THE AlLEM A.Bli@WIÎ>!l @@LLE6T10IM
LA CHANSON
REVUE BI-MENSUELLE
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO BES SOCIÉTÉS LYBIQUES
PREMIÈRE ANNÉE : 1878-1879
RÉDACTEUR EN ChEF
L. HENRY LEGOMTE
îyiRBCTEUR-QÉRANT :
A. PÂTAT
Biographies, Ch
l'oésies, Comptes-rendui
des Dîners chantants
Poraaits, Musique
Fac-similé, Curiosités
Bibliographie
BUREAUX DE LA PUBLICATION:
LIBRAIRIE A. PATAY, RUE BONAPARTE, 18, PARIS
PRIX : UN AN, 6 FRANCS
1" ANNEE.
N° 1.
MAI 1878.
AOWINISTRATION « RÉDACTION
BUE BON.^PARTE, 18
PARIS
Le Numéro : 30 cent.
Secrétaire de la liédaclion
V. DEMEURE
L.A.
ABONNEIVIENTS
Paris, 6 mois . . 2 fr.
Départ', 6 mois . . 2 50
Etranger, C mois . 3 »
Onuc reçoit qoe des ab'onncmouts de
Dirccteur-G&rant
A. PAT A Y
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIOUES
Rédacteur en Chef : I/, -Henry LE COMTE
SOMMAIRE DU i." NUMÉRO
Notre but (l.-uenry lecomte). — Banquet du Caveau (eug. imbert). — Ban-
quet de la Lice C/iansonn/ère (l.-iienry lecomte). — C'est le Prinlempx quj
s'éveille (e. chebroux). — L'Apprenti rentier (e. lucnixl. — La Clianaon
du ve;ve (LANtiRAGiN). — Les Préliminaires {] , écualié). — Galerie des
Cliansonniers : Charles Vincent {l. iienry lf.comteJ. — Le Mois où Je suis
né (CHARLES Vincent). — Nos Vieux Chansonniers : Laujon (eugIi.ne dail-
let). — Chansons, chansons (robert garnier).
VENTE EN GROS ET AU NUMÉRO
LIBRAIRIE ANCIENNE iET MODERN
A. PATAY
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
^y^2
LA CHANSON
1-/^7
Sa/
La Chanson, cette incarnation toujours nouvelle
et toujours diverse de l'esprit français, n'a pas d'or-
gane.
Nous venons combler cette lacune regrettable en
créant plus qu'un journal — une revue complète,
spécialement consacrée à ceux qui chantent ou font
chanter.
Sous ce titre : la Chanson, paraîtra tous les mois
une livraison de 12 pages in-4°, à deux colonnes, où
s'écriral'histoire ancienne et moderne de la chanson
et des chansonniers. Une couverture-annonce
garantira chaque numéro ; la pagination sera suivie
et nous donnerons, à la fm de l'année, le titre et la
table nécessaires pour la réunion en volume.
La Chanson publiera les comptes-rendus des ban-
quets mensuels du Caveau, de la Lice Chansonnière,
du Pot-au-feu et des diverses sociétés lyriques.
Nous préparerons ainsi à l'historien futur des
- - -..muses populaires les matériaux d'un livre original
I V/ïS et varié. — Trouveront également place dans notre
revue la biographie et le portrait des chansonniers
vivants ou disparus, nombre de chansons peu con-
nues ou inédites, une bibliographie raisonnée, le
programme des concours lyriques, l'annonce des
soirées chantantes extraordinaires ou à bénéfice, enfin
une chronique sincère des cafés-concerts et des
théâtres parisiens.
Pour mener à bien leur elitl'çjlri«e,:le?'&3îidatei»vs.
de LA Chanson s'adressent â'tpil^v'' •'; :.": • ,.• . .' î
Aujs Chansonniers de Paris et de la province cTa-*
bord. Nous les prions ici de nous 'fflpse: JiM'velîO';
leurs adhésions, leurs abonnements, 'les rénexioiK*
que notre publication leur: jjailFmrt-s^iiggaïerj.un
exemplaire au moins de leîfrs'teuyr^svrfgffméEê,;
les meilleures de leurs chansons inedit'es 'et deê
notes suffisantes pour fournir matière, au besoin, à
d'intéressantes et véridiques études biographiques.
Aux Editeursjde Paris et des départements qui
publient des ouvrages se rattachant à l'objet de
notre revue, nous disons qu'une place sera toujours
réservée aux comptes-rendus des œuvres dont ils
nous adresseront deux exemplaires, et nous les
invitons à nous envoyer même les moindres pla-
quettes.
Semblable avis aux Editeurs deMusique,— et pré-
venons tous les intéressés que les couvertures de la
Chanson seront exclusivement réservées aux annon-
ces de librairie et de musique à des prix très-mo-
dérés.
Aux Musiciens. — Nous prenons nos mesures
pour donner à l'avenir une place à la musique
dans notre revue; nous prions donc dès aujour-
d'hui les jeunes compositeurs de nous adresser
leurs œuvres, et surtout de mettre en musique les
chansons inédites que nous publierons.il y aura de
la sorte rapprochement amical entre paroliers et
compositeurs inconnus, et peut-être en résultera-t-il
quelques œuvres à grand succès.
Aux Bibliographes et aux Amateurs. — Nous
accueillerons avec reconnaissance les documents
peu connus ou inédits qu'ils voudront bien nous
offrir ; nous leur demandons de guider nos recher-
ches et de nous indiquer les sources de rensei-j
gnements incontestables. I
Au-x. Présidents des Sociétés Lyriques. — Nous '
les invitons à nous adresser, dans le plus bref délai,
les noms des réunions qu'ils président, l'indication
des sièges sociaux et des jours de tenues, et nous
les prions instamment d'assurer l'exactitude de nos
informations en désignant, dans chaque société, un
délégué chargé de correspondre avec notre publi-
cation et d'en faire apprécier le but.
Nous voulons le succès d'une œuvre entreprise
dans le but louable de défendre les réputations jus-
tement acquises et d'assurer aux talents inconnus
une large place au soleil fécondant de la publicité ;
aussi dèsirons-nous sincèrement être obligés, après
jQ..prçnjier semestre, de paraître tous les quinze
Jj^t^rfe.:*.:
••'•Lès-' auteurs désireux de posséder un certaim>
,•. nombre d'exemplaires des numéros contenant leurs
• œuvres, seront priés de nous en informer à l'avance, ^
. afw. flue nous puissions exactement fixer notre
''Cirage ' 'fies numéros leur seront cédés aux prix
•de'libitiire. Bien entendu, il ne sera pas indis-
pensable de prendre des numéros ni même d'être
abonné pour collaborer à notre revue ; le comité de
rédaction sera souverain pour admettre ou rej eter les
pièces proposées.
Tout ce qui concerne la rédaction devra être adres-
sé franco au Rédacteur en Chef; ce qui concerne
l'administration, l'abonnement et les annonces au
Directeur-Gérant. — Les lettres ou paquets non af-
franchis seront rigoureusement refusés. — Toute
lettre exigeant une réponse devra être accompa-
gnée d'un timbre-poste.
Un numéro d'essai sera envoyé à toute personne
qui en fera la demande par lettre affranchie, accom-
pagnée de 30 centimes en timbre-poste.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY
BULLETIN D'ABONNEMENT
A ENVOYER FRANCO, ACCOMPAGNÉ D'UN MANDAT-POSTE
Paris : 2 fr., Départements, 2 fr. 50, Étranger, 3 fr.
Je déclare m'abonner pour six mois à la RevuelLA CHANSON.
SIGNATDKB (lisible)
(») Les timbres-poste ne seront pas acceptés. Par l'envoi du montant (
la charge de Tabonné. Le talon de la poste sert de quittance.
rabonnement on évite les frais de recouvrement qui sont 5
LA CHANSON
REVUE MENSUELLE
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
NOTRE BUT
L'œuvre que nous entreprenons n'a pas besoin
d'être longuement motivée.
Bien qu'étant une humble division poétique, la
chanson, sous ses aspects divers, est un document
important pour l'histoire des mœurs. A ce titre, elle
doit fixer l'attention de tous ceux qui ont souvenir
des enseignements passés et souci des jugements
à venir. En notre pays plus qu'en tout autre. La
France est, en effet, la patrie de la chanson par excel-
lence. Ridicules, découvertes, attentats, bonnes ac-
tions, victoires, défaites, tout y devient aisément
prétexte à couplets. Qu'elle approuve ou fronde, rie
ou pleure, s'élève aux sommets philosophiques ou
s'encanaille dans les lieux mauvais, la chanson fran-
çaise fournit toujours à l'observateur un intéressant
sujet d'étude. Cette étude, nous la jugeons d'autant
plus opportune que, lanudtiplicité des sociétés lyri-
ques et des cafés-concerts aidant, le nombre des
chansonniers et des amis de la chanson tend chaque
joiu" à .s'accroître.
Depuis cinquante ans, il n'est pas un journal lit-
téraire qui n'ait, à l'occasion, donné asile aux cou-
plets. Le nombre des publications spéciales, par
contre, est plus que restreint.
Le Mornus et le Jovial parurent d'abord; ils
étaient profondément oubliés en 1863, quand MM.
Imbert et Marchai fondèrent In Muse Gauloise qui
eut 31 numéros. Le Bonnet de colon (18(54) dura
moins longtemps encore. En 1866, Eugène Imbert
lança sous ce titre : la Chanson, un numéro d'appel
qui fut, hélas ! unique. François Polo et Alexandre
Flan créèrent, trois ans plus tard, la Clianson Illus-
trée, tuée par la guerre et la disparition de son ré-
dacteur en chef. La Chanson Française, recueil de
luxe commencé par Charles Coligny, continué plus
modestement par M. Alfred Leconte, est le dernier
journal que nous ayons à mentionner, car nous ne
considérons comme intéressant l'histoire chanson-
nière ni la Chanson illustrée, inventée par M. Bura-
ni pour sa satisfaction personnelle, ni l'Indépendant,
snuple recueil de programmes des sociétés lyri-
ques.
Plus heureux que nos prédécesseurs, réussirons-
nous à faire œuvre viable ? — Pourquoi non ?
L'insuccès de publications dignes, la plupart, d'un
sort moins fâcheux, tient, suivant nous, à deux
causes : l'habitude singubère qu'ont les écrivains de
n'apporter aux feuilles nouvelles que l'appui de leur
collaboration en refusant le petit sub.side qui est
T. I.
cependant indispensable ; la qualité des fondateurs
qui, chansonniers eux-mêmes, écoutaient forcément
la voix professionnelle et n'avaient ni le desintéresse-
ment ni la fermeté nécessaires pour applaudir ou
critiquer sincèrement les œuvres de collègues.
Ce dernier inconvénient n'est pas à redouter avec
nous ; quant an premier — le plus grave — il nous
appartiendra de la combattre en faisant de notre
journal une publication vraiment littéraire, d'un in-
térêt soutenu, capable en un mot d'éveiller les sym-
pathies et de transformer en abonnés l'armée des
de-sservants ou amis de Momus.
La Chanson paraîtra le premier jour de chaque
mois, en une livraison de douze pages in-4 k deux
colonnes.
Chaque numéro contiendra :
Le portrait et la biographie d'un chansonnier vi-
vant.
Le compte-rendu des banquets du Caveau, de la
Lice, et du Pot-au-feu,
Plusieurs chansons oubliées ou inédites,
La Chronique chansonnière du mois écoulé,
La nomenclature et la physionomie de toutes les
réunions chantantes,
La Bibliographie de tous les ouvrages nouveaux
se rapportant à la chanson.
Ce cadre est vaste ; tous nos efforts tendront ce-
pendant à l'élargir encore .
Bien que l'abonnement soit notre objectif naturel,
il ne sera pas indispensable de .s'abonner pour col-
laborer à notrejournal.Nous accepterons toute bonne
chose, qu'elle vienne d'ami ou d'inconnu, de Paris
ou de province, (car nous soupçonnons, dans les dé-
partements, nombre de mines ine.xploitées.) Nous
annoncerons toute chanson, nous rendrons compte
de tout ouvrage dont l'auteur ou l'éditeur nous adres-
sera deux exemplaires. Nous nous rendrons à tou-
tes les réunions où il y aura quelque chose à ap-
prendre ; nous poursuivrons enfin partout et toujours
nos sympathiques études.
Toutes ces promesses, sans doute, seront difficiles
à tenir, vu l'exiguité de notre format. Aux chanson-
niers, aux amateurs à nous aider, par leur souscrip-
tion, à doubler notre périodicité. Nous désirons être
contraints à faire chaque jour mieux et davanta-
ge...
Que chacun contribue donc à cette œuvre pour
tous .
L. Henry LECOMTE.
LA CHANSON
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAïaE DU CAVEAU
BANQUET DU 5 AVRIL 1878
Vous me demandez, mon cher directeur, un compte-
rendu de la dernière séance du Caveau. Chose à la
rigueur facile. Avec un peu d'attention, beaucoup
de mémoire, une dose moyenne de sévérité mitigée
d'indulgence, on peut y arriver. Mais avons-nous
bien le droit, dans un journal, une publication des-
tinée à tous, de divulguer ce qui se passe en petit
comité, pour ainsi dire en famille? Le Caveau ne
fait pas de réclame. 11 va son petit bonhomme de che-
min, sans s'inquiéter du dehors. Il s'amuse en cati-
mini, et la cordialité qui règne entre ses membres
lui assure tous les applaudissements auxquels il
aspire.
Admis par faveur dans ce cénacle, puis-je sans
paraître indiscret livrer aux curiosités extérieures
les délails d'un banquet d'oii le profaiium vulijus
est écarté ?
Vous le pensez, et j'y souscris, satisfait d'avoir
exposé mon scrupule. Mais si le Caveau allait ne pas
partager votre opinion, et s'avisait de fermer une
autre fois sa porte au nez du critique trop bavard,
qui en serait bien marri ? Ce serait votre serviteur.
Quels vides depuis quelques années dansla joyeuse
réunion! La Chesneraye, Flan, Cabassol, Monté-
mont, Van Cleem, comme on appelait le spirituel
vieillard, qu'ètes-vous devenus "? Thiébaux, qui fai-
sait, il y a quinze ans, en vers si ingénieux, ses
Adieux au.v amours, a dit adieu pour jamais au Ca-
veau et à la terre. Louis Prolat non plus n'est plus
là: avoué comme Jovial était huissier, chansonnier
fé'cond et correct, le chantre de Flora, le poète hardi
auquel on doit ce vers dantesque, qui faisait rugir
l'onsard:
Go fui tiilto et viol. — Doux jolis instruments!
Prêtât était absent. Je revoyais en moi-même
cette figure fine et goguenarde, — pas jolie, à ia
diffémnce delà mère Angot, — physionomie sympa-
thique, humeur joyeuse; gai compagnon, comme le
Caveau en compte tant.
Dirai-je que les présents font oublier les absents,
et ([n'en écoutant Poulain ou Rubois, Ordonneauou
Féiiée, on regrette moins ceux qui les ont précédés
dans la carrière lyrique ? La formule ressemble à un
comphment, mais elle exprime assez bien la vérité.
Des talents ont disparu, d'autres sont restés, d'au-
tres ciilîn sont venus. Avec des nuances, le Caveau
n'a pas diminué. Si la poésie satyrico-champôtre de
Lii Ciiesneraye, par exemple n'est pas exactement re-
présentée, n'avons-nous pas Vincent, un Dupont plus
peigné, mois non moins chaleureux ?
J'oubliais la chanson. Elle apparaît au coup du
milieu, c'est le verre de madère et le toast tradition-
nel. Tâche quelquefois ingrate pour un président.
Trouver chaque mois ijuelque chose d'im peu nou-
veau à dire sur le inônie sujet, sujet toujours vi-
vant, il est vrai, mais si souvent traité et rebattu!
Vincent s'en tire adroitement. 11 boit un jour à Collé,
un auti'o à Gallet. L'antre soir c'était cà Piron, le
joyeux boui'guignon, chansonnier de nature plutôt
que de fait, mais un des ancêtres du Caveau. Rival
de Voltaire en réparties, son maître en épigrainmes,
supérieur au grand homme comme auteur comique.
Ce nom amenait naturellement une allusion au cen-
tenaire qui se prépare. Digression toute actuelle,
bien conduite et fort goûtée.
L'actualité, en eiïei, pour le dire en passant, l'ac-
tualité et la réponse sont les deux muses qui inspi-
rent le plus fréquemment les auteurs du Caveau.
C'est à la première que nous devons deux chansons
sur l'Estudiantina. Ordonneau, un jeune (il y en a
quelques-uns), a flagellé avec esprit cette invasion
de puffistes d'outre-monts. Aux réclames de divers
théâtres et autres ('■tablissements promettant au pu-
blic la présL'iice des pseudo-étudiants, ils oppose
une al'liclie bien faite, selon lui, pour attirer du
monde, puisqu'on y lira en gros caractères : L'Estu-
diantina n'assistera pas à la représentation.
Sur l'air romantique écrit par Monpou pour Alfred
de Musset:
Avez-vous vu dans Barcelone...
et l'air était bien de circonstance, Clairville, le
piquant vaudevilliste, blague à son tour ces Gil Blas
de pacotille, ces César de Bazan d'occasion que Pa-
ris, sous prétexte de mardi-gras, a dû avaler pon-
dant trois semaines. Rondeau plein d'humour gro-
tesque, comme on en chante dans les bonnes revues
et comme Clairville, un maître dans ce genre, en a
tant fait.
Après l'actualité, laréponse. C'est un des plaisirs
et des désagréments du Caveau. Désagrément est
peut-être trop fort; mais comme a dit Lamotte :
L'ennui naquit un jour de l'uniformité.
A tel banquet. Grange, autre vaudevilliste de pre-
mier titre, a chanté l'Éventail, ur l'air de Mon ga-
loubet, couplets dédiés naturellement au confrère
Duvelleroy, l'éventailliste célèbre. Celui-ci riposte
l'autre jour par une chanson sur le même air et sur
le même sujet. Congratulations, aimable assaut d'é-
loges... mérités. Détail piquant: c'était Grange qui
chantait lui-même, de cette voix que vous connais-
sez, la chanson que lui adressait Duvelleroy. Un
homme moins modeste se serait trouvé embar-
rassé.
Grange, quand il chante pour lui, a le couplet spi-
rituel, lin, une forme légère et facile. 11 est peu ra-
dical, comme on dit depuis quelque temps en argot
politique, et chante la Rengaine. Non, maitre, malgré
tout le prestige de votre esprit, vous ne nous per-
suaderez pas., Non, croire au progrès, célébrer le
grand Voltaire, abhorrer l'ancien régime, chercher
à détruire les abus, non, cher vaudevilliste, ce n'est
pas de la rengaine.
A propos du progrès, devant lequel Grange se
montre si sceptique... à table, qu'en pense le Caveau
en général ? Faut pas rire avec ça, dit Lesueur en
homme prudent. Louis Piesse, qui craint de se com-
promettre, murmure : Ln question est ii l'étude. Ru-
bois, plus jeune et plus hardi, s'écrie: Suivez le cou-
rfl«/. Enfin Fénée, malgré sa barbe de Nestor, ajoute :
La route est belle!
Et ils ont raison tous quatre.
La chanson de Lesueur estphOosophique et boufle.
Mais il ne faut pas prendre au mot le malin doyen
de la compagnie. Il y a longtemps qu'il rit, et il nous.,
fera rire longtemps encore, malgré ses quatre-vingt-
LA CHANSON
quatre ans. N'est-ce pas lui qui, il y a quarante ans,
chantait la bonne franquette, et publiait ce couplet :
Au pacte qu'il avait juré
Dans une auguste enceinte,
Un roi, de prêtres entouré
Osa porter atteinte.
Il fit si bien qu'un beau matin
Le peuple lui dit: Sire,
Sautez, sautez, sautez, pantin;
Allons, faites-moi rire.
Ce refrain : La route est belle a in.spiré deux chan-
sons différentes à Fénée. L'une est sérieuse, pro-
gressive de fond, élevée de pensée ; l'autre est sati-
rique et légère.
Les Quelques pourquoi, de Jules Petit, présentent
sous une forme châtiée, mais sans prétention, de
bonnes vérités. On sent chez l'auteur, outre une
grande force de raison, un fond de littérature solide
et l'étude des maîtres.
Ne trouve pas qui veut un créancier !
s'écrie-t-il mélancoliquement. Hélas, un Jour vien-
dra où l'on en rencontrera trop et où l'on s'ingéniera
à les dépister. C'est alors que Nadot pourra dire :
Depuis qu' d'un' pareill' sorte
C gàrgottier m'a traité.
Je n' pass' plus d'vant sa porte;
On a sa dignité.
Charles Vincent, dont le talent est ap])récié dans
un autre endroit de ce numéro, est décidément,
comme son ami Plouvier, un fidèle de l'Ami Soleil.
Je partage son sentiment. Il chantait, voilà long-
temps déjà :
Reviens, Soleil, la nature t'appelle;
Viens au raisin donner le teint vermeil.
Aujourd'hui, il adresse à Louis Piesso, partant,
non pour la Syrie, heureusement, mais pour l'Algé-
rie, ces vers de bon voyage :
Piesse, emporte nos vins de France,
Mais rapporte-nous du Soleil.
La chanson k retaire de Granger, quasi-homonyme
de l'auteur dramatique dont je vous pai'lais il y a
un instant, est faite et bien faite, quoi que dise l'au-
teur. C'est un badinage léger, rimé très-facilement.
Gustave Aymard, le romancier, nous a raconté,
dans une causerie dénuée de toute rime, mais non
de tout esprit, comment il a harponné sa première
baleine. De la couleur locale, du brio, des mots
trouvés; beaucoup de bonne humeur, et un peu
d'anglais. Qu'il me permette une petite chicane au
point de vue géographique : il a oublié de nous dire
comment il a pu, en deux mois seulement, franchir
la distance qui sépare l'Australie du détroit de
Behring.
Les Promenades, d'Echalié, voilà une chanson
touchante et gracieuse. C'est la promenade du bébé
essayant ses premiers pas ; celle de deux amoureux
à la lisière de la forêt ; celle de la chère malade
appuyée sur un bras ami ; puis enfln la dernière,
celle que ne peuvent éviter ni les membres du Ca-
veau, ni les critiques eux-mêmes.
Il serait trop long, mon cher directeur, de vous
détailler par le menu la hste complète de tous les
morceaux qui ont été dits ou chantés dans cette
soirée. Les oubliés me pardonneront : ils auront
leur tour une autre fois. Pourtant, je vous citerai,
avant de finir, les couplets s.\xv ï Orgueil, l'orgueil
compris comme capable d'inspirer de belles actions,
l'orgueil se traduisant en patriotisme, en vertu , en
dévouement. Ce sont là des stances d'une grande
allure et d'un souffle généreux.
Abrégeons donc cet article, car, ainsi que le chan-
tait l'autre soir un de nos convives :
L'ennui peut abréger la vie.
Vous le voyez, soit par le choix des sujets, soit
par le point de vue où les auteurs se placent pour
les traiter, le Caveau, sauf quelques exceptions, cul-
tive presque exclusivement la chanson intime, ce
que j'appellerais volontiers, pour employer une ex-
pression souvent appliquée à la musique, et la pre-
nant en bonne part, la chanson de chambre . Il faut
reconnaitre toutefois qu'ici la crainte du bruit n'ex-
clut pas la virtuosité et que l'intimité augmente en-
core le succès.
Madame de Sévigné s'apercevait, à la fin d'une
lettre, que la ponctuation y faisait complètement
défaut; elle y remédiait en semant au bas de sa der-
nière page une foule de virgules et de points qu'il
était loisible au lecteur de disposer à son gré. Je
devrais bien, comme elle, accumuler ici toutes les i/
que j'ai omis de placer devant les noms propres
cités ci-dessus. J'ai craint, et c'est mon excuse, de
donner à ce compte-rendu l'apparence froide d'un
procès-verbal. D'ailleurs, la notoriété de presque
tous les membres du Caveau, la célébrité de quel-
ques-uns, la cordialité de tous, e.xpliquent suffisam-
ment, et me feront pardonner, cette dérogation aux
usages d'une politesse un peu guindée.
EuG. IMBERT.
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 3 AVRIL, 1878
La Lice Chansonnière est, après le Caveau, la
plus ancienne et la plus intéressante des sociétés ly-
riques. Elle a môme, sur le Caveau, cet avantage
d'être en majorité composée de membres jeunes,
moins entichés par conséquent des formes vieilhes,
moins enclins surtout à ravaler le présent au bénéfice
du passé.
Les banquets de /a Ljceontlieu, le premier mer-
credi de chaque mois, aux Vendanges deBourgogne.
Malgré le mauvais temps, les convives d'Avril étaient
au nombre de cinquante-cinq. Après le tradition-
nel Toast à la chanson, porté par le président M. Le
Boullenger et applaudi, un nouveau sociétaire,
M. Jules Moniot, est admis avec le cérémonial d'u-
sage, remise du diplôme et accolade; puis M. Che-
broux ouvre la série des chants par une invitation
que chacun répète :
Chansonniers, mes amis.
Quand, par Momus, nous sommes réunis,
Vidons nos verres
Et, gais trouvères.
Chantons toujours
Le vin et les amours.
LA CHANSON
Un visiteur, M. Lebègue, sans tenir compte de ce
bon conseil, récite, avec une ardeur un peu sombre,
des stances^ la Bastille, qui ne sont pas sans mé-
rite. M. Chocque fait diversion en offrant sa Culotte;
mais un M.Goyon, sous prétexte d « enfoncer Tar-
tufle » lui succède. Protégé par des lunettes de cou-
leur, vi.siblement satisfait de lui-même, il débite, sur
un ton féroce, de banales déclamations rimées avec
indigence... et Tartuffe n'en va pas plus mal. —
M. Robinot évoque son passé en strophes aimables :
Douces images que le temps
Dessine et grave en ma mémoire
Venez me rappeler l'histoire
Et les fêtes de mon printemps.
Gustave Nadaud dit très-finement une de ses bon-
nes chansons, Vous n'êtes pas rieu-r/Ryon, très-sym-
pathique, chante la problématique i?Messe du pau-
vre ; Eugène Baillet, avec le Bon sens d'un paysan,
faitjustice d'absurdités sociales etcléricales;M. Echa-
lié, pour M. Bernard Lopez, expose la singulière
Maxime de l'amour; M. Pingray conte Une foule de
blagues, qui ne sont pas bien amusantes ; M. Rubois
chansonne un peu longuement le Candidat conserva-
teur ; M. Yàlmeldiile Bonjour à la mansarde ;M. Echa-
lié, chante, pour M. Caron, Si j' étais mon chef de bu-
reau, et, pour son propre compte, 7a Car/e et l'Oi-
seau ; Gustave Nadaud détaille avec esprit un excel-
lent rondeau, ie Bw2 aœi; M.Jules Moniot dit sa
chanson de réception, le Marseillais à la Lice, qui m'a
paru bien faible ; M. Mordret dégoise une paysanne-
rie... — Tout-à-coup un visiteur se lève ; c'est un
avocat, M. André Rousselle. Pris d'un besoin de
parler, ce discoureur patenté assaie, d'une voix re-
dondante, l'éloge de lachanson.il prétend retrouver,
bien au-delà du déluge, sa bienfaisante influence.
A l'en croire, le couplet a toujours mené le monde.
C'est une chanson que sonnaient les foudroyantes
trompettes de Jéricho, et laBastille s'est écroulée par
l'opération de la Mar seillaise \... Biahlel voilà qui
bouleverse les notions historiques : la Marseillaise
en 89 ! ... Il me semble voir le gouverneur accoudé au
parapet de sa citadelle, prêter l'oreille au chant des
assiégeants, et, distinguant l'hymne de Rouget de
Lisle, faire un bond de surprise en s'écriant, comme
un personnage d'Hervé : « Déjà ! » — Sur ce trait
lumineux, M. Rousselle se rassied; on applaudit par
politesse et les chants reprennent.
Mais on n'attend pas de moi la nomenclature com-
plète des œuvres dites parles sociétaires ou visiteurs.
Une observation, pourtant. M. Echalié, pour la troi-
sième fois, prête sa voix à un camarade. Cela se
comprendrait si l'auteur était absent ou novice, niais
chanter pour un rimeur chevronné qui, la pipe à la
bouche et les coudes sur la table, regarde son in-
terprète d'un air narquois etrecueille les bravos, me
parait le comble de l'obhgeance .
Terminé par une gaudriole de Jules Jeannin, le
banquet de la Lice, en somme, n'a vu l'éclosion d'au-
cune œuvre hors ligne. Des vingt-huit morceaux
chantés ou récités, le meilleur, à mon avis, est le
Printemps qui s'éveille de M. Chebroux; je recom-
mande à nos lecteurs ces couplets charmants que
nous avons obtenus pour notre premier numéro -^
couplets d'actualité s'il en tût — sur lesquels Colli-
gnon a écrit une musique excellente.
L.-Henry LECOMTE.
C'EST LE PRINTEIÏIPS QUI S'ÉVEILLE
Musique de J.-B. COLLIGNON. (1)
Les vents ont suspendu
Leur complainte chagrine;
Les vallons ont perdu
Leur blanc manteau d'hermine;
Le soleil au buisson
Donne un premier sourire,
Et Mars, enfin, expire
Dans un dernier frisson.
Des fleurs plein sa corbeille,
Des chansons plein la voix,
C'est encore une fois
Le printemps qui s'éveille !
Avril revient, vermeil,
Tout s'anime et s'apprête
A chanter son réveil,
La nature est en fête !
Jetant aux alentours
Ses notes les plus franches,
Le pinson pend aux branches
Un nid, pour ses amours.
Des fleurs, etc.
Déjà le franc buveur,
Interrogeant les treilles,
Du bourgeon en sa fleur
Escompte les merveilles.
Le laboureur sourit.
Quand, pour prix de sa peine,
Il revoit dans la plaine
Seigle ou blé qui grandit I
Des fleurs, etc.
Par d'éternelles lois,
Réglant toute harmonie],
0 terre, je te vois
Sans cesse rajeunie !
C'est que dans les longs jours
Où tu semblés muette.
Tu prépares , coquette,
Tes plus brillants atours !
Des fleurs, etc.
De la terre amoureux,
Déjà l'astre superbe.
Caresse de ses feux
Arbre, fleur ou brin d'herbe ;
Toi qui fais tout germer.
Source vive et féconde.
Soleil, père du monde.
Fais aussi tout s'aimer !
Des fleurs plein sa corbeille,
Des chansons plein la voix,
C'est encore une fois
Le printemps qui s'éveille !
E. CHEBROUX,
Vice-président de la Lice chansonnière.
(1). La musique se trouve chez Labbé, successeur
L. Viei'lot, éditeur, rue Notre-Dame de Nazareth, 32.
LA CHANSON
L'APPRENTI RENTIERO
Air : Ne donne pas sa part au chat (Peechelet)
Après des luttes accablantes,
Je suis riche ! Enfin, j'ai vaincu !
El je puis mourir de mes rentes.
Moi, qui n'en ai jamais vécu !
Misère, adieu, vieille ennemie :
Va ! pour me faire un sort princier,
Tout plein de stricte économie...
J'apprends le métier
De rentier,
Le bon^métier
De vieux rentier.
Vous croyez ce métier facile ;
Hé bien, moi, j'y suis peu ferre.
Lorsque je vague par la ville,
Regardant tout, en désœuvré,
S'il advient qu'un ami m'arrèle,
Je l'entends toujours s'écrier :
— Qu'as-lu donc? tu parais tout bute..
J'apprends, etc.
Pour paraître un peu moins vulgaii-o.
Je fréquente et puis recevoir
Des gens ayant fait leur affaire.
On s'assemble parfois le soir:
On jase douleurs, santé piètre.
Eaux, onguents, qu'il faut employer
Depuis que l'on a le bion-ètre. . .
J'apprends, etc.
11 faut, lorsque l'on tient boutique,
Se mouvoir comme un omnibus.
Poursuivre, accueillir la pratique....
Désormais, je ne bouge plus!
Hier encor, sans changer de place,
J'ai pu rester dans mon quartier
A voir couler une Wallace....
J'apprends, etc,
Je me faisais un bon visage
Quand des muses les nourrissons
Me dérangeaient de mon ouvrage.
Pour me raconter leurs chansons !
Je vais à tous ces gais apôtres
Soumettre mon refrain dernier.
C'est mon tour d'embêter les autres.. .
J'apprends etc,
(1) Extrait du dernier volume de la Lice chansonnière 1876,
en vente chez Labbé, éditeur, rue Notre-Dame de Nazareth,
32, à notre librairie, prix 1 f. 50
— Mais (direz-vous), en politique !
Ceci change-t-il votre humeur ?
Soutenez-vous la République
Ou le vieux clan conservateur?
— Point de distinctions subtiles.
Messieurs ; j'appartiens lout entier
Au grand parti des inutiles :
J'apprends le métier
De rentier,
I^e bon métier
De vieux rentier.
E. HACHIN,
Président d'honneur de la Lice chansonnière.
La Chanson du Verre
Musique de VAUDHY.
Le verre est un trésor fragile
Mais c'est un précieux trésor.
L'homme a su se le rendre utile
Bien plus utile encor que l'or.
Coupe aimable, coupe joyeuse.
De quelques grains de sable fin
Te voilà faite, radieuse
De contenir le meilleur vin.
Humecte ma lèvre brûlante.
De ce jus ou blond ou vermeil.
En me donnant, ma douce amante,
Tes baisers tout pleins de soleil.
Le verre, etc
Etudie un galant sourire,
Apprends à cligner ton œil noir,
Belle coquette tu vas lire
Tous ces secrets dans un miroir.
Lorsque dans ce miron" limpide
Ton amant verra, déjà vieux.
Paraître sa première ride
Et blanchir ses premiers cheveux.
Le verre, etc.
Voici des fêtes ou les femmes
Pourront, amoureuses du bal.
Tourbillonner devant les flammes
Que reflettele pur cristal.
Quand la lampe de l'ouvrière
En globe, doux comme l'émail,
LA CHANSON
Ira concentrer la lumière
Et la verser sur letravail.
Le verre, etc.
Ij'orage gronde, à la fenêtre
Le vent vient souffler furieux,
On voit surgir et disparaître
L'éclair en déchirant les cieux,
Mis à l'abri de la tempête
Derrière les vitres en feu ,
Calme, le penseur, le poète
Dans ce tumulte cherche Dieu !
Le verre, etc.
Dans des immensités profondes,
A travers ces sables fondus,
Le savant découvre des mondes
Sur notre monde suspendus.
Qu'il redescende du superbe
Aux infimes les plus divers,
Dans la goutte d'eau, le brin d'herbe.
Il trouve enoor des univers!
Le verre, etc.
A tes flacons on boit l'ivresse,
A tes lustres étinoelants
Danse la rieuse jeunesse :
Pour guider nos pas chancelants
Tu fais les vulgaires lunettes,
Et jusqu'à la fin de nos jours
Généreux verre, tu nous prêtes
Un suprême et dernier concours.
I^e verre, etc.
Joseph LANDRâGIN,
Membre delà Lice chansonnière.
LES PRELIMINAIRES
Air : Mon père était pot.
Pour arriver plus sûrement
Au but qu'on se propose,
Ne rien faire que prudemment.
Est une bonne chose ;
Mais l'excès en tout
Nuit toujours, surtout
Aux gens retardataires :
Il ne faut donc pas
Egarer ses pas
Dans les préliminaires.
Si la fillette qui longtemps
Se montra trop sauvage,
Endure un jour quelques instants
Notre gai badinage.
Sans nous attarder
A trop bavarder,
Franchissons les barrières,
Quitte à revenir
Ensuite à loisir
Sur les préliminaires.
Cependant quand le poids des ans,
En courbant notre échine,
Aux ardeurs de notre printemps
Vient mettre une sourdine.
Une belle en feu
A beau mettre en jeu
Ses plus secrets mystères.
Nous ne pouvons rien
Faire à peu près bien
Que les préliminaires.
On voit encore des garçons,
Bien qu'aimant le ménage,
Reculer devant les façons
Qu'exige un mariage ;
Pourtant, de nos jours,
On rend les amours
Bien coulants en affaires :
En un petit mois,
On se voit deux fois,
Pour tous préliminaires.
Nos avocats, presque toujours.
Pour défendre leurs causes,
Des siècles remontant le cours,
Parlent de mille choses ;
Laissant de côté,
Le délit cité
Qui ne les trouble guères.
Dans leur long bagoiit,
Sans sel et sans goût,
Tout est préliminaires.
Quand, de temps en temps, quelque Etat
Se met en république,
Je crois du dernier potentat
Voir enfin la relique ;
Car, j'en ai l'espoir,
Nos fils pourront voir
Les peuples sans frontières ;
De ce grand jour-là.
Les faits que voilà
Sont les préliminaires '.
Jules ÉCHALIÉ.
Membre associé du Caveau et Secrétaire
de la Lice chansonnière.
(1) Extrait du volume du Caveau 1877^ en vente à notre
librairie, priï 2 fr.
LA CHANSON
GALERIE DES CHANSONNIERS
CHARLES VINCENT
PRESIDENT DU CAVEAU
Nous devons au
vénérable et vivace
Caveau cet hom-
mage de placer, en
lôte des études litté-
raires que l'on al tend
de nous, l'histoire et
le portrait du chan-
sonnier qui le préside.
La physionomie de
Charles Vincent est,
d'ailleurs, originale et
sympathique. Nous
la peindrons sous ses
aspects divers , en
nous attachant toute-
fois de préférence à
ce qui, dans son œu-
vre, se rapporte au
genre préconisé chez
nous, la chanson.
Charles - Hubert
Vincent est né à Fon-
tainebleau le 15 avril
1828. Sorti à treize
ans de l'Ecole supé-
rieure de cette ville,
il fut d'abord clerc de
notaire et d'avoué. Il vint à Paris comme ouvrier
tapissier; plus lard, commis-voyageur, il représenta
simultanément environ quinze maisons de com-
merce. Cela le conduisit en 1848. Il était impossible
que Vincent, dans l'ardeur de sa vingtième année,
saluât froidement la Révolution de Février. Un
jour qu'Auguste Luchet, gouverneur du palais de
Fontainebleau, présidait à la plantation d'un arbre
de liberté sur la place de la ville, accourut à lui un
jeune chansonnier qui
célébra la République
en strophes ardentes:
c'était Charles Vin-
cent. — Charles Vin-
cent a donc commen-
cé par des Chansons
Réjni])licaines. — (1)
Tel est, en effet, le
(ili'e de son premier
recueil, lequel, con-
sidérablement aug-
menté, parut à nou-
vcvau, on 1849, sous
k' nom (V Album Révo-
lutionnaire (2), avec
une préface enflam-
mée de Luchet.
Charles Vincent célé-
brait alors la liberté,
défendait l'Évangile,
prêchait l'amnistie et
l'abolition de l'écha-
faud ; nous retrou-
verons, trente années
plus tard, l'écrivain
fidèle aux idées sai-
nes, aux passions
généreuses de sa jeunesse....
Charles Vincent devint bientôt rédacteur du
Siècle, où il devait rester pendant nombre d'années,
se ilélassant par la rime des fatigues du journa-
lisme. Il ne vit pas, on le comprend, le retour de
l'enpire avec enthousiasme ; aussi proflta-t -il de
[i.j Avril 1848. Br. de 24 pages gr. in-18.
(2) Avec gravures de Dovritz. In-8 de 72 pages. Ces deux
piulications sont devenues très-rares.
LA CHANSON
la première occasion de protester qui lui fut offerte.
M. Garlier, préfet de police zélé, fit, un jour, couper
tous les arbres de liberté plantés dans Paris. Dès
le lendemain, Charles Vincent improvisait sous ce
titre : le Peuplier, histoire d'un arbre de la liberté,
une chanson dont voici le dernier couplet :
Bel arbre, on cherche en vain la place
Où le peuple t'avait planté ;
Ainsi la tyrannie efface
Jusqu'aux signes de liberté.
Mais entre deux pavés s'élance,
Un bourgeon qui va refleurir ;
Il est greffé sur l'espérance,
L'arbre sacré de l'avenir !
Ces vers, qui firent le tour de la presse française
et étrangère, eurent le don d'irriter M. Carlier. Il
se vengea en faisant d'abord condamner, pour un
oubli de formalité, l'éditeur Brault à deux ans de
prison, en interdisant ensuite le répertoire entier
de Charles Vincent. On dut cesser de chanter au
théâtre Montmartre l'Invasion, vivement applaudie;
la Misère et l'Argent, deu.\ satires incorrectes mais
vigoureuses, furent également mises à l'index ;
l'autorité défendit même Mon Manteau, chanson
comique ! — Charles Vincent ne se crut cependant
pas condamné au silence, mais il abandonna prudem-
ment le terrain politique.
Le talent de Charles Vincent, nous l'avons dit,
est multiple. Nous abordons ici le journaliste indus-
triel, et l'on nous permettra d'éuumérer ses titres
sans souci de la chronologie, pour revenir aussi
tôt que possible, au chansonnier.
Charles Vincent, d'abord rédacteur en chef du
journal l'Innovateur, créa, en 1852, le Moniteur de
la Cordonnerie, pix les articles étaient payés en chaus-
sures, monnaie que ne dédaignèrent pas de célèbres
écrivains. On le vit ensuite à la tète de divers jour-
naux de modes : ï Illustrateur des dames, la Joie du
foyer, la Boîte à ouvrage. Il fonda une publication
des plus sérieuses, 7a Halle aux cuirs, rédigée avec
une autorité et une impartialité telles, que Charles
Vincent est nommé presque toujours à l'unanimité
dans les jurys spéciaux. Enfin, outre nombre d'ar-
, ticles demandés par les encyclopédies pratiques,
notamment par le Dictionnaire économique de puil-
laumin, Charles Vincent a écrit une Histoire p la
Chaussure dans l'antiquité, où les questions arttues
du travail sont traitée avec une humour récompeisée
par trois éditions. I
Au miheu des travaux les moins poétiques, Challes
Vincent ne délaissa jamais la muse. I
Il écrivait, en même temps que ses comptes-ren-
dus industriels, la ronde de la Marchande du Temple,
drame émouvant de ses amis Luchet et Desbuard,
et la Chanson des Mariés pour le Cordonnier de Crécy
des mêmes auteurs. Nous donnons entièrement cette
dernière production, qui fait un agréable contraste
avec les chants énergiques que, jusqu'ici, nous
avons uniquement signalés :
Nous n'aurons jamais d'enfants,
Jurait Pierre à Madeleine ;
Même quand ils sont charmants.
C'est trop d'ennui, trop de gène.
Neuf mois après, juste à temps,
Vint un garçon, puis, sans peine,
Se compléta la douzaine...
Cela prouve, on le voit bien.
Avec Pierre et Madeleine,
Cela prouve on le voit bien.
Qu'il ne faut jurer de l'ien.
Je serai maître chez moi !
Jurait Pierre à Madeleine;
Seul je veux faire la loi.
Etre roi dans mon domaine.
Cependant, du bout du doigt.
Dès la première semaine.
Sa femme dit-on, le mène...
Cela prouve, on le voit bien.
Avec Pierre et Madeleine,
Cela prouve on le voit bien.
Qu'il ne faut jurer de rien.
Si jamais je suis (la musique fait) : coucou
Jurait Pierre à Madeleine,
Je veux qu'une pierre au cou,
Vite à la Seine on m'entraîne.
Il a dû boire un bon coup
Depuis qu'il en a l'élrenne,
Il a pu tarir la Seine. . .
La Seine et lui vont lï'ès bien.
Aussi bien que Madeleine ;
La Seine et lui vont très-bien :
Il ne faut jurer de rien.
N'est-ce pas là la vraie chanson, gaie, alerte, avec
une pointe d'ironie ? Le chanteur Pacra se fit con-
naîtrepar elle ; il passa, avec la pièce, de Beaumar-
chais au théâtre delà Gaîté. Lamusique était d'Olivier
Métra qui en fit un quadrille, son premier succès eu
ce genre. On sait qu'il dirige brillamment aujour-
d'hui les bals de l'Opéra.
LA CHANSON
Mais le grand succès do Charles Vincent au théâ-
tre îu.\, l'Enfant du tour de France, drame qu'il avait
(^crit pour amener la fm des luttes sanglantes du
compagnonnage, résultat en partie atteint. Dans
cette pièce, Darcier disait cinq on six chansons:
deux sont devenues justement populaires, la Ronde
dos cordonniers et surtout la Vieille Chanson Fran-
çaise, dont il suffit de citer le refrain :
Française de mœurs et d'allure,
Tous les ans la vieille chanson
Rajeunit son ton, sa figure,
Dans la vendange et la moisson :
Salut à la vieille chanson!
Vers la même époque, Charles Vincent publia,
en collaboration avec Edouard Plouvier, les Refrains,
du Dimanche, recueil de cinquante chansons, illustré
par' Gustave Doré. Là, figuent Frère Jean, les Fils
du soleil, le Vin, l'Idée, le Savetier; là aussi, concu-
remment avec leJeanGuêlré de Dupont et le Jean
Raisin de Mathieu, ou plutôt à côté d'eux, complé-
tant la plus respectable trinité rustique, Charles
Vincent créa Jean Blé-Mûr, ((u' Alexandre Dumas
s'empressa d'emprunter pour son Mousquetaire.
Magnus Durer en avait fait la musique et Félicien
David l'accompagnement. Ecoutez le début vigou-
reux de ce chant superbe :
Toute la nature est en fêle,
L'alouette a des chants nouveaux;
Paysan, relève la tète,
Le soleil bénit tes travaux.
Do ta sueur et de ta peine
Il a fécondé le plus pur :
La terre, sous sa chaude haleine
Enfante pour tous Jean Blé-Mùr.
Jean Blé-mùr, sous sa blonde écorce,
Nous apporte le grain;
C'est la vie et la force,
C'est le pain !
Puis lepoëte se tut, laissant à tort la place auxin-
■ anitésque propageaient les cafés-concerts. Par bon-
heur, l'œuvre chansonnière de Charles Vincent, peu
/•'Ombreuse sous le dernier règne, s'est considérable-
:iient accrue ces temps derniers. En 1870, aux pre-
miers jours d'une guerre stupide et terrible, il
rompit le silence pour jeter à' l'enthousiasme un
hymne patriotique l'Invasion, que M"° Julia Hisson
lie l'Opéra interpréta superbement. Deux ans plus
lard, présenté par M. Duvelleroy, Charles Vin-
cent pénétrait au Caveau. Il y chanta dix produc-
tions qui lui méritèrent le titre de membre
titulaire, qu'il soutint avec 7a Chanson française,
Pierre Dupont, les Vins de France et le Travail.
Enfm, en janvier dernier, le Caveau l'éleva à la
dignité de président, et cet honneur paraît encore
avoir doublé sa verve. En effet, outre ses toasts
ingénieux à Panard, à Collé, à Gallet et à Piron,
les livraisons récentes du Caveau contiennent cinq
chansons de Vincent, que nous n'hésitons pas à
classer parmi ses meilleures. Nous donnons à
l'appui de ce jugement le premier couplet de sa
Chanson-manifeste.
Messieurs, je suis républicain,
Cela ne surprendra personne ;
Vous ne craignez donc d'un Tarquin
Ni le glaive ni la couronne.
Mais, sachant quejl'on peut avoir
L'esprit de vertige au pouvoir.
Et qu'en devenant chauve on aime
A se coiffer d'un diadème,
Je jure ici que mon orgueil
A pour limite ce fauleuil.
Je m'y pose, simple et modeste,
Prenant ces mots pour manifeste :
Pour un an j'y suis et j'y reste !
Avions-nous tort de dire que nous retrouverions
dans l'homme mûr d'aujourd'hui les convictions de
ses jeunes années?
Nous touchons à la fm de notre tâche. La place
nous a fait défaut pour multiplier, comme nous l'au-
rions désiré, les citations. Charles Vincent a touché
à tous les genres de la chanson : politique, satire,
patriotisme, plaisanterie. Sa muse a tout célébré
avec un bonheur égal. Il aime la liberté, le travail,
l'amour, le vin, et les chante sans emphase, avec
une gaité vive et saine.
Plein d'énergie ou de tendresse, son vers, avec
des mots justes, peint des sentiments vrais. Il est
surtout original, jeune, et, sous un apparent aban-
don, d'une correction exquise. Nous donnons plus
loin, comme un très-remarquable spécimen de son
faire, le Mois où je suis né, poëme en cinq chants
sur lequel, à l'exemple de Dupont et de Nadaud,
Charles Vincent a lui-même écrit une musique à la
fois simple et savante. Il est impossible de célébrer
plus éloquemment ces inépuisables matières à
chansons: le gai soleil, l'amour fécond, le vin vieux,
l'égalité vraie, l'indépendance mâle et le patriotis-
me éclairé.
L. Henry LEGOMTE
10
LA CHANSON
LE MOIS ou JE SUIS NÉ
Musique de l'Auteur des paroles.
Alle^rello morferato
iiorp'émoutct F'ftn.flammr Sous Ir.schaiidsregnrdsduiie femme. Ça
tientaumoisoùjo suis ao. Ça ticnfauraoisoûie suis né.
Je suis né le quinze (Tavril,
Alors que le soleil superbe.
Délivré de cin(i mois d'exil,
Vient, triomphant, jouer sur l'herbe ;
Alors que déjà nous voyons
S'ouvrir la blanche pâquerette,
Et que, sous d'amoureux rayons,
La nature fait la coquette.
Je dois donc être pardonné,
Si mon cœur s'émeut et s'enflamme
Sous les chauds regards d'une femme ;
Ça tient au mois où je suis né.
En octobre on me baptisa :
Tout était chansons et louanges ;
Mais par malheur on se grisa
En voulant goûter aux vendanges.
Quand' se calmèrent les cerveaux
Mon parrain, homme respectable.
Fit serment que les vins nouveaux
Ne paraîtraient plus sur sa table.
Je dois donc être pardonné.
Si le vin vieux seul peut me plaire ;
Ça tient au serment salutaire
Du parrain que l'on m'a donné !
Pour fêter les jeunes chrétiens,
Un jour, l'Église nous rassemble.
Riches, gueux, nobles, plébéiens,
Et nous communions ensemble.
Cet exemple simple et puissant.
Où 1 : sainte égalité brille,
Prouve que, nés d'un même sang,
Nous ne faisons qu'une famille.
Je dois donc être pardonné ;
Si je ris de la noble race ;
C'est qu'en moi reste enoor la trace
De l'exemple qu'on m'a donné !
Je suis né dans Fontainebleau,
Près de la forêt qu'on admire ,
Mais près aussi de ce château
D'où croula le premier empire.
La forêt disait: Liberté!
he château disait : Servitude !
Et j'abandonnai la cité
Pour les bois et leur solitude.
Je dois donc être pardonné.
Si des palais l'or et les marbres
Me plaisent moins que les grands arbres ;
Ça tient au sol ou je suis né.
Je suis né dans ce mois heureux
Où, sous les drapeaux de la France,
Pieds nus, mais le cœur valeureux.
Tous couraient à sa délivrance.
En vain, des rois gronde l'airain :
Emportés par la foi française ,
Hoche et Moreau passent le Rhin
En entonnant la Marseillaise !
Je dois dons être i^ardonné,
Si ma muse patriotique
N'exalte que la République !
Ça tient au mois ou je suis né !
Charles Vincent.
LA CHANSON
11
NOS VIEUX CHANSONNIERS
1^ .A. XJ J O ]>f
Il l'aut avoir vu le portrait de Laujoii pour se
rendre bien coniple de cette nature heureuse et
contente d'elle et des autres. Aucune ligne ne vient
déranger l'harmonie do l'ensemble : l'œil est doux,
la bouche un peu sensuelle et modestement railleuse;
le nez quelque peu bourbonnien s'encadre bien dans
deux joues un brin rebondies et qui durent être
roses pendant les quatre-vingts ans do leur existence.
L'oreille est délicate comme celle d'une jeune fdle,
attentive et linement ourlée ; elle est ornée d'un
naïf anneau d'or, qu'une mère aimante yfllplacer,
croyant peut-être à sa nécessité pour la vue de son
lils, ou comme coquetterie, mais par tendresse
d'abord dans l'un ou l'autre cas.
Laujon passa sa vie à féliciter, à complimenter, à
bénir. Ses œuvres, si considérables soient-elles, ne
contiennent pas d'épigramme ni de reproche.
Laujon, ([ui traversa l'époque si mouvementée de
8'J à 1811, ne fit partie d'aucune coterie, ni d'aucun
jiarti politi([ue. La République avait bouleversé ses
affaires cl cependant il no lit pas un couplet contre la
République, même après le neuf thermidor, pas le plus
chétif quatrain seulementpour se prociu'erla satisfac-
tion de donner aussi son coup de pied au lyran tom-
bé. L'empire se lève, rien ! pas môme une Cantate
en l'honneur de leurs Majcslijs impériales cl royales.
Heureux homme ! que ton existence dut être
douce !
Fierre-Laujon, né à Paris le 3 janvier 1727, était
fils d'un riche pi'ocureur qui lui fit faire de très-bon-
nes études au Collège Louis-le-Grand, et qui avait
espéré que son fils ferait un jour un procureur ou
tout au moins un avocat. Il n'en devait pas être ainsi.
A dix-huit ans Laujon avait déjà composé une pièce
de théâtre tirée des pastorales de Longus:
Dapbnis cl Cliloé. Onparlait lantde cette petite ueuvre
dans le monde litléraire que le bruit on vint aux oreilles
de la cour ; madame île Fompadour, qui s'occupait de
belles-lettres àses heures, trouva la chose charmante
etlesBernis,lesNivernois, les d'Ayens et autres cour-
tisans d'alors firent chorus : c'était une réputation
établie. Lo comte de Clormont vit le jeune poète, il
lui plut ; il l'installa dans sa maison avec le titi'o de
secrétaire de sou cabinet, et bientôt de secrétaire
de ses commendernents. Ces emplois fort lucratifs
laissaient à Laujon beaucoup de temps qu'il consa-
crait à confectionnerdes fêles. Onnommaitainsides
petites scènes lyriques adaptées à toutes sortes de
cérémonies et dont les acteurs étaient toujours des
jjersonnagcs de haut rang qui trouvaient charmant
de se faire peuple pour un moment, en représentant
des types de jardiniers ou de paysans quelconques,
qui chantaient toujours la louange de leurs seigneurs
et maîtres dans un langage baroque et riclicule.
Les dits seigneurs s'amusaient beaucoup de ce lan-
gage, et par contre se distribuaient ainsi leur éloge à
eux-mêmes.
Il y a de ces l'êtes qui sont très-longues et en les
lisant on se sont tout disposé à plaindre ceux qui en
étaient les héros !
Lors de la guerre de sept ans, Laujon suivit le
comte de Clermont en Allemagne en qualité de com-
missaire des guerres; il ignora toujours en quoi
consistaient ses fonctions, mais il n'en fut pas moins
décoré de la croix de St-Louis.
A la mort du comte de Clermont, arrivée en 1770,
Laujon passa, tout naturellement, comme un objet
mobilier dans la maison du prince de Condé héritier
du comte, devint secrétaire des commandements
du duc de Bourbon et continua son rôle de directeur
des fêtes de ce prince ou de bénisseur perpétuel à
Chantilly.
Laujon, d'une nature très-active, avait en même
temps produit une grande quantité de pièces repré-
sentées sur les différents théâtres de la capitale et
sur ceux de la cour. L' Amoureux de quinze ans, "pié-
cette ingénieuse avait eu beaucoup de retentisse-
ment ; le Couvent avait été remarqué comme origina-
lité, c'est une pièce sans homme. Mais c'est surtout
comme chansonnier que Laujon s'était acquis une
vraie réputation.
Aussi fréquentait-il assidumenttoutes les réunions
chantantes d'alors ; presque toutes ses chansons
couraient parla ville après avoir passé par les salons.
Toujours seule disait I\ina, Les matines de Cylhè-
ros, Le chai perdu, Je vous prêterai mon maneJion,
Le calendrier des Cocus, Leroulier et vingt autres,
sont autant de succès ; il y a dans toutes ces œuvres
légères, une grande facilité, de la rondeur et souvent
de la verve. Elles ne sont pas toujours d'une mora-
lité sans reproches mais... chansons, chansons!
Laujon est le trait d'union entre l'ancien Caveau
oi!i il fil entendre ses premiers refrains, et le Caveau
moderne ; sa longue carrière lui permit de tutoyer
Firon et de serrer la main à Désaugicrs. — La révo-
lution fit perdre à Laujon une grande partie de sa
fortune, il s'en consola sans perdre sabonnehumeur.
Un l'ève avait traversé une grande partie de son
existence: être de l'académie! trente ans durant, sa
candidature fut en permanence.
Un jour, enfin! à la mort de Fortalès en 1807, le
secrétaire après avoir énuméré les différents candi-
dats au fauteuil vacant, dit : puis nous avons, vous
le savez, M. Laujon ; il a 80 ans, nous savons où il
va, laissons-le passer par l'académie, il y a urgence.
— et Laujon fut nommé : c'était un prix de persé-
vérance.
Il mourut en 1811, le 13 juillet, en bon petit bour-
geois du marais, rue SI Anaslase ; il était alors prési-
dent du Caveau moderne. Aussi sa mort fut-elle
chantée sur tous les airs. — Le chevalier de Fiis,
Armand Gouffé, Désaugiers, témoignèrent des plus
sincères regrets.
Le 2 décembre suivant on jouait au Vaudeville:
Laujon de retour à l'ancien Caveau, vaudeville en
1 acte par les convives du Caveau moderne; et cet
opuscule obtenait un gentil succès : les personnages
sont Laujon, Fanard, Favart, Vadé, Collé, etc.
Cela nous prouve qu'il y avait alors un public qui
s'intéressait à la chanson et aux chansonniers — ce
public était dû au Caveau moderne, qui venait de
réveiller en France, de par la verve endiablée de ses
refrains, l'amour de la chanson !
Eugène Baillet.
Cette notice est extraite de l'Anthologie de la chanson fran-
çaise, depuis le i8° siècle jusqu'à nos jours, avec notes et
notice par Eugène Baillet, 2 forts volumes in-18, que publiera
prochainement la librairie Patay.
12
LA CHANSON
CHANSONS, CHANSONS!
Chaque mois nous publierons sous ce titre des
nouvelles ou des chroniques se rattachant à la chan-
son, voire même aux cafés-concerts. Tout ce qui
sera dit ici le sera de la meilleure foi du monde ;
pas de parti pris, pas d'école, pas d'église, nous
serons aussi bien bienveillants que possible, ce-
pendant, si quelquefois Ah! dam! si on le mé-
rite I
Bonne nouvelle ! les habitants de Choisy-le-Roi
ont pris l'initiative d'une souscription pour élever
une statue à l'immortel auteur de la Marseillaise
qui mourut en 1836 dans cette gentille campagne :
c'est Justice! que nous importent les défaillances de
Rouget de l'Isle. Habituons-nous à juger les hom-
mes par ce qu'ils ont de grand. Il a conduit à la
victoire les armées républicaines du Rhin, de Sam-
bre-et-Meuse et les autres, car nos soldats alors
n'avaient pas pour vaincre des engins de mort per-
fectionnés, mais ils avaient dans le cœur l'amour
de la patrie et pour général la Marseillaise. Vous
tous qui avez frissonné de patriotisme en l'écoutant,
portez votre offrande au comité de Choisy.
L'éditeur Denlu vient de mettre en vente : 3Ié-
moires d'un vieux chansonnicv Saint-Simonien, par
Vinçard aine.
Ce vieux chansonnier a 80 ans bien sonnés — il
n'en est pas moins vigoureux de corps et d'esprit. —
Son livre est écrit sans prétention et contient des
faits très-importants pour l'histoire de la chanson ;
nous y reviendrons.
Pour l'exposition, les concerts, comme les thécâ-
tres, vont nous présenter ce qu'ils ont de mieux, les
pièces à effet, et les artistes à succès. Aussi le
Concert Parisien annonce-t-il madame Bordas pour
le 1"'' juin. La célèbre chanteuse populaire, pres-
que la seule qui chante encore des chansons, fera
sa rentrée avec des œuvres nouvelles ; on dit le
plus grand bien de l'une d'elle qui a pour refrain :
La France ouvre ses mains, peuples, tendez les vôtres.
Que la guerre pour tous soit un épouvantait;
Partout l'humanité possède des apôtres :
Soyons unis par Dieu, l'amour et le travail!
La librairie Charpentier vient de mettre en vente :
Parfums, chants et couleurs, poésies par Gustave
Mathieu, mort comme il mettait la dernière main
aux épreuves de son livre. Nous ne partageons pas
l'enthousiasme immodéré qu'inspirait à ses amis le
chantre de Jean-Raisin ; dans notre prochain nu-
méro, nous pubherons un article bibliographique et
nécrologique à ce sujet.
La répartition du trimestre d'avril, de la Société
des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
était de 1 25472 f .25 c. Il y a un certain nombre d'auteurs
qui touchent de vingt à cent francs par trimes-
tre, d'autres plus, d'autres moins, cela varie selon
le travail et le succès. Mais, ce qui me paraît laisser
à désirer, c'est que plus les auteurs travaillent et
plus l'agent général gagne: il a touché pour sa der-
nière année la modique somme de 28,086 fr. 55 c.
C'est-à-dire, beaucoup plus, que n'importe lequel
des sociétaires. — Faites-vous donc un nom dans
les arts, risquez donc votre tête dans la politique
pour arriver au titre de sénateur de l'empire afin de
voir s'accomplir le beau rêve des trente mille francs
par ans, vous voyez qu'il y a des sentiers bien plus
doux pour arriver à ce résultat : 30,000 ! cette an-
née d'exposition, monsieur Roliot les dépassera!
Robert Garnier.
Le mercredi 3 avril, rue de Bretagne, 49, il y avait
soirée au bénéfice de ri. Denaujanes, chansonnier et
musicien; cette soirée à laquelle un grand nombre
d'auteurs et de chanteurs ont prêté leur concours
concordait, malheureusement , avec le diner de la
Lice Chansonnière, ce qui justifiait l'absence de
plusieurs de ses membres qui avaient promis leur
concours : en somme, bonne soirée pour le bénéfi-
ciaire, et agréable pour les assistants.
Grâce à l'infatigable initiative de Noël Mouret.
pour perpétuer la mémoire des chansonniers morts,
un groupe d'amis, malgré le mauvais temps , se sont
réunis le jeudi 11 avril, rue Vieille-du-TempIe,
104, chez l'ami Collignon, pour célébrer exclusive-
ment par des chansons de Charle Gille le 22"^ an-
niversaire de la mort de ce chansonnier. Dans l'œu-
vre de Gillss, on n'a que l'embarras du choix, pour
trouver de belles et bonnes choses : Gille restera
une des gloires de la chanson moderne.
■Jeudi 9 mai, aura lieu chez Collignon une soirée
à la mémoire du chansonnier Victor Rabineau.
A. P.
Le directeur-Gérant A. PATAY
735. -- Poitiers, typ. .1. Ressayre. — Paris, ue d'Aboutir.
LA CHANSON
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ment à l'administrateur A. Patay.
Nous réservons la couverture ■ de notre re-
vue aux annonces - spéciales, librairie, arts ,
musique, sciences, photographies, etc., etc.
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s'adresser :
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JUIN 1878.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
RUE BONAPARTE, 18
PARIS
Le Numéro : 30 cent.
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
ï-.^^
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois . . 2 îr.
Départ^, 6 mois . .' 12 50
Etranger, 6 mois . 3 »
Oa no reçoit qoo des abonnements de
Directeur -Gérant
A. PATAY
\^ REVUE MENSUELLE "< 1/
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRiaUES
Rédacteur en chef : L.- Henry LE COMTE
SOMMAIRE DU
NUMERO
Lettre de Victor Hugo. — Banquet du Caveau (kuo. imbebt). — Banquet
de la Lice Chansonnière (L.-HENnv lecouti;). —Concert des Enfants de
Baccluis (ARTHim d.naux. — Un coin de la Suisse (hippolyte demaniit). —
A/on Vieux Paris (claibvilleI. — Chant Printanier (eug. imdert). — La
Fvte du Travail (e. chedroux). — Ma Belle-Mère (j.-b. bobixot). — La
dernière Fleur (eog. baillit . — Chanson d'amour (l.-j. béûb). — Gale-
rie des Chansonniers: Edouard Hachin (l. hexby lecomtkJ. — Le Patron
qui s'éveille (a. de lyne).— Circulez! (uoxtariol.). — Le Mois Biblio-
graphique {EvaksE baillet). — Chansons, Chansons (robert garnier.) —
j^iste des Sociétés Lyriques.
iJe ^uméro contient une lettre inédite de Victor M^go.
VENTE EN GROS RT AU NUMÉRO
LIBRAIRIIE ANCIENNE ET MODERN
A. PATAY
18. RUE BONAPARTE, 18
PARIS
LA CHANSON
La Chanson, cette incarnation toujours nouvelle
el toujours diverse de l'esprit français, n'a pas d'or-
gane.
Nous venons combler cette lacune regrettable en
créant plus qu'un journal — une revue complète,
spécialement consacrée à ceux qui chantent ou l'ont
chanter.
Sous ce titre: la Ch.\nson, paraîtra tous les mois
rme livraison de 12 pages in-4°, à deux colonnes, oii
s'écrira l'histoire ancienne et moderne de la chanson
et des chansonniers. Une couverture-annonce
garantira chaque numéro ; la paç-ination sera suivie
et nous donnerons, à la lin de l'îiiinée, le titre et la
table nécessaires pour la réunion en volume.
La Chanson publiera les comptes rendus des ban-
quets mensuels du Caveau, de la Lice Chansonnière,
du Pol-aa-teii et des diverses sociétés lyriques.
Nous préparerons ainsi à l'historien futur des
muses populaires les matériaux d'un livre original
et varié. — Ti'ouveront également place dans notre
revue la biographie et le portrait des chansonniers
vivants ou disparus, nombre de chansons peu con-
nues ou inédites, une bibliographie raisonnée, le
programme des concours lyriques, l'annonce des
soirées chantantes extraordinaires on à bonélice, enlin
une chronique sincère des cales-concerts et des
théâtres parisiens;
Pour mener à bien leur entreprise, les fondateurs
de LA Chanson s'adressent à tous :
Aux Clmnsonniersde Paris cl 'Je la province d'a-
bord. Nous les prions ici de nous faire parvenir
leurs adhésions, leurs abonnements, les rétlexions
que noire ]jublicalion leur pourrait suggérci', un
exemplaire au moins de leurs œuvres imprimées,
les meilleures de leurs chansons inédites et des
notes suffisantes pour fournir matière, au besoin, à
d'intéressantes et véridiques études biographiques.
Aux Editeurs de Paris el des déparlemenls qui
publient des ouvrages se rattachant à l'objet de
notre revue, nous disons qu'une place sera toujours
1 éservée aux comptes-rendus des œuvres dont ils
nous adresseront deux exemplaires, et nous les
invitons à nous envoyei' même les moindres pla-
quettes.
Semblable avis aux Editeurs deMusique, — et pré-
venons tous les intéressés que les couvertures de la
(JHANSoN sei-oiiL exclusivement réservées aux annon-
ces de libraii'ie el de musique à des prix très-mo-
dérés.
Aux Musiciens. — Nous prenons nos mesures
pour donner à l'avenir une place à la musique
dans notre revue ; nous prions donc dès aujour-
d'hui les jeunes compositeurs de nous adresser
leurs œuvres, et surtout de mettre en musique les
chansons inédites que nous publierons.il y aura de
la sorte ra[)prochement amical entre paroliers et
compositeurs inconnus, et peut-être en résultera-t-il
quek|ues o'uvres à grand succès.
Aux Bihliograpiies et aux Amateurs. — Nous
accueillerons avec reconnaissance les documents
peu connus ou inédits qu'ils voudront bien nous
offrir ; nous leur demandons de guider nos recher-
ches et de nous indiquer les sources de rensei-
gnements incontestables.
Aux Présidents des Sociétés Lyriques. — Nous
les invitons à nous adresser, dans le plus bref délai,
les noms des réunions qu'ils président, l'indication
des sièges sociaux et des jours de tenues, et nous
les prions instamment d'assurer l'exactitude de nos
informations en désignant, dans chaque société, un
délégué chargé de correspondre avec notre publi-
cation et d'en faire apprécier le but.
• Nous voulons le succès d'une œuvre entreprise
dans le but louable de défendre les réputations jus-
tement ac([uises et d'assurer aux talents inconnus
une large place au soleil fécondant de la publicité ;
aussi désirons-nous sincèrement être obligés, après
le premier semestre, de paraître tous les quinze
jours.
Les auteurs désireux de posséder un cerlam
nombre d'exemplaires des numéros contenant leurs
œuvres, seront priés de nous en informer à l'avance,
alla ([ue nous puissions exactement fixer notre
tirage ; ces numéros leur seront cédés aux prix
de libraire. Bien entendu, il ne sera pas indis-
pensable de prendre des numéros ni même d'être
abonné pour collaborer à notre revue ; le comité de
rédaction sera souverain pour admettre ou rejeter les
pièces proposées.
Tout ce qui concerne la rédaction devraètre adres-
sé franco au Rédacteur en Chef; ce qui concerne
l'administration, l'abonnement et les annonces au
Directeur-Gérant. — Les lettres ou paquets non af-
franchis seront rigoureusenient refusés. — Toute
lettre exigeant une réponse devra être accompa-
gnée d'un timbre-poste.
Un numéro d'essai sera envoyé à toute personne
qui en fera la demande par lettre affranchie, accom-
pagnée de 30 centimes en timbre-poste.
Le Directeur-Gérant : A PA TA Y
BULLETIN D'ABONNEMENT
A ENVOYER FRANCO, ACCOMPAGNÉ D'UN MANDAT-POSTE*
Paris : 2 fr.. Départements, 2 fr. 50, Etranger, 3 fr.
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déclare ni abonner- pour six mois h la Revue LA CHANSON.
s,cNATUl:.;(àsil,lo)
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l.rs limlircs-iioslc ne seront pns acceptés. Par renvoi (lu moulant de l'abonnement on évite les frais de recouvrement (|ni s
■se de l'abonné, l.e talon de la poste sert de (|uillance.
ni h
LA CHANSON
13
M. L. -Henry Lecomte ayant faithommage à
Victor Hugo du premier numéro de la Chan-
son, a reçu de l'éminent écrivain la lettre sui-
vante:
Paris, le 20 Mai.
Mon cher Confrère,
Xa "€J)an6on est une forme ailée et
cljarmante de la pensée ; le couplet est le
gracieux frère de la stroplje ; nous sommes
de la même famille.
je vous envoie mes vœux de succès,
avec mon plus cordial serrement de main.
VICTOR HUGO
La Chanson publie avec llorté ces lignes ai
niables du Maître.
Elle est lieureuse aussi des sympalhies mul-
tipliées qui, dans la gent chansonnière et dans
le public, ont accueilli son apparition. Elles lui
seront un encouragement à poursiiivi'O ce dou-
ble but : re.\.altation des hommes de talent et
désœuvrés saines, la cri tique sévère desineplics
et des immoralités.
La Chanson, pour remercier ses amis con-
nus et inconnus, leur offrira, le mois prochain,
une livraison tout e.\.ceplionnelle.
L'annivei'saire funè))re de LiÉn.iNGEu se pla-
çant en juillet, le numéro 3 de la Chanson
sera consacre à la mémoire du plus grand des
chansonniers français.
Etudiant d'une façon neuve Béuanc.kii, comme
poète, comme auteur ch-amatique et comme
honnne privé , le numéro spécial de lu Chan-
son aura cet attrait puissant de contenir
plusieurs détails biographiques inconnus, et
nombre de couplets et de versinéditsde l'immor-
tel chantre des amours et des gloires nationales.
Nous invitons les auteui-s qui voudraient
contribuer à l'éloge de Béu.\nger à se mettre de
suite à l'œuvre ; poésies ou chansons devront
nous élrc adressées avant le '15 juin.
Le numéro spécial de la Chanson sera le
complément inthspensable de toutes les biogra-
phies publiées sur BlranCtER, car il révélera
l'exislcnce de productions ignorées, dignes ce-
pentlaut de la plus éclatante publicité.
l 'cuir. ivcrsaire de Biîraxgiîr sera dignement
celé ;ré par l'apcthcose que nous préparons.
A PATAY.
SOCIÉTÉ LYRIQUE k LITTÉRAIHE DU CAVEAU
BANQUET DU 3 MAI 1878
II est difficile, en parlant plusieurs fois de suite
des banquets du Caveau, d'éviter les redites. L'es-
prit, la gaieté, une douce philosophie, çà et là un
scepticisme un peu trop marqué, voilà ce qu'on est
sûr de retrouver dans les productions qui s'y inter-
prêtent.
Je parlais, à propos du banquet précédent, des
principales sources d'inspiration auxquelles pui-
sent les membres de l'aimable compagnie. Il ont
aussi recours volontiers à une forme commode
de la chanson presque improvisée : c'est le tiroir,
sorte de passe-partout à plusieurs compartiments,
dont chacun encadre un sujet différent. Le tout se
relie par un refrain commun. MM. Echalié, Grange,
Jullien, Montariol, Poulain, Vergeron, ont, au der-
nier banquet, adopté ce genre, qui, tout facile qu'il
paraît, ne laisse pas d'exiger beaucoup de goût.
il a le mérite d'offrir de la variété, mais il faut,
quel que soit le sujet, que le refrain soit amené
naturellement et sans effort.
C'est un travail de romains; cette chute s'applique
on ne peut mieux au succès d'une pièee de théâtre,
et l'auteur n'a pas manqué son couiilet. DanslaP7u-
we au vent, M. Grange s'abandonne à cette raillerie
desséchante que je signalais dans sa Rengaine de
l'autre mois. Les rêves du poëte, l'espoir des peu-
ples, la vertu des tribuns et des rosières, tout, à l'en
croire, s'envole comme la plume au vent. 11 est dif-
ficile de mettre plus d'esprit au service d'une thèse
moins consolante. Carpenlras, Circulez, messieurs,
circule/. ! Tâler le terrain, Parlons d'autre cbo--se : ces
morceaux ont fait grand plaisir. Tàler le terrain, de
M. Poulain, est bien un peu 7'éac; mais, après boire,
cela ne lire pas à conséquence.
M. Garraud, l'artiste aimé du Théâtre Français, a
repris poétiquement, sous le titre deAia dernicremai-
tresse, un sujet cher au père Trinquefort :
C'est une brune magnifiiiLic.
L'énigme, bien développée, a pour mot Douleillo,
et on le chuchotait d'avance autour de moi. Excel-
lente interprétation, en outre.
C'est aussi un vieux thème rajeuni que la chanson
de M. Fénée : rJ'veux divorcer ! tel est le cri des
époux malheureux en ménage. Il rappelle, sans idée
de plagiat, A" le marie pas, Tu n's'ras pan longtemps
mes amours, et autres aménités inter conjugales.
Reviens, Chanson est dans une autre gamme ; c'est
le refrain de Bèranger : Vous n'êtes plus Lisette,
appliqué à la chanson elle-même, maîtresse dont on
se plaint sans cesse et qu'on courtise toujours.
Les visiteurs chantants sontrares : est-ce timidité?
M. Hervieu nous fait partager les doutes d'un voya-
geur: Est-ce une grande dame ? Et-ce une Cocotte ?
Telles sont les questions qu'il se pose devant une
femme rencontrée par lui dans les hôtels, aux eaux,
que sais-je ! L'enfant — sanspère — décide la ques-
tion
M. Granger ne s'est pas lancé dans la vie mo-
derne. 11 chante les fleurs. 11 me semblait, en l'écou-
tant, entendre comme un écho Ael'Almanach des rjrL-
14
LA CHANSON
ces, et, dans l'obscurité du fond de la salle, j'entre-
voyais l'ombre de Dorât souriant.
Une chanson d'actualité, c'est celle de Rubois, le
Candidat conservateur. Après tant de succès passés,
quelle déchéance pour le candidat, quand cesse de
souffler pour lui lèvent officiel ! Il avait tout, le pré-
fet, le clergé, le bagout : il ne lui manque que l'élec-
teur.
Ij' Exposition, encore un sujet actuel, s'il en fût,
a inspiré trois chansons. L'une, élevée, généreuse,
est plutôt un hymne qu'une chanson proprement
dite, hymne au travail, au progrès, à la fraternité
des peuples. On y reconnaît le cœur chaud et l'ac-
cent vibrant de Vincent, le poète populaire.
Une seconde, dont je voudrais n'avoir pas à par-
ler, mérite toutefois, par sa forme heureuse, de n'ê-
tre pas omise. L'auteur, à mes yeux, a le tort de
s'attacher à vanter le passé au détriment du présent.
Rien, suivant lui, de ce qui se fait aujourd'hui, ne
vaut ce qui se faisait autrefois, et le monde, à l'en
croire, recule sans cesse. Je n'ai pas à redresser cette
tendance, et me borne à la constater sans enthou-
siasme. Que M. Jules Petit, grand admirateur d'Ho-
race, me pardonne ma remarque. Son auteur favori
l'a dit :
Fiet Aristarchus...
et c'est mon rôle en ce moment.
Une troisième enfin a traité, dans le genre comi-
que, les petits ennuis qui résultent, pour un pauvre
parisien bien éloigné d'être millionnaire, de l'inva-
sion d'étrangers que provoque la grande solennité
du jour. On a surtout applaudi ce couplet :
Tous les légum' font grèv' par bottes.
Pouvait-on prévoir c'résultat,
Qu' nous aurions diselt' de carottes
Dans r pays qui les inventa?
et celui-ci, au sujet de l'élévation momentanée des
petits traitements :
Aux employés la m'sur' doit plaire ;
Ils s' ront contents, j'n'en peux douter;
Mais moi qui suis surnuméraire,
Comment f'ra-t-onpour m'augmenter?
M. Clairville, lui, ne dédaigne pas l'actualité,
mais il y apporte l'esprit frondeur et un peu déni-
grant que je signalais tout à l'heure. Le Centenaire
de Voltaire, tel est son sujet.
Lepoëte,sousle péristyle de la Comédie-Française,
s'étonne des honneurs qu'on lui prépare. « Je ne sa-
vais pas, dit-il, être si répubhcain : j'ai fait le cour-
tisan, le flatteur, le valet ; j'ai trouvé bons, même
les vers du grand Frédéric ; j'ai sali dans un igno-
ble pamphlet la mémoire de la Pucelle.» Vous vous
étonnerez peut-être d'entendre ces aveux mis dans
la bouche même du vieil Arouet, alors que son ma-
lin interprète oublie de citer et Sirven et Galas et la
Bastille. Mais quoi ? c'est un article de 7' Univers mis
en vaudeville. Beaucoup d'esprit et autant d'injus-
tice.
Le vénérable M. Lesueur tonne contre le public,
qu'il traite de jobard. Il a pu juger, aux applaudis-
sements qui ont accueilli sa spirituelle boutade, que
le public du Caveau mérite une exception.
Nadaud, un maître, terminera ce compte-rendu,
comme il a terminé la séance. Il a payé son écot
par deux chansons de caractères fort différents. Vous
n'êtes pas vieux, grand père, sujet plein de délica-
tesse et de grâce. Est-on vieux, quand on aime et
qu'on ei^l aimé ? Puis, pour le bouquet, le Bain des
Auvei-gnats, avecce Tehain:
Le plus di'ôle des charbonniers,
C'est Gliristophe, dit Sacs-Souliers.
J'oubliais le toast. Vincent ne l'a pas oublié : le
printemps — ce renouveau des âmes et des bois —
lui a inspiré quelques vers chaleureusement pensés
et vivement applaudis.
EuG. IMBERT
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 1" MAI 1878
Paris, ce jour-là, célébrait l'ouverture de l'Expo-
sition en s'ofirant à lui-même une fête joyeuse. Cette
manifestation patriotique et spontanée a nui, comme
il fallait s'y attendre, au banquet des Licéens ; mais,
pour être peu nombreuse, la réunion n'en a pas été
moins gaie.
En l'absence du Président, le vice-président Che-
broux, traduisant, au moment consacré, le sentiment
général, a improvisé un toast' chaleureusement ac-
cueilli, et que son peu d'étendue nous permet de
reproduire en entier :
Dans les yeux du bonheur, dans les airs le printemps; |
De doux mots fraternels expirant sur la lèvre ; I
Dans tous les cœurs en joie une amoureuse fièvre, 'I
Comme s'ils n'avaient tous aujourd'hui que vingt ans ; "
Des fleurs et des drapeaux semés dans chaque rue ;
La foule s'écoulant paisible, heureuse, émue ;
Voilà ce que jai vu, marchant vers ce Palais,
Elevé pour l'amour, le travail et la paix !
Aussi, voulant marquer d'un vers patriotique.
Un jour où tous les cœurs battent à l'unisson,
Je vous propose, amis, au nom de la chanson,
De boire à la République !
Il était naturel qu'on entendit à la Lice plus d'un
écho de l'émotion populaire qui régnait au dehors ;
aussi M. Jouy, qu'on venait de recevoir sociétaire,
a-t-il, après sa chanson de réception, célébré la
solennité du jour en quelques' vers bien frappés.
Puis, au hasard de l'inscription, les chants se sont
succédés, coupés d'applaudissements.
M. Chebroux, qui vient de retremper sa verve aux
sources vives du pays natal, exalte poétiquement
les Rives du Clain ; M. Flachat fils, après avoir de-
mandé à une certaine Elisa de l'aimer un peu, beau-
coup, passionnément, s'aperçoit que la belle ne l'ac-
cueille pas du tout, et met ses invocations et son
dépit en quatre jolis couplets ; M. Quesnel tantôt se
plaint, tantôt se féhcite d'être Entre les deux;
M. Flachat père, avec une voix superbe encore,
chante le Piquillo de Darcier , le compositeur po-
pulaire, présent à la réunion, mais que l'on ne de-
vait pas entendre; M. Echalié raconte 7es Pro-
menades, justement louées dans notre précédent
numéro ; M. Hachin adresse à un Pierrot une
supplique que j'apprécie plus loin ; M. Pingray, ,
au nom de M. Poulain, jure de ne plus tva-
LA CHANSON
15
vailler; M. Rubois portraiture /es Nounous;M. A.
de Lyne énuraère ce qui n'est pas embarrassant ;
M. Théolier mêle un peu de prose à toutes ces
rimes ; enfin Jules Jeannin traduit en couplets la
mauvaise humeur de Dieu qu'impatientent les plaintes
humaines.
Tout cela, je dois le dire, était écoulé par des
oreilles un peu distraites. La nuit venue, la fête
parisienne avait pris des allures bruyantes . A chaque
instant la détonation d'un pétard troublait les chan-
teurs et faisait involontairement sourire l'auditoire.
Le président de la Lice, appréciant intelligemment la
situation, leva la séance avant l'heure accoutumée,
et chacun alla jouir du magique coup-d'œil d'une
illumination générale, trouvant, à part soi, que la
clameur immense d'un peuple ardent aux pacifiques
luttes du travail et du progrès valait la meilleure
des chansons.
L.-Henry LECOMTE.
LE PASSÉ DE LA CHANSON
CONCERT DES ENFANTS DE BACCHUS
Le Concert des Enfants de Baccbus est une asso-
ciation de chanteurs et de buveurs qui a peut-être
donné l'idée del'instilulion du premier Caveau:
Il existait sous Louis XIII et florissaiten 1630. Il
reste peu de souvenirs de celte société bachique
et chantante; cependant on connaît deux petits
recueils, très-rares et très-recherchés, des éluculjra-
tionsde ces joyeux buveurs; on les trouve à la suite
des deux parties du volume intitulé : Le Parnasse dos
Muses, ou Recueil des plus belles chansons à danser,
auquel est adiousté le Concert des Enl'anls de LSae-
chus, dédié à leurs rouges trognes. A Paris, Char-
lesllulpeau, 1630, pet. in-12, frontispice gravé.
A la fin du Parnasse des Muses on trouve le Con-
cert des Enfants de Bacchus assemblez avec ses
Bacchantes, pour raisonner, au son des pots et des
verres, les plus beaux verset chansons à sa louange,
composez par les meilleurs buveurs et sacrificateurs
de Bacchus. 81 pages, 2 ff. de table. — Le second tome
du Concert des Enfants de Bacchus, augmenté nou-
vellement du premier volume, 136 pp. 1 ff. de table
et 1 blanc.
La mention des Bacchantes assemblées avec les
Enfants de Bacchus, pour raisonner au son des pots
et des verres, etc. , indique assez que l'association
dont nous parlons admettait des dames dans son
sein; et, comme les convives étaient choisis parmi
lesmeilleuvs sacrificateurs de Bacchus, on doit sup-
poser qu'à la fin de la séance, au lieu de raisonner,
ainsi que le dit le titre du recueil des chansons, on
déraisonnait à qui mieux mieux; peut-être faisait-on
encore pis.
Le Pai'uasse des Muses à été réimprimé à 106 ex-
emplaires en 1864, à Bruxelles, chez A. Mertens et
flls, in-18. Le Concert des Enfants de Bacchus oc-
cupe 99 pages ; il se compose de 57 chansons. En
tête, on trouve une adresse aux Enfants :
ï Compagnons, il me semble qu'après avoir donné
du contentement aux dames, il est aucunement rai-
sonnable de s'en donner à soy-mesme. Et comme
nous sommes tous enfants d'un si bon père, nous
serions bien dénaturés si nous ne luy faisions parois-
tre le ressentiment des obligations que nous luy
avons.
a. Nous devons, en reconnaissance de ses bienfaits,
chanter publiquement ses louanges, c'est-à-dire
n'entrer jamais aux lieux oîi l'on célèbre sa feste
qu'avec un ferme propos de ne boire jamais plus de
trois verres de vin sans dire quelque cantiques en
son honneur. Surtout que la discorde n'entre jamais
en l'esprit des frères mais bien de rire tous unani-
mement en paix, afin que le tout serve à la gloire
du père et au contentement des enfants. »
Arthur DINAUX. (1)
UN COIN DE LA SUISSSE
(L'OBERLAND)
Air da Voyage aérien (Gustave Nadaud).
Sous les baisers d'un ciel content
On voit les fleijrs grandes ouvertes ;
Vaches et bœufs s'en vont broutant
Sur des montagnes toujours vertes ;
Chaque vieillard en son chùlet
Guide l'cnfanoe aux lois bénies;
Les femmes font prendre le lait
Au saint concert des voi.\ unies.
Le cœur par là n'est pas troublé...
Jamais de lutte... on rit, on s'aime!
Le sol, pour tous, produit du blé
Que chacun herse, ou bal, ou sème ;
L'oiseau qui laisse en paix son nid,
Dans les sillons glane et ohausonne,
Et le seigneur, que tout bénit,
Donne au centuple à qui moissonne.
Quand le soleil a fait son tour,
Les pâtres, hors de leurs cachettes,
Entonnent le chant du retour
Au timbre de mille clochettes;
Au premier feu qui point le soir.
Quand la lumière s'est voilée,
Le chant ainsi qu'un gai bonsoir
S'élève en chœm' de la vallée.
Le dimanche, en guise d'appeau,
Quand le hautbois joue en famille,
Le bon pasteur, de son troupeau,
Guide les jeux sous la charmille ;
Sur un gazon, d'heureux couvert,
Le flot danseur va comme l'onde.
On voit sauter, sous l'orme vert,
Et tète blanche et tresse blonde.
Il n'est par là que peu d'argent ;
Santé, bonheur passent fortune !
Il n'est dès lors nul indigent ! . . .
Le bien pour tous ! la règle est une !
Pas de valet, pas de rentier,
An travail libre on s'associe;
Uieu, pour exemple au monde entier,
Donne ce coin de l'Helvètie.
HippoLYTE DEMANET,
Membre honoraire de la Lice Chansonnière
(l)Gettenotioe est extraite du très-curieux ouvragede
M.Arthur DiNAUx, les Sociétés badines,haclnques, chan-
16
LA CHANSON
MON VIEUX PARIS
Air : .^022 Jicet omnibus adira Coi'inilmm.
Dans ce siècle efîi-ayaiit, où les locoraoUves
Brisent, en se brisant, ceux qui, pour tout briser.
Tout voir, tout conquérir, parlent pour d'autre rives,
Certains de les soumetli-e ou d'y fraternise)' ;
Moi, seul à mon bureau, tout près de ma fenêtre.
Je vois passer les fous, dont tout bas je me ris ;
Et, pensant au Paris qui jadis m'a vu naître,
Je regrette mon vieux et tranquille Paris.
Paris était borné, déjà très-grande ville,
Pai' Montparnasse au sud et par Montmarire au noi'd,
A l'ouest par feu Beaujon, à l'est par Bclleville;
Nos milliers d'omnibus n'existaient pas encor.
A marcher, à courir, plus lestes, plus ingambes,
Alors les Parisiens n'avaient pas désappris;
Et, pour se porter mieux, se portant sur leurs jambes,
Gaiment c'était à pied qu'ils Iravei'saient Paris.
La griselte régnait, sans rêver -d'un voyage
Aux bains de mer, àBade, en Suisse, — a moins de frais;
Pour aller en coucou roucouler sous l'ombrage,
Nous avions Romainville et les Prés Saint-Gervais.
Aux yeux de l'innocente et naïve ouvrière,
Sans que moins de baisers en route fussent pris,
On passait la frontière en passant la barrière;
Car c'était voyager que sortir de Paris.
Les cœurs étaient aimants, les estomacs faciles ;
Lise n'osait encor faire sa Paméla ;
Le long des boulevards, que de tendres idylles!...
Pour séduire une belle, en cet heureux temps- là,
11 ne nous fallait pas commander chez Vachette,
Homard, truffes, Champagne, ortolans ou perdrix ;
Pour un sac de marrons, pour deux sous de galette,
On était, de mon temps, adoré dans Paris.
Sans nous agiter tant, sans vouloir des miracles,
Sans courir, au hasard, par des chemins obscurs.
Nous avions nos plaisirs, nos amours, nos spectacles.
Tout cela réuni, renfermé dans nos murs.
Mais on fit des palais déplus d'une masure,
Et nous vîmes partout, à nos regards surpris,
Le chemin du bonheur se fermer, à mesure.
Que plus grandes s'ouvraient les portes de Paris.
Bref, ce sont nos progrès que pour nous je redoute ;
Et j'entends répéter, on me disait hier.
Que la mer à Paris arrivera sans doute ;
Je croyais que Paris s'en allait à la mer.
Donc nous vîmes en vain Rome, Athènes, Carthage,
Sombrer sous les travaux, par elles entrepris.
Est-ce donc pour aller au-devant du naufrage,
Que j'entends reparler de la mer à Paris.
GLAIRYILLE.
Membre titulaire du Caveau.
'■anles et liltéraires, ouvrage poslhume, revu et classé
par G. Brunet, 2 beaux vol. in-8 avec portrait à l'eau-
forte a dessiné et gravé par G. Staal, prix net, à notre
Ij rairie 1 fr,50, au lieu de 1-4 fr. prix de l'éditeur,
li
CHAN-
PRINTANIER
Air à faire.
Sur la feirc tout est caresse.
Voyez dans le ciel bleu les nuages flottants
De l'espoir et de l'allégresse :
Voici le printemps.
C'est' le printemps, fête éternelle
Aux vieux refrains toujours nouveaux.
Il fait éclore sous son aile
Et l3 courage et les travaux
Un sang vermeil se précipite
Dans les coeurs figés par l'hiver.
'i'out renait, respire et palpite ;
Tout se dégèle, tout est vert.
Sur la'lerre tout est caresse, etc.
Déjà dans sa course rapide
L'hirondelle rase le sol.
Les arbres sur la globe humide
Etendent leur grand parasol.
C'est le renouveau qui se lève.
Femmes et fleurs et papillons
S'enivrent d'une forle sève
Aux parfums montant des sillons.
Sur la terre tout est caresse, etc.
Plus d'une voix longtemps muette
Répond au réveil des beaux jours :
Chant de l'avenir au poète,
A l'oiseau le chant des amours.
Sous l'haleine des brises chaudes
Fourmillent des nids de romans.
Les prés se pavent d'émeraudes
Et les bois, de couples d'amants.
Sur la terre tout est caresse, etc.
Curieux, le soleil regarde
Au travers du sombre atelier,
Et dans la rêveuse mansarde
Jette un sourire familier.
Elançons-nous vers la lumière;
Lâchons la bride à notre essor.
Plus de chaîne, plus de barrière !
Allons, place au peuple qui sort !
Sur la terre tout est caresse, etc.
Éparpillons sous la verdure
Nos groupes par l'amour bénis.
Le dimanche de la nature
Fait bondir nos cœurs rajeunis.
Employons suivant notre envie
Ces jours que le temps va borner.
Hâtons-nous de cueillir la vie :
Elle est si prompte à se faner !
Sur la terre tout est caresse.'
Voyez dans le ciel bleu les nuages flottants
De l'espoir et de l'allégresse :
Voici le printemps.
Eug. IMBERT.
LA CHANSON
17
iéA Fête bu Travail
Musique de J.-D. Collignon.
Us son! venus, les Icmps meiUeui-s,
Rulin s'uuvi-o l'ôre féconde
Qui doit veiidie la p;iix au monde,
VA, le courage aux Iravailleurs.
Aceoui'oz dans nos murs, iiaeifiiiuos eohoilcs,
N'aspli-ant désonnais qu'aux paisibles succès,
],a France rajeunie ouvre aujourd'liui ses perles.
Aux enl'anls du travail, aux soldais du progrés !
Lors({iie lii France vous ai)pellc.
Venez, peuples de louspays,
Que nos mains, nos cœurs soienl unis
La Répulîliipic dans Paris
Donne une l'èle universelle!
Dans la ruche où, de vos travaux,
Demain vont briller les merveilles,
0 travailleurs ! chères abeilles,
Apportez des outils nou\eaux.
A ci'éer constamment rpiand chacun s'évertue.
Remplaçons par l'outil tout engin meurtrier ;
Place à ce qui produit... arriére ce qui tue,
Un peuple riche et fort est un peuple ouvrier.
Lorsque la France vous appelle, elc.
0 nations ! pour l'avenu'
La vieille Europe s'humanise.
Ce que la haine cncor divise,
L'amourun jour pourra l'unir.
Le progrès percera la dernière frontière ;
Le vieux monde sera, par sou soufle emporté ;
Nous n'aurons plus qu'un cœur, qu'une même bannière
Notre devise à tous sera : Fraternité !
Lorsque la Franco vous appelle,
Venez, peuples de tous pays,
Que nos mains, nos cœurs soient unis,
La République dans Paris
Donne une fête universelle !
Ernest CHEBOUX,
Vice-pvésident do In Lico Chansonnière
(1) Nous offrons avec plaisir h nos lecteurs ce cluuit élevé.
La Fête du travail est la première des chansons qui doivent
servir à la rentrée de M"" Bordas au Concert Parixie/t. Jions
svons donné précédemment le refrain de la seconde, due à
augène Baillet : œuvres et interprète se vaudront.
MA BELLE-MÈRE
Air du Curé de Pomponne
D'un thème du plus mauvais goût
J'ai la tète brisée.
De son refrain qu'on dit partout
La note est insensée;
I^a critique sans la raison
(Vest la nuit sans lumière,
Suis-je donc une exception ?...
Moi, j'aime ma bell'mère.
(Test une femme au doux regard
Où la bonté rayonne,
Qui, du bonheur, donne sa part
A ce qui 1 environne;
Quand il passe sur nos amours
Un nuage éphémère
Elle le dissipe toujours...
Moi, j'aime ma belle'mére.
A ma femme qui, quelquefois.
Bougonne et fait tapage.
Elle dit, d'une douce voix :
» Vraiment, ce n'est pas sage
De rappeler à chaque instant
Une erreur passagère;
Ton père en faisaitbien autant. .. i
Moi, j'aime ma bell'mère.
Si les enfants, à la maison.
(.'.ommeltcnl une faute ,
Et que dame Correction
S'avance la main haute
Les coupables, pour s'échapper,
S'en font une barrière:
Elle corrige sans frapper...
Moi, j'aime ma beîrmère.
Quand le printemps met au ciel bleu
Sa robe la plus belle,
.\nx mioches elle enseigne Dieu
Dans chaque Heur nouvelle ;
La bigote lui fait horreur,
Tartufe l'exaspère.
Ce qu'elle dit lui vient du cœur...
Moi, j'aime ma bcU'mère.
I.,orsqu'uno fêle vient, le soii',
Nous rassembler à table.
Mes amis, on ne peut avoir
Convive plus aimable ;
Elle dit le couplet badin
Comme feu mon grand-père,
En soulignant le trait malin. . .
Moi, j'aime ma bell'mère.
Comme elle saitbien que l'amour
Fait naître la caresse.
Elle éloigne de son graml jour
I/omlire de sa vieillesse ;
Le souvenir lui dit tout bas
Ce que le cœur espère,
Elle aime et ne s'impose pas...
Moi, j'aime ma bell'mère.
C'est un phénix, me dites-vous ;
Je le nie. et j'ajoute
Que plus d'une arrache pour nous
IjBS ronces de la route.
Pourquoi peindre des mêmes traits
La mère et la mégère ?
Chanson, tais-nous donc deux poi-lraifs...
Moi, j'aime ma bolt'mèi-e.
J.-B. ROBINOï
18
LA CHANSON
LA DERNIÈRE FLEUR
M usique de Jacssal-d (1)
CHANSON D'AMOUR
Tu m'as dit l'autre jour dans un charmant sourire :
Dimanche si tu veux nous irons à Clamart.
Pourrait-on résister lorsque ton œil désire ?
C'est dit; mon bras t'attend, ne sois pas en retard.
Si le bois est petit, s'il n'a que peu d'ombrage,
Qu'importe ! nous saurons y découvrir toujours
Quelque charmant coin vert perdu dans le feuillage,
Pour faire un nid à nos amours !
En mai, t'en souviens-tu, quand les lilas fleurissent,
Nous sommes venus là cacher notre bonheur-.
Aujourd'hui c'est l'automne et les feuilles jaunissent.
Viens ! nous chercherons la dernière fleur !
Sera-ce un bouton d'or, une humble pâquerette,
Ou quelque liseron oublié du soleil?
Nous la conserverons, comme un bouquet de fête.
En attendant qu'avril sonne aux champs le réveil.
Fleur, tu vivras longtemps sur la table de Rose,
Morte, dans un beau livre elle t'enfermera.
Et d'un doux souvenir tu deviendras la cause
Chaque fois qu'elle l'ouvrira !
En mai t'en souviens-tu, etc.
La verdure s'en va, mais la route est superbe ;
Si tu viens asseztôt, nous prendrons par Bagneux;
C'est un gentil village aux sentiers bordés d'herbe,
Où la romance dit qu'on est si bien à deux.
Apporte ta gaité,moi j'aurai ma tendresse,
Tous les chemins sont courts quand je suis avec toi..
Et si nous n'avançons qu'à petite vitesse.
Tant pis, l'amour saura pourquoi !
En mai t'en souviens-tu, etc.
Et puis. .. elle est venue et nous t'avons cherchée.
Dans les sentiers ombreux dans les taillis perdus,
Nos mains se rencontraient dans l'herbe desséchée,
La nuit allait venii-.,... la fleur n'existait plus !
Je regardai ma belle... Un coquelicot rose
Sur sa joue à l'instant venait de se poser :
La fleur était trouvée, et, toute fraîche éolose,
"" Je la cueillis dans un baiser.
En mai, t'en souviens-tu, quand les lilas fleurissent ,
Nous sommes venus là cacher notre bonheur ;
Aujourd'hui c'est l'automne et les feuilles jaunissent,
Je dois à l'amour la dernière fleur !
Eugène BAILLET.
Trésorier de la Lice Cliansonniire.
I trouve chez Labbé, éditetu , rue Notre-Dame-
Aï/- à faire.
L'aube luit, la plaine irisée
Sourit aux premiers travailleurs
Et leur montre — fraîche épousée —
Son corsage brodé de fleurs...
D'avril première heure charmante.
On voit, s'entrelaçant les doigts.
Accourir l'amant et l'amante
Au rendez-vous du petit bois ,
Eparpillée
Sous la feuillée
Jase la bande des pinsons
Le couple écoute
Et mêle en route
Ses doux baisers à leurs chansons!
Sur l'aile d'or de l'amourette
Ils allaient, cueillant les lilas;
Ija mousse, en complice discrète.
Etouffait le bruit de leurs pas...
Et le soleil, du coin des branches,
De ses flèches de diamant
A leur toilette des dimanches
Faisait comme un rayonnement!
Eparpillée, etc.
Ils s'assirent sous l'ombre épaisse
D'un vieux chêne dont les rameaux
De cette scène de tendresse
Avaient dû voir bien des tableaux !
Le ruisseau gaspillait son onde
Entre deux rives de muguet ,
Nul bruit... ils s'aimaient seuls au monde
Et les oiseaux faisaient le guet.. .
Eparpillée, etc.
Ce que leurs lèvres murmurèrent
Dans ce joli duo d'amour.
Et ce que les oiseaux chantèrent,
Je vous le dirai quelque jour;
Hier, j'appris dans le village
Qu'il étaient unis tous les deux,
Et qu'ils s'égaraient davantage
Dans le sentier des amoureux.
Eparpillée
Sous la feuillée
Jase la bande des pinsons.
Le couple écoute
Et mêle en route
Ses doux baisers à leurs chansons !
L. J. BÉOR.
LA CHANSON
1©
GALERIE DES CHANSONNIERS
EDOUARD HACHIN
PRÉSIDENT D'HONNEUR DE LA LICE CHANSONNIÈRE
Le nom d'un au-
teur fait souvent le
succès d'un livre ;
une chanson, au con-
traire , peut réussir
complètement sans
qu'il vienne à l'idée
de ceux qui l'appren-
nent de regarder la
signature qui la ter-
mine. De là vient que
la réputation de beau-
coup de chansonniers
émérites ne dépasse
pas les cercles spé-
ciaux qu'ils fréquen-
tent ; de là résulte,
pour ceux que révolte
l'injustice, l'obliga-
tion de crier haut et
souvent au public les
noms de ceux qui le
charment par des
chants émus , l'ins-
truisent dans de mâ-
les couplets ou l'a-
musent par de gau-
lois refrains.
Edouard Hachin est un de ces derniers. Il a sur-
tout cherché et trouvé les effets de rire ; cependant,
à l'occasion, sa muse a donné la note philosophi-
que avec une vigueur remarquable . Ce n'est donc
pas faute d'aptitude ou de savoir qu'il a souvent
préféré la gaudriole au sermon rimé, mais par un
goût de nature que nous nous garderons bien de
'blâmer, la chanson devant avoir toujours et partout
ses franches coudées. Après tout, le public est
juge souverain, et si
le poëte rencontre le
succès dans la voie
qu'il a choisie, c'est
lui qui a raison contre
les plus savantes cri-
tiques; or, c'est le
cas du chansonnier
que nous racontons
aujourd'hui.
Georges -Edouard
Hachin est né à Arras
le 20 mai 1808, de pa-
rents industriels. Ve-
nu à Paris en 1822, il
y apprit le métier de
fabricant d'instru-
ments de mathéma-
thiques, qu'il aban-
donna pour l'orne-
ment militaire ; fina-
lement il devinit spé-
cialiste dans la fabri-
cation des porte-
mousquetons. Pen-
dant de longues an-
nées, Hachin dirigea,
rue de Braque, un
modeste établissement, cherchant le progrès, amé-
liorant les instruments de son travail. Il se signala
principalement par l'invention d'un tour à percer, à
conscience mobile, dont findustrie tira grand
parti.
Quand le dimanche fermait l'atelier , Hachin,
cojime un écolier en vacances, savourait gaiement
sa liberté. De bonne heure assidu iaux réunions
ehmtantes, il se contenta d'abord d'écouter, puis
20
LA CHANSON
le désir le prit d'essayer ses forces. La Lice chanson-
nière, fondée en 183i, le reçut l'année suivante, au
nombre de ses sociétaires. Hachin débuta là par
un tableau grivois, Javotte. De sa fenêtre, l'auteur
observe une voisine qui reçoit de nombreuses visi-
tes; il s'aperçoit bientôt que l'épicier, le bijoutier, et
autres négociants libres-échangistes troquent là
leurs fournitures pour d'autres non patentées ; dès
lors, à chaque arrivant, il exhorte la belle :
Allons, Javotte,
Frippe ta cotte.. .
tout cela dit en vers lestes, faciles et corrects.
Javoll3, bien accueiUie, eut bientôt une sœur, de
même nature charitable. Ayant pris leçons variées
d'un berger, d'un prêtre et d'un soldat, Gertrude
vient à Paris pour se faire reconnaître femme libre
par les Saint-Simoniens. Elle expose ses principes
dans ce couplet bien tourné :
On ne veut que plaisirs décents
Pour filles de mon âge.
Moi, j'adore tous ceux des sens
Et j'en fais grand usage.
Fi! de celle qui blâmera
Cette douce habitude;
L'apprendra
Qui voudra,
Ijarira :
Gertrude n'est pas prude.
A ces gauloiseries, publiées dans le premier vo-
lume de la Lice Cliansannière., succéda un gracieux
portrait peint avec esprit et verve, Ma Lison, ma Li-
sette. On a parfois attribué cette œuvre à Déranger
qui, certes, eût pu la signer sans danger pour sa
gloire. Ecoutons les principaux traits du caractère
de l'héroïne :
Qui, n'ayant pour tout bien
Que sa mine drôlette.
Aux baisers d'un vaurien
Vient la livrer pour rien ?. . .
Aux pauvres, en son chemin,
Qui donne à l'aveuglette.
Sans songer que demain
Elle sera sans pain ?
C'est ma Lison, ma Lisette,
La grisette.
C'est ma Lison,
Que j'adore avec raison,
i)/aZ,iso«parut, en 1835, dans le second volunlede
La Lice. Le même recueil contient de Hachin fleux
productions qui présentent un contraste intéressant
avec cette chanson légère. C'est d'abord une élégie,
le Jeune malade, dont nous donnerons un extrait :
Je vous fais un dernier adieu,
Oiseaux qui désertez nos rives ;
L'automne à ma poitrine en fou
Fait sentir des douleurs plus vives ;
La mort vient avec les autans
Me couvrir d'ombres éternelles.
Vous ne reviendrez qu'au printemps :
Adieu, timides hirondelles.
puis un chant patriotique, inspiré par la mort, de La-
fayette, et dont nous citerons également quelques
vers :
A nous, terre du Nouveau-Monde,
Vient greffer celle de l'ancien;
Ta scvc la rendra féconde,
D'ellenaîtra l'arbre dubien. i
Du bonnet que ceindra son faîte,
Tous les partis, pour se couvi-ir.
Viendront pardonner et s'unir
Sur le tombeau de Lafayctte.
Les maîtres du genre ont-ils fait beaucoup
mieux ? Hachin, cependant, revint à la muse fo-
lâtre avec Jeanneton, éloge d'une « très-bonne
fille. » Une seconde chanson, inspirée par la Javotte
de ses débuts, parut ensuite, mais sur un ton plus
élevé que la première. On lira deux couplets des
Rideaux avec un plaisir égal à celui que nous
éprouvons à les transcrire :
Seul et m'amusant de vos fautes.
J'en dessinais les gais portaits,
Mais j'ai chez moi de nouveaux hôtes,
Lise y vient loger ses attraits.
Ma Lisette est encor timide
A des jeux pour elle nouveaux.
L'exemple peut rendre intrépide :
Javotte, tirez vos rideaux.
Plus riche j'eusse, àla fenèlre
D'où Lise lorgne vos ébats,
Mis un voile, mais le bien-êti'e
Peu de rimeurs l'ont ici-bas.
De mon àtre employant la suie.
Vingt fois j'ai terni les vitraux.
Mais Lise toujours les essuie :
Javotte, tirez vos rideaux.
S'inspirant d'une légende de son pays natal, Ha-
chin pubha, vers la même époque, une énergique
invocation sous ce titre la Chandelle d'Arras. Les j
circonstances actuelles en refont une actualité :
LA CHANSON
21
Lorsque sur Luther ou les siens,
L'enfer vomissait les Jésuites,
Elle, d'Arras kin(;ait Damiens
Et doniasiiuail ces hypocrites.
Ils ont encore ongles et dents,
Mal cachés par leur soutanelle ;
Ah! bonne Vierge des Ardents
Jetez encore une chandelle !
A mesure que s'avance notre tâche, nous nous
sentons pris de scrupule. Nous avons, en commen-
çant, présenté Hachin comme ayant pour les gri-
voiseries une prédilection dénature; or, jusqu'ici,
nous avons rencontré dans son œuvre autant de
couplets élevés c[ue de plaisanteries. La proportion
serait même plutôt en faveur des productions mora-
les, si nous observons surtout que l'âge, sans
diminuer le talent du chansonnier, a épuré sa verve.
11 nous faut donc considérer Hachin comme unpoëte
moraliste autant que charmant. Les chansons qui
nous restent à énumérerjustifierontamplement notre
(lire. En effet, si Hachin a célébré, sous le nom de
Turlupin Tiirlapùiémt, le principal ornement du se.xe
fort, et rimé l'histoire scabreuse du Calorifère à
Siizon, il a successivement écrit les Rues d'An-
jou et de Poilou, anecdote aimable, le Dépenseiir,
confession amusante, Mon Taudis, description humo-
ristique, M. Taupineau, les Bateaux- Mouches , On
demande deslouwières, la Tour Saint-Jacques, frais
souvenir de jeunesse, dont la vogue n'est pas épuisée,
enfin La Lima/Z/e, chanson d'atelier dont nous signa-
lerons le premier couplet comme donnant de l'au-
teur l'idée la plus exacte :
Le jour paraît, et la forge s'allume
Allons, gaîment, forgerons et limeurs.
Que nos chansons et le bruit de l'enclume
De ce quartier réveillent les dormeurs !
Le fer brûlant, que l'acier ronge ou taille
Au goût des arts par nous va se plier:
Sous nos efforts, tombez, fine limaille,
Au bruit joyeux des chants de l'atelier.
Travail et chanson, ces deux mots résument
l'homme. Hachin n'a manié [la plume que pour se
délasser de l'outil ; cela seul exphque l'indifférence
qu'il affiche pour ses œuvres, remarquables cepen-
dant au triple point de vue de la justesse de l'idée,
de la simplicité du vers et de la richesse des rimes.
Hachin, dans sa jeunesse, écrivit, en colla-
boration avec Roland Bauchery, quelques vaude-
villes : la Ravaudeuse du carrefour Bussy (3 actes),
7,7 Cardeuse de matelas (2 actes), Fleur des champs
(1 acte), 7a Famille du Paveur (1 acte), et des inter-
mèdes comme le Livret de Pichard. Tout cela, quoi-
que applaudi, ne réussit pas à le faire vivre, et il eut
la sagesse d'abandonner le théâtre pour ne pas négli-
ger son industrie.
Après cinquante-quatre ans d'un travail manuel as-
sidu, Hachin a pu se retirer en 1876, et vit aujourd'hui
d'une aisance modeste, qui lui permet de satisfaire
son goût pour la muse. A quelqu'un qui le blâmait
à tort de rimer, il adressait dernièrement ce philo-
sophique couplet:
Je ne veu.x jamais me défendre
De n'être né que pour'^aimer;
Parmi les belles au cœur tendre
La chanson a su me charmer,
('.'est la meilleure des maitresses,
Qui m'aime enoor, vieux^quc je suis ;
C'est une femme à qui je puis
Confier toutes mes tendresses.
Je n'en ai pas d'autre profit ;
C'est peu, mais cela me suffit.
N-est-ce pas finement et dignement répondu.
Toujours assidu aux réunions chantantes, surtout
à celles de 7a Lice, dont il est le plus ancien mem-
bre et le président d'honneur, Hachin y détaille par-
fois une production nouvelle, digue de ses ainées.
Au banquet de Mai, nous l'avons entendu dire le
Pierrot, spirituel dialogue, dont voici la conclusion:
Mais, hélas! mon pierrot paitit,
Malgré ce que j'avais en tète ;
Je vis qu'il voulait faire un nid
Et non des chansons, pas si bote !
Des rêves de l'illusion.
Le vrai travailleur so retire;
Mieux vaut faire un nid d'oisillon.
Que de chanter pour ne rien dire.
Mon cher petit pierrot.
Je ne veux pas faire un volume,
Ami, prête-moi ta plume
I^our écrire un mot.
On voit que les soixante-dix ans sonnés de Hachin
n'enlèventrienàla fraîcheur de ses inspirations. Mais
pourquoi ne pas vouloir taire un volume ? Pourquoi
ne pas réunu" les couplets divers disséminés dans
des recueils inaccessibles au public ? C'est à ce tra-
vail utile que Hachin devrait employer ses loisirs.
Tous les amis de la chanson seraientheureux de pos-
séder l'œuvre complète de ce poète de haut goût,
doublé d'un homme estimable.
L. -Henry LECOMTE.
LA CHANSON
LE PATRON QUI S'ÉVEILLE !..
Parodie du Printemps qui s'éveille, de E. Cbebroux. (1)
Le soleil pénétrant
Dans l'alcôve discrète,
Eclaire, en s'y glissant.
Une face replète ;
Soudain dans la maison
Tout tremble, tout résonne,
Une voix gronde et tonne
A donner le frisson.
Le foulard sur l'oreille.
Des jurons plein la voix
C'est encore une fois
Le patron qui s'éveille.
L'heure vient de sonner
A l'horloge voisine.
On l'entend bougonner.
Du fond de la cuisine ;
En se frottant les yeux,
Il se lève bien vite.
Roulant dans son orbite
Des regards furieux.
Le foulard sur l'oreille, etc.
De boutons, de rougeur.
Tout son visage éclate;
Son nez a la couleur
D'une vieille tomate,
11 a l'œil d'un hibou
Que le jour eifarouche,
De loin sa large bouche
A l'aspect noir d'un trou.
Le foulard sur l'oreille, etc.
Il introduit ses bras
Dans sa robe de chambre,
Dont les plis noirs et gras
N'ont jamais senti l'ambre.
Ses livres à la main.
Débraillé, sans cravate.
Traînant une savate ,
Il apparaît enfin.
Le foulard sur l'oreille, etc.
Il fait, en vieux sondeur.
Sa ronde matinale,
Et sa mauvaise humeur
En injures s'exhale ;
Il est sourd comme un pot,
Sa tête se balance
Lui donnant l'apparence
D'un énorme magot.
Le foulard sur l'oreille, etc.
Il n'est point amoureux,
Jamais ce cœur de glace
Ne ressentit de feux ;
Dans sa vieille carcasse.
Il mourra sans calmer
Son humeur furibonde
Ignorant qu'en ce monde
Le bonheur est d'aimer.
Le foulard sur l'oreille.
Des jurons plein la voix
C'est encore une fois
Le patron qui s'éveille !
A. DE LYNE.
Membre de la Lice Chansonnière.
(1) La clianson de E. Ghebroux a paru dans notre premier
numéro.
CIRCULEZ !
Air : Le Cordon, s'il voui, plaiL
Voulons-nous, sans bruit, sans colère.
Nous débarrasser polimeut
De cer.x que le monde tolère.
On ne saifpas poui-qjoi vraiment.
En tout cas bien imprudemment"?
Sachons imiler la police
Qui dit aux gens de la coulisse,
Sur le boulevard assemblés :
Circulez I (A/a)
Circulez, Messieurs, circulez !
Exploiteurs de sel dans la lune.
Ou d'air balsamique à Pantin,
Qui convoitez notre fortune,
Et l'encaissez un beau matin.
Pour enrichir quelque câlin,
Il faut ailleurs vous faire pendre;
Ça ne devra pas vous surprendre,
Car depuis longtemps vous volez ;
Circulez ! {his)
Circulez, Messieurs, circulez.
Au grec qui fait sauter la coupe
A l'amant qu'enirelieut Manon,
Au membre de l'ignoble groupe,
DonI, par pudeur, je tais le nom,
Et qui mérite un cabanon.
On a le tort et la faiblesse
De ne pas répéter sans cesse
Ces mots bien haut articulés :
Circulez ! {his)
Circulez, Messieui's, circulez !
Don Juan dépeints par Molière,
Masqués d'une fausse amitié
Vous osez dans notre volière.
Nichant avec notre moitié.
Nous déshonorer sans pitié.
Tant de hardiesse nous lasse ;
Vainement voudraient votre grâce
Les femmes que vous cajolez ;
Circulez ! (bis)
Circulez, Messieurs, circulez !
Partisans des anciens régimes.
Dont les Français ne veulent plus.
Vous qui, pour poser en victimes
Des lois de nos nouveaux élus.
Faites des efforts superflus.
Vous surtout, vous, fonctionnaires,
Pas encor démissionnaires.
Tous, s'il le faut, bien muselés,
Circulez ! (bis)
Circulez! Messieurs, circulez !
Intransigeants de toute sorte,
Qui refusez de consentir
A tenir ouverte la porte,
Même au sincère repentir.
Même à qui veut se convertir,
Ne pouvant êlre que nuisibles,
Sur les hauteurs inaccessibles
D'où vous agissez et parlez
Circulez ! {bis)
Circulez, Messieurs, circulez !
MONTARIOL.
Membre titulaire du Caveau
LA CHANSON
23
Le Mois Bibliographique
Mémoires Épisodiques d'un Vieux Chanson-
nier Saiiit-Simonien, par ViNÇARD aîné.
Vinçard a 82 ans ! combien d'hommes, avant d'ar-
river à cet âge, sont dans un état complet de sénilité.
Vinçard au contraii'e est plein de vigueur ; il assiste
aux banquets de la Lice Chansonnière et il y chante
d'une voix bien timbrée, des couplets pleins de verve
comme il en a fait pendant toute sa vie. Il vient de
publier un livre : Mémoires d'un Vieux Chansonnier
Saint-Simonien. Ce livre est plein d'intérêt et d'en-
seignement.
La vie de Vinçard est la preuve qu'avec du cœur
et du courage on peut mener de front la vie maté-
rielle et la vie intellectuelle, le travail et la pensée !
Vinçard fut en même temps un prolétaire et un
apôtre !
Il appartient à cette pépinière d'hommes remar-
quables et forts qui, un peu aprèsmiihuit cent trente,
se sont révélés sous le nom de Saint-Simoniens.
Artistes, grandfinanciers, grand industriels, hom-
me descienceou hommesd'Elatdel'avenir, ilsétaient
là pôle-mèle, chacun cherchant sa voie, chacun sen-
tant en lui de généreuses aspirations vers l'inconnu ,
ce qu'on pourrait nommer des aspirations vers la
poésie delà réalité.
S'il y avait autant de rêves que de raison dans les
principes émis par cette école, il y avait avant
tout l'amour de l'humanité ; à l'état indéfini il est
vrai, qu'importe ! honneur et respect à ces cher-
cheurs !
Dans le livre de Vinçard on trouve des détails
très-curieux, relatifs aux premiers jours de la prati-
que Saint-Simonienne, l'échauffourée de Charenton,
les promenades chantantes dans Paris, et d'autres
excentricités, tout cela est très-intéressant à lire
aujourd'hui.
Puis, comme dans toutes les réunions d'hommes,
les scissions, les personnalités, les exaltés, ne man-
quent pas dans ce monde jeune et rêveur! tout cela
est d'autant plus attrayant que l'auteur raconte
plutôt qu'il n'écrit. Après la lecture de quelques
pages, on est tell ment familliarisé avec cette parole
qu'on ne ferme plus le hvre ; il m'est arrivé souvent
de lire deux fois la même page.
Le premier, chapitrequel'auteur nomme modeste-
ment Avertissement aux 7eete«r.s; rappelle certaines
pages de Rousseau. Quoi de plus touchant que ce
vieillard parlant de sa mère comme un enfant et se
rappelant, les larmes aux yeux, les rues du vieux
Paris, disparues aujourd'hui, oii il jouait aux billes
y a soixante-quinze ans !
Vinçard n'a pas oubhé ses collègues et amis les
chansonniers. Pourceuxqui ne sontplusila de bons
souvenirs, petits bouquets d'immortelles déposés
sur leurs tombes; il rend hommage à Charles Gille,
nn de nos maîtres en chanson, qui courut au devant
de la mort on ne sait trop pourquoi, comme Ghanu,
comme Mercier.
Ce qui charme dans le livre de Vinr-ard, c'est la
bonne foi et le sincère amour qu'il professe pour
tous ceux qui l'entourent. Parle-t-il du père Enfan-
tin, le grand astre du ciel Saint-Simonien, ou de
Gauny l'ouvrier penseur, parle-t-il de Ponty, le
rapsode qui, malgré ses soixante-quinze ans, accom-
plit encore dix heures de travailmanuel chaque jour,
ou de Julie Fanfernot, en un mot de tous ces vail-
lants beaucoup moins en vue, c'est avec le même
amour, c'est-à-dire à plein coeur.
Aujourd'hui, Vinçard aine jouit d'une existence
indépendante, fruit de son travail et récompense que
ses libéraux amis lui ont offerte. Vinçard ne peut se
contenter de la vie contemplative, et c'est faire un
noble usage de son temps que de l'employer à écrire
des livres comme celui dont je regrette de ne pou-
voir parler plus longuement.
Les Heures perdues, par Alphonse Leclercq
avec une lettre-préface de Louis Blanc.
IjOngtemps après, sur le sol de la !• rance
On gémissait sous la main des gueiriers,
Le pauvi-e serf dévorant sa soulîVanoe,
On renversa les donjons meurtriers.
Dans la foret, quand l'ombrage d'un chêne,
Nuit à l'ormeau qu'il devait soutenir,
Le bûcheron élague ce qui gène;
11 ne faut pas douter de l'avenir.
Voilà la note des chansons d'Alphonse Leclercq.
Oh ! ce n'est point un faiseur de bouquets à Ghloris,
c'est un chansonnier dont la voix est souvent grave. Il
est ami de Louis Blanc qui sert de parrain, — civil,
bien entendu — aux Heures perdues et (|ui les présente
au public dans une lettre-préface pleine d'aménité.
Il y a deux parties distinctes dans ce livre : les chan-
sons et les poésies, — Les poésies sont des moralités
bien écrites et surtout bien pensées ; les idées géné-
reuses, les utopies d'aujourd'hui — réalités demain —
trouvent un écho sonore dans les vers d'Alphonse
Leclercq. 11 les récite pai'fois d'une voix pleine d'en-
train et dont l'accent annonce la conviction, dans des
concerts de bienfaisance ou dans des soirées litté-
raires. La Pocsie et les Poêles, La Loterie, Que
/ait-onsurla terre ? La Force et l'Idée, tout cela est
chaud, coloré et soutenu par un grand souffle éner-
gi([ue, non pas l'énergie sombre du désespoir, mais
celle qui console, qui espère et qui sait convaincre.
La fantaisie a peu de place dans l'œuvre de Le-
clercq, cependant, le sentimentases pages dans les
Heures perdues ; on a toujours dans le cœur un petit
coin qui n'a que vingt ans, et puis... à quoi servirait
d'être poète, si ce n'était pour traduire en vers ce qui
reste encore d'un peu bon sur la terre : l'amour et
l'amitié.
La chanson comporte plus de laisser-aller que
l'alexandrin; aussi les chansons de Leclercq, sans
être entraînantes, sont souvent d'une philosophie
très-gaie :
Sans condition, ma Lisette,
Chaque jour me fait la risette
Et m'appelle son gros Loulou;
J'aime autant n'avoir pas le sou.
plus loin, examinant la situation faite aux rois, il
s'écrie :
La tète sur un oredier,
Chacun d'eux s'endormait tranquille ;
Maintenant comme un ouvrier.
Un monarque doit travailler;
Le métier devient difficile.
24
LA CHANSON
Plus loin, le poëte, réagissant sur lui-même, fait
cette promesse, quitte à ne pas la tenir :
Dans la feuille qu'on aime à lire,
Monarchiste ou républicain
Chaque jour peut s'entendre dire :
Vous êtes un affreux coquin.
Avec cette aimable tactique
On se mangerait en salmis ;
Je renonce à la politique,
Je veux conserver mes amis !
Voilàdela bonne et franche critique, voilàleschan-
sons que j'aimerais entendre dans la bouche de la-
jeunesse; elles élèveraientsonintelligenceetlui met-
traient au cœur un feu qui va s'éteignant,mais quand
on entend des poésies comme : C n'est pas pour ça
que j'Citi donné ma sœur ,o\\A quelle heure te oou-
che-t-on? on est empoigné par la beauté du style et
l'ampleur du sujet et ce sont ces cliansons-là
que la foule répète.
Eugène BAILLET.
CHANSONS, CHANSONS!
Les personnes qui posséderaient quelques rensei-
gnements biographiques sur Marcillac, auteur de
la célèbre chanson le Sergent Mathieu, sont priées
de les adresser, si peu importants qu'ils soient, à
M. Baillet, aux bureaux de 7a Chanson.
Un concours poétique a eu lieu le jeudi 2 mai,
rue des Envierges, 56, à la société Les Fleurs, pré-
sidée par M. Percheron. Achille Duchêne a rem-
porté le premier prix, avec une pièce intitulée Chant
de Trouvère.
Le jeudi 9 mai, la soirée annoncée à la mémoire
de Victor Rabineauaétédonnée chezCoUignon.Ony
a chanté naturellement du Rabineau, c'est-à-dire
de bonnes chansons.
Les amis de Henri Piaud se sont réunis, le 14 du
mois, à Belleville, pour venir en aide à sa veuve.
Tous les chansonniers qui avaient connu Piaud
étaient là, mais le public manquait. Il y avait con-
cours; le l^' prix a été remporté par Péan, un néo-
licéen,>'le [2° par Jules Vernier aspirant licéen, le
3° par Alphonse Leclercqun vaillant licéen. Hurrah!
pour la Lice Chansonnière !
La Muse des Arls-et-Métiers vient de transporter
sa gaieté et son piano rue des Vieilles-Haudriettes,
5, café Michel. La première séance a été brillante;
nous y avons entendu J\i. Charles Pilon qui dit très-
gentiment la romance, M. Lehéricey, jeune comique
qui se donne du mouvement; puis, du côté des da-
mes, M""" Eugène ei M"" Augustine Leclère. Le po-
pulaire Glodomir accompagne et Glairo préside ; tout
va bien ! séances les samedis, dimanches et lundis.
Nous recevons trop tard pour l'insérer le compte
rendu delà charmante soirée donnée par la Société
lyrique des Enfants de la Seine dans son local ha-
bituel, le dimanche 19 mai.
Le choral des Enfants de la Seine donnera un
grand concert, le dimanche 7 juin, dans les salons
de Pierre Petit, place Cadet.
Robert Garmier.
SOCIÉTÉS LYRIQUES
(PKEHUEIBE OSTE)
CAFÉ PYGMALION, boulevard Sébastopol, 6.
La Lyre amicale ; le dimanche. Dupont, pré-
sident.
La Jeunesse artistique ; le lundi. Duquet,
président.
L'Harmonie du commerce ; mercredi. Mo-
RiN, président.
BRASSERIE DU RHiN, boulevard Sébastopol, 35.
Les Epicuriens, fondée en 1819; dimanche
et lundi. Massé, président.
La Lyre du commerce ; le mardi. Bona'in,
président.
La Cordiale; le jeudi. Salmon, président.
Les Vingt et un ; le samedi. L.\moureux, pré-
sident.
CAFÉ DE LA MAIRIE, rue de Bretagne, 49.
L'Amitié; \e dimanche, Joly, président.
Les Amis du siècle; le lundi, Leblanc, pré-
sident. — Les premiers lundis de chaque mois,
concoure de chansons et de poésies.
CAFÉ BOURET, boulevard du Temple, 34.
Les/am///es; le dimanche, J. Badou, président.
Lhs gais Momusicns; le lundi. Leroux prc-
sident.
Les Intimes; le mercredi, Wangrachet'i;'',
président.
CAFÉ DU SQUARE, boulevard Sébastopol, 12j.
UArt musical; dimanche et jeudi, Prachic,
pré.îident.
CAFÉ SUISSE, boulevard Sébastopol, 90.
Société lyrique des Enfants de la Seine ;
dimanche. Cantarel, président.
MAISON COLLIGNON, rue Vieille-du-Temple 104.
Les Enfants du rtjnzpZe,- dimanche et lundi.
Rue Saint-Séverin, 38.
La Lyre bienfaisante; dimanche et lundi.
Couvreur, président. — Le dernier lundi de
chaque mois, soirée consacrée à la mémoire
des auteurs morts.
Rue Dupetit-Thouars, 18.
La Lyre du Marais; samedi, dimanche et
lundi, Pii. Gilland, président. — Le troi-
sième lundi de chaque mois, soirée à la m.'.!-
moire des auteurs morts.
Sur divers points, on le voit, la bonne iC\è.e
de Mouret fait son chemin.
Le Directeur-Gérant A. PATAY
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ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRiaUES
Rédacteur en chef : L.- Henry LE COMTE
SOMMAIRE DU 3= NUMÉRO
Béraiigcr (L.-Henky Lecomte). — l.s Vie de Béranger (L. Lauhent-Pichat).
— Les Cliansons de Béranger (k. Patay). — Béranger Auteur dramatique
(L. -Henry Lecomte). — Béranger Intime (Euo.Baillet). — Béi-anjer (Char-
les Vincent). — A Béranger (Octave Lebesgue). — Banquet du Caveau
(Eco. Imdert). — Banquet de la Lice Chansonnière (L. -Henry LecomteJ.—
Dors content! (Georges Baillet). — Cliansons, Cliansons! (Robert Gar-
NIER, Victor Leureton.)
Ce Numéro contient trois cents vers inédits de Béranger.
VENTE EN GROS ET AU NUMÉRO
IBRAIRIE ANCIENNE ET M O D R R N
A. PATAY
18\RUE BONAPARTE, 18
PARIS
LA CHANSON
La Chanson, cette incarnation toujours nouvelle
et toujours diverse de l'esprit français, n'a pas d'or-
gane.
Nous venons combler cette lacune regrettable en
créant plus qu'un journal — une revue complète,
spécialement consacrée à ceux qui chantent ou font
chanter.
Sous ce titre: la Chanson, paraîtra tous les mois
une livraison de 12 pages in-4°, à deux colonnes, où
s'écrira l'histoire ancienne et moderne de la chanson
et des chansonniers. Une couverture-annonce
garantira chaque numéro ; la pagination sera suivie
et nous donnerons, à la fin de l'année, le titre et la
table nécessaires pour la réunion en volume.
La Chanson publiera les comptes rendus des ban-
quets mensuels du Caveau, de la Lice Chansonnière,
du Pot-au-feu et des diverses sociétés lyriques.
Nous préparerons ainsi à l'historien futur des
muses populaires les matériaux d'un livre original
et varié. — Trouveront également place dans notre
revue la biographie et le' portrait des chansonniers
vivants ou disparus, nombre de chansons peu con-
nues ou inédites, une bibliographie raisonnée, le
programme des concours lyriques, l'annonce des
soirées chantantes extraordinaires ou à bénéfice, enfin
une chronique sincère des cafés-concerts et dès
théâtres parisiens.
Pour mener à bien leur entreprise, les fondateurs
de LA Chanson s'adressent à tous :
Aux Cliansonniers de Paris et de la province d'a-
bord. Nous les prions ici de nous faire parvenir
leurs adhésions, leurs abonnements, les réflexions
que notre publication leur pourrait suggérer, un
exemplaire au moins de leurs œuvres imprimées,
les meilleures de leurs chansons inédites et des
notes suffisantes pour fournir matière, au besoin, à
d'intéressantes et véridiques études biographiques.
Aux Editeurs de Paris et des départements qui
publient des ouvrages se rattachant à l'objet de
notre revue, nous disons qu'une place sera toujours
réservée aux comptes-rendus des œuvres dont ils
nous adresseront deux exemplaires, et nous les
invitons à nous envoyer même les moindres pla-
quettes.
Semblable avis aux Editeurs dsMusique, — et pré-
venons tous les intéressés que les couvertures de la
Chanson seront exclusivement réservées aux annon-
ces de librairie et de musique à des prix très-mo-
dérés.
Aux Musiciens. — Nous prenons nos mesures
pour donner à l'avenir une place à la musique
dans notre revue ; nous prions donc dès aujour-
d'hui les jeunes compositeurs de nous adresser
leurs œuvres, et surtout de mettre en musique les
chansons inédites que nous publierons.il y aura de
la sorte rapprochement amical entre paroliers et
compositeurs inconnus, et peut-être en résultera-t-i}
quelques œuvres à grand succès.
Aux Bibliographes et aux Amateurs. — Nous
accueillerons avec reconnaissance les documents
peu connus ou inédits qu'ils voudront bien nous
offrir ; nous leur demandons de guider nos recher-
ches et de -nous indiquer les sources de rensei-
gnements incontestables.
Aux Présidents des Sociétés Lyriques. — Nous
les invitons à nous adresser, dans le plus bref délai,
les noms des réunions qu'ils président, l'indication
des sièges sociaux et des jours de tenues, et nous
les prions instamment d'assurer l'exactitude de nos
informations en désignant, dans chaque société, un
délégué chargé de correspondre avec notre publi-
cation et d'en faire apprécier le but.
Nous voulons le succès d'une œuvre entreprise
dans le but louable de défendre les réputations jus-
tement acquises et d'assurer aux talents inconnus
une large place au soleil fécondant de la publicité ;
aussi désirons-nous sincèrement être obligés, après
le premier semestre, de paraître tous les quinze
jours.
Les auteurs désireux de posséder un certain
nombre d'exemplaires des numéros contenant leurs
œuvres, seront priés de nous en informer à l'avance,
afin que nous puissions exactement fixer notre
tirage ; ces numéros leur seront cédés aux prix
de libraire. Bien entendu, il ne sera pas indis-
pensable de prendre des numéros ni même d'être
abonné pour collaborer à notre revue ; le comité de
rédaction sera souverain pour admettre ou rejeter les
pièces proposées.
Tout ce qui concerne la rédaction devra être adres-
sé franco au Rédacteur en Chef; ce qui concerne
l'administration, l'abonnement et les annonces au
Directeur-Gérant. — Les lettres ou paquets non af-
franchis seront rigoureusement refusés. — Toute
lettre exigeant une réponse devra être accompa-
gnée d'un timbre-poste.
Un numéro d'essai sera envoyé à toute personne
qui en fera la demande par lettre affranchie, accom-
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LA CHANSON
25
BÉRANGER
Il y aura, le seize juillet, vingt-et-un ans, que la
France a perdu son poëte populaire. A cette dis-
tance onpeut, avec sérénité, porter un jugement sur
l'homme et sur ses œuvres : l'homme est très-grand,
les œuvres sont très-belles.
Comme Voltaire, si justement célébré. Déranger
fut le champion du progrès social. 11 entra, le front
haut, dans l'éternelle mêlée du droit contre la force,
de la vérité contre l'obscurantisme, de lalibre pensée
contre le dogme, de l'avenir contre le passé. Il com-
battit et vainquit avec cette arme fragile: le couplet.
Il faut, dans une chanson,
Finesse, grâce et saillie,
Bien moins d'art que de folie.
Plus d'esprit que de raison.
Qui dit cela? Déranger lui même, dans les vers
inédits qu'on trouvera plus loin. Mais le poëte, trop
modeste, ne donnait là que la formule d'une pro-
duction légère et fugitive, d'une de ces chansonsplai-
santes par lesquelles son génie s'ouvrit les esprits oii
il comptait jeter la bonne semence. Dès que son nom
fut accepté, Déranger, sans dédaigner la fmesse ni
la grâce, éclaira ses chants des saines lueurs philo-
sophiques, et s'éleva progressivement au rang su-
perbe d'apôtre. Il brûla des saintes ardeurs patrio-
tiques et prêcha la fraternité, le sacrilîce de soi-
même , avec cette voix éloquente, l'exemple. 11
défendit les humbles et jugea les superbes. Damné
par l'Eglise, ce juste selon le Christ recommanda la
tolérance; mis en prison, il n'en chaula que plus
haut la liberté ; calomnié, honni, il n'en aima que
plus tendrement les hommes. . .
Gardons le souvenir reconnaissant de ce noble
cœuretdece grand esprit! Queleseize juillet,d'abord,
une couronne soit déposée sur la tombe de Déran-
ger, au nom de la chanson moderne ; que la Répu-
blique surtout, au nom du pays entier, décerne à
Déranger la récompense due à tous ceux qui, comme
lui, ont désiré, prédit, préparé l'heure actuelle : une
statue.
Il y a urgence, un parti à la fois grotesque et si-
nistre prétend revendiquer comme sien ce poëte
bien nôtre. Ne laissons pas aux pires ennemis de la
patrie la possibilité d'un contact purifiant ; préser-
T. I.
vous d'une estampille malpropre cette gloire hon-
nête ! Nous tous que groupent, sous un drapeau
lumineux, l'amour du vrai, le besoin du beau, le
respect de toute grandeur véritable, poursuivons
infatigablement ce but : Déranger sur un piédestal!
Que la République, fidèle à sa généreuse habitude
de payer toutes les dettes et de réparer toutes les
fautes, fasse encore une fois son devoir en érigeant
la statue de Déranger!
Et quelle occasion excellente se présentera bientôt
de l'inaugurer solennellement, en plein Paris, dans
ce vaste jardin du Temple, où sa place est indiquée
par nous depuis nombre d'années, — à quelques pas
de la maison oii le poëte vécut ses derniers jours, au
milieu des pauvres vaillants qu'il a chantés et qui
l'aiment! N'aurons-nous pas à fêter, le 17 août
1880, le premier centenaire du jour heureux où
naquit Déranger ? A cette date prochaine, la France,
enlin redevenue elle-même, aura repris , en tête du
monde, sa place rayonnante. Toutes les libertés qui
font la grandeur d'un peuple seront conquises. Alors,
en même temps que l'édition « complète » de Dé-
ranger tiendra, pour la première fois, les promesses
de son titre, nous constaterons, au pied de la statue
du poëte, le triomphe délînitif des idées fraternelles
qu'il a préconisées.
Législateurs, philosophes, poètes, journalistes,
penseurs de tous rangs, veuillons fermement cette
juste apothéose ! Acclamons, après le flambeau Vol-
taire, Déranger, l'étoile ! Peuplons la place publique
d'fffigies respectables ! Opposons, à l'exaltation fu-
neste des renommées sanglantes, le culte fécond
des grands hommes pacifiques : à l'ombre de ses
autels augustes naîtront les générations laborieuses
et viriles !
Chansonniers du jour, disciples gracieux ou
sévères d'unmaître charmant et grave, soyez, comme
il convient, l'avant-garde des enthousiastes! Prélu-
dez à l'hommage pubhc par le souvenir filial, au
bronze par la couronne ! L'âme souriante de Déran-
ger ne doit apercevoir qu'àtraversmillefleursoflertes
par vous la statue que lui dédiera la France !
L. Henry LECOMTE.
26
LA CHANSON
LA
VIE DE BÉRANGER
Les Egyptiens jugeaient les morts, et, après une
enquête publique, prononçaient la gloriflcation ou
l'anathème. Nous aussi, nous examinons la vie des
grands penseurs disparus, afin d'y trouver un ensei-
gnement pour ceux qui vivent.
La biographie du chansonnier illustre est très-
simple. Les événements n'y sont pas compliqués ;
l'influence du poëte s'exerça par l'action de sa pensée
et non par celle de sa personne. Il fut toujours ce
qu'autrefois on appelait un sage, ce qu'aujourd'hui
on doit appeler un honnête homme.
Pierre-Jean de Béranger naquit, à Paris, rue
Montorgueil, le 17 août 1780. Son grand-père était
tailleur. Dans une chanson, le Tailleur et la Fée,
le poëte donne lui-même ces premiers détails. Il
resta à Paris jusqu'à l'âge de neuf ans; il assista à la
prise de la Bastille ; ce fut là pour lui une grande
leçon d'histoire contemporaine. Quarante ans après,
il se rappelait cette époque dans une autre prison
qu'on nommait la Force. Vers cet âge de neuf ans,
l'enfant fut envoyé à Péronne, chez une tante pater-
nelle qui tenait une hôtellerie. C'est là qu'au milieu
des loisirs que lui laissaient ses fonctions de garçon
d'auberge, Béranger lut Voltaire. A chaque étape
de sa vie, la destinée lui réservait un enseignement.
L'éducation que donne le sort est rapide et substan-
tielle ; elle se compose de grands spectacles et de
fortes lectures. C'est à Péronne que Béranger fut
frappé de la foudre, accident qu'il rappelle quelque
part. A quatorze ans, il entra en apprentissage chez
un imprimeur de Péronne, M. Laisné, qui resta un
ami du poëte dont la reconnaissance donne l'immor-
talité. Â dix-sept ans, Béranger revint à Paris. Il
ébaucha une comédie, les Hermaphrodites; il essaya
d'édifler un poëme épi jue, Clovis ; il composa plu-
sieurs dithyrambes : le Déluge, le Jugement der-
nier, le Rétablissement du culte ; il publia une idylle,
le Pèlerinage. Sa vocation était décidée ; il cherchait
sa voie. Vers ce temps, en proie aux luttes que la vie
impose même à ses favoris, découragé par la misère
qu'il sut vaincre si noblement et qu'il a surmontée
pendant cinquante années en face d'une époque avide
et corrompue, vers ce temps Béranger pensa à partir
pour l'Egypte. Il renonça à son projet , et Lisette
lui fit oubhersa pauvreté. Toutefois, l'avenir demeu-
rait sombre et les défaillances revenaient à certaines
heures. Ici se place la protection accordée, en 1803,
au chansonnier par Lucien Bonaparte. Vers 1809,
grâce à l'appui d'Arnault, Béranger entra comme
expéditionnaire au secrétariat de l'Université, avec
douze cents francs d'appointements. En 1813, il fut
fut reçu membre du Caveau. Cette circonstance, insi-
gnifiante en apparence, décida de sa gloire en lui
confirmant sa vocation. Le succès donna de la certi-
tude à son génie, et sa popularité marcha avec rapi-
dité. Après la seconde restauration, elle était établie.
Ses refrains frondeurs trouvaient des échos. Il grandit
avec le_ succès. En 1815, l'expéditionnaire avait été
menacé dans son emploi quand parut son premier
recueil;- la publication des chansons nouvelles de
1821 amena sa démission. En outre, il eut à subir
trois mois de prison et cinq cents francs d'amende. On
va voir maintenant jusqu'où peut s'élever le talent
persécuté. « Croyez-moi, car je suis souvent en pri-
son ! » disait Saint Paul ; on crut Béranger, qui se
dressa comme un adversaire formidable contre un
pouvoir impopulaire ; il employa toutes les armes
et se jeta sans prudence dans la lutte, oii toute une op-
position le suivait. Ils ne virent que le moment et ne
songèrent pas au lendemain. Un second procès frappa
le poëte d'une condamnation . Ici apparaît un de ces
personnages que le hasard rend célèbres pour avoir
servi d'instruments de persécution. Marchangy, raillé
ridiculisé, exécré, ne méritait que l'oubh, comme
tant d'autres. Dante plaça ses ennemis en enfer, et le
châtiment les a illustrés ; dans l'œuvre de Béranger,
Marchangy joue le rôle d'une marionnette à tête dure
qui reçoit quelques coups de bâton. En 1828, parut
le troisième recueil de Béranger : c'était sous le mi-
nistère de Martignac. L'Ange gardien, le Sacre de
Charles le Simple, et la Gérontocratie valurent au
chansonnier neuf mois de prison et dix mille francs
d'amende. Le pays libéral paya l'amende.
Après 1830, Béranger pubha un dernier recueil,
le plus beau et le plus élevé. Le poëte a toujours
marché en grandissant. Il s'est arrêté trop tôt. Ceux
qui se consacrent à la défense de la liberté ne doi-
vent pas compter sur le repos. Il y a toujours à
pleurer pour les poètes. Une légende païenne raconte
que chaque fois qu'un danger menaçait la Grèce
il y avait à Cumes un Apollon qui pleurait.
M. Bérard, dans ses Souvenirs de 1880, raconte
que Béranger « avait cherché à faire comprendre
à l'assemblée centrale de la rue Richelieu que la
République était en ce moment impossible ou tout
au moins fort dangereuse ; et telle était l'exaspération
des esprits, qu'il avait été presque maltraité. » Les
amis du poëte arrivèrent au pouvoir et il refusa
tout, titres et emplois. Cette conduite devrait être
celle de tous les gens de cœur ; toutefois, nous devons
l'honorer comme une vertu, puisque Béranger offre
un exemple presque unique d'un pareil désintéres-
sement. Il se retira dès lors dans la solitude, et vécut
loin du monde jusqu'en 1848. Il n'écrivait plus et
cherchait le repos. Comme sa réputation n'était pas
une de ces vogues factices qui ne peuvent se soute-
nir que par des publications sans cesse nouvelles, il
jouissait d'une popularité sereine et douce. Tous les
regards connaissaient ce simple vieillard ; on se le
montrait dans les rues, et l'on suivait respectueuse-
ment ses cheveux blancs rejetés en arrière et répan-
dus sur un dos voûté par l'âge.
Février arriva, et la reconnaissance du peuple se
manifesta par une explosion que Béranger ne pré-
voyait pas. Il fut nommé représentant pour siéger à
l'Assemblé Constituante .Le poëte refusa; ses collè-
gues n'acceptèrent pas sa démission ; il la renou-
vela, et lecture en fut faite le matin même du 15 mai.
Ici se présente une question : Béranger était-il
libre ? Peut-on se soustraire à un devoir ? Paris di-
sait, par son vote, à l'illustre chansonnier : « Tu as
combattu pour la liberté, tu as souffert pour elle ;
depuisquinzeanstu étais las, comme nous, de toutes
les royautés et de tous les despotismes ; tu as ense-
mencé le sol ; la moisson et la vendange sont faites :
viens manger le pain des libres et boire à la coupe
de l'égalité ; tu avais fait un rêve, il est réalisé :
viens saluer le soleil avec nous ! » Béranger, pris
LA CHANSON
27
d'un accès de sagesse désespérée, voulut rester à
l'écart. On a publié, depuis, quelques lettres du
poète oli il semblait dire, en 1848, comme il avait
dit en 1830 : « Pas encore ! » Nous admirons le
bon sens et nous vénérons le génie; mais l'histoire
de nos idées prouvequ'une telle patience serait une
vertu dangereuse, et nous pensons que ce n'est pas
assez de savoir supporter la prison quand nos enne-
mis régnent, et qu'il faut encore braver l'impopula-
rité, à l'heure où nos amis triomphent. Déranger
pouvait sans scrupule ni répugnance entrer dans
celle Assemblée où ses amis étaient en majorité, oii
l'œuvre qu'on allait entreprendre était l'cdilication
de l'avenir, oii l'emportement et l'excès de quel-
ques-uns avaient besoin d'être contenus par une
)irudence respectée. Les plus honnêtes, les pins purs
ont traver.-;é la l'ournaise ; et qui sait ce qui serait
arrivé en mainte circonstance si Béranger eût prêté
à sa cause l'autorité de son vote et de sa personne ?
Il ne s'agit pas là d'ambition satisfaite, ni d'apo-
théose bruyante à chercher, ni d'orgueil à tenter un
beau rôle ; il s'agissait d'un devoir à remplir et d'un
danger à affronter. Nous regrettons que Béranger
•n'ait pas engagé sa vie dans ces journées; la cou-
ronne qu'on a déposée sur sa tombe aurait peut-
être eu quelques épines; mais les épines se mêlent
harmonieusement au.\ lauriers, et la grande gloire
se complète bien par un peu de martyre.
Toutefois, il n'yaura pas eu beancoupd'exislences
en ce siècle pins dignes de servir d'e.xemple et d'être
proposées connue modèle. Le désintéressement le
jilus pur ut la loi de cette vie si longue. La sage
médiocrité et la pauvreté sacrée furent les hôtesses
de Béranger. A une époque de corruption et de cu-
pidité comme la nôtre, cet homme vécut et mourut
sans un mauvais désir, sans envie, satisfait du pain
quotidien, léguante la génération qui lui survit l'en-
seignement de soixante-dix années d'une intégrité
souriante. 11 sut vaincre le plus redoutable ennemi,
le besoin, « Celui qui se soumet aux hommes s'est
auparavant soumis aux choses », a dit Epictète.
Béranger domina les idées morales de son temps
en se faisant une gloire de ce dont la foule a honte,
et le modeste chansonnier, qui subit trois condamna-
tions pour I outrage à la morale publitiue et reli-
gieuse », pratiqua l'Evangile dans ce que sa doctrine
a de plus pur et de plus méconnu, dans son respect
pour la pauvreté. — Il avait raillé le pape, répon-
drait Marchangy ; et la vie tout enlière du poëte
atteste un bien plus grand scandale ; il avait couipris
le Christ en faisant le bien et en restant pauvre.
C'est là ce que le peuple a honoi'é en lui. Le peu-
ple a horreur des liypocrisies; il diHeste le faste
égoïste et méprise tous ces orgireilleux enrichis qui
ont de la boue aux genoux et aux lèvres : lisent que la
corruption le gagne, que les mauvaisrêves l'obsèdent,
et, quand un homme de bien meurt, le peuple se
presse à ses funérailles. Ce sont des fêtes où, pour
lui, la vertu brille aussi claire que le soleil, et il
rentre dans ses ateliers tumultueux vivifié, rassé-
réné, et chantant les refrains du poëte qui vient de
lui rendre l'espérance.
L. LAURENT-PICHAT.
LES CHAriSONS DE BÉRANGER
On a publié, sur Béranger, quantité d'ouvrages
oii l'esprit et la lettre de ses œuvres sont jugés aux
points de vue les plus divers. Il y aurait puérilité à
prétendre recommencer un travail fait et bien fait.
Nous remplaeeronsdonCjàl'avantagede noslecteurs,
une critique oiseuse par un couplet inédit du
grand poëte.
LA CHANSON
Il faut, dans une chanson,
Finesse, grâce et saillie.
Bien moins d'art que de folie,
Plus d'esprit que de raison ;
Sans gailé point de critique,
Quelque licence poétique,
-Même un jeu de mois comique,
I,e tout sur des airs badins :
Ayez ces façons de plaire,
Et la France tout entière
rtc|iétera vos refrains.
Ce couplet, trouvé par nous dans les papiers de
M'"° Mélanie Waldor, est curieux, maison aura rai-
son d'y voir une boutade plutôt qu'un précepte bon
à suivre.
A. PATAY.
BÉRÂHGEB ÂOTEUR DRâiÂTIQUE
A son aurore, le génie se cherche lui-même. Peu
d'écrivains illustres ont pris, sans hésitation, la
voie qui devait les conduire au triomphe. Les essais
variés de nos gloires littéraires, leurs luttes multi-
pliées contre l'obscurité misérable, fournissent d'or-
dinaire aux biogra])lics des pages pleines d'intérêt
et d'émotion. Les développements succes.sifs d'un
grand esprit sont, pour l'âme humaine, le plus élo-
quent des spectacles. Dans cet ordre d'idées, je me
fais un devoir d'offrir, aux amis et aux critiques de
Béranger, un élément nouveau d'appréciation.
Soumis à la loi commune, Béranger, en effet, n'a
point demandé d'abord aux couplets l'aliment de
ses rêves ; la poésie épique, l'idylle et le théâtre
ont successivement tenté sa jeune muse. Je m'atta-
cherai surtout à ses tentatives dramatiques, connues
seulement par un passage de son autobiographie,
qu'il est urgent de reproduire':
« J'essayai plusieurs comédies, dont deux en
cinq actes. Il y en avait une sur ou contre les savants
et une autre intitulée 7e.s Hermaphrodiles, titre bi-
zarre, sous lequel je peignais des ho.mmes effémi-
28
LA CHANSON
nés, reste de l'ancien régime, et des femmes affec-
tant les habitudes de notre sexe. J'écrivis même
plusieurs actes de ces deux pièces Ce n'est pas ce
qui devait leur manquer de sens commun qui m'ar-
rêta, mais le soin que, presque malgré moi, je don-
nais à la facture des vers, préoccupé que j'étais du
choix de la forme, de la saillie du mot, substituant
même parfois l'image à l'expression simple de la
pensée. De cette façon, qui tient de l'épître, on fait
la comédie comme Gresset dans 7e il/ycAa/2f ; mais on
reste loin, je ne dirni pas de Molière, qui atteint seul
la perfection du style comique, mais bien loin même
de Regnard qui, comme l'auteur du Misanthrope,
avec des moyens et un but différents, produit d'un
jet la tirade et le dialogue dans une forme pleine
d'esprit, d'abondance et de gaîlé...
« Pour la centième fois, je me mis donc à relire
mes auteurs favoris, et je ne me sentis plus le cou-
rage d'achever des comédies, dont plus de sept
actes allèrent rejoindre tant d'autres ébauches aban-
données. Je m'avouai que je pourrais être un homme
de style, d'imagination même, mais que je ne serais
pas un écrivain dramatiipie. A l'âge des présomp-
tions, il est rare qu'on découvre ainsi ses entés fai-
bles; je me suis toujours su un gré inluii de cet
acte de bon sens. Si, depuis lors, j'ai tenté quelque-
fois d'aborder la scène, le besoin seul m'y a con-
traint.Heureusementjen'obtins jamais les honneurs
d'une lecture. »
Ce récit, on le verra, n'est pas d'une exactitude
absolue. Béranger attachait évidemment trop peu
d'importance à des essais sans résultat pour leur
donner, dans l'histoire de .sa vie, la place que je
veux leur faire aujourd'hui.
Gomme annotation au fragment qu'on vient de
lire, Béranger, avouant sa collaboration au vaude-
ville des Canitik'ons, s'irrite qu'un bibliomane lui ait
attribué les couplets de plusieurs pièces d'Antier. Il
est certain que ce dernier possédait, pour la chan-
son de théâtre, un talent réel ; mais le répertoire des
agents dramatiques attribue formellement à Béi-an-
gerune part de travail et de droits dans les œuvres
suivantes :
Les Caméléons ou Une matinée d'un homme
en place, vaudeville en un acte , avec Moreau etWa-
fflard (Vaudeville, 25 octobre 1815) ;
Haguenier ou l'Habit de cour, vaudeville en 1
acte, avec Anlier et Delespine (Porte-St-Martin, 10
juillet 1818) ;
La Lsntei-ne sourde ou les Deux portefaix, vaude-
ville en 1 acte, avec Désaugiers, Antier et Hubert
(Vaudeville 20 mars 1823) ;
La Maison de plaisance, vaudeville en 1 acte, avec
d'Epagny et Antier (Vaudeville, 8 octobre 1823) ;
Attila ou le Troubadour, vaudeville en 1 acte,
avec Antier et Bilderberck (Vaudeville , 7 février
1824;
Les Femmes ou le Mérite des femmes, vaudeville
en 1 acte, avec Antier (Gaîté, 23 mars 1824).
A cette époque, lesgens d'esprit s'associaient vo-
lontiers pour un ouvrage de courte haleine, plutôt
dans le but de cimenter leur amitié par un travail en
commim, que parun besoin réel de secours;donc, quoi-
que Béranger, délicat ou modeste, ait cru devoir s'en
défendre je m'en tiens fermementau catalogue, dressé
avec une attention minutieuse pour la répartition équi-
table des droits. Mais, bien que les pièces énumérées
plus haut soient toutes imprimées, il serait impossi-
ble, on le comprend, de déterminer la part exacte
qu'y eut le grand chansonnier. Je puis heureusement
appuyer le jugement que je prétends porter dutalent
dramatique de Béranger sur des titres moins discu-
tables.
Ces titres, dont aucun biographe n'a fait mention
jusqu'ici, sont trois pièces de théâtre, en un acte
chacune, écrites sur des gammes différentes, avec
la préoccupation constanle de la scène. Les ma-
nuscrits précieux de ces ouvrages mefurent un jour
communiqués par l'inliiiie ami du poëte, Ben-
jamin Antier, (|ui m'iiouoi'ait d'une affection pater-
nelle. Je les lus avec respect, prenant, sur l'autorisa-
tion de mon vieil ami, des notes abondantes, que je
suis heureux d'offrir aux lecteurs de notre Chanson.
La première des œuvres inédiles de Béranger
porte ce titre attrayant. Ge n'est malheureusement
pas l'étude de mœurs qu'il peut faire espérer, mais
un tableau-vaudeville, broché pour la représentation
de clôture d'une de ces petites sociétés dramatiques
qui pullulaient sous l'Empire. La donnée de cet à-
propos;, destiné à l'existenoe d'un soir, est des plus
faibles, le dialogue en est sans éclat, mais les nom-
breux couplets qui égaient l'œuvre méritent une
attention particulière. Je donnerai les plus remar-
quables, indiquant de la pièce ce qu'il est bon de
savoir pour l'intelligence des citations.
La scène est ouverte par Roger, jardinier faisant
auprès des acteurs bourgeois, office de garçon d,
théâtre. Tout en mouchant les chandelles, enportane
les billets, en baissant la toile, Roger observe, et
non sans profit, si l'on en croit ce tableau qu'il peint
du contraste des coulisses avec la rampe :
Un amant
Exprimant
Son martyre,
Rc dit tout près d'expirer,
Kt, s'il vous fait pleurer.
Au foyer s'en va rire,
Telle aussi,
Fait ici
L'inhumaine,
Qui, pour s'en laisser conter,
A hà!e de quitter
La scène.
Deux amanis pris de tendresse
S'unissent-ils dans la pièce.
Ce nœud vain
Do l'hvmen
Fait l'office,
Car, en vrais époux déjà.
Ils disputent dans la
Coulisse.
Par divers
Des travers
Que l'on fronde,
Je vois qu'un spectacle ainsi,
Nous peint en raccourci
Le monde.
LA CHANSON
29
Avec le jardinier, discourt le coiffeur Quézin, va-
niteux, bavard, et surtout grand ami du vin: —
« On me donne pourboire, dit-il, je me fais un de-
voir de remplir l'intention du fondateur, etje bois u.
Il apprécie pourtant les mérites de l'eau, qu'il énu-
mère dans ce couplet :
Papa Noô, dans sor; baleau,
Fut Iransporlé jadis par l'eau.
Jusqu'où croissaient les treilles.
(;hacun ehei-ehe ses intéréis,
Or, sans l'eau, point de cabarets,
Car elle y t'ait merveilles;
Avec de l'eau, je rase, enfin,
0tC2 l'eau, je re.sie sans vin,
Et l'eau, l'eau, l'eau.
Fait joindre un tonneau
Et rince les bouteilles.
La maîtresse du logis interrompt cet entretien.
Philaminte est peu satisfaite. Directrice delà troupe
des Amis deMolinrc, et passionnée pour l'art drama-
tique, elle voudrait jouer sans cesse, et ses acteurs
désirent, pendant les beaux jours, suspendre leurs
représentations: — « Ils se trompent en croyant
manquerde spectateurs », dit Philaminte:
Les habilanls de celle ville
Uédaigncnl l'aspect du pi'intemps.
Ils craignent un séjour tranquille.
Peuvent-ils s'amuser aux champs?
Leur cœur, blasé par l'imposture.
Préforera toujours, je crois,
' Au spectacle de la nature,
Un spectacle même bourgeois.
Les amis dont on se plaint arrivent précisément
pour reprendre la disiuite ; on se querelle, des
mots piquants sont dits, et Philaminte" s'en
irrite :
De vos procédés insolents
Un joui' je tirerai vengeance.
Mes moyens pourront être lents
Etje les couvre du silence.
L'amilié ne peut obliger
Sur rien noli'osexeau mystère.
Mais du besoin de se venger
Ui";e femme apprend à se laire.
Un des acteurs, Orgon, ramène un peu de calme
en exposant la bonne idée qu'il aeuede mettre sur
le théâtre un buste de Molière. —Soudain, un éclat
de rire part du foyer; c'est Momus, envoyé par Tha-
lie auprès des comédiens. Il a fait en observateur son
voyage de l'Olympe à la terre:
En courant, j'ai vu de là-haut
Les voyageurs de votre sphère;
J'ai vu par excès ou défaut
Bien des gens perdus sur la terre ;
Si, pourse délasser.
J'ai vu des gens passer
La borne qu'on redoute.
J'ai vu que, pour les remplacer,
D'autres étaient en route.
J'ai vu peu d'esprits s'élever;
J'ai vu des intrigants descendre;
J'ai vu les méchants s'entraver
Dans les chemins qu'ils voulaient prendre ;
J'ai vu des courtisans
Ramper dans tous les sens,
J'ai vu, quoi qu'il en coûte.
Vers le bien marcher quelques gens.
Mais tout restaient en route.
Momus approuve le projet des acteurs de
fermer leur théâtre pour jouir des agréments de la
saison :
L'âme tranquille et pure.
Au hameau guidez les jeux;
Plus près de la nature.
Vous en serez plus joyeux.
Pour leur gaîté sans pai'eille.
Si l'on vante vos parents.
C'est qu'ils buvaient sous la Ireille,
Et suivaient l'amour aux champs.
Mais il exige d'eux le compte-rendu de leurs
travaux; on lui nomme quantité de pièces modernes.
Et de Molière'? Pas une œuvre. Momus s'indigne.
Pourquoi dédaigner ce génie?
Dans chaque leçon qu'il donne
Il sourit pour entraîner.
Même quand il déraisonne
Il nous force à raisonner;
C'est, dans plus d'une saillie.
Un sage au sein des buveurs.
Barbouillant ses traits délie
Pour mieux eoi'riger leurs mœurs.
De quel droit alors prendre le nom ù'Amis de
Molière '? Après une violente apostrophe, Momus
voile le buste du grand écrivain, défend aux acteurs
de le découvrir, et sort en menaçant de livrer les
coupables aux fureurs du di;ame. Défenses de dieux
sont faites pour être méprisées; une actrice auda-
cieuse arrache le voile malencontreux : Momus pa-
rait sous les traits de Molière, il vient, dit-il, punir
le mépris fait de ses œuvres :
Toujours j'ai défendu le goût.
Do l'art, j'ai posé les limites
La raison réprouvait en tout
Les erreurs qu'enfin j'ai proscrites ;
En badinant j'aicombaitu
Le faux savoir et le caprice.
J'ai fait sourire la vertu,
Etn'ai fait pleurer que le vice.
J'atteignis, pour servir les lois.
Où les lois ne peuvent atteindre.
Et tel qui fit taire leur voix
Eut sans cesse la mienne à craindre ;
Près de l'innocent abattu.
Mon cœur démasqua l'artifice.
Et pour consoler la vertu
J'ai fait la peinture du vice.
Cependant, il veut aider les acteurs à désarmer
Momus ; il leur conseille d'opérer avec Tartufe la
clôture annoncée. Certains mots plaisants de l'al-
locution ont décelé le dieu badin qui se fait enfin
reconnaître et pardonne aux comédiens en ces ter-
mes:
Sachez que le plus gai des dieux
Punit moins qu'il ne fronde,
30
LA CHANSON
Et que jamais sur cœur joyeux
La haine ne se fonde ;
Vous me narguiez, mais, entre nous,
Loin d'en i-essentir du courroux,
De moi riez, je ris de vous,
Car ainsi va le monde.
La paix signée, sur l'engagement pris de donner
Tartufe à la place des trois pièces attendues, le
vaudeville final retentit :
Trois mois quitter nos spectateurs
A chacun cela coiite.
Mais, sans que nous soyons meilleurs.
On reviendra sans doute:
Dans nos acteurs offrant aux ris
Leur faiblesse avouée,
On se voit plus que des amis
Quand la farce est jouée.
L'homme, sur la scène du temps,
N'est qu'une marionnette,
Cinq fils, qu'on appelle des sons,
Font agir la follette:
Cette machine, par le sort.
De quoique attrait douée.
S'éveille et rit, bâille et s'endort.
Et la farce est jouée!
Si le cadre choisi par Béranger n'a pas grande
valeur littéraire, il eût été fâcheux, on en conviendra,
de n'en pas détacher les couplets qu'on vientde lire.
Le maître s'y devine sous les timidités du débu-
tant.
La Vieille Femme et le Jeûna Mari
Le second manuscrit de Béranger porte cette note
piquante, de la main de l'auteur : « Pièce refusée
comme étant immorale, ce qui est très-édifiant de la
part de MM. les Comédiens. » En dépit des assertions
de l'autobiographie, il y avait donc eu présentation
et lecture? — Oui, et Béranger précise le détail par
cette ligne spéciale: « Lue en assemblée générale, le
mercredi 36 juillet 1810. » De cette œuvre, destinée
à rOpéra-Gomique,je vois peu de choses à dire. Non
que le jugement des acteurs-chanteurs soit motivé —
la pièce est gaie sans licence, — mais il est bien
difficile défaire apprécierun opéra-coraïque par une
analyse, et de citer des couplets qui, détachés du
dialogue, n'offrent aucun sens et s'adaptent à des
airs inconnus. La Vieille Femme et le Jeune Mari mé-
ritait évidemment les honneurs delà scène, et nul
doute qu'à un moment donné cet ouvrage original
deviendra l'objet d'une publication favorablement
accueillie. On aura d'ailleurs de l'intrigue, amusante
et bien conduite, l'idée la plus exacte en lisant un
vaudeville de M. Rochefort, Scipion, joué en 1836,
aux Variétés, par Frédérick-Lemaitre. Je signale,
sansm'arrêter, cette rencontre singulière, et j'aborde
la troisième et la plus remarquable des pièces incon-
nues de Béranger.
E<e Paresseux
C'est une comédie en vers, écrite avec les recher-
ches de style avouées plus haut par l'auteur, et qui
mérite une attention particulière.
La scène se passe à Paris, sous l'Empire. Cléon,
homme de plaisir, prétend faire épousersa fille Elise
à Dorante, son ami, domicilié dans la même mai-
son. Klise préférerait cependant le chevalier Valère,
et Dorante a pris jadis, avec une comtesse sa cou-
sine, des engagements gênants pour ses projets. On
est arrivé pourtant sans incident au jour du mariage,
quand la pièce commence par ce récit du valet Pro-
vençal:
Que de peines, bon Dieu, pour nos apprêts de noces l i
Lettres, bijoux, musique, habits, festins, caresses,
A tout il faut penser, courir je ne sais où.
Sortir la bourse pleine cl rentrer sansun sou.
De son côté, mon maître aura fait ses affaires ;
Pour voir curé, témoins, magistrats et notaires,
Recueillir de l'argent, pénétrer à la cour.
Il m'a fait l'éveiller dès la pointe du jour :
Il n'a depuis dix ans fait une œuvre pareille !
Bien lui prend que l'amour l'ait tiré par l'oreille.
Et moi, s'entend ; car, seul, l'amour en vain, je crois„
Pour l'arracher du lit l'eût éveillé dix fois :
Ce bon M. Dorante a tant, tant de paresse !
Mois que pense de nous la jalouse Comtesse,
Cette belle cousine? elle doit tout savoir;
Pour nous laisser en paix, il faut qu'à se pourvoir
Elle travaille aussi... ma foi, ce serait sage: '
Le plaisir de changer venge bien d'un volage !...
La comtesse n'a pas pris si facilement son parti ;;
elle ^e prouve en venant avec colère revendiquer ses- ^
droits. Quelle raison peut donc porter Dorante à la
délaisserpour une provinciale moins belle, moins spi-
rituelle et moins riche? — « Vous auriez dû trou.-j
ver », réplique Provençal :
Grand ami du beau-père, ayant même demeure.
Mon maître ici peut voir sa maîtresse à toute heure,.
Et sans se déranger ; au lieu que, du Marais
Jusqu'au quartier d'Anlin où logent vos attraits.
C'est par jour une lieue, eu trois ans plus de mille...,
Vous avez eu longtemps un commun domicile,
Et votre époux défunt, qu'on trouvait un pou vieu.x.
L'avait logj chez vous, malgré les envieux ;
Qu'alors vous viviez bien!
LA COMTESSE
Taisez-vous.
in"
PROVENÇAL
J'imagim
Qu'un cousin peut loger auprès de sa cousine...
Cependant, sur la lin, le comte, un peu jaloux,
Nous pria poliment de sortir de chez vous;
La mort le tourmentait... il avait des lubies :
Rien n'affaiblit l'esprit comme les maladies!...
Ces souvenirs ne font qu'irriter davantage la
comtesse; elle a entre les mains un moyen excellent
de vengeance, ruiner le traître en faisant casser un
testament discutable. Elle a commencé déjà les hos-
tilités par l'envoi d'exploits que Dorante, Provençal!
LA CHANSON
31
le confefsse, a brûlés sans les lire. Son maître, pa-
resseux avec délices, ne lit ni n'écrit, et les billets
ardents, que la comtesse recevait autrefois, étaient
du style et de la main du bon valet. Ce dernier trait
confond l'abandonnée, qui se retire pour stimuler
les gens de justice.
La perspective de la ruine effraie Provençal; après
tout, pourquoi son maitre ne s'en tiendrait-il pas à
la comtesse, faite à ses habitudes ? Elle vaut d'ailleurs
Elise. Précisément, celle-ci parait avec son père, à
qui elle persiste à dire l'éloge du chevalier. Cléon
n'aime pas Valère, dont le père lui a fait tort jadis,
et dont les manières réservées s'accorderaient peu
avec ses goûts de plaisirs: — Elise est d'humeur
accommodante ; ce qui la séduit en Valère, c'est
qu'il est homme de
naissance ; en l'épou-
sant, elle pourrait
aller à la cour, admi-
rer des diamants, „de
belles toilettes , 'en
porter elle-même :
la perspective est at-
trayanle pour une
fille élevée sévère-
ment en province !
Dorante , cependant,
ne lui semble pas
désagréable ; aussi
promet-elle à son
père d'oublier le che-
valier,mais en échan-
ge, l'ingénue pré -
tend exiger de son
futur parures et bi-
joux, et réaliser, grâ-
ce à lui, son rêve,
briller.
Cléon s'ébahit do
la naïveté de sa lille ;
mais Provençal qui,
tout en préférant la
comtesse , ménage
Elise, l'excuse. Rien
(le oliis naluiel, chez
une jeune beauté, (|ue
l'envie de paraître.
— Vous serez sa-
tisfaite, conclut le va-
let mon maitre est
allé terminer ses
achats :
... Le jour ne faisait que tle naîlre
Qu'avec grand bruit chez lui j'ouvre poi-le et fenêtre:
« Monsieur? Monsieur? Monsieur? ilfaut vousmai'ier!
Debout, Monsieur, debout!... » Je me lueà crier:
« Monsieur, vous dormirez après le mariage!... »
11 bâille, ouvre les yeux, se frotte le visage,
El dit : « Quelle heure est-il ? » — Sept heures elle quart
(Il était moins) — « Maraud, tu m'éveilles trop tard »
— Ce qu'il n'a jamais dit! — et, grâce à sa tendresse.
Le voyant en bon train de vaincre la paresse.
Je sors, et de Paris deux fois j'ai fait le !our...
Il est midi, bientôt il sera de retour. i>
Illusion! Dorante paraît, en effet, mais en robe de
chambre et bâillant. Il avait bien quitté son lit,mais,
n'ayant personne pour l'habiller, il s'est tranquille-
ment recouché. Voilà certes un beau trait de paresse,
et Cléon n'en est pas plus satisfait qu'Elise. Dorante
excuse son défaut, qui n'est pas ce qu'on croit. N'a-
t-ilpas fait la guerre et ne s'est-il pas distingué?
Si je n'eusse reçu deux blessures fort graves,
On me verrait enoor combattre avec nos braves ;
Mais, quitte envers l'Elal, en paix avec l'honneur,
Je suis le doux penchant qui me mène au bonheur.
Ennemi des emplois dont le faix importune,
Je ne voudj-ais pas faire un pas vers la t'orlunc;
Je dédaigne les bii'.ns qui font lant de jaloux.
Et, malgré les brocards dont vous m'accablez tous,
Ce qu'on nomme paresse est ma philosophie !
Est-il paresseux,
d'ailleurs ? N'est-ce
pas à la nonchalance
de Pi'ovençal qu'il
faut attribuer tous
les relards dont on
se plaint? Cléon, qui
le raille, s'est-il fait
éveiller aussi matin
que lui ?
— J'étais levé plus
toi, riposte le bon-
homme. Il apprécie
à leur valeur les jus-
tilicalions de Do-
rante, et lui conseiller
amicalement plus
d'attentions pour sa
lianccc. Elise est jeu-
ne. Dorante ne l'est
plus guère ; or, quand
l'âge mûr a sonné,
c'est par les polils
soins qu'il faut inté-
resser les belles. Un
époux paresseux a
contre lui de mau-
vaises chances. De
plus Elise , comme
son père, avoue pour
les distractions mon-
daines un penchant
que Cléon, très-in-
dulgent . définit et
motive de la manière
suivante :
A toute heure, en tout lieu, le plaisir me captive,
Je voudrais fuir toujours le sommeil (|ui m'en prive ;
A. table bon convive et bon convive ailleurs
Pour vivre avec les fous, j'ai choisi les meilleurs,
La folie est fort bonne et sagement j'en use,
J'ai même mauvais Ion lorsque cola m'amuse;
Plus d'une belle encor ne me eroil que trente ans,
C'est vivre au moins cela! Je fais deux fois mon temps,
Toi, tu ne vivras pas !
Cependant il admet que, pour faire contre-poids à
un père peu sage, il doit choisir un époux raisonna-
ble pour sa lilie. Dorante est biea son affaire ; il le
32
LA CHANSON
comprend à merveille et lui demande déjà de com-
mencer son rôle de réparateur. Il n'a pas l'argent
de billets échus et se trouve ainsi sous le coup d'une
saisie ; de plus l'Etat a mis, par erreur, tous ses
biens en séquestre ; or, Dorante est riche et connaît
le ministre ; mais il l'aut agir sans délai, les deux
choses devant être terminées le jour même. Quoique
bon ami, Dorante, demeuré seul, frémit à la pensée
des démarches à iaire :
... Hélas! la Comtesse, autrefois,
Des affaires pour moi supportait tout le poids ;
De mes ljoûIs, sur ce point, elle avait fait l'élude ;
Rien ne m'excuserait dans mon i.Ti^ralilude,
SI son cruel penchant si voyager toujours
N'eût en route, à la fin, fait verser nos amours.
Je hais tant voyager!... puis, les charmes d'Elise...
Il se peut que pourtant je fasse une sottise!. . .
Il faut s'habiller toutefois, mais Provençal s'oc-
cupe à diriger une armée d'ouvriers et demarchands
dont le maitre, assis, regarde les allées et venues :
J'aime à considérer Ions ces hommes actifs
Eux seuls de chaque empire entretieniienl la vie ;
De m'agiter comme eux. j'ai quelquefois l'envie...
Provençal ?
PROVENÇAL, derribreje lliciilve.
Oui, Monsieur.
DORANTE
Provençal?
PROVENÇAL
Un moment.
(Entrant). Que voulez-vous. Monsieur?
DORANTE
Donne-moi ce roman.
PROVENÇAL
M'appeler pour cela lorsque je suis en nage !
La sortie de Dorante est encore empêchée. M. La
Griffardière, son avoué, vient lui apprendre que,
sur requête de la comtesse, le tribunal, jugeant par
défaut, lui reprend sa fortune. Dorante tombe des
nues; un procès? il n'en a jamais entendu parler.
Provençal rappelle à propos les paperasses brûlées
sans lecture ; Dorante se désole ; La Griffardière
est, heureusement, homme actif; il veut interjeter
appel, et, pour consulter les pièces de la procédure,
oblige Dorante à s'enfermer avec lui.
Valère profite de ce moment pour pénétrer près
d'Elise et jouer avec elle une scène de bouderie. Il
a trouvé, pour écarter Dorante, un moyen excellent,
un duel. Cela semble méchant à l'ingénue ; ne pour-
rait-on l'épouser sans tuer le rival? Valère n'aban-
donne pas son idée, et Dorante ne reparait que pour
être tiraillé, d'un coté par le chevalier qui le provo-
que, et, de l'autre, par un huissier, chargé de saisir
chez Cléon. Il se débarrasse de l'homme de proie
en le faisant e.xpulser par Provençal, et de Valère
en acceptant son cartel ; mais il a plus de peine à
renvoyer la comtesse, qui parait pour faire sur son
cœur une dernière tentative. Elle s'y prend adroite-
ment, la belle, en disant à son paresseux amant :
11 faut que l'on vous aide à vivre,
Des moindres embarras qu'une main vous délivre.
Qu'on éloigne de vous le fourbe et le méchant
Qui voudraient, par des soins, caresser le penchant
Dont le premier venu peut vous rendre victime ;
Sans tout sacrifiera l'amour, à l'estime.
Un cœur sur vous toujours ne peut veiller ainsi.
Et ce coeur bienveillant, le trouvez-vous ici?
Dorante
Quittez, quillez ce ton ; redevenez railleuse,
Injuste, opiniâtre et même impérieuse.
Mais ne raisonnez pas : vous raisonnez trop bien !
La comtesse a sa solution prête : un petit voyage
qui déliera Dorante de ses engagements avec Cléon,
permeitraà Valèred'épouser Elise et fera delasorte
quatre heureux. Un voyage ! Dorante bondit à ce
mot, et ne veut rien entendre. Autour tle lui, cepen-
dant, les eimemis s'accumulent. La Griffardière le
presse d'examiner des papiers importants, l'huissier
revient avec main-forte et veut procéder à la saisie,
Valère vient s'enquérir du motif qui peut empêcher
son rival d'être au rendez-vous accepté; Cléon de-
mande le résidtat de démarches dont il a chargé
sou futur t;enrtre; Elise, tout habillée, s'enquiert du
mariai;e ; curé, notaire, magistrats, furieux, envoient
des émissaires ; enfin, la comtesse, prévenue par
Provençal, décidément de son bord, accourt cher-
cher la réponse à sa proposition. Du coup, Dorante,
anéanti, tombe dans un fauteuil. Le' dénouement.—
heureux — de cet imbroglio se devine. Tandis
c|ue Doi'ante ne mettait même pas son habit,
Valère a fait en faveur de Cléon une démarche cou-
ronnée de succès : le séquestre mis sur ses biens
est levé. Ce service, et la réparation du tort que «
Cléon attribuait au père du chevalier, fait faire à
celui-ci un pas décisif : Elise sera sa femme. Quant
à Dorante, comprenant enfin ses véritables intérêts,
il dit humblement à la comtesse.
Madame, voulez-vous me rendre un grand service?
LA COMTESSE
Lequel ?
Dorante
Epousez-moi. Vous avez bien dû voir
Que du remords tantôt j'éprouvais le pouvoir;
Vous l'avouer alors était presque impossible.
Me voici libre enfin, que votre cœur sensible
M'accorde le pardon que, si vous me fuyiez,
J'irais au bout du monde implorer à vos pieds.
Provençal
Ne fuyez pas si loin, il resterait en route.
Cléon
A ses torts envers vous, j'eus quelque part, sans doute,
Permettez qu'avec lui j'implore son pardon.
la comtesse
Si j'allais vous livrer au plus triste abandon ?
L'amour devrait ainsi punir vote inconstance ;
Obligé de (rainer, vous seul, votre existence,
Vous pourriez être un jour un objet de pitié :
L'amour se vengerait... j'écoute l'amitié.
A la grande joie de Cléon,les deux noces arrêtées
seront l'occasion de festins et de jeux — mais le
dernier mot appartient à Dorante, fidèle à son fâ-
cheux penchant :
Fort bien, marions-nous, mais, avant d'épouser.
Des fatigues du jour allons nous reposer.
Je me suis abstenu, dans le cours de cette analyse,
de tout jugement; on a pu, comme moi, goûter des
vers alertes et s'amuser de situations gaies; je dois
ajouter que la marche des scènes esthabUe, le carac-
tère principal bienobservéet constamment soutenu,
et que le style — point important — n'offre de né-
gligence en aucun endroit. Cette comédie est
absolument remarquable. Après la mort de Béran-
ger, il fut question, m'a-t-on dit, de la représenter
LA CHANSON
33
à la Comédie-Française. Ce serait sa vraie place.
Le Paressc'uv, distribué delà sorte :
Dorante
Provençal
Cléon
Valère
La Griffardière
L'Huissier
MM.
Delaunay
Coquelin aine
Tliiron
Boucher
Coquelin cadet
Barré
les rôles de femmes, peu importants, jouéspar deu.\
actrices intelligentes, /e Pares.9e».v', dis-je, obtien-
drait un succès littéraire et de curiosité. Madame
Antier, qui possède aujourd'hui les trois manuscrits
dont je viens de parler, se prêterait sans doute avec
joie à celte tentative louable, doiit sortirait agrandie
la mémoire du poëte célèbre qui fut son ami.
Je me résume, en terminant. Béranger a fait du
théâtre lonc^neineni, heureusement; il y a renoncé,
non parce qu'il se sentait incapable de rencontrer des
succès, mais parce qu'il lui ri'^pngnait de s'engager
dans une carrière, productive sans doute, mais où
luttent sans cesse, avec toutes les armes, les intérêts
et les amours-propres. 11 eût, sans trop d'efforts,
écrit, aussi bien que d'autres, de légersvaudevilles,
de gracieux opéras-comiques, de iines comédies; il
a préféré augmenter d'admirables et inimitables
chansons le trésor littéraire de la France. Ce n'est
pas ici ni par moi qu'il pourrait en être blâmé.
L. He^ry LECOMTE.
BÉRANGER INTIME
SOUVENIRS ET IMPRESSION-^
Vous me demandez, mon cher Palay, do vous
écrire Béranger intime. Ue grand cœur ! je suis
resté iidèle au souvenir du maiiro de la (•liaiison.
Geque je pensais de lui, tout jeunehomme, quand
j'avais le bonheur de le fréquenter, je le pense
encore. Ce n'est point du fétichisme, c'est de l'ami-
tié, de la reconnaissance ; c'est surtout de la raison.
Déranger était un homme dans la vraie acception
de ce qualificatif: il en avait les faiblesses et les qua-
lités, mais surtout cette qualité rare et qui révèle un
grand cœur: le désintéressement.
En vieillissant, il arrive des moments où toutes
les personnalités qu'on a coudoyées vous apparais-
sent, les mortes et les vivantes ; et, se prenant à
réfléchir sur les actions de ce monde, qui fait ou a
fait partie de soi-même, on trouve des indifférents
en gi'and nombre, des poseurs, des gens d'affaires,
des intéressés cà vous connaître et (car il serait
injuste d'être absolument misanthrope), un petit cer-
cle d'amis vrais, c'est-à-dire de gens prêts à faire
pour vous ce que vous feriez pour eux; mais, je le
répète, le type le plus rare, c'est le désintéressé.
Celui-là n'a pas besoin d'être votre ami ; il a, vous
n'avez pas; il sent qu'il vous doit. Tef était Béran-
ger. Il a dit en vers :
M'est-11 tombé des miettes de fortune.
Tout b.3s je dis : « Ce pain ne m'est pas dû ;
Quoi artisan pauvre, hélas ! quoiqu'il fasse,
N'a plus que moi droit à ce peu de bien »?
En prose, il appliquait cette manière de voir qui
était bien la sienne. Aussi donnait-il en riant sa der-
nière pièce de vingt francs. Voici le fait.
Je rencontre un jour un ami dont je pourrais citer
le nom ; « Ça ne va pas, me dit-il, je manque de
tout; j'avais l'intention de m'adresser à Béranger,
mais je lui dois déjà et... ». J'entendais bien que ce
préambule voulait dire: « Faites-moi donc l'amitié
de voir Béranger pour moi ». Je pris les devants :
« Voulez-vou.s que je sois votre interprète auprès
de lui? » — a. Vous me rendriez bien service. » La
chose était désagréable, je la lis desuite. Arrivé rue
de Vendôme, Béranger n'y était pas; j'écrivis et
laissai sur sa table un mot au crayon dans lequel
j'exposais brièvement la situation de notre ami,
presque heureux de n'avoir (ju'à conlier au papier
ce qu'il m'eût été bien plus gênant de dire au poëte
de vive voix. Le soir, je revins. Béranger accourut
au devant de moi, plein d'affabilité; « Vous arrivez
bien, me dil-il; voilà le petitpaquet que je préparais
pour vous. Ce pauvre X, il tombemal ; voyez! », et
il me montrait la souscription du petit paquet: Ci-
Joint vingt francs avec le regret de ne pouvoir faire
plus ». Puis son œil bleu sourit, et il ajouta:
0 J'aurais pu mettre ci-c/ii au lieu de ci-joint ; mais
mon plus grand regret n'est pas là, c'i.'st de ne pou-
voir mettre deux pièces au lieu d'une sous ce pli,
car, je vous leconfesse, c'estma dernière. 11 est vrai
que je dois toucher de l'argent demain ; ah ! si
Judith savait cela, elle croirait que nous allons man-
quer de pain ! » Et il riait comme un vrai gamin.
Quand il donnait des conseils littéraires, Béranger
causait en accentuant les mots d'une façon très-
sévère; il aimait cela, on voyait dans son regard
et on entendait dans son accent qu'il était heureux,
il appuyait ses observations de citations, souvent
prises dans ses œuvres, il agrémentait son discours
d'anecdotes pleines d'intérêt, et, de temps en temps,
il s'interrompait pour plonger avec Ijonheur deux
doigts dans sa tabatière en métal blanc, puis il re-
prenait sa conversation avec plus de feu comme si
le tabac lui eût donné une vigueur nouvelle.
» N'allez pas trop vite, disait-il aux poëtes, atten-
dez l'inspiration. Si vous êtes bien pénétré de votre
sujet, elle viendra. Attendez ! Voir son nom trop
tôt sur un ])etil livre bleu ou jaune est un bonheur
d'enfant dont on se repent bien souvent. Cherchez
de bons cadres pour vos clumsons; les banalités ne
servent à personne, sinon aux imbéciles, et nous
n'avons pas à compter avec eux. »
Un jour, dans son petit jardin de Pas.sy, il nous
conta ce détail plein d'enseignement :
« Quand je demeurais avec Manuel dans la rue
des Mariyrs, il me disait souvent; « Faites donc une
chanson contre les impôts, c'est de grande utilité »
— « Oui, lui-disais-je, je la ferai , et, ajoutait Bé-
ranger, j'aurais pu la faire de suite et dire: le peu-
ple est accablé d'impôts, qui nous délivrera des
impôts? etc. — Mais cela ne répondait pas à ma
pensée, je voulais trouver un cadre, une action, et
ce n'est que longtemps après la mort de Manuel que
je m'éveillai un matin avecce refrain sur les lèvres :
Lève-toi, Jacques, lève-toi.
Voici venir l'huissier du roi! »
Béranger, qui se donnait souvent comme un ermite,
connaissait au contraire et fréquentait tout le monde,
34
LA CHANSON
c'esl-à-dire tout le monde intelligent : des peintres,
des sculpteurs, des hommes politiques de diverses
couleurs, voire même des savants; il raisonnait sur
tout, art, économie, politique, industrie au besoin;
et ceux qui, en l'écoutant causer, ne l'auraient pas
connu, l'eussent toujours pris pour un spécialiste
dans la question qu'il traitait. L'épigramme ne man-
quait pas dans sa conversation ; souvent il caracté-
risait d'un mot,quelquefoisun peu pointu, teloutelle,
mais le trait était toujours accompagné d'un sou-
rire fin qui disait clairement que l'esprit seul et non
l'esprit de dénigrement l'inspirait. On a chacun ses
petits défauts.
Béranger aimait la jeunesse, la verdeur, la gaité.
« Les gens tristes sont bêtes s, disait-il. J'ai dans
la mémoire une chanson de 1855, plus photographi-
((ue que poétique, qui retrace fidèlement le portrait
de Béranger à cette époque :
Son gi-aml feutre gris sur la tote,
El son cep de vigne à la main,
Sans que pluie ou soleil l'arrèle
On le voit toujours on chemin.
En marchani, parfois il compose
Les i-imes d'un couplet nouveau;
Et chaque rue où son pied pose
Faii poùle dix coups de chapeau.
La gaîlé préside sans cesse,
A ses récits, à ses discours,
ElFamilié de la jeunesse
Est le bonheur de ses vieux jours!
Oui chaque rue coûtait ài\ coups de chapeau à
Béranger; sa tèle était très-connue dans Paris.
Ayant conservé l'habitude do s'habillvr à soixante
ans comme à quarante, bien ues gens quincl'avaient
vu i|u'en graviu'e le reconnaissaient.
Il existe i|uelque ]inrt un [lortrait de Béranger vu
dndof^, ilcssiné par Mailly, qui est saisissant de res-
semblance. 11 l'ut Ihiton 1856, alor^i que Mailly, tout
jeune, iléjH'iisnil dans ses dessins luie verve bril-
lante ((ne sccnndail admirablement son merveilleux
coup de crayon. Le poêle a les mains derrière le dos,
et tient sa miguonnetle canne cep de vigne de la
main droite, elle remue entre deux doigts, la pensée
voit le mouvemenl.Les cheveux rares mais longs et
bien blancs tombent onduleusement sur le col de
chemise 1815 que toute la France connaît au poëte,
et le feutre gris à larges bords est pjsé négligem-
ment, un peu relevé, sur le devant de la tète ; le pa-
letot-sac tombe droit, et ne rappelle en rien les dra-
peries de Rigaud; en somme, ce dessin réaliste est
une œuvre charmante et utile au point de vue his-
torique. Mailly l'a l'ait de visu; il attendait des
heures durant, posté au coin do la rue de Vendôme,
que Béranger franchit le seuil du n" 5, et le suivait
d'un œil observateiu', s'arrêtant chaque vingt pas,
pour donner quelques coups de crayon. 0 enthousias-
me! ô jeunesse !
Béranger était en relation avec tous lespoëtes de
Paris et de la province ; il les fréquentait ou corres-
pondait avec eux. Les poètes de la mansarde étaient
surtout ses amis; il avait pour eux un amour parti-
culier; jamais il ne manquait de répondre aux envois
despoëtes-ouvriers, il comprenait combien ces rap-
sodes modernes avaient besoin d'être soutenus dans
la tâche ingrate et difficile d'instruire ou d'amuser
leurs fi'ères en travail ;il souscrivait à leurs livres,
allait les voir et les invitait à sa table: « Mais ne dé-
sertez pas l'atelier, leur disait-il toujours, c'est une
bonnetrib'ine,et votre outil c'est pour vous le brevet
d'indépendance ».
Parmi les chansons publiées après la mort de Bé-
ranger il y en a une intitulée La Fée aux rimes, œu-
vre pleine de grands sentiments et de larges pen-
sées, écrite par le grand poëte pour la glorillcation
des petits; elle porte en sous-titre : aux poêles ou-
vriers.
Un jour j'arrivai chez Béranger comme il lisait
cette chanson à madame Louise Golet: — « Je vais
recommencer pour vous, me dit-il, cela vous con-
cerne un peu s Je fus émerveillé et du sujet et de la
forme, je témoignai au poëte toute mon admiration,
ainsi que madame Golet. Je comptai les couplets, il
y en avait six. Comment se fait-il que cinq seule-
ment sont imprimés? — Voici pourquoi: le couplet
qui manque finissait par ces deux vers :
Tuer les rois, n'est-ce pas les sacrer ?
C'est oublier comme on les chasse!
Or, c'est en plein empire qu'eut lieu la publica-
tion des Œuvres postiiunies, et l'on ne voulut pas
mettre à jour un couplet aussi subversif, dans la
crainte de déplaire à César, ce bon César qui, sous
prétexte d'honorer le poëte national, l'avait fait en-
terrer aux frais de l'Etat, dix-huit heures après sa
mort, fait inouï de politique peureuse et jésuitique.
Et cette autre chanson : Les Bourreaux et les Rois,
est-elle perdue aussi? pourquoi ne pas donner au
public juge l'œuvre complète de Béranger ? Com-
ment ! encore la censure ! celle de ses ennemis de
son vivant, et celle de sesamis après sa mort? Sou-
venez-vous donc, châtreurs intéressés que votre
victime avaité.crit : Ahque Dieunous délivre au moins
du censeur !
Notre raison, six mille ans endormie,
Enfin s'éveille après un long effort;
Déjà chez nous on parle économie,
Et du vieux code on veut rayer la mort,
Plus ménager d'or et de sang, je pense,
Noire avenir aura de sages lois,
Et, comme objets d'inutile dépense,.
Supprimera les Bourreaux et les Rois,
Il est cependant bien de Béranger, ce couplet, et,
puisque vous avez bien voulu nous montrer le Bé-
ranger fadasse rimant sans inspiration, après 1830,
des vers bonapartistes, ils ne fallait pas craindre de
nous montrer aussi le poëte dans ces grands mo-
ments où, inspiré par les sentiments généreux qui
ont présidé à sa longue carrière, il écrivait ses beaux
vers humanitaires et républicains.
Celte phrase me remet en mémoire un mot de
Béranger concernant un poëte à qui il achetait cer-
tainement ses œuvres par humanité ; ilavait amassé
trente exemplaires des poésies de ce pauvre E. E. en
les achetant par deux ou quatre exemplaires. Un
jour, voyant ce petit régimentde bleus in-12 : Vous
en vendez donc? s lui dis-je. — a Non, me répon-
dit-il, mais vous voyez, j'en achète. »
Voilrà, mon cher Patay, tout ce que je puis vous
dire concernant Béranger intime. — Si j'avais eu à
parler de Béranger CIjansonuier, yaMi'aiis faittoutle
possible pour bien retracer l'état des idées politiques
de 1815 à 1830, afin d'atténuer, au nom de la cons-
cience qui a présidé à leur éclosion, les regrettables
idées d'un certain nombre de chansons nées pendant
cette période, où l'on oublia si vite ce que quelques
LA CHANSON
35
années de gloire avaient coûté à la France de mal-
heurs et de désastres.
Pauvres mères, quand vous parlez de gloire, pen-
sez donc à vos fils, et vous, fils, souvenez-vous que
les lauriers de la gloire ne poussent qu'arrosés
des larmes de vos mères !
Eugène BAILLET.
Cinquante pièces à la louange de Béranger nous
sont parvenues ; mais la place appartenait d'abord
aux importantes études qu'on vient de lire. Le co-
mité littéraire de la Chanson a dû décider de ne
publier que les deux courtes productions suivantes,
résumant l'hommage de la chanson virile et de la
jeune poésie à l'immortel écrivain.
BÉRANGER
Couplet d'une des chansons de réception de J' auteur au Caveau
A Béranger, grand philosophe,
Grand cliansonnicr, grand citoyen,
En lui de tout ayant l'étoffe,
Il sut sagement n'être rien.
Il eut la suprême des choses :
Le bonheur dans la liberté,
Et c'est endormi sur des roses.
Qu'il passe à l'immortaUté.
Charles VINCENT,
Président du Caveau.
A BÉRANGER
Comme tout est marqué d'une étrange vieillesse,
0 Béranger, depuis l'heure où tu t'en allas!
Nulle part on n'entend le rire aux frais éclats.
Et la gaîlé se meurt au bras d'une di ôlesse.
L'amour a rejeté son sceptre de lilas ;
Romainville n'csl plus ; Meudon, on le délaisse ;
Le bonnet a perdu ses titres de noblesse
Et Lise a tout donné pour quelques falbalas ;
Pourtant on aime encor, ô poëte, à relire
Les vers doux et charmants que murmura ta lyre
Et de tes gais refrains méditer les leçons.
Car, dans ce grand 'Paris, dont tu oofttas l'histoire,
Dont tu dis les plaisirs, dont tu chantas la gloire,
Tout a vieilli, mon maître, excepté tes chansons.
Octave LEBESGUE.
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRÂIHE DU CAVEAU
BANQUET BU 7 JUIN 1878
Notre compte-rendu sera aujourd'hui forcément
écourté. La parole est à Béranger et à ses panégy-
ristes. Le Caveau me pardonnera donc de lui ména-
ger les lignes. A tout seigneur tout honneur.
En vertu du même proverbe, je commence par
Clairville. Faire et défaire, sur ces deux mots, notre
piquant vaudevilliste a brodé un bon nombre de
couplets humoristiques. On aurait dit autrefois ba-
dins, et même grivois. Le refrain : c'est bien travail-
ler, c'est mal travailler, arrive à produire des
efiets du plus haut co:nique.
En fait de proverbes, Lagarde est connaisseur: il
en a publié tout un recueil. Il nous a dit une chan-
son à tiroirs qui renferme des couplets ingénieux,
mais peu propres à l'éducation des demoiselles.
La pièce à côté du trou : n'y a-t-il pas là de quoi les
faire rêver ?
Les Manœuvres de la dernière heure, deFouache,
L'homme s'agite et la /emrae7e mène, de Montariol,
le Premier chapitre, d'Ordonneau, retracent avec
esprit et gaieté certaines petites misères, et aussi
quelques agréments de la vie humaine.
Mais où l'amertume d'un coeur profondément at-
teint déborde véritablement, c'est dans les Griefs
de Balandard, malheureux ami pour qui son copain
manque totalement de complaisance. Ce n'est pas le
bon Rémi — Ah ! quel ami ! — qui se serait attiré
de pareils reproches. Vous devinez l'auteur, mais
Fénée est votre ami tout d'même.
Grange stigmatise les adorateurs du succès. Il
s'insurge contre le Vee victis de nos aieux ; mais je
ne crois pas qu'il aille jusqu'au mot de Mercié, le
sculpteur: Gloria victis, qui est trop paradoxal. Ce
n'est pas de cette chanson que l'on pourra dire, en
renvoyant à l'auteur un de ses refrains : Jen'avale
pas celle-là.
Jullien continue la série philosophique de ses
chansons sur les péchés dits ca/îiVau.v. A f Orgueil,
que nous avons remarqué dernièrement, il ajoute
aujourd'hui l'Envie, sujet plus difficile à traiter, et
bien réussi néanmoins.
Parlerai-je du toast ? C'est toujours la même chan-
son; je parle de la chanson que célèbre le président.
Mais quelle variété de formes et de sujets pour la
célébrer! Charles Vincent, lui, puise des accents gé-
néreux à la source féconde de l'harmonie univer-
selle. Ce n'était pas le genre Caveau, autrefois;
mais il a coulé de l'eau sous le pont depuis cet an-
cien temps.
Darcier, le maître chanteur, nous a prouvé une
fois de plus que la voix est peu de chose che^ l'ar-
tiste, et que la méthode est tout. Ajoutons-y l'ex-
pression. La Vieille Chansonnàù. rappeler à Charles
Vincentde vieux souvenirs. Victor, t'as tort, chanson
de café-concert, spirituelle malgré cela, a fait va-
loir une autre face de son talent. Enfin, Faites des
enfants, la semonce vigoureuse et patriotique de
Rubois, a obtenu le plus franc succès. Nous avons
retenu le couplet suivant, qui est le dernier. Serait-
ce pas celui qui a eu l'honneur d'éveiller les suscep-
tibilités de la vieille Anastasie ?
Matrones et gentes pucelles.
Donnez, chacune à voti'e tour,
Vous, les dernières étincelles,
Vous, les prémices de l'amour.
Puisque l'homme, aux instincts cupides,
S'épuise en luttes fr itricides.
Faites des enfants
Pour combler les vides ;
Faites des enfants;
Voici le printemps !
Citons, pour ne rien oublier, le Bon Génie, la Fête
de Suzanne, la Chemise et lEnterrement. Cette
dernière chanson, triste par le titre et gaie par la
forme, était un peu de circonstance. On parlait, au
banquet, du décès d'Alphonse Salin, le doyen du
Caveau, regrettable comme homme et comme chan-
sonnier. Nous lui consacrerons, dans le numéro
prochain, une notice biographique.
EuG. IMBERT.
36
LA CHANSON
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DU 5 JUIN 1878
Très-bonne soirée, dontje nepuis, faute déplace,
donner qu'un procès-verbal succinct.
En l'absence de M. Le Boullenger, le vice-prési-
dent Chebroux porte un toast ingénieux à Voltaire,
et le fait suivre de paroles sympathiques en faveur
de la Chanson, dont nous le remercions cordiale-
ment ici ; Charles Vincent redit sa fraternelle chan-
son de réception ; M. Alfred Leconte, député de
l'Indre, chante la Z?0i7eà/)e«sees, production philoso-
phique ; M. Hachin détaille spirituellement de très-
jolis couplets avec ce refrain : Les Vieux ne veulent
pas partir. — Enfin M. Vatinel, en constatant que
le Vent tourne à la République; M. Vergeron, en
disant finement une plaisanterie : Comme c'est fait !
M.Alphonse Leclcrcq, en récitant une des meilleures
poésies de son récent volume ; Que fait-on sur la
terrée ; M. Echalié, en chantant l'agréable musique
qu'il a faite pour Jupons et Soutanes de M. Pétreaux
et pour l'Amour et le Vin de Georges Baillet ; M. Jules
Jouy, en célébrant chaleureusement le Centenaire
de Voltaire, etM. Jules Jeannin, en rééditant les Re-
proches du bon Dieu, méritent et obtiennent d'una-
nimes applaudissements.
J'omets des noms et des œuvres qui, sans doute,
mériteraient mention ; mais il s'agit aujourd'hui de
laisser libre carrière aux apologistes de Béranger,
et, devant ce maitre vénéré, les moins humbles des
Lycéens s'effaceront sans murmure.
Pour bien fixer, d'ailleurs, la note dominante à la
Lice, nous publions un des succès du dernier ban-
quet : Dors content ! Dans cette chanson, dédiée à
Voltaire, Georges Baillet a repris heureusement l'a-
postrophe célèbre du poète de RoUa. C'est une pro-
duction jeune, vigoureuse, et d'un excellent es-
L. Henry LECOMTE.
DORS CONTENT!...
.4ip de iladaïue FaravL.
0 roi puissant de la satire,
Qui nous préparas l'âge d'or ;
Toi qui vécus dans un sourire
Dans la tombe souris encor !
Tout un siècle plein de ta gloire,
De ses hommages le fêtant,
Acclame aujourd'hui ta mémoire...
Mon vieux Voltaire, dors content !
Aux préjugés faisant la guerre.
D'un trait mortel quoique plaisant,
Tu finis de jeter à terre
Le despotisme agonisant !
Gomme un flambeau qui toujours brille.
Ton livre, eu un jour écla'ant,
Guida le peuple à la Bastille...
Mon vieux Voltaire, dors content !
Rien encor n'a réduit le nombre,
Malgré le temps, malgré la loi,
Des hypocrites qui dans l'ombre
Bavent encore contre toi;
Mais des verges de ton génie,
Tes petits-fils, en les fouettant,
Ont démasqué leur calomnie...
Mon vieux Voltaire, dors content !
Grâce aux bienfaits de la science,
A qui tu prêtas ton appui.
Le temps a vaincu la distance.
Les chemins marchent aujourd'hui :
L'astronome lit aux étoiles,
La vapeur dompte l'élément,
Le progrès navigue sans voiles...
Mon vieux voltaire, dors content !
Le peuple, au temple de mémoire.
Un jour te porta, plein d'orgueil,
Plus tard, ennemis de ta gloire.
D'autres violaient ton cercueil...
Mais depuis le temps a fait naître.
De tes restes jetés au vont.
Des disciples dignes du maître...
Mon vieux Voltaire, dors content !
En dépit de toutes les haines.
Depuis cent ans, la liberté.
Par quatre fois brisant ses chaînes,
Reprit sa première fierté;
De plus d'un guet-apens funeste,
Elle fut victime, et, pourtant,
La République enfin nous reste...
Mon vieux Voltaire, dors content !
GeoRSES BAILLET.
CHANSONS, CHANSONS!
Depuis la soirée dontEug. Imbert arendu compte,
a eu lieu le banquet d'été du Caveau, dit des mots
donnés. Admis, par faveur, à cette réunion tout in-
time, notre collaborateur appréciera le mois pro-
chain les œuvres qu'on y a chantées.
Vous qui croyez encore qu'on peut chanter sans
avoir besoin de faire précéder la chanson d'un qua-
drille, ou sans être accompagné d'un piano, allez
donc faire visite à nos amis les Fartadets. Ces bons
diables tiennent leurs séances, les samedis, rue du
Faubourg-du- Temple, 137. C'est peut-être le seul
coin oîi la vraie goguette existe encore. Chacun pré-
side à son tour; c'est plus démocratique et plus at-
trayant que la présidence habituelle. Vous n'enten-
drez pas là le répertoire Beaumaine — Delormel —
Cabillaud, mais celui de Charles Gille, Rabineau,
Legentil, Ryon, Evrard, etc., c'est-à-dire la chan-
son qui pense, qui aime, ou qui rit, comme l'a si
bien dit Jules Jouy, du large rire de nos pères.
Il y a tout là-bas, sur les hauteurs de Belleville,
rue desEnvierges, une société chantante qui a nom:
les Fleurs. Galante comme son nom est doux, elle a
offert, le dimanche 16 juin, à ses habitués, une pré-
sidence de dames. — Grande attraction ! — Aussi la
salle était trop petite ce jour-là.
LA CHANSON
Madame Busson, la présidente, ne paraissait pas
embarrassée de son rôle; pas guindée du tout, elle
était à la fois gaie et digne; les honneurs n'avaient
rien changé à son aspect bon camarade. Ses collè-
gues, mesdames Francisque et L'Aiguillon, usaient
aussi très-gracieusement du pouvoir; en un mot,
c'était charmant. Un double attrait avait attiré les
chansonniers-poëtes : il y avait concours de poésie.
Le 1" pri.x consistait en... une médaille d'or! et c'é-
tait vrai ! Elle a été gagnée par Jules Vernier —
toujours lui! elle portait sur la face la figure de la
République Française, et sur le revers: Dix francs,
1875. N'est-ce pas là une vraie médaille d'or? Qn_
la rêvait peut-être plus grande! bah! l'honneur
avant tout! Voici la pièce médaillée; c'est un son-
net:
LE COFFRET A MUSiaUE.
11 était vieux, cassé, de forme peu tentante.
Bon à jeter le soir au tas du chiffonnier ;
Oublié de mon oncle, ignoré de ma lante,
Depuis trente ans peut-être il gisait au grenier.
Lorsque je l'eus sorti de celle ombre attristante.
Clairement récuré comme un vrai chaudronnier,
Je mis le bout du doigt sur sa vieille délente
Et fis s'échapper l'air qu'il gardait prisonnier.
Quel était cet air-là ? dans .ses notes faussées
Chantait-il le printemps, les amours insensées.
Le Champagne et l'oubli des peines d'ici-bas ?
Non ! c'était l'air sacré des canons et des piques,
C'était la Marseillaise aux colères épiques.
Et, pendant tout un jour, j'appelai des combats !
Le deuxième prix a été remporté par Perche-
ron, et le prix de chant par Monicart, un chante ur
qui dit avec beaucoup de goiît.
Une société qui n'est jamais en retard quand il
s'agit d'une bonne action, c'est la Société des Amis
du Siècle, présidée par Leblanc. Aussi, le lundi
3 juin, elledonnait dans son local, rue de Bretagne,
49, une soirée au bénéfice des victimes de la rue
Des artistes de différents concerts avaient prêté
leur bienveillant concours à cette bonne œuvre.
Nous y avons remarqué MM. Lombard, qui a joué
Chatterton d'une façon très-dramatique, Sutter, un
brillant interprète de Victor Hugo, Rêva et Leblanc
fils. Les dames ont fait triompher la romance par la
voixdeMlleElisa, etla chanson joyeuse par MUesDe-
montelées, Georgette et d'autres quej 'oublie. Bonne
soirée, bonne recelte, dont le montant a été déposé
à la Mairie du 3' arroadissement.
Une bien triste nouvelle nous arrive pour' finir;
Charles Poney, 'e poëte dont Toulon est fier, vient
d'être frappé dans ses affections les plus vives ; sa
petite-fille, une charmante enfant de sept ans, vient
de succomber, presque foudroyée en pleine santé,
par la méningite La mère, fille unique du poëte,
âgée de 32 ans, n'a pu supporter la perte de son
enfant, et l'a suivie dans la tombe quinze jours plus
tard.
Rien ne peut consoler d'une douleur semblable :
le seul adoucissement possible est celui que nous
envoyons au poëte : qu'il sache bien que ses amis
partagent sa peine et qu'ils pleurent avec lui de voir
ce grand deuil couronner sa vie, modèle décourage
et de probité.
Robert GARNIER.
La société lyrique des Familles a inauguré, le
dimanche 2 juin, son nouveau domicile (Brasserie
du Petit-Pont, rue du Petit-Pont, 3.) Président,
M. Mazot. Beaucoup de monde. Parmi les chanteurs
applaudis, nous avons remarqué MM. Bouvet,
Mazolla, Ch. Thomas, Touliou, Onard, — ce dernier
chargeant tropseschnnsonscomiques. — M™" Leroux
et Thierry. Accompagnateur, M. Auguste Antoine.
La Jeunesse Parisienne (Café du Globe), sous la
présidence de M. Beaucanard, donne ses soirées
tous les mardis. Signalons particulièrement les
représentations extraordinaires du premier mardi de
chaque mois. Les bons chanteurs s'y donnent ren-
dez-vous. Quelques noms au hasard : MM. Jomain,
Alphonse, Lelarge; M"" Angèle, Mlle Arnal. Accom-
pagnateur : Auguste Marcus.
Victor LEBRETON.
A partir de ce jour, M. Victor Lebreton fera, de
concert avec Robert Garnier, la revue des Sociétés
Lyriques. Les lecteurs de la CImnson auront ainsi le
mouvement complet de ces réunions intéressantes.
Madame Bordas a voulu célébrer aussi Voltaii-e.
Devançant d'un jour la date fixée pour sa réappari-
tion au Concert Parisien, elle a chanté le 30 mai,
le Centenaire de Voltaire, de Paul Avenel,
avec un succès énorme. Depuis, elle dit la remar-
quable chanson de Chebroux, que nous avons pu-
bliée, mise superbement en musique par Collignon.
Nous reviendrons à la grande artiste.
Dimanche 2 juin, la Société des Familles, sous la
présidence de M. Badou, a transféré ses réunions
salle Bouret: affluence énorme.
Terminons par une annonce personnelle. Le
n" 4 de la Càsasob publiera le programme de notre
premier concours. Que les lutteurs se préparent !
A.P.
781. — Poitiers, tjp. J. Ressavre. — Paris, 3, rue d' Aboutir.
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par an. — Pour devenir membre de lAcadémie des
poètes, il faut adresser, soit des œuvres imprimées
soit cinq pièces de vers inédites. — Frais d'entrée :
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des amusements de famille . — Directeur, Valentin
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de Lancry, Paris, (un an : 6 fr.)
LA REVUE DE LITTÉRATURE MÉDICALE
Du docteur Féltx BRÉMOND, paraît le 1" et le 15
de chaque mois. Abonnement, 15 francs par an pour
toute l'Europe. La Revue de Littérature médicale
publie dans tous ses numéros le portrait, la biogra-
phie et l'autographe d'un médecin célèbre français
ou étranger. 20, passage Saulnier, Paris.
LA JEUNE FRANCE
REVUE MENSUELLE
littéraire et poétic^-ue
Un an, 6 fr., le n° 50 cent.
Administration et rédaction, rue Bonaparte, 18.
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Draguignan.
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LE PARNASSE
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dacteurs en chef : ALCESTE et Germain PICARD.
Abonnements : 12 fr. par an ; un numéro-spéci-
men : 1 fr. — Adresser tout envoi, etc., à M. Ger-
main PICARD, rue du Val-de-Gràce, 21, Paris.
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M. Mario SERMET. — 5 fr. par an ; 7, rue Bail-
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nement: un an, 6 fr. ; trois mois, 3 fr. 50, 11, rue
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V> REVUE MENSUELLE ^ 1/
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRiaUES
Rédacteur en chef : L. -Henry LE COMTE
SOMMAIRE DU 4<= NUMERO
Dnilhlo ronriiiirs Poétique ouvert pur l,\ i;iiansiin-, — Le IG Juillet /.V7.S'
(A. l'ATAV). — Ilitnquets (lu Carc.vu (Eiic-. hiiiEnr). — Les Peuples (Chaules
Vix.'.ent). — /,e.s Quatre sa/sons (J.-B. Uavagnier). — L'Ouvrier (G. de La
Sai.i.e). — (riilerie des Chansnnnie's : Hustave Nndaud (L.-Henby Lecojite).
- Le Vin lie la liomete. lA. Capiies). — A mes amis (J. Lahguier). — A la
Poésie ITii. l.Eci.ERi;.). — Banquets de la Lice Chansonnière (L.-Henby Le-
lunrruj. — Mon Portrait (E. Hachis). — lin Chant à faire (.l.-B. Uobinot). -
l.e Tintamarre a la Liée i.Icles Joiiv). — le Mois BiliHorjraphique (Eue.
iMiiEiiTl. — ' e Pire Cnuln'is^ — Avis divers
-A CHANSON SE TROUVE AUX LIBRAIRIES SUIVANTES
Rousseau, iilnoeilcs Vicloiri\-
Gayet, i;bi Monlinni'h'o, Li:î.
Guillemin.lioiil. i;i;iiiiii;irclin
Renaud, laiih. S:iiiil-M;ulin.
Gérard, rno Munue, l:i.
Leroy, iiir iriviicr, i);i.
Derveaux, rup ilAiij;onlriii'\
Marpon, lialoi-ii' il ; l'OiirMiii,
Quantin, i-
(l!>s Peli'
n'CMiix
81.
Lecampion, passage du i-^auni on,
Daniou, v\
c- .11-' Mal. •
Toupet, VHP Sainl-Dcnis, 2"2'.1.
Colas, i-ni'
(Ir l'ill-lii..
. 0.
Bornet, nie de Bi-clanne, .58.
Gorcier. 1';
llh. llll T M
.i •, 0.
Minière, i-nn do Tiu-higo, 07.
Duènie, r.
,■ Vifill,.-;'
-'HimIc,
-JK.
Traîin, nie du CL-oissiint, o.
Plicque, r
1- ll.unlir,:.
.,:. 1-2.
Aumont, lioul. do Slrnsboui-i;', 35.
Villelard,
ivcimcilr
■: ■lllIieL'S
1H).
Baudet riio Saiiil-l'Iaoido, "27.
Evsillard,
imssa-ol:-
. Liihbé
10.
Legeard, l'auboin'^- Sainl-l)onir,,254
VENTE EN GROS i:/ s. II NUMÉRO
A LA LIBRAIRIE A. PATAY, 18, RUE BONAPARTE,
18, PARIS
LA CHANSON
La Chanson, cette incarnation toujours nouvelle
et toujours diverse de l'esprit français, n'a pas d'or-
gane.
Nous venons combler cette lacune regrettable en
créant plus qu'un journal — une revue complète,
spécialement consacrée à ceux qui chantent ou font
chanter.
Sous ce titre: la Chanson, paraîtra tous les mois
une livraison de 12 pages in-4", à deux colonnes, oîi
s'écrira l'histoire ancienne et moderne de la chanson
et des chansonniers. Une couverture-annonce
garantira chaque numéro; la pagination sera suivie
et nous donnerons, à la iin de l'année, le titre et la
table nécessaires pour la réunion en volume.
La Chanson publiera les comptes rendus des ban-
quets mensuels du Caveau, de la Lice Chansonnière,
du Pot-au-ieu et des diverses sociétés lyriques.
Nous préparerons ain,si à l'historien futur des
muses populaires les matériaux d'iin livre original
et varié. — Trouveront également place dans notre
revue la biographie et le portrait des chansonniers
vivants ou disparus, nombre de chansons peu con-
nues ou inédiles, une bibliographie raisonnée, le
programme des concours lyriques, l'annonce des
soirées chantantes extraordinaires ou à bénclice, enfin
une chronique sincère des cafés-concerts et des
théâtres parisiens.
Pour mener à bien leur entreprise, les fondateurs
de LA Chanson s'adressent à tous :
Aux Cliansonniers de Paris eu de laprovince d'a-
bord. Nous les prions ici de nous faire parvenir
leur adhésions, leurs abonnements, les réllexions
que notre publication leur pourrait suggérer, un
exemplaire au moins de leurs œuvres imprimées,
les meilleures de leurs chansons inédites et des
notes suffisantes pour fournir matière, au besoin, à
d'intéressantes et véridiques études biographiques.
Aux Editeurs de Paris et des départements qui
publient des ouvrages se rattachant à l'objet de
notre revue, nous disons qu'une place sera toujours
réservée aux comptes-rendus des œuvres dont ils
nous adresseront deux exemplaires, et nous les
invitons à nous envoyer même les moindres pla-
(piettes.
Semblable avis aux Editeurs de Musique, — et pré-
venons tous les intéressés que les couvertures de la
Chanson seront exclusivement réservées aux annon-
ces de librairie et de musique à des prix très-mo-
dérés.
Aux Musiciens . — Nous prenons nos mesures
pour donner à l'avenir une place à la musique
dans notre revue ; nous prions donc dès aujour-
d'hui les jeunes compositeurs de nous adresser
leurs œuvres, et surtout de mettre en musique les
chansons inédites que nous publierons.il y aura de
la sorte rapprochement amical entre paroliers et
compositeurs inconnus, et peut-être en résultera-t-il
quelques œuvres à grand succès.
Aux Biljliograplies et aux Amateurs. — Nous
accueillerons avec reconnaissance les documents
peu connus ou inédits qu'ils voudront bien nous
offrir; nous leur demandons de guider nos recher-
ches et de nous indiquer les sources de rensei-
gnements incontestables.
Aux Présidents des Sociétés Lyriques. — Nous
les invitons à nous adresser, dans le plus bref délai,
les noms des réunions qu'ils président, l'indication
des sièges sociaux et des jours de tenues, et nous
les prions instamment d'assurer l'exactitude de nos
informations en désignant, dans chaque société, un
délégué chargé de correspondre avec notre publi-
cation et d'en faire apprécier le but.
Nous voulons le succès d'une œuvre entreprise
dans le but louable de défendre les réputations jus-
tement acquises et d'assurer aux talents inconnus
une large place au soleil fécondant de la publicité ;
aussi désirons-nous sincèrement être obligés, après
le prcnnier semestre, de paraitre tous les quinze
jours.
Les auteurs désireux de posséder un certain
nombre d'exemplaires des numéros contenant leurs
œuvres, seront priés de nous en informer à l'avance,
afln que nous puissions exactement lixer notre
tirage ; ces numéros leur seront cédés aux prix
de libraire. Bien entendu, il ne sera pas indis-
pensable de prendre des numéros ni même d'être
abonné pour collaborer à notre revue ; le comité de
rédaction sera souverain pour admettre ou rejeter les
pièces proposées.
Tout ce qui concerne la rédaction devra être adres-
sé franco au Rédacteur en Chef; ce qui concerne
l'administration, l'abonnement et les annonces au
Directeur-Gérant. — Les lettres ou paquets non af-
franchis seront rigoureusement refusés. — Toute
lettre exigeant une réponse devra être accompa-
gnée d'un timbre-poste.
Un numéro d'essai sera envoyé à loule personne
qui en feralademande par lettre affranchie, accom-
pagnée de 30 centimes en timbre-poste.
Le Directeur-Gérant : A PATAY
BULLETIN D'ABONNEMENT
A ENVOYER FRANCO, ACCOMPAGNÉ D'UN MANDAT-POS"
Paris : 2 fr.. Départements, 2fr. 50, Étranger, 3 fr.
Je déclare m'ahonner pour six mois a la Revue LA CHANSON.
siGNATUftiî (lisible)
(») Les timbres-poslc ne seront pas acceptés. Par l'envoi du ranntanl de l'ahonncmciit on (ivitc les frais de recou
la charge de l'abonné. Le talon de la poste sert de quittance.
LA CHANSON
39
DOUBLE CONCOURS POÉTIQUE
Ouvert par LA CHANSON
La fête du 30 juin a servi à démontrer une l'ois de
plus le besoin d'un chant national français.
La sublime Marseillaise, t\\xï guida la marche triom-
phante des armées de 93, est un chant de guerre et
de révolution ; nous voudrions pour la France un
hymne de paix à la hauteur de son cri de bataille.
Les tentatives faites pour le faire éclore sont restées
jusqu'ici sans résultat.
Nous mettons aujourd'hui au concours un chant
aui soit la glorification de la France, du Travail ei
de la Paix, et nous faisons appel à tous les poètes
de Paris et des départements.
Il sera décerné, comme prix unique :
fine Médaille en vermeil
Sur laquelle seront gravés la date du concours et
le nom du vainqueur.
Les pièces présentées devront avoir sept couplets
ou strophes, avec un refrain détaché de quatre vers
(rythme facultatif).
La poésie couronnée sera publié dans h Chanson,
ainsi que les deux qui auront le plus approché du
but.
Deuxième Concours.
Un concours libre de poésies est également ouvert
par la Chanson, sans désignation de sujets ni exclu-
sion de genres ; odes, chansons, rondeaux, sonnets,
quatrains même, nous accepterons et jugerons
tout. Les plus longues pièces, cependant, ne devront
pas dépasser 60 vers.
Trois prix seront décernés :
l"" PRIX, une médaille en argent.
2"°" PHix, une médaille de bronze.
3"° PRIX, un volume de poésies.
Les pièces présentées à ce concours et au précé-
dent seront soumises à un jury de poètes, de chan-
sonniers et de journalistes.
Dans notre numéro du 1" octobre, nous fixerons
le joiu" de la distribution des récompenses, et nous
pensons offrir à ce sujet une agréable surprise aux
nombreux amis de la chanson.
CONDITIONS DES CONCOURS.
Les pièces destinées à nos concours devront être
adressées tranro, jusqu'au 20 septembre, à M. A.
Patay, directeur-gérant de 7a Chanson.'KWes devront
être inédites, non signées, et accompagnées d'un
pli cacheté contenant le nom et l'adresse "de l'auteur,
et portant extérieurement la première strophe de la
pièce qu'il concerne.
T. L
LE 16 JUILLET 1878.
L'invitation de la Chanson a été entendue; pour la
première fois, les chansonniers ont célébré solen-
nellement l'anniversaire funèbre de Déranger.
Le 4-i juillet, le secrétaire de la Lice Chanson-
nière envoyait à ses correspondants et aisait insérer
dans les journaux de Paris la note suivante :
« Je m'empresse île vous informer que le Mardi 16
Juillet couianl (Anniversaire de la mort de Béranger),
les Membres de la L/ce Chansonnière se proposent de
rendre hommage au Poêle national, en allant disposer
une couronne sur sa tombe. Tous les amis de la Chan-
son qui voudraient prendre part à cetle manifestation
exclusivemenl littéraire sont invités à se joindre à eux.
Rendez-vous à 2 heures 1/2 précises, à la porte du
cimetière du Père-Lachaisc. »
A l'heure fixée, plus de huit cents personnes en-
tourant le monument de Béranger, s'écartaient avec
curiosité et sympathie devant les Licéens, recon-
naissables à un insigne tout récemment autorisé.
Quatre membres de la société portaient une superbe
couronne d'immortelles, où se lisait cette dédicace
en lettres noires :
A BÉRANGER
LA LICE CHANSONNIÈRE.
Les chansonniers avaient justement pensé que le
simple dépôt d'une couronne n'eût pas offert une
solenniU' suffisante. Trois discours ont donc été
prononcés. Nous les publions pour ceux qui n'ont
pu les entendre.
Ernest Chebroux, vice-président delà Lice Chan-
sonnière prend le premier la parole, et lit d'une
vjix émue les pages suivantes, fréquemment inter-
rompues par les applaudissements de la foule.
Messieurs et amis,
Les grands anniversaires se succèdent; hier, ceux
de Voltaire et de Rousseau ; aujourd'hui, celui de
Bélanger.
La France, Paris surtout, a le culte des morts qui lui
sont chers. Je n'en veux pour preuve que votre empres-
sement à répondre à notre appel. Je commence par
vous en remercier bien sincèrement, au nom de la
chanson.
Il y a aujourd'hui vingt et un ans que ce funèbre
monument nous prenait pour toujours une de nos
gloires nationales ; le plus grand chansonnier français
venait de s'éteindre, laissant après lui une douleur pro-
fonde, une sympathie immense.
Je ne veux pas entreprendre de vous raconter la vie
de ce joyeux trouvère; des voix plus éloquentes que
la mienne vous ont déjà fait connaîtra cette existence
toute remplie de gaieté, d'amour, de probité et de philo-
sophie.
Je ne veux pas chercher si les œuvres de cet esprit,
français et patriotique avant tout, ont pu avoir telle ou
telle influence sur nos destinées politiques ; nous
n'avons ici, et pour le moment, qu'à nous entretenir du
chansonnier,de celui quii'ésumait en lui le talent, la mo-
destie, le désintéressement le plus complet et une iné-
puisable bonté. Car, vous le savez, mes amis, sa bourse
et son cœur étaient constamment ouverts.
40
LA CHANSON
Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est rendre hom-
mage au poêle populaire qui a chanté nos gloires et
nous a consolés dans nos revers; à celui qui savait ho-
norer les mérites, flageller les vices, ridiculiser les tra-
vers et déruasquer les hypocrites; à cet esprit fé-
cond, ci-éateur de cent chefs-d'œuvre, et qui, réu-
nissant tous les genres de la poésie, tenait à Anacréon
par la gaieté et la délicatesse, à Horace par la forme,
la grâce et la philosophie ; à celui, enfin, dont les
refrains, triomphant desinsanitésdont on nous abreuve
chaque jour, resteront longtemps encore sur les lèvres
des amis du beau, qui pensent que la chanson ne peut
être inspirée que par les ardeurs nobles, les sentiments
vrais, qui croient encore qu'un poëte doit être surtout
l'interprète de la vérité, du bon sens, et qu'il doit,
comme Béranger, demander ses inspirations plus en-
core au cœur qu'à l'esprit.
Oui, messieurs, voilà ce que nous voulons d'abord ;
mais en payant aujourd'hui à notre cher poêle un juste
tribut de reconnaissance et de respect, nous voulons
aussi vous demander si nous ne lui devons rien de plus
pour l'avenir.
Depuis longtemps, déjà, des chansonniers et amis
do la chanson caressaient cet espoir : rendre Bé-
ranger au peuple, et lui ériger un monument par
une souscription nationale... Mais je vous parle
h'i du passé ; les moments étaient difficiles alors,
les appels de nos courageux amis restaient sans échos ;
pour réunir sur cette tombe quelques admirateurs seu-
lement du grand chansonnier, et leur tenir le langage
(|ue je vous tiens aujourd'hui, il eût presque fallu un
vole (le la Chamliro. D'un autre cùlé, le bronze était
devenu l'are. On avait lellement coulé de ce inétal pour
en faire des canons et élever de colossales statues aux
f/r;inds Jiommcs du dernier régime, qu'il n'en restait
plus pour Béranger. — l.e projet fut donc, non pas
abandonné, mais remis à des temps meilleurs.
Rccenimenl une nouvelle finiiUe lillérairc, intelligom-
nient rédigée et dirigée, publia la biographie de l'il-
lustre mort. Celle biog'aphie était précédée d'un article
énergique, rappelant aux chansonniers que le moment
était enfin venu de payer leur dette au poëte. Nous
savons aussi i[uc, dans le but d'obtenir l'autorisation,
de former un comité d'organisation, une demande vient
d'être faite à M. de Marcère, par le rédacteur et le di-
recteur de celte feuille intéressante : le journal La Chan-
son.— Queces courageux reçoivent ici, tous les remerci-
ments auxquels ils ont droit.
Oui, messieurs, nous devons à Béranger autre chose
que de petites images ; nous devons à notre poëte na-
tional une statue. Athènes possédait celle d'Anaoréon,
Rome celle d'Horace, Paris doit avoir celle de Béran-
ger.
Il faut que cette bonne et riante figure s'épanouisse
dans une de nos promenade publiques.
C'est à vous, vieux chansonniers, qui avez eu le bon-
heur de le connaître et de l'aimer, vous de qui il a
quelquefois corrigé le premier vers, encouragé la pre-
mière chanson; — c'est à vous, qui êtes la jeune chan-
son, et qui puisez chaque jour à la source de cet esprit
inlarisable et joyeux; c'est à vous artistes, écrivains
c'est à vous tous que nous nous adressons aujourd'hui
pour nous aider dans cette tâche poétique, pour con-
tribuer à la réalisation de notre rêve.
Que demandons-nous, après tout?
Un emplacement : les amis de Béranger sont assez
nombreux en France pour payer le bronze et l'artiste.
Hâtons-nous donc, mes amis, que chacun, dés au-
jourd'hui, se mette à l'œuvre.
Ne laissons pas, comme on nous le disait si juste-
ment, ces jours derniers, ne laissons pas les hommes
d'une autre époque s'emparer à leur profit d'une gloire
aussi pure.
N'oublions pas, surtout, queBéranger était un enfant
du peuple ; que, tête et cœur, tout était républicain chez
lui.
Demandons à la Répubbquo, si généreuse pour tout
ce qui est. beau et grand, de partager, d'abréger même
nos efforis.
Il n'est pas besoin d'être jirophète pour prédire le suc-
cès de noire œuvre. Béranger a mérité, par son palrio-
tisme'etîson immense talent, une statue : il l'aura!
Après Chebroux, Eugène Baillet a voulu payer à
la mémoire de Béranger un hommage d'autant plus
motivé qu'il fut un des jeunes amis du grand poëte,
dont il a, l'autre jour, conté, dans ce journal, divers
traits charmants de caractère ou de bonté.
Aius,
Je viens associer ma voix à celle de mon ami (ihe-
broux pour rendre aussi à Béranger l'hommage loyal
auquel il a droit.
Parmi les hommes les plus éminents de notre épo-
que, en est-il un qui personnifie mieux la France que
Béranger ?
Voilà vingt ans que Béranger est mort, la postérité
a commencé pour lui ; nous pouvons juger son œuvre
sans passion, sans parti pris.
La réputalion de Béranger fut immense et naquit
vite. Dès 1815, époque de la publication de son premier
volume, son nom était répété partout.
C'est que son nom signifiait déjà patriotisme après
avoir signifié : espérance.
Oui ! Béranger a les droits les plus incontestables à
sa stalue! — C'est une dette de la France qui ne
demande pas mieux que de la payer : elle en a payé
bien d'autres.
La statue après la mort est la vraie récompense dé-
mocratique et républicaine : en frappant les yeux elle
met au cœur le souvenir et l'encouragement.
Aussi, dès les premiers mots lancés par nos amis du
journal La Chanson, tendant à consacrer la gloire du
poëte en perpéluant son souvenir, l'idée a fait rapide-
ment son chemin.
Nous l'avions tous en nous, il ne fallait qu'une étin-
celle pour la faire éclater.
Ce n'est pas seulement nous, les chansonniers et amis
de la chanson, qui désirons élever une statue à Béran-
ger ; je le répète, c'est la France entière qui doit venir
à nous, car, si Béranger fut un grand poëte, ce fut aussi
un grand citoyen, un des plus beaux caractères du
xix" siècle. L'homme qui a écrit:
L'intolérance est fille des faux Dieux !
ne devrait avoir d'ennemi nulle part.
J'ai lu récemment que les chansons de Béranger
étaient immorales. — C'est une singulière façon de tra-
vestir les mots. — Joyeuses, voulez-vous dire? oui,
il y en a de joyeuses! voyez le grand malheur, est-ce
que l'heure de la joie n'a pas sa raison d'être dans la
vie ? csl-cc qu'elle n'est pas indispensable à l'équi-
libre de l'existence? et quand nous parlons d'un monde
meilleur, quand nous travaillons tous à la réorganisa-
tion sociale, pensez-vous que nous ne réservons pas
une place, et une place d'honneur, à la gaieté? Erreur!
la joie est fortifiante, et, au besoin, nous créerions la
religion de 1^ joie ; Rabelais, Lafontaine et Béranger se-
raient les officianis du temple, ils en vaudraient bien
d'autres, et le monde n'y perdrait rien.
Ne nous habituons pas à déchiqueter ainsi les œuvres
des grands hommes, pour en regarder les lambeaux
l'un après l'autre ; jugeons l'ensemble de l'œuvre,
voyons-en la philosophie ; la partie politique n'a eu que
sou heure, voyons loujours ce qui surnage, c'est-à-dire
non-seulement le sourire du poëte, qui est fugitif, mais
la pensée qui est le rayon de son âme et qui éclaire
son livre à perpétuité.
Il y a dans les vers de Béranger, comme dans toutes
les actions de sa vie, l'amour de la justice. Il dit au
deshérité : « Espère, ton heure viendra, mais n'espère
LA CHANSON
41
pas en maugréant toujours ; tâche de garder ton sou-
rire, il te donnera la force et tu vaincras par lui : la
tristesse te tuerait. »
Il di au prêlro qui veut représenter Dieu : « Sois
tolérant, tu n'es qu'un homme ! ton habit n'est rien,
c'est ta conscience qu'il faut tenir m paix, compte avec
elle. »
Déranger croyait en Dieu, comme Rousseau, comme
Voltaire, c'est pourquoi il a écrit : le Fils du pape, le
Bedenu, les Missionnaires, le Bnn Dieu, les IJlefs du
Paradis, et vingt autres qu'un" certain monde ne lui
pardonneia jamui.s.
Cette partie de l'teuvre do Bérangor est peut-être la
plus importa nie; elle a contribué, sous la forme simple
et incisive de la chanson à répondre, à vulgaiiser l'idée
de la libre pensée plus que tous les grands discours
en vers et en prose; elle a montré, réduits à leur plus
simple e.xpression, ces marchands intéressés, soutiens
d'une religion qui n'a aucun rapport avec Dieu.
Le plus grand désintéressement a toujours présidé
aux actes de la vie do liéranger; il a poussé l'nmour
du désinléressement jusqu'à en subir l'insulle. « C'est,
uu taux bonliomme, a-t-on dit, cl toutes ses bonnes
notions et tontes ses hoiincs pensées ne sont qu'une
combinaison pour niônar/er sa r/Ioire. » Hélas 1 où peut
mener un pareil raisonnement'.' Si nous nous mêlions
à calomnier le bien, nous sommes bien près de gloi-i-
lier le mal.
Ce qu'il y a ilc rcmarqiialilc rlr, ..; l'auivrc de Béran-
ger, c'est la gradation conlinuclio vers le grand, le
généreux. Il suit lous les mouvemenis humanitaires !
Quoi de plus beau que le volume des Dernières Chan-
sons, publié en '183S'?
(Jl pauvres enranls du peuple, a|]jii-cnc2-les, ces
vers, chanlez-les ! ils feront de vous des hommes ! Les
l''ous, les (.Ujntreliandiers, Jacques, Jeanne la Ftousse,
les Àf/os liistoriques, le Vieux Vagabond, et toutes
celles que j'oublie.
Dans deux ans, le 10 noùl 1880, il y :uu-a cent ans
que Béranger est né.
C'est ce jour-l,i ([u'il faul inaugurer sii staUic. C'est à
Paris qu'elle doit iHrc élevée — c'est un enfant de Paris.
Elle a sa place loulo désignée, loute faite exprès!
dans le square du Temple, tout |irès do la rue où il
est morl. au milieu de celle popuialion liavaillcuse qu'il
aimait tant.
(,)ue tous ceux que ses chansons ont console, que
lous ceux qu'elles ont instruit, que tous ceux de qui
l'iles ont mis la joie au cœur, apportent leur offrande,
et la stable sera liicutùl l'aile.
(ju'on repi'ésoiile Béranger, souriant de ce sourire
qui lui olail l'ainilior, qr.i contient l'ironie de Voltaire
et la sagesse de Franklin, et qu'on grave sur le pié-
destal ces mois soi'tis de son cicur :
Le bonheur de l'humanilé a élé le songe de ma vie !
D(^^; liravo."? chnlenroux aviiicnl, A (livi-:ses repri-
ses, souligné les phrii-sos ëncrgi(|U('s tlo l'orateur. Il
élait impossible que h^s chansonniers se séjiarassent
lie l'intelligent pnlilie ([ui les enloiirail et les ap-,
prouvait sans un reuiei'cieni.eut spi'H>ial. M. Alphonse
Leclercq, au nom de la Lice, s'est chargé de ce soin
et .s'est acquitté de sa lâche avec im grand Ijonheur
d'expression.s.
5 J'espère, dit-il en torniinanl, qu'en 1880 toute
la France sei'a représentée au centenaire (leBéranger,
et (pi'nne conroime vraiment nalionale sera di'^posée
ce joiir-là au pied de sa stahie! »
La eér('>mouie lerniinée, la l'onlo se retire, pro-
fondément ('nmo. Le peuple a conservé vivant le
souvenir do son poète; cid.-i est d'un bon augure
pour l'ienvre que ses admiralenrs vont entre-
prendre..
A. ['.KT.\Y.
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAIHE DU CAVEAU
BANQUET DES MOTS DONNÉS
Le banquet des 3Iots donnés est, pour le Caveau
et pour ceux qui .s'intéressent aux travaux de cette
société du gai savoir, une solennité qu'on voit tou-
jours revenir avec plaisir et qu'on attend avec im-
patience.
J'éprouvais, je l'avoue, quelque appréhension,
malgré la réussite des fêtes précédentes, et malgré
la facilité bien connue de la plupart des membres
de la Société pour le genre léger et comme impro-
visé. Un sujet imposé, à traiter dans un délai relati-
vement court, sujet quelquefois ingrat et souvent
peu en rapport avec les goûts particuliers et les
aptitudes spéciales de l'auteur: ce n'était pas là,
pensais-je, de bonnes conditions de succès. C'a été,
an contraire, la catise du succès. Les obstacles n'ont
fait ([u'exciter la verve de nos chansonniers. Tous
ont tenu à montrer cpie les diflicultés no sont faites
que pour être vaincues, et un éblouissant feu d'ar-
tilice a rejeté dans l'ombre les parties que le temps
n'avait pas permis de polir suflisamment. Il doit
arriver, en efl'et, que quelques couplets, je ne di-
rai pas: détonnent ou fassent tache dans l'ensemble,
mais paraissent un peu plus faibles que les autres.
11 ne faut pas s'en étonner:
iXeqne semper arcum
Tendit Apollo.
Ces faiblesses relatives font mieux ressortir le
mérite des parlies principales ; c'est comme une
ombre voulue au tableau. Reconnaissons que cette
fois le sujet était vaste: Les Peuplesl
Il serait diflicile de choisir une de ces nombreuse?,
chansons (on en a chanté vingt-six), dont chacune a
pour sujet un peuple différent, poiu- la soumettre à
nos lecteurs, et leur donner une idée de l'ensendjle.
Il nous parait préférable de reproduire les deux piè-
ces c[ui ont sei'vi de cadre à toute la soirée; dans
l'une, qui peut servir d'introduction, et qui a été en
effet chantée la première, le président Charles Vin-
cent a fait appel, ainsi qu'on va le voir, à ces idées
de concorde cl de fraternité universelle qui font
quelquefois sourire les vieux sceptiques du Caveau,
mais qiii trouvent déjà de nombreux et sympathi-
ques échos dans les co?urs jeunes, et même dans
d'autres.
La seconde, inspirée à l'auteur, qui n'avait pas le
droit de trailer un mot donné, par l'invitation toute
eracieuse dont il avait élé l'objet de la part de la
compagnie lyrique, a précisément pour sujet et pour
refrain" les lîiots donn-'s. Elle a clos la séance, et a
IKirn laisser les assislants sous une impression qui
n'avait rien de trop pénible.
Voici d'abord la pièce de Charles Vincent, qu'il
inlitulo : Les Peuples.
Puisque nous nous réunissons.
Pour chanter, ce soir, à la ronde.
Toutes les nations du monde.
Oc (lois \ui l'-iasl à vos chansons.
42
LA CHANSON
Puissions-nous ici marquer l'ère
Où le blanc, le cuivré, le noir.
Voyant dans chaque homme leur frère,
N'auront qu'un but et qu'un espoir!
Puisse enfin se réaliser
La grande paix universelle
Où nous verrons la foi nouvelle
Nous unir dans un seul baiser!
Alors on se dira : s Naguère,
Par quelles aveugles fureurs
Nous faisions-nous ainsi la guerre.
Pour des rois et des empereurs?
Et qu'appelle-t-on l'étranger?
Qu'appelle-t-on les vieilles haines?
Le même sang coule en nos veines:
Pourquoi donc nous enir'égorger?
Le sang qu'on répand sur la terre
Ne peut rien y faire germer ;
Rien n'est fécond, ni salutaire
S'il ne nous vient du verbe aimer.
Pratiquons cette loi, d'amour
Par la science et l'Évangile:
Que le beau, le grand et l'utile
Au bien s'unissent sans retour! »
Le Caveau donne à tous l'exemple
D'une aimable fraternité.
Et c'est dans son modeste temple
Qu'on peut chanter en liberté.
Et quant à cette égalité,
Qui, pour beaucoup, semble un problème.
Elle rayonne ici quand même
Dans l'éclat de notre gaieté
De fleurs couronnons donc nos têtes;
Mélangeant drapeaux, écussons,
Des peuples préparons les fêtes
Par notre exemple et nos chansons!
Nous donnerons à la fin de cet article, pour l'éloi-
gn'^r d'un voisinage qui pourrait lui faie du tort,
la chanson pour ou contre les mots donnés. Occu-
pons-nous, sommairement s'il se peut, des chansons
faites sur les mots donnés. L'immensité ou la pau-
vreté de certains sujets était une difficulté.
Tantôt, le désir de ne rien omettre d'important
amène l'encombrement. Tantôt la crainte de la lour-
deur produit un effet contraire, et le sujet n'est alors
traité que superficiellement.
In vitium ducit eulpa faga,
dit Flaccus. Il ajoute, il est vrai : Si caret arte.
Mais les membres du Caveau n'en manquent pas, et
ilssaventà propos masquer le vide par un remplis-
sage ingénieux ou faire digérer le trop plein par
le piquant de la forme. Or, digérer un morceau de
dictionnaire ce n'est pas peu de chose.
Duprez (vous lisez bien) a tourné son sujet en
anecdote, et ses Patagous ne s'en sont pas plus
mal trouvés.
Les Persans, les Tyroliens, les Espagnols sont
au nomb; e des peuples dont les Homères ont peut-
être eu trop recours au dictionnaire historique. L'é-
rudition a , par place, alourdi l'allure chansonnière.
En revanche, les Arabes, les Nubiens, les Turcsont
inspiréà Guérin, à Moynot et à Vergeron de véri-
tables chansons, d'un tour libre et dégagé. Charles
■Vincent, embarrassé, paraît-il, d'avoirdeux peuples
sur les bras, les a fondus ensemble, et n'en a fait
qu'un morceau. Les Egj'ptiens, les Grecs ! Rien que
cela. Pour lui, les premiers représentent, en art,
le grand ; et les seconds, le beau. Après nn
résumé brilJnnt des épisodes les plus marquants de
la vieintellectuelîe de ces deux nations, il arrive, en
poëte philosophe qu'il est, par un retour naturel aux
préoccupations modernes et françaises, à conclure que
les Français sont aujourd'hui les viais héritiers de
ces précurseurs delacivilisalion, ctqu'ils réunissent
dans leurs œuvres le beau et le grand. Ce n'estpas
moi qui m'inscrirai en faux.
Leconte en chantant la Scandinavie , Grange,
dans ses Danois, ont montré des qualités opposées.
A l'un, la verve un peu exubérante, l'enthousiasme ;
à l'autre, l'esprit froid mais fin. Je ne sais, pour le
dire en passant, si les Danoises seraient enchantées
du rapprochement que l'auteur, cette foispeu galant,
établit entre elles et lés toutous de leurs pays. Après
tout, auraient-elle bien tort de se trouver blessées ?
Un chien regarde bien un évêque. Et d'ailleurs,
Grange n'a-t-il pas déjà comparé l'homme au chien
en les renvoyant dos à dos ?
■ Les Italiens ont fournià Jullien c[uelques couplets
intéressants, où l'histoire est présentée d'iuie façon
piquante. Dans les Mexicains, de Lagoguée, c'est le
côlébotaniquesurtout qui apparaît, et nul ne s'en
cent plaindre.
La plus originale peut-être de toutesces chansons
avait précisément le sujet le plus difficile à traiter,
vu sa banalité même.
Les Français : i(UB dire là dessus et que ne pas
dire? Là était l'écueil. Rubois a vaincu la difficulté
par le choix, la tournure, l'expression.
Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire,
disait Despréaux. Rubois a su se borner, et il a mon-
tré une lois de plus que le Caveau œorferae peut voir
enlui, s'il veut mériter ce nom, un disciple dont il
pourra justement s'enorgueillir.
Mouton-Dufrnisse, très-cnmique avec ces Chi-
nois.... Mais je m'aperçois, un peu tard sans doute,
que je développe outre mesure mes appréciations,
qui i!ilcres-;ent peut-être beaucoup ceux qui en sont
l'objet (pourquoi ne pas le supposer?), mais qui
paraîtront quelquepeu longues à mes lecteurs. Pas-
sons donc au
BAÎ^TQUET DU 5 JUILLET 1878
Moins on est de fous, plus on rit.
Le proverbe mis en chanson par Armand Gouffé
peut être renversé. En effet, si le banquet de^mots
donnés élait. assez nombreux, celui du ôjuilletl'était
peu. Mais en revanche, la monotonie avait dans le
premier montré le bout de son nez, tandis qu'au se-
cond, malgré le nombre restreint des convives, une
grande vaViété dans les productions a permis de ré-
sister aux ardeurs du gaz et de l'atmosphère tropi-
cale.
Ici encore les niota donnés ont eu leur écho. Gar-
raud, absent au banquet spécial, a payé sa dette en
nous chantant les Russes. Il vante fort ces Français
du Nord, comme il les appelle, leur attribuant ainsi
un noble titre décerné jtisqu'à présent exclusive-
ment auxPoIonaîs. Mais vous êtesorlévre,. monsieur
Josse, et je comprends les motifs de cette flatterie
LA CHANSON
43
quelque peu outrée. Les Russes pratiquent une large
hospitalité, et offrent un accueil doré aux artistes,
aux comédiens; il n'en faut pas plus pour vous en-
flammer à leur endroit. Les roubles ont des reflets
qui trompent l'œil et font voir tout en rose. Rien de
la Sibérie.
Autre peuple. Toujours les mok donnés, hzbè-
doUière, en paresseux qu'il est, n'a pas traité son
mot. Claii'ville, non content d'avoir chanté Pour le
roi de Pr(«se,et d'avoir célébré les Flandres et le bon
Portugal, s'empare aussi des Ecossais, délaissés par
l'éminent et oublieux journaliste. Toute leur his-
toire, souvent sanglante, se déroule en quelques
couplets, ingénieusement encadrée dans cet impi-
toyable refrain :
Mais ils n'ont pas de pantalon.
Le vaudevilliste fin, mais cherchant toujours le
côté grotesque, triomphe dans ces sortes de tours de
force. Heureusement l'esprit n'y perd rien.
Le toast du prô.sideal, inspiré parle mois de juil-
let et les grandes dates qu'il rappelle, est peut-être la
seule pièce (|ui se soit élevée au dessus du niveau
coupletier. Mais aussi quels souvenirs ! Le 14 juil-
let, qui voit crouler la Bastille; les trois glorieuses,
comme on disait encore sous Louis-Philippe. Puis,
par un acheminement heureu.x vers le but de son
morceau, l'anniversaire de la mort de Béranger a
fourni à Charles Vincent son mot de la fin: la Chan-
son.Production variée de ton, chaleureuse, et dite par
lui comme il sait dire — (|uandil ne chante pas.
Grange ne cherche pas les grands sentiments.
Le coté tendre des choses ne le touche guère. 11 est
froid et sceptique. Un proverbe préscnte-t-il une face
consolante, douce : il va le regarder par derrière,
et vous en montre bien vile l'envers. Quelle aima-
ble illusion pour le déshérité de se dire : Jejouis de
ce que je vois ; je n'y touche pas, si ce n'est des
yeux ; mais je crois le posséder : Voir c'est avoii !
Non, dit Grange, ça n'est pas vrai. C'est le contraiie
qu'il faut croire. "Tant pis pour le bonheur rôvé, le
positif est là, dur et inexorable. Voir, ce n'est pas
avoir. Et il le prouve ; et, pendant qu'il poursuit sa
démonstration d'une voix nette et cruelle, il semble
qu'on entende l'oiseau moqueur des forêts d'Amé-
rique persiftlant le chaut poétique et croyant du
rossignol.
Les Antipodes, de Fénée, n'ont pas le même
entrain que certaines chansons du même auteur.
Il est vrai que le sujet n'y prêtait pas beaucoup, et
cette nomenclature d'objets qualilies tour à tour de
caca et de nanan, ne laisse pas d'avoir quelque chose
de froid; la pièce n'est pas sans mérite toutefois ;
mais l'auteur nous a rendu dil'lîcile.
Le premier tour, c'est celui des chansons inédites ;
elles ont été naturellement peu nombreuses, onze
en tout. Les Casus belli, de Ripault,lus par Grange
avec plus de goût que de voix, — h'Abus do la rai-
son, de Montariol, — Un marivaud■^ge, de Charles
Vincent, — Les Plaintes de ces messieurs à ces pe-
tites dames, de Rubois, — les Etirontés, d'un ré-
dacteur de la Cimnson, et Tranquille, de FeuiUée,
qui a ouvert le feu, ont offert, comme dans un bou-
quet aux mille couleurs, la gaieté, la satire, l'esprit
sans méchanceté, l'énergie même et parfois la
grâce. La qualité suppléait à la quantité.
Vu l'heure peu avancée, il a été procédé à un
second tour.
Ces seconds tours ont un certain attrait. Non plus
celui de la nouveauté, mais du renouveau. C'est un
choix de bonnes chansons parmi les meilleures ; il
est rare, en ces occasions, que l'auteur ait la main
malheureuse. L'auditoire, guidé par le souvenir,
aiderait au besoin le chanteur. Montariol, dans
Lequel des deux ? — Clairville, en décrivant le
Monde microscopique, — Vincent, célébrant le pays
de sa naissance et les grands bois qui berçaient les
rêveries de sa jeunesse, — Enfin V Enterrement,
chanson redemandée, dont l'auteur signe le pré-
sent article, ont recueilli des applaudissements una-
nimes. Pourquoi n'ajouterais-je pas, justement mé-
rités ?
Et maintenant que nous avons feint de reculer,
mais pour mieux sauter, exécutons-nous, et trans-
crivons ici, pour terminer, la chanson des ajo^sc/oh-
nés qui a clôturé la séance annuelle du 21 juin der-
nier :
AUX MEMBRES DU CAVEAU
-■Vir: Allez-vous-en, yens delà aoce.
Le bec en l'air, à voire porte,
Rèvoiir, je croquais le marmot,
Quand hier un ami m'apporte
De votre part un petit mot.
Sur ce cher billet au plus vite
Je jette dos yeux étonnés.
Quoi, pour mon nez
De tels dîners !
C'est bien vrai ; le Caveau m'invite
A son banquet des Mots donnés.
Or ce banquet, où nul profane
De pénétrer n'aurait le fiont,
Compte plus d'un Aristophane,
Plusieurs Horaoes, maint Piron.
•Donc, Phœbus, il faut que tu m'aides.
Car un proverbe suranné,
Mais bien prôné,
M'a taquiné ;
C'est : Aux. grands maux les grands remèdes.
En est-il pour un mot donné?
Dans celle lice, où vo're verve
Cueille un succès à chaque pas,
Piimeur en dépit de Minerve,
Me hasarder... je n'ose pas.
Ma muse n'a jamais pu mordre
A ces sujets déterminés.
Vers retournés,
Airs fredonnés,
Rien ne la soumet aux mots d'ordre,
Même par le Caveau donnés.
Votre chanson, en politiciue,
Accepte tout pour ce qu'il vaut.
Demeurer toujours éclectique.
C'est la devise du Caveau.
Malgré bien des eflforts contraires,
Au principe vous ramenez
Les obstinés.
Preuve ? Tenez :
Les peuples sonl pour eux des frères;
Pour vous ce sont des mots donnés.
44
LA CHANSON
Sur les méchants, sur la sottise.
Vous lancez un couplet moqueur ;
Mais, si la bonne humeur l'attise,
L'esprit ne fait pas fort au cœur.
On peut l'ire d'un centenaire.
Mais jamais des infortunés.
Ainsi, venez.
Amis pannes:
Le Caveau, toujours débonnaire,
Pratique le grand mot: Donnez.
Peuples divers, c'est votre thème,
Par tous également .suivi.
Moi, je suis frileux par système.
Et Peuples d'été m'eût ravi.
Réchauffez-moi donc par vos tapes;
Prouvez que vous me pardonnez,
Tout bassinés
De vers mal nés.
D'avoir pris part à vos agapes
Et fait faux bond aux mots donnés.
EuG. IMBERT.
LES QUATRE SAISONS
Air connu.
Petits oiseaux, chantez l'aurore,
Chantez le printemps, les amours.
Petits oiseaux, chantez encore
Les fleurs, présages des beaux jours;
('.hantez dans la verte fouillée
De vos compagnes les atoui'S,
Et, dans la verdure émaillée,
Pe'its oiseaux, chantez toujours !
Chantez le soleil qui colore
Los coteaux, les champs et les prés.
Petits oiseaux, chantez encore
De (;érès les cheveux dorés ;
Chantez les moutons qui bondissent
Sous l'œil vigilant des pastours,
Et, lorsque les épis mûrissent,
Petits oiseaux, chantez toujours!
Chantez le raisin qui se dore
Pour nous donner dos vins nouveaux,
Et mêlez votre voix sonore
Aux joyeux airs des gais pipeaux;
Chantez le doux jus de la tonne
Dont s'inspirent les troubadours,
El, pour les fruits mûrs de l'automne,
Petits oiseaux, chantez toujours !
Quant tout se tait dans la natui'e,
Ouo le ciel est gris et brumeux,
Ùuand on n'entend plus le murmure
Des petits ruisseaux sablonneux,
Lors(]ue janvier sème le givre
Dans nos bois naguère toulîus,
Et qu'aux champs rien ne semble vivre,
Petits oiseaux, ne chantez plus !
J.-B. DAVAGNIER.
L^OUVRIER
Chaque malin avant l'aurore.
Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid.
Que le printemps d'un rayon dore
Ou que l'hiver glace mon toit,
Dispos et joyeux je me lève,
Pendant qu'autour de moi tout dort
Pour le travail quittant le rêve
Qui m'a bercé dans ses flots d'or.
La forge fume.
C'est le réveil !
Marteaux frappez l'enclume ;
Le feu vermeil
Déjà s'allume.
C'est le réveil !
C'est le travail qui m'a fait libre ;
Le pain que je mange esta moi
El mou budget, comme équilibre,
Vaut bien celui de plus d'un roi.
Ma femme est mon premier ministri
Si mon domaine est limité,
Chez moi, loin de l'ennui sinistre,
On trouve la fraternité.
La forge fume, elc.
Je suis seul àl;oiro en mon verre,
Mais en travailhiut j'y bois dur ;
Il le faut bien, la forge altère,
Et d'ailleurs je bois mon vin pur.
Je bois à l'avenir prospère
Qui dans les rêves me sourit,
Je bois à la France, ma mère.
Au sol libre qui me nourrit.
La forge fume, etc.
Ma femme a mis un fils au monde,
C'est un bonheur à la maison
Où de ce jour la joie abonde:
Le bonheur a toujours raison.
L'enfant grandira, je l'espère;
Quand ses quinze ans arriveront.
Nous en ferons, comme son père.
Un brave et joyeux forgeron.
La forge fume, etc.
Je porto aux doigts la dure empreinte
Qu'y laissent les marteaux de fer.
0! travail, c'est ta marque samte !
C'est pour vivre que j'ai souffert.
En ma force j'ai (lonfiance.
Mais, quand viendront les cheveux blancs
Mes enfants, pleins de déférence.
Entoureront mes derniers ans.
La forge fume,
C'est le réveil !
Marteaux, frappez l'enclume ;
Le feu vermeil
Déjà s'allume :
C'est le réveil !
G. DE LA SALLE
LA CHANSON
45
GALERIE DES CHANSONNIERS
GUSTAVE NADAUD
MEMBRE DU CAVEAU
Lii biographie de
Nadaud, comme celle
delà plupart des écri-
vains modernes, ne
contient aucun de ces
événements dramati-
ques dont se repaît la
curiosité banale.
Nadaud (Gustave)
est né à Roubaix, le
20 février 1820, d'une
famille de commer-
çants. Pourvu, dans
sa ville natale, d'une
bonne instruction pri-
maire, il fut envoyé à
Paris, en 1834, pour
compléter ses études
au collège Rollin.
Quatre ans après, il
retournait à Roubaix,
et y débutait dans
la carrière du négoce.
En 1840, la famille
Nadaud vint à Paris
fonder une maison de
vente des tissus de
Roubaix ; Gustave fut
associé aux opérations. La Muse commençait à
le lutiner. Menant la double vie de commis et d'étu-
diant, il trouva naturel de rimer le souvenir des
plaisirs faciles qu'il goûtait aux heures de liberté. A
cette époque, remonte la satire fameuse des Raines
de Mabille. Écrite sans grand souci de la forme,
elle obtint rapidement une popularité qui engagea
Nadaud à poursuivre ses essais. Courageux et te-
nace, il perfectionna son style, apprit les règles de
la composition musi-
cale, et put bientôt li-
vrer au public des
œuvres remarquables
par leur verve, leur
fraîcheur et leur
gaieté.
Pendant ce temps,
la Révolution de Fé-
vrier s'était accom-
plie. La crise commer-
ciale qui suivitconfir-
ma Nadaud dans son
dessein bien arrêté de
se consacrer à la lit-
térature. Il quitta, en
1849, la maison de
tissus qu'il tenait ,
place des Victoires.
La môme année, parut
son premier recueil
de chansons. On y re-
marque, entre autres
productions réussies,
deux portraits humo-
ristiques,^7a Lorelle
du jour et la Loretle
du lendemain, tracés
avec un esprit impitoyable. La première triomphe,
prélevant sur tous d'abondantes contributions :
Mon mobilier, c'est ma biographie
Qui doit finir au Mont-de-Piété,
Et claaque objet, incident de ma vie,
Me ditencor le prix qu'il a coûté.
Le vent révolutionnaire a passé sur la seconde,
qui soupire ce refrain mélancolique :
46
LA CHANSON
J'étais coquette,
J'étais lorelte.
Mais qu'ils sont loin, mes beaux jours d'autrefois,
La République
Démocratique
A détrôné les reines et les rois.
Le recueil de Nadaud fut accueilli très-favorable-
ment ; ses chansoDs, réunies par groupesen albums,
s'enlevèrent, et plusieurs, éditées à part avec mu-
sique composée par lui-même, lui valurent un dou-
ble succès.
Nadaud avait désormais sa place au firmament
littéraire. L'éditeur Vieillot, et, après lui, la maison
Heugel firent au chansonnier applaudi des offres
brillantes qu'il accepta et qui le sauvèrent de cette
lutte pénible pour la conquête du pain quotidien,
dans laquelle tant de talents précieux ont été brisés.
D'année en année, de mois en mois, l'œuvre chan-
sonnière de Nadaud s'accrut, toujours estimée, sou-
vent même adoptée par la vogue. Elle se compose
aujourd'hui de quatre cents productions au moins,
où tous les genres sont admis, tous les sujets trai-
tés, et que l'éditeur Pion a réunies en cinq volumes
sous ces titres :
Chansons de salon, — Chansons populaires, —
Chansons légères, — Chansons nouvelles, — Chan-
sons inédites.
Nous glanerons au hasard dans ce vaste champ
poétique .
L'auteur a des indulgences pour les filles folles
que sa muse a d'abord chantées. Ecoutons le pre-
mier couplet à' Adèle :
Adèle est une lorette,
Elle vit de ses amours ;
Elle change tous les jours
D'amant comme de toilette,
Et chacun de ses désirs
Lui coûte un ou deux plaisirs.
Mais, dans sa noire prunelle,
Brille tant de volupté!...
Adèle, ma pauvre Adèle,
Cela vous sera compté.
Pour absoudre les amours faciles, le poète n'en
rêve pas moins des liaisons plus licites, mais quoi !
est-ce sa faute si la vie de ménage ne l'a pas con-
quis :
Je veux garder toute ma vie
Sur moi-même un pouvoir complet.
Sortir lorsque j'en ai l'envie.
Et rentrer quand cela me plaît ;
Ouvrir ou fermer ma fenêtre,
Garder ou vendre ma maison ;
Enfin je veux être mon maîlre...
Voilà pourquoi je suis garçon.
Alors revient le tableau des jeunes plaisirs; M^
Chaumière a son chant après Mabille.
Allez, fringanles
Etudiantes,
.\llez trouver, étudiants joyeux.
Dans vos chambrettes.
Sur vos couchettes,
Le repos seul ou le plaisir à deux.
Puis, comme contraste, nous nous trouvons bien-
tôt en pleine pastorale :
Pâle habitant de la ville adorée,
Où le plaisir doit abréger les jours,
Tu crois avoir dans ta prison dorée.
Tous les bonheui-s et toutes les amours.
Viens dans les champs où brille la verdure.
Dans nos sentiers viens égarer les pas;
Nous entendrons la voix de la nature.
C'est une voix que tu ne connais pas.
Mais nos citations sont-elles utiles? Si considérable
que soit le répertoire de Nadaud, renferme-t-il une
œuvre dont il faille rappeler plus que le titre ? —
Quelle jeune fille n'a chanté Est-ce tout ? Perrette
et le Sorcier, la Valse des Adieux? — Quel ami du
vin n'a fêté le Docteur Grégoire ? — Quel amateur
de rimes faciles, de traits malins, de rêveries douces,
ne connaît 7es Amants d'Adèle, Satan marié, Bon-
homme, Ursule, les Dieux, l'Histoire du mendiant,
le Première Maîtresse, le Voyage aérien, le Sultan,
Macadam, Carcassonne, le Livre favori, Made-
leine, Les Gros Mots, Chut !, Mon Ministère, Les'
Deux, Pandore, l'Osmanomanie, l'Anniversaire de
l'ouvrier, le Train des Maris, tant d'autres encore ?
— Et cette élégie touchante, le Nid abandonné,
qui n'en a répété la strophe finale :
Allez, enfants, douces chimères,
Rêves menteurs qui nous charmez.
Vous n'aimerez jamais vos mères
Autant qu'elles vous ont aimés !
Tout en applaudissant chez Nadaud la verve inta-
rissable, la science du vers, un sentiment délicieux,
une certaine élévation philosophique et une aptitude
rare à varier ses inspirations, on pouvait regretter,
dans ses chants, l'absence de la note virile et patrio-
tique. Les désastres nationaux ont complété le pqëte.
LA CHANSON
47
Il était à la campagne, près de Lyon, quand la ter-
rible Ëfuerre de 1870 commença; il demanda aussitôt à
entrer dans l'ambulanee lyonnaise qui se formait. Sa
demande accueillie, il s'engagea pour ce pénible
service et le fit pendant toute la campagne. Il a con-
signé dans un livre {Mes notes dlntirmier-, publié
par Pion, en 1871), nombre d'épisodes émouvants et
de réflexions sages. Il n'est pas étonnant, alors, que
Nadaudait signé, quelques mois plus tard, ces vers
énergiques :
N'attendez plus de moi
La molle poésie,
Qui, d'un secret émoi,
Tenait l'ùnao saisie;
• O France, je t'aimais,
Jusqu'à l'idolâtrie;
Tou^ mes chants désormais
Seront iiour ma patrie!
Et cette invitation éloquente à ses confrères en
poésie :
Chanson, il f.iul i-liangcr de style,
Quel ne serait pas ton honneur.
Si lu pouvais le i-endre utile
Sans perdre ton aimable humeur?
Les ans onl blanchi notre tète.
L'orage a courbé notre corp."*;
Bénis soient l'âge et la tenipèlc
S'ils rendent nos fils fiers el forts 1
Il faut, sous un refrain frivole.
Cacher une leçon,
Charme, élève, console.
Et vole, vole, vole.
Chanson !
On est heureux d'entendre, de la bouche d'un
maître, d'aussi nobles conseils.
Bien que ses chansons eussent suffi pour lui as-
signer un rang distingué dans notre littérature,
Nadaud a voulu s'attaquer à d'autres genres. Il a
écrit un volume de Contes, Récits et Scènes en
vers, édité récemment avec luxe par Jouaust, et qui
renferme des choses remarquables, trop longues,
malheureusement, pour être reproduites.
Il a publié, en 1861, à la librairie Hachette, un
roman enlprose^et vers intitulé Une Idylle, on l'ob-
servation vraie le^dispute à l'invention gracieuse.
Enfui , Nadaud a tenté la difficile carrière du
théâtre. 5Un recueil d'Opérettes avait fait la joie des
salons de Paris, quand]il rêva l'honneur d'un succès
à la Comédie-Française. Le 20 février 1870, à l'heure
même où sonnait pour lui la cinquantaine , Nadaud
lisait au comité de notre premier théâtre une pièce
en vers qui fut écoutée avec intérêt et reçue à l'u-
nanimité. Pourquoi ne l'a-t-OQ pas représentée?
L.' poète l'ignore et s'en tourmente peu ; cependant
il juge bon de rafraîchir parfois la mémoire de l'ad-
ministrateur oublieux. Tous les ans donc, le 20 fé-
vrier, M. Perrin voit arriver une copie de la lettre
suivante :
« J'ai l'honneur de vous rappeler que j'ai, depuis
le 20 février 1870, une comédie en vers reçue à
votre théâtre. Il serait temps de penser aux auteurs
qui nn se recommandent jias [lar leur impnrtunité.
« G. Nai'aud. »
Nous altendons avec curiosité le ilénouement de
cette lutte d'une patience contre une inertie.
Plus hospitalier pour Nadaud, le Gymnase lui
joua, le 18 juin 1874, une comédie en deux actes,
intitulée Dubois d Australie. L'auteur, sur les con-
seils de la direction, avait coupé tout un acte de sa
pièce et retranché les détails qui lui plaisaient le
plus. — a Nous avons un succès! » dit, à la fin du
spectacle, M. Monligny. Parti sur cette assurance,
Nadaud fut désagréablement surpris en voyant, le
lendemain, sa comédie donnée en lever de rideau.
Dubois d Australie se joua peu. A qui la faute?
Nous attendrons, pourdécidcr,que Xadaudait publié
son œuvre telle qu'il l'avait écrite. Elle paraîtra
bientôt chez Tresse, avec d'autres essais inédits.
En résumé, sous ses aspects divers, le talent de
Nadaud réclame de la critique une attention parti-
culière. Tour à tour folâtre , sévère ou rêveuse,
sa muse est avant tout, de bonne compagnie. Ses
refrains, où jamais la vulgarité ne triomphe, égaient
souvent la table do famille. Recherché, fêté partout,
le sympathique chansonnier donne à ses œuvres,
en les interprétant, un relief considérable, et se
fait applaudir à la fois comme écrivain, comme mu-
sicien et comme expert en l'art de dire.
Bien (pie raillé par le poète, l'empire le fit, en
1861, chevalier de la Légion d'honneur. L'opinion
publique ratifia cette nomination, de même qu'à
une date plus récente, les lettrés ont applaudi à
l'excellente idée qu'avaient eue deux auteurs de
grouper et d'animer, dans un vaudeville, les créa-
tions principales de Nadaud. Après Béranger et
Désaugiers, qui seuls l'avaient obtenu, le théâtre
devait cet hommage au poëte qid continue, avec
autant de charme que d'esprit, les bonnes traditions
do la chanson française.
L.-HENRY LECOMTE.
LA CHANSON
LE VIN DE LA COMÈTE
Musique de F. HAUBERT (1).
Allrgrettn leggirn
chève. Les bfaux jours voni fuir padi-eux, Mi-gnonne, laisse-là Ild
rn-'? ■' f ! g^=H' J' T^
<» r 1 er^
rê-ve. Prends mon bras et par- tons joy - eux! Viens
doux ange, oublier nos peines. Sur les verts co-teaux de Su
animato.
res-nesl C'est di - manche, aujouï^d'hui Mu -sette. Aux vigne
viens courir tous deux. Vidons un flacon savou-reux. De vin î^ei!
u H rit: . . (^ dolce.
veau de la co - mè-te Cest di -manche, au-jourd' bui Mu
set -te. Aux vi-gnes vienr,... par-tons tous deux!
De raisins mûris, ô ma reine.
Couronne ton front sans pareil ;
Des rubis de ma eoupe pleine
Viens colorer ton teint vermeil;
Que la liqueur enchanteresse
Change tes chagrins en ivresse 1
C'est dimanche, etc.
Laissons le travairdela veille,
Dis-moi tes refrains les plus doux :
Allons à l'ombre de la treille
Ouïr la chanson des glougloux ;
Kll, par raille baisers, charmante.
Imite leur bruit qui t'enchnnle :
C'est dimanche, etc.
Ici I IJ nocompnrjnempnt se trouve cliex C. Avocat, érlilniir. fnnlioiuff Mnntmarire, 2'i
LA. CHANSON
49
Uiio i:e lU'fUir, ô mou doux auge,
l'rusiigc à Ion cœiii- d'iieurciix j(jiirti ;
Que, flans un bonheur sans inélaoge
Il éternise nos amours.
Pour qu'en l'aimant, ô ma rliério,
Je te chante toute la vie :
l'.'osi dimanrhc aujounriiui, Muselle,
Aux vignes viens l'ourir tous deux.
Vidons un flacon savoureux
De vin nouveau de la comète.
A. CAPRiiS
A MES AMIS
Air à l'aire.
On a l'Iianlé l'amour, ou a idianté la gloire ;
T.i! doux .jus fin raisin inspira maints auleui-s ;
l'armi les plus féconds, Désaugiers, dit l'histoire,
Vida idus il'un l'Iacfui avec ses auditeurs.
Si. près de vous, amis, le chansonninrm'inspii-e
X'euillez de vus bravos luidonner la moitié ;
Puisqu'd ne (dianle plus, omprnnions-lui sa lyre.
Kl buvons, mes amis, à la sainte amitié !
I,'Ainour, jiour quelques-uns, n'est qu'un mot. unechose
nui se vend ou s'aidiolp à beaux ocus nomplanls ;
Mais pour nous, mes amis, c'est le bébé tout rose
Oui sourit ilans ses pleurs, nous leud ses bras charmants.
Pour les époux unis, bien douce est la viidllesse ;
P leur reste un parfum du passé des beaux jours.
Contenlement du eœur ])asse avant la richesse...
Duvons, buvons auiis, à nos chères amours !
I^a gloire a l'ait verser ici-bas bien des larmes ;
(,)uo d'enfants sont partis pour ne plus revenir !...
Mais i|uaud la France l'ait un appel à ses armes
On bravo le danger pour la gloire à venir.
I /appel à l'inilnslrio est le seul cri do guei'rc
i.luu la Kraucû au,iourd'hui jette aux peuples amis,
l.a |)aix rend plus l'écjnd le travail sur la terre...
Huvons don." à la paix, au bonheur du pays '
i. LARGUIEIl
A LA POÉSiE
Vierge aux chaslcs atlrails, lu règucs sur mon âme,
.\ vivre sous les lois je mois tout mon bonheur,
Viens, par \m iloux baiser de tes lèvres de femme,
.Mors que je t'invoque exalter mon ardeur !
Car tu sais raviver par la divine flamme
Le tendre sontimenl qui fait battre mon cœur,
Sous ta sainte bannière, ici, je le proclame :
La vérité triomphe en combattant l'erreur!
So'ur do la charilé comme de l'espérance.
Sous des ehaines de fleurs tu caches la souffrance
IJe tout noble pocte, enfant déshérité;
Oui, je l'aime d'amour, même avec frénésie,
0 toi qui de mes jours fais la félicité,
Ange envoyé du ciel, aimable poésie!
TnÉonoRE LECLERG.
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DU 3 JUILLET 1878
Le neveu de Rouget de Lisle assistait au diiier de
la Lice. Les chansonniers ont prolité de celte ren-
contre pour fêter le souvenir du poète et sa prodi-
,!,fieuse Marseillaise. Les productions se sont succé-
dées ensuite avec abondance et variété.
Après un toast Lien accueilli, Chebroux, qui pré-
side, chante avec succès l'Appel aux Avalions, que
nous avons publié. — Faut que je m' paie un drapeau,
dit alors M. Caben, qui se décide avec raison pour
l'étendard tricolore. — Un souvenir de Pau nous
est agréablement présenté par M. Marchivo —
M. Echalié dit Travailde Romain, jolis couplets avec
chute heureuse. — Puis E. Hachin demande la pa-
role pour une prolestation-Jrimée qui met notre jour-
nal en cause. On sait que le n° 2 de La Chanson a
donné le portrait de ce vétéran de la Lice; Hachin
trouve le dessin peu réussi et s'en plaint dans plu-
sieurs couplets que nous voulons insérer comme
type de critique plaisante.
MON PORTRAIT
DANS LE JOURNAL LA CHANSON
au;: Un' t'cmiii' avec deux jamli'^i'jlc. hoi.-i.
Mon sort était digne d'envie
Quand j'disais partout sans façon:
" On va fair' ma biographie
El ma iigur' dans In Cliniisonl »
Lui beau jour, enfin,pl'on m'envoie
Ma figur' dans ce gai journal,
Mais, hélas ! ce n'est pas de joie
Qu'en m'voyant, je m'suis trouvé mal!
.Te n'sais pas si j'suis exigeant,
Mais s'voir si laid, c'est affligeant;
Ah! si j'trouve un peintre obligeant.
On m'f'ra plus beau pour mon argent.
Quand j'montr' la tète du mauvais diable
Que l'on dessine au-d'sus d'mes chants.
On m'dit : k C'est très-remédiable,
Fait's effacer vos airs méchants ;
Cent peintres, pour un fort salaire.
Vous front r'semblant às'y tromper;
Vous ét's un homm' facile à r'faire,
L' premierv'nu peut vous attraper.»
Je n'sais pas si j'suis exigeant, eto.
Un ami, qui jamais ne^flatte,
M'dit, après examen sérieux ;
— « Mon cher, c'est toi par la cravate
Et la nuance des cheveux ! »
K Mais, lui dis-je, est-ce là l'ensemble
Et le charme exquis de mes traits? »...
Puisqu'il prétend que ça me r'semble,
C'iui-là, je n'iui r'parl'rai jamais !
Je n'sais pas si j'suis exigeant, etc.
50
LA CHANSON
Vincent est fait de main de maitre.
Du sexe il altir' le regai'd
L'un' dit : <i C'est Frédériok-Lemaître ! »
— «Non, dit l'autr', c'est Gentil-Bernard! »
Devant ce beau dessin, les dames
De voir l'original ont l'goùt :
En voyant ma tête, les femmes
De moi n'veulent rien voir du tout,
Je n'sais pas si j'suis exigeant, etc.
J'me r'gardais du côté d'ia Halle
En vent' chez un marchand d'journaux,
V'ià qu'un gamin crie: t Oh! c'te balle!
C'est la trompe à monsieur Mojaux! »
Cecridu cœur et d'I'innocenoe
Fait voir où tout ça peut nous m'ner:
C'est inquiétant d'être la r'semblance
D'un homm' qu'on d'vait guillotiner !
Je n'sais pas si j'suis exigeant, etc.
J'connaîs un p'tit ménage aimable,
J'dois êtr' parrain de. .. c'qu'ils ont fait,
A ma futur' commère à table
Imprudemment j'offr' ce périrait:
D'frayeur v'ià c'te p'tit' femm' qui tremble
Et son mari qui m'dit: « Gredin,
T'es sûr que si mon goss' te r'semble
Tu n'périras que de ma main ! »
Je n'sais pas si j'suis exigeant, etc.
Maintenant, je montre sans cesse
Mon diplôme, un fort parchemin,
J'n'ai que ce titre de noblesse
Pour prouver qu'je n'suis pas vilain.
Faudra qu'en marquis d'Létorière
Baillet m'photographie un jour,
Comm' c'est dans sa ooiir qu'il opère
Ça me donn'ra l'air d'un homm' de cour !
Je n'sais pas si j'suis exigeant, etc.
Faite carotte tirée à nos Editeurs.
En présentant avec franchise
Tous les chansonniers reconnus.
Faudra parer voir' marchandise
Quand vous tomb'rezaux premiers v'nus.
Fait' doncd'moi, pour que ça s'achète,
Que'qu'chose d'idéal, de rêvé:
'Vous pouvez bien m'fair' une autr' tète
Tout l'mond' croira qu' c'est arrivé.
Je n'sais pas si j'suis exigeant.
Mais s'voir si laid, c'est affligeant;
Ah ! si j'trouve un peintre obligeant,
On en f'ra plus beau pour mon argent.
E. HACHIN
Soit, M. Hachin, subventionnez un artiste ; mais
le portrait que vous obtiendrez sera-t-il, en même
temps, joli et fidèle?
M. Antoine Clesse, le Béranger de la Belgique,
nous offre trois échantillons de son savoir-faire : une
chanson philosophique, d'abord, Petits airs et Peti-
tes chansons ; puis un air bachique, le Banquet, fait
évidemment pour couronner des agapes moins mo-
destes que celles de la Lice ; enfin la poétique bio-
graphie du célèbre Jocrisse. Ces trois œuvres sont
charmantes, et l'auteur non-seulement les dit, mais
es joue avec un talent réel.
M. Alfred Leconte nous apporte un écho des mots
donnés du Caveau, en chantant /es /i>anpa;s de Rubois
et en récitant ses vers aux Scandinaves et au roi de
Suède, productions appréciées dans le compte rendu
qui précède. — M. Picard, avec une chanson ba-
chique ; M. Leclercq, en jalousant le sort heureux
de son chien ; M. Durafour, en disant un de ces ta-
bleaux populaires qu'il réussit à merveille; M. Es-
tienne, en conseillant de chanter toujours la patrio-
tique Marseillaise ; M. Pingray, avec un bon refrain
de Hachin: J'suis abonné! M. Moniot, en prêchant
le Devoir; M. Rubois, en commentant spirituellement
cette parole de l'Ecriture: Croissez et multipliez;
M. Jules Jouy, en racontant une Visite au dompteur
Bidel ; Georges Baillet, en célébrant la Paix et M. de
Lyne, en rimant féloge du Clyso-pompe, instrument
propice à beaucoup de mortels, mais fatal à certain
préfet, excitent tour à tour les rires et les applau-
dissements.
J'ai gardé pour la fin une jolie chanson de M. J.-B.
Robinot, dans laquelle le poëte provoque, avec
d'excellents arguments, l'éclosion d'un chant natio-
nal, destiné à succéder à la Marseillaise. Je citerai
fœuvre entière, ce qui, à mon avis, est la meilleure
façon de louanger.
UN CHANT A FAIRE
Le siècle puissant que nos pères
Ont cimenté de sang humain,
Le siècle des terribles guerres ,
Français, n'a plus qu'un lendemain
Une autre va bientôt le suivre,
Le progrès met dans son berceau
La paix qui n'a qu'un seul drapeau
La raison qui n'a qu'un seul livre.
Que la voix du canon se taise,
La grande et noble Marseillaise
Finit son glorieux labour ;
Pour saluer l'aube des fêtes,
Aux peuples vous devez, poêles.
Une Marseillaise d'amour !
Le bon sens, chaque jour, arrache
Un lambeau de l'obscurité.
Et guide maintenant la marche
Des hommes vers la vérité ;
Brisant les haines séculaires
Les faux dogmes et les faux dieux,
On le voit, d'un bras vigoureux,
Niveler déjà les frontières.
Que la voix du canon se taise, etc.
Faites germer l'intelligence ;
Les douces et graves leçons
Du génie et de la science
Entrouvrent les grands horizons ;
Ralliez dans un chant unique
Toutes les voix et tous les coeurs,
Unissez vaincus et vainqueurs
Dans les bras de la République !
Que la voix du canon se taise, etc.
LA CHANSON
51
Repoussez loutes reprcsaillus,
Uonnez-nous l'orgueil de nos droits,
C'est d.-ins les grandes funérailles
Que se raffermissent les rois ;
Créez, pour affianchir la terre.
Une compagne au chant sacré,
Un hymne d'amour inspiré,
Déclarant la guerre à la guerre.
Q'.ie la voix du canon se taise,
La grande et noble M/irseiJ/aise
Finit son glorieux labour;
Pour saluer l'aube des fêtes.
Aux peii|iles vous devez, poètes,
Une MiirsL'iiù'ise d'amour !
J.-B. ROBINOT
Nous sommes, Patay et moi, si complètement de
l'avis de M. Kobinot, que le concours poétique ou-
vert aujourd'hui par L,i Chanson a pour objectif
principal la révélation d'un hymne français et pa-
ciliqiic. La Mnrse niaise est admirable, mais n'est-
elle ])as surtout un chant de colère ?
LE BANQUET DES DAMES
Suivant une mesure, très-sage au dire des expé-
rimentés, les dames ne sont pas admises aux diners
mensuels de la Lire. Pour dodommag-cr le beau
sexe, les membres de cette société chantante lui dé-
dient deux banquets par années, l'un en janvier,
l'auti'e en juillet. Le 21 du mois dernier donc, Cla-
mart a repu les chansonniers et leurs invitées. Je
copie, sur la lettre d'invitation, le programme de
cette fêle champêtre :
A 10 heures 1/2, rendez-vous chez le restaura-
teur ;
A 11 heures, départ collectif pour une promenade
au bois;
A 2 heures très-précises, à table ;
A 4, heures 1/2, séance des chants;
A 7 heures 1/2, tirage de la tombola et distribu-
tion des surprises ;
A 8 heures, danse;
A 11 heures ,promepade aux flambeaux et départ.
Il y en avait, comme on voit, pour tous les goûts.
Favorisé d'un beau soleil, Le Banquet des Dames
a tenu ses pi'omcsses de plaisirs. Aucun incident
ne s'est produit, dont il faille entretenir nos lec-
leui's. Les chants même ne nécessiteront que quel-
(|ues ligues. Ce n'est ])as, en effet, à ces réunions
plép.ières, (|iicsoul ilcsIiiK'cs les productions inédites.
Les rimçurs adroits u'olTrent aux dames que des
refrains applaudis déjà. Donc, après avoir men-
tionné les couplets d'à-propos chantés par iMM. Ha-
chin, Chebroux et Echalié, nous renverrons à nos
comptes rendus ancienspourceschansons plaisantes
qin s'appellent : Les Français, La Réponse de
.'!/"= Lanç/lumé, Les Reproches du bon Dieu, Ça n'est
pas einiiarrassant, etc.
Disons toutefois qu'un visiteur, M. Maugé, le
Gaspard remarquable des Clovlies de Corneville, tout
en aflirmant qu'il ne chanterait pas. nous a offert
quelques couplets réussis, et que M"°=' Durafour,
l'une avec Les 28 Jours d'un Réserviste, l'autre
avec la populaire chanson des Pommes, ont obtenu
des bravos que n'accordait pas seule la galanterie.
Mais le grand succès de la séance a été pour Mar-
guerite Robinet, charmante blonde aux yeux bleus,
récitant, avec l'esprit et la grâce de ses six ans,
une jolie poésie de son grand-père. Ah! les puis-
sants enchanteurs que ces angéliques créatures, et
comme on comprend que l'aïeul s'écrie, dans la joie
de son âme :
J'ai des cheveux blancs sur la tête,
Mais j'ai le printemps dans le cœur !
Il n'y a pas de fête complète sans charité. Sur
l'invitation du président, une quête a été faite dans
la salle au bénéfice de la veuve indigente du chan-
sonnier Bonnefond ; elle a produit 54 fr. 75. — Je
finirai par ce chiffre significatif.
Henry LECOMTE.
LE TIHTAMARRE Â LÀ LICE
Cn.iNSOX DE RÉCEPTION K hk LiCE Ch.\NSONNIÈRE
Au- : Mon père était pot.
Simple et modeste rédacteur
D'un journal satirique,
(loutre le spleen dévastateur
Salutaire empirique,
Je viens essayer
De vous remercier
En un style barbare,
Plein d'un juste émoi.
D'accueillir en moi
Le joyeux Tinlamarrc.
Le Tintamarre est un luron,
La Lice une luronne ;
De Vadé, Panard et Piron
Leur gaite s'environne;
Au bruit des goulots.
Des mêmes gielots
Leur maroUo se pare...
Amis, c'est pourquoi
■Vous fêtez' en moi
Le joyeux Tintamarre.
Sur leur alerte bataillon
Le même drapeau flotte :
Haine de la réaction.
Des rois, de la calotte;
Dégoût des tyrans
Et des conquérants
Que la guerre chamarre. . .
Amis, c'est pourquoi
'Vous fêtez en moi
Le joyeux Tintamarre.
Bref, et Tintamarre bouffon
El Lice Chansonnière,
Soldats fraternels, ont, au fond,
Une même bannière.
Société, journal.
Le même idéal
■y brille comme un phare...
Amis, c'est pourquoi
"Vous fêtez en moi
Le joyeux Tintamarre.
Pardonnez, si du gai blason
D'une feuille grivoise
Ma chansonnette, sans raison
Pour un jour se pavoise.
Heureux, si les chants
Joyeux ou touchants
Que ma muse prépare.
Excitent de vos
Faciles bravos
Le joveux tintamarre !
Jules JOUY.
52
LA CHANSON
Le Mois Bibliographique
LES PROVERBES, Chansojis, par 'Lagarde.
Une avoué n'est jamais pris sans vers, comme
disait un chansonnier de mes amis, par un calem-
bour indigne d'un homme d'esprit.
Comme Prolat, son collègue en procure,
Lagardc fat disciple d'Epicure.
Non content d'avoir émaillé sa longue carrière de
refrains joyeux et piquants, M. Lagarde a eu l'atten-
tion de nous conserver en un recueil spécial les
chansons proverbesdont il est l'auteur. Il faut lui en
savoir gré, car nous devons à la lecture de son vo-
lume de bonnes heures de distraction et de gaieté.
On est fixé depuis longtemps sur la valeur qu'il
convient de reconnaître aux proverbes. La prétendue
sagesse des nations, qui n'est que le recueil des
axiomes les moins véritiés, a au moins la franchise
d'avertir du peu de foi qu'elle mérite. En effet, elle
prend soin, en quelque sorte, de se contredire à tout
moment elle-même, et il est diflîcile de trouver un
proverbe auquel on ne puisse en opposer un tout à
l'ail contraire.
Les chansonniers, heureusement, ne s'arrêtent pas
à ces détails. Un proverbe leur semble-t-il propre à
s'apphquer à un certain nombre decirconstances co-
miques ou de situations grotesques : vite, ils en font
un refrain. lisse permettront, au besoin, de modilier
le proverbe reçu ; ils iront même jusqu'à en tirer
de nouveaux de leur crû.
M. Lagarde, un des plus anciens membres du Ca-
veau, a, comme ses collègues, et plus qu'eux peut-
être, cultivé ce genre, qui prête à la variété. 11 a
réuni une soixantaine de chansons d'un tour agréable,
tantôt morales, tantôt ultra-grivoises, qui font hon-
neur à son esprit. La langue est facde, le style cou-
lant, et l'épigramme, lorsqu'elle se hasarde cà poindre
dans ces couplets, n'est accompagnée d'aucun liel.
Le plus ênedes trois n'est pas celui qu'on pense,
A bon chat bon rat, Il ne iaut Jurer de rien ; voilà
quelques-uns des titres qui semblent avoir inspiré
le plus heureusement M. Lagarde. On en pourrait
citer beaucoup d'autres, mais le choix est difficile.
Un détail bibliographique. M. Lagarde, en véri-
table amateur de proverbes qu'il est, a relevé, à la
fin de son volume, les titres d'un grand nombre de
proverbes mis en chansons par diverses sociétés lyri-
ques : lesDinersdu Vaudeville, le Caveau moderne,
la Réveil du Caveau, lesSoupers de Momus, les Soi-
rées de Momus, les Joyeux, le Gymnase lyrique, et
enfin le Caveau. A la liste qu'il publie on pourrait
ajouter beaucoup de titres qu'il a omis ou qu'il n'a
pas connus. Le recueil des Echos du Vaudeville,
dont les deux volumes, soit dit entre parenthèses,
sont aujourd'hui presque introuvables, lui aurait
fourni : A bon chat bon rat, Chacun s'amuse à sa
manière, et beaucoup d'autres proverbes ou locutions
proverbiales mises en chansons. Mais, comme dit
l'auteur lui-même dans un des refrains qu'il a trai-
tés avrès Protat, entre autres : Non licet omnibus
adiré Corinthum.
Eugène Imbert.
LE RIRE GAULOIS
Sous ce nom, qui rappelle le titre d'une chanson
excellente, M. Jules Jouy, le fantas(jue et virulant
critique du Tintamarre, a groupé autour de lui
certains fidèles du couplet, licéens pour la plupart.
Il les a conviés, le jeudi i juillet, à l'inauguration
d'une goguette véritable, renouvelant la joyeuse
simplicili' do celles d'autrefois. iiM. Georges Baillet,
Robinot,Jeaniiin,Legcntil, Jules Vei-nier,M°"'Hélie et,
beaucoup d'autres desservants de Momus, avaient
répondu à son appel. La soirée d'ouverture a donc
été très-brillanle, et celles qui l'ont suivie n'oni
fait qu'affirmer le succès de cette réunion nouvelle,
qui tient séance tous les jeudis, au Café Michel, 7,
rue des Vieilles-Hau.iriettes.
E. C.
AVIS DIVERS
Dans les discours prononcés à l'anniversaire de
Déranger, et qui sont surtout la paraphrase de
l'article publié par le rédacteur en chef de La
Chanson en tête de notre livraison exceptionnelle,
on dit que des démarches ont été commencées pour
l'œuvi-e patriotique de la statue de l'illustre poète.
Ce délail est vrai ; les fondateurs de La ClhDison se
sont mis en campagne, et, le mois prochain, les
résultats obtenus seront annoncés à nos lecteurs.
Septembre va ramener le bon temps des sociétés
lyriques. A nos chroniqueurs habituels s'adjoindront
alors MM. Gédhé et Lci'oy; c'est dire ([ue l'ieii
d'intéressant ne nous ('chappera.
Les personnes ipii nous adressent des lettres
relatives à la Revue La Jeune Fran,^e, sont priées
d'écrire directement, pour la rédaction à M. Albert
D'Aigre, et pour l'administration à M. Léon Fournol.
Nous ne sommes absolument que le di'^positaire et
vendeur de cette publication.
Nous prions nos correspondants de prendre note,
des lignes suivantes qui l'épondent à beaucoup de
.juestions :
Oui, la responsabilité des articles publiés dans
La Chanson incombe strictement à leurs signa-
taires ;
Oui, nous acceptons l'échange avec tous les jour-
naux ou revues de Paris ou de la province ;
Oui, nous nous chargeons de la publication des
volumes et brochures pour le compte des auteurs,
et nous nous en occupons comme de nos publica-
tions personnelles ;
Enfin les inexactitudes qu'on nous signale dans
l'envoi des numéi'os de La Cljauson pi'oviciiMi'iil
uniquement de la poste. C'est doue ,■' Itc adiuiiiis-
tration que les réclamations doivent èlrc adrcssi'cs.
Pour faciliter la vente au numéro, nous iu(li((uons
aujourd'hui sur notre couverture, l'adi'i^sse des —
librairies nii Ln Chanson Pf.t l'éa-ulièi'cnient déposée, m
^:_^, _ 1
Le Directeur-Gérant A. PATAY
'.iS.I. - Poitiers typ. .1. IlnssAYiiF.. — l'aris
l" ANNEE.
N°5.
SEPTEMBRE 1878,
ADMINISTRATION & REDACTION
RUE BONAPARTE, 18
PARIS
Le Numéro : 30 cent.
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
J^J^
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois . . 2 fr.
Dépari', 6 mois. . 2 50
Etranger, 6 mois . 3 »
On ne reçoîtqof
Directeur Gérant
A. PATAY
V^^ REVUE MENSUELLE ^ 1/
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRiaUES
Rédacteur en chef : L.- Henry LE COMTE
SOMMAIRE DU 5C NUMÉRO
Concours de La Chanson. — La Marseillaise (Eugène Baillet). — Banquet
du Caveau (EuG. Imdert). — Banquet de la Lice Ctiansonni'crc (L. -Henry
LecositeJ. — A Biranqer (E. Vatinel). — Les Français (Henry RuboisJ. —
Le Soldat d'un An (Constant Saclé. — La Toilette de Suzon (J. Fénée). —
La Vraie Richesse (Hipolyte Ryon). — Galerie des Chansonniers : Paul
Avenel (L. -Henry Lecomte). — Reviens, Flonflon ("Etienne Ducbet). —
Chautfons-nous ! (Eugiîne Carlos). — Le Mois Bibliographique (Eno.
Imbert a. Patay). — Chronique des Sociétés Lyriques (Gédhé). — Paris-
Concert (A. Leroy). — Avis divers.
Portrait de Paul Avenel.
LA CHANSON SE TROUVE AUX LIBRAIRIES SUIVANTES
Rousseau, place des Victoires, 9.
Gayet, rue Montmartre, 133.
GuiUemin,boul. Beaumarchais, IH.
Renaud, faub. Saint-Martin, 162.
Gérard, rue Monge, 13.
Leroy, rue d'Enfer, 93.
Derveaux, rue d'Angoulême, 32.
Marpon, Galerie de rOdéon,l,à 1.
Quantin, r. des Petits-Carreaux, 81.
Danjou, rue de Malte. 21.
Colas, rue de Turbigo, 30.
Corcier, faub. du Temple, 9.
Duème, rue Vieille-du-TempIe, 128.
Plicque, rue Rambuteau, 12.
Villetard, avenue des Amandiers, 20.
EveiUard, passage Bourg Labbé, 10.
Lecampion, passage du Saumon, 2
Toupet, rue Saint-Denis, 229.
Bornet, rue de Bretagne, 58.
MilUère, rue de Turbigo, 6T.
Tralin, rue du Croissant, 5.
Aumont, bout, de Strasbourg, 35.
Baudet, rue Saint-Placide, 27.
Legeard, faubourg Saint-Denis, 254
VENTE EN GROS ÎOï JlV NDMERO
A LA LIBRAIRIE A. PATAY, 18, RUE BONAPARTE, 18, PARIS
LA CHANSON
La Chanson, cette incarnation toujours nouvelle
et toujours diverse de l'esprit français, n'a pas d'or-
gane.
Nous venons combler cette lacune regrettable en
créant plus qu'un journal — une revue complète,
spécialement consacrée à ceux qui chantent ou font
chanter.
Sous ce titre : la. Chanson, paraîtra tous les mois
une livraison de 12 pages io-i", à deux colonnes, où
s'écrira l'histoire ancienne et moderne de la chanson
et des chansonniers. Une couverture-annonce
garantira chaque numéro ; la pagination sera suivie
et nous donnerons, à la fin de l'année, le titre et la
table nécessaires pour la réunion en volume.
La Chanson publiera les comptes rendus des ban-
quets mensuels du Caveau, de la Lice Chansonnière,
du Pot-au-teu et des diverses sociétés lyriques.
Nous préparerons ainsi à l'histoi'ien futur des
muses populaires les matériaux d'un livre original
et varié. — Trouveront également place dans notre
revue la biographie et le portrait des chansonniers
vivants ou disparus, nombre de chansons peu con-
nues ou inédites, une bibliographie raisonnée, le
programme des concours lyriques, l'annonce des
soirées chantantes extraordinaires ou à bénéfice, enfin
une chronique sincère des cafés-concerts et des
théâtres parisiens.
Pour mener à bien leur entreprise, les fondateurs
de LA Chanson s'adressent à tous :
Aux Cliansonniersde Paris et de laprovince d'a-
bord. Nous les prions ici de nous faire parvenir
leurs adhésions, leurs abonnements, les réflexions
que notre publication leur pourrait suggérer, un
exemplaire au moins de leurs œuvres imprimées,
les meilleures de leurs chansons inédites et des
notes suffisantes pour fournir matière, au besoin, à
d'intéressantes et véridiques études biographiques.
Aux Editeurs de Paris et des départements qui
publient des ouvrages se rattachant à l'objet de
notre revue, nous disons qu'une place sera toujours
réservée aux comptes-rendus des œuvres dont ils
nous adresseront deux exemplaires, et nous les
invitons à nous envoyer même les moindres pla-
quettes.
Semblable avis aux Editeurs de Musique, — et pré-
venons tous les intéressés que les couvertures de la
Chanson seront exclusivement réservées aux annon-
ces de librairie et de musique à des prix très-mo-
dérés.
Aux Musiciens . — Nous prenons nos mesures
pour donner à l'avenir une place à la musique •
dans notre revue; nous prions donc dès aujour-|
d'hui les jeunes compositeurs de nous adresser i
leurs œuvres, et surtout de mettre en musique les |
chansons inédites que nous publierons.il y aura de i
la sorte rapprochement amical entre paroliers et ■
compositeurs inconnus, et peut-être en résultera-t-il
quelques œuvres à grand succès.
Aux Bibliographes et aux Amateurs. — Nous
accueillerons avec reconnaissance les documents
peu connus ou inédits qu'ils voudront bien nous
offrir ; nous leur demandons de guider nos recher-
ches et de nous indiquer les sources de rensei-
gnements incontestables.
Aux Présidents des Sociétés Lyriques. — Nous
les invitons à nous adresser, dans le plus bref délai,
les noms des réunions qu'ils président, l'indication
des sièges sociaux et des jours de tenues, et nous
les prions instamment d'assurer l'exactitude de nos
informations en désignant, dans chaque société, un
délégué chargé de correspondre avec notre publi-
cation et d'en faire apprécier le but.
Nous voulons le succès d'une œuvre entreprise
dans le but louable de défendre les réputations jus-
tement acquises et d'assurer aux talents inconnus
une large place au soleil fécondant de la pubhcité ;
aussi désirons-nous sincèrement être obligés, après
le premier semestre, de paraître tous les quinze
jours.
Les auteurs désireux de posséder un certain
nombre d'exemplaires des numéros contenant leurs
œuvres, seront priés de nous en informer à l'avance,
afin que nous puissions exactement fixer notre
tirage ; ces numéros leur seront cédés aux prix
de libraire. Bien entendu, il ne sera pas indis-
pensable de prendre des numéros ni même d'être
abonné pour collaborer à notre revue ; le comité de
rédaction sera souverain pour admettre ou rejeter les
pièces proposées.
Tout ce qui concerne la rédaction devra être adres-
sé franco au Rédacteur en Chef; ce qui concerne
l'administration, l'abonnement et les annonces au
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franchis seront rigoureusement refusés. — Toute
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qui en fera la demande par lettre affranchie, accom-
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Le Directeur-Gérant .- A. PATAY
BULLETIN D'ABONNEMENT
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Je déclare m'ahonn&r pour six mois à la Revue LA CHANSON.
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a charge de l'abonné. Le talon de la poste sert de quittance.
LA CHANSON
53
DOUBLE CONCOURS POÉTIQUE
Ouvert par LA CHANSON
La fête du 30 juin a servi à démontrer une fois de
plus le besoin d'un chant national français.
La sublime Marseillaise, qui guida la marche triom-
phante des armées de 92, est un chant de guerre et
de révolution ; nous voudrions pour la France un
hymne de paix à la hauteur de son cri de bataille.
Les tentatives faites pour le faire éclore sont restées
jusqu'ici sans résultat.
Nous mettons aujourd'hui au concours un chant
qui soit la glorification de la France, du Travail et
de la Paix, et nous faisons appel à tous les poètes
de Paris et des départements.
11 sera décerné, comme prix unique :
Une Médaille en vermeil
sur laquelle seront gravés la date du concours et
le nom du vainqueur.
Les pièces présentées devront avoir au plus sept
couplets ou strophes, avec un refrain détaché de
quatre vers (rythme facultatif).
La poésie couronnée sera publié dans la Chanson,
ainsi que les deux qui auront le plus approché du
but.
Deuxième Concours.
Un concours libre de poésies est également ouvert
par la Chanson, sans désignation de sujets ni exclu-
sion de genres : odes, chansons, rondeaux, sonnets,
quatrains même, nous accepterons et jugerons
tout. Les plus longues pièces, cependant, ne devront
pas dépasser 60 vers.
Trois prix seront décernés :
i^' PRIX, une médaille en argent.
2"° PRIX, une médaille de bronze.
3°° PRIX, un volume de poésies.
Les pièces présentées à ce concours et au précé-
dent seront soumises à un jury de poètes, de chan-
sonniers et de journalistes.
Dans notre numéro du 1" octobre, nous fixerons
le jour de la distribution des récompenses, et nous
pensons offrir à ce sujet une agréable surprise aux
nombreux amis de la chanson.
CONDITIONS DES CONCOURS.
Les pièces destinées à nos concours devront être
adressées franco, jusqu'au 30 septembre, à M. A.
Patay, directeur-gérant de 7a Chanson.Ellea devront
être inédites, non signées, et accompagnées d'un
pli cacheté contenant le nom et l'adresse de l'auteur,
et portant extérieurement la première strophe de la
pièce qu'il concerne.
T. L
Nous mettons avec plaisir sous les yeux de nos lec-
teurs une partie du chapitre intitulé La Chanson sous
la RévoluUon, extrait de l'Anthologie de la Chanson
Française, depuis le XVIII*. siècle jusqu'à nos Jours,
par Eugène Baillet, qui paraîtra prochainement à notre
librairie, en deux forts volumes in-18 raisin.
A. P.
LA MARSEILLAISE
De tous les vers, chants, hymnes, cantates,
odes et chansons, éclos pendant la Révolution,
deux œuvres seules ont survécu triomphalement :
la Marseillaise et le Chant du départ. Pourquoi ?
C'est que ces deux œuvres contiennent en elles
tout le feu, toute la passion, toute l'exaltation, toute
la fièvre de cette héroïque époque.
Ce sont les deux voix mâles qui ont dominé et
dirigé les grands bruits d'armes, les cris de joie et
les cris déchirants qui ont retenti par toute la France
pendant les années révolutionnaires...
L'odeur de la poudre et du sang avait grisé la
population, elle n'avaitplusde chefs que ses instincts ;
ceux qui voulaient la maîtriser ou la guider étaient
renversés par elle .
Seuls, les grands chants patriotiques étaient
écoutés ; quand ils s'élançaient dans l'air, le peuple
les suivait, comme entraîné par une puissance incon-
nue ; il criait Vive la France, vive la République l et,
la tête haute et le cœur plein d'enthousiasme, il mar-
chait.
C'est par une nuit delà fin d'avril ou du commen-
cement de mai 1792 que la Marseillaise esi née. —
Une lettre de madame Diétrich à son frère, datée de
Strabourgmai 1792, fait que nous pouvons garantir
cette date. On y lit : o Cher frère, je te dirai que
depuis quelques jours je ne fais que copier et trans-
crire de la musique, occupation qui m'amuse et me
distrait beaucoup... Mon mari a imaginé de faire
composer un chant de circonstance. Le capitaine du
génie Rouget de Liste, un compositeur et un poète
fort aimable, a rapidement faitla musique du chant
de guerre ; monmari, qui est un bon ténor, a chanté
le morceau qui est d'une cerlaineoriginalité. C'est du
Gluck en mieux, plus vif et plus alerte. Moi, de mon
côté, j'ai mis mon talent d'orchestration en jeu ; j'ai
arrangé les partitions sur clavecin et autres instru-
ments : j'ai donc eu beaucoup à travailler. Le mor-
ceau a été joué chez nous à la grande satisfaction de
l'assistance. Je t'envoie la copie de la musique ; les
petites virtuoses qui t'entourent n'auront qu'à la dé-
chiffrer et lu seras charmé d'entendre le morceau.
« Ta sœur
« Louise Diétrich, née Ochs »
Il est parfaitement étabh que ce chant de circons-
tance n'est autre que la Marseillaise. En effet. Rou-
get de Lisle, son auteur, habitait alors Strasbourg où
il tenait garnison en qualité du capitaine du génie.
Ce n'est donc pas pendant l'hiver de 92, comme le
dit Lamartine, cethistorien par trop fantaisiste, dans
son Histoire des Girondins, que ce grand cri patrio-
tique fut entendu pour la première fois. Autre preuve.
Quand les fédérés Marseillais vinrent à Paris,
5
54
LA CHANSON
animés par l'esprit révolutionnaire, ce fut le 30 juillet
qu'ils firent leur entrée dans la capitale en chantant
L'hymne de guerre. Depuis plusieurs mois déjà les
villes de province en faisaient exécuter l'air dans les
théâtres et concerts publics. Les Parisiens répétèrent
bientôt ce chant qui les avait émerveillés et surpris,
ce chant quia la double puissance de donner l'éner-
gie et d'entraîner ceux que le droit commande ou
que l'iniquité exaspère, et de faire fuir pâles de ter-
reur ceux qui veulent accaparer la puissance et tous
les bonheurs de ce monde !
Ne sachant comment le désigner, le plus souvent
on disait: la Chanson des Marseillais ; c'était long;
quel est donc le premier qui nomma ce chant la Mar-
seillaise, parrain anonyme et illustre? — ■ Revenons
à Rouget de Lisle.
La ville de Strasbourg avait alors comme premier
magistrat le baron Diétrich, maire élu. C'était un sa-
vant, ami des arts et boa patriote. Il avait accepté
d'enthousiasme le mouvement de 89, mais il n'était
pas disposé à le suivre dans les fougueuses consé-
quences. Rouget de Lisle était exactement dans les
mêmes sentiments ; de cette conformité d'esprit na-
quit entre le maire et l'officier une amitié très-vive.
La maison de Diétrich devint celle de Rouget de
Lisle: chaque jour il y venait prendre ses repas en
famille, celle du maire était devenue un peu la sienne.
Rouget de Lisle avait déjà composé, l'année pré-
cédente, ï Hymne à la liberté, qui avait été mis en
musique par Ignace Pleyel et chanté à Strasbourg,
et diverses autres poésies très-appréciées dans son
entourage. Aussi, îaien souvent déjà, après la con-
versation, qui était peu variée, la cause publique, ta
auerre en faisaient toujours les frais, l'amphitryon
avait dit à son hôte : a Faites-nous donc un chant
inspiré, un chant qui entraine nos armées. » — « Je le
ferai ! » avait répondu l'officier.
Un soir, le poëte partit, l'air plus soucieux que de
coutume, comme si la muse s'était déjà emparée de
lui. — Arrivé dans sa petite chambre, la tête pleine
de tout ce qui s'était dit le soir à table, oîi les dis-
cours les plus belliqueux avaient accompagné le ré-
cit des récentes défaites, il saisit son violon, dit-il,
et les mots et les notes se pressaient dans sa tête
et sous ses doigts. A peine une ligne était-elle écrite
que l'autre naissait sous sa plume, et, comme dans
une extase patriotique, le soldat de l'armée vaincue
mais beau de rébellion improvisa cette nuit-là
l'hymne terrible au chant duquel la nation Française
marcha de victoire en victoire. Puis, brisé par cet
énergique effort, il s'endormit.
Le lendemain matin, Diétrich et ses amis vinrent
lui demander le chant qu'il leur avait promis.
Ce n'est que plein de défiance envers son œuvre
que Rouget de Lisle le leur fait entendre ; l'enthou-
siasme s'empare aussitôt des auditeurs ; ils se regar-
dent, saisis d'admiration — « 11 sera exécuté de-
main à grandorchestre» ditDiétrich; et il tint parole.
Le lendemain, la première audition publique de la
Marseillaise avait lieu au théâtre de Strasbourg ;
l'effet fut magique.
La première édition, paroles et musique, parut à
Strasbourg, de l'imprimerie de Ph-J. Dannbach
imprimeur de la municipalité, sous le titre : Chant
de guerre pour l'armée du Rhin, dédié au Maréchal
Lukner. Aucun nom d'auteur n'est indiqué et la
pièce ne contient que six couplets. Le couplet des
enfants n'est pas de Rouget de Lisle. Du reste, il
ne fait pas partie du cadre de la chanson ; le citoyen
qui chante ne peut pas dire :
Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y sei-ont plus.
Ce personnage y est, dans la carrière, et ses aînés
étaient les soldats du roi. — C'est donc un couplet 1
non-sens s'il n'est chanté par des enfants après la ^
chanson Unie.
Quel en est l'auteur ? L'abbé Pessonnaux disent
les uns, un nommé Dubois disent les autres, on
l'attribue ausi à Chénier ; c'est la version la moins
probable, il fut ajouté très-peu de temps après la
création de la Marseillaise, car il figure déjà dans
les éditions de 1794.
Rouget de Lisle avait envoyé précédemment
à Grétry, qui le relate dans ses Mémoires, un exem-
plaire de son chant avec prière d'en distribuer des
copies; c'est donc par ce célèbre compositeur
que la Marseillaise fit sa première apparition à
Paris. C'est probablement Grétry qui en écrivit
l'accompagnement, et c'est cela qui accrédita l'er-
reur qu'il en avait composé l'air.
Je ne parle pas de toutes les paternités attribuées
à la musique de la Marseillaise, puérilités ou his-
toires de journabstes en quête de copie — depuis
sa naissance les preuves indiscutables existent en
faveur de Rouget de Lisle.
L'auteur de la Marseillaise, je le repète, n'était • '
pas plus républicain que son ami Diétrich — Les
républicains étaient encore très-clair semés. Il veut
bien qu'un sang impur abreuve nos sillons, que ce
sang soit celui des traîtres, des rois conjurés ; il
veut bien aussi qu'on n'épargne pas ces despotes
sanguinaires, ces complices de Bouille. Mais avant
tout il voulait conserver son roi, et les événements
du 10 aolit, qu'il appelle une catastrophe, trouvè-
rent en lui un ennemi décidé.
Pendant que son ami Diétrich prenait la fui te vers
la Suisse pour échapper à l'arrestation prononcée
contre lui, Rouget de Lisle, qui avait rendu sou
épée d'officier, errait en Alsace sans savoir au juste
ce que les événements allaient faire de lui. II fut
arrêté à la fin de 93 et incarcéré à Saint-Germain-
en-Laye, où il resta jusqu'au neuf Thermidor; —
alors, en bon modéré qu'il était, il célébra la chute de
Robespierre :
Chantons la liberté, couronnons sa statue,
Comme un nouveau Titan le crime est foudroyé ;
Relève ta tète abattue,
0 France, à tes destins Dieu lui-même a veillé.
Roug; t de Lisle, au fond aussi soldat que poëte,
reprit alors du service dans l'armée ; il devint suc-
cessivement aide-de-camp du général Hoche,
puis chef de bataillon; c'est en cette qualité qu'il
combattit à Quiberon, où il fut blessé d'un éclat
d'obus. Ce n'est qu'en 1797 qu'il rentra dans la
vie civile, pour se livrer à des travaux littéraires.
Il n'était alors âgé que de trente-sept ans, c'est-
à-dire en pleine viribté, et cependant rien de re-
marquable ne sortit plus de ce cœur. Il avait en une
nuit épuisé toute sa vigueur, toute son inspiration,
tout son patriotisme. Les Essais en vers et eu
prose, publiés chez Didot,l'an V; L'Ecole desmcres,
LA CHANSON
55
comédie en vers, Macbeth opéra joué en 1827,
tout cela est œuvre de cerveau et de travail.
Pendant la période impériale, l'auteur de la Mar-
seillaise se tait ; il vit à la campagne, à Montaigu,
son pays natal. De là, il entend peu le bruit que
fait la gloire de l'homme du jour qui n'est pas
celle qu'il a rêvée ! — Puis des revers de for-
tune l'accablent ; il est forcé de vendre sa modeste
part de patrimoine.
Quel besoin déchanter, ou de vivre plutôt, poussa
donc Rouget de Lisle en 1814, et lui dicta le Chant
du Jura ?
Vive le Roi !
Noble cri de la vieille France,
Cri d'espérance,
De bonheur, d'amour et de foi, etc.
Ah ! la vie est parfois difficile à mener; il faut
être charitable pour cet homme qui traînait péni-
blement le fardeau d'une réputation si grande et
qui se trouvait chaque jour aux prises avec les
besoins de l'existence.
Ce n'est qu'après 1830 qu'il reçut la décoration,
plus une pension de deux mille francs qui, avec le
temps, fut portée à trois mille cinq cents. Mais
alorsil était vieux, maladif, ennuyé, ennuyeux, et ce
fut un grand bonheur pour lui quand le général
Blein, un de ses vieux amis, lui offrit l'hospitalité
dans sa maison de Choisy-le-Roi.
Il revint alors à la vie, et souvent on le rencon-
trait dans les avenues de Choisy, tenant un livre
dans lequel il regardait de temps en temps.
Son costume était celui d'un autre âge : une lon-
gue redingote d'officier lui battait les talons, une
large perruque de l'ancien régime et un chapeau
bas à larges bords complétait ce costume tout a fait
démodé. Il mourut à Choisy-le-Roi le 27 juin 1836.
Il était né à Montaigu, près Lons-le-Saunier, le
10 mai 1760.
On parle d'élever une statue à Rouget de Lisle ;
on fera bien. La France doit oublier les faiblesses de
celui qui l'a si puissamenl aidé dans ses grandes
luttes ; de celui à qui elle doit en partie d'avoir con-
servé son nom. Faites-la vite, cette statue, faites-la
grande, faites-la inspirée, afin qu'on puisse répon-
dre au voyageur qui demanderait le nom de ce
bronze : « C'est la Marseillaise ! »
Eugène BAILLET.
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAIKE DU CAVEAU
BANQUET DU 2 AOUT 1878
Mon compte-rendu sera court aujourd'hui. Non
que la séance ait été mal remplie, mais il y man-
quait beaucoup de convives et un peu de silence .
Lavillégiature, d'un côté, la rage de parler politi-
que, de l'autre, sont les deux causes de ces deux
effets. Les membres présents ont dû se multiplier,
comme les soldats de l'ancien Cirque-Olympique,
et reparaître sous des couleurs diverses. Un des
grands succès de la soirée, c'est la chanson de La
garde : Les Machines de l'Exposition. Il en admi-
re de toutes sortes. Les unes servent à imprimer,
d'autres à tuer. Quand donc, s'écrie l'auteur, en
fera-t-on qui donnent de l'esprit, qui assurent la
paix, qui prolongent la vie, qui apprennent à
aimer ?
Le Remède, les Accrocs, le Commencement et la
fin, l'Instrument, les Plaisirs dispendieux, la Langue
universelle, le Paresseux, la Vigne en Bourgogne :
tels sont les titres des chansons inéditeschantées àce
banquet. MM. de Feuillet, Rubois, Montariol, Gran-
ge, Ripault, Clairviile, Jullien, Charles Vincent,
nous ont débité, sur ces sujets si divers, des cou-
plets tour à tour graves ou piquants, grivois ou
philosophiques.
N'ai-je pas été un peu sévère pour Fénée, l'autre
jour ? Il a pris, en tout cas, sa revanche aujour-
d'hui. Son La^arde républicain (n'allez pas lire la
Garde républicaine), et surtout sa Toilette de Suzon,
ont obtenu et mérité de vifs applaudissements.
Un second tour a permis de ressusciter quelques
chansons de l'an passé. Puis l'heure est venue met-
tre un terme à un entrain que le président n'avait
pas beaucoup de peine à retenir dans de justes li-
mites.
0 été, voilà de tes coups !
Je finis par une bonne nouvelle. Je l'ai sue en con-
fidence, etje la donne, sous le sceau du secret, aux
amateurs de bonnes chansons : Clairviile s'occupe
de préparer un nouveau recueil des siennes, et ce
n'est pas un mince travail que d'en réunir l'essaim
épars. Apprêtons-nous donc à rire.
Je vous parlerais bien, pour terminer, d'un toast
très-original de fond et de forme, lu par le président.
Mais il croirait peul-ètre que je n'en parle mainte-
nant que pour réparer un oubli. Faut-il donc regar-
der comme un mensonge son proverbe favori : Aux
derniers les bons ?
EuG. IMBERT.
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 7 AOUT 1878
Plus heureux que le Caveau, la Lice a réuni, le
mois dernier, un nombre de convives très-respec-
table pour unbanquetd'été, etces convives payaient
leur écot à la chanson avec une ardeur telle que
plusieurs des inscrits n'ont pu être entendus.
La quantité des productions n'a, du reste, pas
nui à leur qualité, c'est là le point important. Le
président Chebroux, après un toast réussi comme
ses précédents, a fait part aux assistants de la déci-
sion gracieuse du préfet de police, qui autorise la
société à baptiser ses banquets Dîners de la Lice
Chansonnière, au lieu de ce titre banal : Dîner des
Vendanges. M. Gigot a pu prendre cette décision
sans troubler en rien la paix publique, mais si
mince que soit la faveur accordée, les Licéens ne
l'auraient pas obtenue s'ils n'avaient été voir le
préfet pour lui demander l'autorisation de pronon-
cer, sur la tombe de Béranger, les discours qu'on a
lus. — Ce qui prouve qu'une bonne action est quel-
quefois récompensée.
Le Pierrot de Hachin, le Salut au Voyageur de
Chebroux, les Deux Petits Blonds d'Eugène Baillet
ont obtenu des applaudissements mérités. Même
accueil à une chanson bien faite de Jules Echalié,
dans laquelle il énumère les circonstances où le
56
LA CHANSON
Silence est éloquent. — Jules Jeannin, fatigué sans
doute d'exciter le rire, a voulu prouver qu'il pou-
vait habilement rimer des couplets philosophiques ;
il célèbre les Réformateurs avec une conviction que
l'empire a jadis mal récompensée, mais qui ne
pouvait déplaire à ses auditeurs républicains. —
lien faut pour tous les çfoûls, s'écrie ensuite Dura-
four, toujours en verve ; à quoi M. Picard, ajoute que
le bon vin, le printemps, l'amour, Ca fait toujours
plaisir — les bons refrains de cet auteur produi-
sent le même effet. — M. Sylvain SainfrEtienne,
avec une chanson élevée. Notre demeure n'est
qu'aux cieux ; M. Robinet, décrivant les douces
choses qu'il voit En fermant lesy eux; M. de Gonet,
en prônant le Culte de la gaité, et M. Jouy, en
chantant les Petites mains de ma mie, ont ensuite
remporté chacun un succès.
La note badine a maintes fois résDnné au dernier
banquet. M. Quesnel, dans une plaisanterie sur le
Shah ; M. Dubois, en s'écriant : Ne poariez-vous
m'en prêter une"! (Abailard est le. sujet d'un des
couplets, dont la chute devient drolatique) ; M. Lé-
once Guérin, avec des vers écrits Sur le Pô, qu'on
aurait applaudis davantage si l'auteur les avait ré-
cités moins timidement ; enfin Jules Jeannin, rede-
venu plaisant pour soutenir qu' Y a toujours moyen
ds'arranger, ont été les éclats de rire de la soirée.
Comme d'habitude, nous avons retenu pour nos
lecteurs une des productions nouvelles apportées à
la Lice. On trouvera plus loin les couplets dédiés
A Béranger ^arM.. Vatinel, à l'occasion de la statue
projetée du grand poëte. Ils occuperont, dans la
Chanson, leur place naturelle.
L.-Henry LEGOMTE.
A BERANGER
Le barde aimé dont j'évoque la oendFe
Nous a chanté: <i Dieu m'a dit : ne sois rien »,
Loin des honneurs dont il sut se défendre.
Il s'éteignit en simple homme de bien.
Mais sa grande ombre ainsi dormira- t-elle?
France, il clianta ta joie et tes douleuïs.
Puisque son nom fait battre tant de cœurs,
Il faut le rendre à la vie immortelle !
Enfant du peuple, il a chanté pour lui,
Que, par le peuple, il renaisse aujourd'hui!
0 jour de deuil, jour grand dans nos mémoires !
« Peuple, dit-on, oui, Béranger n'est plus.
Mais reste calme, à qui chanta nos gloires.
Tous les honneurs seront par nous rendus. »
Autour du char qu'il croyait sa conquête.
L'empire deux massait ses légions,
Mais, dominant « vieux habits, vieux galons, »
Le peuple entier saluait son poëte.
Enfant du peuple, il a chanté pour lui,
Que, par le peuple, il renaisse aujourd'hui!
Non loin du toit, sa demeure dernière,
Qu'une statue en rappelant son nom.
Rappelle à tous sa muse populaire:
Le Vieux Sergent, Lisette ou Frétillon,
Puissent, un jour, ce fut son espérance,
Les étrangers répéter ce refrain :
« Unissons-nous, et, nous donnant la main,
Peuples, formons une sainte alliance. »
Enfant du peuple, il a chanté pour lui.
Que, parle peuple, il renaisse aujourd'hui!
Joyeux bambins au sortir des écoles.
Près de celui qui pour eux a chanté.
Lorsque viendront s'ébattre, en troupes folles.
Les frais bourgeons de notre liberté ;
Lui, saluant l'aube d'un nouvel âge.
Et souriant à leurs pas cadencés.
Comme autrefois il redira: « Dansez,
Enfants, vos ans échappent à l'orage. »
Enfant du peuple, il a chanté pour lui
Que, par le peuple, il renaisse aujourd'hui!
Pour Manuel, près duquel il repose,
II demandait une tombe autrefois ;
Ainsi que lui, servant la grande cause.
Il fustigea les abus et les rois.
Que Béranger en bronze s'édifie.
Plus grand cent fois que maint héros vanté,
Gloire à celui qui dit : « Humanité,
Ton bonheur fut le rêve de ma vie I »
Enfant du peuple^ il a chanté pour lui.
Que, par le peuple, il renaisse aujourd'hui!
E. VATINEL.
LES FRANÇAIS
Air : de la Treille de sincérité.
Sur terre.
Pour leur caractère.
Pour leur gaîté, pour leurs succès,
Partout on cite les Français.
Jadis les Gaulois, nos ancêtres,
Qui, déjà, faisaient des jaloux,
Etaient à leur début, des êtres
Assez barbares, entre nous.
Aujourd'hui, lorsqu'ils nous décochent
Leurs traits plus ou moins aiguisés,
Certains étrangers nous reprochent
D'être un peu trop civilisés...
Sur terre, etc.
En amour comme en politique
Ils sont, dit-on, capricieux.
Soif; mais, grâce à cette tactique.
Le spleen est inconnu chez eux.
Ils sont forts en philosophie,
De latin et de grec farcis,
Mais quant à la géographie,
C'est le cadet de leurs soucis.
Sur terre, etc.,
Légers, railleurs, aimant à rire.
On les a vus, vrais polissons.
Changeant souvent de point de mire,
Satiriser tout en chansons ;
Oui, mais l'Europe est mal à l'aise
Quand, craignant ce qui s'en suivra.
Ils entonnent la Marseillaise,
Ou fredonnent le Ça ira. . .
Sur terre, etc..
Ils sont, dit-on ingouvernables ;
Pourtant ces indisciplinés
Se laissent, par des chefs capables.
Conduire par le bout du nez.
LA CHANSON
57
On dit que, drapés dans leur gloire,
Ils sont casaniers et chauvins ;
Mais quel peuple a plus belle histoire,
Sol plus fécond et meilleurs vins?
Sur terre, etc.,
II est vrai qu'ils sont peu modestes,
Comment le soraient-ils? En tout
On imite leurs faits et gestes
D'un bout du monde à l'autre bout.
Si, dans les produits de l'usine,
Ils ont des émules nouveaux.
Dans les beaux-arts et la cuisine
Ils restent toujours sans rivaux.
Sur terre, etc..
S'ils gobent de pieuses bourdes,
(Plus par intérêt que d'instinct).
Ils préfèrent à l'eau de Lourdes
Le Suresne et le Chambertin.
S'ils aiment encor les panaches.
Les galons et les calembours,
A leurs princes, comme au.x pataches.
Ils ont renoncé pour toujours.
Sur terre, etc.,
Même de nos femmes, nos filles.
On glose, mais n'onl-elles pas
La grâce qui, des moins gentilles,
Rehausse les moindres appas?
Certes, il en est de mœurs légères.
Celles-là nous vous les cédons :
Mais, messieurs, quant à nos rosières.
En bons Français nous les gardons.
Sur terre, etc.,
Mais, d'une façon incivile.
On dit : « Qu'ont-ils produit do neuf? »
— Ils ont créé le vaudeville,
El fait aussi Quatre-vingt-neuf.
On leur doit .loanno d'Arc, Voltaire,
Et l'auteur de Pantagruel ;
On leur doit la pomme de terre,
Et le suffrage universel.
Sur terre, etc.,
Ils ont créé le journalisme,
Aboli l'Inquisition,
Fermé les tours, ouvert un isthme.
Et fondé le prix Montyon.
Si d'autres ont dompte la foudre,
Maints secrets ils ont su ravir;
S'ils n'ont pas inventé la poudre
Qui, mieux qu'eux, a su s'en servir!...
Sur terre, etc.,
Bref, on leur doit la loi salique.
Les aérostats, la vapeur.
On leur devra la République
Qui déjà ne fait plus si peur.
Les appréciant à la ronde.
Sans croire les désobliger :
« C'est le premier peuple du monde.
Après nous, dit chaque étranger.
Sur terre.
Pour leur caractère.
Pour leurgaîté, pour leurs succès;
Partout on cite les Français.
Henry RDBOIS.
A mes Amis du 113' de Ligne.
LE SOLDAT D'UN AN
Air des Vingt-huit jours (Ben-Tatoux.)
Puisque le devoir nous ordonne
D'être un jour ou l'autre soldat.
Sans que l'espoir nous abandonne
Nous devons quitter notre état;
Bienheureux, le jour du tirage,
Celui dont la félicité.
Lui donne un an d'apprentissage
Pour faire un soldat respecté.
Hardiment, toujours à l'exercice,
Chacun le voit bien faire son service ;
Pour les amours et pour le sentiment.
Vive à jamais le gai soldat d'un an.
En bravant la peine cruelle
D'être éloigné de ses parents,
Son corps se fait à la gamelle
Autant qu'à des plats succulents.
Le jeudi soir et le dimanche
Lorsque vient le fameux rata.
Toujours grâce à sa gaîté franche,
Il fait un excellent gala.
Hardiment, etc.
D'une vigueur que rien n'altère.
Pour astiquer son fourniment,
Philosophe de caractère,
On le voit joyeux et chantant.
A l'ordinaire, à la cuisine,
Ou pour balayei' le quartier.
Pour tout ce que l'on s'imagine.
Il esl sans cesse le premier.
Hardiment etc.
Sans cesser jamais d'être aimable.
De son regard fascinateur,
De quelque fillette agréable
Il règne dans le polit cœur.
Auprès de la belle qu'il aime.
Son cœur esl comme un vrai volcan.
Car l'amour est le bien suprême
Qui sait plaire aij soldat d'un an.
Hardiment, etc.
A l'escnme à la baïonnette.
Sachant déployer son ardeur.
Il faut voir comment il s'apprête
Lorsqu'on lui dit : « En ti railleur \ »
Marche de front, pas gymnastique.
Le retrouvent toujours dispos.
Car son esprit patriotique
Sait faire honneur à nos drapeaux.
Hardiment, etc.
Braves enfants du Cent- Treizième,
Sachons être toujours unis,
Pour que le progrès que l'on aime
S'enorgueillisse de ses fils.
Formons des vœux pour que sur terre
Règne le droit et l'équité.
Et pour que l'Europe s'éclaire
Au soleil de la liberté.
Plein de cœur, soyons à l'exercice.
Sachons toujours faire notre service;
Pour les amours et pour le sentiment,
Vive à jamais le gai soldat d'un an.
Constant SACLÉ.
58
LA CHANSON
LA TOILETTE DE SUZON
air: Venez, venez au Fidèle Berger (adam)
Voici revenii- le printemps,
Adieu les frimas, les autans;
Les hôtes ailés des buissons
Gazouillent leurs vives chansons;
Viens, ma compagne,
Sans différer.
Viens respirer
A la campagne ;
Vite en chemin.
Et, la main dans la main,
Suzon,
Désertons la maison.
Je vais t'aider à t'habiller,
En toilette, tu vas briller;
Ne perdons pas un seul moment,
Quitte ce simple ajustement :
Ta main démêle
Tes noirs cheveux.
Qu'ils sont soyeux.
Ma toute belle ;
De ta beauté
Mon œil est enchanté...
Suzon,
J'en perdrai la raison.
Allons, mets ton gentil corset,
Déjà ma main tient le lacet,
Mais je frissonne en te laçant...
Ton regard devient caressant.
Ton cœur palpite,
Tiens, sens le mien.
Comme le tien,
L'amour l'agite ;
On est heureux.
Quand deux cœurs amoureux,
Suzon,
Sont au diapason.
Tout aime en ce vaste univers.
Au sein des airs, au fond des mers,
A tous les êtres animés,
La nature vient dire; aimez.
Au bois la mousse
Offre aux amants
Tapis charmants.
Couchette douce;
La tendre fleur,
Se penche vers sa sœur...
Suzon,
D'amour, c'est la saison.
Ta peau, douce comme un satin.
Ton pied mignon, ton air mutin.
Ta jambe ronde et faite au tour
M'embrasent des feux de l'amour,
Chère petite,
Pourquoi sortir?
Quand le plaisir
Chez nous s'abrite,
Lève les yeux.
Vois le ciel nuageux...
Suzon,
Restons à la maison.
J. FÉNÉE.
LA VRAIE RICHESSE
Musique de JULES JACOB (1)
Au sein des splendides palais,
Parfois l'ennui fait sa demeure ;
Si l'on rit devant les valets,
A l'écart, bien souvent on pleure.
L'humble manœuvre, en son taudis,
Chante l'amour et la jeunesse ;
Les fleurs lui font un paradis :
Du pauvre voilà la richesse !
L'ambition fait des martyrs
De ceux que sans cesse elle raille ;
Dans le velours que de soupirs
Que de beaux rêves sur la paille.
L'or, ce n'est pas la liberté.
Et les grandeurs ont leur tristesse ;
Les vagabonds ont leur gaîté :
Du pauvre, voilà la richesse !
Que d'efforts et que de tracas
Pour courir après la fortune.
Sans compter de nombreux faux-pas
Et les trous qu'on fait à la lune.
Plus d'un, tout nu, rentre au bercail
Ne rapportant que sa paresse ;
L'ouvrier vit de son travail :
Du pauvre, voilà la richesse !
L'argent vous rend le cœur vénal,
Harpagon a l'âme féroce.
Et Marco meurt à l'hôpital.
Après avoir roulé carrosse.
Les parvenus, du malheureux
N'apaisent jamais la détresse ;
Les gueux ont le cœur généreux :
Du pauvre voilà la richesse !
A grand fracas, certains rhéteurs
A plaisir créant des systèmes,
Prétendent faire, sans douleurs,
Avaler tous leurs faux problèmes;
Mais, à leur parade étranger.
Le peuple, simple en sa sagesse,
Relit Molière et Béranger :
Du pauvre, voilà la richesse !
Un Crésus qui touche à la mort
Souvent, spectacle lamentable.
Voit, quand pour toujours il s'endort,
Près de son lit mettre la table ;
Puis, dès le moment qu'il n'est plus,
Les héritiers pillent la caisse ;
L'artisan lègue ses vertus :
Du pauvre, voilà la richesse !
Tous les inventeurs de canons.
Tous les blagueurs de la mitraille.
Tous les grands diseurs de sermons
Ne feront jamais rien qui vaille.
Honneur à qui donne du pain !
Les travailleurs ont leur noblesse :
Guttemberg, Jacquart et Papin,
Du pauvre, voilà la richesse !
HlPPOLYTE RYON.
(1) Chez Deeveaux, éditeur, rue d'Angoulême, 32.
LA CHANSON
59
GALERIE DES CHANSONNIERS
PAUL AVENEL
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS ET COMPOSITEURS
La chanson estmul-
tiple dans sa forme et
dans ses effets. Après
l'avoir suivie à l'ate-
lier, à la goguette et
au salon, oîi elle égaie
ou sermonne, nous la
rencontrerons au-
jourd'hui sur la voie
publique, servant
d'instrument à une
patriotique vengean-
ce.
Paul Avenel est né,
le 9 octobre 18«3, à
Chaumont- en- Ve.xin
(Oise). Son père, no-
taire estimé, le desti-
nait au commerce .
Après de bonnes
études classiques ,
Paul fut, en consé-
quence, mis à l'école
spéciale de la rue
Amelot. Sorti en 1840,
avec le cinquième di-
plôme des élèves lau-
réats, Paul entra dans
la maison de banque Durand et C'°, rue Basse-
du- Rempart. Mais la carrière commerciale lui
souriait peu; aussi le retrouvons-nous, quatre ans
plus tard, étudiant en médecine. Il suivait assidû-
ment les cours d'Orlila, de Roux et des autres
professeurs célèbres de cette époque, et collaborait,
en même temps, à l' Avant-Garde, journal des
écoles, fondé sous le patronage de Louis Blanc. Paul
Avenel, de plus, faisait alors partie de la Mansarde,
cénacle littéraire ins-
tallé rue de Vaugi-
rard. C'est là qu'il fit
connaissance de Pier-
reDupont, deLacham-
beaudie, de Watri-
pon, de Delvau et
d'autres écrivains qui,
jusqu'à leurmort, ont
été ses amis.
La monarchie de
Juillet marchait aux
abîmes. Dans une
réunion tenue rue
Saint-Victor , le 11
février 1848, Paul
Avenel fut nommé
commissaire de ce fa-
meuxbanquetdes étu-
diants où Ledru-RoUin
devait prendre la pa-
ro le ; il signa, en cette
qualité, la déclaration
des écoles qui parut
neuf jours après. —
La révolution écla-
ta. Le 24 février, Paul
Avenel était à la prise
des Tuileries, oii il fut blessé d'un coup de feu à
la main gauche. Il n'en pénétra pas moins dans le
pavillon de Flore, pour assister à une scène carac-
téristique.
Dans la salle ouvrant sur le Pont-Royal était un
billard sur lequel trois combattants de la rue fai-
saient la parade. Le premier, vêtu d'un habit à
broderies d'or, figurait Louis-Philippe; le second,
enveloppé d'une robe de chambre et coiffé d'un
60
LA CHANSON
chapeau à fleurs, personnifiait la reine ; le troisième
enfin, porteur d'une livrée, représentait Guizot. Ces
personnages traitaient la question politique du jour
aux applaudissements des citoyens en armes qui les
entouraient. Tout à coup un homme, ayant sur le
dos une couverture de laine nouée par deux coins à
son cou, la tête abritée d'un chapeau de paille ,
s'avança près des acteurs improvisés, et, faisant ré-
sonner sur le parquet la crosse de son fusil :
— Et Brutus ? dit-il, d'une voix éraillée.
— Il n'y est pas, répondit quelqu'un.
— Faut qu'il y soit, reprit l'interrupteur, sa place
est là. Descendez, vous autres.
Les paradeurs obéirent. L'homme alors tira son
sabre, coupa le tapis vert le long des bandes, s'en
drapa à la romaine, monta sur le billard dépouillé
en appelant le Louis-Phihppe, la reine et le Guizot,
et, faisant à la foule un grand geste avec son sabre,
dit solennellement: « Je suis Brutus, je vais juger
les coupables ! »
— Bravo ! bravo ! crièrent les spectateurs, avec
des rires.
— Attention! le jugement va commencer!...
Paul Avenel aime à conter cet épisode singulier,
qui montre les Parisiens plaisantant au bruit même
des coups de fusil.
La première chanson de Paul Avenel naquit des
événements politiques. Elle fut écrite la nuit, dans
un poste d'étudiants qui défendaient une barricade
au carrefour des rues de la Harpe et des Mathurins.
Le lendemain du 24 février, quelques jeunes gens
des écoles de médecine et de droit la colportaient
dans la rue, chantant avec accompagnement de
tambour, de violon et de flageolet, tandis que l'au-
teur quêtait pour les blessés. Tout le monde ache-
tait. On recueillit, place Maubert, 54 fr. en gros
sous ; place de l'Odéon, 71 fr. 20 ; place de la Bas-
tille, 104 fr. et, place de la Bourse, 82 fr. 50. Nous
donnerons le premier couplet de cette chanson inti-
tulée: Z-e Vingt-quatre février ouïe Maître et le Valet,
et que l'auteur n'a pas recueillie dans ses œuvres ;
Sire, le peuple ouvre les yeux
Et voit que nous sommes des gueux ;
(Le peuple vraiment s'émancipe!)
Maintenant il ne doute plus
Que nos agents sont corrompus.
— Je vais, Guizot,
Passer pour un nigaud,
Si je suis vaincu, lui dit Philippe.
Cette production, comme on voit, est peu remar-
quable; la circonstance seule en fit le succès. Elle
porte sur l'imprimé le pseudonyme du « citoyen
Paul Sony » à cause des mesure sévères que la
Faculté prenait alors contre les étudiants atteints
de l'esprit révolutionnaire.
Après 1848, Paul Avenel se jeta dans la littéra-
ture quotidienne. Tour-à-tour journaliste, auteur
dramatique et romancier, il a cet honneur de n'avoir
jamais écrit une ligne contre la liberté, et ce bonheur
de n'avoir pas, comme tant d'imprudents, contribué
à populariser la légende Napoléonienne , si fatale à
notre pays. Combien dut-il s'en féliciter, au2décem-
bre ! Habitant, à cette date, rue de l'Echiquier, il fut
témoin de l'orgie de sang du boulevard Montmartre ;
il aperçut Canrobert donnant le signal de regorge-
ment des promeneurs paisibles ; il vit l'effondrement
de la maison Sallandrouze, les trente-trois cadavres
de la cité Bergère, et quand, le 4 décembre, il rentra
chez lui avec du sang humain à ses bottes, il voua
une haine éternelle au second empire.
La chanson s'offrait à Paul Avenel comme une
arme excellente de combat. La prenant d'une main
hardie et substituant la vérité aux traditions men-
teuses, il écrivit 7a Cour du roi Pétaud de même que
Béranger avait écrit le Roi d' Yvetot, peignant gou-
vernants et gouvernés avec des traits comme ceux-ci ;
Le roi faisait, sans réfléchir,
Les plus folles dépenses;
Les grands prenaient pour s'enrichir
Le restant des finances ;
Et le peuple, fort indulgent,
Remplaçait, quand c'était urgent.
L'argent ! . . .
Ce point de départ adopté, Paul Avenel continua
son œuvre jusqu'à la catastrophe oh sombra honteuv
sèment le pouvoir né d'un crime. ;
Plusieurs des chansons composées sous l'empire
et contre luisent encore inédites ; mais celles que
contient le volume de Paul Avenel suffisent pour
donner la mesure du talent de l'auteur. Nous cite-
rons particulièrement Martin Bidauré, complainte
sanglante, qui devint populaire en courant manus-
crite, le Venu deM. Calvet, tableau de mœurs élec-
torales, Emile au Cabinet, les Comptes d' Haussmann,
M. Alfred, l'es Casse-têtes, la Vacbe à Gambon et le
Plébiscite.
Dans la plupart de ces œuvres étincelantes de
verve, l'auteur, il faut le dire, ne donne pas toujours
à la forme une attention suffisante ; préoccupé de
frapper fort et juste, il admet parfois des mots ou
des tours de phrase blâmés par les puristes. Ces né-
ghgences sont-elles cherchées, à l'intention des illet-
trés à qui s'adresse d'abord Paul Avenel? Nous se-
rions tenté de le croire, car, à côté de productions
incomplètes, Paul Avenel en place d'autres qui, sans
LA CHANSON
61
rien perdre sous le rapport de la vigueur et de l'exac-
titude du trait, offrent de rares qualités de style. En
tête de ces chansons châtiées, nous désignerons la
Mort de Barbes, r Immortel Géant, les Funérailles
de Fjc/oriVoir et l'admirable Chant du Père Giraud:
Les (Jeux Giraud, mes fils, étaient deux gas honnêtes,
C'étaient de braves cœurs, c'étaient de fortes tètes;
Dieu les avait fait naître actifs, intelligents.
Et leurnature droite étonnait bien des gens.
Dans le fond de leur âme ils avaient pour devise
Trois mots républicains ; Dieu ! Liberté ! Franchise !
Ils croyaient à l'honneur!... Et, comprenez-vous ça?
Pierre est mort à Cayenne, et Paul à Lambessa !
Nous connaissons peu de poésies aussi poignan-
tes ! — Avec le rire ou les larmes, Paul Avenel a
constamment stigmatisé les drôles, triomphants. Le
dialogue suivant, que nous trouvons au bas de son
portrait donné par un journal, affirmera, d'une façon
originale, le sentiment courageux qui domine sa vie :
— Ce dur portrait ne vous ressemble pas.
— Allons donc, vous voulez rire?
— Dutout. — lime donne, en tout cas.
L'air d'un monsieur qui n'aime pas l'empire?
Oh ! sans contredit.
Eh bien, cela suffit!
On aurait tort cependant de croire que Paul Ave-
nel n'a de chants que pour la haine. Le progrès le
charme, les souffrances des humbles l'émeuvent,
et les sentiments intimes sont traduits par sa
plume avec une sensibilité communicative. La
Muse de l'Histoire, JoIj le Montagnard, Miro, Ma
Mie, sont quatre inspirations dignes des maîtres.
Enfin, le poète, abordant le refrain bachique et des-
cendant jusqu'à la rengaine, a trouvé moyen de ren-
contrer ces succès inoubliables : Buvons sec ! Le
Pied qui r' mue et la Belle Polonaise.
En dehors de la chanson, où restera sa trace,
l'œuvre littéraire de Paul Avenel est nombreuse et
digne d'attention. Comme journaliste, il a fondé le
Daguerréotype théâtral, un Journal de la Jeunesse,
collaboré au Lycée Français, au Mousquetaire et à
cent autres feuilles. Comme romancier, il a publié
nombre d'ouvrages en prose ou en vers, dont nous
rappellerons les titres principaux : Le Coui du feu.
Antithèses morales. Alcôve et boudoir. Tablettes d'un
foUjles Etudiants de Paris, le Duc des Moines, le
Roi de Paris, les Lipans, les Calicots, Vengeance
de femme. Comme auteur dramatique, il a, seul ou
en collaboration, fait représenter plus de vingt vau-
devilles, comédies ou opéra-comiques, dont les
théâtres de Paris ont gardé souvenir : L Anticham-
bre en amour, M. Monaco, le Pavé d'or, la Chasse
au lion, les Jarretières d'un huissier, les Calicots, le
Veilleur de nuit, le Chasseur de Pigeons, le Beau
Maréchal, la Revanche de Candaule, les Plaisirs du
Dimanche, etc.
Paul Avenel a été membre du comité central du
centenaire de Voltaire, délégué au congrès littéraire
international, orateur de la loge des Cosmopolites ;
il est membre de la société des gens de lettres, de
la société des auteurs dramatiques, et vient d'être
nomuié président de la société des auteurs, com-
positeurs et éditeurs de musique.
Champion toujours et partout des causes justes,
Paul Avenel, alors que l'Italie se soulevait à la voix
de Garibaldi, mit sa plume au service de la liberté
italienne. Après l'unification de son royaume, Vic-
tor-Emmanuel fit l'écrivain chevalier de l'ordre des
saints Maurice etLazare.
Les chansons de Paul Avenel, objet principal de
cette étude, ont obtenu, en quelques années, quatre
éditions successives. A l'occasion de la quatrième,
l'auteur reçut de Victor Hugo la lettre suivante :
Paris, 23 octobre 1875.
Vous m'avez envoyé votre livre. J'ai lu, je vous re-
mercie.
Vous êtes un vaillant et noble esprit. Je félicite dans
le chansonnier le poëte, et je salue dans le poète le
citoyen.
Victor Hugo
Habitant aujourd'hui Bougival, dont il est con-
seiller municipal, Paul Avenel y prépare une édi-
tion nouvelle de ses chansons, dans laquelle figure-
ront ces productions récentes : Buvons à la gloire !
Ma belle France ! le Centenaire de Voltaire, et plu-
sieurs chants inédits, il/on enterrement civil,en\.re au-
tres, donlnousciteronsavecplaisirle dernier couplet :
D'un vieux passé ne suivons pas l'ornière:
De fleurs des champs entourez mon cercueil.
Escortez-moi sans bruit et sans lumière.
C'est dans le cœur que doit être le deuil.
Et si mon nom en votre esprit demeure.
Ce souvenir sera mon monument :
0 mes amis, puisqu'il faut que je meure
Ne pleurez pas à mon enterrement!
C'est là de la bonne et utile chanson.
Une dame d'opinion monarchique présenta un
jour son album à Paul Avenel, en lui disant : « Vous
qui êtes caustique comme M. de Voltaire, voulez-
vous mettre quelque vers sur cette page ?» — ^ Le
poëte écrivit le distique suivant :
Ma seule ressemblance avec le grand Voltaire,
C'est que mon père était, comme le sien, notaire.
Il y a là trop de modestie. Paul Avenel peut
revendiquer mieux. Etre, comme il l'est, le consola-
teur des faibles, l'ennemi de l'obscurantisme, le juge
impitoyable des puissants indignes;, c'est ressembler
au patriarche de Ferney par les meilleurs côtés.
L. Henry LECOMTE.
LA CHANSON
REVIENS, FLONFLON.
AIR : 0 Neptune, dieu des eaux.
A la France,
0 gai flonflon,
Viens rendre l'espérance ;
Viens, au son
Du rigaudon,
Réveiller la chanson. . .
Qui pourra de notre patrie
Dérider le front assombri?
Est-ce l'orgue de Barbarie,
UAmanda, Popol ou Cricri'!...
Retrains charmants sous la tonnelle,
Hélas! qu'ètes-vous devenus?...
Depuis qu'on a bridé son aile,
Le Coq gaulois ne chante plus...
A la France, etc.
La Chanson, c'est le fouet comique
Fustigeant le vice en riant,
La grande âme patriotique
Qui crie au progrès: En avant!
Des outils marquant la cadence.
Elle électrise l'atelier;
Les amours filent sa romance
Sous les lambris comme au grenier.
A la France, etc.
La Chanson, célébrant les roses,
Les épis, les pampres naissants
Et mille autres suaves choses.
Fait croire au Dieu des bonnes gens..
De son plaintif ou gai ramage
Touchant et le cœur et l'esprit,
De l'humanité c'est l'image:
C'est Jean-qui-pleure et Jean-qui-rit !
A la France, etc.
Au Pont-Neuf, la foule égrillarde,
Clerc, bourgeois, seigneur et varlet
Acclamaient la verve gaillarde
De Vadé, Piron et Gallet. . .
Là, des sots narguant la censure,
Nos abbés rabelaisiens ,
Bernis, Lattaignant et Voiture
Prenaient les tonnes pour lutrins...
A la France, etc.
Aujourd'hui la grivoiserie,
Le mot pour rire aux traits bénins.
Effarouchent la pruderie
De nos Tartuffes féminins...
Jadis, nos pimpantes aïeules.
Dont Parny vantait les appas.
Mieux que nos modernes bégueules.
Se donnaient, ne se vendaient pas.
A la France, etc.
0 Chénier, ô Rouget de l'Isle,
Panard, Debraux, Gouffé, Brazier,
Moreau, Musset, Rabineau, Gille,
Dupont, Voitelain, Désaugier,
Bazile impose sa sourdine
A vos clairons, à vos grelots,
Et Béranger qu'on embéguine
Ne se fredonne qu'à huis-olos.
A la France, etc.
Frétillon, Musette, Lisette,
A présent manqueraient de chic...
Le gommeux, le daim, la crevette.
Pour désopiler le public,
Tout s'exploite... jusqu'à la lyre
Du pauvre trouvère au rabais.
Ce crétin qui ne sait pas lire
Achète et signe les couplets. ..
A la France, etc.
Dans nos fraternelles goguettes,
Nous applaudissons, chapeau bas,
Les chefs-d'oeuvre des vrais poètes,
Qui chez nous ne vieillissent pas ;
De rimailleurs à la douzaine
Au soi-disant Café-Concert
C'est la tisane et la rengaine.
Et non du bon café qu'on sert.
A la France, etc.
De Comus, ces pitres gothiques,
Débitant leurs plats boniments.
Ont changé le temple en boutiques,
Le franc rire en ricanements . . .
Pour cingler la muse idiote
De Jean-Gribouille et de Pasquin,
Collé, passe-moi ta marotte.
Prête-moi ta batte. Arlequin...
A la France, etc.
Et pourtant elle n'est pas morte :
Elle dort, la veuve Chanson...
Elle attend que de l'ombre sorte.
Liberté, ton divin rayon...
Enfant du joyeux Vau-de-Vire,
Reprends ton crincrin plébéien,
Et que bientôt l'on puisse dire:
Le monde chante, tout va bien !
A la France,
0 gai flonflon.
Viens rendre l'espérance.
Viens, au son
Du rigaudon.
Réveiller la chanson...
Etienne DUCRET.
CHAUFFONS-NOUS !
Ecoutons, les pieds devant l'àtre,
La brise gémir au dehors.
Quand s'éteint la flamme folâtre
Qui lécha les flancs des bois morts;
Sous nos cheveux gris et nos rides,
Vrais amis, amants d'autrefois.
Nous écoutons nos cœurs valides
Battre à l'unisson de nos voix.
Minuit, c'est l'heure du mystère.
Ravivons notre vieux cratère,
Et réunissons
Nos tisons.
LA CHANSON
63
Qu'ils étaient beaux, nos jours de fête!
Comme on s'aimait ! Ah ! l'heureux temps!
Une humble fleur, la pâquerette,
Nous rendait chagrins ou contents!
On chantait alors la romance
Sur la guitare, et, doux accords,
Unissant l'amour à la France,
On applaudissait sans efforts !
Repassons notre répertoire.
Voire aussi la chanson à boire,
El réunissons
Nos tisons.
Les troubadours étaient de mode,
Cupidon, cet enfant lutin.
Qui s'amusait à la maraude.
Enlevait toujours le butin.
On comptait fort peu de donzelles,
La femme avait son piédestal.
Le papillon fermait ses ailes,
L'artiste rêvait d'idéal !
Je vois tout cela comme un songe.
Sur le présent passons l'éponge.
Et réunissons
Nos tisons.
Autrefois, au mot de Patrie,
On accourait sus aux remparts;
Mais, en partant pour la Syrie,
On a tronqué les étendards.
Le sol nourricier, la famille.
Choses mortes, l'on n'en veut plus.
En revanche l'argent fourmille
Dans la soupière dos élus !
Le cœur léger et les mains nettes,
De ce tripot sortons honnêtes.
Et réunissons
Nos tisons.
O poètes et poésie,
Qu'êtes-vous devenus, mon Dieu?
Dans votre coupe d'ambroisie,
Vous avez jeté votre adieu
Grand bataillon du vieil Homère,
On nous attèle au char-à-bancs.
Qui traîne la gloire éphémère
De nos rimailleurs au ruban.
Passons, passons sur cet outrage,
Qui remplit mon àme de rage.
Et réunissons
Nos tisons.
A celui qui régit le monde
On s'adresse de tous côtés,
Présentant requête à la ronde,
Comme aux commerçants patentés.
Les uns prêchent le Luthérisme,
D'autres l'infaillibilité,
On revient même au fétichisme.
Laissant au loin la vérité ;
En attendant l'heure suprême.
Traduisons l'immortel poëme,
Et réunissons
Nos tisons.
Eugène CARLOS.
Le Mois Bibliographique
FRANCE, Poésies Patriotiques, par Casimir
Pertus. — Paris, Sandoz et Fischbacher, 1878.
Le souffle patriotique qui animait à un si haut
degré le poëme de Gaule et Rome, lequel est arrivé
à sa quatrième édition, respire encore plus puis-
samment, s'il est possible, dans le nouvel ouvrage
de M. Pertus. Il semble qu'à traiter des sujets con-
temporains, son talent grandisse et s'élève.
France : quel titre ! et le poëte ne s'en effraie pas.
Il est de taille à s'en montrer digne. Le rôle de la
France dans le passé, coup-d'œil rétrospectif sur
son histoire intellectuelle, puis les revers récents,
enfin le relèvement auquel nous assistons : telles
sont les étapes que parcourt sa muse vraiment
épique.
Dans Gaule et Rome, Etori.x tombait pour la
défense de son pays. Ici, l'auteur nous conduit, de
Jeanne d'Arc, qui continuait inconsciemment le cou-
rageux Arverne, et de Marceau, le héros républi-
cain, aux jours mêmes où nous vivons, au grand
événement européen de l'Exposition, au premier
mai, cette fête si touchante dans sa spontanéité, et
au trente juin, cet éblouissement.
Le vers de M. Pertus est coulant sans être vide,
large sans monotonie, simple sans banalité. C'est
le grand vers de l'épopée à la fois, et de l'ode ; ici
épitre et là satire ; véritable langue académique
dans la meilleure acception du mot.
Et quelle inspiration sincère, quelle énergie, et
quelle tendresse pour celle qu'il nomme aima
mater! Tu sais, lui dit-il :
Tu sais que chez toi les revers
Sont un ferment pour la victoire.
Pax sit vobiscum ! c'est le titre de la dernière
pièce, qui clôt admirablement ce beau livre. C'est là
que se trouvent les vers suivants :
Los Césars, ces veneurs de nos droits légitimes,
Ne pourront plus lancer leurs meutes de canons,
Puis, après l'hallali, du sang de leurs victimes
Baptiser leurs piqueurs sous de glorieux noms.
Ne dirait-on p^as que l'auteur a deviné et devancé
le Concours ouvert par notre journal ? Partout il
maudit la guerre, il prêche la fraternité et le travail.
Tout son livre est une Marseillaise pacifique, bien
faite pour inspirer les nombreux poètes qui mani-
festent, dès à présent, l'intention de prendre part à
notre tournoi.
Eugène Imbert.
Nous sommes en retard pour parler d'un volume
de poésies de M. Germain Picard, rédacteur en
chef du Parnasse. Antiques et Modernes, tel est le
titre de ce livre oii le talent de l'auteur s'est exercé
dans divers genres, et qui contient un certain nom-
bre de chansons remarquables par le fond et par la
forme.
Champfleury vient de réunir en trois beaux volu-
mes les œuvres de ]\Iax Buchon. Le premier
volume contient les poésies, le deuxième les chan-
sons populaires, le troisième les romans et nou-
64
LA CHANSON
velles. Nous rendrons compte de cette publication
enrichie d'eauxyfortes par Régamey et d'un beau
portrait de Fauteur d'après Courbet. Prix, à notre
librairie, 6 fr.
Nous recommandons très-vivement à nos lecteurs
un charmant petit volume de bons vers, L'Eternel
Roman, publié, à notre librairie par M. G. De la
Salle. Il est tiré à 10 ex. sur chine, à 6 fr. , 100 ex. sur
papier de Hollande à 4 fr, et 350 ex. sur beau papier
du Marais à 2 fr. 50, tous numérotés par l'auteur.
Nous consacrerons à cette véritable édition d'ama-
teurs un article bibliographique.
A. P.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Je désirais commencer mes articles sur les Socié-
tés lyriques en parlantdes chanteurs et des chansons
qui devraient en être les éléments. A cet effets j'ai ren-
du plusieurs visites et partout j'ai reçu la même
réponse. Aujourd'hui, nous dansons, vous compre-
nez, il faitsi chaud. Je dois avouer qu'il faut allerdans
les sociétés lyriques pour savoir qu'il faut danser
pour se rafraichir en été ; les habitués craignent pro-
bablement de s'enrhumer et ne veulent pas se trou-
ver entre deux airs, de là cette éclipse totale de
chansons.
Tous les présidents m'ont annoncé des merveilles
pour le mois de septembre; je tiendrai les lecteurs
au courant.
Je dois dire que je n'ai que des compliments à
adresser sur l'organisation et la tenue des soirées,
le service des cartes se fait admirablement, et partout
j'ai été reçu par des jeunes gens du meilleur
monde.
GEDHE.
PARIS-CONCERT.
Place de l'Ecole, une étroite allée suivie d'une
cour (aujourd'hui couverte); tout au fond, une salle
pouvant contenir à l'aise une cinquantaine de per-
sonnes ; à gauche, un piano élevé de vingt centimè-
tres par un trempbn permettant au chanteur de
dominer le public : c'est la scène. Pas de décors,
pas de lustres; des tables, des chaises; toujours
beaucoup de monde ; — nous sommes à La Sama-
ritaine— Société lyrique, direz vous? Non, Goguette,
alors? Pas davantage. La Samaritaine fut, il est
vrai, une société lyrique, les sociétaires se sont
fondus, évaporés; le, public, lui, est resté fidèle. —
Invité à la représentation du 3 août, à 8 h. 1/2 j'en-
trais au Café-Concert de la Samaritaine. Ne riez pas,
lecteur, l'établissement mérite ce titre : on y passe
d'excellentes soirées — M. Adolphe, l'intelligent
directeur, sut, de presque rien, faire quelque chose;
et, petit à petit, son café devint le rendez-vous, ou
mieux le refuge des artistes sans engagement. Les
chanteurs les plus connus aujourd'hui, y ont essayé
leurs ailes, avant de s'envoler vers d'autres régions;
ils y font encore de fréquentes apparitions, et c'est
toujours avec plaisir qu'ils prêtent leur concours
aux représentations extraordinaires ou aux bénéfices
où on les convie. — Donc, le 3 août, je suis sorti
du Café-Concert de la Samaritaine, charmé, subjugé.
M. Morin, le ténor bien connu donnait une repré-
sentation à son bénéfice, la salle était bondée,
on s'écrasait : succès complet pour tout le monde.
— Par exception, je cite M. Limin, il mérite une
mention toute particulière pour ses imitations dans
son Guignol inprovisé. Plusieurs artistes se sont fait
bisser; je regrette de ne pouvoir les nommer. Un
mot pour finir. Il y a, dans l'étabhssement, un côté
agréable dont je n'ai pas parlé, et qui, je crois, lui a
valu son succès toujours croissant : On est chez Adol-
phe en famille !
Cette particularité se trouve parfaitement décrite
en quelques couplets sans prétention, signés Georges
Baillet pour les paroles, et Lucas pour la musique.
J'en cite plusieurs sans l'autorisation de l'auteur ,
convaincu qu'il ne m'en voudra pas d'un emprunt
qui complétera très-agréablement cet article.
A la porte point de réclames,
Point d'affiches, point d'écriteaux.
On y voit jamais d'ces programmes
Faits pour attirer les nigauds.
Bien que la sali' soit toujours pleine
On n'y fait ni pos' ni flaflas ;
On s'amuse sans embarras,
A la Samaritaine !
Sans être à l'époque si belle
De Panard et de Désaugiers,
La maison possède chez elle
Des poètes, des chansonniers;
Ce sont eux qui, dans ce domaine,
Mettent l'entrain et la gaité :
C'est le Caveau ressuscité,
Que la Samaritaine.
Il Y a sept couplets dans ce style, ils viennent
tous a l'appui de mon dire :
Tout se passe en famille, oui-dà,
A la Samaritaine !
A. LEROY.
AVIS DIVERS
L'absence d'une pièce importante nous oblige à
ajourner l'article annoncé sur la statue de Déranger-
Nous continuons à demander quelques renseigne-
ments sur Maroillac. Ce maître chansonnier a pu-
blié un volume contenant cinquante chansons
en 1829, à Paris, chez Constant Chantpie. Il était
membre du Gymnase Lyrique. Il est l'auteur de la
très-jolie chanson Je suis f sergent Mathieu, nom
de Dieu ! de Philoctète, d'une chanson voltairienne
qui a eu un grand succès : Mon Dieu, mon Dieu
quel triste état! et il n'a laissé trace nulle part. Que
faisait-il où est-il ? né ? quand est-il mort ? Voilà ce
que nous demandons à tous les échos. Prière d'é-
crire, même pour le plus petit détail à M. Eugène
Baillet, au bureau de la Chanson.
Nos lecteurs sont priés de prendre note des
modifications apportées au programme de notre dou-
ble concours.
Le Directeur-Gérant A. PATAY
LA CHANSON
SOCIÉTÉS LYRIQUES
deijxiejïie: i^iste
CAFÉ DU GLOBE, boulevard de Strasbourg, 8.
La Renaissance ; les dimanches eL mardis.
Ramel, président.
La Lyre Française ; le dimanche. Thibert,
président.
Le Cercle Intime; le lundi. E. Hardy, pré-
sident.
La Jeunesse Parisienne; le mardi. Beau-
canard, président.
Union de Gatté ; le mercredi. Varenne,
président.
La Pensée; le mercredi, Piobinet, président.
Cercle Murger; le jeudi. G. Targe, prés.
Cercle de l Espérance ; le jeudi. Catherine,
président.
Amis du Commerce; le vendredi. Paul
Haber, président.
Union Artistique; le samedi. Paulus, pré-
président.
Cercle Musset, le samedi. Durieux, prés.
SALON DE M. LEBLANC, Palais-Royal.
La Fauvette. Alexandre Thouzeric, prési-
dent.
BRASSERIE SÉBASTOPOL, boulevard Sébas-
topol, 99. Entrée rue Palestro.
Société lyrique des Enfants de la Seine ;
dimanche. Cantarel, président.
La Lyre d'Orphée; le jeudi. A. Bloc, prési-
dent.
CAFÉ PYGMALION, boulevard Sébastopol, 6.
La Lyre amicale ; le dimanche. Dupont, pré-
sident.
La Jeunesse artistique ; le lundi. Duquit,
président.
L'Harmonie du commerce; mercredi. Mo-
RiN, président.
BRASSERIE DU RHIN, boulevard Sébastopol, 35.
Les Epicuriens, fondée en 1819; dimanche
et lundi. Massé, président.
La Lyre du commerce ; le mardi. Bon'nin,
président.
La Cordiale; le jeudi. Champion, président.
Les Vingt et un;\e samedi. Lamoureux, pré-
sident.
CAFÉ BOURET, boulevard du Temple, 34.
Les Familles ; le dimanche. J. Badou, président.
Les gais Momusiens; le lundi. Leroux, pré-
sident.
Les Intimes; le mercredi, Wangrachetik,
président.
CAFÉ DE LA MAIRIE, rue de Bretagne, 49.
L'Amitié; le dimanche. Joly, président.
Les Amis du siècle; le lundi. Leblanc, pré-
sident. — Les premiers lundis de chaque mois,
concours; de chansons et de poésies.
COLLIGNON, rue Vieille-du-Temple 104.
Les Enfants du Temjo^e ; dimanche et lundi.
Rue Saint-Séverin, 38.
La Lyre bienfaisante; dimanche et lundi.
Couvreur, président. — Le dernier lundi de
chaque mois, soirée consacrée à la mémoire
des auteurs morts.
Rue Dupetit-Thouars, 18.
La Lyre du Marais ; samedi, dimanche et
lundi. Ph. Gilland, président. — Le troi-
sième lundi de chaque mois, soirée à la mé-
moire des auteurs morts.
RUE DES ENVIERGES, 56, (Belleville).
Les Fleurs, dimanche et lundi. Percheron,
président. Goguette.
FAUBOURG DU TEMPLE, 137.
Les Farfadets; samedi, dimanche et lundi.
Goguette.
CAFE MICHEL, 5, rue des Vieilles-Haudriettes.
La Muse des Arts-et-Mé tiers; saniedi, di-
manche et lundi. Glaireau, président.
BRASSERIE DU PETIT-PONT, rue du Petit-Pont, 3.
Société lyrique des Familles; le dimanche.
Mazot, président.
Cette Société Ijrave gaîment les chaleurs.
Tous les dimanches on y refuse du monde ;
quant aux chanteurs, tous rivalisent d'entrain.
Citons M. Mazot dans le Témoin Giblou;
M Tiercelin (jeune) ; M. Faubin dans Fï'ctor,
t'as tort; MM. Nicolas et X... pour le duo des
Réservistes ; M. Honard, joyeux boute-en-train,
ne variant pas assez son répertoire ; M. Thomas,
comique, genre Paulus, àquije conseilled'aban-
donner le genre Perrin qui ne lui- convient
pas. N'oublions pas M. Auguste Antoine,
l'accompagnateur.
Victor LEBRETON.
Nous prions MM les présidents de toutes les
Sociétés lyriques de vouloir bien se mettre eu
rapport avec notre journal, et de nous envoyer leurs
programmes des soirées extraordinaires, de leurs
Bals et Concerts.
Nous prévenons MM. les maîtres d'établissement
des Sociétés lyriques qu'un abonnement d'un an leur
donne droit kune annonce, pour la location de leurs
salles vacantes.
La Bible- Farce ou la Bible comme elle est, tel
est le titre d'une curieuse publication que fait
paraître, en huit livraisons à 50 centimes, M. Pierre
Malvezin. Cette publication se trouve à notre
librairie, chez Fauteur, 18, rue dii Sentier, et chez
tous les libraires.
LA CHANSON
LA JEUNE FRANCE
Revue mensuelle, littéraire et poétique; un an 6 fr.,
je n° 50 cent. Administration et rédaction, rue Bona-
parte, 18. Vente en gros et au numéro, à notre li-
brairie
LA VIE LITTÉRAIRE
Supplément littéraire des journaux républicains ; un
an: 10 fr., 34, rue Richer, 34, Paris.
La Revue de la Poésie
Gazelle de l'Académie des poètes, dirigée par un
comité présidé par M. Casimir Pertus, et paraissant
tous les mois, 6 fr., par an, bureaux, 12, rue Ganne-
ron.
LE PARNASSE
Organe des concours littéraires de Paris. — Rédac-
teurs en chef: ALGESTE et Germain PICARD.
Abonnements : 12 fr. par an ; un numéro-spécimen :
1 fr. — Adresser tout envoi, etc., h M. Germain PI-
CARD, rue du Val-de-Grâoe, 21, Paris.
LA REVUE DE LA JEUNESSE
Directeur, âli Vial de SABLIGNY, 18, rue des
Filles-du-Calvaire, Paris. Un an, 10 fr., six mois 5 fr.
trois mois, 2 fr. 50.
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Le meilleur marché des journaux d'actualités illus-
trés, 10 c. le numéro.
Abonnements, rue dej Saint-Pères, 30, Paris. Un an,
6 fr.,6 mois, 3 fr. 50.
Rédacteur en chef, A. de BRAGELONNE.
LA REVUE PITTORESQUE
Journal des jeux de société, des jeux d'esprit et des
amusements de famille. — Directeur, Valentin GAL-
LET. — Administrateur: M. JUQUIN, 32, rue de Lan-
cry, Paris (un an : 6 fr.)
L'union littéraire et: le Sonnettiste réunis
40 cent, le n°, paraît le 10 et le 25, de chaque mois-
Paris, chez Cherié, rue de Médicis, 13.
L'ÉCHO DES MUSES
Rédacteur en chef, Lucien Duc ; un an, 6 fr. 50, six
mois, 4 fr. trois mois, 2 fr. Place du Marché, 18, Dra-
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Paraissant le^lS de chaque mois; directeur: Evariste
CARRANCE. — Bureaux, rue Molinier, 6, à Agen. . —
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Paraissant le premier de chaque mois. — Abonne-
ment: un an, 6 fr. ; trois mois, 3 fr. 50, 11, rue des
Marchands, Toulon,
LA GAZETTE DES FAMILLES
Organe illustré des Modes parisiennes. — Littéra-
ture, Sciences, Arts, Enseignement, Education, parais-
sant le 1" et le 15 de chaque mois. Abonnements en
Europe, un an: 14 francs, six mois: 8 francs, Direc-
teur-Gérant: M. THIRIFOCQ, 44, rue Saint- Jean, Bru-
xelles.
VOLUMES DU CAVEAU
Au lieu de 3 fr., années 1876, 187T et 1878, 2 fr.,
neufs, nous pouvons compléter les collections. Le prix
varie selon les années.
ANNONCES
Les annonces doivent être adressées directement
à l'administrateur A. Patay.
Nous réservons la couverture de notre revue aux
annonces spéciales, librairie, arts, musique, scien-
ces, photographies, etc., etc.
On ne reçoit que les lettres affranchies.
Pour les renseignements :
S'adresser: 18, rue Bonaparte, 18.
PARIS
EN DISTRIBUTION A NOTRE LIBRAIRIE
Catalogue numéros 1, 2 et 3, de livres à prix marqués.
IVos catalognes sont envoyés à toute personne qui en fait la demande i>ar
lettre affranchie. — Ecrire rue Bonaparte, IS.
1021. — Poitiers, typ. J. Ressayke. — Paris, 3, rue d'Abouliir.
1" ANNEE.
N°6.
OCTOBRE 1878.
ADMINISTRATION & REDACTION Q
RUE BONAPARTE, 18
PARIS
Le Numéro : 30 cent.
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
r^-A.
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois . . 2 fr.
Départs 6 mois. . 2 50
Etranger, 6 mois . 3 »
On ne reçoit que dea abonnements de
Directeur ■ Gérant
A. PAT A Y
V> REVUE MENSUELLE ^ 1/
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRiaUES
Rédacteur en chef : L. -Henry LE COMTE
SOMMAIRE DU 6<: NUMÉRO
A nos Lecteurs lA Patay). — La Statue de Bérantjer, lettbe de Victor Hugo.
— Banquets du Caveau et de la Lice Chansonnière {L.-HEynr Lf.comte). —
Elle! (Dominique Flaciiat). — Quatre des meilleurs (J. Lagabde). — .40/ s.
j'étais Chef de Bureau! (Achille C'AnoK). — Le Mois Bibliographique (Eue
Imbert). — Galerie des Chansonniers : Basa Bordas (L. -Henry Lecomte)
— Le Vieux buveur de vin Œ. Bni'GiiiREj. — Courons au bois (Ernest
Ilnpin). — Le Ballon GiiTard (Eugène Imbert). — L'Ondine (Prosper Tiblv)
— Chronique des Sociétés Lyriques (Gédhé). — Par-ci, Par-là {\
Leroy). — Le Concours de La Chanson. — .4 vis divers.
Portrait inédit de Mme Bordas.
LA CHANSON SE TROUVE AUX LIBRAIRIES SUIVANTES
Rousseau, place des Victoires, 9.
Pech, rue Saint-Maur, M6.
Guillemin,boul. Beaumarchais, 111.
Renaud, faub. Saint-Martin, 162.
Gérard, rue Monge, 13.
Leroy, rue d'Enfer, 93.
Derveaux, rue d'Ângoulème, 32.
Marpon, Galerie de l'Odéon,!, à 7.
Quantin, r. des Petits-Carreaux, 81 .
fianjou, rue de Malte. 21.
Colas, rue de Turbigo, 30.
Corcier, faub. du Temple, 9.
Duème, rue Vieille-du-Temple, 128.
Plicque, rue Rambuleau. 12.
Villetard, avenue de? Amandiers, 20.
Eveillard, passage Bourg Labbé, 10.
Lecamplon, passage du Saumon, 2.
Toupet, rue Saint-Denis, 229.
Bornât, rue de Bretagne, 58.
Minière, rue de Turbigo, 67.
Tralin, rue du Croissant, 5.
Aumont, boul. de Strasbourg, 35.
Baudet, rue Saint-Plaoide, 27.
Legeard, faubourg Saint-Denis, 254.
VENTE EN GROS VJ .LU NUMÉRO
A LA LIBRAIRIE A. PATAY, 18, RUE BONAPARTE, 18, PARIS
LA CHANSON
La Chanson, cette incarnation toujours nouvelle
et toujours diverse de l'esprit français, n'a pas d'or-
gane.
Nous venons combler cette lacune regrettable en
créant plus qu'un journal — une revue complète,
spécialement consacrée à ceux qui chantent ou font
chanter.
Sous ce titre: la Chanson, paraîtra tous les mois
une livraison de 12 pages in-4°, à deux colonnes, où
s'écrira l'histoire ancienne et moderne de la chanson
et des chansonniers. Une couverture-annonce
garantira chaque numéro; la pagination sera suivie
et nous donnerons, à la lin de l'année, le titre et la
table nécessaires pour la réunion en volume.
La Chanson publiera les comptes rendus des ban-
quets mensuels du Caveau, de la Lice Chansonnière,
du Pot-au-Ieu et des diverses sociétés lyriques.
Nous préparerons ainsi à l'historien futur des
muses populaires les matériaux d'un livre original
et varié. — Trouveront également place dans notre
revue la biographie et le portrait des chansonniers
vivants ou disparus, nombre de chansons peu con-
nues ou inédites, une bibliographie raisonnôo, le
programme des concours lyriques, l'annonce des
soirées chantantes extraordinaires ou à bénéfice, enlin
une chronique sincère des cafés-concerts et des
théâtres parisiens.
Pour mener à bien leur entreprise, les fondateurs
de LA Chanson s'adressent à tous :
Aux Chansonniers de Paris et de la province d'a-
bord. Nous les prions ici de nous faire parvenir
leurs adhésions, leurs abonnements, les réflexions
que notre puljlication leur pourrait suggérer, un
exemplaire au moins de leurs œuvres imprimées,
les meilleures de leurs chansons inédites et des
notes suffisantes pour fournir matière, au besoin,, à
d'intéressantes et véridiques études biographiques.
Aux Editeurs de Paris et des départements qui
pubhent des ouvrages se rattachant à l'objet de
notre revue, nous disons qu'une place sera toujours
réservée aux comptes-rendus des œuvres dont ils
nous adresseront deux exemplaires, et nous les
invitons à nous envoyer même les moindres pla-
quettes.
Semblable avis aux Editeurs de Musique,— e\ pré-
venons tous les intéressés que les couvertures de la
Chanson seront exclusivement réservées aux annon-
ces de librairie et de musique à des prix très-mo-
dérés.
Aux Musiciens. — Nous prenons nos mesures
pour donner à l'avenir une place à la musique
dans notre revue ; nous prions donc dès aujour-
d'hui les jeunes compositeurs de nous adresser
leurs œuvres, et surtout de mettre en musique les
chansons inédites que nous publierons.il y aura de
la sorte rapprochement amical entre paroliers et
compositeurs inconnus, et peut-être en résultera-t-il
quelques œuvres à grand succès.
Aux Bibliographes et aux Amateurs. — Nous j
accueillerons avec reconnaissance les documents '
peu connus ou inédits qu'ils voudront bien nous
offrir ; nous leur demandons de guider nos recher-
ches et de nous indiquer les sources de rensei-
gnements incontestables.
Aux Présidents des Sociétés Lyriques. — Nous
les invitons à nous adresser, dans le plus bref délai,
les noms des réunions qu'ils président, l'indication
des sièges sociaux et des jours de tenues, et nous
les prions instamment d'assurer l'exactitude de nos
informations en désignant, dans chaque société, un
délégué chargé de correspondre avec notre publi-
cation et d'en faire apprécier le but.
Nous voulons le succès d'une œuvre entreprise
dans le but louable de défendre les réputations jus-
tement acquises et d'assurer aux talents inconnus
une large place au soleil fécondant de la publicité ;
aussi désirons-uous sincèrement être obligés, après
le premier semestre, de paraître tous les quinze
jours.
Les auteurs désireux de posséder un certain
nombre d'exemplaires des numéros contenant leurs
œuvres, seront priés de nous en informer à l'avance,
afin que- nous puissions exactement fixer notre
tirage ; ces numéros leur seront cédés aux prix
de libraire. Bien entendu, il ne sera pas indis-
pensable de prendre des numéros ni même d'être
abonné pour collaborer à notre revue ; le comité de
rédaction sera souverain pour admettre ou rejeter les
pièces proposées.
Tout ce qui concerne la rédaction devra être adres-
sé franco au Rédacteur en Chef; ce qui concerne
l'administration, l'abonnement et les annonces au
Directeur-! jéranl. — Les lettres ou paquets non af-
franchis seront l'igoureusement refusés. — Toute
lettre exigeant une réponse devra être accompa-
gnée d'un timbre-poste.
Un numéro d'essai sera envoyé à toute personne
qui en fera la demande par lettre affranchie, accom-
pagnée de 30 centimes en timbre-poste.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY
BULLETIN D'ABONNEMENT
A ENVOYER FRANCO, ACCOMPAGNÉ D'UN MANDAIT-POSTE*
Paris : 2 fr. 50, Départements, 3 fr. Étranger, 3 fr. 50.
Jo déclare m'ahoaaei- pour six mois a la Revue LA CHANSON.
SIGNATURE (lîsible)
(*) Les timbres-poste ne seront pas acceptés. Par l'envoi du montant de t'abounemcnt ou évite les frais de recouvrement qui sont i
la charge de l'abonné. Le talon de la poste sert de quittance.
LA CHANSON
65
A NOS LECTEURS
La Chanson termine mijoui-d'hui son premier se-
mestre. Commencée pendant l'été pour être connue
(juand viendraient les mois d'hiver, propices aux
choses de l'esprit, notre publicntion a heureusement
franchi ce temps de début, terrible aux plus robus-
tes volontés. On sait aujourd'hui ce qu'elle veut et
<'e qu'elle peut. La Chanson a publié déjà la biogra-
phie et 1g porti'ait de quatre chansonniers vivants,
estimés à divers titres ; elle a rendu au plu? illustre
des chansonniers morts un hommage digne de lui ;
elle donne aujourd'hui l'histoire complète et le por-
trait inédit d'une énergique chanteuse populaire.
Cette galerie artistique, justement remarquée, s'aug-
mentera successivement de tous ceux, chansonniers,
compositeurs, chanteurs, dont le nom ou les œuvres
méritent un souvenir. Nous aurions mauvaise grâce
à vanter les signataires des articles, vers ou prose,
que nous avons offerts jusqu'ici ; à ces amis de la
première heure vont s'adjoindre des collaborateurs
nouveaux, et, tout en conservant à La Chanson les
allures littéraires qui nous ont valu tant d'apjjroba-
tions, nous consacrerons à l'actualité une place plus
importante.
Cette résolution nous amène à tenir compte des
avis (jui nous ont été donnés relativement au mode
de publicité de notre journal. A partir du \" novem-
bre, La Chanson paraîtra deux fois par mois. Cha-
(|ue numéro, de 8 pages in-'i°, à 2 colonnes, conticn-
ilra une biographie, un portrait, plusieurs chansons
l't la chroni(|ue des sociétés lyriques. Nos souscrip-
teurs y gagneront ipiatre pages de texte et un
portrait par mois. Nous nous imposons pour cette
transformation des sacrifices véritables, car l'abon-
nement ne sera que très-légèremenlaugmeuté. Nous
le fi.xons ainsi : l'aris, 6 mois, 2 fr. 50, un an 5 fr. ;
Départements: 6 mois, 3 fr., un au ti fr. ; Etranger,
le port en sus .
L'abonnement d'un au partira du 1"' numéro de la
publication (Mai 1878), l'abonnement ou réabonne-
ment de 6 mois partira du l" novembre. Le prix du
numéro sera réduit à 20 centimes.
Nous avons mis en réserve une certaine quantité
de collectionscomplètes pour nos nouveaux abonnés
d'un an, et les acheteurs au numéro pourront jusqu'à
nouvel ordre se proccurer les livraisons qui leur
mancpient au prix de 30 centimes, aux bureaux de
La Chanson. 11 est bien entendu que nous ne rece-
vrons des abonnements d'un an que pour les sous-
cripteurs qui désireraient la collection de la Chanson
depuis le 1" numéro ; les abonnements ou réabon-
nements à partir du n" 7, ne seront reçus que pour
six mois.
Nous terminerons en remerciant chaleureusement
nos confrères de Paris et des départements du bon
accueil fait à notre publication et du bienveillant con-
cours qu'ils nous ont prêté par leur publicité.
Nous remercions de même nos souscripteurs de la
progagande qu'ils ont bien voulu faire en faveur de
La Chanson, et nous les prions de continuer leur bons
offices, grâce auxquels un genre de littérature émi-
nemment français aura son organe écouté. Notre
œuvre est utile, que tous la fassent durable !
Le Directeur-Gérant, A. PATAY
T. L
LA STATUE DE BÉRANGER
Il suftit, dans notre intelligent et fraternel pays,
d'émettre une idée juste pourla voirimmédiatement
comprise par tous et épousée par nombre de bons
esprits.
Uuand nous avons, en tête de la livraison exception-
nelle consaci'ée à Déranger par La Chans'.m, affirmé
comme œuvre de justice et d'opportunité l'érection
d'une statue au poète populaire, nous savions aller
au-devant de bien des désirs. De tous côtés nous
sont arrivées les adhésions les plus chaleureuses.
11 ne pouvait cependant convenir aux fondateurs de
La Chanson d'enlever à la manifestation qu'ils pro-
voquaient son caractère national. Ils ontdonc borné
leurs efforts à la constitution d'un comitéoii seraient
représentés les corps littéraires et politiques qui
font la grandeur et la force du pays.
Un haut pati'onage s'imposait a notre œuvre pa-
triotique, celui de ce génie formidable et charmant
qui est l'honneur et le modèle de la littérature fran-
çaise, Victor Hugo. A l'offre que nous lui fimes de la
présidence honoraire du comité en formation, le
Maitre répondit, par retour du courrier, la lettre
suivante:
Septembre 1878
AMessieuis,
J'ai été l'ami de Béranger, je m'associe de tout
mon cœur aux hommages qu'on rend à sa mémoire,
et je m'empresse d'accepter la présidence d'honneur
qu'on veut bien me conférer.
Recevez, Messieurs, l'assurance de mes sentiments
trés-distinnués.
VICTOR HUGO.
Cet important résultat obtenu, nous avons invité
à nous prêter le concours de leurs noms, M. Legouvé,
de l'Académie Française, M. Spuller, député,
MM. Jourde, Claretie et Tony Révillon, représen-
tants de la presse politique et littéraire. Plusieurs
des adhésions sollicitées ne nous sont pas encore
parvenues, mais la sympathie de ces honorables
écrivains pour une œuvre républicaine ne peut être
douteuse.
Nous n'aurons là, on le comprend, que le cadre
du comité nécessaire. La Chanson devra naturelle-
ment y être accueillie en la personne des présidents
du Caveau et de la Lice, le Conseil Municipal en celles
des délégués de l'arrondissement auquel le souve-
nu- de Bér,anger est particulièrement attaché. La
sympathie des chansonniers et de nos édiles nous
est depuis longtemps acquise.
Suivant le conseil donné par nous, la statue de
Déranger s'élèvera dans le jardin du Temple. Elle
sera solennellement inaugurée le 19 août 1880, cen-
tième anniversaire de la naissance du poète.
Terminons parun détail significatif et garant d'une
réussite : la souscription populaire qui paiera le
bronze sera ouverte par le journal Le Siècle — après
les élections sénatoriales. 11 convient, en effet, de
ne distraire aucune des forces de la démocratie du
combat décisif qui va prochainement s'engager. La
statue de Déranger se fera vite au lendemain de la
victoire définitive de notre République aimée.
L. Henry LECOMTE.
66
LA CHANSON
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAIKE DU CAVEAU
BANQUET DU 6 SEPTEMBRE 1878
Eugène Imbert est en villégiature, et le signataire
de ces lignes, qui le devait remplacer au banquet du
Caveau, n'a pu le faire, à son grand regret. L'obli-
geance d'un convive nous permet cependant de
donner aux lecteurs de la Chanson la nomenclature
exacte des œuvres présentées à cette réunion. Nous
la transcrivons sans commentaires.
Charles Vincent, inspiré par un séjour de quelque
semaines aux bords de la mer, a lu un toast qu'on
pourrait intituler Chanson de la nier. M. Dentu, l'é-
diteur, est ensuite reçu membre libre, et M. Eugène
Grange interprète le remerciement du récipiendaire.
Sont alors chantées ou dites les productions sui-
vantes :
La Page tournée, de M. Piesse, présentée par
Clairville.
La Muselière, par M. Jullien.
Les Souvenirs, la Glace et le Feu, par M. Fortin.
Ernestine, par Jules Echalié.
Le Petit Bourgeois, par Rubois.
Rira bien qui rira le dernier, par M. Mouton-
Dufraisse.
Plus royalistequeleroi, de M. Ripault, interprété
par Echalié.
Le Crime et la Vertu, par M. Petit.
Les Bulles de savon, par M. Eugène Grange.
Le Commis-voyageur, par Charles Vincent.
L'Aiguilleur, le Bain des Charbonniers, Brune
ou Blonde, Invitation Méridionale, par Gustave Na-
daud.
Et vous vous étonnez d'ça, par Clairville.
Le Papa Rigolât, le Fermier Nicolas, par
M. Fénée.
Les Dieux de la Jeunesse, de Desforges de Vas-
sens, lePatriote, de M. Héné Ponsard, chantées par
CoUignon, auteur des deux musiques.
Un visiteur, M. Coulant, a cru devoir ajouter à
la Marseillaise un couplet, prière de l'humanité au
créateur ; enfin un journaliste hollandais, dans un
discours un peu long, a indiqué le but libéral auquel
doivent tendre les efforts des hommes intelligents :
bonnes choses dites en mauvais français.
Tel est le procès-verbal du banquet de Septembre.
Si j'ajoute que les convives étaient vingt-deux, onleur
rendra cette justice qu'ils se sont multipliés pour
animer la séance. Je regrette de ne pouvoir les en
féliciter plus longuement.
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DU 4 SEPTEMBRE 1878
Cette ibis encore, en présence d'assistants joyeux,
a été donnée une série de chants très-intéres-
sante.
J'applaudirai d'abord avec tous un joli toast de
Chebroux, son invitation connue Chantons , et
une poétique description de l'œuvre d'un peintre
original, qui a fait, du trou laissé dans une
glace par la mitraille, un nid d'oiseaux, consolant
à voir. Ainsi du mal peut naître une bonne
chose.
A l'un des précédents banquets, M. Alphonse
Leclercq avait envié, en quelques couplets mélan-
coliques, le sort de son chien. M. Emile Cahen, pre-
nant la parole pour l'animal jalousé, réfute les asser-
tions du maître. Oui, sans doute, il serait très-heu-
reux s'il n'avait à redouter ni chaîne, ni muselière,
ni bâton, ni boulettes. Conclusion : les chiens sont
aussi malheureux que les hommes, et ce n'est pas
peu dire.
M. Maugé, qui consacre décidément à la chanson
les loisirs que lui font les représentations alternées
des Folies-Dramatiques, apporte à la Lice deux
productions un peu faibles comme forme, mais
d'un fond vigoureux: Il faut chanter el A bon vin
point d'enseigne. Un des couplets de ce dernier
chant flétrit avec beaucoup de verve les charlata-
nesques promesses du gouvernement disparu .
M. de Gonet n'a point, pour les réalistes, la ten-
dresse il'un certain public. Il les sermonne et les
adjure de peindre entin des scènes morales et pro-
fitables à la masse lectrice. — Vous verrez que cela
ne convertira pas les coupables.
M. Victor Lagoguée reconnaît et proclame, tantôt
avec gaieté tantôt avec élévation, que Cliaque chose
a son temps. Puis « Ma femme est à Valenciennes »
dit-il ; c'est le temps ou jamais de vivre joyeuse-
ment et d'entonner le refrain gaillard. Aussi l'auteur
ne s'en fait-il pas faute. Bonnes productions, très-
bien détaillées.
Gustave Nadaud célèbre, avec la chaleur et l'esprit
qu'on lui connaît, ! Aiguilleur, cette « Providence à
trois francs par jour », dont nue négligence ferait
couler tant de larmes. Puis il raconte le Bain des
Auvergnat.^, anecdote plaisante, avec une verve irré-
sistible. On a vigoureusement applaudi, comme bien
vous pensez.
L'anijiversaire de M. Thiers a inspiré à Rubois
quelques strophes animées d'un bon esprit, mais
écrites sur un air singulièrement choisi pour une
chanson patriotique. Entendez-vous chanter, sur
le timbre guilleret de Ma Grand-Mère ces vers
sérieux :
En homme pi-atiqae,
Mes amis, je bois
A la Républiqae
Du Pelil Bourgeois.
Après tout, si l'on chante où est aujourd'hui
M. Thiers, c'est évidemment le refrain Combien je
regrette que fredonne le petit grand homme, et
certes les sujets de regrets ne lui doivent pas man-
quer
M. Echalié, dans une chanson-proverbe, nous
dit
On devient aveugle à vouloir
Regarder le soleil en face,
et développe cette idée juste de plusieurs façons
très-agréables.
M. Achille Caron se propose de faire « à la pre-
mière jolie fille qu'il rencontrera» une déclaration
brûlante. Conseillons-lai de rester en France pour
tenter cette épreuve; en Angleterre on pourait la lui
faire chèrement payer. Tout ce qu'il risque chez
LA CHANSON
67
nous, c'est de voir ses vers mal accueillis, contre
leur habitude.
M. Georges Baillet se réjouit à la pensée que son
perruquier lui a donné cent ans à vivre. Puisse-t-il,
dans cinquante ans, parler encore justement de sa
bonne humeur, et se proclamer avec elle « le plus
nche du monde ».
M. Flaehat rime les Conseils d'une mèreàsaûUe.
Les deux femmes vont partir pour un bal oîi peut-
être on renconti'era le mari rêvé. 11 faut entendre
le plan de campagne dressé par l'expérimentée, à
chaque détail duquel revient cet avis important :
Ouvre l'œil et baisse les yeux.
Signalons nncore l' Aiilomne, de M. Robinet; Les
Femmes de la Gaule, de M. Jouy ; Mon Ane, de
AL Jules Roux ; Mon Pinceau, très-bonne plaisanterie
de M. Adeline; et terminons ce compte-rendu,
comme se terminent tous les banquets de la Lice,
par les gaudrioles de Jules Jeannin, aux chutes fan-
tasques et d'une large gaieté.
Je ne voudrais pas cependant passer sous silence
le plus heureux incident de la soirée. Après l'audi-
tion d'une poésie de Nadaud, comme le président
Chebroux exprimait le regret de ne pas voir ce
maître chansonnier tigurer parmi les membres
de la Lice : « Je m'inscris, » s'est écrié. Nadaud.
Ça été pour tous une surprise charmante. Evidem-
ment, l'auteur de tant d'œuvres populairejs sera
reçu par acclamation. Nadaud a depuis bien long-
temps sa place à la Lice, où l'accueilleront toute les
sympathies dues à un honnête homme et à un homme
de grand talent.
L.-Henry LEGOMTE.
EZH-H^nE !
Je la rencontre chaque jour,
Belle et fière, sur son passage,
Dans mon cœur, aussitôt l'amour.
Vient gazouiller son doux ramage.
Et sa voix, qui sait lout charmer,
M'allrisle en cherchant à me plaire.
Moi qui ne voulais pas aimer ! . . .
Amour, amour, veux-tu te taire!
Mais, malgré moi, je suis ses pas,
Et, tout rempli d'un trouble extrême.
Je soupire, et me dis lout bas:
Qu'il est heureux celui qu'elle aime !
J'admire, timide amoureux.
En suivant ma belle adorée.
Son cou blanc sous ses noirs cheveux.
Et sa taille souple et cambrée.
Je rougis comme un jouvenceau,
Si j'aperçois sa jambe fine,
Quand, pour traverser le ruisseau,
Elle découvre sa bottine !
Mais, malgré moi, etc.
Non ! la grande dame n'a pas.
Malgré l'art de sa couturière.
Autant de grâce, autant d'appaa,
Que ma séduisante ouvrière.
Son teint vermeil, éblouissant,
N'emprunte rien à la peinture;
C'est de la force! c'est du sang!
Elle est fille de la nature!
Mais, malgré moi, etc.
Qu'il est heureux, son bien-aimé,
Quand, plein de délire et de fièvre.
Quand, par l'amour tout consumé,
11 cueille un baiser sur sa lèvre!
Hélas! mon seul bonheur à moi.
C'est de la chanter à voix basse.
C'est d'être tout tremblant d'émoi,
Quand, belle et joyeuse, elle passe!
Aussi, toujours, je suis ses pas.
Et, tout rempli d'un trouble extrême,
Je soupire, et me dis tout bas:
Qu'il est heureux celui qu'elle aime!
DoiiiNiQiE FLACHAT,
De la Lice Chansonnière.
QUATRE DES MEILLEURS
Air : La Comédie eal un aiivoir
Parmi les joyeux chansonniers
Que la mort moissonnait naguère.
Brillait Eugène Désaugiers
Qui soutint le nom de son père;
On vil briller aussi Festeau,
PoiN'CLouD, cet esprit qui pétille,
'Van Cleemputte, honneur du Caveau :
Ne sont-ils pas de la famille "?
Toujours au dessert, en trinquant,
Désaugiers fils, belle fourchette,
Chantait quelque refrain piquant,
Quelqu'agréalile chansonnette ;
Sans avoir lu variété.
Qui chez son père éclate et brille,
11 avait le trait, la gaîté :
N'est-il pas de notre famille"?
Festeau croyait, sans déroger,
. Avec ses chansons populaires.
Être un rival de Déranger:
Il fit aussi les Rolurières;
Mais je préfère assurément
Sa muse égrillarde et gentille,
Qui chanta d'abord si gaîment:
Il est bien de noire famille.
Poinoloud, voilà le vrai viveur.
Qui vous désopile la rate !
Dans ses couplets pleins de saveur
Quel esprit, quelle verve éclate!
A quatre ou huit vieux moribonds
il eut fait danser un quadrille.
Tant ses couplets étaient féconds :
Certe, il est de notre famille.
Mais le roi de tous, qui chantait
Mieux que Pan jouant de la flulte,
Et qui toujours nous exaltait
Nouveau Panard, c'est Van Cleemputte-:
Sur Pégase un beau jour monté
Avec sa Lise, qui frétille,
Il court à la postérité :
11 est bien de_ notre famille.
Lorsque du jugement dernier
Sonnera la grande trompette.
Je veux que chaque chansonnier.
Ressuscite avec sa musette ;
Tous alors chanteront en chœur!
La Chanson est si bonne fille
Que le Caveau sera vainqueur,
Sràce aux talents de sa famille.
J. LAGARDE,
Membre honoraire du Careaa.
68
LA. CHANSON
AH! SI J'ÉTAIS CHEF DE BUREAU!
Air : A genoux devant le soleil.
Pauvre employé que la déveine
Poursuit depuis plus de vingt ans,
J'ai vu mon espérance vaine
S'enfuir sur les ailes du Temps;
Et maintenant, loin de mon rêve,
Penché sur quelque bordereau,
Je travaille sans fin ni trêve....
Ah! si j'étais chef de bureau!
Versant des torrents de lumière
Sur mes obscurs blasphémateurs.
J'aurais, comme une La Vallière,
Tout un cénacle de flatteurs.
Travaillant forl.... à ne rien faire.
Et plus heureux qu'un hobereau,
Je serais astre dans ma sphère,
Si j'étais mon chef de bureau.
Ah ! je saurais me faire craindre.
Grâce à mes airs impérieux;
Mon personnel serait à plaindre
Quand je roulerais mes gros yeux.
Oui, je serais un vrai despote.
Et voudrais voir, sur le carreau.
Tous mes employés en compote,
Si j'étais mon chef de bureau.
Dédaigneux de la populace.
Je deviendi'ais. . . ordre moral,
Et je pourrais voir, face à face,
Môssieu l'Directeur général.
J'exercerais ma vigilance
Tout en lisant le I< igavo.
Et j'aurais droil à l'insolence.
Si j'étais mon chef de bureau.
Je porterais une gâteuse.
Et surtout je ferais lorgnon;
J'entretiendrais une sauteuse
Que je conduirais chez Biguon ;
Et, tel un lils de la Pologne,
Je viendrais, rond comme un zéro,
D'aulrui surveiller la besogne.
Si j'étais mon chef de btu'eau.
Je pourrais, assis sur ma chaise,
Trônant ainsi qu'un demi-dieu,
Etre ci-étin tout à mon aise.
Et poser pour un Richelieu.
Il me sultirait d'un paraphe ;
Je pourrais, sans peur du haro,
Ignorer.... jusqu'à l'orthographe.
Si j'étais mon chef de bui-eau.
Puis, comme prix de mon air grave,
Tous les miens, un jour, pourraieni voir
L'étoile éclatante du brave
Rayonner sur mon habit noir.
J'aurais ma page dans l'histoire
Comme un soldat de Montereau,
Et m'endormirais dans ma gloire,
Si j'étais mon chef de bureau.
Rêves dorés de ma jeunesse
Qu'ont dispersés les noirs autans,
0 vous, dont la lointaine ivresse
Berça les jours de mon printemps!
De vous, que reste-t-il, en somme ?
— Je suis, triste poétereau.
Même au-dessous de ce Prudhomme
Que le sort fit chef de bureau !
ACHILLE CARON.
De la Lice Chansonnière.
Le Mois Bibliographique
ŒUVRES CHOISIES de Max Buclion, Paris,
Sandoz et Fischbacher, 1877. Notice biographi-
que par Cliampfleiiry H).
Cette publication, due au souvenir pieux de l'a-
mitié, comprend : 1° une traduction de.s poésies
d'Hebel; 2" une nouvelle franc-comtoise, Le Mala-
cliiii; 3° les poésies de Buchon; 4° un recueil de
chants populaires de la Franche-Comté, pays de
l'auteur.
M. Champfleury, qui est un lettré et un curieux,
n'a sans doute pas voulu, dans sa notice biographi-
que, exagérer la valeur de son ami. Mais, soit fai-
blesse, cette faiblesse qu'on est tenté d'avoir pour
les morts, soit communauté de point de vue, il s'est
laissé aller à une sorte d'admiration, contenue il est
vrai, de Max Buchon; admiration que la lecture de
ces trois volumes n'est peut-être pas faite pour justi-
fier complètement.
Bon bourgeois, intelligent, frotté un instant de
bohème parisienne, puis retiré dans un fromage de
Hollande, ou pour mieux dire, de Gruyère, et bor-
nant là son horizon et ses aspirations, Buchon avait
tout ce qu'il faut pour faire un homme heureux. Il
faut autre chose pour faire un poète. Aussi n'est-il
poète que par la force des choses, c'est-à-dire lors-
que le sujet qu'il a eu l'heur de rencontrer porte en
soi sa poésie. Et encore, là même, est-il plutôt pho-
tographe à la façon d'Erckmann que véritablement
écrivain.
Buchon s'inspire toujours d'Hebel, qu'il a imité
quelquefois heureusement. Les scènes champêtres
et surtout urbaine.-^, le mouvement d'une petite ville,
ici une situation touchante, comme celle de la Pau-
vre fille, ou d'un réalisme comique, qomme la De-
mandoen mariage, tels sont ses sujets favoris. Il y
met du sentimeui., çà et là de la gaieté, et même de
l'esprit. Mais c'est un esprit un peu allemand, sans
grande Ici^èreté. Le protestantisme du maître sem-
ble avoir déteint sur l'élève, qui sans doute était
, tout disposé à en recevoir l'empreinte.
Il écrit presque tous ses morceaux dans le même
rhythme, en strophes de quatre vers à rimes plates.
C'est le récit de 'Théramène coupé par tranches. De
là une certaine monotonie. Sa rime est riche, d'une
richesse obtenue quelquefois au moyen d'assez lour-
des chevilles, mais elle est riche. Excepté cependant
lorsqu'il fait rimer ensemble cher et approcher,
Albd-el-Kader el parader.
Ce n'est donc pas par ignorance, mais par inad-
vertance qu'il a écrit la strophe suivante :
Un aveugle plus loin, dans sa blouse embourbée.
Chante le Juif errant, ou Pyramc et Thisbée,
Ou quelque assassinat, riméDieu sait comment.
Et dont pourtant chacun se munit lestement.
(t)En vente à la libiMii-lo Pjiliy, ts, rue Bonaparte, 3 vol.
in-la, avec trois belles emix-foi-tcs do F. Régamey, dont un
portrait de l'auteur d'après Courbet, et d'unn musique _ de
Sc/iann,avecaccompasnement,() francs les trois volumes ;«/re's
à petit nombre.
LA CHANSON
I
Ne nous arrêtons pas à celte blouse embourbée,
pour crottée; mais il est curieux de trouver, dans un
passage où l'auteur raille la rime des images d'Epi-
nai, une faute pareille à celle de Thishée.
Nous parlerons plus longuement, on le compren-
ilra, des chants populaires de la Franche-Comté. Ici,
nous reprocherons deux choses à Buchon: premiè-
rement, beaucoup des chants qu'il nous donne comme
franc-comtois sont aussi d'ailleurs et se retrouvent
un peu partout. En second lieu, l'esprit critique lui
fait souvent défaut. Ainsi, il ne s'est pas souvenu
d'une règle que l'instinct musical des masses même
les plus ignorantes et leur respect inconscient pour
le rhythme ont toujours maintenue : cette règle
veut que la disposition des rimes d'une strophe se
reproduise sans modification dans toutes les autres
strophes du même chant. Si cette règle lui avait
servi de critérium, il n'aurait pas admis, dans la
pièce intitulée : Derrière chez ma lanle, ce vers, qui
ne peut être authentique :
Il n' chante pas pour moi,
attendu que dans cette pièce tous les ver.s impairs
se terminent par une rime sonore, ou, pour employer
l'expression usitée encore dans les traités de versi-
fications, par une rime féminine.
Autre chicane. Dans la chanson qui commence
ainsi:
Quand tu lenois la caille au l)ois,
les deux derniers mots sont de trop, pour deux
raisons : la rime n'est plus la même qu'aux couplets
précédents, c'est-à-dire claire ou féminine, et le vers
a deux syllabes de plus que les autres.
Dans la Claire fonlnine, texte donné par Buchon,
c'est une femme qui parle. Or, en revenant de noce,
elle est bien fatiguée, et ne trouve rien de plus sim-
ple ((ue de se Ijaigner en pleine campagne et ensuite
de s'essuyer à la. feuille d'un chêne. Puis, après ces
façons rustiques, elle tourne au madrigal, parle d'un
bouton de rose qu'elle a refusé à sou amant, de son
cœur enchaîné au milieu de la rose, et de son ami
Pierre qui eu a pris la clé.
Combien le récit et la mise en scène sont plus
vrais dans le texte canadien, texte dont Buchon a
connu l'existence par M. Marmier, et qui se trouve
dans un recueil publi(> en 18'i8 à .Montréal par Hus-
ton ! Ici c'est un lionune ([ui est le héros de la chan-
son. 11 revient de roule, et sa fatigue se comprend.
La nature de la rime des vers pairs aurait dû suffire
pour avertir le collectionneur. Ils sont tous sourds,
ou masculins.
Les rimes des quatre premières strophes indique-
raient que c'est une femme ([ui parle, mais dans les
strophes suivantes la rime du second vers est tou-
jours masculine (chantait, gai, affligé, brouillé, refu-
sai, rosier, etc.) 11 y a donc une erreur quelque part;
il est à supposer que le chant, en passant de bouche
en bouche, s'est modifié et corrompu. Le texte ca-
nadien est la clé du mystère. Ici la rose n'est plus
l'emblème, très-raffiné et peu délicat, de l'amour de
la jeune fille, mais bien une rose réelle refusée par
le jeune homme à son amie, et nous sortons du ma-
drigal pour rentrer dans l'idylle. Le refrain, qui
change suivant les pays, est aussi mieux approprié
au sujet dans le texte dont nous parlons:
Il y a longtemps que je l'aime:
Jamais ne l'oublierai.
Il est à regretter que M. Champfleury se soit abs-
tenu de compléter et de rectifier par quelques notes
le travail de son ami. Personne n'était plus autorisé
que lui à le faire.
Dans certains chants, en effet, le texte est incom-
plet.
La Fille d'un prince a dans le recueil huit strophes
de quatre vers : nous possédons le même chant en
quarante-quatre vers.
A propos de cette pièce, il n'est pas inutile de
remarquer qu'une autre, intitulée De Dion et de la
tille du roi, renferme des couplets entiers de la pré-
cédente. C'est la même défense faite par le père à
sa fille d'aimer son chevalier. Emprisonnement de
la fille, sa mort feinte, conseillée par l'amant, sa
délivrance par le petit couteau /in. Mais le dénoue-
ment est changé, ou plutôt l'histoire a une suite, et
fort tragique. Le chevalier se transforme en Barbe-
Bleue. Une fois mariés, ils se mettent en route. Dans
les chants populaires, on chevauche souvent. La
femme se meurt de faim et de soif. Lui n'en a cure.
Il la conduit au bord d'un vivier et lui ordonne de s •
déshabiller, afin qu'il la noie. Le motif échappe, et
la femme ne s'en enquiert point. Mais ici apparaît
l'astuce des filles d'Eve, coloré d'un prétexte de
pudeur :
Mettez voire épée sous vos pieds,
Votre maiileau devant votre nez,
Et tournez-vous vers le vivier :
Alors me déshabillerai.
Il obéit sans soupçon; elle le pousse dans l'eau.
C'est alors à lui de faire le supphant:
Tenez, la belle, voici les clés
De mes châteaux, de mes contrées.
— Je n'ai que l'aire de vos clés;
Jo Irouverai des serruriers.
— La belle, que diront vos amis
D'avoir noyé votre mari?
— Je dirai à tous mes amis :
Ce qu'il voulut faire, je lui lis.
La complainte de Jean Renaud, qui est tout uu
petit poëme, est populaire en Auvergne depuis ua
temps immémorial. Buchon, en la baptisant franc-
ccmtoise, ne l'a pas reproduite dans son intégrité.
Nous essaierons de le faire, à cause précisément du
mérite de la pièce, et le lecteur nous en saura peutr
être gré, s'il veut bien tenir compte des élisions
nécessaires pour que les vers n'aient que huit
pieds.
Jean Renaud de la guerre vint.
Tenant ses tripes dans ses mains.
Sa mère, à la fenêtre en haut,
Dit: Voici venir mon fils Renaud.
— Renaud, Renaud, réjouis-toi:
Ta femme est accouchée d'un roi.
— Ni de ma femme ni de mon fils
Mon cœur ne peut se réjouir.
Qu'on me dresse vite un lit blanc
Pour que je m'y couche dedans;
Mais faifes-le dresser si bas(l)
Que ma femme n'entende pas.
I (1) Si bas, c'est-à-dire: à si bas bruit.
70
LA CHANSON
Et quand ce fut vers la minuit,
Jean Renaud a rendu l'esprit.
— Or, dites donc, mère m'araie,
Qu'est-ce que j'entends cogner ici"?
— Ma fille, ce sont les charpentiers
Qui raccommodent les greniers.
— Or, dites donc, mère m'amie,
Qu'est-ce que j'entends pleurer ici?
— Ma fille, ce sont les enfants
Qui se plaignent du mal de dents.
— Oi-, dilcs donc, mère m'amie,
Qu'est-ce que j'entends chanter ici?
■ — Ma fille, c'est la procession
Qui fait le tour de la maison.
— Oi-, dites donc, mère m'amie.
Quelle robe prendrai-je aujourd'hui?
— Quiltez le rose, quittez le gris;
Prenez le noir pour mieux choisir.
Or, dites donc, mère m'amie.
Pourquoi me mettre en deuil ainsi?
— Ma fille, il faut vous l'avouer :
C'est Jean Renaud qu'est décédé.
— Ma mère, dites aux fossoyeurs
Qu'ils fassent la fosse pour deux.
Et que le cercueil soit assez grand
Pour qu'on y mette aussi l'enfant.
Terre, ouvre-toi ; terre fends-toi,
Qucje rejoigne Renaud mon roi!
Terre s'ouvrit, terre se fendit,
Et la belle fut ongloulie.
Tel est ce morceau, dans lequel la naïveté de la
forme ne fait qu'ajouter, il nous semble, à la réalité
du récit et à la vérité des sentiments. M. Pécontal,
dans ses Légendes, a mis en rimes modernes celle
de Renaud; mais il l'a singulièrement affadie. Au
lieu de ce guerrier blessé mortellement, mais rete-
nant ses entrailles pour rentrer chez lui, il nous
présente Renaud triste et dolent : dolent, un homme
qui porte ses tripes dans ses mains ! Plus loin, il
supprime tout le passage relatif au choix de la robe
que doit revêtirla femme de Renaud ; détail si vrai, si
touchant, puisque c'est ce petit incident de toilette qui
arrache à la mère l'aveu qu'elle essayait de retenir.
Quant aux deux dernières strophes, il n'est pas cer-
tain qu'elles ne soient pas ajoutées : cet engloutis-
sement ne cadre pas bien avec le creusement de la
fosse.
Pour revenir, en terminant, à l'ensemble des
œuvres choisies de Buchon et particulièrement à ses
poésies, nous devons reconnaître, toute critique
mise à part, qu'il s'en échappe un parfum de bonté
et d'honnêteté, quelque chose de sain qui rafraîchit
l'âme et parfois émeut le cœur. Ajoutez, comme
goiit du terroir, des locutions ignorées même de
Littré : lessus, pour lessive, hêtard, ânichon, limo-
ge, chauveau, hrêcher pour sijrir. Il résulte de cet
ensemble une lecture agréable, douce, qui fait aimer
l'auteur et le pays qu'il a chanté.
M. Champtleury a négligé, croyons-nous, de
nous renseigner sur la date précise de la naissance
et de la mort de Max Buchon. Minces détails, si l'on
veut, mais qui ne sont pas inutiles pour qui veut
juger l'esprit de l'homme, le milieu dans lequel il a
vécu, et les influences qu'il a pu éprouver ou exer-
cer. Mais le biographe s'adressait plutôt à des amis
qu'au public, et les amis ont de la mémoire.
L'ÉTERNEL ROMAN, par G. De i.a Salle (1)
C'est toujours l'éternelle histoire
Des ta m'aimes? et du baiser
Qu'on donne ou prend, et qui fait croire
Que ce temps-là ne peut s'user.
L'Eternel Roman, c'est l'amour. M. De la Salle le
raconte après tant d'autres, et d'une façon pourtant
nouvelle. On s'étonne que lemême sujet puisse être
présenté sous tant de formes diverses. Il y a là une
fécondité de ressources particulière. Aussi l'auteur
s'inspire-t-il de la nature extérieure autant que de
l'amour même. Il ne sépare pas ses amantes des
verts buissons, des sentiers fleuris, des blés mûrs,
des plaines ensoleillées, des grands bois et des nids
jaseurs, qui encadraient ses beaux jours, alors qu'il
contemplait :
•Des marguerites dans les herbes
Et des étoiles dans les cieux.
Projets de bonheur, la Pomme, qui rappelle une
jolie pièce de V. Hugo, A Ninon : voilà trois pièces
parfaitement réussies. Beaucoup de fraîcheur, des
coupes cavalières, des tableaux à la Diaz. Puis vient
l'automne, avec sa note mélancolique, et le poète
chante les Sonnets à une autre, la Disparition, le
Soir.... Langue claire, d'ailleurs, style facile, rime
parfois légère, signe de jeunesse, après tout : pré-
cieux défaut !
L'espace me manque pour les citations que j'au-
rais voulu faire. Le lecteur aurait pu contrôler mes
éloges et s'y associer. Il aurait reconnu dans M. De
la Salle unpoëte oharmantet sincèrement ému.
Parlerai-je de l'exécution matérielle — je devrais
dire: artistique, de ce petit volume?
Sans faire fi du fond, la forme a bien son prix.
Un papier comnîun, des caractères usés sont bons
pour ces romans indigestes dont les appétits vul-
gaires font leur grossière nourriture. 11 faut aux
vers délicats une enveloppe digne d'eux. Ceux de
M. De la Salle sont édités d'une manière exquise. Je
m'attends à voir prochainement les poètes assiéger
la librairie Patay, pour obtenir (à prix d'or? — je
l'ignore) la favuur d'être ainsi présentés au public.
Quelle valeur peuvent conserver des chansons,
des poésies éparses, publiées çà et là, dans une
feuille sans retentissement? Réunis, les vers for-
ment un corps ; ilsexistentréeljement; ils sont recher-
. chés, ils durent, ils ne périssent plus. Et cela, grâce
aux soins del'édite.ir presque autant qu'au mérite de
l'auteur. Moi qui vous parle, j'ai un exemplaire de
mes chansons à la bibliothèque de Dunkerque, un à
celle de Saint-Quentin, et même au BritishMusœum.
N'est-ce donc rien ?
Eua. IMBERT.
(1) Publié à notre librairie, ce livre n'.i été tiré qu'4
460 exemplaires, tous numérotés. Papier de Chine, 10
ex. à 6 l^r. ; papier de HoUunde, 101) ex. à 4 fr, ; beau
papier blanc du Marais 350 ex. à 2 fr. .'50. Envoi franco à,
toute personne qui en fera la demande par lettre accompa-
gnée d'un mandat-poste.
LA CHANSON
71
GALERIE DES CHANSONNIERS
ROSA BORDAS
ARTISTE LYRiaUE
Plus d'une chan-
son doit son succès à
l'air dont un compo-
site ur de mérite l'a
dotée, ou à la faç:on
dont l'interprète l'ar-
tiste chargé de la
présenter au public.
On ne s'étonnera donc
pas de voir figurer,
dans noti'e galerie
biographique, les mu-
siciens et les chan-
teurs justement ap-
plaudis.
Entre toutes nos
célébrités lyriques ,
Mme Bordas mérite
une attention parti-
culière. Réagissant
contre le courant
mauvais où les cafés-
concerls entraînaient
la chanson, elle a,
la première, fait en-
tendre au peuple de
Paris les mâles ac-
cents dont on l'avait
déshabitué. Le succès qu'elle a rencontré dans
cette voie moralisatrice est le plus significatif des
éloges.
Mme Bordas, née RosaMe Martin, vit le jour à
Monteux (Vaucluse) le 18 février 1841 . Elle chanta
dès qu'elle put parler. L'éclosion de la seconde
République fut l'occasion de son début dans la
chanson patriotique ; elle apprit la Marseil.aiso sur
les genoux de son grand-père, et la répéta armée
d'un petit drapeau,
avec un effet dont
elle a conservé le
souvenir.
De sept à onze ans,
Rosalie fut mise au
couvent. Onl'en tirail
parfois, le dimanche,
pour la faire chanter
au lutrin de Monteux,
et l'énergie de son
organe lui fit donner,
par les habitants, le
surnom de Coq de la
paroisse. Rosalie fit,
de la sorte, ses pre-
mières études musi-
cales, et son talent
naissant fut remar-
qué tout d'abord par
M. Brun, directeur du
Conservatoire d'Avi-
gnon.
La famille Martin
tenait à Monteux un
café dont la fortune,
un jour, se trouva
compromise. Les pa-
rents firent appel au dévouement de leur enfant, et
Rosahe, heureuse d'être utile aux siens, commença
dans l'établissement paternel une série de concerts
qui attirèrent et retinrent la foule. L'honneur com-
mercial des Martin fut sauvé.
Rosalie continua ses représentations à Monteux.
Elle faisait d'abord seule, et sans accompagnement
les frais de la soirée. Bientôt un jeune instrumen-
tiste lui fut adjoint. Il s'ensuivit un véritable roman
72
LA CHANSON
d'amour honnête, promptement dénoué par un ma-
riage. Rosalie Martin épousa le musicien Bordas
eu 1858.
Les nouveaux mariés quittèrent Monteux pour
aller donner des représentations dans un café de
Mayanne, pays natal de Mistral, le poëte. Grâce au
patronage de l'auteur de Mireille, M.etM""= Bordas
virent s'applanir les difficultés nombreuses d'un
début. Ils marchèrent dès lors de succès en succès.
Le Tivoli d'Avignon, puis le Casino.de Marseille et
celui de Lyon reçurent, en 1866, la visite de
M"'° Bordas. L'année suivante, elle créait, àl'Alcazar
de Bordeaux, diverses chansons qui affirmèrent sa
réputation artistique : La Sirène, l'Herbe, la Pierre
la Femme tigrée. De retour à Marseille, elle y obtint,
avec le Réveil de la Crèle, un véritable triomphe;
puis Montpellier et Toulouse acclamèrent sa jeune
renommée.
Le public du Midi est prompt à l'enthousiasme ;
on se défie, non sans raison, des gloires qu'il invente.
Paris seul donne aux artistes la consécration indélé-
bile. M"= Bordas le comprit. En 1869, elle débutait
au Grand Concert Parisien.
L'heure était propice. A tous les degrés de l'échelle
sociale, la réaction se faisait contre le régime de
Décembre. Tandis que Rochefort introduisait dans
lo pamphlet politique le style tintamarresque, il y
avait évidemment place au café-concert pour la chan-
son mordante et virile. Les bourgeois avaient leur
Juvénal hebdomadaire, le peuple réclamait un ven-
geur quotidien: le véritable chant démocratique
surgit avec M'"° Bordas de la tombe où l'avait ense-
veli l'Empire.
Ce fut dans tout Paris une sensation profonde. Il
semblait étrange, presque ridicule à lieaucoup qu'une
femme se condamnât aux couplets robustes, pleins
(le revendications et de colère, quand il lui eût été
facile d'être applaudie en chantant, après mille, de
niaises obscénités ; d'autres, au contraire, buvaient
avec avidité les chauds refrains de la chanteuse nou-
velle, et lisaient, dans son regard étincelant, une
promesse de délivrance.
M"° Bordas obtint, d'un coup, les avantages et les
inconvénients de la célébrité. Elle fut applaudie,
niée, adulée, injuriée, jugée, caricaturée, imitée,
parodiée. Pendant un longtemps on ne s'occupa que
d'elle. Elle alla, d'ailleurs, avec un remarquable
courage au plus fort du danger ; elle quitta à diver-
ses reprises ce public qu'elle avait fait et qu'on pou-
vait taxer d'engouement, pour les publics bien
différents et bien indifférents des spectacles de
féeries et de bouffonneries outrées : le théâtre lui
fut favorable autant sinon plus que le café-concert.
Il est inutile de nous arrêter aux œuvres qu'inter-
prétait alors M""= Bordas. Notre-Dame de Paris, la
Canaille, le Vengeur, l'Orgueil et la Foi, Mon âme
et Dieu, Plus de irontières, le Peuplier, l'Ame de la
Pologne, Velléda, l'Energie, les Meurt-de-faim, sont
dans toutes les mémoires.
Un instant éloignée, du Grand Concert Parisien,
M"" Bordas y rentra, le 15 mars 1871, pour chanter
nos revers glorieux comme des succès, relever les
courages abattus et jeter dans les cœurs ulcérés le
patriotique espoir d'une revanche. De cette époque
datent Champigny, de Baillet, Epouse et mère, de
Ryon, Place aux déshérités, la Paix et beaucoup de
productionsvigoureuses, entre lesquelles il faut citer
l'Appel après le Combat, un des plus grands succès
de l'artiste.
Pendant l'hiver de 1874-75, M°"= Bordas fit, au
Concert du Dix-Neuvième siècle, une campagne qui
fut signalée par un curieux incident. Elle chantait un
satirique rondeau d'Hippolyte Ryon, intitulé le Vice
et r Amour dans lequel, après avoir énuméré les
hontes sociales, le poëte s'écriait :
Pour nettoyer la nouvelle Gomovrhe,
Il faut encore un déluge de feu !
Un bonapartiste mâtiné de jésuite s'empara de
ces vers en criant que l'auteur appelait sur Paris
une pluie de pétrole. La dénonciation produisit son
effet ; le lendemain, M"° Bordas se voyait interdire
cette inoffensive poésie, écrite plusieurs années
avant la Commune et dont, certes, le public ne son-
geait pas à tirer un enseignement criminel.
La véritf.ble place de M"'° Bordas était au Concert
Parisien où l'on avait coutume de l'entendre. Après
un silence assez long, elle y fit sa rentrée le 28 octo-
bre 1876. De nouveaux succès l'accueillirent dans
ces remarquables chansons : Les Trois Couleurs,
de Chebroux et Collignon, La Chanson de la France,
de René Ponsard et Colhgnon, Reviens, Chanson, de
RyoUj Baillet et Dacks, A la Française, de Clerc et
Carbonnier, Il faut que je passe ! de Chebroux et
Blasini, Les Soldats de la République, de Cabillaud
et Madsagé, Ma Vision, de Burion et Massage.
M"' Bordas dépensait ses forces avec tant de pro-
digalité pour le public, qu'un repos absolu lui devint
nécessaire. Elle s'y résigna, et peut-être ne chante-
rait-ellp pas encore sans la prière instante que lui
firent duelques-uns de ses auteurs favoris.
A lapuite d'un repas chez M. et M""" Bordas, le
28 jaurier de cette année, la conversation tomba
LA CHANSON
naturellement — plusieurs des convives étant chan-
sonniers — sur l'Exposition projetée, et sur l'in-
fluence heureuse qu'aurait pour les recettes des
théâtres et des concerts le mouvement considérable
des visiteurs.
— Pourquoi ne chanteriez-vous pas alors ? dit
quelqu'un à M""° Bordas. Vous êtes une gloire pari-
sienne et nul étranger ne traverserait la capitale
sans vous entendre.
M"'° Bordas objecta avec beaucoup de sens que
son répertoire, d'ailleurs très-connu, se trouvait en
retard sur l'état présent des esprits. Il lui était
impossible d'adresser des chants de colère airx
hôtes étrangersaccourus sur l'invitation de la France.
A ceci la réponse était facile : « Nous vous ferons
des chansons » dirent les pootfs, et M"'" Bordas se
rendit, à h seule condition qu'un couplet explicite
serait placi' en télé de sa chanson de rentrée, pour
annoncer son évolution vers la uiuse pacilique. Nous
sommes heureux de donner ce couplet, écrit par E.
Cbebroux, comme préface à son Appel aux Nations,
et ([ui ne ligure pas dans l'œuvre éditée :
Salut, Paris, où j'ai chanté
Les jours glorieux de la France,
Où j'ai, par des chanis d'espérance,
Combaltu pour la Liberté,
Où j'ai, mêlant mes pleurs à ceux de la patrie,
Consolé quelquefois le grand peuple frani/ais;
Je te reviens, Paris, 6 ma ville chérie, ■
Pour chanter aujourd'hui le travail et la paix !
Le 29 mai 1878, M"'° Bordas opérait sa rentrée
au Grand Concert Parisien avec le CeiHemure de
Vollnire, de Paul Avenel et Ch. Hidjans. Puis vin-
■ renl l'Appel aux Nations, déjà mentionné, 7a Fêle
de la France, de E. Baillet et Massage, Buvons à
la gloire. Ma belle France, de Paul Avenel et Marc
Chautagne, A la sanlr de la France, de Burion et
Chautagne, Strophes ù la Franco, de Achille Garon
et Veruaelde, l'Esprit Français, de Mérigot et
Planquelle, Les Bienvenus, de Villafranc et Gbau-
tagne, Instruisons nos petits enfants, de Obthot et
Darcier, Quand on aime la France, de Vatinel et
Chautagne, la Marseillaise de h Paix, de E.Ducret,
le Vin Français, de E. Cbebroux et Darcier.
Nous avons voulu ti'anscrire tO'is les titres des
œuvres récemment écrites pour M"'° Bordas. Nous
voilà loin de la Canaille et des chants de haine ; il
est vrai que nous sommes également loin de l'Em-
pire. En. présence d'esprits éclairés et de cœurs
élargis, les fraternels refrains ont seuls raison d'être.
M"" Bordas les dit, chose remarquable, avec un
talent égal à celui qu'elle déployait dans les poésies
courroucées, et sa réputation y a gagné une autorité
nouvelle.
A la ville, M"°° Bordas est une femme de taille
moyenne, au regard vif, à la figure expressive, d'ap-
parence très-robuste. Vêtue simplement, ses che-
veux roulés en nattes serrées autour de la tête, —
telle enliu que la représente le portrait posé spécia-
lement pour notre journal — elle cause avec sens,
en « bon garçon ». Rien, si ce n'est la vivacité de
ses gestes et de son langage, commune à tous les
méridionaux, ne dénote un tempérament exception-
nel. Maisrà peine a-t-elle mis le pied ,sur les plan-
ches qu'une transformation complète s'opère. Vêtue
d'un péplum de laine blanche, les bras nus, la che-
velure eh désordre sur les épaules, elle entre avec
fièvre, se grise au feu de la rampe, au rythme des
vers, au son de la musique, au bruissement de la
foide. Son naturel exubérant lui fait parfois dépasser
le but, mais il y a, dans son exagération même, tant
de vigueur, tant de sincérité,* que le public frémit
et s'enthousiasme. Ce sont alors des bravos, des
rappels, des bis qui la brisent et la rendent heureuse.
jyjme Bordas n'est pas seulement une artiste origi-
nale et de race vaillante, elle est aussi une femme
très-estimable. Sa maison de campagne, ^ Nogent,
abrite un ménage modèle, goûtant le bonheur pai-
sible que rêve le .sage, et jamais prospérité ne fut
mieux méritée.
La poésie amaintes foispayésadetteà M'"° Bordas.
Au moment de ses débuts, Tony Révillon offrit, aux
lecteurs de la Petite Presse, une esquisse fantaisiste
dont nous reproduisons quelques traits :
Elle a les cheveux blonds d'une Eve ,
Son front est pur, son ddl est bleu;
Le regard exprime le rêve;
La bouche répond: — Sacroldeu!
Un croirait voir une statue
Qui, lasse de son piédestal,
En sérail enfin descemUie
Par un maUude Floréal.
En mai 187U, M. de Saint-Prest publiait, dans 7e
Rideau, des strophes chaleureuses sur le talent de
l'artiste et sa bienfaisante influence. Ala même date,
un écrivain sympathi([ue, M. Burion, composait une
brochure avec la biographie de M'"" Bordas et les
appréciations diverses de la presse, et faisait suivre
son travail de vers enthousiastes, terminés ainsi :
Vous, madame, suivez, toujours vaillanle et libre,
La l'Oule où le succès vous souril, vous altend;
Aux accents généreux l'âme française vibre:
Paris est le lion que l'on dompte enchantant.
Cinq ans plus tard, M.M. Villcmer et Ryon écri-
vaient, en l'honneur de M'"^ Bordas, un rondeau
charmant où sont rapjelées ses créations principa-
les et dont nous ne pouvons donner qu'un extrait :
Bordas ! quel est ce nom"? Demandez aux faubourgs.
Demandez à la foule, el vous entendrez dire :
« C'est la musc du peuple, et les sons de sa lyre
Font vibrer les clairons et battre les les tambours. »
On dirait Velléda! Dans son poplum anlif|ue.
Elle est drapée ainsi ipi'un marbre dePradier,
Sa voix sonne la charge et son air est guerrier;
En la voyani, on dit: « Vive la Républi [ue ! »
C'est aussi Némosis ! avec son fouet d'airain.
Elle cingle le fourbe et le lâche et le traître;
Tous les cœurs sont émus dès qu'on la voit paraître.
Les yeux chargés d'éclairs, un dra|jcau d'une main...
(jhante, chaule toujours, muse vraiment Française!
Tes vers doivent servir d'Evangile aux enfants;
Apprends-leur tes refrains, et, quand ils seront grands,
Conduis-les à Berlin, avec la Marseillaise !
Nous citerions encore avec plaisir les jolis vers
tracés par Cbebroux au bas d'un portrait de l'ar-
tiste, mais la place nous manque. Concluons donc.
M"" Bordas, en détrônant au café-concert les stupi-
dités malsaines, a réhabilité la chanson française
et vengé lamorale publique. Elle est pour beaucoup
dans l'avènement des idées républicaines. Qu'elle
parle longtemps au peuple avec la double autorité
de-.&oa talent immense . et de sa vie irréprochable !
Le peuple gagnera toujours à l'entendre.
L.-Henhy LECOMTE.
74
LA CHANSON
LE VIEUX BUVEUR DE VIN
Paroles: E. BnVGVlÈïiE. . Musique : ivhES KAVX.
Larghetto soslenpto.
temps! Qu'on chsn .te 1% . mour, la jeu_
nos _sc , Iffoi je n» coonais'qO'uM i . vres . se , Cel -
. le dès gros Ro . gef - Bob . temps . S'il fait
chaud, c'est pour qu'us kreu . v» . ge S'é .
ihap . pe du fia
COURONS AU BOIS.
in! Reœ .fli»_»ez mieM les go . be . let», li
sel . te.; ïer . tez «ou , jour», fai . le» ri
. sej Versfz.ver.Mi iu vieuxbu »'reur
Quand j'ai bu, je veux boire encore :
Le vin, pour moi c'est l'espérance,
Le remède à toute souffrance.
Le sauveur aux ailes d'or.
Masques des vanités humaines.
Fuyez, vous êtes sans attraits:
Je suis à l'abri de vos traits.
Tant que les cuves seront pleines.
A moi les flots, etc.
On sourit aux ambitieux,
Moi je ris de leurs tentatives.;
Je ne ferai pas mes convives
De ces hôtes mystérieux.
La fortune est une apparencel
Quoiqu'on encense le veau d'or,
Le vrai, le solide trésor,
C'est un flacon des vins de France.
A moi les flots du jus divin !
Remplissez mieux les gobelets, Lisette;
Versez toujours, faites risette
Au vieux buveur de vin !
(1) L'aceompagnemont de piano se trouve aux bureaux
de M Chanson, rue Bonaparte, 18. Prix net, 50 centime*.
Mignonne, mets ta robe blanche.
Ton léger corsage, — voici
L'aurore; tu sais, c'est dimanche,
Il faut oublier le souci.
Déjà résonnent les aubades,
L'oiseau parle de liberté,
Et loin des couples trop maussades
Courons au bois sentir l'été.
Entends ! les grands sapins frissonnent,
I^es ruisseaux mêlent leurs soupirs.
Les bouleaux argentés rayonnent;
Tout s'ouvre aux amoureux désirs./.
La brise caresse la vitre ;
.\u livre d'amour tant vanté
Allons ajouter un chapitre.
Courons au bois sentir l'été
Ce matin doit rougir la fraise;
Si le muguet tombe flétri,
Le genêt enlace au mélèze
Son or, sous le soleil fleuri.
Allons où le gazon est tendre.
Tes grands yeux sont plein* de clarté...
L'amour ne doit jamais attendre.
Courons au bois sentir l'été.
.\llons, ma belle, voir encore
Tous les tableaux si gracieux.
Du salon divin que décore
L'invisible rapin des cieux.
Haut, bien haut, vont les libellules
Et j'entends, dans l'air agité.
L'angelus clair des campanules.,..
Courons au bois sentir l'été.
Nous nous aimerons sous les roses
Qui tombent le long des buissons,
Quand fraîches, tes lèvres mi-closes.
Auront d'adorables frissons.
Lorsque les oiseaux, en musique,
Mettront certain couplet dicté
Par ta voix douce et sympathique •:
Courons au bois sentir l'été.
Oui, courons là-bas où l'on s'aime
Mieux qu'ici, mieux qu'ailleurs, enfut
Où le cœnr joyeux du bohème
S'effeuille sans trêve ni fin;
Où rêves fous et réalistes
Passent beaux d'instabilité !
Chassant les accents froids et tristes:;
Courons au bois sentir l'été.
Ernest HUPIN.
LA CHANSON
75
LE BALLON GIFFARD
Aie de la Treille do sincérité (Dêssugiers.)
Je n'ai pas foi dans ta ficelle.
Et la nacelle
Est sans aplomlj :
Bonsoii', Gilïai'd, à Ion ballon.
Monsieur Gilïai'd, qui nous invite,
Sait qu'un Français n'a jamais peur.
Montez tous, dil-il, montez vile
Ala giàeo... delà vapeur!
Vous pourrez là, loin des naufrages,
Contempler, pour un faible prix,
La sphère où naissent les orages
Kl les miM'veilles de l'aris.
Je n'ai pas foi dans la ficelle, elc.
J'accciilorais liien ta médaille,
Mais elle n'est pas sans revers;
Tu le sais, sansque je détaille
Ces périls nomlireux cl divers.
Encor, si celui qui redoute
La longueur do l'ascension
Pouvait faire arrêter en roule,
A la première slationi
Je n'ai pas foi dans ta ficelle, elc.
Suivez ces foules fascinées ;
Qu'altendez-vous? dit co hâbleur.
J'allends... le nombre des années.
Et je ne suis pas la valeur.
Car j'y songe: quel mauvais rêve.
Sites ouvriers révollés
Choisissaient, pour se mollre en grève.
L'instant où nous serions moulés!
Je n'ai pas foi dans la licelle, etc.
Ce ballon s'altaolie à la terre
Comme à sa mère lient l'enfanl.
C'esl un vrai cordoan sanilaire
Quile protège et le défend.
Oui, je le crois; mais à ton groupe
Le moindre choc serait fatal ;
Et je crains toujours qu'on ne coupe
Ce grand cordon... ombilical.
Je n'ai pas foi dans ta ficelle, etc.
Puis, pour aller là-haul, sans gloire,
Exposer sonàme et sa chair,
Payer, sans compter le pourboire,
Vingt francs, je trouve que c'est cher.
Je me pique d'èlre économe:
Puis-je ni'élever... au rabais"?
A combien cole-l-on un homme?
Me paierait-on si je tombais?
Jen'aipas foi dans ta licelle, etc.
Enfin, s'il ne le faut rien taire,
Voicimon dernier argument:
Je ne puis pas quiller la terre
Sans avoir fait mon testament.
0 toi qui meurs où tu t'attaches,
Lierre, je prétends t'imiter ;
Et, né sur le plancher des vaches,
C'est là que je veux... exister.
Je n'ai pas foi dans ta ficelle,
Et ta nacelle
Est sans aplomb :
Bonsoir, Giffard, à ton ballon.
EuG. IMBERT.
L'ONDINE
Musique de L. DEMORTREUX (/).
Au bord d'un clair ruisseau, dans la verte prairie,
fje chapeau sur les yeux cl la ligne à la main.
Tandis qu'au fond de l'eau tloltail ma rêverie,
Je tendais l'hameçon au vulgaire fretin.
N'ayant rien altrapé, je faisais triste mine.
Quand j'entendis soudain ce doux chant de l'Oiidine:
« Le souvenir, c'est moi,
Le passé va paraître
El ton bonheur renailrc:
Poète, souviens-loi ».
.\lors je vis passer, ainsi que dans un rêve,
Ce lemps où la raison faisait ses premiers pas,
Ce lemps où. IressaillanI do la première sève.
Je me livrais, joyeux, à d'innocents ébals.
Dans le ruisseau riait une lètc mutine.
Elle chantait toujours, invisible, l'Ondine:
« Le souvenir c'esl moi,
Ije passé va paraître
Et ton bonheur renaître:
Poète, souviens-loi. »
Au menton de l'enfant croît la barbe naissante ;
Et déjà dans la joie a glissé plus d'un pleur;
Elle fait tant pleurer, celle flamme enivrante
De l'amanl qui poursuit dans la femme une fleur :
La vague du ruisseau devenait purpurine,
ICI celle que j'aimais parut, c'èlail l'Ondine ;
Elle chantait : « ('.'est moi.
Vois le passé paraître
El le bonheur renailre :
I^oëte, souviens-loi. »
Amie, en quel émoi. Ion image me jelle,
Est-lu vivanle ou morte, ombre ou réalilé?
I)e|iuis que la douleur m'a consacré poète.
Mon amour d'autrefois a soif d'éternité.
Au pécheur faligué la maison cristalline
Doil offrir le repos. Je t'aime, pâle Ondine I
Le souvenir, c'esl toi.
Je te donne mon être,
IjC bonheur va renaître ;
Dans l'onde accueille-moi.
Prosi'KR tibia.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Avec le mois de Septembre, voici revenir les
beaux Jours des sociétés lyriques; j'approuve celles
qui ferment leurs portes pendant la belle saison,
afin de laisser aux sociétaires la liberté d'aller res-
pirer un peu d'air pur sur les bords de la Seine ou
delà Marne, et celle de danser (pour ne pas en per-
dre l'habitude) aux sons d'un crin-crin criard dans
une guinguette cachée derrière un massif. Les socié-
tés qui font relâche, renaissent plus vivaces que
celles qui, ayant lutté contre la canicule, sont épui-
sées quand revient l'hiver.
La Pensée, qui a repris ses Mercredis, a fait une
brillante réouverture : belle soirée, beaucoup de
monde et d'excellents chanteurs.
(1). Aux bureaux du jeune Parnasse, boulevard Magenta, 57.
76
LA CHANSON
Les En/anls d'Apollon, qui hallSiieni de l'aile un
moment, ont de nouveau accordé leur lyre et trou-
vent déjà que leur salle du 75, faubourg St-Martin,
est trop petite pour recevoir leurs nombreux in-
vités.
L' Union Artistique, président Paulin (et non Pau-
lus), a donné son banquet annuel le 1°' septembre;
on a bu à la prospérité de la société et l'on a projeté
une brillante soirée pour le début d'octobre, j'en
rendrai compte.
J'ai été revoir la charmante société, l'Art Musical
et Dramatique dans sa nouvelle salle du café Suisse,
boulevard Sébastopol; j'ai été reçu à bras ouverts
par Monsieur Prache qui est toujours le plus aima-
ble des présidents ; j'ai assisté à un concert en fa-
mille des plus attrayants. La Fauvette Parisienne au
Palais-Royal, donne tous les dimanches de véritables
soirées du grand monde, les danseurs et chanteurs
rivalisent d'entrain et d'esprit.
Les grands bals s'annoncent déjà ; j'ai reçu plu-
sieurs invitations, j'espère aller partout, commen-
çant par le bal du 5 octobre donné par la société l' U-
nion de la Jeunesse dans la magnifique salle de
Valentino.
Décidément, il y a du plaisir dans l'air pour celte
saison.
GÉDHÉ.
PAR-CI, PAR-LA
Le 9 septembre, 7e Cerc7e /«siffle se réunissait, ou
plutôt, pour parler logiquement, réunissait ses invi-
tés. (Les sociétaires brillaient à cette soirée, par leur
absence.)
Le bureau était représenté par M. Lardy tout seul,
président toujours solide au poste, et qui, ayant
accepté un mandat, tient à le remplir jusqu'au
haut !
Malgré tout, on s'est amusé, et séparé fort tard
{trop lard môme), après n'avoir constaté heureuse-
ment que des succès :
La petite Camille, un prodige de onze ans, a ob-
tenu un véritable triomphe en détaillant avec beau-
coup d'esprit une chansonnette Ça ne peut pas se
refuser.
Gédhé a fait une improvisation, sur le '''ercle in-
time, ave J des rimes données, dont les deux vers sui-
vant ont été la chute.
Si le Cerole faiblit, Hnrdy le soutiondrr?.
Et s'il n'en reste qu'un il sera celui-/à!
Ce pastiche d'un vers de Victor Hugo a été fort
applaudi: bravo, Gédhé, voilà de l'à-propos!
Le loustic Jomain, que feu L'Indépendant a con-
verti, ne chante plus la romance; il a fait rire aux
éclats; il lui suftit, du reste, pour obtenir ce résul-
tat, d'être naturel.
La délicieuse comédie Le Baiser anonyme a été
interprétée d'une 'açon charmante. Mlle Rienia et
M. Etienne jouaient les principaux rôles, c'est tout
dire.
A. LEROY.
La Société des Fleurs, rue des Envierges, 56, à
Belleville, présidée par M. Percheron, a donné, le
dimanche 8 septembre, une soirée au bénéfice de
son vice-président. Un concours de poésie avait
été ouvert à cette occasion. Le premier prix (une
médaille d'or) a été remporté par M. Jules Vernier,
coutumier du fait, le second par M. Dominique Fia-
chat, de la Lice Chansonnière, le troisième par
M. Casse.
A/a Z/jreTjyen/a/saHte, rue Saint-Séverin, 38 (prési-
dent, M. Lecouvreur), lundi 14 octobre, grand con-
cours libre de poésie. Deux prix seront décernés aux
auteurs des deux meilleurs productions ; deux autres
prix seront attribués à la chanteuse et au chanteur
qu'on aura entendus avec le plus de plaisir. La
soirée commencera à 8 h. 1/2 précises.
LE CONCOURS DE LA CHANSON
Le double concours poétique ouvert par La Chan-
son est clos. Un grand nombre de chansonniers et de
poètes ont répondu à notre appel. Quel sera le ré-
sultat de cette émulation louable ? Il serait impru-
dent de le préjuger. Si notre espoir se réalise, c'est-
à-dire si de notre concours surgit une œuvre vrai-
ment remarquable, nous offrirons aux amis de la
Chanson la fête suivante :
Une solennité littéraire et lyrique sera organisée
par nous, pour la distribution des récompenses. Une
conférence sur la chanson sera faite par un orateur
compétent, dont le concours nous est promis. Des
artistes aimés du public se sont engagés, en outre,
à interpréter pour nous diverses œuvres de mé-
rite. Nous donnerons enfin une fête capable de réjouir
tous ceux qui s'intéressent à la rénovation de la
chanson. Tout cela est subordonné au résultat que
va donner l'examen des nombreuses pièces déposées
dans nos bureaux. Cet examen va commencer sans
retard. Voici, par ordre alphabétique, la liste des
poètes et des chansonniers composant notre jury:
MM. Eugène BaiUet, Henri de Bornier Ernest
Chebroux, Jules Claretie, Ernest d'Hervilly, Eugène
Imberl, René Ronsard, Léon Vallade, Charles Vin-
cent.
La Chanson A.U 1" novembre contiendra le compte-
rendu détaillé des séances du comité. Nous espérons
y joindre l'annonce de la matinée dont nous avons
parlé plus haut et qui ne pourrait manquer d'oiïrir
un vif intérêt.
Nous indiquons, en tête du présent numéro, les
conditions nouvelles d'abonnement à La Chanson.
Le mode le plus simple est l'envoi d'un mandat sur
la poste ; le talon sert de quittance. Nos anciens
souscripteurs sont priés de nous adresser au plus
tôt leur réabonnement, afin de n'éprouver aucune in-
terruption dans l'envoi du journal.
Le Directeur Gérant A. PATAY.
i
LA CHANSON
AVIS IMPORTANT
A titre rie Primes, nous offrons, à nos abonnés anciens et nouveau.r, les lici-es suivants,
avec les réductions indiquées.
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AliBUJ?! nv BOX BOt'ïi. années 187f) et 1S77 réunies, cartonnées en pleine toile, avec titre et
oruements sur les plats. Ce splenrliile album renferme des fac-similé d'autographes, des portraits, des
dessins de toutes les sommités artistiques, littérateurs, peintres, poètes, chanteurs, sculpteurs, musi-
ciens, etc. etc., qui fréquentent assidûment les Banquets du B0.\ BOCK, créés, il y a quatre ans, par
Bellot et présidés d'une façon si brillante par lui.
Cet album n'a été tiré qu'à cinq cejits exemplaires, pour les habitués du BON BOCIv, (et il sont nombreux) .
Nous avons prié M. Bellot de vouloir bien réserver quelques exemplaires en laveur de nos abonnés, et
cela au prix de 10 fr. au lieu de 15 Ir. Nous invitons nos abonnés à venir voir ce cliarmanl Bijou à notre
librairie, 18, rue Bonaparte, et cela le plus promptement possible, un petit nombre étant seul à notre dispo-
sition. Les personnes qui désireraient le recevoir par la poste devront payer en plus, pour l'emballag-i cl
le transport 2 fr.
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Gazette de l'Académie des poètes, dirigée par un
comité présidé par M. Casimir Pertus, et paraissant
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Organe des concours littéraires de Paris. — Rédac-
teurs en chef: ALCESTE et Germain PICARD.
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1" NOVEMBRE 1878.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Eevue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" <5c le 1 6 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION k RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
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RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, ti mois 2 fr. bO
Départ», 6 mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 50
S0MMAIRI5 : Galerie des Cltansonniers : Victor Hugo (l.-iienry lecomte). — La Statue de Béraitger, lettres de mm. legouvé,
CLARETiE ET TONY RËviLLON. — A M. Lapoiiite (ANDRÉ person). — La Diane des Chansons igeorges baillet). — Encore
une goutte (c.-c. picard). — Mon Pinceau (ernest adeline). — Banquet du Careau (eug. imbert). — Banquet de la
Lice Chansonnière (l.-henry lecomte). — Chronique des Sociétés lyriques (a. leroy, v. lebretox, a. patay}. — Le Concours
de La Chanson. — Nouvelles et Avis.
GALERIE DES CHANSONNIERS : VICTOR HUGO
La poésie , cette
musique de l'àme, ap-
pelle irrésistiblement
la musique, cette poé-
sie des sens. Ainsi
complétée, elle pénè-
tre aisément dans le
peuple, et, tour à tour,
rémeut ou le console.
En tète des écrivains
qui, par le choix des
sujets, la coupe de
leurs vers , l'indica-
tion précise de re-
frains,' ont provoqué
souvent la verve des
compositeurs, se place
le géant de la littéra-
ture contemporaine.
Lesc/i«Mso?isdeVictor
Hugo sont assez nom-
breuses pour fournir
le sujet d'une intéres-
sante étude. Nous l'es-
saierons avec le res-
pect qui convient.
Victor Hugo, disent
les biographes, est né
à Besançon, le 26 fé-
vrier 1802. Pour nous
qui ne voulons point
raconter l'homme ,
mais juger simplement un des aspect du génie
multiple de l'écrivain, Victor Hugo naquit à Han
d'Islande, en 1821. C'était une création robuste,
sculptée en prose étincelante. L'année qui sui-
vit, la poésie conquérait le jeune homme. Bientôt
après, la chanson. En 1826, le libraire Ladvocat
réunissait en deux vo-
lumes les Odes et
Ballades. A cet ou-
vrage appartiennent
La Fille d'0-Taïti,
Encore à toi, Rêves,
strophes mises en mu-
sique par F. Grast, —
Les deux Archers ,
La Légende de la
JS'onne, récits cava-
liers sur lesquels
Hippolyte Monpou et
Maurice Lassimonne
ont écrit des airs fa-
vorablement accueil-
lis; — Ecoute-moi,
Madeleine, et Aes cou-
plets ^1 un Passant
que l'auteur affection-
nait sans doute, car il
les encadra dans une
scène de Cromwell.
Au troisième acte
de ce drame colossal,
déclaration de guerre
acharnée auxentraves
niaises, les quatre fous
du Protecteur ouvrent
la scène en disant, l'un
après l'autre, quatre
ballades singulières.
Nous ne croyons pas qu'on les ait jamais chan-
tées. Il y avait cependant motif à musique origi-
nale dans des vers coupés de la sorte :
Pourquoi fais-tu tant de vacarme,
Carme?
Rose t'aurait-elle trahi?
Hi! . ■ -
78
LA CHANSON
ou rythmés comme ceux-ci, rencontrés déjà dans
les Odes et Ballades :
Au soleil couchant,
Toi qui '•'as cliercliant
Fortune,
Prends garde de choir,
La terre, le soir
Est brune ...
Dans ses œuvres théâtrales postérieures à
Cromwell, Victor Hugo se fit souvent, de la
chanson, un utile auxiliaire. On se rappelle l'effet
d'étonnement et de terreur produit, à la fin du
souper de Lucrèce Borgia, par les versets
lugubres du De Profundis répondant aux couplets
bachiques de Gubetta :
Saint-Pierre, ouvre ta porte
Au buveur qui t'apporte
Une voix pleine et forte
Pour chanter : Domino!
La donnée sombre de Marie Tudor est tra-
versée par cette aimable sérénade, mise succes-
sivement en musique, avec un bonheur égal, par
Piccini et Gounod :
Quand tu chantes, bercée
Le soir, entre mes bras.
Entends-tu ma pensée
Qui te répond tout bas?
Ce doux chant me rappelle
Les plus beaux de mes jours ! . . .*
Chantez, ma belle
Chantez toujours ! . . .
Au deuxième acte de Ruy Blas, alors que
l'étiquette et l'ennui torturent la jeune reine,
un chant d'amour retentit sous les fenêtres de
la désolée, qui boit avidement ce rayon de soleil :
A quoi bon entendre
Les oiseaux des bois?
L'oiseau le plus tendre
Chante dans ta voix. . .
Dans Le Roi s'amuse, François 1" et son fou
Triboulet disent, en alternant, ce refrain déluré :
Vivent les gais dimanches
Du peuple de Paris,
Quand les femmes sont blanches,
Quand les hommes sont gris \. . .
Enfin, les robustes soudards des Burgraves
chantent à plein gosier, au lever du rideau :
Dans les guerres civiles
Nous avons tous les droits.
— Nargue à toutes les villes
Et nargue à tous les rois1 . . .
et leur orgie se complète par ce chœur insou-
ciant :
L'hiver est froid, la bise est forte,
Il neige là-bas sur les monts.
Aimons, qu'importe!
Qu'importe, aimons!
En dehors de La Esmerai.da qui est un opéra,
c'est-à-dire une chanson continuelle, le théâtre
■de Victor Hugo contient, on le voit, diverses
productions remarquables au point de vue chan-
sonnier. Notre récolte de poésies chantées sera
plus abondante encore dans les livres où le grand
lyrique a dépensé son génie. Les Orientales
nous offrent une Chanson de Pirates, la Sultane
favorite, le Voile, Sarah la baigneuse, les Bliiets
et la Romance Mauresque. Les Chants du Crépus-
cule contiennent un Hymne patriotique, récem-
ment exécuté avec la solennité qu'il réclame :
Gloire à notre France éternelle !
Gloire à ceux qui sont morts pour elle !
Aux martyrs, aux vaillants, aux forts!
A ceux qu'enfante leur exemple,
Qui veulent place dans le temple
Et qui mourront comme ils sont morts !
Signalons, dans le même volume, la Fleur et
le Papillo7i, des vers gracieux intitulés Nouvelle
chanson sur un vieil air, et qui s'adapte au timbre
naïf : J'aime mieux ma mie :
S'il est un charmant gazon
Que le ciel arrose,
Où brille en toute saison
Quelque fleur éclose,
Où l'on cueille à pleine main
Lis, chèvrefeuille et jasmin,
.T'en veux faire le chemin
Où ton pied se pose...
puis cette invocation attendrie :
0 ma charmante.
Ecoute ici
li'amant qui chante
Et pleure aussi.
enfin ces couplets énamourés, qui sous le titre
de Fleur de l'âme, ont fait le tour du monde :
Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine,
Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli.
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;
Je puis maintenant dire aux rapides années :
Passez, passez toujours, je n'ai plus à vieillir,
Allez-vous-en avec s'os fleurs toutes fanées,
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir.
Les Voix Intérieures fournissent, pour leur
part, Soirée en mer, la Tombe et la Rose; — Les
Rayons et les Ombres : une barcarolle et l'origi-
nal Gastibeha ; — les Contemplations : Rose,
frais souvenir de jeunesse, Si vous n'avez rien à
me dire, la Nichée sous le portail; — la Légende
des siècles : le Chant d'Eviradnus, la Chanson
des Aventuriers de la mer ; — les Misérables,
les hardis couplets de Gavroche :
Voici la lune qui paraît,
Quand irons-nous dans la forêt?
Demandait Chariot à Charlotte. —
Je n'ai qu'un Dieu, qu'unroi, qu'un liard et qu'une botte
LA CH.\NSON
79
et ce délicieux rondeau que le poète met à l'actif
de Jean Prouvaire, un de ses héros :
Vous rappelez-vous notre douce vie
Lorsque nous étions si jeunes tous deux,
Et que nous n'avions au cœur d'autre envie
Que d'être bien mis et d'être amoureux?...
Mais le livre où Victor Hugo a semé le jikis
grand nombre de chansons, est cette œuvre admi-
rable et fulgurante qui n'a d'équivalent dans
aucune littérature : les Châtiments. La poésie
populaire est là vengeresse des vertus bafouées
et des grandeurs avilies. A ceux qui, sans ver-
gogne, prenaient place au festin où les cfinviait
le pseudo-César : « Mangez, dit le fier exilé,
Mangez, moi je préfOre
Ton pain noir, liberté !
Puis son cœur s'attendrit sur ce tableau sinistre:
l'homme au bagne, là mère à l'hospice, les enfants
isolés par le crime :
Pauvres petits oiseaux!...
Plus loin il chante, sur l'air de Mal])rouck,
le Sacre du bourreau de l)éceml)re, et chacun de
ses vers sonores tombe inflexilde sur le triom-
phateur sanglant :
Dans l'affreux cimetière
Paris tremble, ô douleur, 6 misère !
Dans l'affreux cimetière
Frémit le nénuphar...
L'anecdote incisive sert également au poète
en courroux :
Un jour. Dieu sur sa t:ililc
Jouait avec le diable...
Les larmes succèdent à l'ironie dans ce chef-
d'œuvre continu. Peut-on lire sans fi'isonner ces
pièces manifestement inspirées : Le Chant de ceux
qui s'en vont stir mer, l'Hymne des transportes, le
Rêve du Proscrit :
A quoi ce proscrit pense-t-il?
A son champ d'orge ou de laitue,
A sa charrue, à son outil,
A la grande France abattue ?
Hélas! le souvenir le tue.
Pendant qu'on rente les Dupin
Le pauvre exilé souffre et prie...
— On ne peut pas vivre sans pain;
On ne peut pas non plus vivre sans la patrie !
Dans de virulents couplets, ensuite, le Juvénal
républicain cloue sur le front du blême Bonaparte
l'épithète inoubliable :
Sa grandeur éblouit l'histoire ;
Quinze ans il fut
Le dieu que traînait la Victoire
Sur un affût ;
L'Europe sous sa loi guerrière
Se débattit. —
Toi, son singe, marche derrière.
Petit, petit.
Le livre se clôt superbement par un chant
d'amour à l'adresse de la France. Beethoven en
fournit la musique. Pendant le glorieux Siège de
Paris, Patria fut de tous les concerts organisés
pour donner des canons à la défense ou des
secours aux blessés :
Ainsi que nous voyons
En mai les alcjons.
Voguez, ô nations,
Dans ses rayons.
Son bras aux cieux dressé
Ferme le noir passé
Et les portes de fer
Du sombre enfer...
Notre tâche s'achève. Bien que nous ayons dû
nous borner à une nomenclature incomplète et
froide, nous avons clairement démontré que le
plus grand des poètes modernes n'a dédaigné, à
aucune époque, le genre de littérature bien
national que noire journal préconise. Hymne
philosophique, chanson à boire, romance douce,
refrain agile, couplet impitoyable, le génie de
Victor Hugo a tout essayé. On retrouve dans
chacune des pièces énumérées plus haut l'abon-
dance de pensées et l'éclat de stjie propres à
l'immense écrivain. Victor Hugo est resté dans
la poésie chantée ce qu'il est dans tout : un
maitre inimitable.
Le 1" janvier 1830 paraissait, à la louange
du chef acclamé par la jeune école littéraire,
le sdunet suivant, que nous rééditons pour le«
curieux de souvenirs l'omantiques.
HOMMAGE
A toi qui descendis, jeune encor, dans l'arène,
Méprisant le vulgaire aveugle et ses bravos.
Loin de l'ornière antique où la foule se traîne.
D'une gloire précoce étonnas les rivaux;
A toi qui, tout enfant, une belle marraine
Initiait, en songe, à des secrets nouveaux;
A toi, dont le génie est un cheval sans rêne.
Car une voix t'a dit : je sais ce que tu vaux! . . .
A toi qui juges seul le conquérant avide
Dont la chute ébranla son siècle encore vide;
A toi qui pouvais prendre un glaive au lieu d'un luth ;
Puis à toi qui chantas tes chants comme un prophète
Avec son dieu qui parle ; à toi, le grand poète;
A toi qui seras roi, Victor Hugo, salut ! . . .
Ch. Lassailly.
Le bizarre enthousiaste était bon prophète.
Roi ! Victor Hugo l'est, en effet, de par son
éblouissant génie, et ces royautés-là défient les
tempêtes humaines. Méprisant la sphère étroite
où s'agite l'ambition vulgaire, le grand poète a
poursuivi et atteint ce double idéal : le vrai qui
est le but de l'esprit, le beau qui est l'objectif
de l'âme. Puissance, lumière et bonté, Victor Hugo
restera l'éternel honneur de la République uni-
verselle des lettres.
L.-Henry LECOMTE
LA CHANSON
LA STATUE DE BÉRANGER
Nous avons reçu les lettres suivantes :
Messieurs,
J'ai trop aimé Béranger pour ne pas accepter
l'offre que vous me faites de faire partie du Comité
qui doit s'occuper de sa statue.
Agréez l'assurance de tous mes sentiments très-
•distingués.
E. LEGOUVÉ.
Messieurs,
Septembre 1878.
Je serai très-honoré de faire partie d'un Comité
<:iui consacrera tous ses soins à la mémoire de
Béranger. Sous l'empire, le ministère Duruy m'in-
terdit justement (je veux dire précisément) la parole
à la suite d'une conférence sur Béranger, faite au
Orand-Orient. J'ai toujours eu pour le grand chan-
sonnier l'admiration la plus vive. Nul n'est plus
français, plus simple, plus clair, et, par conséquent,
plus grand que lui. Il a, comme La Fontaine, sa
grandeur dans un genre parfois dédaigné et pro-
-fondément national, car la chanson, comme la
baïonnette, est une arme française.
Comptez sur moi, Messieurs, et pour travailler à
votre œuvre de justice et pour la propager, et
recevez, avec mes remerciements, l'assurance de
mes sentiments confraternels.
Jules CLARETIE.
1" octobre 1878.
Mes Chers Confrères,
Je vous demande pardon de vous répondre si
tard. J'ai fait une absence de quelques jours, et,
à mon retour, j'avais égaré votre lettre que je n'ai
retrouvée que ce matin. Je vous remercie d'avoir
pensé à moi pour être des vôtres, et j'accepte votre
invitation avec un grand empressement. Croyez à
mes sentiments les plus cordiaux.
Tony RÉVILLON.
Ajoutons à ces consentements écrits les adhé-
sions verbales très-chaleureuses des chanson-
niers Charles Vincent et Ernest Chebroux. Le
Comité pour la statue de Béranger est donc
aujourd'hui composé de
MM. Victor Hugo, sénateur de Paris,
E. Legouvé, de l'Académie française,
Pli. JouRDE, rédacteur en chef du 5'z'èc/e,
Jules Claretie,
Tony RÉ VILLON,
Charles Vincent, président du Caveau,
Ernest Chebroux, président de La Lice
Chansonnière.
Diverses personnalités respectées s'adjoindront
bientôt, nous l'espérons, à ces noms significatifs.
Nos prévisions se réalisent : l'œuvre marche. A
-l'heure voulue elle s'accomplira, en dépit des
clameurs sottes ou intéressées.
H. L.
Le nouveau mode de périodicité de Z.« CAflïwott nous permet
désormais de répondre à certaines critiques plus ou moins
malveillantes, auxquelles nous ne pouvions riposter jadis
avant qu'elles fussent oubliées de tous. L'article qui suit
commence la série de nos polémiques littéraires.
Jusqu'à présent, notre journal n'avait inscrit
le nom de M. Lapointe (Savinien) que comme
celui d'un confrère en chansons et notamment
d'un abonné. Sa négative personnalité avait
trouvé grâce devant le souvenir d'anciennes
relations de camaraderie^ et si différente que soit
son attitude de la nôtre, nul de nous ne songeait
à lui contester l'exercice de ses convictions dont
l'origine n'est un secret pour personne.
Mais voilà qu'à propos de la statue de Béranger,
ce monsieur s'avise de nous prendre à partie ;
il nous accuse de vouloir « confisquer à notre
profit la célébrité du poète. » Selon lui, nous
sommes « des mangeurs de cadavres et nous
voulons tuer le mort... » Puis il ajoute : « J'ai
lu dans La Chanson, sous la rubrique de je ne
sais plus quel nom, un article sur le vieux poète
qui est tout simplement le pavé de l'ours à
Béranger et le coup de pied de l'âne à César. >>
Et M. Lapointe (Savinien) dit ces choses-là
avec une crânerie bouffonne et un ton d'autorité
grotesque qui donnent lieu de penser que le
cadavre est à lui, que le moî't est sa propriété,
qu'il consent cependant à partager avec ses amis
et congénères du Petit Caporal, dans la capote
duquel il épanche, en bredouillant, des insanités
que nos lecteurs nous saurons gré de ne point
relever.
Que les renommées pures et bien acquises
sont à plaindre lorsqu'elles ont des thuriféraires
de la trempe de M. Lapointe (Savinien), et com-
bien, à nos yeux, les gloires les plus brillantes
perdent de leur éclat, quand elles sont célébrées
par des ambitieux vulgaires qui, pour se faire une
réputation quelconque, trouvent le moyen d'ac-
coler leurs noms discrédités à des noms illustres.
Désormais, quel respect aurait le peuple pour
son chansonnier, lorsqu'il verrait sa mémoire
préconisée par les courtiers d'un prétendant
ridicule et les courtisans éhontés de la veuve
de l'homme de Sedan?
M. Lapointe (Savinien) prenant Béranger
sous sa protection et se donnant, à lui et à ses
amis du Petit Caporal, la tâche glorieuse d'en-
tretenir dans son resplendissement l'auréole du
poète national ! C'est à pouffer de rire ! et jamais
moment ne fut mieux choisi pour appliquer le
mot d'Apelle à l'ex-chaussurier Lapointe : Ne
sutor supra crepidam.
Que M. Lapointe (Savinien), celui-là même
dont les élucubrations poétiques ont provoqué
les sanglots des sergents de ville, nous laisse donc
tranquillement achever l'œuvre que nous avons
entreprise; ses conseils et son concours ne nous
sont point nécessaires, et nous le prions de ne
point penser à nous qui ne pensons guère à lui.
André PERSON.
LA CHANSON
81
A LA LICE CHANSONNIÈRE
LA DIANE DES CHANSONS
Air : a Amusez-voui, joyeux essaims i> (Ch. Gilleî.
Chantons, chantons à l'unisson!
Plus de haines,
Plus de chaînes!
Chantons, chantons à l'unisson :
Faisons fête à la chanson!...
Nous qui, pour tout héritage,
De la nature, en partage,
Avons reçu l'avantage
D'égaj'er où nous passons :
Puisque Momus nous rassemble.
Chansonniers, si bon vous semble.
Mes amis, sonnons ensemble
La diane des ctiansons!...
Chantons, chantons, etc.
Sous l'égide tutélaire
De son manteau populaire,
Ne craignant point de déplaire.
Elle court villes et champs :
Et bannissant loin du monde
La haine, ce fiel immonde,
En amusant, elle émonde
Le cœur aigri des méchants!...
Chantons, chantons, etc.
Souvent folle, par manie,
Mais gauloise, par génie.
De sa robe d'Ionie.
Elle fait un cotillon : '
Alors, légère grisette,
Elle chante avec Lisette,
Elle rit avec Musette,
Et saute avec Frétillon!...
Chantons, chantons, etc.
Quand, justement révoltée.
Dans le sang de Prométhée,
Trempant sa flèche irritée,
Elle s'excite au courroux :
Ne connaissant plus d'entrave,
Soit-elle plaisante ou grave.
En s'envnlant, elle bravo
La critique ou les verrous!...
Chantons, chantons, etc.
Aux doux accords de sa lyre.
Dans un mystique délire.
De l'amour elle fait lire
Les secrets les plus charmants ;
Et de plaisirs et de roses.
Voilant nos heures moroses,
Elle change en rêves roses
Nos fièvres et nos tourments!...
Chantons, chantons, etc.
De colères philippiques
Aiguisant le fer des piques,
Au sein des luttes épiques
Elle fond comme un éclair !
D'une voix mâle et puissante.
Elle entraîne, saisissante,
Et sa note frémissante
En grondant monte dans l'air!...
Chantons, chantons à l'unisson !
Plus de haines, etc.
Georges BAILLET.
ENCORE INE GOUTTE
Air. : Et voilà lu vie que tes moines font.
Quel dîner splendide,
Me suis-je amusé !
J'ai, d'un doux liquide.
Largement usé.
Quoi! mon verre est vide,
Mais, par bonheur, on sert
Et liqueurs et dessert.
Bon! coûte que coûte.
J'en goûte.
J'en goûte;
Encore une goutte
De ce divin
Vin.
Le ciel lui jjardonne.
Je crois qu'un voisin
Dit que je m'adonne
Au jus du raisin.
Quand le bon Dieu donne
A boire, en flot vermeil.
Les rayons du soleil :
Moi, coûte que coûte.
J'en goûte, etc.
Ma gorge a la crampe.
Ne voyez-vous pas
Que si je ne lampe
J'aurai le lampas?
Dans mon verre trempe
Mon nez crânement teint
Des feux du Chambertin,
Puis, coûte que coûte,
J'en goûte, etc.
Or, ce vin de flamme
Qui pousse aux chansons.
Chatouille en mon âme
Des vœux polissons.
Chut, je vois ma femme
Qui me fait les gros yeux,
A moi le Condrieux. . .
Va. coûte que coûte,
J'en goûte, etc.
A cette heure, en somme.
Tout est pour le bien ;
Si j'ai mon jeune homme,
Madame a le sien !
Il est minuit comme
On parle de départ,
Zest. . . un vieux bouchon part.
Tiens, coûte que coûte,
J'en goûte, etc.
Partons. .. je vacille
Et la terre aussi ;
Il est plus facile
De coucher ici.
Dans ce domicile
Où je trouve d'ailleurs
Mes amis les meilleurs :
Et, coûte que coûte.
J'en goûte.
J'en goûte;
Encore une goutte
De ce divin
Vin.
G.-C. PICARD.
82
LA CHANSON
MON PINCEAU
Air : A genoux devant le soleil.
Ici-bas chacun, à la ronde,
Prône -ce qu'il aime le mieux.
Et rien autre chose eu ce momie
Ne lui semble aussi précieux.
Le soldat célèbre la guerre,
Le sculpteur aime son ciseau.
Le buveur adore son verre :
Moi je vais chanter mon pinceau.
De tous les actes de ma vie
Il fut l'invisible moteur;
C'est pourquoi je le glorifie,
Car je lui dois tout mon bonheur.
Le jour même de ma naissance
On le plaça dans mon berceau ;
Je grandis avec l'espérance
Be me servir de mon pinceau.
A quinze ans, pour le paysage,
.l'étais plein d'admiration;
•T'aimais à peindre le feuillage
Orné de quelque cotillon.
Que de fois, dans une clairière.
Assis au pied d'un arbrisseau,
Je fis l'école buissonnière
Afin d'essav-er mon pinceau.
A vingt ans, tout rempli de zèle,
Je savais à fond mon métier ;
Alors, plus d'un joli modèle
Vint poser dans mon atelier.
Doux souvenir de ma jeunesse !
A cet âge on voit tout en beau.
Je travaillais avec ivresse
Et rien n'arrêtait mon pinceau.
Pour rompre la monotonie
De mes tableaux, de mes croquis,
Le sac au dos, bourse garnie,
Je parcourus bien du paj's.
11 me fallait, coûte que coûte,
Chaque jour un sujet nouveau.
Et j'allais semant sur ma route
Tous les trésors de mon pinceau.
Enfin, lassé de cette vie.
Renonçant aux folles amours.
Avec une femme chérie
L'hymen m'enchaîna pour toujours.
Tous les ans, le jour de sa fête,
Je lui présentais, en cadeau,
Un portrait, dont la blonde tête
Faisait honneur à mon pinceau.
Hélas! en ce monde tout s'use;
Car le temps qui marche toujours
Vient briser ce qui nous amuse
Et si longtemps charma nos jours.
Mais, lorsqu'au bout de ma carrière,
Je ferai mon dernier tableau.
Ce n'est qu'en fermant la paupière
Que je lâcherai mon pinceau.
Ernest ADELINE.
SOCIETE LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 4 OCTOBRE 1878.
A Charles Vincent, président du Caveau
Te souviens-tu, mon cher ami, de ce savant
allemand qui méditait une encyclopédie sous ce
titre : DuPot-au-feu? Il la divisait en deux parties :
1° Des choses qui entrent dans la composition du
pot-au-feu; 2° Des choses qui n'y entrent pas.
Tout se trouvait compris dans ces deux catégories.
Lorsque le président, debout devant la table,
Lance à ses auditeurs un toast inévitable.
Il me rappelle ce savant, en ce sens qu'il puise
presque toujours son éloge de la chanson dans
la deuxième catégorie : Des choses qui n'y
entrent pas. Et c'est forcé : tout a été dit.
Pourtant; au dernier banquet, le verre de
Panard, le vin qui le remplit figurément, et la
chanson que le vin inspire, s'enchaînaient logi-
quement et formaient un toast heureux.
Le tour des chants a répondu à ce début de bon
augure, et je pense que tu auras applaudi ainsi
que moi, non-seulement des mains, comme ton
devoir t'y obligeait, mais aussi in petto, au débit
inimitable de Darcier ; à la grâce un peu précieuse
de Chebroux, ton collègue à la Lice ; à la vigueur
de Rubois; à la fantaisie tour à tour joviale, mo-
queuse ou philosophique de ces aimables talents
qui se nomment Poullain, Piesse, Mouton-Du-
fraisse, Ripault, Fénée, Ordonneau, Clairville.
Grange s'est tu, mais Duvelleroy a célébré en
quelques couplets pleins de cœur la distinction
dont ce chansonnier émérite vient d'être honoré.
Maintenant, laisse-moi formuler, mon cher
ami, quelques critiques que toi, président, tu ne
pourrais te permettre. Pourquoi Chebroux, qui
chante d'une voix sympathique des vers ingé-
nieusement champêtres, vient-il, dans son Vin
Finançais, nous parler, après le couplet de la
cuve, de la maturité des raisins? C'est un ren-
versement de l'ordre naturel des choses. La
Gamelle du Voisin, de Piesse, qui renferme tant
de bons couplets, finit malheureusement par le
moins bien réussi.
Rubois a remis à la mode d'aujourd'hui, en y
ajoutant une pointe de radicalisme, L Original
sans copie, de Désaugiers : Feu Monsieur Mathieu.
Mais la dernière strophe semble démentir son
sujet. De même, dans La lame et le fourreau,
Montariol, non content de nous glacer par le mot
horriblement scientifique à'aphasie, s'est mis à
prouver, sans le vouloir, dans un couplet inat-
tendu, que le fourreau use la lame. C'est le Oui
et le Non de Lagarde qui l'aura fait dérailler ainsi,
sans doute. Renvoyé aux Réflexions d'Echalié.
Je regrette, en terminant ce compte-rendu
dont tu te serais bien passé, de ne pouvoir dire
que ta chanson était la meilleure de la soirée;
mais c'est ta faute : pourquoi n'as-tu rien chanté?
EuG. IMBERT.
LA CHANSON
83
LICE CHANSONNIERE
BANQUET DU 2 OCTOBRE 1878
Les Sociétés lyriques ont, comme les tribunaux
et les collèges, leurs séances de rentrée. D'ordi-
naire elles se placent en octobre, mais cette
année, l'Exposition et le beau temps aidant,
beaucoup des convives attendus à la Lice se sont
abstenus. On n'en a pas moins réuni quarante-sept
auditeurs et chanté devant eux diverses bonnes
choses.
Après le toast de rigueur, le président Chebroux
a annoncé la réception, comme membres libres,
de MM. Brûlez et A. Patay. Ceux qui connaissent
notre ami s'étonneront peu de cette faveur bien
motivée par les nombreux services qu'il a rendus
et rend à la chanson.
La séance a commencé cette fois par les cou-
plets d'ouverture de Germain etBlondel, que je
n'avais pas encore entendus. J'avoue les trouver
peu remarquables et leur préférer l'invitation
de Chebroux, plusjeune et d'allure plus poétique.
L'acteur Maugè, retenu à son théâtre, avait
envoyé l'expression rimée d'un regret, qu'on a
favorablement écoutée. Groupons pour un applau-
dissement/fo2</e, pauvre boule, de M. Picard, Je
n'aipas toxijours étévicux, de M. Arthur Lebeau,
Les Accrocs, de M. Rubois, Rose, de M. Robinot,
Conseils aux Chansonniers, de M. Landragin, Les
Confidences dun prétendant, de M. Vatinel, Le
Mépris des richesses et Ça, de M. Jouy.
Darcier et Collignon, MM. Flachat et Jules
Raux ont obtenu tour à tour un succès musical.
On a lu, dans notre précédente livraison, les
œuvres chantées par ces deux derniers compo-
siteurs : Elle et Le Vieux Buveur de vin; inutile
donc que je m'y arrête, non plus qu'aux produc-
tions nouvelles de Darcier, dont j'aurai prochai-
nement à juger le double talent de chanteur et
de musicien.
Bien que la place me soit mesurée, j'aurais
regret cependant de ne pas signaler particuliè-
rement deux chansons, remarquables à divers
titres. L'une, signée de Hachin, expose en cou-
plets spirituels les misères d'un Parisien chez qui
tombe à l'improviste une caravane de provin-
ciaux :
Vous êt's net' parent le plus doux
Cousin, pour un mois nous v'ià cheux vous !
C'est plein de verve, d'exactitude et de gaîté.
L'autre est la Diane des chansons, sonnée par
Georges Baillet avec des notes vigoureuses et
dans un style parfait. On la trouvera dans ce
numéro.
L.-Henry LECOMTE.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Les Epicuriens (président Massé) forment
toujours la société gauloise par excellence; tous
les bons chanteurs s'y donnent rendez-vous le
lundi. Ce jour-là on ne danse pas, on a repris
scrupuleusement les vieilles et bonnes traditions ;
le dimanche, par exemple, on esquisse de joyeux
quadrilles.
La Pastorale, une nouvelle venue, donne
tous les lundis de charmantes soirées au Café
du Globe; les habitués prouvent par leur assi-
duité que le plaisir règne en maitre à chaque
réunion ; l'excellent pianiste Marcusy fait danser
avec son entrain habituel.
Le Cercle infini? n'a plus de président;
M. Hardy a donné sa démission. Néanmoins, le
lundi 14 octobre, on y donnait une grande repré-
sentation qui a parfaitement égayé les invités.
L'Harmonie du Commerce offrait, le mercredi
9 octobre, au Café Pygmalion, une soirée intime
à ses membres honoraires. On s'y est passable-
ment ennuyé, nous disent les mauvaises langues
(sous toutes réserves).
Les Enfants du Marais (président M. Chau-
mette) offraient un bénéfice, le 14 octobre, à
l'excellent chanteur Adrien Souchet, un de ses
fidèles habitués. Le grand attrait de cette soirée
était le concours de Darcier, le roi des diseurs
et l'un des meilleurs compositeurs de l'époque.
Le parfait pianiste Eug. Petit, son élève et son
admirateur, l'a parfaitement accompagné, au
dire du maître qui, d'habitude, ne prodigue pas
ses éloges. J.-B. Collignon a dit avec âme une
chanson dont il a composé la musique. M"" B..
l'étoile d'un de nos grands concerts, a récolté
selon son habitude des bravos à réveiller tous
les alentours. Bref, succès sur toute la ligne;
nous sommes heureux de le constater pour la
Société et pour le sympathique bénéficiaire.
La Fauvette jiarisiennc, le dimanche 13 octo-
bre, a donné dans les salons de la maison
Leblanc (Palais-Royal), une grande soirée ter-
minée par une tombola. Plusieurs bons artistes
des concerts de Paris sont venus prêter leur
concours ainsi que la Société chorale VOdéon.
Cette petite fête a été charmante; nous repar-
lerons de cette Société parfaitement organisée.
Les Jeunes Amis ont donné une représentation
au Théâtre de l'Athénée, le dimanche 13 octobre.
Nous n'assistions pas à cette représentation,
n'ayant pas reçu d'invitation.
L'Union Artistique, sous la présidence de
M. Paulin, donnait, le samedi 5 octobre, une
grande soirée pour célébrer la réouverture des
concerts d'hiver. Cette Société jouit d'une
grande réputation, ce qui explique l'empressé-
84
LA CHANSON
ment du public. Plusieurs présidents assistaient
à cette solennité artistique. Le programme était
très-attrayant; outre la partie lyrique, assez
forte, on a joué trois pièces dont l'interprétation
a été remarquable. Le cadre restreint du journal
nous empêche, à regret, de rendre compte en
détail de tout le programme; nous citerons au
hasard le nom des artistes qui se sont fait
applaudir : M"" Riéma et Morelli, M"" Girard,
MM. Etienne, Georges, Angèle, Trucus, Gabriel,
Raphaël, Bergalent, etc. Nous souhaitons bonne
chance à cette Société et nous l'encouragerons
toujours à cause de son but artistique.
A. LEROY.
Les Familles (Brasserie du Petit-Pont) font
toujours salle comble tous les dimanches. Il est
malheureux que les Sociétaires répondent si
mal à l'empressement du public, et obligent
leur président, M. Mazot, à aller les chercher
au billard lorsqu'il a besoin de leur concours.
Quelques-uns font exception à la règle ; citons
particulièrement M. Duclos, dont la voix se fortifie
et prend de l'ampleur, MM. Duval, Bouvet, Hutin,
Ackermann, qui a le tort de vouloir forcer sa
voix. M"" Leroux, dont le succès est complet dans
le Petit Moulin, qu'elle chante délicieusement.
Pour terminer, je donnerai un regret à Auguste
Antoine, l'accompagnateur, qui va partir pour
l'armée.
Au prochain numéro, le compte-rendu de la
Lyre de la Gai té, IS, rue Descartes, président
J. Letirand.
Victor LEBRETON.
La Lyre Joyeuse (M. Gautier, président) tient
ses séances salle Guizard, rue Grange-aux-
BelleSj 49, les samedis, dimanches et lundis.
M. Fi'appé, pianiste. On ne danse pas.
Voici le résultat du concours de poésie de
La Lyre Bienfaisante, dont nous avons publié
l'annonce. Le jury était composé de MM. Georges
Baillet, Etienne Ducret, Casse et deux Socié-
taires. Le premier prix a été remporté par
M. Jules Vernier, avec une jolie pièce intitulée
En Hiver; le deuxième par V Avenir, de M. Dé-
faussé. Une quête a été faite pour les pauvres
de Tarrondissement; une somme égale à celle
recueillie a été versée par la Société dans la
Caisse des Ecoles.
Les présidents de Sociétés lyriques sont priés
d'adresser leurs lettres d'invitations pour bals^
soirées, concerts, bénéfices, etc., aux bureaux du
journal La C/ianso», rue Bonaparte, 18.
LE CONCOIRS DE LA CHANSON
En raison de la quantité de pièces présentées
à notre double concours, la décision du jury n'a
pu être rendue à temps pour figurer dans la
présente livraison. On la trouvera dans notre
numéro daté du 16 novembre.
Nous parlerons à la même date de la solen-
nité littéraire et lyrique de La Chanson ,
subordonnée, on se le rappelle, au résultat du
concours.
NOUVELLES ET AVIS
M. Eugène Grange, l'un des trois présidents
du Caveau, vient d'être nommé officier d'Aca-
démie.
La Lice Chansonnière donnera son premier
concert annuel, le 15 décembre prochain, dans
les salons de Pierre Petit, place Cadet. Nous
publierons bientôt à ce sujet d'intéressants
détails.
La première audition du Blessé, romance patrio-
tique dédiée à M. Anatole de La Forge, et dont
les auteurs sont pour les paroles M. Edmond
Delière, et pour la musique M. Amédée Marié,
a obtenu un grand succès. M"° Amiati a interprété
avec âme et talent ce chant entré désormais au .
répertoire de l'Eldorado.
Nous recommandons aux chanteurs de Sociétés
lyriques la dernière ci-éation de M. Victorin à
l'Eldorado -.On n' tient pas cet article-là, paroles
de MM. Dorfeuil et Gédhé, musique de Strauss.
Cette chanson vient de paraître chez M. Roux-
Quantin, éditeur, rue des Petits-Carreaux, 41.
L'Eternel Roman, le charmant volume de poé-
sies de M. G. de La Salle, publié à petit nombre,
à notre librairie, fait rapidement son chemin.
Nous le recommandons à tous nos lecteurs.-
350 exemplaires sur papier du Marais, à 2 fr. 50,
100 exemp. sur papierde Hollande, à4fr.,10sur
chine, 6fr. Envoi franco contre un mandat-poste.
Sous la rubrique : Boite aux lettres, nous
répondrons désormais, dans notre journal, à
une partie des lettres qui nous sont adressées.
Tous nos abonnés recevront le septième numéro
de La Chanson; ceux qui ne voudraient pas se
réabonner sont priés de nous le renvoyer par la
poste. Toute personne qui le conservera recevra
le suivant et sera considérée comme abonnée pour
le second semestre. Nous ferons alors toucher le
montant de la souscription.
A. PATAY.
Le Direçteur-GératiL A. PATAY.
V- ANJ^HCE; — N» 8.
16 KOVEMBRE 1878.
LA CHANSON
Birecieur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LÏRIQUES
Paraissant le l*-'' tS: le 16 cle clTiaq'u.e nniois
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
■MRIS
RÉDACTEVR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 moi^ 2 f r.
Départs, (j mois 3
Etranger, 6 mois 3
SOMMAIRl'j : Galerie des Chansonniers: Pierre Dupont vi..-iiEN'aY lecomte\ — Pierre Dupont (paroles de ciiarles vixcent, musique
de BRousMiciiE). — Le Double Concours de La Oianson : Proeès-verbal du Jurf/ 'etjgène baillet). — La France (octave lebesgue}.
La France libre (edmond delière'. — Gurrrc à In ('iw.'rre .(iahuiel LîipRÉvosT'. — Examen critique des pièces présentées au
l'^'^ Concours [kvg. imbert). — Batirp/et de la Lice (7m«.soft/.iWe {l.-hknkv lecomte). — Chronique des Sociétés lynques [x. leroy,
GKonÉ, a. patayJ. — Nouvelles.
GALERIE DES CHANSONNIERS : PIERRE DUPONT
Le passé de la chan-
son contient des noms
et des œuvres dont il
est bon d'évoquer le
souvenir.
Pierre Dupont na-
quit à Lyon, le 2:5
avril 1821, d'artisans
originaires de Pro-
vins. Orpheli n à quatre
ans, il fut recueilli par
son pari'ain, curé de
Rochetaillée, qui se
chargea de son éihi-
cation. A neuf ans,
Dupont fut reçu au
collège ecclésiasti(jue
de Largentières, où
il resta jusqu'en IS.jT.
Son protecteur vou-
lait le faire entrer
dans les ordres, mais
Dupont avait des aspi-
rations différentes; il
préféra la vie labo-
rieuse au séminaire
et fut successivement,
à Lj'on, ai)prenti ca-
nut, clerc de notaire
et employé dans une
maison de banqiie.
En 1839, Dupont
vint à Paris pour embrasser la carrière des
lettres. Il avait adressé déjà, de sa province,
quelques odes légitimistes à la Gazette de Franc
et à la Quotidienne qui les avaient insérées. Ce
souvenir le servit peu.' En vain frappa-t-il à la
porte des éditeurs et des journaux; il dut, pour
vivre , accepter une
place chez un ban-
quier de la rue Char-
lot, puis dans un pen-
sionnat. Deux a]is
après, Dupont retour-
nait à Provins, tirait
au sort et amenait le
n uméro trois. Un de ses
cousins ouvrit alors,
avec le concours de
l'académicien P. Le-
brun, unesouscriptiou
destinée à racheter le
poète et à couvrir les
frais d'impression des
JJeiix Anges, son pre-
mier livre. Le succès
fut complet. Bientôt
libéré, Dupont revint
à Paris, présenta son
poème au concours de
l'Académie^ obtint le
prix et fut, en outre,
mis en possession d'un
emploi d'aide au Dic-
tionnaire.
La tâche de Dupoiit
consistait à écrire
l'histoire des mots et
à parachever leur dé-
iinition ; elle ne pou-
vait être que très-profitable à son éducation
littéraire. Bientôt fut écrite la chanson des
liœufs. Du premier coup, Dupont avait trouvé sa
voie et y ' marchait délibérément. En quelques
jours la vogue des Bœufs s'affirma: Sous ce titre
collectif^ Les ' Paysans, Dupont publia alors
86
Lk CHANSON
cinq chants rustiques : la Fête du village, le
Braconnier, les Louis d'or, la Musette neuve, le
Chien de berger, que les artistes et le public
accueillirent avec la même faveur.
Le temps était à l'étude des questions sociales.
Fils d'artisan, Dupont ne pouvait se désintéresser
de ces brûlants problêmes ; il prit parti, comme
de raison, pour les déshérités contré les exploi-
teurs. Sa première œuvre politique fut le Chant
des Otcv7'iers, satire amère et vigoureuse, dont le
retentissement fut énorme. Dès lors, Pierre
Dupont voua sa muse à toutes les revendications
comme à toutes les utopies généreuses. Il quitta,
pour assurer son indépendance, le modeste
emploi qu'il occupait au Dictionnaire de l'Aca-
démie, et chaque événement politique devint
pour lui matière à poésie. En 1847, un petit
poème : La Fin de la Pologne, parut avec son
nom, bientôt suivi d'une brochure : Sur certains
bruits de coalition, d'une satire : L'Agiotage, et
de nombreuses chansons républicaines et socia-
listes, entre lesquelles nous rappellerons : Le
Cuirassier de Waterloo, l'Emigrée de France, le
Chant des Nations, le Chant du pain, le Chant
du vote, le Chant des Paysans et les Journées de
Juin. Entre temps, le poète revenait à ses
tableaux rustiques et célébrait les inépuisables
richesses de la nature et les collaborateurs mo-
destes et précieux de l'homme des champs : Les
Sapins, Ma Vigne, les Platanes, la Mère Jeanne,
les Filets, mon Ane, la Vache blanche, le Cerf,
le Cochon, les Abeilles.
Pierre Dupont chantait lui-même, dans les
clubs et dans les cercles politiques, ses produc-
tions socialistes. Son ardeur le devait désigner
aux colères de la réaction; compromis au 2 Dé-
cembre, il resta caché pendant six mois, au bout
desquels il fut découvert, traduit devant un
conseil de guerre et condamné à sept ans d'exil
à Lambessa. Des amis obtinrent sa grâce et
Dupont, par la suite, se tint à l'écart de la
politique.
Nous voudrions, pour la mémoire du poète,
terminer là sa biographie ; nous devons cepen-
dant, pour l'exemple, tracer le récit pénible de
ses dernières années. Nous serons bref. Jus-
qu'en 1859, Dupont se rappela au souvenir des
gens de lettres et des gens du peuple par des
chants variés, dignes de sa renommée : Le
Pâturage, les Cerises, Madelaine, le Scieur de
long, le Camée, la Lyonnaise, le Chant du
Danube, le Rêve du Paysan, Schamyl, d'autres
encore, confirmeront notre dire. Soudain le
poète se tut, et si parfois son nom parvint au
public, ce fut dans de déplorables anecdotes
constatant ses habitudes d'intempérance. Qu'é-
tait-il donc arrivé ? Dupont avait perdu la com-
pagne de sa vie, et cherchait dans l'ivresse l'oubli
de ses chagrins. Qu'était devenue la noble ambi-
tion du chansonnier applaudi de faire aimer à
chacun son état, et sur quel ton eût-il pu vanter
la mâle volupté du devoir, lui qui désertait le
travail pour une oisiveté dégradante? — Il eut
la pudeur du silence.
Pierre Dupont mourut à Saint-Etienne, le
25 juillet 1870, à la veille d'événements poli-
tiques où peut-être son âme se fut retrempée. Sa
disparition n'émut qu'un petit cercle d'amis
indulgents.
Outre ses chansons, publiées à diverses époques
sous ces titres : Cahier de Chansons (1847), La
Muse populaire (1851), Chants et Chansons
(1852-1859), et les brochures dont nous avons
parlé, on doit à Dupont : nombre d'articles,
prose ou vers, insérés dans le Polichinelle, les
Amis du Peuple, la Chronique de Lyon; le texte
de la Légende du Juif-Errant illustrée par Doré
(1855); une notice sur Rabelais, mise en tête de
l'édition de Brj (1857); Jean Guêtre, éducations
agricoles (1860): Muse juvénile, études litté-
raires (1859); enfin un volume imprimé à Lyon,
en 1864, avec un certain luxe, et contenant Dix
Eglogues. — Nous n'avons pas à juger ici Pierre
Dupont comme journaliste ou poète bucolique ;
ses chansons nous intéressent surtout; elles
constituent d'ailleurs ses principaux titres litté-
raires.
La poétique de Dupont, sans modèle^ fit, à son
début, une impression profonde. Elle était ori-
ginale et virile. L'intention de l'auteur se déga-
geait clairement de son œuvre : anoblir le travail,
faire ressortir la poésie de la vie réelle ; ce but,
certes, était méritoire, et le chansonnier l'attei-
gnait en alliant l'exactitude à ses aspirations
propres. On aurait grand tort d'imputer à Dupont
les sentiments égoïstes exprimés, par exemple,
dans les refrains des Bœufs et de la Vigne; il se
réduisait, en les écrivant, au rôle de traducteur.
Ce qui ressort, au contraire, de ses chants, est'
un immense amour de la création et de la créa-
ture. Par malheur, la forme des poésies de
Dupont est rarement à la hauteur de l'idée. Le
vers, peu facile, offre en beaucoup d'endroits des
obscurités, des lourdeurs, des inversions singu-
lières ou des vulgarités regrettables. Dupont, en
somme, ne possédait ni l'élégance, ni l'esprit, ni
le coup d'aile de Beranger; il n'en reste pas
moins un chansonnier remarquable, dont les
intentions poétiques sont admii'ablement com-
plétées par les airs pleins de couleur locale qui
les accompagnent, et que l'écrivain, sans con-
naître la musique, dictait à divers compositeurs
stupéfaits et ravis.
Souhaitons qu'on reprenne bientôt, pour la
couronner par les œuvres inédites, l'édition
illustrée des Chants et Chansons de Pierre
Dupont. Cet hommage définitif est dû au chantre
peï'sonnel et fécond des joies et des douleurs
populaires.
L. -Henry LECOMTE.
LA CHANSON
87
PIERRE DUPONT
1" COUPLET. ;
Musique de Brousmiche.
Moderato.
Un a-moupeuxdes champs, ai_médela n'a - tu . re,
hantp.rPip.rreDu.pontl Met a.mis,laissez-inolch>n.<er Pierre Do .pont!
Un amoureux des champs, aimé de la nature,
Musicien, poète aux sons mélodieux.
Dont les vers ont l'attrait de la vieille sculpture.
Et charment à la fois notre cœur et nos yeux ;
Dans le vague des bois un l'cvcur qui se plonge,
Ou qui suit du regard l'eau fuyant sous le ijont,
C'est lui! Son réalisme aie charme du songe;
Mes amis, laissez-moi chanter Pierre Dupont!
Sa tête a de Jésus la douceur angélique ;
Son grand œil bleu se perd dans le rêve cherché ;
Sa lèvre est entr'ouverte, un peu mélancolique;
D'un nimbe son beau front semble être détaché.
On comprend que cet homme a l'amour de ses frères,
Qu'il fait passer son cœur dans ce regaixl profond.
Qu'il songe aux altérés quand on remplit les verres ;
Mes amis, laissez-moi chanter Pierre Dupont !
Il marche insoucieux, rimant sa caritilène.
Ou la CliansoH des Prés, ou la Fille des Champs,
Ou,traçant leurs sillons, /es Gra«(&.ff «?i«/«dansla plaine,
Car Tyrcis de Tyrtée ignore encor les chants.
Mais la muse d'airain le touche au front, de l'aile,
Le peuple, en quarante-huit, appelle ! Il lui répond;
Et ses refrains, bientôt, sont la Chanson nouvelle,
Mes amis, laissez-moi chanter Pierre Dupont !
Patriote avant tout, comme tous devraient l'être.
De sa muse, à moitié descendue au tombeau,
Sort un cri plein d'élan, car il a vu paraître
Sur les grands monts Alpins, France, ton vieux drapeau.
Ame républicaine, il pense à la patrie.
Sans regarder qui règne, et, relevant le front.
Il chante nos soldats délivrant l'Italie ;
Mes amis, laissez-moi chanter Pierre Dupont!
Mais il quitte bientôt les sanglantes conquêtes
Pour le creux des vallons, des forêts les hauteurs;
Le soleil et la nuit lui préparent ses fêtes,
De grands bois diaprés, d'odorantes senteurs.
Pour chanter la nature et ses métamorphoses,
La voix du rossignol à sa voix correspond.
Et ses derniers refrains sont les Adieux aux Roses.
Mes amis, laissez-moi chanter Pierre Dupont !
Darcier interpréta le chantre populaire,
Darcier, qui sait trouver dans l'âme du songeur
Tout ce qui peut vibrer : Espoir, Amour, Colère,
Puis le jette à l'écho, joyeux, tendre ou vengeur.
Le Pain, les Oui-riers, les Louis d'or, la Vigne,
Ou le peintre au poète, avec art, se confond,
Prouvent que leur auteur, de l'avenir est digne ;
Mes amis, laissez-moi chanter Pierre Dupont !
Charles VINCENT.
LA CHANSON"
LE DOUBLE CONCOURS DE LA CHANSON
A M. A. Patay, directew-ôditeur de La Chanson
Mon Cher Directeur,
Le jury que tous avez chargé d'examiner les
Iiièces des deux Concours poétiques ouverts par vous
dans le journal La Chanson, vient vous rendre som-
mairement compte de ses travaux.
Le premier Concours avait pour programme :
<i Un Chant qui soit la gloripcation de la France, du
Travail et de la Paix. « Le but t-êvé né nous a pas
semblé atteint.
Les auteurs se sont égarés, chacun selon sa pensée
particulière, et, partant, souvent éloignés du sujet.
Plusieurs chants ont pour objectif la glorification
essentielle du travail ; d'autres sont des imprécations
contre les rois ou la tyrannie, d'autres enfin sont
spécialement consacrés à célébrer les merveilles de
notre Exposition Universelle.
Tous ces sentiments sont très-louables et souvent
exprimés en fort bons vers; aussi, n'est-ce que pour
obéir au programme imposé que nous avons unani-
mement décidé que le prix ne pouvait être décerné.
Cependant trois pièces, sur les quatre-vingt-dix-
sept qui nous ont été soumises, nous ont paru mériter
d'être mentionnées comme ayant le plus approché
du but, dans l'ordre suivant :
La FRA^■cË,■par Octave Lebesgue,
La France libre, par Edmond Delière,
Guerre a la Guerre, par Gabriel Leprévost.
Le deuxième Concours laissait aux poètes un
champ plus vaste ; aussi le nomlire des pièces reçues
s'élevait-il à trois cent cinquante-neuf.
Je ne vous dirai pas que les chefs-d'œuvre sont
abondants; mais le jury constate avec satisfaction
qu'il y a là un grand nombre de pièces de valeur.
Ce qu'il faut reprocher le plus aux concurrents,
c'est de rester dans la poésie personnelle ; le talent
abonde, la forme est parfois irréprochable, mais les
sujets manquent généralement d'ampleur et de cadre.
Nous avons décerné les trois prix promis, et les
trois pièces que nous avons choisies :
1° Moissons, sonnet, par Francis Maratuech ,
2° Chanson d'automne, chanson, par Georges
' Nardin,
3° La Science, strophes, par Julius Gaëllo,
reflètent parfaitement la totalité des œuvres que
nous avons examinées dans les six séances consa-
crées à ce travail.
Le jury était composé de MM. Henri de Bornier,
Léon Valade. Ernest d'Hervilly, Jules Claretie,
Charles Vincent, Eugène Imbert, René Ponsard,
Ernest Chebroux et Eugène Baillet.
Il a jugé minutieusement, sans préoccupation ni
de genre, ni d'école. Sa décision satisfëra-t-elle tout
le monde? Ce serait la première fois. Mais soyez
persuadé, mon cher Directeur,- que nous avons fait
surtout œuvre de conscience.
Pour tes Membres du Jury, qui ont signé le présent
procès-verbal-rapport,
30 octobre 1878. EUG-BNE BAILLET.
Le résultat négatif de notre premier Concours nous oblii
grand regret, à supprimer ou tout au moins à ajourne
raire et lyrique que nous projetions de donner au nom de La Clu
Suivant le désir exprimé par le jury, nous publions aujourd'hui le;
S ièces remarquées au concours du Chant national. Nous le faisons;
'un examen ci'itîque des pièces présentées, par un' dss jurés,
prochain numéro contiendra les poésies couronnées au
et un rapport littéraire sur toutes les pièces examinées
A M. An'TOn
LA FRANCE
La France est la grande vaillante.
Toujours debout, toujours marchant;
Pour remplir sa tâche Isrillante,
Ici, luttant, là-bàs, prêchant.
En plein ciel son char étincelle.
Semant d'étoiles son chemin;
Quand de lumière elle ruisselle.
L'univers, ébloui l'appelle
L'avant-garde du genre humain.
Rien n'arrête sa marche altière,
Et le Progrès, partout, guide ses rangs épais,
Peuples, saluez sa bannière :
La France, c'est la Paix!
La France avait jadis un glaive ;
L'amour du vrai,' l'amour du beau.
Par qui tout peuple se relève.
Ont changé ce glaive en flambeau ;
Et, le livre en main, elle fonde
Un avenir prodigieux.
De par sa lumière féconde
Aujourd'hui, la France est au monde
Ce que le soleil est au cieux !
Rien n'arrête sa marche altière, etc.
La France, ô tâche magnifique !
Dédaignant les sanglants renoms,
Dans une lutte pacifique
Oppose l'outil aux canons.
Dans la guerre, la tyrannie
Cherche des lauriers triomphants;
Mais la France qui les renie
Pour les conquêtes du génie
Garde le sang de ses enfants !
Rien n'arrête sa marche altière, etc.
La France est la nation forte
Etant la nation du droit.
Et son souffle puissant emporte
A tout jamais le dogme étroit.
Elle entre, superbe, en l'histoire.
Belle d'amour et de fierté;
Et. pour mieux affirmer sa gloire,
A ses enfants elle fait boire
Le lait pur dé la Liberté !:
Rien n'arrête sa marche altière, etc.
La France a dit : L'heure est venue
De proclamer, dans le grand jour,
La religion inconnue,
La religion de l'amour.
Arrachant aux guerres leur proie ;
Elle ferme l'ère des pleurs.
Et, radieuse, elle déploie,
Symbole de paix et de joie,
' Son arc-en-ciel aux trois couleurs !
Rien n'arrête sa marche altière,
Et le Progrès, partout, guide ses rangs épais;
Peuples, saluez sa bannière :
La France, c'est la Paix!
_ Octave LEBESGUE
LA CHANSON
8'J
LA FRANCE LIBRE
Il s'est levé, le jour attendu par l'histoire!
Resplendissant, il s'est levé ;
Sur nos fronts qui portaient le deuil de notre gloire
L'espoir soudain s'est relevé.
La France est libre! Elle rayonne,
Sublime dans son noble orgueil ;
Sur sa tombe brisée, elle a fait sa couronne
Des fleurs qui jonchaient son cercueil.
Salut, ô France, immortelle lumière!
Travaille en paix, travaille en liberté.
Chacun de tes jours apporte sa pierre
Au temple de l'humanité !
De ces champs que naguère une horrible tourmente
Couvrit d'un voile ensanglanté.
Quel hj'mne d'allégresse, à l'aile triomphante.
S'élance dans l'immensité ?
Sur le tapis mouvant des plaines,
La faux éveille les chansons ;
Et l'été voit rentrer dans les granges trop pleines
L'or abondant de nos moissons.
Salut, ô France, immortelle lumière, etc.
Autour des lourds canons qui vomissaient la haine
Le lierre enlace l'olivier ;
La paix descend du ciel', et de sa main sereine
Pare nos fronts d'un pur laurier.
La France est lilire ! Elle travaille.
Tous les arts lui donnent la main ;
Dans son vaste cerveau tout un monde tressaille . . .
C'est l'avenir du genre liumain !
Salut, ô France, immortelle lumière, etc.
A nous, vaillants soldats des paisibles conquêtes!
Pacifiques vengeurs, à nous!
Soldats de l'industrie, atteignez tous les faites!
Tous vos triomphes seront doux.
Préparant dans ses nobles veilles
La rançon de l'adversité,
La France aux nations a promis des merveilles
Pour en doter l'humanité !
Salut, ô France, immortelle lumière, etc.
Aux sonores accents de notre renaissance
'Voyez les peuples accourir.
Jetant à tous les vents ce cri : Vive la France !
Qui retentit dans l'avenir.
En partageant avec le monde
Le fruit de ses riants labeurs,
La France fait surgir la revanche féconde
De l'abîme de nos malheurs!
Salut, ô France, immortelle lumière, etc.
Amour de la Patrie, à nos destins préside !
Remplis nos âmes de ton feu;
Sur nos chemins nouveaux que ton regard nous guide.
Etoile qui brille en tout lieu !
Tu nous rendras avec la gloire
Notre antique prospérité ;
Et nous verrons renaître, au soleil de l'histoire,
Les beaux jours de la liberté!
Salut, ô France, immortelle lumière!
Travaille en paix, travaille en liberté ;
Chacun de tes jours apporte sa pierre
Au temple de l'humanité !
Edmond DELIÈRE.
GUERRE A LA GUERRE
Debout, du couchant à l'aurore-.
Hommes de bonne volonté !
L'ère nouvelle est près d'écloro
Pour la souffrante humanité.
La Paix sainte au divin sourire
Nous appelle et nous tend les bras;
Peuples, pour fonder son empire
Votre sang ne coulera pas!
Guerre à la guerre ! plus de haine !
Frères, cessons de nous, armer ;
De la grande famille humaine
Tous les enfants doivent s'aimer!
Levez-vous, orphelins et veuves,
Doux martyrs que la guerre a faits!
O vous tous, les vivantes preuves
De ses innombrables forfaits !
Les premiers, soyez les apôtres
De la paix calmant les courroux.
Pour qu'aux jours qui suivront les nôtres
Nul n'ait à pleurer comme vous !
Guerre à la guerre, etc.
D'assez de sang, d'assez de larmes
Le sol humain fut abreuvé ;
Peuples, laissez tomber vos armes,
Et le monde sera sauvé!
C'est assez de douleurs amères.
Assez de sanglots et de deuils !
Il est temps enfiu que les mères
Ne pleurent plus sur des cercueils !
Guerre à la guerre, etc.
De la force le jour s'achève !
Voici venir ces temps meilleurs
Où les soldats au lieu du glaive
Prendront l'outil des travailleurs.
Dans les immenses hécatombes
Nos fils ne seront plus fauchés,
Et les berceaux alors des tombes
Ne seront plus si rapprochés !
Guerre à la guerre, etc.
Dans le cercle affreux des batailles,
0 peuples, cessons de tourner !
A de stériles représailles
Pourquoi toujours nous condamner?
De ce passé chargé de crimes
Chassons l'importun souvenir.
Et qu'il ne soit plus de victimes
Ni de bourreaux dans l'avenir !
Guen-e à la guerre, etc.
Debout, de l'un à l'autre pôle,
Hommes de bonne volonté ;
Chacun d'entre nous a son rôle
Dans l'œuvre de fraternité !
Dé nombreux siècles de démence
Oublions les tristes fureurs,
Et que pour les peuples commense
L'ère des fructueux labeurs !
Guerre à la guerre, etc.
90
LA CHANSON
Et toi de qui vient la lumière,
Aux peuples cherchant dans la nuit
0 France ! annonce la première
A tous que la grande aube a lui !
Et puisqu'enfin au ciel moins sombre
Brille l'astre de liberté,
Ne souffre plus qu'on fasse l'ombre
Entre nous et cette clarté !
Guerre à la guerre ! plus de haine !
Frères, cessons de nous armer;
De la grande famille humaine
Tous les enfants doivent s'aimer !
Gabriel LEPRÉVOST.
LE PREMIER CONCOURS
DE LA CHANSON
Ainsi que nos lecteurs ont pu le voir plus haut, le
concours relatif au chant national s'est terminé par un
résultat presque négatif. En effet, la pièce qui a été
classée au premier rang n'a pas paru digne d'un prix
proprement dit. Ce résultat, s'il est de nature à
surprendre le public, à combien plus forte raison ne
doit-il pas frapper désagréablement les concurrents
eux-mêmes! Il est donc nécessaire d'expliquer cet
insuccès, commun à tant d'auteurs, dont la plupart
sont loin d'être sans mérite.
Avouons-le tout d'abord : le programme proposé
constituait la première et la plus grande difficulté.
Un chant national, une Marseillaise de la paix!
Quelle carrière à parcourir, à la fois immense et
restreinte! Peut-on à volonté produire, sur com-
mande pour ainsi dire, une œuvre de cette nature
qui, plus que tout autre exige de la spontanéité ?
L'élégance, la correction, l'invention même, si l'on
veut, ne feront jamais défaut à un poète qui connaît
son art et en possède toutes les ressources. Mais
l'inspiration, sans laquelle un chant véritable ne
peut vivre, n'obéit ni aux circonstances, ni aux
désirs de l'écrivain, ni aux exigences d'un concours.
Elle est essentiellement libre, indocile et prime-
sautière.
Nous parlons d'inspiration : il ne faut pas entendre
seulement par ce mot, dans la cause qui nous occupe,
cette fougue de l'imagination qui élève l'âme et la
guide vers la sublimité de la pensée et de l'expres-
sion. L'inspiration, quand il s'agit d'un chant national,
comprend en outre un amour profond de la patrie,
une foi vive dans la durée et la grandeur de ses
destinées, un dévouement filial à toutes ces libertés
sans lesquelles un peuple peut être une aggloméra-
tion d'hommes, et comme un troupeau, mais ne sera
jamais une nation. On ne mentionne ici que pour
mémoire les qualités, moins maîtresses, mais indis-
pensables cependant à toute œuvre poétique : la
clarté, l'essence même de la langue française ;
l'image, qui fait de la poésie une peinture ; la rime,
qui en fait une musique.
Cette énumération,et elle est loin d'être complète,
des conditions auxquelles devait satisfaire, suivant
le jury, une œuvre visant au beau titre de chant
national, cette énumération, rapprochée du résultat
connu du concours, ne semble-t-elle pas donner à
entendre que ces conditions faisaient défaut dans les
productions soumises à notre examen? Une telle
conclusion serait injuste; c'est le contraire qui est
vrai. Sans doute, dans le nombre très-considérable
des morceaux à apprécier, quelques-uns manquaient
de beaucoup de qualités ; d'autres, en très-petit
nombre, étaient émaillés de fautes; mais il fautsehâter
d'ajouter que la verve, l'enthousiasme, le sentiment
national et démocratique, la forme lyrique, l'énergie
ou la grâce de l'expression, et beaucoup d'autres
marques d'un talent tantôt jeune mais plein d'avenir,
tantôt mûri et riche encore en promesses, ont tour à.
tour séduit, ému, étonné même quelquefois les
membres du iavy.
Malheureusement, ces qualités étaient dispersées.
Chaque pièce en avait une part plus ou moins grande,
mais aucune n'a paru les réunir dans une proportion
suflSsante. Aucun poète n'a su, en combinant ces
diverses qualités entre elles dans une savante unité,
en former un indissoluble et lyrique faisceau.
Là est la cause de l'insuccès général du concours
et de l'insuccès paiticulier de tant de poètes qui,
dans une autre arène, auraient pu à juste titre ambi-
tionner et obtenir des palmes glorieuses.
Quelle est, en effet, pour ne rien taire, celles des
trois pièces préférées que nous pourrions, avec certi-
tude de n'être pas désavoués, offrir au public comme
un véritable chant national ? Que le lecteur non
prévenu étudie la France, la France libre et Guerre à
la Guerre, un cliant, une ode et une hymne, et il
ratifiera ce verdict qui peut paraître sévère. Quant
aux concurrents eux-mêmes, il sei'ait injuste d'exiger
de chacun d'eux, du moins dès à présent, qu'il accepte
sans murmurer une défaite toujours inattendue.
Etant donnée une centaine de pièces, en extraire,
au moyen d'éliminations successives et, dans l'origine,
relativement faciles, en extraire, disons-nous, d'abord
cinquante, puis vingt, puis dix, et enfin trois sans
plus, c'est là un travail qui ne laisse pas d'être délicat
et rninutieux.
Les poésies envoyées au concours étaient au
nombre de quatre-vingt-dix-sept. Sept portaient la
signature de l'auteur; deux n'étaient pas inédites,
mais imprimées. L'examen des quatre-vingt-huit
restant a rempli six séances de trois heures chacune
environ, sans compter l'étude par chaque membre
en particulier des vingt pièces réservées en dernier
lieu comme leS' meilleures.
11 est une idée, disons-le en passant, qui a dû
paraître bonne à un certain nombre de concurrents,
puisqu'ils l'ont mise à exécution, et qui a paru
singulière au jury : c'a été de choisir pour la coupe
du chant national celle de la Marseillaise. Ces poètes
n'ont pas songé qu'ils adaptaient ainsi à des vers
destinés à célébrer la paix, un air essentiellement
guerrier. Nous n'essaierons pas de convaincre de
leur erreur ceux qui se sont crus obligés de suivre
cette méthode. Il y faudrait des développements que
le présent exposé ne comporte pas, d'ailleurs, cette
remarque n'a influé eu rien sur la décision du jury,
et reste, malgré sa valeur, purement platonique.
La République c'est la paix, la Sepitembrale, Fax,
la Française, Glorifions la France, Hymne national,
le Chant de ta paix, la Fraternelle, le Chant national
de la France, le Bardit du XIX" siècle : tels sont les
titres de poésies qui ont longtemps tenu le jury en
suspens, tant elles présentaient de mérites divers,
mais presque égaux. Il en faut dire autant du Chant
de paix, qui malheureusement n'est pas tout à fait
LA CHANSON
91
un chant, et de la Marseillaise de la paix, pièce
remarquable que dépare, et nous l'avons regretté,
cette image au moins étrange :
Français, apposons notre sceau
Sur lé grand phare qui s'allume.
L'auteur de la Septembrale, en réclamant l'affran-
chissement des femmes par l'éducation, a cru devoir
mêler à ce vœu celui d'une amnistie : cette idée
était- elle à sa place dans un chant qui doit revêtir
et conserver un caractère général et durable?
Le Chant national renferme, à la septième strophe,
les vers suivants :
La Républifjue régnera
Bientôt sur l'univers entier.
A ses rayons reverdira
L'antique rameau d'olivier.
L'astre revient au firmament...
Le poète a remplacé l'accent mâle qu'on pouvait
attendre de lui par une surabondance de rimes
masculines. Il n'y a pas compensation.
Dans Patria, nous trouvons un cri qui jaillit des
lumières de la paix.
Les Conquêtes du travail, pièce bien rimée, très-
énergique de mouvement et de ton, n'est pas un
chant national, mais un chant purement démocratique
et militant. Nous y avons rencontré avec surprise
ces deux vers, dont le premier rime avec rampe :
Dans les sillons la verte pampe
Cache l'épi qui va jaunir.
Il serait plus long que généreux, et aussi fastidieux
qu'inutile, de relever toutes les imperfections de
détail, tous les lapsus, toutes les fautes quelquefois
grossières que renferment quelques-unes dos pièces
classées parmi les moins bonnes. Néanmoins, il est
possible, en signalant certaines de ces taches, que
nous rendions service aux auteurs qui, soit par
inadvertance, soit par erreur, les ont laissées dans
leurs vers.
Ici, un poète nous peint :
La Paix, cette belle déesse
Qui nous charme par ses aveux.
C'est du Dorât tout pur. Ailleurs, une strophe
commence ainsi :
De l'épée ardemment tueuse...
Dans la Paix, votes rime avec cohortes. Tel autre
rime trop bien :
De l'Atlantique au Pacifique,
Anglais, Germains, Chinois, Hindous,
Venez au banquet paoifiijue.
Ailleurs, on nous représente la France comme une
femme dont les regards s'enfuient de toutes parts,
c'est la première fois qu'on a vu la France loucher.
Quelques concurrents n'ont pas craint d'affronter
la lutte sans se douter des plus simples règles de la
prosodie. Qui sait si l'auteur de la strophe suivante
ne se plaindra pas d'être relégué au dernier rang?
Sans violence, mais avec un flambeau à la main,
Revendiquons tous nos droit sacrés.
Luttons contre les erreurs du destin,
Au nom du droit et de l'égalité.
Un autre, au risque de passer pour un novateur
effréné, hasarde cette terrifiante révélation :
L'union d'un peuple digne et sage
Crée le bonheur et rend heureux.
On s'en doutait peut-être, mais on n'avait pas
encore osé le dire. Le comique n'a pas manqué de
jeter sa note railleuse dans ce concert un peu trop
grave :
Les impôts sont mesquins, se dit le potentat.
Faut améliorer un si fâcheux état.
Vide est mon coffre-fort; cela ne me va guère.
Passage qui serait bien mieux à sa place dans une
médiocre satire que dans un bon chant national.
Il serait facile de citer, en regard des imperfections
que nous venons de rappeler, des vers, des chutes
de couplets, des strophes entières, remarquables à
plus d'un titre. Mais ce compte rendu excéderait les
limites dans lesquelles il doit se renfermer. S'il est
donné suite au projet qu'un d'entre nous a suggéré
au directeur de ce journal, le public pourra à son
tour juger sur pièces ; et la comparaison qu'il
ne manquera pas d'établir entre les œuvres soumises
au jury et les observations dont elle viennent d'être
l'objet, sera, nous n'en doutons pas, la pleine confir-
mation de l'exposé qui précède (*).
Répétons-le en terminant, ces incorrections, ces
vices de forme et de fond, ne se rencontrent, tout
nombreux qu'ils sont, que dans de rares pièces.
L'ensemble du concours fait au contraire ressortir
de réels et remarquables mérites; et tel chant, que
le classement a relégué peut-être au vingtième rang,
permet néanmoins, par la valeur intrinsèque qu'il
présente, de concevoir pour l'avenir de la poésie
Ij'rique française de légitimes espérances.
Rappeler ici les noms des membres du jury, citer
MM. Baillet. de Bornier, Chebroux, Claretie, d'Her-
villy, Ponsard, Valade, Ch. Vincent, et même le signa-
taire de cet article, c'est constater que la poésie
dramatique et lyrique, le journalisme, l'histoire, la
critique et la chnnson avaient dans ce comité des
représentants dont les concurrents môme malheureux
ne pourront récuser la capacité et dont tous avaient
d'ailleurs accepté d'avance le jugement. Le plus mo-
deste des membres de ce tribunal littéraire espère
qu'on ne lui saura pas trop mauvais gré d'avoiraccepté
la tâche ingrate de rendre compte, en les motivant, des
décisions, sévères peut-être, mais impartiales, que
notre conscience nous a dictées.
EuG. IMBERT.
LICE CHANSONNIERE
BANQUET DU 6 NOVEMBRE 1878
Assistance nombreuse et gâ,ie, abondance de pro-
ductions réussies, telle est, en quelques mots, la
physionomie du dernier banquet de la Lice.
Chebroux en est à son toast vingt-unième; on ne
s'en douterait guère à voir la facilité avec laquelle
il esquive les périls du sujet. Amant bien épris, il
découvre chaque jour dans la chanson, sa maîtresse,
un attrait inconnu et la célèbre avec des transports
nouveaux.
Je n'étais pas seul, paraît-il, à trouver suranné le
chant d'ouverture de Germain et Blondel; le bureau
de la Lice a mis dernièrement au concours une invo-
(•) Ce projet consisterait dans l'insertion au journal La Chanson^
en nn ou plusieurs suppléments, des poésies dont les auteurs deman-
deraient cette insertion et consentiraient à en faire les frais.
i)2-
LA CHANSON
cation, moderne. C'estM.Robinot qui â remporté la
palme, et ses couplets ont été dits, pour la première
fois l'autre jour, par le président. La poésie en est
peut-être un peu molle et la musique de CoUignon
ne m'a point paru bien chantante ; mais les inté-
ressés se sont déclarés satisfaits du poète et du
compositeur : c'est là l'important.
M. Alfred Leconte n'a pas dû rimer sur son pupitre
de député la chanson qu'il nous offre avec ce titre :
le Repassage; est-ce tant mieux? — M. Robinot
vante, dans de frais couplets, le rire éclatant de la
Piquette ; M. FlacUat prouve spirituellement que les
Absents ont toujours fort, à quoi M. Picard réplique :
Qui vivra verra ; — Ça d'mande (T la réflexion, conclut
M. Echalié, avec non moins de bonheur que ses cama-
rades.
Une chanson très-bonne, comme fond et comme
iorme, c'est .rOrifjinal, de M. Rubois. MM. Nazim,
Le BouUenger, Adeline, Cahen et de Gonet ont ému
ou fait rire avec des productions bien différentes :
l'Acrobate, la Poupée de la grand'mère. le Mot de
Cambronne, D'puis qu ma femme y met la main, le
Puits sans vin. — M. Anatole Lionnet décrit, à son
tour, une de ces enivrantes Promenades d'amoureux
que les poètes racontent si bien sans les avoir jamais
faites ; peu d'éclat, mais une grande habileté d'exé-
cution. — Georges Baillet, enfin, énumère en vers
originaux tous les plaisirs qu'il s'offrirait s'il gagnait
Le Gros Lot de la Loterie Nationale.
Je dois noter comme caractéristique la volonté que
manifeste nombre de chansonniers d'écrire désor-
mais eux-mêmes la musique de leurs couplets. Ainsi
ont fait M. Hachin, pour Un Cousin de dieux nous ;
M. Jules Raux, pour son invocation 0 vous qui faites
l'endormie; Georges Baillet, pour Marquise et Blan-
chisseuse; M. Echalié, pour le Baiser d'Odette, de son
confrère Adeline. Rien de plus naturel que ce cumul
qui seul peut donner à une œuvre chantante l'unité
voulue. La plupart des musiques nouvelles ont été
justement applaudies; M. Echalié surtout a obtenu
un double succès de chanteur et de compositeur
que je contresigne des deux mains.
Jules Jeannin m'en voudrait peut-être si j'oubliais
la chanson qui a clos le banquet : Va rien ff perdu.
Elle est fantasque, imprévue, — très-drôle.
L. -Henry LECOMTE
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Renaissance, dimanche 3 novembre. La partie
lyrique, peu importante, de cette soirée, nous a
cependant très-agréablement surpris. M"" Lévy
possède une voix large et sj'mpathique, elle a des
perles dans le gosier et les a surtout prodiguées
dans le grand air des Dragons de Viltars. M. Albert
P., dont la réputation n'est plus à faire, a parfai-
tement chanté, de concert avec M™" Sirode (pianiste
de :1a Renaissance) le duo de La Favorite. MM. Marc
et Caraby ont été très-drôles, oh mais, très-drôles
dans la Fanfare de Bolbec, et puis., et puis nous
passons à la partie théâtrale.
Martial, la comédie de M. Dardignac, sociétaire,
a été jouée aussi bien qu'il était possible de l'espérer
avec les éléments artistiques que peut fournir une
société lyrique. Soyons indulgent et reconnaissons
qu'il y avait de grandes difficultés à faire mouvoir
sept ou huit personnages dans un espace de trois
mètres carrés ; mais -aussi pourquoi •diable tant de
personnages ? J'en appelle à l'auteur lui-même, était-
ce bien nécessaire? — ^ Il y a dans cette comédie,
que j'appellerai simplement dialogue en vers, quelques
bonnes idées, mais pas de pièce ; on sent que l'auteur
s'est arrêté juste au moment ou l'action allait com-
mencer; le rideau baissé, chacun s'est demandé
pourquoi il n'était pas tombé cinq minutes plus tôt ou
plus tard. 11 y a cependant des tirades à effets, qui
eussent certainement porté dans un cadre plus large.
Quant à l'interprétation, j'ai dit plus haut ce que
j'enpensais. MM. Moreaux se sont tirés de leur double
bataille Cavalerie et Infanterie à leur honneur ; battus
sur la scène, la victoire n'en n'est pas moins restée
aux deux combattants, le public ayant applaudi leurs
efforts. — I^e Piano deBerthe a terminé cette soirée,
M™"" Sondre et Normand et M. Lefèvre, un débutant,
en ont été les interprètes; les bravos étaient
unanimes. A. LEROY.
L'Union artistique, s'inspirant de l'idée émise par le
journal La Chanson, donnera, le samedi? décembre,
une soirée extraordinaire, dont le produit sera versé
à la souscription projetée pour la Statue deBéranger.
On ne chantera que des œuvres du grand chan-
sonnier national. Ce sera une soirée des plus intéres-
santes, dont nous rendrons compte. Nous félicitons et
remercions M. Paulin, le président de cette intelli-
gente société, pour sa bonne inspiration.
Nous tenons de bonne source que beaucoup d'autres
Sociétés préparent, dans le même but, des soirées
exceptionnelles.
Nous recommandons particulièrement un excellent
pianiste-compositeur, M. Pontel(rue S'-Antoine 172),
qui désire mettre son talent au service des Sociétés
lyriques. GÉDHÉ.
Sous le nom de Société dramatique de i^écréation
existe, depuis onze ans, avenue Bosquet, 31, une
réunion d'artistes amateurs qui, tous les dimanches,
offrent à leurs visiteurs pièces de théâtre et inter-
mèdes. Nous avons assisté à la représentation du
3 novembre. M. Sel, excellent comique de genre,
chantait cette fois une romance : Nous n'avons plus
vingt ans, paroles de M. Edouard Gressin, musique
de M. Léon Karren. Œuvre et interprète méritent
nos éloges. M. Pochet a dit avec entrain la chanson
J'ose pas vous l'offrir. Enfin, la Saint-François,
comédie de M°" Amélie Péronnet, a été jouée
avec un ensemble rare chez des amateurs. Nous
avons applaudi M"° Marie G. dans le rôle de la mère,
M"° Tangre dans un personnage gai de vieille domes-
tique, et surtout M"° Gabrielle, une ingénue que
serait heureux de posséder plus d'un grand théâtre.
Salle très convenable, boiis artistes, voilà qui
motive suffisamment l'assiduité du public.
La Société lyrique des Familles (président Badou)
donnera, le samedi 23 novembre, à l'occasion de
la Sainte-Cécile, son bal annuel, salle Rivoli, rue
S'-Antoine, 104. Les soirées de cette Société ont lieu
tous les Dimanches,- boulevard du Temple, 44.
Le banquet du Caveaii, coïncidant avec la Toussaint, a
été remis au lundi 11 novembre.
Mme Bordas, engagée simplement pour la durée de l'Expo-
sition, a q^uitté le Concert Parisien le 31 octobre. Sa dernière
représentation a été un triomphe continuel;' les fleurs jon-
chaient littéralement la scène. La retraite de la célèbre chan-.
teuse populaire ne saurait être définitive.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
1" ANNEE. — N» 9.
1" DECEMBRE 1878.
LA C
Revue Bi -Mensuelle
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Para.issa.nt le l'^"' à: le i 6 d.e diaqiae mois
Secrétaire de la Rédaction;
V. DEMEURE
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉD.\.CTEUR EN ChEF
L. -HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois 2 fr. ba
Départ», G mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 50
S0MMAIR]3 : Galerie des Chansonniers : Joseph Darder (l.-iienry lecomte\ — Faites des enfants (paroles de henry rubois,
musique inédite de darcier). — Pièees couronnées au Concours libre de La Chanson : Moissons (Francis maratuech;. —
Chanson d'automne (georges n,uidin). — La Science (julius g.vello). — Examen critique des pièces présentées au Concours
liljre (EUO. imbert). — Banquet du Caveau (eug. lmueut;. — Chronique des Sociétés lyriques (a. leroy, a. patay]. —
Avis divers.
GALERIE DES CHANSONNIERS : JOSEPH DARCIER
Interprète original
et compositeur fécond,
Darcier a double droit
de figurer dans notre
galerie chansonnière.
Joseph Lemaire, dit
Dai'cier, est né à Pa-
ris, en 1819. On le
vit d'abord^ vers 1842,
tenir, sur les théâtres
de banlieue dirigés
par les frères Soveste,
l'emploi des premiers
rôles de drame. Il
jouait volontiers les
créationsde Frederick
Lemaitre, et se fai-
sait applaudir surtout
dans la Dame de Saint-
Tropez et dans Latude.
Lemaire, cependant,
n'avait point de voca-
tion théâtrale décidée ;
la carrière lyrique lui
souriait davantage, et
les précieuses leçons
de chant et d'harmo-
nie que lui donnait
Delsarte ne pouvaient
que le confirmer dans
son désir, en dévelop-
pant ses aptitudes mu-
sicales. Si bien que, la troupe nomade des Seveste
s'étant dispersée, Joseph (devenu Darcier après
l'éclatant succès remporté sous ce nom, à l'Opéra-
Comique, par sa sœur aînée), Joseph, disons-
nous, abandonna sans regret les lauriers mélo-
dramatiques.
La première musi-
que de Darcier fut
écrite sur une chanson
d'Eugène Imbert, Le
Preneur du roi, édi-
tée chez Flaxland ,
en 1846. Bientôt sui-
virent : Larmes d'a-
mour, Après la Ba-
taille, Les Gabiers,
Aux armes! — Tout
en s'essayant à la
composition, Darcier
tenait le piano dans
diverses goguettes ,
celles du Capucin et
de la rue Neuve-St-
Jean , entre autres.
Joints à quelques le-
çons particulières, ces
travaux obscurs le fai-
saient vivre. Le mot
n'est guère exact si
l'on se rapporte aux
souvenirs d'amis qui
prétendent que Dar-
cier, sans gîte, cou-
chait alors au hasard
d'hospitalités frater-
nelles, et dissimulait,
sous un ample man-
teau, les lacunes nom-
breuses de sa garde-robe. Puérilités, après tout :
au dur contact de la misère, inhérente à la vie
de bohème, l'artiste se virilise. En 1848, les
élèves manquèrent à Darcier; il entra alors,
comme chanteur, dans un petit café du faubourg
Saint-Martin. Là, un acteur qui doublait Lafont
94
LA CHANSON
aux Variétés — Romand, — l'entendit, se prit
d'enthousiasme et fonda, pour présenter Darcier
au public sérieux, un Estaminet lyrigue, à l'entrée
•du passage Jouffroy. Située au premier étage,
la salle du nouveau , concert, précédemment
•occupée par un club, était étroite, longue et
pourvue d'une scène. Dès les premiers soirs, le
succès de Darcier fut immense. Les chansons de
Dupont^ d'abord, défrayèrent le programme :
les Louis d'or, le Pain, la Vigjie, produisaient,
grâce à l'interprète, un effet irrésistible; puis
Darcier varia son répertoire avec les refrains
uouveaux de Gustave Mathieu, de Nadaud et de
Vincent. Sans dédain pour les œuvres légères,
il ne craignait pas de chanter, après Déjazet,
le Postillon, deBérat, et /« Tirelire à Jacqicot, de
Clapisson, après Géraldy; ces audaces étaient
justifiées par les bravos du tout Paris qu'il faisait,
en outre, juge de sa valeur créatrice en lui sou-
mettant ses musiques écrites sur le Bohémien de
Matliieu, sur Mam'selle Marie de Boudin, et
vingt autres compositions qu'on s'accordait à
trouver remarquables.
La vogue de Darcier dura deux années, accrue
encore par l'ouverture des concerts populaires
de La Fraternité , à la salle Martel. De son fait,
Jean Raisin y naquit pour vivre jusqu'aux der-
niers jours de la chanson française. L'artiste se
partageait, sans fatigue et avec des chances
égales, entre La Fraternité ei V Estaminet lyrique.
Le théâtre des Variétés, proche voisin de ce
dernier concert, finit par s'émouvoir d'une con-
currence redoutable ; il engagea Darcier, mais
pour le soumettre au débilitant régime de la
romance : ainsi compris, le traité n'eut et ne
pouvait avoir qu'une courte durée. Affranchi,
Darcier composa les airs superbes des chansons
de Charles Gille, entreprit une excursion en
Belgique, et chanta successivement à Lyon, à
Marseille, au Havre et dans quelques autres
villes; la province et l'étranger ratifièrent les
favorables jugements de Paris, où l'artiste revint
pour faire d'heureuses campagnes au Café de
France et à celui de la Géante. Puis, Offenbach
l'admit dans la troupe des Bouffes-Parisiens qu'il
formait. Le soir même de l'ouverture du nouveau
théâtre, Darcier débutait, en compagnie de Ber-
thelier, dans une saynette d'Edouard Plouvier
et Offenbach, la Nuit blanche (5 juillet 1855). Ce
fut un succès, bien dépassé par celui du Violoneux
de Mestepès, Chevalet et Offenbach, qu'on donna
le 31 août suivant : Darcier y joua la scène du
violon brisé avec un pathétique saisissant. Mais si
le chanteur trouvait aux Bouffes l'occasion de
ti'iomphes, le compositeur moins heureux ne pou-
vait songer à se produire en concurrence avec un
directeur égoïste; Darcier, bien édifié, rompitpour
entrer au Casino du Palais-Royal. Deux ans plus
tard, le 25 avril 1857, il obtenait au théâtre
Beaumarchais, dans l'Enfant du tour de France,
drame de Charles Vincent et Lermite, le plus
■retentissant et le plus légitime des succès.
On nous a conté, sur cette création impor-
tante, une anecdote curieuse. Le matin même de
la représentation, Mélingue, l'encontrant sur le
boulevard Vincent et Darcier, dit à ce dernier
en lui serrant la main : « Tu pourras te vanter
d'avoir un beau public ce soir; nous serons tous
là pour t'apprécier en artistes. » — Darcier
remercia d'une voix inintelligible. — « Ah ! mon
Dieu, fit Mélingue, tu es enroué? Il faut qu'on
ajourne la première... » — « Non, répondit
Darcier, les auteurs, grâce à la censure, n'ont
déjà que trop attendu; mais rassure-toi : il y a
deux voix, la voix qui parle et la voix qui chante;
celle qui parle est perdue, mais celle qui chante
ira bien. « — Effectivement, le soir, Darcier
chanta superbement; mais, au premier bis
demandé par la salle, Mélingue, se levant d'un,
fauteuil d'orchestre, s'écria : « Non, mes amis,
ne fatiguons pas ce grand artiste. « — Le public
comprit et, malgré son état de souffrance, Darcier
put, d'un bout à l'autre de sOn rôle, étonner par
sa voix et son jeu. L'Enfant du tour de France
est resté l'œuvre musicale la plus considérable
de Darcier. Meyerbeer , bon juge , disait :
« M. Darcier a dépensé là la monnaie d'un
opéra. » De cet ouvrage superbe deux chansons
surtout subsistent : la Ronde des Cordonniers et
la Vieille Chanson Française que l'artiste dit
parfois encore avec une incontestable autorité.
Le 21 novembre de la même année, dans les
Poètes de la treille, chanson en trois époques de
MM. de Jallais, B'ian et Pichat, Darcier conso-
lidait, aux Délassements-Comiques, par une
belle création, sa double renommée.
Le théâtre, d'ailleurs, a toujours été pour
Darcier source de réussites. Soit qu'on l'aie
chargé de rôles importants, comme dans les
Doublons de ma ceinture, d'Alfred Albert (Folies-
Nouvelles, 10 mai 1858) et dans l'Enfant de
trente-six mères, de Guénée et Jaime (Déjazet,
20 novembre 1868) ; soit qu'on lui ait simplement
demandé de compléter, par quelques couplets,
une situation plus ou moins intéressante,
comme dans le Bataillon de la Moselle (Cirque,
28 juin 1860) et dans Mil huit cent soixante-sept
(Porte Saint-Martin, 30 décembre 1867), le
public parisien l'a constamment accueilli avec
une faveur marquée.
On n'attend pas de nous le récit complet de
la vie artistique de Darcier, vie nomade, curieuse
sans doute, mais diflScile à retracer sans mono-
tonie. Il n'est pas une grande ville de France et
de l'étranger où ne se soit fait applaudir l'original
chanteur-musicien ; il n'est pas un concert de Paris
où Darcier ne compte au moins une campagne
lyrique. Barthélémy, l'Alcazar, l'Eldorado, la
Tertulia, Boléro-Star l'ont tour à tour possédé,
pour le présenter toujours égal à lui-même.
Les productions d'e Darcier sont innombrables :
« C'est, disait de lui Delsarte, la plus riche
organisation musicale que je connaisse. » —
Rappelons ses œuvres principales, composées à
LA CH.\I^SON
95
diverses époques, surun mode tantôt sévère, tantôt
plaisant, toujours savant et poétique. Il a fait :
Avec Edouai'd Plouvier : le Livre du bon Dieu,
album de dix chansons adorables^ parmi lesquelles
l'Ami Soleil, le Chevalier Printemps ; ^m^ Mon
Cousin Pierre et Toinette ;
Avec J.-B. Clément, plus tard membre de la
Commune : les Murgerettes, album de quinze
productions; les Follets, autre album ; Quand nos
hommes sont au cabaret, les Cerises de Jeannette,
Je n'en ai pas le courage, Fournaise, Quatre-
vingt-neuf; enfin les Chants du Préau, demeurés
inédits ;
Avec Nadaud : les Amants d'Adèle, Chauvin,
Chut! les Deux, les Gros mots, la Kermesse, les
Ecus font des enfants, Est-ce tout? le Souper de
Manon, l'Aimable voleur et dix autres;
Avec Desforges de Vassens : l'Ane, Dom
Gobelet, la Hache, Maître Gringoire, Marguerite,
0 ma Beauté! Par-dessus la haie, le Périgourdin,
les Pommiers, Sais-tu la chanson?
Avec Ch. Gille : le Bataillon d'Afrique, le
Bataillon de la Moselle, les Bleus, les Chauffeurs,
la Cloche fêlée, Marche de la 25'"% la SB"" Demi-
Brigade ;
Avec Barrillot : le Bonhomme Carnaval, le
Bonhomme Chopine, la Citerne, Jeanne et Jean-
Pierre, Minette;
Avec Bouvier : La blonde Suzon, la Canaille,
Ce bon Nicolas, Fadette, Je pleure mon bonheur
perdu, la Lanterne magique. Mon p'tit ?ievcu,
Osez Lucas, les Péchés de Suzon, le Peupjlier, le
Vieux passeur, Versez-moi du vin bleu;
Avec Gustave Mathieu : k Bohémien, Cendc-
rinette, Jean Baisin, les Matelots, la Vendange;
Avec Charles Vincent : leBéveildc la chanson,
album de six poésies; puis l'Aragonaise,le Chant
du Proscrit, Aimer, la Délivrance , Garihaldi, les
Amours de Jean-Pierre, ISIanon et Nanette, l'In-
vasion, la Chanson française, les Fils du Soleil,
les Vins de l' espérance ;
Avec Th. de Banville : la Chanson du poète,
la Sainte-Bohême ;
Avec Murger : les Emigrants, Marguerite ;
kyi&Q, Bérat ; Anne Margot;
Avec Mahiet de la Chesneraye : le Chanvre, le
Chemin des amoureux. Mon Clocher;
Avec Festeau : Pour les pauvres, le Bonhomme
Dimanche;
Avec Elisa Fleury : Marceline;
Avec Letellier : les Femmes, c'est des trom-
peuses, le Chemin du Moulin.
Quoi citer encore : le Beait Nicolas, Faut du
courage. Si ça m' plaît d' partager mon bien.
Mon âme et Dieu, le Chagrin de ma voisine ?. . .
Mille compositions plus ou moins heureuses s'y
ajoutent, sur des paroles de Bernard Lopez, de
Hachin, de Châtillon, de Golmance, de Baillet,
d'Eug. Imbert, de Deulin, de Rubois, de Sauvage^
de Vilmay, de Lorin, de Ponsard, de Bauby, de
Drappier, de Burani, de tous ceux enfin dont
l'histoire chansonnière conservera les noms.
Au théâtre, indépendamment des pièces dans-
lesquelles il figurait, Darcier a fourni la musiqne
des œuvres suivantes : le Serru?-ier, de Dufour ;.
le Dragon des Hespérides, de De Jallais et Flan ;
Fleicr d'amour, de Bauby ; Pornic, de Deulin -jAhl
le divorce, àe Couailhac et Renard; les Amours
de la Chanson, de Bouvier ; Pendant le siège,
de Bernard Lopez ; ^ et il tient en porte-
feuille deux opérettes terminées : Jacqueline, le
Marégeur, et un opéra-comique en trois actes,
la Nuit aux baisers, que donneront les Folies-
Dramatiques.
Voilà certes une œuvre imposante et que
pouvait seul mener à bien un talent sans cesse
accru par le travail et l'étude. Darcier passe tous
les jours quatre heures à son piano, et l'étendue
de ses connaissances musicales fait depuis long-
temps de lui le plus précieux des professeurs.
N'a-t-il pas enseigné sa sœur, Michot de l'Opéra?
et Tliérésa n'est-elle pas redevable à ses conseils
d'être une chanteuse sérieuse?
Darcier chanteur n'a point de rival. Sans exa-
gération de pantomine, simplement, il produit sur
tous des effets considérables. Un mot, un geste,
une intonation vraie lui soumettent un auditoire.
Respectueux toujours et partout du public et de
l'œuvre qu'il interprète, il a, certain soir, châtié un
partenaire inattentif de cette apostrophe fou-
droyante : « Gredin, tu viens de me voler un
quart de soupir! » — Mais Darcier ne chante
plus guère que dans les banquets ou dans quelques .
représentations à bénéfice, et c'est grand dom-
mage pour lesapprentisen l'art de dire qui gagne-
raient tant à l'entendre rappeler les succèspassés,
ou présenter lui-même ces inspirations récentes,
fines et charmantes comme leurs aînées : La
Tour Saint-Jacques, Victor, le Vin français, le
Verre de Rabelais, et Faites des enfants ! publié
plus loin pour la première fois.
Que dirons-nous de l'homme? Il eut jadis des
velléités excentriques. Partout où séjournait
Darcier, les entrepreneurs d'arèijes populaires
n'eussent alors osé afficher leurs défis retentis-
sants; l'artiste, fier de sa force physique, était
dispos toujours pour entrer en lice et tomber
dans les règles « les invincibles. » Le temps a
l'aison de toutes les fougues; Darcier se contente
aujourd'hui d'être un compositeur admirable,
un professeur irrésistible, un diseur exquis. L'in-
telligence et la bonté rayonnent dans son large
regard où l'on a voulu surprendre de la rancune,
où nous ne lisons, nous, qu'une mélancolie bien
motivée par l'injustice du sort. Car — nous
terminerons par cette constatation brutale et
triste — en dépit de sa haute valeur, reconnue
par les princes de l'art et de la critique, Darcier
n'a jamais occupé de position bien lucrative, et
c'est un vif chagrin pour les poètes de voir, au
seuil de la vieillesse, cette grande physionomie
de la vraie chanson lutter encore avec les diffi-
cultés de la vie.
L.-Henry LECOMTE.
96
LA CHANSON
FAITES DES ENFANTS
musique iiiédîte de J. DARCIER
^ij II H- ^ ^^^s^^
Vons qDi,par vos gràuces ex.qui _ e
_si& - &ee
De Te- di_ fi_ ce so
les temps troa.bles oo ooas som^œes. Mes
Voi_ci le prio-temps Fai-îes des cq _ fâato
Vous qui, par vos grâces exquises,
Gouvernez le monde ... au total,
0 femmes, premières assises
De l'édifice social.
Par les temps troublés où nous sommes,
Mes belles croqueuses de pommes :
Faites des enfants ! . . .
On a besoin d'hommes !
Voici le printemps . . .
Faites des enfants !
Arthémises, qu'un long veuvage
Met sur les dents ... il ne faut plus
Bouder cet enivrant breuvage
Que l'amour verse à ses élus
Sur le duvet ou sur la mousse.
Aimez! ... si le cœur vous y pousse
Faites des enfants ! . . .
(La besogne est douce)
Voici le printemps . . .
Faites des enfants !
Sous le béguin, l'habit de bure.
Vierges qui sans cesse priez. . .
Obéissez à la nature
Qui dit : Croissez ! . . . multipliez ! . .
Pour l'aimer, chanter ses louanges,
Le bon Dieu n'a-t-il pas ses anges?
Faites des enfants!
Brodez-leur des langes ;
Voici le printemps . . .
Faites des enfants !
Patriciennes amoureuses
Qui, sur l'avis des médecins,
A des nourrices plantureuses
Confiez vos petits poussins,
(Doux fruits de vos amours intimes)
Qu'ils soient bâtards ou légitimes :
Faites des enfants
Aux cœurs magnanimes !
Voici le printemps . . .
Faites des enfants !
Villageoises aux gorges rondes,
Au teint bronzé par le soleil,
Filles du peuple, si fécondes.
Par votre sang chaud et vermeil.
Pour qu'un jour le monde soit libre
Rétablissez donc l'équilibre :
Faites des enfants
Du plus fort calibre !
Voici le printemps. . .
Faites des enfants !
Matrones et gentes pucelles.
Donnez, chacune à votre tour,
Vous, les dernières étincelles.
Vous, les prémices de l'amour.
Puisque l'homme, aux instincts cupides,
S'épuise en luttes fratricides :
Faites des enfants
Pour combler les vides !
Voici le printemps . . .
Faites des enfants !
Henry RUBOIS.
LA CHANSON
97
CONCOURS LIBRE DE LA CHANSON
MOISSONS
Sonnet
Tout tombe maintenant au tranchant de la faux,
L'or pâle des blés mûrs, l'herbe de nos prairies,
Et le temps, ce faneur, emporte les lambeaux
De nos espoirs déçus et de nos rêveries.
Des guérêts diaprés, des songes les plus beaux,
Il ne reste bientôt que quelques fleurs flétries;
Ce qui ne fane pas, c'est l'herbe des tombeaux,
Car les sources des pleurs ne sont jamais taries!
Mais nous, de jour en jour, de saisons en saisons.
Nous allons, regrettant les anciennes moissons,
Malgré lesfruits nouveaux, malgré lesfleurs nouvelles;
Pour rendre à tout jamais les jours heureux captifs.
Ou bien pour rattraper tant d'amours fugitifs
Il faudrait tour à tour des chaînes ou des ailes !
Francis MARATUECH.
CHANSON D'AUTOMNE
Au-dessus des coteaux voisins,
La Vendange, aimable bacchante,
Rit de sa bouche provoquante.
Le front couronné de raisins;
Et pressant la grappe sanglante
Dans une coupe étincelante,
En chancelant sur ses genoux.
D'une voix sonore elle entonne
Un chant pour célébrer l'automne.
Ivre de joie et de vin doux!
Je veux boire la sainte ivresse
Dans ce vieux vin plein de soleil,
Semblable au sourire vermeil
Sur la lèvre de ma maîtresse.
Maintenant je songe à l'été,
A nos amours folles et belles,
Quand nous allions dans les brimbelles.
Pleins de jeunesse et de gaîté.
Qu'elle était charmante, ma mie!
Dans les monts la source endormie,
Les églantiers, le hêtre ancien,
Les papillons blancs, les abeiUes,
Les fleurs aux corolles vermeilles.
Et les oiseaux le savent bien !
Je veux boire la sainte ivresse, etc,
J'aima,is son regard étoile,
Son babil de perruche verte. . .
— Son cœur sans doute est cage ouverte ;
L'oiseau d'amour s'est envolé.
A ce jour, la belle m'oublie ;
Comme une autre, cette folie
S'en est allée avec l'autan !
Cil sont donc ses jolis mensonges,
Ses baisers de feu, nos doux songes?
— Mais où, sont les amours d'antan?
Je veux boire la sainte ivresse, etc.
Bientôt, plus de fleurs dans les champs.
Plus de prairie ensoleillée.
Plus de ciel bleu; dans la feuillée.
Naguère verte, plus de chants!
Plus d'herbe haute au bord des rives !
Sous les beaux fruits aux couleurs vives
On ne voit plus l'arbre ployer :
La bise vient heurter ma porte ;
La neige brille ; — mais qu'importe !
La flamme rit dans le foyer :
Je vais boire la sainte ivresse
Dans ce vieux vin plein de soleil.
Semblable au sourire vermeil
Sur la lèvre de ma maîtresse.
Georges NARDIN.
LA SCIENCE
On m'a dit : « Pourquoi donc mêler la poésie,
« Ce langage divin, cette pure ambroisie,
« A la science aride aux pénibles chemins?
« Ne doit-elle donc plus chanter les rêves roses,
« Et sur les sombres mots et sur les froides choses
« Jeter des fleurs à pleines mains?
« Ne doit-elle donc plus des murmures de l'âme,
« De l'amour idéal, délicieuse flamme,
« Etre l'écho plaintif ou l'accent radieux?
« Pourquoi donc, la couvrant d'un vêtement austère,
« Sans pitié, la forcer à rester sur la terre,
« Quand sa patrie est dans les cieux? »
Ah! jadis, j'ai chanté les vagues murmurantes.
Des plaines et des bois les senteurs enivrantes.
Les rougeurs de l'aurore et la rosée en pleurs ;
Mon vers tendre ou joyeux se couronnait de roses,
Mais dans mon cœur pensif d'autres fleurs sont éoloses
Au vent des terrestres douleurs !
J'ai vu tant de regrets, de souffrances, de larmes,
J'ai voulu, mais en vain, apaiser tant d'alarmes.
J'ai trouvé tant de cœurs tristes jusqu'à la mort.
Que, sur l'océan noir des tourments de la terre.
Cherchant des sombres nuits à percer le mystère.
J'ai dit : Où peut être le port ?
Où peut être le port pour ces barques lassées,
Quand le vent est hurlant, les vagues courroucées,
Quand les astres trompeurs se voilent dans les cieux?
Quand l'amour pur s'éteint sous le rire de glace,
Et quand le doute amer et désolé remplace
L'aveugle foi de nos aïeux ?
98
LA CHANSON
Alors, je t'ai vu luire, ô phare incomparable,
J'ai vu tes feux darder sur l'homme misérable
Leurs rayons triomphants, leurs sublimes clartés,
J'ai senti ta chaleur qui féconde et pénètre,
Avec le monde entier vivifier mon être.
Savoir, père des libertés!
J'ai vu l'esprit grandi par tes hautes pensées
Se délivrer soudain des erreurs insensées
Qui l'avaient entouré de leurs voiles obscurs :
Brisant enfin les jougs qui le faisaient esclave.
Je l'ai vu, tout puissant, préparer sans entrave
Le bonheur des âges futurs!
Oui, c'est toi seul qui peux rassasier nos âmes.
C'est toi qui peux remplir p'ar les plus nobles flammes
Le vide douloureux de nos cœurs attristés;
C'est toi qui peux calmer les tourments et les fièvres,
Toi qui peux, à jamais, faire boire nos lèvres
A la coupe des vérités!
Ahl je veux te chanter, science universelle.
Faîte vertigineux d'où s'échappe et ruisselle
Le jour le plus brillant que l'homme puisse voir!
Je veux dire partout tes ivresses profondes.
Tout ce que tu produis et tout ce que tu fondes,
0 grand, ô lumineux savoir!
Je veux dire tes dons, tes gages d'espérance, ■
Je veux, aux yeux voilés encor par l'ignorance^
Dérouler les splendeurs de ton vaste horizon.
Te célébrer toujours, rédemption auguste,
Réceptacle sacré du beau, du vrai, du juste,
Couronnement de la raison I
JuLius GAELLO.
LE CONCOURS LIBRE
DE LA CHANSON
Si le jury a rencontré, dans le classement des
chants nationaux, de sérieuses difficultés, l'examen
des poésies envoyées au concours libre en a pré-
senté de plus grandes encore. Il ne s'agissait plus
seulement de comparer, au point de vue de la valeur
intrinsèque, des pièces roulant toutes à peu près sur le
même sujet. Ici tous les genres, à la fois, réclamaient
la priorité : l'élégie, la chanson, le sonnet, la romance,
l'hymne, le rondeau, la satire, stances lamartiniennes
ou couplets ultra-grivois. A qui entendre ? Et tous
ces genres traités avec des mérites divers, beaucoup
de qualités, peu de défauts. Ce dernier point surtout
embarrasse et rend presque inapplicable le système
commode de l'élimination.
Mais quelles difficultés sont insurmontables, quand
l'impartialité se trouve soutenue par le dévouement
à la poésie!
Le lecteur connaît aujourd'hui le nom des lauréats
et les titres des œuvres couronnées : un sonnet, une
chanson, un dithyrambe. Nous n'avons pas à les
caractériser. Disons seulement que les pièces contre
lesquelles elles ont eu à lutter étaient au nombre de
trois cent cinquante-neuf, dont onze hors concours
pour différentes causes.
Au lieu d'expliquer pourquoi ces trois poésies, qui
se recommandent d'elles-mêmes, ont été classées au
premier rang, nous croyons plus utile d'examiner
avec le lecteur quelques-unes de celles qui n'ont pu
y parvenir, et non toutes, comme le promettait la
note de la page 88. Toutefois, pour rester fidèle
rapporteur, nous devons ajouter que le jury ai-econnu
dans les strophes de M. Gaëllo un grand souffle lyri-
que, un style large, une versification facile, et de
plus un sentiment élevé des inspirations modernes.
S'il place la science au-dessus du dogme étroit, nous
croyons qu'il serait injuste de voir là une procla-
mation d'athéisme. D'ailleurs, ne devons-nous pas
respecter une croyance à la toute-puissance du
savoir, aux lois positives de la nature, aussi bien
qu'une foi sentimentale inspirée par une religion on
une mythologie quelconque ?
La chanson de M. Nardin ne vise pas à la
nouveauté, à la création d'un génie. Les images
champêtres, une nuance bachique relèvent par leur
fraîcheur le poème peu inédit des jeunes amours.
Une facture bien coulante, de la jeunesse, une coupe
bien appropriée à la musique, une forme pure, ont
déterminé notre choix. A propos du mot brimbelles
employé par le poète, rappelons au lecteur qui ne s'en
souviendrait pas que c'est un des noms donnés à
l'airelle ou myrtille, petit arbuste qui croît dans les
lieux abrités et parmi les bruyères.
Le sonnet de M. Maratueoh n'est qu'un sonnet,
mais que de choses gracieuses et fines dans un cadre
si étroit! La marche est d'abord calme, pour ^bien
poser les prémices; puis l'antithèse, ou plutôt le
rapprochement ingénieux éclate à la fin et laisse le
lecteur sous une impression de douce mélancolie.
Commençons par un avis qui a son importance.
Les observations détaillées résultant de l'examen
auquel chacun des membres du jury s'est livré à
l'égard des pièces qui lui étaient échues, n'ont pu
être toutes réunies. Il en résulte que les remarques
qui vont suivre ne doivent pas être toutes attribuées
à l'ensemble du jury, et que certain nombre de ces
remarques sont personnelles au rapporteur. Nous
avons tâché de les rendre aussi justes et aussi pré-
cises qu'elles sont consciencieuses
Le printemps, et c'était inévitable, a, je ne dirai
pas inspiré, mais tenté un grand nombre de poètes.
Ici la banalité était un écueil, et tous ne l'ont pas
évité. Pourtant, le sujet a été rajeuni çà etjà, tantôt
par quelques vers pleins de fraîcheur, tantôt par des
comparaisons ingénieuses.
La Chanson d'avril contient des vers gracieux,
mais aussi des vers faux, et c'est dommage. Le
Printemps, rêverie d'enfants, est au contraire d'une
forme irréprochable, mais renferme quelques naïve-
tés, que le sujet excuse.
Un autre poète chante à la fois le printemps et
l'amour, et nous peint :
Dans le lointain, deux jeunes amoureux
Cherchant des yeux le sentier le plus sombre...
Ne les troublons pas et continuons notre revue.
L'amour en effet, comme le printemps, dicte beau-
coup de vers. C'est l'inspirateur par excellence,
surtout des jeunes gens.
En voici un qui cherche en vain l'amour qu'il a
rêvé : Comme vous, dit-il à ses amis.
Comme vous j'ai ou«illi des baisers chauds ,ct francs
Et senti deux seins durs palpiter sous mes flancs.
Pourquoi donc, demeuré seul à travers le monde.
Seul je poursuis ma course errante et vagabonde?
Question à laquelle l'auteur ne répond pas.
LA CHANSON
99
Un poète singulièrement vigoureux et dans le fond
et dans la forme, c'est assurément l'auteur de
Théano. S'il faut s'en rapporter au corps de l'écri-
ture, et la manière même de concevoir et d'exprimer
la pensée semble confirmer ce premier indice, le
même poète n'a pas soumis au concours moins de
sept pièces : Théano, que nous venons de citer, la
Revanche, Dies illa, Un Toast, Françoise, Allégorie,
qui n'est qu'un sonnet, et Misanthropie et Repentir,
dont il est difficile de citer trois vers de suite. Mais
on peut citer le sonnet suivant :
ALLÉGORIE
En quels lieux? — Je ne sais. — En quel temps? — Je l'ignore.
Une femme était là. Son front resplendissant
Atteignait l'empyrée. Un labeur tout puissant
Allumait sur ses ti-aits les flammes d'une aurore.
Le bruit l'enveloppait, orageux, emplissant
L'espace illimité qui frémissait encore,
Quand, dans ses mains léger, le marteau bondissant
Tombait avec fracas sur l'enclume sonore.
Vers sa tète, comme un arc-en-ciel sans pareils.
Rayonnait le mot France en lettres immortelles.
Dans leurs durs tintements, hostiles aux sommeils.
Les coups précipités semblaient avoir des ailes.
Mais, au lieu d'en tirer de pâles étincelles.
Son poing nerveux lançait aux ombres des soleils.
Les autres pièces présentent le même caractère
d'élévation et de mâle poésie. Ajoutez à cela un
rhythme tantôt précipité et comme haletant, tantôt,
au contraire, calme dans sa force ou d'un élan con-
tenu. Quelquefois le pittoresque s'accentue à la
Baudelaire. A propos do Françoise :
Sa gorge, comme un flot qui monte,
Aspire au baiser qu'elle éteint.
Sa nuque épaisse et sa croupe ample,
Double colline oii touche un bois...
Arrêtons-nous vite, pour citer ces vers d'un autre
genre, extraits du Toast :
Et je bois, Patrie ulcérée,
Enfln,
A ces héros aux grandes tailles
Qui, prodigues d'un noble sang,
En mirent la pourpre dans cent
Batailles,
Quand tu secouais le Kremlin,
Et remuais — qu'on s'en souvienne! —
Milan, Moscou, Madrid, Ulm, Vienne,
Berlin.
Oh! puisses-tu, roulant ta poudre,
fi Comme jadis sur tous les points.
De nouveau saisir dans tes poings
La foudre !
Encore un auteur fécond ou qui a voulu multiplier
ses chances de succès. Quatre pièces au moins de la
même écriture fine et élégante. C'est un chansonnier;
il célèbre la liberté, il raille les aveugles systématiques,
il chante la fraternité et rend hommage à ceux qu'il
appelle ses maîtres défunts. De l'esprit, de la chaleur,
mais quelques vers duriuscules, comme celui-ci :
Ceux dont les divins dons t'ont parée et fleurie.
Vin-don-ton-pa ! Cela rappelle le fameux pa-ra-
bla-la-fla de Pichat ou d'un Lebrun quelconque.
EuG. IMBERT.
(La suite au prochain numéro
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU H NOVEMBRE 1878.
Voici l'hiver : l'hiver ramène les chansons.
Et les chanteurs aussi, paraît-il, car depuis long-
temps on n'avait vu la table du banquet aussi bien
garnie. Figures joveuses, épanouies, ranimées par
la villégiature et toutes prêtes au bon rire. Le rire,
n'est-ce pas encore du soleil? Tous, jeunes et vieux,
semblent avoir pi'is pour devise le refrain de Ripault.
Carpe dieml nous dit-il après Horace. Et il a raison :
la vie est si courte.
Si courte? Pas déjà tant : voyez Lesueur, un des
doyens du Caveau : il a quatre-vingt-quatre ans et
il chante encore, et il chante ces couplets que vous
lirez dans ce journal même, couplets qu'il intitule :
Je ne veux pas rajeunir. Et il en donne de si bonnes
raisons, et même de si touchantes, qu'il faut bien le
croire.
La chanson à tiroirs, ce cadre commode dans lequel
apparaissent tour à tour des sujets variés, ne manque
jamais au rendez-vous. La Pomme de discorde, de
JuUien, La Garde à carreau, de Guérin, les Questions
du jour, àe Vacher, retour de Suisse, Les Abus de
la victoire, de Grange, C'est de la blague, de Piesse,
Ce que je li'ai jamais compris, de Fénée, Le Baume
tranquille, de Lagarde, ont offert aux auditeurs une
série de couplets pleins de philosophie et de bonne
humeur. Le petit coup de patte politique n'y apparaît
qu'en passant, et personne ne s'en plaint. Voilà un
membre de phrase assez amphibologique : ma foi,
je le laisse comme il est. A bon entendeur, salut.
Charles Vincent chante sa Cinquantaine. Un peu
de mélancolie, beaucoup d'entrain, l'espoir en l'ave-
nir, voilà ce qui donne à ces couplets un cachet
particulier. J'oubliais la résignation : J'ai cinquante
ans, dit le poète ; je les prends. — Parbleu !
Saluez, lecteurs de La Chansonl Voici un des concur-
rents non couronnés qui se révèle. Montariol aussi-
a fait une Marseillaise de la paix, et d'un mouvement
lyrique, et d'un sentiment élevé, je vous assure.
Chaleureux applaudissements et bien mérités.
Clairville aime la difficulté ; il la cherche et la
dompte souvent. Aujourd'hui il traite les Voyelles,
mais en se privant tour à tour d'une d'entre elles.
Tour de force ingénieux. L'm surtout, vu les diverses
consonnes devant ou derrière lesquelles il peut se
trouver placé, a fourni au chansonnier des vers plus
que piquants.
Le jour des morts — c'était hier — a inspiré au
président Vincent un toast excellent. Souvenir affec-
tueux donné aux membres, aux amis qu'a perdus le
Caveau; peinture du banquet tenu là-haut par ces
morts regrettés ; Vincent a mis beaucoup de cœur et
beaucoup d'esprit dans ces vers longuement applaudis.
PouUain, avec les Quatre enfants de l'Alsacienne,
Rubois, qui chante les Plaintes des amants, ont
provoqué à leur tour et les rires et les bravos,. La
chanson de Rubois est une contre-partie des Chapons
de Béranger. C'est la faute à vos appas, dit-il,
Oui, coquettes,
Oui, fillettes,
C'est la faute à vos appas,
Si vos coqs ne sont pas gras.
Après un Venite poiemus, entonné d'une voix
puissante par un visiteur dont le nom m'échappe,
100
LA CHANSON
les frères Lionnet, mis déjà à contribution, ce à
quoi ils se prêtent avec beaucoup de grâce, ont
cliarmé l'auditoire par quelques-unes de ces canti-
lènes dont ils ont le secret. Puis des imitations fort
réussies et acclamées, vous pensez ! Madame Fontaine,
que ce pauvre Fernand Desnoyers avait écrite sur
l'air de la Bonne Aventure, et Une promenade d'amou-
reux, tableau plein de poésie dont Anatole est
l'auteur, ont montré une fois de plus quels effets peut
produire une jolie voix aidée d'un ai't consommé et
guidée par un goût parfait.
Donc, excellente soirée, qui ne sera pas la dernière.
EuG. IMBERT.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Les Amis du Commerce forment aujoui'd'hui une
des sociétés lyriques les plus suivies. La soirée du
vendredi 8 novembre, à laquelle j'ai assisté, a été
très-briUante ; le président M. Paul Haber (un excel-
lent chanteur, entre parenthèse), s'est distingué
tout particulièrement. Parmi les ai'tistes étrangers
à la société, nous avons remarqué M°°° Adèle,
M^^JuHajlNIM. Adrien Souchet,Jomain et Léo Tostain.
L'Amicale du Commerce (président M. A. Roussel),
la plus élégante de nos sociétés, qui donne ses soirées
du vendredi dans les salons de Lemardelay, offrait
à ses habitués un grand bal le samedi 16 novembre,
à Valentino. — De jolies femmes, des fleurs, beaucoup
de joyeux cavaliers, et le brillant orchestre de
Deransart. On s'attendait à une fête splendide, et
le succès a dépassé les espérances : c'est tout dire.
La Lyre de la Gaité-Ilevue, c'est le titre d'une
chanson signée Léo Tostain et chantée par l'auteur
à ladite Société. Pour dire quelques mots de ces
charmantes réunions des samedis, dimanches et
lundis, rue Descai^tes, j'emprunte à Léo son manus-
crit qui est en quelque sorte la photographie de
chacun des sociétaires. J'ai assisté à plusieurs de ces
soirées et j'en ai gardé un souvenir très-agréable.
La salle est petite, mais on n'en est que plus en
famille. Aussi quelle cordialité, quelle entente !
Commençons par les dames; elles ont toujours
droit à la place d'honneur. M°" Durer dans le Petit
Bleu de Suresnes, nous fait venir le vin à la bouche ;
elle nous rajeunit (comme dit Léo). M"° Adèle est
parfaite dans les Cloches de Corneville et dans tout
ce qu'elle chante. M^'^Marie Lerouge,une ex-artiste
des concerts, nous charme dans le présent comme
elle nous charmait dans le passé. Bon, voilà que
mon devoir de chroniqueur me force à dire de ces
choses !... bah ! résignons-nous : M"° Adèle n'est-elle
pas charmante dans le Lit (chansonnette bien entendu) .
Qu'en pense mon ami JulesB. qui chante si bien Jesuis
timide'^ Passons aux sociétaires, ils sont nombreux et
j'en oublierai certainement. M. Letirand, président
intelligent et dévoué, dit avec âme la Robe ;
M. Guerdet, vice-président, Fatma; le gigantesque
Edmond, secrétaire larmoyant. Mignon; puis
MM.Plazol,Camier, Boucher, Souillac, Corriger, etc.
N'oublions pas M. Villois et son aimable épouse :
Juliette au charmant minois
Et que chacun jalouse;
et, pour finir, remercions nos amis de la chaleureuse
réception qu'ils ont faite à votre serviteur.
A. LEROY.
La société lyrique La Renaissance a donné le
dimanche 17 novembre, à la salle Herz, une matinée
musicale et littéraire au profit des écoles laïques du
IX° arrondissement. Bon programme et bonne
recette.
Le même jour (17 novembre), une grande soirée
était offerte, dans les salons de Pierre Petit, par la
société lyrique des Enfants de la Seine. MM. Bonnet,
Fernand, E. Koch, Camille, ont obtenu des bravos
avec les Compagnons charpentiers, la Barque vole, la
Dernière Fleur, et le Roi de Lahore. Un Amour
d'épicier, bouffonnerie en un acte, a été parfaitement
joué par MM. Perrot, E. Koch et M'"= Hélène.
Citons encore une fantaisie sur Lucie de Lamei'moor
exécutée parle violoniste Mesmin-Luc, un duo enlevé
par M™° Fabvre et M. Mallaivre, et des chœurs bien
chantés sous la direction du président, M. Cantarel.
Cette intéressante société donne son Bal annuel
le samedi 7 décembre, salle Rivoli, rue Saint-
Antoine, 104.
Le premier concert annuel de Li Lïce Chanson-
nière sera donné le dimanche 15 décembre, à
2 heures précises, dans les salons de Pierre Petit,
place Cadet, 31, avec le concours de :
MM. Michot, de l'Opéra,
Coquelin cadet, de la Comédie-Française,
Darder,
les Frères Lionnet,
Collignon,
Jules Granier, accompagnateur,
M'"^' Marie de Verginy
Olni, ""^5 du Conservatoire.
Prix des places : 2 fr.; places réservées : 3 fr.
On trouve des billets chez Pierre Petit ; Ernest
Chebroux, président, rue d'Argout, 16 ; Eugène
Baillet, trésorier, rue des Vieilles-Haudriettes, 6;
Jules Echalié, secrétaire, rue Montmartre, 55, et
aux bureaux de La Ciianson, rue Bonaparte, 18.
Nos abonnés anciens et nouveaux sont instam-
ment priés de faire vei'ser le montant de leur
abonnement aux bureaux de notre journal, ouverts
de 8 heures du matin à 8 heures du soir, ou de nous
l'adresser en un mandat sur la poste, le talon servant
de quittance. Plusieurs souscripteurs ont oublié de
tenir compte de la légère augmentation de 50 centimes
applicable au second semestre ; ils voudront bien
nous envoyer en timbres-poste cette différence.
Un certain nombre de collections ont été mises
en réserve pour nos abonnés nouveaux. Nous
délivrons les six numéros du premier semestre au
prix de 2 fr. 50 pour Paris et de 3 fr. pour les
départements (envoi franco).
L'abondance des matières nous oblige à ajournei?
notre Boîte aux lettres, et le compte-rendu de diverses
publications qui nous ont été adressées.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
1" ANNKE. — N" 10.
16 DECEMBRE 1878.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PAT A Y
Le Numéro : 20 eent.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1":' & le 1 6 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
Y. DEMEURE
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
P.tHIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L. -HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois 2 fr. 50
Départ», 6 mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 So
iSOMMAIRH : Galerie des Chansonniers : Clairville (l.-henry lecojite). — La Chanson des Cigaliers Joenri de bornier). —
Je ne veux pas rajeunir (lesueur). — La Gerbe républicaine {noel mouret). — Comment on descend du pouvoir (Charles Vincent).
Retour à la Lice Chansonnière (kug. imbert). — Les Pièces présentées au Concours libre isuite). — Banquet du Caveau (l.-henry
LEC051TE). — liunquet de la Lice Chansonnière (eug. imbert!. — Chronique des Sociétés lyriques (a. leroy, gédué, h. demanet,
V. lebreton, a. patavJ. — Avis divers,
GALERIE DES CHANSONNIERS : CLAIRVILLE
En embrassant m ai-
gre sa famille la car-
rière théâtrale, M. Ni-
colaïe avait pris le
pseudonyme de Clair-
ville. Beau nom de
théâtre vraiment, que
devait rendre célèbre
le fils qui lui naquit
à Lyon, le 28 janvier
1811, et qu'on baptisa
Louis-François.
Les époux Nicolaïe
dirigeaient une troupe
de comédiens ambu-
lants; ils gagnèrent en
province des sommes
assez fortes, avec les-
quelles ils débarquè-
rent un matin à Paris,
où l'administration de
divers théâtres de
second ordre, ceux no-
tamment du Luxem-
bourg et de M^'Saqui,
leur était dévolue.
L'enfance de Louis-
François s'écoula par-
tie à l'école primaire,
partie dans les cou-
lisses. A dix ans, il
montait sur les plan-
ches du Luxembourg. Successivement, et suivant
les besoins de l'exploitation paternelle, Clairville
fils tint, avec un égal bonheur, les emplois de
jeune premier, de contrôleur, de père noble et
de souffleur. L'idée lui vint, en 1829, de com-
poser les rôles qu'il jouait. Sa pièce de début,
l'Enraffépar ruse, fut
assez favorablement
reçue du public pour
l'engager à renouve-
ler sa tentative. Dans
l'espace de quelques
moisildonna:î/ayeî«;,
l'Enfant du soldat, le
Badigeonneur, le Puits
de Grenelle, la Guerre
des ménages, la Cita-
delle d'Anvers, le Sé-
ducteur, Adeline, les
Saint-Simonniens, et
plusieurs autres. De
toutes ces œuvres de
jeunesse, une seule est
imprimée : Quatorze
ans de la vie de Na-
poléon , représentée
cent fois en 1830.
M. Nicolaïe mourut
sur ces entrefaites.
Louis- François , ap-
pelé à l'Ambigu-Co-
mique par M. de Cès-
Caupenne , demanda
l'autorisation d'écrire
sa pièce de début. Ce
fut i836 dans la lune,
œuvre singulière et
pétillante, qui com-
mençait la série considérable et interminée des
revues de fin d'année, où triompha toujours
Clairville. Le succès de l'auteur dépassa celui
de l'acteur; Clairville eut alors le bon esprit de
quitter la scène pour se consacrer exclusivement
à la littérature.
102
LA CHANSON
Seul ou en collaboration avec Miot, Tliéaulon,
Dartois, Dennerj, Dumanoir, Varin, Mélesville,
Thiboust, Siraudin, Koning même, Clairville a,
depuis quarante années, fait représenter environ
quatre cents ouvrages qui, la plupart, se recom-
mandent par une grande facilité, une verve
bouffonne, nombre de couplets ingénieux, d'allu-
sions transparentes et d'équivoques hardies.
Nous n'avons pas à étudier ici l'auteur dramati-
que ; nous ne pouvons cependant nous dispenser
de rappeler ses plus bruyantes réussites : la
Propriété c'est le vol, Clarisse Harloiue, les Sept
Châteaux du Diable, l'Abbé galant, la Poule
aux œufs d'or, Léonard, les Chansons populaires,
Gentil-Bernard, le Bourgeois de Paris, Lully, la
Corde sensible, les Bibelots du Diable, les Pantins
étemels, Héloïse etAbélard, la Ville de M'^' Angot,
les Cloches de Corneville. . . A quoi bon poursuivre?
Tout en rimant couplets, rondeaux et ensem-
bles, Clairville cherchait partout et toujours des
sujets de chansons ; le refrain écrit, il le jetait
dans un carton poudreux. Un jour, le carton se
trouva plein; Clairville alors fit deux parts des
papiers qu'il contenait, jeta la plus forte au feu et
porta l'autre à l-'éditeur Lecou qui la publia sous
ce titre : Chansons et Poésies (1853, in-12).
Les productions que contient le volume de
Clairville sont naturellement variées. Sur le
ton plaisant, le livre contient : les Plaisirs de
l'été, les Plaisirs de l'hiver, pendants réussis ;
la Lorette, oîi la devise « courte et bonne « est
plaisamment justifiée, le Portrait de Lisette,
Estelle et Némorin, le Pour et le Contre, l'Enfer
et le Paradis, Gros-Jean, les Cotillons, Histoire
de beaucoup» de ces Dames, toutes choses émaillées
de traits plus que vifs. — Le ton grave n'est
pas moins heureusement employé par Clairville :
l'Existence, Comment je devins bête. Dieu, Abd-
el-Kader, la Mort de Pierrot, Voyage avec une
muse. Encore et toujours, Salomon de Caus, le
Prêtre, les Femmes, et beaucoup d'autres, con-
tiennent de réelles beautés de pensée ou de style.
L'auteur cependant ne fait pas mystère de son
ignorance :
J'ai lu mes grecs et mes latins
Chez les frères ignorantins,
dit-il ; combien de plus favorisés auraient écrit
ce couplet d'une philosophie si haute :
Amas de boue, impur et dur ciment
Que le soleil transforme en diamant,
Nous sommes éblouis par réclat qui le change ;
Nous oublions qu'un jour tu sortis de la fange,
Nous te faisons briller sur le cou blanc d'un ange,
Et l'ange profané retourne à ton néant !
Mentionnons encore, sur une note très-émue,
le vieux Pauvre, et relevons cette confession
singulière :
Ma muse aime qu'on l'émoustille.
Elle rit d'un propos grivois ;
Mais c'est une élégante fille
Qui m'abandonne quand je bois.
Quoi ! cet intrépide champion de toutes les
gaîtés ne se grise qu'en vers? — Sans doute, et
combien de rimeurs font de même ! De vrai
Clairville n'a jamais commis excès que de travail.
Son bagage littéraire est considérable ; le livi'e
publié chez Lecou ne contient pas la vingtième
partie des chansons que Clairville a composées.
Dès que se fonde un banquet périodique, une
lettre d'invitation lui parvient. On sait qu'il
chante, avec la meilleure grâce du monde, non
seulement à son tour, mais aussi pour le compte
des absents ou des paresseux. Nous n'exagérons
pas en évaluant à trois mille les couplets gaspillés
par Clairville, dans le simple but de satisfaire
d'exigeantes amitiés. Chose bizarre, de toutes les
productions de Clairville une seule : l'Ange et le
Démo7i, médiocre romance, a été gratifiée d'une
musique nouvelle par M. Montaubry; toutes les
autres s'adaptent à des airs consacrés.
Du produit de ses œuvres dramatiques, Clair-
ville acquit à Enghien une propriété, modeste
d'abord, aujourd'hui presque seigneuriale. Les
Prussiens l'ont un peu dévalisée pendant la
guerre, mais où n'est pas demeuré quelque
souvenir de ce genre ? C'est à Enghien que
Clairville travaille le plus souvent, menant de
front ses obligations littéraires et ses devoirs
civiques, car il est conseiller municipal de
l'endroit et couronne, à ce titre, les rosières
tant persécutées dans ses vaudevilles.
Clairville est l'homme d'esprit par excellence.
Nature perspicace, pétulante, exceptionnelle, il
fait constamment et partout la chasse aux nou-
veautés sérieuses ou burlesques pour y trouver le
sujet d'à-propos pleins de gaîté franche et d'ori-
ginalité. C'est évidemment sa cause qu'il plaidait
en écrivant jadis ce couplet — non publié :
Au champ d'honneur, tuer n'est pas un crime,
Et le courage on doit le décorer;
Des vieux soldats la gloire est légitime,
Mais tous ont fait et souffrir et pleurer.
Moi, d'un royaume ou d'un nouvel empire.
Si j'étais roi, si j'étais empereur,
C'est à celui qui ferait le plus rire
Que je voudrais donner la croix d'honneur.
Il l'a, depuis 1857, et c'est justice, car nul
plus que lui n'a provoqué, dans tous les publics,
l'explosion de rires retentissants.
En 1860, Clairville frappait aux portes du
Caveau ; elles s'ouvrirent toutes grandes devant
ce maitre couplettier qu'on appela, deux ans
plus tard, à l'honneur de la présidence. Il
remontera dans quelques jours — jour la cin-
quième fois, croyons-nous — au fauteuil, d'où
tomberont alors des flonflons nouveaux, étin-
celants d'une verve que l'âge n'a pas refroidie,
mais qu'on voudi'ait voir servir moins souvent à
l'inutile apologie du passé.
L. Henry LECOMTE.
LA CHANSON
103
LA CHANSON DES CIGALIERS
(Dite à Caen, le jour de la fête donnée par La Pomme)
La Pomme a dit à la Cigale :
« Viens à Caen dîner avec moi,
« Ma table n'est pas trop frugale,
« Je suis gourmande comme toi;
« On s'amuse aux rives de l'Orne,
« Sans qu'on y danse le cancan,
« L'esprit normand n'a rien de morne...
— Les Cigaliers s'en vont à Caen.
(i Viens, la chanteuse provençale,
« Sans redouter un ciel brumeux,
(1 Viens voir au plafond de la salle
Il Jaillir le bon cidre écumeux ;
« Le cidre est la gaité de l'homme,
<( Qu'il vienne d'Augo ou de Fécamp ;
i< Viens, Cigale, sœur de la Pomme,
— Les Cigaliers s'en vont à Caen.
« Viens ; comme toi je suis poète,
<i J'ai conçu d'illustres enfants,
I' Et tout siècle nouveau répète
» Leurs noms en échos triomphants ;
« Leur force à leur grâce est pareille,
« J'ai la colline et lo volcan ;
« Saluez Malherbe et Corneille !
— Les Cigaliers s'en vont à Caen.
« Viens ; je n'ai pas la Vénus d'Arle,
(i La brune aux regards pleins d'éclairs,
« Dont le silence même parle,
« Mais j'ai les blondes aux yeux clairs ;
i( On les voit passer sous mes treilles,
<c Aux labeurs utiles vaquant
« Avec un murmure d'abeilles!. . .
— Les Cigaliers s'en vont à Caen.
Henri de BORNIER.
Ces couplets — inédits — sont les seuls qu';iit écrits
l'auteur célèbre de la Fille de Roluiid.
JE NE VEUX PAS RAJEUNIR
Air du Vaudeville de La Robe et les Bottes
Hier, dans ma simple retraite,
Une fée au front radieux
Me dit, en levant sa baguette :
Veux-tu qu'on te fasse moins vieux?
— Le fruit vert que la fleur enfante
Du fruit que l'été fit mûrir
N'a pas la saveur enivrante :
Non, je ne veux pas rajeunir.
Jadis, j'avais rempli ma cave
D'un vin fraîchement vendangé ;
Son goût d'abord fut peu suave ;
Grâce au temps il a bien changé.
Chaque jour, d'un plus doux breuvage
Je vois ma coupe se remplir;
On devient meilleur avec l'âge :
Non, je ne veux pas rajeunir.
Les arts, chère et trompeuse étude,
Ont consumé mes jeunes ans;
Dans l'ombre et dans l'incertitude,
J'ai suivi des sentiers glissants.
Espérance, faut-il te croire?
L'horizon semble s'éclaircir...
J'y vois bi'iller un peu de gloire :
Non, je ne veux pas rajeunir.
J'ai vu nos cités tributaires
Payer de honteuses rançons,
Et les cavales étrangères
Ont aux pieds foulé nos moissons.
Comme les vents, le sort varie ;
Aujourd'hui je vois refleurir
Le sol de ma belle patrie :
Non, je ne veux pas rajeunir.
Si je retournais vers l'enfance.
Adieu souvenir enchanteur,
Adieu savoir, expérience.
Et des biens plus chers à mon cœur;
L'amitié que je vis éclore
Ici, sous l'aile du plaisir,
Pour moi ne serait pas encore :
Non, je ne veux pas rajeunir.
LESUEUR.
LA GERBE RÉPUBLICAINE
Debout! France républicaine.
Foule aux pieds tes habits de deuil ;
A la patrie américaine.
Tu peux sourire avec orgueil.
L'auréole qui t'environne
Resplendit aux feux du soleil.
Si la voix du clairon résonne.
C'est pour annoncer ton réveil.
France, lève ton front superbe !
Dans les champs semés autrefois,
La République fait sa gerbe.
Malgré les puissants et les rois.
Paris, rendez-vous du génie.
Paradis de la vie en fleurs.
Tu verses des flots d'harmonie
A tous les peuples travailleurs.
Lorsqu'on fête à la table ronde.
Un grand nom, un beau souvenir.
Tu trinques à la paix du monde,
Aux Républiques à venir.
France, etc.
Tribuns, vos accents populaires
Sont applaudis dans les congrès,
Quand vous battez vos adversaires
Avec les armes du progrès.
Partout la foule vous écoute
Et vous accueille avec fierté,
Hardiment, poursuivez la route,
Qui conduit à la liberté.
France, etc.
104
LA CHANSON
Greffons l'arbre de la science,
Planté par nos mâles aïeux ;
Du ver rongeur de l'ignorance,
Détruisons les nids ténébreux ;
Entre la raison, les idoles,
Elevant un mur mitoyen.
Gravons au fronton des écoles :
Ici, l'on devient citoyen !
France, etc.
Quel bruit retentit dans l'espace?
Chaque fenêtre a son drapeau :
C'est l'enfant du progrès qui passe,
Portant la cocarde au chapeau.
Son noble élan patriotique
Est salué par des bravos.
Le cri : Vive la République
A réveillé tous les échos.
France, lève ton front superbe !
Dans les champs semés autrefois
La République fait sa gerbe,
Malgré les puissants et les rois.
NoEL MOURET.
COMMENT ON DESCEND DU POIVOIR
Air .' Les cinq codes que je me flatte
Dans ce fauteuil j'étais à l'aise.
Des chants je dominais le flot,
Mais il faut, reprenant ma chaise,
Laisser présidence et grelot.
Quand sonne l'heure fatidique.
Simplement faisant mon devoir.
Comme un homme de race antique,
.Je vais descendre du pouvoir.
Qui me succédera? Clairville.
Qui lui succédera? Grange.
Alors, on dira parla ville :
A leur Caveau rien n'est changé ;
Car tous deux ont le sel attique,
La gaîté franche et le savoir.
Et ces hommes de race antique
N'abusent jamais du pouvoir.
De Panard j'ai vidé le verre
D'un seul trait, sans y laisser rien ;
Ainsi Clairville devra faire
Par égard pour l'usage ancien.
Grâce à cette aimable pratique
Aujourd'hui vous allez me voir
Comme un homme de race antique,
En buvant, quitter le pouvoir.
Par un criminel stratagème.
Loin de se faire couronner,
Quitter gaîment le rang suprême,
C'est un bon exemple à donner.
Le Caveau vit en république
Aussi, devait-on le prévoir,
Comme un homme de race antique
Je laisse à d'autres le pouvoir.
Pourtant ce pouvoir a des charmes.
Car on gouverne le Caveau
Sans sénateurs et sans gendarmes,
N'excluant que les buveurs d'eau ;
Mais si la loi veut que j'abdique.
Ayant droit de dire : au revoir.
Comme un homme de race antique
Je chante en quittant le pouvoir.
CHARLES VINCENT.
RETOUR A LA LICE CHANSONNIERE
(4 décembre 1878)
Votre maître des chants, mon vieil ami Jeannin,
De son air à la fois sarcastique et bénin.
Me donne la parole, et j'hésite à la prendre.
Que vous dire en effet? Je n'ai l'ien de nouveau,
Et ne puis espérer le plus mince bravo :
Je ne viens pas chanter, je viens pour vous entendre.
L'effort le plus modeste est bien souvent trompé :
Irai-je donc, amis, rimer coûte que coûte,
Et chercher, sans espoir de le trouver sans doute,
Un sujet inédit qui vous ait échappé?
Je pourrais, attendant que ma verve renaisse.
Et que tous vos printemps fondent tous mes glaçons,
Chanter : Je viens revoir l'asile où ma jeunesse
De votre expérience a reçu les leçons.
Et je pourrais aussi, martyre volontaire !
Vous y pensiez peut-être, oui, je pourrais me taire.
La méthode est facile, on la prône, et toujours
C'est le dernier moyen auquel on ait recours.
Que de flots ont coulé sous les ponts de la Seine
Depuis ces beaux soirs où, pour la dernière fois,
A vos joyeux concerts j'osai mêler ma voix !
Eh bien, malgré les coups que le temps nous assène,
Aujourd'hui comme alors nous nous réunissons.
Tantôt dans un salon, tantôt sous la tonnelle,
L'écho redit partout le bruit de vos chansons;
Et, pour mieux célébrer la fête fraternelle,
Plaisir entre l'esprit et le cœur partagé,
L'envie à ses serpents donne un jour de congé.
Le passé m'appartient si le présent m'échappe.
Que j'en ai vus, rangés autour de cette nappe.
Que la mort loin de nous se hâta de bannir !
Permettez qu'à leurs noms j'envoie un souvenir.
L'un charmait l'atelier, le salon, la boutique.
Quoique de la morale il respectât les lois ;
Philosophe gouailleur, faubourien poétique,
Colmance a remisé son pégase gaulois,
Festeau, plus empressé de mordre que de plaire.
Mêlait son hymne sombre aux éclats du canon ;
Le chansonnier du peuple a mérité son nom.
Et contre les tyrans aiguisait sa colère.
Parmi ces bons amis que nous nous rappelons
Puis-je omettre Mahiet, le Dupont des salons;
Le bachique Férey, dont la muse grivoise
Faisait de la peinture et des vers à la toise ;
Bailly, qui s'escrimait contre les préjugés ;
Bonnefond le champêtre aux refrains prolongés?
Et combien d'autres noms qu'en cet instant j'oublie I
Et Durand qui, cherchant la gloire et le profit.
Signa plus de couplets que Béranger n'en fit!
Ils n'agiteront plus tes grelots, ô Polie !
Et Desforges, quel deuil, amis, pour la chanson!
LA CHANSON
105
La nature en ses vers vibrait comme un frisson,
Tant il exprimait bien ces poétiques fièvres
Qui font germer l'amour aux cœurs, le rire aux lèvres!
Encore un autre absent : à mon œil attristé
Ton image revient, ô bon Lachambaudie,
Toi qui jusqu'en exil chantais la liberté.
Toi dont nos ennemis ont toujours respecté
La muse populaire et partout applaudie.
Je me trompe : un seul jour, un journal impudent
Essaya, mais en vain, de baver sur sa gloire :
De son rire moqueur, de son ïambe ardent,
Vous savez si la Lice a vengé sa mémoire.
Mais pourquoi regretter tous ces morts disparus?
Ils ont laissé leurs chants et leur exemple à suivre ;
Et de tant de talents vos rangs se sont accrus
Qu'il me semble ce soir en vous les voir revivre.
Oui, ces maîtres ont fait de dignes apprentis ;
Les meilleurs sont restés si les bons sont partis.
C'est pourquoi je m'arrête et renonce à m'étendre.
Je ne viens pas chanter, je viens pour vous entendre.
EuG. IMBERT.
LE CONCOURS LIBRE DE LA CHANSON
(Suite)
Après l'auteur de Théano et celui des Aveugles
systématiques, il faut citer un poète qui a envoyé
beaucoup de compositions variées, sans compter
une série de quatrains. Dans un envoi écrit en vers
libres d'une allure facile, il s'excuse de sa hardiesse.
Lui, poète infime, oser concourir! Mais son jeune
âge doit lui mériter son pardon. C'est l'espoir qu'il
exprime.
Je parierais, pour moi, qu'il n'est pas plus jeune
qu'il n'est poète infime, et il suffit de lire ses vers
pour s'inscrire en faux contre cette double assertion :
Surtout n'allez pas
croire, au moins, que j
Sur la réalito de m
on peu de talent.
Quand je n
ie pose en concurront,
Je n'ouvre pas, Vive le tabac! Mes Souhaits, Les
derniers instants d'une chandelle; il suffira de citer
ces titres, entre tant d'autres, pour montrer que
l'auteur joint la variété à la fécondité. Dans la pre-
mière de ces pièces, le poète nous montre l'ambition,
la gloire, la politique, la fortune, l'amour, le plaisir,
sonnant tour à tour à sa porte. Et lui de répondre
toujours : Je n'ouvre pas.
Dinn' dîan' dinn' dinn'... Mais à cette heure
Qui peut sonner k ma demeure?
L'amitié... Qui n'ouvrirait pas?
Entre, toi seule as des appas.
De toi la plus simple parole
Dans nos misères nous console ;
Viens, que je te serre en mes bras.
Béranger, dans La Fortune, avait déjà employé
cette forme, mais Murger l'a appliquée à une énu-
mération de même que notre poète. Dans la ballade
du Désespéré, la Gloire, l'Amour, la Poésie, la
Richesse frappent aussi à la porte, qui s'obstine à
rester fermée. Puis vient la Mort :
Entre, je suis las de la vie.
répond le Désespéré. Mais il a le tort d'ajouter, par
une sorte d'égoïsme posthume :
Mais laisse mon pauvre chien vivre,
Pour que je puisse être pleuré.
La romance est agréable, quand elle est courte,
fine ou gracieuse, et qu'une musique bien appropriée
en relève la fadeur naturelle. Dans un concours, à la
lecture, la fadeur seule subsiste presque toujours.
Ma Belle, L'Indienne, La Fiancée du viarin. Elle
avait dit : Je t'aime. Le Nid de fauvettes, dont l'au-
teur, sans le vouloir et peut-être sans le savoir,
rappelle une jolie pièce de Berquin ; les iMrmes des
Fleurs et quelques autres morceaux font pourtant
exception à la règle et se distinguent par de réelles
qualités.
L'élégie n'a pas manqué de champions. Tous les
genres sont bons, hors le genre ennuyeux, s'il faut
en croire Voltaire.
L'un nous peint une jeune fille qui descend vers
la tombe, pâle comme l'insomnie, comme la bougie
qui s'éteint, comme l'eau des grèves, comme un exilé
vêtu de noir.
Vous souvenez-vous des amours passés !
murmure un autre ; et voilà le chapelet des souvenirs
qui s'égrène : l'humble fleur, les baisers, les aveux.
Mais elle est partie, comme dit la vieille romance, et
chacun de ces souvenirs est un regret.
EuG. IMBERT.
(La fin ail prochain rtun
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 6 DECEMBRE 1878.
Les assesseurs accoutumés de Charles Vincent
manquaient au banquet de décembre : Clairville était,
souflrant et M. Grange préparait un pendant au
succès peu littéraire de Coco. Soutenu par la visible
sympathie d'une assistance nombreuse, Vincent n'en
a pas moins solennellement pontifié devant ces reli-
ques insignes : le verre de Panard et le grelot de
Collé.
Ceux qui se plaisent à voir dans le Caveau une
sorte de Sénat chansonnier, rebelle aux idées cou-
rantes, ont été quelque peu contrariés ce soir-là.
Soit que l'absence des chefs déconcertât la milice
réactionnaire, soit qu'on voulût faire au poète
vigoureux, qui présidait pour la dernière fois, la
galanterie d'une séance républicaine, toutes les
chansons présentées s'inspiraient du meilleur esprit.
La séance des chants a commencé par le Candidat
Conservateur, bonne satire de Rubois, déjà connue.
Quatorze productions ont suivi, avec des mérites et
des succès différents. M. Fénée, applaudi pour un
fin tableau des personnes et des choses, A l'Ombre,
a été moins heureux dans une plaisanterie vieillotte
sur l'Amoicr. M. Piesse avait mis en rondeau sous ce
titre : Choses et autres, les grands et petits faits de
l'année ; il a rencontré un concurrent dans M. Or-
donneau qui, dans une Chanson- Bévue peu complète,
n'a pas oublié cependant le coup de plume contre
les gauchers. Un jeune! et qui serait si bien dans le
rôle d'inoffensif! M. Edouard Granger réclame la
106
LA CHANSON
pai'ole pour un rappel au règlement : « Ne parlons
plus politique. )> dit-il. — Soit, mais en attendant
que la motion soit acceptée par tous, écoutons et
applaudissons les spirituels couplets dans lesquels
M. Montariol nous montre l'amant timide, l'action-
naire bénévole, la Roumanie, le parti (c sans nom, »
M. de Chambord lui-même tirant tour à tour les
Marrons du feu, — vous devinez pour qui.
M. Poullain, en chantant Je me passe du reste ;
M. Julien, en racontant Un Début malheureux;
M. Ripault, en disant, après Brazier, Comme on fait
son lit on se couche ; enfin Rubois, en exposant le
Cadet de mes soucis, ont provoqué les bravos et les
rires. Quelle singulière idée a eue M. Sylvain Saint-
Etienne en composant une invitation bachique sur
l'air de la Marseillaise? Dire : Buvons, comme
d'autres crient: Marchons !.. Mais il faudrait chanter
cette mu.sique assis, ou boire debout : cruelle alter-
native ! — M. Lesueur, témoin auriculaire de la
bonne rubrique employée jadis, par un Raccoleur
sous Louis XV, pour décider la recrue, en fait à son
tour le récit dans de très-bons couplets. Le malin ne
promettait pas gloire facile, fortune prompte et
plaisirs continuels :
Le militaire franchement,
N'a pas toujours de l'agrément,
disait-il, mais... il avait des mais irrésistibles.
Quand j'aurai dit que MM. Duprez, Saint-Germain,
Garraud, Pierre Petit étaient au nombre des con-
vives, et que Lassalle, malgré son indisposition offi-
cielle, a dit la Chanson française, de Vincent, avec
une ampleur magistrale, mon devoir de chroniqueur
sera rempli de la façon la plus complète.
Dans son toast, le plus nerveux des douze qu'il a
composés cette année, Charles Vincent a voulu
donner la raison principale de sa prédilection pour
le Caveau; c'est que la société impose à ses adhé-
rents l'obligation de ne chanter aux banquets que
des œuvres inédites. Evidemment, la mesure est très-
bonne : on n'existe qu'à la condition de produire. Je
reviendrai plus tard sur ce point important. Comme
le veut la tradition, Vincent a quitté la présidence
de la même façon qu'il l'avait prise, en chantant,
joyeusement et virilement. On lira, dans ce numéro,
les Adieux du fraternel poète à qui nous disons :
au revoir!
L.-Henry LECOMTE.
LICE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 4 DÉCEMBRE 1878
Homère, ou, pour être plus vrai, les poètes errants
et niendiants dont les chansons guerrières ont été
attribuées après coup à un seul et unique rapsode,
jouissaient d'un privilège que j'envie. Chacun de
leurs personnages avait son épithète propre'. Achille
aux pieds légers, Agamemnon le pasteur des peuples,
Athêné aux yeux verts, Odysseus le cauteleux. On
n'en démordait pas. Qu'Achille, par exemple, fût
assis au feu du conseil, ou couché dans sa tente,
c'était toujours le héros aux pieds légers, et Athêné;
même endormie, si jamais la sagesse s'endort, avait
toujours les yeux verts.
Ce privilège me manque, et j'en suis marri. Au
lieu de caractériser, suivant les chansons qu'ils
interprètent, les convives de la Lice, je n'aurais qu'à
placer sur chacun d'eux une étiquette, toujours la
même, et tout serait dit. Je vous présenterais
ainsi, tantôt CoUignon, le Tyrtée des goguettes, ou
Chebroux la clé des coeurs; tantôt Jeannin le fantas-
que ou Hachin l'esprit, ou bien encore Nadot la
grâce, ou Baillet le baryton du Marais ; et ainsi des
autres. Ce procédé me dispenserait d'un éternel et
ennuyeux dénombrement. Un tel a chanté ceci, tel
autre a dit cela. Au fait, pourquoi n'y pas renoncer
tout de suite ? Laissons au registre du maître des
chants le soin d'être exact et complet. Bornons-
nous à glaner au hasard quelques sujets d'éloge ou
de critique.
C'était le jour des souvenirs. M. Adeline, en traitant
à son tour le Doigt dans l'œil, nous a rappelé Nadot,
qui l'a chanté il y a longtemps. Paul Avenel, dans
son Enterrement civil, couplets vigoureux et d'une
haute philosophie, s'est souvenu, sans le savoir, du
refrain d'Alphonse Leclercq :
Enterrez-moi civilement.
CoUignon, dans la musique que lui a inspirée une
belle chanson de Nadot : Ça tient d' famille, a glissé,
par réminiscence, des passages reconnaissables de
son air de la Chanson, de Desforges. Baillet a ses
souvenirs aussi : avec quelle émotion spirituelle il
nous peint cette Hélène, la petite ouvrière dont les
bas tournent au bleu, et les passagères amours, et la
disparition dans l'inconnu ! . . . O Musette !
11 n'est pas jusqu'à l'auteur de ces lignes qui n'ait
sacrifié à Mnémosyne. Les absents lui ont inspiré
quelques vers mélancoliques: quand je dis les absents,
je veux dire les morts. Que de vides! Mais aussi
pourquoi déserter la Lice pendant douze ans? Lui-
même aurait bien pu ne s'y plus retrouver. Et il
aurait été privé du plaisir de serrer encore bien des
mains amies.
L'autre mois, au Caveau, se révélait l'auteur d'un
chant national remarqué par le jury du concours de
La Chanson. Hier, à la Lice, Robinot a chanté la
Fraternelle, également citée avec faveur dans le
rapport. Nous avons été heureux de joindre nos
bravos à ceux qu'il a obtenus de ses collègues et
amis.
Entre amis ça n" se fait pas. le Luxembourg , poésie
pleine de finesse, le Petit vin traître, Y a toujours
moyen d' s'arranger, le Dernier homme 'surtout,
méritent une mention particulière, et nous ont permis
d'apprécier les talents variés de Cahen, Nazim,
Vatinel, Jeannin et Henri Nadot, déjà nommé.
Il n'y a pas de soirée poétique complète sans
Victor Hugo. Sutter nous a dit avec beaucoup de
chaleur, mais avec un peu de précipitation, qu'ex-
pliquait d'ailleui's la longueur de la pièce, Petit Paul,
de ce grand maître. Récit simple et touchant où le
poète a mis toute son âme et toute sa grâce. H est
à regretter — pardon de la liberté grande ! — que
là trame disparaisse souvent sous le fouillis inex-
tricable et brillant des plus capricieuses broderies.
0 chevilles, voilà de vos coups. Mais ces chevilles,
monsieur, sont des clous d'or.
Et maintenant, excusez les oublis du chroniqueur.
Quant au ioast, qui soulève une grosse question, je
n'en dis rien pour aujourd'hui. Je ne parle pas du
toast de Chebroux, qui était charmant, mais du toast
en général.
EuG. IMBERT.
LA CHANSON
107
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le 28 novembre, les Enfants du Marais donnaient
une grande représentation qui a été couronnée de
succès. Les bravos ont été cueillis par MM. Adrien
Souchet, Dubois, Jomain, Ambroise, M"° Andréa et
surtout une jeune personne qui a murmuré gracieu-
sement A travers le feuiUaye.
Une superbe tombola a terminé la soirée à la
grande satisfaction des spectateurs.
A la Lyre de la Gatté, grand émoi! M"" Adèle a
reçu des mains du Président l'insigne d'honneur ;
c'était touchant, parole d'honneur ! . . .
Le 7 courant, l'Union Artistique, s'inspirant de
l'idée émise par la Chanson, donnait une représenta-
tion extraordinaire au bénéfice de la souscription
qui sera prochainement ouverte pour l'érection d'une
statue à Béranger. Jamais peut-être je n'aurai tant
regretté que notre cadre ne nous permette pas des
comptes rendus plus complets. Je serai donc forcé-
ment bref !
La représentation, organisée et dirigée d'une
façon intelligente par M. Paulin, président, a été,
j'en suis persuadé, lucrative et laissera certainement
un agréable souvenir dans l'esprit de tous ceux qui
ont assisté à cette solennité. La salle, décorée avec
beaucoup de goût, avait pris d'elle-même un air de
fête. Chaque sociétaire avait appris une de ces vieilles
et bonnes chansons que notre regrette Béranger ne
peut malheureusement plus faire.
Mais ses cendres ont certainement dû tressaillir de
joie en entendant ces refrains populaires arrangés
pour la circonstance et d'une façon très-savante par
M. BoU, pianiste de la société, et qui furent applaudis
et bissés par un public enthousiaste.
Notre collaborateur Gôdhé a obtenu un succès de
poète dans un à-propos en vers récité par M. Néolies.
Cette poiîsie (nous la publierons en entier dans
notre prochain numéro) amenait naturellement le
couronnement du buste, qui fut fait en grande
pompe par cinq sociétaires. Le grand succès de la
soirée a été pour les interprètes des Rêves de
Marguei'ite, un duo d'amour parlé de Veroonsin.
Certes, il était difficile d'être plus naturelle et plus
cliarmante que M"" Rolland et on ne pouvait désirer
un jeune premier plus sympathique que M. Etienne.
M"° Mathiide Arnaud a chanté la Lisette de
Béranger en grande artiste; M"' Béra, toute trem-
blante pour ses débuts, s'est révélée dans Monsieur
Printemps et surtout dans la Bergère de Bar bison.
M"° Riema, qui n'a plus besoin d'éloges, a été toujours
la même, c'est-à-dire remarquable.
M. Raynal, dans Peut-on enti'er'? a. îa.\t onhMev
Armand Ben. M. Clairval a chanté de lui un Amour
Tyrolien. M. Georges avec Onn' tient pas c't article-là
ctM. Denneville avec J'en savais rien de notre colla-
borateur Gédhé ont fait rire et se sont fait bisser.
Constatons encore les succès du Vieux Vagabond, par
M. Renaud ; les Hirondelles, par Michel; une Histoire
de voleur, par M. Gabriel; le Sénateur, par M. Angèle;
la Sainte Alliance des peuples par M. Lioret, un débu-
tant; Paillasse, par M. Clairval, etc.
Bref, comme je le disais, souvenirs agréables
pour tous.
Le même soir le Bal de l'Harmonie du Commerce
a été simplement merveilleux. A. LEROY.
La matinée donnée, le dimanche 8 courant, par
la Mutualité commerciale au théâtre du Chàteau-d'eau
a été aussi brillante que celles des années précé-
dentes ; le programme était superbe et les artistes
s'appelaient : M°"* Rousseill, Amiati, Duparc,
Sehmidt, Mendès, Marie Tayau, MM. Coquelin cadet,
Plet, Fraizier, Guillemot, 'V'elly. Quand j'aurai cité
M. Maton, le roi des accompagnateurs, et l'orchestre
de l'Eldorado conduit par M. Ch. Malo, il s«ra facile
de comprendre l'enthousiasme du public.
M""" Amiati a chanté pour la première fois, avec
un immense succès, un Noël patriotique, musique de
Ch. Malo, paroles de Jacques Grancey et Eugène
Leclerc. — Cette chanson vient de paraître chez le
sj-mpathique éditeur Michaëlis, dont les éditions
artistiques ont consacré la réputation. GÉDHÉ.
Im Jeunesse Artistique de Vincennes. — Cette
société lyrique, qui compte deux années d'existence,
donne tout les mois une soirée-concert dans le
Casino-Sausserousse. Nous avons assisté à la soirée
intime du 7 décembre ; nous y avons remarqué la
verve comique du président, M. Lambert, et du
secrétaire, M. Joinneau. Parmi les plus ï,pplaudis
citons ensuite MM. Dumon, Mirey, Cairon, Wer-
melinger, Acquart et le jeune Lambert, sans oublier
M. Gérard, un débutant. Le piano était fort bien
tenu par M. Blondel, l'accompagnateur de la société.
H. DEMANET.
Les Amis du Progrès, président Gignoux (Café du
Grand Jardin, rue de Paris-Belleville). Cette société
donne tous les dimanches des soirées très-suivies.
Ne pouvant nommer tous les bons chanteurs qui s'y
donnent rendez-vous, je cite au hasard MM. Dupré,
Defranoe, Rauh et Fernand Gauroy. Une mention
spéciale à la charmante Emélie Préaux, âgée de onze
ans, pour Cocotte, scène comique de M. Pescheux,
musique d'Auguste Marcus, qu'elle détaille avec
beaucoup de finesse.
£a Cordiale (Brasserie des Bords du Rhin) attire
tous les jeudis une aftluence considérable. L'excellent
président Champion dirige avec autant de tact que
de goût les soirées. La partie lyrique est largement
représentée. — M. Tronchet, de l'Âlcazar^ qui avait
pi'èté l'autre soir son bienveillant concours, a été
rappelé deux fois. Alphonse Rueff a chanté les Gas de
Falaise, avec beaucoup d'entrain. La pièce : On
demande un pitre n'était pas suffisamment sue. Quant
à Marcus l'accompagnateur, sa réputation de pianiste
est faite depuis longtemps.
Victor LEBRETON.
Le samedi 16 novembre, à minuit, dans les bril-
lants salons du café Riche, a eu lieu le premier
banquet des Artistes Lyonnais habitant Paris.
Pour faire partie de cette réunion fraternelle, il
faut être né dans le département du Rhône ou s'y
être naturalisé par une notoriété artistique et un
séjour pi'olongé. Cependant il a été fait exception
en faveur des frères Lionnet, qui avaient adressé au
président Clairville une supplique en vers. Parmi
les artistes présents au repas, citons : MM. Salomon
de l'Opéra, Michot, Alfred Quidant, Berthelier,
Parade, Luco, Mangin, Mocker, Perrot, Guillot,
Frappa, Alexis Bouvier, Carjat, Gandon, etc., aux-
quels s'étaient joints des peintres et des journalistes
venus de Lyon; en tout soixante-dix convives.
108
LA CHANSON
Notre collaborateur et ami Etienne Ducret avait
improvisé pour la circonstance un boniment en
jargon Lyonnais qu'il a débité à la grande joie des
gones réunis. Le manque de place nous empêche
d'offrir à nos lecteurs la primeur de cette pièce ori-
ginale. Salomon, Berthelier, Durafour, les Lionnet,
Alfred Quidant et Michot ont été chaleureusement
applaudis. Ce dernier a couronné la fête en entonnant
les Louis d'or de Dupont.
Après avoir ri. chanté et porté plusieurs toasts à
la presse, on s'est séparé à cinq heures du matin.
Bignon s'était surpassé dans un service splendide.
Un concours de poésie et de chansons a eu lieu, le
lundi 18 novembre dernier, à la Lyre Bienfaisante.
Rarement, des pièces aussi généralement bonnes
ont été entendues dans ces sortes de joutes litté-
raires.
Jules Vernier, suivant son habitude, a remporté le
premier prix, avec un sonnet intitulé le Blason popu-
laire.
Noël Mouret, un vieux de la vieille, bien connu,
du reste, a eu le second prix pour la vigoureuse
chanson : La Gerbe Républicaine, que nous repro-
duisons dans ce numéro. Nos lecteurs verront que
l'auteur de Charlotte la Républicaine n'a pas vieilli.
Pour ne pas mentir à son nom, la société a fait,
dans cette soirée, une collecte destinée à créer un
livret de caisse d'épargne au profit d'un enfant des
écoles laïques de l'arrondissement.
Bravo, M. Couvreur! Puissent toutes les sociétés
imiter l'exemple de la Lyre Bienfaisante!
Le bal annuel de la Société des Familles (président
Badou) a été, comme les précédents, brillant et
animé.
Le cercle lyrique Ze Caprice a donné, le dimanche
24 novembre, sa soirée d'inauguration dans les
salons de la Brasserie Suisse, 16, passage d'Athènes
(rue Saint-Honoré, 178). Nous aurons l'occasion
de reparler de cette société.
Le Samedi 7 décembre, bonne soirée aux Farfadets.
L'un des leurs, un zélé, Teulet, offrait un prix :
La Vie de Bohème de Murger, s'il vous plaît, à
celui qui ferait entendre la meilleure chanson d'un
auteur mort. Le choix était vaste. Eugène Baillet fut
acclamé président. Il ouvrit la séance par une chanson
trop oubliée : Nicolas Durand, de Vieillefonds, puis
tour à tour Béranger, Hégésippe Moreau, Besforges,
Rabineau, Charles Gille, eurent les honneurs de la
soirée. Flachat eut une heureuse inspiration en
faisant entendre un brUlant et vinicole vau-de-vire
d'Olivier Basselin.
Donner le prix n'était pas tâche facile. Sur une
motion du président les voix se rallièrent à l'unani-
mité sur Monicard, qui non-seulement avait chanté
une oeuvre remarquable : Les étoiles qui filent, de
Béranger, mais l'avait dite avec beaucoup de goût
et d'art. On porta un toast au souvenir des vieux
chansonniers et l'on se sépara gaîment; à minuit,...
bien sonné !
Leduc, bien connu des vrais goguettiers qu'il
présida souvent, vient de mourir à l'hôpital Lari-
boissière, après une longue maladie. Sa veuve, sans
ressource et malade elle-même, pria notre ami
GoUignon de s'occuper des devoirs à rendre au
défunt, la famille de ce dernier ayant déclaré ne
vouloir rien faire. Collignon eut l'heureuse idée d'aller
chanter du Desforges aux Epicuriens (Massé, pré-
sident), aux Vrais Momusiens (président Leroux),
aux Enfants des Arts et Métiers (Glaireau, président)
et au Cercle Intime (Victor Garnot, président). Les
collectes faites dans ces quatre sociétés produi-
sirent 52 francs qui paj'èrent la funèbre cérémonie.
Ce trait fait honneur à Collignon et aux sociétés,
car toutes auraient agi de même.
Leduc avait été quelque peu chansonnier à ses
heures. On a de lui : la Plume, C'est le même, la Tom-
bola, etc. qu'il interpréta souvent lui-même.
A. PATAY.
AVIS DIVERS
Nous avons reçu, comme il fallait s'y attendre,
quelques réclamations au sujet de nos concours. Un
compositeur distingué, que nous soupçonnons d'avoir
mis en musique un Chant national, s'évertue, en fort
bons termes, à prouver que cette pièce est bien supé-
l'ieure aux chants couronnés et surtout plus ijropre à
devenir populaire. Il désire, pour faire appel à
l'opinion publique, que nous insérions et la lettre et
le chant dont il s'agit. Il comprendra, d'une part,
que nous ne pouvons décerner à un concurrent
malheureux une faveur réservée aux pièces couron-
nées, et d'autre part, que la décision du jury a, en
ce qui nous concerne, force de chose jugée. Cette
publication, accordée à titre exceptionnel, devien-
drait une régie et nous amènerait un véritable
débordement.
L'auteur d'une chanson mentionnée avec éloge
est surpris, dit-il, de la surprise causée au jury par
sa rime de la verte pampe. Il semble craindre que
cette légère critique ne le fasse taxer d'ignorance.
Ce mot, il le trouve dans Littré, Nodier, Landais et
autres. Nul n'en doute ; mais il nous a semblé
que le besoin de la rime avait ici forcé la main au
poète. C. Q. F. D.
Nous nous abstenons de répondre à d'autres obser-
vations, la plupart très-courtoises, pour éviter
d'en faire naitre de nouvelles, qu'il nous serait
impossible d'insérer.
Nous prions les souscripteurs de province, qui
ne nous ont pas encore envoyé le montant de leur
abonnement, de nous le faire parvenir, dans le plus
bref délai, en un mandat sur la poste — le talon
servant de quittance. Nous nous verrions obligés, sans
cela, de faire toucher, en mettant à leur ch arge les
frais de recouvrement.
Même prière à nos abonnés de Paris, à qui nous
rappelons que les bureaux de la Chanson sont ouverts
tous les jours, de 8 heures du matin à 8 heures du
soir. — Les timbres-poste ne sont pas acceptés.
Nous invitons de nouveau tous les présidents de
sociétés lyriques à adresser leurs lettres d'invitation,
cartes d'entrée, etc. au journal la Chanson.
Vient de paraître à notre librairie : la Musique à
la salle des Fêtes, pendant VExposition Universelle
rfel878, par Amédée Edéma. Broch. in-8, prix 1 franc.
11 en sera parlé dans notre prochain numéro.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2" ANNEE. — N» 11.
1" JANVIER 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1 '='■ (fc le 16 de cliaque mois
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
Le Numéro : 20 cent.
«DMINISTRATION & REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PAUIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paria, 6 mois 2 fr. bO
Départ», 6 mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 5o
SOMMAIRE : Galerie des C/iansonniers : Ernest Chebroux (l.-henry lecomte). — Sous les verroux [eu. desforges de vassens).
Le Chemin du Paradis perdu (edouard legentil). — Je voudrais pouvoir rajeunir (j. lagarde). — A Béranger (gédhé).
Le Vin d'Alsace (Ernest meininger). — Brise ton luth (édooard gressin). — Le Concours libre de la Chanson , suite et
(eug. imbert). — Concerts et Sociétés lyriques [a. leroy, a. patay). — Boite aux lettres. — Annonces.
GALERIE DES CHANSONNIERS : ERNEST CHEBROUX
La critique n'a pas
seulement pour but
la confirmation des
renommées ; son de-
voir principal est, au
contraire, de placer
avant tous, à côté des
maîtres, les laborieux
apprentis que conduit
l'amour du beau et que
peut grandir la ferme
volonté du bien.
Ernest Chebroux
est né à Lusignan,
petit village du Poi-
tou, le 28 septembre
1840. Sa famille était
pauvre ; le pain em-
plissait rarement la
huche, et le bois man-
quaitsouvent au foyer.
Le père, maçon-pui-
satier, n'avait ni le
loisir ni les moyens
d'envoyer son fils à
l'école ; il l'employait
plus volontiers à ra-
masser, pendant les
hivers rigoureux, des
branches mortes dans
les forêts. — Charme
irrésistible des pre-
mières années! Chebroux a gardé de son enfance
misérable un souvenir reconnaissant et attendri
qu'il a fixé dans sa poétique chanson des Hives
du Clain!
Lasse de végéter dans une campagne, la
famille Chebroux alla s'installer à Tours. Là,
l'enfant fut envoyé à
l'école mutuelle; mais
les difficultés que les
siens éprouvaient en-
core à vivre lui inspi-
rèrent bientôt une ré-
solution héroïque. Un
jour , Chebroux ne
parut point à la classe.
Le directeur se hâta
d'en avertir les pa-
rents, qui préparèrent
une correction vigou-
reuse. A l'heure du
souper, l'enfant repa-
rut, et, simplement :
— Mère, dit-il, en
posant sur la table dix
gros sous, voici ma
première journée de
travail.
Comment répondre
à cela ? — Par de
grosses larmes et des
caresses. Les parents
ne s'en firent pas
faute.
De Tours, où il fut
typographe , relieur,
Chebroux accompa-
gna sa famille à Paris.
11 y devint régleur,
enfin imprimeur, accomplissant son destin qui
était^ ainsi qu'il le dit lui-même, de noircir du
papier toute sa vie.
Un travail manuel incessant rend l'étude diffi-
cile. A quinze ans, Chebroux savait à peine lire;
mais un désir ardent de s'instruire le conduisit
110
LA CHANSON
aux écoles du soir et lui fit dérober au sommeil
tout le temps nécessaire. Il suivait assidûment
les cours de grammaire et de dessin. Bientôt,
son professeur de français, remarquant en lui
certaines dispositions à la poésie, offrit de lui
enseigner gratuitement le latin. Ces leçons pré-
cieuses durèrent deux années, au bout desquelles
Chebroux traduisait couramment les historiens
et les poètes. Le dimanche, par distraction, il
achetait des couleurs et barbouillait les murs du
logis paternel.
Nous avons parlé des dispositions de Chebroux
pour la poésie ; sa jeunesse besoigneuse dut à la
muse plus d'un rêve consolant. A seize ans, il
composait sa première chanson et la portait à
l'éditeur Durand, un Licéen d'alors. Etre publié,
quel rêve ! et comme le cœur battait au jeune
rimeur en montant l'escalier du libraire! —
Durand lut les couplets, se déclara satisfait et
promit de les faire imprimer. Puis, se ravisant :
« Votre chanson n'est pas complète, dit-il; ce
passeur qui vit entre le ciel et l'eau, ivre de
soleil et de liberté, c'est très-bien; mais ajoutez
quelques vers d'amour,... que ça finisse par un
mariage !» — « Je vais chercher ce couplet, »
dit le poète. Il reprit sa chanson... et la garda.
Quelques années plus tard, Chebroux devint
amoureux, ce qui contribua puissamment à dé-
velopper ses goûts littéraires. On ferait un
volume avec les billets rimes échangés alors entre
lui et son ami E. Dubois. Ce poème intime, plus
heureux que la chanson du passeur, eut pour
dénouement un bon mariage.
Les terribles événements de 1870 imposèrent
silence à toutes les muses. Navré cependant de
voir la guerre civile succéder à l'invasion, Che-
broux ressaisit sa plume. Le21mail871, ilimpi'o-
visait et faisait imprimer, au bruit des fusils,
une touchante Invocation de la France :
Oh! qui donc mettra fin à tant d'ignominie?
Qui donc, établissant une sainte harmonie
Entre tous les humains,
Sera la vérité, la sagesse profonde,
Le flambeau bienfaisant qui doit guider le monde
Vers de nouveaux chemins?
Une période trop longue de représailles suivit
la victoire lamentable des Français sur leurs
frères. Le temps n'était certes pas aux rêveries, et
Chebroux avait grandement raison de répondre
à ceux qui l'engageaient à chanter :
Lorsque j'ai vu — ■ profond dégoût,
Honte pour la raison humaine, —
Le sang coulant à plein égoût
Se mêler aux eaux de la Seine ;
Quand je vois des orphelins nus,
Les yeux attachés à la terre,
Appelant et pleurant un père
Qu'hélas, ils ne reverront plus !
Enfin, quand je vois à cette heure.
Tant de misère, je gémis,
Je suspends mes chants et je pleure
Sur les malheurs de mon pays !
Mais quel poète se pourrait résoudre à l'éternel
silence? — En 1872, Chebroux collaborait à la
Ligue des Poètes, et, pour se venger des misères
endurées pendant' les deux sièges, flétrissait,
dans sa chanson des Veuillotins, les ténébreux
artisans des malheurs publics. Les Echos Pari-
siens sollicitèrent bientôt son concours ; il l'ac-
corda par ces vers énergiques :
Mes bons amis, dans vos Echos,
Vous voulez aujourd'hui qu'avec vous j'entre en lice ;
Lutterez-vous pour ces trois mots :
Liberté, Progrès et Justice?
Serez-vous le fouet cinglant les abus?
Serez-vous le flambeau qui répand la lumière?
— Lors, amis, sous votre bannière,
Comptez un combattant de phis.
Vers cette époque, Alphonse Leclercq con-
duisit Chebroux à la Lice Chansonnière. La Ligue
des Poètes venait d'être condamnée pour avoir
publié des chansons politiques; Chebroux, pre-
nant texte du jugement, rima ce conseil à
l'adresse de ses frères en poésie :
Vous me direz — je vous entends —
Q'on ne saurait toujours se taire, '
Qu'aujourd'hui d'adroits prétendants
Vont. . . chut ! ce n'est pas votre affaire.
Pour relever votre pays,
A la Vierge offrez un cantique ;
Mais croyez-moi, mes bons amis,
Ne faites plus de politique !
Un mois après (mars 1873) Chebroux était
reçu membre titulaire de la Lice. La même
année, on le chargeait du secrétariat qu'il con-
serva jusqu'en 1877, où la présidence lui fut
décernée.
Il est d'usage, à la Lice comme au Caveau,
qu'un toast en vers contenant l'éloge de la
chanson soit prononcé, chaque mois, par le poète
qui préside les banquets. Douze fois de suite
donc, il lui faut rajeunir par quelque originalité
de forme ou de pensée un thème rebattu. Veut-
on savoir comme Chebroux triomphait des diffi-
cultés du sujet? — Qu'on lise ce portrait char-
mant de la chanson française :
La divinité que je rêve,
Et qui rayonne sur mes jours,
Est une blonde fille d'Eve,
Aux francs, aux robustes contours.
Je vous la peins comme je l'aime,
Insoucieuse, un peu bohème.
Inconstante comme le temps,
Changeante comme le nuage.
Et portant sur son frais visage
Les fleurs d'un éternel printemps.
C'est la folle au joyeux délire,
A l'œil rempli de volupté,
D'esprit et de malignité ;
A voir sa verve on pourrait dire
LA CHANSON
111
Qu'elle eut pour mère la gaité
Et pour père un éclat de rire !
C'est celle que l'on voit toujours,
Légère comme une gazelle,
Allant de la plaine aux faubourgs,
De la mansarde à la tonnelle,
Traînant constamment avec elle
Un essaim de fripons amoiirs.
C'est l'infatigable frondeuse
Cinglant, sans trêve ni repos,
La bande toujours trop nombreuse
Des cafards, des fourbes, des sots ;
C'est celle, enfin, dont l'œil s'enflamme,
Et qui, le cœur plein de fierté.
Redevient une forte femme
Au soufile de la liberté !
La présidence de la Lice étant vacante,
Chebroux en accepta complaisamnient le fardeau
pendant les huit derniers mois de 1878, et c'est
à son refus seul que le pouvoir ne lui a pas été
continué pour l'année qui commence.
Les poésies de Cliebroux (stroplies, toasts ou
récits) sont jusqu'à ce jour plus nombreuses que
ses chansons; mais ces dernières se recom-
mandent par un coloris, une élévation, une verve
rares. Nous citerons, parmi ses œuvres les
plus connues : // faut que je jjas&e, le Concert
bachique, Mes Illusions, les Rives du Clain, 0
Veuillotins que je vous aime ! le Printemps qui
s'éveille, Salut au voyageur, Chantons, les l'rois
couleurs, la Fête du travail, Premier chagrin,
le Vin Français, l'Hiver a ses beaux jours.
Plusieurs de ces chansons ont été mises eu
musique par l'auteur même; Darcier, CoUignon,
Blasini, Vaudry, Echalié, ont écritpour les autres
des mélodies nouvelles. Recherchant surtout les
succès difficiles, le poète adonné peu de choses au
concert ; M'"° Bordas et Pacra lui doivent
cependant quelques créations heureuses.
Chebroux possède aujourd'hui une imprimerie
achalandée ; il est de plus dessinateur et quelque
peu peintre. Entre une femme aimable et un fils
déjà grand, sa vie s'écoule, laborieuse etpaisiljle,
partie à l'atelier, partie au grand air^ car il a
déjà pu réaliser ce rêve de tout Parisien : une
maison de campagne.
Charles Vincent fit jadis collaborer Chebroux
à la Chanson Française. Le rédacteur en chef
de ce journal, Coligny^ s'éprit du nouveau venu
et le présenta partout comme un bon chansonnier
de l'avenir.
— Mon cher Coligny, disait Cliebroux, vous
me faites souscrire là un billet qu'il me sera
difficile de rembourser.
Pourquoi donc? — N'est-il pas en fonds
d'esprit et de poésie? Par ce qu'il a fait déjà,
préjugeons ce qu'il peut faire encore. Sa muse^
un peu trop bucolique, entonnera quelque jour
les refrains mâles. Complet alors, le talent chan-
sonnier de Chebroux n'aura, dans le présent,
nulle comparaison à redouter.
L.-Henry LECOMTE.
SOUS LES VERROUX
Musique de J.-B. Collign'on (*)
Le ciel était d'azur, la brise était bien douce
A travers les barreaux de la sombre prison;
Les oiseaux éveillés gazouillaient dans la mousse.
Comme un ami glissait dans l'ombre un chaud rayon.
Chantez, chantez gaîment dans vos nids de feuillage,
Redoutez l'oiseleur, évitez les réseaux ;
Dieu vous garde toujours des ennuis de la cage,
Heureux petits oiseaux !
Voltigez, voltigez, la brise vous appelle
A folâtrer dans l'air et mêler vos chansons ;
Pour vous nourrir elle a de son souffle fidèle
Egrené cette nuit l'épi dans les sillons.
La source du rocher déverse sous l'ombrage.
Pour vos joj'eux ébats, ses plus limpides eaux;
Dieu vous garde toujours des ennuis de la cage.
Heureux petits oiseaux!
Voltigez par les monts, voltigez par les plaines.
Deux par deux, poursuivants, poursuivis tour à tour ;
Puis, au fond des vallons, à l'ombre des vieux chênes,
Vous irez reposer loin des chaleurs du jour
Vos joyeuses amours qu'abrite le feuillage.
Que caressent les vents, que bercent les rameaux ;
Dieu vous garde toujours des ennuis de la cage,
Heureux petits oiseaux !
Ce soir, quand vous verrez s'éveiller les étoiles,
La tète sous votre aile, accouplés dans vos nids.
Vous vous endormirez et la nuit de son voile,
La nuit protégera vos asiles bénis.
Et le pauvre captif, impuissant dans sa rage,
Décbirera ses doigts aux angles des barreaux :
Dieu vous garde toujours des ennuis de la cage,
Heureux petits oiseaux !
Ch. DESFORGÉS de VASSENS.
(*} Nous devons à notre ami Collignon communication de
cette œuvre inédite.
LE CHEiMIiX DU PARADIS PERDU
C'est dans Milton, qu'enfant j'appris à lire.
•J'ai parcouru son Eden enchanté.
Lors, je l'aimais, maintenant je l'admire
Et comprends mieux son Satan révolté.
L'ange exilé du céleste domaine
Jette à la foi le défi le plus beau,
C'est la pensée allumant un flambeau
Pour éclairer la conscience humaine.
Pour retrouver le paradis perdu,
Penseurs, mordez dans le fruit défendu.
Jeune chanson, sois gaie en restant digne ;
Quand tu naquis, Sapho du cabaret,
Ton lange fut une feuille de vigne.
Ton premier sein, un broc de vin clairet.
Chante bien haut, en bravant la censure,
Cher moineau franc, vole au-dessus des lois ;
Enivre-nous de ton rire gaulois. . .
Petit couplet guérit grande blessure.
Pour retrouver le paradis perdu.
Bardes, mordez dans le fruit défendu.
112
LA CHANSON
Pour reposer dans la terre promise,
Naïve enfant, tu voiles ta beauté;
Ton sang qui bout et ton âme insoumise
Souffletteront ton vœu de chasteté.
Car le désir, qui te tord dans un rêve,
Met sur ton front des rides au réveil ;
Fleur de vingt ans, il te faut le soleil.
Sois femme enfin, petite-flUe d'Eve !
Pour retrouver le paradis perdu,
Vierges, mordez dans le fruit défendu.
Peuple courbé, pour soulever le monde,
Comme Archimède, il te faut un levier ;
Le livre est là, dans ce Nil qui t'inonde
Baigne ton front pour te fortifier ;
Lis et relis, plus d'une page austère
De fleurs d'amour parfume son verso ;
Pleure en rêvant dans l'âme de Rousseau,
Pense avec Kant et ris avec Voltaire.
Pour retrouver le paradis perdu,
Lecteurs, mordez dans le fruit défendu.
Hardi savant, va, soulève les voiles !
Que ton esprit, enfiévré d'inconnu.
Plonge sans peur dans l'océan d'étoiles
Qui, du zénith, éblouit notre œil nu.
Victoire, enfin ! de ces célestes terres
Depuis hier, vainqueur, nous te voyons
Analyser leurs lumineux rayons. . .
Le méchant seul a besoin de mystères.
Pour retrouver le paradis perdu,
Savants, mordez dans le fruit défendu.
Oubliez donc la légende mystique
Vous, dont le sceptre est un léger pinceau,
Rappelez-vous en respectant l'antique.
Qu'art et progrès n'ont qu'un même berceau.
Le vrai peut seul rajeunir la peinture
Et lui donner un éternel printemps ;
Artistes fiers, soyez de votre temps.
Retrempez-vous dans la grande nature.
Pour retrouver le paradis perdu.
Peintres, mordez dans le fruit défendu.
Hymne d'airain, chanson aux larges ailes,
Ceux qui voulaient te jeter au néant
Sont aveuglés par des flots d'étincelles :
Les nains n'ont pu bâillonner le géant.
Qu'en ta mémoire, humble femme française,
Elle retrouve un nid hospitalier,
C'est un drapeau, ne vas pas l'oublier;
Berce tes flls avec la Marseillaise.
Pour retrouver le paradis perdu.
Français, mordez dans le fruit défendu.
Edouard LEGENTIL.
JE VOUDRAIS POUVOIR RAJEUNIR
Air de La Robe et les Bottes
Satisfait de sa destinée,
Un amateur du gai savoir.
Dans sa quatre-vingtième année,
De chanter se fait un devoir ;
Du Caveau ce membre honoraire,
Pressentant un long avenir.
S'écrie encor d'une voix claire :
Non, je ne veux pas rajeunir.
Quoiqu'étant presque du même âge.
Je ne suis pas du même avis.
Surtout lorsqu'un joli visage
S'offre à mes regards éblouis.
En admirant une fillette.
J'ai bien l'attrait du souvenir;
Oui, mais pour lui conter fleurette
Je voudrais pouvoir rajeunir.
Dans notre première jeunesse,
Que de douces illusions !
Mais hélas ! dans notre vieillesse
Que de tristes déceptions !
A chaque instant, nouvelles transes,
Le ciel semble se rembrunir:
Pour prolonger mes espérances
Je voudrais pouvoir rajeunir.
Attendez que le vin vieillisse,
Nous dit le docte Lesueur,
Ce breuvage est bien plus propice
Quand l'âge l'a rendu meilleur.
C'est possible, mais je préfère
D'un vin moins vieux me soutenir.
Et pour en sabler à plein verre
Je voudrais pouvoir rajeunir.
J'ai vu déjà dans ma patrie,
Détrôner plus d'un souverain,
J'ai vu d'une armée aguerrie
Les débris joncher le terrain ;
Contre un désastre politique,
Afin de mieux me prémunir.
Dans le sein de la République,
Je voudrais pouvoir rajeunir.
En vain, au déclin de ma vie.
J'invoque la sainte amitié
Qui nous soutient contre l'envie,
Et dans nos cœurs est de moitié;
Au Caveau je la vis éclore.
Mais je crains de la voir finir :
Pour y chanter longtemps encore
Je voudrais pouvoir rajeunir.
J. LAGARDE.
A BERANGER
A-Propos dit, le 7 décembre 1878, à l'Union Artistique.
Amis, debout ! . . Célébrons la mémoire
Du citoyen et du grand chansonnier.
Qui fut du peuple et l'honneur et la gloire;
Découvrons-nous... Saluons Béranger!
Ce grand esprit, Diogène moderne.
De la gaîté revêtit le manteau ;
« Libre et content » allumant sa lanterne.
Il répétait : k Je roule mon tonneau. »
En sa mansarde, il chanta la jeunesse,
La liberté, les ris et le printemps ;
Il fredonna, le cœur plein d'allégresse :
« Dans un grenier, qu'oti est bien à vingt ans! »
A ces deux noms : Frétillon et Lisette!
Quels souvenirs s'éveillent pleins d'ardeur I
Rêves perdus! ... La dernière grisette
Au lustre d'or a consumé son cœur !
LA CHANSON
113
C'est qu'il n'est plus, le c'r.antre populaire
Dont les accents faisaient naître l'amour ;
On chante encor, mais la Muse vulgaire,
Au rire faux, est la reine du jour.
Simple et modeste, il mourut sans richesse;
Par ses aïeux, il fut noble de nom ;
Mais, rejetant ses titres de noblesse,
Il fut du peuple, et c'est là son blason !
Il arracha le masque des Jésuites,
Ouvrit un culte à l'esprit, au bon sens,
Foulant aux pieds le dieu des hypocrites,
Il honora le Dieu des bonnes gens.
Lorsque nos fronts, blanchis par les années,
Se pencheront, par les rides flétris.
En souriant, nos lèvres étonnées
Diront encor tous ses refrains chéris.
La mort le couvre en vain du sombre voile
Dont l'aspect seul nous arrache des pleurs,
Son souvenir, comme une blanche étoile,
A tout jamais règne au fond de nos cœurs !
Qui, mieux que lui, sut chanter l'espérance,
Le vin, la gloire, et donner aux petits
Cette moqueuse et libre insouciance
Qu'ils puisaient tous en ses nobles écrits !
Oui, tour à tour, sa voix modeste etfière
Fit résonner le chaume et le palais ;
Dans la chaumière, elle disait : « Espère «
Chez le puissant : « Prodigue tes bienfaits I »
Et nous, tes fils, ô chansonnier poète,
En attendant qu'on t'offre un piédestal.
Nous déposons humblement sur ta tête
Une couronne, hommage filial.
Nous honorons celui qui frappe et tue
Quand il défend la sainte liberté ;
Notre poète aussi veut sa statue.
Lui, le champion de la fraternité !
Voici le marbre ! ... A l'œuvre, statuaire !
Que ton ciseau fouille le bloc épais !
Il faut que près des héros de la guerre,
Se dresse enfin un héros de la paix!
Amis, debout ! . . . Célébrons la mémoire
Du citoyen et du grand chansonnier.
Qui fut du peuple et l'honneur et la gloire;
Découvrons-nous. . . Saluons Déranger ! . . .
GÉDHÉ.
LE VIN D'ALSACE
A M. Ch. Herrmann, directeur de la Sainte-Cécile
de Mulhouse.
Chantons, amis, le vin d'Alsace,
Ce jus divin des bords du Rhin,
Donnons-lui la meilleure place
A la cave ou dans un festin.
Sa couleur à l'or est semblable,
C'est un chaud rayon de soleil
Qui nous vient éclairer à table,
Son parfum n'a pas son pareil.
Allons, amis, le verre en main,
Et répétons ce gai refrain :
De boire que nul ne se lasse.
Et vive le bon vin d'Alsace,
Ce doux nectar des bords du Rhin!
De nos pères montrons-nous dignes,
Eux qui buvaient comme des dieux;
Vouons au produit de nos vignes
Un culte incessant et pieux.
Arborons comme unique emblème,
La bouteille brune au long col
Pleine de ce nectar qu'on aime.
Et qui pousse dans notre sol.
Allons, amis, etc.
Il bannit la mélancolie,
Car, embellissant nos vieux jours,
Par lui du fleuve de la vie
Nous descendrons gaîment le cours.
Et lors de notre heure dernière,
Sans regrets tous nous partirons,
Vidant encore un dernier verre
Du bon vin que nous préférons.
Allons, amis, le verre en main,
Et répétons ce gai refrain :
De boire que nul ne se lasse.
Et vive le bon vin d'Alsace,
Ce doux nectar des bords du Rhin.
Ernest MEININGER.
BRISE TON LUTH!
Chante ! la nature est en fête,
Le soleil éclaire les cieux.
Pourquoi des larmes dans tes yeux?
Accorde ton luth, ô poète!
Muse, pardonne à ma soufi'rance;
Mais il me faut te résister.
O muse je ne puis chanter.
Alors qu'il n'est plus d'espérance !
Chante ! etc.
0 muse, j'ai la mort dans l'âme,
Mon cœur ne fait que soupirer!
0 muse, laisse-moi pleurer.
J'ai perdu l'amour d'une femme !
Chante! etc.
Dans la nuit sombre, sans étoiles,
Quand elle venait me trouver,
O muse, laisse-moi rêver!
Tremblant, je dénouais ses voQes.
Chante ! etc.
Elle a fui comme une hirondelle
Hélas ! pour ne plus revenir.
0 muse laisse-moi mourir.
Afin d'oublier l'infidèle....
Puisqu'ici-bas rien ne t'arrête,
Et que ton âme aspire aux cieux;
La muse te ferme les yeux :
Brise ton luth, ô mon poète !
Edouard GRESSIN.
LE CONCOURS LIBRE DE LA CHANSON
(Saite et fin)
Les Deux Berceaux^ le Messager^ brillent aussi par
le naturel et la délicatesse. La Muse au Poète
renferme de beaux vers. En voici une strophe :
Va! Saisis d'une mai
Et de r autre ta lyre
Et puis, ô pèle:
t l'appui de la faiblesse,
ùnsi qu'ua fer qui blesse,
114
LA CHANSON
Sans chercher l'ombre j
Sans tfève, sans repos,
Marche, marche toujoui
ie ou la claire fontaine,
ns force, sans haleine,
le but est l'avenir i
La Plume du poète a heureusement inspiré un des
concurrents.
Tu déchaînes la foudre ou calmes la tempête,
lui dit l'auteur ;
Tu décernes la gloire, et sèmes par tes vers
La liberté, l'amour aux vents de l'univers!
Tout le morceau est bien pensé, bien écrit et plein
de verve.
Dans la fantaisie, il convient de citer : les Phases de
la Lune, stances d'une allure pimpante et dégagée ;
Fantasia; le Rondel qui a pour refrain Guaigner
Guerdon, d'un archaïsme très-réussi ; la Dernière
Grisette, petit poème gracieux; Conseil à suivre; la
ballade des Hommes de mai, pleine d'esprit quoique
politique ; mais pourquoi l'auteur choisit-il pour
rimer avec le mot mai, qui se prononce comme
jamais, des rimes telles que germé, allumé, opprimé?
M. Bouchor, un bon poète qui est en même temps
un bon rimeur, accouple, dans le Faust moderne,
mai avec bien-aimé. Arsène Houssaye :
Pourquoi pleurer au mois de mai?
— Au mois de mai je vis Claudine,
Je vis Claudine et je Vaimai.
Enfin, exemple pris plus haut :
Tous les faux biens qu'on envie
Vers l'ombre, hélas, tout dévie;
Que reate-t-il de la vie.
Excepte d'avoir aimé?
Vous voyez que Hugo est tombé dans la même
faute. Ce n'en est pas moins une faute. Les exemples
les plus illustres ne peuvent ici faire autorité.
M. Hugo, qui rime d'ordinaire très-richement, a
bien fait rimer ensemble charmants et printemps,
Lesbos et flambeaux, Jean Huss et disparus : devons-
nous pour cela l'imiter? Devons-nous suivre Alfred
de Vigny, un maître poète, jusque dans cette har-
diesse, que j'appelle une incorrection :
La rime dont il s'agit pèche contre la règle de
l'oreille qu'elle offense, et n'est pas plus admissible
que protégés et assiégeais ou archet et caché, un ancien
péché de M. L. Brocherie, ou encore diaprés et de
près, que nous avons trouvé dans le présent concours.
toi sont mes anges,
réjouissent mon cœur.
Ainsi parle le Dieu des bonnes gens à Déranger, que
le céleste portier refuse de laisser entrer au paradis.
L'auteur Je ces vers exalte avec chaleur les mérites
de la chanson, et nous fournit une transition toute
naturelle.
Dans le genre de la chanson proprement dite, donc,
le jury a distingué les pièces dont les titres suivent :
Pourquoi ?ious chantons, couplets pleins de désin-
volture ; la Chanson du travail; la Fiiite à Mathurin,
grivoiserie spirituelle; \a.Fête de Bacchus ; Pourquoi
nous filons ; Philosophie, morceau bien pensé et bien
écrit ; la Pluie ; A Petit-Jean, couplets dans lesquels
l'auteur fait entrevoir à l'enfant, sans amertume, les
déceptions qui l'attendent dans la vie ; Si j'avais la
puissance; la Marseillaise des blés, tableau champêtre
auquel il manque un cadre, je veux dire un refrain;
Mariez-vous, moi je reste garçon; A tout hasard;
Mes cinquante-huit ans ; C'est trop fort de café, refrain
peu neuf, mais rajeuni ; le Bonheur d'être grand-père;
Monsieur Termite, couplets qui ne manquent ni
d'esprit ni de trait, mais que déparent malheureuse-
ment quelques hiatus ; Trouvez l'hymne gaulois, dont
l'auteur n'a pas osé suivre le conseil qu'il nous
donne en bons vers ; la Sérénade, d'une tournure
cavalière, et Vive Paris!
Dans Au large! on remarque un bel élan patrioti-
que, et les stances suivantes, datées de Belfort, 1870:
Qu'en dites-vous, mes compagnons I
Devons-uous leur ouvrir nos portes î
Pauvres Prussiens, nous vous plaignons ;
Faites approcher vos cohortes.
Mais songez bien que vingt fossés
Défendent notre citadelle.
Et que nous tous, à rangs pressés,
Formons une ligne nouvelle.
Le jury n'a pas eu à relever, dans ce concours,
autant de lourdes fautes que dans le précédent. La
liberté laissée à l'inspiration en est sans doute la cause,
tandis qu'un patriotisme peu éclairé a pu pousser au
concours des chants nationaux plus d'un lutteur mal
préparé. Toutes les pièces néanmoins ne sont pas
exeuptes d'incorrections, d'images forcées et autres
taches. Que diriez-vous, par exemple, d'un homme
qui passe au travers du filet des douleurs, et
s'échappe, y laissant le manteau de ses pleurs. . . en
otage ? L'auteur de Espérance a gâté ses vers par
des images trop cherchées et mal trouvées.
En fait d'incorrections, signalons aux auteurs du
Jésuite, du Séducteur et de la Chanson d'avril les
vers suivants :
L'or pour lui est son atout.
Il va suffire d'un serment, d'un regard.
La nature a chanté un poème sans fin.
Nous devons dire, pour être vrai, que, dans l'espoir
d'éviter ou de masquer au moins la faute, les auteurs
de ces deux derniers vers ont écrit : 11 va sufflr, et :
La nature a chantée.
Cette petite ruse est restée inutile
Et n'a point désarmé la rigueur du jury.
C'est donc avec raison qu'un des concurrents,
dans une pièce où il revendique contre un poète
incorrect les droits de la critique, s'écrie :
Ne vaudrait-il pas mieux, c'est mon mot de la fin.
Qu'il prît un bon traité de prosodie en main.
Pour apprendre du moins, à défaut d'autre chose,
A plaider sans lapsus une mauvaise cause î
Nous avions pensé à décacheter les plis qui accom-
pagnent les pièces non couronnées. 11 nous semblait
que, pour les éloges surtout, la publication des noms
donnerait aux remarques du jury une valeur plus
grande et augmenterait la satisfaction des auteurs.
Une réflexion nous a retenus. Avions-nous le droit de
priver, en divulguant, sans autre raison, le nom d'un
auteur et le titre de sa poésie, alors qu'aucun prix ne
motivait cette divulgation, de priver, disons-nous,
un auteur de la faculté de présenter à un autre
concours la pièce non récompensée cette fois ! Nous
avons résolu cette question par la négative, et
respecté le secret des auteurs.
Qui nous jettera la première pierre?
EuG. IMBERT.
LA CHANSON
115
CONCERTS & SOCIETES LYRIQUES
Il y a des gens (j'en connais) à qui vous ne
feriez pas entreprendre un simple voyage de la
Madeleine à la Bastille, dans Tinoifensif omnibus,
un vendredi, surtout s'il tombe un 13. Il 3^ en a qui
poussent la superstition plus loin : ils s'abstiennent
de toute espèce de travaux manuels ou intellectuels :
ils s'interdisent (si possible) même la pensée d'une
idée. Ils craignent sans doute de voir leur cervelle
éclater. Pourtant M. Eugène Petit, l'accompagnateur
de talent et le chanteur sympathique que vous con-
naissez, bravant les vieux préjugés a, le vendredi
13 décembre — je devrais dire ils ont... M. Petit
avait un complice : j'ai nommé M. Adolphe, direc-
teur du café-concert de la Samaritaine. .. (voir le
n" 5 de La Chanson). — Oui, vous avez bien lu, le
vendredi 13 décembre, il y avait, à la Samaritaine,
représentation extraordinaire au bénéfice de M. Petit.
— Décidément les superstitions ont fait leur temps.
Mais ne nous écartons pas de notre sujet et revenons
à cette soirée à jamais mémorable. A 8 heures, on
ne pouvait trouver un tabouret; les place.s étaient à
l'enchère. On se chuchotait à l'oreille : « M"° B.
chantera ce soir. « — « Vrai de vrai? » — « Oui,
Gédhé doit la ramener en tramway. «
On riait à l'avance, on se frottait les mains.
A 8 heures 1;2, on refusait du monde. M. Adrien
Souchet, toujours complaisant, s'efforçait d'écon-
duire le plus galamment possible la foule menaçant
d'envahir la salle de force. Il y en a qui ont assisté
à la repi'ésentation juchés sur des échelles... au
dehors !
Enfin, le concert commence dans le plus profond
silence, que les applaudissements viennent seuls
troubler. L'intrépide Ambroise essuie les planches;
puis nous savourons des noms tels que ceux de
M"" Maria Paora, Berthe Linas, etc., MM. Darcier,
Raynal, Velly, Adrien Souchet, Victorin, qui a
chanté une actualité à grand succès do nos amis
Dorfeuil et Gédhé, et dit avec âme Petit Paul, de
Victor Hugo.
Ducastel a fait une conférence sur le bénéficiaire.
Rien qu'à la pensée de Ducastel conférencier on rit,
n'est-ce pas?... Alors jugez un peu...
Il faudrait citer tout le monde pour être juste.
Les chanteurs habituels de la maison, vous les con-
naissez, tous artistes aimés... Ils avaient pour la
circonstance choisi les meilleurs morceaux de leur
répertoire et redoublé de zèle et d'entrain.
La face de l'excellent Petit rayonnait ; on sentait
qu'il était heureux non-seulement des résultats acquis,
mais surtout du grand nombre d'amis qui lui ont
apporté, avec leurs félicitations, de chaudes et cor-
diales poignées de mains.
Et M"" B?... Hélas, elle n'est pas venue !
L'Eldorado vient d'ajouter un succès nouveau à
la nombreuse série de cette année.
L'Agence Rabourdin, opérette de M. G. Dorfeuil,
musique de M. Firmin Bernicat, a pleinement réussi.
Les pièces à deux personnages sont rares au café-
concert, depuis que notre regretté L. Quentin a quitté
bien malgré lui le champ de bataille des faiseurs.
Nous n'entreprendrons pas l'analyse de cette comédie
mise en musique pour le concert ; l'auteur y a
dépensé plus d'esprit qu'il n'en fallait pour se faire
écouter.
Il y a dans l'Agence Rabourdin plus qu'une opé-
rette. Le livret pouvait se passer de musique.
Quoi qu'il en soit, M. Firmin Bernicat a écrit et
orchestré en érudit quelques phrases musicales
pleines de finesse. M. Firmin Bernicat n'est pas,
comme on disait de M. R. Planquette avant les
Cbc/ies de Corneville, un musicien de l'avenir ; c'est
un maître du présent qu'on appréciera à sa juste
valeur quand on lui confiera une partition en trois
actes.
• L'interprétation a été parfaite. M""" Duparc, la
nouvelle étoile de l'Eldorado, a détaillé d'une façon
spirituelle les deux couplets : Je dois songer à ma
rente, et Victorin a prouvé ce soir-là que le chanteur
sympathique était doublé d'un excellent comédien.
M. Denneville a fait une chanson pour les Epicuriens;
M°'= Girard en a été l'aimable interprète. Je fais
chorus aux bravos qui ont justement récompensé
l'œuvre toute locale et sans prétention de notre ami
Denneville; cependant mon devoir de critique
m'oblige à lui dire que s'il a eu raison de faire une
chanson, je dis plus, une bonne chanson, pour la
plus ancienne des sociétés parisiennes, il a eu tort de
choisir une coupe aussi commune. Ohé! cocher,
aux Epicuriens! — Passe pour les Ambassadeurs. Les
licences permises dans ces sortes d'établissements
se trouvent, à mon avis, déplacées dans une société
lyrique devant avant tout garder les vieilles et
bonnes traditions. Il ne manque pas de ponts-neufs
et votre chanson, M. Denneville, 3' aurait gagné de
toutes les façons.
Pendant que nous sommes en train de signaler
des nouveautés, livrons à la publicité le nom d'un
nouveau poète, M. Léon. Il ne se contente plus
d'être le Capoul des sociétés, l'enfant chéri des
dames, etc. Comme M"° Sarah Bernhardt, il cumule;
les lauriers de Béranger lui portent ombrage et
incessamment il briguera les palmes académiques.
Nous avons entendu de lui, vous entendez bien,f/e lui,
pas une poésie, non, quelque chose comme une
berquinade avec des papillons venant tour à tour se
poser tantôt sur le nez de M. Massé-Dreyfus ou de
tout autre membre du bureau ; c'est gracieux au
possible, aussi quel succès ! Faisons remarquer en
passant que le beau Léon n'en est pas plus fier
pour ça.
Dans la même soirée , nous avons entendu
M. Justin, ex-président des Familles, dans une
romance de cœur : Vous comprenez la chose; et
Planer qui a malheureusement oublié d'asseoir sa
voix pendant qu'il maniait son fusil, et Boll donc,
il a accompagné d'une atroce façon De ma fenêtre.
Terminons par un compliment à l'adresse de
MM. Moi'treuil et Léon. Leur duo du Barbier de
Séville mérite de sérieux éloges.
On a eu la bonté de me communiquer une note
sur la soirée des Amis du Commerce, du vendredi
6 décembre. Je copie : a La soirée a été charmante,
côté des dames bien entendu. On a tiré une tombola
à la grande satisfaction des invités, lots comiques
et lots sérieux.
Les artistes étrangers à la société qui se sont fait
LA CHANSON
applaudir s'appelaient M"° Blanche, une enfant
ayant le talent d'une femme ; M"' Adèle, très-drôle
dans la ronde de la Kermesse ; M. Adrien Souchet,
parfait dans Victor t'as tort; M. Léo, désopilant
dans ces Veinards de Bidards, et Jomain qui a chanté
du Gédhé avec sa verve ordinaire. »
A. LEROY.
Le premier concert annuel de la Lice Chansonnière
donné comme nous l'avions annoncé, le 15 décembre,
dans les salons de Pierre Petit, a été splendide.
Le programe ne contenait pas moins de vingt-cinq
numéros ; on l'a suivi avec exactitude, mais l'heure
avancée a nécessité la suppression de divers morceaux,
La séance offrait, d'un bout à l'autre, un vif intérêt.
Peut-être cependant la partie instrumentale tenait-
elle une place trop grande ; malgré le talent réel de
M"° de Verginy et de MM. Chollet et Georges
Lamothe, des chansons eussent mieux fait l'affaire
de la plupart des assistants. On devra s'en souvenir,
l'année prochaine.
MM. Michot, Darcier, Lionnet frères, Collignon et
Durafour ont obtenu d'unanimes bravos avec des
chants d'allures diverses. Deux charmantes canta-
trices, M"°' Fougère et Brun, la première toute
gracieuse, la seconde toute vibrante, ont été le
sourire de la journée. N'oublions pas une limpide
description du phonographe, accompagnée d'expé-
riences auxquelles l'assemblée a paru prendre grand
plaisir.
En résumé, programme attrayant, remarquables
artistes, public nombreux. Les organisateurs ont eu
lieu, croyons-nous, d'être satisfaits. Tant mieux.
Nous publions aujourd'hui rà-|)ropos dit à la
représentation extraordinaire de l'Union Artistique,
dont nous avons rendu compte. Intelligemment
organisée parle président Paulin, cette soirée a
produit la somme nette de 119 fr. 75, qui sera versée
à la souscription pour la statue de Béranger.
Les Enfants du Temple ont repris leurs soirées, tous
les dimanches, chez Collignon, rue Vieille-du-
Temple, 104.
Lundi, IG décembre, nouveau concours à la Lyre
bienfaisante, rue Saint-Séverin (Couvreur président).
l'' prix : M. Cognet, 2'" prix : J.-B. Robinot.
Dans sa réunion administrative, tenue le mercredi
18 décembre, la Lice Chansonnière a renouvelé son
bureau pour l'année 1879. Ont été nommés :
Président, Jules Echalié;
Vice-Présidents, Rubois et Flachat;
Secrétaires, Adeline et Choque;
Trésoriers, Eugène Baillet et Cahen.
Jules Jeannin reste Maître des chants ; les Maîtres des
cérémonies ont été choisis parmi les membres libres:
ce sont MM. Teulet et Tribelhorn.
Dans la même séance, M. Paul Avenel, président
delà Société des auteurs et compositeurs de musique,
a été reçu membre titulaire, ainsi que Maugé, le
sympathique artiste des Folies dramatiques.
La Gerbe Républicaine de Noël Mouret, que nous
avons publiée dans notre précédent numéro, vient
d'être mise en musique par Vaudry.
Le boniment dit par Etienne Ducret au dîner
des Artistes Lyonnais, a paru chez Lebailly (8 pages
in-8, prix 10 centimes).
A. PATAY.
BOITE AUX LETTRES
M. Marcel L., Le Val. — Envoyez quelque poésie
moins longue et moins intime.
M. Emile M., saint- Cyr, — Envoyez autre chose.
M. Emile C, Paris. Nous publions autant que
possible de l'inédit.
M. Jules T. — Nous n'avons pu insérer dans nos
numéros de décembre votre pièce Aux Mânes des
soldats français, qui n'a plus maintenant d'actualité.
M. Théophile M., Neuville. Le Cuirasiser et son
cheval paraîtra prochainement.
M. Célestin g., Lyon. Votre aimable lettre nous
faisait espérer votre concours. Voulez-vous être
notre correspondant, et nous envoyer les échos
chantants de la cité Lyonnaise ?
M. Esprit R., Nhnes. — La Patriote nous est
parvenue trop tard. M'°° Bordas a quitté le concert.
M. Charles T., Baume-les Dames. Nous acceptons
avec plaisir votre travail sur les chants populaires
de la Franche-Comté.
M. A. Y. Marignnlles. Nous vous rappelons votre
promesse d'une propagande active.
M. L., Meynac. Malgré votre autorisation de
faire des coupures, A ma nièce ne pouvait convenir
à notre journal; envoyez autre chose.
M. L.-J. B., Piï/uy/ers. Envoyez-nous des chan-
sons inédites pour nos prochains numéros.
M. A. P., La Basse. — L'Oiseleur bredouille est
impossible pour nous; envoyez une autre.
M"° Elise M. Nîmes. Nous attendons toujours
votre envoi.
PUBLICATIONS RECOMMANDÉES
La Jeune France, Revue mensuelle, littéraire et
poétique. Un an, 6 fr. Librairie A. PATAY, rue
Bonaparte, 18.
Le Parnasse; organe des concours littéraires de
Paris. Rédacteurs en chef : Alceste et Germain
Picard. Un an, 12 fr. Rue du Val-de-Grâce, 21.
Revue de la Poésie, Gazette de l'Académie des
poètes, sous la direction de M. Casimir Perthus.
Un an, 6 fr. Rue Ganneron, 12.
La Revue de la Jeunesse. Rédacteur : Ali Vial
de Sabligny. Un an, 10 fr. Rue des Filles-du-
Calvaire, 18.
La Revue Française, Rédacteur en chef: Evariste
Carrance. Un an, 10 fr. Rue Molinier, 6, Agen.
Le Progrès Artistique, Rédacteur en chef :
Al. Marquant. Un an. 10 fr. ; 6 mois, 5 fr. Rue
Petrelle, 24.
La Revue Pittoresque. Directeur : V. Gallet. Un
an, 6 fr. Rue de Lancry, 32.
Le Monde Artiste. Directeur : Ach. Lemoine.
Un an, 20 fr. Rue Pigalle, 17.
L'EcHo DES Muses. Rédacteur en chef : Lucien
Duc. Un an, 6fr. Place du Marché, 18, Draguignan.
La Plume, revue littéraire bi-mensuelle. Direc-
teur : Jean de la Lende, Rue Bleue, 29.
Le Directeur Gérant, A. PATAY.
2" ANNÉE. — N° 12.
16 JANVIER 1879.
LA CHANSON
Directeiir-Géimnt
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le ±" <fc le 16 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 moi? 2 fr. 50
Départs, y mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 50
SOMMAIRK : Galerie des Chansonniers : Dé.iouf/iers (i..-iienry lecomte). — La Chanson nouvelle (andré person). — Les
Chevilles (eug. imbert). — Aux Dames de la Lice (o.-c. picard). — En Iriver (jules vernif.r). — Rdves de seize ans (constant
SACLÉ et ALI viAL DE sabligny). — Quund on a bien vicu (Emile durafour.) — La Flûte et le Tambour (ch. thuriet) —
Curiosité lilléruire : Ce qu'on n'oublie pas (f.mile desciiamps, ciiarles coligny). — Banquet du Ciiveau (eug. imbert). —
Banquet de la Lice Chansonnière (l.-benry lecomte). — Chronique des Sociétés lyriques (prosper tibia, g. b., a. leroy, a. patay).
GALERIE DES CHANSONNIERS : DÉSAUGIERS
La Provence, ber-
ceau des troubadours,.
avu naître l'Anacréon
français. Marc -An-
toine-Madeleine Dé-
saugiers vint au monde
à Fréjus, le 17 novem-
bre 1772.
.Amené tout enfant
à Paris par son père,
compositeur de mé-
rite, Désaugiers fut
plus tard placé au
collège Mazarin, où il
eut pour professeur
de réthorique le célè-
bre Geoffroy.
Certes, l'enfant ne
pouvait faire présager
l'homme. Il était mai-
gre, d'une santé faible
et d'un caractère mé-
lancolique. A l'âge de
seize ans seulement^
le physique de Désau-
giers se fortifia, tandis
que son humeur deve-
nait enjouée. Mais on
le voulait faire prêtre;
il accepta l'épreuve
d'une retraite de six
semaines au séminaire,
et en rapporta la certitude d'un manque complet
de vocation. Le théâtre l'attirait avec une force
irrésistible. A dix-sept ans, jetant décidément
le froc aux orties, il écrivit une comédie en
un acte qui réussit au boulevard, et arrangea
pour Feydeau le Médecin malgré lui de Molière,
dont son père écrivit
la musique.
Les premiers excès
de la révolution pro-
duisirent sur Désau-
giei's, élevé dans les
principes royalistes,
une impression dou-
loureuse. 11 prit le
parti de quitter la
France pour suivre, à
Saint - Domingue , sa
sœur, mariée à un co-
lon de cette ile. Pru-
dence humaine ! La
tempête politique que
fuyait Désaugiers l'at-
tendait à Saint-Do-
mingue. 11 débarquait
à peine, que la ter-
rible révolte des nè-
gres contre les blancs
éclata. Désaugiersprit
les armes, fut fait pri-
sonnier et ne dut qu'à
un incident fortuit
d'échapper à la fusil-
lade. Jeté dans un ca-
chot, il s'évada et par-
vint, après une course
périlleuse de plusieurs
jours, à joindre un
navire anglais qui faisait voile pour les Etats-
Unis. A bord, il tomba malade de fatigue, et
l'équipage-, croyant reconnaître les symptômes
de la fièvre jaune, jugea prudent de déposer le
Français sur le rivage de New-York. En proie
à une fièvre ardente, presque nu, sans secours,
118
LA CHANSON
Désaugiers fût mort, si une femme charitable ne
l'avait recueilli et soigné avec un dévouement
absolu. Revenu à la santé, Désaugiers donna
pendant quelque temps des leçons de clavecin à
Philadelphie ; dès que l'état de sa bourse le per-
mit, il s'embarqua pour revenir en France.
Il avait quitté Paris en 1792, il y rentrait
en 1797, alors que les arts d'agrément com-
mençaient à reprendre faveur. Désaugiers, priyé
de fortune, travailla courageusement. La musi-
que, les lettres, le théâtre lui offrirent tour à
tour des distractions et des ressources. Quelques
pièces ingénieuses et de jolies chansons le firent
bientôt remarquer ; il se lia d'amitié avec les
jeunes auteurs de l'époque : Moreau, Rougemont,
Francis, Chazet, Brazier, Gentil, et eut part à
nombre de succès remportés sur les scènes des
Jeunes-Artistes^ de la Montansier, des Trouba-
dours, des Variétés et du Vaudeville.
Les productions dramatiques de Désaugiers
sont au nombre de cent vingt. La plupart, nées
de l'à-propos, ne pouvaient obtenir qu'une vogue
passagère ; à leurs côtés, des comédies offrant
des caractères bien tracés, une versification
élégante et des situations vraies, comme l'Hôtel
garni, le Mari intrigué, l'Homme aux précautions,
et des vaudevilles alertes comme le Mariage
extravagant. Monsieur Sans-Gêne, le Dîner de
Madelon, remportaient plus que des succès de
circonstance. Mais les chansons de Désaugiers
surtout le devaient placer hors de ligne.
C'est précisément à l'époque de son retour en
France que ce genre de littérature reparut. Une
société gastronomique et chantante ayant été
organisée par des jeunes gens baptisés Garçons
de bonne humeur, Désaugiers en fit partie, et y
présenta nombre de couplets remarquables par
une abondance de traits, la franchise d'expres-
sions, le bonheur des saillies et une entraînante
gaîté. En 1808, le libraire Capelle eut l'idée de
ressusciter le Caveau, sous laprésidence du vieux
Laujon. Désaugiers en était membre de. droit ;
il contribua puissamment pour sa part à la célé-
brité qu'obtinrent bientôt les dîners du Caveau
moderne ; si bien que, Laujon étant mort et Piis
retraité, il fut appelé à présider à son tour les
joyeux disciples d'Epicure.
Barré quittant, après vingt-trois ans, la
direction du Vaudeville, désigna Désaugiers pour
son successeur. Louis XVIII^ homme d'esprit,
ratifia ce choix. En 1815 donc, le chansonnier
prit possession du théâtre où, pendant longtemps,
il sut attirer et retenir la foule. Mais, ballotté
entre les intérêts et les amours-propres, Désau-
giers sacrifiait à son devoir le repos de sa vie.
Forcé de quitter le Vaudeville, il y fut rappelé,
en 1825, par le vœu des -actionnaires et la
volonté de Charles X. A cette époque, sa santé
s'altéra; une impitoyable maladie, la pierre,
s'était emparée de lui. Plusieurs essais de
lithotritie furent tentés en vain ; on dut recourir
à l'opération de la taille. Désaugiers supporta cou-
rageusement cette torture; mais à peine fut-il
remis sur son lit que sa respiration devint difficile :
a — J'étouffe ! j'étouffe ! » disait-il ense débattant.
Il mourut le jour même (9 aoîàt 1827).
Un peuple d'amis le conduisit au Père-
Lachaise. Chacun vantait son talent recomman-
dable, la bonté de son cœur, sa probité inflexible,
ses vertus domestiques, et Nodier put, sans
protestation, proposer pour son monument
funèbre cette dédicace flatteuse : A Désaugiers,
qui n'eut point d'ennemi. »
Les chansons de Désaugiers ont été publiées,
à diverses époques, par Ladvocat, par Garnier
frèreSj par Delahays et par Bry, avec des notices
intéressantes de Merle, de M. Bougy et d'Alfred
Delvau; mais l'édition définitive reste à faire et
tentera quelque jour un amoureux de gaie
science.
La gaîté, telle est, en effet, le caractère
distinctif des refrains de Désaugiers. Nous y
joindrons la vérité d'observation, qui leur con-
serve une jeunesse éternelle. L'humanité, après
tout, n'a qu'une somme invariable de ridicules
et de vices ; l'homme de notre temps reflète
exactement celui des siècles passés ; le poète
donc, qu'il burine une comédie comme Tartuffe,
ou qu'il esquisse un petit tableau de mœurs comme
le Jour de l'An, fait œuvre impérissable en faisant
œuvre vraie. Beaucoup méconnaissent, pour les
avoir mal lus, les chefs-d'œuvre des maîtres
en flonflons ; nous défions qu'on trouve, dans
Béranger même, des chansons plus spirituelles,
plus agiles, plus impitoyables que celles de
Désaugiers.
Il nous suffira de rappeler, dans ses tableaux
satiriques : le Jour de l'An, le Palais Royal, le
Carnaval, Paris en miniature, les Plaisirs du
Dimanche, la Journée d'un élégant, Paris le matin,
Paris le soir, le Pilier de café, le Soldat, les
Grisettes ;
Dans ses refrains de table : Chanson à manger.
Moralité, la Table, le Ve?Te, le Panpan bachique.
Quand on est mort c'est pour longtemps, la Treille
de sincérité, Verse encore, Abonnez-vous, le Dîner
d'étiquette, le Souper;
Dans ses chansons-provei'bes : Faute d'un
moine l'abbaye ne manque pas; Tout ce qui luit
n'est pas or. Petite pluie abat grand vent, l'Eau
va toujours à la rivière, la Moutarde après le
dîner;
Dans ses plaisanteries populaires : Monsieur et
Madame Denis, la Bouche et le Nez, le Menuisier
Simon, la Mère Bahu, tous les Cadets Buteux...
Mais il faudrait donner la nomenclature
entière de ces œuvres charmantes, bien supé-
rieures à celles de Favard, de Panard et de Collé.
Certains ont reproché à Désaugiers la trivialité
de ses sujets et sa complète indifférence pour les
problèmes graves ; c'est là une querelle injuste.
On ne refait ni sa nature ni sa destinée : Désau-
LA CHANSON
119
giers avait pour mission de provoquer le rire
consolant ; ainsi fît-il. Un autre, qu'il devina et
et patrona — Béranger, — devait après lui
projeter les lueurs saines de la poésie sur les
questions sociales. L'aigle robuste plane dans les
hauteurs avec des coups d'aile qu'il ne faut pas
attendre du passereau. — Est-ce à dire que le
passereau n'ait pas sa raison d'être?
L. -Henry LECOMTE.
L.\ CHANSON NOUVELLE
« Tous les vers sont faits, « a dit M. deFontanes,
alors que, Grand-Maître de rUuiversité, il ne
dédaignait pas de collaborer à l' Almanacli des Muses,
et autres publications du même genre et de la même
élévation poétiques.
Cette affirmation, devenue ridicule par les nom-
breux démentis que lui ont infligés les œuvres de
nos poètes modernes, pouvait, à la rigueur, être
acceptée comme une vérité par les écrivains du
premier empire.
Mais que P.-J. Proudhon, cet esprit robuste et
clairvoyant, n'ait pas craint, par manie du paradoxe,
de contresigner, en la paraphrasant, cette sentence
d'un poète émasculé, et cela, plus d'un demi-siècle
après, voilà qui a dû surprendre tous ceux qui
s'intéressent au mouvement littéraire de notre
époque.
« Je pense, écrit P.-J. Proudhon, que le nombre
« des bons vers qui peuvent être faits dans chaque
« langue est en général assez borné ; et pour la
« langue française en particulier, je crois que ce
« nombre de vers était atteint avant Voltaire ... «
Ceci n'est pas absolument un paradoxe, mais bien
une hérésie littéraire; aussi, ai-je peine à m'imaginer
que Proudhon, contemporain de Hugo, de Musset, de
Lamartine et de tant d'autres énergiques ou gracieux
poètes, ait été de bonne foi lorsqu'il amplifia cet
inqualifiable propos de M. de Fontancs : « 7'ous les
vers sont faits. « Eh bien, non! tous les vers ne sont
pas faits... même après ceux des maîtres illustres
que j'ai cités plus haut, et, en ce qui concerne la
chanson, le nombre des bons vers n'est pas encore
atteint, même après Déranger qui sut résumer, dans
ses petits poèmes, si variés de formes, toutes les
pensées et toutes les aspirations de son époque.
Cependant l'immortel faiseur de chansons ne fut
pas seulement de son temps ; il est aussi du nôtre.
Le Vieux Vagabond, Jacques, Le Juif-Errant, Jeanne
la Rousse, et Isien d'autres petits chefs-d'œuvre qui ont
la même note et la même portée sociale n'ont aucun
millésime. Ces chansons-là seront longtemps encore
de terribles actualités. Il en faudra des lois et des
réformes, des changements et des transformations,
avant qu'elles deviennent archaïques !
En chansons, ce qui manque surtout aujourd'hui,
ce sont les poètes ayant des tendances analogues à
celles des œuvres de Béranger; des chansonniers
qui, ne s'inspirant que du peuple, se fassent l'écho
de ses plaintes et traduisent ses revendications légi-
times. Il nous faut des poètes dont les chants res-
pirent autre chose que la résignation à la servitude,
sous quelque aspect qu'elle s'impose.
Assez de couplets joyeux ou larmoyants, assez de
refrains ridicules et niais dont la diffusion obsède
l'esprit français quand il ne le démoralise pas. Assez
de rimes grivoises ou pseudo-patriotiques qui préco-
nisent la débauche et glorifient la guerre ! Ce que
notre époque réclame, ce sont des poètes vaillants et
militants dont les strop'r.es vibrantes et significatives
soient sociales, s'imposent à l'imagination, et se
gravent dans la mémoire comme ces chants des
rapsodes antiques qui permirent de reconstituer
l'histoire des mœurs grecques. Le travail et ses luttes
auraient alors, eux aussi, leur légende, dont les héros
ne seraient pas moins intéressants que ceux de l'Iliade
ou de l'Odyssée. Secondant les vues sociales de nos
prosateurs infatigables, la chanson comme auxiliaire,
éclairant les masses, aiderait à l'impulsion que les
novateurs tentent de donner au monde.
Thomas Hood a plus fait pour le peulpe anglais,
avec sa Chanson de la Chemise, que tous nos rimeurs
de flonflons et nos paroliers de cafés-concerts n'ont
fait pour le peuple français — le plus spirituel de la
terre — avec toutes leurs productions anémiques.
André PERSON.
LES CHEVILLES
Air .■ J'ai vu le Parnasse des dames.
On me dit que pour un critique
Toucher à l'art est un danger.
Risquons-nous ; mais, dans la pratique,
Essayons du genre léger.
Panard, des hauteurs on tu brilles.
Daigne me souffler ma leçon;
Je fournirais bien les chevilles
Si tu fournissais la chanson.
Je puis le dire sans mystère ;
Entre nous, je vous l'avouerai :
A la ronde, sur cette terre.
Nous en usons, bon gré mal gré.
Et les grilles et les mantilles,
Qui pourrait ici le nier?
Autant de commodes chevilles
Dont se sert plus d'un chansonnier.
Un artisan qu'à son époque
Les grands citaient comme un flambeau
Ecrivait d'un style baroque
Et rimait à coups de rabot.
Nous rions, nous, de ces vétilles ;
Le plus mince faiseur de vers
Enfonce aujourd'hui les chevilles
Du vieux menuisier de Nevers.
Il vient une heure où tout s'enflamme :
L'amour remplace la raison ;
Et c'est alors que l'âme à l'âme
Tente d'infiltrer son poison.
Bêtes et gens, garçons et filles
S'unissant je ne sais par où.
Chaque trou rêve de chevilles,
Chaque cheville bouche un trou.
Mais tout finit, c'est une règle,
La vie ainsi que les chansons.
Plumes de serin, plumes d'îiigle,
Et nous et nos vers nous passons.
La mort, du bois de nos béquilles
Clôt notre étui quand il lui plaît.
Voilà nos dernières chevilles.
Et voilà mon dernier couplet.
Eue. IMBERT.
120
LA CHANSON
ÂIX DAMES DE LA LICE
Air : Elle aime à rire, elle aime à boire
Mesdames, que ma joie est grande,
Quand la table de nos banquets,
Grâce à vous, de minois coquets,
Annuellement s'enguirlande.
Voyez comme avec cruauté
Chaque année en passant nous traite !
Alors que chaque âge vous prête
Un nouveau genre de beauté.
De votre enfance, à vos louanges
Le souvenir peut s'invoquer :
A dix ans, gentes à croquer,
A quinze ans, vous étiez des anges ;
Mais des anges, en vérité,
Qui nous faisaient perdre la tête :
Mesdames chaque âge vous prête
Un nouveau genre de beauté.
Quand on est aimé, quand on aime.
Qu'un oici charmant va s'échanger,
Sous la couronne d'oranger
On est toujours belle... quand même!
Votre petit cœur agité
Bat d'une émotion secrète :
Mesdames, chaque âge vous prête
Un nouveau genre de beauté.
Peut-être qu'une larme amère
A quelquefois mouillé votre œil ;
En revanche, avec quel orgueil
Un jour, vous direz : « Je suis mère! »
Pour un fils par vous allaité.
Soins, veilles, rien ne vous arrête ;
Mesdames chaque âge vous prête
Un nouveau genre de beauté.
Souvent une mère se penche
Bien gracieuse, en soutenant
Son bébé nu, qui piétinant
Vient fouler sa poitrine blanche !
Elle baise à satiété
L'enfant tout fier de sa conquête :
Mesdames, chaque âge vous prête
Un nouveau genre de beauté.
Enfin, bonne maman aimée.
Un beau matin, autour de vous.
De jolis enfants aux yeux doux.
Vous grouperez toute una armée,
Et leur sympathique gaité
Embellira votre retraite :
Mesdames, chaque âge vous prête
Un nouveau genre de beauté.
G.-C. PICARD.
EN HIVER
Pâle et rêveuse au coin de l'àtre,
Votre front s'incline attristé ;
Je n'entends plus le chant folâtre
Que fredonnait votre gaité.
Qui peut vous rendre si morose !
Est-ce Décembre et ses verglas ?. .
Tendez-moi votre lèvre rose,
Et nous reverrons les lilas.
Plus de larmes, ô bien-aimée ! . . .
Quand les amoureux ont vingt ans,
La terre est toujours parfumée,
L'hiver est toujours le printemps.
Qu'importent la neige qui tombe,
Le vent soufflant par les chemins ?. . .
Tendez-moi ce cou de colombe,
Et nous reverrons les jasmins.
Nous reverrons, ma chère et tendre,
Nous reverrons les gazons verts,
Le parc où j'allais vous attendre,
Où je vous murmurais des vers !
Nous reverrons, sous les vieux saules,
L'eau du moulin nous égayer. . .
Appuyez-vous sur mes épaules,
Et les oiseaux vont gazouiller.
Appuyez-vous, ma jeune reine,
Appuyez-vous, ô ma Stella !
Nous reverrons la nuit sereine
Où notre amour se révéla ;
Nous reverrons le banc de mousse
Où nous voulions vivre et mourir ! . . .
Appuyez-vous, rieuse et douce.
Et le mois de Mai va fleurir !
Jules VERNIER.
REVES DE SEIZE ANS
Je viens d'avoir seize ans, je suis fière et joyeuse!
Seize ans! c'est la saison des roses, du bonheur!
Pour moi je vois s'ouvrir une ère radieuse
Qui charme mon esprit et fait battre mon cœur.
Comme au travers d'un prisme alors vient m'apparaître
Tout ce que l'existence a de plus ravissant :
Le rayon de soleil qui brille à ma fenêtre,
Les oiseaux et les fleurs et le zéphyr naissant.
Seize ans, c'est l'espérance,
L'âge de la croyance !
Ma vie est au printemps,
Voilà que j'ai seize ans.
Je viens d'avoir seize ans, tout palpite en moi-même,
Je souris au ciel bleu qui me semble si beau;
Tout m'attire et me cause une surprise extrême,
Tout se révèle à moi sous un côté nouveau.
0 jeunesse, je bois à ta coupe enivrante.
Je cours dans les prés verts en faisant des bouquets,
Je saute, je bondis, je folâtre, je chante
Et l'écho de ma voix redit les gais caquets.
Seize ans, c'est l'espérance, etc.
■Les gentils pa,pillons voltigent dans l'espace,
Les insectes dorés bourdonnent sans répit,
Du limpide ruisseau l'onde me sert de glace,
De son plus frais manteau la terre se vêtit.
Poésie! Idéal! pur courant qui m'entraîne!
Je t'aime et te salue, ô magique tableau!
Oui, grâce à mes seize ans, je suis maîtresse et reine,
Sur mon front resplendit ce précieux joyau.
Seize ans, c'est l'espérance,
L'âge de la croyance.
Ma vie est au printemps,
Voilà que j'ai seize ans.
Constant SACLÉ et Ali VIAL de SABLIGNY.
LA CHANSON
121
QUAND ON A BIEN VÉCU
Musique de L.-C. Désormês {*)
Buvons, amis, la gaîté nous convie,
Plus je vieillis, plus je suis convaincu
Que sans regret je quitterai la vie :
On peut mourir quand on a bien vécu!
Je n'ai jamais couru la prétentaine.
On dit de moi : « Voyez le beau vieillard ! «
J'ai crânement passé la soixantaine,
Je suis enoor on ne peut plus gaillard.
Les cheveux blancs ne me chagrinent guère.
De mes soucis je fus toujours vainqueur,
Je suis joyeux comme j étais naguère :
On n'a vraiment que l'âge de son cœur :
Buvons, amis, etc.
Je suis encor une bonne fourchette.
J'aime avant tout un excellent dîner;
Je ris, je bois, mais jamais en cachette!
Quand on vit bien, pourquoi se chagriner?
Il fut un temps où j'adorais la danse.
On m'admirait les nuits de carnaval;
Mais aujourd'hui, cédant à la prudence,
Je me tiens mieux à table qu'à cheval.
Buvons, amis, etc.
J'étais jadis un fort joli jeune homme.
Ne riez pas — je dis la vérité;
Vrai boute-en-train, je possédais en somme
Tout ce qu'il faut pour plaire à la beauté.
On m'appelait l'enfant chéri des femmes.
Quel temps heureux que celui des amours !
Je suis bien vieux, et cependant mesdames.
Je le sens là... je vous aime toujours!
Buvons, amis, etc.
Je n'aime pas à me montrer sévère,
Un franc buveur doit être généreux;
J'aime à, chanter en contemplant mon verre.
Lorsque je bois, je me sens plus heureux.
Je vis le jour au sein de la Bourgogne,
Mon biberon fut un grand gobelet ;
Aussi chacun peut lire sur ma trogne
Que j'ai tété plus de vin que de lait!
Buvons, amis, etc.
J'ai de tout temps blâmé le chauvinisme ;
Ne songeons plus à de sanglants succès;
Pénétrons-nous de ce patriotisme
Qui fait honneur au sentiment français.
Serrons nos rangs, combattons l'ignorance,
Prouvons enfin que vouloir, c'est pouvoir;
Place au progrès ! travaillons pour la France !
Unissons-nous, tel est notre devoir!
Buvons, amis, la gaîté nous convie.
Plus je vieillis, plus je suis convaincu
Que sans regret je quitterai la vie :
On peut mourir quand on a bien vécu,
Emile DURAPOUR.
(') La musique paraîtra dans quelques jours, chez Labbé,
éditeur, rue Notre-Dame-de-Nazareth, 32.
LA FLUTE ET LE TAMBOUR
Air : Ronde du camp de Grandpré
On me traite de lâche
Un matin, sans raison ;
Sur ce mot je me fâche
Et je fuis la maison.
Loin de notre cahute,
J'apprends d'un troubadour
A jouer de la flûte,
A battre du tambour.
Me voilà sur la foire,
Artiste encouragé
Par un grand auditoire
Autour de moi rangé.
Hardiment je débute
En prenant tour à tour
Mon tambour et ma flûte
Ma flûte et mon tambour.
A courir par le monde
On gagne peu d'argent;
Celui qui vagabonde
Est souvent indigent.
Mais rien ne me rebute :
J'exerce tour à tour
Mon- tambour et ma flûte
Ma flûte et mon tambour.
Une dame bien mise,
Apprenant ma valeur,
De moi se dit éprise ;
Elle m'ofl're son cœur.
Je quitte à la minute,
Pour lui faire ma cour,
Mon tambour et ma flûte,
Ma flûte et mon tambour.
Elle est riche, dit-elle,
Et veut me faire un sort;
Me donner escarcelle
Pleine de louis d'or.
En vain on la répute
Légère en son faubourg.
Adieu tambour et flûte.
Adieu flûte et tambour.
On va chez le notaire :
Je l'épouse, elle meurt!...
Je suis son légataire!
Quel deuil! et... quel bonheurl
Mais quelqu'un me dispute
Le prix de mon amour :
Je perds jusqu'à ma flûte
Et jusqu'à mon tambour.
Une morale exquise
Est au fond du roman :
Fortune mal acquise
Profite rarement.
A la moindre culbute
Tout sombre sans retour.
Ce qui vient de la fiûte
S'en retourne au tambour.
Ch. THURIET.
122
LA CHANSON
CURIOSITÉ LITTÉRAIRE
Rien de nouveau sous le soleil! — Cette cruelle parole de Salomon, roi sage... et dissolu, a reçu,
en divers temps, des confirmations éclatantes. En feuilletant, ces jours derniers, la collection de la
Lice Chansonnière, nous avons cependant découvert, dans un récent volume, une chose piquante
et neuve. Que nos lecteurs veuillent bien comparer ligne par ligne, des titres aux dates, les deux
oésies suivantes :
CE QU'ON N'OUBLIE PAS
— Grand capitaine, eh bien? te voilà vieux et seul,
Car le vide se fait à l'entour des vieillesses;
Mais ton esprit, peuplé de tes jeunes prouesses.
De drapeaux en drapeaux se distrait du linceul.
L'espérance aux vieillards sourit.. .dans leur mémoire!
Recommence avec moi ton cercle de combats,
D'escadrons terrassés, de remparts mis à bas;
Evoque les plus beaux de tes beaux jours de gloire.
— « Jenem'en souviens pas; jeme souviensd'unjour
Où j'étais, pauvre enfant, dans mon lit, tout malade ;
Ma grande sœur me vint chanter une ballade
Si douce, que le mal s'adoucit à son tour. »
— Grand politique, eh bien? destitué par l'âge.
Te voilà morne et sombre à ton foyer glacé ;
Mais, des bords du cercueil contemplant le passé,
Du poids de ton néant son fracas te soulage.
Redis-nous ces congrès, où, réglant tous les droits,
Des antiques Etats tu changeais la fortune.
Et ces luttes d'orage, où, roi de la tribune.
Tu parlais de plus haut que tous les autres rois.
— « Je ne m'en souviens pas; non, mais je me rappelle
Que je fus au collège à douze ans couronné ;
On appelait mon père un père fortuné.
Et ma mère s'en fut prier dans la chapelle. »
— Mon grand poète, eh bien? voilà que tes cheveux
Rares et blanchissants penchent sur ton épaule,
Comme sur le roc nu le feuillage du saule ;
Mais ton œil d'aigle enoor nous lance tous ses feux.
C'est que les souvenirs sont le brasier dans l'àtre,
Qui, plus ardent, pétille au souffle des hivers.
Comptons tous les lauriers moissonnés par tes vers,
Comptons tous les bravos de ton peuple idolâtre.
— « Je ne m'en souvienspas; je me souviens qu'unsoir
Elle me regarda, vaguement inquiète. . .
Un ange, une déesse, un rêve de poète.
Et je l'aimai !... Jamais nous ne pouvions nous voir. »
Ainsi, de tous les biens qui font le sort prospèi'e
Que nous reste -t -il au départ?
La chanson d'une sœur, le sourire d'un père,
Le rapide aveu d'un regard!
Emile DESCHAMPS.
Emile DeschampSy par E. de Mirecourt, 1837, pïig'. 84 et suiv.)
CE QU'ON N'OUBLIE PAS
Gi'and capitaine ! eh bien, te voilà vieux et seul,
Car le vide se fait à l'entour des vieillesses ;
Mais ton esprit, peuplé de tes jeunes prouesses,
De drapeaux en drapeaux te distrait du linceul.
L'espérance, aux vieillards, sourit dans leurmémoire :
Recommence avec nous ton cercle de combats.
D'escadrons renversés, de remparts mis à bas,
Evoque les plus beaux de tes beaux jours de gloire?
— (c Je ne m'en souviens pas. ..Je me souviens d'un jour
Où j'étais, pauvre enfant, dans mon lit, tout malade :
Ma grande sœur me vint chanter une ballade
Si douce que le mal s'adoucit à son tour. «
Grand politique ! eh bien, destitué "par l'âge.
Te voilà sombre et'morne à ton foyer glacé.
Mais, des bords du cercueil, contemplant le passé,
Du poids de ton néant son fracas te soulage.
Redis-nous ces congrès, où, pesant tous les droits.
Des antiques Etats tu changeais la fortune;
Et ces luttes d'orage, où, roi de la tribune.
Tu parlais de plus haut que tous les autres rois?
— «Je ne m'en souviens pas...Non: mais je me rappelle
Que je fus au collège à douze ans couronné;
On appelait mon père un père fortuné.
Et ma mère s'en fut prier dans la chapelle, m
Mon grand poète ! eh bien ! voilà que tes cheveux
Rares et blanchissants tombent sur ton épaule.
Comme sur le roc nu le feuillage du saule ;
Mais ton œil d'aigle encor nous lance tous ses feux.
C'est que les souvenirs sont le brasier dans l'àtre,
Qui plus ardent pétille au souffle des hivers :
Comptons tous les lauriers moissonnés par tes vers?
Comptons tous les bravos de ton peuple idolâtre?
— (i Je ne m'en souviens pas... Je me souviens qu'un soir
Elle me regarda, belle, douce, inquiète;
J'eusse été son ami, son peintre, son poète. . .
Elle passa. . . Jamais je n'ai pu la revoir. »
Soldat, tribun, poète, en ce monde éphémère
Que reste-t-il au grand départ ?
Ce qui vient d'une sœur, d'une âme, d'une mère,
C'est encor la meilleure part.
Charles COLIGNY.
Lice Chansonnière (20« volume, 1873-1874).
Evidemment, les deux signataires ont eu des rencontres singulières d'idées et de style; mais,
n'en déplaise à Salomon, il y a là une situation toute nouvelle.
Les biographes d'Emile Deschamps se sont extasiés avec unanimité sur le don de seconde vue que
possédait cet heureux écrivain. Emile Deschamps donc a simplement deviné, en 1857, une poésie qui,
dans l'ordre naturel, ne devait éclore que seize ans plus tard. Et voyez la malice! il changea, pour
l'embarras futur de son confrère, une lettre à la première strophe, un mot à la seconde et plusieurs
vers au dénouement. Mais Charles Coligny n'était pas homme à prendre le change ; il écrivit, à son
heure, la pièce telle qu'elle devait être.
La faute — si faute il y a — est évidemment imputable aux facultés divinatrices d'Emile Deschamps.
C'est l'explication que nous voulons trouver d'une coïncidence plus que bizarre. Si l'intervention
surnaturelle n'était pas admise, force serait aux historiens du second poète de porter désormais
ce jugement désagréable : « Le verre de Charles Coligny n'était pas grand, mais. . . il buvait dans
le verre des autres !» — Et Salomon triompherait encore ! H. L.
LA CHANSON
123
SOCIETE LYRIQUE Se LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 3 JANVIER 1879.
Il est assurément pénible de dire à des confrères,
à des amis, de dures vérités, et de blesser dans leur
amour propre — je ne dis pas dans leur vanité —
ceux dont on vient de presser la main. Cependant
la conscience a ses droits, l'impartialité a ses exi-
gences, et devant certaines nécessités l'indulgence
doit se taire.
Ainsi voilà Clairville, le nouveau président, qui
nous lit un long toast à la chanson. Vers spirituels,
bonne humeur, douce ironie; je le veux bien. Dans
sa Marlon, il nous dépeint, en vers parnassiens, une
alsacienne forte en chair, et les rebondissements de
sa croupe et ses rotondités exubérantes.
La chanson à tiroirs ne sera jamais délaissée com-
plètement tant que Grange sera là. Fouache se joint
à lui. L'aryent. ne fait pas le bonheur, dit ce dernier.
Plus de Oeurre que de pain! dit l'autre, qui se garde
autant de la politique qu'un chat d'une tasse de lait.
Ne parle-t-il pas, sur mon âme, des promesses de la
république de Thiers? Mais ce que méditait ce demi-
homme d'état n'était pas même un tiers de république.
Fénée ajoute, mais sans méchanceté : N'y comptez
pas!
La nouvelle présidence et la nouvelle année
devaient inspirer de nouvelles chansons : Poulain et
Lesueur ont traité le premier sujet, l'un gravement,
l'autre à la gauloise. Le second nous a valu de bons
couplets de Ripault et d'Echalié ; l'espoir et l'ironie
s'y marient heureusement. Qui vivra verra, dit le
proverbe ; mais puisse le passé nous guider dans
l'avenir, et attendons le bilan de Vannée.
Nos lecteurs ont pu apprécier dans un précédent
numéro la chanson pleine iVtiumour de Lesueur :
Je ne veux pas rajeunir. Lagarde, lui, est d'une
opinion contraire : il voudrait bien rajeunir; vous
connaissez déjà les raisons qu'il en donne. Vous les
avez lues dans le dernier numéro.
Vilmaj, qui est un poète de haut vol, témoin les
vigoureuses et chaudes strophes où il cliante l'amante
de Camoëns, est aussi un chansonnier des plus fins.
Que les Turcs sont heureux! s'écrie-t-il. Ils ont
autant de femmes qu'ils en désirent ; elles ne peuvent
pas, quand elles le voudraient, devenir infidèles; ils
ne remboursent pas leurs emprunts ; ils n'ont pas
même la peine de se gouverner, puisque l'étranger
s'en charge, etc. Tandis que nous... Vous devinez
le parallèle, et il n'est obligeant pour aucune des
deux parties en cause.
Le bon Dieu nous dit .• Chante, de Petit, est à la
fois gracieux et triste. C'est la vie tout entière de
l'homme, depuis le premier nid jusqu'au dernier,
qui est la tombe. Et le chant continue toujours,
pépiement, joie ou douleur, amour ou colère; tout
l'inspire, même la fleur, parfum sans voix, suivant le
mot charmant du poète.
Une autre romance, le Sommeil de Jeanne, a paru
touchante. Jullien a mis beaucoup d'âme, et sans
doute de souvenir, dans ces vers mélancoliques.
Charles Vincent, qui n'est plus président, dit des
couplets de famille ; au Caveau, on est en famille.
Ici il célèbre la verte vieillesse de l'ami Duvelleroy ;
là, il commande, en vers, à Pestel, l'ancien hôte de
la société, un déjeuner fantaisiste et pantagruélique.
Quelle rondeur et quelle verve ! on en mangerait !
Estienne (j'ignore s'il se prénomme Henri), Piesse,
Mouton-Dufraisse et votre serviteur complètent,
sauf erreur, la liste des auteurs entendus au premier
tour. La Mienne, Pourquoi Je n'ai pas fait de chanson.
Pourquoi je l'aime et les Chevilles, autant de sujets
accueillis avec le plus grand plaisir.
Tout cela est fort bien, mais vous voyez, pour
revenir à mes observations du commencement, qu'il
ne faut pas craindre de dire à chacun ce qu'on a sur
le cœur, dùt-on courir le risque de lui déplaire :
Car le Caveau n'est pas ce qu'un vain peuple pense.
Tout bien compté, hors la gaîté, la finesse, la
douce satire, l'aménité, l'esprit, la raison enjouée,
n'attendez de lui rien de plus.
EuG. IMBERT.
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DES DAMES (8 janvier 1879)
Le bureau de la Lico avait suppi'imo le lianquet ordinaire
de .lanviei' pour donner au Banquet des Dames un éclat
inaccoutumé. Le calcul s'est trouvé juste; on mj pouvait
souhaiter une assistance plus nombreuse et d'humeur plus
gaie.
La chanson de circonstance s'est donné libre carrière.
Quelques Licéens, en tête desquels MM. Hachin, Rubois et
riachat, ont salué les autorités nouvelles avec des couplets
pleins de verve et de finesse ; iraiili-i's ont consacré au sexe
aimable des productions cliarnianlcs ou pic|nanles en tête
desquelles je placerai riiommaj^cilélical de .M. l'icird, que je
recommande aux lecteurs du présent numéro.
Le nouveau président, Echalié, s'est tiré avec honneur de
la difficulté d un premier toast. .Vprès lui, le président
sortant, Cliebroux, a chanté ses adieux au pouvoir avec une
gaîté communicative. Paul Aveuel, reçu Licéen ce soir-là,
a fait une profession de foi noticment républicaine, qui
n'était pas pour déplaire, et Charles Vincent est rentré à la
Lice en enfant prodigue fêté.
.le ne puis, à mon grand regret, parler longuement des
|iièces (|ue je viens d'iudicjncr el di' celles (|ui les ont suivies,
dues à MM. Henri Nadol, Eugène Maillet, Monlariol, Jullien,
Itipaull, Mnutnn-Duh'aisse, Duialbur (sorti celle fois du café-
concrrl avec les couplets qu'on a lus tout à l'heure), Ryon,
(Icorgi's Daillet, Cliaigneau, Jules André, Vernaelde, Sylvain,
Saint-Elienne et Jeaiuiin, ou présentées par M"=s [jurafour,
Gilandi et Bertbe lîréaulté.
La séance des chants, en somme, a été brillante, et
j'aurais rapporté de ce banquet l'impression agréable que
m'ont laissée les précédents, s'il ne s'était produit un inci-
dent regrettable.
.\u moment où l'on appelait M. Joseph Landragin, ce cou-
pletier jugea bon, en guise d'intermède, de lancer, d'une
voix avinée, l'accusation suivante : « Le directeur et le
rédacteur du journal La Chanson sont deux menteurs. »
Par égard pour les assistants, Patay et moi ne répondîmes
point au mal-appris. M. Landragin me reprochait, paraît-il,
d'avoir dit que Chebroux a refusé la présidence de la Lice pour
l'année courante. Je maintiens, bien entendu, l'exactitude de
mon renseignement. Ce n'était là, d'ailleurs, que le prétexte de
cette interpellation grossière ; la raison véritable est que
M. Landragin — d'autres aussi, dit-on, — nous blâme d'avoir
commencé par. Chebroux nos biographies de chansonniers
jeunes. Qu'on" prenne donc note de ceci : La Chanson,
absolument indépendante, ne reçoit consigne de personne ;
elle dit ce qui lui plaît et comme il lui plaît, en déclinant
toute censure préalable. Justiciables, comme tous, de la
seule critique désintéressée, nous avons trop le respect de
notre œuvre et de nous-mêmes pour ne pas relever verte-
ment ici toute injure, filt-elle, comme l'autre soir, éditée
par un homme ivre.
L. -Henry LECOMTE.
124
LA CHANSON
CHRONIQUE DES SOCIETES LYRIQUES
Le 20 décembre, l'Harmonie Commerciale donnait
le second concert de sa sixième saison dans la grande
salle Rivoli, au 104 de la rue Saint-Antoine. —
Vingt-cinq morceaux composaient un programme,
où la musique instrumentale, le chant et la poésie
se disputaient l'auditoire ; si la séance eût commencé
plus tôt, personne ne se serait plaint de la longueur
d'une soirée où l'assistance était nombreuse, atten-
tive et sympathique.
En notre qualité de chansonnier, nous ne louerons
qu'au passage : V Harmonie même , dirigée par
M. Thouvenel, président-fondateur, avec entrain et
expérience; ses solistes: M. Yvonnet, interprète de
la poésie ; le talent déployé sur le piano par M. De-
broca de Gasperi et par sa mignonne élève de sept
ans, M"° Lucie Thouvenel, dont la main gauche est
déjà énergique.
Les cantatrices étaient M"" Noblet, M"° Mathilde
Arnaud et M"° Lucie Thouvenel, déjà nommée. —
Cette dernière a chanté en enfant précoce le Petit
soulier de Noël. — M"" Noblet a fait preuve de sim-
plicité dans la vieille ronde de Liron Lirette. de
science mélodique dans l'air du Rossignol, des Noces
de Jeannette : le contraste avait sa coquetterie. —
M"° Arnaud était d'un excentrique de bon aloi dans
Rentrons bras d'ssus bras d'ssous, et, volontiers avec
elle, nous prendrions le Train des Amours.
M. François visait trop au creux dans Dom Sébas-
tien et les Rameaux, alors surtout que le piano était
déjà par lui-même, au grand désespoir de l'orchestre,
trop bas de tout un ton; il aurait un vrai talent
d'amateur, s'il travaillait la nuance.
MM. Bonnet et Daltrof ont chanté avec humour :
Une Noci; de campagne, Encor un p'tit canon. Tant
qu'y aura des femmes. Chez /' ntarchand d' vin (prière
de ne pas oublier la virgule entre les deux derniers
de ces titres).
M. Landrevin, secrétaire de la société lyrique
des Troubadours (.^8, rue Saint-Denis), a dit, avec
M. Alfred Bloc, un duo comique, M. Grebou, dont
il est le spirituel auteur. — Le dernier troubadour,
M. Bloc, a enlevé l'auditoire avec les Etudiants en
goguette. Nous avons poussé de tels vivats
Que le pro-pro, que le pri-pri
Que le propriétaire (du 104 de la rue Antoine)
Va se voir obligé
De nous donner congé.
11 ferait une mauvaise affaire.
Prosper tibia.
Le 21 décembre dernier, la Lyre du Marais (prési-
dent Gilland), 108, rue du Temple, a donné une soirée
magnifique au bénéfice d'un chansonnier.
Comme s'ils s'étaient donné le mot, tous les noms
populaires de la chanson s'y trouvaient; on peut
juger par là de l'entrain de cette soirée.' .
Nous engageons les personnes qui ne connaissent
pas la Lyre du Marais à se rendre chez elle un
samedi, dimanche ou lundi quelconque. Outre un
esprit de fraternité vraiment admirable, elles y
trouveront un accueil charmant, dont, pour notre
part, nous remercions bien les Membres de la Société.
G. B.
Dans notre dernier article sur les Amis du Com-
merce, une erreur nous fait dire « M"° Blanche,
une enfant ayant le talent d'une femme ; « c'est
« M"° Camille » qu'on doit lire.
A la Cordiale, un chanteur (nous avons oublié son
nom) croit très-agréable d'écorcher les oreilles du
public, et pousse des cris qui n'ont rien d'humain. Si
c'est une plaisanterie, M. X, permettez-moi de la
trouver mauvaise, et cessez-la pour nous... sinon
pour votre famille !
A la Lyi'e de la Gaité, M"° Marie Lerouge a
-remporté un grand succès dans le Noël. d'Adam.
M"° Berthe, une virtuose de neuf ans, s'est fait juste-
ment applaudir dans la Bonne année.
L'abondance des matières nous oblige à terminer
ici notre chronique habituelle. Constatons cependant
avec regret que les sociétés lyriques (à part quelques
exceptions) n'ont pas encouragé, comme elles le
devaient, les efforts que nous avons faits pour leur
être agréables. On danse peut-être un peu trop dans
les sociétés — soit dit sans reproche. — l>^ous pour-
rions répéter, en pastichant Lafontaine :
A'ous chantiez, nous en étions aises,
Pourquoi danser maintenant?,.
Actuellement, nous prépai'ons un travail qui pa-
raîtra dans le courant de cette année à la librairie
Patay, en brochure ou en volume (suivant l'abon-
dance des documents recueillis), sous ce titre :
Goguettes et Sociétés lyriques, de 1800 à 1880.
Pour nous faciliter le travail, nous serions recon-
naissants aux présidents de nous préparer un résumé
de l'histoire de leurs sociétés ; nous le ferons prendre
quand besoin -sera. A. LEROY.
Le Caveau vient de renouveler son bureau pour
l'année 1879. Ont été élus : Président, Clairville;
vice-président, Eugène Grange; secrétaire-général,
Lotiis Piesse ; secrétaire-adjoint, Echalié ; archiviste,
Montariol; trésorier, Mouton-Dufraisse ; trésorier-
adjoint, Julien; maîtres des cérémonies, Ripault et
Poullain.
Le Cercle Intime vient de nommer M. Bertin
président; le choix ne pouvait être plus heureux;
nous en félicitons l'élu et les sociétaires.
Tous les lundis, salle Bouret, boulevard du
Temple, 34, les Vrais Mumusiens. Président, Leroux;
accompagnateur. Marins Fontaine, pianiste distingué,
auteur et compositeur. Le premier lundi de chaque
mois, soirée extraordinaire. Cette soirée est une des
plus suivies.
Le Cercle des Amis du Commerce (M. P. Habert,
président) tient ses réunions ordinaires tous les
vendredis à 9 heures, café du Globe, boulevard de
Strasbourg, 8. Tous les mois, grande soirée lyrique,
avec tombola gratuite. L'intelligent président a fait
de ce cercle une réunion très-attrayante.
Au Concert de la Pépinière (près la gare St-Lazare)
une représentation extraordinaire sera donnée, le
samedi 25 janvier, avec le concours d'artistes distin-
gués, au bénéfice de notre camarade Emile Durafoar,,
régisseur-chanteur de cet établissement.
Nous ajournons au prochain numéro, faute de-
place, la Boîte aux lettres et divers comptes-rendus
bibliographiques.
Le Directeur Gérant, A. PATAY.
2» ANNEE. — N° 13.
l""- FEVRIER 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Eevue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l'-'" t^c le 16 de ctiaqTae mois
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
Le Numéi'o : 20 cent.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18 ^
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, G mois 2 fr. 50
Départs, (j mois 3 ))
S0MMAIR15 : Galerie des Cltansonniers : Eugcnn Baillct (l.-iieniîy lecomte). — La Lice Chansonnière (paul avexel). —
Hugo, Musset et Lamartine (paul ciiocque). — Les Larmes des fleurs (clai^dus malbet). — Promenons-nous dans les bois
(LÉON iJUVALciiEi.). — Entre nous deux (p.-e. éraru). — Le Vliompagne (emile de fontavbert). — La Fille du Roi des
Aulnes (amédée édéma). — Bibliographie (eug. imbeut, a. patay). — Correspondance. — Chronique des Sociétés lyriqttes
(a. LEROY, I1IPP0LYTE demanet). — Echos et Nouvellcs. — Boite aux lettres. — Annonces.
GALERIE DES CHANSONNIERS : EUGÈNE RAILLET
La biographie de ce
chansonnier, comme
celle de la plupart des
poètes du peuple, offre
peu d'incidents remar-
quables.
Eugène Baillet est
né à Pai'is, le 20 octo-
bre 1829, d'une fa-
mille d'artisans. Mis
à l'école de six à douze
ans, il en sortit pour
faire son apprentis-
sage dans la bijoute-
rie, et devint ouvrier
à seize ans.
Depuis longtemps
déjà, Bailletaccompa-
giiait ses parents dans
les réunions chantan-
tes , où florissaient
alors Gustave Leroy,
Gille, Rabineau, Col-
mance, Alexis Dalès,
Victor Drappier, Au-
guste Alais, Loynel
et vingt autres chan-
sonniers vaillants, que
l'enfant contemplait
avec des yeux émer-
veillés, et qui, plus
tard, devaient être ses
amis. Pris d'ambition, Baillet, un jour, rima
quelques couplets incorrects, qu'il soumit à
Gustave Leroy. Ce dernier ne jugea pas le
débutant d'une façon trop sévère; il voulut
même lui enseigner les règles de la prosodie.
Ces leçons et les cours du soir que Baillet suivit
assidûment, le mirent
bientôt en état d'é-
crire avec assurance.
Sa première chanson,
/(?.« Héros de la Bas-
tille, fut imprimée sur
feuille volante , en
1847. .
La révolution de
Février mit en faveur
les publications de la
rue. Baillet improvisa
une œuvre satirique,
le Citoyen Guizot ,
qui, certes, n'était pas
merveilleuse, maisque
son actualité fit ven-
dre à cinquante raille
exemplaires. L'éditeur
Durand l'acheta cinq
francs, et Baillet de-
vint un des fournis-
seurs attitrés de cet
homme honnête et sin-
gulier, dont il se pro-
pose d'écrire un jour la
plaisante histoire. Cha-
que événement, grand
ou petit, devenait chez
Durand matière à cou-
plets. Les chanson-
niers, en permanence
à l'imprimerie, écrivaient sur un coin de table
des à-propos rimes, que l'on composait instan-
tanément. Baillet fit ainsi plus de cinquante
chansons dont les meilleures : Raspail, Boichot,
Proudhon, figurent dans Les Républicaines
de 1849. Durand signait toutes les productions
126
LA CHANSON
jugées faibles par leurs auteurs ; Baillet en aban-
donna beaucoup de la sorte, une entre autres
qui obtint un très-grand succès et qui a pour
refrain :
Je veux retourner au village
Respirer la rose des champs.
En mars 1848, Baillet entra dans les Ateliers
Nationaux. Il y devint délégué central, c'est-à-
dire chargé de pourvoir aux besoins de quatre
brigades ou deux cent vingt-quatre hommes. Ce
titre faillit lui coûter cher. Le 2.3 juin, il était
allé à cinq heures du matin, comme d'habitude,
chercher des bons de pain aux bureaux de l'ad-
ministration, situés au parc Monceaux. Quand il
revint, vers cinq heures du soir^ des barricades
.s'ébauchaient dans divers quartiers. Pour .se faci-
liter le passage, Baillet imagina d'arborer son
ruban officiel de délégué. Rue du Sentier, cet
insigne produisit un effet mauvais sur les gardes
nationaux de l'ordre ; Baillet fut arrêté, fouillé,
et, comme on trouva sur lui des bons de pain
pour huit cents livres, traité de meneur, d'insurgé,
menacé de la fusillade. On le conduisit cependant
chez le plus proche commissaire de police qui,
beaucoup plus calme, procéda à l'interrogatoire
du prisonnier. Celui-ci exposa que deux cents
malheureux , réunis au passage Sairite-Avoie,
attendaient son retour pour dîner. — « Je vous
crois, M. Baillet, répondit le commissaire, car
je vous connais pour vous avoir vu dans les
sociétés chantantes. Otez votre ruban, mettez
votre képi dans une poche, coiffez-vous de cette
casquette et partez vite. » — Baillet ne se le fit
pas répéter, et s'enfuit en bénissant la chanson
qui venait peut-être de lui sauver la vie.
Au mois d'octobre de la même année, Baillet
publia dans la Ruche Populaire, journal exclusi-
vement rédigé par des ouvriers, un cri poétique :
Grâce pour les Vaincus, dédié au général Cavai-
gnac. Nous en citerons un couplet :
Uue d'innoceiils mavlyrs a fait la mort avide!
Que de pauvres cnfanls depuis ces jours do deuil,
S'aigrissent à la lin auprès d'un liuilet vide!
Mais las! ([ue peul-on dire aux pierres d'un cercueil?
Dieu va juger les morts, il devra les alisoudre...
Mais qu'au moins les vivants à nos yeux soient rendus!
Pourquoi les gardez-vous, puisqu'ils n'ont plus de poudre"?
Soyez grand, ô vainqueur, grâce pour les vaincus !
Béranger, qui s'intéressait beaucoup à La
Ruche, demanda au rédacteur en chef de lui
amener l'auteur de cette chanson. Intimidé
d'abord, Baillet fut bientôt mis à son aise par
l'accueil tout bienveillant du maître. Cette
entrevue devait être le point de départ de rela-
tions suivies, dont Baillet a gardé le souvenir
précieux, et qui lui permirent de rencontrer chez
Béranger certains hommes remarquables de
l'époque : Lamartine, Lamennais, Michelet, Jean
Reynaud.
Le bagage chansonnier d'Eugène Baillet s'ac-
crut assez rapidement pour qu'il pût, en 1853,
publier un volume, intitulé Pleurs et soicrires. On
lui fit un accueil sympathique, qui se renouvela
trois ans plus tard, quand une édition nouvelle
parut avec ce titre : La Muse de l'atelier. L'auteur
n'en était déjà plus à compter ses succès.
Vers la même époque, Baillet quitta la tenaille
du bijoutier pour l'objectif du photographe.
Pendant dix années, il promena sa gaîté, ses
chansons et son appareil dans les provinces. Ces
excursions champêtres, qui ne paraissent pas
l'avoir enrichi, devaient donner à son talent
poétique un côté à la fois rustique et attendri,
facile à saisir surtout dans son troisième recueil.
Chansons d'hier et d'aujourd'hui, édité en 1867,
et dédié à la mémoire souriante de Béranger.
La Religieuse ouvre le volume. On se souvient
de la grande popularité qu'obtint ce parallèle
exact des amours humaines et divines :
Je les ai vu causer ensemble
Lés amoureux!
Et je dis dans mon cœur qui tremble :
Qu'ils sont heureux!
Vie7is donc! fut également adopté par la vogue.
La dominante du talent de Baillet est le sentiment.
Nul mieux que lui n'a peint les rêves, les délices,
les. inquiétudes, les désespoirs de l'amour; et
tout cela sans afféterie, avec une mesure très-
juste, l'accent qui vient du cœur et frappe au
cœur. Compjrenez-vous? Ne sorjons plies amants,
Une Amie, Vous ne m'aimez plus, C'était bien la
peine, Mon cœur a vingt ans pour t'aimer. On
ne meurt pas d'amour, et beaucoup d'autres sont
les modèles du genre. Mais Baillet n'a pas qu'une
corde à sa lyre. Il chante avec le même bonheur
la chanson de genre, le couplet parisien, le
vulgaire refrain même du café-concert. — Qui ne
connaît Ma Voisine?
Quand vous connaîtrez ma voisine,
Ma voisine au regard si doux,
Rosine,
Votre cœur en sera jaloux.
Et Madame Clément, les Deux petit blonds, la
Servante Marie, Maman Gaspard, Sur la route,
Dix mille francs de rmite. Une Crémerie parisienne ,
la Bonne aux Voltigeurs, Nof jjetit dernier?. . .
Sur le ton grave^ que Baillet emploie plus
rarement, il faut signaler le Tisserand de Lisy, et
surtout George Sand, où les problèmes sociaux
sont résolus éloquemment :
A l'avenir que rêvent ses pensées,
Dis-lui combien nous nous associons;
Dis-lui combien nous les savons usées
Nos lois, nos mœurs, nos institutions.
Pour vous sauver, en vain le canon gronde.
Abus vieillis, peuplade en désarroi ;
C'est l'amour seul qui sauvera le monde :
A George Sand presse la main pour moi.
Eugène Baillet n'a pas interrompu son œuvje;
ses inspirations récentes sont dignes en tous
points de leurs aînées : l' Hirondelle pirisotmière,
Champiigny, Souviens-toi du voyageur, les Gens
LA CHANSON
127
qui savent boire, le Bataillun de l'avenir, les
Roses prisoimières, in lundi de printemps, Je n'ai
plus d'amoureuse, enfin /« Dernière fleur, publiée
par ce journal niénie, ont reçu dans les goguettes,
dans les concerts ou dans la rue le plus favorable
accueil.
Nous commettrions une injustice en n'asso-
ciant pas aux succès anciens et nouveaux de
Balllet les divers compositeurs (jui ont écrit pour
ses chansons des mélodies vraiment remarqua-
bles : Darcier, Paul Henrion^ Vaudry, Marquerie,
Hubans, Liébeau, Blasini^ Clielu, \\'aclis, Colli-
gnon, Girin, Joufîroy, Génin, Villers, Villebicliot,
Bougnol, Batifort, Arnaud, Vannier et Jaussaud.
Si Baillet excelle dans la poésie chantée, il ne
manie pas avec de moins bons résultats l'alexan-
drin solennel. En novembre 1870, quand partirent
pour les avant-postes les compagnies de guerre
du troisième arrondissement, Baillet, qui figurait
dans le 89° bataillon en qualité de garde et de
membre du conseil de famille, prononça une
allocution chaleureuse. Nous .lonnerons quel-
ques-uns de ces vers i nédits :
Vous serez les premiers, nous serons 1rs sctonils.
Vous ouvrirez la marche et nous vous y suivrons,
(lar il n'est en ce jour ni foyers ni l'aniillcs.
Anx iirmes! c'est le cri des mères cl des lillcs;
Il l'aut vaincre ou mourir : nous ne nous rcnilruns |ias!
Vous êtes (les milliers . . . nous sommes le eouraj,'e,
Vous avez des caïKiiis . . . nous avo[is de la rai^e
Et l'esjjoir bat la cliai'ye en marchant sui' nos pas . . .
Paris, le vieux fauhoui'g des grands cœurs, où uous sdunnis,
l'aris n'est plus pour nous un pays, c'est un camp.
Le camp répulilicain, le camp des l'orls, des hommes, ^
Kt dussions-nous le voir aussi rasé qu'un champ,
Nous serions là debout — et moi'ls nu'ine, nos (indjres
Viendraient vous eniraîner vivants sous les dccondircs.
Et lous ces monuments que vous voyez si beaux
Seraient les lumulus de vos vastes tombeaux !
Si le pain nous manquait, misé'i'ables Vandales,
On mâcherait du plomb pour vous cracher des balles!...
La colère patriotique ne pourrait s'exhaler avec
plus d'énergie.
Eugène Baillet a collaboré au Tintamarre, au
Tarn Tarn et à différents journaux littéraires. Tra-
vailleur et lettré, il allait publier une volumi-
neuse Biographie des Conventionnels, quand se
sont produits les désastres nationaux. Mais c'est
à la chanson qu'il consacre la majeure partie de
ses veilles et de ses recherches. Indépentlamment
de nombreux manuscrits autographes ou docu-
ments historiques, sa bibliothèque contient au
moins douze cents volumes de chansons. A l'aide
de cette collection magnifique et de ses souvenirs
personnels, il a composé une Anthologie de la
Chanson, depuis le XVIIP siècle jusqii à nos jours,
en ce moment sous presse, et qui sera remarquée.
C'est un travail consciencieux, exécuté sur un
plan nouveau, où figureront non-seulement les
oeuvres choisies de chaque chansonnier, mais
encore des notices et des chapitres formant
l'histoire complète de la chanson moderne.
Les trois premiers volumes de Baillet sont
introuvables en librairie. Un quatrième paraîtra
dans le courant de l'année présente, avec ce titre
original : Chansons d'hier et d'aujourd'hui,
2" édition très-augmentée et considérablement
diminuée. Nous acceptons la première partie de
cette promesse ; mais Baillet , en tenant la
seconde, se montrera plus sévère pour lui-même
que ne l'ont été les critiques, unanimes à le
proclamer, sur la publication menacée, homme
de goi'it et de style.
L. -Henry LECOMTE.
L'œuvre patriotique de la statue de Béranger
est entrée dans ]a période active. Nous publierons
incessamment l'organisation définitive du Comité,
et la date fixée pour l'ouverture de la souscription
publique.
LA LICE CHÂNSO^jNIÈRE
Chnnsmi île i-rrrplion
\h' du Carnaval.
De la chanson vous êtes les apôtres.
Vous propagez le rire et la gaité ;
Je suis heureux, Messieurs, d'être des vôtres,
("est un honneur dont je suis très-flatté.
Dans vos banquets l'esprit brille à son aise.
Et la critique y donne des leçons;
J'en suis ravi, car ma musc est française,
Et son amour est l'amour des chansons.
Je suis heureux, Messieurs, d'être des vôtres
Pour ajouter ma voi;c à vos refrains.
A Béranger offrons nos patenôtres.
Nous fi'oquentous son église et ses saints;
Nos uroinis pétillent d'allégresse,
A sa santé notre vin est tiré,
Et c'est ainsi que nous disons la messe
Pour célébrer Lisette et son curé.
Dans vos banquets l'esprit brille à son aise.
On n'y voit pas Tartuffe et Loyola.
La ganilriole y vient cueillir la fraise
Sans que la Lice en pousse des holà!
A notre cour point de flatteurs serviles,
Le gai-savoir de plein droit est admis;
Le franc-parler en chasse les Baziles
l-'our n'y laisser que de joyeux amis.
J'aime à chanter et ma muse est française,
Elle a toujours chanté la liberté ;
Et mon cœur bat lorsque la Marseillaise
Conduit la France à la postérité.
Il bat enoor quand le progrès entr'ouvre
Cet avenir des horizons prochains,
Car Charles-Neuf n'habite plus au Louvre
Et les Français se font républicains.
La République à vous toutes, Mesdames,
Aussi découvre un splendide horizon ;
A son foyer chauffez vos belles âmes
Pour vous grandir aux yeux de la raison.
Aimez vos fils jusqu'à l'idolâtrie.
Un cœur de mère en a tous les moyens ;
Mais donnez-leur l'amour de la patrie,
En République il faut des citoyens.
Paul AYENEL.
128-
LA CHANSON
HUGO, MUSSET ET LAMARTINE
Je venais de quitter la douceur maternelle;
J'étais homme, et mon cœur prenait son libre essor,,.
Une femme passa... j'oubliai tout pour elle,
Et son amour, bientôt, décida de mon sort.
Oh! comme je l'aimais d'une tendresse pure!
Combien tout me semblait, alors, délicieux!..
J'adorais le printemps; j'admirais la nature;
Je m'enivrais d'amour, et bénissais les Cieux...
Or, dans cette heureux temps de suave délire.
Tes vers, ô Lamartine, étaient doux à relire.
Oh! nuit où mon amante, hélas! s'est parjurée.
Et qui vit mon bonheur, soudain, anéanti;
Heure de désespoir où l'àme déchirée.
J'ai versé tant de pleurs sur mon amour trahi.
Sois maudite !.. Depuis, mon front penché se ride,
Et la sombre amertume est toujours en mon cœur...
Ah! combien j'ai souffert par toi, femme perfide!
J'ai douté du ciel même, alors, dans ma douleur...
Et, comme un triste écho de mon poignant délire,
Ce sont tes vers, Musset, que j'aimais à relire.
Le calme qui, toujours, succède à la tempête,
Remplace dans mon cœur les folles passions.
Et, penseur aujourd'hui, j'appelle une conquête
Chaque nouveau progrès utile aux nations.
Un but moins égoïste échauffe ma pensée;
J'aime l'humanité pour toutes ses douleurs ;
Je parle amour et paix à toute âme blessée,
Et me sens bien heureux de tarir quelques pleurs...
Mais, pour mieux s'enflammer d'un si touchant délire,
Hugo, ce sont tes vers que l'on aime à relire!
Paul CHOCQUE.
LES LARMES DES FLEURS
Je fis, hier, un doux et charmant rêve
Qui maintenant vient attrister mon cœur ;
Son souvenir en mon âme soulève
Mille pensers d'une vague douleur.
Le ciel brillait sous les feux de l'aurore
Et le zéphyr venait baiser les fleurs,
Lorsque je vis que ces filles de Flore,
En s'é veillant, versaient toutes des pleurs!
— (c Pourquoi pleurer? » demandai-je à la rose.
Elle me dit : « Ah ! vois mon triste sort ;
(( Je viens de naître, à peine suis-je éclose,
« Que devant moi se vient dresser la mort.
« Le papillon un instant me caresse,
«' Mais quand le soir il me voit m'incliner,
« Sans nul regret cet ingrat me délaisse,
« Vers d'autres fleurs, il s'en va butiner.
De l'oranger, vers moi la fleur se penche,
A son pétale il vient trembler un pleur.
Elle me dit : « Vois ma corolle blanche,
« Que Dieu créa symbole de candeur,
« Devrait orner le front de l'innocence,
« Mais que de fois me vient-on profaner!
« Lors il me faut couronner l'impudence,
« Sur un tel front, faut-il donc me faner ! »
Plus loin je vis rayonner l'immortelle ;
Je m'étonnai de ne la, voir pleurer ;
Mais, souriant : « Pourquoi pleurer, dit-elle,
« Du trépassé qu'il vous faut honorer
« Comme un espoir je viens orner la tombe;
« Je suis la fleur de l'immortalité,
« Lorsqu'un Génie en ce monde succombe
« Je lui viens dire : « A toi l'Eternité ! d
Claudius MALBET.
PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS
Le soleil, chaud comme braise,
Brûle le faîte des toits.
Dans l'ombre mûrit la fraise...
Promenons-nous dans les bois.
Au bord des claires fontaines.
Nous cueillîmes bien des fois
Des caresses par centaines... -
Promenons-nous dans les bois.
Trouvons, sous la fraîche arcade.
Des fourrés, des nids étroits.
Où l'amour se barricade...
Promenons-nous dans les bois,
Nul témoin ne nous regarde :
Glissons-nous en tapinois;
Rions des loups et du garde...
Promenons-nous dans les bois.
Les oiseaux, filant leurs gammes.
Disent en leur gai patois :
« Ah! le joli bois. Mesdames! »
Promenons-nous dans les bois.
La brise, de la lisière
Apporte un air villageois :
Dansons parmi la clairière...
Promenons-nous dans les bois.
LÉON DUVAUCHEL.
ENTRE NOUS DEUX
Air : Béranger à l'Académie
J'avais seize ans, la riante jeunesse
De rêves d'or entourait mon sommeil;
Jeanne était jeune et nous jouions sans cesse
Dans les prés verts dorés par le soleil.
De nos ébats remplissant la chaumine.
Chassant les pleurs par nos chants radieux,
Nous épandions notre joie enfantine;
Soudain l'amour parut entre nous deux.
Près des ruisseaux, cherchant le frais ombrage.
Amants discrets nous cachions nos amours,
Le rossignol chantait dans le feuillage,
C'est l'âge d'or et les plus heureux jours!
Dans un baiser, dans une même étreinte,
Quittant la terre et planant sous les cieux,
Nous nous aimions ardemment, flamme sainte,
Le dieu d'amour jouait entre nous deux.
LA CHANSON
129
Quand les autans auront blanchi nos têtes,
Puisque chacun est victime du temps,
Si Dieu voulait nous rappeler nos fêtes
En ramenant notre joyeux printemps,
Errant le soir, sur l'herbe verte et douce,
Nous redirions nos serments, nos aveux.
Puis à son tour sur ce tapis de mousse
Kamour viendrait jouer entre nous deux!
P.-E. ERARD.
LE CHAMPAGNE
Pétille dans mon verre,
Aï clair et mousseux.
Va, qu'un cerveau vulgaire
Te trouve dangereux ;
Moi, cher ami, je t'aime,
T'avale avec bonheur ;
Je suis hors de moi-même I
Tu fais bondir mon cœur.
Amis, chantons sans cesse,
Chantons
Le vin et la jeunesse,
Aimons.
C'est par toi, que du monde
Sont bannis les ennuis ;
Sur la machine ronde
Tu provoques les ris.
Allons, vive la joie,
Bacohus et Cupidon !
De Champagne je noie
Et tristesse et raison.
Amis, etc.
Au fond d'une bouteille,
Tu gémis, mon mignon!
Toi, le fils de la treille,
On te met en prison!...
"Viens que je te délivre..
Un coup de doigt suffit:
Pif., paf.. Le voilà libre,
Il s'envole et bondit.
Amis, etc.
Ah I coquin, de mon verre
Tu voudrais t'échappcr?
Non... ton heure dernière.
Ami, vient de sonner.
Vois., ma lèvre t'appelle,
Vin pur et pétillant;
Ta divine étincelle
Expire en m'enivrant.
Amis, etc.
Ah ! débouchons encore !
Bouchons, sautez toujours !
Fêtons jusqu'à l'aurore
Le vin et les amours.
En avant le Champagne !
Absorbons, mes enfants !
Et battons la campagne
En vieux Roger-Bontemps.
Amis, chantons sans cesse,
Chantons
Le vin est la jeunesse,
Aimons.
Emile de FONTAUBERT.
L\ FILLE DU ROI DES ÂILNES
Ballade Populaire (d'après une légende danoise)
Musique de Niels ^V. Gade
Viens, ah viens!
Le chasseur Oluf suivra-t-il la Sylphide enchan-
teresse qui, de sa main légère, a caressé ses cheveux,
unjour que la nuit l'avait surpris dans la forêt?
Non ; il a célébré sa fiancée dans un chant plein
de grâce et d'abandon qui ne saurait être un men-
songe ; il l'aime sans pouvoir cependant se soustraire
au souvenir de son rêve voluptueux. Il veut revoir au
crépuscule les filles du Roi des Aulnes, et s'enivrer,
une fois encore des caresses de la déesse au regard
de feu et aux traits pâlis par les rayons des astres
de la nuit.
" Que l'on m'amène ici
Mon coursier rapide ;
D'un convive dont j"ai souci,
La place reste vide. "
"N'iens, ah viens !
C'est la flUe du Roi des Aulnes; une mélodie déli-
cieuse, à laquelle les bruits vagues de la foret prêtent
leur harmonie, a frappé son oreille et elle a reconnu
la voix du chasseur.
Les Sylphides dont elle est la reine, commençant
leurs ébats nocturnes, dansent en ronde aux pâles
clartés des étoiles. Des mouvements vaporeux et
légers, des ombres glissant au travers des arbres
agités, des baisers lascifs, des enlacements voluptueux
et pleins de hmgueur jettent le trouble dans le cœur
de l'imprudent Oluf qui n'a pas craint d'affronter le
péril. En vain il veut fuir, les belles filles des bois
l'environnent pendant que, du milieu des bruissements
de la forêt, une voix enchanteresse s'élève :
Il Salut à toi, mon beau rêveur,
Pourquoi fuis-tu ma vue?
Ah I viens vers nous, mon beau seigneur,
Pour toi je suis venue.
Viens, ah viens !
<i Ecoute encoi-, mou tloux vainqueur,
Ecoute ma voix.
Qu'à moi se donne enfin ton cœur
Ton cœur et ta foi.
A'iens, ah viens ! *>
« Non, dit-il, j'appartiens à une fiancée plus chaste
que toi, je ne serai pas infidèle. «
(c Alerte, mon coursier rapide, fuyons les malédic-
tions des Sylphides outragées et la vengance de la
fille du Roi des Aulnes. »
L'aurore se lève, Oluf ne revient pas. S'il entendait
les plaintes de sa mère, il s'attendrirait, il reviendrait,
s'il peut encore revenir...
Un cavalier paraît. « C'est lui, c'est lui! » s'écrie-
t-elle. — C'est lui. — Il s'élance dans les bras de sa
mère, mais son visage est pâle, ses membres glacés ;
il peut à peine répondre aux questions qu'elle lui
adresse avec une tendresse adorable ; il s'affaiblit de
plus en plus, il tombe : il est mort.
La fille du Roi des Aulnes s'est vengée.
a Rêveur passant, les soirs d'été
Au lond du bois solitaire,
Gardez-vous de la volupté
Des nuits pleines de mystère. »
Pardonnez-moi d'avoir, n'étant pas Théophile
Gautier, touché à cette jolie ballade.
Amédéb EDÉMA.
130
LA CHANSON
BIBLIOGRAPHIE
Nous parlerons aujourd'hui de plusieurs publi-
cations qui se rattachent de près ou de loin à la
chanson.
Evariste Carranoe, l'infatigable promoteur des
concours poétiques du midi, nous adresse son Pays
Bleu. On retrouve là, comme dans ses précédents
recueils, cette inspiration pleine de patriotisme et
d'élévation qui rappelle nos plus grands poètes. La
Petite Robe, mon Premier Cheveu blanc, Ma Lampe
nous ont particulièrement touché.
Rouen, la vieille cite normande, tel est le sujet
qu'a choisi M. ïocqueviUe. En face du chiffre et de
ses tristesses, il revendique les droits de la gaité :
Mais ne dédaignons pas ce doux rayon : le rire !
Accueillons quelquefois l'accorte l'antaisie.
Le rire et la fantaisie ? Les voici : c'est la Lice
Chansonnière, bien connue de nos lecteurs ; la Lice,
phalange toujours en éveil, toujours renouvelée,
toujoui'S chantant. Nous avons sous les yeux son
volume de 1877. Là brillent des noms que le public
est habitué à applaudir et des œuvres qui délVayeront
longtemps les soirées lyriques.
Haohin, l'heureux auteur delà Tour Saint-Jacques,
nous donne la correspondance échangée entre un
arbre de la forêt de Compiègne et son frère des
boulevards parisiens. Picard, qui cisèle un couplet
comme un joyau, célèbre la Gaudriole. Dural'our,
rompu aux procédés du café-concert, pousse, dans
la Saint-Crépin, un de ses plus gros éclats de rire.
Ici, c'est Charles Vincent qui donne un souvenir
affectueux à Desforges :
Son jour, qui viendra, rendra populaire
L'auteur de Manon et des Grands pommiers.
Là, Jeannin pleure ses folles illusions : 0 mes
hannetons, quètes-vous devenus? Plus loin, Baillet
mêle à cet ensemble une note mélancolique : Je n'ai
plus d'amoureuse! 11 se rappelle qu'il est l'auteur de
la Religieuse, touchante élégie qui eut tant de succès.
Georges Baillet, son homonyme, s'élève, chose rare
chez les chansonniers, jusqu'aux hauteurs de l'ode.
Combien de titres il faudrait citer pour donner une
idée du mérite et de la variété de ce volume ! Le
Conservateur, de Piesse; le Rire gaulois, de Jouy; le
Chasseur d'ouvrières, de Rubois; le Clos Grégoire,
de Legentil, tout à fait pittoresque et rabelaisien ;
les Simples vœux des Révérends Pères, deVatinel;
le Lâche, de Robinet. Ryon, dans le Sei-ment... mais
je n'en dirai rien : c'est une pièce de vers.
Les Paroles harmoniques , de M. Cauvet, Aubépine
et Lilas, Feuilles mortes, de M. Garceaud, renferment
quelques chansons d'un tour facile. Les couplets aux
Soldats de la France tranchent sur la nuance un peu
grise des sonnets.
M. Tréfeu aussi traite l'actualité.
Chantons de la France l'armée !
s'écrie-t-il. Ailleurs il déclare avec franchise qu'en
politique il faut de la sagesse, de la prudence, énor-
mément de cœur, de la bonté, mais jamais de fai-
blesse. Ce sont ses vers, que je transcris ainsi pour
gagner de la place.
Encore des sonnets! Est-ce une maladie? M. Georges
Gourdon habille les siens si gentiment qu'il est sûr
de les faire bien accueillir partout. Papier vergé,
caractères elzéviriens, eau-forte, en-tête, lettres ini-
tiales, culs-de-lampe style renaissance, rien n'y
manque. Je ne veux pas dire que ce soit là tout le
mérite des f'ervenches. 11 s'en faut. La chanson,
l'élégie s'entrelacent aux sonnets, l'énergie à la
grâce. Peut-être les larmes et le bon Dieu repa-
raissent-ils trop souvent. Louis Bouton, l'éditeur-
graveur, pouvait certes plus mal choisir pour sa
petite débauche d'illustration. C'est un bijou pour
l'amateur, une perle pour le bibliophile. Quel bien
n'en dirais-je pas encore, s'il m'avait été permis de
couper les feuillets de ce joli volume!
EuG. IMBERT.
Vient de paraître, à notre librairie : Balzac, sa
Méthode de travail, par Champfleury. Cette plaquette,
tirée à petit nombre sur pa,pier vergé, est accompagnée
d'un très-curieux fac-similé d'épreuve corrigée par
Balzac, la terreur des typographes. Envoi franco
contre un mandat-poste de 2 francs.
Nous venons aussi de publier un petit volume de
vers do L.-G. Gauny : La Foret de Bondy, distiques.
Format in-18, titre rouge et noir, orné d'une eau-forte
de Monnin, d'après L. Charbonnel. Prix : 1 fr. 50;
envoi franco contre un mandat-poste. Il en sera parlé
dans notre prochain numéro.
La Revue Française publie, sous la signature de
son rédacteur en chef, C. Carrance, l'appréciation
suivante de V Eternel Rornan, édité par notre librairie :
« M. de la Salle est vraiment un poète heureux;
il vient d'écrire un livre charmant et de le publier
sous un titre plus charmant encore : L'Eternel Roman,
c'est le joyeux poème de la jeunesse qui chante si
bien au fond du cœur.
« C'est cette heure bénie qui s'envole si vite et
que tout le monde regrette; c'est un doux et
frais éclat de rire traversé par les flèches d'or de
l'espérance, i)
I volume in-18, titre rouge et noir, tiré à 350 ex.
Papier blanc, 2 fr. 50; papier vergé, 4 fr.; papier de
chine, 6 fr.
Nous lisons dans la Nouvelle France chorale :
« M. Amédée Edéma vient de publier, à la librairie
A. Patay, 18, rue Bonaparte, une brochure sous le
titre de : La Musique à la salle des Fêtes pendant
l'Exposition universelle de 1878. Cet opuscule se lit
avec beaucoup d'intérêt, et il décèle chez son auteur
des connaissances musicales étendues et sérieuses.
Aussi les appréciations artistiques qu'il contient sont-
elles pleines de justesse, et on ne peut plus propres à
guider et à redresser les jugements de beaucoup de
gens trop prompts à trancher les difficultés inacces-
sibles à leur compréhension par des affirmations
catégoriques, positives. Ce sont là, d'ailleurs, les
corollaires naturels de l'ignorance. M. Edéma, avec
une parfaite équité, sait assigner leur vraie place à
quelques compositeurs modernes dans l'Olj'mpe de
LA CHANSON
131
l'art. Mais s'il débarbouille — d'une main légère —
les uns du rouge et de la dorure dont on les a couverts
sans rime ni raison, il ne manque pas de rendre
hommage au talent des autres qui en sont dignes. Il
sait discerner d'un coup d'oeil exact les nuances qui
distinguent chacun, et toujours sa critique est cour-
toise. La bienveillance — caractéristique des vrais
juges — plane sur le tout comme une gaze légère
qui, tout en adoucissant l'éclat de la lumière, ne
l'empêche pas de nous éclairer. Le style de la
brochure dont nous parlons est facile et élégant, et
sous cette forme littéraire se cache évidemment une
âme d'artiste qui a su pénétrer plus d'un secret de
la composition musicale. »
Broch. iu-8; prix, 1 franc.
A. P.
Le directeur de La Chanson a reçu la lettre
suivante :
■26 janvii-r 1879.
MON'SlEUli,
S'il est vrai que j'étais ivre, commi' vous le dites ilans
voire article que l'on croirait voir signé l'aiil dr (lassngnac,
je vous adresse ce couplet de ,lules .Moineaux qui, donnant
raison à votre dire, donne à l'aposlroplic qne je voiis ai
lancée tout l'éclat de la vérité.
Au fond d'un puits, séjour Iiuinidc.
I.a vérité, dit on, réside;
Au retjours, voyez l'embarras
On dit : In vino vnrtlaf;.
Cœurs droits qui pheVL-hez à l'atteindre,
D'un puits elle no peut sortir.
Car le l)uvcur d'eau peut mentir,
Mais rivroçne ne sait pas feindre :
Ne cheY<'hez plus en vam
I.a vérité dans l'eau quand elle est dans le vin.
Je compte. Monsieur, que vous voudrez bien |inl)lii'r cet le
petite réponse dans votre prochain numéro.
.losRiMi hAMIUACIN.
A son esprit, si personnel et si tin, notre corres-
pondant adjoint celui d'un confrère; sachons-lui gré
de ne nous point accabler par un couplet de son crû.
Donc, M. Landragin, avouant sou état d'ivresse à la
réunion que l'on sait, en tire — élégammant — cette
conséquence que les paroles dites alors par lui sont
des vérités manifestes. La théorie est singulière
et dénote, chez M. Landragin, une logique au niveau
de son savoir-vivre. — Nous n'aurons pas la cruauté
d'insister.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La Cigale n'a pas chanté pendant les huit mois de
l'Exposition, sans doute pour donner aux sociétaires
le temps de la visiter en détail ; mais cela ne pouvait
durer plus longtemps. Aussi M. Deutohe, président
inamovible, pressé de sollicitations, s'est-il décidé à
rouvrir les portes des salons de M. Demory (galerie
de Valois, Palais-Royal). Donc, le 19 janvier, le
public et la presse étaient convoqués à la grande
solennité de la réouverture.
Le public était représenté surtout par de fort
jolies femmes et de toutes gracieuses jeunes filles,
dansant, rouges de plaisir, sous l'œil maternel; la
presse par un rédacteur de l'Evénement et votre
serviteur, très-flatté de passer quelques heures avec
un homme d'esprit.
Que dire de la partie chantante? Rien ou peu de
choses ; on s'est dépêché d'expédier au plus tôt le
côté ennuyeux pour danser encore, toujours!
Cependant, nous regretterions de passer sous silence
un violoniste qui promet, M. J. Bernis, de feu le
Tliéàtre-Italien. Pris à l'improviste et sans musique,
il a su se faire applaudir, ce qui est beaucoup pour
un violoniste.
Terminons en remerciant M..Deutche de l'accueil
cordial qu'il nous a fait, et espérons que la Cigale^
chantant tout l'été.
Ne se trouvera pas dépourv
Quand la bise sera venue.
A. LEROY.
La Jeunesse Artistique de Vincennes a donné,
le 11 janvier, un brillant concert dans le Casino
Sausserousse, où, tous les mois, une fête de ce genre
permet d'entendre d'aimables interprètes, tels que
MM. Joiiineau, Cairon, Mirey, Assemaine, Werme-
linger, Acquart, Duraont et combien d'autres qui,
sous l'habile impulsion du président Lambert et de
l'accompagnateur Blondel, attirent à leurs réunions
une foule nombreuse et choisie.
La Société lyrique de Vincennes- Saint- Mandé
alterne avec la précédente et donne ses soirées au
concert Idalie, que dirige Vcrgeron, membre du
Caveau et de la Lice Chansonnière. Les interprètes
sont là MM. Lhomme, Robinson, Lamastres, Char-
pentier, Moquet et Mallard, sans oublier les toutes
gracieuses dames Noblet et Trèbla. Réunions char-
mantes «t distinguées.
Hiri'oi.yTE DEMANET.
La Société lyrique des Enfants de la Seine
(M. C'antarel, président) donnera, le dimanche soir
2 février, à son siège social, 20, rue Palestro, une
grande soirée dramatique et lyrique. Cette même
Société offrira, le 15 février, salle Rivoli (104, rue
de Rivoli), un bal de nuit paré, masqué et travesti.
Ouverture des portes à 11 heures du soir; la tenue
noire est de rigueur pour les cavaliers non costumés.
La Fauvette Parisienne donnera également un bal
intime, paré, masqué et travesti, le 8 février, dans
les salons de la Société, 3G, galerie Montpensier
(Palais-Royal).
A. P.
ECHOS & NOUVELLES
Le théâtre de Belleville joue, depuis le 19 janvier,
une revue locale intitulée : V'ià /ielleville qui passe,
dont l'auteur, Michel Bordet, est un chansonnier
émérite. La pièce est remplie de couplets, de rondeaux
on ne peut mieux réussis. Le terme de l'evue locale
est certes trop modeste; car, si certains types parti-
culiers, si quelques sujets spécialement bellevillois
ont fourni à l'auteur-acteur des scènes tantôt
grotesques, tantôt touchantes, il a su trouver dans
les grandes idées du travail, de l'armée nationale, de
l'instruction populaire, de la République, des inspira-
tions dignes de son talent. Aussi les applaudissements
ne lui ont-ils pas fait défaut. Les pensées généreuses
ne restent jamais sans échos dans les cœurs
132
LA CHANSON
plébéiens. La Chanson est heureuse de saluer ici un
de ses enfants, et lui souhaite un long succès. Parnai
les interprètes, bornons-nous à citer M. Larmet,
pour sa dignité et sa rondeur, M™" Sézanne, qui dit
bien les vers, M°"= Rolland, qui les chante en vraie
Dugazon. M. Fouet a esquissé la silhouette d'un
médecin connu d'une façon très-réjouissante, et
M. Perron, dans l'Hymne à l'hidustrie, a fait preuve
de tenue et de goût.
E. I.
Armand Potel vient de mourir à Montpellier.
Véritable enfant de Paris, Potel avait fait partie
de la garde mobile en 1848. 11 fut attaché au théâtre
des Variétés, — puis aux Bouffes-Parisiens, — au
Théâtre-Lyrique. Il entraàl'Opéra-Comique en 1862
et y resta jusqu'en 1877. Il tenait l'emploi des ti'ials
et possédait de sérieuses qualités de comédien.
On ignore généralement que Potel avait commencé
par chanter dans les goguettes; il s'était racheté de
la conscription au moyen de soirées organisées par
plusieurs d'entre elles, notamment chez Montié, place
de la Corderie-du-ïemple. Il avait composé quelques
chansons qu'il chantait lui-même dans ces réunions.
Son véritable nom était Pian.
M. Paul Avenel prépare la cinquième édition de
ses chansons, augmentée de plus du double. La
plupart des pièces seront accompagnées de notes
très-curieuses.
Le théâtre des Folies-Belleville va jouer une
fantaisie-revue en deux tableaux, intitulée Faut pas
blaguer nos p'tit's Folies I paroles de Constant Saclé,
musique nouvelle de Richard Meiners. Le journal
La Chanson y sera personnifié, nous dit-on, par une
aimable actrice. . . Nous serons là.
Le journal VEcho de Vincennes va commencer
prochainement la publication d'un ouvrage humo-
ristique, du Licéen Hippolyte Demanet. La Physio-
logie des Omnibus, tel est le titre de cette étude de
mœurs, que nous recommandons à tous les amateurs
de ce qui peut instruire en amusant.
IS Académie des Muses Santones organise, pour
l'année 1879, deux concours poétiques, auxquels
peuvent prendre part tous les littérateurs.
1° Sujet donné : les Baigneuses de Royan. Médaille
d'honneur et prix divers.
2° Sujet facultatif. Prix et mentions.
Les compositions — inédites — doivent être
adressées à M. Victor Billaud, délégué, à Royan,
jusqu'au 31 mai prochain.
Association Polytechnique. Cours gratuits et publics
pour les ouvriers, rue Jean-Lantier, 15. Tous les
lundis, à 9 heures du soir, M. Rouxel, professeur.
Harmonie. — Théorie du rhythme. — Théorie de la
tonalité. — Génération des accords, réalisation. —
Structure de la mélodie, accompagnement, harmonie
artificielle, instrumentation. — Harmonie du lan-
gage, union de la musique aux paroles.
BOITE AUX LETTRES
M. F.-E. E., à Paris. — Nous publierons par inter-
valles vos études sur Jes chants étrangers.
MM. P. L. et L. R., à Paris. — Votre envoi touche
de trop près à la politique ; nous ne sommes qu'une
publication littéraire. Nous acceptons vos comptes-
rendus annoncés. Envoyez-nous d'autres chansons
en même temps.
M. S., à Paris. — Votre Souvenir d' Hégésippe
Moreau est réservé pour le numéro que nous pré-
parons sur ce poète.
M. R., à Paris. — Nous sommes encore obligés
d'attendre avant de commencer la publication de
votre intéressant travail sur les trouvères et les
ménestrels.
M. F. B., à Saint-Maur-les-Fossés . — Nous vous
écrirons prochainement.
Deux ou trois abonnés se plaignent de ne pas
recevoir régulièrement leurs numéros. Les envois
étant faits très-exactements par nous, c'est à l'admi-
nistration des postes que leurs réclamations doivent
être adressées.
PUBLICATIONS RECOMMANDÉES
La Jeune France, Revue mensuelle, littéraire et
poétique. Un an, 8 fr., Paris et départements. Li-
brairie A. Patay, rue Bonaparte, 18. '
Le Pétard, illustré par Alfred Le Petit, paraît
toutes les semaines, avec la collaboration de Jules
Jouy, E. Adeline, Paul Chocque, de la Lice Chan-
sonnière ; 128, rue de Courcelles. Un an, 8 fr.;
six mois, 4 fr.; trois, 2 fr.; le numéro, 15 centimes,
chez tous les libraires.
Le Lycéen, Rédacteur en chef Eugène Enfonce,
paraît deux fois par mois. Unan, 4fr., 62, rue
La Condamine, Paris.
Le Touriste, Moniteur des Clubs alpins. Rédacteur
en chef, Ch. CofBn. Paris, rue Richelieu, 65.
Un an, 10 fr.
Le Voleur illustré. Rédacteur en chef, A. de
Bragelonne, 30, rue des Saints-Pères. Un an, 6 fr.;
le numéro, 10 centimes, chez tous les libraires.
La Revue indépendante du Nord. Rédacteur en
chef, Desespringalle, rue Saint-Jean, 30, à Douai.
Un an, 6 fr.
La Revue Méridionale. Rédacteur en chef,
Paul Albert, rue des Marchands, 11, à Toulon,
Un an, 6 fr.
Le Parnasse, Organe des concours littéraires de
Paris. Rédacteurs en chef : Alceste et Germain
Picard. Un an, 12 fr. Rue du Val-de-Grâce, 21.
Revue de la Poésie, Gazette de l'Académie des
poètes, sous la direction de M. Casimir Perthus.
Un an, 6 fr. Rue Ganneron, 12.
La Revue de la Jeunesse. Rédacteur : Ali Vial
de Sabligny. Un an, 10 fr. Rue des Filles-du-
Calvaire, 18.
Le Directeur Gérant, A. PATAY.
2* ANNEE. — N" 14.
16 FEVRIER 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" <!cle 16 de chaqvie mois
Secrétaire de la Rédaction
V. DEMEURE
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PABI8
RÉDACTEUR EN CheF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois 2 fr. 50
Départ», 6 mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 50
SOMMAIRIÎ : Lu Statue de Béraiiger, lettres d'adhésion, orrjaiiùatioH du Comité, ouverture de la souscription (l.-henry lecomte). —
A lu Chanson (rené ponsard). — Les Fils du Soleil (charles Vincent, musique de darcier). — Clairville (charles Vincent). —
La Chanson au Théâtre (l.-iienry lecomte). — Banquet du Caveau (eug. imbert). — Banquet de la Lice Chansonnière. —
Chronique des Sociétés li/riques (a leuoy, l. r., a. p.U'ay).
LA STATUE DE BÉRANGER
Depuis le jour où nous avons émis, dans La
Chanson, l'idée de consacrer par une statue la
mémoire de Béranger, bien des invitations à
tenter cette œuvre patriotique nous sont par-
venues. Le moment n'était pas propice. Derrière
le gouvernement de droit, un tortueux pouvoir
de fait gênait toute manifestation démocratique.
Nous dûmes nous borner à préparer les voies pour
l'heure attendue d£s libertés réelles. Cette heure
est venue. Le triomphe définitif de la République
rend opportune, nécessaire, la glorification des
esprits lumineux par qui le règne de la justice
est advenu : la statue de Béranger va se faire.
Nous publions avec joie — dans l'ordre de leur
réception — les adhésions suivantes :
Paris, 'ii janvier.
Monsieur,
Je ne saurais avoir aucune objection à ce que mon
nom soit placé au-dessous des noms de Victor Hugo,
Legouvé, Spuller...
Cordialités.
Emile de GIRARDIN.
21 janvier 1879.
Monsieur,
C'est de grand cœur que j'adhère à votre projet
d'élever une statue à Béranger. Je vous autorise
donc à me compter parmi les membres fondateurs
de votre Comité. Je mets V E vénement a.\a. disposition
de cette œuvre libérale et patriotique.
Veuillez agréer. Monsieur, l'expression de mes
sentiments confraternels,
Edmond MAGNIER,
Rédacteur en chef de l'événement.
Vendredi, âl janvier.
Monsieur et cher Confrère,
Je vous remercie d'avoir bien voulu penser à moi
pour le Comité de la statue de Béranger. Je consi-
dérerai comme un honneur d'en faire partie.
Agréez, Monsieur et cher Confrère, l'expression
de mes sentiments bien sympalliiques.
Pierre VÉRON,
Rédacteur en chef du charivari.
Versailles, 25 janvier.
Monsieur,
J'accepte avec le plus grand plaisir de faire partie
du Comité qui s'organise pour l'érection d'une statue
à Béranger. Cotait presque mon droit d'en être, car
à la fin de la préface do la Correspondance du poète
national, j'avais indiqué la célébration de la date
du 19 août 1880 comme devant être l'une de nos
fêtes patriotiques séculaires qui devaient le plus
vivement faire battre le cœur de la France.
Réunissez-nous le plus vite possible avant de faire
à la nation le premier appel, car il faut que le
Comité soit bien complet et que sa voix lui parle
avec autorité... Ignorant où vous en êtes, je ne puis
que me mettre à la disposition du Comité pour lui
rallier, s'il lui plaît, le suffrage et lui donner le con-
cours de ceux des vieux témoins de la vie de Béranger
que j'ai connus par lui et chez lui.
Croyez , Monsieur , à ma confraternité toute
dévouée.
Paul BOITEAU.
Versailles, 26 janvier 1879.
Cher Monsieur,
C'est avec grand plaisir que je ferai partie du
Comité chargé d'élever une statue à Béranger... Je
prends, de plus, l'engagement de faire, au sujet du
poète, une conférence publique, et d'y démontrer
134
LA CHANSON
combien le chansonnier, élevé dans ses idées et ses
doctrines, l'a été dans sa vie généralement peu
connue au point de vue de ses relations intimes.
Agréez mes bien cordiales civilités.
Alfred LECONTE,
Député de l'Indre.
27 janvier 1879.
Monsieur,
,Je serai très-honoré de faire partie du Comité
Béranger et de saisir, une fois de plus, roccasion de
saluer le merveilleux poète « qui n'a flatté que
l'infortune «.
A vous de cœur,
E. DELA.TTRE,
Conseiller municipal.
Paris, 2i) janvier 1879.
Monsieur,
Je suis de ceux qui ont protesté et protestent
encore contre l'injuste réaction dont la mémoire de
Béranger fut victime. J'aime ce grand poète pour
une infinité de raisons, dont les principales sont qu'il
a représenté au milieu du fouillis romantique le génie
clair du dix-huitième siècle, et que, pendant une
longue période de nos luttes pour la liberté, il a donné
une voix aux sentiments de nos pères. C'est assez
pour que j'applaudisse à votre oeuvre et sois heureux
de m'j associer.
Veuillez agréer. Monsieur, l'expression de mes
sentiments très-distingués,
CASTAGNARY,
Conseiller municipal.
29 janvier 1879.
Monsieur,
Charles Vincent m'avait en effet parlé, il y a
quelques mois, de votre projet d'élever une statue
à Béranger; je lui avais dit que je participerais
de tout cœur à son exécution.
Je me mets donc à votre disposition pour le concours
qu'il me sera possible de donner à votre heureuse et
très-sympathique initiative.
Veuillez agréer. Monsieur, mes salutations
distinguées,
MURAT,
Conseiller municipal du S» arrondissement
Monsieur,
Paris, 29 janvier.
La demande de concours-que vous m'avez adressée
relativement à la célébration du centenaire de
Béranger est trop honorable pour que je ne me
fasse pas un devoir et un plaisir d'y donner mon
acquiescement.
Béranger a chanté la liberté, il est resté indépen-
dant jusqu'à sa dernière heure. Il y avait en lui non
seulement le génie poétique, mais, ce qui est plus
rare, un caractère.
Comme patriote, comme républicain et comme
Parisien, Béranger a droit à mon hommage. Je
m'associe donc bien volontiers à l'œuvre qui devra
contribuer à la consécration de sa mémoire.
Il me paraît difficile de penser que la ville de Paris
reste étrangère à cette cérémonie.
Veuillez agréer. Monsieur, l'expression de mes
remerciements et de mes sentiments distingués.
D' FRÈRE,
Conseiller municipal du 3^ arrondissement.
Paris, 29 janvier 1879.
Monsieur,
J'accepte avec empressement l'honneur que vous
voulez bien me faire en m'offrant une place dans le
Comité chargé de faire élever une statue à Béranger.
En vous assurant de mon concours le plus
dévoué, veuillez. Monsieur, agréer l'assurance de
ma considération la plus distinguée.
E. CLÉRAY,
Conseiller municipal du 3° arrondissement.
Nice, 1er février 1879.
Monsieur,
Vous ne pouvez douter de ma vive sympathie
pour l'œuvre patriotique de la statue de Béranger.
Je vous remercie d'avoir pensé à moi et je vous
envoie l'expression de mes sentiments dévoués.
CxusTAVE NADAUD.
Monsieur,
Paris, 3 février 1879.
Comme ami de Béranger, et le plus ancien sans
doute de ceux qui vivent encore, je ferai volontiers
partie du Comité formé pour lui élever une statue.
Veuillez donc me comprendre parmi ceux qui adhèrent
avec le plus d'empressement et de sympathie au
projet dont l'heureuse initiative est due à votre
journal.
Agréez, Monsieur, l'expression de mes sentiments
les plus distingués.
MIGNET.
Auteuil, 5 février 1879.
Mon cher Ami,
Votre lettre est venue me combler de joie. J'avais
bien lu dans divere journaux qu'un Comité s'orga-
nisait en vue d'élever une statue à Béranger, mais,
en voyant les noms illustres qui se trouvaient à la
tête de ce Comité, je n'aurais jamais pensé qu'il fût
possible que le mien vînt s'y ajouter.
Je vous remercie donc, de grand cœur, de n'avoir
pas oublié le vieux comédien, et j'accepte. Je serai
très-heureux, et plus encore honoré de vous prêter
mon faible concours. Je fus l'ami du grand chan-
sonnier et son souvenir est resté gravé dans mon
cœur. En lui élevant une statue, nous ne paierons à
sa mémoire qu'une bien faible part de la recon-
naissance que nous lui devons tous pour l'œuvre
impérissable et éminemment française qu'il a créée :
la chanson patriotique et populaire.
A vous de tout cœur,
BOUFFÉ.
Paris, 5 février 1879.
Monsieur,
Veuillez m'excuser d'avoir tardé à vous répondre,
au milieu des préoccupations de ces derniers jours.
J'accepte très-volontiers de figurer en si bonne
compagnie dans le Comité qui provoque une sous-
cription pour élever une statue à Béranger. C'est un
honneur bien dû à ce grand poète national, que j'ai
beaucoup connu personnellement, et nul n'est plus
disposé que moi à rendre hommage à sa mémoire.
Agréez, je vous prie, mes sentiments bien
distingués.
Henri MARTIN.
LA CHANSON;!
135
Paris, 6 février 1879.
Monsieur,
Répondant à votre lettre du 26 janvier dernier,
je viens vous dire que je serai heureux de participer
à l'oeuvre pour l'érection d'une statue à Béranger.
notre véritable poète populaire et national.
Vous pouvez donc, 5lonsieur, user de mon nom, si
obscur qu'il soit, et le placer à la suite de ceux si
autorisés qui ont bien voulu se prêter à votre heureuse
initiative.
Veuillez agréer, Monsieur, mes sincères salu-
tations et l'assurance de ma considération la plus
distinguée,
A. DARLOT,
CoiiseUler municipal du 3' (irrondissement.
Paris, le 11 février 1879.
Monsieur,
Je suis très-sensible à l'honneur que vous me faites
en me demandant de placer mon nom parmi ceux
des membres du Comité formé dans le but d'élever
une statue à Béranger. Je suis un des admii'ateurs du
poète, que j'ai eu l'honneur de connaître person-
nellement. Mon concours et celui du Télégraphe
vous sont acquis.
Agréez, Monsieur, l'expression de mes meilleurs
sentiments,
DUMONT,
Directeur du télkgr \i'he.
l'aris, le 12 février 1S7'.1.
MoNSIEUIi,
J'ai communiqué votre lettre au Comité dans la
séance du 10 de ce mois. J'ai l'honneur de vous
informer que notre président, M. Edmond About, a
été délégué par le Comité de la Société des Gens de
lettres pour le représenter dans l'œuvre de la statue
de Béranger.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes
sentiments distingués,
Emmanuel GONZALÉS,
Délégué, Président honoraire.
Paris, 1"2 février 1S79.
Monsieur,
J'accepte avec joie l'honneur de faire partie du
Comité qui se propose d'élever une statue à Béranger.
Aucun Français de ma génération ne peut être
infidèle à ce nom qui réveille les meilleurs souvenirs
de notre jeunesse.
A. HÉBRARD,
Sénateur, Directeur du temps.
Paris, 13 février 1879.
Monsieur,
Vous me faites l'honneur de me proposer une
place dans le Comité que vous formez pour élever
une statue à Béranger.
J'accepte avec empressement cette proposition
qui me touche et qui m'honore. J'applaudis à votre
intelligente et généreuse initiative. Il est temps de
rendre à la démocratie républicaine ce libre esprit,
ce grand poète, ce bon citoyen, cet honnête homme
que l'Empire a essayé de nous ravir et qui appar-
tient au peuple, à la nation dont il a chanté la gloire
et les malheurs, soutenu le courage, réveillé les
espérances.
La manifestation nationale que vous préparez sera
bien accueillie de tous les Français, républicains et
patriotes, qui connaissent Béranger pour avoir appris
dans ses vers à aimer la patrie et la liberté, comme
à détester toutes les tyrannies, toutes les hypocrisies
et toutes les violences.
Je vous remercie et vous prie de compter sur ma
gratitude et sur mon concours le plus empressé.
Votre dévoué concitoyen,
E. SPULLER,
Député du 3° arrondissement,
En ajoutant à ces lettres significatives les
consentements déjà publiés et diverses adhésions
verbales, le Comité de la statue de Béranger se
trouve ainsi composé :
VICTOR HUGO, Président d'honneur,
MM. Edmond Aiiout, président de la Société des
gens de lettres;
Paul Avenel, président de la Société des
auteurs et compositeurs dé musique ;
Eugène Baillet, chansonnier;
Paul Boiteau, publiciste ;
Bouffé, artiste dramatique ;
Paul Burani, chansonnier;
Casïagnary, homme de lettres;
Champeleury, homme de lettres ;
Jules Claretie, homme de lettres ;
Ernest Chebroux, président de la Lice
Chansonnière;
Cléray, conseiller municipal du 3° arron-
dissement ;
Darloï, conseiller municipal du 3° arron-
dissement;
Delattre, avocat à la Cour d'appel;
Uumont, directeur du Télégraphe ;
J. EcHALiÉ, chansonnier;
D' Fkére, conseiller municipal du 3" arron-
dissement;
Emile de Gir.vrdin, député de Paris, directeur
de La France;
A. HÉBRARD, sénateur, directeur du Temps ;
Eugène Imbert, chansonnier ;
Ph. Jourde, directeur du Siècle ;
L. -Henry' Lecomte, rédacteur en chef de
La Chanson;
Alfred Leconte, député de l'Indre ;
Ernest Legouvé, de l'Académie Française ;
Lesueur, de l'Institut, membre du Caveau;
Levr.aud, médecin;
Edmond Magnier, directeur de l'Evénement;
Henri Martin, sénateur, de l'Académie
Française ;
Mignet, de l'Académie Française;
MuR.AT, conseiller municipal du 3" arron-
dissement ;
GusT.o'E Nadaud, chansonnier ;
A. Patay, directeur de La Chanson;
René Ponsard, chansonnier ;
Tony Révillon, homme de lettres;
Spuller, député du 3° arrondissement;
PierreVéron, rédacteur en chef duCAwwari'/
Charles Vincent, président du Caveau.
136
LA CHANSON
Dans une réunion plénière, tenue le 13 février
chez M. Murât, le Comité a été définitivement
constitué comme suit :
Président d'honneur, VICTOR HUGO;
Président, Spuller;
Vice- Présidents , Edmond About, Ernest
Legouvé ;
Trésorier, Murât;
Secrétaire, L. -Henry Lecomte.
Commission executive : Paul Avenel, Ernest
Chebroux, Cléray, Darlot, Frère, Lesueur,
Charles Vlncent.
L'Assemblée^ en outre, a fixé au 1" mars
l'ouverture de la souscription publique.
Il ne peut exister aucune équivoque sur la
raison et le but de notre œuvre.
Béranger est une gloire de la France.
Paris où il naquit, où il grandit, où il mourut,
Paris lui doit une statue.
Cette statue, placée dans le jardin du Temple,
sera solennellement inaugurée le 19 août 1880,
centième anniversaire de la naissance du grand
chansonnier.
Notre appel s'adresse à tous ceux qui se sou-
viennent que Béranger, pendant sa longue vie,
a constamment prêché la fraternité, combattu
le despotisme, détruit les préjugés, flétri l'hypo-
crisie, chanté les succès et pleuré les malheurs
de la patrie.
La Fi-ance libre a pour devoir d'honorer en
Béranger le poète de génie, le grand citoyen,
le vigoureux porte-lumière.
A l'œuvre, vous dont nous avons dû jusqu'ici
modérer l'ardeur. Tribuns, littérateurs, soldats,
de la pensée, parlez, chantez, combattez main-
tenant pour l'apothéose du maître ! Il la faut
éclatante, superbe, digne de notre pays recon-
naissant.
L.-Henry LECOMTE.
Les souscriptions seront reçues, à -partir du
1" mars, chez M. Murât, conseiller municipal,
rue des Archives, 6 (rive droite).
Et chez M . A. Patay^ éditeur, rue Bonaparte, 1 8
(rive gauche).
La Chanson donnera la liste de tous les journaux
de Paris et de province où les souscriptions seront
acceptées. Elle publiera l'annonce et le résultat
de toute représentation, matinée, conférence,
organisée au profit de la statue.
■• Adresser toutes les communications au Secré-
tariat du Comité de la statue de Béranger,
rue Bonaparte, 18.
A LA CHANSON (-)
Quantum mutato...
Tu n'es plus, ô chanson! cette fille courue
Dont le père ignoré déposa dans la rue
Le modeste berceau.
Et qui, libre prêtresse, errant de place en place.
Par un seul de ses cris clouait la populace
Les pieds dans le ruisseau.
Ce n'est plus toi la muse audacieuse et belle
Qui, portant dans son âme effrontément rebelle
Les plus mâles fiertés,
.Jadis, semblait former, de ses deux mains brutales.
Une coupe profonde où d'avides Tantales
Buvaient les libertés.
Tu n'es plus cette femme aux mordantes répliques
Dont l'accent défiait sur les places publiques
Les clameurs de haro ;
Et qui, se gaussant bien des cuistres de collèges,
Lacérait les nouveaux et les vieux privilèges
Unguibus et rostro.
Va, tu n'es plus la fille héroïque et fantasque
Qui s'envolant joyeuse, et sans tambour de basque.
Ni rustique pipeau,
Chantait sur son chemin l'hymne de la patrie
Et portait, comme un thyrse, à sa main aguerrie
La hampe d'un drapeau.
Tu traînes sur tes pas des chaînes qu'a forgées
La peur qui, chaque jour, dans tes veines figées
Inocule l'effroi ;
Et tu trembles qu'un sbire, alors, ne te garotte...
Quand il est moins aisé de briser ta marotte
Que le sceptre d'un roi...
Lasse des Philistins qui sonnent ta victoire.
Tu chantes aujourd'hui devant un auditoire
Digne de tes caquets,
Car, laissant ton public à ses bocks qu'il déguste,
Tu t'en vas gargouiller aux oreilles d'Auguste
Tes gammes de hoquets.
Va, tu n'es qu'une inepte et lourde ballerine
N'ayant rien sous le crâne et rien dans la poitrine,
Ni gaîté, ni sanglot,
Et qui, froide ou cynique au milieu des orgies,
Ne fait plus. éclater sur tes lèvres rougies •
Qu'un rire sans grelot.
René PONSARD
(•) Cette pièce a été publiée en 1868 dans le journal le
Nain jaune. Nous en rétablissons le texte qui avait dû subir
quelques modifications, afin de paraître indemne devant la
censure impériale. A. P.
LA CHANSON
137
LES FILS DU SOLEIL
Masiiine de DARCIEK (*)
Allegro modp.rato
Dans les mois-son? et les ven . dan.ges Nous crio: En- fants.
Moderato.
ctsonfpè.pe le pain! Voui le vin er son fpi> n- le pain!
Fils du soleil et de la terre,
De ces éternels amoureux,
Jean Blé-Mûr, Jean Raisin, son frère,
Sous l'œil d'en haut croissent tous deux.
Pour les fêter que de louanges!
Toute la nature en gaité,
Dans les moissons et les vendanges.
Nous crie : — « Enfants, prospérité ! »
Celui dont viennent toutes choses,
Sur nous étend sa large main.
Relevons donc nos fronts moroses :
Voici le vin et son frère le pain !
Des flancs de leur robuste mère,
Tous deux à peine ils sont sortis.
Que dans le vent, sous le tonnerre,
Ils portent droit bourgeons, épis.
Jean Blé-Mûr a la tête blonde,
Jean Raisin a le teint vermeil :
Ils s'en vont réjouir le monde
Comme leur père, le Soleil.
Celui dont viennent, etc.
Pour Jean Blé-Mûr, pauvre, on se damne,
Riche, on donnerait ses trésors.
Jean Blé-Mûr, c'est la sainte manne
Qui nous prend faibles, nous rend forts.
Mais Jean Raisin, c'est l'espérance ;
Quand sa sève monte au cerveau,
Un mirage endort la souiTrance,
Tout s'anime et nous semble beau.
Celui dont viennent, etc.
Allons, travail, fais des miracles,
Et, sur tous, répands tes bienfaits;
Viens, renversant les grands obstacles.
Nous apporter la grande paix.
Qu'il naisse enfin, le jour prospère
Oii l'homme sera toujours sûr
D'avoir Jean Raisin dans son verre
Et sur sa table Jean Blé -Mûr.
Celui dont viennent toutes choses,
Sur nous étend sa large main ;
Relevons donc nos fronts moroses :
Voici le vin et son frère le pain !
CHARLES VINCENT.
(') L'accompagnement se trouve chez Gérard, éditeur, boulevard des Capucines, 12.
138
LA CHANSON
CL,AIRVILLE
On me permettra de consacrer, dans ce journal, quelques
lignes à un homme dont tous, ou à peu près, ont applaudi
les œuM-es. Si Clairville fut l'auleur dramatique que La
France appelait avec raison le plus fécond et le plus spirituel
de nos vaudevillistes français, il fut aussi mon compagnon et
mon aîné à ce Caveau que j'ai dû présider à sa place l'autre
soir, et c'est comme membi-e de cette Compagnie qu'on me
permettra de lui rendre ce dernier hommage.
Notre Société du Caveau est tout intime ; en cela elle
convenait particulièrement à Clairville, qui, malgré ses
nombreux succès au théâtre, était resté un homme modeste,
presque un timide, fuyant le monde, -et ne vivant, en dehors
de sa famille, qu'avec ce Caveau auquel il ne manquait
jamais. On peut dire hardiment qu'il était plus fier des succès
obtenus parmi nous que de ceux plus retentissants de la scène
qui lui valurent la fortune et la renommée.
Le Clairville que nous pleurons n'est point celui que le
public connaît, et do«t les refrains populaires sont dans tous
les souvenirs, sinon dans toutes les bouches. S'il livrait à la
foule son rire large et parfois un peu exhubéraut, il nous
réservait à nous, ses amis, le meilleur de lui-même, ses
plus délicates productions.
Ce grand amuseur, Clairville, et cela étonnera beaucoup
de ceux qui liront ses chansons du Caveau, était, dans toute
l'acceplion du mol, un penseur souvent original et parfois
profond. J'en ai pour témoins, parmi les productions que sa
verve inépuisable nous permettait d'entendre mensuellement :
Dieu, Les Astres, La Mort, Métaphysique, Dans une gotUte
d'eau, etc., car s'il a fait six cents pièces de théâtre, il a
fait au moins autant de chansons.
Ce joyeux chansonnier que l'on a pu, avec raison, com-
pai'er à Désaugiers, était non-seulement un philosophe
aimable, mais encore un rêveur préoccupé des plus abstraits
problèmes. Oui, ce qui sur-prcndra surtout ceux qui ont
signalé quelques irrégularités dans son style, c'est qu'ils
poui'ront constaler dans son oeuvre lyrique des études où la
profondeur des idées a su revêtir une forme à la fois
correcte, saisissante et colorée; et cela malgré cette igno-
rance qu'il a raillée lui-même dans une chatison, hélas ! de
circonstance aujourd'hui, et dont voici le dernier couplet :
Enfin, quand j'aurai fermé l'œil.
Amis, il faut, sur mon cercueil,
Mettre cette épitapîie ;
« Ci-ïi'it un célèbre écrivain,
Qui, de son ig;norance vain.
Fut un vaurien
Qui ne sut rien.
Pas même l'orthograplie!
Clairville était un collaborateur vraiment fraternel, émet-
tant des idées que j'ai personnellement quelquefois com-
battues, mais qu'il n'a jamais eu la prétention d'imposer.
Amoureux de la controverse, il l'acceptait avec plaisir; au
besoin il la provoquait, et toujours avec cette bonne humeur
intarissable qui formait le fond de son espi-it fertile et
sincère.
Je ne sais s'il nous sera donné de lire le travail qu'il
préparait depuis longtemps sur les transformations ([ue,
selon lui, doit subir l'humanité ; toutefois, puisqu'il était de
ceux qui ne croient pas à l'anéantissement complet de
l'individualité humaine, ce n'est pas adieu que je veux lui
dire ici, mais simplement : au revoir.
Tout le Paris artistique a voulu accompagner cet homme
tant aimé au cimetière de Montmartre. Trois discours ont
été prononcés sur sa tombe : l'un au nom de la Société
des auteurs dramatiques, par M. de Najac; un autre par
M. Burani, au nom de la Société des compositeurs; le troi-
sième enfin, par Eugène Grangiî, au nom du Caveau. Ce
dernier, collaborateur et ami depuis plus de vingt ans du
regretté Clairville, a plus particulièrement ému l'assistance ;
c'est que l'orateur, gagné lui-même par l'émotion, a trouvé
de ces expressions chaudes et convaincues qui viennent du
cœur.
Charles VINCENT.
La Chanson au Théâtre
Notre joui'nal vient d'avoir l'honneur d'être publiquement
célébré dans des couplets sympathiques. C'est à Constant
Saclé, digue fils de notre vieux camarade Aristide, que nous
sommes redevables de cette amabilité imprévue.
Constant Saclé n'en est pas à son début poétique. On a
publié déjà — nous et d'autres — plus d'un couplet signé
de son nom. En ce moment même Yelly lui chante, à l'Eldo-
rado : Ça vkndra toujours assez tût (musique de Jules
Jacob, éditée par- Michaëlis), et Chaillier interprète de lui,
au Concert-Parisien : Comm' si c' n'était pas naturel
(musique de Chaillier, éditée par Beauvois) — deux produc-
tions que nous recomnwndons aux artistes de sociétés
lyriques. Mais il n'avait pas encore essayé d'œuvre d'aussi
longue haleine que celle dont nous voulons parler aujour-
d'hui. Elle s'intitule : Faut pas blaguer nos p'tit's Folies,
fantaisie-revue en trois tableaux, et se joue, depuis le
1er février, aux Folies de BellevUle.
Les revues, on le sait, sont coulées dans un moule inva-
riable. Un compère plus ou moins bien choisi, y feint une
curiosité dont l'auteur prend prétexte pour montrer ou
raconter les nouveautés de l'année. Respectueux des tradi-
tions. Constant Saclé ne s'est point préoccupé d'inventer
un cadre, mais, le cadre banal accepté, il s'est ingénié à
le remplir de détails originaux et gais.
Notre Chanson, personnifiée par la robuste Jl"'= Amélie
Veuillet, trace elle-même, au premier tableau, son portrait
flatté :
Air de la Vigneronne de Suresnes.
Je suis de la galté française
Le seul, unique rejeton ;
En me lisant Ton est bien aise,
Bref, on me nomme La Chanson.
Pal- les amours, la ijaudriole,
Je sais charmer les plébéiens,
Toujours ma nmse les console;
Pour plaire, j'ai tous les moyens...
Je suis la chanson populaire,
Et, dans ma franche gaité,
Je chante à tous, d'une voix fière,
La paix, l'amour, la liberté.
Tin, tin, tin, dans mon joyeux journal.
Bien gaulois, l'esprit n'est point banal,
A tous, je sais plaire
I-'ar mon savoir-faire,
A tous, je sais plaire,
Je suis la chanson populaire.
Sur ce, le compère affriolé déclare s'abonner à « l'organe
des meilleurs chansonniers de notre époque » et la commère
clôt la scène en adressant à la chanson française des
conseils comme ceux-ci :
Chanson, dans ton gai délire.
Fais comme au bon temps jadis
Renaître le joyeux rire.
C'est trop de De Prûfundis!
Ouvre-nous grandes les portes
Quand le chagrin est au cœur;
Nos âmes sont assez fortes
Pour- soulager la douleur.
De tes gerbes d'étincelles
Fais jaillir la vérité, _
Par ses fécondes parcelles
Eclaire l'humanité!...
La place nous manque pour citer tous ces couplets que,
sans doute, l'auteur publiera séparément. Nous n'avons pas
d'ailleurs à signaler les seuls passages qui nous intéressent
personnellement; beaucoup d'autres méritent une appro-
bation complète, et nous contresignons de grand cœur le
succès du jeune chansonnier.
La' direction des Folies-Belleville a monté la revue de
Constant Saclé avec un soin intelligent. L'apothéose surtout,
couronnée par la Marseillaise, est saisissante. Enfin
M"e Eugénie Robert dit avec goût et verve les refrains du
rôle principal, et M. Richard Meiners a écrit, pour les
couplets A la Chanson et pour la Ronde Bellevilloise, deux
airs charmants qui feront le tour des concerts parisiens.
H. L.
LA CHANSON
139
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 7 FÉVRIER 1879.
La dernière réunion du Caveau s'est ressentie de
la maladie de Clairville, son président. Une sorte de
tristesse régnait parmi les convives, et l'issue fatale,
qui ne s'est pas faitattendre longtemps, adonné raison
aux préoccupations sympathiques de l'auditoire.
Ce comple-rendu n'est pas une place bien choisie
pour apprécier Clairville comme auteur dramatique,
ni même comme chansonnier. An théâtre, il faisait
surtout du métier, et sa plume infatigable ne connais-
sait pas le repos. Comme chansonnier, une facilité
parfois exagérée, une recherche de la diificulté au
point de vue de la forme , un esprit satirique
poursuivant de sa moquei'ie tout ce qui essayait de
sortir de la banalité, un grand dédain de la nouveauté,
la peur du progrès, tels étaient les traits les plus
saillants de son originalité. Caractère affable, au
reste, joyeux compagnon à l'occasion, obligeant
même, voilà pour l'homme.
Faute d'un moine, dit le proverbe. . . Vous savez
le reste. Le Caveau n'en a pas moins fourni à notre
chronique sa moisson mensuelle de productions
graves et douces, plaisantes et sévères, pour parler
comme Despréaux. Il est heureux que je n'aie pas à
décerner de prix, car je serais bien embarrassé. Le
mérite général, la variété des sujets, voilà doux
causes qui m'interdiraient tout classement.
Commençons toutefois par l'actualité. Le Bom-
hivore, sous ce titre, Fouach'3 a rimé quelques
couplets ultra-comiques inspirés d'un article du
Petit farisien : il s'agit d'un instrument à vent qui
rend inutile l'usage des fameux haricots des princes.
La loterie nationale, qui vient enfin de se terminer,
et dont nous n'entendrons plus guère parler main-
tenant que jusqu'au mois de mai prochain, a fait
naître deux chansons. Si j' gagnais V gros lot, du
même Fouache, et le Gros lot, du farouche critique
dont vous lisez en ce moment la prose. Un couplet,
qui n'est peut-être pas le meilleur, a été particuliè-
rement goûté ; le voici :
La révolution dernière,
Disons mieux : l'évolution,
Va-t-elle tirer fie l'ornière
Notre docile nation?
Perdant un soldat trop. . . bibliriue
Avant la fin de son rouleau.
Puisqu'elle veut la République,
La France a gagné le gros lot.
Saint-Germain s'est cru obligé de crever à coups
de chiquenaudes les bouffissures de M. Zola. Beau-
coup d'honneur pour le style prétendu nouveau de
l'Assommoir, d'être parodié dans la langue des dieux.
O Delille ! Enfin, Echalié a réuni dans ce refrain :
Nous tenons la République, les désirs et les espérances
d'une foule de bons citoyens.
Charles Vincent, que les circonstances obligeaient
ex abrupto à présider, a dû brocher quelques vers
faciles en guise de toast, puis il a chanté le mois de
Février, idylle autant que chanson, où les oiseaux
des bois donnent la réplique aux cris des masques.
Je doute que l'ami Vincent trouve mieux pour la
suite des mois, qu'il doit continuer. Le mois ou je suis
ne, qu'il a dit ensuite, est connu de nos lecteurs.
Voir notre premier numéro.
Piesse a pincé la corde grave : Je m'y laisse
toujours prendre, chanson pleine de cœur et de
finesse. Jullien aussi : son Zidore a beaucoup de
couleur, et la fin, si morale, est heureusement
amenée. Sa critique de VEncre de Ripault est très-
ingénieuse, et cette encre, si blanche qu'elle en est
comme invisible, lui a fourni des couplets inattendus.
Ripault, malgré sa mauvaise encre, fait de bons
vers, témoin La Vingtième année, mélange de regrets
et de joyeux souvenii's. Les regrets, c'est aujour-
d'hui le lot de Lesueur : la terre première, le paradis,
à la bonne heure ! mais la sphère où nous vivons
aujourd'hui, n'est plus qu'un taudis. Remarquez
qu'il n'en croit rien, le gai vieillard, mais il le
prouve.
Fénée tient à montrer qu'il a deux cordes à sa
lyre : autant son Temps perdu a d'entrain, autant
son Capital a de vigueur; la toute-puissance de l'or
s'étale là dans toute sa beauté. V Enfer et le Paradis,
de M. Boussaton, un visiteur,- n'est qu'une courte
boutade. Montariol, dans La Hausse et la Baisse,-
a dessiné plusieurs croquis très-variés et très-
piquants. Tiroirs, mais bien remplis.
Que d'éloges! allez-vous dire, cher lecteur. Quoi,
pas une critique? Il faut bien finir parla : je me
bornerai à vous dénoncer, sans le nommer, l'auteur
qui, dans une des chansons dites l'autre soir, a pris
le mot ckrysanthème pour un mot féminin.
EuG. IMBERT.
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DU 5 FÉVRIER 1879.
Une indisposition du rédacteur en chef de La
Clianson l'ayant empêché d'assister au dernier ban-
quet de la Lice, nous dresserons pour nos lecteurs
nn simple procès-verbal de la soirée.
Le président Jules Echalié a fait dans son toast
allusion aux événements politiques qui venaient
de s'accomplir. Adeline a dit. pour Achille Caron,
une chanson toute d'actualité, le Curé du Vésinet,
écrite sur un ton folâtre, qu'ont également employé
Jules Jouy pour énumérer les Choses qu'on n" voit
pas souvent, et M. Bmlez pour raconter l'Histoire
de ma petite chienne. M. Quesnel a bien chanté Ma
Voisine de Vichy, production réussie, et M. Paul
Avenel a présenté avec bonheur une œuvre nouvelle,
France et République, dont M. Jules Grévy a bien
voulu accepter la dédicace et qui vient de paraître
chez l'éditeur Michaëlis. On trouvera dans le présent
numéro le Cœur ou les Yeux, de M. Alfred Leconte,
clianson sérieuse qu'on a très-bien accueillie, de
même que le Dernier Homme et la Pianomanie, de
Henri Nadot, Noël le Sans-souci, de Vatinel, les
Immortelles, de Ryon, le Suffrage Universel, de Rubois,
Une Promenade à CUff-Rouse, de Flachat, et De ma
Fenêtre, que notre collaborateur A. Leroy a chantée
un peu timidement et qui sera publiée incessamment
dans notre journal.
En résumé, nombre de chansons écoutées avec
plaisir, mais dont la meilleure est assurément le
Paradis des buveurs, paroles et musique de Georges
Baillet, un bon chansonnier du présent, un maître
de l'avenir.
X.
140
LA CHANSON
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
A coup sûr, les vieux goguettiers, s'ils fréquentent
encore les Sociétés (chose dont nous doutons), doivent
trouver bien du changement depuis que la sonnette
a remplacé le maillet, que le piano a tué les refrains
en chœur, et fait substituer la chanson du café-concert
aux refrains grivois et malicieux tout pétillants de
verve et qui laissaient au moins quelque chose dans
l'esprit. Ces réflexions me viennent tout naturelle-
ment après avoir assisté au dernier banquet de la
Lice Chansonnière, ou Henri Nadot, dans une chanson
pleine d'humour, a spirituellement raillé le piano
(ceci tuera cela). C'est la loi commune. De même
que le piano a tué la goguette, et par contre-coup,
les goguettiers-chansonniers qui les fréquentaient,
de même aussi la danse tuera les Sociétés lyriques.
Nous avons essayé, dans feu l'Indépenilant, de
montrer les dangers de cette tendance qui malheu-
reusement se généralise de plus en plus. Nous
croyons de notre devoir de crier avec conviction :
« Casse-coup; vous êtes dans une mauvaise voie;
arrêtez-vous, il est encore temps. Comment voulez-
vous que moi, chroniqueur, j'écrive, par exemple :
M"" X fait le cavalier seul dans la perfection,
mais ne sait pas polker, ou bien M. Z, tout essoufflé
de la dernière valse, n'a fait que peu d'effet dans la
Main de ma sœur, créée àl'Eldoi.'ado par Perrin, qui
la chante bien mieux que lui... » Voilà pourtant où
j'en serais réduit si les Sociétés n'y prennent garde.
A bon entendeur salut.
Le bénéfice de M. Mortreuil, à la Samaritaine,
a été des plus brillants. — Parmi les artistes qui
sont venus prêter leur concours, nous avons tout
particulièrement remarqué M. Rayrial, qu'un de nos
grands concerts s'attachera incessamment.
A. LEROY.
La société orphéonique la « Lyre Méridionale »
qui a pris la bonne habitude de donner un concert
mensuel, nous a convié à celui qui avait lieu le 4 de
ce mois, et nous ne pouvons que la remercier de son
aimable invitation. Cette société, à peine sortie
encore de la période d'éclosion, ne peut certainement
que prospérer, grâce à la direction si habile de son
chef, M. Lambert, et aux merveilleux éléments qui la
composent. Les voix remarquables y abondent, et
l'on peut, d'ores et déjà, lui prédire qu'elle aura
conquis, avant peu, une place des plus honorables
parmi les sociétés chorales dont Paris s'enorgueillit.
Nous regrettons vivement que le manque d'espace
ne nous permette pas de citer tous les membres de
la Lyre Méridionale qui se sont fait entendre, mais
nous ne nous pardonnerions pas de passer sous silence
M. Pelouze, président de la société, qui a interprété
avec une voix de ténor qui ne serait pas déplacée à
notre Académie Nationale de musique , un chant
patriotique intitulé : Strophes à la France. Ce chant,
dû pour les paroles à M. Achille Caron, membre de
la Lice Chansonnière, et dont la musique, si pleine
d'ampleur, a été écrite par M. Albert Vernaelde,
jeune compositeur plein d'avenir, a été créé, si nous
ne nous trompons, au Grand Concert Parisien par
la diva . populaire, M""" Bordas. 11 y avait certes
quelque témérité à s'attaquer à un morceau chanté
par l'éminente artiste, mais les bravos enthousiastes
du public ont prouvé à M. Pelouze l'éternelle vérité
du proverbe : audaces fortuna juvat.
Nous devons aussi mentionner le chant rustique
intitulé : Mes longs blés d^or, que nous a chanté
M, Albert Vernaelde, qui en estl' auteur, tant pour les
paroles que pour )a musique. M. Albert Vernaelde
qui, comme accompagnateur de la société, a donné
des preuves de son talent de pianiste, a tenu à prouver
qu'il avait droit aussi de réclamer sa place parmi les
poètes.
Mais il faut nous arrêter, et nous ne pouvons plus
que citer, au hasard de la plume : M"° Flochet, et
MM. Ségnier, Coch, Barriel, Lacombe, Andral, etc.
MM. Lucciani et Marie ont fait preuve, comme
comiques, d'un talent réel, M. Labor aîné s'est fait
remarquer dans une chanson languedocienne, et
M. Labor jeune a mérité d'être applaudi, tant pour
sa magnifique voix que pour l'expression mise par
lui dans son interprétation des Rameaux, de Faure.
La soirée s'est terminée par une audition de la
Toulousaine, chœur languedocien, avec soli par
MM. Pelouze et Barriel.
Encore une fois, merci à nos amphitryons.
La Société chorale de la Villette a donné son
banquet et son bal annuels le l"' février, dans les
salons de l'Elysée-Ménilmontant. La réunion était
présidée par M. AUain-Targé, député de l'arrondis-
sement. Au dessert, M. Laurent de Rillé a porté un
toastausympathiquedirecteurduCAoraZ.M.Huberty,
et, dans une brillante improvisation, l'éminent com-
positeur a fait ressortir l'œuvre bienfaisante et
moralisatrice de la chanson, porte-voix populaire de
toutes les grandes et nobles pensées.
Forcé de se rendre à la reprise de Babiole, aux
Bouffes, M. Laurent de Rillé n'a pu assister au bal,
qui a été très-brillant ; on s'est séparé à 6 heures du
matin, emportant de joyeux souvenirs.
L. R.
La société des Enfants de la Seine a donné,
le 2 février, sa troisième grande soirée lyrique et
dramatique.
Trois pièces en un acte et divers intermèdes com-
posaient le programme. Un Mari dans les Petites-
Affiches, amusante comédie de Jouhaud, a fourni à
M. Charles l'occasion de remplir trois rôles de genres
différents; peut-être a-t-il un peu chargé, surtout
en soldat vieux buveur. M. Emmanuel ne possédait
pas assez son personnage , mais M"" Blanche et
Hélène ont été parfaites dans les rôles féminins. Les
Jurons de Cadillac ont fait applaudir M. Gaston et
M"° Hélène. Dans Un Mariage au gros sel, M. Perrot
a joué, comme toujours, en comédien consommé.
M. E. Kock, dont la voix est agréable, semblait
éprouver une vive émotion ; de l'aplomb, M. Kock,
c'est la seule chose qui vous manque. M"° Eugénie a
été remarquable comme diction et comme chant.
Diverses choses ont, ensuite, été chantées.
M. Perrot, dans Y a pas que moi, a su placer dans
chaque couplet le nom d'un sociétaire ; M"" Victoria
a bien dit les Premiers Pas; M. Mesmin-Luo a exécuté
un solo de violon avec un talent réel. N'oublions pas
M. Albert, pianiste de la société, accompagnateur
d'un vrai mérite. L'habile président des Enfants de
la Seine, M. Cantarel, et ses visiteurs garderont un
bon souvenir de cette soirée. A. P.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2' AÎStNEE. — N» 15.
1" MARS 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Sevue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LÏRIQ€ES
Paraissant le 1" & le 1 6 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION k RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois 2fr.50
Départ». 6 mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 80
SOMMAIRE : Pour Déranger (l.-henry lecomte). — Etudes sur /es Chants étrangers (p.-e. érard). — Le Cœur ou tes Yeux
(ALFRED leconte). — Nous tenoHS la République (j. échai-iè). — Petit et Grand (léopold édarras). — Le Bal et la
Guillotine (oustave leroy). — Gustave Leroy (eugêne baillet). — Chronique des Sociétés lyriques (a. 1£roy, adrien s.,
I-ROSPER TIBIA, L. R ).
POUR BÉRANGER
La souscription qui doit payer la statue de
Béranger s'ouvre aujourd'hui dans toute la
France. Son succès ne peut faire doute ; la mé-
moire de l'illustre chansonnier, vivante parmi les
lettrés et dans le peuple^ sortira plus grande
encore de l'épreuve qui commence. Nous en avons
pour garants les nombreux témoignages de sym-
pathie qui nous arrivent, entre lesquels nous
distinguons cette lettre précieuse :
Paris, le 25 février 1S70.
Monsieur,
Diverses circonstances, fort naturelles chez un
vieillard malade, m'ont empêché de vous répondre.
D'ailleurs , confiné dans ma chambre et presque
cloué sur mon fauteuil, je n'avais à vous donner
qu'un nom qui devient de plus en plus inutile. Je
vous remercie de m'avoir envoyé votre numéro du
16 février, où je lis les noms des membres du Comité.
En tout état de cause, je suis un des partisans de
la statue de Béi-anger, et j'y apporterai certainement
ma contribution.
Agréez, Monsieur, l'assurance de ma haute
considération,
E. LITTRÉ.
On nous permettra de répondre ici aux ques-
tions nombreuses qui nous ont été adressées.
Nous recommanderons d'abord aux amis de
Béranger le mode de souscription collective ; les
gros chiffres ont une éloquence iri'ésistible. Tout
Concert, toute Société littéraire ou lyrique,
pourrait organiser au profit de l'œuvre une
représentation spéciale. En ceci, comme en
tout, il est bon de prêcher d'exemple. La Chanson
donnera, le dimanche 13 avril, au théâtre du
Château-d'Eau, une matinée exceptionnelle, avec
le concours d'un orateur éminent et des prin-
cipaux artistes de Paris. Nous publierons
incessamment, à ce sujet, les plus complets
détails.
Des feuilles de souscription seront déposées
chez tous les meinljres du Comité, et distribuées,
dans les bureaux de notre journal, aux personnes
qui en feront la demande. Sur ces feuilles, le
souscripteur inscrira lui-même son nom et la
somme versée.
Le Comité n'a fixé ni minimum ni maximum
de versement. L'œuvre conserve ainsi son
caractère démocratique ; mais, dans ces condi-
tions, nous ne pouvons, on le comprendra, nous
engager à publier la nomenclature détaillée des
sommes reçues. Par exception, cependant, La
Chanson donnera, dans son numéro prochain,
la liste complète des souscriptions versées du
1" au 14 mars.
Aux renseignements qui précèdent et que nous
compléterons, s'il est besoin, par des lettres
particulières, nous ajouterons une prière instante.
Le numéro 14 de La Chanson a été, dans
l'intérêt de l'œuvre, adressé à tous les journaux
de Paris et de province. Si grande que soit notre
bonne volonté, il nous est impossible de suivre la
totalité de ces publications pour y chercher le
résultat de notre envoi. Or, nous tenons à cons-
tituer, pour l'avenir, des archives bien complètes ;
nous tenons surtout à ne pas laisser sans réponse
les critiques qui pourraient se produire. Que les
journalistes veuillent donc bien nous adresser
un exemplaire des articles nous concernant, et
que nos amis aient l'obligeance de nous les
signaler, où qu'ils se trouvent. Nous ne dédai-
gnons aucun concours et ne redoutons aucune
polémique.
L. Henry LECOMTE.
142
LA CHANSON
ÉTUDES SUR LES CHANTS ÉTRANGERS
On a beaucoup écrit sur les chants russes, polonais,
finlandais, esthoniens, etc. La plupart des livres offerts
au public n'ont jamais donné la note réelle de ces
chants. Nous qui avons vécu en Russie, en Pologne,
en Finlande, et sur les frontières de' la Laponie
pendant plus de trois ans, nous entreprenons de
publier à cette place nue série d'études véridiques
et impartiales. Nous avons vu et entendu. Nous
donnerons de temps en temps, dans les colonnes de
La Chanson, quelques morceaux de musique inédits
recueillis dans les traktirs russes et polonais. Nous
nous 0 jcuperons spécialement de la chanson. Aujour-
d'hui, pour notre début, nous parlerons de Sigismond
Krazinskj.
Krazinsky est né le 12 février 1811. En 1830, il
était en Suisse, où il publia successivement Agaj
Khan, Herman Ladtslas, etc. En 1840, il prévoyait la
révolution actuelle, l'effondrement de la vieille société
russe. Dans un prochain numéro, nous donnerons
quelques couplets sur ce sujet. Nous trouvons dans
« l'Aube « de Krazinsky une chanson que notre ami
Antonovitch Bialagoursky, de Varsovie, a mise en
musique. En voici quelques passages, que nous
traduisons :
Ton doux son,
0 chanson!
Vœu sincère
Ou chimère,
Loin du sol
Prend son vol!
Dans l'espace
Le son passe
Radieux!
Sous les cieux
Va ma lyre
En délire !
Quelle légèreté, quelle grâce dans ces quelques
vers ! Krazinsky ne mérite-t-il pas le titre de chan-
sonnier-poète ?
M. Charles de Noire-Isle, qui a publié en 1875 un
volume sur Krazinsky, nous a traduit les poésies du
poète polonais; ses chansons peu connues sont pour
la plupart inédites en Pologne et surtout en France.
Nous avons copié celle-ci dans un album appartenant
à M. le comte C. de Vilna (*).
Avez-vous par hasard
Fixé votre re";ard
Sur celui de la belle
Qui, comme une gazelle,
Dès que vient le printemps
Folâtre dans les champs?
C'est Lisanska, la blonde
Aux yeux bleus,
Voguant entre le monde
Et les cieux !
Retenant votre haleine,
Auprès de la fontaine
Allez bien doucement.
Alors en ce moment.
Du blond Phébus la flamme
Réchauffera votre âme!
C'est Lisanska, la blonde
Aux yeux bleus,
Voguant entre le monde
Et les cieux !
(•) La traduction que nous donnons ici nous force à modifier
quelque peu le tour du vers.
Ici la feuille était déchirée ; nous croyons pourtant
pouvoir reconstruire la dernière strophe :
Mais si, près du rivage,
La guettant au passage,
Vous marchez dans ses pas.
D'amour ne rêvez pas ;
Car cet ange qui passe
Est d'argile et de glace !
(S'est Lisanska, la blonde
Aux yeux bleus.
Voguant entre le monde
Et les cieux !
Qu'on nous montre une chanson comme celle-ci,
une œuvre de nos poètes français ayant ce cachet et
cette originalité. Il y a dans cette chanson un souffle
vraiment national, vraiment polonais : la mysticité
et le positivisme !
[A suivre) P.-E. ERARD.
LE CŒUR OU LES YEUX
A mes amis les Chansonniers.
Au livre de la vie arrachant chaque jour
Son feuillet, groupons-les en livre de mémoire
Pour y lire parfois nos chagrins, notre amour,
Nos actes terre à terre ou nos rêves de gloire.
Le pied nous cloue au sol et l'âme monte aux cieux,
Epurons chaque jour cette flamme immortelle,
Faisons la part d u corps. Mais qui vaut mieux pour elle,
Ce qu'on fait pour le cœur, ce qu'on fait pour les yeux?
Méditez quelquefois les rêves du penseur
Vous qui ne cultivez qu'un côté de la vie.
Vous qui ne savez point, en cherchant le bonheur,
Confier votre barque au vent de poésie.
Ce souffle délicat qui rapproche des dieux
Est un air parfumé qui calme et qui tempère ;
Il donne la fraîcheur aux choses de la terre,
Il est doux pour le cœur, il ne dit rien aux yeux.
Le temps ride nos traits et la tête blanchit
Et les 3'eux affaiblis mènent à la dérive.
Tous les plaisirs du corps le temps nous les ravit,
Il anoblit le cœur pourvu qu'on le cultive.
Il fixe en ses replis un trésor précieux.
Des pensers grands et purs et cette joie extrême
De se sentir meilleur et qui rend, quand on aime,
Tous les plaisirs du cœur plus doux que ceux des yeux.
Nous tous qui, chaque mois, en de folles chansons
Eparpillons l'esprit ou semons la satire.
Puisons dans notre cœur les traits que nous lançons.
Ils doivent en piquant n'empêcher point de rire.
Quand nous nous séparons en faisant nos adieux,
En nous serrant la main d'une amicale étreinte,
L'esprit se sent frappé par une double empreinte
Pour le plaisir du cœur, pour le plaisir des yeux.
Dans un mois, disons-nous, sans songer que la mort
Pourraitlnterposer sa faux qui nous sépare ;
Elle nous clôt les yeux : la tombe est-elle un port
Oit l'âme s'engloutit, prend son vol ou s'égare?
Mais qui soigne son cœur de l'âme est soucieux.
Au flambeau des vertus il puise ses lumières.
Si donc la mort clora pour toujours nos paupières.
Faisons tout pour le cœur bien plus que pour les yeux.
Alfrbd LECONTB.
LA CHANSON
143
NOUS TENONS LA RÉPIBLIQUE
Air. : La Queue emporte lu tête
Jusqu'à présent, me défiant
Du Sénat, de la Présidence,
On me voyait qualifiant
D'obsour l'avenir de la France;
Mais aux cinq et trente janvier,
Finit le contraste comique,
Et j'ose aujourti'liui m'écrier :
No\j^ tea©ns 'la flépul»lique.
Jadis nos rois, quand ils tombaient.
Faisaient des milliers de victimes.
Et leurs successeurs enjambaient
Le trône par dessus des crimes;
De nos jours, le peuple ravi.
Se dit : Quel régime magique !
Voyez Thiers, Mac-Mahon, Grévy !
Nous tenons la République.
Nos députés, nos sénateurs,
Las d'un quotidien voyage.
Sans crainte de leurs électeurs
Pour Paris vont plier bagage.
Déjà Gambetta, l'homme actif,
Prévoyant et surtout logique,
S'installe au Corps législatif :
Nous tenons la République.
Puis, dans nos lois, on va sévir
Contre les ciiapitres perfides.
Désormais l'on verra servir
Tous les Français, hommes valides.
Malgré vos airs doux et béats.
Pieux jésuites, sainte clique,
Vous ferez de très-bons soldats :
Nous tenons la République.
Sous le suffrage universel.
Chez nous plus de vaines disputes,
A la discorde plus d'autel
Et plus de fratricides luttes ;
Relève donc ton front pâli.
Pauvre condamné politique,
Voici le pardon et l'oubli :
Nous tenons la République.
Sans savoir pourquoi ni comment.
Nous n'irons plus faire la guerre
A des nations qui, vraiment,
Plus que nous ne le savaient guère ;
Chez les autres trouvant tout bien,
Nous n'irons pas mettre au Mexique
Le plus petit Maximilien :
Nous tenons la République,
Enfin, tout en France demain
Aura repris une autre allure,
Même le faubourg Saint-Germain,
Voulant faire bonne figure
Aux Républicains, ses amis.
Va confier, effort stoïque.
Tous ses capitaux endormis :
Nous tenons la République.
Bref, pour atteindre le niveau
Qu'établit cette nouvelle ère.
On n'entendra plus au Caveau
De chanson réactionnaire ;
Tous ses couplets sans aucun frein
(Ceci n'est point hyperbolique)
Sei'ont brodés sur ce refrain :
Nous tenons la République.
J. ECHALIÉ.
PETIT & GRAND
Musique de Ren-Tayoux
Oui, le petit ]e le préfère au grand;
Chacun son goût. Ce n'est pas ordinaire.
Je le sais bien, puisqu'on voit le contraire
Lorsqu'il s'agit d'un bon appartement.
Mais, quant à moi. Messieurs, pour logement,
C'est le petit que je préfère.
Voyez : l'amour est un petit enfant,
Et Jupiter, le maîire du tonnerre,
Est un grand dieu qui fait trembler la terre !
Mais le petit l'emporte sur le grand,
Quoique son feu semble moins violent ;
C'est le petit que je préfère.
J'ai deux enfants que l'on trouve charmants :
L'un tout petit, il ressemble à sa mère;
L'autre très-grand, barbu comme son père;
Mais quand je pense, hélas I qu'en peu de temps
Il m'a déjà mangé cent mille francs...
C'est le petit que je préfère.
Dans un hôtel ou dans un restaurant,
Dans un dîner où l'on fait bonne chère,
Bon vin se sert dans un tout petit verre,
Et vin commun dans un verre très-grand;
Ce procédé me fait dire à l'instant :
C'est le petit que je préfère.
Des orateurs dépourvus de talent,
— Qui, selon moi, feraient mieux de se taire, —
Font des discours espérant nous distraire;
Comme un discours — qu'il soit petit ou grand —
A le défaut parfois d'être endormant...
C'est le petit que je préfère.
Dans un grand lit on dort commodément,
Quand on est seul ou quand on est grand-père;
Mais petit lit, lorsqu'on forme la paire.
Et que tous deux on s'aime tendrement,
A bien aussi son côté séduisant...
C'est le petit que je préfère.
Certe, un grand parc a bien son agrément,
Mais un bosquet tout petit sait nous plaire :
Les amoureux y cachent leur mystère...
Pour s'embrasser il est encor trop grand !
Laissez-moi donc vous dire en terminant :
C'est le petit que je préfère.
Léopold EDARRAS.
144
LA CHANSON
LE BAL
KT
LA GUILLOTINE
Paroles de Custave I.EROY.
17 mars 1849.
Air des Faux Dieux^ ou de Vive Paris.
C'est aujourd'hui qu'eut lieu le sacrifice,
Fasse le ciel que ce soit le dernier,
Ils ont dressé le mortel édifice
Qu'un Peuple-roi brisait en Février ;
Elle est debout, la sanglante machine,
A son travrail on ne peut plus surseoir.
Républicains! voici la guillotine...
A l'Elysée on dansera ce soir !
Femmes du bal, sonnez votre servante.
Qu'elle vous mette un corset. . le plus beau,
Les condamnés, ô douleur émouvante.
N'ont pour valet que celui du bourreau !
Votre calèche, élégante, coquette.
Vous mène au bal que donne le pouvoir,
Eux, pour calèche ont l'ignoble charrette...
A l'Elysée on dansera ce soir !
Femmes, riez, votre mise est parfaite.
Vos diamants lancent leurs mille feux ;
Les condamnés ont aussi leur toilette,
Mais le bourreau leur coupa les cheveux !
La fashion bourgeoise et militaire
Vous fait cortège et vous suit pour vous voir.
Prêtre et bourreau les suivent au Calvaire...,
A l'Elysée on dansera ce soir !
Propriété de l'antenr.
Strauss conduira la troupe musicale.
Femmes, valsez, les sons harmonieux
De sa musique, heureuse, sans égale,
Provoqueront des soupirs envieux;
Eux pour musique ont leurs mornes tortures,
Et pour couvrir leurs cris de désespoir,
Le couperet grince dans ses rainures...
A l'Elysée on dansera ce soir !
Dansez, valsez, faites valoir vos charmes.
Dansez, valsez pour six cent mille francs.
Là-bas, là-bas deux veuves sont en larmes.
Entendez-vous les cris de leurs enfants?
Laissez tomber de vos mains si bien faites
Votre bouquet ou votre fin mouchoir,
L'exécuteur a fait tomber deux têtes...
A l'Elysée on dansera ce soir!
Quel bal brillant, quelle lugubre scène I
Contraste affreux... le rire et la douleur...
Le Président entre au bal... quelle aubaine,
Les patients ont vu l'exécuteur!
Le couteau tombe... il sépare, il écarte
Le chef du tronc, le sang jaillit tout noir!
Et vient tâcher le front de Bonaparte.. ..
A l'Elysée on dansera ce soir !
Imp. de Beaulé et Maignand, rue Jacques de Brosse, 8.
LA CHANSON
145
GUSTAVE LEROY
18 18-1860
Ce chansonnier fut incontestablement un des plus
populaires de notre temps. De 1842 à 1860, les guin-
guettes, les ateliers et la rue retentirent de ses
refrains.
C'est en 1843 que je vis Gustave Leroy pour la pre-
mière fois. C'était un beau garçon de 25 ans, de taille
moyenne ; une mousta-
che roussâtre, soigneu-
sement peignée, ornait
son visage brun, enca-
dré de cheveux châ-
tains qui touchaient ses
épaules ; son œil bleu
et doux ne s'allumait
que quand il chantait.
Sa voix était un peu
sourde, mais il tirait
parti de ce défaut et s'en
servait pour produire
des effets ; nul ne tirait
parti de ses chansons
comme lui; il scandait
bien ses vers et sou-
lignait admirablement.
Gustave Leroy fréquen-
tait assidûment les so-
ciétés chantantes de
Belleville et de Ménil-
montant, où il n'appa-
raissait qu'en habit, ce
qui était d'autant plus
remarquable que les ou-
vriers de ce temps-là
portaient presque tous
la blouse, même le di-
manche. Il était alors
ouvrier brossier; la poé-
sie n'était pour lui
qu'une distraction, bien
qu'il l'aimât passion-
nément; jamais il n'a-
vait fait imprimer une
ligne. Il mettait en couplets les sujets les plus variés,
mais pas de chanson sans une pointe politique ; on
sentait qu'il y avait là une nature, un tempérament
de vrai chansonnier populaire. Une seule chanson de
lui avait été livrée au public, mais sans son consen-
tement, ce qui ne l'empêchait pas d'être chantée
partout; elle se nommait la Petite Javotte :
A la pauvr' Javotte
Jetez quelques sous
Et sa p'tite marmotte
Va sauter d'vant vous.
Les chansons de ce poète-ouvrier étaient déjà ce
qu'elles ont presque toujours été depuis : beaucoup
de vers très-prosaïques, des idées communes, mais
tout-à-coup un trait flamboj'ant, un trait de génie
sort de ce fatras, vous empoigne et révèle le poète.
Une société que ce jeune chansonnier ne manquait
jamais de visiter, c'était les Amis de la Vigne, une
goguette située sur la chaussée Ménilmontant. On ne
buvait pas là plus qu'ailleurs, mais il est d'usage
que la goguette doit
s'abriter sous un titre
joj'eux ou vinicole.
Le président de cette
société était un fana-
tique de Gustave Leroy;
il s'appelait Delort, bon
enfant et ouvrier labo-
rieux qui, pendant toute
la semaine, abdiquait sa
petite royauté du di-
manche dans un atelier
de fondeur, où il avait
pour compagnon d'éta-
bli un ami de la chan-
son nommé Renard ,
qu'il amenait parfois
avec lui et qui devait
un jour devenir le sym-
pathique ténor qui a
signé tant de jolies
musiques : Renard de
l'Opéra.
Ce qu'on nomme une
goguette aujourd'hui ne
donne guère l'idée de
ce qu'on appelait du
même nom en 1843. Le
piano qui, de nos jours,
trône dans ces réunions
et fait les délices des
jeunes barytons tirés à
quatre épingles, était
absolument inconnu de
la gent goguettière ,.
ainsi que la danse. On
venait à la goguette pour la chanson ; le goguettier
l'aimait joyeuse ou sérieuse, et quand Gutave Leroy,
qui était un de ses dignes représentants, apparaissait
dans le sanctuaire, de chaleureux applaudissements
saluaient son entrée ; on se pressait autour de lui,
un ami lui tendait affectueusement la main, tandis
qu'un autre la lui saisissait, vingt places lui étaient
offertes de tous les coins de la salle ; heureux celui
de qui il acceptait un tabouret et un verre!
Gustave paraissait toujours heureux de ces bien-
veillants accueils ; il avait un mot affectueux et un
sourire pour répondre à chacun. Après avoir donné
une poignée de main au père, une autre à deux
mains à la maman, il embrassait les enfants qu'il
aimait beaucoup. Gustave Leroy était le dieu le plus
146
LA CHANSON
fêté de ces temples de la chanson. Pourquoi? C'est
que cet homme avait touché juste la note qu'il fallait
faire entendre à son entourage. Son public, c'était
l'ouvrier, mais il faut bien remarquer que l'ouvrier
qui préférait la goguette, c'est-à-dire le cabaret où
l'on chante au simple cabaret où l'on ne fait que
boire, celui-là était déjà l'ouvrier intelligent et
penseur.
A cette époque, peu éloignée de la nôtre, sous le
règne de Louis-Philippe, la presse était loin d'avoir
cette extension qu'elle a prise depuis quelques
années et qui fournit chaque jour la nourriture
intellectuelle à des milliers de travailleurs en faisant
pénétrer la lumière dans leurs têtes et dans leurs
consciences. Aussi quand la chanson, comme celle
de Gustave Leroy, qui traduisait en couplets histo-
riques, critiques ou philosophiques, les idées qui
vivaient dans l'air, se faisait entendre, le succès était
assuré. — 11 y avait certainement là de la politique
faite un peu à la diable, mais tout cela éveillait Jbe?
idées et dans les fusils des plébéiens dont les balles
trouèrent les fenêtres des Tuileries, en février 1848,
il y avait des bourres faites avec les chansons de
Gustave Leroy.
Parmi les chansons de cette époque (1843-44-45),
avec lesquelles il remuait la foule, je citerai le Che^
min de la Postérité :
Brise, Momus, ton vieux tambour de basque.
Puisque l'auteur n'a plus le droit enfin
De se gUsser entre l'homme et le masque,
Postérité, je quitte ton chemin.
L'Ouvrier, une bien mauvaise chose qui n'en mon-
tait pas moins b'S têtes, ainsi que Ma Pauvreté, Les
petits enfants, chanson devenue très-populaire :
Yous grandirez, les récits de vos pères
De liberté parfumeront vos goûts ;
Restez petits, les rois, les dignitaires
N'auront pas droit sur vos frêles joujoux.
La Liberté, bienfait si vrai, si tendre,
Sert d'échafaud à quelques étourdis.
Ah ! pour l'aimer et ne pas la comprendi'e,
Gentils enfants, restez toujours petits.
La Fête des martyrs obtenait toujours des èis
nombreux, surtout à ce couplet :
Quand Saint-Merri fut témoin de la lutte
Où figuraient et noble et plébéien.
De nos héros on prévoyait la chute.
Ils étaient pris les armes à la main.
Par Saint-Michel la mort fut remplacée.
Pauvres martyrs, créez des droits nouveaux.
Vos chants fuiront au travers des bai-reaux.
On ne met pas de chaîne à la pensée !
Muse de deuil, reprends tes souvenirs,
C'est aujourd'hui la fête des martyrsJ
Les Droits du Citoyen, chansoj) qui n'a jamais été
isaprimée, les Brebis :
.\h ! revenez, femmes prostituées.
Dont la paresse empoisonna les sens.
Par le plaisir vos âmes sont tijées
Et vos baisers semblent avilissants;
Pour l'avenir, épargnez-vous des larjnes,
Vos blanches dents perdront leur vif émail.
Avant que l'âge ait soufflé sur vos chai^mes,
Pauvres brebis, revenez au bercail.
La Bataille de Flewus, les Rendez-vous, où l'auteur
déployait ainsi son drapeau :
Nous n'avons ipas ^e ces gens à jbravades
Fiers d'un honneur qui ne fut point prouvé.
Nous sommes tous enfants des barricades,
Tous nous savons ce que pèse un pavé !
Puis, entre temps de chansons politiques, des
chansons joyeuses : Manette la Flamande, le Mariage
de Maclou, la Fête des démons, les Farfadets. Les
musiques de ces deux dernières sont aussi remar-
quables que populaires; elles sont de Gustave Leroy
qui en a fait beaucoup d'autres.
Gustave Leroy, je l'ai dit, était alors ouvrier, mais
le succès le poussant, l'idée lui vint de vivre de ses
œuvres littéraires. Une inauvaise chanson, la Lionne,
Lionne, défend tes petits...
qu'il fit lithograpbier sur feuille volante, se vendit
à plus de vingt mille exemplaires; cela l'encouragea.
Il publia bientôt, sur le même modèle, le Quatorze
Juillet, les Morts, pièce vigoureuse, où l'auteur dit,
en parlant des morts de juillet :
Ils s'écrieraient : « Rendez-nous les lambeaux
Dont, en juillet, on vous a fait l'aumône,
Avec nos os on a calé le trône!
Ah! si les morts sortaient de leurs tombeaux!
Puis, le plus grand de ses succès, l'Entrée ««/•
Tuileries :
Pauvre ouvrier, vous n'avez qu'une blouse.
On n'entre pas dans le palais des rois !
11 y a dans cette chanson un couplet bonapartiste;
cela faisait très-bien alors ; la gloire, vue de loin, est
toujours séduisçinte, et le pauvre peuple qui aime
tous les héros, dit Béranger, oubliait de quel prix ij
avait payé quelques brins de laurier.
Lorsqu'arriva 1848, Gustave Leroy se livra corps
et âme à Durand, un ouvrier intelligent qui venait
de se faire éditeur. Durand ne marchandait pas la
gloire à son auteur; il proclamait haut et partout que
c'était un nouveau Béranger. Encore ajoutait-il dans
sa naïveté : Béranger n'a jamais rien fait de pareil ià
sa dernière! C'était vrai. Durand faisait alors affichei'
les chansons de son Béranger sur les murs de Paris.
Le papier était rouge et mesurait bien un mètre
carré ; cette propagande lui valut un accroissemejit
considérable de popularité. Gustave Leroy était
alors fabricant de chansons.
Au lendemain des affaires de juin 48, le chanson-
nier qui avait combattu du côté des vaincus, poussa,
comme un rugissement sortant des tombes à pein,e
recouvertes, ce cri de reveiidioation : les Soldats du
désespoir :
Quand gronde au loin la tourmenta.
L'exploiteur peut se mouvoir.
Car la faim enrégimente
Les soldats du désespoir.
Les orphelins vous maudissent.
Vous auriez dû le prévoir.
Ils ont des fils qui grandissent
Les soldats du désespoir.
Tout vcela est écrit comme ça peut, mais il y a Jà
la note particulière âe l'auteur.
LA CHANSON
147
En 1849, Leroy publia lui-même, n'ayant pas
trouvé d'éditeur, Le Bal et la Guilloiine. Le parquet
de M. Bonaparte ne trouva pas l'œuvre de son goût
et condamna son auteur, en cour d'assises, à 300 fr.
d'amende et six mois de prison, qu'il fit aux Made-
lonnettes. On donne en fac-similé, dans le présent
numéro, cette chanson comme une curiosité du
temps; eUe n'a jamais été réimprimée.
Gustave Leroy était d'une nature très-douce et
aussi inoffensive que ses vers étaient rugueux.
L'homme était même chez lui très-faibie, facile à
entraîner. Ses chansons, malgré leur popularité, ne
l'ont pas empêché de vivre continuellement dans un
état voisin delà misère. Il av-.;it perdu le goût du
travail bien qu'il eût pour compagne une courageuse
femme dont l'exemple pouvait le sauver. — Ah!
l'habit noir de 1843, qu'il était loin ! Il avait fait
place à la vareuse d'abord grise, puis rousse, puis
d'une couleur inconnue qu'il portait l'hiver et l'été
depuis plus de dix ans quand il mourut.
Leroy, sans avoir reçu une instruction soignée,
avait cependant été partagé de ce côté mieux que la
plupart des enfants du peuple. Sa mère qui avait été
longtemps emploj'ée dans les théâtres, avait pour
amie M"" Saqui, la célèbre danseuse de corde. Cette
dernière se chargea de faire élever le jeune Gustave,
qui n'a jamais eu de père légal; il fut mis en pension
à Versailles où il resta jusqu'à l'âge de seize ans.
En vieillissant, le chansonnier avait épuré son
style et modifié sa forme ; ses dernières chansons
sont mieux écrites que leurs aînées, la phrase est
plus correcte, plus claire, l'écrivain se révélait.
Recueillera-t-on jamais les œuvres de Gustave
Leroy? c'est peu problable. Il a bien écrit quatre
cents chansons. Pingray, un membre de la Lice
Chansonnière, en a réuni plus de deux cents et s'en
est fait un beau volume qui sera très-recherché un
jour.
Gustave Leroy mourut à l'hôpital Saint-Louis
le 14 avril 1860, des suites d'une chute qu'il fit dans
une maison en construction. La rampe de l'escalier
n'était pas encore posée ; il monta au deuxième étage,
et, pour appeler un ami qui travaillait aux étages
supérieurs, il so fit un porte-voix de ses deux mains
en levant la tête; puis, pris d'un étourdissement
subit, il tomba dans la cour. On le transporta cliez lui,
où il resta plusieurs jours. Il souffrait peu, mais le
médecin déclara qu'il était en danger, et -on le
conduisit à l'hôpital où il resta près d'un mois.
Le colonel Staaf dit dans son livre qu'il était en
état d'ivresse ; je ne crois pas que ce soit une
calomnie à l'adresse d'un poète ouvrier, mais c'est
une regrettable erreur, comme la date de sa mort
qu'il donne en 1862. Gustave Leroy était né à Paris,
le 6 octobre 1818.
Il reste aujourd'hui peu de goguettiers de l'époque
de Gustave Leroy, sinon le père Delort, l'ex-
président des Amis de la Vigne, son fanatique ami.
Il porte vaillamment ses soixante-dix ans, et, comme
on ne veut plus de lui dans les ateliers (il est trop
vieux), ni à Bicètre (il est trop jeune), il s'est créé
un commerce et parcourt les rues de la capitale en
criant le plus fort possible : « Avez-vous des chaises à
rempailler? Voilà le rempailleur! »
Eugène BAILLET.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
11 est à remarquer que, chaque fois qu'une société
donne une représentation en dehors des soirées
ordinaires, elle réunit toujours un public nombreux
et les sociétaires y manquent rarement. C'est un
stimulant que nous ne saurions trop recommander
aux présidents; une représe ntation mensuelle suffirait,
croyons-nous pour rév-iller les endormis et faire
apprendre des nouveautés.
Que les sociétés qui trouveront ce conseil bon à
suivre en fassent leur profit.
L'abondance des matières nous a forcé d'ajourner
quelques comptes-rendus, entre autres celui de la
Lyre de la Gaîté, qui inaugurait les embellissements
de sa nouvelle salle, to jours 18, rue Desoartes.
Plusieurs artistes ont collaboré avec le président
et les membres du bureau pour donner un attrait
tout particulier à cette solennité. La salle était
bondée; à 8 heures 1/2 on refusait du monde et
M. et M"" Villois ne savaient où donner de la tète.
M. Ducret a dit sa Marseillaise des écoles avec
chaleur et conviction ; l'auteur, doublé du iliseur, a
su faire tressaillir la corde sensible d'un public qui
comprenait, et l'a prouvé en ne lui ménageant pas
ses applaudissements.
MM. Duhem et Morot fils ont fait rire, comme
toujours, M"° Marie Lerouge. après avoir chanté la
Valse maudite, a reçu, émue, l'insigne d'honneur des
mains du président": c'était justice. La petite Berthe
a créé deux nouveautés de Léo Tostain, un rondeau
etune chanson rimé.e pour la circonstance. M"° Adèle,
M""" Adèle et les amateurs habituels de la Lyre ont
tous bien mérité de laSoi-iétô. — La soirée fut close
par un punch gratis!... Voilà qui enfonce à jamais
le punch Grasset.
A la Cordiale, soirée du 20 février. La Fauvette
Parisienne et les Joyeux Amis y étaient largement
représentés et les amateurs ordinaires do la Cordiale
leur avaient gracieusement cédé le pas, afin, je
suppose, de leur laisser la faculté de remporter plus
commodément la plus grande part de succès; on
n'est pas plus intelligemment poli.
N'ayant que des éloges à faire nous commen-
cerons par les dames ; la logique de la galanterie
française le veut ainsi. Prenons donc ce sujet délicat
par son côté faible, et adressons nos sincères com-
pliments à M"" Matilde Leblanc, Louise B. et
particulièrement à la petite Amélie, qu'on afait très-
justement bisser dans Ma pj-emière envie ; noua avons
dit déjà tout le bien que nous pensons de cette
jeune artiste.
Passons au sexe fort; il est nombreux ; nous avons
les éléments artistiques de trois sociétés (pourvu que
nous ne fassions pas d'oubli!).
M. Lourdez a ouvert la soirée en faisant joyeuse-
ment résonner son xylophone.
M. Raux nous chante \eVieux buveur de vin, une
de ses productions; notre journal l'a publiée (voir
le n" 6). — M. Larche dit la Pipe du Sergent en
véritable artiste, et fait bien rire dans la fable les
Animaux malades de la peste, pendant que son ami et
collaborateur — j'ai nommé M.Joigny — lui éponge
consciencieusement la figure avec ses mains substi-
tuées à celles du chanteur. Puis MM. Alphonse,
Georges Gauroy, Lucianni, bon comique à la verve
train express, Gabriel; dans un Monsieur en habit noir.
148
LA CHANSON
tâche ingrate dont il a su se tirer convenablement,
et M. Joigny, déjà nommé, se font, successivement
applaudir. Terminons en signalant deux productions
musicales de Marcus, chantées par M. Delaballe,
Conseil et Papillon, et soyons juste en accordant
plusieurs bons points au désopilant comique Lelarge.
Le 22 février, le Cercle Musset îaxi&ii ses adieux au
sociétaire Hurbain ; mais il doit revenir, heureuse-
ment, au mois d'octobre prochain ; nous fêterons
sans doute sa rentrée. Un diplôme et une couronne
lui ont été remis sur la scène par un sociétaire au
nom du Cercle, et M. Andrieux, président, a fait
une courte allocution en témoignage de regret ;
M. Hurbain, qui terminait une chansonnette comique
et dansante, a répondu qu'il ne se séparait de la
société qu'avec un profond regret.
Nous avons à noter un solo de hautbois par
M. Bertain, pianiste et élève du Conservatoire ;
M. Chenal, dans nos Scélérats d'époux; M. Berlioz,
inimitable dans ses imitations, copie Lasouche et
Saint-Germain à s'y méprendre. Citons encore
M.""" Clémence Bosc et Anna; MM. Verniaud. bon
comique, Jeanneau, Villaume, Gaillot, Jalade,
Alphonse, etc. On s'est séparé très-tard, mais très-
satisfait, après avoir applaudi la Consigne est de
Ronfler, bien jouée par MM. Chenal, Gaillot, M"" Clé-
mence et Julliette. — Nous reviendrons sur cette
société, de laquelle (faute de place) nous ne pouvons
parler plus longuement aujourd'hui.
Je m'empresse de donner satisfaction à la juste
réclamation de M. Paulin, qui m'écrit pour nie faire
observer une omission tout à fait involontaire dans
ma dernière chronique. Je suis donc très-heureux de
constater que M. Raynal a fait ses premières armes
à l'Union Artistique et que, comme beaucoup d'autres,
il y a acquis le talent que vous lui connaissez.
A. LEROY.
La soirée du vendredi 14 février aux Amis du
Commerce a été très-brillante, grâce aux soins de son
président, M. Habert, qui sait donner à toutes ses
soirées mensuelles un attrait particulier. Nous
citerons, parmi les artistes, d'abord le président qui
a chanté avec beaucoup de brio le Charlatan; puis
M"" Julia qui, avec une verve endiablée, a chanté tes
Guignons d'Euphrasie et Idéal et Réalité ; M""" Arpage,
dans le Rossignol n'a pas chanté et une légende de
V. Hugo; M"° Marie, dans une valse et dans un duo
avec son père. M. Adrien Souchet a fait beaucoup
rire dans Je suis enrhumé du cerveau et dans les
Veinards de Bidai'ds, et a ému dans Papa Bourdon.
M. Raynal a été applaudi dans J'ose pas vous l'offrir
et J'ons pas osé. M. Baisserait a su faire bisser une
valse de Métra, exécutée sur un flageolet de deux
sous, en fer-blanc. Mentionnons encore M. Goyon
dans J'ai rêvé ; l'Amour et la Cuisine, duo par deux
inconnus qui auraient pu se faire connaître. Enfin la
soirée a été terminée par une tombola dans laquelle
deux lots-surprise ont soulevé des tonnerres d'applau-
dissements : ces deux surprises étaient les portraits
de MM. Grévy et Gambetta. Adrien S.
Le mercredi 19 février, au restaurant Notta
(2, boulevard Poissonnière), la Société normanno-
bretonne de la Pomme donnait son quinzième dîner.
Le président, M. Charles Monselet, avait été attiré
par Nice, l'ancienne cité grecque de la Victoire ; en
l'absence de l'éminent littérateur, M. Boursin,
publiciste, l'un des présidents honoraires, pontifiait
avec son entrain habituel.
La soirée a été des plus gaies ; elle s'est terminée
par un feu roulant de poésies, chansons, complaintes
et gauloiseries du meilleur sel. Le croustillant Villon,
dont on a chanté la ballade mélancolique Oh sont les
neiges d'antan? s'en serait esbaudi d'aise.
Ne soulevons pas les voiles de cette réunion toute
intime. Contentons-nous de signaler quatre villa-
nelles glanées au pays natal par des patriotes
garantis bon teint : le Saouleur; Roupigni, Roupigno;
Pour té, Margot, qu' j'endur' de miaux; les Preunes.
Elles sentaient, ces villanelles, leur crû à quinze
pas. Qui donc, les aj'ant ouïes, ne dégoiserait à plein
gosier « Viv' le cidr de Normandie » (et de Bre-
tagne)? — Que celui-là se présente, et je lui baille...
la pomme, pas la nôtre : nous gardons nos pépins !
N. B. — On nous annonce la création imminente d'un
Almanach pomifère.
Prosper TIBIA,
Pommie,
Le Mardi-gras, la Société lyrique Les Enfants de
la Seine a donné un bal paré et travesti dans la salle
ordinaire de ses réunions, 20, rue Palestre. La salle
avait été décorée pour la circonstance. Une estrade
avait été dressée dans le milieu de la salle pour
recevoir le bureau.
A onze heures une séance de chant a été présidée
par un groupe de demoiselles aussi charmantes les
unes que les autres. Les membres du bureau ont
remis à chacune de ces demoiselles un bouquet et
l'insigne de leurs fonctions. Ce bureau féminin
offrait un gracieux tableau.
Allons, M. Cantarel, encore un bon point bien
mérité.
Nous avons assisté dimanche dernier à la soirée
hebdomadaire donnée par Les Enfants d'Apollon,
faubourg Saint-Martin, 75.
Cette Société lyrique possède une scène charmante,
parfaitement agencée; des artistes et des compo-
siteurs de talent l'honorent fréquemment de leur
visite et ne dédaignent pas d'y venir recueillii'
des bravos; nous citerons, entre autres, M. Paul
Henrion, l'auteur bien connu du Baiser des Adieux,
MM. Bourges et Debailleuil, àxiXIX" Siècle.
Le piano est tenu par un jeune militaire auquel
Mars ji'a pas fait oublier Apollon. Parmi les socié-
taires nous avonsparticulièrement applaudi M.Victor,
fin comique, qui détaille la chanson de genre avec
un talent qui rappelle les meilleures créations de
Paulus. En un mot, c'est une bonne et charmante
soirée que l'on passe dans cette Société. Quand
j'aurai dit que le directeur, M. Emile, est un des
plus habiles et sympathiques présidents, vous verrez
qu'il ne manque à cette réunion aucun élément de
succès.
L. R.
Faute de place, nous ajournons au prochain
numéro divers articles, et notre Boîte aux lettres.
Vente de LA CHANSON, en gros et au numéro
pour les libraires :
Chez TRAIiIN, rue du Croissant, 5,
Et chez JEANMAIRE (ancienne maison MAR-
TINON), rue des Bons-Enfants, 32.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2" ANNEE. — N" 16.
16 MARS 1879.
Directeui'-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
LA CHANSON
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l^f <fc le 16 de cliaqtae mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
Le Numéro : 20 cent.
IDMINtSTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
p.%ni§)
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois 2fr.S«
Départ', C mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 50
SOMMAIRE : Déranger et stf Statue {ev G. imbertj. — Proposition au Conseil municipal, l'" litte de soiiscriijt ion, avis (l.-henry
lecomte). — a la France (Francis mej.vil). — Retour à la' Lice (f. vergerox). — Je suis le plus riche du monde {georges
baillet). — Curiosités de la chanson : mon père était pot. — Appel aux Chonsonnicrs-poètes li/onnnis (rémy doutrë). —
Banquet du Caveau (eug. imbert). — Banquet de la Lice Chansonnière (a. leroy). — Chronique des Sociétés lyriques (a. leroy,
JANUS, PROSPER TIBIA, VERITAS, A. patay). — Bibliographie (eugène baili-et).
DÉRANGER ET SA STATUE
Air de Bérangcr et l'Académie.
— Une statue! Et que dira l'envie.
Source de fiel que rien no peut tarir?
Mais les méchants, en feuilletant ma vie,
Trouveront-ils une page à flétrir?
Non, votre ami, que l'univers le sache,
D'un lonj; passé n'a rien à renier...
— Messieurs, au nom de sa vertu sans tache,
Une statue au noble chansonnier!
— Un piédestal! Ah! songez aux poètes,
Aux grands savants, aux orateurs fameux :
Quand mes chansons restent partout muettes,
Puis-je aspirer à m'élever comme eux?
Et cependant, aux jours de décadence.
Des libertés je fus le pionnier...
— Messieurs, au nom de son indépendance,
Une statue au vaillant chansonnier!
— Un jour mon nom fut en butte à l'offense,
Mais l'ombre passe, et la véi'ité luit.
Ton barde aimé, tu sais bien, ô ma France,
Que, fête et cœur, tout était peuple en lui.
Oui, vers mon soir, un pouvoir éphémère ■
S'était glissé, rampant, dans mon grenier...
— Messieurs, au nom de la France, sa mère,
Une statue au malin chansonnier !
— Le peuple eut-il de plus hardis apôtres !
Peut-être; mais, au combat, à l'assaut,
Déshérités, je fus toujours des vôtres.
La République éclaira mon berceau ;
Aux fiers accents de notre Marseillaise
S'est éveillé mon talent printanier...
— Messieurs, au nom de la chanson française,
Une statue au jojeux chansonnier !
— Une statue, à moi ! c'est une gloire
Que l'on prodigue à d'illustres guerriers.
Honneur trop grand pour mon humble mémoire :
Prenez-vous donc mes fleurs pour des lauriers ?
Mais quoi! Paris, qui reste capitale.
Offre un jardin à l'ancien prisonnier...
— Messieurs, au nom de sa ville natale.
Une statue au bon vieux chansonnier !
AU CAVEAU
La paix, messieurs, a de pures victoires ;
Ainsi disais-je, et je pensais à vous;
Car Béranger fut une de vos gloires.
Et son triomphe à vos cœurs sera doux.
Oui, c'est de vous que doit partir l'exemple.
Car le Caveau n'est jamais le dernier ;
Et nous pourrons élever près du Temple
.Une statue à votre chansonnier.
7 mars 1879. EuG. IMBERT.
Le 27 février, à la séance du Conseil municipal de
Paris, M. Murât, conseiller du troisième arron-
dissement et trésorier du Comité de la statue de
Béranger, a lu la proposition suivante :
Messieurs,
« Sur l'initiative d'un journal spécialement con-
sacré à la cliaiison, un comité s'est formé dans le but
d'élever un monument à la mémoire de Béranger.
« Ce comité est composé de membres de l'Institut,
d'hommes de lettres, de chansonniers, de sénateurs,
de députés et des quatre conseillers municipaux de
l'arrondissement dans lequel ou se propose d'ériger
ce monument.
« Il a le grand honneur d'être présidé par le plus
illustre cito\ en, je ne dirai pas de la France, mais
du monde : j'ai nommé Victor Hugo.
<c Béranger est né à Paris, il y est mort à quelques
pas du square du Temple, où l'on espère obtenir de
:vous l'autorisation de fêter ainsi le centième anni-
versaire de la naissance du grand chansonnier,
le 19 août 1880,
(1 J'ai pensé. Messieurs, que le Conseil municipal,
non-seulement autoriserait l'érection du monument
dans ce quartier que Béranger affectionnait, mais
encore qu'il voudrait concourir à cette œuvre vrai-
ment nationale, en prenant part à la souscription qui
va s'ouvrir, d
Cette proposition, signée par MM. Cléray, Darlot
et Frère, collègues de M. Murât et membres comme
lui de notre Comité, a été renvoyée aux commissions ■
des beaux-arts et des finances, où nous avons tout
lieu de penser qu'elle sera bien accueillie.
150
LA CHANSON
Voici la liste promise des souscriptions recueillies
du 1" au 14 mars.
La Chanson {i<"' versement) JOO »
La Sociélé du Caveau 500 »
Les Memljres de la Lice Chansonnière {l'^'^ ver-
sement) 250 »
La Société des Atiteiirs, Compositeurs et Editeurs
de wusixjue 200 »
Soirée organisée par rWi/oH Artisiigue 119 75
La Société chorale les Enfants de Paris 50 »
MM. le IK Ch. Bernard 100 »
Mural, conseiller municipal 100
Le Personnel de la maison Murât.
A. de Plazanet
Piéveilhac
Félix Faure, au Havre
Félix Guénin
L. Fornet
E.-P. Tluisseau
G. Barbier
Josserand
Alexandre Uoy
A. Appert
F. Pinet
Charles Vincent
Charles Rochel, statuaire
P. Malvezin, auteur de la Bible farce.
Edmond Cottinet
Morin, conseiller municipal
Jules Toussaint
Gaudechon, à Perronne
A. Greniion
Henri Chartier. :
Emile Olivier
Baussau frères
Denis, rue d'Aboukir, 7
E. Chebroux
Guytard, à Saint-Mandé
Isambert
Gaubon
E. Muzin
A. Durand
■J.-M. Démoule, imprimeur à Cluny . . .
33 50
20 »
50 »
ToTAi 1.865 25
Ce chiffre est forcément incomplet; nous ne pou-
vions, pour le grossir, risquer de nuire à la propagande
en faisant rentrerles listes en circulation; maisToeuvre
marche, et, la presse aidant, sa réussite est certaine.
La statue de Béranger ne doit pas être regardée
comme une manifestation exclusivement parisienne ;
les départements ont le droit et le devoir d'y
apporter la plus large contribution. Nous tenons à
la disposition des journaux et des personnes qui
voudraient bien, en province, s'occuper activement
de la souscription, des listes imprimées et des
numéros de La Chanson eom-posés spécialement pour
la propagande. Nous espérons compter sous peu des
correspondants dans toutes les parties de la France.
On peut, dès à présent, souscrire :
A Lyon, chez M. Rémy Loutre, chansonnier, rue
Madame. 170,-
A Saint-Etiemie, chez M. Gonon, chansonnier, rue
Tarantaize, 37;
A Toulouse, chez M. Jean Bernard, homme de
lettres, rue de la Chaîne, 19;
A Granville {Manche), dans les bureaux du Journal
DE Granville, rue du Pont.
Sous le patronage du Comité, M. Jean Bernard
doit faire, à Toulouse et dans plusieurs villes du
Midi, des conférences au profit de la statue de
Béranger; c'est là une heureuse idée que nous
recommandons aux littérateurs, de même que nous
signalons aux sociétés lyriques l'intelligente initiative
prise par l'Union Artistique, et aux sociétés chorales
l'excellent exemple donné par les Enfants de Paris.
La Chanson reste le moniteur du Comité formé par
ses soins. Toutes les communications relatives à la
statue de Béranger doivent donc être adressées
au Secrétariat, rue Bonaparte, 18 (bureaux de
La Chanson).
A Paris, les souscriptions seront désormais reçues
dans les bureaux des journaux suivants :
La Chanson, rue Bonaparte, 18 :
Le Siècle, rue Chauchat, 24 ;
L'Événement, boulevard des Italiens, 10;
Le Télégraphe, rue Coq-Héron, 5;
Journaux Professionnels de Charles Vincent,
boulevard du Temple, 41 (de 9 à 0 heures) ;
Ze Monde Plaisant, rue de la Fidélité, 9;
Le Progrès Artistique, rue Pétrelle, 24 ;
Et chez les membres du Comité dont les noms
suivent :
MM. Murât, trésorier, rue des Archives, 6;
Paul Burani, faubourg Montmartre, 4;
F. Chebroux, rue d'Argout, 16;
Jules Claretie, rue de Louai, 10 ;
J. EcHALiÉ, rue Montmartre, 55;
EuG. Imbert, rue de Belleville, 226 (de 2 à
5 heures) ;
Pierre Petit, rue Cadet, 31 ;
Quant à la matinée organisée par La Chanson —
et non par le Comité, ainsi que l'ont dit à tort plusieurs
journaux — tout la fait prévoir exceptionnelle et
productive. Notre célèbre et chanmant confrère
Jules Claretie a bien voulu nous promettre de
rompre, en faveur de notre œuvre, le silence qu'il
s'était imposé ; il fera, sur Béranger et la chanson,
une conférence dont l'intérêt se devine et qui seule
attirerait un nombreux public. Notre numéro du
l"' avril indiquera tous les autres éléments de succès
de cette représentation populaire, à laquelle la
presse de Paris prêtera, nous en sommes convaincu,
le concours le plus sympathique.
L. -Henry LFCOMTE.
A LA FRANCE
Quel Lieu surgit dans les airs frénfissants ?
Quel éclair brille en la nue assombrie ?
Quelles ardeurs et quels souffles puissants
Vont ranimer les monts et la prairie?
C'est le printemps, ô France endolorie !
Vois le soleil qui réchauffe les troncs
Les bois moussus, parés de liserons ;
Vois fuir l'hiver sombre et mélancolique ;
Chante et reprends tes sublimes fleurons,
0 vieille Gaule, ô jeune République !
Quel désespoir, ô nuit, quand tu descends
Sur notre armée indignée et meurtrie !
A nos appels les conscrits pâlissants
Sont restés sourds ; chacun s'effare et crie,
Et la défaite effrayante et flétrie
Anéantit les braves à chevrons !
Mais l'Orient blanchit : dans les cieux prompts
A s'enflammer luit un rayon oblique,
Et tous sont prêts à venger nos affronts,
O vieille Gaule, ô jeune République !
LA CHANSON
151
Jadis, aux jours de gloire éblouissants,
Tes fils chantaient : « Amour de la patrie,
Arme nos bras! Accours à nos accents,
Combats pour nous, ô Liberté chérie ! »
Tous se levaient, et leur troupe aguerrie
Voyait s'enfuir les pâles escadrons.
Changez vos airs : plus de mort, ô clairons!
Des nations l'union symbolique
Va s'accomplir : par elle nous vaincrons,
0 vieille Gaule, ô jeune République !
Salut à vous, laboureurs, vignerons !
Enfants du peuple, artisans, bûcherons,
Salut! J'ar vous la grande loi s'applique,
Et devant vous' s'inclinent tous les fronts,
0 vieille Gaule, ô jeune République !
Francis MELVIL.
RETOUR A LA LIGE
Musique de l'Auteur des paroles.
Lice, salut, ô chère délaissée !
Sois indulgente au pauvre déserteur
Qui te gardait au fond de sa pensée
Comme un amant sait garder une fleur.
Je te reviens, plus fervent, plus fidèle;
Que tes couplets aux entrainants refrains
Viennent ce soir effacer d'un coup d'aile
Et mes soucis et mes nombreux chagrins.
Du vin versé qu'on double les rasades.
Je porte un toast, le cœur réconforté,
A votre esprit, mes vaillants camarades,
A vos chansons, à la franche gaîté !
La nuit dernière, amis, j'ai fait un rêve :
Je revoyais tous nos ohers trépassés ;
Auxchants joyeux ne laissant pas de trêve,
Je les voyais commeaux beaux jours passés.
Blondel, Petit, ces soutiens du fi'anc rire,
Festeau, Bailly, près d'Elisa Flcury,
Suivaient Férey excitant leur délire
Par les accords d'un rythme favori.
Du vin versé, etc.
Chanu, Dugas, dédaignant l'étiquette.
Près de Durand écoutaient Bonnefond
Leur fredonner son hymne à la piquette,
Chant plein d'entrain s'il n'est pas très-profond;
Le vieux Colmance y chantait, bouche pleine,
Narguant Thémis et ses agents taquins ;
Desforges, lui, rimeur de longue haleine,
Jetait au vent ses chants républicains.
Du vin versé, etc.
En les perdant on perdit la goguette.
Où les Debraux, les Gille, les Leroy,
En essayant les chants de leur musette.
Daubaient d'aplomb sur la cour et le roi.
Elle n'est plus, mais la Lice remplace
Ces rendez-vous des jeunes flonflonniers;
Chacun de nous venait marquer sa place
Au Panthéon des malins chansonniers.
Du vin versé, etc.
Gais successeurs de ces fervents apôtres.
Porte-drapeau du vieil esprit gaulois.
On reconnaît, dès qu'on se fait des vôtres,
Que la chanson ne peut rester sans voix.
Vive Chebroux, sa note est claire et tendre;
Vive Echalié, Baillet, jeune pinson;
Vivent vous tous qu'on aime tant entendre.
Amants chéris de la reine chanson.
Du vin versé, etc.
A vous, Serthier, Hachin, Nadot, mes maîtres,
Qui ciselez le vers avec tant d'-art,
Chefs acclamés des chercheurs d'hexamètres,
Dont nous suivons le magique étendard ;
A vous ce toast; allons, folle milice.
Debout! trinquons, pour nous c'est un devoir
Que boire à ceux qui fondèrent la Lice, >
A nos aînés dans l'art du gai savoir !
Du vin versé qu'on double les rasades.
Je porte un toast, le cœur réconforté,
A votre esprit, mes vaillants camarades,
A vos chansons, à la franche gaîté !
F. VERGERON.
JE SUIS LE PLIS_R1CHE DU MONDE
iR de ; Adku, je vous fuis, bois chnrnmnt (Doche père).
Que d'Arpagons aux doigts crochus,
Ici-bas, cherchent la fortune j"*
Comptant parmi ses fils déchus.
Cette dame me tient rancune;
Mais le bonheur, en travaillant,
Nous vient de partout à la ronde :
Moi. qui n'ai pas un sou vaillant,
Je suis le plus riche du monde !
Bacchus, qui, lorsque j'ai trois sous,
Comme une cocotte me lorgne.
Ne m'a point fait le sort si doux
De Midas, ce roi caliborgne.
Mais, de ce pouvoir enchanté.
Je me ris fort, et je le fronde ;
J'ai la jeunesse et la gaîté :
Je suis le plus riche du monde !
Pour mes amours, j'ai fait le choix
D'une fille robuste et sage.
Qui possède, tout à la fois.
Les doux attraits et le courage.
Vingt ans battent dans son cœur d'or,
Et je l'aime autant qu'elle est blonde;
L'amour est un bien beau trésor :
Je suis le plus riche du monde !
J'aime les champs, la plaine d'or
Qu'un gai messidor ensoleille,
Mais ce que j'aime plus encor,
C'est le fruit qui pend à la treille.
Il nous donne, à tous, la santé.
Teint frais et face rubiconde,
Aussi, lorsque j'en ai goûté :
Je suis le plus riche du monde!
De nos jours l'argent fait florès.
Mais souvent nous charge d'entraves,
Combien de Crésus-Damoclès
De la fortune sont esclaves.
152
LA CHANSON
Pauvre hère, mais sans émoi,
Je vis clans une paix profonde ;
La liberté loge chez moi :
Je suis le plus riche du monde !
Je n'ai point la prétention
D'enrichir, après moi, la France ;
Mais, d'une autre donation.
Je fournis, du moins, l'espérance :
De trois marmots, père déjà,
J'ai prouvé ma race féconde,
Je puis mourir, mon sang vivra :
Je suis le plus riche du monde!
Héritier d'un sang généreux.
Sève ardente, sous rude écorce,
De mes ancêtres valeureux.
J'ai le caractère et la force.
J'aime à relire leurs vertus.
De gloire, leur passé m'inonde ;
Un nom pur vaut bien des écus :
Je suis le plus riche du monde !
Georges BAILLET.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON C)
Rien de plus connu que le timbre, rien de plus
rare que le texte ci-dessous :
Mon père était Pot.
Buvons à tirelarigot,
Ohers amis, à la ronde !
Au Dieu du vin soyons dévot :
Il gouverne le monde !
Jadis nos aïeux
Prêchoient encor mieux
Cette morale sainte.
Mon père étoit Pot,
Ma mère étoit Broc,
Ma grand'mère étoit Pinte.
J'eus pour parrain le dieu Bacchus :
Ce fut sous une treille
Que de lui le nom je reçus
D'enfant de la bouteille!
Dès que je fus né,
De ce jus sacré
J'eus la première atteinte.
Mon père étoit Pot, etc.
La nourrice que je tétois
Me donnoit la bouillie ;
Mais à ce mets je préférois
Le vin de Malvoisie !
Enfant, je suçois,
Au lieu de hochets.
Un raisin de Corinthe.
Mon père étoit Pot, etc.
J'avois douze ans quand je soutins
En forme de logique.
Sur la différence des vins
Une thèse bachique !
Monté sur un banc.
Fier comme Artaban,
Je poussai bien ma pointe.
Mon père étoit Pot, etc.
(*) Sous ce titre, nous publierons désormais, dans chaque
numéro de La Chanson, soit une rareté poétique, soit une
étude sur la chanson ou les chansonniers du passé.
A présent que je suis docteur.
Messieurs, venez m'entendre;
Bien mieux qu'un autre professeur.
Je saurai vous apprendre
Qu'il faut, nuit et jour,
Boire, plein d'amour,
A la santé d'Aminte I
Mon père étoit Pot,
Ma mère étoit Broc,
Ma grand'mère étoit Pinte.
APPEL
AUX POÈTES-CHANSONNIERS LYONNAIS
Lyon, la seconde ville de France, parmi les
nombreuses sociétés qu'elle possède , ne compte
aucune réunion de chansonniers. Pourtant, la ville
de Pierre Dupont est assez riche en rimeurs; pour-
quoi n'aurait-elle pas une petite Académie du rire
gaulois et de la chanson, un Caveau lyonnais enfin?
Usant de son droit d'initiative, et pour obvier à
cette indifférence ou à cet oubli, le soussigné fait
un appel à tous les Lyonnais amis de la rime et de
la chanson. Une réunion préparatoire aura lieu
prochainement au café d'Albret, quai de l'Est. Les
journaux de Lyon donneront le jour et l'heure de
cette réunion.
Tous les rimeurs grands ou petits peuvent prendre
le présent avis comme une invitation à prêter leur
concours pour créer le Caveau Lyonnais.
Un Caveau pour nous unir
Contre les défauts du monde,
Pour chansonner à la ronde •
Tous les vices à loisir.
Aux amis de la musette,
Béi-anger, le grand poète.
Se fit toujours une fête
De dire un refrain nouveau;
Imitons ce grand modèle,
Que l'union fraternelle
Fonde chez nous un Caveau !
RÉMY DOUTRB.
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
Donc le Caveau tint ses assises,
Où nul jamais ne se grisa.
Le sept mars, sept heures précises,
Chez Band, au café Corazza.
Car, pour plaire à ces chers confrères,
Et cet honneur leur est bien dû,
En vers plus ou moins littéraires
Je broche mon compte rendu.
On se tait, une fois à table.
Pour donner un bon coup de dent ;
Puis vient le toste inévitable,
Où brille notre président.
Clairville, perdu pour la rime,
Comme de juste, en fait les frais :
Tribut sincère et légitime
De souvenirs et de regrets.
Ripault, Saint-Etienne, Blainville,
Fouache, Vergeron et Vincent
: A leur tour célèbrent Clairville,
Ce soir — et pour jamais — absent;
, Et leur amitié s'évertue.
Rappelant les succès passés...
— On n'a pas parlé de statue,
Mais de couronne, et c'est assez.
LA CHANSON
153
Lesueur, en sa veiTe attique,
Brave du temps les doigls pesants :
Sa Progression erotique
Est digne de ses jeunes ans.
Nous devons au joyeux Demeuse
Deux contes d'un sel très-gaulois ;
Et Piesse, de sa plume heureuse,
A la Chanson trace ses lois.
Je pourrais bien ici les dire,
Si j'avais affaire à. des sols ;
Mais pour vous, à quoi bon réduire
La chanson de Piesse en morceaux?
— Calembour! signe de vieillesse!
Voyez Garnier, de l'Opéra :
Quand il en commet, c'est qu'/î baisse.
Plus tard il se redressera.
Monlariol, digne archiviste
De nos succès, de nos douleurs,
Pince aujourd'hui la corde triste,
Car le rire est si jjrès des pleurs f
Baillet, en ressources fertile,
Tantôt grave, tantôt plaisant,
Donne plus d'un avis utile
Dans le bon sens d'un paysan.
Schutz, qui n'est pas des plus novices,
D'un ton mâle nous a vanté
Et le bois et tous les services
Qu'il rend à notre humanité.
— Il faut plaire! nous dit Lagarde.
Parbleu ! qui le sait mieux que lui ?
Il proche d'exemple et n'a garde
De jamais provoquer l'ennui.
Encore un qui jamais n'ennuie,
C'est Mouton : sans se mettre en eau.
Il nous chante Pendant la pluie.
Couplets coulants... Mais Ordonneau,
Homme prudent, ordonne au sage.
S'il ne veut être le... pigeon,
De gratter le badigeonnage :
— J'aurais mieux aimé : badigeon.
Quoi qu'il en soit, cette lactique
Est bonne sous tous les climats;
Et Guérin la met en pratique
En disciple de saint Thomas.
Tout député qu'il est, Leconte,
Sans manquer à sa mission,
Nous régale d'nn joli conte :
La première confession.
Une lacune ici subsiste
Et jette un froid sur mon vélin :
Je ne trouve plus dans ma liste
Le sujet qu'a traité Poullain.
Sage ennemi de tout extrême
Et vrai sectateur de Chaulieu,
(Dans ses amours fait-il de même?)
Fénée en tout cherche un milieu.
Grange, que le tiroir attire.
Ne veut pas passer pour bougon.
Mais il sait plaire, et sa satire
Cingle la pelle et le fourgon.
Il n'aime pas la politique,
Mais, comme un noble à cent quartiers.
C'est encore la République
Qu'il raille le plus volontiers.
Granger II : la guen-e lui pèse;
Il parle un peu sévèrement
Et nous défend la Marseillaise,
Mais pendant la paix seulement.
Vergeron, à la rouge mine.
Ne craint-il pas de la pâlir
Dans son Hôtel de la Débine,
Triste abri qu'il faut démolir?
Quand la gaudriole s'est tue,
J'ai pu — comment n'y pas songer? —
Quêter — en vers — pour la statue
Que nous devons à Déranger.
Ces couplets, bien tournés du reste.
Ont obtenu plus d'un bravo.
Moi qui redoutais une veste !
— On n'en porte pas au Caveau.
Sur cet intéressant chapitre
J'en )Jourrais dire bien plus long;
Mais je craindrais à juste titre
De fatiguer mon Apollon.
Terminons donc cette folie ;
Car trop longtemps ma plume court;
Et ceux qu'en ce moment j'oublie
Savent bien qu'ils auront leur tour.
D'après ce récit véridique,
\'ous voyez qu'en fait de nouveau.
Quoi ([uè prétende maint critique.
On peut s'adresser au Caveau.
nari 1879 EuG. IMBERT.
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 5 MARS 1879.
A qui décerner la pomme dans ces tournois mensuels de
chansonniers-poètes, où le chanteur, presque toujours
interprète de son œuvre, a la conviction, s'il ne réussit pas,
d'avoir été mal compris? Mon embarras s'explique. (Juant
à la critique, peut-elle trouver une place sérieuse dans ces
concours intimes, ces luttes d'esprit qu'on ne saurait jamais
trop encourager? Nous ne le croyons pas. Si quelques cou-
plets ou rimes faibles viennent de temps à autre jeter leurs
notes discordantes dans l'ensemble et rompre l'harmonie,
peut-être est-il plus sage de faire la sourde oreille en
feignant de croire que tout est pour le mieux dans la
meilleure des Lices. D'ailleurs, les points de comparaison
ont aussi leur utilité. Les satellites, rayonnant autour de
l'astre Béranger, ont bien leur valeur, et, quand le soleil
se cache, la nuit nous ramène les étoiles que nous nous
estimons heureux de voir briller. Ceci posé, analysons
comme quelqu'un qui croit que c'est arrivé.
M. Echalié raconte un rêve en vers qui lui sert de toast
traditionnel et obligatoire. Son rêve finit par un cauchemar,
jugez-en : au moment de franchir les portes du temple des
chansonniers, il est réveillé par la foudre; c'est vexant.
Un loustic traduirait sa longue tirade en une ligne : « Il
s'est cassé le nez contre la porte. » Sa poésie n'entend pas
de cette oreille et se termine ainsi :
Je bois à Vmenir
De 1(1 Chanson ijui ne doit pas mourir^
Je bois h. vous, prêtres de la déesse, .
Qui saurez faire, en travaillant sans cesse,
Dé notre culte un culte respecté
Et de mon rêve une réalité.
Espérons que M. Echalié verra bientôt s'ouvrir toutes
grandes les portes de ce temple que la modestie de son rêve
ne lui permet pas encore de franchir.
M. Echalié fait aussi de la musique; il interprète, de
M. Ryon, les Roses d'amour, et de Rubois, la Muse
Chanson. Ah! si j'avais su, dit M. Pingray — ' et moi donc!
M. Tribelhorn, le Paradis des Buveurs, de Georges Baillet,
succès pour l'interprète et l'auteur; -M. Fouache, Si je
gagnais V gros lot! ou les Rêves d'un vidangeur; M. Ver-
geron, le Retour à la Lice, que nous publions dans ce
154
LA CHANSON
numoro, et Jean Labeur, un chaut plein de vigueur que
l'auteur clianle avec toute l'énergie qu'il comporte. N'ou-
blions pas l'Appétit vient en maiigeaiit, chansonnelte
commise par le signataire du présent article, en collabo-
ration avec son camarade Gédhé ; les Venettes du 5 0/0, de
M. Ed. Hachin, brûlante actualité : gageons que l'auteur
était de ceux que la venelle a empoigné; c'est le revers de
la médaille des rentiers (quand donc aurais-je de ces
venettes-là), et, pour se venger, M. Ilacliiu fait bravement
rimer sait avec Say. Si la rime manque de richesse, c'est la
faute à M. Say; s'en plaindra-t-il? — M. Picard, dans son
Mercredi des Cendres, nous dit « Pietourne à la poussière, »
mais avec tant d'esprit qu'on lui pardonne le côté funèbre
de sa chanson; M. Rubois nous peint sa Devanture en
maître'; nous savourons une bonne production de M. Georges
Duplessis, le Vieux Corbeau; M. Adeline, son interprète,
fait bien vibrer ces vers sentant la mort d'une lieue, mais
aussi d'une grande vérité. M. Henri Nadot dit avec beaucoup
de goût Bonsoir voisin, bonsoir voisine. M. Paul Avenel
trouve qu'on n'est pas vieux à cinquante ans, et je suis entiè-
rement de l'avis de sa bonne chanson. M. Rochet nous dit
drôlement (jii'il n des filles — mais paraît que c'est pas
toujours drôle ; — M. Ryon, de sa voix grave et sympathique,
récite sou Jean Mi^iire , et se fait particulièrement
applaudir dans le Cabaret de la Futaille ; c'est un Eden, ce
cabaret, et sa desci'iplion donne l'envie d'y faire un tour.
Nous entendons successivement Je suis eniploijé de bureau,
de Dubois ; Aux Cliausoiiniers, de Ach. Caron; le Renoureau,
de Robiuot, qu'on ci'oirait écrit par un poète de vingt ans;
Nuil d'amiiur, poésie de Jules Jloniol. ,M. Albert Pellet intei'-
prèle, de Paul Chocqne, Oreillard TV chez- les Zoulous : très-
amusaiil, le [iclit Hadinguet se servant de ses oreilles connue
d'un InniieÈ- ]ioar arriver plus vite : « On ne ta fait plus à
bitii, I) dil-il. Heureusement! M. Jouy, à la nuise linlania-
resque, l'ail rire avec Mon Adèle; M. Ilassi! posliile pour
entrer dans la Lice et récite : Visite à la Liée Chiiiisuuiiière :
M. Jides Jeannin termine en égayani (oui le moiulc ]iar
une de ces chansons dont il a la propriélc et ipi'il sait rendre
amusanle ipiand même.
A qui d(''cerner la pomme, disais-je en commençant cet
article; Jcerles, nous n'avons que Pembarras du choix dans
ce fouillis de couplets et de poésies dont la plus grande partie
valent bien les meilleures chansons du café-concert que le
public baptise grands succès. Constatons-le, le banquet du
5 mars a donné le jour à de fort bonnes choses ; mais, avant
tout, nous croyons èlre l'interprète du sentiment général en
déclarant que les bravos les plus spontanés et les plus
sincères ont justement récompensé (|uel(ini's vers inédits de
M. Alfred Leconte, Ma preniièrr Hmiff'xsiiiii ; c'est court,
mais c'est bon, et la chute toute rabelaisienne (nous croyons
0 r l'appeler ainsi) j
A défaut de papier, je me sers d'une feuille.
a surpris et aurait fait rire le confesseur lui-même, s'il avait
pu Pentendre.
A. LEROV.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Nous regrettons sincèrement de n'avoir pu nous
rendre au concert donné à la salle Herz, le 5 mars,
par M"° Sarah Alphen ; on nous aflîrme qu'il a été
des plus brillants, et l'on ajoute qu'un directeur
d'une de nos grandes scènes lyi'iques doit s'attacher
incessamment la sympathique chanteuse, du grand
ihéâtre de Versailles.
Le même soir, la société lyrique Union et Gaité
oifrait un grand concert à ses membres d'honneur.
Les noms les plus aimés des sociétés sont venus
contribuer au grand succès de cette représentation.
Nous nous promettons d'aller prochainement
rendre une visite au salon du Globe (8, boulevard de
Strasbourg) local de ladite société.
Je reçois la lettre suivante.
« Monsieur le Secrétaire du journal La Chanson,
« Je vous informe que quelques fautes d'impression
se sont glissées dans votre numéro du 1°' mars.
Cercle Musset : au lieu de M. Andrieux président,
veuillez mettre A. Durrieu ; quant à M. Verniaud, ne
l'ayant jamais connu, je suppose que c'est de
M. Berlioz que vous avez voulu parler. Agréez tous
mes remerciements pour votre article et croyez-moi
votre tout respectueux,
A. DURRIEU,
Président du Cercle Musset. »
Le dimanche 9 mars. les Gais Momusiens (président
M. Leroux) donnaient une matinée lyrique et
dramatique, salle de l'Alhambra. Arrivé un peu tard,
et M. Leroux — on ne peut penser à tout — ayant
oublié de réserver une petite place au chroniqueur
de La Chanson, je ne puis donner qu'une idée
incomplète de cette représentation, ayant tout
entrevu par le gros bout de la lorgnette. Nous avons
rencontré là quelques amateurs des sociétés lyriques,
MM. Camut, Jomain, Robert, Georges, Franck —
M""" Limât, Lorain, M"" Julia, Prieur, Henriette —
MM. Metivet, Meunier, Vaast, Denis, Lefèvre etc.
A part Jomain, qui a été moins amusant que
d'habitude, ces Messieurs et ces Dames ont été,
chacun dans leur genre, applaudis avec plus ou
moins d'enthousiasme. Les artistes qui avaient
obligeamment prêté leur concours s'appelaient
M"" Nancy, Fabre; MM. Limât, Fradel, Mallièvre. —
M. Viala est venu lui-même s'excuser, un affreux
mal de gorge lui dictant un repos forcé. Le Cercle
Philharmonique , dirigé par M. Dupa, a fait les
intermèdes musicaux ; on a osé jouer la Marseillaise —
vous avez bien lu : la Marseillaise\ Le bis n'a pas été
accordé ; le public le réclamait pourtant avec assez
d'énergie.
Quand je vous aurai appris qu'on a joué La Botte
de mon père-, un Homme comme il faut, que les
clodoohes Adrien, Jules, Léon, Victor, ont dansé le
quadrille de la famille Bidard, et que, moins veinard
que ladite famille, je n'ai rien gagné à la grande
tombola gratuite composée de 50 lots sérieux, vous
ne pourrez vous étonner qu'on soit parti satisfait
en se promettant de revenir quand il plaira aux
Gais Momusiens d'ajouter un succès de plus à leur
actif.
Nous avons déjà fait savoir que nous préparons
un travail concernant les sociétés — sous ce titre
Goguettes et Sociétés lyriques de 1820 à nos jours. ■ — ■
A ce propos, nous avisons les présidents qu'à
l'avenir chaque numéro de La Chanson publiera, sous
cette rubrique : Paris qui chante, l'histoire de chaque
société en particulier. Nous commencerons par les
Epicuriens, la plus ancienne des Sociétés lyriques
parisiennes. Les présidents peuvent dès à présent
nous adresser tous les renseignements concernant
leur société : les premiers arrivés seront les premiers
servis.
Au dernier moment, on nous informe que
l'Harmonie du- Commerce (président M. Morin,
directeur J. Brevet) prépare, pour le 6 avril, une
matinée artistique et musicale.
LA CHANSON
155
Les Enfants de Lutece prêteront leur concours à
cette solennité ; nous serons là. Personne n'ignore
que V Harmonie du Commerce a remporté les trois
grands prix d'honneur au dernier concours interna-
tional de Paris.
A. LEROY.
Dimanche 23 février, anniversaire de la fondation
de la Renaissance (Café du Globe, boulevard de
Strasbourg). Salle comble, comme toujours; soirée
charmante et programme très-bien composé. La
Renaissance tient à honneur de conserver la place
brillante qu'elle occupe parmi les sociétés lyriques.
M. Ramel, son intelligent président, souffrant, était
remplacé au bureau par M. Saunier, vice-président,
qui s'acquitte de ses fonctions avec beaucoup de tact.
Quant àlapartieai'tistique, nous citerons au hasard :
M"° Dupont, dont la voix bien timbrée est extrême-
ment sympathique; M. Donckel, très-applaudi dans un
récit : Le Turco de la Commune . Qui se ressemble se
gène est un acte très-fin et très-amusant; seulement,
pourquoi M. Victor C. et M""" R. jouaii>nt-ils au
souffleur? Un bon point bien mérité à M. Hcurj M.,
qui a composé son personnage d'étudiant en rupture
de cours d'une façon fort originale. Somme toute, un
succès pour la Renaissance.
JANUS.
Mardi 4 mars 1879, troisième concert do la sixième
saison de l'Harmonie Commerciale, salle Rivoli,
104, rue Saint-Antoine. — Directeur, Alexandre
Thouvcnel.
L'élément musical féminin était représenté, comme
au dernier concert, par M""" Noblet, M"*" Mathihie
Arnaud, et M"° Lucie Thouvenel : cette dernière est
âgée de sept ans et demi.
M"'° Noblet a chanté avec goût et finesse une
ariette de Philémon et Baucis; une indisposition
regrettable ne lui a pas permis do jeter les notes
hautes avec sa décision accoutumée. — Elle était plus
maîtresse d'elle-même dans la Marmotte, de la
Camargo. Lui reprocherons-nous d'avoir enlevé à ce
morceau son cachet Renaissance? Nous ne l'oserons
pas, bien que notre époque recherche les épicos.
M"° Arnaud dit plus qu'elle ne chante, et perle plus
qu'elle no dit. Sa préoccupation constante de la
nuance ralentissait peut-être le mouvement général
de la Tireuse de Cartes. Mais, quelle délicatesse dans
le Refrain de noce! Bravo, sous cette réserve que la
demoiselle d'honneur doit être un peu émue après
deux verres de Champagne : l'estomac et les conve-
nances l'exigent.
On nous avait fait craindre pour la voix de
M"° Lucie Thouvenel, à la suite d'une imprudence
d'enfant. Il n'en est rien heureusement; nous l'avons
bien vu dans Ce que j'aime le mieux (paroles de
M. Landrevin), et Maison à louer. — D'autre part,
la jeune artiste fait des progrès sur le piano, grâce
à son maître, M. Debroca de Gasperi.
Les Troubadoicrs de la rue Saint-Denis étaient
représentés par MM. Bonnefoy, président, et Alfred
Bloc. M. Bonnefoy a chanté, d'une voix sympathique,
les Jeunes gens et la Saint- Lundi. Pour vous, M. Bloc,
je vais vous attraper en ami. Vous avez bien dit
Un jeune homme crédule ; et, si vous ne saviez pas
Un gros Lot, c'est qu'il vous avait fallu remplacer
au pied levé M. Bonnet, lequel, pour interpréter
Un Monsieur sans façon, s'absente. Mais pourquoi
classer dans votre répertoire les Veinards de Bidards,
ce dernier mot de l'esprit du concert? Sursum corda,
M. Bloc, ou, plus clairement, haussez vos cordes
(traduction non garantie).
Le Conservatoire lui-même avait trois délégués :
M"° Rosamond, MM. Lavergne et Fournier, pour la
partie poétique et littéraire. Voilà, du coup, trois
artistes en herbe. — Tout aurait marché à souhait,
s'ils n'avaient eu le souffleur dans le dos, position
contraire aux nécessités de l'acoustique.
L'Harmonie même a fait des prouesses, surtout
dans la Marseillaise, vieil hymne éternellement jeune.
Modérez-vous, enivres sonores; accordez-vous,
petites flûtes, et votre chef, un vétéran, dira:
« Musiciens, je suis content de vous. »
Prosper tibia.
Les concerts se suivent et ne se ressemblent pas.
Nous avions fait une ample provision de bravos
pour nous rendre au concert mensuel que la I^yre
Méridionale donnait, le 4 de ce mois, au lieu habituel
de ses réunions, café des Négociants, boulevard
Sébastopol, 99; malheureusement, la soirée a telle-
ment laissé à désirer, que presque tous nos applaudis-
sements nous sont restés pour compte. La cause en
a été, paraît-il, dans la trop grande bienveillance du
président qui a cru devoir autoriser à se faire
entendre dos étrangers à la société. Il en est un
entre autres, M. G., dont nous tairons le nom pour
cette fois, qui a chanté je ne sais quel morceau de
musique sérieuse avec une voix et un accent d'un
comique irrésistible; ce Monsieur a trouvé le moyen
de reculer les limites du ridicule. Nous passons pour
aujourd'hui les autres sous silence, mais, à bon
entendeur, salut !
Et maintenant que nous eu avons fini avec ceux-
là, nous adresserons nos meilleures félicitations au
nouveau directeur de la société, M. Albert Vornaelde
qui, sous ce titre : C'est dimanche, nous a chanté une
très-gracieuse mélodie de sa composition, j>aroles et
musique. M. Pelouze a interprété avec beaucoup
d'expression les Vendanges de la République, chant
devenu populaire grâce à la musique de J.-B. CoUi-
gnon. Citons encore MM. Sévérat, Séguier, Lacombe
et Labor aîné, dont la voix est très-sympathique, et
Lucciani, comique d'un réel talent; M. Fourcade
s'est trompé, mais on nous dit qu'il est homme [à
prendre sa revanche, attendons ; MM. Lelarge et
Crémieux promettent, tiendront-ils?
Le chœur la Toulousaine, avec solipar MM. Pelouze
et Sévérat, a clos la soirée.
VERITAS.
P. S. Nous serions désolé qu'on pût voir un oubli
dans notre silence à l'égard des dames ; c'est pure
galanterie de notre part.
Le banquet annuel des anciens élèves de l'Ecole
Turgot a eu lieu le 2 mars, dans les salons du café
Riche. Les organisateurs, mettant à profit la présence
de différents artistes, ont improvisé une soirée
charmante dans laquelle on a entendu MM. Marais,
de rOdéon ; Bonjean, du Théâtre-Lyrique; Berville,
du Palais-Royal; Leiris, Chàpuis, Picard et le
compositeur Jules Raux, qui a interprété une de ses
dernières chansons, connue de nos lecteurs: le Vieux
buveur de vin.
15G
LA CHANSON
Les Enfants de Saint-Denis, choral dirigé par
M. Dumet, a donné, le G mars, son concert annuel.
Quatre-vingt-dix exécutants, nombreux et excellents
artistes des théâtres de Paris chaleureusement
applaudis; résultat, plus de mille spectateurs., La
Marseillaise de la Paix, d'Etienne Ducret, arrangé à
quatre voix par M. Monestier, a obtenu un grand
succès.
M. Garnot vient d'être nommé président du Cercle
Intime. Cette fois, le cercle tient un président pour
longtemps.
La Lijre bienfaisante a inauguré, le dimanche
9 mars, son nouveau local, quai Saint-Michel, 9.
Grâce à l'activité du président, M. Couvreur, la
salle était comble et la soirée a été pleine d'attrait.
Le camarade Etiene Ducret a dit une chanson de
circonstance. Nous reparlerons prochainement de
cette société, qui tient ses réunions les dimanches et
lundis.
La Renaissance a donné le 11 mars, une représen-
tation extraordinaire dont nous rendrons compte
dans notre prochain numéro.
La Fauvette Parisienne donnera, le dimanche
23 mars, à 9 heures, une soirée extraordinaire au
bénéfice de M. Lourdez, pianiste de la société. —
Galerie Montpensier, 36 (Palais-Royal).
A. P.
BIBLIOGRAPHIE
La Forêt de Bondij, distiques, par L.-G. Gauny (*)
Le poète ne vieillit pas ; ses cheveux s'argentent,
son front se ride, sa joue prend le teint de l'âge,
mais son cœur et sa pensée restent jeunes. C'est
à l'apparition de la nouvelle œuvre de Gauny que
ces réflexions me sont nées.
• Il y a trente ans que j'ai lu pour la première fois
des vers de Gauny, dans les Poésies sociales des
ouiiriers. Un souflle puissant et acre les animait de
sa fièvre et certifiait la sincérité de la plume qui
les avait écrits. Dans ce nouveau poème, La Forêt
de Bondy, je retrouve la même vigueur, les mêmes
idées généreuses, les mêmes aspirations grandioses.
Le seul côté fantaisiste du poète dans cette œuvre,
c'est de l'avoir distribuée en distiques. Est-ce heu-
reux? Je ne le crois pas. Ce mode de rythme est
très-agréalrle à l'oieiUe dans les pièces de petite
dimension, mais ici nous avons 72 pages à paccourir
sur le même sujet.
Je ne puis résister au désir de citer le passage
suivant, empreint d'une ardeur toute juvénile :
Ne reculons jamais devant im mot sans peur
Qui .se montre tout nu quand il nous vient du cœur.
Apôtre populaire, en souJïrant il faut dire
A chacun ce qu'il doit adorer ou maudire.
Marciions droit sur celui qui veut nous IjaiUonner
L'âme, sans aucun bruit, pour mieux l'exterminer,
alarmes.
iible
i lointa
ro
Voilà la note de Gauny; elle se ressent de sa
nature un peu solitaire, mais elle est bien à lui,
droite et vigoureuse. La Forêt de Bondy, c'est la
vie; l'auteur du poème y attaque les abus en leur
sautant à la gorge; voilà le sujet. Il y a de quoi
faire, et le poète a besoin d'ètre_ doublé du philo-
sophe pour réussir.
Le titre est peut-être un peu énigmatique, mais
ce petit livre, œuvre de lettré, est surtout écrit pour
des lettrés qui ne chercheront pas.
Pour metti'e son œuvre plus à même d'être lue
avec fruit par tous, Gauny aurait dû la faire pré-
céder d'une page de préface explicative.
L'auteur, entraîné par la grandeur de son but,
marche, marche, et'voit toujours se dérouler, dans
son imagination ardente, le tableau qu'il expose ;
mais le lecteur, plus froid, a parfois besoin d'être
guidé, éclairé sur le sujet qu'on veut représenter à
ses yeux.
Une grande qualité chez Gauny, c'est la sonorité
du vers. Je voudrais pouvoir citer, à l'appui de mon
dire, un tiers de ce poème. Si parfois quelques dis-
tiques sont un peu teintés de misanthropie, cela ne
dure pas, car Gauny n'est point un Alceste, c'est un
combattant, un nerveux, chez qui le sang plébéien
bout :
Je suis seul, et pourtant l'action m'ensoi'celle ;
En espritj dans mon cœur, son roulis s'amoncelle.
Où sont-ils les torrents, les monts, et les combats
Qui brillent orageux sous le feux des soldais ?
Je voudrais que mes cris qu'aucun frein ne modère
Pussent se dérouler sur un clan solidaire ;
Pour la fraternité, s'il le fallait, sortir
De ce monde en montant le bûcher d'un mart^-r;
Bans les pa^'s lointains qu'ombragent les platanes
M'arrèter en révolte aux portes des cabanes;
Et, pour éperonner leurs pauvres habitants,
Chanter l'hymne connu de nos vieux combattants.
Dans les landes, le soir, en rejnuant la braise
De rame des bouviers, ch.anter la Marseillaise;
Et la nuit, près des joncs qui frissonnent sur Teau,
Sur im cheval sauvage aller au grand galop
Annoncer aux cités l'étonnante nouvelle
Qu'en secret chez le peuple un volcan se révèle,
Qu'au fond de tous les cœurs on l'entend bouillonner.
Qu'il va sauter dans Pair et qu'il veut rayonner.
Il y a dans cet accent un profond amour de l'hu-
manité. Gauny a fait deux parts de sa vie : le travail
et l'étude. Ce n'est point un savant d'origine, mais
un enfant du peuple studieux, qui sait surtout ce qui
ne s'enseigne pas. Il a dans le cœur des convictions
sincères et profondément enracinées, fruits de l'expé-
rience et de la méditation.
Cherchez son livre, vous qui aimez la saine poésie
et qui sentez en vous que l'avenir ne peut pas tou-
jours mentir à ses généreuses promesses.
C'est un mignon in-1 8 raisin, imprimé sur beau
papier, avec titre rouge et noir. Un dessin vigou-
reux de Charbonnel, très-joliment gravé àl'eau-forte
par Monnin, figure en tête, et il sort de la librairie
A. Patay, qui n'en est pas à son coup d'essai en fait
de publications artistiques.
Eugène BAILLET.
Vente de LA CHANSON, en gros et au numéro
pour les libraires :
Chez TRALIN, rue du Croissant, 5,
Et chez JEANMAIRE (ancienne maison MAR-
TINON), rue des Bons-Enfants, 32.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2» ANNEE. — N° 17.
1" AVRIL 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le !«' <3c le 1 6 de cliacixae xïiois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
Le Numéro : 20 cent.
ADMINISTRATION <& RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois 2 fr. 50
Départ», 6 mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 80
SOMMAIRE : Lettre de .V. Edmond Turquet. — Réponse [L.-tiEtiRY lecomte). —Elude sur les Chants étrangers. — (p.-e. érard). —
le Coin du feu [g. 1.EPKÈV0ST]. — Elle était si jolie (kdouard ripault.) — D'après Fénélon (moxtariol). —Monseigneur le
Capital (fénée). — Le Poète et l'oiieau (e. savaudy). — Le Vieux Corbeau (georges duplessis). — Avec Elle (léo tostain). —
Mes Cinquante-huit ans (joseph lavergne). — L'Hirondelle prise au piège (rémy doutre). — L' Ex-Cuirassier et son
cheval (Théophile mathierre). — L'Esprit départies, ruel). — Chronique des Sociétés lyriques {a. leroy, prosper tibia). —
Nouvelles et Avis (a. patay).
M. L.-Henry Lecomte, rédacteur en chef de La
Chanson et secrétaire du Comité de la statue de
Béranger, a reçu la lettre suivante :
Paris, le 17 mars 1S70.
Monsieur le Secrétaire,
Vous avez bien voulu me faire savoir que le
Comité formé pour élever une statue au poète popu-
laire Béranger était définitivement organisé, et qu'il
allait se mettre à l'œuvre sous le patronage des noms
les plus illustres dans la littérature et la politique.
Vous me demandez en même temps si le Comité peut
compter sur le concours du ministère de l'Instruc-
tion Publique et des Beaux-Arts , soit pour une
souscription, soit pour la fourniture de bronze.
J'ai à peine besoin de vous dire que je m'associe
de tout cœur à votre entreprise patriotique et que
le concours prêté par mon administration sera aussi
large que nos ressources nous le permettront. C'est
dans le désir de vous prêter une aide sérieuse que je
vous prierai de me faire connaître, aussitôt que
possible, les projets définitifs du Comité, sans lesquels
il m'est difficile de déterminer la part contributive
de l'Etat.
Permettez-moi d'ajouter que je verrais, quant à
moi, dans cet hommage rendu au grand chansonnier
national, une admirable occasion de faire appel au
talent de nos architectes et de nos sculpteurs, en
mettant au concours, non pas seulement un projet
dé statue, mais un projet de monument plus complet
comprenant au besoin d'autres figures et des bas-
reliefs. Aucun motif, assurément, ne semble plus
fait pour exciter le génie des artistes français ; aucun
monument ne serait élevé, au milieu de plus cha-
leureux applaudissements, sur une place de Paris.
Recevez, Monsieur le Secrétaire, l'assurance de
ma considération très-distinguée.
P' le Ministre de l'Insimction Publique et des
Beaux-Arts,
Le Sous-Secrétaire d'Etat,
Edmond TURQUET.
M. L. -Henry Lecomte a répondu :
Paris, le 21 mars 1879.
Monsieur le Ministre,
Je m'empresse de vous adresser tous les rensei-
gnements que demande votre lettre si sympathique.
Le Comité formé pourélever une statue à Béranger
veut ériger cette statue dans le jardin du Temple,
au centre du quartier auquel le souvenir du poète est
particulièrement attaché, à quelques pas de la maison
où Béranger vécut ses derniers jours. La statue sera
payée par une souscription publique , et solennellement
inaugurée le 19 août 1880, centième anniversaire de
la naissance du grand chansonnier.
Il était à peu près décidé qu'on éviterait le concours
public, comme éloignant la plupart des maîtres et
occasionnant une grande dépense de temps et d'argent;
mais, à cela, des objections nombreuses ont été faites
et le Comité, sans doute, décidera le concours.
Nos désirs se bornent à l'érection d'une statue,
suffisante pour la mémoire d'un homme qui fit de la
simplicité la règle de sa vie ; cela, cependant, est
subordonné au chiffre des souscriptions recueillies, .
et nul, dans le Comité, ne s'opposerait à ce qu'il fût
donné, au monument dédié à Béranger, des propor-
tions plus vastes et une grande importance artistique.
Je crois, Monsieur le Ministre, n'avoir point d'autre
éclaircissement à vous fournir. Le Comité, en somme,
n'est qu'au début de son œuvre. Connaissant 'sa
composition, vous avez très-justement apprécié la
signification politique et littéraire de la manifestation
qu'il prépare. Béranger est une gloire foncièrement
honnête et profondément populaire ; à ce double
titre, son souvenir mérite du gouvernement de la
République la sympathie que vous voulez bien me
"promettre dans un langage patriotique dont il m'est
doux, au nom du Comité, de vous remercier avec
l'émotion la plus vive et la gratitude la plus sincère.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'assu-
rance de mon dévouement.
L.-HBNRY LECOMTE.
158
LA CHANSON
La grande matinée littéraire et lyrique, organisée
par Jm Chanson au profit de la souscription pour la
statue de Béranger, aura lieu le dimanelie 13 avril
(jour de Pâques), à 1 heure 1/2 très-précise, au
théâtre du Château-d'Eau, rue de Malte.
En promettant d'énumérer aujourd'hui les éléments
de succès de cette solennité, nous avions compté sans
les lenteurs de l'organisation. Notre ferme désir de
n'annoncer que des auditions certaines nous contraint
à garder le silence. Mais tous nos abonnés recevront,
dans quelques jours, un imprimé contenant le pro-
gramme détaillé du spectacle et l'indication du prix
des places.
Une erreur grave a été commise dans la première
liste des souscriptions pour la statue de Béranger.
Au lieu des 200 francs que nous croyions votés par la
Société des Auteurs, Compositeurs et Editews de
musique, cette société, deux jours après notre publi-
cation, a voté la somme de 500 francs.
~ Voici la lettre nous informant de ce fait :
« Monsieur,
tt Le syndicat de la Société des Auteuvs, Compositeurs et
Editeurs de musique, dans sa séance du 18 mars, a voté la
somme de cinq cents francs pour la statue de Béranger,
notre grand chansonnier. Il tient à honneur de voir la société
qu'il représente figurer parmi les premiers souscripteurs de
cette œuvre ^lationale.
11 Le Président,
te Paul Avenel. »
Rectification sera faite sur la seconde liste que
nous imprimerons dans notre numéro du 16 avril.
Tous nos correspondants voudront bien nous adresser
au plus tôt les noms et les chiffres qu'ils désireraient
publier.
H. L.
ÉTUDE SUR LES CHANTS ÉTRANGERS
(Suite)
Nous devions consacrer cet article à Slovasky, mais
le peu de place dont nous disposons nous oblige à
remettre cette intéressante étude — un peu longue —
à un prochain numéro. Aujourd'hui nous donnerons
la traduction d'une romance russe : 5ofoue7 (le Rossi-
gnol) que tous les paysans russes chantent dans les
bois, les soir d'été ; nous en détacherons quelques
strophes. Si nous en croyons nos amis de Russie, la
musique de cette chanson serait due à M. Aliabéier.
L'auteur nous est inconnu ; d'après d'anciens docu-
ments, elle est attribuée à un poète de la Baltique :
Delvigor.
Malheureux, je suis sur la terre,
L'adversité voilà ma part ;
Ici je cache ma misère
Et viens seul rôver à l'écart.
Rossignol, doux rossignol.
Chante, chante et prends ton vol !
De ton chant la nuit est éprise.
Ton chant clair vibre et s'enfuit
S'unissant au chant de la brise :
C'est la prière de la nuit !
Rossignol, doux rossignol,
Chante, chante et prends ton vol !
Dans la forêt, ombreuse voûte,
Lançant tes accents enchanteurs.
Rossignol, c'est toi que j'écoute.
Tu rends le bonheur à nos cœurs !
Rossignol, doux rossignol.
Chante, chante et prends ton vol !
Cette poésie ne vous rappelle-t-elle pas la Romance
d'Esthelle de Florian ?
(Sera continué)
P.-E. ERARD.
LE COIN DU FEU
De l'an qui va mourir le glas funèbre sonne.
Les bois sont désolés, la campagne frissonne ;
Il pleut, il vente, il neige, il fait froid; c'est l'hiver!
Mais le bien-être est là, près du feu qui pétille.
Et plus étroit se fait le cercle de famille
Autour de ce feu clair.
Tenons porte fermée et fenêtre bien close.
On ne voit au dehors que cette triste chose :
Un ciel gris et brumeux qui semble s'ennuyer,
N'ayant plus son soleil, ainsi qu'un corps sans âme ;
Les rayons maintenant nous viennent de la flamme
Joyeuse du foyer.
Les arbres ont perdu leur voûte de verdure,
Et les oiseaux ont fui, chassés par la froidure ;
Tout le charme des bois avec eux est parti!
Mais qu'importe au dehors les branches effeuillées,
Quand le cri du grillon, compagnon des veillées,
Dans l'âtre a retenti !
Si la forêt se tait, si la campagne est sombre
Et tristement s'endort dans le silence et l'ombre
Sous un ciel froid pareil au toit noir des prisons,
Qu'importe ! à l'intérieur l'allégresse est plus vive,
On chante, on cause, on rit, et gaîment on active
La fiamme des tisons.
Il fait si bon, blotti près de la cheminée,
Ecouter la rafale au dehors déchaînée
Faire rage, impuissante, autour du chaud logis!
Et, tandis que la pluie à flots se précipite,
Tourner et retourner la bûche qui crépite
Sur les chenets rougis!
Puis quand de neige au loin la campagne est couverte
Et sous ce blanc linceul repose froide, inerte,
Comme sous le suaire un mort dans son cercueil,
Qu'importe ! la maison lumineuse est remplie
De mille bruits joyeux, et bien vite on oublie
Qu'au dehors tout est deuil !
Viens donc, ô triste hiver ! avec ton froid cortège
De pluie et de frimas, de brouillards et de neige,
Avec ton ciel pâli remplaçant le ciel bleu !
Déjà tu couvres tout de tes funèbres ombres;
Maisil nous reste encor, pour braver tes jours_sombres,
La place au coin du feu.
G. LEPRÉVOST.
LA CHANSON
159
ELLE ÉTAIT SI JOLIE!
Je l'ai rencontrée, un beau jour,
Fraîche, pimpante et bien chaussée,
Montrant sa jambe faite au tour,
Sous sa tunique retroussée ;
Il pleuvait, je lui proposai
Un abri sous mon parapluie ;
Un mois après je l'épousai...
Elle était si jolie !
Beaux jours de ma lune de miel,
Vous avez passé comme un songe !
J'ai vu trop tôt que dans mon ciel
Cette lune était un mensonge,
Mais sur mon cœur au désespoir.
L'ingrate, aimée à la folie.
N'en garda pas moins son pouvoir :
Elle était si jolie !
Pour contenter tous ses désirs,
Dans mon ardeur j'avais beau faire.
Sa soif brûlante des plaisirs
N'a jamais pu se satisfaire;
Dieu sait tout ce que dépensa
Sa ruineuse coquetterie,
Tout mon patrimoine y passa :
Elle était si jolie!
Encor si sa fidélité
M'eût payé de mes sacrifices ;
Mais mon amour avait compté
Sans tous ses coupables caprices.
La cruelle me lit, hélas !
Vider, vingt fois, jusqu'à la lie,
La coupe de feu Ménélas :
Elle était si jolie!
Elle n'est plus ! à son tombeau
Où je vais rêver de ses charmes,
Chaque anniversaire nouveau
Me voit arriver tout en larmes ;
Son portrait, sculpté richement
Dans un beau marbre d'Italie,
Resplendit sur son monument...
Elle était si jolie !
Edouard RIPAULT.
D'APRÈS FÉNÉLON
Air de Pkiloctète
En l'altérant, citer de Fénélon '
Une éclatante et profonde pensée,
La tentative est peut-être insensée.
Car on devient plagiaire et félon.
Mais, lorsqu'il peut agrandir son domaine,
Le chansonnier ne doit pas hésiter ;
Donc, mon audace ira jusqu'à chanter :
L'homme s'agite, et... la femme le mène!
Je fais souvent des efforts surhumains
Pour aller voir quelque gai vaudeville,
Où les Grange, les Meilhac, les Clairville
Auront semé le sel à pleines mains ;
Mais Héloïse, aimant le beau Dumaine,
Le mélodrame et tout ce qui"s' ensuit,
A l'Ambigu vite elle me conduit :
L'homme s'agite, et la femme le mène !
Lorsqu'un ami voulut bien m'envoyer.
Le vendredi de la semaine sainte.
Une bourriche, à. l'heure de l'absinthe,
Je m'apprêtai soudain à festoyer ;
Mais, en voyant un gras chapon du Maine,
Angélina frémit, se courrouça.
Et la morue, hélas! le remplaça :
L'homme s'agite, et la femme le mène !
« Le croirais-tu, me dit un député,
« Très librement chaque jour j'invalide,
« Sans que jamais la droite m'intimide,
« L'élu qui n'eut qu'un scrutin frelaté.
i< Eh ! bien, après l'échec de du Demaine,
<i Contre X j'allais encore m' acharner,
« Quand Rose a su pour lui m'endoctriner :
« L'homme s'agite, et la femme le mène !
Je rentre un soir, de fatigue accablé,
Comptant dormir à côté de Gertrude ;
Mais elle, alors, malgré ma lassitude.
De ses faveurs, sans trêve, m'a comblé.
L'ardeur de Phèdre, et le cœur de Chimène,
S'étant ligués pour m'ôter tout repos.
Cette nuit-là j'ai dit fort à propos :
« L'homme s'agite, et la femme le mène. »
Un type enfin, c'est le mari d'Eglé,
Qui, richement doté par la nature.
Parait si fort, dans sa haute stature,
Qu'en bronze pur on le croii'ait coulé.
Veut-il chasser, aussitôt l'inhumaine.
Par les cheveux prenant cet Absalon,
Il est traîné de salon en salon :
L'homme s'agite, et la femme le mène !
MONTARIOL.
A mon bon camarade et collègue G. Bourgeois.
MONSEIGNEUR LE CAPITAL
Air du Rocher de Sutnte-Avelle.
Pauvres humains qui végétez sur terre.
Chacun de vous convoite mes faveurs,
Par mon pouvoir, je chasse la misère,
Et sous mes pas on voit naître des fleurs.
D'un noir taudis, souvent je fais un Louvre,
Tout s'embellit sous mon soufile vital.
En ma présence, allons, qu'on se découvre !
Saluez-moi, je suis le Capital !
Avec raison, je sème des richesses ;
Mais, si parfois, dans un moment d'erreur,
A l'intriguant j'accorde mes largesses,
De l'artisan je stimule l'ardeur;
Dans l'univers, mon pouvoir est immense;
Mon talisman, c'est le brillant métal.
Rien ne résiste à ma toute-puissance :
Saluez-moi, je suis le Capital!
C'est moi qui fais que femme grisonnante
Peut épouser un homme jeune encor.
Et qu'une vierge, au front pur, attrayante,
Se voit livrée au vice pour de l'or.
Séchant des pleurs et creusant des abîmes,
A chaque instant, soit propice ou fatal.
Je pousse au bien, j'inspire aussi des crimes :
Saluez-moi, je suis le Capital!
160
LA CHANSON
Pour obtenir un bonheur illusoire,
Hommes sans foi, vous devenez cruels ;
Fraternité, devoir, amour et gloire
Sont immolés par vous sur mes autels.
Prosternez-vous, taisez votre faconde,
Courbez vos fronts devant le piédestal
Du plus grand roi qui domine le monde :
Saluez-moi, je suis le Capital !
Petitsenfants, lorsque je vous protège,
Vous souriez dans vos riches berceaux ;
Et vous, vieillards, quand la mort vous assiège,
C'est encor moi qui pare vos tombeaux ;
Tout malheureux que ma main déshérite
N'a pas toujours un lit à l'hôpital ;
Car posséder est le plus'beau mérite :
Saluez-moi, je suis le Capital !
H. FÉNÉE.
LE POÈTE ET L'OISEAU
Musique de Emile Picard
Chants et parfums sortent de la feuillée ;
Que dit l'oiseau? que murmure la fleur?
Moi je ne sais, mais mon âme éveillée.
Semble y répondre et me laisse rêveur.
Petits, chantez... n'ayez crainte, mes belles...
Oh! je ne suis ni méchant ni jaloux,
Comme vous mon âme a des ailes...
Je suis un oiseau comme vous.
On naît oiseau : dans l'enfant qui babille
N'est-ce pas vous que l'on entend parler?
Et plus gaîment s'il joue et s'il sautille.
Ne craint-on pas de le voir s'envoler!
A ce penser quel trouble m'inquiète !
Le ciel m'attire et me paraît plus doux ;
L'enfant est devenu poète...
Je suis un oiseau comme vous.
Je vois un nid. Si l'amour n'est qu'un rêve,
Expliquez donc ses miracles un jour!
Le vieux serpent a-t-il pu séduire Eve ?
C'était un nid qui lui parlait d'amour.
Aimer c'est lire à l'éternel poème
Des mots qu'hélas! on comprend peu chez nous.
Je viens d'apprendre comme on aime...
Je suis un oiseau comme vous.
Libres, chantez! chantez, les voix joyeuses!...
Maispi'ès de moi; ne vous éloignez pas :
Ah! redoutez pour vos ailes soyeuses
Cet oiseleur qui vous guette là-bas.'
Sous le ciel bleu tout rayon nous enchante ;
Narguez la cage... à d'autres les verrous!...
C'est la liberté que je chante :
Je suis un oiseau comme vous.
Ainsi que vous j'ai su vivre sans maître ;
Le cœur léger je poursuis mon chemin.
J'espère en Dieu qui me bénit peut-être,
Et cet espoir sourit au lendemain.
Pour un peu d'or, qu'avec peine l'on glane,
Eh ! quoi, j'irais me mettre à deux genoux?
On ne peut ramper lorsqu'on plane...
Je suis un oiseau comme vous.
E. SAVAUDY.
LE VIEUX CORBEAU
C'était l'hiver. Au fond d'une sombre forêt.
Sur les confins altiers de la blonde Lorraine,
Un lugubre corbeau dans l'ombre discourait;
D'affreux gémissements la nature était pleine.
Et ce corbeau disait (bavant avec effort
Quelques lambeaux sanglants) à sa progéniture :
«L'homme, orgueilleux et vain, n'est bon qu'après samort;
Aux petits des oiseaux, Dieu donne la pâture.
Du bruit de vos exploits remplissez la nature,
Détruisez-vous sans fin;
Il faut bien qu'aux corbeaux vous serviez de pâture,
Hommes, nous avons faim!
Depuis cent cinquante ans je parcours l'univeA;
Partout j'ai rencontré quelques champss de bataille ;
Pour connaître les maux de vingt peuples divers.
Sur les cœurs pantelants mon bec a fait ripaille.
Je n'ai jamais jeûné, grâce à de grands guerriers,
Qui, du Dieu des combats se firent les apôtres ;
Nous aurons, mes enfants, des humains par milliers.
Tant qu'on verrasur terre un peuple en gêner d'autres.
Du bruit de vos exploits, etc.
Le monde, cependant, a fait quelques progrès;
Par de nouveaux engins s'accroissent les victimes;
Quelques hommes d'Etat s'assemblent en congrès
Pour décider la guerre et protéger ses crimes.
Tous les jours on invente un canon meurtrier.
Pour un fusil nouveau combien de gens célèbres!
Retenez bien leurs noms, loin de les oublier.
Respectons, mes enfants, ces inventeurs funèbres.
Du bruit de vos exploits, etc.
Je sais bien que, jadis, quelques libres penseurs
Ont murmuré ces mots : La paix universelle !
C'était pour consoler des familles en pleurs
Que ce rêve insensé naquit d'une cervelle !
La paix dans l'univers! que feraient les corbeaux?
Forgez, fondez, limez ; la terre est par trop blanche,
La mort se blottit bien dans des plis de drapeaux ;
Dans l'ombre nous guettoijs ; vous avez dit : Revanche ?
Du bruit de vos exploits, etc.
Soudain un bruit confus interrompt ce discours;
De sinistres éclairs déchirent les nuées;
Des voix d'hommes, d'enfants appellent au secours ;
On voit briller au loin les feux de deux armées.
Rassemblant ses petits, le corbeau dit : « Enfin!
Nous aurons à manger ; car la terre est rougie ;
Bénissons le Seigneur qui fit l'orgueil humain
Et le peuple insensé qui fit la Monarchie !
Du bruit de vos exploits remplissez la nature.
Détruisez-vous sans fin ;
n faut bien qu'aux corbeaux vous serviez de pâture,
Hommes, nous avons faim ! «
Georges DUPLESSIS.
LA CHANSON
161
AVEC ELLE
Je ne vous dirai pas son nom,
Son nom doux comme une caresse,
Et cependant, je le confesse.
Il parfumerait ma chanson.
Ma muse inconstante et rebelle
Semble vouloir faire un effort
Pour chanter une fois encor
Les charmes qui plaisent en elle.
Son caquetage toujours plaît,
Elle est vive et spirituelle,
Et, quand on babille avec elle.
Le temps bien vite disparaît.
Son bon sens est une étincelle
Qui ne brille jamais en vain,
Et sans médire du prochain
On aime à jaser avec elle.
On peut admirer sans détour
Son pied mignon, sa main si blanche,
Sa taille fine, et de sa hanche
On peut adorer le contour.
De lumière son œil ruisselle
Et ses mouvements gra';ieux
Font trouver bien délicieux
L'instant où l'on joue avec elle.
J'aime son rire franc et bon
Qu'avec plaisir chacun répète.
Et qui dessine une fossette
Au bas de son joli menton.
Sa gaîté, déployant son aile.
Nous montre l'émail de ses dents;
On croit toujours avoir vingt ans.
Amis, quand on rit avec elle.
Mais dans l'abandon des plaisirs,
Si parfois la plaisanterie
Dépasse la galanterie,
Un regard calme les désirs.
En amour, je la crois cruelle,
Ses attraits lui donnent ce droit;
Pour être plus heureux qu'un roi.
Il suffirait d'être aimé d'elle.
LÉO TOSTAIN.
MES CINQUANTE-HUIT ANS
Air : La Bohémienne en a menti.
Vous voilà tous, mes chers enfants,
Pour fêter mon anniversaire ;
Avec vous je veux boire un verre
Au souvenir de mon printemps :
Car lorsque vient l'expérience
Ce n'est jamais qu'à nos dépens.
Et l'on regrette son enfance
Lorsque l'on a cinquante-huit ans.
Quand on était jeune, on pouvait
Par-çi, par-là, conter fleurette
A mainte gentille fillette
Possédant attrait sur attrait ;
Mais l'âge rend atrabilaire
Et fait croître des cheveux blancs :
Au beau sexe on ne peut plus plaire
Lorsque l'on a cinquante-huit ans.
J'ai vu les deux Napoléon,
J'ai vu Louis le dix-huitième,
Charles dix et Philippe même.
Sombrer par la voix du canon;
Par une guerre pacifique
Malgré les nombreux dissidents.
Je vois fleurir la République !
Mes amis, j'ai cinquante-huit ans.
Désaugiers, a dit : mes enfants,
(Dans un spirituel ouvrage (*),
« Qui plie à soixante ans bagage
Vécut toujours assez longtemps, m
Bientôt, pour moi, va sonner l'heure
Où l'on quitte amis et parents,
Pour peupler la sombre demeure.
Car, hélas ! j'ai cinquante-huit ans.
Joseph LAVERGNB.
Le Dîner de Madelon, vaudeville
L'HIRONDELLE PRISE AU PIÉ6E
Bien loin du ciel natal une pauvre hirondelle.
Prise dans les filets d'un méchant braconnier,
Disait, voyant partir ses sœurs à tire-d'aile
Sous les rayons dorés d'un soleil printanier :
<c Là-bas, dans mon pays, la colline est fleurie,
« Mon frère le pinson retrouve sa gaîté,
« Ne me retenez pas, rendez-moi ma patrie,
« Et ce bienfait de Dieu qu'on nomme Liberté... »
Pourleurs frères proscrits, quipleurent loin deFrance,
Fauvettes et pinsons, dans les bois réunis,
Invoquent dans leurs chants le pardon, la clémence,
Rendez à ces martyi'S la famille et leurs nids.
« Vivre loin du pays, loin de ceux que l'on aime,
« C'est mourir lentement d'un perfide poison, *
« L'homme doit être bon et c'est le mal qu'il sème,
« L'homme ne doit qu'aimer et je meurs en prison.
« Mon crime, quel est-il? J'ai voulu rester libre
(I Et vos pièges maudits arrêtèrent mon vol.
« Ce cri de Liberté qui dans l'espace vibre,
(; Ne le prononcez pas, ce serait plus qu'un vol !
Pour leurs frères proscrits, etc.
« Sous ce climat mortel j'ai vu tant de misère,
« J'ai vu tant de sanglots, tant d'amères douleurs ;
« Là, j'ai vu l'exilé qui demandait sa mère
« Et murmurait un nom au milieu de ses pleurs.
« C'était un nom d'ami, d'une femme chérie,
« D'un père, d'une sœur, d'un blond et rose enfant,
« L'orphelin sans amis réclamait la patrie,
« Cette mère de tous que l'on aime et défend... »
Pour leurs frères proscrits, etc.
Le printemps est passé, déjà la neige tombe
Et ces êtres chéris sont encore là-bas.
Le sol Calédonien, comme une large tombe.
Pour beaucoup s'est ouvert... il ne les rendra pas !
Il n'est donc plus ici d'air libre, ni de place
Pour ces fils du pays, que brise le malheur ?
La France a donc au cœur comme un monceau de glace
Qu'elle ne s'émeut pas devant tant de douleur ?
Quand donc pourrons-nous dire auxproscrits de la France :
« Venez, frères, venez, tous vos maux sont finis;
<i C'est l'heure de la paix, c'est assez de souffrance,
« Revenez parmi nous, revenez dans vos nids.
RÉMY DOUTRE.
162
LA CHANSON
L'EX-CUIRÂSSIER ET SON CHEVAL
Là, là! plus doucement, ô mon vieux compagnon!
Car le travail est rude à, creuser le sillon.
Et le collier pesant sur ta moite encolure
Pourrait, en la rouvrant, élargir ta blessure.
Là, là ! mais qu"as-tu donc ? A ma voix tu frémis.
Toi qui, jusqu'à présent, fus si doux, si soumis.
Sur le sol martelé ton fier sabot résonne,
Sur ton col arrogant ta crinière frissonne,
Et tu ronges ton mors, le regard plein d'éclats.
Qu as-tu donc?— Je comprends Cegrondementlà-bas
Qui nous arrive sourd, sur l'aile parfumée
Du zéphjr qu'alourdit ces flocons de fumée,
A réveillé soudain tes souvenirs guerriers.
— Rêveras-tu toujours Reischoflén et lauriers?
Calme-toi, pauvre ami, car ce bruit qui t'étonne,
N'est pas le sourd écho de l'obusier qui tonne :
Mais c'est celui d'un train qui, roulant sur son rail,
Vient apporter à tous la vie et le travail.
Va, Cocotte, reprends un maintien moins épique,
Et, cadençant ton pas au bruit d'un cliant rustique,
Dans la plaine, grisé d'enivrantes senteurs,
Trace de droits sillons, en marchant sur les fleurs.
Et quand, avec l'été, nous viendra l'abondance,
Je veux dans ta crinière à la fauve nuance
Placer près du laurier, s'enlaçant à jamais,
Le gai coquelicot, emblème de la paix.
Théophile MATHIERRE.
L'ESPRIT DE PARTI
A Monsieur A. Patay, Direcleur de La Chanson
Paris, le 19 mars 1879.
Pascal avait raison, le « moi » est haïssable, mais il est
des circonstances dans lesquelles il faut savoir vaincre
certaines répugnances ; celles qui me décident à solliciter la
fmblicité de vos colonnes m'autorisent-elles suffisamment à
e faire '? — Vous en jugerez.
Le jeudi 13 courant, je lisais dans le Petit Caporal daté
du di (suivant le singulier usage adopté par tous les
journaux du matin et du soir) l'entrefilet suivant :
« Dans le dernier numéro de La Chanson, revue bi-
mensuelle, nous trouvons une romance d'un M. Echalié qui
porte ce titre :
Nous TENONS LA RÉPUBLIQUE
et au-dessous :
Air : La queue emporte la tête.
La queue emporte la tète ; mais c'est ce que les conser-
vateurs ne cessent de dire. »
Cédant à ma vieille habitude de dire ce que je pensé,
j'adressai à M. Philéas Fogg (???), signataire de l'article
Choses et autres^ cette lettre que je retrace de mémoire :
« Monsieur,
« Je lis tous les jours votre feuille et particulièrement
vos articles qui veulent être mordants et spirituels et qui ne
sont qu'aigres-doux.
« Dans celui de ce matin, vous parlez d'un M. Echalié
auteur d'une chanson intitulée : JVûWS tenons la République.
« Ce un est rempli d'atticisme et rappelle « l'œil
souverain ». Il n'y a vraiment que vous pour trouver de ces
'mots ironiques et dédaigneux qui écrasent un homme.
« Ce M. Echalié, qui est président de la Lice Chansonnière
et membre du Caveau, a sur vous un avantage marqué :
c'est de publier des chansons de lui et qui sont bien à
lui. J'ai lu la sienne, je crois m'y connaître, et je l'ai trouvée
très-bien faite ; elle ne contient pas un seul vers de quatorze
pieds comme celui que vous perpétrez ce matin a Le pauvre
nomme, etc. » Elle a un, avec un hiatus par dessus le
marché.
« Les lauriers de M. Lorgeril vous empêcheraient-ils de
dormir "?
« J'ajoute que vos mots de la fin sont parfois réussis; ils
sont alors, il est vrai, empruntés à l'Evénement, comme celui
d'aujourd'hui sur le magistrat constipé.
« Je serais charmé et surpris de vous voir pubher ma
lettre, mais je n'ose l'espérer.
« Croyez-moi, Monsieur, votre lecteur et votre adver-
saire sans rancune ».
Le 15, dans son numéro du 16, M. P. F. déposait dans sa
Petite Correspondance, à la troisième page, en caractères
microscopiques, les lignes que voici :
« M. Kuel. — « L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on
a, » dites-vous. Pas toujours, cher Monsieur; la preuve c'est
que dans votre lettre vous avez voulu en avoir et que vous
n'avez rien gâté — il est vrai qu'il y a peut-être une bonne
raison à cela... »
Un coup-d'oeil rapide jeté sur le Petit Caporal, à l'article
Choses et Autres de M. P. F. m'ayant laissé ignorer ce
piquant paragraphe, j'adressai aussitôt à M. Philéas un
nouveau billet, chargé cette fois, sans me douter que j'allais
lui fournir les éléments d'un mot vraiment réussi et nulle-
ment emprunté à l'Evénement.
Voici le mot ; c'est à coup sûr l'un des meilleurs qui soit
sorti de la plume acérée de M. P. F. :
« M. Ruel, à Neuilly. — On vous a déjà donné ce matin,
mon brave homme. Inutile, au reste, de charger vos lettres;
votre style est déjà bien assez lourd, allez. »
Etourdi du coup (il y avait de quoi, convenez-en), j'essaie
néanmoins de riposter, sans charger ma lettre cette fois :
Neuilly, 16 mars.
« Monsieur Philéas Fogg,
« Brave homme, soit; je n'ai pas d'esprit, accordé; mais
il y a quelqu'un qui en a plus que vous, Voltahe l'a dit :
c'est tout le monde.
« Alors, pourquoi ne pas prendre vos lecteurs pour juges
en leur soumettant les pièces du procès que j'ai pris la
liberté grande de vous intenter au nom de la prosodie et du
bon goût.
« Ah ! voilà, c'est qu'il faudrait reconnaître ses torts, et il
paraît qu'au Petit Caporal on n'aime pas cela.
« Un de vos chefs de lile, et je dis des plus célèbres, votre
maître à tous, P. Fogg, D. Mocrate, Brumaire et consorts,
en pareille occurrence, n'hésita pas à s'exécuter de bonne
grâce ; ce qu'il fit, il y a dix ans, de la façon la plus galante,
j'aflirme qu'il vous conseillerait de le faire aujourd'hui.
« Voyons, un bon mouvement; mieux vaut tard que
jamais.
« Si vous craignez, de me faire une réclame à laquelle je
ne songe guère, croyez-le bien, insérez ma correspondance
en supprimant ma signature.
« De la pâte ferme à nos lecteurs! allez-vous me répondre.
Rassurez-vous, ils ont la digestion facile. »
Deux jours s'écoulent, pas de réponse. Ce matin 19 mars,
perdant tout espoir, je lance à mon silencieux adversaire ce
billet :
Neuilly, 19 mars 79.
« Monsieur Philéas Fogg,
« Le lendemain et le surlendemain du banquet des fidèles
et de la glorification de l'héroïque journée de Sedan, je
n'avais pas l'outrecuidante pensée que vous puissiez gratifier
de quelques lignes étincelantes le braVe homme qui vous
importune de sa lourde prose, mais après trois jours de
silence, vous me permetti-ez de constater que vous n'avez
rien trouvé de précis à me répondre sur ces deux points :
« 1» Vers de quatorze pieds, perpétré pai' vous avec un
hiatus à la clef
a 2° Mots de la fin empruntés à l'Evénement.
«. Cet aveu muet me suffit, quant à présent. . . »
LA CHANSON
163
L'incident est clos, je crois, ce qui ne m'empêchera pas de
jeter mon coup-d'œil quotidien sur le Petit Caporal, dont je
ne saurais trop recommander la lecture à tous les amis de
la chanson et de la vieille gaîté française .
Sur ce, mon cher confrère, je vous remercie à l'avance
de votre cordiale hospitalité.
Tout et bien à vous,
J. RUEL.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Représentation du 11 mars, à la Renaissance. —
Le monde arrive tard, mais enfin, à dix heures, la
salle est comble. Après l'ouverture de Guillaume
Tell, par M. Canet, pianiste , les planches sont
essuyées assez agréablement par MM. P. Launet,
baryton, Duvergray, ténor, et un jeune comique,
M. Samuel, qui promet. La toile tombe et se relève
presque immédiatement sur une saynette à deux
personnages, Nicole la Repasseuse, due à la collabora-
tion de MM. Raphaël May et Jules Quidant, tous
deux sociétaires, me dit-on. M"° Lévy-NicoUe ne se
contente pas d'être jolie, elle joue avec grâce et sa
voix est loin d'être désagréable. Quant à M. Ramel,
il manque d'aplomb; s'il se tenait mieux eii scène,
peut-être lui découvrirait-on des qualités artistiques,
mais
Avant de porter un jugement téméraire
La seconcle audition me parait nécessaire.
Nous écoutons M. Mortreuil, un artiste conscien-
cieux qui travaille ce qu'il chante. M. Angel de L-U-A
s'est fait bisser dans J'ai i-icn compris ; franchement
il a été drôle. Une conférence au tambour, par
M. Moreaux ; puis le Capoul des sociétés. M. Léon,
tire de son filet de voix tout le parti qu'il est
possible d'en tirer. Des méchantes langues affirment
même qu'avec le filet en question il pêche tous les
cœurs assez naïfs pour se laisser prendre aux ficelles
que pas un chanteur ne dédaigne d'employer. Allez
donc lutter quand on n'a à sa disposition qu'un simple
hameçon !
Après une valse chantée, que M"" Lucie nous a
gentiment roucoulée, j'ai vu poindre le nez de
M.Alphonse?... (rien de commun avec celui que
Dumas fils a rendu populaire). Dans le même moment,
le maître des chants annonçait qu'après la pièce
Livre III, Chapitre I", les artistes des Concerts de
Paris se feraient entendre. J'ai jugé prudent, après
avoir réglé mon bock et donné dix centimes au
garçon (ce qui prouve quel désordre régnait dans
mes idées), de gagner la porte sans avoir l'air de
rien. Avaler M. Alphonse me paraissait trop raide !
Mais, me direz-vous, il est donc des concerts de
Paris? — Oui!... et, de plus, la gigantesque
araignée qui séjourne sous le dôme osseux du type
ci-dessus dénommé n'a pas encore changé de
plafond.
23 mars, à la Fauvette Parisienne, bénéfice de
M. Lourdez, pianiste d'un talent incontestable. —
L'abondance des matières nous force à résumer le
plus possible notre impression sur cette représenta-
tion. Comme entrée, hâtons-nous d'ajouter qu'elle a
été excellente. Nous savourons unFo/-a«-i'e»;musical,
orchestré parM. Lourdez, ainsi qu'un boléro du même,
parfaitement chanté par M. Benjamin. M. Larche a dit
le Hanneton très-finement; M. Henri H., Le Marchand
de vin n'est pas encore fermé ; M"° Angèle a chanté :
Je suis naïve, avec le talent qu'on lui connaît. Nous
avons applaudi de tout cœur M. Marcus dans le
Mariage d'un Cabotin. Ajoutons qu'il y a dans
M. Marcus autre chose qu'un chanteur ; il s'est
révélé parfait diseur et très-bon comédien dans deux
imitations. Citons encore un solo de flûte (auteur,
M. Sannua) et Petit écho, de M. Lourdez, joué sur
harmoniflùte par M. Alberta. — Somme toute, bonne
soirée pour M. Lourdez et les invités, presque tous
sociétaires, qui se sont fait un devoir d'assister à
cette charmante fête intime et lui ont prouvé par
leur présence combien il est sympathique aux
membres de la Fauvette Parisienne.
Dernières nouvelles par fil télégraphique.
Bal des Intimes, Hôtel Continental, tout simple-
ment merveilleux!. . . on s'écrasait! .. .
Même nuit , Union Artistique et Cercle Intime
réunis : Bal costumé!... feu d'ai'tifice tiré par
Rugierri!... pas de malheur à déplorer. Compliment
sincère aux organisateurs Paulin et Garnot ! . . .
Nous publierons dans notre prochain numéro
l'histoire de la société lyrique des Epicuriens.
A. LEROY.
Le Bal des Chevaliers de la Thum donné, le 15 mars,
dans les salons de Valentino, a été très-brillant.
Cette joyeuse société s'est montréeàla hauteur desa
réputation. Devansart a fait exécuter à son orchestre
les danses les plus enlevantes, ajoutant même à
l'occasion des coups de fusil et même de canon. Il y
aura l'an prochain une mitrailleuse! Rassurez-vous,
chères lectrices, elle sera chargée avec des violettes
et des roses.
La Mi-Carême a été fêtée par la société lyrique
Les Enfants de la Seine par un bal, dans son coquet
local de la rue Palestro, 20.
Les dames étaient charmantes et faisaient ressortir
de ravissants costumes et de fraîches toilettes.
C'était un tableau des plus agréables, qu'en-
cadrait dignement une décoration aussi gracieuse
qu'intelligente.
La soirée s'est prolongée jusqu'à deux heures du
matin, et les invités, en se séparant, ne disaient
qu'une chose : déjà!
C'est assez dire qu'on s'était amusé. Constatons
que la bonne part du succès de la soirée a été pour
M. Albert, le pianiste de la société (sur le talent
duquel nous n'avons plus à insister) pour la façon
dont il a exécuté les danses nouvelles les plus
entraînantes.
Les amis de la chanson et de sa sœur la romance
nous sauront gré de leur signaler trois mélodies de
notre ami René Asse, créées par M. Frantz Villaret
dans le grand concert donné salle Erard, le lundi
17 mars, par M"" et M. Buonsollazzi :
Une Berceuse, musique de M. Henri Duvernoy, le
savant professeur du Conservatoire; l'Ame du Rêve,
musique de L. Demortreux, le vaillant directeur du
Jeune Parnasse; la Fleur du Souvenir, musique de
Frantz Villaret, qui, dans la circonstance, s'inter-
prétait lui-même.
Le poète, ainsi que les compositeurs et l'artiste
ont obtenu un vif succès.
164
LA CHANSON
Ces trois œuvres sont éditées : les deux premières,
chez M. Batlilot ; la troisième, chez M. O'Kelly.
A cette occasion, nos félicitations aux promoteurs
d'une soirée aussi brillante que réussie.
Prosper tibia.
Les Gueules-de-loup. — Sous ce titre, on trouve
chez M. Roux-Quentin, éditeur, 43, rue des Petits-
Carréaux, et à la librairie A. Patay, un petit
recueil de chansons dont la plus grande partie sont
inédites. Nous ne saurions recommander trop chaleu-
reusement à nos lecteurs habituels la lecture de ces
bouffonneries et gaudrioles écrites avec la finesse et
l'esprit tout particuliers à notre regretté Léon
Quentin. Ses œuvres complètes formeront six volumes
sous les titres suivants : Les Gueules-de-loup ; les
Rires jaunes, chansons et boutades ; Fumée de ciga-
rettes, chansonnettes et fantaisies ; Les Larmes roses,
bluettes et romances; Les folles du Logis, pochades
et flonflons; Bssais poétiques, œu.vres de jeunesse.
Ali ! si mon père, quelqu'il fut,
Ne m'eut pas mis sur cette terre,
Tort il eût eu, mon père.
Tort il eût eu !
dit-il dans le refrain d'une de ses bonnes bouffon-
neries. — Certes, Quentin ne pouvait mieux dire; son
père a eu mille fois raison de donner le jour à un
poète dont la place était d'avance marquée dans notre
galerie des chansonniers.
A. L. -
NOUVELLES ET AVIS
M. Turquet vient de décider que la pension de
1,200 francs accordée à Edouard Plouvier, mort il y
a trois ans, serait conservée à sa veuve. Cela ne nous
surprend pas de la part du Sous- Secrétaire d'Etat aux
Beaux- Arts.
Nous sommes en retard pour signaler l'apparition
d'un vaillant journal, Le Quartier latin, dirigé par
M. Amédée Folleville. Cordial souhait de réussite.
Nous recommandons à nos lecteurs Le Molière,
journal littéraire et artistique (M. Georges Berry,
rédacteur en chef). Le numéro du dimanche 23 mars
contenait un intéressant article de Jules Claretie
sur le Caveau.
Le Jeune Parnasse, dont la publication était inter-
rompue depuis quelque temps, vient de reparaître,
toujours sous la direction de M. Demortreux, l'habile
compositeur. Notre camarade Alphonse Leclercq,
de la Lice Chansonnière, en est le rédacteur en chef.
M. Paul Avenel prépare la cinquième édition de
ses chansons. Ce volume, considérablement augmenté,
sera orné des portraits de Victor Noir, Martin
Bidauré, Baudin, Barbes, et complété par des notes
historiques très-curieuses.
Seront prochainement publiées, par souscription,
les Premières Chansons de Georges Baillet, avec
portrait de l'auteur et dix musiques gravées.
La Paix, hymne national d'Evariste Carrance pour
les paroles, et de P. Cavallo pour la musique, vient
de paraître chez l'éditeur Lemoine. Disons, en même
temps , que notre confrère Evariste .Carrance ,
l'habile directeur de la Revue Française, vient d'être
nommé officier d'Académie.
L'éditeur Benoît, rue Meslay, 31, vient de mettre
en vente Edmée, romance inspirée à Constant Saclé
par le Médecin des Folles, publié dans le Petit Journal.
Du sentiment, de la grâce, — et une musique excel-
lente due à Tac-Coen : le succès est assuré.
Les écrivains qui désireraient concourir pour
la XP Olympiade de l'Académie des Poètes sont invités
à adresser franco cinq poésies inédites à M. Elle de
Biran, vice-président et archiviste de l'Académie,
22, rue des Missions, à Paris.
Des médailles de vermeil, d'argent et de bronze
seront, comme précédemment, décernées à la suite
de ce concours.
La rive droite a eu jusqu'à ce moment le monopole
des sociétés lyriques. Pourquoi la rive gauche, déjà
si déshéritée au point de vue de la distraction et de
la gaîté, n'en compterait- elle que quelques-unes
dans son sein ?
Un groupe de jeunes gens des VI° et XIV° arron-
dissements, faisant tous partie de diverses sociétés
de la rive droite, ont entrepris d'en fonder une
essentiellement dramatique dans le VI' arrondis-
sement, et font appel à leurs camarades habitant de
ce côté pour l'accomplissement d'un projet dont la
réalisation offrirait tant d'avantage aux jeunes gens
amateurs de plaisirs sains et intelligents.
Pour les adhésions et les renseignements s'adresser
aux bureaux du journal La Chanson.
(Les personnes qui connaîtraient un local con-
venable sont priées d'en donner avis).
La société chorale Les Enfants de la Seine, sous
la directiondeM. P. Cantarel, vientde se reconstituer
pour la saison des concours. Les répétitions ont lieu
les mercredis et vendredis, à 9 heures du soir, rue
d'Aboukir, 74.
Les personnes qui désireraient prendre part aux
études peuvent se faire inscrire aux jour, lieu et
heures ci-dessus indiqués.
Nous publierons dans le premier numéro de notre
troisième semestre les détails de notre second con-
cours poétique.
Nous prions nos abonnés de Paris et des dépar-
tements, qui ne nous ont pas encore fait parvenir le
montant de leur réabonnementdul"'novembre 1878,
de nous l'adresser sans retard.
A. P.
Vente de I<A CHANSON, en gros et au numéro
pour les libraires :
Chez TBAIiIN, rue du Croissant, 5,
Et chez JEANMAIRE (ancienne maison HAR-
TINON), rue des Bons-Enfants, 32.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2" ANNEE. — N° 18.
16 AVRIL 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Le Numéro : 20 cent.
Eevue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le i.^^ A: le 16 de ctiaqvie mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
Le Numéro : 20 cent.
IDMINISTRATION k RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CheF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
Paris, 6 mois 2 fr. 59
Départ», 6 mois 3 »
Etranger, 6 mois 3 50
SOMMAIRE : Notre Matinée (a. patay). — Stances à Béronger (armand silvestre). — Pam qui c/ianfe : la Société lyrique des
Epicuriens (a. leroy). — Curiosités de lu Chaînon : Les Gcus comme il faut (béranger). — Regrets (rené ponsard. —
Adieu (béranger). — La Vieille Clinnson (paroles de coarles Vincent, musique de darcier). — France (leopold sarrade). —
Deuxième Concours poétique du journal la chanson. — Banquet du Caveau (eug. imbert}. — Banquet de la Lice Chansonnière
(l. -HENRY lecomte). — Chronique des Sociétés lyriques (a. leroy, gédiie, prosper tibia, a. patay). — Avis.
NOTRE MATINÉE
La matinée populaire douriée au théâtre du
Château-d'Eau par La Chanson vient de
s'achever. Le résultat ne peut encore être
exactement connu; la recette, nous le crai-
gnons, ne couvrira pas les frais ; qu'importe !
la manifestation de La Chanson aura toujours
eu le mérite de venir la première et de
stimuler tous ceux pour qui l'organisation de
matinées ou soirées spéciales est possible.
Le Comité de la statue lui-même accomplii-ait
son devoir strict en usant de sa grande influence
pour donner à l'Opéra une solennité httéraire
et musicale au profit de l'œuvre.
Nous ferons, quand le moment sera venu,
le compte trop long des difficultés et des
mauvais vouloirs contre lesquels nous nous
sommes heurté. Nous ne voulons aujourd'hui
que remercier hautement et sincèrement tous
ceux dont le concours nous a été si précieux :
M. Jules Claretie d'abord qui, dans une
conférence remarquable, a mis en lumière,
avec un rare bonheur d'expression, les aspects
divers du caractère et du talent de Béranger ;
M. Armand Silvestre qui, sur notre prière,
a presque improvisé les stances admirables
qu'on trouvera plus loin ;
M. Renard, le très-habile directeur de
l'Eldorado, qui a mis, avec une obhgeance
parfaite, ses artistes, son répertoire, sa scène
même à notre disposition ;
Les artistes : M"" Rousseil qui a dit avec
une ampleur magistrale le poétique à-propos
de M. Silvestre; M"'° Bordas, énergiquement
inspirée; M"" Rose Meryss, Amiati, Duparc,
Caroline et Louise Durafour, charmantes et
dignes des plus grands éloges ; M. Darcier,
égal à lui-même ; M. Sarrus, à la voix chaude;
M. Debailleul, si gracieux; et les très-parfaits
acteurs de la Jeunesse de Béranger, MM. Pacra,
Perrin, Gaillard, M"° Rolland, luttant d'esprit
et de verve ;
Le chef d'orchestre de l'Eldorado, M. Charles
Malo, et les accompagnateurs;
M. Emile Durafour, notre collègue de la
Lice, qui, non content de nous apporter l'appui
de son talent aimé, avait bien voulu se charger
de diriger la partie artistique du programme
et s'est acquitté de sa tâche avec beaucoup
de tact et d'habileté ;
M.Victor Garnot, président du Cercle Intime,
et M. Paulin, président de l'Union Artistique,
dont le fraternel dévouement nous a épargné le
soin de démarches et de détails innombrables ;
Enfin les présidents des Sociétés lyriques,
faisant fonctions d.e commissaires dans la salle
où, grâce à eux, pas une réclamation ne s'est
produite.
A tous, encore une fois, merci.
Et maintenant, que beaucoup d'autres,
après nous, travaillent au succès de cette
œuvre nationale : la statue de Béranger.
14 Avril.
A. PATAY.
LA CHANSON
STANCES A BÉRANGER
Dites par M"^ Rousseil, au Théâtre du Chàteau-d'Eau
le 13 avril 1879
Salut, ô Béranger ! Par les temps respectée,
Ta gloire te sui'vit et ne craint plus l'affront.
Car la muse immortelle a mêlé, sur ton front,
Aux roses de Mosohus les lauriers de Tyrtée !
Plus haut que la clameur des sots et des méchants,
Comme un astre affranchi de la brume amassée.
Dans le ciel raj'onnant de l'humaine pensée
Monte ton nom sacré sur l'aile de tes chants.
C'est que la Liberté vengeresse réclame
Ce nom vaillant et pur qu'on voulait lui voler
Et, devant l'avenir fier de le consoler.
Sur son drapeau vainqueur l'écrit en traits de flamme.
C'est que, fidèle au peuple, aux maîtres indompté,
De jours libérateurs doux et vivant présage.
Des autels avilis détournant ton visage.
Tu ne servis jamais qu'un dieu : la Liberté !
Oh ! comme tu l'aimais quand, muette et voilée,
Portant un joug français taillé par l'étranger.
Dans l'ombre où mûrissait l'heure de la venger,
Tu baisais ses pieds nus et sa robe étoilée.
Non, tu n'as aimé qu'elle, et le peuple et ses droits !
Et si ta lyre en deuil, qu'affolait la tourmente,
Au soldat de Brumaire, un jour, fut trop clémente.
Tu ne pleurais en lui que le vaincu des rois !
Ah ! nous avons revu notre France meurtrie.
Sous des pas ennemis ses beaux flancs déchirés ;
Mais, de ces jours amers faisant des jours sacrés,
La République vint, qui vengea la patrie !
Ah! tu mourus trop tôt, bien que mort plein de jours,
Doux vieillard ! — Car enoor, ta chanson d'espérance
Pour la seconde fois eiît consolé la France
Et vers nos foyers morts ramené nos amours !
Oui, tu mourus trop tôt, car cette heure est la tienne
Qui voit la Liberté sourire à nos enfants.
De nos bonheurs conquis, de nos droits triomphants.
Il n'est, ô Béranger, rien qui ne t'appartienne I
De tout ce qui grandit la France d'aujourd'hui
Nous offrons une part à ta grande mémoire. —
D'un pas ferme et vainqueur entre donc dans ta gloire,
0 toi, pour qui le jour de la justice a lui!
10 avril 1878 Armand SILVESTRE.
PARIS QUI CHANTE
La Société lyrique des Epicuriens
Deux cent soixante-dix ans avant J.-C, un célèbre
philosophe athénien, Epicure, enseignait que le
p laisir est le seul but qu'on doit chercher à atteindre ;
mais le plaisir, selon lui, résidait dans la culture de
l'esprit et la pratique de la vertu. Ses sectateurs, les
Epicuriens, n'ont-ils pas tant soit peu dénaturé sa
doctrine?. . . Demandez à M. Massé, leur président
actuel, qui m'a très-obligeamment communiqué les
documents relatifs à sa société, dont je vais succincte-
ment tracer l'historique. (Pardon, chers lecteurs,
d'avoir fait un peud'éruditionàcoupde dictionnaire).
En ce temps-là — 1819 après J.-C. — un restau-
rateur nommé Lemoine hébergeait, tous les lundis
soir, un groupe de joyeux compères fort amateurs
d'un certain plat de lapin, qu'ils arrosaient conscien-
cieusement avec du petit bleu très-coquet, paraît-il,
que les empoisonneurs de nos jours ont complètement
dénaturé, les lâches ! C'était le bon temps à l'ancienne
barrière de la Villette, et les vieux goguettiers
gardent encore le souvenir de l'enseigne du père
Lemoine (A la Grâce de Dieu). Ces bons vivants
faisaient présider leurs balthazars intimes par
un chansonnier jovial dont le nom, s'il n'est pas passé
à la postérité, n'en est pas moins venu jusqu'à nous.
Il s'appelait Camédon, et, quoique aimant rire, ne
négligeait pas le solide. Les petits plats de lapin
succédaient aux litres du petit bleu, et faisaient les
délices de cesjoyeux enfants d'Epicure ; on chantait
de sa place entre deux bouchées, et, quand la
mémoire faisait défaut, on cherchait la rime au fond
. du verre .
La consommation des petits plats augmentant
dans des proportions désastreuses pour les chats du
quartier, il s'en suivit une grève (que la chronique
de cette époque n'a jamais relatée), mais qui eut pour
conséquence le déménagement des Epicuriens .
M. Godard devint alors leur pourvoyeur. Il habitait
Belleville, au coin de la rue de Paris.
La présidence passa dans les mains de Blondel,
chansonnier lui aussi, faisant lui-même la musique
de ses chansons. (C'est le premier qui ait osé com-
poser des airs sans connaître les notes). Il acquit
de la sorte une certaine popularité : ceci prouve
qu'il n'est pas urgent d'être savant pour avoir des
idées musicales ou poétiques. La société s'agrandissant
considérablement, les Epicuriens quittèrent défini-
tivement la banlieue, et s'installèrent sur le boulevard
du Temple, au Café du Capucin. Les Epicuriens
commençaient à s'aristooratiser ; on buvait encore
du vin mais les petits plats étaient passés à l'état de
légende. Les Èp'curiens tenaient alors le milieu
entre la goguette et la société lyrique; un piano, le
premier que les sociétés aient possédé, accompagnait
les chanteurs; aussi le patron de l'établissement,
jaloux de leur succès, transforma-t-il la salle de
réunion en café-concei't. On plie bagage et l'on
s'installe chez M. Maréchal, au coin de la rue
Chariot. Presque en même temps, Blondel quitte la,
présidence et passe la main à son ami Massé, vice-
président, sociétaire depuis 1832, et qui avait
successivement passé par tous les grades. Dès lors,
la société acquit une réputation qu'elle conserve
encore aujourd'hui, malgré la concurrence. On
LA CHANSON
167
organise des bals de famille à l'Elysée Ménilmontant
et au Château-Rouge ; désormais l'élan est donné et
tout marche à souhait.
Les goguettes deviennent de plus en plus nom-
breuses d'années en années; l'administration, s'étant
émue de ces réunions pourtant inoifensives, crut
devoir les faire fermer toutes. Grâce à l'énergie de
M. Massé, les Epicuriens continuèrent à se réunir et
ne furent jamais inquiétés, malgré les orages poli-
tiques qui bouleversèrent la société, et, par contre-
coup, les sociétés.
Voilàtrente ans que M. Massé préside les Epicuriens,
et il ne semble pas devoir quitter la présidence de
sitôt. On lui doit quelques bonnes chansons, entre
autres le Conseil des rats que j'ai toujours entendu
avec plaisir. Il fut douze ans maître des chants à la
Lice Chansonnière; ses œuvres sont imprimées dans
les volumes que ladite société publie annuellement.
Les Epicuriens sont installés, depuis une dizaine
d'années, chez Guerapin (Brasserie des Bords du
Rhin, 35, boulevard Sébastopol). Le dimanche, on
danse ; le lundi on ciiante, et les plus sympathiques
amateurs s'y donnent rendez-vous. Nous ne pouvons
nous étendre plus longuement sur cette société,
mais, nous l'espérons, elle n'a pas dit son dernier
mot. Ajoutons, pour finir, qu'elle a donné naissance
à la plus grande partie de celles existant aujour-
d'hui, et particulièrement aux Moinusiens, présidés
par M. Leroux, et nommés d'abord les Enfants de
Momus.
A. LEROY.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON ()
LES GENS COMME IL FAUT
Air : Vaudeville de Florian.
Non, le grand monde et son jargon.
Mes amis, n'ont rien qui me plaise ;
Dans nos grands cercles à grand ton,
Encor si l'on baillait à l'aise !
La gaîté s'y trouve en défaut.
Au bord des lèvres elle expire :
Mes amis, les gens comme il faut,
Comme il faut ne savent pas rire.
Lise me disait l'autre jour :
— Pour amant j'avais un ministre.
Gravement il me fit la cour,
De ses vœux il tenait registre ;
Le cœur trop bas, le ton trop haut,
Deux fois il ne pouvait me plaire :
Mon ami, les gens comme il faut.
Comme il faut ne savent rien faire.
(•) Cette chanson, de la première manière de Béranger,
parut en 1806 dans la Guirlande de Fleurs. Elle ne figure pas
dans ses œuvres où, assurément, elle aurait tenu sa place.
Nous la publions non-seulement pour nos lecteurs, mais pour
collectionner les œuvres éparses du grand chansonnier.
A. PATAY.
Nous sommes gais dans nos grabats,
Narguons les grands qui nous dédaignent ;
Ils aiment peu, ne chantent pas.
Et de boire ces messieurs craignent.
Le plaisir cache ce qu'il vaut
A ceux que jamais il n'enivre :
Mes amis, les gens comme il faut.
Comme il faut ne savent pas vivre.
BÉRANGER.
REGRETS
Le paganisme auquel je rends hommage,
L'un après l'autre a perdu tous ses dieux ;
L'Olympe est vide, et c'est vraiment dommage
Qu'on ait crevé son pourpris radieux;
Son culte était si favorable aux hommes
Que l'on pouvait, sans crainte pour cela,
A belles dents mordre à toutes les pommes...
On n'en voit plus des Dieux comme ceux-là !
Les rois d'alors, à ce que dit l'histoire,
Conduisaient paître eux-nièmes leurs troupeaux,
Et préféraient aux chants de la victoire
Ceux de la flûte ou des joyeux pipeaux;
Avec leurs bœufs buvant à la même onde.
Ces va-uu-pieds, après un tel gala,
Sans chanceler dictaient des lois au monde...
On n'en voit plus des rois comme ceux-là !
La Grèce avait, elle aussi, ses bohèmes,
Fils du Caprice et de la Pauvreté :
L'un fut Homère : en naissant ses poèmes
Ont pris leur vol pour l'immortalité.
Ce vieux rapsode au sublime délire,
Sur ces baillons que la Muse étoila.
Portait gaîment sa besace et sa lyre...
On n'en voit plus des gueux comme ceux-là?
Souvent, hélas ! de mon cœur qui grommelé,
Je cherche en vain à réprimer un cri.
Lorsque je vois tomber de la mamelle,
Tous ces enfants qui meurent sans abri ;
Je songe au temps où, charitable et probe,
Vincent de Paulj sans pompe ni fla-fla.
Les reeueillait dans un pan de sa robe...
On n'en voit plus des saints comme ceux-là !
Un chansonnier, des rayons de sa gloire,
A couronné les fronts audacieux
De ces grands fous, d'éternelle mémoire,
Dont les regards allaient fouiller les cieux;
Leur renommmée est encor si vivante,
Qu'à leurs noms seuls, les fils de Loyola
Semblent frappés d'une horrible épouvante.
On n'en voit plus des fous comme ceux-là!
René RONSARD.
168
LA CHANSON
^ee/b *>îff/<t^/y-,
ADIBU!
Air : T'en souviens-tu? ou Air nouveau de M. L. Aeadie.
France, je meurs, je meurs, tout me l'annonce.
Mère adorée, adieu. Que ton saint nom
Soit le dernier que ma bouche prononce.
Aucun Français t'aima-t-il plus ? Oh ! non.
Je t'ai chantée avant de savoir lire.
Et quand la mort me tient sous son épieu,
En te chantant mon dernier souffle expire.
A tant d'amour donne une larme. Adieu !
Lorsque dix rois, dans leur triomphe impie,
Poussaient leurs chars sur ton corps mutilé,
De leurs lambeaux j'ai fait de la charpie
Pour ta blessure, où mon baume a coulé.
Le ciel rendit ta ruine féconde ;
De te bénir les siècles auront lieu ;
Car ta pensée ensemence le monde.
L'Égalité fera sa gerbe. Adieu!
Demi-couché, je me vois dans la tombe.
Ah ! viens en aide à tous ceux que j'aimais ;
Tu le dois, France, à la pauvre colombe
Qui dans ton champ ne butina jamais.
Pour qu'à tes lils arrive ma prière,
Lorsque déjà j'entends la voix de Dieu,
De mon tombeau j'ai soutenu la pierre.
Mon bras se lasse ; elle retombe. Adieu !
Extrait diss Œmres
Saints-Pères, 6.
omplètes de Béranger, édition populaire à. 10 centimes la livraison, chez Garnier frères, rue des
LA CHANSON
169
LA VIEILLE CHANSON
Paroles
CBARLESIVINCENT
Allegretto
La vieiljc chanson, mes- a _ mis, Est u.ne bonne fU
.le; Qui' sait l'ai.mcr est vite ad . rais Dons sa graiidp fa . mil'
.le Mais II lui faut des bôuto-cn-train, Pre . naiiLBac.chu.s poi
Musique
de
DARCIER
La vieille chanson, mes amis,
Est une bonne fille ;
Qui sait l'aimer est vite admis
Dans sa grande famille.
Mais il lui faut des boute-en-train,
Prenant Bacchus pour guide,
Qui puissent à chaque refrain
Lever gaîment un verre plein
Et le reposer vide !
Française de mœurs et d'allure,
Tous les ans la vieille chanson
Rajeunit sa voix, sa figure
Dans la vendange et la moisson.
Salut, salut à la vieille chanson ! {bis)
Dame ! Elle n'a pas les grands airs
De la triste romance ;
Elle n'a pleuré qu'aux revers
De notre belle France.
Vint le succès, plus de chagrin :
Sans faire la grimace
C'est elle qui chanta Catin,
La vivandière à l'œil mutin,
Que la victoire embrasse !
Française de mœurs et d'allure,
Tous les ans la vieille chanson
Rajeunit sa voix, sa figure
Dans la vendange et la moisson.
Salut, salut à la vieille chanson ! {bis)
Quand ses premiers maris sont morts,
Entonnant une ronde :
(i Partez, dit-elle, et sans remords
(c Aimez dans l'autre monde!»
La mort a pu, sans effrayer
Cette joyeuse épouse.
Lui prendre Panard, Désaugier...
Car ce n'est que de Béranger,
Qu'elle sera jalouse !
Française de mœurs et d'allure,
Tous les ans la vieille chanson
Rajeunit sa voix, sa figure
Dans la vendange et la moisson,
Salut, salut à la vieille chanson ! {bis)
La vieille chanson aujourd'hui
Se voile et se lamente.
C'est que Béranger s'est enfui
Des bras de son amante!
Plus d'un, voulant sécher ses yeux
En vain court auprès d'elle,
Offrir ses chansons et ses vœux :
« Non, toujours au chantre des gueux
Je veux rester fidèle ! »
Baissant tristement éa figure.
Aujourd'hui la vieille chanson
Remplace son joyeux murmure
Par ce refrain au triste son :
Salut, salut à la veuve chanson 1 {bis)
On trouve la musique de M. Darcier, avec accompagnement de piano, chez M. Labeé, éditeur, rue Notre-Dame-de-'
Nazareth, 3î, à Paris.
170
LA CHANSON
FRANCE!
HYMNE NATIONAL DE LA PAIX
Musique de Ben Tatoux (')
Français, l'avenir nous regarde,
Ornons de fleurs notre drapeau ;
Sous les pas de notre avant-garde
Doit éclore un bonheur nouveau !
De la paix faisons la conquête :
Voilà le plus beau fait guerrier.
France, il manque à ta noble tête
Cette couronne de laurier !
Français, chantons, chantons la France,
La France est l'âme du Progrès;
Chantons, chantons V Indépendance,
L'Amour, le Travail et la Paix\
La France est toujours la première
Quand il s'agit d'humanité.
Elle a gravé sur sa bannière :
Justice, Amour, Fratetmité I
Que la haine, à jamais bannie.
Disparaisse de nos chemins ;
Et que la sublime harmonie
Unisse et nos cœurs et nos mains I
Français, chantons, etc.
Travaillons, travaillons sans cesse.
Le travail donne la gaîté;
Au sol, il donne la richesse ;
A l'esprit, la fécondité !
C'est lui qui donne à la patrie
La vigne, les blés et les fleurs 1
Salut aux arts, à l'industrie :
Salut à tous les travailleurs !
Français, chantons, etc.
Brisant du passé toute entrave,
La vérité reprend ses droits ;
Notre paj's n'est point esclave.
L'égalité dicte nos lois!
A l'horizon de notre France
S'allume une pure clarté ;
Cette aurore, c'est l'espérance :
C'est ton soleil, ô liberté !
Français, chantons, etc.
(*) La musique, avec ou sans accompagnement, se trouve
à la librairie A. Patay, rue Bonaparte, 18.
L'étude à la sagesse unie
Nous aide à triompher du mal ;
L'instruction mène au génie.
Et le génie à l'idéal ! —
Eclairons l'obscure ignorance ;
A créer soyons toujours prêts :
Les plus grands soldats de la France
Seront les soldats -du progrès !
Français, chantons, etc.
Français, laissons tomber nos armes
Et fermons l'ère des combats ;
Assez de deuils, assez de larmes.
Pour le travail gardons nos bras ! —
De la France un jour l'auréole
S'étendra sur le monde entier ;
Et tous les peuples, pour symbole,
Prendront la branche d'olivier!
Français, chantons, chantons la France,
La France est l'âme du Progrès;
Chantons, chantons l'Indépendance,
L'Amour, le Travail et la Paix !
LÉOPOLD SARRADE.
DEUXIÈME CONCOURS POÉTIQUE
Du journal La Chanson
La Chanson fait appel à tous les poètes et chan-
sonniers pour tresser la couronne poétique de
Béranger. Elle met aujourd'hui au concours :
1° Une chanson de six couplets ou strophes au
plus, avec ou sans refrain ;
2° Un sonnet ;
3" Une poésie (ode, dithyrambe, ballade, rondeau,
conte, fable) ne dépassant pas soixante vers.
Le tout se rapportant à Béranger.
Il sera décerné trois prix pour chaque genre, et
des mentions honorables, s'il y a lieu.
Les prix consisteront en un diplôme spécial, avec
allégorie^ et paraphé par tous les membres du jury.
Les pièces couronnées seront, en outre, publiées
dans La Chanson.
Le même auteur pourra prendre part aux trois
concours, mais avec une seule pièce dans chacun des
trois.
Nous publierons, dans le prochain numéro de La
Chanson, les conditions de notre triple concours.
LA CHANSON
171
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 4 AVRIL 1879.
J'avoue que je suis sorti du Caveau, vendredi dernier,
avec un sentiment de mécontentement. Vous le comprendrez.
On s'est cru des dispositions naturelles pour la chanson; on
les a cultivées ; on s'est nourri de la lecture des maîtres ;
on s'est elTorcé de marcher, de loin, sur leurs traces. Et
voilà qu'on entend au Caveau des gaillards comme Nadaud
et deux ou trois autres, y compris M. Grange, qui joignent
la verve à la facture, la profondeur à l'esprit, la philosophie
à la bonne humeur et la morale à la gaîté. C'est véritable-
ment à jeter le manche après la cognée, et à désespérer de
l'avenir.
Une autre déconvenue encore. J'arrive au bamiuet ayant
en poche le récit, en vers s'il vous plaît, de la séance de la
Lice de l'avant-veille. Doux cents vers à peine, et je me
disais naïvement que le Caveau serait heureux de connaître
une fois par hasard ce qui se passe chez une société, non
pas rivale, mais émule de la sienne. Et puis, voilà ([ue, dans
le toast traditionnel à la chanson, le président se plaint de
l'abus des vers. Les tirades lui font peur. Il proscrit les
récits. Le sonnet lui-môme, si discret dans sa brièveté, le
sonnet, qui se fourre partout précisément parce qu'il tient
peu de place, le pauvre sonnet est mis à l'index.
C'est déjà bien assez d'avoir un loast en vers, a dit
spirituellement le président.
Eh bien ! j'ai lancé ma tartine tout de môme, et j'ai célébré
ces bons amis de la Lice; mais je ne possédais pas tous mes
moyens, et j'ai dû, pour éviter de trop fatiguer mon auditoire,
supprimer à la lecture nombre de passages, et peut-être des
•meilleurs. Je serai donc forcé de soumettre à mes lecteurs,
dans l'intérêt de ma gloire et de leur plaisir, mon poème
reconstitué. Je' leur en fais grâce pour aujourd'hui. S'il
m'était arrivé, du reste, d'assoupir tous les convives, on
n'aurait pas eu quarante personnes à léveiller ; nous étions
trente au plus. Les mauvaises langues disent vingt-huit.
Il est naturel que dans une telle disposition d'esprit, je ne
m'étende pas longuement sur les détails de cette soirée, qui,
pour être courte, n'a pas laissé d'être bien remplie. .\u
moment où tant d'esprits sont préoccupés de l'imposante
cérémonie qui se prépare pour le 13 de ce mois, où le
souvenir de Rérauger plane sur toutes les intelligences et
remue tous les cœurs, je serais mal venu à jeter dans le
murmure de l'enthousiasme général la note discordante de la
critique. Un simple procès-verbal suflira pour aujourd'hui.
Plus tard je serai moins bref, et rendrai, à loisir, à chacun
la justice qui lui est due.
Citons donc avant tous, pour ne pas l'oublier cette fois,
Poullain, qui prétend que l'homme est un loup pour soti
semblable. Le Genou, l'Enquête, la Mnin, Mm's, ont fait
briller tour à tour les qualités diverses d'Echalié, de Vacher,
de Lesueur et de Charles Vincent. Montariol nous dit Où le
bât le blesse. Moyneau chante Ce qu'on ne peut dire. Ripault
prouve que Tant vaut l'homme tant vaut la chose, et Fénée
chante de façon à n'être pas accueilli comme un chien dans
un jeu de quilles. Gardons pour la fin, comme dessert, la
Cigale, et la Fourmi, d'une aimable sagesse ; Chanson
maigre, de titre seulement ; et surtout Ascendit cadendo,
ingénieuse et fine contre-partie du refram de Colmance :
Plus on monte et plus on descend.
Auteurs : Julien, Petit et M. Grange.
Eus. IMBERT.
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DU 2 AVRIL 1879.
Les dîners chantants se suivent... et se ressemblent. Au
dessert, un toast rimé ; après le café, nombre de chansons
graves ou folles, bonnes ou mauvaises, toutes bien accueillies.
Je pourrais résumer par ces quelques mots le banquet d'avrU,
mais nos lecteurs s'accommoderaient peu de ce procès-verbal
trop succinct. Les productions dites l'autre soir méritent
d'ailleurs un examen sérieux.
Echalié, le président de la Lice, a eu, le mois dernier, la
mauvaise chance de se déboîter un genou. Condamné à
l'immobilité physique, il n'en déploie que plus d'activité
intellectuelle. Son toast, lu par le vice-président Rubois, et
sa chanson, présentée par ,\deline, valent largement ses
œuvres antérieures. Souliaitons, en employant le mot du
patient, qu'il revienne bientôt à la Lice avec deux bonnes
a pattes. » En satisfaisant tous ses camarades, la présence
d'Echalié mettra fin à l'embarras de M. Caron qui, ayant en
tête abondance de bons couplets, ne peut les en faire sortir,
Car Echalié dans son lit est malade...
très-bon sentiment dont je tiens compte, mais qu'il eût été
logique d'expi'imer autrement qu'en chanson.
Au début de la séance, on avait procédé à la remise du
diplôme de sociétaire à Gustave Nadaud, reçu depuis long-
temps membre de la Lice; formalité accomplie au bruit
d'acclamations qui disaient éloquemment la joie mêlée d'or-
gueil des Licéens. Les honneurs de la soirée ont naturelle-
ment été pour le célèbre récipiendaire, .\lfred Leconte a
chanté Mu Philosophie; Henri Nadot a dit Mon Homonyme,
cl Ciuslave Nadaud a interprété lui-même deux de ses
meilleures productions : Trois mille francs de rente et
l'Epingle sur la manche — on devine avec quel succès.
Sous ce titre, les Effrontés, Eugène Imbert nous peint les
chansonniers du jour attelés au char du progrès et manquant
de respect aux dogmes surannés et aux princes inutiles.
Jouent-ils bien tous ce beau rôle?
Dans Un Voyage en mer, M. Flachat nous conte sa
mésaventure conjugale; mais le dénouement se laisse deviner
trop tôt pour que l'intérêt n'en soulfre pas.
La romance, le refrain bachique et le couplet humoris-
tique ont toujours, à la Lice, des servants fidèles. Chebroux,
en dépeignant les Beaux jours de l'hiver ; Leconte, avec te
Roman de la Vie; Robinet, en' nous apprenant Comment on
parle aux fleurs, expriment de très-poétiques sentiments.
Eugène Baillet célèbre les Gens qui savent boire avec une
conviction que possèdent au même degré Georges Baillet et
M. Picard, maître du genre. /( faut bien faire quelque chose,
de M. Vatinel; Un Miracle, de M. Legentil; Le Budget
communal, de M. Duplessis; On n'a jamais pu savoir,
d'Adeline ; et la Mécanique de Charlotte, de M. Fénée, ont
été accueillis par de francs rires.
J'aurais regret de ne point signaler Vive la République !
de M. Ruel, et surtout le Chant des Braves, de Paul .'Vvenel,
récit émouvant de l'aventure, trop fréquente, hélas! d'une
jeune fille à qui la guerre tue son fiancé. Dans la nuit,
Gervaise entend tous les morts héroïques chanter l'hymne de
colère. A travers ces strophes respire un ardent patriotisme.
Je m'en tiendrai aux comptes-rendus précédents pour les
chansons non inédites, et je terminerai en félicitant les
poètes d'avoir tenu rigueur au printemps retardataire. Le
soleil pâle et larmoyant de l'avril présent ne mérite pas le plus
léger salut : tous l'ont parfaitement compris.
L.-Hbnry LECOMTE.
172
LA CHANSON
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Renaissance, soirée du \" avril. — Loin d'être une
attrape, le programme du l'^' avril a tenu largement
ce qu'il promettait. Fais ce que dois, interprété par
M"° Julia, MM. Ramel et Armand, a pleinement
réussi. Il y a des difficultés dans la diction des tirades
de cet épisode dramatique. M"° Julia et M. Ramel s'en
sont bien tirés; ils ontde plus réussi à nous émouvoir.
M. Mallet jouait le principal rôle às.ns, Monsieur mon
Domestique; il a beaucoup gagné depuis que je ne
l'avais entendu; encore un effort dans cette voie et
nous le proclamerons premier larbin. M"° X, qui
veut garder l'anonyme, par modestie sans doute,
possède des qualités théâtrales qu'elle a l'air d'ignorer;
nouvellement mariée (dans la pièce), son époux,
M. Moreau, lui persuade qu'on pouvait la tromper
avec une Amanda quelconque avant, mais après I
avec une femme ayant des yeux comme ça! allons
donc, est-ce que c'est possible?.. Nous étions joliment
de son avis. Un bravo à MM. Paul Launay etMortreuil
et nos sincères compliments à M"" Rosine qui sait
chanter, dire, faire rire et charmertout àlafois. J'en
oublie et des bons, entre autres M. Marcus, mais notre
cadre a des limites et nous nous arrêtons à regret.
L'Harmonie du Commet'ce tient à prouver qu'elle
possède tous les éléments de succès désirables. Par-
faitement organisée par son intelligent président,
M. Morin, et savamment dirigée par le soliste tant
aimé, M. A. Brevet, elle a, le 6 avril, ajouté un
succès de plus à son actif déjà bien partagé. La
société chorale des Enfants de Lutèce, sous la direc-
tion de M. Gaubert, les a largement secondés pour
cette matinée dans laquelle les noms les plus connus
des cafés-concerts se sont fait applaudir. Citons au
hasard M"" Demay, M. Paulus, M. Brunet, M. Fon-
tenay, de l'Opéra-Comique, M. Renot, du Théâtre-
Français, M"° Nais-Lévy, M. Lamarche, actuelle-
ment au Conservatoire, bientôt à l'Opéra, M"'^ Coyon-
Hervixe, etc. ; puis les solistes de l'harmonie,
MM. Ingand, Oreyfus. Auber, Salingue,Chevy, Somlt.
On comprendra facilement qu'avec de tels noms le
nombreux public ait applaudi de tout cœur en se
promettant de revenir s'il plaît aux organisateurs de
donner une seconde audition, c'est-à-dire d'obtenir
un nouveau triomphe. Entre la première et la
deuxième partie, on a fait une quête au profit des
inondés de Szejdin. S'amuser, c'est bien, mais ne pas
oublier les malheureux, c'est mieux.
Surprise agréable au Cercle du Cotillon, du boule-
vard Voltaire. Au moment où on s'y attendait le
moins, on nous fit passer dans les salons d'à côté
transformés pour la circonstance en théâtre français.
Notre cadre ne comportant pas la critique intime,
nous devrions taire nos impressions; cependant nous
espérons qu'on ne nous en voudra pas d'avoir pour
une fois dérogé à nos habitudes. M"" S. Lasserre
débutait dans Après le bal, comédie de circonstance
s'il en fut jamais. Malgré les difficultés des jeux de
scène dans un espace de 3 mètres cai'rés et si près
du public qu'on pouvait presque tendre la main aux
acteurs. M"" Lasserre s'est montrée à la hauteur de
sa tâche, vaillamment secondée par M. Calixte et un
comédien ayant fait ses preuves. Le public n'a pas
ménagé ses bravos qui leur revenaient de droit.
Les fureurs de l'amour, la pièce de résistance du
programme dramatique, a peut-être moins bien
réussi; cependant les artistes ont bien mérité des
Folies Voltaire. M"° Leroux, toute mignonne en mar-
chande de plaisir, a surpris par son aplomb; elle
savait son rôle et soufflait aux autres. Nous n'avons
pas assez de bons points à leur offrir. M. Aubarède
père manquait un peu de mémoire, mais se rattrapait
si intelligeamment qu'on oubliait qu'il n'a plus
vingt ans. Quant à Calixte et Delafontaine, ils ont
été désopilants. Nos compliments aux organisateurs
de la fête ; on n'est pas plus aimable avec ses invités.
Faisons, pour terminer, cette réflexion en aparté :
le cotillon est une danse bien agréable surtout quand
on a des voisines disposées à faire enrager leur
voisin. A. LEROY.
7 avril 79
Cher Monsieur Patay,
Deux de mes bons amis qui signent de charmantes
lithographies sous le ; pseudonyme de Tal-Zar chez
nos principaux éditeurs de musique, ayant été
calomniés en des termes que je tairai et qui semble-
raient émaner de concurrents envieux, je tiens à
témoigner non seulement de la sympathie que j'ai
pour eux, mais encore à me porter garant de leur
honorabilité et de leur patriotisme. A côté de l'un
d'eux j'ai combattu sous le drapeau de Belfort, je
mets au défi les calomniateurs de pouvoir citer pour
eux un seul des faits glorieux que mes excellents
amis ont à leur actif.
La jalousie seule peut expliquer les méchants
propos qui ont circulé.
Veuillez, dans votre estimable journal, insérer ces
quelques lignes et vous m'obligerez personnellement.
Votre bien dévoué,
GÉDHÉ.
Le mercredi, 26 mars, au restaurant Notta (2, bou-
levard Poissonnière), la société de la Pomme tenait
son seizième dîner.
M. Monselet, bien que de retour de Nice, n'a pu y
assister : la séance était donc présidée par M. Boursin,
père légitime du petit Bonhomme Gérard (l'enfant et
son papa vont bien, très-bien même).
La réunion était peu nombreuse et disposée à se
retirer de bonne heure ; mais elle a jeté les bases
d'une grande fête littéraire et artistique, dont nous
servirons à nos amis la primeur.
Prosper tibia.
Le café-concert de l'Alhambra a donné cette
semaine une petite opérette qui a obtenu un grand
succès que nous croyons mérité.
Titre : Compositeur et Chanteuse. Auteur : M. Albert
Caprès ; compositeur : M. L. Demortreux.
Le poème très réussi est agrémenté d'une musique
fort gracieuse que leurs interprètes, M. Augustel et
M"° Carré, une aimable débutante qui fera son
chemin, interprètent à ravir.
Le Dimanche 4 mai la société lyrique des Enfants
de la Seine donnera sa 4° soirée extraordinaire dans
son local ordinaire, 20, rue Palestre.
A partir du 1" mai f S99, le prix de l'abonnement &
I.A CHAKSom sera de S tr. par an pour Paris et les
départements ; Etranger, le port en sus. Toute personne
qui conservera le n" -1 Osera considérée comme réabon-
née ; nous ferons alors toucher de suite. ^ En cas de
cessation d'abonnement, renvoyer le numéro avec le
mot REFUSÉ sur la bande. I.es abonnements de 8 mois
seront acceptés par mandats-poste.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
LA CHANSON
REVUE BI-MENSUELLE
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
DEUXIÈME ANNÉE : 1879-1880
RÉDACTEUR EN ChEF :
L.-HENRY LECOMTE
Biographies, Chansons
Poésies, Comptes-rendus
des Dîners chantants
DlRBCTEDR- GÉRANT :
A. PÂTAY
Portraits, Musique
Fac-similé, Curiosités
Bibliographie
BUREAUX DE LA PUBLICATION :
LIBRAIRIE A. PATAY, RUE BONAPARTE, 18, PARIS
PRIX : UN AN, 6 FRANCS
2' ANNEE. — N" 19.
1" MAI 1879.
LA CHANSON
Directeur-Géï'ant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" <5c le 16 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, UQ an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : A nos Abonnés et Lecteurs (a. patay). — Deuxième Concours poétique de la chanson. — Pai-is qui chante : la
Société lyrique les Enfants d' Apollon\\. leroy). — Le Livre nouveau (eugène grange). — La Statue de la Liberté (jon lazare). —
Le Dieu Sote/ (dénis langat). — Hommage à Pierre Dupont (j.-c. pieroux). — Toast à la Chanson (ernest chebroux). —
Eugène Imliert (l.-henry lecomte). — Souscription pour Tu statue de Béranger, 2'|'« lùte. — Le Banquet de lu Lice Chan-
sonnière {eug. imbert). — Chronique des Sociétés lyriques (a. leroy, véritas). — Nouvelles et Avis. — supplément : Portrait
d'Eugène Imbert, d'après la photographie de Pierre Petit.
A NOS ABONNES & LECTEURS
Avec ce numéro commence la deuxième année
(le La Chanson.
Nous voulons tout d'abord remercier nos abonnés,
nos lecteurs et la presse de Paris et des départements
pour tous les témoignages de sympathie qu'ils nous
ont prodigués. La Chanson, croyons-nous, a franchi
la période difficile et fait vaillamment ses preuves.
Elle doit cependant entrer dans la voie des améliora-
tions. Le procédé employé pour les derniers portraits
publiés laissant à désirer, nous avons dû les
suspendre et nous décider à de grands sacrifices
pour obtenir de meilleurs résultats. A l'avenir nos
abonnés — nos abonnés seulement — recevront une
fois par mois soit un beau portrait, soit un fac-
similé d'autographe ou une musique. Nous avons
dans nos cartons quantité de bonnes choses reçues
depuis longtemps qui verront successivement le jour ;
nous donnerons plus souvent de la musiqu'e, et, à la
demande de beaucoup de nos correspondants, nous
publierons dans chaque numéro une ou deux poésies
autres que des chansons. Paraîtront également des
articles variés sur la chanson, son influence et son
histoire , des biographies très-intéressantes , des
curiosités chansonnières, et bon nombre de surprises
littéraires. Nous donnerons aussi prochainement de
courtes notices sur les poètes ou chansonniers qui
n'ont pas encore de titres suffisants aux biographies
étendues, et nous invitons nos abonnés écrivains à
nous envoyer, dès aujourd'hui, les renseignements
biographiques et bibliographiques qui les concei'nent.
En tenant ce programme nous devons compter
que nos "abonnés non seulement nous seront fidèles,
mais qu'ils nous prêteront un fraternel concours en
faisant une propagande active pour La Chanson.
Nous pourrons alors faire une publication remar-
quable de ce journal qui n'est pas une spéculation
mais une œuvre loyale et convaincue.
A. PATAY.
DEUXIÈME CONCOURS POÉTIQUE
Du journal La Chanson
La Chanson fait appel à tous les poètes et chan-
sonniers pour tresser une couronne poétique à
Béranger. Elle met aujourd'hui au concours :
1° Une Chanson de six couplets ou strophes au
plus, avec ou sans refrain ;
2° Un Sonnet ;
3° Une Poésie (ode, ballade, conte, fable, etc.) ne
dépassant pas soixante vers;
Le tout se rapportant à Béranger.
Il sera décerné pour chaque genre trois prix, et
des mentions honorables, s'il y a lieu.
Les prix consisteront en diplômes spéciaux, avec
allégorie, et paraphés partons les membres du jury.
Ces diplômes seront de dimensions calculées pour
l'encadrement.
Les pièces couronnées seront, en outre, insérées
dans La Chanson.
Toutes les pièces envoyées au concours seront
publiées collectivement à la seule condition, pour
chaque auteur, de souscrire à cette publication
suivant la quantité de vers insérés. Le prix de la
souscription sera porté à la connaissance de tous
avant le commencement de l'impression.
Le même auteur pourra prendre part aux trois
concours, mais avec une seule pièce dans chacun
des trois.
Les pièces envoyées devront être inédites, non
signées et accompagnées d'un pli cacheté contenant
le nom et l'adresse de l'auteur et portant extérieure-
ment le premier vers de la poésie présentée.
Le Concours est ouvert aujourd'hui 1°"' Mai et sera
clos le 16 juillet 1879, anniversaire de la mort de
Béranger.
Toutes les communications relatives au Concours
doivent être adressées franco à M. A. Patay,
directeur de La Chanson, rue Bonaparte, 18.
LA CHANSON
PARIS QUI CHANTE
La Société lyrique les Enfants d'Apollon
Vers la fin de l'année 1868, j'entrais pour la
première fois dans un petit établissement de la l'ue
de Cléry. J'en vois encore la devanture verte ornée
d'arbustes en toutes saisons, le comptoir à droite,
quelques tables de marbre blanc, et au fond l'escalier
tournant menant au premier. Là, se réunissaient
quelques amis faisant simplement leur partie en
buvant quelques bocks. Un beau soir, quelqu'un dit :
« Si nous fondions une société Ijrique? » Du désir à
l'exécution il n'y a qu'un pas, quand il s'agit d'une
simple formalité. On était à cette époque dans la
période d'empire libéral; les autorisations s'obtenaient
facilement, la préfecture préférant de beaucoup les
réunions chantantes aux réunions politiques! Calixte
fut nommé président à l'unanimité. Le bureau consti-
tué, il ne s'agissait plus que de trouver un titre; on
propose Les Enfants d'Apollon, il obtient la majorité
des suffrages : et voilà comment fut fondée cette
société, comptant aujourd'hui près de onze années
d'existence.
Les jours de réunion furent fixés aux dimanches
ei jeudis dans la salle du premier, petite, basse de
plafond, mal agencée. On y étouffait, le patron de
l'établissement trouvant le moyen d'empiler soixante-
dix à quatre-vingts personnes dans un espace où
l'on tenait bien vingt-cinq à l'aise, ce qui n'empêche
pas qu'on y jouait des pièces à deux et trois person-
nages sur l'estrade servant de scène.
Je me souviens d'un à-propos en vers, signé Calixte,
joué par l'auteur et le joyeux secrétaire Moquet,
aujourd'hui marchand de charbons et bois en gros (je
ne vous donnerai pas son adresse, j'aurais l'air de lui
faire une réclame). Ce gros et bon Moquet remplissait
le rôle d'Apollon, et Calixte, le président, allait le
trouver dans son nuage pour obtenir l'autorisation
de devenir ses enfants et d'en prendre le titre, ambi-
tion grande ! Cet à-propos, finement tourné et inter-
prété non moins finement, obtint un grand succès.
La société devenait tous les jours de plus en plus
nombreuse ; de dix ou douze membres fondateurs, on
comptait, quelques mois après, plus de soixante
inscrits; M. Calixte, devant ce grand succès, eut
une bonne pensée ; il proposa la fondation d'une
caisse de secours ; des représentations furent données
mensuellement au bénéfice de l'œuvre; quelques
mois après, M. Calixte achetait une obligation au
nom de la société. Le résultat dépassait toutes les
espérances ; le succès allait croissant ; malheureuse-
ment, la guerre arrive et disperse, en grande partie,
l'élément jeune de la société. Cependant ceux qui
restèrent, Calixte en tête, se réunissaient encore de
temps en temps. La société quitte la rue de Cléry et
s'installe à l'ancien café Moka, rue de la Lune. La
soirée d'inauguration eut lieu le 6 août 1870, au
bénéfice des blessés de l'armée du Rhin. C'est dans
cet établissement que fut construit le premier théâtre
que les sociétés aient possédé. On se retrouve presque
tous après la guerre, quoique chacun ait fait large-
ment son devoir devant l'ennemi.
La Commune nous disperse de nouveau, et c'est
après ces événements que la société se retrouve rue
de Metz, où elle reprend une nouvelle vigueur.
C'est toujours Calixte qui préside ; on joue des pièces
à quatre et cinq personnages, et les artistes de talent
nous prêtent leur concours. Nous retrouvons les
anciens de la fondation, Gédhé, Ducasse, Moquet,
Alexandre, plusieurs autres dont le nom m'échappe,
et le signataire de cet article, un zélé, je vous
l'assure. Nous transportons les Enfants d'Apollon
chez M. Peigné, 75, faubourg Saint-Martin. Calixte
a quitté la présidence, et, dans l'espace de quelques
mois, elle passe successivement dans les mains de
MM. Vivenis, Dorfeuil, Bonnet, Ambroise; main-
tenant c'est M. Emile qui préside, et, nous l'espérons,
pour longtemps. Ici, nous ouvrons une parenthèse
pour citer quelques passages d'une lettre que Charles
Pérey adressait à Gédhé sous la présidence Vivenis,
en juillet 1876, et que feu le journal l'Indépendant
a reproduite.
« Mon cher Gédhé,
(c Tu la connais, cette société chantante des Enfants
d'Apollon dont tu fus une des fortes colonnes au
temps des présidences successives de nos excellents
Calixte et Bonnet, alors qu'il y avait pour sociétaires :
Varin, Boulland, Leroy, Nérac, Henri, Poirrier,
Dujat, Lange, Adrien et Baptiste, le bon Baptiste,
l'ami Baptiste, le chanteur qui ne chante pas, mais
qui se tord la rate au plaisir d'entendre les autres. Il
me semble bon de donner un souvenir aux anciens...
«... Puisque tu me demandes quelques mots sur
l'ensemble actuel de la Société d'Apollon, sans
remonter jusqu'à sa fondation dont vous avez déjà
parlé, le prétexte m'est favorable et se présente
naturellement; c'est la représentation donnée au
bénéfice de son président, M. Vivenis.... «
Charles Pérey. après avoir fait l'éloge de M. Vi-
venis, et celui des artistes étrangers prêtant leur
concours, passe en revue les Enfants d'Apollon
présents : « MM. Alexandre, Jacquet, Martin,
Beauvillain, Lemarié, RuUon, Francis, escadron
fidèle de la discipline intérieure et très-attentionnés
envers leurs visiteurs.
« M. Emile, un homme de bonne compagnie que les
bravos ne tentent plus, et qui, si j'en crois les indis-
crétions, les obtiendrait encore ;
(( Léonce et Georges, spécialistes de la tyrolienne
qui les fait applaudir. Ambroise, ténor léger dont la
voix est très sympathique. Gérard, également fort
goûté. Ducasse, chanteur sentimental et de douce
émotion.
« M"" Joséphine, Henriette, EugénieetM""^ Francis,
toutes gracieuses et faites pour plaire et charmer,
ce dont elles s'acquittent à merveille.
« Bonnet, l'excellent Bonnet, que l'on voit trop
rarement, l'infidèle, tant de verve, de franchise et
de naturel dans ses rôles et ses chansonnettes. Enfin
Bernardet, le pianiste, chanteur et compositeur, dont
le talent est apprécié et qui, depuis longtemps, devrait
s'être envolé pour de plus hautes régions, si son
amitié ne le clouait aux Apollon... n
Il faudrait citer la lettre entière pour comprendre
toute son importance ; personne n'ignore les motifs
qui nous forcent à nous arrêter.
Ces quelques lignes, écrites il y a bientôt trois
ans, prouvent qu° les Enfants d'Apollon sont bien
vivants. Nous sommes heureux personnellement de le
constater, et nous croyons fermement que, sous la
présidence de M. Emile, la société marchera dans la
voie du progrès, c'est-à-dire continuera l'œuvre si
bien commencée par nos amis Calixte et C'°.
A. LEROY.
LA CHANSON
LE LIVRE NOUVEAU 0
Air DE : Béranger à l'Académie
Hier, amis, je feuilletais un livre
Empreint encor d'un souffle printanier,
Ce livre aimable où Janin fait revivre
L'homme qui fut notre grand chansonnier ;
Et l'âme émue, en le voyant renaître,
Je me disais : — Les chants qu'il sut rimer
Nous ont appris à saluer un maitre.
Ce livre-là nous apprend à l'aimer.
La calomnie à tout renom s'attache,
Sur toute gloire elle épand son venin ;
Mais Béranger, sans reproche et sans tache,
Sort triomphant du livre de Janin.
Sous le fusain qui pour nous le crayonne.
Ses traits si doux semblent se ranimer;
D'un double éclat dans sa tombe il rayonne :
Ce livre-là nous apprend à l'aimer.
On vous a dit : « C'était un faux bonhomme.
Et sous un masque il cachait son orgueil. « .
Ah ! pour savoir comme il faut qu'on le nomme,
Lisez sa vie éparse en ce recueil.
Sous le ciel libre ou du fond des bastilles,
On voit toujours l'homme se résumer
Dans ses chansons qu'il appelle ses filles:
Ce livre-là nous apprend à l'aimer.
Sans vanité, mais fier à sa manière,
A la faveur il déclinait ses droits.
Simple avant tout, quand à sa boutonnière
Un grand voulait attacher une croix :
(' Pour rehausser, disait-il, les mérites
Du vieil habit que je sais estimer.
Dieu dans les champs a mis les marguerites. »
Ce livre-là nous apprend à l'aimer.
De l'humble toit sa muse était l'amie ;
C'est là qu'il puise et donne ses leçons;
Lorsque pour lui s'ouvre l'Académie,
Il s'intitule h un faiseur de chansons. «
Quand elle dit au chantre de Lisette :
« Suspends ici ton luth pour nous charmer, «
Il lui répond : u Je n'ai qu'une musette. »
Ce livre-là nous apprend à l'aimer.
Pour rester libre, il ne voulut rien être ;
Il se dérobe à la célébrité.
Riches, puissants, cherchaient à le connaître.
Et d'aucun d'eux il n'a rien accepté.
En son logis la misère commande.
Mais les faveurs, s'il en va réclamer,
Ce n'est jamais pour lui qu'il les demande :
Ce livre -là nous apprend à l'aimer.
(*) Au moment où le nom de Béranger est dans toutes les
bouches, nous croyons bon de donnex' l'excellente chanson
que le président actuel du Caveau a publiée sur l'illustre
chansonnier, lors de l'apparition du beau livre que Jules Janin
a consacré à Béranger,
A. P.
Oui, sa vertu s'y montre à chaque ligne ;
Et quand Janin fait, d'un lustre nouveau.
Briller cet homme à la fois humble et digne.
Il glorifie un enfant du Caveau.
Joignons le livre à la lyre muette,
Que l'un par l'autre ils viennent s'affirmer ;
Pour ses chansons admirons le poète.
Et par ce livre apprenons à l'aimer !
Eugène GRANGE.
LA STATUE DE LA LIBERTÉ
Un torse exquis, la mamelle puissante.
Un galbe pur rêvé par Phidias ;
Qu'elle était belle, alors que, frémissante,
Elle planait comme Tirésias.
Son œil de feu s'abîmant dans la nue,
Semblait chercher de sublimes clartés;
La déité trop longtemps méconnue
Crispait sa main sous ses nerfs irrités.
Qu'elle était belle, ainsi, demi-pàmée ;
On aurait dit que de poignants sanglots
Sortaient, bruyants, de sa gorge opprimée,
Comme la houle enfle et raidit les flots !
Son front altier, que flèrement couronne
Un bonnet rouge aux chatoyants reflets.
Semble cruel; pourtant elle pardonne
Au durs tyrans, aux tristes roitelets.
Sur cette terre aride, où son pied pose.
Elle a semé d'abondantes moissons
Pour l'ouvrier dont la sueur arrose
Ce sol sacré, qu'encor nous bénissons.
Aimez-la bien, enfants, c'est votre mère ;
Par elle, un jour, vous serez tous unis;
Et que de l'un et de l'autre hémisphère
Les préjugés soient à jamais bannis !
JoB LAZARE.
LE DIEU SOLEIL
0 vous qui ne voulez plus croire,
Je veux vous redonner la foi :
Il est au ciel un dieu de gloire
Qui s'impose à vous comme à moi.
Qu'un vain fantôme armé sans cesse
Ait la foudre pour appareil.
Le vrai Dieu sourit et caresse :
Ah ! bénissons le dieu Soleil !
Que sont les fleurs qui se colorent
Pleines de miel et de senteurs ;
Les blés qui, tout chargés, se dorent;
Les fruits mûrs aux douces saveurs;
Les chants d'oiseaux dans les vieux ormes ;
Dans les coupes le vin vermeil?
C'est le soleil sous mille formes :
Ah! bénissons le dieu Soleil!
LA CHANSON
Par lui cœurs et lèvres s'unissent ;
Par lui, qui nous touche du ciel,
Les nids, les berceaux se remplissent;
Par lui le monde est éternel.
Aimer, ce besoin fait de flamme,
Toujours nouveau, toujours pareil.
C'est avoir du soleil dans l'âme :
Ah! bénissons le dieu Soleil I
Oui, c'est là le dieu véritable
Par qui tout se meut et se tient;
Pouvoir immense, inéluctable,
A qui tout va, de qui tout vient.
Ah! du matin qui nous convie
Jusqu'au soir du dernier sommeil.
Puisqu'on lui tout puise la vie
Adorons tous le dieu Soleil !
Denis LANGAT.
TOAST A LA CHANSON (*)
HOMMAGE A PIERRE DIPONT
Musique de M'ie ¥r. Couturier
Salut à toi ! chantre de la nature.
Amant chéri des sons harmonieux.
Ton noble cœur, au-dessus de l'injure.
Ne s'occupait jamais des envieux.
Et dédaignant leur injuste critique.
Tes fiers accents s'élevaient jusqu'aux cieux.
Quand tu chantais la jeune République,
Les Sapins verts, la Vigne et les grands Bœufs.
Ta noble muse, empreinte d'espérance,
Rêvait d'amour et de fraternité ;
Elle rêvait le bonheur de la France,
Quand tu chantais avec tant de fierté.
Hélas ! depuis, une sombre avalanche
Fondit sur nous, roulant avec fracas ;
Mais la patrie, en son jour de revanche.
Se souviendra de ton Chant des soldats..
Lorsque des dieux tu chantais l'ambroisie.
Le doux nectar, père de la gaîté,
La France alors lut avec frénésie
Tes chants divins, empreints de liberté.
Mais vint l'empire, effroyable tempête,
Qui nous couvrit de désordres confus ;
. La liberté longtemps baissa la tête.
Le rossignol, hélas! ne chantait plus.
Tu soulageais le cœur plein d'amertume
Du travailleur des champs, de l'atelier.
De l'ai'tisan faiblissant sous l'enclume.
Quand tu chantais le Chant de l'ouvrier.
Tes chants d'amour, plus puissants que la haine.
Versent dans l'âme un sublime trésor !
Et la vertu domine en souveraine
Dans la Légende et les Cent louis d'or.
Repose en paix, cher, illustre poète.
Vois tes amis en ces lieux réunis,
Où, chaque année, ils célèbrent ta fête.
Près de la Saône aux rivages bénis.
Et sur ses bords, vrais témoins de ta gloire.
Où tu jouais, enfant, en liberté.
Un monument digne de ta mémoire
Dira ton. nom à la postérité.
J.-C. PIEROUX.
Chanson, âme de nos festins.
Pour qu'on en garde la mémoire,
Dis-nous un peu de ton histoire,
Viens-tu des Grecs ou des Latins ?
Dis-nous le secret de ton âge.
Dis-nous à qui tu dois le jour.
Est-ce à Bacchus? est-ce à l'Amour?
Viens-tu d'un fou? viens-tu d'un sage?
Viens-tu des hommes, ou lies Dieux?
Pour rendre tes charmes fidèles,
Faut-il te peindre avec des ailes?
Es-tu de la terre, ou des cieux?
L'historien cherchant la trace
De ta naissance et de ton nom,
Des bras du tendre Anacréon,
Te fais passer dans ceux d'Horace.
En France, tu parais plus tard.
Rabelais, qui de toi s'inspire.
Te communique son franc rire ;
Tu séduis Piron et Panard.
Puis, bientôt, Désaugiers jalouse
Ces aimables voluptueux;
Enfin, un robuste amoureux,
Béranger, un matin t'épouse.
0 chanson, rayon de gaîté.
Le ciel dut t'envoyer sur terre
Pour faire oublier la misère
Dont le genre humain est doté.
Reste la muse grave ou folle,
Vivant par l'esprit et le cœur.
Gardant toujours pour la douleur
Le refrain qui berce et console !
Chante l'amour et ses élus;
Chante le doux jus de la grappe ;
Du bout de ta marotte frappe
Sur le vice et sur les abus.
Reste cette muse féconde
Qui, pour aider l'esprit nouveau,
Veut aussi porter le flambeau
Qui doit un jour guider le monde.
Chanson, je bois à tes succès;
Qu'elle soit ou grecque ou latine,
Peu m'importe ton origine.
Ton cœur sera toujours français !
Ernest CHEBROUX.
(') Notre parrain et ami Chebroux, de la Lice Chanson-
nière, vient de réunir, pour ses amis seulement, ses toasts
de la présidence. Nous sommes heureux de mettre sous les
yeux de nos lecteurs_un extrait de notre exemplaire.
LA CHANSON
EUGÈNE IMBERT
Les critiques moroses marchandent l'admiration
aux contemporains, sous prétexte que l'on n'en a
jamais assez pour les morts. 11 est inutile, suivant
eux, d'écrire des chansons après Béranger, des fables
après La Fontaine , ces maîtres ayant élevé la
chanson et la fable à une hauteur que nul ne saurait
atteindre. D'un ton sentencieux, ils disent donc aux
génies disparus : « Vous n'aurez point de successeurs
dans la voie où vous avez marché ; vos travaux ne
féconderont pas d'intelligences; votre gloire sera
immortelle, mais de l'immortalité des tombeaux, et
les générations se contenteront de décliifFrer votre
parole comme les hiéroglyphes des Pyramides. » —
Langage absurde, injurieux pour ceux-là même dont
on prétend protéger la mémoire, et que les rimeurs
de notre temps font bien de ne pas écouter. Tant
que le soleil éclairera le monde et mûrira les raisins,
tant que l'amour éclora dans les cœurs, tant que les
sentiments humains, joyeux ou tristes, trouveront
dans l'expansion un accroissement de vitalité, poésies
et chansons auront raison contre les plus solennelles
théories.
Si bien doués, d'ailleurs, qu'aient été les poètes
du passé, les champs d'idées qu'ils cultivèrent sont
assez vastes pour qu'on y puisse, après eux, glaner
de nombreux épis. L'important est que la récolte
nouvelle soit faite avec discernement- et une origi-
nalité véritable de procédés. Ce discernement, cette
originalité sont les qualités distinctives du chan-
sonnier que nous racontons aujourd'hui.
Eugène Alphonse Monet de Maubois, dit Imbert
(du nom des parents quil'ont élevé, sa tante paternelle
et le mari de celle-ci), est né à Paris le 14 mars 1821.
Après de bonnes études au collège Charlemagne,
il suivit pendant un an le cours de droit, sans y
prendre goût, et entra dans l'administration en 1843.
A dix-neuf ans , sa muse préludait jjar deux
romances, Dans l'exil. Est-ce pécher? Nous donnerons
un couplet de cette dernière, écrite sur un ton
ravissant de naïveté :
L'autre soir, près de la chapelle.
Passait, fredonnant un refrain,
Malhurin ;
Aussitôt, sans que je l'appelle.
Il m'accoste, et sur le chemin
Prend ma main.
Joyeux, sur son cœur il la serre,
.le ne pouvais pas l'empêcher...
Seulement j'ai souri, mon père.
Est-ce pécher?
Conduit dans quelques sociétés lyriques, Eugène
Imbert y prit part à divers concours, obtint plusieurs
prix, et sentit s'accroître d'autant son goût pour la
chanson.
Depuis plus de vingt années, Imbert rimait des
couplets auxquels il n'attachait pas grande impor-
tance, quand Thaïes Bernard, un maître poète, lui
conseilla de réunir ses productions en volume. Elles
parurent chez Havard, en 1862, sous ce titre :
Ballades et Chansons, avec un avant-propos de
Thaïes Bernard affirmant Imbert comme le premier
chansonnier de l'époque. On nous permettra de nous
arrêter à cet important recueil.
Le volume s'ouvre par une préface en couplets où
le rôle de la poésie chantée dans les temps passés et
présents est finement apprécié :
Aux champs, la ballade crédule
Charme encor les longs soirs d'hiver.
Tandis qu'à l'atelier circule
Un couplet parfois un peu vert.
On ehanlail, même aux barricades.
De vieux airs tout bas regrettés...
Rêvez, ballades;
Chansons, chantez!
Puis défile tout un essaim de chansons philoso-
phiques, populaires, fantaisistes, attendries ou
badines, très-remarquables la plupart.
Eugène Imbert aime la nature ; il la célèbre dans
des vers d'un fraiscoloris, pleins de sentiments délicats
et de persuasive éloquence. Ecoutez ce vivant tableau
de l'Automne :
La terre est froide et le ciel gris ;
Et vers la colline embrumée
Des chaumes, rustiques abris.
Monte une bleuâtre fumée.
Le meunier rallume en tremblant
Les sarments que sa main tisonne.
Et nargue, en vidant son pot blanc.
Le premier brouillard de l'automne.
// a neigé ce matin, poésie charmante dans laquelle
l'auteur unit heureusement les êtres et les choses,
mérite une mention particulière :
Comme les dernières pensées
St' l'uncnt aux vcnls dus hivers,
Loi'sqno mes cliiinsniis (lis|ii.'rsées
.loucheront les cheniiiis déserts,
Ile mes refrains, si frais la veille,
Vicndras-tu pleurer le destin.
En murmurant à mon oraille :
Il a neigé ce matin?
Les Amis du lierre. Bi'ises d'avril. Déranger, Mon
pauvre village. Ne vends pas tes baisers. Gardons nos
souvenirs, sa Fenêtre, et dix autres, sont également
écrites avec une sensibilité délicieuse.
La poésie sociale est aussi brillamment représentée
dans le recueil d'Eugène Imbert. La Tour Saint-
Jacques . Notre-Dame, Garibaldi, Lamennais, la
Chanson du bouleau, donnent la note grave du
penseur ému des épreuves subies, soucieux des périls
futurs, apôtre quand même du progrès humain.
Eugène Imbert réussit également le tableau popu-
laire et le couplet fantaisiste. Le Rat du septième
Léger, Quand je n'avais pas de chemise, C'est trop
long. Enclume et Marteau, la Saint-Propriétaire, le
Café des Incurables, le Pavillon du Vieux Lapin, Mon
Jeune Homme et surtout les Bottes de Bastien, imitées
ou contrefaites une centaine de fois, ont obtenu dans
le monde des lettres, dans lés réunions chantantes et
dans la rue le plus éclatant et le plus légitime succès.
Les œuvres poétiques d'Eugène Imbert ont été
rééditées, en 1870, sous ce titre singulier, Les
Hannetons, et, en 1875, sous celui de Chansons
choisies. Ces deux volumes, déjà rares, contiennent,
comme de raison, les couplets récents de l'auteur.
Ils méritent, autant sinon plus que leur aînés,
l'attention de la critique; mais le défaut d'espace
nous empêche de citer autre chose que des titres.
Signalons donc aux amateurs de chants sérieux :
LA CHANSON
Olivier Basselin, les Chansonniers, Encore un jour,
l'Etabli, la Nuit, Il fait soleil, le Clocher, les Feuilles,
la Ferme, Confiance, le Chasselas, et aux gourmets
de gaîtés spirituelles : Ma Pipe, les Hannetons, les
Grèves, Nous ne sommes pas ivres, le Bout de l'an
d'un Goguettier, l'Original, la Troisième.
En plus de ses chansons publiées, Imbert garde
pour ses intimes nombre de refrains politiques ou
d'actualité. Ses poésies principales ont été mises en
musique par Henri Streich, Faure, Darcier, Duval,
CoUignon, Roger, Etienne Rey, Marquerie, Jeannin,
Vaudry, etc. Il a composé lui-même quelques airs :
Mon pauvre village. Il a neigé ce matin, de lui ; la
Route, de Supernant; Fleurs et Douleurs, de M°"= Elle,
et d'autres.
Eugène Imbert n'aime pas seulement la chanson,
mais il saisit toutes les occasions de rendre justice ou
hommage aux cliansonniers. L'épitaphe de Drappier,
au Père-Lachaise ; les vers sur la tombe de Voitelain,
à Neuilly; les strophes improvisées à la mort de
Ch. Qille et- les vers pour son bout de l'an qu'on
croyait être le dernier; une chanson sur Pierre
Dupont ; divers éloges de Béranger ; enfin le souvenir
aux membres disparus de la Lice, publié dans ce
journal, tout affirme éloquemmentle sentiment fra-
ternel dont le poète est animé.
Le côté remarquable du talent chansonnier d'Eu-
gène Imbert est la forme, une forme élégante, nette,
irréprochable, que Béi'anger seul jusque-là avait
aussi pleinement possédée. On ne s'en étonnera
guère, quand on saura qu'Imbert a composé un
remarquable Traité de prosodie moderne, et qu'il a
publié nombre de pages très-littéraires dans le
Mousquetaire de Dumas, le Journal de Paris (où il
faisait, concurremment avec About, l'article théâtre),
le Biogène, le Tarn Tarn, la Muse Gauloise, le Réveil,
la Tribune Lyrique, et dix autres feuilles. Son talent
d'analyse, que nos lecjteurs ontpu souvent apprécier,
est tel qu'après la lecture de l'article qu'il publia,
dans La Chanson, sur les poésies de Max Buchon,
Champfleury lui écrivit une lettre étonnée et ravie,
commençant par ces mots : « Il existe donc encore
un sens critique en France? «
Indépendamment des œuvres que nous avons
cnumérées, Imbert a publié, en prose : Affaire
Clemenceau, Réquisitoire de l' Avocat-général, opuscule
qui, tout en réfutant les paradoxes fatalistes de
M. Dumas fils, est une imitation du style emphatique
des organes ordinaires du ministère public. Il a, de
plus, réuni en une brochure intitulée La Goguette et
les Goguettiers toute une série d'études sur le monde
de la chanson, dont la lecture est des plus ins-
tructives.
Sous un abord froid, Imbert possède une nature
ouverte et franche. Sans fiel, mais enclin à la
raillerie, il s'est attiré de quelques-uns le reproche
de n'être pas sérieux. Ceux-là confondaient évidem-
ment la sincérité avec la pose. Un chansonnier n'est
pas obligé d'être gourmé et de s'ériger en prophète.
La bonne santé produit la bonne humeur, et Imbert,
Dieu merci, se porte à merveille.
Par sa science du vers, par l'élévation de ses idées,
Eugène Imbert mérite d'être placé au premier rang
des chansonniers modernes. — Le concours actif qu'il
veut bien prêter à notre journal ne nous a pas semblé
une raison suffisante pour taire le bien que nous
pensons de lui.
L.-Hbnry LECOMTE.
SOUSCRIPTION
Pour élever une Statue à Béranger
2n»e Liste
La Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs
de musique (différence de la somme de 200 fr.
publiée dans la l'" liste avec celle de 500 fr.
votée par cette société) 300 »
MM. Mignet, de l'Institut 100 »
Ernest Legouvé 25 »
Henri Martin 20 »
E. C 2 »
447 »
1>|= liste 1.865 25
Total 2.312 25
Aucune des listes en circulation n'est encore
rentrée.
Le Pétard (Alfred Le Petit, directeur) reçoit les
souscriptions pour la statue de Béranger dans ses
bureaux, 128, rue de Courcelles, à Levallois-Perret.
M. Evariste Carrance vient d'ouvrir la souscription
dans les colonnes de la Revue Française, qu'il dirige
si brillamment depuis quatre ans, à Agen (Lot-et-
Garonne).
Le Midi Artiste de Toulouse agit de même, et fait
un chaleureux appel aux directeurs des théâtres de
cette ville pour qu'ils organisent des représentations
au profit de la statue du grand poète.
Tous nos remerciments, chers confrères.
H. L.
Trois omissions regrettables ont été commises
dans l'article d'en-tête de notre dernier numéro,
article écrit à la hâte et dont nous n'avons pu revoir
les épreuves. Nous avons oublié de rendre justice à
M. Victorin, de l'Eldorado, pour la façon chaleureuse
dont il a dit le récit patriotique de Jemmapes ; deux
rappels successifs ont afiirmé son grand talent.
M. Eugène Petit, le sympathique accompagnateur
que tout Paris connaît, mérite aussi nos remerci-
ments. Enfin, nous tenons à dire que l'admirable
buste de Béranger, signé par M"' Fanny Davenne,
et qui a servi à la cérémonie du couronnement, nous
avait été très-gracieusement prêté par M. Denis,
un de nos abonnés, grand ami des arts et des choses
littéraires.
Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs
que la belle conférence sur Béranger, faite par
M. Jules Claretie au début de notre Matinée, sera
prochainement publiée à notre librairie, au profit de
la souscription pour la statue du grand chansonnier.
Nous donnerons, dans le prochain numéro de La
Chanson, le chifi"re exact des dépenses et des recettes
de notre Matinée.
La rive gauche aura prochainement aussi sa
grande matinée pour la souscription Béranger. Les
sociétés lyriques du cinquième arrondissement, sur
l'initiative de l'une d'elles, préparent une représen-
tation à la salle de la rue d'Arras. Toutes les sociétés
lyriques suivront évidemment cet exemple.
LA CHANSON
LE BANQUET DE LA LICE CHANSONNIÈRE
DU 2 AVRIL 1879
Raconté au Banquet du Caveau, le 4 avril
Ceci n'est qu'une simple esquisse.
Ah ! c'est vrai, vous ne savez pas :
Mercredi j'étais à la Lice ;
C'était avant-hier. Gai repas.
Sur ma foi ; brillante assemblée.
Bonnes chansons! Quant au nectar...
La fête, que rien n'a troublée.
Se prolongea même un peu tard.
Donc, bien que le travail lui pèse,
Votre serviteur a pensé
Que le Caveau serait bien aise
De savoir ce qui s'est passé.
On m'accuserait de malice.
Et — qui sait? — d'un dessein pervers
Si pour le dîner de la Lice
Je ne rimais pas quelques vers.
Mais, si ma verve ne s'allume,
Je risque de rester capot :
0 Vincent, prête-moi ta plume !
Prêtez-moi votre encre, ô Kipault!
Que ce calembour de goguelte
Chez vous n'excite pas d'émoi :
Il est bon, mais sur votre tète
Je jure qu'il n'est pas de moi.
Soixante-dix ! Table superbe !
Vous savez à qui l'on a bu.
Tous, depuis le poète imberbe
Jusqu'au vieux chansonnier barbu ?
A la chanson, dive bacchante.
Voix de l'éternel renouveau.
Ici grave, ailleurs provocante;
La chanson, muse du Caveau!
Sait-on où le bonheur réside ?
Est-on mieux mort, debout, assis?
Pour lUibois, qui ce soir préside.
C'est le Cadet rie ses soucis.
Salut, lîaillet, jeune poète.
En train de passer chansonnier!
Attendez que pousse sa crête :
Il ne sei'a pas le dernier.
Or, tandis que Georges moissonn*
Dans le champ de l'Humanité,
Gonet prend sa voix polissonne
Et sacrifie à la Gaieté.
— Dans ce monde rien ne repose.
Ecoutez l'ami Vatinel :
Il faut bien faire quelque chose,
Prêche-t-il d'un ton solennel.
— Que faire, quand sous la ramure
Deux à deux errent les amants?
Désenchanté, Chocque murmure :
Envolez-vous, rêves charmants f
Legentil, bravant les obstacles,
Décoche d'un air résolu "
Sa chanson sur les faux miracles ;
Un vrai, le savoir, a bien plu.
La chanson n'aime pas la gêne ;
Elle s'échauffe à boire frais.
Ainsi parle Baillet (Eugène),
Dit le baryton du Marais :
Vivent les gens qui savent boire f
Ce n'est pas un refrain d'ici.
Les buveurs ont aussi leur gloire!
Parbleu, les chansonniers aussi!
Hachin, dédaigneux des sornettes,
A pris son plus caustique accent
Pour nous dépeindre les Venettes
De ce malheureux cinq pour cent.
Puis le gros Flachat nous régale
D'un drame triste, sombre, amer :
Mal de cœur, transe conjugale
D'un bourgeois qui voyage en mer.
— Fi des peintures épicées !
Nous devons au grave Picard
Des stances finement pensées.
Des vers ciselés avec art.
Cette fois pourtant il fait trêve
Par hasard à sa gravité.
Et, pour caresser un doux rêve,
Il met la raison de côté.
Un autre... Diable de mémoire!
Je n'en ai pas plus qu'un linot.
C'était... voyons : un nom à boire...
Robin..., Robinet..., Robinet!
Oui, Robinet ? sa fine oreille.
Dans la plaine aux mille couleurs,
Du papillon et de l'abeille
Apprend Comment on parle aux fleurs.
Ruel, si prompt à la réplique.
Ne redoute pas les moqueurs ;
Son cri : Vive la République
Anime, électrise les coeurs.
Cahen, j'ai le droit de le peindre.
Et de le charger, si je vçux.
Car ce n'est pas moi qui puis craindre
Qu'il vienne me prendre aux cheveux.
Mais redoutez son caractère.
Car il vous traite, sans quartier.
De gueusard son propriétaire
Et de Dumolard son portier.
Je devrais, dans celte bluette,
M'arrêter court et rester coi,
Mais il ne faut pas que j'omette
Un seul auteur; voici pouniuoi.
Désertant sa noble bannière.
Jadis plus d'un épicurien
Faisait la Lice buissonnière.
Et sa femme n'en savait rien,
A présent, il faut que ça change ;
Et, grâce à nos comptes-rendus.
Il doit rendre compte à son ange
Des instants loin d'elle perdus.
— Monsieur n'a plus liouvé sa route !
Comment ! lu n'as donc pas chanté ?
Où donc étais-tu? Je m'en doute.
La Chanson ne t'a pas cité.
Oui, Chanson, c'est là que tu brilles :
On le devra, pour quelques francs,
La tranquillité des familles,
La moralité des parents.
Mais voici toute une fournée
De joyeux enfants du Caveau :
Leconte, Nadaud et Fénée
Viennent partager notre veau.
— Haine, amour, dévouement, envie.
Peu de printemps, beaucoup d'hivers :
Tel est le Roman de la vie.
Que Leconle nous conte... en vers.
Fénée, auteur infatigable
Qui ne manque pas un banquet,
A daigné se montrer aimable
En traitant un sujet... coquet,
Un sujet qui le ravigote ;
Il chante, pour nous dérider,
La mécanique de Charlotte,
Que rien ne peut raccommoder.
Nadaud n'a pas le fouet qui cingle ;
Blesser n'est jamais son projet ;
Mais sur la pointe d'une Epingle
Il bâtit un piquant sujet.
Alors Nadot (Henri) s'anime ;
11 se courrouce, à tort, je crois ;
II se plaint que son homonyme
Veuille pour lui porter sa croix.
Après l'auleur des deux Gendarmes,
Chebroux, sur un ton différent.
De l'Hiver célèbre les charmes :
Lourde tâche qu'il entreprend!
Rapprochement assez comique :
Dans ce banquet tout fraternel.
J'applaudis ta voix sympathique,
Jullien, qui n'es pas d'Avenel;
Or, au banquet de La Chapelle
— Entre les deux nouveau lien —
Je trouve un auteur qu'on appelle
Avenel, qui n'est pas Juhen.
Celui-là, sur les cordes graves.
Célèbre un sujet palpitant :
Il fait chanter... le C/iomp desbravest
Je fiissonnais en l'écoutant,
Et je me disais, l'âme émue :
Pour mieux égayer le repas.
S'il nous disait son Pied qui r'muet
Echalié ne l'enlendra pas.
Caron, dont la verve est badine.
Porte un nom terriblement noir;
Mais que chantait donc Adeline?
Dame, on n'a jamais pu savoir.
— Et vous? — Monsieur est trop honnête:
En vers durs, mais bien écoutés.
Moi, j'ai peint ma propre binette.
Car j'ai chanté les Effrontés.
Puisque en ce moment je plaisante
En critique exempt de venin.
Permettez que je vous présente
Mon cher camarade Jeannin.
Que voulez-vous qu'on lui réponde?
Il chante, quand on va partir :
On ne peut pas plaire à tout V monde.
Vieax proverbe, qu'il fait mentir.
Du grotesque il a le génie.
Et chacun se perd en suppo-
sitions sur cette manie
Qu'il a de marcher sans chapeau.
Je le connais de longue date,
Et n'en suis plus trop esbrouffé ;
Je sais qu'en lui-même il se flatte
(11 est bon!) d'être né coiffé.
Ce récit n'est pas très-épique,
Mais comment n'être pas banal
Quand on rédige une chronique
En style de procès-verbal?
Ainsi la muse est honorée
A La Chapelle, près Paris.
Dites si pareille soirée
Ne vaut pas cent sous, vin compris?
Cet ancien bourg de La Chapelle
(Je suis dévot à ma façon).
Je proposerai qu'on l'appelle
La chapelle... de la chanson.
EuG. IMBERT.
LA CHANSON
CHRONIQUE DES SOCIETES LYRIQUES
Le lundi 21 avril, l'Union et Gaité fêtait l'anni-
versaire de sa fondation par une grande solennité
musicale et dramatique. Exceptionnellement, pour
la circonstance, M. Guilhot avait gracieusement offert,
son siège présidentiel à M. Varenne, ex-président
fondateur, qui a cru bien faire en cédant la direction
à l'élément jeune de sa société. Un programme
alléchant avait attiré le public d'élite des sociétés
lyriques ; beaucoup de jolies femmes, c'est même
étonnant ce qu'il y avait de jolies femmes! enfin,
pour notre part, nous ne nous en plaindrons jamais.
Les deux champions de la soirée ont été M"° Lévy,
de qui l'éloge n'est plus à faire, et M. Hurbain. Tous
deux, après un discours bien senti de M. Varenne,
reçurent le diplôme de Membre d'honneur aux
applaudissements répétés de toute la salle.
La petite Emilie Préaux (âgée de dix ans) a,
comme toujours, obtenu un grand succès. M.Larche,
de la Fauvette Parisienne, a fort bien dit La Conscience
de V. Hugo; M. Jules Raux nous a chanté Le Vieux
buveur de vin, un succès de sa composition. On a
fait une quête pour les pauvres de l'arrondissement,
et la soirée s'est terminée par On demande des
domestiques, parfaitementinterprétépar MM. Berlioz,
Willaume et Bouvier.
Le 5 mai, le Cercle Intime donne une grande
représentation au bénéfice de M. Félix, le dévoué
garçon des sociétés du Café du Globe ; nous serons
tous là !
M. Alexis Vander Reben m'adresse une longue
lettre où il donne raison à un de mes entrefilets
signalant les tendances réellement trop prononcées
à la chorégraphie dans les sociétés. Mon aimable
correspondant ajoute que j'oublie qu'il existe au
moins une société où le piano ne tient qu'une place
très secondaire, et où les Béranger, les Désaugiers,
les G. Leroy, etc., sont fêtés et accueillis avec
autant d'enthousiasme que les jeunes chansonniers
qu'on applaudit les dimanches et lundis, lorsqu'ils
veulent bien rendre visite à la Lyre Bienfaisante,
quai Saint-Michel. Pour répondre à M. Alexis,
j'ajouterai n'avoir pas oublié l'existence de la Lyre.
.Je suis heureux de redire qu'elle a un président,
M. Couvreur, aimant et fêtant la chanson comme elle
doit être aimée et fêtée. De plus, avant que ces
lignes ne soient livrées à la publicité, j'aurai profité
de l'aimable invitation de mon correspondant pour
rendre une visite amicale à l'unique et vrai temple de
la chanson. J'ai nommé la Lyre Bienfaisante.
Encore une protestation, venant toujours à l'appui
de la campagne que j'ai entreprise contre la Choré-
graphie Lyrique ; celle-ci est signée Georges Fiess
fils. Elle est énergique, mais malheureusement trop
longue pour que je puisse l'insérer en entier. Il dit
avec raison, que si l'on continue, il n'y a plus qu'à
écrire, sur la porte des sociétés : Ici l'on danse, le
pastiche du poteau célèbre de la place de la Bastille;
il termine en prononçant un De Profundis sur sa
société, la Pastorale, dont il n'est plus commissaire
■ " A. LEROY.
Les Joyeux Amis, soirée du 9 avril 1870. — Nous
ne pouvons que remercier bien sincèrement M. Lar-
geot, président de la société dont nous venons de
transcrire le nom quelque peu épicurien, de la bonne
pensée qu'il a eue de nous inviter à ce concert, qui
a largement justifié Vépithète d'extraordinaire 'portée
sur les lettres d'invitation. La soirée a été complète,
et nous regrettons vivement que le manque d'espace
ne nous permette pas de donner à chacun la part
d'éloges qu'il mérite. MM. Séguier, Pelouze, Fer-
nand, etc., ont à leur disposition de magnifiques
voix dont ils savent merveilleusement tirer parti ;
MM. Marcus et Luciani sont des comiques irrésis-
tibles; MM... mais nous nous arrêtons car, pour
être équitable, il nous faudrait remplir les huit pages
du journal. Quant aux dames, toutes ont été char-
mantes, mais l'impartialité nous fait un devoir de
décerner la palme à M"° Malthide, qui est une
véritable artiste, dans toute l'acception du mot.
Nous ne dirons rien de M"° Emilie Préaux, qui a
joué le Brelande moutards avec une telle intelligence,
qu'en disant d'elle tout le bien que nous en pensons,
nous ne pourrions que blesser -profondément sa
modestie. VERITAS.
M. Alphonse Rueff nous écrit pour se plaindre
d'un jugement trop dur, porté sur lui par notre
collaborateur A. Leroy dans le n° 17 de La Chanson.
Il afiîrme jouir de toutes ses facultés mentales, et
proteste que si sa place n'est pas à l'Opéra, elle n'est
pas non plus à Charenton. Nous lui devons acte
de sa réclamation, dont ses amis apprécieront la
légitimité.
NOUVELLES ET AVIS
Vient de paraître à notre librairie, rue Bona-
parte, 18, Lettre à M. Alexandre Dumas fils, par
M. Darnelle. Prix, 1 fr. Nous rendrons compte de
cette très-intéressante publication.
Petit Tournoi poétique mensuel, entre nos abonné s
SEULEMENT. A partir du 1"'' Mai, La Chanson ouvre
un concours mensuel. Les envois doivent avoir
lieu du V" au 25 du mois. Sujet à traiter cette
fois : un proverbe au chois, en un seul couplet. Les
trois meilleures productions seront publiées dans
La Chanson, par ordre de mérite.
Nous ferons prochainement brocher, avec cou-
verture , les dix-huit premiers numéros de La
Chanson. Le nombre des collections complètes est
restreint ; les abonnés anciens ou nouveaux qui
voudraient acquérir notre première année feront
bien, dès aujourd'hui, d'en retenir un exemplaire. Le
prix du volume sera de 4 fr. 50.
A partir du 1°' Mai, le prix de l'abonnement à La
Chanson sera, pour Paris et les départements, de 6 fr.
par an; six mois, 3 fr. Etranger, le port en sus.
Toute personne qui conservera le n" 19 sera
considérée comme réabonnée ; nous ferons alors
toucher de suite. En cas de cessation d'abonnement,
renvoyer le numéro avec le mot Refusé sur la
bande de l'administration. On peut s'abonner ou se
réabonner, aux bureaux du journal, tous les jours,
de 8 heures dvr matin à 9 heures du soir, ou par la
poste, le talon du mandat servant de quittance.
Nous prions les retardataires, qui ne nous ont pas
encore acquitté leur renouvellement du l^novembre^
de se mettre en règle au plus tôt.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2* ANNEE. — N» 20.
16 MAI 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" & le 16 de cliaqiae mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
1) six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : Légende et Venté (l.-iienry lecomte). — Toast du Président du Caveau (eugéne graxgé;. — Une Noce à Saint-
Josep/i (l.jJullien). — Mai {\. mouton-dufraisse). — La Chanson (i. larguier). — Le premier sourire (henry rubois). —
Les Oiseaux de Flora (eugéne carlos). — Chantons la bière (eugéne meixinger). — Curiosités de la chanson : Le nuage
(EMILE zola); L'amour marchand de plaisir (béranger). — Pour Béranger (h. l.). — Banquet du Caveau (l.-henry lecomte). —
Banquet de la Lice Chansonnière (eug. lmbert). — Chronique des Sociétés lyriques (prosper tibia, a. patay, robert garnier). —
Annonces et Avis.
LEGENDE & VERITE
Il faut en finir avec les traditions bêtes et les
malfaisants grotesques. Les lecteurs de La Chanson
nous pardonneront de les entretenir aujourd'hui
du bonapartisme, cette honte, et de M. Savinien
Lapointe, ce grimaud.
Le bonapartisme se désole que nous ayions reven-
diqué Béranger comme un cliampion des idées
républicaines, et M. Lapointe est le porte- voix de la
faction effarée. Nous relevons, dans un numéro du
Petit Caporal, les malpropretés suivantes :
« Le festival organisé au Cliàteau-d'Eau en l'honneur du
« chansonnier national n n'a ou aucun retentissement.
J'ajoute qu'il n'en méritait aucun, n'étant rien de plus qu'une
plate comédie jouée par des histrions républicains, qui
s'étaient ingéniés de faire entrer dans leur farandole le
chantre de Napoléon... »
Suit une longue diatribe contre le gouvernement
de la République qu'elle n'atteint guère, contre
Victor Hugo et contre les honorables membres du
Comité de la statue de Béranger. La pudeur m'interdit
de la reproduire et la raison me défend d'y répondre.
Aussi bien, le dernier paragraphe de l'article dévoile
suffisamment le véritable but de l'écrivailleur :
« L'idée d'élever une statue à Béranger n'était et ne
pouvait être, de la part des républicains, qu'une indigne
Hypocrisie et une injure pour l'illustre nioit. Nous nous
félicitons qu'elle n'ait pas réussi. La statue que les répu-
blicains n'ont ni la possibiUté ni le droit d'élever à Béranger,
l'Empire la lui élèvera. »
Voilà qui est dit, et l'ombre de Béranger n'a qu'à
se résigner à la patience. M. Lapointe serait bien
naïf s'il n'était bien déloyal. Quel motif aurions-
nous d'abandonner, à son début, une œuvre acclamée
de tous et qui n'attend qu'un vote du Conseil Muni-
cipal pour marcher au plus heureux dénouement? —
L'insuccès de la matinée du Château-d'Eau? —
M. Lapointe sait pertinemment qu'elle était une
manifestation personnelle du directeur de LaChanson,
et que son peu de réussite ne peut influer en rien
sur le résultat définitif de l'œuvre nationale. Mais où
la mauvaise foi se réfugierait- elle, si les bonapar-
tistes n'en faisaient la base fondamentale de leurs
argumentations ?
M. Lapointe déclare avec solennité que Béranger
a chanté Napoléon. Nous le savons et nous n'avons
pas la sottise de lui en garder rancune.
Oui, Béranger se fit, du souvenir de Napoléon,
une arme retentissante contre la roj'auté jésuitique.
Pouvait-il prévoir qu'en aidant les esprits libéraux
de sou temps à fixer la légende du soldat couronné,
il préparait les voies où, trente ans plus tard, mar-
cherait un aventurier sinistre? Le poète, d'ailleurs,
estimait le régime impérial à sa valeur réelle ; les
Souvenirs du peuple n'eflacent pas le Jioi d'Yvetot.
Quand le second empire s'édifiaparle crime, Béranger
se tint à l'écart, gardant un silence que le pays sut
interpréter. Il professait, pour les triomphateurs
d'alors, un mépris souverain. Il avait bien jugé Louis
Bonaparte et dès ses débuts. En janvier 1849, il
écrivait à M. Manuel les lignes suivantes : « Je suis
obligé de rendre à Louis Bonaparte,'' les visites que
j'en ai reçues; cela me cause beaucoup de peine. Je
n'aurai pas à le féliciter. Que de sottises déjà! Ces
gens-là ne connaissent pas le pays et je ne sais s'ils
auront le temps d'apprendre à le connaître. Pourtant
ils ont besoin d'y rester pour avoir de quoi vivre...»
Si Béranger eût été l'homme que rêve M . Lapointe,
l'empire n'aurait pas hâté et confisqué ses funérailles,
par peur d'une manifestation républicaine ; il n'aurait
surtout pas refusé d'autoriser l'érection du monu-
ment que projetaient, en 1865, les amis du poète.
Non, quoi qu'il fit dire, le césarisme avait surveillé
Béranger vivant et le redouta mort. Si différent de
ses applaudisseurs, ce vieillard au front pur et aux
mains nettes était, pour le tyranneau moustachu, le
spectre de la démocratie honnête, suppliciée mais
invaincue.
Nous reprendrons, s'il est besoin, contre un plus
digne adversaire, l'apologie facile du maître. Il nous
serait pénible d'accoler plus longtemps, au nom
vénéré de Béranger, celui d'un piteux manœuvre de
lettres. Concluons donc. Pour avoir, à diverses
reprises, reçu l'aumône de Béranger, il ne s'ensuit
pas que M. Lapointe ait le droit de poursuivre la
mémoire du grand chansonnier de sa sollicitude
niaise. On ne se venge pas d'un bienfait avec autant
de cruauté!
Vi'aiment, comme les phalènes étourdies, ceux-là
10
LA CHANSON
surtout recherchent la lumière qui n'ont raison
d'être qu'à l'ombre. Nul n'empêche M. Savinien
Lapointe, ancien collaborateur d'audacieux socia-
listes, de rimer aujourd'hui des « Souvenirs et
Regrets « pour le plaisir des blouses blanches inoc-
cupées, et de tirer du famier bonapartiste le pain de
ses vieux jours; mais nous lui conseillons de ne plus
maculer de sa prose le piédestal de la statue que la
France républicaine veut élever à l'un de ses enfants
illustres. Il y a de sévères châtiments pour des actes
moins obscènes.
L.-Henrt LECOMTE.
TOAST DU PRÉSIDENT
Banquet du 4 mai 1879.
A Béranger, Messieurs ! La Chanson est en fête,
Car on doit ériger bientôt à son prophète
Une statue en bronze, au sein de ce Paris
Qu'il égaya longtemps de ses refrains chéris.
Je suis peu partisan, j'en conviens, des statues
Qu'on n'élève souvent que pour être abattues
Par le vent furieux des révolutions ;
Ressemblant, en ce point, aux Constitutions
Qui, la plupart du temps, sont, par les Assemblées,
Faites pour être, un jour, par d'autres violées.
Mais Béranger n'a pas à craindre un sort fatal ;
Sa Muse le protège, — et sur son piédestal
Il peut monter sans peur. Du peuple la colère
Respectera toujours le chantre populaire.
On peut bien renverser l'image d'un tyran,
Le bronze d'un Colbert, celui d'un conquérant;
Deux fois, Paris a pu, dans sa rage félonne,
.Teter Napoléon à bas de la Colonne ;
La foule est inconstante et le vent peut changer.
Mais qui s'attaquera jamais à Béranger?
Mieux que par des gardiens et mieux que par des grilles,
Usera préservé par les Chansons, ses fliles.
Ainsi que ces chansons, ce bronze est immortel.
Certes, il est des dieux dont on brise l'autel ;
Mais Béranger n'est pas de ces morts que l'on tue !
Si quelques forcenés menaçaient sa statue,
Aux cris séditieux de l'émeute, aussitôt
La foule répondrait par le Roi d'Yvetot,
Par les charmants refrains de l'amant de Lisette,
La fille au bonnet rond, la joyeuse grisette ;
Car il était du peuple, ainsi que ses amours,
Etle peuple charmé l'honorera toujours.
Buvons donc, mes amis, à ce glorieux maître,
A ce grand chansonnier qui ne voulut rien être,
Qui, sous un toit modeste et dans la pauvreté.
Pouvait prétendre à tout et n'a rien accepté ;
Dont le luth a porté la joie et la lumière
Dans le palais du riche, et dans l'humble chaumière ;
A ce vaillant esprit, éminemment français.
Qui frondait du pouvoir les abus, les excès,
Et qui, lorsque le sort, hélas ! trahit nos armes.
Avait pour les vaincus et des chants et des larmes.
Buvons à ce poèt"6, honneur du vieux Caveau,
Dont le front va briller d'un lustre tout nouveau.
Et quand à l'acclamer la France se dispose,
A celui dont on va fêter l'apothéose.
De fleurs et de lauriers payons notre rançon !
A Béranger, Messieurs ! c'est boire à la Chanson !
Eugène GRANGE,
Président du Caveau.
NOCE A SAINT-JOSEPH
Air : Une Fille est un oiseau
Une noce à Saint-Joseph!..
J'entre pour voir l'épousée;
Mais la chose est malaisée.
Je suis au fond de la nef.
De l'autel elle est partie ;
Je cours à la sacristie...
La voilà ! sa modestie
A la vierge fait songer...
Mais, que vois-je? c'est bien elle,
C'est Clara, mon infidèle,
Sous le bouquet d'oranger !
Malgré son air de candeur,
Oui, cette fille charmante
Quatre mois fut mon amante.
Je l'aimais avec ardeur.
Ah! j'ai brisé notre idylle.
Pour une cause futile ;
Je voyais qu'avec Emile
Il me fallait partager!...
Là, franchement, je l'admire
De paraître ici sans rire.
Sous le bouquet d'oranger !
Mais regardons le mari :
Il est petit, maigre et blême.
Ah! je ne crois pas qu'elle aime
Un homme aussi rabougri.
Pauvre garçon, quand je pense
A ce qu'elle a d'exigence.
Jugeant d'après l'apparence.
Pour lui je dois m'affliger;
Qu'il apprête son courage.
Il trouvera de l'ouvrage
Sous son bouquet d'oranger!
Mais elle m'a vu. — Mon Dieu
Comme elle paraît émue !
Moi-même ça me remue ;
Vite fuyons de ce lieu!
Laissons en paix la pauvrette,
Que malgré tout je regrette,
Oublions cette amourette ;
Son pauvre cœur si léger
Peut-être est rempli d'alarmes,
Et prêt à verser des larmes
Sous son bouquet d'oranger!
L. JULLIEN.
MA i
Air : Elle a trahi ses serments et sa foi.
Hier matin, un splendide soleil
De ses flots d'or inondait ma fenêtre ;
Il saluait, éclatant et vermeil.
Le mois de mai qui venait de renaître.
Adieu l'hiver, la neige et les glaçons.
Les bois sont pleins d'oiseaux et de chansons!
C'est la saison de l'amour et des chants.
Des papillons, des lilas et des roses;
Tout resplendit, au retour du printemps,
Par l'harmonie et les métamorphoses !
Quand l'aubépine embaume les buissons,
Les bois sont pleins d'oiseaux et de chansons !
LA CHANSON
11
Ce joli mois est un riant couplet.
Un airjoj'eux qui jamais ne s'oublie,
Un gai refrain qui sourit et qui plait,
C'est la chanson du matin de la vie !
Tout s'y traduit en amoureux frissons,
Les bois sont pleins d'oiseaux et de chansons !
On voit venir, cherchant ses nids déserts.
Des bords lointains, l'iiirondelle frileuse ;
Aux chants voisins, s'élancer dans les airs,
En gazouillant, l'alouette joyeuse.
Qui semble dire avec des plus doux sons :
Les bois sont pleins d'oiseaux et de chansons!
Que d'amoureux profitant des beaux jours.
Iront heureux roucouler sous l'ombrage !
Le rossignol, témoin de leurs amours,
Leur chantera dans son charmant langage :
— Aimez encor, même après les moissons,
Les bois sont pleins d'oiseaux et de chansons!
Petit pinson, dans la cage abrité
Pendant l'iiiver, allons, ouvre tes ailes !
Envole-toi ! reprend ta liljerté !
Les tiens là-bas te sont restés fidèles ;
Pour mieux chanter va prendre des leçons,
Les bois sont pleins d'oiseaux et de chansons I
La vigne enfin a des bourgeons naissants,
L'espoir déjà sourit à la folie !
Et nous, amis, pour colorer nos cliants
Trempons gaiment nos plumes dans la lie !
Et chansonniers, rossignols et pinsons,
Tout ici-bas redira sa chanson.
A. MOUTON-DUFRAISSE.
LA CHANSON
Mesdames et Messieurs, amateurs d'harmonie,
Accourez à ma voix à nos gais rendez-vous.
Où règne la chanson la tristesse est bannie.
Le plaisir qu'elle inspire est toujours des plus doux;
Elle habita longtemps le grenier de Lisette,
Les salons autrefois l'accueillaient par hasard :
Aujourd'hui méconnue, on rit de la pauvrette.
« Du progrès la chanson est le porte-étendard ! »
Au bonheur des amants la chanson s'intéresse,
A table, à l'atelier, elle aime à séjourner;
Elle a pour la mansarde une vive tendresse,
Plus d'un pauvre lui doit le pain de son dîner;
Son rire est large et franc sans cesser d'être honnête,
Elle sait égayer sans oripeaux ni fard ;
Elle a perdu beaucoup en perdant son poète. .
« Du progrès la chanson est le porte-étendard ! »
Jadis sous Mazarin tout était à la fronde.
On mettait en couplets le vice et les abus ;
Puis vint une chanson qui fit le tour du monde;
Sa gloire est oubliée... on ne la chante plus.
Un jour que l'étranger franchissait la frontière,
Chénier pour le chasser fit le Chant du Départ;
De ces chants glorieux la France est toujours fière.
« Du progrès la chanson est le porte-étendard ! »
J. LARGUIER.
LE PREMIER SOIRIRE
0 mère de la race humaine.
Lorsque Adam encore innocent,
A travers l'Eden, son domaine,
Te guidait d'un bras caressant;
Quand, dans son amoureux délire.
Il te contemplait à genoux,
Ah ! combien dut lui sembler doux.
Belle Eve, ton premier sourire !
Lorsque Avril, après la froidure,
Nous ramène, avec le soleil.
Des bois, des champs, fleurs et verdure.
Tout le somptueux appareil ;
Quand, loin de la ville, il aspire
L'air pur des monts, propice à tous.
Au promeneur qu'il semble doux,
0 printemps, ton premier sourire !
Lorsque, pour délit ou pour crime,
Thémis prend cet être sans bruit.
Et que, criminel ou victime,
11 l'onge sou frein jour et nuit;
Quand de ses maux le terme expire
Et qu'elle tire les verrous.
Au prisonnier qu'il semble doux,
Liberté, ton premier sourire!
Alors que, vieilli moins par l'âge
Que par les veilles, les tracas.
L'humble travailleur envisage
L'avenir exempt d'embarras;
Quand, dans sa ronde tirelire,
I>es louis remplacent les sous,
Ali ! combien doit lui sembler doux.
Fortune, ton premier sourire !
Fruit d'un amour chaste ou profane.
Lorsque celle à qui tu dois tant.
Sans peur que sa beauté se fane,
Calme tes cris en t'allaitant ;
Quand, même laid, elle t'admire
Et t'entoure de soins jaloux,
A ta mère qu'il semble doux,
Nouveau-né, ton premier sourire!
Lorsque, malgré nos Hippocrates,
Notre mère faillit mourir.
Depuis blancs, bleus et démocrates,
Chacun d'eux prétend la guérir ;
Quand, ralliés sous ton empire.
S'embrasseront renards et loups,
A tes enfants qu'il sera doux,
O France, ton premier sourire!
Henry RUBOIS.
LES OISEAUX DE FLORA
Gais messagers d'une folle tendresse,
■Qu'il était beau le jour où, glorieux.
Tout triomphant, tout riche de jeunesse,
Sur mes genoux, il vous mit radieux!
Comme il m'aimait! Comme j'étais heureuse!
Jamais, depuis, je n'eus d'aussi beaux jours;
L'homme est changeant... la vie est ténébreuse,
Il n'aime plus, et vous chantez toujours !
12
LA CHANSON
Petits lutins, vous pépiiez de Taile,
Lorsqu'amoureux il me prenait la main,
Qu'il me jurait d'être bon et fidèle!
Mais ce serment n'eut pas de lendemain. !
Je vois encore à ma pauvre fenêtre
Ses lilas blancs et, comme nos amours.
Fleurs et printemps vont aussi disparaître !
Le ciel est sombre, et vous chantez toujours!
Un jour, hélas! j'avais fermé ma porte,
Nous nous boudions, il n'était pas venu!...
Je crus d'abord que mon âme était forte...
Mais je pleurais!... S'il s'était souvenu?
J'entends du bruit... je tressaille... j'écoute...
O ma raison, venez à mon secours...
Non... c'est le chat qui vous guette sans doute.
Pauvres oiseaux, et vous chantez toujours !
Depuis, j'attends ! et peut-être j'espère !...
Pendant que lui, trompant le sort moqueur...
Goûte en passant l'ivresse mensongère,
Pacte d'un jour que n'inscrit pas le cœur.
Vous qui vivez pour aimer, pour le dire.
Vocalisant tous vos moindres discours.
Oiseaux méchants, me faut-il vous maudire?...
S'il n'aime plus, pourquoi chanter toujours!...
Eugène CARLOS.
CHANTONS LA BIERE
A mon ami Jules WOLF, de Mulhouse
Pourquoi toujours chanter le vin?
Il est encor sur cette terre
D'autres boissons, comme la bière.
Port dignes d'un joyeux refrain.
Dans notre verre
La blonde bière
Mousse bien fort
Par-dessus bord.
Encore un verre
De cette bière ;
Amis! buvons,
Gaîment, chantons.
Chaque pays a sa boisson.
Qu'il chérit fort et qu'il vénère.
Nous possédons, amis, la bière,
C'est le jus béni du houblon.
Dans notre verre, etc.
Gambrinus but tout le premier
Ce liquide, nous dit l'histoire ;
C'est son seul vrai titre de gloire ;
Plus d'un roi pourrait l'envier.
Dans notre verre, etc.
Vénérons de ce franc buveur
La mémoire si respectable.
Qui s'égarait, sortant de table.
Dans les bons houblons du Seigneur.
Dans notre verre, etc.
Le monde entier bientôt boira.
Croyez-moi, notre blonde bière,
Car elle ne redoute guère.
Du vin le noir phylloxéra.
Dans notre verre
La blonde bière
Mousse bien fort
Par-dessus bord.
Encore un verre
De cette bière ;
Amis ! buvons,
Gaîment, chantons.
Ernest MEININGER.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON C)
LE NUAGE
Musique de Louis Maiiguery
On donc vas-tu, nuage,
Nuage radieux?
Couves-tu quelque orage,
Quelque vent furieux?
Vas-tu, vapeur légère,
Te gonfler de colère.
Et cacher à la terre
Le soleil et les cieux?
N'es-tu rien qu'un point sombre
Qu'effacera le vent?
Noieras-tu ton peu d'ombre
Dans le jour éclatant?...
Vers la voûte éternelle
Tu fuis à tire-d'aile ;
Mon beau nuage frêle.
On se perd en montant.
Réponds ! es-tu tonnerre,
Vomiras-tu le feu?
N'es-tu qu'ombre légère,
Blancheur dans le ciel bleu?
— Non ! de la terre lasse.
Je m'enfuis dans l'espace ;
Je suis l'âme qui passe
Et qui remonte à Dieu !
Emile ZOLA.
Il y a un peu de tout dans ces vers de mirliton,
excepté du naturalisme et de la poésie ; M. Zola y
pastiche à la fois Musset, Victor Hugo et Lorgeril.
Voilà certainement une nouvelle explication de la
haine de M. Zola contre Victor Hugo ; il ne peut lui
pardonner son impuissance poétique.
NEMO.
(*) Nous empruntons cette chanson et les quelques lignes
qui l'accompagnent à notre confrère le Nain Jaune,
LA CHANSON
13
Nous publierons désormais, dans chaque numéro
de La Chanson, une ou deux productions de Béranger,
quin'ontpasété recueillies dans ses Œuvres complètes.
L'AMOUR MARCHAND DE PLAISIR
Air : Du petit matelot.
Combien de fois poui' plaire aux belles
L'Amour a changé de métier !
Financier, pour briller près d'elles ;
Pour les voir, adroit serrurier; [bis.)
Ramoneur en cas de surprise ;
Toujours fripon, pour réussir;
Enfin, par dernière entreprise.
Ce dieu va criant du plaisir.
Partout il suit les pas des Grâces,
Afin qu'on le suive partout.
Aux belles qu'il voit sur leurs traces.
Du plaisir il vante le goût, {bis.)
« Venez, dit-il, à ma corbeille ;
Jeunes beautés, venez choisir ! »
Et puis il ajoute à l'oreille ;
<; Prenez sans voir, c'est Am plaisir ! »
Mais en livrant sa marchandise,
Il l'eut être payé comptant;
Bien souvent le plaisir se brise
Dans les mains d'un objet charmant, [bis.)
L'innocente alors se plaint-elle.
Le dieu répond, tout prêt à fuir :
« S'il ne se brisait pas, ma belle.
Serait-ce donc là à\x plaisir? »
BÉRANGER.
POUR BERANGER
Notre ami Joseph Lavergne s'est, depuis quelques
années, installé à Malakoff". Acteur et poète, il y
rime des couplets et joue la comédie sur un théâtre
qu'il a fait construire dans sa propriété même. La
salle, baptisée Théâtre des Intimes, peut tenir à peu
près quatre-vingts personnes. L'entrée en est gra-
tuite, mais, d'ordinaire, on fait une quête, tantôt
pour les pauvres tantôt pour les écoles — Lavergne
est conseiller municipal. — Plaisir et bienfaisance
vont ainsi de pair.
Lavergne, étant chansonnier, devait naturellement
songer à apporter sa contribution à la statue de
Béranger. Le lundi 5 mai, nous étions conviés à une
soirée dramatique et lyrique, à l'issue de laquelle
une quête devait être faite au profit de la souscription.
Le spectacle était composé d'un tableau de la Tour
de Nesles, de deux vaudevilles et de divers intermèdes.
Tout a bien marché. Lavergne, après avoir fait
frémir dans Buridan, a fait rire aux larmes dans le
Dubrochet du Naufragé de la Méduse. MM. Hivet,
Féburier, Pensière et Vautier; M"" Dodin, Hivet et
Féburier ont obtenu, comme acteurs ou comme
chanteurs, des applaudissements mérités. Enfin,
M. Vaillant a dit avec âme les belles stances d'Armand
Silvestre connues de nos lecteurs. — Etnous sommes
revenus, rapportant 50 francs 50 centimes pour la
statue de Béranger.
Nos sincères remercîments, ami Lavergne.
Les Enfants du Marais, sous la présidence de
M. Chaumette (I, rue Dupuis) ont donné une soirée
oii MM. Darcourt, Eugène, Defrace, Denis, Pillon et
M"° Augustine Simon ont rivalisé de talent et de
zèle. Une tombola organisée par le bureau a produit
18 francs pour la statue — premier versement de
cette société qui se promet de recommencer.
M. J. F. Gonon, chansonnier lyonnais, nous a fait
parvenir 18 francs, montant des premières souscrip-
tions recueillies par lui.
Nous tenons de bonne source que M. Anatole
Lionnet organise une soirée au profit de la souscription
Béranger.
Le dimanche 25 mai, la Société des Familles (pré-
sident M. Badou) donnera, dans son local ordinaire,
salle Bouret, 34, boulevard du Temple, une grande
soirée pour la statue de Béranger.
On nous assure que des quêtes pour l'œuvre ont
été faites en divers endroits, une notamment pendant
un bal donné à Valentino par une société lyrique.
Le produit de cette quête n'a été versé ni aux bureaux
de La Chanson ni ohei'. M. Murât, trésorier du comité.
Nous voulons ne voir là qu'une négligence.
Le procliain numéro de La Chanson contiendra
une troisième liste de souscription.
H. L.
SOCIETE LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 2 MAI 1879.
Une surprise agréable nous attendait au Caveau. Au
moment même où La Chanson, désireuse d'associer particu-
lièrement cette société vénérable et vivace à l'hommage
solennel que doit recevoir Béranger , empruntait à
M. Eugène Grange , président actuel, quelques couplets
anciens, consacrés au grand chansonnier, îl. Grange traitait
de nouveau ce fécond sujet avec sa verve et son talent des
meilleurs jours. Le toast lu l'autre soir par le président du
Caveau porte, en effet, pour titre : La Statue de Béranger.
La manifestation projetée a naturellement les sympathies de
M. Grange, et il le témoigne en vers charmants, très-applaudis,
et que nous nous sommes empressés de recueillir. Nos
lecteurs les liront avec le plaisir que nous avons éprouvé à
les entendre.
Les convives sont rarement aussi nombreux au Caveau
qu'à la Lice, mais l'entrain des chansonniers est égal, et les
honneurs sont faits aux visiteurs, ici comme là-bas, avec la
meilleure grâce du monde. C'est ainsi que la séance des
chants a été ouverte par des couplets et un récit dits d'une
façon très-plaisante par un jeune artiste, M. Desroseaux.
Un des vétérans du Caveau, Bugnot, a suivi de près
Clairville. M. Lagarde adresse à l'ami disparu un souvenir
plein de sentiment et de poésie dont l'assemblée s'est
montrée fort émue. M. Fouacne ramène la gaîté en énumé-
rant les Etres inutiles, et M. IJuprez exprime, sur la même
note comique, divers regrets sous ce titre : Si j'avais su!
14
LA CHANSON
Ne rendez-pas service, s'écrie M. Montariol; refrain
misantliropique qae dément fort heureusement le couplet
final. M. Gan-aud chante un peu tard la Loterie Nationale;
M. Moulon-Uufiaisse, par contre, célèbre un peu tôt les
charmes du mois de Mai : il y a compensation.
On sait qu'au précédent banquet, M. Grange a protesté,
non sans raison, contre l'envahissement des sociétés chan-
tantes par l'ale.xandrin ; M. Ripault présente requête pour le
sonnet si gracieux, si court, et qui vaut un long poème...
quand il est sans défaut : hou plaidoyer qui nous a pai'U
attendrir le juge-présiJent. — M. Ordonneau se déclare
l'Ami des Petits en plusieurs couplets lestes, bien tournés
et étrangers à la politique ; M. Orangé chante la Proie et
l'Ombre avec l'esprit qu il met dans tout ; M. Bernard Lopez
pleure les Choses d'antan: M. Jullien décrit les amusantes
noces de son village, où les amoureux, depuis un temps
immémorial, disent, suivant le mot heureux do Béranger
« les Grâces avant le Benedicite » ; enfin M. Fénée termine le
premier tour par Certitude, une chanson pleine de verve et
de vérité.
MiM. Poullain, Fouache, Fénée et Jullien ont fait les frais
d'un second tour avec des couplets connus déjà, mais toujours
bons à entendre.
Excellente soirée, en somme, où les membres du Caveau
ont brillamment augmente le trésor littéraire de leur
aimable compagnie.
L.-IIeniu' LECOMTE.
LICE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 7 MAI 1879.
11 y a certaines épidémies passagères qui sévissent pério-
diquement. En ce moment, les chansonniers ont foi dans
l'almanach, qui leur dit que nous sommes en mai, et ils
célèbrent le printemps, chose inconnue jusqu'à ce jour.
D'autres, par esprit d'imitation, ou parce que le mot est
dans l'air, ne font plus un couplet comique sans y coudre
une plaisanterie sur les belles-mères.
Hier j'ai constaté trois cas de la première maladie et
quatre de la seconde. Heureusement les typhus passent et
l'esprit reste. Je ne nommerai donc pas les coupables pour
cette fois.
Sérieux, philosophique, gai, grivois et même ultra grivois,
tous les genres ont été représentés au banquet du î de ce
mois, tous excepté le genre ennuyeux. La poésie s'est donné
carrière dans V Eternelle Chanson, d'Eugène Baillet; la Plage
royannaise, de M. Camille Chaigneau ; la Paix, de Vergero'n,
et dans le sonnet où Caron déplore avec plus d'amertume,
peut-être, qu'il ne convient, le triste sort de l'humanité :
Nous puisons, dit-il.
Dans l'espoir de mourir le courage de vivre.
L'Apprenti, de Landragin, est sérieux aussi, mais attendri,
et moral avec grâce.
Ruel, dans le Conservateur, satire mordante, Rubois,
dans les Mauvais coucheurs et la Devanture, Aubry, le
vieux chansonnier populaire, dans le Refrain perdu et Pierre
Gringoire, Cahen, en célébrant son diplôme et le bonheur
qu'il lui doit, ont su donner la note gaie que tout concert
réclame.
Comme c'est fait! La Marchande de maquereaux.
Braguette, la Marseillaise des Cornards ont fait valoir le
talent plus qu'oseur de Vergeron, Jeannin et Jouy. Mais
pourquoi donc, au refrain de la Marseillaise précitée, dont
Pair est pourtant entraînant, tant de" convives s'abstenaient-
ils de faire chorus?
On le voit, la qualité des chansons ne manquait pas plus
que la quantité. Encore n'ai-je cité ni Robinet, ni Picard, ni
Raux, ni Lebeau, le nouveau sociétaire, ni votre serviteur,
qui le fut. Et pourtant A table! Qui vivra verra, La belle
demi- douzaine, et même la Troisième : toutes ces pièces
mériteraient bien une mention honorable. Et que n'aurais-je
pas à dire, si la place ne m'était si parcimonieusement
mesurée, de ce beau refrain emprunté aux armes de la
ville de Paris : FLUCTUAT NEC MERGITUR? J'en citerai un
couplet toutefois, pour la clôture :
Le voyez-vous sur les vagues profondes,
Ce cher esquif qui porte notre sort?
Enfin vainqueur et des vents et des ondes.
Vers Favenir il poursuit son essor.
Bon pavillon, tière et sainte relique,
Les ouratrans n'osent plus l'effleurer :
C'est le vaisse .u de notre Uépuljliquc ;
11 Hotte sans sombrer.
Chantez-moi cela sur l'air du Vicu des bonnes yens de
Béranger, mettez-y un peu de voix et d'accent, et je vous
assure que vous ferez beaucoup d'eftet.
Mais un dernier conseil d'ami, ô chansonniers mes frères :
attendez, pour rechanter le printemps, que cet hiver de
sept mois soit complètement terminé, et surtout, au nom
d'Apollon, notre grand saint, laissez pour quelques années
reposer les belles-mères !
Vous les retrouverez toujours assez tôt.
EuG. IMBERT.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le samedi 26 avril, au théâtre de Levallois-
Perret, la Société musicale de l'imprimerie Paul
Dupont a donné un Concert vocal et instrumental
des plus intéressants! — Le piano était tenu par
notre ami L. Demortreux.
Comme artistes du dehors, on a^entenduM^'Négrié,
MM. Golbert et Négrié ; les chanteurs sociétaires
étaient MM. Sartor, Bessat et Marck, qui, tous trois,
ont fait preuve de verve et de talent.
Nous avons principalement remarqué : Une
Matinée de mai, fantaisie écrite pour fanfare, par
M. E. Prunier, directeur et organisateur de la fête;
un chant patriotique, Ne touchez pas à la République,
hymne à la paix, dont la musique est de L. Demor-
treux, et les paroles de MM. René Asse et Jacques
Jalmey. L'enthousiasme a été tel que les auteurs -
ont été hissés, bon gré malgré, sur la scène et ont
dû adresser au public quelques paroles entrecoupées
par l'émotion. Honneur à M. Sartor, interprètej
Prosper tibia.
L'Union Parisienne et la Réunion des Familles,
sous la présidence de MM. Mazot et Lestourgie, ont
donné, le lundi 28 avril, une pièce inédite en un
acte, Andréa le Sculpteur, "^2^1:^ un sociétaire, M. Alfred
Desfossez. L'auteur n'a, dit-on, que dix-huit ans et
n'en est qu'à son début. Son ouvrage offre naturelle-
ment des inexpériences, mais il n'est pas sans mérite
et il obtiendra sans doute un réel succès quand il sera
joué plus couramment. M"° Zélie Oulié a su rendre ■
convenablement un rôle vraiment difHcile ; MM. Des-
fossez père, Lesturgie et l'auteur ont également
bien tenu leurs personnages.
MM. Gouget, Georges, Moinet, Ch. Thomas. Paul
ThouUiot, Masson, Lesturgie e't Mazot, chanteurs
habituels de la réunion, ont ensuite obtenu des
applaudissements mérités, ainsi que M"'^'' Zélie Oulié,
Rosa, Isabelle (Estienne) Vautier, Pauline et Persj'n
Léo qui prêtaient leur concours à cette soirée de
famille. M""^ Léo, comme toujours, a été pleine
d'entrain dans En dessous et le Champagne, et M. Léo
a chanté avec succès une chanson de liii : Je n suis
pourtant p)as ta bell' mèi'e.
Nous remercions de l'accueil sympathique qu'on
nous a fait, et nous nous promettons de retojirner
prochainement dans cette agréable réunion.
LA CHANSON
15
La société lyrique des Enfants de la Seine a donné,
le 4 mai, dans son local, 20, rue Palestro, sa quatrième
soirée lyrique et dramatique.
Un vaudeville en un acte, les Conférences chez
Beaubichon, a obtenu un franc succès, bien interprété
qu'il était par M. Charles qui s'est parfaitement tiré
de ses quatre rôles, par MM. Perrot, Emmanuel et par
M"" Hélène. Les Rêves de Marguerite ont valu à
M"° Blanche et à M. Eug. Koch (toujours un peu
timide) de vifs applaudissements. Mam'zclle Jeanne,
opérette en un acte, a été un véritable triomphe pour
M. Pej'rot et surtout pour M. Eug. Koch dont la
voix sympathique a fait ressortir les beautés de la
partition. M"° Eugénie a chanté avec brio , et
M"° Victorine qui aifrontait le public pour la première
fois a été dédommagée de sa peur par des bravos
mérités.
Dans les intermèdes, on n entendu M"° Maria,
une voix charmante; }.L Jules Koch, qui chante
avec beaucoup de goût; M. Samson, neveu du grand
artiste de la Comédie-Française, qui a dit avec
succès le Hanneton; M. Bergier, qui a bien chanté
le Lac de Lamartine, et M. Eug. Koch, interprétant
une très-jolie romance de M. Albert Vernouillet,
pianiste de la société.
Rendons justice au président, M. Cantarel, pour
le mal qu'il se donne. Une bonne part de succès
revient à, son zèle infatigable.
Malgré la non-présence du directeur et du chroni-
queur habituel de notre journal, ce compte-rendu
exact prouve que La Chanson a de fidèles correspon-
dants dans les sociétés lyriques.
Le bénéfice de M. Félix, le garçon dévoué, actif
et intelligent des sociétés lyriques, n'a pas été aussi
brillant qu'on pouvait le supposer (j'ai vu des vides
dans la salle), si l'on songe que la majeure partie des
sociétés se réunissant au café du (îlobo en étaient les
promotrices et apportaient un appui sinon pécuniaire
du moins moral. Au moment où nous écrivons,
nous ignorons quel résultat il a donné ; nous espérons
pour M. Félix qu'il est tout au moins satisfaisant.
Toutefois le public présent n'a pas dû regretter son
argent : on lui a servi des artistes du meilleur crû.
Citons M. Raynal, ex- membre de l'Union Artistique,
qui gagne tous les jours en jeu et en voix ; son frère
lui a tracé la route et il semble vouloir la suivre,
de telle sorte qu'on les confondra incessamment.
MM. Marc et Caraby, toujours très-drôles dans fa
Fanfare de Botbec, etc.. La présidence du bureau
avait été dévolue à M. Garnot, président des Intimes,
qui s'est acquitté de sa tâche comme il a l'habitude
de le faire, c'est-à-dire consciencieusement.
A. PATAY.
Le jeudi soir S mai, c'était fête dans la jolie petite
salle de la rue de Bretagne, 49.
La vieille goguette oifrait une soirée au doyen de
ses présidents, le bon vieux Delort. Il y avait là des
chansonniers qu'on ne rencontre plus guère dans les
sociétés et qui ont fait entendre des œuvres vieilles
ou nouvelles, mais toutes marquées au coin dont la
marque est regrettablement perdue. Nous citerons
au hasard : Noël Mouret, Jeannin, René Ponsard,
Tostain, Evrard, Robinot, Guigue, et, parmi les nou-
veaux : Chebroux, Georges Baillet, Rubois, Flachat,
Legentil, Péan.
Parmi les fervents de la vieille Goguette, étaient
présents : Collignon et Vaudry, deux compositeurs
populaires ; ChoUet, A. Patay, directeur du journal La '
Chanson; et ])aTmi les jeunes, Monicard, Teulet, etc.
Eugène Baillet, le président de la soirée, avait
annoncé une petite conférence, dont le sujet était
Charles Gille et les Chansonniers de son temps; il s'en
est acquitté à la satisfaction générale. Quand, après
avoir retracé la vie et apprécié les œuvres de Charles
Gille, il a cité, au nombre des chansonniers lutteurs
qui entouraient ce maître, les noms d'Auguste Alais
et Joseph Landragin, qui tous deux étaient présents,
les bravos les plus sympathiques ont éclaté dans toute
la salle. On a aussi chaleureusement applaudi quand
Baillet a dit, comme conclusion : u Charles Gille fut
« condamné à la prison, Gustave Leroy aussi, que
« leur importait! L'idée qu'ils soutenaient faisait son
« chemin et le temps leur a donné gain de cause, car
« aujourd'hui que le gouvernement de la L'raiice est
i< la République, soyons fiers de constater que tous
« ces poètes du peuple étaient déjà, en pleine monar-
« chie, des chansonniers républicains. «
Le résultat du concours poétique a été proclamé
par Eugène Imbert qui a nommé quatre lauréats dans
l'ordre suivant : Achile Duchenne, Rubois, Evrard
et Péan.
RoiiERT GARNIER.
Une nouvelle société vient de se fonder sous la
présidence de M. V. Dumont. Titre : La Mandoline.
Elle tient ses soirées, 44, boulevard du Temple.
L'inauguration a eu lieu samedi 10 mai. Nous en
parlerons dans notre prochain numéro. Une indispo-
sition de notre collaborateur A. Leroy nous force
d'ajourner ses articles à notre prochain numéro.
M. Perrin, l'artiste aimé de l'Eldorado, vient de
créer, avec un vrai succès, une chansonnette intitulée
C'est comme si vous n'en aviez pas, dont il a composé
la musique. Les paroles sont de nos amis Dorfeuil et
Gédhé. Elle est éditée chez M. Roux-Quentin,
41, rue des Petits-Carreaux.
On trouve chez le même éditeur : On n tient pas
cet article-là. chansonnette. Le vieux Paris, chanson.
J'en savais rien, chansonnette, le Nouveau Maître
d'école, chanson, la Politique de Jeannette, chanson —
créations de l'Eldorado et de l'Alcazar.
M. Anselme Blanchard, membre de l'Association
des Comptables, vient de faire paraître chez Rousseau,
éditeur, 9, place des Victoires, un projet d'associa-
tion nationale pour la fédération des sociétés de
secours mutuels. Prix, 50 centimes. Nous recom-
mandons cette brochure à nos lecteurs.
16
LA CHANSON
POETIQUE
Du journal La Chanson
La Chanson fait appel à tous les poètes et chan-
sonniers pour tresser une couronne poétique à
Béranger. Elle met aujourd'hui au concours :
1° Une Chanson de six couplets ou strophes au
plus, avec ou sans refrain ;
2° Un Sonnet ;
3° Une Poésie (ode, ballade, conte, fable, etc.) ne
dépassant pas soixante vers ;
Le tout se rapportant à Béranger.
Il sera décerné pour chaque genre trois prix, et
des mentions honorables, s'il y a lieu.
Les prix consisteront en diplômes spéciaux, avec
allégorie, et paraphés partons les membres du jury.
Ces diplômes seront de dimensions calculées pour
l'encadrement.
Les pièces couronnées seront, en outre, insérées
dans La Chanson.
Toutes les pièces envoyées au concours seront
publiées collectivement à la seule condition, pour
chaque auteur, de souscrire à cette publication
suivant la quantité de vers insérés. Le prix de la
souscription sera porté à la connaissance de tous
avant le commencement de l'impression.
Le même auteur pourra prendre part aux trois
concours, mais avec une seule pièce dans chacun
des trois.
Les pièces envoyées devront être inédites, non
signées et accompagnées d'un pli cacheté contenant
le nom et l'adresse de l'auteur et portant extérieure-
ment le premier vers de la poésie présentée.
Le Concours, ouvert depuis le V^ Mai, sera
clos le 16 juillet 1879, anniversaire de la mort de
Béranger.
Toutes les communications relatives au Concours
doivent être adressées franco à M. A. Patay,
directeur de La C/ianson, rue Bonaparte, 18.
Nous rappelons à MM. les pi'ésidents des sociétés
lyriques que nous publions les communications rela-
tives à leurs sociétés. Celles qui sont destinées au
.numéro du l"' du mois doivent être envoyées le 25
du mois précédent, dernier délai, et pour le numéro
du 16, jusqu'au 10. Nous rendrons compte des
grandes soirées pour lesquelles on nous aura fait
parvenir des lettres d'invitation.
Nous publierons prochainement les noms des
membres du jury de notre grand Concours poétique.
Nous rappelons à nos abonnés, poètes et chan-
sonniers, notre petit Tournoi mensuel.
Petit Tournoi poétique mensuel, entre nos abonnés
SEULEMENT. A partir du 1" Mai, La Chanson oxiMve
un concours mensuel. Les envois doivent avoir
lieu du l"' au 25 du mois. Sujet à traiter cette
fois : un proverbe au choix, en un seul couplet. Les
trois meilleures productions seront publiées dans
La Chanson, par ordre de mérite.
A partir du prochain numéro, nous rendrons
compte ou nous annoncerons toutes les publications
dont il aura été adressé un exemplaire aux bureaux
du journal, 18, rue Bonaparte.
AUX AUTEURS ET COMPOSITEURS DE MUSIQUE
Nous recevons depuis longtemps de nombreuses
lettres nous priant de vouloir bien nous charger
d'éditer, au compte des auteurs, soit en grand format
piano, soit en petit format guitare ou même en cahier
populaire à dix centimes. Beaucoup de nos corres-
pondants ont la certitude (et nous sommes de leur
avis) que, si l'on s'occupait sérieusement de leurs
œuvres, elles obtiendraient le même succès que beau-
coup de celles publiées par les éditeurs qui ne veulent
éditer que des noms connus.
Nous cédons aux demandes qui nous ont été faites et
voulons tenter de faire ressortir le mérite inconnu, en
mettant à la disposition des auteurs nos relations
commerciales. A partir de ce jour, nous répondrons
à toute demande de renseignements à laquelle sera
joint un timbre-poste. Nous prions nos correspon-
dants, pour simplifier notre travail, de nous dire
clairement l'édition qu'ils désirent, grand format
piano, avec ou sans gravure ; petit format guitare,
avec ou sans gravure. Indiquer le nombre d'exem-
plaires pour le tirage. Pour ceux qui désireraient
être édités en cahiers, nous en commencerons pro-
chainement la publication sous le titre : Les Echos
de la Chanson, et, pour les œuvres politiques : I^es
Refrains du Peuple.
Nous nous chargeons également de la publication
de volumes ou brochures pour le compte des auteurs,
quel que soit le genre de l'œuvre, après lecture, bien
entendu.
En vente a notre librairie, avec remise de dix
pour cent à nos abonnés, les volumes suivants :
Eugène Imbert : Ballades et Chansons, 1 vol. 2 fr.;
Les Hannetons, chansons anciennes et nouvelles,
1 beau vol. avec portrait à l'eau-forte par Foulquier,
10 exemplaires seulement à 5 fr.;
Chansons choisies, élégies parisiennes, 1 vol. in-32,
papier vergé, portrait-charge, à 5 fr.;
La Goguette et les Goguettiers, études parisiennes,
avec six portraits de chansonniers : Blondel, Pesteau,
Colmance, Bonnefond, Durand, Rabineau, grand
in-18 2 fr.
Tous ces volumes n'ont été tirés qu'à 300 exempl.;
il en reste peu.de chaque. Avis à nos abonnés.
Alphonse Leclercq : Les Heures perd,ues, poésies
et chansons, 1 vol. in-18 3 fr. 50
Savinien Lapointe : Mes Chansons, 1860', in-32,
les derniers exemplaires 1 fr.
G. B. : Loisirs de conférences, chansons imprimées
à petit nombre pour quelques amis, exemplaires sur
papier de couleur 1 fr. 50
Papier blanc, rare 1 fr.
Nous nous chargeons de compléter les collections
du Caveau et de la Lice Chansonnière. Le prix des
volumes varie suivant leur rareté.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2" ANNEE. — N« 21.
1" JUIN 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" <Sc le 16 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sam Supplément
IDMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : La Cavalcade de Saùit-Germaùi-en-Laye. — La Paix (f. vekgeron). — A la Jeune Amérique (jules celés). —
De ma fene'tre (a. lerot). — Curiosités de la Chanson : Le Rvi Dagobert ; Le Joyeux Français (béranger). — Combat de
nuit, paroles de G. de la landelle, musique de levelixg, notes par de fresnoy. — Un acte de justice (l.-henry lecomte). —
3c Liste de souscription pour la statue de Béranger. — La Chanson en province (jules célès). — Bibliographie (l.-henry
lecomte). — Chronique des Sociétés li/riques (a. leroy, vèritas, a. tatay). — m—.-"-.» -' -<•■■
■ Nouvelles et Annonces,
VILLE DE SAINT-6ERIViAIN-EN-LAYE
.SOCIETE DES FETES ET DES Al'.TS
OTexid.! 12:2 IVEai X ^r7^
DE biei\fabsa]\ce:
Organisée par le Comité de la Société
SOUS LE PATRONAGE DE L'ADMINISTRATION MUNICIPALE
Avec le concaiirH des 9° et f f • nogiiiicnts de <'buHHeur!!i,
de lu Mui^ique iiiiinicipiilo et de dilférenteM «^ociétëN de
la ville et des environH.
LES CHANTS l CHANSONS POPDLMRES DE LA FRANCE
COMPOSITION DU CORTÈGE :
rande
l.Gendai-merie.
2. Peloton de Cavale
tenue.
3. Hérauts d'armes portant la
bannière de la ville, et celles
sur lesquelles sont inscrits les
mots : Charité, Bienfaisance.
4. Trompettes en^costume moyen
âge.
5. Musique de Bougival en cos-
tume moyen âgo.
6. Le Chef de la Cavalcade suivi
de son porte-fanion,
7. Breack du Comité
8. Char de la Chanson, attelé de
quatre chevaux.
9. Roland accompagné de Sei-
gneurs et Gardes.
10. Le Roi Dagobert.
11. Le Comte Ory.
12. Charmante Gabrielle.
13. Musique du 11= régiment de
Chasseurs en costume Louis
XIV.
14. Malborough s'en va-t-en guerre
15. Convoi de M. Malborough.
16. Char de Charité. Ce char attelé
de quatre chevaux, repré-
sente une grande corbeille
de fleurs entourée d'enfants.
Dans les Gardes-Franc^îi
peloton de gardes suii
la Permission de dis he
^har delà Musique munie
attelé de quatre chevai
Roi d'Vvetot, Jeanneton
et 5
I. Fanfan la Tulipe.
. Marquis de Carabas.
'. Cadet Roussel, ses fils et ses
filles. -
t. Chant du départ.
. CommissairesduGouvernem'.
.. La Marseillaise, généraux, pe-
loton de volontaires de 1793,
hussards d'Augereau, hom-
mes et femmes du peuple.
. Char de la France, attelé de
huit chevaux.
. Musique de la commune de
Chambourcy.
. La Mère Michel.
. M. et M"« Denis.
. La Boulangère a des écus.
.Travestissements de genre et
de fantaisie.
. Charlatans et voitures diverses
. Goum arabe.
. Peloton de cavalerie en grande
tenue.
GRANDE F/UNTASIA PAR LE GOUM ARABE
Et Défilé sur l'Esplanade du Château devant les Tribunes
Les maisons seront pavoisées, les rues ornées de mâts garnis
de drapeaux aux couleurs nationales.
Le soir, brillantes illuminations et Bal de nuit.
Les organisateurs ont eu l'idée heureuse. Les
Citants et Chansons populaii'cs de la France prêtent
bien à une fête de ce genre.
Depuis Roland avec son cor d'ivoire jusqu'à la
Mère Michel, tous les personnages de nos chansons
populaires figuraient dans le défilé. Le Roi Dagobert
chevauchait auprès du comte Ory. Malborough, très
drôle, s'en allait en guerre, à deux pas du Roi d'Yvetot.
Fanfan la Tulipe précédait le Chant du Départ, et la
Marseillaise, entourée de volontaires, apparaissait
devant la France.
Debout, tenant une palme verte, la tête altière
sous sa couronne murale, la jeune femme qui repré-
sentait la France avait une belle allure. A ses pieds
un lion était couché. A sa droite. Minerve; à sa
gauche, la Justice en longs péplums blancs. Puis des
allégories formaient à ses côtés un cercle divers et
gracieux : le Commerce en Mercure ; l'Industrie
vêtue à l'Antique ; la Jeune République, rayonnante ;
la Liberté, les Arts, la Peinture, la Musique, l'Agri-
culture.
La Boulangère fermait la marche, et de cette foule
travestie s'échappaient des bouffées de gaieté. Chaque
chanson avait son représentant, et chaque repré-
sentant chantait sa chanson. Des airs gais montaient,
des refrains faisaient rire, et d'autres, héroïques, les
couplets de la Révolution, dominaient et mettaient
une note grave en cet ensemble.
Quatre musiques, de Saint-Germain, de Bougival,
de Chambourcy, renforcées de celle du 11'' régiment
de chasseurs, ajoutaient à l'animation.
La foule considérable courait de rue en rue pour
voir et revoir. Sur la place, on se glissait difficilement.
Les abords du château étaient envahis. Les marches
de l'église débordaient. Toute saillie était prise
d'assaut.
On avait réservé la terrasse aux membres du comité
et aux invités, au nombre de mille environ, et lorsque
la cavalcade a passé devant eux, c'a été comme une
vision magique égayant un immense panorama.
La fête, ajoutons-le, n'a pas seulement été belle.
Elle a été aussi fructueuse. Et les pauvres en profi-
teront largement.
Nos sincères compliments aux organisateurs et aux
acteurs de cette belle et joyeuse cavalcade.
La Direction.
18
LA CHANSON
LA PAIX
Elle s'imposera,
La paix large et féconde,
La paix pour tout le monde;
Elle s'imposera,
Et tout refleurira.
Ils ne sont plus ces temps, où le laurier stérile
Ne fleurissait qu'aux fronts des guerriers les plus forts,
Ces temps où l'on armait toute force virile,
Où les grands achetaient un trône avec des morts.
Rois, vous ne verrez plus ces luttes colossales
Où, sans but, sans motif, nos aînés, des héros,
Sur un ordre de vous, victimes ou bourreaux,
Enproclamantvosnoms,succombaientsousles balles.
Elle s'imposera, etc.
On a compris enfin, dans le siècle où nous sommes,
Ce qu'il faut en vingt ans et de soins et d'amour
A de pauvres parents pour élever des hommes
Qu'un boulet meurtrier vient détruire en un jour.
Vos craintes, désormais, ne seront qu'éphémères,
Nos enfants n'étant plus esclaves des méchants.
Par leur amour filial et par leurs soins touchants
Sauront vous épargner bien des pleurs, pauvres mères !
Elle s'imposera, etc.
Quand vos fils, vos soutiens, de leurs chairs pantelantes.
Jonchaient un sol aride, en de lointains climats,
Vous, qu'on vit, bons vieillards aux jambes chancelantes,
Demander en pleurant un guide pour vos pas.
L'avenir vous sourit, plus d'heures de tristesse,
Les maux par vous soufferts seront sans lendemain.
Et ces bras bien-aimés à vos débiles mains,
Serviront pour toujours de bâtons de vieillesse.
Elle s'imposera, etc.
Les prés vont reverdir, hâtez- vous, jeunes flllea.
Déjà, j'entends, là-bas, chanter les violons,
Courez, assemblez-vous et formez des quadrilles,
Le chevalier printemps vous appelle aux vallons.
Celui dont le doux nom fleurissait vos pensées
N'ira plus, fer en main, combattre l'étranger.
Le laurier fera place au bouquet d'oi'anger.
Aimez, livrez vos cœurs, ô chastes fiancées.
Elle s'imposera, etc.
Sous l'are-en-ciel béni du drapeau tricolore,
Symbole universel de la Fraternité,
Nous verrons se lever, radieuse, l'aurore
Des grands destins prédits à notre humanité.
Ayons la foi ; croyons au soleil qui se lève.
Au soleil éclairant tout chemin ténébreux;
Sachons nous préparer à ces jours plus heureux
Où la plume et l'outil remplaceront le glaive.
Elle s'imposera,
La paix large et féconde,
La paix, pour tout le monde ;
Elle s'imposera.
Et tout refleurira.
F. VERGERON.
A iron ami E. Bouchet.
A LA JEINE AMÉRIQUE
Derrière l'Occident où pour nous tout s'achève,
Où notre œil ne voit plus que ténèbres géants.
S'étend un sol fertile et si rempli de sève
Que pour le contenir Dieu mit deux océans.
C'est l'Amérique, ô France ; elle dont le cœur vibre
A chacun des pas que tu fais ;
Le sol où son pied fort se sent fier d'être libre
Fut arrosé de sang français !
Saluons, saluons la superbe Amérique,
Cette reine des nations,
Et fasse Dieu que notre République
(Comme sa sœur, la puissante Amérique)
Soit sauvée à jamais des révolutions!
Mais si tes fils, ô France, ont payé de leur vie
La sainte liberté de ta sœur d'outre-mer,
La terre que leur sang en ce jour a rougie
N'a jamais fécondé pour eux le fruit amer.
Et plus tard ceux des tiens que nos haines civiles
Faisaient déserter la cité
Chez elle ont pu trouver, sans tendre de sébiles.
Du pain blanc et la liberté.
Saluons, etc.
Le peuple américain est un peuple de sages
Qui pratique avec fruit toutes les libertés,
Il aime le travail et, — n'était ses usages, —
Avec lui nous aurions bien des affinités.
Nous avons comme lui la foi républicaine,
Et l'amour sacré de nos droits.
Et, de même que lui, nous n'avons plus de haine.
Puisque nous n'avons plus de rois !
Saluons, saluons la superbe Amérique,
Cette reine des nations.
Et fasse Dieu que notre République
(Comme sa sœur, la puissante Amérique)
Soit sauvée à jamais d-es révolutions !
Jdles CÉLÈS.
DE MA FENETRE
Musique de T. Bernardet (*)
Près du ciel avec les oiseaux».
J'habite une simple chambrette ;
Lorsque j'entr'ouvre mes rideaux,
Le gai soleil me fait risette.
Pour vis-à-vis j'eus deux grands yeux
Que je vis souvent apparaître.
Et dont je devins amoureux
De ma fenêtre.
J'admirais, quand venait l'été.
Les fleurs, les plantes, la verdure,
Formant un cadre à sa beauté
Qui souriait à la nature.
Hélas! l'hiver trop tôt venait.
Et faisait alors disparaître
Les fleurs, le cadre et le portrait
De la fenêtre !
(*) La musique se trouve chez Mesnel, éditeur, 36, rue de
Lancry.
LA CHANSON
19
Aussi, Cupidon, fin matois,
Dédaignant d'enfoncer ma porte,
Passa-t-il par dessus les toits ;
Est-ce ainsi qu'un dieu se comporte.
Il entra chez moi sans détour ;
J'aurais voulu punir ce traître ;
Mais on ne peut jeter l'amour
Par la fenêtre !
Ange adorable ou bien démon,
J'enrageais de la voir si belle;
J'aurais voulu que la maison
S'écroulant me rapprochât d'elle.
Aussitôt qu'elle apparaissait.
Un frisson parcourait mon être,
Et mon pauvre cœur s'envolait
Par la fenêtre !
Ah qu'ils étaient doux ces instants
Oii, plongé dans la rêverie,
Je contemplais ses traits charmants,
Où j'écoutais sa voix chérie.
Et lorsqu'un signe de sa main,
Dans mon cœur, l'espoir faisait naître.
Tous mes baisers prenaient le train
Par la fenêtre !
Un jour, s'enfuit la blonde enfant.
En laissant sa cage déserte,
Et de mon caprice innocent
Je garde au cœur la plaie ouverte.
Depuis, je pleure en mon réduit,
Murmurant : l'amour est un traître.
Fermez la porte, il s'introduit
Par la fenêtre !
A. LEROY.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
CHANSON
Copiée sur un manuscrit du X™e siècle, déposé
à la Bibliothèque nationale (*)
Le bon roi Dagobert
Mettoit sa culotte à l'envers ;
Le grand Saint Eloi
Lui dit : 0 mon roi.
Vous êtes en vérité
Par trop mal culotté :
Eh bien, lui dit le roi.
Je vais la remettre à l'endroit.
Il avoit un chapeau
Qui le coëflfoit comme un taureau ;
Le grand Saint Eloi
Lui dit : 0 mon roi,
Une corne au milieu
' ■ Vous iroit beaucoup mieux :
■ Eh bien, lui dit le roi.
Je veux bien qu'on m'en mette trois.
(•) C'est la première version de cette chanson populaire,
que le temps a singulièrement développée, car elle ne compte
pas aujourd'hui moins de vingt-quatre couplets.
Il avoit pour les vers
Le goîit et l'esprit de travers ;
Le grand Saint Eloi
Lui dit : 0 mon roi.
Laissez aux oisons
Faire des chansons :
Eh bien, lui dit le roi,
C'est vous qui les ferez pour moi.
Souvent avec ses chiens
Il avoit de longs entretiens ;
Le grand Saint Eloi
Lui dit : 0 mon roi.
Tous ces longs entretiens
Sont des discours de chiens :
Eh bien, lui dit le roi.
Je vais les remplacer par toi.
Son grand fauteuil de fer,
D'une sangle étoit recouvert ;
Le grand Saint Eloi
Lui dit : O mon roi.
Tous les meubles des grands
Devroient être en argent :
Ah ! ah ! lui dit le roi.
Vous êtes orfèvre, je le vois.
Il avoit à Paris
Fondu tout l'or de Saint-Denis ;
Le grand Saint Eloi
Lui dit : 0 mon roi,
Vous irez en enfer.
Cela me paroît clair :
Eh bien, lui dit le roi.
Il faut bien être en quelque endroit.
LE JOYEUX FRANÇAIS
Air : Frère Jean à la cuisine.
Que les grelots et le masque
Fixent le Plaisir chez nous I
Ce dieu, puisqu'il est fantasque,
Doit se plaire chez les fous.
Point d'accès
Aux excès
Enfantés par l'art de nuire :
Il n'est qu'un joyeux délire
Qui puisse plaire aux Français.
Des Grecs, charmants fabulistes,
Quand on détrôna les dieux,
Momus aux évangélistes
Céda son rang dans les cieux ;
Puis après,
Sans regrets.
Narguant la loi qui l'exile,
Sur terre il cherche un asile,
Qu'il trouve chez les Français.
Rions de qui veut proscrire
Ce dieu qui rit plus que tous ;
Rions de tel qui déchire
Et croit rire comme nous.
Rions, mais
Désormais
Ne rions qu'en faisant rire.
Et qu'on juge, au plus gros rire,
Quel est le meilleur Français !
(1804) BÉRANGER.
20
LA CHANSON
COMBAT DE NUIT
Entre les deux cotres de 22 canons le Rouhan Soîibise, commandé par Piene Vanstabel, et le corsaire anglais l'Amiral Rodney
— 1780 —
(^rfr7
^m
IJ- J ■> IJ^^
grande
Paroles inédite
G. DE LA UNDELLE
Flam-bnyail en bleu. Je vois on sil-la.çe! Si .
. lonoc' !kiuI cl bas! Sans bruil l'é-qui- pa - ge a
fj\ ■ ff ^
fail bran -le -bas. Nuit noi - re, nuit
D'un - Kerque a son
Fran - ce pour la gloi - re
Musique inédite
de
LEVELING
De ton pa
vil . Ion..
Nous faisions la course
Avec Vanstabel,
Lune ni grande ourse
N'éclairaient le ciel ;
La mer, en revanche,
Paraissait de feu ;
Son écume blanche
Flamboyait en bleu.
— « Je vois un sillage !
— 0 Silence, haut et bas !
Sans bruit l'équipage
A fait branlebas.
Nuit noire !
Dunkerque a son carillon,
France, pour la gloire
De ton pavillon !
— a Pas de canonnade
Sans commandement!... «
— On sait, camarade,
Choisir son moment.
Mais quel est cet autre
Au brillant remous?
On dirait un cotre
Tout pareil à nous ! »
— a Pour se reconnaître
Des fanaux en l'air!... »
Sans couleurs, le traître
Ouvre un feu d'enfer !
Nuit noire, etc.
— ti II perdra sa peine.
Nous l'approchons bien ! »
— (c Mais le capitaine
Ne commande rien !
L'anglais nous mitraille,
Et nous nous taisons!
A quand la bataille ?.. »
— « Regardez, garçons;
En pleine lumière
Et la gorge en sang,
Vanstabel, derrière.
Muet, sur son banc ! »
Nuit noire, etc.
Il se change en cible
Pour parler des doigts ;
Quel combat terrible
Ce combat sans voix !
Ses yeux en colère
Nous commandent : Feu !
A la fin, tonnerre !
Nous entrons au jeu.
— a On te voit! Sois calme!
Nous le vengerons ;
A tes vieux la palme !
Nous le coulerons !
Nuit noire, etc.
— « Qu'il se rende ou meure !
Vive Vanstabel!.. »
Puis, en moins d'une heure,
Le combat fut tel
Que notre superbe
Grêle de boulets
Comme mauvaise herbe
Faucha les Anglais.
Leur barque insolente
Sombra sous leur poids.
Et de cent cinquante
On en sauva trois !
Nuit noire, etc.
Dunkerque vit naître
Pierre Vanstabel
Survivant pour être
Sauveur immortel.
Sous la Répid)lique,
Quatorze ans plus tard,
Pilote héroïque
Imitant Jean Bart,
Par son énergie
Il donna du pain
A notre patrie
Qui mourait de faim.
L'histoii-e
Se trace un même sillon
France, pour la gloire
De ton pavillon !
LA CHANSON
21
A part quelques romances ou chansons dont la musique
fut faite par Etienne Arnaud, Allyre Bureau ou Hippolyfe
Vannier, l'auteur de la chanson ci-contre, Gabriel de La
Landelle, ancien officier de marine nommé lieutenant de
vaisseau durant le siège de Paris, n'a "uère traité comme
chansonnier que des sujets maritimes. La plus ancienne de
ses chansons, qui fut populaire dans nos ports, est le Gabier
de misaine, parodie des Laveuses du Couvent.
Ah ça! beau gabier de misaine.
Avec ta chemise de laine
Et ton chapeau noir bien ciré,
Où vas-tu les mains dans les poches?
Tu t'en vas faire tes bamboches;
Par toi tout sera chaviré.
Gare ! Gare I
Ne te frotte pas à la garde,
Aux ijendarmes surtout prends garde,
Joli gabier
Vaillant et léger !
La suite est au recueil publié à la librairie Dentu, le
Gaillard d'avant, chansons maritimes, qui a ou plusieurs
éditions et où nous remarquons, dans la chanson Jean Bart,
les trois couplets suivants qui correspondent bien au dernier
du Combat de nuit.
La France n'ayant plus de pain,
Etait quasi morte de faim ;
Pour elle c'est le cas de moudre !
Les Hollandais avaient rallé
Le grand convoi chargé de blé.
Sur eux va tomber la foudre
.\vec Jean liart.
A bord, tant qu'on fera le ([uart,
A la belle étoile
Torchant de la toik%
A bord, tant qu'on fera le quaii,
On chantera Jean Bart.
Gare dessous! le vingt-neuf juin.
Sur les six heures du matin.
Attrape à commencer la danse !
— o Bord contre bord, et main sur main,
A toute la France, demain
Nous donnerons l'abondance ! o
A dit Jean Bart.
A bord, etc..
Tenant tout ce qu'il promettait,
Comme un vieux brave qu'il était.
Il met la famine en déroute ;
De façon que les bons Français
Qui ne manquaient plus de pain frais
Disaient en cassant la croûte :
Vive Jean Bart !
A bord, tant qu'on fera le quart,
A la belle étoile
Torchant de la toile,
A bord, tant qu'on fera le quart.
On chantera Jean Bart.
Chose remarquable, c'est exactement à cent ans de dis-
tance aue les deux marins dunkerquois Jean Bart et Pierre
Vanstabel ravitaillèrent la France affamée, — le premier
Îiar la reprise sur les Hollandais du convoi de grains,
e 29 juin 169-4, — le second en faisant entrer à Brest le
convoi d'Amérique durant la nuit du 12 au 13 juin 1791,
(24 au 25 prairial, an II) par le dangereux passage ou Raz
de Sein, tandis qu'une division anglaise bloquait la passe
principale nommée l'Iroise.
Dans une étude sur ce Pilotage héroïque, G. de La
Landelle a écrit :
a Les combats des 9, 10 et 13 prairial ne furent certes
pas inutiles; celui du 10 et les routes prises par l'armée
navale de Villaret-Joyeuse cou\Tent très-bien Vanstabel. Ceci
n'est pas contestable. Toutefois, si le grand convoi de la
Virginie arrive à bon port, ce n'est point parce qu'à la suite
du 13 prairial, le vieil amiral anglais Howe a dû laisser le
champ libre, en se retirant avec ses pertes et ses cruels
profits ; mais bien parce que, tandis que la division Montagu
bloque l'Iroise, Vanstabel avec ses cent quarante voiles,
dont trois vaisseaux de haut bord, l'un coulant bas, les deux
autres au dépoun-u de personnel par suite de l'épidémie,
ose s'engager dans ce dangereux Raz de Sein où les moindres
barques du pays ne se risquent guère sans que le patron
s'écrie :
a — Mon Dieu, protégez-moi pour passer le Raz, car mon
navire est petit, et la mer est grande! »
0 Vanstabel aurait pu s'écrier au contraire :
a — Le passage est si petit, et mon convoi est si grand !
mes vaisseaux sont si nombreux, si pressés, si gros ! et
plusieurs gouvernent si mal pour franchir ce chenal étroit
Dordé d'écueils si menaçants ! »
Villaret-Joyeuse, revenu, le 23 au malin, de la bataille du
13 prairial, à bord de son vaisseau La Montagne criblé de
boulets et avec dix-huit autres vaisseaux, est, depuis deux
jours, dans une inquiétude profonde au mouillage avancé de
Bertheaume. Tout à coup, ô bonheur! le 23 prairial au point
du jour, il reconnaît avec transport le convoi di- Vanstabel.
Tous les efforts de l'ennemi sont déjoués; voici du pain!
Durant ses traversées de Brest à l'embouchure de la
Chesapeack, en Virginie, et de Virginie en France, Vanstabel,
pour couvrir sa marche, ne fit pas moins de trente-neuf
prises, dont la eorvcKe anglaise le Scorpifln en route pour
rapporter en .Vngleterre les drapeaux français enlevés aux
forts et à la garnison de Pondichéry. Vanstaljcl eut l'honneur
de remettre ces trophées au Comité de salut public. La
Convention décréta qu'il avait bien mérité de la patrie.
Après d'autres mémorables services, Pierre Vanstabel, à
peine âgé de cinquante-trois ans, mourut à Dunkerque le
30 mars 1797.
Sous sommes heureux de livrer les premiers à la publicité
la chanson que iMM. G. de La Landelle et Leveling viennent
de consacrer à un Irait de la vie de ce héros trop peu connu.
DE FRESNOV.
UN ACTE DE JUSTICE
Le gouvernement républicain, rompant en visière
avec un absurde préjugé, va, dit-on, reconnaître aux
artistes dramatiques des droits à la Légion d'honneur,
égaux à ceux de tous les autres citoyens. On cite
déjà les nomiS des premiers bénéflciaires de cette
démocratique mesure. L'idée est juste et restera
bonne si Ton sait éviter l'abus. Bien débuter surtout
est essentiel. Un nom s'impose tout d'abord à la
sollicitude du ministre des beaux-arts, celui d'un
artiste de très-haut mérite, et chez qui, chose rare,
le caractère est au niveau du talent : Bouffe.
C'est à Bouffé que la République doit le premier
ruban d'honneur. Il le mérite par d'immenses services
rendus à l'art dramatique et par la dignité de sa vie
privée : or, sous le loj'al régime qui court, mériter
c'est obtenir.
Recevez dès aujourd'hui mes sincères félicitations,
illustre et cher Bouffé. Vous rappelez-vous que je
Fai demandée pour vous, il y a douze ans, cette croix
que vous allez obtenir? — La justice est parfois de
ce monde.
L. -Henry LECOMTE.
22
LA CHANSON
SOUSCRIPTION
Pour élever une Statue à Béranger
3nie Liste
MM. Adrien Souchet, artiste lyrique 2 »
Rocli Girod, correspondant du journal he
Mont-Blanc 2 »
Société des Enfants du Marais (!'='' versement). 18 j>
Société lyrique l'Espérance k(jvene\le,l'^(iaèle. 2 50
JIme veuve Muffat-J oly » 50
M. L. Fauvel, à Monligny (Haute-Saône) 5 »
1er envoi de M. Evariste Carrance, directeur
de La Renie Française, à Agen :
MM.liébot '. i »
Evariste Carrance 5 »
Cavallo 5 »
M""<= P. de lierticr 5 »
MM. Aimé lleinhard 3 »
Brossette 2 »
Paul Bonnefoy 2 i
Victor Madeleine 6 n
1er envoi de M. J.-F. Gonon, chansonnier :
MM. J.-F. Gonon 1 50
Rozier Marcellin » 50
Dutreuil Jacques » 50
Lafay Jacques » 50
Joseph Maissiat « 50
Bichon Jean 1 »
Adolphe Pailloux » 50
V. Meunier » 50
J. Jullia » 50
Deygas Adrien 1 i>
FayoUe j. 50
Mmes Kaisser 1 »
Moreau 1 »
Jjlles Rosine Moreau 1 »
Thérèse Moreau 1 »
MM. Emile Moreau \ »
Dubost 1 »
Léon Fayet s 50
Anthelme Desvignes » 50
Rémy Pramayon » 50
M. et Mme Coste 2 »
MM. Glaudius Bonnet » 50
Alfred Bonnet » 50
Société lyrique l'Amitié 30 65
Produit de 2 quêtes faites au théâtre des Intimes-
Malakoff (Joseph Lavergne, directeur) 50 50
M. Tallois 20 »
Société lyrique des Familles 50 »
228 15
Listes précédentes 2.312 25
Total 2.540 iO
LA CHANSON EN PROVINCE
LYON. — Parmi les nombreuses sociétés chan-
tantes qui existent à Lyon, notamment dans les
quartiers ouvriers, il en est une que je veux faire
connaître à nos lecteurs goguettiers, car son organi-
sation diffère essentiellement de toutes les autres
sociétés du même genre, aussi bien celles de Paris
que celles de Lyon. Elle a pour titre : Les Amis de
la Chanson; son but? son titre l'indique, et c'est là
plus ancienne goguette de la ville. Son siège est à
la Croix-Rousse, au restaurant Aubert, dans la rue
des Ecoles. Les réunions sont entièrement privées ;
elles ont lieu le troisième samedi de chaque mois et
les hommes seuls y sont admis. Chaque sociétaire a
une carte parmanente pour ses entrées ; quelques
jours avant les réunions les secrétaires font distribuer
200 lettres d'invitation aux amis et connaissances
et, chose à constater, le nombre des fervents dépasse
toujours la quantité de places disponibles. Mais aussi,
il faut bien le dire, la société a pour amis tous les
meilleurs chanteurs amateurs de la ville et elle
compte parmi ses membres, outre une variété de
chanteurs très-estimés, des artistes populaires comme
MM. Andrieux, Bouchard, Claude Gauthier, Lumière
et Stéphane. (L'Opéra de Paris ne tardera pas à
nous enlever ce dernier, et ce sera une grande peine
pour nous.)
Parmi les nouveautés du crû qui se sont chantées
cet hiver avec succès, je citerai :
Fraternité, paroles et musique de Claude Gauthier,
chanson chantée par l'auteur.
La Maîtresse du Forgeron , paroles de Joanny
Peigneaux, chanson chantée par Guillermin.
La Consolante, chanson locale, paroles de F. Ri-
voire, musique de Chignard. Cette chanson, chantée
avec beaucoup de finesse et d'entrain par notre
sympathique ami Lumière, est le plus grand succès de
la saison. Succès de paroles, de musique et de diction.
Buvons à la chanson! chanson chantée par Andrieux;
paroles de votre serviteur, musique de Louis Caloin.
Chez les Amis de la Chanson le chant est dirigé
par un président et deux assesseurs et le piano est
tenu par M. Louis Caloin, l'auteur inspiré de Beau
ciel bleu, cette valse à la mode dans tous les salons
lyonnais.
Jules CÉLÈS.
BIBLIOGRAPHIE
Lettre à M. Alexandre Dumas fils, par Albert
Darnelle (Paris, librairie A. Patay, 1879 ("*).
La gloire de M. Dumas fils est incontestable, mais
le talent de ce Dauphin littéraire est depuis longtemps
discuté. M. Darnelle apporte aujourd'hui son contin-
gent de critiques sincères aux juges indécis.
M. Darnelle est jeune, épris de la haute littérature
et de la morale vraie. Evidemment l'œuvre de
M. Dumas fils ne saurait le satisfaire. 11 fait donc
franchement le procès à l'écrivain trop fêté qu'il
affirme (; plus sceptique que dévoué, plus railleur que
chrétien, plus bateleur que prédicateur, » et la
démonstration de cette triple infériorité est faite avec
une vigueur, une lucidité triomphantes.
Peut-être M. Darnelle, après ai^oir sévèrement
jugé les comédies récentes de M. Dumas fils, montre-
t-il trop d'indulgence pour sa pièce de début, la
Dame aux Camélias, qui n'est au fond qu'une oeuvre
habile, mais profondément immorale. Cette réserve
faite, on ne peut qu'applaudir à l'acte de virilité il e
M. Darnelle. La manière dont le critique dit son fait
au Dumas politicien, prétentieux, insulteur, parfaite-
ment nul et révoltant, mérite surtout les remercî-
ments de tous ceux qui ont souci de la dignité des
lettres.
, , Nous souhaitons sincèrement , à la brochure de
M. Albert Darnelle le grand succès qu'elle mérite.
L. -Henry LECOMTE.
(') Envoi franco contre 1 fr. en timbres-poste.
LA CHANSON
23
CHRONIQUE DES SOCIETES LYRIQUES
Cercle Intime, président Garnot, soirée du 12 mai. —
Immense succès avec la collaboration de VUnion
Artistique!...
Plusieurs sociétés nous annoncent leur fermeture
pendant les grandes chaleurs. Nous restreindrons
donc le cadre de nos chroniques habituelles jusqu'à
l'entrée de l'hiver. — A ce propos, j'ai, dans plusieurs
numéros consécutifs, demandé aux présidents qu'ils
aient l'obligeance de m'envoyer des notes relatives
à leurs sociétés, afin d'en faire l'historique!...
J'attends toujours!... Nous faudra-t-il supprimer la
rubrique Paris qui chante?... sous laquelle on a déjà
lu l'histoire des Epicuriens et celle des Enfants
d'Apo/lnnl Un peu de complaisance, Messieurs les
présidents, s'il vous plaît!
C'estle printemps, les fouilles poussent. Z,'6'^yl/?(?i)Me
vient de paraître : c'est l'organe spécial de L'Union
Artistique. Cette nouvelle feuille a pour devise :
Semper majores spectat. L'abonnement (bonne précau-
tion) est rigoureusement payable d'avance. J'y trouve
de la prose et un sonnet signé Néol, des articles de
fonds en combles, sous les rubriques Chers Lecteurs
et Amis! L'Argot des Coulisses! A mes Camarades!
Broquilles! Voyez par ci. Voyez par là! Revue Auto-
graphe! Promenade dans les Combles! etc.. De la
réclame!... et même de l'esprit!... tout ça sous les
signatures de Paulin, Denneville, Moulagauffi-e, etc..
Bonne chance à notre confrère en J.-C! Dans notre
prochain numéro nous espérons pouvoir donner
l'histoire de cette société.
A. LEROY.
Le cercle de l'Union Républicaine du vingtième
an'ondissement,- qui a son siège 29, rue des Cendriers,
donnait le 15 mai, au profit de sa bibliothèque, une
soirée littéraire et musicale à laquelle il avait bien
voulu nous convier. Ce cercle est dû à l'initiative de
quelques citoyens du quartier; il y a là un exemple
que nous voudrions voir suivi dans tous les arron-
dissements.
La salle, qui peut contenir six cents personnes,
était comble. La soirée a été des plus intéressantes;
nous nous sentions heureux de voir cette foule
applaudir les admirables vers des Cliâtiments et de
la Légende des Siècles.
A notre grand regret, nous ne pouvons citer tous
les artistes ou amateurs qui sont venus se faire
entendre; nous signalerons seulement M. Lemaire
qui a fait preuve, comme comique, d'un talent réel;
M. Lévy, l'interprète de Victor Hugo.
Le programme annonçait : Dans l'exil, comédie
en un acte, de M. Jules André, le poète énergique
qui a récemment publié la Corde de fer, livre ou
l'élévation du style rivalise avec l'ampleur de l'idée
et la noblesse des sentiments ; pour des raisons que
nous ne connaissons pas, cette pièce n'a pas été jouée,
nous le regrettons vivement; nous sommes convaincu
que cela nous eût été une occasion d'applaudir une
fois encore au talent si vigoureux de M. Jules André.
VERITAS.
Za Lyre rf'0?'/)Ae>, sous la présidence de M. J. Daubé,
a donné, le samedi 10 mai, au Café du Globe. 8, bou-
levard de Strasbourg, une grande soirée à laquelle
ont pris part un certain nombre de chanteurs et
chanteuses de diverses sociétés. La soirée a été des
plus attrayantes, nous a-t-on dit; nous avons reçu
l'invitation trop tard. Nous prions les présidents de
nous faire parvenir les lettres d'invitation plusieurs
jours à l'avance.
Le lundi 19 mai, les sociétés réunies l'Union
Parisienne et la Réunion des Familles donnaient,
dans la belle salle de l'Ermitage, 29, rue de Jussieu,
un drame en un acte, le Doigt de Dieu, bien inter-
prété par MM. Desfossez père et fils, Gouget, Mazot,
Lesturgie et Charles. M. et M"" Léo et les chanteurs
et chanteuses habituels ont complété la soirée.
Le lundi 2 juin, grande soirée au bénéfice d'un
sociétaire malade.
Le 24 mai, la société Union et Gaîté (M. Guilhot,
président) a donné une grande soirée dont nous
rendrons compte
La soirée donnée le dimanche 25 mai par la société
des Familles (M. Badou, président), au profit de la
souscription Béranger, a produit 50 francs. Outre les
chanteurs assidus à cette société. M""" Camille,
Oranger et Victoria ont bien voulu prêter leur
gracieux concours.
Notre ami J.-B. CoUîgnon, compositeur et chan-
teur, MM. Jomain, Emile Henri, Léon. Vast, Henrius
et un récitateur dont le nom nous échappe, ont eu
des succès mérités. MM. Emile Henri et Léon
avaient appris, pour cette soirée, du Béranger; le
premier, l Adieu que nous avons publié dans notre
n° 18; le second, les Hirondelles. La soirée s'est
terminée par le couronnement de Béranger et par
les belles stances de M. Armand Silvestre, dites par
M. Emile Henri, sociétaire. Nos remercîments à
tous, sans oublier M. Marins Fontaine, l'habile
accompagnateur de la société.
Répondant à l'appel de notre journal aux Sociétés
lyriques, les Joyeux Amis donneront, le mardis juin,
une grande soirée extraordinaire au profit de la
Statue de Béranger. avec le concours d'artistes des
concerts de Paris et des Sociétés lyriques, dans la
salle du Concert du XIX" siècle, 61, rue du Château-
d'Eau. Nous prions nos abonnés et lecteurs de vouloir
bien assiter à cette soirée. Les bureaux ouvriront
à 7 heures 1/2.
La Fauvette Parisienne (M.. A.. Thouzery président)
donne aujourd'hui l" juin sa dernière soirée de la
saison, dans les salons Mercier, 36, galerie Mont-
pensier (Palais-Royal).
Lundi 2 juin, grande soirée à la Lyre bienfaisante,
9, quai Saint-Michel, au profit de la statue de Bé-
ranger. M. Couvreur, en véritable président de la
vieille goguette, a organisé pour cette soirée un
concours de chansons en l'honneur de Béranger; de
plus, on doit spécialement entendre les chansons du
maître. Cette soirée sera des plus intéressantes, nous
en sommes assuré d'avance.
Jeudi 5 juin, la Cordiale donnera une grande
soirée extraordinaire avec le concours d'artistes des
Concerts des sociétés lyriques, dans son local ordi-
naire. Brasserie des Bords du Rhin, 35, boulevard
Sébastopol.
Nous lisons dans V Assemblée nationale du 19 mai
les lignes suivantes :
Encore un succès àl'actif de l'Eldorado : M. Renard,
son habile directeur, devient de plus en plus coutu-
mier du fait.
24
LA CHANSON
Cette fois-ci, c'est un rondeau-valse que nous avons
à signaler : « Quand on a vingt ans «, poésie char-
mante d'un auteur toujours bien inspiré, M. Hippolyte
Ryon, musique de M. Abel Queille.
Le public fait une véritable fête à M"" Amiati, la
gracieuse et sympatliique créatrice.
L'Eldorado tend à suivre une marche nouvelle, et
nous voyons avec plaisir une littérature vraiment
française faire disparaîtrelcsBidard,Popaul et autres
créations de même espèce.
Nous publierons prochainement la biographie de
L. Quantin, par notre collaborateur A. Leroy.
A. PATAY.
NOTRE TOURNOI MENSUEL
Nous avons reçu peu d'envois et, dans le nombre,
plusieurs des concurrents ont confondu le dicton
avec le proverbe. Nous n'avons donc qu'un couplet
à publier. Si nous avons reçu peu de poésies, beau-
coup de lettres nous sont arrivées. Toutes disent
qu'un couplet ne suffit pas pour un concours. Nous
accédons à ces nombreuses demandes et nous propo-
sons, pour notre prochain Tournoi, qui sera clos
le 25 juin, une chanson de six couplets au plus, sujet
libre. Une seule pièce sera insérée dans notre journal
et l'auteur aura droit à dix exemplaires. Les noms
des deux suivants seront indiqués ainsi que le titre
de leurs chansons. Nous rappelons que nos abonnés
seuls peuvent prendre part à nos petits concours.
QUI A BU, BOIRA !
Vingt fois on vous fut infidèle,
Vingt fois, hélas! tout fut rompu...
Pauvre amant, aux pieds de la belle
Pourquoi donc être revenu ?
u Plus de vin ! de folles ivresses !
Bien souvent buveur le jura!...
— A ces coupes enchanteresses, ■
Buveur, amant : Qui but, boii^al
Marc THÉZELOULT.
Plusieurs de nos abonnés des départements nous
écrivent qu'ils se désabonnent parce que nous ne
publions pas ou pas assez de leurs œuvres. Nous ne
contestons pas leur droit de se désabonner, nous les
prions seulement de nous faire parvenir le montant de
leur abonnement échu depuis le 1" novembre 1878.
D'autres nous ont retourné le n° 19 en aj'ant soin
de garder le portrait. Cela prouve que notre supplé-
ment avait quelque valeur à leurs yeux. Nos compli-
ments à ces messieurs.
Nous prions nos abonnés de province qui con-
tinuent leur abonnement de nous faire parvenir le
montant de leur réabonnement le plus vite possible,
car nous avons un certain nombre de pièces reçues
depuis longtemps, et même composées, qui doivent
paraître prochainement, et il est de toute justice que
nous publiions de préférence celles des abonnés qui
nous restent fidèles.
Nous prions nos acheteurs au numéro de demander
le journal La Chanson chez tous les libraires mar-
chands de musique et de journaux. La distribution
devant en être faite partout, les amis de la chanson
nous rendront service en la réclamant chez tous les
marchands.
Nous prions instamment les abonnés qui ne veulent
pas continuer, de nous renvoyer sous bande portant
leur nom et leur adresse les n"" 19, 20 et 21, sans
quoi nous ferons toucher àbref délai pour régulariser
nos livres d'abonnement.
Nous avons lu avec plaisir àz.xi% le Midi Artiste,
qui paraît à Toulouse, une très-intéressante biogra-
phie de M"° Jeanne Flachat, accompagnée de sa
charmante photographie. Ce journal qui s'occupe de
théâtres, concerts, littérature et beaux-arts, rivalise
avec succès avec les publications parisiennes du
même genre.
Nous publierons très-prochainement une liste des
sociétés lyriques. Avis aux intéressés.
Vient de paraître : les Refrains de la rue, de 1830
à 1870, recueillis et annotés par H. Gourdon de
Genouillac. Nous en rendrons compte dans notre
prochain numéro. Nous l'envoyons dès aujourd'hui
à toute personne qui nous en fera la demande accom-
pagnée d'un mandat-poste de 2 francs. Les timbres-
poste ne seront pas reçus.
En vente chez Blanquin, éditeur, 25, faubourg du
Temple, la Rose à Rosa, par C. Saclé.
Signalons à nos lecteurs un journal nouveau : Le
Théâtre pour tous, dirigé par Léon Beauoallet. Succès
certain. Le numéro, 10 centimes.
Le double concours de poésie que nous avons
annoncé, ouvert par V Académie des Muses Santonnes,
sera clos le 31 mai.
M. Gustave DelecoUe vient de publier le Rappel
du Passé, poésie dite au pied de l'arbre de la liberté,
à ViUeneuve-l'Archevêque (Yonne). En vente chez
l'auteur et dans nos bureaux. 15 centimes.
Vient de paraître : Le Livre d'or, poésies choisies
extraites du /'arna«se. Nous en rendrons compte
prochainement.
Vient de paraître à notre librairie, par Albert
AUenet, rédacteur en chef de La Jeune France :
De la Démocratie athénienne ;
Les Etapes de 89 ;
Le Système électoral de la Révolution
française ;
Le Premier Empire et la Liberté ;
Brochures grand in-8 tirées à 200 exemplaires
seulement.
Envoi contre demande franco accompagnée de
50 centimes en timbres-poste pour chaque brochure.
AVIS AUX MARCHANDS LIBRAIRES
Vente en gros et au numéro de LA CHANSON
aux Bureaux du Journal, 18, rue Bonaparte ;
Chez Jeanmaire (ancienne maison Martinon),
rue des Bons-Enfants, 32.
Aux Messageries de la Presse, rue du Croissant,
9 et 11.
Chez Girard, libraire-commissionnaire, 13, rue
Monge.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2' ANNKE. — N° 22.
16 JUIN 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
^uns Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" & le 16 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
IDMINISTRATION L RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an ti fr.
» six mois ît »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : Avis.— Curiosités de La Cliimson : Couplets à M"" J..., Peu de chose (béranoer). — Chanson bohémienne (ooier
u'ivry). — Faut hen qu'i' en ait qu'aim' la tète (g. randon). — Soirée des Joyeux amis. — Banquet du Caveau (l-'Henr^
lecomte). — Montons à la barrière (DALjis aîné). — Datés aine (a. patay). — Banquet de la Lice Chunsonniùre (elg. i.mbert). —
Chronique des Sociétés lyriques {a. leroy, prosper tibia, a. p., hippolyte demanet). — Souvelles et avis (a patay). —
SUPPLÉMENT : Portrait de Dalès aine.
NOUVEAU MODE D'ABONNEMENT
En vertu d'un décret rendu- en exécution de
l'article 9 de la loi du 7 mai 1879, le service des
postes est autorisé, à partir du 1" juin présent, à
recevoir dans tous les bureaux de postes de. France,
moyennant un droit de '■'< p. lOO, les abonnements et
féabonnements aux journaux.
Les sommes versées pour prix d'abonnement
seront transmises par le bureau de poste de dépôt
à l'administration des journaux, au moyen d'un
mandat spécial conten:int toutes les indications
nécessaires au service de l'abonnement.
Le droit de 3 p. 100 sera préalablement déduit du
prix de l'abonnement pour les journaux dont les
éditeurs auront déclaré prendre ce prélèvement à
leur charge.
La Chanson prend à sa charge le droit de 'i p. 100
spécifié ci-dessus.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
COUPLETS A M'i" J . . . (•)
Kn lui en voyant les Lettres sur la Mythologie
Air : Hippolyte
Belle, acceptez de Demoustier
Les Lettres tant de fois relues.
Combien il gâta de papier
Pour des déesses inconnues !
Laissant là leurs brillants portraits.
Dont l'éclat fait naître des doutes.
En ne chantant que vos attraits.
Il pouvait les célébrer toutes.
J'ignore du galant auteur
Quelle peut être l'Emilie ;
Mais il écrit, selon son cœur.
Toujours à la plus accomplie.
En envoyant, de son séjour,
A cette adresse, chaque lettre.
S'il en avait chargé l'Amour
Ce dieu vous l'eût été remettre.
(') Judith.
Ah! que mes vœux touchent le sort!
Dans ce jour, on verra les belles
De ces Lettres payer le port
Par un retour d'ardeurs fidèles.
J*", alors n'oubliez pas.
En ouvrant ces Lettres jolies.
Que par intérêt, dans ce cas,
Je ne les ai point affranchies.
1804
PKLT DE CHOSE
Air : La marmotte a mal au pied.
Aux beaux esprits laissons le mot, ( . •
Et préférons la chose. \
On rit d'un sage, on prône un sot :
De tout l'or est la cause ;
Car tout, dans ce monde fallot, ) / ■
Tient à bien peu de chose. )
Pour la chose l'un est en feu, ) i-
L'autre au sort s'en repose. \
Le courage s'en fait un jeu '
Et l'espoir la suppose.
Combien pour qui la cliose est peu, / ; ■
Combien sont peu de chose! \
Une prude avec son amant \ ,■
Au bout de l'an compose. i
Si parfois sur le sentiment
Pour plaire il se repose,
La belle s'écrie à l'instant ) i •
Que c'est trop'peu de chose. \
Le plus fin prend femme à son goût.
Bien neuve il la suppose.
L'hymen lui prouve tout à coup
Que la fleur est éolose;
" Mais ce qui lui manque, après tout, ) .■
N'est que bien peu de chose. (
Tout est-il mal ? tout est-il bien ?
Sur cela chacun glose ;
Mais celui qui n'approuve rien
A lui-même en impose.
Pour qui se contente du bien, ) , •.
Le mal est peu de chose. \
18«4 BÉRANGER (*
bis.
bis.
(') Ces deux chansons ne figurent pas dans les OEtwres
complètes du grand chansonnier.
26
LA CHANSON
.caere suis la. Mère vers Kou .va et va!..
LE CŒun,
Nous pas. sons oous al.lonsl. nous af.
. Ions Bohe'mieos par les mools par les déserts
gris par les bois profonds par les grands horizons
La Mère. — Passe sur la glèbe amère,
Suis la mère
Vers Kouva..
Et va!...
Le Chœur. — Nous passons, nous allons,
Nous allons, Bohémiens,, par les monts,
Par les déserts gris, par les bois profonds.
Parles grands horizons.
La Mère. — Rappelle-toi, « fils de femme »
Lorsque brame
Le Pan blanc,
Ton sang !...
Le Chœur. — Nous nous le rappelons,
, Nous gardogis, Bohémiens, par les monts.
L'âme du Pan blanc par les bois profonds.
Par les grands horizons.
La Mère. — Danse autour de la marmite
Sur le rite
Des aïeux
Des cieux!
Le Chœur. — Oui, toujours nous dansons.
Nous dansons, Bohémiens, par les monts,
Sur les vieux refrains qu'en chœur nous chantons
Par les grands horizons.
La Mère. — Où ton cheval, où ton âne
Passe, glane
Les butins
Des tiens!...
Le Chœur. — • Nous passons, nous glanons,
Nous glanons, Bohémiens, parles monta,
Par les déserts gris, par les bois profonds,
Par les grands horizons.
La Mère. — Si la fièvre entre en ta tente
Quand il vente,
Jette aux feux
Des œufs!...
Le Chœur. — Nous veillons, nous vivons,
Nous vivons, Bohémiens, nous bravons
La fièvre et la peste et tous les poisons
Par les grands horizons.
La Mère. — Que les fils de tous les couples
Naissent souples
Et des dents
Mordants !...
Le Chœur. — Nous naissons, nous mordons,
Nous naissons, Bohémiens, par les monts.
Par les déserts gris, par les bois profonds,
Par les grands horizons.
La Mère. — Hurrah ! fils, qu'il te souvleane,
Marche ! — Advienne
Que pourra !
Hurrah!...
Le Chœur. — Hurrah! Hurrah !... Marchons,
Marchons tous, Bohémiens, par les monts,
Par les déserts gris, par les bois profonds,
Par les grands horizons.
OGIER D'IVRY (*).
FAUT BEN QU'I' EN AIT OU'AIM' LA TÊTE
.J'egpèr' que vous n' m'accus'rez pas
D'être un gourmand, un parasite,
Si j' vous avou' qu' j'aim' les bons r'pa»,
Et surtout ceux où l'on m'invite ;
Mais aussi faut voir, au festin,
Combien ma tenue est discrète !
Sert-on d' la carpe ou du lapin.
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tête.
Ma mèr' qu'était r'passeus' de fin
N'a jamais bien su m' dire au juste
L' nom d' mon auteur, mais mon parrain
M'a fait cadeau de c'iui d'Auguste.
J'aim'rais bien mieux d'un' grand' maison .
Etr' fils unique et vivre en fête.
Mais quand on sait s' faire un' raison.
En fait d'ancêtre et d' blason,
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tête.
Soldat, pour ma part de lauriers,
J' n'ai, par un sort des plus contraires,
Partagé que ceux d' ces guerriers
Qu'on nomme infirmiers militaires.
L'arme confiée à mon bras
N'a jamais fait d' brillant' conquête;
J'avais rêvé d'autres combats ;
Mais en fait de gloire, ici bas,
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tête.
J'aspirais au tendre agrément
D'un' connaissanc' fraîche et novice,
Mais j' dus en v'nir, finalement,
A me rabattr' sur un' nourrice...
Encor dus-je attendre mon tour
Pour toucher le cœur de Jeannette.
Que voulez-vous? en fait d'amour.
Quand de quibus on est à court.
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tête.
(•) M. Ogier d'Ivry a écrit spécialement pour nous cette
oeuvre inédite sur une musique que tout Paris a entendue
pendant l'Exposition, au Concert de l'Orangerie, et que l'on
faisait bisser tous les soirs par les bohémiens de Moscou.
Cet air, croyons-nous, n'a été recueilli nulle part. Notre
collaborateur a adapté des paroles qui s'harmonisent on na
peut mieux à cette musique. Disons en même temps que
M. Ogier d'Ivry vient de publier chez Fisbacher un nouveau
volume de poésies, Nouvelles rimes de cape et d'épée, que noua
recommandons à nos lecteurs.
LA CHANSON
J'ai voulu prendre un numéro
A la lot'ri' du mariage,
Mais r sort m'a donné moins qu' zéro...
Je n' vous en dis pas davantage.
Quiconque veut goûter d' l'hymen
Pique au hasard de la fourchette ;
Au p'tit bonheur! simple ou malin,
Dans cette espèce d'arlequin,
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tête.
ISagttère on n' pouvait plus chanter!
«• Liberté, liberté chérie! «
Mais on avait pour se r'monter
« Dunois partant pour la Syrie. »
Sur ce galoubet triomphal
Fallait accorder sa musette ;
Si c' n'était pas un fier régal,
Dame! en fait d' chant national.
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tête.
Content du peu qui m'est offert,
Comme on dit, au banquet d' la vie.
D'avaler ma clé comm' Gilbert,
J' n'ai jamais eu la moindre envie.
Un' clé n'est pas un mets sérieux,
Aussi moi qui n' suis pas poète,
Mais philosophe, c' qui vaut mieux.
Je m' dis que même aux festins des dieux.
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tète.
Sachant borner mou horizon,
Je m' suis casé dans la vidange ;
Ça va toujours, pas d' mort' saison ;
Car en somra' faut toujours qu'on... mange
Je n' suis pas d' ces esprits étroits
Qu'un cheveu sur la soupe arrête ;
Dans la grand' curé' des emplois
Où les plus forts ont 1' premier choix,
Faut ben qu'i' en ait qu'aim' la tête.
(J. RANDON.
La soirée organisée au profit de la souscription
Béranger par la société lyrique les Joyeux Amis, a été
superbe. Tous les amis de la chanson s'y étaient donné
rendez-vous.
Indépendamment de quelques sociétaires dontnous
regrettons de n'avoir pas les noms, divers artistes
de concerts ont contribué à l'éclat de cette fête. Nous
citerons tout d'abord l'excellent M. Debailleul, de
l'Alcazar d'été ; puis l'excentrique Reval; MM. Plu-
met, de la Ruche ; Dufour, des Ambassadeurs ;
Augustel, de la Scala; Chiffony, Miles, Desroolies et
Ferrand, du. XlX° siècle. M"° Dora, de l'Alcazar
d'été; M"° Claudia, de la Ruche; M"" Liovent,
Blokette et Adelina du XIX° siècle ont été le charme
et la grâce de cette représentation, remarquable
par la réunion de talents nombreux et divers, et
pendant laquelle l'ordre le plus parfait n'a cessé de
régner.
Il y aurait injustice à ne pas mentionner l'amusant
M. Bouchotty, l'homme à la poupée, et la Lyre
Méridionale qui, sous la direction de M. Vernaelde,
a fait entendre brillamment le seul morceau de
Béranger figurant au programme : Honneur aux
fnfants de la France.
Nous remercions vivement et sincèrement les
organisateurs de cette belle soirée, le président
Lucciani en tête, et, parmi leurs collaborateurs,
M. Villemer qui s'était chargé de la régie avec une
complaisance parfaite.
SOCIETE LYRIQUE 8: LITTÉRAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 6 JUIN 1879.
Comme toute chose ici-bas, le toast rimé par lequel est
interrompu chaque dîner chantant a ses partisans et ses
détracteurs. Les uns lui savent gré de ses allures littéraires
et les autres l'accusent de donner aux réunions chanson-
nières une apparence d'académies. On ne peut du moins
contester au toast ce mérite de contraindre le président à
essayer de traiter d'une façon neuve une donnée banale.
Que de recherches, que d'efforts n'a pas accomplis un
président lorsque, comme M. Eugène (îrangé, il a porté
quarante-huit fois, sur rhythmes variés, le toast à la chanson!
Aussi comprend-on que M. (irangé, à la reprise quarante-
neuvième, s'avoue incapable de découvrir un thème nouveau.
Mais à quoi bon, dit-il, s'ingénier? Au Caveau, coutumes,
timl)res, convives, tout — sauf le vin — n'est-il pas vieux?
Vous pensez bien qu'en s'accusant d'impuissance, M. Grange
trouve moyen de dire des choses originales, neuves et qu'on
applaudit avec raison.
Tn vétéran du Caveau, M. Lagarde, s'est multiplié, l'autre
soir, à la satisfaction générale. Le Curieux, l'Enfant
terrible, Ma Bretelle, donnent franchement la note comique.
Sur le ton grave, Charles Vincent adresse à un astre pares-
seux une invocation éloquente. Reviens, soleil, s'écrie-t-il,
et chacun de faire clionis. Un rayon de soleil, n'est-ce pas
la gaîté, la santé, la fécondité pour tons! iMais,y a-t-il encore
un soIpII ?
Les rencontres de sujets sont fréquentes entre chanson-
niers. Tandis (jue M. Ripault traitait sérieusement, après
Brazier, le dicton : Comme on fait son lit on se couche,
M. IHouton-Dufraisse énumcrait en couplets badins ce qu'on
fait Sur le lit. Succès égal pour deux productions de formes
différentes mais d'égal mérite.
On n'est pas parfait, dit M. Fouaclie, qui prouve son
affirmation de façon très-amusante. ,M. Juilien côtoie la
philosophie avec son Tambour crevé, et iM. Fénée rime
joyeusement de très-drolatiques conseils ;ï un ami sur le
point de prendre femme.
Le bon côté des réunions littéraires, c'est que, à l'inverse
de la plupart des assemblées politiques, les idées les plus
opposées y peuvent librement être émises.
,\insi l'autre soir le « républicain » Montariol ayant, à
propos de pétitions et de mandements, revendiqué avec
énergie le droit des citoyens aux clartés saines et aux libertés
vraies, le « conservateur n Eugène Grange a répliqué par
quelques mordants couplets démontrant, clairement hélas !
que la République, comme les gouvernements qu'elle a rem-
placés, prend souvent Deux balances pour peser les hommes
et les choses. Brochant sur ces plaidoyers pour et contre,
« l'opportuniste » Charles Vincent a développé en trois mots
de la sagesse moderne : Patience, travail et science, en
vers très-vigoureux et animés d'un esprit très-progressiste.
Républicain, conservateur et opportuniste (je me sers des
qualifications prises par les auteurs même) ont été récom-
pensés par des bravos qu'ils méritaient tous trois, soit pour
le fond soit pour la forme de leurs chansons.
Le grand succès du banquet a été pour Gustave Nadaud
qui s'est prodigué avec une grâce parfaite. Brune et Blonde,
composition inédite, spirituelle comme ses aînées, la
Garonne, l'Epingle, le Bain des Auvergnats, ont fait
applaudir une fois de plus la muse aimable et fine du poète
et sa façon merveilleuse de compléter ses œuvres en les
interprétant mieux qu'aucun artiste.
L.-Henkv LECOMTE.
28
LA OHANS0N
MONTONS
A LA BARRIÈRE
Am di' Marchons ii la frontière (Chari.es Gille)
Nous avons qu&uqu's radis,
Pierre il faut fair' la noee ;
Moi, vois-tu, les lundis
J'aime à rouler ma bosse :
J' sais du vin à six ronds,
Qui n'est pas d' la p'tit' bière:
Pour rigoler, montons.
Montons à la barrière !
N' perdons pas un instant,
L' ciel est des plus superbes ;
J' mont'rons Ménilmontant
Jusqu'au bouillon aux herbes.
Là j' boirons queuqu's gorgeons
Pour notr' halte première :
Pour rigoler, moutons,
Montons à la barrièrre !
Maint endroit m'est connu,
J' te conduirai, mon homme,
A la ferm' du Chat nu
Ou bien au P'tit Bonhomme...
Les lapins y sont bons
Et n' sent'nt pas la gouttière :
Pour rigoler, montons,
Montons à la barrière.
Quand nous aurons, mon vieux.
Bien bu, bien fait bombance,
Nous r'viendrons chez Lizeux
Faire un tour à la danse.
P't-êtr' bien qu' nous y pinc'rons
Quelque particulière :
Pour rigoler, montons,
Montons à la barrière !
J' dans'rons un chaloupant
A la mode nouvelle,
Si queuqu' mauvais oh'napan
Veut nous chercher querelle,
Eh bien! j' nous align'rons
Tu sais qu' c'est mon affaire :
Pour rigoler, montons.
Montons à la barrière !
Pour entendre chanter :
Le pêcheur à la ligne,
De là, j' veux t' faire entrer
Aux Amis de la vigne.
Ce sont de francs lurons,
Sans gêne et sans manière :
Pour rigoler, montons.
Montons à la barrière !
T'entendras fredonner
Plus d'un chant politique.
Mais toi qu'aime entonner
Quelque refrain bachique,
Si l'on chante : Marchons,
Marchons à la frontière !
Tu répondras : Montons,
Montons à la barrière !
De la socilliété
Quand se fra la clôture.
Si t'es trop éreinté
Nous r'viendrons en voiture.
Puis dès d'main nous r'taup'rons
Toute la s'maine entière...
Pour rigoler, montons
Montons à la barrière ! ,
DALÈS Aîné.
LA CHANSON
27
DALÈS aîné
1M»S-1»«57
Lo lundi 15 juin 1857, plus de chu\ cents personnes
suivaient un modeste convoi jusqu'au cimetière du
Père-Lachaise. Le défunt n'était ni un favorisé de
la fortune, ni un de ces noms qui font accourir les
curieux ; tous les assistants avaient connu celui qui
s'en allait, et tous l'estimaient.
Dalôs aîné avait fréquenté les goguettes depuis
1840 très-assidûment, nous pourrions même dire
tous les jours. Sa première poésie remonte au
baptême du duc de Bordeaux; il était bien jeune
alors, étant né le 17 janvier 1802, à Strasbourg. Ses
parents, passementiers, firent des fournitures pour
l'armée sous l'Empii'e et pendant les Cent-jours ; à la
rentrée des Boui'bons, ceux-ci refusèrent de payer
les dettes du gouvei'nement impérial; de là, ruine.
A cette épociue, la famille Dalès vint à Paris. Elle
se composait du père, de la mère et de trois enfants.
Dalès aîné, qui avait été au collège de Strasbourg,
savait parfaitement l'allemand ; cela lui servit plus
tard à faire plusieurs traductions qui furent trôs-
remarquées, sous le nom de divers littérateur? en
réputation. Comme on le pense bien, ces traductions
étaient peu pa.yées, et quelquefois pas du tout. Une
fois à Paris, le père reprit sa profession de passe-
mentier, et Dalès travailla dans la maison paternelle
jusqu'au jour où il partit soldat. Il fit la promenade
d'Espagne sous les ordres du duc d'Angoulème; il y
gagna un sahi-e d'Itnnnenr, non pour avoir tué beau-
coup, mais, ce (|ui valait mieux, pour avoir sauvé
la vie à son lieutenant qui sans lui fût mort noyé. Son
père le racheta après trois ans et demi de présence
au corps, qu'il quitta avec le grade de sergent-
fourrier. Pendant ce temps, il avait fait à peine trois
ou quatre romances pour chanter ses amours, et
un à-propos joué dans une soirée chez son colonel.
Rentré dans la vie civile, Dalès reprit son métier de
passementier. Vers la fin du règne de Charles X, il
publia chez Terry, au Palais-Royal, un pot-pourri,
les Barricades, qui se vendit à des milliers d'exem-
plaires et qui est devenu fort rare depuis. Un peu
plus tard, il fit pour les « Marchands de nouveautés, «
comme on disait à cette époque, Amours et intrigues
des Grisettes de Paris, ou Revue des Belles dites de la
petite vei'tu. Toutes les publications de Dalès aîné,
jusqu'à 1840, en exceptant bien entendu celles qui
furent écrites par lui pour des écrivains connus,
ont été signées J.-B. Ambs-Dalès. Ambs était le nom
de sa mèi-e, pour laquelle il eut un culte véritable
jusqu'à ses derniers moments. U Arc-en-ciel de la
liberté, volume de chansons recueillies par E. De-
braux et publié en 1831, renferme une Oraison funèbre
des braves morts pour défendre la patrie, signée
J.-B. Ambs-Dalès. " Une biographie de Chodruc
Duclos parut également à cette époque avec le même
nom.
Lorsque le Petit-Lazary, de théâtre de marion-
nettes qu'il était se transforma en prenant des
acteurs vivants pour remplacer ses marionnettes,
ce fut Dalès aîné qui mit la pièce de Florian,
les Deux billets, en vaudeville ; il y intercala des
couplets charmants et fit adopter ce nouveau genre.
Peu après, il écrivit une autre pièce dont le titre
nous échappe pour le même théâtre.
Vers 1840, Alexis Dalès, le chansonnier populaire
dont nous donnerons aussi la biographie prochaine-
ment (on a souvent confondu les deux écrivains),
emmena avec lui son frère Dalès aîné aux Amis de
la Viyne oii lui, Alexis, tenait le marteau présiden-
tiel. En voyant les ovations faites aux chansons de
son frère et aux cliansonniers de cette époque,
L. Festeau. Ch. Gille, Leroy, et bien d'autres, par le
public nombreux qui fréquentait alors les goguettes,
Dalès aîné se mit à rimer de plus belle. Partout où
il y avait concours de poésies, il remportait des prix,
soit à l'Institut lyrique, aux. Gais Pipeaux, à In
Pipe. etc.
Dalès aîné n'est pas aussi chansonnier que son
frère Alexis, mais il est plus correct. Sa note
était plutôt la romance. Il rencontra cependant
un grand et vrai succès populaire. Charles -Gille
venait d'écrire Marchons à la frontière, sur une
musique qu'il composa en même temps que les
paroles; Dalès fit sans aucune prétention, sur l'air
alors en vogue. Montons à la barrière, que nous
reproduisons à titre de curiosité. Cela se chanta dans
les goguettes, dans les ateliers, puis dans la rue par
E. Baumester à qui l'auteur avait donné l'autorisation
de la mettre dans ses cahiers. On l'entendit même
comme intermède au théâtre de la Gaîté. Nous
constaterons, en passant, que très-souvent les succès
populaires ne sont pas obtenus par les meilleures
œuvres de leurs auteurs. Si nous avions un choix à
faire dans les chansons de Dalès aîné, nous donnerions
la préférence à Retire-toi de mon soleil, La Liberté
n'existe pas, le Progrès, l'Arc- en-ciel de la liberté,
Quand je te vois sourire. Rendez-moi mes rêves chéris,
Viens ma gentille. Aux Peuples, Doux langage des
yeux. Un Vœu à la Vierge, Que me veux-tu? le Ver
luisant, ^.^ mi des ministres, satire contre les ministres
de Louis-Philippe. Deux fois Dalès aîné a retrouvé
le succès de la rue presque égal à celui de Montons
à la barrière.- ce fut en 1849, avec^e Chant des Conscrits,
musique de Léonce Cohen, dont nous citerons un
couplet :
Aux accents de la Marseillaise,
Pour aller chercher les combats,
Nos pères en quatre-vingt-treize
Couraient tous se faire soldats.
Imitons-les, n'avons-nous pas
Ainsi qu'eux une âme française !
Partons gaîment, jeunes conscrits,
Fils de Paris !
et, quelques années plus tard, avec Un Verre,
cantate bachique. Ce fut encore Eugène Baumester
30
LA CHANSON
qui eut seul le privilège de faire paraître cette
chanson et de la rendre populaire. L'éditeur Durand,
qui se connaissait en succès dès rues, en acheta la
propriété ; depuis elle passa dans la maison Vieillot
(Labbé, successeur). "Voici le premier couplet :
Voyez ces fûts rangés dans le celUer ;
Entendez-vous comme un cri d'allégresse f
De gais refrains, échos de l'ateher,^
Viennent bannir loin de nous la tristesse.
Et de ce vin, captif dans les tonneaux,
En bouillonnant, la liqueur frémissante,
Pour se prêter à notre soif ardente.
Chasse la bonde et se rit des cerceaux.
Un verre ! (bis)
Loin de nous qui n'est pas buveur !
Devant le Pomard, le Madère,
Disons des lèvres et du cœur :
Un verre !
M. Charles Nisard, dans son ouvrage des Chansons
populaires chez les Anciens et chez les Français, essai
historique suivi d'une Etude sur les chansons des rues
contemporaines (*), la cite en entier avec beaucoup
d'éloges et la donne comme un modèle du genre.
Dalès aîné présida des goguettes presque constam-
ment pendant quinze ans. Il a fait beaucoup de chan-
sons d'ouverture pour chacune d'elles. Il collabora
au journal le Cabinet de lecture, au Voleur, et, avec
beaucoup d'assiduité, à l'ancien Tam-tam de Com-
merson, ainsi qu'au Tintamarre. Il a dirigé l'Echo
lyrique; il a publié des almanaehs chantants et
recueilli deux ou trois petits chansonniers pour
divers éditeurs.
La biographie deDebureau, qui parut in-32 (édition
populaire, 10,000 exemplaires à dix centimes), est
introuvable et se vend relativement cher dans les
ventes quand par hasard elle s'y rencontre. Plusieurs
de ses chansons ont inspiré des musiciens et ont été
gravées eh musique. Malgré ce nombreux bagage,
il reste peu de l'œuvre de Dalès aîné, qui lui-même
était des plus insouciants pour sa réputation
littéraire.
Pendant plus de quinze ans, il tint la comptabilité
à la compagnie des Citadines; dans ses dernières
années, il était comptable dans une maison de banque.
H. Mailly, dans son Musée lyrique, qui ne contient
que quatre portraits de chansonniers, donna celui de
Dalès aîné. Henri Piaud fit les quatre vers suivants
qui figurent au bas :
Ce masque souriant offre Dalès aîné ;
De nos bruyants concerts c'est le président né,
Et par de gais propos dont il n'est point avai'e,
Il participe au Tintamarre.
A. PATAY.
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 4 JUIN 1879
Je m'étais déjà douté de l'influence que peut
exercer sur le moral du genre humain en général, et
particulièrement des poètes et autres artistes, le
genre de nourriture. Despréaux a dit :
Souvenez-vous bien
Qu'un dîner réchauffé ne valut jamais rien.
Cette remarque, d'ailleurs fort juste, ne s'adresse
(•) 2 forts volumes de plus de 300 pages, chez Dentu, 1867,
prix : 10 francs.
qu'aux gourmands. Berchoux et d'autres ont exposé
de très-bons principes au point de vue de l'art culi-
naire. Mais j'ai pu constater, au banquet d'hier, que
le manque de variété dans les aliments produit des
effets singuliers et presque surprenants. Le lecteur
ignore peut-être que le premier plat qui paraît sur
la table de la Lice Chansonnière, après les hors-
d'œuvre, est invariablement un plat de poisson, et
que ce poisson est toujours une barbue à la sauce
blanche. C'est singulier, mais c'est comme cela.
Peut-être est-ce le résultat d'un vœu, ou bien la
suite d'une obligation imposée au maître de l'établis-
sement par un testateur bizarre. Peut-être une idée
particulière du chef, une toquade, que sais-je ! Et
pourtant, les chefs changent et la barbue demeure,
et, comme par un accord tacite, les sociétaires ne
soufflent mot.
Et pourtant ce régime, presque inoffensif pour les
convives peu assidus, opère sur ceux qui y sont
soumis mensuellement un effet sensible. Leur sang
s'alourdit, leur verve tend à s'éteindre. Il y a, oon
pas pléthore, mais consomption. N'était le marteau
présidentiel, dont Rubois, heureusement, s'escrime
avec vigueur, la somnolence s'ensuivrait bientôt.
Jeannin et quelques autres gaudrîoleurs échappent
parleur tournure d'esprit à cette léthargie poisson-
nière. D'autres la secouent par moments. Les visiteurs
ne la soupçonnent même pas la première fois.
Aussi Randon, le spirituel caricaturiste, a-t-il mis
dans sa chanson toute la verve qui éclate dans ses
dessins. Le titre est dur, mais les couplets sont fins :
Faict ben qu€ en ait qu'aini la tête (*), dit-il dans sa
feinte résignation. Je n'essaye pas d'énumérer tous
les déchets sociaux, tous les débris politiques et
autres dont il veut bien se contenter alors que les
bons morceaux sont le lot de ses camarades de
table.
J'ai cité Jeannin : Un drôle de rêve, et A la guerre
comme à la guerre présentent des situations comiques
oii le gros sel ne tue pas l'esprit. Le bain des charbon-
niers, de Nadaud ; Je me suis laissé faire, la dernière
chanson de Rubois, si bien interprétée par Darcier,
sont de bons morceaux bouffes. M. Brûliez y ajoute
// n'y a pas d'erreur. M. Michaud, dans La Maison de
Suzon, force un peu la note; mais que .ne ferait pas
passer son entrain communicatif ? Du reste, le sou-
venir de la Maison tranquille, de Colmance, ne l'a
pas mal inspiré.
La grâce brillait plus particulièrement dans
quelques productions : Vous n'êtes pas vieux. Conseils
à ma muse. Mes Illusions, Nos amours, ont fait juste-
ment applaudir les noms inégalement connus de
Nadaud, Robinot, Chebroux et Cadot.
Une série de poésies récitées sans musique a jeté
un instant quelque froid , malgré le mérite des
auteurs. Caron, dans Fais ce que dois, a montré de
l'élévation et de l'énergie; ce sont ses qualités
habituelles. La Chanson : pour ce sujet, si souvent
traité, M. Sanglier, qui n'est pas un novice, a su
trouver des idées neuves et des accents vrais.
Le vin ne manque janiais d'adorateurs ; je parle
d'adorateurs platoniques, car les bouteilles ne sont
pas toujours vidées à notre banquet. M. Landrevin,
dont plus d'un succès a rendu le nom populaire,
chante le Franc vigneron de manière à faire tres-
(') Nos lecteurs trouveront cette chanson dans le présent
numéro.
LA CHANSON
31
saillir d'aise dans sa tombe le vieux Bonnefond.
Buvons/ dit M. Miniot; Buvons! chante Picard.
Sujet banal, couplets nouveaux. Puis vient Durafour,
qui d'une voix vibrante entonne un refrain plein de
joyeuse humeur.
On peut mourir quand on a bien vécu! (*)
Puisque je suis en si beau chemin, et que j'ai
nommé, sans y penser, presque tous les chanteurs
de la soirée, pourquoi ne complèterais-je pas mon
énumération? Donnons donc un bon souvenir à
Flachat : les Conseils d'une mère à sa fille se résument
par ce refrain plein'de finesse :
Ouvre l'œil... et baisse les yeux.
Les Laborieux, de Gabriel de Gonet, couplets bien
pensés, mais bien nombreux, expriment de bons
sentiments. M. Asse, en naviguant sur le Fleuve
bleu, unit la forme à la couleur; et Adeline, qui nous
avait lu au commencement un toast poétique de ce
pauvre Echalié, toujours cloué sur sa chaise, a repris
sa voix grave pour nous redire : On n'a jamais pu
savoir, gaudriole tout à fait grivoise.
Constatons, en finissant, que personne n'a lancé le
moindre lardon contre les belles-mères, et espérons
qu'au prochain banquet nous ne serons plus exposés '
à voir la bar-bue qui s'avance.
EuG. IMBERT.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La grande soirée du samedi 24 mai à l'Union et
Gaîté a été ce que sont toujours les représentations
extraordinaires de cette charmante société. Nous
avons applaudi tout particulièrement M""" Rosine
dans J' suis toute chose, qu'elle a chanté en dessous ;
M. Lefèvre, de la Fauvette Parisienne, comme flûtiste;
MM. Berlioz et Lucianni, deux comiques qui, chacun
dans leur genre, méritent des bravos; M"° Mar-
guerite, une toute mignonne jeune fille, à qui il ne
manque que de l'aplomb, c'est-à-dire l'habitude de
la scène. Si vous rencontrez ma femme, nous dit Joraain,
si drôlement qu'on rit. M. Marcus obtient aussi un
grand succès. M"° Julia se fait bisser ; M. Brémont,
du Conservatoire, récite l.a Robe en comédien
d'avenir. Nous terminons ce procès-verbal en remer-
ciant les membres du bureau de la façon toute
gracieuse avec laquelle ils accueillent le chroniqueur
de La Chanson.
La soirée de clôture du cercle Musset a été on ne
peut plus intéressante; on y a joué Brelan de
Moutards et Voiture à vendre. Les interprètes
MM. Emilie, Berlioz, Klotz et Rueff ont été ce qu'ils
sont toujours, pleins de verve et d'entrain. Somme
toute, bonne soirée, précurseur de grands succès
pour la prochaine réouverture.
Jusqu'au dernier moment, j'ai cru pouvoir assister
à la représentation extraordinaire que la Cordiale
donnait le 5 juin. Je regrette sincèrement de n'avoir
pu tenir ma promesse d'autant plus que malgré la
chaleur tropicale dont nous jouissons depuis quelque
temps, les amateurs sociétaires et autres qui s'y
sont fait entendre ont trouvé le moyen de se faire
(■■) Cette cftanson a été publiée dans notre n" 12.
applaudir aussi chaleureusement que la température
le permettait.
L'Union Artistique ferme ses portes. La dernière
représentation de la saison a été donnée le 7 juin.
Inutile de dire qu'on s'y épongeait consciencieu-
sement. Toutefois chacun s'y est montré à la
hauteur de la lourde tâche qui lui incombait et la
pièce On demande des domestiques, interprétée par
nos amis Cherville, Georges et Gabriel, a été enlevée
à la satisfaction générale. C'est le grand succès de
la soirée. 11 en est d'autres que nous serions heureux
de signaler à nos lecteurs, mais notre cadre a des
limites qui nous forcent à la discrétion. Ne quittons
pas cette société sans annoncer qu'elle se propose de
rouvrir à la saison prochaine sur des bases toutes
nouvelles qui feront époque dans les annales
lyriques. Nous en reparlerons longuement dans notre
prochain numéro.
A. LEROY.
Samedi 24 mai, au 106 de la route de la Révolte
(salle Fournier), l'Union Chorale de Clichy a organisé,
sous la direction de M. André Vignat, un concert
populaire au bénéfice d'un sociétaire blessé : cette
généreuse entreprise a reçu sa récompense.
L'élément féminin était représenté par M"' X,
étoile en villégiature qui a filé incognito au travers
de ce petit ciel artistique, et par M"° de Genest,
mignonne débutante, dont la modestie s'est gracieu-
sement marquée dans « C'est bête, fose pas. » —
Osez, Mademoiselle, et tout ira bien.
Les interprètes du sexe fort étaient MM. Maufay,
Meunier, Hardy, Victor, comiques; Sartor et Linck,
romanciers. — Il y a eu peu ou point de faiblesse. —
Une mention spéciale à M. Maufay, qui dans Une
Drôle de soirée, s'est montré plus qu'un amateur, et
à M. Sartor, dans A'^e touchez pas à la République
(paroles de MM. René Asse et J. Jalmey, rédacteurs
au Monde plaisant).
L. Demortreux tenait le piano. — Les chœurs
dirigés par M. Mondain, avaient entrain et tonalité.
Mercredi 28 mai, au restaurant Notta(2, boulevard
Poissonnière), la société « la Pomme » donnait
son 18° dîner, le dernier avant les vacances.
Ce dîner a été le plus gai, peut-être, de la saison r
n'était-il pas présidé par M. Charles Monselet, qui a
émaillé le dessert de ses inimitables sonnets? C'était
un vrai feu d'artifice, dans lequel de petits pommiers
audacieux ont mélangé d'humbles pétards. — De
plus, on a jeté les bases d'une fête littéraire semblable
à celle qui mit les Caennais en émoi, l'an dernier.
Nantes, patrie du président, sera vraisemblablement
le théâtre d'une agape intellectuelle dont nous ferons
connaître ultérieurement le programme.
Prosper tibia.
Il 3' a deux ou trois mois, un groupe de jeunes
gens, amateurs-artistes de Rueil, formaient une
société sous ce nom : La Pomponnette. Le dimanche
25 mai , cette société offrait gratuitement une
première solennité au théâtre de la Renaissance à
Rueil. Plus de 600 personnes assistaient à cette fête.
Des artistes de divers théâtres et concerts parisiens
avaient apporté leur concours. Nous aurons l'occa-
sion de reparler de cette société.
Le dimanche 1" juin, la Fauvette Parisienne, sous
la présidence de M. Thouzery, donnait sa, dernière
32
LA CHANSON
soirée de la saison. Il était littéralement impossible
de trouver de la place ; les trois salons étaient
combles. Le Choral de l'Odéon, sous la direction de
M. Lasserre, a parfaitement exécuté Une Matinée de
■printemps et les Paysans. M. Lasserre a chanté avec
succès une chanson de lui. M"" Mathilde, Berthe,
Madeleine, Louise et Angèle ont eu le succès
qu'elles méritaient. MM. Augustel,Prosper, Benjamin,
Lamarre, Berlioz, Henri H., dans des genres tous
dififérents , ont su se faire écouter avec plaisir.
MM. Lerjs et Lefèvre ont fait entendre le duo de la
Reine de Chypre. Le trio pour violon, flûte et piano
de M. Lourdez, ainsi que plusieurs musiques inédites
de ce compositeur de talent, ont fait le plus vif
plaisir à entendre. M. Lourdez est le pianiste de
la Fauvette Parisienne dont il est membre. Nous
oublions sans doute des noms, le programme étant
des plus chargés. Une tombola a terminé la soirée.
Il était près d'une heure et deujie du matin.
A. P.
Chalet Idalie. — Nous avons assisté cette semaine
à l'inauguration de la nouvelle salle de spectacle-
concert de cet établissement, laquelle a été ouverte le
jeudi 5 juin, à la foule envahissante des curieux et
du public Vincennois. . .
Que dire de Marguerite Baudin, si pleine d'une
crânerie comique dans Le Gigot à l'ail, Mon Dodore
et Ernest- Emestine, de M™" Brugère qui vocalise
comme un rossignol dans Galathée et Le Mari à
la porte.
M""" Garay, très-amusante dans La Kermesse,
très-fine dans Un grand mauvais Sujet, opérette
rondement enlevée avec le concours de son mari;
M"° Delvaud, une toute jeune iîlle, chante gentiment,
bien que La Passerelle et Le Sentier couvert soient
orchestrés dans un ton trop grave qui nuit à sa
tonalité.
Bousquet , un musicien doublé d'un chanteur
excentrique, est désopilant avec son Gommeux nègre
et Miss Kochette ; Moch a soulevé des salves d'applau-
dissements avec Bibi d' bébé et Si c'était à refaire;
Garay souligne intentionnellement : Ça commence ;
quelle jactance, quel entrain, dans son Professeur de
logique!
Coilignon est le compositeurTchanteur populaire
que chacun sait... sympathique et ému dans La
barque volée, tendre avec sa Manon; enfin Georges
est un jeune tyrolien qui sait plaire dans un genre
qui offre peu de variété.
L'orchestre marche à merveille sous l'habile
direction de M. Desormes ; Vergeron a eu bon goût
pour trier, sur le volet, des artistes sachant plaire
au public connaisseur et de bon goût qui compose
la population de Vincennes.
Enfin pour être juste, nous rendrons hommage
aux prodigalités de MM. Bouley et Arnaud, les
propriétaires de l'établissement.
HippoLYTE DEMANET.
NOUVELLES & AVIS
Le concert-conférence qui a eu lieu le dimanche
25 mai àl'Elysée-Montmartre, sous la pi'ésidence de
M. Lockroy, et organisé par le syndicat des artistes
musiciens-instrumentistes, a tellement réussi qu'une
seconde matinée doit avoir lieu le 29 juin dans un
théâtre de Paris, sous la présidence d'honneur de
Victor Hugo. MM. Ch. de Sivry, Marins Bagger,
chef d'orohestre des Fantaisies parisiennes , et
Ch. Mole retrouveront les succès qu'ils ont obtenus
la première fois. Les démonstrations de M. Magnat,
le dévoué professeur des sourds-muets, sont des plus
intéressantes et des plus concluantes.
M. Weckerlin, bibliothécaire au conservatoire de
musique, est parti ces jours derniers pour Colmar
où il va diriger la première représentation d'un
opéra inédit de sa compositipn, écrit en dialecte
alsacien, la Vendange. M. Weckerlin est alsacien;
il a tenu à donner à l'Alsace la primeur de son
œuvre. Outre que M. Weckerlin est un compositeur
distingué, il est de plus grand collectionneur de
chansons. Sa bibliothèque particulière est la plus
complète en chansons anciennes et modernes en tous
genres.
Nous lisons dans le Journal de Vervins, à la date
du S juin, le quatrain suivant :
BÉRANGER
Un grand nom! un grand cœur!! autant qu'un grand poète,
A sa louange on n'en... dira jamais assez!!!
.^lais poui' un tel sujet ma lyre n'est pas faite,
Je finis : Il fut bon! il fui... surtout... français!!!
Alfreb GONTIER.
Notre confrère Amédée Folleville, rédacteur eu
chef du Quartier Latin, émet une idée qui ne man-
quera pas de trouver des échos parmi la jeunesse
des Ecoles. Il s'agit de fêter grandement le jour de
la remise des drapeaux à notre armée.
Les adhésions arrivent nombreuses, un comité
s'organise. Inutile d'ajouter que toutes nos sympa-
thies sont acquises à ce projet.
M. E. Grange, président du Caveau, a lu au
Théâtre-Cluny une pièce en cinq actes, les Vacances
de Beuutaudon .
La Lice Chansonnière a reçu au nombre de ses
membres M. Arthur Lebeau. .1. Jeannin et Cahen
lui servaient de parrains.
Notre Tournoi mensuel sera clos le 25 juin. Nous
rappelons qu'il consiste en une chanson n'ayant pas
plus de six couplets, sujet libre. — Une seule pièce sera
insérée dans notre journal et Fauteur aura droit à
dix exemplaires. Les noms des deux suivants seront
indiqués, ainsi que les titres de leurs chansons.
Nos abonnés seuls peuvent prendre part à nos
Petits Concours.
Nous rappelons à tous nos abonnés que nous avons
fait brocher la première année, que nous enverrons
franc de port à toute personne qui nous enverra un
mandat sur la poste de 5 francs. Les timbres-poste
ne seront pas reçus. Prise dans nos bureaux, 18, rue
Bonaparte, 4 fr. 50.
Nous prions nos abonnés qui n'ont pas le premier
semestre et auxquels il manquerait des numéros,
de se hâter d'en faire la demande s'ils veulent se
compléter.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2" ANNEE.
N° 23.
1" JUILLET 1879.
LA
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi-Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" <5c le 16 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE • Aiivet à tous (k. patay). — Banquet du Caveau, Mois doitnds (l.-henry LF,co^iTE). — Curioxilés de In Chiui-son :
U Mort et la' Police nÈrtANGERl - Vive la '^publique (jules ruel). - Souve>dr d'IUgé^ippe Movenu (sigus). - Vahundonnee,
paroles de ^bdLaIm:.;. musique de paolo meveu). - Le Conserualeur (.ules h.;el). Paris nui etwnte : Les Joyeux
Amis (A. LEROY). - miiograplue{Ei:G. imbert). - L'Automue (j.-i.. robixot). - Adolphe Vaudrij (uobert uARNieR). -
Nourrîtes et Avis (a. tatay).
conseillers imniiéipaux. d't'crivains, de jounia-
li.stes et de chansonniers.
Cette année, nous faisons appel à ce Comité
ainsi (pi'à toutes les souuuités artistiques, litté-
raires, politiques et chansonnières, qui voudront
bien prendre part à la célébration do cet
anniversaire qui doit précéder la grande
solennité du 19 août de l'an prochain, l'érection
de la statue de Béranger dans le square du
Temple.
Béranger, qui lut toujours l'apôtre du bien,
l'ami du progrès, du libéralisme et l'ennemi
de l'intolérance politique et rehgieuse ; en un
mot, Béranger que quelques-uns semblent
encore méconnaître, nous appartient par sa
naissance, son caractère, son cœur et ses
oeuvres : tout était peuple en lui.
L'hommage que nous voulons rendre à
Béranger est tout littéraire . Qui plus que lui a
excellé dans son genre?
Nous ferons connaître par la voie de la
Presse l'heure et le lieu du rendez-vous. Les
membres du Comité voudront^ sans doute, en
célébrant le 2,2° anniversaire de la mort de
Béranger, rendre un nouvel hommage à
l'auteur du Dieu des Bonnes gens, du Vagabond
et des Hommes noirs.
A. PATAY.
Directeur de I.a Chanson, membre du Comité Béranger.
Il y a aujourd'hui un nu, notre rédacteur
en chef à cette même place, dans un cha-
leureux article , disait aux chansonniers
qu'ils devaient marclier à l'avant-gai-de des
enthousiastes de la gloire du plus grand des
chansonniers, Béranger.
Cet appel fut aussitôt entendu de la Lice
Chansonnière et de plusieurs membres du
Caveau.Un avis fut envoyé aux journaux quel-
ques jours à peine avant le 16 juillet, anni-
versaire de la mort de l'illustre chansonnier.
Nous avons alors pu constater par l'em-
pressement de la foule à répondre à cette
invitation, que l'on pouvait réaliser l'idée
que nous caressions depuis longtemps, d'ériger
une statue au maître de cette littérature émi-
nemment française, la chanson.
A partir de cette époque , nous avons
employé tous nos efforts pour créer un Comité
qui pût aider à la réalisation de notre but,
voir Béranger en bronze au centre de ce
Paris qui l'a vu naître et mourir. Ce Comité,
dont Victor Hugo a bien voulu accepter la
présidence d'honneur, se compose de membres
de l'Institut, de sénateurs, de députés, de
34
LA CHANSON
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DES MOTS DONNES (20 JUIN)
Indépendamment de ses dîners mensuels, le
Caveau donne, tous les ans, un banquet d'été, à
l'issue duquel se chantent les « Mots donnés » dis-
tribués par le sort en séance administrative.
Cette réunion supplémentaire est tout intime, et,
d'ordinaire, aucun visiteur n'y est admis. Le Caveau,
cependant, a bien voulu faire une double exception
en faveur d'Eugène Imbert et du signataire de ces
lignes. Je ne pourrai malheureusement reconnaître
l'amabilité de la jojeuse compagnie par un compte
rendu bien détaillé.
La série des Mots donnés était, cette année, la
Cuisine, ou, plus exactement, les Mets. Pour ces sujets
imposés, souvent en opposition complète avec le
tempérament, le goût du chansonnier qui les traite,
la critique a pour devoir l'indulgence. Devoir facile,
car, étant données tant de difficultés à vaincre, les
productions chantées l'autre soir sont loin d'être
maiivaises. Dans quelques-unes, toutefois, le travail
est un peu trop visible, et la collaboration obligée de
la Cuisinière bourgeoise a gêné la verve de plus d'un
poète ; il fallait s'y attendre.
M. Eugène Grange qui, pour donner un aspect
particulier à cette fête de famille , s'était vêtu du
costume complet d'un chef de cuisine, a ouvert la
séance des chants par un ordre de service spirituel-
lement écrit et débité, et par une ingénieuse apologie
de tous les potages connus.
Vingt mets à peu près ont ensuite défilé, cuits
entre rimes plus ou moins riches et accommodés sur
ponts-neufs ou airs nouveaux : les Ho7's-d'œuvre,
présentés par M. Montariol ; le Saumon, par M. Du-
velleroj ; la Poule , par M . Duprez ; l'Oie , par
M. Pouache ; la Dinde, par M. Vergeron ; le Gibier
à poil, par M. Jullien ; le Gibier à plumes, par
M. Piesse; l'Omelette, par M. Grange; le Homard,
par M. Mouton-Dufraisse ; le Jambon, par Alfred
Leeonte ; les Tripes, par Fénée ; la Morue et les
Pieds de mouton, par Charles Vincent; le Miroton,
par M. Moynot. — J'en passe.
Avec ces titres et ces noms, les lecteurs de La
Chanson devineront la plupart des résultats atteints
au moyen de couplets sages, fous, moraux, grivois,
politiques même. L'impression générale a été très-
satisfaisante; je le constate avec plaisir.
Outre les membres titulaires du" Caveau, trois
chansonniers ont pris la parole au banquet des Mots
donnés. M. Michel a chanté la Tête de veau; M. Ar-
mand Liorat a célébré les Salades ; enfin Eugène
Imbert a fait l'éloge du Sel — en pot-pourri. Sel de
cuisine, sel de table, sels chimiques, sel médicinaux,
Imbert n'a rien oublié dans cette œuvre émaillée de
calembours et saupoudrée de ce sel attique qui est,
au Caveau, l'assaisonnement obligé.
L. -Henry LECOMTE.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
LA MORT ET LA POLICE
De par le préfet de police
Qui vous sait à l'extrémité.
Moi, monsieur, délégué d'office.
Je viens vous remettre en santé.
A table, et vive la gaîté!
Que vos docteurs d'ici fassent retraite;
Or, de mourir défense vous est faite,
Obéissez, monsieur, ne mourez pas!
Vous mort, il faut qu'on vous enterre ;
Que de gens viendront au convoi !
Pleureurs de mauvais caractère,
Prêts à tout mettre en désarroi. (*)
Nous savons comment tombe un roi :
Voudriez-vous que le char de l'Empire
Sur votre fosse allât faire un faux pas?
Bieii que ce mot vous arrache un sourire.
Obéissez, monsieur, ne mourez pas!
Tout vous défend la résistance ;
Le prince et ses législateurs
Comptent pour rien ce (|ue la France
Vous dut de chants consolateurs!
Vous n'êtes point de nos flatteurs.
Pour les mouchards, (*') une loi fort bénigne
Vous met au ban, vous, avec les forçats (***),
Flétri du nom de citoyen indigne,
Obéissez, monsieur, ne mourez pas!
Vivez ! A la cour vont éclore
Grandeur, clémence et loyauté.
Grâce à l'argent qui sert de chlore,
Nous amputons la liberté.
Déesse au parlage effronté.
Presse et tribune existent pour mémoire.
Avoir raison n'est plus un embarras ;
Ne sachant rien, le peuple va tout croire.
Obéissez, monsieur, ne mourez pas!
Mais votre nom, avant l'année,
Doit de plus en plus s'amoindrir.
Sous votre couronne fanée.
Sans risque pour nous à courir.
Alors sans bruit, sans discours (**"), sans service.
Un char décent vous conduira là-bas !
En attendant, aux ordres de police.
Obéissez, monsieur, ne mourez pas!
DÉRANGER.
(*) « J'apprends que des hommes de parti ne voient dans
cette triste solennité qu'une occasion de renouveler ces
désordres, etc. » {Proctam. du Préfet de police, 16 juillet 1857).
(••) u Le cortège funèbre était précédé d'un peloton de
sergents de ville... Derrière le char venait un autre peloton
de sergents de ville. » (La Bédollière, Béranger.)
(•"•) La loi électorale restreinte par la Légistative.
("■••) <i Le gouvernement ne souffrira pas qu'une manifes-
tation tumultueuse se substitue au deuil respectueux et
patriotique qui doit présider aux funérailles de Béranger. »
[Proctam. du Préfet de police.)
Rappelons que cette chanson prophétique a été écrite par
Béranger en 1853, quatre ans avant sa mort. Elle ne figure
pas dans ses Œuvres complètes.
A. P.
LA CHANSON
35
VIVE LA REPIBLIQIE !
J'aime à pousser ce cri légal,
Mais ce qui m'est égal
C'est d'en entendre un différent,
Tout membre de la clique
Doit être tolérant :
Vive la République !
« Partant pour la Syrie, « hélas!
Rappelait Ménélas,
L'air de Rouget nous est rendu.
L'aigle est mélancolique,
Bazile est éperdu :
Vive la République !
On va mettre enfin le holà,
Tartuffe et Loyohi
Inculquaient aux petits garçons
Leur tièvi'C.... évangélique;
Assez de leurs leçons :
Vive la République !
Nous la tenons bien aujourd'hui.
Sourions de celui
Que voudrait poser en sauveur
Sa bande l'amolique ;
A Chaillot le rêveur :
Vive la République !
Bonaparte, Orléans, Bourbons,
Pour nous vous êtes bons.
Vous ne voulez que noti'e bien,
Mais, trois, ça se complique !
■Carte à payer, combien?
Vive la République !
Ce besoin d'être gouvernés
Menés, tondus, bernés,
Si difficile à concevoir.
Pour quelques-uns s'explique;
Liberté, c'est devoir :
Vive la République !
Un Président, au lieu d'un Roi,
Quel affreux désarroi,
Le char de l'Etat va.... sombrer,
Prud'homme a la colique,
Pitt va nous démembrer :
Vive la République!
Laissons en paix les potentats
Régner dans leurs états,
Le pied sur leur peuple à genoux.
Argument sans réplique.
Restons libres chez nous :
Vive la République I
Le travail moralisateur
Et pacificateur.
Fait taire et transforme l'airain,
Peuple au cœur héroïque,
Voilà ton souverain :
Vive la République !
Tout monarque a ses courtisans,
Nous sujets-partisans
De l'aimable reine chanson,
Malgré la loi salique.
Chantons à l'unisson:
Vive sa République !
Jules RUEL.
SOUVENIR D'HÉGÉSIPPE MOREAU
Quand, d'une voix sonore.
Les cloches de Provins
Chantent dans les ravins
Le réveil de l'aurore,
Je me sens frissonner.
L'âme tout attendrie.
Couché dans la prairie,
J'écoute bourdonner
Leurs vieux battements d'ailes ;
De ce drelin-din-don.
S'élance un faux bourdon
De strophes immortelles.
Car l'âme de Moreau
Plane sur la vallée.
Comme dans sa volée
Fait l'humble passereau.
Elle attend la fermière,
Ange de son foyer.
Qu'on croit voir tournoyer
Dans la même lumière.
0 poète, attends-nous
Aux bords de la Voulzie,
Où vient la poésie
Te pleurer à genoux !
Sous son bleu diadème.
Le frais mj'osotis
Que tu chantas jadis.
Redit tout bas qu'il t'aime.
Parmi les moissonneurs,
Sur la gerbe dorée.
Viens, ô mon adorée.
Viens rendre les honneurs
A ceux qu'un sort néfaste,
En dépit des autels,
A rendus immortels,
Par l'amour pur et chaste.
Vois ! leur cher souvenir
Et le parfum des roses.
Qui toutes sont écloses,
Semblent nous retenir
Sous la fraîche églantine ;
Viens en ces lieux charmants
Que recherche l'ondine.
Vaporeuse blondine
Qui berce les amants.
Entends-tu l'harmonie
Du limpide ruisseau
Dire au petit roseau :
« Compare Sidonie
« A Louise Lebeau ;
« Ces deux âmes fidèles,
« Couvriront de leurs ailes
u Leurs amis au tombeau. »
siaus.
36
LA CHANSON
L'ABANDONNEE
Musique de PAOLO MEYER
Mouvl de Valee.
te Mc.n rêve aux ai _ les d'or.
!';''(:! CÔnuiï'c «Jus autfe.foTs j-e.tais folle pi ri
Le soleil qui se lève
Et la nuit qui s'endort,
Ne troublent plus mon rêve,
Mon rêve aux ailes d"or.
Comme vous autrefois j'étais folle et rieuse,
Je courais dans les champs après les papillons,
J'étais joyeuse alors, et mon âme rêveuse
Avait encor la fleur de ses illusions.
Le soleil qui se lève, etc.
Un jour, il est parti, celui que mon cœur aime,
Parti bien loin, hélas! sans espoir de retour;
En me disant adieu, sa main pressa la mienne,
Je n'ai gardé de lui que ce gage d'amour.
Le soleil qui se lève, etc.
Mais je l'emporterai, je le sens, dans la tombe.
Cette bague où nos noms se trouvent enlacés.
Et si ce fier vautour cherche un jour sa colombe,
Il veri'a dans mon cœur les maux qu'il a causés.
Le soleil qui se lève
Et la nuit qui s'endort.
Ne troublent plus mon rêve,
Mon rêve aux ailes d'or.
J.-B. DAVAGNIER.
LE CONSERVATEUR
Des vieux usages de nos pères
Qui font les nations prospères
De la famille et de la foi.
De l'ordre et du « chacun pour soi; »
De ma fortune et de ma place,
En haine de la populace
Et (le tout esprit novateur,
Je suis conservateur.
Aux accents de la Marseillaise,
Le peuple ne se sent pas d'aise.
Imbécile, au lieu de crier.
Ne vaudrait-il pas mieux prier.
L'hymne sacré de l'espérance :
« Jésus, sauve Rome et la France, »
Voilà le chant libérateur :
Je suis conservateur.
Pendant que l'incrédule à Lourdes
Traite nos miracles de bourdes.
Un pasteur au cœur trop aimant.
Est flétri par un jugement.
Les bonnes sœurs et les chers frères,
Sont menacés comme les pères.
Malgré ce flot dévastateur.
Je suis conservateur.
Dans ce siècle oii l'erreur fourmille.
Du saint foyer de la famille.
Qu'avec soin Littré soit exclu,
Veiiillot seul y doit être lu.
Pour moi, pieux célibataire.
En secret je relis Voltaire,
Mais motus à mon directeur :
Je suis conservateur.
De notre antique droit d'aînesse,
Plus d'une fois dans ma jeunesse.
J'approuvai la suppression,
Quelle étrange aberration !
Au jour tardif de l'héritage,
Devant la douleur du partage.
J'ai maudit le législateur :
Je suis conservateur.
Au malheureux qui m'importune,
A l'amitié dans l'infortune,
A la quêteuse aux doux regards,
Je sais témoigner des égards ;
Mais à l'indiscret qui persiste,
Je réponds : Que Dieu vous assiste
,Et soit votre consolateur :
Je suis conservateur.
Invariable en politique.
Je me soumets à la tactique
Du grand parti de l'union,
Chacun a son opinion.
Lys ou coq voilà ma devise.
Et pour que rien ne nous divise.
J'admets l'aigle triomphateur :
. Je suis conservateur.
LA CHANSON
37
Dans les luttes électorales,
Que de manœuvres immorales
Font triomphez' nos ennemis,
Contre nous tout leur est permis ;
Si, par hasard, je touche aux listes.
Les républicains formalistes
M'appellent falsificateur :
Je suFs conservateur.
« Gloire au travail, place au mérite, »
— Formule creuse qui m'irrite;
(( L'art et non le sabre vainqueur,
i( L'école et non le sacr6-cœur, »
• — ■ C'est avec ces phrases banales
Que nous marchons aux saturnales.
Si Dieu n'envoie un dictateur....
Je suis conservateur.
Pour toute vie irrégul'èro,
Avec le ciel, a dit Molière,
Il est des accommodements,
Malgré les dix commandements.
Mon faible cœur n'est pas de pierre,
Mais je ne crains rien, car saint Piei're
Me connaît comme souscripteur :
Je suis conservateur.
Jules RUEL.
PARIS QUI CHANTE
La Société lyrique des Jnyeux Amis
M. Lucianni, vice-président des Joyeux Amis,
m'adresse (en y joignant une lettre charmante) et
avec un emprensemimt que je me jilais à constater,
l'historique de sa société. Dans de telles conditions
ma tâche se trouve notoirement simplifiée. J'en suis
très-heureux, et j'accepte avec reconnaissance le
rôle de copiste qu'il me faut prendre malgré les
protestations que la modestie des membres du biu-eau
rédacteur ne manqueront pas d'attribuer à ma prose.
Avant d'être ce qu'ils sont aujourd'hui, c'est-à-
dire disciples convaincus de la mère chanson. Les
Joyeux Amis cultivaient avec ardeur l'art nautique :
ils étaient bien une quinzaine, lorsque, à force de
ramer, la bande joyeuse échoua un jour à Asnières.
11 n'y a rien comme quelques coups d'avirons pour
mettre en appétit les estomacs de vingt ans. Aussi
quelle joie après un tel exei'cice d'arriver sain et
sauf dans un port où l'on trouve des hôtesses aux
yeux bleus, doubléesde bout,eilles aux flancs arrondis!
Le choc du verre fait jaillir la chanson; de la chan-
son l'amitié naît aussi. Pour avoir le plaisir de se
revoir plus souvent on fonda une société séance
tenante et on l'appela /es Joyeux Amis. Donc, en
juillet 1876, Asnières fut témoin de l'élection du
premier président. M. Numa Bassaget, plein de zèle
et de dévouement, obtint d'unanimes suffrages.
Passèrent d'emblée vice-président et trésorier
MM. Zanzibar et Lafleur. Le bureau constitué, on
se réunit pour la première fois en août 1876. café du
Caire, place du même nom. C'est là que l'inaugura-
tion eut lieu; elle fut splendide!... Cependant, il
arriva ce qui arrive presque toujours : quelques
désaccords surgirent. Le président, le comité, et les
sociétaires ne s'entendaient plus. M. Bassaget passion-
nément amoureux de la rame (ce qui entre parenthèse
est une passion d'un platonique indiscutable), le
président, dis-je, voulait conserver à la société un
caractère nautique et lyrique tout à la fois. Les
sociétaires, moins amoureux des avirons que des
chansons, déclarèrent ne jamais vouloir céder sur ce
point. M. Bassaget donne sa démission et la société
d'un commun accord s'ajourne (vu les grandes
chaleurs) à l'hiver prochain. C'est en février 1878,
que les Joyeux Amis se reforment sous de nouvelles
bases dans la salle du café des Négociants, 99,l)oule-
vard Sébastopol, local qu'ils occupent actuellement.
M. Pierre, élu président, s'efforce de donner à la
société b^ côté artistique que nous lui connaissons.
M. Adam lui succède et signale sa prise de posses-
sion par un coup d'éclat. 11 organise un concert à
la salle Pierre Petit. Malheureusement les foi'malités
de la censure n'ayant pas été remplies, il fallut
l'ajourner au dimanche suivant, ce qui le fit échouer
complètement. 1\L Adam désolé et surtout dépité
donne sa démission le lendemain (juillet 1878). La
société passe dans les mains de M. Largeot avec
M. Lucianni comme vice-président, M. Beroux
secrétaire et M. Bury trésorier.
Possédant une direction inlelligcnte et de nom-
breux éléments artistiques. Les Jnyeux Amis ne
pouvaient que prospérer. Ils prospèrent ! L'art
chorégraphique complètement négligé pour l'art
lyrique n'a pas peu contribué aux résultats obtenus ;
nous devons rendre cette justice à M. Largeot. Sous
ce rapport il s'attire toutes nos sympathies; par
contre les jeunes filles le voient d'un très-mauvais
œil. C est une lutte engagée entre le beau sexe et
lui, eu sortira-t-il vainqueur?...
Notons encore à l'actif de M. Largeot l'initiative
du concert donné au XIX° siècle au profit de la
statue (le Béranger et dont notre rédacteur en chef
a fait le compte rendu ; témoignons-lui de nouveau
toute notre reconnaissance et donnons en terminant
la nomenclature altrégoe des artistes contribuant au
succès toujours croissant de cette société. M"" An-
gèle, Louise, Léontine, Caroline, Jenny, Suzon,
Barouzy, Emilie Préaux, la plus jeune (10 ans je
crois), pas la moins aimée. MM. Lafleur, Marcus,
Lelarge, Lucianni. Gustave Marie, Laglume, Guil-
loton, Andral, Gardin, Larith, Perron, Lagalfe,
Munier, Brémont, Bury, etc., etc. Cet ensemble
attrayant de chanteurs, diseurs et artistes dont les
noms d'un grand nombre nous échappent, attire un
public choisi qui prouve par ses applaudissements
chaleureux et mérités combien on s'amuse au sein
des Joyeux Amis.
A. LEROY.
BIBLIOGRÂPHSE
La Gamme du Sonnet, en trois dizains, par Casimir
Pertus (Paris, Sandoz et Fischbacher, 1879). — Un
peu de tout, chansons, poésies, fables, théâtre, par
PouUain (Paris, Dentu, 1879).
Je veux parler aujourd'hui, et en même temps, de
ces deux livres bien différents l'un de l'autre. Ils no
perdront rien au rapprochement. Pertus ne pourra
s'en plaindre et Poullain en sera fier. Un peu de tout
et la Gamme du Sonnet ont un caractère commun :
la sincérité ; les deux poètes n'écrivent que ce
qu'ils pensent ; mais le style de l'un est plus
38
LA CHANSON
artiste; celui de l'autre, si je puis parler ainsi, plus
bonhomme. Pertus est paré sans recherche, PouUain
simple sans négl gence, ou du moins sa négligence
est voulue et devient un agrément.
Les sujets sont dissemblables comme la forme.
Poullain chante les douceurs de la famille, les
charmes de l'amitié, les parfums du mad(=re topaze,
les enivrements du pot-au-feu. Pertus célèbre les
grands caractères do l'antiquité, exalte les hautes
vertus, flagelle les méchants, vante et enseigne
l'éloquence. Ici je vois Horace animé par le Falerne,
là Juvénal armé de lanières vengeresses; disons le
mot juste : le poète et le chansonnier.
Poullain est membre du Caveau. Il s'en vante,
mais on le devinerait. C'est là qu'il a dû puiser, non
pas ses qualités naturelles de rondeur et de gaîté,
mais son amour du léger paradoxe et cette tendance
aux regrets du passé. Dans Le vieux Paris où je suis
né, il se montre, comme Clairville, qui a traité le
même sujet à sa manière, laudator tempoi'is acti se
puero, mais avec moins d'amertume. Ailleurs, il
rétorque Béranger et chante :
Dans un grenier qu'on est mal à vingt ans !
'Voilà bien les deux notes favorites de la spirituelle
académie chansonnière.
Poullain n'aime pas, du reste, ce qui divise les
hommes, mais ce qui les unit. Il fuit la politique et
cherche les banquets :
Dans ma chanson jamais la politique
N'assombrira ma riante gaîté.
){lanc, rouge ou bleu, le vin m'est sympathique...
Il se peint là, et n'est jamais mieux lui-même que
lorsqu'il chante le Petit bleu gaulois, la Mère Sans-
souci, le Cochon de Saint-Antoine.
Le Nid d'hirondelle, le Dieu des pauvres gens, Mon
Ruisseau, le Petit miroir, ma Chambrctte, un Rêve,
ma Maisonnette, les deux Jumeaux particulièrement,
sont des morceaux où brillent tour à tour une franche
gaîté, une grâce touchante, une éloquence chaleu-
reuse. C'est le cœur doublant l'esprit.
Si l'amour est un mal, c'est le meilleur des maux,
s'écrie notre épicurien. Mais écoutez comment il
comprend l'égoïsme de sa secte :
Egoïstes, c'est bon, n'est-ce pas, d'être à soi ;
Du bonheur, au logis, de pratiquer la loi ;
De n'avoir, étant deux, qu'une même pensée.
Qu'une pulsation par les deux cœurs poussée ;
De voir se conformer volontés et désirs ;
De prendre à deux la peine ainsi que les plaisirs?
Cela se passe ainsi lorsque, d'une main sûre,
Ce grand coquin d'amour vous a fait sa blessure,
.Jusqu'à ce qu'un bambin, de sa charmante voix,
Vous dise : Halte-là ! Maintenant, part à trois !
Le voilà, le gamin, le blondin, l'enfant rose,
Qui force la maison en tyran qui s'impose ;
Qui prend votre repos, parfois voire santé,
Qui veut tout, à son tour, sans être contesté ;
Vous êtes, comme on dit, pris dans son engrenage,
Et le jeune despote est maître du ménage...
Nous nous reprocherions de ne pas mentionner la
pièce de vers que Poullain a bien voulu adresser à
nos amis et qu'il intitule : Merci à la Chanson, en
souvenir de Béranger.
Pertus ne fait pas fi de l'actualité. S'il chante
Socrate, Brutus et Sophocle, il ne dédaigne pas
Tragaldabas, et même — risum teneatis — le Petit
Journal. Daniel Manin, dans ses sonnets, coudoie
Lydie, et Victor Hugo y donne la main à Michel Ange.
Je pensais que pour choisir dans ces trois dizains
un sonnet à citer, je n'avais qu'à les relire tous. De
là précisément redoublement d'embarras. Pour m'en
tirer, ne pouvant faire un choix, j'en citerai deux,
le premier et le dernier. Voici donc celui qui ouvre
le livre.
LE SONNEX
Magique est son pouvoir : poème colibri,
Tel que l'aigle, il s'élève aux régions sublimes,
Puis, selon son caprice, après les hautes cimes,
Il parcourt les bosquets où l'amour a souri.
Il reflète le deuil d'un regard assombri ; ^
Il est le doux écho des sentiments intimes ;
Comme avec des pinceaux il peint avec ses rimes,
Et parfois lance un trait d'un air tout aguerri.
La resserrant, il semble agrandir la pensée'
Qui, dans un cadre étroit savamment enchâssée,
Brille ainsi qu'un rubis en sa monture d'or,
Et, semblable en vitesse aux vertes demoiselles,
Il déploie et secoue, en son rapide essor.
Deux quatrains, deux tercets, vives et doubles ailes.
Ce dernier vers n'est-il pas véritablement ailé,
lui aussi? Mais passons, au contraire de Boileau, du
doux au grave :
MACTE ANIMO
Si l'implacable sort te prodigue l'outrage,
S'il te poursuit toujours de ses coups odieux,
Souviens-toi du Gaulois qui défiait ses dieux
Quand sur lui la tempête éclatait avec rage.
Allons! poète, jette au milieu de l'orage
L'imperturbable accent d'un vers mélodieux,
Et, le regard fixé vers ton but radieux,
.\u-dessus du malheur élève ton courage !
Sous les vents déchaînés marche, affermis ton pas ;
Va toujours en avant ; ne t'inquiète pas
Si le ciel embrasé peut te réduire en poudi'e ;
Traverse, le front haut, les flamboîments de l'air :
Ta plume en se trempant dans les feux de la foudre
Fera sur le papier jaillir aussi l'éclair!
A quoi bon faire ressortir la netteté, la vigueur
de ce style riche dans sa simplicité, énergique sans
emphase? Si quelque chose, en littérature, approcha
jamais de la perfection, ce sont assurément de tels
vers.
Et j'admire que ce poète, qui peignait l'an dernier
d'un brosse si hardie les grands tableaux d'une épopée
gauloise, déploie dans ces nouvelles miniatures des
qualités inattendues et rares de finesse et de préci-
sion. Ne mérite-t-il pas qu'on dise de lui-même ce
qu'il disait tout à l'heure du sonnet :
La resserrant, il semble agrandir la pensée.
EuG. IMBERT.
De La Chanson
PIÈCE COURONNÉE
L'AUTOMNE
Chantez la saison qui donne
Le rêve divin ;
Moi j'aime à chanter l'automne,
La saison du vin.
LA CHANSON
39
Le soleil abrège sa course :
Le brouillard attendrit le fruit ;
Le vent ride l'eau de la source
Où la feuille tombe sans bruit.
L'été suit sur son aile brune
La route des joyeux printemps ;
La brise fraîchit, et le temps
Nous fait aimer le clair de lune.
Chantez, etc.
La gerbe a quitté son royaume
Pour la grange, et dort en repos;
Mais on voit courir dans le chaume
Le chasseur ardent et dispos.
Puis le soir, quand tombe la fièvre
De l'âpre plaisir, on le voit
A table, iieureux ou maladroit,
Suivre encor le parfum du lièvre.
Chantez, etc.
La longue soirée, où le rire
Eveille les piquants discours,
Où la gaudriole en délire
Glane à la moisson des amours,
Fait de la cachette discrète,
En attendant les vins nouveaux,
Déranger les derniers fagots,
Pour prendre les ^ ieux vins de fête.
Chantez, etc.
A l'aurore, alerte et joyeuse
Des riants coteaux on peut voir
Descendre la grappe frileuse
Qu'attire vers lui le pressoir.
Le maillet chiuitc sur la tonne.
Qui répète ses gais refrains,
Et l'air parfume les chemins
Des effluves du vin d'automne.
Chantez, etc.
C'est à l'automne que l'on range
Les fruits fécondés par l'été ;
C'est à l'automne que l'on change
La folie en douce gaîtô.
Ce que je lui reproche. Lise,
C'est qu'insouciant à sa voix,
L'automne laisse quelquefois
L'amour emporter sa valise.
Chantez la saison qui donne
Le rêve divin;
Moi j'aime chanter l'automne,
La saison du vin.
J.-B. ROBINOT.
■Viennent ensuite :
Le Vin du souvenir, par Georges Lemaître,
Rêve et Réveil, par Marc Thézeloup.
3"° Tournoi mensuel ouvert du 1"' au 25 juillet
Nos abonnés seulement ont le droit d'y prendre
part avec une seule pièce, quelqu'en soit le genre,
ne dépassant pas GO vers.
Dans notre tournoi du mois de mai, nous avons
oublié de mentionner les titres et les noms des deux
concurrents qui viennent à la suite de celle publiée.
Mieux vaut tard que jamais! de M. E. Chouasnet, et
Bon chien chasse de race, de M. Mathierre.
A. P.
ADOLPHE VAUDRY
Nous devions rendre compte à cette place du con-
cert organisé par des amis au bénéfice de Vaudry;
à notre grand regret nous remplaçons ce compte
rendu par un article nécrologique .
Le 20 juin dernier, Adolphe Vaudry, le composi-
teur de tant de mélodies devenues populaires,
mourait à l'hôpital Lariboisière où il avait été amené
la veille ; il avait 58 ans.~
Depuis longtemps Vaudry paraissait en proie à
des chagrins et répétait souvent qu'il mettrait fin à
sa vie ; c'est ce qu'il a elTectivement exécuté au
moyen de deux réchauds de charbon.
Les formalités de justice ne permirent pas que
l'enterrement eut lieu avant le 23, à huit heures.
M.ilgré cette heure matinale, le cortège était nom-
breux, car Vaudry était très-sympnthique.
Les assistants avaient remplacé la traditionnelle
immortelle à la boutonnière par une rose; ils symbo-
lisaient ainsi la jeunesse, éternelle au cœur de
l'artiste.
Parmi les chansonniers présents nous avons
remaïqué : Noël Monret, Eug. Imbert, Evrard,
Landragin, Denanjanes, Auguste Guigue, Etienne
Ducret, Lecbiiro. Cahen, Arthur Lebeau, Hippolyte
Ryon, Legontil, René Ponsard, M"" Elle Deleschaux,
J.-B. Collignon, coni|)ositeur et ch:uiteur, L. Labbé,
éditeur. Le journal La Chanson était représenté par
son directeur A. Patay.
Sur le bord de la fosse, Eugène Baillet, le plus
ancien collaborateur de Vaudry, a prononcé au
milieu du recueillement le plus complet, les paroles
suivantes :
Amis,
Quand l'un de nous quitte les rancs du bataillon
de la chanson pour s'endormir dans l'éternité, nous
nous sentons tous atteints et notre gi'oupe. qui
s'éclaircit chaque jour, se rassemble aussitôt pour faire
cortège à celui qui s'en va. C'est pourquoi aujour-
d'hui nous sommes là sur la tombe de Vaudry qui
était un de nos vaillants.
Que lut Vaudry dans le monde? un di'classé. Il est
né ayant au front l'étoile de génie musical, mais le
destin qui l'avait doué ainsi l'avait fait naître dans
le berceau du prolétaire...
Il faut que tu chantes, lui disait l'inspiration qui
débordait son cœur,... il faut que tu travailles,
répondait la nécessité ! Voilà la lutte de toute sa
vie. Que de souffrance, que d'humiliations à subir!
Celui dont l'existence toute matérielle est comblée
par la fortune, celui-là a toujours l'ironie sur les
lèvres devant l'artiste que la nécessité accable.
Accueillons-les ces réprouvés du sort, ces natures
délicates, tendons-leur la main, et quand nous voyons
de braves travailleurs : le compagnon maçon, le
charpentier . le menuisier , occupés à bâtir des
maisons, disons: Oui, votre œuvre est courageuse et
utile, mais celui-là fait œuvre utile aussi qui, comme
Vaudry, apporte dans les mansardes — œuvres de
vos bras — la gaîté et l'harmonie par la chanson et
la musique.
Oui, ami, tu peux dormir en paix, tu as fait ta part
de travail, et si de guerre las tu nous as quittés
volontairement, nous n'avons qu'à t'en témoigner
nos regrets ; c'est un mystère pour nous, ta con-
science seule fut juge de ton action, inclinons-nous!
LA CHANSON
Oui! -dors en paix! dors bien doucement, enseveli
que tu es dans les fleurs de notre amitié!
Les choses les plus tristes de ce monde ont leur
consolation : tu as vécu parmi les pauvres; te voilà
dans la fosse des pauvres : mais tu ne laisses pas
l'oubli derrière toi et longtemps encore, les ouvriers,
tes frères, en mnuiaiit l'outil; la jeune Mlle au sein
de sa famille, et le gamin en montant le faubourg
qui mène à l'atelier, rediront les refrains sur lesquels
tu as répandu lu fraîcheur, la jeunesse, la vie, en un
mot le charme irrésistible de tes mélodies! Ami,
adieu !
Nous publierons prochainement une notice sur
Vaudry, par Eugène Baillet.
NOUVELLES & AVIS
Le volume que M. Gourdon de GenouiUac vient
de publier à la librairie Dentu (*), les Refrains de la
j'ue de 1830 à 1870, ne tient pas tout ce que son
titre promet. Il y a beaucoup de refrains cités, mais
il y en a encore plus d'oubliés. Il était du reste
difficile de fal.-e plus que l'auteur a fait, dans un
cadre aussi restreint (une centaine de pages pour
l'espace de quarante années). Il fallait donc faire un
choix ;■ c'est ce que l'auteur a fait et c'était son droit.
Tel qu'il est, nous recommandons la lecture de ce
volume qui non-seulement rappelle toutes les chan-
sons citées, mais qui en même temps fait revenir à
la mémoire celles qui n'ont pu y trouver place.
Notre ami et collaborateur Eugène Baillet termine
un tr.'S-grand travail, très-complet, sur le même
sujet, qui paraîtra probablement cet hiver. C'est une
Anthologie de la Chanson qui formera 2 forts volumes
d'au moins 500 pages chaque.
Nos lecteurs apprendront avec plaisir que notre
ami Eugène Baillet prépare aussi pour paraître très-
prochainement en souscription son volume de
chansons choisies. Nous publierons les conditions
dans notre prochain numéro.
Le Livre d'or, qui vient de paraître aux bureaux
de la revue le Parnasse, 21, rue du Val-de-Gràce,
renferme un choix de poésies publiées dans cette
revue de 1877 à 1878. L'éloge n'est plus à faire des
membres d'honneur du comité qui veulent bien prêter
leur concours à cette publication : MM. de Banville,
Coppée, de Bornier, des Essarts, Prudhome, F. Pittié,
G. Picard, Soularj, etc., et parmi les collaborateurs
habituels: MM. Ogier d'ivry, Lambert, VugoJ,
G. Borbey, etc.
Nous sommes certain que tous nos lecteurs voudront
pos^éder ce volume qui renferme tant de bons vers.
Nous parlerons ti"ès-pi'ochainement du travail
complet et très-intéressant sur le regretté poète
Albert Glatigny, publié récemment par notre colla-
borateur Job-Lazare.
L'Union et Gaité, danssa séance du 10 juin, a réélu
M. Varenne président, et c'était justice.
Au Métronome, 33, rue de Rivoli, Emile Benoit
jeune, éditeur déjà connu, vient d'ouvrir une maison
nouvelle. — Collection des classiques du piano :
musique à cinq centimes la page.
(•) Cet ouvrage, tiré à SOO exemplaires seulement, se
trouve aussi à notre librairie. Envoi contre uu mandat-poste
de 2 francs.
Dimanche dernier, le liasard nous fit entrer au
concert Vacheresse au Point-du-Jour. Parmi les
bonnes chansons que nous avons entendues et applau-
dies, citons en première ligne une poésie remarquable
intitulée Souvenir! de notre collaborateur A. Leroy.
La musique du chef d'orchestre P. Bletry nous a
particulièrement frappés; elle parle et chante tout
à la fois. L'orchestration est faite de main de maître.
Quant à l'interprète, nous regrettons que son nom
nous échappe ; il mérite tous nos éloges; au reste les
applaudissements ne manquent jamais à l'artiste
qui sait intelligemment choisir ses chansons.
Le lundi 9 juin, la société la Lyre bienfaisante,
sous la présidence de M. Couvreur, donnait dans son
local, 9, quai Saiut-Michel, une grande soirée pour
la souscription Béranger. La salle était comble. Le
programme a été fidèlement suivi ; on n'a chanté
que du Béranger, et le concours de poésie a donné
le résultat suivant : huit concurrents, la pièce cou-
ronnée A Béranger, auteur M. Cognet.
Trois prix de chant ont été donnés à M™"" Alexis,
Vurère et M"" Lalande. Une quête a été faite ; elle
a produit 16 fr. 50 qui ont été versés dans nos
bureaux.
M. Branchard, ex-président do La France Moderne,
nous a remis 23 fr., produit net d'une quête faite
pendant un bal donné à Valentino par cette société,
le 29 mars dernier.
Plusieurs de nos abonnés se plaignent de ne pas
avoir reçu leurs numéros. Le service des abonnés
étant fait très-régulièrement par nous, nous prions
nos abonnés, si le cas se renouvelle, d'adresser leurs
réclamations à M. le Directeur des postes.
Nous rappelons à tous nos abonnés que nous avons
fait brocher la première année de La Chanson que
nous enverrons franc de port à toute personne qui
nous adressera un mandat sur la poste de 5 francs.
Les timbres-poste ne seront pas reçus. Prise dans
nos bureaux, 18, rue Bonaparte, 4 fr. 50.
La Chanson demande des correspondants litté-
raires partout où l'on chante. Nous accueillerons
avec empres.sement toutes les communications qui
peuvent intéresser nos lecteurs et qui rentreront
dans notre cadre.
Nous prions nos acheteurs au numéro de demander
le journal La Chanson chez tous les libraires et mar-
chands de musique et de journaux. La distribution
devant en être faite partout, le.'^ amis de La Chanson
nous rendront service. en la réclamant chez tous les
marchands.
A. P.
- AVIS AUX MARCHANDS LIBRAIRES
Vente en gros et au numéro de LA CHANSON
aux Bureaux du Journal, 18, rue Bonaparte;
Chez Jeanmaire (ancienne maison Martinon),
rue des Bons-Enfants, 32.
Aux Messageries de la Presse, rue du Croissant,
9 et 11.
Chez Girard, libraire-commissionnaire, 13, rue
Monge.
Chez Traslin, rue du Croissant.
Chez Quentin-Roux, rue des Petits-Carreaux, 41.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2* ANNÉE. — N' 24.
16 JUILLET 1879.
LA CHANSON
Directeur- Géran t
A. PATAY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le ±" <!c le 16 de chaqu-e mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PABIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 i»
Etranger, le port en sus
Portrait de
SOMMAIRE : Concours poétique en l'honneur de Béranger — Curiosités de la Chanson : La Coupe vide (m. Robespierre). —
Aime-moi, paroles de firmin bonnans, musique de M"" marie duport. — Monsieur Rustique (albert vernaelde). — Ma
première Confession (a. leconte). — Jeun-Paul ou l'Amour de la pairie (paul avenel). — Le chêne (camille soubise). —
Les Fredaines de lu chanson, porlraits-charges et notices.— Léon Quentin (a. i.eroy). — Ma Femme (léon Quentin). —
Banquet du Caveau, le Petit Pain de l'employé (eug. imbert). — Banquet de la Lice Chansomaére (a. patay). — Risette
(PROSPER tibia). — Chronique des Sociétés lyriques (robert garnier, goroeron, léo tostain). — siipplement ■ n--'-'"' ''-
LÉON QUENTIN.
CONCOURS POÉTIQUE 0
En l'honneur de P.-J. Béranger
La Chanson fait appel à tous les poètes et chan-
sonniers pour tresser une couronne poétique à
Béranger. Elle met aujourd'hui au concours :
1° Une Chanson de six couplets ou strophes au
plus, avec ou sans refrain ;
2° Un Sonnet ;
3° Une Poésie (ode, ballade, conte, fable, etc.) ne
dépassant pas soixante vers;
Le tout se rapportant à Béranger.
II sera décerné pour chaque genre trois prix, et
des mentions honorables, s'il j a lieu.
Les prix consisteront en diplômes spéciaux, avec
allégorie, et paraphés partons les membres du jury.
Ces diplômes seront de dimensions calculées pour
l'encadrement.
Les pièces couronnées seront, en outre, insérées
dans La Chanson.
Toutes les pièces envoyées au concours seront
publiées collectivement à la seule condition, pour
chaque auteur, de souscrire à cette publication
suivant la quantité de vers insérés. Le prix de la
souscription sera porté à la connaissance de tous
avant le commencement de l'impression.
Le même auteur pourra prendre part aux trois
concours, mais avec une seule pièce dans chacun
des trois.
Les pièces envoyées devront être inédites, non
signées et accompagnées d'un pli cacheté contenant
le nom et l'adresse de l'auteur et portant extérieure-
ment le premier vers de la poésie présentée.
Le Concours, ouvert depuis le V Mai, sera
clos le 19 août 1879, anniversaire de la naissance de
Béranger.
Toutes les communications relatives au Concours
doivent être adressées franco à M. A. Patay,
directeur de La Chanson, rue Bonaparte, 18, à Paris.
(*) Un grand nombre de lettres nous ont été adressées pour
que la fermeture du concours n'ait lieu qu'à la date de la
naissance, de préférence à celle de la mort. Nous faisons
droit à ces demandes; le concours sera définitivement clos
le 19 août inclus.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
LA COUPE VIDE (*)
Air : Mon père était pot.
0 Dieu! que vois-je, mes amis?
Un crime trop notoire
Du nom charmant de Rosatis
Va donc flétrir la gloire.
O malheur affreux!
0 scandale honteux!
J'ose le dire à peine.
Pour vous j'en rougis.
Pour moi j'en gémis,
Ma coupe n'est pas pleine.
Eh vite, donc emplissez-la
De ce jus salutaire.
Ou du Dieu qui nous le donna
Redoutez la colère ;
Oui, dans sa fureur
Son thyrse vengeur
S'en va briser mon verre.
Bacchus de là-haut
A tout buveur d'eau
Lance un regard sévère.
0 mes amis, tout buveur d'eau,
Et vous pouvez m'en croire.
Dans tous les temps, ne fut qu'un sot,
J'en atteste l'histoire :
Ce sage effronté !
Cynique vanté.
Me parait bien stupide;
0 le beau plaisir
D'aller se tapir
Au fond d'un tonneau vide!
Maximilien ROBESPIERRE.
(•) Cette chanson a été trouvée dans les archives de la
société littéraire et lyrique des Rosati, dont nous publierons
prochainement l'historique par notre rédacteur en chef.
A. P.
42-
LA CHANSON
AIME-MOI
Musique de W^" Marie Duport (de Bucharest)
soir quand la ouil tumbe prèb de buo biea aime gur
UD rameau perche l'omme l'écho rêveur qui
ne lepapiL_loa ai . me sa fleur chérie
Aime-moi comme on aime une blanoVie colombe,
Qui retourne en chantant, le soir, quand la nuit tombe,
Près de son bien-aimé sur un rameau perché;
Comme Fécho rêveur qui, d'une voix plaintive,
Répète tour à tour de l'une à l'autre rive
Les plaintes d'un amant sur le gazon couché.
Aime-moi comme on aime au printemps de la vie ;
Comme le papillon aime sa fleur chérie,
Les plantes la rosée, et l'abeille son mie! ;
Comme un chant de bonheur qu'on entend surla grève;
Comme le fiancé, qui poursuit dans un rêve
Sa jeune fiancée au cœur pur et sans fiel.
Aime-moi comme au ciel où les vierges, les anges.
D'éternelles amours se font de doux échanges;
Aime-moi comme j'aime et ton front et tes yeux, ■
Quand ta main dans ma main, au pied de la colline,
Assise à mes côtés, ton regard s'illumine
Et me rend plus heureux qu'un ange dans les cieux.
FiRMiN BONNANS.
A Eugène Baillet
MONSIEUR RUSTIQUE
Musique de l'A uteur des paroles
J'aime peu les bruits de la ville,
Je plains le pauvre citadin.
Pour moi les champs sont un asile,
J'ai ma maison et mon jardin.
Sans mener cette vie austère
B'un ermite ou bien d'un chartreux,
Je goûte en cultivant la terre
Tous les plaisirs d'un homme heureux.
Sans donner prise à, la critique,
Je passe le temps doucement,
On m'a surnommé simplement
Monsieur Rustique.
Je plante, je bêche ou défriche,
J'ai pour ma part deux bons arpents.
Quoique je ne sois pas bien riche,
Plus d'un vient vivre à mes dépens.
D'abord le long de la muraille^
Je possède un vaste verger.
Et c'est moi qui sème et qui taille
Ce que les oiseaux vont manger!
Sans donner prise, etc.
Lorsque je suis par trop morose,
J'ai ma cave pour m'égayer.
J'y prends un vieux Château-Larose
Ayant bien vingt ans de loyer.
Ce remède fort agréable
Agit toujours avec succès;
Je redeviens joyeux, aimable,
Avec tout mon bon sens français 1
Sans donner prise, etc.
Je ne brigue pas les suffrages,
De gloire je n'ai nul besoin,
J'aime mieux rentrer mes fourrages
Et lier mes bottes de foin.
Mon royaume, c'est mon domaine.
J'y suis roi, député, sujet,
A ma guise je m'y promène
Délibérant sur main projet.
Sans donner prise, etc.
Je n'ai pas titre de noblesse,
La gaîté voilà mon blason,
Et quand au chagrin je le laisse
Se débattre avec la raison.
Aussi je me porte à merveille,
Pour moi tout remède étant vain,
Si je débouche une bouteille,
C'est pour y trouver du vieux vin.
Sans donner prise, etc.
Sans vouloir prétendre au génie.
Lorsque j'ai l'esprit de travers,
J'ai rinoff'ensive manie
De vouloir faire aussi des vers.
Loin d'imiter maints philosophes.
Ennemis du gai rigodon,
Joyeux, j'encadre dans mes strophes
Les dieux Bacchus et Cupidon.
Sans donner prise, etc.
LA CHANSON
43
Sans redouter l'heure dernière,
Pour la mort je suis déjà prêt ;
Ayant fort bien vécu sur terre,
Je m'endormirai sans regret.
Et puis, au retour de la rose,
Les oiseaux, mes gais compagnons,
Viendront, éparpillant leur prose.
Des amis redire les noms!
Sans donner prise à la critique.
Je passe le temps doucement,
On m'a surnommé simplement
Monsieur Rustique.
Albert VERNAELDE
MA PREMIÈRE CONFESSION
Ce que je vais conter est vrai sans hyperbole;
C'est la vérité pure en sa naïveté.
J'avais alors huit ans et j'allais à l'école.
Toujours vif et joyeux, l'esprit plein de gaîté,
Espiègle, j'en conviens, mais j'étais de mon âge,
J'étais chaste à la fois et de corps et d esprit;
J'étais candide au moins si je n'étais pas sage,
Je l'étais à l'excès et, ma foi, bien m'en prit.
Un jour le maître dit : « Vous allez à la messe,
(c Cela ne sufrit p is pour être homme de bien ;
« Chacun de vous, enfants, doit aller à confesse
« Une fois chaque mois pour être bon chrétien. i>
J'obéis comme un autre et je fus à l'église,
Et puis, quand mon tour vint, au confessionnal.
Ignorant les péchés qu'il fallait que je dise,
Puisqu'auJ&md je sentais n'avoir pas fait de mal,
Moû-confîteor dit, le curé m'interroge :
— « N'ivez-vous point menti, volé, sacré, juré? —
— «Non, monsieur le curé. » — «Cela fait votre éloge;
« N'avez-vous point parfois, ajoute le curé,
« Attouché de vos doigts la honteuse partie,
« La plus sale du corps et qu'on ne nomme pas,
« Qui d'un chrétien fervent blesse la modestie? »
Chaque mot augmentait mon visible embarras.
Il fallait bien répondre, enfin, je me recueille
Et dis pour satisfaire à cette question :
— « A défaut de papier je me sers d'une feuille. »
.Là dessus je reçus mon absolution.
25 janvier 79 A. LECONTE.
JEÂN-PÂIL ou L'AMOUR DE LA PATRIE
Regardez, mes amis, ce portrait de famille
Pendu le long du mur, sous les rideaux du lit.
C'est Jean-Pâul. La bravoure en son regard pétille.
Devinant sa valaur, sa mère, un jour, lui dit :
« Marche àl'honneur ! La France épuisée est meurtrie;
« Pars, mon fils, suis ton cœur et reviens triomphant.
« Le soldat doit avoir l'amour de la patrie,
« Ta mère à la maison prîra pour son enfant.
Cela s'explique.
Mes amis.
Elle aimait son pays
Et la République.
Il quitta le sarrau pour l'habit militaire
En gardant la fierté du paysan lorrain,
Et partit pour se battre en simple volontaire.
La mort fauchait alors sur les deux bords du Rhin,
Marchant au premier rang à travers la fumée,
Jean-Paul ne craignait pas, comme on dit, pour sapean,
Aussi fut-il cité devant toute l'armée
Pour avoir enlevé de ses mains un drapeau.
Cela s'explique,
Mes amis.
Il aimait son pays
Et la République.
Jean-Paul après la guerre a revu le village,
De ses faits glorieux il ne se vantait pas.
Son amour pour la France augmentait avec l'âge.
Il nous disait toujours en parlant des combats :
« Mes enfants, que ceci dans votre esprit se grave,
(c L'honneur du nom français ne doit jamais périr.
« Le soldat patriote aime à combattre en brave,
« Et mourir bravement, c'est noblement mourir.
Cela s'explique,
Mes amis.
Il aimait son pays
Et la République.
Paul AVENIEL.
LE CHÊNE
A Victor HL'OO
Lorsque dans la forêt sonore
Soufflent l«s brises du printemps.
Sous les caresses de l'aurore
Que chantes-tu, vieux chêne de cent ans?
— Je dis ,-iux amoureux : a J'ai des nids dans mes branches,
A mes pieds j'ai des Heurs qui renaissent toujours 1
Voulez-vous des chansons ? voulez-vous dos pervenches?
Ce que j'ai de plus doux, je l'offre à vos amours ! »
Je te vénère, ô chêne antique.
Pour ta force et pour ta bonté.
Car ta grande voix prophétique
Enseigne la fraternité !
Voici que les blondes étoiles
Dans le lac bleu vont se mirer-;
L'araignée a tendu ses toiles...
Lorsque tout dort, pourquoi donc murmurer?
— Je dis aux exilés : « Dormez sous mon ombrage ;
Il verse l'espérance avec l'oubli des maux.
Voyageurs sans abri, ne craignez pas l'orage.
Sur vos fronts attiistés j'étendrai mes rameaux! »
Je te vénère, etc.
Mais la tempête se déchaîne
Et sème au loin tes feuilles d'or,
• Quand le vent gronde, ô mon vieux chêne,
Que dit ta voix, plus fraternelle encor?
— Je dis au bûcheron : « Prends une branche morte,
Pour le pauvre vieillard qui grelotte sans feu ;
Malheur au riche heureux qui lui ferme sa porte !
Il faut nous entr'aider pour obéir à Dieu. «
Je te vénère, ô chêne antique.
Pour ta force et pour ta bonté.
Car ta grande voix prophétique
Enseigne la fraternité !
Camille SOUBISE
44
LA CHANSON
AliES DE LA
A POMPONNE-LES-BOIS
J. JEANNIN
(Juand jo ramassais du crotin
Pour noir' jardin.
Tel est le refrain d'une chanson de Jeannin qui a
motivé le dessin ci-dessus. C'est le gamin de Paris
dans toute la bonne acception du mot. Jeannin est la
note gaie de la Lice Chansonnière, il en est aussi le
Maître des Chants et l'Archiviste; quel cumulard ! Et
ce n'est pas tout : c'est aussi lui qui nous souffle des
airs pour nos chansons ; et s'avançant vers vous d'un
air mystérieux, ces paroles lui sortent péniblement
de la gorge : « Tu ne connais donc pas la Clé du
Caveau? « Jeannin fait partie de la Lice depuis
nombre d'années, aussi nos recueils possédent-ils une
quantité considérable de ses refrains, d'une origina-
lité et d'un drolatique auxquels on les reconnaît
toujours facilement. Néanmoins, quand il le veut,
il touche avec réussite la corde sérieuse ou sentimen-
tale. Comme signe particulier, il n'a jamais rien sur
la tète et il perd son billet de chemin de fer quand
il vient à Pomponne-les-Bois.
(*) Ces deux portraits-charj
sont empruntés à un très
numérotés et paraphés, qui n'ont pas él
LES FREDAINES DE LA CHANSON, rccit d'un
Jules Ecltalié à ses camarades de la Lit
contient, en outre, un groupe photographi
gnent
et les notices q_ui les ac(
et rare volume tiré à cent <
mis dans le
fête champêtre offerte par
chansonnière. Ce volume
des invités, dix portraits-
notices écrites par Eugène
sont réunies dans ce livre
5 dessinés par Ernest Chebroux
Baillêt. Plus de vingt chansons ou po-
qui manque à tous les collectionneurs. Nous avons été assez heureux
pour en obtenir cinq exemplaires que nous mettons à la disposition de
ÎT. RYON
Voici le Capitaine Cupidon, ses armes .et ses iné-
vitables ailes. De son nom patronymique il se nomme
Ryon et de plus Hippolyte. Si notre dessinateur l'a
travesti ainsi, c'est qu'il est jeune, galant et blond,
ce qui est indispensable pour porter un tel costume,
et qu'il nous a chanté à Pomponne-les-Bois Le
Capitaine Cupidon, une petite chanson régence qui,
de par son sujet éternel et sa facture aisée et gracieuse,
sera chantée par tous les amoureux de France et de
Navarre. Ryon en a fait bien d'autres, c'est un de
nos chansonniers les plus féconds, et le public fait
toujours le meilleur accueil à ses productions senti-
mentales : C'était ma mie, — le Jour de l'an du
Pauvr-e, — le Cimetière du Village, — le Vice et
l'Amour, — les Vieilles, — le Berceau vicie, — le
Médaillon brisé. — les Mémoires d'une Rose, et tant
d'autres, ont été et sont encore de véritables succès.
Ryon a été président de la Lice Chansonnière ; sa
voix est douce comme ses vers et son regard, et
quand il lance la ballade amoureuse, cachez vos
beaux yeux derrière vos éventails, Mesdames, et
gare au Capitaine Cupidon !
nos abonnés amateurs de vraies raretés chansonnières. — Envoi
franco contre nn mandat-poste de 10 francs au nom de A. Patay,
directeur de La chanson, rue Bonaparte, 18
LA CHANSON
45
LÉON QUENTIN
18»3-i873
La personnalité du chansonnier dont nous allons
brièvement tracer la biograpliie n'a pas tranché
d'une façon très-marquante dans la longue série des
adeptes qui ont suivi les traces de notre immortel
Béranger. Léon Quentin n'a pas eu le temps matériel
d'achever son œuvre, la mort a fauché cette grande
intelligence au moment où ses nombreux et légitimes
succès pouvaient lui conférer l'une des premières
places dans notre galerie contemporaine. On chante
trop aujourd'hui (ou plutôt trop légèrement) pour
se souvenir du nom de ceux qui tour à tour nous
font rire ou pleurer. Gagner de l'argent à fabriquer
des chansons bonnes ou mauvaises, je vous l'accorde
sans conteste; mais quant à acquérir la moindre
somme de gloire, il faut y renoncer! Le café-concert
a tué le nom du chansonnier! c'est indiscutable.
Né au Havre, en 1833, le 21 février, Léon Quentin
lit ses études à Paris et sortit de l'institution Dufour,
rue Montorgueil, à l'âge de onze ans et demi
pour entrer en apprentissage chez un teinturier en
plumes. Il rimaillait déjà à cette époque, mais son
instruction, trop incomplète, lui l'endait la tâche
ingrate, le gênait, en un mot. Aussi poussé par le
feu sacré de la poésie, il acheta des livres et se refit,
seul, une nouvelle éducation. Travailleur actif et
intelligent, Léon Quentin no pouvait manquer d'arriver
promptoment au but qu'il caressait. A. dix-huit ans,
il débutait au café-concert par une saynète en vers
à deux personnages : Frisette et Brioc/tet (*). C'était
un coup de maître; le succès dépassa tout ce qu'il
pouvait rêver. Loin de s'enthousiasmer outre mesure,
notre jeune poète s'attacha à faire mieux et ses
créations remarquables au café-concert tant en
opérettes qu'en chansons se comptèrent depuis par
centaines; nous regrettons de ne pouvoir les énu-
mérer. Beaucoup d'entre elles méritaient une place
d'honneur dans notre journal. Néanmoins, voici quel-
ques titres qui éveilleront certainement chez nos
lecteurs d'agréables souvenirs. Nous prenons au
hasard dans le genre bouffe où il excellait. Ok/ la,
la, j' suis rien comm' il faut! gaudriole devenue très-
populaire; Donnez-moi-z-en pour deux sotfs, que le
signataire de cet article interprétait avant de con-
naître son auteur et où il dit avec tant de finesse
dans le dernier couplet :
Plutôt que de me reprendre,
Bons critiques entre nous
Vous qu'avez d' l'esprit à revendre
Donnez-moi-2-en pour deux sous.
L. Quentin, loin d'avoir besoin des dix centimes
d'esprit qu'il réclame dans ce couplet final, en avait
assez à lui seul pour se permettre des débauches de
temps en temps et se trouvait assez riche pour faire
l'aumône aux critiques malheureux.
C monsieur qui s' fait couler en bronze?...
Connais pas!...
dit-il dans une chansonnette que bien des gens
méritant une statue ne dédaigneraient pas de signer.
f*) Frisette et Briochet est la première édition musicale de
L. Bailly, et se joue encore en province.
L. Quentin abordait tous les genres avec un égal
succès; la chanson triste ou gaie lui était familière,
la chansonnette avec parlé, la romance, les chants
patriotiques même! Marceau, musique de Robert
Planquette. qu'il composa quelques mois avant sa
mort sous la signature Scitaunard est un tour de
force dû à sa plume féconde. Combien d'autres nous
échappent!... Au reste nous avons entre les mains un
petit volume intitulé Les Gueules de loups (*) contenant
des bouffonneries et gaudrioles dans lequel nous
pouvons puiser sans choisir des couplets où l'esprit
pétille à chaque ligne. La plupart de ses cliansons sont
inédites et inconnues, le deuxième couplet du Sourd-
Muet polyglote, par exemple, où il démontre com-
ment on se fait comprendre des belles dans tous
les pays :
On parvient à tout lorsqu'on ose ;
Ne pouvant pas dire le mot,
Il mettait le doigt sur la chose
Et l'entretien s'ouvrait bientôt.
La Vareuse à Poivrot, gauloiserie bachique à
deux voix pour un homme seul (dédiée à notre ami
Gédhé), la Ballade de Nim/jortcki, Voici tliicer. Ma
femme, étude matiHmoniale que nous publions plus
loin, les Animaux peints par un autre. Ça d'vient
gênant! Protestation des Cliameaux, Le Défunt récal-
citrant, etc.. sont autant de petits chefs-d'œuvre
dans leur genre. Léon Quentin travaillait générale-
ment seul; ses collaborateurs sont peu nombreux.
Pourtant il signa quelques chansons et deux ou trois
opérettes avec H. Collé. Quelque temps avant sa
mort, il s'était attaché tout spécialement notre ami
Gédhé, avec lequel il fit jouer plusieuis opérettes
qui furent et sont encore de grands succès : Amours
et Spiritisme, musique de Robillard, la Queue du
Diable, musique de Bernicat, Monsieur Virginie,
musique du même, La Tempête conjugale, etc., etc.
11 a laissé entre les mains de notre ami Gédhé
plusieurs œuvres inachevées (ce ne sont pas les
moins bonnes) entre autres un opéra-bouffe en 3 actes
destiné au théâtre des Bouffes et intitulé Les Ama-
zones; la musique est signée Georges Douay. Ce
serait peut-être la fortune du directeur assez auda-
cieux pour oser monter cette pièce avec tout le luxe
qu'elle comporte. On le voit par les lignes qui
précèdent et nous ne saurions trop le répéter, la
Parque inexorable est venue avant l'heure nous
enlever un homme d'esprit doublé d'un vrai chan-
sonnier ! C'est le 21 février 1873 qu'il nous serra la
main pour la dernière fois. Il souffrait depuis long-
temps d'une phtisie pulmonaire ; le plus triste est
qu'il se voyait mourir. Sa vaillante femme lui fut
d'un grand secours dans les dernières années de sa
longue et cruelle maladie (les chansons ne rappor-
tant pas toujours de quoi payer les honoraires du
médecin). Il eut la consolation de quitter cette terre
(•) Se trouve chez M. Roux-Quentin, éditeur, rue des Petita-
Carreaux, 41, et aux bureaux de La Chanson.
46
LA CHANSON
entouré des soins assidus et constants d'une fidèle
compagne. Quelques heures avant de s'éteindre il
nous disait avec le sourire triste qui le quittait
rarement :
« On s'endort dans la vie et la mort nous réveille
en chemin. »...
A. LEROY.
IVIA FEIWIVIE 0
ÉTUDE MATRIMONIALE
En ce siècle de balivernes,
Ne me parlez pas des chansons
Qu'enfantent nos auteurs modernes
Et qui ne rendent que des sons;
Aimant les couplets de haut goût,
Je me sens d'humeur, sur mon âme,
A porter ce soir un gi^and coup,
Et pour sujet j'ai pris ma femme.
Pour que ma femme se transporte,
C'est bien peu d'être provoquant.
Il faut qu'un homme ait l'âme forte.
L'esprit incisif et piquant ;
Il faut faire preuve de cœur.
Et ne pas faiblir dès l'entame ;
Fermeté, droiture et chaleur.
Voilà ce qui plaît à ma femme.
Arrive-t-il que je me grise.
Mon épouse, en femme d'esprit,
De gronder n'a pas la sottise
Et ne sait qu'aiuier son mari.
Le vin me rend tout guilleret,
Il me dispose à l'épigramme.
Et plus j'accuse un grand plumet,
Plus ça fait plaisir à ma femme.
Si quelque affaire au loin m'appelle,
Je ne puis briser mes liens ;
Pour me retenir auprès d'elle.
Elle a d'aftreux petits moyens;
Alors, si grande est la vigueur
Qu'elle met à serrer sa trame,
Que cela m'arrache le cœur
De me séparer de ma femme.
Indomptable comme une mule.
Je l'avoue, elle est par moment.
D'un entêtement ridicule
Devant les meilleurs arguments.
Bravant le trait qui la confond.
Elle s'agite, elle s'enflamme ;
Il faut pousser la chose à fond
Pour venir à bout de ma femme.
J'en dirais certes davantage
Sur mon épouse et ses vertus.
Mais les malins du voisinage
Prétendraient que je n'en sors plus.
Je dois donc, malgré mon regret,
Mettre une sourdine à ma flamme.
Ne pouvant, sans être indiscret.
Rester plus longtemps sur ma femme.
LÉON QUENTIN.
(•) Cette chanson est extraite du Yolume de chansons
ayant pour titre les Gueules-de-Loups, en vente chez Quentin-
Roux, 41, rue des Petits-Carreaux, et aux bureaux de La
Chanson, 18, rue Bonaparte. [Envoi franco contre 1 fr. en
timbres-poste).
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 4 JUILLET 1879
Comme toujours, ce banquet, qui suit de près celui des
Mots donnés, en est comme un écho. Les absents reviennent,
les paresseux se rattrapent. Mais ne naît-il pas de là un
peu de monotonie? Nos lecteurs en jugeront.
M. lUpault, qui ne mérite pas et qui n'aime pas qu'onl'oublie,
a trouvé moyen, en chantant la Choucroute, de lancer le
couplet patriotique. Le souvenir de l'Alsace l'y autorisait.
Mais il a cru devoir, après tant d'autres, jouer aussi de la
belle-mère. Qu'on me ramène aux carrières !
Fouache, pour mot donné, a pris la Carotte. Carotteurs,
carottés, carotticrs : vous devinez la kyrielle. Elle est très-
gaie. Mais que dirait Lamartine, s'il entendait affubler du
doux nom d'Elvire une goton quelconque !
Granger est aussi un trop tard aux plats. Sous ombre de
jambon, il nous sert le cochon tout entier. J'ai pensé à la
chanson de Kabineau sur le même sujet. Dans celle de
Granger s'enchâsse naturellement le mot connu sur l'avare,
qui, comme le cochon, n'est utile qu'après sa mort. Mais
pourquoi rééditer, à propos de porc, la mauvaise plaisanterie
des cléricaux contre les honnêtes gens qui désirent être
inhumés sans pompe religieuse ?
Son Amende Jionorable lui a inspiré des couplets plus
ingénieux. Pouquoi amende honorable ? direz-vous. Pour
avoir commis l'enormité — impardonnable au Caveau — de
dire des vers. Horresco referens. Mais il a juré qu'on ne
l'y prendrait plus. Tant pis pour nous.
Le Haricot de mouton, de Jullien, prouve que le sujet le
plus ingrat peut inspirer le vrai chansonnier. Il voit bien les
navets, il compi'end bien l'éclanche ; mais il cherche en vain
le haricot. 0 feinte ignorance de l'art culinaire ! Je m'éten-
drais volontiers sur la Veuve d'Arthur, piquante élégie, si
ces deux mots ne jurent pas d'être accouplés, m.ai8 ce
n'était pas une première audition.
Fénée chante la Cuisine au Caveau : série de quatrains
sur les mots donnés et sur les auteurs auxquels ils sont échus.
Quelques couplets, pour être franc, manquent un peu de
trait, et la liste n'est pas complète. Espérons qu'en y mettant
la dernière main, il n'oubliera pas le sel. Mais son tiroir :
Tu t'en ferais mourir est cocasse et plein d'entrain, et ses
Animaux, gaudriole à laquelle une réminiscence involontaire
de Pline ne gâte rien, sont bien réussis.
.Je changerais bien avec eux.
dit-il : il n'est pas bête.
Après les mots donnés ou pris, les chansons à côté.
Charles Vincent, qui est poète et gourmet, célèbre le
Cuisinier et le Sommelier : il glisse son couplet humanitaire,
ma foi, et aussi son rayon de soleil. Mais son Mal de dents,
plus simple, est aussi vrai. Mal cruel qui, dans mainte
circonstance critique, oppose au succès un implacable veto.
Paul de Kock peint quelque part un jeune homme troublé
dans ses amours par un mal inconnu : Ce n'était pas un mal
de dents.
L'amour, le jeu, le vin : lequel vaut mieux? se demande
Grange, sans r, quoiqu'il chante. L'excès en tout est un
défaut, a dit un de ses devanciers. Il le prouve spirituelle-
ment, et fait comme certain bon vivant :
11 ne voulut, quand Tâge vint,
Du jeu, des femmes ni du vin.
Mais il remplace tout cela par la chanson. Par force ou par
goiit? Les deux sans doute.
Ça, de Mouton-Dufiaisse, et Bien avec tout le monde, de
Monlariol, sont de véritables chansons, l'une plus philoso-
phique et plus chaleureuse, l'autre plus caustique et plus
gaie. Mais l'une et l'autre ont fait grand plaisir, et ajuste
titre.
Citons, pour terminer, la chanson qui a ouvert la séance
des chants — après, toutefois, un toast très applaudi —
celle de Liorat, le nouveau titulaire, qui a tourné son
remercîment avec (inesse. Mais n'était-ce pas déjà, par la
LA CHANSON
transparence des sous-entendus, une chanson presque digne
du second tour? Il est vrai qu'on n'en fait plus.
Je vous parlerais bien de ma chanson ; mais je craindrais
d'en dire trop de bien, ou trop peu. .l'aime mieux vous
soumettre ci-après le Petit pain de l'employé, et terminer
ici un compte rendu bien long.
Encore n'ai-je parlé ni de la Chanson française, de Vincent,
sur laquelle tout a été dit, ni de La Troisième, qu'on enten-
dait bien pour la vingtième fois.
Les membres du Caveau verront que s'ils ont célébré bien
des mets dans leurs chansons, je n ai pas non plus épargné
les mais dans ma chronique.
LE PETIT PAIN DE L'EMPLOYÉ
Air de Mimi Pinson (Bérat)
Pour charmer vos doctes oreilles
Et les échos de oes salons,
D'autres vanteront les merveilles
Du vin choisi que nous sablons.
La complainte est parfois touchante ;
Pourtant, dussé-je être raillé,
Moi, je vous chante.
D'une voix qui n'est pas méchante,
Le petit pain de l'employé.
Flânant tout au pins les dimanches,
Vieux commis d'un greffe ignoré,
Depuis vingt ans j'use mes manches
Sur un bureau fort peu doré.
Il faut bien nourrir, c'est l'usage,
Mon corps par le travail ployé,
Mais je ménage,
Et savoure, pour tout potage.
Le petit pain de l'employé.
De nous deux on rira sans doute :
Quand je déjeune en grossoyant,
J'aime à faire craquer ta croûte,
Petit pain, tendre et croustillant ;
Un simple verre d'eau t'arrose.
Un verre où j'ai souvent noyé
Souci morose...
Je te dois plus d'un rêve rose,
Cher petit pain de l'employé.
Dans la rue un passant s'approche ;
11 a faim, il est presque nu.
Diable ! pas un sou clans ma poche,
Car le quinze est sitôt venu!
— Je n'ai qu'une chétive aumône,
Dis-je d'un ton humilié...
Ami, pardonne,
Et reçois du cœur qui le donne
Le petit pain de l'employé.
Et signant d'une main tremblante
Sur la feuille d'émargement.
Je soupire, et trouve bien lente
La marche de l'avancement.
Quand verrai-je — c'est ma marotte
Mon espoir enfin monnayé ?
Va, pauvre ilote,
En attendant, souffre et grignote
Le petit pain de l'employé.
La retraite "vient avec l'âge ;
Quant à l'âge, lui vient toujours.
Alors dans un obscur village
Plantant mes choux sur mes vieux jours.
Je pourrai, je crois, me permettre.
Du maire et des voisins choyé,
D'être mon maître...
Mais je regretterai peut-être
Le petit pain de l'employé.
EuG. IMBERT.
LIGE CHANSONNIERE
• BANQUET DU 3 JUILLET.
Ce banquet a servi à la rentrée de notre sympathique
président Jules Echalié qu'une chute malheureuse avait
empêché depuis plusieurs mois de présider nos agapes.
Chacun était heureux de le revoir parmi nous.
Comme à tous les dîners de cette époque de l'année, le
nombre des convives était peu considérable l'autre soir ; la
réunion n'en a pas été moins intéressante ; beaucoup de
bonnes œuvres ont été onlcndues.
Après le toast obligé, Echalié a dit la chanson d'ouver-
ture de Jeannin, Aux visili'ws de la Lice, et donné
communication de l'appel fait par La Chanson au sujet du
22i> anniversaire de la mort de lîéranger. Toast, chanson et
communication ont été accueillis avec une faveur égale.
Vernaelde, un néo-Lieéen, auteur, compositeur et chan-
teur, a dit de sa plus belle voix les Strophes à la France de
Carori, et une bonne chanson de lui, paroles et musique, et
que nos lecteurs trouveront dans ce numéro : Monsieur
kustique. Picard, le ciseleur de taut de fins couplets, a chanté
Roule imiju'à demain, et M. Jules Raux, visiteur assidu,
Adieu mu belle, musiiiue de sa composition.
Alfred Leconte, le di'pulé, membre du Caveau et de la Lice,
a récité une pièce Irès-belle que nous aurions voulu publier
aujourd'hui, Béranger et ses accusateurs .m ais nous donnons
du mémo auteur un polit conte tout gaulois, force nous est
d'ajourner au prochain numéro la poésie remarquable que
nous ne saurions trop applaudir.
Hachin, notre président d'honneur a dit une chanson
nouvelle, Si/ avec l'esprit et la finesse qui se rencontrent
dans toutes ses œuvres. Rubois a chanté sa dernière chanson
couronnée au concours. Je me suis laissé faire, et des
couplets d'actualité. Doléances de Popaul qu'un malentendu
seul empêche de fimirer à la suite de ce compte-rendu.
M. Rousset a interprété avec ampleur la superbe cnanson de
Georges Baillet, Le Paradis des buceiirs.
Tandis que Cliocque présonlait une chanson d'Eugène
Baillet, dont il a fait la musique, le même Baillet Eugène
chantait une romance de lui. Un Lundi de printemps, sur la
charmante musique nouvelle de Paul Hennon.
Jules Jouy a élé très-drôle dans sa chanson à tiroirs,
Si quelqu'un roiiinil pi-nidre ma place: Charles Peau a
célébré Lt'S Jolix n^i'.r Idras: Cahen a fait entendre une
chanson bien pousi--, /,' fiut marquer notre passar/e; Albert
Pellet et Arthur LrheaM ont chanté, le premier Versez du
Chiitciu bleu, lo scroml, Tu- me caches quelque chose.
Jeannin a prouvé qu'il avait plus d'une corde à sa lyre ;
il a dit Lu rieille Isalieaa, œuvre pleine de sentiment ; puis,
poui iLi. ailier cnnime de coutume par un rire général, il a
racon!'' .' ■ '''vigc ilc Xini avec cette verve bouffonne qui lui
est particulière.
J'ai pmCitè du petit nombi'e des chanteurs pour citer tout
le mouùo ; j'espère, du moins, n'avoir oublié personne.
A. PATAY
LA CHANSON
RISETTE
Musi(jue de F. de Nartigue
Voudrais -tu, gente Risette,
Avec moi rire un moment?
Allons, viens, ma mignonnette :
Je veux rire seulement.
Si je suis célibataire.
J'ai parfois des procédés;
Je suis discret, et sais taire
Les secrets... recommandés.
Je sais pincer la guitare.
Aussi bien que mes amis;
Je sais même (chose rare)
Egayer mes ennemis.
Elle a voulu, la Risette,
Avec moi rire un moment.
— Mais, depuis ?... — J'ai l'âme nette
Nous faisons du sentiment.
Prosper tibia.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Samedi 14 juin, la société dramatico-lyrique
L'Etoile, de Levallois-Perret, donnait un grand
concert à ses membres honoraires avec le concours
de ses membres d'honneur. Disons tout de suite que
cette société compte parmi ces derniers des artistes
distingués de l'Opéra, du Conservatoire, de la Renais-
sance, du Palais-Royal, de l'Alcazar, de l'Eldorado,
du XIX" Siècle, du Concert Européen, de la Scala
de Milan.
Le concert a été enlevé avec un entrain admi-
rable. M"° Noblet, élève de M. Giraudet, s'est fait
applaudir dans Un Mariage d'oiseaux et l'air de l'abeille
de La Reine Topaze ; M"" Ponsard dans le grand air
de la Reine de Chypre et le Vertige de Villaret;
M"" Angèle Maurice dans les Etudiants en goguette et
la Vénus des halles ; M"° Eugénie B. en récitant les
Châtiments de Victor Hugo. MM. Marins N.,Lancède
Teissier, Faivre, Valtier, ont eu leur part du
succès. Mais il est impossible de rendre l'effet produit
par l'ouverture de Zampa et celle de Si j'étais
roi exécutées sur l'orgue et piano par MM. Paul
Faucbet et Duplessis, lauréats du conservatoire, ainsi
que par les deux solos de violon exécutés par
M. Jules Aubert dont le talent est incontestable.
L'apothéose de la soirée a été pour M. Dubois qui,
en récitant Jemmapes et en chantant En fourrière
et terminant par une grande scène d'imitation le
Langage des choses qui ne parlent pas, a enlevé et
transporté la salle. M. Fusier empêché n'a pu donner
sa note dans ce magnifique concert, dont toutes
les parties ont été à la hauteur et dignes de la répu-
tation que la société l'Etoile a su conquérir.
Robert GARNIER.
Le 26 juin, la société lyrique les Enfants de la
Gaîté, offrait à ses habitués, dans sa petite salle de
famille de la ruedes Francs- Bourgeois, n° 40, chez
M. P. -H. Corgeron, une soirée dont le bénéfice est
destiné à grossir la souscription Béranger.
On n'a chanté que des œuvres du grand chanson-
nier national. M"' Armand Destroges, MM. Castel,
Noch, Levasnier, Samson, Donare, Rémy, Jules
Knocpfler, ainsi que M. Destroges, pianiste, se sont
montrés les dignes enfants de la lyre et les bravos
qu'ils ont récoltés prouvent que les bonnes chansons
sont toujours jeunes et que le goût du beau n'est pas
disparu. Enfin, grâce aux soins de M. Fosty, le
président de la société, qui sait donner à toutes ses
soirées des dimanches, lundis, jeudis et samedis, un
attrait tout particulier, celle du 26 juin a été
brillante, le succès grand et la recette bonne.
On ne danse pas à la société lyrique des Enfants
de la Gaîté, et c'est tant mieux.
P.-H. GORGERON.
Le jeudi 3 juillet, la société r Union des Familles
réunissait dans le local habituel de ses réunions,
salle de l'Hermitage, rue de Jussieu, 28, toutes les
sociétés lyriques du Y" arrondissement pour
un grand Concours de chant. La société philarmo-
nique dudit arrondissement prêtait sa fanfare qui a...
essayé la Marseillaise.
Ail heu ces, MM. Jably et Gramet, du concert
du Chalet, sont venus se faire entendre ainsi que
M""' Léo. Inutile de dire que ce trio a soulevé d'una-
nimes bravos.
Ensuite 7 médailles ont été distribuées aux sept
personnes qu'un jury avait désignées, et un diplôme
accompagnait chacune de ces médailles.
Un des jeunes gens qui avait concouru a eu l'incon-
venance de réclamer à haute v oix et dans des termes
blessants pour l'impartialité du jury, parce qu'il
n'avait pas été médaillé. Il me semble qu'une récom-
pense lui était cependant due, et je propose qu'on
lui offre vu manuel de la civilité française.
Le jardin qui précède la charmante salle de l'Her-
mitage était enguirlandé aux couleurs' nationales,
les arbres étaient remplis de lampions; des feux de
bengale ont été allumés et des pétards ont été tirés.
Ne terminons pas sans adresser nos compliments
aux organisateurs de cette fête de famille et surtout
à M. Gouget qui s'est montré l'homme du monde
que nous connaissons et sur lequel devrait bien
prendre modèle le Monsieur qui réclamait.
La société la Lyre de la Gaîté donnait dans son
local habituel, 18, rue Descartes, le samedi 5 juillet,
sa soirée mensuelle extraordinaire.
M. Corrège et M"° Armandine quiavaient obtenu,
et surtout bien mérité, chacun une médaille au Con-
cours des sociétés lyriques du Y" arrondis-
sement, se sont fait applaudir et la société la Lyre
de la Gaîté a saisi cette occasion pour offrir à M"" Ar-
mandine un insigne d'honneur. M"" Villois, la
maîtresse de l'établissement, a offert un superbe
bouquet, et un habitué de nos réunions une magni-
fique parure en., lingerie ; quelques vers ont été dits
pour la circonstance, mais je les passe sous silence
pour qu'on ne m'accuse pas de faire de la réclame
pour mon compte.
La soirée a été couronnée avec le concours de
M"» Joseph; MM. Gramet et Jably, du Chalet;
M. Hervier, de la Renaissance; M. Lacoste, le sym-
pathique tyrolien, et M"" Adèle. Après une liste
comme celle-là tout commentaire est superflu.
Nous rappelons à cette occasion, que tous les
1'" samedis du mois une soirée extraordinaire est
donnée à la Lyre de la Gaîté.
LÉO TOSTAIN.
Le Directeur- Gérant, A. PATAY.
2' ANNEE.
1" AOUT 1879.
LA CHANSON
Directeur-Géran t
A. PATAY
20 cent. le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le !«' «Se le 16 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
Sl.iMMAIRE : Le liî Juillet 1879 ,- Discours de MM. h.-Henry Lecomte, Eugène Baillet, Alfred Leconte, Charles Vincent. Engelbauer,
Chebroux (a. patay). — Bérnnijer et .^oii nccu-saleur (alfrbd leconte). — Curio-nté.\' de La Chanson: .le ne suis plus sibéte
(HENRI DE isornier).— Le Printemps (perret de germii;xey). — Le Codi; Ilfdicn (a. leiîlanc).— Lettre de L.-Henry Lecomte au
directeur de la paix. — Lice Chansonnière, Banquet des Dames (a. patay). — 'i^ Concours mensuel de La Vhanxon : La
craie noblesse {iiippolyth daouët). — 4" concours. — Echos et Nourelles, — Ams.
LE 16 JUILLET 1879
il est indispensable de donner ici le procès-verbal
détaillé de cette solennité. La fantaisie la plus
complète a présidé, en effet, aux comptes-rendus de
la presse parisienne, sympathiques cependant pour
la plupart.
Quelques jours à l'avance, le directeur de La
dhamon faisait autographier et envoyait aux jour-
naux grands et petits la note suivante :
« Dans son dernier numéro, le journiil Ln CIkiiisoii
invite tous ceux qui ont conservé le souvenir de notre poète
national Déranger, à prendre pari à la célébration du
220 anniversaire de sa mort. Les membres du lAireiiii, de
la Lire Cluiiisonnièn', plusieurs députés, conseillers nnini-
clpaux et membres du Comité de la .Statue de lîéranser,
assisteront à celle manifestation purement littéraire.
« On se réunira à la porte du cimetière du l'ère-Lacliaise,
le mercredi 16 juillet, à trois heures précises. »
De son côté, la Lice Chansonnière conviait tous
ses membres dans les mêmes termes que Tannée
dernière. Au moment fixé, mille personnes à peu
près attendaient soit à la porte du cimetière, soit
auprès du tombeau de Déranger, dont les gardiens
avaient peine à défendre les abords, réservés aux
manifestants.
A trois heures et demie, la cérémonie commençait.
Au nom de la Lice Chansonnière, Edouard Hachin,
son président d'honneur, déposa une très-belle cou-
ronne d'immortelles en prononçant quelques mots
bien accueillis. L.-Henry Lecomte prit alors la
parole. Il appartenait à notre ami, comme rédacteur
en chef de La Chanson, de rappeler les droits de
Béranger à une statue, et, comme secrétaire du
Comité, de donner la raison principale du peu d'ac-
tivité imprimé jusqu'ici à la propagande. Il l'a fait
dans un style concis, vigoureux, très-remarquable
au jugement de l'assemblée qui a salué l'orateur par
des bravos émus dont Henry Lecomte a pu retrouver
l'écho dans plusieurs journaux importants de Paris.
Voici la page éloquente de notre ami :
Messieurs,
Je dois vous remercier d'abord de l'empressement que
vous avez mis à répondre à notre appel. Le pèlerinage d'au-
jourd'hui aura sur rteuvré commencée une inlluence heureuse
que je veux préciser. r
Il y a cinq mois, sui' l'initiative du journal La Chanson,
un Comité de littérateurs et d'hommes politiques fut cons-
titué dans le but d'élever une statue, à Béranger. Vers la
même époque, la Ilépublique se sentit assez forte pour être
clémente ; elle rendit leur patrie à de nombreux égarés. La
majorité des républicains considéra comme un devoir de
venir en aide aux amnistiés sans ressources ; de nombreuses
commissions se formèrent à cet effet. La charité doit toujours
et partout avoir le champ libre ; le Comité Déranger ne voulut
point paraître disputer à des malheureux trop punis déjà l'obole
démocratique : il suspendil toute propagande. A l'heure
présente, la lâche des citoyens réunis dans l'intérêt des
amnistiés étant sinon accomplie, du moins considérablement
avancée, le droit strict du Comité Béranger est de rompre
le silence et de travailler activement au succès de sa
paliiolii)ue entreprise. La fête littéraire que l'on célèbre ici
si.'ia II- point de départ naturel de cette phase décisive ; elle
a, vous le voyez, une réelle importance.
Messieurs, nul ne peut contester la légitimité ni l'oppor-
tunité de l'hommage que nous préparons. Un pays s'honore
en gloi'iliant ses grands hommes. Aucun, plus ({ue Déranger,
n'a droit à l'apothéose. Il eut le génie, la bonté, l'honnêteté.
Sorti des rangs du peuple, il fut conslamment l'ami des
humbles (|ue, tour à tour, il conseillait, e\alluil, consolait.
11 combatlit, auprix de son repos et de sa liberté, la lyrannie,
d'où qu'elle vint, de la force ou du dogme, des lois ou des
prêtres. Il donna tout à tous sans accepter rien de personne.
Il reste, enfin, dans le panthéon de ce siècle, la plus
sympathique incarnation de l'esprit incisif, du patriotisme
vaillant, de l'abnégalion persistante, de la fraternité vraie.
Le temps est venu, Messieurs, de substituer, dans la
reconnaissance populaire, les gloirespacifiques aux renommées
sanglantes, ceux qui créent à ceux qui tuent. La France est
grande surtout parce qu'elle est le foyer formidable et
bienfaisant où le cerveau de l'univers s'éclaire, où le cœur
des peuples s'échauffe. Justement orgueiheux de. nos
annales, ayons pom' les penseurs disparus le respect cpii
convient; payons nos dettes au passé, et préparons l'avenir
en établissant le culte aimable et fécond de l'idée. Inaugurons,
Messieurs, par l'effigie vénérable de Béranger, cet imposant
défilé de statues méritées qui, dans l'esprit de notre muni-
cipalité prévoyante, doit transformer les places de Paris en
écoles de civisme. Accomplissons notre œuvre loyalement,
démocratiquement, sous le regard de tous, avec tous les
concours. Nous lui conserverons ainsi le précieux caractère
d'une manifestation nationale, et, le jour venu, nous pourrons
écrire, sur le piédestal du bronze que salueront des accla-
mations unanimes, cette dédicace à la fois simple et superbe :
A Béranger, ta France!
50
LA CHANSON
Sur lin ton plus familier, mais avec une vigueur
égale, Eugène Baillet, représentant de la Lice Chan-
sonnière, a retracé d'une façon neuve le rôle poli-
tique du grand poète ; il a été fréquemment inter-
rompu par des applaudissements :
Mes Amis,
Car ici nous sommes tous amis ; les personnes qui ont
bien voulu su joindre à nous y sont venues guidées par une
pensée qui est la nôtre : rendre hommage à Béranger.
Ce qi>e j'ai à vous dire est le reflet des sentiments qui
animent mes collègues de la Lice Chansonnière, une petite
société littéraire, chantante surtout, où l'on a conservé le
culte de la chanson, de la chanson vraie, c'est-à-dire de celle
qui amuse avec intelligence, qui instruit ou qui fait aimer,
en un mot de la chanson dont Béranger fut non-seulement
le représentant mais l'initiateur.
Ce que je veux vous dire surtout, c'est la tâche (jue
Béranger a accomplie. C'est de démonti-er ce qu'il a l'ait de
cette poésie ailée, comme dit Victor Hugo, ou de cette arme
aussi française que la baïonnette, selon la jolie expression
de Jules Claretie : la chanson.
Certes les grands penseurs du XVIlle siècle ont vaillamment
combattu : Montesquieu, Voltaire, Raynal, J.-J. Rousseau,
Diderot, D'Alembert, Ilelvétius, et bien d'autres, soldats plus
obscurs mais aussi dévoués, ont écrit des livres immortels.
Mais pour qui ces pages sublimes étaient-elles écrites?
pour quelques privilégiés du sort; le peuple alors ne savait
pas lire dans ces livres-là !
Quand Béranger parut, il comprit qu'il y avait, en s'ins-
piranl de ses puissants devanciers, une œuvre à accomplir :
metti'C à la portée de tous les principes de la raison.
.\lors s'nmparant de ce petit genre dédaigné, le couplet, il
coiffa la philosophie du bonnet de la gaité et lui prépara
ainsi son entrée partout.
La France entière retentit bientôt de ses refrains et au
nez des missionnaires tout puissants le peuple allait chantant;
En vendant des prières
Soufflons, soufflons, soufflons, morbleu.
Eteignons les lumières
Et rallumons le feu!
Vers la même époque, les robes noires et violettes veulent
s'emparer de l'éducation de la jeunesse et l'on eulond
chanter sur un air de pont-neuf :
Dès ce moment Béranger est le point de mire de la haine
cléricale. L'ennemi avait senti la force du lutteur, il avait
compris que ce n'était plus à quelques érudits que Béranger
s'adressait, mais à la foule. On chante sans savoir lire, si on
ne chante pas on entend chanter et l'idée se propage avec
rapidité; plus elle est ironique plus elle va vite, voilà ce qui
fait la force incontestable du chansonnier.
C'était aussi l'époque où la vieille noblesse, qui depuis
vingt ans promenait son inutilité et son ridicule à l'étranger,
venait au nom de sa prétendue divinité réinstaller en France
ce qu'elle appelait ses droits, oubliant que depuis 89 il
n'existait plus d'autres droits que les droits de l'homme.
Or, tandis que les rimeurs à gages suaient à fabriquer des
odes et des cantates en l'honneur de ce monde fossille —
Béranger toujours prêt à combattre le bon combat écrivait
tranquillement le sourire à la lèvre : k Marquis de Carabas !
et poussant la malice à son comble, il rimait sa chanson afin
qu'elle puis.se être immédiatement répétée partout sur l'air
du roi Dagobert.
Et bientôt tous ces beaux Messieurs chamarrés en long en
large de rubans de toutes couleurs et de croix de toutes les
dimensions, entendent autour de leurs voitures le populaire
qui leur chante ironiquement :
Chapeaux bas, chapeaux bas,
Gloire au marquis rie Carabas !
Après le Marquis de Carabas, la Marquise dePretentaille,
puis le Poète de cour, les Capucins, tous les personnages
de ce carnaval y passeront, le poète ne quitte plus la plume;
chaque jour c'est un couplet nouveau sur toutes ces carica-
tures vivantes et le peuple, qui a trouvé une voix qui est
bien la sienne, fait chorus et applaudit.
Les prêtres, les procureurs, les juges crient au chien
eiu'agé sur le chansonnier; qu'importe! il a son but : la
bataille est engagée, le chansonnier ne cédera pas! On le
jette en prison, on lui inflige des amendes, qu'importe ! Tant
que ce monde grotesque qui s'intitule la noblesse ou ce
fétiche qui se nomme la royauté de droit divin seront là, le
poète, la raison au cerveau et l'ironie sur la lèvre, inoculera
sans arrêt le poison du dédain pour tout ce (|ui est faux.
Ses amis s'en mêlent : ils lui disent que sa santé n'y
résistera pas : Bah ! répond Béranger, j'ai la vie dure ! il le
faut.
Puis quand l'étranger s'éloigne du territoire où la pauvre
France le nourrissait depuis quatre ans, le poète chante!
11 ne reproche pas aux rois coalisés contre nous les
malheurs qui viennent de mettre sa pati'ic sur le bord du
néant, non ! Mais plus radical il s'écrie :
Béranger eu quelques mots avait établi la synthè^ de la
question politique et humanitaire des temps modernes :
Oui! tout est là dans ces deux lignes du poète, qui mérite
dès lors d'être nommé le poète national.
Inscrivons ces mots sur nos bannières républicaines, afin
qu'ils se gravent dans nos cœurs et les peuples seront
sauvés.
Le bon sens des foules ne se trompe pas et^ le jour de la
grande fête de mai tS48, .sur les banderolles qui ornaient le
Champs-de-Mars, on lisait :
Voilà notre Béranger! voilà celui à qui nous devons une
statue. Sans doute sa modestie pourrait se contenter de ce
tombeau où il repose près de son intègre ami, celui dont il
disait :
Bras, tète et cœur, tout était peuple en lui.
de l'indomptable tribun Manuel. Mais le peuple aussi a ses
principes, sa gloire, et il est tellement fatigué de rencontrer
sans cesse les statues des rois qui l'ont tyrannisé pendant
des siècles, qu'il veut avoir aussi ses statues, les statues
plébéiennes !
Les travailleurs en se montrant le bronze de Béranger
dans le square du Temple où nous désirons la voir, se diront
entre eux : C'était le fils d'un cabaretier de village, son
grand-père était un pauvre tailleur! et sa noblesse? elle
était dans son cœur; ses titres? c'est d'avoir travaillé à
détruire les préjugés, à répandre la lumière, à rappeler au
patriotisme ceux qui désespéraient de la France; ses titres?
c'est le désintéressement qui a présidé à toutes les actions
de sa vie quand les puissants qui l'entouraient lui olfraient
des croix, des places, la fortune ; lui, né dans le peuple, est
resté l'ami et le soutien du peuple, voilà ses titres, ds sont
trop grands pour être figurés sur un blason !
A I œuvre tous ! que chacun dans la mesure de ses moyens
accomplisse sa tâche. Un comité existe ; il faut que les
membres du conseil municipal qui font partie du comité
invitent chaleureusement leurs collègues à nous donner
promptement leur décision, i\ faut que les journalistes du
comité fassent, dans leurs colonnes, un sympathique appel
en faveur de la souscription ; la presse est la grande puissance,
d'elle dépend une grande partie du résultat ; le comité ren-
.ferme aussi des députés, des chansonniers, que chacun
d'eux ait sa liste. Aucun nom ne personnifie mieux la France
que celui de Béranger.
Que le riche de qui il a charmé les loisirs, donne sa
pièce d'or, que l'ouvrier qu'il a instruit et consolé donne son
sou et nous verrons, le 19aoiît1880, grande et belle s'élever
la statue du poète national et populaire, du grand patriote
LA CHANSON"
51
Alfred Leconte, député de l'Indre et chansonnier,
a voulu que la poésie lut de la fête. Faisant un
parallèle entre Béranger et Marchangy, il a flétri
l'acousateur et glorifié l'accusé dans des vers
excellents, très- bien dits et dont le succès a été
très-vif. Voici cotte pièce que complète l'intéres-
sante notice publiée plus loin :
Le penseur qui parcourt tombeaux ou cimetièie
Où les débris humains, transformés en poussière.
Aux plantes de la terre offrent un aliment,
Ou, s'échappant en gaz, forment un ('lément
Qui devient tour à tour un insecte, une rose,
(^ar au fond tout renaît et se métamorphose.
Le penseui', repoussant la banale oraison,
Sent là grandir son âme et mûrir sa raison.
Sans d'abord regarder la mort comme un refuge,
IJ'un œil calme et serejn il voit, il compte, il juge;
Il est sur la limite où commence la mort.
Où s'achève la vie ; il touche au sombre bord
Où l'ahime s'entr'ouvre, où l'inlini commence.
Où ne peut pénétrer ni regard, ni science.
La mort suit le terrain des générations
Exploité par la peur et les religions.
La mon nous ouvre-t-elle une nouvelle route?
On ne peut le prouver, on y croit ou l'on doute.
On en parle, on y songe, au fond on n'y voit point.
Jamais aucun flambeau n'éclairera ce point.
La foi porte un bandeau, mais lu raison pour croire
Veut sentir ou toucher, repousse l'illusoire.
Le doute est plus logique : aucun mort revenu
N'a pu nous renseigner sur ce point inconnu.
Vivons donc sagement, sans terreur, sans tristesse,
(tu le doit; on le peut en cherchant la sagesse.
— Pour nous guider jugeons par des comparaisons.
L'histoire du passé nous fournit des leçons;
L'histoire va sonder tombeaux ou cimetières;
Les exemples humains lui prêtent des lumières.
— Or, plein de ces pcnsers graves et sérieux,
Sondant tout à la fois et la terre et les cieux,
Chcrchani, pour mon esprit, réponse qui lui plaise,
.le pi'omcnais mes pas ilans le Père-Lachaise.
— Par un temps calme et pur avez-vous, par hasard,
llu pied de la chapelle, étendu le regard
Sur l'immense Paris et vu, par la pensée,
La lièvre de la foule en- son sein condensée?
Avez-vous réfléchi sur ses agissements?
Tout y grouille à la l'ois : les plus bas sentiments,
L'égoïsme, l'orgueil, la honte, la colère.
L'ambition nue rien ne saurait satisfaire ;
Sous des habits dorés des cœurs faux et méchants.
Parfois, sous des haillons, des cœurs riches el grands ;
Mais partout le finaud allant, coûte que coûte.
Ecrasant ou rampant pour se frayer la route.
Obtenant par faveur des places ou des croix.
Mentant pour parvenir ou mendiant des voix.
Ile ces hommes enfin que la fortune embauche I
— Je quittai la chapelle et descendais à gauche,
Chargeant de mon dédain tout ce monde avdi.
Quand je vois tout à coup le nom de Marchangy :
Cl Un serpent (Dieux ! ce mot me rappelle
« Marchangy qui rampa vingt ans!)
Il Un serpent qui fait peau nouvelle
« Dès que brille un nouveau printemps,
a Fond sur nous, triomphe et nous livre
« Aux fers dont on pare la loi.
« Sans liberté je ne peux vivre,
« Pauvres pêcheurs priez pour moi. »
— Ils sont morts Ions les deux, le juge et l'accusé,
Au jugement public chacun est exposé.
Contre qui va tonner le vrai réquisitoire?
Devant te jugement qu'enregistre l'histoire.
Te voilà, Marchangy, flétri comme un serpent
Qui rampe, bave et mord, à l'aspect repoussant,
Et malgré tes écrits, savants, profonds peut-être.
Personne désormais ne cherche à te connaître.
Tu dois à la chanson, tu dois, comprends-le bien.
De rester quelque chose... un mauvais citoyen;
Tu dois à Béranger de survivre à toi-même.
H a lancé sur toi son plaisant anathème
Et te voilà Uélri, Marchangy, le gaulois,
(jui pour le condamner as torturé les lois.
— Hugo flétrit ainsi les hommes de l'empire.
Puissants et chamarrés, ils en ont pu sourire,
Mais leurs noms resteront cloués au pilori.
Ainsi que Béranger y cloua Marchangy ;
Juges s'avilissant aux commissions mixtes
Et prenant au hasard pour compléter leurs listes.
Proscrivant laljoureurs, artisans, citadins.
Leur faisant un grief d'être républicains,
Quaud ils devaient plutôt les sauver, les défendre.
Les venger au besoin, ils les auraient fait pendre.
Si pendre était permis. — L'exil et la prison
De ces hommes loyaux ont eu bientôt raison.
— Bourreaux, vous qui portiez la robe rouge ou noire.
Vos noms seront flétris aux pages de l'histoire.
Béranger en prison, Hugo dans son exil.
Ont eu le cœur plus lérme et l'esprit plus subtil.
.Auprès de leurs grands noms que sont donc vos grimoires
Et le fatras pompeux de vos récpiisitoires?
Quand un Laubardemont prend, accuse et punit,
On le raille, on le hait, l'histoire le maudit.
— Voici les résidlals : d'une part l'infamie.
De l'autre le martyre et l'auréole amie.
— Ils viennent d'Apollon les traits que nous lançons :
Juges de l'avenir, méditez ces leçons !
En l'absence de M. Eugène Grange, président du
Caoeaii, Charles Vincent a rappelé en très-bons
termes les titres littéraires du Tj'rtce français et
son passage dans la vénérable société chansonnière :
Après les éloiiuents discours que vous venez d'entendre,
je ne puis dire ipie quelques mots au nom du Caveau.
Uéranger fut, en effet, un des membres actifs de cette
Société; et lui, qui ne voulait rien être, y accepta cependant
les fonctions de secrétaire.
Si ce n'est pas au Caveau que Béranger écrivit ses
meilleures chansons, c'est là, tout au moins, qu'il chanta
celles ipii devinrent, les plus populaires. Ainsi de Madame
Gréguivc, de FrHMun, de lu Gaudriole, de Roger -Bontemps,
de Mu Ciraiid'Ml're, etc., et dans un autre ordre d'idées :
de i'Uabil de Cour, de /(/ Censure, de Vieux habits, vieux
galons, puis, sur un ton plus élevé, le Nouveau Diogène ;
enfin. Celle fine et courageuse satire le Roi d'Yvetot, que,
pauvre petit employé à 1 ,200 francs, il adressait à celui qui,
en ce moinent-là, faisait trembler le monde. Plus tard,
lorsque la police attribuait ces couplets à de hauts person-
nages, Béranger ne craignait point de dire : « L'auteur, c'est
moi ; » comme plus tard encore il devait répondre : « Je
n'ai chanté que la Patrie et n'ai flatté que l'infortune. »
Béranger est donc une des gloires du Caveau ; aussi,
dès que le journal « la Chanson s eut émis l'idée du
monument qui lui sera élevé l'an prochain, notre Société y
souscrivit-elle une des premières.
Ce n'est point que la mémoire dt^ Béi'anger ait besoin
de cette manifestation pour être ravivée. Le marbre et le
bronze que nous allons lui consacrer auront disparu depuis
longtemps que, de l'auteur du Vieux Vagabond, de Jacques
et des Fous, l'œuvre durera encore.
Cependant, il est bon de laisser aux générations qui vont
suivre un témoignage de notre reconnaissance pour celui
qui a si courageusement défendu nos libertés, et surtout
celle qui nous est la plus chère, la liberté de conscience.
Nous rendrons ainsi, en même temps, un juste hommage à
la chanson qui, si léger que son genre puisse paraître, n'en
demande pas moins pour être complète, avec du cœur et de
l'esprit, ce bon sens et cette clarté que Béranger possédait
à un si haut degré, et qui sont les qualités caractéristiques
de notre littérature nationale.
LA CHANSON
Une surprise attendait là l'assistance. Un vieillard
inconnu, s'annonçant comme le cousin de Béranger,
demanda la parole. Nous conserverons à la harangue
de M. Engelbauer, Danois naturalisé Français, sa
naïveté d'allures qui ajoute encore à la sincérité de
ses pensées attendries :
Messieurs et chers .\mis,
Permettez-moi de vous appeler ainsi, vous êtes c-omme
moi les admirateurs de notre immortel poète Béranger.
.le n'ai pu assister l'an dernier à la cérémonie commé-
morativi' cpie vous aviez organisée, mais je suis heureux de
pouvoir aujourd'liui vous remercier et de votre invitation et
de la manifestation par la((uelle vous honorez si dignement
la mémoire du chansonnier populaire.
Depuis plus de vingt années, j'ai eu l'Iionneur et me
suis donné comme devoir de veiller sur la tombe et d'entre-
tenir les attributs funéraires marquant la place où notre tant
regretté Uérangcr a été enseveli. En 1S65, je pris l'initiative
de placer son buste auprès de celui de Manuel, aidé par
une souscription, et j'eus le bonheur de réussir dans cette
entreprise. L'inauguration eut lieu le 10 octobre 1866, en
secret, nous étions encore sous l'Empire. Nous étions une
trentaine ( entre autres son vieil ami le poète Benjamin
Antier). Un seul discours fut prononcé; on , se sépara, et
deux journaux firent un article sur la cérémonie. Plus tard,
en 1877, le monument était tombé en ruine. J'ai été assez
heureux, aidé par M'ne V Perrotin, pour le faire restaurer
entièrement.
Et aujourd'hui c'est un bonheur pour moi de ne plus
èlre seul pour rendre hommage et honneur à la mémoire de
notre immortel poète national; ainsi permettez-moi aujour-
d'hui de remercier, au nom de la famille de Béranger à
laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, la Société de la Lice
Cliansonnière pour cette belle couronne qu'elle apporte et
place sur sa tombe. Et permettez-moi aussi, par la même
occasion, d'exprimer mes remercîments sincères au rédac-
teur et au directeur du journal La Chanson pour l'initiative
qu'ils ont prise de faire placer la statue de Béranger au
square du Temple. Ils ont su organiser une commission
dans laquelle notre bien-aimé et illustre poète Victor Hugo
a bien voulu accepter la présidence d'honneur, et l'hono-
rable député du 3" arrondissement, M. Spuller, la présidence
activa. Avec des noms aussi illustres et honorables en tête
de la commission, ils ne peuvent manquer de réussir dans
leur entreprise de faire élever une statue à notre bien-aimé
Béranger, qui l'a bien méritée comme poète national et
populaire. Quel ho'nneur et quel bonheur ce sera pour sa
famille, ses amis et la typographie (à laquelle Béranger
appartenait dans sa jeunesse) devoir, après 23-ans d'oubli(*)
dresser sa statue dans un des plus populaires quartiers de
Paris, et où il est mort.
Avant de linir, mes chers amis, permettez-moi personnelle-
ment de vous témoigner ma rcconrftiissance sincère pour
l'hommage que vous avez rendu à la mémoire du grand
chansonnier; cela vient d'un vieillard qui ne peut penser
avoir encore bien des années àvivre; il peut mourir tranquille
maintenant, parce que d'autres auront soin de la tombe de
Béranger.
Enfin Chebroux a remercié l'auditoire par ces
quelques phrases pleines de cœur :
Mes Amis,
(]'est comme membre de la commission executive que je
viens ajouter quelques mots seulement aux discours prononcés
sur cette tomlje.
Il y a un an, devant ce même monument, je vous disais,
en parlant de la statue à élever à notre poète national :
Commençons l'céuvre ; aujourd'hui je viens vous dire :
achevons-la.
{•) Il y a là une erreur; le tombeau de Béranger n'a été
délaissé que pendant vingt-et-un ans. La raison en est
simple: le journal La Chanson n'existait pas.
Je viens faire appel, non-seulement à tous les membres
du comité de la statue Béranger, mais encore à tous ceux
qui, ayant au cœur le souvenir de cet esprit éminemment
français, voudraient se joindre à nous et nous prêter le con-
com-s de leur plume, de leur parole, de leur bourse
même.
Kous avons promis à la mémoire de Béranger un monu-
ment digne de son génie, de son patriotisme et de notre
reconnaissance.
N'oublions pas que l'échéance approche.
.\vant un au, il nous faudra acquitter cette dette sacrée,
qui devrait être une dette nationale.
Il faut que le 19 août 1880, le square du Temple reçoive,
aux applaudissements du peuple, la statue de cet enfant de
Paris.
iNe négligeons en rien, mes amis, l'occasion de rendre un
hommage éclatant au plus grand chansonnier français.
Si, comme on le dit avec raison, la France est fière de
ses gloires, quel meilleur moment de le prouver?
Et n'est-ce donc pas une bonne chose de revoir une
figure aussi souriante, aussi généreuse^ aussi honnête que
celle de Béranger?
Cela repose un peu la vue, et console de bien des images
que nos yeux sont souvent obligés de subir.
Donc à l'œuvre, mes amis !
En attendant la l'éalisation de notre rêve, merci à tous
ceux ijui déjà ont bien voulu nous aider, à tous ceux aussi
qui ont voulu faire avec nous le pieux pèlerinage d'aujour-
d'hui.
Encore une fois, à tous et à toutes, merci!
A quatre heures et demie, la foule se retirait,
vivement impressionnée.
Pour être complet, disons que M. Murât, trésorier
du Comité, et plusieurs présidents de sociétés lyri-
ques étaient présents, et que diverses couronnes ont
été suspendues au monument par la Lyre de la Gaîté,
V Union Parisienne, Réunion des Familles et la rédac-
tion du Paris -Concert conduite par M. Fernand
d'Héramberg, rédacteur en chef.
Le 22" anniversaire de Béranger a été, comme on
voit, célébré avec éclat. La Chanson en est heureuse
et quelque peu flère, au point de vue surtout de
l'utilité qui doit en résulter pour l'œuvre de la statue
de Béranger, provoquée par elle.
A. PATAY.
mmii ET m mcusâteur
Béranger fut trois fois poursuivi directement et
une fois indirectement pour la publication de ses
œuvres. Son accusateur fut toujours Marchangy,
homme néfaste pour la justice et pour la morale. Il
était avocat-général au moment où les listes des
jurys étaient dressées par les préfets suivant leur
bon plaisir. Souvent les mêmes noms s'y représen-
taient et nous devons en citer ici comme exemple
deux réprouvés par la conscience publique, celui
de M. Héron de Villefosse, président du jury, qui
condamna M. de Lavalette, et celui de M. Trouvé,
président du jury, qui condamna les quatre sergents
de La Rochelle. Ces deux hommes se sont montrés
d'une facilité extrême pour condamner au gré du
pouvoir ceux qu'on leur donnait à juger. Cette
assertion, copiée à peu près textuellement sur les
notes posthumes de Béranger, laisse de leurs per-
sonnes le plus déplorable souvenir.
Dans la chanson la Faridondaine ou la Conjuration
des chansons se trouve ce vers de Béranger :
<i (}ue dirait de mieux Marchangy? »
LA CHANSON
Et cettB appréciation du personnage dans les
notes :
« Cet avocat-général fut, sans contredit, le plus
« infatigable interprétateur. Il employait à ce métier
c( tout' ce qu'il pouvait avoir d'esprit. Toutefois, ce
(c qu'il faut surtout lui reprocher, c'est sa conduite
« dans l'affaire des quatre malheureux sergents de
« La Rochelle, dont le plus âgé avait vingt-six ans. >i
Plus loin, on lit :
« Marchangy déploya contre moi un grand talent
(c soutenu du désir de rendre ma condamnation la
« plus rigoureuse possible. «
Le premier procès qui suivit la publication du
second volume de Béranger eut lieu le 8 dé-
cembre 1821. Il fut condamné à trois mois de prison
qu'il fit à Sainte-Pélagie.
Ses chansons incriminées surtout furent : Les deux
Sœurs de charité, les Cnpurins, les Chantres de
paroisse, l'Enrhumé, et surtout les deu.x derniers
vers, bien qu'ils fussent remplacés par des points
dans le dernier couplet. « Des points poursuivis eu
justice! « dit Béranger.
Nous donnons en entier le couplet, en soulignant
les deux vers qui ne sont point l'ejiroiluits dans les
œuvres de Béranger :
.Mais la charte encor nous défiMid,
Du roi c'est l'immorlel enfaul.
Il l'aime, on le présume,
Oui, mais papa ijai-daiil la (lui.
■ Traite sa pile comme I.olli.
Amis, c'est là.
Oui, c'est cela,
(l'est cela qui m'cnrhiimi'.
Marchangy incrimina en mémo temps les chansons
ayant pour titre : Le Bon Dieu, le \' ieux Drapeau, la
Mort du roi Christophe.
Dans son emportement il alla jusqu'à dire à pro-
pos de la chanson du Bon Dieu : « Est-ce ainsi que
Platon parlait de la Di\inité? n
("'était l'odieux joint au ridicule.
La publication des débats des chansons incri-
minées donna à ce procès un retentissement immense
dont grandit la popularité de Béranger.
Pour Marchangy, ce n'était pas précisément
atteindre le but qu'il visait. Aussi fit-il vite un nou-
veau procès de récidive parce que l'on reproduisait
dans le compte-rendu des journaux les chansons incri-
minées.Ce nouveau procès aboutit à un acquittement.
Dupin aîné, défenseur de Béranger dans ces deux
procès, déploya un grand talent de logique et d'élo-
quence.
En 1825, sous le ministère de Villèle, le libraire
Ladvocat publia un troisième volume de chansons de
Béranger. Pour éviter une nouvelle publicité en
faveur de l'auteur, ce n'est pas à lui qu'on intenta le
procès, mais à Ladvocat qui en fut quitte pour une
minime condamnation. C'est ainsi que Béranger fut
poursuivi' indirectement, comme nous l'avons dit au
début de cette notice. Ce procès eut peu de reten-
tissement.
Pendant son séjour à la prison de Sainte-Pélagie
à la suite de son premier procès, Béranger composa
les chansons suivantes : La Liberté, la Chasse, Ma
Guérison. l'Agent provocateur. Mon Carnaval. l'Ombre
d'Anacréon, l'Epitaphe de ma Muse, dans un couplet
de laquelle il flétrit son accusateur Marchangy et
que nous reproduisons dans la pièce de vers qu'on a
lue tout à l'heure.
Béranger, laissé en repos jusqu'en 1828, fut de
nouveau poursuivi après la publication du quatrième
volume de ses oeuvres. La France avait alors pour
la gouverner le ministère Martignac. Marchangy
était mort le 2 février 182G. Béranger n'en fut pas
moins poursuivi ; il apprit au Havre, où il était allé
passer quelques jours chez son ami Dupont, de
l'Eure, le commencement des poursuites qui le
conduisirent pour six mois en prison avec dix mille
francs d'amende.
11 était allé au Havre passer quelques jours, seul,
au bord de la mer, pour s'approvisionner d'air, sui-
vant sa propre expression.
Ce ne fut plus Dupin, mais Barthe qui défendit
Béranger. Dupin, alors député, aurait pu être gêné
par sa position même. Béranger le dissuada et
repoussa ses services amicaux.
Le procès eut lieu le 10 décembre 1828. Béranger
fut condamné pour outrages à la personne du roi et
à la famille royale, et aussi pour atteinte à la morale
publique.
Le Sacre de Charles-le-Simjjle . Les infiniment
petits, l'Ange gardien, furent les principales chansons
incriminées. La iiremière avait déjà été une des
causes de la condamnation dans le premier procès.
Dans le premier comme dans le dernier, Marchangy
se montra toujours agressif et accusateur passionné.
L'accusateur et l'accusé raorts, c'est à l'histoire
de les juger.
Ai.FRKii LECONTE.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
,]E NE SUIS PLUS SI BÈTE! (')
A M™» X*"
Vous l'avez dit, et je le crois
Quoique mon orgueil en murmure.
J'étais assez bête autrefois;
Ah ! Madame, la chose est dure!
Ai-je fait des progrès depuis?
Vous l'affirmez ; c'est fort honnête ,
Je veux vous croire et je ne puis...
Non, non ! je ne suis plus si bête !
Oui, j'étais à faire pitié :
Je croyais aux vertus fidèles.
Au dévoûment, à l'amitié,
Je comptais sur les hirondelles;
J'étais heureux, j'étais charmé
Dès qu'un regard me feisait fête ;
Aimant, je croyais être aimé...
Non, non ! je ne suis plus si bête !
Dès qu'une femme me disait :
« Aimez-moi pour que je vous aime! »
Aussitôt elle me plaisait,
J'avais mon bonheur en moi-même ;
Souvent, hélas ! on abusa
D'une trop facile conquête.
Et mon cœur à ce jeu s'usa...
Non, non ! je ne suis plus si bête!
(•) M. Alphonse Daudet, clans ses Souvenirs publiés par la
Jeune France, a parlé d'une chanson improvisée il y a vingt
ans par M. Henri de Bornier. L'auteur de la Fitle de Roland
a retrouvé pour nous cette chanson.
A. P.
54
LA CHANSON
Jadis, quand l'éclair de vos yeux
Traversait mes jeux et mon âme,
J'avais l'air sot, triste, ennuyeux,
C'est que j'avais grand cœur, Madame
J'avais peur de vous admirer,
J'allais même en perdre la tète ;
Je ne savais que soupirer...
Non, non ! je ne suis plus si bête!
Henri de BORNIER.
LE PRmTEÎVlPS
La tei're reprend sa parure,
Le coucou chante dans nos bois;
Les prés se couvrent de verdure,
L'hirondelle effleure nos toits ;
Tous les troupeaux quittent l'étable
Pour s'ébattre dans les parcours;
Berger soupire tes amours
Auprès de la bergère aimable...
C'est le printemps !
Saison charmante
De la jeunesse et des amants.
Où tout est rose, où tout enchante ;
C'est le printemps.
Déjà les jeunes villageoises.
En jupons courts, roses corsets.
Vont aux blés rêveuses, sournoises.
Cueillir coquelicots, bluets.
Tout dans la nature bourdonne
Un chant d'amour au créateur ;
La fillette écoute son cœur :
Une voix secrète y résonne...
C'est le printemps, etc.
On entend l'alouette alerte
Chanter en planant dans les cieux.
Et partout dans la plaine verte
La voix du laboureur joyeux;
Qu'elle est belle, la bigarrure
Des trèfles, des colzas en fleurs!
La brise est pleine de senteurs.
On entend vivre la nature.
C'est le printemps, etc.
Tout est amour dans les bocages,
Dans les champs, les arbres fleuris;
Amour dans les tendres ramages
De nos petits oiseaux chéris.
Oui, c'est comme un concert immense
Qui monte à Dieu dans ce réveil ;
Tu nous reviens, fécond soleil.
En nous rapportant l'espérance.
C'est le printemps !
Saison charmante
De la jeunesse et des amants.
Où tout est rose, où tout enchante ,
C'est le printemps !
PERRET DE GERMIGNEY
LE CODE INDIEN
Air ; Mon Ht solitaire
Chez lui, l'homme est le roi quand même ;
Dieu lui donna l'autorité,
La force, le pouvoir suprême,
La raison et la volonté.
Sa femme doit vivre à sa guise.
N'avoir qu'un seul but : obéir,
Etre son esclave soumise.
Et prévoir son moindre désir.
Or, Mesdames retenez bien.
Qu'il n'est qu'un seul être
Qui soit votre maître.
Après l'homme il ne reste rien ;
Ainsi le veut le code indien.
D'après les lois de la nature.
Tout homme n'est qu'un animal;
Qu'il soit bien taillé de structure.
Qu'il soit beau, laid, doux ou brutal.
Fidèle, ou qu'il ait des maîtresses.
Sobre, paresseux, ou gourmand,
Sa femme lui doit des caresses
Et des soins jusqu'au dévouement.
Or, Mesdames, etc.
Lorsque l'époux chante ou veut rire,
La femme doit rire et chanter ;-
Mais, s'il veut parler ou médire.
Elle doit toujours l'écouter.
Indulgente, douce, modeste.
Elle doit servir les repas,
Manger après lui, s'il en reste.
Et jeûner s'il n'en reste pas.
Or, Mesdames, etc.
Quand le mari d'un long voyage
Revient, la femme sans détours.
Doit compte au maître du ménage
De son temps et de ses discours.
En juge et bourreau s'il la frappe,
La femme doit, à ses genoux ,
Remercier à chaque tape
Et baiser les mains de l'époux.
Or, Mesdames, etc.
Mesdames, calmez vos alarmes,
Ces lois sont d'un autre pays;
En France on sourit à vos charmes
Et vous captivez vos maris.
Vos vertus, nobles souveraines,
Ont soumis bien des potentats.
Vos bras ne sont-ils pas des chaînes
Qu'on caresse et ne brise pas ?
Or, Mesdames retenez bien,
Qu'ici pas de maître ;
Mais partout le bien-être
L'homme est votre unique soutien,
Car ce sont les lois de l'hymen.
A.LEBLANC.
LA CHANSON
55
L. -Henry Lecomte nous demande de publier la
lettre suivante, adres.^ée par lui au directeur du
journal La Paix, qui ne l'a pas insérée :
Paris, le 23 juillet 1879.
MoNSlEUli,
Dans La Paix àe. ce joui' un de vos rédacteurs propose
<c d'arracher à l'oubli la mémoire de Frédérick-Lemaîlre n
en construisant un mausolée dans le cimetière Montmartre. A
titre d'ami des dernières années du grand comédien ,
permettez-moi de combattre cette idée.
Fi-édérick-Lemaître est mort à peu prés isolé, pauvre,
désespéré de n'avoir pu obtenir la représentation d'adieux à
laquelle ses glorieux travaux bii donnaient des droits incon-
testables. Dès IH7I1, II' public appi'enait par moi la position
fielleuse du prodisirnx iirtiste, sans qui! ma triste confidence
éveillât autre cliosç cpu' des sympathies platoniiiues. D serait
étrange, avouez-le, de voir, à l'indiirérence coupable pour le
vivant, succéder la sollicitude inutile pour le mort. N'ayant
rien fait autrefois, nul n'a le droit de rien faire aujourd'hui ;
et, si la famille de Frederick est iiien inspirée, elle empê-
chera l'odieuse comédie des faux regrets de se jouei- sur ce
grand cadavre.
\\ existe, d'ailleurs, un moyen OKjins lianiil et plus efllcace
de perpétuer le souvenir de Frédéricli-I.emnili-e : la ville du
Havre at celle de Paris peuvent donner, la première à la
rue de la Gafl'e où Frederick est né, la si^conde à la rue de
Bondy où il est mort, le nom du Talma populaire. Je l'ai
demandé sans résultat trois mois après le décès du célèbre
comédien; mais, transmis par la voix de la presse, mon
conseil serait sans doute écouté des municipalités parisienne
et havraise. Je serais heureux. Monsieur, qui; vous voulussiez
bien m'aider à mener cette campagne, et je vous en fais
d'avance mes sincères remercîmcnls.
Veuillez, Monsieur, croire à mes sentiments de lionne
confraternité
l-.-IlKMlV I.I't.O.MÏK.
LICE CHANSONNIERE
BANQUET DES DAMES (20 JUILLET).
Oniiml il s'a-il. (l'inie lèle dr famille, 1rs l.icèi'iis l'I Iriirs
visilenrs lialiiliii'ls IVnil rarcineiil dèfiinl. M.-iliirè la pluie aliiiii-
(laiile. 1 1 1. convives se liouvaii'iil réunis à l!(iuliii;ui' |Hnn- le
l)ani|uel ilil (/'('/('. C.iiuuui! un le pcnsi' liicu, la iiruiucnadi' au
Ijois u'a pas été loiii;u('; ci'iicudaul les iulrépidi's. c'est-à-dire les
jeunes, ont tenu à l'euiplir relie partie du progrannne qui, pour
le reste, a été lidélcnieul suivi.
A deux heures, cluuaui [ii-euail place à la lahie; à cinq heures,
le Champagne élaul liu et le café versé, la séance des chants
commençait.
Jules Fxhalié a dit le Banquet ili> Boulogne, couplets de
circonstance hicu accueillis. Stanislas Toslaiu, cliau<nnuier di^ la
bonne école, a chanté J' crois que V liaii Dieu ii' m'en rmiilra
pas pour ça. Flacliat avait aussi i-iiné un à-propos. Je dîne à
Bouiiifine. Iiii'ii l'ail, liicu ilil cl applaudi. Galion a débité trop
vili! une houtiide plitiasapliique inédite, et Georges Baillet a
chaulé d'un ton trop liant (ce ipii lui arrive souvent) sa Chanson
aux Dames qui mérite d'être lue : nous la publierons prochai-
uenient.
Alfred Lecoutc a dit avec l'art qu'on lui connaît, les Deux
fohiplés. Clieliroux a clé nu des heureux de la fcte : Vive le
rSamiiiet d'été lui a valu iion-seiilcnient les bravos du sexe fort,
mais le tiis rigourensemenl iiilerdil lui a été accordé parce qu'il
était demandé par toutes les dames pour le couplet suivant :
Nos dames, soit dit sans mystère,
Ont vr,aiment des airs séducteurs.
Ce n'est plus un bouquet de lleurs,
C'en est tout un parterre.
Pour Tentrain, la franche gaîté,
Vive notre banquet d'été.
J'ai parlé du bonheur de Chebroux; c'est qu'avant de chanter
lui-même, il avait entendu interpréter de la façon la plus char-
mante, par M"" Caroline Durafour, s,o\\ Printemps qui s' éveille.
Enfin, il a obtenu encore un grand succès en disant Mes
Illusions.
M. RucI, un visiteur assidu, a répondu à certaine raillerie
publiée par Monselet dans l'Erénemeiit par les vers suivants :
Un esprit charmant et moqueur
A lancé le trait qui pétille
Sur celte .igape de famille
Où chacun a la joie an cour.
.T'aurais compris SchoU, le s<'eptique.
Daubant sur nous, nmis ilouselut.
Un-
poeti
tique
Railler Muin
s, ti
! que ocst
Monsieur de
Cup
Vous êtes pa
r tn
p hunionst
Sachez que
ien
ne nous att
D'ailleurs, k
toul
Evcticmcnt
Un proverbe
la (
it : le sage
Est prep.iré:
ton
Doit donc l'a
re ic
1 bon visa"
.\u journal i
e M
Majnier,
Aimable et 1
ien
'her ibroni
laid.
Nous buvons h. toi de grand cœur.
Emile Durafour a redit, à la satisfaction générale, Quand on
a liiea réeu. que mis lecleurs connaissent, et Un Refrain
bourfiiiifjiitDi. Ku;;ène llailict a recueilli les 'applaudissements
que niéiilc /7?s;;/'// du Paijsan. M. Janssoulé, visiteur, a
chanté largemcul /(( Patrie du Franc, dont il fit la musique.
/>fl Code Indien, que l'im a lu tout à riieure, a été bien inler-
[irélé par son auteur, .M. A. l.eblam'. Raretés tA l'Ami d'Eloi,
de Jeauuin, uni, comme toujours, excité de francs rires.
M. (;ii,ii-|es Hochet, slaln.iire cl ancien Licéen, a chaulé J'ai des
/iltes. .Mil» bdui.sc llnrifoiu' a délaillé Irès-liuement lu Lanterne
magique; le duo des Pi/j'erari a été dit dans la perfection par
elle et sa sieur Garnline. llachiii a chaulé Si I la Une chanson
que nous avons déjà signalée, et tes Amours île mon grand -
père. M'ic Sauvanel. .\|i"o< Ti'ibellinnie et Chiicque ont inter-
prété, la première ta Voi.r des bosquets, la secmidc Pâles
Voyageurs, !•[ la tniisiènie tes Fleurs de l'an dernier, m\\f\qi\e.
de son mari : succès pour toutes, on le devine.
A onze heures, après un bal joyeux, la plupart des assistants
reprcuaieul, il.uis îles voilures de course, la route de Paris,
chanl.'int en cliiiqu' r'i se diFuiianl l'enilez-vons pour le grand
banque: d'hiver. ^^^ j,^,^.,,^,^^;
TROisiiMË mmn memdel
Dp La Chamon
PIÈCE COURONNKE
LA VRAIE NOBLESSE
Brave artisan, pour qui la destinée,
Cruel fardeau, se résume en labeurs ;
Vous, plébéien, phalange infortunée
Dont le puissant exploite les sueurs,
Levez ce front où le travail imprime
En traits sacrés son blason glorieux;
Pour le ternir, en vain l'on vous opprime :
Vous êtes noble en dépit des a'ieux.
Vous jeune tille, humble enfant du village,
Qu'un beau printemps vint faire épanouir:
Vous, que le monde et son brillant mirage
N'ont jamais eu le pouvoir d'éblouir;
Vous qui, gardant votre belle innocence.
Avez chassé des flatteurs odieux ;
Vous qui restez pure dans l'indigence,
Vous êtes noble en dépit des a'ieux.
Vaillant soldat qu'une ardeur magnanime
A fait bondir au milieu des combats ;
• Vous qui voyant tomber mainte victime,
Avez cent fois affronté le trépas ;
Vous qui cent fois à travers le carnage
Avez passé sublime, radieux;
Honneur à vous, à votre grand courage !
Vous êtes noble en dépit des a'ieux.
56
LA CHANSON
Poète, enfin, dont les accords magiques
Plus d'une fois ont ravi les mortels ;
Vous que Ton vit aux vertus héroïques
Rendre un tribut d'iiommages immortels;
Vous qui, mettant votre divin génie
A célébrer ce paj's glorieux.
Mourez encore en chantant la patrie,
Vous êtes noble en dépit des aïeux.
Le Mans. HlPPOOTE DAGUET.
Viennent ensuite :
Souvenir du cœur, par M. Marc ïhézeloup, de Caen ;
Le Bonhomme Misère, par M. Emile de Fontaubert,
d'Oradour-sur-Vayres.
4"'' Tournoi mensuel ouvert du l"' au 25 août.
Nos abonnés seulement ont le droit d'y prendre
part avec une seule pièce, quel qu'en soit le genre,
ne dépassant pas soixante vers.
La pièce couronnée sera insérée dans La Chanson
et l'auteur aura droit à dix exemplaires.
Les noms des deux suivants, ainsi que les titres
de leurs poésies, seront publiés.
ECHOS & NOUVELLES
Anniversaire de la Prise de la Bastille.
Au grand banquet qui a eu lieu le 14 juillet der-
nier, au Casino de l'Ile-de-la-Jatte, le nouvel hymne
national (*) : France! a fait sensation. La diva
Mathilde Romi a interprété ce chant avec un rare
talent; une ovation enthousiaste a été faite à la ohai'-
mante artiste. M. Louis Blanc qui présidait le banquet,
s'est levé pour lui serrer la main et la complimenter.
Les auteurs, MM. Léopold Sarrade et Ben-Taj'oux,
ont eu une bonne part dans le succès obtenu par la
célèbre cantatrice; ils ont été chaleureusement
acclamés.
Nous apprenons que Mathilde Romi chantera
France! le dimanche 3 août, à la fête de Neuilly-
Plaisanee, au magniiîque concert organisé par
MM. Rocher et Derousse.
Le concert-conférence du 29 juin, organisé au
théâtre des Nations avec le concours du syndicat
des Artistes musiciens, ayant pour but la démonstra-
tion de la méthode Magnat pour l'instruction des
sourds-muets, a été des plus intéressants. M. Ed.
Lockoy présidait. Etaient présents : MM. Molens,
Schœloher, sénateurs, et Laisant, député.
La Marseillaise a été superbement exécutée sous
la direction de M. Frédéric Deslandes. Une poésie
de circonstance de M. René Asse, a été parfaitement
dite par M. Peutat. La Bohémienne (air de ballet) a été
un franc succès pour M. Gabriel-Marie. La Rédemption
d'Istar, très-beau poème de M. Bertol-Graivil,
musique de M. Charles de Sivry, interprétée par
M"' Irma Marié et M. Mauzin, a obtenu tout le
succès que cette œuvre mérite. Auteur, compositeur
et interprètes ont été à la hauteur de cette œuvre
magistrale qui avait été presque improvisée pour
(*) Se trouve chez A. Patay, 18, rue Bonaparte.
cette matinée. Nous pouvons lui prédire dès aujour-
d'hui un très-grand succès, durable et mérité. Citons
aussi de M. Pénavraire : l'ouverture de Michel Cer-
vantes, œuvre inédite très-réussie. Nous ne pouvons
tout citer, mais nous pouvons affirmer que cette
matinée restera dans la mémoire des assistants.
ï. Michaëlis (45, rue de Maubeuge) vient d'éditer
la Chanson de la Pomme, œuvre couronnée à juste
titre aux fêtes données en 187<S par la ville de Caen,
à l'occasion du pèlerinage des Pommiers vers la
patrie de Malherbe. Les paroles "sont de M. Marc
Thézeloup, et la musique de M. Achille Dupont,
deux Normands garantis bon teint pour l'esprit et
le cœur.
Dans la biographie de L. Quentin nous avons omis
de citer deux grands succès qui durent encore :
Flutinos et Roncheno, saynète, et Un Bénéficiaire
dans l'embarras, opérette, toutes deux en collabora-
tion avec Emile Durafour.
Nous apprenons la mort de Louis Magot, décédé
le 9 juillet à l'âge de 60 ans. Magot, qui spéciale-
ment faisait de la chanson sociale, laisse beaucoup
d'œuvres inédites. Ses chansons sont peu connues. Il
a été le président fondateur de la société des Petites
Plumes dont nous faisions partie. Nous publierons
prochainement une notice sur lui par Eugène Châ-
telain.
Nous souhaitons la bienvenue à un, nouveau
journal très-bien rédigé et imprimé avec luxe
sur papier teinté, La Vie Lyonnaise, en vente chez
Marthou, galerie de l'Odéon.
Nous recommandons à nos lecteurs le troisième
dizain des Sormets Parisiens de M. Paul Vibert, publié
chez Chérie, ainsi que l'Année poétique de notre
collaborateur Paul Pujol.
Vient de paraître : Epitre aux Français par notre
collaborateur Gustave Delecolle. Prix : 20 centimes,
chez l'auteur à Villeneuve-l'Archevêque (Yonne), et
à notre librairie.
Nous enregistrons avec plaisir le franc succès de
M"" Amiati à l'Eldorado avec Powquoi n' es-tu plus
Nanon? de MM. Vatinel et Paul Henrion, deux
membres de la Lice Chansonnière.
A. P.
AV 1 S
Nous prévenons nos lecteurs et nos correspon-
dants que les abonnements à LA CHANSON sont
reçus dans tous les bureaux de poste de France,
sans aucun frais pour nos nouveaux abonnés et
pour les renouvellements.
Nous invitons nos abonnés de Paris et des
départements qui n'ont pas encore acquitté le
montant de leur abonnement ou réabonnement
dû depuis le !«■• mai, .de nous le faire parvenir
d'ici à l'apparition du prochain numéro de LA
CHANSON, s'ils ne veulent pas éprouver d'inter-
ruption dans l'envoi du journal.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2" ANN?:E. — N* 26.
16 AOUT 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l«f & le 16 de cliaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A LEROY
20 ceut. le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an. 6 Ir.
.) six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : La jeune F:
(l,.-nF,NR
':vii«AiKK : Ut jeuiœ France (julien i.ufiiu.). — Etitdes aur les chants étrangers (l'.-Ë. erard). — Ln Statue de Béranger ^
(i,.-nF.MiY i.iîcoMTK, — !," Liste de soHserijtlion. — L'Alouette des Gaules (do.mimquk flachat). — Les diX-hud uns de Lise
(nipiMM.YTK iji;iia\d). — Imjjriii-iiliiii.s de Popaul (HENRI RUBois). — La Chanson du Ménestrel (Francis maeatukch), — NO''
Amours (adoi.imik iad(it). — lldiliogriiiihie (TH. vuili.ermedlnand). — Banquet du ('«(■enK (eug. imbert). — Banywef de la
l.ke Phnnsoiiiiirre ;'i..-i]KNr:Y ikcisiti:). — Hclws et Nouvelles {a. pvtay).
.1 iiii'ltn; en inti<iiiiic
Kutendez-vous, au loin, dans l'air épais et lourd.
Des ombres du passé sortir ces cris funèbres?
Ija guerre, l'ignorance et l'abus, tour à tour,
Kont un suprême appel à l'ange des ténèbres...
Mais, de nos Jeunes cœui's, qui tendent vers le jour,
Monte un liymne de paix, d'espérance et d'amour.
C'est l'hymne de la jeune France!
^ Le passé s'émeut... l'ombre fuit :
Plus de ténèbres, plus de nuit,
De misères ni de souffrance!
Les maux du genre humain semblent près de finir :
Le monde entier se renouvelle
Et, joyeux d'acclamer la parole nouvelle,
Les peuples, sur nos pas, marchent vers l'avenir!
Sombre esclave, du fond des âges
Peuplés de tourments et d'enfers.
L'homme vient, accablé d'outrages ;
Il marche, secouant ses fers...
Le temps passe... Du serf la vie est moins cruelle,
Puis, main-morte, taille et gabelle
Vont disparaissant devant lui..'.
Le vieux monde tremble et chancelle...
Ije peuple naît!... l'existence est plus belle...
Un astre aux yeux de tous a lui !
(') Nous sommes heureux d'emprunter ce charmant dessin
d'André Gill à la Jeune France, jeune et vaillante revue
mensuelle nui parait depuis le l""mai 1878. Abonnement
pour toute la France : un an 8 Ir. S'adresser ,à la librairie
A. PATAY, rue Bonaparte, 18.
A. P.
(vni. aîAA.
58
LA CHANSON
C'est l'astre de la jeune France !
L'aube se lève, l'ombre fuit ;
Plus de ténèbres, plus de nuit.
De misères ni de souffrance !
Le bien-être s'accroît ; le malheur va finir.
Le monde entier se renouvelle.
Et, suivant du regard la lumière nouvelle,
Les peuples, sur nos pas, marchent vers l'avenir !...
Le vieux monde a croulé ; plus de fers : l'homme est libre !
Le serf émancipé fait place au citoyen...
L'esprit de tous s'élève et, plus fier, tout cœur vibre ;
Chacun, fort de son droit, ne rêve que le bien;
Le savoir chasse l'ignorance.
Le fanatisme fuit devant la tolérance.
Tout grandit : la vertu, le courage, l'honneur !
Et, dans les champs nouveaux que le Progrès féconde,
La Liberté sainte ouvre au monde
Une ère de travail, de paix et de bonheur...
C'est l'ère de la jeune France !
Le jour s'est levé. .. l'ombre à fui.
Plus de ténèbres, aujourd'hui.
De misères ni de souffrance ;
L'homme est heureux, enfin, le mal vient de finir,
Le monde entier se renouvelle...
Et, radieux d'entrer dans cette ère nouvelle,
Les peuples, sur nos pas, marchent vers l'avenir!...
Montauban.
Julien LUGOL.
ÉTUDES SUR LES CHANTS ÉTRANGERS
Suite (*)
Poursuivant partout, quand même et toujours,
notre but : étttdier la littérature étrangère et la
faire connaître aux lecteurs français, nous chevau-
chions sur le sol africain en quête de livres arabes
et de chants populaires et patriotiques de l'Orient,
lorsque La Chanson nous rappela que sa rédaction
voulait bien accueillir nos renseignements littéraires.
Nous nous proposons d'envoyer bientôt à notre
intelligent directeur une collection de chants arabes
et guerriers recueillis dans les gourbis et les bivouacs.
Nous avons débuté par les chants du Nord, les
refrains orientaux feront suite.
Souvent le succès ne couronne pas nos recherches :
la tâche est rude. Qu'importe! nous l'avons entre-
prise et nous irons jusqu'au bout. La littérature
française rayonne sur l'univers entier ;■ la France
ignore la littérature étrangère.
Pourquoi ne traduirions-nous pas les chefs-d'œuvre
étrangers alors que nos poètes, nos historiens, etc.,
sont lus dans toutes les langues et dans tous les
pays? Connaissant la littérature d'un peuple, le lec-
teur se fera une idée plus large et plus vraie de ses
mœurs et coutumes. Quelques écrivains — nos
devanciers, plus érudits, ayant des noms illustres,
universellement connus — ont tenté ce que nous
tentons aujourd'hui, m^ùs sans succès. Il y a, sans
doute, témérité de notre part lorsque nous repre-
(•) Voir le N" 17 de La Chanson.
nons — à peine entré dans la carrière littéraire —
l'œuvre inachevée, que dis-je, à peine ébauchée.
Que chacun y apporte sa pierre et l'édifice
s'élèvera.
Notre satisfaction personnelle suffisant seule à
notre ambition et notre devise ayant toujours été :
Fais ce que dois, advienne que pourra! nous ne
faillirons pas et consacrerons toutes nos forces à ce
que nous croyons être notre devoir d'écrivain utile
et impartial.
Après la romance du Rossignol présentée à nos
lecteurs dans notre dernière étude, nous donnerons
le chant suivant : Pnlosa veter (voix de la brise).
Allez dans les vallons de l'Ukraine, lorsque le ciel
est pur et la nuit calme, quand, au loin, se dessine
sur les monts la silhouette du chasseur de buffles,
tous les échos vous rediront ce chant, toutes les
tentes retentiront de ces accents guerriers. L'au-
teur — si nous en croyons le rédacteur en chef du
journal russe Le Citoyen (un de nos amis) — est un
des chefs de ces Khirghizes dont les Arméniens
gardent, depuis 1877, le souvenir, souvenir plein de
haine et d'espoir :
L'airain tonne
Et bondit;
La colonne
Dans la nuit
Et sans bruit
Se déroule...
— Que tout croule!
S'il le faut
Sous l'assaut.
Le courage
Et la rage
De nos coups !
La victoire
Et la gloire
Sont à nous !
Leur cohorte
Tombe morte...
. . . Dans nos bras,
Jamais las,
Sont leurs femmes
Et l'amour !
Dans la fièvre
Notre lèvre
A son tour,
Frémissante
Et sanglante,
Veut enfin
Et sans fin
Aller prendre
Un baiser !
On comprendra facilement que le rhythme préci-
pité et étrange de ce chant nous ait embarrassé pour
rendre dans notre traduction ce souffle à la fois
féroce et amoureux qui fait l'originalité des chants
de l'Ukraine.
La route est tracée; que d'autres s'y acheminent
et fassent mieux, voilà ce que nous souhaitons.
P.-B. ERARD.
[A suivre)
LA CHANSON
59
LA STATUE DE BÉRANGER
Le 27 février, M. Murât faisait au Conseil
Municipal de Paris, en son nom et en celui
de ses trois collègues, MM. Cléray, Darlot et
Frère, comme lui membres du comité Déranger,
une proposition tendant à obtenir du conseil
l'autorisation, pour le comité, d'ériger une
statue H Déranger dans le jardin du Temple,
et la participation de la ville à la souscription
ouverte à cet effet. Renvoyée aux commissions
des beaux-arts et des finances, cette proposi-
tion a été rapportée, en ces termes, par
M. Collin, dans la séance du 8 août :
« Messieurs,
« Votre commission des beaux-arts a l'honneur
(le vous proposer le sujet de délibération suivant :
« Le Conseil délibère :
« 1° 11 y a lieu d'accorder un emplacement dans
le square du Temple au comité de souscription
formé pour y élever un monument à Déranger.
« 2° Le Conseil, sur l'avis de sa commission dos
(iiiances, souscrit pour la somme de mille francs. »
Les deux termes de ce projet ont été votés
séance tenante. Nous en remercions vivement,
au nom du Comité, le Conseil Municipal.
L'obstacle qui gênait notre commission
executive est levé ; sa tâche va réellement
commencer.
Aussitôt les vacances terminées, une réunion
générale du comité sei'a provoquée, pour la
discussion de mesures importantes.
Dès aujourd'hui, nous l'affirmons avec joie,
le succès de l'œuvre est assuré.
Qui pourrait s'en étonner ou n'y pas
applaudir ?
L. -Henry LECOMTE.
SOUSCRIPTION
Pour élever une Statue à Béranger
i""» Liste
Allocation volée par le Co/iseîiiWMHiC(pa( de Pai'is. 1 .000 »
Société lyrique La France Moderne (produit
d'une quête) 23 »
Société lyrique La Lyre bienfaisante (produit
d'une collecte) 16 50
Société lyrique Les Joyeux Amis (produit net
d'un concert) 70 20
Versement fait par le Progrès Artistique 11 »
MM. Janin, dessinateur 2 »
Uelaney 2 r>
Malperluy » 50
H.Durand 5 «
Théodore Leclerc, chansonnier 2 i
G. Leprévost 5 »
k reporter 1.137 20
Report 1.137 20
René Johanny, à Nice 3 »
LarochellCj ex-directeur de la Porte Saint-
Martin 20 »
Rourdonneaux 5 »
0. Grisard 5 n
M"i« veuve Ventujol,née Fauvel 3 »
2<= Envoi de M. Evarisle Carrance, à .\gen :
M. Ad. Chaumont 5 »
JI'"<= L. l'ourcin 2 i>
2'= Envoi de M. J.-F. Gonon, chansonnier :
MM. L. Gharrière » 50
.\. Coignet » 50
R. l'eyraud » 50
.\ug. Craët 1 k
Marcellin Goignel » 50
Honoré Cochet n 50
Adrien Fraisse » 50
J.-R. Revol » 50
Claude Fenouil n 50
Séon .loannès » 50
.Vntoine .Magand » 50
Renoit Reviron » 50
>Jeaii Petiot » 50
MM. Esuault 1 »
Vincent 2 »
Esnault 1 d
Herré » 50
Garrigues » 50
J.-R. Zahel » 50
Leblanc 1 »
Albert ■ 1 I)
Le Rruu » 50
Russière » 50
Emile Schwander » 50
Rouigeois i> 50
II. Schwander I i>
Py 1 »
lleiniliunseï' » 50
Rey 1 »
Koch 1 n
Dauer 1 »
C. Parant 1 »
l'allé » 50
Monero 2 „
A. Meyer 1 >.
llerburgcr 2 »
A. Morin 1 u
niuni ■> 50
Ad. Lanihurl » 50
Gabriel Villard 3 i>
Louis Soret 1 »
Pierre Ninet 1 »
Lcdru 1 »
A. Potel » 50
Johanneau n 50
S. Chamanski » 50
Latour » 50
Pierre Leclerc 5 d
Morel 1 »
Colin.. 3 »
Etienne 2 • »
Renard » 50
Dcmouy 5 »
Derreulx-Douvillé 5 »
Albert Larcher 5 »
Henri Gosse de Gorre 5 »
Larcher père 5 »
Godbert 2' i.
Pierre Desjardin 1 "
1.258 20
Listes précédentes 2.540 40
Total 3.798 60
60
LA CHANSON
L'ALOIETTE DES GAULES
Musique de l'Auteur des paroles
A l'heure où le joui- vient d'éelore,
Lorsqu'aux champs tout va s'éveiller,
Que les oiseaux vont babiller.
Et le ciel s'ouvrir à l'aurore,
Entendez-vous dans l'éther bleu
Cette voix que la brise entraîne?
C'est l'Alouette dans la plaine.
Qui chante sa prière à Dieu !
Un long frisson court dans les saules!
Une plainte sort des grands bois !
C'est que l'Alouette des Gaules
Pleure ! pleure sur les Gaulois !
« Je puis bien pleurer, moi, dit-elle,
« Trop souvent, j'ai vu dans mon vol,
« Des bai'bares fouler ton sol,
« O ma pauvre Gaule immortelle !
i< Depuis que du chauve César
« Les nombreuses hordes romaines
(( Chargèrent tes enfants de chaînes,
c( Pour les atteler à, son char! «
Un long frisson, etc.
Il Puis, j'ai vu de la Germanie,
« Ces bandes fauves de vautours,
« Qui brisèrent sur leur parcours,
(( 'Ion nom. Gaulois, et ton génie!
« Ton clergé bénissant leur camp,
(( Eut bonne part du peuple esclave,
« Jusqu'au jour, enfin, où la lave
(i Terrible jaillit du volcan ! »
Un long frisson, etc.
« Si j'ai vu tes douleurs profondes.
« J'ai vu tes siècles glorieux !
« Peuple ! ils furent grands, tes aïeux !
« Ils ont aussi conquis des mondes !
« Mais la conquête est un fléau,
« La guerre a des lueurs funèbres,
« Sa torche brûle en des ténèbres,
« La torche n'est pas un flambeau! »
Un long frisson, etc.
« Un jour dans mon vol solitaire,
ic Je murmurais : Au gui l'an neuf!
« Quand j'aperçus quatre-vingt-neuf
« Dont l'aube illuminait la terre.
« Oh ! ma Gaule ! quel beau réveil !
« A toi lo droit, à toi la force !
« Tu fus belle, malgré ce Corse,
« Qui mit un crêpe à ton soleil ! «
Un long frisson, etc.
« Tous ces Bonapartes ! ces princes 1
« Ont disparu sous le mépris.
« Mais hélas ! à tes flancs meurtris,
« Ils ont arraché deux provinces !
« Ces deux sœurs qui pleurent là-bas,
« Chère Lorraine ! pauvre Alsace !
« Sont une éternelle menace,
« Germains ne les rendrez-vous pas? »
Un long frisson, etc.
« Mais, va ! marche avec assurance,
Il Je vois tous tes enfants s'unir.
« Marche ! marche vers l'avenir,
Il 0 vieille Gaule! leune France!
<i Et vierge et mère, avec fierté,
« Le sein gonfié sous sa tunique,
« France, allaite la République !
(( C'est l'Enfant-Dieu ! la Liberté ! »
Un long frisson court dans les saules,
Un cri d'amour sort des grands bois ;
Oh ! sainte Alouette des Gaules,
Chante toujours pour les Gaulois!
Dominique FLACHAT.
LES DIX-fiUlT ANS DE LISE
ROM.\NCE
Air : Geutît.'i qui parfmnez mes revus (Hi'îG. Morea.o)
Vous me demandez, ma charmante.
Pourquoi votre cœur bat si fort,
Pourquoi vous devenez tremblante
En écoutant parler Lindor.
Par quelques mots, belle petite.
Je vais dissiper vos tourments :
Si votre cœur ainsi s'agite, ) . ■
C'est que vous avez dix-huit ans!S
Pourquoi l'oiseau de la clairière
Chante-t-il quand vient le printemps
De l'amour le divin mystère
Qui met le trouble dans ses sens ?
C'est qu'ici-bas la créature
Aspire à des plaisirs charmants :
Votre âme s'ouvre à la nature, ) i ■
Lise vous avez dix-huit ans! )
Quand de Lindor la voix craintive
Parle d'amour et d'avenir,
Son langage vous rend pensive
Et puis bientôt vous fait rougir.
Vous venez, fauvette frileuse,
Vous blottir en ses bras tremblants :
L'inconnu vous rend curieuse : } •■
Lise vous avez dix-huit ans ! )
Lorsque seule sur votre couche
Un doux rêve vient vous bercer,
Votre bouche cherche une bouche.
Votre baiser cherche un baiser !
Vous rêvez à de douces chaînes,
Votre âme a des désirs troublants;
Un sang plus chaud coule en vos veines:/ . ■
Lise vous avez dix-huit ans ! j
L'amour est le soleil splendide
Dont le pur et divin rayon
Fait dans une âme chrysalide
Eolore un brillant papillon !
De ce rayon la douce flamme
Cause ces divers changements :
La jeune fille devient femme ; ) i •
Lise, vous avez dix-huit ans ! )
HiPPOLYTB DURAND.
LA CHANSON
61
IMPRÉCATIONS DE POPÂIL
A PROPOS OE I.A MORT IIK SON l'UlNCE (*)
Air de Cadet Hoiu-isel
Méchants Zoulous, laids moricauds, [bis)
Race à Caïn, chiens, radicaux, {bis)
Beuglait certain bonapartiste
Plus fort en gueule qu'un dentiste :
Ah! ah! ah! sovez tous.
Soyez maudits, méchants Zoulous I
Méchants Zoulous... Sans le savoir
En le tuant, lui, notre espoir.
Quelle é|iine, sauvage engeance,
Vous tirez du pied de la France...
Méchants Zoulous... Queussi-ciueurai,
Bien qu'il était votre ennemi,
N'auriez-vous pu — rares mervi'illes —
Vous contenter de ses oreilles?
Ah! ah! oh! sojez tous,
.Soyez maudits, méchants Zoulous!
Méchants Zoulous... Futur César.
Sur nos conseils, à tout hasard,
Il venait vous trouer la panse...
I/honneur était pour vous, je pensée
Ah! oh ! oh ! soyez tous,
Soyez maudits, méchants Zoulous !
Méchants Zoulous... Pauvre innocent.
Que lui servit, Diou tout puissant.
D'être le filleul du Saint-Père
Et de porter un scapulairo?
Méchants Zoulous... Un Montijo.
Malgré Sedan et Waterloo,
Eut, par un tour de passe-passe.
Repris la Lorraine et l'Alsace.
Méchants Zoulous... S'il eût régné.
Oh! cei'te, il n'eût rien épargné
Pour rendre la Franco prospère.
Ainsi que l'avait fait son père.
Méchants Zoulous... Comble d'horreur,
Moi, qu'il eût fait vice-empereur.
Il va me falloir, triste rôle.
Changer mon dévouement d'épaule .
Méchants Zoulous... Enfin, mordieu !
Faut-il voir là le doigt de Dieu
Qui, dans son fils, punit la mère
D'avoir rêvé quelque Brumaire?
Méchants Zoulous, conclut Popaul,
Blême et frappant du pied le sol :
Je vous hais, mécréants d'Afrique,
Presque autant que la République !
Ah! oh! oh! soyez tous.
Soyez maudits, méchants Zoulous.
Henuy RUBOIS.
(") Couplets chantés au Banquet de la Lice Chansonnière Am.
.1 juillet, par l'auteur, un des vice-présidents de c«tte société.
A. P.
LA CHANSON DU Fi^ÉNESTREL
Tant que tu seras, douce France,
La terre des vins généreux;
Tant que l'amour et la vaillance
Rendront tes fils aventureux ;
Tant que la folle insouciance
Hantera chaumière ou castel :
Oui nous aurons des épopées,
Des héros et des coups d'épées,
Que chantera le ménestrel.
Honneur à qui — dans la bataille
Que l'on se livre sans courroux —
A des rivaux faits à sa taille
Porte de victorieux coups!
Celui qui jamais ne défaille,
A nous de le rendre immortel!
Après toute briU.inte joute,
Aux noms connus un nom s'ajoute
Que chante chaque ménestrel.
Aux vainqueurs tous les cris de joie.
Battements de mignonnes mains,
Coupes d'or, écharpes de soie...
Puis l'ivresse des lendemains.
Quand le cortège heureux flamboie
En revenant des carrousels!
A nous d'exprimer les délires
Qui des cœurs émus font des lyres,
"Vibrant aux voix des ménestrels!
Francis MARATUECH.
A Monsieur Achille Caron
NOS AMOURS
Voici venir Mai, la fête des fleurs!
Prenant en pitié nos peines cruelles.
Les rayons d'avril ont séclié nos pleurs :
Chantons la chanson des amours nouvelles,
La jeune chanson, fille du printemps,
Qui s'éveille au nid des oiseaux contents.
Et que les amants, fiers de leurs vingt ans.
Dans les bois ombreux disent à leurs belles :
Chantons la chanson des amours nouvelles!
Les insectes d'or et les papillons,
VoLiges essaims, lueurs passagères,
Folâtrent gaîment parmi les sillons :
Chantons la chanson des amours légères,
La chanson d'un jour éclose au matin.
Ephémère idylle au rire argentin.
Doux caprice dont le vol incertain
S'arrête un instant aux vertes fougères :
Chantons la chanson des amours légères 1
Les prés reverdis, si charmants à voir.
S'irisent à l'aube, et de nouveaux êtres
Y naissent déjà, gages pleins d'espoir :
Chantons la chanson des amours champêtres,
62
LA CHANSON
La chanson du pâtre et du laboureur,
Où passe le souffle ardent du bonheur,
Eglogue reprise, après le labeur.
Par les paysans, au pied des grands hêtres :
Chantons la chanson des amours champêtres.
La blanche aubépine emplit les halliers
D'enivrants parfums et d'agaceries,
Et s'offre aux baisers des frais écoliers :
Chantons la chanson des amours fleuries.
Duo que zéphyre emporte joyeux,
Avec les flocons légers et soyeux.
Vers d'autres pays et sous d'autres cieux.
Par les bois, les monts et par les prairies :
Chantons la chanson des amours fleuries!
La patrie enfin renaît aujourd'hui !
L'éclair fulgurant qui soft des abîmes.
Comme un fier signal sur nos fronts a lui :
Chantons la chanson des amours sublimes !
Chantons la famille et l'humanité !
Qu'un hymne viril, par tous répété.
Porte les refrains de la liberté
Jusqu'aux pics ardus des plus hautes cimes !
Chantons la chanson des amours sublimes !
Adolphe CADOT.
BIBLIOGRAPHIE
L'auteur d'Ous qu'est mon fusil et de tant d'autres
chansons devenues populaires, M. Joseph Lavergne,
fondateur et propriétaire du Théâtre des Intimes, à
Malakoff, a réuni sous le titre de : Mes Filles, quel-
ques-unes de ses plus fraîches productions.
Tour à tour philosophique, gracieuse, bachique, la
muse de M. Lavergne célèbre la gloire et le mérite,
l'amour et l'amitié, le vin, la table et les joyeux
plaisirs.
Toutes les conditions, tous les sentiments de
l'humaine nature sont passés en revue, tout jusqu'aux
artistes auxquels l'auteur a consacré un chapitre
entier d'élégies.
La chanson est la plus haute expression de l'esprit
français, elle peint les mœurs, les tendances d'une
époque, et les témoignages qu'elle laisse à la posté-
rité ne sont pas à dédaigner.
M. Laveigne est un de ces historiens du présent,
et son livre placé à côté des éphémérides de Veissier
des Combes, des piècesfugitives de quelques membres
du Caveau, sera utilement consulté par les auteurs de
l'avenir.
En effet, chaque époque ne se peint-elle pas dans
les chansons ou les proverbes qui ne sont, pour la
plupart, que des refrains de chansons, tandis que la
morale de beaucoup de chansons n'est souvent qu'un
proverbe mis en musique ; le moyen-âge ne s'est-
il pas peint tout entier dans Carfe</?02(sse/ et le dicton
de Jehan de Nivelle, le XVIP siècle, dans les Maza-
rinades dont le Cardinal italien se vengeait si spiri-
tuellement par son mot : qu'ils content, mais qui/s
payent, et M. Scribe, dans son discours de réception
à l'Académie française ne s'écriait-il pas :
« Voulez-vous connaître la société du XVIII' siècle ,
cette société élégante et spirituelle, raisonneuse et
sceptique, qui croyait au plaisir et ne croyait pas en
Dieu?
« Voulez-vous une idée de ses mœurs, de sa
philosophie et de ses petits soupers ?
« Ne vous adressez pas à la comédie, elle ne vous
dirait rien : lisez les chansons de Voisenon, de
Boufflers et du Cardinal de Bernis. «
Le livre de M. Lavergne justifie complètement,
pour notre temps, le programme donné par l'illustre
académicien. Il renferme des chansons, des odes,
véritables pièces de poésie, délicates, fines, et il nous
suffira de citer le titre de quelques-unes pour montrer
quelle variété de sujets a été traitée :
La Citoyenne de 1848, Je rengaine mon compliment,
Poires cuites au four, le Prisonnier, l'Enfant et la
Vierge, les Sauveteurs, Vive M. D. (actuellement sous
presse).
Nous nous résumerons en félicitant M. Lavergne
de son joyeux travail, et en appelant de nos vœux
un nouveau recueil qui, nous le prédisons, s'il répond
à celui que nous venons d'analyser, aura aussi un
véritable succès.
Th. VUILLERMEDUNAND.
SOCIETE LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU l>r AOUT 1879
0 ]nots donnée, me suivrez-vous toujours ?
pourrais-je m'écrJer, en modifiant un des plus jolis refrains
de Hérangei-. Quelques mets ont en effet encore émaillé ce
banquet : le Pot au feu, de l'ouUain, lequel préside par
parenthèse une société du même nom; le Macaroni, du
même auteur, les Cervelles, de Garraud : tout cela, malgré
des qualités réelles, sent un peu le réchauffé aujourd'hui.
Félicitons-nous, en présence de tous ces mets, d'avoir évité
les scies.
L'actualité, à la bonne heure ! Vous pensez si là tempéra-
ture choisie dont nous jouissions il y a si peu de temps a dû
être attrapée au vol et chansonnée comme il faut. Jullien,
lui, cherche le soleil, et promet une récompense honnête à
qui le lui rendra. Lagarde, qui met malicieusement sur le
compte de cette gueuse de République tous les maux qui
accablent la pauvre humanité, depuis les cors aux pieds
jusqu'aux cornes conjugales, ne manque pas non plus de lui
attribuer l'ombre attristante et le froid hiémal dont nous
sortons à peine.
Mais Vincent, le poète du soleil, apparaît, radieux comme
son astre favori : l'exposition de.s arts appliqués à l'indus-
trie, l'humanité et la lumière, le progrès et la liberté, tel
est son thème; et vraiment il semble, dans son enthousiasme,
avoir dérobé à l'oeil du monde, comme parle Ronsard, quel-
ques-uns de ses rayons les plus chauds.
Son mois de Juillet est aussi plein d'ardeur : la peinture
des champs, l'espoir de l'automne, et surtout le souvenir
d'une date flamboyante, la grande aurore du quatorze, lui
ont inspiré de vigoureux accents. Moins poète quand il veut,
il ne dédaigne pas le couplet badin : témoin son C'est
permis.
Dans ce dernier genre, plutôt chanson que poésie, brillent
Lagarde, Ripault, Fouache, Petit, Montariol, et surtout
Grange : La Clé du coU're-fort, le Sexe faible, les Fichus
ijaurts d'heure. Dieu et Diable, le Lit de Procuste, les
Impairs, ces six chansons, et particulièrement les trois
dernières, dépassent en gaîté piquante et en ingénieuse
satire le niveau, cependant élevé, du Caveau. Le Champagne
de l'esprit s'est piqué d'honneur pour rivaliser de mousse
brillante avec le cliquet qu'offrait à tous les convives le
nouveau chevalier de la légion d'honneur, l'heureux Léon
Gucrin .
Granger., dans les Petites Dames et Affaire de boutique,
Duprez, qui a traité pour la millième fois ce proverbe Comme
on fait son lit on se couclie, Fénée, dont les Vivats épicuriens
sont remplis de yerve, ont obtenu aussi leur part de succès.
Je crois bien n'avoir oublié aucun des chanteurs présents,
si ce n'est un seul, qui ne pourra pas s'en plaindre, et c'est :
EuG. IMBERT.
LA CHANSON
63
LICE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 6 AOUT 1879
L'autre jour je cherchais, accoudé sur ma lable,
Le front entre mes mains, quelle forme acceptable
Je pourrais bien donner à mon toast de ce soir.
Une heure se passa sans que l'horizon noir
Se laissât IraveVser par la moindre éclaircie ;
J'allais laisser ma tâche en la traitant de scie,
Quand soudain j'aperçus, assise à mon côté.
Noire ficine-Chanson qui, m'ayant écouté,
Venait à ma douleur apporter le remède
El donner à mon toast le secours de son aide.
» Depnis longtemps, dit-elle, on vante vos banquets ;
« De toutes paris, j'enlends s'exercer les caquets
o .Sur vos charmants repas ; même, les journaux cilenl
« Vos menus succulents et vous en félicitent.
« On vous dit gens d'esprit, heureux de presque rien,
« Bons enfants et n'ayant de culte que le mien.
« Sur ce, chacun de vous, par des airs d'importance,
« Croit devoir rehausser l'éclat de sa prestance,
« Et, comme on dit ailleurs en style bien trouvé,
« Très-sérieusement croit que c'est arrive.
a Eh bien! non ; je suis loin d'être aussi satisfaite
« tjue vous le semblez croire, et je suis ainsi faite
« Qu'il me faut sans retard en termes assez brefs
u Vous peindre franchement mes très-graves griefs.
« Et puisque, président, tu tourmentes ta lyre
« Pour le prochain banquet, tu n'auras plus qu'à lin^
» Ce que je vais dicter pour tes amis et toi.
u D'abord, vous enfreignez votre première loi
« Qui consiste à dîner à sept heures précises;
« A peine si je vois dix personnes assises
« Quand sonne la demie, et vous savez pourtant
n (Jue des chants la séance y perdra juste autant.
H Si vous appelez ça de zèle faire preuve,
i< Je ne m'y connais plus. Mais à quelle autre épreuve
€ Me mettez-vous encoj? C'est l'heure de chanter
« Et voici qu'un de vous se met à réciter
« Sur un ton lamentable un lamentabh; thème
« Qu'il décore du nom mystii|uc de poème.
« Ah çal mais à ([uoi bon se dire chansonnier
« Si l'on vient sciemment ensuite le nier?
« A quoi bon s'appeler : La Lice Chansonnière,
« Pour traiter la chansop d'aussi fourbe manière 1
« Et mes bruyants flonllons, et mes joyeux glouglous.
Cl Voyons, répondez-moij que diable en faites-vous?
Cl Laissez au doux rêveur sa douce poésie
« Et les douces douceurs de sa douce ambroisie,
« Et soyez chansonniers, chansonniers avant tout,
ce Chansonniers partout, oui, chansonniers jusqu'au bout.
ce Et puis, de grâce, amis, ah! je vous en conjure,
ce Gardez-vous donc au moins de me faire l'injure
n De répéter vingt fois une même chanson,
« Votre muse peut bien en variant le son
« Chaque mois accoucher de quelque œuvre inédite
0 Et laisser au public le soin de la l'édite. »
La Chanson disparut mais mon toast était fait,
Et plus je refléchis, plus je crois qu'en effet
Notre idole a raison de se montrer sévère.
Allons, pas de rancune, amis, voici mon verre.
Et pour remplir ce soir ma noble mission
Je bois à la Chanson, première audition.
Les trois points indiqués par M. Echalié dans le toast
qu'on vient de lire appellent, en effet, une prompte réforme.
La Chanson y contribuera, pour sa part, en ne parlant
désormais, dans ses comptes-rendus de dîners chantants,
que des œuvres inédites.
Le banquet d'Août est un des moins suivis de l'année.
Trente convives à peine étaient réunis aux Vendanges. La
jeune société chansonnière fait cependant tous les jours de 1
nouvelles recrues. Elle a reçu, l'autre soir, comme membres
libres, MM. Kousset et Eugène Caron, et, comme membre
correspondant, A. Desrousseaux, le célèbre chansonnier
Lillois, le Béranger du Nord. Tous ont acclamé ce dernier
nom, et Uurafour a déclaré qu'il était fier d'avoir servi de
pai-rain à Desrousseaux devant la société des auteurs et
compositeurs. Voilà qui est bien, et les Licéens peuvent à
bon droit compter sur leur nouveau collègue.
Les productions présentées au dernier banquet appar-
tiennent, comme d'habitude, aux genres les plus variés. Les
Strophes patriotiques de l'Alouelte des Gaules, très-bien
chantées par M. Flachat sur une musique un peu molle, ont
précédé la Famille à Camille; rengaine populaire traitée
par Durafour sur la note bruyante qu'il donne à merveille,
et les Dix-huit ans de Lise, romance soupirée par M. Ilippoljle
Durand. M. Ilachin a fait ensuite comparaître le coupable
soleil pour lui racontera; qui se jiasse.'^ovA venus ensuite :
M. Vatinel, adres.sant aux Bons Pires des encouragements
iiiinii|ues couronnés par ce cri du cœur de M. Brûlez, Il
faut balayer ça! et M. Jules Baux, avec la bonne musique
écrite par lui sur la Mifinonne de Ryon. Comme ça diminue
s'est alors écrié Chebroux, non sans mélancolie. Ce n'est pas
Ions les jours fêle, a conclu Georges Baillet. Hélas! non;
et M. Achille Caron le sait bien, lui qui fait endèver la
Feuille de présence, de même que M. Buel, avouant que
Ça laisse à désirer.
En ajoutant aux chansons que je viens d'énumi ler le Clair
de lune, de M. Paul iVvenel, le Parfait Licéen de M. Echalié,
le Second, de M. liochet, lu Meule du temps, de M. Leblanc,
j'aurai donné la nomenclature complète des œuvres nou-
velles ilites l'autre soir et qui se recommandent par des
qualités diverses de fond ou de forme.
(-omplèle ! — Non pas. Un visiteur a présenté, sous ce
titre : Chacun son lonr, une chanson à tiroirs écrite, suivant
les règles du genre, en six couplets tour à tour modestes,
grivois, moraux, patriotiques, .satiriques et philosophiques.
On a paru les écouter sans fatigue. Je me pardonnerais
d'autant moins de garder le silence que celte chanson est
la première ipi'ait essayée,
L.-HeiNHV LECOMTE.
4""' TOURNOI MI-INSUEI, OUVERT DU 1°'' .VU 25 .\OUT
Nos abonnés seulement ont le droit d'y prendre
part avec une seule pièce, quel qu'en soit le genre,
ne dépassant jDas soixante vers.
La pièce couronnée sera insérée dans J.a Chanson
et l'auteur aura droit à dix exemplaires.
Les noms des deux suivants, ainsi que les titres
de leurs poésies, seront publiés.
Notre grand concours poéticjuiî en l'honneur de
Béranger sera clos définitivement le 16 août au soir.
Voici, par ordre alphabétique, la liste des poètes
et des chansonniers composant notre jurj :
MM. Eugène Baillet, Henri de Bornier. Ernest
Chebroux, Jules Claretie, Ernest d'Hervilly, Eugène
Imbert, René Ponsard, Léon Vallade, Charles
Vincent.
Vu le grand nombre de pièces déposées et la saison
des vacances, nous ne pouvons fixer aujourd'hui
l'époque où le jugement sera rendu ; nous le dirons
dans un prochain numéro.
A. P.
64
LA CHANSON
ECHOS & NOUVELLES
Vient de paraître à notre librairie, en vente au
profit de la Sotiso'iption Béranger, la conférence
faite par Jules Claretie, au théâtre du Château-d'Eau,
à la matinée Béranger. Prix : 1 franc. Nous en
reparlerons prochainement.
Nous recevons la lettre suivante :
Paris, le 28 juillet 1879
Cher Monsieur,
La tombe de notre ami Leduc, mort depuis bientôt un an,
n'a pas encore d'entourage. Je viens vous prier d'ouvrir
dans votre digne journal une petite souscription dans laquelle
vous pouvez inscrire la société des Eiifaiils du Marais pour
la somme de cinq francs.
Dans l'espoir que vous voudrez J)ien accueilli]' ma
demande, j'ai l'honneur d'être votre dévoué
CHAUMETTE, président.
Nous nous associons à l'initiative prise par le
président de la société des Enfants du Marais. Le
ilirecteur de La Chanson souscrit personnellement
pour 5 francs. La souscription est ouverte dans nos
bureaux. Nous publierons les noms des souscripteurs
qui auront versé le montant de leurs souscriptions.
Nous sommes en retard vis-à-vis de notre confrère
Ali Vial de Sabligny qui vient d'avoir la douleur de
perdre sa mère. iVl™" j. de Sablignj avait écrit avec
talent des romans, des nouvelles et des poésies très-
remarquables. De plus que son talent et son esprit,
elle possédait une âme élevée et un grand cœur.
Nous nous associons au deuil de notre confrère,
l'habile directeur de la Revue de la Jeunesse.
Le compositeur Thvs vient de mourir à Bois-
(Juillaume, près de Rouen, à l'âge de soixante-douze
ans. Son corps a été ramené à Paris par sa fllle,
M"" Pauline Thys, et inhumé à Montmartre, dans un
caveau de famille.
A. Thys était grand prix de Rome en 1833, et il
se plaisait à rappeler qu'il fut à cette époque, avec
Adam, un des véritables créateurs de l'opérette. En
effet, les musiciens étaient alors chargés, sous le
voile de l'anonymat, des ariettes et des airs inter-
calés dans les pièces à mise en scène. A. Thys fit
ainsi la Belle limonadière, la. Nuit au Sérail, etc.,
dont les motifs servent encore de timbres à nos
vaudevillistes.
Il eut à l'Opéra-Comique quatre petites pièces bien
accueillies. Aida, Oreste et Pylade, l'Amazone et la,
Sournoise ; c'est surtout dans la romance qu'il eut
une grande vogue. M""' Sabatier et Richelmi lui
durent leurs premiers et leurs plus grands succès.
Fondateur, avecBourget, de la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique, il fut élu
• plusieurs fois président de cette Société.
Le Comité-directeur provisoire de l'Union des
Poètes français et étrangers, réuni mardi dernier, a
décidé de présenter à la prochaine Assemblé géné-
rale, qui aura lieu, 24, rue et salle Pétrelle, le
lundi 25 août, à 8 heures et demie du soir, l'ordre
du jour suivant :
Nomination du bureau ;
Lecture du procès-verbal de la précédente Assem-
blée générale ;
Formation et affichage d'une liste d'adhérents, où
chacun des membres présents choisira des noms et
dressera une liste de vote, comprenant cinq membres
pour faire partie du Comité-directeur définitif, et
quatre membres chargés de les suppléer en cas de
besoin ;
Dépouillement du scrutin par quatre membres
délégués ;
Nomination du trésorier ;
Versement des cotisations de chaque adiiérent
entre les mains du trésorier ;
Deuxième lecture des statuts et propositions
diverses.
Pour le comité provisoire,
Le Secrétaire,
J. Le 'FUSTEC.
La société la Pomme, composée de Bretons et de
Normands résidant à Paris, met au concours pour
cette année les sujets suivants :
I. — (Bretagne) Eloye de Jacques Cassard (mor-
ceau en prose) : l"' Prix. — Une médaille d'or;
2° Prix — Une médaille de vermeil.
IL — (Bretagne) Sonnet ■'sur Michel Columb :
Prix. — Un objet d'art.
III. — (Normandie) Pièces de vers sur les poètes
Normands : 1" Prix. — Médaille d'or; 2" Prix. —
Médaille de vermeil.
Les manuscrits devront être adressés avant
le 15 septembre 1879, à M. Chesnel, secrétaire
général de la société, 21, boulevard Saint-Martin,
Paris. Ils porteront une devise qui sera répétée sur
une enveloppe cachetée contenant le nom de l'auteur.
Les enveloppes contenant le nom d'un auteur à qui
une mention honorable aura été décernée, ne seront
ouvertes que sur l'autorisation expresse du lauréat.
Le concours sera clos le 20 septembre exclusi-
vement.
La distribution des prix du concours de la Pomme.
aura lieu en séance solennelle, à Nantes, le 4
octobre 1879.
Troisième grand Concours poétique de l'Académie
Mont-Réal de Toulouse, clos le l"' septembre.
1° Ode aux Bienfaiteurs de l'humanité, sujet imposé.
Cent vers au plus.
2° Sujet libre. Quarante vers au plus.
Adresser les manuscrits à M. Albert Mailhe,
12, place Rouaix, à Toulouse. Joindre un franc en
timbres-poste pour frais d'inscription.
M. Evariste Carrance publia pour la première
fois en 1876, Les Mystères de Royan. qui eurent un
succès dont la presse se souvient encore. Il était juste
de mettre ce livre, qui est une vraie page de la vie
humaine, à la portée de tous.
Pour recevoir franco 1 édition populaire grand
format, qui vient de paraître, adresser 1 fr. 25 à
M. LÉON DUPRÉ, 6, rue Molinier, à Agen (Lot-et-
Garonne).
Le vingt-troisième concours poétique, ouvert eir
France le 15 août 1879, sera clos le 1" décembrel879.
Vingt médailles, or, argent, bronze, seront décer-
nées. — Demander le programme, qui est envoyé
franco, à M. Evariste Carrance, Président du Comité,
6, rue Molinier, à Agen (Affranchir).
Le Directeur-Gérant, k. PATAY.
2' ANNEE.
N* 27.
1" SEPTEMBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur- Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
San* Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1" & le 16 cle cliaciu.e i^nois
Seci'étaire delà Rédaction
A LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : Galerie des chansonniers : Etienne Ducret (eug. imbert). — Chansonniers et Coupletiers (andre person). —
Curiosités de la Chanson : La Cabane oii sont mes outils (pierre Dupont). — Ne chantez plus la Marseillaise (jules celés). —
Le Veuf et la Puce (Elisée klotz). — Le Conservateur au temple (francis melvil). — A la Bastille, paroles d octave
LEBEsouE, musique 'Je Francis cbassaigne). — A Béranrjer encore une chanson (rénédoutre et j.-f. oonon). — La chanson
en province (jules celés). — Nécrologie (r. o.). — Chronique des sociétés lyriques (a. leroy, prosper tibia, a. p.). —
Quatrième Concours mensuel de La Chanson, L'Espérance (hippolyte daguet). — Choses et Autres (e. b., a. p.).
GALERIE DES CHANSONNIERS : ETIENNE DUCRET
Ducret est un exem-
ple de ce que peuvent
la volonté et le courage,
deux vertus moins rares
qu'on ne croit cliez les
poètes.Vivre mal de son
travail et pas du tout de
sa plume, telle fut d'a-
bord sa position. Plus
tard l'un et l'autre de-
Tinrent plus productifs,
puis se confondirent
ensemble pour le faire
vivre. Volumes pour le
colportage, chansons-
réclames pour la publi-
cité, voilà son labeur.
Je ne parle pas des
pièces de théâtre : les
unes ne lui ont rien
rapporté, qu'un peu de
gloire, les autres sont
encore inédites.
DucretestnéàDijon,
le 12 mars 1829. Sa mère
étaLUnièce d'Emile Cot-
ten&f acteur, auteur
dramatique et chanson-
nier, triple talent dont
le petit-neveu ne lais-
sera pas perdre l'héri-
tage. Il avait deux ans,
quand des revers de
fortune forcèrent ses
parents à s'établir à
Lyon. C'est là qu'il fut
élevé et qu'il vécut jusqu'à l'âge de vjngt-six ans. On
peut donc dire qu'il est Lyonnais. Aussi possède-t-il
à un haut degré cette bonne humeur narquoise et
cette verve méridionale qui distinguent les Lyonnais.
Je dis méridionale en parlant de Lyon, car
Pour nous autres Picards, c'est déjà le midi.
D'abord enfant de
chœur, puis élève dans
un externat clérical, il
fut tour à tour pro-
fesseur, clerc d'avoué,
commis marchand, cho-
riste. C'est au théâtre
des Célestins qu'il dé-
buta, et comme acteur
et comme chansonnier.
C'est sur ce théâtre que
fut exécutée sa pre-
mière chanson : Le peu-
ple est roi. On était
en 1848.
Un éloge de Suchet,
en prose, celui de Jac-
quart, en vers, plusieurs
monologues, également
en vers, représentés au
même théâtre, obtin-
rent du succès et valu-
rent i leur auteur une
popularité que Lyon
n'a pas encore oubliée.
La gloire, c'est bien,
mais les écus? Ducret
avait dix-neuf ans, on
était en 1850, une
femme, un enfant à
nourrir. Il gagnait six
cents francs par an.
0 chère médiocrité!
0 modeste célébrité !
Jours légers qu'aujourd'hui j'envie !
On mangeait vingt-cinq francs par mois.
Sautant sur les pics de la vie.
Leste e\ fringant comme un chamois.
66
LA CHANSON
Il est facile de rire du naufrage, une fois au port.
Enfin, encouragé par Achard, il part pour Paris,
la terre promise des poètes, dans leurs rêves. Mal-
heureusement, même à Paris il faut manger. Le
travail ne rebutait pas Ducret : qu'il en trouvât
seulement, il était satisfait. Commis aux écritures,
employé, puis gérant d'une grande maison de papiers,
il était, en 1869, à la tête d'une vingtaine de mille
francs qui ne devaient rien à personne : des inven-
tions heureuses comme conception, des insuccès dus
aux circonstances le ruinèrent. Il fallut recom-
mencer. Il eut une inspiration et se jeta, poète-
commerçarit, à corps perdu dans la réclame.
Son Album des spécialités en vogue est un tour de
force. Paroles et musique, près de dix mille vers,
consacrés à la gloire d'une moutarde quelconque ou
de je ne sais quelle farine de santé ! Chatouillez
donc votre muse en faveur des bons Crespin, de
Vidouville; cherchez des strophes dignes de la
maison qui n'est pas au coin du quai ! Eh bien,
Duoret a tout abordé, tout chanté, tout vanté; le
sel Pradel et la Margarine, la moutarde Bornibus et
la machine Singer. Mais il est impartial, et confond
dans le même amour le vermouth Jouvence et l'amer
Picon, la Belle Jardinière et Godchau. Et dans
toute cette poésie (ô Phœbus, pardon!), on rencontre
des couplets qui ne seraient déplacés nulle part. On
trouve aussi, il faut l'avouer, des phrases comme
celle-ci, où il est difficile de reconnaître des vers :
« Pour être sûr que cet extrait n'est pas de contre-
bande, il faut exiger le cachet de Ricqlès sur la
bande ».
Etonnez-vous qu'à tant travailler l'on devienne
habile. Le chansonnier est comme le forgeron :
fabricando fit faber. Ducret possède une facilité
étonnante, mais il possède aussi la forme et la
langue. On reconnaît la trace de bonnes humanités.
Joignez à cela un débit entraînant, une mimique
expressive, une voix mordante, enfin ce qu'un
parisien mal appris appellerait : du chien. Musicien
par surcroît.
Nos abonnés ont pu lire dans le n° 5 de La Chanson
des couplets de Ducret intitulés : Reviens, flonflon.
Sa Marseillaise de la Paix, que chantait cet été
M"" Bordas, a obtenu un beaii succès. Sa Marseillaise
des Ecoles fait aussi son chemin. Ducret est libéral,
comme toutes les belles natures, républicain,
comme tous les esprits énergiques et francs. Il a de
la vigueur, du trait, de l'enthousiasme. Ecoutez ces
vers, et dites-moi s'il y reste la moindre odeur
d'alcool menthe ou de bitter Guy :
Jaillis, vapeur! Sous ton éclair,
Sortant de sa nuit insensée
L'humanité s'est redressée
Au fiât lux de Gutenbevg.
Par toi l'horizon s'est ouvert
Au mâle essor de la pensée...
Il excelle aussi à chanter le pays des Gohes. et
Pisten-claque-pan! et le Ganrfowx roulant sa sampote.
Ducret, aujourd'hui attaché à la maison Lebuilly,
une des grandes usines de la littérature foraine, est
membre de la société des auteurs et compof5iteurs de
musique, de celle des auteurs dramatiques et de Ja
Lice Chansonnière. Il est auteur cVm Théâtt'e de
Guignol, illustré par Randon.
EuG. BIBERT.
CHANSONNIERS ET COIPLETIERS
Ln des symptômes de décadence de la chanson, c'est
assurément l'étonnante facilité avec laquelle les paroliers
exploitent ce geni'e de poésie qui, naguère encore, étant
considéré comme un art, en avait toutes les qualités, et qui
n'est plus aujourd'hui, grâce au rôle grotesque qu'on lui
impose, qu'une industrie, qu'un mercantilisme dont 1 exercice
n'exige ni aptitude littéraire , ni aspiration poétique et,
parfois même, aucune connaissance prosodique.
Oij sont donc ]es œuvres, je ne dis pas sérieuses ni étudiées,
mais simplement raisonnables de ces coupletiers dont l'incons-
cience n'exclut pas l'audace? Où sont-elles les productions
qui méritent d'être saluées au passage, qui vaillent la peine
d'être classées et auxquelles on puisse, un jour, assigner
une place quelconque dans l'histoire de notre langue et de
notre poésie, ainsi que cela a été fait pour les œuvres de
nos devanciers?
Depuis vingt-cinq ans, au moins, et notamment depuis la
création de ces étanlissemenls parisiens où l'on chante avec
accompagnement d'orchestre, la chanson a passé par telles
épreuves, elles a subi, sous la plume effrénée des gens qui
la cultivent aujourd'hui, tant de changements dans son
caractère, dans son allure et surtout dans son langage, que
les quelques personnes qui s'attachaient encore à sa destinée
et qui notaient attentivement ses évolutions régulières, sur-
prises de ses transformations anormales, ne la l'econnaissent
plus. Elle dont la devise avait été si longtemps : molle atque
faci'tum, et dont le principal mérite consistait dans la vivacité
du style, dans la délicatesse de l'expression, le tour simple
et naturel de la phrase...
Quelle dégringolade !
Je sors d'un café-concert, et j'écris sous l'influence d'une
impression pénible.
11 faut convenir que le public de' ces endroits-là est doué
d'un tempérament exceptionnel, pour digérer comme il le
fait, les platitudes qu'on lui ressasse, tous les soirs, sur des
airs insipides et d'une vulgarité stupéfiante.
S'il m'était permis de donner à cet article les proportions
que son sujet comporte, et que le journal La Chanson n'est
pas en mesure de m'accorder, je développerais ma critique
en appréciant à leur valeur les différents répertoires des
coupletiers en vogue et j'arriverais à démontrer que la
chanson au lieu d'être dans la voie de progression est dans
la voie contraire. Aussi bien, tout est pour le mieux, car il
me faudrait avoir recours aux citations, et, je l'avoue, je ne
suis pas encore assez désœuvré pour me livrer à une pareille
besogne.
Du reste, le but de cet article n'est pas positivement de
blâmer les honnêtes industriels qui ont fait de la chanson
métier et marchandise, et l'exploitent comme ils l'entendent,
mais bien de prévenir nos amis les « chansonniers » des
dangers qu'ils font courir à la chanson en la conduisant au
concert où elle n'est admise, cela est incontestable, qu'en
se conformant, bon gré malgré, au mauvais goût qui y
domine.
Je regrette profondément de ne pas encore avoir vu, à
cette place, la protestation motivée d'un membre du Caveau
ou d'un sociétaire de la Lice Chansonnière. Sa plume mieux
exercée et plus autorisée que la mienne n'aurait pas manqué
d'avoir une portée significative. Les déductions réfléchies
qu'un chansonnier de profession aurait tirées de la situation,
eussent été préférables à la critique indécise d'une peisonne
sans notoriété, et qui plus est, tout à fait désintéressée dans
la question.
Si quoiqu'un révoquait en doute les déplorables effets du
concert, je l'engagerais à jeter un coup-d'œil sur les milliers
de chansons qui ont eu les honneurs de la rampe et dont le
succès de quelques-unes a eu de formidables retentis-
sements, et je le prierais de me dire le nombre de celles
qui, supportant la lecture, ne soient pas entachées de rémi-
niscences ou d'imitations malheureuses.
La Chanson des rues qui avait pour ménestrels de pauvres
diables, chantant faux la plupart du temps, eut du moins
LA CHANSON
un avantage sur la chanson des concerts, c'était de
s'adresser directement au peuple qu'elle insti'uisait en
l'égayant, et parfois même développait en lui les aspirations
sociales qui se sont accentuées au point de se transformer
en revendications.
A-t-on chanté un moment dans ce Paris où les goguettes
étaient si nombreuses ! En a-t-on mis en circulation de ces
couplets joyeux, patriotiques, satiriques ! En a-t-on jeté
dans le courant des idées modernes , de ces refrains
éclatants, de ces strophes sonores, vaillantes, spirituelles et
mordantes ! (*)
Certaines chansons, à cette époque , qui n'avaient pour
truchement qu'un Thespis de barrière, franchisaient tout à
coup les murs de Paris, et allaient réveiller les grands
échos de la France. Ces chansons-là volaient de leurs
propres ailes, et elles allaient loin.
Semblable à l'oiseau qui chante en liberté, la chanson des
rues n'a jamais été bornée dans son vol, ni entravée dans
son essor. Tandis que la chanson des concerts, celle qui se
produit entre l'exhibition d'un phénomène — nabot ou titan —
et les cabrioles périculeuses d'un gymnusiarque, celle-là
s'échappe rarement du lieu qui l'a vue naître. Phalène
étourdie, elle se carbonise les ailes aux lustres auxquels elle
emprunte son éclat éphémère et ne parvient que péniblement
au grand air, qui ne lui est pas toujours favorable.
Qu'on le sache bien, il est dans la chanson française
comme dans tout ce qui concerne la littérature, des prin-
cipes rigoureux, îibsolus qui relèvent de la tradition et
desquels il n'est pas permis de s'affranchir à moins d'être
une personnalité comme Gustave Nadaud ou un novateur de
la puissance de Pierre Dupont. Ces doux maîtres ont pu
modifier sa physionomie, mais ils no l'ont pas défigurée.
ANiiRii PERSON.
(•) M. Gouivlon de Genouillac vient dn recueillir et d'annoter les
Refrains de la Rue de 1830 à 1870. Pour ma part, je lui sais gré
d'avoir réuni quelques refrains populaires. Mais je ne saurais lui
accorder un satisfecit pour la façon plus que légère avee laquelle il
commente ses citations. Puis qvio d oublis, que de lacunes! Je me
réserve, pour un autre moment, la tîLche facile de critiquer le livre
"le M. Gourdon do (ienouiUac.
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
A mon ami cl hôlc bianveillanl M. TIUEVOZ
LA CABANE OU SONT MES OUTILS (*)
Chanson copiée sur l'autographe de l'auteur
Laissons la maison et la grange,
Etable, écurie et cellier;
A la moisson, à la vendange,
Venez sous ce toit familier!
C'est la cabane où j'entrepose
Mes outils : le vin s'j tient frais.
Quand vient midi je m'y repose.
Je goûte et fait mon somme après.
Sous ce toit que rougit la tuile,
Entre ces murs sans art bâtis,
Inaugurons, mes bons amis,
Avec bon pain, bon vin, bonne huile,
La cabane où sont mes outils.
Voyez fumer cet attelage.
Voyez ces sillons s'entr'ouvrirl
Ces bêtes au brillant pelage
Forcent la terre à me nourrir,
(*) Cette chanson inédite vient île paraître dans le n» du
\" août 1879 de la revue littéraire la Province à qui nous
l'empruntons. A. P.
A nourrir aussi ma famille
Et d'autres qui n'ont pas de blé.
Jusqu'à ce moineau qui me pille !
La fauvette m'a consolé.
Sous ce toit, etc.
Gentille petite fauvette .
Qui fais du crin de mes chevaux
A tes petits une couchette,
Ta voix ranime nos travaux.
Des insectes et des chenilles
Tu purges nos champs, nos forêts,
Dans mes pommiers tu t'égosilles
Quand les rossignols sont muets.
Sous ce toit, etc.
L'été recouvre ma cabane
De clochettes et de houblon.
De jasmin, de verte liane.
Auprès, comme en un frais vallon,
Rougit la fraise ; la cerise
Ne mûrira qu'un peu plus tard,
Doux appel à la gourmandise !
La main obéit au regard.
Sous ce toit, etc.
Puisque la huche ni la gourde
Ne se désemplissent jamais.
Bonne vendange et moisson lourde,
Mais surtout sachons vivre en paix!
Mordez les poires et les pêches,
Belles filles, à belles dents!
Vos lèvres paraissent plus fraîches
Quand les étés sont-plus ardents !
Sous ce toit, etc.
La serpe unie à la faucille,
C'est le plus solide blason
Qu'attache un père de famille,
A sa cabane, à sa maison.
Entourons-le d'une couronne
Où brille, en toute sa beauté,
La rose qu'à ses enfants donne
Une mère : c'est la bonté !
Sous ce toit que rougit la tuile.
Entre ces murs sans art bâtis,
Inaugurons, mes bons amis,
Avec bon p.-iin, bon vin, bonne huile,
La cabane où sont mes outils.
Vénissieui, 2 avril 1868. PlERRE DUPONT.
Aux Amis de la Chanson
NE CHANTEZ PLUS LA MARSEILLAISE
Air : La bière et le vin (R. Planquette)
Les rois aujourd'hui sont bannis
Et c'est le peuple qui gouverne ;
Mais, quand ses maux semblent finis,
Faut-il donc toujours qu'il se berne?
Quoi! dans ces jours silencieux
11 ose répéter lui-même
L'hymne sanglant que nos aïeux
Chantaient dans la luttte suprême !
Pour bercer ta force virile.
Au lieu d'exhaler, ô Français,
L'ode à la guerre civile
Chante donc un hymne à la paix !
68
LA CHANSON
Il faut vraiment qu'il ait rêvé
Ce peuple aujourd'hui qui nous crie
Que « contre nous tous est levé
« L'étendard de la tyrannie ! »
On croirait voir, par l'action
Qu'il met dans le fait qu'il atteste.
Des rois la coalition
Et Brunswik et son manifeste I
Pour bercer, etc.
« Aux armes I »... Mais à quel propos?
La France n'a personne à craindre I
Le dernier de ses tyranneaux
Chez les Zoulous vient de s'éteindre.
Pour provoquer si grand courroux
Craint-on les cachots ou les grilles ?
La liberté règne chez nous
Et nous n'avons plus de Bastilles I (*)
Pour bercer, etc.
Peuple, ceux qui jadis chantaient
Les sti'ophes de Rouget de l'Isle,
Etaient opprimés ; ils luttaient
Au nom du droit dans chaque ville.
C'est pour assurer ton repos
Qu'ils ont péri dans la fournaise ;
Toi, par respect pour ces héros,
Ne chante plus leur Marseillaise I
Pour bercer ta force virile,
Au lieu d'exhaler, ô Français,
L'ode à la guerre civile
Chante donc un hymne à la paix !
Jules CÉLÈS (*)
LE VEUF ET LA PUCE
(fable inédite)
Une puce (en janvier!) poursuivait de sa rage
Un pauvre homine, alité dans son lit de veuvage ;
Il suait sang et eau.
Pour défendre sa peau ;
— Mais que me veux-tu donc, insecte sanguinaire?
Depuis bientôt un an
Que ma femme repose en un lieu funéraire,
Tu me saignes à blanc 1
Il raconte la chose
A quelqu'un qui croit fort à la métempsycose :
— Eh ! parbleu mon ami, tu ne devines pas
Que depuis son trépas.
Ta femme est revenue avecque son astuce
Pour te retorturer, dans le corps d'une puce ?
Je vais l'anéantir!...
— Garde-t-en bien, car venant à mourir.
Elle pourrait revivre, et femme te rejoindre ;
« Entre deux maux, toujours, il faut choisir le moindre »
Elisée KLOTZ.
(•) Cette chanson a été chantée par l'auteur, le 14 juillet
dernier, au banquet anniversaire de la prise de la Bastille.
A. P.
LE CONSERVATEUR AU TEMPLE
(1852)
Seigneur, je vous rends grâce à genoux de m'avoir
Créé tel que, jamais, nul en moi n'a pu voir
L'un de ces hommes sans prudence,
Qui, vers n'importe quoi marchant sans se troubler,
Devant n'importe qui gardent leur franc-parler,
Et leur farouche indépendance ;
L'un de ces gens hardis qui veulent sonder tout ;
Qui ne se pâment pas devant un petit bout
De ruban vert, bleu, rouge ou rose ;
Qui, du titre et du rang niant le doux parfum.
Ne conviendront jamais qu'avant d'être quelqu'un,
Il faut que l'on soit quelque chose ;
De ces gens enrôlés dans l'opposition.
Et qui, loin de rougir de leur abjection,
Semblent fiers de leur petit nombre,
Et préfèrent aux cours, aux châteaux, aux palais,
Aux parcs impériaux regorgeant de valets,
Leur taudis solitaire et sombre :
De ces gens eifrontés qui ne respectent rien,
Qui disent du plus noble : — Est-il homme de bien I
A-t-il été toujours honnête?
Dont l'âme est inflexible et roide comme un pieu,
Et qu'on ne voit jamais, si ce n'est devant Dieu,
Baisser leur orgueilleuse tête ;
De ces gens sans égards pour le fait accompli,
Qui s'en vont remuer ce que couvrait l'oubli.
Même ce qui ne sent pas l'ambre.
Et, fouillant sans pudeur les haillons du passé.
Veulent savoir comment un règne a commencé
En brumaire ou bien en décembre ;
De ces hommes, enfin, au regard ferme et froid.
Qui, se mêlant partout de défendre le droit
Et les lois qu'on fait disparaître.
Combattent sans espoir et volent au trépas ;
Comme si la justice et les lois n'étaient pas
Toujours le bon plaisir du maître !
Je ne serais jamais, seigneur, de ces gens-là.
De ceux qu'un pouvoir sage en tout temps exila.
De ceux qui, la chose étant faite.
Au plus fort, au vainqueur osent montrer le poing;
Et, malgré ma douceur, il ne me déplaît point
Qu'on fusille ces trouble-fête.
Toujours on me verra devant le souverain
Célébrer les vertus de la verge et du frein ;
Je serai la bouche qui prône,
La main qui ne craint pas de recevoir, le front
Qui se courbe ; et toujours mes lèvres baiseront
Le velours qui couvre le trône.
Je suis heureux ; je vis riche, oisif et soumis ;
Hors les gens dangereux, je n'ai point d'ennemis!
Je méprise la maladresse.
Des pauvres, des captifs, des proscrits, des vaincus;
On cite mes bons mots, mes succès, mes éous;
Ma joue est vermeille, et j'engraisse.
Continuez, seigneur, à me bien protéger :
Un jour, si du pays vous deviez vous venger,
Ecrasez les castes obscures;
Mais, quels que soient le maître et le gouvernement,
Faites que je conserve invariablement
Mes rentes et mes sinécures.
Francis MELVIL.
LA CHANSON
69
A LA BASTILLE (')
Musique de Francis CHASSAIGNE
Più moderato
Recl'tativo a p
on,Ali!c'est biea lo même frisson Qui traversa toutes ces
oluto.
forts Mêlaot leurs suprêmes efforts Le. soleil bril.
olempo. raU.
U Soudaiu.des groupes faubouriens, Ce cri s'e'lèïC.Cito.
I Ur
Sans hésiter, sans peur, sans larmes,
Les habitants des vieux faubourgs
Aux bruyants appels des tambours
Quittent les outils pour les armes.
On, voit accourir dans leurs rangs,
Fiers et stoïques, des enfants,
Des vieillards et des jeunes femmes.
Les cœurs battent à l'unisson,
Ah ! c'est bien le même frisson
Qui traverse toutes ces âmes.
Sur ces êtres faibles ou forts,
Mêlant leurs suprêmes efforts
Le soleil brille.
Soudain, des groupes faubouriens,
Ce cri s'élève : « Citoyens,
A la Bastille ! »
Ils vont conduits par l'espérance.
Sans mousquetons et sans pourpoint
Et n'ayant que la pique au poing
Venger des siècles de souffrance.
Ils sojit devant les sombres tours
(Témoins hideux des anciens jours)
(•) Chanté par M. Prévost à l'Eldorado, et par M. Delians
à La Ruche. L'accompag-nement de piano se trouve chez
E. Beauvois, éditeur, rue ïiquetonne, S3.
Us se battent ; la mort qui passe
Des assaillants fait des héros ;
Un sang généreux coule à flots.
Maintenant ils sont face à face.
Mais les combattants en haillons
Ont défuit les beaux bataillons
Que l'or habille ;
Superbe, le peuple a planté
L'étendard de la Liberté
A la Bastille !
Après la victoire, l'ivresse
Dans Paris remplissait les cœurs
Et l'on célébrait les Vainqueurs
Par de bruyants cris d'allégresse.
Dans les carrefours, des blessés
Tout sanglants, à peine pansés,
Choquaient leurs coupes à la ronde ;
Ceux même qui pleuraient un deuil
Buvaient en clouant le cerceuil
A l'indépendance du monde.
Déchargés du poids de leurs fers
Ils oubliaient les maux soufferts,
Et chaque fille.
Au bal de juillet se pressa :
Le peuple triomphant dansa
A la Bastille !
Grand comme l'orage qui plane,
De sa voix haute qui tonnait,
Paris le lendemain sonnait
De l'humanité la diane.
Et plus d'un grand courba le front,
Qui jadis prodiguait l'affront,
Et cacha sa pâleur dans l'ombre.
Il avait, le lion géant,
Jeté vingt siècles au néant
Et déchiré le passé sombre.
Quatre-vingt-neuf sera toujours.
Dans notre histoire des grands jours,
L'astre qui brille :
Honneur au peuple qui vainquit,
Caria République naquit
A la Bastille !
Octave LEBESGUE.
A BÉRÂNGER E\CORE DNE CHANSON
Air : Ze feu du prisonnier (Béranger).
Je veux chanter le chantre populaire
Que tout un peuple a couronné jadis.
Un nom sacré que la France vénère,
Que l'indigent fredonne en son taudis.
Humble, rêveur, sa muse si chérie
Chantait le vin, l'amour à l'unisson.
Au chansoanier de ma belle patrie,
A Béranger encore une chanson.
bit.
Et quoiqu'il fût grand ami de la table,
Jamais humain ne fut plus généreux.
Probe à l'excès, son âme charitable
Prêta secours à bien des malheureux.
Ami des fleurs, du peuple et de Lisette,
Inspire moi des vers à ta façon I
Au souvenir du chansonnier poète, ] i-
A Béranger encore une chanson. S
70
LA CHANSON
Homme de bien, martyr delà pensée,
De sa prison, sa muse bien des fois
En son essor vers la foule empressée
Cbanta le peuple et fit trembler les rois.
Il n'eût chanté les gloires de l'empire,
S'il eût connu de Sedan la leçon :
Il aurait cru déshonorer sa lyre. ) ^^-^
A Béranger encore une chanson. ]
Candide et fier, bouillant d'indépendance.
Tant il aimait la sainte liberté.
Tout en voulant le bonheur de la France,
Il critiqua prétraille et papauté.
Tout comme lui j'aime la solitude,
Les bois, les champs, la fertile moisson ;
Dans ses refrains j'ai borné mon étude, ) i ■
A Béranger encore une chanson. ]
RÉMY DOUTRE et J.-F. GONON.
LA CHANSON EN PROVINCE
Lyon. — Depuis ma dernière lettre, plusieurs
soirées fort remarquables ont été données dans les
salons de M. Aubert. Les plus attrayantes ont été
celle du 14 juillet, jour anniversaire de la Bastille,
et celle du 21 du môme mois, en souvenir de la mort
de notre regretté Pierre Dupont. Le temps m'a
manqué pour vous adresser à, son heure le compte-
rendu de ces charmantes fêtes lyriques, auxquelles
ont pris part divers artistes de nos théâtres muni-
cipaux ainsi que plusieurs poètes et rédacteurs de la
presse lyonnaise.
Je ne reviendrai pas sur ces fêtes déjà anciennes,
auxquelles de longs articles des plus élogieux ont
été consacrés par les principaux journaux de notre
ville; seulement je veux en déduire ceci : c'est
qu'une réaction énergique s'opère contre le réper-
toire par trop famélique des cafés-concerts et
que le public intelligent ne demande qu'à revenir
à la vraie chanson française; c'est-à-dire à celle
dont votre glorieux Caveau et votre non moins
laborieuse Lice ont conservé l'honnête et spirituelle
tradition, ce dont je les félicite bien sincèrement.
La société des Ainis de la Chanson vient de perdre
deux de ses membres influents : MM. Claude
6authieretStéphane,etc'est Paris quivabénéficierde
leur taleiït. M. Stéphane est engagé comme l"' ténor
à l'Opéra populaire que MM. Husson et Martinet vont
inaugurer en octobre prochain sur la vieille scène
de la Gaîté. Mais, ainsi que l'a dit Désaugiers :
Faute d'un moine Tabbaye
Ne manque pas.
et les Amis de la Chanson, stimulés dans leur zèle
par les bravos enthousiastes du public qui se presse
pour les entendre, et guidés par les bonnes répé-
titions que leur fait faire chaque jeudi un des leurs,
M. Caloin, professeur d'harmonie et compositeur de
musique, ils sauront longtemps encore maintenir
haut et ferme le drapeau de la chanson gauloise
dans nos goguettes lyonnaises.
Jules CÉLÈS.
l\iECil©Ï.OGlE
Louis Magot est mort le 9 juillet. 11 avait 60 ans. C'était
une personnalité, mais une personnalité peu connue. Sa mort
la révèlera-t-elle? — Ici, se dresse un point d'interrogation.
Il rima et il laisse des rimes considérables.
Il chanta ; que dis-je ? Il fit des chansons qui ne furent
fioint chantées. Elles le seront peut-être un jour, son bagage
ittéraire est assez important. Nous nous proposons d'en
faire l'inventaire et d'en parler prochainement.
Magot était sceptique. Il raillait. Il avait du Voltaire dans
la lace moins la bonhomie. 11 avait beaucoup d'esprit mais
peu de finesse . Il était capricieux , indécis , versatile .
Jeune, il aborda la pohlique. On le crut ambitieux. Il
l'était, en effet, mais sans ampleur. Puis la misère — cette
hideuse conseillère — le fit frapper aux portes les plus
extrêmes. Et il savait ce qu'il faisait, car il a rimé une
chanson avec ce refrain :
a Mendier ce n'est pas se vendre i>
Nous croyons devoir objecter que l'homme qui mendie
no s'appartient plus. Il s'annihile ?
C'est ainsi que l'ouvrier sertisseur quitta un jour le
tabouret de l'atelier pour s'asseoir dans un fauteuil d'em-
ployé de la caisse d'épargne. Cela ne dura pas ; phtysique
depuis sa jeunesse, il était constamment malade. Et moins
qu'un ouvrier, un employé doit l'être. Il dut retourner à
l'établi.
En 1867, Magot, rêva de créer une société d'auteurs plus
ou moins inconnus sous cette dénomination : Les Jeunes.
Or, comme Magot ne l'était déjà plus, ce titre : Les Jeunes
discordait à son oreille. Sa société s'appela : Les Petites
Plumes. Elle vécut quelques mois à l'état de duvet. Les
Petites Plumes ne grandirent pas; un coup de vent les
éparpilla.
Mais quelques Jeunes se rassemblèrent en 1869.Le Franc
Parleui' de Paris fut créé par eux. Ses allures affirmèrent
son litre. Magot qui était au nombre des rédacteurs écrivit
deux ou trois articles remarquables. Mais le journal dut
mourir, tué par Emile Ollivier en janvier 1870, après
l'assassinat de 'Victor Noir.
Les événements de 1870-71 firent à Magot une popularité
dans son arrondissement. Il abordait la tribune populaire et
présidait souvent les clubs de son quartier. Ses phrases
humoristiques faisaient rire ses auditeurs.
La commune de Paris le nomma à l'administration muni-
cipale du 12"= arrondissement. Arrêté pour ce fait lors de
l'entrée des troupes à Paris, il fut traduit devant un conseil
de guerre. Il rima une Ode aux français et un poème ayant
pour titre Les Otages. Ces deux œuvres le sauvèrent de la
déportation.
Magot reniait son passé. Ses amis lui tournèrent le dos.
Enfin, Magot s'alita. Il mit quatre années à mourir. Il écrivit
jusqu'à sa dernière heure.
11 se réconcilia avec l'église catholique après s'être fait
protestant et, selon ses dernières volontés, son cercueil fut
aspergé d'eau bénite.
Sa famille et deux ou trois étrangers accompagnèrent son
corps au cimetière.
Requiescat in pace
R. G.
CHROmOUE DES SOCIETES LYRIQUES
Pour une fois Victor n'a pas eu tort. Il a droit
aux remercîments du chi'oniqueur de La Chanson.
J'ai reçu, doublé d'une lettre charmante, un
compte-rendu que je livre à la publicité sans en
changer une syllabe :
Soirée intéressante lundi dernier à la société des Gais
Momusiens.
Les Jurons de Cadillac qu'ils nous ont donnés comme
pièce de résistance, ont été bien enlevés par"Mn>i= Lausanne
et M. Victor.
Cette charmante comédie, quoique bien détaillée, eût
cependant gagné à être un peu plus étudiée par ses deux
interprètes. Ensemble satisfaisant en somme.
Jline Augusta, qu'on nous dit engagée en province, nous a
LA CHANSON
71
chanté d'une manière très fine, et surtout très gaie, la jolie
chansonnette Méchant! méchante!
M. Alphonse a été très-drôle, notamment dans sa seconde
chansonnette, la chanson si populaire de i)!fartio?OM()' chantée
par un Anglais.
Si nous osions, nous conseillerions à M. Marty de choisir
des récits autres que la Nîdt terrible, qui ne convient que
très peu à son organe... féminin.
M'Io Henriette, MM. Dagorus, Gaugloff (pianiste) Georges
et tutti quanti complétaient la soirée. VICTOR.
J'assistais à la dernière soirée de la Renaissance
(M. Ramel président). C'est vous dire que je me suis
amusé.
Je passe brièvement sur la première partie dans
laquelle se sont fait entendre de fort bons amateurs,
entre autres MM. Jomain, Raynal, etc., M"° Louise,
la toute mignonne Louise, jeune blonde dont la jolie
tête d'enfant mutin, les yeux à faire rêver, les pieds
et les mains de duchesse, dont le sourire découvre
trente-deux perles enchâssées dans un écrin rosé,
nous fait savourer les Amoureux de Catkerine.
Puis nous arrivons à la deuxième partie. C'est la
pièce de résistance ; l'armée de réserve donne, nous
sommes loin de nous en plaindre. La victoire est
complète. Le Luthier de Crémoniie a fait florès. Un
premier prix à chacun des interprètes. M"" Doucet
a des qualités incontestables ; elle dit juste; la voix,
quoique faible, est très-sjmpathique et fait bien
vibrer la corde sentimentale. M. Donckel n'a plus
besoin d'éloges ; disons que pour cette pièce il s'était
surpassé. M. Moriack n'avait qu'un rôle secondaire
dont il a su tirer parti. Quant à M. Donckel, sa tâche
était rude. Le rôle principal lui incombait. On
connaît ce rôle d'amoureux ; c'est sans conteste le
plus difflcultueux de la pièce.
Rien à redire! Notre plume de critique nous
échappe des mains et nous nous bornerons comme
éloges à la constatation d'un pleur dont je certifle
l'authenticité. A un moment donné, on a pu voir les
grands yeux noirs de ma voisine de gauche noyées
dans de douces larmes que l'artiste avait fait couler.
Fi! M. Donckel, que c'est vilain de faire pleurer
d'aussi jolis yeux! A.LEROY.
La société la Gaité française (président M. Thibert)
a organisé au théâtre de l'Alhambra, 2.3, faubourg
du Temple, le vendredi 15 août, une grande soirée
extraordinaire pour la fondation d'une caisse de
secours. — L'intention était bonne, mais le jour mal
choisi et, par suite, l'assistance peu nombreuse. —
Que cette gaie société ne se décourage pas : elle nous
a paru renfermer des éléments précieux de jeunesse
et de bonne volonté. Prosper TIBL\.
La Cordiale donnera, le jeudi 1 septembre, une
grande soirée dans son local ordinaire, 35, boulevard
Sébastopol.
Le samedi 6 septembre, grande soirée de réouver-
ture AuCercle Murger, sous la présidence de M.Targe,
café du Globe,' 8, boulevard de Strasbourg.
Le Cercle Musset, sous la présidence de M. Durrieu,
fera sa réouverture le 13 septembre dans son ancien
local, boulevard de Strasbourg, 8, Café du Globe.
Le lundi 15 septembre, concours de poésie et de
chants à La Lyre Bienfaisante, 9, quai Saint-Michel,
sous la présidence de M. Couvreur: Deux prix de
poésie libre ne dépassant pas 60 vers, et quatre 'prix
de chant dont deux pour les dames ; à 8 heures 1/2
précises. ■ A. P.
QUATRIÈME CONCOURS MENSUEL
De La Chansoi
PIECE COURONNEE
L'ESPÉRANCE
Pourquoi parles-tu d'allégresse.
Faible oiseau, pauvre prisonnier?
Pourquoi ces refrains de tendresse.
Ces doux chants d'amour printanier?
Pourquoi cette note si pure,
Ces accents si mélodieux?
Loin des chants, loin de la verdure.
Captif, hélas ! tu peux donc être heureux ?
As-tu donc oublié ces rives
Où l'aurore, au souris vermeil.
Caressait vos bandes naïves
Saluant son joyeux réveil?
As-tu donc oublié la ronce
Où pendit ton nid gracieux?
Un doux chant, voilà ta réponse :
Captif, hélas! tu peux donc être heureux?
Tu peux donc, sans douleur amère.
Contempler le cruel bourreau
Qui, malgré les cris de ta mère.
T'arracha jeune à ton berceau?
Tu peux donc, du fond d'une cage,
Voir au loin tes amis joyeux
Sans cesser ton joli ramage?.,.
Captif, hélas! tu peux donc être heureux?
Mais que dis-je, ô, quand je t'accuse
D'oublier l'air libre et les champs?
Loin des cieux, frêle fleur recluse,
Tu sour'i.^ encore au printemps.
Dans les fers, la noble espérance
Console ainsi le malheureux :
Bel oiseau, redis ta romance;
Libre demain, tu pourras être heureux!
Oui, demain, d'une aile légère,
Franchissant ce cachot obscur,
Tu pourras rejoindre ta mère
Qui t'appelle aux plaines d'azur.
Tu pourras, oubliant tes peines,
Savourer ce bien précieux
Que tu chantes malgré tes chaînes :
Libre, demain, tu pourras être heureux!
Comme toi, mais sans le «comprendre,
J'éprouvais un naissant espoir.
Quand soudain tu vins faire entendre
Ces accents au mâle pouvoir.
Je revois les fils de la France
Secouant leur joug odieux...
Chante encore ; à nous l'espérance :
Libres demain, nous serons tous heureux!
- Le Mans. HiPPOLYTB DAGUET.
Viennent ensuite ;
Za Chanson d'autrefois, de M. Octave Pradels;
Partons au bois, de M. Victor Clément.
39 pièces nous ont été envoyées.
72
LA CHANSON
Nous avons reçu la lettre suivante que nous nous
empressons de publier :
Malakoff-Vanves, 19 août 1879.
Au directeur du journal La Chanson
Mon cher Patay,
J'ai la salisfacUon de vous annoncer que sur ma propo-
sition, le conseil municipal de Malakoff-Vanves, à l'exemple
de celui de Paris, a volé une somme de 50 francs pour
l'érection de la statue de Béranger. C'est bien peu il est
vrai, et je regrette vivement de n'avoir pu obtenir davantage,
mais notez qu'il y a en France 36,000 communes et que si
chacune apportait son obole à l'œuvre si bien commencée
par La Chanson, ce serait un joli résultat.
Je vous serre amicalement la main.
Joseph LAVERGNE.
Merci, mon cher Lavergne, de votre initiative.
Veuillez être notre interprète près de vos collègues
que nous remercions d'avoir été les premiers à
suivre l'exemple du conseil municipal de Paris,
exemple qui, nous l'espérons, sera suivi sinon par
tous du moins par un grand nombre, notamment
par toutes les communes du département de la
Seine.
Béranger n'a-t-il pas chanté le Curé de Meudon,
l'Aveugle de Bagnolet, etc., etc.
A. PATAY.
CHOSES ET AUTRES
SOUSCRIPTION POUR LA TOMBE DE LEDUC
Iro Liste
Société des Enfants du Marais (Chaumelte
président) 5 »
MM. A. Patay, directeur de La Chanson 5 »
J. Lavergne, chansonnier 1 »
Denis . .'. 2 50
Eugène Baillet, chansonnier 3 »
Total 16 50
La souscription reste ouverte. Nous faisons appel
aux nombreux camarades de Leduc.
La Lice Chansonnière, malgré ses quarante-huit
ans d'existence est toujours jeune! Le dimanche
17 août elle baptisait un nouveau membre libre
qu'elle appelle son petit dernier. Il a nom Rousset, la
face réjouie et la main bien ouverte pour recevoir
celle de ses amis. C'est dans sa jolie propriété de
Saintry près Corbeil que le néophyte avait convié
ses parrains et collègues à cet eifet. Ce baptême ne
fut pas sans dragées, mais en guise d'eau lustrale
l'amphytrion avait bel et bien mis en chantier une
gentille feuillette d'un certain vin de la Côte Saint-
Jacques récolté par lui ; car si Rousset ne fait pas de
chanson il fait de bon vin, agréable compensation.
Quant aux prières, elle ont été remplacées par de
joyeuses chansons. Notre galant maître des chants
Jeannin avait rimé des couplets de circonstance qui
avaient pour refrain d'embrasser l'aimable hôtesse ;
heureuse inspiration dont il s'acquitta très-bien.
Cahen a dit la Châtelaine de Saintry, à-propos très-
applaudi, Georges Baillet a célébré le Vin de la côte
Saint-Jacques, puis chacun à son tour, Lebeaux,
Chebroux, Robineau, Eugène Baillet, Durafour,
Flachat, Adeline ont dit avec entrain leurs meilleurs
refrains. Nous étions quarante-cinq! pauvre feuil-
cette! quelle assaut! Elle en est morte?
Quant à nos chères et charmantes demoiselles
Durafour, je veux bien vous dire qu'elles ont inter-
prété d'une façon ravissante le répertoire Graindor et
le duo des Pifférari, mais je ne vous dirai pas qu'elles
ont été applaudies, ce serait écrire un pléonasme.
Tout à coup l'écho apporte un bruit joyeux de
violon et de clarinette. C'est Georges Baillet,
Adeline et le jeune Caron qui ont improvisé un
orchestre dans la grande avenue des tilleuls. En
deux minutes le bal est au complet. Là, c'est Eugène
Baillet qui enseigne à M"" Durafour la polka qu'il
ne sait pas; plus loin Labbé exécute un pas absolu-
mentignoré des chorégraphes académiques. Chebroux
fait à Cahen un vis-a-vis quelque peu dégingandé.
On remarque l'absence du directeur de La Chanson.:
Patay, un de nos plus joyeux danseurs, qui avait été
invité; il manque au tableau. Georges Baillet dirige
son orchestre à la vapeur, pas d'arrêt, en avant
deux 1 Bravos ! l'orchestre , nos musiciens sont
superbes, et nos dames donc! quel entrain! Che-
broux l'a dit :
Ce n'est pas un bouquet de fleurs,
. C'en est tout un parterre.
et pendant ce temps-là, Jeannin, grimpé dans un
arbre, et Lebeaux, qui ne peut se livrer à nos plaisirs,
contemplent leurs vieux amis devenus de jeunes
gamins, pQur cette fois seulement. C'est au chant du
chœur de la Lice que s'est effectué le retour. Vous
reviendrez, j'espère, -nous crie Rousset. Allons ! La
Lice a encore de la joie et du bon vin sur la planche
de l'avenir! E. B.
Le conseil municipal de Lons-le-Saulnier vient
de délibérer sur l'érection d'une statue à Rouget de
l'Isle.
Le conseil a voté en principe l'érection de cette
statue et a décidé qu'il sera constitué un comité
provisoire, composé des sénateurs et députés dp.
Jura et des membres du conseil municipal de Lons-
le-Saulnier.
Ce comité sera chargé d'examiner dans quelles
conditions ce monument devra être élevé, et d'orga-
niser à cet effet une souscription nationale*.
Nous apprenons la fondation d'un orchestre
d'amateurs sous le nom de Société symphonique
Les Trouvères.
Le siège est 9, 'place du Château-d'Eau, maison
Orange. Cette société qui compte déjà une trentaine
de membres adhérents, fait appel aux amateurs,
violoncelles, altos, hautbois et bassons.
Le chef d'orchestre est M. Jules Raux.
Le bruit court que le nom d'André Gill, le spirituel
caricaturiste, doit figurer sur la première liste des
promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur.
Certain que cette nouvelle se réalisera, nous féli- -
citons le Ministre des Beaux-Arts et le vaillant
artiste.
Vient de paraître à notre librairie, en vente au
profit de la Souscription Béranger, la conférence
faite par Jules Claretie, au théâtre du Château-d'Eau,
à la matinée Béranger. Prix : 1 franc.
Dans notre prochain numéro nous parlerons de
toutes les publications qui nous ont été envoyées.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2' ANNKB. — N' 28.
16 SEPTEMBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
&(m& Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l"<5cle 16 de chaque mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : Galerie des Cliansonniers, Desrousseaux (l.-iienri lecomte). — La Chanson d'autrefois (octave
Canchon-Dormoire ou le Petit Quinquin, paroles et musique de desrousseaux. — Bnrcarolle, paroles de g. nardin, musique
de ciiARt.Es JAUME. — Bunquet du Caveau (l.-henry lecomte). — Banquet de la Lice Chansonnière (eug. imbert). —
Correspondance (uenri rtjbois). Chronique des Sociétés lyriques. — choses et autres.
GALERIE DES CHANSONNIERS : DESROUSSEAUX
Depuis un tem|is im-
mémorial, au Mardi-
Gras et à la Mi-Carôme,
des ouvriers masqués
parcourent, dans l'a-
pr(Js-midi, les rues de
Lille, en chantant et
vendant des couplets
qui retracent les faits
principaux de l'année
écoulée. Ces couplets,
composés d'ordinaire
par des gens illet-
trés, sont exclusive-
ment écrits en patois
lillois.
En 1838, A. Desrous-
seaux, qui avait alors
près de dix-huit ans,
mit en chansons trois
types populaires : le
Marchand de pommes
de terre, la Faiseuse de
café et le Marchand de
chansons. Le jour du
Mardi-Gras, l'auteur,
costumé en marchand
de chansons, et deux
de ses amis, transfor-
més, l'un en marchand
de pommes de terre,
l'autre en diseuse de
bonne aventure, mon-
tèrent dans une voitu-
re découverte, sur le
devant de laquelle se
trouvait un tambour et derrière quelques musiciens,
et parcoururent la ville en chantant, ou, pour mieux
dire, en jouant chacun son personnage. Les chan-
sons de Desrousseaux. quoique assez mal faites,
étaient cependant meilleures que la plupart de
celles qui se débitaient pendant le Carnaval. Elles
furent enlevées en quel-
ques heures et devin-
rent promptement po-
pulaires. Deux ans plus
tard, Desrousseaux fai-
sait vendre, dans une
circonstance analogue,
quelques autres pro-
ductions, parmi lesquel-
les le Spectacle gratis
dont nous reparlerons
plus loin : même succès
pour le jeune rimeur.
L'heure de la cons-
cription était sonnée.
Les parents de Des-
rousseaux n'auraientpu
le remplacer qu'en y
employant tout leur
avoir; il ne voulut pas
accepter un aussi grand
sacrifice. Le jour du
tirage au sort, sa mère,
consultant son cœur
plutôt que sa raison, lui
glissa dans la poche
une de ces coiffes ou
membranes que cer-
tains enfants ont sur la
tête en venant au mon-
de et qui sont réputées
porterbonheur non-seu-
lement à leurs proprié-
taires naturels — d'où
le proverbe : être né
coiffé — mais encore,
dans certains cas particuliers, à ceux qui les détien-
nent momentanément. Malgré la peau divine —
c'est ainsi qu'on appelle à Lille cette espèce de
talisman, — dans un canton où le numéro 150 était
mauvais, Desrousseaux tira bravement le numé-
ro 72.
74
LA CHANSON
Prenant sa mésaventure avec philosophie, Desrous-
seaux adressa à ses amis de la société des Fils de
Béranger une chanson intitulée Mes Adieux, dont
Toici le refrain :
Je vais partir, ainsi le veut la loi,
Mes bons amis, penserez-vous à moi?
Puis il entra au 46° de ligne, où il passa sept ans
à jouer de la clarinette et du violon, à donner des
leçons de solfège aux enfants de troupe ou aux élèves
musiciens, et à faire danser les soldats, c,ar, ainsi
qu'il le dit dans une chanson autobiographique
encore inédite :
Dins tout' caserne, in France,
On trouve euu'sall' de danse.
Desrousseaux tint, en outre, l'emploi de violon
dans les théâtres ou les bals de diverses villes de
garnison, notamment à Paris. Il écrivait alors, de
loin en loin, des romances qu'il trouvait lui-même
détestables et qui, pour cette raison, n'ont jamais vu
le jour.
De retour à Lille, vers la fin de 1847, Desrousseaux
entra au Mont-de-Piété comme surnuméraire avec
l'espoir d'obtenir promptement un emploi lucratif.
Ses économies s'épuisèrent cependant avant que son
rêve se réalisât. Heureusement, un soir, il fit par
hasard la rencontre d'un ami qui le conduisit au
Cercle Lyj-ique, réunion chantante très en vogue.
Le bruit s'étaut répandu que l'auteur du Spectacle
g7-atis assistait au concert, le président invita Des-
rousseaux à dire cette chanson qui, pendant son
absence et à son insu, était devenue populaire.
— Mais, objecta le chansonnier, je n'ai jamais
chanté en public, et mon œuvre n'est pas entière-
ment présente à ma mémoire.
— Qu'importe ! répondirent cent voix ; on vous
soufflera : nous la savons tous.
Conduitde force au piano, Desrousseaux s'exécuta
et obtint un succès colossal. Enivré par les applaudis-
sements qui retentissaient pour la première fois à
son oreille, il rentra chez lui, la tête en feu, et ne
se coucha qu'après avoir composé sa chanson des
Amours de Jeannette et de Girotte qui est encore une
de ses meilleures productions. Il en écrivit quelques
autres les jours suivants, et alla les chanter au même
Cercle où des soirées musicales avaient lieu tous les
lundis. Séance tenante, on ouvrit une souscription
destinée à couvrir les frais d'un petit recueil des
chansons de Desrousseaux.
Cette publication eut une influence décisive sur
la destinée de notre chansonnier. Bien que tirée à
plusieurs milliers d'exemplaires, la première édition
fut promptement épuisée. Un riche négociant,
adjoint au maire, grand collectionneur d'objets de
toute nature se rattachant à l'histoire de Lille, se
procura l'opuscule de Desrousseaux et exprima le
désir de posséder un autographe de l'auteur. Celui-
ci s'empressa de satisfaire à cette demande. Instruit
de la position précaire de Desrousseaux. l'honorable
négociant craignit de le voir quitter Lille, et, sur sa
recommandation, le poète entra d'abord au comptoir
d'Escompte, puis, un peu plus tard, à l'Hôtel-de-
Ville où, après avoir été simple expéditionnaire,
sous-chef et chef de bureau, il dirige actuellement
l'important service de l'octroi.
Le premier recueil de Desrousseaux, publié en
1848, a été suivi d'un second puis d'un troisième,
en 1849. Quatre volumes et quelques livraisons d'un
cinquième ont été édités plusieurs fois, de 1857 à
1873, sous ce titre : Chansons et Pasquilles lilloises.
Ils abondent en- œuvres pleines de verve et d'un
franc esprit. Le Parrainage, les Tables tournantes,
r Garchon de Lille, le Jour des Noces, les Vieilles
Croyances, le Café, la Rattacheuse, Liquette, le Mont-
de-Piété; Jean Gilles et cent autres sont des tableaux
populaires très-vrais et d'une gaîté communicative.
Comme la plupart des anniens chansonniers,
Desrousseaux n'employa d'abord que des airs connus.
Quoique musicien, il ignorait posséder une source de
mélodie. Un Jour, ayant écrit d'un jet sa fameuse
Canchon-Dormoire , berceuse communément appelée
le Petit Quinquin. que nous publions dans ce numéro,
il chercha vainement à y adapter un pont-neuf quel-
conque et se vit forcé, bien à regret (ce mot est de
lui) de noter l'air nouveau qui lui vint en tête. Trop
modeste, Desrousseaux craignait que sa musique
nuisît aux paroles. Il se décida cependant à inter-
préter lui-même sa chanson en public : l'auditoire fut
éleotrisé. Cinq cents voix répétèrent en chœur ce
refrain à la fois si simple et si original qui peut laisser
froids ceux qui ne connaissent pas les mœurs de
l'ancienne capitale de la Flandre, mais qui alla droit
au cœur des Lillois :
Dors, min p'tit quinquin,
Min p'iit pouo.hin,
Min ffros rojin ;
Te m' l^ras du chagrin
Si te n' dors point qu'à d'main.
Pendant une grande partie de la nuit, des jeunes
gens se promenèrent dans la ville en chantant
l'œuvre de Desrousseaux. Un mois plus tard, tout
Lille connaissait l'air du Petit Quinquin. Arrangé
maintes fois en pas redoublé, en polka, en quadrille,
il a depuis longtemps fait son tour de France, et
bon nombre de nos musiques militaires l'on exécuté
en Afrique, en Italie, en Crimée, en Chine et ailleurs.
Depuis lors, Desrousseaux a composé la plupart des
airs de ses chansons. Presque tous, d'une facture
particulière et d'un rhythme facile, ont acquis une
grande popularité dans le Nord et ont aussi été
arrangés en quadrilles et en pas-redoublés pour
orchestre et pour piano.
Desrousseaux, qui possède une jolie petite voix de
ténor, interprète ses œuvres avec beaucoup de goût
et d'esprit. Pendant plus de vingt ans, il a pris part
à des concerts de bienfaisance dans quantité de villes
du Nord et du Pas-de-Calais. Son nom sur une affich;e
était une raison de recette. Que d'infortunes il a
soulagées de la sorte !
Ce n'est pas à Desrousseaux qu'on peut appliquer
le proverbe : Nul n'est prophète en son pays. La
société des Lettres et des Sciences de Lille lui a
décerné, dans une séance solennelle, une médaille
d'or. Tous les journilistes de cette même ville, se
sont occupés de lui comme chansonnier, musicien et
chanteur. Il est cité dans toutes les publications
ayant trait à l'histoire locale et occupe, notamment,
une très-belle place dans la Biographie lilloise de
H. Verly. Dans une pièce en un acte intitulée les
Chansons de Desrousseaux, que M. Géry-Legrand a
publiée et a fait représenter au théâtre de Lille, se
trouve le rondeau suivant, qui complétera fort agréa-
blement la partie critique de notre travail :
Air : des Comédiens.
Lisez, mon cher, le poète de Lille,
Le chansonnier au charme merveilleux,
LA CHANSON
75
Car Desrousseaux transmet, dans notre ville,
A nos enfants l'esprit de nos aïeux.
C'est grâce à lui que la chanson patoise
A refleuri dans l'arrière-saison.
Il ralluma celte verve gauloise
Qui semblait morte avec Brûle-Maison. (1)
Son cadre étroit offre une œuvre complète :
L'humour et l'art y brillent tout entiers,
Et l'on retrouve aux tons de sa palette
Une couleur d'Ostade et de Téniers,
Peintre flamand, il rend d'après nature.
Ainsi qu'ils sont, les hommes et les lieux;
A la Kermesse ou dans la filature
Il a trouvé tous ses refrains joyeux.
Refrains chéris, vous avez su distraire
Les longs labeurs dans les noirs ateliers...
0 Desrousseaux, ta muse populaire
Vivra toujours au cœur des ouvriers !
Ta folle muse, effrontée et narquoise.
Semble de tout aimer à se moquer.
Aux fats, aux sots, elle vient chercher noise.
Mais sous son rire on sent ses pleurs couler...
Ta jeune muse a des grâces d'aïeule
Quand le vieux temps par elle est raconté.
Et sa chanson, qui n'est jamais bégueule.
Brille toujours par son honnêteté !
Sur le Béduit (2) comme sur la Placette, (3)
On peut sans peur suivre partout ses pas...
Sa probité se révèle à Tlirinctte,
Son cœur ému frémit chez Cassc-Bras.'
Lille en est fière et toujours ta mémoire,
Poète heureux, vivra dans ta cité ;
Ah ! chante encor, chante sa vieille gloire.
Son vieil honneur, sa vieille liberté.
Lisez, mon cher, le poète de Lille^
Le chansoimier au charme inerveilleux.
Car Desrousseaux transmet, dans notre ville,
A nos enfant l'esprit de nos aïeux.
Plusieurs cabaretiers ont pris pour enseigne»
des titres des œuvres principales de Desrousseaux.
Un faïencier a fait quatre douzaines d'assiettes
imprimées, reproduisant autant de scènes de ses
' chansons ou pasquilles. En même temps qu'il met-
tait dans le commerce une pipe représentant le
général Faidherbe, un fabricant de pipes livrait
également aux fumeurs du Nord la tête du chanson-
nier. Enfin, et c'est ce à quoi il paraît tenir le plus,
Desrousseaux est estimé, on peut même dire aimé
de tous ses concitoyens.
Si Jasmin et Mistral sont dignes
De voir leur patois applaudi
Alors qu'il chantent au Midi,
Desrousseaux a les mêmes titres
Devant d'équitables arbitres
Pour qu'on applaudisse aussi fort
Ses chefs-d'œuvre en patois du Nord.
Nous sommes entièrement de l'avis exprimé dans
ces vers par N. Martin, et nousvenons de le prouver
en racontant dans La Chanson le poète lillois. Nous
n'espérons sans doute pas faire chanter en public ses
œuvres à Paris, où le dialecte dont il se sert est incon-
nu ; mais, leur lecture n'étant pas plus difficile que celle
des vieux auteurs français, notre devoir était de
(!)_ Chansonnier Lillois du XVIII" siècle, dont nous donnerons
«Itérieuremftnt la biographie,
(2 et 3) Quartier» populaireB.
signaler les C/iansons et Pasquilles lilloises aux
amateurs de linguistique ainsi qu'à tous ceux qui,
en littérature comme en musique, aiment ce qui
sort des sentiers battus.
Nous avons annoncé, dans notre numéro du
16 août, la réception de Desrousseaux comme
membre honoraire de La Lice Chansonnière. Par un
singulier effet du hasard, le numéro du diplôme qui
lui confère ce titre est le malencontreux 72 qu'il tira
jadis au sort. Nous nous féliciterions que cette
rencontre inspirât à Desrousseaux la résolution de
prendre du service actif dans la milice chansonnière
de Paris. Il a l'esprit, la franchise, le large rire, trois
bonnes armes pour- porter à nos ridicules et à nos
abus des coups victorieux.
L.-HisNRv LECOMTE.
LA CHANSON D'AUTREFOIS
Air à faite.
Sainte chanson, qui désertas la France,
Les temps sont loin où tes hardis couplets
Fêtaient l'amour, la gloire et l'espérance
Et couronnaient tous les joyeux banquets !
Jours regrettés où les âmes françaises
A tes accents savaient se souvenir...
Où les flonflons étaient des Marseillaises
Qui découvraient les champs de l'avenir!
Reviens, chanson ! à ton charmant empire
Assujettir encor tes fils gaulois...
Rends-nous le sain et joyeux rire...
Rends-nous les refrains d'autrefois !
Nos bons aïeux savaient vider leurs verres ;
A tour de rôle ils disaient sans façon
Tes gais refrains... puis embrassaient nos mères,
Et nous naissions, parfois, d'une chanson.
Chantant le vin, nos pères savaient boire...
Sachant aimer, ils chantaient les amours...
Et le Grenier et la Mh-e Grégoii-e
Valaient pour eux plus que nos longs discours !
Reviens, chanson! etc.
Le thème était l'amour de la patrie !
Et soit qu'il but à son drapeau vainqueur.
Soit qu'il pleurât la liberté flétrie...
Quand l'un chantait, tous reprenaient en chœur.
Que c'était beau ! D'une énergique ronde
Les fiers accents vibraient à l'étranger!
Tous nos couplets faisaient le tour du monde ;
La France alors s'appelait : Déranger !
Reviens, chanson ! etc.
En vain, chez nous, quittant ta flère trace,
Des airs bâtards ont usurpé ton nom. . .
Ils vont mourir, découvre-toi la face
Et chez tes fils reviens, noble chanson !
Il faut des chants à la France nouvelle,
Pour ses festins comme pour ses combats :
Qu'Anacréon ressuscite pour elle
Et qu'un Tyrtée enfiamme ses soldats !
Reviens, chanson! à ton charmant empire
Assujettir encor tes fils gaulois.
Rends-nous le sain et joyeux rire.
Rends-nous les refrains d'autrefois!
Octave PRADELS.
76
LA CHAJNfSON
CÂNCHON-DORMOIRE OU LE PETIT-QUINQUIN
Berceuse populah'e lilloise
Paroles et musique de DESROIISSE41IX.
te„D'dors point qu'à d'maia. Ainsi, iiiut' jour, enn' pauv' din _ tel ,-. lié - re, la a _ mi _.clOi.
tant. sia. p'.tit gar _ chon . Qui, _d puis tro3 .quarts . d'hea _. re .n'fai.-i Jot qn'braire.
Si les sache efqu'lo fais" do, do.
« Dors min p'Iit quinquin (1),
Min p'tit pouchin.
Min gros rojin ;
Te m' fras du chagrin,
Si te n' dors point qu'à demain.
« Ainsi, l'aut' jour, eun' pauv' dintellière,
In amiclotant (2) sin p'tit garchon.
Qui d'puis tros quarts d'heure, n' faijot qu' braire (3),
Tachot d' l'indormir par eun' canchon,
EU', li dijot : « Min Narcisse,
D'main t'aras du pain n'épice,
Du chue à gogo,
Si t'es sache, et qu' te fais -dodo.
«"Dors, etc...
« Et si te m' ]aich' faire eun' bonn' semaine,
J'irai dégager tin biau sarrau,
Tinpataîon d' drap, tin giliet d' laine...
Comme un p'tit milord te s'ras farrau!
J' t'acat'rai, l' jour de 1' ducasse (4),
Un porichineir cocasse,
Un terlututu,
Pour juer l'air du Capiau-pointu . . .
« Dors, etc..
« Et si par hasard sin maîte s' fâche,
Oh'est alors Narciss' queAious rirons!
Sans n'n avoir invi, j' prindrai m'n air mâche (7),
J' li dirai sin nom et ses sournoms,
J' li dirai des faribolles,
I m'in répondra des drôles,
Infin, un chacun
Verra deu-t postac' au lieu d'un. .. »
d Dors, etc..
« Allons serr' tes yeux, dors min bonhomme,
J' vas dire eun' prière à P'iit-Jésus,
Pour qu'i vienne ichi, pindant tin somme,
T' fair' rêver qu' j'ai les mains plein's d'écus.
Pour qui t'apporte eun' coquille, (8)
Avec du chirop qui guille (9)
Tout r long Q tin minton...
Te pourléqu'ras tros heur's de long ! »
«. Dors, etc..
« Nous irons din 1' cour Jeannette-â-Vaques, g^
Vir les marionnett's. Comme te riras,
Quand t'intindras dire : • Un doup' pou' Jacques/ (5)
Pa'l' porichinell' qui pari' magas!... (6)
Te li mettras dms s' menotte,
Au lieu d' doupe, un rond d' carote !
I t' dira : Merci f...
Pins' comm' nous arons du plaisi ! »
« Dors, etc..
Ni les marionnett's, ni 1' pain n'épice
N'ont produit d'effet . Mais V martinet
A vit' rappajé (12) 1' petit Narcisse,
Qui craingnot d' vir arriver 1' baudet.
Il a dit s' canchon-dormoire... (13)
S' mère l'a mis dins s'n ochennoire, (14)
A r'pris sin coussin (15),
Et répété vmgt fos che r'frain :
« Dors etc.
« Le mos qui vient, d' Saint- Nicolas, ch'est 1' fiête,
Pour sûr, au soir, i viendra t' trouver.
1 1' f ra un sermon, et t' laich'ra mette
In d'zous du balot (10), un grand painnier.
I r rimplira, si t'es sache,
D' séquois qui t' rindront bénache (11),
Sans cha, sin baudet
T'invoira un grand martinet.
« Dors, etc..
(1) Om'nyuin. diminutif lie Kind, mot flamaad signifiant : enfant ; par conséquent : enfantelet, fanfaa. En général, pour les mères qui l'emploient,
quinquin est, ainsi ^ue pouchin (poussin) et rojin 'rai<tia) un mot d amitié sans signification précise. (2) Amicloter. Dodeliner, câliner. (3) Pleurer
€ Li uns brait et l autre kuie. • L'un pleure et l'autre crie — R3nait-la-nouvel, par J. Houdoy. (4) Je t'achèterai à la Kermesse. ^5) Un liard
pour J&cgues. Doupe (liard ; Jacques est le surnom de Polichinelle. (6) Parler à la manière des enfants, en disant ze pour je, etc. (7) Méchant.
(8) Coauille — gâteau de NoBl. (9) Sirop qui coule; quiller pour couler ne se dit que des matières épaisses, telles que le sirop, l'huile, etc.
(10) Balot, tuyau de cheminée. (Il) De choses (te'jiioi's) qui te feront plaisir, te rendront bien aise. (12) Apaisé. (13) Canchon-Dormoire. Toute
chanson dite pour endormir un enfant; par «xterision, mots inintelligibles que chantonnent ordinairement les enfants lorqu'on les endort,
lij Ochennoire, berceau. (15;, Coussin, carreau ou métier de dentellière.
LA CHANSON
77
BARCAROLLE
de Bi!
et de Neufchâtel
Musique de Charles JAUME
And^"- J-:48.-
AÎS ' fil de l'eau. Au fil de Teau-
Penche sur ma poitrine
Ton doux front, ma divine :
Veux-tu, le temps est beau,
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fil de l'eau I
Sur l'onde qui s' étoile
Au soleil, notre voile
Semble une aile d'oiseau.
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fil de l'eau!
Pour que plus doux il flotte,
Amour, malin pilote.
Conduit notre bateau.
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fil de l'eau I
Ta bouche, fraise mûre,
A comme le murmui'e
Suave du roseau.
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fil de l'eau !
Le lac sommeille. Admire
Le flot clair où se mire
La vigne du coteau.
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fli de l'eau !
Ta chevelure belle
A la brise s'emmêle,
Comme un blond écheveau.
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fil de l'eau !
Que ta lèvre est brûlante!
Dieu ! ta gorge tremblante
Bondit comme un agneau !
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fil de l'eau !
Comme ton œil bleu brille!
Puisque tes bras, gentille,
M'ont pris dans leur étau,
— Laissons aller la frêle
Nacelle
Au fil de l'eau !
G. NARDIN.
L. -Henry Lecomte m'tidresse la lettre suivante.
Paris, le i septembre 1879
Mon cher Païay,
Bien qu'il ait été dit, au déhul de Lu Chmison, que les
opinions les plus dissemblables pounaienl ùlre librement
exprimées dans ses colonnes, nombre de personnes paraissent
vouloir me rendre responsable de la lolalilé des articles
qu'elle contient. Cette interprétation fausse a eu et peut
avoir encore pour moi des conséquences fâcheuses. Permettez-
moi donc de déclarer nettement, dans La Chanson même,
que j'entends n'accepter la responsabilité que des seuls
articles publiés avec ma signature.
Je vous serre la main,
L.-HENnv LECOMTE.
Il demeure entendu, mon cher Lecomte, que
chaque, écrivain est seul responsable de ce qu'il
signe. En fondant la Chanson, mon but à été de créer
une tribune vraiment libre où chacun pût exprimer
sa pensée. Si La Chanson était politique, j'aurais eu
soin, comme directeur, de lui donner l'unité voulue,
et la ligne tracée eût été infiexiblement suivie.
Partisan de toutes les libertés, j'ai voulu accueillir
les idées les plus divergentes, fussent-elles contraires
à mes propres opinions.
Je m'empresse, mon cher Lecomte, de saisir'
l'occasion qui m'est offerte de vous remercier publi-
quement du précieux concours que vous m'ayez
prêté jusqu'à ce jour comme rédacteur en chef, et
que je vous prie de vouloir bien me continuer.
Encore une fois — la dernière, — les auteurs
répondent seuls littérairement de leurs œuvres, et
la responsabilité de la direction de La Chanson, m'in-
combe tout entière.
Cordiale poignée de main.
A. PATAY.
78
LA CHANSON
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTÉRAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 5 SEPTEMBRE
Le banquet du Caveau a eu lieu, l'autre soir, dans des
conditions particulières. La salle ordinaire des festins étant
en l'éparation, les convives ont dû se résigner à prendre
place dans le salon commun du rez-de-chaussée. Séparés
du public par un simple paravent, poursuivis de regai'ds
curieux, les coudes serrés et les genoux heurtés, les mem-
bres du Caveau ont fait contre fortune bon cœur, et la
séance de chants, pour n'être pas bien longue, n'en a pas
moins offert un réel intérêt.
M. Eugène Grange, prenant pour thème la question pen-
dante du divorce a écrit un de ces toasts spirituels et de
forme irréprochable dont il est coutumier. Il concluait à
l'indissolubilité du mariage contracté entre la Chanson elle
Caveau. Quelle loi pourrait porter le trouble dans ce bon
ménage ?
Couplets bien tournés du célèbre Duprez sur ce dicton
prudent : N'éveiUez pas le chat qui dort. M. Edouard
Granger reprend l'exclamation du mélancolique Hamlet :
Des mots, des mots f poav en tirer des déductions gaies.
M. Jullien envoie un souvenir agréable à sa Madeleine.
M. Piesse, en biographiant les Abbés galants, donne un
pendant réussi à sa chanson ies . Abbés chansonniers.
M. Liorat chante une boutade excellente sous ce titre : Y a
du monde. IL Eugène Grange retrouve dans sa mémoire
certaine Frisette, proche parente de Lisette et de Mimi
Pinson, et célèbre ses charmes et ses qualités d'une façon
tout aimable. M. Montariol adresse à ce très-jeune Victor,
que les bonapartistes voudraient coiffer d'une couronne si
lourde, une série de questions dictées par un sentiment
honnête jusqu'à la naïveté, supposant avec vraisemblance
que les partisans du jeune homme le pousseront un jour au
crime, ne s'écrie-t-il pas
Dis-moi, Victor, dis-moi le feras-tu?
Hé ! sans doute, si le dit Victor accepte le rôle de prétendant.
Est-il un prétendant qui ne soit poui' tout faire? — Charles
Vincent renonce, cette fois, à la chanson de haut vol pour
essayer le couplet badin : essayer et réussir. Il a eu cette
idée plaisante et neuve après avoir exécuté en plusieurs
couplets les Varations de l'agrément, de faire la contre-
partie de ces mêmes couplets en énuméfant les désagré-
ments de l'existence. On a ri et applaudi, Fénée le premier,
qui fait avec tant d'entrain résonner au Caveau la note gaie.
L'Histoire d'une mécanique, drôlerie bien gazée, et la
Romance du Fou, qui justifie son titre par l'absence de
rimes et d'idée suivie, ne nuiront certes pas au renom du
joyeux Fénée.
M. Saint-Germain a très-gracieusement clos la séance en
disant, à la demande générale la Conférence de .M. Eyraud
qui, bien que privée des jeux de scène trouvés par l'artiste
au Gymnase, n'en a pas moins produit un grand effet.
J'avais raison, on le voit, de dire que le banquet de
septembre a été véritablement intéressant, malgré les
conditions peu favorables du local. Ce désagrément, d'ail-
leurs, ne doit plus se renouveler. Dès le mois prochain, le
grelot de Collé retentira dans le salon accoutumé pour fêter,
paraît-il, une réception extraordinaire.
L.-Henry LECOMTE.
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 3 SEPTEMBRE 1879
Un toast et plus de vingt chansons, et nous n'étions pas
trente! Voilà un joli bilan.
Aurait pu dire V. Hugo ; mais il avait oublié notre mer-
credi et il était à Veules ce jour-là. On ne pense pas à tout.
Oui, plus de vingt chansons, et là-dessus au moins quinze
de bonnes.
Je n'aime pas beaucoup les toasts en vers. Je recon-
nais pourtant qu'Echalié a réussi le sien sur la chanson et
l'amitié qu'elle fait naître ou cimente entre ses adeptes.
L'affection est une corde qu'il sait faire vibrei' et qui résonne
toujours juste à la Lice : c'est une des cordes de sa lyre.
Les sonnets aussi sont en vogue. Tout le monde en fait
ou croit en faire. Caron y brille. Les deux qu'il nous a dits
présentent, outre une forme précise et poétique à la fois, une
énergie et une grâce qu'on rencontre peu souvent. Les
triolets n'ont pas donné ce soir-là.
De Gonet, qui rappelle Picard par la voix surtout, aime à
chanter le vin: aujourd'hui le baptise eaa vineuse. Robinot,
qui n'est pas buveur, implore, en stances émues, le secours
de la science contre le phylloxéra. Les Flambeaux, de Choc-
que, chantés par M. Pellet sur un air qui, avec moins de
réminiscences, aurait passé pour nouveau ; — Ça tient de
famille, de Nadot, interprété par Collignon avec la chaleur
communicative que vous lui connaissez, voilà pour le sérieux.
L'Ouvrière, de Rubois, les Joyeux flacons, d'Adeline, le
Meilleur des mondes, de Dubois, chanson remplie d'actua-
lités, représentaient le genre mixte, tantôt ironique, tantôt
gracieux.
Le comique proprement dit, et même le cocasse ne perdent
jamais leurs droits à la Lice. C'est le piment de la chanson.
Chocque, déjà nommé, Cahen, Jeannin, Lebeau dérideraient
un conclave. JV' comptez pas là-d' ssus. Si cà ne dépendait
que de moi, Fermons nos boutiques, (Hommes noirs, d'où
sortez-vous?), Çà n' va qu d un' fesse... Quels titres, mes
enfants! et quels couplets! C'est à vous faire frémir... de
rire. Avenel, quoique absent, ne nous décoche-t-il pas de
loin une nuée de Prunes! je n'ose en dire du bien : la
chanson m'est dédiée.
L'inédit n'a pas seul occupé la soirée. Monsieur Zéro,
d'Hachin, très-mgénieux et dit avec finesse, est pour moi
une ancienne connaissance et, comme son auteur, revue
toujours avec plaisir,
'Tous sociétaires. Quant aux visiteurs, deux seulement ont
osé affronter, comme auteurs, le feu des bougies. M.Leblanc,
dont la voix, un peu émue, ne manque pas de charme,
célèbre la chanson, qui accompagne, soutient, console
l'homme ;
Tout le long, le long de sa carrière.
Ces couplets m'ont paru fort jolis et ont été vivement
applaudis.
L'autre visiteur, ancien licéen quasi relaps, apportait un
contingent, non meilleur, mais plus gros, deux chansons,
sur ma foi (je ne me savais pas si fécond) : Ma manière de
voir et les Plaintes d'un visiteur. Un couplet qui sera
longtemps d'actualité a réuni tous les suffrages. Dussé-je,
comme Rubois pour ses Zoulous, m'attirer les foudres du
Petit Caporal (*), je veux citer ce couplet :
J'en suis d'accord, cette femme était mère
Et pleure un fils qui meurt à l'étranger.
Cette douleur, bien juste et bien amère,
Je la comprends, mais sans la partager.
Oui. cette mère eut de rudes éprouves,
Mais du passé j'y vois le châtiment.
Si vous pleurez sur qui fit tant de Vi
Permettez-moi de penser autrement
Et maintenant, prenez ma tête !
(•) Petit journal publié à Paris,
LA CHANSON
79
Plus on est de fous, plus on rit,
disait Armand Goutfé. Je ne dirai pas :
Moins on est de fous, plus on chante.
Mais vous voyez qu'en serrant les rangs on remplit bien
des vides.
EuG. IMlîERT.
CORRESPONDANCE
Au Directeur de La Chanson
Paris, 6 septembre 1879.
Mon cher M. Patay,
Au. sujet de ma chanson : Imprécations de Popaul,
publiée dans votre numéro 26, le Petit Caporal a
jugé bon de communiquer à ses lecteurs une lettre
injurieuse pour moi. J'y ai fait une l'éponse très-
modérée, que le sieur Amigues n'a pas eu la loyauté
d'insérer, je vous serais obligé de lui donner l'hos-
pitalité dans La Chanson.
Merci et bien à vous,
H. RUBOIS.
A Monsieur le Directeur du Petit Caporal
Paris, le 30 août 1879.
On me communique un article de votre journal, daté
du 25 courant, signé Arsène Thévenot, de Troyes, dans
lequel ce rédacteur se livre à une véritable débauche d'in-
jures à propos de quelques couplets sur la mort du jeune
prétendant, que j'ai l'ait insérer dans le journal La
Chanson.
Je reconnais parfaitement à ce Monsieur le droit de se
servir d'épithètes grossières telles que insanité, idiote et
même infâme qui ne visent que mon œuvre; mais celle de
misérable, qui s'adresse à ma personne, dépasse les bornes
de toute polémique.
Je demande donc à votre correspondant de la retirer
purement et simplement, sinon je me verrais dans la né-
cessité de m'adresser aux Tribunaux afin d'obtenir répa-
ration.
Bien que je ne sois pas nommé dans le dit article, je
suis assez clairement désigné comme auteur des Impréca-
tions de Popaul, pour exigi^r, aux termes de la loi, l'inser-
tion de cette réponse dans votre prochain numéro.
Veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, l'assurance des
sentiments qu'on se doit, même entre adversaires politi-
ques.
Henry RUBOIS,
Ancien membre du Caveau,
Vice-Président de fa Lice Chansonnière.
I
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Dans le courant du mois d'août, la société lyrique
de Vincennes- Saint- Mandé a donné, sous la tente du
bal, à Saint-Mandé, un concert au profit des pauvres.
Citer les chanteurs qui ont mérité les bravos du
public, ce serait nommer tout le monde ; contentons-
nous de constater le succès de MM. Lasmartre,
Lambert, Lesueur, Burgueyre, Meunier, Rebon,
Joinneau et L'Homme. M"°' Dupont et Blanche Prat
ont fait beacoup de plaisir dans leurs romances.
Le succès de la soirée a été : Le Rêve d'Yvonnette,
joué par MM. L'Homme, Joinneau et M"" Desormes.
M. L'Homme s'est fort bien tiré de son rôle de
marin; quanta M. Joinneau, — le breton Pacôme —
il a été exhilarant; ce n'est plus un amateur, c'est
un véritable artiste. M""" Desormes a fait voir qu'on
pouvait être à la fois jolie femme et bonne actrice.
En somme, bonne soirée, pour les chanteurs et
pour les assistants.
Louis PETIT.
Le jeudi 4 septembre, malgré la chaleur, salle
comble à la Cordiale, 35, boulevard Sébastopol.
M. Marie, des Joyeux amis, a gaiement ouvert
la soirée par C'est tout ce que j'peux faire pour
vous.
MM"" Adèle, Berthe et M"" Henriette ont re-
cueilli les bravos qu'elles méritaient. La Française
a été bien interprétée par M. Delaballet. Jules Raux
le compositeur-auteur que nos lecteurs connaissent,
a chanté Mon âne, paroles et musique de lui.
M. Gabriel Dassis a obtenu les honneurs du bis,
bien qu'il soit interdit dans Milord Gigue-Gigue,
vrai succès de danse. Deux saynettes. Après la noce
et De fil en aiguille, toutes deux interprétées par
M"° Adèle et M. Gabriel, ont été bien aooui^llies.
Un proverbe, A bon chat bon rat, de M. Gabriel,
sociétaire de la Cordiale, était représenti' pour la
première fois et interprété par MM. Georges,
Alphonse D. et l'auteur ; cette pièce a paru très-
goûtée des spectateurs; elle le mérite du reste.
M. Buisseret a exécuté, sur l'ocarina, une polka,
et la Valse des /{oses sur le flageolet. Mentionnons
aussi M. Daltroff. pour la façon dont il a chanté la
parodie de A la Française et C'est pas vrai!
M. Marcus, le pianiste de la société, a droit à
une part des succès des chanteurs, comme accom-
pagnateur.
.Le samedi 6 septembre, grande affluence au Cercle
Murger, café du Globe. 8. boulevard de Strasbourg.
Cette soirée de réouverture à commencé à 9 heures
avec le concours du Progrès Philharmonique, société
instrumentale, qui, intercalée dans le programme, a
exécuté avec succès Les Volontaires de 93, ainsi que
le Tour de Marne, fantaisie. Parmi les romances et
chansonnettesnous avons remarqué particulièrement:
M. Mathieu dans Tais-toi Zoé ei Quoi que t'as vu,
qui lui ont valu un légitime succès. M. Reval, dans
Le monde tel qu'il est. chansonnette satirique fort
bien détaillée, ainsi que' M. Lucien dans Un baptême,
grande scène comique.
Nos compliments à M""" Berthaud et M"° Blanche.
La soirée s'est terminée par La Consigne est de
ronfler, vaudeville en un acte, joué par MM. Dupuis
et Mathieu, M"''' Elisa et Gaston. En un mot soirée
des plus attraj'antes donnant naissance à une série
d'autres représentations qui auront lieu le 3'°'^ samedi
de chaque mois; tous les autres samedis, soirée
dansante.
Nous avons reçu, le 4 septembre, de la société
dramatico-lyrique l'Etoile, la somme de 17 francs,
produit d'une quête faite dans une soirée, donf on
nous communique en même temps le compte-rendu
suivant :
Le 5 juillet dernier, la société l'Etoile donnait dans
sonlocal ordinaire, 47, rue de Courcelles, à Levallois-
Perret, une soirée intime, la salle étant trop petite
pour contenir le public désireux de témoigner sa
sympathie à cette vaillante société, qui ne néglige
rien pour amuser ses visiteurs. C'est à cette façon
LA CHANSON
d'agir qu'est due l'affluenoe d'habituésqui recherchent
ses concerts.
Le programme a été bien rempli ; nous avons
particulièrement à féliciter MM. Paivre et Valtier,
deux amateurs, M. Meunier dans la chanson A la
six quat' deux, de même que M. Bolot dans sa
Tyrolienne^ et MM. Teissier, Thevenin, Louis Schuz,
ce dernier dans ses naïvetés, qui lui valent toujours
les bravos.
M. Jules Aubert, violoniste distingué, a fait
entendre un solo, // Trooatore, fantaisie qu'il a
exécutée avec beaucoup de talent. Les sympathiques
Lauréats du Conservatoire, MM. P. Fauchey et
Duplessis, ont enlevé avec leur brio habituel et une
exécution hors ligue La Valse des Jardins d'Armide,
morceau de piano à quatre mains.
Une bonne note au commissaire général des fêtes
M. Faitot pour sa désopilante imitation des médecins,
surtout pour celle du médecin eharlatnn dans laquelle
il a été à la hauteur d'un véritable artiste.
M. Thouvenel, aux applaudissements de la salle, a
retracé la vie du chansonnier populaire, l'immortel
Béranger, et terminé en demandant que l'on favorise
par une quête l'initiative prise par le journal La
Chanson pour l'érection d'une statue à notre grand
poète lyrique : cette quête a produit 17 francs.
Terminons en constatant le grand succès remporté
par M. Dubois qui nous a chanté avec son talent
habituel trois chansonnettes de son répertoire. Les
Grimaces de l'amour ; C'est de première nécessité; Le
Parleur éternel; et nous a dit d'une façon magistrale.
Les Pompiers, poésie de Paul Burani! Les bis et les
bravos qui ont accueilli cet excellent artiste étaient
vraiment mérités ; nous espérons qu'une de nos
grandes scènes populaires lui donnera bientôt la
possibilité de développer son incontestable talent.
En somme, soirée charmante et succès pour tous.
L'Union et Gatté, donnera, lundi 22 septembre
dans son local, 8. boulevard de Strabourg. une soirée
extraordinaire, avec le concours de La Cordiale, La
Fauvette Parisienne et La Renaissance.
La société V Union lyrique a transporté ses réu-
nions, de la rue Vieille-du-Temple au boulevard
Magenta, 166. Tous les dimanches.
MM. les Présidents, sociétaires et visiteurs des
Sociétés Lyriques, qui donnent leurs soirées au
Café du Globe, sont prévenus que FELIX, l'in-
telligent garçon chargé du service des sociétés,
devient, dans cet établissement, le vendeur du
journal la Chanson, au numéro, de même qu'il
recevra les Abonnements
Nous avons reçu une lettre non signée d'un- so-
ciétaire de la Renaissance; cette lettre reproche
à notre collaborateur Leroy, d'avoir oublié de citer
M. Ramel, président, dans le compte-rendu du
Luthier de Crémone ; notre chroniqueur est accusé
de la suppression d'un personnage. A. Leroy étant
absent de Paris, nous n'avons pu lui soumettre
cette lettre, mais nous sommes certain qu'il se
serait empressé de réparer son oubli, car nous
savons que M. Ramel interprète toujours ses rôles
en véritable artiste.
2
,
5
»
7
16 50
CHOSES ET AUTRES
SOUSCRIPTION POUR LA TOMBE DE LEDUC
2e Liste
Eugène Imbert, chansonnier
Eugène Carlos, homme de leltres
l''<= Liste.
Total...
La souscription reste ouverte.
Plusieurs membres du jury chargé de l'examen
des poésies envoyées au grand concours ouvert par
La Chanson en l'honneur de Béranger. étant absents
de Paris, le résultat de ce concours ne pourra être
publié que dans-nôtre numéro du 16 octobre.
5° CONCOURS MENSUEL OUVERT DU l"' AU 25 SEPTEMBRE
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part avec
une pièce ne dépassant pas 60 vers, sujets et gem'es
libres.
Le 1" prix sera publié dans le journal et recevra
dix exemplaires. Les titres et les noms des auteurs
des deux pièces suivantes seront publiés.
Dans sa réunion du lundi 25 août, la société de
l'Union des Poètes a nommé son comité directeur.
Ont été, élus membres actifs : MM. Bertol-Graivil,
Duplessy, Lefustec, Morot-Gaudry, de Courmont ;
membres suppléants .'MM.Jeansoulé, Jean, A.Patay,
Lhébrard; trésorier provisoire : M. Marchand.
M. Bertol-Graivil s'est désisté de membre actif en
faveur de M. Jeansoulé et remplace ce dernier
comme suppléant.
Vient de paraître aux bureaux de La Chanson, les
Abeilles, chanson dédiée à Pierre Dupont, paroles de
Georges Baillet, musique de M"° Anaïs Brianny,
avec accompagnement piano, et format guitare.
Les abonnements au journal La Chanson, sont reçus
dans tous les bureaux de poste. Les frais sont à la
charge du journal.
Nous prions instamment les retardataires qui ne
nous ont pas encore envoyé le montant de leur
réabonnement, dû depuis le 1" mai, de nous le faire
parvenir sans retard.
Nous rappelons à tous nos abonnés que nous avons
fait brocher la première année ; nous l'enverrons
franc de port à toute personne qui nous enverra un
mandat sur la poste de 5 francs.
Nous prions nos abonnés, qui n'ont pas le premier
semestre et ceux auxquels il manquerait des numéros,
de se hâter d'en faire la demande s'ils veulent se
compléter.
A la demande de nos abonnés, nous rétablirons
prochainement dans nos colonnes la Boîte aux lettres;
ceux qui désirent une réponse particulière sont priés
de joindre un timbre-poste pour la réponse.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
2" ANNKE.
N* 29.
1" OCTOBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
&am Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l^r (jc le 16 de clnaqiae rxiois
Secrétaire de la Rédaction
A.LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
ADMINISTRATION & REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L. -HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
•) six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : Galerie des Cliansonniers, H. Le Boullenger. — Je me suis laissé faire (henri rubois). — Les Morts d'amour
(EDOUARD GRESSIN.) — Uii Itoi pressi! {elg. imuert). — A Marié de flsle (bertol-graivil). — Aux Sapeurs-Pompiers (l.-g.
OAUNY.) — Triolets à Lucile (henri mai.let). — Cinquième concours mensuel de La Chanson : la Clianson des Aventuriers
(ange pechsieja). — Nécrologie (e. b.;. — Souscription Déranger. — Chronique des Sociétés lyriques (a. p., henry mallet).
Choses et autres (a. p.) — supplément : Minou, paroles et musiiiue de jules raux.
GALERIE DES CHANSONNIERS : H. LE ROULLENGER (*)
Le boulanger que
vous voyez ici est Le
Boullenger de la Lice
Chansonnière, dont il
eat le joyeux Président
depuis deux ans et pour
la dixième fois peut-
être. Quand il vient par-
mi nous, grâce à des
procédés qui lui sont
tout-à-fait personnels,
il laisse chez lui les an-
nées qu'il comptait
avant 1848, et nous
apparaît, jeune et plein
d'entrain . Vous trou-
verez plus loin le ta-
bleau de la journée du
20 août, qu'il a tracé
en quatrains brillants
de verve, et où chacun
de nous a une petite
part de la promenade
de l'amitié ; — en fait
d'amitié, du reste, il
n'a pas affaire à des
ingrats. — Le Boul-
^ (•) Ce portrait-charge et la notice qo
a un très-curieux et rare volume tiré
et paraphés, qu) n'ont pas été mis dans le commerce : Li:s fre-
daines DE LA CHANSON, récit d'une fête champêtre o/ferle par Jules
Echalid à ses camarades de la Lice chansonnière, le 20 aaâl 18T6. Ce
volume contient, en outre, un groupe photographié des invités, dix
portraits-charges dessinés par Erneet Chebroux, avec notices
lenger fait partie de
la Lice Chansonnière
depuis bien longtemps,
et il en a orné les
recueils d'une foule
de chansons badines et
philosophiques.
Il traite aussi avec
succès les sujets les
plus sérieux. La chan-
son du Lahoureur, que
contient ce petit volu-
me, est certainement
l'œuvre d'un penseur.
Cet article était com-
posé et devait paraître
dans notre dernier nu-
méro ; des circonstan-
ces imprévues nous ont
forcé de l'ajourner.
Nous étions loin de
penser à la mort de
Le Boullenger, quoi-
que souffrant depuis
très-longtemps.
(Voir l'article Né-
crologie à la page 85.)
A. PATAY.
écrites par Eugène BaiUet. Plus de vingt chansons ou poésies
sont remues dans ce livre qui manque à tous les collectionneurs.
Nous avons été assez heureux pour obtenir cinq exemplaires (il en
reste encore deux) que nous mettons à la disposition de nos abon-
nés amateurs de vraies raretés chansonnières -~- Envoi franco
contre un mandat-poste de 10 francs au nom de A. Patay, directeur ,
de La Chanson^ rue. Bonaparte, 18. A. P.
LA CHANSON
JE ME SUIS LAISSÉ FAIRE...
ou UNE FILLE FACILE
Musique nouvelle de J. Darcier,
OH Air la Queue emporte la tête.
Fille d'Eve aux yeux noirs fripons,
A l'humeur gaie, au cœur sensible,
Personne, en amour, j'en réponds.
Ne m'a trouvée inaccessible.
Riche ou gueux, pingre ou généreux.
Chaque fois — suis-je assez sincère —
Que m'a su plaire un amoureux...
Moi, je me suis laissé faire !..
Sauf un chérubin d'apprenti
Qui m'avait souvent embrassée.
Jusqu'à quinze ans, c'était gentil.
Je n'avais péché qu'en pensée.
Au couvent on me confina ;
Lors, mon confesseur, moine austère.
Tant et si bien m'endoctrina...
Que je me suis laissé faire !...
Doux souvenir de mon printemps.
Je me revois frivole, aimable ;
Sans être belle, à dix-huit ans
On avait la beauté du diable.
Bref, Un jour fixant l'œil sur moi,
Un jeune officier (grave affaire)
M'enlève à mon couvent... Ma foi
Moi, je me suis laissé faire !...
Festinant avec des garçons
Ayant force Champagne en tête,
Ivres, en propos polissons
Ils se disputaient ma conquête.
Soudain pour se mettre d'accord
L'un d'eux (la chose est assez claire)
Parle de me tirer au sort...
Moi, je me suis laissé faire 1...
Bien que l'effraie un peu l'hymen.
Toute fille, on se l'imagine
A peur, après mîir examen,
De coiffer sainte Catherine.
Plus riche d'écus que d'attraits,
Juste à point ma chance ordinaire
Me sert un mari fait exprès...
Moi, je me suis laissé faire 1 . .
Veuve enfin ! libre désormais !
Je ne pleurai point mon pauvre homme ;
Pour le défunt, qui n'en peut mais
Qu'on rie ou pleure, c'est tout comme.
Sans enfants, j'adressais des vœux
Au ciel afin d'être un jour mère ;
Un galantin m'en promit deux...
Moi, je me suis laissé taire !...
Franche fille de bon aloi
J'aime le confort et l'aisance ;
Mon caprice, telle est ma loi;
Et nargue de la médisance !
Bien que déjà sur le retour.
Toujours folle par caractère,
Tant que me sourira l'amour
Moi, je me laisserai faire !...
(Inédit)
Henry RUBOIS,
Vice-Président de La Lice Chansonnière.
A Monsieur le Vicomte Henri de Bornier
LES MORTS D'AMOUR
BALLADE
Musique nouvelle d'EuGÈNE LAMàRE
Dame Loyse aimait d'amour
Richard, jeune et beau capitaine.
Or il advint qu'un certain jour
L'empereur fit guerre lointaine.
Etant mandé, Richard ceignit
L'écharpe aux couleurs de sa dame.
Prit son épée et puis partit
Le cœur brisé, la mort dans l'âme I
Quand le vent gémit dans les branches,
On voit au sommet de la tour
Errer, la nuit, deux ombres blanches!
Priez! ce sont les morts d'amour I
Dans la tour, Loyse, à l'instant
S'enferma pour verser des larmes ;
Hélas! elle en répandit tant
Que la belle en perdit ses charmes.
Chacun était au désespoir ;
Les hirondelles désolées
Fuyaient les vieux toits du manoir ;
L'herbe croissait dans les allées 1
Quand le vent, etc.
Les nobles preux, barons chrétiens
Que guidait alors Charlemagne,
Taillaient en pièces les païens
Là-bas, sous le ciel bleu d'Espagne.
Superbe entre tous ces vaillants,
Bravant les flèches sarrasines,
Richard battait les mécréants
Dans les ravins, sur les collines.
Quand le vent, etc.
Pleurant toujours le paladin,
Une nuit, en songe, Loyse
Vit sous le fer d'un Africain
Tomber son amant par surprise.
Elle en eut un tel désespoir
Que la pauvre perdit la vie
Au moment où dans le manoir
Richard revenait à sa mie 1
Quand le vent, etc.
Il reçut son dernier soupir.
Puis baisant au front son amante :
« Seigneur Dieu, faites-moi mourir! »
Dit-i) d'une voix défaillante.
Prenant pitié du triste sort
Fait à leur amour éphémère.
Dieu les réunit dans la mort,
Les ayant séparés sur terre !
Quand le vent gémit dans les branches,
La nuit, au sommet de la tour.
On voit depuis deux ombres blanches.
Priez ! ce sont les morts d'amour 1
{Inédit) Edouard GRESSIN.
LA CHANSON
83
UN ROI PRESSE
Air de la Valse des Comédiens
La France échappe à d'indignes entraves.
Nous lui rendons et le trône et l'honneur.
Oui, peuple ingrat, c'est ce roi que tu braves
Qui malgré toi veut fonder ton bonheur.
Nouveau phénix, que le vieux temps renaisse.
Pendant trente ans j'avais patienté ;
J'ai dans l'exil consumé ma jeunesse.
Mais le printemps a fait place à l'été.
L'automne enfin sur moi vient de s'étendre ;
Ma vue est trouble et mon front est chenu.
A soixante ans on ne peut plus attendre ;
En route, amis ! car l'instant est venu.
Avec espoir j'entre dans la carrière;
Mais pour hâter un ti-iomphe trop lent,
Rogneurs d'écus et vendeurs de prière,
Ralliez-vous à mon panache blanc.
Bons laboureurs, pour qui l'ancien régime
Eut tant de fleurs et des fruits si dorés,
Rappelez-vous votre sainte maxime :
Tout pour les rois, et le reste aux curés.
Obéissez à ce roi qui vous aime.
Chers paysans, car je puis à vos yeux
Faire pousser du blé sans qu'on en sème ;
C'est un secret qui vient de mes aïeux.
Brave artisan, je connais ta souffrance ;
J'y compatis ; mais sous ton humhle toit.
Pour être heureux borne ton espérance
A travailler : nous penserons pour toi.
Il est des mots qu'une oreille dévote
Ne peut ouïr sans de mortels frissons :
Ne parlez plus de suffrage, de vote ;
On vous prendrait pour de vils francs-maçons :
De tous les maux j'apporte le remède,
Et je puis seul sauver la nation.
Ce jour viendra, mais il faut que Dieu m'aide
A museler la Révolution.
Libres penseurs, gens de sac et de corde,
Au joug divin courbez votre raison.
Que la science avec la foi s'accorde ;
Soyez croyants, ou gare la prison!
Et toi, Paris, toi qui de tout te railles.
En attendant qu'on puisse te punir.
Nous planterons des lis sur tes murailles :
Emblème pur qui pourra t'assainir.
Prêtres du Dieu qui soutient ma puissance.
Multipliez pour moi vos orémus.
Roi par mes droits et roi par ma naissance,
Je me sens las de l'être in partibus.
Pour le succès vous pouvez tout promet1«re ;
Endoctrinez le public ingénu.
Tout est permis pour devenir le maître ;
A l'impossible, après, nul n'est tenu.
Convertissez par vos sacrés oracles
Le faubourien qui feint de m'oublier.
En ma faveur risquez quelques miracles ;
Vous le savez, je suis bon pour payer.
L'hérédité fut toujours mon principe ;
Tout vrai pouvoir par elle se défend.
Or, une erreur qu'il faut que je dissipe.
C'est que, dit-on, je n'aurais pas d'enfant.
Pas d'enfant, moi ! que c'est mal me connaître I
Jusqu'à présent rien ne pressait : enfin
Rome l'ordonne, un rejeton va naître.
Et dans neuf mois vous aurez un dauphin.
La France échappe à d'indignes entraves.
Nous lui rendons et le trône et l'honneur.
Oui, peuple ingrat, c'est ce roi que tu braves
Qui malgré toi veut fonder ton bonheur.
(Inédit) EuG. IMBERT.
A MARIÉ DE L'ISLE ()
Marié de l'Isle est mort!...
Cet homme qu'on emmène
S'est brisé comme au vent se brise le vieux chêne,
Et la Muse divine en apprenant ce deuil
Est venue à genoux, au pied de son cercueil.
Déposer des lauriers et le couvrir de voiles,
Puis, la nuit de son ciel a chassé les étoiles...
Après avoir longtemps travaillé pour son art.
Poursuivi cette vie errante du hasard,
L'âme et le cœur remplis d'une mâle espérance,
Après avoir couru l'Etranger et la France
Toujours luttant, tnujours grand, toujours acclamé,
Le lourd cercueil de plomb sur son corps s'est fermé.
On se souvierit de toi, là-bas, dans notre Alsace —
Alsace ! 0 nom chéri qu'on aime et qui vous glace —
Dans la Lorraine, à Metz, cette vieille cité.
Ton précieux souvenir à jamais est resté.
Puis, ensuite, l-'aris, cette clarté du monde.
Que l'on voulut plonger dans une ombre profonde,
S'est levé tout-à-coup et te tendant les bras
T'a dit: Viens, ô mon fils, nous ne t'oublierons pas! —
De l'Islc dut aussi lutter contre l'envie
— (Flot débordant du Styx, ce seul but de la vie.
Qui remplit notre cœur d'un lâche désespoir)
Et son ciel devînt sombre, et son horizon noir. —
A présent que nos yeux ont vu son corps descendre
Dans la nuit du sépulcre où l'homme devient cendre,
Que son funèbre char par nous accompagné
S'en est retourné vide et caparaçonné.
Malgré l'herbe qui croît déjà sur son cercueil.
Tremblants, nous hésitons à nous couvrir de deuil.
Portée avec respect au pied de l'Hélîcon,
La pierre sur laquelle on va graver ton nom
Sera le triste et seul souvenir de ton ombre.
Et tu n'entendras pas de ta demeure sombre
Sangloter tes enfants, dont les cris de regrets
Iront grossir le vent soufflant dans les cyprès.
11 faut que dé tourments le cœur humain s'abreuve;
Et, comme l'eau du ciel alimente le fleuve.
Pour grossir le torrent nébuleux des douleurs
Nous devons y verser nos sanglots et nos pleurs.
BERTOL-GRAIVIL,
Rédacteur en chef du Progrès Artistiqw.
(*) Hommage à M""s Galli et Irma Marié.
84
LA CHANSON
AUX SAPEURS-POMPIERS
0 vous, braves Sapeurs ! qui veillez dans Tarène
' De nos sombres cités.
Où la flamme parfois se dresse souveraine
Sur les vents révoltés ,
Nos souvenirs sont pleins de vos grandes inaages.
Insouciants vainqueurs !
Le peuple est votre ami : recevez les hommages
Que vous offrent nos cœurs.
Vous êtes nos héros, nos sauveurs et nos frères,
Car jamais votre main
Ne s'arma dans nos temps de crises populaires
Contre le genre humain.
Devant les coups de faux de la mort qui s'avance,
Toujours prêts à partir.
Oh ! vous êtes vraiment les soldats de la France
Qu'on ne peut pervertir.
Votre allure d'aplomb nous redresse la face
Et nous croyons enoor
Que la fraternité, dont la splendeur s'efface,
Reprendra son essor.
En volant au péril si haute est votre taille
Dans sa mâle beauté.
Que son ombre obscurcit l'éclat de la bataille
De ce monde irrité.
Quand vous courez au feu, qui se roule en délire,
Où trône le trépas,
La femme vous révère et l'enfant vous admire.
Egaré dans vos pas.
C'est alors que la vie à grands flots vous inonde.
Et vous courez toujours
Sans effroi vers la mort qui frappe dans ce monde
La somme de vos jours.
En dévorant le sol, qui de loin vous sépare
Du bûcher qui grandit.
Chacun, en frémissant, aux martyrs vous compare
Et la foule applaudit.
Votre poste est là-bas où la flamme poudroie
Sur les pignons croulants,
Et nous, nous contemplons la gloir'e qui flamboie
Sous vos milliers d'élans !
Quand on marche au combat le tambour bat la charg
Et les plis da drapeau
Ombragent ceux qu'atteint la première décharge
En montant à l'assaut.
Mais devant vous jamais la fanfare ne sonne,
Quand vous courez au feu
C'est l'austère devoir qui muet vous couronne
Dans un suprême adieu.
Vous en êtes plus grands ! de vos destins sublimes
Cet oubli nous est cher;
Vos fastes sont gravés partout où vos victimes
Ont laissé de leur chair.
Quand d'une haleine ardente au fort de la mêlée
On vous voit accourir.
Vous savez, en bravant la toiture écroulée,
Qu'il faut vaincre ou mourir.
A tuer le brasier chacun de vous s'apprête,
Mais c'est en combattant ;
Aucun affreux danger, amis, ne vous arrête
Quand le feu vous attend.
Du vestibule en feu jusqu'au dernier étage
Vous prenez corps à corps
La flamme impérieuse et votre âme partage
Ses terribles transports.
Quand l'incendie ondoie au roulis de ses flammes,
Hurlante contre vous.
On voit grandir vos corps et pétiller vos âmes
Qui combattent pour nous.
Un esprit familier nous monte à la cervelle
En sondant vos destins
Et, d'un jet lumineux, tout à coup nous révèle
Nos avenirs lointains.
Quand vous vous abîmez, brisés par la toiture
Sous la dent de la mort,
La vie, où vous tombez, bondit dans la nature
Et vous ramène à bord !
L'éternelle action, du fond de son mystère,
Vous soulève et vous rend
Aux actes valeureux qui délivi'ent la terre
En nous régénérant.
Vous revenez ici pour féconder la race
De ces hommes d'amour
Qui, tout à la patrie et le cœur sans cuirasse,
S'immolent chaque jour.
Les flammes contre vous sont d'implacables juges
Qui flxent votre sort;
Vos oorps-de-garde, amis, sont d'austères refuges
Où vous guette la mort.
Dans ces temps de colère et de sombre injustice,
Nos esprits effarés
Se troublent, mais vos cneurs devant le sacrifice
Sont nos flambeaux sacrés !
Sous nos gladiateurs le cirque s'ensanglante
Et du haut des gradins
lien est qui drapés dans la pourpre éclatante
Se gorgent de festins.
L'homme dans sa démence est l'ennemi de l'homme ;
Le monde marche ainsi
En singeant tristement les débauches de Rome,
Mais vous êtes ici!
L'espérance ouvre au loin son vaste et beau domaine,
Pour nous entretenir
Donnons-nous rendez-vous dans la concorde humaine
Qu'arbore l'avenir !
(Inédit) L.-a. GAUNY.
A mes camarades de Jr Renaissance
TRIOLETS A LUCILE
Dits par M. DONCKELLE, de la Renaissance
A votre beauté je rêvais
Hier matin, dans ma chambrette
Dont vous aviez fait un palais;
A votre beauté je rêvais...
LA CHANSON
85
Souvenir que je chérissais,
Me rappelant ma mignonnette!
A votre beauté je rêvais,
Hier matin, dans ma chambrette.
Je repassais les heureux jours
Où je vous appelais m'amie.
Des premiers temps de nos amours
Je repassais les heureux jours.
On jurait de s'aimer toujours :
La prudence était endormie.
Je repassais les heureux jours
Où je vous appelais m'amie :
Dans l'ivresse de mes vingt ans,
Votre cœur me parut sincère;
Oui, je crojais à vos serments
Dans l'ivresse de mes vingt ans.
Mais vous aviez d'autres amants ;
Et j'en eus la preuve, ma chère.
Dans l'ivresse de mes vingt ans
Votre cœur me parut sincère.
J'étais jaloux, lorsqu'un galant
Sur vos pas détournait la tète.
Pour lorgner votre pied charmant.
J'étais jaloux lorsqu'un galant
Disait, de son air conquérant :
Tudieu! la superbe brunette !
J'étais jaloux lorsqu'un galant
Sur vos pas détoui'nait la tête.
Un beau jour, vous m'avez quitté
Pour aller courir par la ville.
Fuyant mon hospitalité.
Un beau jour vous m'avez quitté.
J"ai maudit votre iniquité
Nombre de fois, belle Lucile.
Un beau jour vous m'avez quitté
Pour aller courir par la ville.
A votre beauté je rêvais
Hier matin, dans ma chambrette
Dont vous aviez fait un palais;
A votre beauté j,e rêvais...
Souvenir que je chérissais.
Me rappelant ma mignonnette !
A votre beauté je rêvais
Hier matin, dans ma chambrette.
Henry MALLET.
CINQUIÈME mmu MENSUEL
De La Chanson
PIÈCE COURONNÉE
LA CHANSON DES AVENTURIERS
• Vers les sommets où le vent roule,
Du pas assuré des lions,
Au loin, au large, nous allions
Par dessus la fange et la foule.
Rêvant la tempête, rêvant
Le laurier sur l'aire escarpée,
Nous allions par les monts, l'épée
En main et les cheveux au vent.
Des reines, de nos fiertés ivres,
Dans nos bras gaîment se lançaient,
Et follement applaudissaient
Aux âpres chansons de nos cuivres.
Nous, toujours... toujours poursuivant
La nue où la gloire est campée,
Nous allions par les monts, l'épée
En main et les cheveux au vent.
Salut aux nj'mphes chasseresses ^
Qui, nous penchant sur le gazon,
Nous versaient l'attrayant poison
De leurs chaleureuses tendresses!..
A plein broc ces flammes buvant.
Savourant la franche lippée.
Nous allions par les monts, l'épée
En main et les cheveux au vent.
Ni les sacripants ni les filles
Ne virent jamais nos talons-;
Nous tombions comme un vol d'aiglons
Sur les insolentes bastilles...
Jusqu'aux cieux, leur cîme bravant
Dans les foudres, envelopée.
Nous allions par les monts, l'épée
En main et les cheveux au vent.
Nos poings auraient brojédes pierres
Aussi puissamment qu'un fruit mûr;
Nous aurions fait voler un mur
Dans le souffle de nos rapières!
Sur les piques nous entravant.
Drus aux chocs, prompts à l'équipée,
Nous'allions par les monts, l'épée,
En main et les cheveux au vent.
Fouetté comme une valetaille
Ou déchiré comme un papier,
Le reitre effaré lâchait pied :
11 faisait bon voir la bataille,
Dans ses gloires, nous enlevant,
Quand, plus triomphants que Pompée,
Nous allions par les monts, l'épée
En main et les cheveux au vent.
Ange PECHMÉJA.
Sa"mt-Cére (Lot).
Viennent ensuite :
Adieux â la muse, de M. Firmin Bonnans, à Saiiit-
Maur (Seine).
Le Divorce, de M. J.-A. Fauché, à Bourron (Seine-
et-M irne).
47 pièces nous ont été envoyées à ce concours.
I\IECKOLOGIE
La Lice Chansonnière vient de faire une perte
digne de ses regrets les plus sincères dans la per-
sonne de son directeur, M. Hippolyte Le BouUenger,
décédé le 17 septembre, à l'âge de 67 ans.
Pendant plus de dix ans, il fut Président de la
Société ; aussi les Licéens, qui l'aimaient comme
on aime un père, étaient-ils nombreux à son convoi.
Le Bureau de la Lice était représenté par Jules
Échalié, président, Henry Rubois, vice-président,
Eugène Baillet, trésorier, et Cahen, trésorier-ad-
joint— venaient ensuite, sans compter ceux que nous
oublions parmi les Licéens nouveaux et anciens :
Chocque, Lebeaux, Dubois, Teulet, Jolly, Germeaux,
Picard, Henri Nadot, Georges Baillet, Ryon, Che-
LA CHANSON
broux, Robinot, Péan, Caron, Pingray, de Gonet,
Brûlez, Chagniat, etc., etc.
En déposant sur la tombe une couronne d'im-
mortelles offerte par la Lice Chansonnih'e, Jules
Echalié a prononcé d'une voix émue le discours
suivant qui contient les appréciations les^jlus exac-
tes du talent et du caractère de notre ami re-
gretté.
Mes Amis,
La Lice Chansonnière fait aujourd'hui une perte bien
douloureuse, et le devoir que tous, jeunes et vieux, anciens
et nouveaux Licéens, nous venons remplir ici est de ceux
qui brisent le cœur et l'ont couler des larmes amères, car
tous, nous avons pu apprécier ce que valait ce vétéran de
la Chanson : Hippolyte Le lioullenger.
Pendant plus de trente ans qu'il fut des nôtres, non-seule-
menl son talent de véritable chansonnier lit la gloire de
notre Lice et le charme de nos réunions, mais son caractère
si plein de bonhomie et de gaîté, son esprit si fin, sa ma-
nière d'être si -affable envers tous, et cette philosophie
inépuisable et si joyeuse qu'elle arrachait un sourire au plus
éprouvé, toutes ces qualités poussées à l'extrême, n'avaient-
elles pas fait de ce digne camarade le Rabelais de notre
société?
J'ai dit : sa philosophie inépuisable. Oui, mes Amis, c'est
là le côté qui frappait le plus en lui. Et certes, que d'occasions
il rencontra dans sa vie de la mettre à profit ! Car il eut une
large part dans nos misères humaines : revers de fortune,
souffrances continuelles et déceptions de toutes sortes, voilà
son lot.
Mais la nature qui met toujours le remède à côté du mal,
l'avait fait chansonnier et chansonnier philosophe, chanson-
nier de cette vieille école que nous admirons en la regret-
tant, chansonnier qui accepte son sort et enrit, quel qu'il soit.
Quel exemple superbe, mes Amis, nous laisse ce cher
camarade ! Quel souvenir il aura gravé dans nos cœurs en
échange des regrets qu'il emporte ! Disons-lui donc merci
et adieu, à ce vieil Ami ; merci de son œuvre que nous
méditerons dans nos moments de découragement ; merci de
son passage au milieu de nous qui nous a rendus plus forts
et meilleurs; et adieu pour toujours.
Que cette humble couronne d'immortelles que je dépose
sur la tombe, mon vieux camarade, au nom de La Lice
Chansonnière que tu aimais et ijui t'estimait, soit le gage de
nos regrets !
Après ces touchantes paroles qui avaient si bien
exprimé les sentiments de tous, chacun félicita
■vivement Echalié, puis nous nous rendîmes sur la
tombe de Vaudrj • — • toute proche de celle de Le
Boullenger; • — elle est garnie de fleurs et de cou-
ronnes, et comme la tristesse a sa joie, celle-là fut
bien douce pour moi de voir que l'oubli n'habitait
pas dans le cœur des amis de la chanson. E. B.
Une réunion générale des membres du oomité-de
la statue de Béranger aura lieu dans les premiers
jours d'octobre. Les résolutions prises seront pu-
bliées dans La Chanson.
Cent trente-neuf poètes ont pris part au grand
concours ouvert par La Chanson, en l'honneur de
BÉRANGER. Nous rendrons compte de ce concours
aussitôt que les travaux du Jury seront terminés.
Salon des Vendanges de Bourgogne, 14, rue de
Jessaint (La Chapelle) Paris. Grande Soirée-
goguette, donnée le mercredi 15 octobre 1879,
à 8 heures du soir, par la Lice Chansonnière dans le
local ordinaire de ses banquets, sous la direction
du Bureau de la Société, Jules Echalié, président, au
bénéfice de la souscription pour élever une statue
à Béranger.
Concours de Chansons, sujets libres. ■ — • Trois
prix seront décernés par un jury composé de trois
membres nommés à l'ouverture de la soirée.
Les pièces couronnées seront insérées dans le
journal La Chanson.
A 10 heures : Béranger Chansonnier, causerie par
Eugène Baillet, trésorier de la Société.
La Lice Chansonnière convie fraternellement la
Vieille et la Jeune Goguette à cette soirée. — Tous
ceux qui ont conservé le culte de la Vraie Chanson
Française, dont Béranger est resté la personnifi-
cation et le Maître, auront à cœur en assistant à
cette fête, d'apporter leur obole pour l'érection de
sa statue. — Prix d'Entrée : 50 centimes par
personne.
NOTA. — Les Pièces de Concours seroat reçues au Siège
de la Société, rue de Jessaint, jusqu'à 8 heures."
Nous savons qu'un grand nombre de Sociétés
Lyriques organisent des soirées au profit de la sous-
cription Béranger. Nous prions les organisateurs de
nous les faire connaître assez à temps pour les an-
noncer à nos lecteurs.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
FÉDÉRATION DES SoClÉTÉS LYRIQUES DE PaRIS.
Le Directeur de La Chanson émettait dernière-
ment, devant plusieurs Présidents, l'avis qu'il serait
bon. utile même, de créer un lien entre tous les Pré-
sidents et Directeurs de Sociétés lyriques et drama-
tiques, et cela dans l'intérêt même des Sociétés, des
Sociétaires et des Visiteurs.
Il est certain que cette Fédération, une fois bien
fondée, pourrait organiser plusieurs représentations
tous les ans, sur une des grandes scènes parisiennes,
soit au bénéfice de leurs caisses, soit au bénéfice
d'une bonne œuvre. Dix ou quinze Sociétés, tour
à tour, fourniraient le meilleur de leur personnel,
pour organiser une grande représentation. Cela
aurait l'avantage de faire ressortir les interprètes'
artistes amateurs. Les artistes sortis des Sociétés
pour entrer soit au théâtre soitau concert, et ils sont
nombreux, seraient de droit Membres d'honneur, et
prêteraient très-certainement leur concours. Leg
visiteurs assidus des Sociétés sont en assez grand
nombre pour remplir la phis grande salle de spec-
tacle de Paris ; la recette serait assurée d'avance
par la composition de l'affiche. Plusieurs Présidents
nous ont promis leur concours ; que ceux qui veu-
lent créer une œuvre utile, envoient leur adhésion
par écrit au Directeur de La Chanson, 18, rue Bona-
parte.
Les nouvelles occupations de notre chroniqueur
des Sociétés lyriques, A. Leroy, le retenant souvent
éloigné de Paris, nous avons chargé M. Henry
Mallet de cette partie de la rédaction. Nous prions
MM. les Présidents de lui réserver une place dans
les grandes soirées. Prière d'envoyer les invitations
à M. A. Patay, aux Bureaux du journal La Chanson,
18, rue Bonaparte. A. P.
La réouverture du Cercle Musset qui a eu lieu
le 13 septembre, 8, boulevard de Strasbourg, (Café
du Globe) a été des plus brillantes. Dans le courant
de la soirée se sont fait entendre M"" Emilie Préaux
LA CHANSON
87
rappelée dans une charmante chansonnette intitulée
Je ne sais pas, MM. Urbain clans Bolivard; Berlioz
dans Qu'est ce que tu prends 7 Willaume, Galliot,
Andral, Jalade et Durrieu, président du Cercle
Musset, très-applaudi dans la superbe poésie de
Victor Hugo : La Nuit du 2 décembre. Puis on a con-
tinué par les Deux Scéléi'ats, saynette en un acte, dans
laquelle MM. Urbain et Galliot ont rivalisé de verve
et d'entrain.
Nous souhaitons une bonne réussite au Cer-
cle Musset qui, sous la présidence de M. Durrieu,
ne peut que prospérer et briller avec éclat parmi
les sociétés lyriques.
Le 14 septembre, la Renaissance, 8, boulevard de
Strasbourg (café du Globe) inaugurait ses soirées
d'hiver. Elle donnait à cette occasion une des plus
charmantes pièces de son répertoire : Philippe, inter-
prété par les étoiles de la société, M"° Julia,
M""" Renaud, MM. Ramel père et fils et M. Donckèle.
M"° Julia a parfaitement nuancé un rôle très-
dithoile, M°" Renaud est une excellente ingénue,
dont le seul défaut est de parler un peu vite. (Ce
n'est pas un re[jroche que je lui adresse mais un
conseil que je me permets de lui donner, dans son
intérêt même. Quant à M. Ramel père, président
de la Renaissance, \e rôle de Philippe est sans contre-
dit un de ses meiljcurs; il a été vaillamment secondé
par son flls qui a bien rendu un personnage de
viveur fat et insolent. M. Donckèle, toujours sym-
pathique a su s'attirer les applaudissements. Ah mon
Dieu! j'allais commettre un grave oubli J'oubliais
M. Chevalier qui mérite un bon point pour s'être
fait une tête de domestique capable de faire rêver
huit nuits de suite de valet de chambre.
Dans la partie lyrique, je citerai en première ligne
M. Cane qui ne se contente pas d'être un excellent
pianiste mais qui, de plus, compose des mélodies
charmantes. M. Paul Launay a chanté d'une façon
magistrale l'air de la Calomnie du Barbier. Alexis,
chanteur de genre, Georges Dever, comique très-
amusant, M"» Louise Bienvenu qui s'est beaucoup
fait applaudir dans une fort belle poésie intitulée :
le Progrès, etc., etc. Je suis obligé d'en passer, faute
de place. En somme, un succès de plus à l'actif de la
Renaissance qui n'en est plus à les compter.
Mes remerciements sincères à M. Donckèle qui a
bien voulu se charger de la tâche ingrate de dire mes
Triolets à Litcile et qui s'en est acquitté avec talent.
H. M.
Le 14 septembre, sous la direction de son ha-
bile directeur, M. V. Desmet flls, la société cho-
rale : Les Enfants de Saint-Denis, offrait à ses
membres honoraires, dans la vaste salle Méret,
une superbe matinée musicale, avec le concours de
M'"" Marguerite et Henriette Baretti, des Variétés,
de MM. Barnoldt de l'Opéra-Comique, Favart et
Feuchet, lauréats du Conservatoire, et du populaire
chansonnier Hippolyte Ryon. Le piano de Pleyel-
Volff a été brillamment tenu par M. P. Cordelle.
Malgré l'orage, plus de quinze cents spectateurs
sont venus prendre part à cette solennité, pourl'exé-
cution de laquelle les vaillants artistes ont rivalisé
de talent.
M"° Marguerite Baretti a dit avec une grâce
charmante : Ah/ Monsieur f et la Lettre de la Cou-
sine.
Barnoldt a été désopilant dans : Ganivet, les
Canards, Si j'étais f invisible, et surtout dans
les Tourtereaux, et la Tyrolienne des Perruquiers,
duos comiques, dont M"° Henriette Baretti a tenu
sa partie avec un entrain parfait.
Favart a été on ne peut plus pathétique dans le
Bal masqué de Verdi et dans le solo du Chœur des
Hirondelles du grand maître Béi'anger ; il a dit
aussi le Forgeron de la Paix d'une façon vrai-
ment magistrale.
L'air varié, Helvétie, exécuté sur deux clarinettes,
par MM. Vink, et ***. Belle France, chantée par
M. GuiUemin, et Maudit Printemps, par M. Calais,
ont été chaleureusement applaudis.
Hippolyte Ryon après avoir entonné lui-même,
de sa plus belle voix, son Versez-moi donc à boire et
ses Polichinelles de Paris, nous a récité, à la de-
mande générale', son Lion de Belfort, tout palpitant
d'héroïque patriotisme.
Enfin, quatre grands chœurs : les Navigateurs,
le Sylpliie, de Masseur, avec son joli solo si bien
chanté par M. Démur père, les Hirondelles, k bou-
che close, musique de Laurent de Rillé et la Mar-
seillaise de la Paix d'Etienne Ducret, exécutée par
les Enfants de Saint-Denis, ont obtenu le succès le
plus mérité.
Une quête au profit des Ecoles, qui a pro-
duit 85 fr., a complété la fête.
En résumé, bonnes paroles, belle musique, ex-
cellents interprètes, un public nombreux et satis-
fait, voilà ce que nous appelons du concert.
La Lyre Bienfaisante. 9, quai Saint-Michel,
donnait le 15 septembre, sous la présidence de
M. Couvreur, une grande soirée, avec concours
àePoésies. Le jury était composé de MM. BertuUien,
Etienne Ducret, Delaunay, Cahen, Panard.
Le l"' prix a été donné à M. Cognet pour le
Mari de Jeanne, poésie dramatique. M. Octave
Lebesgues a remporté le second, avec une poésie
A Mademoiselle Sarah Bernard Un prix d'exception
pour une chanson, Paris la nuit, a été accordé à
M. Diot.
Les prix de récit et de chant ont été remportés
par M"' Vurère, M"' Fornande, MM. Sutter et
Paul Touillot.
Soirée bien remplie et des plus attrayantes, comme
on le voit.
A. P.
Ne voulant pas manquer de parole à M. Emile, le
président des Enfants d'Apollon, j'ai bravé la tem-
pérature pour assister à la soirée extraordinaire
donnée le jeudi 18 septembre, avec le concours
d'artistes des concerts et des sociétés lyriques. Les
noms de Bourges et de Debailleul inscrits au programme
avaient suffi pour remplir outre mesure la trop
petite salle du Café de la Paix, 75, boulevard Saint-
Martin, dans laquelle des commissaires zélés par-
viennent à entasser le double du public qu'elle peut
contenir.
Le programme a tenu ce qu'il promettait et si
Debailleul nous a privés du plaisir de l'entendre, en
compensation Bourges nous a chanté avec l'entrain
que vous lui connaissez Tais-toi, Zoé, une de ses
dernières créations ; inutile d'ajouter qu'il a été
acclamé et rappelé. M"° Julia a apporté sa verve
habituelle dans Je n fais pas ma Tata et mon Bien-
aimé, elle en a été récompensée par de nombreux
applaudissements. M. Vincent, de la Renaissance, le
LA CHANSON
futur pensionnaire du Conservatoire, a fait valoir
son magnifique organe dans la romance de Don
Sébastien et dans le Roi des Bohémiens ,"M. Monicart
qui se tient éloigné depuis quelque temps des
sociétés lyriques, a bien voulu se faire entendre
dans Laissons la porte ouverte. Fi ! M. Monicart, que
c'est vilain, lorsqu'on possède une voix comme la
vôtre, de délaisser ainsi vos nombreux amis. Je
citerai ensuite M"° Adèle, fort applaudie dans une
chanson arabe, Balkaïra dont la belle musique
est de M. Guidant, puis M"" Elisa et M°"Arpage.
MM. Marcus, Bladier, des Amis du Commerce, David
qui a très-bien dit la Veillée, poésie de François
Coppée,. Emile, Néofol. etc., etc.
Je suis parti au moment où le rideau se levait sur
La Consigne est de ronfler. Après avoir serré la main
à M. Cantarel, président des Enfants de la Seine, et à
M H. Perrot, son secrétaire, j'ai regagné mes
pénates (qui ne se trouvent pas précisément faubourg
Saint-Martin) emportant un agréable souvenir de la
soirée des Enfants d'Apollon. H. M.
Le 22 septembre a eu lieu la soirée d'inaugura-
tion de l'Union et Gaîté. Tout l'éclat possible avait
été donné à cette solennité à laquelle les princi-
paux artistes de la Renaissance, de la Cordiale et de
la Fauvette, avaient été convins. La scène des
Fourchambnult a été très-bien interprétée. M. Ur-
bain s'est principalement fait remarquer dans
l'interprétation de ses chansonnettes. Nous de-
vrions désigner aussi un artiste très-original qui,
dans une petite allocution, a trouvé le moyen
d'imiter parfaitement le cri de différents ani-
maux, mais nous ne pouvons citer son nom qui
ne nous est parvenu que très-indistinctement aux
oreilles. Le compositeur Jules Raux, inscrit au
programme pour dire sa nouvelle chanson : Miaou/
ne s'est pas fait entendre, nous le regrettons.
En résumé, nous n'avons que des félicitations à
adresser à M. Varenne, président, à M. Gabriel,
régisseur, ainsi qu'à tous les artistes qui ont
prêté leur concours à cette soirée. Il ne nous
est pas possible de citer tous les noms, vu le
grand nombre d'artistes qui ont paru sur la scène.
A ce propos, nous est-il permis de faire remarquer
très-amicalement aux organisateurs que le pro-
gramme était trop chargé ? Malgré cela, la soi-
rée a été excellente et promet de beaux jours à
l'Union et Gaîté. A. P.
Nous n'avons pas encore parlé de la Lyre amicale
de Paris, ayant ses réunions chaque dimanche, au
café Pygmalion, boulevard de Strasbourg, n° 6,
président M. Dupont.
Le 22 septembre dernier, une foule nombreuse
s'était rendue à la soirée donnée par cette société ;
malgré l'invitation que nous avait faite le président,
nous n'avons pu y assister étant attendu ce même jour
dans une autre société ; nous pouvons néanmoins en
donner le compte-rendu.
La danse comme d'habitude a précédé le chant
qui a été divisé en deux parties. Entre la première
et la seconde , le vaudeville f/we chambre à
deux lits, a été joué en véritables artistes par
M. Julien Alix, membre d'honneur de la Lyre amicale,
et M. Charles-Henri D. Citons aussi MM. Marcus,
Jules, Bloch, Léon G., Julien Alix, M"°" J*** et E**,
qui dans les deux .parties de chant ont été chaleu-
reusement applaudies.
De nouvelles pièces sont à l'étude et cette société
promet d'agréables surprises à ses visiteurs.
La Fauvette Parisienne fera, le dimanche 5 octobre,
sa réouverture des soirées d'hiver, 36, galerie
Montpensier (Palais Royal), sous la présidence de
M. Touzery. Nous en rendrons compte.
Le cercle lyrique Le Caprice, donne tous les
dimanches à 9 heures soirée, maison Richeffeu,
167, galerie de Valois (Palais Royal), M. Staudt,
président.
Henry MALLET.
Un nouveau concert vient d'ouvrir. 37, rue Saint-
Sébastien, maison L. Schmitt (près le boulevard
Richard-Lenoir). Le Concert Voltaire est intelligem-
ment dirigé par M. A. Caprès , très-connu comme
auteur ; le piano est habilement tenu par M. L.
Demortreux, pianiste-compositeur distingué. Les
samedi, dimanche, lundi et jeudi.
A. P.
GRANDE SALLE A LOUER
Pour Sociétés lyriques. Chorales, Instrumentales,
de secours mutuels et autres, pouvant contenir aisé-
ment 300 personnes, parfaitement disposée pour la
danse, très-bien aérée par 5 grandes fenêtres, au
premier, sur la rue. Maison PICHARD, 3, rue de
Rivoli. ,
Nos abonnés trouveront intercalée dans le présent
numéro une chanson, paroles et musique de notre
collaborateur Jules Raux. Cette chanson dont le
succès musical fait le tour des sociétés lyriques, n'a
pas encore été mise dans le commerce ; nos abonnés
en ont la primeur.
A. P.
'Vient de paraître à notre librairie Le Carnaval de
nos jours, pièce en vers par J.-B. Davagnier, in-4°à
deux colonnes, imprimée en rouge. Prix : 20 cent.
UUnion littéraire, revue bi-mensuelle des poètes
et prosateurs, vient de changer complètement de
rédaction. La direction littéraire de cet intéressant
organe a été confiée à M. Bertol-Graivil, qui n'aban-
donne pas pour cela son poste de rédacteur en chef
du Progrès artistique.
Office de la Presse, de la librairie et des
beaux-arts; siège provisoire, 22, rue Notre-Dame-
de-Nazareth, Paris.
Vente et achat d'imprimeries, librairies, papete-
ries, cession de théâtres, de journaux, etc.
Consultations sur tout ce qui concerne la pro-
priété littéraire et artistique — de 4 à 6 heures.
AVIS AUX MARCHANDS LIBRAIRES
"Vente en gros et au numéro de LA CHANSON
aux Bureaux du Journal, 18, rue Bonaparte ;
Chez Jeanmaire (ancienne maison Martinon),
rue des Bons-Enfants, 32.
Aux Messageries de la Presse, rue du Croissant,
9 et 11, et rue de Lille, 19 et 21.
Chez Girard, libraire-commissionnaire, 13, rue
Monge.
Chez Traslin, rue du Croissant.
Le Directetir-Gérant, A. PATAY.
2* ANNEE.
N" 30.
16 OCTOBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l^r & le 1 6 de chaqiae mois
Secrétaire de la Rédaction
A. LEROY
20 cent, le Numéro
Sans Supplément
IDMINISTRATION <l RÉDACTION
18,- RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an $ fr.
y> six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOMMAIRE : Le Vin du Souvenir, paroles de o. lemaitre/ musique de A. Marcus. — Aux Abonnés et aux Lecteurs c?eLa
Chanson (a. patay.) — Banquet au Caveau (eug. imbert). — Banquet de la Lice Chansonnière (l.-henrylecomte). — Pauvre
Chanson, que vas-tu devenir ? {guorges baillet). — Portrait d'Homère (juliette mancelière).— AM^^'X... (j. larotjier) —
La Patriote (esprit rosier). — Vieille chanson de Lithuanie (bertol-oraivil). — L'Oreiller d'Eglantine (savaudy). — Le
Printemps (oustave delecolle). — Choses et autres. — Bibliographie (eug. imbert, a. a.) — Chronique des Sociétés lyriques
(HENRI MALLET, A. patay). — Annonccs.
LE VIN DU
Paroles inédites de G. LEMAITRE.
Moderato.
gret.teRe. Baissontdans le bon vieux via AI.
_ Ions! ver.sez ver_ sez eu. co_ re Je
sens l'i . vres . se m'é . tour, dir Pour
re . voir tous ceux que j'a_ do _ reVer.
. sez le vin du çou _ ve _ nir
SOUVENIR
Musique nouvelle de A. MARCUS
A dix ans j'allais à la classe ;
Mais avec quelques compagnons,
J'aimais mieux courir à la chasse
Aux abeilles, aux papillons ;
Sur mon sommeil, ma bonne mère,
Veillait comme un ange gardien ;
Et quand je rouvrais la paupière,
Son cœur battait contre le mien.
Allons, versez, etc.
A vingt ans, âge où la jeunesse
A besoin d'air et de chanson.
J'entendis des cris de détresse,
Le bruit du fusil, du canon.
Contre l'ennemi de la France
Qui s'avançait à rangs pressés.
Je combattis avec vaillance :
Jours de gloire à jamais passés !
Allons, versez, etc.
A trente ans, j'avais une belle
(Un soir d'été j'obtins sa foi),
Je n'avais jamais aimé qu'elle,
Elle n'avait aimé que moi.
Hélas ! au printemps de sa vie.
L'écho ne redit plus la voix.
Mais je vois son ombre chérie
Dans mon verre lorsque je bois.
Allons, versez, etc.
Maintenant survient la vieillesse.
Déjà blanchissent mes cheveux.
Illusions, gloire et jeunesse,
• Adieu, je rejoins mes aïeux.
Mais avant que la froide terre
Couvre à jamais mes sens glacés,
J'aime à vous revoir dans mon verre,
Souvenirs des beaux jours passés.
Allons, versez, versez encore :
Je sens l'ivresse m'étourdir,
Pour revoir tout ce que j'adore
Versez le vin du souvenir.
90
LA CHANSON
AUX ABONNÉS ET ÂCX LECTEURS
De La Chanson
Le présent numéro termine notre troisième
semestre; La Chanson compte aujourd'iiui dix-Iiuit
mois' d'existence.
Nous avons commencé par paraître mensuelle-
ment; six mois après nous paraissions tous les quinze
jours, donnant, grâce à la suppression de la couver-
ture, seize pagesde texte par mois, au lieu de douze.
Un grand nombre de nos abonnés et de libraires
nous demandent maintenant ;de paraître toutes les
semaines. Cela certes nous serait très-agréable,
mais nous ne voulons pas donner moins de huit
pages ni augmenter nos prix d'abonnement.
Pour arriver au résultat que nous désirons autant
que personne, c'est-à-dire à donner le double pour
le même prix, nous faisons appel à nos abonnés et
à nos acheteurs au numéro. Que chacun d'eux fasse
de la propagande active en faveur de La Chanson
parmi leurs amis et les personnes que notre publica-
tion intéresse ; que chacun fasse un ou plusieurs
abonnés nouveaux, que nos abonnés des départements
nous mettent en relation avec les libraires de leurs
villes qui s'occupent de la vente des journaux et de la
musique ; que ceux qui ont de l'influence sur les
journaux de leurs localités fassent annoncer La
Chanson avec persistance. — Grâce au résultat de
cette propagande, nous pourrons très-prochainement
paraître toutes les semaines et publier plus prompte-
ment les pièces reçues par notre comité de
rédaction.
Qui parle des chansonniers en dehors de notre
publication? Et ne sera-t-elle pas pour l'avenir, la
seule histoire chansonnière de ce temps? — En
travaillant pour nous, les amis de la chanson travail-
leront donc pour eux-mêmes.
A. PATAY.
Pour nous éviter des frais, nous prions nos
abonnés de nous faire parvenir de suite le montant
de leur réabonnement. Le numéro du l"' novembre
sera envoyé à tous ; ceux qui le conserveront seront
considérés comme réabonnés ; les autres voudront
bien nous renvoyer le numéro avec la mention refusé
sur la bande.
Quelques personnes n'ont pas encore acquitté leur
réabonnement du 1" mai; nous supprimerons,
au 16 novembre, l'envoi du journal à toutes celles
qui ne se mettront pas en règle d'ici là. Le prix du
troisième semestre n'en restera pas moins dû.
SOCIÉTÉ LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 3 OCTOBRE
Un des convives du Caveau se plaignait hier, dans un
couplet, de la persistance du mauvais temps :
Voilà riiîver qui l'ecommence,
s'écriait-il douloureusement. Sa plainte et sa douleur re-
tardent. Les beaux Jours reviennent, au contraire^ et
retiennent encore, soit à la campagne, soit aux eaux, un
grand nombre de visiteurs, ordinairement plus assidus.
D'où, pénurie de chanteurs ; mais, comme dit un pro-
verbe, qui cette fois n'est pas menteur, si l'on n'a pas
la quantité, on se rattrape sur la qualité . Puis, si
l'inédit ne donne pas assez, on a le regain. Une chan-
son, pour n'être pas nouvelle, n'en est pas moins bonne,
si l'on sait bien la choisir. Ainsi a-t-on fait. Nous avons vu
reparaître, et sans nous en plaindre, ces bons et braves
JGendarmes, qu'Allard-Pestel admire et plaint, et le même
auteur nous a conté, dans un rondeau plein de grâce et
de cœur. Ce que peuvent dire deux beaux yeux. Slouton-
Dufraisse nous a redit sa rencontre avec la Voisine de
l'Omnibus. Juteau, d'une voix sympathique, a chanté
la Jeanne de Desforges, qu'on entend toujours avec plaisir,
et que Collignon a illustrée d'une musique remarquable-
ment appropriée au sujet.
L'inédit n'a pas complètement fait défaut. Le Caveau,
qui jamais ne sombre, a inspiré à Piesse des couplets que
j'appellerai patriotiques. Fier de ses amis, de leur courage,
de leur persistance à soutenir le drapeau de la gaie science,
il célèbre en accents émus la pérennité de sa compagnie,
Domestica fada!
Jullien, souvent sérieux et même grave, s'émancipe cette
fois : il chante la Lune, et quelle lune ! Aussi, pourquoi va-
t-il s'asseoir — le soir — sur le gazon humide ? On peut
s'enrhumer partout.' Le remède est auprès du mal : devise
consolante, si elle n'est pas toujours vraie, que Montariol
prétend ériger en pi'incipe; jolis couplets, dans lesquels le
fameux article 7 n'est pas oublié, comme bien Vous pensez,
ni les banquets royalistes de l'autre semaine.
Fénée, comme un vrai chansonnier qu'il est, chante Le
Pour et le Contre. Il excelle dans ces tableaux comiques,
qu'il pousse quelquefois, sans qu'on s'en plaigne, jusqu'à la
charge désopilante. Petit (Jules) est un Phocion ganté : vi-
gueur, mordant, dédain du convenu, sincérité, conviction,
il relève encore ces qualités par un style net, précis, clas-
sique. Voyez sa Chanson à dire, d'où il veuf exclure la
politique, et vous serez de mon avis.
Trois chansons de Charles Vincent, une touchante, une
guerrière et une longue. Tel est son contingent. Ses
Souvenirs sur un vieil air ont un accent personnel qui
charme. Son Tambour est plein d'entrain, et l'auteur sem-
ble, en disant sa chanson, battre la charge comme son
héros.
L'Eau bénite de Cour, du président Grange, présente,
sous la forme d'un tiroir, une série de couplets qui sont
autant de petites comédies. Le directeur du théâtre, qui
trouve trop bonne pour sa scène la pièce qu'on lui pré-
sente et qui renvoie l'auteur aux Français ; le père, qui
promet de donner à un soupirant sa fille dans six ou sept
ans ; le ministre, accueillant un savant qui sollicite et n'ob-
tient pas la croix, par ces mots consolateurs, mais peu
consolants : Vous avez des droits ; tous, et bien d'autres,
donneurs d'eau bénite de Cour. La pièce a dû être redite.
Comme je n'ai pas la prétention d'être complet dans ce
compte-rendu déjà long d'une soirée trop courte, je m'abs-
tiens de citer une chanson à boire, de Piesse, l'Echelle,
de Ripault, et les Couplets d'un Visiteur. Personne ainsi
ne pourra se plaindre.
EuG. IMBERT.
Vient de paraître le Recueil des mots donnés de 1879 (*),
La Cuisine, avec le portrait du président en costume offi-
ciel, toque et veste blanches.
I mandat-poste de
LA CHANSON
91
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 1" OCTOBRE
Octobre est le mois des vendanges et des rentrées ; il
fournit, par conséquent, aux présidents de Sociétés litté-
raires un thème excellent de discours et de toasts ; le salut
aux vins nouveaux et aux amis anciens. M. Eclialié n'a
pas fait faux-bond à la tradition, mais cette fois son toast,
coupé presque en couplets, marchait d'une rapide allure. —
Au fait, pourquoi n'enlend-on jamais de toast chanté "?
J'ai dit que je ne parlerais désormais, dans ces comptes-
rendus, que des œuvres inédites ; je veux faire exception
aujourd'hui en faveur de deux chansons de Le Boullenger,
dites, en souvenir de lui, par ses camarades Echalié et
Chebroux. Chanson d'ouverture et Le Pays îles Cliimères
sont deux productions remarquables d'un poète trop peu
connu.
Les uns s'en vont, les autres arrivent. La Lice fait sans
cesse des recrues nouvelles. Elle a reçu l'autre soir, mem-
bre titulaire, le chansonnier-compositeur .Vlbert Vernaelde,
et, membre libre, M Detouche. Le premier a remercié,
comme il est d'usage, par une chanson de réception presque
improvisée, adroite et bien tournée cependant. Le second
a payé son écot avec une chanson inédite de liéranger —
vous lisez bien : liéranger ! — La pièce intitulée le Père
Degordale, paraît-il, de 1822. J'en ai retenu le refrain :
Pour fêter le Dieu des vendanges,
Le patron de la Cùte-d'Or,
Et, pour bien clianter ses louanges,
Allons chez le père Degor.
C'est, en définitive, un croquis d'ami dans lequel on
cherche vainement à retrouver la touche du maître. N'y
aurait-il pas erreur dans la date annoncée? Et ne serait-ce
pas une des œuvres primilivcs de Déranger auxquelles leurs
cadeltes seules donnent de l'iiilrrèt?
M. Cahen, dans la ChàlcUiuw de Sahitry, a les effusions
d'un estomac reconnaissant, (leorges lîaillet plane de haut
et donne à tous ce patriotique conseil :
Sur nos drapeaux, au lieu de pique,
Citoyens, mettons un flamlieaul
Vous devinez quelles antithèses sont venues sous sa
plume, qu'il a rarement maniée avec autant de vigueur.
Les Trois Compagnons de M. Robinet sont racontés avec
une saveur particulière. Ti'ois amoureux, après une longue
absence, s'attablent sous une tonnelle ; tout en buvant,
chacun vante les charmes de sa belle qui l'attend. Un
bruit de violon se fait entendre soudain ; une noce défile :
dans la mariée, les compagnons, rivaux à leur insu, recon-
naissent leui' maîtresse ; ils se consolent philosophiquement
en vidant leur gobelet. — Anecdote charmante.
M. Hachin nous offre Madelon, chanson drôle sur un
drôle d'air; M. Pingray, les Deux moments, qui ne sont pas
désagrables; M. fiodet, l'Ivresse bleue, chanson bachique à
laquelle la 'Treille de Chebroux fait, un poétique pendant.
M. Caron ne chante pas; il déclame, et de terribles vers
niant Dieu qui ne s'en soucie guère. C'est là précisément le
principal argument de M. Caron ; Dieu ne se fâche pas des
injures qu'on lui adresse, donc Dieu n'est pas. C'est être
cruel que d'exiger de Dieu les petites rancunes d'un homme !
M. Berthier que je n'avais jamais entendu a dit la Coupe
du Temps ot le Choix d'un Ami, deux choses spirituellement
écrites, nnemont débitées. M. Leblanc recommande chaude-
ment aux enfants la lecture ; Georges Baillet plaint la chan-
son poursuivie par l'alexandrin ; M. Vernaelde soupire un
Bandeau d'amour; enfin Imbertîait, dans son Prétendant
résigné, de la bonne satire politique.
Ai-je oublié quelqu'un? — Oui, Jeannin, toujours amusant
dans ses pochades — un peu connues.
Bonne soirée, en somme, et début encourageant des
banquets d'hiver.
L.-Henry LECOMTE.
Nous avons reçu la lettre et la chanson suivantes
que nous publions avec plaisir.
Mon cher Patay,
Nous avons trop l'amour et le culte de la chanson pour
ne point réagir contre le débordement de cette espèce de
littérature tonitioiante qui envahit nos goguettes en ce mo-
ment et qu'on désigne sous le nom de « récits ».
Nous admirons beaucoup leurs auteurs, mais nous pen-
sons cpi'ils feraient mieux de s'adresser à la Comédie Fran-
çaise, ou à tout autre établissement ad hoc où nous irions
les entendre avec plaisir.
La goguette (on l'a dit souvent) est le temple de la
chanson ; pourquoi se tromper de porte ?
Il est vi-ai que chez eux, nos bons curés chantent ou
récitent suivant le prix convenu entre eux et leurs clients ;
mais comme nous ne faisons pas payer, nous demandons à
rester purement dans nos principes.
Je joins à cette lettre une chanson que je vous prie d'in-
sérer dans votre journal. C'est de la critique, soit, mais
de la critique de bon aloi ! Honni soit tpii mal y pense !
Puissent tous mes collègues partager mes sentiments.
Recevez, mon cher Patay, l'assurance de ma profonde
considération.
Georges BAILLET.
PAUVRE mnm, que vamïi devenir
Air : T'en souviens-tu. .. .etc.
Pauvre chanson, de quel fiel on t'abreuve.
Quel vent maudit souffle à ton horizon?
Malgré tes maux, une nouvelle épreuve
S'apprête enoor à ternir ton blason :
S'accompagnant de grands coups de tonnerre
Contre qui rien ne peut te prémunir,
L'Alexandrin te déclare la guerre . . .
Pauvre Chanson, que vas-tu devenir ?
Qu'ils sont heureux les penseurs pleins de flamme
Qu'inspire ainsi tant de fécondité !
Ces mots charmants : Hélas ! mon cœur I mon âmel
Los mènent tous à l'immortalité !
Avec un rien, avec une pensée
Qu'un seul couplet peut trois fois contenir.
En se mouchant, ils font une Odyssée,
Pauvre Chanson, que vas-tu devenir ?
Comme aujourd'hui tout ce qui fait tapage,'
A tort ou non, au succès a des droits,
Ce goût du jour, pour peu qu'il se propage,
Ira bientôt régner au fond des bois :
Les rossignols en apprenant sans peine
Les longs sujets qu'ils devront retenir,
Réciteront des vers à perdre haleine,
Pauvre Chanson, que vas-tu devenir ?
Dans une lutte aimable et fraternelle,
Tous tes enfants se donnent rendez-vous ;
Et c'est à C[ui, pour te rendre plus belle,
De te parer se montrera jaloux :
Partout déjà, l'on discute, l'on prône
Le gai refrain qu'Apollon va bénir. . . .
C'est un poème en huit chants qu'on couronne. . . ,
Pauvre Chanson, que vas-tu devenir?
92
LA CHANSON
Hier encor, sous le masque du Rire,
En quelques mots tu semais en chemin
L'éclair joyeux ou l'ardente satire
Qu'on répétait partout, le lendemain.
Mais, de nos jours (qui donc n'a pas son maître?)
Tes petits vers n'ont qu'à bien se tenir.
Car l'art divin se cote au kilomètre . . .
Pauvre Chanson, que vas-tu devenir?. . .
Adieu, Chanson, adieu ! Fuis loin des hommes,
Et, vers les cieux, prends ton vol, pour toujours.
On est trop fort, dans le siècle oii nous sommes,
Pour croire encor à tes légers discours. . .
Un jour, pourtant, si les peuples fidèles
Revendiquaient ton joyeux souvenir.
Comme autrefois, ouvrant tes larges ailes.
Pauvre Chanson, daigne nous revenir !
Georges BAILLET.
LE PORTRAIJ D'HOMÈRE
Air : Salut, petit cousin germain (Béranger)
Mon cœur aime tous les talents.
Ma main encense toute gloire ;
Petite cigale, mes chants
Pourront-ils vivre en la mémoire ?
Peut-être un peu, car mes héros
Refléteront sur moi, j'espère ;
Aujourd'hui mes légers pipeaux
Vont chanter le portrait d'Homère.
Il est chez nous, c'est un français.
Qui n'a vu sa photographie?
Même noblesse dans les traits.
Même aspect plein de bonhomie.
L'inamovible sénateur.
Vigoureux septuagénaire,
Brillant toujours comme orateur.
N'est-il pas le portrait d'Homère ?
Honnête homme et bon citoyen,
Se guidant par sa conscience.
Plutôt que faire un serment vain ,
Il s'exila loin de la France.
Il y revint dans nos douleurs.
Rapportant son fier caractère
Et vouant sa vie aux labeurs ;
N'est-ce pas le portrait d'Homère?
-Déjà bien jeune adolescent,
Il faisait applaudir sa lyre ;
De nos jours il est le plus grand
Pour drame, poème, satire.
Il a, par son talent si beau.
Le respect de la France entière,
Fière de son Victor Hugo
Comme la Grèce l'est d'Homère.
{Inédit) Juliette MANCELIÈRE.
A MADEMOISELLE **
Aux uns Dieu donne la richesse,
A vous il donna la beauté ;
Je croyais avoir la sagesse,
En vous voyant j'en ai douté.
{Inédit) J. LARGUIER.
A M™» Rosa Bordas
LA PATRIOTE
CHANT NATIONAL
Musique de G. BOYER
Peuple français, souviens-toi de ta gloire
Qu'ont faite illustre à jamais tes aïeux.
Ces fiers guerriers, ces héros dont l'histoire
A consacré les hauts faits merveilleux !
Ce souvenir grandira ton courage
Et ton courage, appui de ton espoir.
Pour repousser tout indigne servage
Te rendra fort à l'heure du devoir.
Que La Patriote toujours
Soit, pour nous, un chant d'espérance,
Un chant de gloire pour la France
A qui nous vouons nos amours.
Si les vertus ont rendu grands nos pères,
Sachons, comme eux, être aussi vertueux
Et nous aurons des destins plus prospères.
Car les vertus font les peuples heureux.
De tout ton cœur aime la République
Qui veut pour tous la sainte Egalité
Et, quand bien haut parle l'honneur civique,
Français, salue en lui la liberté.
Que La Patriote, etc.
N'ayons, Français, qu'une seule et même âme 1
Que l'union préside à nos destins !..
N'est-elle pas un consolant dictame ?
Par l'union soyons républicains !
La République est une bonne mère.
De ses enfants elle veut le bonheur !
Que dans nos mains son drapeau légendaire
Flotte toujours pour la France et l'honneur.
Que La Patriote toujours
Soit, pour nous, un chant d'espérance.
Un chant de gloire pour la France
A qui nous vouons nos amours.
Esprit ROSIER.
CURIOSITES DE LA CHANSON
VIEILLE CHANSON DE LITHUANIE
(Imité d'un chant Lithuanien)
Mamère un jour m'a dit : k Va dans le bois, ma fille,
Chercher la fleur d'hiver et la neige d'été. « —
Un matin, tristement, je quittai ma famille.
Cherchant la fleur d'hiver et la neige d'été.
Je contemplai les bois, les prés, le flot, la vague.
J'entendis un pasteur parler à mon côté :
Tu contemples les bois, les prés, le flot, la vague,
Seul, je puis te donner ce qui te serait cher.
Si tu veux être bonne et me laisser ta bague. —
Voilà ce que tu veux, donne ce qui m'est cher. — |
Dans le bois de sapin va cueillir une branche
Et porte-la chez toi : voilà la Fleur d'Hiver.
Puis quand tes doigts auront déposé cette brancheyj
De ce flot que la mer sur la grève a jeté.
Dans ta ohétive main saisis l'écume blanche.
Et tu posséderas de la Neige d'Eté.
BERTOL-GRAIVIL.
Rédacteur en chef du Progi-ès Artistique.
LA CHANSON
93
BIBLIOGRAPHIE
STROPHES JIILITAXTES, par Ange Péchméja
Paris, 1879, Hachette.
« Un poète singulièrement vigoureux et dans le
fond et dans la forme, disions-nous dans notre compte
rendu du concours libre de La Chansnn (voir numéro
du 1" décembre 1878), c'est assurément l'auteur de
Théanon. Et nous citions le sonnet intitulé Allégorie,
quelques vers de Françoise, à l'ample croupe, et
quelques strophes du Toast.
Nous venons de lire le recueil de M. Péchméja,
car c'est de lui que nous parlions ainsi sans le
connaître, et nous devons avouer que, loin d'avoir
rien à retrancher des éloges que nous écrivions alors,
les expressions nous manquent aujourd'hui pour
caractériser avec justesse son remarquable talent.
Hardi dans sa conception, maître de sa pensée,
il se joue à travers les rhythmes les plus calmes ou
les plus abracadabrants avec une facilité merveilleuse.
Le mot inattendu, maïs juste, arrive de soi-même,
comme chez tant d'autres le mot banal. Sa phrase,
ici hachée et courte, parcourt ailleurs trois ou quatre
strophes d'une seule tenue ; elle rappelle alors la
fameuse période cicéronienne, période divisée par
tronçons mais toujours serpentant, vivace et bondis-
sante, comme parle Moreau, parvenant à son but sans
efforts et le saluant d'un éclair.
Les sources où l'auteur puise ses inspirations sont
toutes élevées : l'amour de la patrie ; la haine du
laid, qui dans l'ordre moral se nomme le mal ; la
soif de l'infini; le mépris de tout ce qui est vil et
bas; l'adoration du vrai, qui est la nudité du beau.
A une bigote, le Paon, sont des portraits vivants
de vérité et d'un comique achevé. La fin du premier
de ces morceaux est sanglante : Crois-tu, dit-il à la
vieille enfiellée,
Que, quand sur Ion vieux corps le prêtre aura chanté,
Les bons vivants que tu déchn'es
Prendront naïvement la puanteur des cires
Pour l'odeur de ta sainteté?
Et le Paon, comme il est peint!
S'il tire son mouchoir, tout le monde éternue.
Dans le genre épique, citons, car il faut choisir,
Régulus, et dans le genre humoristique et touchant,
Une victime, ce pauvre lombric écrasé par un prome-
neur nonchalant :
En me rapetissant, j'avais erandi la bête
Sur laquelle mon pied tomba comme un carreau;
J'avais fait un martyr de ce reptile honnête,
Qui de moi — troc vengeur — faisait un vil bourreau.
Le Revanche, Némésis, Jeux [innocents sont encore
des pièces éminemment remarquables. C'est du
Hugo réussi, et du Hugo jeune.
Illusions perdues : sous ce titre, le poète dépeint
d'abord les rigueurs d'une fière beauté.
— Fière... de son esprit? — Non : l'esprit d'une rose!
— De son savoir, de ses vertus? — Non, je suppose.
Ces rigueurs l'exaspèrent enfin, et la force de son
amour le fait sortir des gonds.
Ma foi, je voulus en finir
Avec ce régime d'attente.
Bref, ivre comme si l'on m'eijt gorgé d'arack.
Sans parler au concierge étant monté chez elle,
J'ouïs, en étreignant de rage son corps frêle,
Quelque chose qui faisait crac.
Alors, au désespoir d'un élan si peu sage.
Bien convaincu d'ailleurs qu'elle se trouvait mal,
Je cherchai des ciseaux, me traitant d'animal,
Pour lui débrider le corsage.
J'y parvins^ mais sa voix n'avait plus de chanson;
Bouche béante, œil clos. Dans l'angoisse prolixe
De ce problème obscur, j'en sollicitais l'x,
Quand soudain des torrents de son '
Jaillirent d'elle, comme un flot d'une rivière.
Du son, et puis du son. Y perdant mon hébreu.
Je me dis à part moi : Serait-ce donc, mon dieu,
De ce son qu'elle était si fière ?
Voilà donc le secret de son orgueil ! Enfer!
Elle était en carton... Elle est en marmelade.
Fort bien, direz-vous ; voilà de la vigueur, de
l'audace, de la couleur. Mais où est dans tout cela
le genre... comment dire?., académique? De pareilles
pièces oseraient-elles se présenter dans un concours,
aux Jeux floraux ou bien à l'Institut?
J'avoue que je n'y avais pas pensé. Mais si l'idée
m'était venue de chercher dans ces vers mâles et
hardis le cachet bourgeoisement modéré et conve-
nablement aplati qui sied, aux yeux de certaines
personnes prudentes et sages, à tout poète cossu et
bien cravaté, j'aurais hautement félicité l'auteur de
n'avoir coupé à sa muse ni les ailes ni les ongles.
N'avons-nous pas assez de versificateurs laiteux?
Acclamons donc le vaillant lutteur ennemi de toute
espèce de masque et même de la feuille de vigne.
Laissons les Prudhommes classiques moisir dans leur
prose mal rimée.
J'aurai voulu citer, au moins par extrait, les
Guerriers fantômes, les Gueux; mais la place me
manque.
Ne nous demandons pas si certains sujets ultra
métaphysiques sont bien du domaine de la poésie.
L'exemple et le succès de M. Peoliméja nous répon-
draient victorieusement. Mentionnons seulement le
sentiment de surprise qu'éprouve un lecteur superfi-
ciel ou léger, lorsque, après un morceau tel que
La Dévote ou Le Paon, par exemple, il se trouve en
face d'un poème sur la science, sur Vêtre et le non
être, sur le négatif, dont l'excès produit la mort, et
sur le positif, qui est la source de la vie.
Annonçons pour finir, l'apparition promise de
nouveaux recueils de M. Péchméja : Les Fruits du
mal, les Fleurs du rêve. Pochades grotesques, etc.,
sans compter plusieurs œuvres théâtrales. Nous
avons du pain sur la planche.
EuG. IMBERT.
A MES HEURES PERDUES, par Louis Goblet.
— Paris, chez E. Rouveyre. — M. L. Goblet a
tort de croire — le croit-il? — qu'il a « perdu ses
heures d en publiant ce coquet petit volume. Le temps
consacré à l'art — quelle que soit la valeur de l'artiste —
n'est jamais du temps mal employé. — Les vers de
M. Goblet sont jeunes : il y a une certaine inex-
périence dans ce début, mais l'auteur ne doit pas se
décourager ; qu'il continue à donner vaillamment à
la littérature les rares loisirs que lui laisse sa situa-
tion, et, sans nul doute, nous aurons promptement
de lui une nouvelle oeuvre qui marquera un progrès
sensible.
(Z a Jeune France) A. A..
94
LA CHANSON
L'OREILLER D'EGLANTINE
Ah ! qu'il est blanc son oreiller :
Doux nid, fine dentelle,
Parfum qu'on ne peut détailler,
Mais qui vous dit : c'est elle.
Sont front a laissé son contour
Sur la plume affaissée :
En le baisant avec amour
Aurait-on sa pensée?...
Ah ! qu'il est blanc son oreiller!
Ah ! s'il parlait son oreiller,
Il en aurait à dire 1
Son cœur vient-il de s'éveiller?
Elle rêve et soupire...
Un sourire, une larme, un rien,
Sont une confidence ;
Le nom qu'elle cache si bien
Il le connaît d'avance...
Ah ! s'il parlait son oreiller !
Ahl que j'aime son oreiller!
Amour, tu t'y révèles :
Pour lui tu dus te dépouiller
Du duvet de tes ailes...
Ne me vient-elle pas de toi
Cette effluve de flamme
Qui fait comme lever en moi
L'aurore de mon âme?
Ah! que j'aime son oreiller!
Ahl si j'étais son oreiller,
L'oreiller d'Eglantine!
La sentir sur moi sommeiller
Dans sa grâce enfantine !
Ma raison se trouble et se perd
En extase muette,
Et crois voir le ciel ouvert
Au dessus de ma tête...
Ahl si j'étais son oreiller!
SAVAUDY.
LE PRINTEMPS
SONNET
Le printemps ouvre ses mains pleines :
Il tombe des milliers de fieurs,
Et voici nos bois et nos plaines
Imprégnés de tendres senteurs.
Les zéphirs aux tièdes haleines.
Captifs dans leur prison d'hiver,
S'échappent en brisant leurs chaînes
Dès que paraît le gazon vert.
L'Amour à leur suite s'élance,
Et lajeunesse recommence
Soudain pour la terre et pour nous;
Et, dans la nature en démence.
Ce n'est plus qu'un baiser immense I
. . .Et les cieux deviennent jaloux I
Gustave DELECOLLE.
CHOSES & AUTRES
Nous avons reçu la note suivante :
Aux termes des statuts de la société des auteurs, com-
positeurs et éditeurs de musique (Agence RoUot), les
sociétaires doivent être réunis en assemblée générale au
moins une fois par an.
Le 28 juin 1879, l'année était écoulée et les sociétaires
n'ont pas été encore convoqués .
Un autre article des statuts dit que des assemblées géné-
rales extraordinaires, pour un objet détermiué, peuvent
avoir lieu dans l'intervalle, et sur la demande écrite de
25 sociétaires.
Une demande d'assemblée générale extraordinaire ayant
pour objet de traiter des questions relatives à l'administra-
tion, signée par 37 sociétan-es, a été remise au syndicat qui
a répondu que l'objet n'était pas suffisant.
Ces Messieurs comptent-ils donc s'éterniser, ou comme on
le croit généralement, n'osent-ils pas se présenter devant
les sociétaires réunis pour prendre la défense de l'Agent
Général RoUot, dont la commission des comptes doit
demander le renvoi pour des motifs graves.
Pour la Commission des Comptes :
Le Sea'étaire,
Louis GABILLAUD,
Les cent trente -neuf poètes qui ont pris part à
notre grand concours en l'honneur de Béranger
nous ont envoyé 359 pièces diverses. Nous rendrons
compte de ce concours aussitôt que les travaux du
Jurj' seront terminés.
L'abondance des matières nous force encore
d'ajourner notre boîte aux lettres.
Nous publierons très-prochainement la longue
liste des pièces admises parle comité d'examen et qui
paraîtront prochainement dans La Chanson.
Notre Concours périodique est ajourné au mois
prochain.
SOUSCRIPTION POUR LA TOMBE DE LEDUC
Société des Enfants du Marais, M. Chaumette
pi'ésident 5 »
MM. A. Patay, directeur de La Chanson 5 »
J. Lavergne, chansonnier 1 »
Denis 2 50
Eugène Baillet, chansonnier 3 »
Eugène Imbert, chansonnier 2 «
Eugène Carlos, homme de lettres 5 »
H.-E. Valère aîné, chansonnier 2 »
Total.... 25 50
La souscription reste ouverte ; nous faisons appel
aux amis de Leduc : La souscription sera close lors-
que nous aurons recueilli cinquante francs.
Le banquet offert à M. Carolus Duran, qui a eu
lieu jeudi soir à YHôtel de l'Europe, a été un écla-
tant triomphe pour le grand artiste lillois. La salle
des fêtes de l'hôtel était comble : la table en fer à
cheval la remplissait toute entière et encore les
convives se trouvaient-ils à l'étroit ; on n'aurait pas
pu placer un couvert de plus.
Le repas terminé, de nombreux chants ont embelli
la suite de la soirée : M. Riquier-Delaunay a bien
voulu interpréter une œuvre d'un enfant du Nord,
illustre aussi, Paris, de Nadaud ; M. Corneillier,
des Orphéonistes, a chanté les Hirondelles; mais
LA CHANSON
95
c'est surtout pour le trouvère si justement cher à
tous les fils de la Flandre, pour Desrousseaux qu'a
été le triomphe.
Sur les instances unanimes qui lui ont été adres-
sées, notre bon chansonnier a dit de la plus exquise
manière V Habit d'mùi grand'père, puis le Pana, et
deux de ses pasquilles, adorables tableaux de genre
des mœurs lilloises. Il serait impossible d'exprimer
le plaisir que ces quatre morceaux ont causé à l'au-
ditoire et qu'ont traduit des rires inextinguibles et
des bravos interminables.
{L'Echo du Nord.)
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La soirée de réouverture donnée le 27 septembre,
boulevard de Strasbourg, 8, café du Globe, par la
société J.a Pastorale, a été des plus brillantes. Dès
8 heures, on ne trouvait plus de places. J'adresse ici
tous mes remercîments à M. le président qui avait eu
la précaution de m'en réserver une. (Puisse son
exemple être suivi par MM. les présidents qui envoient
des lettres d'invitation au journal La Chanson).
La soirée se divisait en trois parties :
1° Romances et chansonnettes par les meilleurs
artistes des sociétés lyriques ;
2° Une scène Des Fourchambault très-bien inter-
prétée par MM. Moria et Guilloton, tous deux de la
Lyre d'Orphée ;
3' Une série d'expériences amusantes de prestidi-
gitation présentées par M. Dikson, professeur, qui
sait joindre à une merveilleuse habileté la courtoisie
la plus exquise.
En somme, bonne soirée qui fait honneur à
M. Damillot, le président. N'oublions pas M. Marcus,
le pianiste-compositeur.
Grande soirée mensuelle le jeudi 2 octobre aux
Enfants d'Apollon. Pas un vide dans la salle. Très-
belle soirée à laquelle MM. Bourges et Debailleul
ont bien voulu prêter leur concours.
Ils en ont été récompensés par des bravos fré-
nétiques. On s'est séparé en se donnant rendez-
vous pour la grande soirée de novembre. M. Emile,
Président, nous ayant promis des merveilles, atten-
dons-nous à être surpris agréablement.
La Fauvette Parisienne a inauguré la réouverture
de ses soirées le 5 octobre, au Palais-Royal. Peu
d'artistes s'y sont fait entendre, mais en revanche,
la qualité a suppléé à la quantité. C'est M. Bellon,
arrivé le premier en scène, qui a déridé les specta-
teurs. Ce jeune artiste possède un beau timbre de
voix et promet un bon comique pour l'avenir. Son
successeur, M. Henri H., est un habitué de nos concerts;
son jeu aisé et guilleret entraîne les applaudis-
sements. L'air du Pardon de Ploërmel a été chanté par
une jeune basse del8 ans environ, M. Lefebvre, qui a en
lui l'étoffe d'un bon chanteur. Quoique n'ayant que
des félicitations à adresser à M. Lefebvre, nous lui
conseillerons cependant de choisir des morceaux un
peu plus courts. M"° Marguerite a été charmante
dans la chanson Méchant, méchante. L'attrait de la
soirée reposait sur MM. Leiris et Jules Raux. De
sa voix fraîche, M. Leiris a dit la Chanson de Mignon
qui a fait soupirer bien des cœurs ! Est venu ensuite
le compositeur Jules Raux qui a détaillé d'une façon
originale les couplets de sa malicieuse chanson
Miaou. Pour clore le récit de cette bonne soirée,
citons encore M. Fernand qui est doué d'un organe
très-agréable, et M. Durel, le sympathique barj'ton à
qui nous reprocherons de ne pas se montrer assez
souvent en public.
Mardi, 7 octobre, grande soirée à la Renaissance
(Café du Globe, 6, Boulevard de Strasbourg). — Un
public nombreux, comme toujours, assistait à cette
soirée où se sont fait entendre les artistes les plus
aimés des Sociétés lyriques. Citons au hasard
MM. Paul Launay, Vincent, Donckèle, MM""" Julia,
Bienvenu, etc., etc. Nous avons entendu et applau-
di un jeune violoniste d'avenir. M. Camille Pugnot,
qui conduit son arciiet avec une agilité merveilleuse
et un talent véritable.
Le programme offrait comme partie dramatique
la reprise du Luthier de Crënone. Nous ne revien-
drons pas sur cette pièce dont notre ami Leroy a
donné un compte-rendu détaillé. Signalons seule-
ment que les interprètes se sont surpassés et que
M. Bigot, qui abordait pour la première fois le rôle
ingrat de Sandro, s'en est fort vaillamment tiré.
Le Luthier de Crémone servait également aux dé-
buts d'une charmante recrue de M. Ramel,M"°Paula,
qui a interprété d'une façon remarquable le rôle
difficile de Gianina. Nous sommes certain d'avance
que M. Ramel, en habile président qu'il est, saura
fixer pour longtemps cette nouvelle étoile.
Nous publierons prochainement l'historique de
la Renaissance, depuis sa fondation.
Les Enfants de la Gaîté, 40, rue des Francs-Bour-
geois, viennent de faire leur réouverture sous la
direction de] M. Sergent père, le nouveau président.
Cette Société prépare une nouvelle grande soirée
pour la statue de Bér.\nger.
Le 20 octobre, grande soirée à YUnion et Gaité.
M. Varenne pr'ésident, 8, boulevard de Strasbourg.
Le dimanche 19 octobre, la société lyrique les
Enfants de la Seine, sous la présidence de M. Can-
tarel, donnera dans son local ordinaire , 20, rue
Palestre, une grande soirée au profit de la sous-
cription pour la statue de Béranger.
Nous invitons toutes les sociétés qui organisent des
soirées pour la souscription Béranger, de nous en
faire part à l'avance pour que nous puissions les
annoncer à. temps. Il en sera rendu compte dans
La Chanson.
L'idée d'une Fédération ■•syndicale des Sociétés
Lyriques Parisiennes fait son chemin. Nous en re-
parlerons prochainement.
Réparons un oubli qui s'est glissé dans notre
dernier numéro. En donnant le compte-rendu de
la grande soirée donnée par la Lyre Amicale,
nous avons omis de citer M. Fortuna Lévy qui,
depuis longtemps, prête son concours à cette Société.
Nous publierons, dans notre prochain numéro,
les comptes-rendus de la réouverture de YUnion ar-
tistique, M.Paulin, président, et de la grande soirée
des Amis du Commerce, très habilement dirigée par
M. Paul Habert. Cette Société donnera le 31 octo-
bre, dans son local ordinaire, 8, boulevard de
Strasbourg, une grande soirée au bénéfice de
M. Bladier, appelé prochainement sous les dra-
peaux. Henry MALLET.
•96
LA CHANSON
Le vingt-cinquième Banquet annuel du Hareng
Saur se tiendra le 1" novembre prochain, jour de
la Toussaint, au restaurant du Cadran, des Buttes
Chaumont, rue Pessart, 7, à 6 heures 1;2 précises.
Prix : 5 francs. On peut souscrire avant le 25 cou-
rant, chez M. Imbert, rue de Belleville, 226, ou aux
bureaux de La Chanson.
AUX AUTEURS ET COMPOSITEURS DE MUSIQUE
Nous recevons depuis longtemps de nombreuses
lettres nous priant de vouloir bien nous charger
d'éditer, pour le compte des Auteurs, soit en grand
format piano, soit en petit format guitare ou même
en cahier populaire. Beaucoup de nos correspon-
dants ont la certitude (et nous sommes de leurs avis)
que, si l'on s'occupait sérieusement de leurs œuvres,
elles obtiendraient les mêmes succès que beaucoup
de celles publiées par les éditeurs qui ne veulent
éditer que des noms connus.
Nous cédons aux demandes qui nous ont été faites
et voulons tenter de faire ressortir le mérite inconnu,
en mettant à la disposition des auteurs nos relations
commerciales. Nous répondrons à toute demande de
renseignements à laquelle sera joint un timbre-
poste. Nous prions nos correspondants, pour simpli-
fier notre travail, de nous dire clairement l'édition
qu'ils désirent, grand foi'mat piano, avec ou sans
gravure ; petit format guitare, avec ou sans gravure.
Nous préparons pou* paraître très-prochainement
des cahiers de chansons à 10 centimes. Nous prions
les auteurs qui voudraient y collaborer de nous
envoyer des chansons à bref délai pour être soumis
au comité d'examen. Les auteurs seront avertis de
celles qui seront reçues pour être publiées aux con-
ditions suivantes : envoyer le montant de cent exem-
plaires qu'ils recevront aussitôt parus (soit dix francs).
C'est de la publicité gratuite, puisque l'auteur est
remboursé intégra,lement en exemplaires. Ces cahiers
sont appelés, croyons-nous, à un grand tirage. Chaque
livraison renfermera une chanson à succès connue,
une chanson avec sa musique, trois ou quatre bonnes
chansons inédites, et souvent le por^rfliV d'un chan-
sonnier ou compositeur populaire.
Nous nous chargeons également de la publication
de volumes ou brochures pour le compte des auteurs,
quel que soit le genre de l'œuvre, après lecture bien
entendu.
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Documents pour servir à la biographie de Balzac :
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d'après nalui'e par A. Queyroy, in-16 carré, papier vergé,
tiré à 200 exemplaires seulement 2 m
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avec un très-curieux fac-similé d'une page d'épreuve corri-
gée, in-16 carré, papier vergé, tiré à 400 exempl. . 2 »
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10 exemplaires, papier de chine, à 6 »
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Lettre a M. Alexandre Dumas fll8, par Albert
Darnelle, broch. iii-8, petit nombre, prix 1 »
La Forêt de Boudy, Distiques par G. Gauny, avec
une eau-forte de Monnin, d'après L. Charbonnel, un volume
in-18 raisin, titre rouge et noir, petit nombre 1 50
De la Démocratie athénienne, par Albert Allenet,
brochure tirée à 200 exemplaires. — Prix » 50
Les Etapes de 89, du même, brochure, prix. . » 50
Le Système électoral de la Révolution Française,
du même, brochure in-8 n 50
La Musique "a la Salle des Pètes pendant l'Expo-
sition Universelle de 1878, par ,\mfi)ée Edéma, brochure de
32 pages in-8. — Prix 1 »
Les Tribulations d'un Exposant, ou les Jurés de la
Classe XI jugés par un Exposant, brochure in-16 carré,
papier teinté » 50
Béranger et la Chanson, conférence faite par Jules
Claretie au Tliéâtre du Château- d'Eau — (Se vend au
profit de la statue de Déranger).— Prix 1 »
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pièce en vers in-'t", 2 colonnes, impression en rouge o 20
Catalogues de Livres à prix marqués. — Envoi sur
demande affranchie.
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Balzac, l'Homme et l'Œluvre, par Champfleury,
orné d'un portrait.
TJn Comédien au dix-neuvième siècle : Frédé-
rick-Lemaitre, Etude artistique sur documents inédits
par L.- Henry Lecomte, 2 forts volumes in-8 avec
portraits .
Anthologie de la Chanson, depuis le XVlIIe siècle
jusqu'à îwsjowrs, avec notes et notices^ par Eugène Baillet,
2 beaux vol. in-18 raisin.
Chansons de Paul Avenel, 5^ édition considérablement
augmentée, avec notes historiques, les portraits de
Victor Noir, Martin Bidauré, Baudin, Barbes et celui de
l'Auteur, un volume in-18.
Georges Baillet, ses premières chansons, avec le por-
trait de l'Auteur et dix Musiques gravées, un volume in-18.
tJn Roman par G. de La Salle, un volume in-18.
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Le vieux Buveur de vin, Clianson. — Paroles de
Brugnière, -Musique de Jules Baux. — Grand format avec
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France, hymne de la Paix. Chant patriotique. Paroles
de L. Sarrade, Musique de Ben-Tayoux, avec gravure grand
formai, accompagnement de piano, net 1 »
Petit format avec gravure, net » 30
L'Enterrement, tableau populaire, paroles d'EuGÈNE
Imbert, musique de Dauvergne, petit format avec gra-
\'ure, net » 30
Les Abeilles, chanson. Paroles de Georges Baillet,
Musi(jue de M"" Anais Brianny, avec gravures : Grand for-
mat et accompagnement de piano, net 1 »
Petit format avec gravure, net » 30
Miaou ! clianson féline. Paroles et Musique de Jules
Baux, grand format sans gravure avec accompagnement
de piano, net _S. " 50
Toutes ces publications seront envoyées franco dans
toute la France à toute personne qui en fera la demande
par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
les demandes au-dessous de 2 francs ou d'un mandat-
poste à partir de cette somme.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY
2* ANNEE. — N» 31.
20 CENT. LE NUMERO
1" NOVEMBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
À. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le !«'' <5cle 16 de chaque mois
les Abonnements partent du 1" Mai & du 1er Novembre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne... » 50
Réclame, — 1 »
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION k RÉDACTION
^ 18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 k
Etranger, le port en sus
SOlsdlIMIJ^IïaE! :
Le Tailleur et la Fée (béranger). — Citants nationaux de
France, élude musicale (a. édéma). — Curiosités de la chanson :
Le Baiser du matin. — Aux Chansonniers {\cmLLE CA.ROti). —
L'Aveugle Amoureux (ch. thuriet). — Le cas du grand
Emile (Emile carré). — La Sonde (cii. egrot et jules
DENIS). — Polichinelle et ma Poupée (albert goullé). —
La Statue de Béranger (n. l.) — Chronique des Sociétés
lyriques (gedhé. h. mallet, b. van camp, a. patay). —
Choses et Autres.
LE TAILLEUR & LA FÉE
publiée par MM. Garnier frères, rue des Saînts-Pères, 6.
édition POPUL^iRB à 10 centimes la livraison
LA CHAl^SON
CHANSON CHANTÉE A MES AMIS LE 19 AOUT
JOUR ANNIVERSAIRE DE MA NAISSANCE
Air d'Angéline (deWiLnEM)
Dans ce Paris plein d'or et de misère,
En l'an du Christ mil sept cent quatre-vingt,
Chezun tailleur, mon pauvre et vieuxgrand-père,
Moi nouveau-né, sachez ce qui m'advint.
Rien ne prédit la gloire d'un Orphée
A mon berceau, qui n'était pas de fleurs :
Mais mon grand-père, accourant à mes pleurs,
Me trouve un jour dans les bras d'une fée ;
Et cette fée, avec de gais refrains, ) , .
Calmait le cri de mes premiers chagrins . \ ""
Le bon vieillard lui dit, l'âme inquiète :
« A cet enfant quel destin est promis ? «
Elle répond : « Vois-le,'sous ma baguette,
« Garçon d'auberge, imprimeur et commis.
« Un coup de foudre ajoute à mes présages : (*)
« Ton fils atteint va jiérir consumé ;
(i Dieu le regarde, et l'oiseau ranimé
« Vole en chantant braver d'autres orages. »
Et puis la fée, avec de gais refrains.
Calmait le cri de mes premiers chagrins.
« Tous les plaisirs, sylphes de la jeunesse,
« Eveilleront sa lyre au sein des nuits.
« Au toit du pauvre il répand l'allégresse ;
« A l'opulence il sauve des ennuis.
« Mais quel spectacle attriste son langage ?
« Tout s'engloutit, et gloire et liberté :
« Comme un pêcheur qui rentre épouvanté,
« Il vient au port raconter leur naufrage . »
Et puis la fée, avec de gais refrains,
Calmait le cri de mes premiers chagrins.
Le vieux tailleur s'écrie : c Eh quoi ! ma fille
« Ne m'a donné qu'un faiseur de chansons !
(c Mieux jour et nuit vaudrait tenir l'aiguille
u Que, faible écho, mourir en de vains sons. »
a Va, dit la fée, à tort tu t'en alarmes ;
« De grands talents ont de moins beaux succès.
« Ses chants légers seront chers aux Français,
« Et du proscrit adouciront les larmes; »
Et puis la fée, avec de gais refrains,
Calmait le cri de mes premiers chagrins.
Amis, hier j'étais faible et morose.
L'aimable fée apparaît à mes yeux.
Ses doigts distraits effeuillent une rose ;
Elle me dit : k Tu te vois déjà vieux.
M Tel qu'aux déserts parfois brille un mirage, (**)
« Aux cœurs vieillis s'offre un doux souvenir.
« Pour te fêter tes amis vont s'unir :
« Longtempsprès d'euxrevis dans un autre âge. »
Et puis lai fée, avec de gais refrains,
Comme autrefois dissipa mes chagrins.
BÉRANGER.
(*) L'auteur fut frappé de la foudre dans sa jeunesse.
(••) Les effets fantastiques du mirage trompent les yeux du voyageur
jusque dans les sables du désert ; il croit voir devant lui des forêts,
des lacs, des ruisseaux, etc.
CHANTS NATIONAUX DE FRANCE
ETUDE MUSICALE
Un chant national ne se commande pas : il nait et s'impose.
Il nait dans une heure de surexcitation, produit de la haine,
du fanatisme ou de l'amour. La Marseillaise est née de la
haine dans le cœur d'un royaliste ; les magnifiques chorals
de Luther.... non, je ne dirai pas qu'ils soient nés du fana-
tisme, ces cantiques victorieux que le grand réformateur,
humanisant le prêtre, resserrant les liens de la famille,
réunissant toutes les pensées sur un livre commun, entonnait
au milieu des villes et dont l'harmonie rayonnait à cent lieues;
non, il sont nés de l'amour, du plus ardent amour dont un
homme ait jamais aimé les hommes. Ces chants qui ont
transporté le peuple, qui pénètrent sans alîoler, qui inspirent
les résolutions durables, chants de paix, d'union et de
fraternité, demeurent des types universels de musique
nationale.
Notre Marseillaise, malgré son irrésistible puissance
d'entraînement, n'est qu'un cri de colère, une voix de
vengeance qui demande du 'sang. Le début, d'un rythme
vulgaire et commun, n'a aucune valeur mélodique, mais la
phrase que l'on chante ensuite
n Contre nous, de la tyrannie
Il L'étendard sanglant est levé, d
dont l'énergie pompeuse me paraît cependant un peu
amoindrie par la chute musicale qui termine la période, fait
jaillir une flamme communicative à laquelle on ne peut se
soustraire.
« Entendez-vous, dans nos campagnes
(i Mugir ces farouches soldats
a Qui viennent jusque dans nos bras,
0 Egorger nos nls et nos compagnes? »
Oui, l'on sent ici la douloureuse indignation, la fureur
concentrée du soldat qui défend son foyer, sa patrie ; l'on
voit se préparer l'élan final dans une progression trop
symétrique pour ne paraître point un pou déclamatoire : ce
n'est pas ainsi que l'artiste réfléchi aurait amené la formi-
dable explosion. Rouget de Lisle n'était pas un vrai
musicien ; il le dit lui-même dans une lettre adressée à
Berlioz : » Votre tête paraît être un volcan toujours en
« éruption ; dans la mienne il n'y eut jamais qu'un feu de
a paille qui s'éteint en fumant encore un peu. . . » L'en-
thousiasme et le génie ne sauraient atteindre à la perfection
sans l'étude : la Marseillaise est une œuvre incomplète dont
le refrain, violent comme un coup de tonnerre, est aussi peu
musical. Elle n'est plus en harmonie avec les idées qui
doivent prévaloir aujourd'hui, elle ne saurait disposer le
peuple aux immenses fédérations que l'avenir nous prépare.
Qu'elle soit conservée cependant ; c'est un document histo-
rique, car si elle fut écrite contre les hordes étrangères ou
émigrées qui voulait supprimer la France, elle n'en garde
pas moins le reflet partiel d'une époque d'afli'anchissement
à jamais glorieuse.
Comme chant national, à la Marseillaise, je préférerais
de beaucoup le Chant du Départ. Cet hymne se développe
noblement comme un principe vainqueur qui s'impose; là,
point de surexcitation factice, point de déclamation, point
de désordre rythmique. Le motif s'élève sans secousse et
l'émotion gagne de proche en proche jusqu'au moment où
s'épanouit le refrain dont l'accent est véritablement épique.
Je n'ai rien à dire du Chant des Girondins, composition
médiocre où l'on trouve pom'tant une phrase pleine de
tristesse héroïque :
n Mourir pour la patrie u
ni de l'air ridicide et niais
K Partant pour la Syrie... d •
Nous avons encore bien des chants plus ou moins natio-
naux, beaucoup de cantiques, beaucoup de Noëis et un
certain nombre de vieux motifs d'une très-grande valeur
que l'église nous a conservés : j'en parlerai dans d'autres
articles si les lecteurs Ae La Chanson s'intéressent à ces
petites études. Au reste, le véritable chant national de notre
pays n'existe pas encore.
LA CHANSON
99
En 1844, Berlioz écrivit un Hymne à la France sur des
vers d'une insuffisance notoire signés : Auguste Barbier. Une
poésie toujours faible et par instants ridicule, ne pouvait
embraser le cerveau de lierlioz, aussi, cette collaboration
ne nous a-l-elle donné qu'un admirable morceau de concert,
produit d'une imagination toujours attirée vers les formes
grandioses, ■ toujours féconde, toujours sûre d'elle-même,
toujours secondée par l'entente la plus parfaite des combi-
naisons expressives; pour un chant national, il faut quel-
que chose de plus : if faut que, pendant l'orage, un éclair
ait tracé dans tous les cœurs l'ineffaçable sillon, ou bien
que dans une heure d'irrésistible entraînement, une voix ait
chanté ce qu'éprouvaient cent mille poitrines.
On frémit en pensant à l'œuvre qui aurait pu voir le jour
si le nouveau lieelhoven que nous avons perdu il'y a dix ans,
si Heclor Berlioz avait réussi à entraîner une fois tous les
cœurs français. Mais le passé ne nous appartient pas : regar-
dons l'avenir et attendons.
Attendons qu'un autre génie apparaisse pour célébrer
dignement notre pairie, et, puisque nous n avons pas de
chant national, rappelons-nous que l'Hymne à la France est
digne de figurer à toutes nos fêtes populaires.
A. EDÉMA.
CURIOSITES DE LA CHANSON
LE BAISER DU MATIN (')
Air connu
A ton i^éveil la volupté préside,
De tous ses feux elle embrase mon sein
Et son nectar est sur ta bouche humide
Quand je reçois le baiser du matin.
Vois s'entr'ouvrir cette rose vermeille,
Près d'elle accourt un amoureux essaim :
Parfum de rose et doux miel de l'abeille
Sont sur ta lèvre au baiser du matin 1
Au jour naissant lorsque vient la rosée,
La pâle fleur se ranime soudain ;
Plus douue encore à mon âme embrasée
Est la fraîcheur du baiser du matin !
Entre tes bras, aimable enchanteresse.
Heureux le soir j'attends un jour serein,
Si l'amour dort vaincu par ton ivresse
Il se réveille au baiser du matin I
(•) Cette poésie fut chantée dans les rues de Paris, jouée
sur l'orgue vers 1821, noua assuret-on. L'auteur nous est
inconnu.
A. P.
AUX CHANSONNIERS
Ait' à faire
0 chansonniers, à l'art restez fidèles.
Et, sans cesser d'être parfois moqueurs.
Que vos chansons emportent sur leurs ailes.
Bien haut toujours les esprits et les cœurs!
Eh quoi! dit-on, la chanson serait morte,
Dont les accents plaisaient aux travailleurs?
Le temps n'est plus de l'œuvre saine et forte
Qui leur versait l'espoir de jours meilleurs ;
Serait-il vrai que maintenant la foule
Que si longtemps l'amour du beau guida.
D'obscénités demande qu'on la soûle.
Et n'applaudit qu'aux « Amants d'Amanda. »
N'en croyez rien, à l'art restez, etc.
Ah ! pour le peuple, amis, c'est une insulte,
Et si son âme a soif de chants joyeux.
Fils de la Gaule, il a gardé le culte
Des fins couplets qui charmaient ses aïeux;
Il ne hait point la gaîté large et folle
Et le mot leste et badin lui sourit,
Mais il entend qu'au moins la gaudriole
Soit saupoudrée aussi d'un peu d'esprit.
0 chansonniers, etc.
Tout en chantant la paix et l'industrie,
Que votre Muse, en ses mâles accords.
Fasse germer l'amour de la patrie.
Car seul il fait les pays vraiment forts.
Que de héros créa la Marseillaise,
Courant joyeux au devant des périls !
De son refrain jaillit quatre-vingt-treize,
Les chants virils font les peuple virils.
0 chansonniers, etc.
Sans trop vouloir viser au sacerdoce.
Dans vos couplets glissez quelques conseils ;
Que l'art pour vous ne soit pas un négoce,
Qu'il soit la force aidant aux fiers réveils I
Par vos chansons faites œuvre civique ;
En enseignant la solidarité,
Faites à tous aimer la République
Qui dans ses flancs porte la liberté !
0 chansonniers, à l'art restez fidèles
Et, sans cesser d'être parfois moqueurs.
Que vos chansons emportent sur leurs ailes,
Bien haut toujours les esprits et les cœurs I
Achille CARON.
L'AVEUGLE AMOUREUX
Air de Lantara, de Dociib
Lorsqu'au gai printemps de la vie,
Nous comptions nos plus heureux jours,
Les dames faisaient notre envie :
Où sont nos premières amours?
Alors, dans de vives prunelles,
Nous lisions plus d'un doux espoir :
Comment ne pas aimer les belles.
Quand on a des yeux pour les voir?
Plus tard ce fut bien autre chose,
Aux jours brûlants de notre été,
Femmes plus fraîches que les roses.
Quel pouvoir eut votre beauté !
En vain, vous étiez trop cruelles ;
Vous nous mettiez au désespoir :
Comment ne pas vous aimer, belles.
Quand on a des yeux pour vous voir?
A présent, je n'y vois plus goutte,
Pauvre aveugle sans avenir!
Des fleurs qu'on cueille sur sa route.
Je n'ai plus que le souvenir...
Mais, rempli d'ardeurs éternelles.
Mon cœur encor fait son devoir.
Comment ne pas vous aimer, belles,
Quand on eut des yeux pour vous voir ?
Ch. THURIET.
100
LA CHANSON
LE CAS DU GRAND EMILE
PAR UN PETIT EMILE
Un auteur admirable
A surgi dans Paris ;
Sa gloire incomparable
Occupe les esprits.
Il paraît que sur mille
Pas un n'a son savoir.
Ce grand homme est Emile ;
Il a fait... l'Assommoir.
Les jaloux font tapage
Et poussent des
Holà!
Mais on n'a pas d'ouvrage
Ecrit dans ces
Eaux-là.
En prince des critiques,
Oser juger d'un mot
Les hommes politiques
Et notre maître Hugo,
C'est, dit-on, de l'audace !
On le peut quand on a
Effacé même Horace,
En écrivant... Nana.
Les jaloux, etc.
Des romanciers prophètes
Emile est le plus fort ;
Ses œuvres si bien faites
Ont poussé sans effort.
Vous qui voulez qu'en prose
On écrive avec art,
Lisez Bouton' de Rose
Et les Rougon-Macquard.
Les jaloux, etc.
On a fait Joséphine
Et l'Amant d'Amanda.
Puis d'une plume fine
Est sorti Canada._
Ces poèmes sublimes
Et faits pour émouvoir,
Sont des œuvres infimes
Auprès de l'Assomm-oir.
Les jaloux, etc.
Autant qu'il est modeste
Emile est érudit,
C'est moi qui vous l'atteste
Et c^est lui qui le dit.
Quand on veut faire école
Et qu'on fit C Assommoir
J'admets qu'on se cajole
A grands coups d'encensoir.
Les jaloux, etc.
La République existe,
Il lui souffle tout bas :
« Deviens naturaliste,
Ou tune seras pas ■».
La sentence profonde
De ce roi des savants
Fera le tour du monde
Ainsi que ses romans.
Les jaloux font tapage
Et poussent des
Holà!
Mais il n'est pas d'ouvrage
Ecrit dans ces
Eaux-là !
Emile CARRÉ.
D'une correspondance adressée à M. Laborde, notaire à
Saint-Gîniez-de-Dromour (Basses-Alpes) nous extrayons l'effu-
sion poétique suivante qui est une excellente préface à la
chanson du même auteur publiée à la suite :
Cher Monsieur,
Epris de vos horizons sans fin, de vos monts
altiers, de vos collines, de vos vallons profonds, de
vos ravins tortueux, vrais précipices vertigineux,
incommensurables ; de vos sentiers sans équilibre, si
périlleux, tout crevassés; vos belles cascades, si bien
étagées, ondoyantes ; ces ruisseaux serpentants et
fugitifs... enfin ces vents, parfois si fougueux...
tandis que l'air toujours cadencé du haut de vos
montagnes, rend gai. Tout cela charme, enchante
et vous rive à ces âmes qu'on trouve-là, si pré-
venantes, si bonnes, si hospitalières, qu'on est tout
surpris d'être sur la terre, quand on se croirait aux
cieux.
Jules DENIS.'
LA SONDE
Si de l'éther sans fin, l'homme a percé la voûte ;
S'il a, hardi chercheur, déterminé la route
De tant d'astres aux cieux ;
Des entrailles du globe en fouillant le mystère,
Moderne Prométhée, il dérobe à la terre
Ses secrets précieux.
C'est la sonde,
Qui du monde
Dévoile à nos regards tant de trésors divers ;
A la sonde
Si féconde.
De nos accents joyeux consacrons les concerts.
Voyez-vous au Levant ces steppes innombrables?
Des pays africains connaissez-vous les sables,
Spectacle désolant?
Qui donc un jour rompra la solitude morne,
Qui donnera la vie aux horizons sans borne
De ce sol dévorant ?
C'est la sonde,
Qui de l'onde
Et de tous ses bienfaits dotera les déserts;
A la sonde
Si féconde.
De nos accents joyeux consacrons les concerts.
Qui fait mugir ainsi cette machine énorme ?
Qui peut communiquer, à cette masse informe,
Des efforts si puissants ? [lonne ;
Par l'anthracite en feu l'eau dans ses fiancs bouil-
Et le monstre bondit et de vapeur sillonne
Les airs retentissants.
LA CHANSON
101
Et la sonde,
Par le monde,
De nos coursiers de feu fait jaillir les éclairs ;
A la sonde,
Si féconde
De nos accents joyeux consacrons les concerts.
De tant de régions, pour aborder la rive
A travers l'Océan, la voile est trop tardive.
Les vents trop inconstants ;
Poussé par son essence à la limite extrême,
Des arts qu'il a créés, l'homme, arbitre suprême,
A su vaincre le temps.
C'est la sonde.
Qui du monde.
Par l'hélice emportés nous fait franchir les mers ;
A la sonde,
Si féconde
De nos accents joyeux consacrons les concerts.
Imposant au génie une indigne barrière.
Qui peut dire au mortel lancé dans la carrière :
« Là, ton rôle est fini? »
Son destin lui permet un règne sans partage ;
Il suit avec amour le séduisant mirage
Du champ de l'infini.
C'est la sonde,
Qui du monde,
Dévoile à nos regards tant de trésors divers ;
A la sonde
Si féconde.
De nos joyeux accents consacrons les concerts.
Ch. EGROT et Jules DENIS.
POLICHINELLE ET M.\ POUPÉE
Musique à faire
Ce fut le premier jour de l'an
Qu'on nous les donna pour étrenne.
Nous nous étions avec Etienne
Rencontrés chez bonne maman.
L'une nonchalamment couchée,
L'autre sur l'étagère assis,
Ils semblaient déjà bons amis,
Polichinelle et ma poupée.
Dès qu'Etienne en ses mains l'eut pris
Et qu'il eut tiré la ficelle,
Voilà-t-il pas Polichinelle
Qui s'agite et fait de grands cris?
Elle parut fort effrayée,
Baissa modestement les yeux...
Puis ils se sourirent tous deux,
Polichinelle et ma poupée.
Ils s'aiment tous les deux d'amour.
Me dit mon cousin à l'oreille.
"Vraiment! Tu crois? C'est à merveille.
Voyons-les se faire la cour.
Il la tenait entrelacée ;
Il gambadait, il criait fort.
Ils paraissaient très-bien d'accord,
Polichinelle et ma poupée.
Hélas la ficelle a cassé ;
Polichinelle reste inerte,
De Margot la robe est ouverte,
Et le beau châle est tout froissé.
Voilà de belles équipées,
Dit grand'maman. mes chers amours,
C'est là qu'en arrivent toujours
Polichinelles et poupées.
Londres. ALBERT GOULLÉ.
LA STATUE DE BÉRANGER
La réunion générale du Comité Béraiiger, relardée par
l'absence de divers membres, a eu lieu, vendredi 24 octobre,
chez M. Murât, conseiller municipal. M. Spuller, député du
troisième arrondissement, présidait. Après lecture, par le
secrétaire L.-Henry Lecomte, d'un rapport concluant à la
nécessité d'une action vigoureuse et immédiate, l'assemblée
a nommé une délégation composée de j\lM. Murât, Charles
Vincent et A. Palay, à l'ellet de voir les directeurs des
grands journaux acquis au Comité, pour les inviter à ouvrir
sans retai'd la souscription dans leurs colonnes. Les délé-
gués rendront compte du résultai de ces démarches au
début de la prochaine réunion générale, fi.xée au jeudi
0 novembre.
Vingt mille francs restent à recueillir. Dès aujourd'hui,
les amis de la chanson et les citoyens sympathiques à notre
œuvre sont invites à la plus active propagande. Oi'phéons,
sociétés lyriques, cénacles littéraires, concerts, tous, à
Paris ^ou en province, ont le devoir d'apporter, à la statue
de Déranger, une coniributinn ti'ès-large.
La Life Cliinisoiinicrc et la société lyrique dos Enfants
de lu Si'iiH' viennent de commencer la campagne délinitive
par des soiiées extraordinaires dont il est parlé plus loin. Ce
sont là des exemples qui veulent être unanimement suivis.
M. Spuller, président elleclil' du Comité, a l'enouvelé,
l'autre soir l'offre qu'il avait déjà faite de collaborer person-
nellement à l'œuvre par la plume et par la parole. Cette
offre sera sans doute bientôt utilisée, de même que celle
faite, dans des termes identuiues, par M. Tony Révillon.
Vouloir suffit. A la besogne, partout et tous, et la statue
de Béranger sera dressée, le jour dit, à la grande gloire de
l'esprit français.
H. L.
La première soirce-goguotte organisée par La Lice
Chansonnière au profit de la statue de liéranger a eu lieu
le 15 octobre, aux Vendanges de Bourgogne. Malgré le
mauvais temps, l'assistance était nombreuse. Nous avons
peu de chose à dire de la soirée en elle-même. Les dames y
étant admises, les chansonniers ont dit surtout leurs œuvres
consacrées par le succès. Sentimentales, patriotiques, lestes
même, il y en avait pour tous les goûts. Un bon point à
MM. Hachin, Imbert et Chebroux, qui ont chanté des pro-
ductions inédites. La causerie de M. Eugène Baillet sur
Béranger chansonnier a fait le plus grand plaisir. — Résul-
tat delà soirée : 85 francs verses à la souscription.
L'abondance des pièces envoyées au concours ouvert à
cette occasion n'a pas permis de rendre le jugement séance
tenante. Voici les chansons couronnées quelques jours plus
tard par les membres du Jury, MM. Chebroux, Imbert et
René Ponsard. !<"■ Prix : les Deux chats; 2^ Prix : le Gar-
deur de cochons; 3" Prix : les deux Réveils; Mentions
HONORABLES : le Phylloxéra, les Roseaux^ Fais wie chanson
sur moi.
Nous prions les auteurs des pièces couronnées de se faire
connaître ; leurs œuvres seront insérées dans le prochain
numéro de La Chanson.
Les prix ainsi que les manuscrits des chansons non cou-
ronnées sont déposés aux bureaux de La Chanson, où ils
seront délivrés tous les jours à partir du i"^ novembre.
38 poètes avaient concouru.
Merci et bravo à nos camarades de La Lice.
102
LA CHANSON
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La grande soirée donnée par la société lyrique et
chorale des Enfants de la Seine, au profit de la
souscription Béranger, a été des plus attrayantes
et entièrement consacrée à l'immortel chansonnier.
M. Bovério a dit les Stances à Béranger d'Armand
Silvestre. Cette remarquable poésie a été publiée
dans notre n° 18. M. J. Kocli a interprété le Petit
marchand de chansons, de F. Bérat; M"' Victorine a
aussi chanté de F. Bérat la Lisette de Béranger : ces
deux, œuvres étaient tout-à-fait de circonstance.
M. Eugène Kock a chanté les Hirondelles, avec accom-
pagnement du choi'al, M. Berthier, Roger Bontemps,
M. Debette, le Ménétrier de Meudon, M. Emanuel,
le Sénateur. Les Gaulois et ks Francs ont été inter-
prétés par le Choral, chaque couplet chanté par un
sociétaire. L'idée était heureuse et fort originale.
M. Branss a chanté Jupiter et les poètes. Quoique
n'étant pas de Béranger, cette chanson se rattachait
comme les chansons de Bérat, à la circonstance.
M"° Eugénie a bien interprété la Fille du Peuple ;
M. Perrot a chanté en costume le Carillonneur, de la
bonne façon ; les Rossignols, duo parfaitement inter-
prété par M"° Maria et M. Eugène Koch. Toutes ces
œuvres de Béranger, interprétées par la jeune géné-
ration, ont prouvé une fois de plus par les marques
de satisfaction que les assistants ont traduites par
de nombreux bravos très mérités, que les œuvres du
grand chansonnier n'avaient pas vieilli. Les airs seuls
sont vieux. Que les compositeurs fassent de la mu-
sique nouvelle et Béranger sera encore une fois dans
toutes les bouches. Il y a dans son œuvre quantité
de chansons qui seront toujours d'actualité.
La soirée a fini par des stances à Béranger écrites
spécialement pour cette soirée par M. Ch. Haas, et
dites avec un peu trop d'emportement par M. Bergier.
Que M. Ch. Haas nous permette aussi de lui dire
qu'il s'est trop fréquemment écarté de son
sujet. Ces deux messieurs sont jeunes, j'espère qu'ils
ne verront pas là de notre part une critique, mais
un conseil amical.
M. Jules Denis avait encore obligeamment prêté
le splendide et très-ressemblant buste de Béranger,
par M"° Fanny Davesne.
La société avait organisé une loterie avec 138 lots
offerts en grande partie par les visiteurs assidus et
les sociétaires. Le produit de cette loterie, dont le
prix du billet n'était que de 10 centimes (notez qu'il
y avait une pendule et d'autres lots fort beaux)
a été de 200 Francs. Cela prouve le grand désir
que cette société avait d'apporter sa part à l'érection
de la statue de Béranger. Nous remercions très-
chaleureusement MM. les sociétaires des Enfants
de la Seine et M. Cantarel, leur président infa-
tigable, non-seulement au nom du journal La Chan-
son, mais aussi au nom du Comité. Nous avons
l'assurance que les autres sociétés tiendront, elles^
aussi, à organiser une soirée au profit de la statue.
A. P.
Concert des Folies Saint-Martin, 64, faubourg
Saint-Martin. Je suis allé faire un tour dans ce
nouvel établissement, qui est, à mon avis, le concert
le plus élégant du quartier, ^où se trouvent groupés
. tous les premiers établissements de ce genre.
Son Jardin d'hiver est une merveille : je rends
hommage à l'habile architecte qui a pu opérer Cette
transformation ; j'aurais cru qu'une fée seule pouvait
accomplir un tel prodige.
Le répertoire est parfait et la troupe excellente ;
citons au hasard quelques noms : MM. Caudieux,
Dubois, Benézit, Sautereau, Thise, M"" Vallu,
Aurohe, Sarita, Blanche, etc.
Inutile de faire de la réclame pour ce concert, les
bravos du public l'ont déjà fait connaître du Bou-
levard Saint-Denis au Boulevard des Etudiants, que
Caudieux célèbre dans une chanson qui sera le succès
de l'année, bien certainement.
GÉDHÉ.
Jeudi 2 octobre, grande soirée aux Enfants
d'Apollon,!^, faubourg Saint-Martin. Inauguration
des grandes soirées mensuelles du Saint-Jeudi.
Une très-agréable innovation due à M. Emile,
président de cette société, a apporté un charme de
plus à cette réunion. Le bureau était tenu par trois
charmantes demoiselles, toutes trois vêtues de
blanc. M"° Dolonne, la présidente du jour, portait
en sautoir un large ruban blanc. Le ruban bleu de
M"° Sarto, la jolie vice-présidente, faisait ressortir
très-agréablement les roses de son teint ; enfin la
jeune M"° Blondelet portait fort coquettement
l'écharpe rouge.
M. Léopold a ouvert la séance avec une verve et
un entrain remarquables par Instruire en amusant.
M. Victor Métayer lui a succédé, revêtu pour la
circonstance d'un costume très-original ; il a recueilli,
en chantant Patachon, les bravos de tous.
M.Bladiera dit: Sans avoir l'air de ?Ven;M"°Le-
large La fête de Boulogne; M. Pacra fils, Je pleure
ma pipe. Dire que M. Bourges s'est fait entendre
dans : C'est pas généreux et Ma politique à moi, la
voilà, et que M. Debailleul a chanté avec autant de
talent que de charme : Le Déjeuner sur l'herbe, dis-
pense de tous commentaires ; les nombreux bravos
auxquels ces deux excellents artistes du XIX" siècle
sont accoutumés ne leur ont pas fait défaut. •
Great attraction : M. X. . . a peint à l'huile, en
2 minutes I;2, un fort joli paysage; puis M. Habert
a dit : Le Marchand de Mottes, Ambroise, Turlurette,
David, Tu dis si bien je faime, MM. Vincent avec :
Le Retour de l'exilé, Plantey, La Mule dé Pedro, et
Georges avec Jeàn-Bart, ont su charmer l'assemblée.
M"" Adèle a chanté avec talent : Oiseau léger, en
s'accompagnant au piano.
M"° Marie a dit coquettement : Colifichets nouveaux,
et avec grâce Pas si vite, et M"° Julia n'a trompé
personne en disant : Les hommes, il n'y a rien de
meilleur .
Malgré l'heure avancée, c'est avec plaisir que l'on
a entendu : Une femme qui mord, vaudeville en un
acte, interprété par MM. Marigny et Perret et la j
charmante M"° Elisa.
Succès oblige, et c'est avec impatience que le
Saint-Jeudi de novembre est attendu, car, à coup
sûr, il ne le cédera en rien à son aîné.
Un Amateur très-satisfait.
La grande soirée lyrique donnée le 10 octobre,
café du Globe par le Cercle des An^is du Commerce,
M. Habert, président, n'a pas été moins brillante
que les précédentes, malgré quelques vides dans la
salle. Notre format nous empêche de signaler
tous les artistes qui s'y sont fait entendre. Citons
J
LA CHANSON
103
seulement MM. Adrien Souchet, l'excellent comique,
Charles Cerf, Marcus, M"° Lucie, etc.
, En somme, agréable soirée, ce qui d'ailleurs est
d'habitude au Cercle des Amis du Commerce.
Répondant à l'aimable invitation que nous avait
envoyée M. Durrieu, président du Cercle Musset,
nous avons assisté à la grande soirée mensuelle
donnée le samedi 11 octobre. Salle bien garnie, bons
chanteurs, en un mot charmante soirée. Citons en
premier parmi les artistes que nous avons entendus,
MM. Berlioz, Andral, Urbain, Durrieu, Bertain du
Conservatoire, la petite Emilie Préaux et d'autres
noms que le manque de place nous empêche de
nommer, puis l'excellent accompagnateur Cane,
pianiste du Cercle Musset et de la Renaissance.
H. MALLET.
La soirée donnée le mercredi 15 octobre, au béné-
fice de notre excellent ami Marty par les sociétés
lyriques la Renaissance et les Gais Mo?nusiens, au
siège social de cette société, café Bouret, 44, boule-
vard du Temple, a dépassé au point de vue artis-
tique tout ce que le bénéficiaire osait espérer.
M. Moria a été désopilant dans un Voyage dans mes
poches, spirituel monologue, MM. Paul Launay,
Buisseret, Denis, le petit Dever, M"°' Julia et Laure
ont fait assaut de verve et de talent. M. Albert P...
du Conservatoire qui avait bien voulu prêter son
concours pour cette soirée, en a été récompensé
par des applaudissements sans fin.
M"" Dolls, l'étoile des sociétés lyriques, a obtenu
dans Estevanille Gunzalès, un acte en prose qu'elle
interprétait avec MM. Moria et Marty, le légitime
succès que lui valent sa diction juste et son incon-
testable talent. Excellente soirée pour le public et
pour notre ami Marty.
Eugène VAN CAMP.
Le lundi 20 octobre, très-belle soirée donnée par
la société lyrique Union et Gaîté à l'occasion de sa
dixième grande réunion.
Les meilleurs artistes des sociétés Ij^riques
s'étaient donné rendez-vous au café du Globe ; nous
y avons remarqué MM . Marcus , Andral , Paul
Launay, le sympathique baryton de la Renaissance,
Bergier, Jules Raux, Berlioz et Urbain, tous deux
membres d'honneur, Lemaire, Gabriel, M""" Julia,
membre d'honneur, la petite Préaux, Berthe,
Adèle, etc. M. Jules Raux a chaxiié Miaou àla satis-
faction générale.
Nous adressons nos compliments à M. Varenne,
dont la courtoisie attire de tels éléments aux grandes
soirées données par la société qu'il préside.
La Société nationale des Orphéonistes Lillois a
donné , le lundi 27 octobre, sa première soirée musicale
de l'hiver 1879-1880.
On y a entendu comme instrumentistes M. Brug-
geman, pianiste, et M. Gruson, flûtiste. Le premier
s'est fait vivement applaudir, en jouant d'abord
l'Invitation à la valse de Weber, puis le Bananier,
de Gotschalk, et le second a fait une ample moisson.
de bravos en exécutant deux fantaisies : l'une sur
les Huguenots, l'autre sur la Promise.
La pai'tie vocale était confiée à trois des meilleurs
solistes de la célèbre société chorale. M. Muissart,
baryton, a dit avec beaucoup de goût et de sentiment
la Cauatine de Robert Bruce (Halevy) et Un soir de
Mai de Faure. M. Morel, ténor, a dit une jolie
romance d'un artiste de Douai, M. Détrain, et dont
voici le titre : Le Carillonneiir Flamand, et M. Auguste
Leclercq, basse, a chanté magistralement le grand
air de S émir amis ; ces deux derniers ont interprété
en véritables artistes le morceau capital de la soirée :
le duo de Guillaume Tel ( G Mathilde !)
Un jeune homme, qui se destine, dit-on, au théâtre,
a fort bien récité La Grève des Forgerons.
Enfin, un chanteur de genre, M. Rutteau, a charmé
l'auditoire enchantant, pour mieux dire, en jouant
les quatre chansonnettes dont voici les titres : Je me
rapapillotte (Tauven) ; le Portrait de ma tante (Wachs);
les Idées de Christophe (Massayé) ; Chez mes voisins
(Thuillier).
En somme, excellente soirée.
La Renaissance donnera très-prochainement, sur
une de nos grandes scènes parisiennes, un bénéfice
pour Lebassy, le chanteur aimé que tout le monde a
applaudi dans ses nombreuses créations et qui est
en ce moment malade à l'hôpital. Ce bénéfice sera
donné avec le concours d'artistes de tous les ihéâtres
et concerts de Paris toujours prêts à secourir l'in-
fortune d'un camarade et parmi lesquels figurent
M. Lassalle, de l'Opéra, M™"' Judic et Thérésa.
Nous donnerons, dans notre prochain numéro, le
programme de cette soirée, une des plus belles sans
contredit de toutes celles organisées sous le patro-
nage d'une société lyrique.
H. MALLET.
A La Cordiale, le jeudi G novembre, grande soirée
d'installation dans son nouveau local. Café hollandais,
50, galerie Montpensier (Palais-Roj'al).
La société h'rique et chorale des Enfants dç la
Seine donnera, le dimanche 9 novembi'e, sa grande
soirée lyrique et dramatique, dans son local ordinaire,
20, rue Palestro, à 7 heures du soir.
Dimanche 9 novembre. Concert de Lyon, 12, rue
de Lyon, à 1 heure, Matinée offerte à ses membres
honoraires par la société l'Alliance Chorale de Paris,
sous la direction de M. Amuat, avec le concours
d'artistes distingués de l'orchestre des Trouvères,
dirigé par M. Jules Raux.
Le Cercle Intime, M.Victor Garnot, président,
a donné, le 25 octobre, sa grande soii'ée de réouver-
ture ; nous en rendrons compte dans notre prochain
numéro.
SOUSCRIPTION POUR LA TOMBE DE LEDUC
M . Sauvanet 3 fr;
Total 28 50
Nous faisons un dernier appel aux amis de Leduc.
CHOSES & AUTRES
Le prochain numéro de La Chanson con-
tiendra le compte-rendu du grand concours
poétique ouvert par elle en l'honneur de
Béranger.
M. Jules Claretie, dont on joue en ce moment
les Mirabeau au théâtre des Nations, prépare une
saison prochaine brillante.
On annonce, en effet, qu'il est l'auteur de la pièce
104
LA CHANSON
qui succédera à la Vénus Noire ; cette pièce est inti-
tulée le Clown. M. Dumaine en jouera le rôle principal.
■ C'est également un drame de M. Claretie qui
suivra Cendrillon, quand la féerie de la Porte-Saint-
Martin voudra le permettre.
L'impartialité nous fait un devoir de reproduire
la lettre suivante adressée au rédacteur en chef
du Figaro, en réponse à la lettre de M. Gabillaud,
publiée dans ce journal et par plusieurs autres .
« Monsieur,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'en réponse à
la lettre de M. L. Gabillaud, lettre parue dans le
numéro du Figai'o de ce jour, 7 octobre, je viens de
donner les ordres nécessaires pour faire assigner
M. Gabillaud en diffamation, par devant le Tribunal
de police correctionnelle, à sa plus prochaine au-
dience.
« Je vous serai infiniment obligé de vouloir bien
insérer la présente lettre dans votre plus prochain
numéro.
(( Avec mes remercîments, veuillez agréer, etc.
L. ROLLOT.
H Agent général de la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique. »
Le commandant Orse, chevalier de la légion d'hon-
neur,auteur à-esJaiiissaires, des Etoiles dumonde et des
Brises folles, vient d'être nommé officier d'académie.
Le moniteur de l'armée annonce en ces termes
cette nomination :
« M. Orse n'est pas seulement un soldat solide :
« c'est aussi un littérateur, un poète distingué, et
« nous ne pouvons qu'applaudir à la distinction dont
« il vient d'être l'objet. »
Nous publierons très prochainement dans nos
colonnes, l'histoire du Caveau et celle de la Lice chan-
sonnière, très-complète et très-intéressante.
Nous rappelons à tous nos abonnés que nous avons
fait brocher la première année ; nous l'enverrons
franche de port à toute personne qui nous adressera
un mandat-poste de 5 francs.
Nous prions nos abonnés qui n'ont pas le premier
semestre et ceux auxquels il manquerait des numéros,
de se hâter d'en faire la demande s'il veulent se
compléter.
Les abonnements et réabonnements au journal Za
Chanson sont reçus dans tous les bureaux de poste.
Les frais sont à la charge du journal.
Nous prions instamment les retardataires qui ne
nous ont pas encore envoj'é le montant de leur
réabonnement, de nous le faire parvenir sans retard.
Le succès de France s'affirme de jour en jour.
Au grand concert organisé par l'Harmonie de l'associa-
tion polytechnique du 3'= arrondissement, qui a eu lieu le
15 du courant, salle Rivoli, ce morceau était le great
attraction. — Mathilde ROMY a chanté le nouvel
hymne national de la Paix avec beaucoup de
sentiment; elle a eu trois fois les honneurs du rappel.
N'oublions pas de féliciter l'Harmonie polytechnique
du 3° arrondissement qui a exécuté France! d'une
façon splendide. En somme, très-belle soirée
En vente chez M. Quentin-Roux, éditeur, 41, rue des
Petits-Carreaux, les chansons àiuccèi de MM. Dorfeuil
et Gédhé : On n tient pas cet article-là, la politique de
Jeannette, le nouveau Maître d'école. C'est comme si
vous n'en aviez pas. J'en savais rien ! le Vieux Paris.
Format piano 3 fr., format guitare 1 fr.
M°"^ Cazalo Sténio, leçons de chant, de piano et
de déclamation, tous les jours, rue de l'Université,
157 bis. Nous publierons prochainement une œuvre
musicale de cette dame, qui est aussi compositeur. ~
Maison Pichard, 3, rue de Rivoli. Grande Salle à
louer pour Sociétés Lyriques, Chorales et autres,
disposée pour la danse, bien aérée par 5 fenêtres au
1" sur la rue, pouvant contenir 300 personnes.
Agrandissement du Progrès artistique. «Nous
avons décidé de former une société au capital
modeste de 50.000 francs, divisé en mille actions
de ,50 francs, afin de pouvoir offrir dès à présent
soit 2 soit 4 pages de texte en plus, à nos lecteurs,
sans augmenter autant que possible le prix de notre
journal.
« Nous avons voulu donner à cette souscription une
allure qui lui permit d'être accessible à tous, riches
ou humbles, et voici dans quelles conditions nous
allons lancer l'émission de ces actions de 50 fr :
« 5 francs en souscrivant ; 7 fr. 50 au moment de la
répartition et 5 fr. seulement de trois mois en trois
mois, si toutefois le conseil d'administration ne
décide pas, à un moment donné, qu'il y a lieu
d'arrêter les versements.
K L'argent rapportera un intérêt de 5 0/0. »
{Progrès artistique, 17 octobre 1879).
Nous tiendrons les lecteurs de La Chanson au
courant de cette souscription.
L'Echo musical, journal musical, bi-men-
suel. — Edit. -direct. M. E. Mahillon, 23, chaussée
d'Anvers, à Bruxelles. Un an 3 fr. 30. On s'abonne
dans les Bureaux de La Chanson. — Bulletin des
Sociétés musicales belges. — Nouvelles artistiques
et théâtrales.
Le Phare, revue bi-mensuelle, Littérature, Indus-
trie, Beaux-Arts. Un an, 6 fr. M. P. Prouteau,
directeur, 18, rue des Martyrs.
Le Biographe, publication mensuelle illustrée
en photographie de MM. Chapelet et Jean Bernard.
Un an : 12 francs, à Paris, LEROUX, éditeur, 28, rue
Bonaparte; à Bordeaux, 91, rue Malbec.
The musical Standard, le meilleur et le plus
grand des journaux musicaux de Londres. Abon-
nement : 15 s. par an. Paraît tous les vendredis,
chez M. Reeves, 185, Fleet-street. Londres. (On
s'abonne aux bureaux de La Chanson.)
Pour nous éviter des frais, nous prions nos
abonnés de nous faire parvenir de suite le montant
de leur réabonnement. Le numéro du 1°' novembre
a été envoyé à tous; ceux qui le conserveront seront
considérés comme réabonnés ; les autres voudront
bien nous renvoyer le numéro avec la mention refusé
sur la bande.
Quelques personnes n'ont pas encore acquitté leur
réabonnement du 1*' mai ; nous supprinàèrans,
au 16 novembre, l'envoi du journal à toutes celles
qui ne se mettront pas en règle d'ici là. Le prix du
troisième semestre n'en restera pas moins dû.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY
2" ANNEE. — N» 32.
20 CENT. LE NUMERO
16 NOVEMBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le !«' c!c le 16 de chaque mois
Les Abonnements partent dul" Mai & du 1" Novembre
Secrétaire de laRédactiori
H. MALLET
Annonces, la ligne ... » 50
Réclame, — 1 »
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION k RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOnVCl^T^IE-IE
Un Premier-Paris (charles Vincent). — A Hélène (l.-henry
lecomte). — Concours de la Lice Chansonnière : Les Deux
Chats (HENRY RUBOis). — Le Gardeur de cochons (de
courmont). — Les doux Réveils (paul chocque). — Bératujer
(ousTAVE bouchez). — L'Ingratitude et la Reconnaissance (syl.
devenish). — Progrés! (p.-e. erard). — Lettre de M. Laurent
de Rillé. — Banquet du Caveau (eug. imbert). — Banquet
de la Lice Chansonnière (l.-iiknry lecomte). — Dîner du
Hareng Saur (eug. imbert). — Chronique des Sociétés
lyriques (henry mallet). Avis important. — Choses et autres.
UN PREMIER-PARIS
Air : De ta Treille de sincérité
Espérance,
0 ma vieille France !
Sans redouter le lendemain,
Suis tranquillement ton chemin.
Eh quoi! dans le temps où nous sommes.
Parce que pour Monsieur Humbert
Votèrent, je crois, sept cents hommes,
On nous dit : le pays se perd !
En admettant, ce dont je doute.
Qu'avec eux nous nous égarions,
Pour retrouver la bonne route,
On est encor. . . sept millions !
Espérance, etc.
Voyez l'affreux socialisme.
Il monte et va tout submerger !
Mais monarchisme et césarisme
Sont prêts à braver le danger.
Nous connaissons cette tactique :
Répandre partout la terreur,
Puis égorger la République
Dans les griffes d'un empereur.
Espérance, etc.
Demandons au plus misanthrope
Si ce n'est pas chez nous encor
Que tous les banquiers de l'Europe
Recherchent le crédit et l'or.
Ajoutons, sans forfanterie.
Par des faits pouvant l'appuyer,
Que l'art et la fine industrie
En France ont toujours leur foyer.
Espérance, etc.
Laisser dire, sans laisser faire,
Marcher malgré ce qu'on dira.
C'est la maxime salutaire,
Dont bientôt on s'inspirera.
Que du passé l'abus s'endorme,
Et d'un sommeil assez profond.
Pour qu'ayant obtenu la forme
Nous puissions conquérir le fond.
Espérance, etc.
Conservons donc notre suffrage ;
S'il est sujet à des erreurs,
Instruisons-le, c'est le plus sage.
Et c'est moins cher que des sauveurs.
Laissons celui-là qui s'étonne,
Lorsqu'on est à peine au printemps
De n'avoir point les fruits d'automne..
Mais aidons à l'œuvre du temps.
Espérance, etc.
L'idée, à la machine humaine.
Est, comme à l'engin, la vapeur;
Au but veut-on qu'elle nous mène
Il faut l'utiliser sans peur.
C'est par le vote que s'échappe
Ce qu'on aurait tort d'arrêter ;
Car si l'on fermait la soupape
La machine pourrait sauter.
Espérance,
0 ma vieille France ?
Sans redouter le lendemain
Suis tranquillement ton chemin.
CHARLES VINCENT.
106
LA CHANSON
A HELENE
Comme, à l'aube, les fleurs nouvellement écloses
S'inquiètent des jours qui leur sont destinés.
Mignonne née d'hier, vos esprits étonnés
Semblent peser le bon et le mauvais des choses...
Oh! demeurez... voyez, déjà nos fronts moroses
A votre premier cri se sont rassérénés,
Et, vous qui n'aimez pas encore, vous tenez
Deux cœurs énamourés dans vos petits doigts roses.
Vivez ! — il est très-bon de vivre — dans le ciel,
Où vous étiez un doux et charmant Ariel,
Peut-être vous a-t-on dit du mal de la terre ?
N'y croyez point : chez nous, en de merveilleux nids
Tièdes, parfumés, abrités de mystère.
Chantent les blonds enfants, radieux et bénis!
Octobre 1879. L.-HenrY LECOMTE
CONCOURS DE LA LICE CBMSONNIÈRE
[Grande Soirée du 15 octobre 1879)
1" Prix
LES DEUX CHATS
Air : T'es mon ami tout d' même
J'ai pour voisins deux jolis chats,
L'un maigre, l'autre gras;
Minet voit comblés tous ses vœux.
Matou vit d'espérance. ..
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Minet a pour maître un rentier.
Matou, mon savetier;
L'un a toujours le ventre creux.
L'autre, pleine la panse.
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Minet — régime plein d'appas ' —
Fait ses quatre repas ;
Matou, de reliefs douteux
Fait sa maigre pitance.
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Lorsqu'entouré de soins, chez lui
Minet baille d'ennui,
Matou jouant à divers jeux
S'en donne en conscience!..
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Minet, pour cause, est impuissant.
Matou, jeune pur-sang,
A vingt rejetons vigoureux
A donné l'existence.
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Minet, sage chat de bon ton.
Est mis dans du coton :
Matou, pour ses méfaits nombreux
Est mis en pénitence...
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Quand Minet dort le plus souvent,
Matou, le nez au vent.
Rôde... afin d'éteindre les feux
Des chattes en démence !...
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Minet étant pur angora,
Mort, on l'empaillera ;
Matou, lui, sera par des gueux
Mangé ; — c'est sûr d'avance !
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Minet, c'est le conservateur,
MatoTi, le novateur;
L'un a le confort plantureux,
L'autre l'indépendance :
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.
Henry RUBOIS,
Vice-Président de la Lice Chansonnière
2° Prix
LE GARDEUR DE COCHONS
Oh ! les grands bois, le beau soleil.
Les champs de blés en fleurs, les roses!
Oh ! les grands bois, le beau soleil,
Salut amour ! Salut réveil
Des hommes et des choses !
Mon bisaïeul était un serf
Descendant tout droit d'un esclave :
Mais mon grand-père avait du nerf,
Son flls — mon père — était un brave !
Il a jeté dans le ruisseau
Les oripeaux de valetaille,
La livrée et tout son trousseau ;
Aux abus il livra bataille !
Moi je garde encor les cochons,
Mais je suis un homme !.. et je vote !..
Mes flls s'instruisent, nous marchons
Avec le progrès côte à côte !
Oh ! les grands bois, le beau soleil, etc.
Dans la nature tout me plaît
Même l'homme s'il n'est maussade ;
Je vis de pain, de petit lait.
De fromage blanc, de salade.
Libre et fier de ma liberté,
Je me demande tout de même
Si ma peau vaut, en vérité,
Celle d'un porte-diadème.
Pourquoi pas ? mes lois sont ses lois !
Tout court au même but en somme ;
Et, gardeurs de cochons ou rois.
Le grand mérite est d'être un homme.
Oh ! les grands bois, le beau soleil ! etc.
LA CHANSON
107
Chacun son air! chacun son droit !
Dans le calme ou dans la tempête,
Marche, bon homme, ferme et droit!
Va ! haut le cœur et haut ia tète !
Quand j'ai dit : Oui ! quand j'ai dit non ! (")
Rien après, qu'il vente, qu'il tonne,
Pas même la voix du canon,
Rien ne m'émeut, rien ne m'étonne!
Prêt pour la lutte à tout moment.
Et fort de ma vertu civique.
Je veille et je dors librement
Au souffle de la République !
Oh! les grands bois, le beau soleil !
Les champs de blés en fleurs, les roses !
Oh ! les grands bois, le beau soleil !
— Salut amour ! salut réveil
Des hommes et des choses !
De COURMONT.
de l'Union des poètes français et étrangers.
(') Allusion au vote.
3° Prix
LES DOUX RÉVEILS
Dans le berceau, parfois, nous rêvons d'anges,
D'étoiles d'or, de papillons, de fleurs...
Parfois aussi des figures étranges
En sommeillant nous font verser des pleurs.
Mais pour chasser toute image eifrayante
Un saint amour est toujours en éveil ;
Lorsqu'on revoit sa mère, souriante,
Ahl chers enfants, l'adorable réveil!
Voici venir avril, les douces brises.
Les chauds rayons, et le cliant des oiseaux;
Les saules yç)nt baigner leurs branches grises
Dans le cristal limpide et bleu des eaux...
Tout est joyeux ! et le vieillard austère
Sourit lui-même, alors, au grand soleil,
Tout chante et rit, tout s'aime sur la terre.
Du gai printemps saluons le réveil !
Par son labeur lorsqu'enfln toute femme
Pourra gagner le pain de chaque jour ;
-Lorsqu'un or vil (marché souvent infâme)
Ne paiera plus la gloire ni l'amour ;
La grandeur vraie alors, et la sagesse,
Resplendiront d'un éclat sans pareil,
Et nous dirons, le cœur rempli d'ivresse :
De la vertu saluons le réveil !
Mon existence, amis, fut secouée
Par le remous des folles passions.
Comme les flots agitent la bouée
Quand l'ouragan surprend les alcyons...
Mais dans l'hymen où l'horizon s'épure
J'ai retrouvé le ciel calme et vermeil;
Près d'une femme à l'àme chaste et pure
De mon bonheur saluez le réveil 1
Jésus, cet homme à l'âme fraternelle.
Chassa du temple, un jour, tous ces vendeurs
Qui, salissant sa doctrine immortelle,
Pour le veau d'or sont toujours pleins d'ardeurs.
Hélas ! quand donc, leur frottant l'épiderme
A coup de fouet de l'épaule à l'orteil,
0 Rédempteur, viendi'as-tu d'un bras ferme
De ta justice opérer le réveil ?
Un peuple esclave un jour brisa ses chaînes
Et proclama pour tous la liberté 1...
Mais un guerrier soudain saisit les rênes,
Et cet élan d'amour fut arrêté...
Pourtant je crois au jour de délivrance
Où secouant enfin un long sommeil,
Nous reverrons le grand peuple de France
De tous ses droits saluer le réveil !
Paul CHOCQUE,
de la Lice Chansonnière.
Mentions Honor.^bles :
Le Phylloxéra, auteur inconnu .
Les Roseaux, auteur Georges Baillet.
Fais une chanson su)- moi, auteur Cahen.
BERANGER
Musique de l'.Vuteur des paroles.
Une statue à notre cher poète,
A Déranger, le roi de la chanson !
Amis, j'en suis et nous ferons la quête
Pour récolter une riche moisson.
Enfant du peuple il avait l'âme grande,
Pour nous défendre il restait le dernier...
Donnez, donnez aujourd'hui votre ofl'rande ) , .
jer, l'immortel chansonnier. ) *
Pour Déranger,
La pauvreté, nourrice du génie,
Rendit plus forts son esprit et son cœur,
Il enlaçait l'ineffable harmonie
Pai' une strophe à son grelot moqueur.
11 nous a dit ses rêves de jeunesse.
Avec Lisette il chante son grenier;
Donnez à qui sema tant d'allégresse ;
Pour Déranger, l'immortel chansonnier.
Jamais son luth, brillant comme laflamme,
Ne fut séduit par le faste des cours ;
La Liberté guida toujours son âme.
Comme sa plume et comme ses discours.
Par la satire il fustigea la race
De l'oppresseur qui le fît prisonnier :
Donnez, donnez au petit-fils d'Horace,
Pour Déranger, l'immortel chansonnier.
11 a sifflé des sots de toutes sortes,
Des courtisans et de tous les degrés.
Car il fallait braver maintes cohortes. . .
Pour assurer la marche du Progrès.
11 a sondé la route inexplorée.
Comme Colomb, le hardi nautonnier :
Donnez, donnez, cette dette est sacrée.
Pour Déranger, l'immortel chansonnier.
Comme une mer sous le vent qui l'agite,
La France alors s'inspirait par sa voix.
A Manuel, à Constant, à Latïïtte,
Il s'allia pour soutenir nos droits.
Vous, qui toujours combattez l'ignorance,
Donnez, donnez pour lui votre denier ;
Un monument doit s'élever en France
Pour Déranger, l'immortel chansonnier.
Lille. - Inédit. Gustave BOUCHEZ.
bis
108
LA CHANSON
INGRATITUDE ET LA RECONNAISSANCE 0
« Ingratitude is abhorred by God and man. »
L'ESTRANGB.
L'ingratitude, hélas ! est au cœur un ulcère
Dont l'aspect repoussant et la malignité
Empoisonnent encor sur notre pauvre terre
Tant de maux que déjà souffre l'humanité !
C'est un vice hideux, dont le contact infâme
Efface des bienfaits le plus doux sentiment ;
Il dessèche et flétrit l'esprit, le cœur et l'âme,
Et semble défier, ici, tout châtiment !
Mais l'ingrat oublieux du dévouement immense
De l'être plein d'amour, comme un ange gardien,
Qui dirigea ses pas dès sa plus tendre enfance.
Qui pour le rendre heureux jamais n'épargna rien.
Peut-il goûter la paix sous le poids d'un tel crime?...
Peut-il impunément voir sans remords au cœur
Les pleurs et le chagrin de sa pauvre victime
Qui peut-être en lui seul avait mis son bonheur?...
Oh ! non! Dieu ne saurait permettre en sa justice,
Qu'un crime aussi noir passe au mépris de ses lois!...
Il lui doit, dès ce monde, infliger pour supplice,
Du remords, sans répit, l'inexorable voix!. . .
Quelle que soit, alors, souvent aux yeux du monde,
L'impunité factice à laquelle il prétend,
L'ingrat, tout bas frissonne à cette voix qui gronde,
Echo du châtiment tôt ou tard qui l'attend !
Quel suave contraste est la reconnaissance,
Ce baume bienfaisant qui dilate le cœur,
Et vient avec amour y doubler la puissance
D'accepter, et de rendre à son tour le bonheur ! . . .
0 vous qui l'ignorez, quel malheur est le vôtre,
Et que je vous plains tous de n'en connaître rien!...
Il est si doux de rendre un bienfait pour un autre,
Et, même pour le mal, de rendre encor le bien ! . . .
C'est plus; c'est un devoir que Dieu, danssa clémence.
Comme un tribut d'amour en notre âme a placé,
Et qui trouve, ici bas, sa douce récompense
A faire l'avenir repayer le passé I . . .
Et dire que pourtant il est sur cette terre
Tant d'êtres pour qui c'est comme un fardeau trop lourd ;
Dont le cœur égoïste, afin de s'y soustraire,
A cette voix de Dieu, reste, hélas! toujours sourd !.. .
Sainte Reconnaissance ! oh ! quelle pure ivresse
Tu nous as prodiguée et nous promets encor ! . . .
Dans nos cœurs continue à régner en maîtresse ;
La richesse de l'âme est le plus beau trésor ! . . .
Vous qui lisez ces vers, joignez à ma prière
La vôtre pour qu'enfin Dieu permette qu'un jour,
Cette vertu si douce étouffe sur la terre
La noire ingratitude à son souffle d'amour !
Ile Trinidad, "West Indiès.
Syl. DEVENISH.
C^) Cette pièce nous a été envoyée directement de Vile
rrznirfac? avec une lettre charmante. Nous sommes heureux
de voir que Jm Chanson qui compte plusieurs abonnés à
Londres^ en Suisse, en Belgique^ ainsi qu'en Espagne, en
comptera prochainement dans les colonies anglaises. M. Sjl.
Deyenisch est une illustration créole qui fut 25 ou 30 ans
au service de la Reine.
PROGRÈS!
Athlète aux bras d'acier, devant qui tout se range,
Qui va droit devant soi, sans jamais reculer,
De tous les grands penseurs, toi, le radieux ange,
Impassible, tu vois tout le passé crouler!
Progrès! Sous ton talon, maintiens-les dans la fange.
Ces rois que dans le gouffre un jour tu fis rouler;
Des siècles ténébreux sois celui qui nous venge,
Que l'univers entier voie ton flambeau briller!
Brisant tous nos liens, chantant la délivrance,
Nous marchons avec toi, gravissant l'avenir.
Et trouvant malgré tout le temps de te bénir!
Debout! Et dans tes poings prends le marteau science,
Frappe ! Et que nous voyions au cri de : Liberté !
De l'enclume des ans jaillir la vérité !
P.-E. ERARD.
Alger, 7 octobre 1879.
A la réunion générale du Comité Déranger, tenue
le 6 novembre sous la présidence de M. Spuller, le-
secrétaire L. -Henry Lecomte a donné lecture de
l'adhésion suivante, qu'il venait de recevoir :
Paris, 5 novembre 1879.
Monsieur,
Déranger est le premier qui ait cru à l'Orphéon. Il a pré-
dit son avenir, il a tracé son programme, il a trouvé sa
devise en écrivant son immortelle Lettre à Wilhem :
Si Déranger n'est pas le père de l'Orphéon, il est au
moins son parrain.
Je me suis trop attaché à l'œuvre de l'Orphéon pour ne
pas regarder comme un devoir et un honneur de m'associer
avec empressement à votre projet.
On ne saurait trop honorer notre grand poète.
Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments
dévoués,
Laurent de RILLÉ.
A la liste des membres du Comité, que connaissent
nos lecteurs, seront désormais ajoutés les noms de
MM. E. Littré, sénateur, membre de FAcadémie
Française, Georges Murât et Laurent de Rillé.
SOCIETE LYRIQUE & LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 7 NOVEMBRE
Quarante convives -r nombre académique, — un toast
et seize chansons : voilà le bilan de la soirée. Que de
paresseux ces chiffres accusent! Encore deux auteurs se
sont-ils fait entendre chacun deux fois. Et pourtant ce
retour des voyageurs et des campagnards, ces figures
ouvertes et riantes, cette salle splendidement restaurée,
auraient dû inspirer sociétaires et visiteurs, non pas mieux,
mais plus abondamment.
Au milieu du repas, le toast obligé.
On les trouve ingénieux, et ils valent toujours à lem'
auteur des applaudissements souvent mérités, ces discours
en vers longs ou courts, dans lesquels le président, sous
ombre de célébrer la chanson, donne carrière à toutes les
fantaisies de son imagination capricieuse.
Recommandation à notre imprimeur de conserver la
composition de ce dernier alinéa, qui me servira encore
plus d'une fois. Il pourrait même le faire clicher.
LA CHANSON
109
Dans les chants proprement dits, le genre sérieux n'a été
représenté que par trois morceaux : Ne soyons pas sévères,
de Poullain, les Vieux amis, de Lesueur, et un Premier
Paris, de Vincent. L'un nous convie à l'indulgence et le
second à l'amitié; le dernier, comme le Ciirardin de 1848,
s'écrie avec conviction : Confiance! confiance! J'espère, et
je crois que la sienne (sa confiance — à Vincent) ne sera
pas trompée, et que nous pourrons dire toujours, avec lui :
O France,
Suis tranquillement ton chemin.
L'actualité, qui manque rarement au Caveau, et c'est tant
mieux, a cette l'ois encore fait des siennes. Ripault, dans les
Intransigeants, Guérin, dans les Deux bouts de la chan-
delle, Echalié, dans Montrez-moi ça, Grang-é, dans Comme
chez Nicolet, ont égrené des couplets variés, sérieux ou
caustiques, presciue tous inspirés par des faits récents. C'est
la honne satire et la seule qui soit quelquefois utile. La
littérature, le théâtre, la politique, le comité de Déranger
môme, à chacun son paquet. iM. Zola, un romancier dont le
réalisme est, dit-on, un peu crû, remplace aujourd'hui la
rengaine des belles-mères : il a défrayé trois ou quatre
couplets.
On a pu lire dans le numéi'o 7 de ÏJi Chanson (novembre
1878) Mon Pinceau, d'Adeline : cette chanson lui a valu
l'autre jour un vif succès, ainsi que On n'a jamais pu savoir,
que j'avais applaudi à la Lire Cliansonnière.
Madame Harlte-Bteue, le IJiahtc liermile, Hôte de la
maison, le Mirage, ont mis en relief, sous des aspects divers,
le talent de Fénée, si heureux dans la gaudriole, de Granger
(Edouard), classique avec esprit, de Liorat, à l'émotion
souriante, et de Jules Petit, très-fin et très-pittores(|ue dans
sa légende arabe. Piesse a fait, en chaulant Suzon, un
véi'itable tour de force de rimcur, qui n'enlève rien à la
gaîté de son histoire. Je ne voudrais pas oublier Jullien,
quoiqu'il se soit plaint d'être enroué, mais c'est un truc de
comédien, et son débit est toujours net et spirituel.
Ici, j'éprouve un remords, et je me demande si cette
conspiration du silence que j'inaugure aujourd'hui contre
l'institution du toast, j'ai bien la force d'en commencer
l'exécution lorsque je viens d'entendre, retracée avec tant
de finesse et de bien dire, l'histoire de la chanson de table
depuis son origine jusqu'à nos jours. Allons, une exception
pour celte fois seulement, mais (pièce soit la dernière.
Un visiteur — ceci est pour terminer — nous permet
d'extraire de sa chanson, intitulée N'y a pas d' raison pour
qu' ça commence, le couplet suivant, qui répond à certaines
préoccupations malveillantes relatives à Victor Hugo, et qui
par conséquent ne pourra déplaire à nos lecteurs, malgré
sa chute forcément grivoise :
« Ton grand
l^oète se
fait vieux.
Jevoisdùjh
a tombe,
Me disait un
jeune e
vieux ;
Avec lui que
sa gloir
2 y tombe !
— Il eut des
erreurs,
je l'admets
Et devant ce
génie il
une use
Je comprend
s des ré
erves, maïs
L'oubli, poui
un tel r
om, jamais
N'y a pas d'
raison p
Dur qu' ça c
ommence.
EUG.
IMBEP.T.
LIGE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 5 NOVEMBRE
Dans son toast de novembre, M. Echalié fait l'apologie des
toasts qu'il aime (quand ils ne sont pas écrits par lui). Je suis
de son avis ; les toasts rimes — par M. Echalié ou par
d'autres — ont une raison d'être, et profitent tout au moins
à celui qui les compose, en l'obligeant à des efforts renouvelés.
Mais une chose contre laquelle on me permettra de
protester, c'est la chanson d'ouverture. 11 y a, dans cette
tradition, quelque chose d'agaçant et de puéril. Quel besoin
d'assimiler une soirée littéraire à une conférence religieuse
en chantant quelque Veni Creator ? Les chansonniers ne
frisent-ils pas le ridicule en invoquant les dieux de la
goguette pour des œuvres complètes et limées qu'ils n'ont,
le moment venu, qu'à tirer de leurs portefeuilles? Un usage
n'est pas bon par cela seul qu'il est un usage, et les Licéens
feront bien de renoncer à celui-là.
Est-ce une chanson que présente M. Gonel? — J'oublie,
dit-il. Imitons-le, par indulgence. .
Fais une clianson sur moi! s'écrie M . Caheu traduisant
un désir de son épouse en couplets gais, ingénieux et
dignes de la mention honorable que la Lice leur a décernée.
M. Leblanc, dans ses Hommes du Progrès, semble avoir
pris à tâche de mettre en vers le dictionnaire des grands
hommes; j'eusse préféré moins de noms et un plus complet
développement de l'idée, qui est heui'euse.
M. Hrulez refait pour la centième fois la vieille chanson
en partie double : « C'est ce qui me désole — c'est ce qui me
console...» Le besoin s'en faisait-il sentir?
Rubois a chanté ses Deux chats, premier prix du concours
delà Lice. On a lu tout-à-l'heure cette production où il y
a des trouvailles d'expressions sinon d'idées.
M. .\deline a Deux Maitresses, la bouteille et la chanson,
et il les chante de manière à les rendre fidèles, sur une
musique composée par lui-même. — Ils en viendront tous là!
Pourvu que les compositeurs ne leur rendent pas la pareille!
Chebroux pense aux gazons fanés, aux arbres chauves de
l'hiver si proche :
Voici venir les sombres jours,
Quo je vous plains, pauvres amours !
Et le coin du feu? Vous pensez bien que le poète ne l'a pas
oublié ; mais (luoi, ce n'est pas le soleil !
M. Jules Ruel avec deux poésies de M. Carcassonne ;
SI, Fuschs avec un récit poignant, le Sommeil du vieillard ;
MM. Uobinot et Caron, avec des œuvres de dilférents genres,
ont été applaudis.
J'ai gaidé pour la fin les trois plus heureux producteurs
de la soirée. M. llachin, d'abord, amusant, fin, spirituel,
aussi bon diseur ipie bon poète. Son refrain :
Il n'en reste guère,
Il n'en reste pas !
vient après des couplets où les traits abondent, pleins de
variété et d'inattendu.
M. Henri Nadol, ensuite, avec une chanson plaisante sur
le Divorce :
Pour recommencer
A quoi bon divorcer!
et une romance attendrissante, l'Hirondelle attardée.
M. Allard-Pestcl, enfin, avec deux de ces chansons à
tiroirs qu'affectionne le Caveau dont il fait partie ; Il faut
parfois gazer lavérité clRentrez votre voiture : bons sujets,
l)ien traités.
J'ai parlé plus ou moins longuement de toutes les produc-
tions inédites; comme d'habitude, des chansons connues ont
complété la soirée, au total intéressante.
L.-Henry LECOMTE.
LE HARENG SAUR
DINER ANNUEL LE 1er NOVEMBRE
Vous me demandez, mon cher Patay, de vous renseigner
sur les faits et gestes des convives du Hareng Saur. Je
conçois que vous teniez à ce que La Chanson continue à
mériter son titre de journal bien informé ; mais n'est-ce pas
un peu de prétention pour une réunion d'amis, et une
réunion annuelle, d'aspirer aux honneurs de la publicité?
Vous insistez : allons-y de notre compte rendu.
liE gaîté vient, le chagrin sort
Quand nous fêtons le Hareng Saur.
Jamais ce refrain de notre chanson d'ouverture n'a été
plus vrai qu'hier. Bonne santé, bonne humeur, bonne amitié,
et, ce qui ne gâte rien, bonne chère : quels éléments
voudriez-vous de plus, pour une soirée gastronomique et
chantante ? Aussi s'en est-on donné à cœur joie . Auteurs et
amateurs ont fêté le Hareng et la chanson qui, le jour de la
Toussaint, sont toujours inséparables, de manière à regretter
qu'il n'y ait qu'une Toussaint par an.
Notons, parmi les amateurs M. Brunin, et particulièrement
M. Postel, dont la diction, comique sans charge, a soulevé
110
LA CHANSON
des rires de bon aloi et de bon goût comme ses chansons.
JImes Teulet, Postel et Brunin n'ont pas dédaigné de se faire
entendre, au grand plaisir de tous, non plus que notre
camarade Malhilde, qui est la gaîté de toutes nos bonnes
réunions.
Je me reprocherais d'oublier Teulet, dont la voix est
failjle, mais dont la diction est si juste.
Les auteurs ont tenu à ne pas rester en arrière et ont tiré
de leur sac leurs meilleurs morceaux. Duchenne, l'inépui-
sable chansonnier-éditeur, est un vieux Hareng Saur, et
soutient dignement son titre. Sa jovialité, qui ne manque
pas de profondeur à l'occasion, s'est donné carrière. Faut
s' la couler douce et Les Curés jugés par Giroux ont obtenu
des bravos mérités. Fiubois, Lebeaux et Cahen, de la Lice
Chansonnière, représentaient avec honneur cette vaillante
phalange de chansonniers militants. La Femme du Chan-
sonnier, les Deux Chats, Faites des enfants. Souvenirs de
Jeunesse et Quand ma femme y met la main : autant de
productions dans lesquelles la fine et la grosse plaisanterie,
le bon sens, la gaîté et même un gi-ain de philosophie
alternent avec la grâce.
Francisque, lui, vous le connaissez : il ne chante qu'aux
refrains, mais il dit avec feu des vers choisis avec goût. Les
Fraises nous avaient alléchés ; nous avons réclamé et obtenu
les Pommes ; les deux morceaux sont en eflét, comme les fruits
dont ils portent le nom, l'un plus sucré, l'autre plus piquant.
Gozora, l'artiste auquel la romance a dû de si jolis succès,
a retrouvé pour nous sa voix des beaux jours, et a fait
admirer une fois encore sa méthode exquise. Jamais, je crois,
n n'a dit avec plus de bonheur Magdeleine, vieille
mélodie toujours jeune de Félicien David. Le Hareng Saur
fait de ces résurrections.
Mais ce banquet lui-même n'était-il pas une résurrection?
,^près les interruptions et les deuils des dernières années,
c'était comme une renaissance. Une chanson d'ouverture y
trouvait naturellement sa place. Dans l'origine, à quoi bon"?
On était sept le premier jour. La curiosité s'en mêlant, on
devint plus nombreux ; les amis amenaient les amis. Les
vides faits par la mort se comblaient. Hier, convives en
partie nouveaux, mais toujours choisis : un discours était
nécessaire, et le président s'est sacrifié et il a chanté, sur
l'air de Faut d' la vertu, pas trop n'en faut, ou à peu près,
une chanson d'ouverture dont voici quehjues strophes. Et
d'abord, le refrain :
La gaîté vient, le chafn'in sort
Quand nous fêtons le Hareng Sa
liis, en chœur!
Ce poisson, que le feu parfume,
C'est l'hiver qu'il se voit fêté,
A la Toussaint ; c'est la coutume ;
D'autres l'aimeraient mieux laite.
vous qu'il soit h. l'aii
le feu bien mijoté,
' la braise
Or, croye
Quand, s
Il entend crier uaiiti la i)
* L'espoir de sa postérité î
Nouveau Laurent, je te révère,
Et veux que tu sois arrosé ;
En ton honneur je bois ce verre,
B^t te voilà canonisé.
Du Hareng Saur le plus vieux membre
A fait ce toast plus ou moins neuf
A Paris ce premier novembre
Mil huit cent suixante-dix-neuf.
Et puis le refrain. Ça n'aura peut-être pas le succè~s de la
Marseillaise, mais c'est moins ennuyeux que la Parisienne.
Ajoutons que notre Vatel a tenu à se distinguer. Je ne
crois pas qu'il soit possible, pour un prix relativement
modéré, de trouver un service plus abondant et plus succu-
l^nt. Nous nous sommes tous promis de revenir souvent voir
au Cadran des Buttes Chaumont s'il est l'heure de bien
dîner.
EuG. IMBERT.
CHRONIQUE DES SOCIETES LYRIQUES
La Lyre amicale de Paris, 6, boulevard Sébastopol
(président M. Dupont), tient la promesse qu'elle s'est
faite de rendre ses soirées de plus en plus attrayantes-.
La place nous manque pour donner le compte-rendu
détaillé de- la soirée du 26 octobre. Deux pièces ont
été véritablement bien interprétées : Un duel sans
témoin, par M. Julien Alix, membre d'honneur, et
M. Charles Henry D., et Un pr'ocès en séparation,
par MM. Descourt et Pergeot, du Cercle Lavallière.
On annonce que, dans la soirée du 16 novembre,
MM. Julien Alix et Pergeot joueront Un Monsieur
en habit noir. MM. Léon G. et Gorges, sociétaires,
se feront entendre, dans la soirée du 23 novembre,
dans les Médecins tant pis et tant mieux.
Le banquet suivi de bal que la société La Lyre
amicale donne chaque année à l'occasion de la Sainte-
Cécile, aura lieu le samedi 6 décembre, dans les
salons de M. Richefèu, galerie de Valois, 167 (Palais-
Royal). On trouve des invitations au siège social, 6,
boulevard Sébastopol, et près de MM. les sociétaires.
Nous tenons de bonne source que la Lyre amicale
prépare une soirée pour la statue de Béranger.
Lundi 3 courant a eu lieu l'ouverture des-cours de
l'Association polytechnique , section de FHôtel-de-
Ville, sous la présidence de M. de Mcnorval maire-
adjoint du 4' arrondissement. Une conférence a été
faite par M. Albert Meugé, avocat à la cour de Paris.
Plusieurs médailles et mentions pour l'année 1878-
1879 ont été décernées aux lauréats pendant cette
séance.
L'excellente société symphonique Les TrouvéreSj
fondée par M. Lemaître, il y a trois mois à peine, et
dirigée par l'intelligent compositeur Jules Baux,
prêtait son gracieux concours à cette solennité.
Son exécution lui a valu les félicitations toutes parti-
culières de M. le Maire et le bureau de la section
lui a offert une médaille commémorative en vermeil.
Mardi 4 novembre, grande soirée mensuelle de
La Renaissance. Moins de monde qu'aux soirées
précédentes, malgré la bonne composition du pro-
gramme. Nous y avons applaudi M"° Rosine, qui
faisait sa rentrée après quelque temps d'absence ;
M"° Lucie, sa sœur, qui chante la romance délicieuse-
ment; M"'^ Julia; M"° Louise Bienvenu qui nous a dit
le Sergent Lazare; M.Adrien Souchet désopilant dans
Je suis enrhumé du cerveau; M. Paul Launay qui a
accompli, de concert avec la charmante M"" Dolss, le
prodigieux tour de force d'apprendre en quelques
minutes et de chanter ensuite en public le duo de
la Petite Mariée. Citons également M"° Paula qui
interprétait pour la première fois le rôle d'Hélène
dans les Ouvriers, un acte en vers où M"° Julia,
M' Donckèle et M. Leram ont obtenu leur succès
habituel.
Pour terminer, annonçons qu'en son assemblée
mensuelle du 7 novembre, La Renaissance a nommé
une commission de six membres chargés d'organiser
son Grand Bal annuel ainsi que son banquet qui
qui ne peut manquer cette année d'être magnifique,
grâce aux nouvelles réformes apportées dans les
finances de cette société par les soins de plusieurs
membres du bureau, éminemment économistes.
LA CHANSON
111
La romance Moti beau pr^intemps, paroles et musi-
que de M. Fortunat Lévy, interprétée par l'auteur
à la Lyre amicale, a obtenu un légitime succès.
M. Lévy doit être satisfait et continuera à nous
donner de nouvelles productions. Il peut être certain
qu'elles seront favorablement accueillies.
C'était fête le dimanche 9 novembre 'au Cercle
Béranç/er, rue Vieille-du-Temple, 127.
Cette société, sous la présidence de M. Robyn,
avait organisé une soirée en l'honneur du grand
chansonnier et pour contribuer à l'érection de sa
statue.
Tout s'est passé avec la cordialité la plus parfaite.
Le buste de Béranger était là, couronné de fleurs, et,
par une heureuse inspiration, on lui avait donné
pour pendant le buste de la République.
Des artistes de différents concerts avaient prêté
leur généreux concours : M. Sautereau , qui ne
refuse jamais son talent quand il s'agit d'une bonne
action ; il a très-joliment dit les Cloches de Meudon,
et la Chambrette de fjarçrjn;M. Marcus, dont la voix
rappelle celle de Bruet, a détaillé avec entrain Ce
qu'on dit et ce qu'on pense; Les Cocardiers ont été
très-bien interprétés par M. Planer; Adrien Souchet,
le désopilant comique, a dit avec son entrain habi-
tuel Je suis enrhumé du cerveau.
Nous avons aussi des éloges à décerner aux divers
sociétaires qui se sont fait entendre. M. Fourmy a
eu l'heureuse idée de chanter le Carillonneur de
Béranger ; il se grime bien et dit avec vérité ; aussi
l'a-t-on chaleureusement applaudi. M. Conton, dans
Mignonne, il faut aimer , 'M. Emile, dans les Dames
Françaises; M. Marck, dans le Mariage de Nicole;
M. Berdin, dans le Coupé de Lise, et M. Couppas,
dans N'envoyez pas le jeune Maître, se sont chacun à
leur tour attiré les bravos de l'assemblée. Et les
chanteuses? Nous n'en avons entendu i^ue deux,
mais la qualité remplaçait la quantité, et les bis
demandés par toute la salle à M"" Leclerc et à
M"" Lacroix leur ont prouvé la sympathie générale.
Il nous faudrait citer bien d'autres noms, mais la
place nous manque.
La recette a été de 109 francs, déposés chez le
trésorier du Comité. On ne saurait trop applaudir
et encourager cette jeunesse des Sociétés lyriques
qui tient à honneur d'avoir sa part dans l'œuvre
patriotique de la statue de Béranger. Nous savons
que d'autres soirées s'organisent. Bravo! bientôt vos
confrères de l'Orphéon vont aussi se mettre entrain;
allons, la satue est faite !
La matinée offerte à ses membres honoraires par
l'Alliance Chorale de Paris a eu lieu le dimanche
9 novembre avec un succès complet. Le programme,
suivi de point en point, comprenait des chansons par
MM. Marius Labarre, Debailleul, Thise, Jules Raux,
Donckèle, Leiris, Durel, Jomain, Benoist, M""''Heu-
zé, Eugénie Robert etRivoire; des chœurs chantés
par l'Alliance et divers morceaux par l'Orchestre des
Trouvères. Dans la partie vocale, le grand succès a
été pour Debailleul, charmant, Thise, comique,
Jules Raux, fin et distingué. L'Alliance Chorale a
donné avec un ensemble parfait. Quant à VOrchestre
des Trouvères, &a. est étonné des résultats obtenus
en trois mois par Jules Raux; bien des orchestres
de concerts ne valent pas cette société d'artistes
amateurs .
Compliments à notre collaborateur Lemaître,
régisseur par circonstance, et félicitations aux
organisateurs de cette matinée brillante et productive .
Le 9 novembre, la société lyrique des Enfants de
la Seine donnait sa cinquième soirée dramatique et
lyrique, sous la présidence de M. Cantarel, 20, rue
Palestre. Le Cheveu blanc, la charmante comédie
d'Octave Feuillet, a été très-bien interprété par
M. Perrot, M"°' Hélène et Maria. Le duo du Pré-
aux-Clercs, par M"° Eugénie et M. Bergier,ia été
fort applaudi. Les Deux Sourds de Jules Moineaux
ont été enlevés avec entrain par tous les acteurs,
MM. Perrot, Emmanuel, Charles et M"" Hélène.
M.Emmanuel avait déjà, dans une chansonnette, été
accueilli par des bravos chaleureux. Le duo Les
Rossignols (de Béranger) a été chanté avec plus
d'assurance que la première fois par M"° Eugénie
Kock et M"° Maria dont la voix est des plus
agréables. Le trio du Maître de Chapelle, dit par
MM. Eug. Kock, Bergier et M"= Maria, n'était pas
assez su; de là quelques hésitations. D'autres socié-
taires se sont fait entendre dans le courant de cette
soirée.
Le zèle de M. Cantarel et le bon vouloir des
sociétaires font que les soirées de cette société sont
toujours attrayantes.
La soirée d'installation de la société la Cordiale,
au café Hollandais (Palais-Royal) a été des plus
brillantes. Nous on reparlerons.
La grande soirée du Cercle Intime (Garnot prési-
dent) a été des plus brillantes.
Parlons aussi de celle de V Union Artistique (Paulin
président). La reprise des soirées intimes de cette
société a été fort brillante. Nous en donnerons
quelques détails intéressants dans notre prochain
numéro. Cependant nous pouvons, dès aujourd'hui,
signaler les bons débuts de nouveaux sociétaires,
qui présagent une saison remarquable comme exé-
cution et choix des choses interprétées.
L'Union Artistique prépare une matinée au théâtre
des Arts, pour le dimanche 7 décembre.
Nous avons annoncé dans notre dernier numéro
que la société lyrique les Amis du Commerce prépa-
rait une grande soirée au bénéfice de M. Bladier,
appelé sous les drapeaux. Nous sommes heureux
d'apprendre qu'elle a été des plus fructueuses. Nous
félicitons vivement MM. les Membres de la société
lyrique des Amis du Commerce de n'avoir pas voulu
se séparer d'un de leurs camarades sans lui donner
cette dernière preuve de sympathie.
Suivant ce bon exemple, la Renaissance a donné
également un bénéfice pour un de ses sociétaires,
M. Buisseret, qui, comme M. Bladier, est appelé sous
les drapeaux. Cette soirée n'a peut-être pas été aussi
brillante que pouvait l'espérer le bénéficiaire, mais
du moins, il a pu constater que tous ses amis avaient
fait leur possible pour y coopérer dans la mesure de
leurs moyens.
La Jeunesse artistique, M. Fléraker président,
donnera, le samedi 22 novembre, un grand bal de
nuit à Vex-salle Valentino, 251, rue Saint-Honoré.
112
LA CHANSON
Samedi G décembre, salle Rivoli, 104, rue Saint-
Antoine, bal de la Sainte-Cécile donné par la
société chorale et lyrique des Enfants de la Seine,
et la société philharmonique du 5" arrondissement.
La grande soirée organisée par la société lyrique
La Renaissance avec le concours d'artistes des
théâtres et concerts de Paris, au bénéfice de M. Le-
bassy, aura lieu le Dimanche 23 novembre, au
Théâtre des Arts.
Parmi les artistes qui ont bien voulu prêter leur
concours, citons : M°" Marie Laurent, du théâtre
des Nations ; M"° Jeanne Nay, du G-ymnase, M"°Marie
Tayau, M°"= de Valfort, M"° Jacob, 1" prix du
Conservatoire, M"° Rosine, M"°" Julia et Lucie, de
la Renaissance, M.. TsiiWa.de, de la Porte Saint-Martin,
M. Guillot, ex-artiste de l'Opéra comique, Ducastel
de l'Eldorado, Plessis des Folies-Rambuteau, Bruet,
de l'Alcazar d'hiver, etc.
On peut se procurer dès à présent et sans augmen-
tation de prix des billets pour cette matinée au siège
social de la Renaissance, café du Globe, 8, boulevard
de Strasbourg.
Henry MALLET.
AVIS IMPORTANT
Malgré notre désir de publier le résultat du grand
concours ouvert par La Chanson en l'honneur de
Béranger, nous sommes encore obligés par des
circonstances indépendantes de notre volonté de
l'ajourner à, notre prochain numéro.
CHOSES & AUTRES
En tous les temps, l'esprit humain a voulu sonder
les mystères. L'incertitude des causes et des fins de
la vie donne à la connaissance de l'avenir un attrait
irrésistible. Cette connaissance est non seulement
possible mais encore certaine, aujourd'hui que les
sciences positives ont acquis leur complet dévelop-
pement.
De retour à Paris, après une très-longue absence,
la célèbre M"° B. Appoline M. vient d'ouvrir un
cabinet de consultation , 7, rue Rameau (place
Louvois). Elle y reçoit de 1 à 5 heures, tous les jours,
excepté le dimanche.
M"° B. Appoline M. a voulu d'abord donner aux
représentants de la 'presse parisienne des preuves
incontestables de son savoir, accru par une étude
constante. Il est immense. Pour cette prêtresse con-
vaincue, la machine humaine et les lois inflexibles
qui la régissent n'ont pas de secrets. Phrénologiste,
physionomiste-bucomancienne, chironomoniste et chi-
romancienne, M"" B. Appoline M. stupéfie. Nous la
recommandons particulièrement à ceux qui, comme
nous, croient aux miracles de la science.
H. L.
Nous lisons dans V Eldorado-Programme :
« Le dernier numéro du journal La Chanson
{\" novembre) contient, sous ce titre : Chants
nationaux de France, Etude musicale, un article où
il est dit entr'autres choses étranges, que « la Mar-
seillaise est née de la haine dans le cœur d'un
royaliste, que « c'est une œuvre incomplète dont
le refrain est peu musical » , que « le véritable chant
national de notre pays n'existe pas encore, » etc., etc.
« Ce réquisitoire contre l'hymne patriotique de
Rouget de Lisle est signé : A. Edéma. Nous y
répondrons dans notre prochain numéro, mais nous
tenons à dire dès aujourd'hui combien nous avons
été étonné de trouver un tel article dans les colonnes
du journal qui a pris l'initiative de la souscription
pour la statue de Béranger.
Ange PITOU.
Si M. Pitou est étonné de trouver « un tel article »
dans nos colonnes, nous sommes non moins^étonné
de trouver son nom au bas des lignes qui précèdent.
M. Pitou, à qui nous adressons régulièrement La
Chanson, aurait du lire dans notre n'' 28 la lettre où
je disais que toute liberté était laissée à nos collabo-
rateurs sous leur responsabilité personnelle. Un
journal littéraire doit, selon moi, agir de cette façon.
Comme je l'ai dit, si La Chanson était politique, je
suivrais une ligne de conduite invariable.
Ceci dit, nous attendons l'article commencé de
M. Pitou, après quoi nous passerons, s'il y a lieu,
la parole à M. Edéma.
Nous sommes heureux d'apprendre que M. Carvalho
va enfin faire jouer « I.e Sans-souci » de Ben-Tayoux.
Le poème, charmant, est du fameux fabuliste F. Ta-
vernier. Quant à la musique, c'est tout simplement
un petit chef-d'œuvre.
Les Folies-Belleville vont très-prochainement
donner une revue en trois actes et quatre tableaux :
« // est crevé, V ballon » de MM. Jules Jouy, notre
jeune confrère du Tintamarre, Ed. Legentil et
J. Chocas.
Voici les titres des quatre tableaux : Le Théâtre
à l'envers. Vive la France, Zig-zags dans Paris, La
Place de la République.
Bonne chance à la bonbonnière bellevilloise.
M"' Bordas doit prochainement faire sa rentrée
au Grand Concert Parisien.
Nous y serons.
A l'Eldorado, M"° Pazzoti vient de créer avec
succès Le mot Aimer, de notre collaborateur Prosper
Tibia, musique de Jules Strauss.
Vient de paraître une nouvelle revue mensuelle
littéraire, LA JEUNESSE, rédacteur en chef Marins
Pouget, avec la collaboration des principaux
écrivains de Paris et delà Province. Un an, 3fr. 50;
6 mois, 2 fr. 8, rue Dausménil, à, Périgueux (Dor-
dogne). Nous souhaitons la bienvenue à cette
nouvelle revue dont nous reparlerons.
Plusieurs abonnés se sont plaints de n'avoir pas
reçu notre dernier numéro. Nous les prions d'adresser
directement leurs réclamations à l'administration des
postes, dont nous avons beaucoup à nous plaindre
depuis quelques temps.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY
2* ANNEE. — N* 33.
20 CENT. LE NUMERO
1" DECEMBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l^' & le 16 de chaque moia
Les Abonnements partent du 1er Mai & du 1" Novembre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne .
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION k REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
>i six mois 3 »
Etranger, le port en sus
soa^nycjLiiaE :
Galerie des Chansonniers : Charles Cobnance (eugéne baillbt).
— Regrets (Charles colmance). — Grand Concours poétique
de la Chanson, pî'èce^ couronnées : Béranger (edmond de-
lière). — A Béranger (francis melvil). — A Béranger
(rené johanny). — A Béranger (dazin-desrues). — A Bé-
ranger (saint-quentin). Sonnet à Béranger (ernest piau).
A Béranger (anonyme). — Honneur à Béranger (paul pujol).
Chanson (fèlix wagener). — Notre Concours mensuel. —
Séance annuelle de la Société des auteurs, compositeurs et
éditeurs de musique (x.)- — Réponse à M. Ange Pitou (a.
édéma). Chronique des Sociétés lyriques (henry mallet). —
Choses et autres (a. patay).
GALERIE DES CHANSONNIERS : CHARLES COLMANCE
Si j'avais à désigner
les quatre premiers
chansonniers de notre
temps, je n'hésiterais
pas, après avoir cité
Pierre Dupont, Gustave
Nadaud et Charles Gille,
à donner la quatrième
place à Charles Col-
mance. Colmance est
une voix et non un écho
comme il y en a tant ;
c'était donc un maître
chansonnier. 11 a tout
ce qu'il faut pour cela :
l'entrain d'abord , 'le
sentiment, le coloris,
l'imprévu dans l'expres-
sion et le laisser aller
dans le style.
Les premières chan-
sons de Colmance é-
taient brutales jusqu'à
l'indécence ; le Cochon
d'Enfant, qui obtint un
très grand succiis en
1844, est le type d'un
monde qui n'a jamais
vécu que dans des coins
et fait exception à la
race humaine comme
les lépreux, les fous
ou les assassins. Emile
Zola fait chanter le Co-
chon d'Enfant par un
de ses héros les plus
sales dans l'Assommoir; c'est la punition du chan-
sonnier.
Il était juste que le grand-maître du naturalisme
— un vilain mot pour une vilaine chose — allât
chercher une chanson absolument oubliée à l'époque
où ses personnages sont en scène, pour la mettre dans
la bouche de l'un d'eux,
du moment qu'elle pou-
vait aider à le rendre
aussi repoussant que
possible ; et, afin de le
faire paraître plus com-
mun encore, l'auteur de
r Assommoir dénsituvele
refi-ain de cette chan-
son. Au lieu de dire :
Quel cochon d'enfant/
Coupeau chante Que co-
chon d'enfant! O litté-
rature ! ô déshérités 1
vous avez encore bien
des ennemis en ce
monde !
Colmance était un
Parisien pur sang; il
était né rue des Mené-.
ti'iers, une vieille rue
du moyen-âge disparue
aujourd'hui, le 26 avril
1806. — 11 apprit le
métier de graveur sur
bois. — Tout jeune en-
core, il fréquentait as-
sidûment les sociétés
chantantes dites go-
guettes. Ce qu'il y a de
plus surprenant, c'est
que Colmance arriva
jusqu'à trente-cinq ans
sans avoir pensé jamais
à rimer un couplet. Ce
n'est que vers 1840 que
l'idée lui en vint, voici comment :
Un chansonnier de mérite et fort en Togue alors,
Alexis Dalès, avait promis à Colmance une chanson
que ce dernier désirait chanter ; au moment de tenir
sa promesse, Dalès refusa la chanson. Colmance,
très-contrarié, lui dit : « Garde-les, tes chansons !
114
LA CHANSON
« pour être plus sûr d'en avoir, maintenant, je me
les ferai moi-même, n — Et il se tint parole. C'est
donc à la mauvaise humeur d'Alexis Dalès que nous
•devons le chansonnier Colmanoe.
Les chansons de Colmance eurent un succès ins-
tantané ; à peine finies, elles étaient répétées dans
la rue et dans l'atelier. Leur point de départ était
les cabarets chantants de Belleville ou Ménilmontant;
c'est là que Colmanoe les faisait entendre. Il avait
la voix traînante, désagréable et trouée ; il n'en
■obtenait pas moins des ovations indescriptibles.
Malheur au camarade qui était appelé avant lui
quand le maître des chants avait dit : Nous enten-
drons en troisième notre ami Colmance ! les applau-
dissements éclataient et l'on n'écoutait plus personne
jusqu'au moment fortuné où Colmance entonnait,
au milieu du silence le plus complet, quelque chose
comme ceci :
Je n'aime pas ces êtres
Noceurs indiscrets,
Qui vont traîner leurs guêtres
Dans cent cabarets.
Quand le vin est potable ■
Moi je suis bien plus stable
Et je ne sors de table
Que deux jours après!
Lon Ion la, quand ma tasse est pleine,
Lon lon la, de vin d'Argenteuil,
Lon lon la, que l'orage vienne,
Lon lon la, moi je m en bats l'oeil !
On criait bis de tous les coins de la salle, et
Colmance recommençait de la meilleure grâce du
monde. Dans certaines goguettes de la banlieue, le
nom de Colmanoe figurait sur un écusson entre ceux
de Béranger et de Debraux ; il appelait cet honneur :
être empaillé vivant.
La chanson conduit rarement à la fortune ; aussi
Colmanoe mena-t-il touj(iurs une existence difficile.
Après le travail il essaya le commerce, ni l'un ni
l'autre ne lui réussit. Il avait heureusement un
honnête homme pour éditeur : Louis Vieillot, qui
vint souvent au secours du chansonnier.
En 1856, une chanson de Colmanoe eut un très-
grand retentissement : Les pt'its Agneaux. Les revues
de théâtre, les journaux, tout s'en mêla. ,
C'est un ami ^ — ^ je pourrais dire un fanatique de
Colmanoe, Emile Maubert qui, lui ayant dit un jour :
Fais-moi donc June chanson où l'on casse tout, avait
provoqué la muse turbulente du chansonnier.
Souvent depuis, en parlant de cette chanson, on
l'a confondue avec le Pied qui r'miie et autres ren-
gaines du même temps ; c'est là une erreur , la
chanson des Pt'its Agneaux est gaie et bien faite. En
voici le dernier couplet et le refrain ; c'est puéril,
mais c'est original et chantant :
Enfin nous fournissons,
A la botte, à la pelle.
Des monceaux de tessons.
Des débris de vaisselle.
Dieu ! quel bacchanal !
C'est au point que le commissaire,
Un jour de colère,
A mis sur son procès-verbal :
Ohé ! les p'tits .\gneaux.
Qu'este' qui cass' les verres?
Les poêlons, les fourneaux,
Les plats, les soupières?
Qu'este' qui cass' les pots ?
Les p'tits, les gros.
Les brocs, les verres.
Qu'este' qui cass' les verres,
Qu'este' qui cass' les pots?
C'est toujours la pipe à la bouche que Colmance
composait ses couplets. « Quand je ne fume pas je ne
trouve rien, « me disait-il un jour ; aussi pour trouver
sans cesse il ne quittait pas sa pipe ; c'était le plus
souvent ce qu'on nomme un brule-gueule, il en
aspirait la fumée avec un bonheur qui faisait fris-
sonner ses larges narines. Colmance sans sa pipe
n'était pas ressemblant.
Les traits de son visage étaient plus vieux que lui,
et les rides de son front lui donnaient à cinquante
ans l'apparence d'un vieillard. Seul son sourire
clignotant et gouailleur avait conservé une certaine
verdeur.
Il avait fait un congé de sept ans dans l'armée
française, et rien n'était plus drôle que de l'entendre
raconter les histoires de casernes les plus originales
et les moins susceptibles d'être confiées au papier; là,
comme dans ses chansons, il savait mettre' en scène
et faire œuvre d'artiste.
Il y a dans les chansons de Colmance une note
qui lui est bien particulière, c'est le gracieux dans le
naturel : Paris s'en va, le Café des Pieds humides,
La Coupe des Dieux, Claire Nonore, Nini trop tôt
faite, malgré son refrain, La dixième muse. Gazouillez
Alouettes et bien d'autres.
Un recueil des chansons de Colmance a été publié
par là maison Vieillot, il en contient cent cinquante
— il en existe bien autant d'inédites ; — c'est un
joli volume à faire, il ne faut pas laisser perdre
cette partie intéressante du chansonnier populaire
à qui l'on doit : le Cabaret des ti'ois lurons, la
Rencontre, Simple histoire, la Musette, le Bal du fer à
cheval, les Croquants, une des meilleurs pièces de
son livre, etc. — La chanson que nous publions
aujourd'hui est inédite, c'est une des dernières de
l'auteur: Colmance en était au chapitre des regrets,
mais il n'en avait pas moins conservé son talent
d'observateur et son style tout particulier.
Charles Colmanoe est mort à Montmartre le
13 septembre 1870 — et c'est en habits de soldats
citoyens, pendant que le canon prussien tonnait
autour de la capitale, que nous accompagnions pour
la dernière fois ce joyeux chansonnier.
Eugène BAILLET.
REGRETS
Air : Dansons la Carmagnole.
Bouchons que je regrette,
Bancs vermoulus,
Pots biscornus,
Bijoux de la guinguette
Qu'êtes-vous devenus?
On a maçonné la CourtUle,
On a plâtré Ménilmontant,
Aux murs oii grimpait la charmille
Brillent le gaz et le clinquant.
Noël et Mardi-gras
Dorment sous les plâtras.
Bouchons, etc.
LA CHANSON
115
Le vin qui fait sauter les chèvres
De notre zone a disparu,
Nous n'avons pour laver nos lèvres
Qu'un jus épais, noir et bourru.
Nos brocs ont pris le deuil
Des coteaux d'Argenteuil.
Bouchons, etc.
Heureux temps de la rémoulade,
Siècle doré du fricandeau,
Où le quinquetet la salade
S'abreuvaient au même tonneau,
Où trônait en été
Le fromage habité.
Bouchons, etc.
Réceptacle de folle joie.
Séjour d'ivresse et de vertu
Où la famille autour d'une oie
Mangeait à bouche que veux-tu ;
Où la ciboule et l'ail
Escortaient le bétail.
Bouchons, etc.
On défilait un répertoire
•De refrains tant soit peu gaillards,
D'altérantes chansons à boire,
Puis les papas et les moutards
Poussaient à pleine voix
L'air de Robin-des-Bois.
Bouchons, etc.
Le violon, la contrebasse
Accordaient leurs sons aigre-doux,
Puis on criait : en phice ! en place !
Pour la contredanse à deux sous !
En avant I les amoui's
S'en donnaient pour huit jours I
Bouchons que je regrette,
Bancs vermoulus.
Pots biscornus,
Bijoux de la guinguette
Qu'êtes-vous devenus?
Charles COLMANCE.
Nous publions aujourd'hui les pièces couronnées
au Grand Concours Poétique ouvert par La Chanson
en l'honneur de Béranger.
Notre prochain numéro contiendra le rapport fait,'
au nom du jury, par Eug. Imbert, et l'indication des
pièces ayant obtenu des mentions honorables.
CONCOURS DE LA CHANSON
POÉSIES
1" Prix
BÉRANGER
Le peuple a ses jouets, idoles qu'à la gloire
Eleva la faveur d'un jour;
Mais il a ses tombeaux près desquels il vient croire,
Immuable dans son amour.
Incorruptible sentinelle.
Son souvenir veille autour d'eux,
Jetant pieusement l'or pur de l'immortelle
Sur leurs vestiges radieux.
De ces tombes que garde, hommage populaire,
Le sceau de l'immortalité,
Tombe de Béranger, u'es-tu pas la plus chère
A ce peuple qu'il a chanté ?
Lorsque de la France abattue
S'éteignit l'astre triomphal.
Qui donc la consola? Celui dont la statue
A notre cœur pour piédestal .
Qui donc la releva, palpitante et meurtrie.
Pleurant sur son dernier fleuron?
Voix sublime où vibrait l'âme de la patrie,
Qui rendit la flamme à son front?
Qui ranima les défaillances,
Quand des revers immérités
Entraînaient dans le flot de nos désespérances
Le reste de nos libertés?
Ce fut un chansonnier... saluez un poète,
Et des plus grands qu'on ait aimés.
Attendri tour à tour, ou sceptique, ou prophète
Aux accents d'amour enflammés.
Le peuple, sa muse fidèle.
Inspira ses cliants les plus beaux.
Et le sommet où règne une strophe immortelle
Dominait des mondes nouveaux.
Chansonnier!.. . rien de plus! Il suffit à sa vie
Comme à sa gloire, ce rayon !
Ne remplissait-il pas une époque ravie
Du bruit d'une seule clianson?
Quand il lançait dans la fournaise
Sa chanson pleine de fierté,
Quelle arme espérais-tu, quelle arme plus française
Pour tes combats, ô liberté !
C'est au bruit des chansons que marchaient nos ancêtres
Par le péril enorgueillis ;
C'est avec des chansons qu'ils oubliaient leurs maîtres,
Nos serfs par le joug avilis.
Partout la chanson éloquente
Jette au vent ses refrains bénis.
C'est ton refrain vengeur, ô Marseillaise ardente
Qui transforme notre pays !
Aux champs de l'avenir, que son rêve ensemence,
Que Béranger guide nos pas ;
Que dans nos souvenirs il cueille pour la France
Des fleurs qui ne périront pas ;
Sa chanson, rapide étincelle.
Rallume la fraternité
En dorant des feux purs d'une aurore nouvelle
Le règne de l'humanité.
Peuple qu'il aimait tant, que ton cœur se souvienne
Toujours de ce chantre inspiré.
Ne sépare jamais ta gloire de la sienne ;
Ton cœur dans son cœur a vibré.
Et si parfois d'obscurs outrages
Voulaient assombrir ce beau jour.
Parle ; et vois aussitôt se fondre ces nuages
Aux seuls rayons de ton amour !
Edmond DELIÈRE,
' Rédacteur ea chef du Guetteur de Saint-Quentin.
116
LA CHANSON
2" Prix
A BÉRANGEI\
Après la grandiose et sanglante épopée,
Quand la France en ses mains vit briser son épée,
Quand, expiant trop tard son orgueil insensé,
L'Empire succomba sous le poids de ses fautes,
Derrière nos vainqueurs, naguère encore nos hôtes,
Surgit le monde noir et hideux du passé.
La France, avec stupeur, à cette heure fatale,
Vit sortir de la nuit la race féodale.
Les blêmes habitants des antiques palais.
Et les vieux émigrés aux figures étranges.
Qui, depuis vingt-cinq ans, combattaient nos phalanges,
Dans les rangs allemands ou dans les rangs anglais.
C'étaient les Carabas suivis des Pretintailles,
S'efforçant d'ajuster à leurs petites tailles
Les lambeaux teints du sang sacré de nos héros ;
Les moines, les marquis, les frocs et les cocardes,
Et les rois décrépits, précédés de leurs gardes,
Entourés de bouffons et suivis de bourreaux ;
C'était le défile des masques et des gnomes,
Le lugubre sabbat des nains et des fantômes.
Au grand jour des vivants osant s'aventurer.
Sinistre cauchemar d'un Hoffmann en délire,
Ténébreux carnaval dont il fallait sourire
Pour n'en pas avoir peur et pour n'en pas pleurer !
C'est alors que du fond du vieux peuple stoïque
Sortit un combattant, pauvre, obscur, héroïque.
De ceux qu'aux jours de deuil Paris sait enfanter;
Sans faiblir un instant il fit tête à l'orage.
Et, pour rendre aux vaincus l'espoir et le courage.
D'une voix éclatante il se mit à chanter.
Il chanta nos drapeaux, nos gloires éternelles.
Dragons et cuirassiers fiers et droits sur leurs selles,
Les conscrits de seize ans dignes d'un Panthéon,
Les grenadiers marchant dans l'ardente fumée,
Tous géants, tous soldats de l'invincible Armée
Qui du Caire à Moscou suivit Napoléon.
Défiant l'étranger campé sur nos décombres,
Les rois, les conquérants, les hypocrites sombres
Qui voulaient en bûcher transformer chaque autel,
Souflletant le passé, les ténèbres, l'abîme,
Il triompha d'eux tous ; et ce combat sublime
De son nom inconnu fit un nom immortel.
Ce nom, c'était le tien, Béranger! — O Poète,
Regarde : leur déroute est-elle assez complète ?
Ce que tu pressentais s'est-il bien accompli?
Plus de classes ! A tous la même loi s'applique ;
Et, guérissant nos maux, la jeune République
Sur nos divisions jette un voile d'oubli.
L'œuvre qui nous unit prouve assez ta victoire ;
Le soleil fut toujours haï de l'ombre noire ;
Par ceux dont, hier encor, nous étions menacés,
Ta gloire, ô Béranger, fut toujours combattue;
Si la patrie, enfin, te dresse une statue.
C'est que les mauvais jours sont à jamais passés.
C'est ta fête, ô chanteur ! Si, du fond du mystère
De l'immortalité, tu laisses sur la terre
Tomber un long regard souriant et profond,
Tu verras en tout lieu — car ce n'est plus un rêve, —
La liberté qui naît, l'aurore qui se lève,
Le peuple qui grandit et les rois qui s'en vont !
Les Rosiers Saint-Servan. FranciS MELVIL.
3= Prix
A BÉRANGER
Ce siècle était encore un siècle de tempête,
Lorsque tu lui jetas tes chants harmonieux,
Et la foule étonnée, alors, leva la tète
Vers celui qui chantait, lorsque grondaient les cieuxl
Toujours calme et serein dans ta verve puissante,
Au milieu des éclairs, tu caressais Lison,
Et, bravant tout danger, ta lyre insouciante
Répondait à la foudre avec une chanson.
Tu chantais les amours et les vieux vins de France,
Les larmes se séchaient à ta douce gaîté,
En t'écoutant, les cœurs s'ouvraient à l'espérance,
Et ta voix déridait même la pauvreté !
Quels francs éclats de rire égayaient la misère
De ces deux tendres sœurs, Lisette et Frétillon,
Elles qui, pour trésor, n'avaient sur cette terre
Que leur cœur plein de joie, et que leur cotillon!
Et tu chantais aussi la patrie et ses gloires,
Notre drapeau poudreux usé par les combats,
Haillon qui dans ses plis portait plus de victoires
Qu'il n'avait devant lui vu tomber de soldats !
Tu te riais des grands dans tes vers sans contrainte.
Et des traits acérés de ton esprit moqueur
En dépit de leur nom tu les frappais sans crainte,
Jamais vaincu, du moins, sinon toujours vainqueur 1
Au fond de la prison que t'ouvrit ton génie
Peur notre liberté, poète, tu luttais ;
Citoyen, tu luttais contre la tyrannie;
Libre, malgré tes fers, poète, tu chantais!
Tu chantais le réveil du lion de la Gaule
Le jour où se levant superbe et triomphant,
La Bastille, aux efforts de sa puissante épaule,
Tomba, comme un jouet sous la main d'un enfant.
C'était l'heure où, lassé d'être un peuple d'esclaves,
Dressant son front courbé sous un joug odieux.
Ce peuple de Titans, pour briser ses entraves.
Ivre de liberté, luttait avec les dieux !
C'est ce peuple français qui dans ses jours dé fête
Fredonnait tes couplets et tes refrains joyeux.
Et ta lyre pour lui ne fut jamais muette.
Même quand la douleur vint à mouiller tes yeux.
Il me semble te voir auprès de ta fenêtre.
Dans ton grenier, les yeux errants dans l'infini,
Regardant sur les toits la verdure renaître,
Et les oiseaux venir y préparer leur nid ;
Et tu suis dans l'azur leur course vagabonde.
Cherchant à t'inspirer de leurs joyeux ébats,
En écoutant parfois, dans ta tête féconde,
La voix de ta Lison qui te parle tout bas.
Mais, à tes premiers vers déjà ta main s'arrête !
La plume, en frémissant, s'échappe de tes doigts I
Béranger, n'es-tu plus le chantre de Lisette?
Poète, de l'amour n'entends-tu pas la voix?
Ton front n'est plus rêveur, et ton œil étincelle,
Tu chantes les plaisirs, et tu veux t'arrêter ?
Quel rêve de malheur effleure de son aile
Ta lyre qui frissonne et ne peut plus chanter?
LA CHANSON
117
Réponds-moi ! — Mais, soudain, j'entends le bruit des armes.
Tu ne peux achever ta joyeuse chanson;
Alors, sur le papier que tu mouilles de larmes,
Le vieux sergent a pris la place de Lison !
René JOHANNY.
SONNETS
1" Prix
HOMMAGE A BÉRANQER
Tant que la ville en pleurs, tant que les prés en herbe
Ont lancé par la voix de leur ami fervent.
Soit qu'on maudît le sabre ou qu'on fêtât la gerbe,
L'anathème au despote et la ballade au vent,
Tant que la France, aïeule au courage superbe,
Et Lisette ont mêlé, dans l'œuvre du savant,
Le rire de Térence aux larmes de Malherbe,
On a ri bien des fois et pleuré bien souvent.
Maintenant qu'il n'est plus et que ta noble face,
0 Liberté! paraît quand l'apôtre s'efface.
Déifiée, admets sa gloire à ton autel.
L'éternité du bronze épouse son image,
Et son ombre attendait rayonnante l'hommage
Du poète, éphémère au poète immortel.
Biarritz. BAZIN-DESRUES.
2° Prix
A BÉRANGER
Après un long oubli de ton nom, de sa gloire,
La France, ô Béranger! se réveille aujourd'hui!
Des réparations enfin le jour a lui :
La France va payer sa dette à ta mémoire !
Il est venu ce jour où ceux qui t'avaient nui
Au vœu du peuple ont vu répondre la victoire.
Le peuple savait bien qu'il devait toujours croire
Aux principes sacrés que tu chantais pour lui I
Oui ! cette heure a sonné, bien que lente et tardive,
Où, longtemps assoupi, ton souvenir s'avive,
Comme un lointain rayon de l'immortalité !
Libre enfin, notre France, un instant abattue.
Se relève et s'honore en dressant ta statue,
Symbole de sa gloire et de sa liberté !
Liège. SAINT-QUENTIN.
3° Prix
SONNET A BÉRANGER
Quel bonheur de s'asseoir au festin préparé !
Les couverts et les vins, double délicatesse,
Etincellent, mais non pas autant que l'hôtesse,
Et chaque sens aura son tour d'être enivré.
Un édit agréable a banni la tristesse;
Le dessert est servi, chaud, succulent, doré.
L'on a bu; la chanson monte et vibre à son gré,
Et si ce n'est les voix, les cœurs ont la justesse.
La gamme et la pensée, un beau couple de sœurs,
Luttent de passions, et luttent de douceurs.
Ecoutez : Béranger donne sa poésie,
C'est dire son amour, sa foi, ses droits, ses dieux.
Si bien qu'en ce gala riche et mélodieux
L'âme, elle aussi friande, a son plat d'ambroisie.
Aadrésy. Ernest PI AU.
CHANSONS
I" Prix
A BÉRANGER
(Anniversaire du 16 Juillet 1857)
C'en est donc fait, la tombe s'est ouverte,
Et le génie est remonté vers Dieu ;
Un peuple entier, la tête découverte,
A sa dépouille est venu dire adieu.
Mieux que son nom sa belle âme épurée
Contre l'oubli devra le protéger ;
Vous qui chantiez par sa bouche inspirée.
Muses, portez le deuil de Béranger I
Je m'en souviens, sa voix nous disait comme.
Par la vertu que ne rebute rien.
L'enfant s'élève à la dignité d'homme
Et comme l'homme un jour est citoyen.
Contemporain d'une époque fiétrie
Où nous avions tant d'affronts à venger,
Il nous apprit l'amour de la patrie :
Enfants, portez le deuil de Béranger I
Souvent aussi, pour un sujet plus tendre.
Des nobles chants abaissant la hauteur,
En doux accents, son luth nous fit entendre
Le premier cri qui s'échappe du cœur.
De vos amours, — ô perfide maîtresse
Qu'avec un autre il fallait partager, —
Sa muse fut la folâtre prêtresse :
Amants, portez le deuil de Béranger!
Pour embellir d'une clarté sereine
Les derniers soirs que Dieu vous a laissés.
Et pour ravir au temps qui vous entraîne
Le souvenir de vos bonheurs passés,
Sa muse encor, dans sa philosophie,
D'un doux refrain sait vous encourager;
Au Créateur gaîment il se confie :
Vieillards, portez le deuil de Béranger !
De ses canons lorsque l'Europe entière
Nous envoyait les menaçants échos,
A ses accents, courant vers la frontière
Chaque conscrit devenait un héros.
Plus tard, hélas ! quand vint le grand naufrage
Qui, dans ses flots devait tout submerger,
De notre gloire il chanta le veuvage :
Soldats, portez le deuil de Béranger !
Mais dans le ciel une étoile nouvelle
Projette au loin ses lumineux rayons :
Mort et réveil ! serait-ce l'étincelle
Du beau génie, hélas ! que nous pleurions?
Non, ce n'est pas un effet de mirage
Qui m'éblouit d'un éclat mensonger;
Je vois là- haut resplendir son image :
Ne portons plus le deuil de Béranger!
(Anonyme).
118
LA CHANSON
2° Prix
A BÉRANGER
J'avais vingt ans, j'habitais un grenier;
Mais bien souvent j'y recevais Lisette ;
Ses jolis jeux éclairaient ma chambrette,
Un rossignol chantait dans son gosier.
Insouciants, sans regret, sans envie,
En nous jurant de ne jamais changer.
Nous soupirions, Fâme toute ravie.
Tes chants d'amour, ô divin Béranger.
Lise un matin disparut pour toujours.
L'azur avait tenté cette hirondelle,
Pour le plaisir à l'amour infidèle ;
Je restai seul à pleurer les beaux jours.
Mais arrosant la morose tristesse
D'un vin doré qui grise sans danger.
Je fredonnais, dans une douce ivresse,
Tes chants d'espoir, ô joyeux Béranger.
Dans mon chemin souvent j'ai rencontré
Des hommes faux se drapant dans le vice,
Foulant aux pieds la pudeur, la justice
Pour un hochet, pour un ruban moiré.
De mon tonneau, comme ton Diogène,
Ne voulant point pour eux me déranger,
Je leur jetais à la face, sans gêne.
Tes chants vengeurs, honnête Béranger.
Quand l'ennemi poussait ses bataillons.
Comme un torrent vers la vieille frontière;
Quand se levait la Nation entière
Et que le sang inondait les sillons.
Quand nous tombions de défaite en défaite
En proie aux durs afi"ronts de l'étranger,
Nos combattants chantaient dans la tempête
Tes chants de guerre, ô noble Béranger.
Oui, c'est toujours à toi qu'on en revient;
Ta muse a fait tout le tour de la vie,
Toujours honnête et jamais asservie :
Son chant joyeux à chaque âge convient.
Célébrant tout : Gloire, amour, vin, Patrie,
Sur chaque fleur elle allait voltiger
Et nous jetons sur ta tombe chérie.
Des verts lauriers, immortel Béranger.
PoméTo\s. Paul PUJOL.
3° Prix
CHANSON
Quand le soleil ruisselle dans la plaine,
Quand la fauvette a regagné son nid,
Que la forêt de cantiques est pleine,
Quand tout en nous se réveille et sourit,
Avec l'oiseau qui, de son gai ramage,
Anime tout, les prés et les buissons,
Avec la brise agitant le feuillage.
De Béranger redisons les chansons.
Quand, à vingt ans, notre âme épanouie
S'entr'ouvre, heureuse, au soufile de l'amour.
Que l'existence'apparaît réjouie
Par le bonheur renaissant chaque jour.
Lorsque toute heure est une heure de fête
Pour notre cœur, et que nous chérissons
Le doux éclat des grands yeux de Lisette,
De Béranger redisons les chansons.
Quand l'ennemi menace la frontière.
Que la Patrie appelle chaque enfant,
Du sol sacré que ravage la guerre,
Surgit un peuple entier qui le défend.
Dans ces moments, aux jours de luttes saintes,
Quand au combat tous nous nous élançons,
Pour étouffer les sanglots et les plaintes.
De Béranger redisons les chansons.
Aux jours d'exil, quand loin de la patrie,
Nous regrettons nos champs et nos coteaux,
Où s'écoula notre enfance chérie.
Où le soleil et le ciel sont si beaux.
Si près de nous l'hirondelle qui passe
Vient rappeler ceux que nous regrettons.
Avec des pleurs, pour amoindrir l'espace.
De Béranger redisons les chansons.
Pour célébrer la puissante déesse
Dont le nom seul met nos cœurs en émoi.
L'idéal saint, la fée enchanteresse
Dont nous suivons enfin la douce loi.
Aux accents fiers de cette Marseillaise,
Qui jette au sein de généreux frissons.
Pour bien chanter la Liberté française,
De Béranger redisons les chansons.
Liège. FÉLIX WAGENBR.
La publication des pièces couronnées à notre
grand concours nous oblige à remettre au prochain
numéro nombre d'articles et d'informstions .
A. P.
NOTRE CONCOURS MENSUEL
Nous reprenons à partir de ce numéro notre
Concours Mensuel de chansons entre nos abonnés
seulement. Les pièces seront reçues jusqu'au 20 de
chaque mois. La chanson couronnée sera publiée,
ainsi que les titres et les noms des auteurs des deux
suivantes.
Le lundi 17 novembre, la société des Auteurs,
Compositeurs et Editeurs de musique a tenu sa
séance annuelle dans la salle du Grand-Orient, rue
Cadet, sous la présidence de Paul Avenel.
Dès l'ouverture de la séance, une discussion
s'engagea entre la commission des comptes et le
syndicat, ce dernier voulant maintenir l'ordre du
jour annoncé dans la lettre de convocation, c'est-à-
dire le vote pour remplacer les trois syndics sortants
avant la lecture du rapport de la commission des
comptes, tandis que ceUe-ci demandait la priorité
pour son rapport et le voie ensuite.
Les deux camps ayant des orateurs ardents qui
criaient chacun de leur côté, un indescriptible
et regrettable tumulte s'éleva pour durer pendant
plus d'une heure. Une proposition de l'éditeur
Rhodé, à laquelle le syndicat acquiesça et qui fut
votée par l'assemblée, ramena un peu d'ordre.
La commission des comptes avait obtenu que le
vote n'aurait lieu qu'à la fin de la séance. La parole
fut donnée à M. Lebailly, trésorier, remplissant les
fonctions de secrétaire, pour la lecture du rapport
annuel. Ce rapport rédigé, avec clarté et constatant
les progrès toujours croissants de la société, rendant
compte des travaux du syndicat et donnant en
LA CHANSON
119
termes pleins de cœur des regrets aux sociétaires
décédés dans le courant de l'année, fut souvent
interrompu par les bravos approbateurs de l'as-
semblée.
La parole ayant été donnée ensuite à M. Philibert,
président de la commission des comptes, il en usa
largement; la lecture de son rapport ne dura pas
moins d'une heure quarante minutes. Il est rédigé
avec esprit et intelligence, les effets à produire sont
bien amenés, on sent en l'entendant que M. Philibert
a l'habitude du théâtre. L'assemblée écouta avec
une attention soutenue l'énoncé des faits les plus
graves contre la gestion de l'agent général de la so-
ciété. Une lettre irrespectueuse, écrite par ledit agent
général et témoignant de son peu de respect pour
ses administrés, souleva surtout l'indignation de
l'assemblée qui, un peu surprise de telles révélations,
remercia par des applaudissements la commission
du travail difficile et laborieux qu'elle avait accompli.
Après cette lecture, l'orage reparut à l'horizon;
les conversations les plus animées, les plus passion-
nées même, se tenaient dans les différents groupes
qui s'étaient formés. Il y avait quatre heures que la
séance durait, cela ne s'était jamais vu! — Aussi, sur
deux cent cinquante sociétaires présents àl'ouverture
de la séance, c'est à peine s'il en restait cent cin-
quante dans la salle.
Le moment de voter était venu. Que s'était-il
passé dans l'esprit de la commission des comptes?
Ses membres criaient de toute la force de leurs
poumons : ne volez pas/ C'était la commission qui
avait proposé et fait adopter ce vote à la fin.
Le Ijureau ne tenant compte que des statuts et de
l'ordre du jour procéda sagement au scrutin et les
sociétaires y répondirent au nombre de cent trois
sur cent quarante présents.
Les trois nouveaux syndics furent élus au premier
tour; ce sont MM. Eugène Bailletcomme auteur, Marc
Chautagne, compositeur, et Lafleur comme éditeur.
Des applaudissements sympathiques accueillirent
cette triple élection.
Il résulte de cette séance qu'il y a là un conflit
arrivé à sa période aiguë^et que la société des Auteurs-
Compositeurs a besoin d'en sortir au plus vite. Le
moyen qui nous paraît le meilleur est une réunion
extraordinaire dans laquelle l'agent général, dont la
démission est demandée — par un petit nombre de
sociétaires, il est vrai — viendrait se défendre contra-
dictoirement ; c'est affaire au syndicat dont la tâche
sera rude.
Mais quelle séance 1 Pauvre Paul Avenel ! il avait
perdu sa voix... et sa sonnette aussi.
X...
M. Ange Pitou me fait l'honneur de reproduire
dans les colonnes de VEldorado-Progi-amme (*) un
article que j'ai publié dernièrement sous ce titre :
«Chants nationaux de France (**),» et pour accomplir
une ancienne promesse, il accumule contre le direc-
teur de La Chanson et son malheureux collaborateur
une avalanche de syllogismes vainqueurs.
Après quinze jours d'angoisse, le coup fatal m'est
porté. Au moins, Monsieur, on a de l'humanité, on
ne prolonge pas inutilement l'agonie de ses victimes :
(•) N» 238. — 22-28 novembre 1879.
(") Voyez La Chanson, n' 31.
quinze jours... Il y aurait de quoi trouver des
raisons pour innocenter le diable en personne, mais
pour annéantir un pauve écrivain criminellement
déchaîné contre la Marseillaise, que fallait-il ! A
tout autre une journée de réflexion : à vous, une
heure.
Depuis l'instant oii vous avez tiré du fourreau votre
longue rapière, j'ai perdu le sommeil. Je la vois tou-
jours s'agiter au-dessus de votre tête comme si elle
voulait pourfendre dix moulins à vent. Je crois
même entendre dés cris affreux; de grâce, Monsieur,
rengainez votre instrument, l'ds coups, que vous
m'avez portés ont sutB à me convaincre, je signerai
tout ce que vous voudrez.
Maintenant, lecteur, tâchons de nous soustraire
aux oreilles de mon ennemi afin de confondre tran-
quillement sa critique.
M. A. Pitou a inventé un mode nouveau de réfuta-
tion qui laisse bien loin en arrière les sublimités de
lasoolastique : ses arguments forment quatre grandes
divisions ou catégories :
1° Mots soulignés. — Les appréciations musicales
étant avant tout subjectives, je ne puis répondre à
mon adversaire s'il ne croit pas devoir lormuler
nettement sa pensée : je me bornerai donc à établir
ici un fait bien connu que certaines italiques
semblent contester : Oui, Rouget de Lisle était
royaliste constitutionnel et refusa d'accepter le
décret de la convention qui déclarait Louis Capet
déchu du trône de France.
2° Point d'exclamation. — Ce point d'exclamation
est placé après les mots : Etude musicale. M. A.
Pitou a taillé lui-même sa plume pour la rendre
incisive, une plume qui ne fut point arrachée de
l'aile d'un corbeau.
3° Affirmations diverses. — Par deux fois, M. A.
Pitou, homme d'une rare modestie, affirme que ses
idées sont celles d'un grand nombre de personnes.
Certes, nul ne le contestera : en France on imite
volontiers son voisin et l'on se donne rarement la
peine de raisonner ses opinions. Conclusion : ne
comptez-pas, pesez.
4° Témoignage universel. — Je cède la parole à
M. A. Pitou, sa phrase est de celles qui se font
justice à elles-mêmes :
« Il n'appartient à personne de dénier à l'hymne
c( de Rouget de Lisle un caractère consacré par le
« temps et que ne lui ont jamais contesté — bien au
« contraire — les générations qui se sont succédé
« depuis 1792 ».
J'aimerais à rendre à mon honorable contradic-
teur l'hospitalité qu'il a concédée généreusement à
mon article et, surtout, à mettre sous vos yeux
certain paragraphe amusant où de grands mots sont
amalgamés d'une façon bizarre avec le nom du
chansonnier que nous aimons et respectons tous,
mais cette réponse est déjà trop longue pour une
attaque sans base solide; au reste le lecteur pourrait
mal prendre la chose et s'imaginer qu'on se moque
de lui.
Génie immortel, Déranger, tu souris là haut en
voyant ton nom si plaisamment invoqué en faveur
de la Marseillaise.
A. ÉDÉMA.
120
LA CHANSON
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Une société lyrique, l'Union joyeuse^ vient de se
former dans le XIV arrondissement.
J^^ Union joyeuse donne tous les dimanches, à huit
heures, une soirée lyrique et dramatique,? bis, ave-
nue d'Orléans (salle des Folies-Montrouge).
La formation de V Union joyeuse est due à l'initia-
tive d'un groupe de jeunes gens ayant tous fait
partie de diverses sociétés lyriques de la rive
droite.
Nous souhaitons une réussite complète à nos amis
Dauthenay, Marc et Cabrézy, qui sont les promo-
teurs et les premiers fondateurs de VUtnon joyeuse.
Nous donnei'ons prochainement un compte-rendu
d'une des grandes soirées de cette société.
Cercle Mozart, 13, rue Sainte-Croix-de-la-Breton-
nerie, tous les dimanches à 8 heures, soirée lyrique.
Nous engageons vivement les chanteurs à rendre
de temps en temps une visite à. cette société présidée
par M. Corvée ; ils sont sûrs d'être les bienvenus.
La société lyrique la Pastorale donne tous les
lundis, à 8 heures 1/2, une soirée musicale et dan-
sante, café du Globe, 8, boulevard de Strasbourg,
dans le courant de laquelle se font entendre les
meilleurs artistes des sociétés lyriques.
Nous rappelons à nos lecteurs que l' Union artis-
tique {M. Paulin, président) donnera, dimanche 7 dé-
cembre, sa vingtième représentation au Théâtre
des Arts, à une heure précise. On trouve des billets
au siège de la Société, 8. boulevard de Strasbourg
(café du Globe), et aux bureaux de la Chanson. Pris
du billet : un franc.
La Cordiale donnera, le 4 décembre, une grande
soirée à son siège habituel, 10, Galerie Montpensier
(Palais-Royal).
Le banquet annuel suivi de bal de nuit que la Zyre
amicale (Dupont, directeur) donne à l'occasion de la
Sainte-Cécile, aura lieu le samedi 6 décembre, 167,
galerie de Valois, maison Richefeu (Palais-Royal).
On trouve des cartes d'invitation au local social, 6,
boulevard Sébastopol.
La matinée organisée par la société lyrique la
Renaissance au bénéfice de M. Lebassi n'ayant pas
donné au point de vue financier un résultat aussi
- satisfaisant qu'on était en droit d'espérer, cette so-
ciété complétera la bonne œuvre qu'elle a commen-
cée en donnant, le dimanche 7 décembre, une soirée
extraordinaire au bénéfice du même artiste, en son
local habituel, 8, boulevard de Strasbourg.
Henry MALLET.
CHOSES & AUTRES
Il nous revient qu'un jeune homme, se disant
parent de Déranger, s'est présenté chez diverses
personnes pour solliciter plus ou moins convena-
blement des secours. Nous tenons à déclarer que ce
Monsieur n'est autorisé à se servir ni du nom du
directeur de La Chanson ni de celui d'aucun membre
du Comité de la statue de Béranger.
Au Concert de la Pépinière, une soirée extraor-
dinaire sera donnée, le samedi 13 décembre, au
bénéfice de M. Durafour, artiste et régisseur de cet
établissement.
Notre collaborateur et ami Eugène Baillet a été
nommé, le 17 novembre, membre du syndicat de la
société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de
musique; il a obtenu 54 voix. Ses deux concurrents :
MM. Félix Savard et le docteur Mayer ont eu, le
premier 28 voix, le second 6. — A la formation du
bureau, Eugène Baillet a été nommé secrétaire du
Syndicat à l'unanimité.
Comme nous l'annoncions dans notre dernier nu-
méro, M""' Bordas a fait sa rentrée sm Grand Con-
cert Parisien, faubourg Saint-Denis.
M. Valentin, l'habile directeur de cet établisse-
ment, a su retenir à Paris l'artiste amie du public,
à laquelle plusieurs directions de province avaient
déjà fait des offres brillantes. Le samedi 22 no-
vembre, Rosa Bordas, accueillie par de chaleureux
applaudissements et de nombreux bouquets, a inter-
prété le Vin de Marsala, de Gustave Nadaud, la
Marseillaise du Travail, de M. X., musique de
M. Massage, chef d'orchestre de l'établissement, et
les Canons, paroles d'Henri Nadot, de la Lice chan-
sonnière, musique de Daroier, le compositeur popu-
laire. Le succès a été complet; l'interprétation de
cette dernière chanson, à laquelle le visa de la cen-
sure avait été refusé jusqu'à ce jour, a été, selon
nous, une grande hardiesse de la part de M"° Bor- ^
das. Entendre sortir de la bouche d'une femme :
Taisez vos gueules que l'on s'entende, cela était plus
que difficile, eh bien M"" Bordas a su s'en tirer vic-
torieusement. Pour être complet, ajoutons que ses
camarades lui ont off'ert une superbe couronne en
témoignage de satisfaction de la revoir parmi eux.
La chanson les Canons est éditée chez Labbé, rue
Notre-Dame-de-Nazareth, 32, éditeur des chansons
d'Henri Nadot.
M"° Amiati fera sa rentrée à l'Eldorado dans les
premiers jours du mois. M"° Pazzotti vient de créer
avec succès Un Jour de Mai, sonnet de H. Ryon de
la Lice Chansonnière, musique de M. Jules Jacob.
M"" Duparc a créé Tout en péchant, paroles de
notre collaborateur Octave Pradels, musique de
H. Wahs.
M"° Maria Pacra chante avec succès, du même .
auteur. Qui n'en a qu'in n'en a guère I musique de
M. Alfred d'Hack.
Hurbain interprète de la bonne façon une chan-
sonnette de Jules Jouy de la . Lice Chansonnière :
Faut que j'vous le présente un d' ces jours ! musique
de Duhem.
M"° Lannes, qui a quitté l'Eldorado il y a quel-
ques semaines, a débuté brillamment aux Bouffes
Parisiens, sous le nom de Clary, dans les Noces d'Oli-
vette.
La Revue littéraire et artistique ouvre un concours
de Monologues sous la présidence de Coquelin ca-
det.
La maison Tresse offre à l'auteur de la pièce pri-
mée le recueil des saynettes et monologues publié
par ses soins.
Les manuscrits doivent être déposés aux bureaux
de la Revue, 29, rue Bleue, avant le 15 décembre.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY
2- ANNEE.
N» 34.
20 CENT, LE NUMERO
16 DECEMBRE 1879.
LA CHANSON
Directeur- Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Para.issa.nt 1© 1" <îc le 16 de chaque mois
les Aionnements partent du l" Mal & du i" Novemire
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne ..
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
S o :ac 3«c .A. lia E
Compte-rendu du grand Concours poétique en l'Iionneur de
Béranger (eug. ihbert). — Pauvres Amours! (ernest
ciiEBROUx). — Bringue et Fringue (rené ponsard). —
29 novembre 1879 (Charles péan). — A M. A. Pataij
(ELISÉE KLOTz). Chanson d'hiver (Georges nardin). — Ban-
quet du Caveau (l.-h. lecomte). — Banquet de la Lice
Chansonnière (eug. imbert). — Deux mots (a. édéma). —
A M. Pitou (a. patay). — Lettre de M. Gubil'aud. — Biblio-
graphie (l.-h. lecomte). — Les Têtes de bois. — Chronique
des Sociétés lyriques (uenry maClet). — Choses et autres.
GRAND CONCOURS POÉTIQUE O
Ouvert par La Chanson en l'honneur de Béranger
Il n'est pas inutile, avant de rendre un compte sommaire
des travaux du Jury, de donnei' une idée de la tâche qu'il
avait à accomplir.
Sonnets, chansons, poésies libres : telles étaient les trois
arènes ouvertes aux concurrents; or, cent quinze sonnets,
cent quarante-sept chansons et quatre-vingt-dix-sept poésies
libres ont été envoyés ; ce qui forme un total de trois cent
cinquante-neul pièces à examiner. Une dizaine seulement
ont été écartées pour fait de signature. Il s'agissait bien,
en effet, comme ont le voit, d'un grand concours.
On n'attend pas de nous une appréciation détaillée des
mérites et des défauts que le Jury a relevés dans toutes
ces pièces. Il aurait fallu tenir un procès-verbal interminable
et minutieux. Et puis, quel intérêt? Devions-nous nous
érigei' en professeurs, et prétendre donner des leçons de
goût, de grammaire ou même de versilication à des poètes
dont plus d'un assurément aurait aussi bien tenu sa place
parmi les juges que parmi les concurrents? Nous ne
t'avons pas pensé.
La partie la plus faible nous a paru être la chanson. T/est
étrange alors qu'il s'agit de Béranger. La moyenne s'élève
dans le sonnet ; et les poésies libres, odes, ballades, fables
et contes, car nous avions de tout cela, ont présenté des
qualités diverses, mais incontestables. Aussi est-ce sur ce
point que les divergences d'opinions se sont manifestées
avec le plus de vivacité dans le sein du Jury. Toutefois,Jes
deux pièces désignées pour le premier et pour le deuxième
prix sont assez promptemcnt sorties hors de pair. Mais
laquelle choisir pour le premier prix? Laquelle reléguer au
second rang ? Là a commencé une nouvelle difficulté.
Des mérites si divers, une façon si difl'érente de traiter et
même de comprendre le sujet imposé, créaient un véritable
embarras. Ici plus d'élan, là plus d'énergie ; chez un poète,
un style net, concis, sévère ; chez l'autre, une expression
facile, légère, poétique. Devions-nous préférer Dante à
Virgile, Horace à Juvénal?
Chaque pièce a eu ses chauds partisans, ses vaillants
défenseurs. Ce n'est pas un mince honneur pour M. Melvil
d'avoir tenu si longtemps en balance, par une œuvre qui,
dans un autre concours, aurait sans doute obtenu haut la
main la première récompense, les opinions des jurés. Qui
sait? Le public lui-même se partagera peut-être aussi en
deux camps presque égaux. Heureux serions-nous si nous
avions pu nous ranger par avance à l'avis du plus grand
nombre.
La nature même du sujet, le genre littéraire adopté par
le poète auquel le concours est consacré^ le caractère anti-
politique que tous ont tenu à maintenir aux manifestations
dont lîéranger est aujourd'hui l'objet ; toutes ces considéra-
lions ont décidé le Jury en faveur de Virgile ou d'Horace, ou
pour mieux parler, de M. Delière. Dante ou Juvénal, je
veux dire M. SIelvil, se consolera de venir cette fois au second
rang.
La rime, chez le premier, n'affecte pas cette richesse
exagérée dont certaine école fait grand étalage, et le second,
au contraire, se distinguerait chez nos modernes ciseleurs
de vers.
M. Melvil procède par strophes de six alexandrins, bien
alignés, non pas lourds, mais graves, comme des fantassins
intrépides. M. Delière a choisi une strophe à vers inégaux,
et se rapproche ainsi, autant qu'une ode peut ressembler à la
chanson sans perdre son caractère, de la forme aimée de
Béranger, du couplet.
C'est au bruit des chansons que marchaient nos ancêtres,
dit-il lui-même.
Son concurrent voit surtout dans Béranger le poète politi-
que et laisse dans l'ombre la partie gracieuse et légère de
son œuvre. C'est peut-être celle qui vivra le plus.
Que la lyre à la corde d'airain ne garde pas de rancune à
la Muse ailée.
Mais n'est-il pas temps de donner satisfaction à la juste
impatience des poètes qui, pour n'avoir pas obtenu de prix,
n'en ont pas moins été jugés dignes d'une récompense?
Voici donc la liste des mentions accordées.
POÉSIES LIBRES (Odes, ballades, etc.)
l''« Mention : M. Denis Langat, de Paris ;
2o _ M. L.-J. Masurel, de Lille;
3<! — M. Edouard L'Hôte, d'Aubenton.
CHANSONS
d" Mention : M. Hyppolyte Daguet, du Mans ;
2e — M. L. Fauvel, de Montigny-lès-Cherlieu ;
30 — M. Berdoulef, de Paris.
(•} Les pièces couronnées ont été publiées dans notre précédent
numéro. — Les diplômes seront envoyés à la fin de janyier.
122
LA CHANSON
SONNETS
l" Mention : M. A.-E. R., de Mortagne ;
2<î — M. Gustave Deltel, de Cardes ;
3^ — M. Pierre Pernot, de Paris.
Que si quelques concurrents s'étonnent ou se plaignent de
ne point voir leur nom figurer dans cette liste, nous nous
plaisons à croire que ce ne sera ni l'auteur de la fable dans
laquelle se trouvent les vers suivants :
Fuya ■<
ni celui qui n'a pas craint d'écrire :
Ces vainqueurs qui avaient transcrit dans nos annates
Valmy. Fleurns. Austerlitz, léna...
Alors il s'élevait, et du fond de son âme
11 trouvait des accents toujours pleins d'ironie ;
ni l'auteur de ces vers peu coulants :
Que chacun à Paris pour rendre ^râce
De Bérenger [sic) aux vertus, au grand cœur,
liUe bien suivre la trace ;
ni l'auteur de ce quatrain dont la fin a quelque chose
d'amer mais de juste.
Mais hélas, de beaucoup telle est la pauvre histoire.
Qu'on vous chante surtout quand vous ne chantez plus.
ni enfin le poète qui, plus correct, mais plus naïf, complète
ainsi sa description de l'opulence d'une parvenue :
Aujourd'hui Lisette a des chevajix, des voitures,
Dans son boudoir ua faux printemps.
Et sur son pain des conlitures !
N'est-ce pas là en effet le comble du luxe, et je dirai
même de l'insolence?
Un des concurrents, et non des moins heureux, avait
hasardé une rime que le Jury n'a pu admettre : libertés et
te luttais. J'ignore si M. Melvil, qui a remporté aujourd'hui
un deuxième prix, et qui l'année dernière m'avait fait
l'honneur de m'écrire pour combattre mon opinion, qui était
celle du Jury, au sujet de la prononciation du mot mai,
j'ignore, dis-je, si M. Melvil renouvellera en faveur de hittais
et libertés les trois arguments qu'il invoquait alors, à savoir:
1" la rareté des mots pouvant rimer avec mai; 2° la pro-
nonciation de ce mot dans certaines localités; 3» les
exemples.
liC premier ne serait guère de mise ici. Le deuxième me
remet en mémoire un passage du Roman chez la portière
d'Henry Meunier ; « ...Malheureux, sont-celà les sentiments
que je t'ai inculqués? »• Et, comme la lectrice prononce ce
mot à la provençale, une des habituées s'écrie: Inculqiièsl
on n'a pas encore vu celui-là. A quoi une autre réplique :
Ça doit être un général espagnol.
Quant aux exemples, c'est une grosse affaire, qui ne peut
être traitée en ce moment. Il ne nous semble pourtant pas
miil suffise de montrer qu'une règle a été violée quelque-
fois pour prouver qu'elle n'existe pas, alors surtout que
cette règle repose sur le bon sens et l'évidence.
Un de nos collègues penchait seul pour admettre la rime
controversée, plus peut-être par indulgence que par convic-
tion : .Voyons, lui dis-je, prononce tout haut et de suite
ces quatre mots : Mars, avril, mai, juin. Il le fit, et s'avoua
vaincu. Littré ne prononce pas autrement. J'irai plus loin :
Si les exemples autorisent une dérogation aux règles, il me
sera donc permis d'oser en grammaire ce qu'on ose en versi-
fication, et d'écrire cette phrase : L'élève que j'ai app'is à
écrire... Ce n'est pas français, direz-vous. Il se peut, mais
j'ai pour moi un exemple. Dans une de ses chansons les
plus justement admirées. Déranger, qui pourtant soigne son
style, a dit ;
Vous que j'appris à pleurer sur la France.
Par ces motifs, la cour confirme.
Outre les neuf pièces qui ont été jugées dignes d'un prix
et les neuf qui ont obtenu une mention, il serait injuste
d'omettre celles dans lesquelles le Jury a reconnu, dans des
proportions inégales, des qualités de pensée, de style ou de
mouvement. Je citerai donc, en terminant, pour continuer
mon rôle de fidèle rapporteur, parmi les sonnets, celui qui
se termine par ce vers :
Votre centenaire, ou le fera-t-on ?
Bien dit, mais hors de la note ; puis Un cri, la Lyre de
Béranger, et enfin le morceau qui commence ainsi :
Des sentiments du peuple humble dépositaire.
Les poésies libres les plus remarquées portent les titres
suivants : Souvenir; Ballade en l'honneur de Béranger, et
le Dieu de la chanson.
En chanson, La Muse française, le Centenaire de
Béranger, Une Statue à Béranger, puis, malgré l'exagéra-
tion de son pessimisme, la Chanson de nos jours.
Le Jury dont je viens d'exposer les travaux, était com-
posé, comme l'année dernière, de MM. Valade, d'Hervilly,
Charles Vincent, Baillet, de Bornier, Ponsard, Claretie,
Chebroux, et
EuG. IMBERT.
PAUVRES AWIOURS! (*)
Froid et brumeux voici venir Octobre,
De longs frissons semblent passer dans l'air,
De ses rayons le soleil est plus sobre,
L'oiseau se tait, tout annonce l'hiver ;
Vous qui cherchez et l'ombre et le mystère,
En vagabonds vous qui courez tous nus,
Lorsque les froids, bientôt, seront venus,
Pauvres amours, comment allez-vous faire?
Voici venir les sombres jours,
Que je vous plains, pauvres amours I
Au fond des bois, dans d'épaisses cachettes
Vous embusquant comme de vils gredins,
En avez- vous surpris de ces fillettes?
En avez-vous commis de ces larcins?
Mais, dépouillant les retraites ombreuses
Oii vous alliez vous glisser en sournois,
Le sombre hiver, hélas ! pour de longs mois
Revient, chassant les colombes frileuses.
Voici venir les sombres jours,
Que je vous plains, pauvres amours!
Adieu pour vous, adieu les heures fi'anehes,
Vous n'irez plus battant les verts buissons,
Faisant vos nids dans l'herbe, sous les branches,
Foulant aux pieds les futures moissons :
Car il faut dire aussi, petite engeance,
Que dans vos jeux vous ne respectez rien.
Que vous riez au nez de tout gardien.
On a pour vous toujours tant d'indulgence.
Voici venir les sombres jours,
Que je vous plains, pauvres amours !
Gentils enfants, pour nos sombres demeures
Si vous quittez les bois, le beau ciel bleu,
Il est encor pour vous de douces heures
Que vous saurez trouver auprès du feu.
Discrètement vivant là, portes closes,
Dans le satin ou la bure blottis,
Vous attendrez, ô mes pauvres petits,
Que le printemps ait réveillé les roses.
Voici venir les sombres jours,
Que je vous plains, pauvres amours 1
,rf,7. Ernest CHEBROUX.
de La Lice Chansonnière.
{") Pour paraître- prochainement chez Labbé, éditeur, rue
Notre-Dame-de-Nazareth, 32.
LA CHANSON
123
BRINGUE & FRINGUE
CHANSON DE BORD
A mon vieux matelot Gustave AIMARD
Allons, matelots, allons !
Bringue et fringue !
Fringue efbringue !
Allons, matelots, allons !
La terre est sous nos talons.
' Comme aujourd'hui c'est dimanche,
L'hôtesse qui se démanche
Fourbit tout... jusqu'à ses seaux ;
Et dire que sa vaisselle
Qui ce matin étincelle.
Sera ce soir en morceaux I
J'entends crier que Fanchette
Règle à grands coups de fourchette
Le compte de nos repas ;
C'est vrai, mais qu'on lui pardonne.
Car les baisers qu'elle donne,
Elle ne les compte pas.
Puis, Fanchette a tant de zèle,
Qu'on trouve toujours chez elle
Des mets selon tous les goûts ;
A nos vœux toujoui's propice
Il faut voir comme elle épice
Nos plaisirs et ses ragoûts.
Je veux faire une toilette
Ebouriffante et complète
Comme celle des lurons
Et veux à ma convenance,
A mes souliers d'ordonnance
Une paire d'éperons.
A.yant part à ma richesse,
Margot, comme une duchesse,
Portera mante et chapeau ;
Puis elle enduira de plâtre
Son brun visage folâtre
Pour se déhâler la peau.
Si quelqu'un, par aventure,
Nolisant une voiture,
Met le cap sur le coteau.
Nous en doublerons l'allure
Au moyen de la voilure
Et du gréement d'un bateau.
Que le bourgeois grogne au glose,
Moi, j'aime mordre à nuit close
Aux voluptés de hasard...
Il m'en faut de toute sorte,
Ou bien avant que je sorte
Je chavire le bazar. . .
Car tel est mon caractère :
Aimant l'amour sans mystère,
Sans gaze et sans attirail,
Quand je suis dans l'opulence,
Joyeusement je m'élance
Du cabaret au sérail.
Allons, matelots, allons !
Bringue et fringue !
Fringue et bringue !
Allons, matelots, allons !
La terre est sous nos talons.
René PONSARD.
A la mémoire de Doua Mercedes
29 NOVEMBRE 1879
Royale enfant, brisée à tes vingt ans,
La mort t'a prise et jeune et triomphante.
Comme l'orage, en un jour de printemps,
Brise la fleur superbe et rayonnante.
Dans le sépulcre, où doucement lu dors.
N'entends-tu pas une voix qui te crie :
« Repose en paix, reste parmi les morts.
Le roi d'Espagne aujourd'hui se marie !...^i>
Morte à vingt ans ! à l'âge des amours
Ton triste sort intéressa le monde;
On vit se joindre au deuil menteur des cours
Plus d'un regret sur la machine ronde.
Dans maint endroit le naïf murmura
Emu devant tant de mélancolie :
« Jamais le roi ne se consolera!,..
Le roi d'Espagne aujourd'hui se marie !
Pour remplacer la pauvre Mercedes,
Une autre vient d'une terre lointaine,
Jeune comme elle, et bientôt les Certes
La recevront comme leur souveraine.
Le flot montant a détruit les sillons.
Tout est ruine, au pays de Murcie...
Payez, pour dot il faut des miUons...
Le roi d'Espagne aujourd'hui se marie 1
Au loin Cuba se révolte et se tord
Pour terrasser ce monstre : l'esclavage ;
Le noir se lève et méprisant la mort
Répand partout le meurtre et le ravage.
L'Espagne souffre ; et qu'importe ? le mal
Bientôt va fuir devant la dynastie...
Dansez, chantez, fêtez l'Escurial,
Le roi d'Espagne aujourd'hui se marie !...
La mort t'a mise au dessous du petit
Toi qui vivante, un jour te trouvas reine;
La mort t'a mise au dessous du proscrit,
Mais de ton front elle a chassé la haine
Bien plus heureuse, enfant, que maint vivant
Tu ne crains plus le poison de l'envie.
Qui vient frapper le roi le plus puissant !.. .
Le roi d'Espagne aujourd'hui se marie !...
Dors, mon enfant, ne te réveille pas !
Et que te fait la couronne royale?. . .
Dors, dors en paix le sommeil du trépas,
Sans regretter ta couche nuptiale.
Tous ces serments qu'on prononce aujourd'hui
On te les fit, à toi que l'on oublie.. .
Dors, mon enfant ; dors sans songer à lui...
Le roi d'Espagne aujourd'hui se marie!...
Charles PÉAN,
Inédit. de la Lice Chansonnih^e .
A M. A. PATAY
Directeur de LA CHANSON
La Fable et la Chanson sont de même famille,
Accordez-leur le même droit;
Celle-là c'est la mère et celle-ci la fille,
Logez-les sous le même toit.
Elisée KLOTZ.
124
LA CHANSON
CHANSON D'HIVER
Musique à faire
A mon ami Jules GAULLE T.
Les bois feuillus reverdiront
— Patientez, mes belles —
Pour ombrager votre doux front
De leurs feuilles nouvelles ;
Les oiselets reohanteront
— Gazouillez, jeunes belles —
Encor vos doigts fins cueilleront
Les grains bleus des brimbelles ;
Les fraises aussi mûriront
— Comptez les jours, ô belles —
Mais vos bouches leur font affront,
Etant plus fraîches qu'elles ;
Les herbes du val grandiront
— Réjouissez-vous, belles —
Nous danserons encore en rond,
Ou bien en ribambelles ;
Les lys des étangs s'ouvriront
— Consolez-vous, mes belles —
Bientôt vos yeux rêveurs suivront
En l'air les hirondelles ;
Les genêts d'or refleuriront
— Songez-y, toutes belles —
Voici ipai : vos amants sauront
Si vous êtes fidèles.
Georges NARDIN.
SOCIETE LITTERAIRE ET LYRIQUE DU CAVEAU
BANQUET DU 5 DECEMBRE 1879.
Les caprices atmosphériques qui transforment Paris en
cité groënlendaise ont nalureilement empêché beaucoup
des membres du Caveau d'assister au Banquet de décembre.
Le toast du Président Grange, qui souhaitait la bienvenue
aux chansonniers retour de villégiature, n'a donc pas eu
tous les auditeurs sur lesquels on devait compter. Il n'en a
pas moins été chaleureusement accueilli; le passage où
M. Grange donnait un souvenir aux amis absents pour
toujours a surtout vivement ému. — Imbert dira ce qu'il
voudra, les toasts ont décidément du bon.
M. Duvelleroy a profité du Dernier Banquet de l'année
pour dresser un rapide bilan de 1879. Du goût et une
mordante ironie signalent cette chanson.
M. Mouton-Dufraisse met en couplets réussis divers
préceptes gastronomiques, philosophiques, moraux plus ou
moins avec ce refrain : Vous m'en direz des nouvelles.
M. Ripault chante les Résignations forcées sur un ton peu
mélancohque.
Il faut souffrir
' peut empêcher.
On devine les traits soulignés par ce vers.
M. Fouache, lui, célèbre Une Invention nouvelle permet-
tant aux belles-petites du jour de reconstituer aisément leur
capital. Sujet scabreux, traité avec la légèreté voulue.
M. Piesse est en pleine bucolique avec son Tic-tac, de
coupe heureuse. M. Grange préfère un de ces sujets à tiroirs
pu il excelle. Les Fiches de consolation tentent aujourd'hui
sa verve. Le mari trompé couvert d'honneurs, l'auteur sifflé
qui voit tomber un confrère, le joueur décavé souffletant un
grec, le mourant espérant une seconde vie, autant de
tableaux tracés avec des couleurs chatoyantes et d'une
exactitude impitoyable.
M. Montariol n'en est plus à son premier regret ; il y a
beau jour qu'il lui paraît triste d'être de la même race que
MM. Philippart, Blanqui et Baudry d'Asson. — Qui ren
pourrait blâmer?
M. Ordonneau voit intelligemment passer le Bout de
l'oreille sous les travestissements variés des humains.
M. Fénée met en scène dans les Tromperies de Jean Giblou
un paysan qui substitue volontairement le mot vrai à l'expres-
sion parlementaire et s'en excuse chaque fois avec une feinte
bonhomie. Erreurs serait, à mon avis, un titre plus exact
que Tromperies.
M. Pingray chante avec émotion Quelques couplets inti-
tulés Si j'avais sm.' Je regrette de le dire, il n'a pas su, cette
fois, donner à sa chanson une forme suffisante pour voiler
la pauvreté du fond. 11 a fait et fera mieux.
Charles Vincent terminera ce compte-rendu comme il a
terminé la séance des chants. Deux productions nouvelles,
Matérialisme et Spiritualisme et le Soleil de la Saint-Martin
ont fait apprécier les mérites divers de sa muse. La première
est d'une philosophie mâle, la seconde est gracieuse avec
des choses très-fines de sentiment.
L.-Henry LECOMTE.
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DU 3 DÉCEMBRE
Quelle soirée glaciale, ô dieux et déesses ! Et toi surtout,
pauvre Mercure, comme tu devais être ratatiné au fond de
ton tube de cristal ! Salle froide, vin froid, et même quelques
chansons. . . Dame, sur vingt-huit morceaux, il peut bien
s'en glisser quelques-uns qui ne soient pas de première
chaleur.
Est-ce l'influence de la température? La note élégiaque
a paru dominer d'abord : Le Lys, idylle gracieuse en
triolets, d'Albert Godet ; le Cimetière du village, touchante
imitation de Gray, par Byon, tout en nous berçant agréa-
blement, ne nous réchauffaient pas. Encore, si l'on avait
pu applaudir... des pieds !
Notez que, par une ironie peut-être déplacée, Péan
entonne sa Chanson d'hiver ; Chebroux, qui n'a pas meilleur-
cœur, soutient que L'hiver a ses beaux jours ; enfin, comme
pour mettre le comble à notre exaspération, Jouy s'écrie d'un
air qui voulait paraître convaincu : Le printemps est chez
nous !
Montrez-moi ça, avais-je envie de lui dire. Mais Echalié
s'est chargé de la réponse, et sa chanson, que j'avais
entendue le mois dernier au Caveau, n'a rien perdu de sa
bonne humeur ni de son actualité.
Le thermomètre lyrique remontait. La gaudriole pouvait
entrer en scène. Jeannm alors a procédé à son Examen de
conscience : quel examen, et quelle conscience ! Puis le
Passage du Désir, dont vous devinez le sujet; puis Bras
dessus bras dessous de Cahen et Lebeaux, tableau grivois
plein de vérité ; Ten raffole, chanson comique de Baux ;
Petite Sœur, récit plus fin, mais encore égrillard d'Hachin;
et C'est l' premier et C'est V dernier, et... que sais-je? La
gaieté se dégelait, sinon l'air. Il n'est pas jusqu'à Caron,
le poète iambique, qui n'ait sacrifié aux grâces faubou-
riennes : Ce ti'esù-pas nous qui verrons ça, chanson sous le
pouce, renferme des couplets bien frappés ; mais je dirais
volontiers à l'auteur, non pas comme Voltaire à son confrère
André : Faites des perruques ; mais : Faites des sonnets, des
satires, des poèmes même, plutôt que des couplets à tiroirs.
Non omnia possumus omnes, a dit Virgile, et La Fontaine :
Ne forçons point notre talent. Vous imaginéz-vous Colmance
écrivant une tragédie? La chanson et ses adeptes seraient
fiers d'une recrue de celle valeur, mais, avec ses habitudes
d'esprit, il lui faudra un peu d'étude et beaucoup d'efforts.
La Fleur du souvenir, voilà une charmante inspiration !
LA CHANSON
125
Béranger et sa statue, la grande préoecupation du
moment, ne pouvaient manquer d'inspirer encore quelques
beaux vers. Baillet, un des membres du Comité, n'a pas
failli à sa tâche ; il a obtenu, par ses couplets chaleureux,
un succès qui va se continuer sur toutes nos scènes chan-
tantes. Voici la première strophe et le refrain, privés de la
musique de Tac-Coën :
Assez de piédestaux aux rois !
La France, aujourd'hui citoyenne.
Oubliant ces briseurs de lois.
Rêve de gloire plébéienne.
Pensons aux nobles par le cœur
Plus qu'aux nobles par la naissance.
Béranger, ton nom dit : Honneur,
Patrie, amour, indépendance.
Au grand poète, au citoyen
Dont la muse trop tôt s'est tue,
A Béranger. l'homme de bien,
La France doit une statue.
Puisqu'on avait passé du dou.Y au grave, Vatinel ne
pouvait mieux venir. D'une voix émue il nous a fait comme
un adieu, non le dernier, espérons-le. Je veux chanter
encore, s'écrié-t-il, malgré la vieillesse, malgré les temps
orageux, malgré les malheurs passés.
Le souvenir n'éteint pas l'espérance !
Et il a raison. Puissions-nous, comme le poète, puiser au
contraire dans les leçons de l'adversité un courage nouveau
pour affronter les luttes du lendemain !
C'est ce que je vous souhaite, mes chers frères, et aussi
d'avoir les pieds plus chauds que je ne les ai eus ce soir-là.
Et voyez les conséquences désastreuses de cette séance trop
sibérienne : le lendemain au matin, la neige commençait u
tomber.
Et la neige tombe toujo
E. IMBERT.
DEUX MOTS
Un correspondant désire connaître ma pensée sur
l'œuvre nouvelle de MM. Sarrade et Ben Tayoux :
France, hymne national de la Paix.
Je répondrai en deux mots :
Les idées qui doivent constituer le fonds littéraire
d'un chant national ont été développées par Victor
Hugo dans la dernière pièce des Châtiments : n Lux »
(le jour, opposé à Nox, la nuit).
Une symphonie funèbre et triomphale, composée
par Berlioz pour l'apothéose des victimes de Juillet,
le seul des ouvrages du grand maître français qui
soit devenu populaire, présente, par l'ampleur de
ses formes, l'indicible majesté de sa mélodie on-
doyante, l'énergie pompeuse et calme de son accent,
tous les genres de beauté par lesquels une compo-
sition devient immortelle .
Condensez l'intuition prophétique du poète, sachez
vous élever jusqu'au lyrisme de son livre vengeur ;
Faites jaillir de votre poitrine, en un jour de
surexcitation sublime, des accords aussi vibrants
que ceux du musicien et vous aurez produit V Hymne
de la Paix.
A vous d'examiner si France est le chef-d'œuvre
attendu ; à l'avenir de prononcer sans appel.
A. ÉDÉMA.
Après la réponse de notre collaborateur Edéma à
l'article de M. Ange Pitou, j'aurais voulu moi aussi
répondre quelques mots. Le manque de place m'a
forcé à les remettre au présent numéro. M. Pitou
a cru sans doute bien m'embarrasser en disant que
le moment était bien mal choisi par les admirateurs
de Béranger de publier une critique violente de la
Marseillaise, et il me demande si, le cas échéant, je
publierais, sans en dégager tout au moins la respon-
sabilité du journal, un article hostile à Béranger.
Certes si on apportait à La Chanson soit une diatribe,
soit un pamphlet contre Béranger, cela ne verrait
pas le jour dans nos colonnes, mais une critique
honnête, juste et de bonne foi, y serait accueillie par
nous qui ne croyons pas plus Béranger impeccable
que le pape infaillible.
Mais revenons à la Marseillaise. M. Pitou nous
paraît douter que Rouget de Lisle fut un officier
royaliste. D'autres chants du même auteur, écrits
depuis la Marseillaise, prouvent qu'il le fut toujours.
M. Pitou dit qu'il a bien le droit de s'étonner et de
signaler ce qu'il appelle une eri'eur de tactique de ma
part.
// n'appartient à personne, ajoute M. Pitou, de
dénier à l'hymne de Rouget de Lisle un caractère
consacré par le temps et qui ne lui a jamais été contesté.
Je vais encore une fois bien surprendre M. Pitou
en lui mettant sous les yeux le jugement de Proudhon
le grand révolutionnaire.
... La Marseillaise n'est qu'une amplification de rhéto-
rique, pareille à une harangue de Vergniaud ou de Robes-
pierre. L'intention en était bonne; l'enthousiasme et la
colère y bouillonnent ; elle fit bien son service, mais c'est
tout ce que la critique peut dire à son avantage. Le style est
factice, emphatique et vide, un Uett commun du commen-
cement à la fin. L'auteur n'a trouvé ni pensées, ni expressions
originales, et l'on peut douter aujourd'hui, en relisant cette
pièce, si le peuple qui l'adopta pour hymne national et qui
la chantait en marcliant à l'ennemi, avait réellement cons-
cience de lui-même, s'il était mûr pour la liberté. A cet
égard, je n'hésite point à dire que le Chant des Travailleurs
de 1850 me paraît une inspiration plus vraie, plus réelle,
d'un idéalisme par conséquent plus profond que la Mar-
seillaise.
P.-J. PROUDHON.
A ce jugement plus que sévère, qui laisse bien
loin derrière lui la modeste critique de notre colla-
borateur Edéma, j'oppose le vers du poète Barthé-
lémy, disant de la Marseillaise « ce chant tombé du
ciel dans la tête d'un homme «, et je conclus que,
loin de nier l'œuvre accomplie par la Marseillaise,
je suis surpris qu'un gouvernement républicain n'ait
pas encore accompli po'ur Rouget de Lisle ce que
nous réaliserons pour Béranger. Ce que la France
anti-cléricale doit à Béranger, l'Etat le doit à Rou-
get de Lisle. La statue de Béranger à Paris, celle de
Rouget de Lisle à Lonsle-Saulnier, voilà ce que
nous verrons en 1880.
^ A. PATAY.
Nous recevons la lettre suivante que l'impartialité
nous fait un devoir de publier :
Monsieur,
Le rédacteur du compte-rendu de la séance annuelle de la
Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, se
demande ce que signifiaient les « Ne votez pas! criés de
toute la force de leurs poiunons par les membres de la
commission des comptes.
126
LA CHANSON
Ces messieurs n'avaient -nullement l'intention d'empêther
le vote pour le remplacement des syndics, vote qu'ils avaient
proposé eux-mêmes de mettre à la fin de la séance ; seule-
ment, voici ce qui est arrivé :
M. Rhodé ayant remis à M. Paul Avenel un ordre du jour
invitant le syndicat à voter dans sa première séance la révo-
cation de l'Agent général Rollot, conclusion naturelle du
rapport de la commission des comptes, M. Paul Avenel s'est
empressé... de ne pas le mettre aux voix.
C'est pour ce motif que la commission essayait, en vain,
d'empêcher les sociétaires de voler pour le remplacement
des syndics sortants avant qu'ils se soient prononcés sur cet
ordre du jour, qui a été, fort adroitement, je dois le dire,
escamoté par le président du syndicat. La preuve, c'est qu'à
ce sujet, une protestation que j'ai enire les mains a été ré-
digée séance tenante et signée par quinze sociétaires.
"Donc, Monsieur, je vous prie, en mon nom personnel, de
voulou' bien donner, dans votre prochain numéro, une petite
place à la rectification ci-dessus, ce dont je vous serai infi-
niment obligé.
Veuillez agréer mes salutations empressées.
L. CABILLAUD,
Secrétaire de la Co7nmission des comptes.
BIBLIOGRAPHIE
Souvenirs de Fi'édérick Lemaîlre^publiés.par son fils.
— Paris, Ollendorf, 1 vol. in-18.
Dès volurûineux Mémoii'es rêvés par Frederick
Lemaître pendant vingt années, et qui devaient être
l'histoire dramatique de trois quarts de siècle,
aucun chapitre ne fut écrit. Le titre du volume
publié par M. Lemaître fils est donc une supercherie
contre laquelle je dois mettre en garde le lecteur.
Un ne retrouve dans ces Souvenirs ni la force
pathétique ni la verve spirituelle que le grand
comédien dépensait au théâtre, dans la conversaBon,
ou dans sa correspondance. M. Lemaître fils rend
à la mémoire de son père un hommage contestable
en lui attribuant ce recueil banal où des idées
yulgaires sont exprimées dans un style médiocre et
souvent incorrect. — « Que les pères sont malheureux
d'avoir des fils! « disait le profond Robert Macaire..
La critique ne peut être qu'indifférente à cette
spéculation de librairie.
Jules Bailly : Les Heures de soleil, poésies. Paris,
A. Ghio, 1 vol. in-18.
Les « heures de soleil « sont les moments bénis
où la muse arrache le poète aux platitudes et aux
misères de la réalité pour le transporter dans le
resplendissant pays du rêve.
M. Jules Bailly fait remonter à son enfance sa
première rencontre avec la muse. Elle lui fit alors
prêter une oreille attentive au langage des choses et
des êtres. Ces goûts de saine rêverie se sont
développés avec le temps. M. Jules Bailly est
aujourd'hui un amant passionné de la nature, un
fraternel consolateur de ceux qui souffrent, un
croyant robuste.
Le volume élégant qu'il offre" au public contient
toutes ses poésies composées de 1854 à 1879, et
publiées déjà, la plupart, dans divers recueils lit-
téraires. C'est une œuvre considérable et digne
d'examen.
Les strophes attendries y coudoient les chants
mâles, et toujours le poète, respectueux du lecteur
et de lui-même, poursuit l'idéal dans les chemins de
ja justice et de la vérité. Il unit, à l'originalité du
fond, la perfection de la forme. On en jugera par ce
drame laconique, intitulé Fidélité :
Julie avait vingt ans, œil noir, cheveux d'ébène,
La mort de ses amours avait rompu la chaîne :
Un an s'était passé depuis que son époux
L'avait vue, en mourant, pleurer à ses genoux,
L'autel, la revoyant toujours joyeuse et belle,
Pour la seconde fois s'allumait devant elle.
— L'œil pensif, et couché sous le soleil nouveau,
Un grand chien noir veillait à côté d'un toinbeau.
Les pièces les plus remarquables du volume sont
évidemment celles où l'auteur parle des deux enfants
qu'il a perdues. Ce sont des pages charmantes et
que ne liront pas sans attendrissement ceux-là sur-
tout qui ont subi la même douloureuse épreuve :
Oh ! que se passe-t-il au-delà du cercueil,
■Dieu puissant, qui donnez ou la joie ou le deuil?
Et, puisqu'on vous le cœur meurtri de l'homme espère.
Montrez, dans votre ciel, ces enfants à leur père,
Plus beaux, plus radieux qu'ils n'étaient parmi nous ! •-
Vous le verrez tomber dans l'ombre' à vos genou,\.
Et leur tendre les bras, et chanter que vous êtes
Libre de nous trouble!' au milieu de nos fêtes !...
• Je voudrais multiplier les citations, mais la place
me manque,
Je crois au succès de ce livre sincère, honnête,
académique dans le bon sens du mot, et je serre
cordialement la main du poète.
L.-Henry LECOMTE.
LES TETES DE BOIS
Sous ce titre original, un petit groupe d'artistes :
peintres, poètes et littérateurs, fêtaient, le samedi
29 novembre, leur première réunion d'hiver dans
un dîner intime et sans façon où l'esprit et même la
gaîté n'étant pas défendus, chacun usa, — ^^ abusa large-
ment de la permission. Mais il paraît que personne'
ne s'en est plaint.
Guère plus que les Aventuriers de la mer de Hugo
en arrivant à Cadix, nous étions à peine une quin-
zaine :
— Colombel, l'infatigable organisateur de ces
agapes artistiques, arborant, comme l'étendard de
l'intelligenoe, son vaste front, superbe, olympien ! —
Henri de Beaulieu, coloriste à outrance, et de plus
très brillant causeur et poète raffiné, témoin le sonnet
intitulé: La Couleuvre, qu'il détaille en perfection; —
le critique d'art Jean Dolent, collectionneur au flair
exercé, esprit chercheur — et trouveur, qui veut bien
de temps en temps nous offrir le régal d'un plat choisi
de ses « vers d'éventails )>, selon la coquette expres-
sion de l'auteur, sachant combien nous en sommes tous
friands! — puis les peintres Rapin et Besnus;
Bigot, de la Vie Moderne, à qui nous devons la joie
d'avoir reçu une carte d'invitation illustrée d'un
crayon à la fois aisé et facétieux; — Jules Gaullet,
le sympathique représentant de la librairie Char-
pentier ; — Antony Valabrègue, poète plein de
distinction, clair-obscuriste exquis apprécié des
délicats; — Léon Duvauchel, Paul Debrie, le doux
Sterne; l'aqUa-fortiste Teyssonnières ; et enfin, le
lyrique Georges Nardin et sa mèche blonde, un
nom que les lecteurs de La Chanson verront ici avec
plaisir.
LA CHANSON
127
Au dessert, comme il convient, les poètes ont dit
des vers. Valabrègue a lu J.e Cidre et Paysage
d'hiver, deux pièces remarquables; Besnus a chanté
d'une façon ravissante l'immortelle Chanson de
Musette et les Corbeaux de Murger, que le grand
bohème lui demand-nt souvent lui-même d'inter-
préter, et dont le souvenir ému faisait en ce moment
trembler la voix ; Dolent nous a donné la primeur
de nouveaux «vers d'éventails », frais éclos; Nardin
a dit un sonnet que le défaut de place nous empcclie
de reproduire, et surtout de Beaulieu a fait s'esclaffer
toute la tablée, avec des maximes du fameux Dela-
croix, mises en vers et traduites mot à mot. C'a
été le bouquet de rires de cette inoubliable soirée.
Il était plus de minuit, qu'on songeait seulement
au départ.
Alors, dans une accolade générale, les Tètes de
Bois s'entre-ohoquèrent fiévreusement ; on se dit
adieu comme pour une suprême séparation : les
pleurs coulaient; des serments s'échangeaient. On
dut nous arracher des bras l'un de l'autre...
C'était poignant!
UNE TÈTE DE BOIS.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Dimanche 23 novembre, la Fanfare la Sirène
donnait son banquet de la Sainte-Cécile. Un grand
nombre d'invités assistait à cette fête intime.
Plusieurs poésies et chansonnettes ont brillam-
ment terminé cette jojeuse soirée où la cordialité
la plus parfaite n'a cessé de régner.
Nous avons surtout applaudi un jeune artiste,
M. Maire, qui a dit avec beaucoup de goût les Amnis-
ties, de Louise Coppe. Cet ai'tisto a des moyens et de
la persévérance. Nous l'en félicitons. Bien des com-
pliments à MM. Corbin, Bourol, Micou, Mercier,
Strenbel et à l'intarissable Boivin.
Nous avons eu à regretter l'absence de deux
invités, MM. Maréchal, comique désopilant, grave-
ment malade en ce moment, et Jules Raux, le sym-
pathique auteur-composiieur dont un pas redoublé
« France, salut f)> a été exécuté avec succès par la
fanfare, cet été, aux concerts du Palais-Royal, du
Ranelagh et de la place des Vosges.
M. Levasseur, directeur de la Sirène, a présidé le
banquet avec autant de charme que de tact et de
bon goût.
G. L.
Le 24 novembre salle comble à l'Union et Gaîté,
8, boulevard de Strasbourg. Citons MM. Gressier
qui a dit l'Enfant de Paris, Auguste B. Voilà com-
ment on est républicain, Urbain, membre d'honneur,
X connais un coin. Etiennes de l'Union Artistique
a parfaitement dit la Soirée perdue d'Alfred de
Musset. A bon Chat, bon Rat, proverbe inédit en un
acte de M. Gabriel, a été bien interprété. M. Andral,
président du cercle de l'Amitié, M. Bergier et
M"" Maria du Conservatoire ont recueilli de nom-
breux applaudissements.
En dépit de la neige qui tombait à flocons, les
invités de la Cordiale n'ont pas manqué d'assister à
la soirée, du 4 décembre. Le rideau s'est levé pour
l'interprétation des Héritiers Champignol, comédie
de M. Gabriel, jouée pour la première fois par
M"° Adèle, MM.^ Georges, Douillard, Gabriel et
Charles. Cette petite pièce en un acte, écrite entrés
bon style, a été fort goûtée. La fin, cependant,
gagnerait à être retouchée, car le dénouement est
si brusque qu'il semble par cela même invraisem-
blable. Que M: Gabriel ne prenne pas notre critiqué
en mauvaise part, d'autant plus que nous avons
applaudi sincèrement K' son succès. — Subitement
se dresse un point noir à l'horizon : le pianiste
Marcus, bloqué par la neige, n'a pu arriver jusqu'au
Palais-Royal! On se résigne donc à chanter sans
accompagnement. M. Marie commence hardiment,
mais pourquoi redit-il sans cesse la même chanson?
Nous aimons la variété même quand l'artiste chante
agréablement. Après M.HenriL.,M.Castelle a inter-
prété avec beaucoup d'entrain la chanson de Ganicet.
Les bravos ont ensuite été partagés entre M"° Mar-
guerite qui a soupiré gracieusement l'air de Mignon,
et le compositeur Jules Raux qui nous a fait entendre
une nouvelle chanson J'en raffole . L'auteur du
Vieux buveur de vin et de Miaou est décidément
heureux dans ses inspirations, car J'en raffole est son
troisième succès de l'année. Nous sommes surpris
que des sociétés lyriques qui ont à leur disposition
de tels éléments n'en profitent pas pour organiser
quelques grandes soirées dans une salle de théâtre,
soit au profit de leurs caisses de secours, soit au
profit d'une bonne œuvre, et même au profit de la
Statue de Béranger, soirée qui, dans beaucoup de
sociétés, reste encore à l'état de projet !
Nous avons assisté, le samedi 6 décembre, au
banquet suivi de bal, donné par la Lyre amicale de
Paris dans les salons Richefeu, Palais- Royal; à
cette occasion, 5L Dupont, président de cette société,
nous permettra de lui renouveler ici nos remercie-
ments pour l'attentiem qu'il a eue d'adresser une
invitation au journal La Chanson.
Un dîner de 50 couverts, dont le menu faisait
honneur aux connaissances gastronomiques de la
commission chargée de sa composition, formait la
première partie de la fête. Au dessert, alors que le
Champagne pétillait dans les verres, de nombreux
toasts ont été portés, d'abord, ainsi que l'exigeait
la galanterie française, à la santé des dames qui
avaient bien voulu embellir de leur présence cette
réunion intime, puis ensuite à M. Dupont, le dévoué
président de la Lyre amicale, et qui. à ce moment,
semblait un père entouré de sesjoyeux enfants. Comme
on le pense bien, le journal La Chanson n'a pas été
oublié, et l'on a bu à sa prospérité. Puis, après le
café, on a passé dans la salle de bal, où l'on a dansé
jusqu'à 6 heures du matin ; on s'est séparé en se
donnant rendez-vous pour l'année prochaine. La
Lyre amicale a prouvé une fois de plus qu'elle était-
une des premières sociétés lyriques de Paris.
Le grand bal de nuit donné Salle Rivoli, le 6 dé-
cembre, par la société lyrique des Enfants de la
Seine, à l'occasion de la Sainte-Cécile, a été des
plus brillants. Par les soins de cette société, la salle
Rivoli avait été décorée avec un goût charmant.
Tentures, tapis, bannières et trophées, rien n'y
manquait, et la vue d'ensemble offrait un agréable
coup d'œil. De plus, un public nombreux avait ré-
pondu aux lettres d'invitation lancées par M. Can-
tarel dans les sociétés lyriques, bravant la neige qui
rendait les chemins inaccessibles aussi bien aux pié-
tons qu'aux voitures.
128
LA CHANSON
Pendant le cours du bal, les Enfants de la Seine
ge sont fait entendre dans une polka chantée, qui
a obtenu les honneurs du bis et des applaudissements
unanimes, puis, vers trois heures, un grand feu
d'artifice, composé de pétards et flammes de Bengale,
a été tiré par les soins de M. Perrot, artificier ordi-
naire de la société, qui a parfaitement réussi à rem-
plir la salle pendant quelques minutes d'une fumée
épaisse, qui vous prenait à la gorge. Bref, on s'est
beaucoup amusé au bal des Enfants dé la Seine, qui,
leur président en tête, se sont multipliés pour faci-
liter le service, tenant à honneur de soutenir la vieille
réputation dont jouit à juste titre cette excellente
société.
La vingtième matinée lyrique et dramatique
donnée ledima.nahe7décerabre'pa,vrUniotiA?'tistique,
avait attiré, malgré le mauvais temps, un public
nombreux au théâtre des Arts.
Le succès a été très-vif, et il doit être d'autant
plus agréable aux organisateurs que le programme
ne portait que des noms de sociétaires. Trois pièces
en un acte, La Salle de police, les Trois Bougeoirs et
la Carte à payer, ont été enlevées avec entrain et
talent par MM. Cherville, Etienne, Raymond,
Gabriel, Néel, Roy, Marcel, M""' Legrain et Louise.
Plusieurs chansons ou poésies complétaient la
représentation. MM. Urbain, Denneville et Raymond
dans la partie comique, M"°' Roy et Lucie dans la
partiesentimentale, ont obtenu des applaudissements
nombreux. M. Gabriel a dit avec beaucoup d'esprit un
monologue intitulé Je ne veux plus fumer .
Entre les deux séances de chant, M. Dioksonn a
beaucoup intéressé avec trois expériences de presti-
digitation exécutées fort adroitement.
Cette matinée, en somme, a été digne en tous
points de la grande réputation de l'Union Artistique.
A. P.
La société lyrique La Nationale, qui tient ses
soirées les dimanches et lundis, 3, rue de Rivoli, a
donné, le lundi 8 décembre, une grande soirée à
bénéfice. Jobin et Nunette, vaudeville en un acte, a
été bien interprété par M"° et M. Masse ; des ro-
mances et des chansonnettes ont été chantées par
des sociétaires qui méritent les applaudissements
recueillis; le piano était tenu par M. Seraene, le
jeune compositeur qui compte déjà plusieurs succès
populaires. Une tombola a terminé la soirée.
Il s'est glissé dans notre dernière chronique une
erreur que, sur la demande de l'intéressé, nous nous
empressons de rectifier.
Nous avons annoncé M. Corvée comme président
du Cercle Mozart. M. Corvée nous fait savoir que,
depuis les dernières élections, il n'est plus que socié-
taire, et qu'en outre, le siège social du Cei-cle Mozart
est transféré 108, rue du Temple.
Le banquet annuel de la société lyrique La Re-
naissance aura lieu le samedi 3 janvier 1880, dans
les salons du Grand-Orient, 16, rue Cadet, banquet
suivi d'un grand bal avec orchestre de 15 musiciens.
Les personnes qui désirent assister au banquet et
au bal sont priées de vouloir bien se faire inscrire
au siège social de La Renaissance, café du Globe,
8, boulevard de Strasbourg.
Le prix fixé est de 7 francs par personne, bal
compris. Les inscriptions ne seront reçues que jus-
qu'au 25 décembre.
Nous engageons vivement nos amis des sociétés
lyriques à assister au bal de La Renaissance, qui sera
l'un des plus beaux de la saison.
Henry MA.LLET.
CHOSES & AUTRES
SOUSCRIPTION POUR LA TOMBE DE LEDUC
Listes précédentes 28 50
Denanjeanne, chansonnier. . 2 »
Tralin, éditeur 5 »
Total... 35 50
Nous rappelons aux nombreux amis retardataires
que c.ette souscription sera close à la fin de l'armée.
Le directeur de Z a Chanson, d'accord avec M. Chau-
mette, le président des Enfants du Marais, fera
dans le mois de janvier mettre la tombe du camarade
Leduc en état, suivant la somme recueillie.
PASSÉ, PRÉSENT ET AVENIR
M"" B. Appoline M., institutrice franco-améri-
caine, donne des leçons et consultations sur la Phré-
nologie, la Physionomonie, la Bucomancie, la Chiro-
nomonie et la Chiromancie, en français et en anglais,
de midi à 5 heures et de 7 à 9 heures, tous les jours
excepté le dimanche, 7, rue Rameau (Place Louyois).
— Marcel, drame en un acte en vers, de notre
collaborateur Bertol-Graivil, doit être représenté
prochainement à. Toulouse. M. Jean Bernard, direc-
teur du Biographe, mènera les répétitions de ce
drame, paru, il y a trois semaines, dans la Vie
lyonnaise.
Il nous est impossible d'accuser réception de toutes
les lettres que nous recevons. Il nous faudrait pour
cela plusieurs secrétaires et une somme assez
ronde à afl'ecter aux frais de correspondance.
Nous répondrons seulement aux lettres accom-
pagnées d'un timbre pour la réponse, et à l'avenir
dans la Boite aux lettres de notre Journal.
Nous recommandons la BELLE SALLE de M. Pi-
chard, 3, rue de Rivoli. Cette salle, une des plus
belles de Paris, est encore libre, excepté les
dimanches et lundis.
L'Echo musical, journal musical bi-mensuel.
— Edit. -direct. M. E. Mahillon, 23, chaussée d'An-
vers, à Bruxelles. Un an, 3 fr: 3Q. On s'abonne dans
les Bureaux de Za Chanson. — Bulletin des Sociétés
musicales belges. — Nouvelles artistiques et théâ-
trales.
The musical Standard, le meilleur et le
plus grand des journaux musicaux de Londres.
Abonnement : 15 s. par an. Paraît tous les ven-
dredis, chez M. Reeves, 185, Fleet-strèet, Londres,
(On s'abonne aux bureaux de La Chanson.)
Le Directeur-Gérant, A. PATAY
3' ANNEE. — N» 35.
20 CENT. LE NUMERO
1" JANVIER 1880.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1«' <5cle 16 de ohaqvie mois
les Aionnements partent du 1er Mai & du 1" Novembre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne ..
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
«OMINISTRATION Ji RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
so3ycnyc^û^iE.E
Galerie des Chansonniers : Eugène Grange (l.-henry lecomte).—
Les Fiches de consolation {eugène grange). — Chanson du
nouvel an (g. leprévost). — Aux Chansonniers (eugène
CHATELAIN). — Le vieux berger des Alpes (ch. uertebig. —
L'oiseau bleu, paroles de henry rubois, musique inédite
de DARCiER. — Sixième Concours mensuel de La Chanson :
L'Econome (louis bogey). — La Statue de Béranger (h.l.) —
La Récidive de M. Ange Pitou (a. édêma). — Le Caveau
Verviétois (h. l.). — Le Denier des Ecoles (simon gatoye). —
Choses et autres (a. patay).
GALERIE DES CHANSONNIERS : EUGÈNE GRANGE
Le théâtre et la chan-
son sont inséparables.
Les bons vaudevillistes
font les meilleurs chan-
sonniers. On Ta vu par
les biographies de Dé-
saugiersetdeClairville;
nous en donnons aujour-
d'hui Grange comme
troisième exemple.
Pierre-Eugène Basté,
dit Grange, est né à
Paris, rue Beautreillis,
le 16 décembre 1813.
Commencées à l'école
mutuelle, ses études
s'achevèrent au collège
Charlemagne où, dit-on,
la muse tragique le vi-
sita. Placé par ses pa-
rents dans une maison
de banque, il en sortit
bientôt pour embrasser
la carrière littéraire.
A dix-sept ans il fai-
sait jouer, sur les petits
théâtres du boulevard
du Temple, des vaude-
villes signés seulement
de son prénom d'Eu-
gène. Il était l'auteur
favori du public des
Funambules et du spec-
tacle de M""" Saqui. On
l'appelait le Scribe du
boulevard du Temple.
Ses vaudevilles lui rapportaient cinquante francs
l'acte, une fois payés. Il y a loin de ce chiffre aux
droits d'auteur que lui réservait l'avenir.
Si grande était la vogue de M. Eugène, que
M"' Saqui voulut s'attacher exclusivement le jeune
auteur à succès. Elle l'invita un jour à déjeuner, et.
entre la poire et le fro-
mage, lui proposa, s'il
voulait ne travailler
que pour son théâtre,
une somme fixe de
douze cents francs par
an, à titre de prime,
plus soixante francs par
acte au lieu de cin-
quante. C'était le Pac-
tole ! Eugène accepta,
et, pendant un an ou
deux, il devint l'au-
teur unique du théâti'e
Saqui.
L'ambition lui vint.
En 1833, il donnait,
aux Folies - Dramati-
ques, une pièce en trois
actes, Le Gamin, en col-
laboration aveoMartin-
Lubize. Puis, en 1836,
il aborda les grands
théâtres en présentant
aux Variétés le Tour
de faction, qui obtint
un grand succès. II
était lancé et ne s'ar-
rêta plus. Il aborda tous
les genres : comédie,
vaudeville, drame, fée-
rie, revue de fin d'année,
et réussit dans chacun
d'eux. Le nombre de
ses pièces ne s'élève
pas aujourd'hui à moins
de trois cent cinquante, ce qui représente une
somme de travail vraiment prodigieuse. Pour ne
rappeler que quelques-uns des plus grands succès
de Grange, nous citerons : Les Bohémiens de Paris,
les Paysans et la Voleuse d'enfants, à l'Ambigu-
Comique ; Fualdès et les Crochets du père Martin, à la
130
LA CHANSON
Gaîté ; les Sept Merveilles du monde, à la Porte Saint-
Martin ; Un mari qui se dérange, les Trois bougeoirs,
au Gj'mnase ; la Goton de Béranger, le Théâtre des
Zouaves, Furnished apartment, l Ut dièze, les Domes-
tiques, aux Variétés; la Mariée du mardi-gras, Mimi-
Bamboche, les Diables roses, le Supplice d'un homme,
la Beauté du diable, la Consigne est de ronfler, au
Palais-Royal; enfin, aux Nouveautés, Coco, qui
compte deux cents représentations.
Le vaste bagage dramatique d'Eugène Grange
fournirait aisément le sujet d'une intéressante
étude, mais c'est surtout de Grange chansonnier
que nous devons parler ici.
La direction nouvelle du Palais-Royal, qui venait
d'obtenir son premier succès d'argent avec le Punch
Gî'assot, de Grange, Delacour et Lambert-Thiboust,
fonda chez Brébant un dîner mensuel appelé le Dîner
des Gnouf-Gnouf. On y chantait naturellement au
dessert. Un soir que Grange venait de faire entendre
une chanson, Clairville, qu'on avait invité, lui dit :
— Comment ne fais-tu pas partie du Caveau ?
— Le Caveau ! riposta Grange surpris, est-ce
qu'il existe encore?
— Mais certainement. Ses banquets ont lieu le
premier vendredi de chaque mois, chez Douix, au
Palais-Royal. Si tu veux, je t'y présenterai.
— Volontiers.
Le mois suivant (mai 1865) Grange, sous le patro-
nage de son ami et collaborateur Clairville, assistait
au dîner du Caveau, où il faisait entendre une chanson
de circonstance, la Clédu Caveau, dontnous détachons
ce couplet :
clé du Caveau, joyeux i
Livre charmant, livre complet!
Du luth gaulois, c'est le glossaire
Et les archives du couplet.
Jours de gaîté, jours de soufFrance
Y dévident leur écheveau...
Ou refait Vhistoire de France
Rien qu'avec la Clé du Caveau.
Aux applaudissements de l'assemblée, Louis Protat
qui présidait se leva aussitôt et offrit au visiteur de
devenir membre titulaire du Caveau .
— Avec grand plaisir, répondit Grange.
Depuis ce jour, il est un des membres les plus
assidus de l'Académie chantante. Il y a dit trois
cents chansons environ, qui sont insérées dans
les volumes du Caveau. Oui, trois cents chansons !...
sans compter les toasts en vers qu'il a prononcés
comme président, et qui sont aujourd'hui au nombre
de soixante-douze. Voilà, certes, de la fécondité;
mais la facilité de Grange est extrême.
— Ces toasts, ces chansons, lui disait-on un jour,
doivent vous prendre beaucoup de temps et vous
occasionner un grand travail?
— Je suis très-paresseux, répondit-il, et si cela
me causait la moindre fatigue, soyez certain que je
m'en abstiendrais.
De fait, sa production au théâtre n'en a pas été
ralentie un instant. Il est peu de mois où son nom
ne figure sur une afBche parisienne.
Le talent chansonnierde Grange est indiscutable. Il
a l'observation, la verve, le trait. Il possède surtout
une grande dextérité pour la rime. S'inspirant tantôt
d'un proverbe, tantôt d'un fait, souvent d'un mot, il
esquisse en un tour de main cinq ou six petits tableaux
de genre résumant les bons et les mauvais côtés de
l'existence. Nous signalons la chanson qui suit cette
notice à l'attention desgourmets littéraires. Ontrouve
rarement autant d'esprit, de gaîté, d'exactitude, unis
à d'aussi brillantes qualités de style. Tout j est, le
fond et la forme.
La chanson est. surtout de ropposition.
Fronder, fronder sans cesse est sa vocation.
Ainsi dit Grange dans un de ses toasts présidentiels.
Partant de cette donnée vraie, il s'est escrimé de la
plume contre bien des abus et des ridicules. Il n'a
pas fui le terrain politique, si favorable à la satire.
Peut-être en quelques circonstances , dans ses
Vei'saillaises par exemple, a-t-il frappé fort plutôt
que juste; ne lui en tenons pas rigueur. Après avoir
avec raison chansonné les petits travers des républi-
cains, Eugène Grange viendra à notre grande et
sage République comme y sont venus tant de bons et
brillants esprits.
Ne traduisent-ils pas déjà les aspirations modernes,
ces vers de son Diogène :
Je SUIS ne pauvre, et je
Pauvre, en ma peau de prolétaire,
Ayant pour couche un coin de terre
Cil, libre et de tous ignoré.
Je dors sous le ciel azuré.
Dans les palais, sombres bastilles,
N'entre jamais l'astre vermeil
Qui vient égayer mon réveil ;
Ses rayons dorent mes guenilles :
Rois, ôtez-vous de mon soleil !
Et le poète n' a-t-il pas fait un pas décisif vers la
lumière en composant ce couplet impitoyable :
Sur ses sujets, la royauté
Prélève une liste civile,
Leur donne peu de liberté
Et beaucoup de sergents de ville ;
Au peuple elle impose la loi,
La noblesse en est affranchie...
J'aime l'équité, c'est pourquoi
" Je n'aime pas la monarchie .'
Malgré son abord réservé. Grange a l'humeur
bienveillante. Il est généralement aimé de ses
camarades du Caveau, qu'il aime également. Pour-
tant il a la répartie vive et parfois même assez
caustique. Exemple :
Un jour, un de ses collaborateurs lui apporte un
vaudeville qu'il venait d'écrire d'après un scénario
élaboré en commun. Lecture faite : .
— Revois ça, arrange, complète la chose, lui dit
son collaborateur.
Grange le reconduitjusqu'à la porte de son cabinet.
Là, le visiteur croit devoir dire :
• — Surtout, en revoyant notre pièce, n'ôte pas les
mots drôles.
— Au contraire, répond Grange, j'en mettrai!
Renouvelant son bureau pour 1880, le Caveau
vient, pour la septième fois, de conférer à Eugène
Grange l'honneur de la présidence. Toasts et cou-
plets vont donc jaillir encore de sa veine inépui-
sable . Nous les pressentons dignes de leurs aînés et
capables de rendre plus fière encore la vieille
Académie des chansons.
L.-Henry LECOMTE,
LA CHANSON
131
LES FICHES DE CONSOLATION
Air : Vaudeville de Partie carrée
Lorsqu'en ce monde on éprouve un déboire,
Que d'une tuile on n'a pu se garer,
Faut-il en perdre et le rire et le boire ?
Faut-il gémir et se désespérer?
Des accidents le vrai sage se fiche,
En se disant qu'en notre affliction
Le sort toujours nous réserve une fiche
De consolation {bis).
Un grand-papa, chéri de sa famille,
Vient tout-à-coup de descendre au cercueil ;
A son convoi l'assistance fourmille,
Pour tous les Biens ce trépas est un deuil.
Heureusement, le digne homme était riche,
Très économe, et sa succession
Aux héritiers en pleurs offre une fiche
De consolation.
Ce bon mari, sous-chef au ministère,
D'aimer sa femme avait fait son bonheur.
Quand il apprend que l'épouse adultère
En tapinois jongle avec son honneur.
Quel coup affreux pour ce cœur de caniche !...
Mais il reçoit la décoration :
« Ah! dit notre homme, au moins c'est une fiche
De consolation I »
Quand, au théâtre, un auteur dramatique
Donne un ouvrage atrocement sililo.
Contre l'arrêt d'une injuste critique
Vous le voyez de colère gonflé ;
Son grand chagrin est de quitter l'affiche...
Mais qu'un confrère en répétition
Tombe à son tour... Allons, c'est une fiche
De consolation !
D'un gros banquier la danseuse Palmjre
Reçoit les soins. — Ça manque d'agrément;
Mais il faut bien qu'en calèche on l'admire.
D'ailleurs il est un dédommagement :
Au vieil Arthur à crinière postiche,
Dont elle doit subir la passion,
Elle en adjoint un jeune comme fiche
De consolation.
Au cercle, un soir, contre mon ordinaire,
A l'écarté je jouais sans témoins;
A chaque coup, mon heureux partenaire
Me filoutait d'un jeton... pour le moins.
Vexé de voir que ce monsieur me triche
Et met ma bourse à contribution ;
En le gifflant je me paie une fiche
De consolation.
Des esprits forts partout l'espèce abonde,
Comme un progrès l'athéisme est admis ;
Mais lorsqu'on doit enfin quitter ce monde.
En y laissant épouse, enfants, amis.
Je dis, dût-on me traiter de godiche,
Que l'espérance ou la conviction
De les revoir au ciel est une fiche
De consolation !
Eugène GRANGE,
Président du Caveau.
CHANSON m NOUVEL AN
C'en est fait de la vieille année.
Car le doigt de la destinée
Marque minuit sur le cadran,
Et le temps qui guette à la porte
Prend la moribonde et l'emporte !
Amis, voici le nouvel an !
La vieille année a rendu l'âme ;
Et qu'on la loue ou qu'on la blâme, '
Eloge et regrets superflus !
De mille attraits divers ornée
Voici venir la jeune année ;
L'autre est morte, n'en parlons plus!
Pourquoi regarder en arrière ?
Qu'il soit plein d'ombre ou de lumière.
Tout le passe nous est connu.
Et la plus douce souvenance
Ne vaut pas la moindre espérance.
Nouvel an, sois le bienvenu !
A peine viens-tu de paraître,
Et déjà les fronts semblent être
Moins troublés et moins soucieux ;
Ainsi, quand est proche l'aurore.
Sous l'ombre qui les couvre encore
On peut voir s'éclaircir les cieux !
Plus d'un regard aussi flamboie ;
C'est qu'en ce jour de franche joie
Le cœur resserre ses liens ; ■ ■
C'est que chacun de nous espère
Que l'an nouveau sera prospère
Et pour lui-même et pour les siens;
C'est qu'aux soucis on a fait trêve,
Et qu'on se berce du doux rêve
D'un avenir toujours heureux,
Sachant que l'an qui bien commence
Est comme une bonne semence .
Qui produira des fruits nombreux.
Donc, mes amis, trinquant ensemble,
Fêtons le jour qui nous rassemble,
Car il est minuit au cadran ;
Et, pour qu'en biens l'année abonde,
Mes amis, portons à la ronde
Un joyeux toast au nouvel an !
TOAST (*)
Au nouvel an ! à tous au monde
Qu'il apporte joie et santé.
Et que sa course soit féconde
Pour le bien de l'humanité !
[Inédit).
Londres.
[Inédit).
G. LEPREVOST.
{*) Le toast peut être dît
refrain après chaque couplet.
132
LA CHANSON
AUX CHANSONNIERS
Musique de Eugène Blangy.
Des chansonniers je constate l'absence
Bans les endroits où la chanson a cours,
Autour de moi tout n'est qu'indifférence;
Et le public calque l'esprit des cours.
Partout l'erreur, partout l'hypocrisie ;
Tartufe règne et donne des leçons.
Pour ramener chez nous la poésie,
Bons chansonniers, faites-nous des chansons.
Eh quoi ! le peuple intelligent s'amuse
A fredonner d'insipides couplets ;
La gaudriole est la dernière muse
Dont les chanteurs se sont fait les valets.
Non ! plus de chants qui nous corrompent l'âme,
Place aux beaux vers, aux harmonieux sons.
A votre voix, pour que le cœur s'enflamme,
Bons chansonniers, faites-nous des chansons.
Assez longtemps on a chanté les treilles,
L'amour, le vin, la gloire et les lauriers ;
Pourquoi ne pas nous flatter les oreilles
En critiquant la guerre et les guerriers ?
Des temps passés, je sais les résistances.
Le monde marche... et peuple, nous passons.
Quand la vapeur abrège les distances.
Bons chansonniers, faites-nous des chansons.
De préjugés l'humanité fourmille ;
Unissons-nous pour les saper un peu.
Par l'amitié formons une famille.
Tout doucement l'homme fait ce qu'il peut.
De l'avenir pour aplanir la route.
Les vieux abus nous ensevelissons;
Pour préparer des fourbes la déroute,
Bons chansonniers, faites-nous des chansons.
Si je descends, convaincu dans l'arène.
C'est que je veux y paraître à mon tour.
La volonté qui me guide et m'entraîne.
Entraînera tous les hommes, un jour.
Ils combattront sans armes, sans cuirasse.
Et chanteront simplement les moissons,
Mais les 'Gaulois auront changé de race...
Bons chansonniers, faites-nous des chansons.
Quels sont ces fils qui traversent le monde ?
On më répond : — C'est l'électricité.
Sous l'eau, dans l'air, que la tempête gronde ;
Le télégraphe est à l'immensité. —
Quand la pensée est, par une étincelle
Mue, emportée à tous les horizons,
On peut rêver la paix universelle,
Bons chansonniers, faites-nous des chansons.
Inédit. Eugène CHATELAIN.
A mon aimable Mécène
LE VIEUX BERGER DES ALPES
J'ai recueilli la plainte
De notre vieux Derger,
Et sans rien y changer
Je redis sa complainte.
Au pied des monts altiers,Vlans cette humble chaumière,
Je suis né, j'ai vieilli. Contre un riche palais
Sous un autre soleil, point ne la céderais.
Non! pour goàter ailleurs existence princière.
Les Alpes sont si belles
Avec leurs beaux coteaux,
Leurs murmurants ruisseaux,
Leurs neiges éternelles !
Il y a bien longtemps, sous les yeux de ma mère,
Sur ces gazons fleuris, pour la première fois,
Je fis mes premiers pas. Ma mère, je la vois
Sourire à mes efforts. Souvenance bien chère.
Que la montagne est belle !
Mais ce pieux souvenir
Rien ne peut l'adoucir,
O destinée cruelle.
Oh! quand j'avais vingt ans, un nid de tourterelle
Dans un profond ravin n'était pas bien caché ;
Léger comme un cabri, je l'avais déniché.
Alors, Robert aimait la douce et brune Adèle.
O neiges éternelles.
Soyez donc pour toujours
Mes plus chères amours I
Que les Alpes sont belles 1
En menant nos brebis à travers la montagne,
Par les prés, les ravins, les bosquets d'alentour,
Que nous étions heureux ! Mais je n'ai plus d'amour,
Je ne sais que pleurer ; j'ai perdu ma compagne.
Tendre rose flétrie,
A toi mon souvenir
Jusqu'au dernier soupir,
Ma compagne chérie.
Cabris, paissez en paix l'herbe tendre et fleurie,
Sur vous je veillerai. Vous êtes mon bonheur.
Vos bêlements joyeux me redonnent du cœur;
Pour vous aimer, agneaux, je m'attache à la vie.
Que la montagne est belle
Avec vous, mes agneaux!
Allez, mes gais chevreaux,
Broutez l'herbe nouvelle !
Malgré tous mes malheurs, au milieu des montagnes,
Je suis heureux encor. Je trouve de bons cœurs,
On sait aimer Robert. Broutez gazons et fleurs.
Chevrettes et brebis, ô mes tendres compagnes I
Que la montagne est belle
Grâce à vous mes agneaux.
Allez, mes gais chevreaux,
Broutez l'herbe nouvelle !
Rassemble tes brebis, mon aimable Fidèle,
Hâtons-nous, mon bon chien, car l'orage est prochain,
Le ciel est tourmenté et long est le chemin,
Ecoute cette voix; j'entends bien, on appelle.
Regagnons le village.
Offrons aux malheureux
Notre lait écumeux ;
Sauvons-le de l'orage.
Dans nos monts dangereux, que la neige couronne.
D'aider notre prochain nous sommes soucieux,
La charité, dit-on, nous rapproche des cieux.
Ce n'est que pour donner que le bon Dieu nous donne.
Ici point de misère !
Quel pays délicieux!
On se croirait aux cieux
Et l'on est sur la terre .
Versailles, le U décembre 1879. Qg, HERTEBIG.
[Inédit).
LA CHANSON
133
A l'ami DAHCIER
L'OISEAU BLEU
REGRETS d'dN VIEUX GARÇON
Musique inédite de J. Darder
rû. ses, sâcliez pour- ^fQoi je m.inquo au rende
vous Si mon cœur reste i'.-ui:^' enoori' mes Geiifc n'ocl
^^^p
plus d'.iine à la clt';ConiDie à viu>;l a3f. jCToa
Ho_pe M.-I18 l'oiseau bleu
l'oi-seau bleu 6'esl en . vo . le
Jeunes beautés, séduisantes sirènes
A qui je dois tant de péchés si doux,
Qui de mon cœur teniez jadis les rênes.
Sachez pourquoi je manque au rendez-vous.
Si mon cœur reste jeune encore,
Mes sens n'ont plus d ame à la clé,
Comme à vingt ans je vous adore.
Mais l'oiseau bleu s'est envolé !..
0 vous de qui j'eus la faveur première.
Naïve enfant, plaignez votre Faublas...
Gardez longtemps, ma gentille écolière,
L'illusion que j'ai perdue, hélas !
Souvent au rivage du Tendre
Pour vous mon encens a brûlé...
Belle, inutile de m'attendre
Car l'oiseau bleu s'est envolé !..
Je lis encor votre dernière lettre,
Bacchante aimable, au regard amoureux ;
Un rendez-vous.. . Je le voudrais promettre,
Mais à quoi bon?.. Suis-je assez malheureux!
Oui, de vos baisers je me sauve,
Plus qjie vous j'en suis désolé ;
Mais que ferais-je en votre alcôve
Quand l'oiseau bleu s'est envolé !..
Dans ce portrait, adorable et fidèle.
Dont, frissonnant, je détaille les traits,
Tableau vivant... ô provocante Adèle,
Je vous revois plus belle que jamais !
Aux contours de votre corsage
S'attache en vain mon œil troublé...
On souffre à contempler la cage.
Quand l'oiseau bleu s'est envolé !..
Moi, vieux garçon, blasé comme un satrape,
Qui, sans jamais songer au lendemain.
Fis de la vie une éternelle agape
Et méconnus les douceurs de l'hymen.
Sur ma couchette solitaire
Parfois une larme a coulé
En songeant à la fois dernière
Où l'oiseau bleu s'est envolé!..
D'être galant, aimable, je me pique ;
Mais en amour que valent les discours?
Vous ririez trop d'un amant platonique ;
Adieu, beautés, adieu donc pour toujours.
Si belle encor que soit sa mine
— Tel qu'un donjon démantelé —
L'homme n'est plus qu'une ruine
Quand l'oiseau bleu s'est envolé !. . .
Henry RUBOIS,
Inédit. de la Liée Chansonnière,
SIXIÈME COIOURS MENSUEL
De La C/ia?iso>i
PIÈCE COURONNÉE
L'ÉCONOME
Air de Bonhomme (c. . nadaud.)
Foin de la folle dépense
Qui mange son capital !
Ce n'est pas bien gai, je pense,
De mourir à l'hôpital.
Une sage économie
Guide chacun de mes pas ;
C'est une prudente amie
Dont je ne m'éloigne pas.
Econome
Je me nomme :
L'économie est mon fort...
Voyez donc mon coffre-fort.
Entretenir un ménage
Est pour vous un lourd fardeau :
Combien d'argent déménage
Par le fait du porteur d'eau.
Lui payer sa marchandise
Serait pour moi par trop dur,
Aussi je l'économise. ..
Et je bois mon vin tout pur.
Econome, etc.
L'hiver, que de combustible
Il faut pour ne pas geler!
La soirée est bien terrible,
Que d'huile il vous faut brûler!
J'évite les frais de l'âtre
Et d'un lieu mal éclairé...
Le soir, je reste au théâtre
Dans un fauteuil rembourré .
Econome, etc.
Je vois vos cuisines pleines
De faïences en morceaux;
Vos fragiles porcelaines
Disparaissent par monceaux.
134
LA CHANSON
A fuir cette épidémie
Je mets un soin diligent,
Et par pure économie
Je me sers de plats d'argent.
Econome, etc.
Vous pataugez dans la crotte
Et sur de glissants pavés ;
Mais, hélas I plus d'une botte
Y reste, vous le savez.
C'est fâcheux, je vous assure,
Un soulier estropié !
Pour épargner ma chaussure...
Je ne vais jamais à pied.
Econome, etc.
Que sur moi fonde la peste,
La goutte ou le choléra.
Ma fortune — s'il en reste —
A mes proches passera.
Mais un cercueil de bois tendre
A pourrir n'étant pas long.
L'économie à ma cendre
Accorde un cercueil de plomb.
Econome
Je me nomme :
L'économie est mon fort...
Voyez donc mon coffre-fort.
A Genève. LoOIS BOGEY.
Viennent ensuite :
Alsace et Lorraine, de M. Louis Brunet, de Saint-
Benoît (Ile de la Réunion).
Les Longs froids, de M. HippolyteDaguet, duMans.
49 pièces avaient été envoyées.
LA STATUE JDE BERANGER
Dans une séance récente, le Conseil municipal 'de
la ville de Fontainebleau, où Béranger a quelque
temps résidé, vient de voter cent francs pour la
statue du poète national.
La température cruelle que nous traversons et les
grandes misères qui en résultent suspendent une fois
encore l'œuvre de la commission.
Nous espérons cependant annoncer bientôt aux
lecteurs de La Chanson divers résultats importants,
trop mollement poursuivis jusqu'ici.
L'échéance approche ; il est urgent que certains
membres du Comité cessent de prendre pour consigne
le mot officiel modifié : « Tout laisser dire et ne rien
faire! » H. L.
LA RÉCIDIVE DE M. ANGE PITOU
Où est la question? — Sur un terrain trop person-
nel, il me semble et par cela même peu intéressant
pour le public. A qui faire subir la responsabilité de
cette déviation? — A mon adversaire, dit M. Ange
Pitou. — Oui, sans doute il est facile d'affirmer ;
beaucoup moins de prouver : parcourez l'Eldorado-
Programme (*), vous verrez.
Ceux qui m'ont fait l'honneur de lire mes articles
savent que je ne refuserai jamais une réponse
sérieuse à un critique de bon aloi, tous connaissent
mon ardent désir de contribuer, dans ma petite
sphère, au triomphe des vérités artistiques, tous me
loueront de ne point lever une armée pour dissiper
(•) N» 241 — 13-19 décembre 1879.
des bulles de savon, tous comprendront combien est
misérable une argumentation qui n'a d'autre base
que des erreurs perfidement présentées. Certes,
M. A. Pitou a jeté suffisamment de fumée pour se
noircir lui-même : que « j'honore la Marseillaise de
mon dédain », que je sois un « illustre critique
musical », que je m'appelle ou non « Modeste »,
que jeu méprise Michelet », (ce philosophe sublime
avec lequel je voudrais apprendre à regarder de
haut les mesquines idées), que je trouve k plaisantes »
certaines poésies de mes collaborateurs, ce sont là
autant de maladroites insinuations, poussières qu'un
souffle venant du coeur balaye et pousse où il con-
vient. Ceux qui sentent jugeront.
Dans ma précédente réponse (*), j'ai fait suivre
le nom de M. A. Pitou de ces mots : « homme d'une
rare modestie » et, là-dessus, mon contradicteur
s'est imaginé que je lui reprochais son orgueil. Ce
n'était pas ma pensée; je voulus seulement tourner
en ridicule cette manie si commune de se placer
toujours derrière des paravents. Nous avons un&
âme pour penser, pensons donc; n'acceptons pas
d'autrui les opinions que nous pouvons contrôler
nous-mêmes, ne prêtons pas à d'autres nos passions
microscopiques. Si nous avons lu quelque part que
Béranger obtint une pension pour l'auteur de la
Marseillaise, n'allons pas en induire quoi que ce soit
sur le Chant de guei^re de l'armée du Rhin ; si Michelet
s'écrie, parlant du chef-d'œuvre de Rouget de Lisle :
« le monde, tant qu'il y aura un monde, le chantera
« à jamais », n'en concluons pas que le tout est plus
grand que sa partie ou bien qu'il y avait, chez les
deux Bonaparte! de l'étoffe à fabriquer cent mille
coquins (**).
Je l'ai dit et nul ne le conteste : « Un chant
national ne se commande pas, il naît et s'impose»;
par le peuple, il devient populaire, il devient natio-
nal par l'empire qu'il exerce sur les destins de la
patrie, il perd ce caratère en même temps que se
transforme celui de la nation. Voilà pourquoi la
Marseillaise doit être détrônée.
Cela est triste à dire, mais vrai, je le crains :
aujourd'hui, à un chant national, il faudra la pompe
officielle et des exécutions incessamment répétées;
si grande est la facilité de nos engouements! Livré
à lui-même, l'ouvrier apprend Nicolas, l'étudiant
suit cet exemple, la femme de salon imite aussi, et
l'on voit de petites filles' répéter dans la rue ce
couplet à leurs petits frères. L'éditeur de Nicolas
s'enrichit ; celui du Noyer, un délicieux lied de
Schumann, n'aurait pas avec sa chanson de quoi
vivre deux jours. A moins de préférer Nicolas au
Noyer (j'en crois M. A. Pitou bien capable), il faut
convenir que « l'opinion de la nation cent fois for-
(c mulée depuis 92 » n'a pas une valeur que l'on ne
puisse contester.
Ce n'est pas la nation qui chante Nicolas, direz-
vous; je l'espère ; je prétends alors qu'elle ne chante
pas non plus la Marseillaise, qu'elle n'en a pas fait
un hymne de paix.
La France, à peine afiranohie, voyant avec fureur
des hordes étrangères violer son territoire, se leva
indignée : la Marseillaise fut et son chant national,
et son appel à la vengeance; la France délivrée
demande autre chose : le génie lui répondra.
' A. ÉDÉMA.
(") La Chanson n« 33.
(*•) Voyez Victor Hugo, Lanfrey, Ténot, etc.
LA CHANSON
135
LE CAVEAU VERVIÉTOIS
Un Caveau vient de naître, à qui La Chanson veut
souhaiter la bienvenue.
Quand et comment l'idée de cette société littéraire
a-t-elle germé? La préface de son premier Annuaire
nous l'apprend :
Plusieurs essais d'association littéraire avaient
été vainement tentés à Verviers quand, le 25 sep-
tembre 1878, un groupe de onze personnes se réunit
et fonda une nouvelle société, sous le titre modeste
de Caveau Verviétois.
De nombreux indices démontraient aux fondateurs
que leur pays possédait assez d'éléments pour
travailler au développement de la littérature belge.
Il importait donc de grouper ces éléments, de faire
connaître les jeunes talents, et d'établir entre eux
un lien fraternel, sans tomber dans les travers des
coteries.
La suite prouva que le noyau des fondateurs du
Caveau avait pensé juste. Presque aussitôt, l'affluence
des membres obligea la société à s'installer dans un
local plus vaste ; les séances se tinrent tous les quinze
jours, et do nombreux travaux y furent présentés.
Nous devons surtout appuyer sur ce qui constitue
l'originalité du Caveau Verviétois, et en fait peut-être
une société unique dans son genre en Belgique.
Afin d'arriver au perfectionnement, chaque travail
présenté, vers ou prose, est remis, après lecture, à
un membre de la société, qui est chargé d'en faire la
critique écrite pour la séance suivante. Ces critiques,
qui ne peuvent s'attacher qu'à Li forme — les opi-
nions philosophiques et politiques des auteurs ne
devant jamais être discutées — se font d'une
manière amicale, quoique approfondie et conscien-
cieuse. Parce système, les auteurs se rendent mutuel-
lement des services inappréciables.
Bientôt le jeune Caveau sentit le besoin d'une
scène plus vaste. Une fête littéraire, offerte aux
dames, fut organisée pour le 20 avril 1879, et réussit
au-delà de toute espérance. L'œuvre était donc défi-
nitivement établie. Dans le cours d'une année, le
Caveau aida à l'éclosion de cent vingt-quatre oeuvres
diverses pour la propagation desquelles la création
d'un Annuaire fut décidée.
Nous avons sous les yeux ce volume, écrit partie
français, partie en wallon; un intérêt puissant s'est
dégagé pour nous de sa lecture. L'avenir appartient
évidemment à cette société, dont le but est noble et
le courage très-grand.
Le conseil d'administration du Caveau Verviétois
est ainsi composé : Président, Karl Griin; vice-pré-
sident, Albert Bonjean ; trésorier, Adolphe Tasquin;
secrétaire, Armand Weber ; Commissaire, Jos.
Xhoffer. L'appel qu'il fait « à tous ceux qui ont
reconnu l'immense influence de la littérature sur le
cours d& la civilisation » ne peut manquer d'être
entendu.
Nous envoyons au Caveau Verviétois nos vœux
sincères de réussite.
H. L.
LE DENIER DES ECOLES (*)
Dédié au Cercle des Imperméables
Par la raison et la science.
Combattre les instincts mauvais.
Au faible donner confiance
Est un sacerdoce de paix.
Le cœur chaud qui bat sous la blouse,
A le sentiment délicat ;
D'un luxe effréné qu'il jalouse,
Cessons enfin de faire état.
En te versant à pleine main.
Féconde semence
D'où naît la science.
Nous ouvrons un large chemin
A l'avenir du genre humain.
Le Cercle des Imperméables,
Soldat dévoué du Progrès,
Par ses efforts infatigables
Marche de succès en succès.
Il veut que dans les bas-fonds sombres
Où tâtonne un peuple illettré,
L'instruction, perçant les ombres,
Montre un coin du ciel azuré.
En te. versant, etc.
Partout, au village, à la ville.
On voit le vaillant pionnier,
Moissonner, dans un champ fertile,
Grains par grains, les fonds du Denier.
Le paria qui s'étiole
Dans un misérable taudis,
Grâce à lui, sera par l'école
Un homme utile à son pays.
En te versant, etc.
Défrichant le sol de l'enfance,
Malgré l'obstacle et l'aquilon,
Dans les taillis de l'ignorance
Il creuse un fructueux sillon.
Il prépare ainsi la récolte
Nécessaire à l'humanité.
En te versant, etc.
Il se déclare l'adversaire
Des restaurateurs du passé
Et de tout pouvoir arbitraire
Par quatre-vingt-neuf renversé.
Si le présent est à l'orage,
La lutte ardue à soutenir.
Il dit, retrempant son courage,
Je travaille pour l'avenir.
En te versant à pleine main.
Féconde semence
D'où naît la science.
Nous ouvrons un large chemin
A l'avenir du genre humain.
Andrîmont (Belgique),
Simon GATHOYE.
(•) Cette chanson est e
Verviétois, dont il est parlé
vêler nos emprunts, mêi
wallonne.
npruntée au premier volume du Caveau
û-contre Nous nous proposons d'y renou-
e dans les chansons écrites en langue
136
LA CHANSON
CHOSES & AUTRES
Nous sommes obligé de remettre à notre prochain
numéro notre Chronique des Sociétés Lyriques, les
comptes-rendus ne nous étant pas parvenus à temps.
Au sujet de notre Concours Béranger, nous avons
reçu un certain nombre de lettres des poètes ayant
pris part à ce Concours, qui nous demandent de
ré unir leurs œuvres à part,comme cela a lieu pour d'au-
tres Concours, en faisant payer les frais d'impression.
Nous nedemandons pas mieux que d'être agréable
à tous. Nous sommes donc prêt à réunir sous le
titre de Couronne poétique offerte à la mémoire de
Béranger, toutes les pièces qui nous ont été envoyées,
à raison de 10 centimes la ligne, titre et signature
compris, dans le format de La Chanson et sous forme
de supplément. Chaque auteur sera en outre tenu de
prendre dix exemplaires au moins, soit 2 fr. à ajouter
au montant des lignes imprimées. — Prière de nous
écrire de suite à ce sujet.
Le bureau du Caveau est ainsi composé pour
l'année 1880 : Président, Eugène Gran'gé; vice-pré-
sident, Charles Vincent. Les autres fonctions sont
confirmées aux titulaires du précédent exercice.
Dans sa séance administrative du 17 décembre,
la Lice Chansonnière a procédé au renouvellement
de son bureau pour 1880. Hippolyte Ryon a été
nommé président; Ernest Chebrouxet Georges Baillet
vice-présidents ; Charles Péan secrétaire ; Achille
Caron secrétaire-adjoint. Eugène Baillet, Emile
Cahen, trésoriers, et J. Jeannin, maître der< chants
ont été maintenus dans leurs fonctions. Brûlez et
Pellet, membres libres, ont été nommés maîtres des
cérémonies. Le Banquet des Dames (hiver) aura lieu
le 7 janvier, à 5 heures 1;2 très-précises, aux Ven-
danges de Bourgogne, 14, l'ue de Jessaint, à La
Chapelle. Prix de ce Banquet : 6 francs. On trouve
des billets chez le trésorier Eugène Baillet, 6, rue
des Vieilles-Haudriettes.
La soirée donnée le 13 décembre, au bénéfice de
notre camarade Emile Durafour, régisseur du con-
cert de La Pépinière, a été des plus brillantes.
Debailleul y a remporté un véritable succès dans
deux romances de son répertoire. M. Désorme, chef
d'orchestre, a offert au bénéficiaire une superbe
couronne au nom de tous les artistes. Une autre
couronne lui a été remise au nom des habitués de
l'établissement. Notre ami Durafour a remercié
d'une voix véritablement fort émue.
Le sympathique directeur de l'Eldorado, qui tou-
jours met la direction et les artistes de son concert à
la disposition de toutes les bonnes œuvres, vient
encore une fois de donner un bon exemple. Pendant
toute la durée du froid, une distribution de soupe
est faite tous les matins à cent cinquante indigents du
quartier. Ce fait ne nous étonne pas de la part de
M. Paul Renard ; nous souhaitons seulement qu'il
trouve beaucoup d'imitateurs.
Un bon exemple à suivre, par le temps qui court :
La c( Lyre Bienfaisante » ( 9, quai Saint-Michel) a
donné le lundi 15 décembre dernier, sous la prési-
dence de M. Couvreur, une soirée extraoï^dinaire au
profit des pauvres du V° arrondissement.
Inutile de dire qu'avant 9 heures toutes les places
étaient deux fois prises.
La soirée s'est terminée par une tombola composée
de 82 lots — tous sérieux — off'erts par les membres
et par les habitués.de la société.
Le produit de cette tombola, dontchaque billetavait
été fixé à25centimes, s'est élevé àlOOfr., chiffre rond.
M. Labbé, éditeur, rue Notre-Dame de Nazareth,
vient de mettre en vente, en petit format, la Saint-Quen-
tinoise, hymne de Edmond Delière, musique de Marié.
Notre camarade Hippolyte Ryon, l'auteur de tant
de charmantes romances, vient d'avoir la douleur
de perdre sa mère.
Le dimanche 21 décembre, un petit groupe de
chansonniers et d'amis de la chanson sont allés
déposer, au cimetière Montparnasse, une couronne
sur la tombe d'Hégésippe Moreau, à l'occasion du
quarantième anniversaire de sa mort.
MM. Brieux et Salandri ont remporté dimanche,
aux matinées des Jeunes du Théâtre Cluny, un véri-
table succès avec Bernard Palissy, drame en un acte
et en vers ; nous sommes heureux de le constater.
M. Léon Valade publie une série de poèmes imités
d'Henri Heine, les Nocturnes. Lire le Progrès Artis-
tique depuis le 28 novembre, tous les vendredis.
Notre collaborateur E.-P. Erard vient de rem-
porter une palme de bronze à l'Académie poétique.
Nous prions les membres du Caveau et de La Lice
Chansonnière de nous faire parvenir dans le plus
bref délai leurs photographies. Nous avons l'inten-
tion de publier les groupes de ces sociétés, en 1880.
Nous publions la fin de la lettre si poétique de
l'auteur de La Sonde, parue dans notre n" 31.
« Je chemine, je vole si rapidement, que déjà je suis
arrivé à la Grande-Chartreuse (Grenoble).
Fameuse retraite, celle-là; et pourtant jamais elle ne
sera la mienne.
Quelle plus ravissante retraite que la toute puissante et
majestueuse nature.
Ses myriades d'astres aussi splendides que mystérieux,
laboratoire de l'infini, qui longtemps encore, à tout jamais
peut-être, défiera les plus puissantes intelligences!
C'est la plus haute affirmation, c'est aussi la plus sublime
contemplation !
Qu'on se sent libre, face à face avec l'Eternel !
Ces mondes variés, tous infinis, entrevus à travers ces séries
d'astres, de plus en plus innombrables, sont soutenus dans
leui' immensité, seulement par une force vraiment magique.
Ces merveilles, si grandes qu'elles puissent être n'éclîap-
pent-elles pas trop souvent à notre perspicacité.
La plus belle retraite serajlonc celle-là qui, sans horizon
et sans bornes, est l'immensité même !
Frère, que je regrette peu celle de ces Chartreux, qui
prosternés ventre-à-terre, rampant, presque ensevehs. —
Sépulcre mouvant pour saisir quoi?. . .
Dieu en boîte — en simple tabernacle de sapin doré — hélas! !
Heureusement l'àme plane, et ne rampe pas. — Dieu ne
saurait être compression — puisque c'est à la pensée si
grande de cette sublime contemplation, qu'on est vérita-
blement dans l'admiration.
Ainsi, je vous livre, courant sur un rail rapide, mes
meilleures impressions de voyage. — Adieu la vapeur siffle,
et je file jusqu'à Digne. » DENIS
Nous rappelons que La Renaissance donnera son
banquet et son grand bal annuels, le samedi 3 janvier,
au Grand Orient de France, 16, rue Cadet. On trouve
des billets à La Renaissance, 8, boulevard de Stras-
bourg, café du Globe.
Le jeudi 8 janvier, grande soirée à la Cordiale,
50, galerie Montpensier (Palais-Royal).
Le Directeur-Gérant, A. PATAY
3* ANNEE. — N* 36.
20 CENT. LE NUMERO
16 JANVIER 1880.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le i." <5c le 16 de chaque mois
Les Abonnements partent du 1er Mai & du l" Novemhre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces,
Réclame,
ligne ..
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
«DMINISTRITION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an
» six mois
Etranger, le port en sus
S03V!:3VCJ^IS.E
Galerie des Chansonniers : Jules Echalié (eucène baii.let. —
La Cage et ^'Oî'çeau (juleséchalié). — Banquets fin. Careau
et de la Lice Chansonnière (euo. imbert). — Les Mélodies de
Schumann(A. édéma). — A Guillaume /«'(Edouard gressin). —
Bibliographie (eug. imbert. — Le Sommeil (victor
billaud). — Les Dents de sagesse (j. lagarde). Choses et
autres. — Chronique des Sociétés lyriques {HEtis.Y mallet). —
PremierConcours entre les Solistes des Sociétés lyriques de
Paris.
GALERIE DES CHANSONNIERS : JULES ÉCHALIÉ
Jules Echalié est un
des jeunes chanson-
niers à qui La Chanson
doit une place : c'est
le président sortant de
la JJce Chansonnière.
Déjà l'an dernier, lors
de sa nomination, nous
voulions donner sa bio-
graphie. Si nous avons
attendu que Jules Echa-
lié fut descendu du fau-
teuil de la présidence,
qui à la Lice est une
modeste chaise, notre
tâche n'en sera que plus
facile.
Un côté poétique du
talent d'Echalié s'est
révélé à nous : il est
d'usage à la Lice qu'au
milieu du banquet le
président prononce un
discours en vers appelé
un peu pompeusement:
Le toast à la Chanson.
Echalié s'est acquitté
de cette tâche avec
beaucoup d'esprit, de
finesse et surtout en vers très-francs, faciles et
sans prétention. Le poète sent bien que ce qu'il
écrit aujourd'hui est une feuille que demain empor-
tera; aussi sait-il la graver dans la mémoire par
l'intérêt actuel qu'il donne à son œuvre ; une fois
ce sont ses amis qu'il
met en scène ; le mois
suivant, l'événement du
jour est jugé d'une fa-
çon caustique dans ses
vers et le final est tou-
jours un bon mot en
faveur de la Muse Chan-
son, qui doit attendre
derrière la porte du
salon pendant le récit
du toast en son hon-
neur que le dernier
mot lui en ouvre la
porte.
La chère impatiente,
comme les bravos l'ac-
cueillent dès qu'elle ap-
paraît! Les Licéens lui
doivent de beaux suc-
cès, il est vrai, mais ils
ne sont pas ingrats pour
elle, surtout quand elle
entre, comme dans les
vers d'Echalié, en don-
nant le bras à la poésie.
Voici un extrait chaud
de bonne confrater-
nité du Toast de dé-
cembre, c'est-à-dire du douzième : Echalié parle de
son successeur inconnu :
. . . Qu'importe pour ce grade
Celui qui sortira du rang,
Avant tout c'est un camarade
138
LA CHANSON
Aujourd'hui petit, demain grand,
Qui doit redevenir ensuite
Ce qu'il est : simple troubadour,
Car notre ligne de conduite
Est dans ces mois : chacun son tour.
Combien je la trouve admirable
Cette maxime, mes amis,
Et combien est fort et durable
Le pouvoir où tous sont admis.
Aussi la Lice Chansonnière
Doit-elle ne jamais finir,
Grâce à la jeune pépinière
Des présidents de l'avenir.
Et pour clore gaîment l'année
Je veux à mon douxième mois
Que ma tâche soit terminée
Par trois joyeux toasts à la fois.
D'abord je bois à notre Lice,
A la chanson ! sa noble sœur !
Et je termine sans malice
En buvant à mon successeur.
Ily a dans ces vers pleins de verve un parfum de
sincère camaraderie qui s'éprouve à la lecture et
bien plus encore à l'audition. C'est le fond du
caractère deJulesEchalié. C'est un vrai Bourguignon,
haut de stature et large d'épaule, il en a gardé un
brin l'accent. Il est né à Dijon, en 1846 et en octobre,
le mois des vendanges ! Dans ce beau département
de la Côte-d'Or qui sent la chanson, non seulement
Piron y est né mais Déranger y fut en nourrice.
Les chansons d'Echalié sont nombreuses : il
affectionne surtout le genre appelé vaudeville que
l'on nomme aussi en argot chansonnier : Chansons d
tiroirs. C'est le plus souvent un proverbe qui sert de
refrain. Autant de couplets, autant de sujets, il faut
dans le cours d'une chanson, justifier cinq ou six fois
le dicton juste ou faux qui sert à relier les couplets
entre eux.
Echalié réussit bien ce genre un peu vieux qu'il a
su rajeunir par beaucoup d'imagination et en moder-
nisant les sujets ; sa forme est poétique et soignée,
un peu trop même; je reprocherai à Echalié de
manquer en chanson du laisser-aller qui convient si
bien à ce genre.
Ses principales chansons sont : La Cage et l'Oiseau,
Comment on devient aveugle. L'homme propose et Dieu
dispose, Ernestine, Les plus mat chaussés. Nous tenons
la République, Quand on n'a pas ce que Von aime et
cinquante autres qui se trouvent un peu partout.
Les succès intimes d'Echalié sont nombreux par-
tout où l'on aime la chanson de bon goût. Sa répu-
tation est établie. A la Lice Chansonnière, au Caveau,
au Bon Bock, au Pot-au-feu, les échos répondent
succès à l'appel de son nom. Ce qui lui manque, c'est
un succès populaire, un de ces succès de la rue, si
bafoués et... si enviés. Cela viendra, n'en doutons
pas.
Voici les vaillants états de service de notre
jeune chansonnier: il fit ses premières armes aux
Echos Parisiens, un recueil rédigé par la prime-
jeunesse du temps; il est entré à la Lice Chansonnière,
et a donné sa part dans tous les volumes publiés
depuis; dès 1873, il en fut pendant deux ans le
secrétaire le plus studieux, le plus fervent. Durant
ces deux années, il a complètement organisé les
archives de la Lice; aujourd'hui, grâce à lui, les
moindres papiers, le plus petit journalse rattachant de
près ou de loin à la société, a sa place, son numéro
d'ordre. C'est une collection riche de documents du
plus haut intérêt pour l'histoire delà chanson. C'est
pourquoi bien qu'encore un nouveau dans la Lice
Chansonnière et comme marque de remercîments et
de bonne sympathie, il fut élu président à l'unani-
mité pour l'année 1879 .
En 1876, Echalié entrait au Caveau, qui le nom-
mait l'année suivante membre titulaire et l'admettait
à son bureau.
Jules Echalié, comme tous les hommes intelligents
de notre génération, est homme de progrès; c'est
un brave ami, droit et sûr, un bon citoyen, et quand
sa chanson dit : Vive la France, son refrain chante :
Vive la République.
Eugène BAILLET.
LÀ CAGE & L'OISEAU
Air du Jaloux malade.
Amis, il faut en toute chose
Agir avec discernement;
Confondre l'effet et la cause
Nous attire bien du tourment ;
A ce propos certain adage
Quoique vieux est toujours nouveau :
Gardez-vous d'acheter la cage
Avant de posséder l'oiseau.
Quelque bébé vient-il de naître.
Sans même qu'il en sache rien,
On baptise le petit être ;
Bon gré mal gré c'est un chrétien.
De la raison s'il n'a pas l'âge,
Le remettre aux mains d'un bedeau,
C'est lui faire acheter la cage
Avant de posséder l'oiseau.
De certain rimeur qu'on admire
Parcourant les travaux divers.
Je cherche encor ce qu'il veut dire
Lorsque j'arrive au dernier vers.
Remplir ainsi page après page,
Sans un sujet dans le cerveau,
N'est-ce pas acheter la cage
Avant de posséder l'oiseau?
Maintenant que l'on se marie
Après trois seniaines de cour,
Sans l'avoir mis de la partie
On dit : « Plus tard viendra l'amour. »
Mais plus tard d'un mauvais ménage
Les époux offrent le tableau.
Pour avoir acheté la cage
Avant de posséder l'oiseau.
Pour asservir une province.
Sans avoir son consentement.
On voit de nos jours plus d'un prinoe
Prendre le plomb pour argument;
Mais le cœur d'un peuple en servage
Méprise toujours le drapeau
De qui veut acheter la cage
Avant de posséder l'oiseau.
La politique me fait rire
Quand je vous vois, hommes d'Etat,
Pour votre vieillesse construire
Un inamovible Sénat.
Hélas! je comprends votre rage
Quand d'autres mangent le gâteau :
Vous aviez acheté la cage
Avant de posséder l'oiseau.
LA CHANSON
139
Mes amis, que faut-il conclure
D'un proverbe si bien prouvé?
Que de la vie il faut exclure
Tout ce qui n'est pas motivé.
Au terme de notre voyage
Si nous ne trouvons qu'un tombeau,
Du moins n'achetons cette cage
Qu'au moment d'y mettre l'oiseau.
25 décembre 1879. JULES ECHALIE.
BANQUETS DU CAVEAU
'EZ't de la I_iice CJiti.an.sonnièr€
1—7 JANVIER 1880
Je vois quelquefois sourire certains chansonniers à l'audi-
tion de couplets qu'ils n'ont pas écrits. Genre Caveau,
disent-ils, et dans leur pensée, c'est une épigramme.
Le genre Caveau, en effet, existe, mais ne mérite pas le
dédain qu'on simule à son égard. C'est à proprement parler
le genre salon. Les travers éternels, les ridicules du jour,
l'anecdote d'hier, les vices générau.v de l'immanité, les
tics des individus, l'écho d'une première, une pointe sur la
politique contemporaine : voilà son domaine ; il est vaste,
et permet à tous les genres d'esprit de s'e.\ercer avec plus
ou moins de bonheur ou de succès.
Maintenant, que l'habitude de chanter entre soi, que
la tendance à rimitation, que l'examen par un comité des
pièces à publier, que les conseils des plus expérimentés aux
plus novices, engendrent entre les productions d'une même
société un air de famille, il est difficile de le nier. Que dis-
je? |Moi qui vous parle, je me sens quelquefois^ et cela sans
m'en plaindre, envahi, je veux dire gagné par l'inlluence
ambiante.
Mais de là à la monotonie, il y a loin, et cette atmosphère
de bon sens mitigé par la gaîté n'étouffe nullement l'ongina-
hté. Quoi, des chansonniers originaux au Caveau ! direz-vous.
Oui, dans tout le Cnveau, si je suis bien compter,
Il en est jusqu'à trois que je pourrais citer.
Oui trois, que je choisis pour les prendre à parlie parmi les
membres présents l'autre soir.
L'un, qui se lient quelquefois dans le rang, en sort souvent
Four se sentir plus libre. Un vif sentiment de la nature,
amour du soleil, de la vigne, des grands bois, de tout ce
qui est chaud, vibrant, indépendant, font de lui un digne
successeur de Dupont.
Un autre, sérieux même dans la gaudriole, profondément
sensé, ne s'attache qu'à des sujets nets, précis, pratiques en
quelque sorte. Son talent, peu fantaisiste, est essentiellement
roturier ; prenez le mot dans son meilleur sens. Comme il a
vécu ou vu vivre ce qu'il raconte ou dépeint, il donne à
toutes ses productions un caractère solide et vrai.
Le troisième c'est la poésie qui l'inspire. Elévation d'idées,
chaleur de conviction, forme littéraire, telles sont ses
qualités. Il se monlie ([uelquefois trop poète, dans le milieu
oii il se produit, pour qu'on lui accorde le titre de chanson-
nier. Il chante la chasse, les vieux Gaulois, les plaines elles
paysans, les forêts aux grands chênes. Les souvenirs de la
vieille patrie, de la France féconde, donnent à ses vers une
senteur de terroir qui fortifie l'àme.
Outre Vincent, Jullien et Vilmay — les aviez-vous recon-
nus?— MM. Lesueur, Piesse, Fouache, Lagoguée, Mouton-
Dufraisse, Fénée et Grange ont tenu dignement le drapeau
de la chanson, je pourrais dire, pour quelques-uns, le grelot
de la folie. Les Plaintes d'un président, les Souhaits d'une
bonne année, Défions-^ious des apparences. Ma femme est à
Valenciennes, l'Homme blasé : sont des tableaux bien saisis,
relevés çà et là d'un trait piquant. Le Coin du feu, les
Ivressesincurabtes, chansons un peu plus sérieuses, n'en ont
pas été moins goûtées. L'art de panser les blessures est un
des succès de la soirée. J'en dirai autant du message prési-
dentiel qui, sous la forme d'un teste, présente avec esprit la
situation des affaires intérieures, extérieures, financières, etc. ,
de l'Etat... du Caveau.
La vie est une blague,
Et je veux en sortir.
Dit VHomme blasé de Fénée. Mon compte rendu a la pré-
tention de n'être pas une blague, mais j'en veux sortir, et ce
sera en disant, comme au commencement : la chanson genre
Caveau a pour fouet un éventail ; elle est mordante sans venin,
grave sans tristesse, moraliste sans morgue ; il ne lui man-
que, parfois^ qu'une chose. Quoi? je vous le dirai plus tard.
Dans son toste, M. Grange — et celle remarque va me servir
de transition, — constatait que les relations du Caveau avec
les Enfants d'Apollon, la Lice Chansonnière et autres
goguettes étaient excellentes. Ne lui en déplaise, la Lice n'est
pas une goguette, mais bien une société organisée, ayant
son banquet mensuel et son volume annuel, tout comme le
Caveau. Et précisément, le 7 de ce mois, avait lieu le
banquet dont j'ai à vous parler. Or il faut ici mêler aux
lauriers quelques myrtes. Les dames qui, comme le disait un
ancien président, ont fait, font et feront toujours... l'orne-
ment de nos soirées, émaillaient en effet la fête de leurs
brillantes toilettes et de leurs gracieux visages. Aussi jeunes
et vieux se sont-ils mis en frais pour célébrer ce beau jour.
Echalié, Chebroux, Jeannin, Sylvain Saint-Etienne, se sont dis-
tingués. D'autres ont tiré, pour la circonstance, leurs chansons
de derrière les fagots, et c'a été un feu d'artifice de bonne
humeur et d'aimables flatteries. Flatteries? non : vérités est ■
plus juste. Pourquoi parmi ces dames, si nombreuses, trois
seulement ont-elles osé chanter! Je le regrette sans le com-
prendre. M""= Tribelhorn et M'i^s Durafour se sont dévouées
et n'ont pas eu à s'en repentir. Elle se sont acquittées de
leur tache, l'une en cantatrice de goût, celles-ci en véritables
artistes. Il était difficile de chanter mieux, mais d'autres
auraient pu recueillir encore des applaudissements.
Je puis vous le dire à présent, ce qui manque au Caveau,
ce n'est pas la romance ni même le sonnet, on s'en con-
solerait facilement; ce sont les dames.
Côté des hommes, les chansons ont presque toutes été
choisies dans la gamme gaie. Dubois, Georges Baillet, .Adeline,
Cahen, Durafour nous ont dit successivement : Le raisin ne
mûrira pas, Un joyeux ménage. Mes deux maîtresses. Qui
se ressemble s'assemble, La Famille à Camille. Avenel a bu
à la gloire. Je ne puis tout citer; mais pourquoi diable un
visiteur que je ne nomme pasva-t-il chanter, devant des dames,
le fameux couplet du mari dans la Troisième^ Je le trouve
raide, non le mari, mais le chanteur. Heureusement les
dames ont dissimulé leur embarras bien compréhensible, en
applaudissant à tout rompre. Donc tout est bien qui finit
b'en- EuG. IMBERT.
MM. A. Leblanc et A. Godet ont été reçus membres de
de la Lice Chansonnière. Leurs diplômes leur ont été remis
au présent banquet.
LES MÉLODIES DE SCHUMANN
I. CHANSON DU MATIN (*)
Au commencement du mois d'août, un jour que la
transparence de l'atmosphère semblait convier les
hommes à l'éternel banquet où l'âme se répare, un
jeune étudiant s'arrêtait devant une jolie habitation,
au-dessous d'une fenêtre couronnée de lierre dont
les Persiennes étaient soigneusement fermées à
l'intérieur. Nous sommes bien loin de la ville, dans
un village isolé : l'horloge sonne, comptons... cinq
heures ; oh il est bien matin ; un étudiant levé sitôt,
cela mérite attention.
Bientôt le lierre de la croisée s'agite un peu, les
volets se replient, un bras nu suivi d'une petite tête
mignonne et rieuse paraît au-dehors, ensuite un
corsage blanc. La jeune fille regarde avec atten-
tion : sans doute elle veut savoir si la journée sera
belle ou si le soleil est levé : elle tient à la main
une rose blanche qu'elle porte à ses lèvres ; fi, Made-
moiselle, c'est très-vilain d'embrasser les fleurs.
140
LA CHANSON
autant vaudrait donner un baiser à son fiancé. La
fenêtre reste ouverte et l'apparition, accoudée un
instant, se retire; écoutez :
Quand d'un rêve bercée
Je m'éveille à demi
Ma première pensée
Est toute h. mon ami.
De son regard vainqueur
Je n'ai pu me défendre
Comme il aurait mon cœur
Si je pouvais le prendre.
Quelle délicatesse dans ces notes martelées timi-
dement dont l'union si intime avec les syllabes
qu'elles colorent fait d'une série de sons répétés, le
plus aimable lambeau de mélodie que l'on puisse
placer dans la bouche d'une fiancée qui caresse avec
joie son amour sans songer un instant à en contrarier
l'expansion.
Comme elle avoue sa tendresse que rien n'a encore
traversée, la gracieuse enfant I En elle tout est
calme, tout est limpide ;, point d'inquiétude, ni tour-
ments, ni agitation. Une naïveté triomphante, aussi
aimable dans sa chanson que le sourire sur ses
lèvres, voilà son acte d'amour. Encore trop hardi
pour elle ! Je crois voir son visage se couvrir d'un
rose reflet pendant que sa main redit sur le piano la
première mélodie comme un écho hésitant.
Amoureuse de quinze ans ne manque pas d'aplomb :
notre héroïne se remet bien vite, repousse avec un
petit air martial ses cheveux blonds, sent son cœur
palpiter plus fort, traduit sur le clavier quelques
élans craintifs, achève de dilater son âme, répète
les quatre premiers vers de sa romance, non sans y
ajouter quelques variantes qui font ressortir le côté
passionné de l'idylle, enfin nous dit son secret sans
détours : « J'adore mon ami. « Un accord plein
d'âpreté vient souligner ces mots ; la chanteuse vous
avertit ainsi, belle lectrice, que la nécessité lui
donnerait des griffes si une rivale s'avisait de lui
disputer sa conquête.
Quelques jours après la petite scène champêtre
que je viens de vous raconter, la fenêtre couronnée
de lierre cessa d'être matinale, mais, le soir, deux
jeunes gens y restaient longtemps à causer. M. le
Maire avait passé par là. ^_ ÉDÉMA.
A GUILLAUME r
noi de Prusse, Empereur d'Allemagne
Vers écrits le 19 janvier 1 87 1 , jour de la bataille de Buzenval
0 soldats, dont le sang couvre déjà la terre,
Nobles enfants.
Vous si jeunes encore et qu'une horrible guerre
Rend si vaillants ;
Combattez, combattez pour la mère Patrie
Prête à mourir ;
Combattez, combattez pour la rendre à la vie,
A l'avenir.
Elle attend tout de vous, ô mes héros imberbes.
Mes fiers lions !
Elle veut être reine, ô citoyens superbes,
Des nations!
Elle est là, bras meurtris, face cadavéreuse,
Flancs amaigris ;
Mais tu grondes dans l'ombre, ô ma ville houleuse,
0 mon Paris !
(•) Schumann, op. 51, n° 2. Paris, Durand et C" éditeurs, 4, place
de la Madeleine. Prix : 1 fr. 35 net.
Gronde, gronde toujours, cité, fournaise ardente
Aux coeurs de feu.
Bientôt resplendira de ta flamme éclatante
L'horizon bleu.
Alors apparaîtra ce géant de lumière
Et d'équité
Qui de ses vastes mains sèmera sur la terre
La Liberté,
Et les rois trembleront, le front dans la poussière,
Criant merci !
Les peuples répondront, le cœur pur, l'âme fière :
« Fuyez d'ici !
« Fuyez, et laissez-nous à cette ère nouvelle
« Chère à nos cœurs ;
« Nous voulons, retrouvant l'amitié fraternelle,
(c Sécher nos pleurs!
(c Quels étaient donc vos droits pour susciter la guerre,
« Sombres tyrans ?
K De qui les teniez-vous pour ravager la terre
(C Et ses enfants ?
« Est-ce Dieu qui vous dit dans sa bonté sublime :
« 0 souverains,
« Gouvernez les humains et dans l'immonde crime
« Plongez vos mains !
« Vous êtes rois, c'est bien ! vous pouvez à votre aise
« Parler, agir;
(C Et si le peuple dit votre justice biaise,
« Laissez mugir.
« L'hiver, quand il fait froid, donnez fête joyeuse,
« Dansez, riez;
<; Ne vous occupez pas si la plèbe frileuse
« Frappe des pieds.
« Pour arriver au but, point d'illusions vaines,
ce De faux serments !
« Et du sang s'il le faut, dût-il couler des veines
« De blonds enfants !
« Après de tels exploits, ô souverains augustes,
« Morts et pontons
« Réserveront un jour à vos superbes bustes
« Les panthéons ».
Est-ce Dieu, dites-moi, qui vous tint ce langage ?
Rois, répondez !
Est-ce Dieu qui voulut le monde à l'esclavage?
Rois, vous mentez !
Ces droits, comme un voleur, vous les prîtes dans l'ombre,
Monstres humains.
Et vous vîntes la nuit, fauves, le regard sombre,
Chaînes en mains.
Et puis avec mépris, « Lions la populace
En son sommeil ; d
Et le peuple pâlit en voyant tant d'audace
Au grand soleil.
Mais ces jours sont passés, et vient la délivrance.
Brisons nos fers :
La France se relève et s'écrie espérance
A l'univers ;
Et l'univers, pleurant sous le joug monarchique,
Sèche ses yeux.
Acclamant à genoux la France république
Fille des cieux !
Voilà quel est le peuple et voilà ses pensées.
Guillaume, Roi,
Bombarde notre ville, et, ces fêtes passées.
Contemple-toi.
LA CHANSON
141
Assassine l'enfant dans les bras de sa mère,
0 froid vieillard.
Si le crime blêmit ta face auguste et fière,
Mets-toi du fard !
Mais en est-il besoin? Non, car ton âme atroce
Ne peut frémir,
Et tu peux voir de même, ô souverain féroce,
Naître et mourir.
Paris était pour toi la vile populace
Sans dignité ;
Que son sombre mépris te jailllise à la face,
0 Majesté.
Paris était pour toi le noir limon qui coule
Dans les ruisseaux ;
Paris ouvre son sein, il en sort une foule
D'enfants héros !
Entre le peuple et toi vois-tu la différence.
Noble empereur?
Alors qu'il est sublime et grand dans sa souffrance.
Tu fais horreur !
O vieillard insensé, termine ta carrière,
Gonflé d'orgueil :
Il n'existe pas moins un petit coin de terre
Pour ton cercueil.
Et toi, ma belle France, ô ma chère patrie.
Tu renaîtras
Calme, pure et riante; et toi, Prusse flétrie
Tu crouleras !
Edouard GRESSIN.
BIBLIOGRAPHIE
LE LIVRE DES BAISERS, nar Vii.tiiii Rillaud, Royan,
-1879; LES PETITS POUCETS LITTÉRAIRES, par Jules
Lagarde, Dreux, 1877.
Jamais livre ne fut mieux nommé que celui de M. Billaud.
On s'y baise à bouche que veux-tu, et toujours et partout,
surtout en plein air, sous les bois, dans les prés, en bateau.
El naturellement les oiseaux se penchent, les indiscrets,
et les fleurs sont bien près de rougir, quoiqu'elles fassent
semblant de ne rien voir. Le poète a bien raison de dire :
II ne s'agit donc pas ici de morceaux de longue haleine,
mais de petits tableaux, tous un peu pareils, le sujet le veut,
mais gracieux et frais. Beaucoup de paysages. Le gazon y
ressemble à de vrais tapis, la nature y revêt une teinte
fantaisiste ; les fleurs y ont une vague odeur de boudoir,
et je soupçonnerais volontiers les barques d'y glisser sur
des eaux de senteur. Je vous laisse à penser si la ramure
et la mûre, les prés et les cieux empourprés, les saules
et les épaules font tinter au bout de ces vers longs ou
courts leurs consonnances frissonnantes.
Mais quoi? nous sommes en plein Watteau, mais un Watteau
au pastel ; ne nous étonnons donc pas si les parties claires
sont souvent relevées des mêmes touches roses. Un reproche
toutefois : au milieu des dryades, des tritons et des naïades,
détonne un mot trivial.
Fais un beau jour de ma nuit grise,
dit le poète à sa mignonne;
côte à côte, en gais écoliers,
Entrant k la fois dans l'Idylle,
Nous vieillirons avec Virgile
Sous les cytises familiers.
Or, c'est à la même femme qu'il dit dans une autre
^strophe:
Il faut que je vive avec toi.
Malgré cette petite tache, et quoique dans un passage
M. Billaud suppose que le soleil peut s'arrêter, ce qui est
très fort pour qui ne bouge pas, il serait injuste de ne pas
reconnaître dans ses vers une inspiration soutenue, un
amour sérieux de la forme, une grâce constante et une véri-
table chaleur. La note émue est rare ; pourtant La fin du
Roman et Morte sont deux pièces pleines de sentiment.
Propos féminins. Variations sur un thème connu diffèrent
aussi, dans un autre genre, de la couleur générale du
volume.
Le livre des Raisers : il n'est guère possible d'écrire ce
titre sans se reporter par la pensée au livre de Jean Second
Evei-ardi. M. Billaud ne paraît se préoccuper d'aucune imita-
tio'n ; il est presque partout aussi moderne dans ses inspira-
tions et dans son expression que le Tibulle du .VVI<= siècle
affectait d'être antique, non sans grâce; mais la communauté
du sujet donne aux deux poètes un air de famille. Un avan-
tage toutefois demeure à notre contemporain (en est-ce bien
un dans ces matières? Je le croirais), c'est qu'il pousse
moins loin la vivacité des peintures. Puisse-t-il, en tout cas,
ne pas ressembler au poète batave par la brièveté de sa vie,
et chanter encore longtemps pour notre plaisir!
I.es prudes médiront ; qu'importe!
dit-il quelque part. Je le crois, pour peu qu'elles tombent,
par e.xemple, sur ces vers :
J'apercevais des mains délicutcs et blanthes,
1)63 corsets trop étroits qui craquaient sur les hanches,
O délire ! et des seins dont les boutons bronzés
Se dressaient frissonnants sous les lèvres des hommes
Tandis que sur leur neige il pleuvait des baisers.
ou encore sur ceux-ci :
Toujours l'amour veut, despote au possible.
Qu'on mette à la cible
Au milieu du noir.
Le lecteur me saurait gré, sans doute, de multiplier les
citations, mais je dois me borner, cl il trouvera dans
ce même numéro une pièce de M. Billaud reproduite fout au
long.
M. Billaud, qui est, si je ne me trompe, le créateur de
l'Académie des Musi'S Sautones, n'est pas seulement un
poète charmant et juvénile, mais aussi un imprimeur de
goût ; il a édité lui-même ses vers, et splendidement, et
Henry Somni les a illustrés d'une quarantaine de croquis
Irès-spiriluels.
M. Lagarde, lui, n'est pas poète, ou du moins il ne veut
pas l'être. Il se borne au bon sens, à l'esprit, au mot fin ou
piquant. C'est un des vétérans du Caveau, et, eiilre deux
chansons, il se distrait à crayonner de petits bas de page.
C'est une anecdote, une répartie amusante, quelquefois
une simple charade ou quelque autre jeu d'esprit. L'auteur
n'a donc besoin, pour réussir, que de justesse et de bonne
humeur, ce qui ne lui manque pas.
Sans doute l'élévation du sentiment, la vigueur de la
satire, l'enthousiasme propre à la poésie lyrique, sont des
qualités précieuses; maisl'à-propos, la mesiu'c, la bonté qui
tempère l'épigramme, la gaîté qui éclaire un couplet, ne
sont pas non plus à dédaigner, et sont moins communs
qu'on no pense.
On lira donc avec plaisir, et avec profit même, les Petits
Poucets littéraires de M. Lagarde, volume qui clôt provi-
soirement la série des publications qu'il a faites jusqu'ici
et dont, pour les amateurs de raretés, je rappelle les dates
diverses :
En 1853, recueil de chansons avec vignettes un volume
in-12; en 1856, autre volume in-12, avec un prologue sur
les différents caractères de la chanson; en 1860, un recueil
de chansons et poésies diverses, même format; en 1865, les
Proverbes en chansons, in-12, dont il a été parlé dans le
n" 4 de ce journal (août 1878) ; en 1868, Chants d'Automne;
en 1870, Chansons nouvelles par un vieux chansonnier.
Un catalogue, même intéressant, est froid. Terminons par
une courte citation :
Mais où donc allez-vous? dis-je au jeune Camille,
Qui sur le boulevard court comme un insensé.
— Je vais, me répond-il, jusques à la Bastille.
— Hé bien, prenez tm fiacre. — Oh, non ! Je suis pressé.
E. IMBERT.
142
LA CHANSON
A ALBERT MERAT ET LEON VALADE
Sachant que pour revivre elle a l'éternité,
Sur l'oreiller de soie elle dort, blanche et calme ;
L'amour l'aurait choisie en lui donnant la palme,
Au temps où notre monde adorait la beauté.
Riche à prendre en pitié l'or de Californie .
Un rêve est descendu sur ses grands yeux dormants;
Son âme est un Eden où des oiseaux charmants
Versent dans la clarté des torrents d'harmonie.
Le songe se poursuit, mais admirons d'abord
Comme elle est belle ainsi sur son lit étendue ;
Les Grâces, qui lui font une cour assidue,
Ont trouvé pour ses traits un merveilleux accord.
La dormeuse eut toujours fort peu de sympathie
Pour tout ce qui ressemble aux appétits princiers ;
Peut-être que Cybèle avait trop de boursiers,
Pour un pays lointain ce soir elle est partie .
Vers les horizons bleus aux rêves grands ouverts
Elle a pris son essor, allant à l'aventure ;
Son esprit créateur élargit la nature.
Et des cieux plus profonds sont bientôt découverts.
Du songe vaporeux si l'on revient sur terre
On voit dans la dormeuse un poème inconnu ;
Son dernier mouvement a mis sa gorge à nu,
Et l'œil voudrait aller plus loin dans le mystère.
Il découvre déjà sous l'édredon soyeux
La naissance des seins dont les pointes se dressent,
Mais des flots de batiste autour du corps s'empressent,
Et la vierge aussitôt s'éveille, ouvrant les yeux.
Et l'on songe que née en des jours moins étranges.
De Laure ou Béatrice elle aurait été sœur :
Pour l'avoir faite avec cet air plein de douceur.
Sa mère aura conçu sous les baisers des anges.
Victor BILLAUD.
LES DENTS DE SAGESSE
Air de Pilati.
Il est deux choses, qui chez l'homme
A percer mettent bien du temps ;
Sans plus tarder je vous les nomme :
Ce sont la sagesse et les dents.
Presque toujours, quand la jeunesse
Commence à prendre ses ébats,
Arrivent les dents de sagesse.
Mais la sagesse ne vient pas.
Le jeune Arthur, rempli de zèle
Pour le joli jeu de l'amour.
S'aperçoit qu'une dent nouvelle
Dans sa mâchoire a vu le jour ;
Par malheur, de mainte maîtresse
Il cultive trop les appas ;
S'il lui vient des dents de sagesse,
La sagesse ne lui vient pas.
Ursule pour le mariage
Montre toujours beaucoup d'ardeur,
Et, malgré son double veuvage,
Y voit encor le vrai bonheur ;
Dans l'âge mûr notre princesse
D'un jeune mari fait grand cas.
Avec quatre dents de sagesse,
La sagesse ne lui vient pas.
La douairière qui se vante
D'épouser un joli garçon,
Le joueur qui perd sur la rente,
Restent sourds à chaque leçon.
Vieux lion et jeune tigresse
Se livrant d'amoureux combats,
Ont en vain leurs dents de sagesse,
La sagesse ne leur vient pas .
Quand donc vient pour l'être qui pense
Cette sagesse, vrai phénix?
On peut souvent, dans l'existence,
La désigner par la lettre X.
Ce n'est qu'à l'extrême vieillesse
Que parfois elle ouvre ses bras
A quoi bon les dents de sagesse.
Si la sagesse ne vient pas ?
J. LAGARDE,
Membre honoraire du Cavtau.
CHOSES & AUTRES
SEPTIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert au i^^ du 20 de chaque mois
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part avec
une chanson de 6 couplets au plus avec ou sans
refrain.
Le 1°' prix sera publié dans le journal et recevra
dix exemplaires.
Les titres et les noms des auteurs des deux pièces
suivantes seront publiés.
Nous prions toutes les personnes qui nous envoient
des chansons de vouloir indiquer les timbres des
airs.
On nous prie de rectifier les noms suivants.
L'auteur du sonnet à Béranger, 3* prix publié dans
notre n° 33, se nomme Pion, et non Piau imprimé
par erreur.
La première mention, sonnet, concours Béranger,
n° 34, lire de Montagne au lieu de Mortagne.
Dans notre n" 35, la chanson le Denier des Ecolts,
il manque les deux vers suivants au quatrième
couplet :
Et rend possible, sans révolte,
Le règne de l'égalité.
LA CHANSON
143
Le poète-chansonnier L.-M. Ponty, dont les
journaux se sont beaucoup occupés, lors de l'appari-
tion du livre : Poésies sociales des ouvriers, est mort
le 24 décembre dernier. Dans notre prochain numéro
nous donnerons une chanson inédite de ce prolétaire
remarquable, ainsi qu'une notice par notre collabo-
rateur Eugène Baillet.
Nous avons remis à la veuve de notre camarade
Leduc la somme de 35 fr. 50, montant de la sous-
cription que nous avions ouverte dans notre journal.
Madame Leduc se charge de l'arrangement de la tombe
de son mari et nous prie de remercier en son nom les
souscripteurs.
On rendra visite à la tombe de Leduc le dernier
dimanche du mois, 25 janvier, à 2 heures, cimetière
de Saint-Ouen. Prière aux amis de Leduc et aux
chansonniers d'en donner avis.
A la suite du différend survenu entre M. Rollot,
agent général, et MM. Gabillaud, Philibert,
Rohdé et Dubost, membres de la société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique, au sujet de
l'administration et du règlement des comptes de
cette société, M. Rollot avait assigné en diffamation
les quatre membres ci-dessus nommés.
MM. Gabillaud et autres avaient fait publier
dans les journaux une lettre dans laquelle ils annon-
çaient que la société avait décidé le renvoi de
M. Rollot.
L'affaire est venue devant la 11" chambre correc-
tionnelle.
M° Tommy-Martin a plaidé pour M. Rollot;
M° Doumerc a présenté la défense des prévenus.
Le tribunal a écarté le délit de diffamation et n'a
retenu que celui d'injures.
En conséquence, MM. Gabillaud, Philibert, Rohdé
et Dubost ont été condamnés solidairement à
400 francs d'amende.
En sortant de l'audience, ces messieurs ont
immédiatement interjeté appel de ce jugement.
{Le Soir)
Un nouveau journal vient de paraître : La Voix
qui parle f — Voilà un titre qui oblige. En attendant
qu'il le justifie, il lance son petit programme qui a
la forme carrée d'un manifeste : « Notre journal
est une tribune où chacun pourra monter et d'où
toute voix pourra se faire entendre... Que tous ceux
qui souffrent d'une injustice ou d'une félonie
quelconque viennent à nous ; ils trouveront à la
Voix qui parle un organe qui sera l'écho de leurs
réclamations et le défenseur de leurs intérêts. »
Salut et bonne chance à notre confrère qui nous
semble vouloir porter haut sa bannière.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La grande soirée donnée le samedi 13 décembre
1879 par Le Cercle Musset a été des plus brillantes.
Dès 9 heures, la salle du café du Globe était comble
et M. Durrieu, Président du Cercle, a profité de
cette circonstance pour adresser au public quelques
mots bien pensés en faveur des pauvres de Paris et
a demandé la permission de faire une collecte en
leur faveur. Celle-ci a produit 28 fr. 10 qui ont été
versés par les soins de M. Durrieu au Nouveau
Journal Républicain.
Dans le courant de la soirée se sont fait entendre
les meilleurs chanteurs des sociétés lyriques.
M. Duprey, mandoliniste, a été rappelé dans la
cavatine de Robert, puis dans un air des Cloches.
M. Marion s'est montré bon diseur dans un récit :
Gilbert. MM. Jalade et Klotz très applaudis tous
les deux : l'un dans Buvons à ceux qui ne sont plus,
l'autre dans J'aiguéque chose dans le dos; M. Durrieu,
qui interprétait une poésie de M. Jalade, secrétaire-
trésorier du Cercle, a obtenu les honneurs du
rappel. M. Galliot s'est fait bisser dans Je pleure.
M. Berlioz a été comme toujours le triomphateur de
la soirée et a été désopilant d'abord dans deux
chansons comiques de son répertoire, puis dans
Un homme à trucs, vaudeville en un acte dont il est
l'auteur et qu'il a très-bien enlevé de concert avec
MM. Bataille et Rigoulet, qui s'y sont montrés
excellents comiques. Ne terminons pas sans rappeler
que M. Cane, pianiste du Cercle Musset et de La
Renaissance, s'est montré comme toujours parfait
accompagnateur et compositeur distingué.
Le 14 décembre la Société lyrique l'Union Joyeuse
adonné une grande matinée salle des Folies Montrouge,
7 bis, avenue d'Orléans. Le succès a répondu
à l'appel de cette nouvelle société; la salle qui
contient 300 personnes était comble. Le programme
était des plus attrayants et a été rempli d'un bout à
l'autre. Parmi les artistes qui se sont fait entendre,
citons M"° Térachéï, mignonne jeune fille qui a
fort bien chanté la romance de Mignon et le Muguet;
M"° Georgette a crânement enlevé Pristi, Sapristi,
faut que f me décide des Cloches de Corneville ;
M"° Juliette Jazelle, l'excellente artiste du Concert
des Folies Montrouge, a été bissée et rappelée dans
La Lettre de l'Enfant et la Prière à Sainte Catherine.
MM. Hébert et Vannier, tous deux bons chanteurs
de genre ; M. Karl fils, des Folies Montrouge,
désopilant comique, a obtenu le plus vif succès dans
Quand je vis Clémentine ; M. Victor a bien détaillé
V Agent des courses ; M.. Cn.v!Ù>y a.]i^\a.\xài à outrance
dans la Revanche des Belles-mères ; Une Femme qui
se grise, vaudeville en un acte, très-lestement enlevé
par M"° Hélène, M. Georges Brun, M. Caraby quia
tenu le 1°' rôle avec beaucoup de brio et Alexis Marc,
superbe dans le rôle d'Annibal.
Signalons aussi l'Orchestre, composé de quatre
sociétaires, et de la pianiste. M"" Karl, qui accom-
pagne avec un réel talent. Ces Messieurs se sont fait
bisser dans La Camargo.
Une quête faite au profit de L'œuvre des Couvertures
a produit 26 fr. 50.
Cette matinée fait le plus grand honneur à l'Union
Joyeuse qui, je l'espère, "sous la direction de
MM. Balland et Dauthenay, ne s'arrêtera pas en si
beau chemin.
La 2° grande soirée artistique donnée par la Société
lyrique et dramatique La Lyre d'Orphée, avec le
concours de nombreux artistes, a eu lieu la
21 décembre 1879, Salle Pierre Petit, Place Cadet.
C'est un nouveau succès à enregistrer à l'actif de cette
Société. Salle bien garnie, excellents artistes,
programme des mieux choisis, en un mot tous les
éléments nécessaires pour réussir. La Société lyrique
La Lyre d'Orphée s'est placée du coup au premier
rang des sociétés artistiques.
Le jeudi 18 décembre, La Muse des Arts et Métiers
qui tient ses séances dans la jolie petite salle de
144
LA CHANSON
M. Naudet, rue des Vieilles-Haudriettes, 5, sous la
présidence de M. Leboucher, a donné sa soirée au
profit de la Statue de Béranger. La salle était comble
et l'entrain le plus vif brillait sur tous les visE^es des
chanteurs amis. D'autres sociétés avaient prêté
leur concours. Nous avons surtout remarqué
M. Voisin qui a dit avec beaucoup de brio la Tourte
à papa; MM. Leboucher et le joyeux Antony dans
le duo Les Cousins germains. M. Félix a très bien dit
une Tyrolienne, M. Ernest a chanté avec énergie
Chapeau bas devant la République \ M"" Madeline et
Louise ont chanté en vraies artistes, la première
Je ?i' sais comment ça .<' fit, et M"° Louise le Moulin
du Diable. Pardon pour ceux que j'oublie, il faudrait
tout citer.
Le piano était tenu par notre vieil ami Clodomir,
le populaire auteur de tant de mélodies si pleines de
sentiment et de grâce.
Eugène Baillet a dit sa dernière chanson toute de
circonstance, La Statue de Béranger. Cette poésie
vigoureuse a été chaleureusement accueillie et la
brillante musique de Tac-Coen qui l'accompagne
aidant, nous entendrons bientôt ces couplets dans
tous les concerts.
Un reproche. Eugène Baillet est le seul qui dans
cette soirée ait parlé de Béranger. Ne serait-il pas
bon que dans ces séances données en l'honneur du
poète national, quelques sociétaires chantassent des
chansons du grand Maître. Cela ferait une heureuse
compensation au répertoire habituel des concerts quel-
quefoisunpeu... faible, ilfautbien l'avouer. Larecette
a produit 42 fr. 10. Allons voilà encore un petit
morceau de la statue. Ça marche, à qui le tour?
Le 3 Janvier, la Société lyrique La Renaissance
donnait son Banquet et son grand Bal annuels, Salle
du Grand Orient. A la suite du Banquet (de 70 cou-
verts) les Membres de La Renaissance ont offert à leur
Président, M. A. Ramel, une magnifique lyre d'or,
en souvenir du 7° anniversaire de la fondation de
La Renaissance.
Le Bal a été très-brillant, plus de 500 personnes
y assistaient : les hommes, presque tous en fracs, les
dames, rivalisant de grâce et d'élégance. On a
dansé jusqu'à 7 heures du matin aux sons d'une
excellente musique, l'orchestre se composait de
15 musiciens. La Renaissance a prouvé qu'elle sait
conserver la place qu'elle occupe parmi les sociétés
lyriques.
Henry MALLET.
Le Dimanche 15 Février 1880
PREMIER CONCOURS
Ouvert
Entre les Solistes des Sociétés lyriques de Paris
Hôtel des Chambres Syndicales, rue de Lancry, 10
RÈGEiEAIEIVT »C COISCOVRS
ARTICLE PREMIER
Un Concours de solo est ouvert entre les chanteurs et les chanteus
faisant partie des Sociétés lyriques de Paris.
ARTICLE IL
Ce Concours comprend ;
Pour les Hommes
Basses et Barytons. {Air d'opéra).
Basses et Barytons. [Romances).
Ténors [forts ténors).
Ténors [ténors légers]
Tyroliens.
Comiques • {de genre).
Comiques {excentrigues)
Pour les Dames
Fortes chanteuses.
Chanteuses légères. {Air d'opéra).
Chanteuses légères, [Bomances).
Tyroliennes.
Comiques {de genre).
Comiques {concentriques)
[H ne devra être chanté que 3 couplets par romance et par chansonnette).
ARTICLE III.
Aucun Soliste ne peut entrer en lice s'il ne fait régulièrement partie
d'une Société lyrique de Paris, au moins un mois avant le dernier
délai d'inscription pour le Concours.
ARTICLE IV.
Seront exclus du Concours, tout chanteur et toute chanteuse ayant
fait partie ou faisant partie. d'une troupe lyrique de Théâtre ou de
Café-Concert, ainsi que tout artiste de profession.
ARTICLE V.
Chaque concourant chantera un murceau à sonchoix (airouromance).
Il devra se munir d'un second morceau, dans le cas où le Jury
voudrait l'entendre une deuxième fois.
ARTICLE VI.
Chaque concourant, avant d'entrer en lice, devra remettre ou faire
remettre par le Commissaire du Concours, au Président du Jury, un
exemplaire du morceau qu'il va chanter.
ARTICLE VIL
Chaque concourant pourra se faire accompagner par son accompa-
gnateur.
ARTICLE VIIL
Les Jurys des Concours seront composés de sommités artistiques ,
compositeurs, professeurs de chant, chefs d'orchestre, etc.
ARTICLE IX.
Les récompenses consistent en médailles et diplômes.
ARTICLE X.
ARTICLE XL
Chaque Membre de Société lyrique qui voudra participer k ce Con-
cours devra se faire inscrire par l'intermédiaire du Président de la
Société lyrique dont il fait partie, et son inscription devra être adressée
au Comité-Directeur, avant le 1" Eévrier prochain.
ARTICI-E XII.
Le Président d'une Société lyrique, dont un ou plusieurs Membres
désirent participer au Concours, devra le ou les faire inscrire en
adressant, franco., avant le l*' Février, au Président ou au Secrétaire
du Comité-Directeur, au Siège du Comité, chez M. Orange, 11, place
de la République, la feuille d'adhésion ci-jointe, après y avoir
consigné une réponse à la suite des questions qui y sont foi'mulées.
ARTICLE XIII.
Les prix seront décernés à la suite de chacun des Concours.
ARTICLE XIV.
L'ordre dans lequel chaque concourant se fera entendre, sera réglé
par un tirage au sort, qui aura lieu le Dimanche 8 Février, salle Orange,
II, place de la Républi(^ue, à 2 heures très précises.
Chaque Soliste, insent au Concours, a le droit d'assister ou de se
faire représenter à cette séance.
ARTICLE XV.
Le Concours aura lieu, salle des Chambres Syndicales, 10, rue de
Lancry; il commencera le dimanche 15 Février, à 1 heure tj'ès précisé ,
'' 11T--.J: -*.. ï. o heures du soir, suivant le
îoncours.
ARTICLE XVI.
Chaque concourant doit être présent un quart d'heure au moins
avant l'ouverture du Concours auquel il participe et il ne doit pas
s'absenter pendant tout le temps que durera ce Concours, afin d'^re
à la disposition du Jury dans le cas où il voudrait l'entendre une
seconde fois.
Arrêté en séance du 4 Janvier 1880.
Le Comité-Directkur :
MM. E. Dblaportb, Président, Chevalier de la Légion d'honneur,
Lestivant, Vice-Président {Président de la Muse Gauloise).
Cantarel, Vi ce- Président iPrésideut dtis En(a.nts de l& Seine).
Leboucher, Secrétaire (Président de la Muse des Arts-et-Mé tiers)
PiTois, Secrétaire (Président des Amis de la Renaissance).
Orange, Trésorier (ex-Vice-Président de l'Art musical et
3ramatique).
Badoc (Président des Familles).
Canh [Président des Enfants de la Gaieté).
Dupont, Président de la L^re Amicale).
Leroux {Président des Gais Momusiens).
Ramel (Président de la Renaissance).
Nota bene. — MM, les Présidents qui désireraient des exemplaires du
présent Règlement., devront en faire la demande au Siège du Comité.
Nous ne pouvons qu'approuver et souhaiter la
réussite de pareils Concours, qui se rattachent à
ridée que nous avons émise dans notre numéro 29
d'une Fédéi^ation Artistique de sociétés lyriques de
Paris jiour l'organisation de grands Concerts.
Nous tiendrons les sociétés lyriques au courant
de ces concours.
A. PATAY.
Le Directeur-Gérant^ A. PATAY.
3« ANNEE. — N* 37.
20 CENT. LE NUMERO
1" FEVRIER 1880.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY.
Il est rendu compte de tout
oUTrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le l»' <5cle 16 de chaque mois
Les Abonnements partent du 1er Mai & du 1" Novemire
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne .
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
IDMINISTRATION & REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChBF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
soDynavc^û^iiaiE
La Musique populaire (a. édéma). — Le Paris-nouveau (georges
baii.i.et). — Aux Enfants (auguste gouts). — Nouvelle
légende du temps jadis (bertol-oraivil). — Haff en Haff
(EUGÈNE Carlos}. — La Charité (etienne ducret). — A
M. Edmond Delière (eu. hutin). — L'Hiver (fauché). — Une
définition de l'amour (marius martin). — Gloire à la chanson
(esprit rosier). — Chant républicain (a.-e, r.). — Les
Jeunes et M. Talien, — Le Dîner des Parisiens de Paris. —
Chronique des Sociétés lyriques. — Bibliographie. — Choses
et autres.
LA MUSIQUE POPULAIRE
Une page de l'histoire s'offre à nos méditations,
en même temps superbe et navrante : le XVI" siècle.
Heure décisive où le génie humain sommé de replier
ses ailes, les aurait perdues bien des fois si, d'un
effort gigantesque, il n'eut réussi à en ombrager le
monde. Car, malgré le magnifique effort intellectuel
qui marquera cette date — les révélations de
Copernic, la découverte du continent américain,
l'éclosion de l'art moderne appelée Renaissance —
l'avenir chancelant, le passé vermoulu, ne pouvaient
former, en se rapprochant, qu'un sol sans fixité
ouvert aux ébats tjranniques des princes. Alors,
pour exister, il fallait se défendre, pour vivre, il
fallait attaquer, il fallait mépriser la mort pour
formuler sa pensée, pour écrire il fallait affronter le
bûcher.
Rome gouvernait l'Europe, Rome repaire des
papes occupé par Alexandre VI d'abord, ensuite pai-
Jules II. Le premier eut des passe-temps d'un goût
délicat : on sait qu'il fut l'amant incestueux de sa
propre fille et quel temple de prostitution devint le
Vatican sous son pontificat. Un jour il permet à son
fils de massacrer des prisonniers parqués à cet effet
sur la place Saint-Pierre, pendant que lui-même,
en compagnie de sa maîtresse Giulia Bella, prodigue
ses applaudissements au noble chasseur quand sa
flèche a frappé le but ! — L'autre, démon en chasuble,
ivrogne, fourbe, débauché, blasphémant de tous ses
poumons, mérite aussi un coin dans la paille fétide
de nos annales. Après eux s'avança Léon X, l'incré-
dulité sur les lèvres, ayant à la main le tarif des
indulgences et encourageant partout ce trafic mal-
propre.
Ainsi débuta le XVI° siècle, complément du moyen-
âge et appelé comme lui le régime du feu : la fumée
des bûchers rabattue sur l'Europe au nom du Christ
servait de linceul à l'idée; des chairs brûlées vives
naissait une légion d'esclaves, mais aussi des vengeurs
qui frappèrent au visage le colosse immonde.
Le peuple souffrait et ne comprenait pas. Un
impérieux besoin de lumière desséchait ses veines,
une soif ardente d'inconnu ; d'ailleurs, ne sachant à
quelle source puiser la fraîcheur, à quelle fontaine
se désaltérer, il perdait peu à peu l'énergie. Sa reli-
gion qu'il voyait indignement servie devenait pour
lui un tourment, et le doute, entré dans son âme, la
livrait aux malsains délires.
De là tant de fureur autour des bûchers, tant de
joie à l'aspect de la douleur, tant d'injures à l'héré-
tique, tant d'outrages au condamné, tant de bras
usurpant la besogne des exécuteurs ; de là l'ivresse
d'une populace jalouse des privilèges du bourreau.
A ce peuple insensé qui voyait dans le sang une
semence de conciliation, la rage assouvie laissait le
remords : du fond de sa poitrine s'élevait une plainte
plus lamentable que celles des martyrs ; prosterné,
sans audace, sans espoir, la tête penchée vers le sol,
il répétait un cri, toujours le même : Sitio ! Sitio l
Ce cri un homme l'avait déjà entendu : Jean Hus,
mais la voix de cet homme fut étouffée sous les voci-
férations du tribunal ecclésiastique devant lequel il
comparut, trop tôt pour ses contemporains, trop tôt
pour la postérité, à l'instant , propice pour sa
renommée, car, de son bûcher, monta vers le ciel un
oriflamme sanglant où chacun put lire sa devise : « La
coupeaupeuple! «etcependant, le confesseur anéanti,
les peuples n'osèrent tendre la main, la coupe demeura
loin des lèvres et toujours retentissait le même cri :
Sitio! Sitio l
Enfin, un homme répondit.
Dans une langue que nul ne connaissait la veille,
que tous parlèrent le lendemain : douce comme un
sourire de femme, vibrante comme l'accent joyeux
d'un monde qui vient de sortir du chaos : une muse
nouvelle était descendue sur la terre, enseignant un
langage nouveau : elle s'appelait Consolatrice.
Elle tendit la main au riche et le riche regarda le
misérable, au pauvre et le pauvre essuya ses yeux;
elle fixa le tyran et le tyran se prit à trembler, elle
sourit au malheureux et le malheureux entrevit
l'espérance. Elle dit à la France : « Avec moi tu
vaincras les ennemis de la liberté « ; elle dit à
l'Europe : « Je raserai toutes les bastilles, je procla-
merai l'égalité « ; elle dit aux deux mondes : « Avec
le bronze des canons, je bâtirai un autel, si grand
qu'on l'apercevra de tous les points d'un hémisphère,
si brillant que le soleil pâlira devant lui, si respecté
que les peuples ennemis viendront sur ses degrés
146
LA CHANSON
s'agenouiller en signe de concorde. Des étendards de
toutes les nations, je ferai une couronne et l'on verra
flamboyer au milieu le mot de tous les cœurs :
Fraternité ».
Ensuite la muse se dressa, drapée de blanc ; elle
choisit un amant mortel et lui ordonna de chanter
pour le peuple.
Aussitôt Luther entonna ses chorals : la Musique
tendait les bras au souverain de l'avenir.
« La musique est un des plus beaux et des plus
« magnifiques présents de Dieu; par elle, on repousse
« bien des tentations et des mauvaises pensées ; elle
« donne la vie à la parole; chantons! Que tout maître
« d'école soit musicien, qu'aucun prédicateur ne
« monte en chaire sans avoir appris à solfier. »
Telle fut la pensée de Luther.
Avant lui, la musique existait certainement. Etait-
elle populaire? Les documents de l'époque permettent
de répondre : non. Aujourd'hui, on la considère
volontiers comme accessible seulement aux esprits
cultivés; c'est en faire un art parasite, la condamner
en principe, la stériliser. Bien opposées furent les
vues de Luther, et, je n'hésite pas à le dire, plus
justes, plus larges, plus fécondes.
Il n'a pas établi, selon l'usage précieux des médio-
crités de tous les temps, une distinction subtile entre
la théorie et la pratique. Il a noté les battements de
son cœur sans se demander si d'autres que lui
pourraient le comprendre, et, lorsqu'à son entrée
dans Worms, il chanta d'une voix tonnante son
célèbre choral ; s'il interrogea du regard la foule qui
s'était portée sur ses pas; s'il voulut savoir combien
l'avaient entendu, les larmes répondirent assez.
Suivant le caractère spécial des époques, l'expan-
sion artistique des sociétés revêt diff'érentes formes ;
la chanson les renferme toutes. Et nous prenons ce
terme dans son acception la plus large, nous en
faisons un synonyme du mot chant. Plus de catégories
arbitraires, de restrictions étroites, de mesquines
vanités ! La chanson appartient au peuple, voilà pour-
quoi nous voulons étendre son domaine et ne rejeter
de son cadre aucune manifestation de la vie collec-
tive ou individuelle traduite par un dessin musical.
On raconte que les Hébreux, arrêtés devant Jéricho,
.virent s'écrouler les murailles de cette ville au son
de la trompette. Comment interpréter ce récit ? Y
verrons-nous un prodige ou une absurdité cléricale?
Ni l'un ni l'autre : nous aimons mieux croire que
l'auteur sacré a voulu immortaliser par une image
saisissante, un brillant fait d'armes et montrer l'as-
cendant des mélodies guerrières.
Nous aussi, nous avons des murailles à prendre
d'assaut, mille fois plus résistantes que celles de
Jéricho ; les unes divisent les citoyens d'une même
patrie, les autres font se haïr les différentes nations ;
il y en a pour abriter les rois contre la justice de
leurs sujets, pour servir de refuge aux partisans
des solutions mitigées; n'oublions pas celles qui
séparent du peuple les marionnettes nippées que l'on
voit figurer aux bals ofiîciels ou particuliers, ni celles
qu'il faut réduire avant de pénétrer chez certains
porte-rubans des deux sexes.
Rien ne résistera aux fédérés qui marcheront en
chantant, et, si vous doutez de la puissance des
hymnes populaires, pensez aux trompettes de Jéricho,
pensez à la Marseillaise, pensez à l'œuvre immense
accomplie par lès chorals de Luther^
A. ÉDÉMA.
A mon ami Paul A VENEL.
LE PARIS - NOUVEAU
Couplets en réponse à la satire de Boileau :
LES EMBARRAS DE PARIS
Ara. : Faut d' la vertu, pas trop n'en fautl...
Ah ! que dirait Monsieur Boileau, ) , ■
S'il voyait le Paris-nouveau?... (
Le poète, à l'humeur caustique.
Qui n' trouvait bien que ses écrits,
En vrai bourgeois, fait la critique
Des embarras du vieux Paris :
Ah ! que dirait, etc.
Il se plaint, avec amertume,
Qu' çhaqu' jour, avant l'heur' du réveil.
Le bruit des marteaux, sur l'enclume.
Vient le troubler dans son sommeil :
Ah ! que dirait, etc.
A cette époque, où la grand' ville
L'était dix fois moins qu'aujourd'hui,
Le brave homme se fait d' la bile
De voir trop d' monde autour de lui :
Ah I que dirait, etc.
L' vieux Paris, avec ses petit's rues,
N'avait guèr' plus d' soleil qu'il n' faut,
Maint'nantqu'lesru's sont d' grand's av'nues,
On n' sait où s' mettr' quand il fait chaud 1
Ah! que dirait, etc.
Par l'affreux temps qui nous assiège,
Nos papas avaient beau jurer,
Tout's les fois qu'il tombait d' la neige.
Fallait trois s'main's pour la r'tirer :
Ah ! que dirait, etc.
Paris, certe, au point d' vu' physique,
A bien changé, mais c'est égal,
Où r Progrès défi' la critique.
C'est surtout au point d' vu' moral :
Ah I que dirait, etc.
Autrefois seules les cocottes
Arrêtaient 1' monde, en l'accostant ;
Aujourd'hui les marchands d' culottes.
En plein jour, en font tout autant!
Ah! que dirait, etc.
Les maris craignant trop les bosses,
Avaient honte d'être cocus ;
Aujourd'hui, même avant ses noces.
C'est à qui le sera le plus !
Ah ! que dirait, etc.
Dans ce temps-là, tout gentilhomme
Posait encor pour la valeur :
Maint'nant, dans ce siècle à la gomme,
On ne pos' plus qu' pour son tailleur I
Ah ! que dirait, etc .
C'était Raoin', c'était Molière,
C'était Corneiir qu'on allait voir ;
Aujourd'hui, la foule est plus flère :
EUe fait queue à l'Assommoir !
Ah! que dirait, etc.
LA CHANSON
147
Dans ce temps-là, les rois despotes
Entraient en bott's au Parlement :
Mais, aujourd'hui, c'est à coup d' bottes.
Qu'on leur f rait voir l'appartement !
Ah ! que dirait, etc .
D' la Bastille aux sombres poternes,
Nos vieux papas s' plaignaient déjà :
La Bastille des temps modernes,
S'étend d' Paris à Nouméa !
Ah 1 que dirait, etc .
Dans ce temps d'exactions sinistres.
On s' courbait d'vant 1' Gouvernement :
Aujourd'hui, ce sont les ministres
Qui font la cour au parlement 1
Ah 1 que dirait, etc.
Moralité
Bref 1 on a beau fair' la grimace,
Ma moral', c'est qu' dans tous les temps,
Quoi qu'il arrive et quoi qu'on fasse,
Les peupl's ne s'ront jamais contents !..,
V'ià c' que dirait monsieur Boileau,
S'il voyait le Paris-nouveau !
Georges BAILLET.
Vice-Président de la Lice Chansonnière
AUX ENFANTS
Air à faire
Charmants rois de nos fêtes,
Un nimbe de soleil
Semble ceindre vos têtes
Au moment du réveil.
Votre divin sourire
Est sur nous tout puissant;
L'homme sous votre empire
Se courbe obéissant.
Doux anges privés d'ailes,
Vous qui de l'arbre humain
Etes les fleurs nouvelles,
Egayez le chemin !
Vous n'avez que la joie.
Vous, fils de la douleur ;
Lorsqu'à vos cils de soie
Scintille un léger pleur.
Votre mère s'empresse
De calmer vos sanglots
Avec une caresse.
Et le lait coule à flots..
Doux anges privés d'ailes, etc.
Pour aplanir la route
Où vous devez passer.
Enfants, rien ne nous coûte;
Nous voulons avancer.
Et notre marche altière,
O nos fils, vous conduit
Aux sources de lumière
Où le grand progrès luit !
Doux anges privés d'ailes.
Vous qui de l'arbre humain
Etes les fleurs nouvelles,
Egayez le chemin I
inédit). Auguste GOUTS.
NOUVELLE LEGENDE DU TEMPS JADIS
A Victor SOUCHON
Or, du vieux manoir le sire est sorti
Pour aller voguer sur la mer profonde.
Le ciel était pur quand il est parti :
« Je vais, disait-il, découvrir un monde ».
Tourne, mon fuseau, tourne mille fois.
Hou... comme le vent souffle dans les bois.
Quand il est parti le ciel était pur.
L'épouse et l'enfant pleuraient en silence;
Le beau chevalier amoureux d'azur
Riait àla vie, à l'espace immense.
Tourne, mon fuseau, tourne mille fois.
Hou... comme le vent souffle dans les bois.
Amoureux d'azur, le beau chevalier
Avait sans pleurer quitté sa compagne.
Il ne revint pas, mauvais nautonier
Que partout un vent mortel accompagne.
Tourne, mon fuseau, tourne mille fois.
Hou... comme le vent souffle dans les bois.
Mauvais nautonier, il ne revint pas ;
Sa compagne est morte, et dans la nuit sombre
Souvent glisse et fuit, gémissant tout bas.
Une ombre qui cherche au loin une autre ombre.
Tourne, mon fuseau, tourne mille fois.
Hou... comme le vent souffle dans les IdoIs.
BERTOL-GRAIVIL,
[Inédit). Bédacteur en chef du Progris Artistique.
HAFF EN HAFF
On se figure que la vie
N'a qu'une couleur nuit et jour;
Non, le réel, la fantaisie
Y jouent un rôle tour à tour !
On peut fort bien dans les nuages,
Se perdre en rêves vaporeux...
On peut en bravant les orages,
Rire affligé.; pleurer, heureux!
Plafonds dorés, sombre mansarde,
Riche, indigent, ou sage, ou fou,
Ce que la Providence garde,
Ce qui s'en vaje ne sais où...
Rien ne m'étonne, m'inquiète.
J'ai bons bras et bon sentiment;
Même on dit que j'ai bonne tête
Pour mon petit gouvernement.
Admirant toutes les merveilles
Je souris aux anges divins
Et leur compose des corbeilles
De roses, d'ambre et de bons vins I
Si ma voix s'exalte en délire.
Je monte haut sans m'en douter,
Tant que les cordes de ma lyre
Sous mes doigts savent résister.
Soupirant avec l'élégie
Folâtrant avec la gaîté,
Mon luth reprend son énergie
Pour dire un chant de liberté I
148
LA CHANSON
Mon âme, grande d'harmonie.
Se chamaille avec mon esprit.
Et mon coeur, ô triste manie.
Chante l'amour, pauvre proscrit !
Oui je crois le savoir comprendre,
Cet idéal qu'on nomme amour.
Trésor sans prix qu'on ose vendre,
Que beaucoup donnent sans retour 1
En amitié, j'en ai la preuve,
Plus d'un noble cœur m'est resté.
Sachez-le bien, faire peau neuve,
C'est perdre sa propriété.
Aussi je tiens à mes ancêtres,
Vieilles bouteilles, vieux papiers,
Vieux sentiments, vieux hexamètres,
Et j'ajouterai : vieux troupiers.
Eugène CARLOS.
LA CHARITE
Strophes par Etienne DUCRET
Récitées par M"' Léonie DESFORGES, au Concert donné au profit
des Pauvres, au théâtre de Saint-Quentin, le 6 janvier 1880
La Charité, fille des Cieux,
S'en va par la ville,
Tendant sa sébile,
' Riches, donnez pour faire des heureux.
Pauvres, donnez : « Les gueux
S'aiment entr'eux ! »
Quand, l'hiver, grande est la froidure.
Quand l'âtre est vide et le pain cher,
Quand Dieu refuse leur pâture
Même aux petits oiseaux dans l'air...
Que de gens que la faim assiège !
Que de mères sans vêtements !
D'enfants, de vieillards grelottants !
Alors, malgré les vents, la neige,
La Charité, fille des Cieux, etc.
Sur son parcours, alerte et franche.
Pour amasser son cher trésor,
Elle confond, dans sa main blanche.
Le sou modeste aux pièces d'or.
Par ce temps de cruelle épreuve.
Tout ce qu'on donne de bon cœur,
La moindre off'rande a sa valeur,
Même le denier de la veuve !
La Charité, etc.
C'est qu'il lui faut beaucoup de langes.
De pain, de bardes, de fagots.
De lait pour tant de petits anges.
Qui sanglotent dans leurs berceaux!
Aux malades, c'est un doux baume.
Du bouillon pour les sustenter.
Comment faire patienter.
Hélas I tout ce monde qui chôme ?
La Charité, etc.
Du presbytère à la mairie,
Dans les salons, à l'atelier.
De porte en porte elle mendie. . .
Et, s'il le faut, sans sourciller.
Tour à tour plaintive et coquette.
Elle va chercher la Vertu
Au Concert... même au Bal... pourvu
Que la Pitié soit de la fête.
La Charité, etc.
« O puissants du monde, dit-elle,
Donnez pour les infortunés !
Vous dont bien maigre est l'escarcelle,
Artisans, Villageois, donnez 1
Si grande que soit sa misère.
Sous le chaume ou dans les faubourgs,
Le malheureux trouve toujours
Plus malheureux que lui sur terre. »
La Charité, etc.
Donnons ! Eh 1 qu'importe l'orage !
Dans les assauts et les revers
Se retrempe notre courage :
Nos faisceaux bravent les hivers.
La Charité, dans sa clémence,
Consolant tes fils affligés.
Ouvre encore aux maux étrangers
Tes bras... ô généreuse France!
La Charité, etc.
N'as-tu pas eu faim, froid.... que sais-je?
En Mil-Huit-Cent-Soixante-Dix,
Quand, livrée au bras sacrilège
D'impitojables ennemis.
Dans leur cercle de feu, de glace,
De fer... sur toi l'obus crachait.
Et quand l'Allemagne arrachait
De ton sein la Lor7'aine-Alsace ?...
La Charité, etc.
Et tu vis ! ô mère Patrie !
Et, dans la lutte, tu grandis !
Bras, tête, cœur, flambeau, génie.
En avant donc, France!... et, pour prix
De tes pacifiques victoires.
Dieu bientôt couvrira tes champs
D'épis mûrs pour tous tes enfants,
De palmes pour toutes tes gloires.
La Charité, etc.
Merci ! Salut ! Charité sainte.
Qui, rapprochant tous les partis.
Dans une fraternelle étreinte
Nous embrasse grands et petits ;
Toi qui, pour saluer l'aurore
De la Paix féconde en bienfaits.
De nos plis èteus, blancs, rouges... fais
Ton oriflamme tricolore !
La Charité, etc.
Envoi :
Ange, de qui la Bienfaissance,
Léonie, emprunte les sons,
Émue, avec reconnaissance,
0 toi qu'à bon droit nous nommons
N otre fauvette, notre amie,
1 ci, la foule en t'acclamant
E t dans son cœur te redisant
Merci 1 quand tu passes, s'écrie :
La Charité, fille des Cieux,
S'en va par la ville.
Tendant sa sébile,
Riches, donnez pour faire des heureux 1
Pauvres, donnez : a. Les gueux
S'aiment entr'eux I »
LA CHANSON
149
A M. Edmond DELIERE
SOUVENIR DE SON ODE A BÉRÂNGER
Il est bien beau, poète, à cette heure de gloire,
De chanter les héros de notre Liberté!
Qui sait graver leurs noms aux fastes de l'histoire
Peut prétendre comme eux à l'immortalité.
Alors que nous goûtons les fruits de leur victoire.
Ces géants ne sont plus qui pour nous ont lutté.
Sur le roc élevons un temple à leur mémoire;
Léguons leur souvenir à la postérité.
Poètes généreux, harmonieux génies.
Divins esprits, flambeaux aux clartés infinies.
Phares, sur nos chemins par Dieu même allumés,
Eclairez notre nuit de vos pures lumières ;
Apprenez aux enfants des rustiques chaumières
A vénérer toujours ceux qui les ont aimés !
Ch. HUTIN.
L'HIVER
Musique à faire
Le sombre hiver à la barbe neigeuse
De ses frimas partout afflige l'œil,
Et de l'oiseau la voix douce et joyeuse
N'est plus qu'un cri de tristesse et de deuil ;
Vite un fagot, que le foyer pétille.
Et près de moi, Suzon, viens t'accouder :
Un peu d'amour, montre-toi bonne fille ;
11 fait trop froid, ce soir, pour me bouder.
Le vent du nord ébranle nos fenêtres.
Le temps n'est plus où les tièdes zéphirs,
En agitant le feuillage des hêtres.
Des amoureux emportaient les soupirs.
Mais nos rideaux, à défaut de charmille.
Des indiscrets sauront bien nous garder :
Un peu d'amour, montre-toi bonne fille;
Il fait trop froid, ce soir, pour me bouder.
Entends dehors le souffle de la bise
D'un blanc grésil saupoudrant le chemin;
N'es-tu pas mieux près du feu que j'attiseî
Crois-moi, Suzon, reste jusqu'à demain.
Au firmament nulle étoile ne brille :
Par un tel temps vas-tu te hasarder ?
Un peu d'amour, montre-toi bonne fille ;
11 fait trop froid, ce soir, pour me bouder.
Veux-tu, d'ailleurs, seule dans ta chambrette,
Voir se geler tous tes petits trésors ?
Quoi ! te trouver morte sur ta couchette I
Epargne-moi, j'^iurais trop de remords.
Laisse ma main, dégrafant ta mantille,
Vers un lieu sûr tendrement te guider :
Un peu d'amour, montre-toi bonne fille ;
Il fait trop froid, ce soir, pour me bouder.
Bourron (Seine-et-Marne). FAUCHE.
{Inédit).
UNE DÉFINITION DE L'AMOUR
L'amour est la chanson que chante la jeunesse,
Que redit l'âge mûr — en détonant parfois ; —
Que le vieillard voudrait", auprès d'une maîtresse,
Chanter encore alors qu'il a perdu sa voix.
M"»eiii«- Marius MARTIN.
Hommage à M. Jules Eclialié
GLOIRE A LA CHANSON
iltisique d'Albert Petit
Chantons tous à l'unisson :
Honneur, gloire à la chanson 1
Reine de la gaudriole.
Elle met les coeurs en. train
Et jette, à chaque refrain,
Une note qui console.
Par la voix de l'ouvrière.
Dès que brille le soleil,
La chanson qui n'est pas fière
Est le fionflon du réveil ;
Elle s'égrène, en cadence.
Sous les baisers des amours,
Et comme un chant d'espérance,
Elle nous charme toujours.
Chantons, etc.
Pleine d'attraits et de grâce.
Parfois de virilité.
Elle aime, adore l'espace.
Mais hait la servilité ;
Du peuple vaillante fille,
Tout, en elle, réjouit.
Et, sous son regard qui brille
Plus d'un cœur s'épanouit.
Chantons, etc.
Sur le chemin de la vie.
Le front couronné de fleurs,
Elle aime, l'âme ravie,
A consoler les douleurs.
Ravissante et tendre Muse,
Par le plaisir et l'amour,
Pour le peuple qu'elle amuse,
Elle fut créée un jour.
Chantons, etc.
Comme une douce caresse,
Elle soupire parfois.
Doux écho de la tendresse.
On entend frémir sa voix ;
Mais, quand elle jette au monde
Son accent de vérité.
Alors elle surabonde
De force et de liberté.
Chantons, etc.
Sois, ô chanson populaire,
Le doux charme du foyer.
Ta sagesse nous éclaire
Et tu sais nous égayer ;
En toi, tout plaît, tout enchante;
Tes refrains sont gais et doux I
Pour le peuple, chante, chante
Et reste au milieu de nous.
Chantons tous à l'unisson :
Honneur, gloire à la chanson I
Reine de la gaudriole.
Elle met les cœurs en train
Et jette, à chaque refrain,
Une note qui console.
s- Esprit ROSIER.
{Inédit).
150
LA CHANSON
CHANT REPUBLICAIN
A M. JULES FERRY
Ministre de Tinstruction publique et des Beaux-Arts.
Atr : Minuit, chrétiens^ etc.
Quand nos aïeux eurent brisé leurs chaînes,
En proclamant de tout homme les droits,
On vit surgir des sanglantes arènes
La République à la place des rois !
De l'étranger on vainquit l'alliance,
Au mâle accent de Rouget transporté !...
Peuple français, chante ta délivrance
Au cri d'honneur, patrie et liberté ! (bis).
Mais une éclipse assombrit notre histoire
Par le retour de quelques potentats ;
Croyant remplir le siècle de leur gloire,
Ils n'ont laissé que lâches attentats !
Et nous avons ressaisi la puissance,
Au nom des lois et de l'égalité !
Peuple français, chante ta délivrance,
Au cri d'honneur, patrie et liberté !
Salut enfln à cette République
Qui s'est assise au foyer de nos cœurs;
Qu'à son seul nom, d'un feu pa:triotique.
Ont enflammés les plus nobles ardeurs !
Car nous avons chassé de notre France
La tyrannie avec la royauté !
Peuple français, chante ta délivrance.
Au cri d'honneur, patrie et liberté!
France, entends-tu partout ces airs de fête î
Tes ennemis sont à jamais vaincus ;
Va, de lauriers ceindre ta fière tête,
Car les beaux jours pour toi sont revenus!
Tes enfants ont, dans leur reconnaissance,
A ton drapeau juré fidélité !
Peuple français, chante ta délivrance.
Au cri d'honneur, patrie et liberté !
Oui, désormais, à la démocratie
Nous resterons attachés par le cœur.
Cause du peuple, et sacrée et bénie.
Dont la voix dit : Paix, justice, grandeur!
Guerre à jamais, guerre au cléricalisme :
C'est l'ennemi, par Satan suscité !
Et ranimons notre patriotisme,
Au cri d'honneur, patrie et liberté !
Gloire à Paul Bert dont le discours sublime,
En dévoilant de nouveaux horizons,
A découvert à nos regards l'abîme
Où Loyola trame ses trahisons !
Gloire au grand Maître, à l'éloquent Ministre
Dont la parole a toute autorité
Pour expulser la cohorte sinistre.
Au cri d'honneur, patrie et liberté!
Jour radieux, lève-toi sur la France !
Vive Ferry! vive l'Article sept!
Dans un transport de joie et d'espérance.
Saluons tous cet immortel projet.
Nous chasserons cette milice noire,
Dont l'air béat cache l'iniquité ;
Et nos enfants diront notre victoire,
Au cri d'honneur, patrie et liberté !
A.-E. R. (de Montagne).
Paris, le 15 septembre 1879.
LES JEUNES ET MONSIEUR TÂLIEN
Nous empruntons à notre spirituel confrère de
l'Hydropathe le compte-rendu suivant :
La douzième matinée des Jeunes avait lieudimanche
dernier.
La pièce de Gustave Rivet m'attirait ; je remercie
notre ami, car je lui dois une de ces matinées
qu'un ancien aur'ait marqué d'une pierre blanche.
D'abord une conférence de M. Alphonse Pages
sur Molière. — M. Pages dit bien, a le mot qui
touche à propos, la pensée est frappée au bon coin.
D'un sujet qui a exercé la plume et l'éloquence de
plus d'un maître, il a su tirer des aperçus ingénieux
et nouveaux. Il s'est spirituellement conquis la
sympathie d'un auditoire mal disposé, il faut le dire,
par une trop longue attente.
Puis un lever de rideau : le Chapeau Bleu de Léon
Duvauchel,auquel j'adresse mes compliments hydro-
pathesques, et qui me pardonnera de passer sur sa
bleuette, pour arriver au magnifique à-propos sur
Molière, de Gustave Rivet.
Là, je l'avoue, j'ai été empoigné. Vraiment l'esprit
du maître a inspiré l'auteur. Quelque funéraire que
soit le titre : le Cimetière de Saint-Joseph, la pièce
n'en est pas moins pleine de mouvement et de vie.
La toile se lève sur le cimetière où l'intolérance
des prêtres et surtout l'ingratitude de Louis XIV ont
laissé enfouir nuitamment la dépouille du grand
comédien : commence alors un dialogue de fossoyeurs
qui vous a des allures shakspeariennes tout à fait de
situation. Alceste, Philinte... vont, en beaux vers,
rendre un dernier hommage à ce maître. Survient
de son côté Tartufe qui insulte à cette dépouille et
foule de son pied infâme le [front de celui qui lui a
arraché pour toujours son masque hypocrite. Cette
suprêmeinsultereçoit son châtiment. Les comédiens
indignés forcent Tartufe à courber les deux genoux
sur cette terre, obtenue par prière, qu'il a tenté de
souiller.
Tel est le tableau qu'a traité magistralement
Gustave Rivet.
Pourquoi dois-je moins admirer la cérémonie?
Est-ce le souvenir de l'impression que je ressens,
quand on fête Molière à la Comédie française ? Sans
doute; que cependant M. Talien ne prenne point
cette boutade pour une critique. On ne saurait trop
louer l'intelligence avec laquelle il a su faire ressortir
par la beauté du cadre le tableau conçu par Rivet.
Ses moyens sont forcément bornés. Et, s'il m'est
permis de m'étonner, c'est qu'il puisse sur sa scène
restreinte nous donner même' une image affaiblie
des jouissances que nous procure le théâtre de la rue
Richelieu. Que ne ferait pas M. Talien dans la salle
immense de l'Odéon, dont on a tiré jusqu'à présent
un si misérable parti.
Des éloges en terminant à la désopilante pochade
de notre co-hydropathe Germain Picard. Trop
embrasse, qui mal étreint, est une de ces pièces qui
ne se raconte pas. Il faut qu'elle se rie au théâtre
même.
Paul VIVIEN.
LA CHANSON
151
LE DINER DES PARISIENS DE PARIS
Ce n'est pas seulement au théâtre qu'a été célébré
l'anniversaire de la naissance de Molière, le jeudi 15
janvier; outre le déjeuner du Moliêriste, organisé
par Georges Monval, le savant archiviste de la
Comédie française, un repas intime a eu lieu, à cette
occasion, chez Brébant, le dîner des Parisiens de
Paris. 11 s'agit d'un groupe d'artistes et de littéra-
teurs, récemment constitué et que réunit un même
amour pour la « grand'ville n.
A ce dîner étaient présents, entre autres, les bons
peintres Alexandre Ségé, l'auteur des Chaumes et
des Ajoncs en fleurs; Jean Desbrosses, l'ami si enthou-
siaste, si dévoué de Chintreuil, le seul peut-être qui
ose aborder franchement les grandes masses de
verdure et les études de la nature agreste des mon-
tagnes; Henri Saintin, l'auteur du Héron, remarqué
au salon dernier; Jules Valadont, le délicat portrai-
tiste ; les littérateurs Jules Christophe et Léon
Duvauchel, bien connus des lecteurs des revues
littéraires, celui-ci auteur du Chapeau bleu, petit
acte en vers jeunes et frais applaudi récemment au
théâtre Cluny et dont ce journal a publié une chanson
dans son numéro du 1" février 1879.
M. Jules Christophe a porté ce toast en vers :
Au bon sens génial, au grand rire cruel
Qui vienl de Itabelais et de Pantagiuel,
A la justice, au vrai triomphants, à Molière 1
A celui qui peignit la grâce singulière
De Célimène, dont il devait tant souffrir
Et qui vécut son œuvre liélas ! pour en mourir !
M. Léon Duvauchel a proposé de boire ensuite à
François Coppée, le plus exquis des Parisiens et au
succès du Trésor.
Et comme « tout doit finir par des chansons «, ainsi
que le prétend un Parisien de quelque valeur, le
musicien populaire Marc Chautagne et son compère
Edouard Doyen, qui étaient de la fête, se sont mis
au piano et ont interprété avec une verve entraînante
deux de leurs plus célèbres bouffonneries : « Fallait
pas qu'y aille et Charmante Rosalie . »
Puisque nos amis ne dédaignent pas les chansons
gauloises, et vraiment ils auraient tort, rappelons-
leur que ce journal va bientôt célébrer le centenaire
d'un Parisien du plus grand mérite en ce genre ;
Béranger. Mais sans doute ils y ont songé et pensent
à se joindre à nous pour cette solennité. De quelque
façon qu'on juge l'œuvre du poète, il ne faut pas
oublier qu'il est l'auteur du Vieux Vagabond, des
Contrebandiers, de Jeanne la Jiousse, des Etoiles qui
filent, des Fous, de l'Histoire d'une idée, et qu'il a pu
écrire très-justement :
« Je n'ai flatté que l'infortune. »
Un parisien.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La société les Enfants du Marais, présidée par
M. Chaumette, a donné le 2 janvier une grande
soirée au bénéfice d'une personne nécessiteuse. La
recette a été très satisfaisante, grâce au programme
attrayant sur lequel figurait le nom sympathique de
M. Adrien Souchet, que ses amis étaient heureux de
revoir. Aussi ne lui ont-ils pas ménagé leurs applau-
dissements, bien mérités du reste.
M"' Emelien a eu un véritable succès dans la
Vénus de Marseille. M. Emile, un Perrin de l'avenir,
a dit avec talent l'Agent des Courses. MM. Richard,
Defrace, Paul Germain, Eugène, Jules, Charles se
sont fait chaleureusement applaudir. M"° Jeanne et
M"" Errussière ont été charmantes, l'une dans la
romance, l'autre comme chanteuse de genre.
A la Cordiale, deux comédies et des chansons,
voilà le programme de la soirée du 8 janvier dans
laquelle on a entendu M"°' Adèle Blocli et Jeanne,
MM. Bouska, Henri L. et Musler. L'été de la Saint-
A/ar<m a étéjoué par M"'* Irma, Marie, MM. Douillard
et Gabriel. Nos compliments à M. Castelle qui a bien
rendu la scène de folie de l'Assommoir. La toute jeune
M"° Rosine chante avec beaucoup d'intelligence, et
M"° Marguerite dit avec beaucoup de goût Les
premiers beaux jours, mais elle devrait s'appliquer à
dominer son émotion. Le comique Marcus a été
étourdissant, c'est du reste une des étoiles de nos
sociétés lyriques. M. Tribelhorn de la Lice Chan-
sonnière, inscrit pour chanter La Cave de Georges
Baillet, s'est ravisé au dernier moment et nous
n'avons pu entendre sa belle voix sonore. L'air de
Si j'étais roi a été roucoulé en voix mixte par
M. Fernand, et M. Jules Raux a chanté avec succès
Gentil Lutin, l'une de ses premières compositions.
La pièce de M. Jeannin, les Héritiers Champignol,
a été jouée pour la 2° fois par M"" Adèle, très-senti-
mentale, MM. Gabriel, Charles et M. Besnier, qui
remplit son rôle avec une grande distinction.
La société lyrique Union et Gaîté a donné, le
lundi 12 janvier, une grande soirée avec le concours
d'artistes distingués des sociétés lyriques.
Dans le courant de la soirée se sont fait entendre :
M. Berlioz, du Cercle Musset, qui a dit avec son
succès habituel : Une drôle de soirée. Nos bons com-
merçants, les Fcrevisses ; M. Saget dans Notre siècle;
M. Pin, dans Benoist; M. Rigoulat, dans Veijus ;
M. Andral, dans l'air rfî( C^ew'!'er(du Val d'Andorre);
M. Bourbonnais, très-amusant dans L'homme aux
grands pieds et Bibi-Lolo de Saint-Malo ; M. Pillois
très-applaudi dans La Grève des Forgerons et dans
la fable Le Corbeau et le Renard, racontée par un
Anglais ; M. Marie qui a dit avec goiit, Les femmes
ou j' m'en rapporte à la Galerie et F a rien d'dans ;
M. Galliet, dans Bonheur et Guignon ; M. Penot qui
a très-bien réussi sa série d'imitations. M"" Julia à
qui la société Union et Gaîié avait offert un magni-
fique bouquet de lilas en remerciement du concours
bienveillant qu'elle prête depuis longtemps à cette
société, a dit deux des plus belles romances de son"
répertoire, Quand on a vingt ans et Mon Bien-Aimé.
Inutile de dire qu'elle a été bissée et rappelée; elle
nous a dit ensuite avec son entrain endiablé, Ua des
Bottes et Cydalise. La soirée a continué par Un bal
à la Sous-Préfecture, saynète en un acte, très-leste-
ment enlevée par M. Lemaire, Sac à Papier, et
M. Pin, Graine-de-Niais.
En somme, très-belle soirée et salle comble, ce qui
du reste est d'habitude aux réunions de l'a société
lyrique Union et Gaîté.
Au Palais-Royal, galerie Montpensier, 9, dans un
salon retiré, se tient le Cercle de l'Espérance qui a
donné le 15 courant une soirée artistique du plus
haut intérêt.
152
LA CHANSON
La séance ouverte par l'audition de Paris-valse,
nous a fourni l'occasion d'entendre M. Giradot à qui
la timidité sied à merveille; M. Géo qui répand la
bonne humeur par sa verve de bon aloi; M. Couture
qui possède un doux timbre de baryton ; et M. Ver-
mouillet qui récite avec beaucoup de style et chante
L'Etoile du Nord en musicien consommé.
M. Catherine, qui ne laisse entendre qu'un petit
filet de voii, a détaillé son Courrier~a.yec des accents
qui parlent au cœur. D'une voix sympathique,
M. Didier a murmuré une Orientale charmante.
Quanta M. Marquet, il a droit à tous nos éloges, car
il a interprété en maître Les fous, de Tagliaflco, et
Lalla-Rouk. II nous reste encore à parler de M. Jules
Raux qui interprète avec une originalité saisissante
ses deux compositions : J'en raffole et Gentil Lutin.
Le piano a été tenu par M°" Catherine qui accom-
pagne comme chantent les grands artistes. Seule,
l'interprétation de la comédie en Wagon a été faible
delà part du sexe fort.
Le 9 février (lundi gras), le Cei'cle de l'Espérance
donne un bal paré, masqué et tramsti, 36, galerie
Montpensier, à 10 heures. La toilette de bal est de
rigueur pour les personnes non costumées. Entrée des
voitures, 24, rae Montpensier.
Nous avons reçu de M. Damilot, président de la
société lyrique la Pastorale, la somme de 12 francs,
produit d'une quête pour la statue de Béranger.
La société des Enfants de la Seine, présidée par
M. Cantarel, donnera, le dimanche 1" février, sa
sixième soirée dramatique et lyrique, à 7 heures 1/2,
dans son local habituel, 20, rue Palestre.
Dans la même salle, cette société donnera, le
mardi-gras 10 février, un bal de nuit paré et masqué,
sous la présidence des dames ot demoiselles.
Henry MALLET.
BIBLIOGRAPHIE
Nous recommandons à nos lecteurs un volume de beaux
vers, La Sevelée, par Louis Gare!, publié à Lyon par sous-
cription. Nous avons été assez heureux pour en obtenir
quelques exemplaires que nous enverrons franco par la
poste à toute personne qui nous en fera la demande accom-
pagnée d'un mandat de i francs, prix de la souscription.
Nous empruntons à La Jeune France le compte-^rendu
suivant :
LA SEVELÉE, par Louis Garel, — Comme Pierre Dupont, Louis
Garel est Lyonnais ; comlne le cliantre des Bœufs et de la Vigne dont
il fut l'ami et avec lequel il trinqua sous les tonnelles des bords de la
Saône, le poète de la Sevelée est bien le rôdeur passionné des champs
âui se roule dans les herbes, mord les jeunes pousses des buissons en
eurs et se couche voluptueusement entre deux sillons pour sentir de
plus près rimraense palpitation de la nature en travail. Ah! Thomme
qui a écrit ce livre est un paysan qui aime fièrement la terre! La
sève y coule de toutes les pages ; à chaque strophe le laboureur siffle,
le bœuf mugit, roiseau chante, la feuille frémit et la glèbe fécondée
se pâme sous Tembrassement superbe du soleil. Nous ne pensons pas
que, depuis Dupont, aucune Géorgique ait donné une plus juste sensa-
tion, et plus intense, de la ferme, de la prairie, de la basse-cour, des
mille détails de la plantureuse vie champêtre, avec ses acres et forti-
fiants parfums, et le nom de Lucrèce vient naturellement à la pensée,
en lisant ce beau livre si réel et si vivant, A. A.
Le Livre des baisers de M, Victor Billaud, dont notre
collaborateur Eugène Imbert a rendu compte dans notre
dernier numéro, sera envoyé à toute personne qui nous en
fera la demande accompagnée d'un mandat-poste de 5 francs,
prix de ce charmant volume illustré de 40 vignettes et d'un
frontispice à l'eau-forte par Henri Somm.
Le volume Les Petits Poucets littéraires de M. Lagarde
sera de même envoyé à toute demande accompagnée de
1 fr. 50 en timbres-poste.
CHOSES & AUTRES
Les diplômes pour uotrc concours Béranger seront très-
prochainement envoyés non seulement aux auteurs des pièces
couronnées, mais aussi à ceux des pièces mentionnées.
Nous rappelons à tous ceux qui ont pris part à ce con-
cours que, pour répondre à plusieurs demandes, nous
publierons, dans le format de La Chanson et sous forme de
supplément, sous le titre de Couronne poétique offerte à la
mémoire de Béranger, toutes les pièces qui nous ont été
envoyées, en faisant payer, comme cela a lieu généralement
dans les autres concours, les frais d'impression à raison
de 0 fr. 10 c. la ligne, et la souscription à dix exemplaires
au moins, soit 2 francs en plus de l'insertion. Cette publi-
cation n'aura lieu que vers la fin de mars. Jusque-là nous
ne demandons aux auteurs que leur adhésion ; plusieurs se
sont trop hâtés en nous envoyant le montant d'avance.
Voilà qui est bien entendu. Que les retardataires nous
envoient leur adhésion d'abord. Nous les aviserons au
moment de la publication delà somme qu'ils auront à verser.
Notre appel a été entendu, et la tombe de Leduc a reçu
dimanche, z5 janvier, la visite de nombreux amis du chan-
sonnier. Baillet s'est fait l'éloquent interprète de leurs pieux
regrets, et a déposé sur cette tombe, en leur nom, une
couronne due au concours généreux de tous. Ces sortes de
fêtes commémoratives fortifient les cœurs, et les vivants sont
heureux de pouvoir espérer qu'eux-mêmes, après que
l'heure de la séparation finale aura sonné, inspireront aux
amis restants quelques regrets sincères.
Nous ne saurions trop recommander à MM. les présidents
des sociétés lyriques de se rendre à l'appel fait par le Comité
dirigé par l'infatigable M. Delaporte dont la devise semble
être Vouloir, c'est pouvoir. Nous sommes certain qu'avant
peu les concours entre les solistes des sociétés lyriques de
Paris seront bien fondés. Déjà trois députés, MM. Tiersot,
Alfred Leconte et Daulresme ont bien voulu prendre sous
leur patronnage cette innovation artistisque. Les sociétés
lyriques, comme l'a si heureusement dit M. Delaporte, sont
les salons du peuple ! Dans notre prochain numéro, nous
publierons le programme complet de ce premier concours,
avec tous les noms des membres du jury, choisis parmi les
célébrités les plus compétentes dans l'art du chant et de la
musique. Nous pensons que les retardataires (il y en a
toujours) qui viendront mercredi ou jeudi 5 février au plus
tard, pourront encore prendre part à ce concours quoique les
inscriptions doivent être closes le premier février. Tous nos
compliments à ce Comité-Directeur dont le zèle de chaque
membre seconde si bien celui du président.
SEPTIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du {'='' au 20 février.
Le nombre des pièces qui nous sont parvenues nous ayant
paru insuffisant, nous les joindrons à celles du concours de
lévrier.
Nous rappelons que nos abonnés seuls ont droit d'y prendi'e
part, avec une chanson de six couplets, avec ou sans refrain.
Le premier prix sera publié dans le journal et recevra
dix exemplaires. Les titres et les noms des auteurs des deux
pièces suivantes seront publiés.
■ Nous prions toutes les personnes qui nous envoient des
chansons de vouloir bien indiquer les timbres des airs.
Prière à M. A. R. S. de nous faire connaître son adresse
ou le bureau où nous pourrions lui écrire poste restante.
Nous recevons toujours des réclamations d'abonnés aux-
quels ne parviennent pas régulièrement leurs numéros.
Nous les prions de vouloir bien adresser directement leurs
réclamations à la poste, dont nous avons beaucoup à nous
plaindre ; s'il en fallait une preuve récente, nous n'aurions
qu'à alléguer le retard de notre dernier numéro, qui
provient uniquement de ce que notre imprimeur n'a reçu le
cliché du portrait que plusieurs jours après l'expédition.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
I
S" ANNEE. — N" 38.
20 CENT. LE NUMERO
16 FEVRIER 1880.
LA
Directeur-Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1^' <5;le 16 de chaque mois
Les Abonnements partent dul" Mai & du 1" Novemhre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne .
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION & REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
)) six mois 3 »
Etranger, 1» port en sus
SOl^/LH/LJi^XZElZE:
Galerie des Chansonniers: Charles Supeninnt {sua. imbert). —
Les Grillons (ch. supernant). — L(t Part du poète (l.-urnry
i.ecomte). — Banquet du Caveau (eug. imbert). — Banquet
de la Liée Chansonnière (l.-henry lecomïe). — La Nuit des
amours, paroles de clément casse, musique de .i
La Statue de Déranger (euoène baillet). — Toast de février
(iiipi'oi.yteryon). — Chronique des Sociétés li/riques [a. PAr\Y,
HENRY MALLET). — Coticours entre tes Solistes des Sociétés
Itjriijues. — Choses et Autres,
GALERIE DES CHANSONNIERS : CHARLES SUPERNANT
Supcrnant ( Louis -
Charles), plus connu
dans le monde de la
chanson sous le nom
de Carie Daniel, était
né le 14 mars 1815. Il
est mort le 28 décem-
bre 1873, d'une maladie
contractée aux rem-
parts pendant le siège
de Paris; car, malgré
ses cinquante-cinq ans,
il avait voulu faire son
devoir de garde na-
tional.
Dans sa jeunesse, il
avait été soldat, ou-
vrier compositeur, ar-
tiste dramatique. Plus
tard il occupait un em-
ploi dans une compa-
gnie d'assurances. Il
sut toujours réserver
une part de son temps
à l'étude et à la poésie.
Comme compositeur, il
avait pris une part ac-
tive à la préparation de
nouveaux tarifs. Ar-
tiste, il a joué sur le
théâtre du Luxembourg
et sur ceux des frères
Séveste. C'était le temps
en effet où ces direc-
teurs exploitaient seuls
les scènes de la ban-
lieue. Chaque soir, les acteurs, tout costumés, s'en-
L tassaient dans une voiture pour aller représenter à
Grenelle la pièce qu'ils venaient de jouer à Mont-
martre. Souvenir de Thespis et de son char comique !
Supernant tenait l'emploi des amoureux, des jeunes
premiers rôles, et s'en acquittait avec beaucoup de
l
chaleur et de distinc-
tion. Un artiste qui l'a
connu vers 1838 à Bo-
bina, comme on disait
alors, me le certifiait
encore tout récemment.
Je connais de Super-
nant plus de soixante
pièces, et je ne connais
pas tout. Editées un peu
partout, dans les Echos
du Vaudeville, dans des
recueils de chanteurs,
quelques-unes ont eu
de la vogue. Le Samedi
soir, tableau touchant
de la vie ouvrière, se
chantera longtemps en-
core. Citons, dans le
genre gracieux , Mon
printemps. Sous les bois;
dans le genre mélanco-
lique, les Cierges éteints,
la Dernière seconde ;
dans le genre grave.
Pécheresse, le Retour à
Dieu. Le Chemin de l'a-
mitié, la Vengeance du
Chêne sont des légendes
dramatiques. La Bou-
deuse, Ronde de Noce,
Un Regard en arrière,
la Moisson, et surtout
Au poste, nous montrent
dans le talent de Super-
nantie côté pittoresque
et souriant. La Route, au contraire, mêle à la des-
cription presque minutieuse des choses cette sorte
d'amertume qu'inspire aux esprits rêveurs la con-
templation de la vie humaine.
Les Grillons, que nous reproduisons plus loin, pré-
sentent un tableau plein de tristesse et de grâce.
154
LA CHANSON
Ecoutez ce couplet de Mon jmntemps :
■ Je n'avais plus, dans ma délresse,
La force de vivre ou d'aimer ;
Mais aujourd'hui de ma maîtresse
Le souvenir vient m'animer.
Que le parfum des fleurs écloses
Donne de doux enivrements !
Mon amour est comme les roses :
Il fleurit avec le printemps.
Cette note élégiaque domine chez notre poète.
Presque partout on retrouve, comme dans les Grillons,
ce rapprochement entre la nature et ses divers
aspects, d'une part, et de l'autre, l'âme et ses émo-
tions intimes. N'est-ce pas là toute la poésie?
Longtemps avant que Mouret eût inauguré ses
soirées en l'honneur des auteurs morts, dans les-
quelles on exécute surtout les œuvres de Charles
Gille (Mouret a épousé la sœur de ce chansonnier),
nous avions commencé à célébrer leur mémoire à la
société de la rue Lamartine. C'est à cette occasion
que Supernant avait fait une longue suite de cou-
plets où, passant en revue un bon nombre d'anciens
chansonniers, il les caractérisait à sa manière. Je
■citerai celui-ci :
Tout auprès d'eux prenant part à la fête,
Collé, Gouffé, Panard, à l'unisson,
Chacun de vigne ayant orné sa tête.
Applaudissaient un joyeux échanson.
C'était Brazier, dont la muse indocile
Accueillait mal la syntaxe et son mors.
Bah ! la gaieté suffit au vaudeville ;
Point de pédants chez les chansonniers morts.
■J'ai choisi ce couplet pour protester contre le
reproche qu'il contient à l'égard de Brazier, qui
n'était pas aussi incorrect qu'on l'a prétendu.
Quelques-unes des chansons de Supernant sont
adaptées à des airs connus. Bougnol en a mis un
grand nombre en musique, et avec succès. J'ai
essayé moi-même de traduire en notes la Route et la
Branche de saule.
Il avait composé plusieurs opérettes, soit seul, soit
en collaboration avec M. Jules de La Guette, l'au-
teur d'une parodie très connue des Deux Gendarmes.
Il avait aussi réuni et condensé en une sorte d'opéra-
comique, sous le titre des Contes Rémois, les épi-
sodes les plus piquants du recueil de M. de Chevigné.
J'ai eu en outre entre les mains r Innocence d' un For-
çat, drame tiré d'une nouvelle de Charles de Bernard.
Il faut bien parler, au moins pour mémoire, de
certains articles sur la Goguette qui firent lors de
leur apparition et plus tard encore un grand bruit
dans le public chansonnier. Bien des cris de paon
s'élevèrent, bien des haines prirent naissance, et
cela se comprend. Il est donc impossible de passer
cet épisode sous silence. Supernant lui-même me
reprocherait, s'il vivait, de l'avoir laissé dans
l'ombre. Ces articles, qui, suivant l'usage du journal
où ils parurent, n'étaient pas signés, furent publiés
par l'Atelier, aux mois de mai, août et octobre 1844.
Supernant avait pour collaborateurs, à ce journal,
entre autres ouvriers, Pascal et ce même Corbon
qui depuis... mais' alors il n'était pas sénateur.
Inspiré par une honnêteté sincère et par un rigo-
risme peut-être exagéré, Supernant offrait de la
Goguette et des goguettiers une peinture assurément
peu flatteuse. C'était un tableau poussé au noir ;
mais les citations que l'écrivain apportait à l'appui
de sa philippique ne laissaient pas d'être accablantes
pour les auteurs et pour leur auditoire.
Cette sévérité dont Supernant faisait preuve à
l'égard des chansonniers de son temps, il l'exerçait
aussi envers lui-même. Jamais il ne s'exposa au
reproche d'immoralité. Sans doute, comme beaucoup
d'entre nous, il ne craignait pas de pincer à l'occa-
sion la corde folichonne. Peines de cœur et Notes de
voyage prouvent qu'il aurait pu obtenir dans ce genre
de véritables succès. Mais il n'eut jamais consenti à
chanter en public même les moins décolletées de ses
productions. Il n'en faisait part qu'à ses intimes, au
dessert.
Le vin même, un des lieux communs de la chan-
son, se montrait peu dans ses couplets. Aussi, quand
il entrait dans une société lyrique, le public disait-il
à demi voix : Voilà le poète. Et il l'était, dans le bon
sens du mot : poète, non pour chanter seulement,
mais pour dire, pour prouver quelque chose, pour
enseigner.
Supernant, qui avait beaucoup plus d'entrain et
de joyeuse humeur dans l'intimité qu'on n'aurait pu le
croire, était un des trois fondateurs du Hareng Saur,
banquet annuel qui se tenait chaque Toussaint et
dont je vous promets l'histoire. Or,
Etant seul survivant^ il faut que je me hâte.
Ses qualités étaient la sincérité, le courage à
exprimer ses sentiments et ses opinions, lors même
qu'il savait qu'ils pouvaient n'être pas conformes à
ceux de ses auditeurs. Ce n'était pas bravade, mais
amour de la vérité. Ses défauts (qui n'en a peu ou
prou?) : un peu d'excès dans le développement de
ses idées, et, par suite de son aversion pour la bana-
lité, quelque recherche. Son débit se ressentait
naturellement des unes et des autres : beaucoup de
soin, d'intelligence, de jeu, si je puis dire, mais trop
de soulignés.
Camarade obligeant, amidévoué, mari affectueux,
il a laissé chez tous ceux qui l'ont pu connaître des
souvenirs vivaces et de sincères regrets.
Je regrette vivement que l'espace qui m'est
accordé m'oblige à écourter cet article. J'espère
bien me dédommager plus tard, et payer plus
amplement à ce véritable poète le tribut qu'il
mérite et comme ami et comme chansonnier.
La veuve de Supernant avait annoncé, dans les
jours qui suivirent sa mort, l'intention où elle était
de publier le recueil de ses poésies. Il est à souhaiter
qu'elle donne enfin suite à ce projet. Tous les amis
du poète l'en remercieront.
EuG. IMBERT.
LES GRILLONS
SOLITUDE
Air : Notre-Dame du mont Carmel.
Dans cette nuit froide et profonde
Qui sur les bois jette un linceul.
Sous mon toit, comme dans le monde,
Sans vous, grillons, je serais seul.
De mon foyer, troupe folâtre,
Venez égayer les clartés ;
0 joyeux habitants de l'âtre,
Chantez, grillons, grillons, chantez.
Souvent ma pensée, asservie
Aux tableaux de l'âtre enflammé,
Comprit le néant de la vie
Au dernier charbon consumé.
LA CHANSON
155
Si l'œil humain pouvait descendre
Au fond des cœurs désenchantés !
— Après le feu reste la cendre...
Chantez, grillons, grillons, chantez.
Parfois, comme des salamandres,
Les flammes dansent sous mes yeux,
Traçant d'innombrables méandres
Dans leurs élans capricieux;
A cette fête fantastique.
Grillons, vous êtes invités.
Car vous en êtes la musique...
Chantez, grillons, grillons, chantez.
Puis, c'est une Sodome ardente
Que Dieu d'un regard embrasa...
Et je songe à l'enfer de Dante :
Lasciat' ogni spei-anza...
— Est-il vrai? Dieu les abandonne
Ceux que son fils a raclietés?...
Non ! il punit, puis il pardonne;
Chantez, grillons, grillons, chantez.
La neige au seuil de ma demeure
Attache son suaire blanc,
Et l'eau, de ma vitre qui pleure,
Tombe avec un bruit morne et lent;
Le vent souffle au dehors, dans l'ombre;
Et pourtant, grillons, écoutez !
Plus que la nuit mon âme est sombre...
Chantez, grillons, grillons, chantez.
A deux genoux dans sa chaumière
— C'était la nuit aussi, jadis 1 —
On murmurait près de sa bière
A voix basse : De profundis!
Je contemplais ses traits livides
Avec des yeux épouvantés...
— Les cercueils pleins font les cœurs vides-
Chantez, grillons, grillons, chantez.
Dans l'àtre à la lueur blafarde,
La flamme a cessé de courir ;
Mon foyer pâli me regarde
Avec des yeux qui vont mourir;
La vapeur, blanche d'étincelles,
S'en élève en flots argentés...
L'âme ainsi retrouve ses ailes ;
Chantez, grillons, grillons, chantez.
Mais pourquoi toutes ces pensées
Dans lesquelles mon cœur s'aigrit?
Je les croyais bien effacées
De mon âme et de mon esprit. . .
— Des compagnons que j'eus sur terre,
Vous, les seuls qui soyez restés,
Pour endormir le solitaire,
Chantez, grillons, grillons, chantez.
Ch. SUPERNANT.
LA PART DU POÈTE
(iMlïÉ DE SCHILLER)
« Prenez possession du monde
— Aux mortels un jour cria Dieu —
(i C'est à vous la terre, à vous l'onde,
La vallée oii le torrent gronde.
Le volcan d'où jaillit le feu ! »
Et la voix se taisait à peine
Que déjà chacun s'emparait,
Le noble d'un vaste domaine,
Le cultivateur de la plaine.
Le bûcheron de la forêt.
Le marchand de mille matières
Bientôt remplit un entrepôt.
Et le roi, posant des barrières.
Aux villes, aux champs, aux rivières,
Réclama la dime et l'impôt...
La curée splendide était faite ;
Soudain, l'âme pleine de foi,
Un homme au ciel leva la tête
Et dit : « Moi, je suis le poète.
Père, qu'as-tu gardé pour moi? »
— « Eh quoi ! fit Dieu, pas une obole
N'échut au plus pauvre de tous?..
Où donc étais-tu, tète folle.
Lorsque retentit ma parole ? «
— « Seigneur, j'étais à tes genoux.
« Absorbé dans le grand mystère,
Ebloui par ta majesté.
J'ai perdu ma part de la terre ;
Me laisseras-tu, juge austère,
Atout jamais déshérité? «
— « Hélas, par ma volonté même.
Sur terre plus rien n'est à moi.
Dit Dieu dans sa bonté suprême ;
Mais viens, ô doux rêveur que j'aime.
Mon ciel me reste, il est à toi ! »
L. -Henry LECOMTE.
SOCIÉTÉ LYRIQUE ET LITTÉRAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 6 FÉVRIER
Musc, changeons de style et quittons la satire.
Boileau a raison. Ainsi ferai-je aujourd'hui. Le Caveau a.
daigné, non pas s'émouvoir, mais se souvenir de quelques
plaisanteries nioffensives, du moins dans l'intention, dirigées
dans ce journal contre l'usage antique et solennel, comme on
dit dans .\tlialie, des tosles présidentiels. Le toste s'est
redressé, ma foi, et vigoureusement. De même que je ne
sais quel philosophe prouvait — en marchant — le mouve-
ment, le tosto a démontré, par son allure piquante quoique
courtoise, et aussi par des précédents ingénieux, qu'il est
admissible, qu'il est utile, qu'il est indispensable. Je n'irai
pas à rencontre. Une cause, même mativaise, si bien plaidée,
est vite gagnée; à plus forte raison, si elle est bonne.
Puis a commencé le défilé des chansons : une vingtaine
environ, ce qui est un joli chiffre. La partie sérieuse est la
moins riche, comme quantité, s'entend. La Danse macabre,
de Piesse, bien pensée et ciselée avec art ; l'Immortalité de
Molière, sirophes larges et animées de Garraud; Murger et
Musette, de Vilmay, qui se propose de traiter successivement
en chansons les couples célèbres, et qui a bien réussi ce
premier tableau. Ajoutons-y les Vins de France, que Charles
Vincent célèbre avec une chaleur digne d'eux, non-
seulement en poète, mais en goui'met, et le Pâtre, de Louis
de Courmont, tableau rustique vaste comme la nature, et
d'une poésie chaudement colorée.
Mouton-Dufraisse, Ripa.ult, Jullien, Lesueur donnent la
note gaie : Le Pique-assiette, les Raccrocs, l'Homme
déclassé. Les Bêtises, sont des croquis fort différents de ton
et de manière, mais remplis d'esprit et de traits heureux.
Fénée, qui n'est jamais le dernier quand il s'agit de
joyeuse humeur, a rajeuni un vieux sujet bien des fois
traité, le Marchand de plumes; c'est, comme on le devine,
une série de rapprochements ou de jeux de mots. Alexis
Dalès avait écrit il y a longtemps pour les chanteurs des rues
quelques couplets sur ce sujet, mais il s'était visiblement
inspiré de Charles Lepage. Le nouvel arrangeur n'a pas été
le plus maladroit.
156
LA CHANSON
Les Conseils, de Jules Petit, Au comptant, d'EclialIé, la
Pendule détraquée, de Grange, voilà encore des sujets bien
trouvés et bien conduits. Le premier a peut-être un peu
plus d'amertume ; le second, de bonhomie ; le dernier, de
croustillant. On a beaucoup ri surtout de celte pauvre
aiguille qui ne peut plus marquer midi.
Liorat chante les Vieilles choses avec d'affectueux regrets
et un enthousiasme rétrospectif qu'il aurait tort d'exagérer.
Son petit trumeau est si doux de couleur, que le présent
paraît tout noir à côté. N'est-il pas injuste en parlant de
L'esprit gaulois qu'liâlas, nous n'avons plus ?
Et sa chanson ne donne-t-elle pas à l'auteur un formel
démenti '!
Comme chansons de circonstance, nous avons eu les cou-
plets par lesquels Poullain a souhaité la bienvenue à Charles
Band, restaurateur ordinaire et, ce soir-là, invité du Caveau,
et les couplets de réception de Georges Murât, nouveau
membre libre . H est utile, quand les m-ands arbres vieillissent,
et le Caveau en compte beaucoup de chenus, de songer aux
pépinières, l'espoir des forêts de l'avenir. K'oublions pas non
plus Lagarde, le joyeux épicurien, qui, quoique absent, était
représenté par sa chanson du Swltan.
J'ai gardé pour la fin la chanson d'un visiteur qui a pour
titre un Candidat, non seulement à cause de l'adhésion
unanime qu'elle a soulevée, mais parce qu'elle serait de
nature, si elle était mal comprise, à passer pour réactionnaire,
tandis qu'elle n'est que juste et que l'auteur est un répu-
blicain. Ce candidat, c'est un amnistié. La politique a ses
flux et ses reflux. On doit donc admirer le courage, même
malheureux, et plaindre les vaincus ; mais il est difficile de
tolérer l'orgueil dans l'ingralitude et la prétention dans
l'incapacité. C'est ce que l'auteur a voulu ex()rimer dans
cette profession de foi comique d'un amnistié qui aspire à la
députation. Je veux, dit-il,
Je veux qu' les honim' soient tous libres, tous frères.
Qu'ils aient mém' part au commun revenu.
Abolissons les lois qui m' sont contraires,
Le cod' pénal, surtout, qu' j'ai trop connu.
Sur l'instruction, l'armée, et d'autr' chapitres
J'en dirais long et je s'rais écouté ;
Mais j' viens d' là-bas ; c'est 1' meilleur de mes titres.
Citoyens, fait'-moi député.
Une des chutes qui a produit le plus d'effet est celle-ci:
Je le sais bien,
L prochaine,
Le rang d' nnnistre a bon droit m'eiit tenté ;
Mais j' n'ai jamais écrit dans 1' Père Duchêne.
Citoyens, fait'-moi député.
J'estime volontiers qu'il y a de bonnes gens partout, et
voulus faire le don Quichotte : Vous connaissez, objectai-je,
la comparaison de Jésus; la république céleste est semblable
à un berger, elc. Vous savez qu'il y a plus de joie à retrouver
une brebis perdue qu'à en conserver cent autres i]ui n'ont
pas quitté le parc. — Assurément, me répondit-on, mais au
moins faut-il que ce soit une brebis.
Et vodà ma lance rompue .
Je repris : On peut être amnistié et capable...
— Oui, comme on peut être amnistié et n'être qu'un sot.
Que n'a-t-on pas dit, et justement, contre les lettres d'obé-
dience, qui donnent à un ignorant le droit d'enseigner ce
qu'il ignore ! Ferez-vous donc du titre d'amnistié un brevet
de capacité?
Et voilà ma rondache coupée en deux.
— Je ne sache pas, ajouta un autre, qu'il y ait dans l'île Nou
une source miraculeuse dont les eaux possèdent le don féeri-
que de changer en aigles les merles qui s'y sont désaltérés.
Et voilà mon armet aplati, et moi aussi. Défendez donc
les absents! E. IMBERT.
LICE CHANSONNIÈRE
BANQUET DU 4 FÉVRIER
Est-ce l'influence du brouillard ou des décès multipliés
dont nous entretiennent les journaux? Le ton général des
chansons dites l'autre soir à la Lice était d'une gravité sin-
gulière. La plupart des convives avaient cru devoir rimer
des préceptes de morale ou de politique honnête, qui cou-
ronnaient peu gaiement un repas d'ailleurs assez mal servi.
Jeannin lui-même, dont les gaudrioles coupent et terminent
d'ordinaire les banquets par de gros éclats de rire, Jeannin
a chanté de solennels couplets dédiés Aux Enfants du
peuple... Le brouillard et les nécrologies, l'ous dis-je.
Des obligations présidentielles, celle de toaster mensuel-
lement n'est pas faite pour effrayer le nouveau directeur de
la Lice. Byon a le vers facile, la verve abondante, et la
santé qu'il a portée à la République et à la chanson a ces
deux immortelles » méritait bien les bravos qui l'ont
accueilhe. Nos lecteurs en jugeront par eux-mêmes.
Jules Rau.x, intéressé par les aventures de la Gervaise de
M. Zola, célèbre un des instruments de travail de cette perle
des blanchisseuses :
Comme l'outil qu'ils chantent, les couplets de l'auteur
(paroles et musique) sont capables de glisser... sur la pente
du succès.
Avec Adcline fleurit la romance. Je rêve de toi, mignonne,
dil-il à celle qu'il aime. Vous devinez toutes les flatteries
adroites débitées sous le couvert de ce songe plus ou moins
authentique. -
Le Doute, de M. Vilmay ; l'Oiseau sans nid, de M. Petit-
Pierre; le Gardeur de cochons, de M. de Courmont ; le Noël de la
libre pensée, de M. de Gonet, appartiennent surtout au genre
sérieux dont j'ai signalé l'envahissement. Mérites divers,
succès égaux.
M. Hachin, lui, est toujours dans le ton agréable de la
vraie chanson ; mais, au lieu de fi'edonner ses œuvres
nouvelles, il les a dites, l'autre jour. Cela n'en a pas changé
l'allure au point que l'on n'ait pu saluer deux très-jolis
tableaux de genre.
Alfred Leconte en veut beaucoup à la censure ; il la flagelle
et lui conseille le repos qu'elle a bien gagné. Le spirituel
député-poèle ferait bien d'aller chanter ses vers mordants
aux oreilles du ministre, qui ne me paraît pas disposé à
casser aux gages la vieille Anastasie.
M. Paul Avenel raconte l'Histoire de Manon dans un
de ces pots-pourris qu'atfectionnaient jadis les maîtres chan-
sonniers. Malgré les timbres joyeux qu'il fait résonner, ce
récit attriste plutôt qu'il égaie ; c'est là sans doute ce que
voulait l'auteur.
Une chose tout aimable, c'est le rondeau sur le rire, écrit
par M. Robinet avec entrain, grâce et belle humeur.
Chebroux, trop modeste, a fait noter par je ne sais quel
compositeur un air nouveau pour ses Pauvres amours que
nos lecteurs connaissent. J'aime beaucoup mieux l'air primi-
tif, composé par le chansonnier lui-même.
Le Mouvement général de M. Leblanc, et une poésie sans
titre d'Alfred Leconte ont fait plaisir.
M. Goûts, d'une voix bien émue, demande que l'on répète
ses chansons ; elles en valent assurément la peine, et je ne
serais pas étonné de voir son souhait exaucé dans un avenir
prochain. Une chanson-proverbe. Les Conseilleurs ne sont
pas les payeurs, de M. Haas, dénote également un certain
mérite ; elle renferme surtout un couplet politique très réussi.
M. Pingray, comme Molière, prend son bien où il le
trouve. On a sans doute gardé souvenir de la chanson pleine
d'attici.çme, colportée dans nos rues avec ce refrain :
c'est pas toujours les mêmes
Qu'auront l'assiette au beurre.
M. Pingray reprend ces vers semi-prophétiques pour les
modifier ainsi :
Evidemment, la version nouvelle détrônerall'ancienne ; elle
est plus expressive et plus substantielle. Mais le poète n'a pas
toujours réfléchi aux applications qu'il en faisait. Venant par
exemple après un couplet sur l'amour, le refrain de
M. Pingray produit un effet non cherché. L'amour, un
fricot! — Singulier amour que celui où l'amant trouverait à
boire et à manger !
Quatre chansons connues de MM. Ryon, Echalié, Jeannin
et Cahen ont porté à vingt le nombre des productions
entendues.
L.-Henry LECOMTE.
LA CHANSON
157
LA NUIT DES AMOURS
IDYLLE
Paroles de Clément Casse^ musique de J.-C. ïhorel
15
l'on peut s'ai _ mer en -rê - vaut. Moû
Refrain.
gnoD . ne, souïiens - toi tou.jours de
la douce nuit des amours Mifrnonae, souviens
Il H !i,b.
toi toujours de la douce nuit des amours
Ecoute, ma belle peureuse,
Dans la forêt silencieuse,
Le bruit d'une valse amoureuse,
Que font les feuilles sous le vent.
C'est l'heure de la rêverie,
Tout charme mon âme attendrie ;
Les bois sont pleins d'herbe fleurie
Où l'on peut s'aimer en rêvant.
Mon cœur ressent de douces choses
Aux baisers de tes lèvres roses :
Mignonne, souviens-toi toujours
De la douce nuit des amours.
Au ciel il n'est pas un nuage,
La lune à travers le feuillage.
Pour en parer ton blanc corsage.
Argenté les fleurs du chemin.
Ta bouche a le plus frais sourire.
Tes veux sont mourants de délire.
Et sous le baiser qui m'attire,
Ta main frissonne dans ma main.
Mon cœur, etc.
Le rossignol sous la ramure.
Prés de son amante murmure,
Et vient couvrir de sa voix pure
L'écho de nos baisers d'amour.
Auprès de toi, chère maîtresse.
Mon cœur s'enivre à ton ivresse.
Il n'est qu'un regret qui l'oppresse.
C'est que déjà voici le jour.
Mon cœur ressent de douces choses
Aux baisers de tes lèvres roses :
Mignonne, souviens-toi toujours
De la douce nuit des amours.
A Mon ami A. P.vtay, diicclour du Journal La Clianson
LA STATUE DE BÉRAÎ^GER
Musique tic Tac-Coen (*)
Assez de piédestaux aux rois...
La France, aujourd'hui citoyenne,
Oubliant ces briseurs de lois.
Rêve de gloire plébéienne.
Pensons aux nobles par le cœur
Plus qu'aux nobles par la naissance.
Béranger, ton nom dit : Honneur,
Patrie ! Amour ! Indépendance !
Au grand poète, au citoyen.
Dont la muse trop tôt s'est tue,
A Béranger, l'homme de bien.
Au grand poète, au citoyen,
La France doit une statue !
Après avoir chanté les gueux.
Pour les consoler de leurs peines,
De nos exilés malheureux
Ses refrains allégeaient les chaînes.
La prison s'ouvre à ses couplets ;
Qu'importe ses jours qu'il expose :
Enfant du peuple, il n'a jamais
Du peuple déserté la cause !
Au grand poète, etc.
Mil huit cent quinze!... Entendez-vous?
Sous nos murs l'étranger s'avance...
Béranger chante : Serrons-nous,
Espérance et vive la France !
Puis, quand la vieille royauté
Montre un drapeau blanc qu'on abhorre,
Béranger chante avec fierté :
Gloire à l'étendard tricolore !
Au grand poète, etc.
(") La musique se trc
Dame-de-Nazareth .
chez Laljbé, éditeur, 32, rue Notre-
158
LA CHANSON
Pour adoucir les mauvais jours,
Qu'aux rois ligués doit notre histoire,
Béranger clianta les amours,
Comme l'espérance et la gloire.
Refrains joyeux, où vingt beautés
A sa voix paraissaient éclore.
Nos grands-pères vous ont chantés,
Nos fils vous chanteront encore!
Au grand poète, etc.
Des frais atours de la chanson.
Affublant la philosophie,
11 faisait aimer la raison
Sous les habits de la folie ;
Son nom mettait au front des rois
L'effroi du coupable en délire.
Pendant que la France à sa voix
Se ranimait dans un sourire !
Au grand poète, etc.
De fleurs, de lauriers, de drapeaux.
Ornons l'image humanitaire
De ce pacifique héros.
Du grand chansonnier populaire.
En lui, fêtons en ce beau jour
L'ardente foi patriotique ;
Et qu'il s'éveille à notre amour.
Au cri : Vive la République!
Au grand poète, au citoyen.
Dont la muse trop tôt s'est tue,
A Béranger, l'homme de bien.
Au grand poète, au citoyen,
La France doit une statue
Eugène BAILLET,
Trésorier de la Lice Chansonnière.
TOAST A LA GHANSON
BANQUET DU 4 FÉVRIER
Chanson, fille de l'Espérance,
Toi, qui du monde as fait le tour.
Toi dont la patrie est la France
Où l'on t'aime d'un tendre amour ;
Chanson — élégie ou satire —
Toujours jeune dans ta beauté,
Toi qui nous fais penser ou rire,
Toi qui sèmes la vérité ;
Chanson qui, toujours d'âge en âge.
Berças les sages et les fous ;
Chanson ! reçois ici l'hommage
Que je te rends au nom de tous.
On te voit, traversant l'histoire.
Tantôt glaive et tantôt drapeau;
Célébrant aujourd'hui la gloire,
Demain, pleurant sur un tombeau.
Quand l'hiver, le pauvre murmure.
Ta voix audoucit les frimas,
C'est grâce à toi que la nature
Revêt sa robe de lilas.
Avec les francs buveurs, joyeuse
Tu siffles de malins couplets
Et tu te fais grave et railleuse
En passant devant les palais.
Salut, chanson ! ouvre tes ailes :
Viens planer sur notre Banquet,
Ce soir, tes disciples fidèles
De leurs vers te font un bouquet.
Janvier dort enfin sous la neige,
Bientôt sonnera le réveil;
La chanson que l'amour protège
Apporte un rayon de soleil !
De Février qui nous rassemble
Je veux vous dire un souvenir
Auquel nous trinquerons ensemble,
Les yeux tournés vers l'avenir.
C'est en ce mois, l'anniversaire
D'un jour heureux et triomphant
Où le vieux Lion populaire
Brisa son bâillon étouffant.
Buvons à ce jour magnifique
Qui vit soudain étinceler
Cette deuxième République
Qu'un traître devait nous voler.
La Chanson ! — la Muse Française —
Etait là, lançant deux refrains :
Partout grondait la Marseillaise
Avec le chant des Girondins !
Le vingt-cinq, Dupont, l'âme pleine
De joie et de généreux cris.
Composa la Républicaine !
Qui se chanta dans tout Paris.
Amis, je bois au peuple libre
Qui renverse un joug détesté !
Je bois à la chanson qui vibre
Quand souffle un vent de liberté !
Je bois au fier refrain qui sape
Une tyrannie aux abois ;
Je bois au vers vengeur qui frappe
Sur les courtisans et les rois !
Je bois aux strophes fraternelles
Quand le peuple a fait sa moisson ;
Je bois à ces deux immortelles :
La République ! et la Chanson !
HiPPOLYTE RYON,
Président de la Lice Chansonnièi'e.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le dimanche 1" février, la société les Enfants de
la Seine, présidée par M. Cantarel, a donné dans
son local ordinaire, 20, rue Palestre, sa sixième
soirée dramatique et lyrique. Les Ressources de Jona-
<Ans, comédie-vaudeville en un acte, ont été enlevées
trèslestement par M'^'^'^Louise, Hélène et MM. Charles,
Emmanuel, Perrot, Un Caprice, comédie d'Alfred
de Musset, a été interprété par MM"'^'' Hélène et
Louise, convenablement. M. Jules Kooh ferait bien
de se défier de son manque de mémoire. Le Violo-
neux, opérette, musique d'Offenbach, semble faire
partie du répertoire des Enfants de la Seine. Nous
l'avons vu bien des fois interpréter par divers
sociétaires; nous avouons que les derniers inter-
prètes ne nous ont pas fait oublier les anciens, bien
au contraire . C'est une revanche à prendre surtout
pour M. Eugène Koch. M"° Eugénie et M. Perrot
ont plus approché de leurs devanciers. Comme
intermèdes, il nousreste à citer M"° Eugénie dans le
duo de. la FlîUe enchantée, M"° Victorine dans Baiser
Mignon, M"" Berthe, Passera-t-il, Passera-t-elle,
M. Bergier, l'air de la Calomnie du Barbier de Séville.
LA CHANSON
159
¥
M. Samson, un sociétaire auteur, dont nous par-
lerons procliainement, a dit de la bonne manière
Les Ecreuisses. M. Emmanuel chante l'Homme qui
pleure d'une façon à vous fendre l'âme. Nousregret-
tons de ne pas savoir le nom du chanteur qui a
interprété en artiste J' suis vaporeux. Cette même
société a donné, le mardi gras, une splendide fête
présidée par des demoiselles. La salle, complètement
transformée, offrait un effet magique ; des flots de
lumière inondaient de superbes toilettes. MM. Go-
blet et Perrot avaient mis tout leur talent et leur bon
goût à la décoration do li salle, méconnaissable.
Toutes les personnes qui ont assisté à cette soirée,
qui prendra date dans les annales de la société, con-
serveront un heureux souvenir de cette fête qui s'est
prolongée jusqu'à trois heures du matin. Inutile
d'ajouter que le dévouement de M. Cantarel à la
société des Enfants de la Seine, entraîne forcément
le zèle des sociétaires.
A. PATAY.
Malgré le brouillard, la grande soirée mensuelle
donnée le mardi 3 février, par la société lyrique La
Renaissance n^ en a pas été moins brillante. Une opérette
et des chansons composaient le programme de cette
soirée, dans laquelle nous avons eu le plaisir d'en-
tendre : M. Voisin, artiste lyrique, qui a dit
avec talent A'os Amateurs, grande scène d'imitation;
M. Mortreuil aîné, très amusant dans Je me rappa-
pillotte ; M. Paul Lauuay, de [m Renaissance, a inter-
prété le Bonheur n'est rju'en rêve, musique de Jules
Quidant; le succès qu'obtient partout M. Paul Launaj
nous dispense d'en faire ici un nouvel éloge, con-
tentons-nous dédire qu'il a été applaudi à outrance;
l'inimitable Jomain nous a dit avec cette manière qui
n'appartient qu'à lui. J'ai perdu innii Pépin, et à la
demande générale. J'ai mon coup d' feu; il a eu les
honneurs de la soirée ; M™" Valette, des Amis du
Commerce, a été beaucoup applaudie dans La diseuse
de bonne aventure et la Femme à Papa ; la gentille
M"° Louise, une étoile des sociétés lyriques, a fait une
ample moisson de bravos avec le Petit abbé et la
Pigeonne ; M"° Julia, de la Renaissance, qui a dit
avec entrain // a des Bottes et J' veux devenir une
femme du monde ; Le Coq en jupnni, opérette en
un acte, a été brillamment interprété par M"" Pauline
Davoine et M. Goujon, tous deux de la Renaissance.
N'oublions pas M. Cane qui compose de charmantes
mélodies et accompagne avec talent.
Le cercle de l'Espérance donnera, le dimanche
7 mars, une matinée au pj-ofit des Pauvres, salle Pierre
Petit. Nous en reparlerons.
Henry MALLET.
L'Union Artistique (café du Globe, 9, boulevard
Strasbourg) ne donne qu'une grande soirée chaque
mois; aussi apporte-t-elle un soin tout particulier
dans la composition et l'exécution de son programme.
Celui du 7 février se compose du premier acte de //
ne faut jurer de rien, comédie en trois actes du
Français, de Un jeune homme pressé, vaudeville en
un acte, des Variétés, et des Jurons de Cadillac,
comédie en un acte du Gymnase, le tout agrémenté
de quelques chansons.
Le premier acte dellne faut jurer de rien,mter^rété
par MM. Néol et Valentin, n'était pas suffisamment
su, ce quiaamené quelqueslégères hésitations. Néan-
moins, MM. Néol et Valentin ont su nuancer leurs
rôles avec goût et ont obtenu des applaudissements
bien mérités.
Un jeune homme pressé, interprété par MM. Cher-
ville, Néol et Gabriel, n'a été qu'une longue explo-
sion de rires. Impossible d'avoir plus de verve et de
brio que ces Messieurs.
Dans les Jurons de Cadillac, M"" Louise et M. Cher-
ville ont fait preuve d'une réelle valeur artistique.
M. Cherville est on ne peut plus drôle sous les traits
du capitaine Cadillac et M"° Louise est une très
gracieuse comtesse, pour les beaux yeux de
laquelle nous subirions volontiers la même épreuve
que le capitaine Cadillac.
Quant à la partie lyrique, nous citerons parmi les
chanteurs M. Michel, qui a dit avec goût Bonjour
Printemjjs et le Iloléro de l'Etudiant; M. Paulin,
président do l'Union Artistique, qui s'est fait entendre
dans le Baiser à la Dame ; M. Gabriel, très- applaudi
dans les Ecrevisses ; M. Raymond , amusant au
possible dans l'Avocat des Maris.
Nous avons assisté, le lundi 9 février, à la soirée
donnée par la société Union et Gaité.
Parmi les artistes qui se sont fait entendre nous
citerons en première ligne M. Berlioz, l'excellent
comique du Cercle Musset, dans Qu'est-ce que tu prends.
MM. Renaud, pianiste, Borschmek, Marie, Cordier,
H. Pin, Lemaire, Bourbonnet, Saget, Himin, Bou-
rier et Jandct, ont fait une ample moisson de bravos.
La pièce: Les amis de Gustave, vaudeville en un
acte, a été assez lestement enlevé par MM. Pin et
Lemaire, seulement je conseille à ces Messieurs de
repasser leurs rôles.
Le roi de la soirée a été l'amusant comique Lelarge
que l'on avait fait passer pour mort et qui n'a pas l'air
d'en avoir envie. Il a interprété une scène d'imita-
tions, dont il est l'auteur, intitulée : La fête de Bou-
logne, et dans laquelle il imite la toupie hollandaise,
la roue du pain d'épice et les boniments des saltim-
banques. Son camarade Berlioz lui servait de
compère.
Une leçon de galanterie en passant ! Pourquoi
M. le maître des chants, n'ayant qu'une seule dame
inscrite, a-t-il attendu la fin de la soirée pour faire
chanter la charmante M"° Lucie.
La Lyre de la Gaîté, présidée par M. Letiran,
vient de donner une soirée au bénéfice des pauvres
du V arrondissement. Elle a produit trente-cinq
francs qui ont été remis au Maire. Tous les samedis,
dimanches et lundis, soirée à 8 heures, 18, rue
Descartes.
SEPTIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du /^r mi. 20 février.
Nous rappelons que nos abonnés seuls ont droit
d'y prendre part avec une chanson de six couplets,
avec ou sans refrain.
Le premier prix sera publié dans le journal et
recevra dix exemplaires.
Les titres et les noms des auteurs des deux pièces
suivantes seront publiés.
160
LA CHANSON
CONCOURS ENTRE LES SOLISTES
Des Sociétés Lyriques
Plus de 50 sociétés lyriques ont répondu à l'appel
du comité dirigé par M. Delaporte. 200 concurrents
doivent prendre part aux concours qui auront lieu
les dimanclies 15, 22 et 20 février, en matinées, au
Tivoli Womsol; le 15, entre 30 basses et barytons,
6 fortes chanteuses et 37 comiques excentriques.
Font partie du jury : MM. Barré, de l'Opéra-Comi-
que; Adrien Boieldieu, compositeur; Bonnohée,
professeur au Co7jseruatoirc; Si&vdmHI David, compo-
siteur; Guiraud et Kowalski, compositeurs, et Jules
Lefort, professeur de chant. Le dimanche 22 février
doit avoir lieu le 2° Concours entre 7 forts ténors,
Styroliennes, 42comiquesde genre (hommes), 2 comi-
ques excentriques (dames). Les membres du jury du
2° concours sont MM. Barnold, de l' Opéra-Comique;
Des-Rosau, chanteur; Guillot et Hermann, chefs
d'orchestre; Georges Piter, chanteur-compositeur.
Le 3° Concours, 29 février, aura lieu entre 11 basses
et barytons, opéra, 15 chanteuses légères, 32 ténors
légers et 13 comiques de genre (dames). Les membres
du jury seront pris parmi ceux déjà nommés.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette
heureuse tentative, appelée croyons-nous, à d'excel-
lents résultats.
A. PATAY.
CHOSES & AUTRES
Oh maudit hiver! que de ravages tu causes
dans nos rangs. Tes rigueurs ont rendu malades
ceux d'entre nous qui se portaient bien et tué
ceux dont la santé était chancelante. Au nom-
bre de ces derniers, il faut inscrire M"" Noël
Mouret, l'épouse du vaillant chansonnier qui,
à trente ans de distance, a donné au peuple ces
deux viriles chansons, Charlotte la Républi-
caine et la Gerbe Républicaine. Non-seulement
M"° Mouret tenait à la chanson par son mari,
mais elle était la sœur du chansonnier popu-
laire Charles Gille; c'était sa sœur non par les
liens de famille seulement mais aussi par la
pensée, elle vouait au souvenir de son frère
un culte qui ne s'est éteint qu'avec elle .
C'est pourquoi à son enterrement purement
civil on retrouvait réunis les chansonniers et
les amis de la vraie chanson, de cette belle et
honnête fille, si maltraitée dans les concerts
d'aujourd'hui. Nous citons au hasard: Eugène
Imbert, Guigue, Eugène Baillet, Cahen, Ducret,
Denanjanne, Evrard, l'éditeur Labbé, M™° Elle
Deleschaux, Edouard Legentil, ChoUet, Lié-
beau, Teulet, le chanteur Marcel Boucher, etc.
Le journal La Chanson était représenté par
son directeur A. Patay. M"° Mouret était âgée
de 68 ans.
Le 25 janvier, a eu lieu au théâtre du Château-
d'Eau, une Matinée-conférence organisée par le
comité de la Société Philanthropique des Ecoles
laïques du 3° arrondissement, sous la présidence de
M. Roques, ancien maire de Puteaux.
La conférence a été faite par M. Bonnet-Duverdier,
avec le concours d'artistes tels que M""' Juana et
Duparc, MM. Victorin, Welly et Fugère, de l'Eldo-
rado. Il est inutile de dire que le concert a été des
plus brillants. La société symphonique Les Trouvères
sous la direction de son habile .chef Jules Raux,
prêtait son concours à cette œuvre patriotique et
exécutait les meilleurs morceaux de son répertoire
chaleureusement applaudis.
Cette société dont le but est de faire de la musique
sérieuse et à laquelle nous portons un vif intérêt,
fait appel à tous les amateurs de musique d'ensemble.
Les personnes qui désireraient en faire partie sont
priées de vouloir se faire inscrire tous les lundis et
jeudis, au siège social, 11, place de la République
(Maison Orange), de 9 à 11 heures du soir.
C'est le 29 janvier qu'est venu, devant la cour,
l'appel interjeté par MM. Dubost, Gabillaud, Philibert
et Rodhé, membres de la Commission des comptes
de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique assignés par M. Rollot, agent général de
ladite Société, pour diffamation.
La cour a fait droit aux conclusions deM'Doumerc,
avocat des appelants, a infirmé le jugement du 24 dé-
cembre dernier, et a condamné M. Rollot à tous les
dépens de première instance et d'appel.
Le lundi 2 février la société des Auteurs-Compo-
siteurs et Editeurs de Musique avait à élire en
assemblée générale extraordinaire, un syndic pour
compléter son syndicat. Trois candidats étaient en.
présence. Chacun d'eux est monté à la tribune à son
tour. Leurs professions de foi étaient toutes trois
taillées sur le même modèle et se résumaient ainsi :
renvoi de l'agent général.
L'assemblée était composée de 135 membres.
M. Philibert, le plus hostile des trois candidats,
a été élu par -88 voix et ses compétiteurs en
ayant obtenu 31 cela fait 119 voix contre l'agent
général dont les silencieux amis ont déposé dans
l'urne seize bulletins blancs. Car c'est une chose
assez remarquable qu'après plus de quinze années
de gestion, l'agent général n'aie pas eu à présenter
un sociétaire-candidat pour soutenir sa cause. C'est
grave !
Vient de paraître chez Corsier, éditeur, 9, faubourg
du Temple Valse des papillons, et le Jour de Van des
amours, paroles de Noël Mouret, musique de
J.-C. Thorel. Du même compositeur, La Grisière,
quadrille pour piano.
Belle et grande Salle à Louer
Salons du Progrès, Boulevard de l'Hôpital, 36
les Mardis, Me9'credis, Vendredis et Samedis
Nous recommandons cette jolie salle tout agencée
pour sociétés lyriques ou autres réunions et pouvant
contenir 600 personnes.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
3° ANNEE. — N» 39.
20 CENT. LE NUMERO
1" MARS 1880.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Par-aissant le i."' A: le 16 de chaque naois
Les Ahonnements partent du!" Mai & du 1" Novembre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne .
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEP
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
so:M:3vi:.A.xiaE
Les Mélodies de Schumann (a. édéma). — Etudes sur les chants
étrangers (p.-e. erard). — Le Dîner des Parisiens de Paris
(un parisien). — Les Parisiens de Pai-is, paroles de Edouard
DOVEN, musique de j.-marc chautacîne. — Le Rieur (j.-b.
robin'ot). — A une Babylonienne (l.-o. gauny). — Inhuma-
lion précipitée (i,.-o. oauny). — N'aimez jamais. Marquise
(PAUI. wiii.ff). — Les Têtes de Bois (une ii'.te de bois). —
Aux Télés de Bois (jules gaillard). — Ma réception au
Caveau (georges murât). — Société des Auteurs, Compo-
siteurs et Editeurs de musique (un vieux sociétaire). —
Concours entre les solistes des Sociétés lyriques (a. patay). —
Chronique des Sociétés lyriques (jiarcelliuSj henry mallet).
Choses et autres.
LES MÉLODIES DE SCHUMANN 0
II. LE NOYER (**)
Passant le soir auprès du noyer, sous les fenêtres
à demi fermées d'une jolie habitation, je distinguai
une mélodie plaintive, telle qu'on eut dit une liarpe
dont quatre cordes, caressées d'un soufHe, auraient
vibré sous le vent, les autres répondant une à une
au contact des doigts et agitées avec délicatesse,
comme pour velouter un peu les sons aigus do la
phrase aérienne. Celle-ci glissait, monotone, désolée,
incisive et s'éteignait presque aussitôt, laissant à
découvert un dessin continu dont les caprices mélo-
dieux conserveront à l'ensemble une teinte vague,
uniforme, au-dessous de laquelle vont se détacher,
à plusieurs octaves de distance, les notes principales
de la romance, devenues ainsi de véritables harmo-
niques (**■).
J'avais vingt ans : à cet âge, l'âme qui a conservé
sa pureté native rêve un ange à aimer pour la vie.
Je m'arrêtai croyant avoir trouvé le mien. Ces
accords, ce timbre juvénil me faisaient frémir, je
pressentais le bonheur, je devinais une amie, je
sentais mes yeux se mouiller ; je me figurais entendre
deux voix, voix des lèvres et voix du cœur, celle-ci
s'efforçant de mentir, celle-là incapable de rien
déguiser. J'écoutais :
joyousi
Devant la
Dans les verts
)'un noyer chantaient les oiseaux.
La fleur, voix mystérieuse,
Mêlait un soupir
Au murmure du zéphyr.
Silène
I
: fille
Parlez plus bas, i
Parlez plus Das.
Son cœur écoute,
Epanoui ;
Et soupire et doute
Si vous parlez de lui.
A rombre de la uliarniillo
Les gazouillements,
Les soupii-s, les propos charmants.
Parlaient de la jeune fille.
Qu'oppresse la nuit, le jour,
Son premier rôve d'amour,
silence !
réveillez pas ;
Ces dernières strophes, dites à demi-voix, péné-
trèrent en moi comme une réponse à mes pensées
(•) Voyez le n» 36.
(■*) Schumann, op. 25 n^ 3. Paris, Durand etC'» éditeur, 4, place de
la Madeleine ; prix : 1 fr. 65 net.
(•**) On appelle ainsi certains sons qui naissent spontanément des
vibrations d'un engin sonore. Ex. : frappez sur le piano un /"a grave,
vous entendrez la 12" et la 17" supérieures de cette note, soit do et la.
les plus intimes, mon émotion ne put se contenir,
mes larmes coulèrent. Tout à coup une main me
saisissant le bras, fît s'envoler mon rêve ; j'eus honte
de ma sensibilité, je perdis contenance et, détournant
la tête, je cherchai à m'éloigner. Je ne le pouvais
pas : il fallait revenir, je revins. Une femme très-
âgée dont la démarche paraissait étrange s'approcha
de moi, me fit quelques signes inintelligibles,
m'adressa des paroles incohérentes, d'où je conclus
que ses idées avaient perdu toute lucidité. Ensuite
elle se recueillit et ajouta :
« C'estl'enfant de mafille que vous venez d'entendre,
c'est la dernière de mes filles : celle qui fiît sa mère
mourut à vingt ans : je veux vous montrer sa tombe
et son linceul blanc ; moi qui lui donnai la vie, je
porte chaque jour des fleurs sur la terre où elle
repose, venez partager notre deuil : aucun ami n'eut
jamais à ce point ma confiance, mais vous avez compris
la romance de mon enfant. »
Alors me prenant la main, elle me conduisit sous
le noyer, tout près d'une fontaine dont l'eau,
recueillie dans un bassin, filtrait en gouttelettes à
travers une bordure de lierre formant ainsi une petite
cascade avant de se perdre sous les hautes herbes
que l'humidité entretenait au dessous.
Nous demeurions silencieux: elle, comme absorbée
par une pensée pénible, moi, timide à ses côtés,
n'osant l'interroger. Une jeune personne s'approchant
alors, se mit à genoux sur un banc de mousse, et,
moi-même, touché à cette vue, je me laissai entraîner
vers elle. On mit dans sa main ma main; sans
réflexion, je m'agenouillai pendant que son aïeule
s'écriait montrant une tour démantelée encore debout
sur un coteau voisin :
(c Là, fut le repaire du dernier seigneur de la
contrée égorgé par le peuple dès qu'on parla de
liberté. Ici même, au lieu où jaillit cette source,
aboutissait un souterrain dépendant du château. Ma
fille y fut traînée vivante et l'odieuse prison devint
son tombeau. Dieu lui donna pour linceul cette nappe
d'eau limpide ; pour abri ce noyer qui la protège
l'hiver contre les gelées et l'été la rafraîchit. »
A. ÉDÉMA.
xm
LA CHANSON
ETUDES SUR LES CHANTS ÉTRÂNGERSO
{Suite)
Algérie (Hussein Dey).
Dans notre dernière étude, Voix de la brise, nous
avons promis aux lecteurs quelques chants arabes
et des refrains de bivouacs. Voici une romance arabe
traduite par notre ami, El-Kaïm, du bureau indigène
des Djidjelli. Il faut l'entendre chanter par un flls de
Mahomet, sur cet air lent et mélodieux qui fait le
charme de tous les chants orientaux. Messaoudah
est une de ces romances que les flls de Cheiks ont
fait connaître dans les salons français de l'Algérie, et
plus d'un des grognards de Sidi-Ferruph se souviendra
sans doute de l'avoir entendu chanter pendant les
courts instants de répit que nous laissaient les
Kabyles, alors qu'il fallait gagner, en l'arrosant de
sang français, chaque pouce de la terre brûlante
d'Afrique.
Ainsi que nous l'avons déclaré, il ne nous appar-
tient pas de juger les œuvres que nous soumettons
aux lecteurs. Notre mission n'est pas de critiquer et
nous ne voulons pas dépasser le but.
Quoique nos études littéraires sur les chants étran-
gers, commencées depuis longtemps, n'aient pas été
remarquées, nous avons pourtant reçu divers encou-
ragements, — c'est plus que nous ne méritons. Ainsi,
notre ami P. d. R. (de Parlosk), compositeur russe,
nous engage, au nom de ses confrères, à continuer la
traduction des chants de l'Esthonie. Il ne nous reste
plus qu'à exprimer un regret sincère, celui de ne pas
avoir été suivi par nos confrères, plus érudits et
dont le nom a plus d'autorité.
Ceci dit, nous donnons plus bas la traduction de
Messaoudah :
Les boutons de la rose
N'ont jamais la fraîcheur
De sa lèvre mi-close
Au doux, souris moqueur.
AUab ! AUah !
En ce beau jour
Prêche l'amour
A la suave Messaoudah !
Son regard est de flamme
Et èon poignet d'acier
Sait planter une lame
Au cœur de l'étranger !
Allah! Allah ! etc.
Dans son cœur qui palpite
Vit un sang africain ;
Sur son sein qui s'agite
Nul n'a posé la main !
Allah! Allah! etc.
Allah! Allah! etc.
Exauce, moi, de grâce,
Allah ! Allah ! Allah !
O rage, dans l'espace
S'enfuit Messaoudah !
Allah! Allah!
I beau jour
Nous laissons à nos lecteurs le soin d'analyser ce
chant et celui de l'Ukraine paru dans notre dernière
étude. Tous deux ont le même sonffle !
P.-E. ÉRARD.
(') Voiries n" 17, 26 de La Chanson.
LE DINER DES PARISIENS DE PARIS
Deux surprises attendaient, jeudi- 19' février, les
convives du Grand Quinze, chez Bréb3,nt : c'était
d'abord une très-artistique, très -fantaisiste eau- forte
du peintre Henri Saintin, laquelle remplaçait, d'une
façon délicate, la vulgaire carte découpée ou ornée
d'une vignette chromolithographié.e des menus habi-
tuels; nous la reproduirons prochainement; puis
après, des vers humouristiques dits par nos confrères
J. Vautrey, Alf. Sonnet, Lud. d'Arthies, et des
strophes de Léon Duvauchel, inspirées par le tableau
de Jean Desbrosses, Le Brouillard dans la montagne,
qu'on verra au prochain Salon ; — c'était une spiri-
tuelle chanson de Marc. Chautagne et Edouard
Doyen, qu'on applaudit à tout rompre. Ecrite
spécialement pour cette réunion fraternelle, elle
fera cependant bientôt, nous en sommes persuadé,
le tour des sociétés chantantes, puisque nos amis nouï
autorisent à l'insérer, toute fraîche éclose, dans les
colonnes de La Chanson.
UN PARISIEN.
A notre Ami Léon Davauohel
LES PARISIENS DE PARIS
Chantés au 2" dmer des Parisiens de Paris le i9 février 1880
Paroles de Edouard Doyen, musique de J.-Marc Chautagne
On a chanté les Francs-Comtois,
Les Picards, les Normands et les Champenois ;
Les Bourguignons, les Navarrois,
On a même chanté jusqu'aux Iroquois.
Tout cela ne me touche guère,
Moi je prétends, vidant mon verre.
Chanter aujourd'hui, mes amis,
Les vrais Parisiens de Paris {bis).
Chaque province, de tous temps,
A fraternellement groupé ses enfants.
Qui, parmi nous, serrent leurs rangs.
Seuls les gens de Paris s'en vont tous errants.
C'est un grand tort, et pour qu'il cesse.
Au sein de l'antique Lutèce
Formons le faisceau, mes amis.
Des vrais Parisiens de Paris.
Nous comptons, parmi nos aînés
Qui, dans le vieux Paris se sont illustrés,
Des maîtres de tous vénérés
Pour les grands souvenirs qu'ils nous ont laissés.
Beaumarchais, Villon et Molière,
Jean Goujon, Lesueur, Voltaire.
Voilà, je le crois, mes amis,
De vrais Parisiens de Paris.
Paris est l'immense berceau
De tout être qui pense et rêve le beau.
A son peuple qu'on dit badaud
Il faut chaque matin donner du nouve?,u.
Art, musique, littérature,
A son cœur tout sert de pâture.
Car du génie ils sont épris
Les vrais Parisiens de Paris,
LA CHANSON
163
C'est de Paris qu'on vit surgir,
(Quand le peuple écrasé se mit à rugir)
Ces grands hommes sachant mourir
Pour défendre nos droits et nous affranchir.
Dans la tourmente populaire,
Du ventre de la Cité-Mère
La Liberté sortit aux cris
Des vrais Parisiens de Paris.
LE RIEUR
Am : Heureux habitants des gais vallons de l'Eeîvétie (plantade)
Rire un peu de tout
C'est jeter des fleurs dans sa vie.
Rire un peu partout,
Joyeux viveur, voilà mon goût.
Qu'un sage après tout
Taxe ma gaîté de folie.
J'en ris entre nous :
Les sages souvent sont les fous.
Je ris quand je vois
L'orgueilleux que raison flagelle.
J'ai ri bien des fois
Du Pape infaillible et des Rois.
Galant et grivois,
Je ris quand je trompe ma belle
Et je ris ma foi
Quand elle en fait autant que moi.
Je ris des méchants
Qui se déchirent sur la terre.
Je ris des pédants.
Des envieux, des impuissants.
Je ris des amants
Timides, je ris quand mon verre.
Inspirant mes chants.
Couvre de fleurs mes cheveux blancs.
Je ris quand le vin
Pétillant sur la table arrive.
Je ris au festin
Où circule le mot badin.
Je ris au refrain
Chassant la romance plaintive.
Jetant de Catin
La coiff'e au dessus du moulin.
En toute saison
Je ris lorsque je vois ensemble
Sagesse et raison.
Les deux ennemies à Suzon,
Quitter ma maison
Dès que le plaisir nous rassemble,
Chassé par les sons
De ses baisers, de mes chansons.
Fou, qui prend toujours
L'cpine en recherchant la rose
Et qui des amours
Ne sait pas embellir tes jours,
Tes tristes discours
Rendraient mon front sombre et morose.
Je fuis ton séjour
Gar je ne veux vivre que pour
Aimer le plaisir
Bire à la fleur que Dieu me donne,
Aimer pour jouir
Et devenir vieux sans vieOlir,
Puis pour bien finir.
En dégustant mon vin d'automne,
Chanter l'avenir
En souriant au souvenir.
Quand juste et fatal
Le temps à mon âme immortelle
Fera le signal
D'abandonner son vieux local,
Le sol végétal
Que la dépouille renouvelle
Aura le total
De ma gaîté pour floréal.
Rire un peu de tout
C'est jeter des fleurs dans sa vie,
Rire un peu partout.
Joyeux viveur, voilà mon goût.
Qu'un sage après tout
Taxe ma gaîté de folie
J'en ris avec vous :
Lés sages souvent sont les fous.
J.-B. ROBINOT.
De la Lice Chansonnière.
A UNE BABYLONIENNE
Elisa MERCŒUR.
Dans tes regards charmants où l'azur se repose,
J'ai vu, sous les lueurs du futur enchanté,
De nos êtres défunts, dont Dieu nous recompose.
S'envoler les esprits vers son immensité I
Ta parole a pour moi de divines caresses
Dont on cause à jamais en s'adorant toujours;
Malgré l'heure qui fuit qu'un million d'ivresses
Dans l'éclair d'un baiser enlacent nos amours !
Ta haute intelligence aux courses de sa flamme
M'éclaire en me montrant, de ton âme à mon âme,
Des bonheurs d'avenir dont tu m'enivreras.
Ton souffle a réchauffé mon sang glacé par l'âge ,
Laisse-moi, sans frémir du cyprès qui m'ombrage,
Renaître sur ton sein en mourant dans tes bras !
L.-G. GAUNY.
INHUMATION PRECIPITEE
Lft putréfaction est le seul vrai signe de la mort
PORTAL (•).
Réveil abominable... Oii suis-je?... Ouvrez donc vite !..
Déclouez cette bière... Au secours!.. Oh! mon Dieu !...
Je vis., j'étouffe... àmoi!!... — Mais il faut que j'évite
De m'user pour m'enfuir de cet horrible lieu...
Oh! j'ai froid... fossoyeur!!... Ah! s'il pouvait m'enteridre.,
Ma chair en frissonnant s'écorche à chaque effort...
Sous la terre je sens de la terre s'étendre...
La vie au bout des dents va dévorer la mort!...
Ma femme... mes enfants... la fohe et la rage
Roulent dans ce cercueil leur ténébreux carnage...
Tout en sang je ne puis en écarter les joints. . .
De quelque crime affreux la victime se venge !
Mon être me fait peur... Que j'ai faim !.. . On me mange!...
Ohl supplice infernal!!... Je me ronge les poings...
L.-G. GAUNY.
(*) Portai (Antoinejmédecin français 11742-1832), un des fondateurs
de 1 Académie de médecine (1820}.
164
LA CHANSON
N'AIMEZ JAMAIS, MARQUISE !
Air de Menuet
Auprès de Philis, la bergère,
Lysandre, le joli berger,
Soupirait d'une voix légère
Les feux d'un amour passager!
L'innocente tôt fut conquise,
Et Lysandre eut cent envieux :
— Philis avait, belle Marquise,
Votre sourire et vos beaux yeux !
L'émoi soulevait son corsage.
Et soudain son front rougissait.
Quand, pour la voir à son passage,
Le beau Lysandre paraissait.
La première ardeur est exquise.
Et son trouble est délicieux !
— Vous le savez, belle Marquise,
Je vois se baisser vos beaux yeux !
Mais Lysandre fut infidèle,
Et Philis pût voir son berger
Répéter, près d'une autre belle,
Que son cœur ne savait changer !
Elle en mourut, la pauvre éprise.
Maudissant l'amour et les dieux !
— N'aimez jamais, belle Marquise,
L'amour fait pleurer les beaux yeux !
Paul WOLFF.
LES TÊTES DE BOIS
Je ne dédaigne ni les viandes
dorées ni les bouteilles pou-
dreuses; mais j'aime surtout
ces lieux de réunion intime
ou manger est la petite atfaire;
on n'y vient guère que pour
faire de l'esprit : chacun ap-
porte son plat.
Jeun DOLENT.
Ces paroles qui me servent d'épigraphe et que
j'emprunte au livre d'un accent si particulier de
notre compagnon ès-arts et festins, lequel livre mi-
rifique a pour titre : Une volée de Merles, n'ont
jamais été mieux de mon goût qu'à notre dernier
banquet. En effet, outre que tout le monde était en
belle humeur et que les mets n'avaient rien de
recherché, la petite académie mangeante qui
siège au café d'Alençon se trouvait à peu près au
grand complet. Citons, seulement parmi ceux avec
qui les lecteurs de La Chanson n'ont pas encore fait
connaissance : le comte Ch. d'Osmoy, député ; les
peintres Paul Sébillot (le même qui signe de très
intéressantes études sur la Bretagne), Q-alerne,
Artigue et Frédéric Régamey ; le sculpteur hors-
concours Etienne Leroux ; l'architecte Terrier ;
Alexandre Georges, compositeur de musique;
Sonnet, de la Vie Domestique, Edouard Sohuré, de
la Revue Alsacienne, puis, pour terminer dignement
cette longue présentation, le stupéfiant Jules Gaillard,
avocat et bon poète — rara avis. Ce qui fait, à
chacun le sien, quantité de ces plats dont parle notre
■ami Jean Dolent. De sorte qu'on n'a pas jeûné.
Sitôt les faims calmées, nous avons eu l'heur
d'entendre le comte d'Osmoy dans une légende
bretonne arrangée par lui pour le piano : Simonne.
Car M. d'Osmoy ne se contente pas d'être un écrivain
dilettante distingué, c'est aussi un musicien char-
mant : son Petit Jean, surtout, excellemment inter-
prété par le parfait pianiste Georges, est une
berceuse d'un effet pittoresque et destinée à devenir
populaire, dès qu'on pourra se la procurer dans le
recueil de mélodies qui va paraître prochainement
chez l'éditeur Michaelis.
Puisque nous sommes en pleine harmonie, il est à
propos de parler des très jolis vers d'Antony
Valabrèg'ue, dits par l'auteur avec autant de charme
qu'ils en méritent; Peurs de femme, le Dimanche des
mendiants. Temps d'hiver sont extraits des Poèmes
Parisiens, édités ces jours-ci par Lemerre — l'habile
homme ! Qu'ils sont fort imagés et délicatement
traités, ces petits poèmes! La poésie de Valabrègue,
sincèrement émue, d'une grâce touchante, ne fait
pas plus de bruit qu'un mince filet de source courant
dans la verdure; mais elle' n'en garde pas moins
pour les cœurs assoiff'és de tendre idéal, sa fraîcheur
limpide, douce et désaltérante...
Ensuite ce fut le tour de Georges Nardin à la
blonde chevelure. Le futur poète des Prémices, sour-
noisement tapi dans un angle de la salle, se délectait
au conte en vers quelque peu... gaulois de l'éven-
tailliste Dolent, lorsqu'il fut soudain arraché de sa
retraite et dut faire tintinnabuler joyeusement à nos
oreilles charmées (il prétend que non) les rimes
sonnantes et millionnaires de sa chanson moyen âge,
la Belle Yseulr, ciselée comme une aiguière de Cellini
et agrémentée d'archaïsmes délicieux.
Après quoi vinrent Sonnet, justement applaudi à
la lecture d'une pièce d'assez longue haleine, et
enfin Edouard Schuré. L'Alouette de ce dernier,
s'élevant dans les airs, au petit jour, l'aile tout
humide de rosée,, et acclamant la rouge flamme du
soleil naissant d'une infinité de roulades sonores et de
trilles endiablés, nous a semblé s'arrêter peut-être
un peu court : mais est-ce bien un défaut ?
Toutefois c'est au jongleur Gaillard qu'il était
réservé de décrocher la timbale du succès. Le lauréat
de la Cigale, sur un sujet et des rimes donnés séance
tenante, a de suite improvisé et comme en se jouant ,
le sonnet reproduit à la page suivante où il se
trouve ingénieusement encadré par le joli dessin
composé tout exprès par l'éminente Tête de Bois
P. Teyssonnières, de l'Illustration. C'est merveille de
voir ainsi personnifiées la Peinture, la Musique, la
Poésie, et le lecteur se gaudira comme nous dans
l'admiration de ces mignons génies laborieusement
occupés à leur besogne habituelle et s'y livrant avec
une candeur vraiment adorable. Il serait tout à fait
à désirer que sonnet et composition figurassent en
tête de cet intéressant volume écrit, illustré et
publié en ce moment par les plus anciens membres
de la société, connue à l'origine sous l'appellation
du « dîner de l'Invalide ».
Je reparlerai, pour terminer, des Corbeaux de
Henry Miirger, chantés de nouveau et avec tant
d'âme par le peintre Besnus, qui trouva l'air (inédit)
en compagnie de l'auteur de la Chanson de Musette,
Dans cet air-là, une simple mélopée, il y a comme
des planements d'ailes noires, et la note finale se
poursuit au loin... loin : tel, dans la vallée, un appel
de pâtre sur la montagne.
UNE TÊTE DE BOIS.
LA CHANSON
165
AUX TETES DE BOIS
Entre Têtes de Bois nous vidons notre gourde,
Mêlant aux flots du vin les flots purs de nos cœun
Comme en fojer ami brûle notre falourde.
Quoique Têtes de Bois, nos essences sont sœurs.
Si la vie à porter à chacun paraît lourde.
Le soutien fraternel peut nous rendre vainqueurs.
Il n'arrive jamais qu'on fasse ici de bourde :
L'amitié défendrait de paraître moqueurs.
« L'invalide » qui veille à la place Vendôme,
Cherchant son Empereur sous le céleste dûme.
Nous plairait davantage en étant égrillard.
Nous chiffonnons la Muse à claire collerette,
Gaîment nous effeuillons femmes et pâquerettes :
Chaque Tête de Bois possède un cœur gaillard.
Jules GAILLARD.
166
LA CHANSON
MA RECEPTION AU CAVEAU
BANQUET DU 6 FEVRIER 1880
Air : La Femme à barbe
Me voilà membre du Caveau ;
Pour moi, Messieurs, c'est une gloire;
Le fait va paraître nouveau.
Et beaucoup n'y voudront pas croire.
Mais il faut faire une chanson
Ayant la couleur et le son
Si je veux, comme mon beau-père,
De Panard boire un jour le verre.
Car, on ne peut plus le nier,
Vous m'avez sacré chansonnier ;
A ce fait on devait s'attendre
Et cela ne peut point surprendre,
De mon beau-père étant le gendre (*).
Je vous suis donc reconnaissant ;
Mon remercîment est sincère :
De Grange, Nadaud et Vincent,
Je suis désormais le confrère.
J'ai Duvelleroy pour parrain,
Au Pot-au-Feu j'aurai PouUain,
Et par quelques chansons, peut-être.
Comme eux je me ferai connaître.
Car, on ne peut plus le nier, etc.
Mais d'abord, cherchons un sujet
Joyeux, gracieux ou superbe ;
Que la rime y vienne d'un jet.
Ainsi que l'eau du ciel sur l'herbe.
Cherchons et la forme et le fond,
Comme Vilmay soyons profond ;
Pour chanter comme lui la Gaule,
Il ne me faut qu'un coup d'épaule 1
Car, on ne peut plus le nier, etc.
Dois-je faire comme JuUien
Des chansons pleines de tendresse?
Ou bien prendre le sacré-chien.
Dont s'anime Mouton-Dufraisse.
Faut-il saisir l'esprit au vol
De Piesse et de Montariol?
Ou, l'allure déboutonnée.
Rire à plein ventre avec Fénée !
Car, on ne peut plut le nier, etc.
D'aucun d'eux je n'ai le savoir,
Ma voix est d'un faible calibre ;
Je me tiendrai dans le devoir
Que l'on demande au membre libre :
Payer la cotisation.
Offrir, à la réception.
Le Champagne à vague écumante.
Pour applaudir lorsque l'on chante !
C'est là que je saurai briller ;
Mais, un jour, en franc chansonnier,
Je veux, Messieurs, me faire entendre,
Et, par mon talent, vous surprendre
Tous et lui dont je suis le gendre I
Georges MURAT.
(•) L'auteur de ces couplets a épousé la fille du chan-
sonnier Charles Vincent, vice-président du Caveau.
SOCIETE DES AUTEURS, COMPOSITEURS
ET EDITEURS DE MUSIQUE
La Chanson, qui a ses entrées partout, n'avait garde de
manquer le 12 février à l'assemblée générale de la société
des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique, qui se
tenait dans la salle du Grand-Orient. II s'agissait d'entendre
l'Agent général Rollot se défendre des accusations portées
contre lui dans le rapport de la commission des comptes.
Chaque camp est animé, on sent qu'il y aura bataille. Les
signatures sur la feuille de présence sentent la fièvre.
M. Rollot, morne, froid, les traits bouleversés, prend place
au bas de la tribune. II y a là trois chaises, il est assis sur
celle du milieu ; des farceurs (il y en a partout) disent :
«Voilà l'accusé.» On dirait qu'il attend Pandore et son com-
pagnon. L'attitude du syndicat qui compose le bureau est
calme et digne.
M. Colombier monte à la tribune... un discours de
maître d'école à ses élèves... Passons. Arrivons de suite
à l'orateur attendu, M. Laurent de Rillé. Il a télégraphié de
Rruxelles hier à son co-sociétaire du Diapason (une petite
société ayant pour but de dîner joyeusement ensemble chez
Brébant, ce qui n'est pas ridicule du tout) ; Je serai là
demain. Voilà un ami au moins ! et il y est. Son apparition à
la tribune est toujours bien accueiUie. C'est un causeur char-
mant que M. Laurent de Rillé, il parle devant une assemblée
avec aussi peu d'embarras que s'il devisait avec sa blan-
chisseuse ; il trouve et cherche à prouver que M. Rollot est
un bon administrateur : « C'est vrai qu'il est bourru, dit-il,
malhonnête même, et je conviens qu'il a écrit une lettre
contre des sociétaires que je qualifie de déplorable ; mais
cette rudesse a été utile à votre société. Si j'avais été votre
Agent général, continue M. Laurent de Rillé, ah! les choses se
seraient passées d'une toute autre façon. Je suis très facile
à vivre, j'aime la politesse dans les relations, vos livres
auraient été tenus dans le meilleur ordre, enfin je crois
qu'on n'aurait pas eu à se plaindre de moi; mais... votre société
aurait touché cent vingt-cinq mille francs par an au lieu de
sept cent mille. » On rit et on applaudit; on a raison, tout
cela est d'un gentil personnage de comédie moderne. Seule-
ment soyons sérieux pour un moment et résumons ce
discours : M. Rollot est malhonnête, bourru, il insulte et
traîne dans la boue ses administrés, c'est vrai, mais... il
faut le conserver ; IT. Laurent de Rillé, aurait été doux,
affable, conciliant, il aurait tenu les livres de la société d'une
façon irréprochable, mais cela aurait nui à la société ;
tirez-vous de là comme vous pourrez.
M. Philibert répond à M. Laurent de Rillé, d'une façon
courtoise, mais d'une logique serrée; il est aussi très applaudi.
Voici venir M. Rollot; il a la partie belle en somme, deux
mois nous séparent de l'accusation et le temps adoucit tout.
Il monte à la tribune lentement, il ne regarde pas l'assem-
blée, il étale devant lui des mains de papier écolier, son
débit est court d'haleine; pourtant ses amis sont là tout près
de lui, M. Métra semble lui dire du regard : a Voyons un
peu d'aplomb, montez d'un ton s. Rien, la voix reste dans
te gosier. Il tourmente les pauvres feuilles de papier qu'il
a devant lui; rien, la salle est froide, pas un applaudissement,
et cela a duré deux heures ! Il a cité des fables, il a parlé
de son jardinier, il a dit qu'il avait administré en père de
famille, qu'il était pauvre, qu'il avait de la famille , etc.
Vous voyez qu'il y avait beaucoup de choses dans ce
discours-là. Apres tout une petite place pas bien difficile à
tenir et qui ne demande que quelques heures de travail par
jour, pour 35,000 francs qu'elle a rapportés l'an dernier
(tout près de 100 francs par jour), une petite place comme
cela vaut bien d'être défendue. M. Rollot demandait à se
retirer, mais cette brfute de Lindheim (expression de
M. Rollot) est là qui le force à remonler à la tribone et veut
qu'il s'explique des horreurs qu'il a dites et écrites contre
lui Lindheim. Aie ! L'Agent général voudrait bien s'en aller,
il balbutie, il remonte son binocle, il change son dossier
de main. Oui, c'est vrai, j'ai écrit cela, mais je croyais. . .
j'avais cru... jene pensais pas... Quelle pitoyable chose
qu'un homme accablé sous le poids d'une mauvaise action !
LA CHANSON
167
U est tard, il faut voter, le président Paul Avenel a épuisé
sa voix, il passe la sonnette et la parole à son secrétaire
Baillet qui pose la question sur laquelle on va voter. Sa voix
est vibrante, mais ce n'est pas une voix qu'il faudrait, c'est
un corps-de-chasse! Pendant ce temps un syndic qu'on nous
dit être M. Boissière, le seul Rolotiste du syndicat, est monté
sur sa chaise, il est en sueur, ses bras font le télégi'aphe, que
dit-il? Le vote! 59 voix approuvent le rapport et 5'J
approuvent l'agent. Tableau ! Oue conclure de toute cette
séance ; sinon que l'agent-général a su en administrant
d'une façon si paternelle la société mettre contre lui moitié
de ses administrés.. .
Est-ce une situation bi^ normale pour lui?.. La parole est
au syndicat !
UN VIEUX SOCIÉT.UUE.
PREMIER CONCOURS ENTRE LES SOLISTES
Des Sociétés Lyriques au Tivoli-Vaux-Hall
LE DIMANCHE 15 FÉVRIER
Membres du jury : MM. Barré, de l'Opéra-Comique ;
Adrien Boieldieu, compositeur ; Bonnohée, professeur
au Conservatoire ; Samuel David, compositeur ; Gui-
raud et Kowolski, compositeurs ; et Jules Lefort,
professeur de chant.
Basses et barytons. — Deux l"'prix : MM. Huet,
de l'Union française; Juvénal des Amis de l'Espé-
rance. — 2" prix : MM. Francfort, des Enfants de
la Gaieté; Jules Kock, des Enfants de la Seine. —
3°' prix : MM. Mauret, de la Lyre Méridionale ;
Dages, de la Muse des Arts et Métiers; Pillon, des
Enfants du Marais. — 4" prix : MM. Labor, de la
Lyre Méridionale ; Follet, de la Philarmonique du
V"arrondissement;is\@iAe, du Cercle Musset.
Dames, FORTES CH.vNTEUSES. — 1" prix :M"'^' Poirier,
de l'Amitié Artistique. — 2° prix : M"° Dubosc, des
Enfants de la Seine.
Comiques excentriques. — Membres du jury :
MM. Barnold, de i Opéra-Comique ; Des-Rosau, chan-
teur; Guillot et Hermann, chefs d'oixhestre ; Georges
Piter, chanteur- compositeur. — l"' prix : M. Daltrof,
des Familles. — 2" prix: MM. Chauchard, de l'Echo
des concerts ; Bourgeois, de Clémence Isaure; Fourmy,
du Cercle Déranger; Péhée, de Clémence Isaure;
Boulon Léon, des Amis Inséparables ; Thiébault,
des Amis de la Lyre. — 3°' prix : MM. Antony, de la
Muse des Arts et Métiej-s : Poacet, des Enfants de
l'Amitié ; Garnier, de la Capricieuse. — 4" prix :
MM . Lefèvre, des Amis du travail; Arthur Charles,
de Clémence Isawe ; Defente, des Amis de la gaieté de
Montmartre ; Haase, des Enfants de la Seine.
Concours du Dimanche 22 Février
Membres dujury: MM. Samuel David, compositeur;
F. Strauss, Barré, de l'Opéra- Comique; Deflfès,
compositeur.
Forts ténors. — 1°' prix : M. Barriel, de la Lyre
Méridionale. — 2° prix : M. Pelouze, de la Lyre
Méridionale. — 3° prix : M. Castor, de la Muse
Gauloise.
Tyroliens. — 1" prix : M. G. Pieffert, des Amis du
travail. — 2' prix : M. Berdin, du Cercle Déranger. —
3° prix : M. Barreau, de V Avenir Artistique.
Comiques excentriques. — Membres du jury :
MM. Aurel, Barnold, de l'Opéra-Comique ; Guillot et
Hermann, chefs d'orchestre ; F. Strauss. — 1"" prix
ex-œquo : M. Voisin, de la Cour des Miracles;
M. Beck, de l'Echo dés Concerts; M. Pigenier, de
Sambre-et-Meuse. — 2° prix : M. Perrot, des Enfants
de la Seine. — 3" prix : M. Renault, des Amis
inséparables ; M. Demarchi, des Enfants de la Seine;
M. Berlioz, du Cerle Musset. — 4° prix : M. Dogemont.
Dans notre prochain numéro, nous rendrons compte
du troisième et dernier concours et nous publierons le
rapport des membres du Jury sur l'ensemble des
trois concours. Devant les résultats acquis, nous
engageons fortement le Comité-Directeur à pour-
suivre l'œuvre commencée, en ouvrant de suite un
concours dramatique de diction. Beaucoup de sociétés
lyriques ayant parmi leurs sociétaires des réci-
tateurs, et même des comédiens qui promettent,
nous nous proposons de soumettre prochainement
au Comité-Directeur une idée qui, croyons-nous,
donnera aussi satisfaction à un certain nombre de
sociétaires des réunions lyriques.
A. PATAY.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Transportée, 8, boulevard de Strasbourg, IjaCor-
diale a donné sa soirée mensuelle le 12 février.
MM. Gabriel, Musler, Capelli, ont ouvert la séance
avec entrain. M"" Berthe qui se perfectionne de jour
en jour a chanté avec grâce la Pigeonne et le Réséda.
M. Castelle, hou comique, très naturel dans la scène
du mouchoir, devrait se défaire des imitations de
vieillard et de grognard d'Austerlitz qui commencent
à s'user. La comédie A bon chat, bon rat, de M. Jeannin,
a été jouée par MM..Besnier, Gabriel et Douillard.
Dans les petits Cadeaux de J. Normand, nous avons
remarqué une jeune artiste très-fine, M"° Adèle.
Ça n se voit pas a été chantonné gaiement par
M. Marie; nous avons entendu M. Philippe qui
possède un bel organe mais qui le retient dans la
gorge. M. Andral a chanté d'une voix généreuse le
Forgeron, suivi d'une polka exécutée sur l'ocarina par
M. Verdier. La Chanson du papillon interprétée par
M. Douillard a valu de nombreux applaudissements
à son auteur, M. Marins, pianiste de la société.
M. Leufer aurait été très-amusant s'il n'avait abusé
du'nombre et de la longueur des couplets du Hanneton.
M. Fernand a dit avec goût l'air de Martha,
mais nous devons lui dire qu'il use trop de la voix
mixte. La chanson J'en raffole qui avait été rede-
mandée, a été interprétée d'une façon entraînante
par son auteur, M. Jules Raux. Quant à M"° Bloch,
elle est tout bonnement charmante et nous regrettons
de ne l'avoir entendue qu'une seule fois dans le
courant de la soirée.
Le Cordiale donnera le jeudi 11 mars une grande
soirée au profit de la souscription pour la Statue de
Déranger, café du Globe, au 1". Entrée par le bou-
levard de Strasbourg, à 8 heures précises.
MARCELLIUS.
Bonne soirée le samedi 14 février, au Cercle Musset,
8, boulevard de Strasbourg. Dès 9 heures la salle
est comble. Après une brillante ouverture exécutée
par mon ami et collaborateur Cane, la soirée com-
mence. M. Borschneck dit avec succès une poésie
de Paul Deroulède, La Marseillaise. Le public
n'oublie pas que ce sont les débuts de M. Borschneck
168
LA CHANSON
et lui accorde de nombreux applaudissements ;
Berlioz, le 1='' comique du cercle, met tout le monde
en belle humeur avec une chansonnette, J'ai rien
C07np?'is. M. Willaume interprète Amis, que l'on me
verse à boire et se fait vivement applaudir. Grand
succès pour M. Géo, dans /' vous certifie qu ça n se
voit pas et C'est le Cliquot; M. Marie, dans C'est tout
c que j' peux faire pour vous; M. Galliot, dans une
romance inédite. Amour et Raison ; M. Cordier, très-
applaudi dans l'Epicier droguiste et dans Y a des
injustices ; M. Rigoulat , dans Elle est Rosière.
M. Jalade, secrétaire du Cercle Musset, obtient un
vrai succès avec une poésie intitulée Alsace, dont
il est l'auteur et dans Chapeau bas devant la Marseil-
laise. Galliot recueille des bravos pour La Lettre à
mes amis, une belle poésie, et le désopilant Berlioz
revient nous lire la Lettre du Fusilier Bridet à sa
famille. La Fête de Boulogne, grande scène d'imita-
tions exécutée par l'excellent grimacier qu'on
appelle Lelarge, obtient le même succès qu'à la
Renaissance et à l'Union et Gaité. Un fou rire
s'empare du public au moment de la scène de magné-
tisme. Citons : M"" Lucie, de la Renaissance, qui se
fait rappeler dans C'est Gustave qu'est cause de ça,
puis M^'Vallet, des Amis du Commerce, qui obtient
les honneurs du bis, dans la Femme à Papa. Pour
finir Tue-toi le premier, vaudeville en un acte, très-
lestement enlevé par MM. Berlioz et Rigoulat.
Nos compliments à M. Durrieu, président du
Cercle Musset, pour l'habileté qu'il apporte dans la
direction des soirées.
La soirée du 18 février au Cercle de l'Espérance,
36, galerie Montpensier, a commencé par le Vieux
Buveur de vin publié dans le n" 6 de La Chanson et
interprété parle compositeur Jules Raux. M. Gaohelin
nous fait partdes réflexions charmantes de La petite
Laure, et M. Villain s'est plaint d'un accent comique,
de ne pouvoir être invisible.
La diction alternant avec le chant, nous avons
entendu successivement M"° Marthe qui récite La
Âoèeavecunsentiment très-poétique, et M.Catherine
qui chante avec un naturel attendrissant les goûts de
son petit neveu. M. Pascal articule nettement la farce
des Lapins et récite avec goût le Cheveu blanc. Les
Rosières nous ont été présentées par M. Hamel qui
manque de hardiesse, mais qui envoie assez genti-
ment mu Baiser à la Dame.
La Romance de Mignon qu'on retrouve partout, a
été dite d'une voix ravissante par M. Jules Raux. Il
serait injuste de ne pas citer dans ce compte-rendu
le nom de M. Catherine qui accompagne les chants
avec un talent 'digne des plus grands éloges.
MARCELLIUS.
La Lyre Amicale, 6, boulevard Sébastopol, présidée
par M. Dupont, prépare une grande soirée au profit
de la Statue de Béranger. Nous sommes heureux de
constater qu'à la Lyre Amicale, où nous avons passé
quelques instants dimanche dernier, nous avons
entendu avec plaisir MM. Grignon, Julien Alix,
Charles Henrj, Georges, etc., etc. M""- Weyckmans,
M"" Berthe. Nous ne doutons pas que la soirée
Béranger ne soit intéressante et fructueuse.
Les Inséparables, 3, rue de Rivoli, M. Noël
président, préparent aussi une grande soirée pour la
Statue de Béranger. Bravo et merci. Bientôt les
sociétés retardataires voudront aussi apporter leur
part à notre œuvre. À. P.
Nous engageons vivement nos lecteurs à assister
àla soirée extraordinaire qui sera donnée le mercredi
10 mars, dans les salons du café du Globe, 8,
boulevard de Strasbourg, avec le concours de toutes
les sociétés lyriques qui ont là leur siège, au bénéfice
de Félix, l'intelligent garçon de café qui depuis
longtemps fait le service de ces sociétés avec un zèle
qu'elles sont heureuses de récompenser.
Mardi 2 mars, grande soirée mensuelle donnée
par la Renaissance. Cette société donnera le samedi
20 mars un Grand Bal paré et travesti, avecoi'chestre,
dans les salons du Café Corraza, 9, 10, 11, 12, galerie
Montpensier (Palais-Royal).
Henry MALLET.
CHOSES & AUTRES
Une assemblée générale des membres du Comité
de la STATUE DE BÉRANGER, aura lieu le lundi
l<=r Mars, chez M. MURAT, trésorier de l'œuvre.
Il en sera rendu compte dans le prochain
numéro de LA CHANSON.
SEPTIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du l^^' au 20 février.
Le grand nombre de pièces (53) n'a pas permis aux
membres du jury de nous faire connaître à temps
les pièces couronnées. Nous les publierons dans notre
prochain numéro.
HUITIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du 1^^' au 20 mars.
Nous rappelons que nos abonnés seuls ont droit
d'y prendre part avec une chanson de six couplets
au plus, avec ou sans refrain.
Le premier prix sera publié dans le journal et
recevra dix exemplaires.
Les titres et les noms des auteurs des deux pièces
suivantes seront publiés.
Samedi 21 février, au Grand Concert Parisien,
Adieux de M"" Bordas. Salle comble. La chanteuse
populaire a été couverte de fleurs; bouquets, cou-
ronnes, bravos, rappels, rien ne lui a manqué. Cette
soirée est une des bonnes parmi les nombreuses
soirées à succès de la vaillante artiste.
M. Jean Hommey, professeur au Conservatoire,
fait paraître depuis peu de temps une Publication
Musicale nouvelle sur. les paroles des grands poètes
français, depuis le XV° siècle jusqu'à nos jours,
Chants symphoniques, mélodies de concert, romances,
lieds, chanso7îs, virelais. Nous recommandons vivement
cette publication qui se trouve chez l'auteur, 5, rue
Milton, et chez L. Mayer fils, rue Maubeuge.
M. LEROUX, rue Chapon, 4. Spécialité d'insignes
pour Sociétés lyriques, chorales et autres.
Nous prions nos correspondants qui désirent une
réponse de joindre un timbre-poste dans leurs lettres.
Nous prévenons nos abonnés qui ne nous ont pas
encore envoyé le montant de leur réabonnement
du 1" novembre, que nous ferons toucher à bref
délai les abonnements en retard.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
3» ANNEE.
N° 40.
20 CENT. LE NUMERO
16 MARS 1880.
LA CHANSON
Directeur- Gérant
A. PATAY
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Eevue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le \." <3c le 16 cle ctiaqiae rxiois
Les Abonnements partent du {" Mai !c du \" Novembre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne .
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION & REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
SOIv4:]yi:-A.XI6DB :
La Statue de Bérane/er (l.-henry lecomte). — Banquet des
Amis de Pierre Dupont (a. patay). — Banquet du Caveau
(eug. imbert). — Banquet de la Liée Chamonnière (L.-nENR.Y
lecomte). — 7» Concours de La Chanson : te Dieu des
Vieil/es Gens (louis bogeyJ. — El/e et moi, paroles et mu-
sique de FERNAND STRAUSS. — A Madame "' (.f. larguier).
Une Tombe Française (auguste luth). ~~ Il faut accélérer le
pas (germain picard). — Te souvieiK-tu (charles ségouin). —
S» Concours de La Chanson. — Nécrologie. — 3' Concours
entre les solistes des Sociétés bjriques. — Chronique des
Sociétés lyriques (henry mallet, Alfred bertinot, mar-
CELLius). — Choses et autres.
LA STATUE DE BÉRANGER
Dans les derniers jours de février, M. Spuller
avait adressé aux membres du Comité de la statue
deBéranger une lettre contenant invitation pressante
à une réunion extraordinaire, dont il précisait ainsi
l'objet :
u Après les rigueurs exceptionnelles d'un hiver (jui n'a
pas permis de songer à recueillir des fonds pour d'autres
œuvi'es que l'assistance publii|ue, le moment est venu de
savoir si le Comité de la statue de fiéranger entend reprendre
la souscriplion, la pousser avec énergie, organiser des confé-
rences et des concerts, provoquer des adhésions, instituer
le concours, faire en un mot tout ce cjui est nécessaire pour
mener à bonne tin l'entreprise. »
La réunion a eu lieu le lundi l"' mars, chez
M. Murât, conseiller municipal et trésorier de
l'œuvre. Elle a été décisive.
Le programme indiqué dans la convocation répon-
dait évidemment au sentiment général. Les membres
présents affirmaient hautement la nécessité d'agir;
les membres absents eux-même devaient apporter
à la discussion des avis conformes et déterminants.
L'assemblée a fait le plus chaleureux accueil aux
deux lettres suivantes :
Paris, le 29 février 1880.
Monsieur le Président et cher Collègue,
Ne pouvant assister à la réunion du Comité demain lundi
soir, je vous prie de vouloir agréer et faire agréer mes
excuses. Je m'associe d'avance à tout ce qui pourra être
décidé pour mener à bonne fin l'œuvre entreprise. Déranger
a tenu une trop grande place dans la France du dix-neu-
vième siècle pour qu'il ne soit pas du devoir de notre époque
de consacrer un monument à sa mémoire.
Agréez, je vous prie, mes sentiments les plus dévoués.
Henri MARTIN.
Sèvres, le 1" mars 1880.
Monsieur le Président,
Une indisposition persistante qui me force à garder la
chambre m'empêche, à mon grand regret, d'assister à la
séance du Comité de la statue de Béranger.
La voix d'un absent ne peut compter ; toutefois je me
proposais de dire que, malgré certaines considérations poh-
tiques mises en avant, malgré la difficulté de recueillir la
somme nécessaire, il me paraît injuste de ne pas faiie de
vifs ell'orts pour répondre à l'appel des rédacteurs de La
Chanson.
L'anniversaire fixé peut être reculé el me semble peu
important ; ce qui l'est, c'est d'élever à Béranger un monu-
ment modeste comme l'élait l'homme.
Sans doute la fin du siècle est aux prises avec de bien
graves questions. Est-ce une raison pour oublier Béranger?
A une époque plus calme, moins tourmentée, la génération
qui suivra accuserait Paris d'ingratitude si l'image du poète
restait, par son indifférence, voilée dans l'oubli et systéma-
tiquement méconnue.
En vous priant de m'excuser auprès de mes collègues,
veuillez agréer. Monsieur le Président, l'expression de mes
meilleurs sentiments. CHAMPFLEURY.
La délibération ne pouvait être longue. Après
avoir pris connaissance de l'état des sommes
recueillies, formant un total de 5,000 francs, le
Comité, à l'unanimité, a décidé qu'une impulsion
vigoureuse devait être immédiatement donnée à la
propagande, et voté les résolutions qui suivent :
« Des remerciements seront adressés à M. Laurent
de Rillé, qui a promis le concours des sociétés
orphéoniques des départements. Un appel sera fait
à ces sociétés ainsi qu'à toutes les sociétés musicales
et lyriques de France pour obtenir leur concours
sous forme de souscriptions, de concerts et de
réunions chantantes.
« Une sous-commission, présidée par M. E. Dela-
porte, se mettra directement en rapport avec ces
diverses sociétés.
« Une conférence publique sur Béranger, son
œuvre politique et patriotique, sera faite au théâtre
du Château-d'Eau, le dimanche 25 avril, par M. Spul-
ler, assisté des conseillers municipaux du 3° arron-
dissement.
<( D'autres conférences, des matinées dramatiques
et musicales seront organisées par une sous-
commission spéciale.
« Enfin un concours pour l'exécution de la statue
de Béranger, sera prochainement ouvert entre les
artistes sculpteurs. »
A l'issue de la séance, des remerciements ont été
votés à la presse pour l'aide qu'elle a prêté déjà au
170
LA CHANSON
Comité, et qu'elle voudra certainement lui continuer
pendant la période active qui commence.
Voilà, certes, de la besogne excellente, et le
résultat final des efforts que va tenter le Comité ne
peut être douteux pour personne. Les orphéons,
fondés sous l'inspiration directe de Déranger, les
sociétés Ij'riques, reflets des orphéons, les cafés-
concerts même, où le grand chansonnier est juste-
ment vénéré, tiendront à honneur d'apporter leur
contribution à l'œuvre de reconnaissance nationale,
patronée par tous ceux qui sont aujourd'hui la gloire
de notre littérature.
L.-Henry LECOMTE.
BANQIET DES AMIS DE PIERRE DUPONT
Samedi 21 février a eu lieu, au Pré-aux-Clercs, le
banquet des ^m/s de Pierre Dupont. Cent dix convives
avaient répondu à l'appel des organisateurs et ont
pris part à cette fête de l'amitié.
Au dessert, des lettres d'excuse de MM. Barodet,
député de la Seine, Sixte Delorme, Pierre Salle et
Antoine Bail, ont été lues par M. Louis Garel, con-
seiller municipal de Lyon.
Nous publions la lettre de M. Barodet, qui retrace
une conversation intime qui eut lieu entre lui et le
grand poète quelques heures avant sa mort.
Paris, 12 février 1880.
Mon cher Garel,
A la hâte et au moment ou la discussion sur Tamnistie va
s'ouvrir à la Chambre, je vous trace le récit que vous me
demandez, si tardivement, pour votre réunion des amis de
Pierre Dupont, Je ne saurais faire bien, en courant de la
sorte, mais l'exactitude, du moins, y sera.
Il était assis dans un grand fauteuil, au salon du rez-
de-chaussée, chez son frère. Louise, son excellente sœur,
était seule avec lui. Sur la table, une tasse contenant une
tisane. Nous entrons, mon îils Alfred et moi. Un cri de joie
s'échappe de la poitrine fatiguée du malade, u Oh ! mes
« amis, que je suis heureux de vous voir! Que de bien vous
« me faites ! venez vous asseoir à côté de moi, l'un à droite,
G l'autri; à gauche. Plus près, plus près encore, que je vous
a sente et que je puisse, à volonté, presser vos mains? »
Nous lui demandons s'il va mieux. Lui, sans répondre, nous
interroge à son tour : « Avez-vous des nouvelles d'Adolphe?
« (alors en Russie). Comment va ce bon Jules Descours ?
a Garel reste bien longtemps à Morestel, Et Veyrat? Et le
« père Rossy? Et le docteur Monteilhet? Et Sixte? Ah! si
« nous pouvions nous réunir encore pour choquer le verre,
« causer et chanter ! »
Ce jour-là, il ne dit rien de l'affreuse guerre qui allait com-
mencer. Li doux poète n'y pouvait penser sans une profonde
tristesse. Il n'y pensait donc point, car sa figure, amaigrie
et souffrante, et son œil vif exprimaient plutôt la gaieté. Il
parla beaucoup, avec un charme infini, laissa un libre cours
à sa vive imagination, s'abandonna à sa verve intarissable,
fut pétillant d'esprit, ne négligea pas !e calembourg pour
rire.
Il aurait bien voulu nous faire oublier que nous avions
un malade sous les yeux et que ce malade était un de nos
plus chers amis.
Mais, de temps en temps, la douleur lui arrachait une
plainte et le forçait de s'interrompre.
Nous le prions, plusieurs fois, de ne point se fatiguer. Nous
parlons de nous retirer. — « Oh ! non. Pas encore, mes amis.
Restez! Je suis trop heureux d'être avec vous. » Et il
recommençait à nous charmer sans ménagements pour sa
santé. C'était le dernier éclat d'un foyer sur le point de
s'éteindre.
Quand vint le moment de nous retirer, il nous retint
•ucore et dit à sa sœur ; « Louise, fais un grog pour nos
amis. » — Je veux refuser. Impossible. Le grog bu, le poète
prend la tasse où était la tisane, la porte à ses lèvres et, avec
un regard et d'un ton de voix d'une douceur extrême, dit à
mon fils, en la lui présentant; — « Bois, Alfred. » Après
quoi, il me passe la tasse à mon tour et me dit ; a Bois aussi,
toi » et c'est lui-même qui achève le contenu.
Cette manière si touchante et si délicate, imitée du Christ,
de nous faire ses derniers adieux et de nous faire comprendre
que nous ne le reverrions plus, nous remua si profondément
que nous eûmes beaucoup de peine à retenir nos larmes.
(i Je reviendrai te voir mardi, lui dis-je, en lui serrant la
main. — « Bien, dit-il, adieu! mes amitiésâtous nos amis.»
C'était le dimanche 24 juillet 1870, à 5 heures du soir.
Le lendemain, à 7 heures du matin, on venait ra'apprendre
que le chantre des Bœufs et des Sapins n'était plus.
Il était mort en pleine connaissance et avec la sérénité
d'un honnête homme qui s'était dépensé pour l'humanité et
qui lui laissait son àme dans ses chants populaires, si
beaux et si purs, consacrés à la nature, au travail, à la patrie
et à la République.
Mes chers amis, en les chantant demain soir, vous vouS'
remettrez en pleine communion d'idées et de sentiments avec
notre cher et grand poète. C'est la meilleure manière d'ho-
norer sa mémoire; c'est celle qu'il nous eût conseillée en
nous recommandant la gaieté. Je serai avec vous parla pensée
et par le cœur.
Ne pensez-vous pas que le moment soit venu de continuer
la souscription, interrompue par de terribles événements,
ouverte en 1870, dans le but d'élever un modeste monument
à la mémoire de notre ami, dans le Parc de la Tête d'Or?
A vous.de cœur,
D. Barodet.
Le banquet s'est terminé par des chansons et des
poésies inédites de Pierre Dupont. Plusieurs pièces
de vers, faites pour la circonstance à la gloire du
poète populaire, ont été dites par leurs auteurs.
Ainsi s'est terminée cette fête fraternelle qui s'est
prolongée bien avant dans la nuit, et où la plus
franche gaieté n'a cessé de régner parmi les assis-
tants. {Le Petit Lyonnais.) Jh. T.
Nous avons la certitude que le Conseil municipal
ainsi que les habitants de Lyon voudront mettre à
exécution l'idée émise dans le dernier paragraphe
de la lettre de M. Barodet. Nous verrons donc dans
un temps très prochain les statues de Pierre Dupont à
Lyon, Rouget de Lisle àLons-leSaulnier, et Béranger
à Paris. Et ce sera justice, car, comme l'a si juste-
ment dit Jules Clarétie, la Chanson, comme la
baïonnette, est une arme française. A. PATAY.
SOCIETE LYRIQUE ET LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 5 MARS
Le gros Louis XVIII aurait-il été heureux, l'autre soir, s'il'
avait pu assister au banquet du Caveau! On y fêtait son|
poète favori, Horace, et quel poète a plus de droit à être'
fêté que lui dans la maison de Béranger ? Oui, une chanson^
et un toste s'inspirant du vieux Flaccus ont en quelque sorte'
ouvert et clôturé la séance. C'était un heureux encadrement
pour une belle soirée.
DiSfugere iiives...
C'est le printemps, le renouveau, la fin des périls, l'espoir^
renaissant, l'amour rajeuni. Un visiteur assidu, que vous'
reconnaîtrez peut-être, a eu cette bonne idée d'abriter sonl
refrain sous le grand nom du lyrique romain, et le succèsi
l'en a récompensé.
Quî fit, Mecœnas, ut nemo quam sibi sortem
Seu ratio dederit, seu fors objecerit, illa
Contentus vivat?
C'est le thème choisi par le président pour son toste
traditionnel. Nul n'est content de sa position, nul ne se borne
à de justes désirs, nul ne se renferme dans sa sphère. Je ne
lui chercherai pas querelle et ne lui reprocherai pas de
vouloir entraver l'amour du progrès et les légitimes ambi-
tions; je me joins aux applaudisseurs et rengaine ma'
critique : ne buvait-il pas à la chanson ?
Un léger nuage plana un moment sur la nombreuse
assemblée : ce brave Allard-Pestel, ancien restaurateur àxv
Caveau, avait quitté ses camarades, ses amis, pour un mond^'
qu'on dit meilleur. Chant funèbre, par Charles Vincent, qui'
LA CHANSON
171
ne laisse jamais échapper l'occasion d'exprimer ses sentiments
fraternels. Mais la bonace est tôt revenue, après ce souvenir
donné à l'avant-dernier Balaine.
Ijorsque le Champagne
Fait en s'échappant :
Pan ! pan!
Oh, oh ! s'agit-il d'un récipiendaire arrosant son diplOme ?
Non, mais d'un membre de la joyeuse compagnie qui célèbre
en trinquant son élévation au rang d'oflicier d'Académie.
Fouache, le sympathique élu, en rapporte l'honneur à ses
amis. Trop modeste! comme on le lui prouve en couplets
bien tournés.
Vous dirai-je ensuite les litres de toutes les chansons qui
se sont succédé? Monlariol a chanté : Vive la politique!
Jullien, L'Homme modeste. Grange, Le Vent, Petit, Trois
et deux, Vilmay, Le Chemin de Montre- Tout, qui touche à
l'extrême gauche du genre égrillard. Fénée, le bon apùlre,
explique toutes les imperfections de son héros par cette
excuse qu'O», ne se fait pas soi-même. Peut-être est-ce bien
heureux. L'héroïne de Lesueur, elle, cherche. .. je ne sais
quoi ; mais je sais qu'elle s'écrie avec désespoir, après
chaque recherche et chaque couplet :
Jo n' vois pas seul'inent la queu' d'un.
On n'en meurt pas et La puce à l'oreille nous montrent
le Mouton-Uufraisse des grands jours : gaîté, douce satire et
plaisanterie piquante.
Le Conte oriental n'est qu'une nouvelle édition, en cou-
plets, d'une histoire bien connue, celle de la chemise d'un
homme heureux. Je me rappelle très bien que le dernier
récit qu'on en a fait — il y a longlemps — (l'auteur n'était-il
pas .\ndrieux ?) se terminait par ce vers :
Cet homme heureux n'avait pas de chemise.
Terminons la série gaie en citant la chanson de lîuraui.
Le joyeux auteur du Sire de Fich' -ton-camp expose en cou-
plets spirituels la difficulté qu'il éprouve à fairct une chanson.
Toute entreprise, fût-ce les travaux d'Hercule, lui semble
plus abordable. 11 ne craint pas d'ajouter :
Je fais un enfant à ma feinmo
Plus aisément qu'une chanson.
C'est pousser l'hyperbole bien loin. Liorat se rappelle le
temps ou il allait Cueillir la Rose à Funtenay ; et la Muselle
de ce temps-là éclaire de son œil fripon les fonds moussus
des bois. Son idylle est, dans une gamme plus moderne,
sœur de ces anciennes brunettes que chantaient nos pères
sur un air de clavecin, avec accompagnement de nasse
continue. L'amour, à travers les âges, ne fait que changei-
de costume; quelquefois même il n'en a pas du tout; mais
toujours l'homme dira, toujours la femme murmurera :
Aimons !
Aimons! c'est le refrain de Vincent. Mais il en agrandit
le domaine. Pour lui, l'amitié, la fraternité sont le déve-
loppement forcé de l'amour ; quand je dis /brf», j'entends
naturel. C'était jusqu'à présent le morceau le plus sérieux
de la soirée. Mais la note grave va sonner par la bouche de
Leconte. Le nez busqué, l'œil perçant, la voix vibrante, raidi
sur ses ergots, c'est le coi| gaulois qui chante le Réveil des
peuples. Chant énergique et imagé, réveil puissant. Quel
sommeil ou même quelle apathie résisterait à de pareils
accents :
Un peuple est grand quand il sait être libre :
Réveillons-nous, Français, réveillons-nous !
EuG. IMBERT.
LIGE CHANSONNIERE
BANaUET DU 3 MARS
Un vent de discorde souffle parmi les Licéens. Une insti-
tution dont, ici même, on a tour à tour affirmé et contesté
l'utilité,
te toste, puisqu'il faut l'appeler par son nom,
est menacé de mort violente. La majorité des membres de
la Lice lui reprochent non-seulement de n'être pas une
chanson, mais encore de tenir, dans chaque livraison men-
suelle, la place d'une chanson... qui pourrait être bonne.
Toute minorité a droit à la réplique. Directement atteint,
Ryon a riposté par des vers assez vifs qui n'ont point fait
ti'iompher sa cause. A l'avenir, les toasts de la Lice ne seront
plus imprimés. Leur raison d'être se trouve dès lors consi-
dérablement atténuée, et leur confection nécessitera désor-
mais chez le président une philosophie dont, pour ma part,
je serais incapable.
La chanson bachique a compté au dernier banquet quatre
bons représentants, MM. Ryon, Péan, Moniot et Kobinot ; la
chanson de genre a été traitée avec bonheur par MM. Echa-
lié, Cahen et Leblanc; enfin la corde grave a vibré sous les
mains habiles de MM. de Courmont, Luth, Duplessis et Mo-
reau. Comme de raison, les Clievaliers de la bouteille. Si je
possédais le pouvoir. Buvons, ont plu par leur franche
alinre; Ne payez qu'en sortant, les Proverbes, Tout n'est
pas couleur de rose, ont excité le rire ; /(( Main du sang,
Une Tombe française, le Ministre Renard, Illusions et Sou-
venirs, ont ému.
Darcier, le maître diseur, était venu pour détailler une
musique nouvelle, écrite par lui sur des paroles de Hachin.
C'est l'odyssée d'une certaine bonne, dont la vue est si faible,
qu'elle prend la caserne pour le marché et s'oublie aux bras
de tourlourous en croyant promener son maître. C'est
ennuyeux, dit le bourgeois bénévole :
Etre sur les pas d'Adèle.
Auteur et compositeur ont eu le succès qu'ils méritaient.
Rubois est bien ambitieux. J' voudrais, dit-il,
J" voudrais fair' un' chanson
Qu'applaudit tout le monde !
Son rêve n'a pas été réalisé cette fois encore, car beau-
coup de ses intentions ont échappé à l'auditoire, qui n'a pas
semblé plus satisfait de ses couplets sur le Droit de réunion,
souvent excessifs.
Georges Baillet, dans un aimable rondeau, retrace les
plaisirs et les rêves de son enfance, doux souvenirs qui sont
déjà des regrets.
Paul Avenel sous ce titre : Mes citansons, a fait la véri-
table préface de l'édition nouvelle de ses œuvres. On a
remarqué qu'il était revenu à des sentiments moins hostiles,
par conséquent plus justes envers les œuvres de Béranger,
dont la signification républicaine n'aurait jamais dû lui
échapper.
M. Auguste Goûts chante le Printemps, sans doute pour
hâter sa venue. Un certain mérite de facture rachète le
manque d'originalité inhérent au sujet.
Le Bastien de M. Brûlez souffre d'un mal inconnu ; il va
consulter le sérugien de son village, et ce dernier, qui a fait
ses éludes, lui dit : » Tu es amoureux, marie-toi. » — Le
mariage, remède de l'amour? — Est-ce que quelqu'un n'a
pas déjà dit cela? N'importe, il est des choses qu'on ne sau-
rait trop dire...
Imbert, justement applaudi pour une chanson gaie, les
Hasards singuliers, a été moins heureux avec son Candidat,
dont précisément il indiquait le mois dernier, aux lecteurs
de La Ctianson, le sens véritable. Des Licéens, qui ne fi-
gurent pas sans doute au nombre de nos abonnés, ont
déclaré l'œuvre réactionnaire en la renvoyant dédaigneuse-
ment au Caveau. Eh! Messieurs, le Caveau n'a pas attendu
votre avis pour faire bon accueil à ce croquis, dans lequel
il voyait, lui juge calme, un portrait non chargé de ces
quelques pantins lugubres qui sont aujourd'hui des obstacles
à notre marche en avant.
J'aurais volontiers mentionné la chanson a genre Caveau «
dite par un visiteur de ma connaissance ; mais, à la fin de
son œuvre, l'auteur, avec une modestie évidemment sincère,
a jugé bon de s'écrier :
Mes couplets sont si peu de chose
Qu' ça n vaut pas la pein' d'en parler,
Alors, pourquoi en parlerais-je?
L.-Henry LECOMTE.
172
LA CHANSON
SEPTIÈME COIOURS MENSUEL
De La Chanson
PIÈCE COURONNÉE
LE DIEU DES VIEILLES GENS
Air du Dieu des bonnes gens
Depuis longtemps, Prudhomme d'un air grave
Me dit : u Enfant, sois enfin sérieux.
« L'insouciance est toujours une entrave ;
« Enrichis-toi, tu t'en trouveras mieux.
« Chasse à jamais cette philosophie
« Qui se blottit au coeur des indigents!... «
— Oui, je vous crois : allons ! je sacrifie
Au dieu des vieilles gens {bis).
Sans plus tarder je prends un pas de course,
Tant je désire être enfin arrivé ;
Tout essoufflé, je m'arrête à, la Bourse,
Temple en renom, à Mercure élevé.
Pour mettre à sac maint bourgeois qui s'j fie,
Je tente un coup des plus intelligents,
Et, cote en main, ma foi, je sacrifie
Au dieu des vieilles gens.
Mon cœur, tout neuf, à la blonde Octavie
S'était donné sans calcul un beau jour :
Pauvres tous deux, nous faisions de la vie
Un rêve heureux tout parfumé d'amour.
Mais j'ai changé... Parlez-moi de Sophie
Ses beaux éous sont-ils pas engageants?
Sa dot en main, ma foi, je sacrifie
Au dieu des vieilles gens.
Malgré le froid, alors que l'aigre bise
A ma fenêtre avec rage hurlait.
Souvent chez moi l'amitié s'est assise,
Et le chagrin aussitôt s'envolait.
Riche aujourd'hui, d'elle je me défie :
Ces bons amis pourraient être. . . exigeants.
J'ai tout rompu... Ma foi, je sacrifie
Au dieu des vieilles gens.
J'aimais d'amour les fleurs, la poésie,
Les gais couplets, les oiseaux et les ris;
Mais grave enfin, cela me rassasie :
L'utile seul a pour moi quelque prix.
Parfois encor ma muse versifie
Sur des sujets bien plus... encourageants.
J'ai tout vendu... Ma foi, je sacrifie
Au dieu des vieilles gens.
Mais non ! mon cœur n'a pas fini de battre !
Je t'aime encore, ô ma blonde beauté !
Je veux, amis, m'amuser comme quatre,
Boire avec vous à notre pauvreté.
Versez, versez ! le vin nous vivifie.
Si je faiblis, vous serez indulgents...
Chantons, rions!.. Point je ne sacrifie
Au dieu des vieilles gens.
Genève. LouiS BOGBY.
Viennent ensuite :
La Rosière, de M. P. Berdoulet ;
Répétez mes chansons, de M. Auguste Goûts.
A M"= Alberta Caspar von der Frave
ELLE & MOI
Paroles et musique de Fernand STRAUSS
an(a.
ÎV COLTLET.Î
Ah! que ne suisTie uii« hiron-<lel . le,
Pre-naiil son vol an - <fa - ci _ eux
Ah! que ne suis-je u-ne hi_ron. délie
Vo.ya-geanI sous l'a.jur des
Ah! que ne suis-je une hirondelle,
Prenant son vol audacieux.
J'irais bâtir mon nid près d'elle.
Ah! que ne suis-je une hirondelle,
Voyageant sons l'azur des cieux.
Ah! que ne suis-je aussi la brise.
Pour lui porter un mot d'espoir ;
Afin que son cœur ne se brise.
Ah! que ne suis-je aussi la brise.
Pour la calmer quand vient le soir.
Ah! que ne suis-je un blanc nuage !
Fuyant bien loin mon triste exil,
J'embellirais son voisinage.
Ah I que ne suis-je un blanc nuage,
Pour la revoir sans nul péril.
Ah! que ne suis-je la fleur tendre.
Que sa main cultive avec soin ;
Son parfum lui ferait entendre.
Ah ! que ne suis-je la fleur tendre!
Ce que mon cœur' lui dit de loin.
Que pourrais-je bien être encore?
Pour lui prouver tout mon amour.
L'éclat de la nouvelle aurore?
Qui dans mon cœur a fait éclore
L'espoir de son prochain retour.
A MADAME *"
>-ménité, bonté, vous possédez. Madame,
du assemblage heureux de douces qualités,
pravé sur votre front aussi pur que votre âme,
dnissant votre esprit à toutes ces beautés,
coi Dieu, si richement vous dote avec largesse,
témoignant par ses dons l'amour qu'il a pour vous,
i-<ci bas nous devons imiter sa sagesse,
gous unir par le cœur qu'il comble d'allégresse
tSn nous faisant aimer son plus bel œuvre en vous.
J. LARGUIER.
LA CHANSON
173
UNE TOMBE FRANÇAISE
Musique à faire
Cette plaine aujourd'hui triste et silencieuse
N'avait pas autrefois ce calme si touchant.
Ah! qu'elle était riante et paraissait joyeuse
Au lever du soleil comme au soleil couchant;
C'est qu'elle n'avait pas, au sein de sa verdure,
Des Français valeureux qui près d'elle étaient morts ;
C'est qu'elle n'avait pas cette sombre parure,
Ces soldats dont les bras étaient vaillants et forts.
En passant sur l'herbe fleurie,
Où ces braves sont morts, un jour, pour la patrie,
Enfants, mettez-vous à genoux
Et vous, hommes, découvrez- vous!
S'ils allaient s'éveiller, peut-être le tonnerre
Gronderait-il encore en roulant dans les cieui ;
Peut-être que le sang inonderait la terre.
Peut-être que la mort fermerait bien des yeux.
Qu'ils reposent en paix, tous ces preux de la France 1
Lorsque l'on tombe ainsi l'on est plus que vainqueur,
Et quand l'âme s'envole, emportant la souffrance,
On entend dans la toml)e encor battre le coeur.
En passant, etc.
Aussitôt que la nuit les couvre de son voile
Et rejette sur eux ses regards assombris,
Aussitôt que parait une première étoile.
On entend des soupirs, des murmures, des cris.
Ce n'est pas des mourants la plainte douloureuse,
Car leurs cœurs étaient pleins d'héroïque fierté.
C'est la brise qui vient, timide et langoureuse,
Les bercer dans les fleurs et dans l'éternité.
En passant sur l'herbe fleurie
Où ces braves sont morts, un jour, pour la patrie :
Enfants, mettez-vous à genoux.
Et vous, hommes, découvrez-vous.
3 mars 1880. AuGUSTE LUTH.
IL FAUT ACCELERER LE PAS
Air connu
J'ai lu dans un livre peu sage :
« Qui va doucement va longtemps. «
Oui, mais en suivant cet adage,
On n'arrive jamais à temps.
L'occasion passe légère ;
Malheur à qui ne l'atteint pas!
Pour l'atteindre que faut-il faire ?
Il faut accélérer le pas.
Gros -Jean marchant à la victoire
A son bâton de maréchal
Dans son sac et rêve à la gloire
D'être avant six mois caporal.
Mais pour cela que doit-il faire?
Attendre le destin ? Non pas ;
Car Gros-Jean sait bien qu'à la guerre
Il faut accélérer le pas.
Arthur auprès de sa maîtresse
Passe les jours à deviser,
Mais en vain le désir le presse.
Il n'ose ravir un baiser.
Allons, morbleu ! plus de courage,
Monsieur Arthur, ne faites pas
Comme Platon l'amour en sage...
11 faut accélérer le pas.
Hector, baron de fraîche date.
Va chez les grands faire sa cour.
II se croit très bon diplomate
Et veut être ministre. . . un jour.
Mais enfin, las de ses courbettes.
On lui fait dire : « Les pieds plats,
« Mon cher baron, troublent nos fêtes ;
« Il faut accélérer le pas. «
Vous, messieurs, dont la seule étude
Est de vivre joyeusement.
Si quelquefois la solitude
Attriste votre appartement.
Pour oublier cette mégère
Sur votre lit ne baillez pas,
Venez avec nous vous distraire...
Mais en accélérant le pas.
Germain PICARD.
Rédacteur en chef du Parnasse.
TE SOUVIENS-TU
Te souviens-tu, ma Virginie,
Des beaux taillis du Bas-Meudon
Où l'on allait, jours de folie,
S'asseoir tous deux sur le gazon?
Te souviens- tu de la charmille
Qui nous couvrit de son rideau.
Le jour où... séduisante fille.
Tu m'apparus sans ton manteau?
Te souviens-tu de cette époque
Où l'on dînait à Robinson,
Dans un restaurant équivoque.
Seuls dans les blés, près d'un buisson?
Te souviens-tu de ce grand cliêne.
De ce chalet tout frais repeint
Où l'on parlait d'amour sans gêne.
De cet amour, hélas, éteint!
Te souviens-tu, belle infidèle,
De ce touchant et tendre aveu
Que tu fis- — je me le rappelle —
Dans le chemin sous le ciel bleu?
Mais qu'elle a peu duré l'ivresse
De cet amour d'un soir d'été !
O bel écho de ma jeunesse.
Dis-moi pourquoi tu m'as quitté.
Que je voudrais, femme parjure.
N'entendre plus jamais ta voix!
Et cependant, idole impure,
Je te regrette quelquefois.
Je vois ton regard qui sans trêve
Me suit partout comme un témoin,
Démon que j'ai vu dans un rêve.
Dans un beau rêve aussi bien loin.
J'ai voyagé, mais l'insomnie
Me poursuivait dans le sommeil ;
Ton frais minois, ma Virginie,
Etait présent à mon réveil.
Le temps de voir l'oiseau qui vole,
Et mon amour allait finir ;
Le temps de dire une parole.
Ce n'était plus qu'un souvenir.
Charles SÉGOUIN.
174
LA CHANSON
HUITIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du fer au 20 mars.
Nous rappelons que nos abonnés seuls ont droit
d\Y prendre part, avec une chanson de six couplets
au plus, avec ou sans refrain.
Le premier prix sera publié dans le journal et
recevra dix exemplaires.
Les titres et les noms des auteurs des deux pièces
suivantes seront publiés.
l\ECKOLOGIE
Un des membres du Caveau, le doyen des titu-
laires, Allard-Pestel , vient de mourir dans sa
67° année. Restaurateur, il fut d'abord, comme Lan-
delle, l'hôte du Caveau, et son nom figure plus d'une
fois dans les chansons d'Albert Montémont, Festeau,
Van Cleempute et autres célébrités chansonnières.
En 1855, Jules AUard fut reçu membre associé du
Caveau; il devint membre titulaire en 1864.
Voici les paroles prononcées sur sa tombe par
Charles Vincent :
(c Je viens, au nom de la société du Caveau, dire
un adieu à l'excellent camarade que nous venons
de perdre.
« Allard-Pestel était un artiste de race.
« Dessinateur distingué, il s'éprit de la fille d'un
restaurateur célèbre, et n'hésita pas un instant à
laisser les pinceaux pour les fourneaux. Il en fut
largement récompensé, car, en épousant M"^ Pestel,
il trouva un bonheur qui ne s'est jamais démenti.
« Retiré des affaires avec une fortune laborieu-
sement acquise, il n'oublia pas ce Caveau dont il
avait été longtemps l'hôte avant d'en devenir le
convive.
(i II s'y présenta avec des chansons dont la fran-
chise et l'entrain lui valurent le titulariat, et devint
ainsi l'un des membres actifs de cette fraternelle
réunion.
« Pendant ces dernières années, empêché de se
rendre au Caveau, autant qu'il l'aurait voulu, par
une maladie qui le retenait souvent chez lui, de
même que le peintre s'était fait restaurateur, le res-
taurateur chansonnier, le poète se fit jardinier,
comme Alphonse Karr, et sa collection de tulipes,
une des plus belles connues, l'ont fait apprécier de
tous les horticulteurs émérites.
« Allard-Pestel laissera un vide parmi nous, car,
à un esprit original, il joignait l'allure gauloise et
surtout la sincérité. Ce que l'on peut ajouter har-
diment, et que ne démentiront pas ceux qui l'ont
connu, c'est-à-dire aimé, c'est qu'AUard-Pestel fut
non seulement un homme de talent, un bon citoyen,
mais encore un homme de cœur, dans toute l'accep-
tion du mot.
« Adieu, mon vieil ami, ou plutôt au revoir. »
TROISIÈME CONCOURS ENTRE LES SOLISTES
Des Sociétés Lyriques au Tivoli-Vaux-Hall
LE DIMANCHE 29 FÉVRIER
Membres du 1" jury : MM. A. Boïeldieu, compo-
siteur; S. Da-Vid, compositeur; BeSès, compositeur;
Nicot, de l'Opéra; P. Strauss, secrétaire.
Basses et barytons. — 1°' prix : M. Pomarède,
des Enfants d'Apollon. — 2° prix. : M. Pinguet, des
Enfants de la Gaieté. — 3' prix : M. Bichelberger,
des Enfants de Charonne. — 4' prix : M. Se vin, de
la Cour des Miracles. — Mentions honorables :
MM. Bertrand, de l'Echo des Concerts, Brunel, de
l'Avenir artistique.
Chanteuses légères. — 2°' prix : M°" Trottin,
des Gais Momusiens, M"° Renaud, des Gais Pari-
siens, M"' Lardener, de la Nationale. — 3°' prix :
MM""" Weykmans, de la. Lyre amicale; Smith, de
l'Echo des Concerts; Aline, de l'Union Parisienne.
TÉNORS LÉGERS : MM. Chapini, de l'Avenir artis-
tique; Lacombe, de la Lyre Méridionale. — 2° prix t
M. Noël de la Lyre des Travailleurs. — 3"^ prix :
MM. E. Kock, des Enfants delà Seine; Mituret,
des Gais Momusiens ; Raphaël, de la Cour des Mi-
racles ; Chaillé, de la Lyre Joyeuse. — 4° prix :
M. Seleux, des Enfants du Nord. — Mentions hono-
rables : MM. Labor, de la Lyre Méridionale ; Y exler,.
de la Mandoline ; Perrin, de la Gaieté de Montmartre ;
Pacot, des Amis de la gaieté de Montmartre; Bonnet,
de l'Avenir artistique; Contout, du Cercle Béranger.
Membres du 2" jury : MM. Aurel, Barnold^
Piter, Hermann et F. Strauss.
Comiques de genre (Dames). — 1" prix : M"° Ma-
thilde de l'Echo des concerts. — 2° prix : M Herstin,
de la Muse Gauloise. — 3°^ prix : M"°' Berthe, de la
Capricieuse, Destignj, des Gais Parisiens. — 4° prix:
W" Speltjiens de l'Harmonie du V" arrondissement.
— Mention honorable : M"^ Ludwig, de la Muse
Gauloise.
Dimanche 21 mars, distribution des récompenses,
Grande Salle des Fêtes, au Palais du Trocadéro,
avec le concours d'artistes éminents, de Sociétés de
symphonie, d'harmonie et des premiers prix du
Concours.
Voir les grandes affiches .
Une quête sera faite au profit de la Statue de
Béranger.
Nous rendrons compte de cette grande solennité,
et nous publierons le compte-rendu des membres du
jury sur le concours.
Prix des places : Loges, 5 fr. Fauteuils, 3 fr..
Stalles de Galerie et de Tribune 2 fr. Les billets qui
seront pris d'avance dans les sociétés ou au siège du
Comité (II, Place de la République) Fauteuils 1 fr. 50
Stalles de Galerie et de Tribune 1 fr.
N.-B. — Un service spécial d'Omnibus à prix réduit,,
aller et retour, pour le Trocadéro, partira de la Place
de la République, 11 {Maison Orange).
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La grande soirée donnée le 25 février par la-
Fantaisie Lyrique au bénéfice d'un de ses membres,
a été des plus brillantes.
La Revanche de Fortunia, opérette en un acte a
été jouée d'une façon remarquable par MM. "Waast
et Ville de l'Union Lyrique.
Changement de Garnison, vaudeville en un acte
interprété par M"' Georges, MM. Bayer, Bertinot
et Giboulot a fait grand plaisir et a été fort applaudi.
M. Waast est très-amusant. M. Ville, un comique
de talent a obtenu un franc succès dans Qu'est-ce que
tu prends? Notre collaborateur Bertinot a soulevé
LA CHANSON
175
une hilarité générale avec Za Bête à Jeanjean, chan-
sonnette comique dont il est l'auteur.
La charmante M"° Marguerite chante Violettes et
Jeunes Filles très-agréablement. Une bonne note
aussi à MM. Cooper frères, Boivin et Bayer qui ont
fait de leur mieux. La Fantaisie Lyrique, que nous
ne connaissions pas encore, tient ses soirées tous les
lundis à la grande Brasserie Strasbourgeoise, 166,
boulevard Magenta.
Nous lui souhaitons bonne chance et prospérité.
Le samedi 28 février, la Lyre Joyeuse, présidée
par M. Chaillé, donnait, dans les salons du Petit
Trion, un superbe banquet de 75 couverts. Au des-
sert, le président a porté un toast aux dames, à
l'avenir de la société et à la prospérité du journal
La Chanson ainsi qu'à son directeur {la Lyre Joyeuse
avait invité ce dernier à cette fête toute de famille
où la gaité était sur tous les visages). Après le toast,
M. Chaillé a chanté l'air d'Haydée, M"'' Maria a
chanté d'une superbe voix Chaleauiiun, M. Leroy a
chanté un couplet d'à-propos pour le président.
M. Cahors avait fait, lui, une chanson sur l'air de
Biribi, mon ami, qui a été fort applaudie. M"''^ Cécile
et Célina ont eu leur part de succès. D'autres
personnes dont les noms nous échappent, on le
comprendra facilement, ont pris part au chant. Le
président a clos cette période par Je ne veux plus
fumer, qu'il a dit dans la perfection ; puis la danse a
commencé pour ne finir qu'à 7 heures du matin.
De pareilles réunions ne peuvent laisser que de bons
souvenirs à tous ceux qui y ont assisté.
H. MALLET.
Les GaisMomusiens, M. Leroux président, donnaient
le 1"' mars leur soirée mensuelle avec grand éclat
et devant un auditoire nombreux. Après une brillante
ouverture du pianiste, M. Marins Fontaine, M. Pou-
dras ouvre la séance des chants par une romance,
et obtient de grands applaudissements. M. Michel
met tout le monde d'humeur joyeuse avec Z)o«îie2-
vous la peine d'entrer, qu'il chante avec finesse.
M"° Elisa, qui possède une jolie voix, chante Bois
avec l'Amour avec un vif succès. M. Georges
recueille de nombreux bravos avec deux tyroliennes,
■/' suis pas content, et Va t' asseoir. Nous- sommes heu-
reux de constater les grands progrès qu'a faits
M"° Henriette, elle détaille très- gentiment les Sou-
venirs de voyage. M. Brunel, une forte basse, a eu
beaucoup de succès dans le Clocheteur de Nuit.
M"°° Acheray chante très-gaillardement : Il était
Caporal. De Fil en Aiguille, vaudeville en un acte,
a été joué convenablement par M"° Marie et M. Mo-
reau.
Le public a fait une véritable ovation à M"° Julia,
de la Renaissance; elle a chanté avec beaucoup de
sentiment : La République fait son nid et le Déjeuner
sur l'herbe. N'oublions pas l'amusant Monnier qui a
provoqué un rire général avec une bonne chan-
sonnette de son répertoire.
Petite Bête vit encore, opérette en un acte, a été
très-lestement enlevée par M"° Prieur et le comique
Monnier.
Alfred BERTINOT.
Le dimanche 21 mars, à 8 heures du soir. Hôtel
de l'Union des Chambres syndicales, 10, rue de
Lancry, les Amis de la Seine donneront une Soirée
avec le concours d'artistes des Concerts de Paris :
MM. Debailleul, Lebassi, Cousin, X. etc., etc., et de
l'harmonie La Jeune France, dirigée par M. Boscher.
La Société lyrique La Renaissance donnera le
dimanche 4 avril, à 1 heure I;2 une grande matinée
au théâtre de Belleville, avec le concours d'artistes
des théâtres, concerts et sociétés lyriques de Paris.
Nous en parlerons plus longuement dans notre
prochain numéro.
Le 3 avril, la Société La Lyre de la Gaieté, 18, rue
Descartes, donnera, sous la présidence de M. Leti-
rand, une soirée extraordinaire au profit de la
statue Béranger.
Nous avons annoncé que la Société lyrique La
Lyre Amicale de Paris, Président M. Dupont, tenant
ses réunions chaque dimanche. Grand Café Pygma-
lion, boulevnrd Sébastopol n° 6, organisait un
Concert pour la statue de Béranger ; nous sommes
heureux de faire connaître que cette société donnera
en effet le Lundi 5 A vril, une soirée tout à fait extra-
ordinaire avec le concours de véritables artistes et
chanteurs distingués.
Nous rendrons compte dans notre prochain nnméro
de la soirée de la Cordiale au profit de la statue de
Béranger, et delà soirée d'inauguration de la Société
L'Escholière, présidée par M. Gouget. Les dimanches,
jeudis et samedis, 91, rue de Seine, café Hubert.
Henry MALLET.
En visitant incognito les sociétés lyriques nous
nous sommes arrêté dimanche dernier au Cercle
Mozart où nous n'avons pas entendu moins de
25 morceaux dans l'espace de deux heures I Les
noms qui s'ofl'rent les premiers sous notre plume
sont ceux de MM. Mercier, Dufoulon, Monnier,
Constant, Gustave, Jules l"'.
M. Jules 2° ferait bien d'apprendre ses pièces à
l'avance, et M. Remy devrait s'apercevoir qu'il
chante un ton trop haut. M. Henry est sobre de
gestes mais il chante agréablement. M"° Louise
chante gentiment La Mansarde de l'Ouvrière et
M. Auguste roucoule avec intelligence l'air de Mar-
tha. M. Etienne s'est cru obligé de nous chanter sept
couplets d'un ton monotone mais, en revanche,
M. Notaris, donne la note juste et promet un bon
comique pour l'avenir. La timide M"° Virginie a
détaillé d'une voix sympathique La C hanibrette de
Garçon. M. Jules Raux rappelé bruyamment par les
spectateurs a du redire le cinquième couplet de son
originale chanson jl/<'aot<, qu'il chante dans la perfec-
tion. Invité à se faire entendre une seconde fois.
M. Jules Raux a dit avec un charme touchant la
romance de Mignon. M"" Louise est remarquable de
bon goût lorsqu'elle chante discrètement Finissez et
Laissez-moi.
MARCELLIUS.
CHOSES & AUTRES
Nous publions avec plaisir la lettre suivante :
Notre théâtre^ mon cher monsieur Patay, vient d'obtenir
un nouveau succès, et très-vif. Depuis le commencement de
ce mois, il donne Belleville en iSSO, revue prophétique
bourrée de rondeaux spirituels et de couplets alertes. Michel
Bordât, l'auteur, est coutumier du fait. I/instruction gra-
tuite, le divorce, les asiles pour la vieillesse, et autres
desiderata de la démocratie, défilent devant le spectateur
comme des réalités. Plus d'armée ! l'Etat et l'Eglise séparés !
Quel rêve ! Mais dans dix ans on voit tant de choses. Gaudin,
176
LA CHANSON
le comique plein de rondeur, est d'un ébahissement commu-
nicalif, et M™" Rolland prête au personnage de Belleville
son entrain, sa voix et sa gaminerie. Un détail que je ne
dois pas oublier, c'est l'hommage rendu au journal La
Chanson, grâce à l'initiative duquel s'élève — l'auteur parle
toujours au présent — dans le square du Temple, la statue
de Béranger. Vous jugez des applaudissements. Et là dessus
Belleville débite avec esprit deux couplets de la chanson
Béranger et sa Statue, insérée au n« 16, du 16 mars 1879.
J'ai pensé que ce petit compte rendu vous ferait plaisir, et
à vos lecteurs.
UN BELLEVILLOIS.
Vient de paraître à notre librairie, 18, rue Bona-
parte, Vous, Valse chantée, paroles et musique de
M. L. P. Cette Valse chantée obtient de jour en jour
un véritable succès dans les salons.
Le banquet des anciens élèves de l'Ecole Turgot
se tenait cette année dans V Hôtel Continental.
A l'issue du repas, après le toast d'usage, une
soirée intime a été organisée, dans laquelle se sont
fait entendre M. Chapuis qui chante avec grâce Le
Déjeuner sur l'herbe, et récite avec beaucoup de tact
La Nuit terrible; M. Leguernic qui développe avec
énergie l'air du Pardon de Ploërmtl ; M. Picard
qui récite avec un sentiment charmant et commu-
nicatif La Bonne Fortune d'Alfred de Musset.
Dans deux genres différents, M. Baillion s'est
montré également heureux, d'abord avec les Ecre-
«ïsses de J. Normand, ensuite avec \e Naufragé àe
Coppée.
M. Jules Raux a interprété les trois compositions
de son répertoire, Miaou, Gentil Lutin et T en raffole,
avec lesquelles il remporte un succès continu. La
Chanson bachique d'Hamlet a été chantée artis-
tement par M. Bonjean, du Théâtre Lyrique.
Pour paraître incessamment :
Les Œillets, poésies, par M. Marins Pouget,
rédacteur en chef de La Jeunesse, directeur de
l'Union des Jeunes. Ce volume, qui sera vendu en
librairie 3 fr. 50, est offert en prime aux abonnés de
La Chanson pour 2 fr. 50. — S'adresser au bureau
du journal, ou à M. Marius Pouget, rédacteur en
chef de La Jeunesse, à Périgueux.
L'Académie Mont-Réal de Toulouse a l'honneur
d'informer MM. les Poètes et Littérateurs de France
que les sujets imposés pour le grand concours
de 1880 sont : 1° Première section, Poésie, Ode à
Molière (100 vers au plus), et 2° Troisième section,
Prose (200 lignes au plus). Eloge de l'abbé de VE-pée,
bienfaiteur des sourds-muets.
Les manuscrits seront reçus, 12, place Roubaix,
à Toulouse, du l"' mai au 1" septembre 1880.
Nous recommandons à nos lecteurs qui s'inté-
ressent à la question du divorce la brochure de
M. Georges Berry : Moralité du divorce. Prix 1 franc,
chez tous les libraires.
La Jeunesse va faire paraître prochainement
comme organe de l'Union des /eu/ies, un journal
hebdomadaire l'.ivenir Litté7'aire; les collaborateurs
de la Jeunesse lui ayant promis déjà leur concours,
c'est un nouveau succès certain.
L'Académie des Muses Santones organise pour
l'année courante deux Concours dont l'un mérite
surtout d'appeler l'attention des littérateurs.
L'Académie fera imprimer à ses frais le meilleur
des recueils de vers qui lui seront présentés .
Les manuscrits devront contenir, en une ou plu-
sieurs poésies, 800 vers au moins et 1500 au plus.
L'ouvrage couronné sera imprimé à 500 exem-
plaires, — édition de luxe. — A moins que sa
disposition ne s'y oppose, il sera blanchi de façon à
former un volume d'environ 150 pages.
350 exemplaires seront mis à la disposition de
l'auteur, et 150 resteront acquis à l'Académie.
Les manuscrits devront être expédiés, d'ici le
30 Avril 1880, à M. Victor Billaud, Secrétaire de
l'Académie des Muses Santones, à Royan (Charente-
Inférieure).
Amiati, la sympathique artiste, a fait sa rentrée
à YEldorado en créant Patrie, stances patriotiques
de M. Charles Canivet, musique de M. Kœning, de
YOpéra. La vaillante artiste a été, comme toujours,
accueillie par de chaleureux bravos que lui mérite
bien sou réel talent.
Salon des Vendanges de Bourgogne, 14, rue de
Jessaint {La Chapelle), Paris. — Grande Soirée-
Goguette, donnée le mercredi 24 mars 1880, à
huit heures du soir, parla LICE CHANSONNIÈRE,
dans le local ordinaire de ses banquets, sous la
direction du Bureau de la Société, Hyppolyte Ryon,
président, au bénéfice de la souscription pour élever
une Statue a Béranger.
Deux Concours de chansons : 1° Sujets libres;
2° Sujets patriotiques. ■ — Trois prix pour le premier
concours, dont un de douze volume, et trois pour le
deuxième, dont les Chants du Soldat, offerts par
l'auteur M. Paul Deroulède, avec autographe, seront
décernés par un Jury, nommé à l'ouverture de la
soirée. Les pièces couronnées seront insérées dans
le journal La Chanson.
A 10 heures, La Chanson pendant la Révolution,
causerie par Eugène Baillet, trésorier de la Société.
La Lice Chansonnière convie fraternellement la
vieille et la jeune Goguette à cette soirée. — Tous
ceux qui ont conservé le culte de la vraie chanson
française, dont Béranger est resté la personnifica-
tion et le maître, auront à cœur, en assistant à cette
fête, d'apporter leur obole pour l'érection de sa
statue.
Prix d'entrée : 50 centimes par personne.
Les pièces de concours seront reçues au siège de
la Société, rue de Jessaint, jusqu'à 8 heures, et chez
le secrétaire, Charles Péan, 96, faubourg du Temple,
qui recevra également les souscriptions de ceux qui
ne pourraient assister à cette soirée.
Les dames y seront admises.
N.-B. — Les pièces de concours sont aussi reçues
aux bureaux du journal La Chanson.
Par une décision spéciale, les membres de la
Lice Chansonnière ne pourront pas concourir.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
3« ANNEE. — N° 41.
20 CENT. LE NUMERO
1" AVRIL 1880.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PAT A Y
Il est rendu compte de tout
ouvrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1^^ <5c le 16 de chaque mois
Les Abonnements partent du4er Mai & du 1er Novembre
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne . . .
Réclame, —
Les manuscrits non ingérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION & REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
so:M:3yi:.A.iE,E
Solennité du Trocadéro, Discours de M. Alfred Leconte. —
Un Candidat (eug. imbert). — Au coin d' la Ru' d' la Lune
(louis cabillaud). — Ya qu'un pays com?n' ça dans V
monde (oeorges baillet). — Huitième Concours de La
Chanson : Chez Lisette (dénis langat). — Société des Auteurs,
Compositeurs et Editeurs de musique (robert garnier). —
Compfe-rendu (a. patay). — Chronique des Sociétés lyriques
(ALBERT BERTINOT, J.-C. T., JULES RAUX, X., E. LBOBNTIL,
L. T.). — Choses et autres.
SOLENNITÉ DU TROCADÉRO
Distribution des prix aux Lauréats du premier Concours des Sociétés lyriques
DlSCOUIiS D'OLlVEirrUBE par .Vlfred Leconte, député de l'Indre, président d'iionnem-
Mesdames, Messieurs,
En nous reportant à une statistique .sur les
sociétés chantantes et les goguettes, qui remonte à
trente ans, on trouve qu'il y avait clans Paris et la
banlieue un nomlire considérable de sociétés chan-
tantes autorisées et de goguettes. La statistique se
continuant, on arrivait à un chiffre de 15,200 chan-
sons nouvelles qui s'y chantaient annuellement. En
ajoutant à ce chiffre les chansons de circonstance
faites par les amateurs pour les noces, fêtes et
baptêmes ou autres solennités, on trouvait que Paris
fournissait à lui seul la matière de 300.000 chansons ;
que la France avait une moyenne de 500,000 chan-
sons. Cela justifie bien le mot de Bériinger : La
chanson est une plante indigène.
Cette statistique est exacte, tant exagérés qu'en
semblent les chiffres. Le vent de la liberté qui avait
soufflé en 1848, avait fait éclore beaucoup de ces
sociétés. Le despotisme impérial fut pour elles un
terrible faucheur qui les détruisit. La chanson vive
et luronne, toujours frondeuse par son essence même,
n'en mourut pas, mais elle se concentra entre
d'intimes amis qui en conservèrent la tradition ; les
•goguettes disparurent, quelques sociétés chantantes
survécurent à la condition de rester respectueuses
ou flatteuses à l'endroit du pouvoir qui s'était imposé
à la France par la violence et la terreur.
La censure, cette arme perfide, compagne de la
tyrannie, aiguisa ses grands ciseaux et ne ferma les
yeux que sur les banalités parfois grossières des
cafés-concerts ou les fadaises insipides qu'on y
débitait, au grand regret des chanteurs et souvent
du public. C'était un poison qu'on versait sur la
chanson et dans les cœurs, pour amoindrir les uns
et faire atrophier l'esprit des autres.
La censure existe encore, on dirait qu'Anastasie
est immortelle. C'est à nous de lui fermer la bouche
et les yeux par la direction même de nos aspirations
dans les jouissances littéraires, si chères à tous les
hommes d'esprit et de cœur. Ne croyez pas qu'elle
soit endormie, les velléités tyranniques la trouvent
bien vite sur ses pieds et dans les orages passagers du
24 et du 16 mai, les sociétés chantantes qui avaient
pu se reconstituer se sentaient plus ou moins
menacées.
Aujourd'hui que la République est sortie de ses
langes, aujourd'hui qu'elle déploie ses forces, qu'elle
grandit chaque jour nous apportant dans les plis de
sa robe les généreux élans de la liberté et de l'indé-
pendance, la chanson sent aussi grandir ses ailes,
s'épanouir ses traits et choisit enfin les sujets si
divers, qui conviennent si bien à ses allures hardies
ou égrillardes, mais toujours pleines de cœur au fond
et souvent pleines d'esprit :
Elle a grandi la chansonnette ;
lîéi'anger para ses atours,
Helit sa jupe et sa muselle.
Quoique grande elle rit toujours.
Son but suprême et idéal, amuser et instruire, se
manifeste par des traits qui passent rapides et
doivent briller comme une fusée étincelante et fugi-
tive comme elle. Sa nature même ne comporte pas
les longueurs, il lui faut la vivacité du trait qui
frappe avec la promptitude de l'éclair.
La chanson, aimée partout, convient particu-
lièrement à notre tempérament gaulois, gai, vif,
frondeur et malin. Enfin, quoiqu'on fasse on ne la
tuera jamais en France. Aussi, vous le voyez, c'est
elle qui est la cause première de la solennité de ce
jour. La goguette a donné naissance aux sociétés
lyriques, l'art se multipliant est venu lui porter son
concours et rien n'est plus édifiant que de voir les
hommes de bureau ou de l'atelier se grouper en
famille à des dates fixes dans de joyeuses réunions,
s'y exercer dans des joutes intelligentes et artis-
tiques, y développer le goût inné que des applau-
dissements encouragent.
Qui pourrait nier qu'un jour deces luttes amusantes
178
LA CHANSON
ne sortiront pas de grands ai'tistes; n'en est-il pas
déjà qui ont ainsi débuté ?
Toutes les espèces du genre s'y déploient et s'y
coudoient ; la chanson, la chansonnette, la romance,
la gaudriole, la charge, la parodie, le vaudeville,
les grands airs, sous les mille formes que prend
l'esprit pour se faire jour et briller. Mais U ne faut
pas omettre un point qui lui donne toujours du relief,
c'est que l'esprit ne doit jamais oublier le cœur. C'est
ainsi qu'on arrive par l'art à moraliser et faire de
nous des êtres meilleurs.
L'art est le culte de l'idéal, ne perdons pas cela
de vue.
Il y a dans l'art un point de perfection comme de
bonté ou de maturité ; celui qui le sent et qui l'aime
a le goût parfait ; celui qui ne le sent pas et qui aime
en deçà ou au delà a le goût défectueux. Il y a donc
un bon et un mauvais goût et l'on dispute des goûts
avec fondement. Ce que La Bruyère a écrit pour les
grands ouvrages, il faut aussi l'appliquer aux petits :
tout ce qui tend à l'idéal se manifeste par l'art.
Durant les concours dont nous couronnons les
lauréats aujourd'hui, toutes les espèces de la chanson
se sont étalées avec plus ou moins de délicatesse et
on peut être un délicat même dans le burlesque dont
cependant il faut être très-sobre. C'est la première
fois qu'un pareil concours a lieu. C'est une innovation
heureuse qui donnera des fruits. C'est un progrès
réalisé qui en suppose un autre antérieur, l'organi-
sation des sociétés lyriques entées sur les goguettes.
Le progrès est la vie des peuples, comme le mou-
vement affirme la vie de l'animal.
C'est pour encourager ce progrès que le concours
a été établi. L'amour des arts s'implantant chaque
jour davantage dans nos goûts, dans nos mœurs,
dans nos habitudes, nous ne demandons pas comme
les Romains de la décadence Panem et circences,
leurs distractions étaient cruelles puisque le sang y
coulait à flots ; nous demandons mieux. Après le
travail il nous faut les jouissances intellectuelles
et morales ; c'est la religion de l'avenir, car l'art
touche au divin et l'art doit y trôner. C'est le seul
trône que comporte la République.
Je m'arrête, et je termine en vous félicitant, vous
tous qui avez pris part aux concours et particu-
lièrement vous, Mesdames, qui avez bien voulu vous
mêler à la lutte.
N'oublions pas que la société de l'avenir rapproche
de plus en plus par l'éducation et le savoir les
hommes et les femmes et qu'ainsi se réalisera un
progrès immense et édifiant; car la présence de la
femme dans les sociétés y impose à l'homme le
respect et la tenue. Nous vous remercions donc de
vous mêler à nous. — Que votre exemple se mul-
tiplie.
Vous allez, chacun des lauréats, recevoir la récom-
pense que vous méritez ; qu'elle soit un encoura-
gement pour vous et un stimulant pour les concur-
rents qui n'ont pu arriver au but désiré. Mais
n'oubliez pas, les uns et les autres, que si vous voulez
mériter le nom d'artiste, il vous faut une persévérance
tenace et un travail constant.
Enfin, messieurs les membres du Jury, au nom des
sociétés lyriques, je vous adresse les plus sincères
et chaleureux remerciements. Votre présence aux
concours, vous qui êtes des maîtres ès-arts, leur
donne un vif éclat et devient un stimulant pour les
amateurs qui viennent devant vous exposer leurs
talents acquis, incomplets mais souventprimesautiers.
Ce premier concours no s'arrêtera pas là, je le sais,
et grâce à votre initiative, à votre dévouement, à
vos leçons généreuses, il sera suivi de nouvelles
luttes artistiques qui deviendront de plus en plus
brillantes. Merci donc, pour votre zèle et votre
sympathie.
Merci également à vous, messieurs lesorphéonistes,
qui agissez fraternellement, en mêlant vos chants
harmonieux aux bravos mérités par les lauréats.
C'est un acte courtois que vous faites là : « Amour se
paie par amour. « Les sociétés lyriques vous ren-
dront la réciprocité, quand vous ferez appel à leur
talent pour vos solennités. Ainsi les arts créent un
lien fraternel, c'est un de leurs beaux privilèges.
Ils nous donnent, de plus, une occasion de remer-
cier, au nom de toutes les Sociétés lyriques, et je sens
que je suis leur interprète sincère, M. Delaporte, le
premier initiateur du Concours et messieurs les
présidents de plusieurs de vos sociétés lyriques,
dévoués comme lui à la cause de l'art populaire, qui
se sont groupés autour de lui.
Vous le voyez, messieurs, les maîtres donnent
l'exemple. C'est une route généreuse qu'ils vous
ouvrent, suivez-les ; vous ,y trouverez du charme au
milieu des difficultés de l'étude et la joie de prendre
un sentier qui conduit vers le beau, vers le bien,
ce but suprême de la vie intelligente et morale.
UN CÂNDJDAT (')
Air : Ah, ma chère, il m'a fait des traits.
Pauvre proscrit, je rentr' dans ma patrie,
Et je n' suis pas fâché de la revoir
Pour consacrer à cette mèr' chérie
Les p'tits talents qu'à coup sûr j' dois avoir.
Pendant deux mois j'ai servi la Commune ;
Ce dévouement aujourd'hui m' sera compté.
Sur cinq cents plac' c'est l' moins qu' j'en réclame une :
Citoyens, fait'-moi député.
Citoyens {bis), fait'-moi député {bis).
Embrigadé dans cette étrang' milice
Où l'on vidait moins de cartouch' que d' brocs,
J' fis comm' les autr' sans y mettr' de malice :
Pour trente sous pouvais-je être un héros?
Les Versaillais s'apprêtaient à m' descendre ;
J'avais 1' dessous : je n'ai pas résisté,
Et noblement je me suis laissé prendre :
Citoyens, fait'-moi député.
Vous n'iriez pas donner votre suffrage
Les yeux fermés et sans savoir à qui.
Ma profession. — Ouvrier. . . sans ouvrage.
J' pai4' peu, mais j' pense aussi bien que Blanqui.
De nos bourgeois le vieil édifie' craque,
Entre le rouge et le blanc cahoté :
Pour que j' vous aide à raser la baraque,
Citoyen, fait'-moi député.
(•) Plusieurs de nos lecteurs qui lisent attentivement les
comiites-rendus du Caveau et de la Lice Chansonnière, nous
ont demandé de publier la chanson Un Candidat, dont il a
été parlé dans deux numéros. C'est toujours avec plaisir que
nous publions une œuvre de notre collaborateur Eugène
Imbert.
LA CHANSON
179
Je veux qu' les homm' soient tous libres, tous frères;
J'y cours, le cœur joyeux ;
Qu'ils aient mêm' part au commun revenu.
J' l'attends un' demi-heure.
Abolition des lois qui m' sont contraires,
Puis une heure, puis deux...
Du cod' pénal surtout, qu' j'ai trop connu.
Désespéré je pleure!
Sur l'instruction, l'armée et maints chapitres
Pauvre amoureux transi,
J'en dirais long et je s'rais écouté ;
Hélas ! sans voir ma brune.
Mais j' viens d' là-bas, c'est l' meilleur de mes titres :
Je posai tout' la nuit
Citoyens, fait'-moi député.
Au coin d' la ru' d' la Lune.
Si vous osiez, messieurs, par aventure
Le lend'main je la vis
Chiner trop fort mon humble boniment,
Au bras d'un militaire;
J'irais offrir la mêm' candidature
Tremblant je la suivis
A la candeur d'un autre arrondiss'ment.
Dans l'ombre avec mystère.
A l'est, au nord, au midi, je le gage.
Afin de liquider
C'est en triomph' que je serais porté ;
Ma tristesse importune.
Mais je suis las de mon dernier voyage :
J'allais me suicider
Citoyens, fait'-moi député.
Au coin d' la ru' d' la Lune.
J' pourrais avoir, comme un tas d' gens d' la haute,
C'en était fait de moi,
L'ambition de vivr' de mes loisirs ;
Lorsqu'une voix de femme
Mais, quoique j' sois tout à fait à la côte,
Me crie : « Arthur, est-c'-toi?
En homm' prudent, je modèr' mes désirs.
« C'est moi-même, madame.
Je le sais bien, à la session prochaine.
Mais qui donc êtes-vous? «
Le rang d' ministre à. bon droit m'eût tenté...
« Je suis l'aimable brune
Mais j' n'ai jamais écrit dans 1' Pèr' Duchêne.
Qui te donna rendez-vous
Citoyens, fait'-moi député.
Au coin d' la l'u' d' la Lune. »
J'en vois pas mal qui dans 1' silence et l'ombre
« Comment, c'est vous!... c'est toi?., i)
Demeurent cois pour se faire oublier.
« C'est moi-même en personne ;
De ces cafards je n' grossirai pas 1' nombre :
J' viens te rendre ma foi. »
Je suis trop iier et j'aim' pas l'atelier.
« Ah ! que vous êtes bonne ! »
Ce faux pardon qu'on nous impose en France,
<c Je t'en prie, mon petit Arthur,
Je le subis sans l'avoir accepté.
N' me garde pas rancune ;
De r'commencer je garde l'espérance...
Je t'apporte un cœur pur
Citoyens, fait'-moi député ;
Au coin d' la ru' d' la Lune. »
Citoyens (bis), fait'-moi député {bis).
Au moment où j' croyais
Eugène IMBERT.
M'envoler de la terre.
J'appris qu' cell' que j'aimais
Etait épouse et mère.
Nous ayant fait épier.
AU COIN D' LA RUE D' LA LUNE
L' mari — quelle infortune !
M' gratifia d'un coup d' pied
LÉGENDE BOUFFE
Au c.oin d' la ru' d' la Lune.
Je n'ai jamais connu
Les baisers d'une mère.
D' la patience à c't afi'ront
Je n'ai jamais reçu
J'allais sortir des bornes,
Les calottes d'un père;
Quand je vis, sur son front,
Ces braves gens, oui-dà.
S' dresser un' pair' de cornes.
N'avaient guèr' de fortune,
En riant, je me dis :
Car on m'abandonna
J' vois qu' c'est pas pour des prunes
Au coin d' la ru' d' la Lune.
Qu'on fit la Port' Saint-Denis
Au coin d' la ru' d' la Lune.
Un brave pâtissier.
Touché de ma misère,
Moralité
Voulut bien m'adopter.
Moi, je me laissai faire.
A la joi' des passants.
La moral', mes amis.
— Hélas ! mon cœur en saigne ! —
C'est qu'amants et maris
Log'nt à la même enseigne.
Aussi je voudrais voir
— Sans en excepter une —
J' fis, sans flatt'rie aucune,
Des brioch's bien longtemps
Au coin d' la ru' d' la Lune.
A seize ans, je ne sais où.
Tout's les femm's pendu's c' soir
J' rencontre un' joli' femme;
Au coin d' la ru' d' la Lune.
J'en d'viens amoureux fou.
Re-moralité
Et j' lui déclar' ma flamme.
De cet ange aux yeux doux,
Mesdam's, j' vous d'mand' pardon,
L' lend'main soir à la brune,
J' vous estime et j' vous aime.
J'obtins un rendez-vous
Mais j' dis qu' rester garçon.
Au coin d' la ru' d' la Lune.
C'est le bonheur suprême".
180
LA CHANSON
J' sais des mai'is pourtant
Dont le bonheur sans lacune
Va toujours en croissant
Au coin d' la ru' d' la Lune.
Louis GABILLA.UD.
A mon ami Jules ÈCHALIE
YÂQllTN PAYS COMMÇÀ DANS L'
Macédoine patriotique
Air du vauileville le Dîner de garçon
Dans notre époque de combats
Et de tourmentes politiques,
Les gais refrains cèdent le pas
Aux fiers couplets patriotiques :
Certes, le sujet que voici
En bien des matières abonde.
Et moi, bon Français, Dieu merci,
Je veux chanter la France aussi :
Ya qu'un pays comm' ça dans 1' monde !..
Pour un sujet aussi profond.
Ma forme est légère, sans doute,
Mais de me sauver par le fond
Je vais tenter, coûte que coûte :
C'est que, voyez-vous, jeune ou vieux,
Qu'on nous envie ou qu'on nous fronde,
(C'était ainsi chez nos aïeux),
En France, on est toujours joyeux...
Ya qu'un pays comm' ça dans 1' monde !.
Le sang chaud et le teint fleuri
Grâce au vin que son sol lui donne,
Le Français, j'en fais le pari,
En bonne humeur ne craint personne.
Où trouverait-on ici-bas.
En effet, terre plus féconde?
Chez nous l'esprit, à chaque pas,
Fleurit à côté du chass'las...
Ya qu'un pays comm' ça dans 1' monde!.
Le Français qu'on n'oserait pas
Taxer, je crois, de « nihilisme, »
Quoi qu'il en soit, je 1' dis tout bas,
Ne raffoir guèr' du despotisme ;
Mais pour congédier ses rois.
Point besoin que la foudre gronde,
Avec un couplet dans la voix,
Il sait revendiquer ses droits...
Ya qu'un pays comm' ça dans 1' monde!.
Maintes cliques, en ce moment,
S'en vont criant : à l'injustice !
Soit disant que 1' gouvernement
S'oppose à leur moindre caprice :
« Quoi ! faudra-t-il vous voir chassés
(( De cette France furibonde,
« Vous qu'elle a si bien engraissés
« Durant tant de siècles passés ! »
Ya qu'un pays comm' ça dans 1' monde ! .
Mais chez nous on est bon enfant ;
Craignant toujours quelque méprise,
Ce que l'un, aujourd'hui, défend.
Un autre, demain, l'autorise!
« Bons jésuites, en vérité,
« Calmez votre douleur profonde,
K Ce que la France a décrété
K N'est pas encore exécuté... »
Ya qu'un pays comm' ça dans 1' monde!.
Mes amis, pour finir gaîment,
Suspendons là toute critique,
Et, croyez-moi, pour le moment.
N'ayons plus qu'une politique :
Pour unir nos coeurs et nos voix,
Levons nos verres à la ronde.
Et buvons au vieux sol gaulois
En répétant tous à la fois :
Ya qu'un pays comm' ça dans 1' monde!.
Georges BAILLET.
HUITIÈME CONCOURS MENSUEL
De La Chanson
PIÈCE COURONNÉE
CHEZ LISETTE
(Liberté, Ei/alité, Fraternité)
C'est fête aujourd'hui chez moi, Lise;
Et j'inscris, voulant m'égayer.
Notre libérale devise
Sur la porte de mon grenier.
Là, présidant, sans étiquette.
Un monde vraiment sans façons,
J'accueille en gilet, en chaussons.
En jupons courts, même en cornette.
Elle admet presque en caleçons, ( j,j_
La république de Lisette *
Bientôt un pas chorégraphique.
Léger comme un trot d'escadron,
Se dessine au son harmonique
D'une clé frappant un chaudron.
Alors saturnale complète !
Tout de fièvre semble agité ;
Le lustre est soudain culbuté.
Et j'entends gémir ma couchette.
C'est la parfaite liberté
Que la liberté chez Lisette I
Furieux, le propriétaire
Grimpe, de son bougeoir orné;
Il dit bien haut qu'il faut se taire. . .
Il est aussitôt cramponné.
Roulé comme une pirouette .
Malgré son ventre et son chapeau,
Dans un quadrille tout nouveau.
De main en main l'on se le jette.
Et voici le charmant tableau
De. l'égalité chez Lisette !
De trinquer l'on serait bien aise :
En avant le roi des sirops !
Débouchez les litres à seize ;
Tendez les tasses et les pots...
Je vois ces messieurs en cachette
Boire à même le flacon plein ;
Nous, dans le verre du voisin,
Mesdames, faisons la sucette.
Elle boit la part du prochain,
La fraternité chez Lisette.
LA CHANSON
181
Soudain quatre agents de police
Viennent nous dire : Suivez-nous !
Mimi, Fanohon, Rose et Clarisse,
Crins au vent, ont l'air de chiens fous.
Paul perd sa manche de jaquette;
Arthur se sent craquer par là ;
Au poste, mis comme cela,
On nous mène finir la fête.
Jamais l'agent ne comprendra / / ■
La politique de Lisette ! ^
Denis LANGAT.,
Viennent ensuite :
Le Libre penseur, de M. Paul Pojaud, de Paris;
On méprend souvent pour un autre, de M. Davagner,
de Paris.
SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS
ET ÉDITEURS DE MUSIQUE
La Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs
de musique continue à intéresser le monde des
artistes.
Le Syndicat, dans la séance du 19 mars, après
avoir pris avis du conseil judiciaire de la Société, a
révoqué de ses fonctions l'agent-général, M. RoUot.
Mais cela ne suffit pas à ce dernier ; il se cale dans
son fauteuil et dit : « Je ne m'en irai pas! » On
envoie les huissiers, il repond :« Je veux un procès ! »
Pendant ce temps-là, son ami Jennius-Joncières,
un sociétaire qui ne trouvait pas le jour du rapport de
la Commission des comptes (17 novembre 1879) le
Syndicat assez radical et par ce fait se déclarait
nettement contre l'agent-général, qu'il soutient
aujourd'hui, M. Jennius-Joncières, dis-je, sonne le
tocsin dans La Liberté. Mais son tocsin ifait aussi peu
de bruit dans le monde que sa musique, et les
sociétaires, loin de s'ameuter, vieunent chaque jour
féliciter le Syndicat des résolutions qu'il prend.
M. Jennius entretient ses lecteurs des Jetons de
présence de 2 fr. 50 que touchent les membres du
Syndicat ou des Commissions créées par la nécessité
de la situation. Nous trouvons, nous, qu'il est beau-
coup plus intéressant d'entretenir les lecteurs de La
Chanson des Louis d'or de présence empochés par
l'agent-général, M. RoUot, dans son année sociale qui
vient de finir le 15 mars. — Voici cet édifiant petit
compte :
Sommes touchées par l'agent-général : année
1879-1880.
Le 31 mai 1879 3,600 fr.
« 31 août id 3.600
<i 30 novembre id 3,600
(( 29 février 1880 3,600
« 15 mars 1880, solde.. 19,715 34
Total 34,115 34
Hein! J'espère qu'elle fait les choses grandement
la Société des Auteurs-Compositeurs. — Ces artistes,
toujours les mêmes!
Comprenez - vous maintenant pourquoi l'agent
Rollot a tant de dévouement pour la société et
pourquoi il désirerait pousser le zèle jusqu'à mourir
à son poste ?
Cent neuf francs par jour de présence pour quelques
heures de travail, travail qui ne consiste pas en
comptabilité, M. Rollot n'y entend rien; — ni en
correspondance, — l'agent Rollot a deux secré-
taires ; — mais enfin en travail quelconque.
Allons ! mes amis, un peu de courage, faites des
chansons, faites de la musique, et vous, éditeurs,
risquez des sommes importantes dans des publi-
cations souvent infructueuses, cela vous rapportera
quelques centimes de droits, mais votre agent-
général, LUI ! a la main large et continuera à
puiser dans votre caisse, ch&qne ^oar cent neuf francs
en belles espèces sonnantes. C'est la seule musique
qu'il aime. Robert GARNIER.
Le Syndicat vient d'envoyer à tous les sociétaires
la circulaire suivante :
Mo
cher contre
Dans sa séance du 19 Mars 1880, le Syndicat, assisté de son conseil
judiciaire, visant des droits que lui confèrent le» Statuts de la Société
et le traité passé avec TAgent-Général, a révoqué M. Rollot de ses
fonctions.
En vous annonçant cette décision, cher Collègue, nous sommes heu-
reux de pouvoir porter à votre connaissance que votre Société n'u
rien h. craindre pour sa prospérité. Votre Syndicat surveille vos
intérêts avec sollicitude ; ayez en lui toute confiance. Il saura, en temps
voulu, réduire h leur juste valeur les insinuations malveillantes
dirigées contre sa gestion.
Dans la séance du 17 février 1880, M. Rollot avait déclaré que,
n'étant plus obéi de son personnel, il ne pouvait pas répondre de lu
répartition d'Avril, qu'il déclinait toute responsabilité à ce sujet, qu'il
abandonnait cette tache au Comité ou à la Commission, mais qu'il ne
s'en mêlerait phts.
La Conimission administrative a pris alors sous sa responsabilité
le travail des employés de Tagence, c'est-à-dire d'assurer ladite
répartition.
En conséquence, mon cher Collègue, j'ai l'honneur de vous annoncer
que nos répartiteurs ont répondu par leur zèle à l'attente de la
Commission et que les prochains droits d'auteur h répartir le 5 Avril,
se montent à la somme de 111,072 fr., c'est-à-dire plus de 10,000 francs
que la répartition de Janvier dernier.
Agréez mon cher Collègue, l'assurance de ma parfaite consi
dération.
Pour copie conforme
Le Secrétaire,
EuoiîNE BAII.LET.
Le Président du Syndical,
Paul AVENEL.
Nous avons donné, en tête du présent numéro, le
discours prononcé par M. Alfred Leconte , député
de l'Indre, au début de la grande solennité musicale
du Trocadéro. A cette fête assistaient les députés
membres d'honneurs, les compositeurs, professeurs
et artistes jurés, dont nous avons publié les noms.
Après la distribution des prix aux lauréats du
grand concours, le concert a commencé. Le choral
des Enfants de Lutèce dirigé par M. Gaubert, la
Fanfare du Marais dirigée par M. Daumann, l'har-
monie l'Echo du Mont-Blanc (M. Poraud directeur),
l'Harmonie Lemaire Aivigée par M. Moret, MM. Mon-
tardon, violoniste, et Lowenthal, pianiste, prêtaient
à la solennité leur gracieux concours.
Parmi les lauréats, M. Chapini, de l'Avenir Artis-
tique a très-bien chanté le Défilé, chant patriotique;
MM. Daltroff, des Familles, et Beck, de l'Echo des
concerts, ont obtenu de grands succès, le premier
avec la Pêche à la ligne, le second dans l'Agent des
courses. M. Huet, de f Union Française, a dit le Réveil
du peuple, paroles inédites de M. Alfred Leconte,
musique de M. Lataste ; succès d'auteur, de compo-
siteur et d'interprète. M"« Dubocs, des Enfants de
la Seine, un peu intimidée au début, s'est bientôt
rassurée et a recueilli de vifs applaudissements avec
le Napolitain. MM. Voisin de la Cour des Miracles, et
Piginier des Enfants de Sambre-Meuse, l'un dans les
Gêneurs, l'autre dans le Hanneton, ont été très-
182
LA CHANSON
applaudi. M. Juvénal, des Amis de l'Espérance, a
dit la Lettre de l'Enfant, à la satisfaction générale.
MM. Barriel et Lacombe de la Lyre Méridionale et
Pomarède des Enfants d'Apollon, ont parfaitement
chanté les airs de L ucie de Lamermoor, de Si j'étais fiai
et du Trouvère.
L'heure avancée n'a pas permis d'entendre
M"e Mathilde Rose, dont on dit le plus grand bien,
non plus que M. Piéffert, tyrolien.
Le piano était tenu par M. Marius Fontaine dont
l'éloge n'est plus à faire.
La quête faite au profit de la statue de Béranger a
produit 215 francs, qui ont été versés chez M. Murât,
trésorier du Comité.
La matinée du 21 mars a brillamment inauguré la
série des fêtes au palais du Trocadéro.
La soirée-goguette donnée le mercredi 24 mars par
la Lice Chansonnière, au profit de la souscription
Béranger, a été des plus attrayantes. On remarquait
dans l'assistance un grand nombre de dames. Parmi
les chansonniers ou amis de la chanson ayant répondu
à l'appel de la Lice, nous citerons : E. Bellot. le
joyeux président du Bon Bock, Edouard Hachin,
Ryon, Jeannin, Paul Avenel, Mouret, Legentil, Péan,
Evrard, Denanjanne, Chebroux, Ponsard, Cahen, de
Gronet, Labbé, Chatelin, Jouy, Adeline, etc.
Rousset de Méry a lu une très-jolie pièce, fort
applaudie; Adrien Dézamy, le fin poète, a dit de
beaux vers sur le Portrait de Victor Hugo ; Georges
Baillet a obtenu un grand succès avec la chanson
qu'on a lue dans ce numéro ; M. Henri Avenel a dit
avec beaucoup de talent les Deux Mères, poésie
vigoureuse de son père ; Alfred Leconte a chanté les
Républicains de carton; Eugène Imbert a été vivement
applaudi pour une chanson de circonstance; M°'°Elie
Delesohaud, auteur (paroles et musique) de Madame
la Pomme et Sire le Raisin, a eu aussi sa part de
bravos. Enfin Chebroux, Péan, Echalié et beaucoup
d'autres ont obtenu des succès. M. Couvreur,
président de la Lyre Amicale, a été le seul à chanter
du Béranger. Les Fous ont fait grand plaisir.
Une causerie d'Eugène Baillet sur la chanson pen-
dant la Révolution a vivement intéressé.
340 pièces diverses avaient été envoyées aux
concours, auxquels, nous l'avons dit, les membres
de la Lice ne pouvaient prendre part. Nous publierons
dans notre prochain numéro la décision des jurés
nommés à l'issue de la soirée : MM. Eugène Baillet,
Chebroux, Echalié, Péan et Ponsard.
Les entrées ont produit 123 francs.
A. PATAY.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La Renaissance a donné, le dimanche 7 et le mardi
9 mars, deux grandes soirées qui marqueront dans les
annales de cette société. Jamais, en effet, on n'avait
réuni sur le programme autant de noms d'artistes et
d'amateurs distingués. Le dimanche 7 mars, on jouait
devant une salle comble : Les femmes qui pleurent,
comédie en un acte, interprétée par M""" Ozanne, du
Grand-Théâtre de Bordeaux, M"^ Henriette ***,
MM. Marty et Mallet. Tout le monde connaît cette
spirituelle comédie ; disons seulement que M"° Ozanne
a joué en comédienne consommée, que M"° Hen-
riette, qui débutait dans le rôle de Clotilde, a révélé
d'excellentes dispositions, que M. Marty est un jeune
premier de beaucoup d'avenir et que notre camarade
Henry Mallet, membre d'honneur de la Renaissance,
s'est montré plein de verve et de bonhomie dans le
rôle de Chambly, le joueur constamment décavé.
Le mardi suivant, jour de la grande soirée men-
suelle, M. Valerio, de VOdéon, et M"« Cassothy, de
la Po?'te Saint-Martin, ont interprété d'une façon
hoi;s ligne Nos gens, un acte rempli d'esprit dans
lequel ils ont fait une ample moisson de bravos.
Intermèdes de chants par MM. Marcus, Voisin, Paul
Launay, W^"^ Cassothy jeune, Julia, Lucie, etc.
MM. Vighi frères, Cortiglioni, et Cecconi, mandoli-
nistes italiens, ont obtenu un vrai succès dans le
4° acte du Trouvère, puis, sur la demande générale,
ont exécuté une valse au milieu des applaudissements.
Les œuvres de Béranger occupaient, le 11 mars,
une grande partie du programme de la Cordiale;
c'est ainsi que se sont succédé les excellents couplets
de : V Horoscope tiré par M"'= Jeanne; les Gueux,
vantés par M. Marie ; le Carillonneur mu avec un
talent remarquable par M. Perrot ; le duo des Rossi-
gnols dans lequel on ne se lassait pas d'entendre
MiieMariaetM. Eug. Koch; les Enfantsde laFrance,
chantés avec sentiment par M"" Berthe, et la Lisette,
dite avec charme par MUe Marguerite.
Dans le courant de la soirée, nous avons eu l'oc-
casion d'entendre une coquette composition de
M. Marcus, La polka des oiseaux. M"« Adèle s'est
révélée véritablement artiste dans Jean-Marie; elle
était du reste bien secondée par MM. Douillard et
Gabriel. Dans une saynette très-vive d'allures,
M^^" Jeanne a montré une mutinerie ravissante, et
nous adressons nos compliments à l'auteur des Pe-
tites Provinciales, M. Jeannin, qui décidément prend
sa place au soleil. MM. Georges B. et Boverio ont
dit chacun une pièce à Béranger. MM. Charles,
Mussler, Emmanuel ont jeté la note gaie et MM. Mau-
rice, Philippe et Bergier la note sentimentale.
M. Chapuis a raconté avec une grâce séduisante le
Déjeuner sur l'herbe, et M. Durel a dit avec une jolie
voix de baryton l'air du Trouvère. Nous avons dis-
tingué ensuite les talents différents de M"'=^ Bloch,
Lucie et M. Chevalier,
M. Jules Raux a chanté avec son originalité habi-
tuelle Miaou et nous a fait entendre ensuite une
remarquable chanson, le Palais des Ribauds, paroles
de Haasse, musique de Champion, deux sociétaires
de )a Cordiale. La soirée s'est terminée par le cou-
ronnement de l'immortel chansonnier populaire Bé-
ranger.
Cette soirée a produit : recette, 43 fr. 60; quête
17 fr. 35; total : 60 fr. 95 pour la statue.
Le 19 mars, un magnifique concert a été donné
par le Cercle de l'Etoile, dans la salle de l'Hôtel des
Chambres syndicales, rue de Lancry.
Grand succès pour tous les amateurs qui se sont
fait entendre dans cette soirée.
M. Maire a chanté avec talent les Rameaux, de
Faure, et Dis-moi quel est ton pays.
On a fait une grande ovation à M"" Wagon après
l'air des Bijoux de Faust, et le duo des Dragons de
Villars.
On a entendu avec plaisir deux jeunes élèves dû
I
LA CHANSON
183
Conservatoire : M. Rouvière, un fort ténor, et
M"" Hilder, une Falcon. Ces deux artistes ont obtenu
un grand succès dans le Miserere du Trouvère.
En somme, bonne soirée (où rien n'a fait défaut,
mandolinistes, chansonnettes, poésies, distribution
de bouquets aux dames), ce dont il faut remercier le
président. M. Bannes, qui organise si brillamment
ces agréables réunions. Alfred BERTINOT.
Société du Franc-Rire., rue de Belleville, café des
Omnibus. — Charmante soirée que celle du 21 mars
où successivement nous avons entendu : M""" Hélène,
dans Pensez aux Abeilles et Me/s ton bonnet, Magde-
laine. Nous sommes étonné que cette dame ne soit
pas engagée au concert. La bonne voix de M. André
nous a fait entendre Le printemps veut qu'on aime,
puis M"° Cécile, avec sa voix un peu faible par timi-
dité, a chanté Cest la faute des oiseaux. M. Richard
a fort bien interprété Chapeau bas devant la Mar-
seillaise et la Nuit des amours, parue dans le journal
La Chanson. Nous apprenons que ce chanteur est
engagé au concert des Folies de Belleville. M"" Clé-
mence a dit à ravir le grand air de 7a Juive et les
Regrets de Mignon. M"" Charrj' a chanté le Cabaret
de la Futaille, du regretté compositeur A. Yaudry,
Ryon pour les paroles. Enfin citons : MM. Rodolphe
dans Z-weWe, Vasseur, JofFroy, Francis, les comiques
Léon N. dans les Etudiants, Carie dans Ma Pélagie,
Hubert dans J' suis partngeux.
Nos compliments à M"" Rohen, l'excellente ])ianistc
de cette société. J.-C. T.
C'est dans l'Hôtel de l'Union des Cliambres syndi-
cales qu'a eu lieu, le 21 mars, le deuxième concert de
la société chorale les Atnis delà Seine.
L'harmonie la Jeune France, habilement dirigée
par M. Boscher y a exécuté avec beaucoup de brio
deux ouvertures, la Castigliana et Emira.
Le choral des Amis de la Seine, très-bien conduit
par M. Aubry, a interprété à son tour deux chœurs,
les Marguerites et les Hirondelles. Dans ce dernier
morceau, le soliste M. Manjeon s'est distingué de la
bonne façon.
Parmi les heureux de la soirée, citons encore
M. Cousin, bon comique; M"" Virginie, un peu
timide; M. Maquaire, agréable, mais sobre de gestes;
M"" Léo, remarquable de tact; M. Davenne, au jeu
fort aisé; M. Roger, à la bonne diction; M. Marcus
très adroit dans ses imitations ; M"° Berthier, ravis-
sante dans le Petit Abbé ; M. Alix, plein d'entrain;
M"° 'Wej'ckmans, très-fine dans les Joujoux; M. Pla-
ner, entraînant de verve ; M. Monicard, remarquable
de bon goût dans II faut aimer; M"° Julia fort amu-
sante par ses remontrances à Cydalise. M. Poma-
rède a la voix facile et son succès aurait été double
s'il n'avait un peu précipité les mouvements de l'air
du Trouvère.
M. Lebassi peut se vanter d'avoir eu un triomphe
à l'aide de ses étonnantes imitations de fliites cham-
pêtres. Il n'y avait que M. Debailleul qui put se faire
applaudir après lui; inutile d'ajouter qu'il a été
comme toujours le charmeur àvi Déjeuner sur l'herbe.
Jules RAUX.
Excellente soirée le 14 mars au Cercle Mozart.
M. Jules, M"° Louisa, M. Monnier, M. Jérôme,
M"' Strohl, M"' Jeanne se sont fait applaudir tour à
tour. M. Simon, M"°Laure, M. Auguste, M. Mercier,
M"" Virginie, M. Marius ont ensuite pris leur bonne
part de succès. M. Notaris a chanté Fleur de baiser,
une romance inédite, charmante. M"'' Céline Corvée
a chanté avec goût la Valse maudite, mais le genre
comique convient mieux à son tempérament.
M"" Louis chante gracieusement le Petit Abbé, et
il est fort agréable d'entendre dire par M. Monicart
le rondeau Vous souvenez- vous? Une mention spé-
ciale est due à M. JuUien qui possède une voix très
sympathique ; à M. Lagrange qui récite avec beau-
coup d'intelligence ; à M. Simon qui est un excellent
comique, et à M. Huet, qui chante avec beaucoup
d'âme Chapeau bas devant la Marseillaise .
La chanson Miaou, redemandée, a été dite encore
une fois par le compositeur Jules liaux à qui les
bravos ne manquent pas. M. Lagrave a fort bien
réussi la scène de la Bénédiction.T)3.iis l'air de Martha,
M. Fernand a développé sa voix généreuse, et
M"° Notaris a dit très finement la chanson Tout bas.
Ajoutons que la séance a été menée rondement par
le président du cercle, M. Corvée. X.
Le 16 mars , salle Chabaille (Belleville), les
chansonniers et les amis de la chanson s'étaient
donné rendez-vous dans le but de prêter un appui
fraternel à un de leurs amis. Cette œuvre de soli-
darité a permis en même temps de ressusciter une de
ces anciennes soirées de goguette du temps où une
musique tapageuse ne permettait pas encore à
certaines élucubrations soi-disant chantantes de se
produire eff'rontément au grand jour.
Tout d'abord, disons que le double but projeté a
été atteint au delà ; citons au hasard parmi les
chansonniers : Evrard, Legentil, Ryon, Mouret,
M""" Elle Denanjanes, Alph. Duclienne, Péan, Pot-
Louis, Casse, etc., dont les productions nouvelles ont
tour à tour réjoui et attendri les nombreux auditeurs.
Parmi les interprètes : Ma^er, Francisque, Mège-
mont, Ambroise, M""" Busson. Paillette Richard,
Jacquet, etc., les uns par des chansons, les autres
avec dos récits ont su prouver qu'il restait encore
des étincelles de ce vieux feu sacré qui s'appelle
l'esprit français.
Inutile d'ajouter que le directeur du journal La
Chanson était présent à cette réunion.
La soirée s'est terminée par le compte-rendu du
concours poétique :
2° prix unique à la pièce Les rayons du Soleil,
auteur : C. Casse.
En résumé, bonne soirée pour l'esprit et le cœur.
E. LEGENTIL.
Le jeudi 18 mars, la société lyrique VEscholière
donnait sa séance d'ouverture rue de Seine, 91,
brasserie Huber. La salle, parfaitement décorée et
suffisamment aérée, était bondée de monde.
Le président avait organisé la soirée en homme
qui connaît son affaire. Tout éloge à cet égard serait
superflu. Il suffira de dire que M. Gouget est ce pré-
sident.
Le côté artistique était représenté par plusieurs
chanteurs et diseurs agréables, M. Revol en tête.
Quant au côté des dames, pour être juste, il faut
avouer qu'il était faible.
Une magnifique tombola, composée d'environ
80 lots, a terminé cette soirée à la satisfaction de
tous, et chacun s'est quitté en se donnant rendez-
vous pour les samedis, dimanches et jeudis suivants,
jours de réunion de cette société. L. T.
184
LA CHANSON
Ce ne sont pas les spectateurs qui manquaient à
la soirée du Cercle de l'Espérance, le 18 mars.
Une saynette, T.ei deux maris garçons, jouée mali-
cieusement par MM. Catherine et Lebas, a mis les
invités en bonne humeur. M. Huet, un peu enroué,
a murmuré gentiment Mon rêve, puis, de sa voix
agile, M"" Noblet a chanté avec un goût parfait l'air
des Noces de Jeannette. La charité a été implorée par
M. Couture qui chante très-agréablement. Quant à
M. Jules Raux, il a retrouvé son succès habituel en
interprétant sa joyeuse chanson J'en rajfole.
Le duo de Philémon et Baucis nous a permis d'ap-
précier à leur juste valeur la fraîche voix de
M"" Catherine et le joli timbre de baryton de M. Pio-
caluga. Nos compliments à ces deux artistes.
Une gaie pochade intitulée Pas de chance a été
interprétée rondement par MM. Carol, Auberthier
et Villard. M. Lécher s'est fait remarquer par un
naturel du plus haut comique.
L'auteur ne s'est pas précisément mis en frais
d'imagination pour le sujet; il a tout simplement
transporté à la scène une plaisante anecdote que
nous avons tous lue dans le Hanneton : celle d'un
voyageur fantaisiste qui en voulant épousseter son
haut-de-chausse par la portière d'un wagon, le laisse
choir sur la voie ferrée et se trouve ainsi dans une
situation fort critique. Vous savez le reste.
11 y avait-là, croyons-nous, le point de départ d'un
vaudeville amusant, qu'il n'était pas impossible de
développer avec quelque agrément, pour en faire ce
que l'on appelle une pièce de salon. Faut-il reprocher
à l'auteur de l'avoir tout de suite fait dévier vers la
charge à gros sel? Nous ne le pensons pas, puisque
l'on a ri.
En somme, malgré quelques imperfections, cette
bouffonnerie ne laisse pas que d'être amusante ; elle
a du reste obtenu le succès qu'elle méritait, — succès
mondain, il est vrai, dans lequel il est diflBcile, pour
un auteur, de discerner la part due à l'estime d'avec
celle qui revient au talent.
La Jeunesse Artistique {E.evh'met président) donnait
le 19 mars, dans son local habituel, rue Palestro,20,
une soirée dramatique. On jouait les Cloches de
Corneville. Représentation au total satisfaisante.
M"" Herbinet a joué et chanté avec goût le rôle de
Q-ermaine; M"" Ernestine a, été une Serpolette pleine
de verve ; M. Pollack a joué Gaspard avec un talent
réel ; M. Emmanuel a chanté parfaitement les diffé-
rents airs du marquis; M. Préval, malgré sa panto-
mine exagérée, a fait rire dans Grenicheux; M. Her-
binet, dans le rôle sacrifié du bailli, a montré une
entente parfaite du théâtre; enfin MM. Albert,
Heriché, Longatte et Didier ont fait preuve de zèle.
Disons-le pourtant, la grande pièce choisie aurait
pu être remplacée avec avantage. L'orchestre de la,
Jeunesse Artistique brille par son absence ; les artistes
amateurs font à peine au piano la moitié des répé-
titions nécessaires ; enfin la salle est d'une exiguïté
qui rend les manœuvres de la figuration difficiles ; de
tout cela résultent des variations de temps, des notes
discordantes dans les ensembles et plus d'un incident
dont le public s'égaie volontiers.
Il existe dans le répertoire des théâtres de vaude-
ville, des Bouffes, voire de l'Opéra-Comique, nombre
de pièces à quatre ou cinq personnages dont les
sociétés lyriques devraient exclusivement composer
leurs spectacles. Le talent des sociétaires s'y dépen-
serait avec de meilleurs résultats.
Le samedi 3 avril, à la Lyre de la Gaîté, 18, rue
Descartes, sous la présidence de M. Letirand, grande
soirée au profit de la statue de Béranger.
Dimanche 4 avril, V Union Joyeuse donnera une
grande matinée à 1 heure 1;2, salle des Folies-Mont-
rouge, 7 bis, avenue d'Orléans.
Lundi 5 avril, boulevard Sébastopol, 6, café Pyg-
malion, la Lyre amicale, présidée par M. Dupont,
donnera une grande soirée au profit de la statue de
Béranger.
CHOSES & AUTRES
NEUVIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du i^r an 20 avril.
Nous rappelons que nos abonnés seuls ont droit
d'y prendre part, avec une chanson de six couplets
au plus, avec ou sans refrain.
Le premier prix sera publié dans le journal et
recevra dix exemplaires.
Les titres et les noms des auteurs des deux pièces
suivantes seront publiés.
Vient de paraître à l'Alliance des Sciences, des
Arts et des Lettres : Cigale et Bourdon, opérette en
un acte (deux personnages) paroles de Jenny Touzin
et de Jacques Maillet, musique de A. Godefroy. — •
Passage de l'Opéra, 18, galerie de l'Horloge. —
4 francs.
La société lyrique du Lac Sainf-Fargeau donnera,
dimanche 4 avril, à 1 heure, au Lac Saint-Fargeau,
276, rue de Belleville, un concert au profit des
pauvres des XIX" et XX° arrondissements, sous la
présidence d'honneur de MM. Gambetta et Allain-
Targé, députés. Prix des places : 1 franc et 50 cent.
Société des Auditions lyriques, 2° année. — La
Société des Auditions lyriques est une Association
artistique ayant pour objet de faciliter l'audition
des oeuvres destinées aux scènes lyriques !
Elle fait appel à la fois : aux Compositeurs désireux
de se produire; aux Artistes disposés à leur servir
d'interprètes et enfin aux personnes qui s'intéressent
au progrès de l'art musical.
La première audition a eu lieu dans la salle Henri
Herz, le 20 avril 1879.
La Société est placée sous la direction et le patro-
nage de Membres fondateurs qui font les avances
nécessaires à son fonctionnement.
Elle se compose, en outre :
De» Membres honoraires ou. Sociétaires qui assistent
à toutes les réunions publiques ou privées, organisées
par la Société. Chacun des membres honoraires
reçoit gratuitement un exemplaire des partitions et
autres œuvres que la Société fait éditer. La cotisation
des membres honoraires est de vingt-cinq francs par
an.
Et des Membres actifs qui comprennent les Compo-
siteurs, Auteurs et Artistes prêtant Içur concours à
la Société. Les membres actifs sont affranchis de
toute cotisation.
Les adhésions sont reçues au siège de la Société,
17, rue de Maubeuge, par M. Charles Lumière, son
représentant.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
3* ANNEE. — N* 42.
20 CENT. LE NUMERO
16 AVRIL 1880.
LA CHANSON
Directeur-Gérant
A. PATAY
11 est rendu compte de tout
ouTrage dont il est déposé
deux exemplaires dans nos
Bureaux.
Revue Bi -Mensuelle
ARCHIVES DE LA CHANSON
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Paraissant le 1 " <5c le 1 6 de chaque mois
Les Abonnements partent du 1er Hai h. du 1er Novemire
Secrétaire de la Rédaction
H. MALLET
Annonces, la ligne .
Réclame, —
Les manuscrits non insérés
ne seront pas rendus.
ADMINISTRATION & REDUCTION
18, RDE BONAPARTE, 18
PARIS)
RÉDACTEUR EN CeLEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an « ftr.
» six mois 3 »
Etranger, le port en sus
S01>d:JVi:.A.IE.S :
La Conférence du 23 aDnV(L.-HENRY lecomte). — Les Mélodies
de Schumann (a édéma). — Banquet du Caveau (euo.
imbbrt). — Banquet de ta Lice Ç/ia/tsonnière (l.-henry
lecohte). — La Fleur sauvage (edmond deliére). — Le
Petit Bleu (albert chanterac). — La Langue Universelle
(f. berdoulet). — Une Confession (eug. garradd). —
Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique
(ROBERT qarnier). — Bibliographie (eug. imbert). — Les
Auteurs- Amateurs dans lei Sociétés lyriques (henry mai-let).
Chronique des Sociétés lyriques[\. b., x., b. m.). Choses et autre»
LA CONFÉRENCE DU 25 AVRIL
Ainsi que nous l'avons annoncé déjà, une confé-
rence sera faite, le dimanche 25 avril, au théâtre du
Château-d'Eau, par M. Spuller, député du IIP arron-
dissement, S0U8 la présidence de M. Henri Martin,
l'éminent historien national.
Cette conférence a pour but de contribuer à l'érec-
tion de la statue de Déranger.
Tous ceux qui s'intéressent à l'œuvre patriotique
entreprise sur l'initiative de La Chanson voudront,
par leur présence, contribuer à l'éclat de cette
solennité littéraire.
Le programme comprend divers chœurs chantés
par les Enfants de Lutèce, sous la direction de
M. Gaubert, et divers morceaux exécutés par
l'harmonie la Gauloise, dirigée par M. E. Blanquin.
Mais l'attrait principal, irrésistible, de la séance
consiste dans l'important travail de M. Spuller. Sous
ce titre : la Statue de Béranger, le célèbre orateur
doit motiver l'œuvre du Comité qu'il préside, par une
étude originale et puissante des œuvres et de la vie
de l'immortel chansonnier.
La conférence du président estimé de V Union
Républicaine réduira certainement à néant les
calomnies intéressées et les appréciations inintelli-
gentes dont une certaine presse s'est faite récemment
l'écho. Elle aura donc, sur l'avenir de notre œuvre,
une influence considérable.
C'est sous le patronage des conseillers municipaux
du IIP arrondissement, en parfaite communion
d'idées et de sentiment avec M. Spuller, que la
solennité du 25 avril a été organisée. Nous remercions
dès aujourd'hui M. Georges Murât du dévouement
qu'il a montré en cette circonstance. Il a tout
préparé, tout réglé, et c'est à lui que l'on devra
reporter l'honneur du succès éclatant que tout fait
espérer.
L.-Hbnry lecomte
LES MÉLODIES DE SCHUMANN 0
III. BERCEUSE (♦*)
Cette berceuse que j'ai entendue pour la première
fois, il y a plus de dix ans, je ne l'oublierai jamais.
Le 9 mars 18", j'étais allé au Cimetière du Nord,
à Montmartre, m'asseoir sur le tombeau que Berlioz
partage avec miss Smithson, l'Ophélie de 1830.
Etendu sur le bord de la pierre, je regardais triste-
ment s'étioler deux plantes, les seules que l'hiver
avait épargnées , quand une forme blanche se
glissa par une allée étroite jusqu'auprès d'un tertre
jonché de roses. Vous auriez dit une jeune femme
dont la démarche eût été alanguie par le chagrin,
une jeune épouse peut-être qui venait pleurer un
rêve de bonheur. Je ne vis point son visage, car
le respect me défendait contre la curiosité, mais
mon cœur s'émut à sa voix :
Dors, bel ange en qui j'eipère.
Douce image de ton père,
Comme en un divin miroir,
11 me semble encor te voii*.
Un rayon vermeil se joue
Sur ta lèvre et sur ta joue
J'ai séché tes jeux en pleurs
En t'offrant ces belles fleurs.
Et tandis qu'en ton sourire,
L'innocente paix respire.
Perle humide en les cils d'or,
Une larme brille encor.
Sa romance n'avait rien du rythme défloré sur
lequel sont presque toujours modelés les morceaux
de ce genre ; rien de bien nouveau non plus dans la
coupe des phrases musicales, ni d'imprévu dans les
contours mélodiques. Chaque strophe reproduisait
uniformément la précédente : pas un accent de plus,
pas une différence de sonorité, pas la plus légère
altération de nuances. Pourtant, ces sons, portés par
(•) Voir les n" 36 et 39.
(*') Scbamann, op-. 25, n" 14. — Durand et C'", éditeurs, 4, pla«e de
la Maâeleine. Prix : 85 cent, net.
186
LA CHANSON
un souffle au-dessus des tombeaux, pénétraient mon
âme d'une tristesse aimée. Bienheureux souvenirs du
passé, à vous seront mes dernières pensées; je veux
jusqu'à la fin aimer et souffrir; car ni les transports
de l'amour, ni l'ivresse du plaisir, ni l'épanouisse-
ment de la joie n'ont égalé pour moi les délices de
vos douleurs.
Je n'ai jamais su le nom de la belle visiteuse, j'ai
entrevu seulement ses traits sous un rajon rouge du
soleil couchant. Son costume blanc la faisait paraître
très-pâle; ses cheveux, tombant sur son corsage, y
marquaient à peine une teinte plus foncée et ses
joues décolorées faisaient ressortir l'éclat de ses
yeux où toute sa vie paraissait concentrée. A l'en-
droit qu'elle venait de quitter, aucun indice ne
trahissait sa pensée secrète ; des fleurs effeuillées
sur l'herbe, puis une dalle à peine visible qui sem-
blait dire : « C'est là. «
... Le 13 décembre suivant, je retournai sur la
tombe de Berlioz espérant renouer l'histoire inter-
rompue. Hélas! le gazon desséché laissait voir deux
marbres, deux marbres sans inscription. Je pensai
qu'une mère peut mourir de la mort de son enfant.
A. ÉDRMA.
SOCIETE LYRIQUE ET LITTERAIRE DU CAVEAU
BANQUET DU 2 AVRIL
Je soutiens, ou plulôl je détlai-e sans le soutenir, que
l'intérêt d'un compte rendu est en raison inverse de celui
qu'a présenté la séance dont il est rendu compte. Cela va
passer pour un paradoxe, je le crains. Mais comment
voulez-vous, à mouis de disposer d'un espace presque sans
hmite, ciler, examiner de nombreuses chansons qui toutes
ou à peu près méritent une mention particulière ? Quand,
au contraire, il y a pénurie, le chroniqueur a le loisir, sans
excéder des bornes raisonnables et nécessaires, de s'appe-
santir sur quelques morceaux, d'en peser les qualités et les
défauts, et de soumettre ainsi aux lecteurs une appréciation
motivée.
Ces réflexions me sont suggérées par la soirée d'hier. Le
nombre et la qualité s'y étant trouvés réunis, le choix est
difficile des productions à mentionner, très peu pouvant être
passées sous silence.
Teste et couplets de réception (trois réceptions en un
seul jour, s'il vous plaît : on ne dira pas que le Caveau
périclite. Ajoutons toutefois que je n'ai vu jusqu'ici dans les
trois heureux élus qu'un seul chansonnier, Burani ; des
deux autres, l'un promet de le devenir, et le troisième ne
se soucie guère de le devenir jamais), teste et couplets de
réception, disais-je, ont ouvert la séance. L'esprit de
Grange a fait applaudir l'un, comme de coutume, et la
camaraderie a accueilli les autres.
Partageons, pour nous reconnaître, les chansons nouvelles
entendues hier en quatre catégories : Philosophie, gaieté,
grivoiserie, naturisme. L'hiver n'a pu échapper au triste
privilège d'inspirer de nombreux couplets, qui sont autant
de malédictions. Jullien s'est distingue dans la peinture des
dégâts occasionnés par cette cruelle saison. Grange a pris
l'hiver au moral, et sa chanson qui a pour refrain ;
chaque printemps est un hiver de plus,
est pleine d'une fine mélancolie. Il se hâte, il est Vrai, se
rappelant son rôle de président, de retourner au dernier
couplet ce refrain désenchanté, et déclare qu'au milieu de
tant de bons amis, pour lui :
» • .chaque hiver est un printemps de plus.
Grand succès, et bien mérité.
Grand succès aussi pour Duprez, qui, comme un débutant,
a balayé les planches. Sa Mélancolie, c'est son titre, est
remplie de sentiment et même de poésie; en voici le refrain,
qui est toujours heureusement amené :
Jlaisla gaieté réclame la parole. La Vieille l'uriilondaine,
de Poullain, Une Confession, de Garraud, le heau diseur,
les ÏMpins, de Petit, Insouciance et gaielé. de Mouton-
Dufi-aisse, les Bosses, de Lesueur ( je crois bit-u que cette
dernière chanson, toute bonne qu'elle est, n'est |ias nouvelle,
mais il n'importe) : voilà de ces sujets qui l'ont toujours
florès au Caveau et partout où la bonne humeur et l'esprit
sont en honneur. Montariol, qui est loin de déparer ce
groupe, a voulu, à son tour, traiter un refrain latin. C'est
un mal qui coarx. Quantum nmtatus ah ///o / s'écrie-t-il.
Suit une série de dégommages tout à fait njouissante :
Hector et Virgile n'en ont jamais rêvés de pnreds. Les
couplets à boire, de Piesse, rentrent dans la même caté-
gorie : ils sont d'une excellente facture, qui rachète ce que
le fond a de peu neuf
La grivoiserie a fourni deux productions dillérciites, mais
également réussies : L'hoinm£ a Vhorreiir ilit ride, de
Vacher, qui s'élève à des hauteurs... épiques, et Mes
Amours, de Fénée, qui, sur l'air de la valsp îles Roses,
chante le de Pro/wfirfw le plus cocasse sur ses anciennes
\ictimes.
La chanson de Ripault, Le long de la Hicicre, me servira
de transition : elle touche à la fois au genre léger et au
genre descriptif : chacun des sites qu'il i-pucontre, des
groupes qu'il surprend, des ^coudes qui.' suit la marche
aventureuse de sa rivière, est un tableau à part finement
décrit.
Charles Vincent, qui aime et connaît la nature, et la
chante souvent et bien, célèbre le Prinleiiipi:, vieux sujet
toujours neuf, surtout quand il est rajeuni par des élans
d'espoir. Murât, son élève en peinture, nous a donné ce
qu'il intitule modestement Un Croquis de prinleuips. C'est
jeune et gracieux.
Et puis... voilà tout, je crois. M. Sylviiiii Saint-Etienne,
un poète émérile, n'a rien dit. Lierai, le [la ressens, n'a rien
fait, (juant à moi... .\u fait, j'ai chanté sept couplets
nouveaux ayant pour refrain :
Ça n' se voit pas sur la tignre.
Et je vous assure qu'il y en a bigrement, des choses qui
ne se voient pas sur la figure. Aussi n'ai-je pas essayé de les
énumérer toutes.
.\i-je bien entendu, ou me suis-ie trompé ? Est-il vrai que
deux vers destinés par leur place à rimer ensemble se
terminent, l'un par trouve et l'autre par s'enlrouvrel Je
n'ose l'affirmer. Avis à l'auteur.
Eue. IMHIiHT.
LIGE CHANSONNIERE
BANQUET DU 7 AVRIL
Ryon a trouvé un moyen très-ingénieuv de satisfaire en
même temps les partisans et les ennemis du toast ; il s'est
abstenu de paraître au banquet d'avril. — ■ Quelle chance,
ont dit les uns, nous n'aurons point de toast aujourd'hui.» —
— « Quel bonheur, se sont écrié les autres, nous en aurons
deux le mois prochain! » — Touchante harmonie!
Chebroux a présidé avec urbanité et verve la séance des
chants, au total intéressante.
Les refrains à boire sonnent toujours bien dans les réunions
chantantes. Buvons du vin, dit joyeusement M. Armand
Mordret ; M. Bernard Moreau voit aussi le bonheur dans le
jus de la treille ; M. Auguste Luth refait avec originalité le
portrait aimé du Docteur Grégoire ; enfin M. Flachat « verse à
boire à Pierre Gringoire » avecunerondeur qui n'exclut pas
le sentiment.
La chanson de genre a fourni un contingent non moins
brillant et plus nombreux encore. Le Joueur de flageolet,
de Hachin; le Jeu n'en vaut pas la chandelle, de M. Càron;
Châtelaine et Paysan, de W. Robinot; les Déboires de la
LA CHANSON
187
loterie, du .M. Leblanc; Je m'y laisse toujours prendre, de
M. Cahen ; Dans les blés, de M. Moniot ; L' bon Dieu n' m'en
voudra pas pour ça, de M. Stanislas Tostain, brillent, les
unes par la finesse, les autres par la sensibilité, et ont été
très-favorablement reçues.
Un des plus anciens sociétaires, M. Vatinel, licéen depuis
trente-cinq ans, quitte Paris pour Fontainebleau ; il a fait i
ses collègues des adieux en couplets attendris et émouvants.
Mais quoi, Kontainebleau n'est pas si loin que la Lice ne
puisse corapter sur la présence de M. Vatinel à plus d'un
banquet encori'.
Mil. Maic-liivc, Ponsard, Jeannin et Péan ont obtenu de
grands su<ié> de rires avec de bonnes gaudrioles.
Collignoii. de passage à Paris, a été le triomphateur de la
soirée. Il ;i liii avec àme la jolie chanson de lîaillet. Elle
s'appelail Mnifitierite, et avec une énergie superbe Le
Semeur de llesioi'ges.
Quelques poésies ont agréablement coupé les chants. On
a vigoureusement applaudi un magistral sonnet de Ponsard,
des vers ironiques A Tartuffe par M. .Vuguste Goûts, enlin
un sonnet humoristique de Chebroux, dont la terminaison a
dû faire In-ssaillirid'aise l'ombre de Cambronne.
l.-henrv lecomti:.
Samedi V7 mars, a eu lieu à l'Eldorado la première
audition de La Fleur sauvage, romance dramatique
de MM. Déliera pour la poésie, et Marié pour la
musique, ("est M"° Amiati qui était chargée de l'in-
terpréter. L'érainente chanteuse s'est montrée à la
hauteur de l'œuvre; c'est dire que cette audition a
été un triple succès.
Nous sommes assez heureux pour pouvoir donner
à nos lecteurs le texte entier des beaux vers de
M. Dali ppf.
LA FLEUR SAUVAGE ( )
Romance dramati(|iic
I M. Paul RESARD
On la nommait la fleur sauvage.
Dieu seul se rappelait son nom
Et vraiment son charmant visage
Brillait d'un étrange rayon.
Quaud sous un pâle clair de lune,
Que ses yeux noirs éblouissaient.
Apparaissait sa beauté brune,
Les [lassants parfois se signaient.
Pourtant tu n'étais pas méchante,
Fi-êle (leur d'un pays lointain,
Qu'en un jour de sombre époiivante
Apporta l'aile du destin.
Gi'andis chez nous, ô fleur sauvage!
(irandis, ô fleur de pureté,
A l'abri d'un nouvel orage,
A l'ombre de la liberté !
l-:ile savait qu'elle était belle ;
Le clair ruisseau le lui disait.
Mais aux plus doux propos rebelle,
Bien vite son cœur se fermait.
Pourtant voici qu'un cri de guen'e
Soudain éclate et t'ait surgir
IVun peuple la sainte colère...
(•) En
Labbé, éditeur,
:-de-Na2areth, 32.
0 vierge, pourquoi donc pâlir?
Enfant, ce n'est point ta patrie
Qui défend un sol menacé. ..
Va dans les bois, toute fleurie,
Cacher le rêve commencé.
Grandis chez nous, etc.
Ah ! la patrie est où l'on aime I
Celui que j'aimais est parti;
Et voilà pourquoi mon front blême
Caresse un rêve anéanti.
A tous mon secret se révèle.
Oh ! je ne suis plus fière ! oh non !
Et par sa blessure cruelle
Mon cœur va vous jeter son nom.
Vous frémissez et sous un voile
Vous voulez me cacher son sort.
Mon âme a perdu son étoile ;
Une voix me dit qu'il est mort.
Grandis chez nous, etc.
Un soir d'été d'un reflet rose
Eclaire le sang répandu.
Quel gentil cavalier repose
Auprès de ce corps étendu î
C'est elle! C'est la fleur sauvage!
Près d'elle un mousquet est jeté.
De cette arme as-tu fait usage
Pour défendre la liberté ?
Pauvre âme avant l'heure flétrie,
Un désespoir la dévorait.
Elle est morte pour la patrie
De celui qui la dédaignait.
Tu revivras, ô fleur sauvage,
Céleste fleur de pureté ;
A l'abri d'un nouvel orage,
Tu fleuriras en liberté.
Edmond DELIÈRB.
LE PETIT BLEU
On a chanté le gai Champagne,
Et le bourgogne et le bordeaux ,
Célébré les doux vins d'Espagne,
Fêté tous les crus sans rivaux.
Mais moi, qui suis du peuple, et qui ne connaît guère
Ces vins de grand seigneur, je veux ici, morbleu,
Célébrer aujourd'hui le vin du prolétaire
Et chanter les vertus de WxircàAQ petit bleu.
Petit bleu, scintille, scintille.
Verse-nous l'amour, la gaîté ;
Vin clairet, pétille, pétille;
Inspire-nous un chant de liberté I
Au petit bleu point d'étiquette.
Point de cachet sur son bouchon ;
Mais il triomphe à la guinguette.
Il est le roi de la chanson.
LA CHANSON
Jamais il n'a bi'illé dans le cristal sonore ;
Mais il rougit souvent les verres de deux sous;
On les vide gaîment, on les remplit encore,
Et bientôt il vous met tout sans dessus dessous.
Petit bleu, etc.
C'est le copin de la bouffarde,
L'ami bien cher à l'artisan ;
C'est le rayon de la mansarde,
C'est le bonheur du paysan.
C'est de lui que naquit un jour la chansonnette.
Pleine des mots piquants du vieil esprit gaulois.
Devant lui, mes amis, inclinons donc la tête
Et venons au plus tôt nous ranger sous ses lois.
Petit bleu, scintille, scintille ;
Verse-nous l'amour, la gaîté;
Vin clairet, pétille, pétille;
Inspire-nous un chant de liberté.
Albert CHANTERAC.
A tous les Amis de l'Humanili'
LA LANGUE UNIVERSELLE ()
S'il est une œuvre fraternelle
Qui sur les peuples rayonna.
C'est bien la Langue Universelle
Que François Sudre nous donna.
Les sept notes de la musique
En sont le facile alphabet ;
Un procédé simple et magique
Dévoile le divin secret.
Sans avoir aucune science.
Dans l'univers, jeunes et vieux,
Ont promptement la connaissance
De ce langage merveilleux.
S'il est, etc.
Ni livres, ni temps, ni dépense.
Non, rien n'est à sacrifier ;
Cette langue nous en dispense.
Même sans savoir solfier.
Et par un moyen fort habile.
Elle présente les bienfaits
D'être pareillement utile
Aux aveugles et sourds-muets.
S'il est, etc.
0 Sudre, lumière féconde,
Quel trésor n'as-tu pas semé !
Bientôt tous les peuples du monde
Vont se comprendre et vont s'aimer.
A travers toutes les frontières
Ta langue se fait un chemin.
C'est l'union des hémisphères
Et le flambeau du genre humain.
Saluons une ère nouvelle,
Français, Espagnols, Iroquois...
Voici la Langue Universelle !
C'est le tombeau de tous les rois.
(•) Conférences publiques et gratuites sur la Langue Universelle, le
dimanche, à 2 heures, rue du Foin, 2. Les dames y sont admises.
L'Egalité fait l'homme sage,
Et le sage est l'ami du .beau :
Nous parlerons même langage
Dans l'amour du même drapeau.
S'il est une œuvre fraternelle
Qui sur les peuples rayonna,
C'est bien la Langue Universelle
Que François Sudre nous donna.
F. BERDOULET.
UNE CONFESSION
Aie. : La queue emporte la tête
J'étais un fieffé garnement,
On le répétait à la ronde;
Les femmes me trouvaient charmant.
Je les adorais brune ou blonde,
Avec ou sans nom blasonné.
Fou de leur grâce enchanteresse.
Pour elles j'aurais tout donné
Aux beaux jours de ma jeunesse.
Leur plaire me semblait si doux ;
Je ne rêvais pour toutes choses
Que de cueillir, à leurs genoux,
Des baisers sur leurs lèvres roses.
Quitte à partir sans requiem,
J'aurais voulu, dans mon ivresse,
Pouvoir posséder un harem
Aux beaux jours de ma jeunesse.
Toujours en quête d'inconnu.
Chaque hiver, intrigue nouvelle!
Au bal, à l'aspect d'un sein nu.
S'enflammait ma pauvre cervelle.
Dans mon appartement discret,
Plus d'une aimable pécheresse
Le soir se glissait en secret
Aux beaux jours de ma jeunesse.
Dès que l'été reparaissait.
En respirant sa chaude haleine.
Du feu brûlant qui me poussait
J'avais sans cesse l'âme pleine.
A des boudoirs particuliers,
Pour fêter Vénus, ma déesse.
Succédait l'ombre des halliers
Aux beaux jours de ma jeunesse.
Soixante retours des saisons
Nous font barbes et têtes blanches,
Emportant nos bleus horizons
Et les gais devis sous les branches.
Pour moi le temps vient de sonner
L'heure de l'austère sagesse.
Pourquoi ne puis-je retourner
Aux beaux jours de ma jeunesse !
Il me reste le souvenir,
Mieux encore : un autre moi-même,
Dont le présent et l'avenir
Ont pour mon cœur un charme extrême.
De mon fils lorsque je connais,
Dans ses amours, une prouesse,
Alors j'ai vingt ans ! je renais
Aux beaux jours de ma jeunesse.
EuG. GARRàUD.
LA CHANSON
189
SOCIETE DES AUTEURS, COMPOSITEURS
ET ÉDITEURS DE MUSIQUE
Les amis anonymes de M. RoUot ont tenu, le
lundi 12 avril, une réunion privée dans la salle du
Skating de la rue Blanche.
Cette réunion avait été officiellement annoncée
par plus de dix journaux. On savait que les grands
prêtres du parti devaient officier et que le dieu
Rollot serait visible à la représentation ; aussi la
porte était-elle fermée à tout profane. On ne
pénétrait dans le sanctuaire qu'avec une carte
rigoureusement personnelle. On devait être au moins
deux cents de par le nombre des invitations lancées.
Certes les fidèles allaient s'écraser dans la grande
salle du Skating, puis, n'avait-on pas avant tout les
cinquante-neuf! vous savez, les cinquante-neuf qui
ont voté contre le rapport de la Commission des
comptes et au nom de [qui M. Rollot fait un procès.
Enfin tout était prévu et le Syndicat n'avait plus
qu'à céder la place devant la masse compacte des
sociétaires.
A l'heure indiquée il y avait une trentaine de
personnes dans la salle; puis trente-une... puis une
autre ; on les comptait. Enfin ! quand le chiffre
imposant de quarante-cinq fut constaté, on ouvrit la
séance.
Et les cinquante-neuf? vous savez les cinquante-
neuf au nom de qui M. Rollot fait un procès, où
sont-ils donc! Patience, ils vont arriver en bataillon
serré sans aucun doute.
Après quelques paroles en mi bémol du fidèle
Colombier, la présidence fut confiée au maestro
Laurent de Rillé. C'est un homme qui connaît son
affaire ; il est calme, il est correct, un brin rusé, en
somme la sonnette est en bonne main.
M. Laurent de Rillé fait en quelques mots bien
sentis l'historique du conflit qui existe entre le
Syndicat et l'ex-agent-général.. . En ce moment un
bruit se produit au dehors... ce sont les cinquante-
neuf attendus!... Rienl... c'est une voiture qui passe!
M. Rollot presse la main à son ami Monplot, à
qui le sociétaire Henri Min vient d'en dire deux, et
semble lui demander du regard : et nos cinquante-
neuf? vous savez, nos cinquante-neuf au nom de qui,
etc. Vous ne les avez donc pas convoqués?
La salle est froide à force d'être vide... Mais
voici venir l'ami Jennius. Sa mémoire est grande,
il sait par cœur tous les articles qu'il a semés dans
la Liberté, il les récite sans faire une faute, un
grand silence règne... La porte s'ouvre... cette fois
les voici nos braves cinquante-neuf... Pas encore,
c'est un monsieur qui a cru qu'il y avait répétition
au Skating... il fait demi tour et s'en va. Le pré-
sident lit un ordre du jour dans lequel le Syndicat
est mis en suspicion. Murmures. Ah! si les cinquante-
neuf étaient la! mais rien! On vote et trente-cinq
signatures demandent simplement une assemblée
Trente-cinq, vous avez bien. lu!... Infidèles cin-
quante-neuf où êtes- vous donc? Récompense honnête
est promise à celui qui les retrouvera ; elle consiste
en l'un des rares exemplaires du Sardanapale de
M. Joncières... exemplaire non coupé bien entendu.
Et pendant toutes ces petites émeutes, qui se
passent dans des coins, le Syndicat continue à
administrer la Société avec calme et vigilance. Plus
de cent mille francs ont été réparti-s, comme droits,
aux sociétaires depuis le .5 avril, par les soins de la
Commission administrative du Syndicat et de M. Flo-
quet, l'agent-général provisoire.
Robert GARNIER.
BIBLIOGRAPHIE
Les Progrès de la science, stances par F. -Auguste Renard,
Bouibonne-les-Uains, 1879. — Chansons, par K. Griin,
Verviers, 1879. — Les Voyageurs, poèmes légendaires, par
Francis Melvil, Paris, Lemerre, 1880.
Poèmes légendaires, ce sous-titre définit exactement
l'œuvre de M. Melvil. Légendes, en effet, et des moins mo-
dernes que ces récits : Héraclès, Saiil à Guilboah, Rome
fondée, Cliarlemagne pleurant et tant d'autres, sans compter
les Pèlerins d'Emmaiis et la Vision du Dante. Babel est un
petit poème et par la grandeur du sujet et par los dévelop-
pements que l'auteur y a consacrés. Quelques p.cces tran-
chent sur la couleur héroïque de l'ensemble. Ceci n'est pas
un reproche. Le Conservateur au Temple, la Tristesse du
bon Dieu, notamment. On trouve là une note gauloise pres-
que inattendue :
C'est le chuDt du pinsoD sous un ciel orageux.
Une idée fataliste semble dominer le poète. Son titre le
dit. Les Voyageurs, ce sont les hommes, c'est l'humanité
même, s'acheniinant vers un but pour elle inconnu, but que
l'auteur indique d'avance : le néant. Mais, entre le point de
départ et le point d'arrivée, que de pas, que d'efforts, que
de luttes et même que de victoires! En vani, comme Héra-
clès, l'homme voit ses travaux bafoués ; en vain il ensevelit
sous les cendres d'un bûcher l'amertume d'être méconnu.
Ses ennemis, broyés sous le poids du remords.
Pâles, désespérés, condamnés par leurs crimes,
Succombèrent bientôt, misérables victimes
Do la haine d'un peuple et du courroux des dieux.
Partout l'encens divin fuma sur ses autels,
Et le pâtre rêveur des grands monts immortels
Bien souvent raperçut, au fond des cieux sans voiles,
Posant ses pieds d'azur sur de blanches étoiles.
Voilà la véritable consolation du sage et du courageux :
l'estime de la postérité, qui n'est que l'écho de sa propre
conscience. Voilà la véritable réponse à ces questions désen-
chantées :
A quoi bon tant chercher la fortune et la gloire.
Et l'admiration du pauvre genre humain,
Puisque le plus beau jour s'éteint dans la nuit noire,
Et qu'un sépulcre ouvert est au bout du chemin ?
Quelle que soit la solution que l'on donne aux problèmes
qu'agite M. Melvil dans ses strophes éloquentes, et ils sont
nombreux, on ne peut lui refuser un grand souffle, un mou-
vement plein d'ampleur, un vers précis dans son élégance,
et par dessus tout un sentiment exact des époques et des
lieux où il place ses sujets. Son style est net, quoique coloré,
simple, quoique imagé; il s'assouplit dans l'idylle avec
autant de grâce qu'il revêt d'énergie dans l'épopée. Quelle
désolation dans ce tableau de la terre, qui meurt après la
mort de son dernier habitant !
Le monde n'était plus qu'un globe affreux et blême,
Masse horrible et sans nom, boule aux flancs crevassés.
Astre sépulcre. Enfin vint le moment suprême :
Un craquement vibra dans les éthers glacés,
Et l'Espace rendit à l'éternel mystère
Défigurés, hideux, tournoyants, dispersés,
Les mfoï-mes débris de ce qui fut la Terre.
M. Griin ne s'élève pas à de telles hauteurs et, tout Alle-
mand qu'il est, sa muse reculerait devant ces vastes tableaux.
190
LA CHANSON
L'histoire, la mythologie, la cosmogonie ne sont pas son
fait. Elle peint de petits tableautins de genre ; la caricature
même ne l'effraye pas, et le rire gaulois, autant qu'un ger-
mano-belge peut y atteindre, lui dicte d'aimables chansons.
Le cercle des intimes, une fêle locale, le potin du jour_,
autant d'occasions de rimer. Il s'en tire avec bonne humeur,
et, sans détrôner Clesse, il donne à la Belgique, sa patrie
d'adoption, un joyeux chansonnier de plus. Le Dimanche de
l'ouvrier, les Fous, qui ne sont pas ceux de Béranger mais
qui les rappellent, les Hommes, dont le refrain est heureu-
sement imité de Festeau :
Au physique
isi qu'au moral,
plaisant animal ;
Enfin les Tribulations d'une vierge — il s'agit de celle de
la Salette — présentent le talent de M. Griin sous des
aspects variés et toujours plaisants.
M. Renard, que je n'ai garde d'oublier, chante en vers
bien frappés les merveilles de la science et surtout les plus
récentes. La vapeur, l'électricité, l'aérostatique, le téléphone
défilent successivement sous nos yeux ; et la planète Lever-
rier, et les machines agricoles, et que sais-je ! C'est un
poème didactique réduit, mais intéressant.
E. IMBERT.
LES AUTEURS-AMATEURS
Dans les Sociétés lyriques
La Fédération des Sociétés lyriques est maintenant
un fait accompli.
Ce premier résultat est magnifique, assurément;
mais nous croyons qu'il y a encore quelque chose à
faire pour l'avenir des sociétés lyriques. Certai-
nement, l'heureuse initiative du Comité ouvre une
voie nouvelle aux sociétés; grâce à cette union,
une sérieuse et constante émulation va s'établir
entre elles, chacune étant désireuse de produire,
lors des concours, des artistes qui lui fassent honneur.
Mais nous avons parlé plus haut d'un autre
progrès à accomplir, le voici.
Il existe, dans toutes les sociétés lyriques, à côté
des sociétaires chanteurs, d'autres amateurs qui,
bien que ne rendant pas les mêmes services que
leurs camarades, n'en ont pas moins droit au même
encouragement. Nous voulons parler des sociétaires-
auteurs et compositeurs. En effet, si les premiers
prêtent aux sociétés le concours de leur voix, les
seconds ne produisent-ils pas pour elles, et pour elles
exclusivement, par la raison même qu'ils ne sont pas
connus.
Que l'un de ces inconnus, un de ces sa,ns-nom,
éprouve le désir de produire ses œuvres sur une
scène plus vaste et devant un public plus nombreux
que celui de sa société, dès la première démarche, il
se trouve découragé; le directeur du concert et
l'éditeur auxquels il s'adresse lui répondent invaria-
blement, le premier : Faites-vous connaître et nous
vous chanterons, le second : Faites-vous chanter et
nous vous éditerons. Pourtant, dans le nombre des
productions présentées à cesMessieursparles auteurs
ou compositeurs débutants, il en est de certaines qui
valent bien certaines chansons de concerts et qui
obtiendraient un succès si elles voyaient le feu de la
rampe.
N'y a-t-il pas quelque chose à faire pour ces
sociétaires auteurs et compositeurs et ne méritent-
ils pas le même encouragement que le comité de
Fédération accorde aux chanteurs ?
Nous laissons au Comité le soin d'étudier cette
idée et de l'apprécier, son expérience lui donnant
toute l'autorité nécessaire pour mener à bonne fin
l'accomplissement de ce projet : Assurer l'avenir des
Sociétés lyriques en établissant entre elles, en même
temps qu'une active émulation artistique, les relations
amicales nécessaires à leur existence même.
Hekry MALLET.
CHRONIQUE DES SOCIETES LYRIQUES
Le 19 mars, un magnifique concert a été donné
par le Cercle de VEtoile, dans la salle de l'Hôtel des
Chambres syndicales, rue de Lancry.
Grand succès pour tous les amateurs qui se sont
fait entendre dans cette soirée.
M. Maire a chanté avec talent les Rameaux, de
Faure, et Dis-moi quel est ton pays.
On a fait une grande ovation à M"" Wagon après
l'air des Bijoux de Faust, et le duo des Dragons de
Villars.
On a entendu avec plaisir deux jeunes élèves du
Conservatoire : M. Rouvière, un fort ténor, et
M"" Hilder, une falcon. Ces deux artistes ont obtenu
un grand succès dans le Miserere du Trouvère.
En somme, bonne soirée (oii rien n'a fait défaut,
mandolinistes, chansonnettes, poésies, distribution
de bouquets aux dames), ce dont il faut remercier le
président, M. Bannes, qui organise si brillamment
ses agréables réunions.
A. B.
Ainsi que nous l'avons annoncé, la Lyre de la
Gaité a donné, le samedi 3 avril, une soirée extra-
ordinaire au profit de la Statue de Béranger.
Parmi les artistes qui ont prêté leur concours,
nous avons remarqué M. Jules Tiercelin, ténor,
qui a très-bien chanté Les Carriers et un fragment
d'Haydée, Ahl que la nuit est belle. M. Gouget pré-
sident de la Société lEsckolière a chanté une
chanson de Béranger et a récité la Grève des
For(jeron%. M""'' Armandine, Henriot, Berthe et
Jeanne ont su charmer l'auditoire par leurs chants.
La soirée s'est terminée par une Tombola qui,
ajoutée aux quêtes précédentes, a produit 50 francs
qui ont été versés entre nos mains pour être i-emis à
M. Murât, le trésorier de l'œuvre.
X.
Le samedi 3 avril, l'Union Artistique donnait sa
grande soirée mensuelle, pour les débuts de
MM. Debertal, Bonnet, Maurice, Floréal, et Marce-
lin. A 9 heures la petite salle du Globe (que, soit dit
en passant, le patron du café devrait bien faire
restaurer) était comble et l'on commençait la soirée.
Nous avons entendu successivement M. Debertal
dans y sais pas comment qu'on s'y prend, M. Cher-
ville, l'Employé d' la grande vitesse, M. Floréal,
l'Homme aux grands pieds, M. Michel, qui dit d'une
façon charmante Les regrets de Mignon, M. Maurice
dans Bonheur et Guignon, M. Gabriel, qui obtient
beaucoup de succès avec Les Ecrevisses, M. Bonnet
dans la Valse des Feuilles, M. Raymond désopilant
dans Le Portier V jour du terme. Après un entr'açta
de quelques minutes, la toile se lève sur l'Affaire de
la rue de Lourcine, le joyeux vaudeville devenij
légendaire, joué par l'élite de l'Union Artistique, j'ai
LA CHANSON
191
nommé M"" Louise, MM. Cherville, Paulin, le
s^'mpathique président, Gabriel et Floréal. Ces
messieurs rivalisent à qui mieux mieux de verve et
de bonne humeur et font pâmer la salle pendant
trois quarts d'heure. Ils sont récompenst'S par de
nombreux bravos et rappels. Dans la seconde partie
nous entendons M"'^ Lucie, l'étoile de la Renaissance,
dans Le Sourire, puis, à la demande, générale dans
Tous les hommes disent ça ; M"" Lucie fait chaque
jour de nouveaux progrès et révèle dès à présent
toutes les qualités d'une chanteuse d'avenir; M. Mar-
celin qui détaille très-finement Le Déjeuner sur
l'Herbe, M. Raymond, dans le Candidat Courbe-
manche; M. Michel, dans un air de Martha, et
M. Cherville, dans C^est toute' que f peux faire pour
vous. Très-belle soirée, ce qui du reste est d'habitude
à l'Union Artistique
H. M.
L'Union Joyeuse ne donne ses séances qu'à des
intervalles assez éloignés et qui varient de deux à
trois mois, mais en revanche, elle apporte un grand
soin à la composition de son programme.
La grande matinée qu'elle donnait le 4 avril dakns
la salle du concert des Folies Montrouge en est une
preuve certaine. Un orchestre composé de douze
musiciens donnait un grand attrait à cette repré-
sentation.
Après le Salon des délices, brillante ouverture
exécutée par l'orchestre, M. Caraby ouvre la
séance par Un bandeau sur les yeux; M. Leriguer,
chante .ivec sentiment, La fille de marbre, et
L'oiseau s'envole ; M. AlexisMarc, le premier comique
de l'Union Joyeuse débite le Premier bain d'un
Auvergnat avec sa verve habituelle. M. Varnier,
chante Celle que j'aimions et les Pleurs de Nicelte.
M"" Valette est une charmante conteuse ; elle récite
très-gentiment Oh Monsieur! et le Singe qui montre
la lanterne magique. Un solo de flûte par M. Dinot
a fait grand plaisir; M. Hébert ne possède qu'un
léger fllet de voix, mais il sait bien s'en servir, il
chante Le long de la Seine à gué et le Contrat des
Amours. M. Victor se plaint des Ingrats et M"" Geor-
gette chante très gracieusement Méchant, méchante.
M. Cabanis exécute une brillante fantaisie sur le
hautbois. L'auditoire a été très émotionné par
M"" Valette qui a récité une jolie poésie de
M"° Rousseil : La grande proscrite.
M. Jonas nous montre les inconvénients du poil à
gratter, et M. Beck chante avec beaucoup d'entrain
Faut pas faire les malins.
Il est inutile de faire séparément l'éloge de
chaque artiste. Nous nous bornerons à constater
qu'ils ont rivalisé de verve et de gaîté et qu'ils ont
tous été bissés. A. B.
Le 7 avril, Les Vrais Amis, donnaient leur soirée
d'ouverture à la Brasserie Cidranès, 14, boulevard
Magenta. Dès 8 heures la salle était comble. Après
une brillante ouverture de M. Tallandier, pianiste,
MM. Goujon, Bonomé et Victor ouvrent la séance
avec entrain. M. Ville le désopilant grimacier de
l'Union Lyrique provoque un fou rire avec Quel
drôle de Quartier. M. Delsériès vient réhabiliter les
Auvergnats; il récite fort bien, mais il ne devrait pas
sortir de son genre ; le comique ne lui va pas. Une
jeune flUe d'une douzaine d'années. M"" Charlotte,
fait rire l'auditoire jusqu'aux larmes avec II demeure
rue Popincourt et Heureusement pour moi; elle
promet une bonne artiste pour l'avenir. M. Launay
de la Renaissance chante Les myrtkes sont flétris
avec beaucoup de succès. M'" Marguerite de
l'Union Lyrique chante la Légende des hirondelles,
d'une voix douce et sympathique, nous regrettons
vivement de ne l'avoir entendue qu'une fois dans le
courant de la soirée. Une comédie en un acte. Chez
l'Avocat, a été très-bien interprétée par M""-' Pauline
et M. Donckèle .
Le roi de la soirée à été l'amusant Vaast de
l'Union Lyrique; il a débité avec une verve endiablée
Je suis papa depuis c matin et la Politique à Chris-
tophe. Citons aussi M"i=' Lucie et Mathilde de la
Renaissanc-e, MM. Cabaret, Donckèle, Jonas et
Beck qui ont contribué au succès de la soirée.
Avec un programme aussi attrayant les Vrais
Amis sont sûrs de réussir.
Nous le souhaitons de tout notre cœur.
A. B.
Chaque semaine la Cordiale tient ses réunions au
Globe, 8, boulevard de Strabourg, excepté le premier
jeudi du mois. La soirée du 8 avrila été ouverte par
une bonne chansonnette Le refrain d'autrefois,
paroles de M. Gabriel, musique de M. Marcus.
M"" Marguerite a chanté avec sentiment les Regrets
de Mignon. Sont venus ensuite MM. Henriel, Charles,
Marie, Mussler.
Dans la comédie de Perrier, Chez l'A vocat, en
dehors des rôles principaux très-bien tenus par
M"° Adèle et M. Gabriel, l'amusant comique Lelarge
et M. Douillard se sont fait remarquer par une
mimique très-réussie. M"° Berthe et M. Bousquat
ont été très-gofttés dans leurs chansons. M. Bergier,
a un puissant organe et dit bien la Grève des For-
gerons, mais il manque quelquefois de naturel.
M. Auguste! a une grande habitude de la scène et dit
bien la chansonnette.
M"° Jeanne a été très-enjouée et M. Georgebé
très-persifleur dans la comédie de Narrey, Comme
elles sont toutes. L'éloge de M. Jules Raux n'est plus
à faire et l'on ne peut dire ce qu'on applaudit le plus,
ou de l'artiste, ou du compositeur de la jolie romance
Gentil Lutin. X.
Le Cercle Musset donnait, le samedi 10 avril, une
grande soirée d'adieu à l'un de ses membres,
M. Berlioz. Aussi dès 9 heures était-il impossible de
trouver une place dans la salle. Cette soirée char-
mante devait être présidée par M. Paul de Musset,
frère du grand poète, mais à la dernière heure il
s'est excusé par lettre de ne pouvoir y assister.
Parmi les artistes qui ont eu le plus de succès citons :
MM. Marie, Gaillot, Jalade, Borschneck, Vuillaume,
l'amusant Géo, qui conte très-drôlement C'est le
Cliquot qu'en est la cause. M . Durieu, le sympa-
thique président du Cercle, très-applaudi dans une
poésie de François Coppée. Andouard, de la Renais-
sance, rappelé dans La femme à papa, c'est Nana.
M. Marion, qui récite la Robe avec beaucoup de
sentiment. Le vaudeville Madame est couchée a été
lestement enlevé par MM. Berlioz, Cordier et
Mlle Lucie de la Renaissance, qui est une petite
soubrette très-avenante. Une simple question.
Pourquoi le bouillant M. Da Sylva semble-t-il avoir
un mécanisme dans le corps, quand il récite une
192
LA CHANSON
A l'issue de la soirée une médaille d'argent a
été offerte en souvenir à M. Berlioz par ses cama-
rades. Il les a remerciés et a fait ensuite ses adieux
ail public dans quelques paroles fort émues. Puis
une quête a été faite au profit des pauvres qui
ne sont jamais oubliés aux réunions du Cercle Musset.
H. M.
Le lundi 19 avril, soirée avec concours de poésie
et chansons, à la Lyre bienfaisante, présidée par
M. Couvreur, 9, quai Saint-Michel. Soirées tous les
dimanches et lundis, à 9 heures.
M. Victor, du Cercle des Sociétés lyi'iques, donnera
le jeudi 29 avril, à 8 heures précises, brasserie
Baudin, 157, faubourg Saint-Antoine, une grande
soirée extraordinaire sous le patronage de la Muse
Gauloise, présidée par M. Lestivant, avec le con-
cours de M; Ludot, violoniste, et des lauréats des
concours lyriques.
A 11 heures 1;2, pantomine par les artistes des
Funambules, suivie d'une grande tombola. Prix du
bUlet : 50 cent.
On trouve des billets, 11, place de la République,
maison Orange. Nous invitons nos lecteurs et les
habitués des sociétés lyriques à assister à cette
grande soirée.
Nous rendrons compte dans notreprochain numéro
de la belle soirée donnée par la Lyre amicale, au
profit de la statue de Béranger, ainsi que du concert
donné par la société lyrique et dramatique l'Etoile,
dans la salle du nouveau théâtre de Levallois.
CHOSES & AUTRES
NEUVIEME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du i^' au 30 avril.
Nous rappelons que nos abonnés seuls ont droit
d'y prendre part, avec une chanson de six couplets
au plus, avec ou sans refrain.
Le premier prix sera publié dans le journal et
recevra dix exemplaires.
Les titres et les noms des auteurs des deux pièces
suivantes seront publiés.
Au moment où nous mettons sous presse, le
résultat du grand concours de la Lice Chansonnière
ne nous est pas encore connu.
La librairie Dentu vient de mettre en vente un
volume appelé à un succès littéraire et de curiosité :
Mes Souvenirs, par Bouffe. Le grand comédien y
raconte avec charme sa vie intime et ses triomphés
artistiques. Le Gamin de Paris, Michel Perrin, Pauvre
Jacques, Grandet et tant d'autres types heureux sont
analysés, jugés, vivifiés par leur créateur dans ce
livre où l'on retrouve la force pathétique et la verve
spirituelle qui, pendant trente années, firent pleurer
ou rire au théâtre. Un fort vol. in-18, avec préface
de M. Legouvé et plusieurs portraits à l'eau-forte.
Prix : 3 fr. 50.
Le Figaro annonce que le célèbre baryton Ismaël
vient de chanter dans un concert, à Marseille, une
nouvelle production musicale de Faure, le non moins
célèbre baryton, et avec un tel succès que l'artiste
a dû répéter en entier cette chanson dont le titre
est : Je ci'oisl Nous ajouterons qu'éditée chez Heuzel,
cette chanson a pour auteur Charles Vincent, membre
du Caveau et de la Lice Chansonnière.
Salle des conférences. — Séance de piano, par
M. Ben-Tayoux.
M. Ben-Tayoux a entrepris une tâche difficile
qu'il est en train de mener à bonne fin. Il donne,
chaque lundi, à la salle des Capucines, des séances
dans lesquelles il exécute des morceaux de piano
qu'il explique et commente avec talent. L'idée est
bonne et doit être encouragée.
Nous avons surtout beaucoup apprécié les défi-
nitions relatives au mécanisme et au style, aux genres
classique et romantique, les explications ingénieuses
sur certains doigtés. Toutes ces théories sont frappées
au bon coin et clairement exposées.
On a beaucoup applaudi M. Ben-Tayoux comme
pianiste et comme conférencier.
Nous nous proposons de retourner aux lundis de
M. Ben-Tayoux. Ses programmes sont variés, son
talent se plie fort bien aux divers genres qu'il
interprète et la soirée ainsi passée est agréable et
instructive. Le public prouve par ses bis que M. Ben-
Tayoux est à la hauteur de sa tâche.
{La Paix.)
LEROUX, 4, place Chapon. — Spécialité d'in-
signes pour sociétés lyriques et autres.
Belle et grande Salle à Louer
Salons du Progrès, Boulevard de l'Hôpital, 36
les Mardis, Mercredis, Vendredis et Samedis
Nous recommandons cette jolie salle tout agencée
pour sociétés lyriques ou autres réunions et pouvant
contenir ôC^ personnes.
Avec le présent numéro finit la deuxième année
de LA CHANSON. Le prochain numéro, contenant
notre nouveau programme, sera envoyé à tous
nos abonnés. Nous prions ceux qui ne voudraient
pas renouveler leur abonnement de nous renvoyer
le numéro avec le mot REFUSÉ sur la bande
d'envoi. Les réabonnements sont reçus dans tous
les bureaux de poste de Paris et des départements.
Les frais sont à la charge du journal. Il suffit donc
de verser TROIS FRANCS pour six mois, ou
SIX FRANCS pour un an.
Nos abonnés recevront prochainement le titre
et la taible des deux premières années de LA
CHANSON, formant un beau volume in-4o.
Le Directeur-Gérant, A. PATAY.
LA CHANSON
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
RÉDACTEUR EN CHEF : L.-HICllNm^y LECOIVLTE
DIRECTEUR : A., FA.XA.Y
BUREAUX DE LA PUBLICATION
LIBRAIRIE A. PATAY, RUE BONAPARTE, 18, PARIS
1881
y ANNÉE.
N" 1.
lO CENTIMES.
15 MAI 1880
LA CHANSON
Direckur-Oérant,
A. PATAY
La chanson est une forme ailéêet
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCnO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, laligne.
Réclames, —
La chanson, comme la baïonnette,
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, EUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN Chef
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 >
Etranger, un an 8»
La Fête du Château-d'Eau et la Conférence de M. Spuller
sur liéranger (l.-henry lecomte). — A(ous(a. patay).
— Thomas Hood {l. laurent-I'Ichat;. — La Chanson
de la Chemise (charles poncy). — Les Petites Mains
de ma Mie (paroles de jules jouy, musique de paul
HENRION). — Neuvième Concours mensuel deLaChaason.
SOMMAIRE:
— B.DaguetU.. p.). — Chanson du Printemps (hippolyte
daguet). — Société des Auteurs, Compositeurs et Edi-
teurs de Musique (Robert garnier). — Une Première
à l'Eldorado tpxvL wolf). — Chronique des Sociétés
lyriques. — Choses et autres. — Le Caoutchouc,
cûanson annonce (etienne ducret).
M. E. SPULLER, Député du IIP Arrondissement
pnÉsiuE.'vx nv coMirû »e la j^tatce ue bér^iivgcb
Lafôte organisée sous
lepalronage des conseil-
lers municipaux du
3« arrondissement, au
profil de la statue de
Béranger, a été superbe.
La vaste salle duChâ-
leau-d'Eau était pleine.
Sur la scène, derrière
le fauteuil du prési-
dent, le buste de Dé-
ranger couronnait un
élégant piédestal orné
de fleurs et de verdure.
Plusieurs députes et
sénateurs, denombreux
représentants de la
presse parisienne, dé-
partementale, étran-
gère même , étaient
assis auprès des mem-
bres du comité, parmi
lesquels on remarquait
MM. Ilébrard, Gasta-
gnary, Bouffé, Alfred
Leconte, Ranc, Le-
vraud, Charles Vin-
cent, Georges Murât,
Eugène Imbert, Ghe-
broUx, Eugène Baillet,
René Ponsard, le direc-
teur et le rédacteur
en chef de £a Chanson.
A deux heures, le bureau,
Martin, président, MM. Cléray,
composé de M. Henri
Darlot, Frère, Murât,
assesseurs, prenait pla-
ce. L'harmonie la Qavr
loise exécutait aussitôt
un pas redoublé, très
vivement applaudi. Le
choral Les Enfants de
Lutcce chantait ensuite
avec l'ensemble mer-
veilleux qui a fait sa
réputation, et la Gau-
loise achevait, par une
ouverture, la première
partie artistique du pro-
gramme.
M. Henri Martin prit
alors la parole. Dans une
allocution familière, il
traça, avec un rare bon-
heur d'expressions, le
portraitintimedugrand
poète qu'il a connu per-
sonnellement « simple,
caustique, donnant à
tout venant son néces-
saire, et s'évertuant, au
contraire des jésuites,
à définir toutes les
nuances du bien ».
La conférence de
M. Spuller a suivi.
C'était le point impor-
tant du programme;
ça été un événement littéraire. Quoique souffrant,
l'orateur a été digne de lui-même et du sujet fécond
qu'il avait choisi. L'œuvrede lastatuede Bérangerne
LA CHANSON
pouvait êlre mieux motiyée. Dans son discours, abon-
dant en citations heureuses, en rapprochements ingé-
nieux, en allusions spirituelles, M. Spuller a mer-
reilleusement raconté la vie du poëte populaire, et
dignement apprécié ses chansons principales. Il
s'est élevé surtout contre la réaction qui poursuit
encore la mémoire de Béranger, en prouvant qu'il
serait souverainement injuste de faire, comme l'ont
fait certains pygmées de lettres, porter à Béranger
seul la peine d'une erreur politique qu'il a partagée
avec tous les esprits libéraux de la première partie
de ce siècle. La conclusion naturelle du discours de
M. Spuller, a été que Béranger fut constamment le
champion vigoureux et honnête de la démocratie,
et que, par conséquent, l'œuvre entreprise par le
comité est éminemment patriotique.
Je retrouverais facilement dans ma mémoire les
passages principaux do ce plaidoyer magnifique,
mais le discours entier, recueilli par la sténogra-
phie, sera prochainement publié par la commission
de propagande, et je me réserve d'eu parler longue-
ment alors aux lecteurs de la Chanson.
La solennité a été terminé par un second chœur
des Enfants de Lutèce, et la Marseillaise, brillam-
ment exécutée par la Gauloise.
Belle journée, au total, qui va donner à l'action du
comité présidé par M. Spuller, une impulsion nou-
velle que le succès doit couronner.
L. Henry Lecomte.
Le prochain numéro de La Chanson contiendra une
nouvelle liste de souscriptions' pour la statue de
Béranger.
A TOUS
Succès oblige, la Chanson inaugure la troisième
année de son existence en doublant sa périodicité.
Elle paraîtra désormais tous les huit jours, sans
que le prix d'abonnement soit augmenté.
Nous entrons donc décidément dans la voie que
nous avons frayée pendant deux ans. Chaque nu-
méro de Za Chanson hebdomadaire contiendra :
1" la biographie avec portrait d'un chansonnier,
d'un compositeur de musique ou d'un artiste lyri-
que connu ; 2^ une chanson en musique ; o" soit uae
chanson d'une célébrité politique, littéraire ou ar-
tistique, soit une chanson en patois d'une de nos
provinces, soit une chanson ancienne difficile à re-
trouver.
Dès qu'un succès ou l'actualité aura mis en évi-
dence une personnalité rentrant dans notre cadre,
nous donnerons son portrait et sa biographie. Nous
publierons également la biographie des chanson-
niers de province dont la réputation n'est plus à
faire, car nous tenons à faire de notre journal le
mémorial de la chanson, non seulement de Paris,
mais de la France entière.
Nous publierons allernalivement une Quinzaine
dramatique, par L. -Henry Lecomle, et une Quinzaine
musicale par Amédée Édéma ; puis une chrsnique
hebdomadaire des cafés-concerts, et de nombreux
documents sur la chanson ancienne et moderne,
entre autres une très-intércssanté élude de M. Al-
fred Leconte, député de l'Indre, intitulée Ronget de
Lisleet la MfarseiUaise.
Indépendamment de nos Concours mensuels, aux-
quels nos abonnés seuls ont le droit de prendre
part, nous ouvrirons quatre grands Concours tri-
mestriels entre tous les poètes : concours de son-
nets, contes et monologues, concours de poésies
diverses, enfin concours de chansons avec sujet im-
posé. La pièce couronnée à ce dernier tournoi sera
mise au concours comme musique, pour êlre inter-
prétée dans une de nos grandes salles lyriques.
Notre cadre élargi va, comme on voit, embrasser
tout ce qui touche à la chanson ainsi qu'à la mu-
sique populaire. Nous comptons en France et à l'é-
tranger nombre d'abonnements qui, grâce à notre
périodicité fréquente et à la modicité de nos prix,
devront augmenter dans de grandes proportions.
Nous tirons à 10,000 exemplaires le présent numéro,
avec l'espoir d'élever encore ce chiure très-respec-
table. La C%ff«so;i étant reçue par toutes les sociétés
lyriques importantes, et se trouvant dans tous les
établissements publics, comptera donc facilement
oO,000 lecteurs, et ce chilfre sera certainement dé-
passé quand nous publierons une chanson d'actua-
lité, ce que nous ferons fréquemment.
Un dernier mot. Pour faire face aux dépenses que
nécessite la publication de portraits spécialement
gravés pour nous et de musiques inédites, nous
avons dû, comme tous les journaux, réserver une
place à la publicité. Nous inaugurons dans ce nu-
méro une série d'annonces en chansons, que nous
croyons appelée à un succàs de vogue et de curiosité.
A. Patay.
THOMAS HOOD
Nous n'avons pu trouver à la fidèle traduction de Poney
une meilleure préface que les lignes suivantes, extraites
du beau livre intitulé : Les Poètes de combat.
L'auteur de cette sinistre chanson, de ce sombre
chef-d'œuvre, est un poète anglais, nommé Thomas
IIoOD. Il était né presque avec le siècle et mourut en
1843. li est classé parmi les humoristes et n'est connu,
chez nous, que par une monographie pleine d'intérêt
que M, Forgues a publiée sur sa vie. Thomas Hood
menaune existence de poète, tourmentée, incertaine,
misérable, et il s'éleignit dans le dégoût. La Chanson
de la Chemise parut, tour la première fois, dans le
Punch, que nous appelons le Charitari anglais.
L'eflet fut instantané ; le succès prit les proportions
d'un événement social.
Tout ce que les économistes avaient entassé dans
leurs livres consacrés aux classes laborieuses, toutes
les pétitions au Parlement, tous les pamphlets char-
tistes, toute l'éloquence et toutes les statistiques
dépensées au profit de la misère, tout cela fut dé-
LA CHANSON
passé par les strophes du poÈle. L'opinion publique
s'émut, cl eecri fit tressaillir l'Angleterre : quand la
voix du poète frappe juste, elle porte plus loin
qu'aucune parole.
Thomas Hood composa d'autres poèmes dans le
même genre : l'Horloge de la maison de travail, sorte
de danse macabre de l'industrie et le Loi du lahon-
'/vv'/', qui fait pensera Robert Burns, auteur de la
ballade du Grain d'Orge.
Robert Burns, le fermier écossais, plus heureux
que Thomas Ilood (je parle de sa gloire) est célèbre
ici, et peut être lu en français, grice à la traduction
complète de M. Léon de Wailly.
Thomas Hood savait que son nom vivrait. La vie
lui avait été difficile ; il comptait sur la postérité
qui lui devait une compensation. La postérité a été
juste.
Quelques jours avast de mourir, Tho.mas Hood se
trouvait avec plusieurs amis. On causait; il demeu-
rait triste. Tout à coup il prit une plume, et dessina
machinalement une espèce de tombeau sur lequel
il mit une statue qui lui ressemblait. Il man-
quait un nom à ce monument funéraire ; il y mit
le sien. Il ne restait plus qu'à y poser l'épitaphe ;
Thomas Hood écrivit ces mots : « Ile sang the song
of the shirt. > — « Il a chanté la chanson de la
chemise. ■>
L. Latjrent-Pichat.
M CHANSON DE M CHEMISE
Imitée de l'Anglais.
Seule, en sa mansarde isolée
Uui penche au bord des toits saillants,
La paupière rouge et gonflée,
Ses bras maigres et défaillants,
Une couturière épuisée
Ourle et coud sans repos ni frein
Kt, d'une voix creuse et brisée,
Chante ce sinistre refrain :
Assise à terre, sur la paille,
Le front courbé sur tes genoux.
Travaille, maudite, travaille :
Ourle, pique et couds !
Travaille!... Dès que le coq chante.
Fatigue tes yeux et tes doigts
Jusqu'à l'heure où, pâle et touchante,
La lune vient blanchir les toits.
Travaille encore, toujours, sans trêve,
Malgré le vertige et la faim ;
Ourle et couds jusque dans ton rêve
Quand la fièvre t'endort enfin.
Assise à terre, sur la paille, etc.
Travaille, travaille, maudite,
Quand l'hiver gèle ton cachot,
Quand l'été dans les champs palpite,
Quand le soleil est clair et chaud.
Croupis comme les criminelles,
Lorque, sous les cieux éclatants.
Les printanières hirondelles
Te narguent avec le printemps.
Assise à terre, sur la paille, etc.
— Qu'ai-je pour prix de tant d'ouvrage?
Un grabat, un toit effondré,
Des haillons qu'au premier chômage
Pour manger le soir, je vendrai ;
Une croûte de pain durcie,
Dos murs froids pour m'emprisonner
Et si nus, que je remercie
Mon ombre de s'y dessiner I
Assise à terre, sur la paille, etc.
— Tu jeûnes, tu veilles, lu sues.
— 0 riches, songez qu'en usaol
Ces chemises sthien cousues
Vous usez ma vie et mon sang.
Ah 1 faut-il donc que Dieu permette
Qu'un morceau de pain soit si cher
Et qu'à si vil prix on achète
Mon travail, mes pleurs et ma chair?
Assise à terre, sur la paille, etc.
Mais quoi ? C'est ainsi qu'on respecte,
Chez vous la femme qui vous sert ?
Mieux vaut être l'esclave abjecte
D'un sauvage, au fond du désert 1
Ah ; la mort, la mort que j'appelle,
Quand répondra-t-elle à mon cri?
Je suis un squelette comme elle,
Tant j'ai souffert, jeûné, maigri !
Assise à terre, sur la paille, etc.
Oh Dieu! cueillir la violette
Dans la mousse, au bord des torrents ;
Sentir le ciel bleu sur ma tôle.
Le gazon sous mes pas errants !
La santé, dans mon sang malade,
Refleurirait si bien là-bas !...
El dire qu'une promenade,
() malheur ! me coûte un repas !
Assise à terre, sur la paille.
Oh ! rienqu'unjour, oh ! rien qu'une heure
Du beau soleil qui resplendit !
—Mais non : travaille, sue et pleure.
Saugloter t'est môme interdit.
P>efoule en toi le pleur qui brille
Brûlant, au bord de chaque cil :
Car il rouillerait ton aiguille.
Car il arrêterait ton fil.
Assise à terre, sur la paille, etc.
— Dans sa mansarde délabrée,
L'oeil par l'agonie obscurci.
Hâve, pâle et dô.sespérée.
Une femme chantait ainsi.
C'était la pauvre couturière^
Hélas! qui, de sa propre main,
Venait de coudre son suaire,
Et qui mourut le lendemain.
Assise à terre, sur la paille,
Le front courbé sur tes genoux,
Travaille, maudite, travaille :
Ourle, pique et couds I
Chari.es Poncy,
de Toulon.
LA CHANSON
LES PETITES MAINS DE MA MIE"'
CHANSON INÉDITE
Paroles de JULES JOUY, Musique de PAUL HENRION
i?CODPtET.
Si devant vonsjevienschia.
ter les doox ap . pas ^e
ma mai
l'ij'" I ' I 1 I M I J J I I
te», se, Sleg_.siears, c'est sDr.tont poof van _
Ses mains, di _ gnes d'à . ae Us
car el . leg tfap.plan^ di . raient
pas Les pe _ ti _ tes inains de . ma
Je le dis, sans nul embarras,
Ma Lise n'est pas de ces femmes
Qui pour payer leur falbalas,
Simulent d'amoureuses flammes.
Elle ne vend pas son amour,
Et pour gagner son humble vie,
Elles travaillent chaque jour }
Les petites mains de ma mie. )
Aussi, je dois en convenir,
Elle n'a pas, pauvre et joyeuse,
Plus d'argent que n'en peut tenir
L'ouvrier, dans sa main calleuse.
Mais, si sonartçent est léger,
Son obligeance est infinie :
Elles sont grandes pour donner (
Les petites mains de ma mie ! j
Ms
Ms
(1) Nos lecteurs ont la primeur de cette œuvre char-
mante que doit interpréter à la Scdla le sympathique
chanteur Debailleul. Ce sera, nous en sommes certains,
un nouveau succès populaire pour Paul Henrion. Nous
publierons prochainement la biographie du compositeur
et celle de l'artiste.
Si je viens à les embrasser
Les mains de la charmante fille,
C'est seulement pour effacer
Les piqûres de son -aiguille ;
Car, à force de travailler,
Le soir, au près de la bougie.
Souvent je les ai vues trembler jl
Les petites mains de ma mie. \
lis
Parfois, quand la diane aux remparts
Nous appelait, pendant le siège,
A l'ombre de nos étendards,
lise se mêlait au cortège.
Quand elle me disait tout bas :
Meurs, s'il le faut pour la patrie !
Alors elles ne tremblaient pas l , .
Les petites mains de ma mie 1 )
NEUVIEME CONCOURS MENSUEL
ENTRE LES ABONNÉS DE Lci ChaUSOV.
1" Prix : Chanson de Printemps, par Hippolyte Daguet.
2nic Prix : A mes Oiseaux, par Gabriel Leprévost.
3mc Prix : La Crémaillère, par Auguste Renard.
39 pièces nous ont été envoyés.
II. Daguet, né à Paris en février 18B1, habite
la province depuis -1859. lia fait ses études à l'école
supérieure du Mans et est entré, à quinze ans, en
qualité de commis d'écritures, à la direction des
contributions directes.
Une maladie grave de la vue le força d'abandonner
son emploi en 1870. Cette maladie d'une part en le
concentrant sur lui-même, une vive affection déçue
d'autre part, déterminèrent chez lui certaines ten-
dances poétiques. Il a collaboré depuis à différents
journaux du Mans et d'Angers et à diverses publica-
tions littéraires, entre autres la Revue des poètes et
le Sonnettiste. Vainqueur dans plusieurs tournois
poétiques ouverts par l'Académie de Mont-Réal et la
Muse BépuMicaiiie d'Evreux, il a, nos lecteurs s'en
souviennent, obtenu deux prix aux Concours Men-
suels de la Chanson. En le couronnant aujourd'hui
pour la troisième fois, nous sommes heureux d'an-
noncer que les premières œuvres de M. H. Daguet
seront prochainement réunies en volume sous ce
titre : Poëmes et Poésies fugitives. '^om leur prédisons
un brillant succès. A. P.
LA CHANSON
CHANSON DU PRINTEMPS
La terre, une fois encore,
Se pare des nouveaux dons
Que le printemps fait éclore.
Partout des fleurs, des bourgeons,
Couvrent à foison les branches :
Oh 1 les bienheureux dimanches
Que, dans peu, nous passerons 1
Plus de frimas ni de pluie.
Le soleil, de ses rayons.
Caresse l'âme ravie
Que glaçaient les aquilons.
J'entends chanter la fauvette :
Oh 1 les riants jours de fétc
Que, dans peu, nous compterons !
Le long des sentiers paisibles
Reverdissent les buissons.
Conviant les cœurs sensibles
Aux amoureuses chansons.
Pris des blanches aubépines.
Oh 1 les extases divines
Que, dans peu, nous goûterons 1
Ah 1 si, comme la nature,
La France — que nous aimons —
Se relève intacte et pure,
Après de si durs affronts :
Le jour de la délivrance.
Oh ! quel doux cri d'espérance
Vers le ciel nous pousserons 1
Hirroi.YïE Daguet.
SOCIETE DES AUTEURS, COMPOSITEURS
ET EDITEURS DE MUSIQUE
Des gens qui désireraient voir les sociétaires, ou
tout au moins une partie des sociétaires en guerre
ouverte avec le syndicat, ont répandu récemment le
bruit que les syndics étaient bien résolu à chasser
les éditeurs de la société. Nous pourrions même citer
des éditeurs à qui ce propos a été tenu pour obtenir
leurs signatures au bas d'une demande d'assemblée
générale immédiate et de bien d'autres choses, qui,
en l'état présent de la société, seraient aussi nui-
sibles que préjudiciables aux intérêts de tous et ne
feraient qu'engendrer la discorde parmi les socié-
taires.
Nous sommes autorisés à certifier que rien n'est
plus faux et absurde que ce bruit. Aucun fait ne peut
le motiver et jamais cette pensée n'est entrée dans
les intentions du syndicat où figurent quatre
Miteurs.
Cette fois encore, la malveillance et le mensonge
ne réussiront pas à détourner le syndicat de la
lâche qu'il poursuit.., c'est-à-dire de préparer la
répartition de juillet par une surveillance active et
d'en terminer avec son ex-agent général, afin de
pouvoir réunir de suite les sociétaires en assemblée
pour rendre compte de sa conduite et de ses actes,
ainsi que pour répondre face à face aux calomnies,
dont il a été si souvent l'objet depuis plusieurs
mois.
Robert Garnier.
UNE PREMIÈRE A L'ELDORADO
On a trop souvent attaqué le café- concert — et par-
fois avec raison — pour qu'il ne nous semble pas
juste de signaler les progrès qui s'y réalisent. C'est
surtout à l'Eldorado qui, grâce au goût éclairé de
son directeur, M. Paul Renard, marche visiblement
dans celte voie d'amélioration, que l'on peut cons-
tater l'élévation constante du niveau artistique d'un
genre trop décrié. Cet établissement nous a donné,
samedi dernier, la première audition d'une œuvre
sur laquelle nous nous permettons d'appeler, pour
quelques instants, l'attention de nos lecteurs.
Il s'agit d'un duo dramatique : La Fiancée de
Raguse, créé par mesdames Amiati et Juana, et dû,
pour la musique, à M. Godefroy, et pour le poëme,
à la collaboration de deux auteurs, qui ont déj^ fait
leurs preuves, MM. Léon Labarre et Jacques Gran-
cey.
La scène se place à la fin du XVI" siècle, alors que
la Dalmatie souffrait de l'oppression de Venise.
Vassili, — fils d'un Hetman qui s'est expatrié à Ra-
guse, et s'est mis au service de la puissante Répu-
blique, aime et veut épouser Zeragana jeune orphe-
line Dalmate. En vain Vassili offre-t-il son or et ses
palais: ce que veut Zemgana ce n'est pas la richesse,
mais la vengeance :
Sois mon libérateur, et je deviens la femme!
dit-elle au jeune homme que l'amour ne tarde pas à
ranger sous les drapeau de la Dalmatie.
Nous voici bien loin, n'est-ce pas, des drôleries
et des pantalonades?
Sur celte donnée, toute d'amour etdepatriotisuie,
M. Godefroy a composé une musique charmante,
dont il faut louer le lyrisme soutenu et l'orchestra-
tion soignée. Aubade, récitatifs, romance et strophes
sont d'excellente facture et savamment écrits pour
les voix des interprètes. Car il y avait là une tenta-
tive hardie, — et qui a réussi — à présenter ensem-
ble deux artistes dont le tempérament artistique
et l'organe oflrent de grandes similitudes.
Mesdames Amiati et Juana — dontZa Chansons^
propose de publier les portraits et les biographies
— se sont fait chaleureusement applaudir pour le
talent avec lequel elles ont fait valoir leurs rôles, et
pour la grâce, toute orientale, avec laquelle elles
portent les costumes pittoresques et rehaussés d'or
du Russe Vassili et de la jeune Dalmate Zemgana.
Nos compliments aux auteurs, aux artistes et à la
direction.
Paul Wolff.
LA CHANSON
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Nous voyons avec plaisir que si les sociétés lyri-
ques de Paris marchent à merveille, il en est aussi
dans la banlieue qui chaque jour grandissent et pro-
gressent.
La société lyrique VEloile, de Levallois-Perret est
de celles-là.
Le 10 courant, celte société nous invitait à assister
à un grand concert donné par elle au profit de l'Or-
■plidUiat de sa commune.
N'était le manque d'espace, nous aurions nombre
de bonnes appréciations à faire sur les sympathiques
artistes, membres d'honneur de VEtoile, qui prê-
taient leur concours.
La soirée a brillammeut commencé par l'ouver-
ture do la Mudtf, de Porttcl, exécutée sur l'orgue et
le piano par MM. Paul Fauchey et Arthur Fauchet,
lauréats du Con.servatoire.
Mme Noblet, bien connue déjà du publie parisien,
a chanté à ravir l'air à'Acléon et le Pré aux Clercs.
Mlle Lucie Durié du Conservatoire nous a fait en-
tendre la romonce de Paul et Virgmie et l'air de
Mignon. Ces deux artistes méritent les plus chauds
éloges.
M. Piccaluga^ lauréat du Conservatoire, nous a
particulièrement charmé. Nous voyons en lui un
artiste de grand avenir. Aussi a-t-il su faire ressor-
tir, avec la romance du Pardon de Ploermel et une
délicieuse berceuse, Ponni pure, toutes ces qualités
de VOIX, de diction et de jeu, que l'on rencontre si
rarement réunies chez un chanteur.
M. Karl, du Vaudeville, a dit avec un grand senti-
ment et une justesse remarquable : La Rôle et le
Confiteor.
M. Rouvière, du Conservatoire possède une jolie
voix de ténor dont il s'est fort agréablement servi
dans la Manola et Grand'mère.
M. Georges Royer, un comique de genre très fin
et très distingué, a reçu du public la récompense
duo à son talent. Aussi Paméla et la Fausse Monnaie
ont-ils été l'objet de plusieurs rappels.
M. Albert Vcrnaelde, membre de la Lice chanson-
nière, a chaulé une aubade dont il est l'auteur pour
la musique : Chante encore une fois ei, Histoire d'une
serine et d'un pinson.
Des applaudissements réitérés lui ont prouvé l'in-
térêt que le public avait pris à sa composition.
MM. Paul Fauehejr, Arthur Fauchet et Duplessis
ont terminé la soirée par une exécution brillante et
savante de VEtoile du Nord.
Ces trois artistes de grande valeur ont rendu avec
âme et talent quelques-unes de ces pages sublimes
de l'illustre Meyerbeer, dont, grâce à leurs travaux
de haute composition, les richesses harmoniques ne
sauraient plus leur être inconnues.
Citons encore Mme Angèle Maurice, MM. Peyron-
net, Robert, Cayeux auxquels nous demandons
pardon do ne pas accorder plus de détails.
Une quête faite au milieu de la soirée a produit
bo francs.
La recette a été largement satisfaisante et l'œuvre
généreuse de la société VEtoile apportera une amé-
lioration au sort de ces infortunés, privés dans leur
enfance des joies intimes si pures et si vivifiantes
du foj'er et de la famille.
Albert deNervalk.
Le lundi, 12 avril dernier, la société V Union Pari-
s'benne, inaugurait sa nouvelle salle, 3, rue du Petit
Pont, maison Léon.
La présidence était confiée au sympathique cama-
rade Léon Tostain, qui a dirigé cette soirée en homme
habile, et nous avons vu se succéder nos meilleurs
artistes (^s sopiétés de la rive gauehe.
Citons d'abord les premiers arrivés, nos amis Jouas
et Victor, ce premier lauréat du concours des sociétés
lyriques dw Paris, puis Beck, I'"-' prix du même con-
cours. Enfin pour èlre juste il faut citer tout le monde;
nos amis Pouget, qui a dit V Hiver, Huet fils, i»'' prix
du concours sus énoncé, le joyeux chansonnier
Etienne Ducret, qui nous a dit avec sa verve accou-
tumée : Il faut ioire, musique de Duheni.
Notre bon camarade Defrance, dit jloumoutte, a
chanté : 0 Saturninl chansonnette de son crû, très
spirituellement tournée et très finement inter-
prétée.
Madame Edmond a supérieurement détaillé la
chanson de oh 1 la ! la I duPeti t Abbé. Puis M""' Henriette
et Ernestine se sont fait applaudir à juste titre, elles
ont élé très gracieuses.
Puis Quélin, qui sait toujours choisir de gais et
spirituels refrains.
Enfin l'ami Adrien Soucliet, sur lequel tout éloge
est inutile; il est trop aimé du public pour que nous
essayions un compliment, ajoutons toutefois qu'il
sera un des fervents de nos réunions, qui tiennent
les lundis ai jeudis de chaque semaine.
Bref, le jeudi suivant, VJ avril, une magnifique tom-
bola gratuite a terminé la seconde réunion de
VUnioïi Parisienne, notre camarade Defrance a peint
on S minutes, montre en main, une marine à l'huile,
qui a été liréa à la tombola officielle offerte par la
société.
Au moment de mettre sous presse,. pous consta-
tons avec plaisir que la soirée du lundi, 19 avril, a
été fort brillante. Nos artistes habitués ne nous ayant
pas fait défaut, nous avons eu en plus Me.-sieurs
Desfossés père et fils, Bonnet, Lacoste, Dubost, et au
bureau comme assesseurs Messieurs il/ftZZef du journal
La Chanson, notre joyeux camarade Guiche et notre
sympathique et agréable romancier Edmond Vallée.
J'allais oublier de. vous dire que j'ai chanté
quatre fois
Mme Adèle.
Une soirée extraordinaire a eu lieu le 19 avril à la
Lyre Bienfaisante.
Grand nombre de chansonniers y assistait.
Dix des membres de la Lice chansonnière étaient
présents.
Des 9 heures, la petit salle du quai Saint-Michel,
n" 9, était comble.
La société offrait à ses visiteurs, un double con-
cours de chant et de chansons.
En voici le résultat :
Chant : (côté des dames) un prix unique a été dé-
cerné à M'"" Ventujol, une amie de la chanson.
(Côté des hommes) 1°'' prix : Dardot.
2° » : Couvreur (président).
Le concours de chansons se composait de 7 pièces :
0. Lebesgue a remporté le premier prix avec une
charmante production intitulée : Marquise.
J. B. Robinet, le 2° prix, avec une chanson vigou-
reuse Le travail !
Cognet, sociétaire-auteur a rendu hommage à la
Lice, dans une bonne chanson de lui.
Du 1°'' mai au i"' septembre, le4 soirées des di-
manches sont supprimées; réunions tous les lundis
seulement.
G. B.
Un auditoire nombreux assistait, le dimanche
2'd avril, à la soirée donnée par VUiiion Lyrique, 1G6,
boulevard Magenta.
A 9 heures et demie M. Bonneville ouvre sa séance
des chants par Ra]}inlU4oi. M. Nathan recueille de
nombreux bravos avec la. Barcarolle des amours, joUe
romance, dont il est l'auteur-eompositeur. Malgré sa
voix faible, M. Blondel détaille bien le Déjeuner sur
,l'herbe.
M, Bernut, dans Pas moyen, serait tout à f^it réussi
LA CHANSON
s'il appropriait un peu mieux les gestes aux parolbs.
Un bon baryton, M. Gauthier. chante Pendant Voi-age
avec beaucoup de succès. M. Paulus, de la Scala, dans
Je me raUUine est imité à s'y méprendre par l'amu-
sant Ville; nous sommes très surpris que ce jeune
artiste ne soit pas encore au concert .
Le mariage au fluj/eolet, opérette en un acte est en-
levée par Mlle Marguerite et M. Leblanc; ce dernier
joue la scène de la colère avec beaucoup de naturel
et Mlle Marguerite est d'une mutinerie charmante.
M. Vaast est toujours très applaudi avec les Idées
à Christophe.
La Tasse de Thé, jouée d'une façon remarquable a
valu de nombreux applaudissements à ses inter-
prètes : Mlle Pauline, MM. Cabaret et Goujon.
Alf. B.
La Cordiale est infatigable, aussi le 29 avril dou-
nait-elle une nouvelle soirée présidée par les dames.
Dans cette réunion, nous avons remarqué un jeune
artiste, M. II. Chapuis, qui a récité avec goùi le
Premier amour et chanté avec beaucoup de grâce le
Gentil Z«<i«,de Jul<îs Raux. Un duo du Chnle't, inter-
prété par M">= Marguerite et M. Eousquat a été
gentiment rendu.
MM. Bouvier, Vuillaume, Georgcbé, Mussler et
Marie se sont lait applaudir comme d'usage. M. .Iules
Raux, quoique fort enroué, a dit avec son aisance
habituelle, la belle chanson d'Hippolyte Ryon, Mirer
et Prinkijips. Ajoutons qu'il y avait un véritable
attrait jiour les spectateurs à entendre le .sj'nipa-
thique cojnpositeur concurremment avec ses inter-
prètes, dont l'un d'eux par exemple, M. Ilenriel a
très bien réussi la chanson Je ne prends rien entre
mes repas.
Papillon, vole! là gracieuse mélodie de Marcus, a
été redite avec charme par M. Douillard. M. Boverio
imite parfaitement les animaux, nous le recomman-
dons aux auteurs. M'"" Gerlacqui conduit si bien sa
voix, a l'ail une ample moisson de bravos.
La Cravate litanche a été très agréablement jouée
par M»° Adèle et M. Gabriel.
Une bonne nouvelle pour les sociétés IjTiques.
M. Orange vient de louer l'ancienne salle de
VAlhambra où, depuis 17 avril, les sociétés lyriques
donnaient des représentations tous les soirs. Le con-
cours dramatique aura lieu le 20 juin. MM. les pré-
sidents des sociétés lyriques sont instamment priés
do faire inscrire dès à présent les noms de leurs so-
ciétés, 23, faubourg du Temple, ou Maison Orange,
1 1, place de la République. Nous avons la certitude
qu'avant peu l'Union des Présidents des sociétés de
Paris sera un fait accompli, et qu'un Cercle sera
créé au centre de Paris, c'est-à-dire faubourg du
Temple, au siège de l'Union des sociétés.
Pour la location de la salle, s'adresser à M. Orange.
CHOSES & AUTRES
Vient de paraître aux bureaux de la CHANSON,
Album des Dames par M"'°JulietleManceliôre, cahier
à 10 centimes.
DIXIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du 20 mai au 20 avril.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part,
avec une chanson de six couplets au plus, avec ou
sans refrain.
A l'avenir nous publierons, en même temps que
la pièce qui aura obtenu le \"' prix, une petite no-
tice et le portrait de l'auteur couronne, s'ily consent.
Voici le résultat du double concours ouvert par la
Lice Chansonnière, à l'occasion de sa grande soirée
du 2i mars. — 340 pièces avaient été reçues.
Chansons patriotiques :
Pas de 1°'' prix.
2™ prix Quatre-vingt-treize, par A. Cornuel.
omo — if,g piig (i^ r^.Qig^ pj^j 'SoqI Mouret.
.[ino — - 1(1, Société future, Anonyme.
•p'' mention Le Semeur, Anonyme.
2"iic — le Peuplier, par Léon Londy.
3"'" — Le Petit tambour, par Albert Pelletier.
S'-ujets libres:
i"'' prix L'Occupée, par Jules Terny.
•iino — £g Bonnet de Lisette, par Georges Montigny.
31110 — ji Robinson, par Bourdelin.
li^"' mention Un bon curé lisant Boccace, Anonyme.
2"'° — La Statue de Béranger, »
31110 _ Etes-vous comme moi ! »
Les pièces couronnées seront publiées dans nos
prochains numéros. Prière aux auteurs anonymes de
vouloir bien se faire connaître.
Nous étant arrête dimanche au jardin des Tuileries,
nous avons assisté au concert, donné par la société
d'harmonie l'Echo dti Mont Blanc. Les morceaux dont
l'exécution a produit le plus d'effet sont France,
salut! l'allégro de Jules Raux, et la Marche de Pi-
rouelle. Dans la Croix de Jérusalem et la Polka de
Boisson, nous avons distingué deux excellents pis-
tons, le chef, M. Poreaud, et un soliste. L'exécution
de Confidence a été assez terne, et, pour jouer la
Sierra- Nevada, l'alto solo devra modifier son style
et ne pas couper eu deux les mots de ses phrases
musicales.
M. Emile Durafour étant en relation directe et ami-
oalc avec les principaux artistes des théâtres et con-
certs de Paris, a l'honneur d'informer les personnes
qui désirent organiser dos concerts ou représenta-
tions théâtrales qu'il esta même de satisfaire à leurs
demandes dans le plus, bref délai et aux conditions
les plus raisonnables. Ecrire à l'adresse suivante :
E. DUBAl'ODR,
Directeur de l'Agence Parisienne, II, rue de la
Terrasse {Paris).
Ejc ps'i'.ssMit ntBiuéro. cotBDposé poEiv |»iKralti*e le
â*^'" Bssai, a été retarde par «Ee.** cSi-coDti.stiance^ bib<ïc-
tlantCN de notre volonté. JLes per.^oaaBles ïjbbI le rece-
vfOBit et (£Bifl 31e TOïBdrnâCBBt ni .H^nÏBOBBner bbb resaoBiveler
EcBBB* abonBieEiBent. mobb^ pB'iée.s do biobbs lo l'ctOBBB'nca*
nvec le Bitot BtIi)i<'I.'^Û .xiar En l)andc d'envoi. lient
alBonneBiBeBBtM .?jeB*out reçiE^ daaiM Iobbs le.s liBBB'eaBBx de
poste de Paris et de.« départeBiBesBts. BiCS frai» sont «
In charité «Ibb joiarnal. U siaffit donc de vea-scr XltOI@
B<^9t.%.^'CS poaar six iibobs, obb SIX^ I'Bj%3'C^ potar
Ban an.
rVos alaonnés receva'ont proclBaincaBBCUt le titre et la
table des deaax prcBiiièrcs nnaaécs do Ki.%. CUAJVJSO^',
forasBant asn l)eaia volasaBBC ân-A^.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Imprimerie L. Hugonis et Cie, G, rue Martel.
LA CHANSON
LE CAOUTCHOUC
Couplets élastiques, par ETIENNE DUCRET
(Air du Cotillon, de Brazier).
REFRAIN
0 Caoutchouc ! Caoutchouc 1
De partout,
On te prise, on t'achète.
Car, n'importe où,
Le bout
De caoutchouc
Vraiment se prête
A tout...
Le bon Caoutchouc,
' Case fond, se dissout, se coule,
Se tisse, se coud,
Qa s'élire : chacun son goût I
En gai sapajou,
En tête à grimace on le moule :
L'Industrie ot l'Art,
Le Plaisir même en a sa part.
0 Caoutchouc 1 etc,
C'est le Uheron,
Le Tablier de la nourrice,
Le tube mignon
Du clyso; c'est balle ou balon,
C'est de l'Harpagon
Le bas qui bride la varice...
Enfin... (riez donci)
De mon portier c'est le cordon !
0 Caoutchouc! etc.
C'est, en voyageant,
Le doux coussin, la chancelière;
Du cocher fringant
C'est l'imperméable caban...
Un doigtier, un gant;
C'est cette rose jarretière,
Qu'un soir, ohl bonheur!
Ravira le garçon d'honneur!
0 Caoutchouc! etc.
Gloire à l'inventeur
De ce phénomène exotique
S'appliquant sans peur
Au fluide, au gaz, à la vapeur,..
Qui donne : au fumeur
Sa blagne, — au sourd, son acoustique,
Sa gomme aux auteurs
Afin d'effacer leurs erreurs...
0 Caoutchouc! etc.
Le Caoutchouc prend
Au moral, comme en politique :
Chaque concurrent
S'allongeant, puis se retirant,
Souvent le tyran.
En luttant contre l'élastique,
Gomme le tirant
De mes bottes, craque en tirant.
0 Caoutchouc! etc.
Oui le Caoutchouc
Sur terre à tout prèle sa gomme :
Qu'il soit raide ou mou.
Utile objet, simple joujou;
Lecteur sage ou fou,
Ici môme, vous voyez comme,
Sans difficulté,
A ma chanson il s'est prêté...
0 Caoutchouc! etc.
La Moralité
De ces couplets, messieurs, mesdames,
C'est qu'en vérité.
Pour être bien Caoutchouté,
L'hiver et l'été,
11 faut, à Paris, sans réclames,
Aller en chercher
7, RUE Aboukir, chez.. Larcher...
REFRAIN.
0 Caoutchouc ! Caoutchouc !
De partout,
On te prise, on t'achète,
Car, n'importe où.
Le bout
De Caoutchouc
Vraiment se 2>réte
A tout.
MEDAILLE
D'ARGENT
CAOUTCHOUC
EXPOSITIONS UNIVERSELLES 1855-1867
7, RUE D'ABOUKIR, 7
Maison LARCHER
MÉDAILLE
D'ARGENT
Manteaux. — Paletots double
face. — Cabans. — Tous vêle-
ments en caoutchouc.
Tubes pour le Gaz, — la Vapeur,
— l'Irrigation, — l'Acoustique.
Qommes anglaise & française.
— Rondelles, Manchons, Cor-
des, Fils, tous Articles moulés
& sur modèles.
Bretelles. — Jarretières. — Bas
pour varices. — Tablier de
e. Dessous de bras.
Gants & Doigtiers.
Articles de voyages. -- Cous-
sins à air. — Oreillers. —
Couvertures. — Chancelières
à eau chaude.
eau
Chaussures avec semelles en
GuTTA pour empêcher de
glisser,
Gutta-Percha pour le moulage
et la galvanoplastie.
Gutta préparée coutre les dpu-
leurs.
Dissolution de caoutchouc. — liéjmratioiis de mmteaua;. -^ PRIX- FIXE.
3" ANNÉE. — N" 8.
*0 CENTIMES.
22 MAI 1880
LA CHANSON
Directeur- Gérant.
A. PATAY
La chanson est uns forme ailée et
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction,
MAXIME GUY
Annonces, la ligne... 1
Réclames, — 2
La chanson, comme la baïonnette,
est une arme fï'ançaise.
J. CLARETIE.
flOmiNISTRaTION & RÉDACTION
18, BUE DONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EX ChEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE :
Galerie des Chansonniers : Alexis Bouvier (L.-Hbnby Lecomtf). —
lièrangcr et la Chanson (Julk^ Clauktik). — Banquet dit. Caveau
(L.-HiîNHY Lkoomtk). —Banquet de la Lice Cha'isonniùre (Eue.
l,MtiiîKT). — Mes lon^s blés d'or, paroles ot musiiiue iI'Aldkiit Vi:u-
NAKLUB. — Quatre- Vingt-Treizo (A, ConNym,). — Curiosités de la
Chanson : Souvenir et Regret (Ciuhliis GAnNinn). — La Coupe aa
Peuple (A. Edbma). — Le Cercle des Sociétés Lyriques (Maximb Guy).
— Chronique des Sociétés lyriques (G. Lkuaithr, Maximk Gov). — •
Le Cosmétique au Uaisin, chandon-annoncc (EriEssB DucnEr).
GALERIE DES CHANSONNIERS : ALEXIS BOUVIER
Bien que Bouvier ail
élablisa réputation sur-
tout avec le feuillelou
populaire, il appartient
àlachansonpar nombre
d'œuvres originales et
qu'on redira longtemps
encore.
Alexis Bouvier est né
à Paris, en 1830, d'une
famille d'ouvriers. Il
apprit l'état de ciseleur
en bronze, qu'il exerça
jusqu'à l'igo de vingt-
sept ans. Il employait
ses loisirs à coiiiplcter
jiar l'étude son inPlruc-
lion première très in-
suffisante, et put bien-
tôt débuter dan.s le
2/oiistifjue, joumsil nau-
tique et littéraire. De
1800 à 1870 il figura
dans la rédaction de
tjus les petits journaux
courageux qui faisaient
à l'empire une guerre
acharnée. Il travaillait
en même temps pour
le théâtre, cultivant de
préférencele vaudeville
et l'opérette. A cette
époque remontent les pièces suivantes, écrites par
Bouvier seul ou en collaboration avec Prével et
Vergeron : Danseuse et 3/arqmse, Un Amour de la rue
Copeau, Une Histoire de
2)apilton, Versez Mar-
(pt ls,Mlle de L ongchamp.
Eurêka, la Veuve d'un
Vivant, la Gamine de
Village, la Poupée à
musique, Suzanne au
bain et le Carnaval des
Fleuristes.
Il eut, dit-on, assez
de mal à placer en li-
brairie une œuvre vio-
lente, intitulée : les
Créanciers de l'Ècha-
faud. Les lauriers de
Gaboriaul'empèchaient
alors de dormir. De
fait, ce fut un roman
judiciaire qui le sortit
complètement de l'om-
bre. Auguste Manette,
en feuilletons, en vo-
lume, puis au théâtre,
obtint un succès reten-
tissant.
Un recueil de nou-
velles, publié avec un
litre emprunté à la cé-
lèbre chanson de Gus-
tave Leroy, les Soldats
du Désespoir, les Pau-
rires, le Mariage d'un
forçat, agrandirent le renom de Bouvier. Ce fut
alors qu'il entra au Petit Jottrnal pour y donner la
Femme du mort, puis à La Lanterne où la Grande Tza,
ilHH! [AU ti;
■r.:-HH\/.:i:\ ut
MMVI//' -i:
jfSSJB^., (5»C? ,'î?=ÏI
LA CHANSON
,.| GKpif et. ':'3/Ûê:ùii/m:ije cjnl obtenu ijn, succès
--gHe i;[U)>-Mf7(' i??i'Mi.-,S'5w/r(iy-énicoursSÎB publi-
cation dans le même journal, promet de dépasser
jiîiMymajWài*;
lant de làrmilice chansonnière. lJfûU3<J«jproiiiTOicinEi
] ^ reiéH^à.di:'li-iil'*'ïé'l'l(aie cat^^\(^_H)f^j;}Jî,gédy^JjLf^■!(/w^-^
lot les iftres suivante' de chang^gjSg^|u^e^aveQ^le
,.,.Une^tatiie|àgEéraiiger! 11 eût été bien étonné
JsïlordUiJwàilUîlJiln jour on lui élèverait une
(StAtuÇjjaJpr^j.qu'il refusait un mâusôl'ée dé marbre
et interdisait qu'on prononçât le moindre discours
iâ^>ï)1(rd4le.sk'^ÀÏ)^:
la MtoiideiSustninia-iGaiiiaiUei,-
Ce bon Nimlm, la Ciiansmi du .Bnhémin, In Cfi.rrssmsû-
de Cham>l^sif^i^^gJiaUers de l'brdre dioprifi^ç^^}^,^
•ta fimhéey Dspui^s ee-- jouv-là
'sbîtMt^'(jMiMiU"'^huhnande,_ le Gros PicJiet,
M. l'Avocat, Dans
^1^.
Je 2)leure mon honlieur perdu, la Lanterne magique,
la Mandarine, Mécliante, ilonp'tit neveu,- Moû\ vieux
«l'Ofmiii, A^ii-i Gifthoii,\N\!fiIenr' pm comm] ,,çà., Osei!{,,,J^ii
['•_\'ÉÙlpify((s4icl h' ruH ier à s(aaS,e, les ft'f^hM d»mzon
ie'E{&UÙk'%IÀ,..Xe, ■P'ckf.yVm'i , Ify . Kàct^i^ ' cow6nnê\^fiégin(
la Saint-Limdi, Silence dans les raiiijs, Un, homme à
mer, 'Versez-moi du rin lileu, la Vieille garde... malade,
Vlà Madelon.
!)\i ■i'(IV\9J^^ :ift^''''?s^; viFP® -nomenclature^ significative.
..,,Ji(i)U|4«<s,\genj;ç,^i v^^soi.t amplement représentés, et
i\ii'iu^^fs*iRÇW\t-'(^ft(9^'.^HU'''''^ qui n'éveillent le souvenir
««i'Utfti^Wc's^^ dfi-\«i9«<\ert ou des rues.
v,\ riilie6i\i«uaiçieç,çivl*(it)ituels de Bouvier sjintFiéd^nc
i Sau^toief, Xvfissjji^^ïip, IJalleau, Damer surtout, qui
Mi^a tn<}M,xé'(POUi>J\(5S,i(3,^ux chefs-d'œuviedu,poète, V ;
v,s\p5#if\««VK4 ^M.fi,Q(i,mill<!, deux airs bien' 4i3^mbh-
blés mais (i'uae\<^gf4ô ])eauté. '^
.s-iKHiA.ui(pïiij»si^ue,IAlex s Bouvier est le tj pe du co-
-■'llOS6ecdodiiT.<S(i>s3iiœil)a l'expression rèvfeuse Sagaitc
••'iast^'BapfflnsiweMïli.Mit l'entendre dans qT,vç|(iue itu-
v')\nioil'''d'<ath!iïi a.^^^Ml)HWoc/i, pai exemple^ débiter d une
'juVei'i cli'audu'.iseBiipCiési !S chanip$|rBSj, Jantaisiates oa
"1> cdTniii(MJwiéesii.l .\\\\s\\ Vf'w'' * i^
•"'"•'■liyM'ëfa'ïtti'uW'fJiservale^î'pPfe'ànt un peintre*''
••'<' vrâî,"«a'lyri(tué'Billcèi e.
La sinceritêj, tçnê ei.t, en efict, u dominas
'"'ment'aS Sh'ûmr'.'^A rencontre de la plM|
.ecri'vairîs sortisf au piiuple, qui etouflent en eyx te
' ' nauirèf pbw'se''iivrer aux fadeurs et pasticber
7!''les''marHAïi''a§' lettres, Bouvier est leslé 1 homme
''"'yïgoijyux'^t.'pi'ffiM-sautier de son origine. Plus in-
"" veMeu^''(fu%M'lfMê, I lus instinctif que lettré, il sait
donner .aux fttfflfet'une intensité de vie qui surprend
"""él conq|lîWle"lfecteir. Il réussit dans la chanson,
',"coîiftië''aM!fe 'l'é Mfiiai, parce qu'il y dépense une
'''*^d4uV"dB'MM'Uè' e. y met des aiccents d'une
'*^"sinîi5lfèWé"'vï?ilfe',''de ies accents qui Viennent du
«i^'V ï.■^\ ,vï»>v.>.,'i^ .«\, L. Henry Lecomxe.
mV '>v,'>'''o>\(. i\ ./vu ^
lui !.:» .-l'IlvirM)! ;.|, „„„,.,., ,„ i,,.,ullma...;
-m
BERANGER ET LiimNS&N
(1)-
^ Tr'osterife'/ qui "peux bieriiie''.pas naître,
A me chercher n'use point jqj^i flambeau.
"'Sage mort'él,'j"ai 'su par la fenêtre
■■— — Jeter-gaiment-Parge-n'tTie mon tomlDeau !
"ËI;'i)ourtant pe'SoËti'e'''n:'êst plus'di^ne d'une sta-
,tvie- que cet enfant duipeuple 'qtt'i'tHanta pour le
^p'fetLp'lè "et dont ou peut dire ai*S3J,J.oomme le disait
de soit-a-mi-le-l«è«a-MaBU«i -: ^-
iVT (J5ras, tète et cœur, tout était peuple en lui !
l 'Béranger 'auïa donc' sa statue. , Il l'aura le jour
!','ll^éir\j),i.4tt Cfînlièrnè!,ani;\^f js.^ire de sa naissance.
■' lï'laiDtilneur de I cette idée' da' centenaire et delà
s^atlié'dè'Bértab'géT' "reViéût au fondateur du journal
g. Çii««TO«, M. Patavj et à son rédacteur en chef,
. Keptly/-X'ècpjnie. (A-^lK'ur appel, les adhésions les
plus glorieuses ont répondu bien vite ; un comité
dont "Victor Huga -a accepté la présidence d'hon-
neur s'est constitué, et c'est, entouré des plus dé-
■voue et des plus aimés des membres de ce comité,
que je viens, au profit de l'érection de cette statue,
■^OU" pirkr de cette forme éternelle de l'esprit fran-
( ^i>, U Unnson, et de l'immortel chansonnier qui
^l^^çises refrains jusqu'en' plein azur, comme l'a-
Irnulle gauloibO.
Je ne diiai rien du Béranger des flonflons, de
celui qu'qn se figure sous la treille, le verre en main,
la pouipre du vin sur les lèvres. C'est ce Béranger-
li je le sais, qui fut toiit d'abord populaire, c'est
Im dont on fredonna tout d'abord les refrains, c'est
la 1^pi.angei épicurien ît badiin, à qui Désaugiers
l^to^rait peut-être la palnie jie là bonne humeur.
J^'^^gt tine qualité seconAàiye, 'à'mon"a^is,,que
.^d èëéie !bôute-en-train de la table et'd^s,^'opew de
oMus f un bon vivant ne -vaudra' jamais un ton
œa^îrant Le Béranger voltairieh et sa!îiric|iu^^' celui
qu'on détestait à Montiouge et qtfon çûtj' volojoliers
excommunie à Rome a poplant yaiOamijient
lutte dans ses chansors narquoise^ '^fort ennemies
du moyen-âge, qui Een(aient'" leur\,(^ix.-h'|i^[^èmo
siècle et qui piquaient droit'â leur iut,|'barl3^1ées
comme des flèches. Ses ce upiètsleeersontpïus fa.it ijour
la libre pensée que bien djes'iiiscqtirs'; niais laissant
là, je le répète, le railhur,"i(iïs c*e KiMlaii'^\'(i'|iVi, fai-
sait rentrer sous terre leé'toin'mes'ijpirs'^t^ué jfouet-
tail, son éclat de rire, et l'amoureux qui„^cliantant
ses amours, immortalisa Lisëlté, 4e ne ji^rler,ai ^que
du Béranger poète populaire 'è't 'poète national.
Il est de bon ton, mcssiyn'i's; 'de ''déclarer aujôur-
' "jtljl'^xt'ràjt'de ïaj'conférenp^de .J|Ule^||qifirçti,e„pv}f'liée
par le 'comité, ef Venliiie i'iiQtre'librairie.au p.rofit^e la
LA CHANSON
11
d'h.ui que Béranger n'est plus à la mode. On feint
de croire que' ces vers qui ont passionné des géné-
ralions-n'oAt plus fi^n ànous dire, Eli bjoij 1 lor^qug^,
pris de vtristésse aUd'aocablcmejil, ë 'lajenï.éiilôiiji
épreuves de la palriç,^vpus,ypudî'ç^, retrouver quel-
que part le libre accent gaulois, l'a vraie fibre fran-
çaise, le cn'i'^ïtrrd{!^é'et''-fiferJaMIi'-^eU'ple;é6J'â86,
mais toujours debout, ouvrez un des volumes du
vieux Béranger; parcourez, fredonnez tout bas
quelqu'une de ces chansons, oubliées, et soudain
vous vous sentirez anijné d'un espoir qui coiasole
et l'amertume éprouvée se changera doucement,
sûrement en certitude. Gela est si bon la clarté, le
sens commun, la vérité, la gaieté, la santé, — toutes
ces choses si françaises, — et les chansons de Bé-
ranger consolent des abaissements de la littérature
qui se fait triviale en croyant se faire vraie, et des
turpitudes de certains refrains, trônes, aux parodies
des ruisseaux I
(A suivre).
JOLES Claretie.
SOCIÉTÉ LYRIQUE ÏT LITTERAIRE DU CAVEAU
B.\NOUET DtJ 1 'MAI
La doyenne des sociétés chantantes est encore un
modèle pour toutes. Elle cultive ^avec un égal bon-
heur le couplet mordant etle refrain grivois, lachap-
son de table et l'hymne patriotique. Ses membres,
dédaignant avec raison la théorie siligulière en vertu
de laquelle une chanson poiu- ûlré bonne devrait con-
tenir des négligences, oui le culte do la forme, de
celte forme élégante qui n'exclut .ni l'imprévu ni la
verve, et sans laquelle aucune ueuS're littéraire n'a
chance de durée. Enfin, les visiteurs sont reçus au
Caveau avec une çûrdia,l'ité parfaite. Q'est une réu-
nion qui, avec les titres solenùels d'une académie,
a le charme d'un cercle d'iniimijSiUne a§sbci;atlon do
lettrés et d'hommes du monde. ; ' ''; '-
Lehanquetdc mai aétéparliculièrementattrayànt.
La présence de nombreux visiteurs , parmi les-
quels lé très sympathique M. de La Pommeraye, la
uislributiun par Gustave Nadçiud 'de roses magnifi-
ques recollées à Nice dans Id' chalet i'ândofe (son
Carcassoiiiié) , enfin là réception, comme' merabre
libre, de l'hôte du Caveau, M. Bandi réception' lar-
gement arrosée de Champagne, tout' contribuait à
donner à cette soirée uh entrain remarquable.'
Le toast d'Eugène Grange, iaspiré par Mai, a été
vigoureusement applEliidï';^ 'c'étâw ■}'iSticle;'"»ar''te
■taasleur émérite n'âiVjai-ki jaiBaj.S'jtmiiplU3 fiJeapiiit à
plus de sensibilité. Cctle,,(Jflj[jijJ,èj^-ii<^.4i)^p',?wVpl
s'c.-it retrouvée dans 1e^, chanson presque liaprivipiée
pai' le président du CaiWalï 'i! W'Uiï&iiiré^'iik teôn
homonyme Oranger; jmwt'réioommtjaii, tandis qu^e' la
première faisait mervQilljo, daB£] 'des 'iîûuplet& intitu-
lés ^c C'0!f?(;!« !«'(?(? rfe ^'^î/f;^.,',,^ ,1 , ,|. , . , , ,,
Le nombre des sujetSi.de, clianson^ est .limité.
Fénée a beau s'écrier avec sa ve^'ye ordinaire : Il
nous faut des chansons, plusieur.i de sos camarades
n'ont fait que prêter une forme nouvelle à des don-
nées connues; ainsi M-Lagaïde a.\:ec\'Iio»,i>mg.p>-ûpose,
M.FouacheavecJ/o?iPrf</.Z^j'je%|îkI,.MO|Vi,l,onrPg/):;ajS(Se
avec Ce qui grise et dcgr'îse,,M.. Léon Giiérin'a(vec,7e
Pour et le Contre. M. Podnaill''à'ptl<l'é dïél'ôii"^'o't)'u-
lailre Q^iand le tâtiment va, tout va, pour refrain à des
coupletsi pleine' de .gaiîtô. -ÀTi-iiiojJj o'jjsO'/'îH^pSQiupioeto'i
M. Montariol avec réteignafion'';". M'.' JuU-ibnl déraoœtçeïAi.
S[!)irituell6iinenl' qa©i la;ichoSè''l{i>pîUS'4iffloiliei«6t dei'-nl
garder son arg0at,iiet|MiiJul65i'Pblit] tra»&idu,toan«;(l:>
fieur un labléaui'loriï^mcieiik.i.'i' .i>iuni •.(! . -..ntc.ila
que auaacie,ux;;feyignj:;a,Spii; ij;^^^^^^
cifiiiue pouf ,pf,.i(;}ife;;,^ç ]J,o,n |3nlreUen,,dii^t\or^^^^,-(j^^^^._,^,^
étui de.làmé ^: .,,,|,,.,,,,|| ,,i h,., h ■../«•.A vi '.n^,,'v,v,s\L
■ AhS l^aTiégbfrcitptur.Ha proériétéi/lDuI) i-.iic.K ) iiissiU
j , G«r4onaHo«iC<Bflj()3.8n'P&''foitei&*atéi.,(iiiiHiil -.'il k;»!
\ies H'^f:d$>iMmg%^è^^mM;^}M:^
si6te Féhge; eQà,' /*W'|^.<i,7f .M•,iX^WS,f(fi(^^,#,,u^
titres diTeirs„,olj),U|t^vi^e^,|3,r^y,5)S,. ,■,■,,',•,„ ,,,\'| i , .,,;, \um'/'.
■Ada demande i^énérul8,'Nada-Md a dit tr^is, Idoisespiq
productions :; 6']mfk-pmjeti ,o>hdrmaia/l9 iriiésaïiptiifltt»^ (;
d'une promenade dîajmOoreu^v li Cr<mro-Mtmttà>lelBaiiBiii6
des Charboimimis, d'uaomoHVeîneiit-sii origiaaiietlait-ihj
gai. . ■; , n,p liii.n-Hi /.ii'MV iiii'l) -i);iii ,i'j'<ui[.(u.a ol
'Il y' aurait ■faussé'm'oâest'ie' âe'Wa'pkA' ^m^Mi'uI
l'accueil aimable fait par les convives à quelques
couplets 6aliriqiuôs6iga:égcld moH'ndmvpt'^iiiijphJiaxv-1
sant les discours im'ianiabWB duaomnbl.9nuoppoït>tti3-ir>
nisme : Les Tei)2ps)0sà)it'pas'TO>ius'.y'-'^> ''I' >-i'iylK-> ini
Caveau. ,i..., ^,,',^„./ ^,„| in', jli •iniino'i — ylil lUinl
;i)l
.jlHif,
nij'l
■ H I
( , iiTri ■.■'■■^W'W n.V 'jlui-.ib ilB^'jM
.l-j"ix;'.''j-'; '1 lU'X'tl l'i'l'Vfe'iH't?"^""' '■^'^'-'^
N'Iivlib'MibuindKia airp
VI t; lU-niMiK .-orpiu ^. i.l .iK'n ob o-ih'io'I Âi:i[t\H
,,j,[..(lf J»«lnqnotidW(*»ni«i^i /il Uinmiixnq )•!
l-i :.l ,h:)'t'-.l IriiilA .■rr<i| tii:'<'l ..:r;i(irioariK(l;>
( lii.rn
>iii .I/i. t) •jl-;riiflK'jn.';
vives tel'esl'M l'ésnhié' lé' bilad' dc'^éette! âo^Veyi'N-è l'I''
Irbyez pas PoBrc^Mti ^në lA'^iàWe'm^'iAkHi 'ëâWU'ef^V.H.
Eu visilè.ura, o(uiv;.,;çaiSOt}ièti),tiies,!,n«p„,iia,fèl,ç t^îu)^:^
ciunarade,, pélélJcéft rTr.,aveQ,qael,«iiit|^iqi,fii,,iawltei„'A^
bonne hdPKfUijj r^,(^iAifineU<?s>d#mier\^ .§î\j,nlSSr«Vv^-,nu
fait tort, aUiWnW.WiBPWliJ 4eS|ii|(?JiiJ[>«ô'WliawiS,iq»«iu'i.
avaient bvii^Tbas.,«la,wat, J,?,çaut*K'5f.ClW4tàe',-e§ttlÉ>T7 Jil
'ment ôlçi4c'ft^,fi4w*^fiMii'CQ(lSîrîfOiUP/i.toc« GJj(etofiOHS,.',ib
Jdannini'ftailftcn. eit,iinoj„,pu'«strMiÀ iflM'P?itHKi<fA>iiptniii
Fliachal„P!4raj;Q.\jiA' eiU,QSdewPa.Hl«ili.i*l(itAat:dl'ftWAPe^iK. r
setaienVil^.festéti'au.fùiid dÇ ■l^'Mmt^ ■U\q^.i*,\(l^ hi::>
informe. '• 'l'v'i'i'Sv,
(Fame.dft^t/DHf c^giniqwes„}4 gaî|l.ii.pi'*j;gai$i^to^i()
Iljsépitt^it.qu'pn .prità-ifiefiar dg^is^Bï))per^,a, l^t>.-y,i
selnce.de/qes fwk m ,l;6(i|0V!.l)l^J.48i>Mïf'«»'J S9Mït*?Wiaq
ilTfajinVwefit qiiiWlctupp,ft»l)r^fi',P/i.l,iP.**fl'^ WAftOfi n>
friuts,. t.a,uta,*«J J)lli&;ÇIHni3iiQ»p,BftéMqu<i*iJ*Q,(p,„f Jft-uuji
beaux; mais 'à table; un fin, RQU^âji, v;a,iJ!(; Wl^u». J«ii;m
comprends que le récitatif, esiV^ du Cafe-Concert et
chassé même dolagiogaipOte'pa^i'Ue^jton'o^fStfiJraKigie
mène et ^r^^ia ji^^M'^^ii'^K:?^"/;
joyeux refrain. ■ ;^ 'Ji„,,v, iiM.i n;'i .ioiJa!.lh; :A[-mi>
Je constate, sans.itirûp p«?cilesîlôrii[di'ajll£iirâ!o(pa,nr,i(l
M Aredd, dans.le, ife>(is«<,'rf*'âi4i^<''Wai:4si)iel:>Qax6ni\-i.\t.
qui da.ns Une Page d histoire, a. si.istmlipéi\eD,-y^ïei> m
vigiureus la uaissancedu second eiii|)j.re ont obtenu
et*'iii'érilé'deVits'iiiJt>ïSudî^^èaie±(ts.'*^" 'ZnT^HtLa
Puis viennent l,es co.uplets trè-< historiques de
Leblanc le Prôffrè's,-6'ti'^es grands hommes du passé
défilent en si grand nombre que les vers en sont
12
LA CHANSON
comme encombrés. Mon vieux Chêne, de- M. Luth,
Marquise, de Lebesgue, Salut au Voyageur, de Ghe-
broux, rentrent petit àpelit dans le vrai genre delà
chanson, encore poétique, un peu rèvfuse, mais
chantée. De Gonet, MM. Bernard-Morot et Quesnel,
enfin Nadaud, y naviguent à pleines voiles, avec des
pavillons divers, cela va sans dire. Gtistave le «««m-
ï«w, auquel je donnerais volontiers pour sous-litre:
l'Etudiant farceur corrigé, est une peinture vraie.
Angélique et Pépi'ii, dont la musique est signée
Rizzio ( sans douie un descendant de Marie Stuaii....
parles hommes), est une houlïonnerie bien réussie.
Entre les deux : appliquer cette situation à tout ce
que vous voudrez, vous êtes sûr de rencontrer du
comique. Rien du centre gauche ! La Complainte du,
Nicotine til VlnfaiUihle, c'est du Nadaud, et du plus
piquant. Le Nicotine, c'est un monsieur qui réussit
à se guérir du tabac; VInfaillible, c'est une énigme
amusante dont le mol n'apparaît qu'au dernier cou-
plet. 11 ne s'agit pas du pape, comme vous pourriez
le supposer, mais d'un vieux richard qui épouse
une jeune et belle fille : vous pensez s'il le sera....
infaillible !
La gaudriole peut venir, la place est prèle, et nos
oreilles aussi. Cahen nous décrit \KTSte de Cochon,
un cabaret de Charonne. Après le Cabaret des Trois
Lurons, le Café des Incurables, le Pavillon du Vieux
Lapin, et mainte autre peinture prise sur le vif
from life — comme disent nos voisins, Cahen a su
trouver de bons coups de crayon et des traits ingé-
nieux : que sera-ce quand la chanson sera terminée 1
Péan chante Les Troncs ; mais, pardon I je ne cite
cette production, toute bien réussie qu'elle a semblé
que comme une transition pour vous parler d'un
sujet à l'ordre du jour. Les troncs mènent à l'église
et précisément la question cléricale a inspiré trois
chansonniers. Péan père, Alfred Le Petit, le spirituel
caricaturiste et M. Grégoire ont fait preuve d'ironie
et même de chaleur. Ivous avons donc bruyamment
applaudi Le Pape sur la piaille, la Jlarseillaisc des Jé-
suites, peut-être un peu iougue, et VEncyclique.
Est-ce le moment de tirer l'échelle? Pas encore
Yoici Jeanniu, et iiar conséquent un fou rire Ca
niaiiqu'de chic et d'élégance! s'écrie-t-il à propos
d'une foule d'accidents pourtant fort communs dans
la vie de ce monde, comme se moucher sur sa man-
che ou même couper t-a femme en morceaux. Jean-
nin me parait bien difficile, pour un gaillard qui
vous chante avec tant de résignation, dans d'autres
cas bien plus funestes : A la guerre comme à la
guerre !
On ne peut guère aller plus loin dans le comique
n est-ce pas? Attendez: Hachin prend la parole
pour pemdre et plaindre le triste sort de cettebonue
en maison chez de vieux rentiers, qui ne peut voir
que de loin son amoureux, enchaînée qu'elle est à
un allreux caniche râpé. Ce caniche, elle le promène
mais, dit-elle avec désespoir : '
Mais mon chien ne veut pas pisser!
Et là-dessus je lire l'échelle. Mais, dira-l-ou cher
chroniqueur, vous vous oubliez. 11 le faut bien ' pour
que ceux que j'ai omis exprès de mentionner me le
pardonnent. Je note seulement, pour montrer avec
quelle attention j'ai tout écoute, que j'ai entendu
hier, pour la première fois prononcer ckii-ri-ère
Mo-h-ere,c6 qui est trop long, et par contre, ciu-leace
ce qui est trop court. '
Je crains que vous ne pensiez le contraire de mon
compte-rendu.
EuG. Imbep.i.
A mon Père.
MES LONGS BLÉS D'OR
CHANT RUSTIQUE
Paroles et Musique d'Albert^VERNAELDE.
cru. e En _ fan. te des é. pis m
REFRAIN
:'est le pain de l'a.ve. nir
Lorsque le coq, de sa voix claire,
Joyeux, chante le grand réveil
Et que la nature s'éclaire
De tous ses rayons de soleil ;
'Uors,je reprends mon ouvrage
Plein de bonheur et de gailé.
Mou cœur est rempli de courage.
Mon front plein de sérénité.
Mes longs blés d'or, etc.
Puis lorsque le soleil décline
Et que le soir mystérieux,
Urunissant la verte colline.
Vient verser l'ombre sur les yeux.
LA CHANSON
13
Près de ma bonne Madeleine,
J'entends au loin mes hlés frémir,
Le vent m'apporte leur haleine
Et, content, je puis m' endormir.'
Mes longs blés d'or, etc.
L'automne fait ployer mes granges,
Sous le poids des nombreux épis,
Qui, s'entassant en blondes franges,
Forment un radieux tapis.
Alors, je regarde avec joie
Le fruit de mon rude labeur
Et les beaux jours que Dieu m'envoie.
Font le bonbeur du laboureur !
Mes longs blés d'or, etc.
Si mes blés sont tout ce que j'aime,
Avec la chanson du pipeau,
France, je préfère quand même
Le grand culte de ti)n drapeau I
Sans m'occupcr de polilique.
Sans voir mon travail arrèlé,
Je sème jiour la Hépublique
Et je chante la liberté 1
Mes longs blés d'orsout nja richesse,
Je les ai vus croître, grandir,
Le soleil les mûrit sans cesse
Et c'est le pain de l'avenir I
CONCOURS DE LA LICE CHANSONNIÈRE
SUJETS PATRIOTIQUES (2" Prix).
QUATRE-VINGT-TREIZE
Craignant les seigneurs, les prévôts.
Le peuple alors pouvait à peine
Vivre, manger, tant les impôts.
En lourds anneaux tordaient sa chaîne.
Soudain, on le vil d'un élan
Briser le joug de Louis-Seize,
El se lever : c'était en l'an
Quatre-vingt-treize :
Quatorze siècles d'un seul coup
S'écroulent ; parmi leur poussière.
Tes bourreaux, peuple, sont debout,
Sur eux épuise ta colère ;
La liberté guide tes pas.
Sa voix, la seule qui t'apaise.
Rugit ton réveil et leur glas.
Quatre-vingt-treize I
Va. combuls, moiLr.s ; le genre humain
ï'applaudil ol sèche sos hiriiirs.
Maiulcuanl ce n'est, plus du pain
Qu'il faut demander, mais des armes!
Des piques, glaives et canons,
Sortent luisants de la fournaise ;
T'em plissant d'éclairs, de rayons,
O'iatre-ving't-lreize !
C'est son ère, il connaît ses droits.
Au lieu d'obéir, il ordonne.
Il sait broyer, sachez-le, rois,
Une tète avec sa couronne ;
Donner, en vous narguant toujours,
A ses vengeurs, la 3IarsciUa,ise ;
A ses grands hommes, tes grands jours,
Quatre-vingt-treize I
Ces droits que vous avez légués
A vos enfants, cet héritage.
Pour nous le ravir, intriguez,
Traîtres, posez l'échafaudage
De vos coups d'Etat dans la nuit;
La nation tressaille d'aise
A ton souffle qui les détruit.
Quatre-vingt-treize 1
Il vif toujours, le souvenir
De leurs travaux et de leur gloire.
Et, comme eux, nous pourrions fournir
Une page encore à l'histoire.
Forts de nus droits, nous attendrons ;
Mais si dans un seul on nous lèse.
Alors nous recommencerons
Quatre-vingt-treize I
A. CORXUEL.
CURIOSITES DE LA CHANSON
Tout le monde connaît la réputation de M. Charles
Garnier, comme architecte de l'Opéra, mais peu de
personnes savent qu'il caresse les Muses à ses moraeni'^
de loisir. Nous empruntons au Recueil, si riche, du
Caveau, les couplets suivants :
SOUVENIR ET REGRET
AïK de la Lê'jèi'e :
J'avais des cheveux épais,
Formant une belle houppe.
J'avais des cheveux épais
Brillants et noirs comme jais;
Mais maintenant ça m'ia coupe,
Car. fuyant mon ciùne osseux,
Ce n'est plus que dans ma soupe
Que je trouve des cheveux.
Oui, je baisse, (Hs)
Mes amis, je le confesse,
Oui, jebaissel (Ms)
Cré matin 1
J'deviens crétin I
J'avais un œil plein de feu,
Perçant, vif, ardcul, espiègle,
J'avais un n:il plein de feux,
Qui rendait l'aigle envieux ;
ilais, comme lout se dérègle
Sous le climat de Paris,
Hélas ! j'u'ai plus mon œil d'aigle,
J'n'ai plusqu'dos œils-de-pcrdrix.
Oui, je baisse, etc.
14
LA CHANSON
1 «l/OU TÙo'i
J'avais de 1res beaux mollets,
Aussi nerveux qu'une tresse,
J'avais de très beaux mollets
Qii'ies dam's ne trouvaient pas laids.
Mais en mon corps tout s'affaisse ;
Qu'est-c' que ces dames diront,
En voyant que, plein de graisse.
Mon mollet de coq est rond î , ,-,
Oui, je baisse, etc.
J'appelais avec respect '"'1' «'"-'i-' ''•■■''
Les ministres de la France,-'^'""'"'-' ''^'' ^
J''appelais avec respect' '
Excellenc' tout l'cabinet ;
Mais j'ai perdu coniiance ' ' ' ' ' '' ' '' '' ' '
D'puis qu'chaqu'jaur 7 en a d'nouveàilx',
Et je n'dis plus ': Excellence, ''■■'■ '■ '' t-
Qu'à leuré garçons dé lui-ékùif.' "'"'-'
Oui, je b^isse.,elc..,i ^,,„oj,,uJ Xiv !I
J'entendais'tiarfaileniebft/CiJj.va-ii «wA n'i
Jadis, voleïiiles abeilles,' u ,-/irj ■innuo:^ ,l'.î
J'eatendais panfaiteniônt • ■ -'irj ••-^.■•^\ 'ju''
Des :moucb,'s<le bourdonaeiheii<Lç aii ftJ'io'i
Mais, tristeâsessans paTeiUes^'i'icUMa <.\y,V.
L'âg" mûr me rend Tscn coiifaBc;iJO!i sioù.
Si les murs ont des oreilles,: •- 1 >.';',■
D'puis j'ié suis, moi, j'n'en ai plus.
Oui, je baisse, etc.
Je faisais d'Jolis couplets, ^ .j ^, i<3> , f, ■ , ,
Élâ)ns'm(llïi-'ma;tfrte <#t'ait pliA^,'^ 0 ' ^ *-' >
Je faisais d'jolis couplets,
y^rs. Je î^antUéon j'allais ;
, Mais .voyez quelle est ma peine,
Bi'cêtre est rtiainlenanl mon but,
Èt'pour qu'a mon sort j'm'entraine,
On m'a fourré d'I'Institut.
DiiiJ^|5ejba,isse, etc. : , ,
Vous voyez, mes, bons amis,
Gomme en moi tout dégénère,
Vous voj^ez, nies bons amis.
En quel état je suis mis I
Ma substance médullaire
S'ramoUirdans mon cerveau;
Je l'proUv' puisque j'viens de faire
Un' cliaaêon pour le Caveau.
Oui, je baisse, (t«),,,
Mes amis, je le,çpiifesse!,>; , . ■■
Oui, je baiss,e;Ji(Ji.s),i ,: . :;,, ,1':':
Gré m^tiUil ; 1 - > , ,
J'deviens créliij.I ,,,. . ,
Charles Garnier.
LA COUÉi AU PEUPLE
Il n'y a pas à Paris unte ' seule publication, où la
musique populaire soit sérieusement défendue, en-
couragée, expliquée; aussi tious voyotis cbaque jour
tomber dans l'oublï'leS'gran'des œuvres, qui pour-
raient revendiqiièfrc^itlti'ei'dedaignées'îiarle monde
élégant comme trop peu arauçantes, inconnues ,du
peuple, qui n'en soupçonne même pas l'éxi'stetçe,
..tetçe
peuple, qui n'en soupçoE
délaissées de tous.
Delà, une place 9. occuper, une injustipe â'réparer.
Aujourd'hui, nous prenons celte .place'; "(ijeiham
ncjus tenterons de réparer l'injustice. Ajoutons une
esjplication : ;.;. ' ■ . ! 1 '■'■■■^ .-ii ii'i':»,M
JLa musique populaire!, !a«,..prôseO)t^Hpoiis.-;toais
asjDects : la cbansoji.propre:m6nt;dite^;C6Uei'iqu,Qjl9n
cHante en plein air, à table, en sociclé ;, lajsymip^JôQie,
ca,dre immense qui embrasée les Cûmp,o&i|ipB5iyiO-
caies et instrumentales : où, l'orcbestreiPonsfirviQ ■upe
iràporlance capitale ;, enfin l'opéra. Aices.trois fqrRiies
lyriques, correspondent tOTia:mo!tS;:j;aolagj2iii-aewe'at,
initiation, complément;, notre .progr^mipe , est ,ljii, nos
mpyens d'action, notre but.
JNous saisirons ail' passage, les' productions ' ïîiies
et|délicates qui jaillissent à chaqùe'inslaat 'sôas' la
plpme des hommes de'taleûl; 1 telle, ' la rônia'iiéelie
Pajul Henrion, publiéfcdans' nblré''pïém'ier' û'ûiïéio.
Gejs gentilles bluettes, qui sont pour n'oùs 'l'eSp'rès-
siiin gracieuse d'un art sdtis 'prétention, ■fcapti'vent
leè esprits les moins cùltiTês, 'y'fbilt germëfla; pfte-
mière semence : l'attention rêûëeïi'i!&;"'q;n:i'eét'ieic6i(n-
méncement de radnjjlçaljon.-,,, |, ,;,,|,| j^;,,:'.! ^^/K
jNous suivrons pas à, pas, .dWS^.lfiW jÇ.a-r^^è'Ç?. glo-
rieuse, les différents , ouvrages .qi^e lùos, sQçiétés
ar^stiques ont pour;i)iisçiQn cj.'acçli,paa,t|er Cili,e?i,pous,
eti si parfois l'activité des artistes ne répond pas à
notre impatience, si le Beau demeure trop longtemps
méconnu, si l'accueil du pubUc nou& .paraît i^^^jifi/i^ ., s
ou son indifférence blâmable, nous proclamerons
hautement noire pensée, fieïs' dé notre initiative,
jaloux de noire indépendance-;
Nous ferons en-quelque ,sorte, l'hisloii;© du4|ijéâlre,
prêtant la publicité tiè notre revue âiix drànife ly-
riques, dessinés à grands traits, simples à la façon
des tragédies anciennes, dépourvus de surcharges,
affranchis cle tout rafûnemenl.
On le voit, notre horizon n'a pas de limites; nous
voguons vers l'infini, disant à tous : « Apportez votre
obole au directeur de7a C/ianson, venez avec nous :
votre concours intelligent ajoutera encore, à no.tre
autorité. Craindrez-vous de marcher sous un éten-
tard, qui porte pour devise le mot de Jean Hus : Za
i ,.,,",:-^ n„'--,..i,i n.nr,ih(^mWya
\ ....rKl.'. :'""»,::.. M J = i:'V:'mo.I «-..ï
LE CERCLE DES SOCIETES L^MQUES
M, Orange, le sj'mpathiqaè' propTiélaire' de'la; nou-
velle salle de Concerts des Sociétés, lyriques,, fX^iiixi-
bourg du Temple, se propose de, irau^forujier cet
immeuble et d'y apporter de nombreux embellisse-
ments. Il est décidé à faire construire, a.u;-çl,e^pus,<lu
café quatre grandes salles a,vec écènc vastè^^et
coquette et pouvant ' contenir 200' pél-ït/ùfaësi Ces
salles seront affectées aux réunions hëbdoniadâ'îi'es
des Sociétés lyriques. ■ -^ 1 i : .',>
Le café qui précède le théâtre sera complèlecnant
isolé de celui-ci, et rp,^ péné,trera ,dçLns.la î,^.l\^ du
rez-de-chaussée par un couloir qui Rongera le nou-
veau café où M. Of'ati'^ë plàcoïàdès 'bi'lïà'rdâ'.' l'à'sille
LA CHANSON
15
de théâtre actuelle va être entièrement restaurée,
et sera réservée pour les Concours, Bals de nuit (avec
plancher mobile) Banquets et Grandes soirées que
donneront les Sociétés.
Nous félicitons M. Orange pour l'excellente idée
qu'il est entrain de réaliser. Grâce à lui, les Sociétés
lyriques de Paris posséderont bientôt un CERCLE
digne d'elles et le grand problème de la fédération
des Sociétés lyriques se trouvera près d'être résolu.
Maintenant, c'est aux Sociétés lyriques à aider
de tous leurs moyens les efforts de M. Orange et à
se grouper le plus tôt possible autour du Comité
d'Union. Une circulaire sera prochainement adressée
à chaque Pré.sident et les adhésions seront reçues tous
les jours au siège du Comité, '23, faubourg du Tem-
ple. Plus leur nombre sera grand, plus grand sera le
succès. La salle de concerts est à louer tous les
jours, pour réunions de tous genres.
Le concours dramatique entre les Sociétés lyriques
commencera le 11 juin.
Maxime Guy.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Quoique les concerts, organisés dans la salle des
Sociétés lyriques de Paris, %',, faubourg du Temple,
aient eu peu de publicité, le public s'y est rendu
avec assez d'empressement.
■ Il n'est guère possible de faire un compte-rendu
des spectacles, qui ont eu lieu chaque soir dans cette
salle, on no peut en donner qu'un léger aperçu en
citant parmi les sociétés lyriques qui s'y sont lé plus
fait remarquer : Les Enfants de la Seine, la Muse des
arts et métiers, le cercle Musset, la 3/use Gauloise, la
Renaissance, les Gais 3Iomusie>is, le Pa'pillon, l'Echo
des concerts, etc.
Les artistes, qui ont occupé la scène sont des
amateurs, et nous devons reconnaître, que l'inter-
prétation des œuvres récitées ou chantées a fourni
une excellente moyenne; nous devons môme ajouter
que nous n'espérions pas trouver un tel résultat en
aussi peu de temps.
Beaucoup de noms se placent sous notre plume,
mais pour nous résumer, nous citerons particulière-
ment iMlle Tannesy, qui a fait remarquer son goût
de la bonne école dans la Reine de Saba, de Gounod.
Viennent ensuite : Mme Zélo-Durand, Mlle Rose,
Mlle Schniilz, Mlle Lucie.
M. Durel a été vivement applaudi en chantant le
Vieux buteur de vin, de Jules Baux; M. Huet a été
fort goûté dans Chapeau bas, doïac-Coeu; M. Ber-
lioz, dans le récit En 2))'ovince; M. Chapuis dans
Gentil Lutin, de Jules Raux, déjà nommé; M. Rivet
dans le monologue Un monsieur en habit noir. Une
mention est due aussi à MM. Billiard, Victor et
Voisin.
QuelquaaraDCiétés instrumentales ont prêté leur
concours, ce êmC^'h' Orchestre des Trouvères, qui nous
a fait entendre des soli de pistous, exécutés par
MM. Pichancourt et Lefebvre ; l'Harmonie VEcho du
(;n:. ,1 ,;l:.| Uv.r, -^a •'?i^..<-*|-B-.-u.l,
Lundi 10 mai, salle Rossel, rue de Belleville, soirée
extraordinaire au bénéfice d'un chansonn^ppS^qRjpJG
Trop peu de monde, quelques bonnes productions.
'"Mm Mbnîtiarti'Perchet, Ckssfe, T)enàtijàntléfe';'E%l'ard,"'
Tculet et quelques chanteurs xooi^qu^s,, onj. to\ip,i^ij
tour égayé ou ému l'assemblée. M'me'Produomme a
dit avec beaucoup de charme une chanson à boire,
.(et)6Mt9Ut i^iC^anvrei qui f^jtabi^SwalftirilakîSMavJl^j
de sa voix. Une querelle à M. Perchet, dont les vers,
bien frappés et bien dits, célébraient le Progrès.
Pourquoi s'obstioê-asil fil n'eSiida'reété.îJasïMSéftip
à nous peindre Salomon de Gaus gémissant dans un
cabanon de Bicêtre? Salomon a eu le premier l'idée
d'employer la vapeur comme force motrice, mais il
n'a jamais été fou ni prisonnier. Le mart^^rologe de
la science est assez long sans qu'il soit besoin d'y
ajouter, sur la foi d'une légende apocrj^phe dont
l'auteur s'est dévoilé lui-même, une %ictime déplus.
Les Prunes, de M. Casse, sont une gracieuse idylle.
Denanjannes, qui compose mieux qu'il ne chante, a
fait plaisir dans ses Invalides : Invalides du travail,
invalides de l'amour, invalides de la guerre : tiroir
démocratique bien fait. Robinot, pour qui l'âge n'a
pas de glace, chante le printemps comme un jeune
homme, et M. Monicard a dignement interprété ses
fraîches inspirations.
Mouret, qui présidera sûrement encore quand il
sera descendu aux Champs-Elyséens, tenait magis-
tralement le marteau, ou plutôt la sonnette prési-
dentielle. Bons éléments, soirée agréable, mais, je
le répèle, trop peu de monde.
L'abondance des matières bous ayant obligé de
passer sous silence, dans notre précédent numéro,
la grande soirée mensuelle donnée le samedi 1='' mai
par I'Union Artistique, au café du Globe, 8, boule-
vard de Strasbourg, nous nous empressons de com-
bler cette lacune.
Disons que la Société présidée par M. Paulin s'était
surpassée et que cette soirée a été splendide. Les
meilleurs chanteurs des concerts et sociétés s'étant
donnés rendez-vous ce soir-là chez M. Paulin et les
pièces ont été parfaitement rendues. Nous nous
étendrons plus longuement sur la grande soirée du
mois de juin.
Le samedi 8 mai, le Cercle Musset donnait sa
dernière grande soirée de la saison, aussi, dès
8 heures 1/2 la salle était-elle comble.
A l'ouverture de la séance, M. Durieu, le sympa-
thique président du Cercle, donne lecture d'une let-
tre de M. Paul de Musset qui s'excuse de ne pou-
voir présider la soirée, retenu au Trocadéro par les
préparatifs de la fêle donnée le lendemain en l'hon-
neur de son frère. A.près un morceau d'ouverture
brillamment exécuté par notre ami et collaborateur
Giovanni-Cané, nous avons entendu avec plaisir
MM. Berlioz, Jalade, Durieu, Géo, Borschnech, Wuil-
laume, Marie, Rigoulat, etc. Le petit Da Sylva a
décidément du vif argent dans les veines, car il ne
tenait pas une minute en place sur la scène, ce qui
a même été la cause que plusieurs de nos amis qui,
placés au fond de la salle n'avaient pas saisi un
traître mot de son récit se sont obstinés à le prendre
pour un clown !... Mais, que cet excellentbon se ras-
sure, nous avons réussi depuis, mais non sans peine,
à les détromper.
Au total, charmante soirée pleine d'entrain et de
cordialité. A minuit le présideat a levé la séance
et l'on s'est séparé en se promettant de se retrouver
l'hiver prochain.
Maxime Guy.
La 'société lyrique le Pinson, a transféré son sîége
social, café Bouret, 44, boulevard du Temple. Soirées
lyriques et dramatiques tous les mercredis à 8 h. 1/2.
'"■■■•" ' • , M. G.
*d ^ ■
.PVous invitons^ les souscripteurs à nous faire par-
Wâih'''dè"^iiité 'ié uionliïat ''ke'Jt^uV aiftonneinént ou
5^al|onn^ment^ Dès le S5 eouranf, nous ferons tou-
trei^WdoÂlîîcAle, en laissant à la charge def4 retar-
dataires les 15 ceutimos tle frni-.i prélevés par la
Poste.
',■-) t^'j.Hioiiif/^'fj Ki;)jJ-iijoo ■ : j r- -;i-inh aO
Le Dio'ecteur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C", 6, rue Martel.
-16
LA CHANSON
LE COSMÉTIQUE AU RAISIN
Couplets rosés, par ETIENNE DUCRET
(Air de La Treille de Sincérité, Désaugiers).
Ma jolie
Et fraietie Emilie,
Vos lèvres doivent leur carmia
Au doux Cosmétique au Raisin 1 (ôis).
Vous, que j'ai naguère connue
Le front blême, le teint pâlot,
Depuis qu'on vous voit, dans la rue
Bonaparte, chère belle, au
Cinquante-cinq, hanter Pierlot...
Comme mainte étoile, applaudie
A l'Alcazar, à l'Alhambra,
Au Vaudeville, à l'Harmonie,
Au Fraoçais, même à l'Opéra:
— Ma jolie, etc.
Plus de fard ! plus de terre d'ombre
Corrodant le derme m.uqueuxl...
Sans Cérat, Cold-Cream ni concombre.
Ce Cosmétique viniqueux
Le recolore : car, mieux qu'eux.
D'empourprer du jus de la vigne
De l'esprit le riant carquois
Baccbus, je l'avoue, était digne...
Aussi, voilà pourquoi, je crois:
— Ma jolie, etc.
Quand le froid fend, gerce et déchire
Le pistil de la tendre fleur.
Quand la lèvre, à chaque sourire,
Nous arrache un cri de douleur,
Oa quand Phœbus, par trop d'ardeur.
Fait sentir à plus d'une rose
L'excès cuisant de ses rayons,
Avec ce petit bâton rose,
Nargaant la rigueur des saisons:
— Ma jolie, etc.
Oui, l'Actrice, la grande Dame,
L'humble Soubrette, àquimieuxmieux.
Prisent cet onctueux dictame.
Cher aux Gandins jeunes ou vieux,
(Oh! n'en rougissez pas, Messieurs !)
Puisque cet heureux stratagème
Est iitite autant que charmant.
Et puisqu'en vous regardant, j'aime
A constater qu'en ce moment :
— Ma jolie, etc.
Or, laissez-moi, gentille blonde.
Tout en vous faisant le présont
De cette pâte rubiconde,
Au Uniment si bienfaisant,
Vous souhaiter, dès à présent :
Que votre bouche purpurine.
Riant de ceux qui n'en ont plus,
Conserve sa grâce divine
Jusqu'à quatre-vingts ans et plus...
Emilie,
Et que, pour la vie.
Vos lèvres gardent leur carmin.
Grâce au Cosmétique au raisin! (bis).
PRIME A NOS ABONNÉS
PREMIÈRE ANNÉE DE LA CHANSON
Un beau volume in-4'' broché.
Au lieu de 6 francs, S francs pris dans nos bureaux; par la poste, S fr. 50. — Envoyer un mandat-poste au nom
de A. PATAY (les timbres-poste ne sont pas reçus).
LA CHANSON
est mise en vente le samedi, chez tous les libraires, marchands de journaux et de musique de France.
PRIX DU NUMÉRO : 10 CENTIMES
On demande des courtiers d'annonces et des courtiers d'abonnements (bonnes remises).
Vente en gros : RUE DU CROISSANT, 20 — PARIS
3' ANNÉE. — N" 3.
lO CENTIMES.
29 MAI 1960
LA CHANSON
Directew-Gérant .
A. PATAY
la chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
6st le gracieuK ffàrs da lastropha.
Y. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction.
MAXIME GUY
Annonces, [aligne. . >
Réclames, —
Li ihànson, comme M bâronnette,
ttt unt arme ttàitçaisa.
J. CLARETIS.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
Rin-ACTEUR EN Ghep
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an. . ; 8 »
SOMMAIRE :
Galerie Àrtistiqaê : Thèrêsa (L.-Hinnr Licohtb). — Lïttc de
nptiorts pour la Stata* dt Béranger, — La Salon de 4880
" t). — Reiac de la Afaslque Popalaire. (A. Ediîma). —
liibliographte {V.
d'£DODiUD Domn,
ïKjuo de J.-Marc CuiDTAena. — £
farii, paroU
occttptg (Joli
Sàcu).
Cariotitèa de la Ckaruon : La Complainte da ioldat. —
dramatique (L.-IIhkrt Licomti). — Nécrologie (Cowstaut
• Chroniqaa des Sociètèê Lyriques (Jplbs Raci, A. B.). —
, — Lt Tabe-Ltfatseur, chanion-rtelune (BTiB:inB DucaoT.)
GALERIE ARTISTIQUE : THÉRÉSA
Emma "Valadon, dite
Thérésa, est née à Paris,
cité Riverin, le 2b avril
183u.
Ses parents, pauvres
comme Job, étaient trop
préoccupés de trouver
la subsistance quoti-
dienne pour veiller at-
tentivement sur les
faits et gestes de leur
enfant. Elle s'élevadonc
au hasard, et prit de son
père, violon dans un bal
public, le goût de la
chanson. Pas un refrain
ne courait les rues que
Thérésa ne l'apprit pour
en réjouir les oreilles
des voisins. A l'âge de
douze ans, elle entra
comme apprentie chez
une modiste, que l'in-
dépendance de son ca-
ractère épouvanta bien-
tôt. Elle fit de la sorte
dix- huit ateliers en
deux années.
On raconte qu'à cette
époque, elle était pos-
sédée d'un tel amour
du théâtre, qu'un jour
elle n'hésita pas à chanter dans les cours, afin de se
procurer l'argent nécessaire pour assister à une re-
présentation de l'Ambigu.
La mort de son père
la laissa bientôt libre
d'obéir à l'instinct qui
l'attirait vers les plan-
ches. Grâce à la protec-
tion d'une choriste, elle
entra d'abord comme
figurante au théâtre de
la Porte Saint-Martin.
Elle s'engagea ensuite
pour chanter le «ouplet
sentimental au café du
Géant, puis à l'AIcazar.
Enfin, après une cam-
pagne dans un café de
Lyon, elle débuta au
concert de l'Eldorado^
avec deux cents francs
d'appointements men-
suels. C'était en 1862,
et Thérésa continuait à
soupirer sans succès la
romance langoureuse.
Le directeur de l'AIca-
zar, M. GoubMt, la vit,
eut comme une révé-
lation, et lui offrit trois
cents francs par mois
pour chanter en charge
les divers morceaux de
son répertoire. Elle com-
mença par Fleur des
Alpes, qu'elle assaisonna d'accent alsacien et de dé-
hanchements bizarres; son succès fut très grand.
Dès lors, Thérésa passa à la dignité d'étoile. L'Eldo-
18
LA CHANSON,
rado et l'Alcazar se la disputèrent à coups de billets
de banqpie ; les journaux de Paris s'occupèrent d'elle
pour l'exalter ou la honnir ; divers auteurs lui com-
posèrent un répertoire abondant, où le cynisme s'u-
nisait au ridicule ; enfin, comble d'honneur, le pa-
lais des Tuileries et les salons du faubourg Saint-
Germain s'ouvrirent tout grands devant elle.
Il serait puéril de s'indigner aujourd'hui des ova-
tions folles qui ont accueilli jadis Thérésa. L'empire
était dans son droit et dans son rôle en patronnant
une méthode nouvelle d'abrutissement. Mais on peut
s'étonner avec raison de l'obstination que met la
critique parisienne à perpétuer la légende malsaine
dont Thérésa a trop longtemps profité.
La vogue de Thérésa est résultée d'abord de ceci :
que tout en elle était parodie. Elle n'était pas plus
femme que chanteuse, et les imperfections étranges
de son physique servaient merveilleusement les exa-
gérations de pantomime ou d'organe sous lesquelles
elle dissimulait l'indigence de sa méthode. Les raf-
finés se pâmaient à l'audition d'œuvres travestissant
l'esprit et la forme des poésies populaires, et la
masse peu clairvoyante applaudissait ces charges
que l'on donnait en haut lieu pour de fidèles portraits.
Thérésa n'a plus aujourd'hui de raison d'être.
L'âge est venu rapidement pour elle, empâtant
ses traits et changeant en un excessif embompoinl
la maigreur extrême dont elle tirait d'irrésistibles
effets. Sa voix n'est qu'un souvenir; nous en donne-
rons pour preuve l'unanimité de ses applaudisseurs à
vanter exclusivement sa diction: or, pour la criti-
que bénisseuse, tout chanteur qui ne chante plus est
un diseur émérite. Thérésa en est à cette phase
pénible. Son répertoire, d'aillfjurs, a vieilli comme
elle, et nul n'écouterait sans écœurement les refrains
saugrenus qui lui ont fait autrefois une popularité
plus tapageuse qu"enviable.
Jugeons brièvement Thérésa dans celte Madame
Grégoire, taillée pour elle sur un patron sexagénaire.
Son masque est dévasté, son allure pesante, son
geste gauche, sa voix dure et courte. On a dû écrire,
sur les vers de son rôle, des accompagnements lents,
monotones et faciles. Quand le compositeur se
laisse aller à quelque rhylhme alerte, elle est obli-
gée de dissimuler, par des intonations excentriques,
la faiblesse et la lourdeur de son organe. La chan-
teuse vibrante de la Gardeuse d'Ours, de la Femme
à Barhe, du Retour de Suzon même n'existe donc
plus, et la diseuse tant vantée ne fait que s'appro-
prier, en les grossissant jusqu'à la trivialité, les pro-
cédés de Darcier, son vieux maître.
Bannie du concert, Thérésa poursuit au théâtre le
succès qui la fuit. Nous ne croyons pas à la réussite
d'une tentative dont divers essais malheureux, la
Famille Trotùllat par exemple, auraient dû. la dé-
tourner. Et cela n'a rien qui nous afflige. La vraie
chanson ne pourra que gagner à la retraite défini-
tive de cette braillarde funeste, qui a mis sa gloire à
ridiculiser la poésie naïve et saine née du peuple et
vénérée par tous les esprits lucides.
L. -Henry Legomte.
SOUSCRIPTION
Pour élever une Statue à. Béranger.
gmo Liste. ■
Allocation votée par le Conseil municipal de Malakoff-
Vanves 50 »
Allocation Totée par le Conseil municipal de
Fontainebleau 100 »
Les Membres de la Lice Chansonnière ( 2« ver-
sement) 200 »
Société lyrique l'Etoile (produit d'une quête) . 17 »
Société lyrique les Enfants de la Seine (pro-
duit dune soirée) 200 »
Cercle Béranger (produit d'une soirée). . . . 109 »
La Muse des Arts et Métiers (produit d'une
soirée) 42 10
Société lyrique la Pastorale (produit d'une
quête) 12 •
Société lyrique la Cordiale (produit d'une
soirée) 60 95
La Lyre de la Gaîté (produit d'une soirée). . 50 »
Produit d'une quête faite au Trocadéro, pen-
dant la solennité du 21 Mars 215 »
MM. Mignel, de l'Institut (2"' versement). . . 50 »
Haranger, propriétaire des Magasins .
A Jacques Molay 50 »
Francis MeWil 5 »
Albert Vernaelde 1 »
J.-C. Pierroux, chansonnier 2 »
Jules Cabanon 10 »
Edouard Lep . .' 3 »
Hippolyte Daguet, ctiansonnier .... 1 »
Frobert, chansonnier 1 »
Un chansonnier de province 2 »
M"" Juliette Mancelière 2 »
MM. Emile Lane 5 »
Auguste Miellé 1 »
Odeqh 1»
Pelouze 1 »
Auguste Renard 5 »
Desrousseaux, chansonnier 5 ■
P. J. M. Béranger, à Lausanne (Suisse). 40 »
SouscriptionrecueillieparM. P. J. M. Béranger. 75 ■
Mil. Ad. Martin, artiste musicien 2 »
Détré 5 .,
Lobbé, iuge de paix du 3= arrondissement 5 n
Baulard, tabricant de glaces 20 »
Anonyme 2 »
Anonyme 10 »
M"" Brunon 5 »
M. Louis Dedieu 5 »
Les Employés de la Société des Auteurs, Com-
fositeurs et Editeurs de musique : MM.
loquet, 5 f r ; Dusson aîné 2 fr.; Dusson
jeune, 2 fr.; 'Tostain. 5 fr. ; Largeau, 2 fr. ;
Lebrun, 5 fr.; Delamarre, 1 fr.; Ginestous,
2 fr.; Desnoyers, 2 fr.;Lavallard,5fr.; Viard,
2fi.; Julian, 2fr. ; Lanne, 2fr.; Soive, 2 fr. . 39 »
MM. Gustave 'Weltzer, 2fr.; Joseph Weltzcr,
50 c. ; Mantreaux, 50 c. ; Maintieaux, 50 c. ;
Beyiier 50c.; Hippolyte, 60 c, ; Morizot, 50 c;
Surloppe, 50 c. ; Feuillet, 50 c. ; Lazard, 50c.;
Gahéry, 50 c, ; Leroy, 50 c. ; Celset, 1 fr. ;
Pech, 50 c 9 »
Total 1.418 05
Les souscriptions sont reçues tous les jours chez
M. MuRAT, trésorier, rue des Archives, 6, et aux bureaux
de La Chanson, rue Bonaparte, IS.
DIXIEiilE CONCOURS MENSUEL
Ouvert du 20 mai au 20 juin.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part,
avec une chanson de six couplets au plus, avec ou
sans refrain.
A l'avenir nous publierons, en même temps que
la pièce qui aura obtenu le l^' prix, une petite no-
tice elle portrait de l'auteur couronné, s'ily consent.
LA CHANSON
LE SALON DE 1880
(!'='• article)
Après les explications si nettes de M. Turquet, en
réponse à une interpellation de M. Robert Milchell,
la plupart des critiques qui avaient été faites au
début du salon, tombent ou plutôt changent d'a-
dresse. Il est maintenant hors de doute que si
M. Turquet avait été secondé par le Jury de pein-
ture, nous n'aurions pas assisté à cette totir de Babel,
dont le spectacle dure encore.
Ces Messieurs ayant, en effet, voulu « faire une
bonne farce i> au sous-secrétaire d'État républicain,
ont rendu inutiles ses efforts pour arriver à un clas-
sement intelligent et facilitant les comparaisons.
Espérons que, l'année prochaine, on trouvera le
moyen d'empêcher le retour de semblables manœu-
vres, si préjudiciables à l'art et à nos artistes.
Cette étude, très restreinte, ne me permettra que
de signaler les œuvres les plus remarquables dans
chaque catégorie, en suivant le classement : Hors
concours, exempts, étrangers, non exempts.
En première ligne, je placerai la Fontaine, de
M. Henner, Il règne dans ce tableau un charme
infini ; cette femme aux formes harmonieuses et
indécises se modelant sur le fond noir d'uu épais
taillis, est d'un aspect charmant ; la note gaie du
ciel bleu fait avec le paysage mélancolique un con-
traste merveilleusement poétique.
M. Pelouse nous montre une grève aride et tour-
mentée, fouettée par une mer aux vagues mouton-
neuses ; cette toile est d'un charme puissant. Qui-
conque a rêvé aux bords de l'Océan, reconnaîtra la
justesse de ces grands effets lumineux.
Le portrait de M. Grôvy, par M. Bonnal, est cer-
tes une excellente peinture, mais je lui préfère
le Job qui pourrait, sans crainte, être mis en paral-
lèle avec certains tableaux de nos anciens maîtres.
M. Feyen-Perrin nous fait admirer dos grandes
dames, ou tout au moins de fort jolies parisiennes,
vêtues en pêcheuses de crevettes. Il y a des gens
qui prétendent que les jolies femmes disparaissent ;
M. Feyen Perrin sait les retrouver. Pourtant, il est
dillicile de croire que ces pêcheuses aux attaches
fines soient les robustes filles des côtes normandes.
Le Soir aux champs, de M. Jules Breton, ne sou-
lève pas la même critique. Voilà de vraies filles des
champs, exténuées par une longue journée. de tra-
vail. Et quel sentiment juste et délicat dans ce
tableau 1
On a autant admiré que critiqué la Jeanne d'Arc,
de M. Bastien Lepage. On s'est, en effet, demandé,
tout en reconnaissant la valeur de la peinture, quelle
était l'utilité de représenter sous cette forme bruta-
lement réaliste, la poétique Jeanne. Je crois qu'en
général il est de ces légendes ou de ces figures qu'on
ne doit toucher qu'avec la plus grande finesse et la
plus grande discrétion.
Les Palanq^iins, de M. Guillaumet, sont le digne
pendaiit du Laghouat de l'année dernière. Ces deux
toiles font de lui le premier de nos peintres algériens.
C'est bien là ce pays du soleil aux couleurs éclatantes
et au ciel d'un bleu profond.
Je citerai encore M. Morot avec un Bon Samaritain
qui le met au rang de nos meilleurs artistes, et
dont on parle pour le prix du Salon ;
M. Roll dont la Grève des Mineurs est très juste-
ment admirée ; les Courges, de M. Vallon ; les Ener-
vés de Jumièges, de M. Luminais ; Fin d'automne, de
M. Rapin ; la Françoise de Rumini, par Blanchard,
qui nous fait d'autant plus regretter la mort préma-
tiu'ée de ce véritable artiste ; les deux portraits
exposés par M. Carolus Buran ; la Grand' route, par
M. Français ; le llexicet, de M. Jacquet, tableau bril-
lant qui nous reporte aux peintres de la fin du siècle
dernier ; Un coin d'église, par Bonvin ; le portrait de
M. Guillaume, par Baudry ; enfin, le Centenaire, par
Adrien Moreau, et VFau dormante, de M. Hanotteau,
que l'on peut placer au rang de ses meilleurs
tableaux. Georges Murât.
REVUE DE LA MUSIQUE POPULAIRE
Théâtre de l'Opéra. — Concert historique.
Malgré les embarras sans nombre qui ont assailli
M. Vaucorbeil depuis le commencement de sa gestion,
l'Opéra semble secouer peu à peu sa torpeur aristo-
cratique, et, sous la main qui le dirige, on devine
une àme noble, une conviction ardente, les batte-
ments d'un cœur dévoué.
L'impulsion est due aux eflbrts du nouveau direc-
teur et au concours précieux du secrétaire général,
I M. Ghérouvrier. Disons en passant que M. Ghérouvrier
défendit constamment dans sa jeunesse les doctrines,
qu'il est en train de consolider aujourd'hui.
La nouvelle administration vient de nous donner
un premier gage de ses dispositions progressives :
d'autres suivront de près. Parlons du Concert histo-
r'istique de samedi dernier.
L'art ancien y était représenté par trois maîtres
dont on peut dire qu'ils n'eurent de rivaux qu'eux
mêmes : Lully, Rameau et Gluck ; l'art moderne par
M. Massenet qui a dirigé lui-même sa légende sacrée :
la Vierge; enfin, Grétry et Rossini ont servi de trait
d'union : celui-ci avec le final magnifique du troi-
sième acte de Moïse, celui-là avec un air d'Anacréon.
Pour nous, les fragments d'opéras anciens ont été
la partie attrayante tlu concert : Alceste de Lully sur-
tout, et les Fêtes d'Hébe de Rameau. L'ouverture
d.' Alceste, d'un dessin très pur, n'est pas une simple
trouvaille, une proie à faire le bonheur du chercheur
curieux, elle pénètre par son accent vrai, elle excite
un vif intérêt, fait renaître le plaisir dans l'àme. Une
scène tragique suit de près. Tragique? Non : bur-
lesque plutôt, plaisante à la façon d'Aristophane. Je
vois d'ici le vieux Caron, assis au fond de sa barque,
répétant d'un ton goguenard un récitatif qui peut
encore servir de modèle aux inusiciens de notre
époque :
« Il faut passer tôt ou tard, il faut passer dans ma
20
LA CHANSON
barque... > Autour de lui les ombres se lamentent : il
y a cohue aux rivages du Styx; quelque épidémie là
haut sans doute 1 Mais voici qu'un homme s'élance
bousculant à son passage les ombres éplorées ; im-
puissant contre lui, le vieux Caron veut en vain
défendre sa barque, elle reçoit le nouveau venu et en-
fonce prodigieusement sous son poids, car celui qui
survient ainsi, c'est le héros qui nettoya la terre de
monstres et tyrans, Alcide, plus souvent nommé
Hercule.
Les Fites d'Hébé nous reposent de cette saillie un
peu lourde : là, tout est gracieux, riant, vaporeux.
Derrière un nuage chante l'Amour, puis Hébé ajoute
sa voix à ce concert aérien, dont l'harmonie voltige
douce et caressante, un peu superficielle comme le
siècle poudré qui l'a vue naître.
Je m'arrête ici ; quelques lignes ne sauraient louer
dignement VJphigénie en Tauridt, ni quelques mor-
ceaux en donner une idée : j'attends l'exécution inté-
grale.
Un mot encore :
L'Opéra va s'ouvrir au peuple, gratuitement ou à
prix réduits. Pour ce peuple si novice, si peu cul-
tivé, puisez aux sources de l'art, remontez à sa nais-
sance : la simplicité naïve de Lully et de Rameau le
captiveront bien plus que les entassements mélodi-
ques des opéras de Meyerbeer ou l'inspiration iné-
gale de ceux de Rossini. On n'apprend pas à lire
dans les ouvrages d'Edgar Quinet.
À Kniui..
BIBLIOGRAPHIE
MES «OirVEinnS. - ISOO-ISSO, — par BouFFâ,
Pari», Dtntu, fort in- 12, avec eaux-fortes. . . 3 fr. 50.
Quelques personnes, et même des critiques, s'atten-
dent, dès que parait l'autobiographie d'un comédien,
à y trouver, non pas seulement des détails sur la vie
de l'auteur et des anecdotes théâtrales, mais aussi,
et surtout, des leçons d'art dramatique, un exposé
exprofesso de la façon d'étudier tel ou tel rôle, de le
composer, de le jouer. Ils ne prennent pas garde que
le comédien qui retracerait ainsi par le menu ses
travaux personnels semblerait s'ériger en maître,
en modèle absolu, en professeur de perfection. Ils
crieraient alors, et avec raison, à l'outrecuidance et
au pédantisme.
Bouffé s'est garanti de ce travers. Il donne bien,
à l'occasion, ses idées sur la manière d'interpréter
certains personnages ; il hasarde, k titre de conseils
les réflexions que lui suggère l'expérience, et cela
surtout à un point de vue général ; mais il ne va pas
plus loin, et se renferme sagement dans son titre.
Ues Souvenirs, tel est le domaine qu'il s'est tracé et
dont il ne sort pas. Il est assez vaste encore, La vie
d'un comédien n'est-elle pas un peu celle de tous le»
comédiens, à de rares exceptions ? La vocation, la
difficulté du début, la lutte financière avec les di-
recteurs, les succès inespérés, les chutes inatten-
dues, les espoirs trompés ; puis la vie de famille,
les Toyages : e'e«t là l'histoire de tous. L'accent sevd
et les délails diffèrent. Puis les anecdotes, qui ne
sont pas un des moindres attraits de ces sortes d'ou-
vrages.
La carrière de Bouffé a été longue, bien qu'il ait
dû renoncer au théâtre à un âge où il pouvait en-
core espérer de nouveaux succès. 11 conte avec sinv
plicité, sans prétendre au style comme il le dit lui-
même ; mais sa bonhomie n'est pas sans malice, et
ce n'est guère que dans l'appréciation du mérite de
ses prédécesseurs et de ses contemporains qu'il est
sobre de restrictions. Amoureux comme il l'a tou-
jours été de l'art du théâtre, il était naturel qu'il
professât pour ceux qui l'ont cultivé, non seulement
avec succès, mais surtout avec une véritable supé-
riorité, une admiration sincère. Perlet, P»tier, Bru-
net, pour ne parler que des artistes étrangers à la
Comédie-Française, firent sur notre comédien une
impression durable et profonde. Le naturel, le co-
mique de bon goût, l'horreur de la charge, qualités
qu'il possédait lui-même, se développèrent par Its
exemples qu'il en avait sous les yeux et par les
conseils qu'il recevait.
Jamais meilleure semence ne tomba dans un ter-
rain plus fertile.
Je ne parlerai pas des premiers rôles que joua
Bouffé. J'ai le chagrin d'avouer, pourtant, que je
l'ai vu, au théâtre des Nouveautés, jouant le rôle de
Jonas et faisant la cuisine dans le ventre d'une ba-
leine. J'avouerai aussi qu'en 1829, époque où re-
monte ce souvenir, je n'étais peut-être pas très apte
encore à juger du mérite d'une pièce ou d'un acteur:
Mais j'ai vu, beaucoup plus tard, l'artiste dans ses
plus remarquables créations, et j'ai pu constater,
ainsi que toute une génération, quelle vérité il ap-
portait dans son jeu, quelle sûreté d'exécution, et
quelle conscience jusque dans les moindres détails.
Rire ou larmes, bonhomie ou duplicité, jeunesse,
vieillesse, il savait tout représenter avec une égale
perfection. Mais vouloir m'étendre sur les qualités
qui ont fait de Bouffé un des premiers comédiens de
notre époque, ce serait plaider une cause depuis
longtemps gagnée.
Ses Souvenirs sont pleins d'intérêt, et se lisent,
malgré la vérité des faits et la simplicité des évé-
nements, comme se lirait un roman attachant.
L'anecdote piquante s'y rencontre à propos. Les
représentations ruralei, si je puis m'exprimer ainsi,
offrent parfois des mésaventures comiques.
Les théâtres de société, la visite à l'invalide cen-
tenaire, les claqueurs, l'histoire du Gamin de Paris,
la rencontre des deux mystificateurs Romieu et
Monnier, les congés en province, combien d'autres
épisodes et même de chapitres entiers j'aurais
voulu pouvoir citer t Mais le feuilleton dramatique
d'un grand journal, fût-ce celui du Temps, n'y suffi-
rait pas.
J'en serai consolé, si je puis croire que j'ai inspiré
au public le désir de lire dans le livre même tant
de passages comiques ou touchants, et surtout cette
histoire simplement contée d'une existeace de la-
beur, de courage et de succès. Eua. Imbbrt.
LA CHANSON
21
LES PARISIENS DE PARIS
Paroles d'Edouard BOVEH,
Mnaiqae do J.-Maro CHAOTAGNE.
AlleRpcdo
On a cban _ te' les Francs eom
-lois Le» l'i-cards, les Nor-mauds et IcsChani.pe.
_noi8 Les Bour -gui _ gaoDS, Lus ^a _ va
• l'o _ ri_Biuuo do l'a.iis J"
Chaque province, de tous temps,
A fraternellement groupé ses enfants.
Qui, parmi nous, serrent leurs rangs.
Seuls les gens de Paris s'en vont tous errants.
C'est un grand tort, et pour qu'il cesse,
Au sein de l'antique Lulèce
Formons le faisceau, mes amis, ,
Des vrais Parisiens de Paris.
Nous comptons, parmi nos aînés
Qui, dans le vieux Paris se sont illustrés,
Des maîtres de tous vénérés
Pour les grands souvenirs qu'ils nous ont laissés
Beaumarchais, Villon et Molière,
Jean Goujon, Lesueur, Voltaire.
Voilà, je le crois, mes amis.
De vrais Parisiens de Paris.
Paris est l'immense berceau
De tout être qui pense et rêve le beau.
A son peuple qu'on dit badaud
Il faut chaque matin donner du nouveau.
Art, musique, littérature,
A son cœur tout sert de pâture.
Car du génie ils sont épris
Les vrais Parisiens de Paris.
C'est de Paris qu'on vit surgir,
(Quand le peuple écrasé se mit à rugir)
tes grands hommes sachant mourir
Pour défendre nos droits et nous affranchir.
Dans la tourmente populaire,
Du ventre de la Cité-Mère
La Liberté sortit aux cris
Des vrais Parisiens de Paris.
^
CONCOURS DE LA LICE CHANSONNIÈRE
SUJETS LIBRES (1" Prix).
FANTAISIE
A certain minois frais et doux.
Que semblait amuser ma peine,
Je demandais un rendez-vous
Pour quelque jour de la semaine.
— Non, dit-elle, pas aujourd'hui,
Contenez votre amour sincère.
Car c'est lundi, j'attends celui
Que je regarde comme un père.
Alors, dis-je, demain mardi
Vous daignez être ma compagne ;
Déjà les bois ont reverdi,
Nous dînerons à la campagne.
— J'aime les bois et le printemps,
Votre offre me parait galante.
Mais le mardi, depuis longtemps,
Je m'en vais dîner chez ma tante.
Mercredi, si je puis penser
Que rien déjà ne vous engage,
A vos pieds j'irai déposer
Mon plus respectueux hommage.
— Hélas! malgré les plus grands soins,
Notre trop fragile nature
A souvent d'étranges besoins,
Mercredi j'ai mon pédicure.
Jeudi, dépouillant la froideur
Que vous témoignez à ma flamme,
Laissez-moi vous peindre l'ardeur
Et les appétits de mon âme.
— Pour le jeudi, croyez-le bien.
J'ai déjà donné ma parole.
C'est le jour où mon collégien
Quitte les bancs de son école.
C'est donc le vendredi qui suit
Que je vous lirai le poëme
Et les sonnets que, dans la nuit,
M'inspire mon amour extrême.
— J'écouterais bien vos chansons.
Mais vendredi, j'ai la visite
Et les édifiants sermons
D'un révérend père jésuite.
Samedi serait un beau jour
Si, par pitié pour ma détresse,
Votre cœur cessait d'être sourd
Aux reproches de ma tendresse.
22
LA CHANSON
— Ma mère et moi, car nous avons
Entre nous plus d'une bisbille,
Quand samedi vient nous lavons
Notre linge sale en famille.
Si samedi m'est interdit
Au moins accordez-moi dimanche.
Mais la traîtresse répondit,
En mettant le poing sur la hanche :
— Quand je vaudrais si peu que rien,
Monsieur, c'est trop d'impolitesse,
Sachez que j'ai le cœur chrétien,
Dimanche je vais à la messe.
le Havre. Jules TERNY.
CURIOSITES DE LA CHANSON
tA CeMPtÂtNTE m SetOAT
Alfred Delvau, dans ses Noëls et Chants Populai-
res de la France, dit avoir entendu et recueilli cette la-
mentable histoire sur les bords de la Vienne. Gérard
DE Nerval la donne en partie dans les Filles de feu,
ainsi qu'Henry Murger dans les Vacances de Camille.
— Les auteurs de Madame Grégoire l'ont intercalée,
avec des modifications, dans le rôle nouveau de Thérésa
A. P.
Je me suis engagé
Pour l'amour d'une blonde.
Non pour mon anneau d'or
Qu'à d'autr'elle a donné,
Mais à caus'd'un baiser
Qu'elle m'a refusé.
Je me fuis engagé
Dans l'régiment de France.
Là où que j'ai logé,
On m'y a conseillé
De prendre mou congé
Par-dessous mes souliers.
Dans mon chemin faisant.
Je trouv'mon capitaine.
Won capiiain'me dit :
Où vas-tu, sans-soucis?
Je vais dans ce vallon
Rejoind'mon bataillon
J'iui reconnais au doigt
L'anneau d'or de Marie,
L'anneau d'or qui liait
Nos deux cœurs pour jamais.
Je n'ai plus rien alors
Puisqu'il a l'anneau d'or.
Auprès de ce vallon
Coule claire fontaine.
J'ai mis mon habit bas.
Mon sabre au bout d'mon bras.
Et je me suis battu
Gomme un vaillant soldat.
Là-bas dans les verts prés
J'ai tué mon capitaine.
• Mon capitaine il est mort,
Et moi je vis-t-encore.
Oui, mais dedans trois jours
Ce sera-z-à mon tour.
Celui qui me tuera
Ce s'ra mon camarade.
Il me band'ra les yeux
Avec un mouchoir bleu
Et me fera mourir
Sans me faire souffrir.
Que l'on mette mon cœur
Dans une serviette blanche,
Qu'on l'envoie au pays
Dans la maison d'ma mie.
Disant : « Voici le cœur
De votre serviteur. »
Soldats de mon pays,
Ne l'dit'pas a ma mère;
Mais dites-lui plutôt
Que je suis à Bordeaux
Avec les Polonais,
Qu'ell'n'me revoira jamais.
QUINZAINE DRAMATIQUE
Athénée-Comique : Les Dindons de la farce. — Vau-
deville : Nos députés en robe de chambre. — Théâtre
DES Arts ; Madame Grégoire.
La nouvelle pièce de l'Athénée-Comique a des
intentions de comédie, mais, au théâtre, l'intention
n'a jamais été réputée pour le fait. Malgré quelques
jolies scènes et l'entrain des acteurs, les Dindons, de
MM. Monselet et Lemonnier, ne s'ébattront pas
longtemps. Je le regrette car, en définitive, cette
œuvre fait un contraste heureux avec les inepties
épicées qui composent le répertoire du lieu.
Le titre de la comédie de M. Paul Ferrier semble
annoncer une œuvre politique. Il n'en est rien, et
l'auteur n'a cherché que l'occasion de scènes plai-
santes. Trois députés d'opinions différentes profitent
des vacances pour aller revoir la ville qu'ils repré-
sentent. Ils y sont en butte aux persécutions de
leurs électeurs, et reprennent avec enthousiasme le
chemin du Palais-Bourbon, où ils comptent se dé-
dommager par un sommeil bienfaisant. Action
légère, mais amusante parfois, et qui fournit aux
artistes du Vaudeville l'occasion de bonnes carica-
tures.
Je voudrais pouvoir dire quelque bien du vaude-
ville que vient de représenter le Théâtre des Arts.
Membres du Caveau, les auteurs sont un peu des
nôtres. Est-ce une raison pour déguiser la vérité ?
Non, quoiqu'il en coûte de la dire. La pièce est
inepte, malpropre et ennuyeuse. La vigoureuse
commère célébrée par Béranger y joue un rôle semi-
bouffon, semi-larmoyant, dont aucun intérêt ne se
Madame Grégoire a pour nièces trois jeunes filles
qui servent chez elle et que courtisent trois dra-
gons. Ces dragons, croyant enlever des actrices qui
les ont fascinés, enlèvent les innocentes. Mme Gré-
goire se met à la poursuite des trois couples. On
devine le dénouement, retardé par une foule de
mascarades, d'arrestations, de bousculades et de
Le public du premier soir, bien que très visible-
LA CHANSON
23
ment sympathique, n'a pu contenir l'expression
d'un vif mécontentement à certaines scènes où le
dialogue et les mouvements de scène atteignent les
limites extrêmes du dévergondage. Le deuxième
acte est particulièrement révoltant. MM. Burani et
Ordonneau ont commis là une erreur grave dont ils
porteront la peine, car, quoi qu'aient écrit certains
critiques trop indulgents, la pièce ne tiendra pas
longtemps l'affiche.
J'ai dit ailleurs ce qu'est Thérésa dans Madame
Grégoire. MM. Delorme et Verlé ont droit à des élo-
ges dans leurs rôles soldatesques. Les autres inter-
prètes ne méritent pas d'être nommés.
La plupart d.s théâtres de Paris gagnent, à l'aide
de reprises plus ou moins heureuses, le jour désiré
de la clôture traditionnelle. Le public les verra fer-
mer sans trop de regret, car l'année théâtrale n'a
produit, en résumé, aucune de ces oeuvres qui da-
tent, et mis en relief aucun artiste donnant de légi-
times espérances.
L.-IIenrt Lecomte.
NÉCROLOGIE
Le monde artistique vient de faire une grande
perle, dans la personne de notre ami, Tony RiefUer,
compositeur de musique, mort à vingt-six ans, à
l'Asile Sainte-Anne, le lo mai. Musicien de talent,
pianiste d'un rare mérite, il avait »u conquérir l'es-
time de tous. G était une nature aimante, confiant
dans l'avenir. Je crois encore le voir lorsque, quel-
ques jours avant son décès, qui nous a tous frappés
de stupeur, le jour même où la fièvre s'empara de
lui, il me disait avec joie que sa femme venait de
mettre au monde un fils. Pourquoi faut-il que la
mort ait en un instant anéanti les projets qui ger-
maient dans la lèle de ce pauvre ami et jeté toute
une famille dans la désolation, en privant l'art musi-
cal d'un compositeur qui d'ici peu de temps aurait
été un des maîtres de l'opérette.
Les œuvres de Tony Rieffler, très nombreuses,
sont toutes empreintes d'un cachet d'originalité.
Parmi les pièces de théâtre, citons la Petite Bohé-
mienne, opérette en trois actes, représentée aux
Bouffes- Populaires, et dans laquelle il s'était révélé
un musicien de talent, les Faux Nez et la Chanteuse
par Amour, à l'Alcazar ; la Belle Françoise, les Écos-
seuses de Pois et le Chien de la Chaiitetâe, à la Scala ;
sans compter un grand nombre d'opérettes, duos et
saynètes qu'il serait trop long d'énumérer. Travail-
leur infatigable, il comptait de grands succès au
Concert, entr'autres : On peut entrer. Pardon Madame,
Si t'avais pas ta mère, la Bottine à Titine, Seule, les
Noces d'or, J'en veux ma part, et la gracieuse polka de
A ton bras, qui restera.
L'heure matinale de l'enterrement et le jour qui
était le lundi de la Pentecôte, où l'on donnait des
matinées dans tous les théâtres et concerts, ont em-
pêché beaucoup d'artistes de se rendre aux obsèques.
Nous devons pourtant constater la présence de M. Ur-
bain, du théâtre de la Renaissance, Charles Voisin,
fils de la directrice de la Scala, Raspail, chef d'or-
chestre du Tivoli Vaux-Hall, Bérod, de la Scala,
Ed. Drucker, le collaborateur et l'intime du défunt,
Bocq, directeur du Monde musical, Mme Zélia Dela-
noy et Mlle Mialet, de la Scala.
Constant Saclé.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQliES
Samedi, 13 mai, le Cercle de l'Étoile donnait sa
dernière soirée de la saison dans la salle de l'Hôtel
des chambres syndicales, rue de Lancry.
Grand succès pour Mlles Dehaut et Hermann qui
prêtaient leur concours à cette représentation. Le
3™° acte du Fils naturel a été interprété d'une bonne
façon par MM. Paul Banès, Etienne, Rueff et Van-
Beulaer. M. Banès, qui a été pendant dix ans pension-
naire du Théâtre-Français de Rouen, a joué le rôle
du marquis d'Orgerac d'une manière digne des plus
grands éloges.
Citons aussi : MM. Maire et Rouvière qui ont lar-
gement contribué au succès de la soirée.
Alfred B.
Les Amis de la, gaité de Montmartre ont donné, le
16 mai, leur soirée intime dans la salle Pétrelle.
Quoique bien composé, le programme manquait
de noms d'artistes-dames. La partie comique, assez
intéressante, a été tenue par MM. Dreano, Vaudry,
Defente, bien jeune, mais très intelligent ûa^ixs Paris
en poche; Beaux, amusant dans Je dine chez Tata ;
Renard, pas bien drôle ! Rouvreau, Desrieux, Pillot,
Bertrand et P. Blanchot.
Les champions de la romance étaient M. Bacot
qui, avec peu de voix, chante agréablement Les
lèvres roses ; M. Bordeau qui manque un peu d'au-
torité dans le Forgeron; et M. E. Blanchot, dont
l'organe vocal n'a aucune sonorité.
M. Wexler a été charmant dans le Déjeuner sur
l'Jierbe, et M. Fourtier, fort agréable dans la Mule de
''Pedro.
M. Grenier fait la Ij'rolienne en artiste consommé.
C'est un plaisir que d'entendre M. Pringuet; sa voix
agile se prêle facilement aux exigences de l'air de
Richard-cœur-de-Lion. Jules Raux.
Le lundi de la Pentecôte, la Fantaisie Lyrique
donnait une représentation extraordinaire. Nous
avons entendu M. Cooper Albert, désopilant dans
J'ons marié Thérèse ; M. Nathan, très applaudi dans
■J'ai yerdu mon amie. M. Callebert récite L'ivresse du
Forgeron d'une voix chaiide et bien timbrée ; mais
avec trop peude gestes. Un petit prodige d'une dou-
zaine d'années, Mlle Charlotte, provoque une hila-
rité générale avec J'connais c'te trompette là; le bruit
court qu'elle est engagée à la Scala.
L'histoire d'un sou, interprétée par Mlle Marguerite,
Mme Blondel, MM. Lartelier et Inderbilzin, n'était
passuffisammentsue, mais quelques bounesréparties
de Mme Blondel ont sauvé plusieurs fois la situation.
Le garçon et la d'moiselle d'honneur, duo comique,
chanié par Mlle Charlotte et M. Ville, a fait grand
plaisir.
La Fantaisie Lyrique prépare pour le mois pro-
chain une grande soirée ; les chanteurs seront accom-
pagnés par un orchestre.
Mercredi, 19 courant, soirée à la salle Chabaille,
passage Kutzner, au bénéfice d'un compositeur ma-
lade. Mlle Fortin aété justement applaudie. M. Juliano
a chanté Le Nid sons les fleurs avec beaucoup d'art.
M. Sutter a interprété finement Mimi Pinson. Les
vieilles chansons ne sont pas toujours les moins
bonnes. Pot-Louis, qui le sait bien, nous a rendu
une de ses plus anciennes. L'Hiver, d'Hégésippe
Moreau et La Nuit de décembre, de Hugo, ont fait
valoir les qualités dramatiques de Francisque. Ru-
bois, Jeannin, comme auteurs, sont habitués au
succès. Prix de chant : Mme Lecœur et M. Richard.
A. B.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C«, 6, rae Mar/el.
24
LA CHANSON
LE TUBE-LEVASSEUR
Couplets anti-narcotiques, par ETIENNE DUCRET
(Air : Faut-il avoir du guignon).
Arrière, cMbouk, cigarre,
Narghilé, blague, tabacs !
Noir Brûle-gueule, aussi gare !
Votre prestige est à bas...
Jean Nicot, ta renommée
Trouve un digne successeur
Dans la suave fumée
Du bon Tube-Levasseur... (bis)
Fin comme la tige opale
Des roses que nous aimons.
Quand j'aspire, quand j'avale
Son arôme à pleins poumons,
Comme un doux souille de fée,
Glisse, de la lèvre au cœur,
La bienfaisante bouffée
Du bon Tube-Levasseur... (bisj
Jadis, pauvre cachochique,
Je toussais, à qui mieux mieux ;
Aujourd'hui, sans narcotique.
Je le sens (c'est merveilleux !)
Plus ae catarrhe, de rhume.
Plus d'asthme, ni maux de cœur.
Depuis que je ne consume
Que des Tubes-Lbvasseur... (bis)
L'autre jour, près de ma belle,
J'arrive, la bouche en cœur...
« Pouah !... ton haleine, dit-ello.
Est infecte... pars, fumeur!... »
Qui peut avec la sirène
Me remettre en bonne odeur ?
Rien qu'une demi-douzaine
De bons Tubes-Levasseur... (bis''
Oui le tabac (c'est notoire),
D'inconvénients est plein...
Il fait perdre la mémoire,
Cupidon même s'en plaint...
Du nouveau feu que j'allume,
Clarisse prise l'ardeur,
Quand avec elle je hume
Un bonTuBE-LEVASSKUR... (bis)
Au boudoir, au Gynécée,
A table, au lit même, on peut.
Sans vertige, sans nausée,
En griller autant qu'on veut...
Pour sa vertu sans pareille,
Ses parfums et sa saveur,
Au beau sexe je conseille
Le bon Tube-Levasseur... (bis)
L'étudiant, la grisette.
Le seigneur, le paysan.
Le gavroche, à la guinguette,
Le pacha sur son divan.
Voire la sainte-n'y-touche,
Popol même avec sa sœur
Ne portent plus à leur bouche
Que le Tube-Levasseur... (bis)
Plus de mâchoire noircie 1
Déjà, dans ses ateliers,
Osanmi, de jalousie.
Fait grincer ses râteliers..,
Le marchand de pipe écume ;
La buraliste se meurt,
De crainte que l'on ne fume
Que des Tubes-Letasseur... [bis)
Ur, d'où lui vient celte vogue ?
C'est qu'habile pharmacien,
Son auteiu a su, sans drogue,
L'inventer pour notre bien ;
C'est que tout l'aréopage
Des grands médecins, en chœur.
Dans les journaux rend hommage
Au bon Tube-Levasseur... (bis)
Goutteux, catarrheux, phthisiques.
Hâtez-vous donc d'accourir ;
Venez, tousseurs, asthmatiques,
Puisque c'est pour vous guérir
Que ma muse : 23, rue
De la Monnaie, a l'honneur
De chanter la bienvenue
Du bon Tube-Levasseur... (bis)
l'RAIVCE
Vn an : 6 francs.
ETHAAIGER
Vil an : S francs.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
est mise en vente le samedi, chez tous les libraires, marchands de journaux et de musique de France.
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lO CENTIMES."
'6 JUIN M
LA CHANS
Directeur- Géran t .
A. PATAY
La chanson est une forme ailée et
charmante de la pensée. Le couplet
est te gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, la ligne.
Réclames, —
JLa chanson, comme /a baïonnette
est une arms française.
J. CLARETie.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PAnis
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
Galerie des Chansonniers I Henry Dlarger (L.-Hp.-inv Lecomïb). —
Jiérangcr et la Chanson, suite et fin (Jules Claurtie). — Le Salon
de ISSO, 2'"» article (Geouobs JIubat). — Ton Cœur esl-il fermé?
Paroles de Maxiue Guy, musique do JuLBS Ql'idant. — Lettre d'an
Jeune Marié (GBoncEs Lélio). — Les Fils de Rois ont da malheur
chez nous (Noël Mouoet). — Chronique, des Sociétés Lyrique!
(G. LEiiAiTnE, Hip. GcrcHE, A. BKnTlsoT). — Concours dramatiqin
entra les Solistes des Sociétés lyriques de Paris, Circulaire e
Règlement da Comité, — Choses et autres, — La Triboulelte
clianson-rcclamc (ETlE^■^r, Dcceet)
GALERIE DES CHANSONNIERS : HENRY MURGER
Celui-là fu(, le poèlc
fidèle de la pau\a'elo
courageuse, le chanlrc
gTacleux et ému dos
joies libres et des
;i mours légères. Son
œuvre, toute consacrée
à la jeunesse, reste
étonnamment jeune.
Henry Murger naquit
le 2i mars 1822, à Pa-
ris, rue des Trois-Frè-
res, dans vme maison
uii son père cumulait
les fonctions de con-
cierge et la profession
de tailleur.
La première enfance
(le Murger s'écoula chez
les locataires de cette
même maison, au pre-
mier étage surtout, où
logèrent successive-
ment Garcia, Lablaclie
et Baroilbet. La Mali-
Ijran, fille de Garcia,
eut souvent pour lui
'les chansons et des
caresses. Il fréquenta
ensuite l'école commu-
nale. A treize ans, ses
parents jugèrent qu'il
en savait assez, et le placèrent comme petit clerc
dans une étude d'avoué. Trois ans plus tard, sur la
recommandation de M. de Jouy, l'académicien, Mur-
ger devint secrétaire
d'un grand seigneur
russe, lo comte de Tols-
loy. Cet emploi, quasi-
siuccure, lui valut, pen-
dant dix années, qua-
rante francs par mois.
C'était peu, et Murger
songea à demander à
la littérature un sup-
plément de numéraire.
Il entra au Corsaire-
Satan, puis à VAo'tiste,
sans que les nouvelles
à la main et les petits
vers qu'il donnait à ces
deux journaux lui rap-
portassent gloire ou
profit. Ce ne fut qu'a-
près 1848, quand la
Révolution de février
lui eut fait perdre son
emploi, que Murger se
mit sérieusement au
travail. Il professait
alors pour la rime une
adoration exclusive.
Champfleury, plus pra-
tique, le décida à
écrire en prose. Son
début fut un coup de
maître ; il publia dans
le Corsaire, chapitre par chapitre, les étonnantes
Scènes de la vie de Bohême, dont le succès fut énor-
J me. Chaque feuilleton lui était payé quinze francs-
26
LA CHANSON
Le livre, vendu cinq cents francs à un éditeur, fut
tiré à soixante-dix mille exemplaires, et ïhcodoro
Barrière en lit un drame original et poignant.
A partir de cette époque, les journaux et les
revues sollicitèrent la collaboration de Murger. Il
publia, à des intervalles inégaux, diverses études
de mœurs, rassemblées depuis par la librairie Michel
Lôvy en douze volumes intitulés : Scènes de la vie
de iohême, les Buveurs d'eau, le Dernier rendez-rons,
Madame Ohjmjie, le Pays latin, Propos de tille et
2)roi)os de théâtre, le Roman de tontes les femmes. Scè-
nes de campagne, Scènes de la vie de jeunesse, le Sabot
rouge, les Vacances de Camille, Ballades et Fantai-
sies.
Si ces ouvrages consolidaient la réputation litCé-
raire de Murger, ils n'éloignaient raalbeureusement
pas de lui la mauvaise fortune. Murger continuait à
mener cette vie de bohème qu'il donne lui-môme
comme « le stage de l'Académie, de l'Hôtel-Dieu ou
de la Morgue ; » vie singulière et pénible, où des
gens bien doués emploient plus de jours à recueillir
cent sous qu'il ne leur faudrait d'heures pour
gagner cent francs ; vie coupable, en délinilivc, qui
n'est qu'un hymne constant à la paresse, et dans
laquelle finit par sombrer la dignité la plus robuste.
Murger eut beau rompre avec les plus compromet-
tants de ses amis, les habitudes de sa jeunesse le
suivirent dans l'âge mûr. Il ne put jamais s'astrein-
dre à ces besognes continues qui, seules, assurent
l'indépendance ; il vécut constamment d'expédients.
Disons pourtant à son excuse qu'il avait le travail
diiricile,etque, si fort que le pressât le besoin, il tint
toujours à honneur de ne livrer aucune œuvre au
public avant d'en être absolument satisfait. Cons-
cience rare, et qui préserve contre l'action dix temps
le monument littéraire qu'il a bâti.
Au mois d'août 1838, Murger fut décoré, et tous
ses confrères l'eu félicitèrent chaudement. Trente
mois plus tard, il succombait à une maladie cruelle,
laissant d'unanimes regrets.
Deux pièces en un acte, le Bonhomme Jadis, resté
au répertoire de la Comédie-Française, et le Serment
d'Horace, joué au théâtre du Palais-Royal, complè-
tent, avec un recueil de poésies intitulé les Nuits
d'hiver, la liste des ouvrages de Murger.
Les NvÀts d'hiver ne virent le jour qu'après la
mort de Mm-ger. Il en avait préparé la publication
avec un soin extrême. Là sont réunies ses inspira-
lions les plus charmantes, les plus douloureuses,
les plus personnelles. C'est dans ce volume que la
critique puisa; lors du décès de Murger, la justifica-
tion des regrets amers qu'elle publiait ; c'est là que
nous étudierons le Murger chansonnier qui doit
intéresser particulièrement nos lecteurs.
Les poésies de Murger sont, la plupart, . rhy th-
mées de façon à tenter les musiciens. La jeunesse
n'a qu'un temps, Mlle Musette, Si tu veux être la ma-
done, les Emigrants, Marguerite, ont heureusement
inspiré MM. Schann, Darcier, Pugno et divers au-
tres. La Lettre à Ninon, Ophélia, Renovare, le Requiem
d'amour, Chanson d'hiver, auront évidemment un
sort pareil. M. L. Bordèse n'a,-t-il pas, l'aulre jour,
mis en musique le Chien du braconnier, et n'a-l-on
pas dit, ici même, quel succès obtiennent les Cor-
beaux, chantés par le peintre Besnus sur l'air Irouvé
par lui en compagnie du poêle, et que la Chanson
espère bien publier un jour.
Murger excellait à conter les amours finis et à
pleurer les maîtresses envolées. Ses vers sont pleins
de grâce, d'esprit, de tendresse mélancolique. La
Chanson de Musette, particulièrement, est un chef-
d'œuvre d'émotion et d'originalité. Elle évoque
irrésistiblement le souvenir de cette admirable
figure de la Jeunesse attristée, par laquelle le sculp-
teur Aimé Millet a très justement personnifié la
muse du doux poète trop tôt disparu.
L.-Henry Lecomte.
BÉRANGER ET LA CHANSON
(1)
(suite et fin)
Ceux qui, en ces temps derniers, ont contesté à
Béranger sa valeur littéraire et morale, n'ont pas
voulu, n'ont pas su voir peut-être quelle était la
note maîtresse de la poésie de Béranger, cette note
patriotique, véritablement populaire, simple comme
tout ce qui est grand, et qui, partie du peuple,
allait droit vers le peuple par lo plus court chemin ;
)a clarté. Ils n'ont pas vu que Béranger voulait sur-
tout enseigner ; ils ont oublié tous ces vers prover-
bes qui courent les mémoires comme des maximes
de Voltaire, tous ces préceptes de dévouement ou de
bonté, de patriotisme et de liberté, que Béranger a
fait passer dans tous les cœurs, parce qu'il les a
trouvés dans le sien. Et croyez-vous, d'ailleurs,
que Béranger eût l'orgueil de se comparer aux plus
grands maîtres ? « Je n'ai que de l'esprit, disait-il
un jour, Et Lamartine a du génie I » Mais c'est beau-
coup en France que d'avoir de l'esprit et surtout
d'avoir le bon esprit et le courage de s'en servir. —
« Savez-vous comment je vous appelle, Béranger ?
lui disait un jour M. Thiers. Je vous appelle l'Ho-
race français. — Que dira l'autre ? » répondit le
poète en souriant.
C'est encore Béranger qui écrivait très-modeste-
ment à Brazier :
Si l'on dit que j'ai fait' des odes,
N'en crois rien, j'ai fait; des chansons.
Il le savait bien, d'ailleurs, que son titre véritable,
son titre devant la postérité, ce serait celui de chan-
sonnier. Avec son bon sens aiguisé, il ne dédaignait
pas ce nom, qui n'evit point suffi à une ambition
plus haute.
Il savait que la chanson, cotte chose charmante,
ailée, légère, est véritablement française. C'est
avec des chansons qu'au temps passé on enlevait
les fillettes et les villes I Ua refrain électrisait une
armée ; une ariette faisait battre un cœur ! Quelle
puissance qu'une chanson ! Napoléon, partant pour
la campagne de Russie, et montant en selle, fre-
(1) Voir le ;i° 2 de La Chanson
LA CHANSON
27
donnait entre ses dents un refrain, et c'était Malbo-
roiig s'en ra-l-di ffucrre. Sur presque tous les
cadavres des grenadiers de la garde, à Waterloo, les
Anglais rainassaisnt de petits cahiers de papier
imprimé, et c'étaient des cahiers de chansons.
Depuis la Chanson de Roluiid, que chantaient les
preux bardé3 de fer, jusqu'à la Chanson du salpêtre
quejetaient auvent les soldats de Sambre-et-Meuse,
c'était une chanson qui, combattant avec les. Fran-
çais, leur avait gagné la victoire.
Voltaire disait à propos des chansons que, « pour
bien réussir dans les petits ouvrages, il faut dans
l'esprit de la finesse et du sentiment, avoir de
l'harmonie dans la tête, ne point trop s'élever, ne
point trop s'abaisser et savoir n'être pas trop
longl 1) Béranger fit de ces « petits ouvrages » dont
parlait Voltaire de grandes œuvres et il ajouta
comme une parure nouvelle à notre littérature
nationale.
Il fut, il est le chansonnier, comme La Fontaine
est' le faMier. El ne savait-il pas tout ce que vaut
la chanson? Né savait-il pas quelle arme terrible elle
est entre une main habile? La chanson comme la
baïonnette, est une arme française ! C'est l'héroïsme
des Douze Pairs que nos premiers soldats chantaient
en allant aux batailles. C'est la chanson de RoleH
Wace que fredonnaient nos serfs courbés sous
leurs seigneurs. C'est en chantant que Jacques
Bonhomme oubliait ses douleurs ou vengeait ses
injures. Les chansons contre la Ligue traversaient
l'air de Paris décimé, assiégé, affamé. Les chansons
contre le Mazarin faisaient, comme les chants
d'Amphion, remuer les pavés et se dresser les bar-
ricades de la Fronde. La royauté tombait au refrain
d'une chanson, et la patrie renaissait aux accents
de la Marseillaise. Les classiques du peuple, ce sont
les chansonniers. Jules Glaretik.
LE SALON DE 1880
(2" article)
La galerie des Exempts nous offre beaucoup de
h'cs bonnes œuvres, et, si l'on est amené à regretter
l'exemplion du jury pour certaines autres, il faut
pourtant rendre justice à l'onsomble, qui est bon.
L'œuvre que je citerai volontiers la première porte
un titre bien .simple : Dans la Campaijne. Ne vous y
fiez pas. M. Lcrolle, médaillé de l'année dernière,
veut marcher rapidement à la conquête du « hors
concours, » et ira plus loin s'il continue à marquer
,ses étapes de cette façon. Une jeune fille tricote en
faisant paître ses moutons; elle est charmante d'at-
titude et de vérité. Dans ce tableau, il n'y a pas d'ac-
cessoires; tout a bien sa raison d'être et est peint en
Conséquence.
Je ne dirai pas la même chose de la toile de
M. Danlan : Un coin d'atelier. Je trouve que l'acces-
soire y occupe trop de place, et force l'attention au
détriment des deux figures, qui sont très justes. La
jeune femme surtout, dont la pose ravissante est très
vraie: en somme, c'est là un bon tableau.
M. Balavoine, avec La Séance interrompue, nous
montre également un modèle au repos, et, ma foi,
un beau modèle, joliment point. Le châle noir, qui
l'enveloppe en partie, est d'un effet très réu.ssi.
M. Manet envoie cette année deux toiles. De l'une,
Chez le 2)ère Lathwilc, je no dirai rien; de l'autre, le
portrait de M. Anlonin Proust, je ne ferai que des
éloges. Voilà un magnifique portrait qui fait regretter
que son autour ne s'en tienne pas à ce genre ; c'est, il
me semble, le meilleur qu'ait fait cet artiste.
Des nombreux tableaux représentant la Mort de
Marat, celui de M. Aviat est véritablement le seul
digne d'intérêt; il est surtout sobre et ne force pas
l'attention par l'effet violemment dramatique. La
lumière joue de la façon la plus heureuse autom" de
la jeune femme, qui exprime bien l'horreur et l'étou-
nement de son crime.
La Mort de La Tour-dJ Auvergne, le premier grena-
dier de France, par M. Moreau, de Tours, est d'un
effet puissant ; les pcrsonnnages groupés autour du
corps du héros ressentent bien la douleur et le regret.
Le représentant du peuple, surtout, répond à l'idée
qu'on se fait de ces hommes de fer habitués à voir la
mort faucher autour d'eux les plus illustres et les
plus dignes.
Le tableau de M. Le Blant nous montre également
des héros républicains, mais ceux-là sont aux prises
avec l'f'nncmi. Une nombreuse troupe do chouans
les entoure; la fusillade éclate sur toutes les faces du
bataillon can-é, semant la mort parmi leurs farouches
adversaires sans les an-ètcr. Ce drame poignant est
supérieurement rendu. Le paysage est également
très heureusement peint.
Les éloges n'ont pas manqué à M. Dagnan-Bouve-
ret pour son Accident, et c'est de toute justice. Nous
sommes loin de ces tableaux de genre peints pour
l'œil, sans souci de la vérité. Dans un genre bien
dtl'érent. Saint Herhland, figure monumentale desti-
née à l'église de Bagncux, il faut également recon-
naître le réel talent de M. Dagnan.
La Marchande de ï'oissons à Dieppe, de M. lla-
quctlc, prouve que cet artiste réussit aussi bien la
figure que la nature morte. 11 est impossible de ne
pas acheter à une marchande aussi avenante, propo-
sant des poissons de cette fraîcheur !
Le Braconnier, de M. Delort, nous fait assister à une
de ces scènes fréquentes sur les lisières des forêts.
Deux gendarmes ont découvert, devant la chaumière
d'un bûcheron, un chevreuil mort caché par des bran-
chages, et dressent procès-verbal. Le braconnier a
bien l'attitude rageusement résignée devant la force.
Le paysage est bien.
M. Hippolytc Dubois expose deux toiles : Le
Musicien aral/e et Une Rue d'Alger; la dernière est de
beaucoup la meilleure, très joliment rendue et prise
sur le vif.
M. Dameron, élève de M. Pelouse, marche à grands
pas sur les traces de son maître : La Ferme de Ker-
lavcn nous fait voir un très curieux effet de soleil
couchant*
Citons encore, dans les exempts, M. Lelolr, dont
28
LA CHANSON
la Pêche avait déjà ûugré avec honneur à l'exposilion
des aqxiarellistes ; M. Julien Dupré, qui fait tous les
ans de nouveaux progrès ; M. Amand Gautier, dont
la Répétition au cornent est d'un sentiment si fin ; Ze
Cellier de Chardin, de M. Delanoy; Fleurs des Champs,
de M. Leclaire; Ze Train de 2ilaisir, de M. Schmidt,
toile très originale ; JiaMais, cwé de Meudon, de
M. Garnier ; Fumée d'Amh-e gris, de M. Sargeut ; les
deux tableaux de M. de Penne ; Ze Port ZoumersoX
l'Avanl-2)orl de Danherque, de M. Lapostolet; Embar-
quement de Fleurs, de M. Jeannin ; enfin, Le Tullia-
num pendMwt la persécution, de M. Guay, grand ta-
bleau d'un bel effet. Georges Murât.
TON COEUR EST-IL FERME
Romance
l'aroIcN «lo jllnxiiiie &lîl',
!Uii.si<iuc de JulôM fflTIUAniT.
i^."" COUPLET
blonds chelteui 1» so jon.ersa frsî.cbe.
se coDi _ œe au temps be . ni
d'nu.tre- fois y . rons ooas eo .co.re ma
les grands bois Re_ chercher ronibre et le mys ^
Refrain. Mod'.»
de ma cban _ soD vois. lu!. Je
^
r, 1"'^- \'Cr^^
er. dra-is la rai. son sans ton »
coeur se_ _ fcrmail, _j/, Ui , sot . - ia, j,, ^ ^_ s'
Pour parer ton minois charmant,
Va revêtir la robe blanche
Qui plaît si fort à ton amant,
Ma Lise, aujourd'hui, c'est dimanche.
Yoisl le soleil est radieux,
Et répand des torrents d'ivresse ;
Son chaud rayon donne à tes yeux
Des reflets d'or pleins de tendresse.
Ton cœur est-il fermé, Lisette,
Aux doux accents de ma chanson ?
Vois-tu I... je perdrais la raison
Sans ton amour, ma mignonnette.
Vois-tu 1... je perdrais la raison
Si ton cœur se fermait, Lisette.
Les prés verts se couvrent de fleurs,
Pour orner ton riant corsage,
Et mêler leurs vives couleurs
A l'incarnat de ton visage.
Le rossignol aux purs accents.
Dans une tendre mélodie.
T'invite à fêter le printemps ;
Ecoute sa voix, mon amie.
Ton cœur est-il fermé, etc.
Quitte ce vilain air boudeur
Qui sied si mal à ta figure.
Reprends le sourire moqueur
Que t'a donné dame Nature.
Redeviens la joyeuse enfant
Au cœur ardent de poésie,
Je ne reconnais plus vraiment
Celle que mon âme a choisie.
Ton cœur est-il fermé, Lisette,
Aux doux accents de ma chanson '?
Vois-tu 1... je perdrais la raison
Sans ton amour, ma mignonnette.
Vois-tu 1... je perdrais la raison
Si ton cœur se fermait, Lisette.
LETTRE D'UN JEUNE MARIÉ
Rondeau
Paroles de Georges EiÉLIO,
]llusîc|ue de Ciicrniain Ei.%.IIRl!]rVJ$.
Mon cher Gontran, je l'ai promis,
Il faut queje te conte
Le cas ou ton ami s'est mis;
Ceci n'est pas un conte :
A Besançon, un certain jour,
(Heureuse circonstance),
D'une fillette faite au tour
Je fis la connaissance.
Brunette à l'œil noir, plein de feu,
Elle rûarchait seulette,
Et je me dis : « Ce n'est qu'un jeu
Pour faire sa conquête. »
LA CHANSON
29
Ses jupons retroussés un brin
Laissaient voir jambe fine,
Et pimpante, sur le chemin,
Trottinait sa bottine.
Bref, au coin d'un noir carrefour,
Voilà que je l'accoste;
Tout en lui contant mon amour.
Mon cœur courait la poste :
Je lui dis... je ne sais plus quoi.
Qu'elle était fraîche et belle,
J'offris ma fortune et ma foi
Sans qu'on fit la cruelle.
En voyant mon aspect courtois,
Monsieiu', répondit-elle,
C'est pour le bon motif, je crois,
Que vous me trouvez belle.
Vous avez l'air... d'un bon garçon,
Et, si ma main vous tente,
Je vous permets, et sans façon,
De consulter ma tante.
Du même pas, marchant .tous deux,
Nous arrivons bien vite ;
Et, bête comme un amoureux.
D'effroi, mon cœur palpite.
La vieille tante, ayant toussé,
Prit une forte prise.
Me voyant aussi fort pincé
Parut un peu surprise.
Mais, se remettant vivement :
« Ma nièce est bonne fille,
« Me dit-elle d'un air charmant)
« Elle est sage et gentille ;
« Gomme dot, elle a sa vertu,
« Et, n'ayant mère ou père,
a Vous ne serez jamais battu
« Par votre belle-mère.
« Demandez aux maris, oui-dà,
« C'est un rude avantage;
4 Qa vaut bien une dot, cela;
« C'est lapais du ménage.
« Mariez-vous sans autre émoi,
« Mais faites-moi marraine.
« Pas de belle-mère, ma foi,
« Ça vaut bien la douzaine ».
Nous voilà mariés d'hier.
Faut-il donc tout te dire ;
Tu poux comprendre à mon air fier
Ce qu'on ne peut écrire ;
Qu'il te suffise de savoir
Que, pour plaire à la tante.
J'ai fait carrément mon devoir
Et ma femme est contente.
Voilà mon histoire en deux mots,
Et bientôt la marraine
Verra gros et joufflus marmots
Commencer la douzaine 1
Morale : « Viens à Besançon ;
Dans ce pays prospère
On trouve femme sans façon
Et pas de belle-mère.
CONCOURS DE LA LICE CHANSONNIERE
SUJETS PATRIOTIQUES (3" Prix).
Les lils ie rois odî ë mallieiir cliez bous
Le roi Soleil el Louis le Quinzième,
Sires galants, trop souvent amoureux,
N'ont pas laissé, quittant le diadème.
Un fils vivant pour régner après eux.
Depuis ce temps, fatalité bizarre,
— Est-ce un arrêt dicté par le remords ? —
Les fils de rois de France et de Navarre,
S'en vont trôner au royaume des morts.
Adulateurs des majestés royales,
Convenez-en, le ciel n'est pas pour vous,
Malgré l'encens des vieilles cathédrales,
Les fils de rois ont du malheur chez nous.
Louis Dix-sept, ce monarque fantôme,
Que la chronique a mis au rang des rois,
Pauvre, ignore, sous un vieux toit de chaume,
Vécut souflïaut, oublié par les lois ;
Ce faible enfant n'eut pas un jour de fête,
Sa vie, hélas 1 s'envola par lambeau.
Triste et chétif au vent de la tempête,
Il s'éteignit comme un pâle flambeau.
•\dulateurs, etc.
Après avoir conquis l'Em'ope entière.
Forgé des fers contre la liberté,
Napoléon termina sa carrière,
Brisé, vaincu par la fatalité.
Cruel destin, l'héritier du grand homme.
Meurt prisonnier dans un palais ducal,
Celui qui fut, on naissant, roi de Rome,
Eut pour couronne un bandeau sépulcral.
Adulateurs, etc.
Riche d'amour, de galté, de jeunesse,
Père adoré, fils aine d'Orléans,
Tout lui sourit, les grandeurs, la richesse.
Tout lui promet de la gloire et des ans.
Mais un malin, trahi par la fortune.
Sur le pavé son pied fit un faux pas.
Il en mourut ! le peuple sans rancune,
A déploré son funeste trépas.
Adulateurs, etc.
Dernier martyr, c'est Napoléon Quatre,
Gomme son père il veut être empereur,
Un prétendant doit apprendre à combattre,
Il faut qu'il parte exercer sa valeur.
Pom- préparer son esprit au carnage.
De l'Angleterre, il suitUe pavillon.
Puis va tomber sous les coups d'un sauvage,
Gomme un oiseau pris dans un tourbillon.
Adulateurs des majestés royales.
Convenez-en, le ciel n'est pas pour vous,
Maigre l'encens des vieilles cathédrales,
Les fils de rois ont du malheur chez nous.
Noël Mouret.
30
LA CHANSON
CHOSES ET AUTRES
LA SOCIÉTÉ DES ADTEDRS, COMPOSTEURS ET ÉDITEURS
DE MUSIQUE ET L'AGENT DE LA SOCIÉTÉ.
Le syndicat de la Société des auteurs, composi-
leurs et éditeurs de musique, se fondant sur des
erreurs de gestion et des irrégularités d'écritures,
avait signifié son congé à M, Rollot, agent de la
Société.
M. BoUot résistait à cet ordre, prétendant que
cette, décision ne pouvait être donnée que par les
sociétaires mêmes réunis en assemblée générale. '
Le tribunal civil de la Seine, sur les plaidoiries de
M»' Albert Martin et Boumerc, a déclaré que c'était
a bon droit que le syndicat avait révoqué l'agent de
la Société ; le jugement autorise en conséquence le
renvoi de M. Rollot, en se faisant, au besoin, aider
de la force publique.
Nous avons annoncé, dans notre numéro du
1^'' juillet 1879, la mort d'Adolphe Vaudry, compo-
siteur de musique, décédé le 20 juin précédent. A
l'occasion de l'anniversaire de cette date funèbre,
un grand nombre d'amis et de collaborateurs de
Vaudry organisent une soirée extraordinaire dont
le produit est destiné à l'éreciion d'un monument.
Cette soirée aura lieu, le mardi l'a juin, à la salle
Rosel, rue de Belleville, n" 27. Tous les amis de la
chanson et de la musique populaire tiendront à
honneur d'y assister. Tombola, composée de lots
sérieux, et notamment de 20 portraits de l'artiste
regretté. Prix d'entrée : 50 centimes par personne.
Le dimanche suivant, 20 juin, visite a la tombe, et
inauguration du monument. Rendez-vous à ?< heu-
res, route d'Epinay, à la porte du cimetière (Saint-
Ouen).
Los beaux jours de l'Alhambra sont revenus. Est-ce
le changement do nom qui a ramené à cette Salle la
laveur du public ? Toujours est-il que la Salle des So-
ciétés lyriques est pleine chaque soir.
Voici la liste des pièces qui y ont clé représentées
la semaine dernière : Jean-Marie , C'était Gertrndc,
Une femme (jici se r/rise. Los interprètes étaient Jl.
Marion, qui trouve des accents très dramatiques ; M.
Albert, qui joue fort consciencieusement ; M. Hertz,
quiadutalent mais dontle jeu estfroid; M. Lagrange,
t[ui a beaucoup d'entrain. Du côté des dames, citons :
Mlle Tannesy, charmante mais un peu tiuiidc ; Mlle
.Vnglobert, toujoui's gracieuse et souriante ; Mme Men-
ées, qui lire un excellent parti de ses rôles.
Les chanteurs qui se sont le plus fait applaudir
sont le petit Adolphe, qui étonne l'auditoire par son
jeune âge et qui chante dans la perfection C'est pas
vrai, de Bruant, et Miaou, l'originale chanson de Ju-
les Baux ; M. Boyer qui s'est fait rappeler dans le
Déjeuner sur l'herie de.Gollin, et Quand on a -vingt aus,
de Byon ; M. Founny, dans la Petite Atala ; M. Dal-
Iroff dans la Pèche à la ligne.
M. Chapini a fait entendre des notes magnifiques
dans Le Vieux buveur de vin., de Jules Raiix et Les
Myrtlies de Faure. Il ne faut pas oublier les frères
Lionel, deux gymnastes élégants et fort adroit,s.
G. Lemaître.
Salle comble à la soirée intine donnée le 30 mai à
la salle Pétrelle par les Amis de la Qalté de Mont-
martre.
Comme l'a fait remarquer notre collaborateur
M. Jules Baux, les dames manquent au proa-ramme;
mais des artistes lois que [MM. [ringuet, "Del'ente,
Grenier et Blanchot, comblent cette lacune. Parmi
les amateiu-s les plus applaudis, citons: M. Dcfente.
dans Zon, Zon, Zvn, Zaine; Blanchot, dans Henri IV
a découché et M. Beaux, dans le Sport smawn. M. Gre-
nier tient l'auditoire sous le charme avec une jolie
tyrolienne le Vin des Amours ; c'est plaisir de l'en-
tendre roucouler. L'éloge de M. Pinguet n'est plus à
faire; dès son entrée en scène, il est applaudi de
toutes parts. Il serait injuste de ne pas noter
MM. Pillot, Bordeau, Perrin, B^cot, Bertrand et
Dréano qui ont fait de leur mieux.
A. Bertinot
L'Union 2)arisienne a donné jeudi 27 mai, un* soirée
extraordinaire, (dans le local habituel de ses réu-
nions, 3, rue du Petit-Pont, à l'occasion de la distri-
butions de ses nouveaux insignes.
Le côté lyrique a été brillamment soutenu par les
habitués de cette société, de plus il nous a été donne
d'applaudir' plus spécialement notre joyeux cama-
rade Adrien Souchet dans sa désopilante bouflbnnerie
de la Reine des halles. — M"'' Alexandrine a dit avec
une jolie voix et une grâce exquise, les Amoureux du
Luxembourg. — M. Charpentier nous a ému avec le
Retenant de Victor Htigo. — M'"" Tréblat a savamment
modulé. Il faut si peu de chose ; — puis notre ami
Moumoutte a exécuté en 8 minute une marine à
l'huile, qu'il a offerte à la tombola'; — enfin, vers
10 heures, au moment oii M'"° Adèle terminait un de
ses joyeux refrains, tous les sociétaires, revêtus de
leur insigne, ont fait irruption sur la scène, et notre
maître des cérémonies, M. Jack a présenté, avec sa
distinction et son tact habituels, un bouquet à
M"'" Adèle, tandis que le secrétaire de la société lui
offrait un insigne d'honneur en ajoutant ces quel-
ques mots :
La société l'Union parisienne est heureuse de saisir
cette occasion pour tous remercier dn gracieux concours
que tous voulez bien prêter à toutes ses séances, elle
vouspirie, en outre. Madame, d'accepter, comme Vexpres-
sion de sa reconnaissance, avec l'insigne d'honneur que
voici, le titre de2)remier membre honoraire.. )y
Ce petit speech a produit le meilleur effet possible,
les applaudissements frénétiques ont acceuilli cette
faveiu' bien méritée.
Ensuite: Une femme modèle, opérette en lui acte, a
été interprétée par M""' Adèle et M. Léo. — M""^ Adèle,
dans son costume de paysanne, était ravissante, son
jeu très-savant, son timbre toujours fort agréable. —
Quant à l'ami Léo, nous dirons qu'il a fait ce qu'il a
pu, mais si son jeu était médiocre, en revanche sa
voix était assez désagréable, nous y sommes du
reste habitués, il nous pardonnera celte critique.
Le camarade Bol, le sympathique pianiste est
venu alléger la tâche de M. Pradel, accompagnateur
de la société. — Inutile d'ajouter que la "Marclie
indienne était de la fête.
Une magnifitjue tombola offerte par la société,
selon sa louable' habitude, a terminé cette i'ête de
famille et l'on ne s'est quitté qu'à 11 heures 3/4 en f-e
donnant rendez-vous pour les lundis et jeudis sui-
vants.
N. R. Kous rappelons que la salle est pourvue de
vasistas qui permettent une aération indispensable
pour la saison.
HiPPOLÏTE GUICHE
La société de Récréalious Dramatiques, 10, rue
Fabert, donnait dimanche 30 mai sa dernière soirée
de la saison. Le Rêve d'Ivonnette et Brouillé depuis
Wagram, ont été parfaitement interprétés. Plusieurs
intermèdes de chant ont complétés cette soirée, nous
regrettons de ne pouvoir citer des noms. Nous comp-
tons combler cette lacune à la réouverture qui aura
lieu en septembre.
LA CHANSON
31
DEUXIEME CONCERT
ENTRE LES SOLISTES DES SOCIÉTÉS LYRIQUES DE PARIS
L'accueil favorable fait par les sociétés lyriques
au COIVCOURS ME CHA.WT ouvert lelo février
dernier, nous a encouragés à donHsr suite à ces
luttes intéressantes qui peuvent aider si puissam-
ment les progrès artistiques de nos jeunes amateurs.
Le Comité vient de décider qu'un CONCOURS
DRAMATIQUE, dont le règlement est ci-joint,
serait ouvert le 27 juin prochain.
Nous pouvons aujourd'hui disposer de la salle de
théâtre située rue du Faubourg-du-Temple, n" 23,
qui prend le nom de Salle des Sociétés lyri-
ques et dramatuiiies de Paris.
Le Comité a voulu, en outre, permettre aux Socié-
tés de s'exercer sur la scène même où elles seront
appelées à concourir.
Déjà quelques unes d'entre elles ontcompris l'im-
portance et les nombreux avantages de cette mesure.
C'est ainsi que, depuis le 17 avril dernier, jour de
l'ouverture de cet te salle de concerts, les programmes
de soirées ont été composés par les Sociétés sui-
vantes : l'Echo dca Concerts, le Cercle, Musiiet, les
Enfants de la Seine, l: Papillon., la Muse des Arts-et-
Metiers, la Muse Gauloise, les Gais Momusiens, la
Itemiaissance, le Cercln Bévani/er, la Cour des Miracles,
les Ai/lis Insi'parahles, la Clémeace hanrc, etc., etc.
Nous ne doutons pas que les autres Sociélés ne
suivent cet exemple, et bientôt cette nouvelle salle
deviendra le centre de toutes les Sociétés artistiques
do Paris.
D'ailleurs, toutes facilités leur seront données ;
vous n'auriez, Messieurs les Présidents, qu'à vous
mettre en rapport avec le Comité, dont le siège est
dans l'établissement même, pour obtenir tous les
renseignements dont vous auriez besoin.
Nous vous prions. Messieurs et cliers Collègues,
d'inviter vos Sociétés à participer au Concours
drainati(]uo ; vous serez convaincus, comme
nous, que cette ûouvollo lutte fera faire un progrès
sensible à nos vaillantes sociélés d'amateurs, en au-
gmentant encore les nombreuses sympathies qui les
entourent.
Veuillez agréer. Messieurs et chers Collègues,
l'assurance de nos sentiments dévoués.
Les Membres du Comité :
E. DELA.POUTE, Chevalier de la Légion d'honneur,
Président,
LESTIVANT, Président do la Muse Gauloise, Vice-
Président,
CANTAHEL, Président des Enfants de la Seine, Vice-
Président,
Ll<: BOUCHER, Président de la Muse des Arts-ettMd-
ticrs. Secrétaire,
OHAKGE, ex-Vice-Président de l'Art Musical, Tré-
sorier,
LEROUX, Président des Gais Momusiens,
DURIEU, Président du Cercle Musset,
A. PATAY, Directeur de la Chanson, écho des Sociétés
h/riq)ies.
PAl'LiN, Président de l'Union Artistique,
AUBEUT, Président du Pa-jùllon.
BSÈG«.E5ïlîi^"I' MU C©.liC«)lIRS
ARTICLF, rUKMUÎR. — Un concom-s Dramallciue et de DUm'on csl
alicjues île Paris.
uni .-iilre l<-s..So>.'lotis Lvi
Alil'. li. — Ce Conc-oiiii
ii-cnd ;
co:vcouRS nœ nicTiow
Entre li'.i Membres des Sociétés,
K*oiirles lioniinntcs. Poiii* les daines.
Pni'siol)ram.Tti([uo. — Pnïsie LéfçèvD, | Poésie Promatiqne. — Poésie Lps^tre.
COi'VC'OfJRIS I»K,*MATÎQiri!;
Entro les Sociétés.
COMKDlEfen pro3oouen vers).— VAin)EVILLE(ou Comédie- VauJevilto).
OPERETTE (on fragments d'Opéra-Comique).
ART. III, — Les épreuves de ces Concours consistent :
Poar les Concours de Diction :
nécitor 60 vers au plus.
Pour les Concours Dramatiques :
Comédie. — 1 Proverbe, 1 aolo ou fragments d'un acte, ne du-
rant pas plus de 40 minutes (au maximum).
Vaudeville. — 1 acte ou fragments d'un acte, ne durant pas
plus de 40 minutes (au maximum).
Wpérette. — 1 acte ou fragments d'un acte d'Opéra-Conùque ne
durant pas plus de 40 minutes (au maximum).
ART. IV. — Chaque Président do Société en s'inscrivant devra faire
remettre au Siège du Comité Directeur ;
1" \}n exemplaire des pièces jouées par la Société.
2" (2 exemplaires des pièces qui serviront d'épreuves au Concours de
Diction). — ■ {Toute pièce de vers inédite devra porter en grosses lettres
le mot : Inédit.)
ART, V, — Chaque Société devra fournir les accessoires ; costumes,
perruques, etc.. (excepté les meubles), dont elle a besoin pour la pièce
ipii doit lui servir d'épreuve ; elle devra se ^munir en outre de son
accompagnateur.
ART. Vï. — La même Société no peut participer qu'une seule fois
ô chacun des genres du Concours dramatique, .^lais la même Société
peut participer aux 3 Concours : Vaudeville, Comédie ou Opérette.
ART. VII. — Suivant le nombre des concurrents participant au Con-
cours de Diction, il pourra être formé jilusieurs groupes. Les 2" prix de
chacun do ces groupes luttm-ont ensemble pour obtenir le l*"' prix.
ART. Vill. — Toute Société qui no répondra pas à l'appel de son
nutnéro ne participera pas au Concours.
ART. IX. — Nul n'est admis à participer à ce Concours :
1" S'il n'est membre actif d'une Société Lyrique de Paris, depuis le
2» S'il fait (Uommcs on Dames) ou s'il a fait partie régulièrement
ou irrégulièrement d'une troupe de Café-Concert ou' de Théâtre, ainsi
(|ue s'il est Artiste de profession, enfin s'il a opporté son Concours
dans un concert quelconque, moyennant rétribution.
ART. X. — .\ucune Société ne peut prendre part au Concours, si elle
n'est légalement autorisée depuis le l*-'"" avril dernier.
ART. XI. — En cas de réclamation motivée et régulièrement adressée
au (Àimité, lo Président do la Société qui en serait l'objet, sera tenu
de se présenter à l'appel du Comité ({ui l'invitera à lui fournir des
preuves pouvant annuler les réclamations.
Si ces réclamations régulièrement justifiées, n'avaient pu se produire
que pendant le cours des Concours, ou même après ces Concours, et
avant la distribution des prix, la Sociélû qui en serait l'objet, sera privée
ilu prix qu'elle aurait pu obtenir.
AllT. XII. — Les réconipeuses consistent en Médailles et Diplômes,
ART. XIII, ■ — Les Kécompensos seront décernées personnellement
aux Sociétaires qui piu'ticiperont au Concours de diction.
penses seront déceiriées à la Société.
En outre, le jury pourra accorder des Diplômes aux Sociétaires qii.
se seront l'ait le plus remarquer. '
ART. XIV. -- Les prix seront proclamés on séance solennelle, dont
le jour sera ultérieurement fixé.
ART. XV. Les Jurjs des Concours seront composés d'Arlisles émi-
lu'nls. Auteurs, Coinpositcurs, Proi'esseurs, Acteurs, clc-, etc.
ART. XVI. — Chaque Sociélairc qui voudra participer au Concours
de diction, devra se l'.iiie inscrire pai' l'jmermédiaire de son Président.
Cliaqiie ï'iY-siilenL lera inscrire sa Société pour lo Concours drama-
tique, en adressant franco pour le 0 juin, à minuit, terme de rigueur,
au Président ou au Secrétaire du Coiiiilé-Uirecteur, au Siège du Comité,
23, rue du Eaubourg-du-Tcmple, salle des Sociétés Ljriques.U feuille
d'adhésion ci-jointe, aplès y avoir consigné une réponse à la suite des
questions qui y sont formulées. *
ART. XVII L'ordre du Concours sera réglé par un tirage au
sort, qui aura lieu le dimanche 13 juin, à 1 heure très précise au
siège du Comité.
MM. les Présidents, ainsi que les Sociétaires participant au Concours,
sont invités à assister à celte séance.
Le Concours aura lieu salle des Sociélés Lyriques de Paris, 23, rue
du Faubourg-du-Temple, il commencera le dimanche 27 juin.
Les autres jours du Concours, ne pouvant être fixés que suivant le
nombre d'adhésions adressées au Comité, seront indiqués aux Sociétés
le jour du tirage au sort.
32
LA CHANSON
LA TRIBOULETTE
Couplets mousseux, par ETIENNE DUCRET
Air du Curé de Pomponne,
À. Paris, numéro dix-neuf,
De GozUu dans la rue,
On nous a reconstruit à neuf
La buvette connue.
Où, dans le vieux Quartier-Lalin,
Nos grands-papas en fête,
Allaient, il m'en souvient.
Chez Martin,
Boire la TRIBOULHTTE.
L'ancien bouchon, transfiguré,
Resplendit de lumières,
Agrandi, tout frais décoré
De glaces, de patères...
Par un ricbe comptoir d'étain
Le tableau se complète ..
Aussi, comme on revient
Chez Martin,
Boire sa TRIBOULETTE 1
Des gais enfants de (îambrinus
La phalange fidèle
Peut s'y régaler gorgihus
De Bière fraternelle.
Tous, francs buveurs, hommes de bien.
En gibus, en casquette,
Sont égaux (sais-tu bien ?)
Chez Martin,
Devant la TRIBOULETTE.
Aux dominos, à l'écarté.
Au Ullard on s'obstine.
Même aux dames;... et lagaîlé
Brille sur chaque mine ;
Puis, \e réchaud de cuivre en main.
Pipes et cigarettes
Fument avec entrain,
Chez Martin,
Au choc dos Triboulettes I
La TRIBOULETTE a pour bocal
Une amphore en faïence,
Ou'émaille un vernis virginal,
Du pied jusques à l'anse ;
Un godet rond d'écume plein
Lui sert de collerette,
Et l'on voit le nom peint
De Martin
Sur chaque TRIBOULETTE.
Son nom vient-il de Tri
Qui fait rire sans geindre?
Du doux émoi qui triloiilait
Molière ? ou du cylindre
Cher au bijoutier?... Galurin,
Qu'importe, jarniguette 1
Lorsque, l^^nnie en main,
Chez Martin
Je bois ma TRIBOULETTE 1
D'où jaillit pour nous ce flot pur
Qui picote et ravive ?
C'est du Pas-de-Calais, bien sûr,
Qu'en wagon il arrive...
Si l'Orient, chaque matin,
Ses rayons d'or nous jette.
C'est du Nord que nous vient
Chez Martin
La blonde TRIBOULETTE !
Lorsque la belle nous a mis
Trop de mousse à la lèvre,
Le bon Martin nous versé, amis.
Un excellent Genièvre...
C'est un chasse-bière divin
Qui flatte nos luettes,
Quand nous avons, compain,
Chez Martin,
Bu cinq, six TRIBOULETTES 1
Vous qui souffrez, pauvi-es maris,
D'une épouse revêche.
Cerveaux troublés 'et cœurs marris.
Gueux que poursuit la dêche',
Venez, en narguant le Destin,
Sans tambour ni trompette.
Noyer votre chagrin.
Chez Martin,
Dans une TRIBOULETTE !
Martin, quoique de bien des maux
Elle soit le remède.
En Fûts, en Paniers, comme en Pois,
A ion marché la. cède...
Pour chanter en chœur le refrain
De notre chansonnette,
Viens avec moi, frangin.
Chez Martin
Boire une TRIBOULETTE 1
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C", 6, rue Martel,
A. PATAY, Directeur-Gérant.
3° ANNÉE. — N° 5.
lO CENTIMES.
12 JUIN M
LA CHANSON
Directeur- Gérant.
A. PATAY
La chanson est une forme âHéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est Id gracieux fràre de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME aUY
Annonces, laligne.
Réclames, —
Lac/ianso/i, co/n/ne/a6afon/ie((â
est uns arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L. -HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an ••■ 8 »
SOMMAIRE :
Al! criez pliia : A hua ht CommiininlM (PiKuim LicnAiiTiBii;i>iK). —
AuSaloit{^mmTC«mmi).—ituinsaincdramali,iuetL.-n.Uc„«TH).
— Jtet'ue de la Musique populaire (A. Kiikua). — Banquet du
Caroau (Eue. lanKiir). — Les Abeilles, paroles de GBonoEa B»ir.i.KT,
niuâiquc tic A\ais Diuannv. — ■ Curiosités de ta Chanson : la JIcllc
Jauly. — Galerie des Chansonniers : Lachambeaadie (L.-Ur.
iKcojnr.).— Chronique de l'Eldorado (PiBimE et Paii). — ('Aroni
des Sociétés lyriques (A. Bebtixot, Maïijir Giï). — Choses
autres. — la 'Chdtdlaine, dianson-réclame (Ktiknsr DtcnnT).
Il
IS
CHANSON
Air de Philoctète.
Quoi ! désormais tout penseur est suspect I
Pourquoi ces cris et cette rage impie?
N'avons-nous pas chacun notre utopie
Qui de cliacun mérite le respect?
Ail ! combattez vos pencliants égoïstes
Par les élans de la fraternité ;
Au nom de l'ordre et de la liberté,
Ne criez plus; A bas les Communistes !
Pourquoi ces mots seraient-ils odieux :
Egalité, Communisme, Espérance,
Quand chaque jour de l'horizon s'élance
Pour tout vivant un soleil radieux ?
Ah! croyez-moi, les cruels anarchistes
Ne sont pas ceux que vous persécutez:
0 vous, surtout, pauvres déshérités.
Ne criez plus : A bas les Communistes !
Quand des chrétiens réunis au saint lieu
S'agenouillait la famille pressée,
Communiant dans la môme pensée,
Grands et petits s'écriaient: Gloire à Dieu !
Frères, le ciel ouvre aux socialistes
Sa nef d'azur pour des rites nouveaux ;
Pas d intérêts, pas de cultes rivaux :
Ne criez plus: A bas les Communistes!
Amis, la terre a-t-elle pour les uns
Des fruits, des fleurs, — des ronces pour les autres?
D'un saint travail devenons les apôtres:
Tous les produits à tous seront communs.
Rassurez-vous, esprits sombres et tristes,
La nuit s'envole, espérons un beau jour;
Si vous brûlez d'un fraternel amour.
Ne criez plus: A bas les Communistes!
Pierre LACHAMBEAUDIE.
Typographie et Lithographie de Félix Malteste et C, rue des Deux-Portes-Saint Sauveur, ici.
34
LA CHANSON
A.XJ SALON
PEINTURE
Grève de mineurs.
Tons vigoureux, sujet sévère,
Beaucoup d'effet, peu de couleur ;
C'est sombre comme la douleur.
Et triste comme la misère.
FEVE>I PERBIli
Le Retour des pêcheuses.
Gomme un poétique ruban,
Voici venir, majestueuses,
De Feyen les blondes pêcheuses,
Vivantes fleurs de l'Océan.
JCTLiEIS IIREXO:«
Le Soir.
Quel doux soleil couchant, quelle vigueur, quel ton ;
four être ainsi du vrai le fidèle interprète.
Peindre ne suffit pas. Monsieur Jules Breton,
Il faut surtout être poète I
J. J. WEER'^rS
Portrait de G. Nadaud.
Voici Nadaud, le roi de nos refrains gaulois.
En roi j'aurais voulu voir ces tempes ornées
De lauriers..., mais, dans l'art, les tètes de nos rois
Ne sont pas toutes couronnées!
PURHACX'r
i' -Amour vainqiieur.
Triomphant et railleur, voilà bien le vampire,
L'implacable tyran qu'on appelle l'amour;
Il est vainqueur... pourtant la belle semble dire :
Attends, va, polisson, j'aurai bientôt mon tour!
BtEKUR
Portrait du Marquis de Gallifet.
L'œil est fier et hautain, l'altitude énergique,
Et la bouche ébauchant un « Sacré nom de Dieul s
Semble vouloir crier : A bas la République!
Lancer le Vœ vktis et commander le feu.
co'r
L'Orage.
Pour ces deux amoureux qu'importe la tempête,
Oa se tient plus serrés alors que l'on a peur.
L'orage gronde bien au-dessus de leur tête,
Mais le soleil est dans leur cœur!
UGiViVGR
Le Sommeil.
De qui rêves-tu, chaste fille d'Eve?
Uue peut-il germer sous ton front si pur?
Avec des lutins, au pays du rêve.
Sans doute lu cours les sentiers d'azur 1
SCULPTURE
AIXEELÎIW
Mignon.
C'est rempli de douceur et de mélancolie,
La pose est gracieuse et pleine d'abandon ;
La vigueur ae la forme à la grâce s'allie.
C'est vivant, c'est gentil, c'est coquet, c'est. .Mignon.
€R(»]!$¥
Un Nid.
pans son nid de satin, 6 la blonde couvée.
Dormez, beaux chérubins; veillant sur son trésor,
Votre mère attend là, souriante et charmée,
Pourvouspendreà son sein, un uidplus doux encorl
BOISSE.AII
Le Crépuscule.
C'est bien le crépuscule, heure où la pâle lune
Se lève, combattant les derniers feux du jour ;'
Il descend, abritant de sa grande aile brune
Ce crocheleur de cœurs, l'amour 1
Ernest Chebroux.
OUINZAINEJRAWATIQDE
Porte Saint-Martin : La Mendiante. — Troupes
d'été : Folies-Dramatiqiies, Fantaisies-Parisiennes,
Folies-Nouvelles. — Cercle ees sociétés lyriques :
Les Noces de Jeannette, Mme Zélo-Duran.
Le théâtre de la Porte-Saint-Martin, pour pré-
parer à l'aise une férié, vient de reprendre un mé-
lodrame fortement charpenté, mais qui a semblé
terriblement vieillot. la Mendiante, d'ailleurs jouéo
d'une façon médiocre, fera peu d'argent.
Tandis que beaucoup de théâtres ferment leurs
portes par crainte des mois chauds, des inyjressarii
courageux composent des troupes et louent des
salles pour donner, pendant ces mêmes mois, des
représentations dont les vaudevilles connus font
tous les frais. Les Folies-Dramatiques jouent ainsi
les Vacances de Beautendon ; les Fantaisies-Parisien-
nes, Un premier coup de canif, etc. Les artistes, en-
gagés un peu au hasard, suppléent par l'entrain à
l'expérience qui leur manque, et il ne paraît pas
que le public regrette les piécettes chantées qui
composent le répertoire d'hiver de ces deux théâ-
tres.
Par compensation à cette revanche du vaudeville,
le Troisième-Théâtre-Français, asile de la comédie,
vient de disparaître pour redevenir temple de l'opé-
rette. Pour tant faire que de changer l'appellation et
le genre de ce théâtre, j'aurais préféré de beaucoup
qu'on lui restituât le nom de Déjazet et qu'on en fit
une scène de comédie-vaudeville. La réouverture
des Folies-Nouvelles, opérée sans bruit et sans éclat,
ne peut laisser prévoir le destin réservé à une en-
treprise dont le besoin ne se faisait pas précisément
sentir.
La Chanson a plusieurs fois entretenu ses lecteurs
de l'heureuse transformation opérée par M. Orange
à l'Alhambra du faubourg du Temple. Devenu Cer-
cle des sociétés li/riques, ce locsd reçoit maintenant
la visite des familles du quartier, très assidues à
payer de bravos le talent dépensé par des artistes-
amateurs, auxquels très souvent viennent se joindre
des artistes de profession.
Le mercredi 2 juin, M. Orange conviait son pu-
blic et la presse à une représontation extraordi-
naire, donnée avec le concours de trois élèves du
compositeur Samuel David : Mmes Zélo-Duran, TaIi-~
nesy et Suzanne Corman. Ces deux dernières, douées
de voix bien timbrées et dirigées d'après une mé-
thode excellente, n'ont pu suffisamment vaincre
leur timidité et dissimuler leur ignorance du geste.
— Mme Zélo-Duran, au contraire, a fait preuve d'Un
LA CHANSON
35
réel talent de chanteuse et de comédienne. Elle in-
terprétait ce chef d'œuvre d'esprit, de goût et de
sentiment qu'on appelle les Noces de Jeannette. La
pièce est trop connue pour qu'il soit besoin d'énu-
mérer les efifets variés que comporte le rôle principal.
Emotion, dépit, colère, malice et sensibilité, Mme
Zélo-Duran a tout exprimé avec un bonheur égal.
Sa voix harmonieuse exécute avec le même charme
et la même sûreté la romance lente et les vocalises
alertes. C'est merveille de voir tant d'art uni à tant
de jeunesse : on chante rarement mieux à l'Opéra-
Gomique, et l'on y joue souvent plus mal.
Un élève du Conservatoire, M. Henry, secondait
avec intelligence Mme Zélo-Duran.
Le programme de la soirée comprenait, en outre,
nombre de morceaux chantés ou récités par les
lauréats du concours des Sociétés lyriques. On a
beaucoup applaudi Mlle Valatte, MM. Pomarcde,
Fourmy, Royer et le petit Adolphe.
L. -Henry Legomte.
REVUE DE LA MUSIQUE POPULAIRE
THÉA.TRE DU Chateau-d'Eau. — Si jVfaisiîoi.
Si j'étais roi, j'ouvrirais à mes sujets un théilre,
petit comme celui du Chàteau-d'Eau, décoré avec
simplicité, très modéré dans ses prétentions pécu-
niaires ; un théâtre qui n'aurait pour acteurs que
des artistes dévoués, c'est-à-dire maniables , des
élèves au besoin, théâtre où ne paraîtraient jamais
ni chiens savants, ni virtuoses, où un répertoire
Choisi permettrait à mon peuple de s'arracher le
soir aux réalités glaciales du jour.
Là, on entendrait les opéras vraiment populaires :
la Vestale, Femand CoHez de Spontini. Entre deux
paravents : le FreyscMU:, Don Juan, Béatrice. On
' exécuterait les chants patriotiques : la 3Iarseillaise,
le Chant du Départ, la Symphonie funèbre et triom-
phale à la gloire des morts de Juillet; enfin, divers
ouvrages d'une haute portée artistique : certains
fragments de Beethoven, les mélodies de Schu-
manU) etc. .' On rejetterait l'oeuvre inutile et vaine
du musicien qui veut, avant tout, voir s'épanouir
les routiniers ventrus de l'orchestre. On proscrirait
le tire plein de sous-entendus, la gaieté surmenée
qui cache l'ennui du blasé ; la première affiche de-
viendrait le gage des promesses de l'avenir, et certes
on n'y lirait pas : Si j'étais Roi.
Je n'aurais pas de ministère des Beaux-Arts ; je
n'accorderais ni privilèges, ni subventions. Tous
mes théâtres auraient le Inème droit sur les produc-
tions des auteurs qui n'existent plus, et de la con-
currence naîtrait le progrès. J'exigerais un respect
absolu de la pensée du maître j tel existerait l'ou-
vrage à sa mort, tel il serait représenté, sans cou-
pures, sans surcharges vocales, sans suppression ni
addition de parties. Et, en forme de conclusion,
j'ajoute que, dans un État comme celui dont j'es-
quisse l'image, je ne chanterais pas... si j'étais
Leroy. A. Edéma.
SOCIETE lYRIQUE ET LITTERAIRE DU CAVE.IU
Danciuct du 4 Juin.
Grand Roy, cesse de vaincrt ou je cesse d'écrire,
disait Boileau à Louis XIV, et il avait raison.
L'éloge à jet continu fatigue... celui qui le dé-
cerne. Aussi désirerais-je parfois que les chanson-
niers du Caveau se montrassent, par hasard, infé-
rieurs à eux-mêmes, pour laisser quelque répit à
mes bravos. Mais ce n'est pas encore aujourd'hui
que j'aurai la satisfaction de mordre.
A part deux ou trois morceaux, non pas mauvais,
mais ne sortant pas de l'ordinaire, la soirée de Ven-
dredi a été variée et brillante.
la Mère et les Enfants, couplets émus de Charles
Vincent, les Travers de l'ami Thomas, de JuUien,
Ne nous endormons pas, de Pouache, la Muse des
Chansons, de M. Fuehs, et Fontainebleau, de Murât,
ont fait un vif plaisir.
Une série de refrains gais et caustiques a obtenu
un grand succès de rire. En voici les auteurs et les
titres :
Montariol ; Je m'en lave les mains ;
Grange : Le refroidissement ;
Petit : Je n'I'ai pas fait exprès';
Vincent, déjà nommé : Boire et ilanger ;
Fénée : Je préfère m'en aller ;
Mouton-Dufraisse : On n'est pas parfait.
Tout cela dans la vraie note du Caveau : Bonne
humeur, critique légère, forme nette, franche allure.
Les couplets de Ripault : La lampe merveilleuse,
ont quelque chose de plus, une nuance très fine de
mélancolie ; son refrain : Ah ! si j'avais la lampe
d'Aladin 1 est diversement et toujours heureusement
amené.
Enfin, car je ne puis m'étendre autant que je le
voudrais sur le menu de ce régal anacréontique, je
citerai comme ayant obtenu les honneurs de la soi-
rée, si j'en juge par les applaudissements, six pièces
dont voici les titres : Moi aussi ou Ma démission, le
Petit mot pour rire, la Mouche de M. Letortu, Un
joli rêve, le Toast et Histoires mêlées.
Dans la première, St-Germain a semé les allusions
les plus piquantes. Liorat, dans la seconde, a créé,
sous un vieux titre, un sujet inattendu. La Moxdche
et le Rêve, sont de Nadaud. Le Toast, de Grange,
Qagelle avec vigueur les excès du naturalisme dans
le roman et la chanson. Quant aux Histoires mêlées,
si je n'ai pas craint de mentionner leur succès,
je n'ose en faire l'analyse, et je me borne à donner le
nom de l'auteur :
EUG. Imbert.
LA CHAiVSOiV, étant donnée l'importance de son
lirage, doit se trouver chez tous les libraires^ mar-
chands de journaux, et dans tous les kiosques do
Paris. IVous prions les acheteurs au nun[iéro de la
réclamer instamment dès le samedi, et de nous
signaler les omissions qui |iourraient être faites par
les porteurs.
33
LA CHANSON
A la Mémoire de PIERRE DUPONT.
™^.„ mei^tiL™
CHANSON
Paroles de GEORGES BAILLET; MusiouE ce ANAIS BRUNNY(I)
■t*' Cioople»
soir Benreai, si, comme les_ a_ beil - les,
tODS qaelqoes bn-tin» De nos la.beufs et de oa»
^.^REP, Largo sosteouto.
veiUes!.. Daos le champ de I^ho .. ma - aî.te,
ij' I I I I j I Mjjj.iTT'i ri I n
Lé dooi miel de la [iber-lé'...
L'abeille, en butinant, bourdonne ;
Et c'est ainsi que nous faisons,
Lorsque l'enclume qui résonne
Donne l'éveil à nos chansons.
Le devoir qui nous sert de livre
Rend plus légers nos lourds travaux,
Kt, cherchant des progrès nouveaux,
Nous vivons pour qui nous fait vivre.
Dans le champ de... etc.
Dans les épreuves de la vie
Nous aidant, pour sortir vainqueurs,
Jamais, le serpent de l'envie.
Un seuljour, n'a mordu nos cœurs.
Sans colère, comme sans haine,
Subissant notre sort commun,
Nous ne demandons pour chacun
Qu'une place à la ruche humaine...
Dans le champ de... etc.
(1) Cette chanson vient de paraître aux Bureaux du
journal la Chanson, en grand format avec accompagne-
ment de piano, et dans le petit format guitare Elle est
en vente chez tous les marchands de Musique.
Du repos sacré des dimanches.
Savourant les antiques lois.
Dès que reverdissent les branches
Nous allons rêver dans les bois ;
Et là, si la fortune place
Quelque cabaret, en chemin,
Nous entrons, mais le lendemain,
Plus gais, nous reprenons besace.
Dans le champ de... etc.
Libres, enfin, de toute entrave,
Frères, saluons l'âge d'or ;
Le travailleur n'est plus l'esclave,
Comme il l'était hier encor.
Grâce à notre ère de merveilles
Qui voit nos efforts triomphants,
Nous fonderons pour nos enfants
La République des abeilles.
Dans le champ de l'humanité.
Heureux qui sème et qui moissonne
La fleur féconde qui nous donne
Le doux miel de la liberté 1...
♦
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
Nous devons à notre collaborateur M. Ch. Thuriet, de
Baume-les-Dames (Doubs), la communication de cette
naïve et gracieuse bluette, bien connue à Montbéliard.
M. Ch. Thuriet est l'auteur d'exellentes recherches
littéraires sur les Traditions et Légendes populaires de
la Franche-Comté, ainsi que d'une bonne étude sur Max
Buchon. A. P.
LA BELLE JAULY
Toici la Pentecôte,
Belle Jauly I
La fraise est à mi-côte
Du bois joli.
Déjà roses nouvelles
Ont refleuri ;
C'est le temps où les belles
Changent d'amis.
Changerez-vous le vôtre,
Belle Jauly ?
— Non,jen'enveuxpas d'autre
Que mon ami.
Le temps fane la rose
La fraise aussi,
II change toute chose,
Mon cœur, nenni 1
DIXIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du 20 mai au 20 juin.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part,
avec une chanson de six couplets au plus, avec ou
sans refrain.
A l'avenir nous publierons, en même temps que
la pièce qui aura obtenu le !'=■' prix, une petite no-
tice et le portrait de l'auteur conconnné, s'il y con-
sent.
LA CHANSON
37
GALERIE DES CHANSONNIERS : LACHAMBEAUDIE
Tout Paris a connu cet homme simple et bon,
moraliste bohème qui colportait ses leçons rimées
avec plus d'obstination que de chance, et les récitait
un peu partout avec une conviction qui gagnait
l'auditeur le plus sceptique.
Pierre Lachambeaudie était né à Montignac (Dor-
dogne), le 16 décembre 1806. Son père, ancien sol-
dat, l'envoya jusqu'à l'âge de neuf ans dans une
école de village, puis au collège de Montignac, au
séminaire de Sarlat, enfin au collège de Brives où
se terminèrent ses études. Il avait dix ans quand se
manifesta chez lui la vocation poétique. Tous ses
loisirs étaient occupés
à la confection de co-
médies, de fables ou de
chansons. Rien n'est
resté de ces essais, brû-
lés par le père inculte ;
malheur bientôtrèparé.
Après d'heureux dé-
buts dans le Kaléidos-
cope, journal bordelais
dirigé par Jacques
Arago, Lachambeaudie
fit imprimer à Sarlat,
en 1829, un premier
volume intitulé Essais
poétiques. La révolu-
tion de Juillet lui ins-
pira quelques chants ;
il entreprit, à la même
époque, la publication
d'un recueil mensuel de
poésies. Mis en de-
meure d'opter entre la
carrière littéraire et
l'emploi qu'il occupait
alors dans les bureaux
de la compagnie de
chemin de fer de
Roanne àj St-Etienne,
il se résigna momen-
tanément au silence.
Bientôt, emporté parun
^A
'' C^C^Ta.
violent désir de gloire , Lachambeaudie partit pour
Paris, où il exerça quelqie temps la profession de
maître d'études. Tombé milade de dégoût et d'en-
nui, il dut entrer à l'hôpital, qui le rejeta dans les
rues de Paris sans moyens d'existence; il logea pen-
dant plus d'un an, à trois sous par nuit, dans un
garni suspect.
Adhérent né de toutes les utopies, Lachambeau-
die s'était rallié, dès l'origine, au saint-simonisme;
un de ses coréligionaires le tira d'embarras en l'ad-
mettant comme découpeur dans une fabrique de
fleurs artificielles. A ses moments les plus tristes,
il n'avait jamais délaissé la muse; la certitude du
pain quotidien d'jnna à sa verve un stimulant nou-
veau. A peine composées, ses fables étaient insérées
dans le Charivari; leur nombre augmenta assez
rapidement pour que Mme Galti de Gamond, li-
braire phalanstérienne, en pût faire, en 1839, sous
ce titre : F ailes populaires, une édition que l'auteur
se mit à colporter dans les ateliers et les réunions
littéraires. Une seconde édition des mêmes Fables
parut en 1840, puis une troisième, qui s'épuisait
quand le poète fit la connaissance de Béranger.
Celui-ci ne manquait jamais une occasion de bien-
fait ; grâce à sa protection, Lachambeaudie parta-
gea avec Pierre Dupont, en 1814, le secours annuel
légué par Maillé -La-
tour -Landry, et pu-
blia chez Perrotin une
quatrième édition de
ses œuvres, qui lui va-
lut une médaille aca-
démique de 2, OOOfrancs.
1818 servit la réputa-
tion de Lachambeaudie,
en lui permettant de
faire entendre ses poé-
sies dans les réunions
publiques ; mais les
opinions avancées qu'il
crut devoir professer
alors faillirent être fu-
nestes pour lui. Mem-
bre directeur du club
Blanqui, il fut, après
les journées de juin,
arrêté et conduit à la
Conciergerie par des
gardes nationaux zélés.
Mis en liberté sur les
démarches de Béran-
ger, Lachambeaudie
continua de réciter,
dans les banquets, les
concerts et les repré-
sentations à bénéfice,
des vers politiques.
Une édition nouvelle
de ses œuvres parut à cette époque, imprimé
avec luxe, et précédée d'une remarquable étude
littéraire par Pierre Leroux.
Le coup d'Etat prit Lachambeaudie dans son lit
pour l'envoyer à Gayenne. Béranger s'entremit en-
core et le fabuliste ne fut condamné qu'au banisse-
ment. Il choisit Bruxelles comme résidence, et y
publia un petit recueil inlitiilé Flewrs d'exil. En
août 1856, il recevait à l'improviste, de l'infatigable
Béranger, un passeport pour la France, avec autori-
sation de passer huit jours à Paris. Ce temps écoulé,
le grand chansonnier conseilla à son protégé de
rester, sans se préoccuper de la police impériale;
Lachambeaudie, qui ne demandait pas mieux, reprit
38
LA CHANSON
effectivement, sans être inquiété, ses habitudes de
récitations et de colportage. S'étant fixé plus tard
aux environs de Paris, il y grossit son bagage poé-
tique d'un nouvel opuscule : les Fleurs de Ville-
moiMe.
Lacbambeaudie s'était marié, en 1841, avec une
femme aussi pauvre que lui, qui lui donna deux
enfants et mourut folle après dix ans de ménage.
En 186B, il épousait à Paris Mme veuve Labarre, née
Etiennette Barjot, qu'il avait aimée et célébrée
trente-quatre ans auparavant. Cette union clôtura
pour Lacbambeaudie la vie de misère. Les événements
de 1870 le retrouvèrent, comme tous, sur la brèche.
Il commit l'imprudence de s'associer encore aux
menées de l'agitateur Blanqui, sans encourir toute-
fois aucune poursuite. Mais les angoisses patrioti-
ques, les déceptions multipliées qu'il lui fallut en-
durer alors, influèrent sur son esprit et son cœur
d'une façon déplorable : — « Je deviens d'un athéisme
qui m'effraie! > disait-il lui-même. Il conçut et
exécuta le projet singulier de préparer une édition
définitive de ses œuvres, en supprimant le nom de
Dieu qui y revient assez fréquemment. Le 7 juillet
1872, Lacbambeaudie mourut à Bruaoy, où il fut
inhumé civilement le surlendemain, en présence
d'une foule sympathique. '
Gomme homme, Lacbambeaudie a laissé des re-
grets unanimes. Il avait un cœur ardent, une âme
loyale, une nature désintéressée. Comme poète, la
place qui lui est assignée est des plus honorables.
Son vers facile manque cependant de relief, et, si
courts qu'ils soient, ses apologues pèchent d'ordi-
naire par la diffusion. Ses conclusions, plus géné-
reuses que celles de La Fontaine, ne sont pas ame-
nées» comme dans les fables de l'illustre conteur, par
une mise en scène ingénieuse et complète; mais
leur enseignement est d'une morale irréprochable.
La Goutte ireaic, le Rossignol, la Robe de l'innocence,
VEtoile et la Flewr, la Source, le Gland et le ChamjU'
gnon, le Chêne et l'Arbuste, la Locomotive et le Cheval
sont particulièrement intéressants comme forme et
comme argument.
Lacbambeaudie n'a pas un renom de chansonnier
égal à sa réputation de fabuliste. Il a toutefois écrit
nombre de couplets, chœurs, ballades ou cantates
remarquables. Nous citerons, parmi les plus connus :
La Pauvreté c'est l'esclavage, Iselle, l'Oiseau bleid, Cou-
vrons de /leurs le Chemin du devoir. Mes Rêves, l'U-
silrier. Aimez-moi comm' mes bêtés; Même quand l'oi-
seau marche on sent .cju'il a des ailes, enfin Ne criez
plus : A bas les Communistes, que l'on reproduit en
tête de ce numéro comme une curiosité de la rue,
et qui donne bien la mesure littéraire et philoso-
phique du poète, apôtre attendri, rêveur inoffensif.
Cette chanson fut affichée sur tous les murs de
Paris, le 16 avril 1848. Il y avait alors un réel courage
à prendre la défense d'hommes que menaçait la
fureur ignorante des gardes nationaux accourus en
armes des départements.
L.-Henry Lecomte.
CHRONIQUE DE L'ELDORADO
M. Armand Viclorin a fait sa rentrée. Il a dit Un
Maître d'école, de M. A. Mathivet, et deux chanson-
nettes nouvelles ; il a reçu du public les plus chaleu-
reux applaudissements.
Mlle Bonnaire, en tournée de congé, a obtenu, à
Toulouse, les mêmes succès qu'à Bordeaux; la sym-
pathique artiste doit aller à Saint-Pétersbourg pour
revenir fin juillet à l'Eldorado.
Mlle Juana, en congé depuis le 1'^'' juin, rentrera le
1" septembre.
Mlle Amiati est applaudie comme elle le mérite
dans Pauvre Jeanne, de M. A. Siegel, musique de
Paul Henrion, le compositeur populaire.
Mlle Duparc interprète avec succès A travers les
rideaux ! de M. Péricaud, musique de M. Ch. Malo,
l'habile chef d'orchestre de l'Eldorado.
Chez Niniche, opérette de MM. Péricaud et Delor-
mel, musique de M. Villebichot, interprétée par
Mlle Dalty et MM. Gaillard et Mathieu, a parfaite-
ment réussi.
Nous parlerons dans notre prochaine chronique
de la rentrée de Mlle Pozotti et des débuts de M. An-
tony, ainsi que de ceux de Mlle Gilberte, chanteuse
de genre, dont on dit le plus grand bien.
M. Mathieu vient d'avoir la douleur de perdre son
père, nous lui adressons nos sincères compliments
de condoléance.
Mlle Louise Berihier, bien connue des habitués
des sociétés lyriques, tient convenablement sa place
à l'Eldorado. Pierre et Paul.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Salle comble, le mercredi 2 juin, à l'inauguration
du nouveau local du Pinson, au café Bouret, 44,
boulevard du Temple. M. Delsériès ouvre la séance
par une poésie de circonstance, le Régisseur.
MM. Vaast, Ville, Beck, Jonas et Victor tiennent la
partie comique avec beaucoup d'entrain. Mlle Ma-
thilde se fait vivement applaudir dans Èla Grande
sœur. M. Paul Fontaine possède une bonne |diction ;
il récite parfaitement la tirade de St- ValUer, du Roi
s'amuse. Mlle Marguerite, de l'Union lyrique, en dé-
licieux costume de paysanne, chante J'ose pas passer
par ce chemin-là, avec beaucoup de succès. Le Clou
de la soirée a été le dut) bouffe du Garçon et de la
d'moiselle d'honneur, chanté par le grimacier Ville et
la petite Charlotte, qui se fait connaître avantageu-
sement dans toutes les sociétés lyriques. Le genre
comique-excentrique, était tenu par Mme Senès et
Mlle Julia, de la Renaissance. Dans le sérieux, nous
remarquons MM. Kleinans, Louis et Launay. Une
polka à 4 mains, exécutée parla petite Jeanne, âgée
de cinq ans, et Mme Ad. Pauchet, son professeur,
a été accueillie par une salve d'applaudissement ;
c'est plaisir de voir cette ravissante petite fille pro-
mener ses doigts mignons sur le clavier, sans man-
quer une seule fois de touche.
LA CHANSON
39
Les Pattes Manches, opérette bouffe en un acte, a
été enlevée très lestement par MM. Vaast et Ville de
y Union lyrique. Nous nous réservons de juger plus
tard, comme elle le mérite, laconduitede deux mes-
sieurs étrangers au Pinson, mais membres d'une
autre société lyrique, qui se sont fait remarquer
par les propos inconvenants qu'ils tenaient liaute-
ment à l'égard des dames artistes. Je souhaite que
ces quelques lignes leur tombent sous les yeux et
leur servent de leçon. Alfred Bektixot.
A Y Union parisienne, lundi 7 juin, grand succès de
M. Hue, dans : Que je tondrais avoir des ailes.
Jamais bouffonnerie ne fut rendue d'une façon
plus désopilante et les assistants riaient tellement
bruyamment qu'un rassemblement de G.UUO per-
sonnes environ encombrait la rue da Petit-Pont et
s'étendait jusqu'aux quais. Un assistant môme, M.
Bélier, a été pris d'un engorgement de rate et trans-
porté d'urgence à l'Hôtel Dieu — qui heureusement,
se trouve à proximité de l'établissement.
Les soirées de VEspérance sont agréables, mais
elles commencent tard. M. Catherine détaille gra-
cieusement la Promenade d'amour, et MM. Hue et
Dofl' sont comiques dans 1 Indécision et Pitié pour
ma figure.
M. Peters fait entendre une belle voix de basse
dans Un mol d'espoir. M. Huet, qui chante avec goût,
devrait soigner davantage sa mémoire. L'auteur de
Miaou, M. Jules Raux, est toujours applaudi. Nous
voudrions citer aussi un bon comique qui a expliqué
le Règne animal, mais son nom nous échappe.
Mme Leroy a interprété avec beaucoup d'entrain C'a
m' fait d'ia peine.
Dans la dernière soirée donnée par la Cordiale,
MM. Henricl, Millier, Charlevé et Douillard ont joué
d'une façon comiqueune scène de M. Gabriel, intitu-
lée Durâcuire et Bouchencfrur .
La partie chantante était conduite par MM. Marie
et Mussler. Des compliments particuliers sont dus
à MM. "Wuillaume, Bousquat, Launay, Bouvier. —
M. Goyard a chanté gentiment une bien vieille chan-
son : Brise des nuits. M. Henriel s'est fait rappeler
avec la chanson comique do Jules Raux, Je ne prends
rien entre mes repas.
Les dames ont eu leur part de succès, Mlle Adèle
avec l'air du Rossignol, Mlle Marguerite avec le Lys,
Mlle Jeanne avec la chanson de Marcus, Qui veut
m'aimer, Mlle Julia dans La femme à papa,Ull6 Louise
dans Grand'mêre c'est le vent.
La saynette Un coup de commerce a été vivement
enlevée par Mlle Jeanne, Marguerite; MM.Georgebô
et Gabriel.
La société dramatico-lyrique l'Etoile de Levallois,
réunit en ce moment les éléments d'une fête de
nuit offerte aux sociétés- parisiennes, au Casino da
l'ile de la Grande Jatte, le samedi, ;! juillet, ooncert,
liai, feu d'artifice, tombola, divertissements de toute
nature .
Service spécial de voitures.
Rien ne sera négligé pour laisser de bons souve-
nirs à tous ceux qui y assisteront.
Une nouvelle société lyrique vient de se former ;
Les Amis de Béranger . Ses soirées auront lieu tous les
mercredis au Café Hollandais, KO, Galerie Mont-
pensier (Palais-Royal).
Une scission vient d'avoir lieu dans l'une des plus
9,nciennes et des meilleures Sociétés lyriques. La
moitié des membres de. la Renaissance, alléguant
pour motif la mauvaise gestion des afTaires de pettp
Société, ont donné leur démission, et viennent de
fonder dans le même local, Café du Globe, 8, boule-
vard do Strasbourg, la Société lyrique la Favorite.
Ils donnent ce soir, 12 juin, une grande soirée d'i-
nauguration, dont nous rendrons compte dans notre
prochain numéro.
Salut et prospérité à la Favorite.
Maxime Guy.
CHOSES ET AUTRES
La Société académique de Saint-Quentin, dans sa
séance publique annuelle a couronné, ex œquo, trois
pièces de poésie : A. Vroudlion, par M. Aug. Cizel ;
le Sacrifice, par M. Edmond Delière, et Vercingéto-
rix, par M. Achille Millien. 80 pièces araient été
envoyées ; quatre ont obtenu des mentions hono-
rables.
Nous souhaitons la bienvenue à nos nouveaux con-
frères, la Tribune de la Seine et le Pierre Corneille,
splendide publication mensuelle, dirigée par Julien
Goujon. Cette revue, vraiment artistique, rivalise
avec les belles publications de Paris. Poésies, Litté-
rature, Musique, Illustrations, rien n'y manque. Un
an 12 fr., rue Saint-Sever à Rouen.
S'il existe encore des gens croyant au jugement
dernier, qu'ils viennent aux Folies-Bergère I Hs en
entendront les trompettes (du Jugement dernier] dans
la fantaisie de Génin aine, sur Â'ida, de Verdi.
On bisse chaque soir ce bel intermède musical.
Outre l'attraction irrésistible de son magnifique
jardin, le théâtre des Folies-Bergère en oilre une
multitude d'autres au public parisien, provincial et
étranger. En voici la nomenclature : DALVINI, jon-
gleur japonais d'une prestesse prodigieuse; LEO-
NATI, le vélocipédistc qui opère sur son bicj'clo
l'ascension d'une spirale ; SIIED LE CLAIR, trapéziste
aérien. Les OHIFFILÏ, les deux c'owns gymnastes
burlesques qui obtinrent, il y a quelques mois, un
vif succès d'hilarité.
Vient de paraître à notre librairie, 18, ru» Bona-
parte.
Les Strophes militantes par Ange Pechméja.
Nouvelle édition; 1 vol. in-18. — Lire, dans notre
n" SO, le compte-rendu de notre collaborateur
Eugène Imbert sur la première édition, parue chez
Hachette.
Guirlande de Roses et de Bluets, poé-
sies posthumes, recueillies et publiées par M.
Juillers de Thorns, un beau vol., format Charpen-
tier, 3 fr. 50.
Nocturnes, poèmes imités dé ffenri Heine, par Léon
Valade. 1 vol. in-18, papier teinté, tiré à très petit
nombre, prix 1 fr. 50. Nous eu reparlerons dans notre
prochain numéro.
A louer, ponr comitéa, réunions, soeictéa, olc,
SALOIV pouvant <>on(enir SO poraonnes. Location an
trimestre, au mois, à la semaine ou j> la soirée.
S'adresser : OfDce de la Prcq^p et des Arts, 11, rue
de Çrifssgl, de 4 à 0 litpres,
40
LA CHANSON
LA CHATELAINE
Couplets à Liqueur, par ETIENNE D.UCRET
Air : Et pourtant je n' suis pas dévote.
La Châtelaine ! ah ! que c'est bon 1
Puisque j'en ai la bouche pleine,
En son honneur, je veux, cré nom I
Entonner une canlilùnc.
Dans le castel de nos aieux,
Le troubaùour, près d'une Hélène,
De plaisir la mangeait des yeux...
Ici, l'on peut, à qui mieux mieux,
Se payer une CMtelame,
On peut boire sa Châtelaine 1
Si, sans façon, le châtelain,
Jadis, courtisait la vilaine,
Sur le gazon, plus d'un vilain
Glissait avec la châtelaine...
Celle dont nous sommes épris
Ne nous permet pas ce sans-gêne :
En l'embrassant, sur le tapis.
Prenons bien garde, mes amis,
De renverser la Châtelaine,
Ménageons notre Châtelaine !
Ces dames pendent leurs bijoux
Aux anneaux d'une châtelaine ;
La nôtre, d'un lien plus doux,
Par le coUj morgue ! nous enchaîne :
Son amoureux, quand il s'endort.
En croquant une madeleine,
Croît, dans son cœur, sentir encor
Se dévider le ruban d'or
De notre blonde Châtelaine,
Il rêve de la Châtelaine I
La Châtelaine a de Vesprit,
Le ffoût fin , la mine agréable ;
Elle Vous met en appétit
Lorsqu'avec elle' on est à table.
Le derme ambré de son sein rond
Bût alléché le dieu Silène;...
Je connais môme un vieux barbon.
Qui veut se faire, au biberon.
Allaiter par ma Châtelaine : ,
Il veut tèter la Châtelaine !
Pour l'introduire en mon ^mlais,
Belle, mais sans faire sa mousse,
Ma Châtelaine a pour valets.
Messieurs, quatre doigts et le pouce.
Celte déesse de mon cœur
Fait son temple de ma bedaine.
Et je m'écrie : « Ahl quel bonheur 1 ■
Quand descend, de la nef au chœur.
Ma bienfaisante Châtelaine ;
Laissez entrer la Châtelaine î
Elle ne sort pas du couvent
Des Carmes, ni de la Chartreuse ;
Mais elle passe bien avant
La Bénédictine mielleuse...
Brillante, sur son piédestal.
De ses rivales, par centaine.
Jamais le roturier bocal
N'ébrèchera le fier cristal
Du corset de ma Châtelaine...
Garçon, servez la Châtelaine 1
Car son corset est un flacon
Qui récèle un divin dictame,
Nectar qui, redonnant du ton
A l'estomac, réjouit l'âme I
Pour te faire une nation,
0 ma France républicaine.
Forte de constitution,
Fais-toi tirer un million
De canons de la Châtelaine!...
Versez à flots la Châtelaine 1
Amis, dans un riant festin,
Charmant les ennuis de la vie.
Quand de Comus le gai tintin
A fraterniser nous convie.
Dans nos verres et dans mes vers.
Buvons, chantons, à perdre haleine,
Ce digne objet de nos concerts,
La reine de tous les desserts :
La délectable Châtelaine ;
Buvons, chantons la Châtelaine l
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C", 6, rue Martel.
A. PAT A Y, Directeur-Gérant.
3» ANNÉE. — N» e.
*0 CENTIMES.
19 JUIN 1880
LA CHANSON
Directeur-Gérant .
A. PATAY
La. chanson est une forme ailée et
charmante de la pensée. Le couplet
ésf /e gracieux frère de la strophe,
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PABAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction,
MAXIME GUY
Annonces, laligne.
Réclames, —
La chanson, comme ta baronnette
est une arme française,
J. CLARETIE.
aDMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 ■
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
Calerie des Chansonniers : Noël Mouret (Elxkm! Imbert). — Le Salon
de ISSO, 3"'» article; T. Ribol (GiionGiis .Miiut). — La Chanson
en Province (Un Lïoskais). — Le Bonhomme misère, paroles de
J.-B, DivAG!(iRii, musique de Paolo Mayeh. — Association philo-
de Ne - "• - .. _ r.
A l'Eldorado (FEnifASD Mohel). — C
(Edmokd Vallb, Maximb Gut, AlFl
antres. — A
Ique des Sociétés lyriques
Bbutisot). — Choses et
Grande» Terrassés, chanson-réclame (Etiessb
nju»
tilly, — Ce
forgeant,.. (Jules Ruel). —
GALERIE DES CHANSONNIERS : Noël MOURET
Noiil Mouret est né à
Paris le 13 décembre
1812. Son i)èrc était cor-
donnier. II semble qu'il
y ait dans cette pro-
l'ession une sorte d'al'ti-
Bité pour la chanson, si
l'on en juge par le grand
nombre de chanson-
niers qui lui ont appar-
tenu de près ou de loin.
Dauphin était cordon-
nier, Bonnefond aussi,
Gibon , également ;
• Landragin est coupeur
en chaussures.
L'instruction d'un ga-
jnin de Paris, surtout à
l'époque où Mouret
était gamin, on devine
ce que ce pouvait être.
Il fréquentait un peu
l'école primaire, beau-
coup l'école buisson-
nière, et préférait au
travail, à l'assiduité de
la classe ces flâneries si
douces au jeune âge et
si regrettées plus tard.
Sa carrière s'en ressen-
tit.D'ahord commis dans
la nouveauté, il se mit
ouvrierenarticlesde fourrurespour le voyage. De 18b2
■à 1866, ilresta garçon demagasin dans lamèmemaison.
Vers cette dernière époque, la vigueur nécessaire pour
Bancs de
continuera tenir cet em-
ploi lui faisant défaut, il
s'établit bouquiniste, et
il l'est encore.
Cette vie, peu riche en
événements, fulremplie
presqueenlièrcmentpar
la chanson. Or, la chan-
son, quand d'ailleurs
l'existence matérielle
estassurée,nesuflit-elle
pas à remplir une car-
rière?
Tantôt il peint les
mœurs et les travers du
jour. Paméla, ou Is. Con-
fession d'une grisette, sa
première œuvre, qui re-
monte à 1842; V Enfant
deParis, \a Reine du cM-
teau des fleurs, la Favr-
vette de Paris, autant de
portraits pris sur le vif.
Tantôt il aborde la ro-
mance : Adieux à ma
jeunesse, la Voix de mon
âine, les Enfants égarés.
Reste près de ta mère, les
Papillons; puis des su-
jets plus sévères : les
Souvenirs d'un soldat,
Etes-vous plus sage, les
l'école, où se trouvent ces vers :
L'instraclion est la rosée
Qui fertilise le progrès.
42
LA CHANSON
N'y a-t-il pas là un retour amer vers les jeiines
années dépensées au hasard? Il comprenait ce qui
lui manquait. Que d'efforts il lui fallut, lorsque la
muse vint lui souffler àl'oreille ses premiers refrains,
pour revêtir ses inspirations d'une forme non seule-
ment littéraire, mais même grammaticale! Il n'y
parvint pas de prime saut. Les conseils de l'amitié,
direz-vous, pouvaient suppléer jusqu'à un certain
point au défaut d'instruction première. Ecoutez ce
qu'il me disait à ce sujet.
t TJn ami, me disait-il, m'a fait sans le vouloir un
grand tort. Il traitait surtout la fantaisie. Je chercliai
à marcher sur ses traces, à imiter ce qui me charmait.
Mais, au contraire de lui, j'étais privé d'instruction.
Les idées poétiques que je pouvais avoir ne trouvaient
que péniblement le développement et la forme qui
leur étaient nécessaires. Au lieu de m'engager à
sui%Te une autre voie, de me conseiller un genre sé-
rieux, pratique, où la raison et le bon sens priment
la poésie, il se bornait à approuver, à admirer même
quelquefois les productions que je soumettais à son
examen. Je ne fus ainsi, longtemps, que le pâle reflet
d'une individualité étrangère. Ce n'est que plus tard
que j'ai pu me dégager de cette influence, et traiter
des sujets appropriés à mon milieu, à mon caractère,
à mes aspirations. »
Ainsi parlait le vieux chansonnier. Aussi répudie-
t-il volontiers ses œuvres de jeunesse.
Peut-être a-t-il tort. Si la recherche de la grâce
l'entraine à quelques excès, si çà et là les figures
sont forcées, on doit y reconnaître néanmoins beau-
coup de facilité, des pensées souvent heureuses et
un souci de la forme auquel lesproductions destinées,
en ce temps-là, à la rue n'avaient pas toujours habi-
tué le public.
Ainsi que le rappelait récemment un entrefilet de
ce jom'ual, à l'occasion du décès de la sœur de Char-
les Gille, troisième femme de Mouret, ce chansonnier
s a donné au peuple, à trente ans de dislance, ces
deux viriles chansons, Charlotte la Républicaim et la
QerierépiMicainet. Il a comme encadré sa carrière
lyrique, qui pourtant n'est jsas close, entre deux
élans de patriotisme.
La première de ces chansons, que cite Ranc dans
Soiis l'Empire, obtint à son apparition un succès qui
dm-e encore; la Qerie a paru dans le numéro 10 de
la Chanson (16 décembre 1878).
Car la note politique, et par conséquent démocra-
tique, ne manque pas dans l'œuvre de Mouret. Ses
couplets à Louis Napoléon Bonaparte, où figure mal-"
heiu'eusement cette expression d'une confiance bien
vite trompée :
Proscrit d'hier, le peuple t'accompagne :
Sème les champs défrichés par Proudhon ;
Mêle ton souETle au vent de la Montagne...
Contenaient en revanche d'énergiques avertisse-
ments : '
Pour déjouer les coups d'Etat d'un traître,
Dans nos greniers nous possédons du fer ;
Nos murs noircis recèlent du salpêtre :
Pour l'enflammer il ne laut qu'un éclair.
Le vrai goguettier chanterait sur un volcan.
Mouret n'y faillit pas. Savez-vous ce qu'il faisait le
li=r décembre 1851, au soir? Pendant que les gens de
police organisaient en silence, d'un côté de la rue de,
la Barrillerie, leur coup nocturne, lui, en face, au
coin de la rue Galande, à la goguette du Sacrifice
cVAiraham, il sapait en vers virulents les panaches
de l'époque, au grand éhahissement de certains trou-
piers fourvoyés dans la salle.
Mouret, imitant en cela beaucoup de ses confrères,
et non des moins habiles, n'a pas dédaigné de tra-
vailler pour la rue. Baumester, Aubert, Durand, entre
autres, ont imprimé dans leurs recueils un certain
nombre de ses productions. C'est là que parurent,
pour la première fois les Enfants égarés. Plus d'un
lecteur se rappelle sans doute ce couplet :
La cloche de la vieille église
Ke tinte plus depuis longtemps. ,
Le bois agité par la brise
Fait voler ses cheveux flottants.
Le soleil sur une autre terre
Va porter sa vive chaleur ;
Le jour s'éteint : partons, mon frère ,
J'ai faim, j'ai froid, et puis j'ai peur,
I<;i apparaît le défaut que je signalais tout à l'heure :
l'excès dans la grâce, l'image un peu cherchée, le-
poète parlant au lieu de son personnage. Ce bois qui
fait voler ses cheveux, et beaucoup d'autres passages
que je pom'rais citer, sont entachés de maniérisme.
Mais c'est l'exagération d'une qualité.
Cette préoccupation de la grâce n'est pas tant
recherche qu'habitude ; car dans mainte occasion le
langage familierdu poète s'image et sefleuritpresque
inconsciemment. Un exemple, qui m'a frappé il y a
longtemps : Mouret présidait — il a souvent présidé
— une société lyrique dont les soirées -avaient lieu
chez Joninon, rue de la Grande Truanderie. Il est
d'usage que le président salue par un applaudisse-
ment les chanteurs et surtout les chanteuses qui se
font entendre. Or, ce jour-là une dame ('nommons-la
madame Alexis, si vous voulez) venait de chanter,
bien, je crois, mais n'importe. Voici la phrase que
Mouret trouva pour provoquer les bravos de l'audi-
toire : Mes amis, nous allons détacher une- rose de la
couronne de nos applaudissements, et l'effeuiller sur'
la tète de madame Alexis. Ce petit speach ne peint-il
pas bien la manière du chansonnier?
Au temps où florissait Mouret, comme aujourd'hui
peut-être, le budget du chansonnier ouvrier n'était
rien moins que riche. Certains dimanches, huit jours
après la quinzaine de paye, la bourse, au matin,
était vide. Que devenir et comment répondre aux
agaceries du soleil printanier? Durand était là, provi-
dence quelque peu usurière du coupletier dans l'em-
barras. Mouret était autorisé, une fois pour toutes, à
lui porter chaque dimanche une chanson nouvelle,
actualité ou autre : ci, cinq francs. C'était une trou-
vaille, et la gaîté dominicale couronnait dignement,
grâce à une improvisation bien sentie, une semaine
de labeur.
Moins heureux était Gustave Leroy dans les der-
nières années de sa vie. Durand lui prenait jusqu'à
trois chansons par semaine, mais il ne les payait que
deux francs chacune.
Ainsi sont nées — je reviens à Mouret — un peu
LA CHANSON
43
h;Uivement tant de productions qiii émaillent, avec
celles do Victor Gaucher, d'Alexis Dalès, d'Auguste
Boury, de Théodore Leclerc, d'Eugène Hazard, les
recueils des éditeurs à bon marché, et dont les titres
formeraient une énumérationTtrop longue. L'auteur
se souvient-il lui-môme de la Ménagère et le pot m,
feu, de V Appel aux moissonneurs, du Clair et lune'}
Parmi ses succès les plus récents, il faut citer
Ouvrez vos rideaux, dont Vaudry a écrit la musique,
cl le Jour de l'an des amours, pour lequel Thorel a
trouvé ime heureuse mélodie.
J'ai dit que Moiiret a souvent présidé des .sociétés
chantantes. Il en a fondé plusieurs. Il a en outre or-
ganisé des soirées en l'honneiu des chansonniers
f morts. Seulement, comme le siège de ces soirées
•change souvent, on inaugure généralement le nou-
veau local par les chansons de Gillc. Quelques autres
auteurs ont eu, parait-il, leur tour, mais la pléiade
est encore loin d'être complète. Il est bon qu'on se
hiUc : d'une part, les auditeurs qui ont connu les
cliansonniers morts s'éclaircissent, et de l'autre, le
nombre de ces derniers s'augmente de jour en jour.
Espérons que l'excellent camarade que je viens de
I présentcràmeslecteursferalonglempscncoro applau-
f" dir les œuvres de ses contemporains disparus.
Je me suis plu à développer cette notice un peu
plus qu'il n'est d'usage, non pas seulement à cause
de l'importance même de celui qui en est l'objet,
mais aussi parce qu'il me parait résumer en lui le
caractère général de l'ouwier poète et goguetlier.
Amoureux de la chanson, amoureux do la goguette,
on l'a toujours vu stir la brèche, organisant dos soi-
rées à bénéfice, présidant des sociétés lyriques,
ouvrant des souscriptions. C'est un type, et son por-
trait devient ainsi la peinture en r.iccom-ci du monde
chansonnier. Eue. Imbert.
LE SALON DE 1880
;i° ARTICLE.
Un grand nombre d'artistes étrangers ont exposé
cette année, et il est très intéressant de remarquer
que les envois, tout en croissant en nombre, croissent
en qualité. Parmi ces artistes, beaucoup, la moitié
au moins, ne sont étrangers que de nationalité et
sont Parisiens au point de vue de l'art. En effet, leurs
tendances, leurs procédés, sont ceux de leurs maitres,
et ces derniers ont nom : Bonnat, Gabanel, Gérome,
Luminais, etc., etc.
Ou peut être fier et heureux de constater cet hom-
mage rendu à notre école, car la plupart des meil-
leurs toiles exposées cette année dans la section
étrangère, sont dues aux pinceaux des élèves de nos
maîtres français.
Il est impossible de parler des étrangers sans com-
mencer par La Bataille de Grûnwald ; c'est le premier
tableau qui frappe les yeux et force l'attention. On
est effrayé quand on pense à la somme de travail
qu'il a fallu pour mener à bonne fin une aussi
colossale entreprise. M. Matejko aurait peut-être pu
sacrifier un peu de la taille au profit de l'ensemble,
car si quelques figures sont bien ordonnées, le reste
est tellement embrouillé qu'une vingtaine de stations
sont nécessaires pour arriver à se faire une idée de
cet entassement de corps ; encore faut-il mentale-
ment couper le tableau en nombreuses tranches et
les examiner les unes après les autres. La couleur en
est également un peu bizarre, des clairs inattendus
et des tons généralement cuivrés font de l'ensemble
de cette toile une chose étrange et confuse.
le Co-Avoi d'un enfant en Finlande, de M. Edelfelt,
se recommande par une très solide peinture et un
grand sentiment d'observation; chacuaedes figures
composant la triste escorte a son cachet particulier
et exprime les différents sentiments qui l'agitent.
L'Orphelinat de Katmjk, de M. Ai-tz, se rapproche
beaucoup, comme facture, du tableau de M. Edel-
feldt; un peu plus de liberté dans la touche et une
magnifique lumière font de celte toile une œuvre
charmante et digne de la récompense obtenue.
Les deux envois de M. Mauve, Les Bûcherons et le
Troupeau de moutons, prouvent que cet artiste,
quoique né en Hollande, comprend nos fins pay-
sages ; le dernier surtout rappelle le bon temps de
notre regretté Jules Héreau. Le grand tableau de
M. Emile Delperie, Députés Gaulois tenant faire amende
honorable, etc., est très joliment composé; la couleur
est sobre et l'expression heureusement rendue.
Un simple paysage de M. P. Smith, Apirès la piluie,
malheureusement placé un peu haut, est d'une très
grande vérité. C'est un eflet observé avec justesse et
bien peint.
h'A?<tomne, fruits, parM. Robie, est, à mon avi?,
un des bons sinon le meilleur tableau de fruits que
nous ayons vu cette année. Il est difficile de rendre
avec plus de naturel les raisins, les pêches et les su
perbes prunes très heureusement groupés d'ailleurs.
On n'a plus à faire l'éloge de M. Pasini : Les Cava-
liers circassiens {Souvenir [d'Orient), qu'il expose,
ont le brillant merveilleux et le coloris si charmant
que nous sommes accoutumés de rencontrer chez le
peintre des pays ensoleillés.
Le Jugement de l'infant Don Carlos, de M. Lira, ne mé-
rite pas, je trouve, les éloges faits par une partie de
la critique. On ne reconnaît pas là le terrible Phi-
lippe II; le Grand Inquisiteur lui-même a plutôt
l'air d'un morne bon vivant que d'un pourvoyeur
d'auto-da-fé.
Quelques tableaux sont encore à citer :
Le BllUophile de M. Aranda, petite toile de beau-
coup d'expression ; les quatre tableaux de M. Aima
Tadema, dont l'un, VÉté est très original;
Dans une Sardinière, à Concarneau, de M. Kroger;
Tente des Nomades, de M. Bridgman, tableau al-
gérien d'un très joli ton ;
Une Halte, de Ridgway Knight ;
Le tableau de M. Bisehop, VBternel l'avait donné,
V Eternel V a ôté, peint avec un soin extrême et une
grande entente du dessin ; et, enfin, celui de M. Hag-
bort : Sur la place d'Agan, dans la manière de Feyen
Perrin.
44
LA CHANSON
Parmi les nombreux portraits de la section étran-
gère, se font surtout remarquer, par leurs qualités
exceptionnelles : de M. VaslavBrook, M. G., général
au service de la Chine ; de M. G. Lehmann, peintre
russe, Madame H. L., et de M. Castiglione, portrait
de M. G. G.
T. RIBOT
L'exposition rétrospective de l'œuvre de T. Eibot,
organisée dans les « Galeries de l'Art » et ouverte
au public le 13 mai, vient de se terminer. Quatre-
vingt-dix œuvres, toiles ou dessins absolument
remarquables, ont permis de juger l'artiste qui
compte parmi les meilleurs.
La peinture de Ribot est personnelle et n'est
comparable à aucune de celles de ses contemporains;
il faut remonter loin en arrière pour retrouver un
équivalent. Il réunit la manière savante et sombre
des meilleurs maîtres espagnols à la naïveté et à la
grande observation des hollandais. Le Caharet Xor-
onand montre, en effet, avec la diversité des types, de
l'observation, de la vie, poussées si loin chez
Teniers et Van Ostade, une largeur d'exécution
digne des maîtres que je citais tout-à-l'beure.
A côté de cela, des études de vieilles ou de jeunes
femmes comme les aimait Rembrandt, avec les tons
les plus chauds, les plus brillants, corrigés par une
couleur sévère répandant sur la toile un clair-obscur
général qui en double la saveur.
Les Jeunes filles avec des fleurs, la Jeune fille atix
poules, le Chat malade, etc. Puis, la Comptabilité, les
Lunettes, la Mère Morleu, Jean qui rit, Jean Raisin,
et tant d'autres.
Enfin les cuisiniers, par lesquels le maître s'est fait
connaître, ont là deux superbes représentants : les
Cuisiniers plumeurs et la Fête du chef, deux tableaux
d'une verve, d'une largeur et d'un rendu véritable-
ment merveilleux.
On savait que Ribot est un maître ; à qui en dou-
terait encore la preuve vient d'être victorieusement
fournie, et il faut ici remercier ceux qui ont permis
de le faire publiquement. Les « Galeries de l'Art »
n'ont jamais mieux justifié leur titre.
Georges Mur.\t.
tA EttÂNeOlTEN PRflVINGE
Samedi dernier, a eu lieu, à Lyon, la réunion men-
suelle des Amis de la Chanson.
Dès sept heures, de nombreux groupes de socié-
taires et d'invités se forment dans les jardins de
M. Auberl, propriétaire de la salle des reunions de
la Société.
Cette salle avait été artistement décorée pour la
circonstance. Les bustes de Béranger et de Pierre
Dupont frappent tous les regards ; celui de Béranger,
entouré de palmes et de fleurs, se détachant sur un
fond de drapeaux tricolores, excite l'admiration.
A neuf heures, en l'absence de M. Andrieux,
président de la Société, et de M. Gauthier,
M. Guillumin ouvre la séance en remerciant les nom-
breux invités d'avoir bien voulu venir honorer la
réunion de leur présence. Il donne ensuite la parole
à M. Claude Gauthier qui, dans une romance des
mieux choisies, dévoile un véritable talent, que se-
conde une voix de baryton des plus belles.— M. De-
meure, avec sa voix douce et fraîche, obtient des
applaudissements. — M. Bernet, par une chanson
comique, oppose un contraste charmant. — M. Gon—
guet, dans le splendide morceau de Rions, chantons,,
mes amis, se fait couvrir de bravos. — M. Sagnon se
surpasse dans une tyrolienne des mieux nuancées.
— M. Mortier, le chanteur bien connu par son dé-
vouement , chante Maître Simon, avec un talent
accompli.— M. Nemoz apparaît sous un costume co-
mique des mieux réussis ; il provoque les rires par
de-i scènes pleine d'esprit. — M. Sanaoze déclame
avec talent unepièce de vers, rappelant nos malheurs
passés ; V Enfant à la barricade est pour lui un vrai
triomphe. — M. Bourgeois, avec sa belle voix de
ténor, dévoile un véritable talent dans Le Rêve,
qu'il interprète en chanteur accompli.
La parole est donnée à M. Lumière pour une com-
munication particulière. M. Lumière rappelle que
cette soirée se donne en l'honneur du souvenir
de Béranger, et dit qu'il croit bon, utile même, de
retracer la vie du grand chansonnier populaire,
dont le souvenir a été jusqu'à ce jour trop oublié. Il
indique sommairement dans quelles circonstances
étranges se passèrent les années d'enfance de Bé-
ranger; il montre ensuite l'homme se mettant à
l'élude à l'âge où depuis longtemps déjà on l'a aban-
donnée généralement.
Il parle ensuite de son grand amour pour le peu- .
pie, lequel est traduit dans plusieurs de ses chan-
sons patriotiques ; puis il termine en disant que si le
peuple de France a oubliéjusqu'à ce jour ce vrai Fran-
çais, aujourd'hui une souscription nationale est ou-
verte pour élever un monument à Béranger. Les
« Amis de la chanson », dit-il, ne pouvaient rester
insensibles ou indifférents à une œuvre aussi pa-
triotique, et ils font un appel à tous leurs, membres
et invités, ce soir réunis, pour apporter une part
aussi grande que possible à cette belle œuvre..
(Nombreux applaudissements.)
Une collecte est aussitôt faite et produit la somme
de 170 fr. 4o c, qui seront envoyés au Comité du
monument.
M. Priolan se fait ensuite applaudir dans une-
chanson de Béranger.
M. Schok, l'excellent comique, vient prouver une
fois de plus son talent dans une chansonnette pleine
d'esprit.
Dans une pareille soirée, la flùle de M. Coulon ne-
peut rest-:r muette ; cet artiste, dont le talent n'est
plus à discuter, charme tout l'auditoire avec une
pastorale.
M. Giroud, par sa voix douce et fine, se fait ap-
plaudir dans Au clair de la lune.
M. Lumière ne veut pas se contenter de son dis-
couis; sa voix chaude et vibrante dévoile une fois
de plus son talent d'artiste accompli dans un mor-
ceau nouveau, la Cuve. Chaque strophe est accompa-
gnéii de bravos répétés.
M. Plaron, dans une chansonnette comique, est
couvert d'applaudissements.
MM. Gauthier, Némoz et Coulon trouvent, dans de-
nouvelles auditions, les échos de leurs premiers
succès.
Grand est encore le nombre de ceux dont le talent
devrait nous charmer, mais l'heure avancée ne per-
met pas de prolonger ces instants trop courts ,et le
président annonce que la soirée est terminée. On se
dispose à partir, lorsque de toutes parts on récfame-
LA CHANSON
45
la Consolante, chanson finale et de circonstance,
qu'interprète avec une grande vérité M. Lumière, et
dont chaque couplet est salué par de nombreux bra-
vos. Au dernier couplet, le nom de l'auteur, M. Ghi-
gnard, directeur de l'Harmonie Gauloise, s'échappe de
toutes les bouches ; l'heureux compositeur, n'ayant
pu disparaître assez à temps, reçoit les félicitations
âe tous.
On ne saurait terminer ce compte-rendu, sans
adresser les plus sincères remerciements à M. Caloin,
le musicien compositeur bien connu, pour le con-
cours gracieux qu'il prête à la Société qui, certaine-
ment, lui doit la plus grande partie de ses succès.
Un Lyonnais.
[ME MÎSIKE
Paroles ce J.-B. DAÏAGNIER. Nusioue de PAOLO MAYER
^o^éfatS.
<Jé «oi»<l'Duc vkilleori. gi.he, El,
^g^^i^P^
^aoo4 jc.>or\^it n>e* a.ïeuE, ,^ mon qostume je ^a.
jours. otiB» liumœfs lise «poclc goe.iull^» lîloua»«e
BEP. • tenlo.
jpqiBA,a>a Jaquç^. Bonbotcoie <lii_ j}ue« - .flan ,
Jlvamme^ ^gj^-^^ giea qoti e«ji ctj.eû
Tantôt j'habite la chaumière
Et tantôt je loge au grenier;
Je vis de pain noir et d'eau claire,
Et mon palais c'est l'atelier.
Je fais l'épingle et je façonne,
0 riches, vos temples altiers ;
Dans les champs, je fauche et moissonne ;
C'est moi qui peuple les chantiers.
C'est moi qu'on nomme, elc
Jeune, on prend ma première sève :
Je suis soldat et je défends
Mon pays, quand le fil du glaive
Des rois tranche les difïérends.
Pour le fer, le plomb, la mitraille,
Ma poitrine est un bouclier ;
Je meurs sur le champ de bataille
Ou, meurtri, je rentre au foyer.
C'est moi qu'on nomme, etc.
Après avoir tissé la toile.
Après avoir filé le lin,
Je vois s'assombrir mon étoile.
C'est l'heure triste du déclin.
Vieux et perclus, courbé par l'âge.
Je trottine par le chemin.
Aidé d'un bâton de voyage ;
Aux bons passants, je tends la main.
C'est moi qu'on nomme
Jacques Bonhomme,
Jacques Bonhomme qui n'a rien
Que son chien.
ASSOCIATION PHILOTECHNIQBE DE NEUILLY
»i.strîl>ii(ioB des |>ri\ ISMO
M. Talbot, délégué parle ministre de l'Instruction
Publique, a présidé la cérémonie. M. Talbot, dans
une courte improvisation, a décerne aux professeurs
comme aux élèves la part d'éloges que chacun méri-
tait; il a conclu par un souvenir à la France, fait
appel au plus sacré des devoirs, au sentiment le
plus élevé : le patriotisme, et terminé en citant ce
couplet de Béranger, le poëte national :
De tes grandeurs tu sus te faire absoudre
France, et ton nom triomphe des revers;
Tu peux tomber, mais c'est comme la foudre
Qui se relève et gronde au haut des airs ;
Le Rhin aux bords ravis à ta puissance
Porte à regret le tribut de ses eaux;
Il crie au fond de ses roseaux :
Honneur aux Enfants de la France !
M. Daix, maire et président de l'Association,
s'élait chargé du rapport, un chef-d'œuvre de tact
et d'esprit.
Le soir, a eu lieu un diner de GO couverts, présidé
par M. Talbot en remplacement de M. Hérold, préfet
de la Seine empêché. Des toasts ont été portés par
MM. Roux, Talbot, Villeneuve, Simonnct à M. Daix,
le sympathique maire de Neuilly. Enfin, M. Noilhan,
poëte et chmsonnier, rédacteur en chef de VÉcho,
de l'arrondissement de Saint-Denis, a dit les deux
premiers couplets et chanté les derniers, d'une chan-
son de J. Ruel, que nos lecteurs liront avec
plaisir. Ces couplets, interprétés avec beaucoup de
verve et de talent, ont été chaleureusement applau-
dis.
46
LA CHANSON
C'EST EN FORGEANT.
Messieurs, amis, il est un vieil adage
Qu'auprès de vous, je veux chanter ce soir,
Dans ce banquet où chacun rend hommage
Au dévouement , au travail, au savoir;
El ce dicton qxie mon vers éphémère
Va commenter, modeste tâcheron,
Je le dédie à notre excellent maire :
C'est en forgeant qu'on devient forgeron..
En tout il faut faire un apprentissage,
Les nouveaux-nés n'en sont pas même exempts.
Leurs doigts mignons sous les plis d'un corsage,
Vont découvrir des trésors jaUlissants-l
Et les pauvrets jouant à qui perd gagne,
Qui sont d'abord réduits au biberon,
Plus tard gaiment sableront le Champagne :
C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Dans Béranger, enfant, j'appris à lire...
Puis, de Hugo j'admirai l'art divin...
Et, frémissant aux accords de sa lyre,
Bientôt j'aimai le poète Sylvain;
Sur ces grands noms, quand il répand l'outrage,
Maint Patouillet croit égaler Fréron.
Bavez encor, VeuiUot vous encourage :
C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Certain gascon, fils d'un père dentiste,
A son parrain demandait : quel état
Dois-je choisir : médecin, journaliste,
Auteur, acteur, professeur, avocat?
Mon cher filleul, pour peu que ça te plaise,
Fais-toi jésuite, et par ton saint patron.
Vrai, tu pourras mentir tout à ton aise :
C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Un député, fougueux bonapartiste,
Hier encor fidèle à son drapeau,
Clame aujourd'hui sa foi légitimiste,
Tristam... triste homme, il a changé de peau ;
Demain, sans doute, une autre monarchie
Verra, pour lui, s'entrouvrir son giron.
A qui le tour ? la limite est franchie :
C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Chez un grand peuple attestant sa puissance.
En lui traçant son droit et son devoir,
La liberté n'est jamais la licence
Et dans la loi s'incarne le pouvoir.
Les citoyens de la libre Amérique,
Qui, sous l'habit, qui, sous le bcurgeron.
Ont vu grandir leur jeune république:
€'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Jean-Jean n'a pas de goût pour la bataille,
Gloire, victoire ont sur lui peu d'effet,
Au sifflement aigu de la mitraille
Il devient pâle, ému, tremblant, défait.
Bien vile au feu le conscrit s'habitue,
Son cœur bondit à l'appel du clairon.
Et comme un autre il charge, tire, tue :
C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
La mort n'est rien, la vie est peu de chose,
Sachons user de ce peu sagement ;
Tous à l'envi, sans relâche et sans pose,
Faisons le bien avec discernement.
Notre devise est : Guerre à l'ignorance;
Fraternité, c'est ton plus beau fleuron :
L'instruction doit relever la France,
C'est en forgeant qu'on devient forgeron.
Jules Rxiel.
A L'ELDORADO
Voici l'instant des congés et des villégiatures.
Chanteurs et chanteuses prennent tour à tour leur
vol, et vont — pour se reposer— interpréter, dans
les concerts de province et à l'étranger, leurs créa-
tions les plus récentes. Le Café-Concert ne chôme
pas pour cela, car c'est, aussi le moment choisi par
les Directeurs pour produire de jeunes artistes, qui
peuvent ainsi faire connaissance avec le public, et
se tenir prêts pour la saison d'hiver.
Nous avons assisté la semaine dernière, à l'Eldo-
rado, — toujours soucieux d'assurer l'excellence de
sa troupe, — à deux de ces débuts : celui de Mlle
Gilberte, une diseuse, et celui de M. Antony, un co-
mique de genre.
Nous reparlerons, — dans une prochaine chronique,
— de Mlle Gilberte, qui ne nous a pas paru en pos-
session de tous ses moyens, et qu'il faut revoir pour
la juger à sa valeur. Elle a d'ailleurs à son actif de
la gentillesse, de l'intelligence, et un organe agréa-
ble.
M. Antony, lui, a déjà quelque expérience de la
scène. Nous l'avons entendu dans quatre chanson-
nettes de son répertoire : Ze Bo% Moment ; Je me ra-
liapillote ; Je suis rampant et Sans avoir l'air de rien ;
et nous devons lui reconnaître d'incontestables qua-
lités. La voix est juste et porte bien, la diction est
claire. On voit que M. Antony, — grimé et costumé
comme il convient, — cherche à faire valoir, par la
mimique et par le jeu de la physionomie, l'idée
comique des couplets qu'il détaille. Le véritable co-
mique est effectivement celui qui met dans l'œuvre
interprétée une note personnelle, et qui souvent
provoque le rire avant d'avoir ouvert la bouche. Que
le jeune artiste soigne toutefois ses gestes. Oh I trop
de gestes 1 Et qu'il se garde surtout de ployer au-
tant les jambes, et de sautiller comine s'il marchait
sur des charbons ardents ! C'est là une légère cri-
tique, et l'accueil favorable qu'il a rencontré prouve
qu'il saura tenir sa place à l'Eldorado. Il ne lui reste
plus, pour s'affirmer davantage, qu'à se créer un ré-
pertoire de chansons nouvelles. Allons, Messieurs
les auteurs, des manuscrits pour M. Antony !
Quatre autres artistes, d'un genre tout différent, les
sœurs Mathews, dites Les Midgets Ainéricaines, dé-
butaient également à l'Eldorado pour remplacer, —
comme intermède, — le Violon naturaliste des frères
Massini. Imaginez quatre fillettes, dont la plus âgée
n'accuse guère plus de quatorze ans, exécutant avec
LA CHANSON
47
l'agilité et l'aplomb de clowns consommés, une sé-
rie d'exercices acrobatiques, depuis le saut périlleux
jusqu'à la pj'ramide humaine I
Il y a là une grande dépense de force et de sou-
plesse, notamment de la part de la plus jeune d'entre
elles, qui fait preuve d'une adresse incroyable dans
un âge si tendre. Aussi, toute la salle a-t-elle ap-
plaudi à outrance ces curieuses étrangères, char-
mantes dans leurs maillots roses et dans leurs blancs
costumes semés de paillettes d'argent.
Ferxand Motel.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
L'Union Parisienne, 3, rue du Petit-Pont, a donné,
jeudi 10 juin, une soirée extraordinaire à l'occasion
de la décoration de Mesdames Alexandrin et Anna.
U Union Parisienne continue à bien faire les choses ;
rien ne manquait, bouquets aux dames, tombola
gratuite, artistes distingués, auditeurs choisis.
Nous avons eu le plaisir d'applaudir, outre nos
artistes aimés et habitués, M. Fageon, le ténor si
sympathique, M. Adrien Soiichct, intarissable de
verve et d'entrain, puis M. Auger, du Théâtre de la
Renaissance, qui nous a dit : Rappelle-iol, Pauvre
Jeanne, et le grand air du Chalet.
Voiture à vendre a été interprété par nos amis Léo
et Guiche, — ce dernier pourun début aété passable,
quand à Léo, il a passé ; somme toute, on les a digé-
rés tous deux.
Edjiond V.\llé.
Samedi, 12 juin, grande soirée d'inauguration de
la société lyrique la Farorite. Cette société n'avait
rien négligé pour s'attirer les sj'mpathies du pu-
blic : Distribution de fleurs à toutes les visiteuses,
magnifiques bouquets offerts aux dames artistes,
cordialité parfaite, programme attrayant et artistes
de derrière les fagots, rien n'a manqué pour donner
un éclat brillant à cette fête de famille. Aussi, dès
8 heures, était-il difficile de trouver une place dans
la salle du café du Globe ; plus de 50 personnes ont
dû môme se retirer devant la difficulté de se pro-
curer des sièges. Après un petit speech prononcé
par M. Swrcoiif, M. Gané, l'excellent pianiste-com-
positeur ouvre la soirée avec la Marc/te indienne. La
place nous manque pour relater ici les noms de tous
les artistes qui ont prêté leur concours ; citons seu-
lement parmi ceux qui ont obtenu le plus de suc-
cès, Mlles Madeline, Marthe et Julia ; cette der-
nière nous a dit avec son entrain endiablé et en
s'accompagnant avec des cymbales, Entrez, c'est
l'instant. MM. Lion, Ernest, Marie, Launay, rappelé
et bissé ; Chevalier, Marthy, très apprécié dans le
Scarabée ; Leroy, Ambroise, Alexis, Bousquat, Flo-
réal, Andouard, gommeux très réussi ; Guilloton,
dont la diction juste a été applaudie dans la tirade
de Ruy Blas ; Demay, qui a obtenu du succès dans
■Te Sîiis rampant ; Voisin, très bon dans les Gêneurs ;
Marcus, inimitable dans le Marchand de lorpiettes ;
Lévy qui a récité avec finesse la pièce de cent sons ;
Jomain, très drôle dans Si tous rencontre::^ ma fem-
me ; Royer nous a rappelé Debailleul avec le Déjeu-
ner sur l'herbe et les Souvenirs du zillagc ; cet artiste
possède une voix très sympathique et ne serait pas
déplacé sur la scène d'un de nos grands concerts.
En somme, bonne soirée, présidée par M. Car-
terro. Les grandes soirées dramatiques de la Favo-
rite auront lieu le 2"= samedi de chaque mois.
Maxime Guy.
Samedi a eu lieu le concert mensuel de la Société
lyrique La Cordiale, de Levallois-Perret.
Le public a comme d'habitude fêté chaleureuse-
ment ces jeunes amateurs qui, à chaque audition
nouvelle, donnent des preuves de progrès sérieux.
Au premier rang, il convient de nommer M. Fer-
dinand Reigers, qui a récité avec vigueur la Cfrèvedes
Forgerons.
Le Président de la Cordiale, M. Laporte, a le talent
d'intéresser et d'amuser par des tours de prestidigi-
tation habilement exécutés.
Nous devrions faire l'éloge de tous les chanteurs
inscrits au programme ; mais l'espace nous fait dé-
faut. Nous nous bornerons à citer MM. Panissié, Clé-
ment et Gouvasé, qui ont particulièrement mérité
les applaudissements.
La Cordiale donnera le samedi 26 juin, au Casino
de l'ile de la grande Jatte, un grand concert, suivi
de bal, au profit des écoles laïques.
Alfred Bertixot.
CHOSES ET AUTRES
Quelques lecteurs se sont étonnés de ne pas voir
le compte-rendu du dernier banquet de la Lice
Chansonnière accompagner, comme d'habitude,
l'article consacré mensuellement au Caveau. La
lettre suivante donnera la raison de cette lacune . . .
volontaire.
Paris, le 28 mai 4880.
Mon cher Patay,
Les membres de la Lice Chansonnière, réunis en
séance administrative le 26 mai, sur la proposition
de leur camarade Adeline, m'ont chargé de vous
prier de ne plus faire de compte-rendu de banquets
de la société dans le journal La Chanson dont vous
êtes directeur.
Recevez, mon cher Patay, mes sincères salutations,
Ze secrétaire, Ch. Péan.
Nous regrettons — pour la Lice — la décision
votée par quelques Licéens, dent le nombre ne
représente pas la majorité des membres de cette
société.
MM. Hippolyte Ryon et Ernest Chebroux ont
donné leur démission de Président et de Vice-Pré-
sident de la Lice Chansonnière.
Nous rappelons aux amis de la Chanson que i
ration du modeste monument, élevé à Adolphe Vaudn
par ses camarades, aura lieu dimanche prochain,
20 juin, au cimetière Saint-Ouen. Rendez-vous à trois
heures, route d'Epinay {Porte du Cimetière.)
48
LA CHANSON
A notre ami ADRIEN SOUCHE T.
AUX GRANDES TERRASSES!
Par ETIENNE DUCRET
Air : C'était pas la peine.... (La Fille de M""^ Angot).
Au dieu du picton rendons grâces : \
Aux Grandes Terrasses, |
Oui, prenons nos places; > (bis)
On s'y met sens dessus dessous i
Avec un bon Litre à Dix sotcs !... ]
Au boulevard des Invalides,
Titi, Gravoche et Galino
Hantent ces Terrasses splendides.
En face la o-ue Oudinot.
Ça, Lisette, qu'on se déhanche I
Le gousset plein, le cœur content,
Allons-y, puisque c'est dimanche,
Bras dessus-dessous, en chantant :
Au dieu du picton, etc.
Bu faubourg et de la banlieue
A ce rendez-vous égrillard
Pour caramboler, on fait queue,
A (jîcatre soiis l'heure, ato Billard...
Les Rivaux, même au Jeu de Boule,
A gogo, boules ou vainqueurs,
S'y gorgent, sans perdre la boule,
De Viu, Café, Bière et Liqueurs,
Au dieu du picton, etc.
VAprès-Midi, de la Physique
Nous charment les tours enchanteurs ;
La nuit, on y trinque en Musique,
Pour faire chorus aux clianteurs...
Là, si la Mère de Famille
Est éclairée à giorno,
L'Amour sourit sous la Charmille,
Au reflet d'un discret fallot...
Au dieu du picton, etc.
Des Bonnes Gens aimable Fée,
Une Naïade y fait jaillir,
De sa Cascade au gai trophée
La Source vive du plaisir...
Viens, viens donc, ma Lise fidèle,
Sous ces Berceaux aux mille fleurs,
Avec moi, tu vas, sans chandelle,
En voir de toutes les couleurs...
Au dieu du picton, etc.
A dix heures, Feu d'Artifice 1
Tout s'embrase 1... c'est le Bouquet !
Bravo 1 qu'un hourrah retentisse
De la Galerie au Bosquet 1
Des Mille-Nuits oui, c'est un Conte
Puisque le public jovial
Pour s'égayer en fin de compte,
Compte sur le Comte Abrlal... (1)
Au dieu du picton rendons grâces :
Aux Grandes Terrasses,
Oui, prenons nos places;
On s'y met sens dessus dessous
Avec un bon Litre à Dix sous!...
(bis)
(1) Le Comte Abrial est l'heureux fondateur, propriétaire et directeur de ce charmant Eden!
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C«, 6, rue Martel,
A. PATAY, Directeur-Gérant.
3= ANNÉE. - N-"*.
lO CENTIMES.
26 JUIN 1880
AN»
Directeur- Gérant.
A. PATAY
Là chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frâre de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, laligne...
Réclames, —
La c/ianson, comme ;a/)aranno((6
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAP.LRTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an. . .
• six mois.
Etranger, un an. .
6fr.
3 .
8»
SOMMAIRE
Galerie des Chansonniers : Victor Riibincaa (Andi
Sidon de IHSO, i"" cl deniior arlltle (Gboucks
an bouijuel,, paroles ie Ed. Gbessik. inujiiiue do i
Jionnet de Liselle (C1eoui;bj Mu.vrioM). — La Soc
CuitjîlainJ. — Quinzaine dramatique ^L.-Ubmii
P,B,,so»). - Le
:un.x). - Dans
. Laiure. — Le
é fulurc (EuuMB
xco,uu). — Les
r populaires au tkédlre des Nations (A. BEaTisoT). — La
n en province (A. U-mfenE). — Chronique de la Scala (A.
)t). — Bibliographie (Ejiile Bj-émout). — Choses et autres,
inique des Sociétés Lyriques.
GALERIE DES CHANSONNIERS : Victor RABINEAU
Ceci n'est pas uuo :
biographie; c'eslàpeiiio
l'esquisso d'uu chan-
sonnier dont le carac-
lùrc militant cl les ten-
dances déinocralifiucs
ont su lui conquérir la
sympathie do la classe
dirigée qui propagea
ses œuvres dans la
France entière.
Plus favorisé que la
plupart de ses confrères,
Victor Rabineau reçut
une ins truc tion sérieuse
que des "malheurs de
famille ont interrompue
trop tôt.
EufaDt du peuple, un fils du privilège
Auimilé par l'élude et lu jeux,
J'aieru.murchaiilleutcgelaueollcgc,
Site Gucor lel duut leur moude orogeux.
Je cite ces quatre
vers sans les recom-
mander autrement à
l'attention du lecteur,
que comme le témoi-
ynage du séjour de
Victor Rabineau au col-
lège do La Flcclie. De
là sa facilité à assouplir
notre langue aux diffé-
rents rythmes que comporte le genre multiforme
de la chanson.
Et dire qu'un écrivain d'uu mérite incontestable a
VICTOR RABINEAU
osé écrire que les étu-
des scolastiqucs étaient
funestes aux tempé-
raments poétiques, et
que Pinstruction était
une entrave à la voca-
tion. Cela est assu-
rément une plaisan-
terie dont le dévelop-
pement, si subtil qu'il
soit, ne convaincra per-
sonne. Qu'on en juge :
ï Heureux les poètes
« ignorants. Ils nevoient
« pas la nature à tra-
« vers les lunettes des
« livres, comme le dit
« par expérience le spi-
« rituel Dryden ; ils ne
« consultent pas de poé-
« liques,ils n'entendent
« rien aux théories...
« Ils marchent seuls
« dans leur sainte inno-
« cence; leurs pieds ne
<L s'embarrassent point
« dans les langes de
« l'école; ils ne s'éga-
« rent point à la pour-
« suite de lueurs trom-
« penses dans les bour-
J « biers de Pimitation ;
« ils n'analysent ni ne décrivent. Ils sentent, ils
« aiment, ils chantent : la science étouffe l'instinct.
« Heureux les poètes ignorants!... »
50
LA CHANSON
Eh bien I il y a gros à parier que si Yictor RaLineau
n'avait point passé par le collège, ses chansons, très
châtiées et savamment facturées pour la plupart,
auraient beaucoup d'analogie avec celles dont le
style justifie dans sa plus large expression ce distique
bien connu :
Les vers sont enfants de la lyre :
Il faut les chanter, non les hre.
De ce qu'un grand nombre de personnes peu
lettrées cultivent la chanson avec une certaine habi-
leté, et quelques-unes même avec une apparence de
supériorité, il n'en faudrait pas conclure à la satis-
faction de l'auteur cité plus haut et répéter avec lui
que l'instruction est le dissolvant de l'inspiration.
C'est qu'ils sont rares les poètes qui peuvent dire
comme Adam Billaut en 1636 :
N'est-ce pas un effet de l'essence suprême
De voir d'un feu divin mes esprits animés.
Que ressemblant un champ cultivé de lui-même.
Je produise des fruits que l'on n'a point semés.
Et, deux cents ans plus tard, Béranger :
Et ces épis que mon printemps vit naître,
Sont ceux d'un champ où rien ne fut semé.
Donc, Victor Rabineau avait fait d'excellentes étu-
des ; ce qui ne l'empêcha pas, comme Michel Se-
daine au début de sa vie, de tailler de la pierre pour
vivre, et cela jusqu'au moment où les forces phy-
siques lui faisant défaut, il chercha à utiliser son
intelligence dans une profession moins dure, sinon
moins exigeante.
C'est au milieu des préoccupations incessantes
d'une existence presque toujours mal assurée, que
Rabineau écrivit les charmantes choses que beau-
coup d'entre nous n'ont pas oubliées.
Quand on songe qu'il y a des gens qui affirmeront
encore aujourd'hui que la misère est le meilleur
stimulant de la pensée ; qu'elle galvanise la muse
endolorie ; qu'elle lui donne du ressort et lui permet
les grandes échappées à travers l'idéal. Quelle inqua-
lifiable boullbnnerie !
Quoi qu'il en soit, ce robuste et gracieux chanson-
nier sut résister avec une sorte de crânerie à tous
les heurts de la destinée, et couvrit souvent, hélas !
d'un joyeux éclat de rire, le cri sinistre de la faim.
Il mourut à l'hôpital; cela était inéluctable! J'en
trouve la preuve dans ces quelques lignes que j'ex-
trais du journal la Démocratie, à la date du ■21 juin
1869:
t La mort vient encore d'inscrire un nom de poète
sur l'obituaire de l'hôpital.
« Victor Rabineau qui s'est éteint ces jours der-
niers à l'âge de 53 ans, à Lariboisière, était un chan-
sonnier politique. Ses œuvres, éparses dans la mé-
moire du peuple, avaient un tel accent de virilité,
que la censure dut, plus d'une fois, en entraver la
diffusion.
« Chansonnier populaire à une époque où, pour
mériter ce titre, il ne suffisait pas d'avoir dans son
bagage littéraire des Femmes à tarde et des Pomjners
de Nanterre, Victor Rabineau devint l'interprète des
vœux démocratiques ; et, souvent, avec autant de
verve et de talent, disons-le, que les Lachambeau-
die, les Barrillot, les Gh. Gilles, il fit courageuse-
ment et sans détonner sa partie dans le concert des
idées nouvelles.
« Qu'on en juge par ces fragments des Malthu-
siens :
Qu'attendez- vous, enfants du prolétaire,
Quand vous n'avez ni travail, ni crédit ?
Celui qui chôme est de trop sur la terre.
Allez- vous en ! les Malthusiens l'ont dit 1
Pour toi, qu'hélas ! l'inaction torture.
Une famille est un mytlTe moqueur.
Tu dois, rebelle aux lois de la nature
De par Malthus, ossifier ton cœur.
La faim sévit sur la plèbe inutile
Et tord l'enfant à ton cou suspendu :
N'approche plus ta femme trop fertile.
Comme le pain, l'amour t'est défendu.
Allez-vous en ! Partez, race flétrie !
Le sol ne peut contenir tous vos rangs.
Le champ des morts est la seule patrie
Qu'à leurs maudits réservent les tyrans.
Et même si la misère est trop lente
A vous tirer de cet horrible enfer,
Ils l'aideront : l'Ordre à la main sanglante
Aura pour vous des canons et du fer !
« Victor Rabineau, qui joignait à la vigueur de
l'esprit l'appui d'une raison éclairée et les ressom'-
ces d'une intelligence cultivée, laisse un grand
nombre de chansons forcément inédites, frappées,
pour la plupart, à la même effigie que les Malthtir-
siens. Si personne ne les imprime, ce malheureux
chansonnier, fauché par la misère, ne laissera de
son passage ici-bas, qu'un petit volume de poésies,
les Filles du, Hasard, publié en 1860, et le souvenir
qu'une âme dévouée et qu'un cœur sincère lèguent
à l'amitié. »
Je rappellerai, pour terminer, quelques-unes des
chansons de Victor Rabineau. Floricola, « lo t'amo »
Killery,lQ5 Baisers perdus, sy&ni le caractère de la
romance, sont des poésies ravissantes ; l'idée s'y
fait jour sans contrainte, l'expression ne détonne
jamais, et le ver|, quoique laborieusement travaillé,
ne se ressent d'aucun eûbrt. Gela est gracieux sans
alféterie.
Quant à ses chansons proprement dites, elles ont
la même contexture que ses romances ; elles sont
écrites avec soin et ont presque toutes une netteté,
un relief et un éclat qui décoiicertenl la critique.
Généralement les vers de cet « auteur chanson-
nier » sont vigoureusement frappés et sont fréquem-
ment terminés par des assonances d'une vibration
métallique. La Locomotive, Rabelais, le Dernier mu
vieux, la Gloire militaire. Voici: l'hiver, les Vieua;
tambours, la Bou/farde, j'en passe et des meilleures.
Mais j'espère bleu que tout n'est pas dit sur Victor
Rabineau et qu'un jour ou l'autre, une plume mieux
exercée et ayant plus de notoriété que la mienne,
nous retracera la vie tourmentée de ce poète qui fut
si longtemps sympathique à la classe ouvrière à
laquelle il était fier d'appartenir.
André Pierson.
Notre collaborateur Eug. Imbert dans La Goguette et
les Goguettiers, a donné une longue et curieuse bio-
graphie de Victor Rabineau. Ce volume, tiré à petit nom-
bre, se trouve aux bureau.x de La Clianson. Envoi franco
contre un mandat-poste de S francs.
LA CHANSON
51
LE SALON DE 1880
4« ET DERNIEE ARTICLE.
De nombreux tableaux, d'innombrables devrais-je
dire, composent ce que j'appellerai « la galerie des
non exempts ». A mon grand regret, je me vois
obligé de terminer rapidement ce court examen du
Salon et ne pourrai étudier complètement cette par-
tie pourtant si intéressante de l'exposition. Je me
bornerai à donner la nomenclature des œuvres les
plus remarquables, à mon jugement.
L'Embouchure de la Gironde de M. Coquand, est
d'une poésie grandiose. Bien éclairé, bien peint, ce
tableau est un des meilleurs des non exempts.
Il est regrettable que Le Lever dit, soleil dans la
vallée de l'Oise, do M. René ïener, n'ait pas été récom-
pensé; cette toile barmonieusc, très étudiée et très
vraie, a une valeur réelle.
Le Campement aux environ de BisJira, de M. Girau-
det, est très juste d'impression; l'artiste connaît
l'Algérie et rend d'une manière très agréable la
couleur chaude et originale de ce pays.
Dans la même catégorie de vérité d'impression,
et quoique dans un tout autre genre, je placerai le
Moulin de Veules en Caux de M. Arlus, et le Varech à
marée basse de M. A. Flameng.
M. Barillot expose les Etangs de St-Paul de Varax-
A part les jambes des bœufs, qui me paraissent
trop rigides, ce tableau est très Ijien ; l'air circule
autour des deux grands ruminants, le ciel descend à
l'horizon : très bonne œuvre, en somme, et digne de
la Z" médaille obtenue.
Mme Barillot-Bonvaletse montre habile peintre de
fleurs ; ses Chr//saathènes, la fleur à la modo au Salon,
sont très réussies, ainsi quo le magnifique bouquet
do Moses trémières qui leur sert de pendant.
La Ville de Vezelai/ (Yonne) de M. Adolphe Guillon,
donne envio d'aller voir cet endroit ; voilà une excel-
lente toile, faite do main de maître, et qui mérite
absolument la seconde médaille accordée. .
Les fleurs jetées sur le corps de VAlMne de
Mme Anaïs Beauyais sont bien jolies.
Le portrait de U. D. par M. Jacques Jobbé-Duval,
le fils du sympathique conseiller municipal qui
est en môme temps artiste de talent, est solidement
peint.
La Mort dit. Chevalier d'Assas, par M. de Caillas,
nous faut assister à ce patriotique épisode de la
guerre de Sept Ans ; ce drame émouvant est bien
composé et placé dans un joli paysage.
César s'ennuie, de M. Motte, est d'une jolie couleur
et d'un bel ensemble.
Je citerai encore : La Veuve de M. Laugée fils, ta-
bleau émouvant et d'une grande observation ; Les
Carrières d'Amérique, de M. Malifas, paj'sage d'an
grand ellet; Le Jour de paye, do M. Camer-Belleuse;
Liaus la prairie, de M. Allongé; les Herbages de
MerDiUe et le Troupicau en marche de. Jl. Marais ; Le
Départ de l'escadron, de M. Jazet ; L'Heure du café, do
M. Dupaty, très jolie étude prise sur le vif; Dans les
montagnes, de M. Desbrosses ; Dans les Cressonnières, .
à Veules, de M. Clary, et, enfin, le portrait de
M. Dentu, le célèbre éditeur, par M. Acloque, celui
de Mlle Baretta, par Mlle Louise Abéma, et celui de
M. Hayem, par M. Valladon.
La sculpture n'a point soulevé les mêmes débats
que la peinture. Tranquillement installée dans l'im-
mense nef, elle écoutait froidement les clameurs
venant du premier étage, et, dès le premier jour, elle
s'est montrée d'ensemble au public, nous prouvant
que la statuaire française est décidément en progrès
croissant. Beaucoup d'œuvres de premier ordre ou
au-dessus de la moyenne sont là pour affirmer ce
fait.
Parmi les premières, je citerai VEve de M. Falguière,
figiu-e charmante ; la petite tête mutine écoutant
complaisammentle serpent, couronne gracieusement
le corps délicat de notre gourmande aïeule.
V Adolescence de M. Suchetet, dans un genre
différent, est un véritable bijou de finesse, de grâce
et de forme.
Il' Arlequin de M. de Saintr-Marceaus est extraordi-
naire de vie ; il semble que ce malicieux
compère, qui a tout l'air de chercher une niche à
faire, va descendre de son piédestal, et, agitant sa
batte, en donner à tort et à travers sur ses admi-
rateurs qui sont là, le cou tendu.
Orphée et Eurydice de M. Paris, forment un joli
groupe, extrêmement harmonieux ; la difficulté de
rendre une apparition par la sculpture a été heureu-
sement vaincue.
La Biblis changée en source de M. Suchetet ne
méritait pas, il me semble, l'excès d'honneur qu'on
lui a fait ; très bien modelée il est vrai, la figure ne
passionne pas, elle est un peu froide.
M. Mercié expose une Judith à laquelle je repro-
cherai un peu trop d'afféterie. M. Delaplanche, avec
une Enfance d'Orphée, prouve que les Salons ne se
ressemblent pas ; en effet ce groupe, bon pour tout
autre, étonne de la part de l'auteur de la Musique.
La Mignon de M. Aizelin, est très joliment mo-
delée; cet artiste, dont la réputation n'est plus à faire,
a rendu d'une façon charmante ce délicieux type, la
tête surtout a une expression très particulière.
Le Dante, de M. Aube, est exposé cette année en
bronze; il a gagn j à cette transformation. La Lecture
de M. Ghatrouss.% statue représentant une jeune
femme assise, est charmante de composition.
M. Paul Bacqu.a envoie Une jeune fille ; on peut
regretter que le jury n'ait pas compris cette œuvre
parmi les récompensées ; des qualités incontestables
l'indiquaient pour une 3" médaille.
Je finirai ce simple exposé de la sculpture par les
deux bustes de M. Guillemin, Un Janissaire, Une
jeuve fi,lle au Caire et la Jeune fille Florentine, par
M. Moricc, le vainqueur du concours pour la statue
de la République ; ce dernier buste est d'une délica-
tesse exquise, le livret est inutile pour apprendre
à l'amateur l'origine du modèle.
Georges Murât
52
LA CHANSON
A mon ami ED. LACHENAL
m 1
'«iM
_ _ oW^^iW.
Paroles de ED. GRESSIN. Musique ce EUG. LAHARE.
RONDEAU
PIAKO.
cho , 6e* que ^ou» In_les sans cùJ couprcuKV J'a.»
Dans un bouquet de blanches roses
Vous trouvâtes un billet doux
Qui vous disait cent mille choses
Que vous lûtes sans nul courroux !
J'avais seize ans, l'âme craintive,
Et j'éprouvai presque un regret.
Lorsque du pli, toute pensive,
Vous brisâtes le vert cachet 1
Quand vous finîtes de le lire
Je vis se gonfler votre sein ;
Et deux larmes dans un sourire,
Vinrent tomber sur votre main.
Le lendemain, bonheur extrême,
M'éveillant dès l'aube du jour.
Je vous disais : Rose, je t'aime ! . . .
Dans un bouquet, naquit l'atnour]!
CONCOURS DE LA LICE CHANSONNIERE
SUJETS LIBRES (2= Prix).
LE BONNETDE LISETTE
— (r Lisette, prends bien garde en allant à la fête
De perdre le bonnet qui couronne ta tête ;
Fillette, prends bien garde en suivant ton chemin
De laisser envoler ta gentille coiffure;
Le diable est bien soutent caché dans la ramure,
Et le vent souffle fort autour du vieux moulin. »
Lisette, en promettant de se montrer soigneuse.
Comme un oiseau léger partit, toute joyeuse.
Son bonnet retenu par un nœud de satin ;
Elle disait tout bas, en quittant son village :
— « Je ne crains pas le diable et je nargrie l'orage,
« Et le vent peut souffler autour du vieux moulin. »
Cependant, au retour, elle eut moins de prudence.
Après s'être un peu trop échauffée à la danse,
Son bonnet détaché, près du beau Mathurin,
Elle allait cheminant, tête folle et légère,
Ne se souvenant plus des leçons de sa mère,
Et du vent qui soufflait autour du vieux moulin.
Le diable la guettait, et, pour mieux la surprendre,
Il rendit Mathurin plus galant et plus tendre ;
Celui-ci tout d'abord s'empara de sa main,
Puis, petit à petit, il osa davantage,
Et.... le vent qui soufflait, en ce moment fît rage.
Emportant le bonnet par dessus le moulin.
Plaignez, .plaignez le sort de Lisette affolée
Qui ne put rattraper sa coiff'ure envolée.
Mais qui dut au plus tôt faire un petit béguin!...
Et, si vous m'en croyez, quand vous irez seuleltes,
Serrez, serrez toujours la bride à vos cornettes ;
Car le vent soufQe fort autour du vieux moulin.
Georges Montigmy.
SUJETS PATRIOTIQUES (4= Prix).
LA SOCIÉTÉ FUTURE
Voyez-là bas, dans les herbes fleuries,
S'ébattre et rire un fol essaim d'enfants ;
En attendant l'heure des rêveries.
Comme ils sont gais, heureux et triomphants I
L'enfance unit ce monde en miniature,
C'est le tableau de la fraternité :
C'est la société future
Représentant la liberté.
Lorsque le ciel de ses pleurs nous inonde,
Et que les vents refroidissent les airs.
J'aime écouter chanter ce petit monde
Sous les abris, où régnent ses concerts.
Obéissant aux lois de la nature.
L'harmonie aide à la tranquillité :
C'est la société future
Se réglant par la liberté.
LA CHANSON
53
La cloche sonne; on l'écoute avec joie ;
L'heure des jeux vient de tinter pour tous;
Habits de serge aiix cotillons de soie
Vont se mêler sans trouble et sans jaloux.
Tais aux repas la même nourriture
Est partagée avec égalité :
C'est la société future
Au banquet de la liberté.
L'enfant grandit, et les petites filles
Songent déjà, c'est le printetnps des cœurs;
Et les garçons, espoirs de leurs familles,
Des préjugés sont les futurs vainqueurs.
L'amour est franc, l'esprit est sans torture;
Voyez les fronts radieux de beauté:
C'est la société future
Grandissant à la liberté.
Non, plus d'erreuri non, plus de perfidie!
On s'aimera comme à l'école, un jour;
Il ne faut plus qu'aucun homme mendie,
De par la loi d'un fraternel amour.
Le monde ancien aux vers sert de pâture
A l'avenir sourit la vérilé :
C'est la société future
Rayonnant à la liberté.
Eugène Châtelain.
OniNZAJNE DRAMATIOnE
Nos Députés en robe de chambre. — Ambigu-Comique :
Les Mouchards. — Reprises diverses.
.l'ai parlé trop laconiquement do la pièce que joue
on ce moment le Vaudeville, A^os Députés en robe de
cliamhre. Une seconde audition mo fournit le pré-
texte d'un alinéa supplémentaire. M. Paul Ferricr a
fait prouve d'esprit, d'observation et de verve dans
cette comédie fort amusante. Sans doute, la plupart
des situations sont exagérées, et les types présentés
sont plutôt des charges quo- des portraits, mais, tel
qu'il est, l'ouvrage mérite d'être vu et applaudi.
Parmi les interprètes, M. Golombey a droit à une
mention particulière. Il représente avec finesse)
goût et mesure, le député légitimiste Castel-Mcillian.
La comédie de M. Fcrrier est la première satire poli-
tique jouée depuis la proclamation de la troisième
République. De pareilles œuvres sont pourtant utiles.
Il est bon de rappeler parfois à ceux dont le hasard
a fait les arbitres de nos destinées qu'ils ne sont que
des hommes.
Après l'Odyssée hilarante de deux voleurs célè-
bres, L'Ambigu offre au public l'Iliade de quelques
héros de la rue de Jérusalem.
La pièce des MoiccMrds comprend deux parties
bien distinctes, une action dramatique et un épi-
sode comique. La première montre un ancien viveur
ruiné, Dangély, qui fait le métier d'espion pour
obtenir les moyens de continuer son existence de
plaisir, et qui, démasqué devant sa fille et la femme
qu'il aime, se brûle la cervelle. La seconde met en
scène un méridional du nom de Capoulade, hâ-
bleur mais excellent garçon, venu à Paris pour cher-
cher et trouver la fortune. C'est M. Lacressonnière
qui joue Dangély avec plus de conscience que d'é-
clat ; c'est M. Dailly qui représente Capoulade avec
un entrain dont la haute critique s'est fort émer-
veillée. Il a de la chance, ce Dailly ; le voilà, de par
les besoins d'une entreprise boulevardièrc et le
caprice d'une presse superficielle, passé à l'état
d'étoile. Son physique pourtant est vulgaire, et ses
procédés monotones n'aboutissent qu'à des effets
très gros... Allons, ce Dailly a de la chance.
Le reste de l'interprétation est simplement conve-
nable ; mais la mise en scène a été traitée avec une
recherche qui pourrait bien assurer à la pièce un
chiffre enviable de représentations.
Les Fantaisies-Parisiennes et les Folies-Drama-
tiqiies ont renouvelé ou corsé leurs affiches avec
différents vaudevilles dont je ne ne vois rien à dire.
Le mauvais temps aidant, ces théâtres encaissent
des recettes plus que sutTisantes ; c'est là le point
important pour les directions d'été, qui se soucient
de l'art moins encore, s'il est possible, que les direc-
tions d'hiver. L.-IIenry Lecomte.
LES AUDITIONS POPULAIRES
AU THÉÂTRE DES NATIONS
Notre rédacteur en chef, M. Henry Lecomte,
poussera probablement des cris d'aigle eu me voyant
piéliner sur ses plates-bandes, mai.s lanl pis; je ne
puis résister au désir de vous parler des auditions
publiques qui ont lieu, chaque dimanche, au
tbéâtre des Natious.
L'année dernière, elles avaient donné des résul-
tais assez satisfaisants; espérous qu'ils seront meil-
leurs encore cette aunée, grâce a la grande impulsion
dounée par M. Ballande. "
Avant d'aller plus loin, je me permettrai une
réilexion. — Pourquoi jouer des aclt'S entiers ou
des séries de scèues interminables, qui faiiguent
les spectateurs? — Une audition de dix minutes
suffit largement pour juger un artiste.
Parmi ceux que nous avons entendus, plusieurs
révèlent de bonnes dispositions, mais beaucoup
d'autres laissent à désirer.
Mlle Lindow possède une assez bonne voix,,
mais elle aurait dû prendre un autre morceau que
l'air de Robin, des Bois, doot elle ne savait pas le
premier mot.
Mlle Tanésy est encore bien faible; néanmoins,
elle dit à peu près bien le finale An Songe d'une nuit
d'été.
Nos compliments à Mme Zélo-Duran qui a su
vaincre louies les difficultés de l'air des Z'iaMœM^i
de la C'ouro7i7ie ; celle jeune personne s'esr, revolée
en véritable artiste dans la comédie. Mine Vial a
récité d'un ton lugubre et monotone Je troisième
acte de Lucrèce Borgia ; M. Pély qui lui donnait
laréplique dans (xennnro a grand'besoin de travail-
ler. A défaut d'un gr;iiid 'talent, M. Dan)Ou dans
Don César, de Uuy Blas, a montré quil' avait au
moins l'habitude de la .'icène.
Nous n'en dirons pas aulant de M. de Saint-
Martin qui a joué Alvarez du Supplice d'ïme femme,
d'une façon déplorable. Alfred Bertinot.
54
LA CHANSON
tA fiHANSfllHN PfiflVINfiE
Mon cher Monsieur Patay,
Je vous adresse, pour remettre au comité de la sta-
tue de Béranger, 46 fr. 20 centimes, provenant d'une
collecte faite samedi soir, à Lyon, au banquet des
« Amis de Pierre Dupont » et 18 fr. 80 récoltés en
dehors, soit 6o francs.
Notre réimion, comme toujours, a été des plus
fraternelles et s'est prolongée fort avant dans la nuit.
Il a fallu faire appel à la raison pour nous résoudre
à nous séparer. Notre banquet, qui avait été très gai
jusqu'à minuit et demi, grâce au concours d'éléments
que nous ne possédons pas toujours, reçut une re-
crudescence d'entrain par l'arrivée de nos amis Le-
pers et Maugé, qui sont venus nous rejoindre après
la représentation du Tamiour Major, qui obtient un
grand succès dans notre ville.
Je me fais un devoir, au nom des « Amis de Pierre
Dupont» de rendre hommage au chers amis qui, pen-
dant six heures, nous ont émerveillés par leur talent.
Permettez-moi donc, cher directeur, de m'acquitter
de cette dette de reconnaissance.
Tout d'abord, mes remerciements les plus sincères
à notre ami Moras et à sa dame qui n'avait pas craint
d'affronter une société où la plus belle moitié du
genre humain ne vient presque jamais, pour nous
prodiguer son grand talent de pianiste. M. Moras
avec sa voix chaude et vibrante, dirigée avec un
talent que l'on rencontre rarement chez les ténors,
nous a tenus sous le charme.
Le duo de la Reine de Chypre ainsi que l'Insensé
nous ont permis d'apprécier la rondeur et la puis-
sance d'un organe qui est, d'un bout à l'autre, par-
faitement homogène. Nous lui souhaitons dans l'ave-
nir tout le succès qu'il mérite.
Notre ami Lepers nous a chanté l'air des échaudés
de Madame Favart avec un entrain et une perfection
rares. La Garonne est une gaseonnade qui, dite par
lui, a excité une hilarité générale.
Notre ami Maugé, dont vous connaissez le talent
de comédien, nous a gratifiés de trois de ses chansons
qu'il a chantées avec un goût, un charme indicible.
Rien de plus français, de plus spirituel. Maugé est
aussi bon poète que bon artiste.
Parmi les amis de Pierre, je dois aussi mentionner
l'ami Claude Gauthier qui nous a fait frissonner en
nous chantant la Tomle et les Champs vendus ; notre
ami Sanaoze qui nous a dit la Rôle et une scène du
Lion amoureux en véritable artiste ; l'ami Guillermin
qni a chanté avec sa verve habituelle l'Action, de
Pierre Dupont, et l'Enclume, œuvre d'un Lyonnais,
Peignaux, que je vous recommande. Un jeune gar-
çon, notre ami Chambon, nous a chanté le Percheron
du Rhône, les Carriers et le Chêne, trois œuvres de
Pierre Dupont, avec une voix et un sentiment qui
nous promettent un excellent interprète de la vraie
chanson. Notre ami Dubost de Lantilly, un fervent
ami de Pierre, nous a chanté un à-propos qui a pro-
voqué la plus douce gaité. Enfin, artistes ou ama-
teurs ont rivalisé d'entrain, et samedi est bien une
des plus belles soirées que nous ayons jamais eues.
Pour être complet je dois dire que j'ai concouru,
dans la mesure de mes moyens, à distraire nos amis
en disant les Cerises de Pierre Dupont, en donnant la
réplique à notre ami Moras dans le duo de la Rehie de
Chypre, enfin en chantant le Sermon iachique de Jules
Jacob, la Consolante de notre ami Ghignard, et Je
briserais mon verre, de Ben-Tayoux.
Les amis qiie j 'oublie me pardonneront, j 'en suis sûr.
En attendant le plaisir de vous voir, agréez, cher
Monsieur Patay, la cordiale poignée de main que je
vous envoie. A. Lumière.
Chronique de la Scala
Samedi, a eu lieu la première représentation de
Tous Marseillais, opérette en un acte de M. Bézond,
musique originale de M. Germain Laurent.
La donnée de cette boufionnerie est insignifiante
et de sort pas de l'ordinaire ; mais les jeux de scène
et les situations comiques, habilement amenés, y
abondent, et font le succès de la pièce.
Le but des auteurs était de faire rire ; ils ont par-
faitement réussi, c'est tout ce qu'on leur demandait.
Interprétation excellente par MM. Bérod, Brunet,
Bienfait et Mlle Worton.
Aucun début important à signfi,ler. Les artistes de
la Scala étant tous depuis longtemps aguerris au feu
de la rampe, nous nous bornerons à citer les chan-
sonnettes nouvelles qui ont eu le plus de succès ;
Je n' m'attendais pas à ça, de Léon Fournier, mu-
sique de Jules Jacob, interprétée par M. Paul Bert.
Ça laisse à désirer, de Brigliano, musique de
Brunet, détaillé finement par Mlle Blockette, la trans-
fuge des Folies-Rambuteau.
Ma dernière chanson, de Laroche, musique de
Duhem, chantée par M. Debailleul.
Nous remarquons aussi l'amusant Bourges qui se
fait rappeler deux fois, avec Chapeau jaune et gros
mollets et Saperlotte et Sacrédié.
Le duo du Trouvère, chanté par le baryton
Debailleul et Mme Patry, obtient chaque soir un
immense succès.
On ne saurait trop encourager ces tentatives de
propagande du grand répertoire au café-concert.
Alpred Bebtinot
BIBLIOGRAPHIE
Nocturnes, par Léon Valade. (1)
M. Léon Valade, qui naguère écrivit avec M. Mérat
une remarquable traduction rimée de l'Intermezzo, i
prenait plaisir, tandis que son ancien collaborateurl
revenait en plein Paris, à se bercer encore dans lai
nuit poétique de Henri Heine. Les Nocturnes, qu'ilJ
(1) Vient de paraître, à la librairie A. Patay, 18 ruej
Bonaparte. En vente chez tousies libraires;! vol.in-18.f
papier teinté, tiré à petit nombre, prix : i fr. 50.
LA CHANSON
55
nous donne aujourd'hui, sont, comme V Intermezzo,
une imitation en vers des célèbres slroph.es du poêle
franco-allemand.
Si le caractère de Heine n'a pas toujours donné
lieu aux appréciations les plus favorables, en re-
vanche son talent, fait de sentimentalité morbide et
d'ardente sensualité, reste au-dessus de toute con-
testation. Il a joué, en pinçant de ses propres nerfs
avec la fiévreuse ironie d'un âpre désespoir, les airs
les plus précieux, les plus suaves et les plus péné-
trants. Homo duplex ! a-t-on dit. Il est, certes, un
des plus brillants exemples de cette humaine dupli-
cité. Mieux encore I on dirait qu'il y a en lui, non
pas un homme double, mais un homme et un Dieu;
et quand je lis ses œuvres, il me semble toujours y
voir Apollon écorcher Marsyas, Apollon et Marsyas
n'étant là du reste que deux aspects différents de sa
propre individualité.
M. Léon Valade a interprété ce délicat et nerveux
poète avec toute la sympathie possible et la plus
musicale virtuosité. Il est entré de plein pied dans
le Palais magique des douces et décevantes visions,
des adorables et cruelles chimères, des fleurs au
splcndide et perfide épanouissemeni, à l'âme eni-
vrante et vénéneuse. Il l'a conquis ; il en a saisi et
dompté l'insaisissable et capricieux génie , il nous
en ouvre à deux battants les portes d'or ; il nous en
révèle, dans tout leur éclat et dans toute leur inten-
sité, les tendres et douloureux enchantements.
Il n'est pas besoin de très bien savoir la laogue
du poète imité, pour sentir qu'il a été interprété
avec amour, avec fidélité, avec bonheur. La sensa-
tion, le sentiment, l'idée, ne semblent rien avoir
perdu en force ni en beauté, pour avoir été trans-
plantés sur le domaine de la poésie française. L'ex-
pression a gardé une si Iraiche et si piquante origi-
nalité qu'où ne peut croire à une simple imitation.
Le traducteur a dû penser et sentir tout cela à nou-
veau, pour que le mot juste et la rime exacte aient
jailli avec un tel primesaut et un si parfait accoid.
Il doit en outre, pour avoir accompli ce très harmo-
nieux tour do force, être de longue date profondé-
ment initié à toutes les ressources qu'olfre le génie de
notre langue et de notre prosodie.
Et maintenant, M. Valade nous doit un bon vo-
lume de poésie absolument personnelle. Il nous
annonce, d'ailleurs, une série de Tableaux vénitiens.
0 Titien, Giorgione et Véronèse I
[Rappel). Emile Blémont.
CHOSES ET AUTRES
Nous avons reçu la lettre suivante :
Paris, le iS Juin ISSO.
Cher Monsieur Patay,
Vous avez inséré, dans le numéro de ce jour, une
notice biographique sur Noël Muuret, notice dont le
signataire est M. Eugène Imbert. Il y est parlé incidem-
ment de mon père, et c'est avec surprise que J'ai lu la
phrase suivante ;
« Durand était la providence quelque peu usurière du
a coiipUtier dans l'embarras. »
Vous comprendrez facilement que j'ai lieu d'être
étonné de cette qualification désobligeante, s'app' ■! i.ut
à un homme de bien dont la vie a été toute de: i^^vuue-
ment et de confraternité, et qui est mort ne laissant que
de bons souvenirs à tous ceux qui l'ont connu. Le si-
gnataire de l'article, moins que tout autre, aurait dû
l'employer. Vous-même, cher Monsieur Patay, qui avez
connu mon père, qui vous comptait au nombre de ses
amis, auriez pu, ce me semble, retrancher sans incon-
vénient pour la valeur de l'article, cette phrase que
M. Imbert sf probablement laissé tomber de sa plume
sans y attacher d'importance.
Vous savez que mon père, loin d'être la providence
quelque peu usurière des coupletiers dans l'embarras, n'a
jamais laissé aucune infortune faire un vain appel à son
cœur, et qu'il était toujours le premier à venir en aide
aux confrères besoigneux.
Quant au paragraphe qui a rapport à Gustave Leroy,
il est complètement faux. Jamais mon père n'a payé une
chanson deux francs, et Gustave Leroy, qui venait jus-
qu'à huit à dix fois par semaine à l'heure des repas chez
la providence usurière, y trouvait toujours son couvert
mis, et souvent sans elle il se serait couché sans souper.
Vous savez comment mon père a été récompensé par
Gustave Leroy.
Mais je prêche un converti et ma lettre est déjà assez
longue.
Je compte, cher Monsieur Patay, que vous voudrez
bien insérer cette lettre dans votre prochain numéro, et
je vous prie de me croire votre toujours bien dévoué.
HippoLYTE Durand.
Commo nous l'avions annoncé, la soirée eu l'hon-
ncui d'Adolphe Vaudry, lo compositeur populaire,
a eu lieu lo la juin, rue do Paris, 27, à Bcllcvillc. La
présidence en a été donnée à Eugène Baillet qui a
ouvert la séance eu disant : « J'accepte la présidence
qui m'est olferto parce que je suis le premier colla-
borateur do Vaudry. C'est en 1838 qu'il composa sa
première musitjuo pour ma chanson Viens donc, qui
eut aussitôt un grand succès. >
Tout ce que la vieille goguette compte d'amis
était là. Mme Vaudenesso avait apporté la note
gaie à cette petite fête, et Marcel Boucher, l'artiste à
la voix sonore et sympathique, a dit avec ampleur
Za Gerbe républicaine, paroles de Mouret, musique
do Vaudry. Les bravos n'ont pas manqué à ces deux
artistes. La somme nécessaire à l'érection d'une
tombe à Vaudry (but de la soirée), a été grandement
réunie, et le dimanche suivant, 20 juin, la chanson,
représentée par ses plus fervents disciples arrivait,
fidèle au rendez-vous, à 4 heures, au cimetière
St-Ouen.
Nous avons remarqué, parmi les chansonniers pré-
sents, Noél Mouret, Hippolyte Ryon, René Ponsard,
Georges Baillet, Gabriel de Gonet, Brûlez, Legentil,
Guigue, Jules Jeannin, Mme Elle Deleschaux,
Evrard, Denanjanes, Clément Casse, et beaucoup
d'autres dont les noms nous échappent; le journal la
Chanson était représenté par son directeur, A. Patay.
Chacun portait a la boutonnière, non l'iinmortelle
mais une rose. Une cotuonne eu immortelles rouges
56
LA CHANSON
a été placée sur la tombe; elle porto ces mots:
A YauAry, ses amis, ses collaborateurs.
Eugène Baillet a pris la parole en ces termes :
I Mes bons amis,
« Nous n'avons plus de regrets à esprimcr tou-
ebant Vaadry ; nous les avons exprimés, à cette
place mémo et en toutes circonstances.
« Aujoui'd'liui, ce que je désire, c'est de remercier
la camaraderie qui a bien voulu se joindre à nous
pour décorer la tombe de Vaudry d'une pierre qui
rappelle ses succès les plus populaires, et qui mar-
que la sympathie qui entourait l'ami que nous avons
perdu il y a un an.
« La fraternité n'est pas un vain mot parmi nous,
cette tombe en est la preuve ! Car, si peu luxueuse
soit-elle, ce qu'elle a coûté a été gagné péniblement
et sou par sou par les travailleurs amis de Vaudry
qui l'ont érigée. Merci à nos amis anciens et nou-
veaux.
« Mais remercions particulièrement notre vieux
chef de file Noël Mouret, plus infatigable que les
jeunes ! Son dévouement en cette circonstance a été
à la hauteur de son amitié pour le compositeur de
la Religieuse, et tant que nous aurons parmi nous
des cœurs comme le sien, l'oubli ne viendra pas
s'asseoir sur la tombe de nos amis. »
Après ces quelques mots écoutés avec recueille-
ment, M. Francis a dit le sonnet suivant, dû à la
plume verveuse et colorée de Legentil :
Le Bout de l'An d'Adolphe Vaudry
2(1 juin 1880.
Repose en paix, "Vaudry, dans f humble cimetière,
Dors au milieu de ceux qui te chantaient en chœur ;
En cet obscur séjour, la bourgeoisie altièce
Ne t'insultera pas de son salut moqueur.
Le.s jaloux impuissants ne feront point litière
De ces chansons d'azar qui nichaient dans ton cœur,
Car l'inspiration élève une frontière
Qui sépare les sots de l'artiste vainqueur.
Ce siècle vise au front les rêveurs, les poètes.
Et notre indifférence ainsi que les tempêtes
Déracine le chêne et courbe le roseau;
Un jour que tu chantais, Rossini des mansardes,
La misère survint, et de ses mains blafardes,
Comme un méchant enfant, elle étouffa l'oiseau.
Chacun des assistants détacha alors la rose or-
nant sa boutonnière, et la déposa sur la tombe qui,
en un instant, fut couverte de ces fleurs que Vaudry
aimait tant de son vivant, et que l'amitié lui prodi-
gue après sa mort. XXX.
Il sera rendu compte, dans notre prochain numéro, du
Banquet d'été du Caveau, dit Banquet des mois donnés.
DIXIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouverû du 20 mai au 3.0 juin.
Le grand nombre de pièces reçues nous force à
remettre au pioehain numéro le résultat du tournoi.
CHROHIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
COi^XOURS DRiïItIjll'IQKE ET DE DICTlOAl
df» Sociétés lyriques de Paris.
Quoique beaucoup de Sociétés lyriques soient eu
vacances pendant l'été, trente ont répondu à l'appel
du comité. Le concours commencera le dimanche 27
juin (salle des sociétés lyriques, 2'3, faubourg du
Temple), et aura lieu tous les soirs, jusqu'au diman-
che 4 juillet. Cinquante concurrents dont quatre
dames doivent prendre part au concours de diction,
et un nombre beaucoup plus grand, hommes et
dames, doivent interpréter une trentaine d'actes ou
fragments d'actes de comédies, vaudevilles et
opérettes. Nous rendrons compte de ce concours qui
intéresse tous les membres et les habitués des
sociétés lyriques, dont le nombre est considérable
dans Paris.
Lundi dernier, malgré le mauvais temps, un audi-
toire assez nombreux assistait à la soirée donnée par
la Fantaisie li/rique, 107, boulevard Magenta.
M. Halphen récite la Situation d'une façon fort comi-
que. Grand succès pour M. Ville dans Saperlotte et
Sacrédié ; nous sommes heureux d'annoncer que ce
jeune artiste va débuter prochainement à l'Alcazar
d'été. L'amusant Vaast recueille do nombreux bra-
vos avec Une journée à la correctionnelle ; Mlle Mar-
guerite est toujours très applaudie dans VEsclave
Manche et Violettes et Jeunes filles, ses deux chansons
favorites.
MM. de Bar, Fontaine, Cooper frères, Gallebert et
Victor ont aussi eu leur part de succès.
J'oubliais de vous dire que j'ai joué Adélaïde et
Vermouth, avec Mlle Marguerite ; on m'a dit que la
pièce avait bien marché... mais je vous le donne
sous toutes réserves. Alfred Bertinot.
On nous prie de publier la note suivante :
« Les membres de la Société la Renaissance
protestent énergiquement contre l'article paru dans
la Chanson du 13 juin, signé Maxime Guy, ;,nnon-
çant que la moitié des membres de cette Société
avaient démissionné pour cause de mauvaise
gestion.
« Dans la réunion mensuelle du 4 juin, un vote de
confiance a été donné au Bureau; sept sociétaires sur
trente-un « ainsi que l'établissent les livres » ont
démissionné. »
La Lyre de la Gaîte donnera une grande soirée,
sous la présidence de dames et avec le concours de
nombreux artistes, le samedi 3 juillet, 8, rue
Descartes.
L'^bondauce des matières nous foft-ce à rcnltttrc
au prociiain auméro notre Chan^on-réelaluc.
Le Birecteur-Qérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C, 6, rue Martel.
3= ANNÉE.
N»».
«O CENTIMES.
JUILLET M
LA CHANSON
Directeur-Gérant.
A. PATAY
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^"1g;\t?a"'^
La chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est te gracieuK frère de la strophe,
V. HUGO.
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Annonces, la ligne.
Réclames, —
La chanson, comme la baïonnette
st une arme française.
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A roccfiHion de la l<'ùCc
ifionalo du lA jii
appelé À I
illct.
In "CIIAWSOX" publient un numéro exceptionnel
'N ^rnnd NucoèN.
Galerie des Chanéoimiera : hèjaicl (L.-Hekhy Lbcomtb). ■ — Revae de
la Musique populaire (A. Édêma) ^ — Banquet du Caveau, Mots
donnés (Ern. Ihhhht). — A Holnmon (B,ii iidklis). — Ulner du
Cercle Pigallc — - Ça laisse à désirer (J. Rlki.}. — Chronique des
SOMMAIRE:
nrcrts — Le banquet des quatre aaîson,iy Sonnet (J. Nicolle).
nccrl de l'École Galin-Paris-Chevé (Th. Poket) — Chronique ■
cictt-s lyriques (A. Bertinot, SÏ. G.) — Résultat du Diù "
urs de la Chanson — Choses et autres.
GALERIE DES CHANSONNIERS : DEJAZET
Déjazel! Nous écri-
vons toujours ce nom
iivec unejoie attendrie.
Aucune fcnune, au théâ-
tre, ne nous causa de
plaisirs aussi vifs, et
n'aida plus à notre édu-
cation artistique.
Nous avons connxi
Déjazet pondant quinze
années. Il nous sou-
vient comnae d'hier du
jn-emier jour où nous la
vîmes. Celait pendant
le carnaval de 1861 ;
nous arpentions lesbou-
Icvards enguenillés et
bruyants, triste ainsi
qu'il convenait à un ti-
mide, quand un ami,
prenant en pitié noire
■confusion juvénile,
nous tira de la foule,
et, sans avertissement,
nous conduisit au plus
humble étage d'un petit
théâtre du boulevard du
Temple. L'afïiche an-
nonçait les TroisGamins,
vaudeville. Lasalleétait
comble, mais silen-
cieuse. Au-delà de la
rampe faiblement éclairée, un rideau représentait,
sous quarante aspects différents, une actrice qu'on
nous dit être la fée de la maison. Le nom de Déjazet
n'éveilla guère en nous
qu'un senlhnent de cu-
riosité, surexcité parle
souvenir de lectures
furlives, anecdotes ga-
lantes ou comédies
alertes, et les promesses
de plaisir qu'on se fai-
sait à nos côtés nous
cuirassèrent unique-
ment d'exigence.
La toile levée, uri dia-
logue assez vulgaire
.s'engagea, puis un ga-
min parut, blond et
rose, malicieux, gam-
badant et chantant :
c'était Déjazet.
Nous nous sentîmes
bientôtenprésenced'un
grand art. Ce person-
nage, en effet, n'avait
d'un gamin que le nom ;
faux dans son caractère,
fantaisiste dans son cos-
tume et son maintien,
il semblait exact, ce-
pendant, au plus grand
nombre, et séduisait.
Poétiser nous a toujours
paru méritoire ; nous
sûmes d'abord gré à
Kartiste de ne s'être point astreinte à la copie facile
de malpropretés physiques ou morales. Le spectacle
continuant, Déjazet se livra tout entière au public ;
58
LA CHANSON
natis fûmes désarmé, aux instants du dialogue, par
sa connaissance prol'onde des détails, sa manière
unique de souligner et d'atténuer à la fois le mot
scabreux, et conquis, à l'audition des couplets, par
la fraîcheur de son organe et l'expression de son ta-
lent musical. Autour de nous, chaque spectateur,
épanoui, battait des mains. Nous partîmes, songeur,
pour revenir le lendemain, puis le jour suivant, et
dès lors, à son insu, Déjazet eut dans l'ombre un ad-
mirateur infatigable, véhément, pris de ce sentiment
exalté que les reines de théâtre inspirent seules, et
qui a tout de l'amour, sauf l'égoïsme et la déraison.
Nous compterions par centaines les soirées heu-
reuses dont nous lui fûmes redevalîles. Nous l'étu-
diàmes, sur des scènes diverses, dans plus de vingt
rôles ; partout et dans tout Déjazet demeura pour
nous la personnalité singulière, poétique, charmante,
du premier jour.
Pauline-Virginie Déjazet était née à Paris, rue
Saint- André-des- Arts, le 30 août 1798. Son père, Jean
Déjazet, exerçait la profession de tailleur ; l'argent
qu"il en retirait ne pouvant suffire à l'entretien de sa
famille composée de treize enfants, plusieurs de ces
enfants y suppléaient en figurant dans les ballets de
l'Opéra. On pensa naturellement à élever "Virginie
pour un emploi semblable. Dès qu'elle put marcher,
sa sœur Thérèse et le chorégraphe Gardel lui pro-
diguèrent des leçons. Klle en profita vite ; à cinq
ans, en effet, elle débutait comme danseuse sur le
petit théâtre des Capucines.
Le théâtre des Jeunes-Artistes, celui des Jeunes-
Elèves, le Vaudeville et les Variétés engagèrent suc-
cessivement Virginie poiu' lui confier des person-
nages d'enfants, d'amoureuses ou de soubrettes. En
1821, elle débuta au Gymnase, y fit quelques créa-
tions heureuses, et s'engagea ensuite aux Nouveau-
tés (1828), puis au Palais-Royal (1831). C'est à ce der-
nier théâtre que Déjazet remporta ses plus éclatants
succès : les Chansons de Béranger, Ze'torières, les Pre-
mières armes de Richelieu, Vert- Vert, Indiana et Char~
lemagne, la Fille de Dominique, Voltaire en vacances
et cent autres. Le Palais-Royal, pourtant, se sépara
d'elle, en 1844, pour une mesquine question d'inté-
rêt, et, pendant seize ans, Déjazet alla de scène en
scène, retrouvant constanunent la vogue et la sym-
pathie publique. Elle put alors tenter de travailler
chez elle. Le petit théâtre des Folies-Nouvelles, acheté
et rouvert sous son uom, la vit d'abord reprendre ou
créer avec bonheur quantité d'ouvrages : les Premières
armes de Figaro, Monsieur Garât, Grain de Sable,
Lamun, Getitil-Bernard, le Dégel, les Pistolets de mon
2)ère, etc. ; puis la fortune se lassa et, en 1870, le
théâtre Déjazet ferma, tandis que sa patronne recom-
mençait sa vie nomade.
On apprit tout-à-coup qu'elle était malade et
pauvre dans une maison de Montmartre. Ce fut par-
tout u.n étonnement indigné. Le Gaulois émit, le pre-
mier, l'idée d'une solennité artistique en l'honneur
et au profit de l'illustre comédienne. Tous les jour-
naux l'approuvèrent et offrirent leur concours. L'élan,
digne de Paris, eut des résultats dignes de celle qui
l'inspirait. Une représentation superbe, donnée à
l'Opéra le 27 septembre 1874, la tombola qui suivit,
divers bénéfices organisés en province, produisirent
une somme considérable, qui, bien que bizarrement
employée par les promoteurs de cette œuvre chari-
table, suffit à assurer la tranquilité des derniers
jours de Déjazet. Elle mourut à Paris, le l'"' décembre
1873, laissant d'unanimes regrets.
Les rôles établis par Déjazet, et dont la nomencla»
lure emplirait aisément un numéro de ce journal, se
peuvent résumer en deux créations inoubliables :
Gentil-Bernard et Frétillon. Etre une grisette ave-
nante, insoucieuse de la grammaire et de la morale,
ou quelque amoureux imberbe, joli comme une fille,
ardent comme un garçon, jetant à tous les vents
madrigaux et baisers, fut, à vrai dire, l'unique tra-
vail de Déjazet.
Les auteurs, au lentemain d'un succès, copiaient
servilement ses allures pour lui fournir un rôle fa-
vorable, et privaient ainsi le public du plaisir de-
voir son intelligence aux prises avec une idée neuve.
On s'étonnait avec raison de la voir imprimer un ca-
chet dissemblable à des personnages visiblement
taillés sur le même patron. L'actrice faisait la pièce.
Elle possédait un talent original, agissant, sans âge
ni sexe. Sa caractéristique était l'esprit, un esprit
continu, mordant, féminin au-delà de toute expres-
sion ; son défaut grave, le manque de vérité, tenait
exclusiveuient à l'invraisemblance et aux difficultés
du genre qu'elle porta si haut. Rien de plus faux et
de plus scabreux, en effet, que le point de départ
de ces œuvres où le même individu doit intéresser
les désirs de tous : des femmes en tant que person-
nage fictif, des hommes en tant que personnage réel.
Mais elle avait le goût, la distinction, la grâce, et ce
don rare, indéfinissable et irrésistible : le charme.
La quantité de vaudevilles représentés par Déjazet,
l'art immense et personnel qu'elle dépensait dans
les innombrables couplets qui parsemaient ses rôles,
suffiraient à justifier son admission dans la galerie
ouverte par nous aux célébrités chansonnières. Mais
Déjazet ne se contentait pas de chanter merveilleu-
sement les vers des autres, elle en écrivait elle-même
de très jolis. Qu'on en juge par ces couplets, adres-
sés aux auteurs de Madame Favart, en faveur du
fils malheureux de la célèbre comédienne qu'elle
personnifiait alors:
Gentil Masson, joyeux Saintioe,
Vous dont l'esprit est opulent,
À la vieillesse qui s'incline
Donnez l'obole du talent.
Vous qui m'avez faite quêteuse
Par le prestige de votre art...
Que ma demande soit heureuse :
Donnez au fils de madame Favart !
Quand par votre piume légère.
Leurs noms sont encore ennoblis,
Que le triomphe de la mère
Soulage les malheurs du fils !
Et, cbague soir plus courageuse,
Cent fois je bénirai mon art
Qui m'aura faite la quêteuse
Des deux auteurs de Madame Favart !
LA CHANSON
59
L'iiilelligcute et libérale sociélé tlu Caveau avait
•ou bien garde de ne point se faire représenter à la
solennité donnée à l'Opéra en l'honneur delà fée des
couplets. Des vers émus, composés pour la circons-
tance par Eugène Grange, y furent chantés avec
grand effet. Déjazet touchée voulut en remercier
le Caveau. Le 2 octobre 187-!, elle pénétrait au sein
<le ces agapes qu'on rendues célèbres nos maîtres chan-
.sonniers. Elle y fut fétee, conune bien on pense.
Couplets, sonnets, rondeaux, chantèrent pour elle à
l'cnvi. Elle riposta par des chansons dites avec tant
(l'esprit et de verve que l'assemblée, à l'unanimité,
lui décerna, sur la proposition de Grange, la prési-
dence honoraire, vacante par le décès rie Janin.
Aucune femme n'avait obtenu jusqu'.alors la faveur
«rêtre reçue par l'Académie chansonnière ; aucune,
vraisemblablement, ne l'obtiendra dans l'ave-
nir. Déjazet s'était formée sans modèle, elle n'eut
jamais de rivale et n'a point laissé d'héritière.
L. -Henry Lecomte.
REVUE DE LA MUSIQUE POPULAIRE
OPÉRA-COMUItm. — LalUi-nuucIc.
C'est le voyage de Lalln-Rouck, jeune princesse
d'une cour orientale (jui va ri!Joindr(! sou fiancé,
souverain lui-même d'un royaume ami. On jurerait
à la voir qu'elle s'éloigne à regret. Sans doute les
fatigues, l'ennui de la route, l'incessante obsession
de ceux qui l'accompagnent lui font regretter sa
patrie. Puis, l'enfant est précoce ; elle no voit pas la
nécessité d'aller si loin chin-clier un mari.
» Sous le feuillage sombre,
« Il venait chaque soir... »
Depuis son départ, cette ombre a suivi ses pas;
sous les traits d'un pauvre chanteur, elle a conquis
l'amour de la belle voyageuse ; elle sera aimée sous
le manteau de pourpre quand elle placera sa' cou-
ronne sur le front de l'aïuaute interdite.
Cette donnée fournit deux actes d'inspiration
exquise, agrémentés des incidents qui surviennent
au théâtre quand une amoureuse espiègle, une sui-
vante complice et un vieux protecteur se trouvent
réunis.
Le vieux, infatué de son importance avait, au
premier acte, l'air vainqueur d'un homme sûr de
lui-même :
« De près ou de loin,
« Il faut avec soin,
> Surveiller la belle... »
Maintenant, quelle mine piteuse, quelle ligure
grotesque !
« Ah! funeste ambassade... »
La suivante Mirza, plus avisée, rit de lui et sert de
Figaro à l'aimable Rosine :
« Si vous ne savez plus aimer... •
La petite reine rêve toujours :
« Nuit d'amour, nuit parfumée... »
Le roi soupire une romance peu originale, simple
succès d'interprétation, puis une barcarolle cares-
sante.
Tout cela sur un fonds vaporeux formé par des
ensembles d'une saveur délicieuse :
• C'est ici le pays des roses... »
• Voici le repos du soir... »
L'opéra de Félicien David est de 1869. On l'a repris
plusieurs fois, toujours avec succès. Tous les amis
de la chanson doivent connaitre ce chef-d'œuvre
qui leur tend la main.
Basses prédestinées aux rôles d'éternels dupés, à
vous les couplets de Baskir ; vous, ténors, soyez un
instant esclaves et rois, adressez à vos maîtresses les
couplets de Noureddin. Gracieux soprani, les rêve-
ries d'une amante vous procureront peut-être un
mari, et si l'une de vous, passant devant un miroir,
a lu sur son visage l'expression d'une coquetterie
mutine, qu'elle dise les moqueries de Mirza.
Et toi, public impassible, qui verrais sans frémir
les trois gorgones combattre sur la scène, secoue un
peu ta sonanolence, prends la pcùne d'émettre une
oi)iniou: tu perdrais l'iiabitude d'avoir du jugement.
A. Edéma.
Société lyrique et littéraire du Caveau
Banquet des Mots donnés
Le troisième vendredi de juin, la société du Caveau
s'est réunie, comme tous les ans, à pareille époque,
eu banquet d'été. C'est le banquet des Mots doutes.
Cette nécessilé de traiter à jour fixe un sujet im-
posé par le sort, car c'est le sort qui assigne à
prcs'iwe tous les membres le mol qui doit leur ins-
pirer une chanson, ne laisse pas d'être quelquefois
dure et réduit quelques esprits à de grands efforts de
travail. D'autres, au contraire, semblent se jouer des
obstacles. Le sujet est-il aride: ils y cueillent des
fleurs; triste: ils l'égayeat. D'ailleurs, les chan-
sonniers du Caveau sont rompus à cet exercice de
haute voltige, et rarement ils manquent leur
coup.
Les Environs dé Paris, tel était le titre général des
Mots donnés. Argenteuil, Bondy, Bougival, Chantilly,
Charenton, Maisons- Laffîtte, Palaiseau, Rambouillet,
Saint-Deais, Saint-Germain, Saint-Leu, et d'autres
localités plus ou moins célèbres, ont successivement
défilé devant nous, tantôt décrites minutieusement
ou rehaussées par des souvenirs historiques, tantôt
servant comme de prétexte à des couplets à côté.
Ensemble, au total, très varié et très intéressant. Un
membre ordinairement peu assidu, Lagoguée, est
venu jeter sa note gauloise, et sa Laitière de Mont-
fermeil&îail le plus vif plaisir. Féaée, dans une longue
complainte sur Saiiit-Denis (air de La Palisse^ a
trouvé des couplets tout-à-fait comiques. Le Cha-
renton, de Duprez, le Boiidy, de JuUien, les Vertus,
de votre serviteur, rentrent bien aussi dans le genre
de la chanson proprement dite. Au contraire, Saint-
Leu, Maisons-Laffitte et Chantilly ont donné à Jules
Petit, à Mouton-Dufraisse et à Grange un cadre heu-
60
LA CHANSON
reux pour développer, en même temps qu'une éru-
dition sobre, des qualités plus sérieuses ; fines des-
criptions, anecdotes piquantes, réflexions élevées,
font de ces morceaux autant de petits poèmes. La-
gardea irailé Palaiseau d'une manière exclusivement
historique, en retraçant l'épisode de la Pie toleusc.
Saint-Germain, enfin, qui n'a aucune prétention à
la laideur, s'est débattu comme un beau diable contre
Saint-Gcrmaiii en Laije. Il l'a retourné sous toutes
ses faces, le retapant, le retroussant, l'allongeant, et
en exprimant, en somme, des couplets spirituels.
Dire que les Guides-Joanne, ainsi que le Didot-
Bottin, sont restés étrangers à cette dépense d'éru-
dition poétisée, ce serait déguiser la vérité. Le livre
de Labédollière sur les Environs de Paris a dû four-
nir aussi son contingent de renseignements curieux.
Mais on a beau être chansonnier : on ne renferme
pas pour cela une encyclopédie dans sa tête, et celui
qui n'éludie pas l'histoire s'expose quelquefois à
inventer... la poudre à canon.
Le volume spécial qui doit contenir toutes les
poésies lues ou chantées à ce banquet, et en outre
les chansons des absents, sera attendu avec impa-
tience et lu avec plaisir.
EuG. Imbekt.
CONCOURS DE LA LICE CHANSONNIERE
SUJETS LIBRES (3» Prix).
A. i=î.OBiisrsoisr
Amants, imitez le pinson;
Fuyez Paris superbe !
Venez aimer à Rohinson
El vous rouler dans l'herbe.
Vous verrez en visitant Sceaux,
Par quelque jour de fête,
Près l'église aux frêles arceaux,
Le buste d'un poète.
Dans ce pays calme et riant
Qui vit ton œuvre éclore.
Sur ta tombe, doux Florian !
Tu nous charmes encore.
Amants, etc..
Prenez à droite le chemin
Où la glycine pousse :
Suivez les buissons de jasmin,
Les deux pieds dans la mousse ;
Et vous atteindrez RoMnson,
Un nid dans la verdure,
Où l'Amour redit sa chanson
Tant que le beau temps dure.
Amants, etc..
Là, cent fois, grâce au dieu malin,
Bonnet de jouvencelle
A sauté, faute de moulin.
Par dessus la tonnelle.
l»ans ce cabaret si vanté,
La nappe est toujours mise ;
Et l'on y célèbre l'été
En manches de chemise.
Amants, etc..
Tout en haut du vieux marronnier.
Est un joyeux asile
Où le vin coule à plein panier,
Où s'aimer est facile.
Et quand le panier redescend
Les bouteilles sont vides,
Le cœur se croit adolescent,
Le front n'a plus de rides.
Amants, etc..
Escaladez les échelons,
Grimpez, couples ingambes
Les grisettes aux cheveux blonds
Vont vous montrer leurs jambes...
En rajustant leur cotillon,
Elles prendront des poses
Qu'on pourra voir de Chatillon
A Fontenay-aux-Roses !
Amants, etc..
Les rameaux fleuris et touffus.
Les liserons en tresses.
Laissent passer des bruits confus
De chants et de caresses...
Mais le chaume vert de gazon
Vous dérobe et vous garde,
Mieux que le châle que Lison
Pendait à sa mansarde.
Amants, etc..
Que tenter en cet heureux coin ?
Une tendre aventure...
On n'a qu'un pinson pour témoin.
Qui rit à la nature.
Ce virtuose des grands bois
Est à coup sûr un sage,
Puisqu'il préfère au bord des toits.
Un abri de feuillage.
Amants, imitez le pinson ;
Fuyez Paris superbe !
Venez aimer à RoMnson
Et vous rouler dans l'herbe.
BOTJRDELIN.
Cette chanson est la dernière de celles couronnées au
double concours de la Lice.
Les prix seront délivrés par M. Charles Péan, secré-
taire, iaubourg du Temple, 96.
filNEfl Dtl mm PIGAttE
Le Cercle Pi-galle., connu depuis longtemps pour
ses revues de fin d'année, a fondé, depuis quelques
mois, un dîner mensuel. Le huitième a eu lieu le
lundi 14 juin, chez Laurent, boulevard de Clichy.
Une lettre style assommoir avait convié les invités
qui se sont rendus avec empressement à cette invi-
tation... distinguée. Le président d'honneiu-, M. E.
Adam, le sympathique secrétaire général du théâtre
LA CHANSON
61
des Arts, a porté au dessert un toast aux bons orga-
nisateurs do la fête. MM. A. Gauthier et A. Ducoing,
puis au président du Cercle Pi galle, M. J. Chenne-
vard. Ce dernier a répondu par une boutade humo-
ristique fort spirituelle sur M. E. Adam qui ne se
sentait plus de joie, puis les chants ont commencé.
M. Foubert a ouvert le l'eu par une bonne vieille
chanson, le Fait, puis M. Fromentin a enlevé la salle
par sa chaleureuse manière d'interpréter Jeanne est
grise, do Ben Tayoux, et le Oonclier, d'un autre
auteur.
M. Victor Lagoguée, l'un des doyens du cercle et
membre du 6'«w«2«, a dit avec sa finesse habituelle
la Laitière de Mmitfermeil, sa d<^rnière et toute gra-
cieuse composilion qui iait partie de la série dos
mots donnés du Caveau, les Environs de Paris ; enfin,
voulant i)articiper à l'éclat de cette soirée, nous
avons entendu M. J. Lévy dans Heitreusement et
Malheureusement ; M. Boejat a joué sur l'accordéon
l'ouverture des Dragnns de tillars, M. Maires a
chanté M. Beaiitenips, M. Soumis a tort bien détaillé
une chanson de Judic intiluléc Un Qaillard ; puis la
.B«tttV^ic<io«, de Coppée, dite avec talent par M. Clia-
pron, est venue jeter sa noie grave et majestueuse.
M. Krauss, encore un doyen du Cercle, a donné im
joli échantillon d'esprit gaulois en lisant le prospec-
tus d'un nouveau journal qui va se fonder sous le
titre du Petit carré, et se disposant à satisfaire les
besoins (le rhuni;inité. Mais le clou de la soirée était
ccrlaincnicnt l:i présence de M. Jules Huel, ani'ieu
membre du Caceiin et de ?«Z!'fe,rundest'onilaleursilu
Cercle J'igalle, i'\ de M. Charelli, le charmant témir
pensionnaire de rOpéra-(;omi([U('. Le i)ri'mier riius
a dit trois di' ses productions ; nous en publions une,
Ça laisse à désirer, que nos lecteurs lii'onl avec plai-
sie ; l'accueil le plus chaleureux a été fait à ces jolies
compositions pleines du véritable esprit iraueais et
d'un patriotisme Ar bon aldi. M. tlharelli enlin a
donné avec la meilleure grilce du monde, l'air de
Jérusalem, la romance de Mignon, et celle de 3Iartha.
Sa voix fraîche et puissante, conduite en vérilabU;
artiste, a produit la plus vive émotion sur tous les
invités, et chaque morceau a été .salué de plusieurs
salves d'applaudissement.
On s'est séparé à onze heures passées en se don-
nant rendez-vous au mois prochain. Personne n'y
manquera, car M. Jules Ruel a bien voulu accepter la
jjrésidence du neuviènu' diner, cet attrait nous
assure encore une bonne soirée. Allons, les dîners
du Cercle sont bien fondés niainlenant, ils alterne-
ront avec ceux du Bon Bock. Le Cercle Pigallc n'avail
nullement besoin de fonder ces agréables banquets
pour être connu : tout le monde a entendu parler de
ses Rerncs imlciM'nilantes jouées avec tant de succès
sous l'Euipivc <•! sous l'Ordre moral, par ces comé-
diens auteurs-amateurs.
Les convives étaient au nombre de 60, plus des
deux tiers membres du Cercle Pigalle ; les invités
presque tous autetu'S, artistes, chanteurs.
Beaucoup de gaité, d'expansion, d'entrain, et ce
qui ne gâte rien, un dîner excellent.
Le piano était habilement tenu par M. Gauthier
père.
A mes jeunes et vieux amis du Cercle Pigalle.
Un de ses anciens membres, 1852-1853.
Suivant Pangloss, dans le meilleur des mondes,
Tout va très bien et tout est pour le mieux :
Je crois, malgré ces paroles profondes,
Qu'on y décrit un cercle vicieux.
Quand nous voyons triompher la sottise,
D'un vain espoir le talent se leurrer.
Et maint auteur placer sa... marchandise,
Ça laisse à désirer.
Le Créateur voyant le premier homme
S'ennuyer seul, d'Eve lui fit cadeau;
« Croque la femme et respecte la pomme, s
— Dit l'Eternel — « ou gare à mon bedeau. »
Pour nos époux bientôt le doux mystère,
N'en est plus un... Dieu les voit délirer...
Une heure après, ils gémissaient sur terre;
Ça laisse à désirer.
Depuis ce jour jusqu'à l'heure où nous sommes,
A nos regrets rien n'a pu mettre un frein;
Maudits pépins, vous coûtez cher aux hommes.
Matin et soir, c'est le même refrain.
De son destin nul mortel en ce monde
N'est satisfait, le mal semble empirer.
Jeunes et vieux, nous crient à la ronde :
Ça laisse à désirer.
Eh bien! docteur, comment vont les affaires?
Demande un jour au célèbre Ricord,
Un médecin connu de ses confrères.
Comme excellent pourvoyeur de la mort.
Pas mal, et vous? fait avec bonhomie.
Notre savant, l'autre de soupirer :
Des (luxions, mais pas d'épidémie,
Ça laisse à désirer.
Un malfaiteur entre deux bons gendarmes.
Comparaissait devant un tribunal,
Quand le bandit se lève et fond en larmes,
(J'ai lu cela dans le Petit Journal).
« Un mol » dit-il — et montrant des menottes.
Ses deux voisins qu'envoyait transpirer;
« Quand ces Messieurs s'agitent dans leurs bottes,
« Ça laisse à désirer. »
Une maman à sa fille naive
Qu'elle initie aux devoirs de l'hymen.
En l'embrassant disait : quoiqu'il arrive.
Résigne-toi, ma chérie; à demain.
A travers l'huis, au lever de l'aurore.
L'oreille au guet, elle entend murmurer :
< Deux mots à peine et Félix dort encore,
< Ça laisse à désirer. »
a La République est des malheurs le pire, n
— Dit Ratapoil, d'un accent convaincu; —
« Mais, grâce au ciel, immortel est l'Empire,
a Puisqu'à Sedan, même, il a survécu.
« D'un prince aimé, j'honore la mémoire,
« Et pour "Victor, il me faut conspirer,
a Quant au papa, c'est connu, comme gloire,
« Ça laisse à désirer. »
Prendre le temps comme il vient et sa femme
Par la... douceur, c'est encore le plus sûr.
Pour travailler au salut de son âme,
Escobarder, mince, oh! la, la! c'est dur.
62
LA CHANSON
Dans l'Océan pousser sa belle-mère,
C'est naturel, on aime à respirer.
Mais qu'un plongeur l'arrache à l'onde amère.
Ça laisse à désirer.
Salut à toi, joyeux Cercle Pigalle !
A ton banquet il m'est doux de m'asseoir,
Quel renouveau, ma joie et sans égale,
Je rajeunis d'au moins trente ans, ce soir,
Mais de mon front bieniôl sexagénaire.
Ma chevelure a le tort d'émigrer,
Près du beau sexe en service ordinaire.
Ça laisse à désirer.
J. RUEL.
ELDORADO
L'engagement de Perrin, qui touchait à son terme,
vient d'être renouvelé pour une nouvelle période.
C'est le sixième engagement signé par l'excellent
Artiste depuis son entrée à l'Eldorado, où il se l'ait
applaudir depuis seize ans.
Mlle Pazzotti s'est fait applaudir dans une valse
<lè M. Frantz Liouville : C'est l'Amour, paroles de
M. ïhéolier.
Mlle DuPARC a créé avec succès Zoraà la Mmt-
resqne, chanson arabe de M. Laureucin, musique
charmante de M. Paul Henrion.
Antony a fait un succès de sa première création :
Ma fe'iH'tM est en roi/age, paroles de MM. Villemer et
Dc'lormel, musique de M. Ch. Pournjr.
L'Eldorado ne pouvait laisser passer la distribution
des drapeaux à l'armée s'ans célébrer cette fêle patrio-
tique par une œuvre de circonstance.
M. A. Honoré, l'auteur de Jemmapes, a écrit, à cette
occasion un poëme ; Salwt au drapeau ! qui sera dit
par Viclorin Armand.
Mlle Amiati, toujours fêtée, a repris une de ses
meilleures chansons dramatiques : Amour, Folie!
A. R.
AMBASSADEURS — SGALA.
Malgré le temps peu favorable, le concert des
Ambassadeurs encaisse chaque soir de belles recet-
tes, grâce à son programme toujours varié, et à
l'excellente composition de sa troupe. Au premier
rang il convient de citer :
M. Libert, le dénicheur de succès, toujours très
applaudi dans sa chanson Pstt, pstt ;
M.Arnaud,, qui détaille, très finement les nom-
breuses scènes comiques qui composent son réper-
toire ;
Mme.Faure obtient aussi un grand succès avec
Ipsiioé, une chanson nouvelle des plus originales.
Parmi les nouveautés à succès, nous remarquons :
Sur le paquebot, grande scène à transformation de
MM. Baumaine et Blondelet, exécutée par l'amusant
Reyar, et les Cris de la rue, saynète-panorama des
mêmes auteurs, musique de Deransart. Cette spiri-
tuelle bouffonnerie est enlevée avec brio par une
partie de la troupe. C'est avec plaisir que novis enre-
gistrons l'immense succès de Mlle Jenny Milss, la
célèbre danseuse anglaise.
Enfin, comme great attraction, les frères Léopold,
remarquables dans leurs acrobaties musicales, et les
tours surprenants qu'ils exécutent sur la barre fixe.
J'oubliais le plus petit — de taille — je veux par-
ler du jeune Norbel, petit prodige âgé de 9 ans 1/2,
à qui le public fait chaque soir une grande ovation.
Tous Marseillais, l'amusante opérette de MM. Be-
zond et Germain Laurent, tient toujours rafïiche de
la Scala avec le même succès. Quelques chanson-
nettes nouvelles par Mmes "Worton, Patry, Mialet,
Zélia et Marguerita, forment un programme très
attrayant.
Samedi, nous sommes arrivés juste à temps pour
constater le nouveau triomphe de M. Debailleul,
dans sa chanson patriotique Voilà pourquoi j'aiine
les ouvriers. Le sympathique artiste s'est pénétré de
la jolie poésie de M. Villemer, et a rendu avec talent
la musique vigoureuse de M. Girard.
Bourges un peu indisposé, n'a pu créer sa nou-
velle chanson, Le vin ça ravigote.
Alfred Bertinot.
Notre collaborateur Bertinot donnera dans cbaque
n" une chronique des concerts. Nous informons
MM. les directeurs que lui seul est chargé de se pré-
senter au nom du journal La Chanson; nous les prions
dé lui réserver le même accueil qu'à nous.
A. P. ,
LE BANOUET DESJUATRE SAISONS
Le 21 juin dernier a eu lieu chez Marguery la
26° réunion trimestrielle du banquet des Quatre Sai-
sons, sous la présidence de M. Uescors, le nouveau
président. Cette société de chansonniers, fondée par
M. Alexandre Roy, réunit les poètes (?) les plus
égrillards de notre époque. L. Hugonis, J. MioUe,
N. Chaperon, etc., sont les plus vives fleurs de ce
joli bouquet. Il est impossible de reproduire la der-
nière chanson de Louis Hugonis, qui a obtenu un
si formidable succès, mais nous nous empressons de
publier le sonnet réaliste suivant, de M. J. Nicolle, qui
donne timidement la note des œuvres des joyeux
marchands des quatre saisons.
Sonnet.
Quand tu chantes Phœbus ou le ciel étoile.
Quand tu chantes les bois et la verte campagne.
Tes accents les plus doux appellent la compagne
Vers qui ton cœur naïf soudain s'est envolé.
Oh ! poète imprudent 1 Ton pauvre esprit voilé,
Ignore donc qu'à deux la vie est pis qu'un bagne.
Ou le boulet rivé toujours vous accompagne.
En amour, crois-le bien, le plus fin est volé?...
Si j'aime errer le soir pensif et solitair«,
Si je... mais je m'arrête... Abbab ! pourquoi me taire.
Que mon prestige y gagne, ou bien y perde ; mais
Si j'adore les blés, la vigne et le bocage.
Si je cherche en les bois le plus épais feuillage.
C'est pour faire... Voilà, je. n'oserai jamais.
J.-NlGSlLK.
LA CHANSON
63
CONCERT DE L'ÉCOLE GALIN-PARIS-CHE^ï
Le coiicert gratuit, donné par l'Ecole Galin-Parii5-
Chevé au Trocadéro, r été des plus brillants : en
effet, rélément populaire qui y dominait dans une
large part concourait à lui donner ce caractère gran-
diose cfue revêt la musique, faite par les masses pour
les masses.
Les chœurs (de 300 exécutants) se sont fait remar-
<iuer par leur ensemble, ainsi que par leur netteté
d'attaque, qualités difficiles à obtenir avec un chœur
aussi nombreux.
Nos félicitations sincères à M. Guilmanl, le sym-
patliique organiste, qui a su mettre son talent à la
portée du public en interprétant délicieusement sur
l'orgue les maîtres de l'école moderne, tels que Le-
fébure, Wély, Lemmens, etc.
Nous ne pouvons, l'auto d'espace, nous arrêter plus
longtemps sur cet intéressant concert ; nous ter-
minerons en félicitant bien sincèrement M. Chevé,
l'intelligent directeur de l'Ecole, des résultats remar-
quables qa'il a obtenus, et nous attendrons la pro-
chaine occasion d'apprécier les progrès de l'Ecole
( ial in-Paris-Chevé.
ÏH. PORET.
CHRONIQUE DES SOCIETES LYRIQUES
Le samedi 21') juin, la société des Epicuriens a
offert une grande' fête de uuil, au Chelleau-Houge, à
toutes les sociétés lyriques de Paris. Favorisée d'un
temps splendidc, cette fête a pleinement réussi.
A I heure il y a eu course au.x canards, suivie d'un
su|)crlir feu d'artitice et d'un brillant concert, donné
dans les jnrdins éclairés à giorno. Puis on a dansé
jus(ju'au jour, et c'est avec regret qu'on s'est séparé
a B heures du matin en emportant un joyeux sou-
venir de cette fête charmante.
M. G.
La Lyre Eépiiblicame, transférée café du Globe,
boulevatd de Strasbourg, a donné le :iO juin une
représentation extraordinaire avec le concours des
meilleurs artistes des concerts de Paris. Nous
rendrons compte dans notre prochain numéro de
cette intéressalnte soirée.
L'Union Lijriqwc donnera demain, 4 juillet, une
grande soirée, au bénéfice de M. Ville, le synipathique
artiste qui doit débuter prochainement à l'Alcazar
d'été.
La société lyrique le Pinson annonce, pour le
14 juillet, un grand bal de nuit au bénéfice des
pauvres dans son local habituel, café Boiu-et, 44,
boulevard du Temple.
Alfred Bertinot.
Nous rendrons compte du concours dramatiqueetde
diction des sociétés lyriques, dans son ensemble,
aussitôt qu'il sera terminé.
. DIXIEME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du 20 mai au 20 juin.
!'=■• prix : La Noce de ma sœur, de M. J. Larguier,
Paris.
2° prix : Les Origines, par M. I,ouis Bogey, Suisse.
3" Le Peuple de Paris, par M. Edmond Bérenguier,,
Var.
Nous publierons ces trois pièces dans nos pro-
chains n"'. o9 concurents ont pris part au concours.
CHOSES ET AUTRES
ONZIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du 20 juin au 20 juillet.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
A l'avenir nous publierons, en même temps que
la pièce qui aura obteiui le i^' prix, une petite no-
tice et le portrait de l'auteur conronné, s'il y con-
sent.
Mnie-Perrotin, veuve de l'éditeur de ce nom, a fait
prési'nl au musée Carnavalet de divers (ilijels ayant
ai)partenu à Bcranger : sa pendule, son fauteuil et
son dernier chapeau.
La Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs
de Musique est en pleine prospérité, si l'on en juge
par les chilfres. La ré|]avlition de, janvier était (le
r.'.O.SlKl fr. 94 c. ; celle d'avril de 141,I7'2 fr. 78 c. ; celle
de juillet prochain sera de 14n,4t)o fr. 8o cl!.
M. Kollot vient d'interjeter appel du jugement du
27 mai.
Le Concours de Victor Hugo, ouvert par VUnion.
littéraire (!;'., rue de Médicis), vient de reculer la
date de sa clùturi? au '.'.1 juillet. Ia- jury est composé
de MM. Théodore de Banville, François Coppée, Léon
Valade, secrétaire, Bertol Graivil.
La Société nationale d'encouragement au bien
a décerné, dans sa séance publique du 23 mai der-
nier, une médaille d'iionneur à M. Casimir Pertus,
pour son poènui VEpopce du drapeau, poème vérita-
blement national. Jamais la République n'a inspiré
des accents plus vigoureux et plus patriotiques :
celte épopée est la Marseillaise de l'histoire.
Nous souhaitons la bienvenue à la Petite Gaule^
journal hebdomadaire littéraire, artistique, ayant
à sa tète MM. Georges Berry pour directeur, et Pages
de Noyez conuue rédacteur en chef.
Hymne au Drapeau Français, chant patriotique de
V. Gresset et Constant Sacle, musique de Bovery, sera, .
à partir du 11 juillet, interprété sur plusieurs théâtres
et concerts. Nous lui prédisons le plus grand succès.
En vente à notre librairie : Place aux Femmes !
poème par notre collaborateur J. A. Fauché. Prix
30 c. Cette poésie a obtenu une médaille au concours
poétique de Bordeaux.
LA CH.iniSOiV, étant donnée l'importance de son.
tirage, doit se trouver chez tous les libraires, ntar-
chunds de journaox, et dans tous les kiosques de
Paris. IVous prions les acheteurs au numéro de la
réelamèr instamment dès le samedi matin, et de
nous signaler les omissions qui- pourraient être
faites par les porteurs dans certain quartiers.
IVous avons réimprimé le n*^ 2, qui était épuisé, on
pourra doue se procurer tous les n''^ parus jusqu'à ce-
jour, cheK tous les marchands.
64
LA CHANSON
VIA C'QUE C'EST QU'UN ENTERR'MENT
(1)
Paroles de
EUGÈNE IMBERT
TABLEAU POPULAIRE
Musique de
DAWERG9IE
11' Cotiplet-
sage; Brave homm'.cesl dommoge.' Hai« j'ainf le fromage, J'ails flSme: Allons-; gainiscntiV'Iàc'qaec'esIqu'aneoterr'DienI
Ea attendant le corbillard,
L'un fait sa fin' parti' d'billard.
Un autre que la soif galope
En vrai misanthrope
Va seul hoir' sa chope;
C'tte boisson pousse au sentiment.
V'ià c'que c'est qii'un enterr'ment.
Lentement, d'un pas de docteur,
_ Arrive enfin l'ordonnateur ;
Et pendant qu' la veuv' se lamente,
La foui' mécontente
D'un grande heur' d'attente.
Sourit à c'fortuné moment.
Y'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
Si quéqu'fois par respect humain,
A l'église on s'arrête en ch'min.
Un brave abbé, pour peu de chose,
Aux amis propose.
De peur qu'on ne glose,
D'ieur trousser un' mess' lestement.
V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
L'défunt, travaillant comme un chien,
Au prochain f'sait encor du bien;
Fort mauvais catholique, en somme...
S'il fut honnête homme.
Mon Dieu, c'est tout Comme,
Dit le vicaire adroitement.
V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
Alors le servie' s'accomplit ;
Dans nol' chapelle on dort ou lit ;
Dans un' second' c'est un baptême.
Et dans un' troisième
Un' noce d' carême :
Chacun a son p'tit boniment.
V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
Pauvre épous', j'te vois dans d'beaux draps 1
Et c'est p't-êtr' les seuls que t'auras.
D'ennui déjà le mari bâille.
Et l'mouch'roa qui braille
Couvre la bass'-taille ;
Le mort seul se tient décemment.
V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
De nouveau l'défunt est enl'vé.
Et par un chemin mal pavé
Le cortège arrive au clm'tière,
Près d'I'ancienn' barrière
Où l'année entière
Saint-Lundi s'fêt' religieus'ment.
V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
Arrive un monsieur tout en noir.
Criant : Il n'y a donc pus d'espoir !
Tout à coup voilà qu'i' s' dégomme,
Et le pauv' cher homme,
Qui pu' le rogomme,
Sur l'herb' s'affal' pas proprement.
V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
Là tous les cœurs sont confondus,
On pense à ceux qu'on a perdus;
On va visiter sa famille,
Son père ou sa fille,
Et, d'fll en aiguille,
Chez l'mann'zingue on rappliqu' viv'ment.
' V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
Enfin, charmé d'un si beau jour.
On r'vient en s'disant : A qui l'tour?
Sans claquer il vaut mieux que j' fade.
Dit un camarade :
J'offre la salade,
Le veau, l'fromage et l'arros'ment.
V'ià c'que c'est qu'un enterr'ment.
(1) Vient de paraître au bureau du journal la Chanson, avec accompagnement de Jules Raux. Petit format,
25 centimes. En vente chez les marchands de musique.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C=, 6, rue Martel,
A. PATAY, Directeur-Gérant.
3« ANNEE.
N» 9.
tO CENTIMES.
lu JUILLET li
LA CHANSON
Directeur- Gérant .
A. PATAY
La chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
^st te gracieux frère de la strophe,
V. HUGO,
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, la ligne. .
Réclames, —
Lachanson,commelâbaJonnsUe
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE :
l-a Vite «le In France, paroles Je J.-B. UUBIXOT, musique do JLLES IIACX. — .%. ceux qui reviennent (L.-HEXRY LECOMTE).
— lie «[guiitorzo Juillet (EUfiÈNE IMBERT). — lien nrapeaux (G. LEI'llÉVOST). — Va llévolution (AUGUSTE ALAIS).
— E,e Pavillon (RENÉ PO.NSARD). — Rouget de L,i»lc (ALFRED LECO.NTE). — ]IInrche des Marseillois (ROUGET DE
i.ISLE). — L,c Chant du Képart (M.-J. CHÉNIEH). — Veillons au salut de rUni|iire (DE BOY) L,e Chant des
Ouvriers (PIERRE DUPONT). — Ija Marianne (A. -M. .MONMN. — I.,a Sainte Alliance des Peuples (P.-I. DE BÉRANGER).
Aux liecteurs.
LA FÊTE DE LA FRANCE
Paroles de J.-B. ROBINOT
C'osl aiiiourd'liiii rannivcrsairi!
D'un jour au spli^udidc réveil,
Où le drnil voulut sur la terre
-•Vvoir sa jilace au grand soleil.
G'esl ce jimr-là que le courage
De nos pères a renversé
La lîaslille, et qu'ils ont osé
Combattre et vaincre resclavage.
Français, chantons le retour glorieux
Du jour béni de notre délivrance :
C'est aujourd'hui la Fête de la France,
C'est aujourd'hui la Fètc des Aïeux!
Pieds nus, en haillons et sans armes.
Les y(!ux lixés sur l'avenir.
Ils mouraient pour sécher les larmes
De l'enfant qu'ils voyaient grandir.
En détruisant la citadelle,
Ils semaient sur l'humanité
L'espérance et la liberté.
Avec la paix universelle.
Français, chantons, etc.
Par la' parole et par le glaive
Ils combattaient pour la raison,
(jui grandit l'homme et le relève
Mieux que no le l'ail un blason.
14 JUILLET
Musique de Jules RAUX (1)
Poursuivons la tâche héro'iciue
Qu'ils ont commencée, et sans bruit.
Pour tous faisons germer h; fruit
De l'Arbre do la Republique !
Français, chantons, etc.
Un siècle a passé sur leur gloire.
Et Bazile a, par plus d'un tour.
Tenté de ternir la mémoire
De ces vaillants soldats du jour :
La vérité toujours tlagellc
Bazile et ses tristes mojxns.
Célébrons en vrais citoyens
Cette date unique... immortelle!
Français, chantons, etc.
Oue le travail donne à la terre
La joie et la fécondité;
Que l'amour seul chasse la guerre,
(Jomplice de l'obscurité !
Tous les ans, joyeuse et féconde,
La liberté met son reflet
Au front du Quatorze Juillet
Dont les rayons couvrent le monde.
Français, chantons le retour glorieux
Du jour béni de notre délivrance :
C'est aujourd'hui la Fêle de la France,
C'est aujourd'hui la Fête des Aïeux.
(1) Cette patriolique chanson sera interprétée dans un grand nombre de théâtres et de concerts. Elle
est en vente chez tous les marchands de musique.
LA CHANSON
A CEUX OUI REVIENNENT
Amis, la République indulgente et sereino ■
Des foyers regrettés vous ouvre le cheuiin ;
Tout s'efface, et vers vous tendant sa large main,
Paris prête au pardon sa grâce souveraine.
Où le peuple a des droits, la vertu seule est reine ;
Sans colère aujourd'hui songeant au lendemain,
Travaillez en silence au grand progrès humain :
La France est une ruche et non pas une arène.
Inspirés par l'ardeur du bien, la-soif du beau.
Allumez de l'amour le magique flambeau;
Quand la haine se tait, la fraternité fonde...
A l'œuvre ! la patrie auguste veut tenir,
Du présent recueilli dans une paix profonde.
Le gage d'un fécond et superbe avenir !
Juillet 1880.
L.-Henry Lecomie.
tt fitlÂTflJZE iUlLtET
Air des Vendtinges de la République
(Collignon)
Fier et joj-eux comme un dimanche.
Voyez, à l'appel des tambours,
Ce Paris, humaine avalanche.
Rouler du haut de ses faubourgs.
Il veut rétablir l'équilibre
Entre la force et la raison;
Il veut vivre, il veut mourir libre;
Il veut détruire une jirison.
Salut au réveil de la France !
Las, enfin, des tourments souiforls,
Le front rayonnant d'espérance, ) „•
Le grand peuple a brisé ses l'ers. )
Une noblesse sans entrailles.
Mais riche en lettres de cachet.
Laissait pourrir dans ces murailles
Les malheureux qu'elle y cachait :
Parents des victimes séduites.
Vieux confidents remerciés.
Ennemis des pères jésuites.
Ecrivains, surtout créanciers.
Salut, etc.
0 bonheur! Ma,lgré leur cocarde
Et leur drapeau fleurdelisé.
Les braves soldats de la garde
Avec nous ont fraternisé.
Alors, en un clin d'œil, sans phrase.
Par la résistance excité,
Paris attaque, prend et rase
La Bastille.., et la royauté.
Salut elc
Cette solennelle réplique,
0 France, fut ton premier pas.
En route pour la République !
La foudre ne s'arrête pas.
En vain la tourbe mercenaire.
Rois, prélats, courtisans, valets,
Voudront détourner ton tonnerre :
S'ils te gênent, supprime-les.
Salut, etc.
Nous étions des bêtes de somme.
Mais pour tous la liberté luit.
Maintenant le serf est un homme;
Le champ qu'il féconde est à lui.
Le savoir succède au courage
Et trace de nouveaux chemins.
Paix à tous! Le droit de suffrage
Nous fait tomber l'arme des mains.
Salut au réveil de la France !
Las, enfin, des tourments soufferts.
Le front rayonnant d'espérance, ) „•
Le grand peuple a bris» ses fers, j
EUG. IMBERT.
LES Dl=Î.^A.r»EA.XJX:
Soldats, quelle douleur secète
Vous fait ainsi courber la tête
Sous les longs plis de vos drapeaux ?
— D'un œil morne sondant l'espace
L'un d'eux répondit à voix basse ;
« Pour des soldats ils sont trop beaux 1 »
Oh! je comprends votre soufTrance !
Mais si grand qu'ait été l'afîront,
Soldats, sous le drapeau de France
On peut toujours lever le front!
Oui 1 ceux que vous portiez naguère
Etaient de vieux drapeaux de guerre.
De cent combats nobles débris 1
L'ennemi s'en fait un trophée 1
— « L'un dit d'une voix étouffée :
« Nous les auroHp bientôt repris ! »
Oh ! je comprends votre espérance.
Car si grand qu'ait été l'affront,
Soldats, sous le drapeau de France
On peut toujours lever le front I
Sur vous, soldats, la France compl-e !
Mais pour effacer notre honte
A quoi servent de vains regrets?
Au lieu de paroles stériles
Il faut des actions viriles !
— Ils dirent tous : « noua som.mes prêts !
Gardez votre flère espérance !
Oai, si grand qu'ait été l'affront,
Soldats ! sous le drapeau de France
On peut toujours lever le front !
G. Lepeévost.
LA CHANSON
67
LA RÉVOLUTION
Ail' : \e raillez plus la Garde citoyenne.
I.
Kii déroulant tes mille ca^•actère^5
Livre immortel par nos pères dicté,
Inspire-nous, Bible des prolétaires,
L'amour du peuple et de la vérité !
L'œuvre commence où la liberté brille
Aux chauds rayons du quatorze juillet ;
(j'est Desmoulin, attaquant la Kaslille,
•C'est notre histoire à son premier feuillet.
Le drapeau blanc voit son prestige antique
Tomber aux pieds des Parisiens vain(£Uours,
Oui s'érigeant en phalanges civiques
Pour étendard prennent les trois couleurs !
Des droits de l'homme ouvrant l'ère nouvelle
La liberté marche à pas de géant
Folle de peur la royauté chancelle,
Déjà le peuple en rêve le néant.
A la tribune, au bravos de la France
•<Jui vient diclcr les droits du Tier.s-Elrtt?
d'est Mirabeau, ce foudre d'éloquence,
Qui va bientôt mourir en aix)stal.
Affranchissant la raison qui s'empresse
D'anéantir blasons et parchemins.
Un flambeau luit, ce flambeau c'est la presse
Oui du progrés éclaire les chemins.
Faible jouet d'intrigues souterraines
Vers l'étranger pour chercher du secours,
Louis s'enfuit, on l'arrête à Varenues,
Traîtres à son peuple, il veut l'appui des cours.
Le haut clergé, la noblesse peureuse
Avec noire or émigrent lâchement,
Coalisant l'Europe furieuse.
De la Vendée ils soldent l'armement.
Et complétant leur œuvre de vengeance.
De la lamine ils dressent le tableau,
Par leurs agents ils affament la France,
De la misère ils triplent le fléau.
Contre eux alors le peuple, armant sa haine.
Jette ce cri : « dans leur sang vengeons-nous, k
Puis du dix août la lutte souveraine
Voit en ce jour les tjTans à genoux.
Surpris d'effroi devant ce grand exemple.
Les députés comprenant leur devoir,
Font enfermer la monarchie au Temple,
Au nom du peuple ils prennent le pouvoir.
Verdun est pris, les Prussiens en sont maîtres .
Avant d'aller repousser l'étranger,
Danton s'écrie : Exterminons les traîtres
lit déclarons la patrie en danger !
Sublime élan ! la France tuiU eulière
S'enrôle aux cris : Vive la nation,
Continuant son œuvre populaire,
.Septembre élit une Convention
Qui proscrivant la forme monarchique,
Au nom du droit, au nom de la raison.
Sur un ■s'olcan fonde la République,
Dont le drapeau va franchir l'horizon.
Partout sa vue enfante l'héroïsme ;
Valmy, Fleurus, sacrent nos bataillons;
Pulvérisés, les fers du despotisme
Tombent devant n*s soldats en haillons.
Meure Capet, la nation l'ordonne
Par ses tribuns dont l'ardeat plaidoyer
Dans un scrutin jette tète et couronne.
Sur l'échafaud du froid vingt-un janvier!
Ce fier défl de la grande révolte
A fait liguer les tyrans accroupis.
Victoire à nous ! Quelle immense récolte !
Fauchons les rois comme des champs d'épis.
Poétisant la liberté française.
Rouget de Liste, à la voix des combats,
Exhale un chant: Ce chant, la Marseillaise,
Change en héros un million de soldats.
En déroulant tes mille caractères.
Livre iuunortel où sont écris nos droits
Inspire-nous, Bible des prolétaires,
L'amoiu- du peuple et la haine des rois.
Auguste Alais
LE PAVILLON
Air: du Prince Eugène (Emile Dchraux).
Novice encor dans l'âge des beaux rêves.
Verse des pleurs en quittant ton berceau ;
Moi, qui n'ai pas de foyer sur les grèves.
Sans nul souci, je retourne au vaisseau;
Nous n'avons pas la même idolâtrie.
Toi, dont l'amour voue un culte aux climats :
A ton clocher je préfère nos mâts
Le pavillon c'est la patrie !
Quand le flot dort, j'aime à voir sur nos têtes
Se dérouler ses longs plis floconneux;
J'aime à le voir, tordu par les tempêtes.
Tracer dans l'air un sillon lumineux.
Que par les vents son étofle flétrie
Offre à nos yeux l'aspect d'un oripeau.
Pour notre cœur c'est toujours le drapeau
Le pavillon, c'est la patrie!
Quand le Vengeur qu'éternise l'histoire.
De ses derniers et terribles boulets.
Fit hésiter le vol de la Victoire
Qui s'abattit sur le pont de l'Anglais,
On vit surgir de sa coque meurtrie
Une guenille, elle émergeait des flots
Et ranimait l'ardeur des matelots
Le pavillon, c'est la patrie !
René Ponsard
LA CHANSON
ROUGET DE LISLE
Le 20 a^Til 1792, l'Assemblée Législative décrétait
la guerre contre l'empereur d'Autriche François I",
roi de Bohème et de Hongrie.
La nation française tout entière appuyait cette
déclaration. Le 11 'juillet, le président de l'A'ssemblée,
Aube.rt-Dubayet, pro-
nonçait au milieu cl"un
religieux silence celle
formule simple et ter-
rible :
« Citoyens, la Patrie
est en danger !
Tous les cœurs pa-
triotes, stimulés par
l'enfantement de nos li-
bertés.comprirent ridée
grandiose que contena i I
cette proclamation.ïous
les citoyens étaient
pri'Ms à sacrifier leur vie,
Leurs vœux, leurs bras,
leur àme, tout était pour
le triomphe delà France
menacée.
La nouvelle de l;i
déclaration de guerre
se répandit comme iiu
éclair allumant le pa-
triotisme de tous les
Français, laboureurs ou
citadins, artisans nu
soldats, bourgeois ou
savants.
Ce fut une solennelle
époque ! C'était le nou-
veau monde des liber-
tés faisant la guerre au
vieux monde de la ly-
rannie. L'enthousiasine
avait envahi la grande
nation qui brisait les
fers de l'esclavage ou de
la féodalité. Casernes et
ateliers étaient animés
d'un même esprit. Il
fallait lutter et vaincre pour le bonheur de l'himianité.
A Strasbourg, comme partout, un sentiment im-
mense et généreux inspirait les esprits.
Il faut préparer l'attaque et la défense !
Il nous faut des armes matérielles et morales !
Aucune ne manquera.
Dans un élan de patriotisme sublime, un officier
du génie, familier avec les inspirations poétiques,
cède aux instances du maire de Strasbourg, Dietrich,
et de ses amis, réunis en un banquet patriotique. lise
recueille, prend le violon, conficlent de ses mélodies,
invoque la Muse de la Liberté et crée à la fois les
paroles et la musique d'un chant qu'il appelle le
Chant de guerre pour l'armée du Rhin.
Communiqué aux convives patriotes ce chant ma-
gnifique les ravit, exalte leur patriotisme, se repro-
duit comme par enchantement, parvient à Marseille
(1) Un volume parai(ra bientôt, publié par l'auteur de cette notice.
émerveille les peuples qu'il anime et revient à Paris-
où on le baptise du nom d'hj'mne des Marseillais.
Za Marseillaise avait été enfantée dans la nuit du
2o au 2i5 avril 1792.
C'est une date immortelle, car la Marseillaise
a prêté son puissant
concours aux succès de
nos armées. Joseph
Rouget de Lisle, sou
auteur, s'est acquis un
nom inséparable des .
gloires de la grande et
généreuse Révolution
française.
Rouget de Lisle avait
trente-deux ans quand
il a fait la Marseillaise.
Il était né le 10 mai
1760,àLons-le-Saulnier.
Connu généralenu'nl
^m:la MarseillaiseSQw\i\
il a composé beaucoup
d'autres poésies de
toute espèce, rarement
répandues aujourd'hui^
mais qu'une publica-
tion prochaine fera cou-
naitre (1^
Prose et vers, tout aii-
nonce dans Rouget de
Lisle un esprit délicat^
un cœur généreux, une
honnêteté irréprocha-
ble, ime droiture éner-
gique et exquise.
Longtejups malheu-
reux, il a dû à un illus-
tre citoyen, à Béranger..
le bonheur qui lui sourit
au déclin de sa vie.
La Mai'seillaisen. valu
bien plus de cent mille-
hommes pour le triom-
phe de nos armes.
La Mai)seillaise est
presque le Palladium de nos libertés.
Elle a son feuillet dans le recueil de nos lois.
Il faut donc à son auteur une place éminente dans-
nos cités. Sa statue est nécessaire à Choisy-le-Roi où
il mourut, à Lons-le-Saulnier où il a vu le jour.
C'est en honorant les images des grands citoyens-
qu'on entretient les grandes idées d'un peuple libr^^
et républicain.
Anous, Français, de rendre enfin-justice à des noms^
justement honorables en élevant à Rouget de Lisle..
ainsi qu'à Béranger, les statues qu'ils ont méritées.
Alfred Leconte,
Député de l'Indre.
^ Le comité cliargé d'élever uno i
posé: Président, ilenjamin Raspail , . .v^-.
Secrétaires: Alfred Leconle cl I-. Stempfcl
nue a Rouget de Lisle est ainsi com-
Vice-Président. Générjl de ClianaU
LA CHANSON
MARCHE
DES MARSEILLOIS
Allons, cnfans do la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé.
Contre nous de la tyrannie
L'étendart sanglant est levé, [bis)
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces Soldats?
Ils viennent jusques dans vos bras
Egorger vos flls, vos compagnes (2 .
Aux armes, Citoyens! formez vos bataillons :
Marchez [Us), qu'un sang impur abreuve nosSillons(3
En chœur :
Marchons (Sw), qu'un sang impur abreuve nos Sillons.
Que veut cette horde d'esclaves.
De traîtres, de rois conjurés ^1) "?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dés longtemps préparés? [Ms^
Français, pour nous, ah ! quel outrage:
Quels transports il doit exciter!
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage.
Aux armes, Citoyens! etc.
Quoi ! des cohortes étrangères
Feroicnt la loi dans nos foyers!
Quoi ! ces phalanges mercenaires
Terrasseroient nos fiers guerriers ! (bis''
Grand Dieu, par des mains enchaînées
Nos fronts sous le jous se ploieroient!
De vils despotes doviendroient
Les maîtres de nos destinées !
Aux armes, Citoyens ! etc.
* Nous reproduisons à titre de cui-iosité une de
la Marseillaise, Elle porte sur l'imprimé la mention suivante : t( Clian
tée sur diKrans théâtres, chez Frère, Passage du Saumon ».
(1) « L'hymne dos Marscillois n'est pas vide de tout mérite. Le
lyrique a eu le grand talent d'y mettre de l'enthousiasme sans pa-
Toîtro ampoulé. D'ailleurs celte ode républicaine vivra parce qu'elle
fait époque dans notre Révolution ». Chateaubriand, Essai sur les
Révolutions, 1797. — « Ce n'est pas la poésie, c'est la musique qui
fera vivre l'hymne révolutionnaire ». Le même, 1826.
(2) La plupart des éditions reproduisent ainsi ces vers :
Ils viennent jusques dans nos bras
Egorger nos fils, nos compagnes.
C'est un tort. Combien, aussi, y a-t-il de personnes, parmi celles
qui chantent ce couplet, qui s'abstiennent de faire du dernier vers un
vers de neuf syllabes et de dire :
Egorger nos fils et nos compagnes?
(3) Au second vers du refrain, on a coutume de substituer au mot
marchez I: mot marchons, qui doit seulement apparaître à h reprise
en cbœur.
Tremblez, tyrans, et vous, perfides,
L'opprobre de tous les partis.
Tremblez : vos projets parricides
Vont enfin recevoir leur prix, (iis]
Tout est soldat pour vous combattre :
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux
Contre vous tous prêts à se balli'f.
Aux armes, Citoyens ! etc.
Français, en guerrier.? magnanimes (!j;.
Portez ou retenez vos coups :
Epargnez ces tristes victimes,
A regret s armant contre nous. (bis)
Mais ces despotes sanguinaires (G),
Mais les complices de Bouille,
Tous CCS tigres qui sans pitié
Déchirent le soin do leur mère!...
Aux armes, Citoyens! etc.
Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs.
Liberté! liberté chérie,
Conbats avec les défenseurs. (bis)
Sous nos drapeaux que la Victoire
Accoure à tes mâles accens :
Que tes ennemis expirans
Voient ton triomphe et notre gloire (7).
Aux armes, Citoyens ! etc.
(4) Variante, inventée par quelque royaliste :
De traîtres en vain conjurés.
(3) Chateaubriand, en imprimant à Londres, en 1797, le chant de
Kouget de l'isle, n'a pas reproduit ce couplet. M. Staaiï, dans sa
Litièralure française, l'a omis également.
(6) Le texte porte despotes au pluriel et sanguinaire au singulier.
Certaines éditions ont corrigé despote; d'autres, leurs mères. J'incli-
nerais à ajouter Vs au mot sanguinaire, tout simplement. On peut bien
pardonner ce lapsus à la rapidité de la composition.
(7) Ici se termine la Marseillaise : six couplets en tout. SI. Staad'
en ajoute un dont la platitude contraste singulièrement avec ceux qui
précèdent :
Que l'amitié, que la patrie
Fassent l'objet de tous nos vœux.
Ayons toujodrs l'âme remplie
Des feux qu'ils inspirent tous deux.
C'est de la poésie de cantique.
Quant au couplet des enfants :
Nous entrerons dans la
Il est de Dubois, qui le composa pour la fête civique du 14 octo-
bre 1792.
70
LA CHANSON
LE CHANT DU DEPART
Cet hymne guerrier, yérîtatili
aussi à la frontière les quatorze armée!
Chénier le composa en 1794, et Mèliul
frère de la Mariteillaise, conduisit
mces (le la République. Marie-Joseph
La victoire, en chantant, nous ouvre la barrière,
La liberté s;aide nos pas.
Et, du Nord au îlidi, la trompette guerrière,
A sonné l'heure des combats.
Tremblez, ennemis de la France !
Rois ivres de sang et d'orgueil!
Le peuple souverain s'avance :
Tyrans, descendez au cercueil !
CHŒUR.
La République nous appelle.
Sachons vaincre ou sachons périr :
Un Français doit vivre pour elle,
Pour elle un Français doit mourir!
UNE MÈRE DE FAMILLE.
De nos yeux maternels ne craignez point les larmes;
Loin de nous de lâches douleurs !
Nous devons triompher, quand vous prenez les armes :
C'est aux rois à verser des pleiu's.
Nous vous avons donné la vie.
Guerriers, elle n'est plus à vous :
Tous vos jours sont à la patrie ;
Elle est votre mère avant nous.
CHŒUR DES MÈRES DE FAMILLE.
La République vous appelle, etc.
DEUX VIEILLARDS.
Que le fer paternel arme la main des braves ;
Songez à nous au champ de Mars :
Consacrez dans le sang des rois et des esclaves
Le fer béni par vos vieillards ;
Et rapportant sous la chaumière.
Des blessures et des vertus.
Venez fermer notre paupière.
Quand les tyrans ne seront plus.
CHŒUR DES VIEILLARDS.
La République vous appelle, etc.
UN ENFANT.
De Barra, de Viala, le sort nous fait envie ;
Ils sont mnrts, mais ils ont vaincu ;
Le lâche accablé d'ans n'a point connu la vie :
Qui meurt pour le peuple a vécu.
Vous êtes vaillants, nous le sommes ;
Guidez-nous contre les tyrans !
Les républicains sont des hommes;
Les esclaves sont des enfants.
CHŒUR DES ENFANTS.
La République nous appelle, etc.
UNE EPOUSE.
Partez, vaillants époux, les combats sont nos fêtes ;
Partez,- modèles des guerriers;
Nous cueillerons des fleurs pour pu ceindre vos tétes
Nos mains tresseront vos lauriers.
Et si le temple de mémoire
S'ou^Tait à vos mânes vainqueurs.
Nos voix chanteront votre gloire.
Et nos flancs portent vos vengeurs.
CHŒUR DES ÉPOUSES.
La République vous appelle, etc.
UNE JEUNE FILLE.
Et nous, sœurs des héros, nous qui de l'hyménée
Ignorons les aimables nœuds.
Si, pour s'unir un jour à notre destinée.
Les citoyens forment des vœux,
Qu'ils reviennent dans nos murailles.
Beaux de gloire et de liberté.
Et que leur sang, dans les batailles,
Ait coulé pour l'égalité.
CHŒUR DES JEUNES FILLES.
La République vous appelle, etc.
TBOIS GUERRIERS.
Sur ce fer, devant Dieu, nous jurons à nos pères,
■ A nos épouses, à nos sœurs,
A nos représentants, à nos fils, à nos mères.
D'anéantir nos oppresseurs !
En tous lieux, dans la nuit profonde
Plongeant l'infâme royauté,
Les Français donneront au monde
Et la paix et la liberté.
CHŒUR GÉNÉRAL.
La République nous appelle.
Sachons vaincre, ou sachons périr :
Un Français doit vi\Te pour elle;
Pour, elle un Français mourir.
M.-J. Chénier.
VEILLONS AU SALUT DE L'EMPIRE
ïs titres différents
i. Dans l'idée de
Ce chant social date de 1793, et a été publ
de Chant civique, le Salât de la France, t
l'auteur, Empire signifiait La Patrie.
Les paroles sont généralement attribuées à De Boy, le nom de 1
teur de la musique est resté inconnu. A. P.
Veillons au salut de l'Empire,
Veillons au maintien de nos droits :
Si le despotisme conspire,
Conspirons la perle des rois !
Liberté ! que tout mortel te rend hommage.
Tremblez, tyrans! vous allez expier vos forfaits !
Plutôt la mort que l'esclavage 1
C est la devise des Français.
LA CHANSON
71
Du Paint de noire patrie
Dépend celui de l'univers;
Si jamais elle est asservie,
Tous les peuples sont dans les fers.
Liberté ! que tout mortel te rende hommage.
Tremblez, tyrans! vous allez expier vos Ibrlaits
Plutôt la mort que l'esclavage!
C'est la devise des Français!
Ennemis de la tyrannie
Paraissez tous, armez vos bras
Du fond de l'Europe avilie,
Marchez avec nous aux combats.
Liberté! liberté! que ce no n sacré nous rallie.
Poursuivons les tyrans, punissons leurs l'ortaits!
Nous servons la même patrie :
Les hommes libres sont Français.
Jurons union éternelle
Avec tous les peuples divers;
Junms une guerre mortelle
A tous nos rois de l'univers.
Liberté! liberté! que ce nom sacré nous rallie.
Poursuivons les tyrans, punissons leurs forfaits !
On ne voit plus qu'une patrie
Quand on a l'ilme d'un Français.
De Boy.
LE CHANT DES OUVRIERS '"
1846
iitiriuiis cru manquer ù notre programme en oc publiant pas
lauson démocratique et sociale. Pierre Dupont doit rester dans la
■0 du peuple. Son œuvre est remplie de belles et bonnes clioses,
que nous voudrions entendre cbanter plus souvent par les classes
laborieuses dont Dupont s'est si souvent fait riiitcrprjite. A. P.
Nous dont la lampe, le matin.
Au clairon du coq se rallume;
Nous tous qu'un salaire incertain
Ramène avant l'aube à l'enclume;
Nous qui des bras, des pieds, des mains.
De tout le corps luttons sans cesse.
Sans abriter nos lendemains
Contre le froid de la vieillesse.
Aimons-nous, et quand nous pouvons
Nous unir pour boire à la ronde,
Oui^ le canon se taise ou gronde.
Buvons
A l'indépendance du monde!
Nos bras, sans relâche tendus.
Aux flols jalons, au sol avnre.
Ravissent leurs trésors perdus,
Ce qui nourrit et ce i[iu pave :
Perles, diamants et niélaux.
Fruit (.lu coleau, grain de la plaine
Pauvres moutons, quels bons manteaux,
Il se lisse avec notre laine!
Aimons-nous, etc.
(Juel fruit tirons-nous des labeurs
Oui courbent nos maigres échines?
Où vont les flots de nos sueurs ?
Nous ne sommes que des machines.
(1) Extrait de
complètes Je Pierre Dupont.
r chaque chant, chez PI
chez Gornier, 1 vol. in-lS. 2 tr.
.. beaux vol. avec
■ditcur. Priï 20 fr.,
Nos Babels montent jusqu'au ciel,
La terre nous doit ses merveilles :
Dès qu'elles ont fini le miel,
L& maître chasse les abeilles.
Aimons-nous, etc.
-Vu fils chélif d'un étranger
Nos feumies tendent leurs mamelles,
Et lui, plus tard, croit déroger
En daignant s'asseoir auprès d'elles;
De nos jom's, le droit du seigneur
Pèse sur nous plus despotique :
Nos filles vendent lem? honneur,
Aux derniers com'tauds de boutique.
Aimons-nous, etc.
Mal vêtus, logés dans des trous.
Sous les combles, dans les décombres
Nous vivons avec les hiboux
Et les larrons amis des ombres ;
Cependant notre sang vermeil
Coule impétueux dans nos veines;
Nous nous plairions au grand soleil
Et sous les rameaux verts des chênes.
Aimous-nous, etc.
.\ chaque fois que par torrents
Notrt! sang coule sur le monde,
l'.'esl toujours pour quelques tyrans
nue cotte rosée est féconde:
Mena geons-le dorénavan t,
L'amciiu' est plus fort que la guerre.
En attendant qu'un meilleur veut
Soul'lle du ciel ou de la ten-c.
Aimons-nous, et quand nous pouvons
Nous unir pour boire à la ronde.
Que le canon se taise ou gronde.
Buvons
.A l'indépendance du monde !
PlEPvRE DDPONT.
LA. :M[A.R.iA.p^isrE
Air : de Mimi Pi'iison (F. Bée.4.t)
lelte chanson complètement inconnue de la jeune génération, a t-irculé
mscril.- en ISol, avec un véritable SUCCC.S. Nous l'imprimons pour la
mièic fois, avec le nom de son véritable auteur. Elle a souvent été
ibiiée à d'autres. Antoine Hlarc Monnlu est un de nos graveurs et
aforlislcs distingués.
A. P.
Frères, dans ma haute mansarde
Qui s'ébranle el craque à tout vent,
Sur un mur que le lenips lézarde.
Je possède un porlrail vivant :
Le portrait de celle que j'aime;
A son front aux nobles contours.
Sans diadème,
Rayonne la grandeur suprême...
C'est Marianne, mes amours.
Pas de perles, pas d'or qui brille.
En sa mise, rien de mesquin ;
Mieux sied à cette altière fille
L'éclat d'un rouge casaquin.
Aux anneaux de sa L'he\-é]are
Elle n'a pas de vains alours,
Mais pour parure.
D'épis blonds une aigrette pure,
La Marianne, mes amours.
72
LA CHANSON
Klle lieut une longue pique
Dont tremblent fort ses ennemis;
Son pied chausse un cothurne antique,
Foulant de fastueux débris ; ,
Uue les rois lui fassent la guerre,
Contre elle, bastions et tours
Me tiendront guère :
Elle doit conquérir la terre,
La Marianne, mes amours.
Tout en elle est force et jeunesse,
Bien qu'elle ait vu plus d'un hiver.
Du poignard qui vengea Lucrèce
A Rome elle aiguisa le fer ;
Depuis les siècles et l'orage
Ont sur nous déroulé leur cours
Par maint ravage.
Mais elle échappe à tout naufrage,
La Marianne, mes amours.
Onana apparut quatre-vingt-treize
Marianne apparut aussi.
Elle chantait la Marseillaise
Et l'Europe en eut grand souci :
A la voix des strophes guerrières,
Nos pères quittaient leurs faubourgs
Et leurs chaumières.
Pour aller défendre aux frontières
La Marianne, mes amours.
Dans la tempête populaire
Elle surgit en février.
Ombrageant d'une palme austère
Le front vainqueur de l'ouvrier;
Malgré le vieil ordre qui gronde,
Elle a semé, pour de beaux jours.
Sur notre monde
L'égalité, graine féconde,
La Marianne, mes amours.
Frères, nous saurons la défendre
Contre l'égoïsme en couroux.
C'est vainement qu'il fait entendre
Bruit de chaînes et de verroux ;
La multitude haletante
Voit un astre suivre son cours.
Dans la tourmente.
C'est l'étoile resplendissante
De Marianne, mes amours.
A. -M. MONNIN.
LA SAINTE ALLIANCE DES PEUPLES"
^dus avons cru devoir remettre en mémoire cette belle chanson de
notre grand chansonnier national, Déranger, œuvre humanitaire, toujours
rêvée, de la fraternité universelle. Quand verra-t-on le hut atteint?
A. P.
J'ai vu la paix descendre sur la'^ terre;
Semant de l'or, des fleurs et des épis.
L'air était calme, et du Dieu de la guerre
Elle étouffait les foudres assoupis.
« Ah ! disait-elle, égaux par la vaillance,
« Français, Anglais, Belge, Russe ou Germain,
t Peuples, formez une sainte alliance,
« Et donnez-vous la main.
(1) chantée en réjouissance de l'évacuation du territoire français,
au mois d'octobre 1818.
Extrait des OEuvrcs complètes de Déranger. Edité chez MM. Gar-
nier frères, 6, rue des Suints-Pères. Edition populaire illustrée, 10 cen-
times ta livraison.
« Pauvres mortels, tant de haine vous lasse;
« Vous ne goûtez qu'un pénible sommeil.
« D'un globe étroit divisez mieux l'espace;
« Chacun de vous aura place au soleil.
"- Tous attelés au char de la puissance,
« Du vrai bonheur vous quittez le chemin.
•< Peuples, formez une sainte alliance
« Et donnez-vous la main.
« Chez vos voisins vous portez l'incendie ;
<t L'aquilon souffle, et vos toits sont brûlés ;
« Et quand la terre est enHp. refroidie,
« Le soc languit sous des bras mutilés.
« Près de la borne où chaque état commence,
« Aucun épi n'est pur de sang humain.
« Peuples, formez une sainte alliance
« Et donnez-vous la main.
« Des potentats, dans vos cités en flammes,
« Osent du bout de leur sceptre insolent
« Marquer, compter et recompter les âmes
« Que leur adjuge un triomphe sanglant.
« Faibles troupeaux, vous passez, sans défense,
« D'un joug pesant sous un joug inhumain.
« Peuples, formez une sainte alliance,
<e Et donnez-vous la main.
« Que Mars en vain n'arrête point sa course,
« Fondez les lois dans vos pays souffrants;
« De votre sang ne livrez plus la source
« Aux rois ingrats, aux vastes conquérants.
« Des astres faux conjurez l'influence,
« Effroi d'un jour, ils pâliront demain.
« Peuples, formez une sainte alliance,
« Et donnez-vous la main.
« Oui, libre enfin, que le monde respire;
« Sur le passé jetez un voile épais.
« Semez vos champs aux accords de la lyre ;
« L'encens des arts doit brûler pour la paix.
« L'espoir riant, au sein de l'abondance,
« Accueillera les doux fruits de l'hymen.
« Peuples formez une sainte alliance,
« Et donnez-vous la main. »
Ainsi parlait cette Vierge adorée.
Et plus d'un roi répétait ses discours.
Comme au printemps la terre était parée ;
L'automne en fleurs rappelait les amours (1).
Pour l'étranger, coulez, bons vins de France :
De sa frontière, il reprend le chemin.
Peuples, formons une sainte alliance
Et donnons-nous la main.
P.-J. BÉRANGER.
(1) L'automne de 1818 fut d'une beauté remarquable : be,
d'arbres fruitiers refleurirent, même dans le nord de la France.
Tous les petits faits du jour s'effacent devant
les trois grandes idées qu'évoque ou l'ait naître
la Fête nationale du 14 juillet : la chute de la Bas-
tille, la disti'ibution des drapeaux et l'amnistie.
Za Chanson aujourd'hui les célèbre de son
mieux. Nos lecteurs trouveront dans le prochain
miméro l'histoire complète de la quinzaine chan-
sonnière.
Prière àk MM. les Eiibraires de province d'adresser
leurs commandes À leurs Correspondants.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C", 6, rue Martel,
3= ANNEE.
N" 10.
lO CENTIMES.
17 JUILLET 1880
LA CHANSON
Directeur-Gérant.
A. PATAY
La. chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
€5( le gracieux frère de la strophe.
V. HUQO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, la ligne. . .
Réclames, —
La chanson, comme la batonnstte
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr-
■ six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE :
Halerie MastcaU : I.nitrenl de lUlli (L.-1Ikmi« LKnoiiTr.). — Lvtlra
du ConiiU' Jîi'ianf^er aux directeurs des Sociétés Orphéoniques. —
r.es Chanta du II Jnillrt (A. Eiiiiui). — Uanqael du Caveau (L.-
Jliî,>Kv LECouxr,). — Dixième concours nieriHuet de la Clinnson : La
,ce de ma sœur (J. LinociKn). — Les Origines ,Lm:is Bogkï).
Uiographic (Geoboes Mibat). — Chronique des Concerts (Ali-
htinot). — chronique des Sociétés Lyriques. • — • Choseset Auli
■ Le Hammam, chanson-réclame (Ecgése Caulos).
GALERIE MUSICALE : LAURENT DE RILLE
Il faut, conslalci' avec
une joie patriotique le
grand mouvement qui
s'opère pour enlever
o,ux distractions dan-
gereuses du cabaret
l'ouvrier des villes ou
<les campagnes. Musées
et Ijibliolhèques popu-
laires sont multipliées
avec une générosité
intelligente. Ce mou-
vement, que les faits
politiques ont considé-
Tablenienl accéléré, a
pris naissance, au len-
demain do la révolution
de juillet, sous l'impul-
sion vigoureuse de deux
hommes inséparables
dans le souvenir recon-
naissant des masses :
Béranger et Wilhem.
L'un conseillait, l'autre
exécutait, et leur œuvre
commune, l'Orp'shéon, a
reçu du temps la consé-
cration du succès.
Parmi les continua-
teurs de Wilhem, Lau-
rent deRillémériteune
mention particulière.
Il s'est dévoué corps et âme à cette mission morali-
satrice, et pas un orphéon de France ne lui marchande
la sympathie.
Laurent do liillô esL
né à Orléans, eu 1828. Il
fil SCS études au collège
de Tours. Déjà l'amour
de la musique le possé-
dait ; il étonnait par son
talent d'improvisation
le vieux pianiste qu'on
lui avait donné pour
maître. Bientôt le jeune
compositeur voulut un
orchestre pour exécuter
ses œuvres ; il fonda
sans larder une société
d'instrumentistes dont
il recruta les éléments
parmi ses condisciples.
De nombreux succès
intimes en résultèrent.
Quand sonna pour lui
la vingtième année,
Laurent de- Rillé vint
faire son droit à Paris ;
il associanaturellement
dans ses études le code
et la musique, et suivit
le cours d'harmonie pro-
fessé par Elwarl au
Conservatoire.
Passant un jour rue
Bellefond, il entendit
un groupe d'ouvriers
qui chantaient en chœur; il en ressentit une émotion
très vive qui détermina sa vocation. Dès la même
année (1848) il écrivit des chœurs, chantés aussitôt,
LA CHANSON
par les fïiekj»es sQdiélôs<ôtaIb"lies àiRaaiis, .tia proituG-
lian -s'aoeiKit au .fitr.et àitaestiïEe qu« les .eiriphécœ-s &e
mulliplïèrcnt. Elle est aujourd'hui trop nom'breuse
pour qu'il soit possible do l'énumérer ici ; nous rap-
pellerons seulement, parmi -ses oeuvres les plus re-
marquables : la Saint-Hubert, les Baveurs, la Retraite,
les Bergers, les Batteurs de hlé, l'Exilé, la Valse des
soiiffes, les Chantres, Malborough,, l'OriMoii en voyage,
l'Océan, le Pardon d'Auraij et les Hirondelles de
Béranger.
Ces titres suflisent pour faire connaître une des
faces du talent de Laui'ent de Rillé, la -variété. Il
réussit en effet le fehœur d'action comme le tableau
rustique, le chant de colère comme le récit plaisant.
Toutes ses productions décèlent la science des
rythmes, l'entente de l'harmonie, un sentiment mé-
lodique plein de franchise et de clarté.
On doit, en outre, à Laurent de Rillé, plusieurs
chœurs pour enfants, des messes, des morceaux
d'orchestre et les œuvres théâtrales suivantes : le
Petit Poucet, 3 actes (Athénée, 18(38) ; \». Liqwew d'or,
Z actes (Menus-Plaisirs, ISTb) ; les Pattes Hanches,
1 acte (Bouffes, 1877) ; Babiole, :'. actes (Bouffes, 1878);
et la Princesse Marmotte, '.'• actes, représentée récem-
ment à Bruxelles. Ces diverses partitions, opéras-
comiqties plutôt qu'opérettes, ont obtenu des succès
très enviables.
Diseur agréable, orateur habile, professeur émé-
rite, Laurent de Rillé fait depuis plusieiu's années,
à la Sorbonne, un cours d'histoire de la musique
dont l'intérêt a été plusieurs fois signalé par les
organes spéciaux. Enfin, chargé par le gouverne-
ment français d'importantes missions artistiques,
et membre de nombreux comités relatifs à l'instruc-
tion publique ou aux progrès industriels, il a conquis
vaillamment le grade d'officier de la Légion d'hon-
neur et les rubans de divers ordres étrangers.
Oîi que se tiennent les réunions orphéoniques, ou
c[ue se jugent les grands concours de musique vocale,
Laurent de Rillé préside et décide. Il excelle surtout
à prononcer les petites allocutions humoristiques,
compléments obligés des banquets populaires.
Le Comité de la statue de Béranger, qui croit avec
raison que les orphéons contribueront largement à
son œuvre de justice, devait attacher une significa-
tion particulière à l'adhésion de Laurent de Wllé.
Cette adhésion, la Chanson l'a reçue, entière et cha-
leureuse, et nous y voulons voir le présage dii suc-
cès de l'appel que le Comité adresse aujourd'hui aux
sociétés chorales de France.
L.-Henry Lecomte.
nïmanehe proclmin. 18 juillet, à l'occasion du
S3"ie anniversaire iiinèbre de R^-ran^cr, un . pèleri-
nage de soutenir aura lieu au l'ère-Liachaise.
I..a CUi%MSOIV convie les membres du comité lié-
ran$;er, les représentants législatifs et municipaux,
de Paris, et tous les amis connus ou inconnus de
nérnngei-. ik cette uianilcstation toute lîltérainO' en
l'honneur du poëto national.
Réunion à 3 Bieiores précises, à la porte du cime-
tière.
\u-riComite de la Slalue .<l,
racitjur? tic loutojf ilpri ^fiuotcl
]lé,
1,1 les
oij,lièonl,|i,« a. :ri-an.c. :
Monsieur le Uiekcteur,
Un Comité de nataliilités politiques, littéraires et
artistiques, a été récemment formé, sous la prési-
dence honoraire de Victor HUGO et la présidence
effective de M. Spdller, député du III" arrondisse-
ment de Paris, dans le but d'élever, dans le square
du Temple, une statue à Béranger.
La place considérable que Béranger a tenue dans-
le XTx° siècle, l'influence bienfaisante de ses chants ■
patriotiques, font à tous les citoyens un devoir de
contribuer à celte œuvre de reconnaissance nationale.
Ce devoir, nul ne le comprendra mieux que les
Orphéons de France, fondés sinon par Béranger, du
moins sous son inspiration directe, puisqu'il a prédit
leur avenir, tracé leur programme et trouvé leur
devise en écrivant ces vers inoubliables :
Les cœurs sont bien près de s'entendre
Quand les voix ont fraternisé.
C'est donc avec confiance que le Comité de la Statue
de Béranger s'adresse à la société que vous dirige/,
pour lui demander son concours, sous forme de
souscription collective, de concerts ou de réunions
chantantes.
Les Orphéons de France, toujours prêts quand it
s'agit d'œuvres de bienfaisance et de patriotisme,
tiendront à honneur de contribuer à l'érection de In
statue de l'immortel chansonnier.
MIÎMBRES DU COJIITÉ DK LA STATClî DE liliRANGEH
VICTOR HUGO, Prêùdcnl d'ilonnem:
SPULLER, Députe, Prèsideni.
Edmond AHOUT, Ilomnm de letlies. ] ,
E. LEGOUVÉ, de l'inslilnl. ) ''«-''■'•»'*"'>■■
MURAT, Ciinscillcr municipal, Trcsorier.
L.-Honrv LECOSITE, Secréiairc.
Paul AVENUL, Homme de lellic
Eugène BAILLET, id.
Paul BOITEAU, id.
BOUFFÉ, Artiste drainalique.
Paul BURAM, Homme de lettre
CASTAGN'ARY, Conseiller d'Éta
CHAMPFLEURY, Homme delelti-
Ernest CllEBBOUX, id.
Jules CLAUETIE, id.
CLÉRAY, Conseiller municipal.
DAKLOT. id. -
jœLAPORTE, organisateur d
DELATTRE, Conseiller municipa
Camille DE VOS, Directeur de 1
Nouvelle France Chorale,
.Iules ECHALIÉ, Hommi
D' FRÈRE, Conseiller r
Emile de GIRARDIN
Directeur de la Fra
A. HÉBUARD, Sénateur, Directeu:
du Temps.
Député
Eug. UIBERT,' Homme de lell
Pli. JOURDE, Diiectour du Sii
LAUREN'T DERlLLÉ.Composii
AUVed LECONTE.dépuli de l'In
LESUEUR, do rinslilul.
LEVRAUD, Conseiller munici
Victor LORY, Direclcur de 17;
des OriMons.
Edmond MAGNIER, Directoui
ÏJù-énetnenl.
Henri MARTIN', del'Insticul.S
JIIGN'ET, de l'Inslilul
Gustave INADAUD,
lettres.
1 Cha
A. PATAY,Diroctei
René PON'SARD. Homme de lel
TONY RÉVILLON. id.
A. RA.NC. Id.
SIMON. Directeur de yOrph,
Pierre VÏiROK, Homme de le
Charles VINCENT. id.
Les souscriptions collectives ou 2>cr.S:0nneUes devront
être adressées directement à M. MURAT, Conseiller mu-
uieipal et -trésorier de l'œuvre., S, rue des Archives.
le joîirnal h^ Ctî3MS,QTi, organe du Comité, en pii--
hliera la liste complète.
LA CHANSON
LES CHANTS DU 14 JUILLET
Nous coiisacrei-ous notre prochaine Rcvtie de la
lUUS'ifjue populaire à rapprécialion des coneerls qui
imt été donnés aux Tuileries et au Luxembourg dans
la soirée du li juillet.
Rassemblons aujourd'hui quelques notes hislrj-
riques sur les œuvres composées à dilféreiUes époques
o.n l'honneur de héros qui ont assuré le triouiphr de
la Révolution.
Ces expansions d'une âme qui concentre en soi et
sait exprimer la pensée de cent mille ne naissent
jamais qu'à la lumière, au soleil de la lilicrté : avant
1789, la France n'eut pas de chants nationaux. Ni
Vive Henri IV, ni Char manie Gahrklle ne sauraient
mériter ce titre, malgré les tentatives de la Restau-
ration pour nous persuader que ces deux prodiiclions
naédiocres avaient eu ce caractère sou.s rancieiinc
nKmarehie.
Donc, au \ii juillet 1780, les combaltants ([ui so
portèrent contre la Bastille ne se rallièrent à aucun
hymne populaire; — le Ca ira et la Carmaijnole ne
se répandirent point avant 17'.)() et 1792 — mais unr
fois la i'orleresse rasée, arrachée de terre jusqu'à ses
londcmcnts, jjiétinée par le peuple, la France retrou\ii
sa voix, la voix qu'elle eut sans doute à répo(iiie des
druides.
Deux ouvrages apparurent d'abord, que le temps a
■(importés sans retour: VHi/mius du ti juillet, de trosscc
\'X Joseph (;hénior, et La Prise cJe la Bastille, draiiu'
sacré, paroles et musique de Marc Antoine Désau-
giers, qui l'ut chanté à Notre-Dame le l:! juilli;';ii«'J".
Le lendemain, on célébra la l'été de la Fédéralion.
Quand revint pour la cinquième t'ois le glorieux
anniversaire, Joseph (ihénier composa un liymiu'
national plus beau qu'aucun do ceux qui l'avaiiMii
précédé; Méhul sollicita l'honneur d'en écrire la
musique; on l'appela le Chant du Déiiart.
Celte inspiration grandiose s'associe à l'un il(> mes
rêves :
« Je voyais l'autel d(; la patrie, dressé sur la pente
du Trocadéro; autel immense, abrité de l'euillage,
devant lequel on venait prêter serment. Plusieurs
groupes éloienl i''clielonnés le long de la colline: des
i'i'Uiuics, (les vicilliinls, des eiilaïUs, des jeuui'S liUes,
lies gucn'icrs. Tous ensemble el le pemile (Uilier qui
si^ prcissait aux alentours enlounèreiit 1»; Chant du,
Di'part. Cette foule recueillie disait le refrain avec
une intensité d'accent à donner le vertige :
« La République nous appelle,
•< Sachons vaincre ou saclions périr
• Un Français doit vivre pour elle,
« Pour elle ua Français doit mourir. »
« Une mère gravit alors les degïés de l'autel et
jura de no pas troubler- de ses larmes les guerriers
([ui devaient parlir : toutes les mères confirment ce
'^^■l■In^■lll :
•< La liépublique vous appelle... »
'< Deux vieillards ^"avancent pour lu'nir les glaivi's ;
tous les vieillards, unis devant l'autel, exaltent le
courage des guerriers :
« La République vous appelle. .. »
" Un enfant fait couler des pleurs au souvenir de
deux jeunes martyrs morts pour n'avoir pas voulii,
renoncer à leur drapeau : tous les enfants imiteront
cet exemple :
<« La République vous appelle... »
« Une épouse promet de tresser des couronnes cl
d'en orner les fronts -victorieux : toutes les épouses
envoient au combat leurs époux :
« La République vous appelle... »
« Une jeune tille, véluc de blanc, monte iiéreiuent
à l'autel : Pour mériter cette vierge, il faudra du cou-
rage, d'héroïques efforts : les jeunes filles s'avancent,
elles n'appartiendront qu'aux vainqueurs :
<• La République vous appelle... »
'■ Knfin, tous les giu-rriers tirent leurs épées ; ils
ont juré, la liberté est conquise :
" La République nous appelle,
■ Sachons vaincre ou sachons périr:
•< Un Français doit vivre pour elle.
« Pour elle un Français doit mourir. »
(-1 '^l'irn:] A. Kdk.m.i.
SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE ET LYRIQUE DU CAVEAU
L'été fait sentir son intluence au Caveau comme
ailleurs. Les convives étaient peu nombreux, l'autre
soir, mais, grâce à l'entrain des assistants, la séance
n'en a pas moins oflért un intérêt véritable.
Eugène Grange est. par excellence l'homme du
toast rimé. L'actualité lui fournil des thèmes qu'il
développe constamment avec un art infini.
L'Aiiinislie, par exemple, a été pour lui le prétexte
dune fantaisie moitié satirique, moitié plaisante,
au total très réussie.
Nos lecteurs ont sans doute gardé le souveni?'
des couplets publiés dans le numéro 8 de la Chan-
son, sous ce titre : .1 lioblnson. L'auteur de ces cou-
plets, M. Emile Bourdelin, assistait au banquet du
( ; iveau ; il les a chantés si agréablement que l'assem-
blée en a demande d'autres, qui ont obtenu le plus
complet succès.
I-\mée a le trait et la verve; il l'a prouvé une fois
de plus dans une chanson humoristique. On n'sait
traiûient comment fahre.
M. Ripault ne voit pas grande diflérence entre
Jadis et .Urjoiird' ht' i : mêmes abus, mêmes vices
mêmes ennuis, hélas.
M. X. Roy, avec quelques couplets fort lestes sur
I Cette ckose-là; M. Jullien, avec une romance toute
gracieuse, le Retour de l'oUean ; M. Montariol, avec
deux chansons excellentes, V Amour et l'Arijent et
le Ml,i!.r est Vcnaeiiil du h'ien ; M. Grange, avec iine
criiiqi e !n;s mordante de la décision ministérielle
LA CHANSON
supprimant les tambours ; M. Mouton-Dufraisse en
recommandant la Folie comme la véritable sagesse,
ont mérité et obtenu des applaudissements una-
nimes.
Enregistrer les succès des autres donne envie d'en
remporter soi-même. J'ai donc présenté aux mem-
bres du Caveau quelques couplets de ma façon sur
lesquels Jules Baux a écrit une musique d'un goût
parfait, et qui seront bientôt au répertoire de l'Eldo-
rado : Ètes-vons comme moi ? — On leur a fait très
bon accueil.
L'arrière petit-flls de Panard était présent auban-
qtiet. Ou l'a entendu avec quelque surprise déclarer
<iu'il ne connaissait aucune des chansons de son aïeul.
Sic transit gloria mundi ! L.-Hemry Lecomte.
DIXIÈME CONCOURS MENSUEL DE LA CHANSON
«I. Lapguîer. Né àParis en 1823, successivement
apprenti chez un orfèvre, fondeuren caractères et comp-
table, J. Larguicr n'a eominencé qu'en I860 à écrire,
pour ses amis seulement, des poésies ou des chan-
sons. Il organisa, vers la même époque, des réunions
semestrielles où étaient admis surtout les membres
de la société de secours mutuels du quartier Sainl-
Thomas-d'Aquin. L'amitié des sociétaires lui imposa
les fonctions d'administrateur puis celle de secrétaire
((ui lai ont valu, en 1X78, une médaille d'argent du
minisire de l'intérieur.
Le bagage poétique de J. Larguiov, abondant on
pièces intimes ou d'ii-propos, prouve de la vcïve et
de la facilité.
î er Prix.
■ LA NflCE BHVfA SEUR
C'est aujourd'hui que ma sœur se marie,
Kl mon plaisir ne saurait s'égaler;
Un beau soleil a doré la prairie,
Et l'on entend les oiseaux gazouiller.
Mon tour viendra, je n'en fais pas mystère;
Jean, mon cousin, m'a dit avec douceur
Qu'il voudrait bien... mais chut! Sachons-nous taire...
« C'est aujourd'hui la noce de ma sœur. »
Notre logis a pris un air de fêle.
De frais bouquets les murs blancs sont ornés ;
Moi seule, hélas I ne suis pas ericor prèle,
Quand les garçons sont tous enrubannés...
Je vois ma sœur, ô mon Dieu, qu'elle est belle !
J'envie alors un instant son bonheur,
Jean me sourit, ma peine est moins cruelle...
« C'est aujourd'hui la noce de ma sœur. »
Des invités bien vive est l'allégresse.
Le fiancé n'est pas vilain garçoii ;
Son regard tendre est comme une caresse
Qui sait charmer, quoiqu'un peu sans façon.
En ce moment, j'entends sonner la cloctie,
Quand un rej^rel vient agiter mon cœur ;
Mais je rougis... car mon cousin s'approche...
« C'est aujourd'hui la noce de ma sœur. »
Un court chemia nous mène à la chapelle,
Où le pasteur, vieillard à cheveux blancs,
Demande à Dieu les grâces qu'il appelle
Sur les époux, ses bien aimés-enfants.
Mon âme émue, heureuse et recueillie,
Planait au ciel, près du divin Sauveur,
Quand Jean me dit : Si tu voulais, Julie...
« C'est aujourd'hui la noce de ma sœur. »
Puis les époux, la figure riante,
Ont au logis fêté les grands parents.
Après dîner la joie est plus bruyante ;
Od pleure un peu, mais les cœurs sont contents.
Le soir, un bal vient finir la journée,
El je choisis mon cousin pour danseur ;
Il me demande: L quand notre hyménée-?...
« C'est aujourd'hui la noce de ma sœur. »
J. Larguier.
2» Prix
LES ORIGINES
Air : Bonne tante Rose, qu'atez-tows fait ï
Soleils de nos académies, > •
Professeurs qui n'ignorez rien, . ;
Devant vos classes endormies.
Mon Dieu ! comme vous parlez bien !
Par vos recherches j'imagine,
Un grand progrès s'est accompli :
Vous connaissez notre origine...
Pour vous ça ne fait pas iin pli.
Grave science !
Ti'op grave science !
Je suis pour cela plein d'insouciance.
Oh! la la
.\ moi, bon vivant, que me fait cela?
Cherchez plutôt, grands philosophes,
Quel fut le premier gg.i,.reli'afin ;
Découvrez les preûiiftrés strophes
Faites pour trier le chagrin.
De '-es couplets pleins "d'un bon rire
: Mf fut le joyeux inventeur ?
Siu lo bronze" il nous faut inscrire
Le nom de ce vrai bienfaiteur.
Grave science !
Trop grave science !
Je n'ai pour cela plus d'insouciance.
Oh ! la la
Dis-moi, si lu peux, d'où nous vient cela.
Traitez, du moins, docteurs hors ligne.
Des sujets un peu plus humains ;
De nos coteaux la verte vigne
Nous vient-elle bien des Romains ?
Pour la gaité le jus d'automne
Fut-il toujours un jus divin '?
Eleva-l-on sur une tonne
Une statue au dieu du vin ?
Grave science !
Trop grave science !
Je n'ai pour cela plus d'insouciance.
Oh ! la la !
Dis-moi, si tu peux, d'où nous vient cela
Pardonnez-moi si je me moque
De vos plus éloquents discours.
Et dites s'il fut une époque
Où l'on ignorait les amours.
Qui fut le premier sur la terre
A goûter ce précieux don ?
Pour capitale eût-il Cythère,
El pour monarque Cupidon ?
(jrave science !
Trop grave science !
Je n'ai pour cela plus d'insouciance.
Oh ! la la !
Dis-moi, si tu peux, d'où nous vient cela.
LA CHANSON
No vous creusez pas tant la tèlo
A chercher un savoir bien vain ;
Soye-z plutôt toujours en qutHe
De chanson, d'amour et de vin.
Mais pour apprendre à les connaître
Ke remettez pas à demain,
Par eux vous comi)rcndrez peut-être
L'origine du genre humain.
Gravfï science !
Trop grave science !
Je n'ai pour cela plus d'insouciance.
Oh ! la la !
Dis-moi, si tu peux, d'oii nous vient cela.
Louis Bogey.
EGLOGUE
Des chagrins fuyant la cohorte.
Et nos jambes à notre cou,
Nous nous dirigeons vers Saint-Gloud
iiù tous deux l'amour nous transporto.
De ce parc où la l'oulc abonde
Craignant peu les g;iis tourbillons.
Tout ;i nos rêves nous alliims
.Sans nous inquiéter du monde.
Celle que je n'ose nommer
Entendit de moi douces choses...
J'ai chitïonné les rubans roses
Qu'elle avait mis pour me charmeur.
Pour ravir au sort inconstant
Un peu de bonheur éphémère,
Retournons! retournons, ma cliére
« Où nous nous sommes aimés tant. »
F. Mariette.
BIBLIOGRAPHIE
L'éditeur (Juniitin publie un volume de Charles
Jourdan : Croijiii.s ali/ériens ; croquis, en ellél, mais
enlevés de main de iuaitn^ et ayant le double attrait
de la vérité et du charme. (Je livre sera le compa-
gnon obligé du voyageur en Algérie ; mieux que le
meilleur guide, il iiiilicra h? touriste aux mœurs,
coutumes, caractères des liiiréreutcs races (|\ii vivent
sur le sol algérien; iiour c.rux qui coiiuaissriil notre
colonie, ils retrouveront eu le lisant leurs èiiiolions
premières et les multiples impressions que l'ait naî-
tre ce pays du soleil.
VercingétoriXi par Edmond Cottinet.
L'éditeur Caïman Lév^- juiblie un nouveau volume
d'Edmond CottincU, Veirijujétofix, drame en prose.
Los éloges n'ont pas dl\ manquer à l'auleur pour
cette œuvre saine et forte marquée au bon coin et
dont quelques scènes ont une grandeur incontes-
table.' Trouvera-t-on un directeur assez ami de l'art,
du vrai, pour monter cette pièce ? Je ne sais, mais
en attendant il faut la lire. Do pareilles œuvres font
du bien, arrivant après 1N-4.NA et d'autres ordures du
même genre.
Une préface, qui n'est pas le morceau le moins
délicat du volume, expose avec esprit la pensée de
M. Cottinet, pensée française et patriotique par
excellence.
Georges Murât.
■.EKEIVDES SACREES, - par Evariste Carrance
— Agen, 1880.
L'auteur de ce livre, indigné par le dévelop-
pement croissant d'une littérature dépravée, a voulu
réagir en donnant au peuple des histoires édifiantes.
Ces histoires, il les a facilement trouvées dans le
livre superbe qui, depuis tant de siècles, fait l'ad.
miration des penseurs et des poètes : la Bible. M.
Carrance, tantôt en vers, tantôt en prose, a rajeuni
ces légendes terribles ou charmantes qui ont
inspiré tant de chefs-d'œuvre. Son livre ingénieux
et attrayant est surtout honnête, et ce n'est pas un
mérite mince, par le temps denatnralisme qui court
l,ES BEAUX JOURS nTIW POÈTE, - par Hippo-
LYTE BUFFENOIR. — Paris, Ghio.
Le poète Rodez rencontre, dans un salon, la ba-
ronne de Bragela. Un refrain de romance goûté par
tous deux décide de leur avenir. Rodez demande un
rendez-vous qu'on lui accorde sans liésiter. Il triom-
phe, et ce sont alors dans Paris et dans les bois
environnants mille charmants pèlerinages d'amour
comme tous en ont laits. . . ou rêvés. Lu baronne a
un mari qui l'a quittée pour vivre avec une canta-
trice. Mortellement blessé en duel, ce mari recom-
mande ingénument sa femme à Rodez, et le poète
jure de consacrer sa vie tout entière à l'ex-baronne.
Episode très romanesque, sans grande invention,
mais écrit dans un style briUanl, gracieux et con-
vaincu.
1.E COO ET I.,.* POI'I.E, — proverbe en uq acte. —
par Louis Bogey. — Paris, OllendorlT.
Les revendications récentes d'un bruyant groupe
féminin ont inspiré cet ouvrage, léger de fond et de
forme.
Une femme, exaltée par les déclamations de la
réformatrice Scholaslique Schelmine. néglige son
ménage et prétend contraindre son mari a l'obéis-
sance passive.
On apprend bientôt que Scliolastique a disparu
avec l'argent versé par ses naïves adhérentes. Suffi-
samment édifiée, l'épouse s'humilie devant l'époux
qui pardonne. — Scènes alertes, agrémentées de
bons couplets.
H. L.
L'auleur des Poèmes de la RétoUctioii, Emmanuel
des Essarts, dans un article intitulé : La poésie en
1879, commence par les lignes suivantes :
«... D'abord salut aux poètes inconnus d'hier qui
sa révèlent avec de sérieuses promesses de talent.
Nous serons toujours des premiers à leur tendre
>ine main fraternelle. Ainsi M. Augustin PoUet,
encore inégal et inexpérimenté, nous décèle des
(jualiiés natives et charmantes dans ses Brises bas-
séennes. Le titre est singulier et fait allusion à un
pays bien peu connu, à un bourg obscur du dépar-
tement du Nord. Mais on piisso sur le titre, quand,
en ouvrant le livre, on débute par un « programme »
plein d'originalité, surunrhythme neuf et dansant :
Quelquefois peut-être Archiloque et Dante,
Pourront inspirer à mon àme ardente.
Une œuvre terrible, amère et grondante.
Comme un bruit
D'enfer dans la nuit.
Toutes les stances qui suivent sont empreintes
de grâce et de fraîcheur : La première Hirondelle,
Penchant du cœur, la Source surtout, V Inexprimable,
Vision, En songeant à l'Hiver, le Passé et l'Avenir. La
Chanson d'Automne, par sa verve et son aisance
LA CHANSON
rhythmique, rappelle les tours de force de Panard et
de Béranger. Akx Chênes de la France! cette invoca-
tion qui termine le volume, fait alteiadre un penseur
dans ce bucolique gracieux et ingénu. Au reste,
deux ans avant de publier les. Brises dasséennes,
M. PoUet avait fait paraître les Souzenirs de la guerre.
Les sonnets qui composent ce volume sont d'une
correcte et solide facture. Les beaux vers n'y man-
quent pas. Nous trouvons pourtant plus d'origina-
lité daos ces stances idylliques qui ne quitteront pas
notre bibliothèque. Le Triomphe d'une Impure, du
même poè'e, e?t un dram-e vivement dialogué, mais
qui n'a pas non plus l'accent personnel que je crois
avoir saisi dans ces paysages de la Bassée :
Oh ! les vols d'oiseaux dont la trace fume,
Les grands peupliers baignés par la brume,
Les clochers pointus dont le coq s'allume.
Les châteaux
Couvrant les coteaux.
(Journal le Midi.)
CHRONIQUE DES CONCERTS
Samedi dernier, le concert de la Sc.vla. nous con-
voquait à la première représentation d'V/i cocher qui
suit les bonnes, opérette en un. acte de M. Jouhaud,
musicpie de Germain Laurens. D'une donnée qui
n'est pas neuve, l'auteur a su tirer une petite pièce
très amusante, qui ne serait pas du tout déplacée
sur la scène d'un de nos théâtres de genre. La mu-
sique fraîche et originale -<le M. Germain Laurens u
largement oontribiié au bon accueil fait par le public.
M. Bienfait, dans le rôle du cocher, est un typ(,>
très réussi, et Mlle Zélia est une soubrette que l'on,
suivrait volontiers sans être cocher.
A roccasion de la fèto du 14 juillet, deux chansons
patriotiques ont été créées :
A la Bastille ! paroles de M. Le Rouland, musique
lie M. do l^eiehenslein, chantée par Mme Patry.
les Drapeaux de la RépiMique, paroles de Villemer,
musique de Gh. Pourny, chantée par M. Debailleul.
Inutile (le dire que les auteurs et les interprètes
ont été chaleureusement acclamés. Grand succès
pour l'amusant Bourges dans une chansonnette nou-
velle, Xa crisse l'éyoutier ; MM. Bienfait, Brunet, Fer-
nand Kelm, Mmes Marguerila, Zélia et Worton se
font aussi applaudir chaque soir avec les meilleures
i-.hansonnettes de leur répertoire.
Aux A:\tUASSADEUKS, tous les soirs, (•haiisoanelles
nouvelles par MM. Libert, Arnaud, iJul'our, Reyard
et Mme Elisa Faure. Sans oublier le petit Norber,
les frères Léopold et Mlle Jenny Mills, la célèbre
danseuse anglaise.
Un nouveau concert, le Goncert de l'éioii.e, va
s'ouvrir i)rnchaiuement, avenue de la Grande Armée.
Le directeur de cet établissement, M. Fortin, s'est
assuré le concours «le M. Mathieu, ex-ténor ilc IXi-
])éra, comme régisseur-administrateur.
Parmi les artistes engagés, nous pouvons «Icja
nommer : M.'\I. Doria, Derame, Casiel, Kmilien; Mmes 1
Lemonnier, Gréty, Jlarion, etc., etc. j
Avec une troupe ainsi composée, le Concert de
l'étoile est sûr de réussir.
Nous le souhaitons de tout notre cœur.
L'abondance de copie nous oblige de remettre au
prochain numéro les comptes-rendus de I'Alcazar
d'été et du concert de la Gaîté-Rochechouart.
Alfred Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
I^a grande soirée donnée, le 30 juin, par la Lyrk
Républicaine, a été des plus brillantes et des plus
animées. A 8 heures et demie, il était impossible de
trouver une place dans la petite salle du rez-de-
chaussée du Café du Globe.
Parmi les artistes qui se sont fait entendre dans
cette représentation, nous remarquons : MM. Ray-
mond, de Ba-ta-cUui, Marty, de la Renaissance, Za-
cliarie, Gaston, Marie, Mlles .Iulia, Amélie, et une
quantité d'amateurs des Sociétés Lyriques dont les
noms nous échappent. La dernière nuit d'André
Chénier, monologue en vers, a valu de ncjmbreux
applaudissements à son interprèle, M. Marty. Une
grande tombola, composée de plus de cinquante lots,
a été tirée à la fin de la séance.
Nous félicitons particulièrement le président de la
Lyre Républicaine, M. Duchcmin, pour le soin
apporté dans l'exécution du programme, et pour son
habileté à organiser d'aussi agréables soirées.
La Jeunesse Lyrique et Dramatkjue a donné un
i;rand concert dimanche dernier à la salle Pé-
trelle.
Pour cette fois, nous n'apprécierons pas MM. "V'é-
ron et Yauris qui faisaient leurs débuts; nous leur
tenons compte de l'émotiou, et les engageons à tra-
vailler.
M. Vichet, le premier comique de la société a eu
beaucoup de succès avec : Yn'iu'cn faut -pas [dus que
ca, chansonnette comique dont il est l'auteur; dans
les Siiiles d'un premier lit, et dans 3/o7i cœur soupire.
l"ne bonne note aussi à MM. Maurice et Lallée qui
lait de leur mieux. Mme Vaillant a récité avec beau-
coup de t&lenl\e Refenant, de Victor Hugo. Les for-
faits de Pipermans, vaudeville en un acte, a été en-
levé assez lestement par Mme Vaillant el M. VicJiet;
seul, M. Gravelin(^ laissait à désirer; il chante par-
faitement le genre chauvin, mais n'a pas les dispo-
sitions nécessaire pour jouer la comédie.
Alfred Bkktinoï.
A l'Union j'acisienne (qui lient ses séances les
lundis et jeudis, ;;, rue du Petit-Pont , séance extra-
ordinaire le a juillet, avec Mmes Trélilat, .A.dèle,
Ilue, Leroy, Alexandra, Mlles Marpon, Berthe, etc.
M. Charpentier, a dit la Béwdiclion de Coppée ;
Auger, le 3/aître de chapelle, Moumoutte ; deux
nouveautés, et a peint un tableau à l'huile en 8 mi-
nutes; Karl, /e iiierattaUne; Adrien Souchet,Zrt7?c//«'
des Halles. On a tenuiné parZe Camélia, pièce en un
acte, interprétée par :\rmcs Adèle, DcsI'osse/,
LA CHANSON
MM. Jack, Deslûssez père et iils et (Juolia-Lebrelou.
Bon ensemble.
Tombola magnifique.
Piano tenu par MM. Bolle et Pradel. Un bon point
sui'loul au premier (Bolle).
X. B. Le petit Paul, âgé de 7 ans, a dit une petite
revue de la société écrite pour la circonstance par
son papa; il a été surprenant comme diction, il a dé-
taillé comme un véritable artiste.
CHOSES ET AUTRES
Notre collaborateur et ami René Ponsard a reçu
ces jours derniers la lettre suivante, que nous publions
sans commentaire, laissant à nos lecteurs et notam-
ment à nos rédacteurs biograpbes, le soin d'en ap-
précier la teneur.
«Mon cber camarade, tu trouveras peut-être éton-
nant qu'aiilieu de m'adresser directement à« la Chan-
son », je vienne le prier de me servir d'interprète au-
près do son directeur, pour lui exposer une récla-
mation, qui ne saurait trouver une meilleure place
ailleurs que dans son journal.
» Voici le lait : J'ai lu avec une certaine assiduité le
Moniteiir de la chanson, de; Ch. Vincent, et la Chanson
française do AU". Lecontc, et, dans aucune de ces deux
publications, j(! n'ai trouvé la trace du seul clian-
sonnierdontlcsœavres, sans être comparables àcelles
de Bérangcr, n'eu sont pas moins dcsœiuTesrccom-
mandables à divers titres.
« Originalité, patriotisme, gaité, tout cela se trouve
dansla chanson d'EMiLEDEBRAUX. Quelle verve hardie,
quelle alltxro décidée, quelle fougue entraînante elle
a eues la chanson frauçaise, incarnée pour ainsi dire
dans ce spirituel et vaillant lorrain ! Que le journal
de Gh. Vincent et celui de AU'. Lecoute n'aient point
parlé d'Emile Debraux, cela se conçoit; le premier
n'avait d'autre but que de miatre en Umiière les
membres vivants du Caveau, le second, lui, s'est in-
génié à exhumer de vieilles gloires poétiques : Ron-
sard, du Bellay, Jodelle etc. Quant à Olivier Bassclin
il partage le sort d'Emile Debraux : on n'en trouve de
trace nulle part.
« J'espère néanmoins que cet oubli n'est pas volon-
taire et qu'au premier jour Emile Debraux le «roi de
LA GoauETTED et Olivier Basselin «père de la chan-
son» auront leiu- place dans votre galerie de chan-
sonniers français. Philippe leroy,
Vn cIm (lovions de li> cl.anson. .
Nous accueillons avec empressement la eommmu-
nicatiôn suivante :
SOCIÉTÉ ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
« L,a POMME»
Fondée le 12 avril 1877 entre Bretons et Normands
Monsieur,
— Bî vous êtes xin homme
Plein d'une franche aménité,
^^Vous ferez la publicité
Du prochain concours de la pomme.
Lisez notre programme. — En somme.
Il n'est pas trop mal arrêté :
Par vos soins, il sera fête
De la Loire jusqu'à la Somme.
Deux grands noms, Surcouf et Flaubert
Frapperont l'écrivain disert,
Prêt à batailler de la plume.
A nous, chansons, sonnets légers !
Que le marin même résume
La grande pêche et ses dangers 1
Au nom de la Commission de la Pomme
et pour le Secrétaire général,
Armand Datot, Breton,
Le Secrétaire adjoint Trésorier,
Emile Asse, Normand.
■i' CONCOURS LITTÉRAIRE ET POÉTIQUE
le Dhnancke ii) août ISSU
A rÉCAMP
Le premier concours littéraire et poétique ouvert
par la Société c la Pomme » s'est tenu à Caen; et, si
le second, à raison de circonstances exceptionnelles,
s'est tenu à Paris, il n'en avait pas moins, pourehef-
lieu officiel, Nantes.
(^ette année, les Pommiers comptent se rendre à
Fôcamp, le Dimanche 29 août prochain.
Entre autres mesures prises pour organiser elTec-
tivement en cette ville une fêle digne des précé-
dentes, « la Pomme » annonce, dès aujourd'hui, son
troisième concours littéraire et poétique.
Go concours comprend quatre parties, dont deux
pour les vers et deux pour la prose, savoir ;
1° SURCOUF, Poésie d'environ 200 vers.
2° FLAUBERT, Etude en prose sur sa vie et ses
œuvres ;
3» Chanson, Sonnet ou Ballade, sur un sujet
breton ou normand ;
i° Mémoire sur les moyens d'améliorer la con-
dition des populations maritimes normanno-
brelonnes qui s'occupent de la grande pêche.
Une commission, dont la composition sera ulté-
rieurement indiquée, aura soin de s'adjoindre, avec
voix consviltative, les hommes les plus compétents
sur une des questions vitales de notre marine fran-
çaise.
Le prix d'honneur, un objet d'art, sera décerné à
la meilleure des œuvres couronnées. Les autres lau-
réats recevront, suivant leur mérite, une médaille ou
une mention honorable.
Les manuscrits, revêtus d'une devise, non signés et
sous pli cacheté, seront reçus au plus tard le dix du
mois d'Aoïit, soit chez M. Armand Dayot, secrétaire
général, 3, rue de Valois, soit chez M. Emile Asse,
trésorier, 14, rue de Maubeuge. Une enveloppe égale-
ment cachetée, contenant le nom de l'auteur et
reproduisant extérieurement la divise, devra accom-
pagner le manuscrit.
Laques lion distincte d'un concert breton-normand
a été réservée pinr l'automne, mais n'est pas aban-
donnée.
80
LA CHANSON
LE HAMMAM
En entrant on pourrait se croire
Transporté dans un beau palais,
Comme on en dépeint dans l'histoire,
Turco, Chinois ou Japonais;
Joignez-y tout le confortable
Anglais, Français, Américain,
La découverte'est admirable.
Et tant de luxe pour un bain I
Français, Etrangers, accourez
A la fontaine de Jouvence !
Au Hammam vous retremperez
Les ressorts de voire existence,
A la fontaine de Jouvence,
Etrangers, Français, accourez I
Partout des dorures, des glaces,
Et des arbustes et des fleurs.
Au plafond de riches rosaces
Renvoyant de douces lueurs ;
Non 1 Soliman pour Roxelane,
Certes, n'aurait pas trouvé mieux ;
C'est digne en tout d'une sultane
Oue cet Eden rêvé des dieux 1
Français, Etrangers, etc.
Arrivons d'abord au passage
Des trois étuves à l'air chaud ;
Vous ruisselez 1 puis le massage
Vous travaille de bas en haut !
Roulé, pétri comme farine,
Bien qu'on vous ait mis à l'envers,
Vous n'avez plus la même mine.
Souples comme gants sont vos nerfs
Français, Etrangers, etc.
Après, on vous désarticule,
Bien fort on fait craquer vos os,
Vous imprimant une bascule,
On vous retourne sur le dos;
La friction est vive et bonne,
Le frottage est dru; largement.
D'un bout à l'autre, on vous savonne.
Tout cela merveilleusement 1
Français, Etrangers, etc.
Mais il vous faut encorla douche,
Et lorsque le jet est parti.
Ouvrant toute grande la bouche.
On crie: Ah ! diable ! ah 1 sapristi;
Enfin, sortant de la bassine.
Des frimas vous faites raison,
En gagnant vite la piscine
Oii vous plongez comme un oison 1
Français, Etrangers, etc.
Dessous la glace Cardoville,
Sans craindre, filets hameçon,
On passe, on nage, oq file, on file.
On glisse, tout comme un poisson;
C'est finil vous êtes à l'aise.
Vous vous sentez tout allégé.
Le teint rose comme une fraise
Et tout votre être dégagé I
Français, Etrangers, etc.
En s'étendant avec délice
Sur un oriental divan.
Vous vous payez un armistice,
Vous prélassant comme un sultan ;
On dit que, blanc comme l'albâtre,
On devient un homme tout neuf,
Avec de l'entrain comme quatre.
Sans compter un appétit bœuf I
Français, Etrangers, etc.
Pour vous substanter à votre aise.
On vous sert les mets les plus fins.
Bien cuisinés, chauds comme braise.
Arrosés par les meilleurs vins ;
Si l'on dépose la fourchette.
Se sentant parfois esseulé.
On peut fumer la cigarette.
Le londrès ou le narghilé !
Français, Etrangers, etc.
Vous voyez 1 C'est une merveille.
Que ce Hammam réparateur,
Quoi 1 se faire tirer l'oreille.
Dans un but régénérateur;
Allons donc ! Ce n'est pas probable,
A Paris où l'on prise tout,
Paris, la ville incomparable
Pour l'esprit et pour le bon goût !
Français, Etrangers, etc.
Avec le Hammam, plus de rides.
Plus de douleurs, plus de chagrins.
Plus de pleurs, donc, plus de suicides,
Les jours redeviennent sereins;
La vie ira sur des roulettes,
Enterrés, tous les embarras 1
Mais seulement, gare aux boulettes,
Le Hammam n'en préserve pas 1
Français, Etrangers, etc.
On prétend qu'au Sénat, en somme,
Conservateurs, Républicains,
Ont tous voté comme un seul homme,
Pour s'inscrire à ces fameux bains ;
Dam 1 quand on est inamovible,
Qu'on ne craint pas les coups du sort,
On peut se juger infaillible,
Et l'on fait la nique à la mort I
Français, Etrangers, etc.
Vous penserez : Pourquoi de femmes.
Votre programme ne dit rien?
Ehl pardon! Le côté des dames,
Figure au Hammam Parisien ;
Seulement, pour plus de prudence,
Afin d'éviter les erreurs.
Le beau sexe a sa résidence,
Un peu plus bas . . . loin des dineùrs !
Etrangers, Français, accourez,
A la fontaine de'Jouvence,
Au Hammam vous retremperez
Les ressorts de votre existence,
A la fontaine de Jouvence,
Etrangers, Français, accourez !
Eugène Carlos.
41
Paris. — Imprimerie L. Uugonis et C'^, 6, rue Martel.
A. PATAY, Directeur-Oérani.
2" ANNÉE.
N° 11.
lO CENTIMES.
24 JUILLET 1880
LA CHANSON
Directeur-Gérant .
A. PATAY
La chanson est une forme ailée et
ctiarmante de la pensée. Le couplet
'est le gracieux ftère de la strophe*
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Médactiott
MAXIME GUY
Annonces, la ligne.
Réclames, —
Lâchanson, comme la ba^onnetts
est une arme française.
J. CLARETIE.
.ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
■liaient' des Chamonniers : P-J. Charrin. (Eic. Isiiikht). L'n Son-
l'enir à liérnnger (A. PiTii). — La Slalue île lu ItépaliHqiir
(GiiORCBS Mln.TJ. Xeffeuillez pa, lc> rose,, paroles do Aun'.uT
Capiies, musii|uc Je L. DBuoiiTriRix. — La ttévolatiim, 2» panic
^Al'gustb Ai/Ais), — La Femme à Guillan,
(Fa,
Peuple fie Paris (Fi
(.'hunson : Comme il faut et
Hei-ue des Concerts (Alfiiko
lyrifjui's. — Onz"
Le Oit lilas, chanson-rêclai
.). — Cnriosilès de la
l faadrail (Louis XVIII). _
'). — Chronique d«s Sociétés
i ta Chanson* —
GALERIE DES CHANSONNIERS : P.-J. CHARRIN
Pierre-Joseph Char-
«IN était né à Lyon le
.2 lévrier 178!. Les ren-
seignements nous man-
^luent sur sa jeunesse
€t ses premières études
Toutel'ois, d'après ses
habitudes de style et le
genre ordinaii-ement
«ilevé de ses composi-
<lions, il est permis de
supposer que dès le
jeune âge il avait été
nourri des saines tradi-
tions de l'antiquité, et
que, malgré le trouble
4u temps, il n'avait pas
été privé d'études clas-
siques.
Depuis plusieurs an-
nées déjà il était emplo-
yé au ministère de la
guerre, à la direction
générale des subsis-
tances militaires, en
([ualité de rédacteur, de
sous-chef et de garde-
magasin de l'habille-
meut, lorsqu'une de ces
réformes dont l'écono-
mie fut au moins le
prétexte sous la Res-
tauration, le priva de sa place. C'était en ISl i. Rap-
pelé deux ans plus tard, il sévit atteint de nouveau,
vers la fin de 1819, époque où Latour-Maubourg suc-
céda à Gouvion Saint-
Gyr au ministère de la
guerre.
(Jharrin se livra dès
lors à des entreprises
commerciales auxquel-
les il dut l'aisance et,
plus tard, le repos né-
cessaire au culte des
lettres et de la poésie.
Il collaborait, sous la
Restauration, à divers
journaux politiques et
littéraires; mais ces oc-
cupations, ces travaux
sérieux ne l'empê-
chaient pas de courtiser
la muse de la chanson.
Gharrin a fait partie
des deux sociétés con-
nues sous le nom des
Dîners du Caveau Mo-
derne et des Soupers de
Moniiis. Les Diners, fon-
dés en 180G, par les an-
ciens membres des Dî-
ners du Vaudeville,
furent envahis, en 1816,
par la politique ; la di-
vision se mit parmi les
convives ; les joyeiix
repas du Rocher de Can-
cale cessèrent, et la plupart des chansonniers qui se
réiuiissaieut chez Balaine vinrent s'asseoir à la table
des Soupers de Momus, d'où la politique était rigou-
LA CHANSON
lensement bannie. Cette dernière société dura jus-
qu'en 1826.
Charrin était entré au Caveau en 18S2. Il en était
le doyen et en est resté jusqu'à sa mort le président
d'honneur.
Son bagage littéraire est très abondant. Je citerai,
sans vouloir donner un catalogue complet de ses
œuvres : Mes Loisirs, recueil de poésies ; Toiie,
poëme (1808) ; Le Rappel des dieîix (1810) ; Le Passe-
temps, chansons et poésies (1817); Album imtique
(1825). Il a écrit pour le théâtre : Les Deux forteresses,
la Forêt d'Edimbourg, Mahomet, Vingt-quatre heures
d'un duelliste, un Mariage à bout portant, etc.
Le dernier recueil qui ait été publié de son vivant
est en deux volumes format Charpentier, de 370-340
pages, avec fac-similé, portrait et quatre gravures.
Il contient ses oeuvres poétiques, c'est-à-dire les chan-
sons, les fables, les poésies diverses et cinq pièces
de théâtre en vers : Paris, 1837, Amyot et Garnier.
Gustave Aimard, en appréciant, dans le Mousque-
taire, ce dernier recueil, terminait ainsi son compte
rendu : « La vie littéraire de M. Charrin a été bien
remplie ; ses œuvres respirent une douce philosophie,
une gaité franche, sans éclat bruyant, sans effets
cherchés ; une morale douce, exemple de pédan-
lismo. »
Charrin habitait depuis 1844, à Ecouen, une mai-
son qu'un personnage éminent et fort riche avait
fait bâtir en 1784 pour Adeline, de la Comédie-Ita-
lienne. Il était ainsi du même âge que sa maison.
C'est là qu'il est mort le 2'd avril 1863. Il était mem-
bre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts
de Lyon depuis 1854, de la société littéraire et de la
société épicurienne de la même ville, et chevalier de
la légion d'honneur. Son portrait, peint par Gosse
en 1829, a été gravé par Forster. Protat qui, comme
président du Caveau, prononça sm- sa tombe quel-
ques paroles d'adieu, caractérisait ainsi son talent :
« Il a su donner à toutes ses œuvres le cachet d'une
remarquable originalité, et leur imprimer le sceau
d'un talent incontestable... Nul n'avait plus que lui
d'entrain et de verve juvénile, et nul surtout ne sut
mieux joindre aux charmes de l'esprit les précieuses
qualités du cœur. »
C'est aussi Protat qui fat chargé par la veuve de
Charrin de revoir les dernières feuilles du recueil
que le vieux pocle préparait au moment de sa mort,
lia pour titre: Testament littéraire: œuvres de
P.-J. Charrin, 2 volmnes grand in-18. Appert, 1863.
Le premier volume contient cent soixante chansons.
Quelques-unes ont eu leur moment de célébrité, par
exemple les Vérités gasconnes, dont voici le refrain :
Plus d'un gascon erre
Exagère,
Ment
Constamment,
Mais, cadédis !
On peut croire à ce que je dis,
La forme littéraire dont Charrin a revêtu tous ses
couplets ne leur enlève ni la vivacité ni l'a-propos.
Il traite avec succès les sujets les plus piquants et
les plus graves: !le vin, la morale,ila, beauté, la patrie,
l'amitié. Il excelle à saisir le ridicule.
Le Gamin de Paris, Monsieur Prudentin, Madame
Gazette, Le^ nouveau Grégoire, le Vieux Portier, ont au-
tant de gaité caustique qu'on trouve, au contraire,
d'âme et de chaleur dans Honneur ! Patrie 1 La Sépa-
ration, La Poésie, les Adieux, etc.
EUG. IMBERT.
La Chanson a donné en 1878, aux chansonniers
qui n'y pensaient guère, l'idée d'aller chaque an-
née, au 16 juillet, déposer une couronne sur la
tombe de Béranger. Deux fois déjà ce pèlerinage a
donné lieu à une manifestation très sympathique
de la population parisienne, et dont l'œuvre de la
statue de Béranger a profité. Cette année, La Chan-
son, prenant en considération le chômage forcé de
deux jours que la fête avait imposé à la classe ou-
vrière, avait ajourné au 18 juillet la célébration de
l'anniversaire funèbre de Béranger, afin de per-
mettre au plus grand nombre d'y prendre part. Son
calcul a été juste. Huit cents personnes environ
attendaient au cimetière les manifestants. Après
hommage fait au poète d'une couronne de ' fleurs
naturelles, portant cette dédicace : A Béranger, La
Chanson, L.-Henry Lecomte a pris la parole au nom
de notre journal et au nom du Comité Béranger.
Voici le remarquable discours de notre ami, inter-
rompu maintes fois par des bravos chaleureux, et
dont la péroraison a produit grand effet.
Messieurs,
Pour la troisième fois, les amis sincères de Béranger
célèbrent ici l'anniversaire de sa mort; pour la troi-
sième fois, les représentants de la France libre vien-
nent offrir au patriote disparu les fleurs du souvenir,
prélude modeste de l'hommage solennel dont un comité
républicain poursuit la réalisation.
J'aurais voulu pouvoir annoncer aujourd'hui la con-
clusion de l'œuvre entreprise sur l'initiative du journal
io Chanson, mais les faits ont trompé notre espérance :
la statue du poète national ne sera pas érigée à la date
que nous avions fixée d'abord. Peu importe; la renorii-
mée de Béranger n'est pas de celles que le temps doit
atteindre. L'essentiel est que la statue de Béranger se
fasse, et elle se fera, parce que l'ingratitude, chez un
peuple comme chez un individu, nous parait la pire des
hontes, et que nous ne voulons point de cette tache au
front de notre pays régénéré.
Je dois le dire, Messieurs, le Corriitê de la statue de
Béranger s'est heurté à des obstacles imprévus. Il es-
pérait que le nom seul du grand chansonnier suffirait à
assurer le succès de son entreprise ; ce nom, au con-
traire, a soulevé des polémiques passionnées. Contre
l'homme qui, durant toute sa vie, avait joui d'une po-
pularité incontestable, les coryphées des partis les
plus opposés ont associé leurs rancunes, et l'on a pu
voir le radicalisme bruyant tendre, pour une action hos-
tile, les mains au bonapartisme vantard et au clérica-
lisme sournois.
LA CHANSON
83
Le réquisitoire de ces associés étranges est peu nou-
veau; les critiques superficiels ou perfides le ressassent
depuis vingt ans, confondant pour les besoins de leur
cause la gaité de Béraoger avec le cynisme, les jésuites
avec Dieu, le héros d'Arcole avecle trembleur de Sedan,
le désintéressement avec l'égoïsme. Deux de leurs griefs
sont pourtant à retenir : Béranger aurait célébré l'em-
pire et préféré sa tranquillité personnelle au devoir
d'accepter une fonction publique. Or, Béranger n'a
chanté la gloire militaire du premier Napoléon qu'après
l'expiation de Saint-Hélène, et sans dissimuler son
aversion pour le despotisme impérial; il s'est, enfin
rendu simplement justice en refusant un mandat poli-
tique que son âge et son peu d'aptitude lui défendaient
d'accepter. Ce dernier trait surtout met en grande co-
lère ces prétendus amis du peuple qui se servent de lui
sous préte.xte de le servir, professent que le libéralisme
est une carrière, et acceptent toujours — par dévoue-
ment — les honneurs ou les places grassement rétri-
buées. Leur reproche na'if devient, pour qui réfléchit,
une louange très délicate à l'adresse de Béranger qui,
sans titre officiel et sans part au budget, travailla plus
que personne à l'émancipation et au bonheur de tous.
Est-ce la peine d'insister? — Le peuple, en gardant reli-
gieusement la mémoire de son poète, a fait bonne justice
d'accusations inspirées par une animosité maladroite.
On a vainement essaye de travestir les sentiments
politiques de Béranger ; la lecture attentive de ses
chansons et de sa correspondance, l'étude de sa vie
entière, prouvent irréfutablement son amour exclusif du
• régime républicain. Il le vanta, le désira, le prépara sans
relâche.
« Tous les partis, écrivait-il après 1848, tous les partis
ont fait des fautes, mais celles dont nous devons le
plus gémir ce sont les fautes commises par les républi-
cains. Je les avais prévues, aussi aurais-je voulu que la
République nous vint un peu plus tard. La Providence
en a décidé autrement. Toutefois, jemourrai avec l'assu-
rance qu'un jour ou l'autre mes vœux seront exaucés. »
Ils le sont aujourd'hui, et l'on éprouve une joie pro-
fonde à le dire sur cette tombe où reposent, unis dans
la mort comme ils le furent dans la vie, le tribun et le
poète qui servirent le mieux la cause démocratique. On
peut interroger les discours de l'un et les chants de
l'autre, un égal patriotisme y respire, et la génération
nouvelle y peut puiser encore de virils enseignements.
Nous t'admirons et nous t'aimons, o Maître de la
chanson française, parce que tu fus grand citoyen,
philanthrope sincère, poète exquis ; nous dresserons ta
statue en dépit des hypocrites multicolores, et l'honnête
peuple de Pans, guidé par son infaillible instinct, criera
au jour de ton apothéose comme il criait au jour de tes
funérailles : • Honneur ! Honneur à Béranger ! ■
Après lecture, par Mme d'Elhom, de couplets que
nous aurions voulu pouvoir publier, et quelques
mots de remerciement adressés par le directeur de
La Chanson, l'assistance a déposé nombre de bouquets
et de couronnes sur les marches du tombeau et s'est
retirée silencieusement.
En somme, cette manifestation a été ce que nous
la voulions, et nous remercions la presse de Paris
qui nous a, cette fois comme toujours, prêté le con-
cours de sa fraternelle publicité.
Nous avons été beureux d'apprendre de M. Engel-
bauer, cousin de Béranger, que les éditeurs du grand
poète souscrivaient au profit de sa statue, Mme Per-
rotin pour 'âOû francs, MM. Garnier frères pour
lùû francs. Nous les en remercions sincèrement, et,
pour enlever aux pessimistes toute crainte surl'ave-
nir de l'œuvre du Comité Béranger, nous annonçons
comme très prochaine l'ouverture du concours pu-
blic entre les artistes sculpteurs.
A. Pat AT.
LÀ STATUE DE LÀ RÉPUBLIQUE
Bien que la merveilleuse fête du U juillet soit ter-
minée, il est encore temps je crois de parler de ce
qui fut son plus bel ornement : le mommient élevé
à la gloire de la République sur l'ex-place du
ChiVleau-d'Eau.
Cette œuvre grande et forte fait non-seulement
honneur à M. Morice, l'habile et vaillant statuaire et
à son frère l'architecte, mais elle honore aussi
toute la jeune génération républicaine, et surtout la
République elle-même. Que penser, en effet, d'un
principe assez fécond pour produire une œuvre aussi
belle et pour faire sortir de la foule des jeunes
hommes capables de la concevoir et de l'exécuter'?
Nous sommes de ceux qui ressentent une juste
fierté en voyant la République inspirer des œuvres
si patriotiques.
Je me rappelle, lors du premier concours, alors
que je luttais pour dessiller certains yeux et vaincre
certains partis pris, l'étrange impression d'orgueil
que je ressentis à voir groupées dans la salle
Melpomène toutes ces œuvres plus ou moins réussies,
mais toutes ou presque toutes modelées avec
conviction et foi.
Ne nous y trompons pas, l'érection de ce monu-
ment est bien la consécration définitive de la forme
républicaine dans notre pays, et marque la date
véritable d'où part, après la conquête, l'œu-we d'or-
ganisation définitive et de progrès constant.
Ce que j'admirerai peut-être le plus dans l'œu-irre
de M. Morice, c'est l'idée d'avoir groupé ati-dessous
de la République forte, sage, triomphante, les trois
grands symboles, ZaZ^Jgrfc', l'Égalité, et la Fraternité,
et les plus glorieuses pages de notre histoire républi-
caine, dont le Lion, symbolisant le peuple fler et
calme, semble être le gardien et le témoin.
Je ne ferai pas ranal,yse critique de chaque
figure, les conditions dans lesquelles le travail
a été enlevé (c'est véritablement le mot) ne le
permettent pas ; bientôt, j'espère, on sera à
même de juger l'œu-we définitive. Pour aujourd'hui,
je me contenterai de constater que l'impression géné-
rale, presque unanime, produite par l'ensemble du
monument, est on ne peut plus flatteuse pour
M. Morice et pour ceux qui lui ont décerné le prix.
Georges MqRAi
84
LA CHANSON
N'EFFEUILLEZ PAS LES ROSES
Paroles de Albert CÂPRES. — Mosiqne de L. DEMORTREUX
A[I*ΰ moderato cob morbidezza
?IANO.
Moderato. Piacevole
^^ T\ _;i I ; „..; — I — i_ „i_; _„ n *_ j__* -
Pa-pil -Ions gra.ci .eux qui vo . lez [lar la plai . ne Deman . dant auprin_
temps ses bai .sers du ma. tin. Des bois et des près verts pha .
a.e.ri .en . ne
LA CHANSON
85
Les zéphyrs ont soufflé, les boiirgeons vont éclore ;
La fleur va s'entrouvrir aux baisers du soleil.
Et la rosée émue à la féconde aurore
Va chanter chaque jour son hj'mne de réveil.
Oh I de vos ailes d'or, papillons bleus et roses.
N'effleurez qu'en tremblant leur prisme harmonieux.
Si vous voulez jouir de leur éclat joyeux.
N'effeuillez pas les roses I
Ne les effeuillez pas, beaux papillons frivoles.
De leurs subtils parfums ménagez la fraîcheur.
Ohl ne ternissez pas l'éclat de leurs corolles
Et craignez de briser leur tendre et chaste cœur.
Dites-leur doucement ces délicates choses
Que murmurent enir'eux tout bas les vrais amants,
Mais dans vos doux baisers, ô papillons charmants,
N'effeuillez pas les roses 1
LA RÉVOLUTION
Air : Ne raillez plus la Garde cltoi/enne.
Il (•)
Tournons la page cl lisons à voix haute
De nos succès le cours tumultueux,
Et du passé pesant bien chaque faute
Instruisons-nous des faits de nos aïeux
Plus discoureurs que tribuns énergiques,
Les Girondins jaloux des Montagnards
En soulevant d'ardentes polémiques
Du royalisme aiguisent les poignards
Mais les faubourgs, où la colère gronde,
Aux Montagnards loin de taire défaut,
De l'Assemblée arrachent la Gironde
Pour la jeter mourante à l'échafaud.
Tout est debout. La Montagne s'enflamme,
Cratère humain, moderne Sinai,
De ses décrets que la foudre proclame
Du Nord au Sud le monde est envahi.
Esprit nouveau, sa volonté domine.
Au nom du peuple, au nom de son salut.
Son comité juge, frappe, extermine
Tout ce qui peut faire obstacle à son but.
Dans le creuset de la pensée humaine
Tout se refond, arts, sciences et lois,
En embrassant dans son vaste domaine
Tous les devoirs ainsi que tous les droits.
Aux sections, aux clubs, à la Commune,
Fort de ses droits, nuit et jour de planton,
Le peuple, maître, acclame à la tribune
Marat, Saint-Just, Robespierre et Danton.
Quel deuil déjà plane sur la patrie.
Que, sans faiblir, sans cesse il défendait,
Marat, du peuple objet d'idolâtrie.
Meurt sous le fer de Charlotte Gorday.
(*) Voir, pour la pr.
n» 9 de La Chamor'.
partit
patriotiriae rondeau, le
Malheur à qui doutant de son courage
S'arrête en route à la tiédeur enclin !
Les noirs pensers d'un funèbre présage
Font reculer Danton et Desmoulin.
Des factions la fureur acharnée
S'élève encor dans la Convention,
Puissance occulte, étrange destinée.
Qui va trahir la Révolution.
Craignant pour eux le veto populaire.
Qui des impurs fait une ample moisson
Les réacteurs lancent sur Robespierre
Le hors la loi qu'exécute Sanison.
Le tocsin sonne, à l'ardente Commune
Les sections se rangent en deux camps.
Hélas ! quel sang versé par la fortune
Va donc éteindre un de ces deux volcans '/
Ce sang choisi, que la vertu révère.
Va couler pur, vierge do tout efl'roi.
Viens, peuple aveugle, applaudir au Calvaire
Où les tribuns sont immolés pour toi.
Hardis soutiens de la cause publique.
Ils sont tombés, et le neuf Thermidor
En eux a vu périr la République
Dont ils guidaient l'irrésistible essor.
Dans ces tableaux que nul autre n'efl'ace,
G liberté I quels feux lu recelas !
Tes fils sont morts, voile la sainte face,
« A^oici venir le Corse aux cheveux plats » (1)
En déroulant tes mille caractères.
Livre immortel où sont inscrits nos droits,
Inspire nous, Bible des prolétaires.
L'amour du peuple et la haine des rois.
Auguste Alais.
-♦
La Femme de Guillaume
Musique à faire.
De Guillaume je suis la femme.
Il m'aime autant qu'au premier jour,
J'en suis fière et je le proclame.
Et pour lui seul est mon amour.
La chose semblera nouvelle
A bien des dames d'aujourd'hui,
Mais quand il n'est pas avec elle.
Sa femme ne pense qu'à lui.
Quand mon mari, la tète haulf,
. Passe partout sans nul aflront.
Je ne veux pas que, par ma faute,
La honte, un jour, courbe son front.
S'il n'a pas les mains aussi fines
Que ces gommeux, ces avortons
Qui se tournent et font des mines,
En ricanant sur tous les tons;
(1) Vers d'Auguste Baibiei.
LA CHANSON
Si nulle peau d'aucune leinte
Ne rend ses doigts plus élégants,
Le travail leur laisse une empreinte
Plus honorables gue des gants.
Quand mon mari, etc.
Cliaque matin, plein de courage,
Guillaume, plus heureux qu'un roi.
Court tout joj-eus à son ouvrage.
Content de travailler pour moi ;
Et lorsque arrive sa quinzaine.
Il me remet tout son argent,
A moins, parfois, qu'il n'en retienne
Une part pour quelque indigent.
Quand mon mari, etc.
Quand il me promène à la ville.
Par les squares, les boulevards.
Je vois bien plus d'un inutile
Me provoquer de ses regards ;
Les grands nous traitent de canaille
Et voudraient gâter notre sang :
Je suis du peuple qui travaille,
Notre place est au premier rang.
Quand mon mari, etc.
Depuis quelque temps on observe
Que, pour finir enfin leurs maux,
Les femmes veulent, sans réserve.
Qu'aux hommes leurs droits soient égaux.
Je fais des vœux pour leurs réclames;
Mais il est un droit moins suspect,
-C'est celui des honnêtes femmes :
Ce droit, c'est le droit au respect.
Quand mon mari, etc.
Peut-être dans notre ménage
Bientôt viendront, pour l'égayer.
Quelques marmots au doux visage
Qui riront autour du foyer;
Et de l'exemple de leur père
Quand les garçons profiteront.
Nos filles, imitant leur mère,
A leur tour comme moi diront :
Quand mon mari, la tète haute,
Passe partout sans nul affront.
Je ne veux pas que, par ma faiite,
La honte, un jour, courbe son front.
Faucblé.
DIXIÈME CONCOURS MENSUEL DE LA CHANSON
31= Prix
tE PWPtE BE FÂM
Fils du travail, debout, pour rendre hommage
A ces héros, nés du sang- des Gaulois,
Qui, pour détruire un ocTieux servage.
De nos tyrans ont su braver les lois.
Levez vos fronts, vous n'avez plus de maître,
Mais si les rois n'étouffent plus vos cris ,
. Si, sous le fouet, nul ne veut se soumettre ,
Vous le devez au peuple de Paris 1
Toi, paysan, qui dans les vastes plaines,
■ Gai, radieux, creusant l'àpre sillon.
Peux, libre et fier, ayant brisé tes chaînes.
Mêler tes chants aux plaintes du grillon;
Si, désormais, récoltant sans entrave,
Tes droits, ton bien ne te sont plus ravis;
Si chez toi l'homme a remplacé l'esclave;
C'est grâce encore au peuple de Paris !
Bourgeois sans cœur, amoureux de l'orgie.
Qui du passé perdez le souvenir;
Etres repus, à la face rougie.
Suant la peur au bruit del'avenir;
Si, contre vous, il n'est plus de bastilles.
Pour comprimer vos grossiers appétits;
. Si le pouvoir n'outrage plus vos filles,
. Vous le devez au peu.ple de Paris !
Lorsque vaincus, oubliés sur la terre.
Nus, sans soutien, errants à l'étranger,
Des exilés souffrent peine et misère
Loin du pays, qu'ils rêvent de venger;
Alors des fils de l'antique Lutèce,
La grande voix parle pour les proscrits :
« Pitié, dit-elle, lis sont dans la détresse! »
Voilà, voilà, le peuple de Paris 1
Viaauban (Var).
Ferdinand Bérenguier.
Curiosités de la Chanson.
COMME IL FAUT ET COMME IL FAUDRAIT
Bien riche et bien égoïste.
Ignorant, bavard et sot.
Jusque dans ses plaisirs triste :
Voilà l'homme comme il faut.
Aimant l'or pour le répandre
Où le besoin paraîtrait.
Modeste, vrai, doux et tendre:
Voilà comme il le faudrait.
Toute à la mode nouvelle,
A son mari parlant haut.
Eloignant ses enfants d'elle :
C'est la femme comme il laut.
Leur donnant selon leur âge
Et ses vertus et son lait,
Soumise, économe et sage :
Voilà comme il la faudrait.
Louis xviii
REVUE DES CONCERTS
Eldorado.
Saint au Drapeau ! de M. Alf. Honoré, interprété
par Victorin, a obtenu un véritable succès.
La Chanson du fer, de M. Emile Goujet, excellente
musique de Paul Henrion, est interprétée par
Mlle Amiati avec tout le talent qu'on lui connaît;
cette œuvre est digne du succès qu'elle obtient.
Mlle Pazzotti se fait applaudir dans Doux échos,
paroles de Courtes, artiste de l'Ambigu bien connu
pour ses créations originales au théâtr.e..
LA CHANSON
87
Mlle Duparc, toujoui's charmante et gracieuse, a
une fois de plus obtenu les bravos du public dans
Bonne fille, de Delorniel, musique de Paul Henrion.
Mlle Daily dans Botijowr, Amour ! de Villemer, a
su se faire applaudir.
Mlle Berthier à détaillé d'une façon charmante
le Chemin des Amours, paroles de notre ami J.-B. Ro-
binot, musique du regretté compositeur Auguste
Mallet.
M. Velly et Antony ont créé avec un égal succès
l'un NaturelVment, l'autre Lettre d'un jeune marié.
Le 7 août, rentrée de Mlle Bonnaire.
Cette semaine n'a pas été bien fructueuse, et nous
n'avons guère de nouveautés à signaler.
A la ScàLA, une seule chanson a été créée par
Mme Patry ; dans les autres concerts identiquement
la même chose.
Aux Ambas.sadeurs, toujours Psitt, psitt par Li-
Lerl et Tpsiboé, par Mme Elise Faure. Les cris de la
rue, la spirituelle saynète de MM. Baumaine et Blon-
delet, tient l'affiche avec succès.
A I'Alcazar d'Ktic, rien non plus ; h; refrain de la
Sœur de l'emballeur est répété comme par le passé,
avec frénésie par Mlle Demay et lou.s les spectateurs.
M. et Mme Alfred se font aussi applaudir avec leurs
chants et danses excentriques.
A la Gaité-Rocheghouart, la chanson patriotique
de MM. Rauland et Relchenstein, A la Bastille,
chantée par Mme Valu, oljliont le même suécès qu'à
la SCALA.MM. Raulin, Marquetti et Chalande attirent
chaque soir le public avec les bonnes chansonnettes
de leur répertoire.
Pour aujourd'hui, plusieurs concerts annoncent
des pièces et chansonnettes nouvelles ; nous espé-
rons donc donner samedi prochain une chronique
im peu plus intéressante que celle-ci.
Le 13 juillet a eu lieu l'inauguration du Cal'é-
Goncort promenade de L'Orphêum, place de la Répu-
blique, sous l'habile direction de M. Goudsoime,
nous en reparlerons prochainement.
Les Folies-Saint-Martiii continuent avec activité
leurs travaux de transformation; l'ouvi^rture aura
lieule 14 août. "Alfred Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le 13 juillet a eu lieu, dans les salons de M. Mer-
cier, au Palais- Royal, le premier Bal de nuit d'une
Société Lyrique, q\ii n'inaugurera néanmoins ses
séances que le premier dimanche de septenilire dans
la même élablissenieol, mais qui a tenu à honneur
d'avoir ce jour reinanjuable pour dale de fundalion.
Elles'mUtule /ci."'rv/'''', nom qui dit liien ee qu'elle
veut être et ce qu'cll,- scr.i, <i ses vaillaiils fondateurs
persistent, comme iliaul. lespérer, dans l'accomplisse-
ment de la tâche qu'ils se sont donnée, Q,a.T: le Foyer
sera une heureuse innovation.
Nous nous bornons aujourd'hui à souhaiter la bien-
venue à cette nouvelle société, et nous nous plaisons
à considérer son premier bal comme le présage d'une
réussite certaine. ,
Dans un petit intermède de chants, nous avons
applaudi MM. Louis Boy et Paul David, jeunes.
sociétaires qui promettent pour l'avenir et Mlle Jo-
séphine D., membre d'honnem-, qui chante de la
manière la plus sympathique et avec beaucoup de
sentiment.
Malgré la grande chalem-, salle assez bien garnie-
lundi dernier à la Fantaisie Lyrique, 166, boule-
vard Magenta. La séance est ouverte par Gentil Prin-
temps, morceau de piano à quatre mains, exécuté
par Mme Pauchet et sa petite élève, Mlle Jeanne,
âgée de 3 ans 1/2. Grand succès pour M. Vaast, dans
Les suites d'un premier lit; Mlle Marguerite se fait
vivement applaudir avec La première feuille el La
jeune fille et la fieur. La petite Charlotte chante La
fille à Poivrier d'une façon très amusante. Mention-
nons aussi MM. Victor, "Cabaret, Cooper et Callebert,
qui ont eu leur part de bravos. Le bout de l'an de
l'Amour, comédie en un acte, a'été enlevé à peu près
convenablement par MM. Paul Fontaine, Delsériès
et Richard.
Il serait injuste d'oublier le pianiste de la Fan-
taisie Lyrique, M. Thibou, qui compose de jolies
mélodies et accompagne les chanteurs avec talent.
Alfred Bertinot.
La Lyre Amicale de Paris, dont le siège est au
Grand 'Café Pygmalion, boulevard Sébaslopol, 6,
Président Dupont, veut aussi avoir sa fête. Elle
vient d'organiser, pour le dimanche 2b juillet cou-
rant, un Grand Bauquel qui sera suivi de Bal de
nuit et qui aura lieu au restaurant de Petil-Ro-
binson, à Sceaux. Rendez-vous iiour le départ des
voitures au siège de la Société, le 2u, à 10 heures
du matin. Elle convie à cet effet toutes les Sociétés
et leurs invités.
Souscription : Pour le Déjeuner à l'arrivée à
Sceaux, 1 fr. oU.
Pour le Banquet, à K heures du soir, G fr.
Invitation gratuite au B.il de nuit qui suivra le
banquet. — Retour par les voitures retenues par la
Société.
Le Cercle Mozart donnera, le samedi 31 juillet, à
11 heures précises, un grand Bal de nuit au Salon
des Familles, 40, avenue de Sainl-Mandé.
Nous publierons, dans notre prochain numéro, le
compte-rendu complet du concours dramatique et
de diction des Sociétés Lyriques.
La distribution des Médailles et Diplômes' aura
lieu le jeudi 19 août. Salle des Sociétés Lyriques,
23, faubourg du Temple.
ONZIÈME CONCOURS MENSUEfr
Ouvert du 20 juillet au 20 août.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
A l'avenir nous publierons, en même temps que
la pièce qui aura ohtenu le l^ prix, une petite no-
tice et le portrait de l'auteur couronné, s'il y consent.
Nous publierons, dans notre numéro 12, le résultat
de notre onzième concours mensuel.
Nous souhaitons la bienvenue à notre nouveau
confrère la Gazette Lyrique, dirigée par notre ami
Gedhé.
Les Belloninf, négros-burlesquefe, et la troupe
■Walton, composée de chiens et de singes parfaite-
ment dressés, excitent chaque soir la vive hilarité du
public des Folies-Bergère. Prochainement, à ce
théâtre, aura lieu la première représentation d'un
nouveau divertissement intitulé : La Tarentule.
LA CHANSON
GrIL BL.A.S
Journal quotidien d'Informations, d'Actualités, Littéraire, Politique
DE SPORT. DE FINANCE, DE SCIENCE
I3IRECTEUR : ^^. IDXJIVIOIVX
Le voilà, le GIL B LAS, Ah! Ah! Ah!
Je suis Gil Bios, je m'en vante.
— Vous me reconnaissez bien?
J'ai toujours mine avenante,
Je ne doute de rien.
Gai, rieur et fantaisiste.
Je veux augmenter la liste
Des Gazettes de bon ton...
Et j'ai déjà grand renom.
C'est Gil Blas ! le voilà !
Ab ! Ah ! Ah 1
Quel succès ! lisez ça !
Ah ! Ah ! Ah !
Chacun l'achètera.
Ah ! Ah ! Ah !
Et l'on s'abonnera
Ah 1 Ah ! Ab !
II
Du nord au sud, on acclame
Et ma verve et ma gaité ;
Je vous le dis sans réclame,
En tout lieu je suis fêté.
Je sais tout ce qui se passe
De lugubre ou de joyeux.
Et je traverse , l'espace
Avec le DiaMe boiteux.
C'est Gil Blas ! le voilà !
Ah ! Ah ! Ali ! etc.
III
Jamais je ne fus maussade
Et je veux vous divertir,
Car je suis le caniarade
De l'amour et du plaisir.
Je fais de la politique,
Mais on peut être certain
Qu'en bon français je me pique
D'être franc républicain.
C'est Gil Blas ! le voilà !
Ah ! Ah ! Ah ! etc.
IV
Boulevard des Capucines
Numéro dix, à Paris,
Se trouvent les officines
Où naissent tous nos écrits.
La besogne n'est pas mince.
Et vous allez en juger :
Nous embrassons la province,
Paris, Nice et l'étranger.
C'est Gil Blas ! le voilà I
Ab ! Ah ! Ah 1 etc.
Les Théâtres, la Finance,
Et les Faits les plus divers,
VIndtcstrie et la Science,
Les Romans, les Bruits, les Vers,
Les Cancans et les Nouvelles
De partout comme d'ailleurs.
— En voilà des ribambelles
De plaisirs, pour nos lecteurs !
C'est Gil Blasl le voilà!
Ah! Ah! Ah!
Quel succès ! lisez ça !
Ah ! Ah! Ah!
Chacun l'achètera,
Ab ! Ab ! Ah !
Et l'on s'abonnera
Ab! Ab! Ah!
PARIS. — Trois mois, 13 francs; Six mois, 26 francs; Un an, 50 francs.
DÉPARTEMENTS. — Trois mois, 16 francs; Six mois, 31 francs; Un an, 60 francs.
On s'abonne au GIL Bl^AS : Boulevart des Capucines, 4 0, PARIS.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C", 6, rue Martel,
A. PATA"y. Uireclcur-Gérant.
3» ANNÉE. — N» 18.
lO CENTIMES.
M JUILLET 1880
LA CHANSON
Directen/r-Gérant .
A. PATAY
L» chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES SAMEDIS
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction,
MAXIME GUY
Annonces, la ligne.
Réclames, —
La chanson, comme la baronnotte
est une arme française.
J. CLARETie.
IDMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN Chef
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
Galerie de» chansonniers: J-E. Aubry (Eugène B*;
Gringoire (J~T. Audry) — Ninrtte, paroles de Maxi
«ieALBKiiT Flacikrk) --Elle (Alphonsb Uffitk) -
jour: Discours d'kui délègaé masqué au Congrès
(Sosie) — Histoire dune mécanique {H. Fkhée)
xkt).
.kGuv. nuis
La chansor
- Chronique
Pierre
Concerts (M*
dramatiques
iK Guy, Alfued Beutinot) — Résultat des Concours
de diction entre les Sociétés Lyriques — Résultat da
Mensuel de la Chanson — Annonces,
LES ECHEVELÉES
Illustration de A. Ghkvin.
GALERIE DES CHANSONNIERS : J.-E. AUBRY
Quelques jours après
la Révolution de 1848,
le 12 mars, les chanson-
niers de Paris apparte-
nantaux Sociétés chan-
tantes, accompagnées
d'un certain nombre de
présidents des dites so-
ciétés, heureux de voir
la République dont
leurs refrains prédi-
saient ou invoquaient
l'avènement, proclamée
et acclamée par toute
la France, les chanson-
niers de Paris, dis-je,
eurent l'idée d'aller
faire visite àBéranger.
Le vieux poète repré-
sentait pour eux leur
chef de file républicain ;
puis, il y avait dans
l'air une joie, un enthou-
siasme immense que
chacun voulait dépen-
ser en le communi-
quant.
Le rendez-vous était
à six heures du matin
place de la Concorde.
Quand on fut une cen-
taine, on se mit en
marche, drapeau en tète et silencieusement. Après
avoir longé les quais, on arriva à Passy.
Béranger demeurait rue des Moulins, -2 (avijour-
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d'hui, rue Franklin ,
1. Trois délégués en-
trèrent dans la petite
maison aux contrevent s
verts qui n'avait jamais
vu tant de monde, et
Vinçard, levieuxSaint-
Simonien, prononça de-
vant Béranger très ému,
une allocution toute fra-
ternelle, puis il em-
brassa Béranger aux ap-
plaudissements de la
foule devenue considé-
rable. Le siège de la
maison était fait, cha-
cun serrait fiévreuse-
ment la main du poète,
l'enthousiasme le plus
sincère éclairait ces vi-
sages; Béranger sem-
blait très heureux delà
sympathie qui lui était
témoignée. Une heure
se passa ainsi, et, se re-
prenant bras dessus
bras dessous, heureux
d'avoir causé à celui
qu'ils nommaient le
grand-maître, les sol-
dats de la chanson re-
prirent gaîmentlaroute
de Paris, après avoir fait retentir ce petit coin silen-
cieux de Passy des cris vingt lois répétés de « Vive
Béranger ! Vive la République ! »
LA CHANSON
Les trois délégués avaient été retenus à déjeuner
par Béranger; c'étaient "Vinçard, Louis Festieau et
Charles Guerre. Ce dernier était un tout jeune
homme, néo chansonnier, plein d'ardeur et de foi
républicaine. Il devait à sa haute stature d'avoir
porté le drapeau sur lequel on lisait : Les clianson-
niersde Paris à Béranger, et c'est à c,e titre qu'il se
trouvait entre deux vétérans de la chanson à la
table de Béranger.
— Sommes-nous confrères, faites-vous des chan-
sons? lui dit Béranger.
— J'essaie.
— Pom" bien faire les chansons, continua le vieux
poète, il faut bien les aimer; à votre âge j'en avais
toujours dans mes poches.
— Les miennes en sont pleines, répliqua Charles
Guerre, en étalant sur la table les nomljreux cahiers
qui se publiaient alors.
— Voyons cela, dit Béranger avec un sourire d'en-
fant... Puis il lisait : Paroles de Gustave Leroy, pa-
roles de Charles Gille, ah ! ce sont les dieux de la
goguette, je les connais tous deux. Puis, continuant ■
paroles de J.-E. Aubry ; ah ! celui-ci, par exemple, il
doit y avoir longtemps qu'il chante dans l'autre
monde! depuis que je sais lire, je vois de ses chan-
sons.
— Gomment, dit Charles Guerre, mais c'est un de
mes bons amis, c'est un homme jeune encore.
En effet, le chansonnier que Béranger croyait mort
en 1848 est celui qui nous occupe aujourd'hui et qui
est encore très bien portant ; c'est Jean-Etienne Au-
bry. Il est né à Paris le 21 septembre iSlO, de pa-
rents très pauvres, dit-il. Sa mère, qui n'avait que
vingt ans lorsqu'il fit son entrée en ce monde, s'était
faite nourrice pour subvenir aux besoins de sa jeune
famille. A six ans, l'enfant fut mis à l'école mutuelle
de la rue Beauregard, la plus voisine de la maison
paternelle, pour en sortira dix ans.
Alors commença pour Aubry, comme pour tous
les enfants du peuple, la lutte contre la faim. Les
parents s'aperçoivent que les besoins de l'enfant
grandissent avec lui, et on le met en demeure de
gagner son pain. La nature lui dit : « Joue, cours,
cherche le grand air! » la nécessité lui répond :
« Travaille ! deviens machine, enferme-toi pendant
douze heures dans l'atmosphère malsaine de l'ate-
lier! »
Et quelle nourriture ! en ce temps-là on donnait
un sou et du pain pour déjeuner à un apprenti; les
patrons qui donnaient deux sous étaient cités,
c'étaient les bonnes maisons.
A dix ans, Aubry tournait une roue chez un pas-
sementier ; deux ans plus tard il était assis à l'établi
d'un bijoutier en doré de la rue Aumaire, où il resta
pendant trois ans. Au moment où son apprentissage
s'achevait, le métier était en pleine morte-saison; en
avant pour un autre ! et voilà notre grand gamin,
qui, les mains huileuses et noires sous les couches
de ponce et de tripoli qui les recouvTent, devient
polisseur chez un fabricant de couverts en métal
d'Alger, une espèce de mauvais étain cassant et
gris qui eut son heure de célébrité.
A cette époque, Aubry rimait déjà tant bien que
mal des couplets; il fréquentait les goguettes alors
très florissantes, et les succès des Emile Debraux,,
des Dauphin, des René FaiM>e éveillaient en lui le
besoin de faire entendre aussi sa voix.
A seize ans, il est mandé à la préfecture pour une
chanson ! Il a parlé dans un couplet du duc de Bor-
deaux, mais il ne l'a pas nommé et la police a cru
saisir entre les lignes une allusion au duc de
Reichstadt. Voilà le trône des rois légitimes en péril !
Quand Aubry se présenta dans les bureaux, l'em-
ployé qui attendait sans doute quelque longue barbe
grise de carbonaro, lui dit : « C'est votre père que
j'ai fait appeler. » On s'explique, et à l'aspect de ce
conspirateur, sur un vieil air de la clé du caveau, le
trône des rois venus du ciel par train direct reprend
son aplomb.
Dès ce moment, Aubry est le chansonnier de la rue
le plus en crédit; il ne laisse pas le plus petit événe-
ment s'accomplir sans rimer quelques couplets qui
sont immédiatement répétés avec accompagnement
d'orgue de Barbarie. La mode, les romans en vogue,
les pièces de théâtre, les campagnes de l'armée fran-
çaise en Afrique, voilà ses sujets.
Les éditeurs d'alors, Aubert, Sthal; les chanteurs,
Baumester, Spitalier, Rousseau, harcèlent le pauvre
Aubry. C'est toujours une chanson signée de son
nom qui figure en tète du cahier en vogue ; toute la
France a chanté :
Des palmes de la gloire,
Soldats, décorez- vous ;
Enfants de la victoire
Constantine est à nous !
Et Gaspardo le Pêcheur'' — Sa chanson a raconté ce
drame à tous ceux qui ne l'ont pas va. Quoi de plus
naïf que ce style :
Crains, Visconti, ma haine et ma vengeance ;
Toi seul as pu commettre un tel forfait ;
Le bras vengeur du pêcheur de Plaisance,
Pour t'en frapper s'armera d'un stylet.
Catharina, je punirai l'infâme.
Oui, sans trembler je serai son bourreau.
Et prierai Dieu qu'il veille sur son àme
Et sur les jours du fils de Gaspardo.
Tous les drames à la mode en ce temps là ont subi
le même sort : le Pacte de famine, Pauvre Mère! Le
Sonneur de Saint-Paul, etc.
Les sujets de fantaisie sont aussi en grande quan-
tité dans l'œuvre d' Aubry. Ce sont, le plus souvent,
des chansons morales, écrites un peu à la manière
des complaintes. Je citerai de ce nombre : VArgent
du vendu, Alfred ou les Mauvaises Connaissances, et
vingt autres.
Un jour, vers 1840, Aubry a frisé le chef-d'œuvre
en écrivant : C'est pour ma mère . Mais son instruc-
tion incomplète et son habitude de ne pas relire ses
chansons l'ont fait rester en route. Le projet est d'un
très beau sentiment et plein d'élévation; le cadre est
bien tracé; il n'a manqué à ces couplets que la
plume de Béranger ou celle de Voitelain. Le succès
n'en a pas été moins grand; il dure encore el.
LA CHANSON
91
quoicfiie cehi soit peu récréatif, il n'est pas rare, dans
les faniilles d'ouwiers, d'entendre après diner une
jeune fille chanter sur un ton qui sait que c'est
arrivé :
MoD Dieu, mon Dieu ! quelle affreuse misère !
Nous faudra-t-il hélas mourir de faim?
Moi, sans travail, comment nourrir ma mère,
De nos malheurs quand verrons-nous la fin?
Un peintre hier, en me vantant mes charmes,
M'a dit ; Venez, chez moi l'on vous paiera :
Allons poser, mais en voyant mes larmes.
C'est pour ma mère, il me respectera.
La partie la plus littéraire du recueil d'Aubry est
composée des chansons qu'il chante lui-même à ses
amis. Pierre &ringoire^ que nous donnons plus loin,
est de ce nombre. Nella, l'Heure dti déjeuner, Athènes
■n'est plus qu'un tillaye, le Xumiro treize, Dans un
coin, l'Oiseau pris au piège, et cinquante autres, sont
les œuvres d'un homme d'esprit et do talent.
Combien tout ce bagage formc-t-il de chansons?
Plus de douze cents ! C'est la vie d'un homme bien
employée, n'est-ce pas? Et puis.... va s'écrier le lec-
teur, c'est la fortune? — Ilclas ! le pauvre vieux por-
teur de lyre n'a toujours vécu qu'au joiu: le jour et
en ajoutant sans cesse un travail manuel à son tra-
vail de chansonnier. Il fut longtemps employé au
Moniteur, et depuis il fut tour à tour le garçon de
magasin de ses éditeurs, Durand, Auhert ou Roger.
( )n l'emploie à tout; vous le rencontrerez courbé sous
le poids d'un crochet contenant soixante kilos de
poésies légères, qu'il porter à la Préfecture pour
recevoir l'estampille ; en attendant que son paquet
soit prêt, il se mol dans un coin, et, son crayon d'une
niain et son petit carnet de l'autre, il écrit, car
Mme Auhert lui a dit on partant ; « Mon père Aubry,
il me faut poiu' demain matin une chanson sur l'air
de Nicolas. » Il a dit: « c'est bien! ». et, le lendemain,
à heure fixe, la commande est livrée. En voilà pour
cinq francs!... dans les bons moments. Comptez ses
douze cents chansons à ce prix — elles ont plutôt
rapporté moiiis que plus — vous trouverez 6,000 fr. ;
<'t divisez cela par cinquante-cinq années, vous trou-
verez que la littérature a rapporté à Au'bry, environ
110 fr. par an. Je pourrais citer des fabricants de
chansons de concerts, dont le bagage est loin de
valoir celui d'Aubry, qui se font dix mille francs par
an. Mais Aubry a toujours manqué de savoir-faire et
d'aplomb.
Aujourd'hui, il a soixante-dix ans; il est pauvre.
C'est triste de rencontrer ce pauvre vieux rapsode,
distribuant en plein boulevard, parfois sous une
pluie battante, d'autres fois sous un soleil qui grille,
le prospectus des déjeuners à 1 fr. 2o; il faut que
mille passants en acceptent chacun un pour que le
père Aubry ait gagné 2b sous.
Je me résume: Il est temps de pensera cet homme;
il y a cinquante-cinq ans qu'il fait des chansons
que le peuple chante. Ses chansons, naïves oiv
joyeuses, sont toujours morales; c'est une tâche
accomplie. Il est impossible que le président de la
Hépubliqne et le ministre des Beaux-Arts laissent
cet intéressant vieillard dans un hôtel sans air, qu'il I
paie difficilement, et d'où on peut le chasser ce soir.
Une place à Ivry, voilà tout ce qu'il demande!...
c'est-à-dire un lit propre et du pain! Aubry a été
soldat pendant sept ans; il a fait la campagne d'An-
vers sous Louis-Philippe; en juillet 1830, il a risqué
sa peau sur les barricades comme tous les vain-
queurs... qui risquaient leurs têtes s'ils avaient été
vaincus. Que la société paie sa dette à Anbry ; il lui
a payé la sienne !
La verve du vieux chansonnier n'e&t pas éteinte,
et son cœur de patriote n"a pas résisté devant le
grand enthousiasme de la fête du 14 juillet. Sa der-
nière chanson a pour titre : Les Drapeaux de laRépti>
Mique! toujours « chez Aulert, éditeur a et ornée d'un
dessin, quel dessin ! Eugène Baillet.
PIERRE GRINGOIRE
(I)
: Si ta i'Oav ti^s vtreimps altends à L'an prochain.
Près de la rue aux Fèves,
Bercé par de doux rêves
(Ak bon temps d'Ol/vier-le-Daim).
Un ivrogne après boire,
Murmurait en cuvant son vin :
Je suis Pierre Gringoire
Passez votre chemin.
(>(irbleu! la bonne aubaine,
Se dit un tirelaine,
S'approchant un(! arme à la main.
Voiis prenez, c'est notoire,
Mes guenilles pour du satin.
Je suis, etc.
Arrive une Aspasie
Oui vcunit d'une orgie,
Elle lui demande un quatrain :
— Madanre, j'aime croire
Que vous vous trompez d'écrivain.
Je suis, etc.
Pour enlever la fille
De Magloire Landrillc,
Allons, viens nous aider, vilain.
— Non, le père Magloire
Pourrait en mourir de chagrin ;
Je suis, etc.
Pour de prochaines guerres
Il faut des militaires,
.Suis-nous, toi qui manques de pain.
— Le prix d'une victoire
Se paye avec du sang humain.
Je suis, etc.
De Louis c'est la fête,
Viens avec nous, poète,
Viens chanter au royal festin.
— Pour célébrer s'a gloire,
A côté reste un sacristain.
Je suis, etc.
Toi qui rimes pour vivre,
Demain, veux-tu nous suivre,
Chacun de nous est Maillotin?
— Au diable l'écritoire !
Au diable sonnet et refrain!
Demain, Pierre Gringoire
Suivra votre chemin. J.-E. Aubry.
(1) Nous .
roi-ssanl, de
Je l'KdUciir TRALIN, 5,
92
LA CHANSON
LA CHANSON
93
A Mlle LOUISE BERTHIEB, de l'Eldorado.
P»TI3NrETTE
ELLE
er (')
Paroles de Maxime Gut, Musique de Albbhï Flaciére
Ni - net . t« ce fat - l'an der
lier. L'an der _ nier too _ te
nier Enchanter To. treami ft. de. la Je
vous dis on jour a ge. noui Je
1^
■oet.te ai- net . te vous soiTeae<-<ou8?
Ninclto vous avliv. soizo an>.
Seize ans, iiiademoieclle,
Vous rêviez bijoux et rubans.
Désolant votre ami fidèle.
Naïf alors, l'otais jaloux
De ma pctile blondinette !
Ninelle,
Ninette,
■\'ous souvenez-vous ?
Ninette, avril va revenir.
Va revenir sur l'aile
Du printemps qui vient rajeunir
Les près, les bois, l'ami fidèle.
Ainsi qu'au premier rendez-vous
De fleurs s'emplira ma chainbrette!
Ninette,
Ninette,
Vous souvenez-vous?
Ninette, nous irons encor,
Encor sous la tonnelle
Où nous finies le rêve d'or
Qui charma votre ami fidèle.
Vous entendrez ces mots si doux
Oui ne se disent qu'en cacholle!
Ninette,
Ninette,
Vous souvenez- voua?
Elle n'est plus, colle que j'aime! —
J'en faillis perdre la raison...
Nous étions tous deux au balcon
Quand elle tomba du cinquième.
Plaignez-moi!... Partout où j'allais,
Soit au Marais, soit à Grenelle,
Elle me lut toujours fidèle.
Et ne m'abandonna jamais.
Son amour était une ivresse,
Oui finissait par m'étourdir;
Mais, pour qu'elle brùldt sans cesse.
Il fallait bien l'entretenir!
Je fis pom'tant peu de folies
Pour elle, — car tout son amour
Me coulait, malgré nos orgies.
Tout au plus quatre sous par jour.
Des plus simples était sa mise;
Car, dédaignant la soie et l'or,
La belle que je pleure encor.
N'avait pas même de chemise!
— Finissez donc, homme immoral 1
Dit quelqu'un qui m'a pris en grippe.
— Mais, Monsieur, où donc est le mal?
Je voulais parler de ma pipe!
Alphonse Laffitte.
LA CHANSON DU JOUR
Sous ce titre, nous publierons chaque semaine une
chanson d'actiicilité. Nous faisons appel pour cela à tous
nos collaboraieurs. — Dans les couplets qui suivent,
lauteur — est-il besoin de le dire? — a voulu pasticher
les déclarations burlesques d'énergumènes répudiés par
cous les partis.
DISCOURS D'UN DÉLÉGUÉ MASQUE
ail Congrès OiiTrîer do Paria.
.\iR : Voilà ce que l'on dit de moi [La Grande Duchesse)
Ciloj'ens, je viens par principes
Démolir le bourgeois vainqueur.
— Vous pouvez allumer vos pipes,
Qa ne me fait pas mal au cœur — ■
Du travail le grave problème
Vous met en grande émotion ;
Pour me le poser à moi-même
Et trouver sa solution,
Depuis quinze ans, fier prolétaire.
J'ai déserté mon atelier...
Voilà ce qu'un bon ouvrier
Vient dire au Congrès Populaire.
(1) No
ipruntons celte pièce au vol. Les Echevelèes, publié
chez AiG. (iHio, PdUis-Rojal. 3. Galerie d'Orléans. Nous le recom-
niaiidonii à nos lecteurs, il en reste très peu d'exemplaires. L'auteur,
Alphonse Laffîtte. est un livdropale dont la réputation n'est plus à faire,
(îrévia l'a enriclii d'une charmante vignette, que l'Editeur nous a ^a-
cieiisemeni autorisé à reproduire en la grandissant. Prix du toL
1 franc.
94
LA CHANSON
Le monde — j'eu crois la science —
Est l'œuvre folle du hasard,
Tout citoyen, en conscience,
Devrait en avoir une part;
Or les riches, cohorte infâme.
Disposant des mers et du sol,
Ce cri doit jaillir de notre àme :
« La possession c'est le vol! »
Supprimons tout propriétaire
Afin d'abolir le loyer...
Voilà ce qu'un bon ouvrier
Vient dire au Congrès Populaire.
En additionnant ensemble
L'ara-ent, les bijoux des Crésus,
On trouve — la raison en tremble ! —
Cinquante milliards et plus;
Cela clairement représente
Pour le plus humble citoyen
Mille ou douze cents francs de rente.
Qui veut la fin veut le moyen :
Je proclame, de cette chaire,
Mon droit au titre de rentier...
Voilà ce qu'un bon ouvrier
Vient dire au Congrès Populaire.
La liberté, mère féconde.
Aux déshérités a promis
Le renouvellement du monde, •
Nous y travaillerons, amis.
Droits, terres, femmes et fortunes
Par nous seront mis en commun,
Pour satisfaire les rancunes
Et les appétits de chacun.
Le Communisme égalitaire
Ennoblira tout roturier...
Voilà ce qu'un bon ouvrier
Vient dire au Congrès Populaire
Les riches que mon projet vise
Sans doute se révolteront
Contre cette grande entreprise.
Nos fusils en décideront.
Poudre, dynamite et pétrole
Nous feront libre le chemin :
— L'homme accorde-t-il la parole
Au gibier que frappe sa main? —
Pour notre tâche humanitaire,
Aiguisons le fer meurtrier...
Voilà ce qu'un bon ouvrier
Vient dire au Congrès Populaire.
litsTfliflE BWE mmm
Air : Donnez-vous la peine
Étant garçon, j'ai demeuré
Très longtemps passage Vivienne.
Pour voisine, sur mon carré,
J'avais une mécanicienne.
En travaillant matin et soir.
Dans le gilet ou la culotte,
Elle grossissait son avoir,
Et c'était à qui viendrait voir
La mécanique de Charlotte.
Connaissant à fond son métier.
Ponctuelle et laborieuse.
On la citait dans son quartier.
Comme une excellente piqueuse;
L'ouvrage arrivait carrément,
Chez cette fille pas manchotle,
A titre d'encouragement.
On voulait mettre en mouvement
La mécanique de Charlotte.
Cette mécanique vraiment.
Des amateurs charmait la vue,
Car elle était soigneusement,
Par ma voisine entretenue;
Craignant de la voir se blesser,
(Ce souvenir me ravigotte),
En bon voisin sans me lasser,
Jloi, tous les soirs j'allais graisser
La mécanique de Charlotte.
Un jour l'ouvrage lui manqua,
Et ne trouvant plus rien à faire.
Cette pauvre enfant s'endetta
Avec son vieux propriétaire ;
Espérant enfin l'attendrir,
La belle supplie et sanglotte,
Mais la sommant de déguerpir.
Le sapajou voulut saisir
La mécanique de Charlotte.
La pauvrette devait beaucoup.
Mais après trois mois de chômage
Elle paya tout ça d'un coup,
Ça fil jaser le voisinage ;
Pour moi, je n'en fus pas surpris ,
Car je sus qu'un compatriote.
S'en montrant fortement épris,
Venait de payer un bon prix
La mécanique de Charlotte.
En la faisant aller trop fort
Cet acquéreur d'humeur badine,
Finit par casser un ressort
De cette admirable machine ;
Pour conclure et pour abréger,
Ce n'est plus qu'une eamelolte.
Car le temps qui sait tout changer,
A fini par endommager
La mécanique de Charlotte. H. Fénée.
CHRONIQUE DES CONCERTS
La 1™ audition de la Société des Concerts de Paris a
eu lieu au Palais-Royal, le dimanche 23 juillet, au
milieu d'une affluence considérable. Le programme
était des mieux composés et plusieurs morceaux ont
obtenu les honneurs du bis.
LA CHANSON
La Société des Concerts de Paris n'est pas tout à fait
une inconnue; deux fois déjà elle s'est fait entendre;
la 1 ™ fois, le jour de la Fête nationale, dans un grand
concert donné au Palais-Royal, la seconde fois au
Pré-Catelan dans un festival, et à chacune de ces
auditions le succès a dépassé toutes les espérances.
La Société des Concerts de Paris est composée de
200 musiciens (orchestre et chœurs) sous l'habile
direction de MM. L. Poujade et D. Thibaut. Le prix
d'entrée est fixé à 2 fr.
Nous espérons que le public parisien saura répon-
dre à cette tentative artistique faite en sa faveur et
dont le but principal est de rendre au Palais-Royal
sa vieille vogue passée. La Société des Concerts nous
promet pour ce soir samedi 31 juillet mie fêle splen-
dide avec lumière électrique Siemens, illuminations
à giorno, projections lumineuses, etc. Nous sommes
certains d'avance que pas un amateur de bonne
musique ne manquera au rendez-vous et que la ten-
tative de la Société des Concerts de Paris sera cou-
ronnée d'un plein succès. Maxime Guy.
Samedi dernier, à la Scala, a eu lieu la première
représentation de la Rue aux oies, oijérettc en un acte
de MM. SaugeretQueyroul, musique de M. Clairville
fils. Ce petit acte, riche en intrigue et eu imagina-
tion, fait contraste avec la plupart des pièces de con-
certs, qui ne sont généralement que des dialogues
sans donnée et dont les jeux de scènes font seuls lo
succès.
La musique de M. Clairville flls est charmante ;
tous les morceaux sont d'une facture peu commune ;
nous citerons connue un des meilleurs lo duo entre
Mlles Blockette et Domergue, qui a obtenu beaucoup
de succès et a été bissé. L'air de la polka liuale est
aussi très original.
Bonne interprétation par MM. Bienfait, Bérod,
Paul Bcrt ; Mmes Zélia, Ileuzé, Blockette et Domer-
gue. Grand succès pom- M. Aristide Bruant dans
Otts qu'est l'pain et la Femme, chansonnette nouvelle
dont il est l'auteur. M. Bruant cunuile les profes-
sions d'artiste et d'auteur-compositeiu- avec un égal
succès.
Le désopilant Bourges est toujours applaudi à ou-
trance ; il dit avec finesse Narcisse l'égoiitier, — la
spirituelle chansonnette de M. Emile Carré, — et
Tiens voilà Mathieu, répété au refrain par toute la salle.
M. Brunet débile avçc beaucoup d'enlrain Cinq
minutes d'entracte.
La Braise, d'Aristide Bruant, chantée par M. Bien.
fait, obtient le même succès qu'aux premiers jours.
Mlle Worlon dit Monpremier bal avec beaucoup de
finesse et de sentiment. Quoique celte charmante
chansonnette ne soit pas nouvelle, elle est encore iné-
dite ; en tous cas nous lui prédisons un brillant
succès.
Debailleul indisposé ne chante pas depuis une
quinzaine.
Aux Ambassadeurs, Les Cris de la rue, la saynète-
panorama de MM. Baumaine et Blondelet tient l'af-
fiehe avec un succès qui ne ralentit pas. Les exer-
cices acrobatiques des frères Léopold sont toujours
très goûtés. M Arnaud, le fin diseur, se fait rappel-
1er .avec Coiim^e les oiseaux, et Pour avoir la paix.
M. Libert chante La fête à Olympia avec beaucoup de
succès ; la rengaine populaire Pstt, pstt ! lui est re-
demandée chaque soir.
Mlle Jenny Mills, la célèbre danseuse anglaise, est
charmante, et les applaudissemenls ne lui manquent
pas. Le public fait aussi une grande ovation à .
Mme Faure qui chante Ypsiboé et le P'tit Jutard a\'ec
l'entrain communicatif qu'on lui connail. Le succès
du petit Norbert va toujours croissant; il est vrai que
le petit diable s'en donne la peine.
En attendant l'Omnibus la grande scène à imitation
de M. Reyar, est chaleureusement applaudie.
L'Alcazar d'Été vient de reprendre V Ecole de
Xoisij-les-Mèches, pièce à. grand spectacle, qui fut
représentée l'hiver dernier à I'Alcazar d'Hiver et à
la Scala. La nouvelle interprétation est excellente
et le succès est encore loin d'être usé.
Mlle Demay chante Qu'est-ce qui paiera la Culotte,
cl la Sœur de l'Emballeur, inutile de dire qu'elle
est comme toujom-s applaudie à outrance. Immense
succès pour Mlle Bocat dans Trac-Tric-Troc et dans
Mam'selle Flic-Flac. M. Mialet détaille très finement
V Aubade à Suzettc.
Mlles Seigneurie, Noblet, Aimée, Malroux, Nancy,
Dora ; MM. Tronchet, Chavarol, Helt, Réval et Bru-
nin ont aussi leur part d'applaudissements. Les
chants et danses comiques de M. et Mme Alfred font
grand plaisir.
La great attraction est sans contredit M. Plessis,
dans ses imitations. L'excellent artiste est surtout
remarquable dans Victor Hugo, Frédérick-Lemaitre,
Hoche et Kléber. Quand il arrive à l'imitation de
Napoléon P'-, le succès est sans égal, et les applau-
dissements frénétiques éclatent de toutes parts.
Gomme nous l'avions annoncé, l'inauguration du
Concert de la Porte-Maillot ou Concert de l'É-
toile — le titre n'est pas encore définitif — a eu
lieu il y a quelques jours.
Dans noire prochain numéro, nous donnerons une
chronique des nouveautés qui ont élé créées à ce
Concert. Alfred Bertinot.
La Société Dramatique de Récréation a donné,
dimanche 24 juillet, une grande représentation dont
le compte-rendu nous arrive trop tard ; nous le pu-
blierons dans notre prochain numéro.
La Société des Chevaliers de la Thum donnera le
samedi 7 août son grand bal annuel.
Ce bal, qui est un desplus brillants balsde l'année,
aura lieu dans la salle de Tivoli-Waux-Hall.
Les dames seront reçues pai'éeset travesties; quant
aux hommes, ils devront être en tenue noire.
Une quête sera faite au profit des pauvres de Paris.
96
LA CHANSON
CONCOURS DRAMATIQUE ET DE DICTION
Ouvert entre les Sociétés Lyriques et Dramatiques de Paris, du 27
juin au 4 juillet, Salle des Sociétés Lyriques, 23, faubourg du
Les jurys, sous la présidence successive de MM.
Georges Richard, Alphonse Baralle et Alexandre Du-
cros, étaient composés de MM Albalat, Blin, Cons-
tant, de Marthold, Giraudet, Samuel David, Théve-
net, Valaire et Valabrègues.
Voici la liste des Sociétés récompensées dans la
première partie du programme.
CONCOURS DE COMÉDIE.
jcr Prix exœquo. La Jeunesse artistique qai a inter-
prété le Caprice avec un ensemble surprenant et les
Enfants de la Seine qui ont joué les Jurons de Cadil-
lac avec beaucoup d'entrain et de distinction.
2'= Prix ex œqm, la Muse gauloise avec les Souliers
de bal et les Gais Momusiens avec Un Maitre en ser-
vice.
3° Prix, le Papillon avec les Vivacités du capiaine
Tic (7 personnages).
Des diplômes d'encouragement ont été de plus
distribués à MM. Gaston, Bergier, Rivet, Mongenot,
Boulon, Ghaillé, Alfred Pankouke , Métivet et Mmes
Mathilde, Madeleine, Hélène, Julie, Marie et Lau-
zanne.
Pour le concours de diction, il a été accordé le
premier jour, un deuxième prix «a; wquo à M. Gahen^
du Cercle artistique du dix-neuvième arrondissement,
et à M. Mayer, des Iiiséparables. Un troisième prix ex
œquo a été décerné à M. Huet, de V Union française,
et à M. Avinain, de la Capricieuse.
Dans la. séance de lundi, M. Bergier, des Enfants
de la Seine,», obtenu un deuxièiiie prix, et MM. Chail-
lié, de la Lyre joyeuse, un quatrième prix. Des men-
tions honorables ont été en outre données à M. Ja-
lade et Servais, du Cercle Musset et à M. Juvénal,
des Amis de l'Enfance.
CONCODRS DF VAUDEVILLE.
1er Prix. — La Société la Française.
1" Prix. Ex œquo. — La Société les Enfants de la
Seine et la Société VEclio des concerts.
CONCOURS d'opéretie.
1" Prix. — La Société la Jeunesse artistique.
2" Prix. — La Société des Enfants de la SeUie.
Prix spécial. — Les Joyeux amis.
Diplômes d'encouragement. — MM. Bernier, Per-
ret, Perrot, Haas, Schwab, Bek, Chaussard, Victor,
Chassagne, Monel, Julien, Gaston, Emmanuel, Per-
rot, Ch. Kock, Coupas, G. Gosset, Pourmy, Rousseau,
Pérée, Poncin; Mmes Hermine, Marie, Ernestine,
Eug. Duboscq et Mme Marthe.
CONCOURS de diction. — POÉSIE DRAMATIQUE
(hommes).
1<^'' prix. Ex œquo. — M. Bergier [Enfants de la
Seine] et M. Gahen [Cercle artistique).
2" prix. — MM. Meyer, Gouget, Pankouke et Var-
lemont.
3<= prix. — MM. Avinain, Huet et Marius.
is prix. — MM. Chaillié et P. Renoult.
Mentions honorables. — MM. Jalade, Servais, Ju-
vénal, Renier, Boverio.
POÉSIE DRAMATIQUE (dauies).
2° prix. — Mme Desfossez.
3" prix. Ex œquo. — Mmes Lucie et Jeanne Jolly.
Mention honorable. — Mlle Marie Fournier.
POÉSIE LÉaÈRE (hommes),
l»"- prix. — M. Rivet.
2= prix. — MM. Courtin et Gouget.
3e prix. — MM. Hubert et Montgenot.
Mentions honorables. — MM. Cassagne et Boulon.
POÉSIE LÉGÈRE (dames).
1'^'' prix, à l'unanimité et avec félicitations du
jury. — Mlle Vanina Vallette [Gais Momusiens].
Le Grand Journal.
Le 22 juillet, le Cercle de l'Espérance a donné sa
soirée mensuelle. Nous ne parlerons pas des danses
qui. ont duré jusqu'à dix heures du soir en dépit de
la chaude température de juilleLI Mais nous rappel-
lerons sommairement les, noms des artistes qui figu-
raient au programme. Mme Catherine a exécuté très
élégamment sur le piano la Marche indienne, de Sel-
lenick ; MM. Bertaut et Jules ont donné agréable-
ment, le premier, des Conseils à sa voisine, le second,
le récit de son Premier amour. Mme Noblet a inter-
prété avec une simplicité et un goût remarquables la
chanson d'Estelle, et l'amusant Miaou, de Jules
Raux, a été chanté par son auteur. Mme Leroy a
parfaitement réussi les physionomies des Filles de
Saint-Gratien. Mme Catherine a clos la séance des
chants en roucoulant sentimentalement les plaintes
de la Pigeonne; après quoi les acteurs de la société
ont offert aux invités La Tasse de thé.
Résultat d(j notre onzième concours mensuel, de
juin à juillet :
!<='• prix, la Cigarette, par Mlle Hortense Rolland ;
2" prix, la Confiture, Louis Bogey, à Genève;
3" prix. Papillon, Octave Lebesgue, à Lyon.
Nous publierons ces trois chansons dans notre
prochain numéro.
DOUZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 juillet au 20 août
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le l*"" prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
Vient de paraître aux bureaux de la Chanson, en
vente chez tous les marchands de musique en grand
format piano, et petit format guitare. Ne chantez plus
la Marseillaise, paroles de Jules Celés, musique de
Louis Caloin, chanté par M. Plain, du grand opéra
de Lyon. Vient de paraître également aux bureaux
de la Chanson, en vente partout, la Fête de la France,
paroles de J.-B. Robinet, musique de Jules Raux,
petit format.
A. PATAY. UirKcleuT -Gérant.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C'', 6, rue Martel.
3« ANNÉE. — N° f 3.
f O CENTIMES.
8 AOUT \i
LA CHANSON
Directeur- Gérant .
A. PATAY
la chanson est une, forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE secrétaire de la Rédaction
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux- Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
MAXIME GUY
Annonces, laligne. . . 1 •
Réclames, — 2 •
La chanson, comnie la baïonnette
est une arme française.
j. CLARETIE.
iDMINISTRATION & RËDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EX CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
VERSEZ, AMOURS!
LA CHANSON
SOMMAIRE
\'ersez. Amours
de Randon, I
(JcLEs Rl-el).
la petite Lo
(F
(Albert CApaÉs
— Grande Complainte s
lise li (E. Nobody). -
Alfhbd Beutimot).
On peut s'tromper d'ça, paroles
Dîner da Cercle Pigalle
' ' ~ Menescloa 1^^ et
Lyriques (Maxime Gni), — A
Chronique des Concerts
- Chronique des Sociétés
Un accident arrivé, au dernier moment, ù. notre
cliché do première page nous oblige H remettre an
prochain numéro la IBiographie de notre colla*
horateiir René Pon.^ard.
VERSEZ, AMOURS!
CHANT BACHIQUE (*)
Créé par MAX, à V Eldorado et FERNAND, à la GaUé-
Montparnasse.
Paroles d'Albert CAPRES, Musique de F. HAUBERT.
Emplissez nos coupes profondes...
Bacchantes, versez-nous du vin.
Et pour fêter le jus divin
Livrez vos roses, filles blondes ;
Folles Vénus, belles houris,
Venez à l'ombre de la treille
Le front ceint de raisins mûris!
Honorer la dive bouteille !
Versez, amours,
Versez toujours,]
Versez bacchantes,
Versez, aimantes;
Plus de chagrin,
Jusqu'à demain,
Versez (4 fois) tout plein !
Viens Momus, Dieu de la Folie, ■
De l'Hymen tenant le flambeau.
Et que Bacchus sur son tonneau
A te fêter tous nous convie ;
Viens parmi nous, blond Cupidon,
Toujours joyeux, sous la tonnelle
Et, pour que ta douce chanson
Dans nos verres mouille son aile I
Versez, Amours, etc.
Accours, joyeuse gaudriole
Sous ta marotte et tes grelots.
Avec ton masque et tes pijjeaux
Rends à nos cœurs ta galté folle ;
Venez, Muses, Grâces et Ris
A nous tous apporte l'ivresse
Et, pour que nos pleurs soient taris,
A boire encor, versez sans cesse I
Versez, Amours, etc.
Albert Gaprès.
(*) La musique iné'
paroles, ii Paris, 97, i
! Saint-Honoré
: trouve cliez l'auteur de
ON PEUT S'TROMPER D'ÇA
Paroles de Randon, Musique de Th. Poret.
d'ça Oo (jeut 9'1
Rentrant on goguette
J'm'aperçois, l'iend'main
Qu'j'ai pris pour Fanchette
La femm'du voisin...
J'n'avais pas de lumière
Tant pis pour Jean-Pierre !
La nuit, chat pour chat,
On peut se tromper d'ça (bis).
Dans une affaire,
J'essui', victorieux.
Le feu d'mon adversairo,
Moi, plus pénëreux,
J'vise en l'air et j'iouche
Au milieu d' la bouche
Mon témoin Colas,
On peut s'tromper ça(jM).
J'avais d'une fille d'Eve
Cru cueillir la fleur, .
Mais c'n'était qu'un i?êve.
J'appris, ô douleur ;
Que c't'objet si rare
Sortait d'.Saint-Lazare,
Laïs pour Vesta !
On peut s'tromper d'ça(Jw,
Un conscrit que trompe
L'usage esbrouffant
Qu'il voit, de sa trompe,
Faire un éléphant,
Prétend qu'à c'te bête
La queusort de tète
Et vice zeisa
On peut s'tromper d'ça [Us).
L'autre jour à la Bourse
Je surpris un'main
Qui d'ia mienne' (de bourse)
Cherchait le chemin...
Àilknirs tell'méprise
îse s'rait guère admise.
Mais dans ett 'en droit-là
On peut s'tromper d'ça [Ms) ,
LA CHANSON
99
OINEfl DU mm PIGAttE
fô juillet iSSO
Présidence de Jiile^ Riiel
Celte poésie a obtenu
Jleii le deuxième mardi c
M. Bruneau, l'un des plu
soirée. Les banquets ont
prochain sera présidé par
nltros du Cercle.
Le nioLs rternior, simple invité
Au clincr du Tliéàtre-Liljre,
Pour rajeunir ma vieille fibre.
On me bombarde autorité.
.l'avais rêvé toute ma vie
]/lionncur suprême du fautiaiil;
Mon aniljition assouvie,
En pai.x je pourrai l'erraor l'œil.
Ouoiqu'en ait dit Monsieur Grévy,
Un Président est nécessaire
Au moins autant qu'un commissaire;
Enfin, Jules II est ravi.
Oitte faveur dont on me comble,
M'impose un périlleu.K devoir;
Remplacer Adam, c'est un comble ;
lissayons, vouloir c'ttst pouvoir.
Un mot, d'abord, en écoutant,.
Il faut observer en silence,
S'égosiller, la belle avance,
Plus on crie et nioins l'on s'entend.
Je gronde un pexi, c'est de mon âge.
Je commence à me faire vieux;
En me connaissant davantagi»,
Vous saurez que j'aime encor mieux.
C'est si bon d'aimer; vous voyez
'Qu'onpeut lire au fond de mon ilme.
Amour, Amilié, double flamme
Inconnue aux cœurs dévoyés.
Amis, aimons tous la patrie,
Et servons-la jusqu'au tombeau;
Aimons avec idolâtrie
L'Art qui nous fait aimer le beau.
Des nombreuses faces de r.\rt.
Le Théâtre est la plus charmante.
Ou'il rie ou qu'il pleure ou qu'il chante.
Il règne de la Manche au Var.
L'ai-je assez aimé le Théâtre,
Tour-à-tour acteur, directeur,
J'ai monté Lazare le Pâtre,
Et touché quelques droits d'auteur.
Mes premiers sujets favoris,
Thiron, Saint-Germain, Delaporte,
Jouaient déjà de telle sorte,
■<}_u'ils pouvaient dire : à moi Paris.
Grenier! Thierry! Charles Lemaitrel
Joyeux artistes envolés.
Ah! que ne poiivez-vous renaître
Pour vos amis inconsolés.
Le sort est parfois inclément,
Le vent effeuille bien des roses,
Que de lèvres à jamais closes,
Qui murmuraient un doux serment.
Décorateur et machiniste.
Jeune premier, grime ou ténor,
Achille Alâis, soufleur, lampiste
Pour nous valait .son pesant d'or.
L'excelleni! garçon que c'était,
Actif, intelligent^ modesle, —
El bon, —' il eût donné sa veste,
Mais jamais il aVn remportait.
Et toi, Desclée! àme d'artiste,
Le Cercle vit les premiers pas.
Nous t'aimions malgré ton air triste j
Le grand Art pleure ton trépas.
Dans les méandres du passé.
J'ai promené mon auditoire,
Mais de ce mode évocatoire.
Je crains qu'il ne se soit lassé.
Laissons de eCrtè'le Théâtre,
Pour faire place à la chanson,
Celle qu'en France on idolâlre.
Vive, rieuse et sans façon.
Chez vous elle a' droit de cité,
Car sa jeune sœur, la Revue,
Par vos serins de verve pourvue,
C'est le couplet ressuscité.
Dans sa gracieuse c;ulence, .,<
Le facile et léger rondeau.
M'a rendu de la Présidence,
Plus léger le léger fardeau.
Et pour rappeler vos succès.
Sans blesser votre modestie,
Dans un élan de sympathie,
Je veux Ijoire à l'esprit français.
Qu'après ce toast chacun répète
Celui qu'on redira demain,
Dans notre cher pays en fête, ,,■
Le cœur et la main dans la main.
De la sainte Fraternité,
Saluons Père pacifique.
En buvant à la République,
Jurons-lïii tous fidélité.
Le mois derulér-simple invité.
Au dîner du Cercle Pigalle,
Par une faveur ^ns égale,
Ce soir je suis l'Autorité.
Jules Ruel.
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102
LA CHANSON
CHRONIQUE DES CONCERTS
La dianson du -24 juillet deraier a fsignalé à ses
lecteurs : le Sal»t au Ih-aveau, poème de M. Alfred
Honoré— l'auleui' applaudi de /«/«/««^(W — dit, avec
un très vif succès, sur la seèae de l'Eldorado, par
l'excellent artiste Victorin Armand, à l'occasion de
la distribution des drapeaux à l'armée.
Le Salut an Drapeau vient de paraître chez l'éditeur
-Barbré, et nous sommes heureux de pouvoir citer ici
quelques vers de cette mâle et patriotique poésie.
Prenons ce passage où l'auteur s'adresse à la France,
•qui, après de longues années de silence et de tris-
tesse, enlève entin de ses étendards le crêpe noir de
la défaite, et lui dit :
Après les join-s de deuil voici les jours de fêle.
0 France !
Nous te disons « Tes fils sauront se souvenir.
Aujourd'hui que l'armée est la nation même,
Et que le peuple, enlin, récolte ce qu'il sème,
•Que chacun de nous sait ce qu'il en a coûté
Pour n'avoir pas toujours suivi la liberté !
Ces jours, que notre orgueil cercle d'un nimbe d'or,
() France! ton drapeau les verra luire encorl
Dans tes camps, notre troupe, autour de lui serrée.
Aux jeunes redira la légende sacrée.
Ils en verront surgir, dans un raj^onnement.
Tous c«ux dont l'héroïsme, ou dont le dévoûment,
Assura ton salut ou servit à ta gloire!
Tous ceux de qui les noms ont formé Ion histoire !
Par nous ils counaitjont le passé du drapeau
Uui fut celui de Hoche, et celui de Marceau,
Qui vainquit "à Valmy, qui vainquit à Jenimape,
Qui parcourut l'Europe, étape par étape.
Oui partout, entraînant soldats et généraux.
Partout, pour te grandir, enfanta des héros,
ÎEt dont la splendeur fut, même dans la défaite.
Plus grande que jamais la victoire l'eut faite..!
N'est-ce pas que ce sont là de nobles sentiments
et de beaux vers? Nous regrettons de ne pouvoir
donner ce poème in extenso, et notamment la page
où M. Honoré rappelle, comme un exemple éclatant,
l'héroïsme des Marins du Vengeur, immortels désor-
mais, qui sombrèrent, aux cris mille fois répétés de
Vive la République!, après avoir — comme l'ont
■chanté Méry et Barthélémy dans leur « Napoléon en
Eg-yple. î .
« Ctoiié les trois couleurs aux mâts de lem- vaisseoM! »
Nous féliciterons la direction de l'Eldorado de ne
pas oublier qu'il y a place daus son programme, —
quand les cii'constances l'indiquent,, pour le grave
enseignement du devoir et les magnifiques leçons du
passé, et de savoir mêler à proL^os, aux joyeux éclats
de rire des œuvres bouffonnes, ce frémissement que
font toujours passer dans les âmes françaises les
mots éloquents de Patrie, d'Honneur et de Liberté !
Fernand Movel.
La ScALAvientdereprendre Untoyageurenclianibre,
opérette en un acte de M. Emile Carré et du regretté
Léon Quentin ; musique de Robillard. Le rôle de Jean
tenu à la création par Henriot est rempli par M. Bru-
net; l'excellent artiste a une - façon particulière de
jouerlesdomestiquesquilerend amusant au possible.
Mlle Heuzé joue en artiste consciencieuse le rôle
créé par Mlle Marthe Ben. M. Bérod conserve le rôle
qu'il a tenu à la création.
La Rue aux Oies tient toujours l'affiche avec succès. ■
Quatre chansonnettes nouvelles ont été créées :
Triœche a déménagé, par Mlle Zélia.
AUez clone vous cackcr\ par M. Bienfait.
A travers nos rideaux, et Tout par Mlle Worton.
Mme Palry chante le grand répertoire avec beau-
coup de succès ; il serait à souhaiter que dans tous
les concerts, des artistes des deux sexes suivissent
l'exemple donné par Mme Patry et M. Debailleul.
Constatons aussi le succès de le Voyage autour d'un
juiwii, de M. Emile Segaud,- musique de Jules Qui-
dant, parfaitement interprété par Mme Heuzé char-
manl e sous son costume travesti; quant à la musique,
M. Jules Quidant n'a jamais été mieux inspiré ; du
reste nos lecteurs jugeront eux-mêmes; nous comp-
tons la publier prochainement.
MM. Bourges, Paul Bert, Aristide Bruant et Fer-
nand Kelm obtiennent de grands applaudissements
avec leurs anciennes chansonnettes.
Les Petites inains de ma mie, de MM. J. Jouy et Paul
Henrion, seront chantées prochainement par M. De-
bailleul.
Ton cœur est-il fertné, la jolie romance de notre
collaborateur et ami Maxime Guy, sera créée aux
premiers jours par M. Feruand Kelm.
Nous rappelons à nos lecteurs que ces deux chan-
sons, publiées aux bureaux du journal la Clianson,
sont en vente chez tous" les marchands de musique
de France.
Nous avions promis dans notre avant-dernier nu-
méro de donner des détails sur le concert-promenade
de VOrphémn, qui a ouvert ses portes le 13 juillet
dernier.
En trois jours, nous sommes allés deux fois à ce
concert demander les renseignements dont nous
avions besoin pour notre chronique. Mais, devant le
manque d'empressement et de bonne volonté de l'ad-
ministration à accéder à notre demande, nous nous
abstiendrons désormais d'en parler, ce que nous re-
gretloBS fort, à cause de l'habile et sympathique chef
d'orchestre M. Louis Goudesone et de son intelligente
troupe.
Alfred Bbrtinot.
CHRONIQUE OES SOClËTfS LYRIQUES
La Société dramatique du 7" arrondissenient, dont
le siège est rue Fabert, 50, a donné, le dimanche
23 juillet, sa première matinée annuelle en la salle
Tivoli du Gros-Caillou.
LA CHANSON
103
Malgré la grande chaleur, la salle était fort bien
garnie, et les artistes amateurs, tant dans les inter-
mèdes, que dans la Saint-François, charmante comé-
die de Mme Amélie Perronnet, ont su se faire vive-
ment applaudir.
Nos compliments à M. Belhomme, de l'Opéra-
Comique, qui a chanté avec beaucoup de talent Ls
Vallon et la romance de l'Étoile du Nord.
Félicitations à M. Eugène Lamarre, pianiste, qui
non-seulement compose de fort jolies mélodies,
mais qui peut à juste titre passer encore pour l'un
des premiers accoDipaynateurs de Paris.
En somme, grand succès pour la Société drama-
tique du 7° arrondissement et bonne matinée pour
les spectateurs.
Lundi dernier, la Fantaisie Lyrique donnait sa
grande soirée mensuelle devant une salle convenable-
ment garnie pour la saison. Après la Marseillaise
exécutée sur le piano pour Madame Pauchet et sa
petite élève, Mlle Jeanne, nous avons entendu
snccessivemenl MM. Cooper Henri, Vaast, Yillé,
Cooper Albert et Paule. Notre ami Berliuot donne à
tout le monde l'envie de se gratter, avec son origi-
nale boudbnnerie, La Punaise.
La petite Charlotte 9.c\\9.n\,c Heureusement pour moi,
et la Filli à Poivrier, avec beaucoup de succès.
L'éloge de la mignonne i\nie Marguerite n'est plus
à faiie; dès son entrée en scène, elle a été applaudie
de toutes parts.
Le Guide du, bon ton, opérette en unacte, a été enle\é
assez lestement par MM. Cooper Henri cl Callebert.
La société lyrique Le Pinson a donné sa grande
soirée mensuelle mercredi dernier.
Le compte-rendu de cette soirée nous arrivant
trop tard, nous sommes obligés de le remettre au
prochain numéro.
H en est de même de la représentation extraordi-
naire donnée par la Lyre Républicaine au bénéfice
de M. Gaston, membre d'honneur de cette société.
Le lundi 2 aotît, la Société lyrique des Gais .Vo-
mmsiens a donné sa grande soirée mensuelle. C'est
vous dire que la salle Bouret était comble dès huit
heures. Néanmoins quelques Intrépides ont dansé ! ! !
jusqu'à 9 heures, malgré les 33 degrés de chaleur
qu'accusait le thermomètre de l'établissement.
Parmi les amateurs qui se sont fait entendre
citons : M. Limât, de l'Alcazar d'Eté, qui a chanté
avec beaucoup d'entrain Qîcaiid on est pompette ; son
camarade Dufour, qui nous a montré comment l'on
danse dans tous les mondes, a été le cloîi de la soirée.
Le toujours amusant Jomain a plaidé avec succès la
cause de ila'itre Blagiiefort ; Notre excellent ami
Julien Alix, de la Lyre Amicale, a dit avec sentiment
VEnfaat de Paris , puis aous avons applaudi
M. Richard dans un morceau du Trouvère, M. Ray-
mon dans La grève des forgerons, MM. Argentin,
Poudra, Meunier, etc. Il est regrettable qu'une in-
disposition passagère nous ait privé d'entendre notre
ami Métivet, mais nous espérons être plus heureux
une auti'e fois. Parmi les dames nous avons remarqué
Mlle Lucie, qui a fort gentiment chanté la valse des
Bavardes, Mlle Henriette, qui a fait de réels progrès,
et qui a interprété d'une très bonne façon Encore un
haiser, mignonne, Mmes Faj'olle, TroUin et Bariot.
Puis M. Leroux, la sj-mpathique Préside Qt des Mo-
mmiens, a fait un petit speech pour annoncer que
l'heure avancée rendait impossible l'interprétation
d'un vaudeville porté sur le programme et l'on s'est
séparé en se donnant rendez-vous pour le premier
lundi de septembre. Maxime Guy.
ONZIEME CONCOURS MENSUEL
De pÀn et juillet.
Les renseignements biographiques et le portrait
pour iiaraitre en tète du 1'"' prix nous étant arrivés
trop tu'd, nous publierons les trois pièces couronnées
dans notre prochain numéro.
Nous prions MM. les présidents des Sociétés lyri-
ques de nous envoyer au bureau du journal des in-
vitations pour leurs grandes soirées afin que nous
puissions en rendre comi)le.
Nous publierons iirochainement la liste complète
des Sociétés lyriques de Paris. Tous les renseigne-
ments doivent nous être envoyés tin août au plus
lard.
DOUZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 juillet au 20 août
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le 1'^'' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
A NOS LECTEURS
Le succès toujoure croissant de notre journal, et
le bon accueil qu'il reçoit partout, à Paris, en
la province, à l'Etranger même, nous oblige à des
sacrifices nouveaux ; aussi comptons-nous, et cela
pour satisfaire à la demande d'un grand nombre de
nos acheteurs, multiplier les Illustrations.
Nous réservons pour cet hiver des surprises à nos
lecteurs.
A partir de ce numéro nous nous imposons de
nouveaux frais ; notre papier sera plus beau : nous
voulons que notre publication soit sans rivale dans
son genre. Nous préparons aussi pour nos abonnés
de véritables primes, et cela très prochainement.
Vicut de parnitre à noti-e Whvaivie un noiivcaïa-
catalogue de livres anciens et modernes, rares et
curieux. J\oiis envei'rons ce catalogue franco sV toute
personne cjiii nous eu fera la demande par lettre
affranchie.
104
LA CHANSON
GALERIE DES CHANSONNIERS
CHARLES VINCENT
PIERRE DUPONT
^^-■/^-Z-
^^.rf^^r-î^^^t-^IS"''^
^'^oir la JBîo;;ra|tliic clnns le n*^ A de la
première année.
Voir In Biographie dans le n*^ $ de la
première année.
PRIWIE A NOS ABONNÉS
PREMIÈRE ANNÉE DE LA CHANSON
Uu beau volume in-4<' broclié.
Au Jieu de 0 francs S francs pris dans nos bureaux ; par la poste, 3 fr. 60. — Envoyer un mandat-poste au nom
de A. PATAY (les timbres-poste ne sont pas reçus).
LA CHANSON
est mise en veiil;; le soiuedi, ebcz lous les libraires, marchands de journaux et de musique de France.
PRIX DU NUMÉRO : 10 CENTIMES
On demande des courtiers d'annonces et des courtiers d'abonnements (bonnes remises).
A. PATAY, blrecleuT-Girani.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C, 6, rue Martel,
3» ANNEE. — N» 14.
f O CENTIMES.
la AOUT 1?
LA CHANSON
Directeur-Gérant .
A. PATAY
La chanson est une forme ailéeet
■':iiarmante de la pensée. Le couplet
~vst le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, la ligne. .
Réclames, —
La chanson, comme la bafonnstts
est une arme française.
J. CLARETIE.
'«DMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN Chef
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE :
galerie des Chansonniers : Uègéaippe
iianqacl (la Caveaa (Eue. Iudert). —
Ae L.-UK^nr Lecositk, niusl<|ue ila Ji
liolland. — A mie llorlense RaUai
^arellc (Doutessb RoLtANii). — Us I
Moreau (AMinii Peiisok). —
Elcs-i-oas comme moi? parole;
XKS Baix. — Mlle llorlens,
irf (Rp.Né Possaud). -- La Ci-
'onjllures (Louis Bor.Ev). — Let
Chants da H Jaillel. suite el fin (A. Edeiu). — Chronique des
Concerts (Alfiikd Bertinot). — Chronique des Sociétés lyriques (A.
Beiitisot, Léo ïoSTAl^, .Maiiub Giv). — Programme de la distri-
bution des prix aux lauréatz du Concours dramatique «titre les
Sociétés lyriques. — Lettre de JU. Eugène Baillet.
GALERIE DES CHANSONNIERS : Hégésippe MOREAU
Ivix vie de misère de
•«cet infortuné poète est
Crop connue pour que
nous la racontions ici;
■seulement, pour les lec-
teurs qui onl la passion
sles dales précises et des
î'aits certains, nous ci-
ï^erons M. Sainte-Marie
Marcolle qui, dans la
lùographie qu'il con-
sacre à l'auteurdu Myo-
'■i-otiSi dit :
« Hégésippe Moreau
< tulun en l'anl naturel;
« ainsi, dans son dé-
( nuement de toutes
< choses, le nom qu'il
<s portait ne lui apparte-
« liait même pas. Il na-
< quitàParis, le 9 avril
.( 1810. Ses parents l'a-
s< menèrent tout petit
■X à Provins, où son père
« avait trouvé une place
< de professeur au col-
«< légeet oùsa mèreen-
« tra en condition chez
« Mme Ferrand. Mais
■s. bientôt le père niou-
v7 rut; la mère, femme
•« supérieure à sa posi-
« tioa par la délicatesse de son cœur, le suivit peu
<( d'années après, et tous deux, traçant la route à
'< leur fils, allèrent mourir à l'hôpital. »
Grâce à Mme F'errand
qui plaça l'orphelin au
petit séminaire d'Avon,
charmante petite ville
située sur la lisière de
la forêt de Fontaine-
bleau, Hégésippe Mo-
reau fit de très bonnes
éludes qu'il termina à
quinze ans, pour entrer
en apprentissage chez
un imprimeiu' de Pro-
vins. A dis-huit ans,
Moreau vint à Paris et
fut admis en qualité de
compositeur chez M.
Firmin Didot. De cette
époque date véritable-
ment la lutte acharnée
r[ue le poète eut à sou-
tenir contre sa desti-
née; lutte hoirible dans
laquelle, toujours vain-
cu, il s'offrait désarmé
aux coups de son ad-
versaire ! Le Myosotis
est né en partie de cette
lutte, comme ces fleurs
que l'on voit éclore sur
un champ de bataille,
le lendemain d'un com-
bat.
Hégésippe Moreau mourut à la Charité, le 20 dé-
cembre 1838.
Pour parler dignement de l'auteur du Myosotis, et
106
LA CHAJSISON
surtout pour entrer dans quelques détails de sa vie
douloureuse, il nous faudrait une autre place que
celle-ci. Le portrait littéraire d'Hégésippe Moreau est
beaucoup trop grand pour les dimensions d'un cadre
aussi compassé que celui qui nous est réservé dans
ce journal. Aussi nous contenterons-nous d'esquisser
à grands traits un des côtés de cette grande et sym-
pathique physionomie que tant d'écrivains de talent
ont déjà étudiée dans son ensemble.
Noire notice sera donc rapide; aussi bien, nous ne
voulons dégager de cette flère et robuste person-
nalité,.que le poète adaptait pour y jeter ses fraî-
ches inspirations, le moule étroit et fragile de la
chanson.
Hégésippe Moreau chansonnier, tel est notre objec-
tif. Plus de la moitié de son livre est composée de
petites pièces avec refrains. Nous ignorons si la pre-
mière édition dui)/yoM^/* mentionne les airs des chan-
sons qu'elle contient, mais ce que nous pouvons ga-
rantir, c'est que Moreau en avait donné à la presque
totalité de ses romances et de ses chansons. £a Fer-
mière, cette charmante et suave poésieàlaquellela gra-
cieuse mélodie de Darcier donne un nouvel essor, la
Fermière se chantait sur l'air du Curé de Pomponne.
Le Tocsin avait pour timbre : Demain à la pointe du
jour. On iat la générale. Bcrangers,& chante sur l'air:
Ali! si ma dame me voyait. Enfin, toutes ont un air
sur lequel Moreau les chantait aux Infernaux, ime
Société chantante où lui et son ami , le poète
Berlhaud, se rendaient fort souvent. Un vieux go-
guettier qui les connut tous les deux, nous a affirmé
que Moreau avait la voix égale et bien timbrée, qu'il
chantait avec beaucoup d'entrain celles de ses œu-
vres qu'il jugeait à propos de faire connaître du
public.
Tout passe vite à Paris, et les chansons encore
plus vite que les choses les plus fugitives. Se sou-
vient-on seulement aujourd'hui, dans notre monde
chantant, des titres des petits poèmes pleins de
verve, de sentiment et d'esprit, de ce Martellus de
la poésie ?
Ouvrons au hasard ce j^etit livre — nous allions
dire cet écria — quel ruissellement de choses
exquises ; comme tout cela est frais et parfumé, et
comme cette poésie aisée est naturelle est pleine de
battements de cœur et de bruits d'ailes d'àme meur-
trie. Ses Evohe, ses cris d'allégresse ou ses soupirs
d'amoureuses gaietés, si francs qu'ils paraissent,
semblent retentir dans un temple funèbre. On vou-
drait les entendre ailleurs que là. Et pourtant quelle
rondeur et quels accents son vers emprunte à la
muse folâtre !
Voici la note gaie : Nicolas.
Le pouvoir est de ses amis.
Dans un coin de la salle.
Il a vingt fois mis et remis,
Certain buste un peu sale.
Quand le plâtre vole en éclat.
Il gronde et veut qu'on parte.
Ne vous emportez pas,
Nicolas,
Mettez ça sur la carte.
Yoici un couplet d'une chanson intitulée : La
Dans les salons je fus admise,
Mes conquêtes ont fait du bruit ;
J'ai vu Lamartine en chemise
Et Byron en bonnet de nuit :
Sur mon sein traçant une épître.
En le baisant ils l'ont chanté.
Je mets en vente leur pupitre;
Soyez heureux par charité.
Oue pourrait-on reprocher à ces vers"? Ah ! il ne
sont pas affinés ni distillés comme ceux de nos mo-
dernes ; leur allure n'est pas sournoise et l'on ne-
sent pas en les lisant la préoccupation de l'auteur à
dissimuler un sous-entendu. Cela est franc et plein
de sincérité.
Nous ne voudrions pas multiplier les citations;
cependant, avant de terminer, nous emprunterons
encore une fleur au Myosotis. Nous la prendrons dans •
la note triste :
A luon aine
Fuis, àme blanche, un corps malade et nu.
Fuis en chantant vers le monde inconnu !
Tu veilleras sur tes sœurs de ce monde
De l'autre monde, où Dieu nous tend les bras ;
Quand des enfants à tète fraîche et blonde
Auprès des morts joueront, tu souriras :
Tu souriras, lorsque sur ma poussière
Ils cueilleront les saints pavots tremblants,
Tu souriras, lorsqu'avec mes os blancs
Ils abattront les noix du cimetière...
« Il y a de la douceur à pleurer sur des maux qui
n'ont été pleures par personne,» a dit Châteaubriant.
Ici, ce n'est pas le cas, le cher et grand poète a été
pleuré par tout le monde. Les préfices n'ont pas man-
qué à sa mémoire, et tels écrivains qui vivent en-
core et dont la plume, trempée dans les larmes, a
prodigué de la copie funéraire en cette circonstance,
n'ont rien fait et n'ont voulu rien faire pour arracher
à la misère celui qu'hypocritement ils ont 'pleuré
après sa mort.
Nous donnons, pour terminer cette trop courte ap-
préciation, une lettre de Moreau fort peu connue.
1835.
« Vous me demandez où je loge en ce moment.
Où l'oiseau de Dieu prend-il son nid, si ce n'est au fond
des bois? Mon ami, j'habite un vieux chêne des envi-
rons de la mare d'Auteuil, et je vais vous dire comment
cela s'est fait.
« Il y a huit jours, je veux rentrer à mon garni de la
rue desMaçons-Sorbonne. Une femme m'arrête au pas-
sage. — Monsieur, vous n'aurez pas la clé. — Pour
quelle raison? — Madame n'entend plus que vous res-
tiez ici, parce que vous ne payez, dit-elle, ni en or, ni
en argent, mais seulement en belles paroles. — Eh!
mais, les belles paroles sont déjà bien quelque chose :
cela aide à attendre — Madame n'attendra plus. Au sur--
plus, entendez-vous avec elle. Tenez, la voilà qui des-
cend. ~ En effet, la chambrière n'avait pas plutôt fini
que l'hôtesse parut, un bougeoir à la main, le nez en-
l'air, le bonnet hérissé. — Ah ! c'est vous, mon peti
LA CHANSON
107
Monsieur? — Pour vous servir, Madame. — Bien obli-
gée. On a déjà dû vous dire que vous n'aviez plus à
compter sur votre gite. Depuis trois mois que vous êtes
ici, il ne nous a pas encore été possible de voir la cou-
leur de votre argent. Vous irez à la belle étoile, si vous
voulez, mais vou;i ne coucherez plus chez moi, à moins
que vous ne montriez vos finances. — A ce mot, je me
mets à rire. — Mes finances ! ma chère dame, il ne me
serait pas moins difficile de vous donner un sou que de
TOUS offrir le diamant qui orne ia tète du Shah de
Perse. — L'hôtesse s'imagine que je me moque d'elle.
De fâchée qu'elle était, elle devient féroce. — Pourquoi
n'arrète-t-on pas, ajoute-t-elle, tous les aigrefins qui
■encombrent le pavé de Paris ? J'ai grande envie d'aller
me plaindre au commissaire. — Mais je la calme. Sur la
"foi de je ne sais quelles chimères, je lui dis que, si mon
présent e.stnoir, mon avenir s'éclaircira et sera plein d'or
et de lumière. Dans le pays latin, ces sortes de prodiges
•se voient souvent. Voilà ma mégère qui s'adoucit, tant
il est vrai que toute femme a bon cœur : — il ne faut
que trouver l'endroit vulnérable. Notre dialogue recom-
mence. — Eh bien, Monsieur, partez en paix, vous me
paierez p'us tard. — Tout n'était pas fini. Je ne refusais
point de partir, mais des vers se trouvaient enfermés
dans un tiroir. Je les réclame. — Ah! vos paperasses?
Reprenez-les, Monsieur : ça nous débarrassera. — Et je
suis parti.
» .... Me voilà, comme jevous le dis.iis, dans un vieux
chêne, près de la mare d'Auteuil. Pareille chose est
• arrivée à Olivier Goldsmith et à Lantara. Tant que du-
rera la belle saison, je n'aurai pas d'autre domicile.
-Aux approches de l'hiver, il me faudra bien rentrer en
ville. J'y trouverai du travail, et je pouirai dès lors re-
tourner la tête haute, à ma chambre de la rue des Ma-
çons Sorbonne. Eii attendant, je vis heureux. On m'a
payé une romance vingt francs. Vingt francs, c'est de
l'opulence. Trois sous de pain, deux sous de lait, telles
sont mes dépenses de chaque jour. Mais quel luxe il y a
autour de moi I De grands arbres verts, un tapis de
mousse, parsemé de marguerites, de bruyères et de vio-
lettes de Parme. Les nids de pinsons et de bouvreuils
■ abondent dans mon canton. Quand la nuit étend sa
■mantille de dentelle noire sur le bois, mille vers luisants
s'accrochent aux épines des buissons comme autant de
lanternes. S'il y a clair de lune, je m'enfonce dans les
massifs et je me mets alors en communication avec les
héros de mes rêves et de mes romans. »
.-iNDKli PHUSON.
SOCIÉTÉ LYRIÛUE ET LITTÉR.IIRE DU CAYEAU
Banquet dit, S Août.
Un amaLcur qui lit assidûment les comptes rendus
des banquets du Caveau, s'étonne du peu de reten-
tissement qu'obtiennent les productions de cette
académie chantante, et se montre porté à regarder
■comme exagérées les louanges que les chroniqueurs
ordinaires de la Chanson se plaisent à décerner aux
membres de ladite société.
Leur mérite demeure intact et reconnu, et le peu
<le succès de leurs chansons tient à deux causes;
d'abord, ils ne recherchent pas le bruit, et c'est pré-
cisément la valeur de leurs couplets qui leur enlè-
verait, aux yeux du gros public, toute chance do
vogue. Les succès se l'ont au cal'é-concert, et je
doute qu'un chansonnier du Caveau voulût s'abaisser
à etr briguer l'honneur. Il y a pour cela des faiseurs
attitrés, rompus à la besogne, connaissant le mauvais
goût de leurauditoire et l'exploitant, gensinlelligents
d'ailleurs, qui sont, comme on dit, dans le mouvement
et qui y restent.
Mais ne demandez pas au Caveau do semblables
produits; ce n'est point sa pa,rtie; le public auquel il
S'adresse est plus clélicat , et par conséquent fort re-
streint, et les auteurs ne s'en plaignent pas, préférant
un soiu-ire approbateur aux bravos les plus bruyants
de la foule.
Dix-huit chansons, sans compter un teste, ont été
produites au banquet du 6 courant : c'est une jolie
moisson pour la saison de villégiature que nous tra-
versons.
D'abord, dernier écho du banquet des Mots donnés.
Piotardataires ou paresseux, JuUien, Grange, Ripault
célèbrent L' Ile-Adam, Poidoise, Sceaux, Montmoreucu.
Nous n'avons pas perdu pour attendre, mais ces
messieurs aussi se sont accordé im délai que nous
autres, ouvriers de la première heure, nous aurions
pu mettre à profit pour produire aussi des chefs-
d'œuvre; aussi avons-nous pour excuse celle dés
collégiens : l'ei/ipiis de fuit.
Puis les refrains en provei-ltes, qui ne sont pas tou-
jours les moins heureux : Glisses, mais n' appuyé: pas,
nous dit Hipault. Ote-tni de là (juef m'y mette, pré-
tend Echalié; à quoi Montariol riposte -.Je n'entends
pas de cette oreille-là. Duprez, plus moraliste que
d'habitude, murmure après Figaro : Hdtons-mus de
rire pour ne pas ]}leurer.
Entin les chansons à sujet unique, sans tiroirs,
sortes de petits poèmes en raccourci, tantôt graves,
tantôt Ijadins, quelquefois touchauts : .1 propos de
hwuf, sous ce titre un peu baroque. Petit se demande
quel est en réalité le roi de la création, de l'homme
ou de l'animal. Je ne me rappelle plus bien de quel
côté il penche. Le Paysan, de Piessc, est le type du
Français de bon sens, tenant à la liberté comme à
son champ et (1er d'è-tro citoyen. Les Feux, de Fénée,
les (iros Sous, de Motit(3ii-Darraisse, Zcv Refrains, de
Lagarde : encore trois Ijonnes chansons, Icsloaicnt
tournées et assaisonnées d'au LiTain de philosop'aio
qui ne nuit pas à U'ur li'ailé. D:- joxirs perdus: ce sujet,
que Colmance traitait il y a longtemps au point de
vue politique, a fourni à Grange des coaplets pleins
de sentiment et de grâce. Flottez, drapeaux! s'écrie
M. Bourdelin, w» nouveaii, vecn da soir même; ce
sont de véritables strophes, bien poétiques et bien
dites. Xous publierons au prochain numéro sa chan-
son de réception, qui a obtenu un succès très vif et
très mérité.
Je cite, pour mémoire seulement, une pièce humo-
ristique dont un voisin de table m'a recommandé la
lecture; c'est la Réception de Béraiiger au Palais de
Jupiter. M. Lambert, qui en est l'auteur, serait bien
aimable de nous la faire connaitre
Eug. Imbert.
108
LA CHANSON
ÊTES-VOUS COIVIIVIE MOI ?
Paroles de L.-Henrt Lecomte,
•■ de Jules Raux (i;
Moderato.
Des grands sentioients qu'on af
fi.che, Je ne fus ja . mais par . ti .
San, Ce qu'un an . tre fait, j« m'en
fi . che Qu'il soit mo.nar.qne on - pa - ; .
snn Qh'î) Boil no _ nar.qoe on pa - y —
moi, J« sais rea _ dre ma vie hce
reu-sc Je sais ren _ dre ma »i« hen _
Celui qui pense au mariage,
Pour la gloire de sa maison
Veut une femme jeune, sage,
Et Lelle à troubler la raison ;
De sa fortune potelée
Si de bonnes rentes font foi,
J'épouserais une grêlée •
Eles-vous comme moi?
L'amour est encore une cbose
Qu'il faut traiter légèrement,
Je ne prolonge pas la pose
Près de l'objet le plus charmant ;
Si quelque blonde me refuse.
Sans même demander pourquoi,
D'une brune je fais ma muse :
Etes-vous comme moi?
Je ne discute point de Rome
L'enseignement fastidieux.
Et tiens pour peu de chose, en somme.
Tout système religieux ;
Faisant de ma raison modeste
Le plus intelligent emploi.
Je crois en Dieu, je ris du reste ;
Etes-vous comme moi?
Par la honte et par la souffrance
Cruellement désabusé,
Quel citoyen voudrait, en France,
Relever le trône brisé !
Aux jours de scrutin politique,
Des princes jugeant le pouryoi.
Je vote pour la République :
Etes-vous comme moi?
ONZIEME CONCOURS MENSUEL DE LA CHANSON-;
E_tes-T04i» com - me
moi?
Suivant un avis salutaire
L'ennui peut abréger nos jours,
De notre voyage sur terre
Pourquoi donc attrister le cours?
Réglant sans fatigue de tète.
Mes finances en désarroi,
Quand j'ai cent sous, je suis en fête :
Etes-vous comme moi?
J'aime les grands bois et la plaine ;
Au bruit des refrains amoureux,
J'aime à vider ma coupe pleine
D'un vin limpide et généreux;
Mais souvent, seul dans ma chambrette.
Du destin acceptant la loi.
Je me contente de piquette :
Etes-vous comme moi ?
(1) Nous
cllj- doit I
de cette chanson.
Mi'<= HORÏENSE ROLLAND. — Née à Aix, le-
29 juin 1836, elle fut élevée au couvent des Sœwrs de
la retraite, qu'elle quitta à l'âge de treize ans. Elle-
commença presque aussitôt à écrire. Les cbansonp-
qu'elle composait, mélanges d'enfantillages et de-
politique, faisaient les délices des républicains aixois-
peu lettrés et, partant, peu difficiles.
À seize ans, elle publia deux volumes dont l'un.,
les Essais poétiques, lui valurent deux médailles, el
l'autre, MargnerUe Lambert, un roman, attira sur
elle les foudres cléricales.
Venue à Paris, elle y collabora à divers journaux
de modes et à plusieurs feuilles humoristiques : te^.
LA CHANSON
109
Salons de Paris, Psyché, l'Illustration, le Nain Jatme,
la Vogue parisienne, etc.
Relirée aujourd'hui dans un petit liameau de Tar-
rondissement d'Aix, elle consacre son temps à la lec-
ture, à la musique et à la création d'œuvres qui
verront successivement le jour, et qui se recomman-
deront, comme leurs ainées, par un mérite étonnant
d'observation, une verve spirituelle et un sentiment
exquis.
-♦
A Madame Hortense Rolland.
Puisque tu vas, poëte, au paj^s oii mon rêve
Emigré chaque hiver comme un oiseau frileux,
Voudrais-tu me cueillir, là-bas, près des flots blous
La plus humble fleurette éclose sur la grève ;
Ou bien me ramasser parmi les joncs amers
Une écaille, un galet, les débris d'une conque.
Un rameau d'algue... enfin, une chose quelconque
Exhalant jusqu'à moi l'icre parfum des mers.
Coquille ou goëmon, brin d'herbe ou fliour sauvage
Madame, envoyez-moi de votre douxiivage
Un dernier souvenir qui, me parlant des flots.
Me fasse rebrousser le chemin de la vie
Où s'ébattait, pieds nus, mon enfance ravie
Alors qu'elle mordait au pain des matelots.
René Ponsaru.
1'' Prix.
LA CIGARETTE
(Page <Io 1» vingtioiiip nnnée).
Viens, ma gentille cigarette.
Dissiper un trop long ennui,
Avec toi, ce queje regrette
Je veux l'oublier aujourd'hui.
Tu le sais, souvent je suis triste.
Quoique l'on voie en mon réduit
Tout le mobilier d'un artiste :
Deux chaises, une table, un lit.
Mais il faut à la jeune fille —
Enfant du grand air, du soleil —
De l'espace, un beau ciel qui brille
Pour lui sourire à son réveil.
Et quand mon âme de poète
Voudrait jeter de joyeux cris.
Je n'aperçois de ma chambrette
Que des toits noirs et le ciel gris.
O mon beau pays de Provence 1
0 bouquet aux riants buissons
Où, dès que le printemps commence.
Tout est fleurs, amours et chansons I
Même quand le mistral tourmente
Et la vallée et le coteau,
Le rossignol joyeux y chante
Dans les peupliers du hameau.
Dès le matin, dans la rosée
Mouillant mes pieds, cheveux au vent.
Je m'en allais, l'âme embrasée.
Soupirant, chantant, écrivant.
Sous les grands dômes de verdure.
Oubliant et fatigue et faim.
Des bois de pins le doux murmure
Me berçait d'un rêve sans fin.
Quand de ma course vagabonde
Je rentrais le soir, souvent tard.
Deux enfants à la tète blonde
Attiraient mon premier regard.
L'un dormait au sein de sa mère,
Aux grands yeux bleus pleins de douceur.
L'autre courait dans la chaumière...
C'étaient les enfants de ma sœur.
Ne pleurons plus ces douces choses.
Qui sait? peut-être avec le temps.
Je pourrai cueillir quelques roses
Comme celles de mon printemps.
N'importe, chère cigarette,
Laisse-moi rêver aujourd'hui...
J'aime tant ce queje regrette
Que je me plais dans mon ennui.
Hortense Rolland.
— ♦ '
2e Prix.
LES CONFITURES.
Air : Tout le long de la ritière.
Eh quoi ! bambins, petits démons.
Gentils lutins que nous aimons,
De baisers voilà qu'on m'assiège !
Pour mes compotes c'est un piège.
De grand'maman que voulez-vous ?
Pourquoi lui faire les yeux doux ?
Je vous comprends, charmantes créatures:
Nà, je veux, je veux, je veux d»6 confitures !
Moi, je veux, je veux des confitures !
D'an saint apôtre de nos jours
Entendez l'éloquent discours :
Contre les vains biens de ce monde
En arguments comme il abonde I
En chaire, il ne demande à Dieu
Que de l'annoncer en tout lieu...
Je vous comprends, charmantes créatures :
Nà, je veux, je veux, je veux des confitures !
Moi, je veux, je veux des confitures !
Rose pense qu'à dix-sept ans
D'avoir un époux il est temps ;
Depuis peu, comme elle est modeste.
Simple, douce, aimable et le reste 1
Sa mère, en voyant tant d'appas.
Enfin ne la reconnaît pas...
Je vous comprends, charmantes créatures I
Nà, je veux, je veux, je veux des confitures !
Moi, je veux, je veux des confitures.
110
LA CHANSON
Un prince du sang des césa.rs
Prêche à ses partisans épars ;
Il dit à cette noble clique :
Crions : Vive la République !
Parent du Petit Caporal.
Gomme lui je suis libéral...
Je vous comprends, charmantes créatures !
Nà, je veux, je veux, je veux des confitures I
Moi, je veux, je veux des coalitures 1
Le petit monsieur Bucrevé,
A sec, épuisé, décavé,
Dans les bras d'une diileinéo
Vole joyeux vers l'byménée.
Il peint à cet ange aux écus
Un amoar des plus convaincus...
Je vous comprends, charman tes créatures !
Nà, je veux, je veux, je veux des confitures !
Moi, je veux, je veux des confitures I
Comme il a mis, cet écrivain,
De l'eau de roses dans son vin !
Il dit au public qui l'écoute :
J'ai dû vous déplaire sans doute;
Je reconnais que mes couplets
Méritent quelques bons sifflets...
Je vous comprends, charmantes créatures!
INà, je veux, je veux, je veux des confitures !
Moi, je veux, je veux des coufitures!
Louis Bogey ida Genèce].
♦
lES CHAHTS en K ieiliET (d
()a ne devrait jamais perdre de vue, surtout aux
jours de solennités patriotiques, l'easeignement que
la foule peut retirer d'une mise en scène saisissante
où le plaisir intime de l'âme e.st ménagé avec intel-
ligence à côté des spectacles qui n'ont d'autre mérite
que d'éblouir les yeux. Ainsi, le Chant du Déjiari,
•exécuté avec tout l'appareil que demandait l'auteur
aurait pioluit, sur tous les assistants, une impres-
sion violente mêlée d'attendrissement. Impression
fugitive, sans doute ; pour ne l'être pas, il serait
nécessaire qu'elle fût renouvelée souvent, très-
souvent ; vraie pourtant et profonde, qui deviendrait,
dans les âmes un peu préparées, le sujet de réflexions
salutaires et, du foyer de famille, le thème d'entre-
tiens émus. Un écueil brise souvent, il est vrai, les
meilleures intentions : l'indifférence du public, ou
plutôt, une sorte d'hébétement qui le rend incapable
de rester ferme sur certaines pentes. N'importe, il
faut se placer sur le terrain solide, s'appuyer sur la
Vérité, sur la raison et, quoi qu'il arrive, ne jamais
déchoir. Sans cela, où serait notre guide ? Je
reviens aux chants du 14 juillet.
Au Luxembourg, plusieurs musiciens étaient
venus dans le seul but d'entendre la 3Iarche des
drapeaux du TeDeum de Berlioz. Déception complète!
On sentait bien qu'un souffle héroïque anime cette
page, on en devinait les harmonieux enchaînements,
on saisissait de prime abord la mélodie pompeuse
qui s'y développe toujours contenue jusqu'à l'en-
semble final, mais il manquait la nef d'une cathé-
drale pour grossir et renvoyer à l'âme ces sons jetés
inutilement dans un milieu sans limites.
L'hymne d'Hérold a obtenu un succès posthume
qui ne sera pas une résurrection. Ce fut en 1831, lors
du premier anniversaire des journées de juillet que
ce chant fut exécuté pour la première fois au Pan-
théon. Le Journal des Débats lui consacra quelques
lignes doQt j'extrais celles-ci:
« M" Hérold a déployé la facilité de son talent sur
« un Hymne aux morts de juillet, par M. Victor Hugo.
« Le musicien s'est identifié avec la pensée religieuse
î et mélancolique d'un poëte qui se surpasse lui-
« même quand il s'exerce sur un genre de poésie
« marqué du double caractère de la tristesse et do
« la sensibilité.... »
Voici maintenant la première strophe du poëme
de Victor Hugo :
<t Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
« Ont droit qu'à leurs cercueils on adore et l'on prie.
« Entre les plus beaux noms, leur nom est le plus beau.
Œ Toute gloire près d'eux passe et tombe éphémère,
« Kt comme ferait une mère,
'< La voix d'un peuple entier les berce enleurtombeau.»
Aux Tuileries, sélection bizarre d'œuvres dispa-
rates savamment choisies pour satisfaire aux exigen-
ces du public qui n'exigeait en somme que la
Marseillaise. Je n'ai à citer que ce dernier morceau;
les autres n'ayant aucun caractère spécial qui en
justifiât le choix. Notre cri de guerre, proféré en
pleine paix retentit encore aujourd'hui dans nos
rues. Peuple, tais-toi ; les jésuites prétendraient
que tu veux les exterminer. Ce sont aujourd'hui
tes seuls ennemis. A. Edéma.
VIN
(1). Voir le n' 10.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Samedi, à la Scala, première représentation de
Aîi, bon lapin sauté, saynète en vers burlesques, de
M. Golhi, musique de Villebichot.
Un restaurateur des environs de Paris, dont la
maison décline de jour en jour et qui n'a vu aucun
client depuis longtemps, reçoit enfin une dépêche
lui annonçant l'arrivée d'une trentaine de consom-
mateurs affamés, et lui commandant un dîner des
mieux soignés. — Oh joie 1 Oh 1 félicité. — Mais
hélas ! notre homme se rappelle bien vite que tout
crédit lui est fermé et qu'il ne possède même pas
de quoi acheter le plus petit lapin ; triste situation,
que faire ? Eh ! parbleu, son plan est vite arrêté : il
va dépecer sou marmiton et le fricasser à toutes les
sauces imaginables. C'est une dure nécessité ; mais
la réputation de l'établissement sera sauvée. Le
malheureux apprenti Béchamel repousse cette pro-
position barbare avec horreur, et refuse net (.c'est
LA CHANSON
111
tout naturel) de se laisser transformer en victuailles;
avec des larmes dans la voix, il donne à son patron
le vieux bas de laine dans lequel est renfermé l'hé-
ritage de sa tante (c'est touchant, ma parole). Sau-
vés, mon Dieu 1 Nous sommes sauvés ; tout est pour
le mieux, et les spectateurs sont invités à venir
faire une partie Aw don Icquii sauté.
On a bien ri, je vous l'assure, que demander de
plus? c'est tout ce qu'il fallait, et le but des auteurs
est atteint.
La musique de M. Villebichot est très gaie et bien
appropriée aux situations; cependant il y a un ron-
deau dont le mouvement précipité rend la pronon-
ciation difficile aux artistes, et presque incom-
préhensible aux spectateurs.
Toutes nos félicitations aux deux excellents ar-
tistes qui ont interprété la pièce ; ce sont MM. Bien-
fait et Paul Bert.
***
.Vendredi dernier, le Concert de la Porte Mail-
lot, qui a ouvert ses portes il y a une quinzaine,
nous priait d'assister à une de ses représeutalion.
Nous y avons remarqué et applaudi :Mme Riquet-
Lemonnier, la transfuge du Concert Parisien, qui
détaille parfaitement la Chanson du colonel, de la
Femme à Papa ; M. Deramk, toujours amusant dans
ses grandes scènes comiques ; MM. Emilien, Cour-
YEL, DoRiA ; Mmes Antonine, Vandenerre, Gretty
et Marion.
En annonçant une troupe d'élite, nous ne nous
étions pas trompés.
La scène, très bien construite, est machinée de
façon à pouvoir représenter des revues ; quant à la
salle, elle est cliarmante et possède toutes les com-
modités désirables.
Espérons que les eflbrts de M Fortin seront cou-
ronnés de succès, et que le public prouvera (il a déjà
commencé d'ailleurs) toute sa sympathie à l'habile
direction du Concert de la Porte Maillot.
Alfred Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La grande soirée donnée le 4 août, par la société
lyrique Le Pinson, n'a pas été très brillante, l'audi-
toire ■ n'était pas nombreux. Nous avons entendu
M. Ferret, qui a cru plaisant de nous gémir une
série de couplets à tiroirs, desquels nous n'avons
compris que « C'a n'offense pas le gouvernement, »
répété lugubrement à chaque couplet. M. Kleinans
a nasillé avec force contorsions le Baiser d'amour ;
voulant sans doute nous faire croire que c'est arrivé.
M. Farguini [alias], un italien du Cantal ou du Puy-
de-Dôme, a chanté très gentiment la Somance de
Fortunio. Les progrès de M.- Bernui sont sensibles;
il détaille bien Ma femme est en, tioyaye; nous lui
recommandons cependant d'étudier ses gestes. Im.
mense succès pour M. Vaast, dans Les suites d'un
premier lit, Pour sûr et Ça m'a vexe', chansonnette
comique, dont il est Tauleur. M. Paul Germain s'est
fait applaudir avec Le monde tel qu'il est. Le gri-
macier YiLLÉ a débité avec sa verve habituelle
Saperlotte et Sacrédié. La sœur de l'emballeur, chantée
par Mme Sénés, semble vouloir s'éterniser aux
soirées du Pinson; néanmoins, c'est toujours avec
plaisir qu'on l'entend dire et reredire. La charmante
Mlle Mar&uerite a obtenu beaucoup de succès avec
Page et Bergère. La petite Charlotte a chanté la
Dame au riflard, d'une façon très amusante, et
M. Fontaine a récité parfaitement La dernière pensée
d'une wre, jolie poésie dont il est l'auteur.
Le Chant du Coq, comédie en un acte, a été enlevé
très lestement par Mlle Marguerite, MM. Lartelier
et Inderbitzin de la Fantaisie Lyrique.
Alfred Bertinot.
h' Union Parisienne a donné, jeudi, devant une
salle comble, ;î, rue du Petit-Pont, une soirée ex-
traordinaire, avec le concours do plusieurs artistes
distingués.
MM. Awgu et Fageon ont chanté le fameux duo de
la Reine de Chypre, avec un brio remarquable, M. Bol,
l'habile pianiste, les accompagnait, c'est assez dire.
M. Dmlos a chanté un rondo nouveau, musique de
Bol, déjà nommé.
Monsieur Mon Domestique a été fort bien enle\-é
par Mme Adèle, MM. Guicheet Quèlin. Ils ont provo-
qué d'unanimes bravos.
Mme Anna a dit avec beaucoup de goût : C'est la
nature qu'est cause de totit. Sa voix est bien timbrée,
et comme elle gagne un peu l'aplomb nécessaire sur
une scène, nous lui adressons nos sincères félicitations.
Le Petit Paul, âgé de sept ans, a redit, sur la de-
mande du public : la Même de la Société. Il est à
croquer.
La soirée s'est terminée par une magnifique tom-
bola.
Tous nos compliments à notre camarade Pradel,
pianiste, il devient l'un dos meilleurs de nos So-
ciétés; ajoutons qu'il est des plus aimables — et
des plus complaisants — ce qui est déjà énorme.
Nous donnerons sous peu le programme des
concours que la Société organise pour la rive gauche.
— comme chant, poésie et déclamation.
Nous ferons connaître les détails nécessaires, ainsi'
que les époques de ces différents concours.
Léo Tostain.
M. Dupont, Président de la L?jre amicale, nous fait
savoir qu'il tient à la disposition du Comité de la
statue de Bérangerla somme 100 fr. 2'o cent., prove-
nant d'une grande soirée organisée par sa Société.
Nous adressons tous nos remerciements à la Lyre ■
Amicale, AU nom du Comité en souhaitant que son
exemple soit suivi par les autres sociétés lyriques.
Nous avons assisté, dimanche 8 août, à la soirée
hebdomadaire donnée pav la Lyre Amicale (Café Pyo-
malion, i3, Boulevard Sébastopol). Parmi les nombreux
artistes-amateurs qui se sont fait entendre, nous
avons remarqué: MM. Bénard et Jarrot dans Nestor
112
LA CHANSON
et Timoléon et J'aiqiielqne chose dans l'dos; Andouard-
Calvet, d'un gâteux très-réussi dans la Fête à Oli/m-
^ï'a.Levannier qui abienrendulesappréhensioris d'un
Jeune homme timide; M. Lange, timide lui aussi, nous
a dit la jolie romance Le Temps des Cerises ; mille
compliments bien mérités a M. Fernand Pabé, pour
la façon dont il a interprété l'air de Joseph, le public
lui a fait une véritable ovation; MM. Verdier etBuis-
seret, de la Favorite, ont exécuté sur l'ocarina une
polka de leur composition qui a obtenu les honneurs
du bis ; enfin M. Planer, l'excellent comique, a déso-
pilé la rate des spectateurs avec une amusaute bouf-
fonnerie intitulée : Le Tambour du Village. Une toute
mignonne jeune fille, Mlle Elvire, membre d'hon-
neur de la Li/re Amicale, nous a fort gentiment chanté :
Mon beaic Friiitemjis, une délicieuse romance inédite
de notre ami Forlunat de la Lyre Amicale, pour les
paroles et la musique et que nous comptons offrir
prochainement en primeur aux lecteurs de la Chan-
son. Un acte, en vers, les Fourberies de Nérine, a été
très lestement et brillamment enlevé par Mlle Berthe
et Julien Alix, tous deux Membres d'honneur de la
Lyre Amicale et dont l'éloge n'est plus à faire.
Une petite question en passant à M. le Président :
Pourquoi commence-t-on la séance de chant à près
de M heures, alors qu'il serait si facile de faire danser
de 8 h. à 9 h. afin de commencer la seconde partie
beaucoup plus tôt"? Maxime Guy.
Le Cercle îLusset sous la présidence de M. A. Dur-
vieu, rouvrira ses portes le 4 septembre, café du Globe,
boulevard de Strasbourg, 8.
L'Association Littéraire et Musicale reprendra, le
dimanche 'à septembre, ses représentations sous la
présidence de M. Baker; nous en reparlerons.
^ .
Salle des Sociétés Lyriques,
35, Faubourg du Temple, 25.
Jeudi 19 août 1880, à 7 heures du soir. Distribution
des prix du concours dramatique ouvert entre les
Sociétés Lvriques de Paris, les 27, 28, 29, 30 juin, 1,
2, 3 et 'i juillet 1880, Sous la présidence de: MM. Le-
conte, Tiersot, Dautresme, députés, président et
membres d'honneur du comité, et de MM. Albalat,
Baralle, Blin, Constant, Darcy, Samuel David, Ducros,
Durât, Giraudet, de Marthold, Georges Richard, Va-
labrégue et Valaire, membres des Jurys du Concours.
PROGRAMME :
PREMIÈRE PARTIE :
Distribution des Prix aux Lauréats du Concours.
DEUXIÈME PARTIE :
Audition des Premiers Prix.
1. Ouverture. Le Calife de Bagdad.
Exécutée par l'Harmome Lemaire, directeur. M. Moret.
2.Confiteor. E. Plouvier
Dit par M. Bergier, des Enfants de la Seine {i" prix
du concours de diction). Poésie dramatique.
3. La Conscience. V. Hugo
Dit par M. Cahen, du Cercle artistique du XIX' arron-
dissement (!"' prix du concours de diction). Poésie
dramatique.
4. Vieiix habits, vieux galons ! Richepin
Dit par M. Rivet, du Papillon {l" prix du concours de
diction). Poésie légère.
5. Oh ! Monsieur.
Dit par Mile "Vanina Valette, des Gais Momusiens (l"'
prix du concours de diction). Poésie légère.
6. Ouverture exécutée par V Harmonie Lemaire.
7. Un Caprice (comédie). A. de Musset
M. Joston Chavigny
Mmes Mathilde Mathilde
Madeleine Mme de Léry
(de la Jeunesse artistique) 1" prix du concours de comédie.
8. Allegro, exécuté par l'Harmonie Lemaire.
9. Le Code des Fe)7iines (Vaudeville), Dumanoir
MM. Bénier Paul Fauvel
Perret Mignonet
Rousseau Romain
Louchon Duval
Mlle Hermine Emma
(de la Française, l'''' prix du concours de vaudeville).
10. Polka exécutée par l'Harmonie Lemaire.
11. Les Jurons de Cadillac (comédie). P. Berton
M. Bergier Cadillac
Mlle Hélène La comtesse
(des Enfants de la Seij\e, i" prix du concours de comédie).
12. Valse exécutée par l'Harmonie Lemaire.
13. Le Joueur de i^itlte (opérette). J. Moinaux
M. Julien Diachylum
Joston Cucurbitas
Emaianuel Dintius
Mlles Maria Tulipia
Ernestine Busa
(de la Jeunesse artistique, \" prix du concours d'opérette).
Prix des Places : Loges de rez-de-chaussée 2 fr. —
Fauteuils d'orchestre î fr. 30. — Loges de balcon 1 fr
bO. — Stalles d'orchestre et fauteuils de balcon 1 fr'
Nous publions avec empressement la lettre sui-
vante :
Monsieur le Directeur,
V Intransigeant de dimanche matin a publié une
lettre de M.Ducarre, directeur du concert des Ambas-
sadeurs aux Champs-Elysées dans laquelle il dit : J'ai
obtenu aujourd'hui gain de cause devant la huitième
chambre dans l'action qtie m'avait intentée la Société
des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique. Per-
mettez-moi, Monsieur le Directeur, d'avoir recours au
Journal la Chanson, afin de rassurer nos nombreux
Sociétaires ; voici les faits :
Nous avions assigné M. Ducarre à la huitième
chambre de police correctionnelle pour le samedi
7 août ; notre avocat devait tout d'abord plaider, pour
nous aussi, une petite affaire de Société lyrique. Au
lieu de plaider, le défenseur de la dite Société, dé-
clara que notre assignation n'était pas libellée en
bonne et due forme, "c'est-à dire que les demandeurs
n'avaient pas fait suivre leurs noms de leurs adresses
particulières.
Le tribunal accepta les conclusions de ce brave
avocat, et celui de M. Ducarre, qui n'y avait pas son-
gé, profita de cette circonstance pour opérer une
retraite en bon ordre.
La Société des Auteurs-Compositeurs fut déboutée
pour vice de forme, mais on n'a pas plaidé. Voilà ce
que M. Ducarre appelé avoir gain de cause. Comme
Jenny l'ouvrière il se contente de peu.
Une nouvelle assignation, avec adresses, amènera
de nouveau M. Ducarre, le 21 de ce mois, devant la
même huitième chambre de police correctionnelle et
cette fois, si son avocat n'éprouve pas le besoin de
faire payer à son client une troisième séance, nous
verrons.
Recevez, Monsieur le directeur, les saints empres-
sés de votre dévoué Eugène Baillet,
Secrétaire du Syndicat de la Société des
Auteurs-compositeurs et Éditeurs de
11 août 1880. Musique.
L'nliondanco Aea iiinticrcs nous oblige iV remettre
au nroclinin numéro divers articles et notre CHAIV-
HOX UU JOUR.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
3» ANNÉE.
N» 15.
lO CENTIMES.
22 AOUT 1880
LA CHANSON
Directeur- Gérant .
A. PATAY
La chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de lastrophe,
y. HUGO,
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rêdaciîon
MAXIME GUY
Annonces, laligne.
Réclames, —
Lachanson,commelabafonnettB
est une arme française.
J. CiARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, KUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN GhEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8»
SOMMAIRE
Galerie ilvs Clmnsonnim : Hpné l'onsard (Eii;. Iuukbt). — la Chan-
son à l'étranger (A. P.J. — La Chanson du jour : l'Intransigeant
(SoUEBOnv). — Voyage antour d'an japon, paroles (I'Evilk SetiAUD,
musiiine de Ji les Qlidast. — Âa Caieaa (Eiiii.n Boi.iiiiei.i>). —
Onziime concours
hks.^ie). — Pour
(Alfued Bertinot).
nisuel de la Chanson : Papillons (Octaïk Le-
éranger (J- M.). — Chronique des Concerts
• Chronique des Sociétés Lyriques (Léo Tostain).
GALERIE DES CHANSONNIERS : René PONSARD
Je ne voudrais pas
ériger en système que
le genre de talent d'un
poète est la résultante
forcée des circonstances
qui ont entouré sajeu^
nesse et des influences
que ses premières an-
nées ont pu subir. Il
faut faire, en effet, la
part des dispositions
primitives. Toutefois,
quoique la vie exté-
rieure d'un écrivain
in'intéresse pas beau-
coup, d'ordinaire , le
lecteur, qui veut sur-
tout connaître le poète
et non l'homme, il est
nécessaire, pour expli-
quer Ponsard, de dire
quelques mots de la
carrière qu'il a parcou-
rue.
René Ponsard est né
■à Arpajon, le 20 dé-
cembre 1826. Orphelin
de père et de mère, il
reçut pour toute ins-
truction celle que peut
donner un instituteur
de village. Bientôt, soit
que le caractère indépendant du petit gairs lui eût
aliéné ses grands-parents, soit que les ressources
caustiques qu'il affichait
grand mât.
nécessaires pour lui
mettre un métier dans
les mains, leur fissent
défaut, ou plutôt et c'est
peut-être la vraie raison,
comme il avait pour
oncle un ancien marin,
il fut envoyé à Brest, à
l'école des mousses.
Déjà seul, et comme
rejeté, si jeune! Il avait
treize aus. Triste car-
rière. La brutalité des
quartiers maîtres et
des seconds maîtres
n'était pas très propre
à adoucir ce qu'il pou-
vait y avoir de rugueux
dans son moral. Aussi
a-t-il conservé de cette
époque des souvenirs
qui ont le don, lors-
qu'ils se réveillent, de
ranimer de grosses ran-
cunes. Avec quelle ver-
ve il déclame alors les
vers aussi ardents
qu'incorrects que lui
inspiraient autrefois les
mauvais traitements
et les injustices de ses
chefs ! Elucubrations
hardiment au pied du
114
LA CHANSON
J'en citerai ce passage, légèrement modifié
coup :
O gens galonnés d'or, gens sans miséricorde,
O vous qui nous zébrez les reins à coups de corde.
Si Dieu m'avait donné la force de Samson,
Je vous ferais au cœur passer plus d'un frisson...
Etreignant de mes bras cette haute mâture,
Je la secouerais tant, du faite à l'emplanture.
Que j'en ferais pleuvoir sur vos fronts, ô forbans.
Les vergues, les agrès, les hunes, les haubans.
Tout ce qui peut broyer sous son poids formidable
Des monstres tels que vous.
De molasse, il était devenu professeur des mousses,
puis matelot, puis batelier à Marseille.
Partout la satire le poursuit. Il faut qu'il cingle.
Comme ses chefs n'ont pas le temps de lui répondre
en vers, ils l'envoient tout simplement en Afrique.
Il passe cinq ans aux zéphyrs.
Il assiste au siège de Zaatcha, puis, de retour à
Sétif, il entre comme copiste dans un bureau. En-
fin libéré du service et du séjour des silos, il est
aujourd'hui, et depuis vingt-sept années, employé
dans une administration de chemin de fer, et, qui
plus est, marié et père de famille. Le matelot rétif,
le zéphj^r rageur, ont fait place au bourgeois : vous
croiriez voir un boa gros propriétaire; car PoQsard
est aussi carré au physique qu'au moral.
« II n'a pas appris régulièrement l'art d'écrire et
de penser ; mais il a eu pour maître la nature et la
vie ; il a été mûri par les grandes épreuves en face
des grands spectacles. Son originalité amère se res-
sent des rudes secousses de son existence. » Ces
lignes, qu'écrivait M. Laurent Fichât, en présentant
au lecteur le premier recueil de Ponsard, Les Echos
du lord, en 1862, me semblent peindre exactement
le poète. J'ajouterai toutefois que l'étude et le temps
ont de concert assoupli son talent et son caractère.
Les petites mines, la mièvrerie ne sont pas son fait.
Non toutefois que la grâce lui manque au besoin.
Ainsi, il nous peint la Mareyeuse, que courtisent les
bruns enfants des grèves.
Que de buveurs au front joyeux
Ont à la flamme de ses yeux
Brûlé les ailes de leurs rêves !
LaBaorjue volée se termine par un trait touchant.
Ce matelot, qui pleure sa barque comme il a pleuré
sa mère, s'emporte en imprécations contre le voleur:
Oh ! qu'il soit tourmenté sans trêve,
Ce voleur de barque maudit !
Que tous les galets de la grève
Déchirent les pieds du bandit !
Que son chemin soit plein d'épines !...
A moins qu'il n'ait, las de souffrir,
Avec le fruit de ses rapines,
Des petits enfants à nourrir.
Ponsard est surtout à l'aise dans les sujets qui
demandent de la vigueur. L'invective même est
assez dans ses cordes, quoique il soit bon au fond,
peu jaloux, modeste même à ses heures, obligeant
toujours.
A propos d'invective, je citerai un fait. Des réu-
nions périodiques se tenaient, vers 1850, chez un
ami de la chanson, chansonnier lui-même, et non
sans talent, quoique un peu sentencieux. Rabineau,
Supernant, Jeannin, Pécatier et d'autres formaient,
là entre eux des concours dont les juges étaient les
concurrents eux-mêmes. Les pièces n'étaient pas
signées. Un soir arrive une longue pancarte remplie
de vers (deux cents et plus) et intitulée Un temple-
ignoré. C'était la peinture, à la manière noire, des
choses et des hommes de l'endroit. Chacun y rece-
vait son coup de patte. Le plus maltraité de tous
était un chansonnier bien connu dans le Templ^
iffmré, le seul dont le nom fût voilé d'un pseudo-
nyme, et l'auteur lui faisait l'honneur de lui consa-
crer plus de quarante vers. Voici un passage de cette
philippique, qui donnera suffisamment le ton du
reste :
Je voudrais ne point mordre au milieu de la joue
Ce Pangloss eifronté qui raille et fait la roue;
Je voudrais, oui. sans doute, et tout haut je le dis,
Ne lui voir que des vers par son travail acquis ;
O Gilquin, je voudrais. .. ; mais ici je m'arrête.
Car (quels vœux insensés!) je t^; voudrais poète.
Et comment à ce but pourrais-tu parvenir?
Quels fruits de ton lalseur oserais-tu fournir?
Et quand de ton cerveau, source d'acrimonie.
Ne ■découlerait plus de visqueuse sanie.
Tu ne seras toujours qu'un nuisible chapon...
Vous voyez que Ponsard, car lé morceau était de
lui, n'y allait pas de main morte.
Ponsard, du reste, ne semble pas près de renoncer
à la satire, s'il tient la promesse qu'il se fait dans les
vers suivants qui terminaient la même pièce :
Oh ! lorsque l'agonie égarant ma raison
Marquera de mes jours le fatal horizon.
Que se taira mon cœur et que fuira mon âme.
Que de toute chaleur s'envolera la flamme;
Que mon pouls cessera, que nies yeux s'éteindront,-
Que mon sang n'ira plus vivifier mon front;
Qu'un délire insensé s'échappant de ma lèvre
' Dira les derniers mots de ma dernière fièvre;
Alors, prêt à servir de pâture à des vers.
Pour te siffler encor, je veux râler des vers.
Ponsard a publié en 1873 un second recueil :
Chansons de lord. Sa muse aime la mer : « C'est une
bonne fille, dit-il lui-même, délurée, d'un carac-
tère abrupt, mais franc ; elle soupire peu, pleure
encore moins, crie beaucoup et rit presque toujours ».
Plus lard ont para les Conj}s de garcette, trois cahiers
publiés en Belgique par Lemonnier; on y remarque
La Confession d'un forlan, S'il revenait!
Il a inséré des vers dans plusieurs recueils, les
Echos du Vaudeville, l'Artiste, VAlhum du Ion Boclr
et collaboré à divers journaux littéraires et humoris-
tiques : le Tintamarre, le Scajiin, la Crécelle, la
Chanson, le Réveil, de Delescluze, où parurent ses
Soldats de 'proie.
Il est aussi l'auteur d'une pièce attribuée à Pétrus
Borel par un des biographes de ce poète : Léthargie-
de la muse. Supercherie qui pourrait bien
Aux Saumaises futurs préparer des tortures.
Il est d'ailleurs coutumier du fait, et il est quelque
part certaine lettre 2}eu connue dont je voudrais bien
voir l'original.
Il prépare depuis longtemps un nouveau recueil^
qui s'intitulera les Ancres perdues.
LA CHANSON
115
Le Navire infernal. Nos MtcsseSi Togjie la galère !
VHôtesse du Cachnlol, montrent dans le talent de
Ponsard des ressources variées. La netteté de la
langue n'enlève rien chez lui à la laataisie du fond.
La rime est toujours riche, l'image exacte et bien
suivie. Car il y a bien un peu de coquetterie dans sa
prétention à n'avoir rien appris : il a beaucoup étu-
dié, et sait beaucoup, et lit toujours, préférant, il est
vrai, pour l'inspiralioa, Régnier à Boileau, pour le
style, Diderot à Voltaire, et pour l'entrain (oserais-je
le dire?), IJebraux à Béranger.
Ponsard a aussi couru quelques bordées, sous le
nom de Lacayorne, dans les parages de la politique;
BOUS ne l'y suivrons pas.
C'est le vrai Béranger de la mer, parfois aussi le
Grécourt (voir, entre autres morceaux, le Petit
navire); ce qui ne l'empêche pas d'être aussi à l'oc-
casion un poète de grand souille et de large enver-
gure :
Que le vent me soit propice ou non.
Je lance en pleine mer ma nacelle sans nom.
Si le flot de l'oubli, comme un drap funéraire,
Me doit ensevelir sous l'onde littéraire.
J'attends sans tressaillir le moment où le llux
Jettera sur la grève un naufragé de plus.
Je ne sais si le lecteur sera de mon avis, mais je
■trouve ces vers, placés en tète des Ech'ia du, hord,
bien supérieurs à (^cux dont Ponsard accablait en
18110 le malheureux Gilquin. Il est vrai, pour le dire
en passant, que le chansonnier qu'il drapait sous ce
pseudonyme, ce Pary/lass efrotilé, ce chaptiu, n'était
autre que son biographe d'aujourd'hui.
EUII. I.MItEBT.
LA CHANSON A L'ETRANGER
Les littérateurs français font volontiers profession
•d'iiidill'ércnce pour les produits littéraires de l'étran-
ger; l'étranger, au contraire, accorde une attention
soutenue à tout ce que produit la France. Nous four-
nirons aujourd'hui deux preuves do ce fait intéres-
sant.
Une revue publiée à Leipzig en hingue, allemande
sous ce titre : Zeitschrift fu.r neiifranzosichesprache, et
qui correspond à notre Remie des Deux-Mondes, a
■consacré récemment à la chanson tine étude trop
longue pour que nous la puissions reproduire, mais
qui dénote chez son auteur, M. E. 0. Lubarsch, une.
connaissance rare de la langue française et un sens
«ritique non moins rare. Nous l'en remercions sin-
cèrement et le prions de vouloir bien nous continuer
son attention bienveillante.
Une autre publication, l'Occhialetto, qui parait à
Naples depuis huit ans, en italien, et qui réserve au
français une page intitulée Page-Caprice, publie dans
un de ses dei-niers numéros cet avis original :
, Le pardon est la vertu des grandes âmes et nous
sommes sûrs que nos aimables lectrices nous au-
ront déjà pardonné notre absence involontaire de sa-
medi passé. Au moins pouvons-nous dire pour nous
excuser que nous ne sommes pas restés les bras croisés
et que nous n'avons pas perdu notre temps, puisque
nous pouvons leur annoncer que, grâce à un accord fait
avec l'Administration du Journal parisien La Chan-
son (1) notre Page-Caprice devient une page musicale
et illustrée (!!!) Aujourd'liui nous publions le portrait
de "V^ Hugo; dans le prochain numéro nou-j inaugure-
rons une série de chansonnettes en commençant par
une Barcarole de G. Nardin, musique de Charles Jaume,
puis nous donnerons le portrait du célèbre chansonnier
Pierre Dupont et sa biographie écrite par M. L. -Henry
Lecomte.
Que nos charmantes lectrices veuillent donc nous
absoudre de nos péchés passés et nous leur promettons
de ne nous absenter... que le moins possible.
Les promesses faites par VOcchialetto à ses lecteurs
ont été tenues depuis; mais nous tenons à dire à
notre obligeant confrère que nous l'autorisons à
prendre dans nos colonnes tout ce qiti lui paraîtra
susceptible d'intéresser sa nombreu-se clientèle.
La Belgique, la Suisse, l'Angielerre-, les Etats-Unis,
les colonies les plus lointaines apportent également
à noire oemie modeste un concours amical. Nous
remercions lout le monde en promettant de redou-
bler d'efforlH pour juslitier ces sympathies précieuses
el en ac(iuérir encore de nouvelles.
A. P.
Nnu-; publierons dans notre prochain numéro le
résultat de notre Douzième Goxcouns.
TREIZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert dio 20 août au 20 septembre.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous pttlilierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le l»'' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il v consenl.
A ]\OS LECTEURS
Le succès toujours croissant de notre jotu-nal nous
oblige à des sacrifices nouveaux; aussi comptons-
nous satisfaire à la demande d'un grand nombre de
nos acheteurs en multipliant les Illustrations.
Nous réservons pour cet liiver des surjmses à nos
lecteurs : nous voulons que notre publication soit
sans rivale dans son genre. Nous préparons aussi
pour nos abonnés de vcrlla.M es primes, el cela très-
prochainement.
Vient de paraître i\ notre librairie un nouveau
Catalogue «le livres ancien.s et luodernc»!, rares et
curieux. l\ous cnvcrron.s ce catalogue franco iV toute
personne (pii nous en fera la demande par lettre
affranchie.
(1) >'oiia recommandons chaudement à
eesante Revue de musique populaire, lîlle
aparle, 18J tous les samedis et ne coûte
us nos lecteurs cette rnte-
publie à Paris (Rue Bo-
jur l'Italie que S frs. par
116
LA CHANSON
L'INTRANSIGEANT
Air : Tant d'ia vertu, pas trop n'en favt.
Il est galant, honnête et fort :
Vive Monsieur de Rochefort!
Pour le peuple qu'il glorifie
Et qui l'aime d'un tendre amour,
Résumons la biographie
De ce trioniphateur du jour.
Il est galant, etc.
Il naquit dans la capitale
En l'an mil huil cent trente et im,
Avec un Iront d'hydrocéphale
Surmonté d'un haut toupet brun.
Il est galant, etc.
Son père — A. de — tenait boutique
De versiculets et d'esprit ;
Quant à sa mère, la chronique
Sur elle n'a jamais rien dit.
Il est galant, etc.
Boursier à Saint-Louis, poëte,
Pour la Viei-ge et les d'Orléans
Il fit chanter à sa musette
Des vers jolis et bienséants.
Il est galant, etc.
Plus tard, négligent bureaucrate.
Pour étaler impunément
Tous ses défauts d'aristocrate
D'Haussmann il quêta l'agrément.
Il est galant, etc.
Bientôt, par besoin ou cynisme.
Notre peu scrupuleux gaillard
Cultiva le bas journalisme
Et le vaudeville égrillard.
Il est galant, etc.
Un jour, pour charmer la pratique.
Un entrepreneur avisé
Le sacra tombeur politique,
Avec brevet fleurdelisé.
Il est galant, etc.
Dès lors on le vit — 6 morale ! —
Chaque soir, grave et singulier.
Creuser la question sociale
En cabinet particulier.
Il est galant, etc.
La lèvre humide de Champagne,
Tous les matins il reprenait
Son impitoyable campagne
Contre l'Empire qui "tombait.
Il est galant, etc.
Sa Lanterne, produit baroque
Variant d'allure et de son,
Parfois procédait d'Archiloque
Mais plus souvent de Commerson.
Il est galant, etc.
César enfin lança sa foudre
Contre le farouche écrivain
Qui d'escampette prit la poudre
Et s'établit près de Louvain.
Il est galant, etc.
D'un exil pantagruélique,
Il revint, l'Empire chassé.
Sur les pas de la République
Qui voulait venger le passé.
Il est galant, etc.
Pendant que Paris pris au piège
Luttait des ongles et des dent<.
Lui que jamais la peur n'assiège
Fit des articles'redoadants.
Il est galant, etc.
Sa réserve de noire bile
Durait encor, pour son malheur.
Quand un ennemi trop habile
Nous eut tout ravi, sauf l'honnem-.
Il est galant, etc.
Pour la malfaisante Commune
Il écrivit, chanta, cria,
Et cette ardeur inopportune
Le conduisit à Nouméa.
Il est galant, etc.
Il s'évada sans grande peine
Au moment où, très-protégé.
Le sinistre et honteux Bazaine
D'une autre île prenait congé.
Il est galant, etc.
Oîi vécut-il? cola n'importe;
Du pays des contrefaçons
Quand l'amnistie ouvrit la porte
11 surgit avec des chansons.
Il est galant, etc.
Le vrai peuple sur son passage,
Intelligemment espacé.
Porta sur lui cet arrêt sage :
(( Il a beaucoup trop engraissé ».
Il est galant, etc.
Dès le lendemain le terrible.
Au solide toujours songeant.
Remuait toute âme sensible
En créant son Intransigeant.
Il est galant, etc.
Ce journal, fruit de son automne,,
Aux porteurs pauvres, nous dit-on.
Il ne le vend pas, il le donne.
Et se contente du bouillon.
Il est galant, etc.
Depuis, sermonnant qui l'écoute,^
Et des banquets prisant le veau.
Orateur profond, il ajoute
A sa gloire un rayoni nouveau.
Il est galant, etc.
Cachant dans une tirelire
Les louis qu'il a récoltés,
« Je suis, clame-t-il en délire,
Du parti des déshérités ! »
Il est galant, etc.
Mais si, suspectant sa bedaine.
Un frère l'interroge net.
Il dit une calembredaine
Et regagne son cabinet.
Il est galant, etc.
Car ce prince des pamphlétaires
Au fond de lui-même sent bien
Qu'aux problèmes humanitaires
Jamais il ne comprendra rien.
Il est galant, etc.
De sa campagne audacieuse
Contre un débonnaire pouvoir,
La terminaison glorieuse
Est assez facile à prévoir.
Il est galant, etc.
Au jour du scrutin populaire,
Les électeurs qu'il ameuta
Applaudiront sa circulaire
Et nommeront tous... Gambettaw
Il est galant, etc.
Alors d'ambition rentrée
Et de colère suffoquant.
Il rendra son âme titrée
Gomme une âme de vil croquand.
Il est galant, etc.
Et quelque jobard famélique
Lui fera graver sur l'airain
Cette épitaphe véridiquc.
Contresignée Olivier Pain :
« Il fut galant, honnête et fort,
Pleurons Monsieur de Rochefort ! »
SOIMEBOOY.
LA CHANSON
117
VOYAGE Amufi B'iiN mm
SIMPE.E BÉCIT
Poésie d'EïiLK Segici.. miisùiMe de Jil.Es Quoivr.
Mod'?
Jeune. 00 -iri . èrs, a l'ai
r œu _
lin. Je l'n . per . çub uo beau ma. lin.
toa . KJoau If* Ole . me-^^ (rot.toir. Et
jn nui.'iH... iiaoït le Ton. loir, (.'et. te
>■«, rea.dOQ» bout . oa . fte' Tbiht
^--^-^^:^^fe^.=mN^
•u tour d'UD jo . poD,
Qo'il
A poo, Qo'il «81 doni le loj . a . ge
Vers elle, un charme m'attirai! ;
En passant elle se mirait
Devant plus d'une glace...
Mes yeux y rencontrant ses yeux.
Un sentiment délicieux.
Dans nîon cœur prenait place !
A ton minois, etc.
Je vis ses dents blanches ronger
Un croissant pris au boulanger ;
Elle n'était pas fière !
Puis, à sa jambe, rond trésor.
Elle entra dans un corridor.
Fixer sa jarretière !
A ton minois, etc.
Mon bureau, — hasard singulier, —
Était près de son atelier :
Je bénis cette chance !
Chaque matin Ton se revit,
Et voilà comment il se fil,
Qu'on lia connaissance !
A ton minois, etc.
On en vint à s'aimer d'amour ;
On se le dit, mais sans détour;
Ce n'est pas ma maîtresse !
Elle est ma femme bel et bien,
Car être honnête, n'est-ce rien ?
Vertu passe richesse !
A ton minois, etc.
-aujourd'hui, la main dans la main.
Nous suivons le même chemin ;
De fleurs est notre chaîne !
Ensemble à l'ouvrage on se rend.
Ensemble on rentre s'adorant.
Le long de la semaine !
A ton minois, etc.
Et les dimanches du bon Dieu,
Quand le printemps met son ciel bleu,
A la fenêtre ouverte;
Pour nous délasser, nous allons
Courir les bois et les vallons.
Dans la campagne verle!
A ton minois fripon,
■ Femme, rendons hommage;
Tout autour d'un jupon ,
Qu'il est doux le voyage !
AU CAVEAU!
Rondeau
A.n : loo.» rappelez-eons... (PttL Huiiiuon)
Salut au Caveau, le joyeux cénacle
Où les cœurs, battant tous à l'unisson.
Depuis si longtemps, comme par miracle.
Sont restés amis, grâce à la Chanson!
Tu n'es pas la crypte aux dédales sombres
Où l'humanité dort le long sommeil....
Caveau, tu n'es pas le séjour des ombres.
Mais des bons vivants, fils du dieu Soleil !
Tes chanteurs fameux ont pris pour idole
La riante fille au court cotillon.
Dont le tambourin bat la farandole
De Catin, Margot, Lise et Frétillon.
C'est eux qui jadis livraient des batailles
Aux clos de Bourgogne, aux crus bordelaié.
Défonçant gaîment des rangs de futailles
Dont le sang coulait à pleins gobelets.
118
LA CHANSON
Le chef grisonnant, ]a l'ace vermeille,
Ils chantaient encor couchés sur le flanc,
Comme en un cellier le jus de la treille.
Dans les vieux flacons tout poudrés de blanc.
Au seuil de leur temple Apollon m'accueille;
Autour de l'autel le chœur est rangé ;
Et... tremblant... ému, je signe la feuille
Où se sont inscrits Clairville cL Grange!
Je suis enivré de la bonne aubaine
Qui me fait ce soir membre du Caveau,
Car je vais m'entendreà ma cinquantaine.
Par vous, les fervents, nommer le nouveau 1
Etre le nouveau! Vrai... cela m'étonne ;
Ai-je remonté le cours du destin?
Pour moi le printemps remplace l'automne,
Et j'ai mon été de la Saint-Martin.
Je veux donc, bravant votre droit d'ainesse.
Rire et me moquer du qu'en-dira-t-on.
Ici les anciens gardent la jeunesse...
Le dernier venu peut narguer Caton.
Je ne brigue pas la couronne insigne
Des vaillants héros de vos beaux desserts.
Mais je mêlerai, comme un chant du cygne.
Ma modeste voix à vos gais concerts.
Donnant au couplet le pas sur la prose.
J'ai mis des pipeaux sur mes parchemins.
Je prends le sentier qu'une eau pure arrose ;
Il fait trop do vent sur les grands chemins...
Le tour d'un jardin, c'est là mon voyage;
Des explorateurs je crains les guignons.
Ma canne, un bouquin forment mon Ijagage,
Et mes souvenirs sont mes compagnons.
Je vous dois l'aveu de quelque faiblesse :
Mieux que les soupirs j'aime le flon flon !
Je bois plus de vin que de lait d'ànesse...
Je n'ai point encor chassé.... Madelon!
Non, je ne suis pas glacé connue un pôle.
Mais je me soumets à vos règlements;
Puisque le bras rond et la blanche épaule
Se voient exilés de ces lieux charmants.
Je vais adorer la grande maîtresse,
Colle qui vous a comblés à foison,
La Chanson, qui donne un brin de sa tresse
Sans tarir le flot d'or de sa toison ;
Celle qui, le soir qu'un air de fauvette
Faisait rêvasser votre vieux rimeur,
A mis sur ma lèvre une chansonnette
Dont votre indulgence aima la primeiu:.
Et j'ai vu s'ouvrir devant moi l'arène
Dont tous les échos disent vos refrains.
A toi mes baisers, Chanson ma marraine 1
Mes deux mains pour vous, aimables parrains !
A vous deux merci des moments prospères
Qu'au Caveau je vais couler désormais. .,
A vous tous merci, chansonniers mes frères,
De m'avoir conduit aux dieux que j'aimais!
Je bois au Caveau, le joyeux cénacle
Où les cœurs, battant tous à l'unisson,
Depuis si longtemps, comme par miracle.
Sont restés amis, grâce à la Chanson !
Emile Bourdelin.
6 août 1880.
ONZIÈME CONCOURS MENSUEL DE LA CHANSON
3° Prix.
PAPILLONS
Le soleil les a fait éclorc
Au fond d'un calice argenté,
Us s'en vont, joyeux, vers l'aurore.
Ivres déjà de liberté.
Leurs belles ailes nuancées
Ont de métalliques rayons...
Envolez-vous, ô mes pensées,
O papillons !
0\\ vont-ils? Le divin caprice
Les guide seul en leur chemin,
De l'émei'aude d'un calice
Aux frais pétales de carmin ;
A toutes les frêles corolles
Us font de longues stations...
Serments d'amour, promesses folles,
0 papillons ! - ■
Us ne voient pas, ces fous superbes.
Qui croient tous les êtres comme eux,
Les serpents cachés dans les herbes,
Vils, hypocrites, venimeux.
Sans pem", sans haine, sans envie.
Us forment leurs gais bataillons...
Premiers errement de la vie,
0 papillons !
Jalouse de couleurs si belles.
Une étyre, aux huit yeux perçants,
Un matin, déchire les ailes
De ces insoucieux passants.
Morts, seules les blanches fleurettes
Les pleurent au fond des vallons :
Ainsi meurent tous les poètes,
O papillons !
Qu'importe, ô papillons de moire,
O papillons d'azur — mêlez
Vos ailes ou d'or ou d'ivoire
A nos cieux si souvent voilés.
Oh! que nos matins seraient tristes
S'ils n'étaient que des vibrions !
Croissez, fous, vagabonds, artistes,
0 papillons !
Octave Lebesgde [Lijo%).
LA CHANSON
119
POUR BÉRANGER
La rôle de nuit, donnée à Lj"on par la Société des
Joyeux Amis., au profil de l'érection d'un monument
à Bérangcr, a eu lieu samedi 14 août. Grâce au bon
goût des organisateurs et à l'appui de la presse
lyonnaise qui, sans distinction de partis, a reproduit
la lettre adressée par le Comité à notre ami Octave
Lebesgue, jamais fête n'a été plus brillante.
Dès neuf heures du soir, une foule sympathique
et nombreuse se pressait aux portes de la maison
Auberl, dont les vastes jardins, éclairés a giorno
par des milliers de lanternes vénitiennes, avaient
pris un aspect féerique.
Un concert, réglé avec le plus grand soin, a servi
d'introduction à la fête, et nous devons rendre hom-
mage à tous ceux qui y ont pris part.
Citons particulièrement M""^ Gabriel, élève du
Conservatoire, qui s'est révélée artiste de talent par
la façon dont elle a chanté le Salut à la France de la
FiLI.E DU l-tÉ(;iMEN'r ;
M"° Gaillard, qui tenait le piano et qui a montré
un zèle infatigable ; le désopillanl Bouvard pour sa
Conférence sur le Divorce ;
M. Andrieux, baryton de talent, pour ses roman-
ces, (!t M. Dcpay, pour la façon charmante dont il a
dit la scène patriotique : k Le Peuplier de Mulhouse ; »
M. Octave Lebesgue, un poêle que vous connais-
sez bien, avait écrit une ode à Bérangcr, qu'il devait
réciter lui-même ; mais, s'étant trouvé empêché,
M. Mario a bien voulu se charger de la faire enten-
dre au public, qui eu a acclamé l'auteur absent.
Citons encore la Fanfare des Touristes lyonnais,
VHarnionîe du premier arrondissement, la Chorale
des Enfants des Muses, etc
J'en passe, et des meilleurs
A minuit, un ballon, « Le Béranger », gonflé à
l'air chaud, s'élève dans le ciel aux applaudisse-
ments enthousiastes, et la foule suit longtemps des
yeux le glolie de fou qui va se perdre dans la nuit.
A une heure, bal.
C'est là vraiment que la fêle prend un aspect fan-
tastique, et, grâce à l'orchestre composé des meil-
leurs artistes, sous l'habile di rection de M. Dcveau,
les danseurs s'ébattent jusqu'au jour.
En somme, soirée charmante et digne, en tous
points de l'illustre chansonnier.
Kous donnerons le résultat qui n'est pas encore
connu.
J. M.
Nous arons reçu de la Lyre Amicale, présidée
par M. Dupont, la somme de 100 fr. 2o, produit de
la soirée donnée par cette Société pour la statue de
Béranger.
Nous publierons prochainement une sixième liste
de soiiscriptions.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Vendredi dernier, en passant rue Biot, aux Bali-
guûUes, l'idée nous prit d'entrer un instant au
CONCKRT Européen, et ma foi, d'instant eu instant,
nous sommes reslés toute la soirée — ce qu'entre
parenthèse, nous ne regrettons pas. — Sans être
un concert de premier ordre, I'Européen possède
d'assez bons artistes; c'est du reste une petite pépi-
nière d'où sont sortis Mil. Uucastel, Pichat, Henriot,
Mme Fernande et beaucoup d'aulres aviislcsen vogue
dont les noms nous échappeul. Isous signalerons,
eu ce moment, M. Gaston Ledoux, un bon comique
genre Ducastel, qui chante Ça m'fait rêver d'amour,
d'une façon tout à lait désopilante; cet artiste serait
d'un bon clfeL à la Scala, où son genre n'est tenu
par personne. Nous remarquons aussi M. Gardel,
qui détaille fort bien les Mémoires d'un billet de
Banquf, el Mnii' Aurélie, très fine dans le Ruban
rose. Les nul l'es nrlisli'^ s. ml îles jciuies, qui ne sont
p;is riiciiiv iiL^iiiTri^ ,iiix j.l.iiii-hfs, mais qui révèlent
de Ijiimics lUspu.-ilioiis et aspirent à suivre l'exem-
pl(^ de leurs devanciers. .
Notre sympalhi(iue camarade Ville, que beaucoup'
d'entre vous, chers lecteurs, ont applaudi dans les-
Sociétés lyriques, a donné une audilion publique-
qui a fort' bien réussi; cependant il nous a paru un
peu au-dessous de son niveau habituel, ce qui n'a
pas lieu de nous surprendre, car malgré tout son
aplomb, il est certain que l'émotion lui retirait un
peu de ses moyens ordinaires. Nous ignorons s'il
est engagé, mais d'après l'accueil favorable des ha-
bitués du Concert, tout nous porte à le croire.
La Bonni' au.r CaniHias, vaudeville en un acte, do
MM. Crémii'iix cl .l.iinie (lisez Pedro Gardas), est
enlevé cou\'ciiiililciiiL'ut par MM. Fayolle, Kégiane,
Numas, Ledoux; MiuesCramer, Lepàilleiu' etBerthe
Legraud. Knfin, pour terminer, nous dirons que,
malgré la chaleur, les fauteuils et les stalles d'or—
cheslre étaient coniplètemcnl garnis, ce qui est
d'un heureux présage pour l'iiiver prochain.
Samedi, sous une nouvelle direction, a eu lieu la
réouverture des Folies-Saixt-Martix. Dès huit
heures, un public nombreux avait envahi toutes les
places, et c'est avec beaucoup de peine que nous
sonunes parvenus à trouver une moitié de strapon-
tin. La salle, remises à neuf cl complètement trans-
formée, ressemble beaucoup au Coxcert Parisien:.
et aux Folies-Ramruteau ; trois grandes allées •
rendent la circulation facile d'un bout à l'autre. Lar
scène a subi aussi de nombreuses transformations
qui permettent de représenter des revues avec chan-
gements de tableaux. Le sous-sol, où étaient autre- ^
lois les billards, a été arrangé en jardin d'hiver--,
une cascade, des rochers, une décoration somp--
tueuse etunéclairage d'une demi-clarté, lui donnent
un aspect tout à fait féerique; ce délicieux jardin
sera (nous en sommes certains), très goûté des ama-
leurs de fraîcheur.
Parmi les artistes composant la nouvelle troupe,
nous citerons particulièrement M. Pissarello, amu-
sant au possible dans ses acrobaties musicales;
cet excellent artiste n'es', pas tout à fait un in-
connu, car beaucoup d'entre nous l'ont applaudi à
I'Eldorado, où il obtenait le même succès qu'aux
Foi.ie.s-Saixt-Martin.
M. Cassabon, transfuge de I'Opéra de Lyon, chante
des fragments d'opéra, et recueille de nombreux
applaudissements, preuve certaine que, malgré le
goût du jour, le public est encore très amateur de
120
LA CHANSON
bonne musique. Nous ne samions trop féliciter la
direction de cette tentative de résurrection du grand
répertoire au café-concert. MM. Alberti, Denizot et
Vassor complètent un bon ensemble. La partie fémi-
nine laisse bien à désirer, mais il ne faut pas être
exigeant et demander l'impossible du premier coup.
M. Michel Bordet, poète improvisateur, a équili-
bré sur le champ, avec des rimes plus ou moins
sensées, données par les spectateurs, une petite
pièce de vers, intitulée le Rossignol. Sur la Presse,
second sujet donné par le public, M. Bordet a fait
une jolie chanson qui a été interrompue à diffé-
rentes reprises par de nombreuses acclamations.
M. Ch. NicoUe, le régisseur, est venu lire le pro-
gramme que la nouvelle direction se propose de
suivre, et a annoncé que les jeunes auteurs et les
jeunes artistes, sei-aicnt accueillis favorablement aux
Folies-Saint-Martin .
Pour terminer la soirée, le Tigre dit, Bengale a été
joué convenablement par une partie de la troupe.
Une petite question : pourquoi couper une des meil-
leures scènes de la pièce, est-ce avec intention, ou
est-ce la faute d'un interprète manquant de mé-
moire? Nous conseillons au répétiteur de faire
jouer la pièce en entier.
De nombreuses invitations avaient été envoyées à
la presse, et beaucoup de nos confrères sont venus
prouver leur sympathie à la nouvelle direction.
La réouverture de Ba-ta-Glan a eu lieu samedi
dernier; nous en reparlerons dans notre prochaine
chronique.
A LA ScALA, rien de nouveau la semaine dernière.
Au 1)on lapin sauté, la Ijouffonnerie de MM. Gothi et
Villebichot obtient beaucoup de succès, nous ne se-
rions pas surpris qu'elle restât encore une quinzaine
au moins, sur l'affiche. La prochaine revue qui sera
représentée s'appellera La Soupe et le iœwf, revue or-
dinaire de l'année, en deux actes; paroles et musique
de MM. Bruant et Jules Jouy.
L'excellent Bourges doit créer prochainement une
chansonnette de M. Emile Ségaud et de notre ami
Jules Jouy, la musique est écrite par M. Gh. Grosriez;
le titre n'est pas encore arrêté, mais il est pro-
bable que les auteurs se décideront pour C'qwefai-
mons.
A l'Eldorado, Mlle Berthicr a créé avec succès
Ninette,àe notre collaborateur Maxime Guy, musique
de M. Albert Flacière. Très prochainement Velly
doit créer Êles-vous comme moi, de notre rédacteur
en chef, musique de Jules Raux.
Alfred Bertinot.
Ancienne Maison Simon, A. Farcy, successeur,
70, rue d'Angoulème-du-ïemple, lundi 23 août 1880,
à huit heures du soir très précises, Soiréb-Goguette
donnée au bénéfice de Jules Jeannin, chansonnier,
sous le patronage de ses nombreux amis. — Tous
ses collègues chansonniers se feront un devoir de
prêter leur concours à cette soirée, qui sera présidée
par le camarade Guigm. — Grand concours de chant
et de poésie. — Six prix seront offerts aux meilleurs
chanteurs et chanteuses. — Tombola gratuite.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La Lyre de la Gaité a donné, samedi 14 août, 18
rue Descartes [siège habituel de ses reunions) une soirée
extraordinaire; malgré la grande chaleur, la salle
était comble.
Il n'y avait pas de programme, mais, avec la pré-
sidence de l'ami Letirand, on comptait sur une char-
mante soirée.
Cette attente n'a pas été trompée. Les Sociétés
V Union Parisienne et V Union Française étaient ample-
ment représentées.
Nous adressons tout d'abord nos compliments sin-
cères et bien mérités à Mesdames Wurer, Lheureux
et Paiil et Mesdemoiselles Henriot et Louise. Citons
aussi, pour mémoire, Mme Adèle, son éloge n'étant
plus à faire.
Parmi le c6té masculin, il a été brillamment re-
présenté par Messieurs Tiercelin et Moumoutte (sans
préjudice des noms qui m'échappent). Mais une men-
tion spéciale est due à ces vrais et bons artistes, vail-
lants champions de nos réunions lyriques.
Une triple salve d'applaudissements a forcé notre
ami Tiercelin a chanter et le grand air d'Haijdée et
celui du Chalet ; Moumoutte a surtout été désopilant
dans : Je suis triste, on aurait pu croire que nous
l'étions aussi, car nous pleurions (de rire).
Le piano a été tenu par Fernand, accompagnateur
habituel de la société. Le pianiste de l'Union Pari-
sienne et de r Union Française, M. Pradel a bien voulu
prêter son grcieux concours pour certains habitués
de ces sociétés.
Puis la soirée s'est terminée par le tirage d'une
tombola composée de lots nombreux et de bon goût.
En fait de bon goût, j'allais omettre de dire que la
Société a eu celui d'offrir un insigne d'honneurà Tier-
celin ainsi qu'à Madame Paul et Mlle Louise.
Ces gracieusetés produisent toujours un excellent
efl'et, surtout quand elles sont bien méritées.
La Société tient ses séances les samedis, dimanches
et lundis de 8 heures 1/2 à 11 heures 1/2. — Toutefois
les lundis sont principalement consacrés aux récréa-
tions chorégraphiques. — Avis aux amateurs.
LÉO Tostain.
La Lijre-Blenfaisante (1872-1880) informe ses nom-
breux amis que, selon son habitude de chaque an-
née, elle ouvre ses soirées d'hiver le o septembre,
pour continuer tous les dimanches et lundis jusqu'au
30 avril prochain.
Elle invite tous les amis de la vraie chanson à ve-
nir la visiter souvent ( quai Saint-Michel, 9 ), ils se-
ront toujours les bienvenus.
Notre numéro étant sous presse au moment où
aura lieu la distribution des récompenses aux lau-
réats des Sociétés lyriques, nous en rendrons compte
dans notre prochain numéro.
Nous avons encore reçu des réclamations, consta*
tant dCN irrégularités dans la distribution de notre
dernier numéro, ^ous ne naurions trop recommaiidet'
à nos altonnnés d'adresser directement leurs réclama-
tions li iti. Cocher;^', ministre des postes et des télé*
graphes, ii Paris.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie,, 6, rue Martel.
3« ANNÉE. — N" IG.
lO CENTIMES.
29 AOUT 1880
LA CHANSON
Directeur- Gérant .
A. PATAY
La chanson est une forme allée et
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, laligne... 1 »
Réclames, — 2 •
l.a chanson, comme la balonaatta
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN GHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6fr.
■ six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
4jaleric des Chansonniers : M"
lettre à mes amis (Élie Dklb:
— Sentier Normand, paroles
ckhK Blot. — La Chanson du
Êlie DL'l€Kvhatt.v (Eue.
:iuux). — Saint-Jast (Aco
de Léon D^vaicubl. niiislq
four : Le Départ dis Jéiiaites (Aluk^t
; Alais).
Vkhmaeldk), — Les quatre Temps de ta Chanson (Eue. hiBEnT). —
— Les Soctarnes. — Chronique des Concerts (Alfhed Beiitinot).
— Chronique des Sociétés lyriques (Jules Uauv, A. Behtinot, Qcè-
UN, Maxi^b Glï).
GALERIE DES CHANSONNIERS : Elie DELESCHAUX
Madame Elic Hirlz,
née Deleschaux (Sévc-
ïine-Aglaé, ou, suivant
l'orthographe de l'église
Saint-Merri, Agiaée),
est parisienne. Elle vit
le jour dans une mai-
son de la Cour Balave,
à trois pas du marché
des Innocents, en plei-
ne rue Saint-Denis, en
plein cœur du Paris in-
<lustriel et commer-
çant.
Dès l'abord, je ren-
contre un obstacle. Les
femmes , a-t-ou dit ,
u'on t pas d'âge. D'autres
ajoutent : Les femmes
n'ont gue l'âge qu'elles
paraissent avoir. Pour
nos yeux, oui; dans la
société, je n'en discon-
viens pas. Mais la ga-
lanterie et l'histoire ne
doivent, à mon avis,
avoir rien de commun,
quoique cette dernière
aussi sache bien men-
tir à l'occasion. Or, la
biographie est de l'his-
toire, sinon sérieuse,
du moins sincère. D'an autre côté, je crois que
Mme Elie ne tient pas à ce qu'on la rajeunisse. Peut-
être est-ce encore de là coquetterie. D'ailleurs n'a-
t-elle pas elle-même
déclaré son âge, en
chantant — nous sa-
vons quand — sa cin-
quantaine dans saZettre
à ses ami si
Avouons-le tout de
suite : elle est née le
'25 septembre 18-2'(; elle
a donc aujourd'hui cin-
quante-cinq ans bien
sonnés, qu'elle porte
avec désinvolture.
Fille d'artisans — sou
père était cordonnier
— elle arrivait au mi-
lieu de la bataille de la
vie sans autres armes
que la gaieté, qui don-
ne l'espoir, et le cou-
rage, qui le réalise. In-
telligente et gentille,
elle n'avait qu'à se lais-
ser grandir et à travail-
ler. C'est la tâche du
peuple. Et elle travailla
et elle devint habile.
Elle était fleuriste ; elle
l'est toujours. Car si les
vicissitudes de son exis-
tence l'ont quelquefois
forcée de demander pro-
visoirement à d'autres occupations telles que le com-
merce et la photographie les ressources nécessaires
au ménage, elle est toujours revenue à l'art gracieux
122
LA CHANSON
mais fatigant du découpage, du trempage, du gau-
frage, du. montage, etc. Elle et sou mari y sont pas-
sés maîtres
Parisienne et fleuriste, comment ne pas cliaater?
Aussi cliantait-elle, et d'une voix agréable. Mais de
là à écrire des chansons il y avait loin. Le hasard y
pourvut. Des amis la conduisent dans une goguette;
elle entend applaudir les auteurs, et voilà l'émula-
tion qui nait. Et moi aussi je serai auteur, dit-elle.
Et elle a tenu parole. Que si vous désirez savoir à
quelle époque se déclara cette vocation, peut-être
tardive, apprenez que la première l'ois que Mme Elle
parut dans une goguette, elle entendit annoncer la
mort de Charles Gille. C'était donc en avril 18o-i. La
nouvelle poétesse avait trente ans.
Un désir spontané de rimer ne tient pas lieu de
tout. Une instruction superficielle, aucune notion
des règles de la versification, c'était, pour commen-
cer, un piètre bagage. Aussi, que de tâtonnements,
que d'essais timides, que d'ébauches jetées au feu!
Puis la hardiesse et le succès se prêtant un mutuel
appui, la facilité vint, et la confiance et les bravos.
L'esprit naturel avait trouvé sa voie , l'inspiration
son langage.
Ce qui distingue souvent la femme auteur, c'est la
mobilité. Elle n'a pas, comme l'homme, une note
dominante, un genre favori, et, pour tout dire, une
personnalité bien accusée. Elle reflète en quelque
sorte son entourage, elle s'imprègne des idées qui
lui apparaissent successivement. D'oii une plus
grande variété dans ses productions. On dirait d'une
influence exercée à tour de rôle sur son inspiration
par les amis qui se succèdent dans ses relations. La
même remarque a été faite à l'occasion de George
Sand. Tantôt familière, tantôt politique, puis niéta-
physiqu,e, ses romans reproduisaient, comme un
miroir, les diflerents milieux qu'elle avait traversés.
Mme Elle n'a pas échappé à cette loi générale, et
son œuvre ne pouvait qu'y gagner. Pomme et raisin,
tableau pittoresque et pi(iuant, ressemMe-t-il en
quoi que ce soit au Soir, par exemple ? JfffiMajj j5o-
naventure et Mademoiselle Ut02ne no paraissent avoir
aucun lien de parenté. J'en dirai autant de Fleurs et
douleurs et des Refrains de la goguette. C'est bien tou-
jours le même pinceau, mais la palette est changée.
Les Conseils à mon fils datent de 1836; Marc Cons-
tantin en fit la musique. Bientôt on vit se succéder,
à des intervalles plus ou moins longs et dans un
ordre que je ne m'astreins pas à suivre exactement .
Les Provertes de mère-grand et Enfants, voici Noël,
musique de Jules Couplet ; Ouvrez votre porte aux
amours, la Dernière lettre. Maman Bonaventure et
Il fait froid dans mon cœur, musique de Vaudry;
Fleurs et douleurs, musique d'Imbert ; Ajipel à la rai-
son, musique de Jeannin ; puis des chansons sur
des airs connus : Mademoiselle Utopie, Seize ans, etc.
Pomme et raisin est un des plus grand succès de
Mme Elie, et toutes les sociétés chantantes en ont
retenti : ici, le poète et le musicien ne faisaient
qu'un, et de ce double talent est sortie une œuvre
originale et gracieuse qui a eu même les hcinneuîs
de la parodie. Toutefois le Fromage de Roiéefort a
eu peu de retentissement. C'est sur le même air que
George a composé son Histoire d'imeimire de souliers.
En retour, Mme Elie a trouvé dans son fils, pouT sa
Lettre à mes amis et pour Ni jamais, ni toujours un
compositeur très heureusement inspiré. :
Je pourrais citer, pour justifier mon observation
de tout à l'heure sur la variété des inspirations de
notre auteur, divers couplets de telle ou telle chan-
son ; cette étude minutieuse m'entraînerait trop loin.
Le lecteur a sous les yeux La lettre à mes amis.
Les œuvres de Mme Elie sont d'ailleurs, assez con-
nues, non seulement des habitués des sociétés lyri-
ques, mais aussi du public proprement dit ; le café-
concert en a popularisé un bon nombre. Je citerai
toutefois, car on le relit avec plaisir, le dernier cou-
plet de Maman Bonaventure, figure touchante qu'a-
vait déjà esquissée Jeannin dans sa Vieille Isabeau :
Maman Bonaventure était bien pauvre, hélas .'
Malgré sa bonne humeur, un jour — c'est triste à dire, —
Elle manqua de pain... On ne le savait pas,
Car, fière, elle cachait la faim sous un sourire.
On aurait pu prévoir, éviter ses douleurs ;
Pourtant on se souvint qu'enfant de la nature,
Elle avait adoré quatre-vingts ans les fleurs,
Et sous les fleurs on mit maman Bonaventure.
Voilà de la grâce touchante et sans afl'éterie. L'au-
teur s'est heureusement débarrassé du clinquant
mythologique et rococo dont ses premières œuvres
gardaient encore une trace. Ainsi cette fin de cou-
plet, sur l'air de : Il a neigé ce matin :
Mais tout va se hâter d'éclore ;
Lise et Lubin comptent quinze ans ;
Phébus nous a ramené Flore.
Salut à toi, gai printemps !
Lubin, passe encore ! mais Phébus. mais Flore !
Outre des chansons publiées avec musique par
différents éditeurs, Mme Elie a fait imprimer quel-
ques-unes de ses œuvres dans divers recueils, no-
tamment dans les Fckos du vaudeville, collection
éditée à frais communs par un groupe de chanson-
niers parmi lesquels on peut citer Piaud, Supernant,
Seiler, aujourd'hui disparus ; Lavergne, Jeannin,
Eugène Simon, Vatinel, Ponsard, qui chantent en-
core.
Mine Elie a le cœur obligeant, l'intelligence ou-
verte, l'esprit libre de bien des préjugés. EUe est
prompte à la répartie, et sa conversation est piquaute
sans méchanceté. Partout oîi elle arrive, il semble
qu'elle amène avec elle la joie et la bonne humeur.
Eug. Imbert.
%'îciit de paralts'O i\ notre librairie un nouveau
Catalogue de livres anciens et modernes, rares et
curieux, ^ous enverrons ce catalogue franco À toute
personne qui nous en fera la demande par lettre
affranchie.
LA CHANSON
123
LETTRE A MES AMIS
Je vous fais part d'aue nouvelle
Qui ne vous étonnera pas :
J'ai cinquante ans! la chose est telle.
J'y veux croire. Il le faut, hélas !
L'âge vient réclamer sa dette :
Il faut l'acquitter simplement,
Et bon gré malgré (c'est charmant 1)
Sous sou ordïc courber la tète.
■ Ah ! que vous durez peu d'instants,
Jeunesse, grâce, insouciance !
La vieillesse, sans qu'on y pense,
Vient nous dire : Il est cinquante ans.
Donc je vais devenir maussade.
Ne plus m'amuser de vos jeux.
Mon esprit est déjà malade,
Mon regai'd a perdu ses feux.
Les Ninons rares en ce monde,
Ne laissèrent pas leur secret;
Mais je vieillis sans le regret
D'une boucle plus ou moins blonde.
Ah I que vous durez peu d'instants, etc.
Je fais appel à ma mémoire :
Le passé remplit le présent ;
L'a\ enir, qui donc ose y croire '?
On craint l'ennui que l'on pressent.
L'indifférence, ah ! triste chose !
Vrai, j'aimei'ais mieux te pleurer,
Temps qu'on se plait à regretter,
Temps qui passa comme la rose.
Ah! que vous durez peu d'instants, etc.
Longtemps j'eus peur de la vieillesse :
Je croyais {ce n'était pas bien\
Que, par égoisme ou faiblesse.
Etant vieux, on n'aimait plus rien.
Mais j'aime encore un frais ombrage.
Un bon livre, un bouquet gentil,
llne soirée au franc babil ;
■J'aime surtout un gai visage.
Ah! que vous durez peu d'instants, etc.
Si, miracle ou métamorphose.
On m'offrait de me rajeunir,
Non, dirais-je, non, et pour cause :
•Je veux encor, je veux vieillir.
Tout bonheur n'est pas éphémère,
Et j'aspire après le moment
D'entendre d'un bébé charmant
■Ces mots si doux : « Bonjour grand'mère 1
Ah ! que vous durez peu d'instants,
■Jeunesse, grâce, insouciance!
La vieillesse, sans qu'on y pense,
Vienl nous dire : Il est cinquante ans,
Elle Delesch.^ux.
SAINT-JUST
Air des Soldats du désesjMir (6. Leroy)
Sur chaque front taciturne,
Attachant un regard froid,
Il faut, dit-il, que de l'urne,
D'un vote alfranchi d'elfroi.
Surgisse la mort du roi.
Qu'importe un jour que l'histoire
Nous taxe de cruauté;
Périsse notre mémoire,
Mais sauvons la liberté!
Loin d'hésiter^iwuid le crime
Rougit la main du puissant,
Frappons, car chaque victime
Prouve qu'il fut, en glissant.
Surpris la main dans le sang.
Qu'un arrêt exécutoire
Brise en lui la royaulé.
Périsse notre mémoire,
Mais .sauvojis la liberté !
A Ilots pressés comme l'onde
L'étranger nous envahit,
Avec nos chaînes au monde
Jetons sa tète en défi.
Malheur à qui nous trahit!
Que sa mort expiatoire
Venge ici l'humanité !
Périsse notre mémoire,
Mais sauvons la liberté !
Aux l'rontières entamées,
.Sur la Vendée en fureur.
Lançons nos quatorze armées.
Et pour vaincre exempts d'erreur.
Organisons la ten-eur.
Que sou glaive épuratoire
^'enge ici l'humanité.
Périsse notre mémoire.
Mais sauvons la liberté 1
De l'implacable logique,
Incorruptibles soutiens.
Pour venger la République
Et les droits des citoyens.
Dont nous sommes les gardiens.
Nous décrétons la victoire.
Sur l'échafaud redouté
Périsse notre mémoire,
Mais sauvons la liberté !
Honte à celui qui recule
Ou qui s'arrête en chemin,
L'impitoyable bascule
Que fait mouvoir notre main
Nous emportera demain.
Nous ne cherchons pas la gloire.
Hochet de la vanité,
Périsse noire mémoire,
Mais sauvais la liberté!
124
LA CHANSON
Aiasi parlait impassible
Dans le Sénat plébéien,
Un montagnard inflexible,
Rigide stoïcien
Au sévère et froid maintien.
Proscrit du sanglant prétoire,
Mourant, il a répété,
Périsse notre mémoire.
Mais sauvons la liberté !
Auguste A lais.
SENTIER NORMAND
Poésie de I,éon DEVATICHEL ; Musique de Angèle BLOT
la _ ge est bor . dr de beaui é . glan
tient El d» tiij , tre» an clair feoil .
la . ^c:C'etit le plus charoiaot de» son
tiers! Ôd y. voit
»ec les.
il- les. 0<ins l'hcr.be entrant josqu'anx se
REF. Alltto.
looi . Le «en _ lier qui sort do tîI .
la . ge Est bnr _ de de beaai é _ glaD .
' la-ge: C'est le pins charsant des 3en . liera
Au fond de l'bumide cavée,
Pleine de sauvages parfums.
Chaque fleur qu'elles ont trouvée
Pare leurs cheveux b'onds et bruns.
C'est un frou-frou de coiffes blanches
Et de jupons très empesés.
Qui descendent en avalanches
Jusqu'au pied des coteaux boisés.
Les voilà dans les cressonnières.
Enjambant les deux ruisselets.
Les moins agiles, les dernières.
Riant de montrer leurs mollets.
Quel bon vent ainsi les amène
Quand on fauche le sarrazin?
— C'est, pendant toute la semaine,
U Assemblée au pays voisin !
LA CHANSON DU JOUR
L,E DÉPART DES JESUITES-
Enfin notre heure est donc venue !
Mes amis il faut nous quitter.
Voguez vers la terre inconnue .
Qui voudra bien vous abriter.
Emportez vos lambeaux de gloire ;
Ecoutez sonner le départ :
Messieurs, vos robes sont trop noires.
Allez les blanchir autre part.
Votre règne fut long, j'espère.
Mais tous vos soins sont superflus ;
Si vous fûtes puissants naguère.
Aujourd'hui vous ne l'êtes plus.
Mettez, mettez sur vos grimoires
Les exploits de Maret, Baujard :
Messieurs, vos robes sont trop noires-
AUez les blanchir autre part.
L'aigle s'est tué dans sa chute ;
Le corbeau doit avoir son tour.
Plus d'ombre, de vaine dispute,
La liberté vit au grand jour.
Pour conter vos sottes histoires.
Cherchez quelque peuple à l'écart;
Messieurs vos robes sont trop noires,.
Allez les blanchir autre part.
Vraiment si nous vous laissions faire^
Tous confits en dévotion.
Vous auriez pour vous satisfaire
Les bûchers, l'inquisilion.
Sur d'infâmes réquisitoires
Nos noms seraient poiu- la plupart :
Messieurs, vos robes sont trop noires ;,
Allez les blanchir autre part.
Soldats de l'humaine bèiise.
Dans vos discours n'ayant plus foi.
N'allez pas croire que l'église
Puisse encor nous faire la loi.
Rayez, rayez de vos mémoires
Les chandelles du sieur 3/acgîiart
Messieurs, vos robes sont trop noires.
Allez les blanchir autre part !
Albert Vbrnaelde..
LA CHANSON
125
DOUZIÈME CONCOURS MENSDEL
de LA CHANSON
î""" Prix : Les Quatre Temps de La Chanson, par M.
Eugène Imbert, de Paris;
2= Prix : Le Pape dans l'emtarras, par M. Denis
Langat, de Paris;
3" Prix : J'ai res2)nt biscornu, -pdiT M. Michel Desfos-
sez, de Paris.
Nous renvoyons nos lecteurs, pour la biographie
et le portrait de l'auteur du premier prix, à noire
numéro du 1«'' mai 1879.
63 pièces nous ©nt été envoyées.
1" Prix.
lis ÛUATIIE TEMPS DE LA CHANSON
Air à faire.
Loin de nous s'est enfui l'hiver.
Voici fleurir les églanlines.
Le soleil luit; j'entends sur le pré vert
Le chœur naïl des rondes enlantinei.
Chante vite, joyeux pinson :
La jeunesse est sitôt ravie!..
Salut, aur(jre de la vie !
Salut, printemps du la chanson !
Peuples, chantez le deuil ou l'espéiance
Par les aubes, par les couchants;
Mais au milieu de tous vos chants
J'écoute la voix de la France.
Arrive l'ilge où le sang bout.
Adieu les jeux, adieu la danse.
Le clairon sonne: allons, soldai, debout.
Pour la patrie et pour l'indépendance!
En vain la mort l'ail sa moisson;
Un chant vainqueur dans les airs vibre:
C'est vivre uncor que mourir libre!
0 niAle clé de la chanson !
Peuples, chantez, etc.
Le soleil s'est vite obscurci.
Nos fronts se rident, plus sévères.
Nous sommes mûrs, mais le raisin aussi;
La rouge treille a pleuré dans nos verres.
La vigne nous fait la leçon;
Il sort de ses grappes pressées
Un regain de chaudes pensées.
C'est l'automne de la chanson.
Peuples, chantez, elc.
On chante encore en cheveux gris ;
Vieillard, de ta verte jeunesse
Rappelle-nous les refrains alleudris :
Qu'en souvenir du moins elle renaisse.
Des ans pour braver le frisson,
La gaité vaut mieux que les larmes,
El les regrets même ont des charmes;
Car c'est l'hiver de la chanson.
Peuples, chantez le deuil ou l'espérance
Par les aubes, par les couchants ;
Mais au milieu de tous vos chants
J'écoute la vois de la France.
EUG-. IMBEKJ'.
NOCTURNES
Notre confrère Camille Pelletan a écrit dans la
Justice :
C'est un travail difficile que de rendre Henri
Heine dans une autre langue : il y faut une main
singulièrement légère et délicate ; la moindre
touche un peu lourde gâterait tout. Comment tra-
duire celle simplicité raffinée, ce charme subtil qui
met un sentiment si profond et si exquis dans un
rien?
C'est la magie de Henri Heine de faire tenir le
drame le plus terrible, le cri d'enthousiasme le plus
énergique, la vision la plus poignante, en quelques
vers d'une saveur indéfinissable, et de laisser entre-
voir, à travers l'émotion la plus profonde ou les ima-
ges les plus puissantes, on ne sait quel fin et
mélancolique sourire.
Personne, mieux que M. Valade, ne pouvait entre-
prendre celle lâche difficile entre toutes : dans notre
jeune école de poésie, personne n'a, au même degré,
le sens du délicat et de l'exquis, l'émotion voilée,
l'esprit fin, la touche légère. Après avoir comparé les
Nocturnes avec leur modèle, il me semble que le
poète a merveilleusement réussi.
Le jugement de M. Camille Pelletan est fort juste,
le public a su apprécier les Xoctitrnes et le succès de
l'œuvre nouvelle de notre ami et collaborateur Léon
Valade a été aussi grand que nous pouvions l'espérer-
Il était, du reste, facile de prévoir le retentisse-
ment que celle fine et délicate imitation du chef-
d'œu\Te de Henri Heine aurait dan^ le public, après
l'accueil enthousiaste dont ces poèmes avaient été
l'objet, de la pari de nos lecteurs, lors de leur pre-
mière publication dans notre journal.
Nous revenons aujourd'hui sur Les Noctîirnes,
heureux de pouvoir publier quelques-unes des spi-
rituelles et gracieuses dédicaces que le poète a tra-
cées, de sa plume délicate, sur les exemplaires qu'il
a offerts à plusi'3urs de ses amis ou confrères.
A Albert Mér.\t.
Nos deux voii dans Vlntermezzo
Se mêlèrent quand « la jeunesse
« Sur nos lèvres était sans cesse
« Prête à chanter comme un oiseau. »
Aujourd'hui que plus taciturnes,
Nous rêvons, cerveaux refroidis,
En souvenir du temps jadis,
Ami, je t'offre ces Nocturnes.
A Victor Souchon.
Au vaillant Souchon, prénommé Victor,
Qui perçant à jour les pires grimoires,
Jette, ô syndicats, parmi vos nuits noires,
Les fauves c.lairs de sa barbe d'or.
A Bertol-Graivil.
Fais claquer ton bec, agite avec bruit
Dans l'ombre du soir tes ailes moroses,
Et pour mieux goûter ces nocturnes choses,
Ouvre tes yeux ronds, jeune oiseau de nuit.
(1) Un vol., chez A. Patay, édit,,
papier leinté, tiré à 200 exemplaire
Bonaparte. Prix : 1 f. 50,
126
LA CHANSON
A LÉOPOLD Dauphin.
Trois fois salut, ô cher Dauphin,
Musicien, peintre et poète.
Pour son talent doux, fort et fin,
Trois fois salut, ô cher Dauphin.
Ce triolet à triple fin
Avec trois échos lui répète,-
Trois fois salut, o cher Dauphin
Musicien, peintre et poète.
A Mad.^me Irm.\ Marié.
— Vous dont la voix pure émeut et séduit,
Ecoutez ces vers au prélude sombre ;
Le noir rossignol qui chante dans l'ombre.
Madame, n'est pas un « oiseau de nuit! »
A M. C. COQUELIM.
A CoQUELiN, par qui tout vers.
Tel qu'une épée ou qu'une étrille,
Tournoie et cingle, pique et brille
Sous des milliers d'veux grands ou^'erts !
A Don César! à Mascarille!
A Gringoire!... aux héros divers
Qu'il drape, — joyeux ou pervers, —
D'une pourpre ou d'une guenille;
Au comédien excellent î
Unique et multiple talent,
Dont rit la verve toujours prête ;
Et (plût aux dieux qu'il eût cent voix!)
Que voudraient seul pour interprète
Tous les poètes à la l'ois....
Nous arrêterons là le.s citations de ces charman-
tes dédicaces dans lesquelles l'auteur a mis celle fi-
nesse de louche qui personnifie el marque d'un
même cachet original et personnel les œuvres de ce
gracieux poète.
El maintenant que l'auteur nous pardonne notre
indiscrétion pour le plaisir que nous aurons causé
à. tous ceux € qui les présentes liront. »
(Le Progrès artistique.) B. G.
CHRONIQUE DES CONCERTS
se VI.A.
Comme nous l'avions prévu dans notre dernière
chronique, la saynelle de MM. Gothi et Villebichot,
An, bon lapin sauté, a alterné cette semaine avec La
rue Aztx Oies, de MM. Queyroul et Clairville fils.
Parmi les nouveautés créées samedi, nous avons
trois succès à enregistrer :
A plein verre, à plein cœur, de M. Georges Baillet,
musique de M. Queille, chanté par F. Kelm.
Les Tyroliennes dupays, paroles de M. Aupto, mu-
sique de M. Reichenstein, roucoulées très gentiment
par Mlle Marguerita.
La C'Aaiisùf, des clochetons, de M. Lucien Rouland,
musique de M. L. GoUin, chantée par Debailleul.
Le public a acclamé chaleureusement le nom des
auteurs et a fait une grande ovation à l'excellent
interprète qui a reçu en outre les félicitations de
tous.ses camarades.
Brunet a obtenu cinq rappels avec Un journal hïen
informé, grande scène comique qu'il débite avec
beaucoup de volubilité.
Grand succès pour Bourges dans Arrchand d' balais
el dans Les museaux roses.
Ce soir, première représentation de Quand la ma-
riée est trop belle, opérelte en un acte de MM. Jules
Warner et Lucien Rouland, musique de M. Clair-
ville fils. La pièce est, paraît-il, très-bien écrite, et
les interprèles sont enchantés de leur.^ rôles, preuve
certaine que l'exécution sera irréprochable.
Nous apprenons que MM. de Hailn, de La Ches-
neraye et Malleau viennent de faire recevoir à ce
concert un nouvel acte. Titre: Le Chameau à 3 bosses.
Dans le courant du mois de septembre, la tro'upe
d'hiver sera complète. MM. Bourges, Chaillier,
Mme Graindor, Patry, Marguerite, tiendront la tète
de l'affiche. Nous voyons avec regret partir Mlle Wor-
ton, une charmante diseuse.
dont nous avons annoncé la réouverture dernière-
ment, donne en ce moment Le Mal du 2'ays, comédie-
vaudeville en un acte, de Scribe el Mélesville, et
Gras et Maigre, de MM. d'Ennery et Grange. Ces
deux pièces, cpii font partie du répertoire du Palais-
Royal, soût enlevées lestement par des «artistes de
talent, parmi lesquels nous pouvons citer : MM.
Murray, de la Porle-Saint-Martin, Bégué, qui fut
quelques temps aux Nouveautés, Bouchet, Gonthier,
Gérard et A. Bienfait, dont l'éloge est bien fait (par-
don) depuis longtemps.
Les pièces, à Ba-ta-Clan, absorbent la plus grande
partie de la soirée et les chansonnettes ne sont
considérées que comme intermèdes.
MM. Bienfait, Gonthier, Dermez, Murray et Gé-
rard, qui se font applaudir dins la comédie, obtien-
nent le même succès dans la chansonnette.
Dans la partie féminine, nous remarquons Mmes
Marie Lulli, Gabrielle Châlons, Solhia et Berthe.
M. Pelletier, un jeune homme, qui a débuté tout
dernièrement, àithiie Divorçons et Y en aura jamais
assez avec beaucoup de verve. Toutes nos félicita-
tions à ce jeune artiste qui promet beaucoup pour
l'avenir.
ALC.4ZAR D'HIVKR
Annonçons, sous toutes réserves, l'engagement de
MM. Libert, Arnaud, Paulus, Reyard, deMmesElise'
Faure, Zélie Weil , Angèle Maurice, etc. C'est vers
le 1'='' septembre qu'aura lieu la réouverture de ce
concert dont le directeur, M. Morainville, vient de
commander sa revue de fin d'année à M. A. Lemon-
nier.
FARISIEIV
La fin de la clôture annuelle est annoncée pour le
28 de ce mois, les répétitions ont commencé le 19.
Parmi les nouveaux venus dans la maison, citons M.
Pacra, du Théâtre de la Renaissance et A Dalby.
folies-r.%iubi:te.4U
Réouverture le 28 courant. Les artistes hommes
sont à peu près lesmémesque la saison précédente.
Avec la rentrée de Mme Fernande, annonçons les
LA CHAJSTSQN
127
débuts de Mmes Alida Perly, de VHorloge, Cécile
Dumont, des Ambassadeurs, et Floria Mériem, qui
eut de beaux succès, aux FoUes-de-Belleville.
LE COKCERT DE LA PËPIXIÈRE
rue de la Pépinière, près la yare Saint- Lazare, fait
sa réouverture le samedi 4 septembre.
Albert Bertinot.
LES COIWCERTS DV P.4LAIS-ROTAL
Nous sommes heureux de cousla ter le succès qu'ob-
tiennent les Concerts du Palais-Royal.
Chaque soir le public se pi esse pour l'ntendrc et
applaudir Le Canon du Palais-Roijal, une polka avec
chœurs, qui est en train de devenir populaire et dont
les auteurs sont MM. Poujade et Gros. Le choix sa-
vant des morceaux et leur exécution tout a fait hors
ligne, assurent pour longtemps de grosses recettes
aux organisateurs de ces concerts, dont le but est de
rendre au jardin dvi Palais-Royal la vogue dont il
jouissait il y a quelque vingt ans. C'est une tentative
qu'on ne saurait trop encourager et qui mérite d'être
couronnée i)ar une entière réussite.
Maxime Guy.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Les réunions de la Cordiale sont devenues le ren-
dez-vous des amateurs sérieux; aussi la dernière
soirée mensuelle de celte Société a-t-elle été fort
brillante.
MM. Gabriel et Georgcbé se sont dévoués pour ou-
vrir la séance et ont récité successivement, et avec
autant de réussite Vliuli'cision et les Marronniers.
Un solo de Uùte par M. Hubert, et un duo de chasse
ontoflert assez d'inlérèl. M. Andral a chanté les Ra-
meaux, et M. Marie a été très amusant dans les Suites
d'tm pretnier lit M. Launay, qui avait des idées noi-
res, a dit d'une façon lugubre mais avec une bonne
voix do basse, l'air du Prisonnier de Chinon, et Mlle
Julia a exprimé avec beaucoup de charme la rom;uice
<iue m pûHve:-Mus revenir. Nous entendrons pro-
cliaiiiement relie artiste interpréter Paix et Travail,
le magnifique cluuil d'Kugènc Imbert, créé par
Mme Bordas.
Mlles Marguerite, Jeanne, Villemer et Louise ont
été fêtées parles spectateurs qui aiment à rencontrer
la grâce unie à des voix charmantes.
M. Bousquet, qui était inscrit au programme, n'a
pas clé appelé; je le regrette d'autant plus que cet
agréable baryton devait faire entendre l'une de mes
chansons : Le Vieux buveur de vin.
M.Dalti'ofi' a été Ibrl comique dans Y a pas d' danger.
Mlle Lucie a dil avec un goût remarquable Faire et
laisser dire, et M. Henri CÎiapuis s'est fait rappeler
par la façon élégante dont il détaille la chanson des
Pommes de terre frites. Mme Adèle chaule avec beau-
coup de sentiment, ce qui exjilique le nouveau suc-
cès qu'elle a remporté avec Un nid dans un canon.
Jules Raut.
La soirée donnée au bénéfice de Jules Jeannin a
produit -iO francs. Les organisateurs et le bénéfi-
ciaire n'en demandaient pas davantage.
Nous avons assisté, le samedi 14 août, à la grande
soirée mensuelle donnée par la Favorite. Salle bien
garnie, malgré la chaleur. Après une fantaisie bril-
lamment exécutée par notre ami el collaborateur
G.4.NÉ, nous avons applaudi successivement MM. Er-
^■EST, dans les Vendanges de Bourgogne ; Marie, dans
les Suites d'un premier lit el Pour avoir la paix ; Lb-
CONIE, dans Sans avoir l'air de rien el Du nouveau ;
Chevalier, qui décidément a fait vœu de chanter
toutes les parodies!! qui paraissent, el qui nous a
régalé de Chapeau jaune et gros mollet el Une omelette
aux fines herbes; Etienne, le ttn diseur, s'est fait ap-
plaudir dans les Pincettes : Raymond., des Concerts de
Paris, a chanté avec succès un rondeau qui a pour
auteur Uenxeville, l'artiste bien connu des Sociétés
lyriques ; A^■DOUARD-CAI,vET, fait chaque jour de
réels progrès dans le gâtisme el nous a rappelé Li-
berl dans sa chanson Psi, pist, pst; Paul Lauxay, a
interprété de la bonne façon L'heure du rcndez-voiis
et Chapeau rose et fin mollet: notre ami Lemaire,
nous a détaillé Irès-linemenl le Déjeuner sur l'herbe ;
comme il ne faut jamais perdre une occasion de se
faire de la réclame, nous ajouti'i'ous que notre ami
Lemaibe doit prochainement créer dans les Sociétés
lyriques La Chanson des amoureux, du soussigné pour
les paroles, et pour la musiqui' de M. Ai.hekt Fla-
ciere, l'auteur de la romance Sineite, parue dans im
de nos derniers numéros.
En terminant, nous citerons Jomain, le poivrot par
excellence, le petit Adolphe, une débutante, Mlle
AuuiEXNE, qui s'est fait applaudir dans la Femme à
papa, L-[ nous constatercms rimjiieu-.c succès obtenu
par Les deux sourds, un joyeux vaudeville, qui n'a
été qu'un long éclat de rire, grâce à la verve de MM.
Paui. Lauxat, Amiard Chevalier, un larbin épique
el Mlle Amélie, qui a su se faire distinguer dans un
tout petit rùle. M.vxÏme Guy.
Les Amis de la gaité de .Vontmartre, ont donné di-
manche 22 août, salle Pétrelle, une soirée intime.
Salle comble, malgré la chaleur et les vastes dimen-
sions du local.
Le programme, quoique très chargé, a été suivi
complètement; l'ensemble de la soirée a été fort
agréable; nous devons cependant citer plus spé-
cialement (^ans le genre sérieux, M. Pinguet, qui a
c\\ii.-a\é Marcelle , charmante mélodie; M. Wexler,
Encore un baiser; M. Bacoi, la romauce de Giralda;
M. Perrin, Faust, et M. Grenier la Chanson du Soute-
nir. Pour la partie comique, nous mentionnerons M.
Beaux qui, dans Psst! P.isl! Pssl! scie populaire, a su
conquérir d'unanimes bravos et mériter les honneurs
d'un rappel. M. Fauchei, usais C'e.st logique ;M.'ûréa.-
no, dans Si j'connaissais mou papa, ont été aussi
bien accueillis.
Le chœur des gardes-chasses, du Songe d'une nuit
d'été, a été bien exécuté par tous les membres de la
Société.
Des artistes de concert avaient bien voulu prêter
leurs concours à celle soirée : Mme Heuzel a chanté
La Pigeonne et Quand il n'est pas là; M. Paris a dit
J' n'oserai jamais, ut l'Ombrelle à Parada; M. Méthé a
dit .Psuis bossu, et Moellon, une véritable chanson-
netl« où le comique n'exclut ni l'esprit ni le senti-
ment.
On demande des domestiques, vaudeville en un acte,
a été enlevé par M!tl. Berirand, Defente el Fourtier.
Certaine société lyrique que je ne veux pas nom-
mer, a commenté eu termes un peu vifs pour le si-
gnataire, un article de critique dont elle a été
l'objet. Entre autres, nous avons retenu ces mots:
" Ce n'était pas la peine de s'abonner à la Chanson
pour qu'elle dise dm mal de nous." Etant l'auteur de
l'article en question, je me permettrai de répondre
.128
LA CHANSON
a ces messieurs que la CJianson n'a pas pour mission
de faiie spécialement l'éloge des sociélés lyriques:
nous signalons leurs qualités et leurs défauts. J'ai
riiabitude d'écrire mes impressions, me réservant le
droit de les modifier ensuite s'il y a lieu. J'espère
que messieurs les mécontents reviendront à de
meilleurs sentiments envers moi, et, malgré ma ru-
desse, je les prie de me considérer comme un ami
sincère qui, au risque d'encourir leur disgrâce, ne
craint pas de les critiquer ou de les encourager se-
lon leur mérite. A. Bertinot.
Tous les dimanches, salle comble à l'Union Fran-
çaise, raaX&on Léon, 3, rue du Petit-Pont. Le sym-
pathique président Rctter dirige avec autant de
tact que de bon goût tous les chanteurs qui s'y
donnent rendez-vou?. Ne pouvant les citer tous, je
prends au hasard M. Kars, dans Faut soigner ça et
Je me ratatine ; Ferret, Je suis maçon; Millot, socié-
taire, Y en aura jamais assez; Léo Tostain, J'ai
mon coup d'feu, etc., M. Richard, C'est Vincent.
Du côté des dames, Mlle Berthe détaille genti-
ment à Clamart les petits pois, et Mme Adèle est
toujours applaudie et forcée de bisser le Fiacre 7841.
Le pianiste Pradel a droit à toutes nos félicitations.
QUIELIN
Comme nous l'avons annoncé, à l'occasion de la
fête de fondation qu'elle a donnée, c'est le o septem-
bre que la Société Jyii [ue, le Foyer, inaugurera ses
soirées intimes du dimanche. Le programme, com-
posé de morceaux choisis interprétés par les artistes
d'élite des Sociétés, assure à cette soirée un grand
succès.
Nous avons dit que le Foyer serait une heureuse
innovation parmi les Sociétés lyriques ; mais l'em-
combrement des matières nous a empêché d'expli-
quer ce mot : le Foyer inaugurera certaines petites
pratiques fraternelles qui s'adressent tout particu-
lièrement à la famille.
Nous en citerons deux, afiu d'en donner une idée.
1" Le Foyer nomme des visiteurs chargé-, si quel-
que sociétaire vient à manquer aux réunions, sans
avoi'- fait prévenir, de l'aller voir, et, s'il est malade,
d'en instruire dé suite le président , qui assemble le
bureau aussitôt et prend avec lui des mesures pour
le soulager ;
2" Lorsqu'une demoiselle d'honneur ou un socié-
taire se marie, les dames d'honneur, en temps, op-
portun, offrent la layette, et le jour où, pour la pre-
mière fois, les jeuues parents présentent l'enfanta la
Société, celle-ci organise une soirée extraordinaire,
dont le produit est affecté à un li\Tet de caisse d'é-
pargne au nom de l'enfant.
Vient de paraître : Xavier le dernier gommeux, pa-
roles et musique de J. Dumont ; la Mort de Marceau,
scène dramatique, paroles de Jules Dumont, musique
de J. Lacoustène, créée par l'auteur des paroles ;
les Secrets du cœur , paroles de L. Albigot, musique
de J. Dumont. En vente chez J. Dumont, éditeur,
1-20, boulevard Voltaire.
On otîre la propriété d'une chanson sur M. Grévy,
une chanson sur la distribution des drapeaux, et
24 autres sujets divers. Ecrire à M. J. Chevalier, à
Ligsière (Cher).
TREIZIEME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 août au 20
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même tenips que la pièce qui
aura obtenu le l<"^ prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
LE QUARTIER LATIN
Cercle Musical et Dramatique
La question pendante depuis longtemps de la fon-
dation d'une nouvelle société lyrique sur la rive
gauche, est sur le point d'être résolue. La plus grosse
difficulté, celle de trouver un local convenable,
n'existe plus, et, à l'heure présente LE QUARTIER
LATIN, CERCLE MUSICAL ET DRAMATIQUE, est BU for-
mation dans le VI'"" arrondissement.
Les organisateurs.dll QUARTIER LATIN viennent
de constituer un Bureau provisoire chargé d'agir
immédiatement et de faire toutes les démarches né-
cessaires. Us font appel à tous leurs amis des socié-
tés lyriques habitant la rive gauche qui seraient dé-
sireux de faire partie du nouveau Cercle.
Les soirées hebdomadaires auront lieu le dimanche
soir, en son siège social, CAFÉ DE L'ANCIENNE
ABBAYE, 168, Boulevard Saimt-Germ.ain (près la
place Saint-Germain-des-Près).
Les adhésions sont reçues à partir du dimanche
29 aoûl, aux bureaux dujournal Za Chanson, 18, rue
Bonaparte, et au siège social, 168, boulevard Sainfc-
Germain.
Le prix de la cotisation a été fixé à 1 franc par
mois avec S francs de droits d'inscription.
Le QUARTIER LATIN accepte des Membres
HO.NORAIRES.
Le bureau provisoire a été constitué comme il
suit:
Président d'Honneur: M. A. Patay, directeur du jour-
nal La Chanson; Président: M. Quélin-Lebreton; Vice-
Président : M. Maxime Guy, secrétaire de la rédaction
au journal Z.a Chanson: Secrétaire : M. Alfred Desfossez ;
Trésorier : M. Victor Berthelot; Maître des cérémonies:
M. Jack.
Une assemblée générale des membres fondateurs
aura lieu le samedi 4 septembre, à 9 heuies précises
du soir, au siège social du QUARTIER LATIN, café
de I'Ancienne Abbaye,' 168, boulevard Saint-Ger-
main, afin de constituer un bureau définitif et de
discuter les statuts du Cercle.
Nous engageons donc vivement les adhérents à
assister à cette importante réunion.
Maxime Guy.
Beaucoup, de nos acheteurs au numéro 'se plaî*
gncnt de no pas trouver lia CIIA.m!SOÏV dans leur
quartier; nous les prions instamment de la réclamer
clicK tous les libraires, uKarchands de journaux et
dans les kiosques. iSouvent les marchands oublient
de la mettre en étalage, ou les porteurs négligent
d'en faire lo dépât; nous recommandons À tous ceux
qui s'intéressent & liA. CUj%^^'SO^ dp la demander
partout et de nous signaler les endroits où l'on au-
rait omis do la déposer.
IjX CUA-lSiiOX doit se trouver partout dès lo sa-
nkedi matin.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
■3« ANNÉE. — N» 17.
lO CENTIMES.
0 SEPTEMBRE 1880
LA CHANSON
Directeur-Gérant.
k. PATA.Y
La chanson est une forme ailée et
'Charmante de la pensée. Le couplet
. est le gracieux frère de la stroptie.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux- Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, la ligne... 1 •
Réclames, — 2 »
LachansoTi,commelsbatonn6ttQ
est une arme française,
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & REDACTION
18, RUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN Chef
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE :
Oalerie des clianxoimiers : J.-IS. CUiiicnl (liur.iNK
Marjolaine (J,-J. Cliîjikm). — Ma hrttne, paroli
TKi,Ais musique de G. Rkiinacld. — En faisant i
Cauké). — LAéronaute (Ueiuuis Picaiid). - .1
,E,). -La
Lv Pape dans l'eniban
n»(UR>
isl.i
..:„)■ - Chr
nique fi
ElUEVK ClIA-
(Fkknakr iMovRL, ALPnr
l> Bl'.KTI
vot).
— i'hroiaqut
cfcs So
lilier if.mtK
qaes (L-io Tostais, Ql'é
L.»). -
Chu
SCS et Autres.
(C. M.). -
GALERIE DES CHANSONNIERS : J.-B. CLÉMENT
Il y api'csquc toujours
■ à Paris une chanson eu
vogue; un jour c'est le
iioilà Nicolas, ah ! ah ! ah !
le lendemain on entend:
.Madame Lenglamé f
viens vous d' mander votr'
. JMb, ou Ijicii le Rossignol
mignonne, n'a pas encore
chanté, Psitt, Psitt, etc.
(Chacune de ces chan-
sons, généralement de
, peu de valeur littéraire,
rapporte eu quelques
mois de vingt à trente
mille l'rancs à celui qui
la public, puis le l'eu
s'éteint et l'oubli com-
plet succède au bruit.
Bien heureux l'édi-
teur à qui cela tombe,
car il y a dans les suc-
cès une bonne part due
• au hasard, une l'ois il
a pour cause la téna-
cité d'un chanteur ou
d'une chanteuse qui
sur un point quelcon-
que de la capitale ré-
j)àle pendant trois mois
chaque soir, devant le
public, la même chan-
son, et par ce système impose le succès. Une autre
fois le succès tiendra au refrain de la chanson qui
..peut se chanter en chœur. La foule n'est le plus
sou\'ent qu'un oiseau
de Panurge à l'endroit
de la chanson. N'entcii-
dait-onpas tout récem-
meutles petites ouvriè-
res les plus honnètesré-
péler,en travaillaut,une
mauvaise rengaine, ab-
solument en contradic-
tion avec cllcs-mènies :
Ma livre rougie
Ne craint pas le feu.
A côté de ce genre il
y a la chanson qui ne
jette qu'un éclat plus
doux à sa naissance,
mais quipendant trente
ans et plus se chante
dans les familles et les
ateliers. C'est que ces
chansons ont pour su-
jets des sentiments éter-
nellement vrais, et que
leurs auteurs ont mis
en elles > une part
d'eux-mêmes et la meil-
leure : leur cœur et
leurs illusions, s'il s'a-
git d'amour; leur fierté,
leur espoir, leur sang
quand le patriotisme est le sujet qui les inspire.
C'est à l'école de ces derniers qu'appartient J.-B.
Clément; lia quitté la France il y a dix ans et quand
"' ' ....,^^^'"<
130
LA CHANSON
il revient, il peut entendre ses refrains que les éclios
murmurent encore :
Pâle voyageur connais-tu l'amour?
Comme tout le monde, en rêvant un jour.
Je l'ai rencontré fleuri d'espérances
Et j'ai pris ma place a-rec les élus.
J'avais dans le cœur toutes les croyances
Il m'en a tant pris que je n'en ai plus,
■ Vous connaissez cette douce et mélancolique chan-
son, n'est-ce pas, chère lectrice? Totre piano en sait
par cœur la mélodie poétiquement sentimentale, et
souvent vous' vous êtes surprise, toute rêveuse, toute
émue en écoutant une voix fraîche vous en apporter
les dernières lignes :
Eh bien, si l'amour est une souffrance.
Donne-m'en, mignon, dussé-je en mourir !
Et cette autre :
Quand nous chanterons le temps des cerises.
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les femmes auront la folie en tête.
Et les amoureux du soleil au cœur.
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Sifflera joyeux le merle moqueur.
Toute la France sait et pour longtemps ces vers si
colorés que Clément a écrit en pleine jeunesse, en
pleine virilité :
Les femmes auront la folie en tète
Et les amoureux du soleil au cœur.
Voilà de la vraie poésie, exprimée dans un langage
senti, privilège des âmes vigoureuses.
Clément en a bien d'autres que le vent de la popu-
larité a éparpillées un peu partout.
Car sa muse n'est point une bégueule, mais une
honnête tille qui, rêveuse ou philosophe à ses heu-
res, entre parfois au concert, voire même au cabaret,
par la porte où passe la gaité.
Thérésa, dans le grand moment de sa vogue, a dit
de joyeux couplets de J.-B.
Nous trouvons bien la clé d'ia cave
Quand nos homm's sont au cabaret.
Et cette bonne grosse Marguerite Baudin a re-
cueilli des bravos mérités en détaillant au ptiilie :
Elles ne font pas manger du ch'val
Les ptit's bonn's de chez Duval.
Ces petites chansons sont les délassements d'un
homme sérieux. Clément a raison, il faut parfois
détendre la corde, et la gaité est bien plus sœur de
la raison qu'on ne le croit.
La note dominante de Clément, c'est la poésie
dans la grâce, même dans la philosophie. A part les
deux ravissantes pièces citées plus haut, il faut rap-
peler à nos lecteurs : Bonjour Printemps^ sur laquelle
le compositeur populaire, Paul Henrion, a écrit une
musique d'artiste, Fournaise, musique de Darcier, la
Nourrice de Pierrot, Mon Pauvr' Petiot, S9! etc.
C'est une existence bien remplie et bien mou-
vementée que celle de J.-B. ; il a déjà proditit, tant en
prose qu'en vers, de quoi faire de gros volumes, quoi-
qu'il soit jeune encore. C'est un lutteur infatigable; en
plein empire il chantait et publiait OA le joli temps,
Dansons la Capucine, et bien d'autres.
Puis, trouvant sans doute que la chanson ne pro-
pageait pas assez vite les idées républicaines qui
lui brûlaient la tête, le chansonnier se fît journaliste
ou plutôt pamphlétaire. En 1869, il fit paraître un
journal : le Casse-Tête, dont il était l'imique rédac-
teur.
Dans cette petite feuille, où l'esprit et le bon sens
fourmillaient, les horions les plus durs étaient pro-
digués à tous les puissants d'alors avec une vigiieiu'
qui démontrait que la conviction et la sincérité pré-
sidaient toujours à la distribution. La Lanterne im-
périale ; la Lanterne du peuple ; les Prophéties politi-
ques, sont aussi des brochures très véhémentes qui
portent les dates chaudes de 69 et 70.
C'est au commencement de cette dernière année
que Clément enira au journal la Réforme. Là, comme
partout, le pamphlétaire socialiste cravachait les ins-
titutions détestables qui nous régissaient et plaidait
la cause du pauvre ; cela lui valut une condamna-
tion à une année d'emprisonnement.
C'est de Sainte-Pélagie qu'il entendit sonner le
tocsin du 4 Septembre qui, se mêlant au bruit sourd
du canon prussien qui s'avançait sur Paris, annon-
çait à la France que la lâcheté et l'incapacité du mo-
narque venaient de la délivrer du dernier empire.
Rendu à la liberté, Clément s'enrôla immédiate-
dans les compagnies de marche de la garde natio-
nale et fit son devoir de bon citojren. Le soir, quand
il n'était pas de garde, il allait dans les clubs de
Montmartre, où sa voix ferme et sage était très écou-
tée. Aussi, quand après le 18 Mars la Commune fut
proclamée, Montmartre envoya Clément y prendre
place au nom de 14,188 électeurs.
Je le vis le jour de la première séance àl'Hôtel-de-
Ville, au milieu de ses collègues ; la plupart étaient
enthousiastes et bruyants, lui était calme, sévère et
plein de dignité. C'était bien l'homme du peuple, un
peu étonné de sa situation et qui en comprend la
gravité, mais qui sent en lui tout le courage dont il
a besoin pour accomplir la tâche entreprise. — L'at-
titude de Clément à la Commune n'est pas dans
notre sujet, mais ce que nous ne pouvons passer
sous silence, c'est que député par ses concitoyens
pour soutenir leurs idées, il a rempli son mandat en
homme de cœur. Il était partout, à sa mairie, au
club, à THôtel-de- Ville, et ce n'est pas seulement
par la parole que Clément défendit ses principes,,
car il ne quitta la dernière barricade de la rue Fon-
taine-au-Roi que le dimanche 20 mai dans l'après-
midi, c'est-à-dire quand le dernier coup de fusil
était tiré et que l'armée communaliste n'existait
plus. On peut ne pas partager les idées de cet homme,
mais il faut reconnaître que sa conduite a toujours
été digne.
Après quelques semaines passées à Paris, caché
par l'amitié, J.-B. partait pour Londres. Mais que
faire en ce pays ? des chansons d'abord ; oui, aes.
chansons toujours 1 Mais la vie ? la prosaïque ques-
tion du morceau d« pain 1 Se trouver au milieu d'un
peuple qui parle un langage que vous ne comprenez
pas; ne se voir entouré que d'amis éprouvant les
LA CHANSON
131
inéines souffrances, les mêmes besoins que vous.
Eah ! Clément est jeune; il a trente ans, puis il a la
foi, cela ne durera pas toujours! Et le voilà qui
cherche des leçons de français ; il en trouve, mais
d'une façon insutTisante ; alors il s'improvise ouvrier
■dans le cartonnage ; plus tard, il y joignit l'encadre-
ment, qu'il faisait très joliment et très poétique-
ment, répètent à qui veut l'entendre ses compa-
gnons de misère.
Laisser son cerveau on repos n'est pas dans le
tempérament de notre poète. Il fonde alors une bro-
chure périodique sous ce titre : Queutions sociales à
la portée de tous. Cela, se publie en France, à Paris,
■chez Lachâtre. Mais son nom est proscrit dans son
pays ; il signe : par vm honune du pev.ple. Ces petits
livres sont pleins d'observations justes et claires ; le
style en est simple, pour justifier le titre, aussi le
succès couronna l'œuvre, et les derniers numéros se
Tendaient'à trois mille cinq cents.
Hégésippe Moreau a dit :
... Pour que son vers pardonne au genre humain.
Que faut-il au poète '! — Un baiser et du pain !
Or, comme Clément est avant tout un poète , je ne
sais s'il avait rencontré le baiser, mais il était heu-
reux, il avail trouvé le pain, le pain si bon du tra-
vail, le pain de l'honnêteté !
Comme je l'ai dit, tout cela était entremêlé de
chansons : mais ce n'est plus les 2>etites boimes de
chez Diival. La note est plus grave, les préoccupa-
tions plus sérieuses ; — le peuple, ses souffrances,
ses aspirations, voilà les sujets qui préoccupent sans
cesse Clément. Ses chansons, nées en Angleterre,
sont presque toutes des chansons sociales ou huma-
nitaires ; mais elles n'en ont pas moins le coloris
poétique et une certaine rudesse qui est la marque
particulière de l'auteur de 8d ! Les principales sont :
Les Traîne-misère, Mon Homme, la Semaine sanglante,
Comme je suis fatif/ué ! La Macliine, La Marjolaine,
une des plus douces, que nous publions plus
loin, etc.
J.-B. Clément a 13 ans; il est né à Boulogne-sur-
Seine, le 31 mai 1837, de parents dans une situation
aisée, mais cjxii, après lui avoir donné une certaine
éducation, lui firent apprendre le métier de garnis-
seur en cuivre qu'il exerça pendant longtemps
Clément est la convicUou même, il a l'ardeur plé-
béienne de ses chansons, comme sa conversation en
a le côté poétique et doux, c'est un ami sûr et qui
ne transige jamais avec sa conscience. Comme chan-
sonnier, il tient certainement une des premiers places-
il n'a pas les grand élans de Pierre Dupont dont il
a la senteur juvénile et rustique, mais quand il traite
le sentiment populaire, comme dans Mon pauvre
petiot ou la Nourrice de Pierrot, il n'a aucun rsiaitre ;
c'est du Clément !
Le recueil de ses chansons n'est pas fait, — avis
aux éditeurs amoureux d'art et qui ont autre chose
qu'un porte-monnaie à gaUche de l'estOmac.
EueÈNE Baillet.
t MÂRifltAINE
0 gué ! ô gué !
O gué,"la Marjolaine !
C'est la chanson
Des enfants de la plaine
O gué! ô gué!
O gué, la Marjolaine!
O gué !
C'est la moisson !
Holà! les gars, le vieux coq cliante.
Holà ! qu'on attelle les bœul's.
Les trésors que la terre enfante
Vont faire ployer les essieux.
Hé, Ion Ion la!
Belles des belles,
Gaiment nous voilà revenus
Pour couper les gerbes nouvelles
La faulx en main et les bras nus.
O gué ! ô gué !
Qu'on mette à la grosse chai'rette
Les doux bœufs roux en limoniers.
Les gerbes qui courbent la tète
Seront ce soir dans nos greniers.
Hé, Ion Ion la !
Dans la prairie
Si le soleil chaulTe trop fort,
(Ju'on n'ait pas peur de la jiépie
La gourde est pleine jusqu'au bord.
O gué ! ô gué !
(Jn fauche et la caille babille
Les premiers mots de son réveil;
La gerl)e toml)e et la faulx ItriUe
Comme un miroir en plein soleil.
lié. Ion Ion la !
Les moissonneuses
Portent les gerbes en chantant.
Le gros fermier donne aux glaneuses
Et les bœufs tirent en soufliant.
O gué ! ô gué !
Holà! des bras, et coupons ferme ;
Lions, fauchons jusqu'à la nuit !
Ce soir, en rentrant à la ferme,
Je promets de saigner un muid.
Hé, Ion Ion la!
Que dans les granges
(Jn entasse les lilés nouveaux.
Et dès demain jusqu'aux vendanges
Nous ferons sii^tler les lléaux.
O gué ! ô gué !
Votre journée est bien remplie ;
Mais halte là, les travailleurs;
Avant de quitter la prairie.
Moissonnons chacun dans nos cœui'S.
Hé, Ion Ion la !
Tous à la ronde,
Les bras nus et la faulx en main.
Buvons à la terre féconde,
La nourrice du genre humain !
O gué ! ô gué !
O gué, la Marjolaine !
C'est la chanson
Des enfants de la plaine.
0 gué ! 6 gué !
O gué," la Marjolaine !
O gué !
C'est la moisson !
J.-B. Clément.
132
LA CHANSON
MA BRUNE
Paroles de E. CHATELAIN, musique de G. REGNAULD.
^^
^
m
qoela }inis_aants ef . fels! IN'oil» el joor
c'est el . le qui do
Tons les bcaui rè . te» que je fais
C'est a_De ar . den . le cre'- a . tu - rs
Qui fait ou _ bli . er le »oni_»eil.
Et cet_te en . fnnt de la aa
tu - re Res-picu-dit com-me le . ao .
doux et simple.
ro.se l'y bois la »ie el le bdn.heiir.
De longs cils ornent ses paupières,
Où j'ai vu naître son amour,
Kt ses prunelles tout entières
Ressemblent aux rayons du jour.
Lorsque d'un geste elle m'excite,
Et que dans mes bras je la prends.
Je vis, je meurs, je ressuscite,
Sous ses baisers que je lui rends.
Ma brune, etc.
J'aime ses lèvres amoureuses
Et ses yeux noirs, — feux des étés. -
J'aime, dans nos heures heureuses.
Ses ardeurs et ses voluptés.
Combien de temps m'aimera-t-elle?
Nul ne le sait... Mais je voudrais
Vivre tous mes jours avec elle ;
L'aimer longtemps, mourir après.
Ma brune a le teint d'une rose.
Mais je la préfère à la fleur ;
Sa bouche est une source rose :
J'y bois la vie et le bonheur.
EN FAISANT MON MÉTIER
CHANSONNETTE PHILOSOPHIQUE
Cet empire qu'a l'homme
Sur la bète de somme
Le rend trop orgueilleux.
Lui qui n'est qu'un atome
Sous la voûte des deux.
Quand il a fait un livre
Plus ou moins imparfait,
Voye: comme il s'enivre
Du, bruit que son nom fait.
Moi, je ne suis qu'un ouvrier,
De vanité le ciel me garde.
Et je vois fout de ma mansarde
En faisant mon métier.
On court à la richesse,
On l'appelle sans cesse
Comme un bien précieux,
L'a-t-on, vite on s'empresse
De former d'autres vœux.
L'homme est insatiable.
Et de le contenter,
Il n'est ni dieu ni diable
Qui puisse se vanter.
Moi, je ne suis qu'un ouvrier,
Du peu que j'ai je me contente.
Et. du matin au soir je chante
En faisant mon métier.
Od s'aborde avec grâce.
On se serre, on s'embrasse
Et trop souvent, hélas!
Oq reçoit sur la face
Uu biiser de Judas.
J'en vois même, en grand nombre,.
(Jui vont serrant la main
Aux amis que dan'^ l'ombre
Ils trahiront demain.
Moi, je ne suis qu'un ouvrier.
J'aime l'honneur et la franchise,
El je les ai pris pour devise
En faisant mon métier.
Où va la rêverie?
Où va la causerie ?
Où la poussière va.
Il en est de la vie
Comme de tout cela.
Malgré son importance
L'homme ignore toujours
Ce que la Providence
Lui garde de beaux jours.
Moi, je ne suis qu'un ouvrier,
Et tous mes jours ne sont pas roses,.
Mais j'en compte peu de moroses
En faisant mon métier.
LA CHANSON
133
Oa convoite, on désire
Tout ce qui peut séduire
Et tenter son prochaio,
Moi, je ne fais que rire
De ce luxe mondain.
Car une loi commune
Nous condamne au trépas,
Et malgré la fortune
Oa ne l'évite pas.
Moi, je ne suis qu'un ouvrier.
J'ignore et Jean-Jacque et Voltaire,
El je raisonne à ma manière
Eq faisant mon métier.
Emile C.\.bré.
il.'-A.é:r.oiva.xjte
Le ciel est pur, le vent est sans haleine.
Et mon ballon, navire aérien.
S'élève calme au-dessus de la plaine,
Et fait craquer le cible qui le tient.
Demi-couché dans l'étroite nacelle.
Je vois au loin s'élargir l'iiovizon.
Et, par instants, une ville nouvelle
Blanche et coquette émerger du gazon.
Monte plus haut sncore.
Toi que le soleil dore,
Sois comme un météore
Brillant au front des cieux ;
A ma main qui te guide
Obéis et, rapide,
Monte dans l'air lluide,
0 mon ballon soyeux.
Le fort lien qui l'enchaîne à la terre
Te laisse libre et lu prends Ion essor ..
G mon ballon I qu'une brise légère
Te pousse loin, bien loin, plus loin encor !
Dieu nous protège, et les riches campagnes
Vont nous offrir de magiques tableaux.
Lorsque, rasant la crête des montagnes.
Tu chasseras les aigles tes rivaux.
Monte plus haut encoie, etc.
Villes et champs fuyant sous mon navire,
Au loin s'agite un peuple de fourmis.
Et je ne puis m'empècher de sourire
En vous voyant, insectes, mes amis.
Que dis-je là ? Vous avez la science :
Sur l'univers régnez en conquérants.
Petits de corps, par votre intelligence.
Dieu l'a voulu, frères, vous êtes grands.
Monte plus haut encore.
Toi que le soleil dore,
Sois comme un météore
Brillant au front des cieux ;
A ma main qui te guide
Obéis et, rapide,
Monte dans l'air fluide,
O mon ballon soyeux '?
Germain Picard.
A. 'WQi'W s
Pour faire un nid, faut de l'ombrage.
Pour faire un nid, faut le printemps.
Faut se mettre deux à l'ouvrage.
Faut du travail, des soins constants
Et du temps.
Faut des plumes de dessous l'aile.
Des brins de mousse bien unis,
Faut surtout que l'amour s'en mêle
(jar c'est lui qui met des petits
Dans les nids.
Pour faire un nid sur et paisible
Faut un oiseau de par ici,
Un oiseau jeune, au cœur sensible.
Brave et fort, amoureux aussi,
Le voici.
Pour faire un nid, faut une oiselle,
Gente et douce, avec de beaux yeux,
Si vous vouliez. Mademoiselle,
Nous ferions un nid bien heureux,
Tous les deux.
C.
DOUZIÈME CONCOURS MENSUEL
de LA CHANSON
2" Piî.x.
LE PAPE mi L'EIUBARRÂS
Air : Je veux mes amis que i
m'emporte.
Le Sainl-Père en ces mauvais jours.
Moule là-haut chercher secours.
D'abord à saint Pierre il s'adresse :
Tu n'a donc pas vu ma détresse ?
Tout mon troupeau s'est révolté ;
J'ai bien peur d'être dégoté !
Ramenons-les à grands coups de houlette...
Ah ! la papauté n'vaut vraiment pas chipellé !
Non, la papauté n'vaut plus chipelte !
Ma foi, dit saint Pierre en toussant.
Je ne suis pas assez puissant.
D'aiLeurs la porte est mon service;
J'ouvre aux bonnes gens par office...
Je te ferai même l'aveu
Que ta fabrique en fournit peu.
Parle à ce vieux qui fume sa pipette...
Ah ! la papauté, etc.
A son tour le bon Dieu répond :
Cher ami j'ai cédé mon fond.
V«tre monde toujours en plainte
M'étourdissait la coloquinte.
Avec çà que depuis longtemps
Je ne suis plus dans mon printemps.
Parle à mon fils qui tient la machinette...
Ah! la papauté, etc.
134
LA CHANSON
Notre pape passe à Jésus,
Oui s'écrie : Assez! n'en faut plus!
Pour te prêter mon ministère
Il me faudrait aller sur terre,
Et je n'y veux plus retomber;
On me l'a trop bien fait gober !
Au Saint-Esprit va conter ta sornette...
Ah ! la papauté, etc.
Dernier espoir, le Saint-Esprit
Ecoute sa supplique, et dit :
J'ai pu fréquenter les apôtres.
Mais je n'irai point chez vous autres :
Maîtres gueulards de premier choix.
Vous me feriez... aux petits pois...
Kl le Saint-Père alors bat en retraite.
Ah ! la papauté n'vaut vraiment plus chipette.
Non, la papauté n'vaut plus chipette 1
Denis Laxgat.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Eldorado.
Avec le mois de septembre recommence la saison
d'Hiver, — la saison sérieuse de VBldoraclo. On s'est
demandé pourquoi cet établissement, à l'exemple
des Théâtres, ne fermait pas ses portes pendant les
chaleurs? Il y a là, croyons-nous, une raison ma-
jeur«. Si la troupe se trouvait libre pendant quelques
mois, elle se verrait dans la nécessité de contracter
des engagements dans les Cafés-eoncerls d'Eté, et
alors, ou les artistes apporteraient dans ces concerts
leur répertoire spécial, peu en harmonie avec ce qui
s'y chante d'habitude, ou ils seraient obligés de se
plier à un genre souvent contestable, tant au point
de vue du fond qu'au regard de la forme. L'unité et
le niveau artistique de cette excellente troupe
seraient compromis par là même.
N'oublions pas non plus que c'est durant la sai-
son d'été que débutent les jeunes auteurs, et les
chanteurs dont la réputation est à faire.
Donc, le temps des congés est expiré, et les pen-
.sionnaires de M. Paul Renard reviennent peu à peu,
les uns heureux d'un repos nécessaire, les autres
ravis de fructueuses excursions en Province et à
l'Etranger.
Mlle Amiati, qui a courageusement tenu l'affiche
cet été, va, il est vrai, partir pour deux mois, mais
déjà M. Perrin et Mlle Juana ont fait leur rentrée.
M. Perrin, — dont la, Ghansm publiera bientôt la
biographie, — a retrouvé l'accueil auquel l'a accou-
tumé un public enthousiaste. Ce chanteuraréellement
des qualités exceptionnelles et une verve comique
hors ligne. II. a créé un genre original qui gardera
son nom.
De chaleureux applaudissements ont prouvé à
Mlle Juana combien a été grand le succès de sa pre-
mière campagne. La véritable place de cette char-
mante artiste est bien kV Eldorado, où elle peut faire
apprécier comme il convient, dans des œuvres de
choix, toutes les richesses de son magnifique organe.
Mlle Juana interprète, pour son retour, deux de ses
meilleures créations : Naples, de M. Alfred d'Hack,
et A ton bras, polka de M. Rieffler.
Depuis quelques semaines aussi était revenue
Mlle Bonnaire, cette reine de la chanson comique,
dont l'éloge n'est plus à faire, et dont le nom est
comme un synonyme de gaité et de bonne humeur.
Mlle Bonnaire, toujours fêtée, passe en revue ses
dernières créations avant de lancer ses nouveautés
de l'Hiver.
A côté de ces « étoiles » voici le défilé des'eomé-
diens et des chanteurs : M. Gaillard, délicieux dans
. ses divers rôles d'opérettes, M. Ducastel, désopilant
; de niaiserie savante et de bêtise calculée, dans ses
chansonnettes excentriques, M. Victorin Armand,
qui, habile diseur de vers, sait :
« Passer du grave au doux, du plaisant au sévère, »
puis MM. Mathieu, Hurbain, Velly et Antony, — ; un
nouveau venu qui tient ses promesses.
Citons, pour terminer, Mme Louise Roland, tou-
jours gracieuse sous le travesti, et quelques jeunes
: débutantes.
VEldorado annonce, après la reprise du C'oncier-
' gicide de MM. Milher et Nuniès, Zizi, opérette de
MM. Siégel et Philibert, musique de M. Ghassaigne.
Ce n'est pas fini de rire, comme vous voyez !
Fernand Movel.
Scala.
Samedi a eu lieu la première représentation
de Quand la Mariée est trop belle, opérette en
un acte, de MM. Jules "Warner et Lucien Rouland,
.musique de M. Glairville fils. Cette charmante opé-
rette a fait une révolution à la Scala, où on ne re-
présente ordinairement que des pièces écrites spé-
cialement en vue du concert, avec une quantité de
scènes à effets, où le gros sel et la boufibnnerie tien-
nent lieu de scénario.
Dans cet acte, les auteurs ont mis en scène avec
beaucoup de talent une morale qui est le titre de la
pièce : Il ne faut jamais se plaindre Quand la mariée
est trop belle.
Les applaudissements qui ont acclamé le nom des
auteurs, prouvent que nous ne nous étions pas trom-
pés en aanonçant une pièce des mieux écrites, et
.digne de la scène. d'un de nos théâtres de genre.
La musique est charmante, jamais M. Glairville n'a
été mieux inspiré, et de toutes les partitions que
iUous avons entendues de lui, à la Scala, nous pou-
vons lui affirmer que celle de Quand la mariée est
trop belle est la meilleure.
Nous adressons nos félicitations à MM. Bérod, Paul
;Bert, Mmes Heuzé et Blockette, qui ont interprété
'la pièce d'une façon .irréprochable.
I
LA CHANSON
135
Grâce aux nombreuses amélioralions apportées
par la nouvelle direction, le public revient peu à peu
aux Folies Saint- Marti::», dont la mauvaise organi-
sation de l'ancienne gérance lui avait fait perdre le
chemin. 11 faut avouer que M. ÎS'icolle n'épargne
rien pour s'attirer la sympathie des spectateurs, car,
chaque jour, de bons artistes viennent renforcer la
troupe suffisamment bien composée de ce concert.
Parmi les nouveaux engagements dont il faut fé-
liciter la direction, nous citerons celui de Mlle Wor-
lon, la fine diseuse de la Scala, et celui de Mme
Rivoire, l'excellente comique excentrique, qui s'est
fait connaître sur les différentes scènes où elle a
paru.
M. Pissarello continue avec succès sa série d'acro-
baties musicales ; la scène grotesque de patinage
dans laquelle il joue du violon en artiste consommé,
lui est redemandée chaque soir.
M. Casabou et Mme Darbel se partagent do nom-
breux applaudissements dans les duos du grand ré-
pertoire.
Nous remarquons aussi Mlle Djelma, une jeune
créole, qui chante Ma Savane et Bamboidi Bamboula!
avec succès.
Les exercices acrobatiques des petits Godart font
grand plaisir, chaque soir le public les rappelle plu-
sieurs fois.
Celte semaine, la Corde sensible a été fort bien in-
terprétée par MM. Alberli,'Denizot; Mmes Lacroix et
Roger. Nos compliments à M. Alberti, qui est un
CalifourcJwn très réussi.
Ce soir: reprise de J'm classe Mesdemoiselles, pièce
à grand spectacle, qui sera interprétée par toute la
troupe.
Mlle "Worlon débutera dans les Jurons de Cadillac,
avec M. Alberti dans ie rùlc du capitaine.
Dans notre première, chronique des Folies Saint-
Martin, une erreur du programme nous a l'ail citer
M. Vassor, comme faisant partie de la troupe, et ob-
tenant beaucoup de succès. C'est de M. Banvin, jeune
comique, genre Libert, dont nous avons vouUi parler.
Ce soir, 4 septembre, réouverture du Concert du
XIX'"" Siècle, rue du Château-d'Eau.
- MM. Debailleul, Ouvrard, Legrand et presque tous
les artistes de la saison dernière sont engagés pour
celte année.
Tout en regrettant le départ do M. Villemer, nous
souhaitons la bienvenue au nouveau régi.-,seur, M.
Battaille, qui s'est fait apprécier depuis longtemps
au Concert Européen, comme excellent metteur en
scène et comme artiste distingué.
Un meilleur choix ne pouvait être fait par la di-
rection, pom- donner un digne successeur à M. Vil-
Itimer.
Alfred Bertinot.
L'abondance de copie nous oblige de remettre au
prochain numéro, les comptes-rendus du Concert
Parisien et des Folies-Rambuteau, qui ont fait leur
réouverture samedi dernier.
A, B.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le jeudi 26 août, V ù'nio/i 2Mrisiin>ie donnait, 3, rue
dti Petit-Poiit, une soirée extraordinaire. Malgré la
chaleur tropicale qui se fait sentir en ce moment, un
publie nombreux avait répondu à notre appel, ce
que nous prenons, pour la Société, comme une con-
sidération et comme une preuve que nos efforts cons-
tants ne sont pas vains. — La saison d'hiver nous le
prouvera davantage.
Complimentons d'abord JSIM. Sutteml Letirand, Le
premier nous a dit le Petit- Paul, de Victor Hugo,
avec sentiment; j'ai vu pleurer plusieurs dames,
c'est le meilleur éloge que je puisse adresser à notre
bon camarade Sntter.
Letirand a été, comme toujours, excellent diseur
et très énergique, dans une satire intitulée : Bas le
masque. Comme critique, je dirai que l'œuvre de M.
Aupto n'était pas à la hauteur du talent de Letirand.
Le poisson était passable, la sauce succulente, on
s'en léchait les doigts... tellement on applaudissait.
Nos compliments bien sincères au sympathique
romancier Duclos, qui sait toujours être agréable et
qui ne sait jamais refuser d'être en même temps
très obligeant.
Mlle Marie a dit : Laissez-moi, une chanson genre
Bomiaire, elle a âlé fort applaudie... Mais je pense
que Mlle Marie, qui est encore bien jeune et qui a
l'air fort distinguée, risque de se tromper en glanant
dans le répertoire de Mlle Eléonore.
Son récit, à la seconde partie, valait beaucoup
mieux, et le succès qu'elle a remporté au concours
de l'Albambra prouve, ou plutôt confirme mon
dire.
Nous féliciterons également tous nos habitués,,
surtout mon vieux jeune camarade 3/oicmoute, inta-
rissable de verve et d'entrain. Puis Mme Adèle, qui
ne peut pas être inférieure, toujours gaie, voix tim-
brée, diction parfaite; bref, ou la comiait. — Un mot
sur la pièce finale ; Pauvre Jacques.
Par cette chaleur la pièce a paru longue.
A part cela les rôles ont été bien tenus. M. Desfos-
sez père, surtout, puis l'ami Quéliu qui, dans un
rôle insignifiant, a su se réussir une tête de l'emploi,,
ce qui a été d'un fort bon effet.
Mme Desfossez a très bien été, mais je dois laisser
en dernière ligne MM. Jack et Desfossez fils.
Léo TOSTAIN.
VUnion française, 3, rue du Petit-Pont, a convié
ses visiteurs, le 28 août, à une soirée dansante. Le
vice-président, avec son amabilité habiuelle, afait les
honneurs de la Société à ses invités. On s'est fran-
chement amusé. Nos compliments aux commissaires,
MM. Dumont et Dorr. Une petite critique à l'ami
Pradel, le pianiste.
Pourquoi n'a-t-il joué qu'un quadrille ? Son réper-
toire, en fait de quadrilles, est-il limité à ce point-là.
Le dimanche, 29, première représentation à ladite
Société: Unbeau-xièi-epasbête, joué par M. Richard,.
136
LA CHANSON
Mlle Berthe, et un sociétaire dont le nom m'échappe.
A défaut de talent, beaucoup de bonne volonté.
QUÉLIN.
Dimanche, 4 septembre, réouverture des soirées de
la Société Dramatique de récréation, bO, rue Fabert-
Cette Société a profité des vacances de l'été pour
l'aire mettre la salle et la scène complètement à
neuf; c'est sûrement la plus coquette et la plus con-
fortable des salles des Sociétés lyriques.
L'association Littéraire et Musicale, réouverture
dimanche 5 septembre; matinée Salle de la Pépi-
nière, à une heure précise, nie de la Pépinière.
CHOSES & AUTRES
Dans sa séance du jeudi 2 septembre, les mem-
bres du syndicat de ia société des auteurs, composi-
teurs et Editeurs de musique ont procédé au rempla-
cement de M. RoUot, agent général révoqué, M.
Victor Souchon a été élu agent général. Nous félici-
tons les membres du syndicat de cet heureux dénoue-
ment. Tous nos compliments à notre ami Souchon ;
le plus grand éloge que nous puissions faire de lui
est de dire qu'il a été choisi sur 19 candidats, et
nommé par 9 voix sur 12 votants.
TREIZIEME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 août a%(, ZO septembre.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
rel'rain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le 1'='' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
Vient 'de parniti*c A notre librairie un nourenii
Catalogne de livres ancien» ci inodcrnea*. rares et
curieux. IWous enverron.** ce catalosiic franco h toute
personne qui nouiîi eu fera la dcniundo pai- lettre
affranchie.
Qui ne connaît, à Lyon, Sarrazin, lequel parcourt
les cafés et brasseries de la ville en vendant des
olives ?
Jean Sarrazin est d'origine dauphinoise ; poète à
ses heures, il vient de publier un charmant recueil
de poésies intitulé : Trait-d'Uniiiu.
Voici une fleur que nous cueillons dans le Trait-
d'Unioii , poésie de Jean Sarrazin ;
PRENDS CE NID
Tu me dis souvent : pour te plaire
J'irais prendre une étoile aux cieux.
Ce noble élan est précieux
Au cœur de ta petite Claire.
C'est le jour d'être audacieux :
Au lieu de l'éloire polaire,
Prends ce nid, qu'un rayon éclaire
Dans ce- rameaux silencieux.
Ton désir est cruel, mignonne !
Vois l'heureuse mère qui donne
La becquée à chaque petit.
Ce rapt rendrait sa vie amère,
Tu sauras, quand lu seras mère.
Par le berceau ce qu'est le nid.
.[Le Moniteur de Lyon.)
La Direction de la Muse républicaine ouvre, pour
1880, deux Concours poétiques.
10 _ CONCOURS DUPONT 1»E L.'EURE
« SA VIE, SON OEUVRE, SON CARACTÈRE. »
11 sera décerné, s'il y a lieu, trois médailles :
Au l"'' prix, une médaille de vermeil.
Au 2" prix, une médaille d'argent.
Au 3° prix, une médaille de bronze.
Il y aura en plus : trois mentions très honorables,
et six mentions honorables.
Chaque composition devra compter 14 vers au
moins et 80 au plus.
8° — COIVCOURS DE CHAIWSOIV
Nous mettons au concours : nue Chanson démocra-
tique et philosophique (franc-maçonnique, libre-pen-
seuse ou anti-cléricale, ad libitum).
Les Chansons présentées devroDtètre inédites, lé-
g.ilement irréprochables, et mises surun air populaire
ou bien connu ; elles comprendront de 3 à o cou-
plets.
Pour ce Concours, il sera également décerné, s'il
y a lieu, trois prix (médailles vermeil, argent et
bronze), trois mentions très honorables el six mentions
honorables.
Les trois œuvres couronnées seront publiées dans
la Muse, et la question de réunir en recueil toutes
les Chansons soumises au jury sera mise à l'étude.
Les concurrents de l'un et l'autre Concours sont
tenus de souscrire à un exemplair-' du volume de la
Muse de 1880, et joindront à cet effet à leur mantis-
crit un mandat-poste de o francs.
Les Concours, ouverts le 14 juillet, seront clos le
30 septembre.
Les envois devront être parvenus pour cette date
à Evreux, à l'adresse du Directeur de la 3f use repu-
bUcaiiie, M. Boue (de Villiers):
Chaque pièce sera signée d'une devise, avec pli
cacheté contenant les noms et adresse de l'autenr,
avec la devise répétée.
I\'ou.s avons encore reçu des réclamations, consta-
tant des irrégularités dans la distribution de notre
dernier niiiuéi o. 1^'ous ne saurions trop recooiman-»
de«- à nos abonnés d'adresser directement leurs récla-
mations ù m. Coeliery, ministre des postes et des télé-
graphes, à Paris.
Beaucoup de nos acheteurs au numéro se plai-
gnent de ne pas trouver I^a CU.-^ÎVSOX dans leur
fjuarticr; nous les prions instaanincnt de la réclamer
chcK tous les libi*aircs, mitrchnnds de journaux et
dans le.s kios<|ues. Souvent les marchands oublient
de la mettre eu étalage, ou les porteurs négligent
d'en faire le dépât; nous recommandons ik tous ceux
qui s'intéressent à L.%^ CU.%^'SO.'%[ de la demander
partout et de nous signaler les endroits où l'on au-
rait omis de la déposer.
li.l^ C2I.\iVf^O:% doit se trouver partout dès le sa- .
medi matin.
Le Directcur-Gérait : A. PATAV.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
3» ANNEE. — N» 1 8.
lO CENTIMES.
12 SEPTEilBRE 1880
LA CHANSON
Directeur- Gérant .
A. PATAY
La chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^^^'^SS/me'g'"
ECHO DES SOCIETES LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Annonces, la ligne.
Réclames, —
Lachanson,commelabaronnetfe
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 f r.
> six miois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
4}alerîe des Chansonniers : Favart (ErcÈiçK Baillkt).
la Rose ^FAVAnT). — BanqneL du Caveau (L.-Ub\
Enfer et Paradis (KLokm'. Guasiik). — Le Sen
musique de Aru. Dlponi. —
■(LUCIR
Roi:
N»)
— La Clu
: dit i
Doiibii- Imllmle
Les Uaels (OiiTov).
.fai l'esprit bitcorna (L.-Micbei. Dbsfosskz). — Chronique
Concerts (ALFnKn Bkrtinot). — Fantaisies-Parisiennes (Ma'
Civ). — rhroiiqne des Sociétés Lyriques (A. Beutinot, Qr
— Choses et autres.
GALERIE DES CHANSONNIERS : FAVART
Favart naquit le 3 no-
vembre 1710, à Paris, où
son père exerçait la
profession de pâtissier,
ce qui ne l'empêchait
pas de tourner agréa-
blement le couplet, à
ce que la chronique as-
sure, car aucun de ces
couplets n'est arrivé
jusqu'à nous. C'est au
père de Favart que l'art
de la pâtisserie doit
Tinvenlion de l'échau-
dé, invention qui lui
avait procuré une pe-
tite fortune.
Favart reçut une édu-
cation assez soignée cl
témoigna, tout jeune
encore, de grandes dis-
positions pour le théâ-
tre : ce n'est que mal-
gré lui, après la mort
de son père, qu'il mit
momentanément la
main à la pâte. A l'âge
de vingt ans il avait
déjà donné au public
plus de pièces qu'il ne
comptait d'années. —
Mais ces pièces, con-
sidérées par I leur auteur comme n'ayant aucune
importance, ne furent jamais imprimées et les
manuscrits passèrent tous par le four du pâtissier.
Favart ne fut jamais
un chansonnier dans
l'acception vraie de ce
titre, mais plutôt un
coupletier, car, à très
peu d'exceptions près,
celles de ses chansons
que nous connaissons
ne sont le plus sou-
vent que des couplets
extraits de ses pièces
de théâtres. Beaucoup
de ses refrains ont joui
d'une grande vogue
dans leur primeur, ils
se chantaient en famil-
le, après le repas ; ja-
mais d'indécence ni
d'immoralité. A peine
quelquefois un mot ou
une pensée amène le
sourire sur les lèvres,
mais pas plus. — Dp
la grâce, du naturel,
voilà Favart, c'est rare-
ment maniéré et pres-
que toujours charmant,
comme dans cett'-
ariette :
Un cœur touc neuf
Est comme un œuf
Que l'amour couve sous son aile,
En l'animant
Tout doucement
• Par une chaleur naturelle.
138
LA CHANSON
Le temps y iendira
Qu'il' écloira.
Ce joli petit cœur de fille.
11 en naîtra
Le désir,
Le plaisir,
Conime un petit oiseau qui sort d« sa coquille.
Favart élail tau travailleur, il a composé un très
grand nombre de pièces, tant pour les théâtres de la
foire que pour celui de l'Opéra-Coniique. Pendant
quarante ans ses succès furent peu interrompus. Les
principaux sont : les Trois Sultanes, Ninette à la cour,
la Chercheuse d'esprit, la Belle Arsène, l'Anglais à
Bordeaux, etc. Cette dernière, qui fut représentée le
14 mars 17133, fu.t un IriompliLe pour son auteur. Ba-
chaumont nous apprend qu'à la deuxièime représen-
tation Favart, qui désirait ne pas se montrer au pu^
blic,y fut contraint: « Lepauvre diable a été tramé pai'
deux comédiens sur le théâtre et y a reçu, malgré tni
la bordée des apiûaiidissements dm publie. » La pièce fut
bienlot jouée à la cour, et son auteur gratifié d'un*^
pension de mille francs. Heureux Favart, à la même
époque on brûlait Emile, et Rousseau était forcé de
s'expatrier pour éviter la prise de corps.
Cependant Favart ne fut pas toujours lieureux du-
rant sa longue carrière. Celte nature délicate et droite
dut au contraire éprouver des souffrances réelles, de
par sa femme qui l'aimait cependant beaucoup.
C'était une charmante actrice avignonnaise qu'il
avait épousée bien qu'elle fût plus jeune que lui de
dix-sept ans. Voici les faits :
Quand les comédiens français, ligués conilœe les
comédiens de rOpéra-Comique, obtinrent la ferme-
ture de ce dernier dont Mme Favart était l'étoile,
Favart se trouva sans emploi et, ne sachant que faire,
il accepta de suivre,, en qualité de directeur de
troupes théài raies, k; maréchal de Saxe qui avait
mis le théâtre dans ses plans de campagnes, sacha:nt
que la gaité dans l'armée c'est la santé du soldait. Et
puis il y avait là Mme Favart! Le brave Favaa*,, me
soupçonnant rien des intentions du maréchal, partit
joyeux emmenant avec lui sa troupe et sa femme.
Entre deux batailles on jouait la comédie, c'était
charmant. Mais Mme Favart était de plus «m plus
jolie,et le maréchal, connu pour se* «xjptoits
amoureux ne l'avait pas fait venir p©» Iff-senilll plaiisir
de la regarder. C'était vers 174b.
Maurice de Saxe dépeignit d'alwrd fSSD fflstmme,
d'une façon toute cavalière, à la jetime Mjme Favart,
Elle n'avait guère que dix huit ans, eï Ite maréchal
en avait quarante-neuf. L'attraction n'étaill pas puis-
sante pour elle. Puis il y avait là un mari relative-
ment jeune et aimant qui surveillait. Aussi le vain-
queur de tant de batailles dut cette fois se déclarer
vaincu; alors il, joua l'amoureux et... n'obtint pas
plus de succès. Les soupçons du mari était éveil-
lés, pour soustraire sa femme aux obsessions de son
amoureux de rencontre, il l'envoya successivement
à Bruxelles, puis à Paris, où son vrai talent de co-
médienne lui ramena la vogue des premiers jours.
Pendant ce temps, le pamTc Favart se morfondait
au camp, près du maréchal, qui lui faisait froide
mimev e* biem-tôt M retira sa pirotection, car il
s'aipercevait qTMî' ce drôle de wairi ne voialait à
aucun prix devoir sa fortune à son déshonneur.
Aussi dutril bieiitàt qiuilter l'armée. Il avait des
euvieux qui giDettaieiiH ce moment pour lui faire un
ma/uvais procès, et qui surent, à force d'intrigues,
obtenir contre lui une prise de corps. En même
temps une lettre de cachet l'atteignait, on n'a ja-
mais su pourquoi. H est visible qu'il y avait dans
tout cela la main sale de l'hydropique amoureux
évincé, Maurice de Saxe. Favart se sauva, et quand
sa femme voulut quitter Paris pour aller le i;ej.oindre,
elle fut arrêtée en route de par une autre lettre de ca-
chet: on l'interna successivement dans deux cou-
vents.
Pendant ce temps-, le pauvre Favart vivait à Stras-
bourg, caché dans une cave, où ils peignait des éven-
tails pour vivre. Il tomba bientôt malade. C'est alors
que Mme Favart, accablée de dégoût et d'ennid, de
guerre lasse, et sachant bien la source de toutes les
calamités qui les poursuivaient, Mme Favart ne
tromTi pas d"'autre moyen pour sortir de cette si-
tuation, que de se rendre à l'ennemi. Faut-il mau-
dire, faut-il admirer? en tous cas, c'est un bien
triste dénouement pour ce vaudeville mélodrama-
tique.
Tous deux recouvrèrent alors la liberté, mais le
charme était détruit, et le bonheur impossible.
Chaque fois que ce brave Favart regardait sa femme,
il de-\-ail voir le maréchal et le voir entouré de tou-
tes (H-s joyeuses drôlesses d'alors, dont les faciles
Conquêtes lui valaient une réputation pornographi-
que si enviée de ses pareils, et l'âmetendre etdélicate
du pau^vre poète ne devait-elle pas saigner en voyant
dans ce croupe malsain, celle à qui il avait vouié
toQl son auiooi-, loute sa vie. La mort de Maurice' de
Saxe arriva peu de temps anrés, Favart se crut un
peu vengé; njéanmoins il n'avait plus pour sa femmv
qu'une ioiiifliérence amicale. Aussi, qitand on pré-
tendit que- raiilbibé Voisenon était sou collaborateur
en partie' dlcwftfcT il laissa dire sans beaucoup se
préoccuper de ce bruit. Etait-il fondé'? La femme
(.(ui n'avaU p.is craint de se vendre au soldat, pou-
vait bien se donneTi au prêtre. Mme Favart mourut
le ai aiwil VTifl^. «Hic avait quarante-cinq ans. Et
peMfflaanitl. -riM'gt ams que Favart lui survécut, il parla
d'elle avec regret et bonté; il avait pardonné à la
niurt ce qu'il n'avait pu pardonner à.... la faiblesse.
n écrivit alors très peu et vécut dans la retraite. ■
Btk-anaer qui a vu Favart à quatre-vingt ans, dittjue
c'était mi imposant vieillard. Il mourut dans la
pt'lite maison qu'il habitait depuis longtemps à
Belle\-ille, près Paris, le vendredi 17 mai 17t)-2. Il fut
enterré dans son jardin où sa tombe se voyait en-
cor il y a quelques années. Eusèse Baillet.
Nota, Cette notice est extraite de \ Anthalogit de la
Chanson française depuis le commeneeiiient du dix-hui-
tième siècle jusqu'à iic.5 jours, par Eugène Baillet,
Cet ouvrage, écrit sur un plan entièrement nouveau,
sera tiré à petit nombre. Nous annoncerous très pro-
chainement les coDditioas de la souscripdon et la mise
en vente à notre librairie, A. P,
LA CHANSON
139
LE PRIX DE LA ROSE
Vous qui cherchez à mériter
Le prix fin'on donne à la sagesse,
II est bon do vous réciter
Plus d'un exemple de laiblesse.
On croit pouvoir tout éviter,
Trop coniiante est la jeunesse ;
Eh hicn, eh bien,'
Vous verrez à qtioi l'on s'expose,
Jeunes lilles, songez-y bien ;
Il ne faut qu'un rien.
Un petit rien, un petit rien.
Pour perdre le prix de la rose.
Pour prendre un nid levant les bras
Sur ses doux pieds Lison se dresse,
Lucas qui voit son embarras
La l'ait sauter avec adresse;
'Grand merci, dit-elle à Lucas...
On condamna sa politesse.
Eh bien, oh bien.
Vous voyez à quoi l'on s'expose.
Jeunes filles, sontjez-y bien.
Il ne l'aut qu'un rien,
Un petit rion, un [letit rien
Pour perdre le prix de la rcjse.
Lise en dansant rompt son lacet,
De ses deux mains elle se cache;
Jeannol rapproche son corset,
En soupirant il le rattache.
Et de même elle soupirait
Elle eut tort... il faut ([u'on le sncho.
Eh bien, eh bien.
Vous voyez à quoi l'on s'expose.
Jeunes (illes, songez-y l)ien ;
Il ne faut qu'im rien,
Un petit rien, un petit rion.
Pour perdre le prix de la rose.
•On dit qu'il revient un esprit
•Chez la grand'mèro de Nicotte ;
Toute la nuit il lait du bruit ,
Le voisinage s'in(piièlo.
Nicette a grand' peur... mais sourit ;
Un sourire est un interprète.
Eh bien, oh bien.
Vous voyez à quoi l'on s'expose ;
Jeunes filles, sachez-le bien.
Il ne faut qu'un rien.
Un petit rien, un petit rien.
Pour perdre le prix do la rose.
La faible rose, bien souvent.
Malgré tout l'art du jardinage,
•Quand elle est exposée au vent
En reçoit un cruel dommage.
Ainsi "maint ouvrage en naissant
Ne peut résister à l'orage.
Eh bien, eh bien.
Vous voyez à quoi l'on s'expose ;
Jeunes filles, sachez-le bien.
Il ne faut qu'un.... rien.
Un petit r^en, tout petit... rien,
Pour perdre le prix de la rose.
Pavakt.
SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE ET LYRIQUE DU CAÏE.IU
nnn<iiiet du 9 septembre ,
L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glaces
pour les membres du Caveau, fidèles quand même au
culte dt; la déesse Chanson. Vingt-deux productions
inédites onl été présentées au banquet de septembre,
i-hill're éloquent pour qui lient C(jinpte do la tempéra-
ture excessive et des vacances presque générales.
C'est toujours avec un étonnement joyoux que
j'écoute le toast traditionnel. Le iirésidout Crangé
s'en lire chaque fois d'une façon très ingénieuse. Sa
comparaison du toast avec î'hydre de Lernes, aux
lètes sans cosse ri'naissantes, a"produit, l'autre soir,
un grand elfot comique.
Suprême écho des Mots donnés : MM. Montariol,
Echalié et Fouache célèbrent Sèvies, Versailles et
Mari i/-le-Roy ; — érudition et verve égales.
La première chanson de Duproz, Je vis par curio-
sité, a fait plaisir; la seconde Zes pieds de Madeleine,
m'a paru d'une forme moins heureuse.
M. Garaud, que j'ai bien involontairement oublié
dans mon précédent compte-rendu, avait envoyé
sous ce titre : Comme on dégringole, l'hisloiro d'une
lille de plai^ii'raconiée par elle-même; ses couplets
ont été justement applaudis. Za Canicule, récit chanté
d'une tournée dramatique, par M. Saint-Germain, a
obtenu le même succès.
Charles Vincent a opéré sa rentrée avec une chan-
son intitulée la Forme qui est, en même temps
qu'une inspiration tantôt vigoureuse tantôt plai-
sante, une leçon de linguiste expert.
On lira, dans co ninnéro, les fins couplets de
M. Grange, Enicr et Paradis, d'un fond original et
d'un forme irréprochable.
M. Duvelleroy n'y va pas de main morte; le
Voi/age des trois Présidents à Cherbourg lui a fourni
le sujet d'une satire très mordante et fort bien trai-
tée, mais dont la conclusion naturelle n'est pas celle
que voulait tirer l'auteur. Si Cherbourg accueille le
chef de la République avec le même enthousiasme
qu'elle accueillit jadis les Bourbons, les d'Orléans
et les Napoléons, le tort en est d'abord à Cherbourg,
et la question de savoir lesquelles de ses acclama-
tions anciennes ou nouvelles avaient raison, n'est
pas précisément élucidée.
MM. Bourdelin, Ripault et Jullien ont mis beau-
coup de sentiment dans Sachons vieillir, Ma dernière
chanson et le Rendez-vous de Lise. Le sentiment est
aussi le caractère distinclif de la chanson de M. Mon-
tariol, Je t'aime, mais un sentiment plus large et
d'une trèslouable philosophie, puisque la déclaration
du poète s'adresse à l'humanité.
Avec MM. Petit, Adeline, Echalié, Roy et Fénée,
la gaité, le sous-entendu, la satire d'actualité repren-
nent leurs droits, les Petits Cochons, Ça n'est pas em-
barrassant, la Leçon d'Amour, C'est trop court. Mon
p'tit frère. Un vieux p-oterbe, sont autant d'oeuvres
pleines d'esprit et d'entrain.
Je mentionnerai, pour être complet, la chanson
que j'ai dite à mon tour, et que les membres du Ca-
veau ont gracieusement accueillie : la Reconnaissance
est un mot.
Très bonne soirée, au total, où tous les genres
étaient bien représentés, et qui clôture brillamment
la série des banquets d''été.
L.-Henrt Lecomte.
140
LA CHANSON
Am .• \aadcville des deiin- Edmond
Dans les désirs user sa vie,
De l'ambition, de l'envie.
Sentir les étreintes de fer,
Voilà l'Enfer 1 [Ms]
A vingt ans, narguer la détresse.
Prés d'une gentille maîtresse,
Vivre d'amour dans un taudis,
Voilà le Paradis !
Les bals, les concerts, les spectacles.
De la mode ces réceptacles,
A Paris, pendant tout l'hiver,
Voilà l'Enfer 1
Mais, l'été, loin de tout tapage.
Au fein d'un rustique coitage.
Cultiver ses fleurs, ses radis.
Voilà le Paradis !
Mettre une rage sans égale
A poursuivre "une martingale,
Risquer son or sur rouge ou pair,
Voilà l'Enfer!
Sans désirer être plus riche.
En famille, à deux sous la fiche.
Faire un boston, tous les jeudis.
Voilà le Paradis !
Pour les acteurs, race damnée,
Bépéter toute la journée.
Sans qu'un congé leur soit otTerl,
Voilà l'Enfer I
Mais enfin, pour prix de leurs peines.
Par l'orchestre et les avant-scènes
Si, le soir, ils sont applaudis,
Voilà le Paradis !
Les orages parlementaires.
Les décrets de nos ministères,
Mettant tout le pavs en l'air.
Voilà l'Enler !
Mais, après tant d'inconséquences,
Quand la Chambre prend ses vacances.
Pour les bourgeois ragaillardis.
Voilà le Paradis !
Toujours grondé dans son ménage,
Paul, qui loge au cinquième étage.
Me disait : « Mon foyer, mon cher,
« Est un Enfer
« Par bonheur, parfois, en cachette,
« Je puis descendre chez Nichette ;
« L'entre-sol où je me gaudis,
« Voilà mon Paradis ! »
Sans cesse en butte à la critique.
Le métier d'auteur dramatique,
(Et j'en puis parler en expert)
C'est un Enfer !
Mais, oubliant les algarades.
Auprès de vous, chefs camarades,
Quand reviennent nos vendredis.
Je suis en Paradis,
Voilà mon Paradis !
Eugène Geangé,
Président du Caveau.
LE SERlwrEI^T
(liégende)
>arole? de Mapc Thezeloup, Mus. de Ach. Dupont.
A-Hegro aimplice.
foi de Nor.mand! foi de Nor.
A.nt!':" aon troppo. „lr Couplet
rou-te ils
Satan qui venait de tournée,
Pour leur malheur les entendant,
« Ah! dit-il, jeunesse insensée.
Je Ao.is tiens, ah! le bon serment ! »
Sous les traits de gante Isabelle,
Au délour du chemin, Satan
Parait ! A l'aspect de la belle.
Bien loin s'envole le serment.
Chacun veut pour lui tant de charmes.
On conteste, et flamberge au vent !
Ses coups s'abattent sur les armes,
Pïiis tous deux se percent le flanc.
Saian alors, dit la légende.
Aux enfers les portant tous deux.
Pour ces parjures recommande
Des tourments, des tourments affreux.
Pour morale de cette histoire,
Tenez toujours votre serment,
Ou jurez, vous pouvez m'en croire,
Jurez, jurez : foi de Normand !
LA CHANSON
141
A. LUCIEN COLLIN
DOUBLE BALLADE
LA CHANSON DU JOUR
Espérez, arbres appauvris
Par la longue et triste froidure,
Voici que les nuages gris
S'ornent d'une claire bordure;
La glace, hier épaisse et dure.
Fond sous les feux de l'astre-roi ;
Voici renaître la verdure!...
— Madame, ayez pitié de moi.
L'étoile a de tendres souris
Pour le lac tant que la nuit dure;
On entend le cantique épris
Qu'aux roseaux la source murmure,
Actéon songe et sa ramure
Tressaille... Il a revu, je croi,
La chasseresse sans armure!...
— Madame, ayez pitié de moi.
L'Aurore aux regards attendris,
Sur le palais, sur la masure.
Verse l'espoir, baume sans prix,
Et fait à tous bonne mesure ;
Du pauvre le chaume s'azure.
Le printemps à qui suit sa loi
Rend le bonheur avec usure...
— Madame, ayez pitié de moil
Déjà quelques bourgeons fleuris
Au feuillage — charmant augure —
Mêlent leur galant coloris.
Le chêne à l'énorme envergure
Abrite un doux nid qu'inaugure
Un couple d'oiseaux en émoi...
La campagne se transfigure...
— Madame, ayez pitié de moi.
Pour les fronts d'idéal nourris
Qui connaissent l'histoire sûre
Et merveilleuse des péris.
Voici le temps où — sans chaussure —
Sur l'herbe exempte de froissure,
La nymphe, avec un peu d'effroi,
Pose son pied blanc... — ô luxure! —
— Madame, ayez pitié de moi.
L'âge des orgueilleux mépris
Est évanoui. La nature
Baise les cœurs endoloris
Et met un terme à leur torture.
Le doute, cette froide injure.
S'enfuit : tes âmes ont la foi...
Je vous aime, je vous le jure ! —
— Madame, aj^ez pitié de moi.
LUCtEN ROULAND.
Vient de paraître ik notre librairie un nouveau
Catalogue de livres anciens et modernes, rares et
«urïeux. ^'ous enverrons ce catalogue franco à toute
personne qui nous eu fera la demande par lettre
affranchie.
liES DUELS
Air : Bonjour, mou ami Vincent.
On ressuscite chez nous
La ridicule coutume
Qui veut qu'on paj'e de coups
L'écart de langue ou de plume ;
Donc, chaque matin, ouvrant mon journal,
J'y vois le récit plus ou moins banal
De piètres combats dont, plein d'amertume,
Plus d'un mécontent assume le tort.
Cela fait très bien, l'on en parle fort...
Mais, tant tués qu'blessés,n'y a personn' de mort.
Un gazelier breveté,
Quand bâille sa clientèle,
Lui sert le plat pimenté
D'une bruyante querelle ;
Avec un compère aimable et malin,
Dans un bois charmant, par un beau malin.
Il fait de briquets jaillir l'étincelle
El dicte aux témoins un pompeux rapport.
Cela fait très bien, l'on en parle fort...
Mais, tant tués qu'blessés, n'y a personn' de mort.
Pour conquérir l'électeur.
Le candidat politique,
D'un rival dont il a peur
Vilipende la boutique ;
L'affaire s'aggrave, et sur le terrain.
Où les mène un jour le respect humain.
Leurs deux pistolets à système antique
Sur le ciel l'ont feu d'un commun accord.
Cela fait très bien, l'on en parle fort...
Mais, tant tués qu'blessés, n'y a personn' de mort.
Sans trompette ni tambour
Si quelque femme légère
Avec un servant d'amour
Prend la route de Cythère ;
Au lieu de fermer sagement les yeux,
Le mari, jetant des cris furieux,
Met l'épée en main, et, gardien sévère,
Sur le maraudeur fond avec transport.
Cela fait très bien, l'on en parle fort...
Mais tant tués qu'blessés, n'y a personn' de mort.
Si par les duels jadis
S'établissait le courage,
Aux pâles bretteuri je dis :
« Vous n'êtes pas de notre âge.
Quoique très naïf, le public français
Ne l'est pas assez pour faire un succès
A ceux qui voudront établir l'usage
De plaisants combats, "entr'actes du sport.
Où facilement la satire mord...
Car tant tués qu'blessés, n'y a personn' de mort: »
Orion.
142
LA CHANSON
DOUZIEME COMGOURS MENSUEL
de I,A CHANSON
a<= Prix.
J'AI L'ESPRIT BISCORNU
Cban«ionncttc
Air : Que voulez-vous, faim' la tranquillité.
Certaines gens disent qu'il fait bon vivre,
■Que sur la terre on trouve le bonheur J
Ça fait très bien à mettre dans un livre ;
Mais l'aftinner, c'est le fait d'un blagueur !
Ah 1 moi je dis qu'ici bas la misère
Etend partout son pouvoir absolu;
■Que le mal vit, que le vice prospère !
Que voulez-vous ? j'ai l'esprit bircornu.
Les boulevards chaque soir sont splendides;
:Quels magasins! Comme ils sont luxueux!
L'or y ruisselle, et les regards avides
Du misérable errent, (roubles, haineux 1
Pourquoi tant d'or jeté comme en un gouflre?
Pourquoi ce lux-j autrefois inconnu ?
Ah! mieux vaudrait soulager ce qui souffre!
Que voulez-vous ? J'ai l'esprit biscornu !
De nos lecteurs je vofs un très grand nombre
Tressaillir d'ai«e aux récils de forfaits,
Aux mois d'argot de quelque roman sombre,
I^e tout écrit d'un sl\'le fort épais.
On s'apiloic au sort de l'héroïne !,..
Moi, j'aime mieux, — c'est peut-être ingénu, —
Relire Hugo, Musset et Lamartine.
Que voulez-vous? J'ai l'esprit biscornu !
On fait le drame avec grosse ficelle ;
On doit y mettre un méchant garnement
•Qui, plein d'ardeur, poursuit la demoiselle.
Et qui toujours périt au dénouement !
Ah ! que de pleurs ! C'est comme une rivière
•Quand innocent l'amant est reconnu!...
Et bien pourtant, j« préfère Moli-ère !
Que voulez-vous ? J'ai l'e&prit biscornu !
On voit des gens faire l'idiot rêve
De restaurer l'ancienne royauté.
Droit du seigneur, cachots, potence et Grève,
Le bon plaisir du maître redouté!
D'autres qu'inspire un espoir diabolique,
Voudraient revoir Terapire revenu...
Chacun son goût; j'aim« la RépubUquie!
Que voulez-vous ? J'ai l'esprit biscornu !
Lorsque la mort viendra trancher ma vie,
(Mais le plus tard vaut le mieux, c'est certain !)
Mes bons amis, venez, je vous convie
A mon chevet pour me serrer la main !
A mon départ vous trinquerez, j'espère.
Et pour narguer le grand diable cornu,
Sanspleurs,sans prêtre, en chantant qu'on m'enterre!
Que voulez- vous-'? J'ai l'esprit biscornu!
L.-MiCHEL Desfossez.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Un jour avant sa réouverture fixée ara A septembre,
le concert du xix° siècle a donné une représen-
tation extraordinaire, spécialement réservée à la
presse.
Réservée à la presse est bien le mot, car nous
étions tassés de manière à rendre jalouses les sar-
dines de l'épicier d'en face. Mon thermomètre de
poche marquait îS degrés: ce petit détail me dis-
pense de vous dire qu'il faisait légèrement chaud.
Eh bien ! malgré ces quelques petits inconvénients,
je vous certifie que je ne regrette pas ma soirée.
Faire séparémsnt l'éloge de chaque artiste m'obli-
gerait à répéter trop souvent les mêmes formules;
succès immense, nombreux applaudissements,
grande ovation, etc. Je vous dirai seulement que
tous ont rivalisé d'entrain, et ont obtenu les honneurs
du bis. Cependant une mention spéciale pour MM. De-
bailleul, Ouvrardel Legrand.
A la demande générale, ces trois artistes ont dû
redire une autre eliansonnetle. La charmante
Madame Djaly a fait une dislribution de petits bou-
quets, en chantant Fleurissez-vous. Inutile de dire
que cette attention délicate a fait grand plaisir.
Pour terminer la soirée, La dame au petit chien a
été enlevéeavec beaucoup de brio, par MM. Dofl'-Larj',
Battaille, Helt; Mesdames Gabrielle Delassau et
Berthe Dastand.
Il est un proverbe qui dit : Mieux vaut tard que
jamais. Le trouvant on ne peut plus juste, nous
nous décidons à donner aujourd'hui le compte-rendu
de l'ouverture du grand concert parisien, qui a
eu lieu le 2S du mois dernier, et que l'abondance de
copie nous a empêché de faire pai'aitre plus tôt.
Comme à toutes les l'éouvertui'es de ce concert, si
habilement dirigé par MM. Valentin er Fournier, la
salle était complètement comble, et le public est
venu en grand nombre renouveler sa sympathie au.x
artistes de cet établissement.
M. Teste, Mesdames Albertine Fabre, Demay et
Clothilde Satler, qui faisaient partie de l'ancienne
troupe, ont retrouvé leur succès de l'année précédente.
Les noms de ces artistes sont trop connus pour que
nous nous étendions davantage sur l'aiï'ection bien
méritée que les habitues du concert parisien ont
pour eux.
MM. Marquetti, Faralle; Mesdames Dalby, Dubrée
et Petit, qui faisaient leurs débuts, outsu du premier
coup s'attirer les bonnes grâces et les .sympathies du
public.
M. Pacra quitte le théâtre pour le concert. L'éloge
de cet artiste de mérite n'étant plus à faire, nous
constaterons seulement qu'il a oJjtenu, au Concert
parisien, le même succès qu'autrefois à I'Eldorado.
En classe, mesdemoiselles, a obtenu un beau suc-
cès aux Folies-Saint-Martin. Nous annoncerons en
même temps les débuts de M. E. Bienfait, l'engage-
ment de M. Fernand Kekn et la grande ovation
faite à Mlle Worton dans les Jurons de Cadillac.
Au 13 cOuiTint, la troupe d'hiver de la Scala sera
composée comme il suit : MM. Bourges, Chaillier,
Derame, Brunet, Paul Bert, Aristide Bruant, Bérod
et Renard; Mmes Graindor, Patry, Marguerita, Heuzé,
Bloclîelte et Domergue.
Sous la direction de M. Ghéret, Boléro-Star rou-
vrira ses portes le lo courant. Nous souteiitons que
LA CHANSON
143
ce concert «oit débarrassé de la malechance qui le
poursuit depuis sa création. Alfred Bertijnot.
^'ous enregistrons avec plaisir le succès, en pro-
vince, de nos artistes parisiens. C'est ainsi que nous
apprenons que Mlle Pazzolti et M. V. Thise font en
ce moment les délices des habitants de Saint-
Etienne.
Mlle Pazzotli est toujours la cantatrice à la voix
agile qu'on a déjà bien applaudie à VEldorado de
Paris; son succès est continu dans l'air d'Amour et
lir'iHti'iiips et celui du Sans-Souci .
Quand à M. V. Tliisc, il jm^se sans transiîion du
genre épigrauima tique mu ;jvnir ivimique, et son en-
train chaleureu.x; csl ii:iiiM,L^v [i.ir Ions les spectateurs.
Ci't artiste chante très adiuilenienl une originale
chanson de L. -Henry Lecomte, et sa nature comique
se révèle à l'aiso dans Bibi-Lolo, La vière Tampire,
etc. Kous pensons que MM. les directeurs ne
laisseront pas s'échapper cet excellent artiste lors
de Son jjassage à Paris.
La troupe de M. Bonnardel est parlai temenl com-
posée. Un baryton, M. Vasserol, s'y l'ait spécialement
remarquer par st diction et une Vois bien timbrée.
M. Lelebvre, Mlles Andréa, Gisors et Ma'iotto com-
plètrnl fort bien ce bon ensemble.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Fantaisies-Parisiennes.
Le thé:Ure des Fautaisk'.f-f'//.,-ish'iii/i's\-uml de l'aire
sa réouverture aviic le iVcnélricr île Mcudon, opéra-
comique en 3 actes, di' .MM. (i.istDii Marot et Jona-
than, nmsique de Germain Laurens.
Bien que la donnée no soit pas des plus neuves,
cette pièce est très amusante. Quant à la partitinn,
nous partageons, à son endroit, l'appréciation d'un
de nos couirères, qui a prétendu que le principal
menle de M. Laurens était d'être doué d'une excel-
lente mémoire.
Parmi les interprètes, nous citerons tout particu-
lièrement Mlle Laiidau, dont la voix chaude et bien
timbrée a sa place manptée sur une de nos grandes
scènes lyriques ; Mlles Stella de la Mar et Denna Bell
complètent du e6té du sexe faible un ensemble
salislaisauL M. l^uijet cbante linomenl un rfilr iiui
lui permet de faire ressortir 1rs avanlaues de sa jolie
voix de ténorino, et M. Deukoi est comme touinuis
amusant au possible.
L'tm des motifs le mieux réussi de la partition,
est a notre avis le chœur des pages, parmi lesquels
nous avons remarqué le gentil minois de Mlle Bow-
lenger, que sa timidité rend plus charmante encore,
ainsi que sa camarade Mlle Diane.
Trois anciens décors, mais, en revanche, costu-
mes du goùl le plus exquis dont le choi- fait uTand
honueui" a la direction de M. Denan.
Maxime Guy.
La réouverliu-e du Cercle Musset a eu lieu samedi
dernier, devant un auditoire encore plus iiomJiireux
que de coutume.
Au premier rang des spectateiiu-s, nous remar-
quons la sœur de Paul et Alfred de Musset,
M"'" Lardin de Musset, qui vient de donner au Cercle
les portraits de ses deux illustres frères.
Avant de commencer la séance, le sympathique
président M. A. Darrieu, a prononcé le discours
suivant :
Mesdames, Messieurs,
Cette soirée de réouverture du Cercle Musset, à
l'invitation duquel vous avez si gracieusement ré-
pondu, ne doit point commencer sans qu'au nom du
Cercle même, son Président ne vous fasse part de
l'événement douloureux qui, depuis la dernière soi-
rée du Cercle, est venu jeter le deuil au fond du
cœur de tous les Sociétaires : Paul de Musset, le
frère du grand poète ; Paul de Musset, l'élégant
écrivain qui avait accepté la présidence d'honneur
du Cercle ; Paul de Musset n'est plus !..;
Les deux illustres frères sommeillent ensemble
pour l'éternité !...
La mort de Paul de Musset a frappé d'un pénible
sentiment de tristesse tous ceux qui l'ont connu;
mais, nous, membres d'un Cercle où rayonne le glo-
rieux nom de Musset, nous avons, plus que tous,
ressenti cette douloiu' ! 'Vous le savez. Mesdames,
Messieurs, cette mort fut des plus rapides, et les.
nombreux amis de Paul de Musset eu furent atterrés !
Un reste autant surpris de la promptitude avec la-
quell" fut emporté Paul de Mussel que de l'époque
même où cette mort eut lieu.
Le 8 mai dernier, le Cercle Musset donnait sa
dernière soirée, et Paid de Mus.=et se faisait excuser,
par lettre, de ne pouvoir y assi.ster.
Le lendemain, 9 mai, la jeunesse des Ecoles, —
(jui porte dans son cœur le nom de Mussel, — don-
nait, au Trocadéro, une fêle splendide, dont le béné-
fice devait servir à orner la tombe de l'auteur de
Rolla ;
Et c'est huit jours après cet hommage rendu à la
mémoire de son illustre frère, que Paul de Musset
suecombe !
Le Cercle Musset aurait manqué aux sentiments
les plus naturels de reconnaissance et d'admiration,
s'il ne fût venu aussi se mèh r au convoi de l'énii-
nent écrivain.
Une couronne fut déposée, au nom du Cercle, sur
la tombe de son Président d'honneur, et, dès ce
jour, le Cercle prit ofliciellemenl le deuil.
Il ne me reste plus qu'un mot à vous dire, Mes-
dames. Messieurs, concernant notre premier Prési-
dent d'honiK'ur, c'est le don superbe que la veuve
de Paul de Musset a fait au Cercle par l'intermé-
diaire de son Président :
Avec une délicnlesse exquise, en remerriemont
de la couronne, faillie inlml il'ailinirMlinn ulleri par-
le Cercle à Paul de Mussel, Madame Paul de Mussef
a bien voulu m'adresser, connue Président dO ce-
Cercle, les magnifiques portraits des deux illustres
frères.
Au nom du Cercle entier, j'ai répondu à Madame
Paul de Musset, en quelques paroles émues, pour
lui exi>rinier les remerciements de tous.
Nous nous proposons, à l'expiration de notre an-
née de deuil, le 17 mai INsj, anniversaire de la mon
de notre glorieux Présidenl d'honneur, d'aller dépo-
ser sur sa tombe une couronne monumentale, desti-
née à rappeler éternellement les liens qui nous
unissaient à lui. Cette couronne, dont le fond sera
de marbre, aura cette simple inscription :
Le Cercle Musset, à Paul de Musset.
Si je me suis étendu. Mesdames, Messieurs sur
un sujet qui intéresse tout personnellement le 'Cer-
cle, c'est que je suis persuadé que le nom de Musset
vous est particulièrement sympathique.
Eh bien ! Paul de Musset', mort, c'est la dernière
corde dune lyre magique qui s'est brisée. ... mais
dont les doux échos vibreront toujours au fond des
cœurs nobles et français.
Après ce discours vivement applaudi, la repré^e"-
tation commence. Nous avons entendu M Géo
amusant au possible dans Dériton-:oa-:aine et dans
Si j'étais roi:
144
LA CHANSON
M. Gordier, très fin dans Deux sous de pommes de
terre frites, est désopilant danns le vin ça ravigote.
Grand succès pour M. Jalade dans Cliaimm l/as
devant la Marseillaise.
Mlles Augustine et Blanche ont eu aussi leur part
d'applaudissements. Nous citerons encore MM. Ri-
goulat, Willaume, Dulac, Saget, Durrieu et
Borschneck qui ont rivalisé de verve et d'entrain.
A minuit la séance était terminée, et l'on s'est sé-
paré, se donnant rendez-vous pour le samedi 2 Octo
bre prochain.
Alfred Bertinot.
Dimanche, b septembre, la Lyre Bienfaisante, 9,
'Juai Saint-Michel, faisait joyeusement la réouver-
ture annuelle de ses soirées d'hiver.
Comme toujours son président Couvreur a tenu à
honneur de fêter nos vieux chansonniers, et il a ou-
vert la séance par VEclio, de Pilon, chanson répétée
en chœur par tous les visiteurs. Puis se sont succédé
de jeunes et de vieilles chansons dont les refrains
ne manquaient pas d'être soutenus par l'auditoire,
sur le modèle de la vieille goguette que la Lyre
cherche à faire revivre.
Pour être sobre, nous citerons seulement quelques
noms : le camarade Gognet, qui a exalté les mérites
de la Lyre Bienfaisante
J'entends la Lyre Bienfaisante
Du plaisir chanter les chansons ;
Mme Louise, dont la voix de soprano nous a fait goû-
ter, d'esprit au moins, les Dragées de Verdun; Charles
GouUieux, qui nous a fait frémir avec la iVwï^i«rrJ*?«;
Panard, qui a bien interprété Uy Boilean, de Georges
Baillet et le Pinceau d'Adeline; Gouget, de l'Escholiere,
société lyrique du VI° arrondissement nous a dit
qu'il regrettait les Fraises ; Paul Thouillol, qui nous
a charmés avec Que ne pomez-vous revenir! Le cama-
rade Alexis a soulevé une explosion d'éclats de rire
avec \<i. Pauvre enfant, dcGolmance, grâce à l'accom-
pagnement i'autaisiste de l'ami Mojon, qui a chanté le
Semeur, avec un accent véritablement convaincu.
, Enfin l'épouvantable Osnard a clos la soirée au cri
de Ah! c'te bonne tête ! et le fait est qu'il en a une
affreuse (quand il veut !).
En somme charmante soirée, qui promet des visi-
teurs fidèles pour les dimanches et lundis de cet
hiver.
Un visiteur assidu.
Le compte rendu de la grande soirée meusuelle
des Gais momusiens, nous arrivant trop tard pour
l'insérer, nous le publierons dans notre prochain
numéro.
Il en est de même de la grande soirée donnée le 6
septembre par la Fantaisie Lyrique, lOG, boulevard
Magenta.
L'ouverture de la société Le Foyer a eu lieu le di-
manche b septembre comme nous l'avions annoncé.
Kous nous y sommes rendu à 9 h. il nous a été im-
possible de trouver de la place. Nous pouvons dire
cependant que la salle est très coquette, et que les
éléments artistiques ne manquent pas à cette
nouvelle société.
Les Familles (rue de la Montagne-Sainte-Geneviève 46;
président, Mazot) donnent tous les dimanches grande
soirée. — Les chanteurs abondent, aussi le public
leur fait-il un accueil enthousiaste. M. Huet, des
Epicuriens, est toujours rappelé dans Vingt-hdM jours.
— Duclos détaille finement un rondeau inédit, dont
les paroles sont de notre camai'ade Léo Toslain, et la
musique de Bol.
' La Fanfare de Fouilly-les-Oies, autrement dit le
Lampion de Derluron, saynette jouée par tous les So-
ciétaires, obtient un franc succès de rire. Parmi les
autres chanteur.~, citons MM. Nicolas et Hutin, dans
le duo de M" Fontaine et M. Robinet, et l'ami Adrien
qui chante admirablement la romance. Quélin.
Le Comité qui avait pris l'initiative des concours
entre les sociétés Lyriqties de Paris, croyant son
mandat expiré, se dissoult néanmoins avant de dé-
poser son maudat il fait appel à MM. les présidents
de toutes les sociétés lyriques pour former s'il y a
lieu un nouveau comité, qui aura a étudier de nom-
breuses questions importantes pour l'avenir des so-
ciétés lyriques.
Une réunion générale aura lieu dimanche 12 sep-
tembre salle Orange, 11, place de la République, à 2
heures très précises.
MM. les présidents sont instamment priés de s'y
rendre ou de se faire représenter.
Lundi 20 septembre, à 8 heures, Aux Tilleuls,
loi, rue de Ménilmontant, grande soivée Dram,atique,
Lyrique et Littéraire, donnée par Michel Bordet,
avec le concours d'artistes des Théâtres et Concerts de
Paris.
Concours de poésie : Gh.a.nson, sujets libres.
Les pièces seront reçues jusqu'au vendredi soir,
17 courant, chez M. Michel Bordet, 143, rue de Ménil-
montant. La pièce qui aura obtenu le premier prix
sera imprimée dans le journal La Chanson; de plus,
l'auteur recevra un abonnement d'un an au journal
La Chanson. Le titre de la pièce et le nom de l'au-
teur du deuxième prix seront publiés'dans le journal,
et l'auteur recevra la première année du journal La
Chanson, un beau volume in-4" broché, ofTert par
M. A. Patay, directeur du journal ; le titre de la
pièce et le nom de l'auteur du troisième prix seront
aussi mentionnés dans le journal La Chanson.
Les lauréats seront proclamés et leurs chansons
dites dans la soirée.
Membres du jur^^ d'examen: MM. Michel Bordet,
Eugène Imbert, Jules Jeannin, Percheï et Opto.
L'Union Parisienne, 3, rue du Petit-Pont, a dans sa
séancedu7 septembre, voté à l'unanimitéle transfert
de ses réunions et de son siège social, 166, Boulevard
^int-Germain, Café de l'Âhbaye, près l'Eglise ; les
soirées auront lieu le dimanche et le jeudi.
Mardi 14 septembre, deuxième grand concert don-
né par Les Amis de la Gaîté de Montmartre, salle
Pichon, 23, rue Ramey.
TREIZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 août au 20 septembre^
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le l"^"" prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
- Itcniicoiip de nos acheteurs nii numéro se plai-
gnent do no pns trouver Eia CUArVSO^ dans leur
C|iiartîcr; nous les prions instamment do la réclamer
chez tous les libraires, marchands do journaux et
dans les kiosques. Souvent les marchands oublient
de la mettre en étalage, ou les porteurs négligent
d'en faire le dépôt; nous recommandons à toi(S ceux
qui s'intéressent li l/A CU/%^KIS>0^ do la demander
partout et de nous signaler les endroits où l'on au-
rait omis de la déposer.
Ij.i^ CSlAXSttX doit se trouver partout des le sa-
medi matin.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
3« ANNEE. — N" 19.
lO CENTIMES.
19 SEPTEMBRE 1880
LA CHANSON
Directeur-Gérant .
A. PATAY
la chanson est une forme aHéaçt
charmante de la pensée. Le couplet
eit le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^"IS^J^T*^
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES —
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Annonces, la ligne.
Réclames, —
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Lachanson, commelabaronnatta
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3»
Etranger, un an 8»
SOMMAIRE
Galerie des chansonniers: Paul de Kock (L.- Henry Lecohtk). •
Rencontre (Cu. Paul de Kock.). — L'Àmoar et l'Argent (AIo>ta
— Le Vieux Sonneur (CuAnLEsPÉAN). — Les Turco* (Albin Saba
— Les rives da Clain, paroles et musique d'Eunest CiiEiinoi
Ckanson du Jour: Les Condamnés (P. Berdoulet). — Chronique des
Concerts (Alfbkd Beutinot). — Lettre de M. Eugène Pitou, —
Chronique des Sociétés Lyriques (A, Bertisot, Léo Tostain, C,
Stémo. — Choses et Autres,
GALERIE DES CHANSONNIERS : PAUL DE KOCK
Vers la fin du se-
cond empire, quelqu'un
ayant proposé de nom-
mer Paul de Kock che-
valier de la Légion
d'honneur, une polé-
mique très vive s'en-
suivit entre les amis et
les ennemis de l'écri-
vain populaire. Les pre-
miers reconnaissaient
à Paul de Kock un ta-
lent original, vivant et
sain ; les seconds ton-
naient contre le dé-
braillé de ses œuvres.
Grâce au concours inat-
tendu de l'impératrice
Eugénie, le parti rigo-
riste l'emporta, et la
boutonnière de Paul de
Kock resta veuve do
tout ruhan, ce qui, d'ail-
leurs, ne porta aucune
atteinte à sa gloire.
Le mot de gloire pour-
ra sembler excessif aux
puritains delà critique ;
ilestsimplement exact.
Aucun écrivain de ce
siècle n'ajoui d'une po-
pularité égale à [ celle
de Paul de Kock, popularité que justifient, selon
nous, la vérité de ses observations, la facilité de son
dialogue, la drôlerie de ses épisodes, et, quoi qu'on en
ait dit, la moralité cons-
tante de son but.
Charles Paul de Kock
naquit à Passy, le 21
mai 1794. Son père, ri-
che banquier hollan-
dais, était mort sur l'é-
chafaud, et sa mère n'a-
vait dû qu'à son état de
grossesse un sursis qui
lui sauva la vie.
A quinze ans, Paul
entra, en qualité de
commis, dans la maison
de banque Scherer et
G°. Nourri de la lecture
des ouvrages de Ducray-
Duménil et de Pigaul-
Lebrun, il s'essayabien-
tôt à la confection d'un
roman de mœurs. M.
Scherer en découvrit le
manuscrit au milieu de
bordereaux, et congédia
le fantaisiste bureau-
crate. Paul de Kock se
mit dès le lendemain à
la recherche d'un édi-
diteur; il n'en trouva
pas, et ce fut sa mère
qui paya l'impression
de son œuvre de début.
Quoique très remarquable comme essai, l'Enfant de
ma femme se vendit peu, aucun des libraires chez
lesquels on le déposa n'ayant intérêt à le pousser.
446
LA CHANSON
PaM.de Mock pît àïôrs iê parti de itavailler poiïî lé
théâtre. Lès succès qu'il f oiilint le mirent en re-
lations avec l'éditeur Barba qui, de compte-à-demi
arec so'ri confrère Hubert, publia Georgette. Avec ce
avec livre, Gustave, Frère Jacques et Mon voisin Ray-
mond qui suivirent, la réputation de l'auteur fut bien
tô't établie.
A cette époque intervint, entre Paul de Kock et
Barba, le traité qui devait enrichir ce dernier. Fé-
cond autant qu'heureux dans le choix de ses sujets,
l'écrivain avait toujours un volume sur le chantier,
et chacune de ses œuwes rencontrait le succès.
Nous n'entreprendrons pas le dénombrement de tous
les ouvrages publiés par Paul de Kock ; ils forment
pltis de cent volumes in-octavo, et, bien qu'on les
ait vendus à des quantités considérables, leur vogue
est loin d'être épuisée.
Nous avons indiqué les raisons de ce triomphe
continu ; qu'on nous permette d'insister sur la mo-
rjilité qiii, pour tout lecteur impartial, se dégage
des livres de Paul de Kock. Il n'en est pas un
dont le dénouement n'amène le châtiment du
vice et la récompense de l'hounêleté. La fin terrible
de Georgette est une punition sévère de ses fautes ;
(??«teK« montre le danger des folles amours; Frère
Jaeqwes tonViéhi la condamnation des parents in-
justes; Èlok voisin Raymond est l'apologie com-
plète de la femme vertueuse ; le 3Iari, la Femme et
l'Amant prêche la fidélité conjugale; Cerisette mon-
tre les bons effets du repentir ; le Cocu, lui-même,
malgré son iitrerisqué,est un drame poignant, plein
de leçons et de menaces.
La grande qualité de Paul de Kock est la gaîté,
galté un peu grosso et qui se complaît aux situations
scabreuses, Inais dont la franchise désarme. Il y
joint une science complète de l'àme, une sensibi-
lité vraie, une adresse merveilleuse à se mouvoir par
les procédés les plUs silnples. Il ne lui a manqué,
pour faire des chefs-d'œuvre incontestés, qu'Un
style moins insoucieux de la correction et de l'éclat.
Nous avons dit que Paul de Kock rempcftHâ d'a-
bord au théâtre ses premiers succès. Devenu eèlè-
bre comme romancier, il ne renonça pas à la câi*-
rière dramatique. On cite de lui près ,*cle (êéht êiti-
quante pièces applaudies, niélodramiês, ts^jéras'^W-
miques, comédies ou vaudevilles. Ce Mot de vaùdtî-
villes nous amène naturellement à.pâïi'ôt dePaui'^ife j
Kock chansonnier.
Le premier volume des chansons de Pa\il de Kèék,
parut en 1826, sous ce titre modeste ": l'a Èiille de
savon. On y rencontre des romances, comme le Che-
valier errant. Il faut aimer, l'Agenda, Ma Lisette,
quittons-noiis, la Rencontre, que nous donnons plus
loin ; de fins couplets, comme la Gloire et la Fortune,
Je n'en sins plus à mon premier amour, Elle était si
jolie, le Baiser de mon fils ; "dé's stances élevées comme
la Mort 'du peintre David; des gaudrioles, comme
ta Fossette, la Promenade à âne. Cadet B-wteux au Jar-
din Turc, La Btouette de Jeannette. Tous ces titres
rappellent aux amateurs autant d'œuvres charmantes
où la verve facile le dispute au seStitaent, et que
l'on chante encore.
Le second volume Flon, flon, flon, lariradondaine,
publié en 18(34 chez Sartorius, est plus faible; il ren-
ferme cependant des chansons pleines d'entrain :
Madame Arthur, Le plus souvent, Quelle horreur
d'homme, Le Cerf- Volant, La Gaule de Thomas, Ma
première culotte, etc., mais là, comme dans les romans
de l'auteur, la forme peu soignée nuit beaucoup au '
fond.
Paul de Kock a composé aussi, paroles et musique,
diverses chansonnettes bien connues parmi lesquelles
il suffit de citer l'Anglais en bonne fortune, les
Concerts-Monstres, le Caissier elle Maître d'école. Il
a touché comme on voit, à tous les genres delà chan-
son et figure à plus d'un titre dans notre galerie litté-
raire.
Paul de Kock mourut en 1872, à Paris, qu'il n'avait
voulu quitter ni pendant le siège, ni pendant la
Commune. Il fut conduit au petit cimetière de Belle-
ville par une assistance nombreuse et recueillie,
qui pleurait un homme de grand talent et un
homme de bien; car — et c'est par ce mot que nous
voulons terminer — on chercherait vainement dans
l'œuvre considérable de Paul de Kock une parole
amère. Il ne fut d'aucune coterie et n'afficha aucun
enthousiasme politique. Constamment jeune, naïf et
bon, tandis que d'autres prêchaient aux déshérités
la rancune et la vengeance, lui, mit sa gloire à leur
enseigner les joies intimes et à servir sur leurs tables
frugales le pain réconfortant de la gaité.
L.-Hejn'rt Lecomte.
LA RENCONTRE(^'
Air du Fetit Courrier.
C'est toi, Laure, que je revois!
Combien la rencontre m'enehante !
Voilà bieftlôt dix mois, méchante,
Qlte tiOuB avons rompu, je crois.
Vraiméitl je te trouve embellie
Et mieux qu'au temps de nos amours
Noii, tu n*èliàls pas si jolie
Quand je te voyais tous les jours.
Tu cours à quelque rendez-vous :
Ah! tu dois tourner bien des tètes I.
AliOiïs, conte-moi tes conquêtes,
Et montre-moi tes billets doux ;
De mes amours je veux t'instruire,.
Désormais soyons sans détours...
J'en avais moins long à te dire
Quand je te voyais toUs les jours.
Entrons chez ce restaurateur,
Tu ne peux refuser, j'espèïe :
Ce diner impromptu, ma chère.
Aujourd'hui me semble meilleur;
Exu-ait des Canins ot CkaiU'Mh, iiS&s ^Héz Baria.
LA CHANSON
147
Pour que ton amanl te pavdonne,
Tu trouveras quelques discours !
Tu me trompais aussi, friponne,
Quand je te voyais tous les jours.
C'est bien ta bouche que voilà.
Et ton sourire plein de grâce !
Mais, Laure, il faut que je t'embrasse.
Pour mieux uie rappeler cela.
Dans mes bras il faut que je presse
Cette tajUe, ces doux contours...
Ah! j'éprouvais bien moins d'ivresse
Quand je te voyais tous les jours.
Quoi, huit heures sonnent déjà !...
Comme le temps a passé vite !
Pourtant il faut que je te quitte,
Le hasard nous réunira.
Sans nous gêner, ma chère I^aure,
Be nos plaisirs suivons le cours;
Surtout, pour nous aimer encore,
Ne nous voyons plus tous les jours.
Ch. Paul de Kock.
t'AMOUR £T t'ARGENT
Air : Petit bouton d'or.
Dès que nous sommes nulnles.
Nous obéissons
A deux séduisants mobiles.
Deux vi'ais hameçons.
Ces puissants maîtres de l'homme,
Sans plus de détour.
C'est, s'il faut que je les nomme,
L'argent et l'amour.
En débutant dans la vie.
Un adolescent
Ne porte pas sou envie
Vers le trois pour cent.
Il sait qu'il faut satisfaire
Un goût plus urgent,
Et tout prouve qu'il préfère
L'amour à l'argent.
Bientôt le cœur se repose ;
La société
Voulant qu'on soit quelque chose,
L'amour est dompté.
Apparaît le mariage.
Où maint troubadour
Insère dans son bagage
L'argent sans l'amour.
Voyez la jeune Rosine :
Son ingrat travail
Lui procure pour cuisine,
Du pain frotté d'ail.
Elle demande un peu d'aide
A l'nomme obligeant,
Et, de son côté lui cède
L'amour contre argent,
Un t^-pe qui n'est pas rare,
Même de nos jours,
C'est bien celui de l'avare,
(Mieux toujours.
Devant sa proie il s'enflamme,
Comme le vautour,
Et ressent au fond de l'àmc.
De l'argent l'amour.
Celui que rien ne tourmente.
Dur stoïcien,
Qui vit pau-\Te et sans amante.
S'en trouve très bien.
Ce succès, dont il s'honore.
Est fort engageant ;
Pourtant, l'on recherche encore
L'amour et l'argent.
MONTABIOL,
ArchUimo diiCm-ea
A EUGÈÎJE Baillet,
LE VIEUX SONNEUR
Musique à faire.
D'une humble église de la plaine
Mes amis, je suis le sonneur.
Sonneur, je vis exempt de peine,
Et, par.ant, suis de bonne hiuneur.
Joyeux comme défunt Grégoire,
Je vis' content au jour le jour.
Et passe mon temps tour à tour,
A chanter, sonner, rire et boire.
Et dig din don,
Mon gros bourdon.
Sonne, tonne.
Pour les malheureux
Et pour les joyeux ;
Tonne, sonne.
Allons, fais honneur
A ton vieux sonneur !
Demain, c'est jour de mariage :
Un richard de quatre-vingts ans
Epouse une enfant beUe et sage
Qui ne compte que vingt printemps.
On dit dans plus d'une chaumière
Que la petite aime d'amour
Jean-Pierre, un garçon fait au tour ;
Mais ce n'est point là notre aflàire...
Et dig din don, etc.
Mais, après la noce, un baptême
De pauvres gens doit avoir lieu.
Cloches nous sonnerons quand même
Pour le nouvel enfant de Dieu.
Afin que tout lui réussisse,
Nous sonnerons sans nul repos
Comme s'il avait payé gros...
Pour nous pauvreté n'est pas vice.
Et dig din don, etc.
148
LA CHANSON
De la vieille église la porte
A la tenture de la mort !
Une pauvre enfant, belle et forte
Hier encor, maintenant dort.
Faut-il sonner à perdre haleine,
Ou bien, cloches, faut-il gémir ?
L'enfant qui vient de s'endormir
Ne connaîtra jamais la peine.
Et dig dia don, etc.
Au jour de fête patronale
Il faudra tant carillonner,
Que l'on n'ait à la cathédrale
Jamais entendu mieux sonner !
Puis, la besogne une fois faite,
Le vieux sonneur, au cabaret,
Devant un broc de vin clairet
S'en ira terminer la fête.
Et dig din don,
Mon gros bourdon,
Sonne, tonne.
Pour les malheureux -
Et pour les joyeux;
Tonne, sonne.
Allons fais honneur
A ton vieux sonnem 1
Charles Péan.
3L.E]S T1J-R.GOS
Le soleil brûle la route
Et là-haut, sur la redoute.
L'étendard aux trois couleurs
Au gré du vent se balance,
Dominant la plaine immense
Veuve des blés et des fleurs.
L'ennemi s'avance en nombre
Et là-bas sa masse sombre
S'étend, large, à l'horizon...
Les canons creusent la terre.
Sous les bois pleins de mystère
Vibre le son du clairon.
Les turcos vont en silence.
L'œil au guet, avec prudence
Fouillant les recoins du bois.
Au lointain gronde la foudre
Vomissant le fer, la poudre
Par cent bouches à la fois.
Halte-là, les camarades,
Pas trop de fanfaronnades
Grogne bas un vieux sergent.
Voyez-vous ces sombres tâches.
Cent millions de sabretaches !
Ce. sont eux... Marche! — en avant!
Et c'est une course folle.
Chacun coui't et chacun vole
A la bataille — à la mort
Les cuivres sonnent la charge
Et la troupe entière charge
Dans un gigantesque effort.
On est cent — ils sont dix mille 1
Mais si leur mort est utile.
Qu'importe à ces vieux soldats!
Et dans la masse mouvante,
Sans broncher, sans épouvante,
Ils vont chercher le trépas.
Et la masse se referme
Et les turcos tapent ferme
Mourant, ne se rendant pas;
Tombant comme un héros tombe,
Chaciin d'entre eux dans la tombe
En traîne dix sur ses pas!...
Dormez, braves, la victoire
Dans les rayons de la gloire
Enveloppe vos lambeaux ;
Et la déesse Bellone
Met, à vos fronts, la couronne.
Les lauriers, sur vos tombeaux!!!
Albin Sabaiier.
LES RIVESJU CLAIN
Paroles et Musique d'Ernest Chebroux.
A.ndante.
b'ro _ me, 0 vieHi Foi - tou ta pa_rais à mes
yeoit A.vee tés près ou paisseat iesgraods
bœufs, A-Tec tes bois qae le ge-nêt par,
pa . tre.Ki.vas du GlaiB, 9 loes a*
mours. A- rec bea-bearje toss re-Tois ton.
jonrs! Ki.Tas du Claia
mours, A_vac bon-henr je vous po.vcis ton-jours!
LA CHANSON
149
Je vous revoi?, témoins de liion enfance.
Riants coteaux de moi si bien connus,
Prés verdoyants où souvent les pieds nus
J'allai courir, riche d'insouciance.
Doux souvenir, de mon jeune printemps,
Vous rappelez à mon âme attendrie
Bien des bonheurs emportés par le temps,
O sol natal, jamais on ne t'oublie !
Rives du Clain, etc.
Voici Poitiers, ville antique des Gaules,
Voici le Clain dont les eaux de cristal,
Par cent détour.s, sur un lit inégal.
Paisiblement s'écoule sous les saules.
J'ai bi»n souvent, lorsque j'étais petit.
Faisant ici l'école buissonnière,
Trouvé de quoi tromper mon appétit,
Dans les mûriers qui bordent la rivière.
Rives du Clain, etc.
De tous côtés, aux bras de leurs bacchantes ,
Je vois partir les joyeux vendangeurs ;
Pour le pressoir ils vont sur les hauteurs
Couper la grappe aux perles enivrantes.
Le teint vermeil et la main dans la main.
Ils reviendront lorsque le jour expire.
Chantant l'amour et semant en chemin
Tendres baisers et francs éclats de rire.
Rives du Clain, etc.
Que vois-je au loin? C'est la pauvre cbaumine
Où je reçus le jour, où je grandis;
Enfant, J'ai là grignoté le pain bis.
Car on faisait cnez nous maigre cuisine.
Puissi-jo ici, me trouvant de retour,
Vieux pèlerin, fatigué du voyage,.
Me reposer jUoqu'à mon dernier jour.
Le vrai bonheur est surtout au village.
Rives du Clain, ô mes amours,
Avec bonheur je vous revois toujours!
Vient de paraître, chez Paul de Saunière, éditeur,
18, rue des Halles, à Poitiers (Vienne).
CHANSON DU JOUR
LES CONUAHINGS
Air : Tai des souliers, le Christ allait pieds mis
Des condamnés les cellules sont pleines,
Déjà la mort y jette le frisson.
Faire tomber quatre tètes humaines.
Pour l'échafaud quelle affreuse moisson!
Fatal destin, quoi, sans pitié, tu verses
Au cœur de l'homme un infernal poison !
Ah 1 combattons les natures perverses :
Grâce à l'école on ferme la prison.
Quand l'ignorance unie à la misère
Prend la jeunesse et la suit pas à pas.
En lui traçant une sombre carrière,
Vient un délit, un crime, le trépas...
Combien d'enfants, avant la Républiçue,
Manquant de classe, erraient à la maison !
L'oisiveté veut une fin tragique :
Grâce à l'école on ferme la prison.
Républicains, combattons l'ignorance.
De l'atelier enseignons le chemin ;
Car le savoir assure l'espérance,
Et le travail un heureux lendemain.
Ah ! puissions-nous, dans une paix divine,
De la justice agrandir l'horizon
Et de nos lois bannir la guillotine !
Grâce à l'école on ferme "la prison.
P. Berdoulet.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Salle comble samedi dernier, à l'auditoire de la
nouvelle troupe d'hiver de la Scala. La plupart des
artistes engagés sont très connus et très aimés du
public ; aussi les applaudissements et les rappels ne
leur ont pas fait défaut. M. Chaillier a obtenu un
beau succès dans sa nouvelle création La Fleuriste,
chansonnette très originale, qu'il détaille avec beau-
coup de finesse, et en s'accompagnant de la guitare.
Il a, en outre, été rappelé dans Tourterelle et tourte-
reau, ainsi que dans deux autres chansonnettes de
son répertoire. Bourges a créé une nouvelle rengaine
de M. Constant Saclé, musique de Mme Marie Laleu.
Cette scie, répétée au refrain par toute la salle, est
appelée à remplacer Tiens! voilà Mathieu. Titre de ce
chef-d'œuvre littéraire : Bonjour Cypri.en. Une salve
d'applaudissements a acclamé Mme Graindor dès son
entrée en scène ; l'excellente diseuse a détaillé deux
chansonnettes charmantes : Mo7i chapeau des diman-
ches et l'Histoire d'une pomme. Pichat est très amu-
sant dans ses chansons mêlées de danses ; l'excel-
lent artiste a retrouvé à la Scala le même succès que
l'année précédente. Mlle Marguerita a été très ap-
plaudie dans une nouvelle tyrolienne, titre : La
Meunière de Croisy. Immense succès pour Derame
dans ses imitations. Toutes nos lélicitations à cet
excellent artiste, pour les têtes de MM. Gambetta,
Rochefort, Pierre Petit et Emile Zola. Une bonne
note aussi à Bérod qui lui sert de compère, et amuse
le public, pendant que son camarade prépare ses
tètes. Mme Patry fait toujours plaisir, dans les mor-
ceaux du grand répertoire. Brunet a obtenu plu-
sieurs rappels dans Maître Êlaguefort.
Aristide Bruant fera une nouvelle création à sa
rentrée. De ce moment, il étudie le... maniement
des armes, 28 jours de répétitions. Citons encore
Mmes Heuzé Aimée, Liovent, Blockette, Domergue
et M. Breton, qui complètent le tableau de la troupe.
En somme, bonne soirée pour tous : pour les
artistes, qui ont été bien accueillis, pour le public
qui s'est amusé, et enfin pour le caissier de la Scala
qui a dû empiler pas mal de pièces jaunes.
Mille remerciements aux garçons qui, pour ne pas
énerver les spectateurs, ont eu 'la délicate attention
de ne pas donner le café trop fort.
Enfin, deux lignes de réclame pour terminer :
Paul Bert doit créer prochainement QM'est-c'qtie
vous en dites, paroles de votre serviteur, musique de
M. Clairville fils.
L'Alcazar d'hiver a fait sa réouverture samedi
dernier. Ayant quitté la Scala un peu tard, quand
nous sommes arrivés, la salle était tellement garnie
qu'il nous a été impossible de trouver une place.
Nous n'avons pu par conséquent assister à la repré-
sentation. Le tableau de troupe est composé commt
il suit : MM. Libert, Arnaud, Reyar, Henriot, Limât,
Hervier, Sulbach ; Mmes Jenny Mills, Elise Faure,
Zélie Weil, etc., etc.
Gomme on le voit, presque toute la troupe des
Ambassadeurs est passée à I'Alcazak d'hiver. A
samedi de plus amples détails.
ibo
LA CHANSON
Au XIX'"" SIÈCLE, Debailleul vient de créer une
ehansonnette qui sera, nous en sommes certains, un
nouveau succès pour le sympathique artiste, titre :
L'Amawr en prison ; paroles de M. Villenier, musique
de M. Lonali. La Chanson des clochetons, de notre
collaborateur et ami" Lucien Rouland, obtient cbaquc
soir un immense succès. Mme Delassau se fait vive-
ment applaudir dans la chanson du P'tit abU, et
dans la Diseuse de bonne aventure. Le grand se tord
et fait tordre le public avec Ah ! si c'était à r' faire et
avec Quand je ris Clémentine. Ouvrard est désopilant
dans J'suis astucieux, chansonnette nouvelle dont il
est l'auteur, et dans le Marchand de tabac.
La soirée est coupée par l'Automne d'un farceur,
comédie du répertoire des Variétés, interprétée par
Mme Riquet-Lemonnier et M. Helt.
Une mention toute particulière à l'orchestre qui
sous l'habile direction de L. C. Desormes, exécute
chaque soir, avec un ensemble parfait, diverses ou-
vertures ou musiques de danse, et qui retrouve au
XES.* SIÈCLE le succès qui raeeueillil pendant si
longtemps à la Pépinière.
Alfred Bertinot.
La question des cafés-concerts prooccupe encore
«ne fois l'opinion publique et la presse. Un article
du Rappel donnait presque comme officielle la nou-
velle de mesures restrictives décidées contre ces éta-
îlissements. L'administration ignore sans doute,
ainsi que certains jouroinix, quc^ depuis ([uelques
années le niveau des calés-concerts scsl élevé sen-
siblement. Le bon exemple étant parti de l'Kldorado
ce dernier avait certes le droit de riposter aux atta-
ques malveillantes. Nous reproduisons avec empres-
sement la lettre adressée par M. Pitou à M. Flor, ré-
dacteur du National, lettre qui rectitie des erreurs
graves et place la discussion sur un bon terrain.
Paris, le 5 septembre 1880.
Mon cher Flor,
Votre chronique de samedi ; Rojnance et chansonnette,
contient, en ce qui concerne l'Eldorado, une erreur, que
je TOUS demande la permission de rectifier.
Vous placez ce concert dans les Champs-Elysées,
alors qu'il est situé boulevard de Strasbourg, et vous
Jui attribuez ainsi une part de responsabilité dans le
lancement de retrains « vides et insensés » que vous cri-
tiquez très justement.
11 n'y a pas là seulement une différence de latitude,
mais surtout une différence de répertoire. Celui de l'El-
dorado, s'il n'est pas composé de chefs-d'œuvre, est tout
an moins absolument pur de productions dans le genre
de celles que vous énumérez. il. Rupin, de la rue Po-
Tpincoiirt, est consigné à notre porte, toute comme M.
Isidore, de la rue Mogador; mais, en revanche. Petit
Paul, de Victor Hugo, le Sergent et le Clairon, de Paul
Déroulède, ont eu souvent les honneurs de notre scène,
qui a entendu également les poëmes de Théophile Gau-
thier ou d'Edouard Plouvier, alternant avec ceux d'Eu-
gène Manuel et de Jean Richepin.
Vous nous en voudrez moins, mon cher Flor, de ne
pas vous rendre V Andalouse de Musset et le Gasfibelza
de Victor Hugo, quand vous saurez que les Souvenirs
d'Italie (Ainsi, frère, tu t'en reviens) du poète des Nuits,
elle Vous rappelez-vous... àa poète des Contemplations,
mis en musique par Paul Henrion, — dont vous avez pré-
cisément cité le nom. — figurent au répertoire de l'Eldo-
rado, en compagnie d'œuvres moins éclatantes peut-être,
mais qui méritent pourtant de ne pas être assimilées
aux rengaines dont vous faites spirituellement leprocès.
Agréez, mon cher Flor, l'assurance de mes sentiments
tout dévoués.
Eugène Pitou,
Secrétaire lie la dirjciion de l'illdorado.
CHROKIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Dimanche, 3 courant, un heureus hasard nous
avait cooduil salle Pétrelle, et notis avons ftu la
bonne fortune d'assister à une partie de la soirée
ofl'erte à ses nombreux, amis, par la Société lyiique ;
les Amis de Mo7itmartm.
Devant un public charmé, nous- avons entendu
l'interprétation presque irréproch.able de quelques
morceaux d'un programme très attrayant, ma foi !
et nous mentionnerons au passage MM. Leclève, Du-
rot, Chauvière, Georges et Frairqu,eville, qui certes,
possèdent de nombreuses et solides qualités.
Nous ne pouvons guère, aujourd'hui, poirter un
jugement bien assis sur chacun des membres de
celte vaillante phalange lyrique, mais nous nous
proposons d'assister à quelques-uns de stss eoncerts
mensuels, et noLis pourrons alors dtslribuertn toute
conscience, l'éloge oii le... conseil.
A bientôt, donc!
Salle pleine, le 6 septembre, à la grande soirée
mensuelle des Gais Monmsiens, café Boiu^et, 4.1, bou-
levard du Temple. Parmi les chanteurs nous remai^
quons : M. Jomain, l'amateur bien connu des sociétés
lyriques, qui s'est l'ail vivement applaudir dans la
femme à Baptiste ; M. Dufour, l'excellent danseur du
concert des Ambassadeurs ; M. Richard, qui a obtenu
beaucoup de succès dans l'air des Xotes de Jeannette;
Mlle Vallette, la charmante conteuse, Mlles Hen-
riette, Lucie; Mmes Trolin, Bario ; MM. Camille,
Fabre, Brunél et notre ami Métivet, le Uapoul des
sociétés lyriques, qui s'est fait rappeler plusieurs
{oï?,àiL\i.'iiLeDowqi(,etdelilas, et Counaissez-wus ma
Jeanne.
Pour terminer la soirée, Tromb-al-Cazar, l'amu-
sante opérette d'Offenbach a été jouée d'une façon
digne des plus grands éloge», par Mme Limai, M.
Lïïa.3.i à.Q& Ambtissadeurs ; Etjsamis Mounier et An-
dré. Nous avouons franchement que l'on voit rare-
ment d'aussi bonnes interprétations dans les sociétés
lyriques.
La Fantaisie L7jrique, dont la fondation remonte à
peine à une année, et dont les séances ont lieu tous
les lundis, à la grande Brasserie Strasbourgeoise^
IGli, boulevard Magenta, est en pleine voie de pros-
périté, et ne tardera pas à devenir iinedes meilleures
sociétés lyriques de Paris. A chaque nouvelle repré-
sentation', nous constatons avec plaisir le soin tou-
jours croissant, apporté dans la composition du pro-
gramme, et dans l'ordre d'appel des chantetu's,
La soirée du 6 septembre, a été encore plus bril-
lante que de coutume : MM. Gooper frères, Vaast,
Richard, Inderbitzin, Victor et Galleberl se sont
surpassés ; plusieurs d'entre eux révèlent de lions
artistes pour l'avenir. Ces excellents amatetu's aspi-
rent sans doute à suivre l'exemple de lettr camarade
Ville, qui a fait ses premières armes à la l-'antaisie
Lyrique, et iiui est maintenant un des premiers ar-
tistes du Concert Européen.
La channante Mlle Marguerite a obtenu de nom-
breux applaudissements dans Violettes et jeunes /Mes.
La seule chosequenous reprochons à cette gracieuse
demoiselle est de.... ne chanter qu'une lois dans le
courant de la soirée, lors qu'elle joue dans la pièce.
La petite Charlotte est tout bonnement désopilaflte
dans Ils l'ont nommé sergent .
Le chant du Coq, comédie en un acte à été parfaite-
ment enlevée par Mlle Marguerite, MM. Lartelier et
Inderbitzin.
LA CHANSON
15i
Il «était injuste de ne pas féliciter le régisseur,
pour le bon goût qu'il apporte dans le chois des
pièceà, et pour son habileté a diriger la scène.
Agréable soirée le 9 septembre, à ia grande reprc-
seulaLioii extraordinaire donnée par \n^' Enfants de la
Ga'iti:, au caic de la ïerrase, 128, rue Sainl-Anloine.
Après un morceau d'ouverture, exécuté par M. WoUr,
élève du Conservatoire , JMJI. Latour, Lagrange et
Massière ont ouvert la séance avec entrain." M. Au-
guste a débité VAvocat des maris, avec Ijrio, et a ob-
.tcnu de grand> applaudissements. Grand succès pour
M-M. lli.ie.t <'t Frauclbrt ; le premier dans Cluqjuni lias
d-nant la Marseillaise, le second dans le Siège de Ma-
yencc. Mlle Rachel possède une bonne voix, mais elle
ne sait jjas en lirer parti, nous lui conseillons d'at-
tendre la ritournelle du piano, si elle ne veut pas
chanter faux. M. Kamelet s'est l'ait applaudir dans
Speech, et La dent de sagesse, cependant, nous deman-
derons à cet artiste pourquoi il dénature l'air de
cette dernière chanson, au point de la rendre mécon-
naissable.
|ji;s bravos n'ont pas manqué à notre ami Beck qui
a chante le Botaniste avec sa verve habituelle. Le
président <\.e.% Inséparables, M. Simon, est amusant au
possible dans ses imitations d'animaux.
iVIlle Jeanne chante très gentiment, et s'accuse
avec beaucoup de line,.sse d'être Menleme. M. Pacfa
lils a détaillé parraitciiienl Urrfuit l'iihjeclif; ce jeune
homme est un arlisic de iiirriic ([iii ii'ilc i|iti tenir.
Nous citerons ennnv Mil. M;irl\-, .M;illii:i,s, -Rous-
,set, Maurice, Kaynot ; Mlles Girard, Maria ei Anna
([ui complétaient un bon ensemble.
Les Bafanls de la Gaité donnent leurs soirées ordi-
naires tous les dimanches, au café de la Terrasse,
12s, rue Saint-.Anloiue.
Alfred Berïinot.
r..' '.I srpicmbre avait lieu la soirée delà Cordiale,
tlidis l:ii[iiclle ont été exécutés deux duos : Mireille,
\y.\y M. t'aiilljé et Mlle Flora, et la SairU-Janvier, par
M. Cambrai et Mme Louvet. Le récit tient toujours
.sa place au progranuue ; il est représenté par
M. Geurgebé dans le Jardin du Luxembourg , et
M. îilaurice, dans le Cheveu blanc.
Mile Ang-èle, MM. Launais, Landais, Andral, se
sont fait remarquer dans la romance, et MM-. Ré-
miiud, ibu'ie, Cooper, d'un caractère plus uai, ont
lait rire. M. Laulrevel, qui a l'habitmle de la scène,
ri'ti'iiuve dans les Sociétés les applaudissements qui
le suivaient dans les concerts. M. Municart est tou-
jours le tenorino qui chante avec grâce le Renouveau.
Le spectacle, plein de variété, "comportait comme
contraste deux chansonnettes. Chapeau rose et
Chapeau, jaune, dites agréablement par MM. Emile
et Alphonse. Mmes Adèle et Bloch ont recueilli une
foule de bravos ; l'une avec l'air de Naples, la seconde
avec VAnniversaire de P. Henrion.
Un des principaux succès de la soirée est dû au
Vieux buveur de vin, la vigoureuse chanson de Jules
Maux, interprétée avec un réel talent par M. Bous-
quat, le baryton favori des Sociétés l.^riques. Selon
son habitude. Mlle Julia, qui possède là corde drama-
tique et la corde comique, s'est fait rappeler dans
les Guignons d'Euphrasie. N'oublions pas le con-
sciencieux pianiste Marcus, qui, sous le voile de
ranou3'me, exécute une de ses charmantes composi-
lions, la Polha des oiseaux. M'. Jomain, qui s'est déjà
lait longuement applaudir dans Tlà c' ijue c'est qu'un
enterrement, par Eug. Imbert, s'est fait couvrir de
fleurs dans Aimez-moi comme vos bêtes.
Le 10 septembre, les Amis du Cowîîweî'ce donnaient
.une soirée extraordinaire. Constatons d'abord une
salle comble. Mais on avait annoncé une tombola
gratuite, et je n'ai pas reçu de billet ; cependant j'ai
été appelé pour chanter, plus heureux en cela que
mon ami Adrien Souchet , qui avait été invité per-
sonnellement par lettre , contenant des sortes de
coupons d'invitation. Mon ami Adrien Souchet, ar-
tiste de talent, bien connu de nos Sociétés lyriques
aux(iuolles il a toujours prêté son concours gracieux
en toutes circonstances, est actuellement engagé au
Café des Terrasses, boulevard des Invalides, et, pour
répondre à l'invitation qui lui avait été adi'essée
par les Amis du Commerce, il n'a pas hésité à se ren-
dre boulevard de Strasbourg . — On ne pourra pas
objecter qu'on avait trop de chanteurs, puisque nous,
qni sommes partis avant la fin de la soirée, nous
avons entendu deux chanteurs en deuxième tour.
Mais passons !...
Adressons nos félicitations à M. Gaston MaîjUis ; lia
détaillé avec goût et une voix très agréable une ro-
mance fort gracieuse, comme paroles et musique ;
mais M. le Président lui a laissé le soin d'annoncer
lui-même au public qu'il en était l'auteur et le com-
positeur.
C'est une faute, M. le Président ; quand un auteur
vous rend visite et l'ait plaisir, vous devriez vous en
occuper un peu plus que de ceux costumés d''une
façou excenirique. — Èlfectivement, nous avons eu
cinq chansons de gommeux sur dix œuvres chan-
tées; on est déjàlas au concert des Libert cl des Ben,
qui, cependant, ne manquent pas de lalenl. Mais
que pirli'nilriit donc ces jeunes gens dans un cos-
tume giDivsquir? (car ce n'est pas le costume des
ffommc/w yu'ils endossent] eux qui n'ont ni voix, ni
talent, ni chic!...
Soyons indulgents pour les dames, et félicitons
Mlle Julia qui moissonne avec succès dans les chants
de Mlle E. Bonnaire.
Lue mention bien méritée pour : Pas si vite, valse
chantée ou plutôt modulée d'une façon charmante,
voix bien timbrée et fort agréable. — Je m'en sou-
viendrai longtemps ; il n'y a que le nom de, l'inter-
prète qui m'échappe ; je le regrette.
Une autre dauie a dit : Rentrons bras dessus, bras
dessous, puis une chanson de poupée, dont j'ignore
le titre, — grand succès de... costumes.
Une jeune habituée des Epicuriens a dit très fraî-
chement : Passera-t-il , passer a-t- elle ? — un pou
lentement peut-être, mais-très agréablement. ■
Remarquons aussi que , pendant les chants ,
MM. les commissaires sont très bruyants en allées el
venues et en paroles, frôlant même rudement les
spectateurs et spectatrices, sans leur en demander
pardon ; — mais ce, dans l'intérêt de leur service,
— sans doute.
LÉO TOSTAIN.
La Société dramatique de récréation, oO, rue Fabert
(7° arroûdissement), donnait dimanche dernier sa
seconde soirée de réouverture avec un prog-ramme
des plus attrayauts etponctuellement exécuté. L'édita
cation d'Ernestine en lever de rideau a été enlevée
par MM. Pochet, Chaussois, Mlle Gabrielle et M. Chu
Marie avec le plus graud^entrain.
Nous avons applaudi M. Métivet dans ses deux
romances, M. Fourmeaux le diseur fin et intelligeat
s'est fait applaudir par toute la salle dans la chansoa
la Saint-François, et Eveille-toi mignonne, sérénade
dont la poésie est de M. Gressin, membre de la
Société, etM.Schrader dans le Tunel de Saint-Germain,.
M. Pépin a obtenu son succès ordinaire avec sa
chansonnette et son costume de bergère très réussi.
Le Vieux sergent\)Oésie par un jeune débutant qui dit
juste, quoique l'émotion inséparable d'un premier
début l'ait fort troublé, et, pour terminer la soirée,
les Rêves d^Ywnnette interprétés par Mlle Tinch et
152
LA CHANSON
MM. Sel et Pochet deux joyeux compères de l'opé-
rette et du rigodon, aussi à leur aise dans, leurs
rôles que des artistes de profession.
L'auditoire sous le charme de ces brillants en-
chanteurs voulait tout bisser et distribuait des
bravos à tous; c'est qu'il est à son aise pour entendre
et voir depuis les excellents fauteuils que la société
vient de faire poser dans la coquette petite salle de
la rue Faberl. On voit que la Société est dans ses
meubles, et que, tout en améliorant son installation,
elle n'a rien négligé pour la rendre confortable.
G. Sténio.
La Jeunesse lyrique et dramatique ne donne qu'une
soirée par mois, mais en revanche elle apporte un
grand soin dans la composition de son programme.
Le grand concert qu'elle a donné dimanche dernier à
la salle Pétrelle a été des plus brillants et des plus
animés. Comme à toutes les représentations men-
suelles de cette Société, la salle était littéralement
comble. Nous avons entendu, en premier, M. Vauris,
qui a chanté la Dent de sagesse avec beaucoup de suc-
cès. Dans la seconde partie, ce jeune amateur a été
également très applaudi dans ISFvous pressez pas.
Mlle Marie a chanté le Baptême d'une poupée, très
gentiment, et a été fort bien accueillie. Bon succès
pour M. Lallée, dans Mes habitudes et dans les 7 Pé-
chés capitaux. 'K. Léonard! a récité parfaitement^»
Grève des forgero'iis, et a obtenu de nombreux ap-
plaudissements. Mlle Adèle excelle dans la diction,
cette gracieuse artiste a chanté Joyeux printemps et
Deux fleurs, avec beaucoup de finesse. Le premier
comique de la Société, M. Vichel, est amusant au
possible, dans Ma fetnme est en voyage et dans
le Tunnel de Saint-Germain. Mme Vaillant a récité
la Présentation, avec un rire communicatif, qui a
gagné toute la salle.
Un homme seul, vaudeville en un acte, a été joué
dans la perfection par Mme Vaillant et M. Vichet.
Nous citerons encore, pour mémoire, MM. Graveline,
Daumont, Tardie, Seherer et Viot, qui ont contribué
largement au succès de la soirée.
Alfred Bertinot.
Pour demain dimanche, 19 septembre, les Gais
Momusiens annoncent une grande soirée extraordi-
naire, dans la salle des Folies Parisiennes, faubourg
du Temple, 23.
Les meilleurs artistes des concerts et des sociétés
lyriques prêteront leur concours à cette représenta-
tion qui promet d'être très brillante, à en juger par
le programme que nous avons sous les yeux. Il y
aura aussi une grande tombola, qui sera tirée à la fin
de soirée. Avis aux alliés des Bidard.
CHOSES & AUTRES
Nous rappelons la grande soirée dramatique, lyri-
que et littéraire donnée par Michel Bordet, lundi
20 septembre, à 8 heures très précises Aux Tilleuils,
160, rue de Ménilmontant. Nous engageons nos lec-
teurs à ne pas manquer cette soirée dont le pro-
ramme complet ne tiendrait pas dans une page de
notre journal; Prix des places, cinquante centimes,
place réservées, un franc
A la réunion tenue dimanche 12 septembre, salle
Orange, 11, place de la République, 28 sociétés
lyriques étaient représentées. Ce nombre n'ayant
pas paru suffisant aux présidents présents pour
prendre une décision, une réunion définitive aura
lieu dimanche 26 septembre, à 2 heures précises. Il
est certain que dès à présent la fédération des Socié-
tés lyriques est un fait accompli.
Deux intéressantes distributions de prix ont eu
lieu ces jours derniers, à la Chapelle, au théâtre
des Bouffes du Nord. Les élèves de M. Louis Albarel
ont fort bien créé un proverbe opérette : Q,ui donne
aux pauvres prête à Dieu I paroles et musique de
Jules Dumont. L'auteur dans le rôle du vieux maître
d'école, et Mlle Louise Albarel (Alphonse), une toute
mignonne et intelligente enfant, se sont fait applaudir
et rappeler. Les élèves de Mme Thonier ont aussi
très gentiment joué : Qui se repent est pardonné ! du
même auteur qui a dit, d'une façon remarquable.
Donnez aux pauvres de Victor Hug'o et l'Appel après
le combat. Succès aussi pour Mlle" Duvreau avec la
Laitière de la pension, scène comique nouvelle, paroles
de J. Dumont, musique de L. Mailfait, éditée chez
E. Mennesson, à Reims.
Le 2 octobre doit ouvrir, 23 faubourg du Temple
(ancien Alhambra), un nouveau théâtre, qui prend le
nom de Folies- Parisiennes et qui jouera l'opérette.
M. Orange, le nouveau et actif propriétaire de
cette Salle, s'est réservé le droit de construire au pre-
mier, pour les Sociétés lyriques,!une très belle salle de
quinze mètres de long sur neuf de large, elle pourra
contenir, à l'aise, 300 personnes. L'entrée en sera
particulière et sera desservie par un vaste escalier,
voilà pour le premier.
M. Orange, en propriétaire intelligent, a fait dé-
corer la salle de spectacle à neuf, y a fait donner du
jour et de l'air, de plus il a fait construire un double
parquet mobile, afin de pouvoir transformer la salle
de spectacle en salle de banquet ou de bal. Avis
AUX Sociétés lyriques ; toutes , voudront donner
leurs Banquets et leurs Bals.dans cette salle, au
centre de Paris.
Les consommations y seront toujours de bonne
qualité, le service bien fait, et, de plus, la cuisine y
sera, dit-:)n, excellente. Pour la location de la salle
du premier, comme pour les bals, s'adresser à M.
Orange, 23, faubourg du Temple, et 11, place de la
République.
Nous souhaitons la bienvenue à notre nouveau
confrère L'Alouette Dauphinoise, revue artistique
littéraire qui çarait le 1 et 15 de chaque mois, —
ainsi qu'au Midi Théâtre qui vient de paraître à
Toulouse.
La salle des Folies-BoMno fera sa réouverture très
prochainement sous la direction de Vergeron.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
3» ANNEE. — N° SO,
lO CENTIMES.
26 SEPTEMBRE 188»
LA CHANSON
Directeur-Gérant.
A. PATAY
La chanson est une forme ailée et
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe,
V. HUGO,
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^^^^^^^^-^'^'^'^^^'l'^oiion
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
MAXIME GUY
Annonces, la ligne... 1 •
Réclames, — 2 »
Lachanson, comme la batonnettg
est une arme française.
J. CLARBTIE.
ADMINISTRATION & REDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L. -HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 f r.
■ six mois 3 •
Etranger, uji an 8 •
SOMMAIRE :
Êveilles-voas, mignonne, paroles de Clément-Casse, musique de J.- C.
Thohel. — Le Peuplier (Cii. PEnciiRT), — Ol' toi d'ià que j'iny mette
(JuLRS KniiAMi-:). — Dans les blés (A. -M. Mo^NIN). — La Chanson
de nos pères: La Vif^nc da voisin. — Chronique des Concerts (Alfued
Beiitinot). — Les Concerts da Trocadèro (C. Stbnio). — Résulta
du treizième Concours mensuel de La Chanson. — Chonîqae des So~
ciétés lyriques (.\r,FHi;o Bertinot, Ql'élin, L. Joïklx). — Choses et
Autres.
A XOÏP^ AMI MARCEL BOUCHER
Ê^VEIIL.IL.EZ-^V^OXJS, iytioi>^02Nrr^E
ROMANCE
Paroles de Clément-Casse. Musique de J.-G. Thorel (1).
Potirquoidor^mtr à celle heu_ro Mi
gnôrt»'iiG,NVn-Ien_Hc7- vouR hn^hii. Irr los oi
6011- ne. En se jou_ant fioo_lo_ve vos ri .
do.Tux , Sctis IcCiel lilou qu.-ind son ai _ le re -
E . »eil - lez - TOUS, Mi A
(1) Cette musique est une des dernières composées
par noire regretté collaborateur J.-C. Thorel, que la
mort vient d'enlever tout récemment à sa famille et à
ses amis.
E - veil.lei-»ou8,le8 yem plernsde dé-
rail poco a poco.
Dans l'abandon d'un calme sans mélange
Oîi je surprends des charmes inconnus.
Vous reposez... mais votre bouche d'ange
Laisse échapper des aveux éperdus.
Des flots ambrés de votre chevelure,
Je sens vers moi s'esaler les senteurs...
Et vous dormez, insoucieuse et pure.
Sous les transports de rêves enchanteurs I
Eveillez-vous, Mignonne au frais sourire,
Ouvrez, enfin! vosgrandsyeuxnoirsetdoux;
Eveillez-vous les yeux pleins de délire...
Evei!lez-vous, Mignonne ! Eveillez-vous.
Un a,ccîdent arrivé au cliché du portrait nous oblige à remettre au prochain
numéro la biographie hebdomadaire.
154
LA CHANSON
©qgdiis taugtapps, Ô ma iielle puemiee !
141 tilDcbê, Att loin, gsmmB pour mos ajuaouo*?
Chacun, déjà, nous attend à l'église.
Revêtez-vous de vos plus frais atours.
De l'oranger, les grappes abondantes,
En retombant de vos cheveux frisés.
Sur ce front pm-, de mes lèvres ardentes
Oinbrageront la rougeur des baisers !
Eveillez-vous, Mignonne ati frais sourire,
OuiT-'ez enfin vos grands yeux noirs et doux,
Eveillez-vous les yeux plein de délire...
Eveill«z-vous, mignonne, éveiUez-veu*.
Glémext-Casse.
Nous publions, ainsi que laous l'tiTons promis, la
chanson aj-ant obtenu le premier prix à. la soirée
donnée par Michel Bordet, le 20 septembre.
LE FEXJFLIErt
LEGENDE
Sur la place de mon village,
Un grand jour de fête on planta
Un peuplier au noir feuillage
Et qui debout longtemps resta.
A son sommet je vois encore,
Se déployant avec fierté,
Notre vieux drapeau tricolore
Qui saluait la liberté.
Vers les eieux il dressait sa tête
Que rien ne sut faire plier.
Il brava plus d'une tempête ;
Qu'il était fort, ce peuplierl
La sève coulait sous l'écorce.
Et comme un sang pur et vermeil
Lui donnait la vie et la force,
Il grandissait sous le soleil ;
Puis quand venait l'anniversaire
De la chute de nos tyrans
On voyait son front séculaire
TressailUr au bruit de nos chants.
Vers les cieux il dressait sa tête
En secouant son front altier.
Palpitant de la base au faite;
Qu'il était beau, ce peiiplier 1
Le vent passait dans sa ramure
Où se cachaient des nids d'oiseaux
Chaque feuille avait son mtirmure.
Ses branches étaient des berceaux ;
Le jom- il couvrait de son ombre
Les vieillards, les enfants joyeux,
Et le soir son feuillage sombre
Redevenait l'abri des gueux.
Vers ies câsnix il dressait sa HÉte
■Se maMBitc-aSt hospitalier,
A ses hôtes il faisait fête ;
Qu'il était grand, ce peuplier !
Un jour la hache nieurtrièa'e
Frappa le pied de ce géant
Et fit rouler dans la poussière
Son cadavre tout frémissant.
Mais après sa chute effroyable
On trouva, terrible leçon,
Broyé sous son tronc formidable
Le corps du lâche bwcheron.
Vers les cieux il dressait sa tête
Un crime seul le fit plier.
Mais, terrible dans sa défaite,
Il se vengea, le peuplier.
Ses racines étaient profondes.
Elles germèrent en bourgeons.
Car bientôt le sol des deux mondes
Se couvrit de ses rejetons,
Et, plus fort qu'en quatre-vingt-treize.
Ce superbe décapité.
Debout sur la terre française,
Dans ses fils est ressuscité.
Vers les cieux redresse la tête
QulenTain l'on ne peut humilier,
Sois orgueilleux de ta conquête;
Je te salue, ô peuplier.
Gh. Percheî.
SI J'ÉTAIS FAUVETTE.
Musique de M. Glodomir.
Si j'étais douce fauvette,
J'irais du champ de navette
Me balancer sur l'osier ;
Puis, en notes ruisselantes,
Des perles étincelantes
Jailliraient de mon gosier.
J'irais boire la rosée
Qui tremble en goutte irisée
Sur le pétale vermeil.
Ou je choisirais pour coupe
Le liseron qui découpe
Ses clochettes au soleil.
J'irais vers mon nid de mousse.
Où pour arriver s'émousse
L'âme tiède du zéphir,
A ma famille adorée,
Porter la graine dorée,
Et les mouches de saphir.
Je ne suis pas la fauvette
Qui "vient du ■champ de navette
Chanter aux rameaux pliants ;
-Mais, au céleste domaine, „ _ ,,_
Celui qui, triste, promène
Ses yeux de larmes brillants. , ,
LA CHANSON
Jo5.
Gomme une plante isolée
Qui croit sur un mausolée,
Sur terre Dieu m'a semé,
Chaque fleur que je rapporte.
Un souffle en passant l'emporte
Dans sou élan parfumé.
Toyagevu' par la nuit sombre,
Je marche sans jeter l'ombre.
Enfin, mes folles chansons
S'envoleront dans l'espace,
Comme une- brise qui passe
En effleurant les buissons.
Que ne suis-je la fauvette !
J'irais du champ de navette
Me balancer sur l'osier ;
Puis, en notes ruisselantes,
Des perles étincclantes
Jailliraient de mon gosier.
G. G. Picard,
or TOI D' LA, QUE J' M'Y METTE.
Air ; Mo/i père était pot.
Dans ce siècle où l'ambition,
La bassesse et l'envie
Viennent gâter chaque action
De notre triste vie.
L'homme et le marmot
Ont fait choix d'un mot
Qu'il faut bien qu'on admette.
Et que, pl«ia d'entrain.
Je prends pour refrain :
« Ot' toi d'ià que j' m'y mette ! »
Que dit le petit employé.
Que la besogne lasse,
Au commis principal choyé
Par le sous-chef en place ?
Au sous-chef, soumis,
Que dit le commis.
Bien qu'il se compromette?
Que dit, de rechef.
Le sous-ehef au chef?
« Ot' toi d' là Cfue j' m'y mette ! s
Au lit. Monsieur, de grand matin,
Quoique d'humeur jalouse.
Pour aller pocher du fretin.
Laisse sa chère épouse.
A porter au front
Le suprême affront.
Il faut qu'il se soumette,,
Gar l'amant guettant,.
Dit : « Pour un instant,
« Ot' toi d' là que j' m'y mette 1 »
Sur les abus du temps passé,
Jetant un voile sombre,
La République a terrassé
Le vieux trône qui sombre.
A la Liberté,
Que l'Humanité
Sans crainte s'en remette 1
« Prince en désarroi,
« Dit le Peuple-Roi,
« Ot' toi d' là que j' m'y mette I »
Cependant tout n'est pas parfait
En Républicanisme,
Puisque l'Intransigeance y fait
Pièce à l'Opportunisme.
Le nouveau-venu
Voulant, c'est connu,
Que l'autre se démette,
Sans en avoir l'air,
Lui dit, d'un ton clair:
« Ot' loi d'ià que j' m'y mette ! »
Bref, que dit tout être ici-bas.
Luttant pour l'existence,
A celui qui, de quelques pas.
Le précède à distance ?
Ou le caporal
A son général.
Sans qu'on le lui transmette ?
A l'homme que dit
L^enfant qui grandit?
« 01' toi d'' là que j' m'y mette! »
Jules Echalié.
- LES BLES
Seigneur, les blés sont niùrs : Vois les épis jaunis
S'élever radieux sur la plaine ondoyante.
Gomme des encensoirs, vers toi qui les bénis.
Demain, s'accomplira la moisson abondante ;
Demain, les paysans, famille vigilante,
Les rudes journaliers aux bras forts et brunis,
Dès l'aube du matin, quand l'alouette chante.
Seront sous l'œil du maître, au travail réunis.
Seigneur, le maître est riche et sa grange est profonde
Est-ce encor pour lui seul que ton soufle féconde
Les sillons où du pauvre a coulé la sueur !
Et Lazare, toujours en ployant sous les gerbes,
N'aura-t-il que les grains égarés dans les herbes :
Quand donc les blés poui* tous, mûriront- ils, Seijgneur 1
A. -M. MONKIN.
156
LA CHANSON
bis.
bis.
LÀ CHANSON DE NOS PÈRES
LA VIGNE DU VOISIN
RONDE
Air: Allons donc. Mademoiselle.
C'est la petite Thérèse,
Qui voudrait du chasselas,
Air en voit biaucoup cheux Biaise,
Mais Biaise n'en donne pas.
V'ià qu'un soir aile s'échappe
Pour l'y voler du raisin;
Las! doit-on mordre à la grappe ,1
Dans la vigne à son voisin ? )
Ce sont les moineaux, je gage.
Dit noir' homme en ajustant
Un chapiau, com' c'est l'usage,
Sur ua bâton de sarment.
Les oisiaux par celte attrappe
S'enfuiront de mon jardin ;
Ils iront mordre à la grappe )
Dans la vigne à mon voisin. )
I croioit qu'on intimide
Fillette comme un oisiau :
Mais bon ! rian ne la décide
A fuir devant un chapiau.
Or Thérèse en rit sous cape,
Et le soir nouviau larcin,
AU' revient mordre à la grappe /
Dans la vigne du voisin. j
Biaise à la parfîn s'apprête
L'i même à faire le guet:
Du chapiau couvrant r^n tète,
I s' plante au lieu du piquet,
La belle y viant, il la happe
Par son japon de basin.
Vous v'nez donc mordre à lagrappe;
Dans la vigne du voisin. )
Voilà que Biaise en furie.
Pour la punir comme il faut,
Fait d'abord tant qu'elle crie
Et puis qu'air ne sonne mot,
P.este à savoir s'il la frappe...
Contentons-nous du refrain.
N'allons pas mordre à la grappe ,i
Dans la vigne du voisin. j
{Les Vendangeurs ou les Deux Baillis
Divertissement, 1780.)
bis.
bis.
CHRONIQUE^ CONCERTS
Samedi dernier, le petit Norbert a fait sa rentrée au
Grand concert Parisien.
Ce précoce gamin, qui est le chéri dès habitués de
la maison, vient ajouter un nouvel élément de succès
a cet établissement, qui en contient déjà de nom-
breux. Pacra, le fin diseur, détaille avec un sentiment
exquis les différentes poésies et chansonnettes qui
composent son répertoire, et que lui seul peu aborder
avec succès.
Le public fait fête à la charmante Mlle Demay,'-
qui a trouvé dans le Petit cochon-porte-veine, un véri-
table porte-bonheur. Le gigantesque Brunin, que
dame nature s'est plu à gratifier de membres d'une
longueur démesurée, chante : Viens dans mes petits
bras! Franchement, ami Brunin, vous êtes troi>
modeste.
Le désopilant Réval obtient toujours de nombreux
applaudissements.
TeStlc, qui n'a jamais été content, est d'une gaité
qui gagne les spectateurs.
MM. Farville, Mey, Marquetti; Mmes Dubrée, Petit
et Dalby, qui ont débute à la réouverture, sont tout-
à-fait dans les bonnes grâces du public.
Mmes Fabre, Clotilde et Satler font aussi grand
plaisir.
Enfin, les Cloches du soir, le vaudeville qui termine-
la représentation, n'est qu'un long éclat de rire.
* *
Le concert des Folies-Saini-Martin est décidé-
ment en pleine voie de prospérité. A côté des noms
.sympathiques de Mmes Worlon, Rivoire, Djelma.
Ilémar, Destrées; de MM. E. Bienfait, Dharville,.
Denneville et Fernand Kelm, viennent de s'ajouter
ceux des quatres personnes composant la troupe
des Rovasco, célèbres byciclistes aériens qui exécu-
tent les tours les plus surprenants, sur une corde
tendue d'un bout à l'autre de la salle.
Comme précédemment, l'idole du public est tou-
jours l'amusant Pissarello, qui fait tordre la salle et
se fait rappeler plusieurs fois, dans ses acrobaties,
musicales.
L'attrait principal de la soirée est sans contredit
cette comtesse mystérieuse qui, masquée, chante
chaque soir les morceaux du grand répertoire. Les
versions les plus diverses circulent sur le compte de
cette étrange personne. Les uns prétendent qu'elle
porte un des noms les plus connus dans les salons
du noble faubourg; d'autres, plus malveillants,,
disent qu'elle chante masquée pour cacher certaines
diff'ormités de son visage, et patati et patata. [Quelle-
est la véritable cause? Mystère!
Le soussigné qui est parvenu à voir les traits de
l'aimable diva, par l'entrebâillement d'une porte
mal close (la curiosité est un de ses grands défauts)
peut affirmer que la comtesse R.... (bigre, j'allais
croquer le morceau) est une ravissante brune, dont les •
I beaux yeux doivent faire tourner plus d'une t'^.te..
Quant au nom, dame, je garde le secret.
LA CHANSON
157
Un conseil : Ceux qui veulenl l'entendre n'ont qu'a
se dépêcher, car d'ici pou, la jolie cantali'ice doit
partir pour Milan, où elle a contr?.cté un brillant en-
gagement avec la Se ai. a.
* *
Nous félicitons la nouvelle direction du XIX""'
Siècle, de sa décision de ne représenter que des le-
vers de rideaux du Palais-Royal et des Variétés, au
lieu des saynètes de concerts, qui étaient jouées l'an-
née dernière, sous la direction de l'ancienne société.
Cette semaine, La Commode de Vic(ori)ie, de MM. La-
biche et Martin, faisant partiu du répertoire du Palais-
Royal, a été jouée d'une manière digne des plus
grands éloges, par MM. Bataille, Logrand, Dolf-Lary,
Helt ; Mines I^iquet-Lenionnier, d'Astand, Alice et
Djaly. Kos compliments à M. Bataille, qui est on ne
peut plus naturel, dans le rôle d'un bourgeois ma-
niaque; un petit reproche à M. Legrand, qui a char-
gé un peu trop la lèlo du pourfendeur Bardas de
Lastringuy.
Deux créations seulement a annoncer : J'ois d'I'é-
motion, paroles de Rimon et Ouvrard, musique de E.
Ouvrard, interprété par... Ouvrard.
£a Diane des amours, par notre ami Uebailleul.
£a Chanson des Clochetons commence a être lancée;
pendant l'entr'aclc nous avons entendu fredonner le
refrain par les spectateurs de plusieurs tables voi-
sines. Bon succès pour Mme Riquet-Lemonnicr dans
le Café-Concert et pour M. Ilelt dim^ ffisloire de tous
en parler.
A la SCALA, le programme est a peu de chose près
le même que la semaine dernière. Nous n'avons que
deux nouveautés à enregistrer : Vas-p Léon, scie dans
le genre de Tiens, voilà Mathieu, montée par Bourges
et Vole, vole, vole \ de M. Aupto, notre sympathique
confrère du Progrès artistique, chanté par Mlle Mar-
gucrita.
Ali'ued Beutinot.
LES CONCERTS DU TROCIDERO
Le grand festival militaire de bOO exécutants qui a
eu lieu dimanche dernier à la salle du Trocadéro, au
profit de l'Association des artistes musiciens fondée
par le baron ïaj'lor a obtenu un très grand succès.
Le public est venu afTirmer par son empressement
le goût qu'il a toujours eu pour co genre d'exécu-
tion. M. Sellenick, dont la réputation do chef d'or-
chestre et de compositeur n'est plus à faire depuis
longtemps, était le général en chef de celte vail-
lante armée qu'il dirige d'un bras nerveux auquel
viennent se rallier les regards de tous les autres
chefs de musique des régiments qui faisaient partie
du grand orchestre. Aussi quelle netteté ! quelle
précision ! quelle exécution ! Cinq cents musiciens,
jouant comme un seul ; esclaves soumis, obéissant
à' vm signe, à un geste, à un simple mouvement du
bras. Pas un mot de prononcé. Les instruments
seuls ont le droit de causer entre eux, de caresser,
de gémir ou de crier pour exprimer tour à tour les
sentiments humains.
Quelle belle chose que cette discipline musicale et
quelle belle chose que la musique !
Nous croyons que ce serait un bel exemple à met-
tre sous les yeux de tous les insubordonnés que ces
hommes forts, intelligents qui savent plier leur vo-
lonté sous les exigences de la double croche, du 16"
desoupiret du point infinitésimal qui vient ajoutersa
valeur à une valeur acquise; co point, quoiqu'il ne
paraisse pas plus gros que le grain de sable
de la mer, qui, pourtant accumulé par les siècles à
d'autres grains do sable devient une force et finit
par former une montagne, le point, en musique, par
la seule loi de convention qui est la base de toute
forme, sullit pour f are d'un Hercule l'esclave le plus
soumis, le soldat le mieux discipliné. N'avions-nous
pas raison en commençant cet article de comparer
tous ces excellents musiciens à une vaillante armée.
Il faut dire aussi que chacun d'eux est doublé d'un
homme de cœur, ce qui facilite énormément les lois
disciplinaires imposées par les combinaisons musi-
cales; s'il en était autrement, et si leurs cœurs ne
battaient pas au même... diapason, il n'y aurait pas
d'e.xéculion possible.
Lorsque, par hasard, les opinions sont divisées
sur la manèire de rendre telle phrase ou de produire
tel efl'ot, c'est alors que les arguments se font sentir
et ramènent le rebelle. Ce qui explique surabon-
damment, commr.it avec un simple point on peut
diriger et obtenir U'i ensjinhle remarquable d'aussi
grandes masses d'exécutants.
Le programme de dimanche dernier, réunissant
les noms aimés d'Adolphe Adam, d'Auber, de Ros-
sini, Meyerheer, Massenet, Camille Schubert, Ch. de
Courselles et de M. Sellenick était un attrait puissant
pour le public.
En écoutant ces immortels chefs-d'œuvre, plus d'un
auditeur à barbe blanche ou grise a pu voir .se dresser
le spectre de sa jeunesse et évoquer, là un parfum
éflacé, ici ua souvenir disparu. Cette phrase lui
rappelle son premier rendez-vous, cette autre son
premier souper. C'est que la musique a le don d'évo-
cation, de mnémotechnie ; elle inscruste, elle grave
profondément les faits, les dates, les souvenirs heu-
reux surtout dont elle est souvent la compagne.
C'était là, croyons-nous, l'impression qu'éprouvait
plus d'un vieux mélomane en savourant cette musi-
que de si jeunesse, pleine do finesse et de gaité qui
peint si bien certains côtés du caractère français.
C. Sténio.
QUATORZIEME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert dîi 20 septembre au 20 octobre.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au i^lus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le %'"' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
158
LA CHAJSrSON
TREIZIÈME CONCOURS MENSUEL
Ouvert du 20 août au 20 septembre.
Premier prix : La Civilisation, par M. Louis Bogey,
de Genève.
Deuxième prix : Les Mendez-Vous, par M. Octave
Lebesgue, de Lyon.
Troisième prix : U/i Souper chez Plntus, par Mare
Thézeloup, de Rouen.
Trente-une pièces nous ont été envoyées. Les
pièces couronnées paraîtront dans notre prochain
numéro, et les suivants.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le 14 septembre, les Amis de la Gaîté âé Mont-
martre ont donné leur deuxième Grand Concert, au
Calé Pichon, 31, rue Ramey. Quoique très grande,
la saUe était complètement garnie par un public en-
thousiaste qui a prodigué des applaudissements et
de nombreux rappels à tous les amateurs qui se
sont fait entendre. Il est à déplorer que cette Société
ne possède pas de dames-artistes: tous les chanteurs
ayant été rappelés, nous citerons seulement leurs
noms, pour mémoire. Dans la romance : MM. Carton,
Pinguet. Grenier et Fourtier. Dans la partie comique:
MM. Defente, Perrin, Pillot, Fauchet, Dacret, Méthé,
Çlançhot çt Beaux. Une bonne note à M. Bordeau,
fpour son récit, La lio'be de l'Éiifad. Nous adressons
nos félicitations à M. Charles Maffcy, violoniste ama-
■ leur qui a exécuté une de ses compositions, à la
■grande joie di public, qui lui a fait une ovation,
ia Société Joue des pièces depuis trop peu de
teiàgs pour que nous appréciions les interprètes des
Deux Vieilles Gardes, opérette-bouffe qui a terminé
la représentation. Nous citerons seulement M. Bacot
qui a rendu a peu près convenablement le rôle de
M"'" Vertuchoux.
Ainsi que nous l'avions annoncé, la Société Lyri-
que des Gais Momusiens a donné un grand concert
dimanche dernier, dans la salle des Folies-Parisien-
nes 23, faubourg du Temple. En disant qne la soirée
serait des plus brillantes, nous ne nous étions pas
trompés, et nous pouvons même ajouter qu'elle a dé-
passé toutes nos espérances. Les intermèdes de
chants ayant été faits par des artistes d'an réel ta-
lent, tel que Mlles Henriette, Vallette ; Mmes Trot-
tin 'Bario ; MM. Métivet, Monnier, Jomain, Leserre,
Du'four, des Ambassadeurs, etc., etc., nous croyons
inutile de dire qu'ils ont parfaitement réussi. Un ser-
vice à Blanchard, vaudeville en un acte, malgré
■quelques petits tiraillements, a été joué convenable-
ment par Mlles Vallette, Henriette ; MM. Mounier.
André et Métivet. La Partie de Piquet, interprétée
par Mlle Marie, MM. Métivet, de Brossard et Bou-
zanquet a obtenu également beaucoup de succès. Le
tirage de la tombola a terminé la représentation.
J'en profite pour vous, dire qu'avec plusieurs billets
je n'ai rien gagné. Alfred Beminot.
Dimanche, 19 septembre, à la Réunion des familles,
46, rue de la Montagne-St-Genevièvo, grande soirée.
Le pr(^ident Mazot, suivant son habitude, a reçu ses
invités d'une façon toute cordiale.
Parmi les chanteurs applaudis, citons MM. Gélestïu
et Charles, dans les Gommeux parisiens ; M. Ducy
très amusaut dans le Savetier, et qui a droit à une
mention toute particulière, pour sa manière intelli-
gente de se grimer.
Du côté des dames, Mme Vurer, membre honoraire,
qui interprète gentiment «Pepito », Mlle Aline Marpon
de l'Union Parisienne, rappelée dans Encore un baiser,
et pour terminer, Mlles Henriette et Vautier, qui dé-
taillent très agréablement leurs chansonnettes.
Notre camarade Huet, bien connu des Sociétés
lyriques débute le 26 au Concert Européen. Nous lui
souhaitons bonne chance.
QUÉLIN.
Mardi 21 septembre a eu lieu un banquet de bÙO
couverts salle du Progrès, boulevard de l'hôpital^
sous la présidence de Louis Blanc ; les présidents des
Sociétés lyriques du S'= arrondissement avaient été
conviés et ont présenté leurs hommages au célèbre
historien.
Après les discours d'usage la partie lyrique a pris
sa place — Ifadame Adèle a crânement chanté à
Belfort — chant de circonstance, puisqu'on inaugu-
rait le lion de la place d'Enfer, — puis M. Huet, -a
superbement interprété Chapeau bas devant la Mar-
seillaise. — M. Coupas a chanté le Pacte de Famine. —
Tous ces artistes ont été bissés et les bravos qu'on ne . j
leur a pas ménagés étaient mérités.
Une dame a cru devoir, n'étant pas au programme,
demander à chanter Le Petit Abbé ; cette chanson,
gracieuse dans une soirée de société lyrique, était
mal choisie dans un banquet patriotique, — aussi le
silence le plus glacial a seul accueilli cette sortie
intempestive — somme toute bonne soirée et bonne
note pour les trois premiers artistes cités.
L. Joyeuse.
Rue Saint-Victor, 74, en face la rue d'Arras, di-
manche 26 septembre 1880, à 8 heures. Soirée ex-
traordinaire, offerte par la Société lyrique et drama-
tique l'fAMJo» P«mJ«BMe, pour l'inauguration de saj
nouvelle Salle, avec le concours de M"><> Adèle, M"«|
Aline et M'»" Desfossez, membres d'honneur de laq
Société, M"'' Marie Fournier, des Amis de la RenaiS"
sance, lauréats du Concours des Sociétés lyriques dej
Paris, MM. Adrien Souchet, Moumoutte, Karl, de la^
Société, M. Mazot, président de la Réunion des Fa.-^
milles, M. Letirand, président de la Lyre de la Gaîté.
M. L. Gouget, président de VEscholière, M. Léo Tos
tain, président de V Union Parisienne, MM. F. Beck,J
Victor, lauréats du Concours, M. Duclos, des EpicU"
riens, MM. Charles Goullieux et Félix de la Lyr&
Bienfaisante, MM. Quélin, Jack, M.-Desfossez, Ed"
Vallée, A. Desfossez, Guiche, Marpon, Durdan, etc
— Grande Tombola.
LA CHANSON
159
Le 2 Oclobregrandesoiréedramaliqae et lyrique au
Gercle Musset, présidé par M. Durrieu, café du Globe,
8, boulevard de Strasbourg, a 8 h. 1/2.
BANQUET DES QUATRE SAISONS
C'est mercredi t% amxid&U cIi'Ck MargLler.y, qu'a
cil lieu la 27'= rèiMiton trimestrielle <(k's membres de
la société d«5 'OwatrcSadsons. Qomime toujours,
assemblée joyeuse 'Ot dhoisre swias la jm-sidence de
M. F. Dcscori5,«ssï«lé du président foiïdsnieur Alex.
Roy. Parmi tes ja-oductions nouvelles, •cbansons ou
poésies, qui ont 'été entendiies, nous dévoras mettre
en première ligwe L'Automne, magni'fiq;rae pièce de
vers do M. Emile Gliévé, un ancien offlcieT'dc marine,
qui sera dans très peu de temps un poè/lc célèbre.
Celte pièce de vers lue par M. HugOBd'B,le secrétaire
de la Société, a obtenu tous les sulfrages, et si
l'auteur eût été là, .sans nul doute les membres pré-
sent lui eussent fait la plus clialcurcusc ovation.
M. Gédhé, l'aimahfteiknprovisateiu', a été très-applaudi
dans lesBour!ie(yk,'^eCiii dilaTOCiam 'talcnl inimitable.
Une deuxième amèiliioa de la cliaiison : ■Pardonnez-
moi l'exjivession, sw: l'air de la iPolM du Colonel,
a obtenu un immense succès. — K'Oialbldons pas le
procès-verbal, rimé en pcrt-f^ïiirri et clianté alter-
nativement par chaque sotàétoire, auteur: J. >;icùlle.
On a pris rendez-vous pour le 21 décembre, réunion
de l'hiver, et l'engagement de ne produire que des
œuvres très châtiées. — Nous verrons bien!...
J. N.
CHOSES & AUTRES
L'association Littéraire et Musicale, passage de
L'Elyséo-des-Beaux-Arts, 37, placePiyalle, ^\oi\ncva,
dimianch» 26 septembre une grande soirée. Un com-
anencera à 8 heures.
Dimanche 213 septembre à 2' heures réunion des
présidents des sociétées Lyriqnes de Paris, maison
Orange, M, place de la Képubliquc. Réunion
générale urgente.
18Î), rue do Belleville, lundi, 27 septembre. Soirée
lyrique et dramatique, donnée par le chansonnier
Gh. Percbet, avec le concours de la musique uumici-
pale des Prés-St-Gervais, etsousle patronage des chan-
sonniers. Concours poétique, chansons, sujet libre,
l'i" prix une Médaille en argent, grand module, sur
laquelle sera gravé le nom du Lauréat ; 2"^ prix un
objet d'art, valeur 2b fr.; 3° pris les chansons de Bé-
rangcr. Le jury sera composé de MM. Gh. Perchet,
Hipp. Ryon, Ducret, Imbert, Michel Bordet, Noël
Mouret. Entrée bO cent., places réservées 1 ïr.
, Le 1°'' novembre 1880, paraîtra, à Paris, le premier
numéro de l& Muse de France, oïgs.Txn des poites
français. '■
Ge'journal est destiné à mettre en lumière les œu-
vres des jeunes poètes de France auxquels il man-
que, pour se faire connaître, les moyens de publi-
cité nécessaires.
La M'use de France sera comme le Panthéon où
viendront se grouper tous les noms destinés à deve-
nir plus tard la gloire de la littérature française.
Pour les conditions d'abonnement et de collabora-
tion, écrire à M. Louis Raymond, directeur, lue de
la Comète, 11, en ayant soin d'ajouter un timbre
pour la réponse.
M. Jules DujioxT, auteiu-éditeui', anciennement
179, rue Lafayette, et 120, boulevai'd Voltaire, vient
de transférer son magasin de Musique et Librairie,
138, boulevard Richard-Lenoir (Catalogue spécial
pour les maisons d'éducation).
Dernières nouveautés : Fxjiosez-moi ça ! chanson,
paroles de J.Dumont, musique de G.Chaillier, chan-
tée parGustaveGhal-lier,àLASCAX.\; Le nouveau Petit
Manteau Bleu, paroles de J. Dumonl, musique de
Louis Pirou; laFranr-Maro)inerie,Q.».n\,ï(i\xQ en forme
de vaudeville, paroles dc'ch. Chauvin, musique de
J. Dumont. — Pom- paraître prooliaincment : Epitre
à une Amie, iKwadeau-valse, paroles de J. Dumont,
musique 'Cfil&iiaest Berseville; lesZi'ni.gmmn-s, chanson,
paroles de 1. aaiimont, musigue ée iPaul Bourges
créée par Bourges, à ia Scala.; JoT) sur soik
fumier, scène biblique, de J.. ©umont, musique
d'Edouard Pavesi, jouée mar l'aTa^tBiu', dans les So-
ciétés artistiques. — BépÔt des Giwlofs Rémois, polka
origualc, par Arthur Louis ^Editeur, E. Mennesson,de
Reims).
Vient de papuUre A noti'C lilii'rtirîc nu noiivcnir
Cutulogiic de livres anciens et modernes, rares et
curieux. I%ous enverrons ce cntnlogne franco A toute
personne qui nous en fera In demande par lettre
affranchie.
A IV OS LECTEURS
Nous réservons pour cet hiver des surprises à nos
lecteurs : nous voulons que notre publication soit
sans rivale dans son ganre. Nous préparons aussi
pour nos abonnés de véritables ^;'mes, et cela très-
prochainement.
Iteaucouj» de nos acheteurs au numéro se plai-
gnent de ne pas trouver I..a CII.IRIISO.^ dans leur
fiuarticr ; nous les prions instamment de la réclamer
cheK tons les libraires, marchands do journaux et
dans les kiosc|Hes. Souvent les marchands oublient
de la mettre en étalage, ou les porteurs négligent
d'«n taire le tlépât ; nous recommandons i\ tous ceux
qni slntérossent j\ Bj.l CII.Vi^'SO.^" de la demander
partout et de nous signaler les endroits où l'on au--
rait omis de la déposer.
li.4. C;U.%..^SO.\ doit se trouver partout des le sa-
uiedi matin.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Oie, 6, rue Martel.
160
LA CHANSON
GALERIE DES CHANSONNIERS
Voir la Biographie dans le n° 1.0 de la
prcniièt'c année.
Voir la Biographie dans le n*> 15 de la
première année.
PRIME A NOS ABONNÉS
PREMIÈRE ANNÉE DE LA CHANSON
Un beau volume iii-4'' broché.
Au lieu de 0 francs 3 francs pris dans nos bureaux; par la poste, 3 fr. SO. — Envoyer un mandat-poste au m
de A . PA TA Y (les timbres-poste ne sont pas reçus).
LA CHANSON
est mise en vente le samedi, chez tous les libraires, marchands de journaux et de musique de France.
PRIX DU NUMÉRO : 10 CENTIMES
On demande des courtiers d'abonnements (bonnes remises).
3» ANNEE. — N° 8f.
lO CENTIMES.
3 OCTOBRE 1880
LA CHANSON
Directeur-Gérant.
A. PATAY
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^^Sme auf ""
ta chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HU30.
ECHO DES SOCIETES LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Annonces, la ligne. . . 1
Réclames, — 2
Lachanson,commel3baronnett3
■st une arme française.
J. CLARETIE,
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an. 6 fr.
» six mois o *
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE:
ijoXeric des Chansonnicn : Joscpli Lavergne (L.-IlK\nv Lkitomik). —
Yiv'lajoie cl les pomm'd de terre (Josrpu LiVKncxE). • — Se dèJU-r
des apparences (A. FoirAi:uK). — Folie, |i:irol,-i cl musique de C.
Stkn
— Cka
du
les Dé.
U.„„st).
■ilisniion ,Xoiiis Booei). — Chronique des Concerts , Alvciud Bim-
.t). — Itèuniiin des présidents des Sociétés Lyriques ( ALFnBn
TiNor. l.r. JovBrv, C. STÉxm. M. IiiLiSDB). — Aux Aaleurs et
l'jOiileurs de musique. — Choses et .iulres.
GALERIE DES CHANSONNIERS : JOSEPH LAVERGNE
Joseph Lavergne est
xm parisien pur-sang.
II est né, le 22 janvier
1820, en plein faubourg
Saint-Antoine. Il fré-
«^uenta d'abord l'école
communale;ses parents,
peu fortunés, l'en reti-
rèrent bientùt pour lui
l'aire apprendre un mé-
lier. Il avait alors onze
ans et savait à peine
lire el écrire, mais il prit
son parti avec philoso-
phie et s'écria en fran-
chissant la porte de l'a-
telier : « Bah! je trou-
verai toujours l'occa-
sion d& m'édiiqtier! »
Bien que l'enfant fût
assez grêle, on lui mit
en main la gouge et le
ciseau du tourneur en
bois. Parmi les ouvriers
se trouvaient quelques
vieux goguettiers, qm
chantaient en chœur les
refrains aimés de Pa-
Jiard, de Gouffé, de Dau-
phin et d'Emile De-
braux. Nourri de leurs
couplets militants ou
grivois, le jeune Lavergne accomplissait en chan-
tant les courses que comportait son rôle d'apprenti.
Il restait des heures entières sur la place du Temple
à écouler l'orgue de Bar-
barie, tourné par le cé-
lèbre Baumester, chan-
teur nomade — de père
en fils — depuis 1812. Ce
Baumester qui achetait
aux auteurs, moyen-
nant cinquante centi-
mes par couplet, des
chansons qu'il signait
sans vergogne, mon-
trait avec aplomb aux
badauds qui l'entou-
raient ime pancarte où
rayonnait cette signi-
ficative épigraphe :
En dépit des jaloux, des sols et
[des TiH-chanls,
Le peuple avec plaisir écoute
[encor mes chants.
Grâce à quelques
économies faites sur ses
déjeuners , l'apprenti
tourneur avait conquis
les bonnes grâces du
ménestrel en lui ache-
tant la plupart des ca-
hiers de sa collection.
Muni de ces trésors, il
rentrait en s'écriant avec
ivresse : « Je vais ap-
prendre à lire et à chan-
ter pour deux sous ! »
El cette volonté de savoir était si bien arrêtée,
qu'on le surprenait souvent copiant le répertoire
chantant de Baumester.
162
LA CHANSON
— Puisque tu les aimes tant, iàis-en donc, des
chansons, disaient les loustics de l'atelier.
— ■ Ail ! YOus riez ? répondait le bonhomme, et Lien,
qui sait? j'en ferai peut-èlre un jour, et peut-être
hien aussi que vous les chanterez.
A cette époque, les Sociétés lyriques, dites (jo-
giiettes, tlorissaient à Paris. Lavergnc se mit à les
fréquenter assidûment. Stimulé par les applaiidisse-
ments qui accueillaient les chansons de Charles
Gille, Festeau, Voitelain, Basière, Gustave Leroy et
Dalès aine, il commença à rimer quelques couplets
informes. Les premiers qui furent imprimés sous
son nom, parurent dans un recueil collectif, inti-
tulé : Les Enfants du Vaudeville, et auquel colla-
boraient Sailer, Rabineau, Imbert, Ponsard, Gol-
mance, Eugène Simon, Supernant et Alexandre
Guérin. On y trouve , entre autres chansons de La-
vorgne, YExemple de nos devanciers, dont nous cite-
rons ce couplet :
Maître Adam, ce roi des bons drilles,
Chantait, travaillait tour à tour.
Quand un jour, grâce à ses Chevilles,
On le fit mander à la Cour,
Mais, refusant tout apanage.
Au Louvre il préféra Nevers ;
A cet homme rendons hommage
Car il ne vendit pas ses vers.
Pour bien faire
Et pour savoir plaire.
Suivons tous, jeunes chansonniers.
L'exemple de nos devanciers.
Le bagage poétique de Lavergne se grossit rapide-
ment. En 1B36, il en composait un premier volume
■sous ce titre : La, Muse Plébéienne. Il reçut, au sujet
de cette publication, nombre d'appréciations flat-
teuses, parmi lesquelles une lettre de Bér-an^r se
terminant par cette phrase tout aimable :
Courage, Monsieur, chantez et pensez quelquefois à
ceux qui sont trop vieux pour chanter encore.
Lavergne a publié, depuis, quatre autres volumes
de « La Muse Pléhéuenne. » En 1872, il rasse8iatolla,sous
le titre moins prétentieux de Mes fiîlet, ses clhaB-
sons anciennes et nouvelles, qui composcmit tm. he\
in-12 de quatre cents pages.
Les plus remarquables sont évidemmenit ioelîies*«i
..Lavergne traite des sujets vulgaires ou ;giriT(»i-s.
Allons-y //aiment. Tant va la cruche à l'eau, Contm-
tons-nous d'un à peu près. Encore un pavillon, iSms
qu'est mon fusil? Je n' suis pas exigeant, Reste gareom,.
Poires cuites au four, Je m' fais vieux, et quantité de
ses chansons-proverbes, pétillent de verve, de bon
sens et de gaité franche. On rencontre bien, dans
son recueil, quelques œuvres d'un ordre plus élevé,
comme les Fous, l' Enterrement de Béranger, le Retour
des fleurs, mais, à dire vrai, l'auteur manque de ly.
risme.; il le reconnaît lui-même en se tenant d'ha-
bitude à la chanson populaire, patoisée, voir même
argotique.
Lavergne a, dans ce dernier genre, commis, en
cent quatre couplets, une parodie des Misérables. Il
eu adressa jadis un exemplaire à Viclor Hugo, avec
cette lettre éiaïue :
Maître.
Je prends 1.» liberté die vous adresser un exemplaire
de ma parodie sur les Misérables. Votre génie me par-
donnera sans doute cette petite espièglerie, en pensant
qu'il y a des petits oiseaux qui piétinnent au sommet
des cathédrales, sans avoir l'intention d'offenser Dieu...
Le grand poète répondit :
Je reçois, Monsieur, votre spirituel et charmant
envoi.
La masure, toute sombre qu'elle est, n'a aucune colère
contre le gentil gazouillement du moineau franc.
Je vous applaudis et vous remercie.
Victor Hugo.
On trouve, dans les œuvres de Joseph Lavergne,
beaucoup de chansons intimes ou d'à-propos ; c'est
que le démon du théâtre s'était emparé du couple-
tier, lui rendant presque impossible la fréquenta-
tion des Sociétés Ij^riques, oii des sujets plus géné-
raux eussent provoqué sa muse.
Après avoir fait partie de diverses troupes noma-
des, Lavergne était venu frapper à la porte de l'Am-
bigu-Gomique; il y resta vingt-cinq ans, jouant, avec
autant de tact que de zèle, nombre de rôles insigni-
fiants par eux-mêmes, mais importa-ats au point de
vue de l'ensemble. De plus, Lavergne célébrait en
vers tous les centenaires de pièces à succès. Les au-
teurs dramatiques l'appréciaient à sa juste valeui-,
témoin cette dédicace écrite par Paul Meurioe, sur
un exemplaire du jMaître d'école :
A mon confrère M. Lavergne, à qui j'ai rendu un très
■mauvais rôîe pour ses excellents vers.
Et cette autre, d'un vrai poèl<e dont nous évoqu«-
roBS bientôt le souvenir sympathique '.
A Laisrergne, acteur des jjlus utiles pour les direc-
teurs et les auteurs, et mon joyeux collègue en chan-
sons.
Remerciements.
EdOiUARD Pijouvieb.
De jMPdls témoignages consolent un homme du
eaeuirde me pas cueillir ime branche fleurie à l'arbre
•du suMseès.
ApiPès la guerre, Lavergne s'est retiré à Malakof-
Vïinv^s, «à la nostalgie des planches lui a fait
«soiiistffuiKe une petite salle, baptisée Théâtre dis In-
<««»<?^.Iiâi, jouant presque toujours pour de bonnes
œavres, il se dédommage des nombreuses panes
doaiton le gratifia jadis em se distribuant des pre-
miers rôles.
Disons en terminant que, depuis trois ans, La-
vergne est conseiller munioiiial de sa commune; il
est, de plus, membre de la commission locale du
travail des enfants pour le canton de Villejuif, —
fonctions essentiellement gratuites.
On voit que n«tre cha isonnier termine diïne-
i ment sa carrière.
'L.-HENRT LeGOMTH.
LA CHANSON
163
VIT LÀ JOIE ET LES POM'S DE TERRE
Air : Car l'eau cowle pour tout la monde
Moi, philosophe chansonnier,
Bien loin d'avoir l'humeur morose,
Bans mon humble et triste grenier
J'entrevois tout couleur de rose;
De Momus joyeux nourrisson,
Afin d'oublier la misère,
Dès le matin comme un pinson,
J'entonne une folle chanson :
Viv' la joie et les pomm's de terre !
Loin d'envier le sort des grands,
Je vis heureux à ma manière,
Entouré de nombreux enfants
Et d'une aimable ménagère ;
Car, loin d'engendrer les soucis,
Les six marmots dont je suis père
Transforment mon paavTe taudis
En un bienheureux paradis.
Viv' la joie et les pomm's de terre!
Vra. ne peut faire de repas
Que ce que contient notre ventre,
<Jar les écus ne donnent pas
Une bedaine comme un antre ;
Donc on se porte beaucoup mieux
En mangeant le strict nécessaire,
Que d'engloutir à prix coûteux.
Poulardes, truffes et vins vieux.
Viv' la joie et les pomm's de terre !
Je n'ai pas consulté souvent
Le thermomètre de ma bourse,
Pour faire un adroit placement
Sur les fonds cotés à la Bourse;
(Jue de gros intérêts promis
Par Mirés, Rothschild ou Pôroiro
Soient un leurre pour les admis.
Je ne suis jamais compromis.
Viv' lajoie et les pommes de terre!
Que de gens font de leur vivant,
A grand frais de marbre ou de pierre.
Elever un beau monument
Pour s'étendre à l'heure dernière ;
Peu m'importe de savoir où
Le sort voudra que l'on m'enterre ;
Je suis certain que sans un sou
Comme un autre j'aurai mon trou.
Viv' lajoie et les pomm's de terre!
Joseph L.4.vergne,
QUATORZIEME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 septembre au 20 octobre.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le 1"' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
SE DEFIER DES APPARENCES
Air de V Apothicaire.
La fable des bâtons flottants
De notre excellent La Fontaine
Peut s'appliquer à tous instants,
Et ce n'est point une rengaine.
Entre la rime et la raison
Il existe des dissemblances ;
Je prends pour sujet de chanson :
« Défions-nous des apparences ! »
Le Parnasse contemporain
En rimes riches surabonde ;
Mais vous y chercheriez en vain
Ce qui peut charmer tout le monde.
De la clarté, de la gaité,
(Jn peut constater les absences;
Je vous le dis, en vérité :
Délions-nous des apparences !
Le soleil jiaraissait tourner
Autrefois autour de la terre;
Galilée a su deviner
Que c'était juste le contraire.
Rien n'est absolu dans les arls.
Dans les lettres, dans les sciences;
Enfants, adultes et vieillards,
DéQons-uous des apparences!
Que de femmes sur le retour
Jamais ne renoncent à plaii'e !
Pour elles, de tout temps, l'amour
De la vie est la grande affaire.
D"ua corsage rond et bien fait
On admire les opulences ;
Mais au coucher tout disparaît :
Délions-nous des apparences!
Taillé comme un tambour major,
La moustache en croc, l'air sévère,
(Jn dirait que ce matador
A fait trembler toute la terre.
Une frêle femme a raison
Des ses slupides arrogances;
Seule elle règne à la maison :
Défions-nous des apparences!
J'ai si bien chanté ma chanson, .
Ce qui n'étonnera personne.
Que vous allez à l'unisson
Me décerner une couronne.
Pourtant, je dois vous avertir
Que vaines sont vos espérances ;
Ne vous hâtez pas d'applaudir :
Défiez-vous des apparences !
A. FOUACHE,
Membre du Caveau*
'%^îcnt (Se parnHre ït notro lï&rairîo un nouveau
CataBogHo <2o iivi'C.s anocicns et luoderacs, rares et.
curieux, i^'ous eElveE'ron.s ce catalogue franco à tonte
personne qui nous en fera la demande pan- lettre»
affranchie.
164
LA CHANSON
F-OLIE!
Paroles et musique de C. Sténio.
oel.le là - ba
0 doux regard, ô doux sourire,
O chères larmes de ses yeux,
Eu vous perdant dans mon dtlire
J'amuse l'enfer et les deux.
Pour te q;uitter sans l'espérance
De te revoir un jour prochain
Rends moins anière ma souflïanco
Viens sur mon cœur poser ta main.
Quand la douleur et la folie
Auront détruit tout souvenir
Alors, alors, si tu m'oublie.
De mes regrets je veux mourir
CHANSON DU JOUR
LES DÉMISSIONS
chantée par l'AUTEUll, dans les sociétés ai-lisli.]UL-s.
Air: Ne le dites pas (J. P. Christmann *)
Démission, chose commode,
■Qui nous arrive train-express ;
Moyen que ïhiers mit à la mode,
Nouvelle arme de Damoclès.
Veut-on d'un homme de mérite
Contrecarrer l'amhition ?
Impossible : Obéissez vite ) , .
Ou gare à la démission ! )
Un ouvrier a, plein de flamme,
Epousé sa chère Sili:
« Tu le promets, petite femme,
« Il me faut un bébé joli. »
Mais par deux et trois, chaque année,
Il voit sa reproduction:
« Ah ! » dit-il : « quelle destinée
« Je donne nia démission! »
Ms
Un ancien beau, vainqueur ès-charmes.
Voulait faire encore le gommeux :
« Non, moi, jamais poser mes armes., »
Bégayait le pauvre quinteux.
Une Lais impitoyable
Se chargea du triste lion
El bientôt il portait au diable )
Sa tardive démission !
Ms
Marié, dame ! il faut, de force,
Tout supporter de sa moitié ;
Pourtant d'ici peu le divorce
Des conjoints va prendre pitié.
L'épouse d'un mari volage
Dira; Mon vieux, attention...
Mais l'époax, las de son servage, ) , .
Donnera sa démission! )
C'est drôle, amis, la politique !
Hier, vous n'aviez rien de rien.
Tout à coup la faveur publique
Vous fait homme d'Etat, c'est bien !
A ton service, bonne mère.
S'arrondit la position
Qui permet, un jour de colère, ) , .
De donner sa démission ! )
Jules Dumont.
TREIZIÈME CON COURS MENSUEL DE LA CHANSON
LA CIVILISATION
HiCKre «riin sauvage A un Européen.
■*) Se trou
Leiioir. 138.
it, auteur-étUleur, bouic
Am: Marchande de marée.
Lorsque sur nos rivages
Vos vaisseaux sont venus.
Nous étions des sauvages
Aux costumes tout... nus.
LA CHANSON
165
Mais aujourd'hui de toile
Nous sommes étoiles,
El de tuyaux de poêle
Vous nous voyez coiffés,
Vieille Europe,
Philanthrope
Pour d'excellentes raisons.
Notre race
Suit ta trace
Et nous nous civilisons.
Nous buvions de l'eau claire
Puisée à plein baquet;
A présent, pour vous plaire,
Nous lampons du whiskey,
Partageant vos principes,"
Nous goûtons vos poisons,
Nous culottons des pipes
Nous chiquons, nous prisons.
Vieille Europe, etc.
Autrefois, sans querelles
Nos ramilles vivaient.
En partageant entre elles
Le l'eu qu'elles avaient
Quels progrès sont les nôtres !
Admirez nos succès :
Maintenant comme d'autres,
Nous avons nos procès.
Vieille Europe, etc.
Notre peuple, naguère.
Etait par trop grossier,
Car ses armes de guerre
N'étaient pas en acier.
La poudre enfin commence
Notre ère de progrès ;
Quel changement inunense !...
On se bat de moins près.
Vieille Europe, etc
Longlcmps i)o\u' nous, stupides.
Le Ter lui uu trésor;
Mais nus progrès rapides
Nous l'ont préférer l'or.
Pour ce bien magnifique
Notre tribu se vend ;
De tout elle trafique
Tout comme vous souvent.
Vieille Europe, etc.
Jadis, notre peuplade,
Ignare au plus liaut point,
Ayant l'esprit malade.
De Dieu ne doutait point.
Mais la nature entière
Maintenant, Dieu merci 1
N'est pour nous que matière
Nous marchons, nous aussi !
Vieille Europe,
Philanthrope
Pour d'excellentes raisons,
Notre race.
Suit ta trace
Et nous nous civilisons.
Louis Bogey,
de Genève.
CHRONIQUE DES CONCERTS
xrx" Siècle. — Samedi dernier, Debailleul a créé
avec beaucoup de succès, les Petites mains de ma mie,
paroles de M. Jules Jouy, musique de M. Paul Hen-
rion. Nous rappelons à nos lecteurs que cette char-
mante chansonnette est en vente, paroles et musique,
aux bureaux de la Chaiisqn; elle se trouve également
chez tous les libraires marchands de musique et
éditeurs. Ouvrard a obtenu un immense succès dans
Ladent de sagesse, et Vitriol. MmeRiquet-Lemonnier
s'est fait rappeler plusieurs fois dans V Amoureux de
poulette et dans la Chanson du Colonel, de la Femme
à papa.
Chez une petite dame, la comédie qui termine la
représentation, a été enlevée dans la perfection par
M. Battaille, Mmes Gabrielle Delassau et Berthe
d'Astand.
***
Alcazar d'Hiver. — Le succès de la Grève des
femmes, l'originale opérette où M. Reyar est si amu-
sant, est encore loin d'être terminé. Malgré cela, l'in-
telligent directeur, M. Morainville, qui trouve
qu'abondance de pièces ne nuit jamais vient do
faire mettre en répétition une nouvelle opérette de
M. FirmiQ Bernicat, titre : Marmitons et Poissarde.
Nous sommes presque certains que celte pièce, dont
on dit beaucoup de bien, tiendra l'affiche jusqu'à la
revue de fin d'année, qui a été commandée àM. A. Lo-
monnier. Mlle Jcniny Mille, la célèbre danseuse an-
glaise est toujours l'idole du public, qui lui fait
chaque soir une grande ovation. Mmes Zélie Veill,
Elise Faure, MM. Libcrt, Arnaud et Reyard, ob-
tiennent aussi un grand succès.
***
Folies-Saint-Martin. — Les célèbres véloeipé-
disles aériens dont nous avons parlé dernièrement
exécutent les tours les plus surprenants sur une
corde tendue d'un bout à l'autre de la salle, à la
grande joie des spectateurs, qui leur prodiguent de
nombreux applaudissements. La charmante com-
tesse X...., qui chante masquée est très sympathique
au public, qui la rappelle plusieurs fois dans le cou-
rant de la soirée. Pissarello qui est fêté comme par
le passé, ajoute chaque soir de nouvelles acrobaties
à ses grandes scènes comiques. MM. Bienfait, Kelm,
Denneville, Dharville ; Mmes 'Worton, Rivoire, Djelma,
Hémar et Désirées sont aussi dans les bonnes grâces
des spectateurs.
M. Alberti, du Théâtre de la Monnaie, de Bruxelles,
est im artiste de mérite qui, chaque semaine se fait
apprécier dans de nouveaux rôles.
***
Grand Concert Parisien. — Le petit Norbert, qui
a fait sa rentrée il y a une quinzaine obtient un im-
mense succès dans les bonnes chansonnettes qu'il a
créées l'hiver dernier à l'Alcazar, et cet été, aux
Ambassadeurs.
166
LA CHANSON
L'éloge de M. Pacra n'est plus à faire; depuis .long-
temps, le S'iicscès le compte au nombre de ses favoris ;
aussi dès son entrée en scène, il est acclamé par
toute la salle. MM. Brunin, Teste, Réval et Mey con-
tinuent à se faire applaudir à outrance, sans oublier
Mmes Demay, Dubrée, Petit, Fabre et Satler, qui
partagent les faveurs du public, avec les artistes
nommés plus haut.
Les vaudevilles qui sont toujours bien choisis font
grand plaisir.
***
SCAi.i. — Mil. Aristide Bruant et Breton, qui fai-
saient leurs 28 jours, sont rentrés le premier octobre.
Avec MM. Chaillier, Derame, Bourges, Picbat, Brunel,
Paul Bert, Bérod; Mmes Graindor, Palry, Marguerita,
Aimée, Liovent Heiizé, Blockette et Domergue, la
troupe sera au grand complet.
Plusieurs auditions ont été données cette semaine
par de nouveaux artistes.
Dès que nous en saurons le résultat, nous le ferons
connaître.
On répète en ce raoraent Mandarinette, opérette en
un acte, de M. Pétrus Karl, un de nos confrères de
la presse parisienne.
Alfred Bertixot.
Tous les soirs au concert de la Pépinière, d, rue de
la Pépinière, près la gare Si-Lazare : comédies, vau-
devilles, opérettes; scènes comiques, intermèdes et
chansonnettes. La salle est des plus coquettes,
MM. Dutilly et Royer, les nouveaux directeurs, ont
bien fait les choses; non seulement leur installation
'CSt irréprochable, mais la troupe est des mieux com-
posées. Emile Duralour en est le régisseur et F. Bar-
bier le chef d'orchestre (c'est tout dire). Débuts de
M. Caudieux, de Mlle Alphonsine et Juliette, chan-
teuses comiques, et du petit prodige Eugène Langé,
qui chaque soir exôeulera des airs variés sur la
trompe de cbasse.
Au moment de mettre sous presse, MM. Nicolle
et C°, directeurs du concert des Folies-Saint-Martiïi,
nous informent que, pour le mardi 12 octobre, ils
organisent une représentation 'extraordinaire, au
profit des familleo des malheureuse 3 victimes de la
•catastrophe du Boulevard Rochechouart.
Avec l'autorisation de Mme Roisin, directrice de la
SCALA, M. Bourges viendra chanter deux chanson-
nettes de son répertoire.
Le concours de Mlle Rousseil, de MM. Taillade,
Noaillos, de l'Odéon, Menstein, du Vaudeville,
Michot, Pacra et Joseph Kelm est presque assuré.
• Nous félieilons sincèrement MM. Nicolle et G° de
leur généreuse initiative.
A. B.
RÉUN!0?5 DES PRÉS10EΫTS DES SOCIÉTÉS
* LYRIQUES DE PARIS
La réunion a eu lieu comme nous l'avions an-
noncé salle Orange, 11, place de la République, à
2 heures ; plus de 40 sociétés étaient représentées par
leurs présidents ou leurs vice-présidents. Voici la
liste des sociétés présentes :
Las Amis de laija'ité., les Amis inséparables, les Amis
du travail, l'Alliance de BelleviUe, les Bébés, le Cercle
ariistique du J/.r« arrondissement, le Cercle Musset,
le Cercle des volontaires, la Clémence Isaure, la Cour
des miracles, les Enfants de la'Belgiqne, le Franc-Rire,
les Enfants de la gaîté (de Montmartre), les Enfants
de la lyre, les Enfants du nord, les Enfants de la Seine,
les Épicuriens, l'Escholière, la Française, les Gais
Momusieas, la Qaîté hellevilloise, la Oa1té parisienne,
lesJoyeux du pont de Flandre, la Lyre amicale, la Lyre
de lagaité, la Lyre des travailleurs, le Lac St-Fargean,
la Muse des Arts et Métiers, la Xationale, la Pensée,
le Pinson, l'Union française, l'Union parisienne, la
Lyre bellevilloise, la Lyre joyeuse, la Lyre méridionale,
la Cordiale, les Chevaliers de lagaité, les Amis réunis.
En y joignant r^lï^îàir <?M XVII' arrond'issernent, le
Cercle universel, l'Echo des concerts, la Fauvette, qui
étaient présents à la réunion précédente, ou aura le
nombre des sociétés qui ont répondu à l'appel du
premier comité, pour savoir si les sociétés lyriques
de Paris voulaient continuer les concours. Sur l'ap-
probation des sociétés présentes il a été procédé, par
bulletin de vote, à la formation d'un nouveau comité,
nommé pour un an. Ont été élus : MM. Durieu, du
Cercle Musset, Massé, des Ejiictiriens, Gantarel, des
Enfants de la Se'ine, Dupont, de la Lyre ariûcale,
Lestivant, de la Muse gauloise, Lbboux, des Oais
Momusiéns, Herrmann, du Cercle artistiqice du
XIX° arrondissement, Gouget, de l'Escholière, Gan-
DiONE, de la Lyre des travailleurs, Jequin, des Enfants
du Franc-Rire, Renoult, des A-mis inséparables,
Francfort, des Enfants de la gaîté, Léo Tostain,
de r Union jjarisienne, Philippe, de la Pensée, Aobert,
du Papillon, Rutter, de l'Union française, MM. Dbla-
PORTE, chevalier de la Légion d'honneur, Orange,
propriétaire de la salle des Folies-Parisiennes, et
A. Patay, directeur du journal la Ghanson. Tous trois
aj'ant fait partie du comité initiateur, ont été acclamés
membre de ce nouveau comité, qui se trouve com-
posé de dix-neuf membres.
Sur la proposition de M. A. Patay, directeur de la
Chanson, ilaétéaécidéqu'un premier banquet, eo;n-
posédeprésidcntselde vices-présidents des Sociétés
lyriques,aurait lieu très prochaineurent. Nous croyons
pouvoir dès aujourd'hui fixer la date au dimanche 17
octobre, à une heure très précise. On peut dès à pré-
sent envoyer sonadhésion chez M. Orange, 11, place
de la Républic|;ue et au bureau du journal la Chan-
son, 18, rue Bonaparte. Une lettre d'invitation sera
envoyée à MM. les présidents, avec prière de la com-
communiquerà leurs vices-présidents. (Nous prions
MM. LES PRÉSIDENTS DES SOCIÉTÉS LYRIQUES DE CON-
SIDÉRER COMME PERSONNEL CET APPEL A TOUS).
Nous voudrions voir assister a nos banquets tous les
présidents et vices-présidents ayant adhéré ou non
à l'idée des concours, ce banquet qui pourra se re-
nouveler à des époques déterminées, hâterait assu-
rément la création du Cercle des Sociétés lyriques.
LA CHANSON
167
Pour terminer, M. Orange a fait connaître à l'as-
semblée qu'il avait l'intention d'offrir à toutes les
-Sociétés lyriques de Paris un grand bal dans sa salle
des Folies Varisieuues, 2;i, faubourg du Temple.
Cette fêle, nous en avons la certitude, sera su-
perbe. Allons, mesdames et mesdemoiselles, apprêtez
vos toilettes de bal.
CHRO?J!ÎJUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
L'Association littéraire et musicale a donné sa sei-
zième grande soirée dimancbe dernier, dans la salle
de son siège social, 37, Passage do l'Elysée des
Beaux- Arts .place Pigalle'. Avant d'aller plus loin,
nous constaterons que cette Société difl'ère, sous tous
les rapiiorts, de la majeure partie des réunions
artistiques et des sr)Ciétês lyriques. Les pièces qui
tiennent la plus grande partie du programme sont
distribuées au connuencemenl de l'aimée, ce qui
permet aux artistes de bien apprendre leurs rôles, et
de faire les répétitions nécessaires à la bonne exé-
cution. Il est tait de même pour les intermèdes de
chant. Aussi, à pari qui'lques fautes imperceptibles
(bien i)ardouualiles puiu' dos amateurs , nous pou-
vons allirmer ([ue les pc^rsounes qui se sont l'ait en-
tendre se sont tirées de leurs chansonnettes el de
leurs rùles, tout aussi liien que di's artistes exercés.
M. Amal)le, un fin diseur, a détaillé avec un goût
exquis Ma femme est en, voi/aye. Chapeau rose et fin
Mollet iii Y'a rien d'dans. M. Xoir, uu bon baryton, a
chanté dans la perfection Le plus heureux de la terre,
'Jean-Bart, (U uu morceau de Si j'étais Roi.
Mlle Maria a obtenu un grand succès cUms Parmi
tant d'amoureux, des Noces de Jeannette, et dans la
Cavttti/ie du paffe, des Huguenots. Mlle Fauré a
obtenu également beaucoup de succès dans y-'ai7ei'-
lui mes aveux, de Faust, et dans les Couplets de
Qerm.aUie, des Cloches de Corneville. Nous adressons
toutes nos l'élicit^itions à Mlle L..1)., qui louche du
piano on artiste consummée, et à qui les invités ont
fait une grande o\-atiou. M. (^audieux, de la Pépi-
nière, a chanté la Cuisiuière à Papa, avec un grand
succès ; dans Victor t'as tort 1 l'excellent artiste a
communiqué son rire à toute la salle. Une bonne
note aussi à M. fJével, pour ses deux chansonnettes:
la Femme à l'aj.a et Ah ! Jeannette ! La Consii/ne est
de ratifier, \'aucleville en uu acte, a été parfaitement
joué par Mlle Valérie, MM. Auial)le et Lienion. Il en
a été de même de la Dole fatale, comédie en iui acte,
interprétée par Mlle Jeaaiie D. et M. Collin.
Pour teriuiner, un mot sur la salle qui est avec
sa ga'erie, s(^s loges et .ses fauteuils, un véritable
petit théâtre miniature.
.\L1'UED BeBTINOT.
Dimanche 26 septembre, l'Union /"amie»»* donnait
sa séance de réouverture rue Saint Victor, Ik, en
face la rue d'Arras (coté gauche Oe la rue des Écoles),
maison Vodable.
La salle peuspacieu.se contient cependant 100 per-
sonnes aisément, et la disposition des chaises et des
tables otfre une commodité qu'on ne trouve pas
partout,
A boit heures et demie la séance s'ouvrait par une
allocution du président, Léo Tostain, dans laquelle
il a chaudement remercié tous les membres de la
société qui sont restés unis et pleins de dévoue-
ment et de zèle pendant la période de leur change-
ment de salle.
Depuis quinze ans que je fréquente les goguettes
et les sociétés lyriques, j'alïirme que jamais je n'ai
assisté à une soirée aussi agréable. — Je me conten-
terai donc de citer les noms des artistes et amateurs
qui d'ailleurs serontplus éloquentsque jene pourrais
l'être, et ajoutons que pas un n'a été même faible.
Honneur aux dames, chacune en son genre a riva-
lisé de verve et d'entrain. Mesdames Karl, Adèle, Des-
fossez. Mesdemoiselles Aline Marpon, Marie Fournier,
puis une jeune bile qui a divinement chanté : Je
suis gourmande.
Le côté des hommes est plus abondant.
Monsieur Guiche dans : Devant l'objectif, acquiert
l'habitude de la scène cl détaille avec talent même
ce charmant rondeau. MM. Edmond Vallé, Quélin,
Léo, Durdan, Letirand, président de la Lyre de la
Gaité, Gougct, président de l'Escholière, Charles
Goullieux, de la Lyre bienfaisante, Desfossez père el
fils ont été fort applaudis, surtout le premier comme
auteur.
N'oublions pas un jeune homme de la Folie Fran-
çaise, dont j'ignore le nom. — Puis enfin le bouquet,
MM. Moumoute, Karl et Adrien Souchet.
Tous nos compliments seraient superllus et je ne
trouve pas d'expression pour qualifier ce triumvirat,
après eux on peut tirer l'échelle.
Bref la >oirce n'a été qu'un long éclat de rire. Le
pianiste M. Emile V., a droit aussi à toutes nos féli-
citations, il a beaucoup de talent et tous les artistes
en étaient satisl'ails, ce qui t-e rencontre peu souvent;
il a exécuté plusieurs morceaux de son répertoire
parmi lesquels la Marche Indienne qui a été fort
applaudie.
On s'est quitté vers minuit après le tirage d'une
tombola, et tout le monde s'est donné rendez-vous
pour les jeudis et dimanches, jours de réunion de
cette société.
L. Joyeuse.
On a bien ri, dimanche, à la soirée hebdomadaire-
donnée par la Société dramatique de récréation. 30, rue
Fahert, avec un Scandale et les Deux Beautés d'autre-
fois. S])ectarle sur la scène, spectacle dans la salle,
le public ne sachant plus auquel donner la préfé-
rence et d'oLi soullail le vent de l'hilarité, a pris le
parti de se tenir les côtes... On poulfail littéralement
devant l'exenlrique bouH'onnerie les Deux Bemités
d'autrefois, à laquelle MM. Sel el Pochet i)rètaieut
leur naturel et leur désopilante désinvolture.
S"il se trouvait un hypocondriaque dans la salle, il
doit, à l'heure présente, être guéri radicalement.
Concert-intermède très soigné, beaucoup de chant,
de chansons el de chansonnettes par des sociétaires
dont les noms nous échappent. M. Pocbel, fin et
original comme toujours dans Psit, psit, et Je-
n'.pourrai jamais. M. Fournaux, en gavroche dans sa
chanson C'est Papa qui n-'a fait comm' ça; puis M.
Pépin dans le Frère dune Mosière. nous en passons
et des meilleurs. La jwésie de M. François Coppée,.
les Naufragés, a été interprétée avec un talent réel
par M. Bousanquet.
M. Rémy, que nous ne voulons pas gâter par des
éloges exagérés, mérite pourtant une mention pour
Texpression avec laquelle il a détaillé de sa belle
voix le duo de la Favorite, Léonor, pourquoi triste-
ment baisser les yeux.
Enfin, toutes nos félicilations à l'accompagnateur
de la Société, M. Lamarse, pour qui l'art de l'accom-
pagnement n'est qu'un jeu d'enfant.
G. SlÉNEO.
La soirée de mardi au Cercle Gaulois a eu tout
l'éclat des précédentes. Le programme était, comme
toujours, des plus variés. Citons au hasard : Une
168
LA CHANSON
scène du Démocrite de Regnard, interprétée d'une
façon remarquable par M. Christian et Mlle Karly.
Puis, « la G'iijaU chez les fourmis » enlevée avec brio
par toute la iroupe, et « C'était Gertrude! » un vaude-
ville dans lequel M. Quélin a déployé de sérieuses
qualités de comédien.
N'oublions pas Madame Kild qui a su se faire ap-
plaudir dans une opérette de Planquette. Outre ses
qualités de chanteuse, Mme Rita possède un joli pro-
lil de camée, ce qui ne gâte rien.
Un incident : Apprenant que le président des
« Hydrapalhes » se trouvait dans la salle, le public
lui a demandé des vers de sa façon. M. Goudeau a
dit ;< la ReDaiiche des hêtes » qui lui a valu l'ovation
accoutumée. M. Irlande.
A la Lyre Amicale, présidée par M. Dupont, 6, bou-
levard de Sébastopol, toujours aftluence de monde,
malgré la belle saison. Nous avons entendu, diman-
che passé, M. Fernand L., qui chante les Myrthes
sout flétris ei la £arqtie votée, Ivôs bien; Mlle Laure
chante avec goût : C'est sijieu de chose ; M. Levasnier
obtient toujours un succès fou dans : Je suis triste;
Mlle Joséphine chante avec aplomb Histoire de
^oJmwum, sur un air de pont neuf ; Jean Bart a été
chanté par M. Pfeitiér, avec une bonne voix. Mon
heauPriiitemps, que nous publierons prochainement,
paroles et musique, a été bien chanté par M. For-
tunat Lévi, l'auteur et le compositeur. M. Dupont a
chanté le Jus de la Treille, et M. Mathias, Jons
vu Paris, Chatterton, mourrunt, a été dit de façon
lugubre par M. G. qui, en revanche, a dit h Hanne-
ton, avec une grande monotonie.
\\\\ AUTEMS ET COMPOSITEURS DE MUSIQUE
Nous recevons depuis longtemps de nombreuses
lettres nous priant de vouloir bien nous charger
d'éditer, jjoîw le compte des auteurs, soit en grand
format piano, soit en petit format guitare ou même
en cahier populaire.
Nous cédons aux demandes qui nous ont été faites
en mettant à la disposition des auteurs nos relations
-commerciales. Nous répondrons à toute demande de
renseignements à laquelle sera joint un timbre-
poste. "Nous prions nos correspondants, pour sim-
plifier notre travail, de nous dire clairement l'édition
qu'ils désirent, grand format piano, avec ou sans
gravure; iietit format guitare avec ou sans gravure.
Nous préparons pour paraître très prochainement
des cahiers de chansons à 10 centimes. Nous prions
les auteurs qui voudraient y collaborer de nous
envoyer des chansons à bref délaipour être soumises
au comité d'examen. Les auteurs seront avertis de
celles qui seront reçues pour être publiées aux con-
ditions suivantes : envoyer le montant de cent exem-
plaires qu'ils recevront aussitôt parus (soit dix francs).
C'est de la publicité gratuite, puisque l'auteur est
remboursé intégralement en exemplaires. Ces ca-
hiers sont appelés, croyons-nous, àun grand tirage.
Chaque livraison renfermera une chanson à succès
connue, une chanson avec musir/ue, trois ou quatre
chansons inédites, et le portrait d'un chansonnier ou
compositeur populaire.
Nous nous chargeons également de la publication
de volumes ou brochures pour le compte des auteurs,
quel que soit le genre de l'œuvre, après lecture bien
entendu.
CHOSES & AUTRES
La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique, fera sa répartition le o octobre pro-
chain. Elle se montera à 123,000 Ir.
La répartition de l'année dernière à pareille épo-
que, n'était que de I1<i,000 fr.
La comparaison entre ces deux chiffres, est un
éloge pour la nouvelle administration de la Société.
Vas-y, Zéoti Ha, scie destinée à remplacer Tiens, wilà
Mathieu, vient de paraître, chez M. Tralin, éditeur,
5, rue du Croissant.
Les petites Mains de ma Mie, paroles de Jules Jouy,
musique de Paul Henrion, le dernier grand succès
de Debailleuil au XIX" siècle, vient de paraître chez
A. Patay, éditeur, 18, rue Bonaparte, au bureau du
journal la Chanson.
M. Karl Grun, président du Caveau Vervietois
(Belgique), vient de faire paraître La Franchimon-
TOISE, chant gymnastique, magaiflquo édition, im-
primée or et couleurs. Celle édition contient deux
musiques différentes pour le même chant, une de
M. A. Demoulin, l'autre de M. Hermann. Nous publi-
rons très prochainement une chanson de M. Karl
Grùn, extraite de son volume, dont nous avons parlé
à nos lecteurs lors de son apparition.
Notre collaborateur, J. B. Gonon, vient de faire
paraître, à Saint-Étienne, le deuxième cahier de la
Lyre Forézienne, en collaboration avec MM. Rémy
Doutre, Jacques Vacher et J. Silbert. Prix: 10 centi-
mes le cahier.
Pour paraître le 2 octobre prochain, la Flûte en-
chantée, revue littéraire et artistique du nord-est,
paraissant le samedi à Reims, rue Cérès 17. Rédac-
teur en chef, Raphaël. — Abonnements : un an, G fr.
La cinquième édition des Chansons de Paul Avenel
paraîtra le b octobre prochain, chez Marpon et Flam-
marion, éditeurs, 10, boulevard des Italiens.
Ce volume est accompagné du fac simile d'une
lettre de Victor Hugo à l'auteur, et de plusieurs por-
traits, gravés par M. Guillaumot fils. Parmi ces por-
traits nous signalerons celui de Martin -Bidauré, qui
jusqu'à présent n'avait jamais été publié, les autres
sont ceux de Barbes, Baudin, Victor Noir et celui de
l'auteur.
La Voie de l'Avenir
ù Evreux (Ein'c).
CONCOURS DE 1880.
Le Concours annuel de Prose et de Poésie est ou-
vert. Tous les littérateurs sont invités à y prendre
part.
Poésie .
1°' prix : médaille de vermeil; 2° prix : médaille
d'argent; 3° prix: médaille de bronze argenté;
/i° prix : médaille de bronze ; o= prix : un abonnement
d'tm an à, La Voie de l'Avenir; o accessils (consistant
en livres offerts par les auteurs) ; b mentions très-
honorables; b mentions honorables.
Prose.
Prix unique. — Palmes d'argent, b accessits, b men-
tions très honorables, b mentions honorables.
Les différentes pièces de poésie envoyées par
chaque auteur ne devront pas dépasser 100 vers.
Les pièces de prose ne devront pas dépasser
10 lignes.
Les sujets sont laissés au choix des concurrents.
Le seul droit de concours à verser est de b francs.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY..
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
3= ANNEE.
N» 82.
lO CENTIMES.
10 OCTOBRE 1880
LA CHANS
Directeiir-Qérant .
A. PATAY
La chanson est une forme allée st
charmante de la pensée. Le couplet
est te gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de Id Bédaction
MAXIME GUY
Annonces, la ligne. .
Réclames, —
Lstcbanson, commelabatonnetta
est une arme kançaisg.
1. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an 8 •
Galerie municalc ; Ih'n-Tayoux (L.-IIf.niiï Liicouth). -
Cai'oan (Chiui.ks Monski.i!t). — Laissez la femme
(ÉnorAiiD UiPAiir.T). — Jeanne est grise, paroles tl
musique (le Brn-Tayoi;x. — Vive le Printemps (Ciia
SOMM
La Clef du
à la maison
AIRE :
•S Rendez
(EL..fe^K U
Chronique
-vous (Octave Lbdesguk). — Banquet du Cmeaa
brrt). — Chronique des Concerts (Ai.frkd Bertinot). —
des Sociétés Lyriques. — Choses et Autres (A. Patay).
GALERIE MUSICALE : BEN-TAYOUX
Nous sommes en pré-
sence d'un artiste véri-
table, à qui les circons-
tances n'ont pas permis
encore d'occuper le rang
qu'il mérite, mais que
tous les clairvoyants
saluent comme un mai-
Irc de l'avenir.
Louis-André-Frédéric
Ben-Tayoux est né à
Bordeaux, le 14 juin
18-10. Il montra de bonne
heure d'étonnantes ap-
titudes musicales, et fi-
gura dès l'àgc de neuf
ans, comme pianiste,
dans les coiicerls orga-
nisés par la haute so-
ciété bordelaise. langa-
ge pour exécuter un
soir quelque grand
morceau, il s'aperçut,
au moment d'aborder le
piano, qu'il avait oublié
sa musique. Sans se
troubler, notre petit
virtuose s'assit et exé-
cuta de mémoire une
fantaisie qu'il avai t com-
posée à l'insu de tous.
L'aventure fit grand
bruit, et l'on s'empressa d'envoyer le précoce com-
positeur à Paris pour y compléter ses études.
Il fut admis au Conservatoire, où on lui donna
comme professeur de
piano Marmontel , et
comme professeurs d'har-
monie et de composition,
David, Gollin et Garafa.
On a beaucoup écrit
contre le Conservatoire
et sa méthode d'ensei-
gnement. Il est certain
que, pour la plupart des
professeurs, le devoir
paraitconèister à domp-
ter le tempérament
des élèves pouréteindro
leur fougue et ramener
aux calculs mécaniques
leurj aspirations vers
l'idéal; mais les natu-
res vigoureuses savent
prendre do l'école ce
qu'elle a de bon sans
rien abandonner de I en i s
idées personnelles. Ain-
si fut-il de Ben-ïayoux,
qui sortit du Conserva-
toire, sachant tout ce
qu'on y peut appren-
dre, et riche d'une verve
toute particulière.
Alors commença pour
lui une existence en par-
tie double, didnt sa jeu-
nesse lui fit suriBonter les fatigues et les dégoûts.
Pendant tout le jour il donnait des leçons de chant
ou de piano, et, la nuit, il se livrait à ses inspira-
170
LA CHANSON
tions, composant surtout des morceaux d'orclieslre,
parmi lesquels il faut signaler : Eve, grande sym-
phonii;, l'Etoile filante, rêverie, la Préférée, valse,
l'Idiote, berceuse, Imperatoria, marche triomphale.
Rossini s'intéressait vivement aux travaux de
Ben-Tayoux ; il l'éclairail de ses conseils et le ré-
confortait par de bonnes paroles : — « Persévérez,
lui disait-il souvent, vous êtes sur d'arriver. »
Eu attendant, le jeune compositeur avait à lutter
contre l'obscurité et la misère. Il voulut vaincre dé-
finitivement l'une et l'autre, et délaissa le grand art
pour sacrifier aux petites divinités du jour. Son dé-
but dans l'opéra-bouffe fat des plus heureux ; Lu-
crèce obtint au théâtre Déjazet un succès très vif,
malheureusement interrompu par la guerre.
Pendant les terribles événements de 1870, Ben-
Tayoux dirigea une fabrique de cartouches dans le
déparlement du Nord. La paix signée, il reparut
dans l'arène artistique avec un superbe chant de
douleur et de défi, bientôt devenu populaire :
Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine,
Et, malgré vous, nous resterons Français!
Depuis, la production de Ben-Tayoux ne s'est pas
un instant ralentie. Nous avons sous les yeux le cata-
logue autographié de ses œuvres; il ne comprend pas
, moins de trois cents numéros. Tous les genres de
musique y sont r.^présentés, depuis la chanson-
nettejusqu'au grand opéra. Nous citerons principa-
lement, parmi ses morceaux pour piano : Mes Peiir-
sées, l' Etourdissait, Un Mystère; parmi ses chants
nationaux : RépuUique, France! la Traie Revanche,
Cri de Liberté; parmi ses scènes dramatiques : A la
ha'ionnette. Pauvre fou, la Salle des adieux, Les S ci! 0
Juin, Châteauduii; parmi ses chansons, enfln : la
Fauvette, le Café, la Cuve, les Turcos, la Fermière, les
Foins, Âl'urger et Mnsette.
Le talent de Ben-Tayoux est à la fois vigoureux et
tendre; il trouve pour le cri patriotique des accents
véritablement inspirés, — exemple, la Cantate chan-
tée récemment à Saint-Germain pour l'inauguration
de la statue de M. Thiers; et, à côté de cela, il rend
avec esprit et sentiment l'épisode humoristique, —
exemple, Jeanne est r/rise, qu'on aura plaisir à trou-
ver plus loin.
Chez Ben-layoux, chose rare, l'exécutant vaut le
compositeur. Son jeu est en même temps brillant et
sobre. Il connaît imperturbablement ses classiques,
et traduit la pensée des maîtres avec une intelli-
gence et une fidélité merveilleuses. On se souvient
des séances qu'il donna, au printemps dernier, bou-
levard des Capucines, séances dans lesquelles il exé-
cutait des morceaux de piano, en les accompagnant
d'explications et de commentaires. Le public appré-
cia beaucoup ses définitions relatives au mécanisme
et au style, et la presse signala son programme
comme offrant autant de charme que d'intérêt.
Professeur couru, musicien applaudi dans les con-
certs et dans les salons, Ben-Tayoux, nnus le répé-
tons, n'a pas encor» conquis la place qui lui est due.
Le théâtre complétera sa renommée. Souhaitons-
lui d'y aborder bientôt, car il a la science, la verve
et l'originalité de conception qui produisent les
chefs-d'œuvre.
Les succès que nous nous plaisons à lui prédire
réjouiront la jeune phalange ; ils trouveront surtout
un écho sympathique chez les fidèles du Bon Bock,
association fraternelle de littérateurs et d'artistes,
dont les agapes mensuelles commencent et se ter-
minent invariablement au son du piano de Ben-
Tayoux.
L. -Henry Lecomte.
LA CLEF DU CAVEAU
L'autre jour, chez un bouquiniste.
Parmi plusieurs in-octavo.
J'ai, de Nodier suivant la piste.
Acheté la clef du Caveau.
A la fois jovial et tendre.
Ce bon vieux recueil délaissé
Renferme, comme une autre cendre.
Tous les airs dont je fus bercé.
Les chants ont la première place
Dans la mémoire, près du cœur.
Tout fuit, tout change, tout s'eiïace.
Hors un refrain triste ou moqueur.
La serinette des grand'mères,
Dont la note semble une toux.
Souvent sur les heures amères
Jette un son consolant et doux.
Et voilà pourquoi je vous aime,
0 timbres naïfs du Caveau,
Où je me retrouve moi-même
Dans un amusant renouveau!
Caveau, — disons plutôt bocage, —
Au galant et facile accès!
Clef charmante, rouvrant la cage
Où gazouille l'espr't ffançais!
11 n'est pas, de Paris au Caire,
Lèvres n'ayant fredonné la
Famille de l'apothicaire.
Ou Turlurette, ou Lon Ion la.
Il suffit d'une ritournelle.
D'un vague et tremblotant solo,
Pour qu'aussitôt je me rappelle
Un homme pour faire un tahleau-
Quels éclats de rire à la ronde!
Oh courez-vous, iiitonsieur l'allié"}
Sur Ce mouchoir, belle Raimoiule,
Cet abbé-là sera tombé.
LA CHANSON
171
Que de Tireis et de Grégoire !
Combien de baisers, de glouglous!
Elle aime à rire, elle aime à boire.
Elle aime à chanter comme nousl
J'en guette U7i petit de mon cujel
Dit Lise, au bord d'un frais ruisseau.
Sa voix charme le voisinage,
Car... Uae fille est nn oiseau.
Fandion Dans les Oardes-Fraiiçaises
S'en va rôclaiaor son amant :
Des fraises, des fraises, des fraises.
Lui répond ce beau garuomout.
(Juaiid je parcours ces l'oUes pages,
Je reconnais tous i:es larrons.
Bergers sournois, effrontés pages.
Dénichant merles et tendrons;
Satyres transformés en drilles.
S'en allant, dès le point du jour,
Chasser dans les vertes charmilles,
GiOier des bois, gibier d'amour.
Il cache encoie sa fauvette,
Le gros Lucas sous son chapeau;
La Harpe dit : 0 ma musette!
lîarré dit ; Mon père était poil
Aimable musique de poche!
Alors, on ces temps ingénus.
Un Air iwuveau de M. Roche
M'ouvrait des monijqs inconnus.
Aussi, lorsque j'entends hnui'e
L'écho lointain d'un llageoh't.
Je me siil'prcnds à rcconslrnire
Une époque avec' un couplet.
Je vous revois, sensibles femmes,
■ Ayec vos manches à gigot,
El vous, Enfants chéris des drni/cs
Roucoiilant dans voire jabot.
î^'ayanl rien qui le réconforte.
Un rinieur dit, d'un Ion fatal :
Pégase est un cltfiodl tjui porte
Les grands hommes à l'hôpital!
Pendant toute une matinée,
La Clef du Caveau dans les mains,
J'ai rêvé, l'àme abandonnée
Au courant des anciens chemins.
Jusqu'au moment où, jeu féroce.
Une voix soudain me souffla :
Allez-vous-en, gens de la noce!
C'est l'air de la fin, celui-là.
Et puis, j'ai refermé le livre.
Sans me cacher d'être attendri, —
Le livre qui m'a fait revivre. . .
A la façon de Barbarl !
Charles ]\'Ionselet.
LAISSEZ U FEMME A LA MAISON
RÉPONSE A M. ALEXANDRE DUMAS (*)
AIR du Grenier de Béranger.
Un grand esprit, à la voix de sirène.
Du sexe faible a proclamé les droits!
Pour l'entraîner avec nous dans l'arène
Il veut briser ses liens trop étroits.
Je lui réponds, sans nier l'éloquence
Des traits charmants qu'il répand à foison :
De votre erreur craignez la conséquence,
Laissez, laisfez l.i femme à la maison.
Quoi, dans les temps tourmentés où nous soinn
Quand, au milieu de leur âpre débat,
On voit entre eux se déchirer les bumnies,
Vous appelez la lémrae a ce co'tnbati
Voulez-vous donc, iiu brasitiv populaire,
De la discorde alluuiBr lu tison'?
C'est du foyer le gardien lulélaire.
Laissez, laissez la Icmme à la maison.
De SévigDé vous invoquez l'exemple ;
Elle dirait, se tournant contre vouf.
Que la maison pour la femme est un tomple,
Dont le vrai Dieu pour elle est son époux,
Que c'est assez de=, .•^oins de lu famille
Tour occuper teudremenl sa raison,
Pimr élever et protéger sa fille. . . ■
Laissez, laissez la feinmo ii la maison.
Homo autrefois a-l-cUe été moins grande.
Quand du forum en détournant ses pas,
[ja femme aux dieux apportait son offrande,
El pour les siens priait, ne votait pasl
Ku ce temps-l'i, d'une sage matrone
Oq boaorail le noble cl suint blason;
Le gynécée alors était son Irôoe...
Laissez, laissez la femme à la maison.
La voj'ez-vous dans celle ardente lutte.
Où de son lait la source peut larir,
Où, quand elle est aux discordes en butte,
Loin d'elle, hélas! son enfant peut mourir!
0!i! n'allez pas de cette coupe amère
Lui faire boire, à longs traits, le poison,
Elle est épouse et surtout elle est mère.
Laissez, laissez la femme à la maison.
Sa destinée est écrite au beau livre.
Où la nature a dit, en quelques mots,
Que Dieu la fît pour que sa main délivre
L'homme accablé sous le poids de ses maux.
Quand prés de lui sa tendresse s'isole,
r,'est, enfermée en son doux Irorizon,
L'auge qui veille et l'ange qui console. .
Laissez, laissez la femme à la maison.
Edouard Ripault,
Membre lilulaiic du Caveau.
{•) Sur la 2» partie de
!«/«
172
LA CHANSON
JEANNE EST ERtSE
Paroles de JUL£S GROS Musique de BEN-TAYOUX (1)
bien mesîirè avec rondeur.
Parlons a-vant jour, le rai.sin est
œûr Fil-les et ,gar-çoos que ctiacun «e
tiD Jeanne est gri _ . . set
Mais vile au travail! Chaque seau rempli
Est bientôt vidé dans les grandes bennes.
Tous chantent en chœur des chansons anciennes,
Et les noirs chagrins sont couverts d'oubli.
— Jeanne, je voudrais l'embrasser,
ïu rougis comme une cerise...
Garde-loi de te courroucer
Ou bien l'on dira : Jeanne est grise!
On entend au loin tinter l'angelus.
A midi sonnant laissons la besogne,
Voilà le moment de rougir sa trogne.
Le repas attend au bas du talus.
— Belle Jeanne, allons, prends mon bras
Et satisfais ta gourmandise ;
Mange et bois tant que tu voudras,
Un jiour de vendange on se grise 1
Enfin vient le soir, et les vendangeurs
Rentrent au logis. Bientôt on commence
Sur l'herbe, en plein air, la joyeuse danse.
Le succès doit êlre aux plus tapageurs.
Jeanne, au lieu de s'abandonner
A la nuit qui nous favorise,
Entreprend de me sermonner. ..
Oh! décidément, Jeanne est grise!
(1) L'aceompagncracnt se liouve chez Tialin, éditeur, 5, rue du
Croissant.
VIVE LE PRINTEMPS
Air de Manon (Gollignon).
Voici le printemps! au fond de mon âme
Se réveille enfin Tamour endormi.
Tout dans la nature, ô soleil, t'acclame ;
Ce qui languissait, d'espoir a frémi.
Et je le retrouve encor plus charmante,
El la vue émeut ma tête et mon cœur ;
Je redeviens jeune et toi plus aimante.
L'amour, c'est donc vrai, du temps est vainqueur.
Vive le printemps ! il met tout en fête.
Nos fronts argentés paraissent surpris ;
Mais tant que le cœur emport» la tète.
Que font après tout quelques cheveux gris !
Voici le printemps ! Il a fait renaître
L'amour qui semblait pour tous deux perdu,
A ses chauds rayons ouvrons la fenêtre.
Ainsi que nos cœurs, à l'amour rendu.
Tant que nous sentons, en pleine lumière,
Nos cœurs amoureux battre à l'unisson,
Ne regrettons pas notre ardeur première :
L'air a pu changer, mais pas la chanssn.
Vive le printemps I il met tout en fête,
Nos fronts argentés paraissent surpris ;
Mais tant que le cœur emporte la tète;
Que font après tout quelques cheveux gris !
Voici le printemps! Et le bois superbe
Attire déjà les oiseaux chanteurs ;
Et la violette apparaît dans l'herbe,
Pour jeter dans l'air ses douces senteurs.
Déjà le soleil embrase la terre
El, sous les baisers de ces amoureux.
Tout est volupté, caresse et mystère ;
Entre terre et ciel faisons donc comme eux !
Vive le printemps ! il met tout en fête,
Nos fronts argentés paraissent surpris ;
Mais tant que le cœur emporte la tête,
Que font après tout quelques cheveux gris!
' Charles Vincent.
TREIZIÈME CONCOURS MENSUEL DE LA CHANSON
LES RENDEZ-VOUS
Musique à faire.
Amour, ô grand insatiable,
Ne diras-tu jamais : assez?
...Les deux amoureux sont passés,
Lui, les baisers chauds et pressés.
Elle, la lèvre charitable.
LA CHANSON
173
— Le ciel est pur el l'air est frais,
Un rendez-vous, ma toute belle...
— Par de là les grands bois, dit-elle,
Mais... pas plus près...
— Par de là les grands bois, dit-elle.
... Le tendre bien-aimé revint;
Certes, ce ne fut pas en vain.
Il vit sa belle au front divin :
L'amour les couvrit de son aile.
— Vois! la nuit se fait pure exprès...
Prendre un rendez-vous serait sage...
— Le bois est loin... Viens au village,
Mais pas plus près...
— Le bois est loin, viens au village...
L'amoureux y fut tout tremblant;
Elle l'y joignit d'un pas lent,
Lui donnant sous son bonnet blanc
A baiser son charmant vi,sage.
— Cet instant est doux, mais après?
Mais demain...? L'amour va renaître!
— Je t'aime... Viens sous ma fenêtre...
Mais... pas plus près...
— Je t'aime... Viens sous ma fenêtre...
... L'aube à cet endroit le surprit,
Lagente amoureuse entr'ouvrit
Sa croisée et gaimont sourit...
La joie illuminait leur être.
— Il m'est si doux de voir tes traits
Et demain? divine flUette...?
— Demain? ...viens, jusqu'à ma chambrette
Mais... pas plus près...
— Domain? viens jusqu'à ma chambrette.
Amour! ô crescendo de feu!
On dit ...mais c'est un coule bleu,
J'en ai déjà trop dit : adieu !
J'entends la foule qui m'arrête:
Cette histoire a donc des attraits...?
Vous me demandez, indiscrète,
— Vit-on l'amant dans la chambrette...?
— ...Encor plus près... !
Octave Lebesgde.
SOCIÉTÉ LYRIQUE ET LITTÉRVIRE DU CAVEAU.
Banquet du /='■ Octobre.
Je ne sais plus quel sage de l'antiquité a mis en
circulation celte remarque, qui est devenue pro-
verbe : Les jours se suivent et ne se ressemblent pas.
Jamais celte grande vérité ne fui mieux établie que
ces jours derniers chez Douix. Mercredi, 29 septem-
bre, les royalistes banquetaient dans ce même salon
où chantait, vendredi, la Société du Caveau. A la
sénilité succédait la gaîté; aux cris de vive le roi,
celui de vive TMrésa.
Je demande pardon à celle dame du rapproche-
ment.
Oui, Thérésa elle-même, la chanteuse populaire,
ornait le repas de sa présence et l'a charmé par ses
chansons. J'avoue à ma honte que je ne la connais-
sais que de réputation, sans l'avoir jamais ni vue ni
entendue. Le croira-t-on? J'ai donc été surpris d'être
cette fois de l'avis de tout le monde. Voix sympa-
thique, expression juste, du sentiment au besoin, un
peu de cascade de temps en temps, et une grande
cordialité avec cela: c'était plus qu'il n'en fallait
pour enflammer les regards d'un tas de vieux gar-
çons. Tous sont garçons, au Caveau, le premier ven-
dredi du mois.
Le Conscrit, une romance-pochade d'Hervé, et sur-
tout la Toitr Saint- Jacques, d'Hachin et Darcier, ont
eu le plus grand succès, interprêtés par la diva.
Pauvres chansonniers ! me disais-je, vous allez être
écrasés, el vos petites musettes vont remporter, à
côté de tels triomphes, une veste des mieux condi-
tionnées.
Je me trompais : l'esprit ne craint rien, et le Ca-
veau peut supporter toutes les comparaisons. D'ail-
leurs, l'émulation doublerait ses forces au besoin ; la
galanterie, d'autre part, ne l'obligeail-elle pas à se
montrer digne de la célébrité qu'il accueillait ce
soir-là dans son sein ?
J'aurais voulu omettre les vers de circonstance. A
part le teste à la chanson, dans lequel Grange nous
montre celte divinité, jusqu'ici invisible et intan-
gible,
Parmi nous descendue,
Sous une forme humaine, et même assez dodue,
le reste brille plus par la bonne intention que par le
mérite intrinsèque. Histoire de temps. Montariol a
joué sur les mots :
Si vous connaissiez ma Thérèse,
De vous je deviendrais jaloux,
Car j'en suis sur, vous seriez aise
De l'adorer à deux genoux.
La plus grande froideur désarme
A son aspect, et nul n'osa
Nier le pouvoir de son charme.
Du charme que ma Thérèse a.
Pénée a tâché d'être plus ingénieux, mais est resté
prosaïque :
Dès qu'il s'agit d'obliger,
Thérèse est infatigable ;
Elle croirait déroger
En n'étant pas secourable.
Mais d'une bonne action
Bien loin de faire parade,
C'est avec discrétion
Qu'elle est bonne camarade.
Vous voyez que Thérèse a
Le cœur de Thérésa.
Des deux couplets que quatre auteurs ont griffon-
nés à la hâte et que l'artiste a chantés en guise de
remerciement, je citerai le dernier :
Avoir tant d'hommes devant soi
Troublerait un autre courage.
174
LA CHANSON
Le nombre me voit sans émoi,
Car j'en ai vu bien davantage;
Mais ce n'est pas la quantité
Qui me transforme en ingénue;
Non, messieurs, c'est la qualité
Des chansonniers que je salue.
Tout cela n'est-il pas un peu mirliton?
Heureusement, les autres productions, méditées
plus à loisir, ont eu aussi plus de valeur.
Voici le dénombrement — pou homérique — des
tenants du gai tournoi. J'adopte l'ordre alphabétique,
qui ne me laissera pas accuser de partialité.
Adeline, visiteur, a groupé sous ce refrain un. peu
baroque :
Y faut prendre ça sur le vif,
des couplets-tiroirs très cocasses et très applaudis.
VOpportunisme, de Bourdelin, un nouveau, est
rempli d'esprit et de traits heureux. C'est encore un
tiroir ; mais l'auteur a su rajeunir, à l'occasion de
sujets bien choisis, le mol connu : Il était temps !
Cœdès, le compositeur déjà célèbre, chantfa aussi
lui-même ; ses Conseils d'une mère à sa fille nous
peignent d'une manière malheureusement trop \Taie,
mais pourtant comique, la perversité de certaines
femmes pour qui la maternité n'est qu'un moyen de
battre monnaie. Henry Monnier n'avait pas mieux
fait.
Davclleroy est dans ses jours de sentiment : les
Bâtons de vieillesse, c'est son titre ; il le traite en vieil-
lard et en chansonnier, réunissant ainsi la gailé et le
cœur.
Echalié, au contraire, s'attaque à l'actualité: sa
Clidsse est un véritable coup de balai ; gare aux
intrigants, aux tartulVes, aux... L'cnumération serait
longue ; mais la chanson n'a pas paru avoir ce dé-
faut.
Grange, se reposant sur les lauriers que lui a valus
son teste, s'est borné à rééditer son Eau léiiite de,
cour, un petit chef d'œuvi'c... connu.
Le Pencliant de mon curé, voilà ce que nous chante
Julien. Ce penchant, vous le devinez sans doute : il
s'agit toujours d'Eve et du serpent qui frétille. C'est
très rond et très gai.
Petit est amer et sombre. Il voit tout partir, et jette
aux illusions, à l'amour, à l'espoir, qui s'en vont, un
mélancolique bon voyage !
Piesse, qui aime la finesse, nous dit le Chansonnier
sans chanson : tous les sujets lui semblent suspects
ou dangereux, et il finit par les traiter sans en avoir
l'air.
Laisse:: la femme à la maison ! s'écrie Ripault.
Quand je dis : s'écrie, c'est une figure, car c'est
Bourdelin qui a dit sa chanson, et elle n'a pas perdu
à cette iQterprétation vibrante et animée. 11 y aurait
beaucoup à dire là-dessus. On pourrait se demander
si l'auteur, en fuyant un excès, ne tombe pas dans
un excès opposé ; mais nous n'avons pas à faire une
conférence. Bornons-nous à applaudir au talent.
Mais que de chanteurs oubliés forcément par le
r'^.'^sident ! Liorat, Burani, Foiiache, Charles Vincent,
Lagoguée et les autres auront leur tour tm autre soir ;
ils pouvaient bien, pour cette fois, laisser la parole à
Thérésa. Quant à Monselet, je suppose qu'il est
comme moi et ne tient pas à se faire entendre.
Eua. Imbekt.
CHRONIQUE DES CONCERTS
A l'Eldorado, véritable grand succès avec Zi:/,
oi>éretle de 3IM. Philibert et Siegel, musique de
Chassnigne ; Mme Louise Iloland, MM. Gaillard et
Hurbaiu y rivalisent de verve.
A son début Mme Canon, chanteuse de genre, a été
fort bien accueillie ; Mlle Bonnaire obtient toujours
de A'rais succès, avec Je m'émoUonne trop facilement,
et Joseph est en voyage; Velly se fait applaudir dans
icne Tyrolienne à sensation.
MM. Perrin dans Les Pupazzi, Victorin dans Je
demande à recommencer, Antony dans A la Olace
fraîche et ionne, Mathieu, dans le Carnet rose, et
Ducastel obtiennent toujours de nombreux bravos
bien mérités.
N'oublions pas Mmes Duparc, Juana, Dalty, Picco-
lini et Moriane, dont les répertoires si variés font
passer do délicieuses soirées aux habitués de
L'ELDORjVDO.
Le Gr.va'd Goxcrrt Parisien est sans contredit un
des concerts les plus favorisés du public, car chaque
soir, des fauteuils d'orchestre à l'amphithéAtre, la
salle est littéralement bondée de spectaleurs enthou-
siastes qui ne ménagent pas leurs applaudissements
à l'excellente troupe de MM. Valcntin et Fournier.
Le protjramme de la semaine dernière était des
mieux composés, et, sans fatiguer le public, la gau-
driole et le sérieux alternaient avec un égal succès.
Dans les Pompiers, jolie poésie d'un sentiment
élevé, 011 le comique et le tragique paraissent tour à
tour sans forcer la noie, Pacra a obtenu un succès
immense.
Brunin est amusant au possible dans la nouvelle
scie en vogue : Bonjour Cyprien!
Le petit Norbert, qui parait successivementen gar-
çon et en fillette s'est fait rappeler plusieurs fois
dans Je me rapapillotte. C'est pas vrai!. J'ai les pieds
serrés et dans la Chanson du petit ahhé.
Après Le petit cochon porte-veine, Mme Dcmay a
dû dire : Mon père demeure à 3IontPERnasse, chanson-
nette dans laquelle elle a obtenu un succès non
moins grand que dans la précédente.
Citons encore MM. Réval, Teste, Mey; Mmes Du-
brée, Fabre, Petit et Satler, qui se sont fait applaudir
dans les meilleures chansonnettes de leur répertoire.
Samedi dernier, aux Folies-Saint-3Iartin, Madame
Rivoire a créé deux chansonnettes dans lesquelles
i
LA CHANSON
175
l'excellenLe arlisle a obtenu un grand succès. La pre-
mière, Eh! G?<^K^,j(;.' paroles de M. Kdouard Aupto,
la seconde La voilà, Paméla! de M. Kuhn. La musi-
que de ces deux nouveautés est de M. Ch. Lefay,
riial)ilc chef d'orchestre des Folies-Saint-Martm.
D'après l'accueil fait par le public, qui répétait les
refrains à la sortie, il est probable que, d'ici peu, ces
deux chansonnettes deviendront populaires.
Une opérette en un acte. Les Cadets de Gascogne,
n'a été qu'un long éclat de rire, provoqué par
MM. Bienfait, Pinarello, Denncville, Dbarville, et
tout le bataillon des jolies pensionnaires de M. Ni-
colle, dont les rôles consistaient à montrer leurs
dents blanches.
Pour ce soir : reprise de Madame An(jot et ses demoi-
selles, pièce à grand spectacle qui obtint un si beau
succès, il y a cleux ou trois ans, aux Folies-Marigny.
Le succès du Concert de la Porte-Maillot va s'afFer-
niissant. grâce à l'intelligente direction de MM. For-
lin cl Mathieu, qui ont su s'entourer d'artistes dis-
tingués, tels que MM. Doria, Emilien ; Mnics Gréty,
Adelina, Zélia, et, j'en oublie des meilleurs dont
les noms m'échappent.
Un jeune artiste, très connu du public des hocié-
tés lyriques de Neuilly, M. Lefèvre, a donné derniè-
rement une audition qui a été pour lui un véritable
triomphe cl l'a classé du premier coup parmi les
meilleurs artistes de nos concerts. Nous ne déses-
pérons pas de le retrouver d'ici peu, sur une scène plus
vaste que celle du Concert de la Porte-Maillot.
Les pièces qui terminent les représentations sont
très-bien choisies et bien jouées par les artistes de
la troupe.
FOLUîS-RAMiiUTnAU. — Mlle Alida Pcriy a obtenu
uu \'r;ii s'ici'ès, siiiiicili (Icruici-, diins Xrnctte, ro-
]ii:iiii:i' (le iintrc (•(ill;iliiii',i leur .Miixiiiu' (1 n\ , niusii|ue
d'Aliicii. I''laciè['e, ipu- hdus iivdhs iiiiliiici' clans le
numéro 12 de la Chaxson [31 Jnillel /iVS'O).
L'ouverture du Théâtre-Concert des i^o/fe-2?oJmo,
20, rue de la Gailé, a eu lieu le 2 octobre; nous en
parlerons prochainement.
Casino Saint-Honoré. — Tel est le titre que
prend le nouvel établissement situé dans l'ancienne
salle du théâtre Corneille (cite Retiro, Faubourg Saint-
Ilonoré, HO), l'ouverture en est fixée, au 14 octobre.
Un orchestre de lo musiciens, dirigé par M. Bar-
tholo, des artistesd'un mérite incontestable, un spec-
tacle attrayant, tels sont les éléments de réussite de
ce coquet établissement; nous ne douions pas de
son succès.
Alfred Bertinot.
QUATORZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 septembre au 20 octobre.
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obleuu le 1='' prix, une iietite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
A la soirée du lundi 4 octobre des Gais Momusieiis,
présidée par M. Leroux, nous avons entendu Le Vin
du Rhin, chanté par M. Poudra, auteur.de la musi-
que; Le Boulevard des Étudiants, chanté par
M. Horace, Mmes Bario et Fayolles dans Soutenir de
ma Mie, la première, et la seconde, Ma Barque.
MM. Métivet, Meunier, Mathias et Richard, se sont
fait applaudir dans leurs différents genres.
Jomain a dit avec beaucoup de finesse et sans trop
charger. Maître Blagiiefort.
Pomponnette, opérette militaire, a été rendue avec
brio par Mme Achay et MM. Monnier et André.
M. Leroux dirige toujours les soirées avec sa tien-
reillance habituelle.
Nous avons reçu trop tard pour pouvoir y assister
une invitation â la soirée intime des Enfants de
'Montmartre, qui a eu lieu dimanche Salle Pétrelle.
L'abondance des matières nous force à remettre au
prochain numéro le compte-rendu de la grande
soirée d'octobre du Cercle Musset.
Il en est de même de la grande soirée d'ouverture
de la saison d'hiver que la Lyre Républicaine a
donnée le lundi 4 courant, dans son local habituel.
Café du Globe, 8, boulevard de Strasbourg.
VÉscholicre, présidée par M. Gouget, fera sa réou-
verture le jeudi 14 octobre, à 8 heures du soir, 46, rue
de Seine, avec le concours d'artistes des concerts et
de plusieurs sociétés lyriques ; la salle a élé complér-
lement remise à neuf par le nouveau maître de l'éla-
blissemenl.
Le samedi 16 octobre, la société lyrique : La Lyre
de la Gaité, 18, rue Descartes, ofl're une soirée ex-
traordinaire à ses visiteurs. Le spectacle promet
d'être attrayant; il nous suffirad'indiquer au hasard
quelques noms des artistes qui prêteront leur con-
cours à cette fête de famille.
D'abord, MM. Adrien Souchet, Moumoutte, Karl,
Gouget, Tiercelin, etc., etc.
MMmes Adèle, Marie Lerouge, etc.
Ajoutons que toutes les sociétés du ti" arrondisse-
ment se feront un devoir de se rendre à l'invitation
qui leur a été faite. Une magnifique tombola termi-
nera la soirée. Les amateurs trouveront rarement
une semblable occasion de se distraire; nous les
engageons donc à en profiter.
Il sera perçu 2S cent, à l'entrée contre un billet.'
de tombola pour atténuer les frais de cette soirée.
Nous avons omis, dans la liste des sociétés lyri-
ques ayant répondu à l'appel du comité des con-
cours, Y Union joyeuse, de Monlrouge.
CHOSES & AUTRES
Les journaux qui se sont occupés du dernier ban-
quet du Caveau ont commis une erreur que nous
176
LA CHANSON
crojrons utile de rectifier : Thérésa n'était qu'invitée
à ce banquet et n'a nullement été reçue membre du
Caveau. L'honneur décerné jadis à Déjazet reste la
seule exception faite aux slatuls de la compagnie
chansonnière.
Avec Thérésa le Caveau a ouvert une série d'invi-
tations artistiques où pourront figurer, avec autant
de droits, Mme Judic, Céline Chaumont et diverses
autres célébrités chantantes.
Le Comité des concours des sociétés lyriques et
dramatiques de Pari.? a formé son bareau de la façon
suivante : Président, M. Delaporte ; Vice-Présidents,
MM. Massé, Président des Épicuriens, Edouard Phi-
lippe, Président de La Pensée; M. Durrieu, du Cercle
Musset, Secrétaire; M. Dupont, de la Lyre Amicale,
Trésorier.
Le Banquet proposé par le directeur du Journal
LA Chanson et adopté à l'unanimité à la réunion
générale a été définitivement fixé au dimanche
31 octobre; il aura lieu, 23, faubourg du Temple dans
la nouvelle salle de M. Orange. Le prix de ce déjeû-
ner dinatoire a été fixé à i francs par personne.
Les Présidents et Vice-Présidents seuls ont le droit
d'3' assister. A une heure très précise a table.
On trouve des caites chez M. Orange, place de la
République, et aux bureaux du Journal la Chanson,
18, rue Bonaparte, ainsi que chez MM. les membres
du Comité.
Le Banquet sera présidé par notre ami Alfred
Leconte, le sympathique député de Vlndre. Plusieurs
des membres du Jury du premier concours nous ont
fait espérer leur présence. Le Grand Bal offert par
M. Orange à toutes les Sociétés lyriques, aura lieu le
samedi 6 novembre. Salle des Folies-Parisiennes.
Prochainement on trouvera des lettres d'in-ritation
dans toutes les Sociétés lyriques et dans nos bureaux;
nous en reparlerons.
Le Cercle des Anciens Élèves de l'école Ticrgot a
ofl'ert à ses membres une soirée musicale et litté-
raire vraiment remarquable.
M. Marais, du théâtre du Gymnase, qui prêlait
son concours à celle petite fêle, y a lu d'une façon
simple, mais avec des accents émouvants, les, En-
fants de l'ivroffne. Aidé du talent d'un tel interprète,
l'auleur M. Grencl-Dancnurt efl sûr de gagner la
cause qu'il plaide. Une charmnnte ehansonnelle de
L-Henry Leconile: On peut s'entendre, érrilc pour
Dt'bailleiil, a clé chnniée p.ir M. Jules Rnux avre !'•
genre original qu'il donne à chacune de ses compo-
bitions.
L'exclamation Oh Monsieur \ de Gondine', a éié
rendue finement par M. Bâillon. Une seconde excla-
mation Ah\ ak\ poussée par M. Lanier était on ne
peut plus comique. M Chapuis, le tenorino des so-
ciélôs lyriques, a fait très coquettement le récit de
sa Première connaissance, et M. Durel, à sr.n tour, a
chanté avec un goût parfait l'air de Galathée.
En récitant l'histoire de Jemmapes, M. Fournier
a su impressionner vivement ses auditeurs.
Un jeune baryton, M. Villeneuve, nous a révélé
une belle voix dans l'air de Jérusalem ; nous espé-
rons entendre souvent cet-artisle. L'amusant Leserre
a excité l'hilariié par la façon amusante dont il a
débité VOisession et Vive le chant. Après M. Dupont
qui a interprété le Signal, 11 nnns reste à citer le
nom d'un artiste d'avenir, M. De Laëre dont la voix
souple et puissante a produit de magnifiques effets
dans l'air du Pardon de pioërmel.
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Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
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17 OCTOBRE 1880
LA CHANSON
Directeur-Gérant.
A. PATAY
La chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
BSt le gracieux frère de la strophe.
V, HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ''"tïiSiS^?"'"
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Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
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Annonces, la ligne.
Réclames, —
La chanson, comme la baronnetta
est une arme française.
j. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN ChEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
Galerie des Chansonniers: Emile DcOraiu: (II. P.) — Fan/an La
Tulipe (Emile D.!Dn»o%). — Quand on est si jolie! (L.-Ukmiv-
Li!COiiTK\ — Foldirerics (li»u»ï). — .farques OJfenbarh (J. II.). —
Chronique des Concerts (Alfred Bkutixot). — Chronique des Socié-
irs lyriques (Ain-eJ Bkuttrot). — Choses et autres (A. Pataï). —
Cnl(do"uc des Publications musicales de la, librairie A. Patay.
GALERIE DES CHANSONNIERS : EMILE DEBRAUX
Le nom d'Emile Do-
braux n'éveille plus
guère actuellement que
de rares souvenirs, en-
core faul-il aller les
chercher dans la mé-
moire des derniers amis
do la vieille chanson.
Si grande qu'ail él6 sa
répulalion, il n'en re te
aujourd'hui que quel-
ques échos alfaiblis par
la distance qui sé|iaro
notre époque de colle
où Uebraus était en
pleine possession de la
popularité, et cela re-
monte à un demi-siè-
cle.
Quoi qu"il en soit, si
un chan=!onnier a des
droits à occuper l'at-
tention du public, c'est
assurément Debrau.x
(Paul-Éinilt-l, né le ;!û
août 179G, d'une famille
protestante, à Ancer-
vilUe — Meuse. — La
Notice historique placée
en tète de l'édition de
183r3, qui rajeunit De-
braux de deux ans, le
fait naître en 1798. J'ai d'excellentes raisons pour
suspecter l'exactitude de cette dernière date; je
préfère accepter comme véritable celle de 179S,
donnée par la Biogra-
fliie des Contemporains,
à laquelle j'ai dû faire
plusieurs emprunts (1).
Comme la plupart des
élèves du Lycée impé-
rial, où il ?ivait fait ses
études, Debraux s'est
montré constamment
animé de cet esprit de
[jatriotismc qu'on y in-
culquait à la jeunesse.
Eu 181o, lorsque la tra-
hison eut livré la Fran-
ce à l'étranger, il fut
iiidicné des huniilia-
lio.is do;rt ou accablait
notre vieille armée, et
Je sentimeiil profond
de la gloire qui s'atta-
c'.iait aux exploits de
nos guerriers lui ins-
pira des chants dnns
lesquels il fit revivre
tous les souvenirs pro-
pres à réveiller l'orgueil
national. Sa chanson de
la Colonne, celle du
Mont Saint-Jean et plu-
sieurs autres parvin-
rent, en peu de temps,
jusque dans les plus
(1) D:.
à 1S30,
recueil I
cle Ju p-
,u\)i;^
Chans
lS22,aj;.
178
LA CHANSON
pelils hameaux. Jamais succès de chanson ne fat si
rapide et si grand.
Mon respect pour les grandes autorités littéraires
me fait un devoir d'intercaler, ici, les quelques
lignes qui suivent; elles sont certainement le plus
beau témoignage qu'on ait jamais rendu à la mé-
moire de cet intrépide et joyeux Lorrain :
« Peu de chansonniers ont pu se vanter d'une po-
« pularité égale à la sienne, qui, certes, était bien
« méritée. Les chansons de La Colonne ; Soldat t'en
« souviens-tii'> Fanfan la TuUjie; Mon2}ctit Mimile etc.
« ont eu un succès prodigieux, non-seulement dans
« les goguettes et les ateliers, mais aussi dans les
« salons libéraux.
« L'existence de Debraux n'en resta pas moins
« obscure; il ne savait ni se faire valoir, ni solliciter.
« Pendant la Restauration il se laissa poursuivre,
« juger; condamner, emprisonner sans se plaindre,
« et je ne sais si une feuille publique lui adressa
« deux mots de consolation. Souvent il fut réduit à
« faire des copies et à barbouiller des rôles pour
« nourrir sa femme et ses trois enfants.
(( Les sociétés chantantes, dites Go(/îtettes, le ro-
« cherchèrent toutes, et je crois qu'il n'eu ncgli.uca
« aucune. Si, dans ces réunions, Debraux se laissa
« aller à son penchant pour la vie insouciante et
« joyeuse, il faut dire que, par des soins utiles,
« elles adoucirent ses derniers momonis, rendus si
« pénibles par une maladie lente et douloureuse.
« Sa pauvre famille n'a obtenu que d'incertains et
« faibles secours dans la répartition faite par le co-
« mité des récompenses nationales. Pourtmt les
« chansons de Debraux, en contribuant à exalter le
« patriotisme du peuple, ont concouru au triomphe
« de Juillet, qu'à son lit de mort il a salué d'une
« voix défaillante. »
Cette appréciation si concise que Béranger rejette
en note à la fln d'un do ses livres, résume ample-
ment la vie du chansonnier. Elle est, pour ainsi dire,
le complément de la superbe poésie que Béranger
intitula modestement : Chanson-prospectus .
Le pauvre Emile a passé comme une ombre,
Ombre joyeuse et chèra aux bons vivauls.
Ses gais refrains vnjs égalent en nombre.
Fleurs d'acacia qu'éparpillent les venls...
Après ces regrets si poétiquement exprimés,
Béranger ajoute :
Toujours enfant, gai jusqu'à faire envie,
En étourdi vers le bonlieur poussé;
PoutTant de rire à voir couler sa vie
Comme le vin d'un tonneau défoncé.
mois (le prijoii, et renreirai à Siinle-Pilagie oi'i il se Irouva avec
Magalon, Birgluet, Jiug. de Pradcl cl pluiieiii-i aulivs ,:.,rlvalns. Oulre
81S volumes Je cliansons, Uetraux publia, en 18-23, Voyage à Sainle-
l'èlagir, 2 vol. -, La Fru-ice au lamlieaa du général l'oy; Mort de ce
mulheiirciix Droit d'alncssc, récit Iragica-comico philosojjluqic en
maniùre depol-pourn, écril sous la dictilB Je CaJet Lagingeolo. 1820 i
Biographie des Souverains du XIX" Siècle, par Jeux rois Je la Fèvt,
1826; Villèle aax Eajes, pocme Iraglco-coralco-diaboliquc, 1827;
un poèmî 3'ir les barricades. Le deuxième volume, imiiriiné pip
n. Balzac, csl orné du portrait d'Éiuile DcbrauN, par Élisa llucqujrl.
îflous If r-produisons en lête tie ccll^ notice.
Et cette recommandation finale qui justifie le mot
de prospectas :
Riches et grands achetez ce recueil,
A tant d'esprit passez la négligence.
Ah! du talent le besoin est l'écueil.
Emile Debraux a ressenti toutes les passions ré.
publicaines de son époque, et si leur expression a
été favorable au retour de cet ordre de choses —
honteuses — qu'il nous a fallu subir vingt ans plus
tard, c'est que le souvenir des « gloires militaires »
entraînait alors toutes les inielligences dans ce cou-
rant politique qui culbuta le trône des Bourbons.
Emile Debraux, cet interprète des sentiments popu-
laires, fil comme tout le monde et glorifia dans la
mesure de son tilent, le « boulet couronné. » Il ne
fit pas autrement que Béranger, son maître, et ne
vit dans ^ïapoléon que le capitaine promenant dans
toutes les capitales de l'Europe les drapeaux victo-
rieux de la nation. Lisez plutôt :
Te souviens-tu de ces jours tr.^p rapides
Où le Français acquit un grand renom'/
Te souviens-tu que sur les I-'yramides
Chacun de nous osa graTor son nom.
Malgré les vents, malgré la foudre et l'onde,
On vit flotter — après l'avoir vaincu —
Notre étendard sur le berceau du monde
Dis-moi soldat, dis-moi, t'en souviens-tu?
Pour ce qui est des chants patriotiques de Debraux,
je m'en tiendrai à cette citation qui suffit, selon moi,
pour donner une idée de la manière verveuse avec
laquelle notre chansonnier facturait le couplet sé-
rieux.
Emile Debraux, dont le style est en parfaite con-
cordance avec son tempérament, excelle dans le genre
satirique et badin. Du ton le plus grave il passe au
Ion le plus léger, et tour à tour, bérault des vieilles
gloires et bouie-en-train des plus folles gaités, il em-
bouche la trompette ou souffle dans le fifre aigu de
la raillerie, se souciant fort peu des menaces du
pouvoir et des indignations de la haute hégueulerie.
La muse foUUro du « pauvre Emile » avait, selon les
dispositions de son esprit, la larme à l'œil ou le rire
effronté sur les lèvres. Fallait-il pleurer? elle pleu-
rait et faisait pleurer les autres ; fallait-il rire ? elle
riait, et sa joie commuuicative, contagieuse, mettait
tout en branle. J'ai connu de vieux troupiers —
d'anciens brigands de la Loire, comme on les sur-
nommait alors ■ — qui avaient des sanglots dans
la voix lorsqu'ils chantaient, sur un air dolent et
traînard : le Mont-Saint-Jean., Marengo, les Vieux
Souvenirs, etc., et qui trépignaient d'une joie déli-
rante quand ils entonnaient : Fanfan la Tulipe, la
Dernière goutte, Mathieu, etc. Ce n'est pas seule-
ment les soldats qui chantaient les vers de Debraux;
les bourgeois, les artisans, enfin tout ce qui était
opposé au régfme de la Restauration et s'irritait de
son joug, ne se faisait pas faute ' do joindre aux
accents élevés de Béranger, les couplets entraînants
de l'auteur de la Colonne. Je ne parle pas des sociétés,
dites Goguettes, où Debraux régnait en véritable sou
verain. Ses couplets, pleins de verve et d'auda è,
y étaient toujours accueillis par des applaudisse-
ments et des transports inimaginables.
LA CHANSON
179
Cependant, si cspansive et débordante que fût sa
gaité, le « pauvre Emile » n'écliappa point à la mé-
lancolie. Son esprit, parait-il, envahi par les ^;«i>i;/o'«
noirs, était parfois tourmenté de sombres inquiétudes
et de bizarres préocupations. Dumersan, intimement
lié avec le joj'cux clransonnier qui
Pouffait de rire à voir couler sa vie
Comme le vin d'un tonneau défoncé,
affirme que Debraux avait des velléités de misan-
thropie, et que, lorsque ces accès lui prenaient, il se
rendait à pied dans la forêt de Fontainebleau, où
il restait plusieurs jours. Si étonnan4i' qu'il m'ait
paru, je livre ce fait que j'ai noté en passant, sans y
ajouter une croyance absolue. \
La « muse folâtre du pauvre Kmilu, » il faut bien
le dire, se comptait dans les sujets libres el quelque
peu licencieux. Là, elle est vraiment à l'aise et se
donne ses franches coudée.s.
J'avoue mon embarras à parler de la note égrillarde
d'Emile Debraux; l'hésitation est bien pormiso lors-
([u'il s'agit, non plus do plaider les circonstances
atténuantes, — le milieu dans lequel vivait le chan-
sonnier justifie dans une certaine mesure les écarts
de sa muse — mais d'avouer que l'on a une légère
tendance à admirer dos gaillardises spirituellement
tournées et qui semblent nous apporter comme un
parfum enivrant du terroir Rabelaisien, si fertile
« en joycusctés de haulte graisse. »
J'en demande pardon aux pseudo-pudibonds et
aux collets-montés, mais je préfère la Dragonne de
Friedland, les Coquilles, les Filles honnôles, etc. à
toutes les niaiseries que l'on débite chaque jour de-
vant le pecus wriiciim qui s'en montre satisfait et
applaudit à outrance.
(c L'échelle de la poésie sensuelle a, à son éche-
lon d'en haut, le Cantique des Cantiques, et, à son
échelon d'en bas, la Gaudriole. » — C'est Victor Hugo
qui assigne ainsi la place que doit occuper la
Dixième Muse. Entre Salomon qui célèbre, en les dé-
voilant l'un après l'autre, les charmes de sa royale
épouse, et Emile Debraux qui chante simplement les
appas de Sa Monde, mon choix est fait depuis long-
temps. Je laisse le lecteur libre de faire le sien.
Toutes les fois que Debraux a voulu sortir du
genre dans lequel il avait acquis une incontestable
supériorité, il n'a point réussi. Soq poème des Bar-
ricades n'a rien de saillant, rien qui fixe l'aitention
et qui soit susceptible d'être noté. Son Voyage à
Sainte-Pélagie n'est guère plus intéressant, et, si
quelques joyeuses chansons, comme il S-ivait les
faire, n'en égayaient pas le cours, jamais voyage
n'eut été plus fastidieux. Sa plume exercée à la
facture des coupleis patriotiques ou grivois avait
une allure pénible dans la prose; elle élait un peu
gauche, impuissante et comme dépaysée. Aussi, je
doute fort que la malicieuse et ironique préface de
la Oaudriole (ly32) préface datée de février I Soi, soit
d'Emile Debraux, bien qu'elle porte son nom. Du
reste, ce n'est pas là un cas unique de supercherie,
car sous la signature de Debraux il existe un grand
nombre de chansons qui ne sont pas de son crû (1);
Charles Lepage, F. Dauphin et d'autres encore ont
été ses collaborateurs.
Le comble de cette mauvaise plaisanterie, c'est
d'avoir interpolé une poésie bien connue de Lamar-
tine dans le troisième volume des chansons de
Debraux. Cola est d'autant plus audacieux, que Tau-
leur de Bonaparte ne pensait pas positivement
comme le chantre de la Colonne. Cette divergence
d'opinion ne parut pas un obstacle aux brocanteurs
de livres et ne les empêcha pas, après avoir écourté,
mutilé l'ode admirable du poète, de la fourrer dans
les petits recueils du chansonnier. Cela se passait du
vivant de l'auteur (2^
Je ne voudrais pas terminer ces lignes sur cette
désagréable impression; aussi dirai-je, pour finir,
que sans avoir l'élévation poétique et la pureté de
langage que Béranger possède à un si haut degré,
Emile Debraux, grice à sa pensée incisive et sail-
lante et surtout à la conception originale d'un grand
nombre de ses chansons, est et' restera un dos
meilleurs et des jjIus joyeux chansonniers de son
temps.
Quant à ses incorrections, à ses -inélégances de
style, Béranger, toujours charitable et bienveillant,
ne l'en rend pas responsable. Ne soyons pas moins
indulgent que le maître :
A tant d'esprit passez la négligence.
Ah! du talent le besoin est l'écucil.
E. Debraux mourut à Paris, le 13 février ISlîl, la
veille du sac de l'Archevêché. R. P.
FAKFAN LA TDUPE
Air connu.
Comme l'mari d'notre mère
Doit toujours s'app'ler papa,
Je vous dirai que mon père
Un certain jour me happa.
Puis me m'nanl jusqu'au bas de la rampe
M'dit ces mots qui m'mir'nt tout sens d'sus d'sous :
« J'te dirai, ma foi,
« N'y a plus pour toi
« Rien chez nous.
« V'ià cinq sous
« Et décampe.
K En avant
« Fanl'an
u La Tulipe,
ï Oui, miU'noms d'une pipe,
« En avant! »
lion intelligente et notamment d'un
à l'inti-oiluelion de cl.ansons dont
ne l'anlrme Duniersan, i|ue linéiques
lion de Icm-s œuvres dans celles de
Debraux, soit cnlln que le niercantiiisnio ait eu en vue, en grossissant do
pièces étrangères les volumes du elninsonu' '• ' '
tion de UcLraUK et surtout les eiiauC-S d.- 1,
regrettable et qui peut déprécier l'œuvre co
(2) lionaparto, Lamartine. Àn-hèe du XajjuH-on à l'Ëlysce,
bebraus, édition do lS2a, iiago 205, 8" volume j édition do . ISSe;
1" volume, page 220.
(1) Soit quo l'absence d'une dii
conlréle sérieux ait pu donner lit
la paternité est douteuse, soit, co;
Il eu résulte uu fait
d'Emile i)cbi-aux.
180
LA CHANSON
Paisqu'il est d'fait qu'un jeune homme,
Quand il a cinq sous vaillant,
Peut aller d'Paris à Piome,
J'parlis en sautillant.
L'premicr jour je trottais comme un ange.
Mais l'IendemaiH.
J'mourais quasi de faim.
Un r'crutour passa
Qui m'proposa
Pas d'orgueil,
J'm'en bals l'œil,
Faut que j 'mange.
En avant, etc.
Quand j'entendis la mitraille.
Comme je r'grettais mes foyers !
Mais quand j'vis à la bataille
Marcher nos vieux grenadiers ;
Un instant, nous sonim's toujours ensemble
Vcnlroblcu! me dis-jc alors tout bas.
Allons mon enfant,
Monp'til Fanfan,
Vile au pas.
Qu'on n'dise pas
Que tu tremble !
Kn avant, etc.
En vrai soldat de la garde.
Quand les feux avaient cessé,
Sans r'garder à la cocarde
J'tendais la main au blessé.
D'insulter des homm's vivant encore,
Quand j' voyais des lâch's se faire un jeu;
Ah ! miir ventrebleu,
Quoi,
Devant moi,
J' souffrirais
Qu'un Français
S' déshonore !
En avant, etc,
Vingt ans soldat, vaill' que vaille,
Quoiqu'au d'voir toujours soumis.
Un' fois hors du champ de bataille,
J' n'ai jamais connu d'ennemis.
Des vaincus la louchante prière,
M' lit toujours
Voler à leur secours.
P'I-êl'c' que j' frai pour eux.
Les malheureux
L' front un jour
A leur tour
Pour ma mère !
Eu avant, etc.
A plus d'un'gcnliir friponne
Mainte fois j'ai fait la cour ;
Mais toujours à la dragonne;
C'csl vraiment r chemin 1' plus court.
Et j' disais quand un' fllle un peu fière.
Sur l'honneur se mettait à dada :
N' tremblons- pas pour ça,
Ces vertus-là
Tôt ou tard
Finiss'nt par
S' laisser faire.
En avant, etc.
Mon père, dans l'infortune,
M'app'lapour le protéger;
Si j'avais eu d'ia rancune.
Quel moment pour me venger !
Mais un franc, un loyal militaire,
D' ses parents doit toujours être l'appui;
Si j' n'avais eu qu'lui
J' s'rais aujourd'hui
Mort de faim,
Mais enfin
C'est mon père?
En avant, etc.
Maintenant je me repose
Sous le chaume hospitalier ;
Et j'y cultive la rose
Sans négliger le laurier.
D' mon armur' je détache la rouille.
Car si l'temps ramenait les combats,
D* nos jeunes soldats
Guidant les pas,
J' m'écrirais :
J' suis Français,
Q,ui touch' mouille.
En avant
Fanfan
La Tulipe,
Oui, niiir noms d'un' pipe,
En avant!
Paul-Émile Debraux.
QUAND m EST SI JOLIE
Le soleil béni du printemps.
Qui sur terre fait tout éclore.
Lise, prèle à tes dix-sept ans
Le charme attendri d'une aurore ;
Interroge sur ton pouvoir
Le clair ruisseau de la prairie :
Etre coquette est un devoir
Quand on est si jolie !
De vagues désirs agité.
Ton cœur à chaque instant soupire,
Mignonne Lise, la beauté
Se complète par le sourire ;
Accueillant qui cherche à te voir.
Bannis toute mélancolie :
Se faire aimer est un devoir
Quand on est si jolie !
Bientôt un candide amoureux
T'offrira son ardeur fidèle.
Pour ce courtisan langoureux,
0 Lise, ne sois pas cruelle ;
Du bonheur caressant l'espoir.
Tiens la sagesse pour folie :
Aimer, aimer est un devoir
Quand on f:sl si jolie !
L.-Henry Leqomib.
LA CHANSON
181
FOLATRERIES
Un papillon perdu l'autre jour s'abrila
Au bord de ma fenêtre ;
C'est le vent qui, fougueux, dans ce coin m'apporta
Ce joli petit être.
Je contemplai d'amour les points noirs, le beau blanc,
D'une neige native.
Et le bleu qui nacraient d'un nuage ambulant
Son aile fugitive.
L'infortuné pliait sous une goutte d'eau
Que lui lança l'orage.
En vérité c'était un horrible fardeau
Sur son divin corsage.
Je priai le destin de mettre dans ses jours
Un peu plus de concorde,
I>e recevoir son corps, son àme et ses amours
Dans sa miséricorde.
Le cœur gros je maudis ma main ne pouvant pas
Le toucher sans blessures,
Ctonlrc moi furieux, en marchant à grands pas,
M'adressant mille injures.
Cependant chacun sait qu'il faut ici mourir ;
Mais mon cœur seul raisonne :
Il m'eût été si doux de pouvoir secourir
Sa gentille personne I
Capricieux rimeur, fantasque et bruissant
Comme un grillon dans l'Atre,
Fuyant le prétérit je vais mettre au présent
Ces faits que j'idolâtre.
La strophe, en s'insurgeant, m'est rebelle au passé.
Sa verve ne s'éveille
Q'avec l'indicatif vivant, leste, empressé,
Dont elle s'émerveille.
A rêver sans sujet au fond d'un songe creux
Trop souvent je m'égare :
Amis ! pardonnez-moi cet oubli monstrueux,
Je cherche mon Icare.
Mon pauvre papillon remue 1... il n'est pas mort.
Son aile se déploie.
Sa vie est arrachée aux affreux coups du sort.
Je nage dans la joie I
— Papillon 1 sauve-toi sous ce frêle appentis
Fait de cette planchette.
Mais solide en portant sur quatre pilotis,
Que ce soit ta chambrette.
Mets-toi bien à l'abri, plus haut, prends garde à toi.
Car la bise extermine
Fleurette et papillon; oh ! ménage, crois-moi.
Ton beau manteau d'hermine.
La pluie en te cinglant pourrait, de ce terrain.
Te souiller de sa fange,
Flétrir et profaner le tissu souverain
De ta robe d'archange.
Ton dos est chatoyant d'un salin des plus frais
Que notre œil s'accoutume
A voir sans adorer. — Dieu pourtant fit les frais
De ton divin costume I
Pour plus de sûreté plein de soins je te prends,
T'emportant dans ma chambre.
Enivré des splendeurs qu'en transport je surprends
Sur ton corps qui se cambre ! —
Je le place au soleil et pour le contempler.
Comme une découverte;
Ici, je veux qu'il soit libre de s'envoler
Par la fenêtre ouverte.
Sur les bords de son aile erre un doute d'azur
Dont s'ornent les coquilles.
Et du lilas fondu dans un blanc des plus pur
Sur des teintes jonquilles.
Son ombre illuminée aux doux reflets du jour
A des beautés sans nombre
Me comblant d'avenir, de lumière et d'amour
Qui glissent dans mon ombre.
Il semble, à palpiter, qu'il suit tout sentiment
Pour les fleurs qu'il adore ?
Ali ! mon regard croit voir son petit cœur d'amant
Les baiser dès l'aurore 1
Bientôt il va d'un bond s'élancer vers les bois,
Mais en lui je me fie
Pour doter ma cervelle et velouter ma voix
De sa philosophie.
Reste encore au logis, ravissant papillon,
Créature fugace.
Aime-moi, car je t'aime, ô vivant tourbillon
Qui veux perdre ma trace !
Je n'ai pas assez vu tes ailes déployer
Leur immense envergure.
Ni leur superbe éclat que tu fais ondoyer
En charmant la nature.
Balancé sur ton vol que je voudrais pouvoir
Aller de cime en cime !
Mais sonder ton esprit de mon tristo savoir
C'est sonder un abime.
Il s'apprête à me fuir. . . Adieu, cher voyageur ! —
Le voici qui s'envole
En emportant mes vœux, et mon âme, et mon cœur
Sur sa course frivole.
Jl plane, en s'amusant, vers des buissons épars
Qui croissent dans cette ile ,
Qu'on aperçoit là-bas, au-delà des remparts
Défendant notre ville.
Ce brillant papillon colore, en s'y perdant.
Le fond du paysage,
Et mon regard heureux se berce indépendant
Sm' son élan volage-
Son essor libre et prompt révèle un paradis
Sur les roseaux qu'il rase :
A le voir, tout en Dieu soudain je m'agrandis
Elevé dans l'extase 1
182
LA CHANSON
Comme le papillon, pour mieux nous envoler
Vers un ciel plus limpide,
Sous les ronces des morts il faudra s'enrouler
Dans notre chrysalide.
Il faudra de la tombe écarter les parois.
Ramper et reparaître
Dans l'infini des jours poiu' épurer cent fois
L'essence de notre être.
Le trépas, c'est l'aurore au réveil virginal
Où se métamorphose
L'esprit en imprégnant d'un philtre plus vital
Papillon, homme et rose !
Mais j'oublie en prêchant mon insecte illustré
D'un hoqueton d'élite
Qui franchit monticule, enclos, lac et vert pré
Gomme un cosmopolite.
Je cherche mon fuyard au ciel, dans tous les coins
De ce brillant royaume;
Il maraude sans doute au beau milieu dos foins
Délectant leur arôme.
Mon esprit sur son aile est comme un écolier
A la voix printanière,
Qui vagabonde at fait de hallier en hallier
L'école buissonnière.
Gauny.
JACQUES OFFENBAGH
Jacques Ofl'eubacli est mort àl'âgo de 61 ans, dans
son domicile, 8, boulevaiTl des Capucine,?. Il a suc-
combé à une attaque de goutte. Nous n'appreodrious
rien de nouveau à nos lecteurs en pariaat longue-
ment de ce compositeur extraordinaircmeut fécoud
et spirituel, car tous les journaux de Paris lui ont
consacré de longs articles biographiques.
Offenliach a écrit au moins cent partitions; il a
rempli los deux mondes de ses joyeuses mélodies;
il a gagné des millions; il a eu toutes les joies et
tous' les bonheurs. Ce fut une belle existence que
la .tienne.
A ses obsèques la foule s'est pre>sée; les Qeurs OQt
couvert son cercueil; les sommité-; artisliquts lui
ont fait coi-tège; des artistes de l'Opéra-Comiqu.; ont
chanté de sa musique et les org.ies de la Madeleiue
ont traduit une méloJie de la Chanson de Fortunio ;
enfin M. Faure lui-môme a chanté un Pie Jesu. Le
créateur de l'opérette a eu de splendides funérailles.
L'homme a été pleuré: il avait beaucoup d'amis
qui l'aimaient franchement. L'avenir dira ce qui doit
rester du musicien qui de son vivant eut tant de
vogue. J. R.
[Le Monde artiste.)
CHRONIQUE DES CONCERTS
Eldorado. — Les exercices curieux des frères
Conrad, clowns virtuoses, ajoutent un nouvel attrait
au programme irrésistiule déjà" de ce roi des concerts.
Samedi dernier a eu lieu la première audition de
Etes-vous comme moi ? paroles de L.-Henry Lecomte,
musique de Jules Raux.
Nous avons publié, dans notre numéro 14' (daté du
15 août), cette chanson d'un tour littéraire et d'une
franche allure. Elle a obtenu, l'autre soir, un succès
très vif, auquel ont beaucoup contribué la verve spi-
rituelle et la diction excellente de Velljr. Nous au-
rons à revenir sur l'œuvre et sur l'interprète, car
Etes vous comme moi ? se maintiendra certainement
au répertoire de l'Eldorado pendant un temps assez
long.
Sealsi. — Samedi a eu lieu la première représen-
tatioji de Pierrot Coffré., opérette en un acte de M. H-
Philippe, musique de M. Lucien GoUin. En général,
les opérettes de Concerts sont écrites pour faire rire ;
bornons-nous donc à dire que le public s'est dilaté la
rate aux mésaventures de Pierrot, sans nous arrêter
sur la donnée plus ou moins neuve de la pièce.
La musique de M. Lucien Collin est charmante, et
l'ensemble de la pièce a été des plus satisfaisants-
Bonne interprétation par MM. Bert, Bérod, Bru-
net; Mines lieuzé et Liovent.
Chaillier a créé une chansonnette dont la chute est
très originale : N'vous gobez donc pas tant qiCça'-
phrase qui s'applique à bien des gens, que l'auteur,
M. Laurent, n'a pas ménagé dans sa spirituelle
satire. La musique est de Gustave Chaillier.
Avec les bonnes chansonnettes du répertoire de
MM. Bourges, Brunet, Bruant, Paul Bert ; de
Mmes Graindor, Aimée, Liovent, Blockette et Hcuzé,
le programme de la Scala est des plus attrayants-
N'oublions pas Mme Patry, qui chante le grand ré-
pertoire avec succès.
t *
Alcazai- d'Hiver. — l.e succès que nous avons
prédit à Marmitons et poissarde., l'opérette de M. Fir-
min Bernicat, se réalise en ce moment. Chaque soir
un public nombreux applaudit à outrance les inter-
prètes de cette désopilante bouffonnerie. Mmes Elise
Faure, Zélie Weil, Jenny Mills; MM. Arnaud, Libert
Sulbac et Limât continuent à faire florès.
I.a seule chose que nous reprochons à l'administra
tion de l'Alcazar d'Hiver, c'est l'extrême sévérité de
ces messieurs du contrôle, qui sont de véritables
cerbères, et font les plus grandes difficultés pour
nous laisser parvenir jusqu'à la direction ou la régie,
seuls endroits où nous sommes à même de prendre
les notes nécessaires à notre chronique.
* *
Grand <Ji»ncept Pai-i^^iea. — Pst., Pstl tel est
le titre de la revue de fin d'année que MM. Hermil
et Numès viennent de livrer, et que la direction a
déjà fait mettre en répétition. Espérous qu'elle sera
plus spirituelle que l'ineptie dont elle porte le nom,
et que son succès sera égal à celui de sa devancière :
P'rapluies, ffrapluies ! des mêmes auteurs. La musi-
que est de M. Raspail, l'habile chef d'orchestre de
Tivoli Vaux-Hall, qui a intercalé un quadrille très
gai et très original, sur les motifs de la Sœur de
l'emballeur.
Dans la crainte de paraître radoter, nous ne parle-
runs pas du succès de la troupe qui continue à
être chaleureusement applaudie;
LA CHAJSrSON
183
Nous dirons seulement que L'iiomme n'est pas par-
fait, vaudeville eu un acte, a été joué dans la per-
fection par Nmes Lallée, Glotilde ; MM. Marijuetti,
Teste et Mey.
Folîes-Bobino. — C'est par une soirée oflerte à
la presse que la direction a inauguré sa salle, com-
plètement remise à neuf. La principale attraction
était la première représentation de Bobino vit encore,
prologue d'ouverture en deux actes ot '6 tableaux, de
M. Lomon.
Mme Levieilli-Coulon est une forte chanteuse qui
possède une bonne méthode cl un~vcrilable senti-
ment dramatique.
MM. Bertrand, Freberg et Gourville ont aussi été
fort applaudis.
MM. Salomon, Delpierrc, Legrain, Mlle Doriga et
Mme Brianne, dans Moiiiio vit encore, ont su plaire
au public et se faire applaudir.
Alfrep Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le héros de la grande soirée mensuelle donnée
le 2 octobre par le Cercle Musset, a été M. Bors-
chneck, qui faisait ses adieux aux invités, et aux
nombreux amis qu'il compte parmi eux. Aussi, au-
cun des habitués et des sociétaires du cercle, n'a
voulu manquer à la représentation, et, dès 8 heures,
la salle était complètement bondée.
Le régisseur, M. Gordier, a été on ne peut plus
amusant daus œ Tunnel de Saint-Germain, dans De-
dans les fleurs, et enfln dans Bonjour Cyprien ! où il
a fait fureur. M. Courtois a chanté Naples elle l'iyeon
bleu, avec beaucoup de succès. M. Bastide, qui a rc-
cilô un fragment du Roi s'amuse, a été également
très applaudi.
Mlle Augustine est ravissante dans son costume de
Petit abbé-, celte charmante personne a obtenu lui
grand succès dans la Napolitaine, qu'elle détaille très
gentiment.
MM. Jalade, Willaurac, Launois, Amiral, Marie et
Lebrun, chanteurs habilucjs du Cercle, ont aussi eu
leur bonne part d'nii|il;mili-sriucnts.
Après 0/«.'i)/o««j'7'/'.' iK.c-ii' récitée par M. Bors-
chneck, le président, M. A. Durrieu, a prononcé un
discours, que le manque d'espace nous empêche de
reproduire en entier, et dans leipicl il a rappelé les
bons services rendus par M. Borschneck, depuis son
entrée au Cercle, .-^dii discours s'est terminé par ces
mots ; « Eu témoiiiunge do reconnaissance, au nom
« du Cercle JIussiiT, je vous reiiiels ce diplôme et
« cette médaille de vermeil, qui scrnnt pour vous un
« souvenir inaltérable, et vous rapiicUeront les courts
« moments de joie que vous aurez passés au milieu
(I d'amis sincères et dévoués. »
Très ému, M. Borschneck a remercié ses amis du
Cercle et exprimé tous les regrets qu'il éprouvait de
les quitter, 11 a adressé ensuite ses remerciements
aux invités, pour l'indulgence et la bienveillance
qu'ils lui onttoujours témoignées.
La soirée s'est terminée piir les Deux jtrofonds scé-
lérats, vaudeville en un acte, interprété parMM. Gor-
dier, Willaume et Borschneck.
La prochaine représentation du Cercle Musset
aura lieu le G novembre.
Le lundi ^ octobre, la Lyre Répurlicaine, au café
du Globe, 8, boulevard de Strasbourg, a inauguré sa
saison d'hiver par une représentation qui comptera
parmi les plus brillantes de cette société. La salle,
entièrement ornée de drapeaux, était comble, et la
plus franche cordialité n'a cessé de régner pendant
le courant de la soirée.
M. Prosper Villère a chanté en véritable artiste et
en musicien consommé le Rêve de l'humanité ^ii, le
Soutenir d'une rose. Les applaudissements n'ont pas
manqué au petit Adolphe, des concerts de Paris, qui
a été on ne peut plus amusant dans la Cuisinière à
papa et dans Qui veut m' aimer'}
Mlles Mallard, Villemère, Augustine, Henriette,
Julia; MM. Raymond, fie Ba-ta-clan, Audréal, pré-
sident du Cercle de l'Ajiitié, ICock, des Enfants
DE LA Seine, Gros, Zacharie et Marie, ont rivalité de
verve dans leiu's dill'éreiits Limires.
Deux toutes jeunes filles', Mlles Edwige et Alice,
ont été admirables d'entrain, et ravissantes dans
leurs costumes, dans un duo : les Compliments de
Normandie-
Mlle Marie Fournier a dit avec beaucoup de verve
etde bon goût Oli ! Monsieiirt la charmaute poésie de
Gondinet.' Le Naufragé a été dit dans la perfection
par M. Verdier, de la Favorite.
La Consigne est de ronfler, qui terminait la représen-
tation, a été très bien interprétée par Mlles Augus-
tine et Désirée; MM. Clément et G. Bêche. Dans le
rôle de Landremolle, M. Clément, quoique n'ayant
pas l'accent allemand désiré, a provoqué un fourire,
tant il a été comique. Mlle Augustine a fort bien tenu
le rôle dTrma. Dans le rôle de Tavernier, M. Bêche a
été un peu mou et il n'a pas eu les gestes énergi-
ques qui doivent caractériser ce personnage. Avec
un peu d'étude, Mlle Désirée fera plus tard une ex-
cellente soubrette. Malgré ces petits défauts, la pièce
a fort bien réussi.
Pour récompenser et remercier Mlle Augustine, la
société lui a oiTert un magnifique bouquet avec
le titre et l'insigne de membre d'honneur.
Une tombola composée de trois gros lots a été
tirée à la Un de la soirée.
La grande soirée mensuelle du Pinson, qui a eu
lieu le 0 octobre, a été des plus brillantes et des plus
animées. La plupart des artistes qui se sont fait en-
tendre sont très connus et très aimés du public,
aussi les applaudissemenls et les rappels ne leur oui,
pas fait défaut. Kn proniiéri' liijiic, il liiul citer: l'a-
musant Jomain, qui a été desuiiilaiil dans Monsieur
Troim de l'air,. M. Victor, qui a débité A la chau-
dière avec sa verve habituelle et M. Beck qui a dit
avec beaucoup de brio Gifflez-moi çà.
Dans la partie sérieuse, M. î^ichard a obtenu un
bon succès dans David chantant deranl S'a/il et M. Di-
dier a chanté l'Oiseau s'envoie d'une manière digne
des plus grands éloges. Mme Sénèz, l'artiste favorite
du PiNsox » été très applaudie dans J'aimous bien
ces petits jeux-là.
Citons encore Mlles Maria, Mathilde; MM. Ver-
net et Bernut ([ui ont oblenu beaucoup de succès.
Une valse à ({uatre mains, exécutée sur le piano
par la petite Jeanne âgée de 5 ans et son professeur,
Mme Ad. Pauchet, a fait grand plaisir et a été très
applaudie.
Pour terminer la soirée, l'attes blanches, opérette
en un acte, a été parfaitement jouée par MM. Vaast
et Ferdinand.
Le lundi 2B octobre, la Fantaisie lyrique, 1 66,
boulevard Magenta, donnera une grande représenta-
tion extraordinaire au bénéfice d.s familles des mal-
heureuses victimes du boulevard Rochechouart.
Le programme, où ligure un grand nombre d'ar-
tistes de la Scala, du XIX" Siècle, du Grand Concert
Parisien, des Folies Saint-Martin, etc., etc., promet
des merveilles.
d84
LA CHANSON
Avis à ceux dî nos lecteurs qui voudront faire
une bonne œuvre et passer une agréable soirée.
Alfred Bertinot.
II nous semble que ies spectacles du Cercle de
l'Espérance ont un peu perdu de leur ancien éclat.
Cela tieni-il à ce que la danse occupe une trop
gi-aade p.irtie de son programme? M. Caltierine Icra
biea d'aviser à ce sujet.
M. Ducoin s'est iaa remarquer dans la dernière
soirée avec deux courts monologuf.s; le premii-.r, in-
titulé: Les gros mots, le second écril par Liffite sur
rappellalion Ellel Dans ce deruier récit, M. Ducoin
a rappelé assez tidèlernent la manière do dire d-,
La'îsouche.
M. l'eters, qui chante les mélodies, a été comme
d'habiludo très agréable. L'hi.-toire dramatique de
Simonne, par AH'red de Musseï, a été racoutee jiar
Mlle Clar^/ qui montre de véri'ablcs di-^posilion'<p uir
la comédie.
M. Jules Raux dont le concoure ne f-.it jam<i^
défaut à ses amis, a chantonné d'une fi'çon cliar-
manie une courte romance: « On peut s'entendre »
qu'il a écrite sur une poésie de L. -Henry Lecomte.
Pour clôturer la séance, M. Uick-'on a chanté avec
un naturel fort comique Boisentier et le Toutou de
Mylord. _ Z...
CHOSES & AUTRES
La Société chorale Les Amis des arts, sous la di-
rection de M. Perrin, l^uiréat du Conservatoire, a
donné un grand concert populaire, lundi 4 oct<ibro,
dans 11 salle de l'Klysée - Mnnttnartn-, avec
le concours de la Fanfare Crespin et. de plusieurs
artistes de nos grands concerta parisiens. L'or-
chestre, les chœurs et le^ iotermèd'~s de chant alter-
nant, nous avons applaudi la Fanfare Crespin, dans
quatre morceaux diliéreuts, et notamment dans la
Marseillaise, qui a été acclamée pir tout \'»\x litoire.
Le cliœur des Soldats de Faust a été exécuté avec
une prestesse irréprnv-.hahle cl un ensemble parfait,
p.tr les Ami-s des Arts. Nos félicilaliou.s smcèrcs a
M. Perrin, l'nabiic diiei:ieur do, ceMc société.
Dans les intermèdes, lîruiiel, ilc l.i S(JAi,A,a obtenu
,nn bon succès avec Maître Blaguefort, et Instruire
en amusant, gr^indes scènes comiques, qu'il débite
avec beaucoup de brio.
Le public a fait une grande ovalion à Dcbailleul
fiurè* .«on dernier gr^ind' succès au XIX" Siècle, Les
Petites mains de ma mie, de notre ami Jules Jony.
j,'cxi>lient article i dû dirf^ ensuite la Chanson des
clocheloits, de iioiri collaborateur [^ucien Houland.
(les deux chansonnoiles lui ont valu déjà un grand
s iccè'^ d-ins une milinée donnée dernièrement à
ijidieville et où il luèLiil également fOu gracieux
concours. Nous citerdos encore Mme Domer>,Mie, de
la SCALA, Mlle Giriiicr ; MM. Perrin, Durot et Le-
brun qui ont eu leur part d'applaudissemen's.
\i>ns prions MM. les présidents des sociétés lyri-
ques de nous faire parvenir les iavitati ms pour leur.»
(/roAides (lOirées plusieurs jours à l'avance, afin que
(lous puissions prendre nos dispositions pour y as-
»aister. Nous publierons, ilaas notre dernier numéro
d'octobre, la liste de^i ?ocié!ôs lyriques, avec les noms
des présidents, ainsi que le lieu et le jour des réu-
nions. Prière de nous faire parvenir d'ici là des ren-
seignements. Avis à MM. les présidents.
Au théâtre des Fantaisies-Parisiennos, dimanclie
2i octobre, grande matinée ofï'erte à ses membres
honoraires par la Société V Alliance chorale de Paris,
avec le concours de MM. Denizot, Debailleul, Leserre,
Jules Raux, Jomain, Ghapuis ; Mmes G. Leclerc,
Ileuzé, A. ïhouard, l'Harmonie du XI= arrondisse-
ment et te Zyre l'arisienne. Tràs joli programme;
,efl'et et recette assurés.
Samedi a eu lieu la réouverture du Cercle des Hy-
d.ropathes, rue de Jussieu, 129, sous la présidence de
Emile Goudpau.
Le dimanche 17 auront lieu la réouverture des
Concerts populaires et celle des concerts du Ghâte-
let.
L'organe spécial de l'Association artistique d'An-
gers, intitulé Angers-Revue, vient de faire paraître
son premier numéro.
PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE A.PATAY
(SS, rue Itonnpnrte 18).
I,c.>i .abeille.», chanson. Paro'es de Georges Baillet,
Musqué de Mme Anais Brianny. Avec gravures, grand
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IV.%Ihuni cIosDnnics, parMme Juliette Manceliére,
cahier de chansons à 10 cent.
Ktcs-rous comme moi? chanson. Paro'es de L.-
Henky Lecomte. Musique de Jules Raux, grand format,
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Créée à l'Eldorado par Velly. cette bonne chanson
fera promptement le tour des Concerts.
ILa Fctp clc la li'rance. Paroles de J.-B Robinot,
Musique de Jules Raux, petit format aux couleurs natio-
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Ii'ranro, hymne di la Paix. Chant national. Paroles
de L. Sabrade, Musique de Ben-Tayoux, avec gravure
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I.i°UiTor, romance. Paroles de Fauché, Musique de
Raguey. petit format sans gravure, net » 20
.l'en BSnfTolc, paroles et musique de Jules Raux.
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minoH ! chanson féline. Paroles et musique de JuLES
Raux, grand format avec gravure et accompagnement
de piano, net 1 »
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BvnHS«i.»c de 1» Chanson. Paroles deCLAUDius Malbet,
Musique de Ch. Marié. Grand format avec accompagne-
ment de piano, sans gravure, net » 50
I\'e clinnte» plii*i l.i Marseillaise, chansonpatriotique.
Paroles de Jules Célès. Musique de Inouïs Caloin.
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vure, net 1 »
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Paix et "ffravail. Paroles de Eugène I.mbert, Musique
de Jules Raux. Grand format avec «ccompagnement de
piano, sans gravure, net » 50
DjOs Petite.i Mnins de ma SBie, chanson. Paroles de
J JouY, Musique de Paul Hen'rion. G and format, avec
accompagnement de piano et grnvure, net 1 •
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Cette chanson vient d'être créée au Concert du xix'' siècle
par Dehailleul, Vartiate aimé du public, qui, nous en
somines certains, en fera tm de ses beauu: succès; elle est
déjà interprétée dans plusieurs c t ncerts et dans beaucoup
de sociétés lyriques.
<[|uanfl t'auras <Ie."< BSonstEclies. Paroles dj ClaÛDIUS
Malbet, Musique de Mathilde Fraiquin. Grand for-
mat avec accompagnement, sans gravure » 50
B>e "^'ienix EBiiveur de vin, chanson. Paroles de
Brugière, Musique de Jules Raux. Grand format avec
accompagnement de piano, sans gravure, net • 50
VBo c'qiie c'est qu'un enterr'nient, tableau populaire,
paroles d'EuGÈNE Lmbert, musique de Dauvergne. Petit
format avec gravure et accompagnement de J. Raux • 50
Vous, valse chantée par L. P., officier de cavalerie.
Grand format, avec accompagnement de piano, net 1 »
Toutes ces puhlicatio7is seront envoyées franco dans
toute la France à toute personne qxd en fera la demande
par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
les demandes au-dessous de 2 francs ou d'un mandat-
poste à partir de cette lonvne.
L,e JDirecteur-Oérant : A. PA'i'A \.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Gie, 6, rue Martel.
3« ANNEE. — N» «4.
f O CENTIMES.
24 OCTOBRE 1880.
LA CHANSON
Directeur-Gérant.
A. PATAY
f.a chanson est une forme ailàeet
charmante de la pensée. Le couplet
98t le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE '""'tS^ë^"^
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES —
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux- Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Annonces, la ligne. .
Réclames, —
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Lachanson, commelabàtonmlPi
oit une arma française.
J. CLAREVt.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN GHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an <ï fr.
» six mois 3 ■
Etranger, un an 8 »
taterie des ChdnsonnîerB : L'Abbé de Lalleïgnant —
/'Lattaignawt). — Ballade da Comédien (Lrciim Rolland) — Le
Convoi de David d' Angers (Auguste Allais.) — Pipe, Cigare et Ci-
garette, paroles (I'Emilk Sroacd, musique de Jules Of^ioA^iT. — Un
Homme modeste, (L. Jullien). — C'est le printemps, ma mie.
SOMMAIRE
Petit collet
(EoouAnnGnBgiiN). — Un Soaper chez Platon, (Marc THKZBLOor).—
Chronique des Concerts, (A. Patat). — Qaatorxième conconrt
mensuel dt La Chanson. — Chronique des Sociétés lyriques. —
Choses et Aatres, — Avis el Annonces,
GALERIE DES CHANSONNIERS : L'abbé de LATTAIGNANT
La mode est aux œu-
vres badines de courte
haleine, pleines de sous-
entendus. En ceci, com-
me en beaucoup d'au-
tres choses plus impor-
tantes, notre époque n'a
rien inventé. La littéra-
ture galante, qu'il ne
faut pas confondre avec
la pornographie répu-
gnante, a eu dans le
passé des représentants
que ne l'ont pas oublier
les poéiereaux moder-
nes. Chose singulière,
les gens d'église four-
nissent un contingent
relativement considé-
rable à cette troupe lé-
gère. Bernis, Ghaulieu,
Voisenon, Lattaignant
et beaucoup d'autres
ont acquis dans U. gen-
re badin une réputa-
tion véritable.
Gabriel - Charles de
Lattaignant naquit à
Paris en 1697. Sa fa-
mille, qui était dans la
robe, le destina à l'état
ecclésiastique. Il porta
dans le monde un goût formé par d'excellentes étu-
des, un amour décidé pour les lettres et pour le
plaisir, un esprit enjoué, délicat et sans prétention,
"i^vw?,^
un caractère doux et
complaisant, mais franc
et ami de la liberté.
Ces qualités le firent
rechercher des sociétés
les plus brillantes; il
préféra les plus aima-
bles. Il respectait les
grandeurs et les digni-
tés, mais il n'aimait les
grands qu'autant qu'ils
méritaient d'être ai-
més; et, quoiqu'on ait
dit qu'il ne s'était ja^
mais permis la moindro
pièce satirique, il est
constant que plusieur.s
de ses vaudevilles lui
attirèrent des désagré-
ments.
L'abbé deLattaignant,
pourvu du canonicat d^
Reims qui lui donnait
un rang dans le mon-
de, s'y faisait remar-
quer par sa gaité. Ai-
mant la bonne chère et
la recherchant, il fai-
sait les délices d'un
repas par sa facilité à
improviser des couplets
quelquefois médiocres,
mais toujours flatteurs pour les convives. Le poète,
en les chantant avec goût, leur donnait une grâce de
plus. Content d'avoir excité la joie, l'auteur ne son-
Avec des grâces naturelles,
Peintre des Héros et des belles,
Il unit la voix d'Araphion
A la lyre d'Anacréon.
186
LA CHANSON
geail a son ouvrage que lorsqu'on le lui redeman-
>dait. A l'espèce d'indifférence qu'il témoignait pour
le succès de ses ouvrages, on eût dit qu'en les com-
*:.<posant il n'avait en vue que l'amusement d'autrui,
sans' aucune prétention à la gloire. Il en acquit ce-
pendant, et dans un genre de poésie d'aulànt plas.
■■ 'difficile qu'il a produit chez- nous plus de chefs-
' 'd'œuvre qu'aucun autre.
' I,attaignant ne songeait guère à faire imprimer
ses bluettes quand Meunier de Querlon, son ami,
.gui en avait rassemblé un grand nombre, les publia,
en 1730, sous le titre de Pièces dérobées à un ami,
2 vol. in-12 qu'il dédia à Lattaignant même. On croit
aiajourd'hul que de pareils larcins se font toujours
de gré à gré; mais alors on prenait les choses au
pied de la lettre, et l'auteur des Observations sur la
littérature moderne fit des Pièces dérobées l'apologie-
suivante : . .
« L'auteur de ces poésies ne risque rien de se faire
connaître. L'esprit, la légèreté, la finesse, le naturel,
la„naïveté, l'enjouemeni, tout flat'e ici le goût le
■plus dçlicai, et l'on peut assurer que ces petites piè-
. ces feront l'amusement des lecteurs, comme l'auteur
fait liii-même l'agrément de toutes les sociétés où il
'se tr'biive. On' sait combien il est désiré, recherché
,;^àrtput où l'on aime la joie et le plaisir. Son esprit,
; 'fê.cond en saillies agréables, fournit à chaque ins-
taiit nouvelle matière à la gaité, et chaque saillie de-
vient bientôt un couplet charmanl, auquel l'agré-
ment de sa voix ajoute encore un nouveau prix.
Nouvel Anacréon, il a chanté le vin, l'amitié et l'a-
mour; ses vers sont les enfants du badinage; Bacchus
a été son Apollon; la jeune Iris était sa muse, une
table environnée d'amis son cabinet ou son Par-
nasse. Poète et auteur, mais, par un double prodige,
poète sans fiel et auteur sans travail, jamais l'envie,
la: haine, l'animosité, la vengeance n'ont animé ses
écrits; et si ses vers sont le fruit de ses veilles, c'est
qu'il veillait avec les plaisirs. Nés dans le sein de la
/ gaîtê, ses chants n'ont été pour personne un sujet de
tristesse; et sans avoir jamais rien fait que pour le
moment présent, il vivra dans la postérité, où son
Bom sera placé avec ceux d'Anacréon, de Catulle, de
ghaulieu et de Goulanges. »
-, - Le fond de. ces éloges ne manque point de vérité,
et si l'on remarque de la coquetterie dans la forme,
oh se souviendra, que le critique était un al)bé et
P'arlait d'un confrère. Lattaignant le remercia par
une épître, car, en ce temps-là, les poètes étaient
polis envers les journalistes et n'y perdaient rien.
L'édition des Pièces dérobées fut bientôt épuisée.
• Quelques années après, l'abbé de la Porte demanda
à Lattaignant la permission de réimprimer ce re-
cueil. Les Poésies de V abbé de Lattaignant parurent
en 17o0 (Londres et Paris, Duchesne, i vol. in-12).
Le premier volume contient les épitres; la moitié du
second renferme des madrigaux,- des épigrdmuies;
des épithalames,.des rondeaux, des. fables, des odes,
des inscriptions, etc., le reste de ce volume et les
deux suivants sont remplis par les chansons et can-
tiques spirituels.
Ce recueil, auquel s'ajouta, en 1779, un cinquième
volume de poésies et de chansons aurait gagné à ce
qu'on élaguât un grand nombre des pièces qu'il ren-
ferme; Lattaignant le sentait lui-même, puisqu'il dit
dans son épitre à l'abbé de la Porte :
Vous eussiez dû d'abord par amitié,
En retrancher tout au moins la moitié.
Quelque agréables que soient les œuvres de Lat-
taignant, la plupart ont beaucoup perdu à l'impres-
sion. Mais on trouve dans les cinq volumes des épi-
tres d'une originalité piquante, des chansons parfois
ingénieuses et toujours gaies, enfin des vers de so-
ciété qui ont survécu à la circonstance, ce qui est
assez rare.
Quoique Lattaignant fût reçu dans la bonne so-
ciété, il -n'y était pas toujours; aussi disait-il qu'il
allumait son génie au soleil et l'éteignait dans la
boue. Il habitait au deuxième étage d'une maison de
la rue de la Jussienne, en ce moment livrée au mar-
teau des démoli seurs, un appartement où il tenait
table ouverte, recevait les plus gais compères et
n'excluait pas le beau sexe de ses petits souper,^.
Une de ses plus illustres commensales fut la co.m-
tesse Dubarry. Celle-ci avait son liôtel tout à côté et
racontait volontiers au gai chanoine les scandales de
Versailles et les dépits jaloux de son amant cou-
ronné.
Sur la. fin de ses jours, Lattaignant se retira chez
les pères de la Doctrine chrétienne. L'abbé Gautier,
chapelain, des Incurables, avait opéré cette conver-
sion. Ce même abbé Gautier fut le confesseur de
Voltaire, ce qui donna lieu à l'cpigramme sui-
vante : ■
Voltaire et Lattaignant, par avis à: famille,
Au même confesseur ont fait le même aveu.
En tel cas il importe peu
Que ce soit à Gautier, que ce soit à Garguille;
Mais Gautier, cep-jndani, me semble mieux trouvé.
L'honneur de deux cures semblables
A bon droit était réservé
Au chapelain des Incurables.
L'abbé de '^Lattaignant mourut à Paris le 10 jan-
vier 1779.
LE PETIT COLLET
Air : V'ià c'que c'est qu' d'aller au bois.
L'abbé triomphe du plumet,
V'ià c'que c'est qu'un p'tit collet.
On le croit prudent et discret
Et la plus sévère
Consent à tout faire
Pourvu que ce soit en secret :
V'ià c'que c'est qu'un p'tit collet.
LA CHANSON
187
Pourvu que ce soit en secret,
Y'ià c'que c'est qu'un p'tit collet.
De la façon dont il le fait
Ni sa renommée,
Ni sa bien-aimée
Ne risquent point le quolibet :
V'ià c'que c'est qu'un p'tit collet.
Ne risquent point le quolibet,
V'ià c'que c'est qu'un p'tit collet.
Le plumet a' trop de caquet,
Et.de sa victoire
N'aime que la gloire ;
L'abbé jouit, mais il se tait :
V'ià c'que c'est qu'un p'tit collet.
L'abbé jouit, mais il so tait :
V'ià c'que c'est qu'an p'tit collet.
Il fait moins de bruit que d'effet;
Voici sa maxime :
L'amour n'est point crime.
C'est la façon dont on le fait :
V'ià c'que c'est qu'un p'tit collet.
C'est la façon dont, on le fait:
V'ià. c'que c'est qu'un p'tit collet.
N'a-t-il pas raison, en effet '?
On s'aime sans crainte.
On rit sans contrainte
Lorsque personne ne le sait :
V'ià c'que c'est t[u'un p'tit collet.
Lattaignant.
BALLADE DU COMÉDIEN
ou souvenir d'AIvIlUltT CiB.ATIGiVl'
Quand nous allions, bouffons errants.
Sur nos jambes grêles portés,
A travers les prés odorants,
Livrant aux échos nos gaités.
Quand, du rossignol écoutés.
Nos refrains célébraient, vibrants,
Les amours et les libertés,
Glatigny marchait dans nos rangs.
Les inêdailles d'or et les francs
Manquaient; mais-nos fronts indomptés,
Riches de rôves enivrants.
De poèmes, de voluptés.
Epris des célestes clartés,
Gardaient les reflets fulgurants
Des astres dans l'azur jetés!...
Glatigny marchait daiis nos rangs.
Ainsi qu'un vol de moineaux francs,
Parfois, au milieu des cités,
Nous faisions halte. Les souffrants,
Les pauvi'es et les irrités
Oubliaient leurs adversité.s
Devant nos jeux où les tyrans
Et les sots étaient souffletés.
Glatigny Inarchait dans nos rangs.
Envoi.
Solliciteurs de dignités.
Parvenus, doctes ignorants.
Loin de vos tristes vanités,
Glaligny marchait dans nos rangs.
Lucien Rouland.
LE CONVOI DE DAVID D'ANGERS
L'inauguration de la statue de David d'Angers
donne un intérêt d'actualité à cette chanson, qui
valut à son auteur 'la précieuse lettre suivante :
bnsiïur, d'avoir eu l'idée de ra'envoyer. la belle
i venez de faire sur la mort dé David, Je ne puis mieut
transmètlre à'ia famille de cet illusti-e artiste trop tôt
le de I
, la Fr:
Je suis sur, Monsieur, que ce beau chant louchera vivement et la
îuvc et les onfatits de David. Je me félicite' que voiis ayez pensé i^
le le dédier, mais je crois mieux et plus' convenable que cette dédicace
)il en l'honneur de la famille du ^rand artiste, dont la réputation est
; restera si populaire. • ' .
En vous' remercia'nt de l'honneur que vous -vouliez pne -faire, agréez,
I vous prie, Monsieur, l'assurance ,de ma gratitpde particulière et l'as-
irancc' do nia -cOVisidération distinguée.
■)rij',,"'y i . . . : ' Votre très dévoué serviteur^ 'f-v
23 octobre 1850.
Si»
Quaod de l'Attique en deuil la métropole
Pleurait la mort d'un citoyen fameux,
D'illustres noms peuplant sa nécropole.
Elle y plaçait ses restes précieux.'" '~ '-
Des rangs pressés de la funèbre escorte
Parlaient ces mots empreints/de majesté :"
Inclinez-vous devant ce char qui' poriè
Un fds du peuple à l'iinmortalilé!
Sur le chemiQ de roisi\e richesse - -
Heureux mortels qui gaspillez ^ os jours,
De vos coursiers suspendez- la vitesse
Ou lancez-les sur uq aurre parcOur.= . '
Pour faire suite à celui qu'on emporle
Que ferions-nous de voire uuUilé?
iQclinez-vous devant le char qui porle
Un fils du peuple à l'immortalité I
Vous qui voulez, sur la route infinie,
Oii le destin trace et compte vos pa.<:, ,'
Giaudir vos noms aux lulles du génie
Par le buriu, la plume ou le compas. -
Ah! comme lui, que la foi vous transporte
Aux régions de la sublimité;
IqcIIuoz-vous derunt ce char qui-porte
Un fils du peuple à l'immortalité !
Imitez-le celui qui, pour la gloire
D'un peuple libre au régime souverain,
En traits haidis aux lable.=! de l'iiistoire
Tailla le marbre et cisela l'airain. ' ;
Sous le ciseau, sou âme ardente et forie
Ressuscitait l'auguste Liberté!
Inclinez-vous devant le char qui porte
Un fils du peuple à l'immortalité!
Du temple offert a la reconnaissance
Sa maiu habile illustrant le fronton,
De la sculpture éleva la puissance
El lui conquit sou plus riche fleuron.
188
LA CHANSON
0 gloire aimée! Oh noni lu n'es pas morte.
Tu brilles là dans toute ta beauté;
Inclinez-vous devant le char qui porte
Un fils du peuple à l'immortalité 1
En ravissant aux Grecs en décadence
De Phidias le ciseau créateur,
Pour l'un des fils de la moderne France
Dieu réservait son souffle inspirateur.
Trop tôt pour nous David le lui reporte,
Ce souile pur, reflet d'éternité 1...
Inclinez-vous devant ce char qui porte
Un fils du peuple à l'immortalité !
Janvier 1856.
Auguste ALA.IS.
PIPE, CIGARE ET CIGARETTE
CHANSON DE GENRE
POÉSIE MUSIQUE
d'Emile Segand. de Jules Quidant.
Modciato.
Xa Pi _ pe n'est pas ac _ con
pli ... ,a;, ..lu Jû tr.onvo un. pcu.sana fa_
pli , e., Dant u - ne cham-bre de gar -
ton! Lonsqu'an de . hors, 1 hi.v'er gre.
loi _ te, Et qne toot-cbante au co.Ioœ.
hier, Com_mca_ïec art, on les en.
Refrain.
lot^. tej .,A. . jais de- tous le
joup.s. Ri. „ .pe, Ci— ga_re et Ci_ga
gret _ te Vous res^te-.rei too-.-joors!
Sous la moustache, un bon cigare,
A de l'allure et du cachet 1
Il grise un cœur sans crier gare,
Tout parfumé comme un sachet I
Avec lui, mon esprit voyage
Dans un monde toujours nouveau!
Et rien ne me parait si beau
Que d'un londrès le doux nuage I
Amis de tous les jours, etc.
N'oublions pas la cigarette,
Qu'illustra jadis George Sandl
Elle est bien prise ; elle est coquette.
Sous son fin corsage persan 1
Près du beau sexe, la mignonne,
A conquis son droit de cité :
Au foyer de l'intimité,
J'en sais plus d'une qui rayonne 1
Amis de tous les jours, etc.
Oui, la vie est ainsi formée :
Dieu l'emplit d'ombre et de soleil 1
L'homme y met un peu de fumée;
La femme, un charme sans pareil!
Du rêve on cherche la magie,
Et, pauvre, on se crée un trésor,
Dans la feuille, qu'au poids de l'or,
Veut bien nous vendre la Régie!
Amis de tous les jours :
Pipe, cigare et cigarette I
Hôtes de la chambrette.
Compagnons des amours.
Parmi ceux qu'on regrette
Vous resterez toujours 1
m mmi modeste
Air : la queue emporte la tête
On vous cite le rossignol,
On vous cite la violette :
L'un cache son chant et son vol,
L'autre nous embaume en cachette.
Je ne viens pas le contester.
Leur modestie est manifeste,
Mais, comme eux, on peut me citer,
Tellement je suis modeste.
Vous devez vous apercevoir
Combien m'a comblé la nature :
Tout le monde voudrait avoir
Ma belle taille et ma figure.
Qu'il est bien I dites-vous, tout bas ;
Ah 1 si vous connaissiez le reste !..
Mais ça, je ne le montre pas,
Tellement je suis modeste 1
LA CHANSON
189
Je sais bien que j'ai de l'esprit,
Esprit iin, juste et qui s'impose,
Puisqii'on se regarde et qu'on rit,
Sitôt que j'ai dit quelque chose.
Bien qpie l'éloquence ait des droits,
Oh I je laisse, je vous l'atteste;
Parler les autres... quelquefois.
Tellement je suis modeste I
J'ai conduit au théâtre, hier,
Des pauvres gens de ma famille.
Vous comprenez, n'étant pas fier,
L'argent que pour eux je gaspille:
Je m'étais mis très simplement...
Pour me distinguer d'eux, du reste.
Je n'avais qu'un gros diamant.
Tellement je suis modeste 1
Je pourrais faire, mieux que vous.
De ces chansons pleines de verve.
Qui rendent les maîtres jaloux;
Mais que le bon Dieu m'en préserve 1
Par tous m'entendre louanger,
Applaudir, — ce que je déteste, —
Faire du tort à Béranger I...
Non, non, je suis trop modeste 1
L. JULLIEN
Membre titulaire du Caveau
A mon ami Eugène Laumonnier.
fi'ESTtEffllJITEMPS, MAMIE
Bluetie.
Marie, ô ma mignonne.
Déjà le ciel nous donne
Des rayons de soleil.
Vois, la plaine est fleurie.
C'est le printemps, ma mie.
Saluons son réveil 1
Allons tous deux par les buissons.
Libres ainsi que des pinsons.
Etablir un doux nid de mousse.
Loin de tous regards indiscrets,
Nous livrerons nos gais secrets
A la verte feuille qui pousse.
Marie, ô ma mignonne, etc.
Dans les branches des coudriers
Nous verrons les gentils ramiers
Faire la cour aux tourterelles.
Et nous écoulerons, joyeux.
Le bruit tendre et mystérieux
Que feront leurs battements d'ailes.
Marie, ô ma mignonne, etc.
Alors mon regard dans tes yeux
Où semblent se mirer les cieus
Te dira mon amour extrême.
Et ton petit cœur de vingt aas.
Ma mie, en ce jour de printemps.
Bien bas, tout bas, dira : « Je t'aime I »
Marie, ô ma mignonne,
Déjà le ciel nous donne
Des rayons de soleil.
Vois, la plaine est fleurie.
C'est le printemps, ma mie.
Saluons son réveil.
Edouard Gressin.
TREIZIEME GONCOU RS MENSUEL DE LA CHANSON
3 e Prix.
UN SOUPER CHEZ PLUTON
Un soir que d'un vin généreux
J'avais fait long usage,
J'eus un rêve très curieux,
Sans pareil, je le gage. . .
Satan me dit d'un air tort doux :
« A souper, je t'engage
Chez nous!
A souper, je t'engage! »
— Diable! fis-je tout étonné
De cette politesse. ..
Mon heure aurait-elle sonné?
C'est tôt, je le confesse.
— Allons, dit-il, sois sans frayeur.
Surtout point de tristesse
Au cœur!
Surtout point de tristesse !
Sur son dos je saute à cheval,
(Peu vulgaire monture).
Et pour le royaume infernal
Nous partons!... Quelle allure !
Je brûlais de savoir comment
Finirait l'aventure.
Vraiment !
Finirait l'aventure.
De l'enfer je vis sur le seuil
La reine Proserpine;
J'en reçus un parfait accueil;
(Elle 'a fort bonne mine)
Puis, Pluton me dit à son tour,
En fléchissant l'échiné :
» Bonjour! »
En fléchissant l'échiné.
Ah! quel festin digne des cieux.
Sous ces sombres arcades !
Quels mets! Quels fruits délicieux!
Le vin pleut en cascades.
On y boit le Beaune et l'Aï,
Tous à pleines rasades.
Mais, oui!
Tous à pleines rasades 1
190
LA CHANSON
De son nez un diable se sert
En cornet d'harmonie,
Tandis que Pluton, au dessert,
Chante : « Ma Normandie! »
Et fait, en frappant sans façon
Sur sa panse arrondie :
Bon! Bon!
Sur sa panse arrondie !
Pendant le souper des démons
Les noires myriades
Cabriolent en tourbillons,
En folles mascarades.
Proserpine se divertit
En voyant leurs gambades.
Et rit
En voyant leurs gambades.
Soudain le peuple au chef cornu
Tournoie en ronde immense.
Et Satan de son pied fourchu
En règle la cadence
Mon œil ébloui cherche en vain
A suivre cette danse
Sans frein,
A suivre cette danse !
J'avais invité galamment
L'aimable souveraine;
Elle avait dit un oui charmant :
Ma main pressait la sienne...
Le jour vient... Tout s'évanouit...
Et l'enfer et sa reine...
Tout fuit...
Et l'enfer et sa reine !
Marc Thézeloup, de Rouen.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Eldorado. — Zizi cède aujourd'hui la place à
une bouffonnerie musicale, intitulée Atchi. Inter-
prètes : MM. Perrin, Ducastel et Mlle Bonnaire.
Plusieurs chansons applaudies se sont ajoutées
récemment au répertoire.
Etes-vous comme moi? de notre rédacteur en chef
pour les paroles et de notre ami Jules Raux pour la
musique, poursuit le cours de son succès. Velly qui
est, en même temps qu'un bon chanteur, un diseur
habile, en tire chaque soir des effets nouveaux. Cette
chanson, d'ailleurs très réussie, compte au uombre
de ses créations les plus heureuses.
Nous avons reçu trop tard la chronique des autres
concerts par notre collaborateur Alfred Bertinot. Nous
la publierons dans notre prochain numéro.
A. Patay.
QUATORZIEME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 Octobre au 20 Novembre
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part,
avec une chanson de sis couplets au plus, avec ou
sans refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le 1"^'' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
Nous publierons, dans notre prochain numéro, le
résultat de notre concours mensuel du mois d'oc-
tobre.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRÏODES
Les Enfants de Montmartre. —Salle Pétrelle, 24.
— Cette société a donné, le 3 octobre, une soirée des
plus divertissantes.
Nous mentionnerons, en première ligne, M. Mart,
un jeune lénorino dont la voix pure et bien timbrée
a des accents mélodiques qui sont d'un ravissant
effet. Je ne crois pas surfaire le mérite de ce jeune
chanteur en lui prédisant un avenir artistique des
plus brillants. La Favorite, le Sommeil de la Muette
qu'il a chantés d'une façon merveilleuse ont été ac-
cueillis de longs bravos.
M. Leclerc — une basse chantante — a dit avec
art et d'une manière remarquable : Belle Juive et le
Siège de Corinthe.
Dans le genre comique la société parait posséder
tout un bataillon de joyeux chanteurs qui ioterprè-
tent, souvent avec talent, les foliehonneries les plus
cocasses et les cascades les plus étourdissantes. Aussi
MM. Colinet et Maurice se sont ils montrés très amu-
sants, le premier dans : Galant avec les Dames et les
Gêneurs, et le second dans les jeunes filles aiment les
fleurs. Tous les deux ont de l'entrain, de la finesse
et une bonne diction. Tais-toi, Zoé, a été pour
M. Belguixe une véritable ovation. M.Georges, qui a
beaucoup de brio, a fait plaisir avec sa seconde chan-
sonnette. Signalons MM. Alfred, Roevens, Defente,
qui ont eu leur part de légilioies appiaudisscmenis.
M. Francqueville, qui récite les vers avec beaucoup
de grâce, leur donne un attrait particulier. Je me
hâte d'ajouter que Francqueville est poète et chan-
.=onnier et que ce sont ses productions qu'il récite.
M. Clément a dit également une poésie de Paul Bil-
haud, le Premier amour ; il est correct, mais un peu
froid.
Mlle Julia Violette — un nom charmant — a
chanté avec un goût exquis deux gracieuses bluetles
qui ont été accueillies par des bravos d'autant plus
multipliés qu'ils étaient bien mérités. Mme Blanche
Warald a su se faire applaudir dans deux genres dif-
férents.
Enfin, pour clore la soirée, la direction avait réservé
à ses nombreux invités une surprise agréable :
MM. Pablo Facelli, jongleurs équilibristes ont cap-
tivé l'admiration des spectateurs.
Je ne voudrais pas terminer sans adresser mes fé-
lications les plus sincères à M. Chauvière, qui a été
fort drôle dans le Raseur. Gomme directeur de la so-
ciété, M. Chauvière mérite des compliments ; la
troupe qu'il a formée nous promet des soirées at-
trayantes pour cet hiver.
L'ÉCHOLiÈRE (Brasserie Suisse, 91, rue de Seine),
présidée par M. Gouget — donnait, le 14 octobre, une
grande soirée lyrique et dramatique à l'occasion de
sa réouverture. — Dès huit heures la salle était com-
ble et le public prouvait par ses applatidissements
sa satisfaction.
LA CHANSON
191
M. Graiuet, cx-arlisLe da Chalet, a ialerprélé
J'ons vu Paris, avec beaucoup de naturel et d'en-
train — Moumoutle s'est surpassé dans la BoutùjUe
à treize — M. Clément nous a raconté sos Omotious
dans le Tunnel de Saint-Germain — cl Mlle Adèle a
bien détaillé le Refrain de noce — ainsi que la scie
populaire Ypsiboé.
Les accompagnateurs, Madame Lucas-Fernand, de
LA Lyre de la Gaité, et le pianiste de la société
ont tous été à la hauteur de kur tâche.
Mes compliments aux sociétaires qui ont ri-
valisé d'amabilité envers leurs visiteurs.
QUÉLIN.
Samedi 10 courant, la Ltre de la Gaîté a donné,
16, rue Descartes, une soirée extraordinaire au béné-
licR de sa caisse.
La soirée a été fort brillante. MM. Adrien Souchot,
Knrl et Moumoulte de I'Union PARISIE^'NE ont riva-
lisé d'entraio ; ils ont été bissés plusieurs fois. M.
Tiercclin, sociétaire, a fait aussi plaisir selon son
habitude.
Mme Adèle a dit avec beaucoup de Ijrio Ypsiboé, une
scie trè.s-gaie coiimie musique, et que tous répèlent
en chœur. Mme Llieureux détaille fort gracieusement
Je n' sais pas. Mlle Henriot est uuc romancière
agréable.
La soirée a continué par le tirage d'une tombola
magnifiiiuc et originale; puis l'on s'est séparé, les
uns à minuit 1/2, les autres à "ri heares du matin,
après avoir soupe d'une partie des lots de la tom-
bola.
Dans sauouvelle salle, rue Saint-Victor, 74 (Maison
"Vodablc), I'Union Parisienne continue à donner de
brillantes soirées, les dimanches et jeudis, devant
un public nombreux. Dimanche dernier, M. Léo To~-
tain, Ifc sympathique président a ouvert la soirée en
nous disant: l'enapas beaucoup comme moi;M. Beck
trouve qu'il faut soigner ça, il a mis beaucoup d'en-
train et de gailé. Les dames l'Ut surtout charmé l'au-
diloirr, et laSociélé a le bimheur d'en pcsséder plu-
sieurs de dillorenls genres. Mme Adèle a chanté la
Tireuse de Cartes et Ijjsiboé, lu puldic l'a rappelée, et
certes, elle le méritait. Mlle Aline Marjion a chanté,
avec cette gentillesse qui la fait tant applaudir, une
charniante bluolle qu'elle dit à ravir: Laissons les
amoureux. Citons encore : M. Monicart dont la voix
est juste et bien timbrée, M. Gouget, président d;
VÉcholière, Henri Karl, sociétaire, dans Ça va to>«-
Je;V Mlle Mathilde, Mlle Tardif, charmantes toutes
deux ; MM. Quélin, vicc-pré^ideni, Edmond, secré-
taire M.Bjnnelli, un bon comique, Charles GouUieux,
etc. Le petit Paul, âgé de sept ans, très amusant
dans la Renie de l'Union Parisienne. Un insigne
d'honneur lui a été donné, et c'était juste. Enfin
pour finir un duo comique, très drôlement interprété
par M. Léo Toitain et Mme Adèle. I^e piano était tenu
par M. ÉiwileVautravers, un excellent pianiste aimé
de tous les chanteurs.
Alfred Desfossez.
Au théâtre des Fantaisies-Parisiennes, dimanche
24 octobre, grande matinée oll'erte à ses membres
honoraires par la société l'Âlliauee chorale de Paris,
avec le concours de MM. Denizot, Debailleul, Leserre,
Jules Raux, Jomain, Chapuis; Mmes C. Leclerc,
Heuzé, A. ïhouard, l'Harmonie du XI" arrondisse-
ment et la Lyre Parisienne. Très joli programme;
effet et recette assurés.
Dimanche 24 octobre, grande soirée à I'Union pa-
risienne, 74, rue Saint-Victor, vis-à-vis la rue
d'Arras.
MM. Adrien Souchet, Karl, Moumoutte, Beck, Jo-
uas, Quélin; Mlles Mathilde, Marpon; Mmes Adèle
et Desfossez. A 10 heures précises, grand intermède
de chimie et expéiiences électriques savantes et
amusantes, par MM. X. et X.
Dimanche 24 octobre, salle Graffard, 138, boule-
vard Ménilmontant, grande matinée musicale et
dramatique, à 1 heure très précise, donnée par la
Fanf.^re de Ménilmontant (30 exécutants), dirigée
par M. A. Bideau, et la société I'Alliance de Bbl-
leville, présidée par M. TruQ'et; la matinée est di-
visée eu trois parties : musique et intermèdes de
chants, et sera terminée par la Visite au colonel,
vaudeville en un acte. Prix d'entrée : 80 c.
Lundi 2b octobre, à 8 heures, soirée extraordi-
naire offerte à ses visiteurs par la Lyre bienfai-
sante (quai Saint-Michel, 9), au profit d'un socié-
taire, M. Ch. GouUieux, soldat de la classe 1880.
Concours d'amateurs et de chanteurs; 4 prix seront
décernés aux visiteurs et aux dames. Envoyer son
nom et le titre de la chanson dimanche 24 au plus
tard. Magnifique tombola (plus de liO lots). Prix d'en-
trée : 2'd c, avec un billet gagnant.
La Lyre amicale de Paris, dont le siège est bou-
levard Sébastopol, 6 (M. Dupont, président), tiendra
à l'avenir ses réunions de chant et de danse tous les
jeudis cl dimanches, de 8 heures du soir à minuit.
Pour inaugurer celles du jeudi et sa nouvelle scène,
elle donnera le 28 de ce mois une grande soirée lyri-
que et dramatique avec le concours d'artistes et de
chanteurs aimés de différentes sociétés. Le pro-
gramme en est attrayant.
Les &AIS M0MUSIENS, présidés par M. Leroux,
donneront le dimanche 31 octobre leur soirée d'inau-
guration de leur nouveau local, 23, Faubourg-du-
Temple, dans la belle salle de la République, que
M. Orange a spécialement fait construire pour les
sociélés lyriques.
Voir le programme pour les noms des artistes.
Grande tombola gratuite. A partir de cette époque,
les soirées des Gais momusiens auront lieu tous les
dimanches, au lieu du lundi.
^ieut de pai-aitro ù notre librairie un nouveau
catalogue de livres anciens et modernes, rares et
curieux. Mous enverrons ce catalogue franco & toute
personne qui nous en fera la demande par lettre
atrrauchie.
'192
LA CHANSON
CHOSES & AUTRES
Lie premier ISanquet des présidents et
VICE-PRÉSIDENTS^ DES SOCIÉTÉS LYRIQUES ET DRAMA-
TIQUES' (du déparlement de la Seioe) aura lieu di-
maDche 31 oclohie, à.- v/ne heure très précise sous la
présidence de MM. Alfred Leconte et Dautresme,
députés.
Le prix du banquet est fixé à 4 fr. par personne.
(Les présidents et vice-présidents seuls ont le droit
d'y assister.)
On trouve des cartes d'invitation, Maison Orange,
11, Place de la République et au bureau du journal
la Chanson, 18, rue Bonaparte.
M. Edouard Philippe, l'auteur de Casqiie-en-Fer,
prépare pour le Skating — qu'on va transformer en
théâtre — une revue abracadabrante, en collabora-
tion avec M. Marot.
La Fée Cocotte aura trois actes et dix- huit tableaux.
La musique de Cœdès et Varney, les costumes de
Grévin, les décors de Cornil.
Le 9 octobre, à Sûnloffiie-sur-Seine,s.eu lieu l'enter-
rement civil de M. Auguste Roussel (de Méry) poète
et chansonnier auteur des Sermons de mon curé, de
Gros-Jean et son curé, et des Gmloises, volumes de
chants patriotiques et populaires, etc., etc.
Notre collaborateur Desrousseaux, le chansonnier
lillois, ■ dont nous publierons prochainement une
chanson paroles et musique, vient de faire réimpri-
mer Is. première partie de ses œuvres: Chansons et
Pasqndlles- Ce volume manquait depuis plusieurs
années, bien qu'il ail été déjà réimprimé. Les quatre
volumes se trouvent à Lille chez tous les libraires
et à Paris à notre librairie :
1" vol., précédé du portrait de l'auteur et d'une
petite notice sur l'orthographe du patois de Lille.
Nouvelle édition, avec musique, prix 2 fr. SO.
2* vol., avec les airs nouveaux de l'auteur, nouvelle
édition, pris 2 fr. 50.
3° vol., avec 20 vignettes et la notation des airs
nouveaux et anciens, nouvelle édition, prix. 2 fr. SO.
4° vol., avec les airs anciens et nouveaux et suivi
d'un Vocabulaire, prix 2 fr. 50.
Mlle Hortense Rolland, dont nous avons publié la
notice biographique dans notre numéro 14, fait
paraître dans le National d'Aix, depuis le 10 octobre,
un roman-étude de mœurs contemporaines, Moitiés
et Comédiennes, qui paraîtra en volume, dans le cou-
rant de décembre, à Aix et à Paris à notre librairie.
Nous rendrons compte, dans notre prochain nu-
méro d'un ouvrage considérable de Charles Yincent
qui vient de paraître sous ce titre : Histoire de la
Chaussure, de la Cordonnerie et des Cordonniers célè-
bres. ■
AVIS IMPORTANT
IVous nrions nos abonnés dont rabonncment expire
lîn Octobre, de nous faire parvenir de eioite le mon-
tant de leur réabonnement. ILes abonnements et
réabonnements sont reçus dans tous les bureaux de
poste deSi'rance; les frais sont k la charge du journal.
PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE A.PATAY
(iS, rue Bonaparte IS).
Les Abeilles, chanson. Paroles de Georges Baillet,
Musique de Mme Anais Brianny. Arec gravures, grand
format et accompagniement de piano, net 1 »
Petit format, avec gravure, net » 30
11' Album des Uamcs, par Mme Juliette Mancelière,
cahier de chansons à 10 cent.
Etes-vous comme moi? chanson. Paroles de L.-
HenrvLecomte. Musique de Jules Raux, grand format,
avec accompagnement de piano, et gravure, net. . 1 •
l^etit format, avec gravure, net 30
Créée à l'Eldorado par Velly. cette bonne chanson
fera promptement le tour des Concerts.
I>n Fcte de la France. Paroles de J.-B. Robinot,
Musique de Jules Raux, petit format aux couleurs natio-
nales, aet » 20
France, hymne de la Paix. Chant national. Paroles
de L. Sarrade, Musique de Ben-Tayoux, avec gravure
grand format, accompagnement de piano, net - 1 »
Petit format avec gravure, net » 30
Ei'BIïver, romance. Paroles de Fauché, Musique de
Raguey, petit format sans gravure, net » 20
J'en Kaffole, paroles et musique de Jules Raux.
Petit format avec accompagnement de piano et gravure,
net » 50
niiaou ! chanson féline. Paroles et musique de Jules
Raux, grand format avec gravure et accompagnement
de piano, net 1 »
Petit format avec gravure, net 30
KiaMuse de In Chanson. Paroles deCLAUDIUS Malbet,
Musique de Ch. Marié. Grand format avec accompagne-
ment de piano, sans gravure, net » 50
]^V chantez plsis In JSInrseîllaise, chanson patriotique.
Paroles de Jules Célès. Musique de Louis Caloin.
Grand format avec accompagnement de piano et gra-
vure, net 1 »
Petit format avec gravure, net » 30
Paix et Travail. Paroles de Eugène Imbert, Musique
de Jules Raux. Grand format avec accompagnement de
piano, sans gravure, net » 50
Ijcs l'etîtes Mains de noa Mie, chanson. Paroles de
J. Jouy, Musique de Paul Henrion. Grand format, avec
accompagnement de piano et gravure, net 1 •
Petit format avec gravure, net ■ 30
Cette chanson vient d'être créée au Concert du xix" siècle
par Debailleul, l'artiste aimé du public, qui, nous en
sommes certains, en fera un de ses beaux succès ; elle est
déjà interprétée dans plusieurs ci ncerts et dans beaucoup
de sociétés lyriques .
Çl^nand t'auras des Sloustaches. Paroles de Claudius
Malbet, Musique de Mathilde Fraiquin. Grand for-
mat avec accompagnement, sans gravure » 50
Die Vienx Buveur de vin, chanson. Paroles dfe
Brugière, Musique de Jules Raux. Grand format avec
accompagnement de piano, sans gravure, net «50
Y'ia c*(|uc c'est qu'un cnterr'm«nt, tableau populaire,
paroles d'EuGÈNE Imbert, musique de Dauvergne. Petit
format avec gravure et accompagnement de J. Raux > 50
"Vous, valse chantée par L. P., officier de cavalerie.
Grand format, avec accompagnement de piano, net 1 »
Toutes ces publications seront envoyées franco dans
toute la Fronce à toute personne qui en fera la demande
par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
Les demandes au-dessous de 2 francs ou d'un mandat-
poste à partir de cette somme.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Gie, 6, rue Martel.
3» ANNEE.
N« 25.
lO CENTIMES.
31 OCTOBRE 1880
LA
ANSON
Directeur-Gérant.
A. PATAY
ta chanson est une forme aitéaet
Charmante de la pensée. Le couplet
est le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
MAXIME GUY
Annonces, la ligne. .
Réclames, —
i&chanson,commelab3iîonnslt9
est une arme française.
J. CLARETIE.
«DHIINISTRilTIOn & RÉOmiON
18, BHB BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE
Galerie des Ch
(L.-IIknkï Li
Chasse (Jai.
Païe
: Emile Carré (A. Patiï). — Yiclor //a^o
iitb). — De Paris à Poitiers (E. Culdiiom). — La
EctiAMii). — Je te pardonne, p.irolos de Gnoncii
uc do (t. Hjicseu. — lUsuhat da Quatorzième Con-
cours de la Chanson. — La grosse Botte et la petite Hotline (Oc-
TAVii Lkhesoite). — Diner da Cercle Pigalle (Us IlAoïTirii). — Chro-
nique des Concerts (Alfuhd Bkktimot). — Chronique des Société.
Lyriques. — Nécrologie. — Avis et Annonces.
GALERIE DES CHANSONNIERS : Emile CARRÉ
Lachansonde concert
a des détracteurs nom-
breux, et il faut avouer
que la plupart des cri-
tiques qu'on lui adresse
sont justifiées. Le sans-
gène avec lequel les
fournisse iirs attitrésdes
cafés chantants traitent
le bon sens et la gram-
maire contribue à dis-
créditer un genre qui a
sa raison d'être, et qui,
mieux entendu, pour-
rait exercer une bien-
faisante influence.
Tous les chanson-
niers de concert ne
suivent pas, fort heu-
reusement, la route
mauvaise ; il en est qui,
sans répudier la forme
gaie, s'étudient à met-
tre dans leurs couplets
urje correction suffisan-
te et quelque ingénio-
sité : Emile Carré est
de ceux-là.
Né à Montreuil-sous-
Bois le 4 mars 1829, à
quinze ans, il rimait
déjà très proprement
des chansons qui faisaient les délices des goguettes
de la banlieue. En février iS-iS, Emile, qui avait pris
part à la Révolution, s'engagea dans la garde mobile.
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où il fut nommé offi-
cier, grâce à une chan-
son patriotique que
chantaient tous les ba-
taillons de soldats ci-
toyens.
Mis on non activilé
lors du licenciement de
lamobilc, Carré, croyant
à sa vocation pour le
métier, des armes, s^.^
fit incorporer au .39° ré-
giment de ligne. Il y.
fut bientôt mal, noté
pour avoir cliausonné
les ridicules de certains
do ses chefs, et pour,
avoir collaboré à la n-
daction de plusieurs.,
journaux des villes de
province où il se trou-
vait en garnison. Il n'eu
devint pas moins ser-
gent-major, et c'est'
avec ce grade qu'il fit
la campagne do Crimée,
amusant son régiment
par des chansonnettes.
Il publia la Varïdon-
daine et le Chant du
Siège dans le journal de
Constantinople, et com-
posa devant Sébastopol, en pleine tranchée, des cou-
plets : Pourquoi n'en ririons-nous pas"? que donnèrent
plusieurs journaux, l'Illwstration entre autres, et
194
LA CHANSON
que toutes les histoires de la guerre d'Orient ont re-
cueillis.
Rentré en France avec son régiment, Emile Carré
eut la douleur de se voir rétrograder au tableau
d'avancement et s'en prit d'abord à l'antipathie de
l'inspecteur général Forey; mais apprenant bientôt
que de mauvaises notes avaient été fournies contre
lui par quelques-uns de ces officiers qui ne pardon-
nent jamais à un inférieur de les dominer par l'in-
telligence, il se vengea en faisant courir une satire
intitulée le Rapport, où, après avoir flétri ses enne-
mis, il faisait ainsi 1 e portrait d'un adjudant-major :
Le jésuite botté qui les suit pas à pas,
C'est la tête du Christ et le cœur de Judas.
Pourtant on le croit bon, on le vénère, on l'aime.
Chacun a pour ce chef un dévouement extrême ;
Son regard est si franc, son sourire est si doux !
Il cache sa férule et vous frappe en dessous.
Des victimes qu'il fit si vous saviez le nombre !
C'est un serpent maudit qui vous pique dans l'ombre.
Il a les airs du prêtre et l'habit du soldat.
La nuit son hausse-col se transforme en raba*.
Et l'observateur froid se demande en silence
Si ce n'est pas Tartuffe en pantalon garance.
Et si l'instruction qui l'a fait réussir
Lui vient du séminaire ou lui vient de Saint Cyr.
Après l'apparition d'une pareille pièce, qu'il ter-
minait en disant du colonel :
Bon homme au demeurant, mais se laissant guider.
Créé pour obéir et non pour commander.
Carré n'avait plus qu'à quitter le corps, ce qu'il fit
pour aller en Afrique, où le général Faidherbe, alors
colonel du génie, commandant la subdivision de Sidi-
bel-Abbés, l'estima à sa juste valeur et se l'attacha
comme sergent-secrétaire, à la suite d'une représen-
tation théâtrale où il avait brillé comme chanteur
comique et comme auteur d'un discours envers aussi
attendrissants que ceux qui précèdent étaient éner-
giques.
Libéré du service militaire. Carré réunit en volume
et publia, par les soins de l'éditeur Huré, ceux de
ses chants de soldat qui lui paraissaient dignes d'in-
térêt; il écrivit ensuite quelques chansons de con-
cert qui eurent beaucoup de vogue : C'est V métier
gui veut ça. Le jour ousque f la marierons, etc.; puis
il abandonna la chanson pour refaire du journalisme
sous différents pseudonymes.
En 1868, rêvant d'élever le niveau du concert.
Carré se lia avec le fin comique Joseph Arnaud, dont
il enrichit le répertoire plaisant. Encouragé par le
succès, il travailla pour d'autres artistes et particu-
lièrement pour Libert, qu'il sortit de l'obscurité avec
les Emballeurs, les Brasseurs, l'Epicier droguiste, Xai
pas osé. Un jeune homme crédule, et surtout avec
L'Amant d'Amanda, scie sans précédent, qui en a
fait commettre tant d'autres.
Emile Carré fait vibrer la corde comique de Bour-
get dans ses chansons à parlé et celle de Colmance
dans beaucoup d'autres. A coté de cela il a écrit
des poèmes virils et des romances délicieuses.
Parmi ses chansons restées au répertoire des con-
certs à cause de l'esprit qui y pétille ou la quantité
de bons mots qui s'y trouvent, il faut citer : Ma
femme m'attend, Titine, Si fà ne fait pas suer'. J'ai
mon coup d' feu, L'ami de ma femme, On' en a point
d' cornm' moi. Quand on est pompette, les faux frères.
Verjus, Jamais! Le papillon bleu, La mère Mazagran,
J' suis de Monireuil aux pêches, V'ià m,on sentiment.
Je demeure au Vésinet, Quand je passe à Passij, Elle
m'a donne son cœur. Les fameux gommeux, Pas joli,
joli. Je voudrais être une rose. Troupiers et bonnes.
C'est la cantinière, Y m'a refusé son parajjluie. Les
Etudiants en Goguette, J'ai dépouillé ma famille. Les
jeunes filles aiment les fleurs. Galoubet le conférencier.
Les conférences de Bariolé, Le Sans-cœur, Tu fais d'
la pein' à ma sœur, J éprouve u,n petit soulagement. Le
nom de Clodomir, Histoire d'en causer, Pour avoir la
paix.
Tout ce bagage, sans doute, ne constituerait pas,
pour Emile Carré, un titre suffisant aux suffrages
de l'Académie, mais il lui assure parmi les paroliers
un rang très enviable. Carré, — nos lecteurs en ont pu
juger, — a du trait et de la verve. A rencontre d'un
grand nombre de ses confrères, il est primesautier,
et se garderait bien de s'adjoindre un collaborateur
ou de prendre modèle sur les chansons des autres
pour composer les siennes. Indépendamment du
cachet d'originalité qui leur est propre, les sujets
qu'il traite ont d'ordinaire l'attrait de la nouveauté.
C'est là un mérite rare et qui justifierait l'admission
d'Emile Carré dans notre galerie biographique,
s'il n'avait à cet honneur les titres incontestables
qui ressortent de l'examen de son œuvre.
A. Patat.
VICTOR HUGO
Il est TibuUe, il est Shakspeare, il est Homère.
Captivant les esprits et les âmes ses chants.
Tour à^ tour gracieux, solennels ou touchants,
Braveut le temps brutal et la critique amère.
Jadis, quand sous les pas d'un César éphémère
Naissaient les lâchetés et les honteux penchants,
Du fond d'un exil fier châtiant les méchants,
Il consola l'orgueil de la France, sa mère.
Aujourd'hui que sur tous plane le droit vainqueur,
Comme il subit la peine il partage l'honneur,
El, du passé lUï^ubre achevant la déroute,
Apôtre de justice et de fraternité,
Formidable et charmant, il suit la large route
Qui mène son génie à l'immortalité 1
L. -Henry Lecomte.
LA CHANSON
195
DE PARIS A POITIERS
Impressions de voj^agc.
Au loin déjà Paris s'efface,
Adieu Paris, charmant enfer,
Coursier de feu, clieval de fer,
La locomotive fend l'air
El semble dévorer l'espace.
J'ai là dans mon compartiment
Une dévote, un gas normand.
Un maquignon, un militaire.
Un épais et large vicaire.
Une nourrice et son enfant.
Avec ce bizarre assemblage.
Qui ne manque pas d'agrément,
Jusques à Poitiers je voyage.
T^a nourrice et son gros moutard
Sont placés ijrcs d'une portière;
Au centre, le révérend père.
Cause avec le gras campagnard;
Le maquignon, l'iiomme de guerre.
Fument en vidant plus d'un verre,
Tandis que la dévote austère
Dans un coin marmotte à l'écart.
Au dehors un vaste silence
Plane sur la nature immense.
Dans l'ombre parfois on croit voir
Un géant qui sur vous s'avance,
A travers cet Océan noir ;
C'est un arbre, informe squelette.
Qui se balance dans la nuit,
Puis un autre aussitôt le suit.
Quand disparait sa silhouette.
Et le train fuit toujours... bientôt
Un cri vient frapper mon oreille ;
C'est l'innocent petit marmot,
Qui pour moi trop tôt se réveille.
Car il a de bien gros chagrins.
Et pour apaiser le cher ange.
Comme en ce temps on fait vendange,
On vous le bourro de raisins.
Le maquignon discute, crie,
Fume et boit comme un vrai sonneur;
Pour se consoler du malheur
D'être en si triste compagnie,
La vieille dame et monseigneur
Mâchonnent quelque litanie.
Et se signent avec terreur.
Dans un coin le gros normand ronfle.
Avec l'enfant sur ses genoux,
A la nourrice qui s'en gonfle,
Le troupier, lui, fait les yeux doux.
Puis lout-à-coup le tableau change,
J'entends un sifflement étrange.
Suivi de plusieurs cris d'horreur...
Au moment où le bon pasteur
Explique à sa maigre voisine
L'attrait de la grâce divine
Et les bienfaits du créateur,
Grossier, ignoble, profane,
Le maquignon dans sa soutane
Met tout ce qu'il a sur le cœur.
Effroi, cris, panique, stupeur...
Les bras au ciel la pauvre dame
Hurle au voleur, à l'assassin,
Au poehard, puis enfin se pâme.
Tandis qu'à côté le bambin,
(Chez les enfants tout n'est pas rose)
Sur les genoux du fantassin
Laisse s'échapper quelque chose
Dont l'odeur n'a, rien du jasmin.
Et moi dans la nuit qui s'achève
Tout pensif je revois en rêve
Ce grand Paris que j'ai quitté,
Paris, trop bruyante cité.
Dédale de luxe et de crotte.
Où chaque jour la vertu trotte
A côté du vice effronté.
Et je pense à nos mandataires
En train de pêcher les goujons.
Et je réfléchis aux plongeons
Que font, hélas, les ministères,
Au jésuite, qui, pour finir,
Est un peu comme rallumelle
De la Régie... une amuselte
Qui pue et ne veut pas partir !
E. Chebroux.
Poitiers, octobre 1880.
LA CHASSE
Air : des Fraises.
Quand chacun tue à foison
Lièvre, cerf ou bécasse,
Permettez qu'à ma façon,
Ce soir, je mette en chanson
La chasse.
D'abord ne venons-nous pas,
Aux ministres en place.
Choisissant les trois plus gras.
De donner, — quel débarras! —
La chasse'?
Et sans hésitations.
Ne faut-il pas qu'on fasse,
Par maintes expulsions.
Vile, aux congrégations
La chasse.
Puis, dans trois mois, on verra
Le cabinet mollasse
Qui, de nouveau, se rendra.
Et l'on recommencera
La chasse.
Tant pis, mais nos jeunes lois
Fout à l'antique race
Ce que Voltaire autrefois
Fil aux prêtres aux abois :
La chasse.
196
LA CHANSON
Et notre vieil univers,
Sur toute sa surface,
Entend se briser des l'ers.
Tandis qu'on donne aux pervers
La chasse.
Mais ce thème est endormant
Et ne rompt pas la glace ;
Si je ne finis gaiment,
Vous me ferez lestement
La chasse.
Car chacun doit aujourd'hui
Ne sui\Te iei la trace,
Que du vieux rire qui fuit,
Pour ne donner qu'à l'ennui
La chasse.
Que dire de maint couplet
De notre populace?
En idiotisme complet,
A l'esprit gaulois ça fait
La chasse.
Maris trompés, de nos jours.
Par plus d'un lovelace,
Etes-vous aveugles, sourds,
Puisque l'on vous fait toujours
La chasse?
Et loi, fillette qu'au bal.
Un séducteur enlace.
Crains qu'un amour illégal
Ne donne à ton... capital
La chasse.
Car Cupidon, quelquefois,
Par l'acide remplace
Les flèches de son carquois.
Pour faire aux jolis minois
La chasse.
Et cependant ne suis pas
Ses conseils, pleins d'audace,
Quand semble le grand Bumas
Faire aux vertus d'ici-has
La chasse. '
Bref, je clos ceite oraison,
Bredouille at tète basse,
Et renlre dans ma maison
N'ayant fait qu'à la raison
La chasse.
1" octobre 1880.
Jules ECHALIÉ.
QUINZIÈi^IE CONCOURS MENSUEL.
Ouvert dît 20 Octobre au 20 Novembre
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre nart
avec une chanson de six couplets au plus, avec oii
sans refraui. '■ '
Nous publierons, en même temps que la piècj qui
aura obtenu le l"'' prix, une pa.ite notice elle por-
trait de lauteur, s'il y consent.
JE TE PARDONNE
ROMANCE
Paroles
de George Payelle.
Musique
de G. Haûser.
mer qu.e tv m'au. ras can „ ses
U M' II-
I P J M-n
le par- don - ne
Toi que j'appelais ma maîtresse.
Dis, te souvient-il d'autrefois.
Des folles nuits, des jours d'ivresse
Et des baisers que tu me dois?
Te souvient-il qu'un beau soir même
Tournant vers moi tes yeux charmeurs.
Tu me disais tout bas : « je l'aime? »
Moi je m'en souviens, et j'en meurs.
Si je suis seul..., etc.
LA CHANSON
197
Fraîche idylle, adieu, lu fus brève ;
Adieu, beaux jours, jours de soleil !
Plus fut ineffable le rêve,
Plus est douloureux le réveil.
Car la coupe où la lè\Te avide
A longs traits puisait le bonheur,
Nous échappa avant d'être vide,
Et se brise, avec notre cœur.
Si je suis seul..., etc.
Mais que dis-je, et sous la détresse.
Quand défaille mon pauvre cœur,
Que viens-je ici parler d'ivresse.
De doux aveux et de bonheur?
De ce bonheur, fleur éphémère
Qu'avec toi je voulus cueillir,
Ou'aurai-je connu sur la terre?
L'espérance et le souvenir.
Si je suis seul, si je pleure, ô mignonne.
Au souvenir de nos jours enchantés.
Je fus heureux et mon cœur le pardonne
Les pleurs amers que tu m'aura coulés.
Je te pardonne.
QUATORZIEME CONCOURS MENSUEL
DE LA CHANSON
Du 20 Septembre au 20 Octobre.
Prix
La Grosse Botte et La Petite Bottine, par
Octave Lebesgue .
2' Prix : Les Feuilles qui tombent, par Denis Langat.
3" Prix : Mon Budget, par Tranché.
l»r PRIX
LA GROSSE BOTTE ET LA PETITE BOTTINE
CHANSON
On voyait six pieds sous la table ;
Six pieds ! — Grand dieu avons-nous ri !
Deux avaient un air lamentable:
C'étaient deux vrais pieds de mari.
Puis, cachés sous la Valencienne
Ou couverts d'éperons d'acier
Deux petits pieds de parisienne
Et deux gros pieds de cavalier...
Dans sonjabot de mousseline,
L'époux — soixante ans — radotait...
Et la grosse boite flirtait
Près de la petite bottine...
En personne bien élevée
La petite bottine, au loin.
D'une attitude réservée,
Comme il seyait, prenait le soin.
Sage, immobile, sur la place.
Son dédain moqueur etmordanl
Opposait un refus de glace
A son voisin outrecuidant.
Plein d'une quiétude divine,
Le mari, dans l'ombre, ronflait...
Et la grosse botte appelait
De loin la petite bottine.
Oh ! la grosse botte hardie
Sans égard, sans foi, sans pudeur.
Joue une infâme comédie :
Petite bottiae a bien peur !
On avance — elle se dérobe
Au trop audacieux galant ;
On avance encor, sous la robe
Elle se blottit en tremblant.
Souffrant d'un rhume de poitrine.
Le vieux mari, toussait, crachait ;
Et la grosse hotte approchait...
0 ! pauvre petite bottine !
Sang aide, comment se défendre ?
Nul ne venait à son secours
Ella grosse botle plus tendre
Lui fredonnait des lais d'amour.
Comme tressaille au vent d'automne
Un pelit oiselet mutin.
Elle tressaillait, la mignonne.
Dans son vêtement de satin.
Perché sur la chaise voisine
Le vieux Céladon sommeillait,
Et la grosse botte frôlait
La prude petite bottine.
Au plus attachant de l'histoire,
La lampe baisse puis s'éteint.
Or donc, s'il fut une victoire,
On n'en fît pas le bulletin.
Elle, fut-elle charitable ?
Furent-ils vainqueurs, les amours?
On ne sait rien ; sinon qu'à table
Le vieux mari dormait toujours.
Mais on vit à l'aube câline,
Sous le lit de l'époux absent,
Une botte se prélassant
Près d'une petite bottine.
Octave Lebesgue (Lyon).
DINER m mm. pigalle
du 13 octobre.
Le dernier dîner du cercle Pigalle a été très gai
et la soirée bien remplie — un programme varié, une
assistance nombreuse.
Emile Cahen présidait, il a désigné son successeur
à la présidence pour le diner du 13 novembre ; —
c'est Bocquet, membre du cercle, acteur-auteur —
mainte fois applaudi pour son jeu naturel et ses spi-
rituelles productions.
M. Coiiia, un '".< noiplus cl.armants compositeurs,
198
LA CHANSON
a dit de ravissantes choses, entre autres une réhabi-
litation de la belle-mère, à faire rêver les gendres.
Lagoguée, le fin diseur, a dit les Bâtons de vieillesse,
de Duvelleroy et une chanson de lui très réussie.
M. Bruneau a interprété deux chansonnettes comi-
ques avec une verve désopilante, c'est le Berthelier
du cercle Pigalle; un autre membre dont le nom nous
échappe a dit. avec un réel talent de diction et de
composition, une pièce réaliste de Gill — le Machi-
niste, je crois. Et bien d'autres que j'oublie ont con-
tribué à l'ensemble de cette soirée, l'une des meil-
leurs, sans contredit, auquelles nous ayons eu le
plaisir de nous trouver réunis en aussi grand nom-
bre, 50 personnes environ.
Jiiles Ruel a dit, pour la premiers fois M. Paniéla
une étude naturaliste à faire le bonheur de Zola —
très fortement applaudie, et clos la séance par un
sonnet à Froufrou — pour lui demander une loge :
De vos premiers débuts, vous souvient-il. Aimée ?
Au cercle des Martyrs vous étiez proclamée
Notre Ruse Chéri ; charmant, mais inconnu,
Votre nom promettait tout ce qu'il a tenu.
Mbintenant, chaque soir, vous êtes acclarnée.
Vous avez remplacé la grande artiste aimée
Dans l'esprit et le cœur du public prévenu,
A ses grandes amours le voilà revenu.
Votre immense succès a réjoui mon âme ;
Au milieu des frimats il ravive la flamme
Qui réchauffe les cœurs, celle du souvenir.
Quand il vient d'un ami sincère, un mot d'éloge
Plait toujours à l'artiste, une première loge
Fait souvent un heureux ; puisse-t-elle venir !
La pauvre A.imée envoya le coupon demandé avec
les lignes suivantes :
Votre sonnet vaut bien une loge, sans doute.
Allez donc applaudir celle qui vous écoute
Et se souvient
On Habitué.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Eldorado.— Programme sans cesse renouvelé et
toujours attreyant. Continuation du succès de Velly,
dans Ètes-vous comme moi ? On remarque la précision
avec laquelle l'orchestre, si habilement dirigé par
M. Charles Malo, exécute l'accompagnement peu
banal de cette chanson, précision qui témoigne du
soin que l'administration de l'Eldorado apporte même
dans les détails.
Sca,la. — Pierrot coffré, l'opérette de MM. H. Phi.
lippe et Lucien CoUin, a tenu l'affiche cette semaine,
avec autant de succès que la semame précédente. Ce
soir, probablement aura lieu la première représenta-
tion de Mandarinette , de MM. Pétrus Karl et 0.
Lineourt.
Mme Kaiser, la charmante diseuse, qui s'est fait
connaître si avantageusement au Grand Concert
Parisien, a débuté samc;'.i dernier et a obtenu de
vifs applaudissements dans une charmante chan-
sonnette : Ah 1 quel homme que j'ai là! Une nouvelle
scie : Tiens-toi ion, Léon\ paroles de M. Edoaard
Kulm, musique de Paul Bourges, a été créée avec
succès par Bourges.
Qroshalay père et fils, grande scène à transforma-
tions, vaut chaque soir de nombreux bravos à
M. Derame, ainsi qu'à son compère, l'amusant
Bérod.
Un petit reproche à M. Aristide Bruant qui, depuis
quelques temps ne sort pas de ses vieilles chanson-
nettes et ne nous donne pas de notiveautôs.
XIX" Siècle. — Plusieurs bonnes chansonnettes
nouvelles à enregistrer cette semaine : Comment l'es-
prit vient aux filles, chanté par Mme d'Astand; Les
Tourtereaux Tyroliens, duo créé par Mme Lehmann
et M. Hobret; Je l'aime l par Mme Lemonnier; Est-ce
indiscret 7 par M. Helt, et enfin La sérénade à la Lune,
par Mme Lehmann, déjà nommée.
Signalons aussi le succès de Mlle Bépoix, qui a
débuté il y a une quinzaine dans La voilà, Paméla!
de notre confrère Ed. Aupto, et qui contintxe à se
faire applaudir dans Joseph est en voyage et Belle
Mignonne.
3Ion mari est à Versailles, vaudeville en un acte,
de MM. William Busnach et Octave Gastineau, joué
par MM. Baltaille, Flory, Mmes Delassau et d'As-
tand, fait grand plaisir et obtient chaque soir un
bon sticcès.
Debailleul qui est indisposé ne chante pas depuis
une quinzaine.
FoIieH-Saint-SIartin. — Le succès de cet éta-
blissement va croissant de jour en jour, grâce à l'ha-
bile direction de MM. NicoUe frères ainsi qu'aux ex-
cellents arlistes qui composent la Irotipe. Le déso-
pilant Pissarello fait tordre la salle avec l'œuvre po-
pulaire de M Constant Saclé : Bonjour Oyprien!
M. Kelm chante en ce moment une des dernières
créations de Debailleul, Réveille-toi mignoime. Ici
j'ouvre une parenthèse, pour remercier M. Kelm de
la bonne volonté qu'il met à créer : Ton cœur est-il
fermée jolie romance de notre ami Maxime Guy, que
nous avons publiée dernièrement.
M. Uenneville a créé un rondeau très original dont
il est l'auteur, litre : Méli-Mélo; c'est en effet un
vrai méli-mélo de tous les vieux refrains de nos
pères, arrangés d'une façon bizarre et donnant une
quantité de coq-à-l'âne ; la musique est de M. Tae-
Coen.
Mnies Rivoire, Braux, Djelma, Hémar et Destrées
se font applaudir dans les charmantes chansonnettes
de leur répertoire.
Mme Angot et ses demoiselles, opérette en un acte,
n'est qu'un long éclat de rire, provoqué par toute la
troupe.
Alfked Bertinot.
LA CHANSON
199
CHRONIQUE DES SOCIËTËS LYRIQUES
Parmi les artistes nouveaux qui sont venus agré-
menter la dernière soirée do la Cordiale, se trouvent
M. Meunier qui a chanté timidement mais avec un
sentiment commun icatif « Za Saison des Amours t.
Mlle Anna a fait gentiment l'histoire de « la
Pigeonne » cl la Réponse à mon voisin. M. Jacobson a
de bonnes qualités dans la tyrolienne ; en observant
son chant, cet artiste se placera vite au premier
rang. Mlles AglaO, .lenny; Mmes Marie et Henrieane
ont bien réussi leurs interprétations. Il est rare que
M. Jules Raux manque à une soirée de la Cordiale,
aussi avons-nous entendu le sympathique composi-
teur redire avec sa verve habituelle Miaou 1 et insi-
nuer avec un tact parlait la réllexion On peut s'en-
tendre, poésie de L. -Henry Lecomte, mise en musi-
que par lui.
M. Georgcbé récite avec beaucoup de goût, mais on
lui reproche de ne pas assez varier son répertoire.
Une belle voix nous a été révélée, c'est celle de
M. Nivelle, un ténor agréable, qui a le tort de ne pas
se montrer assez souvent. M. Lagarde a déclamé
avec autorité le récit dramatique de L'Enfant de
Paris. Signalons encore une délicieuse polka écrite
et exécutée par le pianiste Marcus. Nous sommes
surpris que cette charmante Polka des Oiseanx n'ait
pas encore trouvé d'éditeur !
Au lliéiUre des Fantaisies Parisiennes a eu lien, le
24 octobre, lamaiinéedunnée parlasociélé VAUiance
chorale de Paris. Ce spectacle assez bien composé
comportait deux cliœur.s nuancés avec beaucoup de
style par V Alliance i^oMs la direclinn de M. Amuat.
L'harmonieZft li/re parisienne, dirigée par M. Barrière,
a exécuté avec un grand brio divers morceaux de
son répertoire.
Un peu froids pendant la première partie du con-
cert, les spectateurs ont applaudi chaleureusement
M. Jomain, très comique dans les Museaux roses ;
M. Dangère, peu hardi, mais conduisant bien sa
voix dans l'air du Hialet; M. Chapuis, Ire": grMcieiix
dans le récit de sou Premier nmonr.
Deux chauFons redemandées, Miaou fl Onpeuts'en-
tendre ont été dites par l'auteur. Le public, un peu
déçu dans son attente, a reconnu assez diflicilement
M. Jules Raux, qui, très sérieusement indisposé, ne
possédait pas ce jour-là tous ses moyens.
La partie comique avait encore deux bons cham-
pions ; M. Leserre, désopilant dans le Beau Colin et
la Distribution de prix; et M. Denizot, étourdissant
d'entrain dans les Réformes et Comme on est trompé.
Des applaudissements ont accueilli, dans le duo de
Guillaume Tell, MM. Biémont et Dangère. Le ténor
Biémonl s'est encore fait rappeler dans la romance
de Rossini.
Les airs du Trouvère et Au Bouton Perdu, interpré-
tés par Mlle Leclerc ont valu à cette excellente ar-
tiste les bravos unanimes des auditeurs.
La matinée de dimanche 24 octobre, à In, salle
Graffard, a tenu ce qu elle promettait. La VisUe au
Colonel, vaudeville inédit de M. Truflet, (irésidenldy
l'Alliance de Belleville, a été bien interprétée et a
fait plaisir à entendre.
La soirée du 2b, à la Lyre Bienfaisante, au béné"
fice de M. Ch. GouUieux, a été des plus intéres-
santes et des plus fructueuses ; salle comble. Interr
prêtes et visiteurs, ont tenu à prendre part à cet acte
de bonne camaraderie.
Au moment où j'écris ces lignes, je suis encore
tout enthousiasmé du succès de la grande représen-
tation donnée lundi dernier par la Fantaisie-Lyri-
que, au bénéfice des familles des égouliers, victimes
de l'accident du boulevard Rochechouart.
La soirée a été on ne peut plus brillante et a
dépassé, comme succès pécuniaire et artistique,
toutes les cspér:inces que les organisateurs de cette
œuvre de bienfaisance avaient fondées.
Avant d'aller plus loin , je me fais un devoir
d'adreàsor publiquement mes félicitations au prési-
dent do la Fantaisie-Lyrique, M. Gustave Lartelier,
à qui revient l'honneur d'avoir donné l'initiative de
cette représentation.
Dire que la salle était comble, ne serait pas assez,
car malgré la bonne volonté des auditeurs qui n'ont
pas craint de se tasser, plus de 80 personnes ont dû
rester dehors.
Le programme, un peu trop chargé, n'a pu être
exécuté en entier, et MM. Pelletier, de Ba-ta-clan,
et Kelm, des Folies-Saint-Martin, n'ont pu se faire
entendre, malgré la bonne volonté du maiirc des
chants, qui faisait son possible pour contenter tout
le monde.
Tous les artistes et amateurs qui prêtaient leur
concours ont été tellement bien accncillis du public
qu'il m'est impossible d'appuyer sur les fautes im-
perceptibles qu'ils ont pu commettre. Je nie borne-
rai seulement à citer : Mlles Marguerite et Berihe;
MM. Achille B..., Batte frères du théâtre de l'ATiltt-
NÉE, Ville, du Concert Kuropisen, Vaast, Maurice,
Collinot, Callebert et Boivin, qui se sont fait bisser
et trisser dans la partie lyrique.
Le Livre bleu, comédie en un acti^, jouée par Mlles
Mathilde, Marguerite, MM. Inderbitzin, Lartelier et
Callebert, a été très applaudie.
Un clou dans la serrure, la pièce qui terminait la
représentation a été lestement enlevée par Mmn Blon-
del, M. X..., du Théâtre du Parc, de Bruxelles, et
M. Blondel.
Dans celte dernière pièce, il y a eu deux ou tro-'s
petits liraillements, qu'il faut attribuer au manque
d'accessoires, et qui d'ailleurs sont restés inaperçus
pour une bonne partie du public.
Enfin pour terminer, j'adresse tous mes compli-
ments aux commissaires chargés du service de la
salle, ainsi qu'à l'accompagnateur, M. Thibou, qui a
ajouté le prix de sa soirée à la recette destinée aux
veuves et aux orphelins.
Alfred Bertinot.
200
LA CHANSON
Le Franc rire, présidé par M. Séguin, donnera le
l^'jjovembre uue graude soirée, dans son loeal or-
dinaire, salle Rosel, rue de Belleville, Café des
Omnibus.
AVIS IMPORTANT
■> Le samedi 6 novembre, grande soirée dramatique
et lyrique, au Cercle Musset, présidé par M. Dur-
rieu,Café du Globe, 8, boulevard de Strasbourg.
LE PREMIER BANQUET des présidents et des
vice-présidents des Sociétés lyriques et dramatiques
du département delà Seine, aura lieu le dimanche
14 novembre, la salle ne pouvant être complètement
terminée pour le 31 octobre, comme on l'avait espéré.
On trouve des cartes Maison Orange, 11, place de la
République ; aux bureaux du journal la Chanson,
18, rue Bonaparte, et chez tous les membres du
comité des concours.
Le grand Bal offert gracieusement par M. Orange
à toutes les Sociétés lyriques et draniatiqices, aura
lieu irrévocablement dans le courant de novembre.
M. Richard, des Sociétés Lyriques, vient d'être
reçu, après concours, élève du Conservatoire de mu-
sique.
Nous ne pourrons commencer la publical ion de la
liste des Sociétés Lyriques et Dramatiques que dans
notre prochain numéro.
NÉCROLOGIE
M. Sylvain Saint-Étienne, dont le nom est bien
connu dans le monde des lettres et des arts, est mort
dans sa 73° année, à la suite d'un terrible accident
que tous les journaux ont raconté.
M. Sylvain Saint-Etienne était un ami d'enfance
de Félicien David, pour lequel il a écrit trois ouvra-
ges qui ont fait sa réputation : ito'ise au Sinaï, repré-
senté à l'Opéra, le 21 mars 1846 ; Christophe Colomb,
ode symphonie en 4 parties, et enfin la Perle dit
Brésil, dont le Théâtre-Lyrique donna la première
représentation en novembre 1832.
Il était, en outre, l'auteur de nombreuses scènes,
romances et chœurs dont plusieurs maîtres ont écrit
la musique. Pendant trente ans, il fit de la critique
dans la Gazette musicale. Il avait fondé, avec Charles
Vincent et Coligny, la Chanson française.
Ses obsèques ont eu lieu le mardi 20 octobre. Mal-
gré la pluie battante, un grand nombre de person-
nes yassistaient; des écrivains, desartistes, descom-
positeurs, des journalistes et des chansonniers avaient
tenu à lui rendre les derniers devoirs. Alfred Le-
conte, député de Y Indre, a prononcé un discours sur
la tombe, Adrien Boëldieu a dit aussi quelques paro-
les. Sylvain Saint-Etienne laisse deux filles; nous
espérons qu'il sera donné suite à l'idée émise par
plusieurs des assistants à la sortie du cimetière,
d'organiser une représentation à leur bénéfice.
A. P.
]Vou9 prions nos abonnés dont rabohncnient expire
avec le présent numéro de nous faire parvenir de
suite le naontant de leur réabonnement Les abonne-
ments et réabonnements sont reçus dnns tou« les
bureaux de poste de France ; les frais sont ù la
charge du journal.
PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE A.PATAY
{IS, rue Bonaparte iS).
Les Abeilles, chanson. Paroles de Georges Baillet,
Musique de Mme Akais Brianny. Avec gravures, grand
format et accompagRement de piano, net 1 »
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li'Album des Humes, par Mme JULIETTE ManceliÈRE,
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Etes-vous comme moi ? chanson. Paroles de L.-
Henry Lecomte. Musique de Jules Raux, grand format,
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Petit format, avec j^ravure, net..., • 30
Créée à l'Eldorado par Velly. cette bonne chanson
fera protnptement le tour des Concerts.
lift Fête «le la France. Paroles de J.-B. Robinot,
Musique de Jules Raux, petit format aux couleurs natio-
nales, net » 20
France, hymne de la Paix. Chant national. Paroles
de L. Sarrade, Musique de Ben-Tayoux, avec gravure
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li'IIÏTcr, romance. Paroles de Fauché, Musique de
Raguey, petit format sans gravure, net » 20
J'en ItalToIe, paroles et musique de Jules Raux.
Petit format avec accompagnement de piano et gravure,
net » 50
BSïaou ! chanson féline. Paroles et mu.«ique de Jules
Raux, grand format avec gravure et accompagnement
de piano, net 1 »
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Kiallluse de la Chanson. Paroles deCLAUDiusMALBET,
Musique de Ch. Marié. Grand format avec accompagne-
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I%o clionte» plus la llEarscillaise, chansonpatriotique.
Paroles de Jules Célès. Musique de Louis Caloin.
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Petit format avec gravure, net » 30
Paix et Travail. Paroles de Eugène Imbert, Musique
de Jules Raux. Grand format avec accompagnement d«
piano, sans gravure, net » 50
IjCS Petites ninins de ma ÏSIie, chanson. Paroles de
J. Jouy, Musique de PaulHenrion. Grand format, avec
accompagnement de piano et gravure, net 1 •
Petit format avec gravure, net 30
Cette chanson vient d'être créée au Concert du xix'^ siècle
par Debaillcul, l'artiste aimé du public, qui, nous en
sommes certains, en fera un de ses beaux succès ; elle est
déjà interprétée dans plusieurs concerts et dans beaucoup
de sociétés lyriques .
Quand t'auras des !Hou.staches . Paroles de Claudius
Malbet, Musique de Mathilde Fraiquin. Grand for-
mat avec accompagnement, sans gravure » 50
tiC "^"îeux Buveur de vin, c/iau.soïi. Paroles de
Brugière, Musique de Jules Raux. Grand format avec
accompagnement de piano, sans gravure, net • 50
"V'Ia c'(|iie c'est qu'un enterr' niant, tableau populaire^
paroles d'EuGÈNE Imbert, musique de Dauvergne. Petit
format avec gravure et accompagnement de J. Raux • 50
Vous, valse chantée par L. P., officier de cavalerie.
Grand format, avec accompagnement de piano, net 1 »
Toutes ces publications seront envoyées franco dans
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par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
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Paris. — Imprimerie L. Hugonis et Cie, 6, rue Martel.
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fO CENTIMES.
7 NOVEMBRE 188».
LA CHANSON
Directercr-Admluistrateur JQURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^""'TZ^.^t.T^*^
A P\TA.Y liiiH Un 01
La chanson est uns forme ailée et
cliarmante de H pensée. Le couplet
est te gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
ECHO DES SOCIETES LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Annonces, la ligne... X '
Réclames. — 2 •
Lachanson, coimmetabatonaattê
est une arme française.
J. CLAHETIt.
AOflilItlS'rRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an êit,
• six mois 3 •
Etranger, un an 8' »
ialeiie-da Ckanionni'crs : Collé xEmkxit Uaiixkt). — i>e diran^ez
pcmunnê (Coli.k), - On te devine (Aciiilli! Carus). — Curiosités de
ta Chanson : les Petits fcndcux, — La Dernière Étape (Jtles
Rl-Bi.). — Les Fcailles qui tombent (Dkmj LkHOkr).'Le Printemps
SOMMAIRE :
(•/cn/.I{AHL<;u
Ckr
ilt$ Sociclés lyiiqa
; des Concerta (Alfred BE^TI^oT^
. — Choses et Autres, — Àii
GALERIE DES CHANSONNIERS : COLLÉ
Charles Collé naquit
à Paris le li avril 17U9.
Son père était procu-
reur du roi au CliUtelet
et de plus trésorier de
la Chancellerie du Pa-
lais; aussi le jeune Collé
fut-il placé en qualité
de clerc chez un label-
lion de ses parents.
Cette carrière souriait
peu à son caractère, et
bientôt il la quittait
pour entrer en qaalilé
do secrétaire chez M.
de Meulan, receveur
général des finances,
puis chez un procureur
où il restait peu de
teuips.
A cette époque déjà
le goût du théâtre le
dominait irrésistible-
meiit. Voici dans quels
termes expressifs il s'en
confesse cinquante ans
plus tard : ?endantplK-
sieitrs années je n'entrai
point dans la salle de la
CotiiMie française sans
qu'il me prit un frisson
déplaisir tel que ceUii
que je sentis au premier reridez-totis que me donna
la première femme honneite que j'eus à vingt ans
et dont j'étais éperdument amoureux. Aussi, Colle,
poussé par la voca-
tion, recherchait sur-
tout les hommes d,elet-
tres joyeux : Crébillon
fils, Piron, Sauiin fu-
bientôt de ses amis.
Collé avait alors une
jolie voix, il n'avait
encore fait que quel-
ques chansons, aussi lo
plus souvent il chan-
tait celles de Hague-
nier, chansonnier très
en vogue alors. Les sa-
lons où la galté était
reine, lui furent vite
ouverts, il s'y précipita.
En ce temps-là les
fermiers généraux, ri-
ches et puissants, rece-
vaient généralemeiit là
jeunesse frivole et très
joyeuse. Un d'en-
tre eux nommé Pelle-
tier, avait tatile ouverte
chaque semaine pour
une douzaine de gar-
çons de tes amis au
nombre desquels figu-
raient, en première li-
gne, Collé et Crébilldti
fils. Au dessert on chah-
Les chansons que nous nommons des gaudrioles,
étaient les romances de celle réunion. Cesl pfoba-
2Ô2'
LA CHANSON
bablement cet entourage qui excita Collé à faire tant
de chansons malsaines et peu gaies à force d'être
ordiïrièrés. Rien n'est plus regrettable que ce genre
graveleux qui prend à son service les mots dont ne
se-sert que la populace grossière et bête pour pro-
duire dès effets, Drôle de société, qui bien que com-
posée de jeunes gens, était déjà assez blasée pourne
plus éprouver les sensations de la gaité, et qui sa-
vourait amoureusement le vitriol de l'indécence. Il
iaut enlever du livre de Collé ses œuvres de jeu-
nesse, la littérature et la réputation de l'auteur n'y
perdront rien.
Cela effacé, les couplets de Collé sont faits avec
beaucoup de facilité et de négligence même, mais
cette négligence sied bien à la chanson et ajoute par-
fois un certain charme au sujet.
Ce fut en somme un .vi'ai chansonnier que Collé,
en ce qu'il s'est fait l'écho des événements, des
mœurs et de l'esprit de son temps. Le chansonnier
doit être un peu chroniqueur, voire même un peu
historien.
Sa chanson La Guinguette, qui retrace le célèbre
cabaret de Ramponneau :
Chantons l'ilustre Ramponneau,
Dont tout Paris raffole.
est un vrai petit chef-d'œuvre d'entrain et de verve
et de bonne gauloiserie ; il y a bien par-ci par-là
quelques mots un peu risqués. — Bah ! nos pères les
disaient sans rougir, valaient-ils moins que nous ?
Si ses tableaux sont parfois chargés de couleurs
un peu crues, qu'y faire? il fallait bien peindre les
choses comme elles étaient. Marotte est un portrait.
Les Conseils aux chansonniers sont remplis de traits
satiriques et pleins de naturel. Quand aux couplets
sur la prise de Port-Mahon, c'est une chanson comme
en font les chansonniers de la rue, chaque fois
qu'une' victoire est remportée par nos armées.
Des palmes de la gloire
Soldats décorez-vous.
Enfants de la -victoire
Constantine est à nous !
Voilà le modèle du genre. Aubry qui en est l'au-
teur, en a bien fait un cent de semblables, mais
n'étant pas venu au, bon moment, il ne touche rien
pour cela. Collé, lui, reçut, comme auteur delà chan-
son de Port-Mahon, une pension de 600 livres. Voilà
trois ou quatre mauvais couplets bien payés, mais
Collé était né pour être heureux. C'était un homme
très habile dans la diplomatie de l'existence, il orga-
nisait sa vie de la bonne façon. Comme il désirait
avant tout vivre sans ennuis, il parlait beau à tout
ce qui l'entourait, aussi le surnommait-on le bon
Collé. , ,
Mais il avait un confident à qui il confiait ses pen-
sées les plus intimes, et très souvent ce confident
entendait le soir toit l'opposé des conversations du
jour ; c'était sonjournal historique. Lorsque ces trois
volumes parurent, une vingtaine d'années après sa
mort, on s'aperçut, que le l)on Collé n'avait pas tou-
jours eu la vénération qu'on lui supposait pour ses
confrères ou pour ceux qui l'entouraient; dans ce
journal le pauvre Galiet entre autres est fort mal-
mené et Panard est jugé comme un homme du plus
mauvais monde, qui fréquentait les gens les plus
crapuleux. Ces gens crapuleux, c'étaient les artistes
qu'il rencontrait au cabaret... Voyez le gros péché;
Panard aime la gaité, le bon vin, et le pendard va au
cabaret avec ses amis et là leur chante ses chansons
joyeuses' et morales; Collé bien mieux appris ne va
que chez les grands seigneurs chanter ses chansons
de lupanar.
Dans son journal comme dans sa correspondance.
Collé est l'ennemi acharné de l'esprit philosophique .
qui se manifeste avec tant de vigueur au dix-hui-
lième siècle. Voltaire et Rousseau ont en lui un en-
neraifiévreux,acharné; il dit du premier: Les grands
scélérats sont ses grands hommes. Aussi était-il lui-
même un gredin et un hommesans mœurs et sans prin-
cipes, il a fait un mal affreux à la France cjui ne s'en
relèvera pas. Ses écrits l'ont corrompue sans ressource'
et pour jamais !
Ces tristes proptétiesne sont que lisibles sous la
plume d'un bon petit bourgeois comme Collé, qui
u'a jamais vécu que dans un coin du monde où la
fjrtuneet le plaisir font trouver que tout est pour le
mieux. Que n'a-t-il pu assister à ia célébration du
centenaire de Voltaire, il en fût /aort de peur !... au
chant de la Marseillaise !
I/auteur à.' Emile n'est pas plus épargné : Rousseau
es t leplus faux des hommes ; il se joue de tout et n'a point
de sentiments à lui, il est méprisable, crapuleux, etc.;
il est vrai que Rousseau avait critiqué Cdlé dans sa
lettre à d'Alembert sur les spectacles et que cela
disposait peu à la bienveillance un esprit aussi en-
clin à la critique acerbe que celui de Collé. C'était un
homme fès positif, point malhonnête, mais très
malin; sa correspondance avec un jeune homme
qu'il appelle son fils en fait foi.
(.'est dans la famille de Meulan que Collé vécut en
ami, tant qu'il resta céUbataire et c'est surtout pen-
dant cette période de vingt années qu'il composa
ses chansons, sans négliger pour cela le théâtre. La
Vérité dans le vin, Nicaise, le Galant Escroc, le Rossi-
gnol, la Veuve Joconde et autres joyeusetés théâ-
trales, sont de celte époque de sa vie. Ses chansons
onteu presque toutes les honneurs de la popularité.
Nos grands pères chantent encore en souriant dans
leurs rides : C'est bien la faute du guet, ce n'est pas sa
faute, ou Ce mouchoir belle Raimonde, que nous don-
nons plus loin. En 1757, Collé qui avait quarante-huit
ans, épousa une femme qu'il aimait depuis long-
temps et qui fut l'enchantement de son exis-
tence.
La plupart desautre^piëces deCollé furent écrites
alors qu'il était devenu lecteur-secrétaire du duc
d'Orléans, petit-fils du régent, qui aimait beaucoup
Collé et qui fut la source de sa petite fortune tant
parle paiement lucratif de sa place que par un bé-
néfice important qu'il lui fit avoir sur les fermes.
Collé a retueilli une partie de ses pièces sous le ti-
LA CHANSON
203
tre de Théâtre de Société, trois volumes in-I2, 1777.
Il a laissé tomber volontairement dans l'oubli, en ne
les recueillant pas, un grand nombre de parades, de
parodies et d'amphigouris qui sont des œuvres de
jeunesse. En somme, Collé fut un travailleur ar-
dent.
Il employa les dernières années de sa vie à revoir
son journal Historique avec le plus grand soin. Il
pressentait bien que ce livre aurait à compter avec
la postérité. Cependant à cette demande : Qu'était-
ce que Collé? on répondra toujours, c'était un chan-
sonnier.
Comme on le verra dans notre article consacré à
l'histoire du caveau dans notre Anthologiedela chan-
son française. Collé tout jeune encore fut l'un des
fondateurs de cette société chantante joyeuse et lit-
téraire.
En 1781 Collé perdit sa femme, ce coup frappa vi-
vement le vieillard qui avait écrit : Je ne demande
rien à Dieu que ma mort avant celle de ma femme. Ce
vœu était sincère. Collé sentait qu'il ne pourrait sup-
porter cette séparation ; il devint sombre et mourut
le 3 septembre 1783, heureux do croire qu'il allait re-
voir celle qui lui avait rendu la vie si douce, tant il
est vrai que l'amour, même chez les vieillards, est
bien le plus grand des bonheurs do ce monde.
EUGK.NK B.\ILLET.
ON LE DEVINE
NE BÉflAi«;EZ PERSONNE.
Air: N'avez-vous pas vu l'horloi/e";
Ce mouchoir, belle Rairaonde,
Va contre votre intérêt ;
Il cache une gorge ronde : —
Oh ! ça, monsieur, s'il vous plait.
Ne dérangez pas le monde.
Laissez chacun comme il est.
Belle, êtes vous aussi blonde.
Qu'à vos cheveux il parait ?
Je veux voir cela, Raimonde : —
Oh! ça, monsieur, s'il vous plait,
Ne dérangez pas le monde,
Laissez chacun comme il est.
Faudra-t-il que je vous gronde ? ,
Le traître !... qu'est-ce qu'il fait? -
Ah ! je vous tiens bien, Raimonde
A volro tour, s'il vous plait.
Ne dérangez pas le moude.
Laissez chacun comme il est.
QUINZIEME CONCOURS MENSUEL.
', 20 Octoire ait, 20 Novembre
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part,
avec une chanson de six couplets au plus, avec ou
sans refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le 1"'' prix, une petite notice et le por-
trait do l'auteur, s'il y consi'..l.
C'était un soir de la saison
Qui voit fleurir la vendangeuse.
Quand part pour un autre horizon
Notre hirondelle voyageuse.
Triste d'un noir pressentiment,
J'errais dans mes vieux bois de Sèvres,
Quand un couple jeune et charmant
Vint à passer, le rire aux lèvres.
Suivant tout deux le vert chemin
Qui conduisait à la ravine.
Ils allaient, la main dans la main ;
Ce qu'ils pensaient... on le devine.
Moins triste alors j'aspirai l'air.
Chargé des senteurs de la mousse ;
Du firmament limpide et clair
La douceur me parut plus douce;
Et je sentis que renaissait,
— Car c'est la loi que tout renaisse, —
Mon cœur joyeux qu'envahissait
Le frais parfum de leur jeunesse.
Suivant totijours le vert chemin
Qui s'enfuyait vers la ravine,
Ils allaient, la main dans la main ;
Ce qu'ils disaient... on le devine.
Se croyant seuls sous les grands cieux.
Le beau jeune homme él sa maîtresse
Cheminaient lés yeux dans les yeux,
Perdus tous deux dans leur ivresse.
Ils murmuraient ces mots d'amour
Dont la puissance est sans pareille.
Et Ces trompeurs serments d'un jour,
Qu'on se fait tout bas à l'oreille 1
Suivant toujours le vert chemin
Qui se perdait dans la. ravine.
Ils allaient, la main dans la main ;
Ce qu'ils rêvaient... on le devine.
Et conlemi liant ces amoureux
Qui s'en allaient à l'aventure,
De leur bonheur j'étais heureux.
Et j'en aimais mieux la nature.
Ah ! qu'il est donc bon d'être aimé.
Et quand la nuit étend ses voiles.
Le cœur d'amour tout parfumé.
D'errer à deux sous les étoiles !
Suivant alors, à pas pressés.
Le vert sentier daus la ravine,
Tout deux se leuaienl enlacés...
Ce qu'il advint... on le devine.
Ai
;i;.L',i L.AEOK.
204
LA CHANSON
CURIOSITES DE LA CHANSON
l£S PETITS fENDEUX
(1)
'lits XeodeDx tausantd-'leurs amourfCtça,
Le premier des fendeux
Gelui qui tient la fend?,
(J'entends le rossignolet ;1
Le premier des fendeux
Dit : « J'aime et je commande.
Le second des fendeux,
Celui qui tient la rose,
(J'entends le rossignolet ;)
Le second des fendeux
Dit : « J'aime et moi je n'ose.
Le troisième des fendeux,
Celui qui tient l'amande,
(J'entends le rossignolet ;)
Le troisième des fendeux
Dit : « J'aime et je demande. »
— .Mon ami, ne serez
Vous qui tenez la fende,
(J'entends le rossignolet ;)
Mon ami, ne serçs;
L'amour ne se commande.
Mon ami ne serez.
Vous qui tenez la rose,
(J'entends le rossignolet ;)
Mon ami, ne serez ;
Si vous n'osez, je n'ose.
Mon ami, vous serez,
Vous qui tenez l'amande,
(J'entends le rossignolet ;)
Mon ami, vous serez ;
L'on donne à qui demande.
(1) Qu'est-ce que ces fendeux? Sans doute des bûche-
rons. Mais qu'est-ce que la fende, la rose et l'amande ?
Il est moins aisé de le dire d'une manière certaine. Ce
iiOnt, peut-être, trois outils qui servent à fendre le bois:
mais ces nom» ont pisparu des dialectes actuels de la
Franclie-Comté, ce qui fait remonter la date de cette
chanson, curieuse par sa facture non moins que par sa
musique un peu sauxage, à une époque reculée.
La musique d^ celte chanson populaire, qui appar-
tient à la Frânche-Comté et qui figure en tète du recueil
de Max-Buchon, nous est communiquée par notre cor-
respondant de Baume-les-Dames, M. Ch. Thuriet.
U DEIJHIÉRE tim
Ici même,
Etape suprême,
Grands et petits, sages et fous.
Tôt ou tard, nous y viendrons tous.
De la foule silencieuse
Oui parcourt le champ du repos,
Hier encor la verve rieuse
Eclatait en joyeux propos.
Pourquoi ses larmes coulent-elles.
Pourquoi ces bouquets entassés,
Et ces couronnes d'immortelles?
C'est la fête des trépassés !!!
Triste et pieux pèlerinage.
Qu'on doit accomplir tous les ans ;
Soumis à ce louchant usage.
Devant la mort serrons les rangs.
Dès que l'homme éprouvé chancelle,
Désespérant de l'avenir,
Il puise une force nouvelle
Dans le culte du souvenir.
Si la douleur est éphémère.
Le cœur se souvient chaque jour
De la tendresse d'une mère
Ravie, hélas ! à notre amour.
Ce trésor que rien ne remplace.
Trop lard nous en sentons le prix ;
La pourvoyeuse aux doigts de glape
Ne rend jamais ce qu'elle a pris/ '
Comme la Rachel désolée.
Cette pauvre mère à genoux
Ne veut pas être consolée.
Pleurer lui semble encor plus doux.
Du haut des sphèrçs éternelles,
Nouvel ange appelé par Dieu,
Son chérubin aux blanches ailes
Lui sourit et lui dit adieu.
Descendants d'une illustre race,
Fiers du blason de vos aïeux,
Le temps de sa grapde aile efl'ace
Sur l'airain vos noms orgueilleux.
Déshérités dé la fortune.
Obscurs et vaillants travailleurs,
Vous, qu'attend la fosse commune,
Vos titres sont ihschts ailleurs.'
Noble, bourgeois ou prolétaire,
Prêtre ou soldat, prince ou recors,
A l'homme il faut six pieds de terre
Pour abriter son pauvre corps.
Malgré lui le plus grand despote.
Dans la nuit de l'éternité.
Est soumis comme un sans-culotte
Au niveau de l'égalité.
Il dort là, notre doux poète !
Adieu bohème, adieu printemps ;
Quand le trépas courba sa tête.
Il n'avait que deux fois vingt ans.
LA CHANSON
205
Sur lui, Muse de la Jeunesse,
Jette les fleurs du renou-veau ;
Ton pied rose effleure et caresse
Le marbre blanc de son tombeau. (1)
O toi que le peuple révère.
Illustre et joyeux chansonnier.
Libre penseur, humble trouvère
Qui vécus pauvre en ton grenier.
i3ans ta railleuse indifférence,
Comme Piron, tu ne fus rien.
Ni marguiller, ni pair de France,
Pas même académicien. (2)
Républicain de l'avant-veille.
Défenseur de la liberté,
Ton frère auprès de toi sonimeillo.
Dans un repos plein de fierté.
L'histoire avec respect le nomme.
Depuis qu'aux splendeurs du pouvoir.
En citoyen, en honnête homme.
Il sut préférer le devoir. (3)
Paris découvre un jour ta tombe.
Héroïque représentant
Qui succombas dans l'hécatombe
Du droit au crime résistant.
De fleurs il couvre l'humble pierre
Où ton nom, l'ellroi des tyrans,
Dit au peuple, à la France entière.
Comment on meurt pour vingt-cin j francs (4)
Ci-git un journaliste, un brave ;
Sa force égalait sa douceur ;
Gaiment il brisait toute entrave.
Comme il narguait l'aigle oppresseur.
Enfant de Paris et de Sparte,
Il rêvait la célébrité.
Quand la balle d'un Bonaparte
Lui donna l'immoralité ! (S)
De la France démocratique,
Ici repose le Bayard :
De notre horizon politique.
Ses vœux chassaient l'impur brouillard.
République, ô terre promise,
Son but, son rêve, son espoir,
Malgré sa foi, nouveau Moïse,
Il ne devait que t'entrevoir. (6)
Combien sont morts pour la patrie
Et dont les membres sont épars.
Qui, pour tombe, ont l'herbe flétrie
Ou les débris de nos remparts.
Ils ont la gloire pour suaire ;
Deux fois parjure à son sermi'nt,
Napoléon le Sédentaire
A le mépris pour châtiment.
Ici même.
Étape suprême.
Grands et petits, sages et fous,
Tôt ou tard nous y viendrons tous.
JtiLEs RUEL.
(1) Murger.
(2) Béranger.
(3) Godefroi et Eugène Cavaignac.
(4) Baudin.
(5) Victor Noir.
(6) I Barbes.
QUATORZIEME CONCOURS MENSUEL
DE LA CHANSON
PRIX
LES FEUILLES OUI TOMBENT
Air : Si le ion Dieu faisait parler les fleurs.
Le triste automne a ramené la bise ;
Du ciel brumeux le soleil est parti.
Gomme engourdi sous cette vapeur grise.
Au tronc d'un chêne un pinson s'est blotti.
Plus de refrains ! Son petit corps frissonne
A l'âpre vent secouant les rameaux !...
Feuilles des bois qui tombez à l'automne,/
Vous emportez le bonheur des oiseaux I )
bis.
' C'est, dit l'oiseau, l'arbre où ma douce amante
« Moi la suivant, vint un jour se poser.
« Du chêne encore la feuille était naissante,
« Et noire amour n'en était qu'au baiser.
(. Il faut un voile aux bonheurs que Dieu donne :
« Elle grandit et nous fit des rideaux...
« Feuilles des bois, etc.
« Un peu plus tard le chêne séculaire,
« A notre amour devait un nid de plus.
« O chers petits, lorsque votre œil s'éclaire,
u De nous déjà, combien de soins reçus I '
« Avec quel art l'homme ému s'en étonne,
« Dans la verdure on cachait leurs berceaux :
c Feuilles des bois, etc.
« Ah ! le beau jour qui vit, par la feuillée,
« Sauter du nid nos tendres nourrissons I
« Ils essayaient, dans l'ombre ensoleillée,
«f Leur premier vol, leurs premières chanson.*.
€ Amour, feuillage, hélas 1 tout m'abandonne ;
« Les uns ont lui, l'autre gît en monceaux 1
« Feuilles des bois, etc. »
Ainsi tout bas, comme un cœur triste appelle.
Pleurait l'oiseau ; sa compagne entendit.
Elle revint s'appuyer à son aile :
Ce fut l'espoir que le Ciel lui rendit
Puis un matin rebourgeonna le chêne
Et la forêt s'emplit de chants nouveaux.
Feuilles des bois que le printemps ramène
Vous redonnez le bonheur aux oiseaux !
Denis LANGAT.
XJINrE: FElVflElVEE (1)
Ils s'aimaient comme louve et loup :
Voleur et voleuse, à vrai dire...
Pâmée au récit d'un beau coup.
Le grabat craquait de son rire !
Tout le jour bombances, la nuit.
Des transports sincères peut-être'...
— En prison lorsqu'il fut conduit.
Elle riait à la fenêtre.
(1) Nous empruntons cette pièce au volume Noclarnes, poèmes imités
e Henri Heine, par Léon Valade, publié à notre librairie. Dn volu-
10 papier teinté tiré ii petit nombre, prii 1 fr. SO;
206
LA CHANSON
Il lui manda : « Reviens à moi,
« Mon cœur t'appelle et je soupire,
« Et je languis, privé de toi ».
— Ce billet de lui la fit rire.
Pendu vers six heures : à sept,
Mis en terre ! Elle, dans un bouge,
Une heure après, se gaudissait
Et riait, buvant du vin rouge.
Léon Valade.
LE PRINTEMPS VIENT
Air : Dans un baiser.
Le printemps vient, chassant la neige
Qui s'enfuit en voyant les fleurs.
Il vient : comme par sortilège
Tout prend de riantes couleurs.
Plus de frimas, plus de misère !
L'azur sourit dans sa splendeur,
Le soleil réehauflTe la terre :
Le printemps vient, c'est le bonheur.
Entendez-vous, amis fidèles,
Nous pourrons retourner aux champs.
Voyez, voici les hirondelles;
Le bois retentit de doux chants.
Lîarbre verdit et l'herbe pousse ;
Déjà, l'anémone est en fleur.
L'aniour cherche le banc de mousse :
Le printemps vient, c'est le bonheur.
L'amour va gouverner le monde,
Les oiseaux bâtiront leurs nids ;
Ces bruits, dans la forêt profonde,
Ce sont des baisers infinis.
Si le printemps paraît superbe,
C'est qu'il nous met l'amour au cœur.
Tout aime, l'aigle et le brin d'herbe :
Le printemps vient, c'est le bonheur.
Lisette a rouvert sa fenêtre.
Sa face jolie apparaît ;
Elle soupire et voudrait être
Là-bas, là-bas dans la forêt.
Quelque beau gars, un jour de fête.
Lui fera l'offre de son cœur ;
Ils se diront en têle-à-tête :
Vivre au printemps, c'est le bonheur 1
Karl GRDN,
Président du Caveau Verviétois.
Nous empruntons celte chanson à l'annuaire de
la société littéraire du caveau verviétois. Nous
comptons lui faire d'autres emprunts, et en rcr,'Ii.'
complt.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Bijou-Concert. — Sous ce nouveau titre, Bo-
léro-Star a rouvert ses portes samedi dernier par
une magnifique représentation donnée spécialement
à la presse. Le directeur, M. Chéret, n'a rien épargné
pour s'attirer les sympathies du public, et à moins
d'injustices de la part de ce dernier, nous affirmons
dès maintenant que Boléro-Star sera tout à fait
désenguignonné de la malechance qui le poursuit
depuis sa création.
L'heure un peu tardive à laquelle nous sommes
arrivés ne nous permet pas de donner de grands dé-
tails sur les artistes composant la troupe, nous nous
bornerons pour aujourd'hui à citer les noms figurant
sur l'affiche : M'i== Jeanne, Daniel, Angèle Clément,
Berthe Léonard, Fortunée, Sibelli : MM. Resehal,
Yvel, Reynal, Arnold, et enfin le jeune Adolphe,
petit prodige âgé de 9 ans, que beaucoup de nos lec-
teurs ont applaudi aux concerts donnés à l'Alham-
bra, par les sociétés lyriques.
Seala. — Ainsi que nous l'avons annoncé, la pre-
mière représentation de Mandarinette a eu lieu sa-
medi.
La donnée de cette petite pièce est insignifiante,
mais suffisante pour amuser le public pendant vingt-
cinq minutes. En écrivant cette opérette, les auteurs,
MM. Raimon et Pétrus Karl, avaient l'intention de
faire un lever de rideau pour un théâtre de genre.
Quelques gros sels ajoutés après coup en ont changé
l'allure et en ont fait une opérette qui peut compter
parmi les meilleures du répertoire des cafés-concerts.
La musique de M. Lincourt est charmante et nous a
paru supérieure au livret.
Bonne interprétation par MM. Bérod, Paul Bert
et M"'" Heuzé. Nous recommandons à cette dernière
de moins charger le rôle de Mandarinette, et de ne
pas sauter comme une jeune chèvre dans sa scène de
tendresse avec Cacao (Paul Bert).
L'homme n'est pas parfait alternera cette semaine
avec .
Concert de la Pépinière. — C'est avec plaisir
que nous constatons la grande vogue de ce charmant
établissement, dans le quartier de la gare du Havre.
A vrai dire, ce légitime succès ne surprendra pas
nos lecteurs lorsqu'ils sauront que le régisseur-
administrateur du Concert de la Pépinière est
M. Emile Durafour, l'excellent artiste-auteur.
Dans les intermèdes, nous remarquons MM. Cau-
dieux, Luidgi, Chevallier, Francis, Albain, Bardoux;
Mmes Victorine Ben, Lucie André, Lenoble, Alphon-
sine, Juliette et Bérard, qui font une ample moisson
de bravos.
Le mariage au gros sel, de M. Liorat, musique de
M. Frédéric Barbier, chef d'orchestre du Concert de
la Pépînièr»», est joué d'une manière digne d'é-
loges par MM. Luidgi, Bardoux et Mlle Lenoble.
£a bonne aux Camélias, vaudeville en un acte de
MM. Jaime fils et Heelor Grémieux, inlerprélé par
LA CHANSON
207
MM. Durafour, Caudieux, Francis, Albain ; Mmes
Victoi'ine Ben et James provoquent un fou rire.
Nos compliments à M. Durafour, qui est on ne
peut plus naturel dans le rôle de Champrouillé, le
bourgeois libertin.
J'adresse mes remerciements à un de mes voisins,
brigadier de gendarmerie, qui m'a donné de bons
renseignements sur les artistes de la Vépinîère,
et auquel je répondais, comme le gendarme de G. Na-
daud : Brigadier, vous avez raison.
ALFRED BERTINOT.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Dimanche, les Gais Momusiens ont inauguré le
nouveau ioi'al que M. Orange a fait construire pour
les sociétés lyriques, 23, faubourg du Temple. Salle
coml)le, et bon succès d'artistes. Nous donnerons
Iirochainement des délails sur la jolie salle de
..I. Orange, qui est sans contredit la plus belle et la
mieux agencée.
LE PREMIER BANQUET des présidents et des
vice-présidents r'es Sociétés lyriques et dramatiques
du département delà Seine, aura lieu Je dimanclu;
14 novembre, sous la présidence d'Alfred Leconle,
le sympathique député de l'Indre.
On trouve des cartes Maison Orange, 11, place de
la République ; aux bureaux du journal la Chanson,
18, rue Bonaparte, et chez tous les membres du
comité des concours.
Le grand Bal offert gracieusement par M. Orange
à toutes les Sociétés lyriques et dramatiqdes, aura
lieu irrévocablement dans le courant de novembre.
CHOSES & AUTRES
Un Comité vient de se constituer, à Lyon, pour
l'érection d'une statue au chansonnier Pierre Dupont.
Ce Comité est placé sous la présidence d'honneur do
M. Joséphin Soulary et de M. Barodet, député de
Paris.
Son bureau est ainsi composé :
Président : A. Lumière ;
Vice-Président : Victor Glavel ;
Secrétaires: Mourot, 0. de Cocquerel, Camille Roy;
yr^4'0fi«r.- Charles Gailloton.
On peut adresser les souscriptions à M. Lumière,
l'd, rue de la Barre, à Lyon.
Nous commencerons prochainement la publication
d'un grand travail sur Rouget de l'Isle et son œuvre,
par Alfred Leconte, député de ITndre.
La notice d'Octave Lebesgue, l'auteur couronné de
la chanson £a grosse Botte et la petite Bottine, parue
dans notre dernier numéro, nous est parvenue trop
tard pour être publiée dans ce numéro.
Georges Baillet, l'auteur de tant de romances à
succès, le Bouquet de Marguerite, L'amour n'apasde
saison. Versez les trois couleurs, elc, publiera le 10
novembre prochain, sous le titre de (Chansons de
Jeunesse, un recueil de ses plus jolies œuvres, en
un fort volume in-12. Prix : 3 francs. On peut sous-
crire d'avance chez Bassereau, rue Saint-Martin, 240,
ou à notre librairie 18, rue Bonaparte.
Notre collaborateur Eugène Imbert a écrit pour
cette publication une introduction humoristique. Un
tel patronage ne peut manquer de porter bonheur
au jeune poète.
Dès que ce volume aura paru, nous en rendrons
compte.
Vient de paraître à notre librairie : Zes Voix hu-
maines, poésies, par Rkné Asse, avec une préface en
vers par Emile de Labédollière. Prix 1 fr. oO. Nous
lin rendrons compte prochainement.
Voici le résultai du premier Concours Victor
Hugo, ouvert par l'Union littéraire et Artistique:
123 poésies ont été envoyées.
:)9 ont été éliminées après un premier examen.
47 d° après un second examen.
17 ont concouru pour l'obtention de médailles et
mentions.
De la dernière séance du comité il appert que ;
M. A. Augier a obtenu la 1'''= médaille.
M. Adrien Lheureux d" la 2" médaille.
M. Alphonse Talligé d» la 3» médaille.
Les mentions honorables ont été obtenues par
MM. Paul Pujol, Gaston Demassue, l"'" mention.
MM. Ferdinand Huart, St. de Guaita, 2» mention.
MM. Lecomte, Ad. Sendrier, 3° mention.
En outre il a été décidé que huit poètes auraient
leur nom inscrit sur le numéro exceptionnel qui sera
remis à Victor Hugo.
Ce sont MM. E. Mauzaize, Adolphe Faget, Léon
Roger, Gustave Roussel, Isidore Merle, Victor
Madelaine, Ernest Roch, Armand Belloc.
Membres du Jury : — MM. Théodore de Banville,
François Coppée, Léon Valade ; secrétaire, M. Ber-
tol-Graivil.
AVIS IMPORTANT
IVoiis prions nos abonnés dont rabonncmcnt a fini
avec le dernier numéro d'octobre, do nous faire par-
venir de suite le montant de leur réabonnement. JLes
abonnements et réabonnements se font sans frais
dans tous les bureaux de poste.
E!n cas de cessation renvoyer le premier numéro
de novembre avec le mot refusé sur la bande.
208
LA CHANSON
GALERIE DES CHANSONNIERS
Voir la Uî ogrnphic dr.ns le a° O de In
|iroiiiici*c nnn^e.
Voir la llio;;i'apiiio «Innsi lo n'> 33 do la
dciixièine anuéc.
PRIME A NOS ABONNÉS
DEUXIÈME ANNÉE DE LA CHANSON
Ua beau volume in-.i'° bioclir.
Au lieu de 0 francs 3 francs pris dans nos bureaux ; par la. poste, 3 fr. 50. — Envoyer un mandat-poste au nom
de A. PAT A Y (les timbres-poste ne sont pas reçus).
LA CHANSON
est mise en vente le samedi, chez tous les libraires, marchands de journaux et de musique de France.
PRIX DU NUMÉRO : 10 CENTIMES
On demande des courtiers d'abonnements (bonnes remises).
A. PATAY, Propriétaire-Gérant.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et C'°, rue Martel, 6.
3= ANNEE. — N" S7.
«O CENTIMES.
14 NOVEMBRE 1880
LA CHANSON
A. PATAY
Dvrecte^a--Ad,ùnistratenr JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^'"'''^^^^^ffQf^
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES —
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
La chanson est une forme ^liléeet
charmante de ta pensée. Le couplet
est le gracieux frdre de ta strophe.
V. HUGO.
Annonces, laligne... 1
Réclames, — 2
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
La chanson, comme la balonnelh
st une arme française.
J. CLARETie.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L. -HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an , 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an 8»
us Oiseaux vont nicher, paroles de Jules CétJîs, musique de Lonis
Calois. — Chaplain (Eugènk Imuiiut). — Banjnel rfu Caicau (L.-
UiiisHY Lucomtk). — La Réveil de ta Cliansun (Ciunms Vinchnt).
— A lieu de chose prùs (Mouton-Dufbaissb). — Le Ualaiilun d$
SOMMAIRE :
l'avenir (Eu<
des Concerts (Ai-fubd
— Choses et Autres.
). — Mon Budget (Faucbé). — Chronique
;tinot). — Chronique des Sociétés Lyriques
Annonces.
LES OISEAUX VONT NICHER
MELODIE
Paroles de Jules Célès.
Musique de Louis Caloin.
nn_che8 fait dans les cœurs cou_rir dedou i fris
it(!frain.
(bis)
Avril déjà, met des perles aux braacbes,
Et des prés verls monte un bruit de chansons;
Un gai soleil, un soleil des dimanches
Fait dans les cœurs courir de doux frissons.
Couples joyeux, allez peupler nos rives,
Les cceiu's aimants on soif de s'épancher;
C'est la saison des expansions vives, ,
Le printemps vient : les oissaux vont nicher. (
Joyeusement, dans vos habits do fête,
Courez aux champs, superbes amoureux;
Qu'en vous le ciel qui plane sur vos têtes,
Contemple enfin des êtres bien heureux.
Couples joyeux, allez peupler nos rives,
Les cœurs aimants ont soif de s'épancher ;
C'est la saison des expansions vives, liMi')
Le printemps vient : les oiseaux vont nicher.'^
A vous l'amour, vous êtes la jeunesse ;
A vous les fleurs, vous êtes le printemps;
Riez, chantez! assez tôt la vieillesse
Viendra ternir l'azur de vos vingt ans.
Couples joj'eux, allez peupler nos rives,
Les cœurs aimants ont soif de s'épancher ;
C'est la saison des expansions vives, Vsȍ)
Le printemps vient : les oiseaux vont nicher. S
ives,Le prin-ttjrEps vient: tes oiseaux 7ont nicher!
Ua accident arrivé au clîclic du portrait nous oblige à publicp la biog-rapliie sans
le portrait.
210
LA CHANSON
CHAPLAIN (i)
Pierre-Micbel Chaplain, né à Alençon, le 7 juillet
1796, est mortà Paris, le 13 juin 1848. Avant de parler
du chansonnier, parlons de l'homme.
Il reçut une éducation tout-à-fait élémentaire.
Quand vînt le moment où ses parents durent songer
à lui 'Choisir un état, il montra, malgré sa jeunesse^
cet ardent amour de la patrie qui l'aaima toujours.
Sa mère voulait le faire prêtre ; lui, se lit soldat. Le
bruit de nos grandes guerres l'enivrait. Il s'engagea
à quinze ans, fit partie des pupilles de la garde, et
passa deux ans au camp de Boulogne. Deux ans plus
tard, il était à Utrecht, puis assistait au siège de
Worden.
Bloqué à Wesel par les Prussiens, il supporta cou-
rageusement les fatigues et les privations d'un long
siège.
Vint la Restauration, qui aimait peu les anciens
serviteurs de l'Empire. Il fut licencié, et, voyant sa
carrière de soldat ainsi brisée, il apprit le métier de
tisserand, que sa santé l'obligea bientôt de quitter
pour celui de menuisier en fauteuils. Il avait alors
vingt-six ans.
En 1830, Chaplain se remit au service, entra dans
la garde municipale, et ne tarda pas, grâce à sa con-
duite et à ses bons antécédents, à obtenir le grade
de brigadier. Mais ses idées étaient, comme on dirait
encore aujourd'hui, trop avancées. La fréquentation
d'hommes tels que Kersausie, Raspail, Avkil,
Teste, Flotard, no pouvait être vue d'an bon œil
par les chefs de Chaplain. D'ailleurs, sa verve poéti-
que s'était éveillée, ei les premiers essais de sa
musc républicaine amenèrent sa destitution. Une
délation lui eût permis, à ce qu'on assure, de l'éviter:
il reprit la varlope.
Libre alors de donner plus d'essor à ses aspiri-
tions démocratiques, il entra dans la Société des
Droits de l'homme, combattit aux affaires d'avril,
et s'honora en refusant un secours pécuniaire offert
par Garrel, sur l'excédent d'une souscription en
faveur du National. Sa femme refusa de même,
sous prétexte que depuis deux jours il avait retrouvé
de l'ouvrage, le produit d'une cotisation organisée
par Voitelain et d'autres démocrates. Cela se pas-
sait en 1836. En 1839, il fut arrêté, puis élargi,
faute de preuves, après un mois de détention.
Eq 1848, il voulut, malgré les souffrances que lui
causait un violent mal de pied, prendre encore les
armes pour soutenir la cause qu'il avait toujours
servie. Les fatigues empirèrent son état, et il dut
entrer à l'hôpital Saint-Louis. C'est là qu'il mourut
(1) Cette liiograpliie est cslraile d'un volume de notre collaborateur
Eugène Irabert : Ll Goguette et i,u9 Goouettiees, Éludes parisiennes,
avec 6 portraits à l'cau-forle d09 chanaonnierB Blondel, Bonnefond, Col-
manco, Durand, Festeau, Rabineau et eclui Je l'auteur ajoiilè. Ce livre
tiré :i petit nombre est presque épuis« ; les derniers exemplaires se ven-
dent à notre librairie 2 francs.
le 13 juin 1849, à l'âge de cinquante-trois ans. Son
corps a été inhumé au cimetière du Nord.
Telle fut, racontée brièvement, cette vie de dé-
voiiment et de privations ; car Chaplain mettait
toujours ses convictions avant son bien-être ou sa
tranquillité. Béranger, avec lequel il était en cor-
respondance depuis 1844, lui écrivait au mois de
janvier 1848 :
« Le malheur n'a point affaibli vos nobles senti-
ments, et vous les exprimez en bous vers, et avec
courage. Heureusement que votre imprimeur en a
moits que vous, car vous eussiez sans doute eu des
démêlés avec la justice, ce qui n'aurait pas avancé
vos petites affaires. »
Le bagage littéraire de Chaplain n'est pas très-
considérable. Il a laissé environ une soixantaine de
chansons. Il en avait composé un certain nombre
encore ; mais le cachet ultra-bonapartiste qu'il
avait cru devoir leur donner, par esprit d'opposi-
tion, l'engagea plus tard à les supprimer, par esprit
de libéralisme.
Ce bagage, tout restreint qu'il est, est complet en
son genre ; je veux dire qu'il suffit à nous donner
une idée exacte de l'auteur et à nous montrer
quelles nuances diverses pouvait revêtir chez lui
l'éternel et unique objet de ses pensées, le progrès
politique, social et humanitaire. Il suffit, en même
temps, à nous expliquer la vogue qu'ont obtenue, à
leur époque, quelques-unes des productions de
Chaplain, non dans les rues, ni dans les livres,
mais dans les ateliers.
Car Chaplain, à la différence de certains de ses
confrères en chanson, était peu avide de publicité.
Il chantait pour répandre son idée, en lui donnant
une forme plus facilement saisissable que la dis-
cussion ; content d'être écouté, compris, il s'ar-
rêtait là. Quelques mémoires heureuses retenaient
ses refrains et les propagaient; mais la presse
n'avait rien à y voir, et pour lui l'éditeur n'existait
pas.
Dans ces réunions, plus rares de nos jours, le
chansonnier, quand venait son tour de parole,
entonnait, au milieu du silence général, un refrain
inédit, une chanson toute fraîche éelose, des cou-
plets inspirés par les événements de la veille ou les
passions du jour, le peuple trouvait toujours un
plaisir, quelquefois un enseignement, souvent un
conseil. Seulement, il faut le reconnaître, l'ensei-
gnement était moins gouvernemental que le gou-
vernement et moins royaliste que le roi.
C'est là que Chaplain, prenant pour texte ou
même pour prétexte, tantôt le vin où l'amour, ces
deux thèmes aussi vieux que le monde suf les-
quels on n'a pas fini de broder, tantôt quelque inci-
dent de l'histoire contemporaine, ou plus souvent
aussi saisissant corps à corps une doctrine, un
principe, un système, débitait sur des airs de pont-
neuf ces vers nerveux et bien frappés, ces images
vives et puissantes, sinon académiques, que sait
trouver la verve prolétaire. C'est là qu'ont retenti.
LA CHANSON
211
répétées en chœur par un auditoire nombreux et
charmé, des chansons telles que le Bonnet démocra-
liqice, Jérôme le franc 2)ar leur, Aux Italiens, Le Con-
servateur, Un Polonais à la France, L'étrille démocra-
tique, A la Grèce ; et des lelrains à faire dresser les
cheveux : Le Pape est radical, ou bien : Voilà pour-
quoi je suis républicain.
Le Pape est radical, c'est le refrain d'une chanson
intitulée Pie /!'; j'en cite quelques vers :
Réformateur des abus de l'Eglise,
Aux préjugés il porte un coup fatal;
C'est la raison détrônant la sottise,
Le Pape est radical.
Los potentats sont à leur apogée,
Mais les sujets ont bien compris leurs droits.
Un jour viendra que l'Europe insurgée
Pour s'affranchir bousculera les rois.
Vous qui parlez avec tant d'arrogance,
Au grand réveil, gare aa manteau royal!
Vers vos États l'Kgalité s'avance,
Le Pape est radical.
Vous voyez que la vigueur du chansonnier est
servie par une expression nette et solide. Peu d'or-
nements, mais des choses, des faits et toujours de
la force.
Ne croyez pas toutefois que Chaplain veuille
tout bouleverser, tout enllammer. Il sait aussi
conseiller, quand il le laut, la concorde et la tolé-
rance. Écoutez-le parlant aux Polonais :
Loin de vous, o mâles guerrier*,
Les noirs brandons du fanatisme ;
Sachez unir, sous vos lauriers
La tolérance et l'héro'isme.
Si d'un côté, il rappelle aux oppresseurs que la
violence n'a qu'un temps, s'il crie aux Bourbons de
Naples, une belle inspiration :
La Calabre aura sa revanche !
si, d'un ton plus calme, mais non moins convaincu,
il donne ce conseil aux soldats heureux :
N'opposez plus le glaive à la raison.
de l'autre côté, il quitte à propos la véhémence de
la philippique pour la plainte ou les larmes. Quel
reproche touchant dans ces vers :
N'est-il donc plus de Providence
Pour la Pologne mise en croix?
Quelle amertune dans ceux-ci:
Le Tasse, ce génie,
Fut par les sots écroué chez les fous !
On le voit, Chaplain, comme tous les vrai^ chan-
sonniers, n'est pas souvent du parti des vain-
queurs: il défend le faible, il proteste pour l'opprimé
il courtise le malheur.
Si jamais les chansons de Chaplain pouvaient
être toutes imprimée?, vous remarqueriez, parmi
les mieux réussies : La Philosophie, où une grande
profondeur de pensée s'allie à un mouvement géné-
reux; Le Curé sous la Restauration, modèle de
causticité; May eux, qui date de 1833, où lo genre
grivois du cadre ajoute à la vivacité du tableau ;
Sayho, et surtout La Justice, que je regrette de na
pouvoir transcrire.
Eugène Imbert.
SOCIÉTÉ LYRIQUE ET LITTÉRAIRE DU CAVEAU
Banquet dn 5 novembre
Thérésa était, l'autre soir, reçue pour la seconde
fois au Caveau. Pour éviter sans doute la trop grande
affluence du banquet précédent, les lettres d'invita-
tion n'avaient point mentionné cette visite. C'est
devant un public de cinquante dîneurs environ que
Thérésa a égrené quelques perles de son répertoire.
Ou sait qu'au théâtre cette artiste n'a pas le don de
me plaire ; je suis heureux de dire que le contraire
s'est produit au Caveau. Intimidée quelque peu et
réservant pour le vulgaire les procédés qui me
choquent en elle, Thérésa a fait preuve, devant
l'Académie chansonnière, de finesse, de goût et de
sensibilité. Quelques couplets de circonstance)
chantés sur l'air de Béranger à l'Académie, ont enlevé
tous les sûlfrages. Singulier retour des choses ;
on a pu voir les délicats du Caveau se pâmer à
l'audition du Sapeur, et l'on a entendu Thérésa
chanter avec conviction le Réveil delà Chanson, écrit
il y a nombre d'années contre le mauvais genre !
Au banquet d'octobre, le nombre dos productions
avait été en raison inverse du nombre des assistants;
la solennité moindre du banquet de novembre a
mieux servi les poètes.
M. Emile Bourdelin, proclamé en même temps
membre titulaire et maître des cérémonies a célébré
avec verve ce dernier honneur en exagérant, pour
les besoins de son plaidoyer, les difficultés du grade
([u'on lui conférait :
Quel malheur pour moi
D'avoir un emploi
Dans les cérémonies.
Charles Vincent, fidèle à l'amitié, a donné aux
chansonniers disparus un souvenir poétique. Le
pauvre Saint-Etienne n'a pas été oublié, comme bien
on pense.
M. Duprez a chanté avec énergie quelques cou-
plets satiriques : Blague toujours prime la vérité ;
M. Piipault, après un sonnet à Thérésa, a raconté
une historiette amusante sous ce titre : Un retour de
jeunesse ; M. Jules Petit s'est donné la peine de ré-
pondre avec esprit â quelques traits d'un goût dou-.
leux décochés par le Figaro à la compagnie chan-
sonnière ; M. Fouache a repris en couplets-tiroirs le
mot de Gavarni : les Maris me font toujours rire ;
M. Alfred de Gaston a dit avec émotion uni' jolie
chanson... sans musique: Pourquoi je pleure; M.
Louis Piesse a chanté les Vieux, à quoi le doyen du
I Caveau, M. Lesueur, ariposté par une Ronde bachùjue;
212
LA CHANSON
M. Grange a pris les Odeurs de Paris pour thème de
couplets fort drôles; enfin, MM. Montariol, Jiillleo,
Mouton-Dufraisse et Fénée ont mérité des ripplau-
dissements pour des chansons de divers genres.
Je n'oublierai pas le réussi Non possumus d'un vi-
siteur dont le nom m'échappe, et les Chiens de Paris,
satire très gaie de M. Guilbon.
Bonne soirée au total, et dont chansonniers et
visiteurs ont été satisfaits également. ~
L.-Henry Lecomte.
t£RÉV£ttOUA EttÂNSflN
Air des Trois Manteaux (Montou).
fUn air nouveau de Darcicr, se trouve chez Choucicns, édilcur.)
Reviens, chanson do nos pères, '
Dérider nos fronts chagrins;
Nous voulons, avec nos verres,
Accompagner tes refrains :
Pour trouver un meilleur gite.
Tu courrais le monde en vain ;
Vieille chanson, reviens vile
Dans le pays du bon vin !
Ah 1 reviens vieille chanson.
Au berceau de ton enfance I
Tu jetas le premier son
Sous le ciel de notre France.
Toi qui rendais nos aïeux
Bons et joyeux
Reviens, le frontceint de fleurs.
Sécher nos pleurs I
Au théâtre, à la fabrique.
On entend chanter encor ;
Mais c'est, en argot lubrique.
Le plaisir facile et l'or.
Sans pitié, jette à la porte
La louve entrée au bercail,
Et, d'une voix pure et forte,
Entonne un hymne au travail I
Ah ! reviens, vieille chanson, etc.
Pour que la chanson renaisse.
Dans sa joie et sa fierté.
Qu'enfin l'argot disparaisse
Avec le vin frelaté !
La Chanson, comme la vigne.
Veut l'air pur et le soleil ;
Des deux, que l'homme soit digne
Et viendra le grand réveil !
Ah ! reviens, vieille chanson, etc.
Comme la harpe d'Eole
Qui résonne au moindre vent.
Que ta vibrante parole.
En nous, résonne souvent!
Sur le château, la chaum'ère.
Souffle la saine gaitc :
l'ourles puissants, sois Lumière!
Pour lus peuples, Liberté !
Ah ! rev'ens, vieille chanson,
. Au berceau de ton enfance!
Tu jetas le premier son
Sous le ciel de noire France.
Toi, qui rendais nos aïeux
Bons et joyeux.
Reviens, le front ceint de fleurs.
Sécher nos pleurs !
Charles Vincent.
Air : — Soldat français né d'olscurs \
Sous le soleil il n'est rien de nouveau !
— Chacun connaît cette vieille maxime, —
Mais un ancien sujet dans mon cerveau
Se rajeunit, par la forme et la rime;
Sur un refrain connu qui me sourit.
Evidemment, quelquefois je compose
Plus d'un couplet, et, modeste érudit,
D'un chansonnier si je n'ai pas l'esprit:
Il s'en faut de bien peu de chose !
Mariez-vous, me dit-on chaque jour:
Le célibat est une chose immonde,
Il n'est de tel qu'un légitime amour
Pour vous poser, aujourd'hui, dans le monde;
Jusqu'au bal même, un soir, un domino
Me dit: — Sur vous de toute part on glose !
— Laissez gloser, lui dis-je ex-ahrupto:
Si je n'ai pas tâté du conjungo:
Il s'en faut de bien peu de chose !
Taille divine aux ravissants contours.
Peau de satin, beauté, grâce, élégance,
Seins arrondis formés pour les amours,
Tout en un mol est parfait chez Horlense.
Il est bien vrai qu'ignorant le danger.
Au repentir quelquefois on s'expose ;
Mais si l'amour, par un larcin léger
Toucha naguère à sa fleur d'oranger:
Il s'en faut de bien peu de chose!
J'ai ri souvent, de voir mon vieux voisin
Souff'rir chez lui qu'Adèle, son épouse.
Effrontément accueille un grand blondin.
Dont elle était si fière et si jalouse;
Ces jours derniers, rentrant inaperçu,
Les a-t-ils pris?. . . Ma foi, je le suppose ;
Car maintenant, il est bien convaincu,
A ce qu'il dit: que, s'il n'est pas cocu.
Il s'en faut de bien peu de chose !
Du Louvre au Temple, en faissanl le trajet,
J'ai rencontré par une nuit d'automne,
De lourds tonneaux contenant le sujet
Du mot canaille ennobli par Cambronne !
Oh!. . . m'écriai-je: — on pent désirer mieux
Décidément ça ne sent pas la rose ! . . .
Bah! me dit-on d'un air malicieux,
Si ce parfum n'est pas délicieux.
Il s'en faut de bien peu de chose !
LA CHANSON
213
Pour m'abrcuver, s'il fallait faire un choix;
Sans dédaigner les vins do la Gascogne,
Tout en prisant le nectar champenois,
Je choisirais un bon crû de Bourgogne!
Volnay, Gorton, Poinard, Bcaunc et Chablis,
Avec bonheur, mon gosier s'en arrose;
De ces grands vins je connais tout le prix.
Et quand j'en bois. .. si je ne suis pas gris !
Il s'en faut de bien peu do chose !
Enfin, pourquoi dit-on que le bonheur
N'est ici bas qu'une vaine chimère?. . .
A. mon avis, c'est une grave erreur.
Et carrément je soutiens le contraire:
Quand la gaité chaque mois dans nos rangs,
— Ou nul jamais ne se montra mor'.'Se, —
Vient embellir nos fortunés instants.
Si ce n'est pas du bonheur. . . je prétends :
Qu'il s'en faut de bien peu de chose!
MOUTON-DUFRAISSE
LE BATAILLON DE L'AVENIR (')
Le temps a brisé nos entraves.
Le passé n'est qu'un souvenir.
Place aux soldats jeunes et braves.
Du bataillon de l'Avenir ;
Place aux soldats jeunes et braves,
Du bataillon de l'Avenir!
Nous sommes tous soldats sans baïonnettes.
Et si nos bras ont porté des fusils,
■Ce fut aux jours dos vaillantes défaites.
Quand l'étranger saccageait le pays.
Le drapeau qui nous guide à la nouvelle aurore.
C'est le vieil étendard cher à la Liberté ;
Il n'est ni blanc, ni rouge, et son pli tricolore.
Laisse flotter ces mots : Travail, Fraternité !
Le temps, etc.
Nous marchons loin de la foule pressée.
Qu'un fol orgueil fait déserter les rangs ;
Notre seul bat, notre unique pensée,
Est noble et sage : Instruire nos enfants.
Ardent foyer d'amour, le bien seul nous inspire.
Car la voix du devoir nous chante au fond du cœur :
Le peuple sera grand le jour qu'il saura lire.
Tous les hommes instruits, c'est un monde lucilleurl
Le temps, etc.
(1) La musique se li-ouvc chez Labbé, iditcur, 32, ruo Nolrc-Damc-dc-
Nazorelh. Celte màlc chansim de notre ami et collaborateur Eugène
Baillct vient Jo paraître à Ljoii on brothure. sous le litre : le Chant
des Peaplss. Un sieur Eooo.Min Goiuui.lot, a ose nioltrp sui' la couver-
ture : rècilée par l'auteur. Ce monsieur a tout simplement changé le
titre et supprimé le refrain ; à part cela, la chanson est mot à mot
311e que ,
Ce vol de la
public
propi
iété litti
héla:
De sang humain, montrons-nous plus avares ;
De la Victoire encensons moins le char.
Les grands soldats sont tous de grands barbares :
Napoléon, Alexandre et César.
L'ouvrier qui vingt ans s'use et meurt à l'ouvrage.
N'est-il pas aussi grand que ces semeurs de deuil ?
Espoir ! car l'avenir nous crie avec courage :
Le peuple est au berceau, les rois sont au cercueil.
Le temps, etc.
Et toi, soldat, notre vainqueur superbe.
Fier Allemand, retourne à ton foyer;
De tes lauriers le fil qui tient la gerbe,
Au moindre choc, pourrait se délier.
Vous étiez cent contre un, nous comptons sur l'histoire.
Qui vous dira toujours en parlant de Paris :
Le vaincre, c'était là que visait votre gloire;
Vous l'avez affamé, vous neil'avez pas pris !
Le temps, etc.
Venez à' nous, travailleur et poète.
C'est à l'espoir qu'il faut signer un bail.
De l'avenir pour tenter la conquête,
11 faut unir la Pensée au Travail.
Marteaux, retentissez ! que vos voix, dans l'espace.
Dominent la clameur d'un passé malheureux ;
Ouvrez large les rangs ! c'est le Progrès qui passe,
La Libei;té le suit... serrons-nous autour d'eux.
Le temps a brisé nos] entraves.
Le passé n'est qu'un souvenir.
Place aux soldats jeunes et braves.
Du bataillon de l'Avenir ;
Place aux soldats jeunes et braves.
Du bataillon de l'Avenir 1
Eugène Baii.let.
QU.ITORZIEME CONCOURS MENSUEL
DE LA CHANSON
PRIX
MON BUDGET.
Oui, j'en suis siîr, moi seul ai ta tendresse,
Ton cœur pour moi n'eut jamais de détours.
Mais trop souvent, comptant sur ma faiblesse,
Pourquoi, Suzon, demander tant d'atours ?
En seras-tu plus belle ou plus aimable ?
Je t'aime autant rien qu'en simple corset :
Ma bourse, hélas ! n'est pas. inépuisable,
Suzon, Suzon, ménage mon budget.
Dans les bosquets pour se perdre sans guide.
De la campagne admirer les beautés.
Est-il be>oin que sur un char rapide.
Comme des fous, nous volions emportés ?
A petits pas, n'est-il pas préférable
De chercher seuls un endroit bien discret :
Ma bourse, hélas ! n'est pas inépuisable, ,
Suzon, Suzon, ménage mon budget.
214
LA CHANSON
Sans envier ces lieux où l'opulence
Par trop de gène éloigne le plaisir,
Qn'à tes regards, trompés par l'apparence.
Ce faste vain n'inspire nul désir.
Quand avec nous l'Amour se met à table,
Notre repas vaut-il pas un banqij-,„ :
Ma bourse, bêlas ! n'est pas inépuisable,
Suzon, Suzon, ménage mon budget.
Pour voir toujours durer sur cette terre
Les rares biens qui font notre bonheur,
Tàcbe, Suzon, que la raison modère
De tes penchants la trop fougueuse ardeur :
Même parfois, de ta mine adorable
Sur tous mes sens daigne affaiblir l'effet :
Ma bourse, hélas ! n'est pas inépuisable,
Suzon, Suzon, ménage mon budget.
Fauché.
CHRONIQUE DES CONCERTS
CoQcert Européen. — Les deux sourds, vaude-
ville en un acte de M. Jules Moineaux, vient d'être
joué avec un légitime succès par MM. Moiroud, Gar-
del, Hyacinthe et Mme d'Estrée.
Mme Nancy qui a fait sa rentrée dernièrement
obtient chaque soir de grands bravos dans Quaml il
n'est pas là, Joseph est en voyage, et Ah! monsieur,
laissez-moi !
La rengaine de M. Constant Saclé, Bonjour Gyprien,
chantée par M. Régiane, fait grand plaisir au public
qui répète le refrain avec un ensemble irrépro-
chable.
M. Numas, un bon diseur, récite la, Douleur du
voyou et Le Ramasseur de bouts de cigares d'une ma-
nière digne d'éloges.
M. Ville, l'ancien amateur des sociétés lyriques, a
tout à fait conquis les bonnes grâces des habitués du
Concert Européen, qui lui font des ovations dans
J^ons pas bougé, Je joue de la guitare et les Amours
d'un Pélican.
Citon* encore MM. Hyacinthe, Naudy, Gardel,
MmesAurélie, Berthe Legraad, Lepailleur et d'Estrée,
qui se font applaudir dans leurs différents genres.
Les Méprises de Lambinet, le vaudeville qui termine
lareprésentation,est fort bien interprété par MM. Moi-
roud, Numas, Régiane, Ville ; Mmes Cramer, Berthe
Legrand et d'Estrée.
Nous rendrons compte, dansnotre prochain numéro,
de la grande représentation qui a été donnée le
12 courant, au bénéfice de M. Fayolle, l'habile régis-
seur-adminislrateur du Concert Ewropéen.
Scala. — VHomme n'est pas parfait, interprété
par MM. Paul Bert, Derame, Pi chat, Mmes Aimée et
Blockette, tient l'affiche avec succès.
Plusieurs chansonnettes ont été créées samedi
dernier :
Conseils d'une grand' mère à une jeune mariée, par
Mlle Blockette; Camomille, -pa.v M. Aristide Bruant;
Je suis poivreau, par M. Bourges ; Il en faut et n'en faut
pas, par M. Chaillier ; et enfin Unissez-vous dans un
baiser, par Mme Graindor.
Ces nouveautés, avec Mandarinette, l'Homme n'est
pas parfait, et les chansonnettes du répertoire for-
ment un programme des plus attrayants.
Orpheiiiu. — Le différend que nous avons eu
avec ce concert étant aplani, nous donnerons dans
nilre prochain numéro un compte-rendu des nou-
veautés qui y sont créées.
Alfred Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le Jeudi 28 octobre dernier, la Lyre Amicale de
Paris, 6, boulevard Sébastopol, inaugurait ses réu-
nions du jeudi, par une grande soirée qui était char-
mante, et dans laquelle "se sont fait entendre, dans
la partie du chant, Mlles Laure et Joséphine, MM. Ju-
lien Alix, Levasnier, Charles Henry membres d'hon-
neur, Grignon, vice-président, et Besnard, sociétaire
de la Lyre Amicale, M. Francfort président des En-
fants de la Gaité, M. Victor Fabre, amateur,
MM. Descourt et Forgeot du cercle Lavallière.
La Cravate Blanche, comédie en vers, formait la
partie di'amatique, et a été parfaitement interprétée
par MM. Julien Alix, Descourt et Mlle Berthe, à qui
nous adressons nos félicitations.
Nous pouvons dire que la partie lyrique et drama-
tique, ont eu l'attrait que l'on pouvait espérer. De
chaleureux applaudissements ont accueilli chacune
des personnes dont les noms précèdent (nous n'ea
rappelons aucune pour ne point faire de jalouses,
car toutes ont été acclamées comme elles le méri-
taient) mais nous regrettons de n'avoir pu entendre
d'autres sociétaires àe la Lyre, qui se soni abstenus
de chauler pour laisser la place aux personnes qui
ont bien voulu prêter leur concours à cetle gracieuse
soirée.
De la manière dont cetle Société est composée,
nous avons constaté, qu'elle pouvait, avec ses pro-
pres éléments, organiser de belles soirées, et nous
ne nous étonnons pas que sa salle de réunion, mal-
gré sa grandeur, soit comble aux soirées de Diman-
che.
A l'avenir celte Société tiendra ses séances tous les
dimanches, jeudi et fêtes, au mémo siège, G, boule-
vard Sébastopol. Le banquet suivi de bal de nuit,
qu'elle donne chaque année, à l'occasion de la
Sainte-Cécile, aura lieu le samedi 4 décembre pro-
chain, dans le splendide salon de M. Maurice, restau-
rateur, avenue de Saint-Mandé, 40 et 42, Salon des
Familles.
Le Cercle de l'Espérance a ouvert la série de f es
concerts mensuels par une magnifique soirée, tenue
le 4 novembre au P.dais-Royal, 116, galerie de Va-
lois. Le niveau artistique de celte représentation est
dévoilé par la liste des artistes qui y ont prêté leur
concours.
M. Piccaluga, qui joint à la qualité de bon
chanteur celle de bon comédien, a dit, avec un goût
parfait, l'arioso à'Eamlet, et une romance italienne
qui a subjugué l'auditoire. Cet artiste a sa place
marquée à l'Opéra-Gomique. Mlle Chazet, qui lui a
LA CHANSON
215
donné la réplique dans le duo do la Flûte enchantée,
a été charmante de naïveté et de douceur dans l'air
de Paul et Virginie.
M. Jules Raux, à son tour, clairsemant de jolis
sons mixtes da,ns ane fraîche voix de baryton, a in-
terprété avec beaucoup de couleur deux de ses com-
positions : le Vieux iuveur et 0 vous qui faites l'en-
dormie. Deux chanteurs de genres différents ont su
plaire également ; ce sont MV Peters, qui révèle une
belle voix de basse dans l'air du Chalet, et M. Ha-
niilet, qui roucoule très gracieusement la romance.
Un gentil petit poème, la Vision, dit par
M. Phél'izon, a distrait agréablement pendant une
partie de la soirée. M. Weill a récité un peu froide-
ment, mais a pourtant réussi assez bien le mono-
logue du Premier amour. Comme il faut toujours
linir par rire, MM. Rémond et Dickson se sont
cliargés de donner la note gaie et ont été fort goûtés,
le premier dans le Voyage autour d'une iahle, le se-
cond avec VHumour britanni<iue. On regrette que
Mme Catherine, qui accompagne si bien les chants,
se place si rarement au piano.
La représentation mensuelle donnée samedi der-
nier par le CERCLE MUSSET a été aussi bnllanle que
celle du mois dernier.
A 8 heures 1/2, MM. Wuillaume, Lebrun, Bastide
et Ghaumont, ont ouvert la séance avec entrain. M.
Gordier a été désopilant dans Troun de l'air de Beau-
caire et s'est fait rappeler dans VEpicier-drogiiiste,
grande scène qu'il interprète d'une façon fort drôle
et avec des jeux do physionomie 'très réussis.
M. Borscbneck a obtenu u'u l)on succès danstoZ'e»^'
de sagesse. M. Maurice a d^l les Ecrevisses avec beau-
coup de talent et a porfaitemont souligné toutes les
finesses de cetts poésie. M. Lévy s'est fait applaudir
dans Nos turlutaines et dans lamasante chanson-
nette Avec Zidore. Nous recommandons à col artiste
de ne pas craindre d'ouvrir la bouche; en serrant les
dents comme il le fait, sa prononciation est désa-
gréable.
Dans la seconde partie, M. Wuillaume a obtenu
de nombreux applaudissements avec la Chanson des
Clochetons, un des derniers grands succès de Debail-
leul.
Le Président du cercle musset, M. A. Dm'rieuqui
est aussi bon disear qu'excellent administrateur a
obtenu de grands bravos dans un récit très émou-
vant : Le revenant. Citons encore MM. Spilmann,
Lhamour, et Paul Rilvond, qui ont eu leur part
d'applaudissements.
Enfin, pour terminer la soirée, On demande des do-
mestiques, vaudeville en un acte de MM, Chivot et
Duru, a été interprété par MM. Cordier,Borschneek et
■Wuillaume. Dans cette pièce quelques petits acci-
dents d'accessoires se sont produits, mais le public,
bon enfant n'a fait qu'en rire et a applaudi les inter-
prètes à tout rompre.
La prochaine soirée du cercle musset aura lieu le
4 décembre.
Soirée très agréable, dimanche dernier à la repré-
sentation donnée par la société lyrique les enfants
d'apollon, 75, faubourg Saint-Martin, présidée par
M. Emile.
M. Plantet, une forte voix, a obtenu un bon succès
dans L'Omhre, Jean-Bart, Lelong de la Seine 6 gué, et
dans la Unie de Pedro.
M. Monicart qui sait fort bien tirer parti du petit
filet de voix qu'il possède, a chanté agréablement
Marguerite, cen'est'plus toil Laissons la porte ouverte,
Vous rappelez-vous et Laissons chanter les oiseaux.
M. Alexis, un comique très amusant a été vivement
applaudi dans Félicité et II m'a refusé son parapluie.
Mlle Gléo a détaillé très finement La Chanson du Ci-
dre, des cloches de Corneville et Le Sentier couvert.
M. Maurice, un excellent conteur a re-îueilli de
nombreux bravos dans Les ecrevisses et L'Histoire
réaliste poésie inédite de M. Gaston Maquis.
Mentionnons aussi MM. Renaud, Ducasse, Eugène,
Victor, Perret, Emilien et Gabriel, qui ont eu leur
part de succès.
Hier a eu lieu. Salle Rosel, 27, rue de Belleville,
une grande soirée, donnée par les Enfants du franc-
rire à leur sympatiiiqueseerétaire M. Walelet;la soi-
rée était présidée par MM. Renoult des Amis insépa-
rables, et Séguin des Enfants du Franc-rire, nous en
rendrons compte dans notre prochain numéro.
Nous rendrons compte dans noire prochain numéro
du preiuier banquet des présidents et vice-prési-
dentsdes sociétés Zynj«g.5 et Dramatiques, du dépar-
tement de la Seine, présidé par Alfred Leconte, dé-
puté de l'Indre.
Mardi, 10 novembre, salle de X Ermitage, 29, rue de
Jussieu, grande soirée offerte par la Société lyrique
et dramatique V Union parisienne. Au sociétaire, Alf.
Desfossez, avec le concours de M. Letirand, pré-
sident de la Lyre de la Gatté, L. Gouget, président de
VEschûliêre, E. Mazot, de la Réunion des Familles,
^\i[.\.QX, Ad V Union française; Léo Tortain, président
de \' Union parisienne.
MM. Adrien Souchet, H. Karl, Moumoutte, Augus-
tel, artiste des concerts, Mmes Adèle. Desfossez, etc.,
etc.. Une femme modèle, opérette en un acte. Garçon
et Demoiselle d'Honneur, duo, improvisation poétique
par Léo ïostain. Tahleau peint à l'huile on 8 minutes
par Mouiuoutte. Le petit Paul, ilgé de 7 ans, chan-
teras, le Petit Zou Zou. Grande tombola è 0 2o c. le
tableau de M. Moumoutte, fait partie des lots. —
Entrée, 00 c. Consommation comprise. — Celte no-
menclature n'est qu'une partie du programme.
Alfred Bertinot.
CHOSES & AUTRES
Souscription pour l'ûrection d'une Statue U
Pierre Dupont.
Eu judlet 1870, sitôt après la mort de Pierre Du-
pont, un comité s'était formé à Lyon pour ériger un
monument à la mémoire de Jiotre regretté chan-
sonnier. Les funestes événements qui suivirent
preque aussitôt, arrêtèrent la souscription à son dé-
but. Les anciens membres du comité, croyant le
moment propice aujourd'hui de reprendre cette
souscription ont fait appel aux nombreux amis de
l'ancien chansonnier, et un comité nouveau a été
élu pour continuer et mener à bonne fin l'œuvre du
comité.
Voici les noms des principaux membres de ce
comité :
Président d'honneur :
Joséphin Soulary, notre célèbre sonnettiste.
Désiré Barodet, ancien maire de Lyon, député do
de la Seine.
Président électif :
A. Lumière, photographe.
216
LA CHAJNTSON
Vice-Président :
Victor Cladel, processeur à la Faculté des lettres
et membre du conseil municipal de Lyon.
Secrétaires :
Camille Roy, journaliste.
De Cocquerel, peintre.
Louis Garel, homme de lettres et membre du
conseil municipal.
Trésorier :
Charles Gailleton, négociant.
En attendant les grandes fêtes qui auront lieu cet
hiver sur nos scènes lyriques, la Société des Amis de
la Chanson va donner le -20 courant une ijremière
soirée chantante en l'honneur de la souscription du
monument. M. Louis Caloin, compositeur et pia-
niste-accompagnateur de la Sociélé, fait répéter en
ce moment diverses chansons de Pierre Dupont, qui
seront dites à cette solennité.
Nous rendrons compte de celte soirée aux lecteurs
de la Chanson.
Jules CÉLÈs.
APPEL, A TOUS Cœi^ POETES
l>nns notre prochain numéro, nous publierons le
programme d'un ^rand concouru poétitfjuc.
Notre prochain numéro contiendra la nomencla-
ture des primes que nous tiendrons à la disposition
de nos abonnés.
Georges Nardin un jeune poète de talent, vient de
publier chez Charpentier, les Horizons Biens, un beau
volume in-i 8, divisé en trois livres, Zp'es et Epinetics,
Rêves envolés, Les Sanglots de l'Ame.
Nous en publierons le compte-rendu prochaine-
ment.
Vient de paraître Le Chant du, Devoir, Hymne pa-
triotique, paroles de Aug. Brun, musique do A.
Brody. En vente 5, rue de Lancry, chez l'autour.
Le titre de la table pour la réunion est un beau
volume des deux premières années de la Chanson,
paraîtra à la fin du mois prochain.
AVIS IMPORTANT
IVoii») pri^venons no.s abonnés. <|iiî ne nous ont pas
oncorc fait parvenir, le montnnt de leur réabonne-
ment, et cjiii ont gardé le premier niinaéro de novem-
bre, c|iie nous ferons toucher par la poste le montant
de rab<
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L'Ilirer, 7-0)jia7ice. Paroles de Fauché, Musique de
Raguey', petit format pans gravure, net » 20
•l'en IlnfTole, paroles et musique de Jules Raux.
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llliaou ! chanson féline. Paroles et musique de Jules
R.\ux, grand format avec gravure et accompagnement
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I^allluse delaCIianson. Paroles deCLAUDIUS Malbet ,
Musique de Ch. Marié. Grand format avec accompagne-
ment de piano, sans gravure, net » 50
^ç chantez plus la marseillaise, chanson patrioti que.
Paroles de Jules Célès. Musique de Louis Caloin.
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Paix et Travail. Paroles de EUGÈNE IMBEET, Musique
de Jules Raux. Grand format avec accompagnement de
piano, sans gravure, net » 50
l.es S'ctites Slains de ma ISIie, chanson. Paroles de
J. JouT, Musique de PaulHenrion. Grand format, avec
accompagnement de piano et gravure, net 1 •
Petit format avec gravure, net ■ 30
Cette chanson vient d'être créée au Concert du xix" siècle
par Débailleul, l'artiste aimé du piMic, qui, nous en
sommes certains, en fera un de ses beaux succès ; eHe est
déjà interprétée dans plusieurs concerts et dans beaucoup
de sociétés lyriques.
Quand t'auras des iVIoustachcs. Paroles de Claudius
Malbet, Musique de Mathilde Fraiquin, Grand for-
mat avec accompagnement, sans gravure » 50
lie Vieux ISu-s'eur de vin, chanson. Paroles de
Brugière, Musique de Jules IÎaux. Grand format avec
accompagnement de piano, sans gravure, net > 50
Via c'<|ue e'estqu'un entcrr'in^Eit, tableau populaire,
paroles d'EuGÈNE Imbert, musique de Dauvergne. Petit
format avec gravure et accompagnement de J. Raux • 50
"Vous, valse chantée par L. P., officier de cavalerie.
Grand format, avec accompagnement de piano, net 1 «
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toute la France à toute personne cj ui en fera la demande
par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
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l.e Birecteur-Oérant : A. HATAÏ.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et~Cïe, 6, rue Martel.
3* ANNEE.
N» «8.
• O CENTIMES.
•21 NOVEMBRE 1880
LA CHANSON
Dincteur-Adiiiinistfateur
A. PATAY
ta chanson est une forme ailéeet
eharmanie de la pensée. Le couplet
6St le gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE '''TlmimoT"
ECHO DES SOCIETES LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littéruture, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Annonces, la ligne... 1 '
Réclames, — 2 •
Li chanson, comme ta baronnatte
sst une arma française.
J. CLARETIE.
RDMINISTRATION & REDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN Chef
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
■ six mois 3 '
Etranger, un an 8 »
Alfred Lrcoiite, Jules Êchaliê, portraits et noticps, — Conférence sur
Roagel de Udc. — La Vigne (Pctimiî Dupont)- — .1 VEspérance
(Victor IUm^EA^). — Ilallnde de l'Académie framaite {f«A^r,ois
MEf.vii,). Le petit raisBcan (A. HccRSis). — C'est le printemps,
paroles Je Air.isTi: fioUTS, mnsii|ue de hi.r.s R»rx. — K/i.nen (Ésile
SOMMAIRE
,„i:). _ Clironiqne des Concerts (Alvubd BiiiiTisor). —Biner du
de l'igalle. — Uant/uet des Sociétés Lyriques (A. P.) — Cliro-
ue des Sociétés Lyriques {II. CncttF.. Alvuhi. BiitiTiNOT, J. U.) —
ucelles cl Annonces.
LES FREDAINES DE LA CHANSON
A POMPONNE-LES-BOIS '
ALFRED LECONTE
J ECHALIE
(1) Ces deux pbrlraits-diarKCS et les notices qui les
accompagnent sont einpruntés à un très curieux et rare
volume tiré à cent exemplaire- seulement, numérotés et
paraphés, qui n'a pas été mis dans le commerce : les
i-RED,\iNES DE LA CH.sNSON, rtcit d'wic fête champêtre
ojl'ertc par .hiles Echalié à .ses camarades de la Lice Chan-
sonnière. Ce volume contient, en outre, un groupe pho-
tographié des invités, 10 portraits-charges dessinés par
Ernest Chebroux avec notices écrites par Eugène
Baillet. Plus de vingt chansons ou poésies sont réunies
dans ce livre qui manque à tous les collectionneurs.
iSous avions été assez heureux pour en obtenir cinq
exemplaires que nc'Us mettons à la disposition de nos
abonnés amateurs de vraies raret^'S cnansoimières. —
Envoi franco contre un mandat-poste de 10 francs au
nom de A. Patay, directeur de La Channon, rue Bona-
parte, 18
A. P.
218
LA CHANSON
fiP
ALFRED LECONTE
Alfred Leeonte, que vousvoyezici en Iraiudopropa-
ger le journal la La Chanson Fra9ieaise[l],n'ei. pu, mal-
gré son grand désir, assister à notre petite fête de
Pomponne-les-Bois ; mais, comme sa galté ne pou-
vait donner encore que plus de charme à cette
joyeuse journée, nous avons voulu que son portrait
figurât parmis les nôtres, la Chanson française .est
est un des grands bonheurs de sa vie, et il n'est
pas de nuit qu'il n'en rêve ; aussi bénit-il [civi-
Ument] les abonnés qui viennent chaque semaine
grossir le tirage de cette feuille chère à tous les amis
de la vraie chanson et assurer sou succès.
Leeonte est membre du Caveau, et de la Lice
Chansonnière, les Haricots de Prince, leVind'Issondim
les BépuUicains de carton, telles sont ses chansons
pleines d'entrain et de philosophie joyeuse. Gomme
signe particuliers, Leeonte, à table, ne mange guère,
boit encore moins, mais découpe impitoyablement
volailles, gigots et autres pièces de résistance, avec
une aisance et une agilité prodigieuses. Il a de plus
une splendide voix de ténor, et compose presque
tous les airs de ses chansons.
J ECHALIÉ
Heureusement qu'à la Lice nous parlons presque
toujours français, car si nous parlions argot, le des-
sin ci-dessus nous représentant Echalié en train de
remuer la casserole aux bonnes choses que le maître
amphitrj-on nous a servies à Pomponne-les-Bois, —
on s'en lèche encore le souvenir I Noti'e dessinateur
aurait pu garnir ses poches de fusées volantes, et
nous le représenter au milieu du bouquet du feu
d'artifice dont il nous a régalés le 20 Aoùl, c'eût été
plus chaud et plus lumineux de dessin. C'est un
croquis sur la planche, tout fait pour l'année pro-
chaine. Echalié est membre de la lice Chansonnière
et du Caveau ; il n'en est pas plus vieux pour ça :
c'est un jeune homme pour la Lice, un eufant poiu
le Caveau. Lesrecueils desdites Sociétés contiennent
ses chansons, sans compter celles qu'il dit un peu
partout. Il a pour prénom Jules..!.. On n'a pas tous
les bonheurs !
CONFÉRENCE SUR ROUGET DE LISLE
Rouget de Liste, l'immortel auteur de la Marseil-
laise, aura bientôt sa statue à Choisy-le-Roi.
Dimanche, à deux heures, M. Leroy de Sainte-Croix
de Straslourg, qui depuis longtemps s'efforce, et par
la plume et par la parole, de faire rendre à l'auteur
de notre sublime chant national les honneur qui lui
sont dus, a, dans ce but, fait à Choisy-le-Roi une con-
férence fort intérressante et fort applaudie par la très
nombreuse assistance qui se pressait pour l'entendre
dans la salle Brouillard.
(1) A Jlspa.il ;
iteu aepmi.oli
il e-c iii.lre lollaliu-
TT
M- Benjaujin Raspail, député de la première eir-
conscription de Sceaux, présidait la réunion, ayant
comme assesseurs MM. Caillot et Trochon, membres
actifs -et dévoués du «omité qui s'est formé pour
élever au Tyrtée français, — ainsi le nommait son
ami le grand chansonnier Béranger, — une statue
dans la ville où reposent ses cendres.
M. Stempfel, qui, lui aussi, a apporté à l'œuvre un
efficace et intelligent concours, faisait jjartie du bu-
reau en qualité de secrétaire.
La fanfare de la ville a joué la Marseillaise, puis
M. Raspail a présenté aux assistants un des descen-
dants de Rouget de Lisle, qui, en quelques mots
émus, a remercié les habitants de Choisy de la géné-
reuse pensée qu'ils ont eue de former un comité pour
élever une statue à la mémoire de sou illustre parent.
M. le président a ensuite prononcé quelques mots
et donné la parole au conférencier.
Dans sa conférence, M. Leroy de Sainte-Croix, après
avoir cité quelques-unes des imitations de la Mar-
seillaise, entre autres le Chant des Travailleurs, de
M. E. Vidal, et s'être spirituellement moqué du chant
de guerre des Vendéens, contrefaçon ridicule de notre
hymne national, s'est surtout attaché à rectifier la
légende de la naissance de la Marseillaise.
C'est dans sa chambre et non dans le salon de M.
Dietrich, le maire de Strasbourg, que Rouget de Lisle
a composé son œuvre.
En sortant d'une soirée donnée chez M. Dietrich,
soirée dans laquelle il avait été prié de composer un
chant pour l'armée du Rhin, prête à entrer en cam-
pagne, le jeune officier rentre chez lui, comme nous
le racontions il y a quelques jours. Il prend son vio-
lon, en tire quelques sons, puis écrit quelques me-
sures et quelques vers, les chante; mécontent, il les
biffe et recommence encore; peu à peu l'inspiration
vient, il écrit d'un trait à la fois musi([ue et paroles,
puis, brisé, se jette sur son lit et s'endort.
Le matin, en s'éveillant, il voit sur la table son
manuscrit et, sans même le lire, le porte à M. Diet-
rich ; — K Voilà ce que j'ai fait, lui dit-il, pas grand
chose de bon. »
M. Dietrich, excellent musicien, se met au clavecin
et déchiffre le morceau: dès les début il s'étonne, il
s'émeut ; à mesure qu'il avance, son admiration s'ac-
croit; enfin, arrivé à la dernière strophe: «Amour
sacré de la patrie ;;, les larmes aux yeux il s'élance
au cou de Rouget de Lisle en s'écriant: « Mon ami,
c'est un chef-d'œuvre, ce chant-là vivra autant que
la France. »
Et, joignant l'action à la parole, M. Leroy de Sainte-
Croix embrasse le descendant de Rouget de Lisle,
l'assistance éclate en bravos.
M. Leroy de Sainte-Croix a terminé sa conférence
par la lecture de quelques lettres de Rouget de Lisle
à Béranger, qui fut jusqu'à la mort son ami fidèle,
et en félicitant la ville de Ghoisy-le-Roi, qui veut
rendre à une de nos gloires nationales l'honneur qui
lui est dû.
On s'est ensuite séijaré aux accents de la Marseil-
laise, chanlce par le choral de la 'side.
LA CHANSON
219
LA VIGNE
Perfide comme l'onde.
Shaksi'Eare.
I.'eau semble purf,
Mais n'est pas sûre,
Car elle passe un peu parlout ;
Dans les terrains maint poison bout;
r/oau n'est bonne qu'étant filtrée.
La Vigne est la plante sacrée
<Jui sous l'action du soleil,
Fait de l'eau ce beau vin vermeil
Qui tous les jours nous régénère.
La Vigne est le sang de la terre :
Dans un cœiu- aimant, c'est du l'eul
Lo Vin pur, c'est le sanp de Die\i !
Pit'ri'e Di'PONT.
Lyon, 23 avril ISœ.
A. IL.'ESI=>É:R.A1VGE3
.'•^ j Boutade réaliste 1 (^
Déesse impudique et menteuse
Qui l'ofl'res au premier venu.
Ton masque, puissante trompeuse,
X mon cœur n'est point inconnu !
Ma main, arrachant la toilette
Oui parc tes membres raidis,
N'a découvert qu'un froid sqaelette,
Espérance, je te maudis !
J'ai soif de tout ce que la vie
Donne aux élus de ses banqiiels,
J'aspire aux bonheurs qu'on envie
Et que toujours tu nous promets!
L'amour est pour moi lettre morte,
Si j'entrevois son Paradis,
Mou front heiule en vain à la porle.
Espérance, je te maudis !
A l'homme acceptant la détresse,
Si tu parles de jours meilleurs.
Tes fausses paroles, traîtresse.
No font qu'éveiller ses douleurs !
Ta main à nos regards étale
Des biens qui nous sont interdits.
C'est le supplice de Tantale. . .
Espérance, je te maudis !
As- tu de celui qui t'implore
Réalisé les vœux ardents ?
De ceux que ta fièvre dévore.
As-tu soulagé les tourments'?
Quand chaque jour, je vois, ù rage.
L'avenir qu'à tous tu prédis
N'être qu'un décevant mirage,
Espérance, je te maudis !
Immobile et froide statue.
En vain l'on to couvre de fleurs.
Ton silence cruel nous tue,
A nos yeux tu laisses les pleurs !
Puis, quand on perd tout ce (ju'on aime
Et quand les sens sont refroidis.
Tu t'enfuis à l'heure suprême . . .
Espérance, je le maudis I
Victor Rabineau.
BALLADE DE L'ACADEMIE FRANÇAISE
Dieu! quelle ivresse exubérante
Cette nuit tint mes yeux ouverts !
Hier, après un banquet de trente
Francs par tête et de cent couverts.
Un poète de Moscou, vers
Minuit ou minuit et demie.
Me demandait, à mots couverts.
Si j'étais de r,A.cadémie "?
!Monsieiir, dis-je, san^..les quarante
Le monde irait tout do travers ;
Leur assemblé» incohérenilo
Faitl'Uaion de l'Uaivers.
A l'aspect des nobles revers
La Vertu se sent raffermie ;
Que j'aurais de beaux habits verls
Si j'étais de l'Académie !
Être imuiorlel! joie enivrante !
A'ivre. et ne plus compter d'hivers !
Rire de la mort conq.uérante !
Vous que Butfon classe en divers
Genres, animaux très pervers,
Pour faire un cours d'anatomie,
Vous n'auriez pas ma tombe, ù vers.
Si j'étais de l'Académie !
Envoi
Vertu si rigoureuse envers
Ma prose, adorable ennemie.
Je vous célébrerais m vers.
Si j'étais de rAcadémie.
Francis Melvil.
LE PETIT RUISSEAU.
Tout près du village
Goule, sous l'ombrage.
Un petit ruisseau.
Chaque joui'. Jeannette,
Petite coquette.
Se mire dans l'eau
Du petit ruisseau.
220 ,
LA CHANSON
Quand sa tète bloucU-
Keûète dans l'onde
Du petit ruisseau ;
La verte nature
Fait une bordure
Au charmant tableau
Peint dans le ruisseau.
Biaise, sous rombrai^e.
Contemple l'imago
Bans le frais ruisseau.
Quittant sa cachet le.
Il va vers Jeannette
Et... sourit dans l'eaji
Du petit ruisseau.
Jeannette s'effraie.
Biaise rit, bégaie,
Tout près du ruisseau.
Jeanne est belle lille.
Biaise est un beau drille
Que l'amour est beau !
Dis, petit ruisseau?
A. IIuCiEMX.
C'EST LE PRIi\'TEMPS
Paroles de Auguste Gouis. Musiqucde Jules Raux
mu _ re.'La.mi so.Ieil fait on_bli-er Fh!
Moder.ito.
De !e . tn - ble, é cliap _
^
^
mr-^ .,L-.^
pés, ilea bfuns trou. peaux bon
dis . sent; Sfon . tant vers le ciel
^^^^^^M
'''^D' . les ohorî_sons re _ tea
Andante rîlenuto.
Sur l'Océan, oii le marin s'élance
Le ciel s'éclaire et la brume s'enfuit :
L'astre superbe et généreux, dispense
Ses rayons d'or, par lui tout resplendit.
Qu'importe maintenant la foudre et la tempête ?
On se rit du danger, et gaiement on répète
Sans souci des autans
Les refrains éclatants
C'est le p' intemps, c'est le printemps!
Dans ce sentier oii l'insecte bourdonne,
Deux amoureux cheminent enlacés,
La jeune fiUe, heureuse, s'abandonne
Aux longs baisers, sans jamais dire : assez
C'est que de tous les cœurs, en ce moment suprême,
Comme un hymme divin, sortent ces mots: je t'aime.
Pendant cet heureux temps
Tout le monde a vingt .ins
C'est le printemps, c'est le printemps!
champs; C'est leprinteni^GjCtczt !g prîr.t^nîps
UN RIEN
Oui, j ai i-AilVAmant d'Ainanda'.
C'est un crime et je m'en confesse.
D'autant plus que ce refruin-là
Quand je l'eus commis m'attira
Toutes les foudres de la presse,
A ceux que ce chant, quoi qu'ancien,
A cette heure encore indispose,
J'offre ces vers, et je prévien
Qu'ils sont intitulés Un rien.
— Un rien c'est encor peu de chose —
Que voulez-vous, en vers, en prose,
On fait comme on peut : mal ou bien.
N'est-ce pas que pour nous la vie a bien des charmes.
Quand, frappant et nos sens et notre esprit distrait,
Un rien vient à nos j'eux puiser ces douces larmes
Qu'on aime à verser en secret !
Le portrait d'un parent toujours plein de tendresse,
La lettre d'un ami qui ne sait point tromper,
La boucle de cheveux qu'une folle maîtresse
A vingt ans nous laissa couper.
La pâquerette sèche en un livre enfermée.
Rappelant la pelouse où simple elle brillait,
La plante des jardins qu'en mars on a semée
Et qu'on voit fleurir en juillet.
Un chant, une couleur, une forme, une date.
Un parfum que ramène un souffle des zéphirs.
Un rien peut retracer à l'ànie délicate
Tout un monde de souvenirs.
Emile C.iCRÉ.
LA CHANSON
221r
CHRONIQUE DES CONCERTS
Alcazap d'kÏA'ep. — L'Enlèvement des Satines,
opérette ea uu acte de M. A. de Jallais, musique de
Ch. Hubans, interprétée par MM. Limât, Hervier,
Henriot, Villemin, Staiaville; Mmes Dufresny, Mau-
rice, Hens, André et Noblet, tient gaillardement l'af-
fiche depuis trois semaines et restera probablement
au programme jusqu'à la première représentation
de la Revue de fin d'année que l'on répète active-
ment en ce moment.
Dans les intermèdes, Mlle Duparc, l'ex-pension-
naire de l'Eldorado, détaille les chansonnettes à
diction avec beaucoup de succès. M. Libert et
Mme Elisa Faure se l'uni aussi applaudir à outrance.
Scala. — Samedi dernier, ce concert nous a
donné la primeur d'un vaudeville en un acte, de
M. Jouhaud : Le Manyenr de ne:, qui a élé bien
accueilli par le public et interprété convenablement
par MM. Bérod, Paul Berl; Mmes Blockelle et
Aimée.
M. Bruant devait faire la Ravue de fin d'année,
en collaboration avec M. Jules Jouy, mais ce dernier
ne s'étanl pas présenté à la Soala, depuis près de
quatre mois, la collaboration lui a été retirée, et
donnée à M. Lucien Roubind.
Depuis quelques temps, Bourges chante Mam'
zclle Clignancourt, nouvelle rengaine de M. Arislide
Bruant, qui est répétée par toute la salle.
Il y a eu trois créations samedi :
'■." que veut Jeannette , par M1U> Liovenl ;
Essayez d' vous eu passer, par Mme Kaiser;
Et Gomme élastique, par M. Pichat.
XIX" Siècle. — (lu ap[)laudit chaqLie soir
Dehailleul Aiws, Le verre de la jeunesse, et la gracieuse
tlabrielle. Delassau dans Ma Martinique. Ces deux
charmantes compositions soûl do L. G. Desormes,
le syiiipalhi(iuo maestro qui condiiil rorcheslro du
XIX» Siècle avec un brio extraordinaire.
L'ouverluro de Guillaume Tell, parlai lemont exé-
cutée, enlève surtout les bravos du public.
lucessammeut, à ce concert, première audition de
On peut s'entendre, romance-historiette, paroles do
L. -Henry Lecomle, musique de Jules Raux, chantée
l>ar Debailleul.
Folies Si^int-lMartin. — Samedi ont eu lieu
les débuts de Mme Faure, chanteuse patriotique, et
de Mme Domérgue de la Seala.
Cette soirée de début» était en même temps celle
d'adieux de M. Pissarello et de Mlle Djelma. Après
les rappels de ces deux artistes, M. Albert NicoUe,
'e régisseur, leur a remis une couronne de lauriers
et a exprimé au nom de la direction et des artistes
des Folies Saint-Martin, tous les regrets qu'ils
éprouvaient de leur départ forcé. Ces srlisles qui
étaient aussi très aimés du public ont reçu des ova-
tions de la part de ce dernier.
Edgard et sa Bonne, vaudeville en un acte, a été
interprété par MM. Alberti, Denneville, Gassouin;
MMmes Roger, Braux et Betty.
Le litre de la revue en six tableaux que l'on
répète activement est : Ouvrons l'œil I elle a pour
auteurs MM. Michel Bordet et Edouard Aupto, la
musique est de M. Ch. Lefaj'-, chef d'orchestre des
Folies Saint-Martin.
La direction qui fonde des espérances sur cette
revue a fait de grands frais.
Six décors ont été commandés à M. Cornil, et
soixante costumes neufs vont être livrés par la
Maison Landolf.
Attendons-nous à voir des merveilles.
Pour terminer annonçons que M. Denneville chan-
tera sous peu Eles-vods comme moi"? la fine chanson-
nette de notre rédacteur en chef, L. -Henry Lecomte.
Ha-ta-clan. — L'abondance de copie nous
oblige de remettre au prochain numéro le compte
rendu de ce concert. Annonçons cependant une
nouveauté qui obtient beaucoup de succès : Viens
dans mon bateau, romance de M. Ferdinand Pelletier,
musique de Cb. Thony; interprétée par M. Gon-
thier. Alfred Bertinot.
flINER eu EEfiCtE PIGALIE
13 novembre ISSO.
Cahen a décrété : qu'en novembre, le treize.
Un samedi, le cercle assemblait ses amis. —
Il m'a fait Président. — Que les Dieu.'c soient bénis.
Bien qu'un pareil honneur me mette mal à l'aise.
Chez Laurent, boulevard Clichy, soixante-seize,
Et moyennant trois francs cmquante, vin compris.
Nous dînerons ensemble et nous sortirons gris
De douce mélodie et de gaité française.
A sept heures un quart en dernière limite
Laurent attaquera sa plus grande marmite
Et nous dira bien haut : ces Messieurs sont servis !
Pour la vieille Chanson risquez celte escapade,
Et tâchez d'entraîner quelque gai camarade.
Car les amis de nos amis sont nos amis.
LÉON BocyuET.
C'est en ces termes que le président invitait à se
rendre au 13"= diner du Cercle Pigalle.
M.Chenevardaporté un toast envers excellemment
bien tournés : l'éloge de Bocquel, qui a oblenu un
succès énorme, et dont on a volé l'impression à l'u-
nanimité.
M. Lagoguey a dit d'une façon charmante Je veux
monter l'escalier, dont il est l'auteur, et y» neveitx
pas descendre l'escalier, de son ami Demeuse.
M. Bocqaet a dit Et avec ça ? une excellente com-
position.
M. Copin a dit le Caleçon, d'une façon désopi-
lante.
^22;
LA GHANSOIf
M. Bobertle rondeau de Paris-Murcie. qu'il
interprétait dans la revue du Cercle Pigalle Oîm,
qu'est mon Dab ? .
J'en passe... et des meilleures.
Mais le clou de la soirée a été pour le gai chanson-
nier bien connu, M. Doyen, qui a interprété plu-
sieurs de ses compositions, entr'autres Pitanchart,
cette chanson a reçu une ovation bien justement
méritée, plus un excellent conte de Demeusc fort
bien dit par l'auteur, à qui M. Bocquel a décerné
la présidence pour le prochain diner du 13 décem-
bre.
En somme, excellente réunion, qui assure une fois
de plus le succès de ces dîners.
BANQUET DES SOCIËTÉS LYRIQUES
Dimanche l-i novembre a eu lieu, 23, Faubourg
du Temple, le premier banquet des présidents et
vice-présidents des sociétés -LyrUjvxs ei, Dramati-
ijues du département de la Seine.
Ce banquet avait été organisé par les soins du
Comité des Concours Dramatiques et Lyriques.
A deux heures on se mettait à table, sous la pré-
sidence de M. Alfred Leconle,. le sympathique,
député de l'Indre.
La belle salle très spacieuse, que M. Orange avait
fait terminer à la hâte, offrait tout le conforiable
désirable. (Cette salle une fois complètement agencée
pour les sociétés lyriques sera une des plus belles
de Paris).
Les assistants semblaient tous très heureux de se'
trouver ainsi réunis. Aussitôt après le dessert,
M. Leçon te a remis à chaque membre du comité,
au iiombre de dix-neuf, une médaille en argent,
iïnp'pèe Sfiécialement et portant le nom de chaque
membre du comité ; cette médaille était offerte gra-
cieusement à ses collègues, par le vice-président du
comité, M. Edouard Philippe, l'auteur dramatique,
connu de tous par ses succès, notamment Casque en
Fer, au théâtre du Château-d'Kau.
Après la distribution des médailles, M. Leconte
a fait un discours des plus intéressants sur la
musique, la Chanson et les sociétés Lyriques ;
ce discours, d'une importance incontestable, méri-
terait d'être reproduit en entier, malheureusement
son étendue nous prive de le mettre souslesyeuxde
nos lecteurs.
M. Delaporte président du comité, a ensuite dit
quelques mots sur l'association des Sociétés et a en-
suite prié M. Durrieu, secrétaire général, de bien
vouloir nom mer les Sociétés représentées au banquet.
Avant l'appel des Sociétés, M. Durrieu a prononcé
l'allocution suivante, au nom du comité :
Messieurs et chers collègues,
lî^ous vous remercions de tout cœur de vous être
rendus à notre appel. Nous espérons que nous serons
plus nombreux à notre prochain banquet et que les
sociétés Lyriques et Dramatiques répondront de
plus en plus aux.- eflbrts faits par le comité. Kos
grandsicorujoàrsîie peuvent que gagner à la rèuaion
fréquente des présidents, qui par leur intluence
peuvent entraîner leurs sociétés à venir se grouper
autour de notre comité. .■.-■• ■•^<^.J/,
Voici la liste des Sociétés présentes au banquet:''
La Française, -l'Avenir Artistique, l'EcJio âe la'
Chamon,, V Union Française, la Lyre de la GaHé,
V Union Parisienne, la Lyre Amicale, le Cercle Musset^
la Pensée, les Epicuriens, le Cercle Artistique du-
XIV" -'arrondissemeut, les Amis de la Concorda, les
Enfants d'Ajmllon, la Lyre Méridionale, le Franc
Rire, les Amis Insé/iar ailes, les Amis du Travail, les
Enfants des Marais, les Enfants de la Seine, la Muse
Gauloise, les Gais MoniKsiens, la Lyre Répitblicaine,
r Union et Gaité, ï' Union des Familles; complétons
cette liste, MM. Alfred Leconte, député, Delaporte,
Orange, et A. Palay, directeur du journal La Chan-
son. Eu tout une soixantaine de convives.
M. Philippe a fait ressortir combien le mandat de
secrétaire était un poste d'honneur, qui exige beau-
coup de dévouement, de grands sacrifices, et que l'on
devait savoir gré à M. Dim'ieu de le remplir avec
tant de zèle. Diflérents toast Ont été portés par
MM. Dupont, l-Iermann,Tostaint, puis le Champagne
a été gracieusement offert par M. Orange. M. Leconte,
le président d'honneur, a dit une pièce de vers de
lui fort applaudie, que nous publierons dans notre
prochain numéro. M. Massé, président des Epicu-
riens, Société fondée en 1819, a chanté une chanson
de lui, musiqiie de Blondel ; les chants ont conti-
nué jusqu'à sis heures, puis on s'est séparé en se
promettant de se retrouver bientôt: A. P.
Une nouvelle assemblée générale aura lieu pro-
chainement, nous l'annoncerons dans le prochain
numéro, le journal La Chaïuon étant l'organe du
comité.
Le grand bal offert par M. Orange, à toutes les
Sociétés lyriques, aura lieu le 18 décembre.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le samedi G novembre, les Sociétés l'Kttiowi'ffri-
sienne et la Lyre de la Gaité, ont donné, au local de
cette dernière, 18, rue Descartes, une soirée extraor-
dinaire au profit d'une bonne œuvre — il a suf i de
faire savoir ce but pour que tous nos amis répondent
à notre appel. La salle était comble — et beaucoup
d'absents avaient jiris des billets de tombola.
Tous les visiteiu's ont apporté leur lot, sans
compter ceux achetés, il y en avait 84. — Quelques
artistes ont prêté leur concours mais leurs noms
m'échappent. — Notre bon camarade ou plutôt
notre ami dévoué Adrien Souchet a eu les honneurs
de la soirée, et c'est vraiment un dévouement de
partir à 11 heures passées du boulevard des Inva-
lides pour venir rendre service près de l'Ecole poly-
LA CHANSON
223
Iccliuique — mais là où il y a une bonne action à
faire — on peut toujours compter sur le hon cœur du
joyeux comique et spirituel chansonnier.
On s'est séparé à '2 heures du matin; le produit de
la recette a été déposé entre les mains d'une Com-
mission composée de 3 membres qui se sont rendus
au domicile des bénéficiaires le lendemain
dimanche, et ont accompli leur mandat à la satisfac-
tion des personnes auxquelles ils eu ont rendu
compte.
Signalons aussi madame Adèle, qui a puissam-
ment contribué au placement des billets par sa gra-
cieuse et joyeuse insistance et qui nous a tous mis
en gaité par ses refrains modulés avec un brio dont
serait jalouse plus d'une artiste en renom de nos
concerts parisiens. Hyppolyte Guiche.
Le dimanche, 1-i novembre, les aais momusiexs
ont donné une brillante représentation dans la salle
des FOLIES PARISIENNES, ancieii alambhra, 2'ù, fau-
bourg du Temple.
Faire un compte-rendu détaillé de celle soirée est
presque impossible, vu le grand nombre de chan-
teurs qui se sonl fait entendre. Nous constaterons
seulement que la salle était comble el que tous les
artistes qui prêtaient leur concours ont rivalisé d'en-
irain. Plusieurs d'entre eux môme ont fait grand
plaisir el ont obtenu les honneurs du bis. Nous
avons remarqué plus particulièrement l'excellent
compositeur Collignon qui a chanté deux de ses
œuvres et a été, sans contredit, le roi de la soirée.
Les représenlalions ordinaires des Gais Momusiens
on t lieu tous les dimanches, maison Orange, Si, fau-
bourg du Temple, salle du premier étage .
La Société lyrique I'a venir artistique, ".o, rue
l'astourelle, a donné une grande représentation
extraordinaire, le M courant, pour l'inauguration de
sa salle eomplétemenl remise à neuf.
Dans la partie sérieuse, MM. Boue et Champigni
ont été vivement applaudis : le premier dans /« Temps
des Cerises et le second dans VOmbre. Mlle Berthe
B... a chante la Créole d'une façon charmante el
M Fabre a détaillé parl'ailement Si j'étais Roi.
Le genre comique élail moins bien représenté.
M. Adenot, qui a débité le Tribunal en sabots, n'a pas
les capacités nécessaires pour chanter le répertoire
Berthelier qui demande beaucoup de finesse, de plus
cet amateur a dénaturé l'air de celte chansonnette,
au point de le rendre méconnaissable. M. Vermorel,
un comique médiocre et sans pitié ne nous a pas
l'ait grâce d'un couplet de C'est logiqtie, chansonnette
qui nous a paru encore plus longue et plus... en-
nuyeuse que de coutume.
Nous avons en revanche écouté avec plaisir M.
Varleiuunt qui a récité le Recenaîit d'une façon par-
rait(^ èl en faisant bien ressortir tous les passages
marquants de cette jolie poé.sie.
Salle comble le mercredi 10 courant, à la grande
,reprébeutatioii donnée par le pinson au bénéfice de
noire bon camarade Vaasl, qui part pour le service
militaire.
Vaasl qui fréquentait assidûment l'uniox lyrique,
LA fantaisie lyrique et le pinson, n'y comptait
que des amis qui ont tenu à lui prouver leur sym-
pathie en venant prêter leur concours et contribuer
au succès de la représentation.
M. Schuller, des concerts de Paris, a été on ne
peut plus naïf dans ■TV aurais jamais cru. Mlle Mar-
guerite a détaillé le Sentier coutert, avec sa muti-
nerie habituelle el la petite Charlotte a été très amu-
sante dans la Camargo. MM. Beck el Blondei oal
été aussi vivement applaudis.
Le Myosotis, opén.'tte en un acte, interprétée par
MM. Vaasl el Blondei, a fait grand plaisir. L'homme
n'est pas parfait, le vaudeville si poignant du re-
gretté Lambert Thiboust, a été joué par Mme Blon-
dei, Mlle Marguerite ; MM. Vaasl, Blondei el votre
serviteur. Ayant tenu un rôle dans celle pièce, je
ne me permettrai pas de donner mon avis sur l'en-
semble de l'exécution.
Je dirai seulement que le public a fait relever le
rideau et a redemandé les interprètes.
Alfred Bertinot.
Nous avons assisté samedi à la soirée donnée par
la Société lyrique les enfants du franc-rire
(maison Rosel, rue do Belleville, 27), à leur sympa-
thique secrétaire, M. Walelet, sous la présideuce de
MM. Renoult, des amis inséparables, el Séguin, du
FBANC-1URE.
Tous nos compliments àM. Seguin, président du
FRANC-RIRE pour la façou intelligente avec laquelle
il a conduit cette soirée. Le programme était des
mieux composés et plusieurs morceaux ont obtenu
les honneurs du bis malgré l'interdiction dont ils
étaient frappés vu l'importance du programme.
Nous avons entendu MM. Baldy, des folibs-bel-
LEviLLB et Richard, du chalet, qui ont eu un succès
mérUé avec Midi, Minuit. Chapeau bus devant la Ré-
imbliijue et Voici la liberté. Puis, M. Michelle, de
l'ORPHEUM, dans Je suis Rampant, a obtenu un très
légitime succès ; c'est un type pris sur le vif. M.
Juvéual, dans une poésie qu'il a très bien dite, el.
M. Gerbal, dans J vous dis c'que j'peme, ont été très
applaudis.
Du coté des daines, citons en première Mme Mi-
Kelli, qui a été applaudie à outrance avec la Mariée
est pompette, qu'elle chante avec une gaité commu-
nicative et une verve endiablée; puis, Mme Angèle,
dans les couplets du Colonel, chaolés avec erânerie et
Mlles Cécile et Hélène Helmi, du franc-rire qui ont
chanté le dueilo des Brésiliennes très finement.
Pour bien rendre l'cH'el de celte soirée, il faudrait
citer tout le monde, notons seiileineut au hasard
Mlles Berlin, de la pépinière et Maria, de la muse ;
ainsi que MM. Vidmer, des folies saint-Martin^
Victor, Maillard, Boy et Marins, du franc-rire.
La soirée s'est terminée gaùnent à 1 h. du matin
par une magnifique tombola, et l'on s'est séparé eu
se donnant rendez-vous pour le lendemain di-
manche.
Dans sa soirée du 1 1 novembre, la Cordiale n'a,
pas inscrit moins de 28 morceaux à son programme 1
el encore, u'avons-nous pas compris dans ce nombre
le Péage, une saynette très bien interprétée par
Mlle Jeanne et M. Bousquat.
Afin de ne pas être ditfus, nous classerons les ar-
tistes d'après leurs genres. Ainsi, nous ferons remar-
quer, dans la chansonnette comique, MM. Mussler,
224
LA CHANSON
:Marie, Bon, • Grombach et Audouard. Dans le récit
riôus citerons MM. Courtih et Àùvraj^
La romance a été bien représentée par M Xivelle
dans les Rameaux, et M. Emilher dans le Déjeuner
sur Vherhe Du côté des dames, Mlle Adrienne a été
charmante avec l'air ùxl Pré aux clercs, Mlle Jeanne
.fort gentillette dans Vrère espérance, et Mlles Jenny,
Maria, Yilmer et Eugénie se sont montrées fort
agréables dans Mignon, le Lac, la Poupée, et le
M. Bousquat nous a fait entendre le Vieux buveur
de vin, une des bonnes chansons de Jules Radx ; l'ar-
tiste a su en tirer des effets remarquables. Toujours
amusante, dans la Noce de Phelipon, Mlle Julia a fait
Toir qu'elle n'avait rien perdu de .sa gaité. Persuasif
dans l'explication Vous comprenez iien? M. Jomain
s'est classé au premier rang des comiques de nos
sociétés lyriques.
La Polia des asperges, bien écrite et très dansante,
a été exécutée par l'auteur M. Marcus que nous féli-
-titons aussi pour le soin qu'il apporte à l'accompagne-
ment des chants. Dans Saint atc p-intemps, Madame
Adelgi a été fort gracieuse.
M. Jules Raux à chanté l'une de ses compositions,
J'en raffole; il est inutile d'ajouter que l'interpréta-
tion en a été excellente. J. D.
Dans notre dernier numéro, nous avons annoncé
que le banquet suivi de bal de nuit, que la lyre
AMICALE donne annuellement à l'occasion de la
Sainte-Cécile, aurait lien le 4 décembre prochain
dans le grand salon de M. Maurice, avenue de Saint-
' Mandé, 42, Paris.
La liste de souscription pour ce banquet fixé à 7
francs par personne est dès à présent ouverte et l'on
peut se faire inscrire soit au siège de la Société, 6,
iDOulevard Sébaslnpbl,- les jeudis et dimanche, jours
de réunion, soit chez M. Dupont, pirésident, rue du
Parc-Royal, k, où l'on' peut se procurer des cartes
d'invitation gratuites pour le bal.
La Lyre Bienfaisa>-te (1872-18801 présidée par
M. Couvreur, offre à tous ses amis et chansonniers
un Concours de chanson : i" Le sujet est au choix de
l'auteur mnis ne doit pas dépasser 60 vers (refrain
compris); ■2" Les piècessevontromisesle lïi décembre
au plus tard, au siège de la Société, 0. quai Siiint-
Michel, 9; S" Elles seront sans signatures sous enve-
loppe fermée ; une 2= enveloppe fermée renfermera
le nom de l'auteur, et p<irtera comme suscription
l'épigraphe reproduite en tète de la chanson de con-
cours; -l" Un jury de 3 membres sera tiré au sort
parmi tous les chansonniers présents.
La Société Chorale et Lyrique les Enfa/iits de la
Seine, donnera son bal de Sie-Cécile, dans son local.
20, rue Palestre, le samedi 14 décembre 1S80, à
11 heures du soir, et une grande soirée lyrique et
dramatique, dans le même local, le 19 décembre
suivant ; une grande tombola sera tirée à l'issue de
cette soirée.
L'Union- des Charcutiers donnera mardi 23,
salle de la Redoute, -S'n, rue J.-J. -Rousseau, une
grande soirée musicale et dramatique, avec le
concours du Ctrcle Musset, présidé par M. Durrigii,,
et la fanfare de Montsoûris, dirigée par M. Malherme,
on commencera à 8 heures.
Au théâtre do la Gaité, MM. Coquélin et Faure don-
neront, le 2?. novembre, unereprésentation au béné-
fice de M. Darcier. le compositeur populaire.
MmesThérésa et Céline Montaland prêteront leur
concours aux organisateurs.
SEIZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du, 20 Novembre au 20 Décembre
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le \"' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
APPEl, .V TOUS E,E«S POETKfS
Itans notre prochain numéro, nous publierons le
programme d'un $;rand conconm poétique ouvert
pnr JL.l C'H.VRflSO.^' du 1°' IN'orembre A (in février, en
iiièinic teanpK nous publierons les noms des membres
du jury.
AVIS IMPORTANT
IVoiis prévenons nos abonnés, qui ne nous ont pas
encore fait parvenir, le montant de leur réabonne-
luent, et qui ont g:ardé le premier numéro de novem-
bre, que nous ferons toucher parla poste le montant
de l'abonnement.
En cas de cessation renvoyer les premiers numéros
do novembre avoc le mot refa.sè Bwèr la bande.
]\ous
tant de
dernier
ik nos abonné
ons encore reçu des réclamations, consla-
irrésularités dan.iii la distribution de notre
iméro. ]%ous ne saurions trop reeoiamander
d'adresser directement leurs réclama-
tions à m. Cocher^, ministre de.s postes et des télé-
graphes, iV Paris*.
Ueaucoup de nos acheteurs' au numéro se plaignent
de ne pas trouver %u\ CISA^'SOilî dans leur quar-
tier; nous les prions instaniutent de la réclauier chez
tous les libraôres, marchands de journaux et dans
les kiosques, Souvent les niarehauds oublient de In
BBïCttre en étalage, ou les porteurs négligent d'en faire
le dépôt: nous reeoEiiiniandons à tbus ceux qui s'inté-
ressenl à \jX t'EIA.lfSOi^^ delà demander pui-3out et
de nous signaler les endroits où l'on aurait omis de
la déposer.
L..\ CIIA^SO.ir doit se trouver partout dès le sa-
medi matifli.
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AUX OPÉRATEURS RÉUNIS
Paris, 10, rue de U^ialle, lo, Paris
(au Tl.calre du Cliilcau-J'Eau)
Salon et atelier de pose au rez-de-chaussée
Le Directeur-Gérant ; A. PATAY.
Paris. — Imprimerie L. Hugonis et l/ie, 6, rue Martel»
3» ANNEE. — N» 89.
lO CENTIMES.
28 NOVEMBRE 1880
LA CH
mrecteur-Admimstrateur JOURNAL DE MUSIOLIE POPULAIRE *^^'*^''"'«*'«^*^«'^«"»
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES —
~ Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts Annonces, la ligne... i .
Laehanson est une forme alléeel lï atj atqc a w-p >ii/-kTTc t 1:10 r\T«ir a »t^»t^-. Réclames, — 2 t
charmante de la pensée. Le couplet JPARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
'St le gracieux frère de la strophe. __ Lachanson,commelalialoi>nell»
V HUSO T *'' ""* ^™° française.
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus. J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN GheF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8»
SOMMAIRE :
Oi,ii.,c iVhU-er. paroles D'EcoiM! IjnmiT, miiaicuje Je DuviL. —Les dn comitc. — Programme du Iroisième srand concours poéliq.
l'ornugraphcs (AcurM.K Cahos). — Chapeau bas (Loin Buusut). '- ' "' *^, . . „ «,„...''„''
— Les Trois CkaiUres (I!kiit]ikt). — Comilc Lyonnais poar l'érec-
lian d'une slalue à l'ierre DupunI, Circulaire et liste des membres
f/e la Chanson. — C/ironii;ue des Concerl's (F. M., Alfkbo BÉn-
■)• — Croniqae des Sociétés Lyriques (Diyir3\ — Choses et
A ACHILLE MILLIEN.
CHASSE O'HI^V'BFt
Poésie d' EUGÈNE IMBERT, Musique de DUVAL
\ndantino,
B - cou - tei c'est le son dn
pon ., denl. ï.'un jeu _ ne
lin peu plus vite.
hom . me, l'au . I re t i e i 1 1 a r d , Pour qui les
dan . gers sont des fê _ tes, Par le Ter.
glas, sous le brouillard. Pour
^m
suivant d'in- no- cen _ tes bè -
ge . nets, Chez nous dans u . ne
çhorobre clirt-Vë',- Xte pieds tour.n^s »ers.
les cjie- oelâ. Xour i tpuri
£ . «ou, ..
Bêles et gens foat leur devoir :
La meute aboie et le cerf brame ;
Mais qu'il est facile à prévoir,
Le dénouement du triste drame !
Ils vont revenir triomphants...
Nous, rêvant des jours plus prospères,
Nous redisons à nos enfanls
Les refrains que chantaient nos pères.
J'entends redoubler les abois ;
Le pauvre cerf est en détresse.
O meute féroce, tu bois
Sang et haine jusqu'à l'ivresse.
Que le ciel pardonne aux cœurs dur.i !
De l'humanité le vrai signe,
Pour nous, ce sont des raisins mûrs :
Neus buvons le sans de la vigne.
226
I-A CHANSON
Paix, amour, sont- ils de vains mots,
Lorsque l'on fraternise à table ?
L'homme cruel aux animaux
A-t-il pitié de son semblable?
Laissons dans l'oubli se rouiller
Les outils sanglants de la guerre ;
Et, puisqu'il nous faut travailler.
Travaillons à peupler la terre.
A peine si dans le lointain,
Chiens et chasseurs sa font entendre.
Dans la plaine le bruit s'éteint ;
Dans l'âlre le feu tombe en cendre.
Le vin est tari dans les pots ; ■
Notre porte est bien verrouillée,
Et voici l'heure du repos.
Il est tard : adieu la veillée I
Ecoutez : c'est le son du cor ;
Dans le bois les échos en grondent.
Pendant qu'il retentit encor.
Amis, que nos voix lui répondent !
LES PORNOGRAPHES
Rondeau-satire, .chanté par Mme Bordas
Musique de Vachs
Il est des gens qui, dans un but infâme,
"Sèméiit l'ordure en des écrits hideux ;
Honte à ceux-là 1 c'est du fond de mo:i âme
Uue dans ce chant je proteste contre eux.
Pour fouailler ce troupeau d'Epicurc,
Pour flageller ces marchands éhontés,
0 Juvénal, donné à ma voix obscure.
Donne à mes vers tes accents irrités
C'est plus qu'un chant, c'est un cri de colère
Qu'au nom de tous je fais entendre ici ;
Moi qu'on nomma la Diva populaire,
Je suis du peuple, et de lui j'ai souci.
Il sait combien j'avais lame meurtrie,
Quand lui montrant la patrie en danger,
Je lui chantais l'amour de la patrie.
Pour lui verser l'horreur de l'étranger.
Depuis, ma voix a salué l'aurore
De la justice et de la liberté ;
Semant au loin, comme un écho sonore.
Ces mots : Travail, paix et fraternité.
Mais aujourd'hui, devant le flot qui monte,
De ces journaux qui, bravant tout mépris.
Vivent gaîment de scandale et de honte.
Et qu'on devrait clouer aux piloris.
Je sens en moi la haine qui déborde
Et j'ai besoin d'exhaler mes dégoûts,
Et de flétrir en mes chants cette horde
Dont les écrits saliraient les égouts.
Oui, c'est au nom des mères de famille
Dont je veux voir le foyer respecté,
"Que je flétris ces feuilles où fourmille
Non pas l'esprit, mais l'immoralité.
Quoi ! se peut-il qu'un tel commerce dure '?
Non, poursuivons sans merci ni quartier.
Ces débitants d'infamie et d'ordure.
Faisons cesser leur ignoble métier.
Et ces gens-là, gonflés de paillardise.
Avec aplomb posent pour des Tarquins,
Et désirant vendre leur marchandise.
Vont se disant bien haut républicains !
Nous renions, pour nous, ces bons apôtres,
De tels farceurs ne sont d'aucun parti ;
Non, non, jamais ils ne seront des nôtre?,
Et je leur dis : Vous en avez menti !
Croyez-le bien, nou=! savons qui vous êtes.
Et trop longtemps nous fûmes indulgents :
C'est le parti, chez nous, des gens honnêtes,
El non celui de vos honnêtes gens.
Vous regrettez cette époque cynijue
Où le pouvoir était aux plus tarés.
Et vous voulez salir la République,
Mais c'est vous seuls que vous déshonorez.
Qae dirais-tu de leur trafic immonde,
0 mon poète, ô puissant Juvénal,
Si lu pouvais lire dans l'autre monde,
Ce qui s'imprime en leur impur journal.
Ressaisissant le fouet de la satire.
Toi, du devoir ardent porte-flambeau,
A leurs récits dignes d'un vieux satire.
Tu bondirais, indigné, du tombeau !
Il est des gens qui, dans un but infâme.
Sèment l'ordure en des écrits hideux ;
Honte à ceux-là ! c'est du fond de mon âme,
Que dans ce chant je proteste contre eux.
Achille Cabon.
CHAPEAU BAS
Chapeau bas, peuplades d'Alsace,
Gens de Lorraine, chapeau bas 1
C'est le major prussien qui passe.
Le gaillard fait quatre repas,
Le double ne l'effraierait pas.
— Chapeau bas, peuplades d'Alsace.
Pour bien il n'a qu'une besace,
Mais si large que les ducas
Par milliers y trouveraient place.
Avec un fameux cadenas.
Croyez bien qu'il le cadenasse.
— Gens de Lorraine, chapea'i bas.
LA CHANSON
227
Ce n'est pas qu'il soit bien rapace :
L'or n'a pour lui que peu d'appas.
Non ! Le défaut de sa cuirasse
C'est le cœur. Deux yeux scélérats
Devant les siens ont trouvé grilce.
— Chapeau bas. peuplades d'Alsace.
Celle qui Ta pris dans ses lacs
A le front pur comme la glace,
La main et le col un peu gras
Et son teint en blancheur efface
L'œuvie du patriote Strass.
— Gens de Lorraine, chapeau bas.
Elle annote A'Kempis. En classe.
Plus forte que deux lauréats,
Six bocks ne l'étonneraient pas.
Leibnitz, Gœthe, Fischer, l'Atlas,
Elle mêle tout dans sa tasse.
— Chapeau bas, peuplades d'Alsace.
A de plus robustes appas
Monsieur parfois livre la chasse ;
Il aime assez la populace ,
Morbleu 1 qu'on no résiste pas !
Par i'orce, il peuple son haras.
— Gens de Lorraine, chapeau bas.
Peuples do Lorraine et d'Alsace,
Subissez tout. Marchez au pas.
Viol, rapine, assassinats,
Subissez tout, maudite race.
— Gens do Lorraine, chapeau bas.
Chapeau bas, peuplades d'Alsace !
Louis BUUNET,
Saint-Benoit, [lie de la Réunion''.
A MES CONCITOYENS
tES Tflois mmm
Provinois, enfants de laBi'ie,
Songez dès l'aube du malin.
Aux chansonniers de la Voulzie,
Et du lîttbis et du Durtein.
Je vais parfois dans la verte prairie.
Située au pied des vallons gracieux.
Où doucement, serpçuite la Vpiilzie,
Qui fut chantée en vers harmonieux.
Quand je parcours dans ma vie inquiète.
Cet admirable et limpide ruisseau.
Si je me dis quel en est le poète ? -
L'écho me nomme Hégésippe lloreaw.
Provinois, etc.
S'il est un homme à l'âme sympathique,
Oh ! n'est-ce pas le chantre du Ruais !
Dont les chansons et la douce musique,
Ont du succès en province, à Paris.
Dans ses refrains il réprouve le vice.
Combat l'erreur funeste à la raison.
A-t-ou besoin d'un éminent service )
L'écho désigne Emile Oexiisson.-
.Proyjijojs, fete.
J'aime à chanter les Bœufs, la Mère Jeanne,
Les Louis d'or, les sources du Diirlein,
Le Braconnier, les Sapins et mon Ane,
D'un gai poète, aussi grand que divin.
N'est-on pas fier qu'il soit originaire
De ce pays qui l'a rendu fécond.
Pense Provins au barde populaire.
Répond l'écho, pense à Pierre Dupont.
Provinois, etc.
Si j'ai voulu dépeindre trois poètes,
C'est que je suis soumis à mon destin.
L'on redira longtemps leurs chansonnettes
Et le Rubis, la Fermière et le Pain.
Je le désire et ne perds pas de vue,
Que j'ai chanté pour ces chers troubadours.
Ami, ta voix sera-t-elle entendue ?
Me dit l'écho, dans le pays des sourds.
Provinois, enfants de la Brie,
Songez dès l'aube du matin.
Aux chansonniers de la Vouleie,
Et du Rtil/is et du Durtein.
Berthet.
COMITÉ LYONNAIS
pour PÉrection d'une «ttiktuo & Pierre Dupont
11 y a dix ans, le 2a juillet 1870, mourait à lyon,
sa ville natale, un poète cher à tous, le poète des
Uœufs, de la Vigne et dnC/iant des ouvriers, le poète
populaire par excellence, Pierre Dupont.
Les plus intimes de ses amis, les plus zélés do
ses admirateurs, songèrent de suite à organiser une
souscriplionpourélever un monument à sa mémoire.
Leur appel trouva bien vite un sympathique écho.
Mais la souscription, — malgré un résultat fort
remarquable qui nous fournit aujourd'hui un noyau
pour une souscription nouvelle, — fut presque aus-
sitôt interrompue par les événements terribles :de
cette époque.
Et depuis, il fut impossible de redonner l'élan à
cette souscription et de reconstituer, un Comité.
Cependant les amis fidèles maintenaient vivante' la
mémoire du poêle, — un de ceux d'ailleurs, .qui dé-
fient l'oubli, — et aux jours les plus douteux , de s«s
dernières années, ils ne cessèrent; de se,: rôuBiiîen
des banquets attendris et égayés par le S0UiSfè.Bi?'pt
l'espoir; chantant ses plus belles chanson.Sjtistr cps
chansons que l'on néglige trop et qui ,dftiïlt»iMit
pourtant former le répertoire constant,- le répe-rtùffe
le plus pur, superbe d'art et de moralité,- de nos
soirées privées et de nos fêtes populaires. — -Ne
point laisser oublier ces chants, monument impéris-
sable dressé par le génie de notre poète, c'était un
devoir doux et sacré ; mais il en était un autre à
accomplir, lui dresser de nos mains un monument
de pierre et de bronze, et nous songions toujours.
A ces amis nombreux , l'heure aujourd'hui semblt
arrivée fie reprendre l'œuvre, et ijs flç doutyiiî. pas
228
LA CHANSON
que ne leur vienne le concours de tous. Faisant
appel aux esprits désormais plus tranquilles, aux
souvenirs qui peuvent remonter, plus libres, à des
jours restés chers, ils demandent à tous coopération
de cœur et d'obole pour la consécration de celle
grande mémoire. L'ancien Comité s'est reconstitué
sur de plus larges bases pour l'érection du monu-
ment dû au poète aimé.
Est-il nécessaire de rappeler ce que fut Pierre
Dupont? Est-il nécessaire de justifier ses titres à une
statue? Quelques mots suffiraient d'ailleurs.
Des poètes dont s'honore notre temps, Pierre
Dupont fut un des plus grands, et incontestable-
ment le plus pur, le plus sain, le plus vibrant, le
plus vivant de la vie de tous, celui qui interprète le
mieux — et il fut le premier à le faire — les joies et
les douleurs du travail, du travail des champs
comme du travail des villes.
Il fut tout d'abord, et resta toujours, le poète des
paysans. Ce fut une révélation que cet écho simple,
rrai et pénétrant, rendu par un timbre doux autant
C[ue large et robuste, de la nature et des labeurs
rustiques, sans art factice, avec toute la grandeur
de la terre féconde et volontiers conquise par l'outil,
M'cc toutes les vibrations de l'âme humaine sous le
soleil et dans l'air libre, avec toutes les inquiétudes
des semailles et de la moisson! Et le poète, à travers
champs et bois, n'oubliait rien, ne dédaignait rien,
i.i l'animal utile et bon, ni l'humble véronique au
pied du grand chêne. Et ce fut une joie de trouver,
pour toutes ces sensations qui rafraîchissent nos
cjeurs, des couplets naïfs et grands qui les interpré-
tassent si bien 1
Pierre Dupont fut aussi le poète des ateliers, des
ateliers noirs des villes. Il apporta là son rayon de
soleil, son chant de consolation, d'espoir et d'amour.
Grâce à lui, la nature avait été comprise et le paysan
aimé ; et voilà que grâce à lui encore l'ouvrier est
réhabilité et le travail le plus obscur glorifié 1
Il fut aussi — et tel il restera dans notre histoire,
en outre de la large place qu'il occupe daos notre
littérature, — le poète de la grande révolution de
1848. Les rêves généreux de cette époque se réali-
sèrent dans ses vers. Il revendiqua les droits des
classes laborieuses, btigmalisa les coalitions tyran-
niques, glorifia les transportés et les martyrs, chanta
la paix, la justice, le progrès, et dans ses refrains,
ouvriers, soldats et peuples s'unirent en ce cri :
Aimons-nous!
Donc, ne sommes-nous pas en droit d'élever une
statue à un tel homme ? Son nom et son œuvre ne
méritent-ils pas une telle consécration ?
Pierre Dupont est une de nos gloires nationales ;
mais il est surtout la plus éminente de nos gloires
lyonnaises. Non-seulement Lyon fut sa mère', mais
encore c'est la beauté de nos campagnes qui, dès le
plus jeune âge, l'inspira, et sa muse s'agrandit à
contempler et à célébrer notre ruche laborieuse, où
l'écho de sa voix a pénétré plus profondément que
partout ailleurs.
Avons-nous donc tort de croire que des rives de la
Saône, depuis Givors jusqu'à Couzon et Rochetaillée,
de la plaine dauphinoise, de nos collines travail-
leuses, tous répondront à notre appel ?
Nous devons chanter ses chansons, leçons subli-
mes, souffles vivifiants. Mais nous devons aussi éle-
ver à sa mémoire un monument qui fasse que ne
soit point mise en doute notre reconnaissance.
On a mis sur nos places, en fastueux bronze, des
guerriers, des despotes Na pourrons-nous reposer
nos yeux sur la statue du poète dont' chaque strophe
fut un bienfait, du poète de la nature et du travail,
de la paix, de l'amour de l'humanité 1
Ce monument, simple et modeste comme Dupont
l'était lui-même, a sa place toute désignée. Nous ne
le voulons point parmi le va-el-vient de la foule
affairée, parmi les bruits de la ville. Mais il y a là
bas, dans notre beau parc de la Tête-d'Or, dans l'en-
trecroisement des allées ombreuses où nos ouvriers
vont se reposer après l'CBUvre accomplie, des recoins
tranquilles dont de grands arbres font comme des-
niches verdoyantes, où les oiseaux chantent, où les
fleurs s'épanouissent, proches des volières, des
pâturages, des étables. Ahl n'est-ce pas là le lieu
qu'indique le caractère général de l'œuvre du
poète?....
Mais nous laisserons à nos artistes, — qui ont
tant aimé le poète, qui sauront mieux que nous
quel site, quelle pose conviennent à sa représenta-
tion, — la douce tâche qui leur incombe. A nous
tout d'abord de leur fournir les moyens, de nous
cotiser, de stimuler le zèle par des réunions, par des
fêtes lyriques. A nos sous-comités de s'organiser,
dans nos cantons, dans notre département, dans
toute la France même, de plusieurs villes déjà des
adhésions nous étant venues. Mais à Lyon de prê-
cher d'exemple. Car, si notre cité a eu la gloire de
compter parmi ses fila Pierre Dupont, elle a le
devoir sacré d'éterniser son souvenir.
Nous comptons, nous le répétons, sur le concours
de tous.
Pour le Comité :
Louis Garel.
MEMBRES DU COMITÉ
Andréa, de l'Echo lyonnais.
J.-B. Andrieu, président des Amis de la Chanson.
Annequïn, homme de lettres.
Burodot, député de Paris.
Belly, président de la Fanfare "iea Macchabées,
Bijcaii.
Blanche, conservateur du théâtre Bellecour.
BonncI, de la Lyre Sacrée.
liouïs Calloin, de la Lyre lyonnaise.
Causse, président du Conseil général.
Chabcrt.
Chantai, de la Fanfare lyonnaise.
Chignard, directeur de l'Harmonie gauloise.
Cbipier, ancien président des Fils d'Orphée.
E.CIaret.
Victor Clavel, conseiller municipal, professeur à la
Faculté de lettres.
LA CHANSON
229
O. de CoqucrcI, artiste peintre.
Jules Coélcs, homme de lettres.
Compara, des Amis de la Chanson.
Coste-Kiabaume, directeur de la Renaissance.
Uaehot Pierre, homme de lettres.
JuloH lleconcloîN.
J. nc<|aorre, professenr de philosophie à Lons-le-
Saulnier.
Sixte Uclorme, homme de lettres, à Paris.
J. Ucrriax, homme de lettres.
Félix ncHvcrnay, homme de lettre», directeur de Lyon-
Revue,
tj. UcviUc, avoué, président de la Fanfare lyonnaise.
nomccq, de l'Echo lyonnais.
Docteur Oor, président de l'Harmonie suisse.
Liucicn Uorel, étudiant en droit.
V. IluboNt, de Lentilly.
Adrien Duvand, rédacteur en chef du Petit Lyonnais.
Fovrc, vice-président de l'Harmonie lyonnaise.
Auguste Ciiiillard, conseiller générai de l'isèrt:.
Docteur Ciuilleton, président du Conseil municipal.
Charles Ciailieton, négociant.
Qarel, homme de lettres, conseiller municipal.
Ganguet, président de l'Harmonie gauloise.
Claude Gauthier, des Amis de la Chanson.
Gaudin, de l'Harmonie du Rhône.
liucien Gencvray, président de l'Harmonie du Rhône.
Gcolfroy, président des Enfants a'Apollon.
Genivet, artiste peintre.
Georges, bibliothécaire du Grand-Théâtre, Fanfare de
Serin.
Kiouis Gilles, président de la Lyre de Perrache.
Grand, directeur de la Gazette des Travaux publics, à
Marseille.
Uâpital,
niarc Jandard. directeur de la Fanfare des Sapeurs-
Pompiers.
I.iucicn Jantot, rédacteur en chef du Lyon Républicain.
«Voan Javot.
Jloussay. artiste peintre,
J. Liassalle, du Grand Opéra de Paris.
Liauascl, directeur de l'Harmonie lyonnaise.
liévy, chef d'orchestre de Bellecour.
A. Liulgini, chef d'orchestre du Grand-Théâtre.
Antoine Eiuinièro, photographe.
Marais, président de l'Union mstrumentale du Rhône.
Charles Mcngin, rédacteur en chef du Progrès.
A. Milliat, directeur du Moniteur de l'Ain, à Bourg.
Mortier, de l'Harmonie gauloise.
Mouroau, homme de lettres.
A. Putoy, directeur deia Chanson, à Paris.
J. l'crronnet, étudiant en médecine.
H. Petotin, à Givors.
Pierron, président du Conseil d'arrondissement.
Ch. Randu.
Itibes, professeur au Conservatoire.
Camille Koy, du journal le Passe- î'emps.
Sabatier-Harthens, rédacteur en chef du Courrier de
Lyon,
Saint-Cyr-Girior, artiste peintre.
Léon de Saint-Jean, présidant de l'Union lyrique.
l'\ Sanaoze,
Sarrazin, homme de lettres.
Sîrand.
Joscphin Soulary, homme de lettres.
Jean Tisseur, homme de lettres.
Trives François,
Antony Valubrcguo, homme de lettres.
Vcrd, président de la Chorale de Sainte-Clair.
Vernay François, artiste peintre.
Vetterfils, président de la Chorale des Enfants de Lyon.
Vidal, de la Cécilienne.
Vingtrinier, bibliothécaire de la Ville.
SEIZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 Novembre au 20 Décembre
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la- pièce qui
aura obtenu le 1'"' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
TROISIÈME
GRAND CONCOURS POÉTIQUE
Du Journal La Chanson
Le Journal La Chanson fait appel à tous les poètes.
11 met aujourd'hui au concours :
1° Un monologue en vers, de 240 vers au moins et
260 au plus.
Il sera décerné trois prix, et des mentions hono-
rables, s'il y a lieu.
Les prix consisteront en diplômes spéciaux, para-
phés par les membres du jury. Ces diplômes seront
de dimensions calculées pour l'encadrement.
Les trois pièces primées seront, en outre, insérées
dans le journal La Chanson.
De plus le premier prix publié à part dans une
coquette édition illustrée, sera dit en public sur
une de nos grandes scènes parisiennes.
Les pièces envoyées devront être inédites, non
signées et accompagnées d'un pli cacheté contenant
le nom et l'adresse de l'auteur et portant extérieure-
ment le premier vers de la poésie présentée.
Le Concours, ouvert le l*"' Décembre, sera clos
fin février.
Nous publierons prochainement les noms des mem-
bres du jury.
Toutes les communications relatives au Concours
doivent être adressées franco à M. A. Païay, direc-
teur du journal La Chanson, rue Bonaparte, 18, à
Paris.
Plusieurs journaux ont annoncé qu'une repré.îen-
tation extraordinaire devait avoir lieu mardi, 23 no -
vembre, au théâtre de la Gaité. Celte représentation,
qui a été ajournée au 2 décembre, a pour but de
venir en aide à l'un de nos plus grands compositeurs
de musique, à J. Darcier, ce créateur d'un genre
qui déconcerte certains croque-notes des cafés-con-
certs.
Aujourd'hui que l'on décore et pensionne un tas
de médiocrités bruyantes, qui ne rendront réelle-
ment de service à la société que le jour où ils plie-
ront bagage et disparaîtront de la scène politique
qu'ils encombrent, il serait curieux d'énumérer les
titres de Darcier à une récompense nationale quel-
conque .
Comme artiste et comme républicain, Darcier s'est
fait le porte-voix de nos aspirations patriotiques, et
a souvent interprété des œuvres où les revendica-
tions sociales étaient fortement accentuées.
Les nombreuses mélodies de ce maître sont là pour
éterniser sa gloire, mais cela a paru insuffisant à
ses camarades; c'est pourquoi Faure, Coquelin, Thé-
résa et autres excellents artistes, ont organisé cette
représentation au bénéfice de leur célèbre confrère,
et c'est justice. N'oublions pas que les chansons
chantées par lui dans les concerts d'antan ont plus
fait pour l'enseignement des masses et leur morali-
sation que tous les pompeux discours de nos députés
230
LA CHANSON
et les tartines indigestes de nos filandreux écrivains
de toutes nuances. 11 réveilla les sentiments géné-
reux et les passions noblement viriles de ce grand
peuple dont il chantait les espérances, et prédisait
constamment le triomphe. Ouvrez l'œuvre du maître
et vous verrez que je ne surfais en rien son talent,
pas plus que je n'exagère en taxant d'ingratitude ou
tout au moins d'indifférence ceux-là qui ne s'aper-
çoivent pas que Darcier commence à vieillir et qu'il
n'a d'autres ressources que celles dues au concours
de ses amis que nous félicitons de leur initiative.
And. fiops.
CHRONIQUE DES CONCERTS
L'EItloi-ado tient un grand succès avec Coco
Bel-Œil, opérette de MM. Péricaud et Delormel,
musique de M. Lucien Gollin.
Le livret, d'une saveur gauloise assez marquée,
est bien scénique et fourmille de traits amusants.
Quant à la musique, tout à fait charmante, elle
prouve qu'il y a en M. Gollin plas et mieux qu'un
cjmpositeur de chansonnettes.
L'interprétation de Coco Bel-Œil, confiée à Perrin,
Gaillard, Antony, et Mme L. Roland est de tous
points excellente.
Mlle Amiati a fait sa rentrée samedi, après une
absence de trois mois. L'auditoire a fait un accueil
enthousiaste à la sympathique diva, qui a repris
quelques-uns de ses succès en attendant la création
très prochaine de la Chanson d'autrefois.
.Mlle Bonnaire, dont la verve originale n'est jamais
à court, est applaudie dans- i/o» père était gendarme.
Mlle Juana prèle le charme de sa voix chaude à une
sérénade espagnole, composée par Paul Henrion,
sur des paroles de Gustave Mathieu, le poète de
Jean Raisin et de Chante-clair.
Ducastel, Victorin Armand, Mathieu, Hurbain,
Antony, Velly ; Mmes Ganon et Piccolini sont éga-
lement applaudis dans leurs chansonnettes nou-
velles. F. M.
Scala. — La revue de fin d'année, complètement
terminée, vient d'être mise en répétitions et passera
probablement dans trois semaines. Le titre n'est pas
encore arrêté. On parle beaucoup de l'engagement
d'une dauseuse remarquable qui, avec Pichat, exécu-
tera des pas fantaisistes, sur les motifs de danses à
succès de l'année.
Il y a eu celte semaine quutre nouveautés créées :
Le Conservatoire Florenval, saynèîe de MM. Derame
et Enaux, musique de M. Pierre D...
■Coin, coin, coin, paroles et musique d'Aristide
Bruant, interprétée par l'auteur.
La polka des Amours, paroles de M. Gapet, musiqtie
de M. Chatou, chantée par Mme Patry, et enfin, Pam-
.pMle, grande scène comique de M. Majniel, musique
de Mi Lièeiiçié, débitée par Bnmet,
Orpliéum. — Ce concert, qui a ouvert ses portes
au mois de juillet dernier, a apporté de grandes amé-
liorations dans la composition de sa Iroupe qui, au
début, n'était pas précisément bien choisie. Aujour-
d'hui, des artisles qui ont une certaine renommée
figurent en tète de l'affiche de l'Orpliéuin. Parmi
ces derniers, nous nommerons M. Léon, un fort chan-
teur qui a acquis une bonne réputation à l'Harmo-
nie et à l'Alcazai- d'Hiver ; M. MichoUe, un bon
comique qui se fit applaudir a l'Harmonie et qui
a créé, en province, une grande partie des bonnes
chansonnettes d'Aristide Bruant ; M. Ribert, l'artiste
qui peint une marine ou un paysage en trois mi-
nutes, et dont le talent de peintre ne le cède en rien
à celui d'artiste lyrique.
La partie féminine est aussi fort bien composée par
Mme Aida, un charmant travesti, qui chante en ce
moment les Cloches de minuit, une jolie valse de M.
Goudesonne, chef d'orchestre de l'Orpliéum ; Mlle
Cécile Laurence, une gracieuse personne qui possède
beauté et jolie voix, deux dons qui ne sont pas à
dédaigner. Puis viennent Mmes Hyacinthe, Montai,
Stanislas, Alice, et tout un bataillon de jolies
femmes.
M. et Mme Jobnson-Lée, célèbres acrobates anglais
que nous avons applaudis cet été à la Scala et
dernièrement au XIX« Siècle, sont engagés depuis
peu et obtiennent chaque soir un vif succès dans
leurs intermèdes variés.
L'orchestre, qui est choisi de main de maiire par
M. Goudesonne, dont la réputation de compositeur et
de chef d'orchestre n'est plus à faire, exécute de
brillantes ouvertures. Nous adressons particulière-
ment nos félicitations à M. Boudin, un flûtiste de
grand talent. Nous conseillons à nos lecteurs pari-
siens qui veulent passer une agréable soirée, d'aller
faire un tour au concert-promenade de i'Oppliéum.
Folies-Saint-Martîn'i ^ La direction vient
d'engager la troupe des Vashingtou, célèbres acro-
bates américains qui étaient cet été aux Ambas-
•iiadeurs, et qui exécutent des tours prodigieux,
sans aucun appareil. Le petit Adolphe qui a débuté
dernièrement à Bijou-Concert vient d'être engagé
également. Plusieurs auditions ont été données cette
semaine, mais nous n'en connaissons pas encore le
résultat. Mme Rivoire a créé Bonjour Sébastienne, une
amusante chansonnette de M. Kuhn, musique de
M. Ch. Lefay.
M. Fernand Kelm obtient un bon succès dans une
vigoureuse chanson. Le Pacte de Famine ; cet artiste
va créer ^T:o<ih&me.n\(in\j Levieux Buveiirdevin, paroles
de M. Brugère, musique de notre collaborateur Jules
Raux.
Le Calife de la rue Saint-Bon, et Les Méli-Mélo de
la rue Meslay, vaudevilles en un acte, resteront au
programme jusqu'à la première représentation de la
revue, qui aura lieu le 4 décembre.
Concert de la Pépinière. — Deux bons
fu-tistes viennent de faire leurs débuts à ce- concert ;
LA CHANSON
231
Mme Suzanne Richard, un charmant travesti qui
possède lane jolie voix, el M. Minille, ex-artislo du
théâtre de Montmartre, qui ahor.de le concert pour
la première fois. Ces deux nouveaux venus ont de
suite conquis les honncs grâces des hahitués de la
Pépinière Mme Richard dans le Biniou, et M.
Mireille dans Je me fais vieux, charmante chanson-
nette, qu'il détaille très finement.
M. Caudieux chante Ça s'arrondit et la Famille
à Camille, nouvelle chansonnette de M. Emile Du-
rafour. M. Luidgi, un bon tyrolien, se fait applaudir
dSiTifi le Coupé de Lise. Nous adressons nos félicita-
tions à une artiste dont nous regrettons de ne pas
connaître le Hom, el qui a chanté Salut à la Patrie,
de la Fille du Régiment, d'une manière digne d'élo-
ges.
Folics-Rambnteau — Le désopilant Rivoire
y interprète en ce moment, avec le plus grand suc-
cès, une chanson-type intitulée : Je mange un Arle-
guin ! paroles d'Emile Segaud, musique de Jules
Quidanl. L'excellent artiste qui n'a qu'à paraître pour
provoquer un fou rire dans toute la salle, exhibe
dans cette nouvelle création un pantalon fantaisiste
d'un irrésistible effet. Avis aux amateurs de franche
gaieté.
Alfred Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Dimanche dernier, à la Sociétiï dramatique du
RÉCRÉATION, KO, rue Fabcrt, M. Henri Arragon a fait
représenter le Rendez-vous de Théophile ou Tout est
bien qui finit bien. Celte coiucdic-proverbc ne pou-
vait être mieux à sa place que dans ce petit cadre.
Ces petites scènes sont tout à fait ce qu'il convient
pour ce genre de pièces, où l'auteur en herbe peut
se livrer à toutes les fantaisies de son imagination.
Quoiqu'il ne nous paraisse pas très logique qu'iuie
jeune fille bien élevée donne des rendez-vous,
même à son cousin, ni que son honnête homme de
père arrive justement chez le susdit chercher sa fille
et se laisser extorquer son consentement, il fallait
sans doute cette raison à l'auteur pour justifier soq
litre, le vrai, celui que nous rétallissons. Enfin,
comme le public a trouvé tout cela très naturel et
qu'il a vivement applaudi la gentille Mlle Gabrielle,
MM. Fourmeau, Monlhoussin el l'auteur, nous vou-
lons bien faire comme lui.
Nos compliments sincères à M. Pépin pour la naï-
veté naturelle avec biquelle il a détaillé sa chanson-
nette : Cest elle qui me l'a dit ; à M. Schrader, dont
l'agréable voix de bas-o a prêté ses accents sympa-
thiques à l'exécution du Fondeur de cloches; à
M. Daubresse, dans une chanson où la note pitrio-
lique, très sobre, produit un excellent efl'et ; à
M. Charles Marie, on gomnieux dans ses deux déso-
pilantes chansonnettes à M. Fourmeau, qui a sou-
piré avec sentiment : C'est demain qu'on marie Ma-
deleine, et à un jeune débutant dont nous ignorons
le nom. L'exhibition du petit Zinosi, phénomène
âgé de neuf ans, qui est venu débiter une chanson
excentrique nvec l'aplomb d'un vieux comique, et
qui a soulevé des tempêtes de bravos, est une chose
que nous nous garJerons bien d'encourager, esti-
mant qu'une fable de notre inimitable La Fontaine
convient mieux dans la bouche d'un enfant de cet
âge que les ins mités du répertoire moderne.
La soirée s'est terminée par une opérelleà laquelle
M. Pochet a prêté le concours de son jeu fort Intel-
ligent, ainsi que Mlle Louise.
C. Sténio.
Le mardi 1 6 novembre avait lieu, dans la salle de
l'Ermitage (Maison Hiberl, 29, rue de Jussieu) la
soirée donnée au bénéfice de notre camarade Alfred
Desfossez, par l'Union Parisienne. Nous n'avons
jamais assisté à une soirée aussi agréable. Tous les
artistes qui se sont fait entendre ont su charmer
l'auditoire.
Mlle Tardif a chanté avec gentillesse : Valse mau-
dite. Mlle Aline Marpon, suivant son habitude du
reste, a été on ne peut plus charmante ; nous félici-
tons vivement la Société de posséder une chanteuse
aussi agréable. M. Adrien Souchet, l'excellent cama-
rade, a été désopilant, comme toujours. M. H. Karl
s'est montré le fin comique que nous connaissons,
citons encore MM. Quélin-Lebreton, Bonnet, Fabin;
MM. Hébert, Huel, deux bons romanciers ; MM. Léon
Gougol et Letirand, deux fins diseurs, le premier,
dans Marceline, le second, dans la Grand'Mère.
M. Léo Toslain, président ds la Société, a fait avec
adresse une improvisation poétique. Il a présidé
celle soirée avec habileté ; disons aussi qu'il était
bien secondé par son vice-président, M. Quélin-
Lebreloii.
Le Grand-Père, drame en un acte, a été très bien
joué par MM. Desfossez père el fils, M. Constant et
Mlle Aline Marpon, nous ne félicitons personne en
particulier, tous ont très bien été. Mlle Aline a
chanté avec son frère le duo de Garçon et Demoiselle
d'honneur, elle a su gagner une fois de plus les bra- '
vos du public, ainsi que son frère qui l'a bien se-
condé. M. Emile Vautravers, l'accompagnateur, a
été, comme à son habitude, à la hauteur de sa lâche.
J'allais oublier le petit Paul, il mérite pourtant
une première place.
Un Sociétaire.
Le mercredi 17 courant, le Cercle de l'Etoile,
présidé par M. Banès, a donné sa représentation'
msnsuelle avec grand éclat, dans la salle de l'Hôtel
des Chambres syndicales, rue de Lanery.
Parmi les artistes qui ont le plus mérité les faveurs
du public, il faut citer : Mlle Scriwaneck, dans le
Petit Clos du grand 'pava; Mme Noble! , dans l'Eclat
de rire el la ligeonne ; et Mme Boidin-Puisais, dans
la romance de Mignon et le grand air de la Juive. Puis
viennent MM. Maire, Baimond, Géo cl Merville qui
ont rivalisé dans leurs diflerents genres.
232
LA CHANSON
Mlles Marie et Malet qui faisaient leurs débuts
nous ont paru trop impressionnées, pour que nous
les appréciions sur une première audition.
Une pièce en un acte, John et Jean, a été parfaite-
ment interprétée par Mlles Scriwaneck et Bertin.
L'espace nous manque pour citer encore quelques
amateurs qui ont eu leur part de succès.
Alfred Bertinot.
Lyon. — Quand Paris chante, Lyon ne saurait
se taire. A la Croix-Rousse, dans une salle du café
Aubert, où les couleurs françairies ombragent les
fronts rêveurs de Béranger et de Dupont, les Joyeux
Amis donnent la parole à la Chanson. Charmante
soirée dimanche : plus de 300 personnes. Madame
Danguin a dit avec âme le Vin de la Moselle. M.
Ruault, avec les Myrtes, et M. Durand avec V Epicier-
droguiste ont fait, tour à tour ou rire ou pleurer. Mlle
Marie a murmuré délicieusement : Tout le long du
Ruisseau. MM. Colon, Roche, Latour ont fort bien in-
terprété la romance moderne. M. Chemin, en a peu à
faire pour passer au premier plan. M. Vollerin nous
a montré follement la Dent de la Sagesse. — J'en
passe. — Quand Aubert fils eût entonné la Consolante,
de l'ami Caloin..., on s'en fut se coucher.
Les uns avec leur femme
Et les autres tout seuls.
Octave Lebesgue.
La soirée ofTerte par la Lyre Bienfaisante au profit
d'un de ses membres, M. La GouUieux, soldat de la
classel880, a produitnet, tousfrais déduits, la somme
de 118 fr. 7b, qui a été remise en assemblée générale
au bénéficiaire.
L'harmonie la Gauloise donnera, le samedi 27
novembre, son 6" bal annuel, dans les salons des
Sociétés Artistiques de Paris, 23, faubourg du Temple.
Le samedi 4 décembre, dans la même salle, grand
bal donné par la Muse Gauloise.
Enfin, toujours dans la même salle, 23, Faubourg
du Temple, aura lieu le 18 Décembre le grand bal
offert à toutes les sociétés Lyriques et Dramatiques
du département de la Seine par M. Orange, le
nouveau propriétaire de celte établissement.
La Lyre Républicaine, M. Duchenin, président,
donnera une grande soirée le lundi 29 novembre,
Café du Globe, 8, boulevard de Strasbourg ; nous
en rendrons compte.
Samedi 4 décembre, à Tivoli- Vaux-Hall, 13'^ bal
paré et travesti, donné par la Société lyrique la
Jeunesse artistique (président Herbinet).
Ouverture des portes à minuit. La tenue noire est
4e rigueur.
La Ltre Amicale, M. Dupont président, donnera
son banquet annuel suivi de bal à l'occasion de la
Sainte-Cécile, le 4 décembre, dans les grands salons
de M. Maurice, avenue de Saini-Mandé, 42, Paris.
Cercle Musset, M. Durrieu président, grande
soirée mensuelle, le samedi 4 décembre, café du Gloie,
8, boulevard de Strasbourg.
HAtel de l'Unlan des Chambres Syndicales
lO, rue de t<ancpy, lO
Dimanche b décembre, à 7 li2 du soir, 3" concert
offert à ses membres honoraires, par la société
chorale Les Amis de la Seine, dirigée par M. A. Aubry,
avec le gracieux concours de Mlle Scriwaneck, la
vaillante et sympathique artiste, de Mlle Leclerc, du
théâtre de Milan, de M. Savigny du théâtre Lyrique,
de Mme Benoist, artiste pianiste, de M. Lautrevel,
des Folies-de-Belleville, de MMUes Bertin et Desjar-
dins, élèves de Mlle Scriwaneck. Prix d'entrée,
1 franc bO et 7b centimes.
La société chorale et lyrique Les Enfants de
LA Seine, présidée par M. Cantarel, donnera son bal
de Sainte-Cécile, dans son local, 20, rue Palestro,
le samedi 11 décembre, à 11 heures du soir.
Nous publierons dans le prochain numéro la bio-
graphie et le portrait de Mlle Aminti, la sympathique
artiste de l'Eldorado.
CHOSES & AUTRES
RÉSULTAT DU QUINZIÈME CONCOURS MENSUEL
DE LA CHANSON
1" prix : Petit à petit l'oiseau fait son nid, de M. Gabriel
Leprévost (Londrer.).
2" prix : Jeune Châtelaine et jeune Abbé, de M. Octave
Lebesgue (Lyon).
3° prix ; Comment gu' faut faire ? de M. GEORGES GiLLET
(Paris).
Les Chansons de Jeunesse, par Georges Baillet. —
Ce volume que nous avons annoncé vient de paraître.
Il est en vente chez l'éditeur Bassereau, 240, rue
Saint-Martin, et à notre librairie, 18, rue Bonaparte.
Pris 3 francs.
Nous en rendrons compte dans notre prochain nu-
méro.
Le graveur Monin, dont de nombreuse expositions
ont consacré le talent hors ligne, et dont les portraits
gravés de Béranger, de Garibaldi et d'Emile de
Girardin sont devenus si populaires, vient de
graver un superbe portrait de Charles Vincent, d'une
réelle valeur; nousy reviendrons très prochainement.
Les titres et les tables pour la réunion, en un beau
volume, des deux premières années de LaChanson,
paraîtront fin décembre.
L,e Directeur-Gérant : A. HATA Y .
Paris. — Imprimerie L. Hugonis etXie, 6, rue Martel.
3* ANNEE. — N» 30.
lO CENTIMES.
b DÉCEMBRE 1880
Li A
Directew-Administratenr
A. PAT A Y
La chanson est une forme ailée et
charmante de la pensée. Le couplet
9St le gracieux frère de la strophe,
V. HU30.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de la Rédaction
A. BERTINOT
Annonces, la ligne; .. 1 •
Réclames, — 2 ■
ta chanson, commets baronnslla
est une arme française.
J. CLARETie.
lOMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CheF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOM.MAIRE
Galerie artiiliqae : lUUe Amiali (Fkhhand Moïbi,). — Le Flamand
(CuciBN RoutANo). — Le Secret d'ane Hirondelle (L. GjBii,L»in). —
La Ckangon des Amoareuj:, paroles do Maximr Guv, muâiiiiie de
Aldrrt Flaciérb. — Troisième Grand Concours poétique de La
Cainao». — Les Rosati d'Arrat (L. Uiisby Lrco«tb). La Coupe
l'ide, chanson autographe de ^fAxIMILlKN Robespierre. — Chroniqa
des Concerts (Alfrkd Bertisot). — Chronique des Sociétés lyri-
ques (Divers). — Aux Auteurs et Compositeurs de Musique. —
Choses et autres. — Av.s et t
GALERIE ARTISTIQUE : Mlle AMIATI
Pendant les dernières
années de l'empire, la
chansonnette comique
tenait le haut du pavé
et bénéficiait do l'en-
gouement donl « la
cour et la ville » s'é-
taient prises pour Thé-
résa.
Autres temps, autres
chansons I La Femme à
barbe est devenue étoi-
le de théâtre — étoile
filante — mais, au len-
demain de l'année ter-
rible, une artiste s'est
révélée, véritable chan-
teuse populaire celle-là,
dans la saine acception
du mot. Il fallait à la
Fran ce vaincue non plus
des flons-flons et des
pasquinades, mais de
viriles chansons ou de
poétiques élégies, qui
pussent bercer sa dou-
leur ou réconforter sa
foi patriotique. L'inter-
prète de ces hymnes
de deuil ou d'espoir fut
Mlle Amiati et cela seul
suffit à justifier la place
que nous lui donnons aujourd'hui dans la galerie
biographique de La Chanson.
Mlle Thérèse Amiati est née à Florence. La flamme
du soleil italien brille
dans ses yeux, toujours
expressifs, et sa voix a
gardé le vibrant écho
musical de sa langue
maternelle. Venue très
jeune k Paris , Mlle
Amiali n'était encore
qu'une mignonne ou-
vrière, gagnant vail-
lamment le pain quoti-
dien, qu'elle se sentait
al Urée déjà par la scène.
Sans renoncer au mé-
tier qui la faisait vivre,
elle parvint à débuter
au petit théâtre Saint-
Pierre, dont les revues
de fin d'année étaient
alors célèbres.
La jeune artiste, qui
jouait alors sous le nom
de ses parents d'adop-
tion, chantait avec goût
les quelques couplets
dont était agrémenté
son modeste rôle et elle
■y^^/t/l ^^^ quitta bioulùt le théài re
''^^ Saint - Pierre pour le
concert Béranger (i-itué
boulevard des Filles -
du-Calvaire), dont elle
ne tarda pas à devenir l'étoile. Sigualée au direcleur
de l'Eldorado par son professeur, Ludovic Benza,
Mlle Amiati fut engagée au concert du boulevard de
234
LA CHANSON
Slrasbourg, où elle débuta en juillet 1869. . . dans le
genre dit pai/sannerie, si différent du genre où elle
devait, deux ans après, conijuérir la célébrité.
C'est en juillet 1871, lors de la réouverture de l'El-
dorado, que Mlle Amiati créa sa première cbanson
] atriotique. Le succès fut immense et grandit à
cbaque œmTe nouvelle. Plusieurs des chansons in-
terprétées pendant cette périoie devinrent rapide-
ment populaires , et quelques-unes d'entre elles :
le Ifaltre d'école alsacien (ingénieuse adaptation
d'jn touchant récit d'Alpbonse Daudet), 3IaudUe soit
la guerre, les Émigrants, le Blessé, l'Appel après le
C07nl/ai,une Tombe dans les blés, ete , furent imprimées
à plus de cent mille exemplaires.
La beauté correcte et grave de Mlle Amiati et
- Tacccnt dramatique sans emphase, qu'elle sait
donner à chacune des compositions qu'elle inter-
prit", ne sont pas seulement appréciés de l'auditoire
do l'Eldorado, mais aussi du public plus blasé,
plus difficile à émouvoir, des théàires de genre.
Fréquemment sollicitée déchanter au Palais-Royal,
aux Variétés, au Vaudeville, dans des représenta-
tions à bénéfice, la jw/;»^ donna de l'Eldorado n'y a
pas été moins applaudie qu'au café-concert.
Sur la scène du boulevard de Strasbourg, Mlle
Amiati compte presque autant de francs succès
que de créations —et elle en a fait des centaines.
C'est l'artiste préférée entre toutes, aussi la faveur
dont elle est l'objet ne se manifestet-elle pas seu-
lement dans les formes usitées : rappels, bouquets,
couronnes ; témoin l'anecdo'e suivante :
Le héros du Clairon — ce court poème patriotique
de Paul Déroulède popularisé par Mlle Amiati — est
un clairon de zouaves. Or, un soir que la sympa-
thique artisl'j interprétait ces strophes vibrantes,
un jeune zouave d'Afrique, placé au premier rang
des fauteuils d'orchestre, se faisait remarquer par
l'exubérance — toute légitime, d'ailleurs — de son
enthousiasme. Lorsque fat fini le dernier couplet, au
bruit d'appl.iudissements enthousiastes, on vit lom-
l)cr sur la scène, lancé de la salle, un objet de forme
étrange. C'était sa calotte rouge que le zoaave, en
signe d'hommage, avait jeté aux pieds de la diva,
tout comme une Madrilène aurai tlancé son mouchoir
aa torero vainqueur. Mlle Amiati, très émue par celte
marque spontanée de naïve admiration , voulut
rendre elle-même au soldat d'Afrique son fez et le
remercia très cordialement, avouant que l'envoi du
plus splendide bouquet l'aurait moins touchée que
ce morceau de drap rouge.
Le répertoire de Mlle Amiati n'est pas exclusive-
ment composé de chansons patriotiques. Il compte
également des chansons dramatiques, des mélodies,
qui trouvent en la créatrice du Clairon une inter-
I)rète énergique ou tendre, mais toujours excellente.
Citons, parmi les plus populaires : N' t'en vas pas
Madeleine, le Bon temps, Amour-Folie, le Baiser des
Adieux, le Petit Mendiant, VAmour frileux, Valse
maudite, la Fille de l'hôtesse, etc.
Mlle Amiati, qui ne joue que rarement, a cepen-
dant créé plusieurs rôles : dans la Sœur du G
une Mauvaise connaissance et dans les revues de fin
d'année Elle compte également dans son répertoire
plusieurs duos : les Petits Ramoneurs, Avant la
retraite, tme Nuit à Venise et la Fiancée de Raguse.
Telle est, esquissée à grands traits, la biographie
de l'artiste de talent qui, depuis dix ans, personnifie
la chanson française dans ce qu'elle a de plus noble
et de plus élevé, et prête l'éloquence de sa voix char-
meresse aux poètes de la patrie et de la République.
Fehnand Movel.
A CHARLES VINCENT
LE FLAMAND
Le soleil, des cieux profonds.
Sur mes blés et mes houblons,
Répand sa lumière blonde,
La bière est blonde.
Ma femme est blonde.
Mes dix-sept enfants sont blonds...
Je suis content d'être au monde !
En Flandre, tout près de Cambrai,
Je suis né, j'y vis, j'y mourrai.
J'ai l'appétit d'un boa curé
Et j'ai la soif de plusieurs chantres :
Mon ventre vaut bien quatre ventre^.
Le soleil, etc.
Mon pas est sûr quoiqu'un peu lourd.
J'ai l'œil bon, je ne suis pas sourd ;
J'ignore les chagrins d'amour ;
La jaunisse m'est étrangère :
Comme une autruche je digère!
Le soleil, etc.
Je s lis jouir de ma santé ;
Je n'ai jamais rien inventé ;
Mon sommeil n'est pas tourmenté.
De tabac ma pipe regorge
Et dans ma chope on sent bon l'orge.
Le soleil, etc.
Ma Louison, vivante tour,
Me semble encore faite au four,
Je l'embrasserais tout le jour
S'il ne fallait remplir ma huche
El vider ma blague et ma cruche.
Le soleil, etc.
Je sais plus d'un joyeux refrain ;
Je sais commeut on moud le grain ;
Je sais ce que vaut mon terrain ;
De bien des gens je sais l'histoire;
Mais par dessus tout je sais boire.
Le soleil, etc.
a Noé'— dit le clerc mon voisin, —
« De Gambrinus est le cousin... »
Le houblon vaut donc le raisin
El la bouteille est sœur jumelle
De mon cruchon, cette mamelle!
LA CHANSON
235
Le soleil, des cieus profonds,
Sur mes blés et mes houblons.
Répand sa lumière blonde ;
La bière est blonde,
Ma femme est blonde,
Mes dix-sept enlants sont blonds...
Je suis content d'être au monde.
LuCIliN ROULAND.
t£ SECRET ïïmî mmmii
Romance
Ma petite hirondelle.
Avant de t'euvoler
Vers ma brune infidèle,
Laisse-moi te parler :
Témoin de mes alarmes,
Lorsciuc ta la verras,
Ne lui dis pas mes larmes,
Oh ! ne les lui dis pas !
Pour elle toujours je soupire,
ïu le sais, mais c'est un secret.
Gardo-toi bien do le lui dire,
La cruelle eu rirait !
Ne lui dis pas, de grâce.
Loin des yeux indiscrets
Les heures ijuc je passe
A contempler ses traits.
Cache-lui ma folie,
Cache-lui que toujours
Je la trouve jolie.
Et qu'elle est mes amours !
Pour elle, etc.
Ne lui dis pas, ma belle,
Que, pauvre abandonné.
Je n'ai conservé d'elle
Que ce bouquet fané.
Adieu, pars, ma chérie.
Garde bien ton secret ;
Mignonne, je t'en prie,
Pas un mot indiscret !
Avec le printemps, l'hirondelle
Revint et me tint ce discours :
« Ta Jeanne t'est toujours fidèle ;
Elle t'aime toujours ! »
L. Cabillaud.
LA CHANSOi\ DES AMOUREUX
BLUEITE
Paroles de Maxime Guy ; musique de Albert Flaciére
Ocand \bus i'iiti..iei m dq Pria»
• temps. \o boi» s'^ _. pa . nou-_ il, la
fo - se, Les. e. cor. te „ Iê3 de tiiik4
SEtZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20' Novembre au 20 Décembre
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obieau.. le f'^rix, une petite notice et le por- j
t/i'ajKle J'aïUeui', s'ii^GonsP!)!., '
clû _ se. De purs ac- ctnls
lu jcjcuA Biia hi\\\l Tcra la tou.te .i.iu^
aou dei
C'est surtout près d'un vert bosquet,
Rempli de mystère et d'ombrage.
Que le promeneur indiscret
Peut surprendre ce doux ramagi'.
Quelquefois un bruit de baiser
Trahit le galant tète-à-tète ;
C'est Gupidon qui vient griser
La note que l'écho répète.
Ses accords sont mélodieux.
Toujours nouvelle
Ella s'appelle
La c.f'ânson [Im an}our,e!.j5,
236
LA CHANSON
Chaque vers de cette chanson,
Vaut à lui seul un long poème.
Son rhythme trouble la raison ;
Chaque mot veut dire : Je t'aime!
On ne la chante bien qu'à deux,
Blottis au fond de la feuillée.
Alors que l'astre radieux,
Lui donne robe ensoleillée.
Ses accords sont mélodieux.
Toujours nouvelle,
Elle s'appelle
La chanson des amoureux.
TROISIEME
GRAND CONCOURS POÉTIQUE
Du Journal La Chanson
Le Journal La Chanson fait appel à tous les poètes.
Il met aujourd'hui au concours :
1" Un monologue da7is le genre actuel en vers, de
160 vers au moins et 180 au plus.
Il sera décerné trois pris, et des mentions hono-
rables, s'il y a lieu.
Les prix consisteront en diplômes spéciaux, para-
phés par les membres du jury. Ces diplômes seront
de dimensions calculées pour l'encadrement.
Les trois pièces primées seront, en outre, insérées
dans le journal La Chanson.
De plus le premier prix publié à part dans une
coquette édition illustrée, sera dit en public sur
plusieurs de nos grandes scènes parisiennes.
Les pièces envoyées devront être inédites, non
signées et accompagnées d'un pli cacheté contenant
le nom et l'adresse de l'auteur et portant extérieure-
ment le premier vers de la poésie présentée.
Le Concoius, ouvert le i'^'^' Décembre, sera clos
fin février.
Nouspubliorons prochainement les noms des mem-
bres du jury.
Toutes les communications relatives au Concours
doivent être adressées franco à M. A. Païay, direc-
teur du journal La Chanson, rue Bonaparte, 18, à
Paris.
llcaiicoiip do nos acheteurs au numéro «e plaignent
de ne pas trouver KiA CUAmiSOIV dans leur quar-
tier; nous les prions instamment de la réclamer chez
tous les libraires, marchands de journaux et dans
les kiosques. ISourcut les marchands oublient de la
mettre en étalage, ou les porteurs négligent d'en faire
le dépOt; nous rccomsuandons li tous ceux qui s'inté-
ressent ù, I^A ClIARfISOm de la demander partout et
de nouj signaler les endroits où l'on aurait omis do
la déposer.
U%. CiUAIWiSOIW doit se trouver partout dès lo sa-
medi matin.
LES ROSATI D'ARRAS
Nos lecteurs connaissent déjà, de Maximilien Ro-
bespierre, trois couplets anodins intitulés la Coupe
vide ; nous devons à l'obligeance de M. Etienne
Charavay le cliché ci-contre de la chanson complète
du célèbre révolutionnaire. Ce document original
provient des archives des Rosati d'Arras, société
littéraire et bachique, dont nous allons résumer
l'histoire.
Des jeunes gens réunis par l'amitié, le goût des
vers, des roses et du vin, s'assemblèrent un jour dans
un jardin d'Arras, pour déclamer, chanter et boire.
A certain moment, un des assistants, fouillant dans
ses grandes poches, en tira quantité de roses fraîche-
ment cueillies. Ce fut le signal de madrigaux im-
promptus qu'on applaudit si chaleureusement qu'un
poète s'écria : « Amis, qu'un jour si beau renaisse
tous les ans, et qu'on l'appeUe la Fête des roses. » Le
vœu fut immédiatement pris en considération, et,
de ce jour (12 juin 1778), la société des Rosati fut ins-
tituée.
Son but principal était l'étude de la gaie science,
et les œuvres qu'on y présentait devaient contenir
l'éloge de la rose, de la beauté, du vin et de l'amour.
Les sociétaires officiaient devant les bustes de Cha-
pelle, de La Fontaine et de Chaulieu. Les assemblées
commençaient au printemps, à l'épanouissement des
roses, et "finissaient à l'automne, lorsque leur temps
était passé.
La cérémonie de l'adoption n'était ni grave ni fati-
gante. Le candidat cueillait une rose, là respirait
trois fois, l'attachait à sa boutonnière, et vidait d'un
trait un verre de vin rosé à la santé des sociétaires
passés, présents et futurs ; puis il recevait, avec l'ac-
colade, un diplôme en vers auquel il répondait par
des couplets.
Le Berceau des Roses, lieu de séances des Rosati,
était situé hors des murs, dans un des faubourgs
d'Arras. La liberté la plus entière, mais sans indé-
cence, régualit parmi les membres de cette société
qui se composait de magistrats, d'avocats, d'abbés,
d'officiers du génie et de propriétaires de l'Artois :
Le Gay, Hardouin, Berlin, l'abbé Roman, Ghara-
mond, Dubois de Posseux, Dumény, vingt autres
encore, parmi lesquels nous remarquons Carnet, ca-
pitaine du génie, ce même Carnot qui, sous la Con-
vention, devait « organiser la victoire» en jetant qua-
torze armées sur nos frontières, et Maximilien de
Robespierre, alors avocat. On ne se représente guère
le terrible tribun se mêlant à la jeunesse dorée pour
fêter l'amour et le vin sous un berceau de roses ; rien
de plus authentique cependant que ce détail. Un de
ses confrères en Apollon dépeignait ainsi sa manière
de chanter :
Ah ! redoublez d'attention !
J'entend la voix de Robespierre,
Ce jeune émule d'Amphlon
Attendrirait une panthère.
La société des Rosati disparut vers 1789. Le temps
n'était plus à la poésie légère, mais à la prose mâle ;
le Berceau des Roses fut naturellement abandonné
pour le Forum.
h.-Eemy Lecouijs.
i
LA CHANSON
237
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
Fae - simile d'une Chanson autogTaplie de Maximilien Robespierre
LA COUPE VIDE
CHANSON A BOIRE
Air : Mon père était pot.
./i:J,
VU*' P<V^ J!^ Z^'^^**^
t^/^ VMryyjruyCTjîeùu.
"Ù^ut! ^M^ (Air P*/" *"^,
J'en /^^^ yti^uXu-*- '
û U. ■ùcxU4. r> .
■?^/Lic
Cette pièce intéressante faisait partie de la collection Benjamin Fillon, vendue récemment à l'hôtel
Dtouot par le miuistère de M. Etienne Gharavay, archiviste-expert, rue de Seine, 51,
238
LA CHANSON
CHRONIQUE DES CONCERTS
Eldorado. — Coco Bel-Œil tient l'affiche avec
succès. Cette amusante pièce, jouée avec une verve
inimitable par Perrin, Gaillard, Antony et Mme
Louise Roland, comptera parmi les meilleures opé-
rettes du répertoire de l'Eldorado.
Parmi les créations de la dernière semaine, signa-
lons particulièrement la Chanson d'autrefois , inter-
prétée par Mlle Amiati, et Je l'suis, dite ou plutôt
jouée par Mathieu.
***
Scala. — Depuis quelque temps, ce concert est
un de ceux qui nous fournissent le plus de chanson-
nettes nouvelles.
Samedi dernier, nous avons entendu huit créations:
La Lettre d'une demoiselle de province, paroles de
M. Hachin, musique de Darcier, détaillée par
Mme Graindor; Le Troisième dessous, et Vous n' me
f'rez jamais croir' ça ! par M. Chaillier ; La Boulangère
du faiéoarg Saint-Martin, et Qu'il fait donc soif, par
Bourges ; Paysans, restez paysans, par Mme Kaiser, et
Lisbeth, par Mlle Marguerita.
Le Terrain neutre, une nouvelle opérette ' de
M. Meyain, musique de M. Street, n'a pas été. favo-
rablement accueillie, malgré les eflorts de MM. Bert,
Brunet, Bérod et de MUeLiovent qui étaient chargés
de l'interprétation.
En revauche, La Consigne est de ronfler, jouée par
MM. Derame, Bérod ; Mme Heuzé et Mlle Blockette,
a fait grand plaisir.
Sans Tambour ni Trompette est le titre définitif de
la revue de fin d'année.
La danseuse anglaise engagée spécialemeat pour
la revue est Mlle Patti.
***
Folies-Rambuteau. — La première représen-
tation de la revue Tournez la manivelle, de MM. P.
Lamarque et J. Boucherai, a eu lieu il y a quelques
jours. L'administration ayant omis de nous adresser
une invitation, nous n'en parlerons pas autrement.
MM. Rivoire, Deschamps, Bonnet ; Mmes Fernaride
et Bomdon-Sivaldi, sont les artistes qui nous parais-
sent le plus mériier les applaudissement du public-
Terminons ce pelit article en adressant nos remer-
ciements au directeur des Folies-Rambuteau, pour
la façon un peu cavalière avec laquelle il traite les
journalistes qui ont l'honneur de se présenter dans
son établissement.
***
Grand Concert Parisien. — La première
représentation de la revue Psit ! Psit! Psit ! a eu lieu
jeudi dernier. Les exigences de MM. les typogra-
phes, qui nous obligent à donner noire copie, à l'im-
primerie, le mercredi au plus tard, nous forcent à
remettre le compte rendu au prochain numéro.
***
B'jon-Concert. — LQrs de l'ouverture de cet
établisseineat, ngus iui ayoag wn^am ua pëUt
article encourageant, pensant que la troupe engagée
n'était que provisoire et qu'elle serait remplacée
petit à petit par des artistes qui, à défaut d'une
grande renommée, auraient au moins quelque talent.
Nous nous étions trompés, car depuis ce temps, les
jours se sont succédé sans apporter d'améliorations
sensibles. Nous ne voulons pas décrier les jeunes
débutants de Bijou-Concert, mais nous sommes
obligés d'avouer qu'ils ne sont pas suffisants pour
tenir toute une soirée le public en haleine, car, à
part Mme Sibelli et M. Gardel qui ont certaine valeur,
le reste de la troupe est tout au plus capable de
chanter en premier tour, dans des Goncer'l/ secon-
daires.
M. Chéret, qui est un ;homme intelligent, devrai-}
pourtant bien comprendre que, pour fonder un Cçn-
cert viable dans le quartier du faubourg Poissonnière
il lui faat des artistes capables de rivaliser avec ceux
de son voisin, I'Alcazar d'Hiver. j
Nous lui conseillons, dans son intérêt, d'aviser au
plus vite au renouvellement de sa troupe, car nous
craignons qu'il ne soit déjà trop tard.
Alfred Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Dimanche 21 novembre, les amis de la ûaitÉ de
MONTMARTRE donnaient, salle Pétreile, 2î,-leuï
soirée intime.
Parmi les plus applaudis, je citerai, pour lapartie
comique, MM. B.o\x&s,ey [débuts), E. PiUot, Bertrand
et M. Blancbot,qui s'est fait rappeler trois fois dans la
nouvelle scie de Bourges, Mlle Clignancourt, M. Beaux
qui s'est distingué dans Olym,pia, M. Fauchet et
enfin M. Pillot qui a bien détaillé les Ingrats.
Dans la partie sérieuse je me contenterai de citer
MM. Bacot, Carton et Wexler.
Un bon point à M. E. Pacra fils, qui a chanté Un
air de Rameau et a su empoigner son auditoire.
La soirée s'est terminée par l'amusante tragédie
burlesque La fille du Droguiste, qui a été enlevée par
MM. Bertrand, Bacot et Blanchot dans le rôle de
Camomille.
La Société chorale et lyrique Les Enfants de la
Seine, a donné le samedi 27 novembre, chez M. ïa-
vernier aîné, à l'occasion de la Sainte-Cécile, son
huitième banquet annuel, sous la présidence de
M. Leconte, député de VIndre.
Ce banquet où la plus franche gaieté nV cessé de
régner, fera certa'.ement époque dans- les annales
de la Société. M. Leconte, avec le talent et la mo-
destie que l'on lui connaît, a su tenir sous le charme
de sa spirituelle conversation ses auditeurs qui dans
un élan spontané lui ont offert la présidence d'hon-
neur de la Société, que M. Leconte s'est empressé
d'accepter avec une grâce charmante et pleina,
d'émotion". Lorsque M." Gantarel lui a présenté l'in-
signe de la S ciéLé, la salle croulait sous les applaur
dissewenfs; après use wurie .aJJoeutJon adressés
LA CHANSON
239
par M. Cantarel, président, à ses sociétaires leur
rappelant les succès remporté parla Société dans les
derniers concours, M. Leconte, dans un discours
Lien senli, a rappelé tout l'intérêt qu'il prend an
développement et l'institution des sociétés lyriques.
Puis comme tout finit par des chansons, M. Leconte
a récité et chanté trois de ses meilleures composi-
tions où l'esprit abonde ; M. Cantarel a interprété une
Larcarole et une chansonnette composée par lui, avec
un sentiment et une délicatesse exquise ; puis est
venu le tour des sociétaires parmi lesquels nous
citerons M. Emmanuel Haas, comique inimitable
clans le Hévérend père ; M. Jules Kock, dans Blets ion
bonnet Madeleine ; M. Perrot, dans le Baiser à la Dame,-
MM. Lebrelon, pianiste de la Société, Mercier père cl
fils, Perrin, Masson, Creutznack, Dargaud et Lavazza.
En somme, la soirée s'est prolongée fort tard, car,
à une heure du matin, on ne pensait guère à se lever
de lable, tant il est vrai de dire que le temps passe
vite quand l'on est en si bonne société. Enfin, l'on
s'est quitté à regret espérant se revoir le plus tôt
possible.
Ne terminons pas pans accorder encore une bonne
npte (et elles sont nombreuses), à M. Cantarel l'infati.
gable président, pour l'organisation de celte fêle qui
laissera dans le cœur des assistants de bien doux
Fouvenirs. Un Invité.
Dimanche, 28 novembre, a eu lieu le banquet de
Sainte Cécile, donné par la fanfare « la Sirène « sous
la présidence de M. Peny, officier d'instruction pu-
blique et professeur des écoles de la ville.
Au dessert, plusieurs discours ont été prononcés,
par MM. Peny, Monpoix, président de la Société ;
Gorbin, vice-président et Lcvasscur, l'intelligent dj-
rocteur de la fanfare. !
Un concert improvisé terminait cette fètc intimç.
Nous avons eu la satisfaction d'applaudir M. Maire,
artiste consciencieux, doué d'une merveilleuse mé-
moire el que nous espérons bientôt voir sur la scène
d'un de nos grands concerts, MM. Paget, Poux,
Naudin, Aspôs et Herbelin, qui ont su faire plaisir.
Uu reproche pour son mutisme à Vami Boivin.
Nous avons surtout remarqué à cette fête, un ar-
tiste musicien dislingné, M. Paul Stremblel, encore
inconnu a Paris, mais qui a obtenu à Orléans, par
son incontestable talent, une réputation justement
méritée. G. Lemaitre.
La soirée donnée le 29 novembre par la Lyre ré-
publicaine a été très belle. Nous en rendrons compte
dans noire prochain numéro.
AVIS IMPORTANT
lions pW'Vonons nos nbonnés rctordotaire.s, qui «le
nous ont pas encore fuit parvenir, le montant de Ic^r
réabonnement, et qui ont gardé les numéros de RijB-
venibrc que nous faisons toucher par la poste le mon-
tant de I abonnement. ■ '.
IVous recevons des réclamations, constatant dès
îrrégnlarités dans la distribution de notre journal.
Mous ne saurions trop recommander A nos abonnés
d'adresser directement leurs réclamations iV 1^1.
Cochery, ministre des postes et des télégraphes, i\
Paris. (Ecrire sans affranchir) ij
AUX AUTEURS ET COaiPOSITEURS DE MUSIQUE
Nous recevons depuis longtemps de nombreuses
lettres nous priant de vouloir bien nous charger
d'éditer, pour le compte des auteurs, soit en grand for-
mat piano, soit en petit format guitare ou même en
cahier populaire.
Nous cédons aux demandes qui nous ont été faites
en mettant à la disposition des auteurs nos relations
commerciales. Nous répondrons à toute demande de
renseignements çi laquelle sera joint un timbre-pOste.
Nousprions nos correspondants, pour simplifier noire
travail, de nous dire clairement l'édition qu'ils dé-
sirent, grand format piano, avec ou sans gravure;
petit format guitare avec ou sans gravure.
Nous préparons pour paraître en janvier des cahiers
de chansons à 10 centimes. Nous prions les auteurs
qui voudraient y collaborer de nous envoyer des
chansons de suite pour être soumises au comité
d'examen. Les auteurs seront avertis de celles qui
seront reçues pour être publiées aux conditions sui-
vantes: envoyer le montant de cent exemplaires qaWs
recevront aussitôt parus (soit dix francs)! C'est delà
publicité gratuite, puisque l'auteur est remboursé
en exemplaires. Ces cahiers sont appelés, croyons-
nous, à un grand tirage. Chaque livraison renfer-
mera une chanson à succès connue, une chansoji avec
musique, trois ou quatre chansons inédites, et Upor-
trait d'un chansonnier ou compositeur populaire.
Nous nous chargeons également de la publication
de volumes ou brochures pour le compte des auteurs,
quel que soit le genre de l'œuvre, après lecture bien
entendu. A. P.
CHOSES & AUTRES
M. Legouvé, de l'Académie française, a publié,
dans le journal le Temps, du mercred'i 24 novembre,
une élude intitulée : Une chanson de Béranger : Jac-
ques. Nous la recommandons à tous les détrac-
teurs de Béranger. Avis à celui qui a signé le Pied
(jui r'mue. Nous espérons que ce travail conscien-
cieux et si intéressant sera bientôt réuni en bro-
chure.
Lundi G décembre, 23, faubourg du Temple, an-
cienne salle de l'Alhambra, grande soirée au béné-
fice de Victor, bien connu de toutes les Sociétés ly-
riques, avec le concours d'artistes des concerts et
des sociétés lyriques.
Le 8 décembre, inauguration d'une nouvelle So-
ciété lyrique el dramatique : les Violoneux. Cette
soirée aura lieu dans l'ancienne salle de l'Alhambra,
23, faubourg du Temple, avec le concours d'une har-
monie dont le nom nous échappe, et delà chorale 1'^-
heille. Des soirées auront lieu tous les mercredis,
23, faubourg du Temple, salle du premier.
La Société lyrique les Amis de Béranger, dont le
siège social est au café Hollandais au Palais-Royal,
donnera, dimanche 1 1 décembre, un bal, salle du
Grand-Orient, 16, rue Cadet. On trouve des caries
d'invitation aux bureaux du journal La Chanson.
Très prochainement la réouverture de la Société
lyrique et dramatique l'EschoUer, présidée par
M. Gougel, salle de VHermitage, 29, rue de Jussieu.
240
LA CHANSON
Samedi 11 décembre aura lieu, au Concert de la
Pépinière, le bénéfice annuel de M. Emile Durafour,
artiste et régisseur de cet établissement.
Dimanche 12 décembre, grande matinée à 1 heure
précise, ancienne salle de l'Alhambra, 23, faubourg du
Temple, donnée par Les Gais Momusiens, présidés
par M. Leroux, au bénéfice de la veuve d'un socié-
taire. La bénéficiaire est des plus intéressantes ; elle
est digne d'intérêt et de plus elle a trois enfants.
Prêteront leur concours à cette bonne œuvre :
MM. J.-B. Collignon, compositeur; Adrien Sou-
chet, Chapignie, Karl, Francfort, Victor, etc., etc. ;
Mlles Vanina Valette, Jeanne et Emma ; Mmes
Trottin, Déchamps, Bariot et FayoUe des Oais Momu-
siens ; MM. Métivet, Panckouckc, Mock, Charles,
Poudra, etc., etc.
La Femme qui se grise, vaudeville en un acte, sera
joué par Mme Achenay; MM. Métivet, Panckoucke
et Alfred.
Piccolet, comédie-vaudeville, sera interprété par
Mmes Deschamps, Achenay; MM. Lefèvre, Alfred,
Charles.
Le piano sera tenu par M. Marcus.
Prix des places : 1 fr., 7S c. et 50 c.
Au premier jour, le journal La Chanson commen-
cera la publication d'une série d'articles intitulés
L'HISTOIRE
DES
SflCIÉTÉS tYflIQttES PARISIENNES
d'aj^rii des documents puisés aux archives
desdites Sociétés
PAR
JULES JOUY & AUGUSTE GOUTS
THÉÂTRE DU CHATEAU-D'EAU
Dimanche 5 Décembre 1880
Et, 4
MATINEE-COIVCERT
SEPTIÈME FÊTE ANNUELLE DE BIENFAISANCE
Au profit de la Caisse de Prévoyance
MUTUALITÉ COMMERCIALE
AVEC LE CONCOURS GRACIEUX DE
M. MANOURY Mlle REICHEMBEKG
Je l'Opéra de la Comédie-Française
M. WORMS M. COQUELIN CADET
de la Comédie-Française
Mlle MATHII.DE Mlle BEBTHOU Mlle CARO
M. NUMËS M. PLET M. BARLET M. G. GUILLEMOT
du Théâtre du Palais-Rojal
MlleV. CASTELLI
des Bouffes-Parisiens
Mlle AMI.ITI Mlle BOMVAIRE
du Concert de l'Eldorado
M, BRUNEAU M. COPm
du Cercle Pimlle
M. REMY
l*""prix de Violon du Conservatoire
Mlle JUA1V.V
M. LEVILLY
piano d'accompagnement, de la Maison PLEÏEL WOLFF,
ptrM. MATON
L'Orchestre sera dirigé par M, CHARLES MALO
PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE A. PATAY
(tS, rne Bonaparte 18).
Les Abeilles, chanson. Paroles de Georges Baillet
Musique de Mme Anais Brianny. Avec gravures, grand
format et accompagnement de piano, net 1 »
Petit format, avec gravure, net » 30
lyAIhum des Dames, par Mme Juliette Mancelière,
cahier de chansons à 10 cent.
Etes-vous comme moi? chanson. Paroles de L.-
Henry Lecomte, Musique de Jules Raux, grand format,
avec accompagnement de piano, et gravure, net.. 1 •
Petit format, avec gravure, net • 30
Créée à l'Eldorado par Velly. cette bonne chanson
fait en ce moment le tour des Concerts.
lia Fête de la France. Paroles de J.-B. RobiNOT,
Musique de Jules Raux, petit format aux couleurs natio-
nales, net » 20
Franco, hymne de la Paix. Chant national. Paroles
de L. Sarrade, Musique de Ben-Tayoux, avec gravure
grand format, accompagnement de piano, net 1 »
Petit format avec gravure, net » 30
Ei'Uiver, romance. Paroles de Fauché, Musique de
Raguey, petit format sans gravure, net » 20
j'en Boifole, paroles et musique de Jules Raux.
Petit format avec accompagnement de piano et gravure,
net » 50
Miaou I chanson féline. Paroles et musique de Jules
Raux, grand format avec gravure et accompagnement
de piano, net 1 »
Petit format avec gravure, net. . i • 30
lyaSInse de la Chanson. Paroles deCLAUDius Malbet
Musique de Ch. Marié. Grand format avec accompagne-
ment de piano, sans gravure, net » 50
No chantez plus la IHarseillaiso, chaTisonpatriotigue.
Paroles de Jules Célès. Musique de Louis Caloin.
Grand format avec accompagnement de piano et gra-
vure, net 1 »
Petit format avec gravure, net ■ » 30
Paix et Travoil. Paroles de Eugène Imbert, Musique
de Jules Raux. Grand format avec accompagnement de
piano, sans gravure, liet , » 50
K>cs Petites Mains de ma Mie, chanson. Paroles de
J. Jouy, Musique de Paul Henrion. Grand format, avec
accompagnement de piano et gravure, net 1 ■
Petit format avec gravure, net t 30
Cette chanson vient d'être créée au Concert du XIX' siècle
par Debailleul, elle est déjà interprétée dans plusieurs
concerts et dans beaucoup de sociétés lyriques .
Quand t'auras des Moustaches. Paroles de Claudius
Malbet, Musique de Mathilde Fraiquin, Grand for-
mat avec accompagnement, sans gravure » 50
■iO Vieux Buveur de vin, chanson. Paroles de
Brugière, Musique de Jules Raux. Grand format avec
accompagnement de piano, petit format avec gravure,
net 50
Cette chanson vient d'être chantée avec succès dans
plusieurs concerts parisiens.
Via e'quo c'est qu'un cnterr'ment, tableau populaire,
paroles d'EuGÈNE Imbert, musique deDAUVERGNE. Petit
format avec gravure et accompagnement de J. Raux > 50
Vous, valse chantée, par L. P., officier de cavalerie.
Grand format, avec accompagnement de piano, net 1 «
Toutes ces pubZtcattons seront envoyées franco dans
toutela France à toute personne q ui en fera la demande
par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
les demandes au-dessous de 2 francs ou d'un mandat-
poste à partir de cette somme.
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Paris, — Imprimerie L. Hugoois et Cie, 6, rue Martel.
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f O CENTIMES.
12 DÉCEMBRE 1880
LA CHANSON
Directeur-Administrateur
A. PATAY
La chanson est une forme âHéeet
charmante de la pensée. Le couplet
«»( le gracieux frère de la strophe.
V, HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux- Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Secrétaire de ta Sédaciion
A. BERTINOT
Annonces, la ligne. . .
Réclames, —
Lschanson, commelabaronnelte
est une arme française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L -HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
• six mois 3 •
Etranger, un an 8 »
SOMMAIRE :
Emile Eura/our (L.- Hknbï Lbcomtk) —
.la lapin couronné (Évulb DtiutoiiO —
— Le Caieau Veifiéloii iX) —
Galerie des Chansonnier.
Quand on a bien fècu
Jianquet du Caveau (El_. ...
Troisiétne grand concours poétique de la Vltanson — t.
de
T) - CI,
Ihsioire de P'til Pr
le de Diisiioi:ssBifs —
el Aulres — Àv
nu tambour.
Concerts {\i.
GALERIE DES CHANSONNIERS : Emile DURAFOUR
Voilà certes une phy-
sionomie originale et
Lien faite pour tenter
la plume d'un biogra-
phe. Chansonnier, au-
teur draniatique,arliste,
Durafour, sous ces as-
pects divers, mérite une
attention particulière.
Sa vie, sorte de Roman
Comique, est une dé-
monstration intéres-
sante de ce que peut
aujourd'hui l'intelli-
gence servie par une
ferme volonté.
Durafour (Louis dit
Emile), est né à Belfort,
le 27 avril 1S3'2. Jusqu'à
l'âge de vingt ans, il
fut clown, gymnaste et
écuyer dans un cirque
dirigé par son père.
C'est à Lyon, en 1832,
qu'il abandonna sa pro-
fession périlleuse pour
se livrer à l'art drama-
tique. On le vil débuter
à la Guillol'ère, dans
im théâtre provisoire
qui représentait des
mélodrames milil aires ;
il y était à la fois acteur, régisseur, auteur,
soia même chanteur comique. A cetie
remonte sa première chanson, Y Amoureux t
ffiie, dont Charles Pour-
ny fit la musique. Deux
ans plus tard, on le re-
trouve àla Croix Rousse
dans une autre salle,
toujours provisoire. Le
directeur privilégié des
théâtres de Lyon pré-
levait le tiers des recet-
tes brutes de son mo-
deste concurrent et lui
défendait de jouer au-
cune des œuvres faisant
partie du répertoire
dramatique. Ces entra-
ves ne firent que sti-
muler le zèle de Dura-
four ; il composa des
pièces, non-seulement
pour son théâtre^ mais
encore pour les Bouffes
Lyonnais, et ces pièces,
par parenthèse, furent
créées par des artistes
qui, depuis, ont fait
leur cliemin : Dupin,
des Variétés, Perrin, de
l'Eldorado, HamiltOD,
etc.
Il est peu de Lyon-
nais qui ne connaissent
les chansons composées
au be- J alors par Durafour : Hommage à Béranger, Ficelle, la
époque t Mère Tra la la, le Chevalier de Plume-au- Vent, le Zouave
l'Auur- \ lyonnais, le Vieuso Défenseur, Adieu Fifine et Zoé, li
-242
LA CHANSON
Fiisilim' Merluchon, le Chant des Alliés, le Pain, les
Regrets de Cocassier ; toutes se font remarquer par la
Lonne humeur et la verve, toutes devim-ent promp-
teiaent populaires.
Il manquait à Durafour le baptême parisien. Le
l-i juillet 1800, ildéiutait au théâtre Beaumarchais
dans André le SaU'mihawfiie, drame de sa composi-
tion, dont la réussite fut complète. — « Je ne dirai
pas, éeri-\-ait Jules Prével dans le BUjaro du lende-
main, que Durafour, auteur, a été plus applaudi
que Durafour g.ymnasle ou Durafour acteur, je me
Lornerai tout simplement à dire que les trois Dura-
four sont curieux à voir et à entendre. » Le public
ratifia ce jugement, car la pièce, en dépit de cha-
leurs caniculaires, eut un nombre de représenta-
tions considérable.
Encouragé par le suffrage de notabilités comme
Dennery, Roger de Beauvoir, Lambert-Thiboust et
autres, Emile Diu'afour eût pu poursuivre avec
avantage la carrière d'auteur dramatique; mais il
était déjà père de famille et dut s'enquérir avanttout
du pain quotidien. Il traita donc avec plusieurs
directeurs de province chez lesquels il alla d'-^nner
des représentations de son drame. En 1863, il re-
venait à Paris et ouvrait avec sou père le théâtre de
la rue de Flandre, d'abord simple construction en
planches, bientôt agrandi et édifié comme il est de
nosjom's. Ayant sollicité l'autorisation d'adjoindre
quelques chansonnettes aurépertoire courant, Dura-
four se la vit accorder à la condition que « lesditeg
chansonnettes auraient M. Durafour pour auteur et
seraient chantées par lui devant le rideau. » Cette
clause n'était pas faite pour embarrasser notre
héros, mais il nous a paru bon de la relever afin de
préciser le degré de liberté que l'empire accordait
aux entreprises artistiques.
Déçu dans ses légitimes espérances, Durafour dut
quitter un jour le théâtre de la Villette, pour entrer
au concert. Il débuta comme chanteur comique au
Café du Géant, puis au Cheval Blanc, où il c-îèSiDeux
beautés d'autrefois et le Talisman du père François,
saynètes de lui qui ont fait leur tour de France.
A]irès avoir paru à VAlcazar d'été de Paris et au
Casino de Bruxelles, il se montra régisseur habile au
Concert de V Horloge où il fut, pendant deux saisons,
chargé spécialement de diriger la partie artistique,
lî tint le même emploi à Lille, aux Bouffes dv, Nord
(direction Blanc) ; enfin, à son retour à Paris (1872)
la direction du Concert de la Pépinière traita avec lui
comme régisseur, artiste et metteur en scène, traité
que les nouveaux directeurs de cet établissement,
MM. Roger et Dutilloy, se sont empressés de renou-
veler à des conditions très brillantes.
Comme artiste, Emile Durafour appartient à cette
école excellente qui provoque le franc rire sans exa-
gération de voix ni de pantomime. Gomme régis-
seur, ce n'est évidemment pas l'expérience qui lui
manque ; il a fait ses preuves depuis nombre d'an-
nées et en mille circonstances. Ayant su se créer de
très belles relations, il les met volontiers, ainsi que
son talent d'organisateur, au service des « monteurs
de parties ». Nous ne saurions, pour notre part, ou-
blier la grâce parfaite et le dévouement absolu avec
lequel il dirigea, au théâtre du Château-d'Eau, l'exé-
cution du programme de la Chanson, lors de la matinée
donnée par notre journal en l'honnem-de Béranger.
Le catalogue chansonnier de Durafour est considé-
rable. 11 comprend plus de deux cents romances,
scènes comiques ou chansonnettes fort appréciées
du public. Nous citerons, parmi les plus récentes :
Pétronille, la Me7iteuse, les Femmes de Pantoise, la
Famille à Camille, la Saint-Crépin, la Vénus au
Champagne, Faudrait pas la r'commencer. Mon Fou-
lard, Fsuis pas fâché d'y avoir dit ça. Toutes, à des
titres différents, ont obtenu de réels succès. Ses col-
laborateurs musiciens sont : Dareier, Paul Henrion,
Renard, Paul Blaquière, "S'ictor Robillard, L. C. De-
sormes, Gh. Hubans, 'Wachs, Jules Javelot, Frédéric
Barbier, Charles Pournj^ Ludovic Benza, Lucien
Gollin, Emile David, Dubost, Batifort, Ouvier, Van-
denesse, Joly, Martin, Bougnol, Jandard et Lonali.
Nous avons donné les titres de deux saynettes
écrites par Durafour; il faut y ajouter: Milord et
Danseuse, les Fiancés de Saint-Floiir, les Deux Inva-
lides, les Amoureux de Jeaimeite, les Marchands de
comjjlaintes, les Virtuoses de Gonesse, l'Amour et i' Ap-
pétit, les Epoux Bouneau, Un Bénéficiaire dans l'em-
barras (en collaboration avec L. Quentin), l'Amour
par correspondance (avec E. Baillel), Un amour de mé-
nage. Deux Piliers de cabaret, œuvres amusantes et
très scèniques. Enfin, indépendamment de son
drame de début, il a donné, aux Délassements, le
Cabaret de Louison, et récemment, à l'Athénée-Gomi-
que. Tous Toqués 1 et le Déjeuner de Lise (avec Félix
Savard) ; toutes ces pièces ont dépassé le chiffre de
cent représentations.
La bonne humeur et le caractère aimable de Dura-
four lui ont ouvert l'accès de diverses sociétés litté-
raires ou chantantes ; ii est membre de la Lice Chan-
sonnière depuis 1876, et convive assidu des ylrifwfe*
Lyonnais, du Bon Bock, des Pierrots, des Va-de-bon-
cœm, etc. Il y interprète d'ordinaire, avec un talent
réel, ses productions chansonnières ; mais son ob-
jectif sérieux est aujourd'hui le théâtre. Il travaille
eu ce moment à des pièces en plusieurs actes qui
ne tarderont pas à voir le l'eu de la rampe, et dont
nous souhaitons sincèrement la réussite.
La plupai't des chansons de Durafour, composées
spécialement pour le concert, brillent par l'habileté
de l'agencement plus que par l'élégance du style ;
quand il le veut pourtant, l'auteur sait revêtir sa
pensée d'une forme littéraire. Nous offrons à nos
lecterars, comme spécimens des deux manières
d'Emile Durafour, deux chansons d'allure difi'érenle
et dont la vogue n'est pas épuisée. Elles ont été mi-
ses en musique, avec un double bonheur, par le sym-
pathique compositeur Désormes. Durafour est là avec
sa bonhomie un peu narquoise, sa rondeur, son rire
honnête et communicatif, toutes les qualités enfin
qui lui ont valu du renom dans le passé, et lui assu-
rent de nombreux succès dans l'avenir.
L. Henry Lkcomte
LA CHANSON
243
A mon nmi ALFRED LECWXTE '
llépiilù de l'Indre.
QUAND ON A BIEN VÉCU
Paroles (In EliiLK Dteafour
Musi([iio dp L.-C. DEKOBiiES {\)
Créée, par l'Auteur au Théâtre du Château-d'£au et par
Philibert CRÉTOT au Concert de la Pépinière.
Buvons, amis, la gai lé nous convie.
Plus ,{e vieillis, plus je suis cunvaiucu
Que sans regret je ([.uilterai la vie :
On peut mourir quand on a bien vécu !
Je n'ai jamais couru laprelenlaine,
On di(, de moi : « Voyez le beau vieillard ! »
J'ai crânement passé la soixaulainu,
Je suis encor on ne. peut plus gaillard.
Les cbeveux blancs ne luc chagriocnl guère,
De mes soucis je lus toujours vainqueur.
Je suis joyeux comme j'étais naguère :
On n'a vraiment que l'âge de son cœur :
Buvons, amis, etc.
Je suis encor une bonne l'ourchelte,
J'aime avant tout un excellent dîner ;
Je ris, je bois, mais jamais en cachette !
Ouand on vit bien, jiourquoi se cliagriner ?
Il l'ut un temps où j'adorais la danse.
On m'admirait les nuits de carnaval ;
Mais aujourd'hui, cédant à la prudence,
Je me tiens mieux à tablo qu'à cheval.
Buvons, amis, etc.
J'étais jadis un fort joli jeune homme.
Ne riez pas --je dis la vérité ;
Vrai boute-en-irain, je possédais en sonmie
Tout ce ([u'il faut pour plaire à la beauté.
On m'appelait l'enfant chéri des l'emmes,
(Juel temps lieun'ux que celui des amours !
Je suis liion vieux, et cependant.mesdames.
Je le sous là... je vous aime toujours !
Buvons, amis, etc.
Je n'aime pas à me montrer sévère,
Un Iranc buveur doit être généreux ;
J'aime à chanter en contemplant mon verre.
Lorsque je bois, je me sens plus heureux.
Je vis le jour au sein de la Bourgogne,
Mon biberon l'ut un grand gobelet ;
Aussi chacun peut lire sur ma trogne
Que j"ai télé plus de vin que de lait !
Buvons, amis, etc.
J'ai de tout temps blâmé le chauvinisme ;
Ne songeons plus à de sanglants succès;
Pénétrons-nous de ce palriotiscne
Oui fait lionncur au sentiment français.
Serrons nos rangs, combattons l'ignorance,
Prouvons enfin que vouloir, c'est pouvoir ;
Place au progrès ! travaillons pour la France I
Unissons-nous, tel est notrs devoir !
Buvons, amis, la gaité nous convie.
Plus je vieillis, plus je suis convaincu
Que satis regretje qp-iitterai la vie :
On peut molirir quand on a bien vécu.
(IJ La musique avec accomiî!:g
2, i-uo Notre-Damc-ilc-Nazjrclli,
cliei Libbé, lijilcur;
A nion ami JACXJTJES ROUSSET
m tAPIH COURONNÉ
CHANSONNETTE
Paroles de Emile Durafocr
]\Iusique de L. G. Desormes (1;.
Créée par BOURGES à la Scala et par CADDIEDX au
Concert de la Pépinière.
De ce cabaret la patronne,
A ses clients donne l'entrain,
Sans hésiter cette luronne
Entonne un bachique refrain.
Jamais de châteaux en Espagne,
Dans ce cabaret de Montreuil ;
Si l'on y fêle l'Argenteuil,
On y méprise le Champagne.
Au cabaret du lapin couronné,
On rigole,
Batifole,
Tout. est parlaii, tout est bien ordonné.
Au cabaret du lapin coiu'onné.
Uuaud au patron c'est un bon homme,
Un estimable marmiton,
Qui se fait peu de bile en somme.
Et se l'it du quand-dira-t-on ;
Urand buveur, mais petit de taille.
On le sermonnerait en vain,
Du vin, du vin, toujours du vin.
Il a pour ventre une futaille 1
Au cabaret, etc.
La servante aimable, mignonne,
Ayant tout au plus dix-huit ans.
Est une blonde Bourguignonne,
Fraîche comme un jour de printemps.
Elle se nomme Mariette,
C'est à qui sera son vainqueur ;
Aussi chacun boit de bon cœur,
Aux jolis yeux de la fillette \
Au cabaret, etc.
On n'y fait pas de politique,
Le dieu Bacclius est seul en jeu ;
On aime mieux et c'est pratique :
Seffrisoter de petit bleu!
Abusant du jus délectable.
Dans ce temple des Balochards,
On voit souvent de gais pocbards
Glisser gentiment sous la table !
Au cabaret, etc.
Les rigoleurs ont carte blanche
En dépit de plus d'un rageur.
On peut y pincer le dimanche.
Le pas du coucou tapageur.
Que de joyeuses ritournelles!
On ne voit que des gens heureux.
Là, les timides amoureux
Trouvent de discrètes tonnelles.
Au cabaret, etc.
244
LA CHANSON
Entre nous, la cabarelière
N'est pas folle de son époux,
Qui durant la journée entière
La néglige pour les gloux gloiix.
Il dit que soupirrr, c'est bète ;
Mais sans vouloir lui faire affrou I,
Pour peu qu'on observe son front
On voit... ce qu'il a sur la lèle !
Au cabaret, etc.
Malheur au gredin qui s'avise
De critiquer le Picolo,
Les buveurs ont pris pour devise :
Honte à celui qui boit de l'eau !
A bas les fontaines Wallace !
Si plus d'un nez est culotté,
IN 'allez pas croire en vérité :
Que c'est de sucer de la glace !
Au cabaret du lapin couronné,
On rigole.
Batifole,
Tout est parfait tout est bien ord jUiu'
Au cabaret du lapin couronné.
SOCIÉTÉ LYRIQUE ET LITTÉRAIRE DO CAVEAU
Banquet du 5 décenibre iHSu.
La feniJie aimée, après un peu d'ab^enre, f emble
plus belle et plus chère. En est-il ainsi du Caveau,
ou bien la fin de l'année, en lui inspirant le chaiil
du cygne, double-t-elle son inspiration'? Toujours
est-Il que le banquet de vendredi éiait un des plus
brillants et des plus animés auxquels j'aie assisté
Et cependant le terrible article U du rètçlemenl
article dont Grange a célébré avec tant d'ispritlà
remise en vigueur, et qui lend à transformer en ves-
tales, feu compris, tous les membres du Caveau :\
bien manqué, dès le début, de recevoiruueanicrochc
Jullien ne s'avise-t-il pas de chanter le Dieu Cupidmi
sur l'air de ïoto Garabo '? Entendez-vous le singulier
refrain ? °
La Certitude, de Mouton-Dufraisse, la Gaudriole
de Guerin, et surtout les Opinions du2f tit P&lyte, de
Piesse, et le Mazeppa, de Petit, sont bien dans la
note moderne et parisienne. C'est pris sur le vif el
comme à l'emporte-pièce.
Fouache, qui est un des 'anciens du Caveau n'a-
bandonne pas la chanson-proverbo : .1 l'œuvre on
connaît l'artisan, c'est son refrain, et je le lui renvoie
en guise d'éloge. Fénée refait, dans un guire moins
faubourien, la Maison Tranquille, de tlolmance et
trouve des détails comique et nouveaux pour son
Heureux Locataire.
Maintenant, qui mettra d'accord Vincent et Fuchs'?
Le premier chaule VEau deJouume et prétend que
nous ne sommes pas vieux.
Tant que nos cœurs n'ont pas de rides ;
rautre s'écrie, après Lesueur : /eM««e«a;my >•«/£'?««»■.
Peut-être ont-ils raison tous les deux.
Les Baisers, de Duvelleroy fils, prometlent un
chansonnier ; ils ont de l'émotion et une jolie forme.
La partie plus particulièrement poétique de la
soirée a eu pour interprètes Liorat, eoutumier du
lait, Bourdehn, dont la lyre a plus d'une corde, et
i^ionnet. Les Marronniers de Versailles, souvenir lé-
gendaire du siècle du grand roi, comme on dit
encore nous représentent les solitudes du parc peu-
plées, la nuit, des fantômes du passé. Le poêle croit
retrouver sur le sable la trace du manteau roval •
je ne crjis pas qu'il fût assez long pour trainer. Dans
Près du Foyer, Bourdelin retrace des tableaux: de
famille :
Toute vendange a des grappes amères,
dit-il en soupirant, mais le home console de tout.
Lionnet s'est prodigué, à lagrandejoie ducénaele>
Du Glatigny, du Nadaud, du Lionnet, poésie et
musique : un vrai régal. Avec cela une diction que
peu d'artistes possè'ûent. C'a été le bouquet de la
soirée.
N'oublions pas, pour citer un calembour du crûr
la chanson d'un visiteur intitulée Mon Voisin. Com-
ment se fait-il, a dit un auditeur, qu'un poète qui
chante si bien le Père Lachaise ne soitj pas du
Caveau ? Eug. Imbert.
LE CÂYEAU YERYIËTOIS
Soirée du 50 novembre.
Celle Société, fondée sur des bases peu connues-
ailleuis, doit sa grande vitalité à son système-
de critique mutuelle. Chaque pièce de vers ou de
in-ose produite par un de ses membres, est confiée à
un collègue qui en recherche les défauts, les points
faibles et en tait la critique, sans jamais loucher aux
opinions énoncées. C'est donc une écolo liitéraire
dont tous les membres profitent, car les critiques
sont lues en séance et forment la partie la plus ap-
préciée et la plus intéressante de l'ordre du jour.
Disons, en outre que, jusqu'à présent, depuis un peu
plus de deux ans d'existence, le Caveau Vervlétois n'a
encore reçu que des critiques très convenables,,
quoique justes, et dont les poètes n'ont pu se blesser;
que de 10 membres fondateurs le nombre est arrivé
maintenant à 18y membres auteurs et auditeurs, et
enfin, qu'il a reçu l'appui du gouvernement belge
et de la régie verviéloise, par des subsides d'une
certaine importance.
Mais nous sommes bien loin de la soirée du 30'
novembre. Cette séance a commencé par l'admis-
^iJU de nombreux membres, puis a été continuée par-
la discussion de questions d'un intérêt général. Le
Caveau a décidé, en outre, d'admettre à sa prochaine-
réunion les dames et parentes des membres. Ce ne
sera pas une fêle proprement dite, niais une séance
ordinaire à laquelle les dames assisteront. Après la
lecture de critiques savantes et pour la plupart ir,s-
Iruclives, M. Bonhomme, le poète wallon aimé, a
lu une gentille pièce de vers : ^ l'mémoër diis'ca-
marande Henri Leroy; le zèle et sympathique prési-
dent K. Griin a déclamé une poésie : 3fes adieux à
Stoumont, écrite avec la science qu'on lui connaît et
sous l'empire d'une verve qu'activaient encore
des souvenirs d'excursionniste botaniste enragé;
M. ftaxhon a déclamé une;jomeîP«?to»»«, empreinte
d'une mâle énergie, et M. Petit, petit de tnillc
el do nom, mais grand do talent, a attendri dans une-
Berceuse wallonne,
« Ma première cause » était le titre d'une pièce en
prose, la dernière du programme, déclamée avec
conviction par un tout jeune avocat à lunettes, ami
de tous et vice-président par-dessus le marché.
Quelle gaité il a suscitée et aussi quels app la s
sements.
' Ces différents travaux recevront leur critique à la
prochaine réunion.
La séance est levée à onze heures.
Mais, ce n'était pas tout, une séance officieuse a
suivi l'officielle et chanteurs et déclaniatcurs, les
Xhofl'er, les Gens, les Pire, etc., se sont précipités à
l'envie à la tribune pour compléter une soirée pleine
de charme qui a dû, à regret, se terminerbien avant
dans la nuit car hélas, les plus belles choses ont leur
fiu.
XX**'*, corrcsiiondant du journal la Chanson.
LA. CHANSON
245
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
HISTOIRE _
BEP'TIT-PRICEETD'MÂRIÂI'-TAIOOR
CHANSOIT LILLOISE
Paroles et musique de Desrousseaux (')
Mlegretto.
Dn temps qoe jpor-to» ca
so - le. On m'ré.pe _ tôt Six
drô - le. De PtiLPrice et d'itta _
*rlann' Tain - bour. J'm'in tds bien fooil -
l'fin_fond Et l'ter, fond de ch l'bU,
Cin» i'es-poir
qu'eu' vous f'va plai_si. Et. T'ià" foi d'Pa:^-
, pie comiM':i)<ni _ j't>t^r*
de P'til PriceEt d'Ma.TiaijpJTani-Jjoiir.
Presque à 1' même lieur', Price et Marianne,
Au monde, ont v' nu, dins P mèm' mason.
IP on' eu les poquelte' insenne.
Insenne ont fait leu communion;
Infin, ch' marmouzet, cheulP marmotte,
A quinze ans s'intindoll'nt si bien.
Qu'on n' veyot jamais Pun sans Paute.
Gh'étot comm' Saint-Rocli et sin quieu.
Et v'ià, foi, etc.
Tous les dimanche' à La Fmiguée,
(Gh'étot P pus bielP guiagueti' du temps),
Avecque s' maitress' bien r'quinquée,
P'tit-Pric' faijot P Roger-Bonlemps.
On les veyot su' P balochoire.
Hardis tous les deux comme un lion.
Au risque de s' casser P machoiri».
Se t'nir Puq d'sus Paute à q'valion.
El v'ià, foi, etc.
Comme, alors, on faijot la guerre,
Qui faulot des homm' à tout prix,
Eun' fo?, ch' pauv' garchon sin va quère
Un liméro, et le v'ià pris.
Pinsant qui laich'ra là s' maîtresse,
I s'arrachot sin front, ses ch'veux...
Mais cheulP filP li dit : « Pus d' tri^les-e,
ISlous allons partir tous les deux ! »
El v'ià, foi, etc.
Li, qui savot bien bail' la cais=e,
Comm' tous les Lillos de ch' temps-là.
In roule a fait faire à s' mailresse.
Des ra, des /la et des 7-afla.
Si bien, qu' veyaut leu cop d' baguette,
Leu coiannel, du premier jour,
A nommé P'tit-Pric', lambour-maite,
Et fait passer Mariann', tambour.
Et v'ià, foi, etc.
.^près six bonn's anné's d' service
A Lille, intin, les v'ià r'venus.
Un cousin, marchand d' pain n'épice,
Leu-z-a prèle Irinte-huil éiius.
Avec cheuU' somme assez rond'lelle,
IP avotl'nt leu q'min tout tracé :
L'homm' s'a mis tireu d' vin cigrette (**j,
Et, derrière, s' femme a poussé.
Et v'ià, fol, etc.
Comme i n'ont point garni leus poches
A fair' trinte ans P méiierd' queva,
I sont allés r'poser leus oches
A deux, P mèm' jour, à Phopita.
Les dimanche' et les jours de fièle,
On peut les vir sortir à deux,
P'tit-Price appuyé su's' crochette,
Marianne au bras de s'n ajuoureux.
Et v'Ià, foi d' Patrice,
Simple comm' bonjour,
L'histoir' de P'iit-Price
Et d' Mariann'-Tambour.
OL'o
t Chans.
iiplèle (le M. De:
.(4 volun
t raiiiienne cliaisc à porteurs, non plus portée, mils traînée
Js et l'autre pousse par derrière. Jules Jauin, dans un iirtlid»
lo séducteur de sa fille... {Gaide de Lille par H. Brunet). No^
Cl Pai:,„illes lilloises) <
pir deu. Iiomures (ou ,
., a dit cp.'ll n<
ms s il a tenu s
lime c( une femme), dont ï'a
nierait uu jour l'histoire iTu
244
LA CHANSON
Eatre nous, la cabaretière
N'est pas folle de son époux,
Qui durant la journée entière
La néglige pour les gloux gloux.
Il dit que soupirer, cesl bêle ;
Mais sans vouloir lui faire alTront,
Pour peu qu'on observe son front
On voit... ce qull a sur la tèle !
Au cabaret, etc.
Malheur au gredin qui s'avise
De critiquer le Picolo,
Les buveurs ont pris pour devise :
Honte à celui qui boit de l'eau !
A bas les fontaines Wallace !
Si plus d'un nez est culotté,
fs 'allez pas croire en vérité :
Que c'est de sucer de la glace !
Au cabaret du lapin couronné.
On rigole,
Batifole,
Tout est parfait tout est bien ordjaiie
Au cabaret du lapin couronné.
SOCIÉTÉ LYRIQUE ET LITTÉRAIRE ÛU CAVEAU
Banquet du 3 décembre IhSu.
La feniJie aimée, après un peu d'absence semble
plus belle et plus cbère. En est-il ainsi du Caveau
ou bien la fin de l'année, en lui inspirant le charil
du cygne, double-t-elle son inspiration? ïouiours
esl-ii que le banquet de vendredi éiait un des plus
brillants et des plus animés auxquels j'aie assisté
El cependant le terrible article 'J du rè"-leineiil
article dont Grange a célébré avec tant d'i-spriilà
remise en vigueur, et qui lend à transformer eu ves-
tales, feu compris, tous les membres du Caveau \
bien manqué, dès le début, de recevoiruueanicrochc
Jiillien ne s'avise-t-il pas de ehaoterle Dien Ci'uidoil
sur 1 an- de ïoto Garabo? Entendez-vous le singulier
refrain ? °
La Certitude, de Mouton-Dufraisse, la Gaudriole
de Gueriu et surtout les Opinions du p' tit Pslyte, de
Piesse, et le ilazeppa, de Petit, sont bien d'ans la
note moderne et parisienne. C'est pris sur le vif et
comme à l'einporte-pièce.
Fouache, qui est un des anciens du Caveau, n'a-
bandonne pas la cbanson-proverbo : A l'mirre on
Gomimt l'artisan, t'est son refrain, et je le lui renvoie
en guise d'éloge. Fénée refait, dans un g^nre moins
faubourien, la Maison Tranquille, de Golmance et
trouve des détails comique et nouveaux pour son
Heureux Locataire.
Maintenant, qui mettra d'accord Vincent et Fuchs'?
Le premier chante VEau de Jouvence et prétend que
nous ne sommes pas vieux,
Tant que nos cœurs n'ont pas de rides ;
rautre s'écrie, après Lesueur : Je ne veux ms rajeunir.
Peul-etrs ont-ils raison tous les deux.
^Les Baisers, de Duvelleroy iils, promettent un
cnansonnier ; ils ont de l'émotion et une jolie forme
La partie plus particulièrement poétique de la
soirée a eu pour interprètes Liorat, coutumier du
lait, Boui-delin dont la lyre a plus d'une corde, et
Liunnet. Les Marronniers de Versailles, souvenir lé-
gendaire du siècle du grand roi, comme on dit
encore nous représentent les solitudes du parc peu-
plées, la nuit, des fantômes du passé. Le poète croit
retrouver sur le sable la trace du manteau royal :
je ne crjis pas qu il fût assez long pour traîner. Dans
Près du Foyer, Boiirdelin retrace des tableaux de
famille :
Toute vendange a des grappes amères,
dit-il en soupirant, mais le kotne console de tout.
Lionnet s'est prodigué, à la grande joie du cénacle^
Du Glatigny, du Nadaud, du Lionnet, poésie et
musique : un vrai régal. Avec cela une diction que
peu d'artistes possèdent. C'a été le bouquet de la
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M. Raxhon adéclamé une poésie wallonne, empreinte
d'une mâle énergie, et M. Petit, petit de t.iillc
et de nom, mais grand de talent, a attendri dans une-
Berceuse wallonne.
« Ma j)i'emière cause » étaitle titre d'une pièce en
prose, la dernière du programme, déclamée avec
conviction par un tout jeurïe avocat à lunettes, ami
de tous et l'ice-président par-dessus le marché.
Quelle gaité il a suscitée et aussi quels app la s
sements.
■ Ces différents travaux recevront leur critique à la
prochaine réunion.
La séance est levée à onze heures.
Mais, ce n'était pas tout, une séance officieuse a
suivi l'officielle et chanteurs et déclamateurs, les
Xhoffor, les Gens, les Pire, etc., se sont précipités à
l'envie à la tribune pour compléter une soirée pleine
de charme qui a dû, à regret, se terminerbien avant
dans la nuit car hélas, les plus belles choses ont leur
hn.
XS***, correspondant du journal la Chanson.
LA. CHANSON
245
CURIOSITÉS DE LA CHANSON
HISTOIRE _
BEP'TIT-PRICEETD'MÂRIÂl'-TAMBOOR
CHANSOIT LILLOISE
Paroles et musique de Desrousseaux (*}
Mtegretto. l . . i
Du temps qoe jpor- to» ca - mi _
80 • te, On Di-ré.pe - toi Sii
fos par joor, poof m'a.mu . ser, L'hisloir'fort
drô - le. De PliLPrice et d'Ma -
^riaon' Tsm - bour. JWin t.is bien foull -
.Poar ta- cher dpo-yoir dire a"'
l'fin-food Et l'tcr. fond dech'l'bis.
qu'en' vous f'ra pla
tri - ce, Si™ -pie coœBi'-toTi _ joirr.
L'histoir'de P'til PriceEt d'Ma.TiaunJ Ta0ii-;boV;,
Presque à 1' même heur', Price ot Marianne,
Au monde, ont v' nu, dins 1' mèm' mason.
ir on' eu les poquotte' insenne,
Insenne ont t'ait leu communion ;
Infin, cti' mavmouzet, cheull' marmotte,
A quinze ans s'iatindoll'nt si bien,
Qu'on n' veyol jamais l'un sans l'aute.
Ch'élot comm' Saint-Roch et sin quieu.
Et v'ià, foi, etc.
Tous les dimanche' à La Fimquée,
(Ch'étot r pus biell' guingueti' du temps),
Avecque s' maitress' hien r'quinquée,
P'tit-Pric' faijot 1' Roger-Bonlemps.
On les veyot su' V halochoire.
Hardis tous les deux comme un lion.
Au risque de s' casser 1' machoiri».
Se t'nir l'un d'sus l'aute à q'valion.
Et v'ià, foi, etc.
Gomme, alors, on faijot la guerre,
Qui faulot des homni' à tout prix,
Eun' fos, ch' pauv' garchon sin va quére
Un liméro, et le v'ià pris.
Pinsant qui laich'ra là s' maîtresse,
I s'arrachot sin front, ses ch'veux...
Mais cheuir fill' li dit : « Pus d' triste j-e,
N,ous allons partir tous les deu.^ ! »
Et v'ià, foi, etc.
Li, qui savot bien batt' la cais>e,
Comm' tous les Lillos de ch' temps-là.
In route a fait faire à s' mailresse.
Des ra, des //a et des rafla.
Si bien, qu' veyant leu cop d' baguette,
Leu colannel, du premier jour,
A nommé P'tit-Pric', lambour-maite.
Et fait passer Mariann', tarabodr.
Et v'ià, foi, etc.
Après six bonn's anné's d' service
A Lille, iniin, les v'ià r'veaus.
Un cousin, marchand d' pain n'épice,
Leu-z-a prêté trinte-huit é.:us.
Avec cheuU' somme assez rond'leile,
II' avotl'nl leu q'min tout tracé :
L'homm' s'a mis lireu d' vin ligrelte (**j,
Et, derrière, s' femme a pousse.
Et v'ià, foi, etc.
Comme i n'ont point garni leus poches
A fair' trjnte ans J' méiier d' queva,
I sont allés r'poser leus oches
A deux, r mèm' jour, à l'hopila.
Les dimanche' et les jours de fièlo.
On peut les vir sortir à deux,
P'tit-Price appuyé su's' crochette,
Marianne au l3ras de s'a amoureux.
El v'ià, foi d' l'atrice,
Simple comm' bonjour,
L'histoir' de P'til-Price
■ Et d' Mariann'-Tambour.
OL'o.
(**) La vinaij
attelle entre Ici
nplcte lie .M. De;
'Aie est l'ancienne
litre : Ou
«(4 volumes s
lï cl l'aiiue pousse ]liir dernère. Jules Jauin, dans tin articli
le séJufleur de su fille... {Guide de Lille par H. Brunet). N<
el P.(s,7,i,7(fs Ulloit
; traînée
(ou
; femme), dont l'i
jour l'histoire if'i
246
LA CHANSON
CHRONIQUE DES CONCERTS
Eldorîido. — Les répéliUous de la revue de fia
d'année, pour laquelle plusieurs engagements ont
été contractés, viennent de commeocer. Elles peu-
vent être menées sans hâte, car le spectacle actuel
attire tous les soirs une foule nombreuse.
On applaudit Coco Bel-œil, joué avec une verve ir-
résistible par Perrin, Gaillard, Antony et Mme L.
Roland , ainsi que les chansons interprétées avec au-
tant de talent que de succès par Mlles Amiati (la
Chanson cV autrefois, le Bon temys^, Bonnaire [Une
]emme timide, Mon père, était (jendarmc), Juana (Sous
un tableau, Te soriviens-tti ma iel/e?], MM. Mathieu
{Je l'suis), Ducastel [VRomme aux grands bras], Vic-
lorin Armand, etc.
Sca,Ia. — Jules Quidant, l'auteur bien connu de
tant de gracieuses inspiralions, vient d'obtenir un
nouveau et très légitime succès, avec Paysans, res-
tez paysans, parolef, de Fuchs. Celle chanson, d'une
couleur rustique très réussie, et d'où le charme mé-
lodique n'est point exclu, est magistralement inter-
prétée par Mme Kaiser, que le public rappelle tous
les .soirs. — Vialla lâchante également avec beau-
coup de succès au grand concert de la rue de Lyon.
Grand concert Parisien. — Ainsi que nous
l'avons annoncé, la première représentation de la
revue Psi! Pstl Pst! de MM. E. Hermil et A. Numès,
a eu lieu le 2 courant.
j>îous n'essaierons pas de faire l'analyse de cette
pièce, une revue est toujours... u.ne revue. La seule
grande dil'ficulté consiste àamcuer le délilé des prin-
cipaux faits de l'année, sans se servir du compère
traditionnel. Les auleurs ont su s'en passer et ont
emijloyé uu pwcéili' pins ingénieux. Accompagnée
du temps, l'annic l^'sii v.-i Iranchir la barrière qui
conduit à l'cLerniU', lorsque le douanier de garde lui
demande si clic n';i rien ii déclarer. Le Temps dé-
boucle alors les v;ilisi'S oL l'on enli'c dans l'action.
Les auleurs ont fait une revue amusanle, gaie et
Ijourréc — trop bourrée jnème, — de rondeaux et de
couplets très spirituels.
L'interprétation est excellente.
Le petit Norbert est cliarmant en gommeux et
compose fort bien le porsonnage de Bazile, en com-
pagnie de MM. Ixéval et Bi'unin.
(je Irio de larlulfes qui produit beaucoup d'effet
est un des principaux clous de la revue.
M. Pacra détaille le ronaeaudu Vieil Hôteldes Postes
avec tout le talent et la finesse qu'on lui connaît. M.
Teste, compère malgré lui, tient fort bien son rùlc
de douanier.
MM. Farville et Marq\iolty sont très amusants
dans les différents personnages qu'ils représentent.
î^'oublions pas non plus M. Berger qui, en Temps,
l'ait le déballage du bagage de l'aiHiée 1.880.
Mme Dejnay représeîito la loniine du flocteur Tan-
ner et chante le pot-pourri de Bibiche avec beaucoup
d'entrain.
Le rôle de l'année 1880 est joué avec autorité par
Mlle Albortine Fabre. Mme Dubrée est charmante
dans ses rondeaux du Taquin et de la Chanson à dic-
tion.
Citons aussi Mmes Clotilde, Satler, Petit et Dalby,
qui se font remarquer dans des rôles secondaires.
Les costumes, dessinés par M. Bburnay etexécutés
par la maison Landolf, sont fort beaux.
■ Le décor de fa place de la République, avec sa sta-
tue, brossé par M. Bournay, déjà nommé, est splen-
dide, mais l'exiguité de la scène lui empêche de
rendre tout l'effet qu'if devrait faire.
Les différents compositeurs qui ont signé la mu-
sique se nomment: Massage, F. Barbier, Thony et
Teste.
Folies Saint-HIartin. — La première repré-
sentation de la revue Ouvrons l'œil, a été donnée sa-
medi dernier.
Lia pièce débute par un scandale :
Le régisseur annonce au public que l'arliste belge
qui devait jouer le rôle du compère vient de rompre
son engagement, et que, par conséquent, la revue ne
peut être représentée. Un marchand de fromages, de
Bi'uxelles, qui se trouve dans la salle, en attendant
le départ du train de minuit, s'offre pour remplacer
le compère absent. Sa iDroposition est acceptée et- le
tour est joué.
MM. Bordet et E. Aupto ont écrit plusieurs ron-
deaux et couplets fort bien tournéi*, parmi lesquels
nous citerons: Unconpde balai, la Marseillaise fémi-
nine. Il est en plâtre, et deux ou trois autres encore,
comme étant les plus saillants. La musique entraî-
nante de M. Ch. Lei'ay a beaucoup contribué au suc-
cès de ces différents morceaux.
Le cinquième tableau, la nuit du 4 décembre, et
le sixième, la place de la Piépublique le jour du 14
juillet, ont produit un effet merveilleux et ont élé
redemandés trois fois. Au dernier rappel, les noms
; des auteurs ont été acclamés par une .^alve d'applau-
dissements.
Il ne nous reste maintenant qu'à adresser nos sin-
cères félicitations à Mlle d'Estree qui a appris le rôle
de la Folie Saint-Martin en deux jours, et qui l'a
joué sans défaillance; à M. Alberti Nicolle, qui est
un compère très amusant ; à Mme Uivoire qui a
chanté la Jlarseillaise féminine avec entrain ; puis,
à MM. Denneville, Darville, Fernand Kelm ; à Mmes
Domergue, Héniar, Roger, Bétly, etc., etc., ainsi qu'à
une quantité de charnrantes personnes, aux formes
plus ou moins arrondies, qui ne craignent pas de
montrer... qu'elles ont été vaccinées. ';
Un dernier mot sur les costumes de la maison
Landolf, qui sont superbes, ainsi que sur les décors
brossés par M. Gornil, et dont plusieurs sont d'un
efi'et saisissant.
Le Concert de la Pépinière est un des plus
suivis et des mieux fréquentés ; cela tient au quar-
tier et au voisinage de la gare Saint-Lazare. Il faut
dire que la Péptnîère est autant théàti'e que con-
cert; les meilleures pièces en un acte du répertoire
dramatique, y sont représentées par des artistes
aimés du public. La salle est coquette et fraîche-
ment décorée ; ajoutez à cela un programme choisi
et varié, voire même des créations : A ta santé,
Frangint de 0. Pradels et F. Barl^ier. La famille à
Camille, de E. Durafour, interprétées par Gaudieux;
Entre les deux mon cœur balance, tyrolienne de
ii;. Dm-afour et P. Barbier, chantée par Luidgi.
jpiio victorine Ben tient un nouveau succès avec :
Je remporte la pendule ; et M. Albin avec: Ftes-vous
comme moi'! paroles de L. -Henry Lecomte, musique
de Jules Raux. Pauvres amours, romance de E. Chc-
broux, interprétée par. Mlle Lenoble, a fait égale-
ment plaisir.
M. Chevallier, comique danseur excentrique, MM.
Francis, Bardou, Mireille; Mmes Jamer, Juliette,
Léona, Suzanne et Berhard obtiennent leur part do
succès dans des genres diil'érents.
Un bon orchestre, sous l'habile direction du com-
positeur Frédéric Barbier, complète cette troupe
excellente. C'est sans doute pour cela que bon
nombre de directeurs de théâtres ou de grands con-
certs viennent faire leur choix parmi les artistes de
la Pépinière. C'est ainsi que le ténor Yergnet fut en-
gagé a ropéra.
Une grande part d'éloges revient à Emile Dura-
four, dont notre journal publie aujourd'hui la bio-
graphie intéressante.
LA CHANSON
247
Nos complimeuts sincères aux directeurs, MM.
Roffer et Dutilloy, qui n'ont rien négligé pour faire
de "leur concert-sijeclacle un des plus attrayants de
Paris.
Orplicum. — On xjarlo à ce concert d'une revue
miniature qui vient d'être lue aux artistes et qui
passera dans quelques jours; nous sommes curieux
d'en voir la représentation.
Nous allacliaiit particulièrenien ta rendre compte des
nouveautés, nous citoroos trois œuvres créées à VOr-
pAeum cette semaine : Etes-vous cmnme moi'i de L.-
Henry Lccomte, Ten raffole, de Jules Raux, deux
chansons interprétées d'une façon très comique par
Ribert, le peintre- chanteur-violoniste, et U)i brin
d'amour, charmante romance de M. Goudesone,
chantée avec beaucoup de goût jiar Mme Aida.
Chalet. La joyeuse jeunesse des Écoles ap-
plaudit chaque soir, au Ijonceït du Chalet, Mmes
Leclerc, Ilotty, Djelma, Lévy et Justine.
Le comique Thise et Mme Marionny jouent sur
cette scène, avec un entrain remarquable, le Domes-
tique pov/r rire.
Parmi les artistes engagés, nous avons remarqué
l'excellent danseur Suiram ; M. David, un baryton
doué d'un bel organe ; et M. Plebins, un comique
agréable.
La chanson Etes-vous comme moi'i interprétée par
Thise, a été l'un des succès de la semaine.
X1X.° Siècle — La revue de lin d'année, qui sera
représentée le 18 coiu-ant, s'appelle Rien de nouveau;
elle a pour auteur M. Henri Min, et pour composi-
teur M. Desormes, chef d'orchestre du xix" sikcle.
Folies-Bobino. Lundi dernier, à ce concert, ont
eu lieu les débuts do Mme Faure, la chanteuse pa-
triotique, i£ui était dernièrement aux folies-saint-
AURTIN.
Cette artiste va créer prochainement Paix et Tra-
vail, la vigoureuse chanson de nus collaborateurs
E. Imberl et Jules Raux.
La revue de lin d'année, qui passera au premier
jour, a pour titre : Tiens, voilà MathieiiWdi auteurs
sont Mil. Vorgeron et Lomon.
Concept européen. — Le 17 courant aura lieu
la première représentation de la w^ww.Pasde revue, da
M. LepaiUeur, musique de M. Herpin.
Alfred Berxinoï.
CHOSES & AUTRES
.*i troisième concert donné le :'> décembre par la
Société chorale les Amis dk i.a ^>ioixu, habilement
dirigée pur M. Aubry, la grande allracliou de la soi-
rée était le gracieux concours de Mlle Scriwaiieck,la
sympathique artiste, qui a délaillé avec le tfdent
qu'on lui connaît le Secret de Bélv, dont elle fait res-
sortir toute la naïveté enfantine ; puis, voulant sans
doute montrer la souplesse de son talent, elle a
chanté de façon à enlever la salle entière, la Li-
sette de Bi'vanrjer, chanson légendaire de Frédéric
Bérat. Bravos, bis, rapports, rien ne lui a manqué.
Une couronne de tleurs lui a été offerte par la So-
ciété, et c'était justice.
Eli vacances, comédie en uu acte de Laurencin, a
été lestement enlevée par Mlles Berthin et Mory,
deu;: jeunes et charmantes élèves de Mlle Scriwa-
neck .
Il était difflcile, pour des ortisles-amateurs, d'obte-
nir des succès auprès d'une artiste passée prolesseur
dans sou art, eh bien, malgré cela Mmes Léo elWeyck-
mans ont obtenu des succès réels, Mme Léo, dans
Ipsyhod et un Refrain de noce, deux chansons d'un
comique tout ditrércnt, et qu'elle a souligné
en véritable artiste; Mme ^Veyckmans, d'une voix
charmanle et sympathique, a'chanié la Tireuse de.
cartes, et le duo de la Petite Marie'e, aveeM.Monicard
et a interprété: Laissons chanter les oiseaux, paroles
de J.-B. Robinot, cette jolis chanson dont la musique
très réussie, est de M. Mouicard, a été un véritable
succès pour la chanteuse et les auteurs.
MM. Jomain, Victor et Leblanc, trois bons co-
miques, ont eu leur pari de bravos; M. Monicardadit
de sa voix douce et agréable le Renouveau, la Saint-
Cupidon ; M. Lév^-, quoique uu peu enroué, a dit la
Déception, VHistoire réaliste. M. Lévy dit bien le
monologue, on l'écoulé avec attention et on l'applau-
dit avec plaisir. Mme Benoist, piani.-te de talent, a
exécuté la Marche Indienne, de Selleniclv, et une
valse de M. Brod.^-. Citons aussi Mme Louis, MM. Sa-
vigny et Fournol. Les chœurs ont été exécutés avec
im accord qui l'ait honneur à cette jeune Société età
son actif directeur M. A',.ibry. Le pianoétait tenu par
Henri Vigennc, accompagnateur de mérite doublé
d'un compositciu de talent. J'allais oublier un qua-
tuor de trompe à cinq. Drôle d'idée. A. P.
Très brillante matinée donnée dimanche, dans la
salle du théâtre du Château-d'Eau, par une des plus
importantes Sociétés philautropiiiucs de Paris: la
Mutualité commerciale. La composition du program-
me justifiait l'empressement du jiublic, dont les ap-
plaudis?ements n'ont pas fait défaut aux nombreux
artistes de talent qui prêtaient leur concours à cette
fêle de bienfaisance.
On a successivement l'été MM. Worms et Coqueiiii
cadet, de la Comédie-Française; M. Manoury, de
l'Opéra; MM. Plet, Xamès,''liuillcmot, Barlet, Mlles
Mathilde, Berlhou et C;iro, du Palafs-Royal ; M.
Rémy, violoniste; Mlles Aniiali, Bonnaire et Juaua,
de r'Eldorado; Mlle Caslille, MM. Bruneau, Copin et
Levilly, du Cercle Pigallc.
La recette à dépassé s-ix mille francs, et une quête
dans la salle, annoncée par une amusante scène
jouée par Mlle Bonnaire et M. Guillemoi, a produit
plus de cinq cents francs. Ces chiffres peuvent re
passer do commentaires et disent éloquemment k-
grand succès de la matinée de la Muii alité Commer-
ciale. F. M.
La Lyre de la Gaité s. àonué, samedi, une soirée
au bénéfice de M. Fernand, son pianiste.
M. Moliuier, artiste du Concert de Lyon, M. Jules
Tiereelin, Mme Marie Lerouge, Henriette Lheureux
et Paul ont été particulièrement applaudis. Une
magnifique tombola offerte par la Société a clos
cette i'ète de famille.
Les soirées de la Lyre de la Gai té ont lieu les
hamedis, dimanches et lundis, rue Descartes, 18
(liaison Villars].
Le bal de la .Leuncsse Artistique ilforbinet, prési-
dent), avait attiré, samedi, à Ti\i.ili, deux mille per-
sonnes environ. On remarquait une foiUe do jolis
costumes, entre autres luie charmante République,
portant crânement le bonnet phrygien, plusieurs
Espagnoles et l'inévitable gommeux. Une farandole,
réglée par M. Hériché a obtenu un très vif succès.
Dimanche, 19 décembre, â 7 heures du soir, salle
des concerts des Sociéiés lyriques de Paris, 23, fau-
bourg du ïemtjle, grande soirée dramatique et
lyrique donnée par la Société chorale et lyrique
LES Fîs'FANTS DE LA Se!.\e, présidée par M. Cantarol,
248
LA CHANSON
avec le concours d'arlistes distingués. Un procès en
séparation, saynète, le Feu au Couvent, comédie, et
n Amour d'épicier, opérette-bouffe.
Ces trois pièces seront jouées par les meilleurs
interprètes de la Société.
Des places réservées sont mises à la disposition
des membres des Sociétés lyriques aux pris de 1
franc pour les loges et fauteuils d'orchestre, et bO
centimes pour les stalles d'orchestre ou de balcon.
S'adresser à M. Orange, 23, rue du Faubourg-
du-Temple.
La Société lyrique la Favorite donne maintenant
ses soirées tous les lundis, salle Bouret, iï, boule-
vard du Temple.
La Société du Fbanc-Rire donnera, samedi 11 dé-
cembre, une soirée extraordinaire au bénéfice de
M. Victor Pillaud, sociétaire, avec le concours d'un
très gTand nombre d'artistes de concerts, à 7 heures
précises, salle JRosel, 27, rue de Belleville.
L'abondance des matières nous force à remettre
au prochain numéro un grand nombre de comptes-
rendus de Sociétés lyriques et les pièces couronnées
à notre 13° concours.
TROISIEME
GRAND CONCOURS POÉTIÔUE
Du Journal La Chanson
Le Journal Za Chanson fait appel à tous les poètes.
Il met aujourd'hui au concours :
1° Un monologue dans le genre actuel en vers, de
160 vers au moins et 180 au plus.
Il sera décerné trois prix, et des mentions hono-
rables, s'il y a lieu.
Les prix consisteront en diplômes spéciaux, para-
phés par les membres du jury. Ces diplômes seront
ae dimensions calculées pour l'encadrement.
Les trois pièces primées seront, en outre, insérées
dans le journal La Chanson.
De plus le premier prix publié à pai-t dans une
coquette édition illustrée, sera dit en public sur
plusieurs de nos grandes scènes parisiennes.
Les pièces envoyées devront être inédites, non
signées et accompagnées d'un pli cacheté contenant
le nom et l'adresse de l'auteur et portant extérieure-
ment le premier vers de la poésie présentée.
Le Concours, ouvert le l""' Décembre, sera clos
fin février.
Nous publierons prochainement les noms des mem-
bres du jury.
Totiles les communications relatives au Concours
doivent être adressées franco à M. A. Patay, direc-
teur du journal La Chanson, rue Bonaparte, 18, à
Paris,
PUBLICATIONS DE LA LIBRAIRIE A. PATAY
(IS, rue Bonaparte 18).
SEIZIÈME CONCOURS MENSUEL.
Ouvert du 20 Novembre au 20 Décembre
Nos abonnés seuls ont droit d'y prendre part, avec
une chanson de six couplets au plus, avec ou sans
refrain.
Nous publierons, en même temps que la pièce qui
aura obtenu le 1'"' prix, une petite notice et le por-
trait de l'auteur, s'il y consent.
Les Abeilles, chanson. Paroles de Georges Baillet
Musique de Mme Anais Briannv. Avec gravures, grand
format et accompagnement de piano, net 1 »
Petit format, avec gravure, nef » 30
!>' Album desUanicx, par Mme Juliette Man'celière,
cahier de chansons à 10 cent.
Etes-vous coiuine moi? chanson. Paroles de L.-
Henry Lecomte, Musique de Jules Raux, grand format,
avec accompagnement de piano, et gravure, net. . 1 •
Petit format, avec gravure, net 30
Créée à l'Eldorado par Velly. cette bonne chanson
fait en ce inoment le tour des Concerts.
Kiu Fête de la Franco. Paroles de J.-B. Robinot,
Musique de Jules Raux, petit format aux couleurs natio-
nales, net » 20
France, hymne de la Paix. Chant national. Paroles
de L. Sarrade, Musique de Ben-Tatoux, avec gravure
grand format, accompagnement de piano, net 1 »
Petit format avec gravure, net » 30
li'Uiver, romance. Paroles de Fauché, Musique de
Raguey, petit format sans gravure, net » 20
j'en Kaffole, paroles et musique de Jules Raux.
Petit format avec accompagnement de piano et gravure,
net » 50
Miaou ! chanson féline. Paroles et musique de Jules
Raux, grand format avec gravure et accompagnement
de piano, net 1 »
Petit format avec gravure, net ,30
liallluse de la Chanson. Paroles dèCLAUDIUS Malbet
Musique de Ch. Marié. Grand format avec accompagne-
ment de piano, sans gravure, net » 50
^c chante» plus la Marseillaise, chanson patriotique.
Paroles de Jules Célès. Musique de Louis Caloin.
Grand format avec accompagnement de piano et gra-
vure, net 1 »
Petit format avec gravure, net » 30
Pais et Travail. Paroles de Eugène Imbert, Musique
de Jules Raux. Grand format avec accompagnement de
piano, sans gravure, net » 50
Eies Petites Alains de ma Ific, chanson. Paroles de
J. Jouy, Musique dePAULfîENRiON. Grand format, avec
accompagnement de piano et gravure, net 1 •
Petit format avec gravure, net 30
Cette chanson vient d'être créée au Concert du xix'' siècle
par Debailleul, elle est déjà interprétée dans plusieurs
concerts et dans heaucoitp de sociétés lyriques.
Quand t'auras des .Uoustuches. Paroles de Claudius
Malbet, Masiqve de Mathilde Fraiquin. Grand for-
mat avec accompagnement, sans gravure » 50
lie Vieux Iluveur de vin, chanson. Paroles de
Brugière, Musique de Jules Raux. Grand format avec
accompagnement de piano i •
Petit format avec gravure • 80
Cette chanson vient d'être chantée avec succès dans
plusieurs concerts parisiens.
Via c'que c'est qu'un enterr'nicnt, tableau populaire,
paroles d'EuGÈNE Imbert, musique de Dauvergne. Petit
format avec gravure et accompagnement de J. Raux » 50
Vous, valse chantée, paroles et musique de L. P.,
officier de cavalerie. Grand format, avec accompagne-
ment de piano, net 1 •
Toutes ces publications seront envoyées franco dans
toutela France à toute personne g ni en fera la demande
par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
les demandes au-dessous de 2 francs ou d'iin mandat-
poste à partir de cette somme.
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19 DECEMBRE 1880
LA CHANSON
Directen/r-Administrateiir
A. PATAY
La Chanson est une forme ailéeet
charmante de la pensée. Le couplet
ett 1$ gracieux frère de la strophe.
V. HUGO.
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^^^^^^'^^li™^^^^^
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Annonces, la ligne.
Réclames, —
Lachanson,commBlabalonn&tto
si une arme française,
J. CLARETie.
ADMINISTRATION & REDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
PARIS
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LECOMTE
ABONNEMLNTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 >
Etranger, un an 8 »
Galerie artUtiqae: Debailleal (L.-Hensr Lkcomtk).
P.) Petit à petit l'oiteaa fait ion nid (GioniiiL
Ninan {G. db là Sallb). Troisième Grand Concoi
Charuon. — On peut s'entendre^ paroles tic L.-U
SOMMAIRE
- G. Prévost (A.
bphbyost}. - À
I poétique de la
Autres).
LES R.AUX. — Chronique des Concerts (Alfhed Bbiiti;
■le des Sociétés Lyriques {PiEnars et Paol). — Chos
■ Àujc Auteurs et Compositeurs do musique. —
GALERIE ARTISTIQUE : DEBAILLEUL.
Au concert, comme
dU théâtre, les inter-
prètes se conlenlenl
d"ordhiaire de traduire
avec plus ou moins
d'exactitude la pensée
des auteurs ; quelques-
uns cependant, artistes
de conscience ou d'ins-
tinct, créent dans l'œu-
vre mènje du chan-
sonnier , la coiiiiuen-
lent, l'élargissent ou la
poétisent, et conquiè-
rent de la sorte, avec
la faveur du puhlic, le
droit d'attacher leur
nom à un répertoire.
Au premier rang de
ces chanteurs experts,
qui sont pour les pa-
roliers des collabora-
teurs véritahles, figure
aujourd'hui Debailleul.
Il est peu de talents
aussi sympathiques, il
n'en est pas dont la
popularité soit mieux
jusliflée.
Léon Debailleul est
né à Lille. Ses goûts
artistiques se révélè-
rent de bonne heure. Il faisait les courses du
théâtre, afin d'avoir ses entrées dans les cou-
lisses et de contempler les acteurs ailleurs que
sur la scène. Comme il
possédait une jolie voix,
on lui conseilla d'em-
brasser la carrière lyri-
que. 11 entra au Con-.
servaloirede Lille, qu'il
quitta au bout d'un an
par étourderie. Quelque
temps après, le direc-
teur du Grand Théâtre,
M. Bertrand (aujour-
d'hui directeur des
Variétés de Paris), l'en-
gagea comme doublure
des rùles d'opéi a-comi-
que et de comédie.
Brasseur et Dupuis ,
étant venus en repré.
seulatious à Lille, n'eu-
rent pas de pu; ne à
décider Debailleul àks
accompagner pendant
la suite de leur tournée
en province, lI le jeune
homme y recueillit sa
part d'applaudisse -
ments.
Vint la guerre. De-
bailleul s'engagea dana
les francs- tireurs du
Nord, payant brave-
ment de sa personne et
charmant avec la Marseillaise les haltes cie la com-
pagnie. La paix signée, il partit pour Bruxelles, où
le directeur de Bataclan l'engagea pour chanter des
250
LA CHANSON
chansons patriotiques. Paris, ce lumineux objectif
des chercheurs de gloire, attirait irrésistiblement
Debailleul. La misère seule Vy attendait, misère
supportée avec courage, et dont Debailleul raconte
gaiement les singuliers épisodes. Nous en rapporte-
rons un.
Essayant métier sur métier, errant presque de
porte en porte, Debailleul fut un jour admis comme
employé chez un confiseur de la rue du Temple. La
fête de la patronne arriva; Debailleul, conseillé par
un collègue, s'en fut au bazar de l'Hôtel-de-Ville
acheter quatre verres à quinze centimes qu'il ofl'rit
galamment; on le remercia par une invitation au
dîner d'usage. Au dessert, les convives chantèrent.
Le tour de Debailleul venu,' il se leva et dit une
chanson avec un brio tel que les assistants furent
émerveillés. Le plus charmé fut le patron qui, de ce
jour, prit Debailleul en affection particulière. Tûus
les soirs, la boutique fermée, le confiseur et son em-
ployé s'en allaient bras dessus bras dessous dans
quelque réunion, où le chanteur était invariable-
ment acclamé. Mais la visite se prolongeait d'ordi-
naire fort avant dans la nuit ; le patron rentrait tard
et souvent très ému : la patronne, peu satisfaite, prit
sur elle de congédier Debailleul.
Il entra quelque temps après, comme chanteur,
dans un café de la chaussée Clignancourt ; il y resta
un mois et partit pour une longue tournée dans le
Bourbonnais. Moulins l'accueillit avec une faveur
marquée, si bien qu'il y demeura deux ans et qu'il
y prit même la direction d'un café-chantant dont il
était, comme bien on pense, l'étoile adulée.
Vichy, Montluçon, l'applaudireut easmls, puis
VAlcazar de Bordeaux, où le succès lui' fut fidèle
pendant onze mois. Enfin Paris le ]-appela ; il dé-
buta, en 1876, au Concert du Dix-Neuvième Siècle,
qu'il n'a quitté que pour faire une saison kVAlcazar
d'été et une à la Scala.
Ici notre tâche devient facile ; le public parisien a
suivi Debailleul avec trop de fidélité, pour q^u'il soit
utile d'énumérer ses créations, d'ailleurs très nom-
breuses. Il suffira de rappeler ses succès principaux ;
dans la romance : le RossUjnol, Laisse-moi Cairiier,
le Déjeuner sur l'herbe, Chameau, rose, la Chif-iisoii des
Clochetons, le Portrait de Mireille, l'Amour en prison.
Sérénade de Mandolines, le Premier l/ouquet de lilas ;
daus Li chanson patrioli jue : Voilà pourquoi j'aime
les ouvriers. Chapeau bas devant la Marseilldye, Fais
risette à la République, les Drapeaux, Je bois à la
liberté.
Les compositeurs favoris de Debailleul sont Paul
Henrion, Lucien Collin, L.-C. Desormes, Doria,
QueJUe, dont il sert merveilleusement les inspira-
tions jeunes et charmantes.
Debailleul n'a de la voix de basse que le diapason
des notes ; son organe est aussi doux dansle registre
grave que dans le médium. Pour corriger la parci-
monie des musiciens qui le confinaient dans l'éteri-
due chromatique du baryton, il s'est exercé dans les
notes aiguës et il a réussi à trouver des effets d'une
délicatesse inflniedans la voix mixte, là où beaucoup
de chanteurs se heurtent à une voix de tète difficile
à maîtriser. Son talent, tout de délicatesse, n'a point
d'équivalent au concert, et l'on ne sait ce qu'il faut
le plus applaudir, de l'adresse extrême ou du goût
exquis dont il fait preuve.
Si le mérite artistique de Debailleul est rare, non
moins rare est son obligeance. Il n'a jamais refusé
son concours gracieux à une bonne œuvre ou à un
camarade. Il en fut une fois bien mal récompensé.
Pendant qu'il chantait à Vincennes, au bénéfice de
la victime d'un accident de tramway, le feu prit chez
lui et détruisit tout son mobilier. Le monde des
concerts s'en émut et organisa une représentation
brillante au profit de l'incendié.
Stimulé par la sympathie générale, Debailleul
augmente chaque jour la liste de ses succès. Il suffit
qu'une chanson soit créée par lui pour qu'elle fasse
le tour des concerts et des sociétés lyriques. Son nom
restera justement attaché au répertoire qu'il a formé,
et qui célèbre, avec un charme égal, le patriotisme
et l'amour.
L.-Henrt Lecomte.
QUINZIiÇME CONCOURS MENSUEL DE LA CHANSON
for PjpÎx
G. LEPRÉ'VOST. — Né à Paris,- en septembre 1839,
après de Jjonnes études classiques, G. Leprévost se
consacra de bonne heure à l'enseignement des lan-
gues vivantes. Professeur à Londres depuis une ving-
taine d'années, il a publié un Traité de prononciation
française à l'usage des Anglais, dont la presse an-
glaise a fait les plus vifs éloges. Ces occupations et
ce long séjour ne l'ont pas empêché de s'associer au
mouyçineni politique et littéraire de la France ; il a
été le correspondant spécial de La Tribune, à Lon-
dres, pendant to\ite la durée du journal auquel il
adressait, deux fois par semaine, des lettres politi-
ques qui furent remarquées.
Membre de plusieurs sociétés littéraires, il a rem-
porté quelques palmes à différents concours, notam-
j meut à notre grand concours de 1878. pour un
Hymne à la Paix ; son chant Guerre à la duerre ! fait
partie des trois pièces publiées. A notre neuviènie
concom's mensuel, A mes Oiseaux a obtenu un
deuxième prix. La Chanson a, en outre, publié du
même auteur. Le Coin du Feu, Chanson du Nouvel An,
Les Drapeaux.
Les poésies de M. G. Leprévost, éparpillées un peu
partout, n'ont pas encore paru en volume ; nous es-
pérons que cette lacune sera bientôt comblée.
A. P.
LA CHANSON
251
Petit à petit.
L'oiseau fait son nid.
ni aajt
Quand nous entrâmes en ménage.
Hormis l'amour, nous n'avions rien ;
Mais dans un grenier, au jeune âge,
Chacun le sait, on est très bien.
D'un lit seul nous fîmes emplette
Pour commencer l'ameublement,
Et cela suffit amplement
Pendant une saison complète.
Petit à petit,
L'oiseau fait son nid.
Aux premiers jours sur notre couche.
Rose dut mettre le couvert.
Et d'habitude, sur sa bouche,
J'aimais à prendre mon dessert :
Main les verres et la laience
Soufl'raienl souvent de uo.> ébats ;
D'une table pour nos repas
Il fallut faire la dépense.
Petit à petit,
L'oi-seau fait sou nid.
Sur un lit comme oq n'a ses aises.
Que lorsqu on est deu.x à s'asseoir.
Pour les amis, de quelques chaises
Nous dûmes aussi nous pourvoir.
Mais, pour conquérir une armoire
Que Rose ambitionnait l'ort,
Il fallut un plus grand effort ;
Pourtant nous en eûmes la gloire.
Petit ;i petit,
L'oiseau fait son nid.
Puis Rose, qui n'a pas d'égale
Pour tous les élégants travaux,
Broda des rideaux de percale
Oui me parurent sans rivaux ;
Devant notre unique fenêtre,
Plis.-és avec un goût parfait,
Ils y faisaient si bon itfet
Qu'en un palais je croyais être.
Petit a petit.
L'oiseau fait son nid.
Après quelques mois, une glace
Orna même notre grenier,
Et nous plaçâmes bien en face
Un buste du gai chansonnier.
Notre cbambiette, non sans peine,
Ainsi par degrés s'emplis .lil;
Mais notre amour s'embellissait,
El de bonheur elle était pleine !
Petit à petit,
L'oiseau fait son nid.
Un beau soir, en rougissant, Rose
A l'oreille me dit tout bas :
« Il nous manque encor quelque chose ;
» Tu l'as deviné, n'est-ce pas? »
Pour conclure, je dus encore
Au mobilier joindre un berceau ;
Et puis... Rose m'a fait cadeau
D'un charmant bébé que j'adore I
Petit à petit.
L'oiseau fait son nid.
Gabriel Lephévosï.
A NINON'i'
Je connais le secret que garde
Le fond de ton âme, ô ! Ninon !
Si ton cœur dit oui par mégarde.
Tes lèvres disent non ;
Prends garde,
Ninon !
Ton joyeux babil que j'écoute
M'enchaine à toi, belle Ninon ;
Mais ton sourire me déroule.
Et quand tu me dis non.
Je doute,
Ninon 1
Je doute des refus suprêmes
Que tu m'adresses, ô ! Ninon !
Car je sais bien que tu blasphèmes
Quoique tu dises non.
Tu m'aimes,
Ninon !
TROISIÈME
GRAND CONCOURS POÉTIQUE
Du Journal La Chaînon
Le Journal La Chanson fait appel à tous les poètes.
Il met aujourd'hui au concours ;
1" Un monologue dans le genre actuel en vers* de
160 vers au moius et 18U au plus.
Il Sera décerné trois prix, et des mentions hono-
rables, s'il y a lieu.
Les prix consisteront en diplômes spéciaux, para-
phés par les membres du jury. Ces diplômes seront
de dimensions calculées pour l'encadrement.
Les trois pièces primées seront, en outre, insérées
dans le journal La Chanson.
De plus le premier prix publié à part dans une
coquette édition illustrée, sera dit en public sur
plusieurs de nos grandes scènes parisiennes.
Les pièces envoyées devront être inédites, non
signées et accompagnées d'un pli cacheté contenant
le nom et l'adresse de l'auteur et portant extérieure-
ment le premier vers de la poésie présentée.
Le Concours, ouvert le !'='• Décembre, sera clos
fin février.
Nous publierons prochainement les noms des mem-
bres du jury.
Toutes les communications relatives au Concours
doivent être adressées /r«Mco à M. A. Patay, direc-
teur du journal La Chanson, rue lionaparle, IS, à
Paris.
(1) Eitrait de l'Eternel roman
otre librairie. — 1 vol. in-lS :
numerotesi
poésies de G. De La Salle, publiée
liiin. 2 fr. 50, tiré à 35U exempla
ON PEUT S'ENTENDRE
HISTORIETTE
Paroles de Musique de
Créée par DËBAILLEUL, au Concert du XIX» Siècle
L.-HENRY LECOMTE
Moderato.
JULES RAUX
PIANO
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Alleero.
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au bout d'une verte sen . te,S6udaiD j'a - perçus le mi . nois
aux Bureaux du jaurnali LJ CHANSON
&.PATAY. rue Bonaparte. 18.
a Tempo
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Aussi . tôt, lorgnant ses ai . traits, Je lui dis, sur ua ton fort
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le chant.
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Je vous ai . me,si jewous plais. Je vous ai . me, si je vous
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Elle ne me répondit rien
Et s'enfuit, tout ensoleillée,
Moi, pour engager l'entretien,
Je la suivis sous la feuillée;
Mais elle disparut, hélas I
Tandis qu'espérant la surprendre.
Je courais, fredonnant tout- bas :
« On peut s'entendre. »
Confus, je regagnai Paris,
Maudissant le destin barbare.
Jugez combien je fus surpris
En la retrouvant à la gare ;
Elle était charmante, vraiment.
Sur le trottoir allant l'attendre.
Je murmurai : « Décidément,
On peut s'entendre. »
Dès qu'à mes yeux elle parut,
J'abordai galamment la belle,
Pour lui dire avec un salut:
€ Ecoutez-moi, ma demoiselle ;
Séduit par vos rares appas,
A votre coeur j'ose prétendre...
Si l'aveu ne vous blesse pas
On peut s'entendre. »
Elle répliqua : « Ce discours,
Monsieur, par la franchise brille.
Mais il faudra m'aimer toujours,
Car je suis une honnête fille;
D'un époux et non d'un amant
J'ai besoin, sachez le comprendre...
— Ehbien! fis-je, un peu tristement,
On peut s'entendre. »
En vente aui bureaux de La Chanson, el chez lous les marchands de musique. Edition grand format,
V urej et petit format arec gravure.
ompagnement de pian
254
LA CHANSON
CHRONIQUE DES CONCERTS
Scala.. — V Homme n'est pas parfait, La
est de ronfler et Grosbalay père et fils alteraeront~aii
programme, en attendant la première représenta-
ti'on de la revue Sans tambours tii trompettes, qui
aura lieu le 24 courant.
Dans notre numéro du 22 août dernier, nous di-
sions que nous avions découvert un véritable ar-
tiste au Concert Européen, nous ajoutions
qu'il serait d'un bon effet à la Seala, où son genre
n'était tenu par personne. Nous sommes heureux
d'annoncer que M. Gaston Ledoux, l'artiste en ques-
tion, vient d'être engagé, et qu'il est lout à fait en
faveur auprès des habitués de la Scala.
Mme Marguerita obtient un bon succès avec Dans
le Tyrol, de M. Martial, musique de M, Chaillier, et
le Portrait de Mireille, de MM. Uleize et Doria.
Mme Patry se fait vivement applaudir dans Nini
Ràssignol, une nouveauté de M. Constant Saelé, mu-
siàue de M. Uu Grosriez,
jvieaïap d'Hiver. — Elevées à l'Américaine,
pièce à grand spectacle, de MM. A. Lemonnier et
Brigliano, musique de M. Marc Chautagne,.fait de-
puis quelque temps les délices des spectateurs de
ce Concert.
La première représentation du Petit Cochon, re-
vue-porte-veine, de MM. Jallais et Lemonnier, sera
doonée ce soir samedi. -
jjjîlous profitons de ce petit entrefilet pour prier la
direction de nous faire envoyer ses services plus
régulièrement.
' \ ■
3tlX° Siècle. — Après avoir parcouru différen-
tes villes de province, M. Henri Plessis vient de
faire sa rentrée à ce concert et^a retrouvé son suc-
cès d'autrefois dans ses anciennes et nouvelles imi-
tations. '
Le sympathique Debailleul, dont nous publions
aujourd'hui la biographie, tient deux bons succès
avec le Portrait de Mireille eX la Sérénade des Man-
dolines. Espérons que la charmante historiette On
peut s'entendre^ de notre rédacteur en chef, musique
de Jules Raux, qu'il doit créer ce soir, lui en lera
un troisième.
MM. Ouvrard ej, Legrand, désopilants dans leurs
chansonnettes comiques, se font applaudir et bisser
à outrance. ' . ,
Les vaudevilles du Palais-Royal, interprétés
de la bonne façon, sont très amusants et font un
plus grand plaisir que les saynètes, jouées habituel-
lement dans les cafés-concerts.
Concept «le la Pêpinièpe! — C'est avec un
vif plaisir que nous enregistrons le grand succès
d'estime obtenu par M. Emile Durafour, à la repré-
sentation donnée samedi dernier, à son bénéfice.
Tous les artistes de la Pépinière ont prouvé leur
sympathie à leur excellent camarade, en lui prêtant
leur gracieux concours. Debailleul, du XÏX» Siècle,
qui est venu chanter ses deux dernières créations :
Le Portrait de Mireille et la Sérénade des Mando-
lines, a obtenu de vifs applaudissements. Mme Rosa
Garey et M. Sidney Terry ont été également accla-
més dans un intermède musical.
Après avoir chanté Ma femme est en voyage, le bé-
néficiaire a reçu une couronne de lauriers de la part de
ses camarades, ainsi qu'une couronne d'or offerte
par les habitués de la Pépinière.
La première représentation de Quand les chats sont
partis, opérette en un acte de Emile Durafour, mu-
sique de Frédéric Barbier, a été donnée. Cette opé-
rette, jouée par Mme Lucie Andrée et M. Fraricis, a
été chaleureusement applaudie. >
Si nous voulions dire un mot sur chacun des ar-
tistes qui se sont fait entendre, une colonne du- jour-
nal ne nous suffirait pas. Bornons-nous d^nc à
dire qu'ils ont été bien accueillis parles amis die,,bu-
rafour qui remplissaient une grande partie- de la
salle. .,;.,■ ■ '
Chalet. — La Chasse aux miasmes, revue de l'an-
née, de Constantin Marc, musique de M. de Schrie-
der, sera représentée aujourd'hui pour la première
fois.
M. Thise se fait rappeler chaque soir avec la chan-
son de L.-Henry Lecomte : Etes-vous comme moi'', et
une nouvelle création : Le Boléro de r Auvergnat.
Mile Lévy se fait distinguer par la façon dont elle
interprète la sérénade de \: Amour qui charité.
Les danses excentriques des frères Suiram sont
toujouts fort goûtées, et M. Plebins -dit la chanson-
nette avec beaucoup d'entrain. La tTOupe s'est aug-
mentée de l'habile cornettiste Tilloy.
M. David chante avec un grand • succès : le Yieux
buveur de vin, paroles de Brugière, musique de Jules
Raux. ,1-.-
Folica-Belleville. — QeX établissement don-
nera la première représentation de Folies sur Folies.
- sa revue de fin d'année'; — le 25 courant. /Les
paroles sont de M. A. Philibert et la musique de
M. Tac-Coen, l'habile chef dorchestre-compositeur.
Alfred Bertinot.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
La soirée qiue le Cercle de l'espérance a offerte à ses
nombreux Invités, le 2 décembre, aurait pu facile-
ment passer pour un grand spectacle.
Non-seulementune séance de physique, organisée
par M. Léo, aura,it suffi à l'agrémeni des spectateurs,
mais encore le choix des morceaux interprétés par
les artistes montre avec quel goût M. Catherine sait
composer un programme. Après la romance du Pré
■aux Clercs, chantée délicieusement par Mlle Chazet,
M. Pic a donné, dans l'air de Y Ame en peine, des in-
flexions d'un sentiment exquis. Ces deux artistes
réunis ont alors joué eu vrais comédiens le duo des
Dragons de Villars. •
Dans la partie iAStrumentale, M. %;t\ng,i^e a exposé
les effets qu'op peut tiref d'une clarinette, et les
difficultés de rythmes et de tonalités qu'il a résolues
lui ont conquis les applaudissements chaleureux de
l'auditoire. Quant aujeUne oboïste Edmoud Dreyfus,
sa réputation est déjà, faite, il .-erait suranné de la
renchérir. Les qualités de sons qu'il développe dans
la fantaisie de Don Pdsquale (pour hautbois), et les
nuances qu'il observe avec un tact infini font rêver!
MM. Lopez, Pic et, François ont très bien rendu le
quatuor de Don Pasquale. À ce propos, comment se
fait-il que Mme Catherine qui tenait si finement la
partie de soprano ne chante jamais seule'?
L'élégant ténorino Chapuis, dans le Déjeûner sur
l'herbe, a fait valoir une jolie voix mixte qu'il aurait
tort de grossir, car elle est parfaite de finesse. Un
bon comique qui sait tirer un lùagnitique parti des
chansons, même les plïis triviales, nous =a été révélé,
c'est M. Genêt, à qui nous adressons nos, félicitations.
Si le Cercle de l'Espérance a l'intention de renou-
veler ce genre de soirée, il fera bien d'y inviter
quelques présidents de Sociétés lyriques, car un bon
exemple a besoin d'être suivi.
JWLBS RaUXi
LA CHANSON
255
Mercredi 8 décembre, a eu lieu, à TAlhambra, la
soirée d'inauguration de la Société lyrique « Les
Violoneux. »
A 8 h. 1/2 aevant une .--aile comble, le rideau se
lève en grinçant, et MM. Charles, Germain, Henry et
Mlle Blanche, ouvrent la séance avec entrain.
M. Chapini se fait rappeler deux fois dans la chan-
son « Le Vieux buveur de vin, » de Jules Raux ;
M. Vuillaume obtient avec la Chanson des Clocheto}is,
le même succès qu'au cercle Musset.
Mlle Lucie, toujours gracieuse, soupire agréable-
ment « Le pays des amoureux. »
M, Georges est applaudi dans « Etes-vous comme
moi », la spirituelle chansonnette de L.-Henry Le-
comte. M. Merville a beaucoup amusé avec « Le
théâtre à l'envers, » grande scène d'imitation.
Quanta M. Ribert, (lui a exécuté en trois minutes
un tableau qu'il a offert à la Société, et interprété
« Uiie soirée à Meaux en Brie, » les trépignements de
la salle ont confirmé le franc succès qu'il obtient
tous les soirs à l'Orphémn.
Mais le clou de la soirée a été « La sœur del'embal-
leiif » chantée par MmeSenèze et accompagnée par
le public qui riait à se tordre.
L'harmonie « la Lyre du commerce, » sous la direc-
tion de M. Gisquière, a exécuté plusieurs morceaux
de son brillant répertoire. Nos compliments sincères
au piston solo.
Nous engageons les administrateurs des « Violo-
neux » à avoir plus de déférence pour les représen-
tants de la presse et à ne pas les obliger à subir les
rétlexions ridicules des gens de service.
Lundi dernier a eu lieu, dans la salle de l'Alham-
bra, la soirée donnée au bénéfice de Victor, le comi-
que bien connu des Sociétés IjTiques. Malheureuse-
ment pour le bénéficiaire beaucoup de fauteuils
sont restés vacants.
Le concert était assez satisfaisant. MM. Théo et
Clément, des Folies Bourdonnais, ont su se faire ap-
plaudir et bisser plusieurs fois. Nos félicitations au
ieune Armand, qui brûle les planches. MM. Léonce,
Vuillaume, Mmes Léonce et Lucie méritent aussi
des compliments pour leur bonne volonté.
L'ami Victor, très enroué, a fait ce qu'il a pu pour
amuser. Mlle Blanche, une débutante, mérite une
mention spéciale. Cette jeune personne, très jolie,
s'est acquis de suite la sympathie du public qui ne
lui a pas ménagé les applaudissements.
Pour terminer, invitons certaines personnes à ne
pas s'obstiner à occuper la scène eu fatiguant les
spectateurs ; le public des sociétés lyriques où cha-
cun est sympathique aux artistes, la plupart socié-
taires, n'est pas le public qui paie, et qui veut, avec
raison, de l'agrément.... pour son argent.
La soirée du Cercle Musset a eu lieu samedi,
4 décembre, devant une salle comble. Au premier
rang des spectateurs nous remarquons Mme Lardin
de Musset. La Pol/ta des forgerons a été exécutée
avec un ensemble parfait par des jeunes musiciens,
parmi lesquels se sont fait remarquer MM. Pôriner,
Aragon, Ribour, Caponi et Canet, pianiste de la So-
ciété. M. JJaslide, applaudi dans le grand air du
Chalet, a été remarqué dans la belle poésie de Fran-
çois Goppée, Za Maison de Mohère. M. Cordier, le
premier comique du cercle, s'est fait rappeler dans
Tu fais de la peine à ma sœur et dans C'est pas gentil
pour ta famille. WA. Villaume, Courtois, Klotz, Lévy,
Lanoir, Chapini, Lebrun, Jacobson, ont eu aussi leur
part d'applaudissements. Mlle Lucie a été charmante
dans ses deux chansunuelles, Espoir et ie Baiser.
Le désopilant Moumoute a été frénétiquement ap-
plaudi dans Baiet et Malbrugh. Nous avons aussi
écouté avec plaisir M. Aragon qui a interprété avec
art une très jo'ie fantaisie sur la Traviata, solo de
clarinette. La soirée s'est terminée par Le JiJari de
Juliette, opérette en un acte, interprétée par Mlle
Lucie et Willaume, qui ont rivalisé de verve et
d'entrain et se sont fait rappeler dans le duo final.
Les Enfants de Montmartre avaient convié leurs
membres honoraires et leurs nombreux amis à une
soirée musicale qui a eu lieu le o courant, salle
Pétrelle.
Le programme, très alléchant, a tenu ses pro- .
messes.
M. i)»ro^, fort ténor, a fait grand plaisir dans les
Rameaux, et le grand air de Lucie a été pour lui un
triomphe bien mérité.
Je -voudrais ! et Doux souvenir, romances, ont été
chantées avec une voix fraîche et bien timbrée par
M. Boussagol, ténorino des plus agréables. Nous
avions eu déjà le plaisir d'entendre M. Leclerc et
nous serons toujours content de le retrouver. Mlle
Prat, de l'Alcazar, a dit, avec un talent plein de
charme : Lettre d'une cousine à son cousin et les cou-"
plets de la Camargo; la Valse des Cent Vierges lui a
mérité les applaudissements de toute la salle. Mlle
Violeite dit la bluelte avec beaucoup de naïveté et
de fraicheui.
Entêté comme un mulet, T peux vas dormir, deux
chansonnettes d'un genre bien différent, ont permis
à M. Pépin de faire valoir toutes les délicatesses de
son jeu. M. Scherer, une vraie basse, a interprété
avec une grande simplicité et une rondeur pleine
de sentiment : Mon caractère, une chanson, genre
Darcier; l'accueil qui lui a été fait a dû l'édifier sur
son interprétation. MM. Colinet et Maurice sont deux
joyeux compères que la société doit être heureuse
de posséder. La Femme a été chantée par M. Georges,
de façon à lui concilier les gracieuses sympathies
de la "partie intéressée du public.
Tous nos compliments à MM. Clément, Defente et
Mahéiin; nous ies engageons à travailler encore.
Une saynète : Voiture à vendre,», été enlevée avec
beaucoup de brio par M. Belguise ; son parti-naire,
M. Alfred, est un amoureux plein de distinction et
de réserve, un peut trop, peut-être !
La grande matinée organisée par la société lyri-
que l'es Gais Momusibns, au bénéfice de la veuve et
des enfants d'un de ses sociétaires' a obtenu un suc-,
ces pécuniaire et artistique des plus satisfaisants.
Les noms des meilleurs artistes des concerts et
des sociétés lyriquesde Paris figuraient au program-
me. Citons au courant de la plume,: MM. Collignon,.
compositeur; Volmi, du Conservatoire; Adrien
Souchet, Camut, Chapini, Métivel, Francfort;
M''='' Marie, Vanina Valletle ;M"""*Bario, Fayolle, etc.,
etc., qui ont été vivement applaudis.
La Femme qui se grise, vauieville en un acte inter-
prété par M'"" Acheray, la bénificiaire ; MM. Métivet,
Pankouke et Alfred, a parfaitement réussi et a fait
grand plaisir.
CHOSES & AUTRES
Sous ce titre : Mes étrennes, notre collaborateur
Desrousseaux, le célèbre chansonnier Lillois, vient
de publier un « Almanach chantant » très ciu'ieux.
Il contient ou^e productions nouvelles eu patois de
256
LA CHANSON
Lille, qui ne le cèdent en rien à leurs aînées. Colette,
les Tribulations d'un amom-eux, Marie Gripette, Cha-
charles, le Faubourg Saint-Maurice, sont des œuvres
pleines de malice et d'entrain dont le succès n'est
pas douteux (Prix 50 centimes).
Desrousseaux a fait en même temps réimprimer la
première partie de ses œuvres : Chansons et Pasquilles.
Ce volume manquait depuis plusieurs années, bien
qu'il ait été déjà réimprimé. Les quatre volumes se
trouvent à Lille chez tous les libraires et à Paris à
notre librairie :
!<"• vol., précédé du portrait de l'auteur et d'une
petite notice sur l'orthographe du patois de Lille.
Nouvelle édition, avec musique, prix 2 fr. 30.
2e vol., avec les airs nouveaux de l'auteur, nouvelle
édition, prix 2 fr. bO.
3° vol., avec 20 vignettes et la notation des airs
nouveaux et anciens, nouvelle édition, prix 2 fr. 30.
4° vol., avec les airs anciens et nouveaux et suivi
d'un Vocabulaire, prix 2 fr. 30.
L'œuvre do Desrousseaux est en vente à notre
librairie, 18, rue Bonaparte.
Aux chansonniers et aux amis de la
Chanson.
Dimanche 19 courant, aura lieu la visite annuelle
à la tombe du poète Hégésippe Moreau, rendez-vous
à trois heures très précises à la porte du cimetière
Montparnasse.
Dimanche 26 décembre, à 2 heures précises, réu-
nion A la perle du cimetière Sainl-Ouen [dit Cayemie]
pour le bout de l'an de notre camarade Pouty, chan-
sonnier, dont nous publierous prochainement la
biographie par Eugène Baillel.
Aux auteurs et compositeurs de musique
Nous recevons depuis longtemps de nombreuses
lettres nous priant de vouloir bien nous charger
d'éditer, pour le compte des auteurs, soit en grand for-
mai piano, soit en petit format guitare ou même en
cahier populaire. . . ..-r -,
Nous cédons aux demandes qui nous ont ete laites
en mettant à la disposition des auteurs nos relations
commerciales. Nous répondrons a toute demande de
renseignements à laquelle sera joint un timbre-poste.
Nous prions nos correspondants, pour simpliher notre
travail, de nous dire clairement l'édition qu'ils dé-
sirent, grand format piano, avec ou sans gravure ;
vêtit format guitare, avec ou sans gravure.
Nous préparons pour paraitri en janvier des cahiers
de chansons à 10 centimes. Nous prions les auteurs
nui voudraient v collaborer de nous envoyer des
chansons de suite pour être soumises au _ comité
d'examen. Les auteurs seront avertis de celles qui
seront reçues pour être publiées aux conditions sui-
vantes • envoyer le montant àe cent exemplaires quils
recevront aussitôt parus (soit dix francs). C'est de la
publicité gratuite, puisque l'auteur est rembourse
en exemplaires. Ces cahiers sont appelés, croyons-
nous, à un grand tirage. Chaque livraison renler-
mera une chanson à succès connue, une chanson avec
musique, trois ou quatre chansons inédites, et le por-
trait d'un chansonnier ou compositeur populaire.
Nous nous chargeons également de la publication
de volumes ou brochures pour le compte des auteurs,
quel que soit le genre de l'œuvre, après lecture bien
entendu. -^- ^-
PUI{LIC.\TIONS DE LA LIBRAIRIE A. PATAY
{\H, rue Bonaparte, fl8).
X<cs Abeilles, chanson. Paroles de Georges Baillet.
Musique de Mme Anais Brianny. Grand format, avec
gravure et accompagnement de piano, net 1 »
Petit format, avec gravure, net » 30
11' Album de» Dames, par Mme Juliette Mancelière,
cahier de chansons à 10 cent.
Eîtes-vous comme moi ? chanson. Paroles de .L.-
HenryLecomte. Musique de Jules Raux. Grandformat,
avec accompagnement de piano et gravure, net... 1 »
Petit format, avec gravure, net. .' » 30
Créée à VEldorado, par Velly, cette bonne chanson
fait en ce moment le tour des Concerts.
l<a fête de la France. Paroles de J.-B. RoBINOT, Mu-
sique de Jules Raux. Petit format aux couleurs natio-
nales, net.. » 20
France, hymne de la Paix, chant national. Paroles
de L. Sarrade, Musique de Ben-Tayoux. Grand for-
mat avec gravure et accompagnement de piano, net. 1 »
Petit format, avec gravure, net > 30
li'lliver, romance. Paroles de Fauché, Musique de
•Raguey. Petit format sans gravure, net -20
J'en raiTolle, paroles et musique de Jules Raux.
Petit format, avec accompagnement de piano et gravure,
net > 50
illïaou! ch.anso7i Céline. Paroles et musique de Jules
Raux. Grand format avec gravure et accompagneriient
de piano, net i •
Petit format avec gravure, net • 30
liuMusc de lu Chanson, Paroles de Claudius Malbet,
Musique deCh. Marié. Grand format avec accompagne-
ment de piano, sans gravure, net » 50
IVc chantez plus la Marseillaise, chanson patriotique.
Paroles de Jules Célès, Musique de Louis Caloin.
Grand format, avec accompaenement de piano et gra-
vure, net 1 »
Petit format, avec gravure, net..,..i » 30
On peut s'entendre, historiette. Paroles de L. -Henry
Lecomte, Musique de Jules Raux. Grand format, avec
accompagnement de piano et gravure, net 1 «
Petit format, "avec gravure, net > 30
Cette chanson sera créée aujourd'hui par Debailleul
au Concert du XIXi^ siècle.
Paix et Travail, Paroles de EUGÈNE Imbert, Musique
de Jules Raux. Grand format, avec accompagnement de
piano, sans gravure, net » 50
lies Petites Mains de ma Mie, chanson, faroles de
J. JouY, Musique de Paul Henrion. Grand format, avec ■
accompagnement de piano et gravure, net 1 •
Petit format avec gravure, net '30
Cette chanson vient d'étrecréée au Concertdu xix" siècle
par Debailleul, elle est déjà interprétée dans plusieurs
concerts et dans beaucoup de sociétés lyriques.
Quand t'auras des illoustaches. Paroles ije Claudius
Malbet, Musique de Mathilde Fraiquin. Grand for-
mat, avec accompairnement, sans gravure • 50
làC Vieux Uuveur de vin, chanson. Paroles de
Brugièrk. Miisiqoe de JuLES Raux. Grand formai, avec
accompagnement de piano 1 >'
Petit format avec gra vur" > 80
Cette chanson vient d'être chantée avec succès dans plu-
sieurs concerts parisiens
Vlac'que c'est qu'un enterr'mcnt, tableau populaire,
paroles d'EuGÉNE Imbert, musique de Dauvergne. Petit
format, aveogravure et accompagnement de J. Raux « 50
Vous, valse chantée, paroles et musique de L. P..
officier de cavalerie. Grand format, avec accompagne-
ment de piano, net l ■
Toutes ces publications seront envoyées franco dans
toute la France à toute personne qui en fera la demande
par lettre affranchie, accompagnée de timbres-poste pour
Les demandes au-dessous de 2 francs ou d'un mandat-
poste à partir de cette somme.
Le Directeur-Gérant ; A. PATAY
Paris. — Imprinierie L; Hugonis et Cle, 6, rue Martel,
3* ANNEE. - N° 33.
lO CENTIMES.
20 DÉCEMBRE 1880
LA CHANSON
Diredenr-Administrateur
A. PATAY
JOURNAL DE MUSIQUE POPULAIRE ^"l^^^mor'
Li chanson est une forme ailéeet
etiarmante de ta pensée. Le couplet
est le gracieux fràre de la strophe.
V. HUOO.
ÉCHO DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Théâtres, Concerts, Littérature, Beaux-Arts
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
Annonces, laligne.
Réclames, —
Lachanson,commelabalonnetti
est une arma française.
J. CLARETIE.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
18, BUE BONAPARTE, 18
RÉDACTEUR EN CHEF
L.-HENRY LEGOMTE
ABONNEMENTS
France, un an 6 fr.
> six mois 3 •
Etranger, un an ■• 8 »
SOMMAIRE
Galerie des chansonniers : Ponty (liuoBNE Baillst). — Jeane chdldainc
et jeune abbè (Octaviî Lkiirsgue). — Comment qu faut faire? (Geob-
GKa Gillet). — Résultat du /ff" concours mensuel de la Cuanson ; A
Uègisiiipc Mureau (GnoiiuEj Uaellet). — Chronique des concerts
). — Cai'caa Yeriictois (XX). — Bibliographie
■ Chronique des sociétés Ijriques {PiF.nnR et Pâli.).
GALERIE DES CHANSONNIERS : PONTY
Le noui do Ponly
n'est pas souvent arrivé
aux oreilles du public ;
ce u'élaiL pas moins un
vrai poète du peuple ot
un cliausounier de la
bonne école; c'est à ce
double lilro que nous
lui devons une place
dans noire galerie. Le
nom do ce prolétaire
mérite de ne pas des-
cendre avec lui dans la
fosse commune Qui
s'occupera des nôtres si
nous les oublions nous
mêmes?
Combien de rimail-
leurs sans conscience
et sans but sont arrivés
par adresse ou circons-
taiicè à populariser
leurs œuvres et dont le
bagage littéraireestbien
au-dessous de celui de
■ Ponly. Souvenons-nous
des humbles et ne pas-
sons pas devant leur
tombe sans y déposer
la fleur du souvenir.
Louis-Marie Ponty
était né en 1803 à Paris,
le -20 janvier. Sts parents étaient des artisans aussi
honnêtes que pauvres; il était tout jeune encore
4uanU sou père npupit, sa mère n'avait pas do laé-
lier, elle fut tour à tour
marchande des quatre
saisons, blanchisseuse,
femme de ménage .
Ponly avait une sœur
ainée, cela faisait trois
personnes à vivre sur
le gain de la pauvre
mè re , heureusement
que son courage éiait
assez grand pour domi-
ner sa malheureuse si-
tuation, aussi, Ponly à
soixante-dix ans, par-
lait-il encore de sa
mère avec des larmes
dans la voix.
Dès que l'enfant eut
l'âge de tenir un outil,
c'est-à-dire neuf ou dàc
ans, on l'envoya dans
les ateliers... Où a-t-il
appris à lire?... Il n'en
sait rien. Il ne se sou-
vient en fait d'instruc-
tion que de quelques
leçons d'écriture que
lui donna un bon voi-
sin, ancien Convention-
nel du nom de Bréard,
devenu herboriste, qui
l'avait pris en amitié.
« Je me souviens de ce brave homme avec grand
M respect, disait Ponly qui aimait à rappeler ce sou-
» yenir^ il chantait ioujotxrs ou arrosaut de noui-
258
LA CHANSON
» breux pots de fleurs qui ornaient la devanture de
)j sa boutique; on le vénérait dans le quartier, cepen-
)> dant les commères se le montraient en disant:
» C'est un Jacobin. Jamais il ne donnait son avis sur
» les évènenitnts du jour, il formait religieusement
. » sa boutique le dimancbe, mais il n'allait pas à la
D messe ; ta figure était belle et son ensemble impo-
« sant. »
Los seules paroles de cet ex-président de la con-
' veuiion, restées dans la mémo.re de Pontj^ sont cel-
■ les-ci : ATpprends bien, mon enfant, si les bommes
élaieut plus instruits, ils ne seraient peut-être pas si
mécbants !
Ce vieux Conventionnel ouvrant a.'nsi son cœur à
. un pauvrj enfant à qui il appren.i à écrire dans une
arrièic-boutique d'bcrboriste, voilà un joli tableau
de genre à faire.
. , L'aLclier n'était pas ca qu'il fallait au jeune Ponty,
le travail libre avant tout convenait seul à sa nature
tui y.ea bobémienne quoique courageuse ; quelques
sous pour acbeter du pain et des livres, c'éiait le
b.iubeur! A vingt, ans il était cbiffojnier, ce qui ne
l'empêchait pas d'avoir déjà une bibliothèciue. compo-
sée de livres achetés sur les quais et chez les mar-
chands de bric-à-brac. Il avaii lu en partie Vo:taire
et Rousseau et connaissait assez pour en causer les
philosophes du dii-huiùème siècle.
. Quand Vicunet de V Académie française publia son
Epitre aux chiffoimicvs qui fit un ° certain bruif,
Ponty lui répondit par une lettre que j'ai sous les
j^eux, lettre pleine de bon sens et bourJ?ée de ciia-
tions littéraires... Ce chiffonnier de vingt-deux ans
répondant à un académicien ne manque pas d'origi-
nalité et montre chez ce jeune citoyen une parfaite
conviction de l'égalité des hommes devant la raison.
Ponty avait déjà rimé une Épitre à Voltaire, un
poème en trois cents vers intitulé : La religion ou les
erreurs de quelques-uns et la mienne. Uue jolie
pièce sur la mort du général Foy et un grand nom-
bre de chansons qu'il chantait dam les goguettes
d'alors, où trônaient Uebraux, René Faivre, Dauphin
et autres rois tous amis du chifloi-iLier poète.
Il .\ a bien là, comme on doit le penser, quelques
couplets eu l'honneur du grand homme, mais c'est
avant tout l'esprit Voltairien qui domine; cela
est bien rimé et rythmé, ne fallait-il pas une nature
d'élite et une volonté de fer pour être arrivé à ce ré-
sultat dans le milieu où vivait Ponty ?
En 18213 no is le retrouvons tireur de soufflet d'un
forgeron poète qui se nommait : Berges de la Ver-
noze; ce dern.er allait publier un recueil de chan-
sons, sous ce titre qui sent bien son 1826 : le Paladin.
Pouty est admis à l'insigne honneur d'y collaborer ;
être imprimé 1 ô bonheur! et puis, bonheur bien plus
inespéré, uue de ses chansons, le Chiffonnier du Par-
nasse c-t chantée partout, on l'entend sur les places
publiques et dans les sociétés chantantes. En voici
le premier et le dernier couplet :
I.as de végéter dans la classe
Des rimaillears gagoe denier
Je vi.-ns de grimper au Parnasse
Kt m'en suis fait le chiffonnier,
J'ai pris, ce qui n'est pas trop bète
Pour croc la plume de Panard
Et le crâne d'un vieux poète
Pour me servir de Corbillard.
Des favoris de notre scène
Si je irouve un jour les écrits,
Je veux, content de cette aubaine,
Honorer ces divins esprits.
Quand à ces œuvres trop légères
Dont nous sommes assassinés,
Je les conserverai, mes Irères,
l'our en faire des. . , lorcie-Dez.
Ponty publia à cette époque dans différents re-
cueils,'il/o« ombre, Travail et Plaisir, Point dhyménée.
Défense de la larle et quantité d'aulres couplets qui
ne manquent pas de valeur, p'uis continuant à lire
et à étudier, le joyeux chansonnier qui touchait à la
retraite se métamorphosa loul-à-coup et ne produi-
sit plus que des œuvres sérieuses. Il coirespond dès
lors avec Béranger , Michelet , Georges Sand , il
s'alTilie à la famille Saint-Simoniennè et s'occupe
avec amour de toutes les que.~tions philosophico-
liolitiques à l'ordre du jour, qu'il discute et enseigne
avec toute l'ardeur d'un néophyte, par des articles
dans le Bon sens et autres journaux de la même
nuance, et lorsqu'on 1840, OlindeRodrigues révéla au
inonde politique et littéraire, la pléiade des poètes
de l'atelier par la publication des Poésies sociales des
ouvriers, Ponty, qui a trois pièces importantes dans
ce livre, fut un des plus remarqués.
Il est vrai qu'il y avait une antithèse tellement
grande entre sa poésie et sa situation, que la surprise
était bien naturelle.
(Juand on avait lu des vers pleins de vigueur et de
lyrisme comme ceux-ci, dédiés a son ami Gauny :
Quand ta Ijre, Gauny, saintement prophétique,
A ton hibou moJule un concert séraphique.
Qui rend la vie aux morts et l'espoir aux mourants.
Eu leur montrant cette vie éternelle
Toujours plus sainte et sans cesse plus belle.
De la bonté d'un Dieu, le plus doux des présents
Qu'il fait à toute àme immortelle.
Ainsi que le disent tes chants ;
Et qu'on arrivait à la signature, on était tenté de
croire à l'imposture eu lisant : L. M. Ponty, ouvrier
vidangeur. Rien n'était cependant plus vrai. Quand
on faisait remarquer à Ponty ce qu'il y avait de ré-
pugnant dans ce métier : Bah! répondait -il, on n'y
pense pas ! et puis j'ai toutes mes journées à moi
pour aller bouquiner sur les quais ou pour écrire en
plein soleil ! Mais ses amis s'insurgèrent contre cette
situation et bon gré, mal gré, il accepta lui petit em-
ploi au chemin de fer. Aussitôt en place, il envoie à
son vieil ami Matbelin, resté dans le chiffon, une
chanson où se peint sa pensée entière et vivace.
Te rappelant ce chien et ce loup maigre
Par Lafontaine autrefois célébrés.
De l'employé plus esclave qu'un nègre
Avec raison tu plains les fers dorés.
Un coup de plume éteint son existence.
Toi mon vieux loup, heureux quoique moins gras,
Nul n'a de droit sur ton indépendance
Ton métier libre, oh! ne le quitte pas?
Laisse les donct'insulter dans la rue,
Vrai lazaronne aussi libre que l'air,
■Va! tout outil n'est qu'en poignard qui tue
La Liberté, de nos biens le plus cher. . .
Ponty se maria, il eut une fille ; son amour pour
son enfant était de l'adoration... à sept ans l'enfant
mourait... sa douleur fut tellement vive que ses amis
craignirent pour sa raison ; il ne pouvait se faire à
l'idée de ne plus voir sa fille.
Son amour de père, doublé de son imagination de
poète, lui inspirèrent une façon de vaincre en partie
la mort :
Il coupa les beaux grands cheveux blonds du cher
petit être, puis, prenant une feuille de carton sur
laquelle il posa, toute déployée, la dernière robe
portée par l'enfant, il étendit dessus, en les plaçant
à la hauteur de la tète, ces cheveux, laissés flottants
dans toute leur longueur, sur lesquels il ajusta une
petite couronne blanche, rapportée par l'enfant un
jour de distribution des prix, et, mettant le loul
LA CHANSON
259
dans un cadre qu'il suspendit au pied de son lit,
jusqu'à sa dtrnière heure il eut devant les 3'eux, sa
fille vivante, âgée de sept ans, dans la position d'un
enfant qui marche à quelques pas devant vous.
L'étraugeté de ce tableau vous serre le cœur quand
on le regarde. Mais il a été la coDsolalion du vieux
poète et la pensée qui l'a fait naiire contient un im-
mense amour.
Depuis'plus de trente ans que Ponty appartenait
aux ateliers du chemin de fer, il n'a cessé d'écrire
des vers ou des chansons, voir même de la prose
très originale. Il y a dans tout cela beaucoup d'œu-
vres remarcjuables, qui seront à coup sur perdues
comme tant d'autres, c'est le sortie plus habituel de
ces sortes d'écrits... peut-être, un jour, dans cin-
quante ou soixante ans, si le feu ne s'en mêle pas,
quelque fureteur bibliographe, découvrira-t-il ces
cahiers chez un marchand do bric à brac ou en pos-
session de quelque ignorant qui les aura trouvés dans
le tiroir d'un vieux buffet, acheté trois francs, à
l'hôtel des ventes, et surpris du ton particulier de
ces vers, cet ami des lettres, fera de ce pot-pourri
littéraire, un article très intéressant par les citations
des poésies inédites du brave Ponty.
Sa note poétique est rugueuse et vibiante; c'est
bien le poète du peuple, l'accent est convaincu, le
mot parfois un peu dur ; le style c'est l'homme, c'est
vrai encore cette fois — ce vieux lultcur était iras-
cible et tout eu lui, jusqu'au timbre do sa voix,
rappelait le beau truand du seizième siècle.
L'âge u'avait en rien altéré ses facultés ; chaque
soir, en revenant de l'atelier, il employait trois et
quatrQ heures à lire ou. écrire, rien ne lui était
étranger dans le cercle do tes moyens: les tableaux,
il no manquait jamais sa visite aiiDuelIe au Sab.'U —
les livres nouveaux, — il avait lu jusiju'à l'Assom-
moir, qu'il appelait l œuvre d"un scélérat, tout l'in-
téressait ; et les truis francs cinquante qu'il gagnait
par jour... après irentc ans de bons services d'admi-
nistration généreuse 1 passaient plutôt chez les bou-
quinistes et les libraires que chez le tailleiu' ou le
marchand de vin.
Ponty habitait depuis très longtemps un petit
logement dans un coin isolé des BalignoUes — un
logement n'est pas le vrai mot, on devrait dire une
caisse de livres au milieu do laquelle il restait juste
assez de place pour se mouvoir ; les casiers eu
planclas louchaient à terre et montaient jusqu'au
plafond. Là, l'œil ne rencontrait rien autre chose que
des ia-8", des in-l'i et les petits in-10 de Uidot.— Il
y avait des livres de médecine — des journaux de la
première Kévolution, des Magazine, des poètes, là
Pelletan côtoyait Proudhon, sou ennemi intime, etc.
— Le vieux poète savait où poser la moindre feuille
de papier de ce Gapharnaum. C'est là qu'il mourut le
■24 décembre 187iJ, après quelques mois de ma-
ladie.
Cette bibliothèque, précieuse pour son possesseur,
était nulle au point de vue de la vente ; le tout fut
acheté cent soixante francs. C'est le seul héritage
laissé par ce courageux et studieux prolétaire après
soixante années de travail I
Les idées de Ponty étaient républicainessocialistcs
et à 7o ans il les exprimait encore avec toute la ver-
deur d'un jeune homme.
Ce brave vieillard était l'ami de tous ses com-
pagnons d'atelier. Aussi étaient-ils nombreux à son
enterrement, malgré la neige et le temps atl'reux
qu'il taisait ce jour-là. Sur le bord de la fosse un
ami de trente ans, prononça le dernier adieu en
quelques mots venus du cœur et écoulés avec re-
cueillement : c'était celui qui signe cette notice, et
garde avec vénération le souvenir du vieux poète
iravailleur.
El'gé>;k Baillei.
QUINZIÈME CONCOURS MENSUEL DE LA GH \NSON
2° Prix
JEUNE CHATELAINE ET JEUNE ABBÉ
Le châtelain a soixante ans ;
L'abbé vingt-cinq à peine.
Frais et rose comme un printemps
Pas vrai? charmante châtelaine.
Chaque matin, vous le cherchez ;
Baronne ! baronne, sans rire,
Oubliez-vous donc des péchés?
En avez-vous donc tant à dire ?
En dépit de voti e bonté,
Soufï'rez qu'on vous le die,
Baronne, vous avez été
Bien coupable ou bien étourdie,...
Dans l'ombre de votre boudoir
El la porte poussée.
Le jeune prêtre, tout un soir,
Baronne, vous a confessée.
Vous avez refusé d'ouviir
Au baron bravant la défense,
Qu'aviez-vous fait pour encouiir
Une aussi longue pénitence?
En dépit de votre fierté.
Souffrez qu'on vous le die.
Baronne vous avez été
Dion coupable ou bien étourdie....
La robe qu'on vous fit choisir,
0 noble pénitente,
Certes, vous habille à plaisir,
Mais, hélas 1 qu'elle est peu mon'ante !
N'avez-vous jamais vu — comment
Eat-on à ce point ingénue?
— L'abbé détourner chastement
Les yeux de votre gorge nue?
En dépit de votre beauté,
Souflrtz qu'on vous le die,
Baronne, vous avez été
Bien coupable ou bien étourdie....
On murmure, vous savez bien,
Baronne, qu'on murmure :
Vot"e mari, lui n'entend rien :
Les époux Ont l'oreille dure.
Sans doute ou ne peut rien prouvei ;
Mais, dites, quel est ce mystère?
Ne vient-on pas de retrouver
Votre manchon au presbytère?
En dépit de votre piété.
Soutirez qu'on vous le die,
Baronne, vous avez été
Bien coupable ou bien étourdie.
Octave LEBissauE.
3° Pri.v
COMMENT QD' FAUT FAIRE?
D' ma triste mine i' u' faut pas rire.
De Jeanneton j'suis amoureux,
et' amour làçà tient du délire,
La nuit j' peux plus fermer les yeux.
Vous qu'avez appris la grammaire,
Qu'êtes des homm's d'éducation.
Dites-moi donc comment qu' faut l'aire
Pour être aimé de Jeanneton?
260
LA CHANSON
Quand j' la vois, ma lang' s'embarrasse,
Mon cœur s'enflamm' comme iin pétard,
Kt si j' veux la r'garder en face,
J' deviens plus rouge qu'un homard.
Je lui lanc' des baisers par derrière
Auxquels cU' n' fait pasallenlion,
Diles-moi donc comment qu' faut faire
Tour être aimé de Jeanneton?
Pour lui prouver qu' j'ai l'âme honnête,
J' lui fais dire en n' me montrant point,
Que j' l'adore et qu'eir m' tourn' la tête
Par un ami qu'est son cousin.
Mais r cousin que y croyais sincère,
Fait pour lui mêm' la commission :
Dites-moi donc comment il faut faire
Pour être aimé de Jeanneton ?
L'autr' vendredi c'était sa fête,
Comm' j'ai des m'ions d'une belle grosseur,
J'ava's pensé qu' ça n' s'rait pas bêle
D'y en offrir un z'avec mon cœur,
via-l-il pas qu'ell' s' mel en colère
M' disant d' garder mon nourrisson...
Dites-moi donc comment qu' faut faire
Pour être aimé de Jeannelon ?
Avec une cruch' à la fontaine
J' vois Jeanneton tout' belle accourir,
J' lui dis : n' vous donnez pas la peine,
Mamzell', vous pourriez vous salir.
Mais daos mon désir de lui plaire,
J'inond' sa rob', j' cass' son cruchon...
Diles-moi donc comment qu' faut faire
Pour être aimé de Jeanneton ?
Au bal dimanche je l'invite,
Eir m'accept' ; l'excès du bonheur
Kl la musiqu' qu'allait trop vite
Tout ça me tournait sur le cœur.
J' fais" un faux pas : dans la poussière
Patatras ! j' m'étal' tout de mon long....
Dites-moi donc comment qu' faut faire
Pour être aimé de Jeanneton 1
Mais quoi ! C'est bien Jeann'ion qui passe
Avec Pierr' qui lui cause tout bas,
Il lui prend la taille, il l'embrasse
Kt Jeanu'ton n' l'empccre pas...
Kir lui fait risette au conlrairo
Quand il lui chatouill' le menton....
Parait qu'il sait comment qu' faut faire
Pour être aicné de Jeanneton I
Georges GiLLET.
nûsiXTAT nv t«= coxcoi'KS iiie:«sijei,
Décembre 1880.
!"'■ Prix. — La Dernière lettre, de M. Georges Gili.et;
2" Prix. — I.e Jardin de mon Voisin, de M. Abel
Mablette ;
3' Prix. — Amour et Raison, deM. Eugène Ch.\telain.
Dimanche, a eu lieu, comme nous l'avons an-
noncé, la visite à Ilégésippe Moreau, au cimetière
Montparnasse.
Malgré le mauvais temps, à l'heure dite, une
quarantaine d'amis se trouvaient au rendez-vous.
Là, Ed. Teulet, l'initiateur de ce pieux pèlerinage,
déposant une magnifique couronne sur la tombe du
poète, prit la parole pour remercier les camarades
présents, et la passa ensuite à Rosset qui récita des
vers pleins de cœur cl d'à-propos, de sa composi-
tion; puis, vint le tour de Francisque Droz qui,
avec une diction sobre, émue et vibrante, interpréta
d'une façon superbe la pièce de vers que nous repro-
cluisons'plus loin-, signée ; Georges Baillel.
Pour clore la petite cérémonie, Kticnne Ducret
dit la poésie d'Hégésippe « A mon âme] t> — Après
quoi, lepelit groupe se relira pour ne se séparer
qu'après avoir consacré entièrement la soirée à la
mémoire d'Hégésippe Moreau.
Indépendamment des camarades que nous venons
de citer, nous avons remarqué la présence de :
Alph. Lcclercq, Kvrard, Casse, Gabriel de Gonel,
M. cl Mme Elle, ChoUet, Knocq, Cellier, Bfluze, etc.
Voici la pièce de Georges Baillct :
A Hégésippe MOREAU
19 Décembre 4880.
Tout ce qui dit •: Vertu, génie, honneiir ou gloire.
Ne craint pas du néant les éternels sommeils ;
Le Temps, ce justicier sublime de l'histoire.
Donne parfois aux morts de splendidcs réveils !
Par lui, la Vérité, tôt ou lard, doit renaître,
Par lui, le Droit vainqueur se lève radieux,
Et ceux que trop longtemps on sembla méconnaitro
Passent, un jour oul'aulre, aurangdesdemi-dieux !...
Parmi les grands rêveurs, arlistes ou poètes,
Martyrs qu'à la misère arracha le trépas.
Parmi les grands penseurs, parmi les grands athlètes
Ilégésippe est de ceux que l'oubli n'atteint pas.
C'est en vain que la Mort, avide d'hécatombes.
Croirait seule eflàcer de tels noms, sans retour ;
Le souvenir qui va, fouillant parmi les tombes,
Sait bien en quelque coin les retrouver, un jour!...
Poète doux et fort, toi qui, sous cette terre.
Dors là, couche depuis quarante ans révolus,
Des secrets du tombeau, dis-nous donc le mystère ;
Kst-il bien vrai, réponds, que ton cœur ne bat plus ?
Parfois, berçant cncor ta chère fantaisie
A travers les échos d'un beau rêve lointain,
N'as-tu pas entendu murmurer la A'^oulzie,
Ou chanter près de toi l'ange de saint Martin?
La fauvette éplorée et sainte du Calvaire
Que le Christ vit, mourant, 'Se poser sur son front.
Ne vint-elle jaujais gémir sur celte pierre.
Cherchant à l'éveiller do ton sommuil profond?
Celle, enfin, qui jadis t'apparut comme uue Kvc,
Que tu nommais ainsi, plein d'amour et d'émoi.
Ne vint-elle non plus, comme autrefois, en rêve.
Pour te rendre à la vie... ou mourir avec loi ?...
Devant ces souvenirs ta voix reste muette !
Kh quoi !... Serait-il vrai que tout meurt dans la mort?
— Non ! nous n'y croyons pas, car, ton luth d'or, poète,
Dans tous les cœurs ravis semble vibrer cncor.
Les luttes sans relâche et les douleurs tans nombre
T'ont surpris dans ton vol, mais, ne t'ont pas vaincu:
Plus fort que le malheur qui te frappait dans l'ombre,
Plus graad que tes revers... ton nom a survécu !...
0 toi qu'on méconnut vivant... dors dans la gloire 1
Triomphe désormais, pauvre déshérilé!
Les siècles qui viendront grandiront ta mémoire,
Kt couvriront de fleurs ton immortalité !...
Georges Bailleï.
CHRONIQUE DES CONCERTS
Fldorado. — La jeunesse de Béranger tient de
nouveau l'affiche. Celle charmante opérelle luçoil
tous les soirs le meilleur accueil. MU. Pcrrin, Vic-
torin. Gaillard et Mme Roland y font assaut de co-
mique et du verve.
LA CHANSON
261
Parmi les créations applaudies, nous menlionne-
rans : Lei Joujoux de N'ouï, par Mlle Ainiati; Nuit
orientale, de MM. Labarre et Jacques Grancey, par
Mlle Juaua.
Velly a rei)ri3 la chanson Btes-roics comme moil
Il y est rappelé cl bissé tous les soirs.
Scala. A l'Iieure ou paraîtront ces lignes, la revue
Sans tambours ni trompettes, aura affronté le l'eu de
la rampe (style consacré). En attendant, les pièces
du répertoire et les intermèdes par MM. Bourges,
Chaillier, Derame, Bruant, Bert ; Mmes Marguerita,
Kaiser, Aimée, elc, etc., sont vivement applaudis.
Mme Graindor, qu'une indisposition sans gravité
avait éloignée de la scène, a lait une brillante ren-
trée ces jours derniers.
Commettons une peiile indiscrétion sur la revue,
en annonçant qu'une chanson intitulée La France,
chantée par Bourges, sur les motil's de La Braise, en
sera un des principaux clous.
GrandCoucort t'arisien. — La raynePst! Pst!
Pst ! dont le succès grandit de jour en jour, promet
d'atteindre, ceinme toutes ses devancières à ce con-
cert, sa centième représentation. Il l'aut dire que la
verve et l'entrain des artistes qui ont tout-à-l'ciit pris
possession de leurs rôles, contribuent beaucoup au
succès de cette spirituelle pièce.
MM. Pacra, Brunin ; Mmes Uubrée et Demay, re-
cueillent de nombreux bravos dans les intermèdes
qui précèdent la revue.
Alcazar d'Hiver. — Ainsi quenous l'avons an-
noncé dans notre dernier numéro, la première repré-
sentation du Petit cochon, revue porte-veine, a été
donnée samedi dernier.
Etant arrivés très tard, nous n'avons pu juger la
pièce. Nous y retournerons cette semaine et en ren-
arons compte dans notre prochain numéro.
XIX° Siècle.— Ainsi que nous l'avions présagé,
' Debailleul s'est taillé un succès dans la charmante
historiettede L. Henry Lecomle : On peut s'entendre,
mise en musique par Jules Baux.
Plcssis se l'ait applaudir chaque soir dans ses scè-
nes d'imitations. Comme d'habitude, MM. Ouvrard,
Hobrct, Legrand, Flory et Dofl' défraient, avec un
entrain communicatil', la partie-comique.
Ducùté des dames, Mmes Bépoix, Nathalie, Oudry
et Ujaly complètent agréablement le programme.
Mlle Lehmann a créé cette semaine, la Journée de
Qavroche.
L'Histoire d'un sou est fort bien racontée par MM.
Bataille, Ilelt et Mmes Delassau et Dastaud; ajou-
tons que l'orchestre, parfaitement dirigé par M. De-
sormcS; exécute les meilleurs morceaux de son
répertoire.
La revue intitulée Eien de nomeau, passera le
28 décembre.
Folies Saîiit-SIartin. — MM. Bordet et Aupto,
qui ajoutent chaque soir de nouveaux mots à leur
revue, viennent d'intercaler deux tableaux vivants
entre ceux qui ont produit un effet si merveilleux le
soir de la première représentation. La salle est com-
ble chaque soir, et les applaudissements du public
promettent encore une longue et fructueuse série de
représentations à la revue : Ouvrons l'œil !
Bon succès pour MM. Bienfait, Darville, Kelm, et
Denneville qui, celte semaine, a chanté Etes-vous
comme moi ? de L. Henry Leconite, musique de Jules
Raux.
Folics-Bobîno. — Nous avons passé une agré-
able soirée mardi dernier à ce concert.
Sans avoir des noms bien connus, les artistes qui
tiennent la tète de l'affiche ne sont pas dépourvus
de talent, et nous espérons les voir d'ici peu tenir
•un bon rang dans nos grands concerts du centre.
Parmi ceux qui nous paraissent le plus mériter
celle justice, nous citerons : Mmes Faure, Coulon,
Bernard, Mariette Chevalier; MM. Lebassi, Lepro-
vost et Claudius.
La maison de santé, opérette de M. Jouhaud, est
parfaitement jouée par MM. Salomon, ex-artiste de
la Gaîtc, Frédéric, Claudius et Mlle Mariette Cheva-
lier.
La première représentation de ràra^, milà 3IatMeu\
revue de l'année en 10 tableaux, de MM. Lomon et
***, sera donnée le 28 courant.
Alfred Bertinot.
Cayeau Verviélois
SOIRÉE DU 14 DÉCEMBRE
V.e Cavoau vcrviétois n'a pas prêché dans le dé-
sert en invitant les dames de. la famille des membres
à assister à la séance du mardi l'i. Le local était
de beaucoup trop restreint, et c'était un coup d'oeil
vraiment enchanteur de voir toutes ces têtes gra-
cieuses et attentives mêlées aux tètes plus éner-
giques de la partie qui se désigne elle-même comme
la plus forte du genre humain. Disons de suite
qu'on était autorisé àfumeret que chacun, femme et
homme, avait sa pinte devant soi.
Rien de changé au programme des séances ordi-
naires : lecture du procès-verbal, de la correspon-
dance et des critiques ; la crainte qui s'était mani-
festée sur la réussite de cette partie de l'ordre du
jour ne s'est pas coulirmée, les critiques sévères,
jamais acerbes, ont vivement intéressé ces dames, et
certes, il y en a plusieurs qui les ont écoutées plus
religieusement qu'elles n'écoulent le prédicateur en
chaVre. Mais le programme vraiment littéraire a ex-
cité un sérieux intérêt: vingt-deux pièces étaient
inscrites et quatorze seulement ont vu le jour à
cause de la marche rapide des aiguilles de l'horloge
du local. Il est vrai que c'était le 1-1 du mois et que
ce chiffre ne pouvait fianchement être dépa'^sé.
Parmi ces produclions toutes nouvelles et compo-
sées pour la circonstance, je cite au hasard de la mé-
moire une poésie vraiment vibrante (le mot est de
l'auteur', de M. llarroy, l'Histoire uniterselle ; une
belle Description d'un orage dans la Iniyère, par M.
Griin; En mai, poésie do M. P.-B. Gauthirr, l'auteur
d'un splcndide volume de vers : Libres et pures, édité
chez Lemcrre ; wnoi Analyse humoristique de l'Annuaire,
par II. Masson, ce bon vieillard dont la tête blanche
et sarcastique est resptctée de tousses collègues;
Deux chansons du secrétrire M. Wcher et enfin des
Romances de MM. Lecloux et Barthélémy, mises en
musique par Raxhon etBlaise. Le wallon était repré-
senté par M. Pire, avantageusement cunnu, M. Dere-
l'at, un commençant d'avenir, et M. Petit dont j'ai
déjà parlé.
A la séance officieuse, les dames, s'il vous plaît,
s'en sont mêlées, car plusieurs d'elles ont chanté,
stimulées par l'ascendant irrésistible que donne la
bruyante verve et l'éloquence intarissable du prési-
dent, M. Karl Grlin.
Et voilà ce qu'est le Caveau verviétois.
XX, correspondant.
BIBLIOGRAPHIE
Ghaksons de Jeunesse, par Georges Baillet, Paris
18S0, Bassereau, éditeur; — L'Ennemi, poème, par
Jacques Dun, Paris, 1880, Galmann Lévy ; — Les
Horizons bleus, poésies, par Georges Nardin, Paris,
1880, Charpentier.
262
LA CHANSON
Les trois volumes que le hasard d'un compte rendu
bibliographique réunit aujourd'hui sous la même
rubrique, sont bien différents les uns des autres,
mais ont tous des mérites réels. Je ne sais même si
le rapprochement, loin de nuire à aucun, ne sera
pas favorable à tous trois : effet de contraste.
M. Nardin est avant tout descriptif. Il aime la
couleur, et la prodigue. Couleur plus douce que vive,
mais îraiche. Cet affreux vernis qui, en protégeant
les toiles, les rembrunit trop souvent, n'a pas encore
étendu sa patine sur ces jolis tabieaus. çà et là un
peu d'émotion tranche heureusement sur l'unifor-
mité d'un horizon toujours bleu ; puis la mer, à son
tour, présente un coin de ses épouvantements. Au
demeurant, c'est le poème de la jeunesse ; l'amour,
les rêves d'avenir, le printemps : voilà de quoi
égayer bien des strophes. Au=si les brises, les pâque-
rettes, lesgiro liées, les claires fontaines, mènent-elles
au travers des poé.-ies de M. Nardin la ronde folle
des heures ensoleillées: cène sont que chatoiements,
miroitements à la Diaz.
Le vers, bien coupé, alerte, sûr de lui, serpen'e
autour de ces vertes idylles comme un frais ruisseau
baisant un archipel de gazon.
Le Voyage, A Jean Aicard, l'Enfant mort, m'ont
paru particulièrement réussis ; j'y trouve l'accurd du
sentiment et de la forme. Le dernier morceau est
court, et je le transcris avec plaisir :
L'enfant est mort cp matin. Comme
Les conTulsions l'ont changé !
Son visage rose, allongé,
Prend le teint d'une verte pomme.
Un chapelet bénit à Rome
Sur sa poitrine est arrangé.
Ayant clos son bel œil frangé,
C'est à croire qu'il fait un somme.
« Un ange ! ■- font les assistants.
Or la mère, de temps en temps,
Sous sa tète aux fins cheveux d'ambre
Remet en place l'oreiller ;
Et l'on parle bas dans la chambre.
Comme de peur de l'éveiller.
Cette chute est fine et touchante; mais l'auteur,
croyant sans doute la préparer, l'a au contraire affai-
blie par ce vers, qui la procède :
C'est à croire qu'il fait un somme.
La pièce intitulée : A ma Mère est pleine d'émotion.
Parlcrai-je de la rime'? L'auteur se proclame élève
de Banville : c'est assez dire.
Mais où est dans tout cela, me direz-vous, la note
gaie '? Hélas I c'est le tort des poètes d'aujourd'hui.
Gracieux, mais mélancoliques, souvent amers, quel-
quefois émus, et cest tout. Le rire gaulois leur est
inconnu. Leurs plus grandes joyeusetés senlenl
l'apprêt. La chanson seule conserve la vieille sève,
le sel' piquant, l'éclair railleur.
Voyez les Chansons de Jeunesse. Baillet, dans ce
recueil, ne vise point à l'ode ; il n'y a pas fourré le
plus petit sonnet; et cependant il en trousserait un
aussi bien que personne ; mais aussi quelle gaieté
expansive, quelle bonne humeur, parfois narquoise,
et aussi, ce qui no gale rien, quel enthousiasme
pour les grandes choses I C'est l'école de Désaugiers
avec plus de poésie, de Debraux avec moins de sans
gène, de Gouflé, avec plus de jeunesse. Oh ! l'ado-
rable défaut et la merveilleuse qualité que la jeu-
ne.-se ! KUe fait tout voir en beau, même le laid,
qu'elle déteste, mais qu'elle chante à sa façon, pour
le combattre. Du reste, cette forme ailée de la pensée,
pour prendre l'expression de M. Hugo, est souverai-
nement propre à l'expansion, et c'est la musique qui
la porte. Tandis que M. Nardin, peut-être, lisait dans
un salon quelques-uns de ses jolis vers, appréciés
en petit comité, applaudis au coin du feu, les cou-
plets de Baillet couraient les concerts et les rues,
répétés à tous les échos par des voix plus ou moins
justes, mais compris par des cœurs ardents.
Ne chante-t-il ç&sMnon, Mignonne, Mimi-Bohème,
et tout le bataillon des courtes jupes ? Puis, délais-
sant le filon presque épuisé par Murger, il s'essaye
au genre Dtipont etcélèb'eici la Cave, là \&& Ro-
seaux. Enfin le tloullon prend le dessus : Ma Maîtresse,
la Diana des Chansons, Je voudrais bien être serpent,
nn joyeux Ménage. Voilà de véritables chansons, et
du Lon cru.
Mais Baillet, s'il vante et courtise la dive bouteille,
s'il a, comme il le dit.
Des larmes de l'automne égayé son printemps,
ne reste pas froid devant les grandes idées, ni
muet. Sa muse s'élève avec les sujets et trouve des
accents énergiques pour flageller le vice et chanter
le progrè.-. Quelques-unes de ses chansons sentent
l'ode, sans emphase. D'autres sont de rudes satires,
où les disciples de Lo^ ola ne sont pas épargnés.
Car :
On ne saurait chanter sans trêve
Les aiuoureu.x et le printemps.
Il faut que tout àj^e ait son rêve,
Comme chaque chose a sou temps.
Quand sur nos tètes la jeunesse
Auia mis son dernier fleuron,
Nous troquerons avec ivresse
Notre lyre contre un clairon.
Ainsi parle-t-il. Préparons nos bravos.
[A suiore] Eug. Iaibert.
CHRONIQUE DES SOCIÉTÉS LYRIQUES
Le mardi, 7 décembre, les Sociétés Philharmoni-
ques du, o" arrondissement, lyrique de VEscholiere et
lyrique et dramatique V Union parisienne, ont donné
une soirée extraoïdinaire, rue de Jussieu, ra^ie de
l'Ermitage, au profit des incendiés de la ville d'Ax.
Il n'y avait au programme que de? noms d'ama-
leurs, et cependant la salle était comble; le but si
louable de cette soirée avait suffi à attirer tme af-
ffuence considérable.
Je ne citerai que quelques noms au hasard, car
pour être juste, il laudrait les citer tous, et l'abon-
dance des matières ne nous le permet pas.
Adressons donc nos félicitations à M. Claverie, le
généreux instigateur do celle fêle de famille et de
bienfaisance, à M. Desfossez fils qui a organi-c cette
soiiéoavecun dévouement et uu désintéiesscuient
qui lui font honneur. Remercions aussi la Philhar-
monique, qui aurait pu commencer par une ouverture
mais s'est rattrapée vers dix heures.
Nos compliments à M. Desfossez père, qui avait
écrit, pour la circonstance, une pièce de vers. Hélait
difficile do bien rendre la misère dos sinistrés dé-
peinte avec tant d'énergie et terminée par un appel
à la fraternité ; Mme Desfossez a été à la hautoiu' de
sa tâche, c'est le plus bel éloge que nous puissions
faire de l'œuvie et de l'interprète.
Mlle Aline Marpon ne pouvait être que gracieuse
cl pariant agréable, les bravos du public le lui ont
d'aillcui's prouvé.
Mlle Tardif a conquis l'aplomb nécessaire pour se
présenter devant le ptiblic do nos sociétéset nous lui
adressons nos félicitations les plus sincèies.
Mme Adèle, avec son entrain proverbial dans nos
sociétés, a fait bonne moisson do bravos.
MM. Bech, Moumoutte, Jonas, ont rivalisé de verve
et ne se sont laissé surpasser que par notre bon
secrétaire, Adrien Souchct, qui a été rappelé trois fois
avec : Je suis enrhumé du cerveau. Monsieur mon do-
mestique, a été interprété par Mme Adèle et MM.
Qitéliu et Guiche. Nos compliments à tous trois, ma,ia
LA CHANSON
263
parlicLilièremcuL àGuiche qui esl vraimenl désopi-
lanl dans son rôle de domestique.
La faoiréc s'est lerininée par uue magnifique tom-
hola composé do 80 lots, parmi lesquels plusieurs,
et des plus beaux, ont été olfcrl par les ouraers de
l'imprimerie Claverio. VEschûlicve, etc. La recolle a
produit net environ M'i fr.
Pour les incendiés d'Ax, merci.
JMmanche, 12 décembre, a eu lieu la dix-builième
soirée donnée par l'Association littéraire et Musicale,
dans son local ordinaire, o7, passage de l'Elysée-des-
Beaux-Arls, à Monimarlrc. Jusqu'ici nous avons ra-
rement rencontré une Société lyrique qui nous ait
fait aulanl do plaisir.
A huit heures, M. Pcseheux ouvre la séance par
un monologue inédit : ElJ'cts de gamme, parrailement
. récité. Vient ensuite : La femme tpii trompe son mari,
comédie en un acLe, jouée par M. Deruon, faible dans
son jeu; Amablo, qui sait trouver des accents dra-
matiques; M. Pescheux. comique de la bonne école;
Mlles J.Dcrlé et Valérie, très sympathiques toutes
deux.
Toule l'altontion du public se poriait sur le nom
de Mme Scriwaneck, inscrit au programme, et c'est
par de chaleureux api)laudissomeuis que la salle
accueillit la sympathique artiste à son entrée eu
scène.
Mme Scriwaneck, avec son talent habituel, joua
Je reviens de Compiéz/ne, opérelle de Mlle Amélie
Pcrronnct.
Rappelée trois fois, l'excellente artiste esl gracieu-
scnienl revenue en scène et a détaillé une charmante
poésie avec un goût cl un seulinicnl exquis.
La soirée a continué par : Un petit hôtel, comédie
de MM. Meilhac el Halévy, jouée par MM. Pescheux,
Amable, Hugues el Mlle Diane de S..., fine el en-
jouée
Quelques morceaux de chant ont succédé aux
pièces Parmi les meilleurs interprètes, nous cile-
rous : M. Noir et Mlle Maria, dans le duo de Galathée.
M. Amablo, dans le Premier baiser d'amour; Mmes Ju-
dith et Lefebvrc, dans une scène du. Misanthrope ; cl
Mlle Derlé dans les Papillons.
Le piano était tenu par M. Marins Fontaine, l'ex-
ccUent pianiste des Sociétés lyriques.
Le 17 décembre a eu lieu la soirée donnée par le
Cercle de l'Étoile en l'hôtel des chambres syndicales.
Ce qui prêtait un intérêt particulier à celte soirée,
c'était le concours de M"" Scriwaneck el de M. Numès
du Palais-Royal.
La séance a commencé par un allegro de Mendels-
sohn, exécuté sur le piano avec une rare maestria par
M. Verlé ; puis M. Rancel s'est fait applaudir dans
Maria?iina de Ferri. M"° Noblet a chanté avec une
grâce charmante une ravissante chansonnette de ce
pauvre Cœdés, intitulée : Un mariage d'oiseau et le
fabliau de Jean de Nivelle. M. Numès a récité Ze
Sergent de Paul Déroulèdc ; est-il bien nécessaire de
dire qu'il a remporté un grand succès, cela ne doit
étonner personne. M. Raymond, un comique genre
Berthelier, a laissé de côté son répertoire pour chan-
ter ; Souvenirs d'amour el lettre d'an cousin à sa cou-
sine, de Uucaslel ; à chacune de ses chansons un fou
rire s'est emparé de l'audiloire et M. Raymond a dû
être satisfait car les bravos ne lui ont pas été mesu-
l'és. M. Dethurens a chanté d'une façon remarquable:
Si j'étais roi, d'Adam. M. Rouvière a" été fort applaudi
dans deux romances : Grand'mêre el Alléluia d'amour,
de Faure. M. Ruef a récité avec un grand talent:
Lucie, d'Alfred de Musset.
Un des artistes qui a eu le plus de succès, c'est
• M. Merville, qui a tenu la scèûe pendanl vingt mi-
nutes, avec son Grand concert à Z«;»(^e)"w«!M, remplis-
sant lour à tour les rôles de régisseur, directeur,
chanteur el imitant à s'j' méprendre Libert, Lassou-
che el les principaux acteurs de Paris. Dans un bis
il a dit : La lettre du fusiller Bridet. Il mérite bien
les bravos qu'on lui prodigue car il Joue en comédien
consommé.
Mlle ScriA\aneck a ensuite charmé le public en dé-
taillant avec la finesse qu'on lui connaît : Le secret
de Bébé, de M. de Boissière. M. Duverdray a chanté
avec une grande puissance la cavatine de Faust.
M. Géo. un comique de genre, a interprété : J'ai
perdu ma contrebasse, où il s'est monlré excellent,
comme toujours du reste.
Dans un intermède, M. Dickson, un illusionniste,
a fait trois tours charmants dont Pun : La cage invi-
sible, esl fort bien exécuté.
Il me reste à adresser des compliments à M. Tou-
rey, un violoniste de talent, qui a joué une berceuse
dont il est l'auteur, intitulée : Do-do; à M. Verlé
(déjà nomméj qui a tenu le piano d'une façon remar-
quable, et enfin aux organisateurs de cette soirée
qui a été splendide.
Nous avons assisté à la grande soirée donnée,
lundi dernier, par la Société l'Alliance de Belleville,
PJ, rue de Belleville, au bénéfice de M. G. Tournier,
et nous pouvons dire que le concert a été des mieux
réussis. La place nous manque pour relater tous les
noms des artistes, citons seulement ceux qui ont eu
le plus de succès.
MM. Yimg, père et flls, mandolinisles d'un rare
talent ; Chapuis, qui a été justement applaudi et
bissé dans Ètcs-vous comme moi ? de L. -Henry Le-
comle ; Vidmer des Foliiïs-Sai>'t-Martix, dans le
Déjeuner sur l'herbe; Gustave Tournier, le bénéfi-
ciaire qui rappelle Libert; Mmes ïhouard, du Con-
servatoire ; Léonline, Mikelli et Millet des concerts
de Paris. N'oublicms pas la petite Blanche et le petit
Emile, âgés de 10 ans, qui ont obleiui un franc suc-
cès dans Les Enfants de la montagne, paroles et mu-
sique de E. Roux, sociétHire.
Nos félicitations à Mlle Suzanne, ex-artiste de la
Porle-Sainl-Marlin, qui est, sans contredit, l'étoile
des sociétés lyriques.
Dans la Meunière et le Sergent elle a été charmante
et a su se faire applaudir à outrance par la salle
entière.
Il y a beaucoup d'appelés el peu d'élus à la Société
dramatique de récréation, car l'exiguité de la salle
n'en permet l'accès qu'à un ntjmbre trop restreint de
fidèles, el elle se voit souvent dans la nécessité de
refuser du monde, surtout les jours de grandes re-
présentations qui ont lieu le premier dimanche de
chaque mois, au siège social, 30, rue Faberi.
La Société dramatique de récréation, petite troupe
d'amateurs, qui compte bientôt trois lustres d'exis-
tence, esl souvent appelée, pour de bonnes œuvres,
sur des scènes plus vastes, et sait se faire applaudir
à côté d'artistes rompus au métier. Dimanche der-
nier elle prêtait encore une de ses pièces de résis-
tance, La Saint-François, au théâtre du Château-
d'Eau, ce qui n'empêchait pas ses interprètes d'èlre
prêts à huit heures pour le lever du rideau.
Les Méprises de Lambinet ont obtenu un réel succès
avec M. Morgat, M. Cerlonsini, un débutant qui ne
doit pas en être à son coup d'essai ; MM. Ratignon
et Fourneau, Mme Tangre, Mlle Marie el Mlle Hor-
lense.
Le Corée el le Branlebas, àiis avec de très bonnes
intentions, par M. Gaston Budin ; Aimons, Buvons et
l'Enfant de Paris, dont M. Fourneau a cru devoir
supprimer la musique, en la remplaçant par une
diction chaude el colorée ; TanAo le Fondeur et Igs
264
LA CHANSON
Maîtres diiveiirs, par M. Sehrader, eiiflii Ma Femme
est en vogage, par M. Pochet, qui donne à toutes ses
compositions une marque d'originalité, figuraient
dans la partie concertante du programme. La soirée
s'est terminée de bonne heure par le Chant du Coq,
saynète à trois personnages. MM. Montboussin,
Paul Sion et la toute charmante Mlle Gabrielle, en
ravissante toilette de bal.
Hier, samedi, grande soirée à la Société du Franc
rire, 27, rue de BelleviUe. Nous en rendrons compte
dans notre prochain numéro.
Aujourd'hui dimauche, grande matinée, à 1 heure,
au profit do M. Eug. Tiefeelin, salle de l'Ermitage,
sous le patronage de la Lyre de la Gaîté, et avec le
concours de plusieurs artistes de concerts.
La copie de notre compte-rendu de la soirée des
Enfants de la Seine a.y uni été égarée à l'imprimerie,
nous le remettons forcément au prochain numéro.
Demain dimanche, à 1 heure et demie, la société
L.\ FANï.iisiE Lyrique donnera une grande matinée
lyrique etdramatique dansla salle de TAlhambra,
23, faubourg du Temple, avec le gracieux concours
de ditféreut's artistes des principaux concerts de Pa-
ris. Ces éléments, joints à ceux que cette charmante
société renferme dans son sein, promettent de nous
donner une riiprésontation des plus agréables, et qui
' comptera, nous f n sommes certains, parmi les meil-
leures qui aient étédonncespar les sociétés Iyri(|ues.
Nous ne manquerons pas d'y assister, et nous en
' rendrons compte dans notre prochain numéro.
LE CERCLE MUSSET donnera, le lundi 27 cou-
rant, une soirée extraordinaire sous la présidence
de M. Delaporte, chevalier de la Légion d'honneur,
président du comité des concourra, a-sisLé de M. Pa-
lay, directeur du journal la Chansox, ci de M.Lesti-
vant, président de la Musii gauloise, membre du
comité, à l'occasion de la réception de Mme veuve
Lardin de Musset à la présidence d'houneur du
Cercle Musset en remplacement de son frère, Paul
de Musset décédé.
Le comité des concours lyriques et dramatiques
convoquera très prochainement messieurs les prési-
dents des Sociétés lyriques à une a,«semblce géné-
rale ayant pour but l'élude pratique d'un projet
d'association. .^______
Nous prions M'tî. les Présidents des Sociétés
lyriques de nous envoyer des lettres d'invitation en
.mémo temps que les programmes, et cela le plus
longtemps possible à l'avance, pour que nous puis-
sions annoncer leurs suirées et prendre nos disposi-
tions pour y assister.
La Lyre républicaine, café du Globe, 8, boule-
vard de Strasbourg, le premier lundi du mois, grande
soirée Lyrique et dramatique; le deuxième lundi,
' soirée entièrement dansnnte; troisième et quatrième
lundis, soirées dansantes et lyriques.
Lundi, 27 décembre, soirée extraordinaire donnée
par l'EscHOi.iÈRE, présidée par M. Gougy, pour
l'inauguration de la nouvelle salle, 27, rue de Jus-
sieu, salle de l' Brmitage, avec le concours de : la
Soi-ioté lyrique la Cour des Miracles, M. Léo Tostain,
Président de VUnion Parisienne ; M. E Mazot, Prési-
dent de la Réunion des Familles; M. H. Eon, Prési-
dent de V Étoile Parisienne; M. J. Lelirand, Président
de la Lyre delà Qaîté; M. Rutter, Président de l'Union
' F raiicaisei MïiiQS Adèle, Aana, Dêsfossez- Miles ^
Aline Marpon, Tardif, Isabelle, Marie Fournier, Ma-
ria. Louise, Clémentine ; le petit Paul, âgé de 7 ans;
MM. .Adrien Souchet, A. Uuet, Moumoutie, Moni-
cart. H. Karl, A. Hébert, F. Beck, Paula, Molivier,
Jouas, A. Desfossez, Victor, Rosalne, Voisin, Tier-
celin, Daltrofl', A. Stalin, Ch. de Saint-Germain,
Constant, Raphaël, Marpon et Montilau, Ernest Eon,
Guiche, Michel-Desfossez, Quélin, Marius, Haunart,
Félix, etc., et Emile Vaulravers pianiste.
UNE FEMME MODELE
Opérette en un acte, jouée par Mme Adèle et Léo
Tostain.
Le Concours de chansons de la Lyre Bienfai-
sante, a eu lieu lundi, comme nous l'avons annoncé.
En voici le résultat :
Premier prix — Le Poète, — M. MuUer.
Deuxième prix — Le vieuM Lévite, — J.-B. Robinot.
Première mention — Jeune Châtelaine et Jeune
Âbbé, — 0. Lebesgue.
Deuxième mention — Je remporte une veste., —
Monligny.
Neuf pièces avaient concouru.
Pierre et Paul.
As.tiîette.s, chansons lilloises de Desrousseaux.
Depuis le 1er décembre M. Focqueii, 2, rue de la Clef a
Lille, vend une nouvelle douzaine d'assiettes à des-
sert imprimées représentant, d'api es les dessins de
M. Ed. Boldortuc, des scènes des chansons dont voici
les titres : le l'etit sergent sans moustaclie, les Vinai-
qi elles, te Cabaret du Petit-Quinquin, la ISistocache de
Sainte-Catherine, Choisse et Thrinette, Ronde du temps
passé, le vieux Fripier, les Revenants, Chacharle l'her-
cule du Nord, les Amours de Jeannette et de Girotte,
Croqoris et la noce de César. — La bordure contient,
outre le portrait do l'auteur, les sujets suivants : Les
Deux gamins, une Aventure de Carnaval, le Fetit-
doiqt. la Cafetière et Jocquo Vhalou.
Nous recommandons à tous nos abonnés ainsi qu a
nos lecteurs d'adres~er leurs demandes rtirecles»
Lille à M. Focqueu. — Prix : 3 fr. 50 la douzaine.
Frais do transport à la charge du destinataire.
Notre confrère de la Gazette des Femmes, M. Jean
Alesson, vient de recevoir la croix de la Couronne
u'italie.
COMPAGNIE PARISIENNE.
DE
Voitures l^URBAINE.
SOCIÉTÉ ANONYME.
Le Conseil d'Administration a l'honneur d'infor-
mer MM. les actionnaires que le coupon n° 1, à dé-
tacher des actions le l""' janvier prochain, et repré-
sentant, en conformilé de l'article 39 des statuts,
l'intérêt à G p. 100 depuis le l»'' juillet dernier, sera
paye, a partir dudit jour, 1"' janvier 1881, aux con-
ditions suivantes :
Actions nominatives, brut 13 »
d" imp. déduit. . . . l^i 55
Actiont, au porteur, brut 13 f
d° imp. déduit. ... 14 03
Chez M. Henri de Lamonta, banquier,
à Paris, 59, rue Taitbout.
Le Directeur-Gérant : A. PATAY
Puris, =■ Imprimerje L. Hugonis et Çjç_, 6, rue Martel,
OCT
2 2 1927