,  a  été  en- 
levé assez  lestement  par  Mme  Vaillant  el  M.  VicJiet; 
seul,  M.  Gravelin(^  laissait  à  désirer;  il  chante  par- 
faitement le  genre  chauvin,  mais  n'a  pas  les  dispo- 
sitions nécessaire  pour  jouer  la  comédie. 

Alfred  Bkktinoï. 


A  l'Union  j'acisienne  (qui  lient  ses  séances  les 
lundis  et  jeudis,  ;;,  rue  du  Petit-Pont ,  séance  extra- 
ordinaire le  a  juillet,  avec  Mmes  Trélilat,  .A.dèle, 
Ilue,  Leroy,  Alexandra,  Mlles  Marpon,  Berthe,  etc. 

M.  Charpentier,  a  dit  la  Béwdiclion  de  Coppée  ; 
Auger,  le  3/aître  de  chapelle,  Moumoutte  ;  deux 
nouveautés,  et  a  peint  un  tableau  à  l'huile  en  8  mi- 
nutes; Karl, /e  iiierattaUne;  Adrien  Souchet,Zrt7?c//«' 
des  Halles.  On  a  tenuiné  parZe  Camélia,  pièce  en  un 
acte,     interprétée    par    :\rmcs     Adèle,     DcsI'osse/, 


LA  CHANSON 


MM.  Jack,  Deslûssez  père  et  iils  et  (Juolia-Lebrelou. 
Bon  ensemble. 

Tombola  magnifique. 

Piano  tenu  par  MM.  Bolle  et  Pradel.  Un  bon  point 
sui'loul  au  premier  (Bolle). 

X.  B.  Le  petit  Paul,  âgé  de  7  ans,  a  dit  une  petite 
revue  de  la  société  écrite  pour  la  circonstance  par 
son  papa;  il  a  été  surprenant  comme  diction,  il  a  dé- 
taillé comme  un  véritable  artiste. 


CHOSES  ET  AUTRES 

Notre  collaborateur  et  ami  René  Ponsard  a  reçu 
ces  jours  derniers  la  lettre  suivante,  que  nous  publions 
sans  commentaire,  laissant  à  nos  lecteurs  et  notam- 
ment à  nos  rédacteurs  biograpbes,  le  soin  d'en  ap- 
précier la  teneur. 

«Mon  cber  camarade,  tu  trouveras  peut-être  éton- 
nant qu'aiilieu  de  m'adresser  directement  à«  la  Chan- 
son »,  je  vienne  le  prier  de  me  servir  d'interprète  au- 
près do  son  directeur,  pour  lui  exposer  une  récla- 
mation, qui  ne  saurait  trouver  une  meilleure  place 
ailleurs  que  dans  son  journal. 

»  Voici  le  lait  :  J'ai  lu  avec  une  certaine  assiduité  le 
Moniteiir  de  la  chanson,  de;  Ch.  Vincent,  et  la  Chanson 
française  do  AU".  Lecontc,  et,  dans  aucune  de  ces  deux 
publications,  j(!  n'ai  trouvé  la  trace  du  seul  clian- 
sonnierdontlcsœavres,  sans  être  comparables  àcelles 
de  Bérangcr,  n'eu  sont  pas  moins  dcsœiuTesrccom- 
mandables  à  divers  titres. 

«  Originalité,  patriotisme,  gaité,  tout  cela  se  trouve 
dansla  chanson  d'EMiLEDEBRAUX.  Quelle  verve  hardie, 
quelle  alltxro  décidée,  quelle  fougue  entraînante  elle 
a  eues  la  chanson  frauçaise,  incarnée  pour  ainsi  dire 
dans  ce  spirituel  et  vaillant  lorrain  !  Que  le  journal 
de  Gh.  Vincent  et  celui  de  AU'.  Lecoute  n'aient  point 
parlé  d'Emile  Debraux,  cela  se  conçoit;  le  premier 
n'avait  d'autre  but  que  de  miatre  en  Umiière  les 
membres  vivants  du  Caveau,  le  second,  lui,  s'est  in- 
génié à  exhumer  de  vieilles  gloires  poétiques  :  Ron- 
sard, du  Bellay,  Jodelle  etc.  Quant  à  Olivier  Bassclin 
il  partage  le  sort  d'Emile  Debraux  :  on  n'en  trouve  de 
trace  nulle  part. 

«  J'espère  néanmoins  que  cet  oubli  n'est  pas  volon- 
taire et  qu'au  premier  jour  Emile  Debraux  le  «roi  de 
LA  GoauETTED  et  Olivier  Basselin  «père  de  la  chan- 
son» auront  leiu-  place  dans  votre  galerie  de  chan- 
sonniers français.  Philippe  leroy, 

Vn  cIm  (lovions  de  li>  cl.anson.    . 


Nous  accueillons  avec  empressement  la  eommmu- 
nicatiôn  suivante  : 

SOCIÉTÉ  ARTISTIQUE  ET  LITTÉRAIRE 

« L,a  POMME» 

Fondée  le  12  avril  1877  entre  Bretons  et  Normands 
Monsieur, 

—  Bî  vous  êtes  xin  homme 
Plein  d'une  franche  aménité, 
^^Vous  ferez  la  publicité 
Du  prochain  concours  de  la  pomme. 


Lisez  notre  programme.  —  En  somme. 

Il  n'est  pas  trop  mal  arrêté  : 

Par  vos  soins,  il  sera  fête 

De  la  Loire  jusqu'à  la  Somme. 

Deux  grands  noms,  Surcouf  et  Flaubert 
Frapperont  l'écrivain  disert, 
Prêt  à  batailler  de  la  plume. 

A  nous,  chansons,  sonnets  légers  ! 
Que  le  marin  même  résume 
La  grande  pêche  et  ses  dangers  1 

Au  nom  de  la  Commission  de  la  Pomme 
et  pour  le  Secrétaire  général, 

Armand  Datot,  Breton, 

Le  Secrétaire  adjoint  Trésorier, 

Emile  Asse,  Normand. 


■i'  CONCOURS  LITTÉRAIRE  ET  POÉTIQUE 

le  Dhnancke  ii)  août  ISSU 

A   rÉCAMP 

Le  premier  concours  littéraire  et  poétique  ouvert 
par  la  Société  c  la  Pomme  »  s'est  tenu  à  Caen;  et,  si 
le  second,  à  raison  de  circonstances  exceptionnelles, 
s'est  tenu  à  Paris,  il  n'en  avait  pas  moins,  pourehef- 
lieu  officiel,  Nantes. 

(^ette  année,  les  Pommiers  comptent  se  rendre  à 
Fôcamp,  le  Dimanche  29  août  prochain. 

Entre  autres  mesures  prises  pour  organiser  elTec- 
tivement  en  cette  ville  une  fêle  digne  des  précé- 
dentes, «  la  Pomme  »  annonce,  dès  aujourd'hui,  son 
troisième  concours  littéraire  et  poétique. 

Go  concours  comprend  quatre  parties,  dont  deux 
pour  les  vers  et  deux  pour  la  prose,  savoir  ; 
1°  SURCOUF,  Poésie  d'environ  200  vers. 
2°  FLAUBERT,  Etude  en  prose  sur  sa  vie  et  ses 

œuvres  ; 
3»  Chanson,  Sonnet  ou  Ballade,  sur  un  sujet 

breton  ou  normand  ; 
i°  Mémoire  sur  les  moyens  d'améliorer  la  con- 
dition des  populations  maritimes  normanno- 
brelonnes  qui  s'occupent  de  la  grande  pêche. 

Une  commission,  dont  la  composition  sera  ulté- 
rieurement indiquée,  aura  soin  de  s'adjoindre,  avec 
voix  consviltative,  les  hommes  les  plus  compétents 
sur  une  des  questions  vitales  de  notre  marine  fran- 
çaise. 

Le  prix  d'honneur,  un  objet  d'art,  sera  décerné  à 
la  meilleure  des  œuvres  couronnées.  Les  autres  lau- 
réats recevront,  suivant  leur  mérite,  une  médaille  ou 
une  mention  honorable. 

Les  manuscrits,  revêtus  d'une  devise,  non  signés  et 
sous  pli  cacheté,  seront  reçus  au  plus  tard  le  dix  du 
mois  d'Aoïit,  soit  chez  M.  Armand  Dayot,  secrétaire 
général,  3,  rue  de  Valois,  soit  chez  M.  Emile  Asse, 
trésorier,  14,  rue  de  Maubeuge.  Une  enveloppe  égale- 
ment cachetée,  contenant  le  nom  de  l'auteur  et 
reproduisant  extérieurement  la  divise,  devra  accom- 
pagner le  manuscrit. 

Laques  lion  distincte  d'un  concert  breton-normand 
a  été  réservée  pinr  l'automne,  mais  n'est  pas  aban- 
donnée. 


80 


LA  CHANSON 


LE    HAMMAM 


En  entrant  on  pourrait  se  croire 
Transporté  dans  un  beau  palais, 
Comme  on  en  dépeint  dans  l'histoire, 
Turco,  Chinois  ou  Japonais; 
Joignez-y  tout  le  confortable 
Anglais,  Français,  Américain, 
La  découverte'est  admirable. 
Et  tant  de  luxe  pour  un  bain  I 

Français,  Etrangers,  accourez 
A  la  fontaine  de  Jouvence  ! 
Au  Hammam  vous  retremperez 
Les  ressorts  de  voire  existence, 
A  la  fontaine  de  Jouvence, 
Etrangers,  Français,  accourez  I 

Partout  des  dorures,  des  glaces, 
Et  des  arbustes  et  des  fleurs. 
Au  plafond  de  riches  rosaces 
Renvoyant  de  douces  lueurs  ; 
Non  1  Soliman  pour  Roxelane, 
Certes,  n'aurait  pas  trouvé  mieux  ; 
C'est  digne  en  tout  d'une  sultane 
Oue  cet  Eden  rêvé  des  dieux  1 
Français,  Etrangers,  etc. 

Arrivons  d'abord  au  passage 
Des  trois  étuves  à  l'air  chaud  ; 
Vous  ruisselez  1  puis  le  massage 
Vous  travaille  de  bas  en  haut  ! 
Roulé,  pétri  comme  farine, 
Bien  qu'on  vous  ait  mis  à  l'envers, 
Vous  n'avez  plus  la  même  mine. 
Souples  comme  gants  sont  vos  nerfs 
Français,  Etrangers,  etc. 

Après,  on  vous  désarticule, 
Bien  fort  on  fait  craquer  vos  os, 
Vous  imprimant  une  bascule, 
On  vous  retourne  sur  le  dos; 
La  friction  est  vive  et  bonne, 
Le  frottage  est  dru;  largement. 
D'un  bout  à  l'autre,  on  vous  savonne. 
Tout  cela  merveilleusement  1 
Français,  Etrangers,  etc. 

Mais  il  vous  faut  encorla  douche, 
Et  lorsque  le  jet  est  parti. 
Ouvrant  toute  grande  la  bouche. 
On  crie:  Ah  !  diable  !  ah  1  sapristi; 
Enfin,  sortant  de  la  bassine. 
Des  frimas  vous  faites  raison, 
En  gagnant  vite  la  piscine 
Oii  vous  plongez  comme  un  oison  1 
Français,  Etrangers,  etc. 

Dessous  la  glace  Cardoville, 
Sans  craindre,  filets  hameçon, 
On  passe,  on  nage,  oq  file,  on  file. 
On  glisse,  tout  comme  un  poisson; 
C'est  finil  vous  êtes  à  l'aise. 
Vous  vous  sentez  tout  allégé. 
Le  teint  rose  comme  une  fraise 
Et  tout  votre  être  dégagé  I 
Français,  Etrangers,  etc. 


En  s'étendant  avec  délice 
Sur  un  oriental  divan. 
Vous  vous  payez  un  armistice, 
Vous  prélassant  comme  un  sultan  ; 
On  dit  que,  blanc  comme  l'albâtre, 
On  devient  un  homme  tout  neuf, 
Avec  de  l'entrain  comme  quatre. 
Sans  compter  un  appétit  bœuf  I 
Français,  Etrangers,  etc. 

Pour  vous  substanter  à  votre  aise. 
On  vous  sert  les  mets  les  plus  fins. 
Bien  cuisinés,  chauds  comme  braise. 
Arrosés  par  les  meilleurs  vins  ; 
Si  l'on  dépose  la  fourchette. 
Se  sentant  parfois  esseulé. 
On  peut  fumer  la  cigarette. 
Le  londrès  ou  le  narghilé  ! 
Français,  Etrangers,  etc. 

Vous  voyez  1  C'est  une  merveille. 
Que  ce  Hammam  réparateur, 
Quoi  1  se  faire  tirer  l'oreille. 
Dans  un  but  régénérateur; 
Allons  donc  !  Ce  n'est  pas  probable, 
A  Paris  où  l'on  prise  tout, 
Paris,  la  ville  incomparable 
Pour  l'esprit  et  pour  le  bon  goût  ! 
Français,  Etrangers,  etc. 

Avec  le  Hammam,  plus  de  rides. 
Plus  de  douleurs,  plus  de  chagrins. 
Plus  de  pleurs,  donc,  plus  de  suicides, 
Les  jours  redeviennent  sereins; 
La  vie  ira  sur  des  roulettes, 
Enterrés,  tous  les  embarras  1 
Mais  seulement,  gare  aux  boulettes, 
Le  Hammam  n'en  préserve  pas  1 
Français,  Etrangers,  etc. 

On  prétend  qu'au  Sénat,  en  somme, 
Conservateurs,  Républicains, 
Ont  tous  voté  comme  un  seul  homme, 
Pour  s'inscrire  à  ces  fameux  bains  ; 
Dam  1  quand  on  est  inamovible, 
Qu'on  ne  craint  pas  les  coups  du  sort, 
On  peut  se  juger  infaillible, 
Et  l'on  fait  la  nique  à  la  mort  I 
Français,  Etrangers,  etc. 

Vous  penserez  :  Pourquoi  de  femmes. 
Votre  programme  ne  dit  rien? 
Ehl  pardon!  Le  côté  des  dames, 
Figure  au  Hammam  Parisien  ; 
Seulement,  pour  plus  de  prudence, 
Afin  d'éviter  les  erreurs. 
Le  beau  sexe  a  sa  résidence, 
Un  peu  plus  bas . . .  loin  des  dineùrs  ! 

Etrangers,  Français,  accourez, 
A  la  fontaine  de'Jouvence, 
Au  Hammam  vous  retremperez 
Les  ressorts  de  votre  existence, 
A  la  fontaine  de  Jouvence, 
Etrangers,  Français,  accourez  ! 

Eugène  Carlos. 


41 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Uugonis  et  C'^,  6,  rue  Martel. 


A.  PATAY,  Directeur-Oérani. 


2"  ANNÉE. 


N°  11. 


lO  CENTIMES. 


24  JUILLET  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant . 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailée  et 
ctiarmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
'est  le  gracieux  ftère  de  la  strophe* 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Médactiott 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


Lâchanson,  comme  la  ba^onnetts 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


.ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,  18 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


■liaient'  des  Chamonniers  :  P-J.    Charrin.  (Eic.  Isiiikht).  L'n  Son- 

l'enir  à  liérnnger  (A.  PiTii).  —  La  Slalue  île  lu  ItépaliHqiir 
(GiiORCBS  Mln.TJ.  Xeffeuillez  pa,  lc>  rose,,  paroles  do  Aun'.uT 
Capiies,  musii|uc  Je  L.  DBuoiiTriRix.  —  La  ttévolatiim,  2»  panic 
^Al'gustb    Ai/Ais),    —   La    Femme    à    Guillan, 


(Fa, 


Peuple  fie  Paris  (Fi 
(.'hunson  :  Comme  il  faut  et 
Hei-ue  des  Concerts  (Alfiiko 
lyrifjui's.  —  Onz" 
Le  Oit   lilas,  chanson-rêclai 


.).    —    Cnriosilès    de    la 
l  faadrail  (Louis    XVIII).  _ 
').  —  Chronique    d«s    Sociétés 
i     ta     Chanson*    — 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :   P.-J.   CHARRIN 


Pierre-Joseph  Char- 
«IN  était  né  à  Lyon  le 
.2  lévrier  178!.  Les  ren- 
seignements nous  man- 
^luent  sur  sa  jeunesse 
€t  ses  premières  études 
Toutel'ois,  d'après  ses 
habitudes  de  style  et  le 
genre  ordinaii-ement 
«ilevé  de  ses  composi- 
<lions,  il  est  permis  de 
supposer  que  dès  le 
jeune  âge  il  avait  été 
nourri  des  saines  tradi- 
tions de  l'antiquité,  et 
que,  malgré  le  trouble 
4u  temps,  il  n'avait  pas 
été  privé  d'études  clas- 
siques. 

Depuis  plusieurs  an- 
nées déjà  il  était  emplo- 
yé au  ministère  de  la 
guerre,  à  la  direction 
générale  des  subsis- 
tances militaires,  en 
([ualité  de  rédacteur,  de 
sous-chef  et  de  garde- 
magasin  de  l'habille- 
meut,  lorsqu'une  de  ces 
réformes  dont  l'écono- 
mie fut  au  moins  le 
prétexte  sous  la  Res- 
tauration, le  priva  de  sa  place.  C'était  en  ISl  i.  Rap- 
pelé deux  ans  plus  tard,  il  sévit  atteint  de  nouveau, 
vers  la  fin  de  1819,  époque  où  Latour-Maubourg  suc- 


céda à  Gouvion  Saint- 
Gyr  au  ministère  de  la 
guerre. 

(Jharrin  se  livra  dès 
lors  à  des  entreprises 
commerciales  auxquel- 
les il  dut  l'aisance  et, 
plus  tard,  le  repos  né- 
cessaire au  culte  des 
lettres  et  de  la  poésie. 
Il  collaborait,  sous  la 
Restauration,  à  divers 
journaux  politiques  et 
littéraires;  mais  ces  oc- 
cupations, ces  travaux 
sérieux  ne  l'empê- 
chaient pas  de  courtiser 
la  muse  de  la  chanson. 
Gharrin  a  fait  partie 
des  deux  sociétés  con- 
nues sous  le  nom  des 
Dîners  du  Caveau  Mo- 
derne et  des  Soupers  de 
Moniiis.  Les  Diners,  fon- 
dés en  180G,  par  les  an- 
ciens membres  des  Dî- 
ners du  Vaudeville, 
furent  envahis,  en  1816, 
par  la  politique  ;  la  di- 
vision se  mit  parmi  les 

convives  ;    les    joyeiix 

repas  du  Rocher  de  Can- 
cale  cessèrent,  et  la  plupart  des  chansonniers  qui  se 
réiuiissaieut  chez  Balaine  vinrent  s'asseoir  à  la  table 
des  Soupers  de  Momus,  d'où  la  politique  était  rigou- 


LA  CHANSON 


lensement  bannie.  Cette  dernière  société  dura  jus- 
qu'en 1826. 

Charrin  était  entré  au  Caveau  en  18S2.  Il  en  était 
le  doyen  et  en  est  resté  jusqu'à  sa  mort  le  président 
d'honneur. 

Son  bagage  littéraire  est  très  abondant.  Je  citerai, 
sans  vouloir  donner  un  catalogue  complet  de  ses 
œuvres  :  Mes  Loisirs,  recueil  de  poésies  ;  Toiie, 
poëme  (1808)  ;  Le  Rappel  des  dieîix  (1810)  ;  Le  Passe- 
temps,  chansons  et  poésies  (1817);  Album  imtique 
(1825).  Il  a  écrit  pour  le  théâtre  :  Les  Deux  forteresses, 
la  Forêt  d'Edimbourg,  Mahomet,  Vingt-quatre  heures 
d'un  duelliste,  un  Mariage  à  bout  portant,  etc. 

Le  dernier  recueil  qui  ait  été  publié  de  son  vivant 
est  en  deux  volumes  format  Charpentier,  de  370-340 
pages,  avec  fac-similé,  portrait  et  quatre  gravures. 
Il  contient  ses  oeuvres  poétiques,  c'est-à-dire  les  chan- 
sons, les  fables,  les  poésies  diverses  et  cinq  pièces 
de  théâtre  en  vers  :  Paris,  1837,  Amyot  et  Garnier. 

Gustave  Aimard,  en  appréciant,  dans  le  Mousque- 
taire, ce  dernier  recueil,  terminait  ainsi  son  compte 
rendu  :  «  La  vie  littéraire  de  M.  Charrin  a  été  bien 
remplie  ;  ses  œuvres  respirent  une  douce  philosophie, 
une  gaité  franche,  sans  éclat  bruyant,  sans  effets 
cherchés  ;  une  morale  douce,  exemple  de  pédan- 
lismo.  » 

Charrin  habitait  depuis  1844,  à  Ecouen,  une  mai- 
son qu'un  personnage  éminent  et  fort  riche  avait 
fait  bâtir  en  1784  pour  Adeline,  de  la  Comédie-Ita- 
lienne. Il  était  ainsi  du  même  âge  que  sa  maison. 

C'est  là  qu'il  est  mort  le  2'd  avril  1863.  Il  était  mem- 
bre de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts 
de  Lyon  depuis  1854,  de  la  société  littéraire  et  de  la 
société  épicurienne  de  la  même  ville,  et  chevalier  de 
la  légion  d'honneur.  Son  portrait,  peint  par  Gosse 
en  1829,  a  été  gravé  par  Forster.  Protat  qui,  comme 
président  du  Caveau,  prononça  sm-  sa  tombe  quel- 
ques paroles  d'adieu,  caractérisait  ainsi  son  talent  : 
«  Il  a  su  donner  à  toutes  ses  œuvres  le  cachet  d'une 
remarquable  originalité,  et  leur  imprimer  le  sceau 
d'un  talent  incontestable...  Nul  n'avait  plus  que  lui 
d'entrain  et  de  verve  juvénile,  et  nul  surtout  ne  sut 
mieux  joindre  aux  charmes  de  l'esprit  les  précieuses 
qualités  du  cœur.  » 

C'est  aussi  Protat  qui  fat  chargé  par  la  veuve  de 
Charrin  de  revoir  les  dernières  feuilles  du  recueil 
que  le  vieux  pocle  préparait  au  moment  de  sa  mort, 
lia  pour  titre:  Testament  littéraire:  œuvres  de 
P.-J.  Charrin,  2  volmnes  grand  in-18.  Appert,  1863. 
Le  premier  volume  contient  cent  soixante  chansons. 
Quelques-unes  ont  eu  leur  moment  de  célébrité,  par 
exemple  les  Vérités  gasconnes,  dont  voici  le  refrain  : 

Plus   d'un  gascon  erre 

Exagère, 

Ment 

Constamment, 

Mais,    cadédis  ! 

On  peut  croire  à  ce  que  je  dis, 

La  forme  littéraire  dont  Charrin  a  revêtu  tous  ses 
couplets  ne  leur  enlève  ni  la  vivacité  ni  l'a-propos. 


Il  traite  avec  succès  les  sujets  les  plus  piquants  et 
les  plus  graves:  !le  vin,  la  morale,ila,  beauté,  la  patrie, 
l'amitié.  Il  excelle  à  saisir  le  ridicule. 

Le  Gamin  de  Paris,  Monsieur  Prudentin,  Madame 
Gazette,  Le^  nouveau  Grégoire,  le  Vieux  Portier,  ont  au- 
tant de  gaité  caustique  qu'on  trouve,  au  contraire, 
d'âme  et  de  chaleur  dans  Honneur  !  Patrie  1  La  Sépa- 
ration, La  Poésie,  les  Adieux,  etc. 

EUG.   IMBERT. 


La  Chanson  a  donné  en  1878,  aux  chansonniers 
qui  n'y  pensaient  guère,  l'idée  d'aller  chaque  an- 
née, au  16  juillet,  déposer  une  couronne  sur  la 
tombe  de  Béranger.  Deux  fois  déjà  ce  pèlerinage  a 
donné  lieu  à  une  manifestation  très  sympathique 
de  la  population  parisienne,  et  dont  l'œuvre  de  la 
statue  de  Béranger  a  profité.  Cette  année,  La  Chan- 
son, prenant  en  considération  le  chômage  forcé  de 
deux  jours  que  la  fête  avait  imposé  à  la  classe  ou- 
vrière, avait  ajourné  au  18  juillet  la  célébration  de 
l'anniversaire  funèbre  de  Béranger,  afin  de  per- 
mettre au  plus  grand  nombre  d'y  prendre  part.  Son 
calcul  a  été  juste.  Huit  cents  personnes  environ 
attendaient  au  cimetière  les  manifestants.  Après 
hommage  fait  au  poète  d'une  couronne  de  '  fleurs 
naturelles,  portant  cette  dédicace  :  A  Béranger,  La 
Chanson,  L.-Henry  Lecomte  a  pris  la  parole  au  nom 
de  notre  journal  et  au  nom  du  Comité  Béranger. 
Voici  le  remarquable  discours  de  notre  ami,  inter- 
rompu maintes  fois  par  des  bravos  chaleureux,  et 
dont  la  péroraison  a  produit  grand  effet. 

Messieurs, 

Pour  la  troisième  fois,  les  amis  sincères  de  Béranger 
célèbrent  ici  l'anniversaire  de  sa  mort;  pour  la  troi- 
sième fois,  les  représentants  de  la  France  libre  vien- 
nent offrir  au  patriote  disparu  les  fleurs  du  souvenir, 
prélude  modeste  de  l'hommage  solennel  dont  un  comité 
républicain  poursuit  la  réalisation. 

J'aurais  voulu  pouvoir  annoncer  aujourd'hui  la  con- 
clusion de  l'œuvre  entreprise  sur  l'initiative  du  journal 
io  Chanson,  mais  les  faits  ont  trompé  notre  espérance  : 
la  statue  du  poète  national  ne  sera  pas  érigée  à  la  date 
que  nous  avions  fixée  d'abord.  Peu  importe;  la  renorii- 
mée  de  Béranger  n'est  pas  de  celles  que  le  temps  doit 
atteindre.  L'essentiel  est  que  la  statue  de  Béranger  se 
fasse,  et  elle  se  fera,  parce  que  l'ingratitude,  chez  un 
peuple  comme  chez  un  individu,  nous  parait  la  pire  des 
hontes,  et  que  nous  ne  voulons  point  de  cette  tache  au 
front  de  notre  pays  régénéré. 

Je  dois  le  dire,  Messieurs,  le  Corriitê  de  la  statue  de 
Béranger  s'est  heurté  à  des  obstacles  imprévus.  Il  es- 
pérait que  le  nom  seul  du  grand  chansonnier  suffirait  à 
assurer  le  succès  de  son  entreprise  ;  ce  nom,  au  con- 
traire, a  soulevé  des  polémiques  passionnées.  Contre 
l'homme  qui,  durant  toute  sa  vie,  avait  joui  d'une  po- 
pularité incontestable,  les  coryphées  des  partis  les 
plus  opposés  ont  associé  leurs  rancunes,  et  l'on  a  pu 
voir  le  radicalisme  bruyant  tendre,  pour  une  action  hos- 
tile, les  mains  au  bonapartisme  vantard  et  au  clérica- 
lisme sournois. 


LA  CHANSON 


83 


Le  réquisitoire  de  ces  associés  étranges  est  peu  nou- 
veau; les  critiques  superficiels  ou  perfides  le  ressassent 
depuis  vingt  ans,  confondant  pour  les  besoins  de  leur 
cause  la  gaité  de  Béraoger  avec  le  cynisme,  les  jésuites 
avec  Dieu,  le  héros  d'Arcole  avecle  trembleur  de  Sedan, 
le  désintéressement  avec  l'égoïsme.  Deux  de  leurs  griefs 
sont  pourtant  à  retenir  :  Béranger  aurait  célébré  l'em- 
pire et  préféré  sa  tranquillité  personnelle  au  devoir 
d'accepter  une  fonction  publique.  Or,  Béranger  n'a 
chanté  la  gloire  militaire  du  premier  Napoléon  qu'après 
l'expiation  de  Saint-Hélène,  et  sans  dissimuler  son 
aversion  pour  le  despotisme  impérial;  il  s'est,  enfin 
rendu  simplement  justice  en  refusant  un  mandat  poli- 
tique que  son  âge  et  son  peu  d'aptitude  lui  défendaient 
d'accepter.  Ce  dernier  trait  surtout  met  en  grande  co- 
lère ces  prétendus  amis  du  peuple  qui  se  servent  de  lui 
sous  préte.xte  de  le  servir,  professent  que  le  libéralisme 
est  une  carrière,  et  acceptent  toujours  —  par  dévoue- 
ment —  les  honneurs  ou  les  places  grassement  rétri- 
buées. Leur  reproche  na'if  devient,  pour  qui  réfléchit, 
une  louange  très  délicate  à  l'adresse  de  Béranger  qui, 
sans  titre  officiel  et  sans  part  au  budget,  travailla  plus 
que  personne  à  l'émancipation  et  au  bonheur  de  tous. 
Est-ce  la  peine  d'insister?  —  Le  peuple,  en  gardant  reli- 
gieusement la  mémoire  de  son  poète,  a  fait  bonne  justice 
d'accusations  inspirées  par  une  animosité  maladroite. 

On  a  vainement  essaye  de  travestir  les  sentiments 
politiques  de  Béranger  ;  la  lecture  attentive  de  ses 
chansons  et  de  sa  correspondance,  l'étude  de  sa  vie 
entière,  prouvent  irréfutablement  son  amour  exclusif  du 
•  régime  républicain.  Il  le  vanta,  le  désira,  le  prépara  sans 
relâche. 

«  Tous  les  partis,  écrivait-il  après  1848,  tous  les  partis 
ont  fait  des  fautes,  mais  celles  dont  nous  devons  le 
plus  gémir  ce  sont  les  fautes  commises  par  les  républi- 
cains. Je  les  avais  prévues,  aussi  aurais-je  voulu  que  la 
République  nous  vint  un  peu  plus  tard.  La  Providence 
en  a  décidé  autrement.  Toutefois,  jemourrai  avec  l'assu- 
rance qu'un  jour  ou  l'autre  mes  vœux  seront  exaucés.  » 
Ils  le  sont  aujourd'hui,  et  l'on  éprouve  une  joie  pro- 
fonde à  le  dire  sur  cette  tombe  où  reposent,  unis  dans 
la  mort  comme  ils  le  furent  dans  la  vie,  le  tribun  et  le 
poète  qui  servirent  le  mieux  la  cause  démocratique.  On 
peut  interroger  les  discours  de  l'un  et  les  chants  de 
l'autre,  un  égal  patriotisme  y  respire,  et  la  génération 
nouvelle  y  peut  puiser  encore  de  virils  enseignements. 

Nous  t'admirons  et  nous  t'aimons,  o  Maître  de  la 
chanson  française,  parce  que  tu  fus  grand  citoyen, 
philanthrope  sincère,  poète  exquis  ;  nous  dresserons  ta 
statue  en  dépit  des  hypocrites  multicolores,  et  l'honnête 
peuple  de  Pans,  guidé  par  son  infaillible  instinct,  criera 
au  jour  de  ton  apothéose  comme  il  criait  au  jour  de  tes 
funérailles  :  •  Honneur  !  Honneur  à  Béranger  !  ■ 

Après  lecture,  par  Mme  d'Elhom,  de  couplets  que 
nous  aurions  voulu  pouvoir  publier,  et  quelques 
mots  de  remerciement  adressés  par  le  directeur  de 
La  Chanson,  l'assistance  a  déposé  nombre  de  bouquets 
et  de  couronnes  sur  les  marches  du  tombeau  et  s'est 
retirée  silencieusement. 

En  somme,  cette  manifestation  a  été  ce  que  nous 
la  voulions,  et  nous  remercions  la  presse  de  Paris 
qui  nous  a,  cette  fois  comme  toujours,  prêté  le  con- 
cours de  sa  fraternelle  publicité. 

Nous  avons  été  beureux  d'apprendre  de  M.  Engel- 


bauer, cousin  de  Béranger,  que  les  éditeurs  du  grand 
poète  souscrivaient  au  profit  de  sa  statue,  Mme  Per- 
rotin  pour  'âOû  francs,  MM.  Garnier  frères  pour 
lùû  francs.  Nous  les  en  remercions  sincèrement,  et, 
pour  enlever  aux  pessimistes  toute  crainte  surl'ave- 
nir  de  l'œuvre  du  Comité  Béranger,  nous  annonçons 
comme  très  prochaine  l'ouverture  du  concours  pu- 
blic entre  les  artistes  sculpteurs. 

A.  Pat  AT. 


LÀ  STATUE  DE  LÀ  RÉPUBLIQUE 


Bien  que  la  merveilleuse  fête  du  U  juillet  soit  ter- 
minée, il  est  encore  temps  je  crois  de  parler  de  ce 
qui  fut  son  plus  bel  ornement  :  le  mommient  élevé 
à  la  gloire  de  la  République  sur  l'ex-place  du 
ChiVleau-d'Eau. 

Cette  œuvre  grande  et  forte  fait  non-seulement 
honneur  à  M.  Morice,  l'habile  et  vaillant  statuaire  et 
à  son  frère  l'architecte,  mais  elle  honore  aussi 
toute  la  jeune  génération  républicaine,  et  surtout  la 
République  elle-même.  Que  penser,  en  effet,  d'un 
principe  assez  fécond  pour  produire  une  œuvre  aussi 
belle  et  pour  faire  sortir  de  la  foule  des  jeunes 
hommes  capables  de  la  concevoir  et  de  l'exécuter'? 

Nous  sommes  de  ceux  qui  ressentent  une  juste 
fierté  en  voyant  la  République  inspirer  des  œuvres 
si  patriotiques. 

Je  me  rappelle,  lors  du  premier  concours,  alors 
que  je  luttais  pour  dessiller  certains  yeux  et  vaincre 
certains  partis  pris,  l'étrange  impression  d'orgueil 
que  je  ressentis  à  voir  groupées  dans  la  salle 
Melpomène  toutes  ces  œuvres  plus  ou  moins  réussies, 
mais  toutes  ou  presque  toutes  modelées  avec 
conviction  et  foi. 

Ne  nous  y  trompons  pas,  l'érection  de  ce  monu- 
ment est  bien  la  consécration  définitive  de  la  forme 
républicaine  dans  notre  pays,  et  marque  la  date 
véritable  d'où  part,  après  la  conquête,  l'œu-we  d'or- 
ganisation définitive  et  de  progrès  constant. 

Ce  que  j'admirerai  peut-être  le  plus  dans  l'œu-irre 
de  M.  Morice,  c'est  l'idée  d'avoir  groupé  ati-dessous 
de  la  République  forte,  sage,  triomphante,  les  trois 
grands  symboles,  ZaZ^Jgrfc',  l'Égalité,  et  la  Fraternité, 
et  les  plus  glorieuses  pages  de  notre  histoire  républi- 
caine, dont  le  Lion,  symbolisant  le  peuple  fler  et 
calme,  semble  être  le  gardien  et  le  témoin. 

Je  ne  ferai  pas  ranal,yse  critique  de  chaque 
figure,  les  conditions  dans  lesquelles  le  travail 
a  été  enlevé  (c'est  véritablement  le  mot)  ne  le 
permettent  pas  ;  bientôt,  j'espère,  on  sera  à 
même  de  juger  l'œu-we  définitive.  Pour  aujourd'hui, 
je  me  contenterai  de  constater  que  l'impression  géné- 
rale, presque  unanime,  produite  par  l'ensemble  du 
monument,  est  on  ne  peut  plus  flatteuse  pour 
M.  Morice  et  pour  ceux  qui  lui  ont  décerné  le  prix. 
Georges  MqRAi 


84 


LA  CHANSON 


N'EFFEUILLEZ  PAS  LES  ROSES 

Paroles  de  Albert  CÂPRES.  —  Mosiqne  de  L.  DEMORTREUX 


A[I*ΰ  moderato    cob    morbidezza 


?IANO. 


Moderato.  Piacevole 


^^  T\     _;i       I ;        „..;   —         I —  i_       „i_;         _„  n *_      j__*  - 


Pa-pil  -Ions  gra.ci   .eux  qui  vo  .  lez  [lar  la     plai    .  ne       Deman  .  dant  auprin_ 


temps         ses  bai  .sers  du  ma.  tin.  Des      bois         et  des  près     verts  pha   . 


a.e.ri  .en  .  ne 


LA  CHANSON 


85 


Les  zéphyrs  ont  soufflé,  les  boiirgeons  vont  éclore  ; 
La  fleur  va  s'entrouvrir  aux  baisers  du  soleil. 
Et  la  rosée  émue  à  la  féconde  aurore 
Va  chanter  chaque  jour  son  hj'mne  de  réveil. 
Oh  I  de  vos  ailes  d'or,  papillons  bleus  et  roses. 
N'effleurez  qu'en  tremblant  leur  prisme  harmonieux. 
Si  vous  voulez  jouir  de  leur  éclat  joyeux. 
N'effeuillez  pas  les  roses  I 

Ne  les  effeuillez  pas,  beaux  papillons  frivoles. 
De  leurs  subtils  parfums  ménagez  la  fraîcheur. 
Ohl  ne  ternissez  pas  l'éclat  de  leurs  corolles 
Et  craignez  de  briser  leur  tendre  et  chaste  cœur. 
Dites-leur  doucement  ces  délicates  choses 
Que  murmurent  enir'eux  tout  bas  les  vrais  amants, 
Mais  dans  vos  doux  baisers,  ô  papillons  charmants, 
N'effeuillez  pas  les  roses  1 


LA  RÉVOLUTION 


Air  :   Ne  raillez  plus  la  Garde  cltoi/enne. 

Il  (•) 

Tournons  la  page  cl  lisons  à  voix  haute 
De  nos  succès  le  cours  tumultueux, 
Et  du  passé  pesant  bien  chaque  faute 
Instruisons-nous  des  faits  de  nos  aïeux 

Plus  discoureurs  que  tribuns  énergiques, 
Les  Girondins  jaloux  des  Montagnards 
En  soulevant  d'ardentes  polémiques 
Du  royalisme  aiguisent  les  poignards 

Mais  les  faubourgs,  où  la  colère  gronde, 
Aux  Montagnards  loin  de  taire  défaut, 
De  l'Assemblée  arrachent  la  Gironde 
Pour  la  jeter  mourante  à  l'échafaud. 

Tout  est  debout.  La  Montagne  s'enflamme, 
Cratère  humain,  moderne  Sinai, 
De  ses  décrets  que  la  foudre  proclame 
Du  Nord  au  Sud  le  monde  est  envahi. 

Esprit  nouveau,  sa  volonté  domine. 
Au  nom  du  peuple,  au  nom  de  son  salut. 
Son  comité  juge,  frappe,  extermine 
Tout  ce  qui  peut  faire  obstacle  à  son  but. 

Dans  le  creuset  de  la  pensée  humaine 
Tout  se  refond,  arts,  sciences  et  lois, 
En  embrassant  dans  son  vaste  domaine 
Tous  les  devoirs  ainsi  que  tous  les  droits. 

Aux  sections,  aux  clubs,  à  la  Commune, 
Fort  de  ses  droits,  nuit  et  jour  de  planton, 
Le  peuple,  maître,  acclame  à  la  tribune 
Marat,  Saint-Just,  Robespierre  et  Danton. 

Quel  deuil  déjà  plane  sur  la  patrie. 
Que,  sans  faiblir,  sans  cesse  il  défendait, 
Marat,  du  peuple  objet  d'idolâtrie. 
Meurt  sous  le  fer  de  Charlotte  Gorday. 


(*)  Voir,  pour  la   pr. 
n»  9  de  La  Chamor'. 


partit 


patriotiriae   rondeau,    le 


Malheur  à  qui  doutant  de  son  courage 
S'arrête  en  route  à  la  tiédeur  enclin  ! 
Les  noirs  pensers  d'un  funèbre  présage 
Font  reculer  Danton  et  Desmoulin. 

Des  factions  la  fureur  acharnée 
S'élève  encor  dans  la  Convention, 
Puissance  occulte,  étrange  destinée. 
Qui  va  trahir  la  Révolution. 

Craignant  pour  eux  le  veto  populaire. 

Qui  des  impurs  fait  une  ample  moisson 

Les  réacteurs  lancent  sur  Robespierre 

Le  hors  la  loi  qu'exécute  Sanison. 

Le  tocsin  sonne,  à  l'ardente  Commune 

Les  sections  se  rangent  en  deux  camps. 

Hélas  !  quel  sang  versé  par  la  fortune 

Va  donc  éteindre  un  de  ces  deux  volcans  '/ 

Ce  sang  choisi,  que  la  vertu  révère. 

Va  couler  pur,  vierge  do  tout  efl'roi. 

Viens,  peuple  aveugle,  applaudir  au  Calvaire 

Où  les  tribuns  sont  immolés  pour  toi. 

Hardis  soutiens  de  la  cause  publique. 

Ils  sont  tombés,  et  le  neuf  Thermidor 

En  eux  a  vu  périr  la  République 

Dont  ils  guidaient  l'irrésistible  essor. 

Dans  ces  tableaux  que  nul  autre  n'efl'ace, 

G  liberté  I  quels  feux  lu  recelas  ! 

Tes  fils  sont  morts,  voile  la  sainte  face, 

«  A^oici  venir  le  Corse  aux  cheveux  plats  »  (1) 

En  déroulant  tes  mille  caractères. 

Livre  immortel  où  sont  inscrits  nos  droits, 

Inspire  nous,  Bible  des  prolétaires. 

L'amour  du  peuple  et  la  haine  des  rois. 

Auguste  Alais. 
-♦ 

La  Femme  de  Guillaume 

Musique  à  faire. 
De  Guillaume  je  suis  la  femme. 
Il  m'aime  autant  qu'au  premier  jour, 
J'en  suis  fière  et  je  le  proclame. 
Et  pour  lui  seul  est  mon  amour. 
La  chose  semblera  nouvelle 
A  bien  des  dames  d'aujourd'hui, 
Mais  quand  il  n'est  pas  avec  elle. 
Sa  femme  ne  pense  qu'à  lui. 

Quand  mon  mari,  la  tète  haulf, 

.    Passe  partout  sans  nul  aflront. 
Je  ne  veux  pas  que,  par  ma  faute, 
La  honte,  un  jour,  courbe  son  front. 

S'il  n'a  pas  les  mains  aussi  fines 

Que  ces  gommeux,  ces  avortons 

Qui  se  tournent  et  font  des  mines, 

En  ricanant  sur  tous  les  tons; 

(1)  Vers  d'Auguste  Baibiei. 


LA  CHANSON 


Si  nulle  peau  d'aucune  leinte 
Ne  rend  ses  doigts  plus  élégants, 
Le  travail  leur  laisse  une  empreinte 
Plus  honorables  gue  des  gants. 
Quand  mon  mari,  etc. 

Cliaque  matin,  plein  de  courage, 
Guillaume,  plus  heureux  qu'un  roi. 
Court  tout  joj-eus  à  son  ouvrage. 
Content  de  travailler  pour  moi  ; 
Et  lorsque  arrive  sa  quinzaine. 
Il  me  remet  tout  son  argent, 
A  moins,  parfois,  qu'il  n'en  retienne 
Une  part  pour  quelque  indigent. 
Quand  mon  mari,  etc. 

Quand  il  me  promène  à  la  ville. 
Par  les  squares,  les  boulevards. 
Je  vois  bien  plus  d'un  inutile 
Me  provoquer  de  ses  regards  ; 
Les  grands  nous  traitent  de  canaille 
Et  voudraient  gâter  notre  sang  : 
Je  suis  du  peuple  qui  travaille, 
Notre  place  est  au  premier  rang. 
Quand  mon  mari,  etc. 

Depuis  quelque  temps  on  observe 
Que,  pour  finir  enfin  leurs  maux, 
Les  femmes  veulent,  sans  réserve. 
Qu'aux  hommes  leurs  droits  soient  égaux. 
Je  fais  des  vœux  pour  leurs  réclames; 
Mais  il  est  un  droit  moins  suspect, 
-C'est  celui  des  honnêtes  femmes  : 
Ce  droit,  c'est  le  droit  au  respect. 

Quand  mon  mari,  etc. 
Peut-être  dans  notre  ménage 
Bientôt  viendront,  pour  l'égayer. 
Quelques  marmots  au  doux  visage 
Qui  riront  autour  du  foyer; 
Et  de  l'exemple  de  leur  père 
Quand  les  garçons  profiteront. 
Nos  filles,  imitant  leur  mère, 
A  leur  tour  comme  moi  diront  : 
Quand  mon  mari,  la  tète  haute, 
Passe  partout  sans  nul  affront. 
Je  ne  veux  pas  que,  par  ma  faiite, 
La  honte,  un  jour,  courbe  son  front. 

Faucblé. 


DIXIÈME  CONCOURS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON 
31=  Prix 

tE  PWPtE  BE  FÂM 


Fils  du  travail,  debout,  pour  rendre  hommage 
A  ces  héros,  nés  du  sang-  des  Gaulois, 
Qui,  pour  détruire  un  ocTieux  servage. 
De  nos  tyrans  ont  su  braver  les  lois. 
Levez  vos  fronts,  vous  n'avez  plus  de  maître, 
Mais  si  les  rois  n'étouffent  plus  vos  cris , 
.  Si,  sous  le  fouet,  nul  ne  veut  se  soumettre , 
Vous  le  devez  au  peuple  de  Paris  1 


Toi,  paysan,  qui  dans  les  vastes  plaines, 
■  Gai,  radieux,  creusant  l'àpre  sillon. 
Peux,  libre  et  fier,  ayant  brisé  tes  chaînes. 
Mêler  tes  chants  aux  plaintes  du  grillon; 
Si,  désormais,  récoltant  sans  entrave, 
Tes  droits,  ton  bien  ne  te  sont  plus  ravis; 
Si  chez  toi  l'homme  a  remplacé  l'esclave; 
C'est  grâce  encore  au  peuple  de  Paris  ! 

Bourgeois  sans  cœur,  amoureux  de  l'orgie. 

Qui  du  passé  perdez  le  souvenir; 

Etres  repus,  à  la  face  rougie. 

Suant  la  peur  au  bruit  del'avenir; 

Si,  contre  vous,  il  n'est  plus  de  bastilles. 

Pour  comprimer  vos  grossiers  appétits; 
.  Si  le  pouvoir  n'outrage  plus  vos  filles, 
.  Vous  le  devez  au  peu.ple  de  Paris  ! 

Lorsque  vaincus,  oubliés  sur  la  terre. 
Nus,  sans  soutien,  errants  à  l'étranger, 
Des  exilés  souffrent  peine  et  misère 
Loin  du  pays,  qu'ils  rêvent  de  venger; 
Alors  des  fils  de  l'antique  Lutèce, 
La  grande  voix  parle  pour  les  proscrits  : 
«  Pitié,  dit-elle,  lis  sont  dans  la  détresse!  » 
Voilà,  voilà,  le  peuple  de  Paris  1 

Viaauban  (Var). 

Ferdinand  Bérenguier. 


Curiosités  de  la  Chanson. 


COMME  IL  FAUT  ET  COMME  IL  FAUDRAIT 


Bien  riche  et  bien  égoïste. 
Ignorant,  bavard  et  sot. 
Jusque  dans  ses  plaisirs  triste  : 
Voilà  l'homme  comme  il  faut. 
Aimant  l'or  pour  le  répandre 
Où  le  besoin  paraîtrait. 
Modeste,  vrai,  doux  et  tendre: 
Voilà  comme  il  le  faudrait. 

Toute  à  la  mode  nouvelle, 
A  son  mari  parlant  haut. 
Eloignant  ses  enfants  d'elle  : 
C'est  la  femme  comme  il  laut. 
Leur  donnant  selon  leur  âge 
Et  ses  vertus  et  son  lait, 
Soumise,  économe  et  sage  : 
Voilà  comme  il  la  faudrait. 

Louis  xviii 


REVUE   DES  CONCERTS 

Eldorado. 

Saint  au  Drapeau  !  de  M.  Alf.  Honoré,  interprété 
par  Victorin,  a  obtenu  un  véritable  succès. 

La  Chanson  du  fer,  de  M.  Emile  Goujet,  excellente 
musique  de  Paul  Henrion,  est  interprétée  par 
Mlle  Amiati  avec  tout  le  talent  qu'on  lui  connaît; 
cette  œuvre  est  digne  du  succès  qu'elle  obtient. 

Mlle  Pazzotti  se  fait  applaudir  dans  Doux  échos, 
paroles  de  Courtes,  artiste  de  l'Ambigu  bien  connu 
pour  ses  créations  originales  au  théâtr.e.. 


LA  CHANSON 


87 


Mlle  Duparc,  toujoui's  charmante  et  gracieuse,  a 
une  fois  de  plus  obtenu  les  bravos  du  public  dans 
Bonne  fille,  de  Delorniel,  musique  de  Paul  Henrion. 

Mlle  Daily  dans  Botijowr,  Amour  !  de  Villemer,  a 
su  se  faire  applaudir. 

Mlle  Berthier  à  détaillé  d'une  façon  charmante 
le  Chemin  des  Amours,  paroles  de  notre  ami  J.-B.  Ro- 
binot,  musique  du  regretté  compositeur  Auguste 
Mallet. 

M.  Velly  et  Antony  ont  créé  avec  un  égal  succès 
l'un  NaturelVment,  l'autre  Lettre  d'un  jeune  marié. 

Le  7  août,  rentrée  de  Mlle  Bonnaire. 


Cette  semaine  n'a  pas  été  bien  fructueuse,  et  nous 
n'avons  guère  de  nouveautés  à  signaler. 

A  la  ScàLA,  une  seule  chanson  a  été  créée  par 
Mme  Patry  ;  dans  les  autres  concerts  identiquement 
la  même  chose. 

Aux  Ambas.sadeurs,  toujours  Psitt,  psitt  par  Li- 
Lerl  et  Tpsiboé,  par  Mme  Elise  Faure.  Les  cris  de  la 
rue,  la  spirituelle  saynète  de  MM.  Baumaine  et  Blon- 
delet,  tient  l'affiche  avec  succès. 

A  I'Alcazar  d'Ktic,  rien  non  plus  ;  h;  refrain  de  la 
Sœur  de  l'emballeur  est  répété  comme  par  le  passé, 
avec  frénésie  par  Mlle  Demay  et  lou.s  les  spectateurs. 
M.  et  Mme  Alfred  se  font  aussi  applaudir  avec  leurs 
chants  et  danses  excentriques. 

A  la  Gaité-Rocheghouart,  la  chanson  patriotique 
de  MM.  Rauland  et  Relchenstein,  A  la  Bastille, 
chantée  par  Mme  Valu,  oljliont  le  même  suécès  qu'à 
la  SCALA.MM.  Raulin,  Marquetti  et  Chalande  attirent 
chaque  soir  le  public  avec  les  bonnes  chansonnettes 
de  leur  répertoire. 

Pour  aujourd'hui,  plusieurs  concerts  annoncent 
des  pièces  et  chansonnettes  nouvelles  ;  nous  espé- 
rons donc  donner  samedi  prochain  une  chronique 
im  peu  plus  intéressante  que  celle-ci. 

Le  13  juillet  a  eu  lieu  l'inauguration  du  Cal'é- 
Goncort  promenade  de  L'Orphêum,  place  de  la  Répu- 
blique, sous  l'habile  direction  de  M.  Goudsoime, 
nous  en  reparlerons  prochainement. 

Les  Folies-Saint-Martiii  continuent  avec  activité 
leurs  travaux  de  transformation;  l'ouvi^rture  aura 
lieule  14  août.  "Alfred  Bertinot. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Le  13  juillet  a  eu  lieu,  dans  les  salons  de  M.  Mer- 
cier, au  Palais- Royal,  le  premier  Bal  de  nuit  d'une 
Société  Lyrique,  q\ii  n'inaugurera  néanmoins  ses 
séances  que  le  premier  dimanche  de  septenilire  dans 
la  même  élablissenieol,  mais  qui  a  tenu  à  honneur 
d'avoir  ce  jour  reinanjuable  pour  dale  de  fundalion. 

Elles'mUtule /ci."'rv/'''',  nom  qui  dit  liien  ee  qu'elle 
veut  être  et  ce  qu'cll,-  scr.i,  <i  ses  vaillaiils  fondateurs 
persistent,  comme  iliaul.  lespérer,  dans  l'accomplisse- 
ment de  la  tâche  qu'ils  se  sont  donnée,  Q,a.T:  le  Foyer 
sera  une  heureuse  innovation. 

Nous  nous  bornons  aujourd'hui  à  souhaiter  la  bien- 
venue à  cette  nouvelle  société,  et  nous  nous  plaisons 
à  considérer  son  premier  bal  comme  le  présage  d'une 
réussite  certaine.  , 

Dans  un  petit  intermède  de  chants,  nous  avons 
applaudi    MM.   Louis  Boy    et  Paul  David,  jeunes. 


sociétaires  qui  promettent  pour  l'avenir  et  Mlle  Jo- 
séphine D.,  membre  d'honnem-,  qui  chante  de  la 
manière  la  plus  sympathique  et  avec  beaucoup  de 
sentiment.  

Malgré  la  grande  chalem-,  salle  assez  bien  garnie- 
lundi  dernier  à  la  Fantaisie  Lyrique,  166,  boule- 
vard Magenta.  La  séance  est  ouverte  par  Gentil  Prin- 
temps,  morceau  de  piano  à  quatre  mains,  exécuté 
par  Mme  Pauchet  et  sa  petite  élève,  Mlle  Jeanne, 
âgée  de  3  ans  1/2.  Grand  succès  pour  M.  Vaast,  dans 
Les  suites  d'un  premier  lit;  Mlle  Marguerite  se  fait 
vivement  applaudir  avec  La  première  feuille  el  La 
jeune  fille  et  la  fieur.  La  petite  Charlotte  chante  La 
fille  à  Poivrier  d'une  façon  très  amusante.  Mention- 
nons aussi  MM.  Victor,  "Cabaret,  Cooper  et  Callebert, 
qui  ont  eu  leur  part  de  bravos.  Le  bout  de  l'an  de 
l'Amour,  comédie  en  un  acte,  a'été  enlevé  à  peu  près 
convenablement  par  MM.  Paul  Fontaine,  Delsériès 
et  Richard. 

Il  serait  injuste  d'oublier  le  pianiste  de  la  Fan- 
taisie Lyrique,  M.  Thibou,  qui  compose  de  jolies 
mélodies  et  accompagne  les  chanteurs  avec  talent. 
Alfred  Bertinot. 


La  Lyre  Amicale  de  Paris,  dont  le  siège  est  au 
Grand  'Café  Pygmalion,  boulevard  Sébaslopol,  6, 
Président  Dupont,  veut  aussi  avoir  sa  fête.  Elle 
vient  d'organiser,  pour  le  dimanche  2b  juillet  cou- 
rant, un  Grand  Bauquel  qui  sera  suivi  de  Bal  de 
nuit  et  qui  aura  lieu  au  restaurant  de  Petil-Ro- 
binson,  à  Sceaux.  Rendez-vous  iiour  le  départ  des 
voitures  au  siège  de  la  Société,  le  2u,  à  10  heures 
du  matin.  Elle  convie  à  cet  effet  toutes  les  Sociétés 
et  leurs  invités. 

Souscription  :  Pour  le  Déjeuner  à  l'arrivée  à 
Sceaux,  1  fr.  oU. 

Pour  le  Banquet,  à  K  heures  du  soir,  G  fr. 

Invitation  gratuite  au  B.il  de  nuit  qui  suivra  le 
banquet.  —  Retour  par  les  voitures  retenues  par  la 
Société.  

Le  Cercle  Mozart  donnera,  le  samedi  31  juillet,  à 
11  heures  précises,  un  grand  Bal  de  nuit  au  Salon 
des  Familles,  40,  avenue  de  Sainl-Mandé. 

Nous  publierons,  dans  notre  prochain  numéro,  le 
compte-rendu  complet  du  concours  dramatique  et 
de  diction  des  Sociétés  Lyriques. 

La  distribution  des  Médailles  et  Diplômes'  aura 
lieu  le  jeudi  19  août.  Salle  des  Sociétés  Lyriques, 
23,  faubourg  du  Temple. 


ONZIÈME  CONCOURS  MENSUEfr 
Ouvert  du  20  juillet  au  20  août. 
Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

A  l'avenir  nous  publierons,  en  même  temps  que 
la  pièce  qui  aura  ohtenu  le  l^  prix,  une  petite  no- 
tice et  le  portrait  de  l'auteur  couronné,  s'il  y  consent. 


Nous  publierons,  dans  notre  numéro  12,  le  résultat 
de  notre  onzième  concours  mensuel. 


Nous  souhaitons  la  bienvenue  à  notre  nouveau 
confrère  la  Gazette  Lyrique,  dirigée  par  notre  ami 
Gedhé. 

Les  Belloninf,  négros-burlesquefe,  et  la  troupe 
■Walton,  composée  de  chiens  et  de  singes  parfaite- 
ment dressés,  excitent  chaque  soir  la  vive  hilarité  du 
public  des  Folies-Bergère.  Prochainement,  à  ce 
théâtre,  aura  lieu  la  première  représentation  d'un 
nouveau  divertissement  intitulé  :  La  Tarentule. 


LA  CHANSON 


GrIL    BL.A.S 

Journal    quotidien   d'Informations,    d'Actualités,   Littéraire,    Politique 

DE  SPORT.  DE  FINANCE,  DE  SCIENCE 


I3IRECTEUR  :    ^^.     IDXJIVIOIVX 


Le  voilà,  le  GIL  B LAS,  Ah!  Ah!  Ah! 


Je  suis  Gil  Bios,  je  m'en  vante. 
—  Vous  me  reconnaissez  bien? 
J'ai  toujours  mine  avenante, 
Je  ne  doute  de  rien. 
Gai,  rieur  et  fantaisiste. 
Je  veux  augmenter  la  liste 
Des  Gazettes  de  bon  ton... 
Et  j'ai  déjà  grand  renom. 

C'est  Gil  Blas  !  le  voilà  ! 

Ab  !  Ah  !  Ah  1 
Quel  succès  !  lisez  ça  ! 

Ah  !  Ah  !  Ah  ! 
Chacun  l'achètera. 

Ah  !  Ah  !  Ah  ! 
Et  l'on  s'abonnera 

Ah  1  Ah  !  Ab  ! 

II 

Du  nord  au  sud,  on  acclame 
Et  ma  verve  et  ma  gaité  ; 
Je  vous  le  dis  sans  réclame, 
En  tout  lieu  je  suis  fêté. 
Je  sais  tout  ce  qui  se  passe 
De  lugubre  ou  de  joyeux. 
Et  je  traverse ,  l'espace 
Avec  le  DiaMe  boiteux. 

C'est  Gil  Blas  !  le  voilà  ! 
Ah  !  Ah  !  Ali  !  etc. 


III 

Jamais  je  ne  fus  maussade 
Et  je  veux  vous  divertir, 
Car  je  suis  le  caniarade 
De  l'amour  et  du  plaisir. 
Je  fais  de  la  politique, 
Mais  on  peut  être  certain 
Qu'en  bon  français  je  me  pique 
D'être  franc  républicain. 

C'est  Gil  Blas  !  le  voilà  ! 
Ah  !  Ah  !  Ah  !  etc. 


IV 

Boulevard  des  Capucines 
Numéro  dix,  à  Paris, 
Se  trouvent  les  officines 
Où  naissent  tous  nos  écrits. 
La  besogne  n'est  pas  mince. 
Et  vous  allez  en  juger  : 
Nous  embrassons  la  province, 
Paris,  Nice  et  l'étranger. 

C'est  Gil  Blas  !  le  voilà  I 
Ab  !  Ah  !  Ah  1  etc. 


Les  Théâtres,  la  Finance, 
Et  les  Faits  les  plus  divers, 
VIndtcstrie  et  la  Science, 
Les  Romans,  les  Bruits,  les  Vers, 
Les  Cancans  et  les  Nouvelles 
De  partout  comme  d'ailleurs. 
—  En  voilà  des  ribambelles 
De  plaisirs,  pour  nos  lecteurs  ! 

C'est  Gil  Blasl  le  voilà! 

Ah!  Ah!  Ah! 
Quel  succès  !  lisez  ça  ! 

Ah  !  Ah!  Ah! 
Chacun  l'achètera, 

Ab  !  Ab  !  Ah  ! 
Et  l'on  s'abonnera 

Ab!  Ab!  Ah! 


PARIS.  —  Trois    mois,  13  francs;  Six  mois,  26  francs;  Un  an,  50  francs. 
DÉPARTEMENTS.  —  Trois  mois,  16  francs;  Six  mois,  31  francs;  Un  an,  60  francs. 


On  s'abonne  au  GIL  Bl^AS  :  Boulevart  des  Capucines,  4  0,  PARIS. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C",  6,  rue  Martel, 


A.  PATA"y.  Uireclcur-Gérant. 


3»  ANNÉE.  —  N»  18. 


lO  CENTIMES. 


M  JUILLET  1880 


LA   CHANSON 


Directen/r-Gérant . 
A.  PATAY 


L»  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,  Concerts,  Littérature,  Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  SAMEDIS 

Les  manuscrits   non   insérés   ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction, 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


La  chanson,  comme  la  baronnotte 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETie. 


IDMINISTRATION    &  RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  Chef 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


Galerie  de»  chansonniers:  J-E.  Aubry  (Eugène  B*; 
Gringoire  (J~T.  Audry)  —  Ninrtte,  paroles  de  Maxi 
«ieALBKiiT  Flacikrk)  --Elle  (Alphonsb  Uffitk)  - 
jour:  Discours  d'kui  délègaé  masqué  au  Congrès 
(Sosie)  —  Histoire  dune   mécanique  {H.    Fkhée) 


xkt). 
.kGuv.  nuis 
La  chansor 

-  Chronique 


Pierre 


Concerts  (M* 
dramatiques 


iK  Guy,   Alfued  Beutinot)  —  Résultat    des  Concours 
de  diction  entre  les  Sociétés  Lyriques  —  Résultat  da 
Mensuel  de  la  Chanson  —  Annonces, 
LES  ECHEVELÉES 
Illustration  de  A.  Ghkvin. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  J.-E.   AUBRY 


Quelques  jours  après 
la  Révolution  de  1848, 
le  12  mars,  les  chanson- 
niers de  Paris  apparte- 
nantaux  Sociétés  chan- 
tantes, accompagnées 
d'un  certain  nombre  de 
présidents  des  dites  so- 
ciétés, heureux  de  voir 
la  République  dont 
leurs  refrains  prédi- 
saient ou  invoquaient 
l'avènement,  proclamée 
et  acclamée  par  toute 
la  France,  les  chanson- 
niers de  Paris,  dis-je, 
eurent  l'idée  d'aller 
faire  visite  àBéranger. 
Le  vieux  poète  repré- 
sentait pour  eux  leur 
chef  de  file  républicain  ; 
puis,  il  y  avait  dans 
l'air  une  joie,  un  enthou- 
siasme immense  que 
chacun  voulait  dépen- 
ser en  le  communi- 
quant. 

Le  rendez-vous  était 
à  six  heures  du  matin 
place  de  la  Concorde. 
Quand  on  fut  une  cen- 
taine, on  se  mit  en 
marche,  drapeau  en  tète  et  silencieusement.  Après 
avoir  longé  les  quais,  on  arriva  à  Passy. 

Béranger  demeurait  rue   des  Moulins,  -2  (avijour- 


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d'hui,  rue  Franklin , 
1.  Trois  délégués  en- 
trèrent dans  la  petite 
maison  aux  contrevent  s 
verts  qui  n'avait  jamais 
vu  tant  de  monde,  et 
Vinçard,  levieuxSaint- 
Simonien,  prononça  de- 
vant Béranger  très  ému, 
une  allocution  toute  fra- 
ternelle, puis  il  em- 
brassa Béranger  aux  ap- 
plaudissements  de  la 
foule  devenue  considé- 
rable. Le  siège  de  la 
maison  était  fait,  cha- 
cun serrait  fiévreuse- 
ment la  main  du  poète, 
l'enthousiasme  le  plus 
sincère  éclairait  ces  vi- 
sages; Béranger  sem- 
blait très  heureux  delà 
sympathie  qui  lui  était 
témoignée.  Une  heure 
se  passa  ainsi,  et,  se  re- 
prenant bras  dessus 
bras  dessous,  heureux 
d'avoir  causé  à  celui 
qu'ils  nommaient  le 
grand-maître,  les  sol- 
dats de  la  chanson  re- 
prirent gaîmentlaroute 
de  Paris,  après  avoir  fait  retentir  ce  petit  coin  silen- 
cieux de  Passy  des  cris  vingt  lois  répétés  de  «  Vive 
Béranger  !  Vive  la  République  !  » 


LA  CHANSON 


Les  trois  délégués  avaient  été  retenus  à  déjeuner 
par  Béranger;  c'étaient  "Vinçard,  Louis  Festieau  et 
Charles  Guerre.  Ce  dernier  était  un  tout  jeune 
homme,  néo  chansonnier,  plein  d'ardeur  et  de  foi 
républicaine.  Il  devait  à  sa  haute  stature  d'avoir 
porté  le  drapeau  sur  lequel  on  lisait  :  Les  clianson- 
niersde  Paris  à  Béranger,  et  c'est  à  c,e  titre  qu'il  se 
trouvait  entre  deux  vétérans  de  la  chanson  à  la 
table  de  Béranger. 

—  Sommes-nous  confrères,  faites-vous  des  chan- 
sons? lui  dit  Béranger. 

—  J'essaie. 

—  Pom"  bien  faire  les  chansons,  continua  le  vieux 
poète,  il  faut  bien  les  aimer;  à  votre  âge  j'en  avais 
toujours  dans  mes  poches. 

—  Les  miennes  en  sont  pleines,  répliqua  Charles 
Guerre,  en  étalant  sur  la  table  les  nomljreux  cahiers 
qui  se  publiaient  alors. 

—  Voyons  cela,  dit  Béranger  avec  un  sourire  d'en- 
fant... Puis  il  lisait  :  Paroles  de  Gustave  Leroy,  pa- 
roles de  Charles  Gille,  ah  !  ce  sont  les  dieux  de  la 
goguette,  je  les  connais  tous  deux.  Puis,  continuant  ■ 
paroles  de  J.-E.  Aubry  ;  ah  !  celui-ci,  par  exemple,  il 
doit  y  avoir  longtemps  qu'il  chante  dans  l'autre 
monde!  depuis  que  je  sais  lire,  je  vois  de  ses  chan- 
sons. 

—  Gomment,  dit  Charles  Guerre,  mais  c'est  un  de 
mes  bons  amis,  c'est  un  homme  jeune  encore. 

En  effet,  le  chansonnier  que  Béranger  croyait  mort 
en  1848  est  celui  qui  nous  occupe  aujourd'hui  et  qui 
est  encore  très  bien  portant  ;  c'est  Jean-Etienne  Au- 
bry. Il  est  né  à  Paris  le  21  septembre  iSlO,  de  pa- 
rents très  pauvres,  dit-il.  Sa  mère,  qui  n'avait  que 
vingt  ans  lorsqu'il  fit  son  entrée  en  ce  monde,  s'était 
faite  nourrice  pour  subvenir  aux  besoins  de  sa  jeune 
famille.  A  six  ans,  l'enfant  fut  mis  à  l'école  mutuelle 
de  la  rue  Beauregard,  la  plus  voisine  de  la  maison 
paternelle,  pour  en  sortira  dix  ans. 

Alors  commença  pour  Aubry,  comme  pour  tous 
les  enfants  du  peuple,  la  lutte  contre  la  faim.  Les 
parents  s'aperçoivent  que  les  besoins  de  l'enfant 
grandissent  avec  lui,  et  on  le  met  en  demeure  de 
gagner  son  pain.  La  nature  lui  dit  :  «  Joue,  cours, 
cherche  le  grand  air!  »  la  nécessité  lui  répond  : 
«  Travaille  !  deviens  machine,  enferme-toi  pendant 
douze  heures  dans  l'atmosphère  malsaine  de  l'ate- 
lier! » 

Et  quelle  nourriture  !  en  ce  temps-là  on  donnait 
un  sou  et  du  pain  pour  déjeuner  à  un  apprenti;  les 
patrons  qui  donnaient  deux  sous  étaient  cités, 
c'étaient  les  bonnes  maisons. 

A  dix  ans,  Aubry  tournait  une  roue  chez  un  pas- 
sementier ;  deux  ans  plus  tard  il  était  assis  à  l'établi 
d'un  bijoutier  en  doré  de  la  rue  Aumaire,  où  il  resta 
pendant  trois  ans.  Au  moment  où  son  apprentissage 
s'achevait,  le  métier  était  en  pleine  morte-saison;  en 
avant  pour  un  autre  !  et  voilà  notre  grand  gamin, 
qui,  les  mains  huileuses  et  noires  sous  les  couches 
de  ponce  et  de  tripoli  qui  les  recouvTent,  devient 
polisseur  chez   un  fabricant  de  couverts  en  métal 


d'Alger,  une  espèce  de  mauvais  étain  cassant  et 
gris  qui  eut  son  heure  de  célébrité. 

A  cette  époque,  Aubry  rimait  déjà  tant  bien  que 
mal  des  couplets;  il  fréquentait  les  goguettes  alors 
très  florissantes,  et  les  succès  des  Emile  Debraux,, 
des  Dauphin,  des  René  FaiM>e  éveillaient  en  lui  le 
besoin  de  faire  entendre  aussi  sa  voix. 

A  seize  ans,  il  est  mandé  à  la  préfecture  pour  une 
chanson  !  Il  a  parlé  dans  un  couplet  du  duc  de  Bor- 
deaux, mais  il  ne  l'a  pas  nommé  et  la  police  a  cru 
saisir  entre  les  lignes  une  allusion  au  duc  de 
Reichstadt.  Voilà  le  trône  des  rois  légitimes  en  péril  ! 
Quand  Aubry  se  présenta  dans  les  bureaux,  l'em- 
ployé qui  attendait  sans  doute  quelque  longue  barbe 
grise  de  carbonaro,  lui  dit  :  «  C'est  votre  père  que 
j'ai  fait  appeler.  »  On  s'explique,  et  à  l'aspect  de  ce 
conspirateur,  sur  un  vieil  air  de  la  clé  du  caveau,  le 
trône  des  rois  venus  du  ciel  par  train  direct  reprend 
son  aplomb. 

Dès  ce  moment,  Aubry  est  le  chansonnier  de  la  rue 
le  plus  en  crédit;  il  ne  laisse  pas  le  plus  petit  événe- 
ment s'accomplir  sans  rimer  quelques  couplets  qui 
sont  immédiatement  répétés  avec  accompagnement 
d'orgue  de  Barbarie.  La  mode,  les  romans  en  vogue, 
les  pièces  de  théâtre,  les  campagnes  de  l'armée  fran- 
çaise en  Afrique,  voilà  ses  sujets. 

Les  éditeurs  d'alors,  Aubert,  Sthal;  les  chanteurs, 
Baumester,  Spitalier,  Rousseau,  harcèlent  le  pauvre 
Aubry.  C'est  toujours  une  chanson  signée  de  son 
nom  qui  figure  en  tète  du  cahier  en  vogue  ;  toute  la 
France  a  chanté  : 

Des  palmes  de  la  gloire, 
Soldats,  décorez- vous  ; 
Enfants  de  la  victoire 
Constantine  est  à  nous  ! 

Et  Gaspardo  le  Pêcheur''  —  Sa  chanson  a  raconté  ce 
drame  à  tous  ceux  qui  ne  l'ont  pas  va.  Quoi  de  plus 
naïf  que  ce  style  : 

Crains,  Visconti,  ma  haine  et  ma  vengeance  ; 
Toi  seul  as  pu  commettre  un  tel  forfait  ; 
Le  bras  vengeur  du  pêcheur  de  Plaisance, 
Pour  t'en  frapper  s'armera  d'un  stylet. 
Catharina,  je  punirai  l'infâme. 
Oui,  sans  trembler  je  serai  son  bourreau. 
Et  prierai  Dieu  qu'il  veille  sur  son  àme 
Et  sur  les  jours  du  fils  de  Gaspardo. 

Tous  les  drames  à  la  mode  en  ce  temps  là  ont  subi 
le  même  sort  :  le  Pacte  de  famine,  Pauvre  Mère!  Le 
Sonneur  de  Saint-Paul,  etc. 

Les  sujets  de  fantaisie  sont  aussi  en  grande  quan- 
tité dans  l'œuvre  d' Aubry.  Ce  sont,  le  plus  souvent, 
des  chansons  morales,  écrites  un  peu  à  la  manière 
des  complaintes.  Je  citerai  de  ce  nombre  :  VArgent 
du  vendu,  Alfred  ou  les  Mauvaises  Connaissances,  et 
vingt  autres. 

Un  jour,  vers  1840,  Aubry  a  frisé  le  chef-d'œuvre 
en  écrivant  :  C'est  pour  ma  mère .  Mais  son  instruc- 
tion incomplète  et  son  habitude  de  ne  pas  relire  ses 
chansons  l'ont  fait  rester  en  route.  Le  projet  est  d'un 
très  beau  sentiment  et  plein  d'élévation;  le  cadre  est 
bien  tracé;  il  n'a  manqué  à  ces  couplets  que  la 
plume  de  Béranger  ou  celle  de  Voitelain.  Le  succès 
n'en   a  pas  été   moins  grand;   il  dure   encore   el. 


LA  CHANSON 


91 


quoicfiie  cehi  soit  peu  récréatif,  il  n'est  pas  rare,  dans 
les  faniilles  d'ouwiers,  d'entendre  après  diner  une 
jeune  fille  chanter  sur  un  ton  qui  sait  que  c'est 
arrivé  : 

MoD  Dieu,  mon  Dieu  !  quelle  affreuse  misère  ! 
Nous  faudra-t-il  hélas  mourir  de  faim? 
Moi,  sans  travail,  comment  nourrir  ma  mère, 
De  nos  malheurs  quand  verrons-nous  la  fin? 
Un  peintre  hier,  en  me  vantant  mes  charmes, 
M'a  dit  ;  Venez,  chez  moi  l'on  vous  paiera  : 
Allons  poser,  mais  en  voyant  mes  larmes. 
C'est  pour  ma  mère,  il  me  respectera. 

La  partie  la  plus  littéraire  du  recueil  d'Aubry  est 
composée  des  chansons  qu'il  chante  lui-même  à  ses 
amis.  Pierre  &ringoire^  que  nous  donnons  plus  loin, 
est  de  ce  nombre.  Nella,  l'Heure  dti  déjeuner,  Athènes 
■n'est  plus  qu'un  tillaye,  le  Xumiro  treize,  Dans  un 
coin,  l'Oiseau  pris  au  piège,  et  cinquante  autres,  sont 
les  œuvres  d'un  homme  d'esprit  et  do  talent. 

Combien  tout  ce  bagage  formc-t-il  de  chansons? 
Plus  de  douze  cents  !  C'est  la  vie  d'un  homme  bien 
employée,  n'est-ce  pas?  Et  puis....  va  s'écrier  le  lec- 
teur, c'est  la  fortune?  —  Ilclas  !  le  pauvre  vieux  por- 
teur de  lyre  n'a  toujours  vécu  qu'au  joiu:  le  jour  et 
en  ajoutant  sans  cesse  un  travail  manuel  à  son  tra- 
vail de  chansonnier.  Il  fut  longtemps  employé  au 
Moniteur,  et  depuis  il  fut  tour  à  tour  le  garçon  de 
magasin  de  ses  éditeurs,  Durand,  Auhert  ou  Roger. 
(  )n  l'emploie  à  tout;  vous  le  rencontrerez  courbé  sous 
le  poids  d'un  crochet  contenant  soixante  kilos  de 
poésies  légères,  qu'il  porter  à  la  Préfecture  pour 
recevoir  l'estampille  ;  en  attendant  que  son  paquet 
soit  prêt,  il  se  mol  dans  un  coin,  et,  son  crayon  d'une 
niain  et  son  petit  carnet  de  l'autre,  il  écrit,  car 
Mme  Auhert  lui  a  dit  on  partant  ;  «  Mon  père  Aubry, 
il  me  faut  poiu'  demain  matin  une  chanson  sur  l'air 
de  Nicolas.  »  Il  a  dit:  «  c'est  bien!  ».  et,  le  lendemain, 
à  heure  fixe,  la  commande  est  livrée.  En  voilà  pour 
cinq  francs!...  dans  les  bons  moments.  Comptez  ses 
douze  cents  chansons  à  ce  prix  —  elles  ont  plutôt 
rapporté  moiiis  que  plus  —  vous  trouverez  6,000  fr.  ; 
<'t  divisez  cela  par  cinquante-cinq  années,  vous  trou- 
verez que  la  littérature  a  rapporté  à  Au'bry,  environ 
110  fr.  par  an.  Je  pourrais  citer  des  fabricants  de 
chansons  de  concerts,  dont  le  bagage  est  loin  de 
valoir  celui  d'Aubry,  qui  se  font  dix  mille  francs  par 
an.  Mais  Aubry  a  toujours  manqué  de  savoir-faire  et 
d'aplomb. 

Aujourd'hui,  il  a  soixante-dix  ans;  il  est  pauvre. 
C'est  triste  de  rencontrer  ce  pauvre  vieux  rapsode, 
distribuant  en  plein  boulevard,  parfois  sous  une 
pluie  battante,  d'autres  fois  sous  un  soleil  qui  grille, 
le  prospectus  des  déjeuners  à  1  fr.  2o;  il  faut  que 
mille  passants  en  acceptent  chacun  un  pour  que  le 
père  Aubry  ait  gagné  2b  sous. 

Je  me  résume:  Il  est  temps  de  pensera  cet  homme; 
il  y  a  cinquante-cinq  ans  qu'il  fait  des  chansons 
que  le  peuple  chante.  Ses  chansons,  naïves  oiv 
joyeuses,  sont  toujours  morales;  c'est  une  tâche 
accomplie.  Il  est  impossible  que  le  président  de  la 
Hépubliqne  et  le  ministre  des  Beaux-Arts  laissent 
cet  intéressant  vieillard  dans  un  hôtel  sans  air,  qu'il  I 


paie  difficilement,  et  d'où  on  peut  le  chasser  ce  soir. 
Une  place  à  Ivry,  voilà  tout  ce  qu'il  demande!... 
c'est-à-dire  un  lit  propre  et  du  pain!  Aubry  a  été 
soldat  pendant  sept  ans;  il  a  fait  la  campagne  d'An- 
vers sous  Louis-Philippe;  en  juillet  1830,  il  a  risqué 
sa  peau  sur  les  barricades  comme  tous  les  vain- 
queurs... qui  risquaient  leurs  têtes  s'ils  avaient  été 
vaincus.  Que  la  société  paie  sa  dette  à  Anbry  ;  il  lui 
a  payé  la  sienne  ! 

La  verve  du  vieux  chansonnier  n'e&t  pas  éteinte, 
et  son  cœur  de  patriote  n"a  pas  résisté  devant  le 
grand  enthousiasme  de  la  fête  du  14  juillet.  Sa  der- 
nière chanson  a  pour  titre  :  Les  Drapeaux  de  laRépti> 
Mique!  toujours  «  chez  Aulert,  éditeur  a  et  ornée  d'un 
dessin,  quel  dessin  !  Eugène  Baillet. 


PIERRE  GRINGOIRE 


(I) 


:   Si  ta  i'Oav  ti^s  vtreimps  altends  à  L'an  prochain. 

Près  de  la  rue  aux  Fèves, 

Bercé  par  de  doux  rêves 
(Ak  bon  temps  d'Ol/vier-le-Daim). 

Un  ivrogne  après  boire, 
Murmurait  en  cuvant  son  vin  : 

Je  suis  Pierre  Gringoire 

Passez  votre  chemin. 

(>(irbleu!  la  bonne  aubaine, 

Se  dit  un  tirelaine, 
S'approchant  un(!  arme  à  la  main. 

Voiis  prenez,  c'est  notoire, 
Mes  guenilles  pour  du  satin. 
Je  suis,  etc. 

Arrive  une  Aspasie 

Oui  vcunit  d'une  orgie, 
Elle  lui  demande  un  quatrain  : 

—  Madanre,  j'aime  croire 

Que  vous  vous  trompez  d'écrivain. 
Je  suis,  etc. 

Pour  enlever  la  fille 

De  Magloire  Landrillc, 
Allons,  viens  nous  aider,  vilain. 

—  Non,  le  père  Magloire 
Pourrait  en  mourir  de  chagrin  ; 

Je  suis,  etc. 
Pour  de  prochaines  guerres 
Il  faut  des  militaires, 
.Suis-nous,  toi  qui  manques  de  pain. 

—  Le  prix  d'une  victoire 

Se  paye  avec  du  sang  humain. 
Je  suis,  etc. 

De  Louis  c'est  la  fête, 

Viens  avec  nous,  poète, 
Viens  chanter  au  royal  festin. 

—  Pour  célébrer  s'a  gloire, 
A  côté  reste  un  sacristain. 

Je  suis,  etc. 
Toi  qui  rimes  pour  vivre, 
Demain,  veux-tu  nous  suivre, 
Chacun  de  nous  est  Maillotin? 

—  Au  diable  l'écritoire  ! 
Au  diable  sonnet  et  refrain! 

Demain,  Pierre  Gringoire 

Suivra  votre  chemin.  J.-E.  Aubry. 


(1)  Nous    . 
roi-ssanl,  de 


Je    l'KdUciir  TRALIN,   5, 


92 


LA  CHANSON 


LA  CHANSON 


93 


A  Mlle  LOUISE  BERTHIEB,  de  l'Eldorado. 


P»TI3NrETTE 


ELLE 


er  (') 


Paroles  de  Maxime  Gut,  Musique  de  Albbhï  Flaciére 


Ni    -    net .    t«        ce       fat  -    l'an     der 


lier.  L'an    der  _  nier  too      _       te 


nier    Enchanter    To. treami     ft.    de.  la  Je 


vous    dis      on         jour  a      ge.  noui  Je 


1^ 


■oet.te     ai- net   .    te      vous  soiTeae<-<ou8? 


Ninclto  vous  avliv.  soizo  an>. 

Seize  ans,  iiiademoieclle, 
Vous  rêviez  bijoux  et  rubans. 
Désolant  votre  ami  fidèle. 
Naïf  alors,  l'otais  jaloux 
De  ma  pctile  blondinette  ! 
Ninelle, 
Ninette, 
■\'ous  souvenez-vous  ? 

Ninette,  avril  va  revenir. 

Va  revenir  sur  l'aile 
Du  printemps  qui  vient  rajeunir 
Les  près,  les  bois,  l'ami  fidèle. 
Ainsi  qu'au  premier  rendez-vous 
De  fleurs  s'emplira  ma  chainbrette! 
Ninette, 
Ninette, 
Vous  souvenez-vous? 

Ninette,  nous  irons  encor, 

Encor  sous  la  tonnelle 
Où  nous  finies  le  rêve  d'or 
Qui  charma  votre  ami  fidèle. 
Vous  entendrez  ces  mots  si  doux 
Oui  ne  se  disent  qu'en  cacholle! 
Ninette, 
Ninette, 
Vous  souvenez- voua? 


Elle  n'est  plus,  colle  que  j'aime!  — 
J'en  faillis  perdre  la  raison... 
Nous  étions  tous  deux  au  balcon 
Quand  elle  tomba  du  cinquième. 

Plaignez-moi!...  Partout  où  j'allais, 
Soit  au  Marais,  soit  à  Grenelle, 
Elle  me  lut  toujours  fidèle. 
Et  ne  m'abandonna  jamais. 

Son  amour  était  une  ivresse, 
Oui  finissait  par  m'étourdir; 
Mais,  pour  qu'elle  brùldt  sans  cesse. 
Il  fallait  bien  l'entretenir! 

Je  fis  pom'tant  peu  de  folies 
Pour  elle,  —  car  tout  son  amour 
Me  coulait,  malgré  nos  orgies. 
Tout  au  plus  quatre  sous  par  jour. 

Des  plus  simples  était  sa  mise; 
Car,  dédaignant  la  soie  et  l'or, 
La  belle  que  je  pleure  encor. 
N'avait  pas  même  de  chemise! 

—  Finissez  donc,  homme  immoral  1 
Dit  quelqu'un  qui  m'a  pris  en  grippe. 

—  Mais,  Monsieur,  où  donc  est  le  mal? 
Je  voulais  parler  de  ma  pipe! 

Alphonse  Laffitte. 


LA  CHANSON  DU  JOUR 


Sous  ce  titre,  nous  publierons  chaque  semaine  une 
chanson  d'actiicilité.  Nous  faisons  appel  pour  cela  à  tous 
nos  collaboraieurs.  —  Dans  les  couplets  qui  suivent, 
lauteur —  est-il  besoin  de  le  dire?  —  a  voulu  pasticher 
les  déclarations  burlesques  d'énergumènes  répudiés  par 
cous  les  partis. 

DISCOURS  D'UN  DÉLÉGUÉ  MASQUE 

ail  Congrès  OiiTrîer  do  Paria. 

.\iR  :  Voilà  ce  que  l'on  dit  de  moi  [La  Grande  Duchesse) 

Ciloj'ens,  je  viens  par  principes 
Démolir  le  bourgeois  vainqueur. 
—  Vous  pouvez  allumer  vos  pipes, 
Qa  ne  me  fait  pas  mal  au  cœur  — ■ 
Du  travail  le  grave  problème 
Vous  met  en  grande  émotion  ; 
Pour  me  le  poser  à  moi-même 
Et  trouver  sa  solution, 
Depuis  quinze  ans,  fier  prolétaire. 
J'ai  déserté  mon  atelier... 
Voilà  ce  qu'un  bon  ouvrier 
Vient  dire  au  Congrès  Populaire. 


(1)  No 


ipruntons  celte  pièce  au  vol.  Les  Echevelèes,  publié 
chez  AiG.  (iHio,  PdUis-Rojal.  3.  Galerie  d'Orléans.  Nous  le  recom- 
niaiidonii  à  nos  lecteurs,  il  en  reste  très  peu  d'exemplaires.  L'auteur, 
Alphonse  Laffîtte.  est  un  livdropale  dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire, 
(îrévia  l'a  enriclii  d'une  charmante  vignette,  que  l'Editeur  nous  a  ^a- 
cieiisemeni  autorisé  à  reproduire  en  la  grandissant.  Prix  du  toL 
1   franc. 


94 


LA  CHANSON 


Le  monde  — j'eu  crois  la  science  — 
Est  l'œuvre  folle  du  hasard, 
Tout  citoyen,  en  conscience, 
Devrait  en  avoir  une  part; 
Or  les  riches,  cohorte  infâme. 
Disposant  des  mers  et  du  sol, 
Ce  cri  doit  jaillir  de  notre  àme  : 
«  La  possession  c'est  le  vol!  » 
Supprimons  tout  propriétaire 
Afin  d'abolir  le  loyer... 
Voilà  ce  qu'un  bon  ouvrier 
Vient  dire  au  Congrès  Populaire. 

En  additionnant  ensemble 
L'ara-ent,  les  bijoux  des  Crésus, 
On  trouve  —  la  raison  en  tremble  !  — 
Cinquante  milliards  et  plus; 
Cela  clairement  représente 
Pour  le  plus  humble  citoyen 
Mille  ou  douze  cents  francs  de  rente. 
Qui  veut  la  fin  veut  le  moyen  : 
Je  proclame,  de  cette  chaire, 
Mon  droit  au  titre  de  rentier... 
Voilà  ce  qu'un  bon  ouvrier 
Vient  dire  au  Congrès  Populaire. 

La  liberté,  mère  féconde. 
Aux  déshérités  a  promis 
Le  renouvellement  du  monde,  • 
Nous  y  travaillerons,  amis. 
Droits,  terres,  femmes  et  fortunes 
Par  nous  seront  mis  en  commun, 
Pour  satisfaire  les  rancunes 
Et  les  appétits  de  chacun. 
Le  Communisme  égalitaire 
Ennoblira  tout  roturier... 
Voilà  ce  qu'un  bon  ouvrier 
Vient  dire  au  Congrès  Populaire 

Les  riches  que  mon  projet  vise 
Sans  doute  se  révolteront 
Contre  cette  grande  entreprise. 
Nos  fusils  en  décideront. 
Poudre,  dynamite  et  pétrole 
Nous  feront  libre  le  chemin  : 
—  L'homme  accorde-t-il  la  parole 
Au  gibier  que  frappe  sa  main?  — 
Pour  notre  tâche  humanitaire, 
Aiguisons  le  fer  meurtrier... 
Voilà  ce  qu'un  bon  ouvrier 
Vient  dire  au  Congrès  Populaire. 


litsTfliflE  BWE  mmm 


Air  :  Donnez-vous  la  peine 
Étant  garçon,  j'ai  demeuré 
Très  longtemps  passage  Vivienne. 
Pour  voisine,  sur  mon  carré, 
J'avais  une  mécanicienne. 


En  travaillant  matin  et  soir. 
Dans  le  gilet  ou  la  culotte, 
Elle  grossissait  son  avoir, 
Et  c'était  à  qui  viendrait  voir 
La  mécanique  de  Charlotte. 

Connaissant  à  fond  son  métier. 

Ponctuelle  et  laborieuse. 

On  la  citait  dans  son  quartier. 

Comme  une  excellente  piqueuse; 

L'ouvrage  arrivait  carrément, 

Chez  cette  fille  pas  manchotle, 

A  titre  d'encouragement. 

On  voulait  mettre  en  mouvement 

La  mécanique  de  Charlotte. 

Cette  mécanique  vraiment. 
Des  amateurs  charmait  la  vue, 
Car  elle  était  soigneusement, 
Par  ma  voisine  entretenue; 
Craignant  de  la  voir  se  blesser, 
(Ce  souvenir  me  ravigotte), 
En  bon  voisin  sans  me  lasser, 
Jloi,  tous  les  soirs  j'allais  graisser 
La  mécanique  de  Charlotte. 

Un  jour  l'ouvrage  lui  manqua, 
Et  ne  trouvant  plus  rien  à  faire. 
Cette  pauvre  enfant  s'endetta 
Avec  son  vieux  propriétaire  ; 
Espérant  enfin  l'attendrir, 
La  belle  supplie  et  sanglotte, 
Mais  la  sommant  de  déguerpir. 
Le  sapajou  voulut  saisir 
La  mécanique  de  Charlotte. 

La  pauvrette  devait  beaucoup. 
Mais  après  trois  mois  de  chômage 
Elle  paya  tout  ça  d'un  coup, 
Ça  fil  jaser  le  voisinage  ; 
Pour  moi,  je  n'en  fus  pas  surpris , 
Car  je  sus  qu'un  compatriote. 
S'en  montrant  fortement  épris, 
Venait  de  payer  un  bon  prix 
La  mécanique  de  Charlotte. 

En  la  faisant  aller  trop  fort 

Cet  acquéreur  d'humeur  badine, 

Finit  par  casser  un  ressort 

De  cette  admirable  machine  ; 

Pour  conclure  et  pour  abréger, 

Ce  n'est  plus  qu'une  eamelolte. 

Car  le  temps  qui  sait  tout  changer, 

A  fini  par  endommager 

La  mécanique  de  Charlotte.        H.  Fénée. 

CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

La  1™  audition  de  la  Société  des  Concerts  de  Paris  a 
eu  lieu  au  Palais-Royal,  le  dimanche  23  juillet,  au 
milieu  d'une  affluence  considérable.  Le  programme 
était  des  mieux  composés  et  plusieurs  morceaux  ont 
obtenu  les  honneurs  du  bis. 


LA  CHANSON 


La  Société  des  Concerts  de  Paris  n'est  pas  tout  à  fait 
une  inconnue;  deux  fois  déjà  elle  s'est  fait  entendre; 
la  1  ™  fois,  le  jour  de  la  Fête  nationale,  dans  un  grand 
concert  donné  au  Palais-Royal,  la  seconde  fois  au 
Pré-Catelan  dans  un  festival,  et  à  chacune  de  ces 
auditions  le  succès  a  dépassé  toutes  les  espérances. 

La  Société  des  Concerts  de  Paris  est  composée  de 
200  musiciens  (orchestre  et  chœurs)  sous  l'habile 
direction  de  MM.  L.  Poujade  et  D.  Thibaut.  Le  prix 
d'entrée  est  fixé  à  2  fr. 

Nous  espérons  que  le  public  parisien  saura  répon- 
dre à  cette  tentative  artistique  faite  en  sa  faveur  et 
dont  le  but  principal  est  de  rendre  au  Palais-Royal 
sa  vieille  vogue  passée.  La  Société  des  Concerts  nous 
promet  pour  ce  soir  samedi  31  juillet  mie  fêle  splen- 
dide  avec  lumière  électrique  Siemens,  illuminations 
à  giorno,  projections  lumineuses,  etc.  Nous  sommes 
certains  d'avance  que  pas  un  amateur  de  bonne 
musique  ne  manquera  au  rendez-vous  et  que  la  ten- 
tative de  la  Société  des  Concerts  de  Paris  sera  cou- 
ronnée d'un  plein  succès.  Maxime  Guy. 


Samedi  dernier,  à  la  Scala,  a  eu  lieu  la  première 
représentation  de  la  Rue  aux  oies,  oijérettc  en  un  acte 
de  MM.  SaugeretQueyroul,  musique  de  M.  Clairville 
fils.  Ce  petit  acte,  riche  en  intrigue  et  eu  imagina- 
tion, fait  contraste  avec  la  plupart  des  pièces  de  con- 
certs, qui  ne  sont  généralement  que  des  dialogues 
sans  donnée  et  dont  les  jeux  de  scènes  font  seuls  lo 
succès. 

La  musique  de  M.  Clairville  flls  est  charmante  ; 
tous  les  morceaux  sont  d'une  facture  peu  commune  ; 
nous  citerons  connue  un  des  meilleurs  lo  duo  entre 
Mlles  Blockette  et  Domergue,  qui  a  obtenu  beaucoup 
de  succès  et  a  été  bissé.  L'air  de  la  polka  liuale  est 
aussi  très  original. 

Bonne  interprétation  par  MM.  Bienfait,  Bérod, 
Paul  Bcrt  ;  Mmes  Zélia,  Ileuzé,  Blockette  et  Domer- 
gue. Grand  succès  pom-  M.  Aristide  Bruant  dans 
Otts  qu'est  l'pain  et  la  Femme,  chansonnette  nouvelle 
dont  il  est  l'auteur.  M.  Bruant  cunuile  les  profes- 
sions d'artiste  et  d'auteur-compositeiu-  avec  un  égal 
succès. 

Le  désopilant  Bourges  est  toujours  applaudi  à  ou- 
trance ;  il  dit  avec  finesse  Narcisse  l'égoiitier,  —  la 
spirituelle  chansonnette  de  M.  Emile  Carré,  —  et 
Tiens  voilà  Mathieu,  répété  au  refrain  par  toute  la  salle. 

M.  Brunet  débile  avçc  beaucoup  d'enlrain  Cinq 
minutes  d'entracte. 

La  Braise,  d'Aristide  Bruant,  chantée  par  M.  Bien. 
fait,  obtient  le  même  succès  qu'aux  premiers  jours. 

Mlle  Worlon  dit  Monpremier  bal  avec  beaucoup  de 
finesse  et  de  sentiment.  Quoique  celte  charmante 
chansonnette  ne  soit  pas  nouvelle,  elle  est  encore  iné- 
dite ;  en  tous  cas  nous  lui  prédisons  un  brillant 
succès. 

Debailleul  indisposé  ne  chante  pas  depuis  une 
quinzaine. 

Aux  Ambassadeurs,  Les  Cris  de  la  rue,  la  saynète- 
panorama  de  MM.  Baumaine  et  Blondelet  tient  l'af- 


fiehe  avec  un  succès  qui  ne  ralentit  pas.  Les  exer- 
cices acrobatiques  des  frères  Léopold  sont  toujours 
très  goûtés.  M  Arnaud,  le  fin  diseur,  se  fait  rappel- 
1er  .avec  Coiim^e  les  oiseaux,  et  Pour  avoir  la  paix. 
M.  Libert  chante  La  fête  à  Olympia  avec  beaucoup  de 
succès  ;  la  rengaine  populaire  Pstt,  pstt  !  lui  est  re- 
demandée chaque  soir. 

Mlle  Jenny  Mills,  la  célèbre  danseuse  anglaise,  est 
charmante,  et  les  applaudissemenls  ne  lui  manquent 
pas.  Le  public  fait  aussi  une  grande  ovation  à . 
Mme  Faure  qui  chante  Ypsiboé  et  le  P'tit  Jutard  a\'ec 
l'entrain  communicatif  qu'on  lui  connail.  Le  succès 
du  petit  Norbert  va  toujours  croissant;  il  est  vrai  que 
le  petit  diable  s'en  donne  la  peine. 

En  attendant  l'Omnibus  la  grande  scène  à  imitation 
de  M.  Reyar,  est  chaleureusement  applaudie. 


L'Alcazar  d'Été  vient  de  reprendre  V Ecole  de 
Xoisij-les-Mèches,  pièce  à.  grand  spectacle,  qui  fut 
représentée  l'hiver  dernier  à  I'Alcazar  d'Hiver  et  à 
la  Scala.  La  nouvelle  interprétation  est  excellente 
et  le  succès  est  encore  loin  d'être  usé. 

Mlle  Demay  chante  Qu'est-ce  qui  paiera  la  Culotte, 
cl  la  Sœur  de  l'Emballeur,  inutile  de  dire  qu'elle 
est  comme  toujom-s  applaudie  à  outrance.  Immense 
succès  pour  Mlle  Bocat  dans  Trac-Tric-Troc  et  dans 
Mam'selle  Flic-Flac.  M.  Mialet  détaille  très  finement 
V Aubade  à  Suzettc. 

Mlles  Seigneurie,  Noblet,  Aimée,  Malroux,  Nancy, 
Dora  ;  MM.  Tronchet,  Chavarol,  Helt,  Réval  et  Bru- 
nin  ont  aussi  leur  part  d'applaudissements.  Les 
chants  et  danses  comiques  de  M.  et  Mme  Alfred  font 
grand  plaisir. 

La  great  attraction  est  sans  contredit  M.  Plessis, 
dans  ses  imitations.  L'excellent  artiste  est  surtout 
remarquable  dans  Victor  Hugo,  Frédérick-Lemaitre, 
Hoche  et  Kléber.  Quand  il  arrive  à  l'imitation  de 
Napoléon  P'-,  le  succès  est  sans  égal,  et  les  applau- 
dissements frénétiques  éclatent  de  toutes  parts. 


Gomme  nous  l'avions  annoncé,  l'inauguration  du 
Concert  de  la  Porte-Maillot  ou  Concert  de  l'É- 
toile —  le  titre  n'est  pas  encore  définitif  —  a  eu 
lieu  il  y  a  quelques  jours. 

Dans  noire  prochain  numéro,  nous  donnerons  une 
chronique  des  nouveautés  qui  ont  élé  créées  à  ce 
Concert.  Alfred  Bertinot. 


La  Société  Dramatique  de  Récréation  a  donné, 
dimanche  24  juillet,  une  grande  représentation  dont 
le  compte-rendu  nous  arrive  trop  tard  ;  nous  le  pu- 
blierons dans  notre  prochain  numéro. 


La  Société  des  Chevaliers  de  la  Thum  donnera  le 
samedi  7  août  son  grand  bal  annuel. 

Ce  bal,  qui  est  un  desplus  brillants  balsde  l'année, 
aura  lieu  dans  la  salle  de  Tivoli-Waux-Hall. 

Les  dames  seront  reçues  pai'éeset  travesties;  quant 
aux  hommes,  ils  devront  être  en  tenue  noire. 

Une  quête  sera  faite  au  profit  des  pauvres  de  Paris. 


96 


LA  CHANSON 


CONCOURS  DRAMATIQUE  ET  DE  DICTION 

Ouvert  entre  les  Sociétés    Lyriques    et    Dramatiques    de    Paris,    du  27 
juin  au  4    juillet,    Salle    des    Sociétés    Lyriques,     23,    faubourg  du 

Les  jurys,  sous  la  présidence  successive  de  MM. 
Georges  Richard,  Alphonse  Baralle  et  Alexandre  Du- 
cros,  étaient  composés  de  MM  Albalat,  Blin,  Cons- 
tant, de  Marthold,  Giraudet,  Samuel  David,  Théve- 
net,  Valaire  et  Valabrègues. 

Voici  la  liste  des  Sociétés  récompensées  dans  la 
première  partie  du  programme. 

CONCOURS  DE  COMÉDIE. 

jcr  Prix  exœquo.  La  Jeunesse  artistique qai  a  inter- 
prété le  Caprice  avec  un  ensemble  surprenant  et  les 
Enfants  de  la  Seine  qui  ont  joué  les  Jurons  de  Cadil- 
lac avec  beaucoup  d'entrain  et  de  distinction. 

2'=  Prix  ex  œqm,  la  Muse  gauloise  avec  les  Souliers 
de  bal  et  les  Gais  Momusiens  avec  Un  Maitre  en  ser- 
vice. 

3°  Prix,  le  Papillon  avec  les  Vivacités  du  capiaine 
Tic  (7  personnages). 

Des  diplômes  d'encouragement  ont  été  de  plus 
distribués  à  MM.  Gaston,  Bergier,  Rivet,  Mongenot, 
Boulon,  Ghaillé,  Alfred  Pankouke ,  Métivet  et  Mmes 
Mathilde,  Madeleine,  Hélène,  Julie,  Marie  et  Lau- 
zanne. 

Pour  le  concours  de  diction,  il  a  été  accordé  le 
premier  jour,  un  deuxième  prix  «a;  wquo  à  M.  Gahen^ 
du  Cercle  artistique  du  dix-neuvième  arrondissement, 
et  à  M.  Mayer,  des  Iiiséparables.  Un  troisième  prix  ex 
œquo  a  été  décerné  à  M.  Huet,  de  V  Union  française, 
et  à  M.  Avinain,  de  la  Capricieuse. 

Dans  la.  séance  de  lundi,  M.  Bergier,  des  Enfants 
de  la  Seine,»,  obtenu  un  deuxièiiie  prix,  et  MM.  Chail- 
lié,  de  la  Lyre  joyeuse,  un  quatrième  prix.  Des  men- 
tions honorables  ont  été  en  outre  données  à  M.  Ja- 
lade  et  Servais,  du  Cercle  Musset  et  à  M.  Juvénal, 
des  Amis  de  l'Enfance. 

CONCODRS  DF  VAUDEVILLE. 

1er  Prix.  —  La  Société  la  Française. 

1"  Prix.  Ex  œquo.  —  La  Société  les  Enfants  de  la 
Seine  et  la  Société  VEclio  des  concerts. 
CONCOURS  d'opéretie. 

1"  Prix.  —  La  Société  la  Jeunesse  artistique. 

2"  Prix.  —  La  Société  des  Enfants  de  la  SeUie. 

Prix  spécial.  —  Les  Joyeux  amis. 

Diplômes  d'encouragement.  —  MM.  Bernier,  Per- 
ret, Perrot,  Haas,  Schwab,  Bek,  Chaussard,  Victor, 
Chassagne,  Monel,  Julien,  Gaston,  Emmanuel,  Per- 
rot, Ch.  Kock,  Coupas,  G.  Gosset,  Pourmy,  Rousseau, 
Pérée,  Poncin;  Mmes  Hermine,  Marie,  Ernestine, 
Eug.  Duboscq  et  Mme  Marthe. 

CONCOURS  de  diction.  —    POÉSIE  DRAMATIQUE 

(hommes). 

1<^''  prix.  Ex  œquo.  —  M.  Bergier  [Enfants  de  la 
Seine]  et  M.  Gahen  [Cercle  artistique). 

2"  prix.  —  MM.  Meyer,  Gouget,  Pankouke  et  Var- 
lemont. 


3<=  prix.  —  MM.  Avinain,  Huet  et  Marius. 
is  prix.  —  MM.  Chaillié  et  P.  Renoult. 
Mentions  honorables.  —  MM.  Jalade,  Servais,  Ju- 
vénal, Renier,  Boverio. 

POÉSIE  DRAMATIQUE  (dauies). 

2°  prix.  —  Mme  Desfossez. 

3"  prix.  Ex  œquo.  —  Mmes  Lucie  et  Jeanne  Jolly. 

Mention  honorable.  —  Mlle  Marie  Fournier. 

POÉSIE  LÉaÈRE  (hommes), 
l»"-  prix. —  M.  Rivet. 
2=  prix.  —  MM.  Courtin  et  Gouget. 
3e  prix.  —  MM.  Hubert  et  Montgenot. 
Mentions  honorables.  —  MM.  Cassagne  et  Boulon. 

POÉSIE  LÉGÈRE  (dames). 
1'^''  prix,  à  l'unanimité  et  avec  félicitations   du 
jury.  —  Mlle  Vanina  Vallette  [Gais  Momusiens]. 
Le  Grand  Journal. 


Le  22  juillet,  le  Cercle  de  l'Espérance  a  donné  sa 
soirée  mensuelle.  Nous  ne  parlerons  pas  des  danses 
qui. ont  duré  jusqu'à  dix  heures  du  soir  en  dépit  de 
la  chaude  température  de  juilleLI  Mais  nous  rappel- 
lerons sommairement  les, noms  des  artistes  qui  figu- 
raient au  programme.  Mme  Catherine  a  exécuté  très 
élégamment  sur  le  piano  la  Marche  indienne,  de  Sel- 
lenick  ;  MM.  Bertaut  et  Jules  ont  donné  agréable- 
ment, le  premier,  des  Conseils  à  sa  voisine,  le  second, 
le  récit  de  son  Premier  amour.  Mme  Noblet  a  inter- 
prété avec  une  simplicité  et  un  goût  remarquables  la 
chanson  d'Estelle,  et  l'amusant  Miaou,  de  Jules 
Raux,  a  été  chanté  par  son  auteur.  Mme  Leroy  a 
parfaitement  réussi  les  physionomies  des  Filles  de 
Saint-Gratien.  Mme  Catherine  a  clos  la  séance  des 
chants  en  roucoulant  sentimentalement  les  plaintes 
de  la  Pigeonne;  après  quoi  les  acteurs  de  la  société 
ont  offert  aux  invités  La  Tasse  de  thé. 


Résultat  d(j  notre  onzième  concours  mensuel,  de 
juin  à  juillet  : 

!<='•  prix,  la  Cigarette,  par  Mlle  Hortense  Rolland  ; 

2"  prix,  la  Confiture,  Louis  Bogey,  à  Genève; 

3"  prix.  Papillon,  Octave  Lebesgue,  à  Lyon. 

Nous  publierons  ces  trois  chansons  dans  notre 
prochain  numéro. 

DOUZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20  juillet  au  20  août 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  l*""  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


Vient  de  paraître  aux  bureaux  de  la  Chanson,  en 
vente  chez  tous  les  marchands  de  musique  en  grand 
format  piano,  et  petit  format  guitare.  Ne  chantez  plus 
la  Marseillaise,  paroles  de  Jules  Celés,  musique  de 
Louis  Caloin,  chanté  par  M.  Plain,  du  grand  opéra 
de  Lyon.  Vient  de  paraître  également  aux  bureaux 
de  la  Chanson,  en  vente  partout,  la  Fête  de  la  France, 
paroles  de  J.-B.  Robinet,  musique  de  Jules  Raux, 
petit  format. 

A.  PATAY.  UirKcleuT -Gérant. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C'',  6,  rue  Martel. 


3«  ANNÉE.  —  N°  f  3. 


f  O  CENTIMES. 


8  AOUT  \i 


LA   CHANSON 


Directeur-  Gérant . 
A.  PATAY 


la  chanson  est  une,  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE   MUSIQUE    POPULAIRE   secrétaire  de  la Rédaction 


ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux- Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits    non    insérés    ne   seront   pas  rendus. 


MAXIME  GUY 

Annonces,  laligne. . .     1     • 
Réclames,        —  2     • 

La  chanson,  comnie la  baïonnette 
est  une  arme  française. 

j.  CLARETIE. 


iDMINISTRATION    &   RËDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EX  CHEF 

L.-HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•  six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


VERSEZ,    AMOURS! 


LA  CHANSON 


SOMMAIRE 


\'ersez.  Amours 
de  Randon,  I 
(JcLEs  Rl-el). 
la   petite    Lo 

(F 


(Albert  CApaÉs 

—  Grande   Complainte  s 
lise    li    (E.    Nobody).     - 
Alfhbd    Beutimot). 


On  peut  s'tromper  d'ça,  paroles 
Dîner  da  Cercle  Pigalle 
'      '    ~  Menescloa  1^^  et 


Lyriques  (Maxime  Gni),  —  A 


Chronique     des    Concerts 
-   Chronique    des  Sociétés 


Un  accident  arrivé,  au  dernier  moment,  ù.  notre 
cliché  do  première  page  nous  oblige  H  remettre  an 
prochain  numéro  la  IBiographie  de  notre  colla* 
horateiir  René  Pon.^ard. 


VERSEZ,    AMOURS! 

CHANT     BACHIQUE  (*) 

Créé  par  MAX, à  V Eldorado  et  FERNAND,  à  la  GaUé- 
Montparnasse. 

Paroles  d'Albert  CAPRES,  Musique  de  F.  HAUBERT. 

Emplissez  nos  coupes  profondes... 
Bacchantes,  versez-nous  du  vin. 
Et  pour  fêter  le  jus  divin 
Livrez  vos  roses,  filles  blondes  ; 
Folles  Vénus,  belles  houris, 
Venez  à  l'ombre  de  la  treille 
Le  front  ceint  de  raisins  mûris! 
Honorer  la  dive  bouteille  ! 


Versez,  amours, 
Versez  toujours,] 
Versez  bacchantes, 
Versez,  aimantes; 
Plus  de  chagrin, 
Jusqu'à  demain, 
Versez  (4  fois)  tout  plein  ! 

Viens  Momus,  Dieu  de  la  Folie,    ■ 
De  l'Hymen  tenant  le  flambeau. 
Et  que  Bacchus  sur  son  tonneau 
A  te  fêter  tous  nous  convie  ; 
Viens  parmi  nous,  blond  Cupidon, 
Toujours  joyeux,  sous  la  tonnelle 
Et,  pour  que  ta  douce  chanson 
Dans  nos  verres  mouille  son  aile  I 
Versez,  Amours,  etc. 

Accours,  joyeuse  gaudriole 
Sous  ta  marotte  et  tes  grelots. 
Avec  ton  masque  et  tes  pijjeaux 
Rends  à  nos  cœurs  ta  galté  folle  ; 
Venez,  Muses,  Grâces  et  Ris 
A  nous  tous  apporte  l'ivresse 
Et,  pour  que  nos  pleurs  soient  taris, 
A  boire  encor,  versez  sans  cesse  I 
Versez,  Amours,  etc. 

Albert  Gaprès. 


(*)  La  musique    iné' 
paroles,  ii  Paris,  97,  i 


!  Saint-Honoré 


:  trouve  cliez  l'auteur  de 


ON  PEUT  S'TROMPER  D'ÇA 

Paroles  de  Randon,  Musique  de  Th.  Poret. 


d'ça      Oo  (jeut    9'1 


Rentrant  on  goguette 
J'm'aperçois,  l'iend'main 
Qu'j'ai  pris  pour  Fanchette 
La  femm'du  voisin... 
J'n'avais  pas  de  lumière 
Tant  pis  pour  Jean-Pierre  ! 
La  nuit,  chat  pour  chat, 
On  peut  se  tromper  d'ça  (bis). 

Dans  une  affaire, 
J'essui',  victorieux. 
Le  feu  d'mon  adversairo, 
Moi,  plus  pénëreux, 
J'vise  en  l'air  et  j'iouche 
Au  milieu  d' la  bouche 
Mon  témoin  Colas, 
On  peut  s'tromper  ça(jM). 

J'avais  d'une  fille  d'Eve 
Cru  cueillir  la  fleur, . 
Mais  c'n'était  qu'un  i?êve. 
J'appris,  ô  douleur  ; 
Que  c't'objet  si  rare 
Sortait  d'.Saint-Lazare, 
Laïs  pour  Vesta  ! 
On  peut  s'tromper  d'ça(Jw, 

Un  conscrit  que  trompe 
L'usage  esbrouffant 
Qu'il  voit,  de  sa  trompe, 
Faire  un  éléphant, 
Prétend  qu'à  c'te  bête 
La queusort  de  tète 
Et  vice  zeisa 
On  peut  s'tromper  d'ça  [Us). 

L'autre  jour  à  la  Bourse 
Je  surpris  un'main 
Qui  d'ia  mienne'  (de  bourse) 
Cherchait  le  chemin... 
Àilknirs  tell'méprise 
îse  s'rait  guère  admise. 
Mais  dans  ett 'en droit-là 
On  peut  s'tromper  d'ça  [Ms) , 


LA  CHANSON 


99 


OINEfl  DU  mm  PIGAttE 

fô  juillet  iSSO 

Présidence  de  Jiile^  Riiel 


Celte  poésie  a  obtenu 
Jleii  le  deuxième  mardi  c 
M.  Bruneau,  l'un  des  plu 


soirée.  Les  banquets  ont 
prochain  sera  présidé  par 
nltros  du  Cercle. 


Le  nioLs  rternior,  simple  invité 
Au  clincr  du  Tliéàtre-Liljre, 
Pour  rajeunir  ma  vieille  fibre. 
On  me  bombarde  autorité. 

.l'avais  rêvé  toute  ma  vie 
]/lionncur  suprême  du  fautiaiil; 
Mon  aniljition  assouvie, 
En  pai.x  je  pourrai  l'erraor  l'œil. 

Ouoiqu'en  ait  dit  Monsieur  Grévy, 
Un  Président  est  nécessaire 
Au  moins  autant  qu'un  commissaire; 
Enfin,  Jules  II  est  ravi. 

Oitte  faveur  dont  on  me  comble, 
M'impose  un  périlleu.K  devoir; 
Remplacer  Adam,  c'est  un  comble  ; 
lissayons,  vouloir  c'ttst  pouvoir. 

Un  mot,  d'abord,  en  écoutant,. 
Il  faut  observer  en  silence, 
S'égosiller,  la  belle  avance, 
Plus  on  crie  et  nioins  l'on  s'entend. 

Je  gronde  un  pexi,  c'est  de  mon  âge. 
Je  commence  à  me  faire  vieux; 
En  me  connaissant  davantagi», 
Vous  saurez  que  j'aime  encor  mieux. 

C'est  si  bon  d'aimer;  vous  voyez 
'Qu'onpeut  lire  au  fond  de  mon  ilme. 
Amour,  Amilié,  double  flamme 
Inconnue  aux  cœurs  dévoyés. 

Amis,  aimons  tous  la  patrie, 
Et  servons-la  jusqu'au  tombeau; 
Aimons  avec  idolâtrie 
L'Art  qui  nous  fait  aimer  le  beau. 

Des  nombreuses  faces  de  r.\rt. 
Le  Théâtre  est  la  plus  charmante. 
Ou'il  rie  ou  qu'il  pleure  ou  qu'il  chante. 
Il  règne  de  la  Manche  au  Var. 

L'ai-je  assez  aimé  le  Théâtre, 
Tour-à-tour  acteur,  directeur, 
J'ai  monté  Lazare  le  Pâtre, 
Et  touché  quelques  droits  d'auteur. 

Mes  premiers  sujets  favoris, 
Thiron,  Saint-Germain,  Delaporte, 
Jouaient  déjà  de  telle  sorte, 
■<}_u'ils  pouvaient  dire  :  à  moi  Paris. 


Grenier!  Thierry!  Charles  Lemaitrel 
Joyeux  artistes  envolés. 
Ah!  que  ne  poiivez-vous  renaître 
Pour  vos  amis  inconsolés. 

Le  sort  est  parfois  inclément, 
Le  vent  effeuille  bien  des  roses, 
Que  de  lèvres  à  jamais  closes, 
Qui  murmuraient  un  doux  serment. 

Décorateur  et  machiniste. 
Jeune  premier,  grime  ou  ténor, 
Achille  Alâis,  soufleur,  lampiste 
Pour  nous  valait  .son  pesant  d'or. 

L'excelleni!  garçon  que  c'était, 
Actif,  intelligent^  modesle,  — 
El  bon,  —'  il  eût  donné  sa  veste, 
Mais  jamais  il  aVn  remportait. 

Et  toi,  Desclée!  àme  d'artiste, 
Le  Cercle  vit  les  premiers  pas. 
Nous  t'aimions  malgré  ton  air  triste  j 
Le  grand  Art  pleure  ton  trépas. 

Dans  les  méandres  du  passé. 
J'ai  promené  mon  auditoire, 
Mais  de  ce  mode  évocatoire. 
Je  crains  qu'il  ne  se  soit  lassé. 

Laissons  de  eCrtè'le  Théâtre, 
Pour  faire  place  à  la  chanson, 
Celle  qu'en  France  on  idolâlre. 
Vive,  rieuse  et  sans  façon. 

Chez  vous  elle  a' droit  de  cité, 
Car  sa  jeune  sœur,  la  Revue, 
Par  vos  serins  de  verve  pourvue, 
C'est  le  couplet  ressuscité. 

Dans  sa  gracieuse  c;ulence,  .,< 

Le  facile  et  léger  rondeau. 
M'a  rendu  de  la  Présidence, 
Plus  léger  le  léger  fardeau. 

Et  pour  rappeler  vos  succès. 
Sans  blesser  votre  modestie, 
Dans  un  élan  de  sympathie, 
Je  veux  Ijoire  à  l'esprit  français. 

Qu'après  ce  toast  chacun  répète 
Celui  qu'on  redira  demain, 
Dans  notre  cher  pays  en  fête,        ,,■ 
Le  cœur  et  la  main  dans  la  main. 

De  la  sainte  Fraternité, 
Saluons  Père  pacifique. 
En  buvant  à  la  République, 
Jurons-lïii  tous  fidélité. 

Le  mois  derulér-simple  invité. 
Au  dîner  du  Cercle  Pigalle, 
Par  une  faveur  ^ns  égale, 
Ce  soir  je  suis  l'Autorité. 

Jules  Ruel. 


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cad.-pi'      dj-SPP.^o     .OajO'o.n     -_ioa<3^ 


102 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


La  dianson  du  -24  juillet  deraier  a  fsignalé  à  ses 
lecteurs  :  le  Sal»t  au  Ih-aveau,  poème  de  M.  Alfred 
Honoré—  l'auleui' applaudi  de /«/«/««^(W  — dit,  avec 
un  très  vif  succès,  sur  la  seèae  de  l'Eldorado,  par 
l'excellent  artiste  Victorin  Armand,  à  l'occasion  de 
la  distribution  des  drapeaux  à  l'armée. 

Le  Salut  an  Drapeau  vient  de  paraître  chez  l'éditeur 
-Barbré,  et  nous  sommes  heureux  de  pouvoir  citer  ici 
quelques  vers  de  cette  mâle  et  patriotique  poésie. 

Prenons  ce  passage  où  l'auteur  s'adresse  à  la  France, 
•qui,  après  de  longues  années  de  silence  et  de  tris- 
tesse, enlève  entin  de  ses  étendards  le  crêpe  noir  de 
la  défaite,  et  lui  dit  : 

Après  les  join-s  de  deuil  voici  les  jours  de  fêle. 

0  France  ! 

Nous  te  disons  «  Tes  fils  sauront  se  souvenir. 
Aujourd'hui  que  l'armée  est  la  nation  même, 
Et  que  le  peuple,  enlin,  récolte  ce  qu'il  sème, 
•Que  chacun  de  nous  sait  ce  qu'il  en  a  coûté 
Pour  n'avoir  pas  toujours  suivi  la  liberté  ! 

Ces  jours,  que  notre  orgueil  cercle  d'un  nimbe  d'or, 
()  France!  ton  drapeau  les  verra  luire  encorl 
Dans  tes  camps,  notre  troupe,  autour  de  lui  serrée. 
Aux  jeunes  redira  la  légende  sacrée. 
Ils  en  verront  surgir,  dans  un  raj^onnement. 
Tous  c«ux  dont  l'héroïsme,  ou  dont  le  dévoûment, 
Assura  ton  salut  ou  servit  à  ta  gloire! 
Tous  ceux  de  qui  les  noms  ont  formé  Ion  histoire  ! 
Par  nous  ils  counaitjont  le  passé  du  drapeau 
Uui  fut  celui  de  Hoche,  et  celui  de  Marceau, 
Qui  vainquit  "à  Valmy,  qui  vainquit  à  Jenimape, 
Qui  parcourut  l'Europe,  étape  par  étape. 
Oui  partout,  entraînant  soldats  et  généraux. 
Partout,  pour  te  grandir,  enfanta  des  héros, 
ÎEt  dont  la  splendeur  fut,  même  dans  la  défaite. 
Plus  grande  que  jamais  la  victoire  l'eut  faite..! 

N'est-ce  pas  que  ce  sont  là  de  nobles  sentiments 
et  de  beaux  vers?  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir 
donner  ce  poème  in  extenso,  et  notamment  la  page 
où  M.  Honoré  rappelle,  comme  un  exemple  éclatant, 
l'héroïsme  des  Marins  du  Vengeur,  immortels  désor- 
mais, qui  sombrèrent,  aux  cris  mille  fois  répétés  de 
Vive  la  République!,  après  avoir  —  comme  l'ont 
■chanté  Méry  et  Barthélémy  dans  leur  «  Napoléon  en 
Eg-yple.  î  . 

«  Ctoiié  les  trois  couleurs  aux  mâts  de  lem-  vaisseoM!  » 

Nous  féliciterons  la  direction  de  l'Eldorado  de  ne 
pas  oublier  qu'il  y  a  place  daus  son  programme,  — 
quand  les  cii'constances  l'indiquent,,  pour  le  grave 
enseignement  du  devoir  et  les  magnifiques  leçons  du 
passé,  et  de  savoir  mêler  à  proL^os,  aux  joyeux  éclats 
de  rire  des  œuvres  bouffonnes,  ce  frémissement  que 
font  toujours  passer  dans  les  âmes  françaises  les 
mots  éloquents  de  Patrie,  d'Honneur  et  de  Liberté  ! 
Fernand  Movel. 


La  ScALAvientdereprendre  Untoyageurenclianibre, 
opérette  en  un  acte  de  M.  Emile  Carré  et  du  regretté 
Léon  Quentin  ;  musique  de  Robillard.  Le  rôle  de  Jean 
tenu  à  la  création  par  Henriot  est  rempli  par  M.  Bru- 
net;  l'excellent  artiste  a  une  -  façon  particulière  de 
jouerlesdomestiquesquilerend  amusant  au  possible. 
Mlle  Heuzé  joue  en  artiste  consciencieuse  le  rôle 
créé  par  Mlle  Marthe  Ben.  M.  Bérod  conserve  le  rôle 
qu'il  a  tenu  à  la  création. 

La  Rue  aux  Oies  tient  toujours  l'affiche  avec  succès.  ■ 

Quatre  chansonnettes  nouvelles  ont  été  créées  : 

Triœche  a  déménagé,  par  Mlle  Zélia. 

AUez  clone  vous  cackcr\  par  M.  Bienfait. 

A  travers  nos  rideaux,  et  Tout  par  Mlle  Worton. 

Mme  Palry  chante  le  grand  répertoire  avec  beau- 
coup de  succès  ;  il  serait  à  souhaiter  que  dans  tous 
les  concerts,  des  artistes  des  deux  sexes  suivissent 
l'exemple  donné  par  Mme  Patry  et  M.  Debailleul. 

Constatons  aussi  le  succès  de  le  Voyage  autour  d'un 
juiwii,  de  M.  Emile  Segaud,-  musique  de  Jules  Qui- 
dant,  parfaitement  interprété  par  Mme  Heuzé  char- 
manl  e  sous  son  costume  travesti;  quant  à  la  musique, 
M.  Jules  Quidant  n'a  jamais  été  mieux  inspiré  ;  du 
reste  nos  lecteurs  jugeront  eux-mêmes;  nous  comp- 
tons la  publier  prochainement. 

MM.  Bourges,  Paul  Bert,  Aristide  Bruant  et  Fer- 
nand Kelm  obtiennent  de  grands  applaudissements 
avec  leurs  anciennes  chansonnettes. 

Les  Petites  inains  de  ma  mie,  de  MM.  J.  Jouy  et  Paul 
Henrion,  seront  chantées  prochainement  par  M.  De- 
bailleul. 

Ton  cœur  est-il  fertné,  la  jolie  romance  de  notre 
collaborateur  et  ami  Maxime  Guy,  sera  créée  aux 
premiers  jours  par  M.  Feruand  Kelm. 

Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  que  ces  deux  chan- 
sons, publiées  aux  bureaux  du  journal  la  Clianson, 
sont  en  vente  chez  tous" les  marchands  de  musique 
de  France. 

Nous  avions  promis  dans  notre  avant-dernier  nu- 
méro de  donner  des  détails  sur  le  concert-promenade 
de  VOrphémn,  qui  a  ouvert  ses  portes  le  13  juillet 
dernier. 

En  trois  jours,  nous  sommes  allés  deux  fois  à  ce 
concert  demander  les  renseignements  dont  nous 
avions  besoin  pour  notre  chronique.  Mais,  devant  le 
manque  d'empressement  et  de  bonne  volonté  de  l'ad- 
ministration à  accéder  à  notre  demande,  nous  nous 
abstiendrons  désormais  d'en  parler,  ce  que  nous  re- 
gretloBS  fort,  à  cause  de  l'habile  et  sympathique  chef 
d'orchestre  M.  Louis  Goudesone  et  de  son  intelligente 

troupe. 

Alfred  Bbrtinot. 


CHRONIQUE  OES  SOClËTfS  LYRIQUES 

La  Société  dramatique  du  7"  arrondissenient,  dont 
le  siège  est  rue  Fabert,  50,  a  donné,  le  dimanche 
23  juillet,  sa  première  matinée  annuelle  en  la  salle 
Tivoli  du  Gros-Caillou. 


LA  CHANSON 


103 


Malgré  la  grande  chaleur,  la  salle  était  fort  bien 
garnie,  et  les  artistes  amateurs,  tant  dans  les  inter- 
mèdes, que  dans  la  Saint-François,  charmante  comé- 
die de  Mme  Amélie  Perronnet,  ont  su  se  faire  vive- 
ment applaudir. 

Nos  compliments  à  M.  Belhomme,  de  l'Opéra- 
Comique,  qui  a  chanté  avec  beaucoup  de  talent  Ls 
Vallon  et  la  romance  de  l'Étoile  du  Nord. 

Félicitations  à  M.  Eugène  Lamarre,  pianiste,  qui 
non-seulement  compose  de  fort  jolies  mélodies, 
mais  qui  peut  à  juste  titre  passer  encore  pour  l'un 
des  premiers  accoDipaynateurs  de  Paris. 

En  somme,  grand  succès  pour  la  Société  drama- 
tique du  7°  arrondissement  et  bonne  matinée  pour 
les  spectateurs. 

Lundi  dernier,  la  Fantaisie  Lyrique  donnait  sa 
grande  soirée  mensuelle  devant  une  salle  convenable- 
ment garnie  pour  la  saison.  Après  la  Marseillaise 
exécutée  sur  le  piano  pour  Madame  Pauchet  et  sa 
petite  élève,  Mlle  Jeanne,  nous  avons  entendu 
snccessivemenl  MM.  Cooper  Henri,  Vaast,  Yillé, 
Cooper  Albert  et  Paule.  Notre  ami  Berliuot  donne  à 
tout  le  monde  l'envie  de  se  gratter,  avec  son  origi- 
nale boudbnnerie,  La  Punaise. 

La  petite  Charlotte  9.c\\9.n\,c  Heureusement  pour  moi, 
et  la  Filli  à  Poivrier,  avec  beaucoup  de  succès. 

L'éloge  de  la  mignonne  i\nie  Marguerite  n'est  plus 
à  faiie;  dès  son  entrée  en  scène,  elle  a  été  applaudie 
de  toutes  parts. 

Le  Guide  du,  bon  ton,  opérette  en  unacte,  a  été  enle\é 
assez  lestement  par  MM.  Cooper  Henri  cl  Callebert. 


La  société  lyrique  Le  Pinson  a  donné  sa  grande 
soirée  mensuelle  mercredi  dernier. 

Le  compte-rendu  de  cette  soirée  nous  arrivant 
trop  tard,  nous  sommes  obligés  de  le  remettre  au 
prochain  numéro. 

H  en  est  de  même  de  la  représentation  extraordi- 
naire donnée  par  la  Lyre  Républicaine  au  bénéfice 
de  M.  Gaston,  membre  d'honneur  de  cette  société. 


Le  lundi  2  aotît,  la  Société  lyrique  des  Gais  .Vo- 
mmsiens  a  donné  sa  grande  soirée  mensuelle.  C'est 
vous  dire  que  la  salle  Bouret  était  comble  dès  huit 
heures.  Néanmoins  quelques  Intrépides  ont  dansé  !  !  ! 
jusqu'à  9  heures,  malgré  les  33  degrés  de  chaleur 
qu'accusait  le  thermomètre  de  l'établissement. 

Parmi  les  amateurs  qui  se  sont  fait  entendre 
citons  :  M.  Limât,  de  l'Alcazar  d'Eté,  qui  a  chanté 
avec  beaucoup  d'entrain  Qîcaiid  on  est  pompette  ;  son 
camarade  Dufour,  qui  nous  a  montré  comment  l'on 
danse  dans  tous  les  mondes,  a  été  le  cloîi  de  la  soirée. 
Le  toujours  amusant  Jomain  a  plaidé  avec  succès  la 
cause  de  ila'itre  Blagiiefort  ;  Notre  excellent  ami 
Julien  Alix,  de  la  Lyre  Amicale,  a  dit  avec  sentiment 
VEnfaat  de  Paris ,  puis  aous  avons  applaudi 
M.  Richard  dans  un  morceau  du  Trouvère,  M.  Ray- 
mon  dans  La  grève  des  forgerons,  MM.  Argentin, 
Poudra,  Meunier,  etc.  Il  est  regrettable  qu'une  in- 


disposition passagère  nous  ait  privé  d'entendre  notre 
ami  Métivet,  mais  nous  espérons  être  plus  heureux 
une  auti'e  fois.  Parmi  les  dames  nous  avons  remarqué 
Mlle  Lucie,  qui  a  fort  gentiment  chanté  la  valse  des 
Bavardes,  Mlle  Henriette,  qui  a  fait  de  réels  progrès, 
et  qui  a  interprété  d'une  très  bonne  façon  Encore  un 
haiser,  mignonne,  Mmes  Faj'olle,  TroUin  et  Bariot. 
Puis  M.  Leroux,  la  sj-mpathique  Préside  Qt  des  Mo- 
mmiens,  a  fait  un  petit  speech  pour  annoncer  que 
l'heure  avancée  rendait  impossible  l'interprétation 
d'un  vaudeville  porté  sur  le  programme  et  l'on  s'est 
séparé  en  se  donnant  rendez-vous  pour  le  premier 
lundi  de  septembre.  Maxime  Guy. 


ONZIEME  CONCOURS  MENSUEL 

De  pÀn  et  juillet. 

Les  renseignements  biographiques  et  le  portrait 

pour  iiaraitre  en  tète  du  1'"'  prix  nous  étant  arrivés 

trop  tu'd,  nous  publierons  les  trois  pièces  couronnées 

dans  notre  prochain  numéro. 


Nous  prions  MM.  les  présidents  des  Sociétés  lyri- 
ques de  nous  envoyer  au  bureau  du  journal  des  in- 
vitations pour  leurs  grandes  soirées  afin  que  nous 
puissions  en  rendre  comi)le. 

Nous  publierons  iirochainement  la  liste  complète 
des  Sociétés  lyriques  de  Paris.  Tous  les  renseigne- 
ments doivent  nous  être  envoyés  tin  août  au  plus 
lard. 

DOUZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20  juillet  au  20  août 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  1'^''  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


A  NOS   LECTEURS 

Le  succès  toujoure  croissant  de  notre  journal,  et 
le  bon  accueil  qu'il  reçoit  partout,  à  Paris,  en 
la  province,  à  l'Etranger  même,  nous  oblige  à  des 
sacrifices  nouveaux  ;  aussi  comptons-nous,  et  cela 
pour  satisfaire  à  la  demande  d'un  grand  nombre  de 
nos  acheteurs,  multiplier  les  Illustrations. 

Nous  réservons  pour  cet  hiver  des  surprises  à  nos 
lecteurs. 

A  partir  de  ce  numéro  nous  nous  imposons  de 
nouveaux  frais  ;  notre  papier  sera  plus  beau  :  nous 
voulons  que  notre  publication  soit  sans  rivale  dans 
son  genre.  Nous  préparons  aussi  pour  nos  abonnés 
de  véritables  primes,  et  cela  très  prochainement. 


Vicut  de  parnitre  à  noti-e  Whvaivie  un  noiivcaïa- 
catalogue  de  livres  anciens  et  modernes,  rares  et 
curieux.  J\oiis  envei'rons  ce  catalogue  franco  sV  toute 
personne  cjiii  nous  eu  fera  la  demande  par  lettre 
affranchie. 


104 


LA  CHANSON 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


CHARLES  VINCENT 


PIERRE  DUPONT 


^^-■/^-Z- 


^^.rf^^r-î^^^t-^IS"''^ 


^'^oir    la    JBîo;;ra|tliic    clnns  le  n*^  A    de  la 
première  année. 


Voir   In    Biographie   dans   le  n*^  $   de   la 
première  année. 


PRIWIE  A  NOS  ABONNÉS 

PREMIÈRE    ANNÉE    DE    LA    CHANSON 

Uu  beau  volume  in-4<'  broclié. 

Au  Jieu  de  0  francs  S  francs  pris  dans  nos  bureaux  ;  par  la  poste,  3  fr.  60.  —  Envoyer  un  mandat-poste  au  nom 

de  A.  PATAY  (les  timbres-poste  ne  sont  pas  reçus). 

LA  CHANSON 

est  mise  en  veiil;;  le  soiuedi,  ebcz  lous  les  libraires,  marchands  de  journaux  et  de  musique  de  France. 
PRIX    DU    NUMÉRO    :    10    CENTIMES 


On  demande  des  courtiers  d'annonces  et  des  courtiers  d'abonnements  (bonnes  remises). 


A.  PATAY,  blrecleuT-Girani. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C,  6,  rue  Martel, 


3»  ANNEE.  —  N»  14. 


f  O  CENTIMES. 


la  AOUT  1? 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant . 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailéeet 
■':iiarmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
~vst  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits  non   insérés   ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. . 
Réclames,        — 


La  chanson,  comme  la  bafonnstts 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


'«DMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  Chef 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE  : 


galerie  des  Chansonniers  :  Uègéaippe 
iianqacl  (la  Caveaa  (Eue.  Iudert).  — 
Ae  L.-UK^nr  Lecositk,  niusl<|ue  ila  Ji 
liolland.  —  A  mie  llorlense  RaUai 
^arellc  (Doutessb  RoLtANii).  —  Us  I 


Moreau  (AMinii  Peiisok).  — 
Elcs-i-oas  comme  moi?  parole; 
XKS  Baix.  —  Mlle  llorlens, 
irf  (Rp.Né  Possaud).  --  La  Ci- 
'onjllures  (Louis  Bor.Ev).  —  Let 


Chants  da  H  Jaillel.  suite  el  fin  (A.  Edeiu).  —  Chronique  des 
Concerts  (Alfiikd  Bertinot).  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (A. 
Beiitisot,  Léo  ïoSTAl^,  .Maiiub  Giv).  —  Programme  de  la  distri- 
bution des  prix  aux  lauréatz  du  Concours  dramatique  «titre  les 
Sociétés  lyriques.  —  Lettre  de  JU.  Eugène  Baillet. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS   :  Hégésippe  MOREAU 


Ivix  vie  de  misère  de 
•«cet  infortuné  poète  est 
Crop  connue  pour  que 
nous  la  racontions  ici; 
■seulement,  pour  les  lec- 
teurs qui  onl  la  passion 
sles  dales  précises  et  des 
î'aits  certains,  nous  ci- 
ï^erons  M.  Sainte-Marie 
Marcolle  qui,  dans  la 
lùographie  qu'il  con- 
sacre à  l'auteurdu  Myo- 
'■i-otiSi  dit  : 

«  Hégésippe  Moreau 

<  tulun en l'anl naturel; 
«  ainsi,  dans  son  dé- 
(  nuement    de    toutes 

<  choses,  le  nom  qu'il 
<s  portait  ne  lui  apparte- 
«  liait  même  pas.  Il  na- 

<  quitàParis,  le  9  avril 
.(  1810.  Ses  parents  l'a- 
s<  menèrent  tout  petit 
■X  à  Provins,  où  son  père 
«  avait  trouvé  une  place 

<  de  professeur  au  col- 
«<  légeet  oùsa  mèreen- 
«  tra  en  condition  chez 
«  Mme  Ferrand.  Mais 
■s.  bientôt  le  père  niou- 
v7  rut;  la  mère,  femme 
•«  supérieure  à  sa  posi- 
«  tioa  par  la  délicatesse  de  son  cœur,  le  suivit  peu 
<(  d'années  après,  et  tous  deux,  traçant  la  route  à 
'<  leur  fils,  allèrent  mourir  à  l'hôpital.  » 


Grâce  à  Mme  F'errand 
qui  plaça  l'orphelin  au 
petit  séminaire  d'Avon, 
charmante  petite  ville 
située  sur  la  lisière  de 
la  forêt  de  Fontaine- 
bleau, Hégésippe  Mo- 
reau fit  de  très  bonnes 
éludes  qu'il  termina  à 
quinze  ans,  pour  entrer 
en  apprentissage  chez 
un  imprimeiu'  de  Pro- 
vins. A  dis-huit  ans, 
Moreau  vint  à  Paris  et 
fut  admis  en  qualité  de 
compositeur  chez  M. 
Firmin  Didot.  De  cette 
époque  date  véritable- 
ment la  lutte  acharnée 
r[ue  le  poète  eut  à  sou- 
tenir contre  sa  desti- 
née; lutte  hoirible  dans 
laquelle,  toujours  vain- 
cu, il  s'offrait  désarmé 
aux  coups  de  son  ad- 
versaire !  Le  Myosotis 
est  né  en  partie  de  cette 
lutte,  comme  ces  fleurs 
que  l'on  voit  éclore  sur 
un  champ  de  bataille, 
le  lendemain  d'un  com- 
bat. 

Hégésippe  Moreau  mourut  à  la  Charité,  le  20  dé- 
cembre 1838. 

Pour  parler  dignement  de  l'auteur  du  Myosotis,  et 


106 


LA  CHAJSISON 


surtout  pour  entrer  dans  quelques  détails  de  sa  vie 
douloureuse,  il  nous  faudrait  une  autre  place  que 
celle-ci.  Le  portrait  littéraire  d'Hégésippe  Moreau  est 
beaucoup  trop  grand  pour  les  dimensions  d'un  cadre 
aussi  compassé  que  celui  qui  nous  est  réservé  dans 
ce  journal.  Aussi  nous  contenterons-nous  d'esquisser 
à  grands  traits  un  des  côtés  de  cette  grande  et  sym- 
pathique physionomie  que  tant  d'écrivains  de  talent 
ont  déjà  étudiée  dans  son  ensemble. 

Noire  notice  sera  donc  rapide;  aussi  bien,  nous  ne 
voulons  dégager  de  cette  flère  et  robuste  person- 
nalité,.que  le  poète  adaptait  pour  y  jeter  ses  fraî- 
ches inspirations,  le  moule  étroit  et  fragile  de  la 
chanson. 

Hégésippe  Moreau  chansonnier,  tel  est  notre  objec- 
tif. Plus  de  la  moitié  de  son  livre  est  composée  de 
petites  pièces  avec  refrains.  Nous  ignorons  si  la  pre- 
mière édition  dui)/yoM^/* mentionne  les  airs  des  chan- 
sons qu'elle  contient,  mais  ce  que  nous  pouvons  ga- 
rantir, c'est  que  Moreau  en  avait  donné  à  la  presque 
totalité  de  ses  romances  et  de  ses  chansons.  £a  Fer- 
mière, cette  charmante  et  suave poésieàlaquellela gra- 
cieuse mélodie  de  Darcier  donne  un  nouvel  essor,  la 
Fermière  se  chantait  sur  l'air  du  Curé  de  Pomponne. 
Le  Tocsin  avait  pour  timbre  :  Demain  à  la  pointe  du 
jour.  On  iat  la  générale.  Bcrangers,&  chante  sur  l'air: 
Ali!  si  ma  dame  me  voyait.  Enfin,  toutes  ont  un  air 
sur  lequel  Moreau  les  chantait  aux  Infernaux,  ime 
Société  chantante  où  lui  et  son  ami ,  le  poète 
Berlhaud,  se  rendaient  fort  souvent.  Un  vieux  go- 
guettier  qui  les  connut  tous  les  deux,  nous  a  affirmé 
que  Moreau  avait  la  voix  égale  et  bien  timbrée,  qu'il 
chantait  avec  beaucoup  d'entrain  celles  de  ses  œu- 
vres qu'il  jugeait  à  propos  de  faire  connaître  du 
public. 

Tout  passe  vite  à  Paris,  et  les  chansons  encore 
plus  vite  que  les  choses  les  plus  fugitives.  Se  sou- 
vient-on seulement  aujourd'hui,  dans  notre  monde 
chantant,  des  titres  des  petits  poèmes  pleins  de 
verve,  de  sentiment  et  d'esprit,  de  ce  Martellus  de 
la  poésie  ? 

Ouvrons  au  hasard  ce  j^etit  livre  —  nous  allions 
dire  cet  écria  —  quel  ruissellement  de  choses 
exquises  ;  comme  tout  cela  est  frais  et  parfumé,  et 
comme  cette  poésie  aisée  est  naturelle  est  pleine  de 
battements  de  cœur  et  de  bruits  d'ailes  d'àme  meur- 
trie. Ses  Evohe,  ses  cris  d'allégresse  ou  ses  soupirs 
d'amoureuses  gaietés,  si  francs  qu'ils  paraissent, 
semblent  retentir  dans  un  temple  funèbre.  On  vou- 
drait les  entendre  ailleurs  que  là.  Et  pourtant  quelle 
rondeur  et  quels  accents  son  vers  emprunte  à  la 
muse  folâtre  ! 

Voici  la  note  gaie  :  Nicolas. 


Le  pouvoir  est  de  ses  amis. 
Dans  un  coin  de  la  salle. 
Il  a  vingt  fois  mis  et  remis, 
Certain  buste  un  peu  sale. 
Quand  le  plâtre  vole  en  éclat. 
Il  gronde  et  veut  qu'on  parte. 
Ne  vous  emportez  pas, 
Nicolas, 
Mettez  ça  sur  la  carte. 


Yoici  un  couplet   d'une   chanson   intitulée  :  La 

Dans  les  salons  je  fus  admise, 
Mes  conquêtes  ont  fait  du  bruit  ; 
J'ai  vu  Lamartine  en  chemise 
Et  Byron  en  bonnet  de  nuit  : 
Sur  mon  sein  traçant  une  épître. 
En  le  baisant  ils  l'ont  chanté. 
Je  mets  en  vente  leur  pupitre; 
Soyez  heureux  par  charité. 

Oue  pourrait-on  reprocher  à  ces  vers"?  Ah  !  il  ne 
sont  pas  affinés  ni  distillés  comme  ceux  de  nos  mo- 
dernes ;  leur  allure  n'est  pas  sournoise  et  l'on  ne- 
sent  pas  en  les  lisant  la  préoccupation  de  l'auteur  à 
dissimuler  un  sous-entendu.  Cela  est  franc  et  plein 
de  sincérité. 

Nous  ne  voudrions  pas  multiplier  les  citations; 
cependant,  avant  de  terminer,  nous  emprunterons 
encore  une  fleur  au  Myosotis.  Nous  la  prendrons  dans  • 
la  note  triste  : 

A  luon  aine 


Fuis,  àme  blanche,  un  corps  malade  et  nu. 
Fuis  en  chantant  vers  le  monde  inconnu  ! 

Tu  veilleras  sur  tes  sœurs  de  ce  monde 

De  l'autre  monde,  où  Dieu  nous  tend  les  bras  ; 

Quand  des  enfants  à  tète  fraîche  et  blonde 

Auprès  des  morts  joueront,  tu  souriras  : 

Tu  souriras,  lorsque  sur  ma  poussière 

Ils  cueilleront  les  saints  pavots  tremblants, 

Tu  souriras,  lorsqu'avec  mes  os  blancs 

Ils  abattront  les  noix  du  cimetière... 


«  Il  y  a  de  la  douceur  à  pleurer  sur  des  maux  qui 
n'ont  été  pleures  par  personne,»  a  dit  Châteaubriant. 
Ici,  ce  n'est  pas  le  cas,  le  cher  et  grand  poète  a  été 
pleuré  par  tout  le  monde.  Les  préfices  n'ont  pas  man- 
qué à  sa  mémoire,  et  tels  écrivains  qui  vivent  en- 
core et  dont  la  plume,  trempée  dans  les  larmes,  a 
prodigué  de  la  copie  funéraire  en  cette  circonstance, 
n'ont  rien  fait  et  n'ont  voulu  rien  faire  pour  arracher 
à  la  misère  celui  qu'hypocritement  ils  ont  'pleuré 
après  sa  mort. 

Nous  donnons,  pour  terminer  cette  trop  courte  ap- 
préciation, une  lettre  de  Moreau  fort  peu  connue. 


1835. 


« Vous  me  demandez  où  je  loge  en  ce  moment. 

Où  l'oiseau  de  Dieu  prend-il  son  nid,  si  ce  n'est  au  fond 
des  bois?  Mon  ami,  j'habite  un  vieux  chêne  des  envi- 
rons de  la  mare  d'Auteuil,  et  je  vais  vous  dire  comment 
cela  s'est  fait. 

«  Il  y  a  huit  jours,  je  veux  rentrer  à  mon  garni  de  la 
rue  desMaçons-Sorbonne.  Une  femme  m'arrête  au  pas- 
sage. —  Monsieur,  vous  n'aurez  pas  la  clé.  —  Pour 
quelle  raison?  —  Madame  n'entend  plus  que  vous  res- 
tiez ici,  parce  que  vous  ne  payez,  dit-elle,  ni  en  or,  ni 
en  argent,  mais  seulement  en  belles  paroles.  —  Eh! 
mais,  les  belles  paroles  sont  déjà  bien  quelque  chose  : 
cela  aide  à  attendre  —  Madame  n'attendra  plus.  Au  sur-- 
plus,  entendez-vous  avec  elle.  Tenez,  la  voilà  qui  des- 
cend. ~  En  effet,  la  chambrière  n'avait  pas  plutôt  fini 
que  l'hôtesse  parut,  un  bougeoir  à  la  main,  le  nez  en- 
l'air,  le  bonnet  hérissé.  —  Ah  !   c'est   vous,    mon  peti 


LA  CHANSON 


107 


Monsieur?  —  Pour  vous  servir,  Madame.  —  Bien  obli- 
gée. On  a  déjà  dû  vous  dire  que  vous  n'aviez  plus  à 
compter  sur  votre  gite.  Depuis  trois  mois  que  vous  êtes 
ici,  il  ne  nous  a  pas  encore  été  possible  de  voir  la  cou- 
leur de  votre  argent.  Vous  irez  à  la  belle  étoile,  si  vous 
voulez,  mais  vou;i  ne  coucherez  plus  chez  moi,  à  moins 
que  vous  ne  montriez  vos  finances.  —  A  ce  mot,  je  me 
mets  à  rire.  —  Mes  finances  !  ma  chère  dame,  il  ne  me 
serait  pas  moins  difficile  de  vous  donner  un  sou  que  de 
TOUS  offrir  le  diamant  qui  orne  ia  tète  du  Shah  de 
Perse.  —  L'hôtesse  s'imagine  que  je  me  moque  d'elle. 
De  fâchée  qu'elle  était,  elle  devient  féroce.  —  Pourquoi 
n'arrète-t-on  pas,  ajoute-t-elle,  tous  les  aigrefins  qui 
■encombrent  le  pavé  de  Paris  ?  J'ai  grande  envie  d'aller 
me  plaindre  au  commissaire.  —  Mais  je  la  calme.  Sur  la 
"foi  de  je  ne  sais  quelles  chimères,  je  lui  dis  que,  si  mon 
présent  e.stnoir,  mon  avenir  s'éclaircira  et  sera  plein  d'or 
et  de  lumière.  Dans  le  pays  latin,  ces  sortes  de  prodiges 
•se  voient  souvent.  Voilà  ma  mégère  qui  s'adoucit,  tant 
il  est  vrai  que  toute  femme  a  bon  cœur  :  —  il  ne  faut 
que  trouver  l'endroit  vulnérable.  Notre  dialogue  recom- 
mence. —  Eh  bien,  Monsieur,  partez  en  paix,  vous  me 
paierez  p'us  tard.  —  Tout  n'était  pas  fini.  Je  ne  refusais 
point  de  partir,  mais  des  vers  se  trouvaient  enfermés 
dans  un  tiroir.  Je  les  réclame.  —  Ah!  vos  paperasses? 
Reprenez-les,  Monsieur  :  ça  nous  débarrassera.  —  Et  je 
suis  parti. 

»  ....  Me  voilà,  comme  jevous  le  dis.iis,  dans  un  vieux 
chêne,  près  de  la  mare  d'Auteuil.  Pareille  chose  est 
•  arrivée  à  Olivier  Goldsmith  et  à  Lantara.  Tant  que  du- 
rera la  belle  saison,  je  n'aurai  pas  d'autre  domicile. 
-Aux  approches  de  l'hiver,  il  me  faudra  bien  rentrer  en 
ville.  J'y  trouverai  du  travail,  et  je  pouirai  dès  lors  re- 
tourner la  tête  haute,  à  ma  chambre  de  la  rue  des  Ma- 
çons Sorbonne.  Eii  attendant,  je  vis  heureux.  On  m'a 
payé  une  romance  vingt  francs.  Vingt  francs,  c'est  de 
l'opulence.  Trois  sous  de  pain,  deux  sous  de  lait,  telles 
sont  mes  dépenses  de  chaque  jour.  Mais  quel  luxe  il  y  a 
autour  de  moi  I  De  grands  arbres  verts,  un  tapis  de 
mousse,  parsemé  de  marguerites,  de  bruyères  et  de  vio- 
lettes de  Parme.  Les  nids  de  pinsons  et  de  bouvreuils 
■  abondent  dans  mon  canton.  Quand  la  nuit  étend  sa 
■mantille  de  dentelle  noire  sur  le  bois,  mille  vers  luisants 
s'accrochent  aux  épines  des  buissons  comme  autant  de 
lanternes.  S'il  y  a  clair  de  lune,  je  m'enfonce  dans  les 
massifs  et  je  me  mets  alors  en  communication  avec  les 
héros  de  mes  rêves  et  de  mes  romans.  » 

.-iNDKli  PHUSON. 


SOCIÉTÉ  LYRIÛUE  ET  LITTÉR.IIRE  DU  CAYEAU 

Banquet  dit,  S  Août. 

Un  amaLcur  qui  lit  assidûment  les  comptes  rendus 
des  banquets  du  Caveau,  s'étonne  du  peu  de  reten- 
tissement qu'obtiennent  les  productions  de  cette 
académie  chantante,  et  se  montre  porté  à  regarder 
■comme  exagérées  les  louanges  que  les  chroniqueurs 
ordinaires  de  la  Chanson  se  plaisent  à  décerner  aux 
membres  de  ladite  société. 

Leur  mérite  demeure  intact  et  reconnu,  et  le  peu 
<le  succès  de  leurs  chansons  tient  à  deux  causes; 
d'abord,  ils  ne  recherchent  pas  le  bruit,  et  c'est  pré- 
cisément la  valeur  de  leurs  couplets  qui  leur  enlè- 
verait, aux  yeux  du   gros  public,  toute  chance    do 


vogue.  Les  succès  se  l'ont  au  cal'é-concert,  et  je 
doute  qu'un  chansonnier  du  Caveau  voulût  s'abaisser 
à  etr  briguer  l'honneur.  Il  y  a  pour  cela  des  faiseurs 
attitrés,  rompus  à  la  besogne,  connaissant  le  mauvais 
goût  de  leurauditoire  et  l'exploitant,  gensinlelligents 
d'ailleurs,  qui  sont,  comme  on  dit,  dans  le  mouvement 
et  qui  y  restent. 

Mais  ne  demandez  pas  au  Caveau  do  semblables 
produits;  ce  n'est  point  sa  pa,rtie;  le  public  auquel  il 
S'adresse  est  plus  clélicat ,  et  par  conséquent  fort  re- 
streint, et  les  auteurs  ne  s'en  plaignent  pas,  préférant 
un  soiu-ire  approbateur  aux  bravos  les  plus  bruyants 
de  la  foule. 

Dix-huit  chansons,  sans  compter  un  teste,  ont  été 
produites  au  banquet  du  6  courant  :  c'est  une  jolie 
moisson  pour  la  saison  de  villégiature  que  nous  tra- 
versons. 

D'abord,  dernier  écho  du  banquet  des  Mots  donnés. 
Piotardataires  ou  paresseux,  JuUien,  Grange,  Ripault 
célèbrent  L' Ile-Adam,  Poidoise,  Sceaux,  Montmoreucu. 
Nous  n'avons  pas  perdu  pour  attendre,  mais  ces 
messieurs  aussi  se  sont  accordé  im  délai  que  nous 
autres,  ouvriers  de  la  première  heure,  nous  aurions 
pu  mettre  à  profit  pour  produire  aussi  des  chefs- 
d'œuvre;  aussi  avons-nous  pour  excuse  celle  dés 
collégiens  :  l'ei/ipiis  de  fuit. 

Puis  les  refrains  en  provei-ltes,  qui  ne  sont  pas  tou- 
jours les  moins  heureux  :  Glisses,  mais  n' appuyé: pas, 
nous  dit  Hipault.  Ote-tni  de  là  (juef  m'y  mette,  pré- 
tend Echalié;  à  quoi  Montariol  riposte  -.Je  n'entends 
pas  de  cette  oreille-là.  Duprez,  plus  moraliste  que 
d'habitude,  murmure  après  Figaro  :  Hdtons-mus  de 
rire  pour  ne  pas  ]}leurer. 

Entin  les  chansons  à  sujet  unique,  sans  tiroirs, 
sortes  de  petits  poèmes  en  raccourci,  tantôt  graves, 
tantôt  Ijadins,  quelquefois  touchauts  :  .1  propos  de 
hwuf,  sous  ce  titre  un  peu  baroque.  Petit  se  demande 
quel  est  en  réalité  le  roi  de  la  création,  de  l'homme 
ou  de  l'animal.  Je  ne  me  rappelle  plus  bien  de  quel 
côté  il  penche.  Le  Paysan,  de  Piessc,  est  le  type  du 
Français  de  bon  sens,  tenant  à  la  liberté  comme  à 
son  champ  et  (1er  d'è-tro  citoyen.  Les  Feux,  de  Fénée, 
les  (iros  Sous,  de  Motit(3ii-Darraisse,  Zcv  Refrains,  de 
Lagarde  :  encore  trois  Ijonnes  chansons,  Icsloaicnt 
tournées  et  assaisonnées  d'au  LiTain  de  philosop'aio 
qui  ne  nuit  pas  à  U'ur  li'ailé.  D:-  joxirs  perdus:  ce  sujet, 
que  Colmance  traitait  il  y  a  longtemps  au  point  de 
vue  politique,  a  fourni  à  Grange  des  coaplets  pleins 
de  sentiment  et  de  grâce.  Flottez,  drapeaux!  s'écrie 
M.  Bourdelin,  w»  nouveaii,  vecn  da  soir  même;  ce 
sont  de  véritables  strophes,  bien  poétiques  et  bien 
dites.  Xous  publierons  au  prochain  numéro  sa  chan- 
son de  réception,  qui  a  obtenu  un  succès  très  vif  et 
très  mérité. 

Je  cite,  pour  mémoire  seulement,  une  pièce  humo- 
ristique dont  un  voisin  de  table  m'a  recommandé  la 
lecture;  c'est  la  Réception  de  Béraiiger  au  Palais  de 
Jupiter.  M.  Lambert,  qui  en  est  l'auteur,  serait  bien 
aimable  de  nous  la  faire  connaitre 

Eug.  Imbert. 


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LA  CHANSON 


ÊTES-VOUS  COIVIIVIE  MOI  ? 

Paroles  de  L.-Henrt   Lecomte, 
•■  de  Jules  Raux  (i; 


Moderato. 

Des  grands  sentioients    qu'on       af 
fi.che,    Je     ne       fus  ja  .    mais        par  .    ti    . 

San,     Ce     qu'un    an    .     tre      fait,      j«        m'en 
fi    .    che  Qu'il  soit    mo.nar.qne  on    -  pa  -  ;     . 
snn    Qh'î)    Boil       no  _    nar.qoe  on     pa  -    y     — 


moi,  J«     sais     rea  _  dre        ma       vie        hce 


reu-sc    Je   sais     ren  _   dre      ma  »i«       hen    _ 


Celui  qui  pense  au  mariage, 
Pour  la  gloire  de  sa  maison 
Veut  une  femme  jeune,  sage, 
Et  Lelle  à  troubler  la  raison  ; 
De  sa  fortune  potelée 
Si  de  bonnes  rentes  font  foi, 
J'épouserais  une  grêlée  • 
Eles-vous  comme  moi? 

L'amour  est  encore  une  cbose 
Qu'il  faut  traiter  légèrement, 
Je  ne  prolonge  pas  la  pose 
Près  de  l'objet  le  plus  charmant  ; 
Si  quelque  blonde  me  refuse. 
Sans  même  demander  pourquoi, 
D'une  brune  je  fais  ma  muse  : 
Etes-vous  comme  moi? 

Je  ne  discute  point  de  Rome 
L'enseignement  fastidieux. 
Et  tiens  pour  peu  de  chose,  en  somme. 
Tout  système  religieux  ; 
Faisant  de  ma  raison  modeste 
Le  plus  intelligent  emploi. 
Je  crois  en  Dieu,  je  ris  du  reste  ; 
Etes-vous  comme  moi? 

Par  la  honte  et  par  la  souffrance 
Cruellement  désabusé, 
Quel  citoyen  voudrait,  en  France, 
Relever  le  trône  brisé  ! 
Aux  jours  de  scrutin  politique, 
Des  princes  jugeant  le  pouryoi. 
Je  vote  pour  la  République  : 
Etes-vous  comme  moi? 


ONZIEME  CONCOURS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON-; 


E_tes-T04i»     com  -    me 


moi? 


Suivant  un  avis  salutaire 
L'ennui  peut  abréger  nos  jours, 
De  notre  voyage  sur  terre 
Pourquoi  donc  attrister  le  cours? 
Réglant  sans  fatigue  de  tète. 
Mes  finances  en  désarroi, 
Quand  j'ai  cent  sous,  je  suis  en  fête  : 
Etes-vous  comme  moi? 

J'aime  les  grands  bois  et  la  plaine  ; 
Au  bruit  des  refrains  amoureux, 
J'aime  à  vider  ma  coupe  pleine 
D'un  vin  limpide  et  généreux; 
Mais  souvent,  seul  dans  ma  chambrette. 
Du  destin  acceptant  la  loi. 
Je  me  contente  de  piquette  : 
Etes-vous  comme  moi  ? 


(1)  Nous 
cllj-  doit  I 


de    cette    chanson. 


Mi'<=  HORÏENSE  ROLLAND.  —  Née  à  Aix,  le- 
29  juin  1836,  elle  fut  élevée  au  couvent  des  Sœwrs  de 
la  retraite,  qu'elle  quitta  à  l'âge  de  treize  ans.  Elle- 
commença  presque  aussitôt  à  écrire.  Les  cbansonp- 
qu'elle  composait,  mélanges  d'enfantillages  et  de- 
politique,  faisaient  les  délices  des  républicains  aixois- 
peu  lettrés  et,  partant,  peu  difficiles. 

À  seize  ans,  elle  publia  deux  volumes  dont  l'un., 
les  Essais  poétiques,  lui  valurent  deux  médailles,  el 
l'autre,  MargnerUe  Lambert,  un  roman,  attira  sur 
elle  les  foudres  cléricales. 

Venue  à  Paris,  elle  y  collabora  à  divers  journaux 
de  modes  et  à  plusieurs  feuilles  humoristiques  :  te^. 


LA  CHANSON 


109 


Salons  de  Paris,  Psyché,  l'Illustration,  le  Nain  Jatme, 
la  Vogue  parisienne,  etc. 

Relirée  aujourd'hui  dans  un  petit  liameau  de  Tar- 
rondissement  d'Aix,  elle  consacre  son  temps  à  la  lec- 
ture, à  la  musique  et  à  la  création  d'œuvres  qui 
verront  successivement  le  jour,  et  qui  se  recomman- 
deront, comme  leurs  ainées,  par  un  mérite  étonnant 
d'observation,  une  verve  spirituelle  et  un  sentiment 

exquis. 

-♦ 

A  Madame  Hortense  Rolland. 


Puisque  tu  vas,  poëte,  au  paj^s  oii  mon  rêve 
Emigré  chaque  hiver  comme  un  oiseau  frileux, 
Voudrais-tu  me  cueillir,  là-bas,  près  des  flots  blous 
La  plus  humble  fleurette  éclose  sur  la  grève  ; 

Ou  bien  me  ramasser  parmi  les  joncs  amers 
Une  écaille,  un  galet,  les  débris  d'une  conque. 
Un  rameau  d'algue...  enfin,  une  chose  quelconque 
Exhalant  jusqu'à  moi  l'icre  parfum  des  mers. 

Coquille  ou  goëmon,  brin  d'herbe  ou  fliour  sauvage 
Madame,  envoyez-moi  de  votre  douxiivage 
Un  dernier  souvenir  qui,  me  parlant  des  flots. 

Me  fasse  rebrousser  le  chemin  de  la  vie 
Où  s'ébattait,  pieds  nus,  mon  enfance  ravie 
Alors  qu'elle  mordait  au  pain  des  matelots. 

René  Ponsaru. 


1''   Prix. 

LA    CIGARETTE 

(Page    <Io    1»    vingtioiiip    nnnée). 

Viens,  ma  gentille  cigarette. 
Dissiper  un  trop  long  ennui, 
Avec  toi,  ce  queje  regrette 
Je  veux  l'oublier  aujourd'hui. 
Tu  le  sais,  souvent  je  suis  triste. 
Quoique  l'on  voie  en  mon  réduit 
Tout  le  mobilier  d'un  artiste  : 
Deux  chaises,  une  table,  un  lit. 

Mais  il  faut  à  la  jeune  fille  — 
Enfant  du  grand  air,  du  soleil  — 
De  l'espace,  un  beau  ciel  qui  brille 
Pour  lui  sourire  à  son  réveil. 
Et  quand  mon  âme  de  poète 
Voudrait  jeter  de  joyeux  cris. 
Je  n'aperçois  de  ma  chambrette 
Que  des  toits  noirs  et  le  ciel  gris. 

O  mon  beau  pays  de  Provence  1 
0  bouquet  aux  riants  buissons 
Où,  dès  que  le  printemps  commence. 
Tout  est  fleurs,  amours  et  chansons  I 
Même  quand  le  mistral  tourmente 
Et  la  vallée  et  le  coteau, 
Le  rossignol  joyeux  y  chante 
Dans  les  peupliers  du  hameau. 


Dès  le  matin,  dans  la  rosée 
Mouillant  mes  pieds,  cheveux  au  vent. 
Je  m'en  allais,  l'âme  embrasée. 
Soupirant,  chantant,  écrivant. 
Sous  les  grands  dômes  de  verdure. 
Oubliant  et  fatigue  et  faim. 
Des  bois  de  pins  le  doux  murmure 
Me  berçait  d'un  rêve  sans  fin. 

Quand  de  ma  course  vagabonde 
Je  rentrais  le  soir,  souvent  tard. 
Deux  enfants  à  la  tète  blonde 
Attiraient  mon  premier  regard. 
L'un  dormait  au  sein  de  sa  mère, 
Aux  grands  yeux  bleus  pleins  de  douceur. 
L'autre  courait  dans  la  chaumière... 
C'étaient  les  enfants  de  ma  sœur. 

Ne  pleurons  plus  ces  douces  choses. 
Qui  sait?  peut-être  avec  le  temps. 
Je  pourrai  cueillir  quelques  roses 
Comme  celles  de  mon  printemps. 
N'importe,  chère  cigarette, 
Laisse-moi  rêver  aujourd'hui... 
J'aime  tant  ce  queje  regrette 
Que  je  me  plais  dans  mon  ennui. 

Hortense   Rolland. 

— ♦ ' 

2e  Prix. 

LES  CONFITURES. 

Air  :  Tout  le  long  de  la  ritière. 
Eh  quoi  !  bambins,  petits  démons. 
Gentils  lutins  que  nous  aimons, 
De  baisers  voilà  qu'on  m'assiège  ! 
Pour  mes  compotes  c'est  un  piège. 
De  grand'maman  que  voulez-vous  ? 
Pourquoi  lui  faire  les  yeux  doux  ? 
Je  vous  comprends,  charmantes  créatures: 
Nà,  je  veux,  je  veux,  je  veux  d»6  confitures  ! 
Moi,  je  veux,  je  veux  des  confitures  ! 

D'an  saint  apôtre  de  nos  jours 
Entendez  l'éloquent  discours  : 
Contre  les  vains  biens  de  ce  monde 
En  arguments  comme  il  abonde  I 
En  chaire,  il  ne  demande  à  Dieu 
Que  de  l'annoncer  en  tout  lieu... 
Je  vous  comprends,  charmantes  créatures  : 
Nà,  je  veux,  je  veux,  je  veux  des  confitures  ! 
Moi,  je  veux,  je  veux  des  confitures  ! 

Rose  pense  qu'à  dix-sept  ans 
D'avoir  un  époux  il  est  temps  ; 
Depuis  peu,  comme  elle  est  modeste. 
Simple,  douce,  aimable  et  le  reste  1 
Sa  mère,  en  voyant  tant  d'appas. 
Enfin  ne  la  reconnaît  pas... 
Je  vous  comprends,  charmantes  créatures  I 
Nà,  je  veux,  je  veux,  je  veux  des  confitures  ! 
Moi,  je  veux,  je  veux  des  confitures. 


110 


LA  CHANSON 


Un  prince  du  sang  des  césa.rs 
Prêche  à  ses  partisans  épars  ; 
Il  dit  à  cette  noble  clique  : 
Crions  :  Vive  la  République  ! 
Parent  du  Petit  Caporal. 
Gomme  lui  je  suis  libéral... 
Je  vous  comprends,  charmantes  créatures  ! 
Nà,  je  veux,  je  veux,  je  veux  des  confitures  I 
Moi,  je  veux,  je  veux  des  coalitures  1 

Le  petit  monsieur  Bucrevé, 
A  sec,  épuisé,  décavé, 
Dans  les  bras  d'une  diileinéo 
Vole  joyeux  vers  l'byménée. 
Il  peint  à  cet  ange  aux  écus 
Un  amoar  des  plus  convaincus... 
Je  vous  comprends,  charman  tes  créatures  ! 
Nà,  je  veux,  je  veux,  je  veux  des  confitures  ! 
Moi,  je  veux,  je  veux  des  confitures  I 

Comme  il  a  mis,  cet  écrivain, 
De  l'eau  de  roses  dans  son  vin  ! 
Il  dit  au  public  qui  l'écoute  : 
J'ai  dû  vous  déplaire  sans  doute; 
Je  reconnais  que  mes  couplets 
Méritent  quelques  bons  sifflets... 
Je  vous  comprends,  charmantes  créatures! 
INà,  je  veux,  je  veux,  je  veux  des  confitures  ! 
Moi,  je  veux,  je  veux  des  coufitures! 
Louis  Bogey  ida  Genèce]. 
♦ 

lES  CHAHTS  en  K  ieiliET  (d 

()a  ne  devrait  jamais  perdre  de  vue,  surtout  aux 
jours  de  solennités  patriotiques,  l'easeignement  que 
la  foule  peut  retirer  d'une  mise  en  scène  saisissante 
où  le  plaisir  intime  de  l'âme  e.st  ménagé  avec  intel- 
ligence à  côté  des  spectacles  qui  n'ont  d'autre  mérite 
que  d'éblouir  les  yeux.  Ainsi,  le  Chant  du  Déjiari, 
•exécuté  avec  tout  l'appareil  que  demandait  l'auteur 
aurait  pioluit,  sur  tous  les  assistants,  une  impres- 
sion violente  mêlée  d'attendrissement.  Impression 
fugitive,  sans  doute  ;  pour  ne  l'être  pas,  il  serait 
nécessaire  qu'elle  fût  renouvelée  souvent,  très- 
souvent  ;  vraie  pourtant  et  profonde,  qui  deviendrait, 
dans  les  âmes  un  peu  préparées,  le  sujet  de  réflexions 
salutaires  et,  du  foyer  de  famille,  le  thème  d'entre- 
tiens émus.  Un  écueil  brise  souvent,  il  est  vrai,  les 
meilleures  intentions  :  l'indifférence  du  public,  ou 
plutôt,  une  sorte  d'hébétement  qui  le  rend  incapable 
de  rester  ferme  sur  certaines  pentes.  N'importe,  il 
faut  se  placer  sur  le  terrain  solide,  s'appuyer  sur  la 
Vérité,  sur  la  raison  et,  quoi  qu'il  arrive,  ne  jamais 
déchoir.  Sans  cela,  où  serait  notre  guide  ?  Je 
reviens  aux  chants  du  14  juillet. 

Au  Luxembourg,  plusieurs  musiciens  étaient 
venus  dans  le  seul  but  d'entendre  la  3Iarche  des 
drapeaux  du  TeDeum  de  Berlioz.  Déception  complète! 


On  sentait  bien  qu'un  souffle  héroïque  anime  cette 
page,  on  en  devinait  les  harmonieux  enchaînements, 
on  saisissait  de  prime  abord  la  mélodie  pompeuse 
qui  s'y  développe  toujours  contenue  jusqu'à  l'en- 
semble final,  mais  il  manquait  la  nef  d'une  cathé- 
drale pour  grossir  et  renvoyer  à  l'âme  ces  sons  jetés 
inutilement  dans  un  milieu  sans  limites. 

L'hymne  d'Hérold  a  obtenu  un  succès  posthume 
qui  ne  sera  pas  une  résurrection.  Ce  fut  en  1831,  lors 
du  premier  anniversaire  des  journées  de  juillet  que 
ce  chant  fut  exécuté  pour  la  première  fois  au  Pan- 
théon. Le  Journal  des  Débats  lui  consacra  quelques 
lignes  doQt  j'extrais  celles-ci: 

«  M"  Hérold  a  déployé  la  facilité  de  son  talent  sur 
«  un  Hymne  aux  morts  de  juillet,  par  M.  Victor  Hugo. 
«  Le  musicien  s'est  identifié  avec  la  pensée  religieuse 
î  et  mélancolique  d'un  poëte  qui  se  surpasse  lui- 
«  même  quand  il  s'exerce  sur  un  genre  de  poésie 
«  marqué  du  double  caractère  de  la  tristesse  et  do 
«  la  sensibilité....  » 

Voici  maintenant  la  première  strophe  du  poëme 
de  Victor  Hugo  : 

<t  Ceux  qui  pieusement  sont  morts  pour  la  patrie 
«  Ont  droit  qu'à  leurs  cercueils  on  adore  et  l'on  prie. 
«  Entre  les  plus  beaux  noms,  leur  nom  est  le  plus  beau. 
Œ  Toute  gloire  près  d'eux  passe  et  tombe  éphémère, 

«  Kt  comme  ferait  une  mère, 
'<  La  voix  d'un  peuple  entier  les  berce  enleurtombeau.» 

Aux  Tuileries,  sélection  bizarre  d'œuvres  dispa- 
rates savamment  choisies  pour  satisfaire  aux  exigen- 
ces du  public  qui  n'exigeait  en  somme  que  la 
Marseillaise.  Je  n'ai  à  citer  que  ce  dernier  morceau; 
les  autres  n'ayant  aucun  caractère  spécial  qui  en 
justifiât  le  choix.  Notre  cri  de  guerre,  proféré  en 
pleine  paix  retentit  encore  aujourd'hui  dans  nos 
rues.  Peuple,  tais-toi  ;  les  jésuites  prétendraient 
que  tu  veux  les  exterminer.  Ce  sont  aujourd'hui 
tes  seuls  ennemis.  A.  Edéma. 

VIN 


(1).  Voir  le  n'  10. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Samedi,  à  la  Scala,  première  représentation  de 
Aîi,  bon  lapin  sauté,  saynète  en  vers  burlesques,  de 
M.  Golhi,  musique  de  Villebichot. 

Un  restaurateur  des  environs  de  Paris,  dont  la 
maison  décline  de  jour  en  jour  et  qui  n'a  vu  aucun 
client  depuis  longtemps,  reçoit  enfin  une  dépêche 
lui  annonçant  l'arrivée  d'une  trentaine  de  consom- 
mateurs affamés,  et  lui  commandant  un  dîner  des 
mieux  soignés.  —  Oh  joie  1  Oh  1  félicité.  —  Mais 
hélas  !  notre  homme  se  rappelle  bien  vite  que  tout 
crédit  lui  est  fermé  et  qu'il  ne  possède  même  pas 
de  quoi  acheter  le  plus  petit  lapin  ;  triste  situation, 
que  faire  ?  Eh  !  parbleu,  son  plan  est  vite  arrêté  :  il 
va  dépecer  sou  marmiton  et  le  fricasser  à  toutes  les 
sauces  imaginables.  C'est  une  dure  nécessité  ;  mais 
la  réputation  de  l'établissement  sera  sauvée.  Le 
malheureux  apprenti  Béchamel  repousse  cette  pro- 
position barbare  avec  horreur,  et  refuse  net  (.c'est 


LA  CHANSON 


111 


tout  naturel) de  se  laisser  transformer  en  victuailles; 
avec  des  larmes  dans  la  voix,  il  donne  à  son  patron 
le  vieux  bas  de  laine  dans  lequel  est  renfermé  l'hé- 
ritage de  sa  tante  (c'est  touchant,  ma  parole).  Sau- 
vés, mon  Dieu  1  Nous  sommes  sauvés  ;  tout  est  pour 
le  mieux,  et  les  spectateurs  sont  invités  à  venir 
faire  une  partie  Aw  don  Icquii  sauté. 

On  a  bien  ri,  je  vous  l'assure,  que  demander  de 
plus?  c'est  tout  ce  qu'il  fallait,  et  le  but  des  auteurs 
est  atteint. 

La  musique  de  M.  Villebichot  est  très  gaie  et  bien 
appropriée  aux  situations;  cependant  il  y  a  un  ron- 
deau dont  le  mouvement  précipité  rend  la  pronon- 
ciation difficile  aux  artistes,  et  presque  incom- 
préhensible aux  spectateurs. 

Toutes  nos  félicitations  aux  deux  excellents  ar- 
tistes qui  ont  interprété  la  pièce  ;  ce  sont  MM.  Bien- 
fait et  Paul  Bert. 

*** 

.Vendredi  dernier,  le  Concert  de  la  Porte  Mail- 
lot, qui  a  ouvert  ses  portes  il  y  a  une  quinzaine, 
nous  priait  d'assister  à  une  de  ses  représeutalion. 

Nous  y  avons  remarqué  et  applaudi  :Mme  Riquet- 
Lemonnier,  la  transfuge  du  Concert  Parisien,  qui 
détaille  parfaitement  la  Chanson  du  colonel,  de  la 
Femme  à  Papa  ;  M.  Deramk,  toujours  amusant  dans 
ses  grandes  scènes  comiques  ;  MM.  Emilien,  Cour- 
YEL,  DoRiA  ;  Mmes  Antonine,  Vandenerre,  Gretty 
et  Marion. 

En  annonçant  une  troupe  d'élite,  nous  ne  nous 
étions  pas  trompés. 

La  scène,  très  bien  construite,  est  machinée  de 
façon  à  pouvoir  représenter  des  revues  ;  quant  à  la 
salle,  elle  est  cliarmante  et  possède  toutes  les  com- 
modités désirables. 

Espérons  que  les  eflbrts  de  M  Fortin  seront  cou- 
ronnés de  succès,  et  que  le  public  prouvera  (il  a  déjà 
commencé  d'ailleurs)  toute  sa  sympathie  à  l'habile 
direction  du  Concert  de  la  Porte  Maillot. 
Alfred  Bertinot. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  grande  soirée  donnée  le  4  août,  par  la  société 
lyrique  Le  Pinson,  n'a  pas  été  très  brillante,  l'audi- 
toire ■  n'était  pas  nombreux.  Nous  avons  entendu 
M.  Ferret,  qui  a  cru  plaisant  de  nous  gémir  une 
série  de  couplets  à  tiroirs,  desquels  nous  n'avons 
compris  que  «  C'a  n'offense  pas  le  gouvernement,  » 
répété  lugubrement  à  chaque  couplet.  M.  Kleinans 
a  nasillé  avec  force  contorsions  le  Baiser  d'amour  ; 
voulant  sans  doute  nous  faire  croire  que  c'est  arrivé. 
M.  Farguini  [alias],  un  italien  du  Cantal  ou  du  Puy- 
de-Dôme,  a  chanté  très  gentiment  la  Somance  de 
Fortunio.  Les  progrès  de  M.-  Bernui  sont  sensibles; 
il  détaille  bien  Ma  femme  est  en,  tioyaye;  nous  lui 
recommandons  cependant  d'étudier  ses  gestes.  Im. 
mense  succès  pour  M.  Vaast,  dans  Les  suites  d'un 
premier  lit,  Pour  sûr  et  Ça  m'a  vexe',  chansonnette 


comique,  dont  il  est  Tauleur.  M.  Paul  Germain  s'est 
fait  applaudir  avec  Le  monde  tel  qu'il  est.  Le  gri- 
macier YiLLÉ  a  débité  avec  sa  verve  habituelle 
Saperlotte  et  Sacrédié.  La  sœur  de  l'emballeur,  chantée 
par  Mme  Sénés,  semble  vouloir  s'éterniser  aux 
soirées  du  Pinson;  néanmoins,  c'est  toujours  avec 
plaisir  qu'on  l'entend  dire  et  reredire.  La  charmante 
Mlle  Mar&uerite  a  obtenu  beaucoup  de  succès  avec 
Page  et  Bergère.  La  petite  Charlotte  a  chanté  la 
Dame  au  riflard,  d'une  façon  très  amusante,  et 
M.  Fontaine  a  récité  parfaitement  La  dernière  pensée 
d'une  wre,  jolie  poésie  dont  il  est  l'auteur. 

Le  Chant  du  Coq,  comédie  en  un  acte,  a  été  enlevé 
très  lestement  par  Mlle  Marguerite,  MM.  Lartelier 
et  Inderbitzin  de  la  Fantaisie  Lyrique. 

Alfred  Bertinot. 


h' Union  Parisienne  a  donné,  jeudi,  devant  une 
salle  comble,  ;î,  rue  du  Petit-Pont,  une  soirée  ex- 
traordinaire, avec  le  concours  do  plusieurs  artistes 
distingués. 

MM.  Awgu  et  Fageon  ont  chanté  le  fameux  duo  de 
la  Reine  de  Chypre,  avec  un  brio  remarquable,  M.  Bol, 
l'habile  pianiste,  les  accompagnait,  c'est  assez  dire. 

M.  Dmlos  a  chanté  un  rondo  nouveau,  musique  de 
Bol,  déjà  nommé. 

Monsieur  Mon  Domestique  a  été  fort  bien  enle\-é 
par  Mme  Adèle,  MM.  Guicheet  Quèlin.  Ils  ont  provo- 
qué d'unanimes  bravos. 

Mme  Anna  a  dit  avec  beaucoup  de  goût  :  C'est  la 
nature  qu'est  cause  de  totit.  Sa  voix  est  bien  timbrée, 
et  comme  elle  gagne  un  peu  l'aplomb  nécessaire  sur 
une  scène,  nous  lui  adressons  nos  sincères  félicitations. 

Le  Petit  Paul,  âgé  de  sept  ans,  a  redit,  sur  la  de- 
mande du  public  :  la  Même  de  la  Société.  Il  est  à 
croquer. 

La  soirée  s'est  terminée  par  une  magnifique  tom- 
bola. 

Tous  nos  compliments  à  notre  camarade  Pradel, 
pianiste,  il  devient  l'un  dos  meilleurs  de  nos  So- 
ciétés; ajoutons  qu'il  est  des  plus  aimables  —  et 
des  plus  complaisants  —  ce  qui  est  déjà  énorme. 

Nous  donnerons  sous  peu  le  programme  des 
concours  que  la  Société  organise  pour  la  rive  gauche. 
—  comme  chant,  poésie  et  déclamation. 

Nous  ferons  connaître  les  détails  nécessaires,  ainsi' 
que  les  époques  de  ces  différents  concours. 

Léo  Tostain. 

M.  Dupont,  Président  de  la  L?jre  amicale,  nous  fait 
savoir  qu'il  tient  à  la  disposition  du  Comité  de  la 
statue  de  Bérangerla  somme  100  fr.  2'o  cent.,  prove- 
nant d'une  grande  soirée  organisée  par  sa  Société. 

Nous  adressons  tous  nos  remerciements  à  la  Lyre  ■ 
Amicale, AU  nom  du  Comité  en  souhaitant  que  son 
exemple  soit  suivi  par  les  autres  sociétés  lyriques. 

Nous  avons  assisté,  dimanche  8  août,  à  la  soirée 
hebdomadaire  donnée  pav  la  Lyre  Amicale  (Café  Pyo- 
malion,  i3,  Boulevard  Sébastopol).  Parmi  les  nombreux 
artistes-amateurs  qui  se  sont  fait  entendre,  nous 
avons  remarqué:  MM.  Bénard  et  Jarrot  dans  Nestor 


112 


LA  CHANSON 


et  Timoléon  et  J'aiqiielqne  chose  dans  l'dos;  Andouard- 
Calvet,  d'un  gâteux  très-réussi  dans  la  Fête  à  Oli/m- 
^ï'a.Levannier  qui  abienrendulesappréhensioris  d'un 
Jeune  homme  timide;  M.  Lange,  timide  lui  aussi,  nous 
a  dit  la  jolie  romance  Le  Temps  des  Cerises  ;  mille 
compliments  bien  mérités  a  M.  Fernand  Pabé,  pour 
la  façon  dont  il  a  interprété  l'air  de  Joseph,  le  public 
lui  a  fait  une  véritable  ovation;  MM.  Verdier  etBuis- 
seret,  de  la  Favorite,  ont  exécuté  sur  l'ocarina  une 
polka  de  leur  composition  qui  a  obtenu  les  honneurs 
du  bis  ;  enfin  M.  Planer,  l'excellent  comique,  a  déso- 
pilé  la  rate  des  spectateurs  avec  une  amusaute  bouf- 
fonnerie intitulée  :  Le  Tambour  du  Village.  Une  toute 
mignonne  jeune  fille,  Mlle  Elvire,  membre  d'hon- 
neur de  la  Li/re  Amicale,  nous  a  fort  gentiment  chanté  : 
Mon  beaic  Friiitemjis,  une  délicieuse  romance  inédite 
de  notre  ami  Forlunat  de  la  Lyre  Amicale,  pour  les 
paroles  et  la  musique  et  que  nous  comptons  offrir 
prochainement  en  primeur  aux  lecteurs  de  la  Chan- 
son. Un  acte,  en  vers,  les  Fourberies  de  Nérine,  a  été 
très  lestement  et  brillamment  enlevé  par  Mlle  Berthe 
et  Julien  Alix,  tous  deux  Membres  d'honneur  de  la 
Lyre  Amicale  et  dont  l'éloge  n'est  plus  à  faire. 

Une  petite  question  en  passant  à  M.  le  Président  : 
Pourquoi  commence-t-on  la  séance  de  chant  à  près 
de  M  heures,  alors  qu'il  serait  si  facile  de  faire  danser 
de  8  h.  à  9  h.  afin  de  commencer  la  seconde  partie 
beaucoup  plus  tôt"?  Maxime  Guy. 

Le  Cercle  îLusset  sous  la  présidence  de  M.  A.  Dur- 
vieu,  rouvrira  ses  portes  le  4  septembre,  café  du  Globe, 
boulevard  de  Strasbourg,  8. 

L'Association  Littéraire  et  Musicale  reprendra,  le 
dimanche  'à  septembre,  ses  représentations  sous  la 
présidence  de  M.  Baker;  nous  en  reparlerons. 
^   . 

Salle  des  Sociétés  Lyriques, 

35,  Faubourg  du  Temple,  25. 

Jeudi  19  août  1880,  à  7  heures  du  soir.  Distribution 
des  prix  du  concours  dramatique  ouvert  entre  les 
Sociétés  Lvriques  de  Paris,  les  27,  28,  29,  30  juin,  1, 
2,  3  et  'i  juillet  1880,  Sous  la  présidence  de:  MM.  Le- 
conte,  Tiersot,  Dautresme,  députés,  président  et 
membres  d'honneur  du  comité,  et  de  MM.  Albalat, 
Baralle,  Blin,  Constant,  Darcy,  Samuel  David,  Ducros, 
Durât,  Giraudet,  de  Marthold,  Georges  Richard,  Va- 
labrégue  et  Valaire,  membres  des  Jurys  du  Concours. 
PROGRAMME  : 

PREMIÈRE   PARTIE  : 

Distribution  des  Prix  aux  Lauréats  du  Concours. 

DEUXIÈME   PARTIE  : 

Audition  des  Premiers  Prix. 

1.  Ouverture.  Le  Calife  de  Bagdad. 

Exécutée  par  l'Harmome  Lemaire,  directeur.  M.  Moret. 

2.Confiteor.  E.  Plouvier 

Dit  par  M.    Bergier,   des  Enfants  de  la  Seine  {i"  prix 

du  concours  de  diction).   Poésie  dramatique. 

3.  La  Conscience.  V.  Hugo 
Dit  par  M.  Cahen,  du  Cercle  artistique  du  XIX'  arron- 
dissement (!"'  prix  du  concours   de   diction).    Poésie 
dramatique. 

4.  Vieiix  habits,  vieux  galons  !  Richepin 
Dit  par  M.  Rivet,  du  Papillon  {l"  prix  du  concours  de 

diction).  Poésie  légère. 

5.  Oh  !  Monsieur. 

Dit  par  Mile  "Vanina  Valette,   des  Gais  Momusiens  (l"' 
prix  du  concours  de  diction).  Poésie  légère. 

6.  Ouverture  exécutée  par  V Harmonie  Lemaire. 


7.  Un  Caprice  (comédie).  A.  de  Musset 

M.  Joston  Chavigny 

Mmes  Mathilde  Mathilde 

Madeleine  Mme  de  Léry 

(de  la  Jeunesse  artistique)  1"  prix  du  concours  de  comédie. 

8.  Allegro,  exécuté  par  l'Harmonie  Lemaire. 

9.  Le  Code  des  Fe)7iines  (Vaudeville),  Dumanoir 

MM.  Bénier  Paul  Fauvel 

Perret  Mignonet 

Rousseau  Romain 

Louchon  Duval 

Mlle  Hermine  Emma 

(de  la  Française,  l''''  prix  du  concours  de  vaudeville). 

10.  Polka  exécutée  par  l'Harmonie  Lemaire. 

11.  Les  Jurons  de  Cadillac  (comédie).  P.  Berton 

M.  Bergier  Cadillac 

Mlle  Hélène  La  comtesse 

(des  Enfants  de  la  Seij\e,  i"  prix  du  concours  de  comédie). 

12.  Valse  exécutée  par  l'Harmonie  Lemaire. 

13.  Le  Joueur  de  i^itlte  (opérette).  J.  Moinaux 

M.  Julien  Diachylum 

Joston  Cucurbitas 

Emaianuel  Dintius 

Mlles  Maria  Tulipia 

Ernestine  Busa 

(de  la  Jeunesse  artistique,  \"  prix  du  concours  d'opérette). 
Prix  des  Places  :  Loges  de  rez-de-chaussée  2  fr.  — 
Fauteuils  d'orchestre  î  fr.  30.  —  Loges  de  balcon  1  fr 
bO.  —  Stalles  d'orchestre  et  fauteuils  de  balcon  1  fr' 


Nous  publions  avec  empressement  la  lettre  sui- 
vante : 

Monsieur  le  Directeur, 

V Intransigeant  de  dimanche  matin  a  publié  une 
lettre  de  M.Ducarre,  directeur  du  concert  des  Ambas- 
sadeurs aux  Champs-Elysées  dans  laquelle  il  dit  :  J'ai 
obtenu  aujourd'hui  gain  de  cause  devant  la  huitième 
chambre  dans  l'action  qtie  m'avait  intentée  la  Société 
des  Auteurs,  Compositeurs  et  Editeurs  de  musique.  Per- 
mettez-moi, Monsieur  le  Directeur,  d'avoir  recours  au 
Journal  la  Chanson,  afin  de  rassurer  nos  nombreux 
Sociétaires  ;  voici  les  faits  : 

Nous  avions  assigné  M.  Ducarre  à  la  huitième 
chambre  de  police  correctionnelle  pour  le  samedi 
7  août  ;  notre  avocat  devait  tout  d'abord  plaider,  pour 
nous  aussi,  une  petite  affaire  de  Société  lyrique.  Au 
lieu  de  plaider,  le  défenseur  de  la  dite  Société,  dé- 
clara que  notre  assignation  n'était  pas  libellée  en 
bonne  et  due  forme,  "c'est-à  dire  que  les  demandeurs 
n'avaient  pas  fait  suivre  leurs  noms  de  leurs  adresses 
particulières. 

Le  tribunal  accepta  les  conclusions  de  ce  brave 
avocat,  et  celui  de  M.  Ducarre,  qui  n'y  avait  pas  son- 
gé, profita  de  cette  circonstance  pour  opérer  une 
retraite  en  bon  ordre. 

La  Société  des  Auteurs-Compositeurs  fut  déboutée 
pour  vice  de  forme,  mais  on  n'a  pas  plaidé.  Voilà  ce 
que  M.  Ducarre  appelé  avoir  gain  de  cause.  Comme 
Jenny  l'ouvrière  il  se  contente  de  peu. 

Une  nouvelle  assignation,  avec  adresses,  amènera 
de  nouveau  M.  Ducarre,  le  21  de  ce  mois,  devant  la 
même  huitième  chambre  de  police  correctionnelle  et 
cette  fois,  si  son  avocat  n'éprouve  pas  le  besoin  de 
faire  payer  à  son  client  une  troisième  séance,  nous 
verrons. 

Recevez,  Monsieur  le  directeur,  les  saints  empres- 
sés de  votre  dévoué  Eugène  Baillet, 

Secrétaire  du  Syndicat  de  la  Société  des 
Auteurs-compositeurs    et  Éditeurs  de 
11  août  1880.  Musique. 


L'nliondanco  Aea  iiinticrcs  nous  oblige  iV  remettre 
au  nroclinin  numéro  divers  articles  et  notre  CHAIV- 
HOX  UU    JOUR. 


Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,  6,  rue  Martel. 


3»  ANNÉE. 


N»  15. 


lO  CENTIMES. 


22  AOUT  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-  Gérant . 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  lastrophe, 
y.  HUGO, 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non   insérés   ne   seront   pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rêdaciîon 
MAXIME  GUY 


Annonces,  laligne. 
Réclames,        — 


Lachanson,commelabafonnettB 
est  une  arme  française. 

J.  CiARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  KUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  GhEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8» 


SOMMAIRE 


Galerie  ilvs  Clmnsonnim  :  Hpné  l'onsard  (Eii;.  Iuukbt).  —  la  Chan- 
son à  l'étranger  (A.  P.J.  —  La  Chanson  du  jour  :  l'Intransigeant 
(SoUEBOnv). —  Voyage  antour  d'an  japon,  paroles  (I'Evilk  SetiAUD, 
musiiine  de  Ji  les  Qlidast.  —  Âa  Caieaa  (Eiiii.n    Boi.iiiiei.i>).   — 


Onziime  concours 
hks.^ie).  —  Pour 
(Alfued  Bertinot). 


nisuel  de  la  Chanson  :  Papillons  (Octaïk  Le- 
éranger  (J-  M.).  —  Chronique  des  Concerts 
•  Chronique  des  Sociétés  Lyriques  (Léo  Tostain). 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  René   PONSARD 


Je  ne  voudrais  pas 
ériger  en  système  que 
le  genre  de  talent  d'un 
poète  est  la  résultante 
forcée  des  circonstances 
qui  ont  entouré  sajeu^ 
nesse  et  des  influences 
que  ses  premières  an- 
nées ont  pu  subir.  Il 
faut  faire,  en  effet,  la 
part  des  dispositions 
primitives.  Toutefois, 
quoique  la  vie  exté- 
rieure d'un  écrivain 
in'intéresse  pas  beau- 
coup, d'ordinaire ,  le 
lecteur,  qui  veut  sur- 
tout connaître  le  poète 
et  non  l'homme,  il  est 
nécessaire,  pour  expli- 
quer Ponsard,  de  dire 
quelques  mots  de  la 
carrière  qu'il  a  parcou- 
rue. 

René  Ponsard  est  né 
■à  Arpajon,  le  20  dé- 
cembre 1826.  Orphelin 
de  père  et  de  mère,  il 
reçut  pour  toute  ins- 
truction celle  que  peut 
donner  un  instituteur 
de  village.  Bientôt,  soit 

que  le  caractère  indépendant  du  petit  gairs  lui  eût 
aliéné  ses  grands-parents,  soit  que  les  ressources 


caustiques   qu'il   affichait 
grand  mât. 


nécessaires  pour  lui 
mettre  un  métier  dans 
les  mains,  leur  fissent 
défaut,  ou  plutôt  et  c'est 
peut-être  la  vraie  raison, 
comme  il  avait  pour 
oncle  un  ancien  marin, 
il  fut  envoyé  à  Brest,  à 
l'école  des  mousses. 
Déjà  seul,  et  comme 
rejeté,  si  jeune!  Il  avait 
treize  aus.  Triste  car- 
rière. La  brutalité  des 
quartiers  maîtres  et 
des  seconds  maîtres 
n'était  pas  très  propre 
à  adoucir  ce  qu'il  pou- 
vait y  avoir  de  rugueux 
dans  son  moral.  Aussi 
a-t-il  conservé  de  cette 
époque  des  souvenirs 
qui  ont  le  don,  lors- 
qu'ils se  réveillent,  de 
ranimer  de  grosses  ran- 
cunes. Avec  quelle  ver- 
ve il  déclame  alors  les 
vers  aussi  ardents 
qu'incorrects  que  lui 
inspiraient  autrefois  les 
mauvais  traitements 
et  les  injustices  de  ses 
chefs  !  Elucubrations 
hardiment  au  pied  du 


114 


LA  CHANSON 


J'en  citerai  ce  passage,  légèrement  modifié 
coup  : 

O  gens  galonnés  d'or,  gens  sans  miséricorde, 

O  vous  qui  nous  zébrez  les  reins  à  coups  de  corde. 

Si  Dieu  m'avait  donné  la  force  de  Samson, 

Je  vous  ferais  au  cœur  passer  plus  d'un  frisson... 

Etreignant  de  mes  bras  cette  haute  mâture, 

Je  la  secouerais  tant,  du  faite  à  l'emplanture. 

Que  j'en  ferais  pleuvoir  sur  vos  fronts,  ô  forbans. 

Les  vergues,  les  agrès,  les  hunes,  les  haubans. 

Tout  ce  qui  peut  broyer  sous  son  poids  formidable 

Des  monstres  tels  que  vous. 


De  molasse,  il  était  devenu  professeur  des  mousses, 
puis  matelot,  puis  batelier  à  Marseille. 

Partout  la  satire  le  poursuit.  Il  faut  qu'il  cingle. 
Comme  ses  chefs  n'ont  pas  le  temps  de  lui  répondre 
en  vers,  ils  l'envoient  tout  simplement  en  Afrique. 
Il  passe  cinq  ans  aux  zéphyrs. 

Il  assiste  au  siège  de  Zaatcha,  puis,  de  retour  à 
Sétif,  il  entre  comme  copiste  dans  un  bureau.  En- 
fin libéré  du  service  et  du  séjour  des  silos,  il  est 
aujourd'hui,  et  depuis  vingt-sept  années,  employé 
dans  une  administration  de  chemin  de  fer,  et,  qui 
plus  est,  marié  et  père  de  famille.  Le  matelot  rétif, 
le  zéphj^r  rageur,  ont  fait  place  au  bourgeois  :  vous 
croiriez  voir  un  boa  gros  propriétaire;  car  PoQsard 
est  aussi  carré  au  physique  qu'au  moral. 

«  II  n'a  pas  appris  régulièrement  l'art  d'écrire  et 
de  penser  ;  mais  il  a  eu  pour  maître  la  nature  et  la 
vie  ;  il  a  été  mûri  par  les  grandes  épreuves  en  face 
des  grands  spectacles.  Son  originalité  amère  se  res- 
sent des  rudes  secousses  de  son  existence.  »  Ces 
lignes,  qu'écrivait  M.  Laurent  Fichât,  en  présentant 
au  lecteur  le  premier  recueil  de  Ponsard,  Les  Echos 
du  lord,  en  1862,  me  semblent  peindre  exactement 
le  poète.  J'ajouterai  toutefois  que  l'étude  et  le  temps 
ont  de  concert  assoupli  son  talent  et  son  caractère. 
Les  petites  mines,  la  mièvrerie  ne  sont  pas  son  fait. 
Non  toutefois  que  la  grâce  lui  manque  au  besoin. 
Ainsi,  il  nous  peint  la  Mareyeuse,  que  courtisent  les 
bruns  enfants  des  grèves. 

Que  de  buveurs  au  front  joyeux 
Ont  à  la  flamme  de  ses  yeux 
Brûlé  les  ailes  de  leurs  rêves  ! 

LaBaorjue  volée  se  termine  par  un  trait  touchant. 
Ce  matelot,  qui  pleure  sa  barque  comme  il  a  pleuré 
sa  mère,  s'emporte  en  imprécations  contre  le  voleur: 

Oh  !  qu'il  soit  tourmenté  sans  trêve, 
Ce  voleur  de  barque  maudit  ! 
Que  tous  les  galets  de  la  grève 
Déchirent  les  pieds  du  bandit  ! 
Que  son  chemin  soit  plein  d'épines  !... 

A  moins  qu'il  n'ait,  las  de  souffrir, 

Avec  le  fruit  de  ses  rapines, 
Des  petits  enfants  à  nourrir. 

Ponsard  est  surtout  à  l'aise  dans  les  sujets  qui 
demandent  de  la  vigueur.  L'invective  même  est 
assez  dans  ses  cordes,  quoique  il  soit  bon  au  fond, 
peu  jaloux,  modeste  même  à  ses  heures,  obligeant 
toujours. 

A  propos  d'invective,  je  citerai  un  fait.  Des  réu- 
nions périodiques  se  tenaient,  vers  1850,  chez  un 
ami  de  la  chanson,  chansonnier  lui-même,  et  non 


sans  talent,  quoique  un  peu  sentencieux.  Rabineau, 
Supernant,  Jeannin,  Pécatier  et  d'autres  formaient, 
là  entre  eux  des  concours  dont  les  juges  étaient  les 
concurrents  eux-mêmes.  Les  pièces  n'étaient  pas 
signées.  Un  soir  arrive  une  longue  pancarte  remplie 
de  vers  (deux  cents  et  plus)  et  intitulée  Un  temple- 
ignoré.  C'était  la  peinture,  à  la  manière  noire,  des 
choses  et  des  hommes  de  l'endroit.  Chacun  y  rece- 
vait son  coup  de  patte.  Le  plus  maltraité  de  tous 
était  un  chansonnier  bien  connu  dans  le  Templ^ 
iffmré,  le  seul  dont  le  nom  fût  voilé  d'un  pseudo- 
nyme, et  l'auteur  lui  faisait  l'honneur  de  lui  consa- 
crer plus  de  quarante  vers.  Voici  un  passage  de  cette 
philippique,  qui  donnera  suffisamment  le  ton  du 
reste  : 

Je  voudrais  ne  point  mordre  au  milieu  de  la  joue 
Ce  Pangloss  eifronté  qui  raille  et  fait  la  roue; 
Je  voudrais,  oui.  sans  doute,  et  tout  haut  je  le  dis, 
Ne  lui  voir  que  des  vers  par  son  travail  acquis  ; 
O  Gilquin,  je  voudrais. ..  ;  mais  ici  je  m'arrête. 
Car  (quels  vœux  insensés!)  je  t^;  voudrais  poète. 
Et  comment  à  ce  but  pourrais-tu  parvenir? 
Quels  fruits  de  ton  lalseur  oserais-tu  fournir? 
Et  quand  de  ton  cerveau,  source  d'acrimonie. 
Ne  ■découlerait  plus  de  visqueuse  sanie. 
Tu  ne  seras  toujours  qu'un  nuisible  chapon... 

Vous  voyez  que  Ponsard,  car  lé  morceau  était  de 
lui,  n'y  allait  pas  de  main  morte. 

Ponsard,  du  reste,  ne  semble  pas  près  de  renoncer 
à  la  satire,  s'il  tient  la  promesse  qu'il  se  fait  dans  les 
vers  suivants  qui  terminaient  la  même  pièce  : 

Oh  !  lorsque  l'agonie  égarant  ma  raison 
Marquera  de  mes  jours  le  fatal  horizon. 
Que  se  taira  mon  cœur  et  que  fuira  mon  âme. 
Que  de  toute  chaleur  s'envolera  la  flamme; 
Que  mon  pouls  cessera,  que  nies  yeux  s'éteindront,- 
Que  mon  sang  n'ira  plus  vivifier  mon  front; 
Qu'un  délire  insensé  s'échappant  de  ma  lèvre 
'       Dira  les  derniers  mots  de  ma  dernière  fièvre; 
Alors,  prêt  à  servir  de  pâture  à  des  vers. 
Pour  te  siffler  encor,  je  veux  râler  des  vers. 

Ponsard  a  publié   en    1873   un  second  recueil  : 

Chansons  de  lord.  Sa  muse  aime  la  mer  :  «  C'est  une 
bonne  fille,  dit-il  lui-même,  délurée,  d'un  carac- 
tère abrupt,  mais  franc  ;  elle  soupire  peu,  pleure 
encore  moins,  crie  beaucoup  et  rit  presque  toujours  ». 
Plus  lard  ont  para  les  Conj}s  de  garcette,  trois  cahiers 
publiés  en  Belgique  par  Lemonnier;  on  y  remarque 
La  Confession  d'un  forlan,  S'il  revenait! 

Il  a  inséré  des  vers  dans  plusieurs  recueils,  les 
Echos  du  Vaudeville,  l'Artiste,  VAlhum  du  Ion  Boclr 
et  collaboré  à  divers  journaux  littéraires  et  humoris- 
tiques :  le  Tintamarre,  le  Scajiin,  la  Crécelle,  la 
Chanson,  le  Réveil,  de  Delescluze,  où  parurent  ses 
Soldats  de  'proie. 

Il  est  aussi  l'auteur  d'une  pièce  attribuée  à  Pétrus 
Borel  par  un  des  biographes  de  ce  poète  :  Léthargie- 
de  la  muse.  Supercherie  qui  pourrait  bien 
Aux  Saumaises  futurs  préparer  des  tortures. 

Il  est  d'ailleurs  coutumier  du  fait,  et  il  est  quelque 
part  certaine  lettre  2}eu  connue  dont  je  voudrais  bien 
voir  l'original. 

Il  prépare  depuis  longtemps  un  nouveau  recueil^ 
qui  s'intitulera  les  Ancres  perdues. 


LA  CHANSON 


115 


Le  Navire  infernal.  Nos  MtcsseSi  Togjie  la  galère  ! 
VHôtesse  du  Cachnlol,  montrent  dans  le  talent  de 
Ponsard  des  ressources  variées.  La  netteté  de  la 
langue  n'enlève  rien  chez  lui  à  la  laataisie  du  fond. 
La  rime  est  toujours  riche,  l'image  exacte  et  bien 
suivie.  Car  il  y  a  bien  un  peu  de  coquetterie  dans  sa 
prétention  à  n'avoir  rien  appris  :  il  a  beaucoup  étu- 
dié, et  sait  beaucoup,  et  lit  toujours,  préférant,  il  est 
vrai,  pour  l'inspiralioa,  Régnier  à  Boileau,  pour  le 
style,  Diderot  à  Voltaire,  et  pour  l'entrain  (oserais-je 
le  dire?),  IJebraux  à  Béranger. 

Ponsard  a  aussi  couru  quelques  bordées,  sous  le 
nom  de  Lacayorne,  dans  les  parages  de  la  politique; 
BOUS  ne  l'y  suivrons  pas. 

C'est  le  vrai  Béranger  de  la  mer,  parfois  aussi  le 
Grécourt  (voir,  entre  autres  morceaux,  le  Petit 
navire);  ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'être  aussi  à  l'oc- 
casion un  poète  de  grand  souille  et  de  large  enver- 
gure : 

Que  le  vent  me  soit  propice  ou  non. 
Je  lance  en  pleine  mer  ma  nacelle  sans  nom. 
Si  le  flot  de  l'oubli,  comme  un  drap  funéraire, 
Me  doit  ensevelir  sous  l'onde  littéraire. 
J'attends  sans  tressaillir  le  moment  où  le  llux 
Jettera  sur  la  grève  un  naufragé  de  plus. 

Je  ne  sais  si  le  lecteur  sera  de  mon  avis,  mais  je 
■trouve  ces  vers,  placés  en  tète  des  Ech'ia  du,  hord, 
bien  supérieurs  à  (^cux  dont  Ponsard  accablait  en 
18110  le  malheureux  Gilquin.  Il  est  vrai,  pour  le  dire 
en  passant,  que  le  chansonnier  qu'il  drapait  sous  ce 
pseudonyme,  ce  Pary/lass  efrotilé,  ce  chaptiu,  n'était 
autre  que  son  biographe  d'aujourd'hui. 

EUII.    I.MItEBT. 


LA  CHANSON  A  L'ETRANGER 


Les  littérateurs  français  font  volontiers  profession 
•d'iiidill'ércnce  pour  les  produits  littéraires  de  l'étran- 
ger; l'étranger,  au  contraire,  accorde  une  attention 
soutenue  à  tout  ce  que  produit  la  France.  Nous  four- 
nirons aujourd'hui  deux  preuves  do  ce  fait  intéres- 
sant. 

Une  revue  publiée  à  Leipzig  en  hingue,  allemande 
sous  ce  titre  :  Zeitschrift  fu.r  neiifranzosichesprache,  et 
qui  correspond  à  notre  Remie  des  Deux-Mondes,  a 
■consacré  récemment  à  la  chanson  tine  étude  trop 
longue  pour  que  nous  la  puissions  reproduire,  mais 
qui  dénote  chez  son  auteur,  M.  E.  0.  Lubarsch,  une. 
connaissance  rare  de  la  langue  française  et  un  sens 
«ritique  non  moins  rare.  Nous  l'en  remercions  sin- 
cèrement et  le  prions  de  vouloir  bien  nous  continuer 
son  attention  bienveillante. 

Une  autre  publication,  l'Occhialetto,  qui  parait  à 
Naples  depuis  huit  ans,  en  italien,  et  qui  réserve  au 
français  une  page  intitulée  Page-Caprice,  publie  dans 
un  de  ses  dei-niers  numéros  cet  avis  original  : 

,  Le  pardon  est  la  vertu  des  grandes  âmes  et  nous 
sommes  sûrs  que  nos  aimables  lectrices  nous  au- 
ront déjà  pardonné  notre   absence  involontaire   de    sa- 


medi passé.  Au  moins  pouvons-nous  dire  pour  nous 
excuser  que  nous  ne  sommes  pas  restés  les  bras  croisés 
et  que  nous  n'avons  pas  perdu  notre  temps,  puisque 
nous  pouvons  leur  annoncer  que,  grâce  à  un  accord  fait 
avec  l'Administration  du  Journal  parisien  La  Chan- 
son (1)  notre  Page-Caprice  devient  une  page  musicale 
et  illustrée  (!!!)  Aujourd'liui  nous  publions  le  portrait 
de  "V^  Hugo;  dans  le  prochain  numéro  nou-j  inaugure- 
rons une  série  de  chansonnettes  en  commençant  par 
une  Barcarole  de  G.  Nardin,  musique  de  Charles  Jaume, 
puis  nous  donnerons  le  portrait  du  célèbre  chansonnier 
Pierre  Dupont  et  sa  biographie  écrite  par  M.  L. -Henry 
Lecomte. 

Que  nos  charmantes  lectrices  veuillent  donc  nous 
absoudre  de  nos  péchés  passés  et  nous  leur  promettons 
de  ne  nous  absenter...  que  le  moins  possible. 

Les  promesses  faites  par  VOcchialetto  à  ses  lecteurs 
ont  été  tenues  depuis;  mais  nous  tenons  à  dire  à 
notre  obligeant  confrère  que  nous  l'autorisons  à 
prendre  dans  nos  colonnes  tout  ce  qiti  lui  paraîtra 
susceptible  d'intéresser  sa  nombreu-se  clientèle. 

La  Belgique,  la  Suisse,  l'Angielerre-,  les  Etats-Unis, 
les  colonies  les  plus  lointaines  apportent  également 
à  noire  oemie  modeste  un  concours  amical.  Nous 
remercions  lout  le  monde  en  promettant  de  redou- 
bler d'efforlH  pour  juslitier  ces  sympathies  précieuses 
el  en  ac(iuérir  encore  de  nouvelles. 

A.  P. 


Nnu-;  publierons  dans  notre  prochain  numéro  le 
résultat  de  notre  Douzième  Goxcouns. 

TREIZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  dio  20  août  au  20  septembre. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  pttlilierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  l»''  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  v  consenl. 


A  ]\OS  LECTEURS 

Le  succès  toujours  croissant  de  notre  jotu-nal  nous 
oblige  à  des  sacrifices  nouveaux;  aussi  comptons- 
nous  satisfaire  à  la  demande  d'un  grand  nombre  de 
nos  acheteurs  en  multipliant  les  Illustrations. 

Nous  réservons  pour  cet  liiver  des  surjmses  à  nos 
lecteurs  :  nous  voulons  que  notre  publication  soit 
sans  rivale  dans  son  genre.  Nous  préparons  aussi 
pour  nos  abonnés  de  vcrlla.M es  primes,  el  cela  très- 
prochainement. 


Vient  de  paraître  i\  notre  librairie  un  nouveau 
Catalogue  «le  livres  ancien.s  et  luodernc»!,  rares  et 
curieux.  l\ous  cnvcrron.s  ce  catalogue  franco  iV  toute 
personne  (pii  nous  en  fera  la  demande  par  lettre 
affranchie. 


(1)  >'oiia  recommandons  chaudement  à 
eesante  Revue  de  musique  populaire,  lîlle 
aparle,  18J  tous  les  samedis  et  ne  coûte 


us  nos  lecteurs  cette  rnte- 
publie  à  Paris  (Rue  Bo- 
jur    l'Italie  que  S  frs.    par 


116 


LA  CHANSON 


L'INTRANSIGEANT 


Air  :  Tant  d'ia  vertu,  pas  trop  n'en  favt. 


Il  est  galant,  honnête  et  fort  : 
Vive  Monsieur  de  Rochefort! 

Pour  le  peuple  qu'il  glorifie 
Et  qui  l'aime  d'un  tendre  amour, 
Résumons  la  biographie 
De  ce  trioniphateur  du  jour. 

Il  est  galant,  etc. 

Il  naquit  dans  la  capitale 
En  l'an  mil  huil  cent  trente  et  im, 
Avec  un  Iront  d'hydrocéphale 
Surmonté  d'un  haut  toupet  brun. 

Il  est  galant,  etc. 

Son  père  — A.  de — tenait  boutique 
De  versiculets  et  d'esprit  ; 
Quant  à  sa  mère,  la  chronique 
Sur  elle  n'a  jamais  rien  dit. 

Il  est  galant,  etc. 

Boursier  à  Saint-Louis,  poëte, 
Pour  la  Viei-ge  et  les  d'Orléans 
Il  fit  chanter  à  sa  musette 
Des  vers  jolis  et  bienséants. 

Il  est  galant,  etc. 

Plus  tard,  négligent  bureaucrate. 
Pour  étaler  impunément 
Tous  ses  défauts  d'aristocrate 
D'Haussmann  il  quêta  l'agrément. 

Il  est  galant,  etc. 

Bientôt,  par  besoin  ou  cynisme. 
Notre  peu  scrupuleux  gaillard 
Cultiva  le  bas  journalisme 
Et  le  vaudeville  égrillard. 

Il  est  galant,  etc. 

Un  jour,  pour  charmer  la  pratique. 
Un  entrepreneur  avisé 
Le  sacra  tombeur  politique, 
Avec  brevet  fleurdelisé. 

Il  est  galant,  etc. 

Dès  lors  on  le  vit  —  6  morale  !  — 
Chaque  soir,  grave  et  singulier. 

Creuser  la  question  sociale 

En  cabinet  particulier. 

Il  est  galant,  etc. 

La  lèvre  humide  de  Champagne, 
Tous  les  matins  il  reprenait 
Son  impitoyable  campagne 
Contre  l'Empire qui  "tombait. 

Il  est  galant,  etc. 


Sa  Lanterne,  produit  baroque 
Variant  d'allure  et  de  son, 
Parfois  procédait  d'Archiloque 
Mais  plus  souvent  de  Commerson. 

Il  est  galant,  etc. 

César  enfin  lança  sa  foudre 
Contre  le  farouche  écrivain 
Qui  d'escampette  prit  la  poudre 
Et  s'établit  près  de  Louvain. 
Il  est  galant,  etc. 

D'un  exil  pantagruélique, 
Il  revint,  l'Empire  chassé. 
Sur  les  pas  de  la  République 
Qui  voulait  venger  le  passé. 
Il  est  galant,  etc. 

Pendant  que  Paris  pris  au  piège 
Luttait  des  ongles  et  des  dent<. 
Lui  que  jamais  la  peur  n'assiège 
Fit  des  articles'redoadants. 

Il  est  galant,  etc. 

Sa  réserve  de  noire  bile 
Durait  encor,  pour  son  malheur. 
Quand  un  ennemi  trop  habile 
Nous  eut  tout  ravi,  sauf  l'honnem-. 
Il  est  galant,  etc. 

Pour  la  malfaisante  Commune 
Il  écrivit,  chanta,  cria, 
Et  cette  ardeur  inopportune 
Le  conduisit  à  Nouméa. 
Il  est  galant,  etc. 

Il  s'évada  sans  grande  peine 
Au  moment  où,  très-protégé. 
Le  sinistre  et  honteux  Bazaine 
D'une  autre  île  prenait  congé. 
Il  est  galant,  etc. 

Oîi  vécut-il?  cola  n'importe; 
Du  pays  des  contrefaçons 
Quand  l'amnistie  ouvrit  la  porte 
11  surgit  avec  des  chansons. 
Il  est  galant,  etc. 

Le  vrai  peuple  sur  son  passage, 
Intelligemment  espacé. 
Porta  sur  lui  cet  arrêt  sage  : 
((  Il  a  beaucoup   trop  engraissé  ». 
Il  est  galant,  etc. 

Dès  le  lendemain  le  terrible. 
Au  solide  toujours  songeant. 
Remuait  toute  âme  sensible 
En  créant  son  Intransigeant. 
Il  est  galant,  etc. 


Ce  journal,  fruit  de  son  automne,, 
Aux  porteurs  pauvres,  nous  dit-on. 
Il  ne  le  vend  pas,  il  le  donne. 
Et  se  contente  du  bouillon. 

Il  est  galant,  etc. 

Depuis,  sermonnant  qui  l'écoute,^ 
Et  des  banquets  prisant  le  veau. 
Orateur  profond,  il  ajoute 
A  sa  gloire  un  rayoni  nouveau. 

Il  est  galant,  etc. 

Cachant  dans  une  tirelire 
Les  louis  qu'il  a  récoltés, 
«  Je  suis,  clame-t-il  en  délire, 
Du  parti  des  déshérités  !  » 

Il  est  galant,  etc. 

Mais  si,  suspectant  sa  bedaine. 
Un  frère  l'interroge  net. 
Il  dit  une  calembredaine 
Et  regagne  son  cabinet. 

Il  est  galant,  etc. 

Car  ce  prince  des  pamphlétaires 
Au  fond  de  lui-même  sent  bien 
Qu'aux  problèmes  humanitaires 
Jamais  il  ne  comprendra  rien. 

Il  est  galant,  etc. 

De  sa  campagne  audacieuse 
Contre  un  débonnaire  pouvoir, 
La  terminaison  glorieuse 
Est  assez  facile  à  prévoir. 

Il  est  galant,  etc. 

Au  jour  du  scrutin  populaire, 
Les  électeurs  qu'il  ameuta 
Applaudiront  sa  circulaire 
Et  nommeront  tous...  Gambettaw 

Il  est  galant,  etc. 

Alors  d'ambition  rentrée 
Et  de  colère  suffoquant. 
Il  rendra  son  âme  titrée 
Gomme  une  âme  de  vil  croquand. 

Il  est  galant,  etc. 

Et  quelque  jobard  famélique 
Lui  fera  graver  sur  l'airain 
Cette  épitaphe  véridiquc. 
Contresignée  Olivier  Pain  : 

«  Il  fut  galant,  honnête  et  fort, 
Pleurons  Monsieur  de  Rochefort  !  » 


SOIMEBOOY. 


LA  CHANSON 


117 


VOYAGE  Amufi  B'iiN  mm 

SIMPE.E      BÉCIT 

Poésie  d'EïiLK  Segici..  miisùiMe  de  Jil.Es  Quoivr. 
Mod'? 


Jeune.  00 -iri  .   èrs,     a        l'ai 


r  œu    _ 


lin.     Je      l'n   .  per .  çub         uo      beau     ma.  lin. 


toa  .  KJoau      If*        Ole  .   me-^^  (rot.toir.     Et 
jn       nui.'iH...  iiaoït    le       Ton. loir,  (.'et. te 


>■«,       rea.dOQ»         bout    .      oa      .      fte'     Tbiht 


^--^-^^:^^fe^.=mN^ 


•u     tour        d'UD        jo      .       poD, 


Qo'il 


A         poo,  Qo'il   «81  doni    le     loj  .    a        .  ge 


Vers  elle,  un  charme  m'attirai!  ; 
En  passant  elle  se  mirait 

Devant  plus  d'une  glace... 
Mes  yeux  y  rencontrant  ses  yeux. 
Un  sentiment  délicieux. 

Dans  nîon  cœur  prenait  place  ! 

A  ton  minois,  etc. 

Je  vis  ses  dents  blanches  ronger 
Un  croissant  pris  au  boulanger  ; 

Elle  n'était  pas  fière  ! 
Puis,  à  sa  jambe,  rond  trésor. 
Elle  entra  dans  un  corridor. 

Fixer  sa  jarretière  ! 

A  ton  minois,  etc. 


Mon  bureau,  —  hasard  singulier,  — 
Était  près  de  son  atelier  : 
Je  bénis  cette  chance  ! 
Chaque  matin  Ton  se  revit, 
Et  voilà  comment  il  se  fil, 
Qu'on  lia  connaissance  ! 

A  ton  minois,  etc. 

On  en  vint  à  s'aimer  d'amour  ; 
On  se  le  dit,  mais  sans  détour; 

Ce  n'est  pas  ma  maîtresse  ! 
Elle  est  ma  femme  bel  et  bien, 
Car  être  honnête,  n'est-ce  rien  ? 

Vertu  passe  richesse  ! 

A  ton  minois,  etc. 

-aujourd'hui,  la  main  dans  la  main. 
Nous  suivons  le  même  chemin  ; 

De  fleurs  est  notre  chaîne  ! 
Ensemble  à  l'ouvrage  on  se  rend. 
Ensemble  on  rentre  s'adorant. 

Le  long  de  la  semaine  ! 

A  ton  minois,  etc. 

Et  les  dimanches  du  bon  Dieu, 
Quand  le  printemps  met  son  ciel  bleu, 

A  la  fenêtre  ouverte; 
Pour  nous  délasser,  nous  allons 
Courir  les  bois  et  les  vallons. 

Dans  la  campagne  verle! 

A  ton  minois  fripon, 
■  Femme,  rendons  hommage; 
Tout  autour  d'un  jupon , 
Qu'il  est  doux  le  voyage  ! 


AU  CAVEAU! 

Rondeau 

A.n  :   loo.»  rappelez-eons...  (PttL  Huiiiuon) 

Salut  au  Caveau,  le  joyeux  cénacle 
Où  les  cœurs,  battant  tous  à  l'unisson. 
Depuis  si  longtemps,  comme  par  miracle. 
Sont  restés  amis,  grâce  à  la  Chanson! 

Tu  n'es  pas  la  crypte  aux  dédales  sombres 
Où  l'humanité  dort  le  long  sommeil.... 
Caveau,  tu  n'es  pas  le  séjour  des  ombres. 
Mais  des  bons  vivants,  fils  du  dieu  Soleil  ! 

Tes  chanteurs  fameux  ont  pris  pour  idole 
La  riante  fille  au  court  cotillon. 
Dont  le  tambourin  bat  la  farandole 
De  Catin,  Margot,  Lise  et  Frétillon. 

C'est  eux  qui  jadis  livraient  des  batailles 
Aux  clos  de  Bourgogne,  aux  crus  bordelaié. 
Défonçant  gaîment  des  rangs  de  futailles 
Dont  le  sang  coulait  à  pleins  gobelets. 


118 


LA  CHANSON 


Le  chef  grisonnant,  ]a  l'ace  vermeille, 
Ils  chantaient  encor  couchés  sur  le  flanc, 
Comme  en  un  cellier  le  jus  de  la  treille. 
Dans  les  vieux  flacons  tout  poudrés  de  blanc. 

Au  seuil  de  leur  temple  Apollon  m'accueille; 
Autour  de  l'autel  le  chœur  est  rangé  ; 
Et...  tremblant...  ému,  je  signe  la  feuille 
Où  se  sont  inscrits  Clairville  cL Grange! 

Je  suis  enivré  de  la  bonne  aubaine 
Qui  me  fait  ce  soir  membre  du  Caveau, 
Car  je  vais  m'entendreà  ma  cinquantaine. 
Par  vous,  les  fervents,  nommer  le  nouveau  1 

Etre  le  nouveau!  Vrai...  cela  m'étonne  ; 
Ai-je  remonté  le  cours  du  destin? 
Pour  moi  le  printemps  remplace  l'automne, 
Et  j'ai  mon  été  de  la  Saint-Martin. 

Je  veux  donc,  bravant  votre  droit  d'ainesse. 
Rire  et  me  moquer  du  qu'en-dira-t-on. 
Ici  les  anciens  gardent  la  jeunesse... 
Le  dernier  venu  peut  narguer  Caton. 

Je  ne  brigue  pas  la  couronne  insigne 
Des  vaillants  héros  de  vos  beaux  desserts. 
Mais  je  mêlerai,  comme  un  chant  du  cygne. 
Ma  modeste  voix  à  vos  gais  concerts. 

Donnant  au  couplet  le  pas  sur  la  prose. 
J'ai  mis  des  pipeaux  sur  mes  parchemins. 
Je  prends  le  sentier  qu'une  eau  pure  arrose  ; 
Il  fait  trop  do  vent  sur  les  grands  chemins... 

Le  tour  d'un  jardin,  c'est  là  mon  voyage; 
Des  explorateurs  je  crains  les  guignons. 
Ma  canne,  un  bouquin  forment  mon  Ijagage, 
Et  mes  souvenirs  sont  mes  compagnons. 

Je  vous  dois  l'aveu  de  quelque  faiblesse  : 
Mieux  que  les  soupirs  j'aime  le  flon  flon  ! 
Je  bois  plus  de  vin  que  de  lait  d'ànesse... 
Je  n'ai  point  encor  chassé....  Madelon! 

Non,  je  ne  suis  pas  glacé  connue  un  pôle. 
Mais  je  me  soumets  à  vos  règlements; 
Puisque  le  bras  rond  et  la  blanche  épaule 
Se  voient  exilés  de  ces  lieux  charmants. 

Je  vais  adorer  la  grande  maîtresse, 

Colle  qui  vous  a  comblés  à  foison, 

La  Chanson,  qui  donne  un  brin  de  sa  tresse 

Sans  tarir  le  flot  d'or  de  sa  toison  ; 

Celle  qui,  le  soir  qu'un  air  de  fauvette 
Faisait  rêvasser  votre  vieux  rimeur, 
A  mis  sur  ma  lèvre  une  chansonnette 
Dont  votre  indulgence  aima  la  primeiu:. 

Et  j'ai  vu  s'ouvrir  devant  moi  l'arène 
Dont  tous  les  échos  disent  vos  refrains. 
A  toi  mes  baisers,  Chanson  ma  marraine  1 
Mes  deux  mains  pour  vous,  aimables  parrains  ! 


A  vous  deux  merci  des  moments  prospères 
Qu'au  Caveau  je  vais  couler  désormais.     ., 
A  vous  tous  merci,  chansonniers  mes  frères, 
De  m'avoir  conduit  aux  dieux  que  j'aimais! 

Je  bois  au  Caveau,  le  joyeux  cénacle 
Où  les  cœurs,  battant  tous  à  l'unisson, 
Depuis  si  longtemps,  comme  par  miracle. 
Sont  restés  amis,  grâce  à  la  Chanson  ! 

Emile  Bourdelin. 
6  août  1880. 


ONZIÈME  CONCOURS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON 
3°  Prix. 

PAPILLONS 


Le  soleil  les  a  fait  éclorc 

Au  fond  d'un  calice  argenté, 

Us  s'en  vont,  joyeux,  vers  l'aurore. 

Ivres  déjà  de  liberté. 

Leurs  belles  ailes  nuancées 

Ont  de  métalliques  rayons... 

Envolez-vous,  ô  mes  pensées, 

O  papillons  ! 
0\\  vont-ils?  Le  divin  caprice 
Les  guide  seul  en  leur  chemin, 
De  l'émei'aude  d'un  calice 
Aux  frais  pétales  de  carmin  ; 
A  toutes  les  frêles  corolles 
Us  font  de  longues  stations... 
Serments  d'amour,  promesses  folles, 

0  papillons  !        -  ■ 

Us  ne  voient  pas,  ces  fous  superbes. 
Qui  croient  tous  les  êtres  comme  eux, 
Les  serpents  cachés  dans  les  herbes, 
Vils,  hypocrites,  venimeux. 
Sans  pem",  sans  haine,  sans  envie. 
Us  forment  leurs  gais  bataillons... 
Premiers  errement  de  la  vie, 

0  papillons  ! 
Jalouse  de  couleurs  si  belles. 
Une  étyre,  aux  huit  yeux  perçants, 
Un  matin,  déchire  les  ailes 
De  ces  insoucieux  passants. 
Morts,  seules  les  blanches  fleurettes 
Les  pleurent  au  fond  des  vallons  : 
Ainsi  meurent  tous  les  poètes, 

O  papillons  ! 
Qu'importe,  ô  papillons  de  moire, 
O  papillons  d'azur — mêlez 
Vos  ailes  ou  d'or  ou  d'ivoire 
A  nos  cieux  si  souvent  voilés. 
Oh!  que  nos  matins  seraient  tristes 
S'ils  n'étaient  que  des  vibrions  ! 
Croissez,  fous,  vagabonds,  artistes, 

0  papillons  ! 
Octave  Lebesgde  [Lijo%). 


LA  CHANSON 


119 


POUR  BÉRANGER 


La  rôle  de  nuit,  donnée  à  Lj"on  par  la  Société  des 
Joyeux  Amis.,  au  profil  de  l'érection  d'un  monument 
à  Bérangcr,  a  eu  lieu  samedi  14  août.  Grâce  au  bon 
goût  des  organisateurs  et  à  l'appui  de  la  presse 
lyonnaise  qui,  sans  distinction  de  partis,  a  reproduit 
la  lettre  adressée  par  le  Comité  à  notre  ami  Octave 
Lebesgue,  jamais  fête  n'a  été  plus  brillante. 

Dès  neuf  heures  du  soir,  une  foule  sympathique 
et  nombreuse  se  pressait  aux  portes  de  la  maison 
Auberl,  dont  les  vastes  jardins,  éclairés  a  giorno 
par  des  milliers  de  lanternes  vénitiennes,  avaient 
pris  un  aspect  féerique. 

Un  concert,  réglé  avec  le  plus  grand  soin,  a  servi 
d'introduction  à  la  fête,  et  nous  devons  rendre  hom- 
mage à  tous  ceux  qui  y  ont  pris  part. 

Citons  particulièrement  M""^  Gabriel,  élève  du 
Conservatoire,  qui  s'est  révélée  artiste  de  talent  par 
la  façon  dont  elle  a  chanté  le  Salut  à  la  France  de  la 

FiLI.E  DU  l-tÉ(;iMEN'r  ; 

M"°  Gaillard,  qui  tenait  le  piano  et  qui  a  montré 
un  zèle  infatigable  ;  le  désopillanl  Bouvard  pour  sa 
Conférence  sur  le  Divorce  ; 

M.  Andrieux,  baryton  de  talent,  pour  ses  roman- 
ces, (!t  M.  Dcpay,  pour  la  façon  charmante  dont  il  a 
dit  la  scène  patriotique  :  k  Le  Peuplier  de  Mulhouse  ;  » 

M.  Octave  Lebesgue,  un  poêle  que  vous  connais- 
sez bien,  avait  écrit  une  ode  à  Bérangcr,  qu'il  devait 
réciter  lui-même  ;  mais,  s'étant  trouvé  empêché, 
M.  Mario  a  bien  voulu  se  charger  de  la  faire  enten- 
dre au  public,  qui  eu  a  acclamé  l'auteur  absent. 
Citons  encore  la  Fanfare  des  Touristes  lyonnais, 
VHarnionîe  du  premier  arrondissement,  la  Chorale 
des  Enfants  des  Muses,  etc 

J'en  passe,  et  des  meilleurs 

A  minuit,  un  ballon,  «  Le  Béranger  »,  gonflé  à 
l'air  chaud,  s'élève  dans  le  ciel  aux  applaudisse- 
ments enthousiastes,  et  la  foule  suit  longtemps  des 
yeux  le  glolie  de  fou  qui  va  se  perdre  dans  la  nuit. 

A  une  heure,  bal. 

C'est  là  vraiment  que  la  fêle  prend  un  aspect  fan- 
tastique, et,  grâce  à  l'orchestre  composé  des  meil- 
leurs artistes,  sous  l'habile  di  rection  de  M.  Dcveau, 
les  danseurs  s'ébattent  jusqu'au  jour. 

En  somme,  soirée  charmante  et  digne,  en  tous 
points  de  l'illustre  chansonnier. 

Kous  donnerons  le  résultat  qui  n'est  pas  encore 
connu. 

J.  M. 


Nous  arons  reçu  de  la  Lyre  Amicale,  présidée 
par  M.  Dupont,  la  somme  de  100  fr.  2o,  produit  de 
la  soirée  donnée  par  cette  Société  pour  la  statue  de 
Béranger. 

Nous  publierons  prochainement  une  sixième  liste 
de  soiiscriptions. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Vendredi  dernier,  en  passant  rue  Biot,  aux  Bali- 
guûUes,  l'idée  nous  prit  d'entrer  un  instant  au 
CONCKRT  Européen,  et  ma  foi,  d'instant  eu  instant, 
nous  sommes  reslés  toute  la  soirée  —  ce  qu'entre 
parenthèse,  nous  ne  regrettons  pas.  —  Sans  être 
un  concert  de  premier  ordre,  I'Européen  possède 
d'assez  bons  artistes;  c'est  du  reste  une  petite  pépi- 
nière d'où  sont  sortis  Mil.  Uucastel,  Pichat,  Henriot, 
Mme  Fernande  et  beaucoup  d'aulres  aviislcsen  vogue 
dont  les  noms  nous  échappeul.  Isous  signalerons, 
eu  ce  moment,  M.  Gaston  Ledoux,  un  bon  comique 
genre  Ducastel,  qui  chante  Ça  m'fait  rêver  d'amour, 
d'une  façon  tout  à  lait  désopilante;  cet  artiste  serait 
d'un  bon  clfeL  à  la  Scala,  où  son  genre  n'est  tenu 
par  personne.  Nous  remarquons  aussi  M.  Gardel, 
qui  détaille  fort  bien  les  Mémoires  d'un  billet  de 
Banquf,  el  Mnii'  Aurélie,  très  fine  dans  le  Ruban 
rose.  Les  nul  l'es  nrlisli'^  s.  ml  îles  jciuies,  qui  ne  sont 
p;is  riiciiiv  iiL^iiiTri^  ,iiix  j.l.iiii-hfs,  mais  qui  révèlent 
de  Ijiimics  lUspu.-ilioiis  et  aspirent  à  suivre  l'exem- 
pl(^  de  leurs  devanciers. . 

Notre  sympalhi(iue  camarade  Ville,  que  beaucoup' 
d'entre  vous,  chers  lecteurs,  ont  applaudi  dans  les- 
Sociétés  lyriques,  a  donné  une  audilion  publique- 
qui  a  fort' bien  réussi;  cependant  il  nous  a  paru  un 
peu  au-dessous  de  son  niveau  habituel,  ce  qui  n'a 
pas  lieu  de  nous  surprendre,  car  malgré  tout  son 
aplomb,  il  est  certain  que  l'émotion  lui  retirait  un 
peu  de  ses  moyens  ordinaires.  Nous  ignorons  s'il 
est  engagé,  mais  d'après  l'accueil  favorable  des  ha- 
bitués du  Concert,  tout  nous  porte  à  le  croire. 

La  Bonni'  au.r  CaniHias,  vaudeville  en  un  acte,  do 
MM.  Crémii'iix  cl  .l.iinie  (lisez  Pedro  Gardas),  est 
enlevé  cou\'ciiiililciiiL'ut  par  MM.  Fayolle,  Kégiane, 
Numas,  Ledoux;  MiuesCramer,  Lepàilleiu'  etBerthe 
Legraud.  Knfin,  pour  terminer,  nous  dirons  que, 
malgré  la  chaleur,  les  fauteuils  et  les  stalles  d'or— 
cheslre  étaient  coniplètemcnl  garnis,  ce  qui  est 
d'un  heureux  présage  pour  l'iiiver  prochain. 


Samedi,  sous  une  nouvelle  direction,  a  eu  lieu  la 
réouverture    des   Folies-Saixt-Martix.   Dès     huit 
heures,  un  public  nombreux  avait  envahi  toutes  les 
places,  et  c'est  avec  beaucoup    de  peine  que   nous 
sonunes  parvenus  à  trouver  une  moitié  de  strapon- 
tin. La  salle,  remises  à  neuf  cl  complètement  trans- 
formée, ressemble  beaucoup  au  Coxcert  Parisien:. 
et   aux  Folies-Ramruteau  ;    trois    grandes    allées  • 
rendent  la  circulation  facile  d'un  bout  à  l'autre.  Lar 
scène  a  subi  aussi  de  nombreuses   transformations 
qui  permettent  de  représenter  des  revues  avec  chan- 
gements de  tableaux.  Le  sous-sol,  où  étaient  autre- ^ 
lois   les  billards,  a  été  arrangé  en  jardin  d'hiver--, 
une   cascade,    des  rochers,  une  décoration   somp-- 
tueuse  etunéclairage  d'une  demi-clarté,  lui  donnent 
un  aspect    tout  à  fait  féerique;  ce  délicieux  jardin 
sera  (nous  en  sommes  certains),  très  goûté  des  ama- 
leurs  de  fraîcheur. 

Parmi  les  artistes  composant  la  nouvelle  troupe, 
nous  citerons  particulièrement  M.  Pissarello,  amu- 
sant au  possible  dans  ses  acrobaties  musicales; 
cet  excellent  artiste  n'es',  pas  tout  à  fait  un  in- 
connu, car  beaucoup  d'entre  nous  l'ont  applaudi  à 
I'Eldorado,  où  il  obtenait  le  même  succès  qu'aux 
Foi.ie.s-Saixt-Martin. 

M.  Cassabon,  transfuge  de  I'Opéra  de  Lyon,  chante 
des  fragments  d'opéra,  et  recueille  de  nombreux 
applaudissements,  preuve  certaine  que,  malgré  le 
goût  du  jour,  le  public  est  encore   très  amateur  de 


120 


LA  CHANSON 


bonne  musique.  Nous  ne  samions  trop  féliciter  la 
direction  de  cette  tentative  de  résurrection  du  grand 
répertoire  au  café-concert.  MM.  Alberti,  Denizot  et 
Vassor  complètent  un  bon  ensemble.  La  partie  fémi- 
nine laisse  bien  à  désirer,  mais  il  ne  faut  pas  être 
exigeant  et  demander  l'impossible  du  premier  coup. 

M.  Michel  Bordet,  poète  improvisateur,  a  équili- 
bré sur  le  champ,  avec  des  rimes  plus  ou  moins 
sensées,  données  par  les  spectateurs,  une  petite 
pièce  de  vers,  intitulée  le  Rossignol.  Sur  la  Presse, 
second  sujet  donné  par  le  public,  M.  Bordet  a  fait 
une  jolie  chanson  qui  a  été  interrompue  à  diffé- 
rentes reprises  par  de  nombreuses  acclamations. 
M.  Ch.  NicoUe,  le  régisseur,  est  venu  lire  le  pro- 
gramme que  la  nouvelle  direction  se  propose  de 
suivre,  et  a  annoncé  que  les  jeunes  auteurs  et  les 
jeunes  artistes,  sei-aicnt  accueillis  favorablement  aux 
Folies-Saint-Martin  . 

Pour  terminer  la  soirée,  le  Tigre  dit,  Bengale  a  été 
joué  convenablement  par  une  partie  de  la  troupe. 
Une  petite  question  :  pourquoi  couper  une  des  meil- 
leures scènes  de  la  pièce,  est-ce  avec  intention,  ou 
est-ce  la  faute  d'un  interprète  manquant  de  mé- 
moire? Nous  conseillons  au  répétiteur  de  faire 
jouer  la  pièce  en  entier. 

De  nombreuses  invitations  avaient  été  envoyées  à 
la  presse,  et  beaucoup  de  nos  confrères  sont  venus 
prouver  leur  sympathie  à  la  nouvelle  direction. 


La  réouverture  de  Ba-ta-Glan  a  eu  lieu  samedi 
dernier;  nous  en  reparlerons  dans  notre  prochaine 
chronique. 

A  LA  ScALA,  rien  de  nouveau  la  semaine  dernière. 
Au  1)on  lapin  sauté,  la  Ijouffonnerie  de  MM.  Gothi  et 
Villebichot  obtient  beaucoup  de  succès,  nous  ne  se- 
rions pas  surpris  qu'elle  restât  encore  une  quinzaine 
au  moins,  sur  l'affiche.  La  prochaine  revue  qui  sera 
représentée  s'appellera  La  Soupe  et  le  iœwf,  revue  or- 
dinaire de  l'année,  en  deux  actes;  paroles  et  musique 
de  MM.  Bruant  et  Jules  Jouy. 

L'excellent  Bourges  doit  créer  prochainement  une 
chansonnette  de  M.  Emile  Ségaud  et  de  notre  ami 
Jules  Jouy,  la  musique  est  écrite  par  M.  Gh.  Grosriez; 
le  titre  n'est  pas  encore  arrêté,  mais  il  est  pro- 
bable que  les  auteurs  se  décideront  pour  C'qwefai- 
mons. 

A  l'Eldorado,  Mlle  Berthicr  a  créé  avec  succès 
Ninette,àe  notre  collaborateur  Maxime  Guy,  musique 
de  M.  Albert  Flacière.  Très  prochainement  Velly 
doit  créer  Êles-vous  comme  moi,  de  notre  rédacteur 
en  chef,  musique  de  Jules  Raux. 

Alfred  Bertinot. 


Ancienne  Maison  Simon,  A.  Farcy,  successeur, 
70,  rue  d'Angoulème-du-ïemple,  lundi  23  août  1880, 
à  huit  heures  du  soir  très  précises,  Soiréb-Goguette 
donnée  au  bénéfice  de  Jules  Jeannin,  chansonnier, 
sous  le  patronage  de  ses  nombreux  amis.  —  Tous 
ses  collègues  chansonniers  se  feront  un  devoir  de 
prêter  leur  concours  à  cette  soirée,  qui  sera  présidée 
par  le  camarade  Guigm.  —  Grand  concours  de  chant 
et  de  poésie.  —  Six  prix  seront  offerts  aux  meilleurs 
chanteurs  et  chanteuses.  —  Tombola  gratuite. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

La  Lyre  de  la  Gaité  a  donné,  samedi  14  août,  18 
rue  Descartes  [siège  habituel  de  ses  reunions)  une  soirée 
extraordinaire;  malgré  la  grande  chaleur,  la  salle 
était  comble. 


Il  n'y  avait  pas  de  programme,  mais,  avec  la  pré- 
sidence de  l'ami  Letirand,  on  comptait  sur  une  char- 
mante soirée. 

Cette  attente  n'a  pas  été  trompée.  Les  Sociétés 
V  Union  Parisienne  et  V  Union  Française  étaient  ample- 
ment représentées. 

Nous  adressons  tout  d'abord  nos  compliments  sin- 
cères et  bien  mérités  à  Mesdames  Wurer,  Lheureux 
et  Paiil  et  Mesdemoiselles  Henriot  et  Louise.  Citons 
aussi,  pour  mémoire,  Mme  Adèle,  son  éloge  n'étant 
plus  à  faire. 

Parmi  le  c6té  masculin,  il  a  été  brillamment  re- 
présenté par  Messieurs  Tiercelin  et  Moumoutte  (sans 
préjudice  des  noms  qui  m'échappent).  Mais  une  men- 
tion spéciale  est  due  à  ces  vrais  et  bons  artistes,  vail- 
lants champions  de  nos  réunions  lyriques. 

Une  triple  salve  d'applaudissements  a  forcé  notre 
ami  Tiercelin  a  chanter  et  le  grand  air  d'Haijdée  et 
celui  du  Chalet  ;  Moumoutte  a  surtout  été  désopilant 
dans  :  Je  suis  triste,  on  aurait  pu  croire  que  nous 
l'étions  aussi,  car  nous  pleurions  (de  rire). 

Le  piano  a  été  tenu  par  Fernand,  accompagnateur 
habituel  de  la  société.  Le  pianiste  de  l'Union  Pari- 
sienne et  de  r  Union  Française,  M.  Pradel  a  bien  voulu 
prêter  son  grcieux  concours  pour  certains  habitués 
de  ces  sociétés. 

Puis  la  soirée  s'est  terminée  par  le  tirage  d'une 
tombola  composée  de  lots  nombreux  et  de  bon  goût. 

En  fait  de  bon  goût,  j'allais  omettre  de  dire  que  la 
Société  a  eu  celui  d'offrir  un  insigne  d'honneurà  Tier- 
celin ainsi  qu'à  Madame  Paul  et  Mlle  Louise. 

Ces  gracieusetés  produisent  toujours  un  excellent 
efl'et,  surtout  quand  elles  sont  bien  méritées. 

La  Société  tient  ses  séances  les  samedis,  dimanches 
et  lundis  de  8  heures  1/2  à  11  heures  1/2. — Toutefois 
les  lundis  sont  principalement  consacrés  aux  récréa- 
tions chorégraphiques.  —  Avis  aux  amateurs. 

LÉO  Tostain. 


La  Lijre-Blenfaisante  (1872-1880)  informe  ses  nom- 
breux amis  que,  selon  son  habitude  de  chaque  an- 
née, elle  ouvre  ses  soirées  d'hiver  le  o  septembre, 
pour  continuer  tous  les  dimanches  et  lundis  jusqu'au 
30  avril  prochain. 

Elle  invite  tous  les  amis  de  la  vraie  chanson  à  ve- 
nir la  visiter  souvent  (  quai  Saint-Michel,  9  ),  ils  se- 
ront toujours  les  bienvenus. 


Notre  numéro  étant  sous  presse  au  moment  où 
aura  lieu  la  distribution  des  récompenses  aux  lau- 
réats des  Sociétés  lyriques,  nous  en  rendrons  compte 
dans  notre  prochain  numéro. 


Nous  avons  encore  reçu  des  réclamations,  consta* 
tant  dCN  irrégularités  dans  la  distribution  de  notre 
dernier  numéro,  ^ous  ne  naurions  trop  recommaiidet' 
à  nos  altonnnés  d'adresser  directement  leurs  réclama- 
tions li  iti.  Cocher;^',  ministre  des  postes  et  des  télé* 
graphes,  ii  Paris. 


Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,,  6,  rue  Martel. 


3«  ANNÉE.  —  N"  IG. 


lO  CENTIMES. 


29  AOUT  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-  Gérant . 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  allée  et 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  laligne...    1     » 
Réclames,        —  2    • 

l.a  chanson,  comme  la  balonaatta 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  RUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  GHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6fr. 

■         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


4jaleric  des  Chansonniers  :  M" 
lettre  à  mes  amis  (Élie  Dklb: 
—  Sentier  Normand,  paroles 
ckhK  Blot.  —  La  Chanson  du 


Êlie  DL'l€Kvhatt.v  (Eue. 
:iuux).  —  Saint-Jast  (Aco 
de  Léon  D^vaicubl.  niiislq 
four  :  Le  Départ  dis  Jéiiaites  (Aluk^t 


;  Alais). 


Vkhmaeldk),  —  Les  quatre    Temps  de  ta  Chanson    (Eue.  hiBEnT).  — 

—  Les    Soctarnes.  —  Chronique    des    Concerts  (Alfhed   Beiitinot). 

—  Chronique  des  Sociétés  lyriques  (Jules  Uauv,    A.  Behtinot,    Qcè- 
UN,  Maxi^b  Glï). 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :   Elie  DELESCHAUX 


Madame  Elic  Hirlz, 
née  Deleschaux  (Sévc- 
ïine-Aglaé,  ou,  suivant 
l'orthographe  de  l'église 
Saint-Merri,  Agiaée), 
est  parisienne.  Elle  vit 
le  jour  dans  une  mai- 
son de  la  Cour  Balave, 
à  trois  pas  du  marché 
des  Innocents,  en  plei- 
ne rue  Saint-Denis,  en 
plein  cœur  du  Paris  in- 
<lustriel  et  commer- 
çant. 

Dès  l'abord,  je  ren- 
contre un  obstacle.  Les 
femmes ,  a-t-ou  dit , 
u'on  t  pas  d'âge.  D'autres 
ajoutent  :  Les  femmes 
n'ont  gue  l'âge  qu'elles 
paraissent  avoir.  Pour 
nos  yeux,  oui;  dans  la 
société,  je  n'en  discon- 
viens pas.  Mais  la  ga- 
lanterie et  l'histoire  ne 
doivent,  à  mon  avis, 
avoir  rien  de  commun, 
quoique  cette  dernière 
aussi  sache  bien  men- 
tir à  l'occasion.  Or,  la 
biographie  est  de  l'his- 
toire,   sinon   sérieuse, 

du  moins  sincère.  D'an  autre  côté,  je  crois  que 
Mme  Elie  ne  tient  pas  à  ce  qu'on  la  rajeunisse.  Peut- 
être  est-ce  encore  de  là  coquetterie.  D'ailleurs  n'a- 


t-elle  pas  elle-même 
déclaré  son  âge,  en 
chantant  —  nous  sa- 
vons quand  —  sa  cin- 
quantaine dans  saZettre 
à  ses  ami  si 

Avouons-le  tout  de 
suite  :  elle  est  née  le 
'25  septembre  18-2'(;  elle 
a  donc  aujourd'hui  cin- 
quante-cinq ans  bien 
sonnés,  qu'elle  porte 
avec  désinvolture. 

Fille  d'artisans  —  sou 
père  était  cordonnier 
—  elle  arrivait  au  mi- 
lieu de  la  bataille  de  la 
vie  sans  autres  armes 
que  la  gaieté,  qui  don- 
ne l'espoir,  et  le  cou- 
rage, qui  le  réalise.  In- 
telligente et  gentille, 
elle  n'avait  qu'à  se  lais- 
ser grandir  et  à  travail- 
ler. C'est  la  tâche  du 
peuple.  Et  elle  travailla 
et  elle  devint  habile. 
Elle  était  fleuriste  ;  elle 
l'est  toujours.  Car  si  les 
vicissitudes  de  son  exis- 
tence l'ont  quelquefois 
forcée  de  demander  pro- 
visoirement à  d'autres  occupations  telles  que  le  com- 
merce et  la  photographie  les  ressources  nécessaires 
au  ménage,  elle  est  toujours  revenue  à  l'art  gracieux 


122 


LA  CHANSON 


mais  fatigant  du  découpage,  du  trempage,  du  gau- 
frage, du.  montage,  etc.  Elle  et  sou  mari  y  sont  pas- 
sés maîtres 

Parisienne  et  fleuriste,  comment  ne  pas  cliaater? 
Aussi  cliantait-elle,  et  d'une  voix  agréable.  Mais  de 
là  à  écrire  des  chansons  il  y  avait  loin.  Le  hasard  y 
pourvut.  Des  amis  la  conduisent  dans  une  goguette; 
elle  entend  applaudir  les  auteurs,  et  voilà  l'émula- 
tion qui  nait.  Et  moi  aussi  je  serai  auteur,  dit-elle. 
Et  elle  a  tenu  parole.  Que  si  vous  désirez  savoir  à 
quelle  époque  se  déclara  cette  vocation,  peut-être 
tardive,  apprenez  que  la  première  l'ois  que  Mme  Elle 
parut  dans  une  goguette,  elle  entendit  annoncer  la 
mort  de  Charles  Gille.  C'était  donc  en  avril  18o-i.  La 
nouvelle  poétesse  avait  trente  ans. 

Un  désir  spontané  de  rimer  ne  tient  pas  lieu  de 
tout.  Une  instruction  superficielle,  aucune  notion 
des  règles  de  la  versification,  c'était,  pour  commen- 
cer, un  piètre  bagage.  Aussi,  que  de  tâtonnements, 
que  d'essais  timides,  que  d'ébauches  jetées  au  feu! 
Puis  la  hardiesse  et  le  succès  se  prêtant  un  mutuel 
appui,  la  facilité  vint,  et  la  confiance  et  les  bravos. 
L'esprit  naturel  avait  trouvé  sa  voie ,  l'inspiration 
son  langage. 

Ce  qui  distingue  souvent  la  femme  auteur,  c'est  la 
mobilité.  Elle  n'a  pas,  comme  l'homme,  une  note 
dominante,  un  genre  favori,  et,  pour  tout  dire,  une 
personnalité  bien  accusée.  Elle  reflète  en  quelque 
sorte  son  entourage,  elle  s'imprègne  des  idées  qui 
lui  apparaissent  successivement.  D'oii  une  plus 
grande  variété  dans  ses  productions.  On  dirait  d'une 
influence  exercée  à  tour  de  rôle  sur  son  inspiration 
par  les  amis  qui  se  succèdent  dans  ses  relations.  La 
même  remarque  a  été  faite  à  l'occasion  de  George 
Sand.  Tantôt  familière,  tantôt  politique,  puis  niéta- 
physiqu,e,  ses  romans  reproduisaient,  comme  un 
miroir,  les  diflerents  milieux  qu'elle  avait  traversés. 

Mme  Elle  n'a  pas  échappé  à  cette  loi  générale,  et 
son  œuvre  ne  pouvait  qu'y  gagner.  Pomme  et  raisin, 
tableau  pittoresque  et  pi(iuant,  ressemMe-t-il  en 
quoi  que  ce  soit  au  Soir,  par  exemple  ?  JfffiMajj  j5o- 
naventure  et  Mademoiselle  Ut02ne  no  paraissent  avoir 
aucun  lien  de  parenté.  J'en  dirai  autant  de  Fleurs  et 
douleurs  et  des  Refrains  de  la  goguette.  C'est  bien  tou- 
jours le  même  pinceau,  mais  la  palette  est  changée. 

Les  Conseils  à  mon  fils  datent  de  1836;  Marc  Cons- 
tantin en  fit  la  musique.  Bientôt  on  vit  se  succéder, 
à  des  intervalles  plus  ou  moins  longs  et  dans  un 
ordre  que  je  ne  m'astreins  pas  à  suivre  exactement  . 
Les  Provertes  de  mère-grand  et  Enfants,  voici  Noël, 
musique  de  Jules  Couplet  ;  Ouvrez  votre  porte  aux 
amours,  la  Dernière  lettre.  Maman  Bonaventure  et 
Il  fait  froid  dans  mon  cœur,  musique  de  Vaudry; 
Fleurs  et  douleurs,  musique  d'Imbert  ;  Ajipel  à  la  rai- 
son, musique  de  Jeannin  ;  puis  des  chansons  sur 
des  airs  connus  :  Mademoiselle  Utopie,  Seize  ans,  etc. 
Pomme  et  raisin  est  un  des  plus  grand  succès  de 
Mme  Elie,  et  toutes  les  sociétés  chantantes  en  ont 
retenti  :  ici,  le  poète  et  le  musicien  ne  faisaient 
qu'un,  et  de  ce  double  talent  est  sortie  une  œuvre 


originale  et  gracieuse  qui  a  eu  même  les  hcinneuîs 
de  la  parodie.  Toutefois  le  Fromage  de  Roiéefort  a 
eu  peu  de  retentissement.  C'est  sur  le  même  air  que 
George  a  composé  son  Histoire  d'imeimire  de  souliers. 
En  retour,  Mme  Elie  a  trouvé  dans  son  fils,  pouT  sa 
Lettre  à  mes  amis  et  pour  Ni  jamais,  ni  toujours  un 
compositeur  très  heureusement  inspiré.  : 

Je  pourrais  citer,  pour  justifier  mon  observation 
de  tout  à  l'heure  sur  la  variété  des  inspirations  de 
notre  auteur,  divers  couplets  de  telle  ou  telle  chan- 
son ;  cette  étude  minutieuse  m'entraînerait  trop  loin. 
Le  lecteur  a  sous  les  yeux  La  lettre  à  mes  amis. 
Les  œuvres  de  Mme  Elie  sont  d'ailleurs,  assez  con- 
nues, non  seulement  des  habitués  des  sociétés  lyri- 
ques, mais  aussi  du  public  proprement  dit  ;  le  café- 
concert  en  a  popularisé  un  bon  nombre.  Je  citerai 
toutefois,  car  on  le  relit  avec  plaisir,  le  dernier  cou- 
plet de  Maman  Bonaventure,  figure  touchante  qu'a- 
vait déjà  esquissée  Jeannin  dans  sa  Vieille  Isabeau  : 

Maman  Bonaventure  était  bien  pauvre,  hélas  .' 

Malgré  sa  bonne  humeur,  un  jour  —  c'est  triste  à  dire,  — 

Elle  manqua  de  pain...  On  ne  le  savait  pas, 

Car,  fière,  elle  cachait  la  faim  sous  un  sourire. 

On  aurait  pu  prévoir,  éviter  ses  douleurs  ; 

Pourtant  on  se  souvint  qu'enfant  de  la  nature, 

Elle  avait  adoré  quatre-vingts  ans  les  fleurs, 

Et  sous  les  fleurs  on  mit  maman  Bonaventure. 

Voilà  de  la  grâce  touchante  et  sans  afl'éterie.  L'au- 
teur s'est  heureusement  débarrassé  du  clinquant 
mythologique  et  rococo  dont  ses  premières  œuvres 
gardaient  encore  une  trace.  Ainsi  cette  fin  de  cou- 
plet, sur  l'air  de  :  Il  a  neigé  ce  matin  : 

Mais  tout  va  se  hâter  d'éclore  ; 
Lise  et  Lubin  comptent  quinze  ans  ; 
Phébus  nous  a  ramené  Flore. 
Salut  à  toi,  gai  printemps  ! 

Lubin,  passe  encore  !  mais  Phébus.  mais  Flore  ! 

Outre  des  chansons  publiées  avec  musique  par 
différents  éditeurs,  Mme  Elie  a  fait  imprimer  quel- 
ques-unes de  ses  œuvres  dans  divers  recueils,  no- 
tamment dans  les  Fckos  du  vaudeville,  collection 
éditée  à  frais  communs  par  un  groupe  de  chanson- 
niers parmi  lesquels  on  peut  citer  Piaud,  Supernant, 
Seiler,  aujourd'hui  disparus  ;  Lavergne,  Jeannin, 
Eugène  Simon,  Vatinel,  Ponsard,  qui  chantent  en- 
core. 

Mine  Elie  a  le  cœur  obligeant,  l'intelligence  ou- 
verte, l'esprit  libre  de  bien  des  préjugés.  EUe  est 
prompte  à  la  répartie,  et  sa  conversation  est  piquaute 
sans  méchanceté.  Partout  oîi  elle  arrive,  il  semble 
qu'elle  amène  avec  elle  la  joie  et  la  bonne  humeur. 
Eug.  Imbert. 


%'îciit  de  paralts'O  i\  notre  librairie  un  nouveau 
Catalogue  de  livres  anciens  et  modernes,  rares  et 
curieux,  ^ous  enverrons  ce  catalogue  franco  À  toute 
personne  qui  nous  en  fera  la  demande  par  lettre 
affranchie. 


LA  CHANSON 


123 


LETTRE  A  MES  AMIS 


Je  vous  fais  part  d'aue  nouvelle 

Qui  ne  vous  étonnera  pas  : 

J'ai  cinquante  ans!  la  chose  est  telle. 

J'y  veux  croire.  Il  le  faut,  hélas  ! 

L'âge  vient  réclamer  sa  dette  : 

Il  faut  l'acquitter  simplement, 

Et  bon  gré  malgré  (c'est  charmant  1) 

Sous  sou  ordïc  courber  la  tète. 

■  Ah  !  que  vous  durez  peu  d'instants, 
Jeunesse,  grâce,  insouciance  ! 
La  vieillesse,  sans  qu'on  y  pense, 
Vient  nous  dire  :  Il  est  cinquante  ans. 

Donc  je  vais  devenir  maussade. 
Ne  plus  m'amuser  de  vos  jeux. 
Mon  esprit  est  déjà  malade, 
Mon  regai'd  a  perdu  ses  feux. 
Les  Ninons  rares  en  ce  monde, 
Ne  laissèrent  pas  leur  secret; 
Mais  je  vieillis  sans  le  regret 
D'une  boucle  plus  ou  moins  blonde. 

Ah  I  que  vous  durez  peu  d'instants,  etc. 

Je  fais  appel  à  ma  mémoire  : 
Le  passé  remplit  le  présent  ; 
L'a\  enir,  qui  donc  ose  y  croire  '? 
On  craint  l'ennui  que  l'on  pressent. 
L'indifférence,  ah  !  triste  chose  ! 
Vrai,  j'aimei'ais  mieux  te  pleurer, 
Temps  qu'on  se  plait  à  regretter, 
Temps  qui  passa  comme  la  rose. 

Ah!  que  vous  durez  peu  d'instants,  etc. 

Longtemps  j'eus  peur  de  la  vieillesse  : 
Je  croyais  {ce  n'était  pas  bien\ 
Que,  par  égoisme  ou  faiblesse. 
Etant  vieux,  on  n'aimait  plus  rien. 
Mais  j'aime  encore  un  frais  ombrage. 
Un  bon  livre,  un  bouquet  gentil, 
llne  soirée  au  franc  babil  ; 
■J'aime  surtout  un  gai  visage. 

Ah!  que  vous  durez  peu  d'instants,  etc. 

Si,  miracle  ou  métamorphose. 
On  m'offrait  de  me  rajeunir, 
Non,  dirais-je,  non,  et  pour  cause  : 

•Je  veux  encor,  je  veux  vieillir. 
Tout  bonheur  n'est  pas  éphémère, 
Et  j'aspire  après  le  moment 
D'entendre  d'un  bébé  charmant 

■Ces  mots  si  doux  :  «  Bonjour  grand'mère  1 

Ah  !  que  vous  durez  peu  d'instants, 
■Jeunesse,  grâce,  insouciance! 
La  vieillesse,  sans  qu'on  y  pense, 
Vienl  nous  dire  :  Il  est  cinquante  ans, 

Elle  Delesch.^ux. 


SAINT-JUST 

Air  des  Soldats  du  désesjMir  (6.  Leroy) 

Sur  chaque  front  taciturne, 
Attachant  un  regard  froid, 
Il  faut,  dit-il,  que  de  l'urne, 
D'un  vote  alfranchi  d'elfroi. 
Surgisse  la  mort  du  roi. 
Qu'importe  un  jour  que  l'histoire 
Nous  taxe  de  cruauté; 
Périsse  notre  mémoire, 
Mais  sauvons  la  liberté! 

Loin  d'hésiter^iwuid  le  crime 
Rougit  la  main  du  puissant, 
Frappons,  car  chaque  victime 
Prouve  qu'il  fut,  en  glissant. 
Surpris  la  main  dans  le  sang. 
Qu'un  arrêt  exécutoire 
Brise  en  lui  la  royaulé. 
Périsse  notre  mémoire, 
Mais  .sauvojis  la  liberté  ! 

A  Ilots  pressés  comme  l'onde 
L'étranger  nous  envahit, 
Avec  nos  chaînes  au  monde 
Jetons  sa  tète  en  défi. 
Malheur  à  qui  nous  trahit! 
Que  sa  mort  expiatoire 
Venge  ici  l'humanité  ! 
Périsse  notre  mémoire, 
Mais  sauvons  la  liberté  ! 

Aux  l'rontières  entamées, 
.Sur  la  Vendée  en  fureur. 
Lançons  nos  quatorze  armées. 
Et  pour  vaincre  exempts  d'erreur. 
Organisons  la  ten-eur. 
Que  sou  glaive  épuratoire 
^'enge  ici  l'humanité. 
Périsse  notre  mémoire. 
Mais  sauvons  la  liberté  1 

De  l'implacable  logique, 
Incorruptibles  soutiens. 
Pour  venger  la  République 
Et  les  droits  des  citoyens. 
Dont  nous  sommes  les  gardiens. 
Nous  décrétons  la  victoire. 
Sur  l'échafaud  redouté 
Périsse  notre  mémoire, 
Mais  sauvons  la  liberté  ! 

Honte  à  celui  qui  recule 

Ou  qui  s'arrête  en  chemin, 

L'impitoyable  bascule 

Que  fait  mouvoir  notre  main 

Nous  emportera  demain. 

Nous  ne  cherchons  pas  la  gloire. 

Hochet  de  la  vanité, 

Périsse  noire  mémoire, 

Mais  sauvais  la  liberté! 


124 


LA  CHANSON 


Aiasi  parlait  impassible 
Dans  le  Sénat  plébéien, 
Un  montagnard  inflexible, 
Rigide  stoïcien 
Au  sévère  et  froid  maintien. 
Proscrit  du  sanglant  prétoire, 
Mourant,  il  a  répété, 
Périsse  notre  mémoire. 
Mais  sauvons  la  liberté  ! 

Auguste  A  lais. 


SENTIER   NORMAND 


Poésie  de  I,éon  DEVATICHEL  ;  Musique  de  Angèle  BLOT 


la  _  ge      est        bor  .  dr  de    beaui       é  .  glan 

tient    El  d»  tiij     ,       tre»     an       clair    feoil  . 

la    .      ^c:C'etit    le    plus      charoiaot       de»         son 


tiers!      Ôd      y.     voit 


»ec  les. 


il-  les.  0<ins   l'hcr.be  entrant     josqu'anx         se 
REF.  Alltto. 


looi  .  Le       «en    _     lier         qui     sort     do       tîI   . 

la   .    ge      Est        bnr    _      de  de    beaai   é  _  glaD . 


'  la-ge:  C'est  le  pins  charsant    des   3en  .   liera 


Au  fond  de  l'bumide  cavée, 
Pleine  de  sauvages  parfums. 
Chaque  fleur  qu'elles  ont  trouvée 
Pare  leurs  cheveux  b'onds  et  bruns. 
C'est  un  frou-frou  de  coiffes  blanches 
Et  de  jupons  très  empesés. 
Qui  descendent  en  avalanches 
Jusqu'au  pied  des  coteaux  boisés. 


Les  voilà  dans  les  cressonnières. 
Enjambant  les  deux  ruisselets. 
Les  moins  agiles,  les  dernières. 
Riant  de  montrer  leurs  mollets. 
Quel  bon  vent  ainsi  les  amène 
Quand  on  fauche  le  sarrazin? 
— C'est,  pendant  toute  la  semaine, 
U Assemblée  au  pays  voisin  ! 


LA  CHANSON  DU  JOUR 


L,E    DÉPART    DES    JESUITES- 

Enfin  notre  heure  est  donc  venue  ! 
Mes  amis  il  faut  nous  quitter. 
Voguez  vers  la  terre  inconnue   . 
Qui  voudra  bien  vous  abriter. 
Emportez  vos  lambeaux  de  gloire  ; 
Ecoutez  sonner  le  départ  : 
Messieurs,  vos  robes  sont  trop  noires. 
Allez  les  blanchir  autre  part. 

Votre  règne  fut  long,  j'espère. 
Mais  tous  vos  soins  sont  superflus  ; 
Si  vous  fûtes  puissants  naguère. 
Aujourd'hui  vous  ne  l'êtes  plus. 
Mettez,  mettez  sur  vos  grimoires 
Les  exploits  de  Maret,  Baujard  : 
Messieurs,  vos  robes  sont  trop  noires- 
AUez  les  blanchir  autre  part. 

L'aigle  s'est  tué  dans  sa  chute  ; 
Le  corbeau  doit  avoir  son  tour. 
Plus  d'ombre,  de  vaine  dispute, 
La  liberté  vit  au  grand  jour. 
Pour  conter  vos  sottes  histoires. 
Cherchez  quelque  peuple  à  l'écart; 
Messieurs  vos  robes  sont  trop  noires,. 
Allez  les  blanchir  autre  part. 

Vraiment  si  nous  vous  laissions  faire^ 
Tous  confits  en  dévotion. 
Vous  auriez  pour  vous  satisfaire 
Les  bûchers,  l'inquisilion. 
Sur  d'infâmes  réquisitoires 
Nos  noms  seraient  poiu-  la  plupart  : 
Messieurs,  vos  robes  sont  trop  noires  ;, 
Allez  les  blanchir  autre  part. 

Soldats  de  l'humaine  bèiise. 
Dans  vos  discours  n'ayant  plus  foi. 
N'allez  pas  croire  que  l'église 
Puisse  encor  nous  faire  la  loi. 
Rayez,  rayez  de  vos  mémoires 
Les  chandelles  du  sieur  3/acgîiart 
Messieurs,  vos  robes  sont  trop  noires. 
Allez  les  blanchir  autre  part  ! 

Albert  Vbrnaelde.. 


LA  CHANSON 


125 


DOUZIÈME  CONCOURS  MENSDEL 

de  LA  CHANSON 

î"""  Prix  :  Les  Quatre  Temps  de  La  Chanson,  par  M. 
Eugène  Imbert,  de  Paris; 

2=  Prix  :  Le  Pape  dans  l'emtarras,  par  M.  Denis 
Langat,  de  Paris; 

3"  Prix  :  J'ai  res2)nt  biscornu, -pdiT  M.  Michel  Desfos- 
sez,  de  Paris. 

Nous  renvoyons  nos  lecteurs,  pour  la  biographie 
et  le  portrait  de  l'auteur  du  premier  prix,  à  noire 
numéro  du  1«''  mai  1879. 

63  pièces  nous  ©nt  été  envoyées. 


1"   Prix. 

lis  ÛUATIIE  TEMPS  DE  LA  CHANSON 

Air  à  faire. 

Loin  de  nous  s'est  enfui  l'hiver. 

Voici  fleurir  les  églanlines. 
Le  soleil  luit;  j'entends  sur  le  pré  vert 
Le  chœur  naïl  des  rondes  enlantinei. 

Chante  vite,  joyeux  pinson  : 

La  jeunesse  est  sitôt  ravie!.. 

Salut,  aur(jre  de  la  vie  ! 

Salut,  printemps  du  la  chanson  ! 

Peuples,  chantez  le  deuil  ou  l'espéiance 
Par  les  aubes,  par  les  couchants; 
Mais  au  milieu  de  tous  vos  chants 
J'écoute  la  voix  de  la  France. 

Arrive  l'ilge  où  le  sang  bout. 

Adieu  les  jeux,  adieu  la  danse. 
Le  clairon  sonne:  allons,  soldai,  debout. 
Pour  la  patrie  et  pour  l'indépendance! 

En  vain  la  mort  l'ail  sa  moisson; 

Un  chant  vainqueur  dans  les  airs  vibre: 

C'est  vivre  uncor  que  mourir  libre! 

0  niAle  clé  de  la  chanson  ! 

Peuples,  chantez,  etc. 

Le  soleil  s'est  vite  obscurci. 

Nos  fronts  se  rident,  plus  sévères. 
Nous  sommes  mûrs,  mais  le  raisin  aussi; 
La  rouge  treille  a  pleuré  dans  nos  verres. 

La  vigne  nous  fait  la  leçon; 

Il  sort  de  ses  grappes  pressées 

Un  regain  de  chaudes  pensées. 

C'est  l'automne  de  la  chanson. 

Peuples,  chantez,  elc. 

On  chante  encore  en  cheveux  gris  ; 
Vieillard,  de  ta  verte  jeunesse 
Rappelle-nous  les  refrains  alleudris  : 
Qu'en  souvenir  du  moins  elle  renaisse. 
Des  ans  pour  braver  le  frisson, 
La  gaité  vaut  mieux  que  les  larmes, 
El  les  regrets  même  ont  des  charmes; 
Car  c'est  l'hiver  de  la  chanson. 

Peuples,  chantez  le  deuil  ou  l'espérance 
Par  les  aubes,  par  les  couchants  ; 
Mais  au  milieu  de  tous  vos  chants 
J'écoute  la  vois  de  la  France. 

EUG-.  IMBEKJ'. 


NOCTURNES 


Notre  confrère  Camille  Pelletan  a  écrit  dans  la 
Justice  : 

C'est  un  travail  difficile  que  de  rendre  Henri 
Heine  dans  une  autre  langue  :  il  y  faut  une  main 
singulièrement  légère  et  délicate  ;  la  moindre 
touche  un  peu  lourde  gâterait  tout.  Comment  tra- 
duire celle  simplicité  raffinée,  ce  charme  subtil  qui 
met  un  sentiment  si  profond  et  si  exquis  dans  un 
rien? 

C'est  la  magie  de  Henri  Heine  de  faire  tenir  le 
drame  le  plus  terrible,  le  cri  d'enthousiasme  le  plus 
énergique,  la  vision  la  plus  poignante,  en  quelques 
vers  d'une  saveur  indéfinissable,  et  de  laisser  entre- 
voir, à  travers  l'émotion  la  plus  profonde  ou  les  ima- 
ges les  plus  puissantes,  on  ne  sait  quel  fin  et 
mélancolique  sourire. 

Personne,  mieux  que  M.  Valade,  ne  pouvait  entre- 
prendre celle  lâche  difficile  entre  toutes  :  dans  notre 
jeune  école  de  poésie,  personne  n'a,  au  même  degré, 
le  sens  du  délicat  et  de  l'exquis,  l'émotion  voilée, 
l'esprit  fin,  la  touche  légère.  Après  avoir  comparé  les 
Nocturnes  avec  leur  modèle,  il  me  semble  que  le 
poète  a  merveilleusement  réussi. 

Le  jugement  de  M.  Camille  Pelletan  est  fort  juste, 
le  public  a  su  apprécier  les  Xoctitrnes  et  le  succès  de 
l'œuvre  nouvelle  de  notre  ami  et  collaborateur  Léon 
Valade  a  été  aussi  grand  que  nous  pouvions  l'espérer- 

Il  était,  du  reste,  facile  de  prévoir  le  retentisse- 
ment que  celle  fine  et  délicate  imitation  du  chef- 
d'œu\Te  de  Henri  Heine  aurait  dan^  le  public,  après 
l'accueil  enthousiaste  dont  ces  poèmes  avaient  été 
l'objet,  de  la  pari  de  nos  lecteurs,  lors  de  leur  pre- 
mière publication  dans  notre  journal. 

Nous  revenons  aujourd'hui  sur  Les  Noctîirnes, 
heureux  de  pouvoir  publier  quelques-unes  des  spi- 
rituelles et  gracieuses  dédicaces  que  le  poète  a  tra- 
cées, de  sa  plume  délicate,  sur  les  exemplaires  qu'il 
a  offerts  à  plusi'3urs  de  ses  amis  ou  confrères. 

A  Albert  Mér.\t. 

Nos  deux  voii  dans  Vlntermezzo 
Se  mêlèrent  quand  «  la  jeunesse 
«  Sur  nos  lèvres  était  sans  cesse 
«  Prête  à  chanter  comme  un  oiseau.  » 
Aujourd'hui  que  plus  taciturnes, 
Nous  rêvons,  cerveaux  refroidis, 
En  souvenir  du  temps  jadis, 
Ami,  je  t'offre  ces  Nocturnes. 

A  Victor  Souchon. 

Au  vaillant  Souchon,  prénommé  Victor, 
Qui  perçant  à  jour  les  pires  grimoires, 
Jette,  ô  syndicats,  parmi  vos  nuits  noires, 
Les  fauves  c.lairs  de  sa  barbe  d'or. 

A  Bertol-Graivil. 

Fais  claquer  ton  bec,  agite  avec  bruit 
Dans  l'ombre  du  soir  tes  ailes  moroses, 
Et  pour  mieux  goûter  ces  nocturnes  choses, 
Ouvre  tes  yeux  ronds,  jeune  oiseau  de  nuit. 


(1)   Un  vol.,  chez  A.  Patay,  édit,, 
papier  leinté,  tiré  à  200  exemplaire 


Bonaparte.  Prix  :  1  f.  50, 


126 


LA  CHANSON 


A  LÉOPOLD  Dauphin. 

Trois  fois  salut,  ô  cher  Dauphin, 
Musicien,  peintre  et  poète. 
Pour  son  talent  doux,  fort  et  fin, 
Trois  fois  salut,  ô  cher  Dauphin. 
Ce  triolet  à  triple  fin 
Avec  trois  échos  lui  répète,- 
Trois  fois  salut,  o  cher  Dauphin 
Musicien,  peintre  et  poète. 

A  Mad.^me  Irm.\  Marié. 

—  Vous  dont  la  voix  pure  émeut  et  séduit, 
Ecoutez  ces  vers  au  prélude  sombre  ; 
Le  noir  rossignol  qui  chante  dans  l'ombre. 
Madame,  n'est  pas  un  «  oiseau  de  nuit!  » 

A  M.  C.  COQUELIM. 

A  CoQUELiN,  par  qui  tout  vers. 
Tel  qu'une  épée  ou  qu'une  étrille, 
Tournoie  et  cingle,  pique  et  brille 
Sous  des  milliers  d'veux  grands  ou^'erts  ! 

A  Don  César!  à  Mascarille! 
A  Gringoire!...  aux  héros  divers 
Qu'il  drape,  — joyeux  ou  pervers,  — 
D'une  pourpre  ou  d'une  guenille; 

Au  comédien  excellent  î 
Unique  et  multiple  talent, 
Dont  rit  la  verve  toujours  prête  ; 

Et  (plût  aux  dieux  qu'il  eût  cent  voix!) 
Que  voudraient  seul  pour  interprète 
Tous  les  poètes  à  la  l'ois.... 

Nous  arrêterons  là  le.s  citations  de  ces  charman- 
tes dédicaces  dans  lesquelles  l'auteur  a  mis  celle  fi- 
nesse de  louche  qui  personnifie  el  marque  d'un 
même  cachet  original  et  personnel  les  œuvres  de  ce 
gracieux  poète. 

El  maintenant  que  l'auteur  nous  pardonne  notre 
indiscrétion  pour  le  plaisir  que  nous  aurons  causé 
à.  tous  ceux  €  qui  les  présentes  liront.  » 

(Le  Progrès  artistique.)  B.  G. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

se  VI.A. 

Comme  nous  l'avions  prévu  dans  notre  dernière 
chronique,  la  saynelle  de  MM.  Gothi  et  Villebichot, 
An,  bon  lapin  sauté,  a  alterné  cette  semaine  avec  La 
rue  Aztx  Oies,  de  MM.  Queyroul  et  Clairville  fils. 

Parmi  les  nouveautés  créées  samedi,  nous  avons 
trois  succès  à  enregistrer  : 

A  plein  verre,  à  plein  cœur,  de  M.  Georges  Baillet, 
musique  de  M.  Queille,  chanté  par  F.  Kelm. 

Les  Tyroliennes  dupays,  paroles  de  M.  Aupto,  mu- 
sique de  M.  Reichenstein,  roucoulées  très  gentiment 
par  Mlle  Marguerita. 

La  C'Aaiisùf,  des  clochetons,  de  M.  Lucien  Rouland, 
musique  de  M.  L.  GoUin,  chantée  par  Debailleul. 
Le  public  a  acclamé  chaleureusement  le  nom  des 
auteurs  et  a  fait  une  grande  ovation  à  l'excellent 
interprète  qui  a  reçu  en  outre  les  félicitations  de 
tous.ses  camarades. 

Brunet  a  obtenu  cinq  rappels  avec  Un  journal  hïen 
informé,  grande  scène  comique  qu'il  débite  avec 
beaucoup  de  volubilité. 


Grand  succès  pour  Bourges  dans  Arrchand  d' balais 
el  dans  Les  museaux  roses. 

Ce  soir,  première  représentation  de  Quand  la  ma- 
riée est  trop  belle,  opérelte  en  un  acte  de  MM.  Jules 
Warner  et  Lucien  Rouland,  musique  de  M.  Clair- 
ville  fils.  La  pièce  est,  paraît-il,  très-bien  écrite,  et 
les  interprèles  sont  enchantés  de  leur.^  rôles,  preuve 
certaine  que  l'exécution  sera  irréprochable. 

Nous  apprenons  que  MM.  de  Hailn,  de  La  Ches- 
neraye  et  Malleau  viennent  de  faire  recevoir  à  ce 
concert  un  nouvel  acte.  Titre:  Le  Chameau  à  3  bosses. 
Dans  le  courant  du  mois  de  septembre,  la  tro'upe 
d'hiver  sera  complète.  MM.  Bourges,  Chaillier, 
Mme  Graindor,  Patry,  Marguerite,  tiendront  la  tète 
de  l'affiche.  Nous  voyons  avec  regret  partir  Mlle  Wor- 
ton,  une  charmante  diseuse. 

dont  nous  avons  annoncé  la  réouverture  dernière- 
ment, donne  en  ce  moment  Le  Mal  du  2'ays,  comédie- 
vaudeville  en  un  acte,  de  Scribe  el  Mélesville,  et 
Gras  et  Maigre,  de  MM.  d'Ennery  et  Grange.  Ces 
deux  pièces,  cpii  font  partie  du  répertoire  du  Palais- 
Royal,  soût  enlevées  lestement  par  des  «artistes  de 
talent,  parmi  lesquels  nous  pouvons  citer  :  MM. 
Murray,  de  la  Porle-Saint-Martin,  Bégué,  qui  fut 
quelques  temps  aux  Nouveautés,  Bouchet,  Gonthier, 
Gérard  et  A.  Bienfait,  dont  l'éloge  est  bien  fait  (par- 
don) depuis  longtemps. 

Les  pièces,  à  Ba-ta-Clan,  absorbent  la  plus  grande 
partie  de  la  soirée  et  les  chansonnettes  ne  sont 
considérées  que  comme  intermèdes. 

MM.  Bienfait,  Gonthier,  Dermez,  Murray  et  Gé- 
rard, qui  se  font  applaudir  dins  la  comédie,  obtien- 
nent le  même  succès  dans  la  chansonnette. 

Dans  la  partie  féminine,  nous  remarquons  Mmes 
Marie  Lulli,  Gabrielle  Châlons,  Solhia  et  Berthe. 

M.  Pelletier,  un  jeune  homme,  qui  a  débuté  tout 
dernièrement,  àithiie  Divorçons  et  Y  en  aura  jamais 
assez  avec  beaucoup  de  verve.  Toutes  nos  félicita- 
tions à  ce  jeune  artiste  qui  promet  beaucoup  pour 
l'avenir. 

ALC.4ZAR  D'HIVKR 

Annonçons,  sous  toutes  réserves,  l'engagement  de 
MM.  Libert,  Arnaud,  Paulus,  Reyard,  deMmesElise' 
Faure,  Zélie  Weil  ,  Angèle  Maurice,  etc.  C'est  vers 
le  1'=''  septembre  qu'aura  lieu  la  réouverture  de  ce 
concert  dont  le  directeur,  M.  Morainville,  vient  de 
commander  sa  revue  de  fin  d'année  à  M.  A.  Lemon- 
nier. 

FARISIEIV 

La  fin  de  la  clôture  annuelle  est  annoncée  pour  le 
28  de  ce  mois,  les  répétitions  ont  commencé  le  19. 
Parmi  les  nouveaux  venus  dans  la  maison,  citons  M. 
Pacra,  du  Théâtre  de  la  Renaissance  et  A  Dalby. 

folies-r.%iubi:te.4U 

Réouverture  le  28  courant.  Les  artistes  hommes 
sont  à  peu  près  lesmémesque  la  saison  précédente. 
Avec  la  rentrée  de  Mme  Fernande,  annonçons  les 


LA  CHAJSTSQN 


127 


débuts  de  Mmes  Alida  Perly,  de  VHorloge,  Cécile 
Dumont,  des  Ambassadeurs,  et  Floria  Mériem,  qui 
eut  de  beaux  succès,  aux  FoUes-de-Belleville. 

LE  COKCERT  DE  LA  PËPIXIÈRE 

rue  de  la  Pépinière,  près  la  yare  Saint- Lazare,  fait 
sa  réouverture  le  samedi  4  septembre. 

Albert  Bertinot. 


LES  COIWCERTS  DV  P.4LAIS-ROTAL 

Nous  sommes  heureux  de  cousla  ter  le  succès  qu'ob- 
tiennent les  Concerts  du  Palais-Royal. 

Chaque  soir  le  public  se  pi  esse  pour  l'ntendrc  et 
applaudir  Le  Canon  du  Palais-Roijal,  une  polka  avec 
chœurs,  qui  est  en  train  de  devenir  populaire  et  dont 
les  auteurs  sont  MM.  Poujade  et  Gros.  Le  choix  sa- 
vant des  morceaux  et  leur  exécution  tout  a  fait  hors 
ligne,  assurent  pour  longtemps  de  grosses  recettes 
aux  organisateurs  de  ces  concerts,  dont  le  but  est  de 
rendre  au  jardin  dvi  Palais-Royal  la  vogue  dont  il 
jouissait  il  y  a  quelque  vingt  ans.  C'est  une  tentative 
qu'on  ne  saurait  trop  encourager  et  qui  mérite  d'être 
couronnée  i)ar  une  entière  réussite. 

Maxime  Guy. 

CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Les  réunions  de  la  Cordiale  sont  devenues  le  ren- 
dez-vous des  amateurs  sérieux;  aussi  la  dernière 
soirée  mensuelle  de  celte  Société  a-t-elle  été  fort 
brillante. 

MM.  Gabriel  et  Georgcbé  se  sont  dévoués  pour  ou- 
vrir la  séance  et  ont  récité  successivement,  et  avec 
autant  de  réussite  Vliuli'cision  et  les  Marronniers. 
Un  solo  de  Uùte  par  M.  Hubert,  et  un  duo  de  chasse 
ontoflert  assez  d'inlérèl.  M.  Andral  a  chanté  les  Ra- 
meaux, et  M.  Marie  a  été  très  amusant  dans  les  Suites 
d'tm  pretnier  lit  M.  Launay,  qui  avait  des  idées  noi- 
res, a  dit  d'une  façon  lugubre  mais  avec  une  bonne 
voix  do  basse,  l'air  du  Prisonnier  de  Chinon,  et  Mlle 
Julia  a  exprimé  avec  beaucoup  de  charme  la  rom;uice 
<iue  m  pûHve:-Mus  revenir.  Nous  entendrons  pro- 
cliaiiiement  relie  artiste  interpréter  Paix  et  Travail, 
le  magnifique  cluuil  d'Kugènc  Imbert,  créé  par 
Mme  Bordas. 

Mlles  Marguerite,  Jeanne,  Villemer  et  Louise  ont 
été  fêtées  parles  spectateurs  qui  aiment  à  rencontrer 
la  grâce  unie  à  des  voix  charmantes. 

M.  Bousquet,  qui  était  inscrit  au  programme,  n'a 
pas  clé  appelé;  je  le  regrette  d'autant  plus  que  cet 
agréable  baryton  devait  faire  entendre  l'une  de  mes 
chansons  :  Le  Vieux  buveur  de  vin. 

M.Dalti'ofi'  a  été  Ibrl  comique  dans  Y  a  pas  d' danger. 
Mlle  Lucie  a  dil  avec  un  goût  remarquable  Faire  et 
laisser  dire,  et  M.  Henri  CÎiapuis  s'est  fait  rappeler 
par  la  façon  élégante  dont  il  détaille  la  chanson  des 
Pommes  de  terre  frites.  Mme  Adèle  chaule  avec  beau- 
coup de  sentiment,  ce  qui  exjilique  le  nouveau  suc- 
cès qu'elle  a  remporté  avec  Un  nid  dans  un  canon. 
Jules  Raut. 


La  soirée  donnée  au  bénéfice  de  Jules  Jeannin  a 
produit  -iO  francs.  Les  organisateurs  et  le  bénéfi- 
ciaire n'en  demandaient  pas  davantage. 


Nous  avons  assisté,  le  samedi  14  août,  à  la  grande 
soirée  mensuelle  donnée  par  la  Favorite.  Salle  bien 


garnie,  malgré  la  chaleur.  Après  une  fantaisie  bril- 
lamment exécutée  par  notre  ami  el  collaborateur 
G.4.NÉ,  nous  avons  applaudi  successivement  MM.  Er- 
^■EST,  dans  les  Vendanges  de  Bourgogne  ;  Marie,  dans 
les  Suites  d'un  premier  lit  el  Pour  avoir  la  paix  ;  Lb- 
CONIE,  dans  Sans  avoir  l'air  de  rien  el  Du  nouveau  ; 
Chevalier,  qui  décidément  a  fait  vœu  de  chanter 
toutes  les  parodies!!  qui  paraissent,  el  qui  nous  a 
régalé  de  Chapeau  jaune  et  gros  mollet  el  Une  omelette 
aux  fines  herbes;  Etienne,  le  ttn  diseur,  s'est  fait  ap- 
plaudir dans  les  Pincettes  :  Raymond.,  des  Concerts  de 
Paris,  a  chanté  avec  succès  un  rondeau  qui  a  pour 
auteur  Uenxeville,  l'artiste  bien  connu  des  Sociétés 
lyriques  ;  A^■DOUARD-CAI,vET,  fait  chaque  jour  de 
réels  progrès  dans  le  gâtisme  el  nous  a  rappelé  Li- 
berl  dans  sa  chanson  Psi,  pist,  pst;  Paul  Lauxay,  a 
interprété  de  la  bonne  façon  L'heure  du  rcndez-voiis 
et  Chapeau  rose  et  fin  mollet:  notre  ami  Lemaire, 
nous  a  détaillé  Irès-linemenl  le  Déjeuner  sur  l'herbe  ; 
comme  il  ne  faut  jamais  perdre  une  occasion  de  se 
faire  de  la  réclame,  nous  ajouti'i'ous  que  notre  ami 
Lemaibe  doit  prochainement  créer  dans  les  Sociétés 
lyriques  La  Chanson  des  amoureux,  du  soussigné  pour 
les  paroles,  et  pour  la  musiqui'  de  M.  Ai.hekt  Fla- 
ciere,  l'auteur  de  la  romance  Sineite,  parue  dans  im 
de  nos  derniers  numéros. 

En  terminant,  nous  citerons  Jomain,  le  poivrot  par 
excellence,  le  petit  Adolphe,  une  débutante,  Mlle 
AuuiEXNE,  qui  s'est  fait  applaudir  dans  la  Femme  à 
papa,  L-[  nous  constatercms  rimjiieu-.c  succès  obtenu 
par  Les  deux  sourds,  un  joyeux  vaudeville,  qui  n'a 
été  qu'un  long  éclat  de  rire,  grâce  à  la  verve  de  MM. 
Paui.  Lauxat,  Amiard  Chevalier,  un  larbin  épique 
el  Mlle  Amélie,  qui  a  su  se  faire  distinguer  dans  un 
tout  petit  rùle.  M.vxÏme  Guy. 


Les  Amis  de  la  gaité  de  .Vontmartre,  ont  donné  di- 
manche 22  août,  salle  Pétrelle,  une  soirée  intime. 
Salle  comble,  malgré  la  chaleur  et  les  vastes  dimen- 
sions du  local. 

Le  programme,  quoique  très  chargé,  a  été  suivi 
complètement;  l'ensemble  de  la  soirée  a  été  fort 
agréable;  nous  devons  cependant  citer  plus  spé- 
cialement (^ans  le  genre  sérieux,  M.  Pinguet,  qui  a 
c\\ii.-a\é  Marcelle ,  charmante  mélodie;  M.  Wexler, 
Encore  un  baiser;  M.  Bacoi,  la  romauce  de  Giralda; 
M.  Perrin,  Faust,  et  M.  Grenier  la  Chanson  du  Soute- 
nir. Pour  la  partie  comique,  nous  mentionnerons  M. 
Beaux  qui,  dans  Psst!  P.isl!  Pssl!  scie  populaire,  a  su 
conquérir  d'unanimes  bravos  et  mériter  les  honneurs 
d'un  rappel.  M.  Fauchei,  usais  C'e.st  logique  ;M.'ûréa.- 
no,  dans  Si  j'connaissais  mou  papa,  ont  été  aussi 
bien  accueillis. 

Le  chœur  des  gardes-chasses,  du  Songe  d'une  nuit 
d'été,  a  été  bien  exécuté  par  tous  les  membres  de  la 
Société. 

Des  artistes  de  concert  avaient  bien  voulu  prêter 
leurs  concours  à  celle  soirée  :  Mme  Heuzel  a  chanté 
La  Pigeonne  et  Quand  il  n'est  pas  là;  M.  Paris  a  dit 
J' n'oserai  jamais,  ut  l'Ombrelle  à  Parada;  M.  Méthé  a 
dit  .Psuis  bossu,  et  Moellon,  une  véritable  chanson- 
netl«  où  le  comique  n'exclut  ni  l'esprit  ni  le  senti- 
ment. 

On  demande  des  domestiques,  vaudeville  en  un  acte, 
a  été  enlevé  par  M!tl.  Berirand,  Defente  el  Fourtier. 


Certaine  société  lyrique  que  je  ne  veux  pas  nom- 
mer, a  commenté  eu  termes  un  peu  vifs  pour  le  si- 
gnataire, un  article  de  critique  dont  elle  a  été 
l'objet.  Entre  autres,  nous  avons  retenu  ces  mots: 
"  Ce  n'était  pas  la  peine  de  s'abonner  à  la  Chanson 
pour  qu'elle  dise  dm  mal  de  nous."  Etant  l'auteur  de 
l'article  en  question,  je  me  permettrai  de  répondre 


.128 


LA  CHANSON 


a  ces  messieurs  que  la  CJianson  n'a  pas  pour  mission 
de  faiie  spécialement  l'éloge  des  sociélés  lyriques: 
nous  signalons  leurs  qualités  et  leurs  défauts.  J'ai 
riiabitude  d'écrire  mes  impressions,  me  réservant  le 
droit  de  les  modifier  ensuite  s'il  y  a  lieu.  J'espère 
que  messieurs  les  mécontents  reviendront  à  de 
meilleurs  sentiments  envers  moi,  et,  malgré  ma  ru- 
desse, je  les  prie  de  me  considérer  comme  un  ami 
sincère  qui,  au  risque  d'encourir  leur  disgrâce,  ne 
craint  pas  de  les  critiquer  ou  de  les  encourager  se- 
lon leur  mérite.  A.  Bertinot. 


Tous  les  dimanches,  salle  comble  à  l'Union  Fran- 
çaise, raaX&on  Léon,  3,  rue  du  Petit-Pont.  Le  sym- 
pathique président  Rctter  dirige  avec  autant  de 
tact  que  de  bon  goût  tous  les  chanteurs  qui  s'y 
donnent  rendez-vou?.  Ne  pouvant  les  citer  tous,  je 
prends  au  hasard  M.  Kars,  dans  Faut  soigner  ça  et 
Je  me  ratatine  ;  Ferret,  Je  suis  maçon;  Millot,  socié- 
taire, Y  en  aura  jamais  assez;  Léo  Tostain,  J'ai 
mon  coup  d'feu,  etc.,  M.  Richard,  C'est  Vincent. 

Du  côté  des  dames,  Mlle  Berthe  détaille  genti- 
ment à  Clamart  les  petits  pois,  et  Mme  Adèle  est 
toujours  applaudie  et  forcée  de  bisser  le  Fiacre  7841. 
Le  pianiste  Pradel  a  droit  à  toutes  nos  félicitations. 

QUIELIN 

Comme  nous  l'avons  annoncé,  à  l'occasion  de  la 
fête  de  fondation  qu'elle  a  donnée,  c'est  le  o  septem- 
bre que  la  Société  Jyii  [ue,  le  Foyer,  inaugurera  ses 
soirées  intimes  du  dimanche.  Le  programme,  com- 
posé de  morceaux  choisis  interprétés  par  les  artistes 
d'élite  des  Sociétés,  assure  à  cette  soirée  un  grand 
succès. 

Nous  avons  dit  que  le  Foyer  serait  une  heureuse 
innovation  parmi  les  Sociétés  lyriques  ;  mais  l'em- 
combrement  des  matières  nous  a  empêché  d'expli- 
quer ce  mot  :  le  Foyer  inaugurera  certaines  petites 
pratiques  fraternelles  qui  s'adressent  tout  particu- 
lièrement à  la  famille. 

Nous  en  citerons  deux,  afiu  d'en  donner  une  idée. 

1"  Le  Foyer  nomme  des  visiteurs  chargé-,  si  quel- 
que sociétaire  vient  à  manquer  aux  réunions,  sans 
avoi'-  fait  prévenir,  de  l'aller  voir,  et,  s'il  est  malade, 
d'en  instruire  dé  suite  le  président ,  qui  assemble  le 
bureau  aussitôt  et  prend  avec  lui  des  mesures  pour 
le  soulager  ; 

2"  Lorsqu'une  demoiselle  d'honneur  ou  un  socié- 
taire se  marie,  les  dames  d'honneur,  en  temps,  op- 
portun, offrent  la  layette,  et  le  jour  où,  pour  la  pre- 
mière fois,  les  jeuues  parents  présentent  l'enfanta  la 
Société,  celle-ci  organise  une  soirée  extraordinaire, 
dont  le  produit  est  affecté  à  un  li\Tet  de  caisse  d'é- 
pargne au  nom  de  l'enfant. 


Vient  de  paraître  :  Xavier  le  dernier  gommeux,  pa- 
roles et  musique  de  J.  Dumont  ;  la  Mort  de  Marceau, 
scène  dramatique,  paroles  de  Jules  Dumont,  musique 
de  J.  Lacoustène,  créée  par  l'auteur  des  paroles  ; 
les  Secrets  du  cœur  ,  paroles  de  L.  Albigot,  musique 
de  J.  Dumont.  En  vente  chez  J.  Dumont,  éditeur, 
1-20,  boulevard  Voltaire. 


On  otîre  la  propriété  d'une  chanson  sur  M.  Grévy, 
une  chanson  sur  la  distribution  des  drapeaux,  et 
24  autres  sujets  divers.  Ecrire  à  M.  J.  Chevalier,  à 
Ligsière  (Cher). 


TREIZIEME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20  août  au  20 


Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 


Nous  publierons,  en  même  tenips  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  l<"^  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


LE  QUARTIER  LATIN 

Cercle  Musical  et  Dramatique 


La  question  pendante  depuis  longtemps  de  la  fon- 
dation d'une  nouvelle  société  lyrique  sur  la  rive 
gauche,  est  sur  le  point  d'être  résolue.  La  plus  grosse 
difficulté,  celle  de  trouver  un  local  convenable, 
n'existe  plus,  et,  à  l'heure  présente  LE  QUARTIER 
LATIN,  CERCLE  MUSICAL  ET  DRAMATIQUE,  est  BU  for- 
mation dans  le  VI'""  arrondissement. 

Les  organisateurs.dll  QUARTIER  LATIN  viennent 
de  constituer  un  Bureau  provisoire  chargé  d'agir 
immédiatement  et  de  faire  toutes  les  démarches  né- 
cessaires. Us  font  appel  à  tous  leurs  amis  des  socié- 
tés lyriques  habitant  la  rive  gauche  qui  seraient  dé- 
sireux de  faire  partie  du  nouveau  Cercle. 

Les  soirées  hebdomadaires  auront  lieu  le  dimanche 
soir,  en  son  siège  social,  CAFÉ  DE  L'ANCIENNE 
ABBAYE,  168,  Boulevard  Saimt-Germ.ain  (près  la 
place  Saint-Germain-des-Près). 

Les  adhésions  sont  reçues  à  partir  du  dimanche 
29  aoûl,  aux  bureaux  dujournal  Za  Chanson,  18,  rue 
Bonaparte,  et  au  siège  social,  168,  boulevard  Sainfc- 
Germain. 

Le  prix  de  la  cotisation  a  été  fixé  à  1  franc  par 
mois  avec  S  francs  de  droits  d'inscription. 

Le    QUARTIER    LATIN     accepte   des    Membres 

HO.NORAIRES. 

Le  bureau  provisoire  a  été  constitué  comme  il 
suit: 

Président  d'Honneur:  M.  A.  Patay,  directeur  du  jour- 
nal La  Chanson;  Président:  M.  Quélin-Lebreton;  Vice- 
Président  :  M.  Maxime  Guy,  secrétaire  de  la  rédaction 
au  journal  Z.a  Chanson:  Secrétaire  :  M.  Alfred  Desfossez  ; 
Trésorier  :  M.  Victor  Berthelot;  Maître  des  cérémonies: 
M.  Jack. 


Une  assemblée  générale  des  membres  fondateurs 
aura  lieu  le  samedi  4  septembre,  à  9  heuies  précises 
du  soir,  au  siège  social  du  QUARTIER  LATIN,  café 
de  I'Ancienne  Abbaye,'  168,  boulevard  Saint-Ger- 
main, afin  de  constituer  un  bureau  définitif  et  de 
discuter  les  statuts  du  Cercle. 

Nous  engageons  donc  vivement  les  adhérents  à 
assister  à  cette  importante  réunion. 

Maxime  Guy. 


Beaucoup,  de  nos  acheteurs  au  numéro  'se  plaî* 
gncnt  de  no  pas  trouver  lia  CIIA.m!SOÏV  dans  leur 
quartier;  nous  les  prions  instamment  de  la  réclamer 
clicK  tous  les  libraires,  uKarchands  de  journaux  et 
dans  les  kiosques.  iSouvent  les  marchands  oublient 
de  la  mettre  en  étalage,  ou  les  porteurs  négligent 
d'en  faire  lo  dépât;  nous  recommandons  À  tous  ceux 
qui  s'intéressent  &  liA.  CUj%^^'SO^  dp  la  demander 
partout  et  de  nous  signaler  les  endroits  où  l'on  au- 
rait omis  do  la  déposer. 

IjX  CUA-lSiiOX  doit  se  trouver  partout  dès  lo  sa- 
nkedi  matin. 


Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et   Cie,  6,  rue  Martel. 


■3«  ANNÉE.  —  N»  17. 


lO  CENTIMES. 


0  SEPTEMBRE  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant. 
k.  PATA.Y 


La  chanson  est  une  forme  ailée  et 
'Charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
.  est  le  gracieux  frère  de  la  stroptie. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,    Beaux- Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non   insérés    ne   seront   pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 

Annonces,  la  ligne...     1     • 
Réclames,        —  2     » 

LachansoTi,commelsbatonn6ttQ 
est  une  arme  française, 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   REDACTION 

18,   RUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  Chef 

L.-HENRY   LECOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE  : 


Oalerie  des  clianxoimiers :  J.-IS.  CUiiicnl  (liur.iNK 
Marjolaine  (J,-J.  Cliîjikm).  —  Ma  hrttne,  paroli 
TKi,Ais  musique  de  G.  Rkiinacld.  —  En  faisant  i 
Cauké).  —  LAéronaute  (Ueiuuis  Picaiid).  -   .1 


,E,).    -La 

Lv  Pape  dans  l'eniban 

n»(UR> 

isl.i 

..:„)■  -  Chr 

nique  fi 

ElUEVK    ClIA- 

(Fkknakr  iMovRL,  ALPnr 

l>    Bl'.KTI 

vot). 

—  i'hroiaqut 

cfcs  So 

lilier  if.mtK 

qaes  (L-io  Tostais,  Ql'é 

L.»).   - 

Chu 

SCS  et  Autres. 

(C.    M.).  - 

GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  J.-B.  CLÉMENT 


Il  y  api'csquc  toujours 

■  à  Paris  une  chanson  eu 
vogue;  un  jour  c'est  le 
iioilà  Nicolas,  ah  !  ah  !  ah  ! 
le  lendemain  on  entend: 
.Madame  Lenglamé  f 
viens  vous  d' mander  votr' 

.  JMb,  ou  Ijicii  le  Rossignol 
mignonne,  n'a  pas  encore 
chanté,  Psitt,  Psitt,  etc. 
(Chacune  de  ces  chan- 
sons, généralement  de 

,  peu  de  valeur  littéraire, 
rapporte  eu  quelques 
mois  de  vingt  à  trente 
mille  l'rancs  à  celui  qui 
la  public,  puis  le  l'eu 
s'éteint  et  l'oubli  com- 
plet succède  au  bruit. 
Bien  heureux  l'édi- 
teur à  qui  cela  tombe, 
car  il  y  a  dans  les  suc- 
cès une  bonne  part  due 

•  au  hasard,  une  l'ois  il 
a  pour  cause  la  téna- 
cité d'un  chanteur  ou 
d'une  chanteuse  qui 
sur  un  point  quelcon- 
que de  la  capitale  ré- 
j)àle  pendant  trois  mois 
chaque  soir,  devant  le 
public,  la  même  chan- 
son, et  par  ce  système  impose  le  succès.  Une  autre 
fois  le  succès  tiendra  au  refrain  de  la  chanson  qui 

..peut  se  chanter  en  chœur.  La  foule  n'est  le  plus 


sou\'ent  qu'un  oiseau 
de  Panurge  à  l'endroit 
de  la  chanson.  N'entcii- 
dait-onpas  tout  récem- 
meutles  petites  ouvriè- 
res les  plus  honnètesré- 
péler,en  travaillaut,une 
mauvaise  rengaine,  ab- 
solument en  contradic- 
tion avec  cllcs-mènies  : 

Ma  livre  rougie 

Ne  craint  pas  le  feu. 

A  côté  de  ce  genre  il 
y  a  la  chanson  qui  ne 
jette  qu'un  éclat  plus 
doux  à  sa  naissance, 
mais  quipendant  trente 
ans  et  plus  se  chante 
dans  les  familles  et  les 
ateliers.  C'est  que  ces 
chansons  ont  pour  su- 
jets des  sentiments  éter- 
nellement vrais,  et  que 
leurs  auteurs  ont  mis 
en  elles  >  une  part 
d'eux-mêmes  et  la  meil- 
leure :  leur  cœur  et 
leurs  illusions,  s'il  s'a- 
git d'amour;  leur  fierté, 
leur  espoir,  leur  sang 

quand  le  patriotisme  est  le  sujet  qui  les  inspire. 
C'est  à  l'école  de  ces  derniers  qu'appartient   J.-B. 

Clément;  lia  quitté  la  France  il  y  a  dix  ans  et  quand 


"'    '  ....,^^^'"< 


130 


LA  CHANSON 


il  revient,  il  peut  entendre  ses  refrains  que  les  éclios 
murmurent  encore  : 

Pâle  voyageur  connais-tu  l'amour? 
Comme  tout  le  monde,  en  rêvant  un  jour. 
Je  l'ai  rencontré  fleuri  d'espérances 
Et  j'ai  pris  ma  place  a-rec  les  élus. 
J'avais  dans  le  cœur  toutes  les  croyances 
Il  m'en  a  tant  pris  que  je  n'en  ai  plus, 
■    Vous  connaissez  cette  douce  et  mélancolique  chan- 
son, n'est-ce  pas,  chère  lectrice?  Totre  piano  en  sait 
par  cœur  la  mélodie  poétiquement  sentimentale,  et 
souvent  vous' vous  êtes  surprise,  toute  rêveuse,  toute 
émue  en  écoutant  une  voix  fraîche  vous  en  apporter 
les  dernières  lignes  : 

Eh  bien,  si  l'amour  est  une  souffrance. 
Donne-m'en,  mignon,  dussé-je  en  mourir  ! 
Et  cette  autre  : 

Quand  nous  chanterons  le  temps  des  cerises. 
Et  gai  rossignol  et  merle  moqueur 

Seront  tous  en  fête. 
Les  femmes  auront  la  folie  en  tête. 
Et  les  amoureux  du  soleil  au  cœur. 
Quand  nous  chanterons  le  temps  des  cerises, 
Sifflera  joyeux  le  merle  moqueur. 
Toute  la  France  sait  et  pour  longtemps  ces  vers  si 
colorés  que  Clément  a  écrit  en  pleine  jeunesse,   en 
pleine  virilité  : 

Les  femmes  auront  la  folie  en  tète 
Et  les  amoureux  du  soleil  au  cœur. 
Voilà  de  la  vraie  poésie,  exprimée  dans  un  langage 
senti,  privilège  des  âmes  vigoureuses. 

Clément  en  a  bien  d'autres  que  le  vent  de  la  popu- 
larité a  éparpillées  un  peu  partout. 

Car  sa  muse  n'est  point  une  bégueule,  mais  une 
honnête  tille  qui,  rêveuse  ou  philosophe  à  ses  heu- 
res, entre  parfois  au  concert,  voire  même  au  cabaret, 
par  la  porte  où  passe  la  gaité. 

Thérésa,  dans  le  grand  moment  de  sa  vogue,  a  dit 
de  joyeux  couplets  de  J.-B. 

Nous  trouvons  bien  la  clé  d'ia  cave 
Quand  nos  homm's  sont  au  cabaret. 
Et  cette  bonne   grosse  Marguerite  Baudin  a  re- 
cueilli des  bravos  mérités  en  détaillant  au  ptiilie  : 
Elles  ne  font  pas  manger  du  ch'val 
Les  ptit's  bonn's  de  chez  Duval. 
Ces  petites  chansons  sont  les  délassements  d'un 
homme  sérieux.   Clément  a   raison,  il  faut  parfois 
détendre  la  corde,  et  la  gaité  est  bien  plus  sœur  de 
la  raison  qu'on  ne  le  croit. 

La  note  dominante  de  Clément,  c'est  la  poésie 
dans  la  grâce,  même  dans  la  philosophie.  A  part  les 
deux  ravissantes  pièces  citées  plus  haut,  il  faut  rap- 
peler à  nos  lecteurs  :  Bonjour  Printemps^  sur  laquelle 
le  compositeur  populaire,  Paul  Henrion,  a  écrit  une 
musique  d'artiste,  Fournaise,  musique  de  Darcier,  la 
Nourrice  de  Pierrot,  Mon  Pauvr' Petiot,  S9!  etc. 

C'est  une  existence  bien  remplie  et  bien  mou- 
vementée que  celle  de  J.-B.  ;  il  a  déjà  proditit,  tant  en 
prose  qu'en  vers,  de  quoi  faire  de  gros  volumes,  quoi- 
qu'il soit  jeune  encore.  C'est  un  lutteur  infatigable;  en 
plein  empire  il  chantait  et  publiait  OA  le  joli  temps, 
Dansons  la  Capucine,  et  bien  d'autres. 


Puis,  trouvant  sans  doute  que  la  chanson  ne  pro- 
pageait pas  assez  vite  les  idées  républicaines  qui 
lui  brûlaient  la  tête,  le  chansonnier  se  fît  journaliste 
ou  plutôt  pamphlétaire.  En  1869,  il  fit  paraître  un 
journal  :  le  Casse-Tête,  dont  il  était  l'imique  rédac- 
teur. 

Dans  cette  petite  feuille,  où  l'esprit  et  le  bon  sens 
fourmillaient,  les  horions  les  plus  durs  étaient  pro- 
digués à  tous  les  puissants  d'alors  avec  une  vigiieiu' 
qui  démontrait  que  la  conviction  et  la  sincérité  pré- 
sidaient toujours  à  la  distribution.  La  Lanterne  im- 
périale ;  la  Lanterne  du  peuple  ;  les  Prophéties  politi- 
ques, sont  aussi  des  brochures  très  véhémentes  qui 
portent  les  dates  chaudes  de  69  et  70. 

C'est  au  commencement  de  cette  dernière  année 
que  Clément  enira  au  journal  la  Réforme.  Là,  comme 
partout,  le  pamphlétaire  socialiste  cravachait  les  ins- 
titutions détestables  qui  nous  régissaient  et  plaidait 
la  cause  du  pauvre  ;  cela  lui  valut  une  condamna- 
tion à  une  année  d'emprisonnement. 

C'est  de  Sainte-Pélagie  qu'il  entendit  sonner  le 
tocsin  du  4  Septembre  qui,  se  mêlant  au  bruit  sourd 
du  canon  prussien  qui  s'avançait  sur  Paris,  annon- 
çait à  la  France  que  la  lâcheté  et  l'incapacité  du  mo- 
narque venaient  de  la  délivrer  du  dernier  empire. 

Rendu  à  la  liberté,  Clément  s'enrôla  immédiate- 
dans  les  compagnies  de  marche  de  la  garde  natio- 
nale et  fit  son  devoir  de  bon  citojren.  Le  soir,  quand 
il  n'était  pas  de  garde,  il  allait  dans  les  clubs  de 
Montmartre,  où  sa  voix  ferme  et  sage  était  très  écou- 
tée. Aussi,  quand  après  le  18  Mars  la  Commune  fut 
proclamée,  Montmartre  envoya  Clément  y  prendre 
place  au  nom  de  14,188  électeurs. 

Je  le  vis  le  jour  de  la  première  séance  àl'Hôtel-de- 
Ville,  au  milieu  de  ses  collègues  ;  la  plupart  étaient 
enthousiastes  et  bruyants,  lui  était  calme,  sévère  et 
plein  de  dignité.  C'était  bien  l'homme  du  peuple,  un 
peu  étonné  de  sa  situation  et  qui  en  comprend  la 
gravité,  mais  qui  sent  en  lui  tout  le  courage  dont  il 
a  besoin  pour  accomplir  la  tâche  entreprise.  —  L'at- 
titude de  Clément  à  la  Commune  n'est  pas  dans 
notre  sujet,  mais  ce  que  nous  ne  pouvons  passer 
sous  silence,  c'est  que  député  par  ses  concitoyens 
pour  soutenir  leurs  idées,  il  a  rempli  son  mandat  en 
homme  de  cœur.  Il  était  partout,  à  sa  mairie,  au 
club,  à  THôtel-de- Ville,  et  ce  n'est  pas  seulement 
par  la  parole  que  Clément  défendit  ses  principes,, 
car  il  ne  quitta  la  dernière  barricade  de  la  rue  Fon- 
taine-au-Roi  que  le  dimanche  20  mai  dans  l'après- 
midi,  c'est-à-dire  quand  le  dernier  coup  de  fusil 
était  tiré  et  que  l'armée  communaliste  n'existait 
plus.  On  peut  ne  pas  partager  les  idées  de  cet  homme, 
mais  il  faut  reconnaître  que  sa  conduite  a  toujours 
été  digne. 

Après  quelques  semaines  passées  à  Paris,  caché 
par  l'amitié,  J.-B.  partait  pour  Londres.  Mais  que 
faire  en  ce  pays  ?  des  chansons  d'abord  ;  oui,  aes. 
chansons  toujours  1  Mais  la  vie  ?  la  prosaïque  ques- 
tion du  morceau  d«  pain  1  Se  trouver  au  milieu  d'un 
peuple  qui  parle  un  langage  que  vous  ne  comprenez 
pas;  ne  se  voir  entouré  que  d'amis  éprouvant  les 


LA  CHANSON 


131 


inéines  souffrances,  les  mêmes  besoins  que  vous. 
Eah  !  Clément  est  jeune;  il  a  trente  ans,  puis  il  a  la 
foi,  cela  ne  durera  pas  toujours!  Et  le  voilà  qui 
cherche  des  leçons  de  français  ;  il  en  trouve,  mais 
d'une  façon  insutTisante  ;  alors  il  s'improvise  ouvrier 
■dans  le  cartonnage  ;  plus  tard,  il  y  joignit  l'encadre- 
ment, qu'il  faisait  très  joliment  et  très  poétique- 
ment, répètent  à  qui  veut  l'entendre  ses  compa- 
gnons de  misère. 

Laisser  son  cerveau  on  repos  n'est  pas  dans  le 
tempérament  de  notre  poète.  Il  fonde  alors  une  bro- 
chure périodique  sous  ce  titre  :  Queutions  sociales  à 
la  portée  de  tous.  Cela,  se  publie  en  France,  à  Paris, 
■chez  Lachâtre.  Mais  son  nom  est  proscrit  dans  son 
pays  ;  il  signe  :  par  vm  honune  du  pev.ple.  Ces  petits 
livres  sont  pleins  d'observations  justes  et  claires  ;  le 
style  en  est  simple,  pour  justifier  le  titre,  aussi  le 
succès  couronna  l'œuvre,  et  les  derniers  numéros  se 
Tendaient'à  trois  mille  cinq  cents. 

Hégésippe  Moreau  a  dit  : 

...  Pour  que  son  vers  pardonne  au  genre  humain. 
Que  faut-il  au  poète  '!  —  Un  baiser  et  du  pain  ! 

Or,  comme  Clément  est  avant  tout  un  poète  ,  je  ne 
sais  s'il  avait  rencontré  le  baiser,  mais  il  était  heu- 
reux, il  avail  trouvé  le  pain,  le  pain  si  bon  du  tra- 
vail, le  pain  de  l'honnêteté  ! 

Comme  je  l'ai  dit,  tout  cela  était  entremêlé  de 
chansons  :  mais  ce  n'est  plus  les  2>etites  boimes  de 
chez  Diival.  La  note  est  plus  grave,  les  préoccupa- 
tions plus  sérieuses  ;  —  le  peuple,  ses  souffrances, 
ses  aspirations,  voilà  les  sujets  qui  préoccupent  sans 
cesse  Clément.  Ses  chansons,  nées  en  Angleterre, 
sont  presque  toutes  des  chansons  sociales  ou  huma- 
nitaires ;  mais  elles  n'en  ont  pas  moins  le  coloris 
poétique  et  une  certaine  rudesse  qui  est  la  marque 
particulière  de  l'auteur  de  8d  !  Les  principales  sont  : 
Les  Traîne-misère,  Mon  Homme,  la  Semaine  sanglante, 
Comme  je  suis  fatif/ué  !  La  Macliine,  La  Marjolaine, 
une  des  plus  douces,  que  nous  publions  plus 
loin,  etc. 

J.-B.  Clément  a  13  ans;  il  est  né  à  Boulogne-sur- 
Seine,  le  31  mai  1837,  de  parents  dans  une  situation 
aisée,  mais  cjxii,  après  lui  avoir  donné  une  certaine 
éducation,  lui  firent  apprendre  le  métier  de  garnis- 
seur  en  cuivre  qu'il  exerça  pendant  longtemps 

Clément  est  la  convicUou  même,  il  a  l'ardeur  plé- 
béienne de  ses  chansons,  comme  sa  conversation  en 
a  le  côté  poétique  et  doux,  c'est  un  ami  sûr  et  qui 
ne  transige  jamais  avec  sa  conscience.  Comme  chan- 
sonnier, il  tient  certainement  une  des  premiers  places- 
il  n'a  pas  les  grand  élans  de  Pierre  Dupont  dont  il 
a  la  senteur  juvénile  et  rustique,  mais  quand  il  traite 
le  sentiment  populaire,  comme  dans  Mon  pauvre 
petiot  ou  la  Nourrice  de  Pierrot,  il  n'a  aucun  rsiaitre  ; 
c'est  du  Clément  ! 

Le  recueil  de  ses  chansons  n'est  pas  fait,  —  avis 
aux  éditeurs  amoureux  d'art  et  qui  ont  autre  chose 
qu'un  porte-monnaie  à  gaUche  de  l'estOmac. 

EueÈNE  Baillet. 


t  MÂRifltAINE 


0  gué  !  ô  gué  ! 
O  gué,"la  Marjolaine  ! 

C'est  la  chanson 
Des  enfants  de  la  plaine 

O  gué!  ô  gué! 
O  gué,  la  Marjolaine! 

O  gué  ! 
C'est  la  moisson  ! 

Holà!  les  gars,  le  vieux  coq  cliante. 
Holà  !  qu'on  attelle  les  bœul's. 
Les  trésors  que  la  terre  enfante 
Vont  faire  ployer  les  essieux. 

Hé,  Ion  Ion  la! 

Belles  des  belles, 
Gaiment  nous  voilà  revenus 
Pour  couper  les  gerbes  nouvelles 
La  faulx  en  main  et  les  bras  nus. 

O  gué  !  ô  gué  ! 

Qu'on  mette  à  la  grosse  chai'rette 
Les  doux  bœufs  roux  en  limoniers. 
Les  gerbes  qui  courbent  la  tète 
Seront  ce  soir  dans  nos  greniers. 

Hé,  Ion  Ion  la  ! 

Dans  la  prairie 
Si  le  soleil  chaulTe  trop  fort, 
(Ju'on  n'ait  pas  peur  de  la  jiépie 
La  gourde  est  pleine  jusqu'au  bord. 

O  gué  !  ô  gué  ! 

(Jn  fauche  et  la  caille  babille 
Les  premiers  mots  de  son  réveil; 
La  gerl)e  toml)e  et  la  faulx  ItriUe 
Comme  un  miroir  en  plein  soleil. 

lié.  Ion  Ion  la  ! 

Les  moissonneuses 
Portent  les  gerbes  en  chantant. 
Le  gros  fermier  donne  aux  glaneuses 
Et  les  bœufs  tirent  en  soufliant. 

O  gué  !  ô  gué  ! 

Holà!  des  bras,  et  coupons  ferme  ; 
Lions,  fauchons  jusqu'à  la  nuit  ! 
Ce  soir,  en  rentrant  à  la  ferme, 
Je  promets  de  saigner  un  muid. 

Hé,  Ion  Ion  la! 

Que  dans  les  granges 
(Jn  entasse  les  lilés  nouveaux. 
Et  dès  demain  jusqu'aux  vendanges 
Nous  ferons  sii^tler  les  lléaux. 

O  gué  ! ô  gué  ! 

Votre  journée  est  bien  remplie  ; 
Mais  halte  là,  les  travailleurs; 
Avant  de  quitter  la  prairie. 
Moissonnons  chacun  dans  nos  cœui'S. 

Hé,  Ion  Ion  la  ! 

Tous  à  la  ronde, 
Les  bras  nus  et  la  faulx  en  main. 
Buvons  à  la  terre  féconde, 
La  nourrice  du  genre  humain  ! 
O  gué  !  ô  gué  ! 

O  gué,  la  Marjolaine  ! 

C'est  la  chanson 
Des  enfants  de  la  plaine. 

0  gué  !  6  gué  ! 
O  gué," la  Marjolaine  ! 
O  gué  ! 
C'est  la  moisson  ! 

J.-B.  Clément. 


132 


LA  CHANSON 


MA  BRUNE 

Paroles  de  E.  CHATELAIN,  musique  de  G.  REGNAULD. 


^^ 


^ 


m 


qoela  }inis_aants   ef  .  fels!  IN'oil»       el    joor 

c'est     el  .  le      qui         do 
Tons       les  bcaui       rè  .  te»    que     je        fais 
C'est       a_De  ar .  den  .  le     cre'-  a     .    tu    -     rs 
Qui        fait      ou   _  bli    .  er       le     »oni_»eil. 
Et  cet_te  en  .  fnnt  de  la         aa 


tu  -     re  Res-picu-dit       com-me      le  .  ao  . 


doux  et   simple. 


ro.se      l'y     bois     la       »ie    el    le   bdn.heiir. 


De  longs  cils  ornent  ses  paupières, 
Où  j'ai  vu  naître  son  amour, 
Kt  ses  prunelles  tout  entières 
Ressemblent  aux  rayons  du  jour. 
Lorsque  d'un  geste  elle  m'excite, 
Et  que  dans  mes  bras  je  la  prends. 
Je  vis,  je  meurs,  je  ressuscite, 
Sous  ses  baisers  que  je  lui  rends. 
Ma  brune,  etc. 

J'aime  ses  lèvres  amoureuses 
Et  ses  yeux  noirs,  —  feux  des  étés.  - 
J'aime,  dans  nos  heures  heureuses. 
Ses  ardeurs  et  ses  voluptés. 
Combien  de  temps  m'aimera-t-elle? 
Nul  ne  le  sait...  Mais  je  voudrais 
Vivre  tous  mes  jours  avec  elle  ; 
L'aimer  longtemps,  mourir  après. 

Ma  brune  a  le  teint  d'une  rose. 
Mais  je  la  préfère  à  la  fleur  ; 
Sa  bouche  est  une  source  rose  : 
J'y  bois  la  vie  et  le  bonheur. 


EN  FAISANT  MON  MÉTIER 

CHANSONNETTE  PHILOSOPHIQUE 

Cet  empire  qu'a  l'homme 
Sur  la  bète  de  somme 
Le  rend  trop  orgueilleux. 
Lui  qui  n'est  qu'un  atome 
Sous  la  voûte  des  deux. 
Quand  il  a  fait  un  livre 
Plus  ou  moins  imparfait, 
Voye:  comme  il  s'enivre 
Du,  bruit  que  son  nom  fait. 

Moi,  je  ne  suis  qu'un  ouvrier, 
De  vanité  le  ciel  me  garde. 
Et  je  vois  fout  de  ma  mansarde 
En  faisant  mon  métier. 

On  court  à  la  richesse, 
On  l'appelle  sans  cesse 
Comme  un  bien  précieux, 
L'a-t-on,  vite  on  s'empresse 
De  former  d'autres  vœux. 
L'homme  est  insatiable. 
Et  de  le  contenter, 
Il  n'est  ni  dieu  ni  diable 
Qui  puisse  se  vanter. 

Moi,  je  ne  suis  qu'un  ouvrier, 
Du  peu  que  j'ai  je  me  contente. 
Et.  du  matin  au  soir  je  chante 
En  faisant  mon  métier. 

Od  s'aborde  avec  grâce. 

On  se  serre,  on  s'embrasse 

Et  trop  souvent,  hélas! 

Oq  reçoit  sur  la  face 

Uu  biiser  de  Judas. 

J'en  vois  même,  en  grand  nombre,. 

(Jui  vont  serrant  la  main 

Aux  amis  que  dan'^  l'ombre 

Ils  trahiront  demain. 

Moi,  je  ne  suis  qu'un  ouvrier. 
J'aime  l'honneur  et  la  franchise, 
El  je  les  ai  pris  pour  devise 
En  faisant  mon  métier. 

Où  va  la  rêverie? 
Où  va  la  causerie  ? 
Où  la  poussière  va. 
Il  en  est  de  la  vie 
Comme  de  tout  cela. 
Malgré  son  importance 
L'homme  ignore  toujours 
Ce  que  la  Providence 
Lui  garde  de  beaux  jours. 

Moi,  je  ne  suis  qu'un  ouvrier, 
Et  tous  mes  jours  ne  sont  pas  roses,. 
Mais  j'en  compte  peu  de  moroses 
En  faisant  mon  métier. 


LA  CHANSON 


133 


Oa  convoite,  on  désire 

Tout  ce  qui  peut  séduire 

Et  tenter  son  prochaio, 

Moi,  je  ne  fais  que  rire 

De  ce  luxe  mondain. 

Car  une  loi  commune 

Nous  condamne  au  trépas, 

Et  malgré  la  fortune 

Oa  ne  l'évite  pas. 
Moi,  je  ne  suis  qu'un  ouvrier. 
J'ignore  et  Jean-Jacque  et  Voltaire, 
El  je  raisonne  à  ma  manière 

Eq  faisant  mon  métier. 

Emile  C.\.bré. 


il.'-A.é:r.oiva.xjte 

Le  ciel  est  pur,  le  vent  est  sans  haleine. 
Et  mon  ballon,  navire  aérien. 
S'élève  calme  au-dessus  de  la  plaine, 
Et  fait  craquer  le  cible  qui  le  tient. 
Demi-couché  dans  l'étroite  nacelle. 
Je  vois  au  loin  s'élargir  l'iiovizon. 
Et,  par  instants,  une  ville  nouvelle 
Blanche  et  coquette  émerger  du  gazon. 

Monte  plus  haut  sncore. 

Toi  que  le  soleil  dore, 

Sois  comme  un  météore 

Brillant  au  front  des  cieux  ; 

A  ma  main  qui  te  guide 

Obéis  et,  rapide, 

Monte  dans  l'air  lluide, 

0  mon  ballon  soyeux. 
Le  fort  lien  qui  l'enchaîne  à  la  terre 
Te  laisse  libre  et  lu  prends  Ion  essor  .. 
G  mon  ballon  I  qu'une  brise  légère 
Te  pousse  loin,  bien  loin,  plus  loin  encor  ! 
Dieu  nous  protège,  et  les  riches  campagnes 
Vont  nous  offrir  de  magiques  tableaux. 
Lorsque,  rasant  la  crête  des  montagnes. 
Tu  chasseras  les  aigles  tes  rivaux. 

Monte  plus  haut  encoie,  etc. 
Villes  et  champs  fuyant  sous  mon  navire, 
Au  loin  s'agite  un  peuple  de  fourmis. 
Et  je  ne  puis  m'empècher  de  sourire 
En  vous  voyant,  insectes,  mes  amis. 
Que  dis-je  là  ?  Vous  avez  la  science  : 
Sur  l'univers  régnez  en  conquérants. 
Petits  de  corps,  par  votre  intelligence. 
Dieu  l'a  voulu,  frères,  vous  êtes  grands. 

Monte  plus  haut  encore. 

Toi  que  le  soleil  dore, 

Sois  comme  un  météore 

Brillant  au  front  des  cieux  ; 

A  ma  main  qui  te  guide 

Obéis  et,  rapide, 

Monte  dans  l'air  fluide, 

O  mon  ballon  soyeux  '? 

Germain  Picard. 


A.    'WQi'W  s 


Pour  faire  un  nid,  faut  de  l'ombrage. 
Pour  faire  un  nid,  faut  le  printemps. 
Faut  se  mettre  deux  à  l'ouvrage. 
Faut  du  travail,  des  soins  constants 
Et  du  temps. 

Faut  des  plumes  de  dessous  l'aile. 
Des  brins  de  mousse  bien  unis, 
Faut  surtout  que  l'amour  s'en  mêle 
(jar  c'est  lui  qui  met  des  petits 
Dans  les  nids. 

Pour  faire  un  nid  sur  et  paisible 
Faut  un  oiseau  de  par  ici, 
Un  oiseau  jeune,  au  cœur  sensible. 
Brave  et  fort,  amoureux  aussi, 
Le  voici. 

Pour  faire  un  nid,  faut  une  oiselle, 
Gente  et  douce,  avec  de  beaux  yeux, 
Si  vous  vouliez.  Mademoiselle, 
Nous  ferions  un  nid  bien  heureux, 
Tous  les  deux. 

C. 


DOUZIÈME  CONCOURS   MENSUEL 

de  LA  CHANSON 

2"  Piî.x. 

LE  PAPE  mi  L'EIUBARRÂS 


Air  :  Je  veux  mes  amis  que  i 


m'emporte. 


Le  Sainl-Père  en  ces  mauvais  jours. 

Moule  là-haut  chercher  secours. 

D'abord  à  saint  Pierre  il  s'adresse  : 

Tu  n'a  donc  pas  vu  ma  détresse  ? 

Tout  mon  troupeau  s'est  révolté  ; 

J'ai  bien  peur  d'être  dégoté  ! 

Ramenons-les  à  grands  coups  de  houlette... 

Ah  !  la  papauté  n'vaut  vraiment  pas  chipellé  ! 

Non,  la  papauté  n'vaut  plus  chipelte  ! 

Ma  foi,  dit  saint  Pierre  en  toussant. 

Je  ne  suis  pas  assez  puissant. 

D'aiLeurs  la  porte  est  mon  service; 

J'ouvre  aux  bonnes  gens  par  office... 

Je  te  ferai  même  l'aveu 

Que  ta  fabrique  en  fournit  peu. 

Parle  à  ce  vieux  qui  fume  sa  pipette... 

Ah  !  la  papauté,  etc. 
A  son  tour  le  bon  Dieu  répond  : 
Cher  ami  j'ai  cédé  mon  fond. 
V«tre  monde  toujours  en  plainte 
M'étourdissait  la  coloquinte. 
Avec  çà  que  depuis  longtemps 
Je  ne  suis  plus  dans  mon  printemps. 
Parle  à  mon  fils  qui  tient  la  machinette... 
Ah!  la  papauté,  etc. 


134 


LA  CHANSON 


Notre  pape  passe  à  Jésus, 
Oui  s'écrie  :  Assez!  n'en  faut  plus! 
Pour  te  prêter  mon  ministère 
Il  me  faudrait  aller  sur  terre, 
Et  je  n'y  veux  plus  retomber; 
On  me  l'a  trop  bien  fait  gober  ! 
Au  Saint-Esprit  va  conter  ta  sornette... 
Ah  !  la  papauté,  etc. 

Dernier  espoir,  le  Saint-Esprit 

Ecoute  sa  supplique,  et  dit  : 

J'ai  pu  fréquenter  les  apôtres. 

Mais  je  n'irai  point  chez  vous  autres  : 

Maîtres  gueulards  de  premier  choix. 

Vous  me  feriez...  aux  petits  pois... 

Kl  le  Saint-Père  alors  bat  en  retraite. 

Ah  !  la  papauté  n'vaut  vraiment  plus  chipette. 

Non,  la  papauté  n'vaut  plus  chipette  1 

Denis  Laxgat. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Eldorado. 

Avec  le  mois  de  septembre  recommence  la  saison 
d'Hiver,  —  la  saison  sérieuse  de  VBldoraclo.  On  s'est 
demandé  pourquoi  cet  établissement,  à  l'exemple 
des  Théâtres,  ne  fermait  pas  ses  portes  pendant  les 
chaleurs?  Il  y  a  là,  croyons-nous,  une  raison  ma- 
jeur«.  Si  la  troupe  se  trouvait  libre  pendant  quelques 
mois,  elle  se  verrait  dans  la  nécessité  de  contracter 
des  engagements  dans  les  Cafés-eoncerls  d'Eté,  et 
alors,  ou  les  artistes  apporteraient  dans  ces  concerts 
leur  répertoire  spécial,  peu  en  harmonie  avec  ce  qui 
s'y  chante  d'habitude,  ou  ils  seraient  obligés  de  se 
plier  à  un  genre  souvent  contestable,  tant  au  point 
de  vue  du  fond  qu'au  regard  de  la  forme.  L'unité  et 
le  niveau  artistique  de  cette  excellente  troupe 
seraient  compromis  par  là  même. 

N'oublions  pas  non  plus  que  c'est  durant  la  sai- 
son d'été  que  débutent  les  jeunes  auteurs,  et  les 
chanteurs  dont  la  réputation  est  à  faire. 

Donc,  le  temps  des  congés  est  expiré,  et  les  pen- 
.sionnaires  de  M.  Paul  Renard  reviennent  peu  à  peu, 
les  uns  heureux  d'un  repos  nécessaire,  les  autres 
ravis  de  fructueuses  excursions  en  Province  et  à 
l'Etranger. 

Mlle  Amiati,  qui  a  courageusement  tenu  l'affiche 
cet  été,  va,  il  est  vrai,  partir  pour  deux  mois,  mais 
déjà  M.  Perrin  et  Mlle  Juana  ont  fait  leur  rentrée. 

M.  Perrin,  —  dont  la,  Ghansm  publiera  bientôt  la 
biographie,  —  a  retrouvé  l'accueil  auquel  l'a  accou- 
tumé un  public  enthousiaste.  Ce  chanteuraréellement 
des  qualités  exceptionnelles  et  une  verve  comique 
hors  ligne.  II. a  créé  un  genre  original  qui  gardera 
son  nom. 


De  chaleureux  applaudissements  ont  prouvé  à 
Mlle  Juana  combien  a  été  grand  le  succès  de  sa  pre- 
mière campagne.  La  véritable  place  de  cette  char- 
mante artiste  est  bien  kV Eldorado,  où  elle  peut  faire 
apprécier  comme  il  convient,  dans  des  œuvres  de 
choix,  toutes  les  richesses  de  son  magnifique  organe. 
Mlle  Juana  interprète,  pour  son  retour,  deux  de  ses 
meilleures  créations  :  Naples,  de  M.  Alfred  d'Hack, 
et  A  ton  bras,  polka  de  M.  Rieffler. 

Depuis  quelques  semaines  aussi  était  revenue 
Mlle  Bonnaire,  cette  reine  de  la  chanson  comique, 
dont  l'éloge  n'est  plus  à  faire,  et  dont  le  nom  est 
comme  un  synonyme  de  gaité  et  de  bonne  humeur. 
Mlle  Bonnaire,  toujours  fêtée,  passe  en  revue  ses 
dernières  créations  avant  de  lancer  ses  nouveautés 
de  l'Hiver. 

A  côté  de  ces  «  étoiles  »  voici  le  défilé  des'eomé- 
diens  et  des  chanteurs  :  M.  Gaillard,  délicieux  dans 
.  ses  divers  rôles  d'opérettes,  M.  Ducastel,  désopilant 
;  de  niaiserie  savante  et  de  bêtise  calculée,  dans  ses 
chansonnettes  excentriques,  M.  Victorin  Armand, 
qui,  habile  diseur  de  vers,  sait  : 

«  Passer  du  grave  au  doux,  du  plaisant  au  sévère,  » 

puis  MM.  Mathieu,  Hurbain,  Velly  et  Antony,  — ;  un 
nouveau  venu  qui  tient  ses  promesses. 

Citons,  pour  terminer,  Mme  Louise  Roland,  tou- 
jours gracieuse  sous  le  travesti,  et  quelques  jeunes 
:  débutantes. 

VEldorado  annonce,  après  la  reprise  du  C'oncier- 
' gicide  de  MM.  Milher  et  Nuniès,  Zizi,  opérette  de 
MM.  Siégel  et  Philibert,  musique  de  M.  Ghassaigne. 
Ce  n'est  pas  fini  de  rire,  comme  vous  voyez  ! 
Fernand  Movel. 

Scala. 

Samedi  a  eu  lieu  la  première  représentation 
de  Quand  la  Mariée  est  trop  belle,  opérette  en 
un  acte,  de  MM.  Jules  "Warner  et  Lucien  Rouland, 
.musique  de  M.  Glairville  fils.  Cette  charmante  opé- 
rette a  fait  une  révolution  à  la  Scala,  où  on  ne  re- 
présente ordinairement  que  des  pièces  écrites  spé- 
cialement en  vue  du  concert,  avec  une  quantité  de 
scènes  à  effets,  où  le  gros  sel  et  la  boufibnnerie  tien- 
nent lieu  de  scénario. 

Dans  cet  acte,  les  auteurs  ont  mis  en  scène  avec 
beaucoup  de  talent  une  morale  qui  est  le  titre  de  la 
pièce  :  Il  ne  faut  jamais  se  plaindre  Quand  la  mariée 
est  trop  belle. 

Les  applaudissements  qui  ont  acclamé  le  nom  des 
auteurs,  prouvent  que  nous  ne  nous  étions  pas  trom- 
pés en  aanonçant  une  pièce  des  mieux  écrites,  et 
.digne  de  la  scène. d'un  de  nos  théâtres  de  genre. 

La  musique  est  charmante,  jamais  M.  Glairville  n'a 
été  mieux  inspiré,  et  de  toutes  les  partitions  que 
iUous  avons  entendues  de  lui,  à  la  Scala,  nous  pou- 
vons lui  affirmer  que  celle  de  Quand  la  mariée  est 
trop  belle  est  la  meilleure. 

Nous  adressons  nos  félicitations  à  MM.  Bérod,  Paul 
;Bert,  Mmes  Heuzé  et  Blockette,  qui  ont  interprété 
'la  pièce  d'une  façon  .irréprochable. 


I 


LA  CHANSON 


135 


Grâce  aux  nombreuses  amélioralions  apportées 
par  la  nouvelle  direction,  le  public  revient  peu  à  peu 
aux  Folies  Saint- Marti::»,  dont  la  mauvaise  organi- 
sation de  l'ancienne  gérance  lui  avait  fait  perdre  le 
chemin.  11  faut  avouer  que  M.  ÎS'icolle  n'épargne 
rien  pour  s'attirer  la  sympathie  des  spectateurs,  car, 
chaque  jour,  de  bons  artistes  viennent  renforcer  la 
troupe  suffisamment  bien  composée  de  ce  concert. 

Parmi  les  nouveaux  engagements  dont  il  faut  fé- 
liciter la  direction,  nous  citerons  celui  de  Mlle  Wor- 
lon,  la  fine  diseuse  de  la  Scala,  et  celui  de  Mme 
Rivoire,  l'excellente  comique  excentrique,  qui  s'est 
fait  connaître  sur  les  différentes  scènes  où  elle  a 
paru. 

M.  Pissarello  continue  avec  succès  sa  série  d'acro- 
baties musicales  ;  la  scène  grotesque  de  patinage 
dans  laquelle  il  joue  du  violon  en  artiste  consommé, 
lui  est  redemandée  chaque  soir. 

M.  Casabou  et  Mme  Darbel  se  partagent  do  nom- 
breux applaudissements  dans  les  duos  du  grand  ré- 
pertoire. 

Nous  remarquons  aussi  Mlle  Djelma,  une  jeune 
créole,  qui  chante  Ma  Savane  et  Bamboidi  Bamboula! 
avec  succès. 

Les  exercices  acrobatiques  des  petits  Godart  font 
grand  plaisir,  chaque  soir  le  public  les  rappelle  plu- 
sieurs fois. 

Celte  semaine,  la  Corde  sensible  a  été  fort  bien  in- 
terprétée par  MM.  Alberli,'Denizot;  Mmes  Lacroix  et 
Roger.  Nos  compliments  à  M.  Alberti,  qui  est  un 
CalifourcJwn  très  réussi. 

Ce  soir:  reprise  de  J'm  classe  Mesdemoiselles,  pièce 
à  grand  spectacle,  qui  sera  interprétée  par  toute  la 
troupe. 

Mlle  "Worlon  débutera  dans  les  Jurons  de  Cadillac, 
avec  M.  Alberti  dans  ie  rùlc  du  capitaine. 

Dans  notre  première,  chronique  des  Folies  Saint- 
Martin,  une  erreur  du  programme  nous  a  l'ail  citer 
M.  Vassor,  comme  faisant  partie  de  la  troupe,  et  ob- 
tenant beaucoup  de  succès.  C'est  de  M.  Banvin,  jeune 
comique,  genre  Libert,  dont  nous  avons  vouUi  parler. 

Ce  soir,  4  septembre,  réouverture  du  Concert  du 
XIX'""  Siècle,  rue  du  Château-d'Eau. 
-    MM.  Debailleul,  Ouvrard,  Legrand  et  presque  tous 
les  artistes  de  la  saison  dernière  sont  engagés  pour 
celte  année. 

Tout  en  regrettant  le  départ  do  M.  Villemer,  nous 
souhaitons  la  bienvenue  au  nouveau  régi.-,seur,  M. 
Battaille,  qui  s'est  fait  apprécier  depuis  longtemps 
au  Concert  Européen,  comme  excellent  metteur  en 
scène  et  comme  artiste  distingué. 

Un  meilleur  choix  ne  pouvait  être  fait  par  la  di- 
rection, pom-  donner  un  digne  successeur  à  M.  Vil- 
Itimer. 

Alfred  Bertinot. 

L'abondance  de  copie  nous  oblige  de  remettre  au 
prochain  numéro,  les  comptes-rendus  du  Concert 
Parisien  et  des  Folies-Rambuteau,  qui  ont  fait  leur 
réouverture  samedi  dernier. 

A,  B. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Le  jeudi  26  août,  V ù'nio/i  2Mrisiin>ie  donnait,  3,  rue 
dti  Petit-Poiit,  une  soirée  extraordinaire.  Malgré  la 
chaleur  tropicale  qui  se  fait  sentir  en  ce  moment,  un 
publie  nombreux  avait  répondu  à  notre  appel,  ce 
que  nous  prenons,  pour  la  Société,  comme  une  con- 
sidération et  comme  une  preuve  que  nos  efforts  cons- 
tants ne  sont  pas  vains.  —  La  saison  d'hiver  nous  le 
prouvera  davantage. 

Complimentons  d'abord  JSIM.  Sutteml  Letirand,  Le 
premier  nous  a  dit  le  Petit- Paul,  de  Victor  Hugo, 
avec  sentiment;  j'ai  vu  pleurer  plusieurs  dames, 
c'est  le  meilleur  éloge  que  je  puisse  adresser  à  notre 
bon  camarade  Sntter. 

Letirand  a  été,  comme  toujours,  excellent  diseur 
et  très  énergique,  dans  une  satire  intitulée  :  Bas  le 
masque.  Comme  critique,  je  dirai  que  l'œuvre  de  M. 
Aupto  n'était  pas  à  la  hauteur  du  talent  de  Letirand. 
Le  poisson  était  passable,  la  sauce  succulente,  on 
s'en  léchait  les  doigts...  tellement  on  applaudissait. 

Nos  compliments  bien  sincères  au  sympathique 
romancier  Duclos,  qui  sait  toujours  être  agréable  et 
qui  ne  sait  jamais  refuser  d'être  en  même  temps 
très  obligeant. 

Mlle  Marie  a  dit  :  Laissez-moi,  une  chanson  genre 
Bomiaire,  elle  a  âlé  fort  applaudie...  Mais  je  pense 
que  Mlle  Marie,  qui  est  encore  bien  jeune  et  qui  a 
l'air  fort  distinguée,  risque  de  se  tromper  en  glanant 
dans  le  répertoire  de  Mlle  Eléonore. 

Son  récit,  à  la  seconde  partie,  valait  beaucoup 
mieux,  et  le  succès  qu'elle  a  remporté  au  concours 
de  l'Albambra  prouve,  ou  plutôt  confirme  mon 
dire. 

Nous  féliciterons  également  tous  nos  habitués,, 
surtout  mon  vieux  jeune  camarade  3/oicmoute,  inta- 
rissable de  verve  et  d'entrain.  Puis  Mme  Adèle,  qui 
ne  peut  pas  être  inférieure,  toujours  gaie,  voix  tim- 
brée, diction  parfaite;  bref,  ou  la  comiait.  —  Un  mot 
sur  la  pièce  finale  ;  Pauvre  Jacques. 

Par  cette  chaleur  la  pièce  a  paru  longue. 

A  part  cela  les  rôles  ont  été  bien  tenus.  M.  Desfos- 
sez  père,  surtout,  puis  l'ami  Quéliu  qui,  dans  un 
rôle  insignifiant,  a  su  se  réussir  une  tête  de  l'emploi,, 
ce  qui  a  été  d'un  fort  bon  effet. 

Mme  Desfossez  a  très  bien  été,  mais  je  dois  laisser 
en  dernière  ligne  MM.  Jack  et  Desfossez  fils. 

Léo  TOSTAIN. 

VUnion  française,  3,  rue  du  Petit-Pont,  a  convié 
ses  visiteurs,  le  28  août,  à  une  soirée  dansante.  Le 
vice-président,  avec  son  amabilité  habiuelle,  afait  les 
honneurs  de  la  Société  à  ses  invités.  On  s'est  fran- 
chement amusé.  Nos  compliments  aux  commissaires, 
MM.  Dumont  et  Dorr.  Une  petite  critique  à  l'ami 
Pradel,  le  pianiste. 

Pourquoi  n'a-t-il  joué  qu'un  quadrille  ?  Son  réper- 
toire, en  fait  de  quadrilles,  est-il  limité  à  ce  point-là. 

Le  dimanche,  29,  première  représentation  à  ladite 
Société:  Unbeau-xièi-epasbête,  joué  par  M.  Richard,. 


136 


LA  CHANSON 


Mlle  Berthe,  et  un  sociétaire  dont  le  nom  m'échappe. 
A  défaut  de  talent,  beaucoup  de  bonne  volonté. 

QUÉLIN. 

Dimanche,  4  septembre,  réouverture  des  soirées  de 
la  Société  Dramatique  de  récréation,  bO,  rue  Fabert- 
Cette  Société  a  profité  des  vacances  de  l'été  pour 
l'aire  mettre  la  salle  et  la  scène  complètement  à 
neuf;  c'est  sûrement  la  plus  coquette  et  la  plus  con- 
fortable des  salles  des  Sociétés  lyriques. 

L'association  Littéraire  et  Musicale,  réouverture 
dimanche  5  septembre;  matinée  Salle  de  la  Pépi- 
nière, à  une  heure  précise,  nie  de  la  Pépinière. 


CHOSES  &  AUTRES 

Dans  sa  séance  du  jeudi  2  septembre,  les  mem- 
bres du  syndicat  de  ia  société  des  auteurs,  composi- 
teurs et  Editeurs  de  musique  ont  procédé  au  rempla- 
cement de  M.  RoUot,  agent  général  révoqué,  M. 
Victor  Souchon  a  été  élu  agent  général.  Nous  félici- 
tons les  membres  du  syndicat  de  cet  heureux  dénoue- 
ment. Tous  nos  compliments  à  notre  ami  Souchon  ; 
le  plus  grand  éloge  que  nous  puissions  faire  de  lui 
est  de  dire  qu'il  a  été  choisi  sur  19  candidats,  et 
nommé  par  9  voix  sur  12  votants. 


TREIZIEME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20   août   a%(,   ZO   septembre. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
rel'rain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  1'=''  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


Vient  'de  parniti*c  A  notre  librairie  un  nourenii 
Catalogne  de  livres  ancien»  ci  inodcrnea*.  rares  et 
curieux.  IWous  enverron.**  ce  catalosiic  franco  h  toute 
personne  qui  nouiîi  eu  fera  la  dcniundo  pai-  lettre 
affranchie. 


Qui  ne  connaît,  à  Lyon,  Sarrazin,  lequel  parcourt 
les  cafés  et  brasseries  de  la  ville  en  vendant  des 
olives  ? 

Jean  Sarrazin  est  d'origine  dauphinoise  ;  poète  à 
ses  heures,  il  vient  de  publier  un  charmant  recueil 
de  poésies  intitulé  :  Trait-d'Uniiiu. 

Voici  une  fleur  que  nous  cueillons  dans  le  Trait- 
d'Unioii  ,  poésie  de  Jean  Sarrazin  ; 

PRENDS  CE  NID 

Tu  me  dis  souvent  :  pour  te  plaire 
J'irais  prendre  une  étoile  aux  cieux. 
Ce  noble  élan  est  précieux 
Au  cœur  de  ta  petite  Claire. 
C'est  le  jour  d'être  audacieux  : 
Au  lieu  de  l'éloire  polaire, 
Prends  ce  nid,  qu'un  rayon  éclaire 
Dans  ce-  rameaux  silencieux. 
Ton  désir  est  cruel,  mignonne  ! 
Vois  l'heureuse  mère  qui  donne 
La  becquée  à  chaque  petit. 
Ce  rapt  rendrait  sa  vie  amère, 
Tu  sauras,  quand  lu  seras  mère. 
Par  le  berceau  ce  qu'est  le  nid. 

.[Le  Moniteur  de  Lyon.) 


La  Direction  de  la  Muse  républicaine  ouvre,  pour 
1880,  deux  Concours  poétiques. 

10  _  CONCOURS  DUPONT  1»E  L.'EURE 

«  SA  VIE,  SON  OEUVRE,  SON  CARACTÈRE.   » 

11  sera  décerné,  s'il  y  a  lieu,  trois  médailles  : 
Au  l"''  prix,  une  médaille  de  vermeil. 

Au  2"  prix,  une  médaille  d'argent. 

Au  3°  prix,  une  médaille  de  bronze. 

Il  y  aura  en  plus  :  trois  mentions  très  honorables, 
et  six  mentions  honorables. 

Chaque  composition  devra  compter  14  vers  au 
moins  et  80  au  plus. 

8°  —  COIVCOURS  DE  CHAIWSOIV 

Nous  mettons  au  concours  :  nue  Chanson  démocra- 
tique et  philosophique  (franc-maçonnique,  libre-pen- 
seuse ou  anti-cléricale,  ad  libitum). 

Les  Chansons  présentées  devroDtètre  inédites,  lé- 
g.ilement  irréprochables,  et  mises  surun  air  populaire 
ou  bien  connu  ;  elles  comprendront  de  3  à  o  cou- 
plets. 

Pour  ce  Concours,  il  sera  également  décerné,  s'il 
y  a  lieu,  trois  prix  (médailles  vermeil,  argent  et 
bronze),  trois  mentions  très  honorables  el  six  mentions 
honorables. 

Les  trois  œuvres  couronnées  seront  publiées  dans 
la  Muse,  et  la  question  de  réunir  en  recueil  toutes 
les  Chansons  soumises  au  jury  sera  mise  à  l'étude. 

Les  concurrents  de  l'un  et  l'autre  Concours  sont 
tenus  de  souscrire  à  un  exemplair-'  du  volume  de  la 
Muse  de  1880,  et  joindront  à  cet  effet  à  leur  mantis- 
crit  un  mandat-poste  de  o  francs. 

Les  Concours,  ouverts  le  14  juillet,  seront  clos  le 
30  septembre. 

Les  envois  devront  être  parvenus  pour  cette  date 
à  Evreux,  à  l'adresse  du  Directeur  de  la  3f use  repu- 
bUcaiiie,  M.  Boue  (de  Villiers): 

Chaque  pièce  sera  signée  d'une  devise,  avec  pli 
cacheté  contenant  les  noms  et  adresse  de  l'autenr, 
avec  la  devise  répétée. 


I\'ou.s  avons  encore  reçu  des  réclamations,  consta- 
tant des  irrégularités  dans  la  distribution  de  notre 
dernier  niiiuéi  o.  1^'ous  ne  saurions  trop  recooiman-» 
de«-  à  nos  abonnés  d'adresser  directement  leurs  récla- 
mations ù  m.  Coeliery,  ministre  des  postes  et  des  télé- 
graphes, à  Paris. 

Beaucoup  de  nos  acheteurs  au  numéro  se  plai- 
gnent de  ne  pas  trouver  I^a  CU.-^ÎVSOX  dans  leur 
fjuarticr;  nous  les  prions  instaanincnt  de  la  réclamer 
chcK  tous  les  libi*aircs,  mitrchnnds  de  journaux  et 
dans  le.s  kios<|ues.  Souvent  les  marchands  oublient 
de  la  mettre  eu  étalage,  ou  les  porteurs  négligent 
d'en  faire  le  dépât;  nous  recommandons  ik  tous  ceux 
qui  s'intéressent  à  L.%^  CU.%^'SO.'%[  de  la  demander 
partout  et  de  nous  signaler  les  endroits  où  l'on  au- 
rait omis  de  la  déposer. 

li.l^  C2I.\iVf^O:%  doit  se  trouver  partout  dès  le  sa-  . 
medi  matin. 


Le  Directcur-Gérait  :  A.  PATAV. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et   Cie,  6,  rue  Martel. 


3»  ANNEE.  —  N»  1 8. 


lO  CENTIMES. 


12  SEPTEilBRE  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-  Gérant . 
A.   PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ^^^'^SS/me'g'" 


ECHO  DES  SOCIETES  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non   insérés   ne   seront   pas  rendus. 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


Lachanson,commelabaronnetfe 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &  RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  f r. 

>         six  miois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


4}alerîe  des  Chansonniers  :  Favart  (ErcÈiçK  Baillkt). 
la  Rose  ^FAVAnT).  —  BanqneL  du  Caveau  (L.-Ub\ 
Enfer  et  Paradis  (KLokm'.  Guasiik).  —  Le  Sen 
musique   de    Aru.    Dlponi.    — 


■(LUCIR 


Roi: 


N») 


—  La  Clu 


:  dit  i 


Doiibii-    Imllmle 


Les    Uaels  (OiiTov). 


.fai  l'esprit  bitcorna  (L.-Micbei.  Dbsfosskz).  —  Chronique 
Concerts  (ALFnKn  Bkrtinot).  —  Fantaisies-Parisiennes  (Ma' 
Civ).  —  rhroiiqne  des  Sociétés  Lyriques  (A.  Beutinot,  Qr 
—   Choses  et   autres. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  FAVART 


Favart  naquit  le  3  no- 
vembre 1710,  à  Paris,  où 
son  père  exerçait  la 
profession  de  pâtissier, 
ce  qui  ne  l'empêchait 
pas  de  tourner  agréa- 
blement le  couplet,  à 
ce  que  la  chronique  as- 
sure, car  aucun  de  ces 
couplets  n'est  arrivé 
jusqu'à  nous.  C'est  au 
père  de  Favart  que  l'art 
de  la  pâtisserie  doit 
Tinvenlion  de  l'échau- 
dé,  invention  qui  lui 
avait  procuré  une  pe- 
tite fortune. 

Favart  reçut  une  édu- 
cation assez  soignée  cl 
témoigna,  tout  jeune 
encore,  de  grandes  dis- 
positions pour  le  théâ- 
tre :  ce  n'est  que  mal- 
gré lui,  après  la  mort 
de  son  père,  qu'il  mit 
momentanément  la 
main  à  la  pâte.  A  l'âge 
de  vingt  ans  il  avait 
déjà  donné  au  public 
plus  de  pièces  qu'il  ne 
comptait  d'années.  — 
Mais  ces  pièces,  con- 
sidérées par  I  leur  auteur  comme  n'ayant  aucune 
importance,  ne  furent  jamais  imprimées  et  les 
manuscrits  passèrent  tous  par  le  four  du  pâtissier. 


Favart  ne  fut  jamais 
un  chansonnier  dans 
l'acception  vraie  de  ce 
titre,  mais  plutôt  un 
coupletier,  car,  à  très 
peu  d'exceptions  près, 
celles  de  ses  chansons 
que  nous  connaissons 
ne  sont  le  plus  sou- 
vent que  des  couplets 
extraits  de  ses  pièces 
de  théâtres.  Beaucoup 
de  ses  refrains  ont  joui 
d'une  grande  vogue 
dans  leur  primeur,  ils 
se  chantaient  en  famil- 
le, après  le  repas  ;  ja- 
mais d'indécence  ni 
d'immoralité.  A  peine 
quelquefois  un  mot  ou 
une  pensée  amène  le 
sourire  sur  les  lèvres, 
mais  pas  plus.  —  Dp 
la  grâce,  du  naturel, 
voilà  Favart,  c'est  rare- 
ment maniéré  et  pres- 
que toujours  charmant, 
comme  dans  cett'- 
ariette  : 

Un  cœur  touc  neuf 
Est  comme  un  œuf 


Que  l'amour  couve  sous  son  aile, 

En  l'animant 

Tout  doucement 
•    Par  une  chaleur  naturelle. 


138 


LA  CHANSON 


Le  temps  y iendira 
Qu'il'  écloira. 
Ce  joli  petit  cœur  de  fille. 
11  en  naîtra 
Le  désir, 
Le  plaisir, 
Conime  un  petit  oiseau  qui  sort  d«  sa  coquille. 

Favart  élail  tau  travailleur,  il  a  composé  un  très 
grand  nombre  de  pièces,  tant  pour  les  théâtres  de  la 
foire  que  pour  celui  de  l'Opéra-Coniique.  Pendant 
quarante  ans  ses  succès  furent  peu  interrompus.  Les 
principaux  sont  :  les  Trois  Sultanes,  Ninette  à  la  cour, 
la  Chercheuse  d'esprit,  la  Belle  Arsène,  l'Anglais  à 
Bordeaux,  etc.  Cette  dernière,  qui  fut  représentée  le 
14  mars  17133,  fu.t  un  IriompliLe  pour  son  auteur.  Ba- 
chaumont  nous  apprend  qu'à  la  deuxièime  représen- 
tation Favart,  qui  désirait  ne  pas  se  montrer  au  pu^ 
blic,y  fut  contraint:  «  Lepauvre  diable  a  été  tramé  pai' 
deux  comédiens  sur  le  théâtre  et  y  a  reçu,  malgré  tni 
la  bordée  des  apiûaiidissements dm  publie.  »  La  pièce  fut 
bienlot  jouée  à  la  cour,  et  son  auteur  gratifié  d'un*^ 
pension  de  mille  francs.  Heureux  Favart,  à  la  même 
époque  on  brûlait  Emile,  et  Rousseau  était  forcé  de 
s'expatrier  pour  éviter  la  prise  de  corps. 

Cependant  Favart  ne  fut  pas  toujours  lieureux  du- 
rant sa  longue  carrière.  Celte  nature  délicate  et  droite 
dut  au  contraire  éprouver  des  souffrances  réelles,  de 
par  sa  femme  qui  l'aimait  cependant  beaucoup. 
C'était  une  charmante  actrice  avignonnaise  qu'il 
avait  épousée  bien  qu'elle  fût  plus  jeune  que  lui  de 
dix-sept  ans.  Voici  les  faits  : 

Quand  les  comédiens  français,  ligués  conilœe  les 
comédiens  de  rOpéra-Comique,  obtinrent  la  ferme- 
ture de  ce  dernier  dont  Mme  Favart  était  l'étoile, 
Favart  se  trouva  sans  emploi  et,  ne  sachant  que  faire, 
il  accepta  de  suivre,,  en  qualité  de  directeur  de 
troupes  théài raies,  k;  maréchal  de  Saxe  qui  avait 
mis  le  théâtre  dans  ses  plans  de  campagnes,  sacha:nt 
que  la  gaité  dans  l'armée  c'est  la  santé  du  soldait.  Et 
puis  il  y  avait  là  Mme  Favart!  Le  brave  Favaa*,,  me 
soupçonnant  rien  des  intentions  du  maréchal,  partit 
joyeux  emmenant  avec  lui  sa  troupe  et  sa  femme. 

Entre  deux  batailles  on  jouait  la  comédie,  c'était 
charmant.  Mais  Mme  Favart  était  de  plus  «m  plus 
jolie,et  le  maréchal,  connu  pour  se*  «xjptoits 
amoureux  ne  l'avait  pas  fait  venir  p©»  Iff-senilll  plaiisir 
de  la  regarder.  C'était  vers  174b. 

Maurice  de  Saxe  dépeignit  d'alwrd  fSSD  fflstmme, 
d'une  façon  toute  cavalière,  à  la  jetime  Mjme  Favart, 
Elle  n'avait  guère  que  dix  huit  ans,  eï  Ite  maréchal 
en  avait  quarante-neuf.  L'attraction  n'étaill  pas  puis- 
sante pour  elle.  Puis  il  y  avait  là  un  mari  relative- 
ment jeune  et  aimant  qui  surveillait.  Aussi  le  vain- 
queur de  tant  de  batailles  dut  cette  fois  se  déclarer 
vaincu;  alors  il, joua  l'amoureux  et...  n'obtint  pas 
plus  de  succès.  Les  soupçons  du  mari  était  éveil- 
lés, pour  soustraire  sa  femme  aux  obsessions  de  son 
amoureux  de  rencontre,  il  l'envoya  successivement 
à  Bruxelles,  puis  à  Paris,  où  son  vrai  talent  de  co- 
médienne lui  ramena  la  vogue  des  premiers  jours. 

Pendant  ce  temps,  le  pamTc  Favart  se  morfondait 
au  camp,  près  du  maréchal,  qui  lui  faisait  froide 


mimev  e*  biem-tôt  M  retira  sa  pirotection,  car  il 
s'aipercevait  qTMî'  ce  drôle  de  wairi  ne  voialait  à 
aucun  prix  devoir  sa  fortune  à  son  déshonneur. 
Aussi  dutril  bieiitàt  qiuilter  l'armée.  Il  avait  des 
euvieux  qui  giDettaieiiH  ce  moment  pour  lui  faire  un 
ma/uvais  procès,  et  qui  surent,  à  force  d'intrigues, 
obtenir  contre  lui  une  prise  de  corps.  En  même 
temps  une  lettre  de  cachet  l'atteignait,  on  n'a  ja- 
mais su  pourquoi.  H  est  visible  qu'il  y  avait  dans 
tout  cela  la  main  sale  de  l'hydropique  amoureux 
évincé,  Maurice  de  Saxe.  Favart  se  sauva,  et  quand 
sa  femme  voulut  quitter  Paris  pour  aller  le  i;ej.oindre, 
elle  fut  arrêtée  en  route  de  par  une  autre  lettre  de  ca- 
chet: on  l'interna  successivement  dans  deux  cou- 
vents. 

Pendant  ce  temps-,  le  pauvre  Favart  vivait  à  Stras- 
bourg, caché  dans  une  cave,  où  ils  peignait  des  éven- 
tails pour  vivre.  Il  tomba  bientôt  malade.  C'est  alors 
que  Mme  Favart,  accablée  de  dégoût  et  d'ennid,  de 
guerre  lasse,  et  sachant  bien  la  source  de  toutes  les 
calamités  qui  les  poursuivaient,  Mme  Favart  ne 
tromTi  pas  d"'autre  moyen  pour  sortir  de  cette  si- 
tuation, que  de  se  rendre  à  l'ennemi.  Faut-il  mau- 
dire, faut-il  admirer?  en  tous  cas,  c'est  un  bien 
triste  dénouement  pour  ce  vaudeville  mélodrama- 
tique. 

Tous  deux  recouvrèrent  alors  la  liberté,  mais  le 
charme  était  détruit,  et  le  bonheur  impossible. 
Chaque  fois  que  ce  brave  Favart  regardait  sa  femme, 
il  de-\-ail  voir  le  maréchal  et  le  voir  entouré  de  tou- 
tes (H-s  joyeuses  drôlesses  d'alors,  dont  les  faciles 
Conquêtes  lui  valaient  une  réputation  pornographi- 
que si  enviée  de  ses  pareils,  et  l'âmetendre  etdélicate 
du  pau^vre  poète  ne  devait-elle  pas  saigner  en  voyant 
dans  ce  croupe  malsain,  celle  à  qui  il  avait  vouié 
toQl  son  auiooi-,  loute  sa  vie.  La  mort  de  Maurice'  de 
Saxe  arriva  peu  de  temps  anrés,  Favart  se  crut  un 
peu  vengé;  njéanmoins il  n'avait  plus  pour  sa  femmv 
qu'une  ioiiifliérence  amicale.  Aussi,  qitand  on  pré- 
tendit que- raiilbibé  Voisenon  était  sou  collaborateur 
en  partie'  dlcwftfcT  il  laissa  dire  sans  beaucoup  se 
préoccuper  de  ce  bruit.  Etait-il  fondé'?  La  femme 
(.(ui  n'avaU  p.is  craint  de  se  vendre  au  soldat,  pou- 
vait bien  se  donneTi  au  prêtre.  Mme  Favart  mourut 
le  ai  aiwil  VTifl^.  «Hic  avait  quarante-cinq  ans.  Et 
peMfflaanitl. -riM'gt  ams  que  Favart  lui  survécut,  il  parla 
d'elle  avec  regret  et  bonté;  il  avait  pardonné  à  la 
niurt  ce  qu'il  n'avait  pu  pardonner  à....  la  faiblesse. 
n  écrivit  alors  très  peu  et  vécut  dans  la  retraite.  ■ 
Btk-anaer  qui  a  vu  Favart  à  quatre-vingt  ans,  dittjue 
c'était  mi  imposant  vieillard.  Il  mourut  dans  la 
pt'lite  maison  qu'il  habitait  depuis  longtemps  à 
Belle\-ille,  près  Paris,  le  vendredi  17  mai  17t)-2.  Il  fut 
enterré  dans  son  jardin  où  sa  tombe  se  voyait  en- 
cor  il  y  a  quelques  années.  Eusèse  Baillet. 

Nota,  Cette  notice  est  extraite  de  \ Anthalogit  de  la 
Chanson  française  depuis  le  commeneeiiient  du  dix-hui- 
tième siècle  jusqu'à  iic.5  jours,  par  Eugène  Baillet, 

Cet  ouvrage,  écrit  sur  un  plan  entièrement  nouveau, 
sera  tiré  à  petit  nombre.  Nous  annoncerous  très  pro- 
chainement les  coDditioas  de  la  souscripdon  et  la  mise 
en  vente  à  notre  librairie,  A.  P, 


LA  CHANSON 


139 


LE  PRIX  DE  LA  ROSE 


Vous  qui  cherchez  à  mériter 

Le  prix  fin'on  donne  à  la  sagesse, 

II  est  bon  do  vous  réciter 

Plus  d'un  exemple  de  laiblesse. 

On  croit  pouvoir  tout  éviter, 

Trop  coniiante  est  la  jeunesse  ; 

Eh  hicn,  eh  bien,' 
Vous  verrez  à  qtioi  l'on  s'expose, 
Jeunes  lilles,  songez-y  bien  ; 

Il  ne  faut  qu'un  rien. 
Un  petit  rien,  un  petit  rien. 
Pour  perdre  le  prix  de  la  rose. 

Pour  prendre  un  nid  levant  les  bras 
Sur  ses  doux  pieds  Lison  se  dresse, 
Lucas  qui  voit  son  embarras 
La  l'ait  sauter  avec  adresse; 
'Grand  merci,  dit-elle  à  Lucas... 
On  condamna  sa  politesse. 

Eh  bien,  oh  bien. 
Vous  voyez  à  quoi  l'on  s'expose. 
Jeunes  filles,  sontjez-y  bien. 

Il  ne  l'aut  qu'un  rien, 
Un  petit  rion,  un  [letit  rien 
Pour  perdre  le  prix  de  la  rcjse. 

Lise  en  dansant  rompt  son  lacet, 

De  ses  deux  mains  elle  se  cache; 

Jeannol  rapproche  son  corset, 

En  soupirant  il  le  rattache. 

Et  de  même  elle  soupirait 

Elle  eut  tort...  il  faut  ([u'on  le  sncho. 

Eh  bien,  eh  bien. 
Vous  voyez  à  quoi  l'on  s'expose. 
Jeunes  (illes,  songez-y  l)ien  ; 

Il  ne  faut  qu'im  rien, 
Un  petit  rien,  un  petit  rion. 
Pour  perdre  le  prix  de  la  rose. 


•On  dit  qu'il  revient  un  esprit 

•Chez  la  grand'mèro  de  Nicotte  ; 

Toute  la  nuit  il  lait  du  bruit , 

Le  voisinage  s'in(piièlo. 

Nicette  a  grand'  peur...  mais  sourit  ; 

Un  sourire  est  un  interprète. 

Eh  bien,  oh  bien. 
Vous  voyez  à  quoi  l'on  s'expose  ; 
Jeunes  filles,  sachez-le  bien. 

Il  ne  faut  qu'un  rien. 
Un  petit  rien,  un  petit  rien. 
Pour  perdre  le  prix  do  la  rose. 

La  faible  rose,  bien  souvent. 
Malgré  tout  l'art  du  jardinage, 
•Quand  elle  est  exposée  au  vent 
En  reçoit  un  cruel  dommage. 
Ainsi  "maint  ouvrage  en  naissant 
Ne  peut  résister  à  l'orage. 

Eh  bien,  eh  bien. 
Vous  voyez  à  quoi  l'on  s'expose  ; 
Jeunes  filles,  sachez-le  bien. 

Il  ne  faut  qu'un....  rien. 
Un  petit  r^en,  tout  petit...  rien, 
Pour  perdre  le  prix  de  la  rose. 


Pavakt. 


SOCIÉTÉ  LITTÉRAIRE  ET  LYRIQUE  DU  CAÏE.IU 


nnn<iiiet  du  9  septembre , 


L'été  n'a  point  de  feux,  l'hiver  n'a  point  de  glaces 

pour  les  membres  du  Caveau,  fidèles  quand  même  au 
culte  dt;  la  déesse  Chanson.  Vingt-deux  productions 
inédites  onl  été  présentées  au  banquet  de  septembre, 
i-hill're  éloquent  pour  qui  lient  C(jinpte  do  la  tempéra- 
ture excessive  et  des  vacances  presque  générales. 

C'est  toujours  avec  un  étonnement  joyoux  que 
j'écoute  le  toast  traditionnel.  Le  iirésidout  Crangé 
s'en  lire  chaque  fois  d'une  façon  très  ingénieuse.  Sa 
comparaison  du  toast  avec  î'hydre  de  Lernes,  aux 
lètes  sans  cosse  ri'naissantes,  a"produit,  l'autre  soir, 
un  grand  elfot  comique. 

Suprême  écho  des  Mots  donnés  :  MM.  Montariol, 
Echalié  et  Fouache  célèbrent  Sèvies,  Versailles  et 
Mari i/-le-Roy  ;  —  érudition  et  verve  égales. 

La  première  chanson  de  Duproz,  Je  vis  par  curio- 
sité, a  fait  plaisir;  la  seconde  Zes  pieds  de  Madeleine, 
m'a  paru  d'une  forme  moins  heureuse. 

M.  Garaud,  que  j'ai  bien  involontairement  oublié 
dans  mon  précédent  compte-rendu,  avait  envoyé 
sous  ce  titre  :  Comme  on  dégringole,  l'hisloiro  d'une 
lille  de  plai^ii'raconiée  par  elle-même;  ses  couplets 
ont  été  justement  applaudis. Za  Canicule,  récit  chanté 
d'une  tournée  dramatique,  par  M.  Saint-Germain,  a 
obtenu  le  même  succès. 

Charles  Vincent  a  opéré  sa  rentrée  avec  une  chan- 
son intitulée  la  Forme  qui  est,  en  même  temps 
qu'une  inspiration  tantôt  vigoureuse  tantôt  plai- 
sante, une  leçon  de  linguiste  expert. 

On  lira,  dans  co  ninnéro,  les  fins  couplets  de 
M.  Grange,  Enicr  et  Paradis,  d'un  fond  original  et 
d'un  forme  irréprochable. 

M.  Duvelleroy  n'y  va  pas  de  main  morte;  le 
Voi/age  des  trois  Présidents  à  Cherbourg  lui  a  fourni 
le  sujet  d'une  satire  très  mordante  et  fort  bien  trai- 
tée, mais  dont  la  conclusion  naturelle  n'est  pas  celle 
que  voulait  tirer  l'auteur.  Si  Cherbourg  accueille  le 
chef  de  la  République  avec  le  même  enthousiasme 
qu'elle  accueillit  jadis  les  Bourbons,  les  d'Orléans 
et  les  Napoléons,  le  tort  en  est  d'abord  à  Cherbourg, 
et  la  question  de  savoir  lesquelles  de  ses  acclama- 
tions anciennes  ou  nouvelles  avaient  raison,  n'est 
pas  précisément  élucidée. 

MM.  Bourdelin,  Ripault  et  Jullien  ont  mis  beau- 
coup de  sentiment  dans  Sachons  vieillir,  Ma  dernière 
chanson  et  le  Rendez-vous  de  Lise.  Le  sentiment  est 
aussi  le  caractère  distinclif  de  la  chanson  de  M.  Mon- 
tariol, Je  t'aime,  mais  un  sentiment  plus  large  et 
d'une  trèslouable  philosophie,  puisque  la  déclaration 
du  poète  s'adresse  à  l'humanité. 

Avec  MM.  Petit,  Adeline,  Echalié,  Roy  et  Fénée, 
la  gaité,  le  sous-entendu,  la  satire  d'actualité  repren- 
nent leurs  droits,  les  Petits  Cochons,  Ça  n'est  pas  em- 
barrassant, la  Leçon  d'Amour,  C'est  trop  court.  Mon 
p'tit  frère.  Un  vieux p-oterbe,  sont  autant  d'oeuvres 
pleines  d'esprit  et  d'entrain. 

Je  mentionnerai,  pour  être  complet,  la  chanson 
que  j'ai  dite  à  mon  tour,  et  que  les  membres  du  Ca- 
veau ont  gracieusement  accueillie  :  la  Reconnaissance 
est  un  mot. 

Très  bonne  soirée,  au  total,  où  tous  les  genres 
étaient  bien  représentés,  et  qui  clôture  brillamment 
la  série  des  banquets  d''été. 

L.-Henrt  Lecomte. 


140 


LA  CHANSON 


Am  .•    \aadcville  des  deiin-  Edmond 

Dans  les  désirs  user  sa  vie, 
De  l'ambition,  de  l'envie. 
Sentir  les  étreintes  de  fer, 

Voilà  l'Enfer  1  [Ms] 
A  vingt  ans,  narguer  la  détresse. 
Prés  d'une  gentille  maîtresse, 
Vivre  d'amour  dans  un  taudis, 

Voilà  le  Paradis  ! 

Les  bals,  les  concerts,  les  spectacles. 
De  la  mode  ces  réceptacles, 
A  Paris,  pendant  tout  l'hiver, 

Voilà  l'Enfer  1 
Mais,  l'été,  loin  de  tout  tapage. 
Au  fein  d'un  rustique  coitage. 
Cultiver  ses  fleurs,  ses  radis. 

Voilà  le  Paradis  ! 

Mettre  une  rage  sans  égale 
A  poursuivre  "une  martingale, 
Risquer  son  or  sur  rouge  ou  pair, 

Voilà  l'Enfer! 
Sans  désirer  être  plus  riche. 
En  famille,  à  deux  sous  la  fiche. 
Faire  un  boston,  tous  les  jeudis. 

Voilà  le  Paradis  ! 

Pour  les  acteurs,  race  damnée, 

Bépéter  toute  la  journée. 

Sans  qu'un  congé  leur  soit  otTerl, 

Voilà  l'Enfer  I 
Mais  enfin,  pour  prix  de  leurs  peines. 
Par  l'orchestre  et  les  avant-scènes 
Si,  le  soir,  ils  sont  applaudis, 

Voilà  le  Paradis  ! 

Les  orages  parlementaires. 
Les  décrets  de  nos  ministères, 
Mettant  tout  le  pavs  en  l'air. 

Voilà  l'Enler  ! 
Mais,  après  tant  d'inconséquences, 
Quand  la  Chambre  prend  ses  vacances. 
Pour  les  bourgeois  ragaillardis. 

Voilà  le  Paradis  ! 

Toujours  grondé  dans  son  ménage, 
Paul,  qui  loge  au  cinquième  étage. 
Me  disait  :  «  Mon  foyer,  mon  cher, 

«  Est  un  Enfer 
«  Par  bonheur,  parfois,  en  cachette, 
«  Je  puis  descendre  chez  Nichette  ; 
«  L'entre-sol  où  je  me  gaudis, 

«  Voilà  mon  Paradis  !  » 

Sans  cesse  en  butte  à  la  critique. 
Le  métier  d'auteur  dramatique, 
(Et  j'en  puis  parler  en  expert) 

C'est  un  Enfer  ! 
Mais,  oubliant  les  algarades. 
Auprès  de  vous,  chefs  camarades, 
Quand  reviennent  nos  vendredis. 

Je  suis  en  Paradis, 

Voilà  mon  Paradis  ! 

Eugène  Geangé, 

Président  du  Caveau. 


LE  SERlwrEI^T 

(liégende) 


>arole?  de  Mapc  Thezeloup,  Mus.  de  Ach.  Dupont. 

A-Hegro   aimplice. 


foi    de    Nor.mand!        foi       de     Nor. 
A.nt!':"  aon  troppo.  „lr Couplet 


rou-te  ils 


Satan  qui  venait  de  tournée, 
Pour  leur  malheur  les  entendant, 
«  Ah!  dit-il,  jeunesse  insensée. 
Je  Ao.is  tiens,  ah!  le  bon  serment  !  » 

Sous  les  traits  de  gante  Isabelle, 
Au  délour  du  chemin,  Satan 
Parait  !  A  l'aspect  de  la  belle. 
Bien  loin  s'envole  le  serment. 

Chacun  veut  pour  lui  tant  de  charmes. 
On  conteste,  et  flamberge  au  vent  ! 
Ses  coups  s'abattent  sur  les  armes, 
Pïiis  tous  deux  se  percent  le  flanc. 

Saian  alors,  dit  la  légende. 

Aux  enfers  les  portant  tous  deux. 

Pour  ces  parjures  recommande 

Des  tourments,  des  tourments  affreux. 


Pour  morale  de  cette  histoire, 
Tenez  toujours  votre  serment, 
Ou  jurez,  vous  pouvez  m'en  croire, 
Jurez,  jurez  :  foi  de  Normand  ! 


LA  CHANSON 


141 


A.  LUCIEN  COLLIN 

DOUBLE  BALLADE 


LA  CHANSON  DU  JOUR 


Espérez,  arbres  appauvris 
Par  la  longue  et  triste  froidure, 
Voici  que  les  nuages  gris 
S'ornent  d'une  claire  bordure; 
La  glace,  hier  épaisse  et  dure. 
Fond  sous  les  feux  de  l'astre-roi  ; 
Voici  renaître  la  verdure!... 

—  Madame,  ayez  pitié  de  moi. 

L'étoile  a  de  tendres  souris 
Pour  le  lac  tant  que  la  nuit  dure; 
On  entend  le  cantique  épris 
Qu'aux  roseaux  la  source  murmure, 
Actéon  songe  et  sa  ramure 
Tressaille...  Il  a  revu,  je  croi, 
La  chasseresse  sans  armure!... 

—  Madame,  ayez  pitié  de  moi. 

L'Aurore  aux  regards  attendris, 
Sur  le  palais,  sur  la  masure. 
Verse  l'espoir,  baume  sans  prix, 
Et  fait  à  tous  bonne  mesure  ; 
Du  pauvre  le  chaume  s'azure. 
Le  printemps  à  qui  suit  sa  loi 
Rend  le  bonheur  avec  usure... 

—  Madame,  ayez  pitié  de  moil 

Déjà  quelques  bourgeons  fleuris 
Au  feuillage  —  charmant  augure  — 
Mêlent  leur  galant  coloris. 
Le  chêne  à  l'énorme  envergure 
Abrite  un  doux  nid  qu'inaugure 
Un  couple  d'oiseaux  en  émoi... 
La  campagne  se  transfigure... 

—  Madame,  ayez  pitié  de  moi. 

Pour  les  fronts  d'idéal  nourris 

Qui  connaissent  l'histoire  sûre 

Et  merveilleuse  des  péris. 

Voici  le  temps  où  —  sans  chaussure  — 

Sur  l'herbe  exempte  de  froissure, 

La  nymphe,  avec  un  peu  d'effroi, 

Pose  son  pied  blanc...  —  ô  luxure!  — 

—  Madame,  ayez  pitié  de  moi. 

L'âge  des  orgueilleux  mépris 

Est  évanoui.  La  nature 

Baise  les  cœurs  endoloris 

Et  met  un  terme  à  leur  torture. 

Le  doute,  cette  froide  injure. 

S'enfuit  :  tes  âmes  ont  la  foi... 

Je  vous  aime,  je  vous  le  jure  !  — 

—  Madame,  aj^ez  pitié  de  moi. 

LUCtEN    ROULAND. 


Vient  de  paraître  ik  notre  librairie  un  nouveau 
Catalogue  de  livres  anciens  et  modernes,  rares  et 
«urïeux.  ^'ous  enverrons  ce  catalogue  franco  à  toute 
personne  qui  nous  eu  fera  la  demande  par  lettre 
affranchie. 


liES   DUELS 


Air  :  Bonjour,  mou  ami  Vincent. 

On  ressuscite  chez  nous 
La  ridicule  coutume 
Qui  veut  qu'on  paj'e  de  coups 
L'écart  de  langue  ou  de  plume  ; 
Donc,  chaque  matin,  ouvrant  mon  journal, 
J'y  vois  le  récit  plus  ou  moins  banal 
De  piètres  combats  dont,  plein  d'amertume, 
Plus  d'un  mécontent  assume  le  tort. 
Cela  fait  très  bien,  l'on  en  parle  fort... 
Mais,  tant  tués  qu'blessés,n'y  a  personn'  de  mort. 

Un  gazelier  breveté, 

Quand  bâille  sa  clientèle, 

Lui  sert  le  plat  pimenté 

D'une  bruyante  querelle  ; 
Avec  un  compère  aimable  et  malin, 
Dans  un  bois  charmant,  par  un  beau  malin. 
Il  fait  de  briquets  jaillir  l'étincelle 
El  dicte  aux  témoins  un  pompeux  rapport. 
Cela  fait  très  bien,  l'on  en  parle  fort... 
Mais,  tant  tués  qu'blessés,  n'y  a  personn' de  mort. 

Pour  conquérir  l'électeur. 

Le  candidat  politique, 

D'un  rival  dont  il  a  peur 

Vilipende  la  boutique  ; 
L'affaire  s'aggrave,  et  sur  le  terrain. 
Où  les  mène  un  jour  le  respect  humain. 
Leurs  deux  pistolets  à  système  antique 
Sur  le  ciel  l'ont  feu  d'un  commun  accord. 
Cela  fait  très  bien,  l'on  en  parle  fort... 
Mais,  tant  tués  qu'blessés,  n'y  a  personn'  de  mort. 

Sans  trompette  ni  tambour 

Si  quelque  femme  légère 

Avec  un  servant  d'amour 

Prend  la  route  de  Cythère  ; 
Au  lieu  de  fermer  sagement  les  yeux, 
Le  mari,  jetant  des  cris  furieux, 
Met  l'épée  en  main,  et,  gardien  sévère, 
Sur  le  maraudeur  fond  avec  transport. 
Cela  fait  très  bien,  l'on  en  parle  fort... 
Mais  tant  tués  qu'blessés,  n'y  a  personn'  de  mort. 

Si  par  les  duels  jadis 

S'établissait  le  courage, 

Aux  pâles  bretteuri  je  dis  : 

«  Vous  n'êtes  pas  de  notre  âge. 
Quoique  très  naïf,  le  public  français 
Ne  l'est  pas  assez  pour  faire  un  succès 
A  ceux  qui  voudront  établir  l'usage 
De  plaisants  combats, "entr'actes  du  sport. 
Où  facilement  la  satire  mord... 
Car  tant  tués  qu'blessés,  n'y  a  personn'  de  mort:  » 

Orion. 


142 


LA  CHANSON 


DOUZIEME  COMGOURS   MENSUEL 

de  I,A  CHANSON 

a<=  Prix. 

J'AI  L'ESPRIT  BISCORNU 

Cban«ionncttc 

Air  :  Que  voulez-vous,  faim'  la  tranquillité. 
Certaines  gens  disent  qu'il  fait  bon  vivre, 
■Que  sur  la  terre  on  trouve  le  bonheur  J 
Ça  fait  très  bien  à  mettre  dans  un  livre  ; 
Mais  l'aftinner,  c'est  le  fait  d'un  blagueur  ! 
Ah  1  moi  je  dis  qu'ici  bas  la  misère 
Etend  partout  son  pouvoir  absolu; 
■Que  le  mal  vit,  que  le  vice  prospère  ! 
Que  voulez-vous  ?  j'ai  l'esprit  bircornu. 

Les  boulevards  chaque  soir  sont  splendides; 
:Quels  magasins!  Comme  ils  sont  luxueux! 
L'or  y  ruisselle,  et  les  regards  avides 
Du  misérable  errent,  (roubles,  haineux  1 
Pourquoi  tant  d'or  jeté  comme  en  un  gouflre? 
Pourquoi  ce  lux-j  autrefois  inconnu  ? 
Ah!  mieux  vaudrait  soulager  ce  qui  souffre! 
Que  voulez-vous  ?  J'ai  l'esprit  biscornu  ! 

De  nos  lecteurs  je  vofs  un  très  grand  nombre 

Tressaillir  d'ai«e  aux  récils  de  forfaits, 

Aux  mois  d'argot  de  quelque  roman  sombre, 

I^e  tout  écrit  d'un  sl\'le  fort  épais. 

On  s'apiloic  au  sort  de  l'héroïne  !,.. 

Moi,  j'aime  mieux, —  c'est  peut-être  ingénu, — 

Relire  Hugo,  Musset  et  Lamartine. 

Que  voulez-vous?  J'ai  l'esprit  biscornu  ! 

On  fait  le  drame  avec  grosse  ficelle  ; 
On  doit  y  mettre  un  méchant  garnement 
•Qui,  plein  d'ardeur,  poursuit  la  demoiselle. 
Et  qui  toujours  périt  au  dénouement  ! 
Ah  !  que  de  pleurs  !  C'est  comme  une  rivière 
•Quand  innocent  l'amant  est  reconnu!... 
Et  bien  pourtant,  j«  préfère  Moli-ère  ! 
Que  voulez-vous  ?  J'ai  l'e&prit  biscornu  ! 

On  voit  des  gens  faire  l'idiot  rêve 
De  restaurer  l'ancienne  royauté. 
Droit  du  seigneur,  cachots,  potence  et  Grève, 
Le  bon  plaisir  du  maître  redouté! 
D'autres  qu'inspire  un  espoir  diabolique, 
Voudraient  revoir  Terapire  revenu... 
Chacun  son  goût;  j'aim«  la  RépubUquie! 
Que  voulez-vous  ?  J'ai  l'esprit  biscornu  ! 
Lorsque  la  mort  viendra  trancher  ma  vie, 
(Mais  le  plus  tard  vaut  le  mieux,  c'est  certain  !) 
Mes  bons  amis,  venez,  je  vous  convie 
A  mon  chevet  pour  me  serrer  la  main  ! 
A  mon  départ  vous  trinquerez,  j'espère. 
Et  pour  narguer  le  grand  diable  cornu, 
Sanspleurs,sans  prêtre,  en  chantant  qu'on  m'enterre! 
Que  voulez- vous-'?  J'ai  l'esprit  biscornu! 
L.-MiCHEL  Desfossez. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

Un  jour  avant  sa  réouverture  fixée  ara  A  septembre, 
le  concert  du  xix°  siècle  a  donné  une  représen- 
tation extraordinaire,  spécialement  réservée  à  la 
presse. 

Réservée  à  la  presse  est  bien  le  mot,  car  nous 
étions  tassés  de  manière  à  rendre  jalouses  les  sar- 
dines de  l'épicier  d'en  face.  Mon  thermomètre  de 
poche  marquait  îS  degrés:  ce  petit  détail  me  dis- 
pense de  vous  dire  qu'il  faisait  légèrement  chaud. 
Eh  bien  !  malgré  ces  quelques  petits  inconvénients, 
je  vous  certifie  que  je  ne  regrette  pas  ma  soirée. 

Faire  séparémsnt  l'éloge  de  chaque  artiste  m'obli- 
gerait à  répéter  trop  souvent  les  mêmes  formules; 
succès  immense,  nombreux  applaudissements, 
grande  ovation,  etc.  Je  vous  dirai  seulement  que 
tous  ont  rivalisé  d'entrain,  et  ont  obtenu  les  honneurs 
du  bis.  Cependant  une  mention  spéciale  pour  MM.  De- 
bailleul,  Ouvrardel  Legrand. 

A  la  demande  générale,  ces  trois  artistes  ont  dû 
redire  une  autre  eliansonnetle.  La  charmante 
Madame  Djaly  a  fait  une  dislribution  de  petits  bou- 
quets, en  chantant  Fleurissez-vous.  Inutile  de  dire 
que  cette  attention  délicate  a  fait  grand  plaisir. 

Pour  terminer  la  soirée,  La  dame  au  petit  chien  a 
été  enlevéeavec  beaucoup  de  brio,  par  MM.  Dofl'-Larj', 
Battaille,  Helt;  Mesdames  Gabrielle  Delassau  et 
Berthe  Dastand. 

Il  est  un  proverbe  qui  dit  :  Mieux  vaut  tard  que 
jamais.  Le  trouvant  on  ne  peut  plus  juste,  nous 
nous  décidons  à  donner  aujourd'hui  le  compte-rendu 
de  l'ouverture  du  grand  concert  parisien,  qui  a 
eu  lieu  le  2S  du  mois  dernier,  et  que  l'abondance  de 
copie  nous  a  empêché  de  faire  pai'aitre  plus  tôt. 

Comme  à  toutes  les  l'éouvertui'es  de  ce  concert,  si 
habilement  dirigé  par  MM.  Valentin  er  Fournier,  la 
salle  était  complètement  comble,  et  le  public  est 
venu  en  grand  nombre  renouveler  sa  sympathie  au.x 
artistes  de  cet  établissement. 

M.  Teste,  Mesdames  Albertine  Fabre,  Demay  et 
Clothilde  Satler,  qui  faisaient  partie  de  l'ancienne 
troupe,  ont  retrouvé  leur  succès  de  l'année  précédente. 
Les  noms  de  ces  artistes  sont  trop  connus  pour  que 
nous  nous  étendions  davantage  sur  l'aiï'ection  bien 
méritée  que  les  habitues  du  concert  parisien  ont 
pour  eux. 

MM.  Marquetti,  Faralle;  Mesdames  Dalby,  Dubrée 
et  Petit,  qui  faisaient  leurs  débuts,  outsu  du  premier 
coup  s'attirer  les  bonnes  grâces  et  les  .sympathies  du 
public. 

M.  Pacra  quitte  le  théâtre  pour  le  concert.  L'éloge 
de  cet  artiste  de  mérite  n'étant  plus  à  faire,  nous 
constaterons  seulement  qu'il  a  oJjtenu,  au  Concert 
parisien,  le  même  succès  qu'autrefois  à  I'Eldorado. 


En  classe,  mesdemoiselles,  a  obtenu  un  beau  suc- 
cès aux  Folies-Saint-Martin.  Nous  annoncerons  en 
même  temps  les  débuts  de  M.  E.  Bienfait,  l'engage- 
ment de  M.  Fernand  Kekn  et  la  grande  ovation 
faite  à  Mlle  Worton  dans  les  Jurons  de  Cadillac. 


Au  13  cOuiTint,  la  troupe  d'hiver  de  la  Scala  sera 
composée  comme  il  suit  :  MM.  Bourges,  Chaillier, 
Derame,  Brunet,  Paul  Bert,  Aristide  Bruant,  Bérod 
et  Renard;  Mmes  Graindor,  Patry,  Marguerita,  Heuzé, 
Bloclîelte  et  Domergue. 


Sous  la  direction  de  M.  Ghéret,  Boléro-Star  rou- 
vrira ses  portes  le  lo  courant.  Nous  souteiitons  que 


LA  CHANSON 


143 


ce  concert  «oit  débarrassé  de  la   malechance  qui  le 
poursuit  depuis  sa  création.       Alfred  Bertijnot. 


^'ous  enregistrons  avec  plaisir  le  succès,  en  pro- 
vince, de  nos  artistes  parisiens.  C'est  ainsi  que  nous 
apprenons  que  Mlle  Pazzolti  et  M.  V.  Thise  font  en 
ce  moment  les  délices  des  habitants  de  Saint- 
Etienne. 

Mlle  Pazzotli  est  toujours  la  cantatrice  à  la  voix 
agile  qu'on  a  déjà  bien  applaudie  à  VEldorado  de 
Paris;  son  succès  est  continu  dans  l'air  d'Amour  et 
lir'iHti'iiips  et  celui  du  Sans-Souci . 

Quand  à  M.  V.  Tliisc,  il  jm^se  sans  transiîion  du 
genre  épigrauima tique  mu  ;jvnir  ivimique,  et  son  en- 
train chaleureu.x;  csl  ii:iiiM,L^v  [i.ir  Ions  les  spectateurs. 
Ci't  artiste  chante  très  adiuilenienl  une  originale 
chanson  de  L. -Henry  Lecomte,  et  sa  nature  comique 
se  révèle  à  l'aiso  dans  Bibi-Lolo,  La  vière  Tampire, 
etc.  Kous  pensons  que  MM.  les  directeurs  ne 
laisseront  pas  s'échapper  cet  excellent  artiste  lors 
de  Son  jjassage  à  Paris. 

La  troupe  de  M.  Bonnardel  est  parlai temenl  com- 
posée. Un  baryton,  M.  Vasserol,  s'y  l'ait  spécialement 
remarquer  par  st  diction  et  une  Vois  bien  timbrée. 
M.  Lelebvre,  Mlles  Andréa,  Gisors  et  Ma'iotto  com- 
plètrnl  fort  bien  ce  bon  ensemble. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 
Fantaisies-Parisiennes. 


Le  thé:Ure  des  Fautaisk'.f-f'//.,-ish'iii/i's\-uml  de  l'aire 
sa  réouverture  aviic  le  iVcnélricr  île  Mcudon,  opéra- 
comique  en  3  actes,  di'  .MM.  (i.istDii  Marot  et  Jona- 
than, nmsique  de  Germain  Laurens. 

Bien  que  la  donnée  no  soit  pas  des  plus  neuves, 
cette  pièce  est  très  amusante.  Quant  à  la  partitinn, 
nous  partageons,  à  son  endroit,  l'appréciation  d'un 
de  nos  couirères,  qui  a  prétendu  que  le  principal 
menle  de  M.  Laurens  était  d'être  doué  d'une  excel- 
lente mémoire. 

Parmi  les  interprètes,  nous  citerons  tout  particu- 
lièrement Mlle  Laiidau,  dont  la  voix  chaude  et  bien 
timbrée  a  sa  place  manptée  sur  une  de  nos  grandes 
scènes  lyriques  ;  Mlles  Stella  de  la  Mar  et  Denna  Bell 
complètent  du  e6té  du  sexe  faible  un  ensemble 
salislaisauL  M.  l^uijet  cbante  linomenl  un  rfilr  iiui 
lui  permet  de  faire  ressortir  1rs  avanlaues  de  sa  jolie 
voix  de  ténorino,  et  M.  Deukoi  est  comme  touinuis 
amusant  au  possible. 

L'tm  des  motifs  le  mieux  réussi  de  la  partition, 
est  a  notre  avis  le  chœur  des  pages,  parmi  lesquels 
nous  avons  remarqué  le  gentil  minois  de  Mlle  Bow- 
lenger,  que  sa  timidité  rend  plus  charmante  encore, 
ainsi  que  sa  camarade  Mlle  Diane. 

Trois  anciens  décors,  mais,  en  revanche,  costu- 
mes du  goùl  le  plus  exquis  dont  le  choi-  fait  uTand 
honueui"  a  la  direction  de  M.  Denan. 

Maxime  Guy. 

La  réouverliu-e  du  Cercle  Musset  a  eu  lieu  samedi 
dernier,  devant  un  auditoire  encore  plus  iiomJiireux 
que  de  coutume. 

Au  premier  rang  des  spectateiiu-s,  nous  remar- 
quons la  sœur  de  Paul  et  Alfred  de  Musset, 
M"'"  Lardin  de  Musset,  qui  vient  de  donner  au  Cercle 
les  portraits  de  ses  deux  illustres  frères. 

Avant  de  commencer  la  séance,  le  sympathique 
président  M.  A.  Darrieu,  a  prononcé  le  discours 
suivant  : 


Mesdames,  Messieurs, 

Cette  soirée  de  réouverture  du  Cercle  Musset,  à 
l'invitation  duquel  vous  avez  si  gracieusement  ré- 
pondu, ne  doit  point  commencer  sans  qu'au  nom  du 
Cercle  même,  son  Président  ne  vous  fasse  part  de 
l'événement  douloureux  qui,  depuis  la  dernière  soi- 
rée du  Cercle,  est  venu  jeter  le  deuil  au  fond  du 
cœur  de  tous  les  Sociétaires  :  Paul  de  Musset,  le 
frère  du  grand  poète  ;  Paul  de  Musset,  l'élégant 
écrivain  qui  avait  accepté  la  présidence  d'honneur 
du  Cercle  ;  Paul  de  Musset  n'est  plus  !..; 

Les  deux  illustres  frères  sommeillent  ensemble 
pour  l'éternité  !... 

La  mort  de  Paul  de  Musset  a  frappé  d'un  pénible 
sentiment  de  tristesse  tous  ceux  qui  l'ont  connu; 
mais,  nous,  membres  d'un  Cercle  où  rayonne  le  glo- 
rieux nom  de  Musset,  nous  avons,  plus  que  tous, 
ressenti  cette  douloiu'  !  'Vous  le  savez.  Mesdames, 
Messieurs,  cette  mort  fut  des  plus  rapides,  et  les. 
nombreux  amis  de  Paul  de  Musset  eu  furent  atterrés  ! 
Un  reste  autant  surpris  de  la  promptitude  avec  la- 
quell"  fut  emporté  Paul  de  Mussel  que  de  l'époque 
même  où  cette  mort  eut  lieu. 

Le  8  mai  dernier,  le  Cercle  Musset  donnait  sa 
dernière  soirée,  et  Paid  de  Mus.=et  se  faisait  excuser, 
par  lettre,  de  ne  pouvoir  y  assi.ster. 

Le  lendemain,  9  mai,  la  jeunesse  des  Ecoles,  — 
(jui  porte  dans  son  cœur  le  nom  de  Mussel,  —  don- 
nait, au  Trocadéro,  une  fêle  splendide,  dont  le  béné- 
fice devait  servir  à  orner  la  tombe  de  l'auteur  de 
Rolla  ; 

Et  c'est  huit  jours  après  cet  hommage  rendu  à  la 
mémoire  de  son  illustre  frère,  que  Paul  de  Musset 
suecombe  ! 

Le  Cercle  Musset  aurait  manqué  aux  sentiments 
les  plus  naturels  de  reconnaissance  et  d'admiration, 
s'il  ne  fût  venu  aussi  se  mèh  r  au  convoi  de  l'énii- 
nent  écrivain. 

Une  couronne  fut  déposée,  au  nom  du  Cercle,  sur 
la  tombe  de  son  Président  d'honneur,  et,  dès  ce 
jour,  le  Cercle  prit  ofliciellemenl  le  deuil. 

Il  ne  me  reste  plus  qu'un  mot  à  vous  dire,  Mes- 
dames. Messieurs,  concernant  notre  premier  Prési- 
dent d'honiK'ur,  c'est  le  don  superbe  que  la  veuve 
de  Paul  de  Musset  a  fait  au  Cercle  par  l'intermé- 
diaire de  son  Président  : 

Avec  une  délicnlesse  exquise,  en  remerriemont 
de  la  couronne,  faillie  inlml  il'ailinirMlinn  ulleri  par- 
le Cercle  à  Paul  de  Mussel,  Madame  Paul  de  Mussef 
a  bien  voulu  m'adresser,  connue  Président  dO  ce- 
Cercle,  les  magnifiques  portraits  des  deux  illustres 
frères. 

Au  nom  du  Cercle  entier,  j'ai  répondu  à  Madame 
Paul  de  Musset,  en  quelques  paroles  émues,  pour 
lui  exi>rinier  les  remerciements  de  tous. 

Nous  nous  proposons,  à  l'expiration  de  notre  an- 
née de  deuil,  le  17  mai  INsj,  anniversaire  de  la  mon 
de  notre  glorieux  Présidenl  d'honneur,  d'aller  dépo- 
ser sur  sa  tombe  une  couronne  monumentale,  desti- 
née à  rappeler  éternellement  les  liens  qui  nous 
unissaient  à  lui.  Cette  couronne,  dont  le  fond  sera 
de  marbre,  aura  cette  simple  inscription  : 

Le  Cercle  Musset,  à  Paul  de  Musset. 

Si  je  me  suis  étendu.  Mesdames,  Messieurs  sur 
un  sujet  qui  intéresse  tout  personnellement  le 'Cer- 
cle, c'est  que  je  suis  persuadé  que  le  nom  de  Musset 
vous  est  particulièrement  sympathique. 

Eh  bien  !  Paul  de  Musset',  mort,  c'est  la  dernière 
corde  dune  lyre  magique  qui  s'est  brisée.  ...  mais 
dont  les  doux  échos  vibreront  toujours  au  fond  des 
cœurs  nobles  et  français. 

Après  ce  discours  vivement  applaudi,  la  repré^e"- 
tation  commence.  Nous  avons  entendu  M  Géo 
amusant  au  possible  dans  Dériton-:oa-:aine  et  dans 
Si  j'étais  roi: 


144 


LA  CHANSON 


M.  Gordier,  très  fin  dans  Deux  sous  de  pommes  de 
terre  frites,  est  désopilant  danns  le  vin  ça  ravigote. 

Grand  succès  pour  M.  Jalade  dans  Cliaimm  l/as 
devant  la  Marseillaise. 

Mlles  Augustine  et  Blanche  ont  eu  aussi  leur  part 
d'applaudissements.  Nous  citerons  encore  MM.  Ri- 
goulat,  Willaume,  Dulac,  Saget,  Durrieu  et 
Borschneck  qui  ont  rivalisé  de  verve  et  d'entrain. 

A  minuit  la  séance  était  terminée,  et  l'on  s'est  sé- 
paré, se  donnant  rendez-vous  pour  le  samedi  2  Octo 
bre  prochain. 

Alfred  Bertinot. 

Dimanche,  b  septembre,  la  Lyre  Bienfaisante,  9, 
'Juai  Saint-Michel,  faisait  joyeusement  la  réouver- 
ture annuelle  de  ses  soirées  d'hiver. 

Comme  toujours  son  président  Couvreur  a  tenu  à 
honneur  de  fêter  nos  vieux  chansonniers,  et  il  a  ou- 
vert la  séance  par  VEclio,  de  Pilon,  chanson  répétée 
en  chœur  par  tous  les  visiteurs.  Puis  se  sont  succédé 
de  jeunes  et  de  vieilles  chansons  dont  les  refrains 
ne  manquaient  pas  d'être  soutenus  par  l'auditoire, 
sur  le  modèle  de  la  vieille  goguette  que  la  Lyre 
cherche  à  faire  revivre. 

Pour  être  sobre,  nous  citerons  seulement  quelques 
noms  :  le  camarade  Gognet,  qui  a  exalté  les  mérites 
de  la  Lyre  Bienfaisante 

J'entends  la  Lyre  Bienfaisante 
Du  plaisir  chanter  les  chansons  ; 

Mme  Louise,  dont  la  voix  de  soprano  nous  a  fait  goû- 
ter, d'esprit  au  moins,  les  Dragées  de  Verdun;  Charles 
GouUieux,  qui  nous  a  fait  frémir  avec  la  iVwï^i«rrJ*?«; 
Panard,  qui  a  bien  interprété  Uy  Boilean,  de  Georges 
Baillet  et  le  Pinceau d'Adeline;  Gouget,  de l'Escholiere, 
société  lyrique  du  VI°  arrondissement  nous  a  dit 
qu'il  regrettait  les  Fraises  ;  Paul  Thouillol,  qui  nous 
a  charmés  avec  Que  ne pomez-vous  revenir!  Le  cama- 
rade Alexis  a  soulevé  une  explosion  d'éclats  de  rire 
avec  \<i.  Pauvre  enfant,  dcGolmance,  grâce  à  l'accom- 
pagnement i'autaisiste  de  l'ami  Mojon,  qui  a  chanté  le 
Semeur,  avec  un  accent  véritablement  convaincu. 
,  Enfin  l'épouvantable  Osnard  a  clos  la  soirée  au  cri 
de  Ah!  c'te  bonne  tête  !  et  le  fait  est  qu'il  en  a  une 
affreuse  (quand  il  veut  !). 

En  somme  charmante  soirée,  qui  promet  des  visi- 
teurs fidèles  pour  les  dimanches  et  lundis  de  cet 
hiver. 

Un  visiteur  assidu. 

Le  compte  rendu  de  la  grande  soirée  meusuelle 
des  Gais  momusiens,  nous  arrivant  trop  tard  pour 
l'insérer,  nous  le  publierons  dans  notre  prochain 
numéro. 

Il  en  est  de  même  de  la  grande  soirée  donnée  le  6 
septembre  par  la  Fantaisie  Lyrique,  lOG,  boulevard 
Magenta. 

L'ouverture  de  la  société  Le  Foyer  a  eu  lieu  le  di- 
manche b  septembre  comme  nous  l'avions  annoncé. 
Kous  nous  y  sommes  rendu  à  9  h.  il  nous  a  été  im- 
possible de  trouver  de  la  place.  Nous  pouvons  dire 
cependant  que  la  salle  est  très  coquette,  et  que  les 
éléments  artistiques  ne  manquent  pas  à  cette 
nouvelle  société. 


Les  Familles  (rue  de  la  Montagne-Sainte-Geneviève  46; 
président,  Mazot)  donnent  tous  les  dimanches  grande 
soirée.  —  Les  chanteurs  abondent,  aussi  le  public 
leur  fait-il  un  accueil  enthousiaste.  M.  Huet,  des 
Epicuriens,  est  toujours  rappelé  dans  Vingt-hdM  jours. 
—  Duclos  détaille  finement  un  rondeau  inédit,  dont 
les  paroles  sont  de  notre  camai'ade  Léo  Toslain,  et  la 
musique  de  Bol. 

'  La  Fanfare  de  Fouilly-les-Oies,  autrement  dit  le 
Lampion  de  Derluron,  saynette  jouée  par  tous  les  So- 


ciétaires, obtient  un  franc  succès  de  rire.  Parmi  les 
autres  chanteur.~,  citons  MM.  Nicolas  et  Hutin,  dans 
le  duo  de  M"  Fontaine  et  M.  Robinet,  et  l'ami  Adrien 
qui  chante  admirablement  la  romance.      Quélin. 

Le  Comité  qui  avait  pris  l'initiative  des  concours 
entre  les  sociétés  Lyriqties  de  Paris,  croyant  son 
mandat  expiré,  se  dissoult  néanmoins  avant  de  dé- 
poser son  maudat  il  fait  appel  à  MM.  les  présidents 
de  toutes  les  sociétés  lyriques  pour  former  s'il  y  a 
lieu  un  nouveau  comité,  qui  aura  a  étudier  de  nom- 
breuses questions  importantes  pour  l'avenir  des  so- 
ciétés lyriques. 

Une  réunion  générale  aura  lieu  dimanche  12  sep- 
tembre salle  Orange,  11,  place  de  la  République,  à  2 
heures  très  précises. 

MM.  les  présidents  sont  instamment  priés  de  s'y 
rendre  ou  de  se  faire  représenter. 


Lundi  20  septembre,  à  8  heures,  Aux  Tilleuls, 
loi,  rue  de  Ménilmontant,  grande  soivée Dram,atique, 
Lyrique  et  Littéraire,  donnée  par  Michel  Bordet, 
avec  le  concours  d'artistes  des  Théâtres  et  Concerts  de 
Paris. 

Concours  de  poésie  :  Gh.a.nson,  sujets  libres. 

Les  pièces  seront  reçues  jusqu'au  vendredi  soir, 
17  courant,  chez  M.  Michel  Bordet,  143,  rue  de  Ménil- 
montant. La  pièce  qui  aura  obtenu  le  premier  prix 
sera  imprimée  dans  le  journal  La  Chanson;  de  plus, 
l'auteur  recevra  un  abonnement  d'un  an  au  journal 
La  Chanson.  Le  titre  de  la  pièce  et  le  nom  de  l'au- 
teur du  deuxième  prix  seront  publiés'dans  le  journal, 
et  l'auteur  recevra  la  première  année  du  journal  La 
Chanson,  un  beau  volume  in-4"  broché,  ofTert  par 
M.  A.  Patay,  directeur  du  journal  ;  le  titre  de  la 
pièce  et  le  nom  de  l'auteur  du  troisième  prix  seront 
aussi  mentionnés  dans  le  journal  La  Chanson. 

Les  lauréats  seront  proclamés  et  leurs  chansons 
dites  dans  la  soirée. 

Membres  du  jur^^  d'examen:  MM.  Michel  Bordet, 
Eugène  Imbert,  Jules  Jeannin,  Percheï  et  Opto. 

L'Union  Parisienne,  3,  rue  du  Petit-Pont,  a  dans  sa 
séancedu7  septembre,  voté  à  l'unanimitéle  transfert 
de  ses  réunions  et  de  son  siège  social,  166,  Boulevard 
^int-Germain,  Café  de  l'Âhbaye,  près  l'Eglise  ;  les 
soirées  auront  lieu  le  dimanche  et  le  jeudi. 

Mardi  14  septembre,  deuxième  grand  concert  don- 
né par  Les  Amis  de  la  Gaîté  de  Montmartre,  salle 
Pichon,  23,  rue  Ramey. 


TREIZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20  août  au  20  septembre^ 
Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  l"^""  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


-  Itcniicoiip  de  nos  acheteurs  nii  numéro  se  plai- 
gnent do  no  pns  trouver  Eia  CUArVSO^  dans  leur 
C|iiartîcr;  nous  les  prions  instamment  do  la  réclamer 
chez  tous  les  libraires,  marchands  do  journaux  et 
dans  les  kiosques.  Souvent  les  marchands  oublient 
de  la  mettre  en  étalage,  ou  les  porteurs  négligent 
d'en  faire  le  dépôt;  nous  recommandons  à  toi(S  ceux 
qui  s'intéressent  li  l/A  CU/%^KIS>0^  do  la  demander 
partout  et  de  nous  signaler  les  endroits  où  l'on  au- 
rait omis  de  la  déposer. 

Ij.i^  CSlAXSttX  doit    se  trouver  partout  des  le  sa- 
medi matin. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,  6,  rue  Martel. 


3«  ANNEE.  —  N"  19. 


lO  CENTIMES. 


19  SEPTEMBRE  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant . 
A.  PATAY 


la  chanson  est  une  forme  aHéaçt 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
eit  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ^"IS^J^T*^ 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES  — 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


Les  manuscrits   non   insérés   ne   seront  pas  rendus. 


Lachanson,  commelabaronnatta 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &  RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3» 

Etranger,  un  an 8» 


SOMMAIRE 


Galerie  des  chansonniers:  Paul  de  Kock  (L.-  Henry   Lecohtk).  • 
Rencontre  (Cu.  Paul  de  Kock.).  —  L'Àmoar  et  l'Argent  (AIo>ta 

—  Le   Vieux  Sonneur (CuAnLEsPÉAN). —  Les  Turco*  (Albin  Saba 

—  Les  rives  da  Clain,    paroles    et  musique  d'Eunest    CiiEiinoi 


Ckanson  du  Jour:  Les  Condamnés  (P.  Berdoulet).  —  Chronique  des 
Concerts  (Alfbkd  Beutinot).  —  Lettre  de  M.  Eugène  Pitou,  — 
Chronique  des  Sociétés  Lyriques  (A,  Bertisot,  Léo  Tostain,  C, 
Stémo.  —  Choses  et  Autres, 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  PAUL  DE  KOCK 


Vers  la  fin  du  se- 
cond empire, quelqu'un 
ayant  proposé  de  nom- 
mer Paul  de  Kock  che- 
valier de  la  Légion 
d'honneur,  une  polé- 
mique très  vive  s'en- 
suivit entre  les  amis  et 
les  ennemis  de  l'écri- 
vain populaire.  Les  pre- 
miers reconnaissaient 
à  Paul  de  Kock  un  ta- 
lent original,  vivant  et 
sain  ;  les  seconds  ton- 
naient contre  le  dé- 
braillé de  ses  œuvres. 
Grâce  au  concours  inat- 
tendu de  l'impératrice 
Eugénie,  le  parti  rigo- 
riste l'emporta,  et  la 
boutonnière  de  Paul  de 
Kock  resta  veuve  do 
tout  ruhan,  ce  qui,  d'ail- 
leurs, ne  porta  aucune 
atteinte  à  sa  gloire. 

Le  mot  de  gloire  pour- 
ra sembler  excessif  aux 
puritains  delà  critique  ; 
ilestsimplement  exact. 
Aucun  écrivain  de  ce 
siècle  n'ajoui  d'une  po- 
pularité égale  à  [  celle 
de  Paul  de  Kock,  popularité  que  justifient,  selon 
nous,  la  vérité  de  ses  observations,  la  facilité  de  son 
dialogue,  la  drôlerie  de  ses  épisodes,  et,  quoi  qu'on  en 


ait  dit,  la  moralité  cons- 
tante de  son  but. 

Charles  Paul  de  Kock 
naquit  à  Passy,  le  21 
mai  1794.  Son  père,  ri- 
che banquier  hollan- 
dais, était  mort  sur  l'é- 
chafaud,  et  sa  mère  n'a- 
vait dû  qu'à  son  état  de 
grossesse  un  sursis  qui 
lui  sauva  la  vie. 

A  quinze  ans,  Paul 
entra,  en  qualité  de 
commis,  dans  la  maison 
de  banque  Scherer  et 
G°.  Nourri  de  la  lecture 
des  ouvrages  de  Ducray- 
Duménil  et  de  Pigaul- 
Lebrun,  il  s'essayabien- 
tôt  à  la  confection  d'un 
roman  de  mœurs.  M. 
Scherer  en  découvrit  le 
manuscrit  au  milieu  de 
bordereaux,  et  congédia 
le  fantaisiste  bureau- 
crate. Paul  de  Kock  se 
mit  dès  le  lendemain  à 
la  recherche  d'un  édi- 
diteur;  il  n'en  trouva 
pas,  et  ce  fut  sa  mère 
qui  paya  l'impression 
de  son  œuvre  de  début. 
Quoique  très  remarquable  comme  essai,  l'Enfant  de 
ma  femme  se  vendit  peu,  aucun  des  libraires  chez 
lesquels  on  le  déposa  n'ayant  intérêt  à  le  pousser. 


446 


LA  CHANSON 


PaM.de  Mock  pît  àïôrs  iê  parti  de  itavailler  poiïî  lé 
théâtre.  Lès  succès  qu'il  f  oiilint  le  mirent  en  re- 
lations avec  l'éditeur  Barba  qui,  de  compte-à-demi 
arec  so'ri  confrère  Hubert,  publia  Georgette.  Avec  ce 
avec  livre,  Gustave,  Frère  Jacques  et  Mon  voisin  Ray- 
mond qui  suivirent,  la  réputation  de  l'auteur  fut  bien 
tô't  établie. 

A  cette  époque  intervint,  entre  Paul  de  Kock  et 
Barba,  le  traité  qui  devait  enrichir  ce  dernier.  Fé- 
cond autant  qu'heureux  dans  le  choix  de  ses  sujets, 
l'écrivain  avait  toujours  un  volume  sur  le  chantier, 
et  chacune  de  ses  œuwes  rencontrait  le  succès. 
Nous  n'entreprendrons  pas  le  dénombrement  de  tous 
les  ouvrages  publiés  par  Paul  de  Kock  ;  ils  forment 
pltis  de  cent  volumes  in-octavo,  et,  bien  qu'on  les 
ait  vendus  à  des  quantités  considérables,  leur  vogue 
est  loin  d'être  épuisée. 

Nous  avons  indiqué  les  raisons  de  ce  triomphe 
continu  ;  qu'on  nous  permette  d'insister  sur  la  mo- 
rjilité  qiii,  pour  tout  lecteur  impartial,  se  dégage 
des  livres  de  Paul  de  Kock.  Il  n'en  est  pas  un 
dont  le  dénouement  n'amène  le  châtiment  du 
vice  et  la  récompense  de  l'hounêleté.  La  fin  terrible 
de  Georgette  est  une  punition  sévère  de  ses  fautes  ; 
(??«teK«  montre  le  danger  des  folles  amours;  Frère 
Jaeqwes  tonViéhi  la  condamnation  des  parents  in- 
justes; Èlok  voisin  Raymond  est  l'apologie  com- 
plète de  la  femme  vertueuse  ;  le  3Iari,  la  Femme  et 
l'Amant  prêche  la  fidélité  conjugale;  Cerisette  mon- 
tre les  bons  effets  du  repentir  ;  le  Cocu,  lui-même, 
malgré  son  iitrerisqué,est  un  drame  poignant,  plein 
de  leçons  et  de  menaces. 

La  grande  qualité  de  Paul  de  Kock  est  la  gaîté, 
galté  un  peu  grosso  et  qui  se  complaît  aux  situations 
scabreuses,  Inais  dont  la  franchise  désarme.  Il  y 
joint  une  science  complète  de  l'àme,  une  sensibi- 
lité vraie,  une  adresse  merveilleuse  à  se  mouvoir  par 
les  procédés  les  plUs  silnples.  Il  ne  lui  a  manqué, 
pour  faire  des  chefs-d'œuvre  incontestés,  qu'Un 
style  moins  insoucieux  de  la  correction  et  de  l'éclat. 

Nous  avons  dit  que  Paul  de  Kock  rempcftHâ  d'a- 
bord au  théâtre  ses  premiers  succès.  Devenu  eèlè- 
bre  comme  romancier,  il  ne  renonça  pas  à  la  câi*- 
rière  dramatique.  On  cite  de  lui  près  ,*cle  (êéht  êiti- 
quante  pièces  applaudies,  niélodramiês,  ts^jéras'^W- 
miques,  comédies  ou  vaudevilles.  Ce  Mot  de  vaùdtî- 
villes  nous  amène  naturellement  à.pâïi'ôt  dePaui'^ife  j 
Kock  chansonnier. 

Le  premier  volume  des  chansons  de  Pa\il  de  Kèék, 
parut  en  1826,  sous  ce  titre  modeste  ":  l'a  Èiille  de 
savon.  On  y  rencontre  des  romances,  comme  le  Che- 
valier errant.  Il  faut  aimer,  l'Agenda,  Ma  Lisette, 
quittons-noiis,  la  Rencontre,  que  nous  donnons  plus 
loin  ;  de  fins  couplets,  comme  la  Gloire  et  la  Fortune, 
Je  n'en  sins  plus  à  mon  premier  amour,  Elle  était  si 
jolie,  le  Baiser  de  mon  fils  ;  "dé's  stances  élevées  comme 
la  Mort  'du  peintre  David;  des  gaudrioles,  comme 
ta  Fossette,  la  Promenade  à  âne.  Cadet  B-wteux  au  Jar- 
din Turc,  La  Btouette  de  Jeannette.  Tous  ces  titres 
rappellent  aux  amateurs  autant  d'œuvres  charmantes 


où  la  verve  facile  le  dispute  au  seStitaent,  et  que 
l'on  chante  encore. 

Le  second  volume  Flon,  flon,  flon,  lariradondaine, 
publié  en  18(34  chez  Sartorius,  est  plus  faible;  il  ren- 
ferme cependant  des  chansons  pleines  d'entrain  : 
Madame  Arthur,  Le  plus  souvent,  Quelle  horreur 
d'homme,  Le  Cerf-  Volant,  La  Gaule  de  Thomas,  Ma 
première  culotte,  etc.,  mais  là,  comme  dans  les  romans 
de  l'auteur,  la  forme  peu  soignée  nuit  beaucoup  au  ' 
fond. 

Paul  de  Kock  a  composé  aussi,  paroles  et  musique, 
diverses  chansonnettes  bien  connues  parmi  lesquelles 
il  suffit  de  citer  l'Anglais  en  bonne  fortune,  les 
Concerts-Monstres,  le  Caissier  elle  Maître  d'école.  Il 
a  touché  comme  on  voit,  à  tous  les  genres  delà  chan- 
son et  figure  à  plus  d'un  titre  dans  notre  galerie  litté- 
raire. 

Paul  de  Kock  mourut  en  1872,  à  Paris,  qu'il  n'avait 
voulu  quitter  ni  pendant  le  siège,  ni  pendant  la 
Commune.  Il  fut  conduit  au  petit  cimetière  de  Belle- 
ville  par  une  assistance  nombreuse  et  recueillie, 
qui  pleurait  un  homme  de  grand  talent  et  un 
homme  de  bien;  car  —  et  c'est  par  ce  mot  que  nous 
voulons  terminer  —  on  chercherait  vainement  dans 
l'œuvre  considérable  de  Paul  de  Kock  une  parole 
amère.  Il  ne  fut  d'aucune  coterie  et  n'afficha  aucun 
enthousiasme  politique.  Constamment  jeune,  naïf  et 
bon,  tandis  que  d'autres  prêchaient  aux  déshérités 
la  rancune  et  la  vengeance,  lui,  mit  sa  gloire  à  leur 
enseigner  les  joies  intimes  et  à  servir  sur  leurs  tables 
frugales  le  pain  réconfortant  de  la  gaité. 

L.-Hejn'rt  Lecomte. 


LA  RENCONTRE(^' 


Air  du  Fetit  Courrier. 
C'est  toi,  Laure,  que  je  revois! 
Combien  la  rencontre  m'enehante  ! 
Voilà  bieftlôt  dix  mois,  méchante, 
Qlte  tiOuB  avons  rompu,  je  crois. 
Vraiméitl  je  te  trouve  embellie 
Et  mieux  qu'au  temps  de  nos  amours 
Noii,  tu  n*èliàls  pas  si  jolie 
Quand  je  te  voyais  tous  les  jours. 

Tu  cours  à  quelque  rendez-vous  : 
Ah!  tu  dois  tourner  bien  des  tètes I. 
AliOiïs,  conte-moi  tes  conquêtes, 
Et  montre-moi  tes  billets  doux  ; 
De  mes  amours  je  veux  t'instruire,. 
Désormais  soyons  sans  détours... 
J'en  avais  moins  long  à  te  dire 
Quand  je  te  voyais  toUs  les  jours. 
Entrons  chez  ce  restaurateur, 
Tu  ne  peux  refuser,  j'espèïe  : 
Ce  diner  impromptu,  ma  chère. 
Aujourd'hui  me  semble  meilleur; 


Exu-ait  des  Canins  ot  CkaiU'Mh,  iiS&s  ^Héz  Baria. 


LA  CHANSON 


147 


Pour  que  ton  amanl  te  pavdonne, 
Tu  trouveras  quelques  discours  ! 
Tu  me  trompais  aussi,  friponne, 
Quand  je  te  voyais  tous  les  jours. 

C'est  bien  ta  bouche  que  voilà. 
Et  ton  sourire  plein  de  grâce  ! 
Mais,  Laure,  il  faut  que  je  t'embrasse. 
Pour  mieux  uie  rappeler  cela. 
Dans  mes  bras  il  faut  que  je  presse 
Cette  tajUe,  ces  doux  contours... 
Ah!  j'éprouvais  bien  moins  d'ivresse 
Quand  je  te  voyais  tous  les  jours. 

Quoi,  huit  heures  sonnent  déjà  !... 
Comme  le  temps  a  passé  vite  ! 
Pourtant  il  faut  que  je  te  quitte, 
Le  hasard  nous  réunira. 
Sans  nous  gêner,  ma  chère  I^aure, 
Be  nos  plaisirs  suivons  le  cours; 
Surtout,  pour  nous  aimer  encore, 
Ne  nous  voyons  plus  tous  les  jours. 

Ch.  Paul  de  Kock. 


t'AMOUR  £T  t'ARGENT 


Air  :  Petit  bouton  d'or. 

Dès  que  nous  sommes  nulnles. 

Nous  obéissons 
A  deux  séduisants  mobiles. 

Deux  vi'ais  hameçons. 
Ces  puissants  maîtres  de  l'homme, 

Sans  plus  de  détour. 
C'est,  s'il  faut  que  je  les  nomme, 

L'argent  et  l'amour. 

En  débutant  dans  la  vie. 

Un  adolescent 
Ne  porte  pas  sou  envie 

Vers  le  trois  pour  cent. 
Il  sait  qu'il  faut  satisfaire 

Un  goût  plus  urgent, 
Et  tout  prouve  qu'il  préfère 

L'amour  à  l'argent. 

Bientôt  le  cœur  se  repose  ; 

La  société 
Voulant  qu'on  soit  quelque  chose, 

L'amour  est  dompté. 
Apparaît  le  mariage. 

Où  maint  troubadour 
Insère  dans  son  bagage 

L'argent  sans  l'amour. 

Voyez  la  jeune  Rosine  : 

Son  ingrat  travail 
Lui  procure  pour  cuisine, 

Du  pain  frotté  d'ail. 
Elle  demande  un  peu  d'aide 

A  l'nomme  obligeant, 
Et,  de  son  côté  lui  cède 
L'amour  contre  argent, 


Un  t^-pe  qui  n'est  pas  rare, 

Même  de  nos  jours, 
C'est  bien  celui  de  l'avare, 

(Mieux  toujours. 
Devant  sa  proie  il  s'enflamme, 

Comme  le  vautour, 
Et  ressent  au  fond  de  l'àmc. 

De  l'argent  l'amour. 

Celui  que  rien  ne  tourmente. 

Dur  stoïcien, 
Qui  vit  pau-\Te  et  sans  amante. 

S'en  trouve  très  bien. 
Ce  succès,  dont  il  s'honore. 

Est  fort  engageant  ; 
Pourtant,  l'on  recherche  encore 

L'amour  et  l'argent. 

MONTABIOL, 
ArchUimo  diiCm-ea 


A  EUGÈÎJE  Baillet, 


LE    VIEUX    SONNEUR 


Musique  à  faire. 
D'une  humble  église  de  la  plaine 
Mes  amis,  je  suis  le  sonneur. 
Sonneur,  je  vis  exempt  de  peine, 
Et,  par.ant,  suis  de  bonne  hiuneur. 
Joyeux  comme  défunt  Grégoire, 
Je  vis' content  au  jour  le  jour. 
Et  passe  mon  temps  tour  à  tour, 
A  chanter,  sonner,  rire  et  boire. 

Et  dig  din  don, 

Mon  gros  bourdon. 

Sonne,  tonne. 
Pour  les  malheureux 
Et  pour  les  joyeux  ; 

Tonne,  sonne. 
Allons,  fais  honneur 
A  ton  vieux  sonneur  ! 

Demain,  c'est  jour  de  mariage  : 
Un  richard  de  quatre-vingts  ans 
Epouse  une  enfant  beUe  et  sage 
Qui  ne  compte  que  vingt  printemps. 
On  dit  dans  plus  d'une  chaumière 
Que  la  petite  aime  d'amour 
Jean-Pierre,  un  garçon  fait  au  tour  ; 
Mais  ce  n'est  point  là  notre  aflàire... 
Et  dig  din  don,  etc. 

Mais,  après  la  noce,  un  baptême 
De  pauvres  gens  doit  avoir  lieu. 
Cloches  nous  sonnerons  quand  même 
Pour  le  nouvel  enfant  de  Dieu. 
Afin  que  tout  lui  réussisse, 
Nous  sonnerons  sans  nul  repos 
Comme  s'il  avait  payé  gros... 
Pour  nous  pauvreté  n'est  pas  vice. 
Et  dig  din  don,  etc. 


148 


LA  CHANSON 


De  la  vieille  église  la  porte 
A  la  tenture  de  la  mort  ! 
Une  pauvre  enfant,  belle  et  forte 
Hier  encor,  maintenant  dort. 
Faut-il  sonner  à  perdre  haleine, 
Ou  bien,  cloches,  faut-il  gémir  ? 
L'enfant  qui  vient  de  s'endormir 
Ne  connaîtra  jamais  la  peine. 
Et  dig  dia  don,  etc. 

Au  jour  de  fête  patronale 
Il  faudra  tant  carillonner, 
Que  l'on  n'ait  à  la  cathédrale 
Jamais  entendu  mieux  sonner  ! 
Puis,  la  besogne  une  fois  faite, 
Le  vieux  sonneur,  au  cabaret, 
Devant  un  broc  de  vin  clairet 
S'en  ira  terminer  la  fête. 

Et  dig  din  don, 

Mon  gros  bourdon, 

Sonne,  tonne. 
Pour  les  malheureux    - 
Et  pour  les  joyeux; 

Tonne,  sonne. 
Allons  fais  honneur 
A  ton  vieux  sonnem  1 


Charles  Péan. 


3L.E]S    T1J-R.GOS 


Le  soleil  brûle  la  route 
Et  là-haut,  sur  la  redoute. 
L'étendard  aux  trois  couleurs 
Au  gré  du  vent  se  balance, 
Dominant  la  plaine  immense 
Veuve  des  blés  et  des  fleurs. 
L'ennemi  s'avance  en  nombre 
Et  là-bas  sa  masse  sombre 
S'étend,  large,  à  l'horizon... 
Les  canons  creusent  la  terre. 
Sous  les  bois  pleins  de  mystère 
Vibre  le  son  du  clairon. 
Les  turcos  vont  en  silence. 
L'œil  au  guet,  avec  prudence 
Fouillant  les  recoins  du  bois. 
Au  lointain  gronde  la  foudre 
Vomissant  le  fer,  la  poudre 
Par  cent  bouches  à  la  fois. 
Halte-là,  les  camarades, 
Pas  trop  de  fanfaronnades 
Grogne  bas  un  vieux  sergent. 
Voyez-vous  ces  sombres  tâches. 
Cent  millions  de  sabretaches  ! 
Ce.  sont  eux...  Marche!  —  en  avant! 
Et  c'est  une  course  folle. 
Chacun  coui't  et  chacun  vole 
A  la  bataille  —  à  la  mort 
Les  cuivres  sonnent  la  charge 
Et  la  troupe  entière  charge 
Dans  un  gigantesque  effort. 


On  est  cent  —  ils  sont  dix  mille  1 
Mais  si  leur  mort  est  utile. 
Qu'importe  à  ces  vieux  soldats! 
Et  dans  la  masse  mouvante, 
Sans  broncher,  sans  épouvante, 
Ils  vont  chercher  le  trépas. 
Et  la  masse  se  referme 
Et  les  turcos  tapent  ferme 
Mourant,  ne  se  rendant  pas; 
Tombant  comme  un  héros  tombe, 
Chaciin  d'entre  eux  dans  la  tombe 
En  traîne  dix  sur  ses  pas!... 
Dormez,  braves,  la  victoire 
Dans  les  rayons  de  la  gloire 
Enveloppe  vos  lambeaux  ; 
Et  la  déesse  Bellone 
Met,  à  vos  fronts,  la  couronne. 
Les  lauriers,  sur  vos  tombeaux!!! 

Albin  Sabaiier. 

LES  RIVESJU  CLAIN 

Paroles  et  Musique  d'Ernest  Chebroux. 

A.ndante. 


b'ro  _  me,  0  vieHi  Foi  -  tou   ta     pa_rais    à     mes 

yeoit        A.vee    tés    près  ou   paisseat    iesgraods 

bœufs,     A-Tec    tes     bois  qae    le     ge-nêt    par, 


pa    .    tre.Ki.vas      du     GlaiB,      9      loes      a* 
mours.    A- rec    bea-bearje    toss   re-Tois  ton. 

jonrs!      Ki.Tas     du     Claia 

mours,  A_vac bon-henr  je  vous   po.vcis ton-jours! 


LA  CHANSON 


149 


Je  vous  revoi?,  témoins  de  liion  enfance. 
Riants  coteaux  de  moi  si  bien  connus, 
Prés  verdoyants  où  souvent  les  pieds  nus 
J'allai  courir,  riche  d'insouciance. 
Doux  souvenir,  de  mon  jeune  printemps, 
Vous  rappelez  à  mon  âme  attendrie 
Bien  des  bonheurs  emportés  par  le  temps, 
O  sol  natal,  jamais  on  ne  t'oublie  ! 
Rives  du  Clain,  etc. 

Voici  Poitiers,  ville  antique  des  Gaules, 
Voici  le  Clain  dont  les  eaux  de  cristal, 
Par  cent  détour.s,  sur  un  lit  inégal. 
Paisiblement  s'écoule  sous  les  saules. 
J'ai  bi»n  souvent,  lorsque  j'étais  petit. 
Faisant  ici  l'école  buissonnière, 
Trouvé  de  quoi  tromper  mon  appétit, 
Dans  les  mûriers  qui  bordent  la  rivière. 
Rives  du  Clain,  etc. 

De  tous  côtés,  aux  bras  de  leurs  bacchantes , 
Je  vois  partir  les  joyeux  vendangeurs  ; 
Pour  le  pressoir  ils  vont  sur  les  hauteurs 
Couper  la  grappe  aux  perles  enivrantes. 
Le  teint  vermeil  et  la  main  dans  la  main. 
Ils  reviendront  lorsque  le  jour  expire. 
Chantant  l'amour  et  semant  en  chemin 
Tendres  baisers  et  francs  éclats  de  rire. 
Rives  du  Clain,  etc. 

Que  vois-je  au  loin?  C'est  la  pauvre  cbaumine 
Où  je  reçus  le  jour,  où  je  grandis; 
Enfant,  J'ai  là  grignoté  le  pain  bis. 
Car  on  faisait  cnez  nous  maigre  cuisine. 
Puissi-jo  ici,  me  trouvant  de  retour, 
Vieux  pèlerin,  fatigué  du  voyage,. 
Me  reposer  jUoqu'à  mon  dernier  jour. 
Le  vrai  bonheur  est  surtout  au  village. 

Rives  du  Clain,  ô  mes  amours, 
Avec  bonheur  je  vous  revois  toujours! 

Vient    de  paraître,  chez  Paul  de  Saunière,    éditeur, 
18,  rue  des  Halles,  à  Poitiers  (Vienne). 


CHANSON  DU  JOUR 


LES  CONUAHINGS 

Air  :  Tai  des  souliers,  le  Christ  allait  pieds  mis 

Des  condamnés  les  cellules  sont  pleines, 
Déjà  la  mort  y  jette  le  frisson. 
Faire  tomber  quatre  tètes  humaines. 
Pour  l'échafaud  quelle  affreuse  moisson! 
Fatal  destin,  quoi,  sans  pitié,  tu  verses 
Au  cœur  de  l'homme  un  infernal  poison  ! 
Ah  1  combattons  les  natures  perverses  : 
Grâce  à  l'école  on  ferme  la  prison. 

Quand  l'ignorance  unie  à  la  misère 
Prend  la  jeunesse  et  la  suit  pas  à  pas. 
En  lui  traçant  une  sombre  carrière, 
Vient  un  délit,  un  crime,  le  trépas... 
Combien  d'enfants,  avant  la  Républiçue, 
Manquant  de  classe,  erraient  à  la  maison  ! 
L'oisiveté  veut  une  fin  tragique  : 
Grâce  à  l'école  on  ferme  la  prison. 

Républicains,  combattons  l'ignorance. 
De  l'atelier  enseignons  le  chemin  ; 
Car  le  savoir  assure  l'espérance, 
Et  le  travail  un  heureux  lendemain. 


Ah  !  puissions-nous,  dans  une  paix  divine, 
De  la  justice  agrandir  l'horizon 
Et  de  nos  lois  bannir  la  guillotine  ! 
Grâce  à  l'école  on  ferme  "la  prison. 


P.  Berdoulet. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Salle  comble  samedi  dernier,  à  l'auditoire  de  la 
nouvelle  troupe  d'hiver  de  la  Scala.  La  plupart  des 
artistes  engagés  sont  très  connus  et  très  aimés  du 
public  ;  aussi  les  applaudissements  et  les  rappels  ne 
leur  ont  pas  fait  défaut.  M.  Chaillier  a  obtenu  un 
beau  succès  dans  sa  nouvelle  création  La  Fleuriste, 
chansonnette  très  originale,  qu'il  détaille  avec  beau- 
coup de  finesse,  et  en  s'accompagnant  de  la  guitare. 
Il  a,  en  outre,  été  rappelé  dans  Tourterelle  et  tourte- 
reau, ainsi  que  dans  deux  autres  chansonnettes  de 
son  répertoire.  Bourges  a  créé  une  nouvelle  rengaine 
de  M.  Constant  Saclé,  musique  de  Mme  Marie  Laleu. 
Cette  scie,  répétée  au  refrain  par  toute  la  salle,  est 
appelée  à  remplacer  Tiens!  voilà  Mathieu.  Titre  de  ce 
chef-d'œuvre  littéraire  :  Bonjour  Cypri.en.  Une  salve 
d'applaudissements  a  acclamé  Mme  Graindor  dès  son 
entrée  en  scène  ;  l'excellente  diseuse  a  détaillé  deux 
chansonnettes  charmantes  :  Mo7i  chapeau  des  diman- 
ches et  l'Histoire  d'une  pomme.  Pichat  est  très  amu- 
sant dans  ses  chansons  mêlées  de  danses  ;  l'excel- 
lent artiste  a  retrouvé  à  la  Scala  le  même  succès  que 
l'année  précédente.  Mlle  Marguerita  a  été  très  ap- 
plaudie dans  une  nouvelle  tyrolienne,  titre  :  La 
Meunière  de  Croisy.  Immense  succès  pour  Derame 
dans  ses  imitations.  Toutes  nos  lélicitations  à  cet 
excellent  artiste,  pour  les  têtes  de  MM.  Gambetta, 
Rochefort,  Pierre  Petit  et  Emile  Zola.  Une  bonne 
note  aussi  à  Bérod  qui  lui  sert  de  compère,  et  amuse 
le  public,  pendant  que  son  camarade  prépare  ses 
tètes.  Mme  Patry  fait  toujours  plaisir,  dans  les  mor- 
ceaux du  grand  répertoire.  Brunet  a  obtenu  plu- 
sieurs rappels  dans  Maître  Êlaguefort. 

Aristide  Bruant  fera  une  nouvelle  création  à  sa 
rentrée.  De  ce  moment,  il  étudie  le...  maniement 
des  armes,  28  jours  de  répétitions.  Citons  encore 
Mmes  Heuzé  Aimée,  Liovent,  Blockette,  Domergue 
et  M.  Breton,  qui  complètent  le  tableau  de  la  troupe. 

En  somme,  bonne  soirée  pour  tous  :  pour  les 
artistes,  qui  ont  été  bien  accueillis,  pour  le  public 
qui  s'est  amusé,  et  enfin  pour  le  caissier  de  la  Scala 
qui  a  dû  empiler  pas  mal  de  pièces  jaunes. 

Mille  remerciements  aux  garçons  qui,  pour  ne  pas 
énerver  les  spectateurs,  ont  eu 'la  délicate  attention 
de  ne  pas  donner  le  café  trop  fort. 

Enfin,  deux  lignes  de  réclame  pour  terminer  : 

Paul  Bert  doit  créer  prochainement  QM'est-c'qtie 
vous  en  dites,  paroles  de  votre  serviteur,  musique  de 
M.  Clairville  fils. 


L'Alcazar  d'hiver  a  fait  sa  réouverture  samedi 
dernier.  Ayant  quitté  la  Scala  un  peu  tard,  quand 
nous  sommes  arrivés,  la  salle  était  tellement  garnie 
qu'il  nous  a  été  impossible  de  trouver  une  place. 
Nous  n'avons  pu  par  conséquent  assister  à  la  repré- 
sentation. Le  tableau  de  troupe  est  composé  commt 
il  suit  :  MM.  Libert,  Arnaud,  Reyar,  Henriot,  Limât, 
Hervier,  Sulbach  ;  Mmes  Jenny  Mills,  Elise  Faure, 
Zélie  Weil,  etc.,  etc. 

Gomme  on  le  voit,  presque  toute  la  troupe  des 
Ambassadeurs  est  passée  à  I'Alcazak  d'hiver.  A 
samedi  de  plus  amples  détails. 


ibo 


LA  CHANSON 


Au  XIX'""  SIÈCLE,  Debailleul  vient  de  créer  une 
ehansonnette  qui  sera,  nous  en  sommes  certains,  un 
nouveau  succès  pour  le  sympathique  artiste,  titre  : 
L'Amawr  en  prison  ;  paroles  de  M.  Villenier,  musique 
de  M.  Lonali.  La  Chanson  des  clochetons,  de  notre 
collaborateur  et  ami"  Lucien  Rouland,  obtient  cbaquc 
soir  un  immense  succès.  Mme  Delassau  se  fait  vive- 
ment applaudir  dans  la  chanson  du  P'tit  abU,  et 
dans  la  Diseuse  de  bonne  aventure.  Le  grand  se  tord 
et  fait  tordre  le  public  avec  Ah  !  si  c'était  à  r' faire  et 
avec  Quand  je  ris  Clémentine.  Ouvrard  est  désopilant 
dans  J'suis  astucieux,  chansonnette  nouvelle  dont  il 
est  l'auteur,  et  dans  le  Marchand  de  tabac. 

La  soirée  est  coupée  par  l'Automne  d'un  farceur, 
comédie  du  répertoire  des  Variétés,  interprétée  par 
Mme  Riquet-Lemonnier  et  M.  Helt. 

Une  mention  toute  particulière  à  l'orchestre  qui 
sous  l'habile  direction  de  L.  C.  Desormes,  exécute 
chaque  soir,  avec  un  ensemble  parfait,  diverses  ou- 
vertures ou  musiques  de  danse,  et  qui  retrouve  au 
XES.*  SIÈCLE  le  succès  qui  raeeueillil  pendant  si 
longtemps  à  la  Pépinière. 

Alfred  Bertinot. 

La  question  des  cafés-concerts  prooccupe  encore 
«ne  fois  l'opinion  publique  et  la  presse.  Un  article 
du  Rappel  donnait  presque  comme  officielle  la  nou- 
velle de  mesures  restrictives  décidées  contre  ces  éta- 
îlissements.  L'administration  ignore  sans  doute, 
ainsi  que  certains  jouroinix,  quc^  depuis  ([uelques 
années  le  niveau  des  calés-concerts  scsl  élevé  sen- 
siblement. Le  bon  exemple  étant  parti  de  l'Kldorado 
ce  dernier  avait  certes  le  droit  de  riposter  aux  atta- 
ques malveillantes.  Nous  reproduisons  avec  empres- 
sement la  lettre  adressée  par  M.  Pitou  à  M.  Flor,  ré- 
dacteur du  National,  lettre  qui  rectitie  des  erreurs 
graves  et  place  la  discussion  sur  un  bon  terrain. 


Paris,  le  5  septembre  1880. 
Mon  cher  Flor, 

Votre  chronique  de  samedi  ;  Rojnance  et  chansonnette, 
contient,  en  ce  qui  concerne  l'Eldorado,  une  erreur,  que 
je  TOUS  demande  la  permission  de  rectifier. 

Vous  placez  ce  concert  dans  les  Champs-Elysées, 
alors  qu'il  est  situé  boulevard  de  Strasbourg,  et  vous 
Jui  attribuez  ainsi  une  part  de  responsabilité  dans  le 
lancement  de  retrains  «  vides  et  insensés  »  que  vous  cri- 
tiquez très  justement. 

11  n'y  a  pas  là  seulement  une  différence  de  latitude, 
mais  surtout  une  différence  de  répertoire.  Celui  de  l'El- 
dorado, s'il  n'est  pas  composé  de  chefs-d'œuvre,  est  tout 
an  moins  absolument  pur  de  productions  dans  le  genre 
de  celles  que  vous  énumérez.  il.  Rupin,  de  la  rue  Po- 
Tpincoiirt,  est  consigné  à  notre  porte,  toute  comme  M. 
Isidore,  de  la  rue  Mogador;  mais,  en  revanche.  Petit 
Paul,  de  Victor  Hugo,  le  Sergent  et  le  Clairon,  de  Paul 
Déroulède,  ont  eu  souvent  les  honneurs  de  notre  scène, 
qui  a  entendu  également  les  poëmes  de  Théophile  Gau- 
thier ou  d'Edouard  Plouvier,  alternant  avec  ceux  d'Eu- 
gène Manuel  et  de  Jean  Richepin. 

Vous  nous  en  voudrez  moins,  mon  cher  Flor,  de  ne 
pas  vous  rendre  V Andalouse  de  Musset  et  le  Gasfibelza 
de  Victor  Hugo,  quand  vous  saurez  que  les  Souvenirs 
d'Italie  (Ainsi,  frère,  tu  t'en  reviens)  du  poète  des  Nuits, 
elle  Vous  rappelez-vous...  àa  poète  des  Contemplations, 
mis  en  musique  par  Paul  Henrion, — dont  vous  avez  pré- 
cisément cité  le  nom.  —  figurent  au  répertoire  de  l'Eldo- 
rado, en  compagnie  d'œuvres  moins  éclatantes  peut-être, 
mais  qui  méritent  pourtant  de  ne  pas  être  assimilées 
aux  rengaines  dont  vous  faites  spirituellement  leprocès. 

Agréez,  mon  cher  Flor,  l'assurance  de  mes  sentiments 
tout  dévoués. 

Eugène  Pitou, 

Secrétaire  lie  la  dirjciion  de  l'illdorado. 


CHROKIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Dimanche,  3  courant,  un  heureus  hasard  nous 
avait  cooduil  salle  Pétrelle,  et  notis  avons  ftu  la 
bonne  fortune  d'assister  à  une  partie  de  la  soirée 
ofl'erte  à  ses  nombreux,  amis,  par  la  Société  lyiique  ; 
les  Amis  de  Mo7itmartm. 

Devant  un  public  charmé,  nous-  avons  entendu 
l'interprétation  presque  irréproch.able  de  quelques 
morceaux  d'un  programme  très  attrayant,  ma  foi  ! 
et  nous  mentionnerons  au  passage  MM.  Leclève,  Du- 
rot,  Chauvière,  Georges  et  Frairqu,eville,  qui  certes, 
possèdent  de  nombreuses  et  solides  qualités. 

Nous  ne  pouvons  guère,  aujourd'hui,  poirter  un 
jugement  bien  assis  sur  chacun  des  membres  de 
celte  vaillante  phalange  lyrique,  mais  nous  nous 
proposons  d'assister  à  quelques-uns  de  stss  eoncerts 
mensuels,  et  noLis  pourrons  alors  dtslribuertn  toute 
conscience,  l'éloge  oii  le...  conseil. 

A  bientôt,  donc! 


Salle  pleine,  le  6  septembre,  à  la  grande  soirée 
mensuelle  des  Gais  Monmsiens,  café  Boiu^et,  4.1,  bou- 
levard du  Temple.  Parmi  les  chanteurs  nous  remai^ 
quons  :  M.  Jomain,  l'amateur  bien  connu  des  sociétés 
lyriques,  qui  s'est  l'ail  vivement  applaudir  dans  la 
femme  à  Baptiste  ;  M.  Dufour,  l'excellent  danseur  du 
concert  des  Ambassadeurs  ;  M.  Richard,  qui  a  obtenu 
beaucoup  de  succès  dans  l'air  des  Xotes  de  Jeannette; 
Mlle  Vallette,  la  charmante  conteuse,  Mlles  Hen- 
riette, Lucie;  Mmes  Trolin,  Bario  ;  MM.  Camille, 
Fabre,  Brunél  et  notre  ami  Métivet,  le  Uapoul  des 
sociétés  lyriques,  qui  s'est  fait  rappeler  plusieurs 
{oï?,àiL\i.'iiLeDowqi(,etdelilas,  et  Counaissez-wus  ma 
Jeanne. 

Pour  terminer  la  soirée,  Tromb-al-Cazar,  l'amu- 
sante opérette  d'Offenbach  a  été  jouée  d'une  façon 
digne  des  plus  grands  éloge»,  par  Mme  Limai,  M. 
Lïïa.3.i  à.Q&  Ambtissadeurs  ;  Etjsamis  Mounier  et  An- 
dré. Nous  avouons  franchement  que  l'on  voit  rare- 
ment d'aussi  bonnes  interprétations  dans  les  sociétés 
lyriques. 


La  Fantaisie  L7jrique,  dont  la  fondation  remonte  à 
peine  à  une  année,  et  dont  les  séances  ont  lieu  tous 
les  lundis,  à  la  grande  Brasserie  Strasbourgeoise^ 
IGli,  boulevard  Magenta,  est  en  pleine  voie  de  pros- 
périté, et  ne  tardera  pas  à  devenir iinedes meilleures 
sociétés  lyriques  de  Paris.  A  chaque  nouvelle  repré- 
sentation', nous  constatons  avec  plaisir  le  soin  tou- 
jours croissant,  apporté  dans  la  composition  du  pro- 
gramme, et  dans  l'ordre  d'appel  des  chantetu's, 

La  soirée  du  6  septembre,  a  été  encore  plus  bril- 
lante que  de  coutume  :  MM.  Gooper  frères,  Vaast, 
Richard,  Inderbitzin,  Victor  et  Galleberl  se  sont 
surpassés  ;  plusieurs  d'entre  eux  révèlent  de  lions 
artistes  pour  l'avenir.  Ces  excellents  amatetu's  aspi- 
rent sans  doute  à  suivre  l'exemple  de  lettr  camarade 
Ville,  qui  a  fait  ses  premières  armes  à  la  l-'antaisie 
Lyrique,  et  iiui  est  maintenant  un  des  premiers  ar- 
tistes du  Concert  Européen. 

La  channante  Mlle  Marguerite  a  obtenu  de  nom- 
breux applaudissements  dans  Violettes  et  jeunes  /Mes. 
La  seule  chosequenous  reprochons  à  cette  gracieuse 
demoiselle  est  de....  ne  chanter  qu'une  lois  dans  le 
courant  de  la  soirée,  lors  qu'elle  joue  dans  la  pièce. 

La  petite  Charlotte  est  tout  bonnement  désopilaflte 
dans  Ils  l'ont  nommé  sergent . 

Le  chant  du  Coq,  comédie  en  un  acte  à  été  parfaite- 
ment enlevée  par  Mlle  Marguerite,  MM.  Lartelier  et 
Inderbitzin. 


LA  CHANSON 


15i 


Il  «était  injuste  de  ne  pas  féliciter  le  régisseur, 
pour  le  bon  goût  qu'il  apporte  dans  le  chois  des 
pièceà,  et  pour  son  habileté  a  diriger  la  scène. 


Agréable  soirée  le  9  septembre,  à  ia  grande  reprc- 
seulaLioii  extraordinaire  donnée  par  \n^' Enfants  de  la 
Ga'iti:,  au  caic  de  la  ïerrase,  128,  rue  Sainl-Anloine. 
Après  un  morceau  d'ouverture,  exécuté  par  M.  WoUr, 
élève  du  Conservatoire  ,  JMJI.  Latour,  Lagrange  et 
Massière  ont  ouvert  la  séance  avec  entrain."  M.  Au- 
guste a  débité  VAvocat  des  maris,  avec  Ijrio,  et  a  ob- 
.tcnu  de  grand>  applaudissements.  Grand  succès  pour 
M-M.  lli.ie.t  <'t  Frauclbrt  ;  le  premier  dans  Cluqjuni  lias 
d-nant  la  Marseillaise,  le  second  dans  le  Siège  de  Ma- 
yencc.  Mlle  Rachel  possède  une  bonne  voix,  mais  elle 
ne  sait  jjas  en  lirer  parti,  nous  lui  conseillons  d'at- 
tendre la  ritournelle  du  piano,  si  elle  ne  veut  pas 
chanter  faux.  M.  Kamelet  s'est  l'ait  applaudir  dans 
Speech,  et  La  dent  de  sagesse,  cependant,  nous  deman- 
derons à  cet  artiste  pourquoi  il  dénature  l'air  de 
cette  dernière  chanson,  au  point  de  la  rendre  mécon- 
naissable. 

|ji;s  bravos  n'ont  pas  manqué  à  notre  ami  Beck  qui 
a  chante  le  Botaniste  avec  sa  verve  habituelle.  Le 
président  <\.e.% Inséparables,  M.  Simon,  est  amusant  au 
possible  dans  ses  imitations  d'animaux. 

iVIlle  Jeanne  chante  très  gentiment,  et  s'accuse 
avec  beaucoup  de  line,.sse  d'être  Menleme.  M.  Pacfa 
lils  a  détaillé  parraitciiienl  Urrfuit  l'iihjeclif;  ce  jeune 
homme  est  un  arlisic  de  iiirriic  ([iii  ii'ilc  i|iti  tenir. 

Nous  citerons  ennnv  Mil.  M;irl\-,  .M;illii:i,s, -Rous- 
,set,  Maurice,  Kaynot  ;  Mlles  Girard,  Maria  ei  Anna 
([ui  complétaient  un  bon  ensemble. 

Les  Bafanls  de  la  Gaité  donnent  leurs  soirées  ordi- 
naires tous  les  dimanches,  au  café  de  la  Terrasse, 
12s,  rue  Saint-.Anloiue. 

Alfred  Berïinot. 

r..'  '.I  srpicmbre  avait  lieu  la  soirée  delà  Cordiale, 
tlidis  l:ii[iiclle  ont  été  exécutés  deux  duos  :  Mireille, 
\y.\y  M.  t'aiilljé  et  Mlle  Flora,  et  la  SairU-Janvier,  par 
M.  Cambrai  et  Mme  Louvet.  Le  récit  tient  toujours 
.sa  place  au  progranuue  ;  il  est  représenté  par 
M.  Geurgebé  dans  le  Jardin  du  Luxembourg  ,  et 
M.  îilaurice,  dans  le  Cheveu  blanc. 

Mile  Ang-èle,  MM.  Launais,  Landais,  Andral,  se 
sont  fait  remarquer  dans  la  romance,  et  MM-.  Ré- 
miiud,  ibu'ie,  Cooper,  d'un  caractère  plus  uai,  ont 
lait  rire.  M.  Laulrevel,  qui  a  l'habitmle  de  la  scène, 
ri'ti'iiuve  dans  les  Sociétés  les  applaudissements  qui 
le  suivaient  dans  les  concerts.  M.  Municart  est  tou- 
jours le  tenorino  qui  chante  avec  grâce  le  Renouveau. 

Le  spectacle,  plein  de  variété, "comportait  comme 
contraste  deux  chansonnettes.  Chapeau  rose  et 
Chapeau,  jaune,  dites  agréablement  par  MM.  Emile 
et  Alphonse.  Mmes  Adèle  et  Bloch  ont  recueilli  une 
foule  de  bravos  ;  l'une  avec  l'air  de  Naples,  la  seconde 
avec  VAnniversaire  de  P.  Henrion. 

Un  des  principaux  succès  de  la  soirée  est  dû  au 
Vieux  buveur  de  vin,  la  vigoureuse  chanson  de  Jules 
Maux,  interprétée  avec  un  réel  talent  par  M.  Bous- 
quat,  le  baryton  favori  des  Sociétés  l.^riques.  Selon 
son  habitude.  Mlle  Julia,  qui  possède  là  corde  drama- 
tique et  la  corde  comique,  s'est  fait  rappeler  dans 
les  Guignons  d'Euphrasie.  N'oublions  pas  le  con- 
sciencieux pianiste  Marcus,  qui,  sous  le  voile  de 
ranou3'me,  exécute  une  de  ses  charmantes  composi- 
lions,  la  Polha  des  oiseaux.  M'.  Jomain,  qui  s'est  déjà 
lait  longuement  applaudir  dans  Tlà  c'  ijue  c'est  qu'un 
enterrement,  par  Eug.  Imbert,  s'est  fait  couvrir  de 
fleurs  dans  Aimez-moi  comme  vos  bêtes. 


Le  10  septembre,  les  Amis  du  Cowîîweî'ce donnaient 
.une  soirée  extraordinaire.  Constatons  d'abord  une 
salle  comble.  Mais  on  avait   annoncé  une  tombola 


gratuite,  et  je  n'ai  pas  reçu  de  billet  ;  cependant  j'ai 
été  appelé  pour  chanter,  plus  heureux  en  cela  que 
mon  ami  Adrien  Souchet  ,  qui  avait  été  invité  per- 
sonnellement par  lettre ,  contenant  des  sortes  de 
coupons  d'invitation.  Mon  ami  Adrien  Souchet,  ar- 
tiste de  talent,  bien  connu  de  nos  Sociétés  lyriques 
aux(iuolles  il  a  toujours  prêté  son  concours  gracieux 
en  toutes  circonstances,  est  actuellement  engagé  au 
Café  des  Terrasses,  boulevard  des  Invalides,  et,  pour 
répondre  à  l'invitation  qui  lui  avait  été  adi'essée 
par  les  Amis  du  Commerce,  il  n'a  pas  hésité  à  se  ren- 
dre boulevard  de  Strasbourg .  —  On  ne  pourra  pas 
objecter  qu'on  avait  trop  de  chanteurs,  puisque  nous, 
qni  sommes  partis  avant  la  fin  de  la  soirée,  nous 
avons  entendu  deux  chanteurs  en  deuxième  tour. 
Mais  passons  !... 

Adressons  nos  félicitations  à  M.  Gaston  MaîjUis  ;  lia 
détaillé  avec  goût  et  une  voix  très  agréable  une  ro- 
mance fort  gracieuse,  comme  paroles  et  musique  ; 
mais  M.  le  Président  lui  a  laissé  le  soin  d'annoncer 
lui-même  au  public  qu'il  en  était  l'auteur  et  le  com- 
positeur. 

C'est  une  faute,  M.  le  Président  ;  quand  un  auteur 
vous  rend  visite  et  l'ait  plaisir,  vous  devriez  vous  en 
occuper  un  peu  plus  que  de  ceux  costumés  d''une 
façou  excenirique.  —  Èlfectivement,  nous  avons  eu 
cinq  chansons  de  gommeux  sur  dix  œuvres  chan- 
tées; on  est  déjàlas  au  concert  des  Libert  cl  des  Ben, 
qui,  cependant,  ne  manquent  pas  de  lalenl.  Mais 
que  pirli'nilriit  donc  ces  jeunes  gens  dans  un  cos- 
tume giDivsquir?  (car  ce  n'est  pas  le  costume  des 
ffommc/w  yu'ils  endossent]  eux  qui  n'ont  ni  voix,  ni 
talent,  ni  chic!... 

Soyons  indulgents  pour  les  dames,  et  félicitons 
Mlle  Julia  qui  moissonne  avec  succès  dans  les  chants 
de  Mlle  E.  Bonnaire. 

Lue  mention  bien  méritée  pour  :  Pas  si  vite,  valse 
chantée  ou  plutôt  modulée  d'une  façon  charmante, 
voix  bien  timbrée  et  fort  agréable.  —  Je  m'en  sou- 
viendrai longtemps  ;  il  n'y  a  que  le  nom  de,  l'inter- 
prète  qui  m'échappe  ;  je  le  regrette. 

Une  autre  dauie  a  dit  :  Rentrons  bras  dessus,  bras 
dessous,  puis  une  chanson  de  poupée,  dont  j'ignore 
le  titre,  —  grand  succès  de...  costumes. 

Une  jeune  habituée  des  Epicuriens  a  dit  très  fraî- 
chement :  Passera-t-il ,  passer a-t- elle  ?  —  un  pou 
lentement  peut-être,  mais-très  agréablement.   ■ 

Remarquons  aussi  que ,  pendant  les  chants , 
MM.  les  commissaires  sont  très  bruyants  en  allées  el 
venues  et  en  paroles,  frôlant  même  rudement  les 
spectateurs  et  spectatrices,  sans  leur  en  demander 
pardon  ;  —  mais  ce,  dans  l'intérêt  de  leur  service, 
—  sans  doute. 

LÉO    TOSTAIN. 


La  Société  dramatique  de  récréation,  oO,  rue  Fabert 
(7°  arroûdissement),  donnait  dimanche  dernier  sa 
seconde  soirée  de  réouverture  avec  un  prog-ramme 
des  plus  attrayauts  etponctuellement  exécuté.  L'édita 
cation  d'Ernestine  en  lever  de  rideau  a  été  enlevée 
par  MM.  Pochet,  Chaussois,  Mlle  Gabrielle  et  M.  Chu 
Marie  avec  le  plus  graud^entrain. 

Nous  avons  applaudi  M.  Métivet  dans  ses  deux 
romances,  M.  Fourmeaux  le  diseur  fin  et  intelligeat 
s'est  fait  applaudir  par  toute  la  salle  dans  la  chansoa 
la  Saint-François,  et  Eveille-toi  mignonne,  sérénade 
dont  la  poésie  est  de  M.  Gressin,  membre  de  la 
Société, etM.Schrader  dans  le  Tunel de  Saint-Germain,. 

M.  Pépin  a  obtenu  son  succès  ordinaire  avec  sa 
chansonnette  et  son  costume  de  bergère  très  réussi. 
Le  Vieux  sergent\)Oésie  par  un  jeune  débutant  qui  dit 
juste,  quoique  l'émotion  inséparable  d'un  premier 
début  l'ait  fort  troublé,  et,  pour  terminer  la  soirée, 
les  Rêves  d^Ywnnette  interprétés  par  Mlle  Tinch  et 


152 


LA  CHANSON 


MM.  Sel  et  Pochet  deux  joyeux  compères  de  l'opé- 
rette et  du  rigodon,  aussi  à  leur  aise  dans,  leurs 
rôles  que  des  artistes  de  profession. 

L'auditoire  sous  le  charme  de  ces  brillants  en- 
chanteurs voulait  tout  bisser  et  distribuait  des 
bravos  à  tous;  c'est  qu'il  est  à  son  aise  pour  entendre 
et  voir  depuis  les  excellents  fauteuils  que  la  société 
vient  de  faire  poser  dans  la  coquette  petite  salle  de 
la  rue  Faberl.  On  voit  que  la  Société  est  dans  ses 
meubles,  et  que,  tout  en  améliorant  son  installation, 
elle  n'a  rien  négligé  pour  la  rendre  confortable. 
G.  Sténio. 


La  Jeunesse  lyrique  et  dramatique  ne  donne  qu'une 
soirée  par  mois,  mais  en  revanche  elle  apporte  un 
grand  soin  dans  la  composition  de  son  programme. 
Le  grand  concert  qu'elle  a  donné  dimanche  dernier  à 
la  salle  Pétrelle  a  été  des  plus  brillants  et  des  plus 
animés.  Comme  à  toutes  les  représentations  men- 
suelles de  cette  Société,  la  salle  était  littéralement 
comble.  Nous  avons  entendu,  en  premier,  M.  Vauris, 
qui  a  chanté  la  Dent  de  sagesse  avec  beaucoup  de  suc- 
cès. Dans  la  seconde  partie,  ce  jeune  amateur  a  été 
également  très  applaudi  dans  ISFvous  pressez  pas. 
Mlle  Marie  a  chanté  le  Baptême  d'une  poupée,  très 
gentiment,  et  a  été  fort  bien  accueillie.  Bon  succès 
pour  M.  Lallée,  dans  Mes  habitudes  et  dans  les  7  Pé- 
chés capitaux. 'K.  Léonard!  a  récité  parfaitement^» 
Grève  des  forgero'iis,  et  a  obtenu  de  nombreux  ap- 
plaudissements. Mlle  Adèle  excelle  dans  la  diction, 
cette  gracieuse  artiste  a  chanté  Joyeux  printemps  et 
Deux  fleurs,  avec  beaucoup  de  finesse.  Le  premier 
comique  de  la  Société,  M.  Vichel,  est  amusant  au 
possible,  dans  Ma  fetnme  est  en  voyage  et  dans 
le  Tunnel  de  Saint-Germain.  Mme  Vaillant  a  récité 
la  Présentation,  avec  un  rire  communicatif,  qui  a 
gagné  toute  la  salle. 

Un  homme  seul,  vaudeville  en  un  acte,  a  été  joué 
dans  la  perfection  par  Mme  Vaillant  et  M.  Vichet. 
Nous  citerons  encore,  pour  mémoire,  MM.  Graveline, 
Daumont,  Tardie,  Seherer  et  Viot,  qui  ont  contribué 
largement  au  succès  de  la  soirée. 

Alfred  Bertinot. 


Pour  demain  dimanche,  19  septembre,  les  Gais 
Momusiens  annoncent  une  grande  soirée  extraordi- 
naire, dans  la  salle  des  Folies  Parisiennes,  faubourg 
du  Temple,  23. 

Les  meilleurs  artistes  des  concerts  et  des  sociétés 
lyriques  prêteront  leur  concours  à  cette  représenta- 
tion qui  promet  d'être  très  brillante,  à  en  juger  par 
le  programme  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Il  y 
aura  aussi  une  grande  tombola,  qui  sera  tirée  à  la  fin 
de  soirée.  Avis  aux  alliés  des  Bidard. 


CHOSES  &  AUTRES 


Nous  rappelons  la  grande  soirée  dramatique,  lyri- 
que et  littéraire  donnée  par  Michel  Bordet,  lundi 
20  septembre,  à  8  heures  très  précises  Aux  Tilleuils, 
160,  rue  de  Ménilmontant.  Nous  engageons  nos  lec- 
teurs à  ne  pas  manquer  cette  soirée  dont  le  pro- 


ramme  complet  ne  tiendrait  pas  dans  une  page  de 
notre  journal;  Prix  des  places,  cinquante  centimes, 
place  réservées,  un  franc 


A  la  réunion  tenue  dimanche  12  septembre,  salle 
Orange,  11,  place  de  la  République,  28  sociétés 
lyriques  étaient  représentées.  Ce  nombre  n'ayant 
pas  paru  suffisant  aux  présidents  présents  pour 
prendre  une  décision,  une  réunion  définitive  aura 
lieu  dimanche  26  septembre,  à  2  heures  précises.  Il 
est  certain  que  dès  à  présent  la  fédération  des  Socié- 
tés lyriques  est  un  fait  accompli. 


Deux  intéressantes  distributions  de  prix  ont  eu 
lieu  ces  jours  derniers,  à  la  Chapelle,  au  théâtre 
des  Bouffes  du  Nord.  Les  élèves  de  M.  Louis  Albarel 
ont  fort  bien  créé  un  proverbe  opérette  :  Q,ui  donne 
aux  pauvres  prête  à  Dieu  I  paroles  et  musique  de 
Jules  Dumont.  L'auteur  dans  le  rôle  du  vieux  maître 
d'école,  et  Mlle  Louise  Albarel  (Alphonse),  une  toute 
mignonne  et  intelligente  enfant,  se  sont  fait  applaudir 
et  rappeler.  Les  élèves  de  Mme  Thonier  ont  aussi 
très  gentiment  joué  :  Qui  se  repent  est  pardonné  !  du 
même  auteur  qui  a  dit,  d'une  façon  remarquable. 
Donnez  aux  pauvres  de  Victor  Hug'o  et  l'Appel  après 
le  combat.  Succès  aussi  pour  Mlle"  Duvreau  avec  la 
Laitière  de  la  pension,  scène  comique  nouvelle,  paroles 
de  J.  Dumont,  musique  de  L.  Mailfait,  éditée  chez 
E.  Mennesson,  à  Reims. 


Le  2  octobre  doit  ouvrir,  23  faubourg  du  Temple 
(ancien  Alhambra),  un  nouveau  théâtre,  qui  prend  le 
nom  de  Folies- Parisiennes  et  qui  jouera  l'opérette. 

M.  Orange,  le  nouveau  et  actif  propriétaire  de 
cette  Salle,  s'est  réservé  le  droit  de  construire  au  pre- 
mier, pour  les  Sociétés  lyriques,!une  très  belle  salle  de 
quinze  mètres  de  long  sur  neuf  de  large,  elle  pourra 
contenir,  à  l'aise,  300  personnes.  L'entrée  en  sera 
particulière  et  sera  desservie  par  un  vaste  escalier, 
voilà  pour  le  premier. 

M.  Orange,  en  propriétaire  intelligent,  a  fait  dé- 
corer la  salle  de  spectacle  à  neuf,  y  a  fait  donner  du 
jour  et  de  l'air,  de  plus  il  a  fait  construire  un  double 
parquet  mobile,  afin  de  pouvoir  transformer  la  salle 
de  spectacle  en  salle  de  banquet  ou  de  bal.  Avis 
AUX  Sociétés  lyriques  ;  toutes  ,  voudront  donner 
leurs  Banquets  et  leurs  Bals.dans  cette  salle,  au 
centre  de  Paris. 

Les  consommations  y  seront  toujours  de  bonne 
qualité,  le  service  bien  fait,  et,  de  plus,  la  cuisine  y 
sera,  dit-:)n,  excellente.  Pour  la  location  de  la  salle 
du  premier,  comme  pour  les  bals,  s'adresser  à  M. 
Orange,  23,  faubourg  du  Temple,  et  11,  place  de  la 
République. 


Nous  souhaitons  la  bienvenue  à  notre  nouveau 
confrère  L'Alouette  Dauphinoise,  revue  artistique 
littéraire  qui  çarait  le  1  et  15  de  chaque  mois,  — 
ainsi  qu'au  Midi  Théâtre  qui  vient  de  paraître  à 
Toulouse. 

La  salle  des  Folies-BoMno  fera  sa  réouverture  très 
prochainement  sous  la  direction  de  Vergeron. 


Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,  6,  rue  Martel. 


3»  ANNEE.  —  N°  SO, 


lO  CENTIMES. 


26  SEPTEMBRE  188» 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant. 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailée  et 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe, 
V.  HUGO, 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ^^^^^^^^-^'^'^'^^^'l'^oiion 


ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non   insérés   ne   seront   pas  rendus. 


MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne...    1     • 
Réclames,        —  2     » 


Lachanson,  comme  la  batonnettg 
est  une  arme  française. 

J.  CLARBTIE. 


ADMINISTRATION    &   REDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L. -HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  f r. 

■         six  mois 3  • 

Etranger,  uji  an 8  • 


SOMMAIRE  : 


Êveilles-voas,  mignonne,  paroles  de  Clément-Casse,  musique  de  J.-  C. 
Thohel.  —  Le  Peuplier  (Cii.  PEnciiRT),  —  Ol'  toi  d'ià  que  j'iny  mette 
(JuLRS  KniiAMi-:).  —  Dans  les  blés  (A. -M.  Mo^NIN).  —  La  Chanson 
de  nos  pères:  La  Vif^nc  da  voisin.  —  Chronique  des  Concerts  (Alfued 


Beiitinot).  —  Les  Concerts  da  Trocadèro  (C.  Stbnio).  —  Résulta 
du  treizième  Concours  mensuel  de  La  Chanson.  —  Chonîqae  des  So~ 
ciétés  lyriques  (.\r,FHi;o  Bertinot,  Ql'élin,  L.  Joïklx).  —  Choses  et 
Autres. 


A    XOÏP^    AMI    MARCEL    BOUCHER 

Ê^VEIIL.IL.EZ-^V^OXJS,  iytioi>^02Nrr^E 

ROMANCE 

Paroles  de  Clément-Casse.  Musique  de  J.-G.  Thorel  (1). 


Potirquoidor^mtr    à  celle  heu_ro   Mi 
gnôrt»'iiG,NVn-Ien_Hc7- vouR  hn^hii.  Irr  los    oi 


6011-  ne.  En  se  jou_ant    fioo_lo_ve    vos      ri   . 
do.Tux  ,     Sctis   IcCiel  lilou  qu.-ind  son   ai  _  le     re - 


E      .      »eil  -  lez  -  TOUS,    Mi  A 

(1)  Cette  musique  est  une  des  dernières  composées 
par  noire  regretté  collaborateur  J.-C.  Thorel,  que  la 
mort  vient  d'enlever  tout  récemment  à  sa  famille  et  à 
ses  amis. 


E  -  veil.lei-»ou8,le8   yem  plernsde  dé- 
rail  poco  a  poco. 


Dans  l'abandon  d'un  calme  sans  mélange 
Oîi  je  surprends  des  charmes  inconnus. 
Vous  reposez...  mais  votre  bouche  d'ange 
Laisse  échapper  des  aveux  éperdus. 
Des  flots  ambrés  de  votre  chevelure, 
Je  sens  vers  moi  s'esaler  les  senteurs... 
Et  vous  dormez,  insoucieuse  et  pure. 
Sous  les  transports  de  rêves  enchanteurs  I 

Eveillez-vous,  Mignonne  au  frais  sourire, 
Ouvrez, enfin!  vosgrandsyeuxnoirsetdoux; 
Eveillez-vous  les  yeux  pleins  de  délire... 
Evei!lez-vous,  Mignonne  !  Eveillez-vous. 


Un  a,ccîdent  arrivé  au  cliché  du  portrait   nous    oblige   à  remettre   au   prochain 
numéro  la  biographie  hebdomadaire. 


154 


LA  CHANSON 


©qgdiis  taugtapps,  Ô  ma  iielle  puemiee  ! 
141  tilDcbê,  Att  loin,  gsmmB  pour  mos  ajuaouo*? 
Chacun,  déjà,  nous  attend  à  l'église. 
Revêtez-vous  de  vos  plus  frais  atours. 
De  l'oranger,  les  grappes  abondantes, 
En  retombant  de  vos  cheveux  frisés. 
Sur  ce  front  pm-,  de  mes  lèvres  ardentes 
Oinbrageront  la  rougeur  des  baisers  ! 

Eveillez-vous,  Mignonne  ati  frais  sourire, 
OuiT-'ez  enfin  vos  grands  yeux  noirs  et  doux, 
Eveillez-vous  les  yeux  plein  de  délire... 
Eveill«z-vous,  mignonne,  éveiUez-veu*. 

Glémext-Casse. 


Nous  publions,  ainsi  que  laous  l'tiTons  promis,  la 
chanson  aj-ant  obtenu  le  premier  prix  à. la  soirée 
donnée  par  Michel  Bordet,  le  20  septembre. 

LE    FEXJFLIErt 


LEGENDE 

Sur  la  place  de  mon  village, 
Un  grand  jour  de  fête  on  planta 
Un  peuplier  au  noir  feuillage 
Et  qui  debout  longtemps  resta. 
A  son  sommet  je  vois  encore, 
Se  déployant  avec  fierté, 
Notre  vieux  drapeau  tricolore 
Qui  saluait  la  liberté. 

Vers  les  eieux  il  dressait  sa  tête 
Que  rien  ne  sut  faire  plier. 
Il  brava  plus  d'une  tempête  ; 
Qu'il  était  fort,  ce  peuplierl 

La  sève  coulait  sous  l'écorce. 
Et  comme  un  sang  pur  et  vermeil 
Lui  donnait  la  vie  et  la  force, 
Il  grandissait  sous  le  soleil  ; 
Puis  quand  venait  l'anniversaire 
De  la  chute  de  nos  tyrans 
On  voyait  son  front  séculaire 
TressailUr  au  bruit  de  nos  chants. 

Vers  les  cieux  il  dressait  sa  tête 
En  secouant  son  front  altier. 
Palpitant  de  la  base  au  faite; 
Qu'il  était  beau,  ce  peiiplier  1 

Le  vent  passait  dans  sa  ramure 
Où  se  cachaient  des  nids  d'oiseaux 
Chaque  feuille  avait  son  mtirmure. 
Ses  branches  étaient  des  berceaux  ; 
Le  jom-  il  couvrait  de  son  ombre 
Les  vieillards,  les  enfants  joyeux, 
Et  le  soir  son  feuillage  sombre 
Redevenait  l'abri  des  gueux. 


Vers  ies  câsnix  il  dressait  sa  HÉte 
■Se  maMBitc-aSt  hospitalier, 
A  ses  hôtes  il  faisait  fête  ; 
Qu'il  était  grand,  ce  peuplier  ! 

Un  jour  la  hache  nieurtrièa'e 
Frappa  le  pied  de  ce  géant 
Et  fit  rouler  dans  la  poussière 
Son  cadavre  tout  frémissant. 
Mais  après  sa  chute  effroyable 
On  trouva,  terrible  leçon, 
Broyé  sous  son  tronc  formidable 
Le  corps  du  lâche  bwcheron. 

Vers  les  cieux  il  dressait  sa  tête 
Un  crime  seul  le  fit  plier. 
Mais,  terrible  dans  sa  défaite, 
Il  se  vengea,  le  peuplier. 

Ses  racines  étaient  profondes. 
Elles  germèrent  en  bourgeons. 
Car  bientôt  le  sol  des  deux  mondes 
Se  couvrit  de  ses  rejetons, 
Et,  plus  fort  qu'en  quatre-vingt-treize. 
Ce  superbe  décapité. 
Debout  sur  la  terre  française, 
Dans  ses  fils  est  ressuscité. 

Vers  les  cieux  redresse  la  tête 
QulenTain  l'on  ne  peut  humilier, 
Sois  orgueilleux  de  ta  conquête; 
Je  te  salue,  ô  peuplier. 

Gh.  Percheî. 


SI  J'ÉTAIS  FAUVETTE. 

Musique  de  M.  Glodomir. 

Si  j'étais  douce  fauvette, 
J'irais  du  champ  de  navette 
Me  balancer  sur  l'osier  ; 
Puis,  en  notes  ruisselantes, 
Des  perles  étincelantes 
Jailliraient  de  mon  gosier. 

J'irais  boire  la  rosée 

Qui  tremble  en  goutte  irisée 

Sur  le  pétale  vermeil. 

Ou  je  choisirais  pour  coupe 

Le  liseron  qui  découpe 

Ses  clochettes  au  soleil. 

J'irais  vers  mon  nid  de  mousse. 
Où  pour  arriver  s'émousse 
L'âme  tiède  du  zéphir, 
A  ma  famille  adorée, 
Porter  la  graine  dorée, 
Et  les  mouches  de  saphir. 

Je  ne  suis  pas  la  fauvette 
Qui  "vient  du  ■champ  de  navette 
Chanter  aux  rameaux  pliants  ; 
-Mais,  au  céleste  domaine,  „  _  ,,_ 
Celui  qui,  triste,  promène 
Ses  yeux  de  larmes  brillants.  , , 


LA  CHANSON 


Jo5. 


Gomme  une  plante  isolée 
Qui  croit  sur  un  mausolée, 
Sur  terre  Dieu  m'a  semé, 
Chaque  fleur  que  je  rapporte. 
Un  souffle  en  passant  l'emporte 
Dans  sou  élan  parfumé. 

Toyagevu'  par  la  nuit  sombre, 
Je  marche  sans  jeter  l'ombre. 
Enfin,  mes  folles  chansons 
S'envoleront  dans  l'espace, 
Comme  une-  brise  qui  passe 
En  effleurant  les  buissons. 

Que  ne  suis-je  la  fauvette  ! 
J'irais  du  champ  de  navette 
Me  balancer  sur  l'osier  ; 
Puis,  en  notes  ruisselantes, 
Des  perles  étincclantes 
Jailliraient  de  mon  gosier. 

G.  G.  Picard, 


or  TOI  D'  LA,  QUE  J'  M'Y  METTE. 


Air  ;  Mo/i  père  était  pot. 

Dans  ce  siècle  où  l'ambition, 

La  bassesse  et  l'envie 
Viennent  gâter  chaque  action 
De  notre  triste  vie. 
L'homme  et  le  marmot 
Ont  fait  choix  d'un  mot 
Qu'il  faut  bien  qu'on  admette. 
Et  que,  pl«ia  d'entrain. 
Je  prends  pour  refrain  : 
«  Ot'  toi  d'ià  que  j'  m'y  mette  !  » 

Que  dit  le  petit  employé. 
Que  la  besogne  lasse, 
Au  commis  principal  choyé 
Par  le  sous-chef  en  place  ? 
Au  sous-chef,  soumis, 
Que  dit  le  commis. 
Bien  qu'il  se  compromette? 
Que  dit,  de  rechef. 
Le  sous-ehef  au  chef? 
«  Ot'  toi  d'  là  Cfue  j'  m'y  mette  !  s 

Au  lit.  Monsieur,  de  grand  matin, 

Quoique  d'humeur  jalouse. 
Pour  aller  pocher  du  fretin. 
Laisse  sa  chère  épouse. 
A  porter  au  front 
Le  suprême  affront. 
Il  faut  qu'il  se  soumette,, 
Gar  l'amant  guettant,. 
Dit  :  «  Pour  un  instant, 
«  Ot'  toi  d' là  que  j'  m'y  mette  1  » 


Sur  les  abus  du  temps  passé, 

Jetant  un  voile  sombre, 
La  République  a  terrassé 

Le  vieux  trône  qui  sombre. 
A  la  Liberté, 
Que  l'Humanité 

Sans  crainte  s'en  remette  1 

«  Prince  en  désarroi, 

«  Dit  le  Peuple-Roi, 
«  Ot'  toi  d' là  que  j'  m'y  mette  I  » 

Cependant  tout  n'est  pas  parfait 

En  Républicanisme, 
Puisque  l'Intransigeance  y  fait 
Pièce  à  l'Opportunisme. 
Le  nouveau-venu 
Voulant,  c'est  connu, 
Que  l'autre  se  démette, 
Sans  en  avoir  l'air, 
Lui  dit,  d'un  ton  clair: 
«  Ot'  loi  d'ià  que  j'  m'y  mette  !  » 

Bref,  que  dit  tout  être  ici-bas. 

Luttant  pour  l'existence, 
A  celui  qui,  de  quelques  pas. 
Le  précède  à  distance  ? 
Ou  le  caporal 
A  son  général. 
Sans  qu'on  le  lui  transmette  ? 
A  l'homme  que  dit 
L^enfant  qui  grandit? 
«  01'  toi  d''  là  que  j'  m'y  mette!  » 

Jules  Echalié. 


-  LES  BLES 


Seigneur,  les  blés  sont  niùrs  :  Vois  les  épis  jaunis 
S'élever  radieux  sur  la  plaine  ondoyante. 
Gomme  des  encensoirs,  vers  toi  qui  les  bénis. 
Demain,  s'accomplira  la  moisson  abondante  ; 

Demain,  les  paysans,  famille  vigilante, 
Les  rudes  journaliers  aux  bras  forts  et  brunis, 
Dès  l'aube  du  matin,  quand  l'alouette  chante. 
Seront  sous  l'œil  du  maître,  au  travail  réunis. 

Seigneur,  le  maître  est  riche  et  sa  grange  est  profonde 
Est-ce  encor  pour  lui  seul  que  ton  soufle  féconde 
Les  sillons  où  du  pauvre  a  coulé  la  sueur  ! 

Et  Lazare,  toujours  en  ployant  sous  les  gerbes, 
N'aura-t-il  que  les  grains  égarés  dans  les  herbes  : 
Quand  donc  les  blés  poui*  tous,  mûriront- ils,  Seijgneur  1 

A. -M.  MONKIN. 


156 


LA  CHANSON 


bis. 


bis. 


LÀ  CHANSON  DE  NOS  PÈRES 

LA  VIGNE  DU  VOISIN 

RONDE 

Air:   Allons  donc.  Mademoiselle. 

C'est  la  petite  Thérèse, 

Qui  voudrait  du  chasselas, 

Air  en  voit  biaucoup  cheux  Biaise, 

Mais  Biaise  n'en  donne  pas. 

V'ià  qu'un  soir  aile  s'échappe 

Pour  l'y  voler  du  raisin; 

Las!  doit-on  mordre  à  la  grappe    ,1 

Dans  la  vigne  à  son  voisin  ?  ) 

Ce  sont  les  moineaux,  je  gage. 
Dit  noir'  homme  en  ajustant 
Un  chapiau,  com'  c'est  l'usage, 
Sur  ua  bâton  de  sarment. 
Les  oisiaux  par  celte  attrappe 
S'enfuiront  de  mon  jardin  ; 
Ils  iront  mordre  à  la  grappe  ) 

Dans  la  vigne  à  mon  voisin.  ) 

I  croioit  qu'on  intimide 

Fillette  comme  un  oisiau  : 

Mais  bon  !  rian  ne  la  décide 

A  fuir  devant  un  chapiau. 

Or  Thérèse  en  rit  sous  cape, 

Et  le  soir  nouviau  larcin, 

AU'  revient  mordre  à  la  grappe      / 

Dans  la  vigne  du  voisin.  j 

Biaise  à  la  parfîn  s'apprête 
L'i  même  à  faire  le  guet: 
Du  chapiau  couvrant  r^n  tète, 
I  s'  plante  au  lieu  du  piquet, 
La  belle  y  viant,  il  la  happe 
Par  son  japon  de  basin. 
Vous  v'nez  donc  mordre  à  lagrappe; 
Dans  la  vigne  du  voisin.  ) 

Voilà  que  Biaise  en  furie. 
Pour  la  punir  comme  il  faut, 
Fait  d'abord  tant  qu'elle  crie 
Et  puis  qu'air  ne  sonne  mot, 
P.este  à  savoir  s'il  la  frappe... 
Contentons-nous  du  refrain. 
N'allons  pas  mordre  à  la  grappe  ,i 
Dans  la  vigne  du  voisin.  j 

{Les  Vendangeurs  ou  les  Deux  Baillis 
Divertissement,  1780.) 


bis. 


bis. 


CHRONIQUE^  CONCERTS 

Samedi  dernier,  le  petit  Norbert  a  fait  sa  rentrée  au 
Grand  concert  Parisien. 

Ce  précoce  gamin,  qui  est  le  chéri  dès  habitués  de 
la  maison,  vient  ajouter  un  nouvel  élément  de  succès 
a  cet  établissement,  qui  en  contient  déjà  de  nom- 
breux. Pacra,  le  fin  diseur,  détaille  avec  un  sentiment 
exquis  les  différentes  poésies  et  chansonnettes  qui 
composent  son  répertoire,  et  que  lui  seul  peu  aborder 
avec  succès. 

Le  public  fait  fête  à  la  charmante  Mlle  Demay,'- 
qui  a  trouvé  dans  le  Petit  cochon-porte-veine,  un  véri- 
table porte-bonheur.  Le  gigantesque  Brunin,  que 
dame  nature  s'est  plu  à  gratifier  de  membres  d'une 
longueur  démesurée,  chante  :  Viens  dans  mes  petits 
bras!  Franchement,  ami  Brunin,  vous  êtes  troi> 
modeste. 

Le  désopilant  Réval  obtient  toujours  de  nombreux 
applaudissements. 

TeStlc,  qui  n'a  jamais  été  content,  est  d'une  gaité 
qui  gagne  les  spectateurs. 

MM.  Farville,  Mey,  Marquetti;  Mmes  Dubrée,  Petit 
et  Dalby,  qui  ont  débute  à  la  réouverture,  sont  tout- 
à-fait  dans  les  bonnes  grâces  du  public. 

Mmes  Fabre,  Clotilde  et  Satler  font  aussi  grand 
plaisir. 

Enfin,  les  Cloches  du  soir,  le  vaudeville  qui  termine- 
la  représentation,  n'est  qu'un  long  éclat  de  rire. 
*  * 

Le  concert  des  Folies-Saini-Martin  est  décidé- 
ment en  pleine  voie  de  prospérité.  A  côté  des  noms 
.sympathiques  de  Mmes  Worlon,  Rivoire,  Djelma. 
Ilémar,  Destrées;  de  MM.  E.  Bienfait,  Dharville,. 
Denneville  et  Fernand  Kelm,  viennent  de  s'ajouter 
ceux  des  quatres  personnes  composant  la  troupe 
des  Rovasco,  célèbres  byciclistes  aériens  qui  exécu- 
tent les  tours  les  plus  surprenants,  sur  une  corde 
tendue  d'un  bout  à  l'autre  de  la  salle. 

Comme  précédemment,  l'idole  du  public  est  tou- 
jours l'amusant  Pissarello,  qui  fait  tordre  la  salle  et 
se  fait  rappeler  plusieurs  fois,  dans  ses  acrobaties, 
musicales. 

L'attrait  principal  de  la  soirée  est  sans  contredit 
cette  comtesse  mystérieuse  qui,  masquée,  chante 
chaque  soir  les  morceaux  du  grand  répertoire.  Les 
versions  les  plus  diverses  circulent  sur  le  compte  de 
cette  étrange  personne.  Les  uns  prétendent  qu'elle 
porte  un  des  noms  les  plus  connus  dans  les  salons 
du  noble  faubourg;  d'autres,  plus  malveillants,, 
disent  qu'elle  chante  masquée  pour  cacher  certaines 
diff'ormités  de  son  visage,  et  patati  et  patata.  [Quelle- 
est  la  véritable  cause? Mystère! 

Le  soussigné  qui  est  parvenu  à  voir  les  traits  de 

l'aimable  diva, par  l'entrebâillement  d'une  porte 

mal  close  (la  curiosité  est  un  de  ses  grands  défauts) 
peut  affirmer  que  la  comtesse  R....  (bigre,  j'allais 
croquer  le  morceau)  est  une  ravissante  brune,  dont  les  • 
I  beaux  yeux  doivent  faire  tourner  plus  d'une  t'^.te.. 
Quant  au  nom,  dame,  je  garde  le  secret. 


LA  CHANSON 


157 


Un  conseil  :  Ceux  qui  veulenl  l'entendre  n'ont  qu'a 
se  dépêcher,  car  d'ici  pou,  la  jolie  cantali'ice  doit 
partir  pour  Milan,  où  elle  a  contr?.cté  un  brillant  en- 
gagement avec  la  Se  ai.  a. 

*  * 

Nous  félicitons  la  nouvelle  direction  du  XIX""' 
Siècle,  de  sa  décision  de  ne  représenter  que  des  le- 
vers de  rideaux  du  Palais-Royal  et  des  Variétés,  au 
lieu  des  saynètes  de  concerts,  qui  étaient  jouées  l'an- 
née dernière,  sous  la  direction  de  l'ancienne  société. 
Cette  semaine,  La  Commode  de  Vic(ori)ie,  de  MM.  La- 
biche et  Martin,  faisant  partiu  du  répertoire  du  Palais- 
Royal,  a  été  jouée  d'une  manière  digne  des  plus 
grands  éloges,  par  MM.  Bataille,  Logrand,  Dolf-Lary, 
Helt  ;  Mines  I^iquet-Lenionnier,  d'Astand,  Alice  et 
Djaly.  Kos  compliments  à  M.  Bataille,  qui  est  on  ne 
peut  plus  naturel,  dans  le  rôle  d'un  bourgeois  ma- 
niaque; un  petit  reproche  à  M.  Legrand,  qui  a  char- 
gé un  peu  trop  la  lèlo  du  pourfendeur  Bardas  de 
Lastringuy. 

Deux  créations  seulement  a  annoncer  :  J'ois  d'I'é- 
motion,  paroles  de  Rimon  et  Ouvrard,  musique  de  E. 
Ouvrard,  interprété  par...  Ouvrard. 

£a  Diane  des  amours,  par  notre  ami  Uebailleul. 

£a  Chanson  des  Clochetons  commence  a  être  lancée; 
pendant  l'entr'aclc  nous  avons  entendu  fredonner  le 
refrain  par  les  spectateurs  de  plusieurs  tables  voi- 
sines. Bon  succès  pour  Mme  Riquet-Lemonnicr  dans 
le  Café-Concert  et  pour  M.  Ilelt  dim^  ffisloire  de  tous 
en  parler. 

A  la  SCALA,  le  programme  est  a  peu  de  chose  près 
le  même  que  la  semaine  dernière.  Nous  n'avons  que 
deux  nouveautés  à  enregistrer  :  Vas-p  Léon,  scie  dans 
le  genre  de  Tiens,  voilà  Mathieu,  montée  par  Bourges 
et  Vole,  vole,  vole  \  de  M.  Aupto,  notre  sympathique 
confrère  du  Progrès  artistique,  chanté  par  Mlle  Mar- 
gucrita. 

Ali'ued  Beutinot. 


LES  CONCERTS  DU  TROCIDERO 


Le  grand  festival  militaire  de  bOO  exécutants  qui  a 
eu  lieu  dimanche  dernier  à  la  salle  du  Trocadéro,  au 
profit  de  l'Association  des  artistes  musiciens  fondée 
par  le  baron  ïaj'lor  a  obtenu  un  très  grand  succès. 
Le  public  est  venu  afTirmer  par  son  empressement 
le  goût  qu'il  a  toujours  eu  pour  co  genre  d'exécu- 
tion. M.  Sellenick,  dont  la  réputation  do  chef  d'or- 
chestre et  de  compositeur  n'est  plus  à  faire  depuis 
longtemps,  était  le  général  en  chef  de  celte  vail- 
lante armée  qu'il  dirige  d'un  bras  nerveux  auquel 
viennent  se  rallier  les  regards  de  tous  les  autres 
chefs  de  musique  des  régiments  qui  faisaient  partie 
du  grand  orchestre.  Aussi  quelle  netteté  !  quelle 
précision  !  quelle  exécution  !  Cinq  cents  musiciens, 
jouant  comme  un  seul  ;  esclaves  soumis,  obéissant 
à'  vm  signe,  à  un  geste,  à  un  simple  mouvement  du 
bras.  Pas  un  mot  de  prononcé.   Les   instruments 


seuls  ont  le  droit  de  causer  entre  eux,  de  caresser, 
de  gémir  ou  de  crier  pour  exprimer  tour  à  tour  les 
sentiments  humains. 

Quelle  belle  chose  que  cette  discipline  musicale  et 
quelle  belle  chose  que  la  musique  ! 

Nous  croyons  que  ce  serait  un  bel  exemple  à  met- 
tre sous  les  yeux  de  tous  les  insubordonnés  que  ces 
hommes  forts,  intelligents  qui  savent  plier  leur  vo- 
lonté sous  les  exigences  de  la  double  croche,  du  16" 
desoupiret  du  point  infinitésimal  qui  vient  ajoutersa 
valeur  à  une  valeur  acquise;  co  point,  quoiqu'il  ne 
paraisse  pas  plus  gros  que  le  grain  de  sable 
de  la  mer,  qui,  pourtant  accumulé  par  les  siècles  à 
d'autres  grains  do  sable  devient  une  force  et  finit 
par  former  une  montagne,  le  point,  en  musique,  par 
la  seule  loi  de  convention  qui  est  la  base  de  toute 
forme,  sullit  pour  f  are  d'un  Hercule  l'esclave  le  plus 
soumis,  le  soldat  le  mieux  discipliné.  N'avions-nous 
pas  raison  en  commençant  cet  article  de  comparer 
tous  ces  excellents  musiciens  à  une  vaillante  armée. 
Il  faut  dire  aussi  que  chacun  d'eux  est  doublé  d'un 
homme  de  cœur,  ce  qui  facilite  énormément  les  lois 
disciplinaires  imposées  par  les  combinaisons  musi- 
cales; s'il  en  était  autrement,  et  si  leurs  cœurs  ne 
battaient  pas  au  même...  diapason,  il  n'y  aurait  pas 
d'e.xéculion  possible. 

Lorsque,  par  hasard,  les  opinions  sont  divisées 
sur  la  manèire  de  rendre  telle  phrase  ou  de  produire 
tel  efl'ot,  c'est  alors  que  les  arguments  se  font  sentir 
et  ramènent  le  rebelle.  Ce  qui  explique  surabon- 
damment, commr.it  avec  un  simple  point  on  peut 
diriger  et  obtenir  U'i  ensjinhle  remarquable  d'aussi 
grandes  masses  d'exécutants. 

Le  programme  de  dimanche  dernier,  réunissant 
les  noms  aimés  d'Adolphe  Adam,  d'Auber,  de  Ros- 
sini,  Meyerheer,  Massenet,  Camille  Schubert,  Ch.  de 
Courselles  et  de  M.  Sellenick  était  un  attrait  puissant 
pour  le  public. 

En  écoutant  ces  immortels  chefs-d'œuvre,  plus  d'un 
auditeur  à  barbe  blanche  ou  grise  a  pu  voir  .se  dresser 
le  spectre  de  sa  jeunesse  et  évoquer,  là  un  parfum 
éflacé,  ici  ua  souvenir  disparu.  Cette  phrase  lui 
rappelle  son  premier  rendez-vous,  cette  autre  son 
premier  souper.  C'est  que  la  musique  a  le  don  d'évo- 
cation, de  mnémotechnie  ;  elle  inscruste,  elle  grave 
profondément  les  faits,  les  dates,  les  souvenirs  heu- 
reux surtout  dont  elle  est  souvent  la  compagne. 

C'était  là,  croyons-nous,  l'impression  qu'éprouvait 
plus  d'un  vieux  mélomane  en  savourant  cette  musi- 
que de  si  jeunesse,  pleine  do  finesse  et  de  gaité  qui 
peint  si  bien  certains  côtés  du  caractère  français. 
C.  Sténio. 


QUATORZIEME    CONCOURS    MENSUEL. 
Ouvert  dîi  20  septembre  au  20  octobre. 


Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  i^lus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  %'"'  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


158 


LA  CHAJSrSON 


TREIZIÈME    CONCOURS    MENSUEL 
Ouvert  du  20  août  au  20  septembre. 

Premier  prix  :  La  Civilisation,  par  M.  Louis Bogey, 
de  Genève. 

Deuxième  prix  :  Les  Mendez-Vous,  par  M.  Octave 
Lebesgue,  de  Lyon. 

Troisième  prix  :  U/i  Souper  chez  Plntus,  par  Mare 
Thézeloup,  de  Rouen. 

Trente-une  pièces  nous  ont  été  envoyées.  Les 
pièces  couronnées  paraîtront  dans  notre  prochain 
numéro,  et  les  suivants. 

CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Le  14  septembre,  les  Amis  de  la  Gaîté  âé  Mont- 
martre ont  donné  leur  deuxième  Grand  Concert,  au 
Calé  Pichon,  31,  rue  Ramey.  Quoique  très  grande, 
la  saUe  était  complètement  garnie  par  un  public  en- 
thousiaste qui  a  prodigué  des  applaudissements  et 
de  nombreux  rappels  à  tous  les  amateurs  qui  se 
sont  fait  entendre.  Il  est  à  déplorer  que  cette  Société 
ne  possède  pas  de  dames-artistes:  tous  les  chanteurs 
ayant  été  rappelés,  nous  citerons  seulement  leurs 
noms,  pour  mémoire.  Dans  la  romance  :  MM.  Carton, 
Pinguet.  Grenier  et  Fourtier.  Dans  la  partie  comique: 
MM.  Defente,  Perrin,  Pillot,  Fauchet,  Dacret,  Méthé, 
Çlançhot  çt  Beaux.  Une  bonne  note  à  M.  Bordeau, 
fpour  son  récit,  La  lio'be  de  l'Éiifad.  Nous  adressons 
nos  félicitations  à  M.  Charles  Maffcy,  violoniste  ama- 
■  leur  qui  a  exécuté  une  de  ses  compositions,  à  la 
■grande  joie  di  public,  qui  lui  a  fait  une  ovation, 
ia  Société  Joue  des  pièces  depuis  trop  peu  de 
teiàgs  pour  que  nous  appréciions  les  interprètes  des 
Deux  Vieilles  Gardes,  opérette-bouffe  qui  a  terminé 
la  représentation.  Nous  citerons  seulement  M.  Bacot 
qui  a  rendu  a  peu  près  convenablement  le  rôle  de 

M"'"  Vertuchoux.  

Ainsi  que  nous  l'avions  annoncé,  la  Société  Lyri- 
que des  Gais  Momusiens  a  donné  un  grand  concert 
dimanche  dernier,  dans  la  salle  des  Folies-Parisien- 
nes 23,  faubourg  du  Temple.  En  disant  qne  la  soirée 
serait  des  plus  brillantes,  nous  ne  nous  étions  pas 
trompés,  et  nous  pouvons  même  ajouter  qu'elle  a  dé- 
passé  toutes  nos    espérances.   Les   intermèdes   de 
chants  ayant  été  faits  par  des  artistes  d'an  réel  ta- 
lent, tel  que  Mlles  Henriette,  Vallette  ;  Mmes  Trot- 
tin  'Bario  ;  MM.  Métivet,  Monnier,  Jomain,  Leserre, 
Du'four,  des  Ambassadeurs,  etc.,  etc.,  nous  croyons 
inutile  de  dire  qu'ils  ont  parfaitement  réussi.  Un  ser- 
vice à  Blanchard,  vaudeville   en    un  acte,  malgré 
■quelques  petits  tiraillements,  a  été  joué  convenable- 
ment par  Mlles  Vallette,  Henriette  ;  MM.  Mounier. 
André  et  Métivet.  La  Partie   de  Piquet,  interprétée 
par  Mlle  Marie,  MM.  Métivet,  de  Brossard  et  Bou- 
zanquet  a  obtenu  également  beaucoup  de  succès.  Le 
tirage   de  la   tombola  a  terminé  la  représentation. 
J'en  profite  pour  vous,  dire  qu'avec  plusieurs  billets 
je  n'ai  rien  gagné.  Alfred  Beminot. 


Dimanche,  19  septembre,  à  la  Réunion  des  familles, 
46,  rue  de  la  Montagne-St-Genevièvo,  grande  soirée. 
Le  pr(^ident  Mazot,  suivant  son  habitude,  a  reçu  ses 
invités  d'une  façon  toute  cordiale. 

Parmi  les  chanteurs  applaudis,  citons  MM.  Gélestïu 
et  Charles,  dans  les  Gommeux  parisiens  ;  M.  Ducy 
très  amusaut  dans  le  Savetier,  et  qui  a  droit  à  une 
mention  toute  particulière,  pour  sa  manière  intelli- 
gente de  se  grimer. 

Du  côté  des  dames,  Mme  Vurer,  membre  honoraire, 
qui  interprète  gentiment  «Pepito  »,  Mlle  Aline  Marpon 
de  l'Union  Parisienne,  rappelée  dans  Encore  un  baiser, 
et  pour  terminer,  Mlles  Henriette  et  Vautier,  qui  dé- 
taillent très  agréablement  leurs  chansonnettes. 

Notre  camarade  Huet,  bien  connu  des  Sociétés 
lyriques  débute  le  26  au  Concert  Européen.  Nous  lui 
souhaitons  bonne  chance. 

QUÉLIN. 

Mardi  21  septembre  a  eu  lieu  un  banquet  de  bÙO 
couverts  salle  du  Progrès,  boulevard  de  l'hôpital^ 
sous  la  présidence  de  Louis  Blanc  ;  les  présidents  des 
Sociétés  lyriques  du  S'=  arrondissement  avaient  été 
conviés  et  ont  présenté  leurs  hommages  au  célèbre 
historien. 

Après  les  discours  d'usage  la  partie  lyrique  a  pris 
sa  place  —  Ifadame  Adèle  a  crânement  chanté  à 
Belfort  —  chant  de  circonstance,  puisqu'on  inaugu- 
rait le  lion  de  la  place  d'Enfer,  —  puis  M.  Huet,  -a 
superbement  interprété  Chapeau  bas  devant  la  Mar- 
seillaise. —  M.  Coupas  a  chanté  le  Pacte  de  Famine.  — 
Tous  ces  artistes  ont  été  bissés  et  les  bravos  qu'on  ne  .  j 
leur  a  pas  ménagés  étaient  mérités. 

Une  dame  a  cru  devoir,  n'étant  pas  au  programme, 
demander  à  chanter  Le  Petit  Abbé  ;  cette  chanson, 
gracieuse  dans  une  soirée  de  société  lyrique,  était 
mal  choisie  dans  un  banquet  patriotique,  —  aussi  le 
silence  le  plus  glacial  a  seul  accueilli  cette  sortie 
intempestive  —  somme  toute  bonne  soirée  et  bonne 
note  pour  les  trois  premiers  artistes  cités. 

L.  Joyeuse. 


Rue  Saint-Victor,  74,  en  face  la  rue  d'Arras,  di- 
manche 26  septembre  1880,   à  8  heures.  Soirée  ex- 
traordinaire, offerte  par  la  Société  lyrique  et  drama- 
tique l'fAMJo»  P«mJ«BMe,  pour  l'inauguration  de  saj 
nouvelle  Salle,  avec  le  concours  de  M"><>  Adèle,  M"«| 
Aline  et  M'»"  Desfossez,  membres  d'honneur  de  laq 
Société,  M"''  Marie  Fournier,  des  Amis  de  la  RenaiS" 
sance,  lauréats  du  Concours  des  Sociétés  lyriques  dej 
Paris,  MM.  Adrien  Souchet,  Moumoutte,  Karl,  de  la^ 
Société,  M.  Mazot,  président  de  la  Réunion  des  Fa.-^ 
milles,  M.  Letirand,  président  de  la  Lyre  de  la  Gaîté. 
M.  L.  Gouget,  président  de  VEscholière,  M.  Léo  Tos 
tain,  président  de  V Union  Parisienne,  MM.  F.  Beck,J 
Victor,  lauréats  du  Concours,  M.  Duclos,  des  EpicU" 
riens,  MM.  Charles  Goullieux  et  Félix  de  la  Lyr& 
Bienfaisante,  MM.  Quélin,  Jack,  M.-Desfossez,  Ed" 
Vallée,  A.  Desfossez,  Guiche,  Marpon,  Durdan,  etc 
—  Grande  Tombola. 


LA  CHANSON 


159 


Le  2  Oclobregrandesoiréedramaliqae  et  lyrique  au 
Gercle  Musset,  présidé  par  M.  Durrieu,  café  du  Globe, 
8,  boulevard  de  Strasbourg,  a  8  h.  1/2. 


BANQUET  DES  QUATRE  SAISONS 


C'est  mercredi  t%  amxid&U  cIi'Ck  MargLler.y,  qu'a 
cil  lieu  la  27'=  rèiMiton  trimestrielle  <(k's  membres  de 
la  société  d«5  'OwatrcSadsons.  Qomime  toujours, 
assemblée  joyeuse  'Ot  dhoisre  swias  la  jm-sidence  de 
M.  F.  Dcscori5,«ssï«lé  du  président  foiïdsnieur  Alex. 
Roy.  Parmi  tes  ja-oductions  nouvelles,  •cbansons  ou 
poésies,  qui  ont  'été  entendiies,  nous  dévoras  mettre 
en  première  ligwe  L'Automne,  magni'fiq;rae  pièce  de 
vers  do  M.  Emile  Gliévé,  un  ancien  offlcieT'dc  marine, 
qui  sera  dans  très  peu  de  temps  un  poè/lc  célèbre. 
Celte  pièce  de  vers  lue  par  M.  HugOBd'B,le  secrétaire 
de  la  Société,  a  obtenu  tous  les  sulfrages,  et  si 
l'auteur  eût  été  là,  .sans  nul  doute  les  membres  pré- 
sent lui  eussent  fait  la  plus  clialcurcusc  ovation. 
M.  Gédhé,  l'aimahfteiknprovisateiu',  a  été  très-applaudi 
dans  lesBour!ie(yk,'^eCiii  dilaTOCiam  'talcnl  inimitable. 
Une  deuxième  amèiliioa  de  la  cliaiison  :  ■Pardonnez- 
moi  l'exjivession,  sw:  l'air  de  la  iPolM  du  Colonel, 
a  obtenu  un  immense  succès.  — K'Oialbldons  pas  le 
procès-verbal,  rimé  en  pcrt-f^ïiirri  et  clianté  alter- 
nativement par  chaque  sotàétoire,  auteur:  J.  >;icùlle. 
On  a  pris  rendez-vous  pour  le  21  décembre,  réunion 
de  l'hiver,  et  l'engagement  de  ne  produire  que  des 
œuvres  très  châtiées.  —  Nous  verrons  bien!... 

J.  N. 


CHOSES  &  AUTRES 


L'association  Littéraire  et  Musicale,  passage  de 
L'Elyséo-des-Beaux-Arts,  37,  placePiyalle,  ^\oi\ncva, 
dimianch»  26  septembre  une  grande  soirée.  Un  com- 
anencera  à  8  heures. 

Dimanche  213  septembre  à  2'  heures  réunion  des 
présidents  des  sociétées  Lyriqnes  de  Paris,  maison 
Orange,  M,  place  de  la  Képubliquc.  Réunion 
générale  urgente. 


18Î),  rue  do  Belleville,  lundi,  27  septembre.  Soirée 
lyrique  et  dramatique,  donnée  par  le  chansonnier 
Gh.  Percbet,  avec  le  concours  de  la  musique  uumici- 
pale des  Prés-St-Gervais,  etsousle  patronage  des  chan- 
sonniers. Concours  poétique,  chansons,  sujet  libre, 
l'i"  prix  une  Médaille  en  argent,  grand  module,  sur 
laquelle  sera  gravé  le  nom  du  Lauréat  ;  2"^  prix  un 
objet  d'art,  valeur  2b  fr.;  3°  pris  les  chansons  de  Bé- 
rangcr.  Le  jury  sera  composé  de  MM.  Gh.  Perchet, 
Hipp.  Ryon,  Ducret,  Imbert,  Michel  Bordet,  Noël 
Mouret.  Entrée  bO  cent.,  places  réservées  1  ïr. 


,  Le  1°''  novembre  1880,  paraîtra,  à  Paris,  le  premier 
numéro  de  l&  Muse  de  France,  oïgs.Txn  des  poites 
français.  '■ 

Ge'journal  est  destiné  à  mettre  en  lumière  les  œu- 
vres des  jeunes  poètes  de  France  auxquels  il  man- 
que, pour  se  faire  connaître,  les  moyens  de  publi- 
cité nécessaires. 


La  M'use  de  France  sera  comme  le  Panthéon  où 
viendront  se  grouper  tous  les  noms  destinés  à  deve- 
nir plus  tard  la  gloire  de  la  littérature  française. 

Pour  les  conditions  d'abonnement  et  de  collabora- 
tion, écrire  à  M.  Louis  Raymond,  directeur,  lue  de 
la  Comète,  11,  en  ayant  soin  d'ajouter  un  timbre 
pour  la  réponse. 


M.  Jules  DujioxT,  auteiu-éditeui',  anciennement 
179,  rue  Lafayette,  et  120,  boulevai'd  Voltaire,  vient 
de  transférer  son  magasin  de  Musique  et  Librairie, 
138,  boulevard  Richard-Lenoir  (Catalogue  spécial 
pour  les  maisons  d'éducation). 

Dernières  nouveautés  :  Fxjiosez-moi  ça  !  chanson, 
paroles  de  J.Dumont,  musique  de  G.Chaillier,  chan- 
tée parGustaveGhal-lier,àLASCAX.\;  Le  nouveau  Petit 
Manteau  Bleu,  paroles  de  J.  Dumonl,  musique  de 
Louis  Pirou;  laFranr-Maro)inerie,Q.».n\,ï(i\xQ  en  forme 
de  vaudeville,  paroles  dc'ch.  Chauvin,  musique  de 
J.  Dumont.  —  Pom-  paraître  prooliaincment  :  Epitre 
à  une  Amie,  iKwadeau-valse,  paroles  de  J.  Dumont, 
musique 'Cfil&iiaest  Berseville;  lesZi'ni.gmmn-s,  chanson, 
paroles  de  1.  aaiimont,  musigue  ée  iPaul  Bourges 
créée  par  Bourges,  à  ia  Scala.;  JoT)  sur  soik 
fumier,  scène  biblique,  de  J..  ©umont,  musique 
d'Edouard  Pavesi,  jouée  mar  l'aTa^tBiu',  dans  les  So- 
ciétés artistiques.  —  BépÔt  des  Giwlofs  Rémois,  polka 
origualc,  par  Arthur  Louis  ^Editeur,  E.  Mennesson,de 
Reims). 


Vient  de  papuUre  A  noti'C  lilii'rtirîc  nu  noiivcnir 
Cutulogiic  de  livres  anciens  et  modernes,  rares  et 
curieux.  I%ous  enverrons  ce  cntnlogne  franco  A  toute 
personne  qui  nous  en  fera  In  demande  par  lettre 
affranchie. 


A  IV OS   LECTEURS 

Nous  réservons  pour  cet  hiver  des  surprises  à  nos 
lecteurs  :  nous  voulons  que  notre  publication  soit 
sans  rivale  dans  son  ganre.  Nous  préparons  aussi 
pour  nos  abonnés  de  véritables  ^;'mes,  et  cela  très- 
prochainement. 


Iteaucouj»  de  nos  acheteurs  au  numéro  se  plai- 
gnent de  ne  pas  trouver  I..a  CII.IRIISO.^  dans  leur 
fiuarticr  ;  nous  les  prions  instamment  de  la  réclamer 
cheK  tons  les  libraires,  marchands  do  journaux  et 
dans  les  kiosc|Hes.  Souvent  les  marchands  oublient 
de  la  mettre  en  étalage,  ou  les  porteurs  négligent 
d'«n  taire  le  tlépât  ;  nous  recommandons  i\  tous  ceux 
qni  slntérossent  j\  Bj.l  CII.Vi^'SO.^"  de  la  demander 
partout  et  de  nous  signaler  les  endroits  où  l'on  au-- 
rait  omis  de  la  déposer. 

li.4.  C;U.%..^SO.\  doit    se  trouver  partout  des  le  sa- 
uiedi  matin. 


Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Oie,  6,  rue  Martel. 


160 


LA  CHANSON 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


Voir    la   Biographie    dans  le  n°  1.0   de  la 
prcniièt'c  année. 


Voir   la    Biographie  dans   le  n*>  15    de  la 
première  année. 


PRIME  A  NOS  ABONNÉS 

PREMIÈRE    ANNÉE    DE    LA    CHANSON 

Un  beau  volume  iii-4''  broché. 

Au  lieu  de  0  francs  3  francs  pris  dans  nos  bureaux;  par  la  poste,  3  fr.  SO.  —  Envoyer  un  mandat-poste  au       m 
de  A  .  PA  TA  Y  (les  timbres-poste  ne  sont  pas  reçus). 

LA  CHANSON 

est  mise  en  vente  le  samedi,  chez  tous  les  libraires,  marchands  de  journaux  et  de  musique  de  France. 

PRIX    DU    NUMÉRO    :    10    CENTIMES 


On  demande  des  courtiers  d'abonnements  (bonnes  remises). 


3»  ANNEE.  —  N°  8f. 


lO  CENTIMES. 


3  OCTOBRE  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant. 
A.   PATAY 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ^^Sme  auf  "" 


ta  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HU30. 


ECHO  DES  SOCIETES  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,   Littérature,    Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non   insérés    ne   seront   pas  rendus. 


Annonces,  la  ligne. . .     1 
Réclames,        —  2 


Lachanson,commel3baronnett3 
■st  une  arme  française. 

J.  CLARETIE, 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an. 6  fr. 

»  six  mois o  * 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE: 


ijoXeric  des  Chansonnicn  :  Joscpli  Lavergne  (L.-IlK\nv  Lkitomik).  — 
Yiv'lajoie  cl  les  pomm'd  de  terre  (Josrpu  LiVKncxE).  • —  Se  dèJU-r 
des  apparences  (A.  FoirAi:uK).    —   Folie,   |i:irol,-i    cl  musique  de    C. 


Stkn 


—  Cka 


du 


les  Dé. 


U.„„st). 


■ilisniion  ,Xoiiis  Booei).  —  Chronique  des  Concerts  ,  Alvciud  Bim- 
.t).  —  Itèuniiin  des  présidents  des  Sociétés  Lyriques  (  ALFnBn 
TiNor.  l.r.  JovBrv,  C.  STÉxm.  M.  IiiLiSDB).  —  Aux  Aaleurs  et 
l'jOiileurs  de  musique.  —  Choses  et   .iulres. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  JOSEPH  LAVERGNE 


Joseph  Lavergne  est 
xm  parisien  pur-sang. 
II  est  né,  le  22  janvier 
1820,  en  plein  faubourg 
Saint-Antoine.  Il  fré- 
«^uenta  d'abord  l'école 
communale;ses  parents, 
peu  fortunés,  l'en  reti- 
rèrent bientùt  pour  lui 
l'aire  apprendre  un  mé- 
lier.  Il  avait  alors  onze 
ans  et  savait  à  peine 
lire  el  écrire,  mais  il  prit 
son  parti  avec  philoso- 
phie et  s'écria  en  fran- 
chissant la  porte  de  l'a- 
telier :  «  Bah!  je  trou- 
verai toujours  l'occa- 
sion d&  m'édiiqtier!  » 

Bien  que  l'enfant  fût 
assez  grêle,  on  lui  mit 
en  main  la  gouge  et  le 
ciseau  du  tourneur  en 
bois.  Parmi  les  ouvriers 
se  trouvaient  quelques 
vieux  goguettiers,  qm 
chantaient  en  chœur  les 
refrains  aimés  de  Pa- 
Jiard,  de  Gouffé,  de  Dau- 
phin et  d'Emile  De- 
braux.  Nourri  de  leurs 
couplets  militants  ou 
grivois,  le  jeune  Lavergne  accomplissait  en  chan- 
tant les  courses  que  comportait  son  rôle  d'apprenti. 
Il  restait  des  heures  entières  sur  la  place  du  Temple 


à  écouler  l'orgue  de  Bar- 
barie, tourné  par  le  cé- 
lèbre Baumester,  chan- 
teur nomade  —  de  père 
en  fils — depuis  1812.  Ce 
Baumester  qui  achetait 
aux  auteurs,  moyen- 
nant cinquante  centi- 
mes par  couplet,  des 
chansons  qu'il  signait 
sans  vergogne,  mon- 
trait avec  aplomb  aux 
badauds  qui  l'entou- 
raient ime  pancarte  où 
rayonnait  cette  signi- 
ficative épigraphe  : 

En  dépit  des  jaloux,  des  sols  et 

[des  TiH-chanls, 

Le  peuple    avec   plaisir    écoute 

[encor  mes  chants. 

Grâce  à  quelques 
économies  faites  sur  ses 
déjeuners ,  l'apprenti 
tourneur  avait  conquis 
les  bonnes  grâces  du 
ménestrel  en  lui  ache- 
tant la  plupart  des  ca- 
hiers de  sa  collection. 
Muni  de  ces  trésors,  il 
rentrait  en  s'écriant  avec 
ivresse  :  «  Je  vais  ap- 
prendre à  lire  et  à  chan- 
ter pour  deux  sous  !  » 
El  cette  volonté  de  savoir   était  si  bien  arrêtée, 

qu'on   le  surprenait  souvent  copiant  le  répertoire 

chantant  de  Baumester. 


162 


LA  CHANSON 


—  Puisque  tu  les  aimes  tant,  iàis-en  donc,  des 
chansons,  disaient  les  loustics  de  l'atelier. 

— ■  Ail  !  YOus  riez  ?  répondait  le  bonhomme,  et  Lien, 
qui  sait?  j'en  ferai  peut-èlre  un  jour,  et  peut-être 
hien  aussi  que  vous  les  chanterez. 

A  cette  époque,  les  Sociétés  lyriques,  dites  (jo- 
giiettes,  tlorissaient  à  Paris.  Lavergnc  se  mit  à  les 
fréquenter  assidûment.  Stimulé  par  les  applaiidisse- 
ments  qui  accueillaient  les  chansons  de  Charles 
Gille,  Festeau,  Voitelain,  Basière,  Gustave  Leroy  et 
Dalès  aine,  il  commença  à  rimer  quelques  couplets 
informes.  Les  premiers  qui  furent  imprimés  sous 
son  nom,  parurent  dans  un  recueil  collectif,  inti- 
tulé :  Les  Enfants  du  Vaudeville,  et  auquel  colla- 
boraient Sailer,  Rabineau,  Imbert,  Ponsard,  Gol- 
mance,  Eugène  Simon,  Supernant  et  Alexandre 
Guérin.  On  y  trouve ,  entre  autres  chansons  de  La- 
vorgne,  YExemple  de  nos  devanciers,  dont  nous  cite- 
rons ce  couplet  : 

Maître  Adam,  ce  roi  des  bons  drilles, 
Chantait,  travaillait  tour  à  tour. 
Quand  un  jour,  grâce  à  ses  Chevilles, 
On  le  fit  mander  à  la  Cour, 
Mais,  refusant  tout  apanage. 
Au  Louvre  il  préféra  Nevers ; 
A  cet  homme  rendons  hommage 
Car  il  ne  vendit  pas  ses  vers. 
Pour  bien  faire 
Et  pour  savoir  plaire. 
Suivons  tous,  jeunes  chansonniers. 
L'exemple  de  nos  devanciers. 

Le  bagage  poétique  de  Lavergne  se  grossit  rapide- 
ment. En  1B36,  il  en  composait  un  premier  volume 
■sous  ce  titre  :  La,  Muse  Plébéienne.  Il  reçut,  au  sujet 
de  cette  publication,  nombre  d'appréciations  flat- 
teuses, parmi  lesquelles  une  lettre  de  Bér-an^r  se 
terminant  par  cette  phrase  tout  aimable  : 

Courage,  Monsieur,  chantez  et  pensez  quelquefois  à 
ceux  qui  sont  trop  vieux  pour  chanter  encore. 

Lavergne  a  publié,  depuis,  quatre  autres  volumes 
de  «  La  Muse  Pléhéuenne.  »  En  1872,  il  rasse8iatolla,sous 
le  titre  moins  prétentieux  de  Mes  fiîlet,  ses  clhaB- 
sons  anciennes  et  nouvelles,  qui  composcmit  tm.  he\ 
in-12  de  quatre  cents  pages. 

Les  plus  remarquables  sont  évidemmenit  ioelîies*«i 
..Lavergne  traite  des  sujets  vulgaires  ou  ;giriT(»i-s. 
Allons-y  //aiment.  Tant  va  la  cruche  à  l'eau,  Contm- 
tons-nous  d'un  à  peu  près.  Encore  un  pavillon,  iSms 
qu'est  mon  fusil?  Je  n' suis  pas  exigeant,  Reste  gareom,. 
Poires  cuites  au  four,  Je  m' fais  vieux,  et  quantité  de 
ses  chansons-proverbes,  pétillent  de  verve,  de  bon 
sens  et  de  gaité  franche.  On  rencontre  bien,  dans 
son  recueil,  quelques  œuvres  d'un  ordre  plus  élevé, 
comme  les  Fous,  l' Enterrement  de  Béranger,  le  Retour 
des  fleurs,  mais,  à  dire  vrai,  l'auteur  manque  de  ly. 
risme.;  il  le  reconnaît  lui-même  en  se  tenant  d'ha- 
bitude à  la  chanson  populaire,  patoisée,  voir  même 
argotique. 

Lavergne  a,  dans  ce  dernier  genre,  commis,  en 
cent  quatre  couplets,  une  parodie  des  Misérables.  Il 


eu  adressa  jadis  un  exemplaire  à  Viclor  Hugo,  avec 
cette  lettre  éiaïue  : 

Maître. 

Je  prends  1.»  liberté  die  vous  adresser  un  exemplaire 
de  ma  parodie  sur  les  Misérables.  Votre  génie  me  par- 
donnera sans  doute  cette  petite  espièglerie,  en  pensant 
qu'il  y  a  des  petits  oiseaux  qui  piétinnent  au  sommet 
des  cathédrales,  sans  avoir  l'intention  d'offenser  Dieu... 

Le  grand  poète  répondit  : 

Je  reçois,  Monsieur,  votre  spirituel  et  charmant 
envoi. 

La  masure,  toute  sombre  qu'elle  est,  n'a  aucune  colère 
contre  le  gentil  gazouillement  du  moineau  franc. 

Je  vous  applaudis  et  vous  remercie. 

Victor  Hugo. 

On  trouve,  dans  les  œuvres  de  Joseph  Lavergne, 
beaucoup  de  chansons  intimes  ou  d'à-propos  ;  c'est 
que  le  démon  du  théâtre  s'était  emparé  du  couple- 
tier,  lui  rendant  presque  impossible  la  fréquenta- 
tion des  Sociétés  Ij^riques,  oii  des  sujets  plus  géné- 
raux eussent  provoqué  sa  muse. 

Après  avoir  fait  partie  de  diverses  troupes  noma- 
des, Lavergne  était  venu  frapper  à  la  porte  de  l'Am- 
bigu-Gomique;  il  y  resta  vingt-cinq  ans,  jouant,  avec 
autant  de  tact  que  de  zèle,  nombre  de  rôles  insigni- 
fiants par  eux-mêmes,  mais  importa-ats  au  point  de 
vue  de  l'ensemble.  De  plus,  Lavergne  célébrait  en 
vers  tous  les  centenaires  de  pièces  à  succès.  Les  au- 
teurs dramatiques  l'appréciaient  à  sa  juste  valeui-, 
témoin  cette  dédicace  écrite  par  Paul  Meurioe,  sur 
un  exemplaire  du  jMaître  d'école  : 

A  mon  confrère  M.  Lavergne,  à  qui  j'ai  rendu  un  très 
■mauvais  rôîe  pour  ses  excellents  vers. 

Et  cette  autre,  d'un  vrai  poèl<e  dont  nous  évoqu«- 
roBS  bientôt  le  souvenir  sympathique  '. 

A  Laisrergne,  acteur  des  jjlus  utiles  pour  les  direc- 
teurs et  les  auteurs,  et  mon  joyeux  collègue  en  chan- 
sons. 

Remerciements. 

EdOiUARD  Pijouvieb. 

De  jMPdls  témoignages  consolent  un  homme  du 
eaeuirde  me  pas  cueillir  ime  branche  fleurie  à  l'arbre 
•du  suMseès. 

ApiPès  la  guerre,  Lavergne  s'est  retiré  à  Malakof- 
Vïinv^s,  «à  la  nostalgie  des  planches  lui  a  fait 
«soiiistffuiKe  une  petite  salle,  baptisée  Théâtre  dis  In- 
<««»<?^.Iiâi,  jouant  presque  toujours  pour  de  bonnes 
œavres,  il  se  dédommage  des  nombreuses  panes 
doaiton  le  gratifia  jadis  em  se  distribuant  des  pre- 
miers rôles. 

Disons  en  terminant  que,  depuis  trois  ans,  La- 
vergne est  conseiller  munioiiial  de  sa  commune;  il 
est,  de  plus,  membre  de  la  commission  locale  du 
travail  des  enfants  pour  le  canton  de  Villejuif,  — 
fonctions  essentiellement  gratuites. 

On  voit  que  n«tre  cha  isonnier  termine  diïne- 
i  ment  sa  carrière. 

'L.-HENRT  LeGOMTH. 


LA  CHANSON 


163 


VIT  LÀ  JOIE  ET  LES  POM'S  DE  TERRE 


Air  :  Car  l'eau  cowle  pour  tout  la  monde 

Moi,  philosophe  chansonnier, 
Bien  loin  d'avoir  l'humeur  morose, 
Bans  mon  humble  et  triste  grenier 
J'entrevois  tout  couleur  de  rose; 
De  Momus  joyeux  nourrisson, 
Afin  d'oublier  la  misère, 
Dès  le  matin  comme  un  pinson, 
J'entonne  une  folle  chanson  : 
Viv'  la  joie  et  les  pomm's  de  terre  ! 

Loin  d'envier  le  sort  des  grands, 
Je  vis  heureux  à  ma  manière, 
Entouré  de  nombreux  enfants 
Et  d'une  aimable  ménagère  ; 
Car,  loin  d'engendrer  les  soucis, 
Les  six  marmots  dont  je  suis  père 
Transforment  mon  paavTe  taudis 
En  un  bienheureux  paradis. 
Viv'  la  joie  et  les  pomm's  de  terre! 

Vra.  ne  peut  faire  de  repas 
Que  ce  que  contient  notre  ventre, 
<Jar  les  écus  ne  donnent  pas 
Une  bedaine  comme  un  antre  ; 
Donc  on  se  porte  beaucoup  mieux 
En  mangeant  le  strict  nécessaire, 
Que  d'engloutir  à  prix  coûteux. 
Poulardes,  truffes  et  vins  vieux. 
Viv'  la  joie  et  les  pomm's  de  terre  ! 

Je  n'ai  pas  consulté  souvent 
Le  thermomètre  de  ma  bourse, 
Pour  faire  un  adroit  placement 
Sur  les  fonds  cotés  à  la  Bourse; 
(Jue  de  gros  intérêts  promis 
Par  Mirés,  Rothschild  ou  Pôroiro 
Soient  un  leurre  pour  les  admis. 
Je  ne  suis  jamais  compromis. 
Viv'  lajoie  et  les  pommes  de  terre! 

Que  de  gens  font  de  leur  vivant, 

A  grand  frais  de  marbre  ou  de  pierre. 

Elever  un  beau  monument 

Pour  s'étendre  à  l'heure  dernière  ; 

Peu  m'importe  de  savoir  où 

Le  sort  voudra  que  l'on  m'enterre  ; 

Je  suis  certain  que  sans  un  sou 

Comme  un  autre  j'aurai  mon  trou. 

Viv'  lajoie  et  les  pomm's  de  terre! 

Joseph  L.4.vergne, 


QUATORZIEME    CONCOURS    MENSUEL. 
Ouvert  du  20  septembre  au  20  octobre. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  1"'  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


SE  DEFIER  DES  APPARENCES 


Air  de  V Apothicaire. 
La  fable  des  bâtons  flottants 
De  notre  excellent  La  Fontaine 
Peut  s'appliquer  à  tous  instants, 
Et  ce  n'est  point  une  rengaine. 
Entre  la  rime  et  la  raison 
Il  existe  des  dissemblances  ; 
Je  prends  pour  sujet  de  chanson  : 
«  Défions-nous  des  apparences  !  » 

Le  Parnasse  contemporain 
En  rimes  riches  surabonde  ; 
Mais  vous  y  chercheriez  en  vain 
Ce  qui  peut  charmer  tout  le  monde. 
De  la  clarté,  de  la  gaité, 
(Jn  peut  constater  les  absences; 
Je  vous  le  dis,  en  vérité  : 
Délions-nous  des  apparences  ! 

Le  soleil  jiaraissait  tourner 
Autrefois  autour  de  la  terre; 
Galilée  a  su  deviner 
Que  c'était  juste  le  contraire. 
Rien  n'est  absolu  dans  les  arls. 
Dans  les  lettres,  dans  les  sciences; 
Enfants,  adultes  et  vieillards, 
DéQons-uous  des  apparences! 

Que  de  femmes  sur  le  retour 
Jamais  ne  renoncent  à  plaii'e  ! 
Pour  elles,  de  tout  temps,  l'amour 
De  la  vie  est  la  grande  affaire. 
D"ua  corsage  rond  et  bien  fait 
On  admire  les  opulences  ; 
Mais  au  coucher  tout  disparaît  : 
Délions-nous  des  apparences! 

Taillé  comme  un  tambour  major, 
La  moustache  en  croc,  l'air  sévère, 
(Jn  dirait  que  ce  matador 
A  fait  trembler  toute  la  terre. 
Une  frêle  femme  a  raison 
Des  ses  slupides  arrogances; 
Seule  elle  règne  à  la  maison  : 
Défions-nous  des  apparences! 

J'ai  si  bien  chanté  ma  chanson,    . 
Ce  qui  n'étonnera  personne. 
Que  vous  allez  à  l'unisson 
Me  décerner  une  couronne. 
Pourtant,  je  dois  vous  avertir 
Que  vaines  sont  vos  espérances  ; 
Ne  vous  hâtez  pas  d'applaudir  : 
Défiez-vous  des  apparences  ! 

A.  FOUACHE, 
Membre  du  Caveau* 


'%^îcnt  (Se  parnHre  ït  notro  lï&rairîo  un  nouveau 
CataBogHo  <2o  iivi'C.s  anocicns  et  luoderacs,  rares  et. 
curieux,  i^'ous  eElveE'ron.s  ce  catalogue  franco  à  tonte 
personne  qui  nous  en  fera  la  demande  pan-  lettre» 
affranchie. 


164 


LA  CHANSON 


F-OLIE! 


Paroles  et  musique  de  C.  Sténio. 


oel.le      là     -     ba 


0  doux  regard,  ô  doux  sourire, 
O  chères  larmes  de  ses  yeux, 
Eu  vous  perdant  dans  mon  dtlire 
J'amuse  l'enfer  et  les  deux. 

Pour  te  q;uitter  sans  l'espérance 
De  te  revoir  un  jour  prochain 
Rends  moins  anière  ma  souflïanco 
Viens  sur  mon  cœur  poser  ta  main. 

Quand  la  douleur  et  la  folie 
Auront  détruit  tout  souvenir 
Alors,  alors,  si  tu  m'oublie. 
De  mes  regrets  je  veux  mourir 


CHANSON  DU  JOUR 

LES  DÉMISSIONS 

chantée  par  l'AUTEUll,  dans  les  sociétés  ai-lisli.]UL-s. 

Air:  Ne  le  dites  pas  (J.  P.  Christmann  *) 

Démission,  chose  commode, 
■Qui  nous  arrive  train-express  ; 
Moyen  que  ïhiers  mit  à  la  mode, 
Nouvelle  arme  de  Damoclès. 


Veut-on  d'un  homme  de  mérite 
Contrecarrer  l'amhition  ? 
Impossible  :  Obéissez  vite  )  , . 
Ou  gare  à  la  démission  !     ) 

Un  ouvrier  a,  plein  de  flamme, 

Epousé  sa  chère  Sili: 

«  Tu  le  promets,  petite  femme, 

«  Il  me  faut  un  bébé  joli.  » 

Mais  par  deux  et  trois,  chaque  année, 

Il  voit  sa  reproduction: 

«  Ah  !  »  dit-il  :  «  quelle  destinée 

«  Je  donne  nia  démission!  » 


Ms 


Un  ancien  beau,  vainqueur  ès-charmes. 

Voulait  faire  encore  le  gommeux  : 

«  Non,  moi,  jamais  poser  mes  armes.,  » 

Bégayait  le  pauvre  quinteux. 

Une  Lais  impitoyable 

Se  chargea  du  triste  lion 

El  bientôt  il  portait  au  diable  ) 

Sa  tardive  démission  ! 


Ms 


Marié,  dame  !  il  faut,  de  force, 
Tout  supporter  de  sa  moitié  ; 
Pourtant  d'ici  peu  le  divorce 
Des  conjoints  va  prendre  pitié. 
L'épouse  d'un  mari  volage 
Dira;  Mon  vieux,  attention... 
Mais  l'époax,  las  de  son  servage,  )  , . 
Donnera  sa  démission!  ) 

C'est  drôle,  amis,  la  politique  ! 
Hier,  vous  n'aviez  rien  de  rien. 
Tout  à  coup  la  faveur  publique 
Vous  fait  homme  d'Etat,  c'est  bien  ! 
A  ton  service,  bonne  mère. 
S'arrondit  la  position 
Qui  permet,  un  jour  de  colère,  )  , . 
De  donner  sa  démission  !  ) 

Jules  Dumont. 


TREIZIÈME  CON  COURS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON 

LA  CIVILISATION 

HiCKre    «riin     sauvage    A    un    Européen. 


■*)  Se   trou 
Leiioir.   138. 


it,    auteur-étUleur,   bouic 


Am:  Marchande  de  marée. 

Lorsque  sur  nos  rivages 
Vos  vaisseaux  sont  venus. 
Nous  étions  des  sauvages 
Aux  costumes  tout...  nus. 


LA  CHANSON 


165 


Mais  aujourd'hui  de  toile 
Nous  sommes  étoiles, 
El  de  tuyaux  de  poêle 
Vous  nous  voyez  coiffés, 

Vieille  Europe, 

Philanthrope 
Pour  d'excellentes  raisons. 

Notre  race 

Suit  ta  trace 
Et  nous  nous  civilisons. 


Nous  buvions  de  l'eau  claire 
Puisée  à  plein  baquet; 
A  présent,  pour  vous  plaire, 
Nous  lampons  du  whiskey, 
Partageant  vos  principes," 
Nous  goûtons  vos  poisons, 
Nous  culottons  des  pipes 
Nous  chiquons,  nous  prisons. 

Vieille  Europe,  etc. 

Autrefois,  sans  querelles 
Nos  ramilles  vivaient. 
En  partageant  entre  elles 
Le  l'eu  qu'elles  avaient 
Quels  progrès  sont  les  nôtres  ! 
Admirez  nos  succès  : 
Maintenant  comme  d'autres, 
Nous  avons  nos  procès. 

Vieille  Europe,  etc. 


Notre  peuple,  naguère. 

Etait  par  trop  grossier, 

Car  ses  armes  de  guerre 

N'étaient  pas  en  acier. 

La  poudre  enfin  commence 

Notre  ère  de  progrès  ; 

Quel  changement  inunense  !... 

On  se  bat  de  moins  près. 

Vieille  Europe,  etc 

Longlcmps  i)o\u' nous,  stupides. 
Le  Ter  lui  uu  trésor; 
Mais  nus  progrès  rapides 
Nous  l'ont  préférer  l'or. 
Pour  ce  bien  magnifique 
Notre  tribu  se  vend  ; 

De  tout  elle  trafique 

Tout  comme  vous  souvent. 

Vieille  Europe,  etc. 


Jadis,  notre  peuplade, 
Ignare  au  plus  liaut  point, 
Ayant  l'esprit  malade. 
De  Dieu  ne  doutait  point. 
Mais  la  nature  entière 
Maintenant,  Dieu  merci  1 

N'est  pour  nous  que  matière 

Nous  marchons,  nous  aussi  ! 

Vieille  Europe, 
Philanthrope 
Pour  d'excellentes  raisons, 
Notre  race. 
Suit  ta  trace 
Et  nous  nous  civilisons. 

Louis  Bogey, 
de  Genève. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


xrx"  Siècle.  —  Samedi  dernier,  Debailleul  a  créé 
avec  beaucoup  de  succès,  les  Petites  mains  de  ma  mie, 
paroles  de  M.  Jules  Jouy,  musique  de  M.  Paul  Hen- 
rion.  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  que  cette  char- 
mante chansonnette  est  en  vente,  paroles  et  musique, 
aux  bureaux  de  la  Chaiisqn;  elle  se  trouve  également 
chez  tous  les  libraires  marchands  de  musique  et 
éditeurs.  Ouvrard  a  obtenu  un  immense  succès  dans 
Ladent  de  sagesse,  et  Vitriol.  MmeRiquet-Lemonnier 
s'est  fait  rappeler  plusieurs  fois  dans  V Amoureux  de 
poulette  et  dans  la  Chanson  du  Colonel,  de  la  Femme 
à  papa. 

Chez  une  petite  dame,  la  comédie  qui  termine  la 
représentation,  a  été  enlevée  dans  la  perfection  par 
M.  Battaille,  Mmes  Gabrielle  Delassau  et  Berthe 
d'Astand. 

*** 

Alcazar  d'Hiver.  —  Le  succès  de  la  Grève  des 
femmes,  l'originale  opérette  où  M.  Reyar  est  si  amu- 
sant, est  encore  loin  d'être  terminé.  Malgré  cela,  l'in- 
telligent directeur,  M.  Morainville,  qui  trouve 
qu'abondance  de  pièces  ne  nuit  jamais  vient  do 
faire  mettre  en  répétition  une  nouvelle  opérette  de 
M.  FirmiQ  Bernicat,  titre  :  Marmitons  et  Poissarde. 
Nous  sommes  presque  certains  que  celte  pièce,  dont 
on  dit  beaucoup  de  bien,  tiendra  l'affiche  jusqu'à  la 
revue  de  fin  d'année,  qui  a  été  commandée  àM.  A.  Lo- 
monnier.  Mlle  Jcniny  Mille,  la  célèbre  danseuse  an- 
glaise est  toujours  l'idole  du  public,  qui  lui  fait 
chaque  soir  une  grande  ovation.  Mmes  Zélie  Veill, 
Elise  Faure,  MM.  Libcrt,  Arnaud  et  Reyard,  ob- 
tiennent aussi  un  grand  succès. 

*** 

Folies-Saint-Martin.  —  Les  célèbres  véloeipé- 
disles  aériens  dont  nous  avons  parlé  dernièrement 
exécutent  les  tours  les  plus  surprenants  sur  une 
corde  tendue  d'un  bout  à  l'autre  de  la  salle,  à  la 
grande  joie  des  spectateurs,  qui  leur  prodiguent  de 
nombreux  applaudissements.  La  charmante  com- 
tesse X....,  qui  chante  masquée  est  très  sympathique 
au  public,  qui  la  rappelle  plusieurs  fois  dans  le  cou- 
rant de  la  soirée.  Pissarello  qui  est  fêté  comme  par 
le  passé,  ajoute  chaque  soir  de  nouvelles  acrobaties 
à  ses  grandes  scènes  comiques.  MM.  Bienfait,  Kelm, 
Denneville,  Dharville  ;  Mmes  'Worton,  Rivoire, Djelma, 
Hémar  et  Désirées  sont  aussi  dans  les  bonnes  grâces 
des  spectateurs. 

M.  Alberti,  du  Théâtre  de  la  Monnaie,  de  Bruxelles, 
est  im  artiste  de  mérite  qui,  chaque  semaine  se  fait 
apprécier  dans  de  nouveaux  rôles. 

*** 
Grand  Concert  Parisien.  —  Le  petit  Norbert,  qui 
a  fait  sa  rentrée  il  y  a  une  quinzaine  obtient  un  im- 
mense succès  dans  les  bonnes  chansonnettes  qu'il  a 
créées  l'hiver  dernier  à  l'Alcazar,  et  cet  été,  aux 
Ambassadeurs. 


166 


LA  CHANSON 


L'éloge  de  M.  Pacra  n'est  plus  à  faire;  depuis  .long- 
temps, le  S'iicscès  le  compte  au  nombre  de  ses  favoris  ; 
aussi  dès  son  entrée  en  scène,  il  est  acclamé  par 
toute  la  salle.  MM.  Brunin,  Teste,  Réval  et  Mey  con- 
tinuent à  se  faire  applaudir  à  outrance,  sans  oublier 
Mmes  Demay,  Dubrée,  Petit,  Fabre  et  Satler,  qui 
partagent  les  faveurs  du  public,  avec  les  artistes 
nommés  plus  haut. 

Les  vaudevilles  qui  sont  toujours  bien  choisis  font 
grand  plaisir. 

*** 

SCAi.i.  —  Mil.  Aristide  Bruant  et  Breton,  qui  fai- 
saient leurs  28  jours,  sont  rentrés  le  premier  octobre. 
Avec  MM.  Chaillier,  Derame,  Bourges,  Picbat,  Brunel, 
Paul  Bert,  Bérod;  Mmes  Graindor,  Palry,  Marguerita, 
Aimée,  Liovent  Heiizé,  Blockette  et  Domergue,  la 
troupe  sera  au  grand  complet. 

Plusieurs  auditions  ont  été  données  cette  semaine 
par  de  nouveaux  artistes. 

Dès  que  nous  en  saurons  le  résultat,  nous  le  ferons 
connaître. 

On  répète  en  ce  raoraent  Mandarinette,  opérette  en 
un  acte,  de  M.  Pétrus  Karl,  un  de  nos  confrères  de 
la  presse  parisienne. 

Alfred  Bertixot. 


Tous  les  soirs  au  concert  de  la  Pépinière,  d,  rue  de 
la  Pépinière,  près  la  gare  Si-Lazare  :  comédies,  vau- 
devilles, opérettes;  scènes  comiques,  intermèdes  et 
chansonnettes.  La  salle  est  des  plus  coquettes, 
MM.  Dutilly  et  Royer,  les  nouveaux  directeurs,  ont 
bien  fait  les  choses;  non  seulement  leur  installation 
'CSt  irréprochable,  mais  la  troupe  est  des  mieux  com- 
posées. Emile  Duralour  en  est  le  régisseur  et  F.  Bar- 
bier le  chef  d'orchestre  (c'est  tout  dire).  Débuts  de 
M.  Caudieux,  de  Mlle  Alphonsine  et  Juliette,  chan- 
teuses comiques,  et  du  petit  prodige  Eugène  Langé, 
qui  chaque  soir  exôeulera  des  airs  variés  sur  la 
trompe  de  cbasse. 


Au  moment  de  mettre  sous  presse,  MM.  Nicolle 
et  C°,  directeurs  du  concert  des  Folies-Saint-Martiïi, 
nous  informent  que,  pour  le  mardi  12  octobre,  ils 
organisent  une  représentation  'extraordinaire,  au 
profit  des  familleo  des  malheureuse  3  victimes  de  la 
•catastrophe  du  Boulevard  Rochechouart. 

Avec  l'autorisation  de  Mme  Roisin,  directrice  de  la 
SCALA,  M.  Bourges  viendra  chanter  deux  chanson- 
nettes de  son  répertoire. 

Le  concours  de  Mlle  Rousseil,  de  MM.  Taillade, 
Noaillos,  de  l'Odéon,  Menstein,  du  Vaudeville, 
Michot,  Pacra  et  Joseph  Kelm  est  presque  assuré. 

•  Nous  félieilons  sincèrement  MM.  Nicolle  et  G°  de 
leur  généreuse  initiative. 

A.  B. 


RÉUN!0?5  DES  PRÉS10EΫTS  DES  SOCIÉTÉS 
*  LYRIQUES  DE  PARIS 


La  réunion  a  eu  lieu  comme  nous  l'avions  an- 
noncé salle  Orange,  11,  place  de  la  République,  à 
2  heures  ;  plus  de  40  sociétés  étaient  représentées  par 


leurs  présidents  ou  leurs  vice-présidents.  Voici  la 
liste  des  sociétés  présentes  : 

Las  Amis  de  laija'ité.,  les  Amis  inséparables,  les  Amis 
du  travail,  l'Alliance  de  BelleviUe,  les  Bébés,  le  Cercle 
ariistique  du  J/.r«  arrondissement,  le  Cercle  Musset, 
le  Cercle  des  volontaires,  la  Clémence  Isaure,  la  Cour 
des  miracles,  les  Enfants  de  la'Belgiqne,  le  Franc-Rire, 
les  Enfants  de  la  gaîté  (de  Montmartre),  les  Enfants 
de  la  lyre,  les  Enfants  du  nord,  les  Enfants  de  la  Seine, 
les  Épicuriens,  l'Escholière,  la  Française,  les  Gais 
Momusieas,  la  Qaîté  hellevilloise,  la  Oa1té  parisienne, 
lesJoyeux  du  pont  de  Flandre,  la  Lyre  amicale,  la  Lyre 
de  lagaité,  la  Lyre  des  travailleurs,  le  Lac  St-Fargean, 
la  Muse  des  Arts  et  Métiers,  la  Xationale,  la  Pensée, 
le  Pinson,  l'Union  française,  l'Union  parisienne,  la 
Lyre  bellevilloise,  la  Lyre  joyeuse,  la  Lyre  méridionale, 
la  Cordiale,  les  Chevaliers  de  lagaité,  les  Amis  réunis. 
En  y  joignant  r^lï^îàir  <?M  XVII'  arrond'issernent,  le 
Cercle  universel,  l'Echo  des  concerts,  la  Fauvette,  qui 
étaient  présents  à  la  réunion  précédente,  ou  aura  le 
nombre  des  sociétés  qui  ont  répondu  à  l'appel  du 
premier  comité,  pour  savoir  si  les  sociétés  lyriques 
de  Paris  voulaient  continuer  les  concours.  Sur  l'ap- 
probation des  sociétés  présentes  il  a  été  procédé,  par 
bulletin  de  vote,  à  la  formation  d'un  nouveau  comité, 
nommé  pour  un  an.  Ont  été  élus  :  MM.  Durieu,  du 
Cercle  Musset,  Massé,  des  Ejiictiriens,  Gantarel,  des 
Enfants  de  la  Se'ine,  Dupont,  de  la  Lyre  ariûcale, 
Lestivant,  de  la  Muse  gauloise,  Lbboux,  des  Oais 
Momusiéns,  Herrmann,  du  Cercle  artistiqice  du 
XIX°  arrondissement,  Gouget,  de  l'Escholière,  Gan- 
DiONE,  de  la  Lyre  des  travailleurs,  Jequin,  des  Enfants 
du  Franc-Rire,  Renoult,  des  A-mis  inséparables, 
Francfort,  des  Enfants  de  la  gaîté,  Léo  Tostain, 
de  r  Union  jjarisienne,  Philippe,  de  la  Pensée,  Aobert, 
du  Papillon,  Rutter,  de  l'Union  française,  MM.  Dbla- 
PORTE,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  Orange, 
propriétaire  de  la  salle  des  Folies-Parisiennes,  et 
A.  Patay,  directeur  du  journal  la  Ghanson.  Tous  trois 
aj'ant  fait  partie  du  comité  initiateur,  ont  été  acclamés 
membre  de  ce  nouveau  comité,  qui  se  trouve  com- 
posé de  dix-neuf  membres. 

Sur  la  proposition  de  M.  A.  Patay,  directeur  de  la 
Chanson,  ilaétéaécidéqu'un  premier  banquet,  eo;n- 
posédeprésidcntselde  vices-présidents  des  Sociétés 
lyriques,aurait  lieu  très  prochaineurent. Nous  croyons 
pouvoir  dès  aujourd'hui  fixer  la  date  au  dimanche  17 
octobre,  à  une  heure  très  précise.  On  peut  dès  à  pré- 
sent envoyer  sonadhésion  chez  M.  Orange,  11,  place 
de  la  Républic|;ue  et  au  bureau  du  journal  la  Chan- 
son, 18,  rue  Bonaparte.  Une  lettre  d'invitation  sera 
envoyée  à  MM.  les  présidents,  avec  prière  de  la  com- 
communiquerà  leurs  vices-présidents.  (Nous  prions 

MM.  LES  PRÉSIDENTS  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES  DE  CON- 
SIDÉRER    COMME      PERSONNEL    CET     APPEL    A      TOUS). 

Nous  voudrions  voir  assister  a  nos  banquets  tous  les 
présidents  et  vices-présidents  ayant  adhéré  ou  non 
à  l'idée  des  concours,  ce  banquet  qui  pourra  se  re- 
nouveler à  des  époques  déterminées,  hâterait  assu- 
rément la  création  du  Cercle  des  Sociétés  lyriques. 


LA  CHANSON 


167 


Pour  terminer,  M.  Orange  a  fait  connaître  à  l'as- 
semblée qu'il  avait  l'intention  d'offrir  à  toutes  les 
-Sociétés  lyriques  de  Paris  un  grand  bal  dans  sa  salle 
des  Folies  Varisieuues,  2;i,  faubourg  du  Temple. 

Cette  fêle,  nous  en  avons  la  certitude,  sera  su- 
perbe. Allons,  mesdames  et  mesdemoiselles,  apprêtez 
vos  toilettes  de  bal. 


CHRO?J!ÎJUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


L'Association  littéraire  et  musicale  a  donné  sa  sei- 
zième grande  soirée  dimancbe  dernier,  dans  la  salle 
de  son  siège  social,  37,  Passage  do  l'Elysée  des 
Beaux- Arts  .place  Pigalle'.  Avant  d'aller  plus  loin, 
nous  constaterons  que  cette  Société  difl'ère,  sous  tous 
les  rapiiorts,  de  la  majeure  partie  des  réunions 
artistiques  et  des  sr)Ciétês  lyriques.  Les  pièces  qui 
tiennent  la  plus  grande  partie  du  programme  sont 
distribuées  au  connuencemenl  de  l'aimée,  ce  qui 
permet  aux  artistes  de  bien  apprendre  leurs  rôles,  et 
de  faire  les  répétitions  nécessaires  à  la  bonne  exé- 
cution. Il  est  tait  de  même  pour  les  intermèdes  de 
chant.  Aussi,  à  pari  qui'lques  fautes  imperceptibles 
(bien  i)ardouualiles  puiu'  dos  amateurs  ,  nous  pou- 
vons allirmer  ([ue  les  pc^rsounes  qui  se  sont  l'ait  en- 
tendre se  sont  tirées  de  leurs  chansonnettes  el  de 
leurs  rùles,  tout  aussi  liien  que  di's  artistes  exercés. 

M.  Amal)le,  un  fin  diseur,  a  détaillé  avec  un  goût 
exquis  Ma  femme  est  en,  voi/aye.  Chapeau  rose  et  fin 
Mollet  iii  Y'a  rien  d'dans.  M.  Xoir,  uu  bon  baryton,  a 
chanté  dans  la  perfection  Le  plus  heureux  de  la  terre, 
'Jean-Bart,  (U  uu  morceau  de  Si  j'étais  Roi. 

Mlle  Maria  a  obtenu  un  grand  succès  cUms  Parmi 
tant  d'amoureux,  des  Noces  de  Jeannette,  et  dans  la 
Cavttti/ie  du  paffe,  des  Huguenots.  Mlle  Fauré  a 
obtenu  également  beaucoup  de  succès  dans  y-'ai7ei'- 
lui  mes  aveux,  de  Faust,  et  dans  les  Couplets  de 
Qerm.aUie,  des  Cloches  de  Corneville.  Nous  adressons 
toutes  nos  l'élicit^itions  à  Mlle  L..1).,  qui  louche  du 
piano  on  artiste  consummée,  et  à  qui  les  invités  ont 
fait  une  grande  o\-atiou.  M.  (^audieux,  de  la  Pépi- 
nière, a  chanté  la  Cuisiuière  à  Papa,  avec  un  grand 
succès  ;  dans  Victor  t'as  tort  1  l'excellent  artiste  a 
communiqué  son  rire  à  toute  la  salle.  Une  bonne 
note  aussi  à  M.  fJével,  pour  ses  deux  chansonnettes: 
la  Femme  à  l'aj.a  et  Ah  !  Jeannette  !  La  Consii/ne  est 
de  ratifier,  \'aucleville  en  uu  acte,  a  été  parfaitement 
joué  par  Mlle  Valérie,  MM.  Auial)le  et  Lienion.  Il  en 
a  été  de  même  de  la  Dole  fatale,  comédie  en  iui  acte, 
interprétée  par  Mlle  Jeaaiie  D.  et  M.  Collin. 

Pour  teriuiner,  un  mot  sur  la  salle  qui  est  avec 
sa  ga'erie,  s(^s  loges  et  .ses  fauteuils,  un  véritable 
petit  théâtre  miniature. 

.\L1'UED  BeBTINOT. 


Dimanche 26  septembre,  l'Union  /"amie»»*  donnait 
sa  séance  de  réouverture  rue  Saint  Victor,  Ik,  en 
face  la  rue  d'Arras  (coté  gauche  Oe  la  rue  des  Écoles), 
maison  Vodable. 

La  salle  peuspacieu.se  contient  cependant  100  per- 
sonnes aisément,  et  la  disposition  des  chaises  et  des 
tables  otfre  une  commodité  qu'on  ne  trouve  pas 
partout, 

A  boit  heures  et  demie  la  séance  s'ouvrait  par  une 
allocution  du  président,  Léo  Tostain,  dans  laquelle 
il  a  chaudement  remercié  tous  les  membres  de  la 
société  qui  sont  restés  unis  et  pleins  de  dévoue- 
ment et  de  zèle  pendant  la  période  de  leur  change- 
ment de  salle. 


Depuis  quinze  ans  que  je  fréquente  les  goguettes 
et  les  sociétés  lyriques,  j'alïirme  que  jamais  je  n'ai 
assisté  à  une  soirée  aussi  agréable.  —  Je  me  conten- 
terai donc  de  citer  les  noms  des  artistes  et  amateurs 
qui  d'ailleurs  serontplus  éloquentsque  jene  pourrais 
l'être,  et  ajoutons  que  pas  un  n'a  été  même  faible. 

Honneur  aux  dames,  chacune  en  son  genre  a  riva- 
lisé de  verve  et  d'entrain.  Mesdames  Karl,  Adèle,  Des- 
fossez.  Mesdemoiselles  Aline  Marpon,  Marie  Fournier, 
puis  une  jeune  bile  qui  a  divinement  chanté  :  Je 
suis  gourmande. 

Le  côté  des  hommes  est  plus  abondant. 

Monsieur  Guiche  dans  :  Devant  l'objectif,  acquiert 
l'habitude  de  la  scène  cl  détaille  avec  talent  même 
ce  charmant  rondeau.  MM.  Edmond  Vallé,  Quélin, 
Léo,  Durdan,  Letirand,  président  de  la  Lyre  de  la 
Gaité,  Gougct,  président  de  l'Escholière,  Charles 
Goullieux,  de  la  Lyre  bienfaisante,  Desfossez  père  el 
fils  ont  été  fort  applaudis,  surtout  le  premier  comme 
auteur. 

N'oublions  pas  un  jeune  homme  de  la  Folie  Fran- 
çaise, dont  j'ignore  le  nom.  —  Puis  enfin  le  bouquet, 
MM.  Moumoute,  Karl  et  Adrien  Souchet. 

Tous  nos  compliments  seraient  superllus  et  je  ne 
trouve  pas  d'expression  pour  qualifier  ce  triumvirat, 
après  eux  on  peut  tirer  l'échelle. 

Bref  la  >oirce  n'a  été  qu'un  long  éclat  de  rire.  Le 
pianiste  M.  Emile  V.,  a  droit  aussi  à  toutes  nos  féli- 
citations, il  a  beaucoup  de  talent  et  tous  les  artistes 
en  étaient  satisl'ails,  ce  qui  t-e rencontre  peu  souvent; 
il  a  exécuté  plusieurs  morceaux  de  son  répertoire 
parmi  lesquels  la  Marche  Indienne  qui  a  été  fort 
applaudie. 

On  s'est  quitté  vers  minuit  après  le  tirage  d'une 
tombola,  et  tout  le  monde  s'est  donné  rendez-vous 
pour  les  jeudis  et  dimanches,  jours  de  réunion  de 
cette  société. 

L.  Joyeuse. 


On  a  bien  ri,  dimanche,  à  la  soirée  hebdomadaire- 
donnée  par  la  Société  dramatique  de  récréation.  30,  rue 
Fahert,  avec  un  Scandale  et  les  Deux  Beautés  d'autre- 
fois. S])ectarle  sur  la  scène,  spectacle  dans  la  salle, 
le  public  ne  sachant  plus  auquel  donner  la  préfé- 
rence et  d'oLi  soullail  le  vent  de  l'hilarité,  a  pris  le 
parti  de  se  tenir  les  côtes...  On  poulfail  littéralement 
devant  l'exenlrique  bouH'onnerie  les  Deux  Bemités 
d'autrefois,  à  laquelle  MM.  Sel  el  Pochet  i)rètaieut 
leur  naturel  et  leur  désopilante  désinvolture. 

S"il  se  trouvait  un  hypocondriaque  dans  la  salle,  il 
doit,  à  l'heure  présente,  être  guéri  radicalement. 
Concert-intermède  très  soigné,  beaucoup  de  chant, 
de  chansons  el  de  chansonnettes  par  des  sociétaires 
dont  les  noms  nous  échappent.  M.  Pocbel,  fin  et 
original  comme  toujours  dans  Psit,  psit,  et  Je- 
n'.pourrai  jamais.  M.  Fournaux,  en  gavroche  dans  sa 
chanson  C'est  Papa  qui  n-'a  fait  comm'  ça;  puis  M. 
Pépin  dans  le  Frère  dune  Mosière.  nous  en  passons 
et  des  meilleurs.  La  jwésie  de  M.  François  Coppée,. 
les  Naufragés,  a  été  interprétée  avec  un  talent  réel 
par  M.  Bousanquet. 

M.  Rémy,  que  nous  ne  voulons  pas  gâter  par  des 
éloges  exagérés,  mérite  pourtant  une  mention  pour 
Texpression  avec  laquelle  il  a  détaillé  de  sa  belle 
voix  le  duo  de  la  Favorite,  Léonor,  pourquoi  triste- 
ment baisser  les  yeux. 

Enfin,  toutes  nos  félicilations  à  l'accompagnateur 
de  la  Société,  M.  Lamarse,  pour  qui  l'art  de  l'accom- 
pagnement n'est  qu'un  jeu  d'enfant. 

G.   SlÉNEO. 


La  soirée  de  mardi  au  Cercle  Gaulois  a  eu  tout 
l'éclat  des  précédentes.  Le  programme  était,  comme 
toujours,  des  plus  variés.   Citons  au  hasard  :   Une 


168 


LA  CHANSON 


scène  du  Démocrite  de  Regnard,  interprétée  d'une 
façon  remarquable  par  M.  Christian  et  Mlle  Karly. 
Puis,  «  la  G'iijaU  chez  les  fourmis  »  enlevée  avec  brio 
par  toute  la  iroupe,  et  «  C'était  Gertrude!  »  un  vaude- 
ville dans  lequel  M.  Quélin  a  déployé  de  sérieuses 
qualités  de  comédien. 

N'oublions  pas  Madame  Kild  qui  a  su  se  faire  ap- 
plaudir dans  une  opérette  de  Planquette.  Outre  ses 
qualités  de  chanteuse,  Mme  Rita  possède  un  joli  pro- 
lil  de  camée,  ce  qui  ne  gâte  rien. 

Un  incident  :  Apprenant  que  le  président  des 
«  Hydrapalhes  »  se  trouvait  dans  la  salle,  le  public 
lui  a  demandé  des  vers  de  sa  façon.  M.  Goudeau  a 
dit  ;<  la  ReDaiiche  des  hêtes  »  qui  lui  a  valu  l'ovation 
accoutumée.  M.  Irlande. 

A  la  Lyre  Amicale,  présidée  par  M.  Dupont,  6,  bou- 
levard de  Sébastopol,  toujours  aftluence  de  monde, 
malgré  la  belle  saison.  Nous  avons  entendu,  diman- 
che passé,  M.  Fernand  L.,  qui  chante  les  Myrthes 
sout  flétris  ei  la  £arqtie  votée,  Ivôs  bien;  Mlle  Laure 
chante  avec  goût  :  C'est  sijieu  de  chose  ;  M.  Levasnier 
obtient  toujours  un  succès  fou  dans  :  Je  suis  triste; 
Mlle  Joséphine  chante  avec  aplomb  Histoire  de 
^oJmwum,  sur  un  air  de  pont  neuf  ;  Jean  Bart  a  été 
chanté  par  M.  Pfeitiér,  avec  une  bonne  voix.  Mon 
heauPriiitemps,  que  nous  publierons  prochainement, 
paroles  et  musique,  a  été  bien  chanté  par  M.  For- 
tunat  Lévi,  l'auteur  et  le  compositeur.  M.  Dupont  a 
chanté  le  Jus  de  la  Treille,  et  M.  Mathias,  Jons 
vu  Paris,  Chatterton,  mourrunt,  a  été  dit  de  façon 
lugubre  par  M.  G.  qui,  en  revanche,  a  dit  h  Hanne- 
ton, avec  une  grande  monotonie. 


\\\\  AUTEMS  ET  COMPOSITEURS  DE  MUSIQUE 

Nous  recevons  depuis  longtemps  de  nombreuses 
lettres  nous  priant  de  vouloir  bien  nous  charger 
d'éditer,  jjoîw  le  compte  des  auteurs,  soit  en  grand 
format  piano,  soit  en  petit  format  guitare  ou  même 
en  cahier  populaire. 

Nous  cédons  aux  demandes  qui  nous  ont  été  faites 
en  mettant  à  la  disposition  des  auteurs  nos  relations 
-commerciales.  Nous  répondrons  à  toute  demande  de 
renseignements  à  laquelle  sera  joint  un  timbre- 
poste.  "Nous  prions  nos  correspondants,  pour  sim- 
plifier notre  travail,  de  nous  dire  clairement  l'édition 
qu'ils  désirent,  grand  format  piano,  avec  ou  sans 
gravure;  iietit  format  guitare  avec  ou  sans  gravure. 

Nous  préparons  pour  paraître  très  prochainement 
des  cahiers  de  chansons  à  10  centimes.  Nous  prions 
les  auteurs  qui  voudraient  y  collaborer  de  nous 
envoyer  des  chansons  à  bref  délaipour  être  soumises 
au  comité  d'examen.  Les  auteurs  seront  avertis  de 
celles  qui  seront  reçues  pour  être  publiées  aux  con- 
ditions suivantes  :  envoyer  le  montant  de  cent  exem- 
plaires qu'ils  recevront  aussitôt  parus  (soit  dix  francs). 
C'est  de  la  publicité  gratuite,  puisque  l'auteur  est 
remboursé  intégralement  en  exemplaires.  Ces  ca- 
hiers sont  appelés,  croyons-nous,  àun  grand  tirage. 
Chaque  livraison  renfermera  une  chanson  à  succès 
connue,  une  chanson  avec  musir/ue,  trois  ou  quatre 
chansons  inédites,  et  le  portrait  d'un  chansonnier  ou 
compositeur  populaire. 

Nous  nous  chargeons  également  de  la  publication 
de  volumes  ou  brochures  pour  le  compte  des  auteurs, 
quel  que  soit  le  genre  de  l'œuvre,  après  lecture  bien 
entendu. 


CHOSES  &  AUTRES 

La  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs 
de  musique,  fera  sa  répartition  le  o  octobre  pro- 
chain. Elle  se  montera  à  123,000  Ir. 


La  répartition  de  l'année  dernière  à  pareille  épo- 
que, n'était  que  de  I1<i,000  fr. 

La  comparaison  entre  ces  deux  chiffres,  est  un 
éloge  pour  la  nouvelle  administration  de  la  Société. 


Vas-y,  Zéoti  Ha,  scie  destinée  à  remplacer  Tiens,  wilà 
Mathieu,  vient  de  paraître,  chez  M.  Tralin,  éditeur, 
5,  rue  du  Croissant. 

Les  petites  Mains  de  ma  Mie,  paroles  de  Jules  Jouy, 
musique  de  Paul  Henrion,  le  dernier  grand  succès 
de  Debailleuil  au  XIX"  siècle,  vient  de  paraître  chez 
A.  Patay,  éditeur,  18,  rue  Bonaparte,  au  bureau  du 
journal  la  Chanson. 

M.  Karl  Grun,  président  du  Caveau  Vervietois 
(Belgique),  vient  de  faire  paraître  La  Franchimon- 
TOISE,  chant  gymnastique,  magaiflquo  édition,  im- 
primée or  et  couleurs.  Celle  édition  contient  deux 
musiques  différentes  pour  le  même  chant,  une  de 
M.  A.  Demoulin,  l'autre  de  M.  Hermann.  Nous  publi- 
rons  très  prochainement  une  chanson  de  M.  Karl 
Grùn,  extraite  de  son  volume,  dont  nous  avons  parlé 
à  nos  lecteurs  lors  de  son  apparition. 

Notre  collaborateur,  J.  B.  Gonon,  vient  de  faire 
paraître,  à  Saint-Étienne,  le  deuxième  cahier  de  la 
Lyre  Forézienne,  en  collaboration  avec  MM.  Rémy 
Doutre,  Jacques  Vacher  et  J.  Silbert.  Prix:  10  centi- 
mes le  cahier. 

Pour  paraître  le  2  octobre  prochain,  la  Flûte  en- 
chantée, revue  littéraire  et  artistique  du  nord-est, 
paraissant  le  samedi  à  Reims,  rue  Cérès  17.  Rédac- 
teur en  chef,  Raphaël.  —  Abonnements  :  un  an,  G  fr. 

La  cinquième  édition  des  Chansons  de  Paul  Avenel 
paraîtra  le  b  octobre  prochain,  chez  Marpon  et  Flam- 
marion, éditeurs,  10,  boulevard  des  Italiens. 

Ce  volume  est  accompagné  du  fac  simile  d'une 
lettre  de  Victor  Hugo  à  l'auteur,  et  de  plusieurs  por- 
traits, gravés  par  M.  Guillaumot  fils.  Parmi  ces  por- 
traits nous  signalerons  celui  de  Martin -Bidauré,  qui 
jusqu'à  présent  n'avait  jamais  été  publié,  les  autres 
sont  ceux  de  Barbes,  Baudin,  Victor  Noir  et  celui  de 
l'auteur. 


La  Voie  de  l'Avenir 

ù  Evreux  (Ein'c). 
CONCOURS  DE  1880. 
Le  Concours  annuel  de  Prose  et  de  Poésie  est  ou- 
vert. Tous  les  littérateurs  sont  invités  à  y  prendre 
part. 

Poésie . 

1°'  prix  :  médaille  de  vermeil;  2°  prix  :  médaille 
d'argent;  3°  prix:  médaille  de  bronze  argenté; 
/i°  prix  :  médaille  de  bronze  ;  o=  prix  :  un  abonnement 
d'tm  an  à,  La  Voie  de  l'Avenir;  o  accessils  (consistant 
en  livres  offerts  par  les  auteurs)  ;  b  mentions  très- 
honorables;  b  mentions  honorables. 

Prose. 

Prix  unique.  —  Palmes  d'argent,  b  accessits,  b  men- 
tions très  honorables,  b  mentions  honorables. 


Les  différentes  pièces  de  poésie  envoyées  par 
chaque  auteur  ne  devront  pas  dépasser  100  vers. 

Les  pièces  de  prose  ne  devront  pas  dépasser 
10  lignes. 

Les  sujets  sont  laissés  au  choix  des  concurrents. 

Le  seul  droit  de  concours  à  verser  est  de  b  francs. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY.. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,  6,  rue  Martel. 


3=  ANNEE. 


N»  82. 


lO  CENTIMES. 


10  OCTOBRE  1880 


LA   CHANS 


Directeiir-Qérant . 
A.   PATAY 


La  chanson  est  une  forme  allée  st 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  te  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non  insérés   ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  Id  Bédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. . 
Réclames,        — 


Lstcbanson,  commelabatonnetta 
est  une  arme  kançaisg. 

1.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,   BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  • 


Galerie  municalc  ;  Ih'n-Tayoux  (L.-IIf.niiï  Liicouth).  - 
Cai'oan  (Chiui.ks  Monski.i!t).  —  Laissez  la  femme 
(ÉnorAiiD  UiPAiir.T).  —  Jeanne  est  grise,  paroles  tl 
musique  (le  Brn-Tayoi;x.   —    Vive  le  Printemps  (Ciia 


SOMM 

La    Clef  du 
à  la    maison 


AIRE  : 

•S  Rendez 
(EL..fe^K  U 
Chronique 


-vous  (Octave  Lbdesguk).  —  Banquet  du  Cmeaa 
brrt).  —  Chronique  des  Concerts  (Ai.frkd  Bertinot).  — 
des   Sociétés  Lyriques.  —  Choses  et  Autres  (A.  Patay). 


GALERIE  MUSICALE  :  BEN-TAYOUX 


Nous  sommes  en  pré- 
sence d'un  artiste  véri- 
table, à  qui  les  circons- 
tances n'ont  pas  permis 
encore  d'occuper  le  rang 
qu'il  mérite,  mais  que 
tous  les  clairvoyants 
saluent  comme  un  mai- 
Irc  de  l'avenir. 

Louis-André-Frédéric 
Ben-Tayoux  est  né  à 
Bordeaux,  le  14  juin 
18-10.  Il  montra  de  bonne 
heure  d'étonnantes  ap- 
titudes musicales,  et  fi- 
gura dès  l'àgc  de  neuf 
ans,  comme  pianiste, 
dans  les  coiicerls  orga- 
nisés par  la  haute  so- 
ciété bordelaise.  langa- 
ge pour  exécuter  un 
soir  quelque  grand 
morceau,  il  s'aperçut, 
au  moment  d'aborder  le 
piano,  qu'il  avait  oublié 
sa  musique.  Sans  se 
troubler,  notre  petit 
virtuose  s'assit  et  exé- 
cuta de  mémoire  une 
fantaisie  qu'il  avai  t  com- 
posée à  l'insu  de  tous. 
L'aventure  fit  grand 
bruit,  et  l'on  s'empressa  d'envoyer  le  précoce  com- 
positeur à  Paris  pour  y  compléter  ses  études. 

Il  fut  admis  au  Conservatoire,  où  on   lui   donna 


comme  professeur  de 
piano  Marmontel ,  et 
comme  professeurs  d'har- 
monie et  de  composition, 
David,  Gollin  et  Garafa. 
On  a  beaucoup  écrit 
contre  le  Conservatoire 
et  sa  méthode  d'ensei- 
gnement. Il  est  certain 
que,  pour  la  plupart  des 
professeurs,  le  devoir 
paraitconèister  à  domp- 
ter le  tempérament 
des  élèves  pouréteindro 
leur  fougue  et  ramener 
aux  calculs  mécaniques 
leurj  aspirations  vers 
l'idéal;  mais  les  natu- 
res vigoureuses  savent 
prendre  do  l'école  ce 
qu'elle  a  de  bon  sans 
rien  abandonner  de  I  en  i  s 
idées  personnelles.  Ain- 
si fut-il  de  Ben-ïayoux, 
qui  sortit  du  Conserva- 
toire, sachant  tout  ce 
qu'on  y  peut  appren- 
dre, et  riche  d'une  verve 
toute  particulière. 

Alors  commença  pour 
lui  une  existence  en  par- 
tie double,  didnt  sa  jeu- 
nesse lui  fit  suriBonter  les  fatigues  et  les  dégoûts. 
Pendant  tout  le  jour  il  donnait  des  leçons  de  chant 
ou  de  piano,  et,  la  nuit,  il  se  livrait  à  ses   inspira- 


170 


LA  CHANSON 


tions,  composant  surtout  des  morceaux  d'orclieslre, 
parmi  lesquels  il  faut  signaler  :  Eve,  grande  sym- 
phonii;,  l'Etoile  filante,  rêverie,  la  Préférée,  valse, 
l'Idiote,  berceuse,  Imperatoria,  marche  triomphale. 

Rossini  s'intéressait  vivement  aux  travaux  de 
Ben-Tayoux  ;  il  l'éclairail  de  ses  conseils  et  le  ré- 
confortait par  de  bonnes  paroles  :  —  «  Persévérez, 
lui  disait-il  souvent,  vous  êtes  sur  d'arriver.  » 

Eu  attendant,  le  jeune  compositeur  avait  à  lutter 
contre  l'obscurité  et  la  misère.  Il  voulut  vaincre  dé- 
finitivement l'une  et  l'autre,  et  délaissa  le  grand  art 
pour  sacrifier  aux  petites  divinités  du  jour.  Son  dé- 
but dans  l'opéra-bouffe  fat  des  plus  heureux  ;  Lu- 
crèce obtint  au  théâtre  Déjazet  un  succès  très  vif, 
malheureusement  interrompu  par  la  guerre. 

Pendant  les  terribles  événements  de  1870,  Ben- 
Tayoux  dirigea  une  fabrique  de  cartouches  dans  le 
déparlement  du  Nord.  La  paix  signée,  il  reparut 
dans  l'arène  artistique  avec  un  superbe  chant  de 
douleur  et  de  défi,  bientôt  devenu  populaire  : 

Vous  n'aurez  pas  l'Alsace  et  la  Lorraine, 
Et,  malgré  vous,  nous  resterons  Français! 

Depuis,  la  production  de  Ben-Tayoux  ne  s'est  pas 
un  instant  ralentie.  Nous  avons  sous  les  yeux  le  cata- 
logue autographié  de  ses  œuvres;  il  ne  comprend  pas 
,  moins  de  trois  cents  numéros.  Tous  les  genres  de 
musique  y  sont  r.^présentés,  depuis  la  chanson- 
nettejusqu'au  grand  opéra.  Nous  citerons  principa- 
lement, parmi  ses  morceaux  pour  piano  :  Mes  Peiir- 
sées,  l' Etourdissait,  Un  Mystère;  parmi  ses  chants 
nationaux  :  RépuUique,  France!  la  Traie  Revanche, 
Cri  de  Liberté;  parmi  ses  scènes  dramatiques  :  A  la 
ha'ionnette.  Pauvre  fou,  la  Salle  des  adieux,  Les  S  ci!  0 
Juin,  Châteauduii;  parmi  ses  chansons,  enfln  :  la 
Fauvette,  le  Café,  la  Cuve,  les  Turcos,  la  Fermière,  les 
Foins,  Âl'urger  et  Mnsette. 

Le  talent  de  Ben-Tayoux  est  à  la  fois  vigoureux  et 
tendre;  il  trouve  pour  le  cri  patriotique  des  accents 
véritablement  inspirés,  —  exemple,  la  Cantate  chan- 
tée récemment  à  Saint-Germain  pour  l'inauguration 
de  la  statue  de  M.  Thiers;  et,  à  côté  de  cela,  il  rend 
avec  esprit  et  sentiment  l'épisode  humoristique,  — 
exemple,  Jeanne  est  r/rise,  qu'on  aura  plaisir  à  trou- 
ver plus  loin. 

Chez  Ben-layoux,  chose  rare,  l'exécutant  vaut  le 
compositeur.  Son  jeu  est  en  même  temps  brillant  et 
sobre.  Il  connaît  imperturbablement  ses  classiques, 
et  traduit  la  pensée  des  maîtres  avec  une  intelli- 
gence et  une  fidélité  merveilleuses.  On  se  souvient 
des  séances  qu'il  donna,  au  printemps  dernier,  bou- 
levard des  Capucines,  séances  dans  lesquelles  il  exé- 
cutait des  morceaux  de  piano,  en  les  accompagnant 
d'explications  et  de  commentaires.  Le  public  appré- 
cia beaucoup  ses  définitions  relatives  au  mécanisme 
et  au  style,  et  la  presse  signala  son  programme 
comme  offrant  autant  de  charme  que  d'intérêt. 

Professeur  couru,  musicien  applaudi  dans  les  con- 
certs et  dans  les  salons,  Ben-Tayoux,  nnus  le  répé- 
tons, n'a  pas  encor»  conquis  la  place  qui  lui  est  due. 


Le  théâtre  complétera  sa  renommée.  Souhaitons- 
lui  d'y  aborder  bientôt,  car  il  a  la  science,  la  verve 
et  l'originalité  de  conception  qui  produisent  les 
chefs-d'œuvre. 

Les  succès  que  nous  nous  plaisons  à  lui  prédire 
réjouiront  la  jeune  phalange  ;  ils  trouveront  surtout 
un  écho  sympathique  chez  les  fidèles  du  Bon  Bock, 
association  fraternelle  de  littérateurs  et  d'artistes, 
dont  les  agapes  mensuelles  commencent  et  se  ter- 
minent invariablement  au  son  du  piano  de  Ben- 
Tayoux. 

L. -Henry  Lecomte. 


LA  CLEF  DU  CAVEAU 


L'autre  jour,  chez  un  bouquiniste. 
Parmi  plusieurs  in-octavo. 
J'ai,  de  Nodier  suivant  la  piste. 
Acheté  la  clef  du  Caveau. 

A  la  fois  jovial  et  tendre. 
Ce  bon  vieux  recueil  délaissé 
Renferme,  comme  une  autre  cendre. 
Tous  les  airs  dont  je  fus  bercé. 

Les  chants  ont  la  première  place 
Dans  la  mémoire,  près  du  cœur. 
Tout  fuit,  tout  change,  tout  s'eiïace. 
Hors  un  refrain  triste  ou  moqueur. 

La  serinette  des  grand'mères, 
Dont  la  note  semble  une  toux. 
Souvent  sur  les  heures  amères 
Jette  un  son  consolant  et  doux. 

Et  voilà  pourquoi  je  vous  aime, 
0  timbres  naïfs  du  Caveau, 
Où  je  me  retrouve  moi-même 
Dans  un  amusant  renouveau! 

Caveau,  —  disons  plutôt  bocage,  — 
Au  galant  et  facile  accès! 
Clef  charmante,  rouvrant  la  cage 
Où  gazouille  l'espr't  ffançais! 

11  n'est  pas,  de  Paris  au  Caire, 
Lèvres  n'ayant  fredonné  la 
Famille  de  l'apothicaire. 
Ou  Turlurette,  ou  Lon  Ion  la. 

Il  suffit  d'une  ritournelle. 
D'un  vague  et  tremblotant  solo, 
Pour  qu'aussitôt  je  me  rappelle 
Un  homme  pour  faire  un  tahleau- 

Quels  éclats  de  rire  à  la  ronde! 
Oh  courez-vous,  iiitonsieur  l'allié"} 
Sur  Ce  mouchoir,  belle  Raimoiule, 
Cet  abbé-là  sera  tombé. 


LA  CHANSON 


171 


Que  de  Tireis  et  de  Grégoire  ! 
Combien  de  baisers,  de  glouglous! 
Elle  aime  à  rire,  elle  aime  à  boire. 
Elle  aime  à  chanter  comme  nousl 

J'en  guette  U7i  petit  de  mon  cujel 
Dit  Lise,  au  bord  d'un  frais  ruisseau. 
Sa  voix  charme  le  voisinage, 
Car...  Uae  fille  est  nn  oiseau. 

Fandion  Dans  les  Oardes-Fraiiçaises 
S'en  va  rôclaiaor  son  amant  : 
Des  fraises,  des  fraises,  des  fraises. 
Lui  répond  ce  beau  garuomout. 

(Juaiid  je  parcours  ces  l'oUes  pages, 
Je  reconnais  tous  i:es  larrons. 
Bergers  sournois,  effrontés  pages. 
Dénichant  merles  et  tendrons; 

Satyres  transformés  en  drilles. 
S'en  allant,  dès  le  point  du  jour, 
Chasser  dans  les  vertes  charmilles, 
GiOier  des  bois,  gibier  d'amour. 

Il  cache  encoie  sa  fauvette, 
Le  gros  Lucas  sous  son  chapeau; 
La  Harpe  dit  :  0  ma  musette! 
lîarré  dit  ;  Mon  père  était  poil 

Aimable  musique  de  poche! 
Alors,  on  ces  temps  ingénus. 
Un  Air  iwuveau  de  M.  Roche 
M'ouvrait  des  monijqs  inconnus. 

Aussi,  lorsque  j'entends  hnui'e 
L'écho  lointain  d'un  llageoh't. 
Je  me  siil'prcnds  à  rcconslrnire 
Une  époque  avec' un  couplet. 

Je  vous  revois,  sensibles  femmes, 
■  Ayec  vos  manches  à  gigot, 
El  vous,  Enfants  chéris  des  drni/cs 
Roucoiilant  dans  voire  jabot. 

î^'ayanl  rien  qui  le  réconforte. 
Un  rinieur  dit,  d'un  Ion  fatal  : 
Pégase  est  un  cltfiodl  tjui  porte 
Les  grands  hommes  à  l'hôpital! 

Pendant  toute  une  matinée, 
La  Clef  du  Caveau  dans  les  mains, 
J'ai  rêvé,  l'àme  abandonnée 
Au  courant  des  anciens  chemins. 

Jusqu'au  moment  où,  jeu  féroce. 
Une  voix  soudain  me  souffla  : 
Allez-vous-en,  gens  de  la  noce! 
C'est  l'air  de  la  fin,  celui-là. 

Et  puis,  j'ai  refermé  le  livre. 
Sans  me  cacher  d'être  attendri,  — 
Le  livre  qui  m'a  fait  revivre. . . 
A  la  façon  de  Barbarl  ! 

Charles  ]\'Ionselet. 


LAISSEZ  U  FEMME  A  LA  MAISON 

RÉPONSE   A   M.    ALEXANDRE   DUMAS  (*) 

AIR  du  Grenier  de  Béranger. 

Un  grand  esprit,  à  la  voix  de  sirène. 
Du  sexe  faible  a  proclamé  les  droits! 
Pour  l'entraîner  avec  nous  dans  l'arène 
Il  veut  briser  ses  liens  trop  étroits. 
Je  lui  réponds,  sans  nier  l'éloquence 
Des  traits  charmants  qu'il  répand  à  foison  : 
De  votre  erreur  craignez  la  conséquence, 
Laissez,  laisfez  l.i  femme  à  la  maison. 

Quoi,  dans  les  temps  tourmentés  où  nous  soinn 

Quand,  au  milieu  de  leur  âpre  débat, 

On  voit  entre  eux  se  déchirer  les  bumnies, 

Vous  appelez  la  lémrae  a  ce  co'tnbati 

Voulez-vous  donc,  iiu  brasitiv  populaire, 

De  la  discorde  alluuiBr  lu  tison'? 

C'est  du  foyer  le  gardien  lulélaire. 

Laissez,  laissez  la  Icmme  à  la  maison. 

De  SévigDé  vous  invoquez  l'exemple  ; 
Elle  dirait,  se  tournant  contre  vouf. 
Que  la  maison  pour  la  femme  est  un  tomple, 
Dont  le  vrai  Dieu  pour  elle  est  son  époux, 
Que  c'est  assez  de=,  .•^oins  de  lu  famille 
Tour  occuper  teudremenl  sa  raison, 
Pimr  élever  et  protéger  sa  fille. . .    ■ 
Laissez,  laissez  la  feinmo  ii  la  maison. 

Homo  autrefois  a-l-cUe  été  moins  grande. 
Quand  du  forum  en  détournant  ses  pas, 
[ja  femme  aux  dieux  apportait  son  offrande, 
El  pour  les  siens  priait,  ne  votait  pasl 
Ku  ce  temps-l'i,  d'une  sage  matrone 
Oq  boaorail  le  noble  cl  suint  blason; 
Le  gynécée  alors  était  son  Irôoe... 
Laissez,  laissez  la  femme  à  la  maison. 

La  voj'ez-vous  dans  celle  ardente  lutte. 
Où  de  son  lait  la  source  peut  larir, 
Où,  quand  elle  est  aux  discordes  en  butte, 
Loin  d'elle,  hélas!  son  enfant  peut  mourir! 
0!i!  n'allez  pas  de  cette  coupe  amère 
Lui  faire  boire,  à  longs  traits,  le  poison, 
Elle  est  épouse  et  surtout  elle  est  mère. 
Laissez,  laissez  la  femme  à  la  maison. 

Sa  destinée  est  écrite  au  beau  livre. 
Où  la  nature  a  dit,  en  quelques  mots, 
Que  Dieu  la  fît  pour  que  sa  main  délivre 
L'homme  accablé  sous  le  poids  de  ses  maux. 
Quand  prés  de  lui  sa  tendresse  s'isole, 
r,'est,  enfermée  en  son  doux  Irorizon, 
L'auge  qui  veille  et  l'ange  qui  console.  . 
Laissez,  laissez  la  femme  à  la  maison. 

Edouard  Ripault, 

Membre  lilulaiic  du  Caveau. 


{•)  Sur  la  2»  partie  de 


!«/« 


172 


LA  CHANSON 


JEANNE  EST  ERtSE 


Paroles  de  JUL£S  GROS    Musique  de  BEN-TAYOUX  (1) 

bien  mesîirè  avec  rondeur. 


Parlons  a-vant  jour,    le   rai.sin  est 
œûr Fil-les  et  ,gar-çoos   que  ctiacun    «e 


tiD       Jeanne  est    gri     _  .  .     set 

Mais  vile  au  travail!  Chaque  seau  rempli 
Est  bientôt  vidé  dans  les  grandes  bennes. 
Tous  chantent  en  chœur  des  chansons  anciennes, 
Et  les  noirs  chagrins  sont  couverts  d'oubli. 

—  Jeanne,  je  voudrais  l'embrasser, 
ïu  rougis  comme  une  cerise... 
Garde-loi  de  te  courroucer 

Ou  bien  l'on  dira  :  Jeanne  est  grise! 

On  entend  au  loin  tinter  l'angelus. 
A  midi  sonnant  laissons  la  besogne, 
Voilà  le  moment  de  rougir  sa  trogne. 
Le  repas  attend  au  bas  du  talus. 

—  Belle  Jeanne,  allons,  prends  mon  bras 
Et  satisfais  ta  gourmandise  ; 

Mange  et  bois  tant  que  tu  voudras, 
Un  jiour  de  vendange  on  se  grise  1 

Enfin  vient  le  soir,  et  les  vendangeurs 
Rentrent  au  logis.  Bientôt  on  commence 
Sur  l'herbe,  en  plein  air,  la  joyeuse  danse. 
Le  succès  doit  êlre  aux  plus  tapageurs. 

Jeanne,  au  lieu  de  s'abandonner 

A  la  nuit  qui  nous  favorise, 

Entreprend  de  me  sermonner. .. 

Oh!  décidément,  Jeanne  est  grise! 

(1)  L'aceompagncracnt    se   liouve  chez    Tialin,     éditeur,    5,    rue  du 
Croissant. 


VIVE  LE  PRINTEMPS 


Air  de  Manon  (Gollignon). 
Voici  le  printemps!  au  fond  de  mon  âme 
Se  réveille  enfin  Tamour  endormi. 
Tout  dans  la  nature,  ô  soleil,  t'acclame  ; 
Ce  qui  languissait,  d'espoir  a  frémi. 
Et  je  le  retrouve  encor  plus  charmante, 
El  la  vue  émeut  ma  tête  et  mon  cœur  ; 
Je  redeviens  jeune  et  toi  plus  aimante. 
L'amour,  c'est  donc  vrai,  du  temps  est  vainqueur. 

Vive  le  printemps  !  il  met  tout  en  fête. 
Nos  fronts  argentés  paraissent  surpris  ; 
Mais  tant  que  le  cœur  emport»  la  tète. 
Que  font  après  tout  quelques  cheveux  gris  ! 

Voici  le  printemps  !  Il  a  fait  renaître 
L'amour  qui  semblait  pour  tous  deux  perdu, 
A  ses  chauds  rayons  ouvrons  la  fenêtre. 
Ainsi  que  nos  cœurs,  à  l'amour  rendu. 
Tant  que  nous  sentons,  en  pleine  lumière, 
Nos  cœurs  amoureux  battre  à  l'unisson, 
Ne  regrettons  pas  notre  ardeur  première  : 
L'air  a  pu  changer,  mais  pas  la  chanssn. 

Vive  le  printemps  I  il  met  tout  en  fête, 
Nos  fronts  argentés  paraissent  surpris  ; 
Mais  tant  que  le  cœur  emporte  la  tète; 
Que  font  après  tout  quelques  cheveux  gris  ! 

Voici  le  printemps!  Et  le  bois  superbe 
Attire  déjà  les  oiseaux  chanteurs  ; 
Et  la  violette  apparaît  dans  l'herbe, 
Pour  jeter  dans  l'air  ses  douces  senteurs. 
Déjà  le  soleil  embrase  la  terre 
El,  sous  les  baisers  de  ces  amoureux. 
Tout  est  volupté,  caresse  et  mystère  ; 
Entre  terre  et  ciel  faisons  donc  comme  eux  ! 

Vive  le  printemps  !  il  met  tout  en  fête, 
Nos  fronts  argentés  paraissent  surpris  ; 
Mais  tant  que  le  cœur  emporte  la  tête, 
Que  font  après  tout  quelques  cheveux  gris! 

'  Charles  Vincent. 


TREIZIÈME  CONCOURS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON 


LES  RENDEZ-VOUS 


Musique  à  faire. 

Amour,  ô  grand  insatiable, 
Ne  diras-tu  jamais  :  assez? 
...Les  deux  amoureux  sont  passés, 
Lui,  les  baisers  chauds  et  pressés. 
Elle,  la  lèvre  charitable. 


LA  CHANSON 


173 


—  Le  ciel  est  pur  el  l'air  est  frais, 
Un  rendez-vous,  ma  toute  belle... 

—  Par  de  là  les  grands  bois,  dit-elle, 

Mais...  pas  plus  près... 

—  Par  de  là  les  grands  bois,  dit-elle. 
...  Le  tendre  bien-aimé  revint; 
Certes,  ce  ne  fut  pas  en  vain. 

Il  vit  sa  belle  au  front  divin  : 
L'amour  les  couvrit  de  son  aile. 

—  Vois!  la  nuit  se  fait  pure  exprès... 
Prendre  un  rendez-vous  serait  sage... 

—  Le  bois  est  loin...  Viens  au  village, 

Mais  pas  plus  près... 

—  Le  bois  est  loin,  viens  au  village... 
L'amoureux  y  fut  tout  tremblant; 
Elle  l'y  joignit  d'un  pas  lent, 

Lui  donnant  sous  son  bonnet  blanc 
A  baiser  son  charmant  vi,sage. 

—  Cet  instant  est  doux,  mais  après? 
Mais  demain...?  L'amour  va  renaître! 

—  Je  t'aime...  Viens  sous  ma  fenêtre... 

Mais...  pas  plus  près... 

—  Je  t'aime...  Viens  sous  ma  fenêtre... 
...  L'aube  à  cet  endroit  le  surprit, 
Lagente  amoureuse  entr'ouvrit 

Sa  croisée  et  gaimont  sourit... 
La  joie  illuminait  leur  être. 

—  Il  m'est  si  doux  de  voir  tes  traits 
Et  demain?  divine  flUette...? 

—  Demain?  ...viens,  jusqu'à  ma  chambrette 

Mais...  pas  plus  près... 

—  Domain?  viens  jusqu'à  ma  chambrette. 
Amour!  ô  crescendo  de  feu! 

On  dit  ...mais  c'est  un  coule  bleu, 
J'en  ai  déjà  trop  dit  :  adieu  ! 
J'entends  la  foule  qui  m'arrête: 
Cette  histoire  a  donc  des  attraits...? 
Vous  me  demandez,  indiscrète, 

—  Vit-on  l'amant  dans  la  chambrette...? 

—  ...Encor  plus  près...  ! 

Octave  Lebesgde. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  ET  LITTÉRVIRE  DU  CAVEAU. 


Banquet  du  /='■  Octobre. 

Je  ne  sais  plus  quel  sage  de  l'antiquité  a  mis  en 
circulation  celte  remarque,  qui  est  devenue  pro- 
verbe :  Les  jours  se  suivent  et  ne  se  ressemblent  pas. 
Jamais  celte  grande  vérité  ne  fui  mieux  établie  que 
ces  jours  derniers  chez  Douix.  Mercredi,  29  septem- 
bre, les  royalistes  banquetaient  dans  ce  même  salon 
où  chantait,  vendredi,  la  Société  du  Caveau.  A  la 
sénilité  succédait  la  gaîté;  aux  cris  de  vive  le  roi, 
celui  de  vive  TMrésa. 


Je  demande  pardon  à  celle  dame  du  rapproche- 
ment. 

Oui,  Thérésa  elle-même,  la  chanteuse  populaire, 
ornait  le  repas  de  sa  présence  et  l'a  charmé  par  ses 
chansons.  J'avoue  à  ma  honte  que  je  ne  la  connais- 
sais que  de  réputation,  sans  l'avoir  jamais  ni  vue  ni 
entendue.  Le  croira-t-on?  J'ai  donc  été  surpris  d'être 
cette  fois  de  l'avis  de  tout  le  monde.  Voix  sympa- 
thique, expression  juste,  du  sentiment  au  besoin,  un 
peu  de  cascade  de  temps  en  temps,  et  une  grande 
cordialité  avec  cela:  c'était  plus  qu'il  n'en  fallait 
pour  enflammer  les  regards  d'un  tas  de  vieux  gar- 
çons. Tous  sont  garçons,  au  Caveau,  le  premier  ven- 
dredi du  mois. 

Le  Conscrit,  une  romance-pochade  d'Hervé,  et  sur- 
tout la  Toitr  Saint- Jacques,  d'Hachin  et  Darcier,  ont 
eu  le  plus  grand  succès,  interprêtés  par  la  diva. 
Pauvres  chansonniers  !  me  disais-je,  vous  allez  être 
écrasés,  el  vos  petites  musettes  vont  remporter,  à 
côté  de  tels  triomphes,  une  veste  des  mieux  condi- 
tionnées. 

Je  me  trompais  :  l'esprit  ne  craint  rien,  et  le  Ca- 
veau peut  supporter  toutes  les  comparaisons.  D'ail- 
leurs, l'émulation  doublerait  ses  forces  au  besoin  ;  la 
galanterie,  d'autre  part,  ne  l'obligeail-elle  pas  à  se 
montrer  digne  de  la  célébrité  qu'il  accueillait  ce 
soir-là  dans  son  sein  ? 

J'aurais  voulu  omettre  les  vers  de  circonstance.  A 
part  le  teste  à  la  chanson,  dans  lequel  Grange  nous 
montre  celte  divinité,  jusqu'ici  invisible  et  intan- 
gible, 

Parmi  nous  descendue, 
Sous  une  forme  humaine,  et  même  assez  dodue, 

le  reste  brille  plus  par  la  bonne  intention  que  par  le 
mérite  intrinsèque.  Histoire  de  temps.  Montariol  a 
joué  sur  les  mots  : 

Si  vous  connaissiez  ma  Thérèse, 
De  vous  je  deviendrais  jaloux, 
Car  j'en  suis  sur,  vous  seriez  aise 
De  l'adorer  à  deux  genoux. 
La  plus  grande  froideur  désarme 
A  son  aspect,  et  nul  n'osa 
Nier  le  pouvoir  de  son  charme. 
Du  charme  que  ma  Thérèse  a. 

Pénée  a  tâché  d'être  plus  ingénieux,  mais  est  resté 
prosaïque  : 

Dès  qu'il  s'agit  d'obliger, 
Thérèse  est  infatigable  ; 
Elle  croirait  déroger 
En  n'étant  pas  secourable. 
Mais  d'une  bonne  action 
Bien  loin  de  faire  parade, 
C'est  avec  discrétion 
Qu'elle  est  bonne  camarade. 
Vous  voyez  que  Thérèse  a 
Le  cœur  de  Thérésa. 

Des  deux  couplets  que  quatre  auteurs  ont  griffon- 
nés à  la  hâte  et  que  l'artiste  a  chantés  en  guise  de 
remerciement,  je  citerai  le  dernier  : 

Avoir  tant  d'hommes  devant  soi 
Troublerait  un  autre  courage. 


174 


LA  CHANSON 


Le  nombre  me  voit  sans  émoi, 
Car  j'en  ai  vu  bien  davantage; 
Mais  ce  n'est  pas  la  quantité 
Qui  me  transforme  en  ingénue; 
Non,  messieurs,  c'est  la  qualité 
Des  chansonniers  que  je  salue. 

Tout  cela  n'est-il  pas  un  peu  mirliton? 

Heureusement,  les  autres  productions,  méditées 
plus  à  loisir,  ont  eu  aussi  plus  de  valeur. 

Voici  le  dénombrement  —  pou  homérique  —  des 
tenants  du  gai  tournoi.  J'adopte  l'ordre  alphabétique, 
qui  ne  me  laissera  pas  accuser  de  partialité. 

Adeline,  visiteur,  a  groupé  sous  ce  refrain  un.  peu 
baroque  : 

Y  faut  prendre  ça  sur  le  vif, 

des  couplets-tiroirs  très  cocasses  et  très  applaudis. 

VOpportunisme,  de  Bourdelin,  un  nouveau,  est 
rempli  d'esprit  et  de  traits  heureux.  C'est  encore  un 
tiroir  ;  mais  l'auteur  a  su  rajeunir,  à  l'occasion  de 
sujets  bien  choisis,  le  mol  connu  :  Il  était  temps  ! 

Cœdès,  le  compositeur  déjà  célèbre,  chantfa  aussi 
lui-même  ;  ses  Conseils  d'une  mère  à  sa  fille  nous 
peignent  d'une  manière  malheureusement  trop  \Taie, 
mais  pourtant  comique,  la  perversité  de  certaines 
femmes  pour  qui  la  maternité  n'est  qu'un  moyen  de 
battre  monnaie.  Henry  Monnier  n'avait  pas  mieux 
fait. 

Davclleroy  est  dans  ses  jours  de  sentiment  :  les 
Bâtons  de  vieillesse,  c'est  son  titre  ;  il  le  traite  en  vieil- 
lard et  en  chansonnier,  réunissant  ainsi  la  gailé  et  le 
cœur. 

Echalié,  au  contraire,  s'attaque  à  l'actualité:  sa 
Clidsse  est  un  véritable  coup  de  balai  ;  gare  aux 
intrigants,  aux  tartulVes,  aux...  L'cnumération  serait 
longue  ;  mais  la  chanson  n'a  pas  paru  avoir  ce  dé- 
faut. 

Grange,  se  reposant  sur  les  lauriers  que  lui  a  valus 
son  teste,  s'est  borné  à  rééditer  son  Eau  léiiite  de, 
cour,  un  petit  chef  d'œuvi'c...  connu. 

Le  Pencliant  de  mon  curé,  voilà  ce  que  nous  chante 
Julien.  Ce  penchant,  vous  le  devinez  sans  doute  :  il 
s'agit  toujours  d'Eve  et  du  serpent  qui  frétille.  C'est 
très  rond  et  très  gai. 

Petit  est  amer  et  sombre.  Il  voit  tout  partir,  et  jette 
aux  illusions,  à  l'amour,  à  l'espoir,  qui  s'en  vont,  un 
mélancolique  bon  voyage  ! 

Piesse,  qui  aime  la  finesse,  nous  dit  le  Chansonnier 
sans  chanson  :  tous  les  sujets  lui  semblent  suspects 
ou  dangereux,  et  il  finit  par  les  traiter  sans  en  avoir 
l'air. 

Laisse::  la  femme  à  la  maison  !  s'écrie  Ripault. 
Quand  je  dis  :  s'écrie,  c'est  une  figure,  car  c'est 
Bourdelin  qui  a  dit  sa  chanson,  et  elle  n'a  pas  perdu 
à  cette  iQterprétation  vibrante  et  animée.  11  y  aurait 
beaucoup  à  dire  là-dessus.  On  pourrait  se  demander 
si  l'auteur,  en  fuyant  un  excès,  ne  tombe  pas  dans 
un  excès  opposé  ;  mais  nous  n'avons  pas  à  faire  une 
conférence.  Bornons-nous  à  applaudir  au  talent. 

Mais  que  de  chanteurs  oubliés  forcément  par  le 
r'^.'^sident  !  Liorat,  Burani,  Foiiache,  Charles  Vincent, 


Lagoguée  et  les  autres  auront  leur  tour  tm  autre  soir  ; 
ils  pouvaient  bien,  pour  cette  fois,  laisser  la  parole  à 
Thérésa.  Quant  à   Monselet,  je  suppose  qu'il   est 
comme  moi  et  ne  tient  pas  à  se  faire  entendre. 
Eua.  Imbekt. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


A  l'Eldorado,  véritable  grand  succès  avec  Zi:/, 
oi>éretle  de  3IM.  Philibert  et  Siegel,  musique  de 
Chassnigne  ;  Mme  Louise  Iloland,  MM.  Gaillard  et 
Hurbaiu  y  rivalisent  de  verve. 

A  son  début  Mme  Canon,  chanteuse  de  genre,  a  été 
fort  bien  accueillie  ;  Mlle  Bonnaire  obtient  toujours 
de  A'rais  succès,  avec  Je  m'émoUonne  trop  facilement, 
et  Joseph  est  en  voyage;  Velly  se  fait  applaudir  dans 
icne  Tyrolienne  à  sensation. 

MM.  Perrin  dans  Les  Pupazzi,  Victorin  dans  Je 
demande  à  recommencer,  Antony  dans  A  la  Olace 
fraîche  et  ionne,  Mathieu,  dans  le  Carnet  rose,  et 
Ducastel  obtiennent  toujours  de  nombreux  bravos 
bien  mérités. 

N'oublions  pas  Mmes  Duparc,  Juana,  Dalty,  Picco- 
lini  et  Moriane,  dont  les  répertoires  si  variés  font 
passer    do     délicieuses    soirées    aux     habitués   de 

L'ELDORjVDO. 

Le  Gr.va'd  Goxcrrt  Parisien  est  sans  contredit  un 
des  concerts  les  plus  favorisés  du  public,  car  chaque 
soir,  des  fauteuils  d'orchestre  à  l'amphithéAtre,  la 
salle  est  littéralement  bondée  de  spectaleurs  enthou- 
siastes qui  ne  ménagent  pas  leurs  applaudissements 
à  l'excellente  troupe  de  MM.  Valcntin  et  Fournier. 

Le  protjramme  de  la  semaine  dernière  était  des 
mieux  composés,  et,  sans  fatiguer  le  public,  la  gau- 
driole et  le  sérieux  alternaient  avec  un  égal  succès. 

Dans  les  Pompiers,  jolie  poésie  d'un  sentiment 
élevé,  011  le  comique  et  le  tragique  paraissent  tour  à 
tour  sans  forcer  la  noie,  Pacra  a  obtenu  un  succès 
immense. 

Brunin  est  amusant  au  possible  dans  la  nouvelle 
scie  en  vogue  :  Bonjour  Cyprien! 

Le  petit  Norbert,  qui  parait  successivementen  gar- 
çon et  en  fillette  s'est  fait  rappeler  plusieurs  fois 
dans  Je  me  rapapillotte.  C'est  pas  vrai!.  J'ai  les  pieds 
serrés  et  dans  la  Chanson  du  petit  ahhé. 

Après  Le  petit  cochon  porte-veine,  Mme  Dcmay  a 
dû  dire  :  Mon  père  demeure  à  3IontPERnasse,  chanson- 
nette dans  laquelle  elle  a  obtenu  un  succès  non 
moins  grand  que  dans  la  précédente. 

Citons  encore  MM.  Réval,  Teste,  Mey;  Mmes  Du- 
brée,  Fabre,  Petit  et  Satler,  qui  se  sont  fait  applaudir 
dans  les  meilleures  chansonnettes  de  leur  répertoire. 

Samedi  dernier,  aux  Folies-Saint-3Iartin,  Madame 
Rivoire  a  créé  deux  chansonnettes  dans  lesquelles 


i 


LA  CHANSON 


175 


l'excellenLe  arlisle  a  obtenu  un  grand  succès.  La  pre- 
mière, Eh!  G?<^K^,j(;.' paroles  de  M.  Kdouard  Aupto, 
la  seconde  La  voilà,  Paméla!  de  M.  Kuhn.  La  musi- 
que de  ces  deux  nouveautés  est  de  M.  Ch.  Lefay, 
riial)ilc  chef  d'orchestre  des  Folies-Saint-Martm. 
D'après  l'accueil  fait  par  le  public,  qui  répétait  les 
refrains  à  la  sortie,  il  est  probable  que,  d'ici  peu,  ces 
deux  chansonnettes  deviendront  populaires. 

Une  opérette  en  un  acte.  Les  Cadets  de  Gascogne, 
n'a  été  qu'un  long  éclat  de  rire,  provoqué  par 
MM.  Bienfait,  Pinarello,  Denncville,  Dbarville,  et 
tout  le  bataillon  des  jolies  pensionnaires  de  M.  Ni- 
colle,  dont  les  rôles  consistaient  à  montrer  leurs 
dents  blanches. 

Pour  ce  soir  :  reprise  de  Madame  An(jot  et  ses  demoi- 
selles, pièce  à  grand  spectacle  qui  obtint  un  si  beau 
succès,  il  y  a  cleux  ou  trois  ans,  aux  Folies-Marigny. 


Le  succès  du  Concert  de  la  Porte-Maillot  va  s'afFer- 
niissant.  grâce  à  l'intelligente  direction  de  MM.  For- 
lin  cl  Mathieu,  qui  ont  su  s'entourer  d'artistes  dis- 
tingués, tels  que  MM.  Doria,  Emilien  ;  Mnics  Gréty, 
Adelina,  Zélia,  et, j'en  oublie  des  meilleurs  dont 
les  noms  m'échappent. 

Un  jeune  artiste,  très  connu  du  public  des  hocié- 
tés  lyriques  de  Neuilly,  M.  Lefèvre,  a  donné  derniè- 
rement une  audition  qui  a  été  pour  lui  un  véritable 
triomphe  cl  l'a  classé  du  premier  coup  parmi  les 
meilleurs  artistes  de  nos  concerts.  Nous  ne  déses- 
pérons pas  de  le  retrouver  d'ici  peu,  sur  une  scène  plus 
vaste  que  celle  du  Concert  de  la  Porte-Maillot. 

Les  pièces  qui  terminent  les  représentations  sont 
très-bien  choisies  et  bien  jouées  par  les  artistes  de 
la  troupe. 


FOLUîS-RAMiiUTnAU.  —  Mlle  Alida  Pcriy  a  obtenu 
uu  \'r;ii  s'ici'ès,  siiiiicili  (Icruici-,  diins  Xrnctte,  ro- 
]ii:iiii:i' (le  iintrc  (•(ill;iliiii',i leur  .Miixiiiu' (1  n\  ,  niusii|ue 
d'Aliicii.  I''laciè['e,  ipu-  hdus  iivdhs  iiiiliiici'  clans  le 
numéro  12  de  la  Chaxson  [31  Jnillel  /iVS'O). 


L'ouverture  du  Théâtre-Concert  des  i^o/fe-2?oJmo, 
20,  rue  de  la  Gailé,  a  eu  lieu  le  2  octobre;  nous  en 
parlerons  prochainement. 


Casino  Saint-Honoré.  —  Tel  est  le  titre  que 
prend  le  nouvel  établissement  situé  dans  l'ancienne 
salle  du  théâtre  Corneille  (cite  Retiro,  Faubourg  Saint- 
Ilonoré,  HO),  l'ouverture  en  est  fixée,  au  14  octobre. 

Un  orchestre  de  lo  musiciens,  dirigé  par  M.  Bar- 
tholo,  des  artistesd'un  mérite  incontestable,  un  spec- 
tacle attrayant,  tels  sont  les  éléments  de  réussite  de 
ce  coquet  établissement;  nous  ne  douions  pas  de 
son  succès. 

Alfred  Bertinot. 


QUATORZIÈME    CONCOURS    MENSUEL. 
Ouvert  du  20  septembre  au  20  octobre. 

Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obleuu  le  1=''  prix,  une  iietite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

A  la  soirée  du  lundi  4  octobre  des  Gais  Momusieiis, 
présidée  par  M.  Leroux,  nous  avons  entendu  Le  Vin 
du  Rhin,  chanté  par  M.  Poudra,  auteur.de  la  musi- 
que; Le  Boulevard  des  Étudiants,  chanté  par 
M.  Horace,  Mmes  Bario  et  Fayolles  dans  Soutenir  de 
ma  Mie,  la  première,  et  la  seconde,  Ma  Barque. 

MM.  Métivet,  Meunier,  Mathias  et  Richard,  se  sont 
fait  applaudir  dans  leurs  différents  genres. 

Jomain  a  dit  avec  beaucoup  de  finesse  et  sans  trop 
charger.  Maître  Blagiiefort. 

Pomponnette,  opérette  militaire,  a  été  rendue  avec 
brio  par  Mme  Achay  et  MM.  Monnier  et  André. 

M.  Leroux  dirige  toujours  les  soirées  avec  sa  tien- 
reillance  habituelle. 

Nous  avons  reçu  trop  tard  pour  pouvoir  y  assister 
une  invitation  â  la  soirée  intime  des  Enfants  de 
'Montmartre,  qui  a  eu  lieu  dimanche  Salle  Pétrelle. 

L'abondance  des  matières  nous  force  à  remettre  au 
prochain  numéro  le  compte-rendu  de  la  grande 
soirée  d'octobre  du  Cercle  Musset. 

Il  en  est  de  même  de  la  grande  soirée  d'ouverture 
de  la  saison  d'hiver  que  la  Lyre  Républicaine  a 
donnée  le  lundi  4  courant,  dans  son  local  habituel. 
Café  du  Globe,  8,  boulevard  de  Strasbourg. 

VÉscholicre,  présidée  par  M.  Gouget,  fera  sa  réou- 
verture le  jeudi  14  octobre,  à  8  heures  du  soir,  46,  rue 
de  Seine,  avec  le  concours  d'artistes  des  concerts  et 
de  plusieurs  sociétés  lyriques  ;  la  salle  a  élé  complér- 
lement  remise  à  neuf  par  le  nouveau  maître  de  l'éla- 
blissemenl. 


Le  samedi  16  octobre,  la  société  lyrique  :  La  Lyre 
de  la  Gaité,  18,  rue  Descartes,  ofl're  une  soirée  ex- 
traordinaire à  ses  visiteurs.  Le  spectacle  promet 
d'être  attrayant;  il  nous  suffirad'indiquer  au  hasard 
quelques  noms  des  artistes  qui  prêteront  leur  con- 
cours à  cette  fête  de  famille. 

D'abord,  MM.  Adrien  Souchet,  Moumoutte,  Karl, 
Gouget,  Tiercelin,  etc.,  etc. 

MMmes  Adèle,  Marie  Lerouge,  etc. 

Ajoutons  que  toutes  les  sociétés  du  ti"  arrondisse- 
ment se  feront  un  devoir  de  se  rendre  à  l'invitation 
qui  leur  a  été  faite.  Une  magnifique  tombola  termi- 
nera la  soirée.  Les  amateurs  trouveront  rarement 
une  semblable  occasion  de  se  distraire;  nous  les 
engageons  donc  à  en  profiter. 

Il  sera  perçu  2S  cent,  à  l'entrée  contre  un  billet.' 
de  tombola  pour  atténuer  les  frais  de  cette  soirée. 

Nous  avons  omis,  dans  la  liste  des  sociétés  lyri- 
ques ayant  répondu  à  l'appel  du  comité  des  con- 
cours, Y  Union  joyeuse,  de  Monlrouge. 


CHOSES  &  AUTRES 


Les  journaux  qui  se  sont  occupés  du  dernier  ban- 
quet du  Caveau  ont  commis  une  erreur  que  nous 


176 


LA  CHANSON 


crojrons  utile  de  rectifier  :  Thérésa  n'était  qu'invitée 
à  ce  banquet  et  n'a  nullement  été  reçue  membre  du 
Caveau.  L'honneur  décerné  jadis  à  Déjazet  reste  la 
seule  exception  faite  aux  slatuls  de  la  compagnie 
chansonnière. 

Avec  Thérésa  le  Caveau  a  ouvert  une  série  d'invi- 
tations artistiques  où  pourront  figurer,  avec  autant 
de  droits,  Mme  Judic,  Céline  Chaumont  et  diverses 
autres  célébrités  chantantes. 

Le  Comité  des  concours  des  sociétés  lyriques  et 
dramatiques  de  Pari.?  a  formé  son  bareau  de  la  façon 
suivante  :  Président,  M.  Delaporte  ;  Vice-Présidents, 
MM.  Massé,  Président  des  Épicuriens,  Edouard  Phi- 
lippe, Président  de  La  Pensée;  M.  Durrieu,  du  Cercle 
Musset,  Secrétaire;  M.  Dupont,  de  la  Lyre  Amicale, 
Trésorier. 

Le  Banquet  proposé  par  le  directeur  du  Journal 
LA  Chanson  et  adopté  à  l'unanimité  à  la  réunion 
générale  a  été  définitivement  fixé  au  dimanche 
31  octobre;  il  aura  lieu,  23,  faubourg  du  Temple  dans 
la  nouvelle  salle  de  M.  Orange.  Le  prix  de  ce  déjeû- 
ner dinatoire  a  été  fixé  à  i  francs  par  personne. 

Les  Présidents  et  Vice-Présidents  seuls  ont  le  droit 
d'3'  assister.  A  une  heure  très  précise  a  table. 

On  trouve  des  caites  chez  M.  Orange,  place  de  la 
République,  et  aux  bureaux  du  Journal  la  Chanson, 
18,  rue  Bonaparte,  ainsi  que  chez  MM.  les  membres 
du  Comité. 

Le  Banquet  sera  présidé  par  notre  ami  Alfred 
Leconte,  le  sympathique  député  de  Vlndre.  Plusieurs 
des  membres  du  Jury  du  premier  concours  nous  ont 
fait  espérer  leur  présence.  Le  Grand  Bal  offert  par 
M.  Orange  à  toutes  les  Sociétés  lyriques,  aura  lieu  le 
samedi  6  novembre.  Salle  des  Folies-Parisiennes. 
Prochainement  on  trouvera  des  lettres  d'in-ritation 
dans  toutes  les  Sociétés  lyriques  et  dans  nos  bureaux; 
nous  en  reparlerons. 

Le  Cercle  des  Anciens  Élèves  de  l'école  Ticrgot  a 
ofl'ert  à  ses  membres  une  soirée  musicale  et  litté- 
raire vraiment  remarquable. 

M.  Marais,  du  théâtre  du  Gymnase,  qui  prêlait 
son  concours  à  celle  petite  fêle,  y  a  lu  d'une  façon 
simple,  mais  avec  des  accents  émouvants,  les,  En- 
fants de  l'ivroffne.  Aidé  du  talent  d'un  tel  interprète, 
l'auleur  M.  Grencl-Dancnurt  efl  sûr  de  gagner  la 
cause  qu'il  plaide.  Une  charmnnte  ehansonnelle  de 
L-Henry  Leconile:  On  peut  s'entendre,  érrilc  pour 
Dt'bailleiil,  a  clé  chnniée  p.ir  M.  Jules  Rnux  avre  !'• 
genre  original  qu'il  donne  à  chacune  de  ses  compo- 
bitions. 

L'exclamation  Oh  Monsieur  \  de  Gondine',  a  éié 
rendue  finement  par  M.  Bâillon.  Une  seconde  excla- 
mation Ah\  ak\  poussée  par  M.  Lanier  était  on  ne 
peut  plus  comique.  M  Chapuis,  le  tenorino  des  so- 
ciélôs  lyriques,  a  fait  très  coquettement  le  récit  de 
sa  Première  connaissance,  et  M.  Durel,  à  sr.n  tour,  a 
chanté  avec  un  goût  parfait  l'air  de  Galathée. 

En  récitant  l'histoire  de  Jemmapes,  M.  Fournier 
a  su  impressionner  vivement  ses  auditeurs. 

Un  jeune  baryton,  M.  Villeneuve,  nous  a  révélé 
une  belle  voix  dans  l'air  de  Jérusalem  ;  nous  espé- 
rons entendre  souvent  cet-artisle.  L'amusant  Leserre 
a  excité  l'hilariié  par  la  façon  amusante  dont  il  a 
débité  VOisession  et  Vive  le  chant.  Après  M.  Dupont 
qui  a  interprété  le  Signal,  11  nnns  reste  à  citer  le 
nom  d'un  artiste  d'avenir,  M.  De  Laëre  dont  la  voix 
souple  et  puissante  a  produit  de  magnifiques  effets 
dans  l'air  du  Pardon  de  pioërmel. 


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Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,  6,  rue  Martel. 


3"  ANNEE. 


N"  23, 


lO  CENTIMES. 


17  OCTOBRE  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant. 
A.   PATAY 


La  chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
BSt  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V,  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ''"tïiSiS^?"'" 


ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


La  chanson,  comme  la  baronnetta 
est  une  arme  française. 

j.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,   BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  ChEF 

L.-HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>  six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


Galerie  des  Chansonniers:  Emile  DcOraiu:  (II.  P.)  —  Fan/an  La 
Tulipe  (Emile  D.!Dn»o%).  —  Quand  on  est  si  jolie!  (L.-Ukmiv- 
Li!COiiTK\  —  Foldirerics  (li»u»ï).  —  .farques  OJfenbarh  (J.  II.).  — 


Chronique  des  Concerts  (Alfred  Bkutixot).  —  Chronique  des  Socié- 
irs  lyriques  (Ain-eJ  Bkuttrot).  —  Choses  et  autres  (A.  Pataï).  — 
Cnl(do"uc  des  Publications  musicales  de  la,  librairie  A.  Patay. 


GALERIE   DES   CHANSONNIERS  :   EMILE  DEBRAUX 


Le  nom  d'Emile  Do- 
braux  n'éveille  plus 
guère  actuellement  que 
de  rares  souvenirs,  en- 
core faul-il  aller  les 
chercher  dans  la  mé- 
moire des  derniers  amis 
do  la  vieille  chanson. 
Si  grande  qu'ail  él6  sa 
répulalion,  il  n'en  re  te 
aujourd'hui  que  quel- 
ques échos  alfaiblis  par 
la  distance  qui  sé|iaro 
notre  époque  de  colle 
où  Uebraus  était  en 
pleine  possession  de  la 
popularité,  et  cela  re- 
monte à  un  demi-siè- 
cle. 

Quoi  qu"il  en  soit,  si 
un  chan=!onnier  a  des 
droits  à  occuper  l'at- 
tention du  public,  c'est 
assurément  Debrau.x 
(Paul-Éinilt-l,  né  le  ;!û 
août  179G,  d'une  famille 
protestante,  à  Ancer- 
vilUe  —  Meuse.  —  La 
Notice  historique  placée 
en  tète  de  l'édition  de 
183r3,  qui  rajeunit  De- 
braux  de  deux  ans,  le 


fait  naître  en  1798.  J'ai  d'excellentes  raisons  pour 
suspecter  l'exactitude  de  cette  dernière  date;  je 
préfère    accepter   comme    véritable  celle   de   179S, 


donnée  par  la  Biogra- 
fliie  des  Contemporains, 
à  laquelle  j'ai  dû  faire 
plusieurs  emprunts  (1). 
Comme  la  plupart  des 
élèves  du  Lycée  impé- 
rial, où  il  ?ivait  fait  ses 
études,  Debraux  s'est 
montré  constamment 
animé  de  cet  esprit  de 
[jatriotismc  qu'on  y  in- 
culquait à  la  jeunesse. 
Eu  181o,  lorsque  la  tra- 
hison eut  livré  la  Fran- 
ce à  l'étranger,  il  fut 
iiidicné  des  huniilia- 
lio.is  do;rt  ou  accablait 
notre  vieille  armée,  et 
Je  sentimeiil  profond 
de  la  gloire  qui  s'atta- 
c'.iait  aux  exploits  de 
nos  guerriers  lui  ins- 
pira des  chants  dnns 
lesquels  il  fit  revivre 
tous  les  souvenirs  pro- 
pres à  réveiller  l'orgueil 
national.  Sa  chanson  de 
la  Colonne,  celle  du 
Mont  Saint-Jean  et  plu- 
sieurs autres  parvin- 
rent, en  peu  de  temps, 
jusque   dans    les    plus 


(1)  D:. 


à  1S30, 

recueil  I 

cle  Ju  p- 


,u\)i;^ 


Chans 


lS22,aj;. 


178 


LA  CHANSON 


pelils  hameaux.  Jamais  succès  de  chanson  ne  fat  si 
rapide  et  si  grand. 

Mon  respect  pour  les  grandes  autorités  littéraires 
me  fait  un  devoir  d'intercaler,  ici,  les  quelques 
lignes  qui  suivent;  elles  sont  certainement  le  plus 
beau  témoignage  qu'on  ait  jamais  rendu  à  la  mé- 
moire de  cet  intrépide  et  joyeux  Lorrain  : 

«  Peu  de  chansonniers  ont  pu  se  vanter  d'une  po- 
«  pularité  égale  à  la  sienne,  qui,  certes,  était  bien 
«  méritée.  Les  chansons  de  La  Colonne  ;  Soldat  t'en 
«  souviens-tii'>  Fanfan  la  TuUjie;  Mon2}ctit  Mimile  etc. 
«  ont  eu  un  succès  prodigieux,  non-seulement  dans 
«  les  goguettes  et  les  ateliers,  mais  aussi  dans  les 
«  salons  libéraux. 

«  L'existence  de  Debraux  n'en  resta  pas  moins 
«  obscure;  il  ne  savait  ni  se  faire  valoir,  ni  solliciter. 
«  Pendant  la  Restauration  il  se  laissa  poursuivre, 
«  juger;  condamner,  emprisonner  sans  se  plaindre, 
«  et  je  ne  sais  si  une  feuille  publique  lui  adressa 
«  deux  mots  de  consolation.  Souvent  il  fut  réduit  à 
«  faire  des  copies  et  à  barbouiller  des  rôles  pour 
«  nourrir  sa  femme  et  ses  trois  enfants. 

((  Les  sociétés  chantantes,  dites  Go(/îtettes,  le  ro- 
«  cherchèrent  toutes,  et  je  crois  qu'il  n'eu  ncgli.uca 
«  aucune.  Si,  dans  ces  réunions,  Debraux  se  laissa 
«  aller  à  son  penchant  pour  la  vie  insouciante  et 
«  joyeuse,  il  faut  dire  que,  par  des  soins  utiles, 
«  elles  adoucirent  ses  derniers  momonis,  rendus  si 
«  pénibles  par  une  maladie  lente  et  douloureuse. 

«  Sa  pauvre  famille  n'a  obtenu  que  d'incertains  et 
«  faibles  secours  dans  la  répartition  faite  par  le  co- 
«  mité  des  récompenses  nationales.  Pourtmt  les 
«  chansons  de  Debraux,  en  contribuant  à  exalter  le 
«  patriotisme  du  peuple,  ont  concouru  au  triomphe 
«  de  Juillet,  qu'à  son  lit  de  mort  il  a  salué  d'une 
«  voix  défaillante.  » 

Cette  appréciation  si  concise  que  Béranger  rejette 
en  note  à  la  fln  d'un  do  ses  livres,  résume  ample- 
ment la  vie  du  chansonnier.  Elle  est,  pour  ainsi  dire, 
le  complément  de  la  superbe  poésie  que  Béranger 
intitula  modestement  :  Chanson-prospectus . 

Le  pauvre  Emile  a  passé  comme  une  ombre, 
Ombre  joyeuse  et  chèra  aux  bons  vivauls. 
Ses  gais  refrains  vnjs  égalent  en  nombre. 
Fleurs  d'acacia  qu'éparpillent  les  venls... 

Après  ces  regrets  si  poétiquement  exprimés, 
Béranger  ajoute  : 

Toujours  enfant,  gai  jusqu'à  faire  envie, 
En  étourdi  vers  le  bonlieur  poussé; 
PoutTant  de  rire  à  voir  couler  sa  vie 
Comme  le  vin  d'un  tonneau  défoncé. 

mois  (le  prijoii,  et  renreirai  à  Siinle-Pilagie  oi'i  il  se  Irouva  avec 
Magalon,  Birgluet,  Jiug.  de  Pradcl  cl  pluiieiii-i  aulivs  ,:.,rlvalns.  Oulre 
81S  volumes  Je  cliansons,  Uetraux  publia,  en  18-23,  Voyage  à  Sainle- 
l'èlagir,  2  vol.  -,  La  Fru-ice  au  lamlieaa  du  général  l'oy;  Mort  de  ce 
mulheiirciix  Droit  d'alncssc,  récit  Iragica-comico  philosojjluqic  en 
maniùre  depol-pourn,  écril  sous  la  dictilB  Je  CaJet  Lagingeolo.  1820  i 
Biographie  des  Souverains  du  XIX"  Siècle,  par  Jeux  rois  Je  la  Fèvt, 
1826;  Villèle  aax  Eajes,  pocme  Iraglco-coralco-diaboliquc,  1827; 
un  poèmî  3'ir  les  barricades.  Le  deuxième  volume,  imiiriiné  pip 
n.  Balzac,  csl  orné  du  portrait  d'Éiuile  DcbrauN,  par  Élisa  llucqujrl. 
îflous  If  r-produisons  en  lête  tie  ccll^  notice. 


Et  cette  recommandation  finale  qui  justifie  le  mot 
de  prospectas  : 

Riches  et  grands  achetez  ce  recueil, 
A  tant  d'esprit  passez  la  négligence. 
Ah!  du  talent  le  besoin  est  l'écueil. 

Emile  Debraux  a  ressenti  toutes  les  passions  ré. 
publicaines  de  son  époque,  et  si  leur  expression  a 
été  favorable  au  retour  de  cet  ordre  de  choses  — 
honteuses  —  qu'il  nous  a  fallu  subir  vingt  ans  plus 
tard,  c'est  que  le  souvenir  des  «  gloires  militaires  » 
entraînait  alors  toutes  les  inielligences  dans  ce  cou- 
rant politique  qui  culbuta  le  trône  des  Bourbons. 
Emile  Debraux,  cet  interprète  des  sentiments  popu- 
laires, fil  comme  tout  le  monde  et  glorifia  dans  la 
mesure  de  son  tilent,  le  «  boulet  couronné.  »  Il  ne 
fit  pas  autrement  que  Béranger,  son  maître,  et  ne 
vit  dans  ^ïapoléon  que  le  capitaine  promenant  dans 
toutes  les  capitales  de  l'Europe  les  drapeaux  victo- 
rieux de  la  nation.  Lisez  plutôt  : 

Te  souviens-tu  de  ces  jours  tr.^p  rapides 
Où  le  Français  acquit  un  grand  renom'/ 
Te  souviens-tu  que  sur  les  I-'yramides 
Chacun  de  nous  osa  graTor  son  nom. 
Malgré  les  vents,  malgré  la  foudre  et  l'onde, 
On  vit  flotter  —  après  l'avoir  vaincu  — 
Notre  étendard  sur  le  berceau  du  monde 
Dis-moi  soldat,  dis-moi,  t'en  souviens-tu? 

Pour  ce  qui  est  des  chants  patriotiques  de  Debraux, 
je  m'en  tiendrai  à  cette  citation  qui  suffit, selon  moi, 
pour  donner  une  idée  de  la  manière  verveuse  avec 
laquelle  notre  chansonnier  facturait  le  couplet  sé- 
rieux. 

Emile  Debraux,  dont  le  style  est  en  parfaite  con- 
cordance avec  son  tempérament,  excelle  dans  le  genre 
satirique  et  badin.  Du  ton  le  plus  grave  il  passe  au 
Ion  le  plus  léger,  et  tour  à  tour,  bérault  des  vieilles 
gloires  et  bouie-en-train  des  plus  folles  gaités,  il  em- 
bouche la  trompette  ou  souffle  dans  le  fifre  aigu  de 
la  raillerie,  se  souciant  fort  peu  des  menaces  du 
pouvoir  et  des  indignations  de  la  haute  hégueulerie. 
La  muse  foUUro  du  «  pauvre  Emile  »  avait,  selon  les 
dispositions  de  son  esprit,  la  larme  à  l'œil  ou  le  rire 
effronté  sur  les  lèvres.  Fallait-il  pleurer?  elle  pleu- 
rait et  faisait  pleurer  les  autres  ;  fallait-il  rire  ?  elle 
riait,  et  sa  joie  commuuicative,  contagieuse,  mettait 
tout  en  branle.  J'ai  connu  de  vieux  troupiers  — 
d'anciens  brigands  de  la  Loire,  comme  on  les  sur- 
nommait alors  ■ —  qui  avaient  des  sanglots  dans 
la  voix  lorsqu'ils  chantaient,  sur  un  air  dolent  et 
traînard  :  le  Mont-Saint-Jean.,  Marengo,  les  Vieux 
Souvenirs,  etc.,  et  qui  trépignaient  d'une  joie  déli- 
rante quand  ils  entonnaient  :  Fanfan  la  Tulipe,  la 
Dernière  goutte,  Mathieu,  etc.  Ce  n'est  pas  seule- 
ment les  soldats  qui  chantaient  les  vers  de  Debraux; 
les  bourgeois,  les  artisans,  enfin  tout  ce  qui  était 
opposé  au  régfme  de  la  Restauration  et  s'irritait  de 
son  joug,  ne  se  faisait  pas  faute  '  do  joindre  aux 
accents  élevés  de  Béranger,  les  couplets  entraînants 
de  l'auteur  de  la  Colonne.  Je  ne  parle  pas  des  sociétés, 
dites  Goguettes,  où  Debraux  régnait  en  véritable  sou 
verain.  Ses  couplets,  pleins  de  verve  et  d'auda  è, 
y  étaient  toujours  accueillis  par  des  applaudisse- 
ments et  des  transports  inimaginables. 


LA  CHANSON 


179 


Cependant,  si  cspansive  et  débordante  que  fût  sa 
gaité,  le  «  pauvre  Emile  »  n'écliappa  point  à  la  mé- 
lancolie. Son  esprit,  parait-il,  envahi  par  les  ^;«i>i;/o'« 
noirs,  était  parfois  tourmenté  de  sombres  inquiétudes 
et  de  bizarres  préocupations.  Dumersan,  intimement 
lié  avec  le  joj'cux  clransonnier  qui 

Pouffait  de  rire  à  voir  couler  sa  vie 
Comme  le  vin  d'un  tonneau  défoncé, 
affirme  que  Debraux  avait  des  velléités  de  misan- 
thropie, et  que,  lorsque  ces  accès  lui  prenaient,  il  se 
rendait  à  pied  dans  la  forêt  de  Fontainebleau,  où 
il  restait  plusieurs  jours.  Si  étonnan4i' qu'il  m'ait 
paru,  je  livre  ce  fait  que  j'ai  noté  en  passant,  sans  y 
ajouter  une  croyance  absolue.  \ 

La  «  muse  folâtre  du  pauvre  Kmilu,  »  il  faut  bien 
le  dire,  se  comptait  dans  les  sujets  libres  el  quelque 
peu  licencieux.  Là,  elle  est  vraiment  à  l'aise  et  se 
donne  ses  franches  coudée.s. 

J'avoue  mon  embarras  à  parler  de  la  note  égrillarde 
d'Emile  Debraux;  l'hésitation  est  bien  pormiso  lors- 
([u'il  s'agit,  non  plus  do  plaider  les  circonstances 
atténuantes,  —  le  milieu  dans  lequel  vivait  le  chan- 
sonnier justifie  dans  une  certaine  mesure  les  écarts 
de  sa  muse  —  mais  d'avouer  que  l'on  a  une  légère 
tendance  à  admirer  dos  gaillardises  spirituellement 
tournées  et  qui  semblent  nous  apporter  comme  un 
parfum  enivrant  du  terroir  Rabelaisien,  si  fertile 
«  en  joycusctés  de  haulte  graisse.  » 

J'en  demande  pardon  aux  pseudo-pudibonds  et 
aux  collets-montés,  mais  je  préfère  la  Dragonne  de 
Friedland,  les  Coquilles,  les  Filles  honnôles,  etc.  à 
toutes  les  niaiseries  que  l'on  débite  chaque  jour  de- 
vant le  pecus  wriiciim  qui  s'en  montre  satisfait  et 
applaudit  à  outrance. 

(c  L'échelle  de  la  poésie  sensuelle  a,  à  son  éche- 
lon d'en  haut,  le  Cantique  des  Cantiques,  et,  à  son 
échelon  d'en  bas,  la  Gaudriole.  »  —  C'est  Victor  Hugo 
qui  assigne  ainsi  la  place  que  doit  occuper  la 
Dixième  Muse.  Entre  Salomon  qui  célèbre,  en  les  dé- 
voilant l'un  après  l'autre,  les  charmes  de  sa  royale 
épouse,  et  Emile  Debraux  qui  chante  simplement  les 
appas  de  Sa  Monde,  mon  choix  est  fait  depuis  long- 
temps. Je  laisse  le  lecteur  libre  de  faire  le  sien. 

Toutes  les  fois  que  Debraux  a  voulu  sortir  du 
genre  dans  lequel  il  avait  acquis  une  incontestable 
supériorité,  il  n'a  point  réussi.  Soq  poème  des  Bar- 
ricades n'a  rien  de  saillant,  rien  qui  fixe  l'aitention 
et  qui  soit  susceptible  d'être  noté.  Son  Voyage  à 
Sainte-Pélagie  n'est  guère  plus  intéressant,  et,  si 
quelques  joyeuses  chansons,  comme  il  S-ivait  les 
faire,  n'en  égayaient  pas  le  cours,  jamais  voyage 
n'eut  été  plus  fastidieux.  Sa  plume  exercée  à  la 
facture  des  coupleis  patriotiques  ou  grivois  avait 
une  allure  pénible  dans  la  prose;  elle  élait  un  peu 
gauche,  impuissante  et  comme  dépaysée.  Aussi,  je 
doute  fort  que  la  malicieuse  et  ironique  préface  de 
la  Oaudriole  (ly32)  préface  datée  de  février  I Soi,  soit 
d'Emile  Debraux,  bien  qu'elle  porte  son  nom.  Du 
reste,  ce  n'est  pas  là  un  cas  unique  de  supercherie, 
car  sous  la  signature  de  Debraux  il  existe  un  grand 
nombre  de  chansons  qui  ne  sont  pas  de  son  crû  (1); 


Charles  Lepage,  F.  Dauphin  et  d'autres  encore  ont 
été  ses  collaborateurs. 

Le  comble  de  cette  mauvaise  plaisanterie,  c'est 
d'avoir  interpolé  une  poésie  bien  connue  de  Lamar- 
tine dans  le  troisième  volume  des  chansons  de 
Debraux.  Cola  est  d'autant  plus  audacieux,  que  Tau- 
leur  de  Bonaparte  ne  pensait  pas  positivement 
comme  le  chantre  de  la  Colonne.  Cette  divergence 
d'opinion  ne  parut  pas  un  obstacle  aux  brocanteurs 
de  livres  et  ne  les  empêcha  pas,  après  avoir  écourté, 
mutilé  l'ode  admirable  du  poète,  de  la  fourrer  dans 
les  petits  recueils  du  chansonnier.  Cela  se  passait  du 
vivant  de  l'auteur  (2^ 

Je  ne  voudrais  pas  terminer  ces  lignes  sur  cette 
désagréable  impression;  aussi  dirai-je,  pour  finir, 
que  sans  avoir  l'élévation  poétique  et  la  pureté  de 
langage  que  Béranger  possède  à  un  si  haut  degré, 
Emile  Debraux,  grice  à  sa  pensée  incisive  et  sail- 
lante et  surtout  à  la  conception  originale  d'un  grand 
nombre  de  ses  chansons,  est  et'  restera  un  dos 
meilleurs  et  des  jjIus  joyeux  chansonniers  de  son 
temps. 

Quant  à  ses  incorrections,  à  ses -inélégances  de 
style,  Béranger,  toujours  charitable  et  bienveillant, 
ne  l'en  rend  pas  responsable.  Ne  soyons  pas  moins 
indulgent  que  le  maître  : 

A  tant  d'esprit  passez  la  négligence. 
Ah!  du  talent  le  besoin  est  l'écucil. 

E.  Debraux  mourut  à  Paris,  le  13  février  ISlîl,  la 
veille  du  sac  de  l'Archevêché.  R.  P. 


FAKFAN  LA  TDUPE 

Air  connu. 
Comme  l'mari  d'notre  mère 
Doit  toujours  s'app'ler  papa, 
Je  vous  dirai  que  mon  père 
Un  certain  jour  me  happa. 
Puis  me  m'nanl  jusqu'au  bas  de  la  rampe 
M'dit  ces  mots  qui  m'mir'nt  tout  sens  d'sus  d'sous  : 
«  J'te  dirai,  ma  foi, 
«  N'y  a  plus  pour  toi 
«  Rien  chez  nous. 
«  V'ià  cinq  sous 
«  Et  décampe. 
K  En  avant 
«  Fanl'an 
u  La  Tulipe, 
ï  Oui,  miU'noms  d'une  pipe, 
«  En  avant!  » 

lion  intelligente  et  notamment  d'un 
à  l'inti-oiluelion  de  cl.ansons  dont 
ne  l'anlrme  Duniersan,  i|ue  linéiques 
lion  de  Icm-s  œuvres  dans    celles  de 

Debraux,   soit  cnlln  que  le  niercantiiisnio  ait  eu  en  vue,  en  grossissant  do 

pièces  étrangères  les    volumes  du    elninsonu'         '•  '        ' 

tion  de  UcLraUK  et  surtout  les  eiiauC-S  d.-  1, 

regrettable  et  qui  peut  déprécier  l'œuvre  co 

(2)  lionaparto,  Lamartine.  Àn-hèe  du  XajjuH-on  à  l'Ëlysce, 
bebraus,  édition  do  lS2a,  iiago  205,  8"  volume  j  édition  do  .  ISSe; 
1"  volume,  page  220. 


(1)  Soit  quo  l'absence  d'une  dii 
conlréle  sérieux  ait  pu  donner  lit 
la  paternité  est  douteuse,  soit,  co; 


Il    eu  résulte  uu  fait 
d'Emile  i)cbi-aux. 


180 


LA  CHANSON 


Paisqu'il  est  d'fait  qu'un  jeune  homme, 
Quand  il  a  cinq  sous  vaillant, 
Peut  aller  d'Paris  à  Piome, 
J'parlis  en  sautillant. 
L'premicr  jour  je  trottais  comme  un  ange. 
Mais  l'IendemaiH. 
J'mourais  quasi  de  faim. 
Un  r'crutour  passa 

Qui  m'proposa 

Pas  d'orgueil, 
J'm'en  bals  l'œil, 
Faut  que  j 'mange. 
En  avant,  etc. 

Quand  j'entendis  la  mitraille. 
Comme  je  r'grettais  mes  foyers  ! 
Mais  quand  j'vis  à  la  bataille 
Marcher  nos  vieux  grenadiers  ; 
Un  instant,  nous  sonim's  toujours  ensemble 
Vcnlroblcu!  me  dis-jc  alors  tout  bas. 
Allons  mon  enfant, 
Monp'til  Fanfan, 
Vile  au  pas. 
Qu'on  n'dise  pas 
Que  tu  tremble  ! 
Kn  avant,  etc. 

En  vrai  soldat  de  la  garde. 
Quand  les  feux  avaient  cessé, 
Sans  r'garder  à  la  cocarde 
J'tendais  la  main  au  blessé. 
D'insulter  des  homm's  vivant  encore, 
Quand  j' voyais  des  lâch's  se  faire  un  jeu; 
Ah  !  miir  ventrebleu, 
Quoi, 
Devant  moi, 
J'  souffrirais 
Qu'un  Français 
S'  déshonore  ! 
En  avant,  etc, 

Vingt  ans  soldat,  vaill'  que  vaille, 
Quoiqu'au  d'voir  toujours  soumis. 
Un'  fois  hors  du  champ  de  bataille, 
J'  n'ai  jamais  connu  d'ennemis. 
Des  vaincus  la  louchante  prière, 
M'  lit  toujours 
Voler  à  leur  secours. 
P'I-êl'c'  que  j'  frai  pour  eux. 
Les  malheureux 
L' front  un  jour 
A  leur  tour 
Pour  ma  mère  ! 
Eu  avant,  etc. 

A  plus  d'un'gcnliir  friponne 

Mainte  fois  j'ai  fait  la  cour  ; 

Mais  toujours  à  la  dragonne; 

C'csl  vraiment  r  chemin  1'  plus  court. 
Et  j' disais  quand  un'  fllle  un  peu  fière. 
Sur  l'honneur  se  mettait  à  dada  : 


N'  tremblons-  pas  pour  ça, 
Ces  vertus-là 
Tôt  ou  tard 
Finiss'nt  par 
S'  laisser  faire. 
En  avant,  etc. 

Mon  père,  dans  l'infortune, 
M'app'lapour  le  protéger; 
Si  j'avais  eu  d'ia  rancune. 
Quel  moment  pour  me  venger  ! 
Mais  un  franc,  un  loyal  militaire, 
D'  ses  parents  doit  toujours  être  l'appui; 
Si  j'  n'avais  eu  qu'lui 
J'  s'rais  aujourd'hui 
Mort  de  faim, 
Mais  enfin 
C'est  mon  père? 
En  avant,  etc. 

Maintenant  je  me  repose 
Sous  le  chaume  hospitalier  ; 
Et  j'y  cultive  la  rose 
Sans  négliger  le  laurier. 
D'  mon  armur'  je  détache  la  rouille. 
Car  si  l'temps  ramenait  les  combats, 
D*  nos  jeunes  soldats 
Guidant  les  pas, 
J'  m'écrirais  : 
J'  suis  Français, 
Q,ui  touch'  mouille. 
En  avant 
Fanfan 
La  Tulipe, 
Oui,  niiir  noms  d'un'  pipe, 
En  avant! 

Paul-Émile  Debraux. 


QUAND  m  EST  SI  JOLIE 


Le  soleil  béni  du  printemps. 
Qui  sur  terre  fait  tout  éclore. 
Lise,  prèle  à  tes  dix-sept  ans 
Le  charme  attendri  d'une  aurore  ; 
Interroge  sur  ton  pouvoir 
Le  clair  ruisseau  de  la  prairie  : 
Etre  coquette  est  un  devoir 
Quand  on  est  si  jolie  ! 

De  vagues  désirs  agité. 
Ton  cœur  à  chaque  instant  soupire, 
Mignonne  Lise,  la  beauté 
Se  complète  par  le  sourire  ; 
Accueillant  qui  cherche  à  te  voir. 
Bannis  toute  mélancolie  : 
Se  faire  aimer  est  un  devoir 
Quand  on  est  si  jolie  ! 

Bientôt  un  candide  amoureux 
T'offrira  son  ardeur  fidèle. 
Pour  ce  courtisan  langoureux, 
0  Lise,  ne  sois  pas  cruelle  ; 
Du  bonheur  caressant  l'espoir. 
Tiens  la  sagesse  pour  folie  : 
Aimer,  aimer  est  un  devoir 
Quand  on  f:sl  si  jolie  ! 

L.-Henry  Leqomib. 


LA  CHANSON 


181 


FOLATRERIES 


Un  papillon  perdu  l'autre  jour  s'abrila 

Au  bord  de  ma  fenêtre  ; 
C'est  le  vent  qui,  fougueux,  dans  ce  coin  m'apporta 

Ce  joli  petit  être. 

Je  contemplai  d'amour  les  points  noirs,  le  beau  blanc, 

D'une  neige  native. 
Et  le  bleu  qui  nacraient  d'un  nuage  ambulant 

Son  aile  fugitive. 

L'infortuné  pliait  sous  une  goutte  d'eau 

Que  lui  lança  l'orage. 
En  vérité  c'était  un  horrible  fardeau 

Sur  son  divin  corsage. 

Je  priai  le  destin  de  mettre  dans  ses  jours 

Un  peu  plus  de  concorde, 
I>e  recevoir  son  corps,  son  àme  et  ses  amours 

Dans  sa  miséricorde. 

Le  cœur  gros  je  maudis  ma  main  ne  pouvant  pas 

Le  toucher  sans  blessures, 
Ctonlrc  moi  furieux,  en  marchant  à  grands  pas, 

M'adressant  mille  injures. 

Cependant  chacun  sait  qu'il  faut  ici  mourir  ; 

Mais  mon  cœur  seul  raisonne  : 
Il  m'eût  été  si  doux  de  pouvoir  secourir 

Sa  gentille  personne  I 

Capricieux  rimeur,  fantasque  et  bruissant 
Comme  un  grillon  dans  l'Atre, 

Fuyant  le  prétérit  je  vais  mettre  au  présent 
Ces  faits  que  j'idolâtre. 

La  strophe,  en  s'insurgeant,  m'est  rebelle  au  passé. 

Sa  verve  ne  s'éveille 
Q'avec  l'indicatif  vivant,  leste,  empressé, 

Dont  elle  s'émerveille. 

A  rêver  sans  sujet  au  fond  d'un  songe  creux 

Trop  souvent  je  m'égare  : 
Amis  !  pardonnez-moi  cet  oubli  monstrueux, 

Je  cherche  mon  Icare. 

Mon  pauvre  papillon  remue  1...  il  n'est  pas  mort. 

Son  aile  se  déploie. 
Sa  vie  est  arrachée  aux  affreux  coups  du  sort. 

Je  nage  dans  la  joie  I 

—  Papillon  1  sauve-toi  sous  ce  frêle  appentis 

Fait  de  cette  planchette. 
Mais  solide  en  portant  sur  quatre  pilotis, 

Que  ce  soit  ta  chambrette. 

Mets-toi  bien  à  l'abri,  plus  haut,  prends  garde  à  toi. 

Car  la  bise  extermine 
Fleurette  et  papillon;  oh  !  ménage,  crois-moi. 

Ton  beau  manteau  d'hermine. 

La  pluie  en  te  cinglant  pourrait,  de  ce  terrain. 

Te  souiller  de  sa  fange, 
Flétrir  et  profaner  le  tissu  souverain 

De  ta  robe  d'archange. 


Ton  dos  est  chatoyant  d'un  salin  des  plus  frais 

Que  notre  œil  s'accoutume 
A  voir  sans  adorer.  —  Dieu  pourtant  fit  les  frais 

De  ton  divin  costume  I 

Pour  plus  de  sûreté  plein  de  soins  je  te  prends, 
T'emportant  dans  ma  chambre. 

Enivré  des  splendeurs  qu'en  transport  je  surprends 
Sur  ton  corps  qui  se  cambre  !  — 

Je  le  place  au  soleil  et  pour  le  contempler. 

Comme  une  découverte; 
Ici,  je  veux  qu'il  soit  libre  de  s'envoler 

Par  la  fenêtre  ouverte. 

Sur  les  bords  de  son  aile  erre  un  doute  d'azur 

Dont  s'ornent  les  coquilles. 
Et  du  lilas  fondu  dans  un  blanc  des  plus  pur 

Sur  des  teintes  jonquilles. 

Son  ombre  illuminée  aux  doux  reflets  du  jour 

A  des  beautés  sans  nombre 
Me  comblant  d'avenir,  de  lumière  et  d'amour 

Qui  glissent  dans  mon  ombre. 

Il  semble,  à  palpiter,  qu'il  suit  tout  sentiment 

Pour  les  fleurs  qu'il  adore  ? 
Ali  !  mon  regard  croit  voir  son  petit  cœur  d'amant 

Les  baiser  dès  l'aurore  1 

Bientôt  il  va  d'un  bond  s'élancer  vers  les  bois, 

Mais  en  lui  je  me  fie 
Pour  doter  ma  cervelle  et  velouter  ma  voix 

De  sa  philosophie. 

Reste  encore  au  logis,  ravissant  papillon, 

Créature  fugace. 
Aime-moi,  car  je  t'aime,  ô  vivant  tourbillon 

Qui  veux  perdre  ma  trace  ! 

Je  n'ai  pas  assez  vu  tes  ailes  déployer 

Leur  immense  envergure. 
Ni  leur  superbe  éclat  que  tu  fais  ondoyer 

En  charmant  la  nature. 

Balancé  sur  ton  vol  que  je  voudrais  pouvoir 

Aller  de  cime  en  cime  ! 
Mais  sonder  ton  esprit  de  mon  tristo  savoir 

C'est  sonder  un  abime. 

Il  s'apprête  à  me  fuir. . .  Adieu,  cher  voyageur  !  — 

Le  voici  qui  s'envole 
En  emportant  mes  vœux,  et  mon  âme,  et  mon  cœur 

Sur  sa  course  frivole. 
Jl  plane,  en  s'amusant,  vers  des  buissons  épars 

Qui  croissent  dans  cette  ile  , 

Qu'on  aperçoit  là-bas,  au-delà  des  remparts 

Défendant  notre  ville. 
Ce  brillant  papillon  colore,  en  s'y  perdant. 

Le  fond  du  paysage, 
Et  mon  regard  heureux  se  berce  indépendant 

Sm'  son  élan  volage- 
Son  essor  libre  et  prompt  révèle  un  paradis 

Sur  les  roseaux  qu'il  rase  : 
A  le  voir,  tout  en  Dieu  soudain  je  m'agrandis 

Elevé  dans  l'extase  1 


182 


LA  CHANSON 


Comme  le  papillon,  pour  mieux  nous  envoler 

Vers  un  ciel  plus  limpide, 
Sous  les  ronces  des  morts  il  faudra  s'enrouler 

Dans  notre  chrysalide. 

Il  faudra  de  la  tombe  écarter  les  parois. 

Ramper  et  reparaître 
Dans  l'infini  des  jours  poiu'  épurer  cent  fois 

L'essence  de  notre  être. 

Le  trépas,  c'est  l'aurore  au  réveil  virginal 

Où  se  métamorphose 
L'esprit  en  imprégnant  d'un  philtre  plus  vital 

Papillon,  homme  et  rose  ! 

Mais  j'oublie  en  prêchant  mon  insecte  illustré 

D'un  hoqueton  d'élite 
Qui  franchit  monticule,  enclos,  lac  et  vert  pré 

Gomme  un  cosmopolite. 

Je  cherche  mon  fuyard  au  ciel,  dans  tous  les  coins 

De  ce  brillant  royaume; 
Il  maraude  sans  doute  au  beau  milieu  dos  foins 

Délectant  leur  arôme. 

Mon  esprit  sur  son  aile  est  comme  un  écolier 

A  la  voix  printanière, 
Qui  vagabonde  at  fait  de  hallier  en  hallier 

L'école  buissonnière. 

Gauny. 


JACQUES   OFFENBAGH 

Jacques  Ofl'eubacli  est  mort  àl'âgo  de  61  ans,  dans 
son  domicile,  8,  boulevaiTl  des  Capucine,?.  Il  a  suc- 
combé à  une  attaque  de  goutte.  Nous  n'appreodrious 
rien  de  nouveau  à  nos  lecteurs  en  pariaat  longue- 
ment de  ce  compositeur  extraordinaircmeut  fécoud 
et  spirituel,  car  tous  les  journaux  de  Paris  lui  ont 
consacré  de  longs  articles  biographiques. 

Offenliach  a  écrit  au  moins  cent  partitions;  il  a 
rempli  los  deux  mondes  de  ses  joyeuses  mélodies; 
il  a  gagné  des  millions;  il  a  eu  toutes  les  joies  et 
tous' les  bonheurs.  Ce  fut  une  belle  existence  que 
la  .tienne. 

A  ses  obsèques  la  foule  s'est  pre>sée;  les  Qeurs  OQt 
couvert  son  cercueil;  les  sommité-;  artisliquts  lui 
ont  fait  coi-tège;  des  artistes  de  l'Opéra-Comiqu.;  ont 
chanté  de  sa  musique  et  les  org.ies  de  la  Madeleiue 
ont  traduit  une  méloJie  de  la  Chanson  de  Fortunio  ; 
enfin  M.  Faure  lui-môme  a  chanté  un  Pie  Jesu.  Le 
créateur  de  l'opérette  a  eu  de  splendides  funérailles. 

L'homme  a  été  pleuré:  il  avait  beaucoup  d'amis 
qui  l'aimaient  franchement.  L'avenir  dira  ce  qui  doit 
rester  du  musicien  qui  de  son  vivant  eut  tant  de 
vogue.  J.  R. 

[Le  Monde  artiste.) 


CHRONIQUE  DES    CONCERTS 

Eldorado.  —  Les  exercices  curieux  des  frères 
Conrad,  clowns  virtuoses,  ajoutent  un  nouvel  attrait 
au  programme  irrésistiule  déjà"  de  ce  roi  des  concerts. 

Samedi  dernier  a  eu  lieu  la  première  audition  de 
Etes-vous  comme  moi  ?  paroles  de  L.-Henry  Lecomte, 
musique  de  Jules  Raux. 

Nous  avons  publié,  dans  notre  numéro  14' (daté  du 
15  août),  cette  chanson  d'un  tour  littéraire  et  d'une 


franche  allure.  Elle  a  obtenu,  l'autre  soir,  un  succès 
très  vif,  auquel  ont  beaucoup  contribué  la  verve  spi- 
rituelle et  la  diction  excellente  de  Velljr.  Nous  au- 
rons à  revenir  sur  l'œuvre  et  sur  l'interprète,  car 
Etes  vous  comme  moi  ?  se  maintiendra  certainement 
au  répertoire  de  l'Eldorado  pendant  un  temps  assez 
long. 

Sealsi.  —  Samedi  a  eu  lieu  la  première  représen- 
tatioji  de  Pierrot  Coffré.,  opérette  en  un  acte  de  M.  H- 
Philippe,  musique  de  M.  Lucien  GoUin.  En  général, 
les  opérettes  de  Concerts  sont  écrites  pour  faire  rire  ; 
bornons-nous  donc  à  dire  que  le  public  s'est  dilaté  la 
rate  aux  mésaventures  de  Pierrot,  sans  nous  arrêter 
sur  la  donnée  plus  ou  moins  neuve  de  la  pièce. 

La  musique  de  M.  Lucien  Collin  est  charmante,  et 
l'ensemble  de  la  pièce  a  été  des  plus  satisfaisants- 
Bonne  interprétation  par  MM.  Bert,  Bérod,  Bru- 
net;   Mines  lieuzé  et  Liovent. 

Chaillier  a  créé  une  chansonnette  dont  la  chute  est 
très  originale  :  N'vous  gobez  donc  pas  tant  qiCça'- 
phrase  qui  s'applique  à  bien  des  gens,  que  l'auteur, 
M.  Laurent,  n'a  pas  ménagé  dans  sa  spirituelle 
satire.  La  musique  est  de  Gustave  Chaillier. 

Avec  les  bonnes  chansonnettes  du  répertoire  de 
MM.  Bourges,  Brunet,  Bruant,  Paul  Bert  ;  de 
Mmes  Graindor,  Aimée,  Liovent,  Blockette  et  Hcuzé, 
le  programme  de  la  Scala  est  des  plus  attrayants- 
N'oublions  pas  Mme  Patry,  qui  chante  le  grand  ré- 
pertoire avec  succès. 

t  * 

Alcazai-  d'Hiver. —  l.e  succès  que  nous  avons 
prédit  à  Marmitons  et  poissarde.,  l'opérette  de  M.  Fir- 
min  Bernicat,  se  réalise  en  ce  moment.  Chaque  soir 
un  public  nombreux  applaudit  à  outrance  les  inter- 
prètes de  cette  désopilante  bouffonnerie.  Mmes  Elise 
Faure,  Zélie  Weil,  Jenny  Mills;  MM.  Arnaud,  Libert 
Sulbac  et  Limât  continuent  à  faire  florès. 

I.a  seule  chose  que  nous  reprochons  à  l'administra 
tion  de  l'Alcazar  d'Hiver,  c'est  l'extrême  sévérité  de 
ces  messieurs  du  contrôle,  qui  sont  de  véritables 
cerbères,  et  font  les  plus  grandes  difficultés  pour 
nous  laisser  parvenir  jusqu'à  la  direction  ou  la  régie, 
seuls  endroits  où  nous  sommes  à  même  de  prendre 
les  notes  nécessaires  à  notre  chronique. 

*  * 

Grand  <Ji»ncept  Pai-i^^iea.  — Pst.,  Pstl  tel  est 
le  titre  de  la  revue  de  fin  d'année  que  MM.  Hermil 
et  Numès  viennent  de  livrer,  et  que  la  direction  a 
déjà  fait  mettre  en  répétition.  Espérous  qu'elle  sera 
plus  spirituelle  que  l'ineptie  dont  elle  porte  le  nom, 
et  que  son  succès  sera  égal  à  celui  de  sa  devancière  : 
P'rapluies,  ffrapluies  !  des  mêmes  auteurs.  La  musi- 
que est  de  M.  Raspail,  l'habile  chef  d'orchestre  de 
Tivoli  Vaux-Hall,  qui  a  intercalé  un  quadrille  très 
gai  et  très  original,  sur  les  motifs  de  la  Sœur  de 
l'emballeur. 

Dans  la  crainte  de  paraître  radoter,  nous  ne  parle- 
runs  pas  du  succès  de  la  troupe  qui  continue  à 
être  chaleureusement  applaudie; 


LA  CHAJSrSON 


183 


Nous  dirons  seulement  que  L'iiomme  n'est  pas  par- 
fait, vaudeville  eu  un  acte,  a  été  joué  dans  la  per- 
fection par  Nmes  Lallée,  Glotilde  ;  MM.  Marijuetti, 
Teste  et  Mey. 

Folîes-Bobino.  —  C'est  par  une  soirée  oflerte  à 
la  presse  que  la  direction  a  inauguré  sa  salle,  com- 
plètement remise  à  neuf.  La  principale  attraction 
était  la  première  représentation  de  Bobino  vit  encore, 
prologue  d'ouverture  en  deux  actes  ot  '6  tableaux,  de 
M.  Lomon. 

Mme  Levieilli-Coulon  est  une  forte  chanteuse  qui 
possède  une  bonne  méthode  cl  un~vcrilable  senti- 
ment dramatique. 

MM.  Bertrand,  Freberg  et  Gourville  ont  aussi  été 
fort  applaudis. 

MM.  Salomon,  Delpierrc,  Legrain,  Mlle  Doriga  et 
Mme  Brianne,  dans  Moiiiio  vit  encore,  ont  su  plaire 
au  public  et  se  faire  applaudir. 

Alfrep  Bertinot. 

CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Le  héros  de  la  grande  soirée  mensuelle  donnée 
le  2  octobre  par  le  Cercle  Musset,  a  été  M.  Bors- 
chneck,  qui  faisait  ses  adieux  aux  invités,  et  aux 
nombreux  amis  qu'il  compte  parmi  eux.  Aussi,  au- 
cun des  habitués  et  des  sociétaires  du  cercle,  n'a 
voulu  manquer  à  la  représentation,  et,  dès  8  heures, 
la  salle  était  complètement  bondée. 

Le  régisseur,  M.  Gordier,  a  été  on  ne  peut  plus 
amusant  daus  œ  Tunnel  de  Saint-Germain,  dans  De- 
dans les  fleurs,  et  enfln  dans  Bonjour  Cyprien  !  où  il 
a  fait  fureur.  M.  Courtois  a  chanté  Naples  elle  l'iyeon 
bleu,  avec  beaucoup  de  succès.  M.  Bastide,  qui  a  rc- 
cilô  un  fragment  du  Roi  s'amuse,  a  été  également 
très  applaudi. 

Mlle  Augustine  est  ravissante  dans  son  costume  de 
Petit  abbé-,  celte  charmante  personne  a  obtenu  lui 
grand  succès  dans  la  Napolitaine,  qu'elle  détaille  très 
gentiment. 

MM.  Jalade,  Willaurac,  Launois,  Amiral,  Marie  et 
Lebrun,  chanteurs  habilucjs  du  Cercle, ont  aussi  eu 
leur  bonne  part  d'nii|il;mili-sriucnts. 

Après  0/«.'i)/o««j'7'/'.'  iK.c-ii'  récitée  par  M.  Bors- 
chneck,  le  président,  M.  A.  Durrieu,  a  prononcé  un 
discours,  que  le  manque  d'espace  nous  empêche  de 
reproduire  en  entier,  et  dans  leipicl  il  a  rappelé  les 
bons  services  rendus  par  M.  Borschneck,  depuis  son 
entrée  au  Cercle,  .-^dii  discours  s'est  terminé  par  ces 
mots  ;  «  Eu  témoiiiunge  do  reconnaissance,  au  nom 
«  du  Cercle  JIussiiT,  je  vous  reiiiels  ce  diplôme  et 
«  cette  médaille  de  vermeil,  qui  scrnnt  pour  vous  un 
«  souvenir  inaltérable,  et  vous  rapiicUeront  les  courts 
«  moments  de  joie  que  vous  aurez  passés  au  milieu 
(I  d'amis  sincères  et  dévoués.  » 

Très  ému,  M.  Borschneck  a  remercié  ses  amis  du 
Cercle  et  exprimé  tous  les  regrets  qu'il  éprouvait  de 
les  quitter,  11  a  adressé  ensuite  ses  remerciements 
aux  invités,  pour  l'indulgence  et  la  bienveillance 
qu'ils  lui  onttoujours  témoignées. 

La  soirée  s'est  terminée  piir  les  Deux  jtrofonds  scé- 
lérats, vaudeville  en  un  acte,  interprété  parMM.  Gor- 
dier, Willaume  et  Borschneck. 

La  prochaine  représentation  du  Cercle  Musset 
aura  lieu  le  G  novembre. 


Le  lundi  ^  octobre,  la  Lyre  Répurlicaine,  au  café 
du  Globe,  8,  boulevard  de  Strasbourg,  a  inauguré  sa 


saison  d'hiver  par  une  représentation  qui  comptera 
parmi  les  plus  brillantes  de  cette  société.  La  salle, 
entièrement  ornée  de  drapeaux,  était  comble,  et  la 
plus  franche  cordialité  n'a  cessé  de  régner  pendant 
le  courant  de  la  soirée. 

M.  Prosper  Villère  a  chanté  en  véritable  artiste  et 
en  musicien  consommé  le  Rêve  de  l'humanité  ^ii,  le 
Soutenir  d'une  rose.  Les  applaudissements  n'ont  pas 
manqué  au  petit  Adolphe,  des  concerts  de  Paris,  qui 
a  été  on  ne  peut  plus  amusant  dans  la  Cuisinière  à 
papa  et  dans  Qui  veut  m' aimer'} 

Mlles  Mallard,  Villemère,  Augustine,  Henriette, 
Julia;  MM.  Raymond,  fie  Ba-ta-clan,  Audréal,  pré- 
sident du  Cercle  de  l'Ajiitié,  ICock,  des  Enfants 
DE  LA  Seine,  Gros,  Zacharie  et  Marie,  ont  rivalité  de 
verve  dans  leiu's  dill'éreiits  Limires. 

Deux  toutes  jeunes  filles',  Mlles  Edwige  et  Alice, 
ont  été  admirables  d'entrain,  et  ravissantes  dans 
leurs  costumes,  dans  un  duo  :  les  Compliments  de 
Normandie- 

Mlle  Marie  Fournier  a  dit  avec  beaucoup  de  verve 
etde  bon  goût  Oli  !  Monsieiirt  la  charmaute  poésie  de 
Gondinet.'  Le  Naufragé  a  été  dit  dans  la  perfection 
par  M.  Verdier,  de  la  Favorite. 

La  Consigne  est  de  ronfler,  qui  terminait  la  représen- 
tation, a  été  très  bien  interprétée  par  Mlles  Augus- 
tine et  Désirée;  MM.  Clément  et  G.  Bêche.  Dans  le 
rôle  de  Landremolle,  M.  Clément,  quoique  n'ayant 
pas  l'accent  allemand  désiré,  a  provoqué  un  fourire, 
tant  il  a  été  comique.  Mlle  Augustine  a  fort  bien  tenu 
le  rôle  dTrma.  Dans  le  rôle  de  Tavernier,  M.  Bêche  a 
été  un  peu  mou  et  il  n'a  pas  eu  les  gestes  énergi- 
ques qui  doivent  caractériser  ce  personnage.  Avec 
un  peu  d'étude,  Mlle  Désirée  fera  plus  tard  une  ex- 
cellente soubrette.  Malgré  ces  petits  défauts,  la  pièce 
a  fort  bien  réussi. 

Pour  récompenser  et  remercier  Mlle  Augustine,  la 
société  lui  a  oiTert  un  magnifique  bouquet  avec 
le  titre  et  l'insigne  de  membre  d'honneur. 

Une  tombola  composée  de  trois  gros  lots  a  été 
tirée  à  la  Un  de  la  soirée. 

La  grande  soirée  mensuelle  du  Pinson,  qui  a  eu 
lieu  le  0  octobre,  a  été  des  plus  brillantes  et  des  plus 
animées.  La  plupart  des  artistes  qui  se  sont  fait  en- 
tendre sont  très  connus  et  très  aimés  du  public, 
aussi  les  applaudissemenls  et  les  rappels  ne  leur  oui, 
pas  fait  défaut.  Kn  proniiéri'  liijiic,  il  liiul  citer:  l'a- 
musant Jomain,  qui  a  été  desuiiilaiil  dans  Monsieur 
Troim  de  l'air,.  M.  Victor,  qui  a  débité  A  la  chau- 
dière avec  sa  verve  habituelle  et  M.  Beck  qui  a  dit 
avec  beaucoup  de  brio  Gifflez-moi  çà. 

Dans  la  partie  sérieuse,  M.  î^ichard  a  obtenu  un 
bon  succès  dans  David  chantant  deranl  S'a/il  et  M.  Di- 
dier a  chanté  l'Oiseau  s'envoie  d'une  manière  digne 
des  plus  grands  éloges.  Mme  Sénèz,  l'artiste  favorite 
du  PiNsox  »  été  très  applaudie  dans  J'aimous  bien 
ces  petits  jeux-là. 

Citons  encore  Mlles  Maria,  Mathilde;  MM.  Ver- 
net  et  Bernut  ([ui  ont  oblenu  beaucoup  de  succès. 

Une  valse  à  ({uatre  mains,  exécutée  sur  le  piano 
par  la  petite  Jeanne  âgée  de  5  ans  et  son  professeur, 
Mme  Ad.  Pauchet,  a  fait  grand  plaisir  et  a  été  très 
applaudie. 

Pour  terminer  la  soirée,  l'attes  blanches,  opérette 
en  un  acte,  a  été  parfaitement  jouée  par  MM.  Vaast 
et  Ferdinand. 

Le  lundi  2B  octobre,  la  Fantaisie  lyrique,  1 66, 
boulevard  Magenta,  donnera  une  grande  représenta- 
tion extraordinaire  au  bénéfice  d.s  familles  des  mal- 
heureuses victimes  du  boulevard  Rochechouart. 

Le  programme,  où  ligure  un  grand  nombre  d'ar- 
tistes de  la  Scala,  du  XIX"  Siècle,  du  Grand  Concert 
Parisien,  des  Folies  Saint-Martin,  etc.,  etc.,  promet 
des  merveilles. 


d84 


LA  CHANSON 


Avis   à  ceux  dî   nos  lecteurs  qui  voudront  faire 
une  bonne  œuvre  et  passer  une  agréable  soirée. 
Alfred  Bertinot. 

II  nous  semble  que  ies  spectacles  du  Cercle  de 
l'Espérance  ont  un  peu  perdu  de  leur  ancien  éclat. 
Cela  tieni-il  à  ce  que  la  danse  occupe  une  trop 
gi-aade  p.irtie  de  son  programme?  M.  Caltierine  Icra 
biea  d'aviser  à  ce  sujet. 

M.  Ducoin  s'est  iaa  remarquer  dans  la  dernière 
soirée  avec  deux  courts  monologuf.s;  le  premii-.r,  in- 
titulé: Les  gros  mots,  le  second  écril  par  Liffite  sur 
rappellalion  Ellel  Dans  ce  deruier  récit,  M.  Ducoin 
a  rappelé  assez  tidèlernent  la  manière  do  dire  d-, 
La'îsouche. 

M.  l'eters,  qui  chante  les  mélodies,  a  été  comme 
d'habiludo  très  agréable.  L'hi.-toire  dramatique  de 
Simonne,  par  AH'red  de  Musseï,  a  été  racoutee  jiar 
Mlle  Clar^/  qui  montre  de  véri'ablcs  di-^posilion'<p  uir 
la  comédie. 

M.  Jules  Raux  dont  le  concoure  ne  f-.it  jam<i^ 
défaut  à  ses  amis,  a  chantonné  d'une  fi'çon  cliar- 
manie  une  courte  romance:  «  On  peut  s'entendre  » 
qu'il  a  écrite  sur  une  poésie  de  L. -Henry  Lecomte. 

Pour  clôturer  la  séance,  M.  Uick-'on  a  chanté  avec 
un  naturel  fort  comique  Boisentier  et  le  Toutou  de 
Mylord.  _  Z... 

CHOSES  &  AUTRES 

La  Société  chorale  Les  Amis  des  arts,  sous  la  di- 
rection de  M.  Perrin,  l^uiréat  du  Conservatoire,  a 
donné  un  grand  concert  populaire,  lundi  4  oct<ibro, 
dans  11  salle  de  l'Klysée  -  Mnnttnartn-,  avec 
le  concours  de  la  Fanfare  Crespin  et.  de  plusieurs 
artistes  de  nos  grands  concerta  parisiens.  L'or- 
chestre, les  chœurs  et  le^  iotermèd'~s  de  chant  alter- 
nant, nous  avons  applaudi  la  Fanfare  Crespin,  dans 
quatre  morceaux  diliéreuts,  et  notamment  dans  la 
Marseillaise,  qui  a  été  acclamée  pir  tout  \'»\x  litoire. 
Le  cliœur  des  Soldats  de  Faust  a  été  exécuté  avec 
une  prestesse  irréprnv-.hahle  cl  un  ensemble  parfait, 
p.tr  les  Ami-s  des  Arts.  Nos  félicilaliou.s  smcèrcs  a 
M.  Perrin,  l'nabiic  diiei:ieur  do,  ceMc  société. 

Dans  les  intermèdes,  lîruiiel,  ilc  l.i  S(JAi,A,a  obtenu 
,nn  bon  succès  avec  Maître  Blaguefort,  et  Instruire 
en  amusant,  gr^indes  scènes  comiques,  qu'il  débite 
avec  beaucoup  de  brio. 

Le  public  a  fait  une  grande  ovalion  à  Dcbailleul 
fiurè*  .«on  dernier  gr^ind' succès  au  XIX"  Siècle,  Les 
Petites  mains  de  ma  mie,  de  notre  ami  Jules  Jony. 
j,'cxi>lient  article  i  dû  dirf^  ensuite  la  Chanson  des 
clocheloits,  de  iioiri  collaborateur  [^ucien  Houland. 
(les  deux  chansonnoiles  lui  ont  valu  déjà  un  grand 
s  iccè'^  d-ins  une  milinée  donnée  dernièrement  à 
ijidieville  et  où  il  luèLiil  également  fOu  gracieux 
concours.  Nous  citerdos  encore  Mme  Domer>,Mie,  de 
la  SCALA,  Mlle  Giriiicr  ;  MM.  Perrin,  Durot  et  Le- 
brun qui  ont  eu  leur  part  d'applaudissemen's. 

\i>ns  prions  MM.  les  présidents  des  sociétés  lyri- 
ques de  nous  faire  parvenir  les  iavitati  ms  pour  leur.» 
(/roAides  (lOirées  plusieurs  jours  à  l'avance,  afin  que 
(lous  puissions  prendre  nos  dispositions  pour  y  as- 
»aister.  Nous  publierons,  ilaas  notre  dernier  numéro 
d'octobre,  la  liste  de^i  ?ocié!ôs  lyriques,  avec  les  noms 
des  présidents,  ainsi  que  le  lieu  et  le  jour  des  réu- 
nions. Prière  de  nous  faire  parvenir  d'ici  là  des  ren- 
seignements. Avis  à  MM.  les  présidents. 

Au  théâtre  des  Fantaisies-Parisiennos,  dimanclie 
2i  octobre,  grande  matinée  ofï'erte  à  ses  membres 
honoraires  par  la  Société  V Alliance  chorale  de  Paris, 
avec  le  concours  de  MM.  Denizot,  Debailleul,  Leserre, 
Jules  Raux,  Jomain,  Ghapuis  ;  Mmes  G.  Leclerc, 
Ileuzé,  A.  ïhouard,  l'Harmonie  du  XI=  arrondisse- 
ment et  te  Zyre  l'arisienne.  Tràs  joli  programme; 
,efl'et  et  recette  assurés. 


Samedi  a  eu  lieu  la  réouverture  du  Cercle  des  Hy- 
d.ropathes,  rue  de  Jussieu,  129,  sous  la  présidence  de 
Emile  Goudpau. 

Le  dimanche  17  auront  lieu  la  réouverture  des 
Concerts  populaires  et  celle  des  concerts  du  Ghâte- 
let. 

L'organe  spécial  de  l'Association  artistique  d'An- 
gers, intitulé  Angers-Revue,  vient  de  faire  paraître 
son  premier  numéro. 

PUBLICATIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.PATAY 

(SS,  rue  Itonnpnrte  18). 

I,c.>i  .abeille.»,  chanson.  Paro'es  de  Georges  Baillet, 
Musqué  de  Mme  Anais  Brianny.  Avec  gravures,   grand 

format  et  accompagiaeinent  de  piano,  net 1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  net  »    30 

IV.%Ihuni  cIosDnnics,  parMme  Juliette  Manceliére, 
cahier  de  chansons  à  10  cent. 

Ktcs-rous    comme    moi?     chanson.     Paro'es     de    L.- 

Henky  Lecomte.  Musique  de  Jules  Raux,  grand  format, 

avec  accomnagnement  de  piano,  et  gravure,  net..     1     • 

Petit  format,  avec  gravure,    net •  30 

Créée  à  l'Eldorado  par  Velly.  cette  bonne  chanson 
fera  promptement  le  tour  des  Concerts. 

ILa  Fctp  clc  la  li'rance.  Paroles  de  J.-B  Robinot, 
Musique  de  Jules  Raux,  petit  format  aux  couleurs  natio- 
nales, net " »  20 

Ii'ranro,  hymne  di  la  Paix.  Chant  national.  Paroles 
de  L.  Sabrade,  Musique  de  Ben-Tayoux,  avec  gravure 

grand  format,  accompagnement  dî  piano,  net 1    » 

Petit  form»t  avec  gravure,  net »  30 

I.i°UiTor,  romance.  Paroles  de  Fauché,  Musique  de 
Raguey.  petit  format  sans  gravure,  net »  20 

.l'en  BSnfTolc,  paroles  et  musique  de  Jules  Raux. 
Petit  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gravure, 
net »  50 

minoH  !  chanson  féline.  Paroles  et  musique  de  JuLES 
Raux,  grand    format  avec  gravure  et  accompagnement 

de  piano,  net 1     » 

Petit  format  avec  gravure,  net 30 

BvnHS«i.»c  de  1»  Chanson.  Paroles  deCLAUDius  Malbet, 
Musique  de  Ch.  Marié.  Grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

I\'e  clinnte»  plii*i  l.i  Marseillaise,  chansonpatriotique. 
Paroles  de  Jules  Célès.  Musique  de  Inouïs  Caloin. 
Grand  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gra- 
vure, net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net  »  30 

Paix  et  "ffravail.  Paroles  de  Eugène  I.mbert,  Musique 
de  Jules  Raux.  Grand  format  avec  «ccompagnement  de 
piano,  sans  gravure,  net »  50 

DjOs  Petite.i  Mnins  de  ma  SBie,  chanson.  Paroles  de 
J    JouY,  Musique  de  Paul  Hen'rion.  G  and  format,  avec 

accompagnement  de  piano  et  grnvure,   net 1     • 

Petit  format  avec  gravure,  net •  30 

Cette  chanson  vient  d'être  créée  au  Concert  du  xix'' siècle 
par  Dehailleul,  Vartiate  aimé  du  public,  qui,  nous  en 
somines  certains,  en  fera  tm  de  ses  beauu:  succès;  elle  est 
déjà  interprétée  dans  plusieurs  c  t  ncerts  et  dans  beaucoup 
de  sociétés  lyriques. 

<[|uanfl  t'auras  <Ie."<  BSonstEclies.  Paroles  dj  ClaÛDIUS 
Malbet,  Musique  de  Mathilde  Fraiquin.  Grand  for- 
mat avec  accompagnement,    sans  gravure »  50 

B>e  "^'ienix  EBiiveur  de  vin,  chanson.  Paroles  de 
Brugière,  Musique  de  Jules  Raux.  Grand  format  avec 
accompagnement  de  piano,  sans  gravure,  net •  50 

VBo  c'qiie  c'est  qu'un  enterr'nient,  tableau  populaire, 
paroles  d'EuGÈNE  Lmbert,  musique  de  Dauvergne.  Petit 
format  avec  gravure  et  accompagnement  de  J.  Raux     •  50 

Vous,  valse  chantée  par  L.  P.,  officier  de  cavalerie. 
Grand  format,  avec  accompagnement  de  piano,  net    1    » 

Toutes  ces  puhlicatio7is  seront  envoyées  franco  dans 
toute  la  France  à  toute  personne  qxd  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'un  mandat- 
poste  à  partir  de  cette  lonvne. 

L,e  JDirecteur-Oérant  :  A.  PA'i'A  \. 

Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Gie,  6,  rue  Martel. 


3«  ANNEE.  —  N»  «4. 


f  O  CENTIMES. 


24  OCTOBRE  1880. 


LA   CHANSON 


Directeur-Gérant. 
A.  PATAY 


f.a  chanson  est  une  forme  ailàeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
98t  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  '""'tS^ë^"^ 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES  — 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux- Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 


Annonces,  la  ligne. . 
Réclames,        — 


Les  manuscrits   non   insérés   ne  seront  pas  rendus. 


Lachanson,  commelabàtonmlPi 
oit  une  arma  française. 

J.  CLAREVt. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  GHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an <ï  fr. 

»         six  mois 3  ■ 

Etranger,  un  an 8  » 


taterie  des  ChdnsonnîerB :  L'Abbé  de  Lalleïgnant  — 
/'Lattaignawt).  —  Ballade  da  Comédien  (Lrciim  Rolland)  —  Le 
Convoi  de  David  d' Angers  (Auguste  Allais.) — Pipe,  Cigare  et  Ci- 
garette, paroles  (I'Emilk  Sroacd,  musique  de  Jules  Of^ioA^iT.  —  Un 
Homme    modeste,    (L.   Jullien).    —    C'est    le   printemps,   ma  mie. 


SOMMAIRE 

Petit  collet 


(EoouAnnGnBgiiN).  —  Un  Soaper  chez  Platon,  (Marc  THKZBLOor).— 
Chronique  des  Concerts,  (A.  Patat).  —  Qaatorxième  conconrt 
mensuel  dt  La  Chanson.  —  Chronique  des  Sociétés  lyriques.  — 
Choses  et  Aatres,  —  Avis  el  Annonces, 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  L'abbé  de  LATTAIGNANT 


La  mode  est  aux  œu- 
vres badines  de  courte 
haleine,  pleines  de  sous- 
entendus.  En  ceci,  com- 
me en  beaucoup  d'au- 
tres choses  plus  impor- 
tantes, notre  époque  n'a 
rien  inventé.  La  littéra- 
ture galante,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec 
la  pornographie  répu- 
gnante, a  eu  dans  le 
passé  des  représentants 
que  ne  l'ont  pas  oublier 
les  poéiereaux  moder- 
nes. Chose  singulière, 
les  gens  d'église  four- 
nissent un  contingent 
relativement  considé- 
rable à  cette  troupe  lé- 
gère. Bernis,  Ghaulieu, 
Voisenon,  Lattaignant 
et  beaucoup  d'autres 
ont  acquis  dans  U.  gen- 
re badin  une  réputa- 
tion véritable. 

Gabriel  -  Charles  de 
Lattaignant  naquit  à 
Paris  en  1697.  Sa  fa- 
mille, qui  était  dans  la 
robe,  le  destina  à  l'état 
ecclésiastique.  Il  porta 
dans  le  monde  un  goût  formé  par  d'excellentes  étu- 
des, un  amour  décidé  pour  les  lettres  et  pour  le 
plaisir,  un  esprit  enjoué,  délicat  et  sans  prétention, 


"i^vw?,^ 


un  caractère  doux  et 
complaisant,  mais  franc 
et  ami  de  la  liberté. 
Ces  qualités  le  firent 
rechercher  des  sociétés 
les  plus  brillantes;  il 
préféra  les  plus  aima- 
bles. Il  respectait  les 
grandeurs  et  les  digni- 
tés, mais  il  n'aimait  les 
grands  qu'autant  qu'ils 
méritaient  d'être  ai- 
més; et,  quoiqu'on  ait 
dit  qu'il  ne  s'était  ja^ 
mais  permis  la  moindro 
pièce  satirique,  il  est 
constant  que  plusieur.s 
de  ses  vaudevilles  lui 
attirèrent  des  désagré- 
ments. 

L'abbé  deLattaignant, 
pourvu  du  canonicat  d^ 
Reims  qui  lui  donnait 
un  rang  dans  le  mon- 
de, s'y  faisait  remar- 
quer par  sa  gaité.  Ai- 
mant la  bonne  chère  et 
la  recherchant,  il  fai- 
sait les  délices  d'un 
repas  par  sa  facilité  à 
improviser  des  couplets 
quelquefois  médiocres, 
mais  toujours  flatteurs  pour  les  convives.  Le  poète, 
en  les  chantant  avec  goût,  leur  donnait  une  grâce  de 
plus.  Content  d'avoir  excité  la  joie,  l'auteur  ne  son- 


Avec  des  grâces  naturelles, 
Peintre  des  Héros  et  des  belles, 
Il  unit  la  voix  d'Araphion 
A  la  lyre  d'Anacréon. 


186 


LA  CHANSON 


geail  a  son  ouvrage  que  lorsqu'on  le  lui  redeman- 
>dait.  A  l'espèce  d'indifférence  qu'il  témoignait  pour 
le  succès  de  ses  ouvrages,  on  eût  dit  qu'en  les  com- 

*:.<posant  il  n'avait  en  vue  que  l'amusement  d'autrui, 
sans' aucune  prétention  à  la  gloire.  Il  en  acquit  ce- 
pendant, et  dans  un  genre  de  poésie  d'aulànt  plas. 

■■  'difficile  qu'il  a  produit  chez-  nous  plus  de  chefs- 

'  'd'œuvre  qu'aucun  autre. 

'  I,attaignant  ne  songeait  guère  à  faire  imprimer 
ses  bluettes  quand  Meunier  de  Querlon,  son  ami, 
.gui  en  avait  rassemblé  un  grand  nombre,  les  publia, 
en  1730,  sous  le  titre  de  Pièces  dérobées  à  un  ami, 
2  vol.  in-12  qu'il  dédia  à  Lattaignant  même.  On  croit 
aiajourd'hul  que  de  pareils  larcins  se  font  toujours 
de  gré  à  gré;  mais  alors  on  prenait  les  choses  au 
pied  de  la  lettre,  et  l'auteur  des  Observations  sur  la 
littérature  moderne  fit  des  Pièces  dérobées  l'apologie- 
suivante  :  . . 

«  L'auteur  de  ces  poésies  ne  risque  rien  de  se  faire 
connaître.  L'esprit,  la  légèreté,  la  finesse,  le  naturel, 
la„naïveté,  l'enjouemeni,  tout  flat'e  ici  le  goût  le 
■plus  dçlicai,  et  l'on  peut  assurer  que  ces  petites  piè- 

.    ces  feront  l'amusement  des  lecteurs,  comme  l'auteur 

fait  liii-même  l'agrément  de  toutes  les  sociétés  où  il 

'se  tr'biive.  On'  sait  combien  il  est  désiré,  recherché 

,;^àrtput  où  l'on  aime  la  joie  et  le  plaisir.  Son  esprit, 

;  'fê.cond  en  saillies  agréables,  fournit  à  chaque  ins- 
taiit  nouvelle  matière  à  la  gaité,  et  chaque  saillie  de- 
vient bientôt  un  couplet  charmanl,  auquel  l'agré- 
ment de  sa  voix  ajoute  encore  un  nouveau  prix. 
Nouvel  Anacréon,  il  a  chanté  le  vin,  l'amitié  et  l'a- 
mour; ses  vers  sont  les  enfants  du  badinage;  Bacchus 
a  été  son  Apollon;  la  jeune  Iris  était  sa  muse,  une 
table  environnée  d'amis  son  cabinet  ou  son  Par- 
nasse. Poète  et  auteur,  mais,  par  un  double  prodige, 
poète  sans  fiel  et  auteur  sans  travail,  jamais  l'envie, 
la:  haine,  l'animosité,  la  vengeance  n'ont  animé  ses 
écrits;  et  si  ses  vers  sont  le  fruit  de  ses  veilles,  c'est 
qu'il  veillait  avec  les  plaisirs.  Nés  dans  le  sein  de  la 

/  gaîtê,  ses  chants  n'ont  été  pour  personne  un  sujet  de 
tristesse;  et  sans  avoir  jamais  rien  fait  que  pour  le 
moment  présent,  il  vivra  dans  la  postérité,  où  son 
Bom  sera  placé  avec  ceux  d'Anacréon,  de  Catulle,  de 
ghaulieu  et  de  Goulanges.  » 

-,  -  Le  fond  de. ces  éloges  ne  manque  point  de  vérité, 
et  si  l'on  remarque  de  la  coquetterie  dans  la  forme, 
oh  se  souviendra,  que  le  critique  était  un  al)bé  et 
P'arlait  d'un  confrère.  Lattaignant  le  remercia  par 
une  épître,  car,  en  ce  temps-là,  les  poètes  étaient 
polis  envers  les  journalistes  et  n'y  perdaient  rien. 
L'édition  des  Pièces  dérobées  fut  bientôt  épuisée. 

•  Quelques  années  après,  l'abbé  de  la  Porte  demanda 
à  Lattaignant  la  permission  de  réimprimer  ce  re- 
cueil. Les  Poésies  de  V abbé  de  Lattaignant  parurent 
en  17o0  (Londres  et  Paris,  Duchesne,  i  vol.  in-12). 
Le  premier  volume  contient  les  épitres;  la  moitié  du 
second  renferme  des  madrigaux,-  des  épigrdmuies; 
des  épithalames,.des  rondeaux,  des. fables,  des  odes, 
des  inscriptions,  etc.,   le  reste  de  ce  volume  et  les 


deux  suivants  sont  remplis  par  les  chansons  et  can- 
tiques spirituels. 

Ce  recueil,  auquel  s'ajouta,  en  1779,  un  cinquième 
volume  de  poésies  et  de  chansons  aurait  gagné  à  ce 
qu'on  élaguât  un  grand  nombre  des  pièces  qu'il  ren- 
ferme; Lattaignant  le  sentait  lui-même,  puisqu'il  dit 
dans  son  épitre  à  l'abbé  de  la  Porte  : 

Vous  eussiez  dû  d'abord  par  amitié, 
En  retrancher  tout  au  moins  la  moitié. 

Quelque  agréables  que  soient  les  œuvres  de  Lat- 
taignant, la  plupart  ont  beaucoup  perdu  à  l'impres- 
sion. Mais  on  trouve  dans  les  cinq  volumes  des  épi- 
tres d'une  originalité  piquante,  des  chansons  parfois 
ingénieuses  et  toujours  gaies,  enfin  des  vers  de  so- 
ciété qui  ont  survécu  à  la  circonstance,  ce  qui  est 
assez  rare. 

Quoique  Lattaignant  fût  reçu  dans  la  bonne  so- 
ciété, il  -n'y  était  pas  toujours;  aussi  disait-il  qu'il 
allumait  son  génie  au  soleil  et  l'éteignait  dans  la 
boue.  Il  habitait  au  deuxième  étage  d'une  maison  de 
la  rue  de  la  Jussienne,  en  ce  moment  livrée  au  mar- 
teau des  démoli  seurs,  un  appartement  où  il  tenait 
table  ouverte,  recevait  les  plus  gais  compères  et 
n'excluait  pas  le  beau  sexe  de  ses  petits  souper,^. 

Une  de  ses  plus  illustres  commensales  fut  la  co.m- 
tesse  Dubarry.  Celle-ci  avait  son  liôtel  tout  à  côté  et 
racontait  volontiers  au  gai  chanoine  les  scandales  de 
Versailles  et  les  dépits  jaloux  de  son  amant  cou- 
ronné. 

Sur  la.  fin  de  ses  jours,  Lattaignant  se  retira  chez 
les  pères  de  la  Doctrine  chrétienne.  L'abbé  Gautier, 
chapelain,  des  Incurables,  avait  opéré  cette  conver- 
sion. Ce  même  abbé  Gautier  fut  le  confesseur  de 
Voltaire,  ce  qui  donna  lieu  à  l'cpigramme  sui- 
vante :    ■ 

Voltaire  et  Lattaignant,  par  avis  à:  famille, 
Au  même  confesseur  ont  fait  le  même  aveu. 

En  tel  cas  il  importe  peu 
Que  ce  soit  à  Gautier,  que  ce  soit  à  Garguille; 
Mais  Gautier,  cep-jndani,  me  semble  mieux  trouvé. 

L'honneur  de  deux  cures  semblables 

A  bon  droit  était  réservé 

Au  chapelain  des  Incurables. 

L'abbé  de '^Lattaignant  mourut  à  Paris  le  10  jan- 
vier 1779. 


LE  PETIT  COLLET 


Air  :  V'ià  c'que  c'est  qu'  d'aller  au  bois. 

L'abbé  triomphe  du  plumet, 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 
On  le  croit  prudent  et  discret 

Et  la  plus  sévère 

Consent  à  tout  faire 
Pourvu  que  ce  soit  en  secret  : 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 


LA  CHANSON 


187 


Pourvu  que  ce  soit  en  secret, 
Y'ià  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 
De  la  façon  dont  il  le  fait 

Ni  sa  renommée, 

Ni  sa  bien-aimée 
Ne  risquent  point  le  quolibet  : 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 

Ne  risquent  point  le  quolibet, 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 
Le  plumet  a' trop  de  caquet, 

Et.de  sa  victoire 

N'aime  que  la  gloire  ; 
L'abbé  jouit,  mais  il  se  tait  : 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 

L'abbé  jouit,  mais  il  so  tait  : 
V'ià  c'que  c'est  qu'an  p'tit  collet. 
Il  fait  moins  de  bruit  que  d'effet; 
Voici  sa  maxime  : 
L'amour  n'est  point  crime. 
C'est  la  façon  dont  on  le  fait  : 
V'ià  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 

C'est  la  façon  dont, on  le  fait: 
V'ià.  c'que  c'est  qu'un  p'tit  collet. 
N'a-t-il  pas  raison,  en  effet  '? 

On  s'aime  sans  crainte. 

On  rit  sans  contrainte 
Lorsque  personne  ne  le  sait  : 
V'ià  c'que  c'est  t[u'un  p'tit  collet. 

Lattaignant. 


BALLADE  DU  COMÉDIEN 

ou  souvenir  d'AIvIlUltT  CiB.ATIGiVl' 


Quand  nous  allions,  bouffons  errants. 
Sur  nos  jambes  grêles  portés, 
A  travers  les  prés  odorants, 
Livrant  aux  échos  nos  gaités. 
Quand,  du  rossignol  écoutés. 
Nos  refrains  célébraient,  vibrants, 
Les  amours  et  les  libertés, 
Glatigny  marchait  dans  nos  rangs. 

Les  inêdailles  d'or  et  les  francs 
Manquaient;  mais-nos  fronts  indomptés, 
Riches  de  rôves  enivrants. 
De  poèmes,  de  voluptés. 
Epris  des  célestes  clartés, 
Gardaient  les  reflets  fulgurants 
Des  astres  dans  l'azur  jetés!... 
Glatigny  marchait  daiis  nos  rangs. 

Ainsi  qu'un  vol  de  moineaux  francs, 
Parfois,  au  milieu  des  cités, 
Nous  faisions  halte.  Les  souffrants, 
Les  pauvi'es  et  les  irrités 
Oubliaient  leurs  adversité.s 
Devant  nos  jeux  où  les  tyrans 
Et  les  sots  étaient  souffletés. 
Glatigny  Inarchait  dans  nos  rangs. 

Envoi. 

Solliciteurs  de  dignités. 
Parvenus,  doctes  ignorants. 
Loin  de  vos  tristes  vanités, 
Glaligny  marchait  dans  nos  rangs. 

Lucien  Rouland. 


LE  CONVOI  DE  DAVID  D'ANGERS 


L'inauguration  de  la  statue  de  David  d'Angers 
donne  un  intérêt  d'actualité  à  cette  chanson,  qui 
valut  à  son  auteur 'la  précieuse  lettre  suivante  : 

bnsiïur,  d'avoir  eu  l'idée  de  ra'envoyer.  la  belle 
i  venez  de  faire  sur  la  mort  dé  David,  Je  ne  puis  mieut 
transmètlre  à'ia  famille  de  cet  illusti-e  artiste  trop  tôt 


le  de  I 
,  la  Fr: 


Je  suis  sur,  Monsieur,  que  ce  beau  chant  louchera  vivement  et  la 
îuvc  et  les  onfatits  de  David.  Je  me  félicite'  que  voiis  ayez  pensé  i^ 
le  le  dédier,  mais  je  crois  mieux  et  plus' convenable  que  cette  dédicace 
)il  en  l'honneur  de  la  famille  du  ^rand  artiste,  dont  la  réputation  est 
;  restera  si  populaire.     •  '    . 

En  vous'  remercia'nt  de  l'honneur  que  vous -vouliez  pne  -faire,  agréez, 
I  vous  prie,  Monsieur,  l'assurance  ,de  ma  gratitpde  particulière  et  l'as- 
irancc'  do  nia  -cOVisidération  distinguée. 
■)rij',,"'y  i  .    .  .       :  '  Votre  très  dévoué  serviteur^ 'f-v 


23  octobre  1850. 


Si» 


Quaod  de  l'Attique  en  deuil  la  métropole 
Pleurait  la  mort  d'un  citoyen  fameux, 
D'illustres  noms  peuplant  sa  nécropole. 
Elle  y  plaçait  ses  restes  précieux.'"        '~  '- 
Des  rangs  pressés  de  la  funèbre  escorte 
Parlaient  ces  mots  empreints/de  majesté  :" 
Inclinez-vous  devant  ce  char  qui' poriè 
Un  fds  du  peuple  à  l'iinmortalilé! 

Sur  le  chemiQ  de  roisi\e  richesse  -    - 

Heureux  mortels  qui  gaspillez  ^  os  jours, 
De  vos  coursiers  suspendez- la  vitesse 
Ou  lancez-les  sur  uq  aurre  parcOur.=  .  ' 
Pour  faire  suite  à  celui  qu'on  emporle 
Que  ferions-nous  de  voire  uuUilé? 
iQclinez-vous  devant  le  char  qui  porle 
Un  fils  du  peuple  à  l'immortalité  I 

Vous  qui  voulez,  sur  la  route  infinie, 
Oii  le  destin  trace  et  compte  vos  pa.<:, ,' 
Giaudir  vos  noms  aux  lulles  du  génie 
Par  le  buriu,  la  plume  ou  le  compas.  - 

Ah!  comme  lui,  que  la  foi  vous  transporte 
Aux  régions  de  la  sublimité; 
IqcIIuoz-vous  derunt  ce  char  qui-porte 
Un  fils  du  peuple  à  l'immortalité  ! 

Imitez-le  celui  qui,  pour  la  gloire 
D'un  peuple  libre  au  régime  souverain, 
En  traits  haidis  aux  lable.=!  de  l'iiistoire 
Tailla  le  marbre  et  cisela  l'airain.  '  ; 

Sous  le  ciseau,  sou  âme  ardente  et  forie 
Ressuscitait  l'auguste  Liberté! 
Inclinez-vous  devant  le  char  qui  porte 
Un  fils  du  peuple  à  l'immortalité! 

Du  temple  offert  a  la  reconnaissance 
Sa  maiu  habile  illustrant  le  fronton, 
De  la  sculpture  éleva  la  puissance 
El  lui  conquit  sou  plus  riche  fleuron. 


188 


LA  CHANSON 


0  gloire  aimée!  Oh  noni  lu  n'es  pas  morte. 
Tu  brilles  là  dans  toute  ta  beauté; 
Inclinez-vous  devant  le  char  qui  porte 
Un  fils  du  peuple  à  l'immortalité  1 

En  ravissant  aux  Grecs  en  décadence 
De  Phidias  le  ciseau  créateur, 
Pour  l'un  des  fils  de  la  moderne  France 
Dieu  réservait  son  souffle  inspirateur. 
Trop  tôt  pour  nous  David  le  lui  reporte, 
Ce  souile  pur,  reflet  d'éternité  1... 
Inclinez-vous  devant  ce  char  qui  porte 
Un  fils  du  peuple  à  l'immortalité  ! 
Janvier  1856. 

Auguste  ALA.IS. 


PIPE,  CIGARE  ET  CIGARETTE 

CHANSON  DE  GENRE 

POÉSIE  MUSIQUE 

d'Emile  Segand.  de  Jules  Quidant. 

Modciato. 


Xa       Pi  _  pe  n'est    pas     ac  _  con 
pli    ...  ,a;,  ..lu     Jû  tr.onvo  un.  pcu.sana   fa_ 


pli  ,  e.,  Dant  u  -  ne  cham-bre  de  gar  - 
ton!  Lonsqu'an  de  .  hors,  1  hi.v'er  gre. 
loi  _  te,         Et      qne  toot-cbante  au   co.Ioœ. 


hier,  Com_mca_ïec      art,         on    les   en. 

Refrain. 


lot^.  tej         .,A.    .     jais         de-  tous     le 


joup.s.  Ri.  „    .pe,   Ci— ga_re  et   Ci_ga 


gret  _    te  Vous     res^te-.rei     too-.-joors! 


Sous  la  moustache,  un  bon  cigare, 
A  de  l'allure  et  du  cachet  1 
Il  grise  un  cœur  sans  crier  gare, 
Tout  parfumé  comme  un  sachet  I 
Avec  lui,  mon  esprit  voyage 
Dans  un  monde  toujours  nouveau! 
Et  rien  ne  me  parait  si  beau 
Que  d'un  londrès  le  doux  nuage  I 

Amis  de  tous  les  jours,  etc. 

N'oublions  pas  la  cigarette, 

Qu'illustra  jadis  George  Sandl 

Elle  est  bien  prise  ;  elle  est  coquette. 

Sous  son  fin  corsage  persan  1 

Près  du  beau  sexe,  la  mignonne, 

A  conquis  son  droit  de  cité  : 

Au  foyer  de  l'intimité, 

J'en  sais  plus  d'une  qui  rayonne  1 

Amis  de  tous  les  jours,  etc. 

Oui,  la  vie  est  ainsi  formée  : 
Dieu  l'emplit  d'ombre  et  de  soleil  1 
L'homme  y  met  un  peu  de  fumée; 
La  femme,  un  charme  sans  pareil! 
Du  rêve  on  cherche  la  magie, 
Et,  pauvre,  on  se  crée  un  trésor, 
Dans  la  feuille,  qu'au  poids  de  l'or, 
Veut  bien  nous  vendre  la  Régie! 

Amis  de  tous  les  jours  : 
Pipe,  cigare  et  cigarette  I 
Hôtes  de  la  chambrette. 
Compagnons  des  amours. 
Parmi  ceux  qu'on  regrette 
Vous  resterez  toujours  1 


m  mmi  modeste 

Air  :  la  queue  emporte  la  tête 

On  vous  cite  le  rossignol, 
On  vous  cite  la  violette  : 
L'un  cache  son  chant  et  son  vol, 
L'autre  nous  embaume  en  cachette. 
Je  ne  viens  pas  le  contester. 
Leur  modestie  est  manifeste, 
Mais,  comme  eux,  on  peut  me  citer, 
Tellement  je  suis  modeste. 

Vous  devez  vous  apercevoir 
Combien  m'a  comblé  la  nature  : 
Tout  le  monde  voudrait  avoir 
Ma  belle  taille  et  ma  figure. 
Qu'il  est  bien  I  dites-vous,  tout  bas  ; 
Ah  1  si  vous  connaissiez  le  reste  !.. 
Mais  ça,  je  ne  le  montre  pas, 
Tellement  je  suis  modeste  1 


LA  CHANSON 


189 


Je  sais  bien  que  j'ai  de  l'esprit, 
Esprit  iin,  juste  et  qui  s'impose, 
Puisqii'on  se  regarde  et  qu'on  rit, 
Sitôt  que  j'ai  dit  quelque  chose. 
Bien  qpie  l'éloquence  ait  des  droits, 
Oh  I  je  laisse,  je  vous  l'atteste; 
Parler  les  autres...  quelquefois. 
Tellement  je  suis  modeste  I 

J'ai  conduit  au  théâtre,  hier, 
Des  pauvres  gens  de  ma  famille. 
Vous  comprenez,  n'étant  pas  fier, 
L'argent  que  pour  eux  je  gaspille: 
Je  m'étais  mis  très  simplement... 
Pour  me  distinguer  d'eux,  du  reste. 
Je  n'avais  qu'un  gros  diamant. 
Tellement  je  suis  modeste  1 

Je  pourrais  faire,  mieux  que  vous. 
De  ces  chansons  pleines  de  verve. 
Qui  rendent  les  maîtres  jaloux; 
Mais  que  le  bon  Dieu  m'en  préserve  1 
Par  tous  m'entendre  louanger, 
Applaudir,  —  ce  que  je  déteste,  — 
Faire  du  tort  à  Béranger  I... 
Non,  non,  je  suis  trop  modeste  1 

L.   JULLIEN 
Membre  titulaire  du  Caveau 


A  mon  ami  Eugène  Laumonnier. 


fi'ESTtEffllJITEMPS,  MAMIE 


Bluetie. 


Marie,  ô  ma  mignonne. 
Déjà  le  ciel  nous  donne 
Des  rayons  de  soleil. 
Vois,  la  plaine  est  fleurie. 
C'est  le  printemps,  ma  mie. 
Saluons  son  réveil  1 

Allons  tous  deux  par  les  buissons. 
Libres  ainsi  que  des  pinsons. 
Etablir  un  doux  nid  de  mousse. 
Loin  de  tous  regards  indiscrets, 
Nous  livrerons  nos  gais  secrets 
A  la  verte  feuille  qui  pousse. 

Marie,  ô  ma  mignonne,  etc. 

Dans  les  branches  des  coudriers 
Nous  verrons  les  gentils  ramiers 
Faire  la  cour  aux  tourterelles. 
Et  nous  écoulerons,  joyeux. 
Le  bruit  tendre  et  mystérieux 
Que  feront  leurs  battements  d'ailes. 

Marie,  ô  ma  mignonne,  etc. 


Alors  mon  regard  dans  tes  yeux 
Où  semblent  se  mirer  les  cieus 
Te  dira  mon  amour  extrême. 
Et  ton  petit  cœur  de  vingt  aas. 
Ma  mie,  en  ce  jour  de  printemps. 
Bien  bas,  tout  bas,  dira  :  «  Je  t'aime  I  » 

Marie,  ô  ma  mignonne, 
Déjà  le  ciel  nous  donne 
Des  rayons  de  soleil. 
Vois,  la  plaine  est  fleurie. 
C'est  le  printemps,  ma  mie. 
Saluons  son  réveil. 

Edouard  Gressin. 


TREIZIEME GONCOU RS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON 
3  e  Prix. 

UN   SOUPER   CHEZ   PLUTON 


Un  soir  que  d'un  vin  généreux 

J'avais  fait  long  usage, 
J'eus  un  rêve  très  curieux, 

Sans  pareil,  je  le  gage. . . 
Satan  me  dit  d'un  air  tort  doux  : 

«  A  souper,  je  t'engage 
Chez  nous! 

A  souper,  je  t'engage!  » 

—  Diable!  fis-je  tout  étonné 
De  cette  politesse. .. 

Mon  heure  aurait-elle  sonné? 
C'est  tôt,  je  le  confesse. 

—  Allons,  dit-il,  sois  sans  frayeur. 
Surtout  point  de  tristesse 

Au  cœur! 
Surtout  point  de  tristesse  ! 

Sur  son  dos  je  saute  à  cheval, 

(Peu  vulgaire  monture). 
Et  pour  le  royaume  infernal 

Nous  partons!...  Quelle  allure  ! 
Je  brûlais  de  savoir  comment 
Finirait  l'aventure. 

Vraiment  ! 
Finirait  l'aventure. 

De  l'enfer  je  vis  sur  le  seuil 

La  reine  Proserpine; 
J'en  reçus  un  parfait  accueil; 

(Elle 'a  fort  bonne  mine) 
Puis,  Pluton  me  dit  à  son  tour, 

En  fléchissant  l'échiné  : 
»  Bonjour!  » 

En  fléchissant  l'échiné. 

Ah!  quel  festin  digne  des  cieux. 

Sous  ces  sombres  arcades  ! 
Quels  mets!  Quels  fruits  délicieux! 

Le  vin  pleut  en  cascades. 
On  y  boit  le  Beaune  et  l'Aï, 

Tous  à  pleines  rasades. 
Mais,  oui! 

Tous  à  pleines  rasades  1 


190 


LA  CHANSON 


De  son  nez  un  diable  se  sert 

En  cornet  d'harmonie, 
Tandis  que  Pluton,  au  dessert, 
Chante  :  «  Ma  Normandie!  » 
Et  fait,  en  frappant  sans  façon 
Sur  sa  panse  arrondie  : 

Bon!  Bon! 
Sur  sa  panse  arrondie  ! 

Pendant  le  souper  des  démons 

Les  noires  myriades 
Cabriolent  en  tourbillons, 

En  folles  mascarades. 
Proserpine  se  divertit 

En  voyant  leurs  gambades. 
Et  rit 

En  voyant  leurs  gambades. 

Soudain  le  peuple  au  chef  cornu 

Tournoie  en  ronde  immense. 
Et  Satan  de  son  pied  fourchu 

En  règle  la  cadence 
Mon  œil  ébloui  cherche  en  vain 

A  suivre  cette  danse 
Sans  frein, 

A  suivre  cette  danse  ! 

J'avais  invité  galamment 
L'aimable  souveraine; 
Elle  avait  dit  un  oui  charmant  : 
Ma  main  pressait  la  sienne... 
Le  jour  vient...  Tout  s'évanouit... 
Et  l'enfer  et  sa  reine... 

Tout  fuit... 
Et  l'enfer  et  sa  reine  ! 

Marc  Thézeloup,  de  Rouen. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Eldorado.  —  Zizi  cède  aujourd'hui  la  place  à 
une  bouffonnerie  musicale,  intitulée  Atchi.  Inter- 
prètes :  MM.  Perrin,  Ducastel  et  Mlle  Bonnaire. 

Plusieurs  chansons  applaudies  se  sont  ajoutées 
récemment  au  répertoire. 

Etes-vous  comme  moi?  de  notre  rédacteur  en  chef 
pour  les  paroles  et  de  notre  ami  Jules  Raux  pour  la 
musique,  poursuit  le  cours  de  son  succès.  Velly  qui 
est,  en  même  temps  qu'un  bon  chanteur,  un  diseur 
habile,  en  tire  chaque  soir  des  effets  nouveaux.  Cette 
chanson,  d'ailleurs  très  réussie,  compte  au  uombre 
de  ses  créations  les  plus  heureuses. 


Nous  avons  reçu  trop  tard  la  chronique  des  autres 
concerts  par  notre  collaborateur  Alfred  Bertinot.  Nous 
la  publierons  dans  notre  prochain  numéro. 
A.  Patay. 


QUATORZIEME  CONCOURS  MENSUEL. 

Ouvert  du  20  Octobre  au  20  Novembre 

Nos  abonnés   seuls   ont  droit  d'y   prendre  part, 

avec  une  chanson  de  sis  couplets  au  plus,  avec  ou 

sans  refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  1"^''  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


Nous  publierons,  dans  notre  prochain  numéro,  le 
résultat  de  notre  concours  mensuel  du  mois  d'oc- 
tobre. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRÏODES 

Les  Enfants  de  Montmartre.  —Salle  Pétrelle,  24. 
—  Cette  société  a  donné,  le  3  octobre,  une  soirée  des 
plus  divertissantes. 

Nous  mentionnerons,  en  première  ligne,  M.  Mart, 
un  jeune  lénorino  dont  la  voix  pure  et  bien  timbrée 
a  des  accents  mélodiques  qui  sont  d'un  ravissant 
effet.  Je  ne  crois  pas  surfaire  le  mérite  de  ce  jeune 
chanteur  en  lui  prédisant  un  avenir  artistique  des 
plus  brillants.  La  Favorite,  le  Sommeil  de  la  Muette 
qu'il  a  chantés  d'une  façon  merveilleuse  ont  été  ac- 
cueillis de  longs  bravos. 

M.  Leclerc  —  une  basse  chantante  —  a  dit  avec 
art  et  d'une  manière  remarquable  :  Belle  Juive  et  le 
Siège  de  Corinthe. 

Dans  le  genre  comique  la  société  parait  posséder 
tout  un  bataillon  de  joyeux  chanteurs  qui  ioterprè- 
tent,  souvent  avec  talent,  les  foliehonneries  les  plus 
cocasses  et  les  cascades  les  plus  étourdissantes.  Aussi 
MM.  Colinet  et  Maurice  se  sont  ils  montrés  très  amu- 
sants, le  premier  dans  :  Galant  avec  les  Dames  et  les 
Gêneurs,  et  le  second  dans  les  jeunes  filles  aiment  les 
fleurs.  Tous  les  deux  ont  de  l'entrain,  de  la  finesse 
et  une  bonne  diction.  Tais-toi,  Zoé,  a  été  pour 
M.  Belguixe  une  véritable  ovation.  M.Georges,  qui  a 
beaucoup  de  brio,  a  fait  plaisir  avec  sa  seconde  chan- 
sonnette. Signalons  MM.  Alfred,  Roevens,  Defente, 
qui  ont  eu  leur  part  de  légilioies  appiaudisscmenis. 

M.  Francqueville,  qui  récite  les  vers  avec  beaucoup 
de  grâce,  leur  donne  un  attrait  particulier.  Je  me 
hâte  d'ajouter  que  Francqueville  est  poète  et  chan- 
.=onnier  et  que  ce  sont  ses  productions  qu'il  récite. 
M.  Clément  a  dit  également  une  poésie  de  Paul  Bil- 
haud,  le  Premier  amour  ;  il  est  correct,  mais  un  peu 
froid. 

Mlle  Julia  Violette  —  un  nom  charmant  —  a 
chanté  avec  un  goût  exquis  deux  gracieuses  bluetles 
qui  ont  été  accueillies  par  des  bravos  d'autant  plus 
multipliés  qu'ils  étaient  bien  mérités.  Mme  Blanche 
Warald  a  su  se  faire  applaudir  dans  deux  genres  dif- 
férents. 

Enfin,  pour  clore  la  soirée,  la  direction  avait  réservé 
à  ses  nombreux  invités  une  surprise  agréable  : 
MM.  Pablo  Facelli,  jongleurs  équilibristes  ont  cap- 
tivé l'admiration  des  spectateurs. 

Je  ne  voudrais  pas  terminer  sans  adresser  mes  fé- 
lications  les  plus  sincères  à  M.  Chauvière,  qui  a  été 
fort  drôle  dans  le  Raseur.  Gomme  directeur  de  la  so- 
ciété, M.  Chauvière  mérite  des  compliments  ;  la 
troupe  qu'il  a  formée  nous  promet  des  soirées  at- 
trayantes pour  cet  hiver. 


L'ÉCHOLiÈRE  (Brasserie  Suisse,  91,  rue  de  Seine), 
présidée  par  M.  Gouget  — donnait,  le  14  octobre,  une 
grande  soirée  lyrique  et  dramatique  à  l'occasion  de 
sa  réouverture.  —  Dès  huit  heures  la  salle  était  com- 
ble et  le  public  prouvait  par  ses  applatidissements 
sa  satisfaction. 


LA  CHANSON 


191 


M.  Graiuet,  cx-arlisLe  da  Chalet,  a  ialerprélé 
J'ons  vu  Paris,  avec  beaucoup  de  naturel  et  d'en- 
train —  Moumoutle  s'est  surpassé  dans  la  BoutùjUe 
à  treize  —  M.  Clément  nous  a  raconté  sos  Omotious 
dans  le  Tunnel  de  Saint-Germain  —  cl  Mlle  Adèle  a 
bien  détaillé  le  Refrain  de  noce  —  ainsi  que  la  scie 
populaire  Ypsiboé. 

Les  accompagnateurs,  Madame  Lucas-Fernand,  de 
LA  Lyre  de  la  Gaité,  et  le  pianiste  de  la  société 
ont  tous  été  à  la  hauteur  de  kur  tâche. 

Mes  compliments  aux  sociétaires  qui  ont  ri- 
valisé d'amabilité  envers  leurs  visiteurs. 

QUÉLIN. 


Samedi  10  courant,  la  Ltre  de  la  Gaîté  a  donné, 
16,  rue  Descartes,  une  soirée  extraordinaire  au  béné- 
licR  de  sa  caisse. 

La  soirée  a  été  fort  brillante.  MM.  Adrien  Souchot, 
Knrl  et  Moumoulte  de  I'Union  PARISIE^'NE  ont  riva- 
lisé d'entraio  ;  ils  ont  été  bissés  plusieurs  fois.  M. 
Tiercclin,  sociétaire,  a  fait  aussi  plaisir  selon  son 
habitude. 

Mme  Adèle  a  dit  avec  beaucoup  de  Ijrio  Ypsiboé,  une 
scie  trè.s-gaie  coiimie  musique,  et  que  tous  répèlent 
en  chœur.  Mme  Llieureux  détaille  fort  gracieusement 
Je  n'  sais  pas.  Mlle  Henriot  est  uuc  romancière 
agréable. 

La  soirée  a  continué  par  le  tirage  d'une  tombola 
magnifiiiuc  et  originale;  puis  l'on  s'est  séparé,  les 
uns  à  minuit  1/2,  les  autres  à  "ri  heares  du  matin, 
après  avoir  soupe  d'une  partie  des  lots  de  la  tom- 
bola. 


Dans  sauouvelle  salle,  rue  Saint-Victor,  74  (Maison 
"Vodablc),  I'Union  Parisienne  continue  à  donner  de 
brillantes  soirées,  les  dimanches  et  jeudis,  devant 
un  public  nombreux.  Dimanche  dernier,  M.  Léo  To~- 
tain,  Ifc  sympathique  président  a  ouvert  la  soirée  en 
nous  disant:  l'enapas  beaucoup  comme  moi;M.  Beck 
trouve  qu'il  faut  soigner  ça,  il  a  mis  beaucoup  d'en- 
train et  de  gailé.  Les  dames  l'Ut  surtout  charmé  l'au- 
diloirr,  et  laSociélé  a  le  bimheur  d'en  pcsséder  plu- 
sieurs de  dillorenls  genres.  Mme  Adèle  a  chanté  la 
Tireuse  de  Cartes  et  Ijjsiboé,  lu  puldic  l'a  rappelée,  et 
certes,  elle  le  méritait.  Mlle  Aline  Marjion  a  chanté, 
avec  cette  gentillesse  qui  la  fait  tant  applaudir,  une 
charniante  bluolle  qu'elle  dit  à  ravir:  Laissons  les 
amoureux.  Citons  encore  :  M.  Monicart  dont  la  voix 
est  juste  et  bien  timbrée,  M.  Gouget,  président  d; 
VÉcholière,  Henri  Karl,  sociétaire,  dans  Ça  va  to>«- 
Je;V  Mlle  Mathilde,  Mlle  Tardif,  charmantes  toutes 
deux  ;  MM.  Quélin,  vicc-pré^ideni,  Edmond,  secré- 
taire M.Bjnnelli,  un  bon  comique,  Charles  GouUieux, 
etc.  Le  petit  Paul,  âgé  de  sept  ans,  très  amusant 
dans  la  Renie  de  l'Union  Parisienne.  Un  insigne 
d'honneur  lui  a  été  donné,  et  c'était  juste.  Enfin 
pour  finir  un  duo  comique,  très  drôlement  interprété 
par  M.  Léo  Toitain  et  Mme  Adèle.  I^e  piano  était  tenu 
par  M.  ÉiwileVautravers,  un  excellent  pianiste  aimé 
de  tous  les  chanteurs. 

Alfred  Desfossez. 


Au  théâtre  des  Fantaisies-Parisiennes,  dimanche 
24  octobre,  grande  matinée  oll'erte  à  ses  membres 
honoraires  par  la  société  l'Âlliauee  chorale  de  Paris, 
avec  le  concours  de  MM.  Denizot,  Debailleul,  Leserre, 
Jules  Raux,  Jomain,  Chapuis;  Mmes  C.  Leclerc, 
Heuzé,  A.  ïhouard,  l'Harmonie  du  XI"  arrondisse- 
ment et  la  Lyre  Parisienne.  Très  joli  programme; 
effet  et  recette  assurés. 


Dimanche  24  octobre,  grande  soirée  à  I'Union  pa- 
risienne, 74,  rue  Saint-Victor,  vis-à-vis  la  rue 
d'Arras. 

MM.  Adrien  Souchet,  Karl,  Moumoutte,  Beck,  Jo- 
uas, Quélin;  Mlles  Mathilde,  Marpon;  Mmes  Adèle 
et  Desfossez.  A  10  heures  précises,  grand  intermède 
de  chimie  et  expéiiences  électriques  savantes  et 
amusantes,  par  MM.  X.  et  X. 


Dimanche  24  octobre,  salle  Graffard,  138,  boule- 
vard Ménilmontant,  grande  matinée  musicale  et 
dramatique,  à  1  heure  très  précise,  donnée  par  la 
Fanf.^re  de  Ménilmontant  (30  exécutants),  dirigée 
par  M.  A.  Bideau,  et  la  société  I'Alliance  de  Bbl- 
leville,  présidée  par  M.  TruQ'et;  la  matinée  est  di- 
visée eu  trois  parties  :  musique  et  intermèdes  de 
chants,  et  sera  terminée  par  la  Visite  au  colonel, 
vaudeville  en  un  acte.  Prix  d'entrée  :  80  c. 


Lundi  2b  octobre,  à  8  heures,  soirée  extraordi- 
naire offerte  à  ses  visiteurs  par  la  Lyre  bienfai- 
sante (quai  Saint-Michel,  9),  au  profit  d'un  socié- 
taire, M.  Ch.  GouUieux,  soldat  de  la  classe  1880. 
Concours  d'amateurs  et  de  chanteurs;  4  prix  seront 
décernés  aux  visiteurs  et  aux  dames.  Envoyer  son 
nom  et  le  titre  de  la  chanson  dimanche  24  au  plus 
tard.  Magnifique  tombola  (plus  de  liO  lots).  Prix  d'en- 
trée :  2'd  c,  avec  un  billet  gagnant. 


La  Lyre  amicale  de  Paris,  dont  le  siège  est  bou- 
levard Sébastopol,  6  (M.  Dupont,  président),  tiendra 
à  l'avenir  ses  réunions  de  chant  et  de  danse  tous  les 
jeudis  cl  dimanches,  de  8  heures  du  soir  à  minuit. 
Pour  inaugurer  celles  du  jeudi  et  sa  nouvelle  scène, 
elle  donnera  le  28  de  ce  mois  une  grande  soirée  lyri- 
que et  dramatique  avec  le  concours  d'artistes  et  de 
chanteurs  aimés  de  différentes  sociétés.  Le  pro- 
gramme en  est  attrayant. 


Les  &AIS  M0MUSIENS,  présidés  par  M.  Leroux, 
donneront  le  dimanche  31  octobre  leur  soirée  d'inau- 
guration de  leur  nouveau  local,  23,  Faubourg-du- 
Temple,  dans  la  belle  salle  de  la  République,  que 
M.  Orange  a  spécialement  fait  construire  pour  les 
sociélés  lyriques. 

Voir  le  programme  pour  les  noms  des  artistes. 
Grande  tombola  gratuite.  A  partir  de  cette  époque, 
les  soirées  des  Gais  momusiens  auront  lieu  tous  les 
dimanches,  au  lieu  du  lundi. 


^ieut  de  pai-aitro  ù  notre  librairie  un  nouveau 
catalogue  de  livres  anciens  et  modernes,  rares  et 
curieux.  Mous  enverrons  ce  catalogue  franco  &  toute 
personne  qui  nous  en  fera  la  demande  par  lettre 
atrrauchie. 


'192 


LA  CHANSON 


CHOSES  &  AUTRES 


Lie   premier   ISanquet    des    présidents   et 

VICE-PRÉSIDENTS^  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES  ET  DRAMA- 
TIQUES' (du  déparlement  de  la  Seioe)  aura  lieu  di- 
maDche  31  oclohie,  à.- v/ne  heure  très  précise  sous  la 
présidence  de  MM.  Alfred  Leconte  et  Dautresme, 
députés. 

Le  prix  du  banquet  est  fixé  à  4  fr.  par  personne. 
(Les  présidents  et  vice-présidents  seuls  ont  le  droit 
d'y  assister.) 

On  trouve  des  cartes  d'invitation,  Maison  Orange, 
11,  Place  de  la  République  et  au  bureau  du  journal 
la  Chanson,  18,  rue  Bonaparte. 


M.  Edouard  Philippe,  l'auteur  de  Casqiie-en-Fer, 
prépare  pour  le  Skating  —  qu'on  va  transformer  en 
théâtre  —  une  revue  abracadabrante,  en  collabora- 
tion avec  M.  Marot. 

La  Fée  Cocotte  aura  trois  actes  et  dix- huit  tableaux. 

La  musique  de  Cœdès  et  Varney,  les  costumes  de 
Grévin,  les  décors  de  Cornil. 


Le  9  octobre,  à  Sûnloffiie-sur-Seine,s.eu  lieu  l'enter- 
rement civil  de  M.  Auguste  Roussel  (de  Méry)  poète 
et  chansonnier  auteur  des  Sermons  de  mon  curé,  de 
Gros-Jean  et  son  curé,  et  des  Gmloises,  volumes  de 
chants  patriotiques  et  populaires,  etc.,  etc. 

Notre  collaborateur  Desrousseaux,  le  chansonnier 
lillois,  ■  dont  nous  publierons  prochainement  une 
chanson  paroles  et  musique,  vient  de  faire  réimpri- 
mer Is.  première  partie  de  ses  œuvres:  Chansons  et 
Pasqndlles-  Ce  volume  manquait  depuis  plusieurs 
années,  bien  qu'il  ail  été  déjà  réimprimé.  Les  quatre 
volumes  se  trouvent  à  Lille  chez  tous  les  libraires 
et  à  Paris  à  notre  librairie  : 

1"  vol.,  précédé  du  portrait  de  l'auteur  et  d'une 
petite  notice  sur  l'orthographe  du  patois  de  Lille. 
Nouvelle  édition,  avec  musique,  prix 2  fr.  SO. 

2*  vol.,  avec  les  airs  nouveaux  de  l'auteur,  nouvelle 
édition,  pris 2  fr.  50. 

3°  vol.,  avec  20  vignettes  et  la  notation  des  airs 
nouveaux  et  anciens,  nouvelle  édition,  prix.  2  fr.  SO. 

4°  vol.,  avec  les  airs  anciens  et  nouveaux  et  suivi 
d'un  Vocabulaire,  prix 2  fr.  50. 

Mlle  Hortense  Rolland,  dont  nous  avons  publié  la 
notice  biographique  dans  notre  numéro  14,  fait 
paraître  dans  le  National  d'Aix,  depuis  le  10  octobre, 
un  roman-étude  de  mœurs  contemporaines,  Moitiés 
et  Comédiennes,  qui  paraîtra  en  volume,  dans  le  cou- 
rant de  décembre,  à  Aix  et  à  Paris  à  notre  librairie. 

Nous  rendrons  compte,  dans  notre  prochain  nu- 
méro d'un  ouvrage  considérable  de  Charles  Yincent 
qui  vient  de  paraître  sous  ce  titre  :  Histoire  de  la 
Chaussure,  de  la  Cordonnerie  et  des  Cordonniers  célè- 
bres. ■ 


AVIS  IMPORTANT 


IVous  nrions  nos  abonnés  dont  rabonncment  expire 
lîn  Octobre,  de  nous  faire  parvenir  de  eioite  le  mon- 
tant de  leur  réabonnement.  ILes  abonnements  et 
réabonnements  sont  reçus  dans  tous  les  bureaux  de 
poste  deSi'rance;  les  frais  sont  k  la  charge  du  journal. 


PUBLICATIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.PATAY 


(iS,  rue  Bonaparte  IS). 


Les  Abeilles,  chanson.  Paroles  de  Georges  Baillet, 
Musique  de  Mme  Anais  Brianny.  Arec  gravures,   grand 

format  et  accompagniement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  net  »    30 

11' Album  des  Uamcs,  par  Mme  Juliette  Mancelière, 
cahier  de  chansons  à  10  cent. 

Etes-vous    comme    moi?    chanson.    Paroles     de   L.- 

HenrvLecomte.  Musique  de  Jules  Raux,  grand  format, 

avec  accompagnement  de  piano,  et  gravure,  net. .     1     • 

l^etit  format,  avec  gravure,   net 30 

Créée  à  l'Eldorado  par  Velly.  cette  bonne  chanson 
fera  promptement  le  tour  des  Concerts. 

I>n  Fcte  de  la  France.  Paroles  de  J.-B.  Robinot, 
Musique  de  Jules  Raux,  petit  format  aux  couleurs  natio- 
nales, aet »  20 

France,  hymne  de  la  Paix.  Chant  national.  Paroles 
de  L.  Sarrade,  Musique  de  Ben-Tayoux,  avec  gravure 

grand  format,  accompagnement  de  piano,  net -  1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net »  30 

Ei'BIïver,  romance.  Paroles  de  Fauché,  Musique  de 
Raguey,  petit  format  sans  gravure,  net »  20 

J'en  Kaffole,  paroles  et  musique  de  Jules  Raux. 
Petit  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gravure, 
net »  50 

niiaou  !  chanson  féline.  Paroles  et  musique  de  Jules 
Raux,  grand   format  avec  gravure  et  accompagnement 

de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net 30 

KiaMuse  de  In  Chanson.  Paroles  deCLAUDIUS  Malbet, 
Musique  de  Ch.  Marié.  Grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

]^V  chantez  plsis  In  JSInrseîllaise,  chanson  patriotique. 
Paroles  de  Jules  Célès.  Musique  de  Louis  Caloin. 
Grand  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gra- 
vure, net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net »  30 

Paix  et  Travail.  Paroles  de  Eugène  Imbert,  Musique 
de  Jules  Raux.  Grand  format  avec  accompagnement  de 
piano,  sans  gravure,  net »  50 

Ijcs  l'etîtes  Mains  de  noa  Mie,  chanson.  Paroles  de 
J.  Jouy,  Musique  de  Paul  Henrion.  Grand  format,  avec 

accompagnement  de  piano  et  gravure,  net 1     • 

Petit  format  avec  gravure,  net ■  30 

Cette  chanson  vient  d'être  créée  au  Concert  du  xix"  siècle 
par  Debailleul,  l'artiste  aimé  du  public,  qui,  nous  en 
sommes  certains,  en  fera  un  de  ses  beaux  succès  ;  elle  est 
déjà  interprétée  dans  plusieurs  ci ncerts  et  dans  beaucoup 
de  sociétés  lyriques . 

Çl^nand  t'auras  des  Sloustaches.  Paroles  de  Claudius 
Malbet,  Musique  de  Mathilde  Fraiquin.  Grand  for- 
mat avec  accompagnement,   sans  gravure »  50 

Die  Vienx  Buveur  de  vin,  chanson.  Paroles  dfe 
Brugière,  Musique  de  Jules  Raux.  Grand  format  avec 
accompagnement  de  piano,  sans  gravure,  net «50 

Y'ia  c*(|uc  c'est  qu'un  cnterr'm«nt,  tableau  populaire, 
paroles  d'EuGÈNE  Imbert,  musique  de  Dauvergne.  Petit 
format  avec  gravure  et  accompagnement  de  J.  Raux     >  50 

"Vous,  valse  chantée  par  L.  P.,  officier  de  cavalerie. 
Grand  format,  avec  accompagnement  de  piano,  net    1    » 

Toutes  ces  publications  seront  envoyées  franco  dans 
toute  la  Fronce  à  toute  personne  qui  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
Les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'un  mandat- 
poste  à  partir  de  cette  somme. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Gie,  6,  rue  Martel. 


3»  ANNEE. 


N«  25. 


lO  CENTIMES. 


31  OCTOBRE  1880 


LA 


ANSON 


Directeur-Gérant. 
A.   PATAY 


ta  chanson  est  une  forme  aitéaet 
Charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,    Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non   insérés   ne   seront   pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
MAXIME  GUY 


Annonces,  la  ligne. . 
Réclames,        — 


i&chanson,commelab3iîonnslt9 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


«DHIINISTRilTIOn    &   RÉOmiON 

18,  BHB  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE 


Galerie  des  Ch 
(L.-IIknkï  Li 
Chasse    (Jai. 


Païe 


:  Emile  Carré  (A.  Patiï).  —  Yiclor  //a^o 
iitb).  —  De  Paris  à  Poitiers  (E.  Culdiiom).  —  La 
EctiAMii).  —  Je  te  pardonne,  p.irolos  de  Gnoncii 
uc  do  (t.  Hjicseu.  —  lUsuhat  da  Quatorzième  Con- 


cours de  la  Chanson.  —  La  grosse  Botte  et  la  petite  Hotline  (Oc- 
TAVii  Lkhesoite).  —  Diner  da  Cercle  Pigalle  (Us  IlAoïTirii).  —  Chro- 
nique des  Concerts  (Alfuhd  Bkktimot).  —  Chronique  des  Société. 
Lyriques.  —  Nécrologie.  —  Avis  et  Annonces. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  Emile    CARRÉ 


Lachansonde  concert 
a  des  détracteurs  nom- 
breux, et  il  faut  avouer 
que  la  plupart  des  cri- 
tiques qu'on  lui  adresse 
sont  justifiées.  Le  sans- 
gène  avec  lequel  les 
fournisse  iirs  attitrésdes 
cafés  chantants  traitent 
le  bon  sens  et  la  gram- 
maire contribue  à  dis- 
créditer un  genre  qui  a 
sa  raison  d'être,  et  qui, 
mieux  entendu,  pour- 
rait exercer  une  bien- 
faisante influence. 

Tous  les  chanson- 
niers de  concert  ne 
suivent  pas,  fort  heu- 
reusement, la  route 
mauvaise  ;  il  en  est  qui, 
sans  répudier  la  forme 
gaie,  s'étudient  à  met- 
tre dans  leurs  couplets 
urje  correction  suffisan- 
te et  quelque  ingénio- 
sité :  Emile  Carré  est 
de  ceux-là. 

Né  à  Montreuil-sous- 
Bois  le  4  mars  1829,  à 
quinze  ans,  il  rimait 
déjà    très    proprement 

des  chansons  qui  faisaient  les  délices  des  goguettes 
de  la  banlieue.  En  février  iS-iS,  Emile,  qui  avait  pris 
part  à  la  Révolution,  s'engagea  dans  la  garde  mobile. 


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où  il  fut  nommé  offi- 
cier, grâce  à  une  chan- 
son patriotique  que 
chantaient  tous  les  ba- 
taillons de  soldats  ci- 
toyens. 

Mis  on  non  activilé 
lors  du  licenciement  de 
lamobilc,  Carré, croyant 
à  sa  vocation  pour  le 
métier,  des  armes,  s^.^ 
fit  incorporer  au  .39°  ré- 
giment de  ligne.  Il  y. 
fut  bientôt  mal,  noté 
pour  avoir  cliausonné 
les  ridicules  de  certains 
do  ses  chefs,  et  pour, 
avoir  collaboré  à  la  n- 
daction  de  plusieurs., 
journaux  des  villes  de 
province  où  il  se  trou- 
vait en  garnison.  Il  n'eu 
devint  pas  moins  ser- 
gent-major, et  c'est' 
avec  ce  grade  qu'il  fit 
la  campagne  do  Crimée, 
amusant  son  régiment 
par  des  chansonnettes. 
Il  publia  la  Varïdon- 
daine  et  le  Chant  du 
Siège  dans  le  journal  de 
Constantinople,  et  com- 


posa devant  Sébastopol,  en  pleine  tranchée,  des  cou- 
plets :  Pourquoi  n'en  ririons-nous  pas"?  que  donnèrent 
plusieurs  journaux,  l'Illwstration  entre  autres,  et 


194 


LA  CHANSON 


que  toutes  les  histoires  de  la  guerre  d'Orient  ont  re- 
cueillis. 

Rentré  en  France  avec  son  régiment,  Emile  Carré 
eut  la  douleur  de  se  voir  rétrograder  au  tableau 
d'avancement  et  s'en  prit  d'abord  à  l'antipathie  de 
l'inspecteur  général  Forey;  mais  apprenant  bientôt 
que  de  mauvaises  notes  avaient  été  fournies  contre 
lui  par  quelques-uns  de  ces  officiers  qui  ne  pardon- 
nent jamais  à  un  inférieur  de  les  dominer  par  l'in- 
telligence, il  se  vengea  en  faisant  courir  une  satire 
intitulée  le  Rapport,  où,  après  avoir  flétri  ses  enne- 
mis, il  faisait  ainsi  1  e  portrait  d'un  adjudant-major  : 

Le  jésuite  botté  qui  les  suit  pas  à  pas, 

C'est  la  tête  du  Christ  et  le  cœur  de  Judas. 

Pourtant  on  le  croit  bon,  on  le  vénère,  on  l'aime. 

Chacun  a  pour  ce  chef  un  dévouement  extrême  ; 

Son  regard  est  si  franc,  son  sourire  est  si  doux  ! 

Il  cache  sa  férule  et  vous  frappe  en  dessous. 

Des  victimes  qu'il  fit  si  vous  saviez  le  nombre  ! 

C'est  un  serpent  maudit  qui  vous  pique  dans  l'ombre. 

Il  a  les  airs  du  prêtre  et  l'habit  du  soldat. 

La  nuit  son  hausse-col  se  transforme  en  raba*. 

Et  l'observateur  froid  se  demande  en  silence 

Si  ce  n'est  pas  Tartuffe  en  pantalon  garance. 

Et  si  l'instruction  qui  l'a  fait  réussir 

Lui  vient  du  séminaire  ou  lui  vient  de  Saint  Cyr. 

Après  l'apparition  d'une  pareille  pièce,  qu'il  ter- 
minait en  disant  du  colonel  : 

Bon  homme  au  demeurant,  mais  se  laissant  guider. 
Créé  pour  obéir  et  non  pour  commander. 

Carré  n'avait  plus  qu'à  quitter  le  corps,  ce  qu'il  fit 
pour  aller  en  Afrique,  où  le  général  Faidherbe,  alors 
colonel  du  génie,  commandant  la  subdivision  de  Sidi- 
bel-Abbés,  l'estima  à  sa  juste  valeur  et  se  l'attacha 
comme  sergent-secrétaire,  à  la  suite  d'une  représen- 
tation théâtrale  où  il  avait  brillé  comme  chanteur 
comique  et  comme  auteur  d'un  discours  envers  aussi 
attendrissants  que  ceux  qui  précèdent  étaient  éner- 
giques. 

Libéré  du  service  militaire.  Carré  réunit  en  volume 
et  publia,  par  les  soins  de  l'éditeur  Huré,  ceux  de 
ses  chants  de  soldat  qui  lui  paraissaient  dignes  d'in- 
térêt; il  écrivit  ensuite  quelques  chansons  de  con- 
cert qui  eurent  beaucoup  de  vogue  :  C'est  V  métier 
gui  veut  ça.  Le  jour  ousque  f  la  marierons,  etc.;  puis 
il  abandonna  la  chanson  pour  refaire  du  journalisme 
sous  différents  pseudonymes. 

En  1868,  rêvant  d'élever  le  niveau  du  concert. 
Carré  se  lia  avec  le  fin  comique  Joseph  Arnaud,  dont 
il  enrichit  le  répertoire  plaisant.  Encouragé  par  le 
succès,  il  travailla  pour  d'autres  artistes  et  particu- 
lièrement pour  Libert,  qu'il  sortit  de  l'obscurité  avec 
les  Emballeurs,  les  Brasseurs,  l'Epicier  droguiste,  Xai 
pas  osé.  Un  jeune  homme  crédule,  et  surtout  avec 
L'Amant  d'Amanda,  scie  sans  précédent,  qui  en  a 
fait  commettre  tant  d'autres. 

Emile  Carré  fait  vibrer  la  corde  comique  de  Bour- 
get  dans  ses  chansons  à  parlé  et  celle  de  Colmance 
dans  beaucoup  d'autres.  A  coté  de  cela  il  a  écrit 
des  poèmes  virils  et  des  romances  délicieuses. 


Parmi  ses  chansons  restées  au  répertoire  des  con- 
certs à  cause  de  l'esprit  qui  y  pétille  ou  la  quantité 
de  bons  mots  qui  s'y  trouvent,  il  faut  citer  :  Ma 
femme  m'attend,  Titine,  Si  fà  ne  fait  pas  suer'.  J'ai 
mon  coup  d'  feu,  L'ami  de  ma  femme,  On' en  a  point 
d'  cornm'  moi.  Quand  on  est  pompette,  les  faux  frères. 
Verjus,  Jamais!  Le  papillon  bleu,  La  mère  Mazagran, 
J'  suis  de  Monireuil  aux  pêches,  V'ià  m,on  sentiment. 
Je  demeure  au  Vésinet,  Quand  je  passe  à  Passij,  Elle 
m'a  donne  son  cœur.  Les  fameux  gommeux,  Pas  joli, 
joli.  Je  voudrais  être  une  rose.  Troupiers  et  bonnes. 
C'est  la  cantinière,  Y  m'a  refusé  son  parajjluie.  Les 
Etudiants  en  Goguette,  J'ai  dépouillé  ma  famille.  Les 
jeunes  filles  aiment  les  fleurs.  Galoubet  le  conférencier. 
Les  conférences  de  Bariolé,  Le  Sans-cœur,  Tu  fais  d' 
la  pein'  à  ma  sœur,  J  éprouve  u,n  petit  soulagement.  Le 
nom  de  Clodomir,  Histoire  d'en  causer,  Pour  avoir  la 
paix. 

Tout  ce  bagage,  sans  doute,  ne  constituerait  pas, 
pour  Emile  Carré,  un  titre  suffisant  aux  suffrages 
de  l'Académie,  mais  il  lui  assure  parmi  les  paroliers 
un  rang  très  enviable.  Carré, —  nos  lecteurs  en  ont  pu 
juger,  —  a  du  trait  et  de  la  verve.  A  rencontre  d'un 
grand  nombre  de  ses  confrères,  il  est  primesautier, 
et  se  garderait  bien  de  s'adjoindre  un  collaborateur 
ou  de  prendre  modèle  sur  les  chansons  des  autres 
pour  composer  les  siennes.  Indépendamment  du 
cachet  d'originalité  qui  leur  est  propre,  les  sujets 
qu'il  traite  ont  d'ordinaire  l'attrait  de  la  nouveauté. 
C'est  là  un  mérite  rare  et  qui  justifierait  l'admission 
d'Emile  Carré  dans  notre  galerie  biographique, 
s'il  n'avait  à  cet  honneur  les  titres  incontestables 
qui  ressortent  de  l'examen  de  son  œuvre. 

A.  Patat. 


VICTOR  HUGO 


Il  est  TibuUe,  il  est  Shakspeare,  il  est  Homère. 
Captivant  les  esprits  et  les  âmes  ses  chants. 
Tour  à^  tour  gracieux,  solennels  ou  touchants, 
Braveut  le  temps  brutal  et  la  critique  amère. 

Jadis,  quand  sous  les  pas  d'un  César  éphémère 
Naissaient  les  lâchetés  et  les  honteux  penchants, 
Du  fond  d'un  exil  fier  châtiant  les  méchants, 
Il  consola  l'orgueil  de  la  France,  sa  mère. 

Aujourd'hui  que  sur  tous  plane  le  droit  vainqueur, 
Comme  il  subit  la  peine  il  partage  l'honneur, 
El,  du  passé  lUï^ubre  achevant  la  déroute, 

Apôtre  de  justice  et  de  fraternité, 
Formidable  et  charmant,  il  suit  la  large  route 
Qui  mène  son  génie  à  l'immortalité  1 

L. -Henry  Lecomte. 


LA  CHANSON 


195 


DE  PARIS  A  POITIERS 

Impressions  de  voj^agc. 


Au  loin  déjà  Paris  s'efface, 

Adieu  Paris,  charmant  enfer, 

Coursier  de  feu,  clieval  de  fer, 

La  locomotive  fend  l'air 

El  semble  dévorer  l'espace. 

J'ai  là  dans  mon  compartiment 

Une  dévote,  un  gas  normand. 

Un  maquignon,  un  militaire. 

Un  épais  et  large  vicaire. 

Une  nourrice  et  son  enfant. 

Avec  ce  bizarre  assemblage. 

Qui  ne  manque  pas  d'agrément, 

Jusques  à  Poitiers  je  voyage. 

T^a  nourrice  et  son  gros  moutard 

Sont  placés  ijrcs  d'une  portière; 

Au  centre,  le  révérend  père. 

Cause  avec  le  gras  campagnard; 

Le  maquignon,  l'iiomme  de  guerre. 

Fument  en  vidant  plus  d'un  verre, 

Tandis  que  la  dévote  austère 

Dans  un  coin  marmotte  à  l'écart. 

Au  dehors  un  vaste  silence 

Plane  sur  la  nature  immense. 

Dans  l'ombre  parfois  on  croit  voir 

Un  géant  qui  sur  vous  s'avance, 

A  travers  cet  Océan  noir  ; 

C'est  un  arbre,  informe  squelette. 

Qui  se  balance  dans  la  nuit, 

Puis  un  autre  aussitôt  le  suit. 

Quand  disparait  sa  silhouette. 

Et  le  train  fuit  toujours...  bientôt 

Un  cri  vient  frapper  mon  oreille  ; 

C'est  l'innocent  petit  marmot, 

Qui  pour  moi  trop  tôt  se  réveille. 

Car  il  a  de  bien  gros  chagrins. 

Et  pour  apaiser  le  cher  ange. 

Comme  en  ce  temps  on  fait  vendange, 

On  vous  le  bourro  de  raisins. 

Le  maquignon  discute,  crie, 

Fume  et  boit  comme  un  vrai  sonneur; 

Pour  se  consoler  du  malheur 

D'être  en  si  triste  compagnie, 

La  vieille  dame  et  monseigneur 

Mâchonnent  quelque  litanie. 

Et  se  signent  avec  terreur. 

Dans  un  coin  le  gros  normand  ronfle. 

Avec  l'enfant  sur  ses  genoux, 

A  la  nourrice  qui  s'en  gonfle, 

Le  troupier,  lui,  fait  les  yeux  doux. 

Puis  lout-à-coup  le  tableau  change, 

J'entends  un  sifflement  étrange. 

Suivi  de  plusieurs  cris  d'horreur... 

Au  moment  où  le  bon  pasteur 

Explique  à  sa  maigre  voisine 

L'attrait  de  la  grâce  divine 

Et  les  bienfaits  du  créateur, 


Grossier,  ignoble,  profane, 
Le  maquignon  dans  sa  soutane 
Met  tout  ce  qu'il  a  sur  le  cœur. 
Effroi,  cris,  panique,  stupeur... 
Les  bras  au  ciel  la  pauvre  dame 
Hurle  au  voleur,  à  l'assassin, 
Au  poehard,  puis  enfin  se  pâme. 
Tandis  qu'à  côté  le  bambin, 
(Chez  les  enfants  tout  n'est  pas  rose) 
Sur  les  genoux  du  fantassin 
Laisse  s'échapper  quelque  chose 
Dont  l'odeur  n'a,  rien  du  jasmin. 

Et  moi  dans  la  nuit  qui  s'achève 
Tout  pensif  je  revois  en  rêve 
Ce  grand  Paris  que  j'ai  quitté, 
Paris,  trop  bruyante  cité. 
Dédale  de  luxe  et  de  crotte. 
Où  chaque  jour  la  vertu  trotte 
A  côté  du  vice  effronté. 
Et  je  pense  à  nos  mandataires 
En  train  de  pêcher  les  goujons. 
Et  je  réfléchis  aux  plongeons 
Que  font,  hélas,  les  ministères, 
Au  jésuite,  qui,  pour  finir, 
Est  un  peu  comme  rallumelle 
De  la  Régie...  une  amuselte 
Qui  pue  et  ne  veut  pas  partir  ! 

E.  Chebroux. 
Poitiers,  octobre  1880. 


LA   CHASSE 


Air  :  des  Fraises. 
Quand  chacun  tue  à  foison 
Lièvre,  cerf  ou  bécasse, 
Permettez  qu'à  ma  façon, 
Ce  soir,  je  mette  en  chanson 

La  chasse. 
D'abord  ne  venons-nous  pas, 

Aux  ministres  en  place. 
Choisissant  les  trois  plus  gras. 
De  donner,  —  quel  débarras!  — 

La  chasse'? 
Et  sans  hésitations. 

Ne  faut-il  pas  qu'on  fasse, 
Par  maintes  expulsions. 
Vile,  aux  congrégations 

La  chasse. 
Puis,  dans  trois  mois,  on  verra 

Le  cabinet  mollasse 
Qui,  de  nouveau,  se  rendra. 
Et  l'on  recommencera 

La  chasse. 
Tant  pis,  mais  nos  jeunes  lois 

Fout  à  l'antique  race 
Ce  que  Voltaire  autrefois 
Fil  aux  prêtres  aux  abois  : 
La  chasse. 


196 


LA  CHANSON 


Et  notre  vieil  univers, 
Sur  toute  sa  surface, 
Entend  se  briser  des  l'ers. 
Tandis  qu'on  donne  aux  pervers 
La  chasse. 

Mais  ce  thème  est  endormant 

Et  ne  rompt  pas  la  glace  ; 
Si  je  ne  finis  gaiment, 
Vous  me  ferez  lestement 
La  chasse. 

Car  chacun  doit  aujourd'hui 

Ne  sui\Te  iei  la  trace, 
Que  du  vieux  rire  qui  fuit, 
Pour  ne  donner  qu'à  l'ennui 
La  chasse. 

Que  dire  de  maint  couplet 

De  notre  populace? 

En  idiotisme  complet, 

A  l'esprit  gaulois  ça  fait 

La  chasse. 

Maris  trompés,  de  nos  jours. 

Par  plus  d'un  lovelace, 
Etes-vous  aveugles,  sourds, 
Puisque  l'on  vous  fait  toujours 
La  chasse? 

Et  loi,  fillette  qu'au  bal. 

Un  séducteur  enlace. 
Crains  qu'un  amour  illégal 
Ne  donne  à  ton...  capital 
La  chasse. 

Car  Cupidon,  quelquefois, 

Par  l'acide  remplace 
Les  flèches  de  son  carquois. 
Pour  faire  aux  jolis  minois 
La  chasse. 

Et  cependant  ne  suis  pas 

Ses  conseils,  pleins  d'audace, 
Quand  semble  le  grand  Bumas 
Faire  aux  vertus  d'ici-has 
La  chasse.  ' 

Bref,  je  clos  ceite  oraison, 

Bredouille  at  tète  basse, 

Et  renlre  dans  ma  maison 

N'ayant  fait  qu'à  la  raison 

La  chasse. 


1"  octobre  1880. 


Jules  ECHALIÉ. 


QUINZIÈi^IE    CONCOURS     MENSUEL. 

Ouvert  dît  20  Octobre  au  20  Novembre 

Nos  abonnés   seuls   ont  droit  d'y   prendre  nart 

avec  une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  oii 

sans  refraui.  '■       ' 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  piècj  qui 
aura  obtenu  le  l"'' prix,  une  pa.ite  notice  elle  por- 
trait de  lauteur,  s'il  y  consent. 


JE  TE  PARDONNE 

ROMANCE 


Paroles 
de  George  Payelle. 


Musique 
de  G.  Haûser. 


mer     qu.e       tv        m'au.  ras      can    „    ses 


U    M'    II- 


I P  J  M-n 


le  par-  don       -       ne 


Toi  que  j'appelais  ma  maîtresse. 
Dis,  te  souvient-il  d'autrefois. 
Des  folles  nuits,  des  jours  d'ivresse 
Et  des  baisers  que  tu  me  dois? 
Te  souvient-il  qu'un  beau  soir  même 
Tournant  vers  moi  tes  yeux  charmeurs. 
Tu  me  disais  tout  bas  :  «  je  l'aime?  » 
Moi  je  m'en  souviens,  et  j'en  meurs. 

Si  je  suis  seul...,  etc. 


LA  CHANSON 


197 


Fraîche  idylle,  adieu,  lu  fus  brève  ; 
Adieu,  beaux  jours,  jours  de  soleil  ! 
Plus  fut  ineffable  le  rêve, 
Plus  est  douloureux  le  réveil. 
Car  la  coupe  où  la  lè\Te  avide 
A  longs  traits  puisait  le  bonheur, 
Nous  échappa  avant  d'être  vide, 
Et  se  brise,  avec  notre  cœur. 

Si  je  suis  seul...,  etc. 

Mais  que  dis-je,  et  sous  la  détresse. 
Quand  défaille  mon  pauvre  cœur, 
Que  viens-je  ici  parler  d'ivresse. 
De  doux  aveux  et  de  bonheur? 
De  ce  bonheur,  fleur  éphémère 
Qu'avec  toi  je  voulus  cueillir, 
Ou'aurai-je  connu  sur  la  terre? 
L'espérance  et  le  souvenir. 

Si  je  suis  seul,  si  je  pleure,  ô  mignonne. 
Au  souvenir  de  nos  jours  enchantés. 
Je  fus  heureux  et  mon  cœur  le  pardonne 
Les  pleurs  amers  que  tu  m'aura  coulés. 
Je  te  pardonne. 


QUATORZIEME   CONCOURS  MENSUEL 
DE  LA  CHANSON 


Du  20  Septembre  au  20  Octobre. 


Prix 


La  Grosse  Botte  et  La   Petite    Bottine,  par 

Octave  Lebesgue . 
2'  Prix  :  Les  Feuilles  qui  tombent,  par  Denis  Langat. 
3"  Prix  :  Mon  Budget,  par  Tranché. 

l»r  PRIX 

LA  GROSSE  BOTTE  ET  LA  PETITE  BOTTINE 

CHANSON 
On  voyait  six  pieds  sous  la  table  ; 
Six  pieds  !  —  Grand  dieu  avons-nous  ri  ! 
Deux  avaient  un  air  lamentable: 
C'étaient  deux  vrais  pieds  de  mari. 
Puis,  cachés  sous  la  Valencienne 
Ou  couverts  d'éperons  d'acier 
Deux  petits  pieds  de  parisienne 
Et  deux  gros  pieds  de  cavalier... 

Dans  sonjabot  de  mousseline, 
L'époux  — soixante  ans —  radotait... 
Et  la  grosse  boite  flirtait 
Près  de  la  petite  bottine... 

En  personne  bien  élevée 
La  petite  bottine,  au  loin. 
D'une  attitude  réservée, 
Comme  il  seyait,  prenait  le  soin. 
Sage,  immobile,  sur  la  place. 
Son  dédain  moqueur  etmordanl 
Opposait  un  refus  de  glace 
A  son  voisin  outrecuidant. 


Plein  d'une  quiétude  divine, 
Le  mari,  dans  l'ombre,  ronflait... 
Et  la  grosse  botte  appelait 
De  loin  la  petite  bottine. 

Oh  !  la  grosse  botte  hardie 
Sans  égard,  sans  foi,  sans  pudeur. 
Joue  une  infâme  comédie  : 
Petite  bottiae  a  bien  peur  ! 
On  avance —  elle  se  dérobe 
Au  trop  audacieux  galant  ; 
On  avance  encor,  sous  la  robe 
Elle  se  blottit  en  tremblant. 

Souffrant  d'un  rhume  de  poitrine. 
Le  vieux  mari,  toussait,  crachait  ; 
Et  la  grosse  hotte  approchait... 
0  !  pauvre  petite  bottine  ! 

Sang  aide,  comment  se  défendre  ? 
Nul  ne  venait  à  son  secours 
Ella  grosse  botle  plus  tendre 
Lui  fredonnait  des  lais  d'amour. 
Comme  tressaille  au  vent  d'automne 
Un  pelit  oiselet  mutin. 
Elle  tressaillait,  la  mignonne. 
Dans  son  vêtement  de  satin. 

Perché  sur  la  chaise  voisine 
Le  vieux  Céladon  sommeillait, 
Et  la  grosse  botte  frôlait 
La  prude  petite  bottine. 

Au  plus  attachant  de  l'histoire, 
La  lampe  baisse  puis  s'éteint. 
Or  donc,  s'il  fut  une  victoire, 
On  n'en  fît  pas  le  bulletin. 
Elle,  fut-elle  charitable  ? 
Furent-ils  vainqueurs,  les  amours? 
On  ne  sait  rien  ;  sinon  qu'à  table 
Le  vieux  mari  dormait  toujours. 

Mais  on  vit  à  l'aube  câline, 
Sous  le  lit  de  l'époux  absent, 
Une  botte  se  prélassant 
Près  d'une  petite  bottine. 

Octave  Lebesgue  (Lyon). 


DINER  m  mm.  pigalle 

du  13  octobre. 


Le  dernier  dîner  du  cercle  Pigalle  a  été  très  gai 
et  la  soirée  bien  remplie  —  un  programme  varié,  une 
assistance  nombreuse. 

Emile  Cahen  présidait,  il  a  désigné  son  successeur 
à  la  présidence  pour  le  diner  du  13  novembre  ;  — 
c'est  Bocquet,  membre  du  cercle,  acteur-auteur  — 
mainte  fois  applaudi  pour  son  jeu  naturel  et  ses  spi- 
rituelles productions. 

M.  Coiiia,  un  '".<  noiplus  cl.armants  compositeurs, 


198 


LA  CHANSON 


a  dit  de  ravissantes  choses,  entre  autres  une  réhabi- 
litation de  la  belle-mère,  à  faire  rêver  les  gendres. 
Lagoguée,  le  fin  diseur,  a  dit  les  Bâtons  de  vieillesse, 
de  Duvelleroy  et  une  chanson  de  lui  très  réussie. 

M.  Bruneau  a  interprété  deux  chansonnettes  comi- 
ques avec  une  verve  désopilante,  c'est  le  Berthelier 
du  cercle  Pigalle;  un  autre  membre  dont  le  nom  nous 
échappe  a  dit.  avec  un  réel  talent  de  diction  et  de 
composition,  une  pièce  réaliste  de  Gill  —  le  Machi- 
niste, je  crois.  Et  bien  d'autres  que  j'oublie  ont  con- 
tribué à  l'ensemble  de  cette  soirée,  l'une  des  meil- 
leurs, sans  contredit,  auquelles  nous  ayons  eu  le 
plaisir  de  nous  trouver  réunis  en  aussi  grand  nom- 
bre, 50  personnes  environ. 

Jiiles  Ruel  a  dit,  pour  la  premiers  fois  M.  Paniéla 
une  étude  naturaliste  à  faire  le  bonheur  de  Zola  — 
très  fortement  applaudie,  et  clos  la  séance  par  un 
sonnet  à  Froufrou  —  pour  lui  demander  une  loge  : 
De  vos  premiers  débuts,  vous  souvient-il.  Aimée  ? 
Au  cercle  des  Martyrs  vous  étiez  proclamée 
Notre  Ruse  Chéri  ;  charmant,  mais  inconnu, 
Votre  nom  promettait  tout  ce  qu'il  a  tenu. 
Mbintenant,  chaque  soir,  vous  êtes  acclarnée. 
Vous  avez  remplacé  la  grande  artiste  aimée 
Dans  l'esprit  et  le  cœur  du  public  prévenu, 
A  ses  grandes  amours  le  voilà  revenu. 
Votre  immense  succès  a  réjoui  mon  âme  ; 
Au  milieu  des  frimats  il  ravive  la  flamme 
Qui  réchauffe  les  cœurs,  celle  du  souvenir. 
Quand  il  vient  d'un  ami  sincère,  un  mot  d'éloge 
Plait  toujours  à  l'artiste,  une  première  loge 
Fait  souvent  un  heureux  ;  puisse-t-elle  venir  ! 
La  pauvre  A.imée  envoya  le  coupon  demandé  avec 
les  lignes  suivantes  : 

Votre  sonnet  vaut  bien  une  loge,  sans  doute. 
Allez  donc  applaudir  celle  qui  vous  écoute 
Et  se  souvient 

On  Habitué. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

Eldorado.—  Programme  sans  cesse  renouvelé  et 
toujours  attreyant.  Continuation  du  succès  de  Velly, 
dans  Ètes-vous  comme  moi  ?  On  remarque  la  précision 
avec  laquelle  l'orchestre,  si  habilement  dirigé  par 
M.  Charles  Malo,  exécute  l'accompagnement  peu 
banal  de  cette  chanson,  précision  qui  témoigne  du 
soin  que  l'administration  de  l'Eldorado  apporte  même 
dans  les  détails. 


Sca,la.  —  Pierrot  coffré,  l'opérette  de  MM.  H.  Phi. 
lippe  et  Lucien  CoUin,  a  tenu  l'affiche  cette  semaine, 
avec  autant  de  succès  que  la  semame  précédente.  Ce 
soir,  probablement  aura  lieu  la  première  représenta- 
tion de  Mandarinette ,  de  MM.  Pétrus  Karl  et  0. 
Lineourt. 

Mme  Kaiser,  la  charmante  diseuse,  qui  s'est  fait 
connaître  si  avantageusement  au  Grand  Concert 
Parisien,  a  débuté  samc;'.i  dernier  et  a  obtenu  de 


vifs  applaudissements  dans  une  charmante  chan- 
sonnette :  Ah  1  quel  homme  que  j'ai  là!  Une  nouvelle 
scie  :  Tiens-toi  ion,  Léon\  paroles  de  M.  Edoaard 
Kulm,  musique  de  Paul  Bourges,  a  été  créée  avec 
succès  par  Bourges. 

Qroshalay  père  et  fils,  grande  scène  à  transforma- 
tions, vaut  chaque  soir  de  nombreux  bravos  à 
M.  Derame,  ainsi  qu'à  son  compère,  l'amusant 
Bérod. 

Un  petit  reproche  à  M.  Aristide  Bruant  qui,  depuis 
quelques  temps  ne  sort  pas  de  ses  vieilles  chanson- 
nettes et  ne  nous  donne  pas  de  notiveautôs. 


XIX"  Siècle.  —  Plusieurs  bonnes  chansonnettes 
nouvelles  à  enregistrer  cette  semaine  :  Comment  l'es- 
prit vient  aux  filles,  chanté  par  Mme  d'Astand;  Les 
Tourtereaux  Tyroliens,  duo  créé  par  Mme  Lehmann 
et  M.  Hobret;  Je  l'aime  l  par  Mme  Lemonnier;  Est-ce 
indiscret  7  par  M.  Helt,  et  enfin  La  sérénade  à  la  Lune, 
par  Mme  Lehmann,  déjà  nommée. 

Signalons  aussi  le  succès  de  Mlle  Bépoix,  qui  a 
débuté  il  y  a  une  quinzaine  dans  La  voilà,  Paméla! 
de  notre  confrère  Ed.  Aupto,  et  qui  contintxe  à  se 
faire  applaudir  dans  Joseph  est  en  voyage  et  Belle 
Mignonne. 

3Ion  mari  est  à  Versailles,  vaudeville  en  un  acte, 
de  MM.  William  Busnach  et  Octave  Gastineau,  joué 
par  MM.  Baltaille,  Flory,  Mmes  Delassau  et  d'As- 
tand, fait  grand  plaisir  et  obtient  chaque  soir  un 
bon  sticcès. 

Debailleul  qui  est  indisposé  ne  chante  pas  depuis 
une  quinzaine. 


FoIieH-Saint-SIartin.  —  Le  succès  de  cet  éta- 
blissement va  croissant  de  jour  en  jour,  grâce  à  l'ha- 
bile direction  de  MM.  NicoUe  frères  ainsi  qu'aux  ex- 
cellents arlistes  qui  composent  la  Irotipe.  Le  déso- 
pilant Pissarello  fait  tordre  la  salle  avec  l'œuvre  po- 
pulaire de  M  Constant  Saclé  :  Bonjour  Oyprien! 

M.  Kelm  chante  en  ce  moment  une  des  dernières 
créations  de  Debailleul,  Réveille-toi  mignoime.  Ici 
j'ouvre  une  parenthèse,  pour  remercier  M.  Kelm  de 
la  bonne  volonté  qu'il  met  à  créer  :  Ton  cœur  est-il 
fermée  jolie  romance  de  notre  ami  Maxime  Guy,  que 
nous  avons  publiée  dernièrement. 

M.  Uenneville  a  créé  un  rondeau  très  original  dont 
il  est  l'auteur,  litre  :  Méli-Mélo;  c'est  en  effet  un 
vrai  méli-mélo  de  tous  les  vieux  refrains  de  nos 
pères,  arrangés  d'une  façon  bizarre  et  donnant  une 
quantité  de  coq-à-l'âne  ;  la  musique  est  de  M.  Tae- 
Coen. 

Mnies  Rivoire,  Braux,  Djelma,  Hémar  et  Destrées 
se  font  applaudir  dans  les  charmantes  chansonnettes 
de  leur  répertoire. 

Mme  Angot  et  ses  demoiselles,  opérette  en  un  acte, 
n'est  qu'un  long  éclat  de  rire,  provoqué  par  toute  la 
troupe. 

Alfked  Bertinot. 


LA  CHANSON 


199 


CHRONIQUE  DES  SOCIËTËS  LYRIQUES 


Parmi  les  artistes  nouveaux  qui  sont  venus  agré- 
menter la  dernière  soirée  do  la  Cordiale,  se  trouvent 
M.  Meunier  qui  a  chanté  timidement  mais  avec  un 
sentiment  commun icatif  «  Za  Saison  des  Amours  t. 
Mlle  Anna  a  fait  gentiment  l'histoire  de  «  la 
Pigeonne  »  cl  la  Réponse  à  mon  voisin.  M.  Jacobson  a 
de  bonnes  qualités  dans  la  tyrolienne  ;  en  observant 
son  chant,  cet  artiste  se  placera  vite  au  premier 
rang.  Mlles  AglaO,  .lenny;  Mmes  Marie  et  Henrieane 
ont  bien  réussi  leurs  interprétations.  Il  est  rare  que 
M.  Jules  Raux  manque  à  une  soirée  de  la  Cordiale, 
aussi  avons-nous  entendu  le  sympathique  composi- 
teur redire  avec  sa  verve  habituelle  Miaou  1  et  insi- 
nuer avec  un  tact  parlait  la  réllexion  On  peut  s'en- 
tendre, poésie  de  L. -Henry  Lecomte,  mise  en  musi- 
que par  lui. 

M.  Georgcbé  récite  avec  beaucoup  de  goût,  mais  on 
lui  reproche  de  ne  pas  assez  varier  son  répertoire. 
Une  belle  voix  nous  a  été  révélée,  c'est  celle  de 
M.  Nivelle,  un  ténor  agréable,  qui  a  le  tort  de  ne  pas 
se  montrer  assez  souvent.  M.  Lagarde  a  déclamé 
avec  autorité  le  récit  dramatique  de  L'Enfant  de 
Paris.  Signalons  encore  une  délicieuse  polka  écrite 
et  exécutée  par  le  pianiste  Marcus.  Nous  sommes 
surpris  que  cette  charmante  Polka  des  Oiseanx  n'ait 
pas  encore  trouvé  d'éditeur  ! 

Au  lliéiUre  des  Fantaisies  Parisiennes  a  eu  lien,  le 
24  octobre,  lamaiinéedunnée  parlasociélé  VAUiance 
chorale  de  Paris.  Ce  spectacle  assez  bien  composé 
comportait  deux  cliœur.s  nuancés  avec  beaucoup  de 
style  par  V Alliance  i^oMs  la  direclinn  de  M.  Amuat. 
L'harmonieZft  li/re parisienne,  dirigée  par  M. Barrière, 
a  exécuté  avec  un  grand  brio  divers  morceaux  de 
son  répertoire. 

Un  peu  froids  pendant  la  première  partie  du  con- 
cert, les  spectateurs  ont  applaudi  chaleureusement 
M.  Jomain,  très  comique  dans  les  Museaux  roses  ; 
M.  Dangère,  peu  hardi,  mais  conduisant  bien  sa 
voix  dans  l'air  du  Hialet;  M.  Chapuis,  Ire":  grMcieiix 
dans  le  récit  de  sou  Premier  nmonr. 

Deux  chauFons  redemandées,  Miaou  fl  Onpeuts'en- 
tendre  ont  été  dites  par  l'auteur.  Le  public,  un  peu 
déçu  dans  son  attente,  a  reconnu  assez  diflicilement 
M.  Jules  Raux,  qui,  très  sérieusement  indisposé,  ne 
possédait  pas  ce  jour-là  tous  ses  moyens. 

La  partie  comique  avait  encore  deux  bons  cham- 
pions ;  M.  Leserre,  désopilant  dans  le  Beau  Colin  et 
la  Distribution  de  prix;  et  M.  Denizot,  étourdissant 
d'entrain  dans  les  Réformes  et  Comme  on  est  trompé. 
Des  applaudissements  ont  accueilli,  dans  le  duo  de 
Guillaume  Tell,  MM.  Biémont  et  Dangère.  Le  ténor 
Biémonl  s'est  encore  fait  rappeler  dans  la  romance 
de  Rossini. 

Les  airs  du  Trouvère  et  Au  Bouton  Perdu,  interpré- 
tés par  Mlle  Leclerc  ont  valu  à  cette  excellente  ar- 
tiste les  bravos  unanimes  des  auditeurs. 


La  matinée  de  dimanche  24  octobre,  à  In,  salle 
Graffard,  a  tenu  ce  qu  elle  promettait.  La  VisUe  au 
Colonel,  vaudeville  inédit  de  M.  Truflet,  (irésidenldy 
l'Alliance  de  Belleville,  a  été  bien  interprétée  et  a 
fait  plaisir  à  entendre. 


La  soirée  du  2b,  à  la  Lyre  Bienfaisante,  au  béné" 
fice  de  M.  Ch.  GouUieux,  a  été  des  plus  intéres- 
santes et  des  plus  fructueuses  ;  salle  comble.  Interr 
prêtes  et  visiteurs,  ont  tenu  à  prendre  part  à  cet  acte 
de  bonne  camaraderie. 


Au  moment  où  j'écris  ces  lignes,  je  suis  encore 
tout  enthousiasmé  du  succès  de  la  grande  représen- 
tation donnée  lundi  dernier  par  la  Fantaisie-Lyri- 
que, au  bénéfice  des  familles  des  égouliers,  victimes 
de  l'accident  du  boulevard  Rochechouart. 

La  soirée  a  été  on  ne  peut  plus  brillante  et  a 
dépassé,  comme  succès  pécuniaire  et  artistique, 
toutes  les  cspér:inces  que  les  organisateurs  de  cette 
œuvre  de  bienfaisance  avaient  fondées. 

Avant  d'aller  plus  loin  ,  je  me  fais  un  devoir 
d'adreàsor  publiquement  mes  félicitations  au  prési- 
dent do  la  Fantaisie-Lyrique,  M.  Gustave  Lartelier, 
à  qui  revient  l'honneur  d'avoir  donné  l'initiative  de 
cette  représentation. 

Dire  que  la  salle  était  comble,  ne  serait  pas  assez, 
car  malgré  la  bonne  volonté  des  auditeurs  qui  n'ont 
pas  craint  de  se  tasser,  plus  de  80  personnes  ont  dû 
rester  dehors. 

Le  programme,  un  peu  trop  chargé,  n'a  pu  être 
exécuté  en  entier,  et  MM.  Pelletier,  de  Ba-ta-clan, 
et  Kelm,  des  Folies-Saint-Martin,  n'ont  pu  se  faire 
entendre,  malgré  la  bonne  volonté  du  maiirc  des 
chants,  qui  faisait  son  possible  pour  contenter  tout 
le  monde. 

Tous  les  artistes  et  amateurs  qui  prêtaient  leur 
concours  ont  été  tellement  bien  accncillis  du  public 
qu'il  m'est  impossible  d'appuyer  sur  les  fautes  im- 
perceptibles qu'ils  ont  pu  commettre.  Je  nie  borne- 
rai seulement  à  citer  :  Mlles  Marguerite  et  Berihe; 
MM.  Achille  B...,  Batte  frères  du  théâtre  de  l'ATiltt- 
NÉE,  Ville,  du  Concert  Kuropisen,  Vaast,  Maurice, 
Collinot,  Callebert  et  Boivin,  qui  se  sont  fait  bisser 
et  trisser  dans  la  partie  lyrique. 

Le  Livre  bleu,  comédie  en  un  acti^,  jouée  par  Mlles 
Mathilde,  Marguerite,  MM.  Inderbitzin,  Lartelier  et 
Callebert,  a  été  très  applaudie. 

Un  clou  dans  la  serrure,  la  pièce  qui  terminait  la 
représentation  a  été  lestement  enlevée  par  Mmn  Blon- 
del,  M.  X...,  du  Théâtre  du  Parc,  de  Bruxelles,  et 
M.  Blondel. 

Dans  celte  dernière  pièce,  il  y  a  eu  deux  ou  tro-'s 
petits  liraillements,  qu'il  faut  attribuer  au  manque 
d'accessoires,  et  qui  d'ailleurs  sont  restés  inaperçus 
pour  une  bonne  partie  du  public. 

Enfin  pour  terminer,  j'adresse  tous  mes  compli- 
ments aux  commissaires  chargés  du  service  de  la 
salle,  ainsi  qu'à  l'accompagnateur,  M.  Thibou,  qui  a 
ajouté  le  prix  de  sa  soirée  à  la  recette  destinée  aux 
veuves  et  aux  orphelins. 

Alfred  Bertinot. 


200 


LA  CHANSON 


Le  Franc  rire,  présidé  par  M.  Séguin,  donnera  le 
l^'jjovembre  uue  graude  soirée,  dans  son  loeal  or- 
dinaire, salle  Rosel,  rue  de  Belleville,  Café  des 
Omnibus. 


AVIS  IMPORTANT 


■>  Le  samedi  6  novembre,  grande  soirée  dramatique 
et  lyrique,  au  Cercle  Musset,  présidé  par  M.  Dur- 
rieu,Café  du  Globe,  8,  boulevard  de  Strasbourg. 

LE  PREMIER  BANQUET  des  présidents  et  des 
vice-présidents  des  Sociétés  lyriques  et  dramatiques 
du  département  delà  Seine,  aura  lieu  le  dimanche 
14  novembre,  la  salle  ne  pouvant  être  complètement 
terminée  pour  le  31  octobre,  comme  on  l'avait  espéré. 
On  trouve  des  cartes  Maison  Orange,  11,  place  de  la 
République  ;  aux  bureaux  du  journal  la  Chanson, 
18,  rue  Bonaparte,  et  chez  tous  les  membres  du 
comité  des  concours. 

Le  grand  Bal  offert  gracieusement  par  M.  Orange 
à  toutes  les  Sociétés  lyriques  et  draniatiqices,  aura 
lieu  irrévocablement  dans  le  courant  de  novembre. 


M.  Richard,  des  Sociétés  Lyriques,  vient  d'être 
reçu,  après  concours,  élève  du  Conservatoire  de  mu- 
sique. 


Nous  ne  pourrons  commencer  la  publical ion  de  la 
liste  des  Sociétés  Lyriques  et  Dramatiques  que  dans 
notre  prochain  numéro. 


NÉCROLOGIE 


M.  Sylvain  Saint-Étienne,  dont  le  nom  est  bien 
connu  dans  le  monde  des  lettres  et  des  arts,  est  mort 
dans  sa  73°  année,  à  la  suite  d'un  terrible  accident 
que  tous  les  journaux  ont  raconté. 

M.  Sylvain  Saint-Etienne  était  un  ami  d'enfance 
de  Félicien  David,  pour  lequel  il  a  écrit  trois  ouvra- 
ges qui  ont  fait  sa  réputation  :  ito'ise  au  Sinaï,  repré- 
senté à  l'Opéra,  le  21  mars  1846  ;  Christophe  Colomb, 
ode  symphonie  en  4  parties,  et  enfin  la  Perle  dit 
Brésil,  dont  le  Théâtre-Lyrique  donna  la  première 
représentation  en  novembre  1832. 

Il  était,  en  outre,  l'auteur  de  nombreuses  scènes, 
romances  et  chœurs  dont  plusieurs  maîtres  ont  écrit 
la  musique.  Pendant  trente  ans,  il  fit  de  la  critique 
dans  la  Gazette  musicale.  Il  avait  fondé,  avec  Charles 
Vincent  et  Coligny,  la  Chanson  française. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  le  mardi  20  octobre.  Mal- 
gré la  pluie  battante,  un  grand  nombre  de  person- 
nes yassistaient;  des  écrivains,  desartistes,  descom- 
positeurs, des  journalistes  et  des  chansonniers  avaient 
tenu  à  lui  rendre  les  derniers  devoirs.  Alfred  Le- 
conte,  député  de  Y  Indre,  a  prononcé  un  discours  sur 
la  tombe,  Adrien  Boëldieu  a  dit  aussi  quelques  paro- 
les. Sylvain  Saint-Etienne  laisse  deux  filles;  nous 
espérons  qu'il  sera  donné  suite  à  l'idée  émise  par 
plusieurs  des  assistants  à  la  sortie  du  cimetière, 
d'organiser  une  représentation  à  leur  bénéfice. 

A.  P. 


]Vou9  prions  nos  abonnés  dont  rabohncnient  expire 
avec  le  présent  numéro  de  nous  faire  parvenir  de 
suite  le  naontant  de  leur  réabonnement  Les  abonne- 
ments et  réabonnements  sont  reçus  dnns  tou«  les 
bureaux  de  poste  de  France  ;  les  frais  sont  ù  la 
charge  du  journal. 


PUBLICATIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.PATAY 


{IS,  rue  Bonaparte  iS). 


Les  Abeilles,  chanson.  Paroles  de  Georges  Baillet, 
Musique  de  Mme  Akais  Brianny.  Avec  gravures,   grand 

format  et  accompagRement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  net  »    30 

li'Album  des  Humes,  par  Mme  JULIETTE  ManceliÈRE, 
cahier  de  chansons  à  10  cent. 

Etes-vous  comme  moi  ?  chanson.  Paroles  de  L.- 
Henry Lecomte.  Musique  de  Jules  Raux,  grand  format, 
avec  accompagnement  de  piano,  et  gravure,  net..  1  > 
Petit  format,  avec  j^ravure,    net..., •  30 

Créée  à  l'Eldorado  par  Velly.  cette  bonne  chanson 
fera  protnptement  le  tour  des  Concerts. 

lift  Fête  «le  la  France.  Paroles  de  J.-B.  Robinot, 
Musique  de  Jules  Raux,  petit  format  aux  couleurs  natio- 
nales, net »  20 

France,  hymne  de  la  Paix.  Chant  national.  Paroles 
de  L.  Sarrade,  Musique  de  Ben-Tayoux,  avec  gravure 

grand  format,  accompagnement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net »  30 

li'IIÏTcr,  romance.  Paroles  de  Fauché,  Musique  de 
Raguey,  petit  format  sans  gravure,  net »  20 

J'en  ItalToIe,  paroles  et  musique  de  Jules  Raux. 
Petit  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gravure, 
net »  50 

BSïaou  !  chanson  féline.  Paroles  et  mu.«ique  de  Jules 
Raux,  grand   format  avec  gravure  et  accompagnement 

de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net "30 

Kiallluse  de  la  Chanson.  Paroles  deCLAUDiusMALBET, 
Musique  de  Ch.  Marié.  Grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

I%o  clionte»  plus  la  llEarscillaise,  chansonpatriotique. 
Paroles  de  Jules  Célès.  Musique  de  Louis  Caloin. 
Grand  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gra- 
vure, net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net  »  30 

Paix  et  Travail.  Paroles  de  Eugène  Imbert,  Musique 
de  Jules  Raux.  Grand  format  avec  accompagnement  d« 
piano,  sans  gravure,  net »  50 

IjCS  Petites  ninins  de  ma  ÏSIie,  chanson.  Paroles  de 
J.  Jouy,  Musique  de  PaulHenrion.  Grand  format,  avec 

accompagnement  de  piano  et  gravure,  net 1     • 

Petit  format  avec  gravure,  net 30 

Cette  chanson  vient  d'être  créée  au  Concert  du  xix'^  siècle 
par  Debaillcul,  l'artiste  aimé  du  public,  qui,  nous  en 
sommes  certains,  en  fera  un  de  ses  beaux  succès  ;  elle  est 
déjà  interprétée  dans  plusieurs  concerts  et  dans  beaucoup 
de  sociétés  lyriques . 

Quand  t'auras  des  !Hou.staches .  Paroles  de  Claudius 
Malbet,  Musique  de  Mathilde  Fraiquin.  Grand  for- 
mat avec  accompagnement,   sans  gravure »  50 

tiC  "^"îeux  Buveur  de  vin,  c/iau.soïi.  Paroles  de 
Brugière,  Musique  de  Jules  Raux.  Grand  format  avec 
accompagnement  de  piano,  sans  gravure,  net •  50 

"V'Ia  c'(|iie  c'est  qu'un  enterr' niant,  tableau  populaire^ 
paroles  d'EuGÈNE  Imbert,  musique  de  Dauvergne.  Petit 
format  avec  gravure  et  accompagnement  de  J.  Raux     •  50 

Vous,  valse  chantée  par  L.  P.,  officier  de  cavalerie. 
Grand  format,  avec  accompagnement  de  piano,  net    1     » 

Toutes  ces  publications  seront  envoyées  franco  dans 
toute  la  France  à  toute  personne  qui  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'un  tnandat- 
poste  à  partir  de  cette  sotnme. 

Z.e  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  Cie,  6,  rue  Martel. 


3«  ANNEE.  —  N«  86. 


fO  CENTIMES. 


7  NOVEMBRE  188». 


LA  CHANSON 


Directercr-Admluistrateur  JQURNAL  DE  MUSIQUE   POPULAIRE   ^""'TZ^.^t.T^*^ 

A      P\TA.Y  liiiH  Un 01 


La  chanson  est  uns  forme  ailée  et 
cliarmante  de  H  pensée.  Le  couplet 
est  te  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


ECHO  DES  SOCIETES  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits  non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Annonces,  la  ligne...    X    ' 
Réclames.        —  2    • 

Lachanson,  coimmetabatonaattê 
est  une  arme  française. 

J.  CLAHETIt. 


AOflilItlS'rRATION    &  RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an êit, 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8'  » 


ialeiie-da  Ckanionni'crs  :  Collé  xEmkxit  Uaiixkt).  —  i>e  diran^ez 
pcmunnê  (Coli.k),  -  On  te  devine  (Aciiilli!  Carus).  —  Curiosités  de 
ta  Chanson  :  les  Petits  fcndcux,  —  La  Dernière  Étape  (Jtles 
Rl-Bi.).  —  Les  Fcailles   qui  tombent  (Dkmj    LkHOkr).'Le    Printemps 


SOMMAIRE  : 

(•/cn/.I{AHL<;u 


Ckr 


ilt$  Sociclés  lyiiqa 


;  des  Concerta  (Alfred   BE^TI^oT^ 
.  —  Choses   et   Autres,  —    Àii 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :  COLLÉ 


Charles  Collé  naquit 
à  Paris  le  li  avril  17U9. 
Son  père  était  procu- 
reur du  roi  au  CliUtelet 
et  de  plus  trésorier  de 
la  Chancellerie  du  Pa- 
lais; aussi  le  jeune  Collé 
fut-il  placé  en  qualité 
de  clerc  chez  un  label- 
lion  de  ses  parents. 

Cette  carrière  souriait 
peu  à  son  caractère,  et 
bientôt  il  la  quittait 
pour  entrer  en  qaalilé 
do  secrétaire  chez  M. 
de  Meulan,  receveur 
général  des  finances, 
puis  chez  un  procureur 
où  il  restait  peu  de 
teuips. 

A  cette  époque  déjà 
le  goût  du  théâtre  le 
dominait  irrésistible- 
meiit.  Voici  dans  quels 
termes  expressifs  il  s'en 
confesse  cinquante  ans 
plus  tard  :  ?endantplK- 
sieitrs  années  je  n'entrai 
point  dans  la  salle  de  la 
CotiiMie  française  sans 
qu'il  me  prit  un  frisson 
déplaisir  tel  que  ceUii 
que  je  sentis  au  premier  reridez-totis  que  me  donna 
la  première  femme  honneite  que  j'eus  à  vingt  ans 
et   dont  j'étais  éperdument  amoureux.  Aussi,  Colle, 


poussé  par  la  voca- 
tion, recherchait  sur- 
tout les  hommes  d,elet- 
tres  joyeux  :  Crébillon 
fils,  Piron,  Sauiin  fu- 
bientôt  de  ses  amis. 
Collé  avait  alors  une 
jolie  voix,  il  n'avait 
encore  fait  que  quel- 
ques chansons,  aussi  lo 
plus  souvent  il  chan- 
tait celles  de  Hague- 
nier,  chansonnier  très 
en  vogue  alors.  Les  sa- 
lons où  la  galté  était 
reine,  lui  furent  vite 
ouverts,  il  s'y  précipita. 
En  ce  temps-là  les 
fermiers  généraux,  ri- 
ches et  puissants,  rece- 
vaient généralemeiit  là 
jeunesse  frivole  et  très 
joyeuse.  Un  d'en- 
tre eux  nommé  Pelle- 
tier, avait  tatile  ouverte 
chaque  semaine  pour 
une  douzaine  de  gar- 
çons de  tes  amis  au 
nombre  desquels  figu- 
raient, en  première  li- 
gne, Collé  et  Crébilldti 
fils.  Au  dessert  on  chah- 


Les  chansons  que  nous  nommons  des  gaudrioles, 
étaient  les  romances  de  celle  réunion.  Cesl  pfoba- 


2Ô2' 


LA  CHANSON 


bablement  cet  entourage  qui  excita  Collé  à  faire  tant 
de  chansons  malsaines  et  peu  gaies  à  force  d'être 
ordiïrièrés.  Rien  n'est  plus  regrettable  que  ce  genre 
graveleux  qui  prend  à  son  service  les  mots  dont  ne 
se-sert  que  la  populace  grossière  et  bête  pour  pro- 
duire dès  effets,  Drôle  de  société,  qui  bien  que  com- 
posée de  jeunes  gens,  était  déjà  assez  blasée  pourne 
plus  éprouver  les  sensations  de  la  gaité,  et  qui  sa- 
vourait amoureusement  le  vitriol  de  l'indécence.  Il 
iaut  enlever  du  livre  de  Collé  ses  œuvres  de  jeu- 
nesse, la  littérature  et  la  réputation  de  l'auteur  n'y 
perdront  rien. 

Cela  effacé,  les  couplets  de  Collé  sont  faits  avec 
beaucoup  de  facilité  et  de  négligence  même,  mais 
cette  négligence  sied  bien  à  la  chanson  et  ajoute  par- 
fois un  certain  charme  au  sujet. 

Ce  fut  en  somme  un  .vi'ai  chansonnier  que  Collé, 
en  ce  qu'il  s'est  fait  l'écho  des  événements,  des 
mœurs  et  de  l'esprit  de  son  temps.  Le  chansonnier 
doit  être  un  peu  chroniqueur,  voire  même  un  peu 
historien. 

Sa  chanson  La  Guinguette,  qui  retrace  le  célèbre 
cabaret  de  Ramponneau  : 

Chantons  l'ilustre  Ramponneau, 
Dont  tout  Paris  raffole. 

est  un  vrai  petit  chef-d'œuvre  d'entrain  et  de  verve 
et  de  bonne  gauloiserie  ;  il  y  a  bien  par-ci  par-là 
quelques  mots  un  peu  risqués.  —  Bah  !  nos  pères  les 
disaient  sans  rougir,  valaient-ils  moins  que  nous  ? 

Si  ses  tableaux  sont  parfois  chargés  de  couleurs 
un  peu  crues,  qu'y  faire?  il  fallait  bien  peindre  les 
choses  comme  elles  étaient.  Marotte  est  un  portrait. 
Les  Conseils  aux  chansonniers  sont  remplis  de  traits 
satiriques  et  pleins  de  naturel.  Quand  aux  couplets 
sur  la  prise  de  Port-Mahon,  c'est  une  chanson  comme 
en  font  les  chansonniers  de  la  rue,  chaque  fois 
qu'une'  victoire  est  remportée  par  nos  armées. 

Des  palmes  de  la  gloire 

Soldats  décorez-vous. 

Enfants  de  la  -victoire 

Constantine  est  à  nous  ! 

Voilà  le  modèle  du  genre.  Aubry  qui  en  est  l'au- 
teur, en  a  bien  fait  un  cent  de  semblables,  mais 
n'étant  pas  venu  au,  bon  moment,  il  ne  touche  rien 
pour  cela.  Collé,  lui,  reçut,  comme  auteur  delà  chan- 
son de  Port-Mahon,  une  pension  de  600  livres.  Voilà 
trois  ou  quatre  mauvais  couplets  bien  payés,  mais 
Collé  était  né  pour  être  heureux.  C'était  un  homme 
très  habile  dans  la  diplomatie  de  l'existence,  il  orga- 
nisait sa  vie  de  la  bonne  façon.  Comme  il  désirait 
avant  tout  vivre  sans  ennuis,  il  parlait  beau  à  tout 
ce  qui  l'entourait,  aussi  le  surnommait-on  le  bon 
Collé.  ,  , 

Mais  il  avait  un  confident  à  qui  il  confiait  ses  pen- 
sées les  plus  intimes,  et  très  souvent  ce  confident 
entendait  le  soir  toit  l'opposé  des  conversations  du 
jour  ;  c'était  sonjournal  historique.  Lorsque  ces  trois 
volumes  parurent,  une  vingtaine  d'années  après  sa 
mort,  on  s'aperçut,  que  le  l)on  Collé  n'avait  pas  tou- 
jours eu  la  vénération  qu'on  lui  supposait  pour  ses 


confrères  ou  pour  ceux  qui  l'entouraient;  dans  ce 
journal  le  pauvre  Galiet  entre  autres  est  fort  mal- 
mené et  Panard  est  jugé  comme  un  homme  du  plus 
mauvais  monde,  qui  fréquentait  les  gens  les  plus 
crapuleux.  Ces  gens  crapuleux,  c'étaient  les  artistes 
qu'il  rencontrait  au  cabaret...  Voyez  le  gros  péché; 
Panard  aime  la  gaité,  le  bon  vin,  et  le  pendard  va  au 
cabaret  avec  ses  amis  et  là  leur  chante  ses  chansons 
joyeuses' et  morales;  Collé  bien  mieux  appris  ne  va 
que  chez  les  grands  seigneurs  chanter  ses  chansons 
de  lupanar. 

Dans  son  journal  comme  dans  sa  correspondance. 
Collé  est  l'ennemi  acharné  de  l'esprit  philosophique  . 
qui  se  manifeste  avec  tant  de  vigueur  au  dix-hui- 
lième  siècle.  Voltaire  et  Rousseau  ont  en  lui  un  en- 
neraifiévreux,acharné;  il  dit  du  premier:  Les  grands 
scélérats  sont  ses  grands  hommes.  Aussi  était-il  lui- 
même  un  gredin  et  un  hommesans  mœurs  et  sans  prin- 
cipes, il  a  fait  un  mal  affreux  à  la  France  cjui  ne  s'en 
relèvera  pas.  Ses  écrits  l'ont  corrompue  sans  ressource' 
et  pour  jamais  ! 

Ces  tristes  proptétiesne  sont  que  lisibles  sous  la 
plume  d'un  bon  petit  bourgeois  comme  Collé,  qui 
u'a  jamais  vécu  que  dans  un  coin  du  monde  où  la 
fjrtuneet  le  plaisir  font  trouver  que  tout  est  pour  le 
mieux.  Que  n'a-t-il  pu  assister  à  ia  célébration  du 
centenaire  de  Voltaire,  il  en  fût  /aort  de  peur  !...  au 
chant  de  la  Marseillaise  ! 

I/auteur  à.' Emile  n'est  pas  plus  épargné  :  Rousseau 
es  t  leplus  faux  des  hommes  ;  il  se  joue  de  tout  et  n'a  point 
de  sentiments  à  lui,  il  est  méprisable,  crapuleux,  etc.; 
il  est  vrai  que  Rousseau  avait  critiqué  Cdlé  dans  sa 
lettre  à  d'Alembert  sur  les  spectacles  et  que  cela 
disposait  peu  à  la  bienveillance  un  esprit  aussi  en- 
clin à  la  critique  acerbe  que  celui  de  Collé.  C'était  un 
homme  fès  positif,  point  malhonnête,  mais  très 
malin;  sa  correspondance  avec  un  jeune  homme 
qu'il  appelle  son  fils  en  fait  foi. 

(.'est  dans  la  famille  de  Meulan  que  Collé  vécut  en 
ami,  tant  qu'il  resta  céUbataire  et  c'est  surtout  pen- 
dant cette  période  de  vingt  années  qu'il  composa 
ses  chansons,  sans  négliger  pour  cela  le  théâtre.  La 
Vérité  dans  le  vin,  Nicaise,  le  Galant  Escroc,  le  Rossi- 
gnol, la  Veuve  Joconde  et  autres  joyeusetés  théâ- 
trales, sont  de  celte  époque  de  sa  vie.  Ses  chansons 
onteu  presque  toutes  les  honneurs  de  la  popularité. 
Nos  grands  pères  chantent  encore  en  souriant  dans 
leurs  rides  :  C'est  bien  la  faute  du  guet,  ce  n'est  pas  sa 
faute,  ou  Ce  mouchoir  belle  Raimonde,  que  nous  don- 
nons plus  loin.  En  1757,  Collé  qui  avait  quarante-huit 
ans,  épousa  une  femme  qu'il  aimait  depuis  long- 
temps et  qui  fut  l'enchantement  de  son  exis- 
tence. 

La  plupart  desautre^piëces  deCollé  furent  écrites 
alors  qu'il  était  devenu  lecteur-secrétaire  du  duc 
d'Orléans,  petit-fils  du  régent,  qui  aimait  beaucoup 
Collé  et  qui  fut  la  source  de  sa  petite  fortune  tant 
parle  paiement  lucratif  de  sa  place  que  par  un  bé- 
néfice important  qu'il  lui  fit  avoir  sur  les  fermes. 

Collé  a  retueilli  une  partie  de  ses  pièces  sous  le  ti- 


LA  CHANSON 


203 


tre  de  Théâtre  de  Société,  trois  volumes  in-I2,  1777. 
Il  a  laissé  tomber  volontairement  dans  l'oubli,  en  ne 
les  recueillant  pas,  un  grand  nombre  de  parades,  de 
parodies  et  d'amphigouris  qui  sont  des  œuvres  de 
jeunesse.  En  somme,  Collé  fut  un  travailleur  ar- 
dent. 

Il  employa  les  dernières  années  de  sa  vie  à  revoir 
son  journal  Historique  avec  le  plus  grand  soin.  Il 
pressentait  bien  que  ce  livre  aurait  à  compter  avec 
la  postérité.  Cependant  à  cette  demande  :  Qu'était- 
ce  que  Collé?  on  répondra  toujours,  c'était  un  chan- 
sonnier. 

Comme  on  le  verra  dans  notre  article  consacré  à 
l'histoire  du  caveau  dans  notre  Anthologiedela  chan- 
son française.  Collé  tout  jeune  encore  fut  l'un  des 
fondateurs  de  cette  société  chantante  joyeuse  et  lit- 
téraire. 

En  1781  Collé  perdit  sa  femme,  ce  coup  frappa  vi- 
vement le  vieillard  qui  avait  écrit  :  Je  ne  demande 
rien  à  Dieu  que  ma  mort  avant  celle  de  ma  femme.  Ce 
vœu  était  sincère.  Collé  sentait  qu'il  ne  pourrait  sup- 
porter cette  séparation  ;  il  devint  sombre  et  mourut 
le  3  septembre  1783, heureux  do  croire  qu'il  allait  re- 
voir celle  qui  lui  avait  rendu  la  vie  si  douce,  tant  il 
est  vrai  que  l'amour,  même  chez  les  vieillards,  est 
bien  le  plus  grand  des  bonheurs  do  ce  monde. 

EUGK.NK  B.\ILLET. 


ON   LE  DEVINE 


NE  BÉflAi«;EZ  PERSONNE. 


Air:  N'avez-vous  pas  vu  l'horloi/e"; 


Ce  mouchoir, belle  Rairaonde, 
Va  contre  votre  intérêt  ; 
Il  cache  une  gorge  ronde  :  — 
Oh  !  ça,  monsieur,  s'il  vous  plait. 
Ne  dérangez  pas  le  monde. 
Laissez  chacun  comme  il  est. 

Belle,  êtes  vous  aussi  blonde. 
Qu'à  vos  cheveux  il  parait  ? 
Je  veux  voir  cela,  Raimonde  :  — 
Oh!  ça,  monsieur,  s'il  vous  plait, 
Ne  dérangez  pas  le  monde, 
Laissez  chacun  comme  il  est. 

Faudra-t-il  que  je  vous  gronde  ?  , 
Le  traître  !...  qu'est-ce  qu'il  fait?  - 
Ah  !  je  vous  tiens  bien,  Raimonde 
A  volro  tour,  s'il  vous  plait. 
Ne  dérangez  pas  le  moude. 
Laissez  chacun  comme  il  est. 


QUINZIEME    CONCOURS     MENSUEL. 
',  20  Octoire  ait,  20  Novembre 


Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part, 
avec  une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou 
sans  refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  1"''  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait do  l'auteur,  s'il  y  consi'..l. 


C'était  un  soir  de  la  saison 
Qui  voit  fleurir  la  vendangeuse. 
Quand  part  pour  un  autre  horizon 
Notre  hirondelle  voyageuse. 
Triste  d'un  noir  pressentiment, 
J'errais  dans  mes  vieux  bois  de  Sèvres, 
Quand  un  couple  jeune  et  charmant 
Vint  à  passer,  le  rire  aux  lèvres. 

Suivant  tout  deux  le  vert  chemin 
Qui  conduisait  à  la  ravine. 
Ils  allaient,  la  main  dans  la  main  ; 
Ce  qu'ils  pensaient...  on  le  devine. 

Moins  triste  alors  j'aspirai  l'air. 
Chargé  des  senteurs  de  la  mousse  ; 
Du  firmament  limpide  et  clair 
La  douceur  me  parut  plus  douce; 
Et  je  sentis  que  renaissait, 
—  Car  c'est  la  loi  que  tout  renaisse,  — 
Mon  cœur  joyeux  qu'envahissait 
Le  frais  parfum  de  leur  jeunesse. 

Suivant  totijours  le  vert  chemin 
Qui  s'enfuyait  vers  la  ravine, 
Ils  allaient,  la  main  dans  la  main  ; 
Ce  qu'ils  disaient...  on  le  devine. 

Se  croyant  seuls  sous  les  grands  cieux. 
Le  beau  jeune  homme  él  sa  maîtresse 
Cheminaient  lés  yeux  dans  les  yeux, 
Perdus  tous  deux  dans  leur  ivresse. 
Ils  murmuraient  ces  mots  d'amour 
Dont  la  puissance  est  sans  pareille. 
Et  Ces  trompeurs  serments  d'un  jour, 
Qu'on  se  fait  tout  bas  à  l'oreille  1 

Suivant  toujours  le  vert  chemin 
Qui  se  perdait  dans  la.  ravine. 
Ils  allaient,  la  main  dans  la  main  ; 
Ce  qu'ils  rêvaient...  on  le  devine. 

Et  conlemi  liant  ces  amoureux 
Qui  s'en  allaient  à  l'aventure, 
De  leur  bonheur  j'étais  heureux. 
Et  j'en  aimais  mieux  la  nature. 
Ah  !  qu'il  est  donc  bon  d'être  aimé. 
Et  quand  la  nuit  étend  ses  voiles. 
Le  cœur  d'amour  tout  parfumé. 
D'errer  à  deux  sous  les  étoiles  ! 

Suivant  alors,  à  pas  pressés. 
Le  vert  sentier  daus  la  ravine, 
Tout  deux  se  leuaienl  enlacés... 
Ce  qu'il  advint...  on  le  devine. 


Ai 


;i;.L',i  L.AEOK. 


204 


LA  CHANSON 


CURIOSITES  DE  LA  CHANSON 


l£S  PETITS  fENDEUX 


(1) 


'lits  XeodeDx  tausantd-'leurs  amourfCtça, 


Le  premier  des  fendeux 
Gelui  qui  tient  la  fend?, 
(J'entends  le  rossignolet  ;1 
Le  premier  des  fendeux 
Dit  :  «  J'aime  et  je  commande. 
Le  second  des  fendeux, 
Celui  qui  tient  la  rose, 
(J'entends  le  rossignolet  ;) 
Le  second  des  fendeux 
Dit  :  «  J'aime  et  moi  je  n'ose. 
Le  troisième  des  fendeux, 
Celui  qui  tient  l'amande, 
(J'entends  le  rossignolet  ;) 
Le  troisième  des  fendeux 
Dit  :  «  J'aime  et  je  demande.  » 
—  .Mon  ami,  ne  serez 
Vous  qui  tenez  la  fende, 
(J'entends  le  rossignolet  ;) 
Mon  ami,  ne  serçs; 
L'amour  ne  se  commande. 
Mon  ami  ne  serez. 
Vous  qui  tenez  la  rose, 
(J'entends  le  rossignolet  ;) 
Mon  ami,  ne  serez  ; 
Si  vous  n'osez,  je  n'ose. 
Mon  ami,  vous  serez, 
Vous  qui  tenez  l'amande, 
(J'entends  le  rossignolet  ;) 
Mon  ami,  vous  serez  ; 
L'on  donne  à  qui  demande. 


(1)  Qu'est-ce  que  ces  fendeux?  Sans  doute  des  bûche- 
rons. Mais  qu'est-ce  que  la  fende,  la  rose  et  l'amande  ? 
Il  est  moins  aisé  de  le  dire  d'une  manière  certaine.  Ce 
iiOnt,  peut-être,  trois  outils  qui  servent  à  fendre  le  bois: 
mais  ces  nom»  ont  pisparu  des  dialectes  actuels  de  la 
Franclie-Comté,  ce  qui  fait  remonter  la  date  de  cette 
chanson,  curieuse  par  sa  facture  non  moins  que  par  sa 
musique  un  peu  sauxage,  à  une  époque  reculée. 

La  musique  d^  celte  chanson  populaire,  qui  appar- 
tient à  la  Frânche-Comté  et  qui  figure  en  tète  du  recueil 
de  Max-Buchon,  nous  est  communiquée  par  notre  cor- 
respondant de  Baume-les-Dames,  M.  Ch.  Thuriet. 


U  DEIJHIÉRE  tim 

Ici  même, 
Etape  suprême, 
Grands  et  petits,  sages  et  fous. 
Tôt  ou  tard,  nous  y  viendrons  tous. 
De  la  foule  silencieuse 
Oui  parcourt  le  champ  du  repos, 
Hier  encor  la  verve  rieuse 
Eclatait  en  joyeux  propos. 
Pourquoi  ses  larmes  coulent-elles. 
Pourquoi  ces  bouquets  entassés, 
Et  ces  couronnes  d'immortelles? 
C'est  la  fête  des  trépassés  !!! 
Triste  et  pieux  pèlerinage. 
Qu'on  doit  accomplir  tous  les  ans  ; 
Soumis  à  ce  louchant  usage. 
Devant  la  mort  serrons  les  rangs. 
Dès  que  l'homme  éprouvé  chancelle, 
Désespérant  de  l'avenir, 
Il  puise  une  force  nouvelle 
Dans  le  culte  du  souvenir. 
Si  la  douleur  est  éphémère. 
Le  cœur  se  souvient  chaque  jour 
De  la  tendresse  d'une  mère 
Ravie,  hélas  !  à  notre  amour. 
Ce  trésor  que  rien  ne  remplace. 
Trop  lard  nous  en  sentons  le  prix  ; 
La  pourvoyeuse  aux  doigts  de  glape 
Ne  rend  jamais  ce  qu'elle  a  pris/  ' 
Comme  la  Rachel  désolée. 
Cette  pauvre  mère  à  genoux 
Ne  veut  pas  être  consolée. 
Pleurer  lui  semble  encor  plus  doux. 
Du  haut  des  sphèrçs  éternelles, 
Nouvel  ange  appelé  par  Dieu, 
Son  chérubin  aux  blanches  ailes 
Lui  sourit  et  lui  dit  adieu. 
Descendants  d'une  illustre  race, 
Fiers  du  blason  de  vos  aïeux, 
Le  temps  de  sa  grapde  aile  efl'ace 
Sur  l'airain  vos  noms  orgueilleux. 
Déshérités  dé  la  fortune. 
Obscurs  et  vaillants  travailleurs, 
Vous,  qu'attend  la  fosse  commune, 
Vos  titres  sont  ihschts  ailleurs.' 
Noble,  bourgeois  ou  prolétaire, 
Prêtre  ou  soldat,  prince  ou  recors, 
A  l'homme  il  faut  six  pieds  de  terre 
Pour  abriter  son  pauvre  corps. 
Malgré  lui  le  plus  grand  despote. 
Dans  la  nuit  de  l'éternité. 
Est  soumis  comme  un  sans-culotte 
Au  niveau  de  l'égalité. 
Il  dort  là,  notre  doux  poète  ! 
Adieu  bohème,  adieu  printemps  ; 
Quand  le  trépas  courba  sa  tête. 
Il  n'avait  que  deux  fois  vingt  ans. 


LA  CHANSON 


205 


Sur  lui,  Muse  de  la  Jeunesse, 
Jette  les  fleurs  du  renou-veau  ; 
Ton  pied  rose  effleure  et  caresse 
Le  marbre  blanc  de  son  tombeau.  (1) 

O  toi  que  le  peuple  révère. 
Illustre  et  joyeux  chansonnier. 
Libre  penseur,  humble  trouvère 
Qui  vécus  pauvre  en  ton  grenier. 
i3ans  ta  railleuse  indifférence, 
Comme  Piron,  tu  ne  fus  rien. 
Ni  marguiller,  ni  pair  de  France, 
Pas  même  académicien.  (2) 

Républicain  de  l'avant-veille. 
Défenseur  de  la  liberté, 
Ton  frère  auprès  de  toi  sonimeillo. 
Dans  un  repos  plein  de  fierté. 
L'histoire  avec  respect  le  nomme. 
Depuis  qu'aux  splendeurs  du  pouvoir. 
En  citoyen,  en  honnête  homme. 
Il  sut  préférer  le  devoir.  (3) 

Paris  découvre  un  jour  ta  tombe. 

Héroïque  représentant 

Qui  succombas  dans  l'hécatombe 

Du  droit  au  crime  résistant. 

De  fleurs  il  couvre  l'humble  pierre 

Où  ton  nom,  l'ellroi  des  tyrans, 

Dit  au  peuple,  à  la  France  entière. 

Comment  on  meurt  pour  vingt-cin  j  francs  (4) 

Ci-git  un  journaliste,  un  brave  ; 
Sa  force  égalait  sa  douceur  ; 
Gaiment  il  brisait  toute  entrave. 
Comme  il  narguait  l'aigle  oppresseur. 
Enfant  de  Paris  et  de  Sparte, 
Il  rêvait  la  célébrité. 
Quand  la  balle  d'un  Bonaparte 
Lui  donna  l'immoralité  !  (S) 

De  la  France  démocratique, 

Ici  repose  le  Bayard  : 

De  notre  horizon  politique. 

Ses  vœux  chassaient  l'impur  brouillard. 

République,  ô  terre  promise, 

Son  but,  son  rêve,  son  espoir, 

Malgré  sa  foi,  nouveau  Moïse, 

Il  ne  devait  que  t'entrevoir.  (6) 

Combien  sont  morts  pour  la  patrie 
Et  dont  les  membres  sont  épars. 
Qui,  pour  tombe,  ont  l'herbe  flétrie 
Ou  les  débris  de  nos  remparts. 
Ils  ont  la  gloire  pour  suaire  ; 
Deux  fois  parjure  à  son  sermi'nt, 
Napoléon  le  Sédentaire 
A  le  mépris  pour  châtiment. 

Ici  même. 

Étape  suprême. 
Grands  et  petits,  sages  et  fous, 
Tôt  ou  tard  nous  y  viendrons  tous. 

JtiLEs  RUEL. 


(1)  Murger. 

(2)  Béranger. 

(3)  Godefroi  et  Eugène  Cavaignac. 

(4)  Baudin. 

(5)  Victor  Noir. 

(6)  I  Barbes. 


QUATORZIEME   CONCOURS  MENSUEL 
DE  LA  CHANSON 


PRIX 


LES  FEUILLES  OUI  TOMBENT 


Air  :  Si  le  ion  Dieu  faisait  parler  les  fleurs. 


Le  triste  automne  a  ramené  la  bise  ; 
Du  ciel  brumeux  le  soleil  est  parti. 
Gomme  engourdi  sous  cette  vapeur  grise. 
Au  tronc  d'un  chêne  un  pinson  s'est  blotti. 
Plus  de  refrains  !  Son  petit  corps  frissonne 
A  l'âpre  vent  secouant  les  rameaux  !... 
Feuilles  des  bois  qui  tombez  à  l'automne,/ 
Vous  emportez  le  bonheur  des  oiseaux  I     ) 


bis. 


'  C'est,  dit  l'oiseau,  l'arbre  où  ma  douce  amante 
«  Moi  la  suivant,  vint  un  jour  se  poser. 
«  Du  chêne  encore  la  feuille  était  naissante, 
«  Et  noire  amour  n'en  était  qu'au  baiser. 
(.  Il  faut  un  voile  aux  bonheurs  que  Dieu  donne  : 
«  Elle  grandit  et  nous  fit  des  rideaux... 
«  Feuilles  des  bois,  etc. 

«  Un  peu  plus  tard  le  chêne  séculaire, 
«  A  notre  amour  devait  un  nid  de  plus. 
«  O  chers  petits,  lorsque  votre  œil  s'éclaire, 
u  De  nous  déjà,  combien  de  soins  reçus  I  ' 
«  Avec  quel  art  l'homme  ému  s'en  étonne, 
«  Dans  la  verdure  on  cachait  leurs  berceaux  : 
c  Feuilles  des  bois,  etc. 

«  Ah  !  le  beau  jour  qui  vit,  par  la  feuillée, 

«  Sauter  du  nid  nos  tendres  nourrissons  I 

«  Ils  essayaient,  dans  l'ombre  ensoleillée, 

«f  Leur  premier  vol,  leurs  premières  chanson.*. 

€  Amour,  feuillage,  hélas  1  tout  m'abandonne  ; 

«  Les  uns  ont  lui,  l'autre  gît  en  monceaux  1 
«  Feuilles  des  bois,  etc.  » 

Ainsi  tout  bas,  comme  un  cœur  triste  appelle. 
Pleurait  l'oiseau  ;  sa  compagne  entendit. 
Elle  revint  s'appuyer  à  son  aile  : 
Ce  fut  l'espoir  que  le  Ciel  lui  rendit 
Puis  un  matin  rebourgeonna  le  chêne 
Et  la  forêt  s'emplit  de  chants  nouveaux. 
Feuilles  des  bois  que  le  printemps  ramène 
Vous  redonnez  le  bonheur  aux  oiseaux  ! 

Denis  LANGAT. 


XJINrE:  FElVflElVEE   (1) 


Ils  s'aimaient  comme  louve  et  loup  : 
Voleur  et  voleuse,  à  vrai  dire... 
Pâmée  au  récit  d'un  beau  coup. 
Le  grabat  craquait  de  son  rire  ! 

Tout  le  jour  bombances,  la  nuit. 
Des  transports  sincères  peut-être'... 
—  En  prison  lorsqu'il  fut  conduit. 
Elle  riait  à  la  fenêtre. 

(1)  Nous  empruntons  cette  pièce  au  volume  Noclarnes,  poèmes  imités 
e  Henri  Heine,  par  Léon  Valade,  publié  à  notre  librairie.  Dn  volu- 
10  papier  teinté  tiré  ii  petit  nombre,  prii  1  fr.  SO; 


206 


LA  CHANSON 


Il  lui  manda  :  «  Reviens  à  moi, 
«  Mon  cœur  t'appelle  et  je  soupire, 
«  Et  je  languis,  privé  de  toi  ». 
—  Ce  billet  de  lui  la  fit  rire. 

Pendu  vers  six  heures  :  à  sept, 
Mis  en  terre  !  Elle,  dans  un  bouge, 
Une  heure  après,  se  gaudissait 
Et  riait,  buvant  du  vin  rouge. 

Léon  Valade. 


LE  PRINTEMPS  VIENT 


Air  :  Dans  un  baiser. 

Le  printemps  vient,  chassant  la  neige 
Qui  s'enfuit  en  voyant  les  fleurs. 
Il  vient  :  comme  par  sortilège 
Tout  prend  de  riantes  couleurs. 
Plus  de  frimas,  plus  de  misère  ! 
L'azur  sourit  dans  sa  splendeur, 
Le  soleil  réehauflTe  la  terre  : 
Le  printemps  vient,  c'est  le  bonheur. 

Entendez-vous,  amis  fidèles, 
Nous  pourrons  retourner  aux  champs. 
Voyez,  voici  les  hirondelles; 
Le  bois  retentit  de  doux  chants. 
Lîarbre  verdit  et  l'herbe  pousse  ; 
Déjà,  l'anémone  est  en  fleur. 
L'aniour  cherche  le  banc  de  mousse  : 
Le  printemps  vient,  c'est  le  bonheur. 

L'amour  va  gouverner  le  monde, 
Les  oiseaux  bâtiront  leurs  nids  ; 
Ces  bruits,  dans  la  forêt  profonde, 
Ce  sont  des  baisers  infinis. 
Si  le  printemps  paraît  superbe, 
C'est  qu'il  nous  met  l'amour  au  cœur. 
Tout  aime,  l'aigle  et  le  brin  d'herbe  : 
Le  printemps  vient,  c'est  le  bonheur. 

Lisette  a  rouvert  sa  fenêtre. 

Sa  face  jolie  apparaît  ; 

Elle  soupire  et  voudrait  être 

Là-bas,  là-bas  dans  la  forêt. 

Quelque  beau  gars,  un  jour  de  fête. 

Lui  fera  l'offre  de  son  cœur  ; 

Ils  se  diront  en  têle-à-tête  : 

Vivre  au  printemps,  c'est  le  bonheur  1 

Karl  GRDN, 
Président  du  Caveau  Verviétois. 

Nous  empruntons  celte  chanson  à  l'annuaire  de 
la  société  littéraire  du  caveau  verviétois.  Nous 
comptons  lui  faire  d'autres  emprunts,  et  en  rcr,'Ii.' 
complt. 


CHRONIQUE  DES    CONCERTS 


Bijou-Concert.  —  Sous  ce  nouveau  titre,  Bo- 
léro-Star a  rouvert  ses  portes  samedi  dernier  par 
une  magnifique  représentation  donnée  spécialement 
à  la  presse.  Le  directeur,  M.  Chéret,  n'a  rien  épargné 
pour  s'attirer  les  sympathies  du  public,  et  à  moins 
d'injustices  de  la  part  de  ce  dernier,  nous  affirmons 
dès  maintenant  que  Boléro-Star  sera  tout  à  fait 
désenguignonné  de  la  malechance  qui  le  poursuit 
depuis  sa  création. 

L'heure  un  peu  tardive  à  laquelle  nous  sommes 
arrivés  ne  nous  permet  pas  de  donner  de  grands  dé- 
tails sur  les  artistes  composant  la  troupe,  nous  nous 
bornerons  pour  aujourd'hui  à  citer  les  noms  figurant 
sur  l'affiche  :  M'i==  Jeanne,  Daniel,  Angèle  Clément, 
Berthe  Léonard,  Fortunée,  Sibelli  :  MM.  Resehal, 
Yvel,  Reynal,  Arnold,  et  enfin  le  jeune  Adolphe, 
petit  prodige  âgé  de  9  ans,  que  beaucoup  de  nos  lec- 
teurs ont  applaudi  aux  concerts  donnés  à  l'Alham- 
bra,  par  les  sociétés  lyriques. 

Seala.  —  Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  la  pre- 
mière représentation  de  Mandarinette  a  eu  lieu  sa- 
medi. 

La  donnée  de  cette  petite  pièce  est  insignifiante, 
mais  suffisante  pour  amuser  le  public  pendant  vingt- 
cinq  minutes.  En  écrivant  cette  opérette,  les  auteurs, 
MM.  Raimon  et  Pétrus  Karl,  avaient  l'intention  de 
faire  un  lever  de  rideau  pour  un  théâtre  de  genre. 
Quelques  gros  sels  ajoutés  après  coup  en  ont  changé 
l'allure  et  en  ont  fait  une  opérette  qui  peut  compter 
parmi  les  meilleures  du  répertoire  des  cafés-concerts. 
La  musique  de  M.  Lincourt  est  charmante  et  nous  a 
paru  supérieure  au  livret. 

Bonne  interprétation  par  MM.  Bérod,  Paul  Bert 
et  M"'"  Heuzé.  Nous  recommandons  à  cette  dernière 
de  moins  charger  le  rôle  de  Mandarinette,  et  de  ne 
pas  sauter  comme  une  jeune  chèvre  dans  sa  scène  de 
tendresse  avec  Cacao  (Paul  Bert). 

L'homme  n'est  pas  parfait  alternera  cette  semaine 
avec . 


Concert  de  la  Pépinière. — C'est  avec  plaisir 
que  nous  constatons  la  grande  vogue  de  ce  charmant 
établissement,  dans  le  quartier  de  la  gare  du  Havre. 
A  vrai  dire,  ce  légitime  succès  ne  surprendra  pas 
nos  lecteurs  lorsqu'ils  sauront  que  le  régisseur- 
administrateur  du  Concert  de  la  Pépinière  est 
M.  Emile  Durafour,  l'excellent  artiste-auteur. 

Dans  les  intermèdes,  nous  remarquons  MM.  Cau- 
dieux,  Luidgi,  Chevallier,  Francis,  Albain,  Bardoux; 
Mmes  Victorine  Ben,  Lucie  André,  Lenoble,  Alphon- 
sine,  Juliette  et  Bérard,  qui  font  une  ample  moisson 
de  bravos. 

Le  mariage  au  gros  sel,  de  M.  Liorat,  musique  de 
M.  Frédéric  Barbier,  chef  d'orchestre  du  Concert  de 
la  Pépînièr»»,  est  joué  d'une  manière  digne  d'é- 
loges par  MM.  Luidgi,  Bardoux  et  Mlle  Lenoble. 

£a  bonne  aux  Camélias,  vaudeville  en  un  acte  de 
MM.  Jaime  fils  et  Heelor  Grémieux,  inlerprélé  par 


LA  CHANSON 


207 


MM.  Durafour,  Caudieux,  Francis,  Albain  ;  Mmes 
Victoi'ine  Ben  et  James  provoquent  un  fou  rire. 

Nos  compliments  à  M.  Durafour,  qui  est  on  ne 
peut  plus  naturel  dans  le  rôle  de  Champrouillé,  le 
bourgeois  libertin. 

J'adresse  mes  remerciements  à  un  de  mes  voisins, 
brigadier  de  gendarmerie,  qui  m'a  donné  de  bons 
renseignements  sur  les  artistes  de  la  Vépinîère, 
et  auquel  je  répondais,  comme  le  gendarme  de  G.  Na- 
daud  :  Brigadier,  vous  avez  raison. 

ALFRED   BERTINOT. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Dimanche,  les  Gais  Momusiens  ont  inauguré  le 
nouveau  ioi'al  que  M.  Orange  a  fait  construire  pour 
les  sociétés  lyriques,  23,  faubourg  du  Temple.  Salle 
coml)le,  et  bon  succès  d'artistes.  Nous  donnerons 
Iirochainement  des  délails  sur  la  jolie  salle  de 
..I.  Orange,  qui  est  sans  contredit  la  plus  belle  et  la 
mieux  agencée. 


LE  PREMIER  BANQUET  des  présidents  et  des 
vice-présidents  r'es  Sociétés  lyriques  et  dramatiques 
du  département  delà  Seine,  aura  lieu  Je  dimanclu; 
14  novembre,  sous  la  présidence  d'Alfred  Leconle, 
le  sympathique  député  de  l'Indre. 

On  trouve  des  cartes  Maison  Orange,  11,  place  de 
la  République  ;  aux  bureaux  du  journal  la  Chanson, 
18,  rue  Bonaparte,  et  chez  tous  les  membres  du 
comité  des  concours. 

Le  grand  Bal  offert  gracieusement  par  M.  Orange 
à  toutes  les  Sociétés  lyriques  et  dramatiqdes,  aura 
lieu  irrévocablement  dans  le  courant  de  novembre. 


CHOSES  &  AUTRES 


Un  Comité  vient  de  se  constituer,  à  Lyon,  pour 
l'érection  d'une  statue  au  chansonnier  Pierre  Dupont. 

Ce  Comité  est  placé  sous  la  présidence  d'honneur  do 
M.  Joséphin  Soulary  et  de  M.  Barodet,  député  de 
Paris. 

Son  bureau  est  ainsi  composé  : 

Président  :  A.  Lumière  ; 

Vice-Président  :  Victor  Glavel  ; 

Secrétaires:  Mourot,  0.  de  Cocquerel,  Camille  Roy; 

yr^4'0fi«r.-  Charles  Gailloton. 

On  peut  adresser  les  souscriptions  à  M.  Lumière, 
l'd,  rue  de  la  Barre,  à  Lyon. 


Nous  commencerons  prochainement  la  publication 
d'un  grand  travail  sur  Rouget  de  l'Isle  et  son  œuvre, 
par  Alfred  Leconte,  député  de  ITndre. 


La  notice  d'Octave  Lebesgue,  l'auteur  couronné  de 
la  chanson  £a  grosse  Botte  et  la  petite  Bottine,  parue 
dans  notre  dernier  numéro,  nous  est  parvenue  trop 
tard  pour  être  publiée  dans  ce  numéro. 


Georges  Baillet,  l'auteur  de  tant  de  romances  à 
succès,  le  Bouquet  de  Marguerite,  L'amour  n'apasde 
saison.  Versez  les  trois  couleurs,  elc,  publiera  le  10 
novembre  prochain,  sous  le  titre  de  (Chansons  de 
Jeunesse,  un  recueil  de  ses  plus  jolies  œuvres,  en 
un  fort  volume  in-12.  Prix  :  3  francs.  On  peut  sous- 
crire d'avance  chez  Bassereau,  rue  Saint-Martin,  240, 
ou  à  notre  librairie  18,  rue  Bonaparte. 

Notre  collaborateur  Eugène  Imbert  a  écrit  pour 
cette  publication  une  introduction  humoristique.  Un 
tel  patronage  ne  peut  manquer  de  porter  bonheur 
au  jeune  poète. 

Dès  que  ce  volume  aura  paru,  nous  en  rendrons 
compte. 


Vient  de  paraître  à  notre  librairie  :  Zes  Voix  hu- 
maines, poésies,  par  Rkné  Asse,  avec  une  préface  en 
vers  par  Emile  de  Labédollière.  Prix  1  fr.  oO.  Nous 
lin  rendrons  compte  prochainement. 


Voici  le  résultai  du  premier  Concours  Victor 
Hugo,  ouvert  par  l'Union  littéraire  et  Artistique: 

123  poésies  ont  été  envoyées. 
:)9  ont  été  éliminées  après  un  premier  examen. 
47  d°  après  un  second  examen. 

17  ont  concouru  pour  l'obtention  de  médailles  et 
mentions. 

De  la  dernière  séance  du  comité  il  appert  que  ; 
M.  A.  Augier  a  obtenu    la  1'''=  médaille. 

M.  Adrien  Lheureux        d"  la  2"  médaille. 

M.  Alphonse  Talligé       d»  la  3»  médaille. 

Les  mentions  honorables  ont  été  obtenues  par 
MM.  Paul  Pujol,  Gaston  Demassue,  l"'"  mention. 

MM.  Ferdinand  Huart,  St.  de  Guaita,      2»  mention. 
MM.  Lecomte,  Ad.  Sendrier,  3°   mention. 

En  outre  il  a  été  décidé  que  huit  poètes  auraient 
leur  nom  inscrit  sur  le  numéro  exceptionnel  qui  sera 
remis  à  Victor  Hugo. 

Ce  sont  MM.  E.  Mauzaize,  Adolphe  Faget,  Léon 
Roger,  Gustave  Roussel,  Isidore  Merle,  Victor 
Madelaine,  Ernest  Roch,  Armand  Belloc. 

Membres  du  Jury  :  —  MM.  Théodore  de  Banville, 
François  Coppée,  Léon  Valade  ;  secrétaire,  M.  Ber- 
tol-Graivil. 


AVIS  IMPORTANT 


IVoiis  prions  nos  abonnés  dont  rabonncmcnt  a  fini 
avec  le  dernier  numéro  d'octobre,  do  nous  faire  par- 
venir de  suite  le  montant  de  leur  réabonnement.  JLes 
abonnements  et  réabonnements  se  font  sans  frais 
dans  tous  les  bureaux  de  poste. 

E!n  cas  de  cessation  renvoyer  le  premier  numéro 
de  novembre  avec  le  mot  refusé  sur  la  bande. 


208 


LA  CHANSON 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS 


Voir    la   Uî  ogrnphic    dr.ns  le  a°  O   de  In 
|iroiiiici*c  nnn^e. 


Voir  la    llio;;i'apiiio  «Innsi   lo  n'>  33   do   la 
dciixièine  anuéc. 


PRIME  A  NOS  ABONNÉS 

DEUXIÈME    ANNÉE    DE    LA    CHANSON 

Ua  beau  volume  in-.i'°  bioclir. 

Au  lieu  de  0  francs  3  francs  pris  dans  nos  bureaux  ;  par  la.  poste,  3  fr.  50.  —  Envoyer  un  mandat-poste  au  nom 
de  A.  PAT  A  Y  (les  timbres-poste  ne  sont  pas  reçus). 

LA  CHANSON 

est  mise  en  vente  le  samedi,  chez  tous  les  libraires,  marchands  de  journaux  et  de  musique  de  France. 
PRIX    DU    NUMÉRO    :    10    CENTIMES 


On  demande  des  courtiers  d'abonnements  (bonnes  remises). 


A.  PATAY,  Propriétaire-Gérant. 


Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  C'°,  rue  Martel,  6. 


3=  ANNEE.  —  N"  S7. 


«O  CENTIMES. 


14  NOVEMBRE  1880 


LA   CHANSON 


A.   PATAY 


Dvrecte^a--Ad,ùnistratenr  JOURNAL  DE   MUSIQUE    POPULAIRE  ^'"'''^^^^^ffQf^ 
ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES  — 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 


La  chanson  est  une  forme  ^liléeet 
charmante  de  ta  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  frdre  de  ta  strophe. 
V.  HUGO. 


Annonces,  laligne...    1 
Réclames,        —  2 


Les   manuscrits   non   insérés   ne   seront   pas  rendus. 


La  chanson,  comme  la  balonnelh 
st  une  arme  française. 

J.  CLARETie. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,   BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L. -HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an , 6  fr. 

>         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8» 


us  Oiseaux  vont  nicher,  paroles  de  Jules  CétJîs,  musique  de  Lonis 
Calois.  —  Chaplain  (Eugènk  Imuiiut).  —  Banjnel  rfu  Caicau  (L.- 
UiiisHY  Lucomtk).  —  La  Réveil  de  ta  Cliansun  (Ciunms  Vinchnt). 
—  A    lieu  de    chose  prùs  (Mouton-Dufbaissb).  —  Le  Ualaiilun  d$ 


SOMMAIRE  : 

l'avenir  (Eu< 


des  Concerts  (Ai-fubd 
—  Choses  et  Autres. 


).  —  Mon  Budget  (Faucbé).  —  Chronique 
;tinot).  —  Chronique  des  Sociétés  Lyriques 
Annonces. 


LES  OISEAUX  VONT   NICHER 


MELODIE 


Paroles  de  Jules  Célès. 


Musique  de  Louis  Caloin. 


nn_che8  fait  dans  les  cœurs     cou_rir  dedou  i   fris 
it(!frain. 


(bis) 


Avril  déjà,  met  des  perles  aux  braacbes, 
Et  des  prés  verls  monte  un  bruit  de  chansons; 
Un  gai  soleil,  un  soleil  des  dimanches 
Fait  dans  les  cœurs  courir  de  doux  frissons. 

Couples  joyeux,  allez  peupler  nos  rives, 
Les  cceiu's  aimants  on  soif  de  s'épancher; 
C'est  la  saison  des  expansions  vives,  , 

Le  printemps  vient  :  les  oissaux  vont  nicher. ( 

Joyeusement,  dans  vos  habits  do  fête, 
Courez  aux  champs,  superbes  amoureux; 
Qu'en  vous  le  ciel  qui  plane  sur  vos  têtes, 
Contemple  enfin  des  êtres  bien  heureux. 


Couples  joyeux,  allez  peupler  nos  rives, 
Les  cœurs  aimants  ont  soif  de  s'épancher  ; 
C'est  la  saison  des  expansions  vives,  liMi') 

Le  printemps  vient  :  les  oiseaux  vont  nicher.'^ 

A  vous  l'amour,  vous  êtes  la  jeunesse  ; 
A  vous  les  fleurs,  vous  êtes  le  printemps; 
Riez,  chantez!  assez  tôt  la  vieillesse 
Viendra  ternir  l'azur  de  vos  vingt  ans. 

Couples  joj'eux,  allez  peupler  nos  rives, 
Les  cœurs  aimants  ont  soif  de  s'épancher  ; 
C'est  la  saison  des  expansions  vives,  Vsȍ) 

Le  printemps  vient  :  les  oiseaux  vont  nicher.  S 


ives,Le  prin-ttjrEps  vient:  tes  oiseaux  7ont  nicher! 


Ua  accident  arrivé  au  clîclic  du  portrait  nous  oblige  à  publicp  la  biog-rapliie  sans 
le  portrait. 


210 


LA  CHANSON 


CHAPLAIN  (i) 


Pierre-Micbel  Chaplain,  né  à  Alençon,  le  7  juillet 
1796,  est  mortà  Paris,  le  13  juin  1848.  Avant  de  parler 
du  chansonnier,  parlons  de  l'homme. 

Il  reçut  une  éducation  tout-à-fait  élémentaire. 
Quand  vînt  le  moment  où  ses  parents  durent  songer 
à  lui  'Choisir  un  état,  il  montra,  malgré  sa  jeunesse^ 
cet  ardent  amour  de  la  patrie  qui  l'aaima  toujours. 
Sa  mère  voulait  le  faire  prêtre  ;  lui,  se  lit  soldat.  Le 
bruit  de  nos  grandes  guerres  l'enivrait.  Il  s'engagea 
à  quinze  ans,  fit  partie  des  pupilles  de  la  garde,  et 
passa  deux  ans  au  camp  de  Boulogne.  Deux  ans  plus 
tard,  il  était  à  Utrecht,  puis  assistait  au  siège  de 
Worden. 

Bloqué  à  Wesel  par  les  Prussiens,  il  supporta  cou- 
rageusement les  fatigues  et  les  privations  d'un  long 
siège. 

Vint  la  Restauration,  qui  aimait  peu  les  anciens 
serviteurs  de  l'Empire.  Il  fut  licencié,  et,  voyant  sa 
carrière  de  soldat  ainsi  brisée,  il  apprit  le  métier  de 
tisserand,  que  sa  santé  l'obligea  bientôt  de  quitter 
pour  celui  de  menuisier  en  fauteuils.  Il  avait  alors 
vingt-six  ans. 

En  1830,  Chaplain  se  remit  au  service,  entra  dans 
la  garde  municipale,  et  ne  tarda  pas,  grâce  à  sa  con- 
duite et  à  ses  bons  antécédents,  à  obtenir  le  grade 
de  brigadier.  Mais  ses  idées  étaient,  comme  on  dirait 
encore  aujourd'hui,  trop  avancées.  La  fréquentation 
d'hommes  tels  que  Kersausie,  Raspail,  Avkil, 
Teste,  Flotard,  no  pouvait  être  vue  d'an  bon  œil 
par  les  chefs  de  Chaplain.  D'ailleurs,  sa  verve  poéti- 
que s'était  éveillée,  ei  les  premiers  essais  de  sa 
musc  républicaine  amenèrent  sa  destitution.  Une 
délation  lui  eût  permis,  à  ce  qu'on  assure,  de  l'éviter: 
il  reprit  la  varlope. 

Libre  alors  de  donner  plus  d'essor  à  ses  aspiri- 
tions  démocratiques,  il  entra  dans  la  Société  des 
Droits  de  l'homme,  combattit  aux  affaires  d'avril, 
et  s'honora  en  refusant  un  secours  pécuniaire  offert 
par  Garrel,  sur  l'excédent  d'une  souscription  en 
faveur  du  National.  Sa  femme  refusa  de  même, 
sous  prétexte  que  depuis  deux  jours  il  avait  retrouvé 
de  l'ouvrage,  le  produit  d'une  cotisation  organisée 
par  Voitelain  et  d'autres  démocrates.  Cela  se  pas- 
sait en  1836.  En  1839,  il  fut  arrêté,  puis  élargi, 
faute  de  preuves,  après  un  mois  de  détention. 

Eq  1848,  il  voulut,  malgré  les  souffrances  que  lui 
causait  un  violent  mal  de  pied,  prendre  encore  les 
armes  pour  soutenir  la  cause  qu'il  avait  toujours 
servie.  Les  fatigues  empirèrent  son  état,  et  il  dut 
entrer  à  l'hôpital  Saint-Louis.  C'est  là  qu'il  mourut 


(1)  Cette  liiograpliie  est  cslraile  d'un  volume  de  notre  collaborateur 
Eugène  Irabert  :  Ll  Goguette  et  i,u9  Goouettiees,  Éludes  parisiennes, 
avec  6  portraits  à  l'cau-forle  d09  chanaonnierB  Blondel,  Bonnefond,  Col- 
manco,  Durand,  Festeau,  Rabineau  et  eclui  Je  l'auteur  ajoiilè.  Ce  livre 
tiré  :i  petit  nombre  est  presque  épuis«  ;  les  derniers  exemplaires  se  ven- 
dent à  notre  librairie  2  francs. 


le  13  juin  1849,  à  l'âge  de  cinquante-trois  ans.   Son 
corps  a  été  inhumé  au  cimetière  du  Nord. 

Telle  fut,  racontée  brièvement,  cette  vie  de  dé- 
voiiment  et  de  privations  ;  car  Chaplain  mettait 
toujours  ses  convictions  avant  son  bien-être  ou  sa 
tranquillité.  Béranger,  avec  lequel  il  était  en  cor- 
respondance depuis  1844,  lui  écrivait  au  mois  de 
janvier  1848  : 

«  Le  malheur  n'a  point  affaibli  vos  nobles  senti- 
ments, et  vous  les  exprimez  en  bous  vers,  et  avec 
courage.  Heureusement  que  votre  imprimeur  en  a 
moits  que  vous,  car  vous  eussiez  sans  doute  eu  des 
démêlés  avec  la  justice,  ce  qui  n'aurait  pas  avancé 
vos  petites  affaires.  » 

Le  bagage  littéraire  de  Chaplain  n'est  pas  très- 
considérable.  Il  a  laissé  environ  une  soixantaine  de 
chansons.  Il  en  avait  composé  un  certain  nombre 
encore  ;  mais  le  cachet  ultra-bonapartiste  qu'il 
avait  cru  devoir  leur  donner,  par  esprit  d'opposi- 
tion, l'engagea  plus  tard  à  les  supprimer,  par  esprit 
de  libéralisme. 

Ce  bagage,  tout  restreint  qu'il  est,  est  complet  en 
son  genre  ;  je  veux  dire  qu'il  suffit  à  nous  donner 
une  idée  exacte  de  l'auteur  et  à  nous  montrer 
quelles  nuances  diverses  pouvait  revêtir  chez  lui 
l'éternel  et  unique  objet  de  ses  pensées,  le  progrès 
politique,  social  et  humanitaire.  Il  suffit,  en  même 
temps,  à  nous  expliquer  la  vogue  qu'ont  obtenue,  à 
leur  époque,  quelques-unes  des  productions  de 
Chaplain,  non  dans  les  rues,  ni  dans  les  livres, 
mais  dans  les  ateliers. 

Car  Chaplain,  à  la  différence  de  certains  de  ses 
confrères  en  chanson,  était  peu  avide  de  publicité. 
Il  chantait  pour  répandre  son  idée,  en  lui  donnant 
une  forme  plus  facilement  saisissable  que  la  dis- 
cussion ;  content  d'être  écouté,  compris,  il  s'ar- 
rêtait là.  Quelques  mémoires  heureuses  retenaient 
ses  refrains  et  les  propagaient;  mais  la  presse 
n'avait  rien  à  y  voir,  et  pour  lui  l'éditeur  n'existait 
pas. 

Dans  ces  réunions,  plus  rares  de  nos  jours,  le 
chansonnier,  quand  venait  son  tour  de  parole, 
entonnait,  au  milieu  du  silence  général,  un  refrain 
inédit,  une  chanson  toute  fraîche  éelose,  des  cou- 
plets inspirés  par  les  événements  de  la  veille  ou  les 
passions  du  jour,  le  peuple  trouvait  toujours  un 
plaisir,  quelquefois  un  enseignement,  souvent  un 
conseil.  Seulement,  il  faut  le  reconnaître,  l'ensei- 
gnement était  moins  gouvernemental  que  le  gou- 
vernement et  moins  royaliste  que  le  roi. 

C'est  là  que  Chaplain,  prenant  pour  texte  ou 
même  pour  prétexte,  tantôt  le  vin  où  l'amour,  ces 
deux  thèmes  aussi  vieux  que  le  monde  suf  les- 
quels on  n'a  pas  fini  de  broder,  tantôt  quelque  inci- 
dent de  l'histoire  contemporaine,  ou  plus  souvent 
aussi  saisissant  corps  à  corps  une  doctrine,  un 
principe,  un  système,  débitait  sur  des  airs  de  pont- 
neuf  ces  vers  nerveux  et  bien  frappés,  ces  images 
vives  et  puissantes,  sinon  académiques,  que  sait 
trouver  la  verve  prolétaire.  C'est  là  qu'ont  retenti. 


LA  CHANSON 


211 


répétées  en  chœur  par  un  auditoire  nombreux  et 
charmé,  des  chansons  telles  que  le  Bonnet  démocra- 
liqice,  Jérôme  le  franc  2)ar leur,  Aux  Italiens,  Le  Con- 
servateur, Un  Polonais  à  la  France,  L'étrille  démocra- 
tique, A  la  Grèce  ;  et  des  lelrains  à  faire  dresser  les 
cheveux  :  Le  Pape  est  radical,  ou  bien  :  Voilà  pour- 
quoi je  suis  républicain. 

Le  Pape  est  radical,  c'est  le  refrain  d'une  chanson 
intitulée  Pie  /!';  j'en  cite  quelques  vers  : 

Réformateur  des  abus  de  l'Eglise, 
Aux  préjugés  il  porte  un  coup  fatal; 
C'est  la  raison  détrônant  la  sottise, 
Le  Pape  est  radical. 

Los  potentats  sont  à  leur  apogée, 
Mais  les  sujets  ont  bien  compris  leurs  droits. 
Un  jour  viendra  que  l'Europe  insurgée 
Pour  s'affranchir  bousculera  les  rois. 
Vous  qui  parlez  avec  tant  d'arrogance, 
Au  grand  réveil,  gare  aa  manteau  royal! 
Vers  vos  États  l'Kgalité  s'avance, 
Le  Pape  est  radical. 

Vous  voyez  que  la  vigueur  du  chansonnier  est 
servie  par  une  expression  nette  et  solide.  Peu  d'or- 
nements, mais  des  choses,  des  faits  et  toujours  de 
la  force. 

Ne  croyez  pas  toutefois  que  Chaplain  veuille 
tout  bouleverser,  tout  enllammer.  Il  sait  aussi 
conseiller,  quand  il  le  laut,  la  concorde  et  la  tolé- 
rance. Écoutez-le  parlant  aux  Polonais  : 

Loin  de  vous,  o  mâles  guerrier*, 
Les  noirs  brandons  du  fanatisme  ; 
Sachez  unir,  sous  vos  lauriers 
La  tolérance  et  l'héro'isme. 

Si  d'un  côté,  il  rappelle  aux  oppresseurs  que  la 
violence  n'a  qu'un  temps,  s'il  crie  aux  Bourbons  de 
Naples,  une  belle  inspiration  : 

La  Calabre  aura  sa  revanche  ! 

si,  d'un  ton  plus  calme,  mais  non  moins  convaincu, 
il  donne  ce  conseil  aux  soldats  heureux  : 

N'opposez  plus  le  glaive  à  la  raison. 

de  l'autre  côté,  il  quitte  à  propos  la  véhémence  de 
la  philippique  pour  la  plainte  ou  les  larmes.  Quel 
reproche  touchant  dans  ces  vers  : 

N'est-il  donc  plus  de  Providence 
Pour  la  Pologne  mise  en  croix? 

Quelle  amertune  dans  ceux-ci: 

Le  Tasse,  ce  génie, 
Fut  par  les  sots  écroué  chez  les  fous  ! 

On  le  voit,  Chaplain,  comme  tous  les  vrai^  chan- 
sonniers, n'est  pas  souvent  du  parti  des  vain- 
queurs: il  défend  le  faible,  il  proteste  pour  l'opprimé 
il  courtise  le  malheur. 

Si  jamais  les  chansons  de  Chaplain  pouvaient 
être  toutes  imprimée?,  vous  remarqueriez,  parmi 
les  mieux  réussies  :  La  Philosophie,  où  une  grande 


profondeur  de  pensée  s'allie  à  un  mouvement  géné- 
reux; Le  Curé  sous  la  Restauration,  modèle  de 
causticité;  May  eux,  qui  date  de  1833,  où  lo  genre 
grivois  du  cadre  ajoute  à  la  vivacité  du  tableau  ; 
Sayho,  et  surtout  La  Justice,  que  je  regrette  de  na 
pouvoir  transcrire. 

Eugène  Imbert. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  ET  LITTÉRAIRE  DU  CAVEAU 

Banquet  dn  5  novembre 

Thérésa  était,  l'autre  soir,  reçue  pour  la  seconde 
fois  au  Caveau.  Pour  éviter  sans  doute  la  trop  grande 
affluence  du  banquet  précédent,  les  lettres  d'invita- 
tion n'avaient  point  mentionné  cette  visite.  C'est 
devant  un  public  de  cinquante  dîneurs  environ  que 
Thérésa  a  égrené  quelques  perles  de  son  répertoire. 
Ou  sait  qu'au  théâtre  cette  artiste  n'a  pas  le  don  de 
me  plaire  ;  je  suis  heureux  de  dire  que  le  contraire 
s'est  produit  au  Caveau.  Intimidée  quelque  peu  et 
réservant  pour  le  vulgaire  les  procédés  qui  me 
choquent  en  elle,  Thérésa  a  fait  preuve,  devant 
l'Académie  chansonnière,  de  finesse,  de  goût  et  de 
sensibilité.  Quelques  couplets  de  circonstance) 
chantés  sur  l'air  de  Béranger  à  l'Académie,  ont  enlevé 
tous  les  sûlfrages.  Singulier  retour  des  choses  ; 
on  a  pu  voir  les  délicats  du  Caveau  se  pâmer  à 
l'audition  du  Sapeur,  et  l'on  a  entendu  Thérésa 
chanter  avec  conviction  le  Réveil  delà  Chanson,  écrit 
il  y  a  nombre  d'années  contre  le  mauvais  genre  ! 

Au  banquet  d'octobre,  le  nombre  dos  productions 
avait  été  en  raison  inverse  du  nombre  des  assistants; 
la  solennité  moindre  du  banquet  de  novembre  a 
mieux  servi  les  poètes. 

M.  Emile  Bourdelin,  proclamé  en  même  temps 
membre  titulaire  et  maître  des  cérémonies  a  célébré 
avec  verve  ce  dernier  honneur  en  exagérant,  pour 
les  besoins  de  son  plaidoyer,  les  difficultés  du  grade 
([u'on  lui  conférait  : 

Quel  malheur  pour  moi 
D'avoir  un  emploi 
Dans  les  cérémonies. 

Charles  Vincent,  fidèle  à  l'amitié,  a  donné  aux 
chansonniers  disparus  un  souvenir  poétique.  Le 
pauvre  Saint-Etienne  n'a  pas  été  oublié,  comme  bien 
on  pense. 

M.  Duprez  a  chanté  avec  énergie  quelques  cou- 
plets satiriques  :  Blague  toujours  prime  la  vérité  ; 
M.  Piipault,  après  un  sonnet  à  Thérésa,  a  raconté 
une  historiette  amusante  sous  ce  titre  :  Un  retour  de 
jeunesse  ;  M.  Jules  Petit  s'est  donné  la  peine  de  ré- 
pondre avec  esprit  â  quelques  traits  d'un  goût  dou-. 
leux  décochés  par  le  Figaro  à  la  compagnie  chan- 
sonnière ;  M.  Fouache  a  repris  en  couplets-tiroirs  le 
mot  de  Gavarni  :  les  Maris  me  font  toujours  rire  ; 
M.  Alfred  de  Gaston  a  dit  avec  émotion  uni'  jolie 
chanson...  sans  musique:  Pourquoi  je  pleure;  M. 
Louis  Piesse  a  chanté  les  Vieux,  à  quoi  le  doyen  du 
I  Caveau,  M.  Lesueur,  ariposté  par  une  Ronde  bachùjue; 


212 


LA  CHANSON 


M.  Grange  a  pris  les  Odeurs  de  Paris  pour  thème  de 
couplets  fort  drôles;  enfin,  MM.  Montariol,  Jiillleo, 
Mouton-Dufraisse  et  Fénée  ont  mérité  des  ripplau- 
dissements  pour  des  chansons  de  divers  genres. 

Je  n'oublierai  pas  le  réussi  Non  possumus  d'un  vi- 
siteur dont  le  nom  m'échappe,  et  les  Chiens  de  Paris, 
satire  très  gaie  de  M.  Guilbon. 

Bonne  soirée  au  total,  et  dont  chansonniers  et 
visiteurs  ont  été  satisfaits  également.    ~ 

L.-Henry  Lecomte. 


t£RÉV£ttOUA  EttÂNSflN 

Air  des  Trois  Manteaux  (Montou). 

fUn  air  nouveau  de  Darcicr,  se  trouve  chez  Choucicns,  édilcur.) 

Reviens,  chanson  do  nos  pères,     ' 
Dérider  nos  fronts  chagrins; 
Nous  voulons,  avec  nos  verres, 
Accompagner  tes  refrains  : 
Pour  trouver  un  meilleur  gite. 
Tu  courrais  le  monde  en  vain  ; 
Vieille  chanson,  reviens  vile 
Dans  le  pays  du  bon  vin  ! 

Ah  1  reviens  vieille  chanson. 

Au  berceau  de  ton  enfance  I 

Tu  jetas  le  premier  son 

Sous  le  ciel  de  notre  France. 

Toi  qui  rendais  nos  aïeux 
Bons  et  joyeux 

Reviens,  le  frontceint  de  fleurs. 
Sécher  nos  pleurs  I 
Au  théâtre,  à  la  fabrique. 
On  entend  chanter  encor  ; 
Mais  c'est,  en  argot  lubrique. 
Le  plaisir  facile  et  l'or. 
Sans  pitié,  jette  à  la  porte 
La  louve  entrée  au  bercail, 
Et,  d'une  voix  pure  et  forte, 
Entonne  un  hymne  au  travail  I 

Ah  !  reviens,  vieille  chanson,  etc. 

Pour  que  la  chanson  renaisse. 

Dans  sa  joie  et  sa  fierté. 

Qu'enfin  l'argot  disparaisse 

Avec  le  vin  frelaté  ! 

La  Chanson,  comme  la  vigne. 

Veut  l'air  pur  et  le  soleil  ; 

Des  deux,  que  l'homme  soit  digne 

Et  viendra  le  grand  réveil  ! 

Ah  !  reviens,  vieille  chanson,  etc. 
Comme  la  harpe  d'Eole 
Qui  résonne  au  moindre  vent. 
Que  ta  vibrante  parole. 
En  nous,  résonne  souvent! 
Sur  le  château,  la  chaum'ère. 
Souffle  la  saine  gaitc  : 
l'ourles  puissants,  sois  Lumière! 
Pour  lus  peuples,  Liberté  ! 


Ah  !  rev'ens,  vieille  chanson, 
.  Au  berceau  de  ton  enfance! 
Tu  jetas  le  premier  son 
Sous  le  ciel  de  noire  France. 
Toi,  qui  rendais  nos  aïeux 

Bons  et  joyeux. 
Reviens,  le  front  ceint  de  fleurs. 

Sécher  nos  pleurs  ! 

Charles  Vincent. 


Air  :  —  Soldat  français  né  d'olscurs  \ 
Sous  le  soleil  il  n'est  rien  de  nouveau  ! 

—  Chacun  connaît  cette  vieille  maxime,  — 
Mais  un  ancien  sujet  dans  mon  cerveau 

Se  rajeunit,  par  la  forme  et  la  rime; 
Sur  un  refrain  connu  qui  me  sourit. 
Evidemment,  quelquefois  je  compose 
Plus  d'un  couplet,  et,  modeste  érudit, 
D'un  chansonnier  si  je  n'ai  pas  l'esprit: 
Il  s'en  faut  de  bien  peu  de  chose  ! 

Mariez-vous,  me  dit-on  chaque  jour: 

Le  célibat  est  une  chose  immonde, 

Il  n'est  de  tel  qu'un  légitime  amour 

Pour  vous  poser,  aujourd'hui,  dans  le  monde; 

Jusqu'au  bal  même,  un  soir,  un  domino 

Me  dit:  —  Sur  vous  de  toute  part  on  glose  ! 

—  Laissez  gloser,  lui  dis-je  ex-ahrupto: 
Si  je  n'ai  pas  tâté  du  conjungo: 

Il  s'en  faut  de  bien  peu  de  chose  ! 

Taille  divine  aux  ravissants  contours. 
Peau  de  satin,  beauté,  grâce,  élégance, 
Seins  arrondis  formés  pour  les  amours, 
Tout  en  un  mol  est  parfait  chez  Horlense. 
Il  est  bien  vrai  qu'ignorant  le  danger. 
Au  repentir  quelquefois  on  s'expose  ; 
Mais  si  l'amour,  par  un  larcin  léger 
Toucha  naguère  à  sa  fleur  d'oranger: 
Il  s'en  faut  de  bien  peu  de  chose! 

J'ai  ri  souvent,  de  voir  mon  vieux  voisin 
Souff'rir  chez  lui  qu'Adèle,  son  épouse. 
Effrontément  accueille  un  grand  blondin. 
Dont  elle  était  si  fière  et  si  jalouse; 
Ces  jours  derniers,  rentrant  inaperçu, 
Les  a-t-ils  pris?. . .  Ma  foi,  je  le  suppose  ; 
Car  maintenant,  il  est  bien  convaincu, 
A  ce  qu'il  dit:  que,  s'il  n'est  pas  cocu. 
Il  s'en  faut  de  bien  peu  de  chose  ! 

Du  Louvre  au  Temple,  en  faissanl  le  trajet, 
J'ai  rencontré  par  une  nuit  d'automne, 
De  lourds  tonneaux  contenant  le  sujet 
Du  mot  canaille  ennobli  par  Cambronne  ! 
Oh!. . .  m'écriai-je:  —  on  pent  désirer  mieux 
Décidément  ça  ne  sent  pas  la  rose  ! . . . 
Bah!  me  dit-on  d'un  air  malicieux, 
Si  ce  parfum  n'est  pas  délicieux. 
Il  s'en  faut  de  bien  peu  de  chose  ! 


LA  CHANSON 


213 


Pour  m'abrcuver,  s'il  fallait  faire  un  choix; 
Sans  dédaigner  les  vins  do  la  Gascogne, 
Tout  en  prisant  le  nectar  champenois, 
Je  choisirais  un  bon  crû  de  Bourgogne! 
Volnay,  Gorton,  Poinard,  Bcaunc  et  Chablis, 
Avec  bonheur,  mon  gosier  s'en  arrose; 
De  ces  grands  vins  je  connais  tout  le  prix. 
Et  quand  j'en  bois. ..  si  je  ne  suis  pas  gris  ! 
Il  s'en  faut  de  bien  peu  do  chose  ! 

Enfin,  pourquoi  dit-on  que  le  bonheur 
N'est  ici  bas  qu'une  vaine  chimère?. . . 
A.  mon  avis,  c'est  une  grave  erreur. 
Et  carrément  je  soutiens  le  contraire: 
Quand  la  gaité  chaque  mois  dans  nos  rangs, 
—  Ou  nul  jamais  ne  se  montra  mor'.'Se,  — 
Vient  embellir  nos  fortunés  instants. 
Si  ce  n'est  pas  du  bonheur. . .  je  prétends  : 
Qu'il  s'en  faut  de  bien  peu  de  chose! 

MOUTON-DUFRAISSE 


LE  BATAILLON  DE  L'AVENIR  (') 


Le  temps  a  brisé  nos  entraves. 
Le  passé  n'est  qu'un  souvenir. 
Place  aux  soldats  jeunes  et  braves. 
Du  bataillon  de  l'Avenir  ; 
Place  aux  soldats  jeunes  et  braves, 
Du  bataillon  de  l'Avenir! 

Nous  sommes  tous  soldats  sans  baïonnettes. 

Et  si  nos  bras  ont  porté  des  fusils, 

■Ce  fut  aux  jours  dos  vaillantes  défaites. 

Quand  l'étranger  saccageait  le  pays. 
Le  drapeau  qui  nous  guide  à  la  nouvelle  aurore. 
C'est  le  vieil  étendard  cher  à  la  Liberté  ; 
Il  n'est  ni  blanc,  ni  rouge,  et  son  pli  tricolore. 
Laisse  flotter  ces  mots  :  Travail,  Fraternité  ! 
Le  temps,  etc. 

Nous  marchons  loin  de  la  foule  pressée. 
Qu'un  fol  orgueil  fait  déserter  les  rangs  ; 
Notre  seul  bat,  notre  unique  pensée, 
Est  noble  et  sage  :  Instruire  nos  enfants. 
Ardent  foyer  d'amour,  le  bien  seul  nous  inspire. 
Car  la  voix  du  devoir  nous  chante  au  fond  du  cœur  : 
Le  peuple  sera  grand  le  jour  qu'il  saura  lire. 
Tous  les  hommes  instruits,  c'est  un  monde  lucilleurl 
Le  temps,  etc. 

(1)  La  musique  se  li-ouvc  chez  Labbé,  iditcur,  32,  ruo  Nolrc-Damc-dc- 
Nazorelh.  Celte  màlc  chansim  de  notre  ami  et  collaborateur  Eugène 
Baillct  vient  Jo  paraître  à  Ljoii  on  brothure.  sous  le  litre  :  le  Chant 
des  Peaplss.  Un  sieur  Eooo.Min  Goiuui.lot,  a  ose  nioltrp  sui'  la  couver- 
ture :  rècilée  par  l'auteur.  Ce  monsieur  a  tout  simplement  changé  le 
titre  et  supprimé  le    refrain  ;  à  part   cela,    la    chanson    est    mot  à  mot 


311e  que  , 
Ce  vol    de    la 


public 


propi 


iété  litti 


héla: 


De  sang  humain,  montrons-nous  plus  avares  ; 

De  la  Victoire  encensons  moins  le  char. 

Les  grands  soldats  sont  tous  de  grands  barbares  : 

Napoléon,  Alexandre  et  César. 
L'ouvrier  qui  vingt  ans  s'use  et  meurt  à  l'ouvrage. 
N'est-il  pas  aussi  grand  que  ces  semeurs  de  deuil  ? 
Espoir  !  car  l'avenir  nous  crie  avec  courage  : 
Le  peuple  est  au  berceau,  les  rois  sont  au  cercueil. 
Le  temps,  etc. 

Et  toi,  soldat,  notre  vainqueur  superbe. 
Fier  Allemand,  retourne  à  ton  foyer; 
De  tes  lauriers  le  fil  qui  tient  la  gerbe, 
Au  moindre  choc,  pourrait  se  délier. 
Vous  étiez  cent  contre  un,  nous  comptons  sur  l'histoire. 
Qui  vous  dira  toujours  en  parlant  de  Paris  : 
Le  vaincre,  c'était  là  que  visait  votre  gloire; 
Vous  l'avez  affamé,  vous  neil'avez  pas  pris  ! 
Le  temps,  etc. 
Venez  à' nous,  travailleur  et  poète. 
C'est  à  l'espoir  qu'il  faut  signer  un  bail. 
De  l'avenir  pour  tenter  la  conquête, 
11  faut  unir  la  Pensée  au  Travail. 
Marteaux,  retentissez  !  que  vos  voix,  dans  l'espace. 
Dominent  la  clameur  d'un  passé  malheureux  ; 
Ouvrez  large  les  rangs  !  c'est  le  Progrès  qui  passe, 
La  Libei;té  le  suit...  serrons-nous  autour  d'eux. 

Le  temps  a  brisé  nos]  entraves. 
Le  passé  n'est  qu'un  souvenir. 
Place  aux  soldats  jeunes  et  braves. 
Du  bataillon  de  l'Avenir  ; 
Place  aux  soldats  jeunes  et  braves. 
Du  bataillon  de  l'Avenir  1 

Eugène  Baii.let. 


QU.ITORZIEME   CONCOURS  MENSUEL 
DE  LA  CHANSON 


PRIX 


MON    BUDGET. 


Oui,  j'en  suis  siîr,  moi  seul  ai  ta  tendresse, 
Ton  cœur  pour  moi  n'eut  jamais  de  détours. 
Mais  trop  souvent,  comptant  sur  ma  faiblesse, 
Pourquoi,  Suzon,  demander  tant  d'atours  ? 
En  seras-tu  plus  belle  ou  plus  aimable  ? 
Je  t'aime  autant  rien  qu'en  simple  corset  : 
Ma  bourse,  hélas  !  n'est  pas. inépuisable, 
Suzon,  Suzon,  ménage  mon  budget. 

Dans  les  bosquets  pour  se  perdre  sans  guide. 
De  la  campagne  admirer  les  beautés. 
Est-il  be>oin  que  sur  un  char  rapide. 
Comme  des  fous,  nous  volions  emportés  ? 
A  petits  pas,  n'est-il  pas  préférable 
De  chercher  seuls  un  endroit  bien  discret  : 
Ma  bourse,  hélas  !  n'est  pas  inépuisable, , 
Suzon,  Suzon,  ménage  mon  budget. 


214 


LA  CHANSON 


Sans  envier  ces  lieux  où  l'opulence 
Par  trop  de  gène  éloigne  le  plaisir, 
Qn'à  tes  regards,  trompés  par  l'apparence. 
Ce  faste  vain  n'inspire  nul  désir. 
Quand  avec  nous  l'Amour  se  met  à  table, 
Notre  repas  vaut-il  pas  un  banqij-,„  : 
Ma  bourse,  bêlas  !  n'est  pas  inépuisable, 
Suzon,  Suzon,  ménage  mon  budget. 

Pour  voir  toujours  durer  sur  cette  terre 

Les  rares  biens  qui  font  notre  bonheur, 

Tàcbe,  Suzon,  que  la  raison  modère 

De  tes  penchants  la  trop  fougueuse  ardeur  : 

Même  parfois,  de  ta  mine  adorable 

Sur  tous  mes  sens  daigne  affaiblir  l'effet  : 

Ma  bourse,  hélas  !  n'est  pas  inépuisable, 

Suzon,  Suzon,  ménage  mon  budget. 

Fauché. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


CoQcert  Européen.  —  Les  deux  sourds,  vaude- 
ville en  un  acte  de  M.  Jules  Moineaux,  vient  d'être 
joué  avec  un  légitime  succès  par  MM.  Moiroud,  Gar- 
del,  Hyacinthe  et  Mme  d'Estrée. 

Mme  Nancy  qui  a  fait  sa  rentrée  dernièrement 
obtient  chaque  soir  de  grands  bravos  dans  Quaml  il 
n'est  pas  là,  Joseph  est  en  voyage,  et  Ah!  monsieur, 
laissez-moi  ! 

La  rengaine  de  M.  Constant  Saclé,  Bonjour  Gyprien, 
chantée  par  M.  Régiane,  fait  grand  plaisir  au  public 
qui  répète  le  refrain  avec  un  ensemble  irrépro- 
chable. 

M.  Numas,  un  bon  diseur,  récite  la,  Douleur  du 
voyou  et  Le  Ramasseur  de  bouts  de  cigares  d'une  ma- 
nière digne  d'éloges. 

M.  Ville,  l'ancien  amateur  des  sociétés  lyriques,  a 
tout  à  fait  conquis  les  bonnes  grâces  des  habitués  du 
Concert  Européen,  qui  lui  font  des  ovations  dans 
J^ons  pas  bougé,  Je  joue  de  la  guitare  et  les  Amours 
d'un  Pélican. 

Citon*  encore  MM.  Hyacinthe,  Naudy,  Gardel, 
MmesAurélie,  Berthe  Legraad,  Lepailleur  et  d'Estrée, 
qui  se  font  applaudir  dans  leurs  différents  genres. 

Les  Méprises  de  Lambinet,  le  vaudeville  qui  termine 
lareprésentation,est  fort  bien  interprété  par  MM.  Moi- 
roud, Numas,  Régiane,  Ville  ;  Mmes  Cramer,  Berthe 
Legrand  et  d'Estrée. 

Nous  rendrons  compte, dansnotre  prochain  numéro, 
de  la  grande  représentation  qui  a  été  donnée  le 
12  courant,  au  bénéfice  de  M.  Fayolle,  l'habile  régis- 
seur-adminislrateur  du  Concert  Ewropéen. 

Scala.  —  VHomme  n'est  pas  parfait,  interprété 
par  MM.  Paul  Bert,  Derame,  Pi  chat,  Mmes  Aimée  et 
Blockette,  tient  l'affiche  avec  succès. 

Plusieurs  chansonnettes  ont  été  créées  samedi 
dernier  : 


Conseils  d'une  grand'  mère  à  une  jeune  mariée,  par 
Mlle  Blockette;  Camomille, -pa.v  M.  Aristide  Bruant; 
Je  suis  poivreau,  par  M.  Bourges  ;  Il  en  faut  et  n'en  faut 
pas,  par  M.  Chaillier  ;  et  enfin  Unissez-vous  dans  un 
baiser,  par  Mme  Graindor. 

Ces  nouveautés,  avec  Mandarinette,  l'Homme  n'est 
pas  parfait,  et  les  chansonnettes  du  répertoire  for- 
ment un  programme  des  plus  attrayants. 

Orpheiiiu.  —  Le  différend  que  nous  avons  eu 
avec  ce  concert  étant  aplani,  nous  donnerons  dans 
nilre  prochain  numéro  un  compte-rendu  des  nou- 
veautés qui  y  sont  créées. 

Alfred  Bertinot. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Le  Jeudi  28  octobre  dernier,  la  Lyre  Amicale  de 
Paris,  6,  boulevard  Sébastopol,  inaugurait  ses  réu- 
nions du  jeudi,  par  une  grande  soirée  qui  était  char- 
mante, et  dans  laquelle  "se  sont  fait  entendre,  dans 
la  partie  du  chant,  Mlles  Laure  et  Joséphine,  MM.  Ju- 
lien Alix,  Levasnier,  Charles  Henry  membres  d'hon- 
neur, Grignon,  vice-président,  et  Besnard,  sociétaire 
de  la  Lyre  Amicale,  M.  Francfort  président  des  En- 
fants de  la  Gaité,  M.  Victor  Fabre,  amateur, 
MM.  Descourt  et  Forgeot  du  cercle  Lavallière. 

La  Cravate  Blanche,  comédie  en  vers,  formait  la 
partie  di'amatique,  et  a  été  parfaitement  interprétée 
par  MM.  Julien  Alix,  Descourt  et  Mlle  Berthe,  à  qui 
nous  adressons  nos  félicitations. 

Nous  pouvons  dire  que  la  partie  lyrique  et  drama- 
tique, ont  eu  l'attrait  que  l'on  pouvait  espérer.  De 
chaleureux  applaudissements  ont  accueilli  chacune 
des  personnes  dont  les  noms  précèdent  (nous  n'ea 
rappelons  aucune  pour  ne  point  faire  de  jalouses, 
car  toutes  ont  été  acclamées  comme  elles  le  méri- 
taient) mais  nous  regrettons  de  n'avoir  pu  entendre 
d'autres  sociétaires  àe  la  Lyre,  qui  se  soni  abstenus 
de  chauler  pour  laisser  la  place  aux  personnes  qui 
ont  bien  voulu  prêter  leur  concours  à  cetle  gracieuse 
soirée. 

De  la  manière  dont  cetle  Société  est  composée, 
nous  avons  constaté,  qu'elle  pouvait,  avec  ses  pro- 
pres éléments,  organiser  de  belles  soirées,  et  nous 
ne  nous  étonnons  pas  que  sa  salle  de  réunion,  mal- 
gré sa  grandeur,  soit  comble  aux  soirées  de  Diman- 
che. 

A  l'avenir  celte  Société  tiendra  ses  séances  tous  les 
dimanches,  jeudi  et  fêtes,  au  mémo  siège,  G,  boule- 
vard Sébastopol.  Le  banquet  suivi  de  bal  de  nuit, 
qu'elle  donne  chaque  année,  à  l'occasion  de  la 
Sainte-Cécile,  aura  lieu  le  samedi  4  décembre  pro- 
chain, dans  le  splendide  salon  de  M.  Maurice,  restau- 
rateur, avenue  de  Saint-Mandé,  40  et  42,  Salon  des 
Familles. 


Le  Cercle  de  l'Espérance  a  ouvert  la  série  de  f  es 
concerts  mensuels  par  une  magnifique  soirée,  tenue 
le  4  novembre  au  P.dais-Royal,  116,  galerie  de  Va- 
lois. Le  niveau  artistique  de  celte  représentation  est 
dévoilé  par  la  liste  des  artistes  qui  y  ont  prêté  leur 
concours. 

M.  Piccaluga,  qui  joint  à  la  qualité  de  bon 
chanteur  celle  de  bon  comédien,  a  dit,  avec  un  goût 
parfait,  l'arioso  à'Eamlet,  et  une  romance  italienne 
qui  a  subjugué  l'auditoire.  Cet  artiste  a  sa  place 
marquée  à  l'Opéra-Gomique.  Mlle  Chazet,  qui  lui  a 


LA  CHANSON 


215 


donné  la  réplique  dans  le  duo  do  la  Flûte  enchantée, 
a  été  charmante  de  naïveté  et  de  douceur  dans  l'air 
de  Paul  et  Virginie. 

M.  Jules  Raux,  à  son  tour,  clairsemant  de  jolis 
sons  mixtes  da,ns  ane  fraîche  voix  de  baryton,  a  in- 
terprété avec  beaucoup  de  couleur  deux  de  ses  com- 
positions :  le  Vieux  iuveur  et  0  vous  qui  faites  l'en- 
dormie. Deux  chanteurs  de  genres  différents  ont  su 
plaire  également  ;  ce  sont  MV  Peters,  qui  révèle  une 
belle  voix  de  basse  dans  l'air  du  Chalet,  et  M.  Ha- 
niilet,  qui  roucoule  très  gracieusement  la  romance. 

Un  gentil  petit  poème,  la  Vision,  dit  par 
M.  Phél'izon,  a  distrait  agréablement  pendant  une 
partie  de  la  soirée.  M.  Weill  a  récité  un  peu  froide- 
ment, mais  a  pourtant  réussi  assez  bien  le  mono- 
logue du  Premier  amour.  Comme  il  faut  toujours 
linir  par  rire,  MM.  Rémond  et  Dickson  se  sont 
cliargés  de  donner  la  note  gaie  et  ont  été  fort  goûtés, 
le  premier  dans  le  Voyage  autour  d'une  iahle,  le  se- 
cond avec  VHumour  britanni<iue.  On  regrette  que 
Mme  Catherine,  qui  accompagne  si  bien  les  chants, 
se  place  si  rarement  au  piano. 


La  représentation  mensuelle  donnée  samedi  der- 
nier par  le  CERCLE  MUSSET  a  été  aussi  bnllanle  que 
celle  du  mois  dernier. 

A  8  heures  1/2,  MM.  Wuillaume,  Lebrun,  Bastide 
et  Ghaumont,  ont  ouvert  la  séance  avec  entrain.  M. 
Gordier  a  été  désopilant  dans  Troun  de  l'air  de  Beau- 
caire  et  s'est  fait  rappeler  dans  VEpicier-drogiiiste, 
grande  scène  qu'il  interprète  d'une  façon  fort  drôle 
et  avec  des  jeux  do  physionomie  'très  réussis. 
M.  Borscbneck  a  obtenu  u'u  l)on  succès  danstoZ'e»^' 
de  sagesse.  M.  Maurice  a  d^l  les  Ecrevisses  avec  beau- 
coup de  talent  et  a  porfaitemont  souligné  toutes  les 
finesses  de  cetts  poésie.  M.  Lévy  s'est  fait  applaudir 
dans  Nos  turlutaines  et  dans  lamasante  chanson- 
nette Avec  Zidore.  Nous  recommandons  à  col  artiste 
de  ne  pas  craindre  d'ouvrir  la  bouche;  en  serrant  les 
dents  comme  il  le  fait,  sa  prononciation  est  désa- 
gréable. 

Dans  la  seconde  partie,  M.  Wuillaume  a  obtenu 
de  nombreux  applaudissements  avec  la  Chanson  des 
Clochetons,  un  des  derniers  grands  succès  de  Debail- 
leul. 

Le  Président  du  cercle  musset,  M.  A.  Dm'rieuqui 
est  aussi  bon  disear  qu'excellent  administrateur  a 
obtenu  de  grands  bravos  dans  un  récit  très  émou- 
vant :  Le  revenant.  Citons  encore  MM.  Spilmann, 
Lhamour,  et  Paul  Rilvond,  qui  ont  eu  leur  part 
d'applaudissements. 

Enfin,  pour  terminer  la  soirée,  On  demande  des  do- 
mestiques, vaudeville  en  un  acte  de  MM,  Chivot  et 
Duru,  a  été  interprété  par  MM.  Cordier,Borschneek  et 
■Wuillaume.  Dans  cette  pièce  quelques  petits  acci- 
dents d'accessoires  se  sont  produits,  mais  le  public, 
bon  enfant  n'a  fait  qu'en  rire  et  a  applaudi  les  inter- 
prètes à  tout  rompre. 

La  prochaine  soirée  du  cercle  musset  aura  lieu  le 
4  décembre. 


Soirée  très  agréable,  dimanche  dernier  à  la  repré- 
sentation donnée  par  la  société  lyrique  les  enfants 
d'apollon,  75,  faubourg  Saint-Martin,  présidée  par 
M.  Emile. 

M.  Plantet,  une  forte  voix,  a  obtenu  un  bon  succès 
dans  L'Omhre,  Jean-Bart,  Lelong  de  la  Seine  6  gué,  et 
dans  la  Unie  de  Pedro. 

M.  Monicart  qui  sait  fort  bien  tirer  parti  du  petit 
filet  de  voix  qu'il  possède,  a  chanté  agréablement 
Marguerite,  cen'est'plus  toil  Laissons  la  porte  ouverte, 
Vous  rappelez-vous  et  Laissons  chanter  les  oiseaux. 
M.  Alexis,  un  comique  très  amusant  a  été  vivement 


applaudi  dans  Félicité  et  II  m'a  refusé  son  parapluie. 
Mlle  Gléo  a  détaillé  très  finement  La  Chanson  du  Ci- 
dre, des  cloches  de  Corneville  et  Le  Sentier  couvert. 
M.  Maurice,  un  excellent  conteur  a  re-îueilli  de 
nombreux  bravos  dans  Les  ecrevisses  et  L'Histoire 
réaliste  poésie  inédite  de  M.  Gaston  Maquis. 

Mentionnons  aussi  MM.  Renaud,  Ducasse,  Eugène, 
Victor,  Perret,  Emilien  et  Gabriel,  qui  ont  eu  leur 
part  de  succès. 


Hier  a  eu  lieu.  Salle  Rosel,  27,  rue  de  Belleville, 
une  grande  soirée,  donnée  par  les  Enfants  du  franc- 
rire  à  leur  sympatiiiqueseerétaire  M.  Walelet;la  soi- 
rée était  présidée  par  MM.  Renoult  des  Amis  insépa- 
rables, et  Séguin  des  Enfants  du  Franc-rire,  nous  en 
rendrons  compte  dans  notre  prochain  numéro. 

Nous  rendrons  compte  dans  noire  prochain  numéro 
du  preiuier  banquet  des  présidents  et  vice-prési- 
dentsdes  sociétés  Zynj«g.5  et  Dramatiques,  du  dépar- 
tement de  la  Seine,  présidé  par  Alfred  Leconte,  dé- 
puté de  l'Indre. 


Mardi,  10  novembre,  salle  de  X Ermitage,  29,  rue  de 
Jussieu,  grande  soirée  offerte  par  la  Société  lyrique 
et  dramatique  V  Union  parisienne.  Au  sociétaire,  Alf. 
Desfossez,  avec  le  concours  de  M.  Letirand,  pré- 
sident de  la  Lyre  de  la  Gatté,  L.  Gouget,  président  de 
VEschûliêre,  E.  Mazot,  de  la  Réunion  des  Familles, 
^\i[.\.QX,  Ad  V Union  française;  Léo  Tortain,  président 
de  \'  Union  parisienne. 

MM.  Adrien  Souchet,  H.  Karl,  Moumoutte,  Augus- 
tel,  artiste  des  concerts,  Mmes  Adèle.  Desfossez,  etc., 
etc..  Une  femme  modèle,  opérette  en  un  acte.  Garçon 
et  Demoiselle  d'Honneur,  duo,  improvisation  poétique 
par  Léo  ïostain.  Tahleau  peint  à  l'huile  on  8  minutes 
par  Mouiuoutte.  Le  petit  Paul,  ilgé  de  7  ans,  chan- 
teras, le  Petit  Zou  Zou.  Grande  tombola  è  0  2o  c.  le 
tableau  de  M.  Moumoutte,  fait  partie  des  lots.  — 
Entrée,  00  c.  Consommation  comprise.  —  Celte  no- 
menclature n'est  qu'une  partie  du  programme. 
Alfred  Bertinot. 


CHOSES  &  AUTRES 


Souscription    pour    l'ûrection  d'une  Statue    U 
Pierre  Dupont. 


Eu  judlet  1870,  sitôt  après  la  mort  de  Pierre  Du- 
pont, un  comité  s'était  formé  à  Lyon  pour  ériger  un 
monument  à  la  mémoire  de  Jiotre  regretté  chan- 
sonnier. Les  funestes  événements  qui  suivirent 
preque  aussitôt,  arrêtèrent  la  souscription  à  son  dé- 
but. Les  anciens  membres  du  comité,  croyant  le 
moment  propice  aujourd'hui  de  reprendre  cette 
souscription  ont  fait  appel  aux  nombreux  amis  de 
l'ancien  chansonnier,  et  un  comité  nouveau  a  été 
élu  pour  continuer  et  mener  à  bonne  fin  l'œuvre  du 
comité. 

Voici  les  noms  des  principaux  membres  de  ce 
comité  : 

Président  d'honneur  : 

Joséphin  Soulary,  notre  célèbre  sonnettiste. 

Désiré  Barodet,  ancien  maire  de  Lyon,  député  do 
de  la  Seine. 

Président  électif  : 

A.  Lumière,  photographe. 


216 


LA  CHAJNTSON 


Vice-Président  : 

Victor  Cladel,  processeur  à  la  Faculté  des  lettres 
et  membre  du  conseil  municipal  de  Lyon. 
Secrétaires  : 

Camille  Roy,  journaliste. 

De  Cocquerel,  peintre. 

Louis  Garel,  homme  de  lettres  et  membre  du 
conseil  municipal. 

Trésorier  : 

Charles  Gailleton,  négociant. 

En  attendant  les  grandes  fêtes  qui  auront  lieu  cet 
hiver  sur  nos  scènes  lyriques,  la  Société  des  Amis  de 
la  Chanson  va  donner  le  -20  courant  une  ijremière 
soirée  chantante  en  l'honneur  de  la  souscription  du 
monument.  M.  Louis  Caloin,  compositeur  et  pia- 
niste-accompagnateur de  la  Sociélé,  fait  répéter  en 
ce  moment  diverses  chansons  de  Pierre  Dupont,  qui 
seront  dites  à  cette  solennité. 

Nous  rendrons  compte  de  celte  soirée  aux  lecteurs 
de  la  Chanson. 

Jules  CÉLÈs. 


APPEL,  A  TOUS  Cœi^  POETES 

l>nns  notre  prochain  numéro,  nous  publierons  le 
programme  d'un  ^rand  concouru  poétitfjuc. 

Notre  prochain  numéro  contiendra  la  nomencla- 
ture des  primes  que  nous  tiendrons  à  la  disposition 
de  nos  abonnés. 


Georges  Nardin  un  jeune  poète  de  talent,  vient  de 
publier  chez  Charpentier,  les  Horizons  Biens,  un  beau 
volume  in-i 8,  divisé  en  trois  livres,  Zp'es et  Epinetics, 
Rêves  envolés,  Les  Sanglots  de  l'Ame. 

Nous  en  publierons  le  compte-rendu  prochaine- 
ment. 


Vient  de  paraître  Le  Chant  du,  Devoir,  Hymne  pa- 
triotique, paroles  de  Aug.  Brun,  musique  do  A. 
Brody.  En  vente  5,  rue  de  Lancry,  chez  l'autour. 

Le  titre  de  la  table  pour  la  réunion  est  un  beau 
volume  des  deux  premières  années  de  la  Chanson, 
paraîtra  à  la  fin  du  mois  prochain. 


AVIS   IMPORTANT 

IVoii»)  pri^venons  no.s  abonnés.  <|iiî  ne  nous  ont  pas 
oncorc  fait  parvenir,  le  montnnt  de  leur  réabonne- 
ment, et  cjiii  ont  gardé  le  premier  niinaéro  de  novem- 
bre, c|iie  nous  ferons  toucher  par  la  poste  le  montant 
de  rab< 


PIANO    ET    CHANT 

PROFESSEUR 

Paris,     16,    rue    des      Martyrs,     16 
Spécialement  recommandé 


LEROUX 

SPÉGIALÏTÉ     D'INSIGNES 

pour  Sociétés  Lyriques,  Cliorales,  Maçonniques,  etc. 
U,  rue  Chapon,  4 


PITO&RÂPHIE  DU  THÉÂTRE  1  CHÂTEÂU-D'EAII 
riOOOK  &   BâTâ9LL£ 

AUX  OPÉRATEURS  RÉUNIS 
Paris,    10,    rue  de    [Alalie,    lo,   Paris 

(au  Théâtre  du  Cliàleau-d'Eau) 

Salon  et  atelier  de  pose  au  rez-de-cliaussée 


PUBLICATIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.  PATAY 

(tS,  rue  Bonaparte  IS). 


B.cs  Abeilles,  c7iajisoji.  Paroles  de  Georges  Baillet, 
IMusique  de  Mme  AnaisBbianny.  Avec  gravures,   grand 

format  et  accompagnement  de  piano,  Bet 1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  net  »    30 

li'.^Iltuni  des  naines,  par  Mme  Juliette  Mancelière, 
cahier  de  chansons  à  10  cent. 

Ëtcs-Tous    eoiiinie    moi?    chanson.    Paroles    de    L.- 
Henry Lecoiite,  Musique  de  Jules  Raux,  grand  format, 
avec  accompagnement  de  piano,  et  gravure,  net..     1     • 
Petit  format,  avec  gravure,    net •  30 

Créée  à  l'Eldorado  par  Velly,  cette  6o)i?ie  chanson 
fera  promptement  le  tour  des  Concerts. 

l.a  Fête  de  la  France .  Paroles  de  J.-B.  ROBINOT, 
Musique  de  Jules  Raux,  petit  format  aux  couleurs  natio- 
nales, net »  20 

France,  liymne  de  la  Paix.  Chant  national.  Paroles 
de  L.  Sarrade,  Musique  de  Ben-Tayoux,  avec  gravure 

grand  format,  accompagnement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net »  30 

L'Ilirer,  7-0)jia7ice.  Paroles  de  Fauché,  Musique  de 
Raguey',  petit  format  pans  gravure,  net »  20 

•l'en  IlnfTole,  paroles  et  musique  de  Jules  Raux. 
Petit  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gravure, 
net »  50 

llliaou  !  chanson  féline.  Paroles  et  musique  de  Jules 
R.\ux,  grand   format  avec  gravure  et  accompagnement 

de  piano,  net 1     » 

Petit  format  avec  gravure,  net >  30 

I^allluse  delaCIianson. Paroles  deCLAUDIUS  Malbet  , 
Musique  de  Ch.  Marié.  Grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

^ç  chantez  plus  la  marseillaise,  chanson patrioti que. 
Paroles  de  Jules  Célès.  Musique  de  Louis  Caloin. 
Grand  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gra- 
vure, net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net  »  30 

Paix  et  Travail.  Paroles  de  EUGÈNE  IMBEET,  Musique 
de  Jules  Raux.  Grand  format  avec  accompagnement  de 
piano,  sans  gravure,  net »  50 

l.es  S'ctites  Slains  de  ma  ISIie,  chanson.  Paroles  de 
J.  JouT,  Musique  de  PaulHenrion.  Grand  format,  avec 

accompagnement  de  piano  et  gravure,  net 1     • 

Petit  format  avec  gravure,  net ■   30 

Cette  chanson  vient  d'être  créée  au  Concert  du  xix"  siècle 
par  Débailleul,  l'artiste  aimé  du  piMic,  qui,  nous  en 
sommes  certains,  en  fera  un  de  ses  beaux  succès  ;  eHe  est 
déjà  interprétée  dans  plusieurs  concerts  et  dans  beaucoup 
de  sociétés  lyriques. 

Quand  t'auras  des  iVIoustachcs.  Paroles  de  Claudius 
Malbet,  Musique  de  Mathilde  Fraiquin,  Grand  for- 
mat avec  accompagnement,   sans  gravure »  50 

lie  Vieux  ISu-s'eur  de  vin,  chanson.  Paroles  de 
Brugière,  Musique  de  Jules  IÎaux.  Grand  format  avec 
accompagnement  de  piano,  sans  gravure,  net >  50 

Via  c'<|ue  e'estqu'un  entcrr'in^Eit,  tableau  populaire, 
paroles  d'EuGÈNE  Imbert,  musique  de  Dauvergne.  Petit 
format  avec  gravure  et  accompagnement  de  J.  Raux     •  50 

"Vous,  valse  chantée  par  L.  P.,  officier  de  cavalerie. 
Grand  format,  avec  accompagnement  de  piano,  net    1    « 

Toutes  ces  publications  seront  envoyées  franco  dans 
toute  la  France  à  toute  personne  cj  ui  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'un  mandat- 
poste  à  partir  de  cette  somme. 

l.e  Birecteur-Oérant  :  A.  HATAÏ. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et~Cïe,  6,  rue  Martel. 


3*  ANNEE. 


N»  «8. 


•  O  CENTIMES. 


•21  NOVEMBRE  1880 


LA   CHANSON 


Dincteur-Adiiiinistfateur 
A.  PATAY 


ta  chanson  est  une  forme  ailéeet 
eharmanie  de  la  pensée.  Le  couplet 
6St  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  '''TlmimoT" 


ECHO  DES  SOCIETES  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littéruture,   Beaux-Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non   insérés   ne   seront   pas  rendus. 


Annonces,  la  ligne...    1     ' 
Réclames,        —  2     • 

Li  chanson,  comme  ta  baronnatte 
sst  une  arma  française. 

J.  CLARETIE. 


RDMINISTRATION    &   REDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  Chef 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

■  six  mois 3  ' 

Etranger,  un  an 8  » 


Alfred  Lrcoiite,  Jules  Êchaliê,  portraits  et  noticps,  —  Conférence  sur 
Roagel  de  Udc.  —  La  Vigne  (Pctimiî  Dupont)-  —  .1  VEspérance 
(Victor  IUm^EA^).  —  Ilallnde  de  l'Académie  framaite  {f«A^r,ois 
MEf.vii,).  Le  petit  raisBcan  (A.  HccRSis).  —  C'est  le  printemps, 
paroles  Je  Air.isTi:  fioUTS,  mnsii|ue  de  hi.r.s  R»rx.  —  K/i.nen  (Ésile 


SOMMAIRE 


,„i:).  _  Clironiqne  des  Concerts  (Alvubd  BiiiiTisor).  —Biner  du 
de  l'igalle.  —  Uant/uet  des  Sociétés  Lyriques  (A.  P.)  —  Cliro- 
ue  des  Sociétés  Lyriques  {II.  CncttF..  Alvuhi.  BiitiTiNOT,  J.  U.)  — 
ucelles  cl  Annonces. 


LES  FREDAINES  DE  LA  CHANSON 


A   POMPONNE-LES-BOIS    ' 


ALFRED  LECONTE 


J  ECHALIE 


(1)  Ces  deux  pbrlraits-diarKCS  et  les  notices  qui  les 
accompagnent  sont  einpruntés  à  un  très  curieux  et  rare 
volume  tiré  à  cent  exemplaire-  seulement,  numérotés  et 
paraphés,  qui  n'a  pas  été  mis  dans  le  commerce  :  les 
i-RED,\iNES  DE  LA  CH.sNSON,  rtcit  d'wic  fête  champêtre 
ojl'ertc  par  .hiles  Echalié  à  .ses  camarades  de  la  Lice  Chan- 
sonnière. Ce  volume  contient,  en  outre,  un  groupe  pho- 
tographié des  invités,  10  portraits-charges  dessinés  par 
Ernest    Chebroux    avec    notices     écrites     par     Eugène 


Baillet.  Plus  de  vingt  chansons  ou  poésies  sont  réunies 
dans  ce  livre  qui  manque  à  tous  les  collectionneurs. 
iSous  avions  été  assez  heureux  pour  en  obtenir  cinq 
exemplaires  que  nc'Us  mettons  à  la  disposition  de  nos 
abonnés  amateurs  de  vraies  raret^'S  cnansoimières.  — 
Envoi  franco  contre  un  mandat-poste  de  10  francs  au 
nom  de  A.  Patay,  directeur  de  La  Channon,  rue  Bona- 
parte, 18 

A.  P. 


218 


LA  CHANSON 


fiP 


ALFRED    LECONTE 

Alfred Leeonte, que  vousvoyezici  en  Iraiudopropa- 
ger  le  journal  la  La  Chanson  Fra9ieaise[l],n'ei.  pu,  mal- 
gré son  grand  désir,  assister  à  notre  petite  fête  de 
Pomponne-les-Bois  ;  mais,  comme  sa  galté  ne  pou- 
vait donner  encore  que  plus  de  charme  à  cette 
joyeuse  journée,  nous  avons  voulu  que  son  portrait 
figurât  parmis  les  nôtres,  la  Chanson  française  .est 
est  un  des  grands  bonheurs  de  sa  vie,  et  il  n'est 
pas  de  nuit  qu'il  n'en  rêve  ;  aussi  bénit-il  [civi- 
Ument]  les  abonnés  qui  viennent  chaque  semaine 
grossir  le  tirage  de  cette  feuille  chère  à  tous  les  amis 
de  la  vraie  chanson  et  assurer  sou  succès. 

Leeonte  est  membre  du  Caveau,  et  de  la  Lice 
Chansonnière,  les  Haricots  de  Prince, leVind'Issondim 
les  BépuUicains  de  carton,  telles  sont  ses  chansons 
pleines  d'entrain  et  de  philosophie  joyeuse.  Gomme 
signe  particuliers, Leeonte,  à  table,  ne  mange  guère, 
boit  encore  moins,  mais  découpe  impitoyablement 
volailles,  gigots  et  autres  pièces  de  résistance,  avec 
une  aisance  et  une  agilité  prodigieuses.  Il  a  de  plus 
une  splendide  voix  de  ténor,  et  compose  presque 
tous  les  airs  de  ses  chansons. 


J     ECHALIÉ 

Heureusement  qu'à  la  Lice  nous  parlons  presque 
toujours  français,  car  si  nous  parlions  argot,  le  des- 
sin ci-dessus  nous  représentant  Echalié  en  train  de 
remuer  la  casserole  aux  bonnes  choses  que  le  maître 
amphitrj-on  nous  a  servies  à  Pomponne-les-Bois,  — 
on  s'en  lèche  encore  le  souvenir  I  Noti'e  dessinateur 
aurait  pu  garnir  ses  poches  de  fusées  volantes,  et 
nous  le  représenter  au  milieu  du  bouquet  du  feu 
d'artifice  dont  il  nous  a  régalés  le  20  Aoùl,  c'eût  été 
plus  chaud  et  plus  lumineux  de  dessin.  C'est  un 
croquis  sur  la  planche,  tout  fait  pour  l'année  pro- 
chaine. Echalié  est  membre  de  la  lice  Chansonnière 
et  du  Caveau  ;  il  n'en  est  pas  plus  vieux  pour  ça  : 
c'est  un  jeune  homme  pour  la  Lice,  un  eufant  poiu 
le  Caveau.  Lesrecueils  desdites  Sociétés  contiennent 
ses  chansons,  sans  compter  celles  qu'il  dit  un  peu 
partout.  Il  a  pour  prénom  Jules..!..  On  n'a  pas  tous 
les  bonheurs  ! 


CONFÉRENCE  SUR  ROUGET  DE  LISLE 

Rouget  de  Liste,  l'immortel  auteur  de  la  Marseil- 
laise, aura  bientôt  sa  statue  à  Choisy-le-Roi. 

Dimanche,  à  deux  heures,  M.  Leroy  de  Sainte-Croix 
de  Straslourg,  qui  depuis  longtemps  s'efforce,  et  par 
la  plume  et  par  la  parole,  de  faire  rendre  à  l'auteur 
de  notre  sublime  chant  national  les  honneur  qui  lui 
sont  dus,  a,  dans  ce  but,  fait  à  Choisy-le-Roi  une  con- 
férence fort  intérressante  et  fort  applaudie  par  la  très 
nombreuse  assistance  qui  se  pressait  pour  l'entendre 
dans  la  salle  Brouillard. 


(1)  A  Jlspa.il  ; 
iteu    aepmi.oli 


il  e-c  iii.lre    lollaliu- 


TT 

M-  Benjaujin  Raspail,  député  de  la  première  eir- 
conscription  de  Sceaux,  présidait  la  réunion,  ayant 
comme  assesseurs  MM.  Caillot  et  Trochon,  membres 
actifs  -et  dévoués  du  «omité  qui  s'est  formé  pour 
élever  au  Tyrtée  français,  — ainsi  le  nommait  son 
ami  le  grand  chansonnier  Béranger,  —  une  statue 
dans  la  ville  où  reposent  ses  cendres. 

M.  Stempfel,  qui,  lui  aussi,  a  apporté  à  l'œuvre  un 
efficace  et  intelligent  concours,  faisait  jjartie  du  bu- 
reau en  qualité  de  secrétaire. 

La  fanfare  de  la  ville  a  joué  la  Marseillaise,  puis 
M.  Raspail  a  présenté  aux  assistants  un  des  descen- 
dants de  Rouget  de  Lisle,  qui,  en  quelques  mots 
émus,  a  remercié  les  habitants  de  Choisy  de  la  géné- 
reuse pensée  qu'ils  ont  eue  de  former  un  comité  pour 
élever  une  statue  à  la  mémoire  de  sou  illustre  parent. 

M.  le  président  a  ensuite  prononcé  quelques  mots 
et  donné  la  parole  au  conférencier. 

Dans  sa  conférence,  M.  Leroy  de  Sainte-Croix,  après 
avoir  cité  quelques-unes  des  imitations  de  la  Mar- 
seillaise, entre  autres  le  Chant  des  Travailleurs,  de 
M.  E.  Vidal,  et  s'être  spirituellement  moqué  du  chant 
de  guerre  des  Vendéens,  contrefaçon  ridicule  de  notre 
hymne  national,  s'est  surtout  attaché  à  rectifier  la 
légende  de  la  naissance  de  la  Marseillaise. 

C'est  dans  sa  chambre  et  non  dans  le  salon  de  M. 
Dietrich,  le  maire  de  Strasbourg,  que  Rouget  de  Lisle 
a  composé  son  œuvre. 

En  sortant  d'une  soirée  donnée  chez  M.  Dietrich, 
soirée  dans  laquelle  il  avait  été  prié  de  composer  un 
chant  pour  l'armée  du  Rhin,  prête  à  entrer  en  cam- 
pagne, le  jeune  officier  rentre  chez  lui,  comme  nous 
le  racontions  il  y  a  quelques  jours.  Il  prend  son  vio- 
lon, en  tire  quelques  sons,  puis  écrit  quelques  me- 
sures et  quelques  vers,  les  chante;  mécontent,  il  les 
biffe  et  recommence  encore;  peu  à  peu  l'inspiration 
vient,  il  écrit  d'un  trait  à  la  fois  musi([ue  et  paroles, 
puis,  brisé,  se  jette  sur  son  lit  et  s'endort. 

Le  matin,  en  s'éveillant,  il  voit  sur  la  table  son 
manuscrit  et,  sans  même  le  lire,  le  porte  à  M.  Diet- 
rich ;  —  K  Voilà  ce  que  j'ai  fait,  lui  dit-il,  pas  grand 
chose  de  bon.  » 

M.  Dietrich,  excellent  musicien,  se  met  au  clavecin 
et  déchiffre  le  morceau:  dès  les  début  il  s'étonne,  il 
s'émeut  ;  à  mesure  qu'il  avance,  son  admiration  s'ac- 
croit;  enfin,  arrivé  à  la  dernière  strophe:  «Amour 
sacré  de  la  patrie  ;;,  les  larmes  aux  yeux  il  s'élance 
au  cou  de  Rouget  de  Lisle  en  s'écriant:  «  Mon  ami, 
c'est  un  chef-d'œuvre,  ce  chant-là  vivra  autant  que 
la  France.  » 

Et,  joignant  l'action  à  la  parole,  M.  Leroy  de  Sainte- 
Croix  embrasse  le  descendant  de  Rouget  de  Lisle, 
l'assistance  éclate  en  bravos. 

M.  Leroy  de  Sainte-Croix  a  terminé  sa  conférence 
par  la  lecture  de  quelques  lettres  de  Rouget  de  Lisle 
à  Béranger,  qui  fut  jusqu'à  la  mort  son  ami  fidèle, 
et  en  félicitant  la  ville  de  Ghoisy-le-Roi,  qui  veut 
rendre  à  une  de  nos  gloires  nationales  l'honneur  qui 
lui  est  dû. 

On  s'est  ensuite  séijaré  aux  accents  de  la  Marseil- 
laise, chanlce  par  le  choral  de  la  'side. 


LA  CHANSON 


219 


LA  VIGNE 


Perfide  comme  l'onde. 
Shaksi'Eare. 

I.'eau  semble  purf, 

Mais  n'est  pas  sûre, 

Car  elle  passe  un  peu  parlout  ; 

Dans  les  terrains  maint  poison  bout; 

r/oau  n'est  bonne  qu'étant  filtrée. 

La  Vigne  est  la  plante  sacrée 

<Jui  sous  l'action  du  soleil, 

Fait  de  l'eau  ce  beau  vin  vermeil 

Qui  tous  les  jours  nous  régénère. 

La  Vigne  est  le  sang  de  la  terre  : 

Dans  un  cœiu-  aimant,  c'est  du  l'eul 

Lo  Vin  pur,  c'est  le  sanp  de  Die\i  ! 

Pit'ri'e  Di'PONT. 
Lyon,  23  avril  ISœ. 


A.  IL.'ESI=>É:R.A1VGE3 

.'•^  j   Boutade  réaliste  1    (^ 


Déesse  impudique  et  menteuse 
Qui  l'ofl'res  au  premier  venu. 
Ton  masque,  puissante  trompeuse, 
X  mon  cœur  n'est  point  inconnu  ! 
Ma  main,  arrachant  la  toilette 
Oui  parc  tes  membres  raidis, 
N'a  découvert  qu'un  froid  sqaelette, 
Espérance,  je  te  maudis  ! 

J'ai  soif  de  tout  ce  que  la  vie 
Donne  aux  élus  de  ses  banqiiels, 
J'aspire  aux  bonheurs  qu'on  envie 
Et  que  toujours  tu  nous  promets! 
L'amour  est  pour  moi  lettre  morte, 
Si  j'entrevois  son  Paradis, 
Mou  front  heiule  en  vain  à  la  porle. 
Espérance,  je  te  maudis  ! 

A  l'homme  acceptant  la  détresse, 
Si  tu  parles  de  jours  meilleurs. 
Tes  fausses  paroles,  traîtresse. 
No  font  qu'éveiller  ses  douleurs  ! 
Ta  main  à  nos  regards  étale 
Des  biens  qui  nous  sont  interdits. 
C'est  le  supplice  de  Tantale. . . 
Espérance,  je  te  maudis  ! 

As- tu  de  celui  qui  t'implore 
Réalisé  les  vœux  ardents  ? 
De  ceux  que  ta  fièvre  dévore. 
As-tu  soulagé  les  tourments'? 
Quand  chaque  jour,  je  vois,  ù  rage. 
L'avenir  qu'à  tous  tu  prédis 
N'être  qu'un  décevant  mirage, 
Espérance,  je  te  maudis  ! 


Immobile  et  froide  statue. 

En  vain  l'on  to  couvre  de  fleurs. 

Ton  silence  cruel  nous  tue, 

A  nos  yeux  tu  laisses  les  pleurs  ! 

Puis,  quand  on  perd  tout  ce  (ju'on  aime 

Et  quand  les  sens  sont  refroidis. 

Tu  t'enfuis  à  l'heure  suprême . . . 

Espérance,  je  le  maudis  I 

Victor  Rabineau. 


BALLADE  DE   L'ACADEMIE   FRANÇAISE 


Dieu!  quelle  ivresse  exubérante 
Cette  nuit  tint  mes  yeux  ouverts  ! 
Hier,  après  un  banquet  de  trente 
Francs  par  tête  et  de  cent  couverts. 
Un  poète  de  Moscou,  vers 
Minuit  ou  minuit  et  demie. 
Me  demandait,  à  mots  couverts. 
Si  j'étais  de  r,A.cadémie  "? 

!Monsieiir,  dis-je,  san^..les  quarante 
Le  monde  irait  tout  do  travers  ; 
Leur  assemblé»  incohérenilo 
Faitl'Uaion  de  l'Uaivers. 
A  l'aspect  des  nobles  revers 
La  Vertu  se  sent  raffermie  ; 
Que  j'aurais  de  beaux  habits  verls 
Si  j'étais  de  l'Académie  ! 

Être  imuiorlel!  joie  enivrante  ! 
A'ivre.  et  ne  plus  compter  d'hivers  ! 
Rire  de  la  mort  conq.uérante  ! 
Vous  que  Butfon  classe  en  divers 
Genres,  animaux  très  pervers, 
Pour  faire  un  cours  d'anatomie, 
Vous  n'auriez  pas  ma  tombe,  ù  vers. 
Si  j'étais  de  l'Académie  ! 

Envoi 

Vertu  si  rigoureuse  envers 
Ma  prose,  adorable  ennemie. 
Je  vous  célébrerais  m  vers. 
Si  j'étais  de  rAcadémie. 

Francis  Melvil. 


LE  PETIT  RUISSEAU. 


Tout  près  du  village 
Goule,  sous  l'ombrage. 
Un  petit  ruisseau. 
Chaque  joui'.  Jeannette, 
Petite  coquette. 
Se  mire  dans  l'eau 
Du  petit  ruisseau. 


220  , 


LA  CHANSON 


Quand  sa  tète  bloucU- 
Keûète  dans  l'onde 
Du  petit  ruisseau  ; 
La  verte  nature 
Fait  une  bordure 
Au  charmant  tableau 
Peint  dans  le  ruisseau. 

Biaise,  sous  rombrai^e. 
Contemple  l'imago 
Bans  le  frais  ruisseau. 
Quittant  sa  cachet  le. 
Il  va  vers  Jeannette 
Et...  sourit  dans  l'eaji 
Du  petit  ruisseau. 

Jeannette  s'effraie. 
Biaise  rit,  bégaie, 
Tout  près  du  ruisseau. 
Jeanne  est  belle  lille. 
Biaise  est  un  beau  drille 
Que  l'amour  est  beau  ! 
Dis,  petit  ruisseau? 


A.    IIuCiEMX. 


C'EST    LE   PRIi\'TEMPS 

Paroles  de  Auguste  Gouis.  Musiqucde  Jules Raux 


mu  _    re.'La.mi   so.Ieil   fait    on_bli-er   Fh! 
Moder.ito. 


De        !e    .      tn    -    ble,  é     cliap  _ 


^ 


^ 


mr-^   .,L-.^ 


pés,  ilea  bfuns  trou. peaux    bon 

dis    .     sent;    Sfon    .    tant    vers       le        ciel 


^^^^^^M 


'''^D'  .    les        ohorî_sons      re  _   tea 

Andante  rîlenuto. 


Sur  l'Océan,  oii  le  marin  s'élance 
Le  ciel  s'éclaire  et  la  brume  s'enfuit  : 
L'astre  superbe  et  généreux,  dispense 
Ses  rayons  d'or,  par  lui  tout  resplendit. 
Qu'importe  maintenant  la  foudre  et  la  tempête  ? 
On  se  rit  du  danger,  et  gaiement  on  répète 
Sans  souci  des  autans 
Les  refrains  éclatants 
C'est  le  p' intemps,  c'est  le  printemps! 

Dans  ce  sentier  oii  l'insecte  bourdonne, 
Deux  amoureux  cheminent  enlacés, 
La  jeune  fiUe,  heureuse,  s'abandonne 
Aux  longs  baisers,  sans  jamais  dire  :  assez 
C'est  que  de  tous  les  cœurs,  en  ce  moment  suprême, 
Comme  un  hymme  divin,  sortent  ces  mots:  je  t'aime. 
Pendant  cet  heureux  temps 
Tout  le  monde  a  vingt  .ins 
C'est  le  printemps,  c'est  le  printemps! 


champs;  C'est  leprinteni^GjCtczt   !g  prîr.t^nîps 


UN  RIEN 


Oui,  j  ai  i-AilVAmant  d'Ainanda'. 
C'est  un  crime  et  je  m'en  confesse. 
D'autant  plus  que  ce  refruin-là 
Quand  je  l'eus  commis  m'attira 
Toutes  les  foudres  de  la  presse, 
A  ceux  que  ce  chant,  quoi  qu'ancien, 
A  cette  heure  encore  indispose, 
J'offre  ces  vers,  et  je  prévien 
Qu'ils  sont  intitulés  Un  rien. 
—  Un  rien  c'est  encor  peu  de  chose  — 
Que  voulez-vous,  en  vers,  en  prose, 
On  fait  comme  on  peut  :  mal  ou  bien. 


N'est-ce  pas  que  pour  nous  la  vie  a  bien  des  charmes. 
Quand,  frappant  et  nos  sens  et  notre  esprit  distrait, 
Un  rien  vient  à  nos  j'eux  puiser  ces  douces  larmes 
Qu'on  aime  à  verser  en  secret  ! 

Le  portrait  d'un  parent  toujours  plein  de  tendresse, 
La  lettre  d'un  ami  qui  ne  sait  point  tromper, 
La  boucle  de  cheveux  qu'une  folle  maîtresse 
A  vingt  ans  nous  laissa  couper. 

La  pâquerette  sèche  en  un  livre  enfermée. 
Rappelant  la  pelouse  où  simple  elle  brillait, 
La  plante  des  jardins  qu'en  mars  on  a  semée 
Et  qu'on  voit  fleurir  en  juillet. 

Un  chant,  une  couleur,  une  forme,  une  date. 
Un  parfum  que  ramène  un  souffle  des  zéphirs. 
Un  rien  peut  retracer  à  l'ànie  délicate 
Tout  un  monde  de  souvenirs. 

Emile  C.iCRÉ. 


LA  CHANSON 


221r 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Alcazap  d'kÏA'ep.  —  L'Enlèvement  des  Satines, 
opérette  ea  uu  acte  de  M.  A.  de  Jallais,  musique  de 
Ch.  Hubans,  interprétée  par  MM.  Limât,  Hervier, 
Henriot,  Villemin,  Staiaville;  Mmes  Dufresny,  Mau- 
rice, Hens,  André  et  Noblet,  tient  gaillardement  l'af- 
fiche depuis  trois  semaines  et  restera  probablement 
au  programme  jusqu'à  la  première  représentation 
de  la  Revue  de  fin  d'année  que  l'on  répète  active- 
ment en  ce  moment. 

Dans  les  intermèdes,  Mlle  Duparc,  l'ex-pension- 
naire  de  l'Eldorado,  détaille  les  chansonnettes  à 
diction  avec  beaucoup  de  succès.  M.  Libert  et 
Mme  Elisa  Faure  se  l'uni  aussi  applaudir  à  outrance. 


Scala.  —  Samedi  dernier,  ce  concert  nous  a 
donné  la  primeur  d'un  vaudeville  en  un  acte,  de 
M.  Jouhaud  :  Le  Manyenr  de  ne:,  qui  a  élé  bien 
accueilli  par  le  public  et  interprété  convenablement 
par  MM.  Bérod,  Paul  Berl;  Mmes  Blockelle  et 
Aimée. 

M.  Bruant  devait  faire  la  Ravue  de  fin  d'année, 
en  collaboration  avec  M.  Jules  Jouy,  mais  ce  dernier 
ne  s'étanl  pas  présenté  à  la  Soala,  depuis  près  de 
quatre  mois,  la  collaboration  lui  a  été  retirée,  et 
donnée  à  M.  Lucien  Roubind. 

Depuis  quelques  temps,  Bourges  chante  Mam' 
zclle  Clignancourt,  nouvelle  rengaine  de  M.  Arislide 
Bruant,  qui  est  répétée  par  toute  la  salle. 

Il  y  a  eu  trois  créations  samedi  : 

'■."  que  veut  Jeannette ,  par  M1U>  Liovenl  ; 

Essayez  d'  vous  eu  passer,  par  Mme  Kaiser; 

Et  Gomme  élastique,  par  M.  Pichat. 

XIX"  Siècle.  —  (lu  ap[)laudit  chaqLie  soir 
Dehailleul  Aiws,  Le  verre  de  la  jeunesse,  et  la  gracieuse 
tlabrielle.  Delassau  dans  Ma  Martinique.  Ces  deux 
charmantes  compositions  soûl  do  L.  G.  Desormes, 
le  syiiipalhi(iuo  maestro  qui  condiiil  rorcheslro  du 
XIX»  Siècle  avec  un  brio  extraordinaire. 

L'ouverluro  de  Guillaume  Tell,  parlai lemont  exé- 
cutée, enlève  surtout  les  bravos  du  public. 

lucessammeut,  à  ce  concert,  première  audition  de 
On  peut  s'entendre,  romance-historiette,  paroles  do 
L. -Henry  Lecomle,  musique  de  Jules  Raux,  chantée 
l>ar  Debailleul. 

Folies  Si^int-lMartin.  —  Samedi  ont  eu  lieu 
les  débuts  de  Mme  Faure,  chanteuse  patriotique,  et 
de  Mme  Domérgue  de  la  Seala. 

Cette  soirée  de  début»  était  en  même  temps  celle 
d'adieux  de  M.  Pissarello  et  de  Mlle  Djelma.  Après 
les  rappels  de  ces  deux  artistes,  M.  Albert  NicoUe, 
'e  régisseur,  leur  a  remis  une  couronne  de  lauriers 
et  a  exprimé  au  nom  de  la  direction  et  des  artistes 
des  Folies  Saint-Martin,  tous  les  regrets  qu'ils 
éprouvaient  de  leur  départ  forcé.  Ces  srlisles  qui 


étaient  aussi  très  aimés  du  public  ont  reçu  des  ova- 
tions de  la  part  de  ce  dernier. 

Edgard  et  sa  Bonne,  vaudeville  en  un  acte,  a  été 
interprété  par  MM.  Alberti,  Denneville,  Gassouin; 
MMmes  Roger,  Braux  et  Betty. 

Le  litre  de  la  revue  en  six  tableaux  que  l'on 
répète  activement  est  :  Ouvrons  l'œil  I  elle  a  pour 
auteurs  MM.  Michel  Bordet  et  Edouard  Aupto,  la 
musique  est  de  M.  Ch.  Lefaj'-,  chef  d'orchestre  des 
Folies  Saint-Martin. 

La  direction  qui  fonde  des  espérances  sur  cette 
revue  a  fait  de  grands  frais. 

Six  décors  ont  été  commandés  à  M.  Cornil,  et 
soixante  costumes  neufs  vont  être  livrés  par  la 
Maison  Landolf. 

Attendons-nous  à  voir  des  merveilles. 

Pour  terminer  annonçons  que  M.  Denneville  chan- 
tera sous  peu  Eles-vods  comme  moi"?  la  fine  chanson- 
nette de  notre  rédacteur  en  chef,  L. -Henry  Lecomte. 

Ha-ta-clan.  —  L'abondance  de  copie  nous 
oblige  de  remettre  au  prochain  numéro  le  compte 
rendu  de  ce  concert.  Annonçons  cependant  une 
nouveauté  qui  obtient  beaucoup  de  succès  :  Viens 
dans  mon  bateau,  romance  de  M.  Ferdinand  Pelletier, 
musique  de  Cb.  Thony;  interprétée  par  M.  Gon- 
thier.  Alfred  Bertinot. 


flINER  eu  EEfiCtE  PIGALIE 

13  novembre  ISSO. 
Cahen  a  décrété  :  qu'en  novembre,  le  treize. 
Un  samedi,  le  cercle  assemblait  ses  amis.  — 
Il  m'a  fait  Président. — Que  les  Dieu.'c  soient  bénis. 
Bien  qu'un  pareil  honneur  me  mette  mal  à  l'aise. 

Chez  Laurent,  boulevard  Clichy,  soixante-seize, 
Et  moyennant  trois  francs  cmquante,  vin  compris. 

Nous  dînerons  ensemble  et  nous  sortirons  gris 

De  douce  mélodie  et  de  gaité  française. 

A  sept  heures  un  quart  en  dernière  limite 
Laurent  attaquera  sa  plus  grande  marmite 
Et  nous  dira  bien  haut  :  ces   Messieurs   sont  servis  ! 

Pour  la  vieille  Chanson  risquez  celte  escapade, 
Et  tâchez  d'entraîner  quelque  gai  camarade. 
Car  les  amis  de  nos  amis  sont  nos  amis. 

LÉON   BocyuET. 
C'est  en  ces  termes  que  le  président  invitait  à  se 
rendre  au  13"=  diner  du  Cercle  Pigalle. 

M.Chenevardaporté  un  toast  envers  excellemment 
bien  tournés  :  l'éloge  de  Bocquel,  qui  a  oblenu  un 
succès  énorme,  et  dont  on  a  volé  l'impression  à  l'u- 
nanimité. 

M.  Lagoguey  a  dit  d'une  façon  charmante  Je  veux 
monter  l'escalier,  dont  il  est  l'auteur,  et  y»  neveitx 
pas  descendre  l'escalier,  de  son  ami  Demeuse. 

M.  Bocqaet  a  dit  Et  avec  ça  ?  une  excellente  com- 
position. 

M.  Copin  a  dit  le  Caleçon,  d'une  façon  désopi- 
lante. 


^22; 


LA  GHANSOIf 


M.  Bobertle  rondeau  de  Paris-Murcie.  qu'il 
interprétait  dans  la  revue  du  Cercle  Pigalle  Oîm, 
qu'est  mon  Dab  ?  . 

J'en  passe...  et  des  meilleures. 

Mais  le  clou  de  la  soirée  a  été  pour  le  gai  chanson- 
nier  bien  connu,  M.  Doyen,  qui  a  interprété  plu- 
sieurs de  ses  compositions,  entr'autres  Pitanchart, 
cette  chanson  a  reçu  une  ovation  bien  justement 
méritée,  plus  un  excellent  conte  de  Demeusc  fort 
bien  dit  par  l'auteur,  à  qui  M.  Bocquel  a  décerné 
la  présidence  pour  le  prochain  diner  du  13  décem- 
bre. 

En  somme,  excellente  réunion,  qui  assure  une  fois 
de  plus  le  succès  de  ces  dîners. 

BANQUET  DES  SOCIËTÉS  LYRIQUES 

Dimanche  l-i  novembre  a  eu  lieu,  23,  Faubourg 
du  Temple,  le  premier  banquet  des  présidents  et 
vice-présidents  des  sociétés  -LyrUjvxs  ei,  Dramati- 
ijues  du  département  de  la  Seine. 

Ce  banquet  avait  été  organisé  par  les  soins  du 
Comité  des  Concours  Dramatiques  et  Lyriques. 

A  deux  heures  on  se  mettait  à  table,  sous  la  pré- 
sidence de  M.  Alfred  Leconle,.  le  sympathique, 
député  de  l'Indre. 

La  belle  salle  très  spacieuse,  que  M.  Orange  avait 
fait  terminer  à  la  hâte,  offrait  tout  le  conforiable 
désirable.  (Cette  salle  une  fois  complètement  agencée 
pour  les  sociétés  lyriques  sera  une  des  plus  belles 
de  Paris). 

Les  assistants  semblaient  tous  très  heureux  de  se' 
trouver  ainsi  réunis.  Aussitôt  après  le  dessert, 
M.  Leçon  te  a  remis  à  chaque  membre  du  comité, 
au  iiombre  de  dix-neuf,  une  médaille  en  argent, 
iïnp'pèe  Sfiécialement  et  portant  le  nom  de  chaque 
membre  du  comité  ;  cette  médaille  était  offerte  gra- 
cieusement à  ses  collègues,  par  le  vice-président  du 
comité,  M.  Edouard  Philippe,  l'auteur  dramatique, 
connu  de  tous  par  ses  succès,  notamment  Casque  en 
Fer,  au  théâtre  du  Château-d'Kau. 

Après  la  distribution  des  médailles,  M.  Leconte 
a  fait  un  discours  des  plus  intéressants  sur  la 
musique,  la  Chanson  et  les  sociétés  Lyriques  ; 
ce  discours,  d'une  importance  incontestable,  méri- 
terait d'être  reproduit  en  entier,  malheureusement 
son  étendue  nous  prive  de  le  mettre  souslesyeuxde 
nos  lecteurs. 

M.  Delaporte  président  du  comité,  a  ensuite  dit 
quelques  mots  sur  l'association  des  Sociétés  et  a  en- 
suite prié  M.  Durrieu,  secrétaire  général,  de  bien 
vouloir  nom  mer  les  Sociétés  représentées  au  banquet. 
Avant  l'appel  des  Sociétés,  M.  Durrieu  a  prononcé 
l'allocution  suivante,  au  nom  du  comité  : 
Messieurs  et  chers  collègues, 

lî^ous  vous  remercions  de  tout  cœur  de  vous  être 
rendus  à  notre  appel.  Nous  espérons  que  nous  serons 
plus  nombreux  à  notre  prochain  banquet  et  que  les 
sociétés    Lyriques  et  Dramatiques    répondront    de 


plus  en  plus  aux.- eflbrts  faits  par  le  comité.  Kos 
grandsicorujoàrsîie  peuvent  que  gagner  à  la  rèuaion 
fréquente  des  présidents,  qui  par  leur  intluence 
peuvent  entraîner  leurs  sociétés  à  venir  se  grouper 
autour  de  notre  comité.  .■.-■•     ■•^<^.J/, 

Voici  la  liste  des  Sociétés  présentes  au  banquet:'' 
La  Française,  -l'Avenir  Artistique,  l'EcJio  âe  la' 
Chamon,,  V  Union  Française,  la  Lyre  de  la  GaHé, 
V  Union  Parisienne,  la  Lyre  Amicale,  le  Cercle  Musset^ 
la  Pensée,  les  Epicuriens,  le  Cercle  Artistique  du- 
XIV"  -'arrondissemeut,  les  Amis  de  la  Concorda,  les 
Enfants  d'Ajmllon,  la  Lyre  Méridionale,  le  Franc 
Rire,  les  Amis  Insé/iar ailes,  les  Amis  du  Travail,  les 
Enfants  des  Marais,  les  Enfants  de  la  Seine,  la  Muse 
Gauloise,  les  Gais  MoniKsiens,  la  Lyre  Répitblicaine, 
r Union  et  Gaité,  ï' Union  des  Familles;  complétons 
cette  liste,  MM.  Alfred  Leconte,  député,  Delaporte, 
Orange,  et  A.  Palay,  directeur  du  journal  La  Chan- 
son. Eu  tout  une  soixantaine  de  convives. 

M.  Philippe  a  fait  ressortir  combien  le  mandat  de 
secrétaire  était  un  poste  d'honneur,  qui  exige  beau- 
coup de  dévouement,  de  grands  sacrifices,  et  que  l'on 
devait  savoir  gré  à  M.  Dim'ieu  de  le  remplir  avec 
tant  de  zèle.  Diflérents  toast  Ont  été  portés  par 
MM.  Dupont,  l-Iermann,Tostaint,  puis  le  Champagne 
a  été  gracieusement  offert  par  M.  Orange.  M.  Leconte, 
le  président  d'honneur,  a  dit  une  pièce  de  vers  de 
lui  fort  applaudie,  que  nous  publierons  dans  notre 
prochain  numéro.  M.  Massé,  président  des  Epicu- 
riens, Société  fondée  en  1819,  a  chanté  une  chanson 
de  lui,  musiqiie  de  Blondel  ;  les  chants  ont  conti- 
nué jusqu'à  sis  heures,  puis  on  s'est  séparé  en  se 
promettant  de  se  retrouver  bientôt:  A.  P. 


Une  nouvelle  assemblée  générale  aura  lieu  pro- 
chainement, nous  l'annoncerons  dans  le  prochain 
numéro,  le  journal  La  Chaïuon  étant  l'organe  du 
comité. 

Le  grand  bal  offert  par  M.  Orange,  à  toutes  les 
Sociétés  lyriques,  aura  lieu  le  18  décembre. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Le  samedi  G  novembre,  les  Sociétés  l'Kttiowi'ffri- 
sienne  et  la  Lyre  de  la  Gaité,  ont  donné,  au  local  de 
cette  dernière,  18,  rue  Descartes,  une  soirée  extraor- 
dinaire au  profit  d'une  bonne  œuvre  —  il  a  suf  i  de 
faire  savoir  ce  but  pour  que  tous  nos  amis  répondent 
à  notre  appel.  La  salle  était  comble  —  et  beaucoup 
d'absents  avaient  jiris  des  billets  de  tombola. 

Tous  les  visiteiu's  ont  apporté  leur  lot,  sans 
compter  ceux  achetés,  il  y  en  avait  84.  —  Quelques 
artistes  ont  prêté  leur  concours  mais  leurs  noms 
m'échappent.  —  Notre  bon  camarade  ou  plutôt 
notre  ami  dévoué  Adrien  Souchet  a  eu  les  honneurs 
de  la  soirée,  et  c'est  vraiment  un  dévouement  de 
partir  à  11  heures  passées  du  boulevard  des  Inva- 
lides pour  venir  rendre  service  près  de  l'Ecole  poly- 


LA  CHANSON 


223 


Iccliuique  —  mais  là  où  il  y  a  une  bonne  action  à 
faire  —  on  peut  toujours  compter  sur  le  hon  cœur  du 
joyeux  comique  et  spirituel  chansonnier. 

On  s'est  séparé  à  '2  heures  du  matin;  le  produit  de 
la  recette  a  été  déposé  entre  les  mains  d'une  Com- 
mission composée  de  3  membres  qui  se  sont  rendus 
au  domicile  des  bénéficiaires  le  lendemain 
dimanche,  et  ont  accompli  leur  mandat  à  la  satisfac- 
tion des  personnes  auxquelles  ils  eu  ont  rendu 
compte. 

Signalons  aussi  madame  Adèle,  qui  a  puissam- 
ment contribué  au  placement  des  billets  par  sa  gra- 
cieuse et  joyeuse  insistance  et  qui  nous  a  tous  mis 
en  gaité  par  ses  refrains  modulés  avec  un  brio  dont 
serait  jalouse  plus  d'une  artiste  en  renom  de  nos 
concerts  parisiens.  Hyppolyte  Guiche. 

Le  dimanche,  1-i  novembre,  les  aais  momusiexs 
ont  donné  une  brillante  représentation  dans  la  salle 
des  FOLIES  PARISIENNES,  ancieii  alambhra,  2'ù,  fau- 
bourg du  Temple. 

Faire  un  compte-rendu  détaillé  de  celle  soirée  est 
presque  impossible,  vu  le  grand  nombre  de  chan- 
teurs qui  se  sonl  fait  entendre.  Nous  constaterons 
seulement  que  la  salle  était  comble  el  que  tous  les 
artistes  qui  prêtaient  leur  concours  ont  rivalisé  d'en- 
irain.  Plusieurs  d'entre  eux  môme  ont  fait  grand 
plaisir  el  ont  obtenu  les  honneurs  du  bis.  Nous 
avons  remarqué  plus  particulièrement  l'excellent 
compositeur  Collignon  qui  a  chanté  deux  de  ses 
œuvres  et  a  été,  sans  contredit,  le  roi  de  la  soirée. 

Les  représenlalions  ordinaires  des  Gais  Momusiens 
on  t  lieu  tous  les  dimanches,  maison  Orange,  Si,  fau- 
bourg du  Temple,  salle  du  premier  étage . 

La  Société  lyrique  I'a venir  artistique,  ".o,  rue 
l'astourelle,  a  donné  une  grande  représentation 
extraordinaire,  le  M  courant,  pour  l'inauguration  de 
sa  salle  eomplétemenl  remise  à  neuf. 

Dans  la  partie  sérieuse,  MM.  Boue  et  Champigni 
ont  été  vivement  applaudis  :  le  premier  dans /«  Temps 
des  Cerises  et  le  second  dans  VOmbre.  Mlle  Berthe 
B...  a  chante  la  Créole  d'une  façon  charmante  el 
M  Fabre  a  détaillé  parl'ailement  Si  j'étais  Roi. 

Le  genre  comique  élail  moins  bien  représenté. 
M.  Adenot,  qui  a  débité  le  Tribunal  en  sabots,  n'a  pas 
les  capacités  nécessaires  pour  chanter  le  répertoire 
Berthelier  qui  demande  beaucoup  de  finesse,  de  plus 
cet  amateur  a  dénaturé  l'air  de  celte  chansonnette, 
au  point  de  le  rendre  méconnaissable.  M.  Vermorel, 
un  comique  médiocre  et  sans  pitié  ne  nous  a  pas 
l'ait  grâce  d'un  couplet  de  C'est  logiqtie,  chansonnette 
qui  nous  a  paru  encore  plus  longue  et  plus...  en- 
nuyeuse que  de  coutume. 

Nous  avons  en  revanche  écouté  avec  plaisir  M. 
Varleiuunt  qui  a  récité  le  Recenaîit  d'une  façon  par- 
rait(^  èl  en  faisant  bien  ressortir  tous  les  passages 
marquants  de  cette  jolie  poé.sie. 

Salle  comble  le  mercredi  10  courant,  à  la  grande 
,reprébeutatioii  donnée  par  le  pinson  au  bénéfice  de 


noire  bon  camarade  Vaasl,  qui  part  pour  le  service 
militaire. 

Vaasl  qui  fréquentait  assidûment l'uniox  lyrique, 
LA  fantaisie  lyrique  et  le  pinson,  n'y  comptait 
que  des  amis  qui  ont  tenu  à  lui  prouver  leur  sym- 
pathie en  venant  prêter  leur  concours  et  contribuer 
au  succès  de  la  représentation. 

M.  Schuller,  des  concerts  de  Paris,  a  été  on  ne 
peut  plus  naïf  dans  ■TV aurais  jamais  cru.  Mlle  Mar- 
guerite a  détaillé  le  Sentier  coutert,  avec  sa  muti- 
nerie habituelle  el  la  petite  Charlotte  a  été  très  amu- 
sante dans  la  Camargo.  MM.  Beck  el  Blondei  oal 
été  aussi  vivement  applaudis. 

Le  Myosotis,  opén.'tte  en  un  acte,  interprétée  par 
MM.  Vaasl  el  Blondei,  a  fait  grand  plaisir.  L'homme 
n'est  pas  parfait,  le  vaudeville  si  poignant  du  re- 
gretté Lambert  Thiboust,  a  été  joué  par  Mme  Blon- 
dei, Mlle  Marguerite  ;  MM.  Vaasl,  Blondei  el  votre 
serviteur.  Ayant  tenu  un  rôle  dans  celle  pièce,  je 
ne  me  permettrai  pas  de  donner  mon  avis  sur  l'en- 
semble de  l'exécution. 

Je  dirai  seulement  que  le  public  a  fait  relever  le 
rideau  et  a  redemandé  les  interprètes. 

Alfred  Bertinot. 

Nous  avons  assisté  samedi  à  la  soirée  donnée  par 
la  Société  lyrique  les  enfants  du  franc-rire 
(maison  Rosel,  rue  do  Belleville,  27),  à  leur  sympa- 
thique secrétaire,  M.  Walelet,  sous  la  présideuce  de 
MM.  Renoult,  des  amis  inséparables,  el  Séguin,  du 

FBANC-1URE. 

Tous  nos  compliments  àM.  Seguin,  président  du 
FRANC-RIRE  pour  la  façou  intelligente  avec  laquelle 
il  a  conduit  cette  soirée.  Le  programme  était  des 
mieux  composés  et  plusieurs  morceaux  ont  obtenu 
les  honneurs  du  bis  malgré  l'interdiction  dont  ils 
étaient  frappés  vu  l'importance  du  programme. 

Nous  avons  entendu  MM.  Baldy,  des  folibs-bel- 
LEviLLB  et  Richard,  du  chalet,  qui  ont  eu  un  succès 
mérUé  avec  Midi,  Minuit.  Chapeau  bus  devant  la  Ré- 
imbliijue  et  Voici  la  liberté.  Puis,  M.  Michelle,  de 
l'ORPHEUM,  dans  Je  suis  Rampant,  a  obtenu  un  très 
légitime  succès  ;  c'est  un  type  pris  sur  le  vif.  M. 
Juvéual,  dans  une  poésie  qu'il  a  très  bien  dite,  el. 
M.  Gerbal,  dans  J vous  dis  c'que  j'peme,  ont  été  très 
applaudis. 

Du  coté  des  daines,  citons  en  première  Mme  Mi- 
Kelli,  qui  a  été  applaudie  à  outrance  avec  la  Mariée 
est  pompette,  qu'elle  chante  avec  une  gaité  commu- 
nicative  et  une  verve  endiablée;  puis,  Mme  Angèle, 
dans  les  couplets  du  Colonel,  chaolés  avec  erânerie  et 
Mlles  Cécile  et  Hélène  Helmi,  du  franc-rire  qui  ont 
chanté  le   dueilo  des  Brésiliennes  très  finement. 

Pour  bien  rendre  l'cH'el  de  celte  soirée,  il  faudrait 
citer  tout  le  monde,  notons  seiileineut  au  hasard 
Mlles  Berlin,  de  la  pépinière  et  Maria,  de  la  muse  ; 
ainsi  que  MM.  Vidmer,  des  folies  saint-Martin^ 
Victor,  Maillard,  Boy  et  Marins,  du  franc-rire. 

La  soirée  s'est  terminée  gaùnent  à  1  h.  du  matin 
par  une  magnifique  tombola,  et  l'on  s'est  séparé  eu 
se  donnant  rendez-vous  pour  le  lendemain  di- 
manche. 

Dans  sa  soirée  du  1 1  novembre,  la  Cordiale  n'a, 
pas  inscrit  moins  de  28  morceaux  à  son  programme  1 
el  encore,  u'avons-nous  pas  compris  dans  ce  nombre 
le  Péage,  une  saynette  très  bien  interprétée  par 
Mlle  Jeanne  et  M.  Bousquat. 

Afin  de  ne  pas  être  ditfus,  nous  classerons  les  ar- 
tistes d'après  leurs  genres.  Ainsi,  nous  ferons  remar- 
quer, dans  la  chansonnette  comique,  MM.  Mussler, 


224 


LA  CHANSON 


:Marie,  Bon, •  Grombach  et  Audouard.  Dans  le  récit 
riôus  citerons  MM.  Courtih  et  Àùvraj^ 

La  romance  a  été  bien  représentée  par  M  Xivelle 
dans  les  Rameaux,  et  M.  Emilher  dans  le  Déjeuner 
sur  Vherhe  Du  côté  des  dames,  Mlle  Adrienne  a  été 
charmante  avec  l'air  ùxl  Pré  aux  clercs,  Mlle  Jeanne 
.fort  gentillette  dans  Vrère  espérance,  et  Mlles  Jenny, 
Maria,  Yilmer  et  Eugénie  se  sont  montrées  fort 
agréables   dans  Mignon,   le  Lac,    la  Poupée,  et   le 


M.  Bousquat  nous  a  fait  entendre  le  Vieux  buveur 
de  vin,  une  des  bonnes  chansons  de  Jules  Radx  ;  l'ar- 
tiste a  su  en  tirer  des  effets  remarquables.  Toujours 
amusante,  dans  la  Noce  de  Phelipon,  Mlle  Julia  a  fait 
Toir  qu'elle  n'avait  rien  perdu  de  .sa  gaité.  Persuasif 
dans  l'explication  Vous  comprenez  iien?  M.  Jomain 
s'est  classé  au  premier  rang  des  comiques  de  nos 
sociétés  lyriques. 

La  Polia  des  asperges,  bien  écrite  et  très  dansante, 
a  été  exécutée  par  l'auteur  M.  Marcus  que  nous  féli- 
-titons  aussi  pour  le  soin  qu'il  apporte  à  l'accompagne- 
ment des  chants.  Dans  Saint  atc p-intemps,  Madame 
Adelgi  a  été  fort  gracieuse. 

M.  Jules  Raux  à  chanté  l'une  de  ses  compositions, 
J'en  raffole;  il  est  inutile  d'ajouter  que  l'interpréta- 
tion en  a  été  excellente.  J.  D. 


Dans  notre  dernier  numéro,  nous  avons  annoncé 
que  le  banquet  suivi  de  bal  de  nuit,  que  la  lyre 
AMICALE  donne  annuellement  à  l'occasion  de  la 
Sainte-Cécile,  aurait  lien  le  4  décembre  prochain 
dans  le  grand  salon  de  M.  Maurice,  avenue  de  Saint- 
'  Mandé,  42,  Paris. 

La  liste  de  souscription  pour  ce  banquet  fixé  à  7 
francs  par  personne  est  dès  à  présent  ouverte  et  l'on 
peut  se  faire  inscrire  soit  au  siège  de  la  Société,  6, 
iDOulevard  Sébaslnpbl,- les  jeudis  et  dimanche,  jours 
de  réunion,  soit  chez  M.  Dupont,  pirésident,  rue  du 
Parc-Royal,  k,  où  l'on'  peut  se  procurer  des  cartes 
d'invitation  gratuites  pour  le  bal. 

La  Lyre  Bienfaisa>-te  (1872-18801  présidée  par 
M.  Couvreur,  offre  à  tous  ses  amis  et  chansonniers 
un  Concours  de  chanson  :  i"  Le  sujet  est  au  choix  de 
l'auteur  mnis  ne  doit  pas  dépasser  60  vers  (refrain 
compris);  ■2"  Les  piècessevontromisesle  lïi  décembre 
au  plus  tard,  au  siège  de  la  Société,  0.  quai  Siiint- 
Michel,  9;  S"  Elles  seront  sans  signatures  sous  enve- 
loppe fermée  ;  une  2=  enveloppe  fermée  renfermera 
le  nom  de  l'auteur,  et  p<irtera  comme  suscription 
l'épigraphe  reproduite  en  tète  de  la  chanson  de  con- 
cours; -l"  Un  jury  de  3  membres  sera  tiré  au  sort 
parmi  tous  les  chansonniers  présents. 


La  Société  Chorale  et  Lyrique  les  Enfa/iits  de  la 
Seine,  donnera  son  bal  de  Sie-Cécile,  dans  son  local. 
20,  rue  Palestre,  le  samedi  14  décembre  1S80,  à 
11  heures  du  soir,  et  une  grande  soirée  lyrique  et 
dramatique,  dans  le  même  local,  le  19  décembre 
suivant  ;  une  grande  tombola  sera  tirée  à  l'issue  de 
cette  soirée. 


L'Union-  des  Charcutiers  donnera  mardi  23, 
salle  de  la  Redoute,  -S'n,  rue  J.-J. -Rousseau,  une 
grande  soirée  musicale  et  dramatique,  avec  le 
concours  du  Ctrcle  Musset,  présidé  par  M.  Durrigii,, 
et  la  fanfare  de  Montsoûris,  dirigée  par  M.  Malherme, 
on  commencera  à  8  heures. 


Au  théâtre  do  la  Gaité,  MM.  Coquélin  et  Faure  don- 
neront, le  2?.  novembre,  unereprésentation  au  béné- 
fice de  M.  Darcier.  le  compositeur  populaire. 

MmesThérésa  et  Céline  Montaland  prêteront  leur 
concours  aux  organisateurs. 


SEIZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du,  20  Novembre  au  20  Décembre 
Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  \"'  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


APPEl,  .V  TOUS  E,E«S  POETKfS 
Itans  notre  prochain  numéro,  nous  publierons  le 
programme  d'un  $;rand  conconm  poétique  ouvert 
pnr  JL.l  C'H.VRflSO.^'  du  1°'  IN'orembre  A  (in  février,  en 
iiièinic  teanpK  nous  publierons  les  noms  des  membres 
du  jury. 


AVIS  IMPORTANT 

IVoiis  prévenons  nos  abonnés,  qui  ne  nous  ont  pas 
encore  fait  parvenir,  le  montant  de  leur  réabonne- 
luent,  et  qui  ont  g:ardé  le  premier  numéro  de  novem- 
bre, que  nous  ferons  toucher  parla  poste  le  montant 
de  l'abonnement. 

En  cas  de  cessation  renvoyer  les  premiers  numéros 
do  novembre  avoc  le  mot  refa.sè  Bwèr  la  bande. 


]\ous 
tant  de 
dernier 
ik  nos  abonné 


ons  encore  reçu   des   réclamations,  consla- 

irrésularités  dan.iii    la  distribution  de  notre 

iméro.  ]%ous  ne  saurions  trop  reeoiamander 

d'adresser  directement  leurs  réclama- 


tions à  m.  Cocher^,  ministre  de.s  postes  et  des  télé- 
graphes, iV  Paris*. 

Ueaucoup  de  nos  acheteurs' au  numéro  se  plaignent 
de  ne  pas  trouver  %u\  CISA^'SOilî  dans  leur  quar- 
tier; nous  les  prions  instaniutent  de  la  réclauier  chez 
tous  les  libraôres,  marchands  de  journaux  et  dans 
les  kiosques,  Souvent  les  niarehauds  oublient  de  In 
BBïCttre  en  étalage,  ou  les  porteurs  négligent  d'en  faire 
le  dépôt:  nous  reeoEiiiniandons  à  tbus  ceux  qui  s'inté- 
ressenl  à  \jX  t'EIA.lfSOi^^  delà  demander  pui-3out  et 
de  nous  signaler  les  endroits  où  l'on  aurait  omis  de 
la  déposer. 

L..\  CIIA^SO.ir  doit  se  trouver  partout  dès  le  sa- 
medi matifli. 


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pour  Sociétés  Lyriques,  Chorales,  Maçonniques,  etc. 
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Paris,    10,    rue  de    U^ialle,    lo,   Paris 

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Le  Directeur-Gérant  ;  A.  PATAY. 
Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  et  l/ie,  6,  rue  Martel» 


3»  ANNEE.  —  N»  89. 


lO  CENTIMES. 


28  NOVEMBRE  1880 


LA   CH 


mrecteur-Admimstrateur  JOURNAL  DE  MUSIOLIE    POPULAIRE  *^^'*^''"'«*'«^*^«'^«"» 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES  — 

~                      Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts  Annonces, la ligne...   i   . 

Laehanson  est  une  forme  alléeel             lï  atj  atqc  a  w-p  >ii/-kTTc  t  1:10  r\T«ir  a  »t^»t^-.  Réclames,        —             2    t 

charmante  de  la  pensée.  Le  couplet  JPARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES  

'St  le  gracieux  frère  de  la  strophe.                                                      __  Lachanson,commelalialoi>nell» 

V   HUSO               T  *''  ""*  ^™°  française. 

Les  manuscrits   non  insérés   ne  seront  pas  rendus.  J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  GheF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8» 


SOMMAIRE  : 

Oi,ii.,c  iVhU-er.  paroles     D'EcoiM!     IjnmiT,   miiaicuje  Je  DuviL.  —Les  dn  comitc.  —  Programme  du   Iroisième    srand  concours  poéliq. 

l'ornugraphcs     (AcurM.K  Cahos).  —  Chapeau  bas   (Loin    Buusut).  '-  '    "'  *^,        .  .       „  «,„...''„'' 

—  Les    Trois  CkaiUres  (I!kiit]ikt).  —  Comilc  Lyonnais  poar  l'érec- 
lian  d'une  slalue  à  l'ierre  DupunI,   Circulaire  et    liste  des   membres 


f/e  la  Chanson.  —  C/ironii;ue    des    Concerl's    (F.     M.,    Alfkbo    BÉn- 
■)•  —  Croniqae  des  Sociétés  Lyriques  (Diyir3\    —  Choses    et 


A  ACHILLE  MILLIEN. 

CHASSE     O'HI^V'BFt 

Poésie  d' EUGÈNE  IMBERT,  Musique  de  DUVAL 


\ndantino, 

B  -  cou  -  tei  c'est     le     son    dn 


pon  .,   denl.                                    ï.'un    jeu  _  ne 
lin  peu  plus  vite. 

hom  .  me,  l'au  .  I re  t i e i  1 1  a r d ,  Pour  qui  les 
dan  .  gers  sont  des  fê  _  tes,  Par  le  Ter. 
glas,      sous     le         brouillard.  Pour 


^m 


suivant  d'in- no- cen  _  tes    bè    - 


ge  .  nets,  Chez  nous  dans    u  .    ne 


çhorobre    clirt-Vë',-         Xte pieds     tour.n^s     »ers. 
les         cjie-  oelâ.  Xour      i      tpuri 


£  .    «ou,  .. 


Bêles  et  gens  foat  leur  devoir  : 

La  meute  aboie  et  le  cerf  brame  ; 

Mais  qu'il  est  facile  à  prévoir, 

Le  dénouement  du  triste  drame  ! 

Ils  vont  revenir  triomphants... 

Nous,  rêvant  des  jours  plus  prospères, 

Nous  redisons  à  nos  enfanls 

Les  refrains  que  chantaient  nos  pères. 

J'entends  redoubler  les  abois  ; 

Le  pauvre  cerf  est  en  détresse. 

O  meute  féroce,  tu  bois 

Sang  et  haine  jusqu'à  l'ivresse. 

Que  le  ciel  pardonne  aux  cœurs  dur.i  ! 

De  l'humanité  le  vrai  signe, 

Pour  nous,  ce  sont  des  raisins  mûrs  : 

Neus  buvons  le  sans  de  la  vigne. 


226 


I-A  CHANSON 


Paix,  amour,  sont- ils  de  vains  mots, 
Lorsque  l'on  fraternise  à  table  ? 
L'homme  cruel  aux  animaux 
A-t-il  pitié  de  son  semblable? 
Laissons  dans  l'oubli  se  rouiller 
Les  outils  sanglants  de  la  guerre  ; 
Et,  puisqu'il  nous  faut  travailler. 
Travaillons  à  peupler  la  terre. 

A  peine  si  dans  le  lointain, 
Chiens  et  chasseurs  sa  font  entendre. 
Dans  la  plaine  le  bruit  s'éteint  ; 
Dans  l'âlre  le  feu  tombe  en  cendre. 
Le  vin  est  tari  dans  les  pots  ;    ■ 
Notre  porte  est  bien  verrouillée, 
Et  voici  l'heure  du  repos. 
Il  est  tard  :  adieu  la  veillée  I 

Ecoutez  :  c'est  le  son  du  cor  ; 
Dans  le  bois  les  échos  en  grondent. 
Pendant  qu'il  retentit  encor. 
Amis,  que  nos  voix  lui  répondent  ! 


LES  PORNOGRAPHES 

Rondeau-satire, .chanté par  Mme  Bordas 
Musique  de  Vachs 


Il  est  des  gens  qui,  dans  un  but  infâme, 
"Sèméiit  l'ordure  en  des  écrits  hideux  ; 
Honte  à  ceux-là  1  c'est  du  fond  de  mo:i  âme 
Uue  dans  ce  chant  je  proteste  contre  eux. 

Pour  fouailler  ce  troupeau  d'Epicurc, 
Pour  flageller  ces  marchands  éhontés, 
0  Juvénal,  donné  à  ma  voix  obscure. 
Donne  à  mes  vers  tes  accents  irrités 

C'est  plus  qu'un  chant,  c'est  un  cri  de  colère 
Qu'au  nom  de  tous  je  fais  entendre  ici  ; 
Moi  qu'on  nomma  la  Diva  populaire, 
Je  suis  du  peuple,  et  de  lui  j'ai  souci. 

Il  sait  combien  j'avais  lame  meurtrie, 
Quand  lui  montrant  la  patrie  en  danger, 
Je  lui  chantais  l'amour  de  la  patrie. 
Pour  lui  verser  l'horreur  de  l'étranger. 

Depuis,  ma  voix  a  salué  l'aurore 
De  la  justice  et  de  la  liberté  ; 
Semant  au  loin,  comme  un  écho  sonore. 
Ces  mots  :  Travail,  paix  et  fraternité. 

Mais  aujourd'hui,  devant  le  flot  qui  monte, 
De  ces  journaux  qui,  bravant  tout  mépris. 
Vivent  gaîment  de  scandale  et  de  honte. 
Et  qu'on  devrait  clouer  aux  piloris. 

Je  sens  en  moi  la  haine  qui  déborde 
Et  j'ai  besoin  d'exhaler  mes  dégoûts, 
Et  de  flétrir  en  mes  chants  cette  horde 
Dont  les  écrits  saliraient  les  égouts. 


Oui,  c'est  au  nom  des  mères  de  famille 
Dont  je  veux  voir  le  foyer  respecté, 
"Que  je  flétris  ces  feuilles  où  fourmille 
Non  pas  l'esprit,  mais  l'immoralité. 

Quoi  !  se  peut-il  qu'un  tel  commerce  dure  '? 
Non,  poursuivons  sans  merci  ni  quartier. 
Ces  débitants  d'infamie  et  d'ordure. 
Faisons  cesser  leur  ignoble  métier. 

Et  ces  gens-là,  gonflés  de  paillardise. 
Avec  aplomb  posent  pour  des  Tarquins, 
Et  désirant  vendre  leur  marchandise. 
Vont  se  disant  bien  haut  républicains  ! 

Nous  renions,  pour  nous,  ces  bons  apôtres, 
De  tels  farceurs  ne  sont  d'aucun  parti  ; 
Non,  non,  jamais  ils  ne  seront  des  nôtre?, 
Et  je  leur  dis  :  Vous  en  avez  menti  ! 

Croyez-le  bien,  nou=!  savons  qui  vous  êtes. 
Et  trop  longtemps  nous  fûmes  indulgents  : 
C'est  le  parti,  chez  nous,  des  gens  honnêtes, 
El  non  celui  de  vos  honnêtes  gens. 

Vous  regrettez  cette  époque  cynijue 
Où  le  pouvoir  était  aux  plus  tarés. 
Et  vous  voulez  salir  la  République, 
Mais  c'est  vous  seuls  que  vous  déshonorez. 

Qae  dirais-tu  de  leur  trafic  immonde, 
0  mon  poète,  ô  puissant  Juvénal, 
Si  lu  pouvais  lire  dans  l'autre  monde, 
Ce  qui  s'imprime  en  leur  impur  journal. 

Ressaisissant  le  fouet  de  la  satire. 
Toi,  du  devoir  ardent  porte-flambeau, 
A  leurs  récits  dignes  d'un  vieux  satire. 
Tu  bondirais,  indigné,  du  tombeau  ! 

Il  est  des  gens  qui,  dans  un  but  infâme. 
Sèment  l'ordure  en  des  écrits  hideux  ; 
Honte  à  ceux-là  !  c'est  du  fond  de  mon  âme, 
Que  dans  ce  chant  je  proteste  contre  eux. 
Achille  Cabon. 


CHAPEAU  BAS 


Chapeau  bas,  peuplades  d'Alsace, 
Gens  de  Lorraine,  chapeau  bas  1 
C'est  le  major  prussien  qui  passe. 
Le  gaillard  fait  quatre  repas, 
Le  double  ne  l'effraierait  pas. 

—  Chapeau  bas,  peuplades  d'Alsace. 

Pour  bien  il  n'a  qu'une  besace, 
Mais  si  large  que  les  ducas 
Par  milliers  y  trouveraient  place. 
Avec  un  fameux  cadenas. 
Croyez  bien  qu'il  le  cadenasse. 

—  Gens  de  Lorraine,  chapea'i  bas. 


LA  CHANSON 


227 


Ce  n'est  pas  qu'il  soit  bien  rapace  : 
L'or  n'a  pour  lui  que  peu  d'appas. 
Non  !  Le  défaut  de  sa  cuirasse 
C'est  le  cœur.  Deux  yeux  scélérats 
Devant  les  siens  ont  trouvé  grilce. 

—  Chapeau  bas.  peuplades  d'Alsace. 

Celle  qui  Ta  pris  dans  ses  lacs 
A  le  front  pur  comme  la  glace, 
La  main  et  le  col  un  peu  gras 
Et  son  teint  en  blancheur  efface 
L'œuvie  du  patriote  Strass. 

—  Gens  de  Lorraine,  chapeau  bas. 
Elle  annote  A'Kempis.  En  classe. 
Plus  forte  que  deux  lauréats, 

Six  bocks  ne  l'étonneraient  pas. 
Leibnitz,  Gœthe,  Fischer,  l'Atlas, 
Elle  mêle  tout  dans  sa  tasse. 

—  Chapeau  bas,  peuplades  d'Alsace. 
A  de  plus  robustes  appas 
Monsieur  parfois  livre  la  chasse  ; 

Il  aime  assez  la  populace  , 
Morbleu  1  qu'on  no  résiste  pas  ! 
Par  i'orce,  il  peuple  son  haras. 

—  Gens  de  Lorraine,  chapeau  bas. 
Peuples  do  Lorraine  et  d'Alsace, 

Subissez  tout.  Marchez  au  pas. 
Viol,  rapine,  assassinats, 
Subissez  tout,  maudite  race. 

—  Gens  do  Lorraine,  chapeau  bas. 
Chapeau  bas,  peuplades  d'Alsace  ! 

Louis  BUUNET, 

Saint-Benoit,  [lie  de  la  Réunion''. 
A  MES  CONCITOYENS 

tES  Tflois  mmm 

Provinois,  enfants  de  laBi'ie, 
Songez  dès  l'aube  du  malin. 
Aux  chansonniers  de  la  Voulzie, 
Et  du  lîttbis  et  du  Durtein. 

Je  vais  parfois  dans  la  verte  prairie. 
Située  au  pied  des  vallons  gracieux. 
Où  doucement,  serpçuite  la  Vpiilzie, 
Qui  fut  chantée  en  vers  harmonieux. 
Quand  je  parcours  dans  ma  vie  inquiète. 
Cet  admirable  et  limpide  ruisseau. 
Si  je  me  dis  quel  en  est  le  poète  ?     - 
L'écho  me  nomme  Hégésippe  lloreaw. 

Provinois,  etc. 
S'il  est  un  homme  à  l'âme  sympathique, 
Oh  !  n'est-ce  pas  le  chantre  du  Ruais  ! 
Dont  les  chansons  et  la  douce  musique, 
Ont  du  succès  en  province,  à  Paris. 
Dans  ses  refrains  il  réprouve  le  vice. 
Combat  l'erreur  funeste  à  la  raison. 
A-t-ou  besoin  d'un  éminent  service  ) 
L'écho  désigne  Emile  Oexiisson.- 
.Proyjijojs,  fete. 


J'aime  à  chanter  les  Bœufs,  la  Mère  Jeanne, 
Les  Louis  d'or,  les  sources  du  Diirlein, 
Le  Braconnier,  les  Sapins  et  mon  Ane, 
D'un  gai  poète,  aussi  grand  que  divin. 
N'est-on  pas  fier  qu'il  soit  originaire 
De  ce  pays  qui  l'a  rendu  fécond. 
Pense  Provins  au  barde  populaire. 
Répond  l'écho,  pense  à  Pierre  Dupont. 

Provinois,  etc. 

Si  j'ai  voulu  dépeindre  trois  poètes, 
C'est  que  je  suis  soumis  à  mon  destin. 
L'on  redira  longtemps  leurs  chansonnettes 
Et  le  Rubis,  la  Fermière  et  le  Pain. 
Je  le  désire  et  ne  perds  pas  de  vue, 
Que  j'ai  chanté  pour  ces  chers  troubadours. 
Ami,  ta  voix  sera-t-elle  entendue  ? 
Me  dit  l'écho,  dans  le  pays  des  sourds. 

Provinois,  enfants  de  la  Brie, 
Songez  dès  l'aube  du  matin. 
Aux  chansonniers  de  la  Vouleie, 
Et  du  Rtil/is  et  du  Durtein. 

Berthet. 


COMITÉ  LYONNAIS 

pour  PÉrection  d'une  «ttiktuo  &  Pierre  Dupont 


11  y  a  dix  ans,  le  2a  juillet  1870,  mourait  à  lyon, 
sa  ville  natale,  un  poète  cher  à  tous,  le  poète  des 
Uœufs,  de  la  Vigne  et  dnC/iant  des  ouvriers,  le  poète 
populaire  par  excellence,  Pierre  Dupont. 

Les  plus  intimes  de  ses  amis,  les  plus  zélés  do 
ses  admirateurs,  songèrent  de  suite  à  organiser  une 
souscriplionpourélever  un  monument  à  sa  mémoire. 
Leur  appel  trouva  bien  vite  un  sympathique  écho. 
Mais  la  souscription,  —  malgré  un  résultat  fort 
remarquable  qui  nous  fournit  aujourd'hui  un  noyau 
pour  une  souscription  nouvelle,  —  fut  presque  aus- 
sitôt interrompue  par  les  événements  terribles :de 
cette  époque. 

Et  depuis,  il  fut  impossible  de  redonner  l'élan  à 
cette  souscription  et  de  reconstituer,  un  Comité. 
Cependant  les  amis  fidèles  maintenaient  vivante' la 
mémoire  du  poêle,  —  un  de  ceux  d'ailleurs,  .qui  dé- 
fient l'oubli,  —  et  aux  jours  les  plus  douteux  , de  s«s 
dernières  années,  ils  ne  cessèrent;  de  se,:  rôuBiiîen 
des  banquets  attendris  et  égayés  par  le  S0UiSfè.Bi?'pt 
l'espoir;  chantant  ses  plus  belles  chanson.Sjtistr  cps 
chansons  que  l'on  néglige  trop  et  qui  ,dftiïlt»iMit 
pourtant  former  le  répertoire  constant,- le  répe-rtùffe 
le  plus  pur,  superbe  d'art  et  de  moralité,- de  nos 
soirées  privées  et  de  nos  fêtes  populaires.  —  -Ne 
point  laisser  oublier  ces  chants,  monument  impéris- 
sable dressé  par  le  génie  de  notre  poète,  c'était  un 
devoir  doux  et  sacré  ;  mais  il  en  était  un  autre  à 
accomplir,  lui  dresser  de  nos  mains  un  monument 
de  pierre  et  de  bronze,  et  nous  songions  toujours. 

A  ces  amis  nombreux  ,  l'heure  aujourd'hui  semblt 
arrivée  fie  reprendre  l'œuvre,  et  ijs  flç  doutyiiî.  pas 


228 


LA  CHANSON 


que  ne  leur  vienne  le  concours  de  tous.  Faisant 
appel  aux  esprits  désormais  plus  tranquilles,  aux 
souvenirs  qui  peuvent  remonter,  plus  libres,  à  des 
jours  restés  chers,  ils  demandent  à  tous  coopération 
de  cœur  et  d'obole  pour  la  consécration  de  celle 
grande  mémoire.  L'ancien  Comité  s'est  reconstitué 
sur  de  plus  larges  bases  pour  l'érection  du  monu- 
ment dû  au  poète  aimé. 

Est-il  nécessaire  de  rappeler  ce  que  fut  Pierre 
Dupont?  Est-il  nécessaire  de  justifier  ses  titres  à  une 
statue?  Quelques  mots  suffiraient  d'ailleurs. 

Des  poètes  dont  s'honore  notre  temps,  Pierre 
Dupont  fut  un  des  plus  grands,  et  incontestable- 
ment le  plus  pur,  le  plus  sain,  le  plus  vibrant,  le 
plus  vivant  de  la  vie  de  tous,  celui  qui  interprète  le 
mieux  —  et  il  fut  le  premier  à  le  faire  —  les  joies  et 
les  douleurs  du  travail,  du  travail  des  champs 
comme  du  travail  des  villes. 

Il  fut  tout  d'abord,  et  resta  toujours,  le  poète  des 
paysans.  Ce  fut  une  révélation  que  cet  écho  simple, 
rrai  et  pénétrant,  rendu  par  un  timbre  doux  autant 
C[ue  large  et  robuste,  de  la  nature  et  des  labeurs 
rustiques,  sans  art  factice,  avec  toute  la  grandeur 
de  la  terre  féconde  et  volontiers  conquise  par  l'outil, 
M'cc  toutes  les  vibrations  de  l'âme  humaine  sous  le 
soleil  et  dans  l'air  libre,  avec  toutes  les  inquiétudes 
des  semailles  et  de  la  moisson!  Et  le  poète,  à  travers 
champs  et  bois,  n'oubliait  rien,  ne  dédaignait  rien, 
i.i  l'animal  utile  et  bon,  ni  l'humble  véronique  au 
pied  du  grand  chêne.  Et  ce  fut  une  joie  de  trouver, 
pour  toutes  ces  sensations  qui  rafraîchissent  nos 
cjeurs,  des  couplets  naïfs  et  grands  qui  les  interpré- 
tassent si  bien  1 

Pierre  Dupont  fut  aussi  le  poète  des  ateliers,  des 
ateliers  noirs  des  villes.  Il  apporta  là  son  rayon  de 
soleil,  son  chant  de  consolation,  d'espoir  et  d'amour. 
Grâce  à  lui,  la  nature  avait  été  comprise  et  le  paysan 
aimé  ;  et  voilà  que  grâce  à  lui  encore  l'ouvrier  est 
réhabilité  et  le  travail  le  plus  obscur  glorifié  1 

Il  fut  aussi  —  et  tel  il  restera  dans  notre  histoire, 
en  outre  de  la  large  place  qu'il  occupe  daos  notre 
littérature,  —  le  poète  de  la  grande  révolution  de 
1848.  Les  rêves  généreux  de  cette  époque  se  réali- 
sèrent dans  ses  vers.  Il  revendiqua  les  droits  des 
classes  laborieuses,  btigmalisa  les  coalitions  tyran- 
niques,  glorifia  les  transportés  et  les  martyrs,  chanta 
la  paix,  la  justice,  le  progrès,  et  dans  ses  refrains, 
ouvriers,  soldats  et  peuples  s'unirent  en  ce  cri  : 
Aimons-nous! 

Donc,  ne  sommes-nous  pas  en  droit  d'élever  une 
statue  à  un  tel  homme  ?  Son  nom  et  son  œuvre  ne 
méritent-ils  pas  une  telle  consécration  ? 

Pierre  Dupont  est  une  de  nos  gloires  nationales  ; 
mais  il  est  surtout  la  plus  éminente  de  nos  gloires 
lyonnaises.  Non-seulement  Lyon  fut  sa  mère',  mais 
encore  c'est  la  beauté  de  nos  campagnes  qui,  dès  le 
plus  jeune  âge,  l'inspira,  et  sa  muse  s'agrandit  à 
contempler  et  à  célébrer  notre  ruche  laborieuse,  où 
l'écho  de  sa  voix  a  pénétré  plus  profondément  que 
partout  ailleurs. 


Avons-nous  donc  tort  de  croire  que  des  rives  de  la 
Saône,  depuis  Givors  jusqu'à  Couzon  et  Rochetaillée, 
de  la  plaine  dauphinoise,  de  nos  collines  travail- 
leuses, tous  répondront  à  notre  appel  ? 

Nous  devons  chanter  ses  chansons,  leçons  subli- 
mes, souffles  vivifiants.  Mais  nous  devons  aussi  éle- 
ver à  sa  mémoire  un  monument  qui  fasse  que  ne 
soit  point  mise  en  doute  notre  reconnaissance. 
On  a  mis  sur  nos  places,  en  fastueux  bronze,  des 

guerriers,  des  despotes Na  pourrons-nous  reposer 

nos  yeux  sur  la  statue  du  poète  dont' chaque  strophe 
fut  un  bienfait,  du  poète  de  la  nature  et  du  travail, 
de  la  paix,  de  l'amour  de  l'humanité  1 

Ce  monument,  simple  et  modeste  comme  Dupont 
l'était  lui-même,  a  sa  place  toute  désignée.  Nous  ne 
le  voulons  point  parmi  le  va-el-vient  de  la  foule 
affairée,  parmi  les  bruits  de  la  ville.  Mais  il  y  a  là 
bas,  dans  notre  beau  parc  de  la  Tête-d'Or,  dans  l'en- 
trecroisement des  allées  ombreuses  où  nos  ouvriers 
vont  se  reposer  après  l'CBUvre  accomplie,  des  recoins 
tranquilles  dont  de  grands  arbres  font  comme  des- 
niches verdoyantes,  où  les  oiseaux  chantent,  où  les 
fleurs  s'épanouissent,  proches  des  volières,  des 
pâturages,  des  étables.  Ahl  n'est-ce  pas  là  le  lieu 
qu'indique  le  caractère  général  de  l'œuvre  du 
poète?.... 

Mais  nous  laisserons  à  nos  artistes,  —  qui  ont 
tant  aimé  le  poète,  qui  sauront  mieux  que  nous 
quel  site,  quelle  pose  conviennent  à  sa  représenta- 
tion, —  la  douce  tâche  qui  leur  incombe.  A  nous 
tout  d'abord  de  leur  fournir  les  moyens,  de  nous 
cotiser,  de  stimuler  le  zèle  par  des  réunions,  par  des 
fêtes  lyriques.  A  nos  sous-comités  de  s'organiser, 
dans  nos  cantons,  dans  notre  département,  dans 
toute  la  France  même,  de  plusieurs  villes  déjà  des 
adhésions  nous  étant  venues.  Mais  à  Lyon  de  prê- 
cher d'exemple.  Car,  si  notre  cité  a  eu  la  gloire  de 
compter  parmi  ses  fila  Pierre  Dupont,  elle  a  le 
devoir  sacré  d'éterniser  son  souvenir. 

Nous  comptons,  nous  le  répétons,  sur  le  concours 
de  tous. 

Pour  le  Comité  : 
Louis  Garel. 

MEMBRES  DU   COMITÉ 


Andréa,  de  l'Echo  lyonnais. 

J.-B.  Andrieu,  président  des  Amis  de  la  Chanson. 
Annequïn,  homme  de  lettres. 
Burodot,  député  de  Paris. 

Belly,  président  de  la  Fanfare  "iea  Macchabées, 
Bijcaii. 

Blanche,  conservateur  du  théâtre  Bellecour. 
BonncI,  de  la  Lyre  Sacrée. 
liouïs  Calloin,  de  la  Lyre  lyonnaise. 
Causse,  président  du  Conseil  général. 
Chabcrt. 

Chantai,  de  la  Fanfare  lyonnaise. 
Chignard,  directeur  de  l'Harmonie  gauloise. 
Cbipier,  ancien  président  des  Fils  d'Orphée. 
E.CIaret. 

Victor  Clavel,  conseiller  municipal,   professeur    à  la 
Faculté  de  lettres. 


LA  CHANSON 


229 


O.  de  CoqucrcI,  artiste  peintre. 

Jules  Coélcs,  homme  de  lettres. 

Compara,  des  Amis  de  la  Chanson. 

Coste-Kiabaume,  directeur  de  la  Renaissance. 

Uaehot  Pierre,  homme  de  lettres. 

JuloH  lleconcloîN. 

J.    nc<|aorre,    professenr   de  philosophie    à    Lons-le- 

Saulnier. 
Sixte  Uclorme,  homme  de  lettres,  à  Paris. 
J.  Ucrriax,  homme  de  lettres. 

Félix  ncHvcrnay,  homme  de  lettre»,  directeur  de  Lyon- 
Revue, 
tj.  UcviUc,  avoué,  président  de  la  Fanfare  lyonnaise. 
nomccq,  de  l'Echo  lyonnais. 
Docteur  Oor,  président  de  l'Harmonie  suisse. 
Liucicn  Uorel,  étudiant  en  droit. 
V.  IluboNt,  de  Lentilly. 

Adrien  Duvand,  rédacteur  en   chef  du  Petit  Lyonnais. 
Fovrc,  vice-président  de  l'Harmonie  lyonnaise. 
Auguste  Ciiiillard,  conseiller  générai  de  l'isèrt:. 
Docteur  Ciuilleton,  président  du  Conseil  municipal. 
Charles  Ciailieton,  négociant. 
Qarel,  homme  de  lettres,  conseiller  municipal. 
Ganguet,  président  de  l'Harmonie  gauloise. 
Claude  Gauthier,  des  Amis  de  la  Chanson. 
Gaudin,  de  l'Harmonie  du  Rhône. 

liucien  Gencvray,   président  de  l'Harmonie  du  Rhône. 
Gcolfroy,  président  des  Enfants  a'Apollon. 
Genivet,  artiste  peintre. 
Georges,  bibliothécaire  du  Grand-Théâtre,  Fanfare  de 

Serin. 
Kiouis  Gilles,  président  de  la  Lyre  de  Perrache. 
Grand,  directeur  de  la  Gazette  des  Travaux  publics,   à 

Marseille. 
Uâpital, 

niarc  Jandard.   directeur  de  la   Fanfare  des  Sapeurs- 
Pompiers. 
I.iucicn  Jantot,  rédacteur  en  chef  du  Lyon  Républicain. 
«Voan  Javot. 
Jloussay.  artiste  peintre, 
J.  Liassalle,  du  Grand  Opéra  de  Paris. 
Liauascl,  directeur  de  l'Harmonie  lyonnaise. 
liévy,  chef  d'orchestre  de  Bellecour. 
A.  Liulgini,  chef  d'orchestre  du  Grand-Théâtre. 
Antoine  Eiuinièro,  photographe. 

Marais,  président  de  l'Union  mstrumentale  du   Rhône. 
Charles  Mcngin,  rédacteur  en  chef  du  Progrès. 
A.  Milliat,  directeur  du  Moniteur  de  l'Ain,  à  Bourg. 
Mortier,  de  l'Harmonie  gauloise. 
Mouroau,  homme  de  lettres. 
A.  Putoy,  directeur  deia  Chanson,  à  Paris. 
J.  l'crronnet,  étudiant  en  médecine. 
H.  Petotin,  à  Givors. 

Pierron,  président  du  Conseil  d'arrondissement. 
Ch.  Randu. 

Itibes,  professeur  au  Conservatoire. 
Camille  Koy,  du  journal  le  Passe- î'emps. 
Sabatier-Harthens,  rédacteur  en   chef  du  Courrier  de 

Lyon, 
Saint-Cyr-Girior,  artiste  peintre. 
Léon  de  Saint-Jean,  présidant  de  l'Union  lyrique. 
l'\  Sanaoze, 

Sarrazin,  homme  de  lettres. 
Sîrand. 

Joscphin  Soulary,  homme  de  lettres. 
Jean  Tisseur,  homme  de  lettres. 
Trives  François, 

Antony  Valubrcguo,  homme  de  lettres. 
Vcrd,  président  de  la  Chorale  de  Sainte-Clair. 
Vernay  François,  artiste  peintre. 

Vetterfils,  président  de  la  Chorale  des  Enfants  de  Lyon. 
Vidal,  de  la  Cécilienne. 
Vingtrinier,  bibliothécaire  de  la  Ville. 


SEIZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20  Novembre  au  20  Décembre 
Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la-  pièce  qui 
aura  obtenu  le  1'"'  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


TROISIÈME 


GRAND  CONCOURS  POÉTIQUE 

Du  Journal  La  Chanson 


Le  Journal  La  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes. 
11  met  aujourd'hui  au  concours  : 

1°  Un  monologue  en  vers,  de  240  vers  au  moins  et 
260  au  plus. 

Il  sera  décerné  trois  prix,  et  des  mentions  hono- 
rables, s'il  y  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  diplômes  spéciaux,  para- 
phés par  les  membres  du  jury.  Ces  diplômes  seront 
de  dimensions  calculées  pour  l'encadrement. 

Les  trois  pièces  primées  seront,  en  outre,  insérées 
dans  le  journal  La  Chanson. 

De  plus  le  premier  prix  publié  à  part  dans  une 
coquette  édition  illustrée,  sera  dit  en  public  sur 
une  de  nos  grandes  scènes  parisiennes. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites,  non 
signées  et  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  et  portant  extérieure- 
ment le  premier  vers  de  la  poésie  présentée. 

Le  Concours,  ouvert  le  l*"'  Décembre,  sera  clos 
fin  février. 

Nous  publierons  prochainement  les  noms  des  mem- 
bres du  jury. 

Toutes  les  communications  relatives  au  Concours 
doivent  être  adressées  franco  à  M.  A.  Païay,  direc- 
teur du  journal  La  Chanson,  rue  Bonaparte,  18,  à 
Paris. 


Plusieurs  journaux  ont  annoncé  qu'une  repré.îen- 
tation  extraordinaire  devait  avoir  lieu  mardi,  23  no  - 
vembre,  au  théâtre  de  la  Gaité.  Celte  représentation, 
qui  a  été  ajournée  au  2  décembre,  a  pour  but  de 
venir  en  aide  à  l'un  de  nos  plus  grands  compositeurs 
de  musique,  à  J.  Darcier,  ce  créateur  d'un  genre 
qui  déconcerte  certains  croque-notes  des  cafés-con- 
certs. 

Aujourd'hui  que  l'on  décore  et  pensionne  un  tas 
de  médiocrités  bruyantes,  qui  ne  rendront  réelle- 
ment de  service  à  la  société  que  le  jour  où  ils  plie- 
ront bagage  et  disparaîtront  de  la  scène  politique 
qu'ils  encombrent,  il  serait  curieux  d'énumérer  les 
titres  de  Darcier  à  une  récompense  nationale  quel- 
conque . 

Comme  artiste  et  comme  républicain,  Darcier  s'est 
fait  le  porte-voix  de  nos  aspirations  patriotiques,  et 
a  souvent  interprété  des  œuvres  où  les  revendica- 
tions sociales  étaient  fortement  accentuées. 

Les  nombreuses  mélodies  de  ce  maître  sont  là  pour 
éterniser  sa  gloire,  mais  cela  a  paru  insuffisant  à 
ses  camarades;  c'est  pourquoi  Faure,  Coquelin,  Thé- 
résa  et  autres  excellents  artistes,  ont  organisé  cette 
représentation  au  bénéfice  de  leur  célèbre  confrère, 
et  c'est  justice.  N'oublions  pas  que  les  chansons 
chantées  par  lui  dans  les  concerts  d'antan  ont  plus 
fait  pour  l'enseignement  des  masses  et  leur  morali- 
sation  que  tous  les  pompeux  discours  de  nos  députés 


230 


LA  CHANSON 


et  les  tartines  indigestes  de  nos  filandreux  écrivains 
de  toutes  nuances.  11  réveilla  les  sentiments  géné- 
reux et  les  passions  noblement  viriles  de  ce  grand 
peuple  dont  il  chantait  les  espérances,  et  prédisait 
constamment  le  triomphe.  Ouvrez  l'œuvre  du  maître 
et  vous  verrez  que  je  ne  surfais  en  rien  son  talent, 
pas  plus  que  je  n'exagère  en  taxant  d'ingratitude  ou 
tout  au  moins  d'indifférence  ceux-là  qui  ne  s'aper- 
çoivent pas  que  Darcier  commence  à  vieillir  et  qu'il 
n'a  d'autres  ressources  que  celles  dues  au  concours 
de  ses  amis  que  nous  félicitons  de  leur  initiative. 
And.  fiops. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


L'EItloi-ado  tient  un  grand  succès  avec  Coco 
Bel-Œil,  opérette  de  MM.  Péricaud  et  Delormel, 
musique  de  M.  Lucien  Gollin. 

Le  livret,  d'une  saveur  gauloise  assez  marquée, 
est  bien  scénique  et  fourmille  de  traits  amusants. 
Quant  à  la  musique,  tout  à  fait  charmante,  elle 
prouve  qu'il  y  a  en  M.  Gollin  plas  et  mieux  qu'un 
cjmpositeur  de  chansonnettes. 

L'interprétation  de  Coco  Bel-Œil,  confiée  à  Perrin, 
Gaillard,  Antony,  et  Mme  L.  Roland  est  de  tous 
points  excellente. 

Mlle  Amiati  a  fait  sa  rentrée  samedi,  après  une 
absence  de  trois  mois.  L'auditoire  a  fait  un  accueil 
enthousiaste  à  la  sympathique  diva,  qui  a  repris 
quelques-uns  de  ses  succès  en  attendant  la  création 
très  prochaine  de  la  Chanson  d'autrefois. 

.Mlle  Bonnaire,  dont  la  verve  originale  n'est  jamais 
à  court,  est  applaudie  dans- i/o»  père  était  gendarme. 
Mlle  Juana  prèle  le  charme  de  sa  voix  chaude  à  une 
sérénade  espagnole,  composée  par  Paul  Henrion, 
sur  des  paroles  de  Gustave  Mathieu,  le  poète  de 
Jean  Raisin  et  de  Chante-clair. 

Ducastel,  Victorin  Armand,  Mathieu,  Hurbain, 
Antony,  Velly  ;  Mmes  Ganon  et  Piccolini  sont  éga- 
lement applaudis  dans  leurs  chansonnettes  nou- 
velles.    F.  M. 

Scala.  —  La  revue  de  fin  d'année,  complètement 
terminée,  vient  d'être  mise  en  répétitions  et  passera 
probablement  dans  trois  semaines.  Le  titre  n'est  pas 
encore  arrêté.  On  parle  beaucoup  de  l'engagement 
d'une  dauseuse  remarquable  qui,  avec  Pichat,  exécu- 
tera des  pas  fantaisistes,  sur  les  motifs  de  danses  à 
succès  de  l'année. 

Il  y  a  eu  celte  semaine  quutre  nouveautés  créées  : 

Le  Conservatoire  Florenval,  saynèîe  de  MM.  Derame 
et  Enaux,  musique  de  M.  Pierre  D... 

■Coin,  coin,  coin,  paroles  et  musique  d'Aristide 
Bruant,  interprétée  par  l'auteur. 

La  polka  des  Amours,  paroles  de  M.  Gapet,  musiqtie 
de  M.  Chatou,  chantée  par  Mme  Patry,  et  enfin,  Pam- 
.pMle,  grande  scène  comique  de  M.  Majniel,  musique 
de  Mi  Lièeiiçié,  débitée  par Bnmet, 


Orpliéum.  —  Ce  concert,  qui  a  ouvert  ses  portes 
au  mois  de  juillet  dernier,  a  apporté  de  grandes  amé- 
liorations dans  la  composition  de  sa  Iroupe  qui,  au 
début,  n'était  pas  précisément  bien  choisie.  Aujour- 
d'hui, des  artisles  qui  ont  une  certaine  renommée 
figurent  en  tète  de  l'affiche  de  l'Orpliéuin.  Parmi 
ces  derniers,  nous  nommerons  M.  Léon,  un  fort  chan- 
teur qui  a  acquis  une  bonne  réputation  à  l'Harmo- 
nie et  à  l'Alcazai-  d'Hiver  ;  M.  MichoUe,  un  bon 
comique  qui  se  fit  applaudir  a  l'Harmonie  et  qui 
a  créé,  en  province,  une  grande  partie  des  bonnes 
chansonnettes  d'Aristide  Bruant  ;  M.  Ribert,  l'artiste 
qui  peint  une  marine  ou  un  paysage  en  trois  mi- 
nutes, et  dont  le  talent  de  peintre  ne  le  cède  en  rien 
à  celui  d'artiste  lyrique. 

La  partie  féminine  est  aussi  fort  bien  composée  par 
Mme  Aida,  un  charmant  travesti,  qui  chante  en  ce 
moment  les  Cloches  de  minuit,  une  jolie  valse  de  M. 
Goudesonne,  chef  d'orchestre  de  l'Orpliéum  ;  Mlle 
Cécile  Laurence,  une  gracieuse  personne  qui  possède 
beauté  et  jolie  voix,  deux  dons  qui  ne  sont  pas  à 
dédaigner.  Puis  viennent  Mmes  Hyacinthe,  Montai, 
Stanislas,  Alice,  et  tout  un  bataillon  de  jolies 
femmes. 

M.  et  Mme  Jobnson-Lée,  célèbres  acrobates  anglais 
que  nous  avons  applaudis  cet  été  à  la  Scala  et 
dernièrement  au  XIX«  Siècle,  sont  engagés  depuis 
peu  et  obtiennent  chaque  soir  un  vif  succès  dans 
leurs  intermèdes  variés. 

L'orchestre,  qui  est  choisi  de  main  de  maiire  par 
M.  Goudesonne,  dont  la  réputation  de  compositeur  et 
de  chef  d'orchestre  n'est  plus  à  faire,  exécute  de 
brillantes  ouvertures.  Nous  adressons  particulière- 
ment nos  félicitations  à  M.  Boudin,  un  flûtiste  de 
grand  talent.  Nous  conseillons  à  nos  lecteurs  pari- 
siens qui  veulent  passer  une  agréable  soirée,  d'aller 
faire  un  tour  au  concert-promenade  de  i'Oppliéum. 


Folies-Saint-Martîn'i  ^  La  direction  vient 
d'engager  la  troupe  des  Vashingtou,  célèbres  acro- 
bates américains  qui  étaient  cet  été  aux  Ambas- 
•iiadeurs,  et  qui  exécutent  des  tours  prodigieux, 
sans  aucun  appareil.  Le  petit  Adolphe  qui  a  débuté 
dernièrement  à  Bijou-Concert  vient  d'être  engagé 
également.  Plusieurs  auditions  ont  été  données  cette 
semaine,  mais  nous  n'en  connaissons  pas  encore  le 
résultat.  Mme  Rivoire  a  créé  Bonjour  Sébastienne,  une 
amusante  chansonnette  de  M.  Kuhn,  musique  de 
M.  Ch.  Lefay. 

M.  Fernand  Kelm  obtient  un  bon  succès  dans  une 
vigoureuse  chanson.  Le  Pacte  de  Famine  ;  cet  artiste 
va  créer  ^T:o<ih&me.n\(in\j  Levieux Buveiirdevin,  paroles 
de  M.  Brugère,  musique  de  notre  collaborateur  Jules 
Raux. 

Le  Calife  de  la  rue  Saint-Bon,  et  Les  Méli-Mélo  de 
la  rue  Meslay,  vaudevilles  en  un  acte,  resteront  au 
programme  jusqu'à  la  première  représentation  de  la 
revue,  qui  aura  lieu  le  4  décembre. 

Concert  de  la  Pépinière.  —  Deux  bons 
fu-tistes  viennent  de  faire  leurs  débuts  à  ce-  concert  ; 


LA  CHANSON 


231 


Mme  Suzanne  Richard,  un  charmant  travesti  qui 
possède  lane  jolie  voix,  el  M.  Minille,  ex-artislo  du 
théâtre  de  Montmartre,  qui  ahor.de  le  concert  pour 
la  première  fois.  Ces  deux  nouveaux  venus  ont  de 
suite  conquis  les  honncs  grâces  des  hahitués  de  la 
Pépinière  Mme  Richard  dans  le  Biniou,  et  M. 
Mireille  dans  Je  me  fais  vieux,  charmante  chanson- 
nette, qu'il  détaille  très  finement. 

M.  Caudieux  chante  Ça  s'arrondit  et  la  Famille 
à  Camille,  nouvelle  chansonnette  de  M.  Emile  Du- 
rafour.  M.  Luidgi,  un  bon  tyrolien,  se  fait  applaudir 
dSiTifi  le  Coupé  de  Lise.  Nous  adressons  nos  félicita- 
tions à  une  artiste  dont  nous  regrettons  de  ne  pas 
connaître  le  Hom,  el  qui  a  chanté  Salut  à  la  Patrie, 
de  la  Fille  du  Régiment,  d'une  manière  digne  d'élo- 
ges.   

Folics-Rambnteau  —  Le  désopilant  Rivoire 
y  interprète  en  ce  moment,  avec  le  plus  grand  suc- 
cès, une  chanson-type  intitulée  :  Je  mange  un  Arle- 
guin  !  paroles  d'Emile  Segaud,  musique  de  Jules 
Quidanl.  L'excellent  artiste  qui  n'a  qu'à  paraître  pour 
provoquer  un  fou  rire  dans  toute  la  salle,  exhibe 
dans  cette  nouvelle  création  un  pantalon  fantaisiste 
d'un  irrésistible  effet.  Avis  aux  amateurs  de  franche 
gaieté. 

Alfred  Bertinot. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Dimanche  dernier,  à  la  Sociétiï  dramatique  du 
RÉCRÉATION,  KO,  rue  Fabcrt,  M.  Henri  Arragon  a  fait 
représenter  le  Rendez-vous  de  Théophile  ou  Tout  est 
bien  qui  finit  bien.  Celte  coiucdic-proverbc  ne  pou- 
vait être  mieux  à  sa  place  que  dans  ce  petit  cadre. 
Ces  petites  scènes  sont  tout  à  fait  ce  qu'il  convient 
pour  ce  genre  de  pièces,  où  l'auteur  en  herbe  peut 
se  livrer  à  toutes  les  fantaisies  de  son  imagination. 
Quoiqu'il  ne  nous  paraisse  pas  très  logique  qu'iuie 
jeune  fille  bien  élevée  donne  des  rendez-vous, 
même  à  son  cousin,  ni  que  son  honnête  homme  de 
père  arrive  justement  chez  le  susdit  chercher  sa  fille 
et  se  laisser  extorquer  son  consentement,  il  fallait 
sans  doute  cette  raison  à  l'auteur  pour  justifier  soq 
litre,  le  vrai,  celui  que  nous  rétallissons.  Enfin, 
comme  le  public  a  trouvé  tout  cela  très  naturel  et 
qu'il  a  vivement  applaudi  la  gentille  Mlle  Gabrielle, 
MM.  Fourmeau,  Monlhoussin  el  l'auteur,  nous  vou- 
lons bien  faire  comme  lui. 

Nos  compliments  sincères  à  M.  Pépin  pour  la  naï- 
veté naturelle  avec  biquelle  il  a  détaillé  sa  chanson- 
nette :  Cest  elle  qui  me  l'a  dit  ;  à  M.  Schrader,  dont 
l'agréable  voix  de  bas-o  a  prêté  ses  accents  sympa- 
thiques à  l'exécution  du  Fondeur  de  cloches;  à 
M.  Daubresse,  dans  une  chanson  où  la  note  pitrio- 
lique,  très  sobre,  produit  un  excellent  efl'et  ;  à 
M.  Charles  Marie,  on  gomnieux  dans  ses  deux  déso- 
pilantes chansonnettes  à  M.  Fourmeau,  qui  a  sou- 
piré avec  sentiment  :  C'est  demain  qu'on  marie  Ma- 
deleine, et  à  un  jeune  débutant  dont  nous  ignorons 


le  nom.  L'exhibition  du  petit  Zinosi,  phénomène 
âgé  de  neuf  ans,  qui  est  venu  débiter  une  chanson 
excentrique  nvec  l'aplomb  d'un  vieux  comique,  et 
qui  a  soulevé  des  tempêtes  de  bravos,  est  une  chose 
que  nous  nous  garJerons  bien  d'encourager,  esti- 
mant qu'une  fable  de  notre  inimitable  La  Fontaine 
convient  mieux  dans  la  bouche  d'un  enfant  de  cet 
âge  que  les  ins  mités  du  répertoire  moderne. 

La  soirée  s'est  terminée  par  une  opérelleà  laquelle 
M.  Pochet  a  prêté  le  concours  de  son  jeu  fort  Intel- 
ligent, ainsi  que  Mlle  Louise. 

C.  Sténio. 

Le  mardi  1 6  novembre  avait  lieu,  dans  la  salle  de 
l'Ermitage  (Maison  Hiberl,  29,  rue  de  Jussieu)  la 
soirée  donnée  au  bénéfice  de  notre  camarade  Alfred 
Desfossez,  par  l'Union  Parisienne.  Nous  n'avons 
jamais  assisté  à  une  soirée  aussi  agréable.  Tous  les 
artistes  qui  se  sont  fait  entendre  ont  su  charmer 
l'auditoire. 

Mlle  Tardif  a  chanté  avec  gentillesse  :  Valse  mau- 
dite. Mlle  Aline  Marpon,  suivant  son  habitude  du 
reste,  a  été  on  ne  peut  plus  charmante  ;  nous  félici- 
tons vivement  la  Société  de  posséder  une  chanteuse 
aussi  agréable.  M.  Adrien  Souchet,  l'excellent  cama- 
rade, a  été  désopilant,  comme  toujours.  M.  H.  Karl 
s'est  montré  le  fin  comique  que  nous  connaissons, 
citons  encore  MM.  Quélin-Lebreton,  Bonnet,  Fabin; 
MM.  Hébert,  Huel,  deux  bons  romanciers  ;  MM.  Léon 
Gougol  et  Letirand,  deux  fins  diseurs,  le  premier, 
dans  Marceline,  le  second,  dans  la  Grand'Mère. 

M.  Léo  Toslain,  président  ds  la  Société,  a  fait  avec 
adresse  une  improvisation  poétique.  Il  a  présidé 
celle  soirée  avec  habileté  ;  disons  aussi  qu'il  était 
bien  secondé  par  son  vice-président,  M.  Quélin- 
Lebreloii. 

Le  Grand-Père,  drame  en  un  acte,  a  été  très  bien 
joué  par  MM.  Desfossez  père  el  fils,  M.  Constant  et 
Mlle  Aline  Marpon,  nous  ne  félicitons  personne  en 
particulier,  tous  ont  très  bien  été.  Mlle  Aline  a 
chanté  avec  son  frère  le  duo  de  Garçon  et  Demoiselle 
d'honneur,  elle  a  su  gagner  une  fois  de  plus  les  bra-  ' 
vos  du  public,  ainsi  que  son  frère  qui  l'a  bien  se- 
condé. M.  Emile  Vautravers,  l'accompagnateur,  a 
été,  comme  à  son  habitude,  à  la  hauteur  de  sa  lâche. 

J'allais  oublier  le  petit  Paul,  il  mérite  pourtant 
une  première  place. 

Un  Sociétaire. 


Le  mercredi  17  courant,  le  Cercle  de  l'Etoile, 
présidé  par  M.  Banès,  a  donné  sa  représentation' 
msnsuelle  avec  grand  éclat,  dans  la  salle  de  l'Hôtel 
des  Chambres  syndicales,  rue  de  Lanery. 

Parmi  les  artistes  qui  ont  le  plus  mérité  les  faveurs 
du  public,  il  faut  citer  :  Mlle  Scriwaneck,  dans  le 
Petit  Clos  du  grand  'pava;  Mme  Noble! ,  dans  l'Eclat 
de  rire  el  la  ligeonne  ;  et  Mme  Boidin-Puisais,  dans 
la  romance  de  Mignon  et  le  grand  air  de  la  Juive.  Puis 
viennent  MM.  Maire,  Baimond,  Géo  cl  Merville  qui 
ont  rivalisé  dans  leurs  diflerents  genres. 


232 


LA  CHANSON 


Mlles  Marie  et  Malet  qui  faisaient  leurs  débuts 
nous  ont  paru  trop  impressionnées,  pour  que  nous 
les  appréciions  sur  une  première  audition. 

Une  pièce  en  un  acte,  John  et  Jean,  a  été  parfaite- 
ment interprétée  par  Mlles  Scriwaneck  et  Bertin. 

L'espace  nous  manque  pour  citer  encore  quelques 
amateurs  qui  ont  eu  leur  part  de  succès. 

Alfred  Bertinot. 


Lyon.  —  Quand  Paris  chante,  Lyon  ne  saurait 
se  taire.  A  la  Croix-Rousse,  dans  une  salle  du  café 
Aubert,  où  les  couleurs  françairies  ombragent  les 
fronts  rêveurs  de  Béranger  et  de  Dupont,  les  Joyeux 
Amis  donnent  la  parole  à  la  Chanson.  Charmante 
soirée  dimanche  :  plus  de  300  personnes.  Madame 
Danguin  a  dit  avec  âme  le  Vin  de  la  Moselle.  M. 
Ruault,  avec  les  Myrtes,  et  M.  Durand  avec  V Epicier- 
droguiste  ont  fait,  tour  à  tour  ou  rire  ou  pleurer. Mlle 
Marie  a  murmuré  délicieusement  :  Tout  le  long  du 
Ruisseau.  MM.  Colon,  Roche,  Latour  ont  fort  bien  in- 
terprété la  romance  moderne.  M.  Chemin,  en  a  peu  à 
faire  pour  passer  au  premier  plan.  M.  Vollerin  nous 
a  montré  follement  la  Dent  de  la  Sagesse.  —  J'en 
passe.  —  Quand  Aubert  fils  eût  entonné  la  Consolante, 
de  l'ami  Caloin...,  on  s'en  fut  se  coucher. 

Les  uns  avec  leur  femme 

Et  les  autres  tout  seuls. 

Octave  Lebesgue. 


La  soirée  ofTerte  par  la  Lyre  Bienfaisante  au  profit 
d'un  de  ses  membres,  M.  La  GouUieux,  soldat  de  la 
classel880,  a  produitnet,  tousfrais  déduits,  la  somme 
de  118  fr.  7b,  qui  a  été  remise  en  assemblée  générale 
au  bénéficiaire. 

L'harmonie  la  Gauloise  donnera,  le  samedi  27 
novembre,  son  6"  bal  annuel,  dans  les  salons  des 
Sociétés  Artistiques  de  Paris,  23,  faubourg  du  Temple. 


Le  samedi  4  décembre,  dans  la  même  salle,  grand 
bal  donné  par  la  Muse  Gauloise. 

Enfin,  toujours  dans  la  même  salle,  23,  Faubourg 
du  Temple,  aura  lieu  le  18  Décembre  le  grand  bal 
offert  à  toutes  les  sociétés  Lyriques  et  Dramatiques 
du  département  de  la  Seine  par  M.  Orange,  le 
nouveau  propriétaire  de  celte  établissement. 


La  Lyre  Républicaine,  M.  Duchenin,  président, 
donnera  une  grande  soirée  le  lundi  29  novembre, 
Café  du  Globe,  8,  boulevard  de  Strasbourg  ;  nous 
en  rendrons  compte. 


Samedi  4  décembre,  à  Tivoli- Vaux-Hall,  13'^  bal 
paré  et  travesti,  donné  par  la  Société  lyrique  la 
Jeunesse  artistique  (président  Herbinet). 

Ouverture  des  portes  à  minuit.  La  tenue  noire  est 
4e  rigueur. 


La  Ltre  Amicale,  M.  Dupont  président,  donnera 
son  banquet  annuel  suivi  de  bal  à  l'occasion  de  la 
Sainte-Cécile,  le  4  décembre,  dans  les  grands  salons 
de  M.  Maurice,  avenue  de  Saini-Mandé,  42,  Paris. 


Cercle  Musset,  M.  Durrieu  président,  grande 
soirée  mensuelle,  le  samedi  4  décembre,  café  du  Gloie, 
8,  boulevard  de  Strasbourg. 


HAtel  de  l'Unlan  des  Chambres  Syndicales 
lO,  rue  de  t<ancpy,  lO 

Dimanche  b  décembre,  à  7  li2  du  soir,  3"  concert 
offert  à  ses  membres  honoraires,  par  la  société 
chorale  Les  Amis  de  la  Seine,  dirigée  par  M.  A.  Aubry, 
avec  le  gracieux  concours  de  Mlle  Scriwaneck,  la 
vaillante  et  sympathique  artiste,  de  Mlle  Leclerc,  du 
théâtre  de  Milan,  de  M.  Savigny  du  théâtre  Lyrique, 
de  Mme  Benoist,  artiste  pianiste,  de  M.  Lautrevel, 
des  Folies-de-Belleville,  de  MMUes  Bertin  et  Desjar- 
dins, élèves  de  Mlle  Scriwaneck.  Prix  d'entrée, 
1  franc  bO  et  7b  centimes. 


La  société  chorale  et  lyrique  Les  Enfants  de 
LA  Seine,  présidée  par  M.  Cantarel,  donnera  son  bal 
de  Sainte-Cécile,  dans  son  local,  20,  rue  Palestro, 
le  samedi  11  décembre,  à  11  heures  du  soir. 


Nous  publierons  dans  le  prochain  numéro  la  bio- 
graphie et  le  portrait  de  Mlle  Aminti,  la  sympathique 
artiste  de  l'Eldorado. 


CHOSES  &  AUTRES 

RÉSULTAT  DU  QUINZIÈME  CONCOURS  MENSUEL 

DE  LA  CHANSON 
1"  prix  :  Petit  à  petit  l'oiseau  fait  son  nid,  de  M.  Gabriel 

Leprévost  (Londrer.). 
2"  prix  :  Jeune  Châtelaine  et  jeune  Abbé,  de  M.  Octave 

Lebesgue  (Lyon). 
3°  prix  ;  Comment  gu'  faut  faire  ?  de  M.  GEORGES  GiLLET 

(Paris).  

Les  Chansons  de  Jeunesse,  par  Georges Baillet.  — 
Ce  volume  que  nous  avons  annoncé  vient  de  paraître. 

Il  est  en  vente  chez  l'éditeur  Bassereau,  240,  rue 
Saint-Martin,  et  à  notre  librairie,  18,  rue  Bonaparte. 
Pris  3  francs. 

Nous  en  rendrons  compte  dans  notre  prochain  nu- 
méro.   

Le  graveur  Monin,  dont  de  nombreuse  expositions 
ont  consacré  le  talent  hors  ligne,  et  dont  les  portraits 
gravés  de  Béranger,  de  Garibaldi  et  d'Emile  de 
Girardin  sont  devenus  si  populaires,  vient  de 
graver  un  superbe  portrait  de  Charles  Vincent,  d'une 
réelle  valeur;  nousy  reviendrons  très  prochainement. 


Les  titres  et  les  tables  pour  la  réunion,  en  un  beau 
volume,  des  deux  premières  années  de  LaChanson, 
paraîtront  fin  décembre. 

L,e  Directeur-Gérant  :  A.  HATA  Y . 

Paris.  —  Imprimerie  L.  Hugonis  etXie,  6,  rue  Martel. 


3*  ANNEE.  —  N»  30. 


lO  CENTIMES. 


b  DÉCEMBRE  1880 


Li  A 


Directew-Administratenr 
A.   PAT  A  Y 


La  chanson  est  une  forme  ailée  et 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
9St  le  gracieux  frère  de  la  strophe, 
V.  HU30. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Secrétaire  de  la  Rédaction 
A.  BERTINOT 

Annonces,  la  ligne; ..    1     • 
Réclames,        —  2    ■ 

ta  chanson,  commets  baronnslla 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETie. 


lOMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CheF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOM.MAIRE 


Galerie  artiiliqae  :  lUUe  Amiali  (Fkhhand  Moïbi,).  —  Le  Flamand 
(CuciBN  RoutANo).  —  Le  Secret  d'ane  Hirondelle  (L.  GjBii,L»in).  — 
La  Ckangon  des  Amoareuj:,  paroles  do  Maximr  Guv,  muâiiiiie  de 
Aldrrt  Flaciérb.  —  Troisième  Grand  Concours  poétique  de  La 
Cainao».   —  Les  Rosati  d'Arrat  (L.  Uiisby  Lrco«tb).  La  Coupe 


l'ide,  chanson  autographe  de  ^fAxIMILlKN  Robespierre.  —  Chroniqa 
des  Concerts  (Alfrkd  Bertisot).  —  Chronique  des  Sociétés  lyri- 
ques (Divers).  —  Aux  Auteurs  et  Compositeurs  de  Musique.  — 
Choses  et  autres.  —  Av.s  et  t 


GALERIE  ARTISTIQUE  :  Mlle  AMIATI 


Pendant  les  dernières 
années  de  l'empire,  la 
chansonnette  comique 
tenait  le  haut  du  pavé 
et  bénéficiait  do  l'en- 
gouement donl  «  la 
cour  et  la  ville  »  s'é- 
taient prises  pour  Thé- 
résa. 

Autres  temps,  autres 
chansons  I  La  Femme  à 
barbe  est  devenue  étoi- 
le de  théâtre  —  étoile 
filante  —  mais,  au  len- 
demain de  l'année  ter- 
rible, une  artiste  s'est 
révélée,  véritable  chan- 
teuse populaire  celle-là, 
dans  la  saine  acception 
du  mot.  Il  fallait  à  la 
Fran  ce  vaincue  non  plus 
des  flons-flons  et  des 
pasquinades,  mais  de 
viriles  chansons  ou  de 
poétiques  élégies,  qui 
pussent  bercer  sa  dou- 
leur ou  réconforter  sa 
foi  patriotique.  L'inter- 
prète de  ces  hymnes 
de  deuil  ou  d'espoir  fut 
Mlle  Amiati  et  cela  seul 
suffit  à  justifier  la  place 
que  nous  lui  donnons  aujourd'hui  dans  la  galerie 
biographique  de  La  Chanson. 

Mlle  Thérèse  Amiati  est  née  à  Florence.  La  flamme 


du  soleil  italien  brille 
dans  ses  yeux,  toujours 
expressifs,  et  sa  voix  a 
gardé  le  vibrant  écho 
musical  de  sa  langue 
maternelle.  Venue  très 
jeune  k  Paris ,  Mlle 
Amiali  n'était  encore 
qu'une  mignonne  ou- 
vrière, gagnant  vail- 
lamment le  pain  quoti- 
dien, qu'elle  se  sentait 
al  Urée  déjà  par  la  scène. 
Sans  renoncer  au  mé- 
tier qui  la  faisait  vivre, 
elle  parvint  à  débuter 
au  petit  théâtre  Saint- 
Pierre,  dont  les  revues 
de  fin  d'année  étaient 
alors  célèbres. 

La  jeune  artiste,  qui 
jouait  alors  sous  le  nom 
de  ses  parents  d'adop- 
tion, chantait  avec  goût 
les  quelques  couplets 
dont  était  agrémenté 
son  modeste  rôle  et  elle 
■y^^/t/l  ^^^  quitta bioulùt  le  théài re 

''^^  Saint  -  Pierre    pour   le 

concert  Béranger  (i-itué 
boulevard  des  Filles - 
du-Calvaire),  dont  elle 
ne  tarda  pas  à  devenir  l'étoile.  Sigualée  au  direcleur 
de  l'Eldorado  par  son  professeur,  Ludovic  Benza, 
Mlle  Amiati  fut  engagée  au  concert  du  boulevard  de 


234 


LA  CHANSON 


Slrasbourg,  où  elle  débuta  en  juillet  1869. . .  dans  le 
genre  dit  pai/sannerie,  si  différent  du  genre  où  elle 
devait,  deux  ans  après,  conijuérir  la  célébrité. 

C'est  en  juillet  1871,  lors  de  la  réouverture  de  l'El- 
dorado, que  Mlle  Amiati  créa  sa  première  cbanson 
]  atriotique.  Le  succès  fut  immense  et  grandit  à 
cbaque  œmTe  nouvelle.  Plusieurs  des  chansons  in- 
terprétées pendant  cette  périoie  devinrent  rapide- 
ment populaires  ,  et  quelques-unes  d'entre  elles  : 
le  Ifaltre  d'école  alsacien  (ingénieuse  adaptation 
d'jn  touchant  récit  d'Alpbonse  Daudet),  3IaudUe  soit 
la  guerre,  les  Émigrants,  le  Blessé,  l'Appel  après  le 
C07nl/ai,une  Tombe  dans  les  blés,  ete  ,  furent  imprimées 
à  plus  de  cent  mille  exemplaires. 

La  beauté  correcte  et  grave  de  Mlle  Amiati  et 
-  Tacccnt  dramatique  sans  emphase,  qu'elle  sait 
donner  à  chacune  des  compositions  qu'elle  inter- 
prit",  ne  sont  pas  seulement  appréciés  de  l'auditoire 
do  l'Eldorado,  mais  aussi  du  public  plus  blasé, 
plus  difficile  à  émouvoir,  des  théàires  de  genre. 
Fréquemment  sollicitée  déchanter  au  Palais-Royal, 
aux  Variétés,  au  Vaudeville,  dans  des  représenta- 
tions à  bénéfice,  la  jw/;»^  donna  de  l'Eldorado  n'y  a 
pas  été  moins  applaudie  qu'au  café-concert. 

Sur  la  scène  du  boulevard  de  Strasbourg,  Mlle 
Amiati  compte  presque  autant  de  francs  succès 
que  de  créations —et  elle  en  a  fait  des  centaines. 
C'est  l'artiste  préférée  entre  toutes,  aussi  la  faveur 
dont  elle  est  l'objet  ne  se  manifestet-elle  pas  seu- 
lement dans  les  formes  usitées  :  rappels,  bouquets, 
couronnes  ;  témoin  l'anecdo'e  suivante  : 

Le  héros  du  Clairon  —  ce  court  poème  patriotique 
de  Paul  Déroulède  popularisé  par  Mlle  Amiati  —  est 
un  clairon  de  zouaves.  Or,  un  soir  que  la  sympa- 
thique artisl'j  interprétait  ces  strophes  vibrantes, 
un  jeune  zouave  d'Afrique,  placé  au  premier  rang 
des  fauteuils  d'orchestre,  se  faisait  remarquer  par 
l'exubérance  —  toute  légitime,  d'ailleurs —  de  son 
enthousiasme.  Lorsque  fat  fini  le  dernier  couplet,  au 
bruit  d'appl.iudissements  enthousiastes,  on  vit  lom- 
l)cr  sur  la  scène,  lancé  de  la  salle,  un  objet  de  forme 
étrange.  C'était  sa  calotte  rouge  que  le  zoaave,  en 
signe  d'hommage,  avait  jeté  aux  pieds  de  la  diva, 
tout  comme  une  Madrilène  aurai tlancé  son  mouchoir 
aa  torero  vainqueur.  Mlle  Amiati,  très  émue  par  celte 
marque  spontanée  de  naïve  admiration ,  voulut 
rendre  elle-même  au  soldat  d'Afrique  son  fez  et  le 
remercia  très  cordialement,  avouant  que  l'envoi  du 
plus  splendide  bouquet  l'aurait  moins  touchée  que 
ce  morceau  de  drap  rouge. 

Le  répertoire  de  Mlle  Amiati  n'est  pas  exclusive- 
ment composé  de  chansons  patriotiques.  Il  compte 
également  des  chansons  dramatiques,  des  mélodies, 
qui  trouvent  en  la  créatrice  du  Clairon  une  inter- 
I)rète  énergique  ou  tendre,  mais  toujours  excellente. 
Citons,  parmi  les  plus  populaires  :  N'  t'en  vas  pas 
Madeleine,  le  Bon  temps,  Amour-Folie,  le  Baiser  des 
Adieux,  le  Petit  Mendiant,  VAmour  frileux,  Valse 
maudite,  la  Fille  de  l'hôtesse,  etc. 

Mlle  Amiati,  qui  ne  joue  que  rarement,  a  cepen- 
dant créé  plusieurs  rôles  :  dans  la  Sœur  du  G 


une  Mauvaise  connaissance  et  dans  les  revues  de  fin 
d'année  Elle  compte  également  dans  son  répertoire 
plusieurs  duos  :  les  Petits  Ramoneurs,  Avant  la 
retraite,  tme  Nuit  à  Venise  et  la  Fiancée  de  Raguse. 

Telle  est,  esquissée  à  grands  traits,  la  biographie 
de  l'artiste  de  talent  qui,  depuis  dix  ans,  personnifie 
la  chanson  française  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  noble 
et  de  plus  élevé,  et  prête  l'éloquence  de  sa  voix  char- 
meresse  aux  poètes  de  la  patrie  et  de  la  République. 
Fehnand  Movel. 


A    CHARLES  VINCENT 


LE  FLAMAND 


Le  soleil,  des  cieux  profonds. 
Sur  mes  blés  et  mes  houblons, 
Répand  sa  lumière  blonde, 

La  bière  est  blonde. 

Ma  femme  est  blonde. 
Mes  dix-sept  enfants  sont  blonds... 
Je  suis  content  d'être  au  monde  ! 

En  Flandre,  tout  près  de  Cambrai, 
Je  suis  né,  j'y  vis,  j'y  mourrai. 
J'ai  l'appétit  d'un  boa  curé 
Et  j'ai  la  soif  de  plusieurs  chantres  : 
Mon  ventre  vaut  bien  quatre  ventre^. 
Le  soleil,  etc. 

Mon  pas  est  sûr  quoiqu'un  peu  lourd. 
J'ai  l'œil  bon,  je  ne  suis  pas  sourd  ; 
J'ignore  les  chagrins  d'amour  ; 
La  jaunisse  m'est  étrangère  : 
Comme  une  autruche  je  digère! 
Le  soleil,  etc. 

Je  s  lis  jouir  de  ma  santé  ; 
Je  n'ai  jamais  rien  inventé  ; 
Mon  sommeil  n'est  pas  tourmenté. 
De  tabac  ma  pipe  regorge 
Et  dans  ma  chope  on  sent  bon  l'orge. 
Le  soleil,  etc. 

Ma  Louison,  vivante  tour, 
Me  semble  encore  faite  au  four, 
Je  l'embrasserais  tout  le  jour 
S'il  ne  fallait  remplir  ma  huche 
El  vider  ma  blague  et  ma  cruche. 
Le  soleil,  etc. 

Je  sais  plus  d'un  joyeux  refrain  ; 
Je  sais  commeut  on  moud  le  grain  ; 
Je  sais  ce  que  vaut  mon  terrain  ; 
De  bien  des  gens  je  sais  l'histoire; 
Mais  par  dessus  tout  je  sais  boire. 

Le  soleil,  etc. 
a  Noé'—  dit  le  clerc  mon  voisin,  — 
«  De  Gambrinus  est  le  cousin...  » 
Le  houblon  vaut  donc  le  raisin 
El  la  bouteille  est  sœur  jumelle 
De  mon  cruchon,  cette  mamelle! 


LA  CHANSON 


235 


Le  soleil,  des  cieus  profonds, 
Sur  mes  blés  et  mes  houblons. 
Répand  sa  lumière  blonde  ; 

La  bière  est  blonde, 

Ma  femme  est  blonde, 
Mes  dix-sept  enlants  sont  blonds... 
Je  suis  content  d'être  au  monde. 

LuCIliN  ROULAND. 


t£  SECRET  ïïmî  mmmii 


Romance 


Ma  petite  hirondelle. 
Avant  de  t'euvoler 
Vers  ma  brune  infidèle, 
Laisse-moi  te  parler  : 
Témoin  de  mes  alarmes, 
Lorsciuc  ta  la  verras, 
Ne  lui  dis  pas  mes  larmes, 
Oh  !  ne  les  lui  dis  pas  ! 

Pour  elle  toujours  je  soupire, 
ïu  le  sais,  mais  c'est  un  secret. 
Gardo-toi  bien  do  le  lui  dire, 
La  cruelle  eu  rirait  ! 

Ne  lui  dis  pas,  de  grâce. 
Loin  des  yeux  indiscrets 
Les  heures  ijuc  je  passe 
A  contempler  ses  traits. 
Cache-lui  ma  folie, 
Cache-lui  que  toujours 
Je  la  trouve  jolie. 
Et  qu'elle  est  mes  amours  ! 
Pour  elle,  etc. 

Ne  lui  dis  pas,  ma  belle, 
Que,  pauvre  abandonné. 
Je  n'ai  conservé  d'elle 
Que  ce  bouquet  fané. 
Adieu,  pars,  ma  chérie. 
Garde  bien  ton  secret  ; 
Mignonne,  je  t'en  prie, 
Pas  un  mot  indiscret  ! 

Avec  le  printemps,  l'hirondelle 
Revint  et  me  tint  ce  discours  : 
«  Ta  Jeanne  t'est  toujours  fidèle  ; 
Elle  t'aime  toujours  !  » 

L.  Cabillaud. 


LA   CHANSOi\    DES    AMOUREUX 

BLUEITE 

Paroles  de  Maxime  Guy  ;  musique  de  Albert  Flaciére 


Ocand       \bus   i'iiti..iei m    dq    Pria» 

•  temps.       \o         boi»    s'^  _.  pa  .  nou-_  il,      la 


fo  -   se,        Les.      e.  cor.  te  „  Iê3     de    tiiik4 


SEtZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20' Novembre  au  20  Décembre 
Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obieau..  le  f'^rix,  une  petite  notice  et  le  por-   j 

t/i'ajKle  J'aïUeui',  s'ii^GonsP!)!.,  ' 


clû  _     se.        De      purs     ac-  ctnls 


lu  jcjcuA    Biia    hi\\\l    Tcra     la     tou.te  .i.iu^ 


aou  dei 


C'est  surtout  près  d'un  vert  bosquet, 
Rempli  de  mystère  et  d'ombrage. 
Que  le  promeneur  indiscret 
Peut  surprendre  ce  doux  ramagi'. 
Quelquefois  un  bruit  de  baiser 
Trahit  le  galant  tète-à-tète  ; 
C'est  Gupidon  qui  vient  griser 
La  note  que  l'écho  répète. 
Ses  accords  sont  mélodieux. 

Toujours  nouvelle 

Ella  s'appelle 

La  c.f'ânson  [Im  an}our,e!.j5, 


236 


LA  CHANSON 


Chaque  vers  de  cette  chanson, 
Vaut  à  lui  seul  un  long  poème. 
Son  rhythme  trouble  la  raison  ; 
Chaque  mot  veut  dire  :  Je  t'aime! 
On  ne  la  chante  bien  qu'à  deux, 
Blottis  au  fond  de  la  feuillée. 
Alors  que  l'astre  radieux, 
Lui  donne  robe  ensoleillée. 

Ses  accords  sont  mélodieux. 

Toujours  nouvelle, 

Elle  s'appelle 
La  chanson  des  amoureux. 


TROISIEME 


GRAND  CONCOURS  POÉTIQUE 

Du  Journal  La  Chanson 


Le  Journal  La  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes. 
Il  met  aujourd'hui  au  concours  : 

1"  Un  monologue  da7is  le  genre  actuel  en  vers,  de 
160  vers  au  moins  et  180  au  plus. 

Il  sera  décerné  trois  pris,  et  des  mentions  hono- 
rables, s'il  y  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  diplômes  spéciaux,  para- 
phés par  les  membres  du  jury.  Ces  diplômes  seront 
de  dimensions  calculées  pour  l'encadrement. 

Les  trois  pièces  primées  seront,  en  outre,  insérées 
dans  le  journal  La  Chanson. 

De  plus  le  premier  prix  publié  à  part  dans  une 
coquette  édition  illustrée,  sera  dit  en  public  sur 
plusieurs  de  nos  grandes  scènes  parisiennes. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites,  non 
signées  et  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  et  portant  extérieure- 
ment le  premier  vers  de  la  poésie  présentée. 

Le  Concoius,  ouvert  le  i'^'^'  Décembre,  sera  clos 
fin  février. 

Nouspubliorons  prochainement  les  noms  des  mem- 
bres du  jury. 

Toutes  les  communications  relatives  au  Concours 
doivent  être  adressées  franco  à  M.  A.  Païay,  direc- 
teur du  journal  La  Chanson,  rue  Bonaparte,  18,  à 
Paris. 


llcaiicoiip  do  nos  acheteurs  au  numéro  «e  plaignent 
de  ne  pas  trouver  KiA  CUAmiSOIV  dans  leur  quar- 
tier; nous  les  prions  instamment  de  la  réclamer  chez 
tous  les  libraires,  marchands  de  journaux  et  dans 
les  kiosques.  ISourcut  les  marchands  oublient  de  la 
mettre  en  étalage,  ou  les  porteurs  négligent  d'en  faire 
le  dépOt;  nous  rccomsuandons  li  tous  ceux  qui  s'inté- 
ressent ù,  I^A  ClIARfISOm  de  la  demander  partout  et 
de  nouj  signaler  les  endroits  où  l'on  aurait  omis  do 
la  déposer. 

U%.  CiUAIWiSOIW  doit  se  trouver  partout  dès  lo  sa- 
medi matin. 


LES  ROSATI  D'ARRAS 


Nos  lecteurs  connaissent  déjà,  de  Maximilien  Ro- 
bespierre, trois  couplets  anodins  intitulés  la  Coupe 
vide  ;  nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  Etienne 
Charavay  le  cliché  ci-contre  de  la  chanson  complète 
du  célèbre  révolutionnaire.  Ce  document  original 
provient  des  archives  des  Rosati  d'Arras,  société 
littéraire  et  bachique,  dont  nous  allons  résumer 
l'histoire. 

Des  jeunes  gens  réunis  par  l'amitié,  le  goût  des 
vers,  des  roses  et  du  vin,  s'assemblèrent  un  jour  dans 
un  jardin  d'Arras,  pour  déclamer,  chanter  et  boire. 
A  certain  moment,  un  des  assistants,  fouillant  dans 
ses  grandes  poches,  en  tira  quantité  de  roses  fraîche- 
ment cueillies.  Ce  fut  le  signal  de  madrigaux  im- 
promptus qu'on  applaudit  si  chaleureusement  qu'un 
poète  s'écria  :  «  Amis,  qu'un  jour  si  beau  renaisse 
tous  les  ans,  et  qu'on  l'appeUe  la  Fête  des  roses.  »  Le 
vœu  fut  immédiatement  pris  en  considération,  et, 
de  ce  jour  (12  juin  1778),  la  société  des  Rosati  fut  ins- 
tituée. 

Son  but  principal  était  l'étude  de  la  gaie  science, 
et  les  œuvres  qu'on  y  présentait  devaient  contenir 
l'éloge  de  la  rose,  de  la  beauté,  du  vin  et  de  l'amour. 
Les  sociétaires  officiaient  devant  les  bustes  de  Cha- 
pelle, de  La  Fontaine  et  de  Chaulieu.  Les  assemblées 
commençaient  au  printemps,  à  l'épanouissement  des 
roses,  et  "finissaient  à  l'automne,  lorsque  leur  temps 
était  passé. 

La  cérémonie  de  l'adoption  n'était  ni  grave  ni  fati- 
gante. Le  candidat  cueillait  une  rose,  là  respirait 
trois  fois,  l'attachait  à  sa  boutonnière,  et  vidait  d'un 
trait  un  verre  de  vin  rosé  à  la  santé  des  sociétaires 
passés,  présents  et  futurs  ;  puis  il  recevait,  avec  l'ac- 
colade, un  diplôme  en  vers  auquel  il  répondait  par 
des  couplets. 

Le  Berceau  des  Roses,  lieu  de  séances  des  Rosati, 
était  situé  hors  des  murs,  dans  un  des  faubourgs 
d'Arras.  La  liberté  la  plus  entière,  mais  sans  indé- 
cence, régualit  parmi  les  membres  de  cette  société 
qui  se  composait  de  magistrats,  d'avocats,  d'abbés, 
d'officiers  du  génie  et  de  propriétaires  de  l'Artois  : 
Le  Gay,  Hardouin,  Berlin,  l'abbé  Roman,  Ghara- 
mond,  Dubois  de  Posseux,  Dumény,  vingt  autres 
encore,  parmi  lesquels  nous  remarquons  Carnet,  ca- 
pitaine du  génie,  ce  même  Carnot  qui,  sous  la  Con- 
vention, devait  «  organiser  la  victoire»  en  jetant  qua- 
torze armées  sur  nos  frontières,  et  Maximilien  de 
Robespierre,  alors  avocat.  On  ne  se  représente  guère 
le  terrible  tribun  se  mêlant  à  la  jeunesse  dorée  pour 
fêter  l'amour  et  le  vin  sous  un  berceau  de  roses  ;  rien 
de  plus  authentique  cependant  que  ce  détail.  Un  de 
ses  confrères  en  Apollon  dépeignait  ainsi  sa  manière 
de  chanter  : 

Ah  !  redoublez  d'attention  ! 
J'entend  la  voix  de  Robespierre, 
Ce  jeune  émule  d'Amphlon 
Attendrirait  une  panthère. 

La  société  des  Rosati  disparut  vers  1789.  Le  temps 
n'était  plus  à  la  poésie  légère,  mais  à  la  prose  mâle  ; 
le  Berceau  des  Roses  fut  naturellement  abandonné 
pour  le  Forum. 

h.-Eemy  Lecouijs. 


i 


LA  CHANSON 


237 


CURIOSITÉS    DE    LA    CHANSON 

Fae  -  simile     d'une     Chanson    autogTaplie     de    Maximilien    Robespierre 

LA  COUPE  VIDE 


CHANSON  A  BOIRE 
Air  :  Mon  père  était  pot. 


./i:J, 


VU*'  P<V^  J!^  Z^'^^**^ 


t^/^  VMryyjruyCTjîeùu. 


"Ù^ut!     ^M^  (Air    P*/"  *"^, 

J'en  /^^^  yti^uXu-*-  ' 
û  U.  ■ùcxU4.  r> . 


■?^/Lic 


Cette   pièce  intéressante  faisait  partie  de  la  collection  Benjamin  Fillon,  vendue  récemment  à  l'hôtel 
Dtouot  par  le  miuistère  de  M.  Etienne  Gharavay,  archiviste-expert,  rue  de  Seine,  51, 


238 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

Eldorado.  —  Coco  Bel-Œil  tient  l'affiche  avec 
succès.  Cette  amusante  pièce,  jouée  avec  une  verve 
inimitable  par  Perrin,  Gaillard,  Antony  et  Mme 
Louise  Roland,  comptera  parmi  les  meilleures  opé- 
rettes du  répertoire  de  l'Eldorado. 

Parmi  les  créations  de  la  dernière  semaine,  signa- 
lons particulièrement  la  Chanson  d'autrefois ,  inter- 
prétée par  Mlle  Amiati,  et  Je  l'suis,  dite  ou  plutôt 
jouée  par  Mathieu. 

*** 

Scala.  —  Depuis  quelque  temps,  ce  concert  est 
un  de  ceux  qui  nous  fournissent  le  plus  de  chanson- 
nettes nouvelles. 

Samedi  dernier,  nous  avons  entendu  huit  créations: 

La  Lettre  d'une  demoiselle  de  province,  paroles  de 
M.  Hachin,  musique  de  Darcier,  détaillée  par 
Mme  Graindor;  Le  Troisième  dessous,  et  Vous  n'  me 
f'rez  jamais  croir'  ça  !  par  M.  Chaillier  ;  La  Boulangère 
du  faiéoarg  Saint-Martin,  et  Qu'il  fait  donc  soif,  par 
Bourges  ;  Paysans,  restez  paysans,  par  Mme  Kaiser,  et 
Lisbeth,  par  Mlle  Marguerita. 

Le  Terrain  neutre,  une  nouvelle  opérette  '  de 
M.  Meyain,  musique  de  M.  Street,  n'a  pas  été. favo- 
rablement accueillie,  malgré  les  eflorts  de  MM.  Bert, 
Brunet,  Bérod  et  de  MUeLiovent  qui  étaient  chargés 
de  l'interprétation. 

En  revauche,  La  Consigne  est  de  ronfler,  jouée  par 
MM.  Derame,  Bérod  ;  Mme  Heuzé  et  Mlle  Blockette, 
a  fait  grand  plaisir. 

Sans  Tambour  ni  Trompette  est  le  titre  définitif  de 
la  revue  de  fin  d'année. 

La  danseuse  anglaise  engagée  spécialemeat  pour 
la  revue  est  Mlle  Patti. 

*** 

Folies-Rambuteau.  —  La  première  représen- 
tation de  la  revue  Tournez  la  manivelle,  de  MM.  P. 
Lamarque  et  J.  Boucherai,  a  eu  lieu  il  y  a  quelques 
jours.  L'administration  ayant  omis  de  nous  adresser 
une  invitation,  nous  n'en  parlerons  pas  autrement. 

MM.  Rivoire,  Deschamps,  Bonnet  ;  Mmes  Fernaride 
et  Bomdon-Sivaldi,  sont  les  artistes  qui  nous  parais- 
sent le  plus  mériier  les  applaudissement  du  public- 

Terminons  ce  pelit  article  en  adressant  nos  remer- 
ciements au  directeur  des  Folies-Rambuteau,  pour 
la  façon  un  peu  cavalière  avec  laquelle  il  traite  les 
journalistes  qui  ont  l'honneur  de  se  présenter  dans 
son  établissement. 

*** 
Grand  Concert  Parisien.  —  La  première 
représentation  de  la  revue  Psit  !  Psit!  Psit  !  a  eu  lieu 
jeudi  dernier.  Les  exigences  de  MM.  les  typogra- 
phes, qui  nous  obligent  à  donner  noire  copie,  à  l'im- 
primerie, le  mercredi  au  plus  tard,  nous  forcent  à 
remettre  le  compte  rendu  au  prochain  numéro. 

*** 
B'jon-Concert. — LQrs  de  l'ouverture  de  cet 
établisseineat,  ngus  iui  ayoag  wn^am  ua  pëUt 


article  encourageant,  pensant  que  la  troupe  engagée 
n'était  que  provisoire  et  qu'elle  serait  remplacée 
petit  à  petit  par  des  artistes  qui,  à  défaut  d'une 
grande  renommée,  auraient  au  moins  quelque  talent. 
Nous  nous  étions  trompés,  car  depuis  ce  temps,  les 
jours  se  sont  succédé  sans  apporter  d'améliorations 
sensibles.  Nous  ne  voulons  pas  décrier  les  jeunes 
débutants  de  Bijou-Concert,  mais  nous  sommes 
obligés  d'avouer  qu'ils  ne  sont  pas  suffisants  pour 
tenir  toute  une  soirée  le  public  en  haleine,  car,  à 
part  Mme  Sibelli  et  M.  Gardel  qui  ont  certaine  valeur, 
le  reste  de  la  troupe  est  tout  au  plus  capable  de 
chanter  en  premier  tour,  dans  des  Goncer'l/ secon- 
daires. 

M.  Chéret,  qui  est  un  ;homme  intelligent,  devrai-} 
pourtant  bien  comprendre  que,  pour  fonder  un  Cçn- 
cert  viable  dans  le  quartier  du  faubourg  Poissonnière 
il  lui  faat  des  artistes  capables  de  rivaliser  avec  ceux 
de  son  voisin,  I'Alcazar  d'Hiver.  j 

Nous  lui  conseillons,  dans  son  intérêt,  d'aviser  au 
plus  vite  au  renouvellement  de  sa  troupe,  car  nous 
craignons  qu'il  ne  soit  déjà  trop  tard. 

Alfred  Bertinot. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Dimanche  21  novembre,  les  amis  de  la  ûaitÉ  de 
MONTMARTRE  donnaient,  salle  Pétreile,  2î,-leuï 
soirée  intime. 

Parmi  les  plus  applaudis,  je  citerai,  pour  lapartie 
comique,  MM.  B.o\x&s,ey  [débuts),  E.  PiUot,  Bertrand 
et  M.  Blancbot,qui  s'est  fait  rappeler  trois  fois  dans  la 
nouvelle  scie  de  Bourges,  Mlle  Clignancourt,  M.  Beaux 
qui  s'est  distingué  dans  Olym,pia,  M.  Fauchet  et 
enfin  M.  Pillot  qui  a  bien  détaillé  les  Ingrats. 

Dans  la  partie  sérieuse  je  me  contenterai  de  citer 
MM.  Bacot,  Carton  et  Wexler. 

Un  bon  point  à  M.  E.  Pacra  fils,  qui  a  chanté  Un 
air  de  Rameau  et  a  su  empoigner  son  auditoire. 

La  soirée  s'est  terminée  par  l'amusante  tragédie 
burlesque  La  fille  du  Droguiste,  qui  a  été  enlevée  par 
MM.  Bertrand,  Bacot  et  Blanchot  dans  le  rôle  de 
Camomille. 

La  Société  chorale  et  lyrique  Les  Enfants  de  la 
Seine,  a  donné  le  samedi  27  novembre,  chez  M.  ïa- 
vernier  aîné,  à  l'occasion  de  la  Sainte-Cécile,  son 
huitième  banquet  annuel,  sous  la  présidence  de 
M.  Leconte,  député  de  VIndre. 

Ce  banquet  où  la  plus  franche  gaieté  nV  cessé  de 
régner,  fera  certa'.ement  époque  dans- les  annales 
de  la  Société.  M.  Leconte,  avec  le  talent  et  la  mo- 
destie que  l'on  lui  connaît,  a  su  tenir  sous  le  charme 
de  sa  spirituelle  conversation  ses  auditeurs  qui  dans 
un  élan  spontané  lui  ont  offert  la  présidence  d'hon- 
neur de  la  Société,  que  M.  Leconte  s'est  empressé 
d'accepter  avec  une  grâce  charmante  et  pleina, 
d'émotion".  Lorsque  M." Gantarel  lui  a  présenté  l'in- 
signe de  la  S  ciéLé,  la  salle  croulait  sous  les  applaur 

dissewenfs;  après  use  wurie  .aJJoeutJon  adressés 


LA  CHANSON 


239 


par  M.  Cantarel,  président,  à  ses  sociétaires  leur 
rappelant  les  succès  remporté  parla  Société  dans  les 
derniers  concours,  M.  Leconte,  dans  un  discours 
Lien  senli,  a  rappelé  tout  l'intérêt  qu'il  prend  an 
développement  et  l'institution  des  sociétés  lyriques. 
Puis  comme  tout  finit  par  des  chansons,  M.  Leconte 
a  récité  et  chanté  trois  de  ses  meilleures  composi- 
tions où  l'esprit  abonde  ;  M.  Cantarel  a  interprété  une 
Larcarole  et  une  chansonnette  composée  par  lui,  avec 
un  sentiment  et  une  délicatesse  exquise  ;  puis  est 
venu  le  tour  des  sociétaires  parmi  lesquels  nous 
citerons  M.  Emmanuel  Haas,  comique  inimitable 
clans  le  Hévérend  père  ;  M.  Jules  Kock,  dans  Blets  ion 
bonnet  Madeleine  ;  M.  Perrot,  dans  le  Baiser  à  la  Dame,- 
MM.  Lebrelon,  pianiste  de  la  Société,  Mercier  père  cl 
fils,  Perrin,  Masson,  Creutznack,  Dargaud  et  Lavazza. 

En  somme,  la  soirée  s'est  prolongée  fort  tard,  car, 
à  une  heure  du  matin,  on  ne  pensait  guère  à  se  lever 
de  lable,  tant  il  est  vrai  de  dire  que  le  temps  passe 
vite  quand  l'on  est  en  si  bonne  société.  Enfin,  l'on 
s'est  quitté  à  regret  espérant  se  revoir  le  plus  tôt 
possible. 

Ne  terminons  pas  pans  accorder  encore  une  bonne 
npte  (et  elles  sont  nombreuses),  à  M.  Cantarel  l'infati. 
gable  président,  pour  l'organisation  de  celte  fêle  qui 
laissera  dans  le  cœur  des  assistants  de  bien  doux 
Fouvenirs.  Un  Invité. 

Dimanche,  28  novembre,  a  eu  lieu  le  banquet  de 
Sainte  Cécile,  donné  par  la  fanfare  «  la  Sirène  «  sous 
la  présidence  de  M.  Peny,  officier  d'instruction  pu- 
blique et  professeur  des  écoles  de  la  ville. 

Au  dessert,  plusieurs  discours  ont  été  prononcés, 
par  MM.  Peny,  Monpoix,  président  de  la  Société  ; 
Gorbin,  vice-président  et  Lcvasscur,  l'intelligent  dj- 
rocteur  de  la  fanfare.  ! 

Un  concert  improvisé  terminait  cette  fètc  intimç. 
Nous  avons  eu  la  satisfaction  d'applaudir  M.  Maire, 
artiste  consciencieux,  doué  d'une  merveilleuse  mé- 
moire el  que  nous  espérons  bientôt  voir  sur  la  scène 
d'un  de  nos  grands  concerts,  MM.  Paget,  Poux, 
Naudin,  Aspôs  et  Herbelin,  qui  ont  su  faire  plaisir. 

Uu  reproche  pour  son  mutisme  à  Vami  Boivin. 

Nous  avons  surtout  remarqué  à  cette  fête,  un  ar- 
tiste musicien  dislingné,  M.  Paul  Stremblel,  encore 
inconnu  a  Paris,  mais  qui  a  obtenu  à  Orléans,  par 
son  incontestable  talent,  une  réputation  justement 
méritée.  G.  Lemaitre. 

La  soirée  donnée  le  29  novembre  par  la  Lyre  ré- 
publicaine a  été  très  belle.  Nous  en  rendrons  compte 
dans  noire  prochain  numéro. 

AVIS  IMPORTANT 

lions  pW'Vonons  nos  nbonnés  rctordotaire.s,  qui  «le 
nous  ont  pas  encore  fuit  parvenir,  le  montant  de  Ic^r 
réabonnement,  et  qui  ont  gardé  les  numéros  de  RijB- 
venibrc  que  nous  faisons  toucher  par  la  poste  le  mon- 
tant de  I  abonnement.  ■    '. 

IVous  recevons  des  réclamations,  constatant  dès 
îrrégnlarités  dans  la  distribution  de  notre  journal. 
Mous  ne  saurions  trop  recommander  A  nos  abonnés 
d'adresser  directement  leurs  réclamations  iV  1^1. 
Cochery,  ministre  des  postes  et  des  télégraphes,  i\ 
Paris.  (Ecrire  sans  affranchir)  ij 


AUX  AUTEURS  ET  COaiPOSITEURS  DE  MUSIQUE 

Nous  recevons  depuis  longtemps  de  nombreuses 
lettres  nous  priant  de  vouloir  bien  nous  charger 
d'éditer,  pour  le  compte  des  auteurs,  soit  en  grand  for- 
mat piano,  soit  en  petit  format  guitare  ou  même  en 
cahier  populaire. 

Nous  cédons  aux  demandes  qui  nous  ont  été  faites 
en  mettant  à  la  disposition  des  auteurs  nos  relations 
commerciales.  Nous  répondrons  à  toute  demande  de 
renseignements  çi  laquelle  sera  joint  un  timbre-pOste. 
Nousprions  nos  correspondants,  pour  simplifier  noire 
travail,  de  nous  dire  clairement  l'édition  qu'ils  dé- 
sirent, grand  format  piano,  avec  ou  sans  gravure; 
petit  format  guitare  avec  ou  sans  gravure. 

Nous  préparons  pour  paraître  en  janvier  des  cahiers 
de  chansons  à  10  centimes.  Nous  prions  les  auteurs 
qui  voudraient  y  collaborer  de  nous  envoyer  des 
chansons  de  suite  pour  être  soumises  au  comité 
d'examen.  Les  auteurs  seront  avertis  de  celles  qui 
seront  reçues  pour  être  publiées  aux  conditions  sui- 
vantes: envoyer  le  montant  de  cent  exemplaires  qaWs 
recevront  aussitôt  parus  (soit  dix  francs)!  C'est  delà 
publicité  gratuite,  puisque  l'auteur  est  remboursé 
en  exemplaires.  Ces  cahiers  sont  appelés,  croyons- 
nous,  à  un  grand  tirage.  Chaque  livraison  renfer- 
mera une  chanson  à  succès  connue,  une  chansoji  avec 
musique,  trois  ou  quatre  chansons  inédites,  et  Upor- 
trait  d'un  chansonnier  ou  compositeur  populaire. 

Nous  nous  chargeons  également  de  la  publication 
de  volumes  ou  brochures  pour  le  compte  des  auteurs, 
quel  que  soit  le  genre  de  l'œuvre,  après  lecture  bien 
entendu.  A.  P. 


CHOSES  &  AUTRES 

M.  Legouvé,  de  l'Académie  française,  a  publié, 
dans  le  journal  le  Temps,  du  mercred'i  24  novembre, 
une  élude  intitulée  :  Une  chanson  de  Béranger  :  Jac- 
ques. Nous  la  recommandons  à  tous  les  détrac- 
teurs de  Béranger.  Avis  à  celui  qui  a  signé  le  Pied 
(jui  r'mue.  Nous  espérons  que  ce  travail  conscien- 
cieux et  si  intéressant  sera  bientôt  réuni  en  bro- 
chure. 

Lundi  G  décembre,  23,  faubourg  du  Temple,  an- 
cienne salle  de  l'Alhambra,  grande  soirée  au  béné- 
fice de  Victor,  bien  connu  de  toutes  les  Sociétés  ly- 
riques, avec  le  concours  d'artistes  des  concerts  et 
des  sociétés  lyriques. 

Le  8  décembre,  inauguration  d'une  nouvelle  So- 
ciété lyrique  el  dramatique  :  les  Violoneux.  Cette 
soirée  aura  lieu  dans  l'ancienne  salle  de  l'Alhambra, 
23,  faubourg  du  Temple,  avec  le  concours  d'une  har- 
monie dont  le  nom  nous  échappe,  et  delà  chorale  1'^- 
heille.  Des  soirées  auront  lieu  tous  les  mercredis, 
23,  faubourg  du  Temple,  salle  du  premier. 

La  Société  lyrique  les  Amis  de  Béranger,  dont  le 
siège  social  est  au  café  Hollandais  au  Palais-Royal, 
donnera,  dimanche  1 1  décembre,  un  bal,  salle  du 
Grand-Orient,  16,  rue  Cadet.  On  trouve  des  caries 
d'invitation  aux  bureaux  du  journal  La  Chanson. 

Très  prochainement  la  réouverture  de  la  Société 
lyrique  et  dramatique  l'EschoUer,  présidée  par 
M.  Gougel,  salle  de  VHermitage,  29,  rue  de  Jussieu. 


240 


LA  CHANSON 


Samedi  11  décembre  aura  lieu,  au  Concert  de  la 
Pépinière,  le  bénéfice  annuel  de  M.  Emile  Durafour, 
artiste  et  régisseur  de  cet  établissement. 

Dimanche  12  décembre,  grande  matinée  à  1  heure 
précise,  ancienne  salle  de  l'Alhambra,  23,  faubourg  du 
Temple,  donnée  par  Les  Gais  Momusiens,  présidés 
par  M.  Leroux,  au  bénéfice  de  la  veuve  d'un  socié- 
taire. La  bénéficiaire  est  des  plus  intéressantes  ;  elle 
est  digne  d'intérêt  et  de  plus  elle  a  trois  enfants. 

Prêteront  leur  concours  à  cette  bonne  œuvre  : 

MM.  J.-B.  Collignon,  compositeur;  Adrien  Sou- 
chet,  Chapignie,  Karl,  Francfort,  Victor,  etc.,  etc.  ; 
Mlles  Vanina  Valette,  Jeanne  et  Emma  ;  Mmes 
Trottin,  Déchamps,  Bariot  et  FayoUe  des  Oais  Momu- 
siens ;  MM.  Métivet,  Panckouckc,  Mock,  Charles, 
Poudra,  etc.,  etc. 

La  Femme  qui  se  grise,  vaudeville  en  un  acte,  sera 
joué  par  Mme  Achenay;  MM.  Métivet,  Panckoucke 
et  Alfred. 

Piccolet,  comédie-vaudeville,  sera  interprété  par 
Mmes  Deschamps,  Achenay;  MM.  Lefèvre,  Alfred, 
Charles. 

Le  piano  sera  tenu  par  M.  Marcus. 

Prix  des  places  :  1  fr.,  7S  c.  et  50  c. 

Au  premier  jour,  le  journal  La  Chanson  commen- 
cera la  publication  d'une  série  d'articles  intitulés 

L'HISTOIRE 

DES 

SflCIÉTÉS  tYflIQttES  PARISIENNES 

d'aj^rii  des  documents  puisés  aux  archives 
desdites  Sociétés 

PAR 

JULES JOUY  &  AUGUSTE  GOUTS 

THÉÂTRE   DU  CHATEAU-D'EAU 


Dimanche  5  Décembre  1880 


Et, 4 


MATINEE-COIVCERT 

SEPTIÈME  FÊTE  ANNUELLE  DE  BIENFAISANCE 
Au  profit  de  la  Caisse  de  Prévoyance 

MUTUALITÉ    COMMERCIALE 


AVEC  LE  CONCOURS  GRACIEUX  DE 
M.  MANOURY  Mlle  REICHEMBEKG 

Je  l'Opéra  de  la  Comédie-Française 

M.  WORMS  M.  COQUELIN  CADET 

de  la  Comédie-Française 

Mlle  MATHII.DE       Mlle  BEBTHOU       Mlle  CARO 
M.  NUMËS     M.  PLET     M.  BARLET     M.  G.  GUILLEMOT 

du  Théâtre  du  Palais-Rojal 


MlleV.  CASTELLI 
des  Bouffes-Parisiens 


Mlle  AMI.ITI         Mlle  BOMVAIRE 

du  Concert  de  l'Eldorado 


M,  BRUNEAU  M.  COPm 

du  Cercle  Pimlle 


M.  REMY 

l*""prix  de  Violon  du  Conservatoire 

Mlle  JUA1V.V 


M.  LEVILLY 


piano  d'accompagnement,  de  la  Maison  PLEÏEL  WOLFF, 
ptrM.  MATON 
L'Orchestre  sera  dirigé  par  M,  CHARLES  MALO 


PUBLICATIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.  PATAY 

(tS,  rne  Bonaparte  18). 


Les  Abeilles,  chanson.  Paroles  de  Georges  Baillet 
Musique  de  Mme  Anais  Brianny.  Avec  gravures,   grand 

format  et  accompagnement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  net  »    30 

lyAIhum  des  Dames,  par  Mme  Juliette  Mancelière, 
cahier  de  chansons  à  10  cent. 

Etes-vous    comme   moi?    chanson.    Paroles    de   L.- 
Henry Lecomte,  Musique  de  Jules  Raux,  grand  format, 
avec  accompagnement  de  piano,  et  gravure,  net..     1     • 
Petit  format,  avec  gravure,    net •  30 

Créée  à  l'Eldorado  par  Velly.  cette  bonne  chanson 
fait  en  ce  moment  le  tour  des  Concerts. 

lia  Fête  de  la  France.  Paroles  de  J.-B.  RobiNOT, 
Musique  de  Jules  Raux,  petit  format  aux  couleurs  natio- 
nales, net »  20 

Franco,  hymne  de  la  Paix.  Chant  national.  Paroles 
de  L.  Sarrade,  Musique  de  Ben-Tayoux,  avec  gravure 

grand  format,  accompagnement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net »  30 

Ei'Uiver,  romance.  Paroles  de  Fauché,  Musique  de 
Raguey,  petit  format  sans  gravure,  net »  20 

j'en  Boifole,  paroles  et  musique  de  Jules  Raux. 
Petit  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gravure, 
net »  50 

Miaou  I  chanson  féline.  Paroles  et  musique  de  Jules 
Raux,  grand   format  avec  gravure  et  accompagnement 

de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net. .  i •  30 

lyaSInse  de  la  Chanson.  Paroles  deCLAUDius  Malbet 
Musique  de  Ch.  Marié.  Grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

No  chantez  plus  la  IHarseillaiso,  chaTisonpatriotigue. 
Paroles  de  Jules  Célès.  Musique  de  Louis  Caloin. 
Grand  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gra- 
vure, net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net ■ »  30 

Paix  et  Travoil.  Paroles  de  Eugène  Imbert,  Musique 
de  Jules  Raux.  Grand  format  avec  accompagnement  de 
piano,  sans  gravure,  liet , »  50 

K>cs  Petites  Mains  de  ma  Mie,  chanson.  Paroles  de 
J.  Jouy,  Musique  de  Paul  Henrion.  Grand  format,  avec 

accompagnement  de  piano  et  gravure,  net 1     ■ 

Petit  format  avec  gravure,  net t  30 

Cette  chanson  vient  d'être  créée  au  Concert  du  XIX'  siècle 
par  Debailleul,  elle  est  déjà  interprétée  dans  plusieurs 
concerts  et  dans  beaucoup  de  sociétés  lyriques . 

Quand  t'auras  des  Moustaches.  Paroles  de  Claudius 
Malbet,  Musique  de  Mathilde  Fraiquin,  Grand  for- 
mat avec  accompagnement,   sans  gravure »  50 

■iO  Vieux  Buveur  de  vin,  chanson.  Paroles  de 
Brugière,  Musique  de  Jules  Raux.  Grand  format  avec 
accompagnement  de  piano,  petit  format  avec   gravure, 

net 50 

Cette  chanson  vient  d'être  chantée  avec  succès  dans 
plusieurs  concerts  parisiens. 

Via  e'quo  c'est  qu'un  cnterr'ment,  tableau  populaire, 
paroles  d'EuGÈNE  Imbert,  musique  deDAUVERGNE.  Petit 
format  avec  gravure  et  accompagnement  de  J.  Raux     >  50 

Vous,  valse  chantée,  par  L.  P.,  officier  de  cavalerie. 
Grand  format,  avec  accompagnement  de  piano,  net  1  « 
Toutes  ces  pubZtcattons  seront  envoyées  franco  dans 
toutela  France  à  toute  personne  q  ui  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'un  mandat- 
poste  à  partir  de  cette  somme. 


PIANO    ET   CHANT 
SVImSS  QVl'BA.ST 

PROFESSEUR 

Paris,     16,    rue    des     Martyrs, 


16 


Le  Propriétaire-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris,  —  Imprimerie  L.  Hugoois  et  Cie,  6,  rue  Martel. 


3»  ANNEE.  —  N»  31. 


f  O  CENTIMES. 


12  DÉCEMBRE  1880 


LA   CHANSON 


Directeur-Administrateur 
A.  PATAY 


La  chanson  est  une  forme  âHéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
«»(  le  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V,  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE 

ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux- Arts 

PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les   manuscrits   non   insérés   ne   seront   pas  rendus. 


Secrétaire  de  ta  Sédaciion 
A.   BERTINOT 


Annonces,  la  ligne. . . 
Réclames,        — 


Lschanson,  commelabaronnelte 
est  une  arme  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L -HENRY   LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

•         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an 8  » 


SOMMAIRE  : 


Emile   Eura/our  (L.-  Hknbï  Lbcomtk)  — 

.la    lapin    couronné    (Évulb    DtiutoiiO  — 

—  Le  Caieau    Veifiéloii  iX)  — 


Galerie    des   Chansonnier. 
Quand  on  a  bien  fècu 

Jianquet  du  Caveau  (El_.  ... 

Troisiétne  grand  concours  poétique  de  la  Vltanson  —  t. 


de 


T)   -   CI, 


Ihsioire  de  P'til  Pr 
le  de  Diisiioi:ssBifs  — 
el  Aulres  —  Àv 


nu    tambour. 
Concerts  {\i. 


GALERIE  DES  CHANSONNIERS  :   Emile  DURAFOUR 


Voilà  certes  une  phy- 
sionomie originale  et 
Lien  faite  pour  tenter 
la  plume  d'un  biogra- 
phe. Chansonnier,  au- 
teur draniatique,arliste, 
Durafour,  sous  ces  as- 
pects divers,  mérite  une 
attention  particulière. 
Sa  vie,  sorte  de  Roman 
Comique,  est  une  dé- 
monstration intéres- 
sante de  ce  que  peut 
aujourd'hui  l'intelli- 
gence servie  par  une 
ferme  volonté. 

Durafour  (Louis  dit 
Emile),  est  né  à  Belfort, 
le  27 avril  1S3'2.  Jusqu'à 
l'âge  de  vingt  ans,  il 
fut  clown,  gymnaste  et 
écuyer  dans  un  cirque 
dirigé  par  son  père. 
C'est  à  Lyon,  en  1832, 
qu'il  abandonna  sa  pro- 
fession périlleuse  pour 
se  livrer  à  l'art  drama- 
tique. On  le  vil  débuter 
à  la  Guillol'ère,  dans 
im  théâtre  provisoire 
qui  représentait  des 
mélodrames  milil  aires  ; 
il  y  était  à  la  fois  acteur,  régisseur,  auteur, 
soia  même  chanteur  comique.  A  cetie 
remonte  sa  première  chanson,  Y  Amoureux  t 


ffiie,  dont  Charles  Pour- 
ny  fit  la  musique.  Deux 
ans  plus  tard,  on  le  re- 
trouve àla  Croix  Rousse 
dans  une  autre  salle, 
toujours  provisoire.  Le 
directeur  privilégié  des 
théâtres  de  Lyon  pré- 
levait le  tiers  des  recet- 
tes brutes  de  son  mo- 
deste concurrent  et  lui 
défendait  de  jouer  au- 
cune des  œuvres  faisant 
partie  du  répertoire 
dramatique.  Ces  entra- 
ves ne  firent  que  sti- 
muler le  zèle  de  Dura- 
four ;  il  composa  des 
pièces,  non-seulement 
pour  son  théâtre^  mais 
encore  pour  les  Bouffes 
Lyonnais,  et  ces  pièces, 
par  parenthèse,  furent 
créées  par  des  artistes 
qui,  depuis,  ont  fait 
leur  cliemin  :  Dupin, 
des  Variétés,  Perrin,  de 
l'Eldorado,  HamiltOD, 
etc. 

Il  est  peu   de  Lyon- 
nais qui  ne  connaissent 
les  chansons  composées 
au  be-  J  alors  par  Durafour  :  Hommage  à  Béranger,  Ficelle,  la 
époque  t  Mère  Tra  la  la,  le  Chevalier  de  Plume-au-  Vent,  le  Zouave 
l'Auur-  \  lyonnais,  le  Vieuso  Défenseur,  Adieu  Fifine  et  Zoé,  li 


-242 


LA  CHANSON 


Fiisilim'  Merluchon,  le  Chant  des  Alliés,  le  Pain,  les 
Regrets  de  Cocassier  ;  toutes  se  font  remarquer  par  la 
Lonne  humeur  et  la  verve,  toutes  devim-ent  promp- 
teiaent  populaires. 

Il  manquait  à  Durafour  le  baptême  parisien.  Le 
l-i  juillet  1800,  ildéiutait  au  théâtre  Beaumarchais 
dans  André  le  SaU'mihawfiie,  drame  de  sa  composi- 
tion, dont  la  réussite  fut  complète.  —  «  Je  ne  dirai 
pas,  éeri-\-ait  Jules  Prével  dans  le  BUjaro  du  lende- 
main, que  Durafour,  auteur,  a  été  plus  applaudi 
que  Durafour  g.ymnasle  ou  Durafour  acteur,  je  me 
Lornerai  tout  simplement  à  dire  que  les  trois  Dura- 
four sont  curieux  à  voir  et  à  entendre.  »  Le  public 
ratifia  ce  jugement,  car  la  pièce,  en  dépit  de  cha- 
leurs caniculaires,  eut  un  nombre  de  représenta- 
tions considérable. 

Encouragé  par  le  suffrage  de  notabilités  comme 
Dennery,  Roger  de  Beauvoir,  Lambert-Thiboust  et 
autres,  Emile  Diu'afour  eût  pu  poursuivre  avec 
avantage  la  carrière  d'auteur  dramatique;  mais  il 
était  déjà  père  de  famille  et  dut  s'enquérir  avanttout 
du  pain  quotidien.  Il  traita  donc  avec  plusieurs 
directeurs  de  province  chez  lesquels  il  alla  d'-^nner 
des  représentations  de  son  drame.  En  1863,  il  re- 
venait à  Paris  et  ouvrait  avec  sou  père  le  théâtre  de 
la  rue  de  Flandre,  d'abord  simple  construction  en 
planches,  bientôt  agrandi  et  édifié  comme  il  est  de 
nosjom's.  Ayant  sollicité  l'autorisation  d'adjoindre 
quelques  chansonnettes  aurépertoire  courant, Dura- 
four se  la  vit  accorder  à  la  condition  que  «  lesditeg 
chansonnettes  auraient  M.  Durafour  pour  auteur  et 
seraient  chantées  par  lui  devant  le  rideau.  »  Cette 
clause  n'était  pas  faite  pour  embarrasser  notre 
héros,  mais  il  nous  a  paru  bon  de  la  relever  afin  de 
préciser  le  degré  de  liberté  que  l'empire  accordait 
aux  entreprises  artistiques. 

Déçu  dans  ses  légitimes  espérances,  Durafour  dut 
quitter  un  jour  le  théâtre  de  la  Villette,  pour  entrer 
au  concert.  Il  débuta  comme  chanteur  comique  au 
Café  du  Géant,  puis  au  Cheval  Blanc,  où  il  c-îèSiDeux 
beautés  d'autrefois  et  le  Talisman  du  père  François, 
saynètes  de  lui  qui  ont  fait  leur  tour  de  France. 
A]irès  avoir  paru  à  VAlcazar  d'été  de  Paris  et  au 
Casino  de  Bruxelles,  il  se  montra  régisseur  habile  au 
Concert  de  V Horloge  où  il  fut,  pendant  deux  saisons, 
chargé  spécialement  de  diriger  la  partie  artistique, 
lî  tint  le  même  emploi  à  Lille,  aux  Bouffes  dv,  Nord 
(direction  Blanc)  ;  enfin,  à  son  retour  à  Paris  (1872) 
la  direction  du  Concert  de  la  Pépinière  traita  avec  lui 
comme  régisseur,  artiste  et  metteur  en  scène,  traité 
que  les  nouveaux  directeurs  de  cet  établissement, 
MM.  Roger  et  Dutilloy,  se  sont  empressés  de  renou- 
veler à  des  conditions  très  brillantes. 

Comme  artiste,  Emile  Durafour  appartient  à  cette 
école  excellente  qui  provoque  le  franc  rire  sans  exa- 
gération de  voix  ni  de  pantomime.  Gomme  régis- 
seur, ce  n'est  évidemment  pas  l'expérience  qui  lui 
manque  ;  il  a  fait  ses  preuves  depuis  nombre  d'an- 
nées et  en  mille  circonstances.  Ayant  su  se  créer  de 
très  belles  relations,  il  les  met  volontiers,  ainsi  que 
son  talent  d'organisateur,  au  service  des  «  monteurs 


de  parties  ».  Nous  ne  saurions,  pour  notre  part,  ou- 
blier la  grâce  parfaite  et  le  dévouement  absolu  avec 
lequel  il  dirigea,  au  théâtre  du  Château-d'Eau,  l'exé- 
cution du  programme  de  la  Chanson,  lors  de  la  matinée 
donnée  par  notre  journal  en  l'honnem-de  Béranger. 
Le  catalogue  chansonnier  de  Durafour  est  considé- 
rable. 11  comprend  plus  de  deux  cents  romances, 
scènes  comiques  ou  chansonnettes  fort  appréciées 
du  public.  Nous  citerons,  parmi  les  plus  récentes  : 
Pétronille,  la  Me7iteuse,  les  Femmes  de  Pantoise,  la 
Famille  à  Camille,  la  Saint-Crépin,  la  Vénus  au 
Champagne,  Faudrait  pas  la  r'commencer.  Mon  Fou- 
lard, Fsuis  pas  fâché  d'y  avoir  dit  ça.  Toutes,  à  des 
titres  différents,  ont  obtenu  de  réels  succès.  Ses  col- 
laborateurs musiciens  sont  :  Dareier,  Paul  Henrion, 
Renard,  Paul  Blaquière,  "S'ictor  Robillard,  L.  C.  De- 
sormes, Gh.  Hubans,  'Wachs,  Jules  Javelot,  Frédéric 
Barbier,  Charles  Pournj^  Ludovic  Benza,  Lucien 
Gollin,  Emile  David,  Dubost,  Batifort,  Ouvier,  Van- 
denesse,  Joly,  Martin,  Bougnol,  Jandard  et  Lonali. 
Nous  avons  donné  les  titres  de  deux  saynettes 
écrites  par  Durafour;  il  faut  y  ajouter:  Milord  et 
Danseuse,  les  Fiancés  de  Saint-Floiir,  les  Deux  Inva- 
lides, les  Amoureux  de  Jeaimeite,  les  Marchands  de 
comjjlaintes,  les  Virtuoses  de  Gonesse,  l'Amour  et  i' Ap- 
pétit, les  Epoux  Bouneau,  Un  Bénéficiaire  dans  l'em- 
barras (en  collaboration  avec  L.  Quentin),  l'Amour 
par  correspondance  (avec  E.  Baillel),  Un  amour  de  mé- 
nage. Deux  Piliers  de  cabaret,  œuvres  amusantes  et 
très  scèniques.  Enfin,  indépendamment  de  son 
drame  de  début,  il  a  donné,  aux  Délassements,  le 
Cabaret  de  Louison,  et  récemment,  à  l'Athénée-Gomi- 
que.  Tous  Toqués  1  et  le  Déjeuner  de  Lise  (avec  Félix 
Savard)  ;  toutes  ces  pièces  ont  dépassé  le  chiffre  de 
cent  représentations. 

La  bonne  humeur  et  le  caractère  aimable  de  Dura- 
four lui  ont  ouvert  l'accès  de  diverses  sociétés  litté- 
raires ou  chantantes  ;  ii  est  membre  de  la  Lice  Chan- 
sonnière depuis  1876,  et  convive  assidu  des  ylrifwfe* 
Lyonnais,  du  Bon  Bock,  des  Pierrots,  des  Va-de-bon- 
cœm,  etc.  Il  y  interprète  d'ordinaire,  avec  un  talent 
réel,  ses  productions  chansonnières  ;  mais  son  ob- 
jectif sérieux  est  aujourd'hui  le  théâtre.  Il  travaille 
eu  ce  moment  à  des  pièces  en  plusieurs  actes  qui 
ne  tarderont  pas  à  voir  le  l'eu  de  la  rampe,  et  dont 
nous  souhaitons  sincèrement  la  réussite. 

La  plupai't  des  chansons  de  Durafour,  composées 
spécialement  pour  le  concert,  brillent  par  l'habileté 
de  l'agencement  plus  que  par  l'élégance  du  style  ; 
quand  il  le  veut  pourtant,  l'auteur  sait  revêtir  sa 
pensée  d'une  forme  littéraire.  Nous  offrons  à  nos 
lecterars,  comme  spécimens  des  deux  manières 
d'Emile  Durafour,  deux  chansons  d'allure  difi'érenle 
et  dont  la  vogue  n'est  pas  épuisée.  Elles  ont  été  mi- 
ses en  musique,  avec  un  double  bonheur,  par  le  sym- 
pathique compositeur  Désormes.  Durafour  est  là  avec 
sa  bonhomie  un  peu  narquoise,  sa  rondeur,  son  rire 
honnête  et  communicatif,  toutes  les  qualités  enfin 
qui  lui  ont  valu  du  renom  dans  le  passé,  et  lui  assu- 
rent de  nombreux  succès  dans  l'avenir. 

L.  Henry  Lkcomte 


LA  CHANSON 


243 


A  mon  nmi  ALFRED  LECWXTE    ' 

llépiilù   de  l'Indre. 

QUAND  ON  A  BIEN  VÉCU 

Paroles  (In  EliiLK  Dteafour 

Musi([iio    dp    L.-C.    DEKOBiiES    {\) 

Créée,  par  l'Auteur  au  Théâtre  du  Château-d'£au  et  par 

Philibert  CRÉTOT  au  Concert  de  la  Pépinière. 


Buvons,  amis,  la  gai  lé  nous  convie. 
Plus  ,{e  vieillis,  plus  je  suis  cunvaiucu 
Que  sans  regret  je  ([.uilterai  la  vie  : 
On  peut  mourir  quand  on  a  bien  vécu  ! 

Je  n'ai  jamais  couru  laprelenlaine, 

On  di(,  de  moi  :  «  Voyez  le  beau  vieillard  !  » 

J'ai  crânement  passé  la  soixaulainu, 

Je  suis  encor  on  ne.  peut  plus  gaillard. 

Les  cbeveux  blancs  ne  luc  chagriocnl  guère, 

De  mes  soucis  je  lus  toujours  vainqueur. 

Je  suis  joyeux  comme  j'étais  naguère  : 

On  n'a  vraiment  que  l'âge  de  son  cœur  : 

Buvons,  amis,  etc. 

Je  suis  encor  une  bonne  l'ourchelte, 
J'aime  avant  tout  un  excellent  dîner  ; 
Je  ris,  je  bois,  mais  jamais  en  cachette  ! 
Ouand  on  vit  bien,  jiourquoi  se  cliagriner  ? 
Il  l'ut  un  temps  où  j'adorais  la  danse. 
On  m'admirait  les  nuits  de  carnaval  ; 
Mais  aujourd'hui,  cédant  à  la  prudence, 
Je  me  tiens  mieux  à  tablo  qu'à  cheval. 

Buvons,  amis,  etc. 

J'étais  jadis  un  fort  joli  jeune  homme. 
Ne  riez  pas  --je  dis  la  vérité  ; 
Vrai  boute-en-irain,  je  possédais  en  sonmie 
Tout  ce  ([u'il  faut  pour  plaire  à  la  beauté. 
On  m'appelait  l'enfant  chéri  des  l'emmes, 
(Juel  temps  lieun'ux  que  celui  des  amours  ! 
Je  suis  liion  vieux,  et  cependant.mesdames. 
Je  le  sous  là...  je  vous  aime  toujours  ! 

Buvons,  amis,  etc. 

Je  n'aime  pas  à  me  montrer  sévère, 
Un  Iranc  buveur  doit  être  généreux  ; 
J'aime  à  chanter  en  contemplant  mon  verre. 
Lorsque  je  bois,  je  me  sens  plus  heureux. 
Je  vis  le  jour  au  sein  de  la  Bourgogne, 
Mon  biberon  l'ut  un  grand  gobelet  ; 
Aussi  chacun  peut  lire  sur  ma  trogne 
Que  j"ai  télé  plus  de  vin  que  de  lait  ! 

Buvons,  amis,  etc. 

J'ai  de  tout  temps  blâmé  le  chauvinisme  ; 
Ne  songeons  plus  à  de  sanglants  succès; 
Pénétrons-nous  de  ce  palriotiscne 
Oui  fait  lionncur  au  sentiment  français. 
Serrons  nos  rangs,  combattons  l'ignorance, 
Prouvons  enfin  que  vouloir,  c'est  pouvoir  ; 
Place  au  progrès  !  travaillons  pour  la  France  I 
Unissons-nous,  tel  est  notrs  devoir  ! 

Buvons,  amis,  la  gaité  nous  convie. 
Plus  je  vieillis,  plus  je  suis  convaincu 
Que  satis  regretje  qp-iitterai  la  vie  : 
On  peut  molirir  quand  on  a  bien  vécu. 


(IJ  La  musique  avec  accomiî!:g 
2,  i-uo  Notre-Damc-ilc-Nazjrclli, 


cliei  Libbé,  lijilcur; 


A  nion  ami  JACXJTJES  ROUSSET 

m  tAPIH  COURONNÉ 

CHANSONNETTE 

Paroles  de  Emile  Durafocr 
]\Iusique    de    L.   G.  Desormes  (1;. 

Créée  par  BOURGES  à  la  Scala  et  par  CADDIEDX  au 
Concert  de  la  Pépinière. 


De  ce  cabaret  la  patronne, 
A  ses  clients  donne  l'entrain, 
Sans  hésiter  cette  luronne 
Entonne  un  bachique  refrain. 
Jamais  de  châteaux  en  Espagne, 
Dans  ce  cabaret  de  Montreuil  ; 
Si  l'on  y  fêle  l'Argenteuil, 
On  y  méprise  le  Champagne. 

Au  cabaret  du  lapin  couronné, 

On  rigole, 

Batifole, 
Tout. est  parlaii,  tout  est  bien  ordonné. 
Au  cabaret  du  lapin  coiu'onné. 

Uuaud  au  patron  c'est  un  bon  homme, 
Un  estimable  marmiton, 
Qui  se  fait  peu  de  bile  en  somme. 
Et  se  l'it  du  quand-dira-t-on  ; 
Urand  buveur,  mais  petit  de  taille. 
On  le  sermonnerait  en  vain, 
Du  vin,  du  vin,  toujours  du  vin. 
Il  a  pour  ventre  une  futaille  1 

Au  cabaret,  etc. 

La  servante  aimable,  mignonne, 
Ayant  tout  au  plus  dix-huit  ans. 
Est  une  blonde  Bourguignonne, 
Fraîche  comme  un  jour  de  printemps. 
Elle  se  nomme  Mariette, 
C'est  à  qui  sera  son  vainqueur  ; 
Aussi  chacun  boit  de  bon  cœur, 
Aux  jolis  yeux  de  la  fillette  \ 

Au  cabaret,  etc. 

On  n'y  fait  pas  de  politique, 
Le  dieu  Bacclius  est  seul  en  jeu  ; 
On  aime  mieux  et  c'est  pratique  : 
Seffrisoter  de  petit  bleu! 
Abusant  du  jus  délectable. 
Dans  ce  temple  des  Balochards, 
On  voit  souvent  de  gais  pocbards 
Glisser  gentiment  sous  la  table  ! 

Au  cabaret,  etc. 

Les  rigoleurs  ont  carte  blanche 
En  dépit  de  plus  d'un  rageur. 
On  peut  y  pincer  le  dimanche. 
Le  pas  du  coucou  tapageur. 
Que  de  joyeuses  ritournelles! 
On  ne  voit  que  des  gens  heureux. 
Là,  les  timides  amoureux 
Trouvent  de  discrètes  tonnelles. 
Au  cabaret,  etc. 


244 


LA  CHANSON 


Entre  nous,  la  cabarelière 
N'est  pas  folle  de  son  époux, 
Qui  durant  la  journée  entière 
La  néglige  pour  les  gloux  gloiix. 
Il  dit  que  soupirrr,  c'est  bète  ; 
Mais  sans  vouloir  lui  faire  affrou I, 
Pour  peu  qu'on  observe  son  front 
On  voit...  ce  qu'il  a  sur  la  lèle  ! 

Au  cabaret,  etc. 

Malheur  au  gredin  qui  s'avise 
De  critiquer  le  Picolo, 
Les  buveurs  ont  pris  pour  devise  : 
Honte  à  celui  qui  boit  de  l'eau  ! 
A  bas  les  fontaines  Wallace  ! 
Si  plus  d'un  nez  est  culotté, 
IN 'allez  pas  croire  en  vérité  : 
Que  c'est  de  sucer  de  la  glace  ! 

Au  cabaret  du  lapin  couronné, 

On  rigole. 

Batifole, 
Tout  est  parfait  tout  est  bien  ord  jUiu' 
Au  cabaret  du  lapin  couronné. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  ET  LITTÉRAIRE  DO  CAVEAU 


Banquet  du  5  décenibre  iHSu. 

La  feniJie  aimée,  après  un  peu  d'ab^enre,  f emble 
plus  belle  et  plus  chère.  En  est-il  ainsi  du  Caveau, 
ou  bien  la  fin  de  l'année,  en  lui  inspirant  le  chaiil 
du  cygne,  double-t-elle  son  inspiration'?  Toujours 
est-Il  que  le  banquet  de  vendredi  éiait  un  des  plus 
brillants  et  des  plus  animés  auxquels  j'aie  assisté 

Et  cependant  le  terrible  article  U  du  rètçlemenl 
article  dont  Grange  a  célébré  avec  tant  d'ispritlà 
remise  en  vigueur,  et  qui  lend  à  transformer  en  ves- 
tales, feu  compris,  tous  les  membres  du  Caveau  :\ 
bien  manqué,  dès  le  début,  de  recevoiruueanicrochc 
Jullien  ne  s'avise-t-il  pas  de  chanter  le  Dieu  Cupidmi 
sur  l'air  de  ïoto  Garabo  '?  Entendez-vous  le  singulier 
refrain  ?  ° 

La  Certitude,  de  Mouton-Dufraisse,  la  Gaudriole 
de  Guerin,  et  surtout  les  Opinions  du2f  tit  P&lyte,  de 
Piesse,  et  le  Mazeppa,  de  Petit,  sont  bien  dans  la 
note  moderne  et  parisienne.  C'est  pris  sur  le  vif  el 
comme  à  l'emporte-pièce. 

Fouache,  qui  est  un  des 'anciens  du  Caveau  n'a- 
bandonne pas  la  chanson-proverbo  :  .1  l'œuvre  on 
connaît  l'artisan,  c'est  son  refrain,  et  je  le  lui  renvoie 
en  guise  d'éloge.  Fénée  refait,  dans  un  guire  moins 
faubourien,  la  Maison  Tranquille,  de  tlolmance  et 
trouve  des  détails  comique  et  nouveaux  pour  son 
Heureux  Locataire. 

Maintenant,  qui  mettra  d'accord  Vincent  et  Fuchs'? 
Le  premier  chaule  VEau  deJouume  et  prétend  que 
nous  ne  sommes  pas  vieux. 

Tant  que  nos  cœurs  n'ont  pas  de  rides  ; 

rautre  s'écrie,  après  Lesueur  :  /eM««e«a;my  >•«/£'?««»■. 
Peut-être  ont-ils  raison  tous  les  deux. 

Les  Baisers,  de  Duvelleroy  fils,  prometlent  un 
chansonnier  ;  ils  ont  de  l'émotion  et  une  jolie  forme. 

La  partie  plus  particulièrement  poétique  de  la 
soirée  a  eu  pour  interprètes  Liorat,  eoutumier  du 
lait,  Bourdehn,  dont  la  lyre  a  plus  d'une  corde,  et 
i^ionnet.  Les  Marronniers  de  Versailles,  souvenir  lé- 
gendaire du  siècle  du  grand  roi,  comme  on  dit 
encore  nous  représentent  les  solitudes  du  parc  peu- 
plées, la  nuit,  des  fantômes  du  passé.  Le  poêle  croit 
retrouver  sur  le  sable  la  trace  du  manteau  roval  • 
je  ne  crjis  pas  qu'il  fût  assez  long  pour  trainer.  Dans 


Près  du  Foyer,  Bourdelin  retrace  des  tableaux:  de 
famille  : 

Toute  vendange  a  des  grappes  amères, 
dit-il  en  soupirant,  mais  le  home  console  de  tout. 

Lionnet  s'est  prodigué,  à  lagrandejoie  ducénaele> 
Du  Glatigny,  du  Nadaud,  du  Lionnet,  poésie  et 
musique  :  un  vrai  régal.  Avec  cela  une  diction  que 
peu  d'artistes  possè'ûent.  C'a  été  le  bouquet  de  la 
soirée. 

N'oublions  pas,  pour  citer  un  calembour  du  crûr 
la  chanson  d'un  visiteur  intitulée  Mon  Voisin.  Com- 
ment se  fait-il,  a  dit  un  auditeur,  qu'un  poète  qui 
chante  si  bien  le  Père  Lachaise  ne  soitj  pas  du 
Caveau  ?  Eug.  Imbert. 


LE  CÂYEAU  YERYIËTOIS 

Soirée  du  50  novembre. 

Celle  Société,  fondée  sur  des  bases  peu  connues- 
ailleuis,  doit  sa  grande  vitalité  à  son  système- 
de  critique  mutuelle.  Chaque  pièce  de  vers  ou  de 
in-ose  produite  par  un  de  ses  membres,  est  confiée  à 
un  collègue  qui  en  recherche  les  défauts,  les  points 
faibles  et  en  tait  la  critique,  sans  jamais  loucher  aux 
opinions  énoncées.  C'est  donc  une  écolo  liitéraire 
dont  tous  les  membres  profitent,  car  les  critiques 
sont  lues  en  séance  et  forment  la  partie  la  plus  ap- 
préciée et  la  plus  intéressante  de  l'ordre  du  jour. 
Disons,  en  outre  que,  jusqu'à  présent,  depuis  un  peu 
plus  de  deux  ans  d'existence,  le  Caveau  Vervlétois  n'a 
encore  reçu  que  des  critiques  très  convenables,, 
quoique  justes,  et  dont  les  poètes  n'ont  pu  se  blesser; 
que  de  10  membres  fondateurs  le  nombre  est  arrivé 
maintenant  à  18y  membres  auteurs  et  auditeurs,  et 
enfin,  qu'il  a  reçu  l'appui  du  gouvernement  belge 
et  de  la  régie  verviéloise,  par  des  subsides  d'une 
certaine  importance. 

Mais  nous  sommes  bien  loin  de  la  soirée  du  30' 
novembre.  Cette  séance  a  commencé  par  l'admis- 
^iJU  de  nombreux  membres,  puis  a  été  continuée  par- 
la discussion  de  questions  d'un  intérêt  général.  Le 
Caveau  a  décidé,  en  outre,  d'admettre  à  sa  prochaine- 
réunion  les  dames  et  parentes  des  membres.  Ce  ne 
sera  pas  une  fêle  proprement  dite,  niais  une  séance 
ordinaire  à  laquelle  les  dames  assisteront.  Après  la 
lecture  de  critiques  savantes  et  pour  la  plupart  ir,s- 
Iruclives,  M.  Bonhomme,  le  poète  wallon  aimé,  a 
lu  une  gentille  pièce  de  vers  :  ^  l'mémoër  diis'ca- 
marande  Henri  Leroy;  le  zèle  et  sympathique  prési- 
dent K.  Griin  a  déclamé  une  poésie  :  3fes  adieux  à 
Stoumont,  écrite  avec  la  science  qu'on  lui  connaît  et 
sous  l'empire  d'une  verve  qu'activaient  encore 
des  souvenirs  d'excursionniste  botaniste  enragé; 
M.  ftaxhon  a  déclamé  une;jomeîP«?to»»«,  empreinte 
d'une  mâle  énergie,  et  M.  Petit,  petit  de  tnillc 
el  do  nom,  mais  grand  do  talent,  a  attendri  dans  une- 
Berceuse  wallonne, 

«  Ma  première  cause  »  était  le  titre  d'une  pièce  en 
prose,  la  dernière  du  programme,  déclamée  avec 
conviction  par  un  tout  jeune  avocat  à  lunettes,  ami 
de  tous  et  vice-président  par-dessus  le  marché. 

Quelle  gaité  il  a  suscitée  et  aussi  quels  app  la  s 
sements. 

'  Ces  différents  travaux  recevront  leur  critique  à  la 
prochaine  réunion. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures. 

Mais,  ce  n'était  pas  tout,  une  séance  officieuse  a 
suivi  l'officielle  et  chanteurs  et  déclaniatcurs,  les 
Xhofl'er,  les  Gens,  les  Pire,  etc.,  se  sont  précipités  à 
l'envie  à  la  tribune  pour  compléter  une  soirée  pleine 
de  charme  qui  a  dû,  à  regret,  se  terminerbien  avant 
dans  la  nuit  car  hélas,  les  plus  belles  choses  ont  leur 
fiu. 

XX**'*,  corrcsiiondant  du  journal  la  Chanson. 


LA.  CHANSON 


245 


CURIOSITÉS  DE  LA  CHANSON 


HISTOIRE  _ 

BEP'TIT-PRICEETD'MÂRIÂI'-TAIOOR 

CHANSOIT       LILLOISE 

Paroles  et  musique  de  Desrousseaux  (') 
Mlegretto. 

Dn        temps  qoe    jpor-to»      ca 

so      -         le.  On       m'ré.pe    _    tôt      Six 


drô      -       le.  De      PtiLPrice     et      d'itta  _ 

*rlann'  Tain  -    bour.     J'm'in    tds     bien        fooil - 


l'fin_fond      Et     l'ter,  fond     de  ch  l'bU, 
Cin»       i'es-poir 
qu'eu' vous      f'va    plai_si.  Et.  T'ià"  foi  d'Pa:^- 

,  pie      comiM':i)<ni  _  j't>t^r* 


de  P'til  PriceEt  d'Ma.TiaijpJTani-Jjoiir. 


Presque  à  1'  même  lieur',  Price  et  Marianne, 
Au  monde,  ont  v'  nu,  dins  P  mèm'  mason. 
IP  on'  eu  les  poquelte'  insenne. 
Insenne  ont  fait  leu  communion; 


Infin,  ch'  marmouzet,  cheulP  marmotte, 
A  quinze  ans  s'intindoll'nt  si  bien. 
Qu'on  n'  veyot  jamais  Pun  sans  Paute. 
Gh'étot  comm'  Saint-Rocli  et  sin  quieu. 

Et  v'ià,  foi,  etc. 

Tous  les  dimanche'  à  La  Fmiguée, 
(Gh'étot  P  pus  bielP  guiagueti'  du  temps), 
Avecque  s'  maitress'  bien  r'quinquée, 
P'tit-Pric'  faijot  P  Roger-Bonlemps. 
On  les  veyot  su'  P  balochoire. 
Hardis  tous  les  deux  comme  un  lion. 
Au  risque  de  s'  casser  P  machoiri». 
Se  t'nir  Puq  d'sus  Paute  à  q'valion. 

El  v'ià,  foi,  etc. 

Comme,  alors,  on  faijot  la  guerre, 
Qui  faulot  des  homm'  à  tout  prix, 
Eun'  fo?,  ch'  pauv'  garchon  sin  va  quère 
Un  liméro,  et  le  v'ià  pris. 
Pinsant  qui  laich'ra  là  s'  maîtresse, 
I  s'arrachot  sin  front,  ses  ch'veux... 
Mais  cheulP  filP  li  dit  :  «  Pus  d'  tri^les-e, 
ISlous  allons  partir  tous  les  deux  !  » 

El  v'ià,  foi,  etc. 

Li,  qui  savot  bien  bail'  la  cais=e, 

Comm'  tous  les  Lillos  de  ch'  temps-là. 

In  roule  a  fait  faire  à  s'  mailresse. 

Des  ra,  des  /la  et  des  7-afla. 

Si  bien,  qu'  veyaut  leu  cop  d'  baguette, 

Leu  coiannel,  du  premier  jour, 

A  nommé  P'tit-Pric',  lambour-maite, 

Et  fait  passer  Mariann',  tambour. 

Et  v'ià,  foi,  etc. 

.^près  six  bonn's  anné's  d'  service 
A  Lille,  intin,  les  v'ià  r'venus. 
Un  cousin,  marchand  d'  pain  n'épice, 
Leu-z-a  prèle  Irinte-huil  éiius. 
Avec  cheuU'  somme  assez  rond'lelle, 
IP  avotl'nt  leu  q'min  tout  tracé  : 
L'homm'  s'a  mis  tireu  d'  vin  cigrette  (**j, 
Et,  derrière,  s'  femme  a  poussé. 

Et  v'ià,  fol,  etc. 

Comme  i  n'ont  point  garni  leus  poches 
A  fair'  trinte  ans  P  méiierd'  queva, 
I  sont  allés  r'poser  leus  oches 
A  deux,  P  mèm' jour,  à  Phopita. 
Les  dimanche'  et  les  jours  de  fièle, 
On  peut  les  vir  sortir  à  deux, 
P'tit-Price  appuyé  su's'  crochette, 
Marianne  au  bras  de  s'n  ajuoureux. 

Et  v'Ià,  foi  d'  Patrice, 
Simple  comm'  bonjour, 
L'histoir'  de  P'iit-Price 
Et  d'  Mariann'-Tambour. 


OL'o 
t  Chans. 


iiplèle    (le    M.  De: 


.(4    volun 


t  raiiiienne  cliaisc  à  porteurs,  non  plus  portée,  mils  traînée 
Js  et  l'autre  pousse  par  derrière.  Jules  Jauin,  dans  un  iirtlid» 
lo  séducteur  de  sa  fille...  {Gaide  de  Lille  par  H.  Brunet).  No^ 


Cl  Pai:,„illes    lilloises)  < 

pir  deu.  Iiomures  (ou  , 
.,  a  dit  cp.'ll  n< 
ms  s  il  a  tenu  s 


lime  c(  une  femme),  dont  ï'a 
nierait  uu  jour   l'histoire  iTu 


244 


LA  CHANSON 


Eatre  nous,  la  cabaretière 
N'est  pas  folle  de  son  époux, 
Qui  durant  la  journée  entière 
La  néglige  pour  les  gloux  gloux. 
Il  dit  que  soupirer,  cesl  bêle  ; 
Mais  sans  vouloir  lui  faire  alTront, 
Pour  peu  qu'on  observe  son  front 
On  voit...  ce  qull  a  sur  la  tèle  ! 

Au  cabaret,  etc. 

Malheur  au  gredin  qui  s'avise 
De  critiquer  le  Picolo, 
Les  buveurs  ont  pris  pour  devise  : 
Honte  à  celui  qui  boit  de  l'eau  ! 
A  bas  les  fontaines  Wallace  ! 
Si  plus  d'un  nez  est  culotté, 
fs 'allez  pas  croire  en  vérité  : 
Que  c'est  de  sucer  de  la  glace  ! 

Au  cabaret  du  lapin  couronné. 

On  rigole, 

Batifole, 
Tout  est  parfait  tout  est  bien  ordjaiie 
Au  cabaret  du  lapin  couronné. 


SOCIÉTÉ  LYRIQUE  ET  LITTÉRAIRE  ÛU  CAVEAU 


Banquet  du  3  décembre  IhSu. 

La  feniJie  aimée,  après  un  peu  d'absence  semble 
plus  belle  et  plus  cbère.  En  est-il  ainsi  du  Caveau 
ou  bien  la  fin  de  l'année,  en  lui  inspirant  le  charil 
du  cygne,  double-t-elle  son  inspiration?  ïouiours 
esl-ii  que  le  banquet  de  vendredi  éiait  un  des  plus 
brillants  et  des  plus  animés  auxquels  j'aie  assisté 

El  cependant  le  terrible  article  'J  du  rè"-leineiil 
article  dont  Grange  a  célébré  avec  tant  d'i-spriilà 
remise  en  vigueur,  et  qui  lend  à  transformer  eu  ves- 
tales, feu  compris,  tous  les  membres  du  Caveau  \ 
bien  manqué,  dès  le  début,  de  recevoiruueanicrochc 
Jiillien  ne  s'avise-t-il  pas  de  ehaoterle  Dien  Ci'uidoil 
sur  1  an-  de  ïoto  Garabo?  Entendez-vous  le  singulier 
refrain  ?  ° 

La  Certitude,  de  Mouton-Dufraisse,  la  Gaudriole 
de  Gueriu  et  surtout  les  Opinions  du  p'  tit  Pslyte,  de 
Piesse,  et  le  ilazeppa,  de  Petit,  sont  bien  d'ans  la 
note  moderne  et  parisienne.  C'est  pris  sur  le  vif  et 
comme  à  l'einporte-pièce. 

Fouache,  qui  est  un  des  anciens  du  Caveau,  n'a- 
bandonne pas  la  cbanson-proverbo  :  A  l'mirre  on 
Gomimt  l'artisan,  t'est  son  refrain,  et  je  le  lui  renvoie 
en  guise  d'éloge.  Fénée  refait,  dans  un  g^nre  moins 
faubourien,  la  Maison  Tranquille,  de  Golmance  et 
trouve  des  détails  comique  et  nouveaux  pour  son 
Heureux  Locataire. 

Maintenant,  qui  mettra  d'accord  Vincent  et  Fuchs'? 
Le  premier  chante  VEau  de  Jouvence  et  prétend  que 
nous  ne  sommes  pas  vieux, 

Tant  que  nos  cœurs  n'ont  pas  de  rides  ; 

rautre  s'écrie,  après  Lesueur  :  Je  ne  veux  ms  rajeunir. 
Peul-etrs  ont-ils  raison  tous  les  deux. 
^Les  Baisers,  de  Duvelleroy  iils,  promettent  un 
cnansonnier  ;  ils  ont  de  l'émotion  et  une  jolie  forme 
La  partie  plus  particulièrement  poétique  de  la 
soirée  a  eu  pour  interprètes  Liorat,  coutumier  du 
lait,  Boui-delin  dont  la  lyre  a  plus  d'une  corde,  et 
Liunnet.  Les  Marronniers  de  Versailles,  souvenir  lé- 
gendaire du  siècle  du  grand  roi,  comme  on  dit 
encore  nous  représentent  les  solitudes  du  parc  peu- 
plées, la  nuit,  des  fantômes  du  passé.  Le  poète  croit 
retrouver  sur  le  sable  la  trace  du  manteau  royal  : 
je  ne  crjis  pas  qu  il  fût  assez  long  pour  traîner.  Dans 


Près  du  Foyer,  Boiirdelin  retrace  des  tableaux  de 
famille  : 

Toute  vendange  a  des  grappes  amères, 
dit-il  en  soupirant,  mais  le  kotne  console  de  tout. 

Lionnet  s'est  prodigué,  à  la  grande  joie  du  cénacle^ 
Du  Glatigny,  du  Nadaud,  du  Lionnet,  poésie  et 
musique  :  un  vrai  régal.  Avec  cela  une  diction  que 
peu  d'artistes  possèdent.    C'a  été  le  bouquet  de  la 


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M.  Raxhon  adéclamé  une  poésie  wallonne,  empreinte 
d'une  mâle  énergie,  et  M.  Petit,  petit  de  t.iillc 
et  de  nom,  mais  grand  de  talent,  a  attendri  dans  une- 
Berceuse  wallonne. 

«  Ma  j)i'emière  cause  »  étaitle  titre  d'une  pièce  en 
prose,  la  dernière  du  programme,  déclamée  avec 
conviction  par  un  tout  jeurïe  avocat  à  lunettes,  ami 
de  tous  et  l'ice-président  par-dessus  le  marché. 

Quelle  gaité  il  a  suscitée  et  aussi  quels  app  la  s 
sements. 

■  Ces  différents  travaux  recevront  leur  critique  à  la 
prochaine  réunion. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures. 

Mais,  ce  n'était  pas  tout,  une  séance  officieuse  a 
suivi  l'officielle  et  chanteurs  et  déclamateurs,  les 
Xhoffor,  les  Gens,  les  Pire,  etc.,  se  sont  précipités  à 
l'envie  à  la  tribune  pour  compléter  une  soirée  pleine 
de  charme  qui  a  dû,  à  regret,  se  terminerbien  avant 
dans  la  nuit  car  hélas,  les  plus  belles  choses  ont  leur 
hn. 

XS***,  correspondant  du  journal  la  Chanson. 


LA.  CHANSON 


245 


CURIOSITÉS  DE  LA  CHANSON 


HISTOIRE  _ 

BEP'TIT-PRICEETD'MÂRIÂl'-TAMBOOR 

CHANSOIT       LILLOISE 

Paroles  et  musique  de  Desrousseaux  (*} 

Mtegretto. l         .        .        i 

Du        temps  qoe    jpor-  to»      ca   -  mi   _ 


80      •        te,  On       Di-ré.pe   -    toi     Sii 

fos    par     joor,    poof     m'a.mu  .  ser,  L'hisloir'fort 
drô      -       le.  De      PliLPrice     et      d'Ma  - 

^riaon'  Tsm  -   bour.     JWin    t.is     bien        foull - 


.Poar  ta-     cher     dpo-yoir          dire       a"' 

l'fin-food      Et     l'tcr.  fond     dech'l'bis. 


qu'en' vous      f'ra    pla 
tri   -    ce,         Si™ -pie     coœBi'-toTi  _  joirr. 


L'histoir'de  P'til  PriceEt  d'Ma.TiaunJ  Ta0ii-;boV;, 


Presque  à  1'  même  heur',  Price  ot  Marianne, 
Au  monde,  ont  v'  nu,  dins  1'  mèm'  mason. 
ir  on'  eu  les  poquotte'  insenne, 
Insenne  ont  t'ait  leu  communion  ; 


Infin,  cti' mavmouzet,  cheull'  marmotte, 
A  quinze  ans  s'iatindoll'nt  si  bien, 
Qu'on  n'  veyol  jamais  l'un  sans  l'aute. 
Ch'élot  comm'  Saint-Roch  et  sin  quieu. 

Et  v'ià,  foi,  etc. 

Tous  les  dimanche'  à  La  Fimquée, 
(Ch'étot  r  pus  biell'  guingueti'  du  temps), 
Avecque  s'  maitress'  hien  r'quinquée, 
P'tit-Pric'  faijot  1'  Roger-Bonlemps. 
On  les  veyot  su'  V  halochoire. 
Hardis  tous  les  deux  comme  un  lion. 
Au  risque  de  s'  casser  1'  machoiri». 
Se  t'nir  l'un  d'sus  l'aute  à  q'valion. 

Et  v'ià,  foi,  etc. 

Gomme,  alors,  on  faijot  la  guerre, 
Qui  faulot  des  homni'  à  tout  prix, 
Eun'  fos,  ch'  pauv'  garchon  sin  va  quére 
Un  liméro,  et  le  v'ià  pris. 
Pinsant  qui  laich'ra  là  s'  maîtresse, 
I  s'arrachot  sin  front,  ses  ch'veux... 
Mais  cheuir  fill'  li  dit  :  «  Pus  d'  triste  j-e, 
N,ous  allons  partir  tous  les  deu.^  !  » 

Et  v'ià,  foi,  etc. 

Li,  qui  savot  bien  batt'  la  cais>e, 

Comm'  tous  les  Lillos  de  ch'  temps-là. 

In  route  a  fait  faire  à  s'  mailresse. 

Des  ra,  des  //a  et  des  rafla. 

Si  bien,  qu'  veyant  leu  cop  d'  baguette, 

Leu  colannel,  du  premier  jour, 

A  nommé  P'tit-Pric',  lambour-maite. 

Et  fait  passer  Mariann',  tarabodr. 

Et  v'ià,  foi,  etc. 

Après  six  bonn's  anné's  d'  service 
A  Lille,  iniin,  les  v'ià  r'veaus. 
Un  cousin,  marchand  d'  pain  n'épice, 
Leu-z-a  prêté  trinte-huit  é.:us. 
Avec  cheuU'  somme  assez  rond'leile, 
II'  avotl'nl  leu  q'min  tout  tracé  : 
L'homm'  s'a  mis  lireu  d'  vin  ligrelte  (**j, 
Et,  derrière,  s'  femme  a  pousse. 

Et  v'ià,  foi,  etc. 

Comme  i  n'ont  point  garni  leus  poches 
A  fair'  trjnte  ans  J'  méiier  d'  queva, 
I  sont  allés  r'poser  leus  oches 
A  deux,  r  mèm'  jour,  à  l'hopila. 
Les  dimanche'  et  les  jours  de  fièlo. 
On  peut  les  vir  sortir  à  deux, 
P'tit-Price  appuyé  su's'  crochette, 
Marianne  au  l3ras  de  s'a  amoureux. 

El  v'ià,  foi  d'  l'atrice, 
Simple  comm'  bonjour, 
L'histoir'  de  P'til-Price 
■  Et  d'  Mariann'-Tambour. 


OL'o. 


(**)  La  vinaij 
attelle  entre  Ici 


nplcte    lie    .M.  De; 
'Aie   est  l'ancienne 


litre  :  Ou 


«(4    volumes     s 

lï  cl  l'aiiue  pousse  ]liir  dernère.  Jules  Jauin,  dans  tin  articli 
le  séJufleur  de  su  fille...  {Guide  de  Lille  par  H.  Brunet).  N< 


el  P.(s,7,i,7(fs    Ulloit 


;  traînée 


(ou 


;  femme),  dont  l'i 
jour  l'histoire  if'i 


246 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Eldorîido.  —  Les  répéliUous  de  la  revue  de  fia 
d'année,  pour  laquelle  plusieurs  engagements  ont 
été  contractés,  viennent  de  commeocer.  Elles  peu- 
vent être  menées  sans  hâte,  car  le  spectacle  actuel 
attire  tous  les  soirs  une  foule  nombreuse. 

On  applaudit  Coco  Bel-œil,  joué  avec  une  verve  ir- 
résistible par  Perrin,  Gaillard,  Antony  et  Mme  L. 
Roland  ,  ainsi  que  les  chansons  interprétées  avec  au- 
tant de  talent  que  de  succès  par  Mlles  Amiati  (la 
Chanson  cV autrefois,  le  Bon  temys^,  Bonnaire  [Une 
]emme  timide,  Mon  père,  était  (jendarmc),  Juana  (Sous 
un  tableau,  Te  soriviens-tti  ma  iel/e?],  MM.  Mathieu 
{Je  l'suis),  Ducastel  [VRomme  aux  grands  bras],  Vic- 
lorin  Armand,  etc. 

Sca,Ia.  —  Jules  Quidant,  l'auteur  bien  connu  de 
tant  de  gracieuses  inspiralions,  vient  d'obtenir  un 
nouveau  et  très  légitime  succès,  avec  Paysans,  res- 
tez paysans,  parolef,  de  Fuchs.  Celle  chanson,  d'une 
couleur  rustique  très  réussie,  et  d'où  le  charme  mé- 
lodique n'est  point  exclu,  est  magistralement  inter- 
prétée par  Mme  Kaiser,  que  le  public  rappelle  tous 
les  .soirs.  —  Vialla  lâchante  également  avec  beau- 
coup de  succès  au  grand  concert  de  la  rue  de  Lyon. 

Grand  concert  Parisien. —  Ainsi  que  nous 
l'avons  annoncé,  la  première  représentation  de  la 
revue  Psi!  Pstl  Pst!  de  MM.  E.  Hermil  et  A.  Numès, 
a  eu  lieu  le  2  courant. 

j>îous  n'essaierons  pas  de  faire  l'analyse  de  cette 
pièce,  une  revue  est  toujours...  u.ne  revue.  La  seule 
grande  dil'ficulté  consiste  àamcuer  le  délilé  des  prin- 
cipaux faits  de  l'année,  sans  se  servir  du  compère 
traditionnel.  Les  auleurs  ont  su  s'en  passer  et  ont 
emijloyé  uu  pwcéili'  pins  ingénieux.  Accompagnée 
du  temps,  l'annic  l^'sii  v.-i  Iranchir  la  barrière  qui 
conduit  à  l'cLerniU',  lorsque  le  douanier  de  garde  lui 
demande  si  clic  n';i  rien  ii  déclarer.  Le  Temps  dé- 
boucle alors  les  v;ilisi'S  oL  l'on  enli'c  dans  l'action. 

Les  auleurs  ont  fait  une  revue  amusanle,  gaie  et 
Ijourréc  —  trop  bourrée  jnème,  —  de  rondeaux  et  de 
couplets  très  spirituels. 

L'interprétation  est  excellente. 

Le  petit  Norbert  est  cliarmant  en  gommeux  et 
compose  fort  bien  le  porsonnage  de  Bazile,  en  com- 
pagnie de  MM.  Ixéval  et  Bi'unin. 

(je  Irio  de  larlulfes  qui  produit  beaucoup  d'effet 
est  un  des  principaux  clous  de  la  revue. 

M.  Pacra  détaille  le  ronaeaudu  Vieil Hôteldes  Postes 
avec  tout  le  talent  et  la  finesse  qu'on  lui  connaît.  M. 
Teste,  compère  malgré  lui,  tient  fort  bien  son  rùlc 
de  douanier. 

MM.  Farville  et  Marq\iolty  sont  très  amusants 
dans  les  différents  personnages  qu'ils  représentent. 

î^'oublions  pas  non  plus  M.  Berger  qui,  en  Temps, 
l'ait  le  déballage  du  bagage  de  l'aiHiée  1.880. 

Mme  Dejnay  représeîito  la  loniine  du  flocteur  Tan- 
ner et  chante  le  pot-pourri  de  Bibiche  avec  beaucoup 
d'entrain. 

Le  rôle  de  l'année  1880  est  joué  avec  autorité  par 
Mlle  Albortine  Fabre.  Mme  Dubrée  est  charmante 
dans  ses  rondeaux  du  Taquin  et  de  la  Chanson  à  dic- 
tion. 

Citons  aussi  Mmes  Clotilde,  Satler,  Petit  et  Dalby, 
qui  se  font  remarquer  dans  des  rôles  secondaires. 

Les  costumes,  dessinés  par  M.  Bburnay  etexécutés 
par  la  maison  Landolf,  sont  fort  beaux. 
■  Le  décor  de  fa  place  de  la  République,  avec  sa  sta- 
tue, brossé  par  M.  Bournay,  déjà  nommé,  est  splen- 
dide,  mais  l'exiguité  de  la  scène  lui  empêche  de 
rendre  tout  l'effet  qu'if  devrait  faire. 

Les  différents  compositeurs  qui  ont  signé  la  mu- 


sique se  nomment:  Massage,  F.  Barbier,  Thony  et 
Teste. 

Folies  Saint-HIartin.  —  La  première  repré- 
sentation de  la  revue  Ouvrons  l'œil,  a  été  donnée  sa- 
medi dernier. 

Lia  pièce  débute  par  un  scandale  : 

Le  régisseur  annonce  au  public  que  l'arliste  belge 
qui  devait  jouer  le  rôle  du  compère  vient  de  rompre 
son  engagement,  et  que,  par  conséquent, la  revue  ne 
peut  être  représentée.  Un  marchand  de  fromages,  de 
Bi'uxelles,  qui  se  trouve  dans  la  salle,  en  attendant 
le  départ  du  train  de  minuit,  s'offre  pour  remplacer 
le  compère  absent.  Sa  iDroposition  est  acceptée  et- le 
tour  est  joué. 

MM.  Bordet  et  E.  Aupto  ont  écrit  plusieurs  ron- 
deaux et  couplets  fort  bien  tournéi*,  parmi  lesquels 
nous  citerons:  Unconpde  balai,  la  Marseillaise  fémi- 
nine. Il  est  en  plâtre,  et  deux  ou  trois  autres  encore, 
comme  étant  les  plus  saillants.  La  musique  entraî- 
nante de  M.  Ch.  Lei'ay  a  beaucoup  contribué  au  suc- 
cès de  ces  différents  morceaux. 

Le  cinquième  tableau,  la  nuit  du  4  décembre,  et 
le  sixième,  la  place  de  la  Piépublique  le  jour  du  14 
juillet,  ont  produit  un  effet  merveilleux  et  ont  élé 
redemandés  trois  fois.  Au  dernier  rappel,  les  noms 
;  des  auteurs  ont  été  acclamés  par  une  .^alve  d'applau- 
dissements. 

Il  ne  nous  reste  maintenant  qu'à  adresser  nos  sin- 
cères félicitations  à  Mlle  d'Estree  qui  a  appris  le  rôle 
de  la  Folie  Saint-Martin  en  deux  jours,  et  qui  l'a 
joué  sans  défaillance;  à  M.  Alberti  Nicolle,  qui  est 
un  compère  très  amusant  ;  à  Mme  Uivoire  qui  a 
chanté  la  Jlarseillaise  féminine  avec  entrain  ;  puis, 
à  MM.  Denneville,  Darville,  Fernand  Kelm  ;  à  Mmes 
Domergue,  Héniar,  Roger,  Bétly,  etc., etc.,  ainsi  qu'à 
une  quantité  de  charnrantes  personnes,  aux  formes 
plus  ou  moins  arrondies,  qui  ne  craignent  pas  de 
montrer...  qu'elles  ont  été  vaccinées.  '; 

Un  dernier  mot  sur  les  costumes  de  la  maison 
Landolf,  qui  sont  superbes,  ainsi  que  sur  les  décors 
brossés  par  M.  Gornil,  et  dont  plusieurs  sont  d'un 
efi'et  saisissant. 

Le  Concert  de  la  Pépinière  est  un  des  plus 
suivis  et  des  mieux  fréquentés  ;  cela  tient  au  quar- 
tier et  au  voisinage  de  la  gare  Saint-Lazare.  Il  faut 
dire  que  la  Péptnîère  est  autant  théàti'e  que  con- 
cert; les  meilleures  pièces  en  un  acte  du  répertoire 
dramatique,  y  sont  représentées  par  des  artistes 
aimés  du  public.  La  salle  est  coquette  et  fraîche- 
ment décorée  ;  ajoutez  à  cela  un  programme  choisi 
et  varié,  voire  même  des  créations  :  A  ta  santé, 
Frangint  de  0.  Pradels  et  F.  Barl^ier.  La  famille  à 
Camille,  de  E.  Durafour,  interprétées  par  Gaudieux; 
Entre  les  deux  mon  cœur  balance,  tyrolienne  de 
ii;.  Dm-afour  et  P.  Barbier,  chantée  par  Luidgi. 
jpiio  victorine  Ben  tient  un  nouveau  succès  avec  : 
Je  remporte  la  pendule  ;  et  M.  Albin  avec:  Ftes-vous 
comme  moi'!  paroles  de  L. -Henry  Lecomte,  musique 
de  Jules  Raux.  Pauvres  amours,  romance  de  E.  Chc- 
broux,  interprétée  par.  Mlle  Lenoble,  a  fait  égale- 
ment plaisir. 

M.  Chevallier,  comique  danseur  excentrique,  MM. 
Francis,  Bardou,  Mireille;  Mmes  Jamer,  Juliette, 
Léona,  Suzanne  et  Berhard  obtiennent  leur  part  do 
succès  dans  des  genres  diil'érents. 

Un  bon  orchestre,  sous  l'habile  direction  du  com- 
positeur Frédéric  Barbier,  complète  cette  troupe 
excellente.  C'est  sans  doute  pour  cela  que  bon 
nombre  de  directeurs  de  théâtres  ou  de  grands  con- 
certs viennent  faire  leur  choix  parmi  les  artistes  de 
la  Pépinière.  C'est  ainsi  que  le  ténor  Yergnet  fut  en- 
gagé a  ropéra. 

Une  grande  part  d'éloges  revient  à  Emile  Dura- 
four,  dont  notre  journal  publie  aujourd'hui  la  bio- 
graphie intéressante. 


LA  CHANSON 


247 


Nos  complimeuts  sincères  aux  directeurs,  MM. 
Roffer  et  Dutilloy,  qui  n'ont  rien  négligé  pour  faire 
de  "leur  concert-sijeclacle  un  des  plus  attrayants  de 
Paris. 

Orplicum.  —  On  xjarlo  à  ce  concert  d'une  revue 
miniature  qui  vient  d'être  lue  aux  artistes  et  qui 
passera  dans  quelques  jours;  nous  sommes  curieux 
d'en  voir  la  représentation. 

Nous  allacliaiit  particulièrenien  ta  rendre  compte  des 
nouveautés,  nous  citoroos  trois  œuvres  créées  à  VOr- 
pAeum  cette  semaine  :  Etes-vous  cmnme  moi'i  de  L.- 
Henry Lccomte,  Ten  raffole,  de  Jules  Raux,  deux 
chansons  interprétées  d'une  façon  très  comique  par 
Ribert,  le  peintre- chanteur-violoniste,  et  U)i  brin 
d'amour,  charmante  romance  de  M.  Goudesone, 
chantée  avec  beaucoup  de  goût  jiar  Mme  Aida. 

Chalet.  La  joyeuse  jeunesse  des  Écoles  ap- 
plaudit chaque  soir,  au  Ijonceït  du  Chalet,  Mmes 
Leclerc,  Ilotty,  Djelma,  Lévy  et  Justine. 

Le  comique  Thise  et  Mme  Marionny  jouent  sur 
cette  scène,  avec  un  entrain  remarquable,  le  Domes- 
tique pov/r  rire. 

Parmi  les  artistes  engagés,  nous  avons  remarqué 
l'excellent  danseur  Suiram  ;  M.  David,  un  baryton 
doué  d'un  bel  organe  ;  et  M.  Plebins,  un  comique 
agréable. 

La  chanson  Etes-vous  comme  moi'i  interprétée  par 
Thise,  a  été  l'un  des  succès  de  la  semaine. 

X1X.°  Siècle  —  La  revue  de  lin  d'année,  qui  sera 
représentée  le  18  coiu-ant,  s'appelle  Rien  de  nouveau; 
elle  a  pour  auteur  M.  Henri  Min,  et  pour  composi- 
teur M.  Desormes,  chef  d'orchestre  du  xix"  sikcle. 

Folies-Bobino.  Lundi  dernier,  à  ce  concert,  ont 
eu  lieu  les  débuts  do  Mme  Faure,  la  chanteuse  pa- 
triotique, i£ui  était  dernièrement  aux  folies-saint- 
AURTIN. 

Cette  artiste  va  créer  prochainement  Paix  et  Tra- 
vail, la  vigoureuse  chanson  de  nus  collaborateurs 
E.  Imberl  et  Jules  Raux. 

La  revue  de  lin  d'année,  qui  passera  au  premier 
jour,  a  pour  titre  :  Tiens,  voilà  MathieiiWdi  auteurs 
sont  Mil.  Vorgeron  et  Lomon. 

Concept  européen.  —  Le  17  courant  aura  lieu 
la  première  représentation  de  la  w^ww.Pasde revue, da 
M.  LepaiUeur,  musique  de  M.  Herpin. 

Alfred  Berxinoï. 


CHOSES  &  AUTRES 


.*i  troisième  concert  donné  le  :'>  décembre  par  la 
Société  chorale  les  Amis  dk  i.a  ^>ioixu,  habilement 
dirigée  pur  M.  Aubry,  la  grande  allracliou  de  la  soi- 
rée était  le  gracieux  concours  de  Mlle  Scriwaiieck,la 
sympathique  artiste,  qui  a  délaillé  avec  le  tfdent 
qu'on  lui  connaît  le  Secret  de  Bélv,  dont  elle  fait  res- 
sortir toute  la  naïveté  enfantine  ;  puis,  voulant  sans 
doute  montrer  la  souplesse  de  son  talent,  elle  a 
chanté  de  façon  à  enlever  la  salle  entière,  la  Li- 
sette de  Bi'vanrjer,  chanson  légendaire  de  Frédéric 
Bérat.  Bravos,  bis,  rapports,  rien  ne  lui  a  manqué. 
Une  couronne  de  tleurs  lui  a  été  offerte  par  la  So- 
ciété, et  c'était  justice. 

Eli  vacances,  comédie  en  uu  acte  de  Laurencin,  a 
été  lestement  enlevée  par  Mlles  Berthin  et  Mory, 
deu;:  jeunes  et  charmantes  élèves  de  Mlle  Scriwa- 
neck . 

Il  était  difflcile,  pour  des  ortisles-amateurs,  d'obte- 
nir des  succès  auprès  d'une  artiste  passée  prolesseur 
dans  sou  art,  eh  bien,  malgré  cela  Mmes  Léo  elWeyck- 
mans  ont  obtenu  des  succès  réels,  Mme  Léo,  dans 
Ipsyhod  et  un  Refrain  de  noce,  deux  chansons  d'un 


comique  tout  ditrércnt,  et  qu'elle  a  souligné 
en  véritable  artiste;  Mme  ^Veyckmans,  d'une  voix 
charmanle  et  sympathique,  a'chanié  la  Tireuse  de. 
cartes,  et  le  duo  de  la  Petite  Marie'e,  aveeM.Monicard 
et  a  interprété:  Laissons  chanter  les  oiseaux,  paroles 
de  J.-B.  Robinot,  cette  jolis  chanson  dont  la  musique 
très  réussie,  est  de  M.  Mouicard,  a  été  un  véritable 
succès  pour  la  chanteuse  et  les  auteurs. 

MM.  Jomain,  Victor  et  Leblanc,  trois  bons  co- 
miques, ont  eu  leur  pari  de  bravos;  M.  Monicardadit 
de  sa  voix  douce  et  agréable  le  Renouveau,  la  Saint- 
Cupidon  ;  M.  Lév^-,  quoique  uu  peu  enroué,  a  dit  la 
Déception,  VHistoire  réaliste.  M.  Lévy  dit  bien  le 
monologue,  on  l'écoulé  avec  attention  et  on  l'applau- 
dit avec  plaisir.  Mme  Benoist,  piani.-te  de  talent,  a 
exécuté  la  Marche  Indienne,  de  Selleniclv,  et  une 
valse  de  M.  Brod.^-.  Citons  aussi  Mme  Louis,  MM.  Sa- 
vigny  et  Fournol.  Les  chœurs  ont  été  exécutés  avec 
im  accord  qui  l'ait  honneur  à  cette  jeune  Société  età 
son  actif  directeur  M.  A',.ibry.  Le  pianoétait  tenu  par 
Henri  Vigennc,  accompagnateur  de  mérite  doublé 
d'un  compositciu  de  talent.  J'allais  oublier  un  qua- 
tuor de  trompe  à  cinq.  Drôle  d'idée.  A.  P. 


Très  brillante  matinée  donnée  dimanche,  dans  la 
salle  du  théâtre  du  Château-d'Eau,  par  une  des  plus 
importantes  Sociétés  philautropiiiucs  de  Paris:  la 
Mutualité  commerciale.  La  composition  du  program- 
me justifiait  l'empressement  du  jiublic,  dont  les  ap- 
plaudis?ements  n'ont  pas  fait  défaut  aux  nombreux 
artistes  de  talent  qui  prêtaient  leur  concours  à  cette 
fêle  de  bienfaisance. 

On  a  successivement  l'été  MM.  Worms  et  Coqueiiii 
cadet,  de  la  Comédie-Française;  M.  Manoury,  de 
l'Opéra;  MM.  Plet,  Xamès,''liuillcmot,  Barlet,  Mlles 
Mathilde,  Berlhou  et  C;iro,  du  Palafs-Royal ;  M. 
Rémy,  violoniste;  Mlles  Aniiali,  Bonnaire  et  Juaua, 
de  r'Eldorado;  Mlle  Caslille,  MM.  Bruneau,  Copin  et 
Levilly,  du  Cercle  Pigallc. 

La  recette  à  dépassé  s-ix  mille  francs,  et  une  quête 
dans  la  salle,  annoncée  par  une  amusante  scène 
jouée  par  Mlle  Bonnaire  et  M.  Guillemoi,  a  produit 
plus  de  cinq  cents  francs.  Ces  chiffres  peuvent  re 
passer  do  commentaires  et  disent  éloquemment  k- 
grand  succès  de  la  matinée  de  la  Muii  alité  Commer- 
ciale. F.  M. 


La  Lyre  de  la  Gaité  s.  àonué,  samedi,  une  soirée 
au  bénéfice  de  M.  Fernand,  son  pianiste. 

M.  Moliuier,  artiste  du  Concert  de  Lyon,  M.  Jules 
Tiereelin,  Mme  Marie  Lerouge,  Henriette  Lheureux 
et  Paul  ont  été  particulièrement  applaudis.  Une 
magnifique  tombola  offerte  par  la  Société  a  clos 
cette  i'ète  de  famille. 

Les  soirées  de  la  Lyre  de  la  Gai  té  ont  lieu  les 
hamedis,  dimanches  et  lundis,  rue  Descartes,  18 
(liaison  Villars]. 

Le  bal  de  la  .Leuncsse  Artistique  ilforbinet,  prési- 
dent), avait  attiré,  samedi,  à  Ti\i.ili,  deux  mille  per- 
sonnes environ.  On  remarquait  une  foiUe  do  jolis 
costumes,  entre  autres  luie  charmante  République, 
portant  crânement  le  bonnet  phrygien,  plusieurs 
Espagnoles  et  l'inévitable  gommeux.  Une  farandole, 
réglée  par  M.  Hériché  a  obtenu  un  très  vif  succès. 


Dimanche,  19  décembre,  â  7  heures  du  soir,  salle 
des  concerts  des  Sociéiés  lyriques  de  Paris,  23,  fau- 
bourg du  ïemtjle,  grande  soirée  dramatique  et 
lyrique  donnée  par  la  Société  chorale  et  lyrique 
LES  Fîs'FANTS  DE  LA  Se!.\e,  présidée  par  M.  Cantarol, 


248 


LA  CHANSON 


avec  le  concours  d'arlistes  distingués.  Un  procès  en 
séparation,  saynète,  le  Feu  au  Couvent,  comédie,  et 
n  Amour  d'épicier,  opérette-bouffe. 

Ces  trois  pièces  seront  jouées  par  les  meilleurs 
interprètes  de  la  Société. 

Des  places  réservées  sont  mises  à  la  disposition 
des  membres  des  Sociétés  lyriques  aux  pris  de  1 
franc  pour  les  loges  et  fauteuils  d'orchestre,  et  bO 
centimes  pour  les  stalles  d'orchestre  ou   de  balcon. 

S'adresser  à  M.  Orange,  23,  rue  du  Faubourg- 
du-Temple. 

La  Société  lyrique  la  Favorite  donne  maintenant 
ses  soirées  tous  les  lundis,  salle  Bouret,  iï,  boule- 
vard du  Temple. 

La  Société  du  Fbanc-Rire  donnera,  samedi  11  dé- 
cembre, une  soirée  extraordinaire  au  bénéfice  de 
M.  Victor  Pillaud,  sociétaire,  avec  le  concours  d'un 
très  gTand  nombre  d'artistes  de  concerts,  à  7  heures 
précises,  salle  JRosel,  27,  rue  de  Belleville. 

L'abondance  des  matières  nous  force  à  remettre 
au  prochain  numéro  un  grand  nombre  de  comptes- 
rendus  de  Sociétés  lyriques  et  les  pièces  couronnées 
à  notre  13°  concours. 


TROISIEME 

GRAND  CONCOURS  POÉTIÔUE 

Du  Journal  La  Chanson 


Le  Journal  Za  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes. 
Il  met  aujourd'hui  au  concours  : 

1°  Un  monologue  dans  le  genre  actuel  en  vers,  de 
160  vers  au  moins  et  180  au  plus. 

Il  sera  décerné  trois  prix,  et  des  mentions  hono- 
rables, s'il  y  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  diplômes  spéciaux,  para- 
phés par  les  membres  du  jury.  Ces  diplômes  seront 
ae  dimensions  calculées  pour  l'encadrement. 

Les  trois  pièces  primées  seront,  en  outre,  insérées 
dans  le  journal  La  Chanson. 

De  plus  le  premier  prix  publié  à  pai-t  dans  une 
coquette  édition  illustrée,  sera  dit  en  public  sur 
plusieurs  de  nos  grandes  scènes  parisiennes. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites,  non 
signées  et  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  et  portant  extérieure- 
ment le  premier  vers  de  la  poésie  présentée. 

Le  Concours,  ouvert  le  l""'  Décembre,  sera  clos 
fin  février. 

Nous  publierons  prochainement  les  noms  des  mem- 
bres du  jury. 

Totiles  les  communications  relatives  au  Concours 
doivent  être  adressées  franco  à  M.  A.  Patay,  direc- 
teur du  journal  La  Chanson,  rue  Bonaparte,  18,  à 
Paris, 


PUBLICATIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.  PATAY 


(IS,  rue  Bonaparte  18). 


SEIZIÈME  CONCOURS  MENSUEL. 
Ouvert  du  20  Novembre  au  20  Décembre 
Nos  abonnés  seuls  ont  droit  d'y  prendre  part,  avec 
une  chanson  de  six  couplets  au  plus,  avec  ou  sans 
refrain. 

Nous  publierons,  en  même  temps  que  la  pièce  qui 
aura  obtenu  le  1'"'  prix,  une  petite  notice  et  le  por- 
trait de  l'auteur,  s'il  y  consent. 


Les  Abeilles,  chanson.  Paroles  de  Georges  Baillet 
Musique  de  Mme  Anais  Briannv.  Avec  gravures,   grand 

format  et  accompagnement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  nef »    30 

!>' Album  desUanicx,  par  Mme  Juliette  Man'celière, 
cahier  de  chansons  à  10  cent. 

Etes-vous    coiuine   moi?    chanson.     Paroles    de    L.- 
Henry Lecomte,  Musique  de  Jules  Raux,  grand  format, 
avec  accompagnement  de  piano,  et  gravure,  net. .     1     • 
Petit  format,  avec  gravure,    net 30 

Créée  à  l'Eldorado  par  Velly.  cette  bonne  chanson 
fait  en  ce  inoment  le  tour  des  Concerts. 

Kiu  Fête  de  la  Franco.  Paroles  de  J.-B.  Robinot, 
Musique  de  Jules  Raux,  petit  format  aux  couleurs  natio- 
nales, net »  20 

France,  hymne  de  la  Paix.  Chant  national.  Paroles 
de  L.  Sarrade,  Musique  de  Ben-Tatoux,  avec  gravure 

grand  format,  accompagnement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net »  30 

li'Uiver,  romance.  Paroles  de  Fauché,  Musique  de 
Raguey,  petit  format  sans  gravure,  net »  20 

j'en  Kaffole,  paroles  et  musique  de  Jules  Raux. 
Petit  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gravure, 
net »  50 

Miaou  !  chanson  féline.  Paroles  et  musique  de  Jules 
Raux,  grand   format  avec  gravure  et  accompagnement 

de  piano,  net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net ,30 

liallluse  de  la  Chanson.  Paroles  dèCLAUDIUS  Malbet 
Musique  de  Ch.  Marié.  Grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

^c  chante»  plus  la  Marseillaise,  chanson  patriotique. 
Paroles  de  Jules  Célès.  Musique  de  Louis  Caloin. 
Grand  format  avec  accompagnement  de  piano  et  gra- 
vure, net 1    » 

Petit  format  avec  gravure,  net  »  30 

Pais  et  Travail.  Paroles  de  Eugène  Imbert,  Musique 
de  Jules  Raux.  Grand  format  avec  accompagnement  de 
piano,  sans  gravure,  net »  50 

Eies  Petites  Alains  de  ma  Ific,  chanson.  Paroles  de 
J.  Jouy,  Musique  dePAULfîENRiON.  Grand  format,  avec 

accompagnement  de  piano  et  gravure,  net 1     • 

Petit  format  avec  gravure,  net 30 

Cette  chanson  vient  d'être  créée  au  Concert  du  xix''  siècle 
par  Debailleul,  elle  est  déjà  interprétée  dans  plusieurs 
concerts  et  dans  heaucoitp  de  sociétés  lyriques. 

Quand  t'auras  des  .Uoustuches.  Paroles  de  Claudius 
Malbet,  Masiqve  de  Mathilde  Fraiquin.  Grand  for- 
mat avec  accompagnement,   sans  gravure »  50 

lie  Vieux  Iluveur  de  vin,  chanson.  Paroles  de 
Brugière,  Musique  de  Jules  Raux.  Grand  format  avec 

accompagnement  de  piano i     • 

Petit  format  avec    gravure •  80 

Cette  chanson  vient  d'être  chantée  avec  succès  dans 
plusieurs  concerts  parisiens. 

Via  c'que  c'est  qu'un  enterr'nicnt,  tableau  populaire, 
paroles  d'EuGÈNE  Imbert,  musique  de  Dauvergne.  Petit 
format  avec  gravure  et  accompagnement  de  J.  Raux     »  50 

Vous,  valse  chantée,  paroles  et  musique  de  L.  P., 
officier  de  cavalerie.  Grand  format,  avec  accompagne- 
ment de  piano,  net 1     • 

Toutes  ces  publications  seront  envoyées  franco  dans 
toutela  France  à  toute  personne  g  ni  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'iin  mandat- 
poste  à  partir  de  cette  somme. 


PIANO    ET   CHANT 
3'VZ.BS  t'^XSASTT 

PROFESSEUR 

Paris,     16,    rue    des     Martyrs,     16 
Spécialement  recommandé 


Le  Propriétaire-Gérant  :  A.  PATAY. 
Paris.  —  lDr.priœerie  L.  Hugonis  et  Cie,  6,    rue  Martel. 


3"  ANNEE.  —  N°  38. 


f  O  CENTIMES. 


19  DECEMBRE  1880 


LA   CHANSON 


Directen/r-Administrateiir 
A.   PATAY 


La  Chanson  est  une  forme  ailéeet 
charmante  de  la  pensée.  Le  couplet 
ett  1$  gracieux  frère  de  la  strophe. 
V.  HUGO. 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ^^^^^^'^^li™^^^^^ 


ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,    Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits    non    insérés    ne   seront    pas  rendus. 


Annonces,  la  ligne. 
Réclames,        — 


Lachanson,commBlabalonn&tto 
si  une  arme  française, 

J.  CLARETie. 


ADMINISTRATION    &   REDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 
PARIS 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY   LECOMTE 


ABONNEMLNTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  > 

Etranger,  un  an 8  » 


Galerie  artUtiqae:  Debailleal  (L.-Hensr  Lkcomtk). 
P.)  Petit  à  petit  l'oiteaa  fait  ion  nid  (GioniiiL 
Ninan  {G.  db  là  Sallb).  Troisième  Grand  Concoi 
Charuon.  — On  peut  s'entendre^  paroles  tic  L.-U 


SOMMAIRE 

-  G.  Prévost  (A. 
bphbyost}.  -  À 
I  poétique    de  la 


Autres). 


LES  R.AUX.  —  Chronique  des  Concerts  (Alfhed  Bbiiti; 
■le  des  Sociétés  Lyriques  {PiEnars  et  Paol).  —  Chos 
■  Àujc    Auteurs  et    Compositeurs    do     musique.  — 


GALERIE    ARTISTIQUE  :   DEBAILLEUL. 


Au  concert,  comme 
dU  théâtre,  les  inter- 
prètes se  conlenlenl 
d"ordhiaire  de  traduire 
avec  plus  ou  moins 
d'exactitude  la  pensée 
des  auteurs  ;  quelques- 
uns  cependant,  artistes 
de  conscience  ou  d'ins- 
tinct, créent  dans  l'œu- 
vre mènje  du  chan- 
sonnier ,  la  coiiiiuen- 
lent,  l'élargissent  ou  la 
poétisent,  et  conquiè- 
rent de  la  sorte,  avec 
la  faveur  du  puhlic,  le 
droit  d'attacher  leur 
nom  à  un  répertoire. 

Au  premier  rang  de 
ces  chanteurs  experts, 
qui  sont  pour  les  pa- 
roliers des  collabora- 
teurs véritahles,  figure 
aujourd'hui  Debailleul. 
Il  est  peu  de  talents 
aussi  sympathiques,  il 
n'en  est  pas  dont  la 
popularité  soit  mieux 
jusliflée. 

Léon  Debailleul  est 
né  à  Lille.  Ses  goûts 
artistiques  se  révélè- 
rent de  bonne  heure.  Il  faisait  les  courses  du 
théâtre,  afin  d'avoir  ses  entrées  dans  les  cou- 
lisses et    de  contempler    les   acteurs  ailleurs    que 


sur  la  scène.  Comme  il 
possédait  une  jolie  voix, 
on  lui  conseilla  d'em- 
brasser la  carrière  lyri- 
que. 11  entra  au  Con-. 
servaloirede  Lille,  qu'il 
quitta  au  bout  d'un  an 
par  étourderie.  Quelque 
temps  après,  le  direc- 
teur du  Grand  Théâtre, 
M.  Bertrand  (aujour- 
d'hui directeur  des 
Variétés  de  Paris),  l'en- 
gagea comme  doublure 
des  rùles  d'opéi  a-comi- 
que et  de  comédie. 
Brasseur  et  Dupuis , 
étant  venus  en  repré. 
seulatious  à  Lille,  n'eu- 
rent pas  de  pu; ne  à 
décider  Debailleul  àks 
accompagner  pendant 
la  suite  de  leur  tournée 
en  province,  lI  le  jeune 
homme  y  recueillit  sa 
part  d'applaudisse  - 
ments. 

Vint  la  guerre.  De- 
bailleul s'engagea  dana 
les  francs- tireurs  du 
Nord,  payant  brave- 
ment de  sa  personne  et 
charmant  avec  la  Marseillaise  les  haltes  cie  la  com- 
pagnie. La  paix  signée,  il  partit  pour  Bruxelles,  où 
le  directeur  de  Bataclan  l'engagea  pour  chanter  des 


250 


LA  CHANSON 


chansons  patriotiques.  Paris,  ce  lumineux  objectif 
des  chercheurs  de  gloire,  attirait  irrésistiblement 
Debailleul.  La  misère  seule  Vy  attendait,  misère 
supportée  avec  courage,  et  dont  Debailleul  raconte 
gaiement  les  singuliers  épisodes.  Nous  en  rapporte- 
rons un. 

Essayant  métier  sur  métier,  errant  presque  de 
porte  en  porte,  Debailleul  fut  un  jour  admis  comme 
employé  chez  un  confiseur  de  la  rue  du  Temple.  La 
fête  de  la  patronne  arriva;  Debailleul,  conseillé  par 
un  collègue,  s'en  fut  au  bazar  de  l'Hôtel-de-Ville 
acheter  quatre  verres  à  quinze  centimes  qu'il  ofl'rit 
galamment;  on  le  remercia  par  une  invitation  au 
dîner  d'usage.  Au  dessert,  les  convives  chantèrent. 
Le  tour  de  Debailleul  venu,'  il  se  leva  et  dit  une 
chanson  avec  un  brio  tel  que  les  assistants  furent 
émerveillés.  Le  plus  charmé  fut  le  patron  qui,  de  ce 
jour,  prit  Debailleul  en  affection  particulière.  Tûus 
les  soirs,  la  boutique  fermée,  le  confiseur  et  son  em- 
ployé s'en  allaient  bras  dessus  bras  dessous  dans 
quelque  réunion,  où  le  chanteur  était  invariable- 
ment acclamé.  Mais  la  visite  se  prolongeait  d'ordi- 
naire fort  avant  dans  la  nuit  ;  le  patron  rentrait  tard 
et  souvent  très  ému  :  la  patronne,  peu  satisfaite,  prit 
sur  elle  de  congédier  Debailleul. 

Il  entra  quelque  temps  après,  comme  chanteur, 
dans  un  café  de  la  chaussée  Clignancourt  ;  il  y  resta 
un  mois  et  partit  pour  une  longue  tournée  dans  le 
Bourbonnais.  Moulins  l'accueillit  avec  une  faveur 
marquée,  si  bien  qu'il  y  demeura  deux  ans  et  qu'il 
y  prit  même  la  direction  d'un  café-chantant  dont  il 
était,  comme  bien  on  pense,  l'étoile  adulée. 

Vichy,  Montluçon,  l'applaudireut  easmls,  puis 
VAlcazar  de  Bordeaux,  où  le  succès  lui'  fut  fidèle 
pendant  onze  mois.  Enfin  Paris  le  ]-appela  ;  il  dé- 
buta, en  1876,  au  Concert  du  Dix-Neuvième  Siècle, 
qu'il  n'a  quitté  que  pour  faire  une  saison  kVAlcazar 
d'été  et  une  à  la  Scala. 

Ici  notre  tâche  devient  facile  ;  le  public  parisien  a 
suivi  Debailleul  avec  trop  de  fidélité,  pour  q^u'il  soit 
utile  d'énumérer  ses  créations,  d'ailleurs  très  nom- 
breuses. Il  suffira  de  rappeler  ses  succès  principaux  ; 
dans  la  romance  :  le  RossUjnol,  Laisse-moi  Cairiier, 
le  Déjeuner  sur  l'herbe,  Chameau,  rose,  la  Chif-iisoii  des 
Clochetons,  le  Portrait  de  Mireille,  l'Amour  en  prison. 
Sérénade  de  Mandolines,  le  Premier  l/ouquet  de  lilas  ; 
daus  Li  chanson  patrioli  jue  :  Voilà  pourquoi  j'aime 
les  ouvriers.  Chapeau  bas  devant  la  Marseilldye,  Fais 
risette  à  la  République,  les  Drapeaux,  Je  bois  à  la 
liberté. 

Les  compositeurs  favoris  de  Debailleul  sont  Paul 
Henrion,  Lucien  Collin,  L.-C.  Desormes,  Doria, 
QueJUe,  dont  il  sert  merveilleusement  les  inspira- 
tions jeunes  et  charmantes. 

Debailleul  n'a  de  la  voix  de  basse  que  le  diapason 
des  notes  ;  son  organe  est  aussi  doux  dansle  registre 
grave  que  dans  le  médium.  Pour  corriger  la  parci- 


monie des  musiciens  qui  le  confinaient  dans  l'éteri- 
due  chromatique  du  baryton,  il  s'est  exercé  dans  les 
notes  aiguës  et  il  a  réussi  à  trouver  des  effets  d'une 
délicatesse  inflniedans  la  voix  mixte,  là  où  beaucoup 
de  chanteurs  se  heurtent  à  une  voix  de  tète  difficile 
à  maîtriser.  Son  talent,  tout  de  délicatesse,  n'a  point 
d'équivalent  au  concert,  et  l'on  ne  sait  ce  qu'il  faut 
le  plus  applaudir,  de  l'adresse  extrême  ou  du  goût 
exquis  dont  il  fait  preuve. 

Si  le  mérite  artistique  de  Debailleul  est  rare,  non 
moins  rare  est  son  obligeance.  Il  n'a  jamais  refusé 
son  concours  gracieux  à  une  bonne  œuvre  ou  à  un 
camarade.  Il  en  fut  une  fois  bien  mal  récompensé. 
Pendant  qu'il  chantait  à  Vincennes,  au  bénéfice  de 
la  victime  d'un  accident  de  tramway,  le  feu  prit  chez 
lui  et  détruisit  tout  son  mobilier.  Le  monde  des 
concerts  s'en  émut  et  organisa  une  représentation 
brillante  au  profit  de  l'incendié. 

Stimulé  par  la  sympathie  générale,  Debailleul 
augmente  chaque  jour  la  liste  de  ses  succès.  Il  suffit 
qu'une  chanson  soit  créée  par  lui  pour  qu'elle  fasse 
le  tour  des  concerts  et  des  sociétés  lyriques.  Son  nom 
restera  justement  attaché  au  répertoire  qu'il  a  formé, 
et  qui  célèbre,  avec  un  charme  égal,  le  patriotisme 
et  l'amour. 

L.-Henrt  Lecomte. 


QUINZIiÇME  CONCOURS  MENSUEL  DE  LA  CHANSON 


for    PjpÎx 

G.  LEPRÉ'VOST.  —  Né  à  Paris,-  en  septembre  1839, 
après  de  Jjonnes  études  classiques,  G.  Leprévost  se 
consacra  de  bonne  heure  à  l'enseignement  des  lan- 
gues vivantes.  Professeur  à  Londres  depuis  une  ving- 
taine d'années,  il  a  publié  un  Traité  de  prononciation 
française  à  l'usage  des  Anglais,  dont  la  presse  an- 
glaise a  fait  les  plus  vifs  éloges.  Ces  occupations  et 
ce  long  séjour  ne  l'ont  pas  empêché  de  s'associer  au 
mouyçineni  politique  et  littéraire  de  la  France  ;  il  a 
été  le  correspondant  spécial  de  La  Tribune,  à  Lon- 
dres, pendant  to\ite  la  durée  du  journal  auquel  il 
adressait,  deux  fois  par  semaine,  des  lettres  politi- 
ques qui  furent  remarquées. 

Membre  de  plusieurs  sociétés  littéraires,  il  a  rem- 
porté quelques  palmes  à  différents  concours,  notam- 
j  meut  à  notre  grand  concours  de  1878.  pour  un 
Hymne  à  la  Paix  ;  son  chant  Guerre  à  la  duerre  !  fait 
partie  des  trois  pièces  publiées.  A  notre  neuviènie 
concom's  mensuel,  A  mes  Oiseaux  a  obtenu  un 
deuxième  prix.  La  Chanson  a,  en  outre,  publié  du 
même  auteur.  Le  Coin  du  Feu,  Chanson  du  Nouvel  An, 
Les  Drapeaux. 

Les  poésies  de  M.  G.  Leprévost,  éparpillées  un  peu 
partout,  n'ont  pas  encore  paru  en  volume  ;  nous  es- 
pérons que  cette  lacune  sera  bientôt  comblée. 

A.  P. 


LA  CHANSON 


251 


Petit  à  petit. 
L'oiseau  fait  son  nid. 

ni  aajt  


Quand  nous  entrâmes  en  ménage. 
Hormis  l'amour,  nous  n'avions  rien  ; 
Mais  dans  un  grenier,  au  jeune  âge, 
Chacun  le  sait,  on  est  très  bien. 
D'un  lit  seul  nous  fîmes  emplette 
Pour  commencer  l'ameublement, 
Et  cela  suffit  amplement 
Pendant  une  saison  complète. 
Petit  à  petit, 
L'oiseau  fait  son  nid. 

Aux  premiers  jours  sur  notre  couche. 
Rose  dut  mettre  le  couvert. 
Et  d'habitude,  sur  sa  bouche, 
J'aimais  à  prendre  mon  dessert  : 
Main  les  verres  et  la  laience 
Soufl'raienl  souvent  de  uo.>  ébats  ; 
D'une  table  pour  nos  repas 
Il  fallut  faire  la  dépense. 
Petit  à  petit, 
L'oi-seau  fait  sou  nid. 

Sur  un  lit  comme  oq  n'a  ses  aises. 
Que  lorsqu  on  est  deu.x  à  s'asseoir. 
Pour  les  amis,  de  quelques  chaises 
Nous  dûmes  aussi  nous  pourvoir. 
Mais,  pour  conquérir  une  armoire 
Que  Rose  ambitionnait  l'ort, 
Il  fallut  un  plus  grand  effort  ; 
Pourtant  nous  en  eûmes  la  gloire. 
Petit  ;i  petit, 
L'oiseau  fait  son  nid. 

Puis  Rose,  qui  n'a  pas  d'égale 
Pour  tous  les  élégants  travaux, 
Broda  des  rideaux  de  percale 
Oui  me  parurent  sans  rivaux  ; 
Devant  notre  unique  fenêtre, 
Plis.-és  avec  un  goût  parfait, 
Ils  y  faisaient  si  bon  itfet 
Qu'en  un  palais  je  croyais  être. 
Petit  a  petit. 
L'oiseau  fait  son  nid. 

Après  quelques  mois,  une  glace 
Orna  même  notre  grenier, 
Et  nous  plaçâmes  bien  en  face 
Un  buste  du  gai  chansonnier. 
Notre  cbambiette,  non  sans  peine, 
Ainsi  par  degrés  s'emplis  .lil; 
Mais  notre  amour  s'embellissait, 
El  de  bonheur  elle  était  pleine  ! 
Petit  à  petit, 
L'oiseau  fait  son  nid. 

Un  beau  soir,  en  rougissant,  Rose 
A  l'oreille  me  dit  tout  bas  : 
«  Il  nous  manque  encor  quelque  chose  ; 
»  Tu  l'as  deviné,  n'est-ce  pas?  » 
Pour  conclure,  je  dus  encore 
Au  mobilier  joindre  un  berceau  ; 
Et  puis...  Rose  m'a  fait  cadeau 
D'un  charmant  bébé  que  j'adore  I 
Petit  à  petit. 
L'oiseau  fait  son  nid. 

Gabriel  Lephévosï. 


A   NINON'i' 


Je  connais  le  secret  que  garde 
Le  fond  de  ton  âme,  ô  !  Ninon  ! 
Si  ton  cœur  dit  oui  par  mégarde. 
Tes  lèvres  disent  non  ; 

Prends  garde, 

Ninon  ! 

Ton  joyeux  babil  que  j'écoute 

M'enchaine  à  toi,  belle  Ninon  ; 

Mais  ton  sourire  me  déroule. 

Et  quand  tu  me  dis  non. 

Je  doute, 

Ninon  1 

Je  doute  des  refus  suprêmes 
Que  tu  m'adresses,  ô  !  Ninon  ! 
Car  je  sais  bien  que  tu  blasphèmes 
Quoique  tu  dises  non. 

Tu  m'aimes, 

Ninon  ! 


TROISIÈME 


GRAND  CONCOURS  POÉTIQUE 


Du  Journal  La  Chaînon 


Le  Journal  La  Chanson  fait  appel  à  tous  les  poètes. 
Il  met  aujourd'hui  au  concours  ; 

1"  Un  monologue  dans  le  genre  actuel  en  vers*  de 
160  vers  au  moius  et  18U  au  plus. 

Il  Sera  décerné  trois  prix,  et  des  mentions  hono- 
rables, s'il  y  a  lieu. 

Les  prix  consisteront  en  diplômes  spéciaux,  para- 
phés par  les  membres  du  jury.  Ces  diplômes  seront 
de  dimensions  calculées  pour  l'encadrement. 

Les  trois  pièces  primées  seront,  en  outre,  insérées 
dans  le  journal  La  Chanson. 

De  plus  le  premier  prix  publié  à  part  dans  une 
coquette  édition  illustrée,  sera  dit  en  public  sur 
plusieurs  de  nos  grandes  scènes  parisiennes. 

Les  pièces  envoyées  devront  être  inédites,  non 
signées  et  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  et  portant  extérieure- 
ment le  premier  vers  de  la  poésie  présentée. 

Le  Concours,  ouvert  le  !'='•  Décembre,  sera  clos 
fin  février. 

Nous  publierons  prochainement  les  noms  des  mem- 
bres du  jury. 

Toutes  les  communications  relatives  au  Concours 
doivent  être  adressées /r«Mco  à  M.  A.  Patay,  direc- 
teur du  journal  La  Chanson,  rue  lionaparle,  IS,  à 
Paris. 


(1)  Eitrait  de  l'Eternel  roman 
otre  librairie.  —  1  vol.  in-lS  : 


numerotesi 


poésies  de  G.  De  La  Salle,  publiée 
liiin.  2  fr.  50,  tiré  à   35U  exempla 


ON  PEUT  S'ENTENDRE 

HISTORIETTE 
Paroles  de  Musique  de 

Créée  par  DËBAILLEUL,  au  Concert  du  XIX»  Siècle 


L.-HENRY  LECOMTE 

Moderato. 


JULES  RAUX 


PIANO 


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p0^^     é 


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Alleero. 


lm>r-}.^r  Ir 


au  bout  d'une  verte   sen  .  te,S6udaiD  j'a  -  perçus  le   mi  .  nois 


aux  Bureaux  du  jaurnali  LJ    CHANSON 


&.PATAY.   rue   Bonaparte.  18. 


a  Tempo 


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te;  ^  AuÊ 


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Aussi  .  tôt,  lorgnant  ses  ai  .  traits,     Je  lui  dis,  sur  ua  ton  fort 


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-jjj^ttJ^I""! 


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le   chant. 


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a  Tempo. 


jij^ij  Jja;>j|j-    ^J'JmJ  J^ 


tén      .    dh:» 


Je  vous    ai  .  me,si    jewous  plais.  Je  vous     ai  .  me,  si    je  vous 


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On  peut  s'en  .  ten    . 


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Elle  ne  me  répondit  rien 
Et  s'enfuit,  tout  ensoleillée, 
Moi,  pour  engager  l'entretien, 
Je  la  suivis  sous  la  feuillée; 
Mais  elle  disparut,  hélas  I 
Tandis  qu'espérant  la  surprendre. 
Je  courais,  fredonnant  tout-  bas  : 
«  On  peut  s'entendre.  » 

Confus,  je  regagnai  Paris, 
Maudissant  le  destin  barbare. 
Jugez  combien  je  fus  surpris 
En  la  retrouvant  à  la  gare  ; 
Elle  était  charmante,  vraiment. 
Sur  le  trottoir  allant  l'attendre. 
Je  murmurai  :  «  Décidément, 
On  peut  s'entendre.  » 


Dès  qu'à  mes  yeux  elle  parut, 
J'abordai  galamment  la  belle, 
Pour  lui  dire  avec  un  salut: 
€  Ecoutez-moi,  ma  demoiselle  ; 
Séduit  par  vos  rares  appas, 
A  votre  coeur  j'ose  prétendre... 
Si  l'aveu  ne  vous  blesse  pas 
On  peut  s'entendre.  » 

Elle  répliqua  :  «  Ce  discours, 
Monsieur,  par  la  franchise  brille. 
Mais  il  faudra  m'aimer  toujours, 
Car  je  suis  une  honnête  fille; 
D'un  époux  et  non  d'un  amant 
J'ai  besoin,  sachez  le  comprendre... 
— Ehbien!  fis-je,  un  peu  tristement, 
On  peut  s'entendre.  » 


En  vente  aui  bureaux  de  La  Chanson,  el  chez  lous  les    marchands    de    musique.    Edition   grand    format, 
V    urej  et  petit  format  arec  gravure. 


ompagnement   de    pian 


254 


LA  CHANSON 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 


Scala..  —  V Homme  n'est  pas  parfait,  La 
est  de  ronfler  et  Grosbalay  père  et  fils  alteraeront~aii 
programme,  en  attendant  la  première  représenta- 
ti'on  de  la  revue  Sans  tambours  tii  trompettes,  qui 
aura  lieu  le  24  courant. 

Dans  notre  numéro  du  22  août  dernier,  nous  di- 
sions que  nous  avions  découvert  un  véritable  ar- 
tiste au  Concert  Européen,  nous  ajoutions 
qu'il  serait  d'un  bon  effet  à  la  Seala,  où  son  genre 
n'était  tenu  par  personne.  Nous  sommes  heureux 
d'annoncer  que  M.  Gaston  Ledoux,  l'artiste  en  ques- 
tion, vient  d'être  engagé,  et  qu'il  est  lout  à  fait  en 
faveur  auprès  des  habitués  de  la  Scala. 

Mme  Marguerita  obtient  un  bon  succès  avec  Dans 
le  Tyrol,  de  M.  Martial,  musique  de  M,  Chaillier,  et 
le  Portrait  de  Mireille,  de  MM.  Uleize  et  Doria. 

Mme  Patry  se  fait  vivement  applaudir  dans  Nini 
Ràssignol,  une  nouveauté  de  M.  Constant  Saelé,  mu- 
siàue  de  M.  Uu  Grosriez, 

jvieaïap  d'Hiver.  —  Elevées  à  l'Américaine, 
pièce  à  grand  spectacle,  de  MM.  A.  Lemonnier  et 
Brigliano,  musique  de  M.  Marc  Chautagne,.fait  de- 
puis quelque  temps  les  délices  des  spectateurs  de 
ce  Concert. 

La  première  représentation  du  Petit  Cochon,  re- 
vue-porte-veine, de  MM.  Jallais  et  Lemonnier,  sera 
doonée  ce  soir  samedi.  - 

jjjîlous  profitons  de  ce  petit  entrefilet  pour  prier  la 
direction  de  nous  faire   envoyer  ses  services  plus 
régulièrement. 
'  \  ■ 

3tlX°  Siècle.  —  Après  avoir  parcouru  différen- 
tes villes  de  province,  M.  Henri  Plessis  vient  de 
faire  sa  rentrée  à  ce  concert  et^a  retrouvé  son  suc- 
cès d'autrefois  dans  ses  anciennes  et  nouvelles  imi- 
tations. ' 

Le  sympathique  Debailleul,  dont  nous  publions 
aujourd'hui  la  biographie,  tient  deux  bons  succès 
avec  le  Portrait  de  Mireille  eX  la  Sérénade  des  Man- 
dolines. Espérons  que  la  charmante  historiette  On 
peut  s'entendre^  de  notre  rédacteur  en  chef,  musique 
de  Jules  Raux,  qu'il  doit  créer  ce  soir,  lui  en  lera 
un  troisième. 

MM.  Ouvrard  ej,  Legrand,  désopilants  dans  leurs 
chansonnettes  comiques,  se  font  applaudir  et  bisser 
à  outrance.  '  . , 

Les  vaudevilles  du  Palais-Royal,  interprétés 
de  la  bonne  façon,  sont  très  amusants  et  font  un 
plus  grand  plaisir  que  les  saynètes,  jouées  habituel- 
lement dans  les  cafés-concerts. 

Concept  «le  la  Pêpinièpe!  —  C'est  avec  un 
vif  plaisir  que  nous  enregistrons  le  grand  succès 
d'estime  obtenu  par  M.  Emile  Durafour,  à  la  repré- 
sentation donnée  samedi  dernier,  à  son  bénéfice. 
Tous  les  artistes  de  la  Pépinière  ont  prouvé  leur 
sympathie  à  leur  excellent  camarade,  en  lui  prêtant 
leur  gracieux  concours.  Debailleul,  du  XÏX»  Siècle, 
qui  est  venu  chanter  ses  deux  dernières  créations  : 
Le  Portrait  de  Mireille  et  la  Sérénade  des  Mando- 
lines, a  obtenu  de  vifs  applaudissements.  Mme  Rosa 
Garey  et  M.  Sidney  Terry  ont  été  également  accla- 
més dans  un  intermède  musical. 

Après  avoir  chanté  Ma  femme  est  en  voyage,  le  bé- 
néficiaire a  reçu  une  couronne  de  lauriers  de  la  part  de 
ses  camarades,  ainsi  qu'une  couronne  d'or  offerte 
par  les  habitués  de  la  Pépinière. 

La  première  représentation  de  Quand  les  chats  sont 
partis,  opérette  en  un  acte  de  Emile  Durafour,  mu- 
sique de  Frédéric  Barbier,  a  été  donnée.  Cette  opé- 


rette, jouée  par  Mme  Lucie  Andrée  et  M.  Fraricis,  a 
été  chaleureusement  applaudie.  > 

Si  nous  voulions  dire  un  mot  sur  chacun  des  ar- 
tistes qui  se  sont  fait  entendre,  une  colonne  du- jour- 
nal ne  nous  suffirait  pas.  Bornons-nous  d^nc  à 
dire  qu'ils  ont  été  bien  accueillis  parles  amis  die,,bu- 
rafour  qui  remplissaient  une  grande  partie-  de  la 
salle.  .,;.,■  ■  ' 

Chalet.  —  La  Chasse  aux  miasmes,  revue  de  l'an- 
née, de  Constantin  Marc,  musique  de  M.  de  Schrie- 
der,  sera  représentée  aujourd'hui  pour  la  première 
fois. 

M.  Thise  se  fait  rappeler  chaque  soir  avec  la  chan- 
son de  L.-Henry  Lecomte  :  Etes-vous  comme  moi'',  et 
une  nouvelle  création  :  Le  Boléro  de  r Auvergnat. 
Mile  Lévy  se  fait  distinguer  par  la  façon  dont  elle 
interprète  la  sérénade  de  \: Amour  qui  charité. 

Les  danses  excentriques  des  frères  Suiram  sont 
toujouts  fort  goûtées,  et  M.  Plebins  -dit  la  chanson- 
nette avec  beaucoup  d'entrain.  La  tTOupe  s'est  aug- 
mentée de  l'habile  cornettiste  Tilloy. 

M.  David  chante  avec  un  grand  •  succès  :  le  Yieux 
buveur  de  vin,  paroles  de  Brugière,  musique  de  Jules 
Raux.  ,1-.- 

Folica-Belleville.  —  QeX  établissement  don- 
nera la  première  représentation  de  Folies  sur  Folies. 
-  sa  revue  de  fin  d'année';  —  le  25  courant.  /Les 
paroles  sont  de  M.  A.  Philibert  et  la  musique  de 
M.  Tac-Coen,  l'habile  chef  dorchestre-compositeur. 
Alfred  Bertinot. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


La  soirée  qiue  le  Cercle  de  l'espérance  a  offerte  à  ses 
nombreux  Invités,  le  2  décembre,  aurait  pu  facile- 
ment passer  pour  un  grand  spectacle. 

Non-seulementune  séance  de  physique,  organisée 
par  M.  Léo,  aura,it  suffi  à  l'agrémeni  des  spectateurs, 
mais  encore  le  choix  des  morceaux  interprétés  par 
les  artistes  montre  avec  quel  goût  M.  Catherine  sait 
composer  un  programme.  Après  la  romance  du  Pré 
■aux  Clercs,  chantée  délicieusement  par  Mlle  Chazet, 
M.  Pic  a  donné,  dans  l'air  de  Y  Ame  en  peine,  des  in- 
flexions d'un  sentiment  exquis.  Ces  deux  artistes 
réunis  ont  alors  joué  eu  vrais  comédiens  le  duo  des 
Dragons  de  Villars.  • 

Dans  la  partie  iAStrumentale,  M.  %;t\ng,i^e  a  exposé 
les  effets  qu'op  peut  tiref  d'une  clarinette,  et  les 
difficultés  de  rythmes  et  de  tonalités  qu'il  a  résolues 
lui  ont  conquis  les  applaudissements  chaleureux  de 
l'auditoire.  Quant  aujeUne  oboïste  Edmoud  Dreyfus, 
sa  réputation  est  déjà,  faite,  il  .-erait  suranné  de  la 
renchérir.  Les  qualités  de  sons  qu'il  développe  dans 
la  fantaisie  de  Don  Pdsquale  (pour  hautbois),  et  les 
nuances  qu'il  observe  avec  un  tact  infini  font  rêver! 

MM.  Lopez,  Pic  et,  François  ont  très  bien  rendu  le 
quatuor  de  Don  Pasquale.  À  ce  propos,  comment  se 
fait-il  que  Mme  Catherine  qui  tenait  si  finement  la 
partie  de  soprano  ne  chante  jamais  seule'? 

L'élégant  ténorino  Chapuis,  dans  le  Déjeûner  sur 
l'herbe,  a  fait  valoir  une  jolie  voix  mixte  qu'il  aurait 
tort  de  grossir,  car  elle  est  parfaite  de  finesse.  Un 
bon  comique  qui  sait  tirer  un  lùagnitique  parti  des 
chansons,  même  les  plïis  triviales,  nous  =a  été  révélé, 
c'est  M.  Genêt,  à  qui  nous  adressons  nos, félicitations. 

Si  le  Cercle  de  l'Espérance  a  l'intention  de  renou- 
veler ce  genre  de  soirée,  il  fera  bien  d'y  inviter 
quelques  présidents  de  Sociétés  lyriques,  car  un  bon 
exemple  a  besoin  d'être  suivi. 

JWLBS    RaUXi 


LA  CHANSON 


255 


Mercredi  8  décembre,  a  eu  lieu,  à  TAlhambra,  la 
soirée  d'inauguration  de  la  Société  lyrique  «  Les 
Violoneux.  » 

A  8  h.  1/2  aevant  une  .--aile  comble,  le  rideau  se 
lève  en  grinçant,  et  MM.  Charles,  Germain,  Henry  et 
Mlle  Blanche,  ouvrent  la  séance  avec  entrain. 
M.  Chapini  se  fait  rappeler  deux  fois  dans  la  chan- 
son «  Le  Vieux  buveur  de  vin,  »  de  Jules  Raux  ; 
M.  Vuillaume  obtient  avec  la  Chanson  des  Clocheto}is, 
le  même  succès  qu'au  cercle  Musset. 

Mlle  Lucie,  toujours  gracieuse,  soupire  agréable- 
ment «  Le  pays  des  amoureux.  » 

M,  Georges  est  applaudi  dans  «  Etes-vous  comme 
moi  »,  la  spirituelle  chansonnette  de  L.-Henry  Le- 
comte.  M.  Merville  a  beaucoup  amusé  avec  «  Le 
théâtre  à  l'envers,  »  grande  scène  d'imitation. 

Quanta  M.  Ribert,  (lui  a  exécuté  en  trois  minutes 
un  tableau  qu'il  a  offert  à  la  Société,  et  interprété 
«  Uiie  soirée  à  Meaux  en  Brie,  »  les  trépignements  de 
la  salle  ont  confirmé  le  franc  succès  qu'il  obtient 
tous  les  soirs  à  l'Orphémn. 

Mais  le  clou  de  la  soirée  a  été  «  La  sœur  del'embal- 
leiif  »  chantée  par  MmeSenèze  et  accompagnée  par 
le  public  qui  riait  à  se  tordre. 

L'harmonie  «  la  Lyre  du  commerce,  »  sous  la  direc- 
tion de  M.  Gisquière,  a  exécuté  plusieurs  morceaux 
de  son  brillant  répertoire.  Nos  compliments  sincères 
au  piston  solo. 

Nous  engageons  les  administrateurs  des  «  Violo- 
neux »  à  avoir  plus  de  déférence  pour  les  représen- 
tants de  la  presse  et  à  ne  pas  les  obliger  à  subir  les 
rétlexions  ridicules  des  gens  de  service. 


Lundi  dernier  a  eu  lieu,  dans  la  salle  de  l'Alham- 
bra,  la  soirée  donnée  au  bénéfice  de  Victor,  le  comi- 
que bien  connu  des  Sociétés  IjTiques.  Malheureuse- 
ment pour  le  bénéficiaire  beaucoup  de  fauteuils 
sont  restés  vacants. 

Le  concert  était  assez  satisfaisant.  MM.  Théo  et 
Clément,  des  Folies  Bourdonnais,  ont  su  se  faire  ap- 
plaudir et  bisser  plusieurs  fois.  Nos  félicitations  au 
ieune  Armand,  qui  brûle  les  planches.  MM.  Léonce, 
Vuillaume,  Mmes  Léonce  et  Lucie  méritent  aussi 
des  compliments  pour  leur  bonne  volonté. 

L'ami  Victor,  très  enroué,  a  fait  ce  qu'il  a  pu  pour 
amuser.  Mlle  Blanche,  une  débutante,  mérite  une 
mention  spéciale.  Cette  jeune  personne,  très  jolie, 
s'est  acquis  de  suite  la  sympathie  du  public  qui  ne 
lui  a  pas  ménagé  les  applaudissements. 

Pour  terminer,  invitons  certaines  personnes  à  ne 
pas  s'obstiner  à  occuper  la  scène  eu  fatiguant  les 
spectateurs  ;  le  public  des  sociétés  lyriques  où  cha- 
cun est  sympathique  aux  artistes,  la  plupart  socié- 
taires, n'est  pas  le  public  qui  paie,  et  qui  veut,  avec 
raison,  de  l'agrément....  pour  son  argent. 


La  soirée  du  Cercle  Musset  a  eu  lieu  samedi, 
4  décembre,  devant  une  salle  comble.  Au  premier 
rang  des  spectateurs  nous  remarquons  Mme  Lardin 
de  Musset.  La  Pol/ta  des  forgerons  a  été  exécutée 
avec  un  ensemble  parfait  par  des  jeunes  musiciens, 
parmi  lesquels  se  sont  fait  remarquer  MM.  Pôriner, 
Aragon,  Ribour,  Caponi  et  Canet,  pianiste  de  la  So- 
ciété. M.  JJaslide,  applaudi  dans  le  grand  air  du 
Chalet,  a  été  remarqué  dans  la  belle  poésie  de  Fran- 
çois Goppée,  Za  Maison  de  Mohère.  M.  Cordier,  le 
premier  comique  du  cercle,  s'est  fait  rappeler  dans 
Tu  fais  de  la  peine  à  ma  sœur  et  dans  C'est  pas  gentil 
pour  ta  famille.  WA.  Villaume,  Courtois,  Klotz,  Lévy, 
Lanoir,  Chapini,  Lebrun,  Jacobson,  ont  eu  aussi  leur 
part  d'applaudissements.  Mlle  Lucie  a  été  charmante 
dans  ses  deux  chansunuelles,  Espoir  et  ie  Baiser. 


Le  désopilant  Moumoute  a  été  frénétiquement  ap- 
plaudi dans  Baiet  et  Malbrugh.  Nous  avons  aussi 
écouté  avec  plaisir  M.  Aragon  qui  a  interprété  avec 
art  une  très  jo'ie  fantaisie  sur  la  Traviata,  solo  de 
clarinette.  La  soirée  s'est  terminée  par  Le  JiJari  de 
Juliette,  opérette  en  un  acte,  interprétée  par  Mlle 
Lucie  et  Willaume,  qui  ont  rivalisé  de  verve  et 
d'entrain  et  se  sont  fait  rappeler  dans  le  duo  final. 


Les  Enfants  de  Montmartre  avaient  convié  leurs 
membres  honoraires  et  leurs  nombreux  amis  à  une 
soirée  musicale  qui  a  eu  lieu  le  o  courant,  salle 
Pétrelle. 

Le  programme,  très    alléchant,  a  tenu  ses    pro-  . 
messes. 

M.  i)»ro^,  fort  ténor,  a  fait  grand  plaisir  dans  les 
Rameaux,  et  le  grand  air  de  Lucie  a  été  pour  lui  un 
triomphe  bien  mérité. 

Je  -voudrais  !  et  Doux  souvenir,  romances,  ont  été 
chantées  avec  une  voix  fraîche  et  bien  timbrée  par 
M.  Boussagol,  ténorino  des  plus  agréables.  Nous 
avions  eu  déjà  le  plaisir  d'entendre  M.  Leclerc  et 
nous  serons  toujours  content  de  le  retrouver.  Mlle 
Prat,  de  l'Alcazar,  a  dit,  avec  un  talent  plein  de 
charme  :  Lettre  d'une  cousine  à  son  cousin  et  les  cou-" 
plets  de  la  Camargo;  la  Valse  des  Cent  Vierges  lui  a 
mérité  les  applaudissements  de  toute  la  salle.  Mlle 
Violeite  dit  la  bluelte  avec  beaucoup  de  naïveté  et 
de  fraicheui. 

Entêté  comme  un  mulet,  T peux  vas  dormir,  deux 
chansonnettes  d'un  genre  bien  différent,  ont  permis 
à  M.  Pépin  de  faire  valoir  toutes  les  délicatesses  de 
son  jeu.  M.  Scherer,  une  vraie  basse,  a  interprété 
avec  une  grande  simplicité  et  une  rondeur  pleine 
de  sentiment  :  Mon  caractère,  une  chanson,  genre 
Darcier;  l'accueil  qui  lui  a  été  fait  a  dû  l'édifier  sur 
son  interprétation.  MM.  Colinet  et  Maurice  sont  deux 
joyeux  compères  que  la  société  doit  être  heureuse 
de  posséder.  La  Femme  a  été  chantée  par  M.  Georges, 
de  façon  à  lui  concilier  les  gracieuses  sympathies 
de  la  "partie  intéressée  du  public. 

Tous  nos  compliments  à  MM.  Clément,  Defente  et 
Mahéiin;  nous  ies  engageons  à  travailler  encore. 

Une  saynète  :  Voiture  à  vendre,»,  été  enlevée  avec 
beaucoup  de  brio  par  M.  Belguise  ;  son  parti-naire, 
M.  Alfred,  est  un  amoureux  plein  de  distinction  et 
de  réserve,  un  peut  trop,  peut-être  ! 


La  grande  matinée  organisée  par  la  société  lyri- 
que l'es  Gais  Momusibns,  au  bénéfice  de  la  veuve  et 
des  enfants  d'un  de  ses  sociétaires'  a  obtenu  un  suc-, 
ces  pécuniaire  et  artistique  des  plus  satisfaisants. 

Les  noms  des  meilleurs  artistes  des  concerts  et 
des  sociétés  lyriquesde  Paris  figuraient  au  program- 
me. Citons  au  courant  de  la  plume,:  MM.  Collignon,. 
compositeur;  Volmi,  du  Conservatoire;  Adrien 
Souchet,  Camut,  Chapini,  Métivel,  Francfort; 
M''='' Marie,  Vanina  Valletle  ;M"""*Bario,  Fayolle,  etc., 
etc.,  qui  ont  été  vivement  applaudis. 

La  Femme  qui  se  grise,  vauieville  en  un  acte  inter- 
prété par  M'""  Acheray,  la  bénificiaire  ;  MM.  Métivet, 
Pankouke  et  Alfred,  a  parfaitement  réussi  et  a  fait 
grand  plaisir. 


CHOSES  &  AUTRES 


Sous  ce  titre  :  Mes  étrennes,  notre  collaborateur 
Desrousseaux,  le  célèbre  chansonnier  Lillois,  vient 
de  publier  un  «  Almanach  chantant  »  très  ciu'ieux. 
Il  contient  ou^e  productions  nouvelles  eu  patois  de 


256 


LA  CHANSON 


Lille,  qui  ne  le  cèdent  en  rien  à  leurs  aînées.  Colette, 
les  Tribulations  d'un  amom-eux,  Marie  Gripette,  Cha- 
charles,  le  Faubourg  Saint-Maurice,  sont  des  œuvres 
pleines  de  malice  et  d'entrain  dont  le  succès  n'est 
pas  douteux  (Prix  50  centimes). 

Desrousseaux  a  fait  en  même  temps  réimprimer  la 
première  partie  de  ses  œuvres  :  Chansons  et  Pasquilles. 
Ce  volume  manquait  depuis  plusieurs  années,  bien 
qu'il  ait  été  déjà  réimprimé.  Les  quatre  volumes  se 
trouvent  à  Lille  chez  tous  les  libraires  et  à  Paris  à 
notre  librairie  : 

!<"•  vol.,  précédé  du  portrait  de  l'auteur  et  d'une 
petite  notice  sur  l'orthographe  du  patois  de  Lille. 
Nouvelle  édition,  avec  musique,  prix 2  fr.  30. 

2e  vol.,  avec  les  airs  nouveaux  de  l'auteur,  nouvelle 
édition,  prix 2  fr.  bO. 

3°  vol.,  avec  20  vignettes  et  la  notation  des  airs 
nouveaux  et  anciens,  nouvelle  édition,  prix  2  fr.  30. 

4°  vol.,  avec  les  airs  anciens  et  nouveaux  et  suivi 
d'un  Vocabulaire,  prix 2  fr.  30. 

L'œuvre  do  Desrousseaux  est  en  vente  à  notre 
librairie,  18,  rue  Bonaparte. 


Aux    chansonniers    et   aux    amis    de    la 
Chanson. 

Dimanche  19  courant,  aura  lieu  la  visite  annuelle 
à  la  tombe  du  poète  Hégésippe  Moreau,  rendez-vous 
à  trois  heures  très  précises  à  la  porte  du  cimetière 
Montparnasse. 

Dimanche  26  décembre,  à  2  heures  précises,  réu- 
nion A  la  perle  du  cimetière  Sainl-Ouen  [dit  Cayemie] 
pour  le  bout  de  l'an  de  notre  camarade  Pouty,  chan- 
sonnier, dont  nous  publierous  prochainement  la 
biographie  par  Eugène  Baillel. 


Aux  auteurs  et  compositeurs  de  musique 

Nous  recevons  depuis  longtemps  de  nombreuses 
lettres  nous  priant  de  vouloir  bien  nous  charger 
d'éditer,  pour  le  compte  des  auteurs,  soit  en  grand  for- 
mai piano,  soit  en  petit  format  guitare  ou  même  en 
cahier  populaire.  .  .  ..-r  -, 

Nous  cédons  aux  demandes  qui  nous  ont  ete  laites 
en  mettant  à  la  disposition  des  auteurs  nos  relations 
commerciales.  Nous  répondrons  a  toute  demande  de 
renseignements  à  laquelle  sera  joint  un  timbre-poste. 
Nous  prions  nos  correspondants,  pour  simpliher  notre 
travail,  de  nous  dire  clairement  l'édition  qu'ils  dé- 
sirent, grand  format  piano,  avec  ou  sans  gravure  ; 
vêtit  format  guitare,  avec  ou  sans  gravure. 

Nous  préparons  pour  paraitri  en  janvier  des  cahiers 
de  chansons  à  10  centimes.  Nous  prions  les  auteurs 
nui  voudraient  v  collaborer  de  nous  envoyer  des 
chansons  de  suite  pour  être  soumises  au  _  comité 
d'examen.  Les  auteurs  seront  avertis  de  celles  qui 
seront  reçues  pour  être  publiées  aux  conditions  sui- 
vantes •  envoyer  le  montant  àe  cent  exemplaires  quils 
recevront  aussitôt  parus  (soit  dix  francs).  C'est  de  la 
publicité  gratuite,  puisque  l'auteur  est  rembourse 
en  exemplaires.  Ces  cahiers  sont  appelés,  croyons- 
nous,  à  un  grand  tirage.  Chaque  livraison  renler- 
mera  une  chanson  à  succès  connue,  une  chanson  avec 
musique,  trois  ou  quatre  chansons  inédites,  et  le  por- 
trait d'un  chansonnier  ou  compositeur  populaire. 

Nous  nous  chargeons  également  de  la  publication 
de  volumes  ou  brochures  pour  le  compte  des  auteurs, 
quel  que  soit  le  genre  de  l'œuvre,  après  lecture  bien 
entendu.  -^-  ^- 


PUI{LIC.\TIONS  DE  LA  LIBRAIRIE  A.  PATAY 


{\H,  rue  Bonaparte,   fl8). 


X<cs  Abeilles,  chanson.  Paroles  de  Georges  Baillet. 
Musique  de  Mme   Anais  Brianny.   Grand  format,  avec 

gravure  et  accompagnement  de  piano,  net 1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  net  »  30 

11' Album  de»  Dames,  par  Mme  Juliette  Mancelière, 
cahier  de  chansons  à  10  cent. 

Eîtes-vous    comme    moi  ?    chanson.    Paroles    de  .L.- 

HenryLecomte.  Musique  de  Jules  Raux.  Grandformat, 

avec  accompagnement  de  piano  et  gravure,  net...    1    » 

Petit  format,  avec  gravure,  net. .'    »  30 

Créée  à  VEldorado,  par  Velly,  cette  bonne  chanson 
fait  en  ce  moment  le  tour  des  Concerts. 

l<a  fête  de  la  France.  Paroles  de  J.-B.  RoBINOT,  Mu- 
sique de  Jules  Raux.  Petit  format  aux  couleurs  natio- 
nales, net.. »  20 

France,  hymne  de  la  Paix,   chant  national.  Paroles 
de  L.  Sarrade,  Musique  de   Ben-Tayoux.   Grand   for- 
mat avec  gravure  et  accompagnement  de  piano,  net.    1    » 
Petit  format,  avec  gravure,  net >  30 

li'lliver,  romance.  Paroles  de  Fauché,  Musique  de 
•Raguey.  Petit  format  sans  gravure,  net -20 

J'en  raiTolle,  paroles  et  musique  de  Jules  Raux. 
Petit  format,  avec  accompagnement  de  piano  et  gravure, 
net >  50 

illïaou!  ch.anso7i  Céline.  Paroles  et  musique  de  Jules 
Raux.  Grand  format  avec  gravure  et   accompagneriient 

de  piano,   net i     • 

Petit  format  avec  gravure,  net •  30 

liuMusc  de  lu  Chanson,  Paroles  de  Claudius  Malbet, 
Musique  deCh.  Marié.  Grand  format  avec  accompagne- 
ment de  piano,  sans  gravure,  net »  50 

IVc  chantez  plus  la  Marseillaise,  chanson  patriotique. 
Paroles  de  Jules  Célès,  Musique  de  Louis  Caloin. 
Grand  format,  avec  accompaenement  de  piano  et  gra- 
vure, net 1     » 

Petit  format,  avec  gravure,  net..,..i »  30 

On  peut  s'entendre,  historiette.  Paroles  de  L. -Henry 
Lecomte,  Musique  de  Jules  Raux.  Grand  format,   avec 

accompagnement  de  piano  et  gravure,   net 1    « 

Petit  format,  "avec  gravure,  net >  30 

Cette  chanson  sera  créée  aujourd'hui  par  Debailleul 
au  Concert  du  XIXi^  siècle. 

Paix  et  Travail,  Paroles  de  EUGÈNE  Imbert,  Musique 
de  Jules  Raux.  Grand  format,  avec  accompagnement  de 
piano,  sans  gravure,  net »  50 

lies  Petites  Mains  de  ma  Mie,  chanson,  faroles  de 
J.  JouY,  Musique  de  Paul  Henrion.  Grand  format,  avec  ■ 

accompagnement  de  piano  et  gravure,  net 1     • 

Petit  format  avec  gravure,  net '30 

Cette  chanson  vient  d'étrecréée  au  Concertdu  xix"  siècle 
par  Debailleul,  elle  est  déjà  interprétée  dans  plusieurs 
concerts  et  dans  beaucoup  de  sociétés  lyriques. 

Quand  t'auras  des  illoustaches.  Paroles  ije  Claudius 
Malbet,  Musique  de  Mathilde  Fraiquin.  Grand  for- 
mat, avec  accompairnement,  sans  gravure •  50 

làC  Vieux  Uuveur  de  vin,  chanson.  Paroles  de 
Brugièrk.  Miisiqoe  de  JuLES  Raux.  Grand  formai,  avec 

accompagnement  de  piano 1     >' 

Petit  format  avec  gra  vur" >  80 

Cette  chanson  vient  d'être  chantée  avec  succès  dans  plu- 
sieurs concerts  parisiens 

Vlac'que  c'est  qu'un  enterr'mcnt,  tableau  populaire, 
paroles  d'EuGÉNE  Imbert,  musique  de  Dauvergne.  Petit 
format,  aveogravure  et  accompagnement  de  J.  Raux  «  50 

Vous,  valse  chantée,  paroles  et  musique  de  L.  P.. 
officier  de  cavalerie.  Grand  format,  avec  accompagne- 
ment de  piano,  net l     ■ 

Toutes  ces  publications  seront  envoyées  franco  dans 
toute  la  France  à  toute  personne  qui  en  fera  la  demande 
par  lettre  affranchie,  accompagnée  de  timbres-poste  pour 
Les  demandes  au-dessous  de  2  francs  ou  d'un  mandat- 
poste  à  partir  de  cette  somme. 


Le  Directeur-Gérant  ;  A.  PATAY 


Paris.  —  Imprinierie  L;  Hugonis  et  Cle,  6,  rue  Martel, 


3*  ANNEE.  -  N°  33. 


lO  CENTIMES. 


20  DÉCEMBRE  1880 


LA   CHANSON 


Diredenr-Administrateur 
A.  PATAY 


JOURNAL  DE  MUSIQUE  POPULAIRE  ^"l^^^mor' 


Li  chanson  est  une  forme  ailéeet 
etiarmante  de  ta  pensée.  Le  couplet 
est  le  gracieux  fràre  de  la  strophe. 
V.  HUOO. 


ÉCHO  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 

Théâtres,    Concerts,  Littérature,   Beaux-Arts 
PARAISSANT  TOUS  LES  DIMANCHES 

Les  manuscrits   non  insérés  ne  seront  pas  rendus. 


Annonces,  laligne. 
Réclames,        — 


Lachanson,commelabalonnetti 
est  une  arma  française. 

J.  CLARETIE. 


ADMINISTRATION    &   RÉDACTION 

18,  BUE  BONAPARTE,    18 


RÉDACTEUR  EN  CHEF 

L.-HENRY  LEGOMTE 


ABONNEMENTS 

France,  un  an 6  fr. 

>         six  mois 3  • 

Etranger,  un  an ■•  8  » 


SOMMAIRE 


Galerie  des  chansonniers  :  Ponty  (liuoBNE  Baillst).  —  Jeane  chdldainc 
et  jeune  abbè  (Octaviî  Lkiirsgue).  —  Comment  qu  faut  faire?  (Geob- 
GKa  Gillet).  —  Résultat  du  /ff"  concours  mensuel  de  la  Cuanson  ;  A 
Uègisiiipc  Mureau   (GnoiiuEj  Uaellet).  —   Chronique   des    concerts 


).    —  Cai'caa  Yeriictois  (XX).  —  Bibliographie 
■  Chronique  des  sociétés  Ijriques  {PiF.nnR  et  Pâli.). 


GALERIE    DES   CHANSONNIERS   :     PONTY 


Le  noui  do  Ponly 
n'est  pas  souvent  arrivé 
aux  oreilles  du  public  ; 
ce  u'élaiL  pas  moins  un 
vrai  poète  du  peuple  ot 
un  cliausounier  de  la 
bonne  école;  c'est  à  ce 
double  lilro  que  nous 
lui  devons  une  place 
dans  noire  galerie.  Le 
nom  do  ce  prolétaire 
mérite  de  ne  pas  des- 
cendre avec  lui  dans  la 

fosse  commune Qui 

s'occupera  des  nôtres  si 
nous  les  oublions  nous 
mêmes? 

Combien  de  rimail- 
leurs sans  conscience 
et  sans  but  sont  arrivés 
par  adresse  ou  circons- 
taiicè  à  populariser 
leurs  œuvres  et  dont  le 
bagage  littéraireestbien 
au-dessous  de  celui  de 
■  Ponly.  Souvenons-nous 
des  humbles  et  ne  pas- 
sons pas  devant  leur 
tombe  sans  y  déposer 
la  fleur  du  souvenir. 

Louis-Marie  Ponty 
était  né  en  1803  à  Paris, 
le -20  janvier.  Sts  parents  étaient  des  artisans  aussi 
honnêtes  que  pauvres;  il  était  tout  jeune  encore 
4uanU  sou  père  npupit,  sa  mère  n'avait  pas  do  laé- 


lier,  elle  fut  tour  à  tour 
marchande  des  quatre 
saisons,  blanchisseuse, 
femme  de  ménage . 
Ponly  avait  une  sœur 
ainée,  cela  faisait  trois 
personnes  à  vivre  sur 
le  gain  de  la  pauvre 
mè  re ,  heureusement 
que  son  courage  éiait 
assez  grand  pour  domi- 
ner sa  malheureuse  si- 
tuation, aussi,  Ponly  à 
soixante-dix  ans,  par- 
lait-il encore  de  sa 
mère  avec  des  larmes 
dans  la  voix. 

Dès  que  l'enfant  eut 
l'âge  de  tenir  un  outil, 
c'est-à-dire  neuf  ou  dàc 
ans,  on  l'envoya  dans 
les  ateliers...  Où  a-t-il 
appris  à  lire?...  Il  n'en 
sait  rien.  Il  ne  se  sou- 
vient en  fait  d'instruc- 
tion que  de  quelques 
leçons  d'écriture  que 
lui  donna  un  bon  voi- 
sin, ancien  Convention- 
nel du  nom  de  Bréard, 
devenu  herboriste,  qui 
l'avait  pris  en  amitié. 
«  Je  me  souviens  de  ce  brave  homme  avec  grand 
M  respect,  disait  Ponly  qui  aimait  à  rappeler  ce  sou- 
»  yenir^  il  chantait  ioujotxrs  ou  arrosaut  de  noui- 


258 


LA  CHANSON 


»  breux  pots  de  fleurs  qui  ornaient  la  devanture  de 
)j  sa  boutique;  on  le  vénérait  dans  le  quartier,  cepen- 
)>  dant  les  commères  se  le  montraient  en  disant: 
»  C'est  un  Jacobin.  Jamais  il  ne  donnait  son  avis  sur 
»  les  évènenitnts  du  jour,   il  formait  religieusement 

.  »  sa  boutique  le  dimancbe,  mais  il  n'allait  pas  à  la 
D  messe  ;  ta  figure  était  belle  et  son  ensemble  impo- 
«  sant.  » 
Los  seules  paroles  de  cet  ex-président  de  la  con- 

'  veuiion,  restées  dans  la  mémo.re  de  Pontj^  sont  cel- 

■  les-ci  :  ATpprends  bien,   mon  enfant,  si  les  bommes 
élaieut  plus  instruits,  ils  ne  seraient  peut-être  pas  si 
mécbants  ! 
Ce  vieux  Conventionnel  ouvrant  a.'nsi  son  cœur  à 

.  un  pauvrj  enfant  à  qui  il  appren.i  à  écrire  dans  une 
arrièic-boutique  d'bcrboriste,  voilà  un  joli  tableau 
de  genre  à  faire. 

. ,  L'aLclier  n'était  pas  ca  qu'il  fallait  au  jeune  Ponty, 
le  travail  libre  avant  tout  convenait  seul  à  sa  nature 
tui  y.ea  bobémienne  quoique  courageuse  ;  quelques 
sous  pour  acbeter  du  pain  et  des  livres,  c'éiait  le 
b.iubeur!  A  vingt,  ans  il  était  cbiffojnier,  ce  qui  ne 
l'empêchait  pas  d'avoir  déjà  une  bibliothèciue.  compo- 
sée de  livres  achetés  sur  les  quais  et  chez  les  mar- 
chands de  bric-à-brac.  Il  avaii  lu  en  partie  Vo:taire 
et  Rousseau  et  connaissait  assez  pour  en  causer  les 
philosophes  du  dii-huiùème  siècle. 
.  Quand  Vicunet  de  V Académie  française  publia  son 
Epitre  aux  chiffoimicvs  qui  fit  un °  certain  bruif, 
Ponty  lui  répondit  par  une  lettre  que  j'ai  sous  les 
j^eux,  lettre  pleine  de  bon  sens  et  bourJ?ée  de  ciia- 
tions  littéraires...  Ce  chiffonnier  de  vingt-deux  ans 
répondant  à  un  académicien  ne  manque  pas  d'origi- 
nalité et  montre  chez  ce  jeune  citoyen  une  parfaite 
conviction  de  l'égalité  des  hommes  devant  la  raison. 
Ponty  avait  déjà  rimé  une  Épitre  à  Voltaire,  un 
poème  en  trois  cents  vers  intitulé  :  La  religion  ou  les 
erreurs  de  quelques-uns  et  la  mienne.  Uue  jolie 
pièce  sur  la  mort  du  général  Foy  et  un  grand  nom- 
bre de  chansons  qu'il  chantait  dam  les  goguettes 
d'alors,  où  trônaient  Uebraux,  René  Faivre,  Dauphin 
et  autres  rois  tous  amis  du  chifloi-iLier  poète. 

Il  .\  a  bien  là,  comme  on  doit  le  penser,  quelques 
couplets  eu  l'honneur  du  grand  homme,  mais  c'est 
avant  tout  l'esprit  Voltairien  qui  domine;  cela 
est  bien  rimé  et  rythmé,  ne  fallait-il  pas  une  nature 
d'élite  et  une  volonté  de  fer  pour  être  arrivé  à  ce  ré- 
sultat dans  le  milieu  où  vivait  Ponty  ? 

En  18213  no  is  le  retrouvons  tireur  de  soufflet  d'un 
forgeron  poète  qui  se  nommait  :  Berges  de  la  Ver- 
noze;  ce  dern.er  allait  publier  un  recueil  de  chan- 
sons, sous  ce  titre  qui  sent  bien  son  1826  :  le  Paladin. 
Pouty  est  admis  à  l'insigne  honneur  d'y  collaborer  ; 
être  imprimé  1  ô  bonheur!  et  puis,  bonheur  bien  plus 
inespéré,  uue  de  ses  chansons,  le  Chiffonnier  du  Par- 
nasse c-t  chantée  partout,  on  l'entend  sur  les  places 
publiques  et  dans  les  sociétés  chantantes.  En  voici 
le  premier  et  le  dernier  couplet  : 

I.as  de  végéter  dans  la  classe 
Des  rimaillears  gagoe  denier 
Je  vi.-ns  de  grimper  au  Parnasse 
Kt  m'en  suis  fait  le  chiffonnier, 
J'ai  pris,  ce  qui  n'est  pas  trop  bète 
Pour  croc  la  plume  de  Panard 
Et  le  crâne  d'un  vieux  poète 
Pour  me  servir  de  Corbillard. 


Des  favoris  de  notre  scène 
Si  je  irouve  un  jour  les  écrits, 
Je  veux,  content  de  cette  aubaine, 
Honorer  ces  divins  esprits. 
Quand  à  ces  œuvres  trop  légères 
Dont  nous  sommes  assassinés, 
Je  les  conserverai,  mes  Irères, 
l'our  en  faire  des. . ,  lorcie-Dez. 


Ponty  publia  à  cette  époque  dans  différents  re- 
cueils,'il/o«  ombre,  Travail  et  Plaisir,  Point  dhyménée. 
Défense  de  la  larle  et  quantité  d'aulres  couplets  qui 
ne  manquent  pas  de  valeur,  p'uis  continuant  à  lire 
et  à  étudier,  le  joyeux  chansonnier  qui  touchait  à  la 
retraite  se  métamorphosa  loul-à-coup  et  ne  produi- 
sit plus  que  des  œuvres  sérieuses.  Il  coirespond  dès 
lors  avec  Béranger ,  Michelet ,  Georges  Sand  ,  il 
s'alTilie  à  la  famille  Saint-Simoniennè  et  s'occupe 
avec  amour  de  toutes  les  que.~tions  philosophico- 
liolitiques  à  l'ordre  du  jour,  qu'il  discute  et  enseigne 
avec  toute  l'ardeur  d'un  néophyte,  par  des  articles 
dans  le  Bon  sens  et  autres  journaux  de  la  même 
nuance,  et  lorsqu'on  1840,  OlindeRodrigues  révéla  au 
inonde  politique  et  littéraire,  la  pléiade  des  poètes 
de  l'atelier  par  la  publication  des  Poésies  sociales  des 
ouvriers,  Ponty,  qui  a  trois  pièces  importantes  dans 
ce  livre,  fut  un  des  plus  remarqués. 

Il  est  vrai  qu'il  y  avait  une  antithèse  tellement 
grande  entre  sa  poésie  et  sa  situation,  que  la  surprise 
était  bien  naturelle. 

(Juand  on  avait  lu  des  vers  pleins  de  vigueur  et  de 
lyrisme  comme  ceux-ci,  dédiés  a  son  ami  Gauny  : 

Quand  ta  Ijre,  Gauny,  saintement  prophétique, 

A  ton  hibou  moJule  un  concert  séraphique. 

Qui  rend  la  vie  aux  morts  et  l'espoir  aux  mourants. 

Eu  leur  montrant  cette  vie  éternelle 

Toujours  plus  sainte  et  sans  cesse  plus  belle. 
De  la  bonté  d'un  Dieu,  le  plus  doux  des  présents 

Qu'il  fait  à  toute  àme  immortelle. 

Ainsi  que  le  disent  tes  chants  ; 

Et  qu'on  arrivait  à  la  signature,  on  était  tenté  de 
croire  à  l'imposture  eu  lisant  :  L.  M.  Ponty,  ouvrier 
vidangeur.  Rien  n'était  cependant  plus  vrai.  Quand 
on  faisait  remarquer  à  Ponty  ce  qu'il  y  avait  de  ré- 
pugnant dans  ce  métier  :  Bah!  répondait -il,  on  n'y 
pense  pas  !  et  puis  j'ai  toutes  mes  journées  à  moi 
pour  aller  bouquiner  sur  les  quais  ou  pour  écrire  en 
plein  soleil  !  Mais  ses  amis  s'insurgèrent  contre  cette 
situation  et  bon  gré,  mal  gré,  il  accepta  lui  petit  em- 
ploi au  chemin  de  fer.  Aussitôt  en  place,  il  envoie  à 
son  vieil  ami  Matbelin,  resté  dans  le  chiffon,  une 
chanson  où  se  peint  sa  pensée  entière  et  vivace. 


Te  rappelant  ce  chien  et  ce  loup  maigre 

Par  Lafontaine  autrefois  célébrés. 

De  l'employé  plus  esclave  qu'un  nègre 

Avec  raison  tu  plains  les  fers  dorés. 

Un  coup  de  plume  éteint  son  existence. 

Toi  mon  vieux  loup,  heureux  quoique  moins  gras, 

Nul  n'a  de  droit  sur  ton  indépendance 

Ton  métier  libre,  oh!  ne  le  quitte  pas? 

Laisse  les  donct'insulter  dans  la  rue, 
Vrai  lazaronne  aussi  libre  que  l'air, 
■Va!  tout  outil  n'est  qu'en  poignard  qui  tue 
La  Liberté,  de  nos  biens  le  plus  cher. . . 


Ponty  se  maria,  il  eut  une  fille  ;  son  amour  pour 
son  enfant  était  de  l'adoration...  à  sept  ans  l'enfant 
mourait...  sa  douleur  fut  tellement  vive  que  ses  amis 
craignirent  pour  sa  raison  ;  il  ne  pouvait  se  faire  à 
l'idée  de  ne  plus  voir  sa  fille. 

Son  amour  de  père,  doublé  de  son  imagination  de 
poète,  lui  inspirèrent  une  façon  de  vaincre  en  partie 
la  mort  : 

Il  coupa  les  beaux  grands  cheveux  blonds  du  cher 
petit  être,  puis,  prenant  une  feuille  de  carton  sur 
laquelle  il  posa,  toute  déployée,  la  dernière  robe 
portée  par  l'enfant,  il  étendit  dessus,  en  les  plaçant 
à  la  hauteur  de  la  tète,  ces  cheveux,  laissés  flottants 
dans  toute  leur  longueur,  sur  lesquels  il  ajusta  une 
petite  couronne  blanche,  rapportée  par  l'enfant  un 
jour  de  distribution  des  prix,  et,  mettant  le  loul 


LA  CHANSON 


259 


dans  un  cadre  qu'il  suspendit  au  pied  de  son  lit, 
jusqu'à  sa  dtrnière  heure  il  eut  devant  les  3'eux,  sa 
fille  vivante,  âgée  de  sept  ans,  dans  la  position  d'un 
enfant  qui  marche  à  quelques  pas  devant  vous. 

L'étraugeté  de  ce  tableau  vous  serre  le  cœur  quand 
on  le  regarde.  Mais  il  a  été  la  coDsolalion  du  vieux 
poète  et  la  pensée  qui  l'a  fait  naiire  contient  un  im- 
mense amour. 

Depuis'plus  de  trente  ans  que  Ponty  appartenait 
aux  ateliers  du  chemin  de  fer,  il  n'a  cessé  d'écrire 
des  vers  ou  des  chansons,  voir  même  de  la  prose 
très  originale.  Il  y  a  dans  tout  cela  beaucoup  d'œu- 
vres  remarcjuables,  qui  seront  à  coup  sur  perdues 
comme  tant  d'autres,  c'est  le  sortie  plus  habituel  de 
ces  sortes  d'écrits...  peut-être,  un  jour,  dans  cin- 
quante ou  soixante  ans,  si  le  feu  ne  s'en  mêle  pas, 
quelque  fureteur  bibliographe,  découvrira-t-il  ces 
cahiers  chez  un  marchand  do  bric  à  brac  ou  en  pos- 
session de  quelque  ignorant  qui  les  aura  trouvés  dans 
le  tiroir  d'un  vieux  buffet,  acheté  trois  francs,  à 
l'hôtel  des  ventes,  et  surpris  du  ton  particulier  de 
ces  vers,  cet  ami  des  lettres,  fera  de  ce  pot-pourri 
littéraire,  un  article  très  intéressant  par  les  citations 
des  poésies  inédites  du  brave  Ponty. 

Sa  note  poétique  est  rugueuse  et  vibiante;  c'est 
bien  le  poète  du  peuple,  l'accent  est  convaincu,  le 
mot  parfois  un  peu  dur  ;  le  style  c'est  l'homme,  c'est 
vrai  encore  cette  fois  —  ce  vieux  lultcur  était  iras- 
cible et  tout  eu  lui,  jusqu'au  timbre  do  sa  voix, 
rappelait  le  beau  truand  du  seizième  siècle. 

L'âge  u'avait  en  rien  altéré  ses  facultés  ;  chaque 
soir,  en  revenant  de  l'atelier,  il  employait  trois  et 
quatrQ  heures  à  lire  ou.  écrire,  rien  ne  lui  était 
étranger  dans  le  cercle  do  tes  moyens:  les  tableaux, 
il  no  manquait  jamais  sa  visite  aiiDuelIe  au  Sab.'U  — 
les  livres  nouveaux,  —  il  avait  lu  jusiju'à  l'Assom- 
moir, qu'il  appelait  l  œuvre  d"un  scélérat,  tout  l'in- 
téressait ;  et  les  truis  francs  cinquante  qu'il  gagnait 
par  jour...  après  irentc  ans  de  bons  services  d'admi- 
nistration généreuse  1  passaient  plutôt  chez  les  bou- 
quinistes et  les  libraires  que  chez  le  tailleiu'  ou  le 
marchand  de  vin. 

Ponty  habitait  depuis  très  longtemps  un  petit 
logement  dans  un  coin  isolé  des  BalignoUes  —  un 
logement  n'est  pas  le  vrai  mot,  on  devrait  dire  une 
caisse  de  livres  au  milieu  do  laquelle  il  restait  juste 
assez  de  place  pour  se  mouvoir  ;  les  casiers  eu 
planclas  louchaient  à  terre  et  montaient  jusqu'au 
plafond.  Là,  l'œil  ne  rencontrait  rien  autre  chose  que 
des  ia-8",  des  in-l'i  et  les  petits  in-10  de  Uidot.—  Il 
y  avait  des  livres  de  médecine  —  des  journaux  de  la 
première  Kévolution,  des  Magazine,  des  poètes,  là 
Pelletan  côtoyait  Proudhon,  sou  ennemi  intime,  etc. 
—  Le  vieux  poète  savait  où  poser  la  moindre  feuille 
de  papier  de  ce  Gapharnaum.  C'est  là  qu'il  mourut  le 
■24  décembre  187iJ,  après  quelques  mois  de  ma- 
ladie. 

Cette  bibliothèque,  précieuse  pour  son  possesseur, 
était  nulle  au  point  de  vue  de  la  vente  ;  le  tout  fut 
acheté  cent  soixante  francs.  C'est  le  seul  héritage 
laissé  par  ce  courageux  et  studieux  prolétaire  après 
soixante  années  de  travail  I 

Les  idées  de  Ponty  étaient  républicainessocialistcs 
et  à  7o  ans  il  les  exprimait  encore  avec  toute  la  ver- 
deur d'un  jeune  homme. 

Ce  brave  vieillard  était  l'ami  de  tous  ses  com- 
pagnons d'atelier.  Aussi  étaient-ils  nombreux  à  son 
enterrement,  malgré  la  neige  et  le  temps  atl'reux 
qu'il  taisait  ce  jour-là.  Sur  le  bord  de  la  fosse  un 
ami  de  trente  ans,  prononça  le  dernier  adieu  en 
quelques  mots  venus  du  cœur  et  écoulés  avec  re- 
cueillement :  c'était  celui  qui  signe  cette  notice,  et 
garde  avec  vénération  le  souvenir  du  vieux  poète 
iravailleur. 

El'gé>;k  Baillei. 


QUINZIÈME  CONCOURS  MENSUEL  DE  LA  GH  \NSON 
2°  Prix 

JEUNE  CHATELAINE  ET  JEUNE  ABBÉ 


Le  châtelain  a  soixante  ans  ; 
L'abbé  vingt-cinq  à  peine. 
Frais  et  rose  comme  un  printemps 
Pas  vrai?  charmante  châtelaine. 
Chaque  matin,  vous  le  cherchez  ; 
Baronne  !  baronne,  sans  rire, 
Oubliez-vous  donc  des  péchés? 
En  avez-vous  donc  tant  à  dire  ? 

En  dépit  de  voti  e  bonté, 

Soufï'rez  qu'on  vous  le  die, 

Baronne,  vous  avez  été 
Bien  coupable  ou  bien  étourdie,... 

Dans  l'ombre  de  votre  boudoir 

El  la  porte  poussée. 
Le  jeune  prêtre,  tout  un  soir, 
Baronne,  vous  a  confessée. 
Vous  avez  refusé  d'ouviir 
Au  baron  bravant  la  défense, 
Qu'aviez-vous  fait  pour  encouiir 
Une  aussi  longue  pénitence? 

En  dépit  de  votre  fierté. 

Souffrez  qu'on  vous  le  die. 

Baronne  vous  avez  été 
Dion  coupable  ou  bien  étourdie.... 

La  robe  qu'on  vous  fit  choisir, 

0  noble  pénitente, 
Certes,  vous  habille  à  plaisir, 
Mais,  hélas  1  qu'elle  est  peu  mon'ante  ! 
N'avez-vous  jamais  vu  —  comment 
Eat-on  à  ce  point  ingénue? 
—  L'abbé  détourner  chastement 
Les  yeux  de  votre  gorge  nue? 

En  dépit  de  votre  beauté, 

Souflrtz  qu'on  vous  le  die, 

Baronne,  vous  avez  été 
Bien  coupable  ou  bien  étourdie.... 

On  murmure,  vous  savez  bien, 

Baronne,  qu'on  murmure  : 
Vot"e  mari,  lui  n'entend  rien  : 
Les  époux  Ont  l'oreille  dure. 
Sans  doute  ou  ne  peut  rien  prouvei  ; 
Mais,  dites,  quel  est  ce  mystère? 
Ne  vient-on  pas  de  retrouver 
Votre  manchon  au  presbytère? 

En  dépit  de  votre  piété. 

Soutirez  qu'on  vous  le  die, 

Baronne,  vous  avez  été 
Bien  coupable  ou  bien  étourdie. 

Octave  LEBissauE. 


3°  Pri.v 


COMMENT  QD'  FAUT  FAIRE? 


D'  ma  triste  mine  i'  u'  faut  pas  rire. 
De  Jeanneton  j'suis  amoureux, 
et'  amour  làçà  tient  du  délire, 
La  nuit  j'  peux  plus  fermer  les  yeux. 
Vous  qu'avez  appris  la  grammaire, 
Qu'êtes  des  homm's  d'éducation. 
Dites-moi  donc  comment  qu'  faut  l'aire 
Pour  être  aimé  de  Jeanneton? 


260 


LA  CHANSON 


Quand  j' la  vois,  ma  lang'  s'embarrasse, 
Mon  cœur  s'enflamm'  comme  iin  pétard, 
Kt  si  j'  veux  la  r'garder  en  face, 
J'  deviens  plus  rouge  qu'un  homard. 
Je  lui  lanc'  des  baisers  par  derrière 
Auxquels  cU'  n'  fait  pasallenlion, 
Diles-moi  donc  comment  qu'  faut  faire 
Tour  être  aimé  de  Jeanneton? 

Pour  lui  prouver  qu'  j'ai  l'âme  honnête, 
J' lui  fais  dire  en  n'  me  montrant  point, 
Que  j' l'adore  et  qu'eir  m'  tourn'  la  tête 
Par  un  ami  qu'est  son  cousin. 
Mais  r  cousin  que  y  croyais  sincère, 
Fait  pour  lui  mêm'  la  commission  : 
Dites-moi  donc  comment  il  faut  faire 
Pour  être  aimé  de  Jeanneton  ? 

L'autr'  vendredi  c'était  sa  fête, 
Comm'  j'ai  des  m'ions  d'une  belle  grosseur, 
J'ava's  pensé  qu'  ça  n'  s'rait  pas  bêle 
D'y  en  offrir  un  z'avec  mon  cœur, 
via-l-il  pas  qu'ell'  s'  mel  en  colère 
M'  disant  d'  garder  mon  nourrisson... 
Dites-moi  donc  comment  qu'  faut  faire 
Pour  être  aimé  de  Jeannelon  ? 

Avec  une  cruch'  à  la  fontaine 
J'  vois  Jeanneton  tout'  belle  accourir, 
J' lui  dis  :  n'  vous  donnez  pas  la  peine, 
Mamzell',  vous  pourriez  vous  salir. 
Mais  daos  mon  désir  de  lui  plaire, 
J'inond'  sa  rob',  j'  cass'  son  cruchon... 
Diles-moi  donc  comment  qu'  faut  faire 
Pour  être  aimé  de  Jeanneton  ? 

Au  bal  dimanche  je  l'invite, 
Eir  m'accept'  ;  l'excès  du  bonheur 
Kl  la  musiqu'  qu'allait  trop  vite 
Tout  ça  me  tournait  sur  le  cœur. 
J'  fais"  un  faux  pas  :  dans  la  poussière 
Patatras  !  j'  m'étal'  tout  de  mon  long.... 
Dites-moi  donc  comment  qu'  faut  faire 
Pour  être  aimé  de  Jeanneton  1 

Mais  quoi  !  C'est  bien  Jeann'ion  qui  passe 
Avec  Pierr'  qui  lui  cause  tout  bas, 
Il  lui  prend  la  taille,  il  l'embrasse 
Kt  Jeanu'ton  n'  l'empccre  pas... 
Kir  lui  fait  risette  au  conlrairo 
Quand  il  lui  chatouill'  le  menton.... 
Parait  qu'il  sait  comment  qu'  faut  faire 
Pour  être  aicné  de  Jeanneton  I 

Georges  GiLLET. 


nûsiXTAT   nv   t«=  coxcoi'KS    iiie:«sijei, 

Décembre  1880. 

!"'■  Prix.  —  La  Dernière  lettre,  de  M.  Georges  Gili.et; 
2"  Prix.  —  I.e  Jardin    de    mon    Voisin,   de  M.   Abel 
Mablette  ; 
3'  Prix.  —  Amour  et  Raison,  deM.  Eugène  Ch.\telain. 


Dimanche,  a  eu  lieu,  comme  nous  l'avons  an- 
noncé, la  visite  à  Ilégésippe  Moreau,  au  cimetière 
Montparnasse. 

Malgré  le  mauvais  temps,  à  l'heure  dite,  une 
quarantaine  d'amis  se  trouvaient  au  rendez-vous. 
Là,  Ed.  Teulet,  l'initiateur  de  ce  pieux  pèlerinage, 
déposant  une  magnifique  couronne  sur  la  tombe  du 
poète,  prit  la  parole  pour  remercier  les  camarades 
présents,  et  la  passa  ensuite  à  Rosset  qui  récita  des 
vers  pleins  de  cœur  cl  d'à-propos,  de  sa  composi- 
tion; puis,  vint  le  tour  de  Francisque  Droz  qui, 
avec  une  diction  sobre,  émue  et  vibrante,  interpréta 
d'une  façon  superbe  la  pièce  de  vers  que  nous  repro- 
cluisons'plus  loin-,  signée  ;  Georges  Baillel. 


Pour  clore  la  petite  cérémonie,  Kticnne  Ducret 
dit  la  poésie  d'Hégésippe  «  A  mon  âme]  t>  —  Après 
quoi,  lepelit  groupe  se  relira  pour  ne  se  séparer 
qu'après  avoir  consacré  entièrement  la  soirée  à  la 
mémoire  d'Hégésippe  Moreau. 

Indépendamment  des  camarades  que  nous  venons 
de  citer,  nous  avons  remarqué  la  présence  de  : 
Alph.  Lcclercq,  Kvrard,  Casse,  Gabriel  de  Gonel, 
M.  cl  Mme  Elle,  ChoUet,  Knocq,  Cellier,  Bfluze,  etc. 

Voici  la  pièce  de  Georges  Baillct  : 

A  Hégésippe  MOREAU 

19  Décembre  4880. 


Tout  ce  qui  dit  •:  Vertu,  génie,  honneiir  ou  gloire. 
Ne  craint  pas  du  néant  les  éternels  sommeils  ; 
Le  Temps,  ce  justicier  sublime  de  l'histoire. 
Donne  parfois  aux  morts  de  splendidcs  réveils  ! 

Par  lui,  la  Vérité,  tôt  ou  lard,  doit  renaître, 

Par  lui,  le  Droit  vainqueur  se  lève  radieux, 

Et  ceux  que  trop  longtemps  on  sembla  méconnaitro 

Passent,  un  jour  oul'aulre,  aurangdesdemi-dieux  !... 

Parmi  les  grands  rêveurs,  arlistes  ou  poètes, 
Martyrs  qu'à  la  misère  arracha  le  trépas. 
Parmi  les  grands  penseurs,  parmi  les  grands  athlètes 
Ilégésippe  est  de  ceux  que  l'oubli  n'atteint  pas. 

C'est  en  vain  que  la  Mort,  avide  d'hécatombes. 
Croirait  seule  eflàcer  de  tels  noms,  sans  retour  ; 
Le  souvenir  qui  va,  fouillant  parmi  les  tombes, 
Sait  bien  en  quelque  coin  les  retrouver,  un  jour!... 


Poète  doux  et  fort,  toi  qui,  sous  cette  terre. 
Dors  là,  couche  depuis  quarante  ans  révolus, 
Des  secrets  du  tombeau,  dis-nous  donc  le  mystère  ; 
Kst-il  bien  vrai,  réponds,  que  ton  cœur  ne  bat  plus  ? 

Parfois,  berçant  cncor  ta  chère  fantaisie 
A  travers  les  échos  d'un  beau  rêve  lointain, 
N'as-tu  pas  entendu  murmurer  la  A'^oulzie, 
Ou  chanter  près  de  toi  l'ange  de  saint  Martin? 

La  fauvette  éplorée  et  sainte  du  Calvaire 
Que  le  Christ  vit,  mourant, 'Se  poser  sur  son  front. 
Ne  vint-elle  jaujais  gémir  sur  celte  pierre. 
Cherchant  à  l'éveiller  do  ton  sommuil  profond? 

Celle,  enfin,  qui  jadis  t'apparut  comme  uue  Kvc, 
Que  tu  nommais  ainsi,  plein  d'amour  et  d'émoi. 
Ne  vint-elle  non  plus,  comme  autrefois,  en  rêve. 
Pour  te  rendre  à  la  vie...  ou  mourir  avec  loi  ?... 

Devant  ces  souvenirs  ta  voix  reste  muette  ! 
Kh  quoi  !...  Serait-il  vrai  que  tout  meurt  dans  la  mort? 
—  Non  !  nous  n'y  croyons  pas,  car,  ton  luth  d'or,  poète, 
Dans  tous  les  cœurs  ravis  semble  vibrer  cncor. 

Les  luttes  sans  relâche  et  les  douleurs  tans  nombre 
T'ont  surpris  dans  ton  vol,  mais,  ne  t'ont  pas  vaincu: 
Plus  fort  que  le  malheur  qui  te  frappait  dans  l'ombre, 
Plus  graad  que  tes  revers...  ton  nom  a  survécu  !... 


0  toi  qu'on  méconnut  vivant...  dors  dans  la  gloire  1 
Triomphe  désormais,  pauvre  déshérilé! 
Les  siècles  qui  viendront  grandiront  ta  mémoire, 
Kt  couvriront  de  fleurs  ton  immortalité  !... 

Georges  Bailleï. 


CHRONIQUE  DES  CONCERTS 

Fldorado. —  La  jeunesse  de  Béranger  tient  de 
nouveau  l'affiche.  Celle  charmante  opérelle  luçoil 
tous  les  soirs  le  meilleur  accueil.  MU.  Pcrrin,  Vic- 
torin.  Gaillard  et  Mme  Roland  y  font  assaut  de  co- 
mique et  du  verve. 


LA  CHANSON 


261 


Parmi  les  créations  applaudies,  nous  menlionne- 
rans  :  Lei  Joujoux  de  N'ouï,  par  Mlle  Ainiati;  Nuit 
orientale,  de  MM.  Labarre  et  Jacques  Grancey,  par 
Mlle  Juaua. 

Velly  a  rei)ri3  la  chanson  Btes-roics  comme  moil 
Il  y  est  rappelé  cl  bissé  tous  les  soirs. 

Scala.  A  l'Iieure  ou  paraîtront  ces  lignes,  la  revue 
Sans  tambours  ni  trompettes,  aura  affronté  le  l'eu  de 
la  rampe  (style  consacré).  En  attendant,  les  pièces 
du  répertoire  et  les  intermèdes  par  MM.  Bourges, 
Chaillier,  Derame,  Bruant,  Bert  ;  Mmes  Marguerita, 
Kaiser,  Aimée,  elc,  etc.,  sont  vivement  applaudis. 

Mme  Graindor,  qu'une  indisposition  sans  gravité 
avait  éloignée  de  la  scène,  a  lait  une  brillante  ren- 
trée ces  jours  derniers. 

Commettons  une  peiile  indiscrétion  sur  la  revue, 
en  annonçant  qu'une  chanson  intitulée  La  France, 
chantée  par  Bourges,  sur  les  motil's  de  La  Braise,  en 
sera  un  des  principaux  clous. 

GrandCoucort  t'arisien.  —  La  raynePst!  Pst! 
Pst  !  dont  le  succès  grandit  de  jour  en  jour,  promet 
d'atteindre,  ceinme  toutes  ses  devancières  à  ce  con- 
cert, sa  centième  représentation.  Il  l'aut  dire  que  la 
verve  et  l'entrain  des  artistes  qui  ont  tout-à-l'ciit  pris 
possession  de  leurs  rôles,  contribuent  beaucoup  au 
succès  de  cette  spirituelle  pièce. 

MM.  Pacra,  Brunin  ;  Mmes  Uubrée  et  Demay,  re- 
cueillent de  nombreux  bravos  dans  les  intermèdes 
qui  précèdent  la  revue. 

Alcazar  d'Hiver.  — Ainsi  quenous  l'avons  an- 
noncé dans  notre  dernier  numéro,  la  première  repré- 
sentation du  Petit  cochon,  revue  porte-veine,  a  été 
donnée  samedi  dernier. 

Etant  arrivés  très  tard,  nous  n'avons  pu  juger  la 
pièce.  Nous  y  retournerons  cette  semaine  et  en  ren- 
arons  compte  dans  notre  prochain  numéro. 

XIX°  Siècle.—  Ainsi  que  nous  l'avions  présagé, 
'  Debailleul  s'est  taillé  un  succès  dans  la  charmante 
historiettede  L.  Henry  Lecomle  :  On  peut  s'entendre, 
mise  en  musique  par  Jules  Baux. 

Plcssis  se  l'ait  applaudir  chaque  soir  dans  ses  scè- 
nes d'imitations.  Comme  d'habitude,  MM.  Ouvrard, 
Hobrct,  Legrand,  Flory  et  Dofl'  défraient,  avec  un 
entrain  communicatil',  la  partie-comique. 

Ducùté  des  dames,  Mmes  Bépoix,  Nathalie,  Oudry 
et  Ujaly  complètent  agréablement  le  programme. 
Mlle  Lehmann  a  créé  cette  semaine,  la  Journée  de 
Qavroche. 

L'Histoire  d'un  sou  est  fort  bien  racontée  par  MM. 
Bataille,  Ilelt  et  Mmes  Delassau  et  Dastaud;  ajou- 
tons que  l'orchestre,  parfaitement  dirigé  par  M.  De- 
sormcS;  exécute  les  meilleurs  morceaux  de  son 
répertoire. 

La  revue  intitulée  Eien  de  nomeau,  passera  le 
28  décembre. 

Folies  Saîiit-SIartin.  —  MM.  Bordet  et  Aupto, 
qui  ajoutent  chaque  soir  de  nouveaux  mots  à  leur 
revue,  viennent  d'intercaler  deux  tableaux  vivants 
entre  ceux  qui  ont  produit  un  effet  si  merveilleux  le 
soir  de  la  première  représentation.  La  salle  est  com- 
ble chaque  soir,  et  les  applaudissements  du  public 
promettent  encore  une  longue  et  fructueuse  série  de 
représentations  à  la  revue  :  Ouvrons  l'œil  ! 

Bon  succès  pour  MM.  Bienfait,  Darville,  Kelm,  et 
Denneville  qui,  celte  semaine,  a  chanté  Etes-vous 
comme  moi  ?  de  L.  Henry  Leconite,  musique  de  Jules 
Raux. 

Folics-Bobîno.  —  Nous  avons  passé  une  agré- 
able soirée  mardi  dernier  à  ce  concert. 

Sans  avoir  des  noms  bien  connus,  les  artistes  qui 
tiennent  la  tète  de  l'affiche  ne  sont  pas  dépourvus 
de  talent,  et  nous  espérons  les  voir  d'ici  peu  tenir 
•un  bon  rang  dans  nos  grands  concerts  du  centre. 


Parmi  ceux  qui  nous  paraissent  le  plus  mériter 
celle  justice,  nous  citerons  :  Mmes  Faure,  Coulon, 
Bernard,  Mariette  Chevalier;  MM.  Lebassi,  Lepro- 
vost  et  Claudius. 

La  maison  de  santé,  opérette  de  M.  Jouhaud,  est 
parfaitement  jouée  par  MM.  Salomon,  ex-artiste  de 
la  Gaîtc,  Frédéric,  Claudius  et  Mlle  Mariette  Cheva- 
lier. 

La  première  représentation  de  ràra^,  milà  3IatMeu\ 
revue  de  l'année  en  10  tableaux,  de  MM.  Lomon  et 
***,  sera  donnée  le  28  courant. 

Alfred  Bertinot. 


Cayeau  Verviélois 


SOIRÉE     DU      14     DÉCEMBRE 

V.e  Cavoau  vcrviétois  n'a  pas  prêché  dans  le  dé- 
sert en  invitant  les  dames  de. la  famille  des  membres 
à  assister  à  la  séance  du  mardi  l'i.  Le  local  était 
de  beaucoup  trop  restreint,  et  c'était  un  coup  d'oeil 
vraiment  enchanteur  de  voir  toutes  ces  têtes  gra- 
cieuses et  attentives  mêlées  aux  tètes  plus  éner- 
giques de  la  partie  qui  se  désigne  elle-même  comme 
la  plus  forte  du  genre  humain.  Disons  de  suite 
qu'on  était  autorisé  àfumeret  que  chacun,  femme  et 
homme,  avait  sa  pinte  devant  soi. 

Rien  de  changé  au  programme  des  séances  ordi- 
naires :  lecture  du  procès-verbal,  de  la  correspon- 
dance et  des  critiques  ;  la  crainte  qui  s'était  mani- 
festée sur  la  réussite  de  cette  partie  de  l'ordre  du 
jour  ne  s'est  pas  coulirmée,  les  critiques  sévères, 
jamais  acerbes,  ont  vivement  intéressé  ces  dames,  et 
certes,  il  y  en  a  plusieurs  qui  les  ont  écoutées  plus 
religieusement  qu'elles  n'écoulent  le  prédicateur  en 
chaVre.  Mais  le  programme  vraiment  littéraire  a  ex- 
cité un  sérieux  intérêt:  vingt-deux  pièces  étaient 
inscrites  et  quatorze  seulement  ont  vu  le  jour  à 
cause  de  la  marche  rapide  des  aiguilles  de  l'horloge 
du  local.  Il  est  vrai  que  c'était  le  1-1  du  mois  et  que 
ce  chiffre  ne  pouvait  fianchement  être  dépa'^sé. 

Parmi  ces  produclions  toutes  nouvelles  et  compo- 
sées pour  la  circonstance,  je  cite  au  hasard  de  la  mé- 
moire une  poésie  vraiment  vibrante  (le  mot  est  de 
l'auteur',  de  M.  llarroy,  l'Histoire  uniterselle  ;  une 
belle  Description  d'un  orage  dans  la  Iniyère,  par  M. 
Griin;  En  mai,  poésie  do  M.  P.-B.  Gauthirr,  l'auteur 
d'un  splcndide  volume  de  vers  :  Libres  et  pures,  édité 
chez  Lemcrre  ;  wnoi  Analyse  humoristique  de  l'Annuaire, 
par  II.  Masson,  ce  bon  vieillard  dont  la  tête  blanche 
et  sarcastique  est  resptctée  de  tousses  collègues; 
Deux  chansons  du  secrétrire  M.  Wcher  et  enfin  des 
Romances  de  MM.  Lecloux  et  Barthélémy,  mises  en 
musique  par  Raxhon  etBlaise.  Le  wallon  était  repré- 
senté par  M.  Pire,  avantageusement  cunnu,  M.  Dere- 
l'at,  un  commençant  d'avenir,  et  M.  Petit  dont  j'ai 
déjà  parlé. 

A  la  séance  officieuse,  les  dames,  s'il  vous  plaît, 
s'en  sont  mêlées,  car  plusieurs  d'elles  ont  chanté, 
stimulées  par  l'ascendant  irrésistible  que  donne  la 
bruyante  verve  et  l'éloquence  intarissable  du  prési- 
dent, M.  Karl  Grlin. 

Et  voilà  ce  qu'est  le  Caveau  verviétois. 

XX,  correspondant. 


BIBLIOGRAPHIE 

Ghaksons  de  Jeunesse,  par  Georges  Baillet,  Paris 
18S0,  Bassereau,  éditeur;  —  L'Ennemi,  poème,  par 
Jacques  Dun,  Paris,  1880,  Galmann  Lévy  ;  —  Les 
Horizons  bleus,  poésies,  par  Georges  Nardin,  Paris, 
1880,  Charpentier. 


262 


LA  CHANSON 


Les  trois  volumes  que  le  hasard  d'un  compte  rendu 
bibliographique  réunit  aujourd'hui  sous  la  même 
rubrique,  sont  bien  différents  les  uns  des  autres, 
mais  ont  tous  des  mérites  réels.  Je  ne  sais  même  si 
le  rapprochement,  loin  de  nuire  à  aucun,  ne  sera 
pas  favorable  à  tous  trois  :  effet  de  contraste. 

M.  Nardin  est  avant  tout  descriptif.  Il  aime  la 
couleur,  et  la  prodigue.  Couleur  plus  douce  que  vive, 
mais  îraiche.  Cet  affreux  vernis  qui,  en  protégeant 
les  toiles,  les  rembrunit  trop  souvent,  n'a  pas  encore 
étendu  sa  patine  sur  ces  jolis  tabieaus.  çà  et  là  un 
peu  d'émotion  tranche  heureusement  sur  l'unifor- 
mité d'un  horizon  toujours  bleu  ;  puis  la  mer,  à  son 
tour,  présente  un  coin  de  ses  épouvantements.  Au 
demeurant,  c'est  le  poème  de  la  jeunesse  ;  l'amour, 
les  rêves  d'avenir,  le  printemps  :  voilà  de  quoi 
égayer  bien  des  strophes.  Au=si  les  brises,  les  pâque- 
rettes, lesgiro  liées,  les  claires  fontaines,  mènent-elles 
au  travers  des  poé.-ies  de  M.  Nardin  la  ronde  folle 
des  heures  ensoleillées:  cène  sont  que  chatoiements, 
miroitements  à  la  Diaz. 

Le  vers,  bien  coupé,  alerte,  sûr  de  lui,  serpen'e 
autour  de  ces  vertes  idylles  comme  un  frais  ruisseau 
baisant  un  archipel  de  gazon. 

Le  Voyage,  A  Jean  Aicard,  l'Enfant  mort,  m'ont 
paru  particulièrement  réussis  ;  j'y  trouve  l'accurd  du 
sentiment  et  de  la  forme.  Le  dernier  morceau  est 
court,  et  je  le  transcris  avec  plaisir  : 

L'enfant  est  mort  cp  matin.  Comme 

Les  conTulsions  l'ont  changé  ! 

Son  visage  rose,  allongé, 

Prend  le  teint  d'une  verte  pomme. 

Un  chapelet  bénit  à  Rome 

Sur  sa  poitrine  est  arrangé. 

Ayant  clos  son  bel  œil  frangé, 

C'est  à  croire  qu'il  fait  un  somme. 

«  Un  ange  !  ■-  font  les  assistants. 

Or  la  mère,  de  temps  en  temps, 

Sous  sa  tète  aux  fins  cheveux  d'ambre 

Remet  en  place  l'oreiller  ; 

Et  l'on  parle  bas  dans  la  chambre. 

Comme  de  peur  de  l'éveiller. 

Cette  chute  est  fine  et  touchante;  mais  l'auteur, 
croyant  sans  doute  la  préparer,  l'a  au  contraire  affai- 
blie par  ce  vers,  qui  la  procède  : 

C'est  à  croire  qu'il  fait  un  somme. 

La  pièce  intitulée  :  A  ma  Mère  est  pleine  d'émotion. 

Parlcrai-je  de  la  rime'?  L'auteur  se  proclame  élève 
de  Banville  :  c'est  assez  dire. 

Mais  où  est  dans  tout  cela,  me  direz-vous,  la  note 
gaie  '?  Hélas  I  c'est  le  tort  des  poètes  d'aujourd'hui. 
Gracieux,  mais  mélancoliques,  souvent  amers,  quel- 
quefois émus,  et  cest  tout.  Le  rire  gaulois  leur  est 
inconnu.  Leurs  plus  grandes  joyeusetés  senlenl 
l'apprêt.  La  chanson  seule  conserve  la  vieille  sève, 
le  sel' piquant,  l'éclair  railleur. 

Voyez  les  Chansons  de  Jeunesse.  Baillet,  dans  ce 
recueil,  ne  vise  point  à  l'ode  ;  il  n'y  a  pas  fourré  le 
plus  petit  sonnet;  et  cependant  il  en  trousserait  un 
aussi  bien  que  personne  ;  mais  aussi  quelle  gaieté 
expansive,  quelle  bonne  humeur,  parfois  narquoise, 
et  aussi,  ce  qui  no  gale  rien,  quel  enthousiasme 
pour  les  grandes  choses  I  C'est  l'école  de  Désaugiers 
avec  plus  de  poésie,  de  Debraux  avec  moins  de  sans 
gène,  de  Gouflé,  avec  plus  de  jeunesse.  Oh  !  l'ado- 
rable défaut  et  la  merveilleuse  qualité  que  la  jeu- 
ne.-se  !  KUe  fait  tout  voir  en  beau,  même  le  laid, 
qu'elle  déteste,  mais  qu'elle  chante  à  sa  façon,  pour 
le  combattre.  Du  reste,  cette  forme  ailée  de  la  pensée, 
pour  prendre  l'expression  de  M.  Hugo,  est  souverai- 
nement propre  à  l'expansion,  et  c'est  la  musique  qui 
la  porte.  Tandis  que  M.  Nardin,  peut-être,  lisait  dans 
un  salon  quelques-uns  de  ses  jolis  vers,  appréciés 
en  petit  comité,  applaudis  au  coin  du  feu,  les  cou- 
plets de  Baillet  couraient  les  concerts  et  les  rues, 


répétés  à  tous  les  échos  par  des  voix  plus  ou  moins 
justes,  mais  compris  par  des  cœurs  ardents. 

Ne  chante-t-il  ç&sMnon,  Mignonne,  Mimi-Bohème, 
et  tout  le  bataillon  des  courtes  jupes  ?  Puis,  délais- 
sant le  filon  presque  épuisé  par  Murger,  il  s'essaye 
au  genre  Dtipont  etcélèb'eici  la  Cave,  là  \&&  Ro- 
seaux. Enfin  le  tloullon  prend  le  dessus  :  Ma  Maîtresse, 
la  Diana  des  Chansons,  Je  voudrais  bien  être  serpent, 
nn  joyeux  Ménage.  Voilà  de  véritables  chansons,  et 
du  Lon  cru. 

Mais  Baillet,  s'il  vante  et  courtise  la  dive  bouteille, 
s'il  a,  comme  il  le  dit. 

Des  larmes  de  l'automne  égayé  son  printemps, 
ne  reste  pas  froid  devant  les  grandes  idées,  ni 
muet.  Sa  muse  s'élève  avec  les  sujets  et  trouve  des 
accents  énergiques  pour  flageller  le  vice  et  chanter 
le  progrè.-.  Quelques-unes  de  ses  chansons  sentent 
l'ode,  sans  emphase.  D'autres  sont  de  rudes  satires, 
où  les  disciples  de  Lo^  ola  ne  sont  pas  épargnés. 
Car  : 

On  ne  saurait  chanter  sans  trêve 

Les  aiuoureu.x  et  le  printemps. 

Il  faut  que  tout  àj^e  ait  son  rêve, 

Comme  chaque  chose  a  sou  temps. 

Quand  sur  nos  tètes  la  jeunesse 

Auia  mis  son  dernier  fleuron, 

Nous  troquerons  avec  ivresse 

Notre  lyre  contre  un  clairon. 
Ainsi  parle-t-il.  Préparons  nos  bravos. 

[A  suiore]  Eug.  Iaibert. 


CHRONIQUE  DES  SOCIÉTÉS  LYRIQUES 


Le  mardi,  7  décembre,  les  Sociétés  Philharmoni- 
ques du,  o"  arrondissement,  lyrique  de  VEscholiere  et 
lyrique  et  dramatique  V Union  parisienne,  ont  donné 
une  soirée  extraoïdinaire,  rue  de  Jussieu,  ra^ie  de 
l'Ermitage,  au  profit  des  incendiés  de  la  ville  d'Ax. 

Il  n'y  avait  au  programme  que  de?  noms  d'ama- 
leurs,  et  cependant  la  salle  était  comble;  le  but  si 
louable  de  cette  soirée  avait  suffi  à  attirer  tme  af- 
ffuence  considérable. 

Je  ne  citerai  que  quelques  noms  au  hasard,  car 
pour  être  juste,  il  laudrait  les  citer  tous,  et  l'abon- 
dance des  matières  ne  nous  le  permet  pas. 

Adressons  donc  nos  félicitations  à  M.  Claverie,  le 
généreux  instigateur  do  celle  fêle  de  famille  et  de 
bienfaisance,  à  M.  Desfossez  fils  qui  a  organi-c  cette 
soiiéoavecun  dévouement  et  uu  désintéiesscuient 
qui  lui  font  honneur.  Remercions  aussi  la  Philhar- 
monique, qui  aurait  pu  commencer  par  une  ouverture 
mais  s'est  rattrapée  vers  dix  heures. 

Nos  compliments  à  M.  Desfossez  père,  qui  avait 
écrit,  pour  la  circonstance,  une  pièce  de  vers.  Hélait 
difficile  do  bien  rendre  la  misère  dos  sinistrés  dé- 
peinte avec  tant  d'énergie  et  terminée  par  un  appel 
à  la  fraternité  ;  Mme  Desfossez  a  été  à  la  hautoiu'  de 
sa  tâche,  c'est  le  plus  bel  éloge  que  nous  puissions 
faire  de  l'œuvie  et  de  l'interprète. 

Mlle  Aline  Marpon  ne  pouvait  être  que  gracieuse 
cl  pariant  agréable,  les  bravos  du  public  le  lui  ont 
d'aillcui's  prouvé. 

Mlle  Tardif  a  conquis  l'aplomb  nécessaire  pour  se 
présenter  devant  le  ptiblic  do  nos  sociétéset  nous  lui 
adressons  nos  félicitations  les  plus  sincèies. 

Mme  Adèle,  avec  son  entrain  proverbial  dans  nos 
sociétés,  a  fait  bonne  moisson  do  bravos. 

MM.  Bech,  Moumoutte,  Jonas,  ont  rivalisé  de  verve 
et  ne  se  sont  laissé  surpasser  que  par  notre  bon 
secrétaire,  Adrien  Souchct,  qui  a  été  rappelé  trois  fois 
avec  :  Je  suis  enrhumé  du  cerveau.  Monsieur  mon  do- 
mestique, a  été  interprété  par  Mme  Adèle  et  MM. 
Qitéliu  et  Guiche.  Nos  compliments  à  tous  trois,  ma,ia 


LA  CHANSON 


263 


parlicLilièremcuL  àGuiche  qui  esl  vraimenl  désopi- 
lanl  dans  son  rôle  de  domestique. 

La  faoiréc  s'est  lerininée  par  uue  magnifique  tom- 
hola  composé  do  80  lots,  parmi  lesquels  plusieurs, 
et  des  plus  beaux,  ont  été  olfcrl  par  les  ouraers  de 
l'imprimerie  Claverio.  VEschûlicve,  etc.  La  recolle  a 
produit  net  environ  M'i  fr. 

Pour  les  incendiés  d'Ax,  merci. 


JMmanche,  12  décembre,  a  eu  lieu  la  dix-builième 
soirée  donnée  par  l'Association  littéraire  et  Musicale, 
dans  son  local  ordinaire,  o7, passage  de  l'Elysée-des- 
Beaux-Arls,  à  Monimarlrc.  Jusqu'ici  nous  avons  ra- 
rement rencontré  une  Société  lyrique  qui  nous  ait 
fait  aulanl  do  plaisir. 

A  huit  heures,  M.  Pcseheux  ouvre  la  séance  par 
un  monologue  inédit  :  ElJ'cts  de  gamme,  parrailement 
.  récité.  Vient  ensuite  :  La  femme  tpii  trompe  son  mari, 
comédie  en  un  acLe,  jouée  par  M.  Deruon,  faible  dans 
son  jeu;  Amablo,  qui  sait  trouver  des  accents  dra- 
matiques; M.  Pescheux.  comique  de  la  bonne  école; 
Mlles  J.Dcrlé  et  Valérie,  très  sympathiques  toutes 
deux. 

Toule  l'altontion  du  public  se  poriait  sur  le  nom 
de  Mme  Scriwaneck,  inscrit  au  programme,  et  c'est 
par  de  chaleureux  api)laudissomeuis  que  la  salle 
accueillit  la  sympathique  artiste  à  son  entrée  eu 
scène. 

Mme  Scriwaneck,  avec  son  talent  habituel,  joua 
Je  reviens  de  Compiéz/ne,  opérelle  de  Mlle  Amélie 
Pcrronnct. 

Rappelée  trois  fois,  l'excellente  artiste  esl  gracieu- 
scnienl  revenue  en  scène  et  a  détaillé  une  charmante 
poésie  avec  un  goût  cl  un  seulinicnl  exquis. 

La  soirée  a  continué  par  :  Un  petit  hôtel,  comédie 
de  MM.  Meilhac  el  Halévy,  jouée  par  MM.  Pescheux, 
Amable,  Hugues  el  Mlle  Diane  de  S...,  fine  el  en- 
jouée 

Quelques  morceaux  de  chant  ont  succédé  aux 
pièces  Parmi  les  meilleurs  interprètes,  nous  cile- 
rous  :  M.  Noir  et  Mlle  Maria,  dans  le  duo  de  Galathée. 
M.  Amablo,  dans  le  Premier  baiser  d'amour;  Mmes  Ju- 
dith et  Lefebvrc,  dans  une  scène  du.  Misanthrope  ;  cl 
Mlle  Derlé  dans  les  Papillons. 

Le  piano  était  tenu  par  M.  Marins  Fontaine,  l'ex- 
ccUent  pianiste  des  Sociétés  lyriques. 


Le  17  décembre  a  eu  lieu  la  soirée  donnée  par  le 
Cercle  de  l'Étoile  en  l'hôtel  des  chambres  syndicales. 
Ce  qui  prêtait  un  intérêt  particulier  à  celte  soirée, 
c'était  le  concours  de  M""  Scriwaneck  el  de  M.  Numès 
du  Palais-Royal. 

La  séance  a  commencé  par  un  allegro  de  Mendels- 
sohn,  exécuté  sur  le  piano  avec  une  rare  maestria  par 
M.  Verlé  ;  puis  M.  Rancel  s'est  fait  applaudir  dans 
Maria?iina  de  Ferri.  M"°  Noblet  a  chanté  avec  une 
grâce  charmante  une  ravissante  chansonnette  de  ce 
pauvre  Cœdés,  intitulée  :  Un  mariage  d'oiseau  et  le 
fabliau  de  Jean  de  Nivelle.  M.  Numès  a  récité  Ze 
Sergent  de  Paul  Déroulèdc  ;  est-il  bien  nécessaire  de 
dire  qu'il  a  remporté  un  grand  succès,  cela  ne  doit 
étonner  personne.  M.  Raymond,  un  comique  genre 
Berthelier,  a  laissé  de  côté  son  répertoire  pour  chan- 
ter ;  Souvenirs  d'amour  el  lettre  d'an  cousin  à  sa  cou- 
sine, de  Uucaslel  ;  à  chacune  de  ses  chansons  un  fou 
rire  s'est  emparé  de  l'audiloire  et  M.  Raymond  a  dû 
être  satisfait  car  les  bravos  ne  lui  ont  pas  été  mesu- 
l'és.  M.  Dethurens  a  chanté  d'une  façon  remarquable: 
Si  j'étais  roi,  d'Adam.  M.  Rouvière  a"  été  fort  applaudi 
dans  deux  romances  :  Grand'mêre  el  Alléluia  d'amour, 
de  Faure.  M.  Ruef  a  récité  avec  un  grand  talent: 
Lucie,  d'Alfred  de  Musset. 

Un  des  artistes  qui  a  eu  le  plus  de  succès,  c'est 
•  M.  Merville,  qui  a  tenu  la  scèûe  pendanl  vingt  mi- 


nutes, avec  son  Grand  concert  à  Z«;»(^e)"w«!M,  remplis- 
sant lour  à  tour  les  rôles  de  régisseur,  directeur, 
chanteur  el  imitant  à  s'j'  méprendre  Libert,  Lassou- 
che  el  les  principaux  acteurs  de  Paris.  Dans  un  bis 
il  a  dit  :  La  lettre  du  fusiller  Bridet.  Il  mérite  bien 
les  bravos  qu'on  lui  prodigue  car  il  Joue  en  comédien 
consommé. 

Mlle  ScriA\aneck  a  ensuite  charmé  le  public  en  dé- 
taillant avec  la  finesse  qu'on  lui  connaît  :  Le  secret 
de  Bébé,  de  M.  de  Boissière.  M.  Duverdray  a  chanté 
avec  une  grande  puissance  la  cavatine  de  Faust. 
M.  Géo.  un  comique  de  genre,  a  interprété  :  J'ai 
perdu  ma  contrebasse,  où  il  s'est  monlré  excellent, 
comme  toujours  du  reste. 

Dans  un  intermède,  M.  Dickson,  un  illusionniste, 
a  fait  trois  tours  charmants  dont  Pun  :  La  cage  invi- 
sible, esl  fort  bien  exécuté. 

Il  me  reste  à  adresser  des  compliments  à  M.  Tou- 
rey,  un  violoniste  de  talent,  qui  a  joué  une  berceuse 
dont  il  est  l'auteur,  intitulée  :  Do-do;  à  M.  Verlé 
(déjà  nomméj  qui  a  tenu  le  piano  d'une  façon  remar- 
quable, et  enfin  aux  organisateurs  de  cette  soirée 
qui  a  été  splendide. 

Nous  avons  assisté  à  la  grande  soirée  donnée, 
lundi  dernier,  par  la  Société  l'Alliance  de  Belleville, 
PJ,  rue  de  Belleville,  au  bénéfice  de  M.  G.  Tournier, 
et  nous  pouvons  dire  que  le  concert  a  été  des  mieux 
réussis.  La  place  nous  manque  pour  relater  tous  les 
noms  des  artistes,  citons  seulement  ceux  qui  ont  eu 
le  plus  de  succès. 

MM.  Yimg,  père  et  flls,  mandolinisles  d'un  rare 
talent  ;  Chapuis,  qui  a  été  justement  applaudi  et 
bissé  dans  Ètcs-vous  comme  moi  ?  de  L. -Henry  Le- 
comle  ;  Vidmer  des  Foliiïs-Sai>'t-Martix,  dans  le 
Déjeuner  sur  l'herbe;  Gustave  Tournier,  le  bénéfi- 
ciaire qui  rappelle  Libert;  Mmes  ïhouard,  du  Con- 
servatoire ;  Léonline,  Mikelli  et  Millet  des  concerts 
de  Paris.  N'oublicms  pas  la  petite  Blanche  et  le  petit 
Emile,  âgés  de  10  ans,  qui  ont  obleiui  un  franc  suc- 
cès dans  Les  Enfants  de  la  montagne,  paroles  et  mu- 
sique de  E.  Roux,  sociétHire. 

Nos  félicitations  à  Mlle  Suzanne,  ex-artiste  de  la 
Porle-Sainl-Marlin,  qui  est,  sans  contredit,  l'étoile 
des  sociétés  lyriques. 

Dans  la  Meunière  et  le  Sergent  elle  a  été  charmante 
et  a  su  se  faire  applaudir  à  outrance  par  la  salle 
entière. 

Il  y  a  beaucoup  d'appelés  el  peu  d'élus  à  la  Société 
dramatique  de  récréation,  car  l'exiguité  de  la  salle 
n'en  permet  l'accès  qu'à  un  ntjmbre  trop  restreint  de 
fidèles,  el  elle  se  voit  souvent  dans  la  nécessité  de 
refuser  du  monde,  surtout  les  jours  de  grandes  re- 
présentations qui  ont  lieu  le  premier  dimanche  de 
chaque  mois,  au  siège  social,  30,  rue  Faberi. 

La  Société  dramatique  de  récréation,  petite  troupe 
d'amateurs,  qui  compte  bientôt  trois  lustres  d'exis- 
tence, esl  souvent  appelée,  pour  de  bonnes  œuvres, 
sur  des  scènes  plus  vastes,  et  sait  se  faire  applaudir 
à  côté  d'artistes  rompus  au  métier.  Dimanche  der- 
nier elle  prêtait  encore  une  de  ses  pièces  de  résis- 
tance, La  Saint-François,  au  théâtre  du  Château- 
d'Eau,  ce  qui  n'empêchait  pas  ses  interprètes  d'èlre 
prêts  à  huit  heures  pour  le  lever  du  rideau. 

Les  Méprises  de  Lambinet  ont  obtenu  un  réel  succès 
avec  M.  Morgat,  M.  Cerlonsini,  un  débutant  qui  ne 
doit  pas  en  être  à  son  coup  d'essai  ;  MM.  Ratignon 
et  Fourneau,  Mme  Tangre,  Mlle  Marie  el  Mlle  Hor- 
lense. 

Le  Corée  el  le  Branlebas,  àiis  avec  de  très  bonnes 
intentions,  par  M.  Gaston  Budin  ;  Aimons,  Buvons  et 
l'Enfant  de  Paris,  dont  M.  Fourneau  a  cru  devoir 
supprimer  la  musique,  en  la  remplaçant  par  une 
diction  chaude  el  colorée  ;  TanAo  le  Fondeur  et  Igs 


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LA  CHANSON 


Maîtres  diiveiirs,  par  M.  Sehrader,  eiiflii  Ma  Femme 
est  en  vogage,  par  M.  Pochet,  qui  donne  à  toutes  ses 
compositions  une  marque  d'originalité,  figuraient 
dans  la  partie  concertante  du  programme.  La  soirée 
s'est  terminée  de  bonne  heure  par  le  Chant  du  Coq, 
saynète  à  trois  personnages.  MM.  Montboussin, 
Paul  Sion  et  la  toute  charmante  Mlle  Gabrielle,  en 
ravissante  toilette  de  bal. 


Hier,  samedi,  grande  soirée  à  la  Société  du  Franc 
rire,  27,  rue  de  BelleviUe.  Nous  en  rendrons  compte 
dans  notre  prochain  numéro. 

Aujourd'hui  dimauche,  grande  matinée,  à  1  heure, 
au  profit  do  M.  Eug.  Tiefeelin,  salle  de  l'Ermitage, 
sous  le  patronage  de  la  Lyre  de  la  Gaîté,  et  avec  le 
concours  de  plusieurs  artistes  de  concerts. 

La  copie  de  notre  compte-rendu  de  la  soirée  des 
Enfants  de  la  Seine  a.y uni  été  égarée  à  l'imprimerie, 
nous  le  remettons  forcément  au  prochain  numéro. 


Demain  dimanche,  à  1  heure  et  demie,  la  société 
L.\  FANï.iisiE  Lyrique  donnera  une  grande  matinée 
lyrique  etdramatique  dansla  salle  de  TAlhambra, 
23,  faubourg  du  Temple,  avec  le  gracieux  concours 
de  ditféreut's  artistes  des  principaux  concerts  de  Pa- 
ris. Ces  éléments,  joints  à  ceux  que  cette  charmante 
société  renferme  dans  son  sein,  promettent  de  nous 
donner  une  riiprésontation  des  plus  agréables,  et  qui 

'  comptera,  nous  f  n  sommes  certains,  parmi  les  meil- 
leures qui  aient  étédonncespar  les  sociétés  Iyri(|ues. 
Nous  ne  manquerons  pas  d'y  assister,  et   nous  en 

'  rendrons  compte  dans  notre  prochain  numéro. 

LE  CERCLE  MUSSET  donnera,  le  lundi  27  cou- 
rant, une  soirée  extraordinaire  sous  la  présidence 
de  M.  Delaporte,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur, 
président  du  comité  des  concourra,  a-sisLé  de  M.  Pa- 
lay,  directeur  du  journal  la  Chansox,  ci  de  M.Lesti- 
vant,  président  de  la  Musii  gauloise,  membre  du 
comité,  à  l'occasion  de  la  réception  de  Mme  veuve 
Lardin  de  Musset  à  la  présidence  d'houneur  du 
Cercle  Musset  en  remplacement  de  son  frère,  Paul 
de  Musset  décédé. 

Le  comité  des  concours  lyriques  et  dramatiques 
convoquera  très  prochainement  messieurs  les  prési- 
dents des  Sociétés  lyriques  à  une  a,«semblce  géné- 
rale ayant  pour  but  l'élude  pratique  d'un  projet 
d'association.  .^______ 

Nous  prions  M'tî.  les  Présidents  des  Sociétés 
lyriques  de  nous  envoyer  des  lettres  d'invitation  en 
.mémo  temps  que  les  programmes,  et  cela  le  plus 
longtemps  possible  à  l'avance,  pour  que  nous  puis- 
sions annoncer  leurs  suirées  et  prendre  nos  disposi- 
tions pour  y  assister. 

La  Lyre  républicaine,  café  du  Globe,  8,  boule- 
vard de  Strasbourg,  le  premier  lundi  du  mois,  grande 
soirée  Lyrique  et  dramatique;  le  deuxième  lundi, 
'  soirée  entièrement  dansnnte;  troisième  et  quatrième 
lundis,  soirées  dansantes  et  lyriques. 


Lundi,  27  décembre,  soirée  extraordinaire  donnée 
par  l'EscHOi.iÈRE,  présidée  par  M.  Gougy,  pour 
l'inauguration  de  la  nouvelle  salle,  27,  rue  de  Jus- 
sieu,  salle  de  l' Brmitage,  avec  le  concours  de  :  la 
Soi-ioté  lyrique  la  Cour  des  Miracles,  M.  Léo  Tostain, 
Président  de  VUnion  Parisienne  ;  M.  E  Mazot,  Prési- 
dent de  la  Réunion  des  Familles;  M.  H.  Eon,  Prési- 
dent de  V  Étoile  Parisienne;  M.  J.  Lelirand,  Président 
de  la  Lyre  delà  Qaîté;  M.  Rutter, Président  de  l'Union 
'  F raiicaisei  MïiiQS   Adèle,  Aana,  Dêsfossez-  Miles  ^ 


Aline  Marpon,  Tardif,  Isabelle,  Marie  Fournier,  Ma- 
ria. Louise, Clémentine  ;  le  petit  Paul,  âgé  de  7  ans; 
MM.  .Adrien  Souchet,  A.  Uuet,  Moumoutie,  Moni- 
cart.  H.  Karl,  A.  Hébert,  F.  Beck,  Paula,  Molivier, 
Jouas,  A.  Desfossez,  Victor,  Rosalne,  Voisin,  Tier- 
celin,  Daltrofl',  A.  Stalin,  Ch.  de  Saint-Germain, 
Constant,  Raphaël,  Marpon  et  Montilau,  Ernest  Eon, 
Guiche,  Michel-Desfossez,  Quélin,  Marius,  Haunart, 
Félix,  etc.,  et  Emile  Vaulravers  pianiste. 
UNE  FEMME  MODELE 
Opérette  en  un  acte,  jouée  par  Mme  Adèle  et  Léo 
Tostain. 


Le  Concours  de  chansons  de  la  Lyre  Bienfai- 
sante, a  eu  lieu  lundi,  comme  nous  l'avons  annoncé. 
En  voici  le  résultat  : 

Premier  prix  —  Le  Poète,  —  M.  MuUer. 

Deuxième  prix — Le  vieuM  Lévite,  —  J.-B.  Robinot. 

Première  mention  —  Jeune  Châtelaine  et  Jeune 
Âbbé,  —  0.  Lebesgue. 

Deuxième  mention  —  Je  remporte  une  veste., — 
Monligny. 

Neuf  pièces  avaient  concouru. 

Pierre  et  Paul. 


As.tiîette.s,  chansons  lilloises  de  Desrousseaux. 
Depuis  le  1er  décembre  M.  Focqueii,  2,  rue  de  la  Clef  a 
Lille,  vend  une  nouvelle  douzaine  d'assiettes  à  des- 
sert imprimées  représentant,  d'api  es  les  dessins  de 
M.  Ed.  Boldortuc,  des  scènes  des  chansons  dont  voici 
les  titres  :  le  l'etit  sergent  sans  moustaclie,  les  Vinai- 
qi  elles,  te  Cabaret  du  Petit-Quinquin,  la  ISistocache  de 
Sainte-Catherine,  Choisse  et  Thrinette,  Ronde  du  temps 
passé,  le  vieux  Fripier,  les  Revenants,  Chacharle  l'her- 
cule du  Nord,  les  Amours  de  Jeannette  et  de  Girotte, 
Croqoris  et  la  noce  de  César.  —  La  bordure  contient, 
outre  le  portrait  do  l'auteur,  les  sujets  suivants  :  Les 
Deux  gamins,  une  Aventure  de  Carnaval,  le  Fetit- 
doiqt.  la  Cafetière  et  Jocquo  Vhalou. 

Nous  recommandons  à  tous  nos  abonnés  ainsi  qu  a 
nos  lecteurs  d'adres~er  leurs  demandes  rtirecles» 
Lille  à  M.  Focqueu.  —  Prix  :  3  fr.  50  la  douzaine. 
Frais  do  transport  à  la  charge  du  destinataire. 


Notre  confrère  de  la  Gazette  des  Femmes,  M.  Jean 
Alesson,  vient  de  recevoir  la  croix  de  la  Couronne 
u'italie.  

COMPAGNIE  PARISIENNE. 

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Voitures  l^URBAINE. 

SOCIÉTÉ  ANONYME. 

Le  Conseil  d'Administration  a  l'honneur  d'infor- 
mer MM.  les  actionnaires  que  le  coupon  n°  1,  à  dé- 
tacher des  actions  le  l""'  janvier  prochain,  et  repré- 
sentant, en  conformilé  de  l'article  39  des  statuts, 
l'intérêt  à  G  p.  100  depuis  le  l»''  juillet  dernier,  sera 
paye,  a  partir  dudit  jour,  1"'  janvier  1881,  aux  con- 
ditions suivantes  : 

Actions  nominatives,  brut 13      » 

d"  imp.  déduit.    .    .    .    l^i    55 

Actiont,  au  porteur,  brut 13      f 

d°  imp.  déduit.    ...    14    03 

Chez  M.  Henri  de  Lamonta,  banquier, 
à  Paris,  59,  rue  Taitbout. 

Le  Directeur-Gérant  :  A.  PATAY 


Puris,  =■  Imprimerje  L.  Hugonis  et  Çjç_,  6,  rue  Martel, 


OCT 


2  2  1927