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â'
6
L'A CITE DE
CARGASSONNE
OUVRAGE ETABLI
PAR LES SOINS DES
ÉDITIONS ALDEUT
MORANCÉ, A PARIS
30-32, RUE DE FLEURUS
ANCIENNE MAISON MOREL
FONDÉE EN 1780
TOUS DROITS DE TRADUCTION, DE REPRODUCTION ET d'aDAPTATION
RÉSERVÉS POUR TOUS PAYS
V
yiOLLET-LE-DUG, ^"?^^ ^
LA GITE
DE
CARCASSONNE
NOUVELLE EDITION
RBVXJE ET COMPLÉTÉE
PAR Michel Jordy
EDITIONS ALBERT MORANGÉ
Les précédentes éditions de cet ouvrage repro-
duisaient textuellement le rapport présenté en 1853
par Viollet-le-Duc au Gouvernement Impérial.
Cet important document révéla le grand intérêt
historique et artistique qu'offre la Cité de Car-
cassonne et décida de sa conservation qui était
déjà demandée d'une manière pressante par J.-P.
Cros-Mayrevieille et par les pouvoirs publics aler-
tés par lui.
En rédigeant son rapport. Viollet-le-Duc, écri-
vant au courant de la plume, s'est surtout attaché
à mettre en lumière l'importance du monument et
l'utilité de sa restauration au point de vue national.
Il assemblait les points offrant le même intérêt
architectural, mêlant les faits et les époques, sans
se préoccuper de l'ordre de la visite, d'ailleurs
inutile en ce temps-là. Aussi le visiteur qui se trou-
vait en présence du monument avait-il quelque
difficulté à retrouver dans le texte la description
des constructions qu'il avait devant lui.
C'est pour répondre au désir souvent manifesté
par les nombreux admirateurs de l'antique Carcas,
que nous présentons cette nouvelle édition, conçue
sur un plan différent, mais dans laquelle le texte du
génial architecte a été scrupuleusement respecté.
Nous avons simplement groupé par chapitres
les détails ayant trait aux mêmes sujets, aux
mêmes ensembles et qui sont dispersés dans le
rapport. De cette manière le touriste trouvera aisé-
ment la description générale et suivie des parties
qu'il veut étudier.
Tel est le but de cette nouvelle édition. Nous la
présentons augmentée d'un guide-itinéraire des-
criptif de la visite des Monuments de la Cité.
Les adjonctions faites au texte primitif sont
composées en italiques.
Nous avons complété ce volume par des photo-
graphies de la Cité actuelle, restaurée par Viollet-
le-Duc.
HISTORIQUE ET DESCRIPTION
I, Situation stratégique 7
II. Historique 7
III. Description des défenses de la Cité 20
IV. Effectif de la garnison 31
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR
I. Enceinte extérieure 37
II. Enceinte intérieure 54
III. Le château 87
IV. Eglise de Saint-Nazaire. 103
V. Intérieur de la Cité 111
VI. Conclusions 113
PREMIERE PARTIE
HISTOIRE ET DESCRIPTION
LA CITE
DE
GARGASSONNE
HISTOIRE ET DESCRIPTION
I. — SITUATION STRATÉGIQUE
Le pîateau sur lequel est assise la Cité de Carcassonne
commande la vallée de l'Aude, qui coule au pied de ce
plateau, et par conséquent la route naturelle de Narbonne
à Toulouse. Il s'élève entre la Montagne-Noire, derniers
contreforts des Cévennes, et les versants des Pyrénées,
précisément au sommet de l'angle que forme la rivière de
l'Aude en quittant ces versants abrupts, pour se détourner
vers l'Est. Carcassonne se trouve ainsi à cheval sur la
seule vallée qui conduise de la Méditerranée à l'Océan et
à l'entrée des défilés qui pénètrent en Espagne par
Limoux, Alet, Quillan, Mont-Louis, Livia, Puicerda ou
Campredon.
II — HISTORIQUE
Les Romains. — Vers l'an 636 de Rome, le Sénat, sur
l'avis de Lucius Crassus, ayant décidé qu'une Colonie
Romaine serait établie à Narbonne, la lisière des Pyrénées
fut bientôt munie de postes importants afin de conserver
les passages en Espagne et de défendre le cours des
rivières. Les peuples Volkes-Tectosages n'ayant pas opposé
de résistance aux armées romaines, la République accorda
8 LA CITÉ DE CARCASSONNE
aux habitants de Carcassonne, de Lodève, de Nîmes, de
Pézenas et de Toulouse la faculté de se gouverner suivant
leurs lois et sous leurs magistrats. L'an 70 avant J.-C,
Carcassonne fut placée au nombre des Cités nobles ou
élues. On ne sait quelle fut la destinée de Carcassonne
depuis cette époque jusqu'au iv* siècle. Elle jouit, comme
toutes les villes de la Gaule méridionale, d'une paix pro-
fonde; mais après les désastres de l'Empire, elle ne fut
plus considérée que comme une citadelle {Castellum).
En 350 les Francs s'en emparèrent, mais peu après les
Romains y rentrèrent.
Les Visigoths. — En 407, les Goths pénétrèrent dans la
Narbonnaise première, ravagèrent cette province, pas-
sèrent en Espagne, et, en 436, Théodoric, roi des Visi-
goths, s'empara de Carcassonne. Par le traité de paix qu'il
conclut avec l'Empire en 439, il demeura possesseur de
cette ville, de tout son territoire et de la Novempopulanie,
située à l'ouest de Toulouse.
En 508, Clovis mit le siège devant Carcassonne et fut
obligé de lever son camp sans avoir pu s'emparer de la
ville.
En 588, la Cité ouvrit ses portes à Austrovalde, duc de
Toulouse, pour le roi Gontran; mais peu après, l'armée
française ayant été défaite par Claude, duc de Lusitanie,
Carcassonne rentra au pouvoir de Reccarède, roi des
Visigoths.
Ce fut en 713 que finit ce royaume.
Les Sarrasins. — Les Maures d'Espagne, sous le com-
mandement de Moussa-ben-Nossaïr, devinrent alors pos-
sesseurs de la « Septimanie » .
La Féodalité. — On ne peut se livrer qu'à de vagues
conjectures sur ce qu'il advint de Carcassonne pendant
quatre siècles; entre la domination des Visigoths et le
commencement du xii' siècle, on ne trouve pas de traces
HISTOIRE ET DESCRIPTION 9
appréciables de constructions dans la Cité, non plus que
sur ses remparts. Mais, à dater de la fin du xi^ siècle, des
travaux importants furent entrepris sur plusieurs points.
Sous le vicomte Bernard Aton, la bourgeoisie de Carcas-
sonne s'était constituée en milice et il ne paraît pas que la
concorde régnât entre ce seigneur et ses vassaux, car ceux-
ci, battus par les ti'oupes d'Alphonse, comte de Toulouse,
venu en aide à Bernard, furent obligés de se soumettre et
de se cautionner. Les biens des principaux révoltés furent
confisqués au profit du petit nombre des vassaux restés
fidèles, et Bernard Aton donna en fief à ces derniers les
tours et les maisons de Carcassonne, à la condition, dit
Dom Vaissette : « de faire le guet et de garder la ville,
« les uns pendant quatre, les autres pendant huit mois de
« Tannée et d'y résider avec leurs familles et leurs vas-
« saux durant tout ce temps-là. Ces gentilshommes, qui
« se qualifiaient de a^ Châtelains de Carcassonne )) , pro-
« mirent par serment au Vicomte de garder fidèlement la
« ville. Bernard Aton leur accorda divers privilèges, et
« ils s'engagèrent à leur tour à lui faire hommage et à lui
« prêter serment de fidélité. C'est ce qui a donné l'ori-
« gine, à ce qu'il paraît, aux « Mortes-Payes » de la Cité
« de Carcassonne, qui sont des bourgeois, lesquels ont
« encore la garde et jouissent pour cela de diverses pré-
« rogatives. » (Voir l'our de la Vade, n" 18, p. 50.)
Ce fut probablement sous le vicomte Bernard Aton ou,
au plus tard, sous Roger III, vers 1130, que le Château fut
élevé et les murailles des Visigoths réparées.
Croisade albigeoise {Siège de 1209). — Le 1*"^ août 1209,
le siège fut mis devant Carcassonne par l'armée des
Croisés, commandée par le célèbre Simon de Montfort.
Le vicomte Raymond-Roger Trencavel avait fait aug'
menter les défenses de la Cité et celle des deux faubourgs
de la Trivalle et de Graveillant (aujourd'hui faubourg
10 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Barbacane), situés entre la Cité et l'Aude, ainsi que vers
la route de Narbonne,
Les défenseurs, après avoir perdu les faubourgs, man-
quant d'eau, furent obligés de capituler. Le siège entrepris
par l'armée des Croisés ne dura que du 1" au 15 août,
jour de la reddition de la place. On ne peut admettre que,
pendant ce court espace de temps, les assiégeants aient pu
exécuter les travaux de mine ou de sape qui ruinèrent
une partie des murailles et tours des Visigoths; d'autant
qu'il existe des reprises faites pendant le xii*^ siècle pour
consolider et surélever les tours visigothes qui avaient
été fort compromises par la sape et la mine.
Il faut donc admettre que les travaux de siège et les
brèches dont on signale la trace, notamment sur le côté
nord, sont dus aux Maures d'Espagne, lorsqu'ils con~
quirent ce dernier boulevard des rois Visigoths. Bernard
Aton ne peut être, non plus, l'auteur de ces travaux de
mine, car le traité qui lui rendit la Cité, occupée par ses
sujets révoltés, n'indique pas qu'il ait eu à faire un long
siège et que les défenseurs fussent réduits aux dernières
extrémités.
Le vicomte Raymond-Boger Trencavel, au mépris des
traités et de la capitulation qui rendait la Cité de Carcas-
sonne aux Croisés, était mort en prison dans une des
tours en novembre 1209.
Période Royale. — Depuis lors, Raymond Trencavel, son
fils, avait été dépouillé, en 1226, par Louis VIII de tous
ses biens reconquis sur les Croisés. Carcassonne alors fît
partie du domaine royal, et un sénéchal y commandait
pour le roi de France.
Siège de 1240. — En 1240, ce jeune vicomte Baymond
Trencavel, dernier des vicomtes de Béziers et de Carcas-
sonne, et qui avait été remis en 1209 aux mains du comte
de Poix (il était alors âgé de deux ans), se présente tout
à coup dans les diocèses de Narbonne et de Carcassonne
HISTOIRE ET DESCRIPTION 11
avec un corps de troupes de Catalogne et d'Aragon.
Il s'empare, sans se heurter à une sérieuse résistance, des
châteaux de Montréal, des villes de Montolieu, de Saissac,
de Limoux, d'Azillan, de Laurens et se présente devant
Carcassonne.
Il existe deux récits du siège de Carcassonne entrepris
par le jeune vicomte Raymond Trencavel en 1240, écrits
par des témoins oculaires : celui de Guillaume de Puy-
Laurens, Inquisiteur pour la Foi dans le paj's de Toulouse,
et celui du Sénéchal Guillaume des Ormes, qui tenait la
ville pour le roi de France. Ce dernier récit est un rap-
port, sous forme de journal, adressé à la reine Blanche,
mère de Louis IX.
Cette pièce importante nous explique toutes les dispo-
sitions de l'attaque et de la défense (1). A l'époque de ce
siège, les remparts de Carcassonne n'avaient ni l'étendue
ni la force qui leur furent données depuis par Louis IX
et Philippe le Hardi. Les restes encore très apparents de
l'enceinte des Visigoths, réparée au xiV siècle, et les
fouilles entreprises en ces derniers temps, permettent de
tracer exactement les défenses existant au moment où le
vicomte Raymond Trencavel prétendit les forcer.
Nous donnons ci-après (flg. 1) le plan de ces défenses,
avec les Faubourgs y attenant, les Barbacanes et le cours
de l'Aude.
L'armée de Trencavel investit la place le 17 septembre
1240, et s'empare du faubourg de Graveillant, qui est
aussitôt repris par les assiégés. Ce faubourg, dit le Rap-
port, est ante portam Tolosœ. Or, la Porte de Toulouse
n'est autre que la Porte dite de VAude aujourd'hui,
laquelle est une construction romane percée dans un mur
visigoth, et le faubourg de Graveillant ne peut être, par
(1) Le rapport du sénéchal Guillaume des Ormes, et le récit
de Guillaume de Puy-Laurcns ont été publiés et annotés par
M. Douët d'Arcq, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes,
1' série, tome II, p. 363.
12 LA CITÉ DE CARCASSONNE
conséquent, que le faubourg dit de la Barbacane. La suite
du récit fait voir que cette première donnée est exacte.
Les assiégeants venaient de Limoux, c'est-à-dire du
midi, ils n'avaieni pas besoin de passer l'Aude devant
Carcassonne pour investir la place. Un pont de pierre
existait sur l'Aude. Ce pont est encore entier aujourd'hui:
c'est le vieux pont dont la construction date, en partie, du
XII' siècle. Il ne fut que réparé et muni d'une tête de pont,
sous Saint Louis et sous Philippe le Hardi. Il est indiqué
en P sur notre figure 1.
Raymond Trencavel n'ignorait pas que les assiégés
attendaient des secours qui ne pouvaient se jeter dans la
Cité qu'en traversant l'Aude, puisqu'ils devaient se pré-
senter par le nord-ouest. Aussi le Vicomte s'empara du
pont, et, poursuivant son attaque le long de la rive droite
du fleuve vers l'amont, il essaya de couper toute commu-
nication de l'assiégé avec la rive gauche.
Ne pouvant toyt d'abord se maintenir dans le faubourg
de Graveillant, en G (voir la fig. 1), il s'empare d'un mou-
lin fortifié, M, sur un bras de l'Aude, fait filer ses troupes
de ce côté, les loge dans les parties basses du faubourg,
et dispose son attaque de la manière suivante : une partie
des assaillants, commandés par Ollivier de Thermes,
Bernard Hugon de Serre-Longue et Giraut d'Aniort,
campent entre le saillant nord-ouest de la ville et la
rivière, creusent des fossés de contrevallation et s'en-
tourent de retranchements palissades.
L'autre corps, commandé par Pierre de Fenouillet,
Renaud de Puy et Guillaume Fort, est logé devant la Bar-
bacane qui existait en B et celle de la Porte dite Narbon-
naise, en N.
En 1240, outre ces deux Barbacanes, il en existait une
en D (1) qui permettait de descendre du Château dans le
(1) Reconstruite sous saint Louis.
Fig. 1.
Plan des Défenses de la Cité
(Siège de 1240)
14 LA CITÉ DE CARCASSONN'E
faubourg (1) et une en H faisant face au midi. La grande
Barbacane D servait encore à protéger la porte de Tou-
louse T (aujourd'hui Porte de l'Aude).
Il faut observer que les seuls points où le sol extérieur
soit à peu près au niveau des Lices (car Guillaume des
Ormes signale l'existence des Lices L et, par conséquent,
d'une enceinte extérieure), sont les points O et R. Quant
au sol de la Barbacane D du château, il était naturellement
au niveau du faubourg et, par conséquent, fort au-dessous
de l'assiette de la Cité. Tout le front occidental de la Cité
est bâti sur un escarpement très élevé et très abrupt.
En reprenant tout d'abord le faubourg aux assiégeants,
les défenseurs de la ville s'étaient empressés de transporter
dans leur enceinte une quantité considérable de bois qui
leur fut d'un grand secours; mais ils avaient dû renoncer
à se maintenir dans ce faubourg.
Le Vicomte fit donc attaquer en même temps la Barba-
cane D du Château pour ôter aux assiégés toute chance
de reprendre l'offensive, la Barbacane B (c'était d'ailleurs
un saillant), la Barbacane N de la Porte Narbonnaise et
le saillant I, au niveau du plateau qui s'étendait à
100 mètres de ce côté vers le sud-ouest.
Les assiégeants, campés entre la place et le fleuve,
étaient dans une assez mauvaise position; aussi se retran-
chent-ils avec soin et couvrent-ils leurs fronts d'un si
grand nombre d'arbalétriers que personne ne pouvait
sortir de la ville sans être blessé.
Bientôt, ils dressèrent un « Mangonneau » devant la
Barbacane D.
Les assiégés, de leur côté, dans l'enceinte de cette Bar-
bacane, élèvent une « pierrière turque » qui bat le
Mangonneau. Pour être autant défilé que possible, le man-
gonneau devait être établi en E.
Peu après, les assiégeants commencent à miner sous la
(1) Toutes les défenses du château datent du xii' siècle sauf
celles du front sud.
HISTOIRE ET DESCRIPTION 15
Barbacane de la Porte Narbonnaise en N, en faisant partir
leurs galeries de mine des maisons du faubourg qui, de
ce côté, touchaient presque aux défenses.
Les mines sont étançonnées et étayées avec du bois
auquel on met le feu, ce qui fait tomber une partie des
défenses de la Barbacane.
Mais les assiégés ont contre-miné pour arrêter les pro-
grès des mineurs ennemis et ont remparé la moitié de la
Barbacane restée debout. C'est par les travaux de mine
que, sur les deux points principaux de l'attaque, les gens
du Vicomte tentent de s'emparer de la place; ces mines
sont poussées avec une grande activité; elles ne sont pas
plutôt éventées que d'autres galeries sont commencées.
Les assiégeants ne se bornent pas à ces deux attaques.
Pendant qu'ils battent la Barbacane D du château, qu'ils
ruinent la Barbacane N de la Porte Narbonnaise, ils
cherchent à entamer une portion des Lices et ils engagent
une attaque très sérieuse sur le saillant en 1 entre l'Evê-
ché et l'Eglise Cathédrale de Saint-Nazaire, marquée S
sur notre i>lan.
Comme nous l'avons dit, le plateau, sur ce' point, s'éten-
dait presque de niveau avec l'intérieur de la Cité de ï
en 0, et c'est pourquoi Saint Louis et Philippe le Hardi
firent, sur ce plateau, en dehors de l'ancienne enceinte
Visigothe, un ouvrage considérable, destiné à dominer
l'escarpement.
L'attaque des troupes de Trencavel est de ce côté (point
faible alors) très vivement poussée; les mines atteignent
les fondations de l'enceinte des Visigoths, le feu est mis
aux étançons et dix brasses de courtines s'écroulent. Mais
les assiégés se sont remparés en retraite de la brèche avec
de bonnes <.< palissades » et des «. bretèches y) (1); si bien
que les troupes ennemies n'osent risquer l'assaut. Ce n'est
pas tout, des galeries de miive sont aussi ouvertes devant
(1) Sorte de petit blockaus en charpente.
16 LA CITÉ DE CARCASSONNE
la porte de Rodez, en B; les assiégés contre-minent et
repoussent les travailleurs des assiégeants^
Cependant, des brèches étaient ouvertes sur divers
points et le Vicomte Raymond Trencavel craignant de
voir, d'un moment à l'autre, déboucher les troupes de
secours envoyées du nord, se décide à tenter un assaut
général. Ses gens sont repoussés avec des pertes sensibles,
et, quatre jours après, sur la nouvelle de la venue de
l'armée royale, il lève le siège, non sans avoir mis le feu
aux églises du faubourg, et entre autres à celle des
Minimes, en R.
L'armée de Trencavel était restée vingt-quatre jours
devant la ville.
Règne de Saint Louis. — Louis IX, attachant une grande
importance à la place de Carcassonne qui couvrait cette
partie du domaine royal devant V Aragon, et prétendant ne
plus avoir à redouter les conséquences d'un siège qui
l'aurait mise entre les mains d'un ennemi sans cesse en
éveil, voulut en faire une forteresse inexpugnable.
Il faut ajouter au récit du Sénéchal Guillaume des Ormes
un fait rapporté par Guillaume de Puy-Laurens. Dans la
nuit du 8 au 9 septembre, les habitants du faubourg de
Carcassonne (de la Trivalle; voir le plan, fig. 1), malgré
leur protestation de fidélité à la noblesse tenant pour le
Roi, avaient ouvert leurs portes aux soldats de Trencavel
qui, dès lors, dirigea de ce faubourg son attaque de
gauche contre la Porte Narbonnaise. Saint Louis, sitôt
après le siège levé, n'eut pas à détruire le bourg déjà
brûlé par le Vicomte Raymond Trencavel; mais, voulant,
d'une part, punir les habitants de leur manque de foi, et,
de l'autre, ne plus avoir à redouter un voisinage aussi
compromettant pour la Cité, il défendit aux gens du fau-
bourg de Graveillant de rebâtir leurs maisons et fit évacuer
le faubourg de la Trivalle. Ces malheureux durent s'exiler.
Louis IX commença immédiatement de grands ouvrages
HISTOIRE ET DESCRIPTION 17
de défense autour de la Cité; il fit raser les restes des fau-
bourgs, débarrassa le terrain entre la Cite et le pont et fit
élever toute « l'Enceinte Extérieure » que nous voyons
aujourd'hui, afin de se couvrir de tous côtés et de prendre
le temps d'améliorer les défenses intérieures.
Ayant pu constater la faiblesse des deux parties de l'en-,
ceinte sur lesquelles le Vicomte Raymond Trencavel avait,
avec raison, porté ses deux principales attaques, c'est-à-
dire l'extrémité Sud et la Porte Narbonnaise, il étendit
r « Enceinte Extérieure » bien au delà de l'ancien saillant
sud sur le plateau qui domine de ce côté un ravin abou-.
tissant à l'Aude et vers la Porte Narbonnaise, à 30 mètres
environ en dehors, enclavant ainsi dans les nouvelles
défenses les deux points principaux de l'attaque de Tren-
cavel (fig. 16, Plan général, p. 116).
Résolu à faire de la Cité de Carcassonne le boulevard de
cette partie du domaine royal contre les entreprises des
seigneurs hérétiques des provinces méridionales, Saint
Louis ne voulut pas permettre aux habitants des anciens
faubourgs de rebâtir leurs habitations dans le voisinage
de la Cité. Sur les instances de l'Evêque Radulphe (1),
après sept années d'exil, il consentit seulement à laisser
ces malheureux proscrits s'établir de l'autre côté de
l'Aude. Voici les lettres patentes de Saint Louis, expédiées
à ce sujet (2):
« Louis, par la grâce de Dieu, roy de France, à notre
« amé et féal Jean de Cravis, Séneschal de Carcassonne,
« salut et dilection. Nous vous mandons que vous recevez
(1) Le tombeau de cet Evêque est dans la petite Chapelle
bâtie à rextrémité du bras de croix sud de l'église de Saint-
Nazaire (voir p. 106).
(2) Histoire des Antiques et Comtes de Carcassonne, G. Besse,
citoyen de Carcassonne, Béziers, 1645. « Ces lettres, dit Besse,
furent exécutées par le séneschal, pridie nonas Aprilis, c'est-
à-dire le 4 avril 1247, et, avec l'acte de leur exécution, se trou-
vent avoir esté transcrites en langage du pays, dans le livi-e
manuscrit des coutumes de Carcassonne. »
18 LA CITÉ DE CARCASSONNE
en seureté les hommes de Carcassonne qui s'en estoient
fuj^s, à cause qu'ils n'avoient payé à nous les sommes
qu'ils dévoient, les termes des payements escheus. Pour
les demeures et habitations qu'ils demandent, vous en
prendrez advis et conseil de nostre amé et féal l'evesque
de Carcassonne et de Raymond de Capendu et autres
bons hommes, pour leur bailler place pour habiter,
proveu qu'aucun dommage n'en puisse avenir à nostre
chasteau et ville de Carcassonne. Voulons que leur
rendez les biens et héritaiges et possessions, dont ils
joiiissoient avant la guerre, et les laissez jouir de leurs
uz et coustumes, affin que nous ou nos successeurs ne
les puissions changer. Entendons toutefoiz que lesdits
hommes de Carcassonne doivent refaire et bastir à leurs
despens les églises de Nostre-Dame et des Frères-.
Mineurs, qu'ils avoient démolies; et au contraire n'en-
tendons que vous recevez en façon quelconque aucun
de ceux qui introduisirent le vicomte (de Trencavel) au
bourg de Carcassonne, estant traistres, ains rappellerez
les autres non coupables. Et direz de nostre part à
nostre amé et féal l'evesque de Carcassonne, que des
amendes qu'il prétend sur les fugitifs, il s'en désiste, et
de ce luy en sçaurons gré. Donné à Helvenas, le lundy
après la chaise de saint Pierre. »
Bien que nous n'ajons pas le texte original de cette
pièce, mais seulement la transcription altérée évidemment
par Besse, ce document n'en est pas moins très important
en ce qu'il nous donne la date de la fondation de la ville
actuelle de Carcassonne. En effet, en exécution de ces
lettres patentes, l'emplacement pour bâtir le nouveau
bourg fut tracé au delà de l'Aude, et comme cet empla-
cement dépendait de l'Evêché, le Roi indemnisa l'Evêque
en lui donnant la moitié de la ville de Villalier. L'acte de
cet échange fut passé à Aigues-Mortes avec le Sénéchal
en août 1248.
Ce bourg est aujourd'hui la Ville de Carcassonne (ville
HISTOIRE ET DESCRIPTION 19
Basse), élevée d'un seul jet sur un plan régulier, avec des
rues alignées, coupées à angle droit, une Place au centre
et deux Eglises.
La prudence de Louis IX ne se borna pas à dégager les
abords de la Cité et à élever une enceinte extérieure noU'
velle, il fit bâtir la grosse défense circulaire appelée la
Barbacane (n" 8, p, 97), à la place de celle qui comman-
dait le faubourg de Graveillant, lequel, rebâti plus tard,
prit son nom de cet ouvrage.
A la manière dont sont traitées les maçonneries de
V a Enceinte Extérieure y>, il y a lieu de croire que les
travaux furent poussés activement, afin de mettre, au plus
tôt, la Cité à l'abri d'un coup de main et pour donner le
temps de réparer et d'agrandir l'enceinte intérieure.
Règne de Philippe le Hardi. — Philippe le Hardi, lors de
la guerre avec le roi d'Aragon, continua ces ouvrages avec
activité. Ils étaient terminés au moment de sa mort (1285).
Carcassonne était la place centrale des opérations entre-
prises contre l'armée aragonaise et un refuge assuré en
cas d'échec (1).
A la place de l'ancienne Porte appelée Pressam ou Nar-
bonnaise ou des Salins, Philippe le Hardi fit construire
une admirable défense, comprenant la Porte Narbonnaise
actuelle (n° 20), la Tour du Trésau (n° 21) et les belles
courtines voisines. Du côté de l'ouest-sud-ouest, sur l'un
des points vivement attaqués par l'armée de Trencavel,
profitant du saillant que Saint Louis avait fait faire, il
rebâtit toute la défense intérieure, c'est-à-dire les tours
n"' 39, 11, 40, 41, 42, 43 (Porte de Razez, de Saint-Nazaire
ou des Lices), ainsi que les hautes courtines intermé-
diaires (fig. 16, Plan général, p. 116), de manière à mieux
commander la vallée de l'Aude et l'extrémité du plateau
(voir p. 80, Courtine entre les Tours 39 et 40). Du côté du
midi et du sud-est, Philippe le Hardi fit couronner,
(1) Le Verdun du Moyen Age ! (Note des Editeurs).
20 LA CITÉ DE CARCASSONNE
exhausser et même reconstruire sur quelques points les
tours des Visigoths, ainsi que les anciennes courtines. Du
côté nord, on répara également les parties dégradées des
murs anciens et on éleva une large Barbacane devant l'en-
trée du Château dans l'intérieur de la ville (n° 54 du Plan
général).
Depuis lors, il ne fut entrepris aucun travail de défense
dans la Cité de Carcassonne et, pendant tout le cours du
moyen âge, cette forteresse fut considérée comme impre-
nable. Le fait est qu'elle ne fut point attaquée et n'ouvrit
ses portes au Prince Noir, Edouard, en 1355, que quand
tout le pays du Languedoc se fut soumis à ce conquérant.
in. — DESCRIPTION DES DÉFENSES DE LA CITÉ
J'ai voulu donner un résumé très succinct de l'histoire
des constructions qui composent l'enceinte de la Cité de
Carcassonne, afin d'expliquer aux voyageurs curieux les
irrégularités et les différences d'aspect que présentent ces
défenses, dont une partie date de la domination Romaine
et Visigothe et qui ont été successivement modifiées et
restaurées, pendant les xii* et xiii* siècles, par les Vicomtes
et par le Roi de France.
Quand on se présente devant la Cité de Carcassonne, on
est tout d'abord frappé de l'aspect grandiose et sévère de
ces tours brunes si diverses de dimensions, de forme, et
qui suivent, ainsi que les hautes courtines qui les réu-
nissent, les mouvements du terrain pour obtenir un com-
mandement sur la campagne et profiter autant que pos-
sible des avantages naturels offerts par les escarpements
du plateau, au bord duquel on les a élevées.
Chemins de ronde et Escaliers. — Habituellement, les
tours de l'enceinte intérieure et même de l'enceinte exté-
rieure interrompent les chemins de ronde; de sorte que,
si l'assaillant parvenait à s'emparer d'une courtine, il se
HISTOIRE ET DESCRIPTION 21
trouvait pris entre deux tours, et, à moins de les forcer
les unes après les autres, il lui devenait impossible de
circuler librement sur les remparts; d'autant que les
« Escaliers » qui mettent directement en communication
les « Chemins de Ronde » avec le terre-plein du côté de
la ville, sont très rares et qu'on ne peut monter sur ces
chemins de ronde qu'en passant par les escaliers prati-
qués dans les tours. « Chaque tour était ainsi un réduit
séparé, indépendant, qu'il fallait forcer y>.
Cependant, dans l'enceinte du Cloître Saint-Nazaire, de
larges escaliers donnent accès aux remparts. Mais il est
bon d'observer que le Cloître et VEvêchc étaient déjà ren-
fermés dans une enceinte, et que, par conséquent, les habi-
tants de la ville ne pouvaient monter de la voie publique
sur les courtines. Partout où il existe des escaliers mon-
tant aux chemins de ronde directement, ces escaliers
sont toujours, ou enclavés dans d'anciens logis dépendant
des murailles et fortifiés, ou compris dans des enceintes
spéciales; tels sont les escaliers qui montaient à la cour-
tine à côté de la tour n° 44, le long de la tour n" 47 et
près de la chapelle Saint-Sernin (tour 53). Le plus sou-
vent, ce sont les escaliers des tours qui, au moyen de
petites portes extérieures bien ferrées, permettent l'accès
sur les chemins de ronde. La garnison pouvait donc, si
bon lui semblait, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
s'isoler et tenir les citoyens en respect pendant qu'elle
repoussait les assiégeants. Elle seule circulait entre les
deux enceintes, dans les «Lices», en fermant les portes
de la ville sur les habitants; sur ce point, il n'y avait nul
inconvénient à ce que les chemins de ronde fussent de
plain-pied avec le terre-plein.
On remarquera encore que les « Chemins de ronde »
des courtines et, par conséquent, les « crénelâmes » et les
« hourds » ne sont pas toujours de niveau, mais suivent
la pente du terrain extérieur, de manière à conserver sur
22 LA CITÉ DE CARCASSONNE
tous les points de l'enceinte une hauteur d'escarpe uni-
forme, ainsi que cela se pratique encore de nos jours.
L'Echelade. — C'était une règle établie par l'expérience,
et, passé une certaine hauteur, VEchelade devait être
regardée comme impossible; aussi maintenait-on un mini-
mum d'élévation partout. Toutefois les « escarpes » de
l'enceinte intérieure sont beaucoup plus élevées que celles
de l'enceinte extérieure. L'enceinte extérieure était établie
de manière à battre l'assaillant à grande distance et à
l'empêcher d'approcher; tandis que, pour l'enceinte inté-
rieure, tout est combiné en vue de combattre un ennemi
très rapproché. Il n'est pas besoin d'insister sur une dis-
position indiquée par le simple bon sens.
Les Portes. — Les Portes qui mettent les tours en com-
munication avec les chemins de ronde sont étroites, bien
ferrées, barrées à l'intérieur, de sorte qu'en un instant on
pouvait fermer le vantail et le barricader en tirant rapi-
dement la barre de bois, logée dans la muraille, avant
même de prendre le temps de pousser les verrous et de
donner un tour de clef à la serrure. L'examen attentif de
ces défenses fait ressortir le soin apporté par les ingé-
nieurs de ce temps contre les surprises. Toutes sortes de
précautions ont été prises pour arrêter l'ennemi et l'em-
barrasser à chaque pas par des dispositions imprévues.
Evidemment, un siège à cette époque n'était réellement
sérieux pour l'assiégé, comme pour l'assaillant, que quand
on en était venu à se prendre, pour ainsi dire, corps à
corps. Une garnison aguerrie pouvait lutter avec des
chances de succès jusque dans ses dernières défenses.
L'ennemi entrait dans la ville par escalade ou par une
brèche, sans que, pour cela, la garnison se rendît; car
alors, celle-ci renfermée dans les tours qui, je le répète,
sont autant de réduits indépendants, pouvait se défendre
encore; il fallait forcer des portes barricadées. Prenait-on
le rez-de-chaussée d'une tour, les étages supérieurs con-
HISTOIRE ET DESCRIPTION 23
servaient les moyens de reprendre l'offensive et d'écraser
l'ennemi. On voit que tout était calculé pour une lutte pos-
sible pied à pied. Les escaliers à vis étaient facilement
barricadés de manière à rendre vains les efforts de l'as-
siégeant pour arriver aux étages supérieurs.
Les bourgeois d'une place eussent-ils voulu capituler,
que la garnison se gardait contre eux et leur interdisait
l'accès des tours et des courtines. C'est un système de
défiance adopté envers et contre tous.
Les Poternes. — Indépendamment des portes percées
dans l'enceinte intérieure, on comptait plusieurs Poternes.
Pour le service des assiégés, — surtout s'ils devaient gar-
der une double enceinte — , il fallait rendre les commu-
nications faciles entre ces deux enceintes et ménager des
poternes donnant sur les dehors, pour pouvoir porter
rapidement des secours sur un point attaqué, faire sortir
ou rentrer des corps, sans que l'ennemi pût s'y opposer.
En parcourant Venceinle intérieure de Carcassonne, on
voit un grand nombre de poternes plus ou moins bien
dissimulées et qui devaient permettre à la garnison de se
répandre dans les Lices par une quantité d'issues facile-
ment masquées, ou de rentrer rapidement dans le cas où
la première enceinte eût été forcée. Entre la Tour du
Trésau du côté nord et le Château, nous trouvons deux
de ces poternes, sans compter la Porte de Rodez. L'une de
ces poternes donne entrée dans le fossé du Château
(fig. 16), l'autre à côté de la tour n° 26. Entre le Château
et la tour n° 37 est une poterne donnant également dans
le fossé du Château. Entre la Porte de l'Aude et la Porte
Narbonnaise (côté ouest et sud de l'enceinte intérieure)
on trouve la poterne Saint-Nazaire; entre les tours 44 et 45,
une poterne communiquant à un escalier à vis, et entre
les tours 50 et 52 une construction saillante n° 51 comrru-
niquant à de vastes souterrains.
De plus, il existe une poterne mettant les Lices en
communication avec le fossé, à l'angle de rencontre de la
24 LA CITÉ DE CARCASSONNE
courtine de droite avec le donjon de la Vade n° 18. Il y
avait une poterne au côté droit de la grosse tour n° 4 de
l'enceinte extérieure. Il existait une autr'e poterne, très
relevée au-dessus de l'escarpement, percée dans le mur
extérieur de la porte de l'Aude et la poterne encore ouverte
dans l'angle de la tour 15. En ajoutant à ces issues la
Grande Barbacane du Château n" 8, on voit que la gar-
nison pouvait faire des sorties et se mettre en communi-
cation avec les dehors, sans ouvrir les deux portes princi-
pales de l'Aude et Narbonnaise.
Machines de jet. — Les « machines de jet », les engins
dont les assaillants disposaient à cette époque pour battre
du dehors des murailles, comme celles de la Cité de Car-
cassonne, ne pouvaient produire qu'un effet très médiocre,
vu la solidité des ouvrages et l'épaisseur des merlons; car
l'artillerie à feu seule pourrait les entamer. Restaient la
« sape », la « mine », le « bélier » et tous les engins qui
obligeaient l'assaillant à se porter au pied même des
défenses. Or il était difficile de se loger et de saper
sous ces « hourds » puissants qui vomissaient des projec-
tiles. La « mine » n'était guère efficace ici, car toutes les
murailles et tours sont assises sur le roc.
Hourds et Mâchicoulis de bois. — Les trous carrés, desti-
nés au passage des solives en bascule qui supportaient
les « hourds » sont tous intacts et disposés de telle sorte
que, du dedans, on pouvait, en très peu de temps, établir
ces ouvrages de bois dont la couverture se reliait à celle
des combles à demeure. En effet, on conçoit facilement
qu'avec le système de créneaux et de meurtrières prati-
qués dans les couronnements de pierre, il était impossible
d'empêcher des assaillants nombreux et hardis, protégés
par des « pavois » et même par des chats (sortes de cha-
riots recouverts de madriers et de peaux) de saper le pied
des tours, puisque des meurtrières, malgré la forte incli'
naison de leur coupe, il est impossible de voir le pied
HISTOIRE ET DESCRIPTION 25
des tours ou courtines, et que, par les créneaux, à moins
de sortir la moitié du corps en dehors de leur ventrière,
on ne pouvait non plus viser un objet placé au pied de
l'escarpe. Il fallait donc établir une défense continue,
couverte et permettant à un grand nombre de défenseurs
de battre le pied de la muraille ou des tours par le jet de
pierres ou de projectiles de toute nature (voir figure 13,
page 95).
Non seulement les « hourds » remplissaient cet objet,
mais ils laissaient aux défenseurs toute la liberté de leurs
mouvements, les chemins de rondes au dedans des créne-
lages étant réservés à l'approvisionnement des projectiles
et à la circulation.
D'ailleurs si ces hourds étaient percés, outre le. machin
nicoulis continu, de meurtrières, les meurtrières prati-
quées dans les merlons de pierre restaient démasquées
dans leur partie inférieure et permettaient aux arbalétriers
postés au dedans du parapet sur ce chemin de ronde de
lancer des traits sur les assaillants. La défense était donc
aussi active que posible et le manque de projectiles devait
seul laisser quelque répit à l'attaque.
On ne doit donc pas s'étonner si, pendant des sièges
mémorables, après une défense prolongée, les assiégés en
étaient réduits à découvrir leurs maisons, à démolir les
murs de clôture des jardins, à dépaver les rues, pour gar-
nir les hourds de projectiles et forcer les assaillants à
s'éloigner du pied des tours et murailles.
Au xiir siècle, la Montagne-Noire et les rampes des
Pyrénées étaient couvertes de forêts; on a donc pu faire
grand usage de ces matériaux si communs alors dans les
environs de Carcassonne.
Les couronnements des deux enceintes de la Cité, cour-
tines et tours, sont tous percés de ces trous carrés traver-
sant à distances égales le pied des parapets au niveau des
chemins de ronde. Les étages supérieurs des tours et de
larges hangars établis en dedans des courtines, comme
26 LA CITÉ DE CARCASSONNE
nous le dirons tout à l'heure, servaient à approvisionner
ces bois qui devaient toujours être disponibles pour mettre
la ville en état de défense.
Sur le front sud-est, les hourds présentaient en temps
de guerre une ligne non interrompue, car ceux des cour-
tines se relient à ceux des tours au moyen de quelques
marches. Cela était nécessaire pour faciliter la défense et
ne pouvait avoir d'inconvénients, dans le cas où l'assié-
geant se serait emparé d'une portion de ces hourds, car il
était facile de les couper en un instant et d'empêcher
l'ennemi de profiter de cette coursière extérieure continue
pour s'emparer successivement des étages supérieurs des
tours. L'assiégé, obligé d'abandonner une portion de ces
hourds, pouvait lui-même y mettre le feu, sacrifier au
besoin une tour ou deux, et se retirer dans les postes éloi-
gnés du point tombé au pouvoir de l'ennemi, en coupant
les planchers de bois derrière lui.
Les tablettes de pierre des chemins de ronde des cour-
tines élevées sous Philippe le Hardi sont supportées à
l'intérieur pour augmenter la largeur de la coursière, du
côté du sud et du sud-est, depuis la tour de l'Evêque
(n" 11) jusqu'à la porte Narbonnaise (n° 20), par des
« Corbeaux de pierre ». Il existe, entre ces corbeaux, des
trous carrés très profonds ménagés dans la construction
à intervalles égaux. Ces trous étaient destinés à loger des
solives horizontales dont l'extrémité pouvait, au besoin,
être soulagée par des poteaux. Sur ces solives on établis-
sait un plancher continu qui élargissait d'autant le chemin
de ronde à l'intérieur et formait une saillie fort utile pour
l'approvisionnement des hourds, pour la mise en batterie
de « pierrières » et « trébuchets », et pour disposer au
pied des remparts, sur le terre-plein de la ville, des maga-
sins, des abris pour un supplément de garnison.
Les combles qui couvraient les hourds venaient très
probablement couvrir ce supplément de coursières. On
conçoit combien ces larges espaces, ménagés à la partie
HISTOIRE ET DESCRIPTION 27
supérieure des courtines, devaient faciliter la défense. Et
il faut noter ici que cette disposition n'existe que dans la
partie des défenses qui était le moins protégée par la
nature du terrain et contre laquelle, par conséquent,
l'assaillant devait réunir tous les efforts et pouvait orga-
niser une attaque en règle.
Ces précautions eussent été inutiles là où l'ennemi ne
pouvait se présenter qu'en petit nombre par suite des
escarpements de la colline. Du « côté méridional »,
l'ennemi, en supposant qu'il se fût emparé de l'enceinte
extérieure, pouvait combler une partie des fossés, détruire
un pan de mur de l'enceinte extérieure et faire approcher
de la muraille intérieure, sur un plan incliné, un de ces
« beffrois de charpente » recouverts de peaux fraîches
pour les garantir du feu et au moyen desquels on se jetait
de plain-pied sur les chemins de ronde supérieurs. On ne
pouvait résister à une semblable attaque, qui réussit
maintes fois, qu'en réunissant, sur le point attaqué, un
nombre de soldats supérieur aux forces des assiégeants.
Comment l'aurait-on pu faire sur ces étroits chemins de
ronde? Les hourds brisés, les merlons entamés par les
machines de jet, les assiégeants se précipitant sur les che-
mins de ronde, ne trouvaient devant eux qu'une rangée de
défenseurs acculés à un précipice et ne présentant qu'une
ligne sans profondeur à cette colonne d'assaut sans cesse
renouvelée! Avec ce supplément de chemin de ronde
qu'on pouvait élargir à volonté, il était possible d'opposer
à l'assaillant une résistance solide, de le culbuter et de
s'emparer même du « beffroi ».
D'un autre côté, les assiégeants cherchaient à mettre
le feu à ces hourds de bois qui rendaient le travail des
sapeurs impossible ou à les briser à l'aide des pierres
lancées par les mangonneaux ou les trébuchets. Et cela
ne devait pas être très difficile, surtout lorsque les
murailles n'étaient pas fort élevées.
28 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Mâchicoulis de pierre. — Aussi, dès la fin du xiii' siècle,
on se mit à garnir les murailles et tours de « mâchicoulis
de pierre » portés sur des consoles, ainsi qu'on peut le
voir à Beaucaire, à Avignon et dans tous les Châteaux forts
ou Enceintes des xiv" et xv* siècles (1).
A Carcassonne, le « mâchicoulis de pierre » n'apparaît
nulle part, et partout, au contraire, on trouve les trous
des hourds de bois dans les fortifications du Château, qui
datent du commencement du xii" siècle, aussi bien que
dans les ouvrages de Louis IX et de Philippe le Hardi.
C'est dans ces détails de la défense pied à pied qu'ap-
paraît l'art de la fortification du W au xV siècle. En exa-
minant avec soin, en étudiant scrupuleusement, et dans
les moindres détails, les ouvrages défensifs de ces temps,
on comprend ces récits d'attaques gigantesques que nous
sommes trop disposés à taxer d'exagération. Devant des
moyens de défense si bien prévus, si ingénieusement
combinés, on se figure sans peine les travaux énormes des
assiégeants, les beffrois mobiles, les estacades et bastilles
terrassées, les engins de sape roulants, tels que chats et
galeries, ces travaux de mine qui demandaient un temps
considérable, lorsque la poudre à canon n'était point en
usage dans les armées. Avec une garnison déterminée et
bien approvisionnée on pouvait prolonger un siège indéfi^
niment. Aussi n'est-il pas rare de voir une bicoque résister
pendant des mois à une armée nombreuse. De là, souvent,
cette audace et cette insolence du faible contre le fort et
le puissant, cette habitude de la résistance individuelle
qui faisait le fond du caractère de la féodalité, cette
énergie qui a produit de si grandes choses et un si grand
développement intellectuel au milieu de tant d'abus.
(1) Au château de Coucy, bâti au commencement du xm'
siècle on voit naître les mâchicoulis de pierre destinés à rem-
placer les hourds de bois. Là, ce sont déjà de grandes consoles
de pierre qui portaient le hourd de bois.
HISTOIRE ET DESCRIPTION 29
Volets à rouleaux. — En temps ordinaire les couronne-
ments de pierre pouvaient suffire, et l'on voit encore
comment, dans les étages supérieurs des tours, les cré'
neaux étaient garnis de Volets à rouleaux: sortes de
sabords, manœuvrant sur un axe de bois posé sur deux
crochets en fer; volets qui permettaient de voir le pied
des murailles sans se découvrir et qui garantissaient les
postes des étages supérieurs contre le vent et la pluie. Les
volets inférieurs s'enlevaient facilement lorsqu'on établis-
sait les hourds, car alors les créneaux servaient de com-
munication entre ces hourds et les chemins de ronde ou
planchers intérieurs.
Notre figure 2, page 31, explique la disposition de ces
volets. La partie supérieure pivotant sur deux gonds fixes
demeurait, la partie inférieure était enlevée lorsqu'on
posait les hourds.
Meurtrières. — Les « meurtrières » ne sont pas percées
les unes au-dessus des autres, mais chevauchées, ou vides
sur pleins, afin de battre tous les points de la circonfé'
rence de la tour. Ce principe est généralement suivi dans
les tours de l'enceinte intérieure et, sans exception, dans
les tours de l'enceinte extérieure où les meurtrières jouent
un rôle important. En effet, les meurtrières percées dans
les étages des tours ne pouvaient servir que lorsque l'en-
nemi était encore éloigné des remparts; on conçoit dès
lors qu'elles aient été pratiquées plus nombreuses et
disposées avec plus de méthode dans les tours de l'en-
ceinte extérieure.
Anciens logis. — On voit encore, accolés aux remparts
intérieurs, des Logis qui ont été élevés en même temps
que les défenses et qui étaient probablement destinés à
contenir des postes et des commandants supérieurs. Ces
restes sont apparents: à la Porte Narbonnaise (n° 20), face
intérieure de gauche, derrière les tours n°^ 51, 52, 48 et 44,
à l'intérieur de la Porte de l'Aude et derrière la tour n° 25.
30 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Place imprenable. — On ne doit pas être surpris si, dans
ces temps éloignés de nous, certains sièges se prolon-
geaient indéfiniment. La Cité de Carcassonne était, à la
fin du xiir siècle, avec sa double enceinte et les dispo-
sitions ingénieuses de la défense, une place imprenable
qu'on ne pouvait réduire que par la famine, et encore
eût-il fallu, pour la bloquer, une armée nombreuse, car il
était aisé à la garnison de garder les bords de l'Aude, au
moyen de la grande Barbacane (n° 8 du plan, page 116)
qui permettait de faire des sorties avec des forces impo-
santes et de culbuter les assiégeants dans le fleuve.
Les remparts et les tours présentent surtout un aspect
formidable sur les points de l'enceinte où les approches
sont relativement faciles, où des escarpements naturels ne
viennent pas opposer un obstacle puissant à l'assaillant.
Du côté du nord-est, de l'est et du sud, là où le plateau
qui sert d'assiette à la Cité est à peu près de plain-pied
avec la campagne, de larges « fossés » protègent la pre-
mière enceinte.
Palissades. — Il est vraisemblable que les extrémités de
ces fossés, ainsi que les avancées des portes, étaient défen^
dues par des « palissades » extérieures, suivant les habi-
tudes de l'époque. Ces palissades étaient munies de
barrières ouvrantes.
IV. — EFFECTIF DE LA GARNISON
Nous avons fait le calcul du nombre d'hommes stricte-
ment nécessaire pour défendre la Cité de Carcassonne.
L'enceinte extérieure de la Cité de Car-
cassonne possède 14 tours; en les suppo-
sant gardées chacune par 20 hommes,
cela fait 280 hommes
HISTOIRE ET DESCRIPTION
31
Fig. 2.
Volets a rouleaux
32 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Vingt hommes dans chacune des trois
harbacanes 60 hommes
Pour servir les courtines sur les points
attaqués 100 —
L'enceinte intérieure comprend 24 tours
à 20 hommes par poste; en moyenne. . . 480 —
Pour la porte Narbonnaise 50 —
Pour garder les courtines 100 —
Pour la garnison du château 200 —
1.270 hommes
Ajoutons à ce nombre d'hommes les
capitaines, un par poste ou par tour, sui-
vant l'usage 53
1.323 hommes
Il s'agit ici des combattants seulement; mais il faut
ajouter à ce chiffre les servants, les ouvriers qu'il fallait
avoir en grand nombre pour soutenir un siège : soit au
moins le double des combattants. Ce nombre, à la rigueur,
était suffisant pour opposer une résistance énergique à
l'ennemi, dans une place aussi bien fortifiée.
Les deux enceintes n'avaient pas à se défendre simul-
tanément, et les hommes de garde, dans l'enceinte inté-
rieure, pouvaient envoyer des détachements pour défendre
l'enceinte extérieure. Si celle-ci tombait au pouvoir de
l'ennemi, ses défenseurs se réfugiaient derrière l'enceinte
intérieure. D'ailleurs, l'assiégeant n'attaquait pas tous les
points à la fois. Le périmètre de l'enceinte extérieure est
de 1.400 mètres sur les courtines; donc c'est environ un
combattant par mètre courant qu'il fallait compter pour
composer la garnison d'une ville fortifiée comme la Cité
de Carcassonne.
DEUXIEME PARTIE
GUIDE TOPOGRAPHIQUE
DU VISITEUR
GUIDE TOPOGRAPHIQUE
DU VISITEUR
La visite de la merveilleuse ville fortifiée qu'est
la Cité de Carcassonne demande plusieurs heures.
Le touriste qui veut apprendre ou revivre, au
milieu des plus pures sensations d'art, les vingt
siècles passés de l'Histoire à tous les points de vue
— militaire, religieux, artistique, social — doit
consacrer au moins une journée à cette visite.
Visiter successivement:
1° L'enceinte extérieure (les Lices);
2° L'enceinte intérieure (sur les Remparts) ;
3° Le Château Comtal et son musée;
é" La Cathédrale Saint-Nazaire (le Bijou de la
cité) ;
5° L'intérieur de la vieille ville (rues, maisons
anciennes, puits, etc.).
Ne pas quitter la Cité sans avoir vu en détail
chacune de ces cinq parties qui sont toutes des plus
intéressantes et se complètent l'une par l'autre.
36
LA CITE DE CARCASSONNE
Voici le nom des tours des deux enceintes en se
rapportant aux numéros inscrits sur le Plan géné-
ral, page 116.
ENCEINTE EXTERIEURE
Pages
1. Barbacane de la Porte
Narbonnaise 38
2. Tour de Bérard 39
3. Tour de Bénazet 39
4. Barbacane Notre-Dame 39
5. Tour de Mouretis 39
6. Tour de la Glacière... 39
7. Tour de la Porte-
Rouge 40
8. Grande Barbacane ex-
térieure du Château. 47
9. Avant-porte de l'Aude. 47
Pagfs
47
10. Tour du petit Canisou.
11. Tour carrée de l'Evê-
que 47
12. Tour du grand Canisou 49
13. Tour du grand Brûlas. 49
14. Tour d'Ourliac 49
15. Barbacane St-Nazaire,
dite Tour Crémade.. 49
16. Tour Cautières 50
17. Tour Pouléto 50
18. Tour de la Vade 50
19. Tour de la Peyre 51
ENCEINTE INTERIEURE
20. Tour de la Porte Nar-
bonnaise 57
21. Tour du Trésau 68
22. Tour du Connétable.. 71
23. Tour du Vieulas 72
24. Tour de la Marquière. 72
25. Tour de Samson 72
26. Tour du Moulin d'Avar 73
27. Tour de la Charpen-
tière 73
37. Tour de la Justice 77
38. Tour visigothe 79
39. Tour de l'Inquisition. 80
40. Tour de Cahuzac 81
41. Tour Mipadre 81
42. Tour du Moulin du
Midi 81
43. Tour et Poterne de
Saint-Nazaire 82
44. Tour Saint-Martin 83
45. Tour des Prisons 84
46. Tour de Castéra 84
47. Tour du Plô 84
48. Tour de Balthazar 84
49. Tour de Davejean 85
50. Tour Saint-Laurent. . . 86
51. Escalier descendant à
la poterne de la tour
de la Peyre 86
52. Tour du Trauquet.... 86
53. Tour Saint-Sernin. . . . 86
CHATEAU
28. Tour de la Chapelle . . 74
29. Tour de la Poudre... 74
30. Avant-porte du Châ-
teau 75
31. Tour Peinte^" Guetté]. 75
32. Tour Saint-Paul 76
33. Porte du Château 76
34. Tour des Casernes. ... 76
35. Tour du Major 76
36. Tour du Degré 76
54. Barbacane intérieure
du Château 87
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 37
I. — ENCEINTE EXTÉRIEURE
L'enceinte extérieure, qui présente un intérêt
sérieux et que je regarde comme antérieure de
quelques années aux réparations entreprises par
Philippe le Hardi, pour améliorer l'enceinte inté-
rieure — et je vais en donner des preuves certaines
tout à l'heure — est bâtie en matériaux (grès) irré-
guliers et disposés sans choix, mais présentant des
parements unis, tandis que toutes les constructions
de la fin du xiii* siècle sont parementées en pierres
ciselées sur les arêtes, et forment des « bossages
rustiques » qui donnent à ces constructions un
aspect robuste et d'un grand effet.
Tous les profils des tours de l'enceinte intérieure,
réparée par Philippe le Hardi, sont identiques; les
culs-de-lampe des arcs des voûtes et les quelques
rares sculptures, telles, par exemple, que la statue
de la Vierge et la niche placées au-dessus de la
Porte Narbonnaise, appartiennent incontestable-
ment à la fin du xiii« siècle.
Dans ces constructions, les matériaux sont de
même nature, provenant des mêmes carrières et le
mode d'appareil uniforme; partout on rencontre
ces « bossages », aussi bien dans les parties com-
plètement neuves, comme celles de l'ouest, du sud-
ouest et de l'est, que dans les portions complétées
ou restaurées, sur les constructions visigothes et du
xii« siècle. Les moulures sont finement taillées et
déjà maigres, tandis que l'enceinte extérieure pré-
38 LA CITÉ DE CARCASSONNE
sente dans ses meurtrières, ses portes et ses cor-
beaux, de profils très simples et larges. Les clefs
des voûtes de la tour n° 18 (tour de la Vade ou du
Papegay) sont ornées de figures sculptées présen-
tant tous les caractères de l'imagerie du temps de
Saint Louis.
De plus, entre la tour n° 7 et l'Echauguette de
l'ouest, le parapet de la courtine a été exhaussé,
en laissant toutefois subsister les merlons primitifs
ainsi englobés dans la maçonnerie surélevée, afin
de donner à cette courtine, jugée trop basse, un
commandement plus considérable.
Or, cette surélévation est construite en pierres
avec bossages, les créneaux sont plus espacés,
l'appareil beaucoup plus soigné que dans la partie
inférieure et parfaitement semblable, en tout, à
l'appareil des constructions de 1280.
La différence entre les deux constructions peut
être constatée par l'observateur le moins exercé:
donc, la partie inférieure étant semblable, comme
procédés de structure, à tout le reste de l'enceinte
extérieure, et la surélévation conforme, comme
appareil, à toutes les constructions dues à Philippe
le Hardi, l'enceinte extérieure a été évidemment
élevée avant les restaurations et les adjonctions
entreprises par le fils de Louis IX.
1. Barbacane de la Porte Narbonnaise. —
Ouvrage avancé destiné à défendre l'accès de la
Porte Narbonnaise (n° 20). Crénelage hourdé avec
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 39
chemin de ronde; huit larges meurtrières au rez-de-
chaussée. A remarquer la 1" meurtrière à gauche,
modifiée pour l'usage du « mousquet ». Cette adap-
tation se trouve aussi aux Tours 15, 16, 17.
2. Tour de Bérard. — Flanque l'angle nord-est.
Ronde du côté des « Fossés », carrée sur la face
des « Lices ». Deux étages avec bandeaux intérieurs
continus pour recevoir des planchers mobiles. Cré-
nelage avec chemin de ronde. Escalier à angle droit
conduisant à l'étage inférieur défendu par cinq
meurtrières. La partie supérieure est ouverte sur
la façade des « Lices » .
3. Tour de Bénazet. — Circulaire à l'intérieur;
fermée par un mur plat, avec lucarne, à la hauteur
des « Lices », deux étages sur cave. Cette tour,
comme plusieurs autres, interrompt le chemin de
ronde et concourt à la défense en isolant l'assail-
lant entre deux tours.
4. Barbaicane Notre-Dame. — Demi-circulaire
défendant la Porte de Rodez; large chemin de
ronde crénelé et hourdé; au-dessous ligne de neuf
meurtrières; poterne au côté droit donnant accès
dans les fossés. Le crénelage a été modernement
exhaussé. Dans l'angle extérieur sud-est, traces
d'une ancienne meurtrière.
5. Tour de Mouretis; 6. Tour de la Glacière. —
Cylindriques à l'intérieur, avec chemin de ronde
crénelé et hourdé; étages séparés et rendus indépen-
40 LA CITÉ DE CARCASSONNE
dants, par un plancher en bois, facile à enlever ou à
détruire. Ces deux tours sont à peu près construites
sur le modèle de la Tour 7, dite de la Porte Rouge.
7. Tour de la Porte Rouge. — Cette tour possède
deux étages au-dessous du crénelage. La figure 3
en donne les plans à chacun de ces étages. Comme
le terrain s'élève sensiblement de a en b, les deux
chemins de ronde des courtines ne sont pas au
même niveau; le chemin de ronde 5 est à 3 mètres
au-dessus du chemin de ronde a.
En A est tracé le plan de la tour au-dessous du
terre-plein; en B, au niveau du chemin de ronde
d; en C, au niveau du crénelage de la tour qui
arase le crénelage de la courtine e. On voit en d la
porte qui, s'ouvrant sur le chemin de ronde,
communique à un degré qui descend à l'étage infé-
rieur A, et en e, la porte qui, s'ouvrant sur le che-
min de ronde d'amont, communique à un degré qui
descend à l'étage B. On arrive, du dehors, au cré-
nelage de la tour par le degré g. De plus, les deux
étages A et B sont mis en communication entre
eux par un escalier intérieur h h', pris dans l'épais-
seur du mur de la tour. Ainsi les hommes postés
dans les deux étages A et B sont seuls en communi-
cation directe avec les deux chemins de ronde des
courtines. Si l'assaillant est parvenu à détruire les
hourds et le crénelage supérieur, et si, croyant
avoir rendu l'ouvrage indéfendable, il tente l'assaut
de l'une des courtines, il est reçu de flanc par les
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR
41
Plan
au niveau
du crénelage.
Fig. 3.
Tour de la Porte Rouge (n" 27).
Plan
au niveau
du chemin
de ronde.
Plan
au-dessous
du
terre-plein.
42
LA CITÉ DE CARCASSONNÈ
postes établis et demeurés en sûreté dans les étages
inférieurs, lesquels étant fortement ~ blindés, n'ont
pu être écrasés par les projectiles des pierrières ou
rendus inhabitables par l'incendie du comble et
Fig. 4.
Tour de la Porte Rouge (n° 7). Coupe longitudinale
des hourds. Une coupe longitudinale faite sur les
deux chemins de ronde, de e en d, permet de saisir
cette disposition (fig. 4). On voit en e' la porte de
l'escalier e, et en d' la porte de l'escalier d du plan.
Cette dernière porte est défendue par une échau-
guette f, à laquelle on arrive par un degré de six
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 43
marches. En A" commence l'escalier qui met en
communication les deux étages A et B. Une couche
de terre posée en A^ empêche le feu, qui pourrait
être mis au comble / par les assiégés, d'endomma-
ger le plancher supérieur. La figure 5 donne la
coupe de cette tour suivant l'axe perpendiculaire
au front. En d" est la porte donnant sur l'escalier d.
Les hourds sont posés en m. En p est tracé le profil
de l'escarpement avec le prolongement des lignes
de tir des deux rangs de meurtrières des étages A
et B. Il n'est pas besoin de dire que les hourds
battent le pied o de la tour.
Une vue perspective (flg. 6), prise des Lices
(point X du plan C, fîg. 3), fera saisir les dispo-
sitions intérieures de cette défense.
Les approvisionnements des hourds et chemins
de ronde de la tour se font, par le créneau c du
plan C, au moyen d'un palan et d'une poulie, ainsi
que le fait voir le tracé perspectif (fig. 6). Ici la
tour ne commande que l'un des chemins de ronde
(voyez la coupe, figure 4). Lors de la construction
sous Saint Louis, elle commandait les deux cour-
tines; mais sous Philippe le Hardi, lorsqu'on ter-
mina les défenses de la Cité, on augmenta, ainsi
qu'on l'a vu plus haut, le relief de quelques-unes des
courtines de l'enceinte extérieure qui ne parais-
saient pas avoir un commandement assez élevé.
C'est à cette époque que le crénelage G fut remonté
au-dessus de l'ancien crénelage H, sans qu'on ait
pris la peine de démolir celui-ci; de sorte qu'exté-
44
LA CITÉ DE CARCASSONNE
rieurement ce premier crénelage H reste englobé
dans la maçonnerie surélevée. En effet, le terrain
Fig. 5.
Tour de la Porte Rouge (n° 7).
Coupe suivant l'axe perpendiculaire au front.
extérieur s'élève comme le terrain des Lices de a
en b (voyez les plans), et les ingénieurs, ayant cru
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR
45
Fig. 6.
Tour de la Porte Rouge (n° 7). Vue perspective.
46 LA CITÉ DE CARCASSONNE
devoir adopter un commandement uniforme des
courtines sur le dehors, aussi bien pour l'enceinte
extérieure que pour l'enceinte intérieure, on régu-
larisa, vers 1285, tous les reliefs. Il faut dire aussi
qu'à cette époque on ne donnait plus guère un
commandement important aux tours sur les courti-
nes qu'aux saillants, ou sur quelques points où il
était utile de découvrir les dehors au loin.
Pour les grands fronts, les tours flanquantes
n'ont, sur les courtines, qu'un faible commande-
ment, et cette disposition est observée pour le
grand front sud-est de l'enceinte intérieure de la
Cité, réparé et couronné par Philippe le Hardi.
La disposition de cette tour de l'enceinte exté-
rieure que nous venons de donner est telle, que cet
ouvrage re pouvait se défendre contre l'enceinte
intérieure ; car, non seulement cette tour est domi-
née de beaucoup, mais elle est, du côté des Lices,
nulle comme défense.
La Courtine (entre la Tour 7 et la petite Echau-
guette nord-ouest) a été bâtie sous Saint Louis et
exhaussée par Philippe le Hardi sur l'ancien cré-
nelage. Le sol des « Lices » a été aussi exhaussé
sur ce point. La porte murée visible à l'intérieur
de la Tour 7 communiquait avec la courtine pri-
mitive (voir explications détaillées sur ces travaux
page 38).
La petite Echauguettc nord-ouest, commande
l'angle nord-ouest. Crénelée. Deux mâchicoulis.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 47
Voir de ce point la belle ligne des remparts pro-
tégeant le château et le passage crénelé à chicanes.
(La Grande Caponnière, p. 100) qui menait à la
Grande Barbacane, n° 8.
8. Grande Barbacane extérieure du Château.
(Voir le Château, p. 97).
9. Avant-Porte de l'Aude. — Première barrière
défendant l'accès de la Cité du côté de la rivière.
Profusion d'obstacles et de détours obligeant l'as-
saillant à se démasquer. Sous le passage, voûté, se
trouve une ancienne Citerne. (Voir Citerne de la
Porte de l'Aude, Intérieur de la Cité).
Au xviir siècle ce passage fut comblé et trans-
formé en place publique. On l'appelait « Belle
Vue », puis « Place de la Liberté ». C'est là que le
20 novembre 1793 furent brûlés solennellement les
archives et tous les documents précieux pour l'His-
toire de la Cité.
10. Tour du Petit Canisou. — Demi-ronde fer-
mée à la gorge au rez-de-chaussée. Chemin de ronde
et crénelage au premier étage. Commande la mon-
tée de la Porte-d'Aude.
11. Tour de l'Evêque. — A cheval sur les
« Lices », commande les deux enceintes et pouvait
sur ce front, couper la communication entre la
partie sud et la partie nord des Lices. Toutefois,
les deux arcs jetés sur le passage, entre les deux
enceintes, n'étaient défendus que par deux mâchi-
48 LA CITÉ DE CARCASSONNE
coulis intérieurs et par un mâchicoulis percé au
milieu de la voûte. On ne trouve pas trace de gonds
indiquant la présence de vantaux de porte, mais
seulement des entailles qui font supposer qu'en
temps de guerre des barrières de bois fermaient
ces ouvertures et interceptaient les communications.
Cette tour, dont l'Evèque avait la jouissance, sauf
le chemin de ronde supérieur, est fort belle, admi-
rablement construite, fièrement plantée sur les
deux enceintes dont elle rompt l'uniformité. De
même qu'elle coupait la communication sur les
Lices, elle interrompait aussi le chemin de ronde
supérieur des courtines, car, pour aller de la cour-
tine nord à la courtine sud, il fallait traverser cette
tour et forcer deux portes. Les escaliers intérieurs
sont disposés de façon à ce que l'accès aux créne-
lages soit indépendant de l'accès aux deux salles
voûtées, dont l'évêque avait la jouissance.
En examinant le plan général (page 116, fig. 16),
nous voyons en bas de l'escarpement de la Cité,
devant les tours 11 et 12 à l'ouest, une muraille qui
défendait le faubourg de la Barbacane. Cette
muraille date du xni« siècle, et elle fut certaine-
ment élevée pour empêcher l'ennemi de se loger
comme l'avait fait Trencavel, entre l'Aude et la
Cité. Cette muraille est à portée d'arbalète des
tours 11, 12 et 40 et est commandée par celles-ci.
Il était donc fort difficile d'arriver, en descendant
la rive droite de l'Aude, jusqu'à la Barbacane, mal-
gré la garnison de la Cité.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 49
12. Tour du Grand-Canisou. — Mêmes disposi-
tions que la tour 10. On voit encore, en dehors de
cette partie de l'enceinte extérieure, à côté de la
tour 12, les orifices de Végout que le roi Philippe
le Hardi avait fait construire à travers la muraille
élevée par son ordre, pour rejeter au dehors les
eaux de VEvèché (voir p. 80, Courtine entre les
tours 39 et W).
. 13. Tour du Grand Brûlas. — Ouvrage impor-
tant, à bec saillant, destiné à défendre l'angle sud-
ouest. Il avait été bâti avec un soin tout particulier.
14. Tour d'Ourliac. — Interrompt la poursuite
sur le chemin de ronde grâce à deux portes faciles
à obstruer. L'escalier extérieur, pouvant être inter-
cepté, conduit au crénelage hourdé. Un deuxième
escalier, dans l'épaisseur du mur, dessert spéciale-
ment le premier étage à plancher mobile.
15. Tour Crémade (Barbacane de la Poterne
Saint-Nazaire). — A côté de cette Barbacane, est
une Poterne basse et étroite, donnant dans le fossé
peu profond sur ce point. Cette poterne, en cas
de siège, pouvait être murée facilement puisqu'il
n'y avait qu'à remplir l'escalier roide qui, du seuil
de cette poterne, monte aux Lices. Le large diamètre
de la tour de la Crémade en fait une Barbacane
propre d'ailleurs à protéger des sorties ou des partis
rentrants. Cette tour n'était point couverte, comme
les autres, par un comble, et est en communication
50 LA CITÉ DE CARCASSONNE
directe avec le chemin de ronde des courtines dont
elle n'est, pourrait-on dire, qu'un appendice flan-
quant.
Quant à la tour Saint-Nazaire n° 43, il était im-
possible à des assiégeants postés en dehors de l'en-
ceinte extérieure de supposer qu'elle fût munie
d'une poterne.
16. Tour Cautieres. 17. Tour Pouléto. — Réali-
sent à peu près le système de défense offert déjà
par la Tour 1^.
Courtine, entre les tours 16 et 17. — Dans l'angle
extérieur nord de cette muraille était percée une
poterne, aujourd'hui murée, faisant communiquer
les Lices avec l'extérieur.
L'Echauguette, entre les tours 17 et 18, flanque
l'angle avancé de la courtine et commande les
fossés. Des trous de « hourds » permettaient de
l'armer en temps de guerre.
18. Tour de la Vade ou du Papegay. — Bien
qu'elle appartienne à l'enceinte extérieure, cette
tour est une sorte de réduit, un donjon avancé,
absolument indépendant, dominant tout le plateau
de ce côté, occupé, avant le règne de Saint Louis,
par un faubourg.
Trois étages spacieux, voûtés en ogive, clefs des
voûtes ornées de figures sculptées présentant les
caractères de l'imagerie du temps de Saint Louis.
Abrite un puits et un four à cuire le pain. Ancien
logement de la compagnie dite des Mortes-Payes,
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 51
instituées par Louis IX pour veiller à la sauve-
garde perpétuelle de la cité (voir p. 9, Historique).
La liaison avec l'enceinte supérieure, soit pour
le ravitaillement, soit pour le changement de gar-
nison, était facilitée par la Poterne ogivale, avec
herse, visible dans l'angle ouest de la tour Bal-
Ihazar (n° 48) lui faisant face. ,
Courtine, entre les tours 18 et 19. — Il existe dans
cette muraille une poterne mettant les Lices en
communication, au moyen d'un escalier à vis, avec
le fossé, à l'angle de rencontre de la courtine nord
avec le donjon de La Vade (n° 18).
19. Tour de la Peyre. — Cette tour, comme la
plupart de celles dépendant de cette enceinte, est
ouverte du côté de la ville dans la partie supé-
rieure de manière à ne pouvoir servir de défense
contre les remparts intérieurs, et afin que, du che-
min de ronde supérieur, on puisse donner des
ordres aux hommes postés dans cette tour. Le
milieu de cette tour, comme de toutes celles de
l'enceinte extérieure, à l'exception des Barbacanes,
était couvert par un comble, mais le chemin de
ronde crénelé était à ciel ouvert en temps de paix
et pouvait être garni de hourds en temps de siège.
Ces combles à demeure portaient sur le bahut
intérieur du chemin de ronde.
La figure 7 donne la coupe de cette tour de la
Peyre.
En M est tracé le profil d'ensemble de cet ou-
52
LA CITE DE CARCASSONNE
Fig. 7.
Tour de la Peyre (n° 19). Coupe.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR
53
vrage avec le fossé, la crête de la contrescarpe el
le sol extérieur formant glacis. On voit comme les
meurtrières sont disposées pour couvrir de projec-
tiles rasants ce glacis, et de projectiles plongeants,
Fig 8.
Tour de la Peyre (n° 19). Tracé général.
la crête et le pied de la contrescarpe. Quant à la
défense rapprochée, il y est pourvu par les mâchi-
coulis et des hourds, ainsi qu'on le voit en P.
La figure 8 donne le tracé général de cette tour
du côté intérieur, les hourds n'étant supposés mon-
tés que du côté R.
54 LA CITÉ DE CARCASSONNE
IL — ENCEINTE INTÉRIEURE
C'est pendant la domination des Visigoths que
fut bâtie l'Enceinte Intérieure sur les débris des
fortifications romaines.
En effet, la plupart des Tours Visigothes encore
debout sont assises sur des Substructions romaines
qui semblent avoir été élevées hâtivement, proba-
blement au moment des invasions franques. Les
bases des « tours visigothes » sont carrées ou ont
été grossièrement arrondies pour recevoir les dé-
fenses du v« siècle.
Du côté méridional de l'enceinte on remarque
des soubassements de tours élevées au moyen de
blocs énorines, posés à joints vifs et qui appar-
tiennent certainement à l'époque de la décadence
de l'Empire.
Quoi qu'il en soit, il est encore facile aujourd'hui
de suivre toute l'enceinte des Visigoths (voir le
plan général, page 99, fig. 14) ^ Cette enceinte
affectait une forme ovale avec une légère dépres-
sion sur la face occidentale, suivant la configu-
ration du plateau sur lequel elle est bâtie. Les
tours, espacées entre elles de 25 à 30 mètres en-
viron, sont cylindriques à l'extérieur, terminées
carrément du côté de la ville et réunies entre elles
par de hautes courtines (fig. 9, page 55). Toute la
(1) Des fouilles nous ont permis de reconnaître les fonda-
tions de cette enceinte sur les points où elle a été supprimée,
à la fin du xiu* siècle, pour augmenter le périmètre de la Cité.
Fig. 9.
56 LA CITÉ DE CARCASSONNE
construction visigothe est élevée par assises de
petits moellons de 0 m. 10 à 0 m. 12 de hauteur
environ, avec rangs de grandes briques alternées.
De larges baies en plein cintre sont ouvertes dans
la partie cylindrique de ces tours, du côté de la
campagne, un peu au-dessus du terre-plein de la
ville; elles étaient garnies de volets de bois (voir
page 30) à pivots horizontaux et « tenaient lieu de
meurtrières ». Le couronnement de ces tours con-
sistait en un crénelage couvert. Des chemins de
ronde des courtines on communiquait aux tours
par des portes dont les linteaux en arcs surbaissés
étaient soulagés par un arc plein cintre en brique.
Un escalier de bois mettait à l'intérieur l'étage in-
férieur en communication avec le crénelage supé-
rieur qui était ouvert du côté de la ville par une
arcade percée dans le pignon.
Malgré les modifications apportées au système
de défense de ces tours, pendant les xii^ et xiii siè-
cles, on retrouve toutes les traces des constructions
des Visigoths. Jusqu'au niveau du sol des chemins
de ronde des courtines, ces tours sont entièrement
pleines et présentent ainsi un massif puissant pro-
pre à résister à la sape et aux béliers.
Les Visigoths, entre tous les peuples barbares
qui envahirent l'Occident, furent ceux qui s'appro-
prièrent le plus promptement les restes des arts
romains, au moins en ce qui regarde les construc-
tions militaires et, en effet, ces défenses de Carcas-
sonne ne diffèrent pas de celles appliquées à la fin
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 57
de l'Empire en Italie et dans les Gaules. Ils compri-
rent l'importance de la situation de Carcassonne,
et ils en firent le centre de leurs possessions dans
la Narbonnaise. L'assiette était donc parfaitement
choisie et elle avait été déjà prise par les Romains
qui, avant les Visigoths, voulaient se ménager tous
les passages de la Narbonnaise en Espagne.
Mais les Romains trouvaient par Narbonne une
route plus courte et plus facile pour entrer en Espa-
gne et ils n'avaient fait de Carcassonne qu'une cita-
delle, qu'un Castellum, tandis que les Visigoths,
s'établissant dans le pays après de longs efforts,
durent préférer un lieu défendu déjà par la nature,
situé au centre de leurs possessions de ce côté-ci
des Pyrénées, à une ville comme Narbonne, assise
en pays plat, difficile à défendre et à garder. Les
événements prouvèrent qu'ils ne s'étaient point
trompés; en effet, Carcassonne fut leur dernier
refuge lorsqu'à leur tour ils furent en guerre avec
les Francs et les Bourguignons.
20. Tour de la Porte Narbonnaise. — Du côté
oriental de la Cité est ouverte l'Entrée principale,
la seule accessible aux charrois, c'est la Porte Nar-
bonnaise défendue par un fossé et une Barbacane
(n° 1). L'entrée est biaise, de façon à masquer la
porte de l'ouvrage principal. Un Châtelet, qui peut
être isolé de la Barbacane, la précède, à cheval sur
le Pont qui était composé de deux tabliers mobiles
en bois, dont les tourillons sont encore à leur place.
58 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Cette Barbacane et le Ghâtelet sont ouverts à la
gorge afin d'être battus par les défenses supérieu-
res de la Porte Narbonnaise, si ces premiers ouvra-
ges tombaient au pouvoir de l'ennemi.
Du « côté extérieur », les deux grosses Tours,
entre lesquelles est ouverte la Porte, sont renfor-
cées par des becs, sortes d'éperons destinés à éloi-
gner l'assaillant du point tangent le plus attaqua-
ble, de le forcer à se démasquer, à faire dévier le
bélier (bosson en langue d'Oïl), ou à présenter une
plus forte épaisseur de maçonnerie à la mine.
L'Entrée était d'abord fermée par une « chaîne »
dont les attaches sont encore à leur place et qui
était destinée à empêcher des chevaux lancés d'en-
trer dans la ville (fig. n° 10) (A, page 59). Un mâchi-
coulis protège la première « herse » et la première
porte en bois avec barres; dans la voûte est percé
un second « mâchicoulis », puis on trouve un troi-
sième « mâchicoulis » devant la seconde « herse ».
Il n'était donc pas facile de franchir tous ces obsta-
cles. Mais cette entrée était défendue d'une manière
plus efficace encore en temps de guerre.
Au-dessus de l'arc de la porte, des deux côtés de
la niche occupée par la Statue de la Vierge, se
voient, sur les flancs de chacune des deux tours,
trois entailles proprement faites; les deux voisines
de l'angle sont coupées carrément et d'une profon-
deur de 0 m. 20, la troisième est coupée en biseau
comme pour recevoir le pied d'un lien de bois ou
d'un chevron Incliné.
^ ".
Z 1> C JJ A,
Fig. 10.
Tour de la Porte Narbonnaise (n° 20).
Coupe sur l'axe de la Porte.
60 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Au-dessus de la niche de la Vierge on remarque
trois autres trous carrés profonds, destinés à rece-
voir des pièces de bois formant une forte saillie.
Ces trous recevaient, en effet, les pièces de bois
d'un auvent formant une saillie prononcée au-des-
sus de la porte, protégeant la niche et les gens de
garde à l'entrée de la ville.
Cet auvent subsistait en temps de paix; en temps
de guerre il servait de « mâchicoulis ». A 1 m. 30
au-dessus du faîtage de cet auvent on voit encore,
sur les flancs des deux tours, de chaque côté, qua-
tre entailles ou trous carrés au même niveau, les
trois premiers au-dessus de ceux servant de points
d'appui aux chevrons de l'auvent et le quatrième
à Om. 60 en avant. Là était établi le plancher du
« deuxième mâchicoulis ». Une cinquième entaille,
faite entre les deux dernières et un peu au-dessus,
servait de garde pour recevoir le madrier mobile
destiné à protéger les assiégés contre les projec-
tiles lancés du dehors de bas en haut et maintenait,
par un système de décharges, tout cet étage supé-
rieur en l'empêchant de basculer.
On ne pouvait communiquer des tours à ces
mâchicoulis extérieurs que par une ouverture pra-
tiquée au deuxième étage et par des échelles, de
façon à isoler ces mâchicoulis dans le cas où les
assaillants s'en seraient emparés. Ces ouvrages de
bois étaient protégés par des mantelets percés de
meurtrières.
L'assaillant, pour pouvoir s'approcher de la pre-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 61
mière herse, devait donc affronter une pluie de
traits et les projectiles jetés de trois mâchicoulis,
deux posés en temps de guerre et un dernier tenant
à la construction elle-même.
Ce n'est pas tout: le sommet des tours était garni
de « hoiirds » en charpente que l'on posait égale-
ment en temps de guerre (1).
La coupe ci-contre (fîg. 10, p. 59), faite sur l'axe
de la porte Narbonnaise, explique les dispositions
que nous venons d'indiquer.
Outre la chaîne A (fîg. 10), derrière le premier arc
plein cintre de l'entrée et entre celui-ci et le deu-
xième, est ménagé un mâchicoulis B par lequel on
jetait les projectiles de droite et de gauche sur les
assaillants qui tentaient de briser la première herse
C. Les réduits dans lesquels se tenaient les défen-
seurs sont défilés par un épais garde-fou de pierres.
Le mécanisme des herses est parfaitement com-
préhensible encore aujourd'hui. Dans la salle qui
est au-dessus de l'entrée, on aperçoit, dans les deux
pieds-droits de la coulisse de cette première herse,
les entailles inclinées dans lesquelles s'engageaient
les deux jambettes du treuil tracé sur notre coupe
(fig, 10), et les scellements des brides en fer qui
maintenaient le sommet de ces jambettes; au niveau
du sol, les deux trous destinés à recevoir les cales
sur lesquelles reposait la herse une fois levée; sous
(1) On a vu que le sénéchal Guillaume des Ormes se félicite
d'avoir pu reprendre le faubourg de Graveillant, dans lequel
se trouvait une provision de bois qui fut très utile aux assiégés.
62 LA CITÉ DE CARCASSONNE
l'arc, au sommet du tympan, le trou profond qui
recevait la suspension des poulies destinées au jeu
des contrepoids et de la chaîne s'enroulant sur le
treuil.
Derrière la herse était une porte épaisse à deux
vantaux D roulant sur des crapaudines inférieures
et des pivots fixés dans un linteau de bois dont les
scellements sont intacts. Ces vantaux étaient forte-
ment unis par une barre qui se logeait dans une
entaille réservée dans le parement du mur de droite
lorsque la porte était ouverte, et par deux autres
barres de bois entrant dans des entailles pratiquées
dans les deux murs du couloir.
Si l'on pénètre au milieu du passage, on voit
dans la voûte s'ouvrir un large trou carré E qui
communique avec la salle du premier étage. La
grande dimension de ce trou s'explique par la
nécessité où se trouvait l'assiégé de pouvoir lancer
des projectiles non seulement au milieu, mais aussi
contre les parois du passage. La voûte du premier
étage est également percée d'un trou carré I, mais
plus petit, de sorte que du deuxième étage on pou-
vait écraser les assaillants qui se seraient emparés
de la salle au-dessous ou donner des ordres aux
hommes qui l'occupaient.
Des deux côtés de ce large mâchicoulis, au pre-
mier étage, il existe deux réduits profonds qui pou-
vaient servir de refuge et défiler les défenseurs
dans le cas où les assaillants, maîtres du passage,
auraient décoché des traits de bas en haut. La lar-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 63
geur de ce mâchicoulis permettait encore de jeter
sur l'assiégeant des fascines embrasées, et les
réduits garantissaient ainsi les défenseurs contre
la flamme et la fumée en leur laissant le moyen
d'alimenter le feu. Des meurtrières latérales per-
cées dans le passage, au niveau du sol, en E, per-
mettaient aux arbalétriers postés dans les salles du
rez-de-chaussée des deux tours d'envoyer à bout
portant des « carreaux » aux gens qui oseraient
s'aventurer entre les deux herses.
De même que devant la herse extérieure C, il
existe dans la salle du premier étage un deuxième
mâchicoulis oblong F destiné à protéger la seconde
herse G. Ce mâchicoulis se fermait, ainsi que l'ou-
verture pratiquée dans le milieu de la voûte du
passage, par une trappe dont la feuillure et l'en-
castrement ménagé dans le mur existent encore.
Au moyen d'une petite fenêtre qui éclairait la salle
du premier étage, les assiégés, du dedans, pouvaient
communiquer des ordres à ceux qui servaient la
herse sur le chemin de ronde pratiqué au-dessus
de la seconde porte H. Cette seconde herse ma-
nœuvrait sous un arc réservé à cet effet; son treuil
était en outre protégé par un auvent P maintenu
par de forts crochets de fer qui sont encore scellés
dans la muraille. Tout le jeu de cette herse est
encore visible; ses ferrures sont en place, la herse
seule manque.
Les deux tours qui flanquent cette entrée sont
distribuées de la même manière. Elles com-
64 LA CITÉ DE CARCASSONNE
prennent: un étage de caves creusées au-dessous
du sol, un rez-de-chaussée percé de meurtrières et
voûté avec quatre escaliers pour communiquer au
premier étage; un premier étage, également voûté,
percé de meurtrières et muni de deux cheminées
et de deux fours. Deux des escaliers seulement con-
tinuent jusqu'à l'étage supérieur. Les deux autres
n'aboutissent pas et peuvent tromper ainsi les gens
qui ne connaîtraient pas les lieux.
Ces deux tours comprennent encore un deuxième
étage couvert autrefois par un plancher portant sur
le bord du chemin de ronde. Ce deuxième étage est
percé, du côté de la ville, de riches fenêtres ogi-
vales à menaux 0 qui ne s'ouvraient que dans la
partie inférieure par des volets, tandis que les com-
partiments de l'ogive étaient vitrés à demeure; ces
fenêtres étaient fortement grillées à l'extérieur.
Un troisième étage crénelé recevait la charpente
des combles Cette charpente est divisée en trois
pavillons, deux sur les deux tours et un pavillon
intermédiaire au-dessus de la porte. Lors de la
construction première, rétablie aujourd'hui, ces
trois pavillons, aux points de leur rencontre, étaient
portés par des poutres entrant dans des entailles
pratiquées dans l'assise de la corniche; soit que ces
poutres aient fléchi, soit que les eaux des chéneaux
mal entretenus les eussent pourries, au xv^ siècle,
ces combles furent réparés, et, pour les porter, on
établit deux grands arcs qui s'arrangeaient fort mal
avec la construction du xiii'' siècle, puisque l'un
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 65
d'eux venait buter dans un des créneaux M et le
boucher. Des chéneaux en pierre furent posés sur
ces arcs et reçurent les pieds du chevron des toitures
aux points de leur jonction. Des gargouilles sail-
lantes rejetaient les eaux des chéneaux du côté de
la campagne. Ces arcs, qui poussaient en dehors le
grand mur élevé du côté de la ville, ont dû être
enlevés.
Le chemin de ronde de la courtine n'est pas inter-
rompu par la Porte Narbonnaise suivant le système
ordinaire adopté dans les défenses de cette époque.
Il passe du côté de la ville, au-dessus de la porte, et
relie les deux courtines de façon cependant à n'être
en communication avec la ville que par les escaliers
intérieurs des tours et par une seule baie fermée
autrefois par deux épais vantaux ferrés. L'escalier
actuel, qui donne accès à ce chemin de ronde, est
moderne et a été élevé par le génie militaire.
Courtines, entre les tours 20 et 21. — Les cour-
tines qui accompagnent la Tour du Trésau sont
fort belles. Leur partie inférieure est percée de
meurtrières au niveau du terre-plein de la ville,
sous des arcs plein cintre avec bancs de pierre et
leurs nierions, larges, épais sont bien construits.
Le parement intérieur des nierions entre la Tour
Narbonnaise et la Tour du Trésau n'est pas ver-
tical, mais élevé en fruit. L,a disposition des hourds
explique l'utilité de cette inclinaison du parement
intérieur des merlons.
66 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Sur ce point de la défense — l'un des plus atta-
quables, à cause du plateau qui s'étend de plain-
pied devant la Porte Narbonnaise — les courtines
intérieures devaient être munies de ces « hourds
doubles » dont il est fait parfois mention dans les
chroniqueurs du xiii^ siècle (1).
La figure 11 (p. 69) explique, dans le cas actuel, la
disposition de ces doubles hourds. Ainsi que nous
venons de le dire, les merlons ayant leur parement
intérieur en fruit sur le chemin de ronde A, leur
base est traversée au niveau de ce chemin de ronde
par des trous de hourds de 0 m. 30 de côté, réguliè-
rement espacés. Sur le parement du chemin de
ronde, du côté de la ville, est une retraite continue
B. Les hourds doubles étaient donc ainsi disposés :
de cinq pieds en cinq pieds passaient, par les trous
des hourds, de fortes solives C, sur l'extrémité des-
quelles, à l'extérieur, s'élevait le poteau incliné D,
avec des contre-poteaux E, formant la rainure pour
le passage des madriers de garde. Des moïses dou-
bles J pinçaient ce poteau D, reposaient sur la lon-
grine F, mordaient les trois poteaux G, H, I, celui G
(1) A Toulouse, assiégé par Simon de Montfort, les habitants
augmentent sans cesse les défenses de la ville:
E parec ben a lobra e als autres mestriers
Que de dins et défera ac aitans del obriers
Que garniron la vila els portais els terriers,
Els murs e las bertrescas els cadafalcs dobliers
Els fossatz e las lissas els pons els escaliers
E lains en Toloza ac aitans carpentiers. »
Ces cadafalcs dobliers sont des hourds doubles.
Voyez Poëme de la Croisade contre les Albigeois, Collection
des documents inédits de VHistoire de France.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 67
étant appuyé sur le parement incliné du merlon,
et venaient saisir le poteau postérieur K également
incliné. Un second rang de moises, posé en L à
1 m. 80 du premier rang, formait l'enrayure des
arbalétriers M du comble. En N un mâchicoulis
était réservé le long du parement extérieur de la
courtine. Ce mâchicoulis était servi par des hommes
placés en 0, sur le chemin de ronde, au droit de
chaque créneau muni d'une ventrière P. Les archers
et arbalétriers du hourd inférieur étaient postés
en R et n'avaient pas à se préoccuper de servir ce
premier mâchicoulis.
Le deuxième hourd possédait un mâchicoulis
en S. Les approvisionnements de projectiles se fai-
saient en dedans de la ville par les guindés T. Des
escaliers Q, disposés de distance en distance, met-
taient les deux hourds en communication. De cette
manière, il était possible d'amasser une quantité
considérable de pierres en V, sans gêner la circula-
tion sur les chemins de ronde ni les arbalétriers à
leur poste. En X, on voit, de face, à l'extérieur, la
charpente du hourdage dépourvue de ses madriers
de garde, et en Y, cette charpente garnie. Par les
meurtrières et mâchicoulis, on pouvait lancer ainsi
sur l'assaillant un nombre prodigieux de projec-
tiles. Comme toujours, les meurtrières U, percées
dans les merlons, dégageaient au-dessous des
hourds et permettaient à un deuxième rang d'arba-
létriers postés entre les fermes, sur le chemin de
ronde, de viser l'ennemi.
68 LA CITÉ DE CARCASSONNE
On conçoit que l'inclinaison des madriers de
garde était très favorable au tir. Elle permettait, de
plus, de faire surplomber le deuxième mâchicoulis
S en dehors du hourdage inférieur.
La dépense que nécessitaient des charpentes
aussi considérables ne permettait guère de les éta-
blir que dans des circonstances exceptionnelles, sur
des points mal défendus par la nature.
La courtine qui relie la tour du Trésau à la Porte
Narbonnaise possède un « petit puits » et une
« échauguette » flanquante destinée à battre l'inter-
valle entre la Barbacane et cette Porte.
21. Tour du Trésau dite aussi du Trésor. — Cette
construction est un magnifique ouvrage de la fin
du xm« siècle, contemporain de la Porte Narbon-
naise. Elle domine toute la campagne, la ville, et
joignant presque l'enceinte extérieure, elle comman-
dait le plateau, la Barbacane de la Porte Narbon-
naise et empêchait l'ennemi de s'étendre du côté
du nord dans les Lices le long desquelles s'élèvent
les tours Visigothes.
La Tour du Trésau, outre ses caves, renferme
quatre étages dont deux sont voûtés.
L'étage inférieur est creusé au-dessous du terre-
plein de la ville. Le deuxième étage est presque
de plain-pied avec le sol intérieur de la ville. Le
troisième étage était couvert par un plancher et le
quatrième, sous comble, au niveau du chemin de
ronde du crénelage.
Fig. 11. ^ — Courtine entre la Porte Narbonnaise
ET LA Tour du Trésau (n°^ 20 et 21).
Disposition des doubleshourds.
70 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Le chemin de ronde des courtines passe derrière
le pignon de la tour, mais n'a aucune communica-
tion avec les salles intérieures.
Du côté de la ville, la partie supérieure de la
tour est terminée par un pignon crénelé avec esca-
liers rampants le long du comble. Deux tourelles
carrées, munies d'escaliers et crénelées à leur partie
supérieure, épaulent le pignon et servaient de tours
de guet, car elles sont, de ce côté, le point le plus
élevé des défenses.
En temps de paix, le crénelage de la tour du Tré-
sau n'était pas couvert. Le comble porte sur un
mur intérieur. Les gargouilles qui existent encore
à l'extérieur indiquent d'une manière certaine que
le chemin de ronde supérieur était à ciel ouvert. En
temps de guerre, les toitures des hourds couvraient
ces chemins de ronde ainsi que les hourds eux-
mêmes.
Un seul escalier à vis dessert les quatre étages et
toutes les issues étaient garnies de portes fortement
ferréeâ. Le deuxième étage au-dessus des caves con-
tient une petite chambre ou réduit éclairé par une
fenêtre, destiné au capitaine, une grande cheminée
et des latrines ; cet étage et le rez-de-chaussée sont
percés de nombreuses meurtrières s'ouvrant sous
de grandes arcades munies de bancs de pierre.
Courtines, entre les tours 21, 22 et suivantes. —
De la tour du Trésau, en se dirigeant vers le nord,
on longe une grande partie des vestiges de l'en-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 71
ceinte des Visigoths. A voir le désordre de ces
anciennes constructions, on doit admettre qu'elles
ont été bouleversées par un siège terrible ; on a
peine à comprendre comment on a pu, avec les
moyens dont on disposait alors, renverser des pans
de murs d'une épaisseur considérable, faire pen-
cher ces tours dont toute la partie inférieure ne
présente qu'une masse de maçonnerie. Il semble-
rait que la poudre à canon peut seule causer des
désordres aussi graves, et cependant le siège pen-
dant lequel une partie considérable de ces rem-
parts a été renversé est antérieur au xii^ siècle,
puisque, sur ces débris, on voit s'élever des cons-
tructions identiques avec celles du Château, ou
datant du xiii« siècle.
A peine si l'on a pris soin de déblayer les ruines,
car on remarque, enclavés dans les courtines repri-
ses au xiii^ siècle, d'énormes pans de murs renver-
sés et présentant verticalement les lits de leurs
assises de moellon ou de brique. Grâce à la bonté
des mortiers, ces masses renversées ne se sont point
disjointes et sont là comme des rochers sur lesquels
on serait venu construire de nouveaux murs.
De ce côté, les courtines et les tours sont très
hautes et dominent de beaucoup l'enceinte exté-
rieure élevée sur la crête de l'escarpement.
22. Tour du Moulin nu Connétable. — Les fon-
dations Gallo-Romaines sont soutenues par des
substructions de Saint Louis. Appareil visigoth,
72 LA CITÉ DE CARCASSONNE
avec assises alternées de briques, jusqu'à mi-hau-
teur. Au-dessus, construction féodale jusqu'au cré-
nelage qui a été rétabli dans le style du xin'= siècle.
A l'intérieur, voûte en calotte hémisphérique
{comme les tours de la Porte du Château) suppor-
tant le premier étage. Cette tour a été utilisée
comme moulin à vent.
23. Tour du Vieulas. — Fondations Gallo-Romai-
nes protégées et soutenues par les travaux de Saint
Louis. Fortement penchée en avant à suite de sape-
ment, suivi du renversement de la courtine, au siège
de 12M. Partie supérieure réédifiée d'aplomb au
Xiii" siècle. .
24. Tour de la Marquière. — Inclinée vers la
gauche pour la même cause que la tour 23.
Porte de Rodez, entre les tours 24 et 25. —
Percée dans l'enceinte des Visigoths au xiP siècle,
et réparée au xni^ C'est la porte désignée par le
Sénéchal Guillaume des Ormes, lors du siège de
1240, sous le nom de « Porte de Rodez ». Elle ne
présente aucune défense particulière, mais devait
être précédée d'un ouvrage avec poterne protégé
par la Tour-Barbacane Notre-Dame n° 4.
25. Tour de Samson. — Reconstituée en partie
dans le style Visigoth complet. La base carrée a
été réparée au moyen âge. Dans l'angle de droite,
au bas de la courtine attenante, traces de construc-
tions difficiles à déterminer.
c ?
a es
o 'C
i
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 73
Remarque : Les « nierions » des créneaux sont
pleins, c'est-à-dire dépourvus de meurtrières. Les
Visigoths ne connaissaient pas ce moyen de défense
inventé par les féodaux.
Du côté de la ville, restant d'ancien logis.
26. Tour du Moulin d'Avar. — Gallo-Romaine,
réparée au xiii" siècle. A servi de moulin à vent au
xix^ siècle.
Dans l'angle nord-ouest curieuse Poterne formée
de gros blocs de pierre. Probablement une des por-
tes latérales du Castellum romain.
Au-dessus de la Poterne, sur le crénelage de la
Courtine, on voit un monte-charge reconstitué.
Courtine entre les Tours 26 et 27. — Très inté-
ressante à étudier. On distingue nettement sur toute
la longueur de la Courtine et à des hauteurs varia-
bles suivant la conformation du terrain, la ligne
des fondations Gallo-Romaines reposant sur des
substructions de Saint Louis.
Vers le milieu de la Courtine est visible rempla-
cement d'une tour Gallo-Romaine démolie à suite
d'un siège, probablement celui de 12^0.
27. Tour de la Charpentière. — Base Gallo-
Romaine, à environ deux mètres au-dessus du soi.
soutenue par des substructions du xiii" siècle. Son
nom provient de son voisinage avec les ateliers ou
dépôts de bois destinés aux défenses.
Courtine entre les tours 27 et 28. — Construction
Gallo-Romaine soutenue par des travaux de Saint
10
74 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Louis. Vers le milieu de la Courtine s'ouvre une
poterne du xiii® siècle donnant accès dans les fossés
nord du Château. A la place de cette poterne devait
s'élever une tour faisant partie de l'enceinte Gallo-
Romaine.
En avant de la tour 28, un mur, avec porte et
meurtrière, couronné par une plate-forme créne-
lée, ferme les abords du Château. Du haut de cette
plate-forme, facilement accessible à l'aide d'esca-
liers en pierre placés dans l'angle de la tour 28, on
découvre un splendide panorama embrassant les
formidables défenses du Château et de la Porte
d'Aude, et un lumineux paysage borné, à l'horizon,
par les cimes dentelées des Pyrénées.
Les Tours 28 a 37 et les remparts joignant ces
tours, font partie des défenses du château du côté
de la rivière. (Voir description p. 100, La Grande
Caponnière, Défenses du Château.)
28. Tour de la Chapelle. — Reconstituée dans sa
forme Visigothique. La base est Gallo-Romaine avec
revêtement du xni^ siècle. La Chapelle du Château
était voisine de cette tour.
Courtine, entre les tours 28 et 29. — Elle paraît
avoir été bâtie au xvi^ siècle, par le Sénéchal, en
remplacement de la courtine Gallo-Romaine.
29. Tour de la Poudre. — Construction du xiii"
siècle (Saint Louis) tenant la place d'une tour de
l'enceinte primitive. A la base de la tour. Porte
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 75
ogivale, murée et à moitié enfouie dans le sol des
Lices.
Courtine, entre les tours 29 et 31. — Cette partie
des fortifications est des plus intéressantes. Les
moyens de défense y sont accumulés pour protéger
l'entrée du Château du côté de la rivière. Une belle
échauguette domine les murailles transversales et
permet de découvrir un vaste horizon. (Voir figure
14, p. 99).
30. Avant-Porte du Château. — Interceptait le
passage des assaillants entre le Château et la
Grande Barbacane N° 8. L'espace, clos de hautes
murailles, faisant suite à l'avant-porte, est une véri-
table souricière d'où ne pouvait plus sortir l'enne-
mi qui aurait pu s'y engager. C'est de l'avant-porte
que descend le couloir appelé la Grande Capon-
nière (p. 100) conduisant à la Barbacane 8 entre
deux murs crénelés.
31. Tour Peinte ou Pinte. — Seule tour dans la
Cité de forme carrée ce qui l'a fait supposer bâtie
par les Arabes. Bases Gallo-Romaines avec, au-
dessus, appareillage de diverses époques.
Domine toute la Cité dont elle était la Guette
principale. Cette tour, sur plan barlong, ne pouvait
contenir et ne contenait en effet qu'un escalier de
bois, car elle n'est divisée, dans toute sa hauteur,
par aucune voûte ni aucun plancher. Une seule
petite fenêtre romane, percée vers la moitié de sa
76 LA CITÉ DE CARCASSONNE
hauteur, s'ouvre sur la campagne, du côté de
l'Aude. Cette tour est intacte; on voit encore son
crénelage supérieur avec les trous des hourds très
rapprochés, comme pour établir une galerie exté-
rieure saillante, en état de résister aux vents terri-
bles de la contrée.
Courtine, entre les tours 31 et 37. — Un mur
transversal, surmonté d'une grande ouverture ogi-
vale ferme le passage des Lices en cas d'attaque et
défend l'accès du Château du côté de la Porte
d'Aude. Cette défense est complétée par un Châte-
let à deux étages, surplombant le talus.
Entre le mur transversal et la tour 37 est une
Poterne du xiii^ siècle, murée, communiquant autre-
fois avec les fossés du Château.
Une autre Poterne, aussi murée, très relevée au-
dessus de V escarpement et qui exigeait l'emploi
d'une échelle, se trouve dans le mur extérieur, pres-
que sous le Châtelet.
32. Tour Saint-Paul. — 33. Tours de la Porte du
Château. — 34. Tour des Casernes. — 35. Tour du
Major. — 36. Tour du Degré.
Ces tours entourent le Château sur trois faces :
est, sud et nord et sont de construction féodale
avec crénelage du xiii" siècle. Elles ont le même
système de défense. Mêmes petites salles voûtées
en calottes hémisphériques, mêmes dispositions des
crénelages, des meurtrières et hourds, mêmes com-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 77
binaisons de combles pyramidaux. Les deux tours
d'angle 32 et 35 sont les seules qui contiennent des
escaliers à vis, en pierre. Le plan de ces deux tours
est fort intéressant à étudier.
37. Tour de la Justice. — Bâtie sous Saint Louis
à la place d'une tour Gallo-Romaine entre deux
courtines de cette dernière époque. C'était le siège
de la « Justice du Roi » et aussi celui du « Tribu-
nal de l'Inquisition ». La belle salle du premier
étage sert actuellement de Poste aux Gardiens des
fortifications. C'est de cette tour que commence la
visite des remparts supérieurs.
Porte de l'Aude (autrefois Porte de Toulouse).
Entre les tours 37 et 38. — Cette porte a été percée
dans la muraille des Visigoths au xw siècle. On
voit encore, à l'extérieur, l'arc plein cintre qui
paraît appartenir à cette époque par son appareil
et la nature des matériaux employés (1). A la gauche
de cette porte il existait, sur un pan de mur visi-
goth, un bâtiment contemporain du château, c'est-
à-dire élevé du xi^ au xii« siècle. Le mur extérieur
de ce bâtiment est encore percé de trois petites
fenêtres jumelles divisées par des colonnettes de
marbre avec chapiteaux sculptés.
Une longue rampe aboutissait à la Grande Bar-
bacane n° 8 et était battue par cette barbacane;
elle s'élève suivant une inclinaison assez roide, et,
(1) Des restaurations malencontreuses ont fait disparaître
cet arc. (N. des E.).
78 LA CITÉ DE CARCASSONNE
en faisant un lacet, conduit à une première porte,
simple barrière, puis à une seconde porte défendue
par un crénelage et commandée par un gros ouvrage
en forme de traverse, terminé, à la hauteur des
chemins de ronde de l'enceinte intérieure, par une
plate-forme et des merlons. A sa base, cette traverse
est percée d'une porte qui donne entrée dans les
Lices du sud-ouest (voir Porte du Sénéchal, p. 79).
Il faut gravir, en dedans de l'enceinte extérieure,
une rampe assez roide (voir Avant-Porte de l'Aude,
p. 47). Cette rampe est battue par l'ouvrage qui
masque la Porte de l'Aude, percée dans le mur de
l'enceinte intérieure.
Cette rampe est dominée par la Tour de la Jus-
tice, n° 37, et par une Tour Visigothe, n° 38. On
arrive ainsi à un lacet qui oblige l'arrivant à se
détourner brusquement pour atteindre la Porte de
l'Aude. Bien qu'il n'y ait, devant cette porte, ni
fossé ni ponts à bascule, il n'était point facile d'y
arriver malgré les gens du dedans de la ville, car
l'espace compris entre les deux enceintes forme
une véritable place d'armes, un grand châtelet,
commandé de tous côtés par des ouvrages formi-
dables. De plus, les Lices, à droite et à gauche,
étaient fermées par des portes. On observera que la
porte supérieure est percée dans un angle rentrant,
ce qui a permis de la flanquer très puissamment,
et que son masque forme en avant un petit châte-
let que l'on pouvait fermer complètement en temps
de guerre, et qui, en temps de paix, était précédé
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 79
d'un petit poste dont on aperçoit encore la trace
le long de la courtine. De cet ouvrage, les rondes
pouvaient descendre dans les Lices du sud-ouest,
en ouvrant une porte percée sur le flanc du parapet
et en posant des planches mobiles sur des corbeaux
engagés dans les gros contreforts à la suite. Ce
moyen de sortie ou d'entrée indique assez que l'ou-
vrage, en avant de la Porte de l'Aude, était absolu-
ment fermé en temps de guerre.
Porte du Sénéchal. Entre les tours 37 et 38. —
En se dirigeant de la Porte d'Aude vers les Lices
du sud-ouest, on laisse bientôt les dernières traces
des constructions Visigothes et l'on atteint le sail-
lant bâti par Philippe le Hardi, en dehors des ter-
rains de l'Evêché (fîg. 16). Ayant passé la porte
percée dans la traverse de commandement et que
nous croyons être la Porte dite du Sénéchal (voir
Porte d'Aude, p. 77), on aperçoit la Tour Visigolhe
n° 38, puis la Tour 39, dite de l'Inquisition.
38. Tour Visigothe. — La base de cette tour est
semblable dans tous ses détails à la Tour 28.
Courtine, entre les tours 38 et 39. — On voit dis-
tinctement que cette muraille est formée de deux
genres de constructions bien différentes : Gallo-
Romaine du côté de la Tour 38 et xiii« siècle vers
la tour 39. C'est de la ligne séparative de ces deux
constructions que partait l'enceinte Gallo-Romaine
démolie par Philippe le Hardi pour former l'im-
80 LA CITÉ DE CARCASSONNE
portant saillant actuel du sud-ouest (voir Plan
Général, fig. 16).
39. Tour de l'Inquisition. — Dans laquelle nous
avons trouvé un cachot avec pilier central garni de
chaînes.
Courtine, entre les tours 39 et M. — Les cour-
tines qui font partie du saillant bâti par Philippe
le Hardi (voir p. 19), sont munies de belles meur-
trières percées sous des arcades avec bancs ; meur-
trières qui battent les Lices et les chemins de ronde
de l'enceinte extérieure.
Un fait curieux donne la date certaine de cette
partie de l'enceinte qui enveloppait l'Evêché. En
août 1280 à Paris, le roi Philippe le Hardi permit à
Isar, alors évêque de Carcassonne, de pratiquer qua-
tre fenêtres grillées dans la courtine adossée à l'Evê-
ché, après avoir pris l'avis du Sénéchal, et sous la
condition expresse que ces fenêtres seraient murées
en temps de guerre, sauf à pouvoir les rouvrir, la
guerre terminée. Le roi s'obligeait à faire, à ses
dépens, les égouts pour l'écoulement des eaux de
l'Evêché, à travers la muraille (voir Tour 12, p. 49),
et à l'évêque était réservée la jouissance des étages
de la tour dite de l'Evêque (tour carrée n° 11, à
cheval sur les deux enceintes), jusqu'au crénelage,
sans préjudice des autres droits du prélat sur le
reste des murailles de la ville. Or, ces quatre fenê-
tres n'ont point été ouvertes après coup, elles ont
été bâties en élevant la courtine, et elles existent
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 81
encore entre les tours n°^ 39, 11 et 40; donc ces
courtines et tours datent de 1280.
40. Tour de Cahusac. — Présente une disposi-
tion curieuse. Le chemin de ronde tourne à l'en-
tour, et est couvert par un portique.
41. Tour Miprade, de Prade ou du Coin. — Bâtie
sur l'angle terminant le saillant occidental de la
Cité, faisant face à l'Aude.
Elle contient deux étages voûtés et deux étages
entre planchers, elle est munie d'une cheminée et
d'un four. La seule porte donnant entrée dans cette
tour, qui n'interrompt pas le chemin de ronde, est
percée du côté de l'est et était fermée par des
verrous et une barre rentrant dans la muraille.
Comme aux autres tours de cette partie de l'en-
ceinte, le dernier merlon des courtines s'élève au
point de jonction avec la tour, là où sont percées
les portes et le dernier créneau était également
muni de volets sur rouleaux (voir p. 31), afin de
protéger les entrants ou les sortants ou les faction-
naires postés aux entrées des tours. Presque tou-
jours il faut monter quelques marches pour passer
des courtines dans les tours, et alors le crénelage
suit la montée.
42. Tour du Moulin. — Ainsi nommée parce
qu'autrefois son étage supérieur, en retraite sur le
crénelage, était affecté au mécanisme d'un moulin
à vent.
11
82 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Aux pieds de cette tour, sur l'emplacement de
l'ancien cloître, se développe la scène du Théâtre
de la Cité.
43. Tour Saint-Nazaire {voir aussi Tour Crémade
n° 15). — Cet ouvrage, sur plan carré, est encore
un des plus remarquables de la Cité. La porte,
percée à la base de cette tour Saint-Nazaire, et
donnant sur les Lices, est ouverte de côté, masquée
par la saillie de l'échauguette d'angle, et le seuil
de cette ouverture est établi à plus de deux mètres
au-dessus du sol des Lices. 11 fallait donc poser des
échelles ou un plan incliné en bois pour entrer et
sortir.
Dans la tour elle-même l'entrée est biaise, et, si
de l'extérieur on n'entre par la porte percée sur
le flanc Est de la tour qu'au moyen d'échelles ou
d'un plancher mobile, on ne peut franchir la seconde
entrée qu'en se détournant à angle droit. Cette
porte ne pouvait donc servir qu'aux gens de pied.
Chacune des deux baies est munie d'une herse, de
mâchicoulis et de vantaux. Un puits dessert les
Lices et le premier étage, qui contient en outre un
four. La première herse était manœuvrée de la
salle du premier étage, la deuxième du chemin de
ronde, comme à la Porte Narbonnaise, Le crénelage
supérieur s'élève sur une plate-forme propre à rece-
voir un engin de défense (mangonneau) et possède
une guette, car ce point est un des plus élevés de
la Cité. Le crénelage inférieur (car la défense de
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 83
couronnement est double) est flanqué par des
échauguettes qui montent de fond (1).
44. Tour Saint-Martin. — Cette tour semble avoir
été élevée à proximité de la tour n° 43 à dessein,
pour masquer et battre la poterne à très petite
portée. Cette tour est renforcée, comme les tours
41 et 42 et comme celles de la Porte Narbonnaise,
par un bec saillant dont nous avons expliqué l'uti-
lité. Elle contient deux étages voûtés, deux étages
sous plancher, comme la tour n" 41, et se dégage
au-dessus du chemin de ronde qui tourne autour
d'elle du côté de la ville.
Sur le mur du côté de la ville, traces de cons-
tructions (voir p. 29, anciens Logis).
Restes des Remparts Visigoths. — A partir
de ce point de l'enceinte intérieure, nous voyons
reparaître, dans les parties inférieures des cour-
tines et tours, les restes des remparts visigoths jus-
qu'à la tour 11° 53, dite de Saint-Sernin, à côté de
la Porte Narbonnaise (N" 20).
Ainsi, toute cette portion de l'enceinte comprise
entre la Tour 44 et la Porte-Narbonnaise (n° 20),
a été réparée et reconstruite en partie par Philippe
le Hardi sur l'enceinte des Visigoths, qui avait été
élevée sur les remparts romains. Le périmètre de
la ville antique est donc donné par celui de la ville
(1) Une table d'orientation, placée par les soins du Touring-
Club, occupe aujourd'hui la plate-forme de cette tour.
(N. des E.).
84 LA CITÉ DE CARCASSONNE
des Visigoths, puisque, du côté du midi comme du
côté du nord, nous retrouvons les tracés des cons-
tructions romaines sous les ouvrages dus aux Bar-
bares.
Courtine entre les tours H et 45. — On y trouve
une poterne qui parait être l'ancienne « Porte de
Rodez ». Cette porte a été transformée en meur-
trière au XIII* siècle.
45. Tours des Prisons. — 46. Tour de Castéra. —
Ces deux tours sont, comme les n°^ 47, 49, 50, 52 et
53, bâties sur les fondations des tours primitives et
sont d'un diamètre plus faible que les tours du
XIII* siècle.
Elles ne sont pas voûtées, et des planchers en
bois séparaient leurs étages, au nombre de deux
seulement et établis sur le massif plein de la maçon-
nerie des Visigoths. Leurs escaliers à vis font saillie
à l'intérieur des salles et sont pris à leurs dépens.
Toutes ces tours interrompent la circulation sur
le chemin de ronde des courtines; il faut les tra-
verser pour communiquer d'une courtine à l'autre.
47. Tour du Plô. — Elle présente aussi, sur les
Lices, dans sa partie inférieure, des restes de sou-
bassements romains, sur lesquels est implantée une
tour visigothe couronnée par la bâtisse du xiii*
siècle.
48. Tour de Balthazar. — Seule, la tour n° 48 a
été reconstruite entièrement par Philippe le Hardi.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 85
Aussi présente-t-elle à l'extérieur un bec saillant,
et l'épaisseur de sa construction est très considé-
rable. C'est qu'elle devait s'élever assez haut pour
dominer la tour n° 18 de l'enceinte extérieure, tour
dite de la Vade ou du Papegay, sorte de donjon
avancé absolument indépendant et qui était destiné
à battre le plateau qui s'étend de plain-pied, en
face de ce front.
Traces apparentes d'ancien logis sur le mur côté
ville.
Dans l'angle de droite de la Courtine joignant la
Tour de Balthazar est visible une poterne facilitant
la communication avec la Tour de la Vade n° 18.
49. Tour de Davejean ou de Daréja. — La tour
n" 49, est bâtie sur une substruction romaine, for-
mée de gros blocs de pierre parfaitement jointifs,
sans mortier. Le soubassement romain portait cer-
tainement une tour carrée, car les Visigoths se sont
contentés d'abattre les arêtes saillantes à coups de
masse, pour arrondir cette construction massive
qui ne renferme qu'un blocage.
En examinant les constructions surélevées au xiii«
siècle, on voit que les ingénieurs ont donné à la
partie cylindrique (côté extérieur) une forte épais-
seur, tandis que du côté de la ville, là où la tour
est fermée par un pignon, les murs n'ont qu'une
faible épaisseur, afin d'obtenir l'espace vide le plus
grand possible à l'intérieur pour loger les postes.
86 LA CITÉ DE CARCASSONNE
50. Tour Saint-Laurent. — De construction Gallo-
Romaine, réparée au xiii® siècle.
51. Escalier descendant à la Poterne de la Tour
de la Peyre. — On trouve entre les tours 50 et 52,
une construction saillante, n° 51, qui contenait un
escalier de bois, communiquant à de vastes sou-
terrains dont l'issue extérieure est placée à côté de
la tour de la Peyi'e, n° 19, au niveau du fond du
fossé et dont deux galeries débouchaient dans les
Lices. Cette poterne de la Tour de la Peyre avait
une grande importance, car elle mettait les che-
mins de ronde supérieurs en communication directe,
soit avec les Lices, soit avec les dehors. Aussi, en
arrière de la poterne donnant dans l'angle de la
tour 19, est une salle voûtée, souterraine, vaste,
pouvant contenir une quarantaine d'hommes armés.
Du côté de la ville restes apparents d'ancien
logis, contre le mur de la construction saillante.
52. Tour du Trauquet. — Mêmes dispositions que
les tours 45, 46, 47, 49 et 50. Traces d'ancien logis
sur le mur faisant face à la ville.
53. Tour de Saint-Sernin. — D'origine Gallo-
Romaine, ornementée d'une rangée de briques en
forme « d'arêtes de poisson ». Formait l'abside de
l'Eglise paroissiale de Saint-Sernin, démolie vers
1793. Belle fenêtre ogivale ouverte au xv« siècle en
remplacement de la baie primitive. Cette abside,
creusée dans la circonférence de la Tour Gallo-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 87
Romaine, et tenant compte de ce fait que l'Eglise
Saint-Sernin était la plus ancienne de la Cité, pour-
rait avoir été la Chapelle du Château Narbonnais
qui s'élevait, avant le xiii* siècle, à la place des tours
de la Porte Narbonnaise. (Voir p. 112, Intérieur de
la Cité, Eglise Saint-Sernin.)
III. — LE CHATEAU
Il est bâti sur le point culminant de la Cité. Ce
fut probablement sous le Vicomte Aton ou, au plus
tard, sous Roger III, vers 1130, que le Château fut
élevé.
54. Barbacane Intérieure. — Lorsqu'on arrive
devant le Château, dans l'intérieur de la Cité, le
premier ouvrage qui se présente est une Barbacane
bâtie au xiii'' siècle, semi-circulaire, crénelée avec
chemins de ronde (voyez le plan général, fig. 16),
et dans laquelle est percée une avant-porte. Cette
première porte n'était défendue que par des meur-
trières et des créneaux garnis de doubles volets,
un mâchicoulis et des vantaux de bois. C'est, comme
on peut le voir, une charmante construction, bien
faite et passablement conservée.
L'étage supérieur de la porte était ouvert du
côté du Château, afin d'empêcher les assaillants
qui s'en seraient rendus maîtres de se défendre
contre la garnison renfermée dans le Château.
88 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Le Château. — Les tours du Château, par leur
construction et les quelques sculptures qui déco-
rent les chapiteaux des colonnettes de marbre ser-
vant de meneaux aux fenêtres géminées, visibles
dans la cour intérieure, appartiennent certaine-
ment à la première moitié du xn* siècle. En parcou-
rant l'enceinte intérieure de la Cité, ainsi que le
Château, on peut facilement reconnaître les parties
des bâtisses qui datent de cette époque; leurs pare-
ments sont élevés en grès jaunâtre et par assises de
0 m. 15 à 0 m. 30 de largeur, et grossièrement appa-
reillés.
Un large « fossé » protège trois des fronts de
cette citadelle, le quatrième donnant sur les escar-
pements faisant face à l'Aude.
Un pont, reconstruit en partie à une époque assez
récente, donnait accès à la seule Porte du Château
sur le front faisant face à la ville. Les piles de ce
pont datent du xm* siècle, et les deux dernières,
proches l'entrée, sont disposées de telle façon qu'un
plancher mobile en bois devait s'y appuyer.
L'assaillant trouvait un premier obstacle formé
d'une barrière de bois couverte d'un appentis. Cet
obstacle détruit, supposant le plancher mobile
enlevé, il avait à franchir un fossé d'une largeur
de 2 mètres pour arriver à la première herse défen-
due par un mâchicoulis. Derrière cette herse est
une porte de bois, un second mâchicoulis, une
seconde herse et une seconde porte. La première
herse se manœuvrait du deuxième étage. La deu-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 89
xième lierse était servie dans une petite chambre
disposée immédiatement au-dessus du passage.
Tours d'entrée. — Les deux tours qui flanquent
cette Entrée renferment deux étages voûtés en
calotte hémisphérique, et percés de meurtrières;
les deux étages supérieurs sont séparés par un plan-
cher. Ces deux étages supérieurs mettent, sans murs
de refend, les deux tours en communication avec le
dessus du passage. On ne pouvait arriver à ces
étages que par un escalier de bois disposé contre
la paroi plate de la porte, du côté de la cour ou
par les chemins de ronde des courtines. Les salles
voûtées ne sont éclairées que par les meurtrières.
Le troisième étage prend jour sur la cour par une
charmante fenêtre romane à doubles cintres posés
sur une colonnette de marbre avec chapiteau
sculpté, et par une très petite ouverture donnant
latéralement au-dessus de l'entrée à l'extérieur.
Cette dernière fenêtre était percée pour permettre
aux assiégés qui servaient la première herse de voir
ce qui se passait à l'entrée et de prendre leurs
dispositions en conséquence, sans se démasquer.
Bien que les tours affectent la forme cylindrique
à l'extérieur, à l'intérieur les parements des étages
supérieurs sont à pans coupés. Cette construction
était évidemment faite pour faciliter l'établissement
de la charpente des combles. Il est beaucoup plus
facile de tailler et de poser une charpente en pavil-
lon sur un plan polygonal que sur un plan circu-
90 LA CITÉ DE CARCASSONNE
laire; le plan circulaire exige pour les sablières des
bois courbes, pour la pose des chevrons des assem-
blages compliqués. A la fin du xi^ siècle on ne devait
pas être fort habile dans ces sortes de construc-
tions, qui, un siècle et demi plus tard, étaient arri-
vées à un degré de perfection remarquable; aussi
ne doit-on pas s'étonner de voir cette forme de
charpentes pyramidales adoptée pour toutes les
tours primitives du Château. Les constructeurs
rachetaient les différences de saillies produites par
la forme circulaire du parement extérieur par des
coyaux.
Du deuxième étage on communique au premier
au moyen d'une trappe ouverte dans la voûte
hémisphérique. Cette trappe, percée derrière la
petite fenêtre qui permet de guetter l'entrée, était
destinée à transmettre des ordres aux gens qui ser-
vaient la deuxième herse dans la petite salle du
premier étage, soit pour faire tomber rapidement
cette herse en cas d'attaque, soit pour la lever
lorsqu'un corps rentrait; car on observera que les
servants de la deuxième herse ne peuvent voir ce
qui se passe à l'extérieur que par une meurtrière
très étroite, ou par le mâchicoulis ouvert devant
cette deuxième herse.
Dans cet ouvrage de défense si complet et dont
nous donnons les coupes figure 12, C, p. 91), tout est
disposé pour que le commandement puisse venir
du haut, là où les moyens de défense les plus effi-
caces étaient déployés, et là, par conséquent, où
Fig. 12.
Coupe des Tours d'Entrée du Château.
92 LA CITÉ DE CARCASSONNE
devait se tenir le Capitaine de la tour au moment
de l'attaque. Nos vaisseaux de guerre" avec leurs
écoutilles, leurs porte-voix et leurs batteries basses,
peuvent donner une idée des moyens de transmis-
sion du commandement alors en usage dans les
ouvrages de fortification (1).
Couronnement des Murailles. — Hourds saillants.
— Tous les couronnements des murailles et des
tours du Château élevé vers le commencement du
xii^ siècle étaient défendus en temps de guerre par
des hourds très saillants, car on remarquera que
les trous par lesquels passaient les pièces de bois
en bascule portant ces hourds, sont doubles, percés
à 0 m, 60 environ l'un au-dessus de l'autre, afin de
soulager la portée des pièces supérieures recevant
le plancher par des corbelets et des liens de char-
pente. La pose de ces hourds devait être moins
expéditive que celle des hourds du xiii® siècle portés
par de fortes solives en bascule. Toutefois elle pou-
vait se faire sans trop de difficulté en supposant
les liens assemblés par embrèvement, sans tenons
ni mortaises, ce qui, du reste, eût été inutile, puis-
que les pièces de bois traversant les murs étaient
parfaitement fixes et ne pouvaient dévier ni à droite
ni à gauche. Un charpentier (fig. 13, p. 95), à cheval
(1) Dans la figure 12, la coupe transversale est tracée en A.
En I est l'extrémité du pont fixe; en B, le fossé couvert par
un pont volant; en C, la première herse avec son treuil en E;
en D, la deuxième herse avec son treuil en F; en G, les trous
des hourds. En H est tracée la coupe longitudinale sur le passage
et les salles voûtées.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 93
sur la solive horizontale supérieure, adossé à la
muraille, pouvait assembler le lien par le côté à
coups de maillet, en ayant le soin de le retenir
préalablement à l'aide d'un bout de corde (1).
Les trous des solives dans les crénelages du Châ-
teau, étant plus petits que ceux des constructions
datant du xiii^ siècle, expliquent ce surcroît de pré-
cautions, destiné à empêcher les bois en bascule de
fléchir à leur extrémité. On observera encore que
les créneaux du Château sont hauts (2 mètres),
c'est que le plancher des hourds était posé à la
base même de ces créneaux, au lieu d'être, comme
au xiiv siècle, posé à 0 m. 30 au-dessus du sol de
chemin de ronde. Il fallait donc passer par ces
créneaux comme par autant de portes et leur don-
ner une hauteur suffisante pour que les défenseurs
pussent se tenir debout dans les galeries des hourds.
Linteaux en béton. — Nous ne devons pas passer
sous silence un fait très curieux touchant l'histoire
(1) Du chemin de ronde, les charpentiers faisaient couler par
le trou inférieur une première pièce A, puis une seconde pièce
B, en bascule. L'ouvrier, passant par le créneau, se mettait à
cheval sur cette seconde pièce B, ainsi que l'indique le détail
perspectif B', puis faisait entrer le lien C dans son embrève-
ment. La tête de ce lien était réunie à la pièce B par une
cheville; un potelet D, entré de force par derrière, roidissait
tout le système. Là-dessus, posant des plats-bords, il était facile
de monter les doubles poteaux E entre lesquels on glissait les
madriers servant de garde antérieure, puis on assujettissait la
toiture qui couvrait le hourd et le chemin de ronde, afin de
mettre les défenseurs à l'abri des projectiles lancés à toute
volée. Des entailles G, ménagées entre les madriers, permet-
taient de viser.
94 LA CITÉ DE CARCASSONNE
de la construction. La plupart des portes et fenêtres
des tours du Château, du côté de la cour, sont cou-
ronnées par des linteaux en béton. Ces pierres fac-
tices ont beaucoup mieux résisté aux agents atmos-
phériques que les pierres de grès; elles sont compo-
sées d'un mortier parfaitement dur, mêlé de cail-
loux concassés de la grosseur d'un œuf, et ont dû
être façonnées dans des caisses de bois. Après avoir
observé en place quelques-uns de ces linteaux, mon
attention ayant été éveillée, j'ai retrouvé une assez
grande quantité de ces blocs de béton dans les res-
taurations extérieures des murailles des Visigoths
entreprises au xii« siècle. Il semblerait que les cons-
tructeurs de cette dernière époque, lorsqu'ils
avaient besoin de matériaux résistants d'une grande
dimension relative, aient employé ce procédé qui
leur a parfaitement réussi; car aucun de ces lin-
teaux ne s'est brisé, comme il arriva fréquemment
aux linteaux de pierre.
Intérieur du Château. — Après avoir franchi la
Porte du Château, on entre dans une cour spa-
cieuse, entourée aujourd'hui de constructions mo-
dernes qui ont été accolées aux courtines et tours.
Ces constructions ont été élevées sur l'emplacement
de portiques datant du xiw siècle et dont on re-
trouve toutes les amorces. Des traces d'incendie
sont apparentes sur les parements des construc-
tions du XII* siècle, et font supposer que ces por-
tiques ont remplacé des constructions de bois gar-
I h
Fig. 13.
La Pose des hourds.
% LA CITÉ DE CARCASSONNE
nissant l'intérieur de la cour avant les restaura-
tions entreprises par Louis IX et Philippe le Hardi.
Du côté de l'est et du nord les murailles n'étaient
doublées que par un simple portique.
Du côté sud, s'élève un bâtiment dont toute la
partie inférieure date du xn" siècle et la partie su-
périeure de la fin du xii^ avec remaniement au xv^
Ce bâtiment contenait, à rez-de-chaussée, des cui-
sines voûtées en berceau tiers^point, avec une belle
porte plein cintre ouverte dans le pignon. Il sépare
la grande cour d'une seconde cour donnant du côté
du sud et fermée par une forte courtine du xii* siè-
cle, complètement restaurée au xur.
A cette courtine était accolée une construction
présentant un très large portique à rez-de-chaussée,
avec salle au premier étage. On voit encore en
place, le long de la courtine, tous les corbeaux de
pierre qui supportaient le plancher de cette salle,
une belle cheminée dont les profils et les sculptures
appartiennent à l'époque de Saint Louis; et, à
l'angle de la tour carrée n° 31, dite tour Peinte
(p. 75), l'amorce des piles du portique inférieur.
Une grande fenêtre carrée à meneaux éclairait du
côté sud, vers Saint-Nazaire, la grande salle du
premier étage. Cette fenêtre est élevée au-dessus
du plancher intérieur, et la disposition du plafond
qui fermait l'ébrasement est telle, que les projec-
tiles lancés du dehors ne pouvaient pénétrer dans
la salle. A l'angle sud-ouest du Château s'élèvent
d'énormes constructions, sortes de donjons ou ré-
VII
l'Iu.t. M, .Ici Jnr.h.
La grande échauguette du Château.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 97
duits, indépendants les uns des autres, qui com-
mandaient les cours et les dehors. La plus élevée,
mais la plus étendue de ces bâtisses, est la tour
dite Peinte, n° 31.
Front ouest du Château. — Mais c'est sur le front
ouest que l'étude du Château de la Cité est parti-
culièrement intéressante. Le côté occidental est
celui qui regarde la campagne et qui fait face à
la grosse Barbacane n° 8, bâtie au bas de l'escar-
pement.
Pour bien faire comprendre les dispositions très
compliquées de cette partie du Château il faut que
nous descendions à cette Barbacane et que sucessi-
vement nous passions par tous les détours si ingé-
nieusement combinés pour rendre impossible
l'accès du Château à une troupe armée.
Grande Barbacane extérieure du Château (n° 8).
— Malheureusement la Barbacane fut démolie en
1816 pour bâtir une usine le long de l'Aude (Usine de
l'Ile). Cette destruction est à jamais regrettable,
car, au dire de ceux qui ont vu ce bel ouvrage, il
produisait un grand effet et était élevé en beaux
matériaux. C'était une importante défense, com-
muniquant avec le Château, par des rampes for-
tifiées très habilement conçues au point de vue de
la défense de la place. Je n'ai pu retrouver, en
fouillant assez profondément, que ses fondations et
ses premières assises, ce qui permettait seulement
13
98 LA CITÉ DE CARCASSONNE
de reconnaître exactement et sa place et son dia-
mètre.
Traces du pourtour de la Barbacane 8, visibles
sur le sol de la Place Saint-Gimer, au pied de la
Cité.
La Barbacane avait été élevée très probablement
sous Saint Louis, comme la plupart des adjonctions
et restaurations faites au Château. Elle était percée
de deux rangs de meurtrières et était couronnée
par un chemin de ronde crénelé avec hourds. Elle
n'était point couverte, sa grande étendue ne le per-
mettant guère, mais devait posséder à l'intérieur
des galeries de bois facilitant l'accès aux meur-
trières, et formant un abri pour les défenseurs.
La porte était percée dans l'angle rentrant, côté
du nord, sur le flanc de la Grande Caponnière qui
monte à la Cité (fîg. 14) en B' (1).
Un plan de la Cité et de la Ville de Carcassonne,
relevé en 1774, antérieurement par conséquent à
la destruction de la Barbacane, mentionne, dans la
légende, un grand souterrain existant sous le bou-
levard de la Barbacane, mais depuis longtemps
comblé. Je n'ai pu retrouver la trace de cette cons-
truction, à l'existence de laquelle je ne crois guère.
Si ce souterrain a jamais existé, il devait établir
(1) Notre figure 14 fait voir en C la Barbacane du côté de la
ville avec sa porte en A'; en Oi la Porte du Château; en L, la
grande cour; en P, le logis contenant les cuisines, en M, la
deuxième cour avec le portique N sur lequel est établie la
grande salle; en Q et R, les logis, donjons; en D, la grande
Barbacane extérieure et en X et Y les tours du xii* siècle.
COTÉ DE
lA MLLK.
Fig. 14.
Plan Général des Défenses du Château,
100 LA CITÉ DE CARCASSONNE
une communication entre la Barbacane et le mou-
lin fortifié dit du Roi, afin de permettre à la gar-
nison du Château d'arriver à couvert jusqu'à la
rivière.
La Grande Caponnière et Défenses du Château.
— Cette Caponnière ou montée, fortifiée des deux
côtés, est assez étroite à sa base près de la Barba-
cane. Elle s'élargit en E jusqu'au point où, formant
un coude, elle se dirige perpendiculairement au
front du Château, afin d'être enfilée par les assiégés
postés sur les chemins de ronde de la double en-
ceinte ou dans le Château même; puis, ayant
atteint le pied de l'enceinte, la Caponnière se dé-
tourne en E' à droite, longe cette enceinte du nord
au sud, pour atteindre une première porte dont il
ne reste que les pieds-droits. Ces rampes E sont
crénelées à droite et à gauche. Leur montée est
coupée par des parapets chevauchés. En F était un
mur de garde en avant de la première porte; ayant
franchi cette première porte, on devait longer un
deuxième mur de garde, passer par une barrière,
se détourner brusquement à gauche, et se présen-
ter devant une deuxième porte G, en étant battu
de flanc par les gens de la deuxième enceinte.
Alors on se trouvait devant un ouvrage considé-
rable et bien défendu; c'est un couloir long, sur-
monté de deux étages, sous lesquels il fallait passer.
Le premier de ces étages battait la porte G et
était percé de mâchicoulis s'ouvrant sur le pas-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 101
sage; le deuxième étage était en communication
avec les crénelages supérieurs, battant soit la
rampe, soit l'espace G. Le plancher du premier
étage ne communiquait avec les Lices que par une
porte étroite. Si l'ennemi parvenait à occuper cet
étage, il était pris comme dans une souricière, car,
la petite porte fermée sur lui, il se trouvait exposé
aux projectiles tombant des mâchicoulis du deu-
xième étage; et l'extrémité du plancher de ce pre-
mier étage étant interrompue en H, du côté opposé
à l'entrée, il était impossible à cet assaillant
d'avancer. S'il parvenait à franchir sans encombre
le couloir à rez-de-chaussée, il était arrêté par la
porte H, percée dans une traverse couronnée par
les mâchicoulis du troisième étage, communiquant
avec les chemins de ronde supérieurs du Château.
Si, par impossible, les assiégeants s'emparaient du
deuxième étage, ils ne trouvaient d'autre issue
qu'une petite porte latérale donnant dans une salle
établie sur des arcs, en dehors du Château, et ne
communiquant avec l'intérieur que par des détours
qu'il était facile de barricader en un instant et qui
d'ailleurs étaient fermés par des vantaux. Si,
malgré tous ces obstacles accumulés, les assié-
geants forçaient la troisième porte H, il leur
fallait alors attaquer la poterne I du Château, pro-
tégée par un système de défense formidable: des
meurtrières, deux mâchicoulis placés l'un au-
dessus de l'autre, un pont avec plancher mobile,
une herse et des vantaux. Se fût-on emparé de cette
102 LA CITÉ DE CARCASSONNE
porte, qu'on se trouvait à 7 mètres en contre-bas
de la Cour intérieure L, à laquelle on n'arrivait
que par des degrés étroits, défendus, et en passant
à travers plusieurs portes en K.
En supposant que l'attaque fût poussée par les
Lices du côté de la Porte de l'Aude, on était arrêté
par un poste T et par une porte avec ouvrages de
bois et un double mâchicoulis percé dans le plan-
cher d'un étage supérieur communiquant avec la
grande salle sur N du Château, au moyen d'un
passage de charpente qui pouvait être détruit en
un instant; de sorte qu'en s'emparant de cet étage
supérieur on n'avait rien fait (voir Courtine entre
31 et 37).
Si après avoir franchi l'ouvrage T, on poussait
plus loin sur le chemin de ronde, le long de la tour
carrée S, on rencontrait bientôt une garde avec
porte bien munie de mâchicoulis et bâtie perpen-
diculairement au couloir G H. Après cette porte,
c'était une troisième porte étroite et basse percée
dans la grosse traverse Z qu'il fallait franchir;
puis, on arrivait à la poterne I du Château.
Si, au contraire, l'assaillant se présentait du côté
opposé par les Lices du nord, il était arrêté par
une défense V, mais de ce côté l'attaque ne pouvait
être tentée, car c'est le point de la Cité qui est le
mieux défendu par la nature. La grosse traverse Z
qui, partant de la courtine du Château, s'avance à
angle droit jusque sur la montée de la grande Bar-
bacane extérieure, était couronnée par des mâchi-
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 103
coulis transversaux qui commandaient la porte H
et par une échauguelte crénelée qui permettait de
voir ce qui se passait dans la Caponnière, afin de
prendre les dispositions intérieures nécessaires, ou
de reconnaître les corps amis.
Cette partie des fortifications de la Cité de Car-
cassonne est certainement la plus intéressùnte.
C'est en examinant scrupuleusement les moindres
traces des constructions encore existantes, que l'on
a pu reconstituer ce bel ouvrage. Je dois dire, tou-
tefois, que peu de points restent vagues et que le
système de la défense ne présente pas de doutes.
Il s'accorde parfaitement avec les dispositions na-
turelles du terrain, et les vestiges sont encore pleins
de fragments qui donnent non seulement la dispo-
sition des constructions de pierre, mais encore les
attaches, prises et scellements des constructions de
bois, des planchers et gardes.
Une vue cavalière du Château et de la Barba-
cane restaurés, que nous donnons ci-après (fîg. 15),
présente l'ensemble de ces ouvrages.
IV. — ÉGLISE DE SAINT-NAZAIRE
ANCIENNE CATHÉDRALE
Cette église se compose d'une nef dont la cons-
truction remonte à la fin du xi« siècle ou au com-
mencement du xir, et d'un transept avec abside et
chapelles, datant du commencement du xiv* siècle.
Du côté sud-ouest, la muraille des Visigoths
104 LA CITÉ DE CARCASSONNE
venait longer la façade ouest de l'église cathédrale
de Saint-Nazaire (fig. 16). Cette façade, élevée,
comme nous l'avons dit, à la fin du xi« siècle ou au
commencement du xii% n'est qu'un mur fort épais
sans ouverture dans la partie inférieure. Elle do-
minait l'enceinte Visigothe et augmentait sa force
sur ce point attaquable. Son couronnement consis-
tait en un crénelage dont nous avons retrouvé les
traces et que nous avons pu rétablir dans son inté-
grité.
Les fortifications de Philippe le Hardi laissèrent
entre elles et cette façade (fig. 16) un large espace
et la défense supérieure de la façade de Saint-
Nazaire demeura sans objet puisqu'elle ne com-
mandait plus les dehors.
En 1096, le pape Urbain II vint à Carcassonne
pour rétablir la paix entre Bernard Aton et les
bourgeois qui s'étaient révoltés contre lui et il bénit
l'église cathédrale (Saint-Nazaire), ainsi que les
matériaux préparés pour l'achever. C'est à cette
époque en effet que l'on peut faire remonter la
construction de la nef de cette église.
Nous n'entreprendrons pas une discussion sur
les édifices qui ont pu précéder l'église que nous
voyons aujourd'hui, et dont les parties les plus an-
ciennes ne remontent pas au delà de l'année 1090.
Nous n'essayerons pas davantage de pénétrer les
motifs qui firent reconstruire le sanctuaire, le tran-
sept et les chapelles au commencement du
xiV siècle, les documents historiques faisant abso-
?>5^
Fig. 15.
Vue cavalière
Château et de la Barbacane (8) restaurés
14
106 LA CITÉ DE CARCASSONNE
lument défaut. Mais, ce qui est certain, c'est que
ces constructions du xiv^ siècle ont été relevées sur
les fondations romanes retrouvées partout, et no-
tamment dans la Crypte du xi« siècle que nous avons
découverte sous le sanctuaire, en 1857, et qui fut
alors déblayée. Seules, les voûtes de cette crypte
avaient été détruites pour abaisser le sol de ce sanc-
tuaire au xiv^ siècle. Elles ont été remplacées par
un plafond de pierre qui laisse apercevoir les
anciennes piles et les murs percés de petites baies.
La nef romane présente une disposition qui a été
adoptée assez fréquemment dans les églises pro-
vençales et du bas Languedoc. La voûte centrale,
en berceau avec arcs-doubleaux, est contre-butée
par les voûtes également en berceau, couvrant les
collatéraux très étroits. Cette nef n'est donc éclai-
rée que par les fenêtres des murs latéraux.
Une porte plein cintre, datant du commencement
du xii« siècle, s'ouvre dans le bas-côté nord; car
autrefois la façade occidentale de la nef, ainsi que
nous l'avons dit précédemment, était voisine des
remparts et contribuait à leur défense. Sa base était
seulement percée d'une très petite porte qui s'ou-
vrait dans un couloir dont on aperçoit les amorces.
Vers 1260 fut accolée au flanc sud du transept
roman, une chapelle dont le sol est au niveau du
pavé de l'ancien cloître, c'est-à-dire à 2 mètres
environ au-dessous du sol de l'église. Cette chapelle
renferme le tombeau de Vévêque Radulphe, dont
l'inscription donne la date de 1266, comme étant
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 107
celle de la mort du prélat. C'est sur les instances
de cet évêque que les habitants des faubourgs de
la Cité, proscrits à la suite du siège entrepris par
le vicomte Raymond de Trencavel, furent autorisés
à rebâtir leur ville de l'autre côté de l'Aude. Ce
tombeau est un monument fort intéressant, bien
que la figure du personnage, traitée en bas-relief,
soit médiocre; le simulacre du sarcophage qui la
porte donne une série de figurines d'une conserva-
tion parfaite, représentant les chanoines de la
Cathédrale dans leur costume de chœur. Ce sou-
bassement est intact, car le sol de la chapelle ayant
été relevé au niveau de celui du transept, les par-
ties inférieures du monument sont restées enterrées
pendant des siècles et ont été ainsi préservées des
mutilations.
Le chœur, le transept et les chapelles de la Cathé-
drale ont été élevés sous l'épiscopat de Pierre de
Roquefort, de 1300 à 1320. Le plan roman a été
suivi dans la construction de cette partie de l'église,
et c'est pourquoi les deux bras de ce transept pré-
sentent une disposition originale qui appartient seu-
lement à quelques édifices de l'école romane du
Midi, antérieure au xiir siècle.
En effet, sur chacun de ces bras de la croix s'ou-
vrent trois chapelles orientées, séparées seulement
par des claires-voies au-dessus d'une arcature de
soubassement aveugle. Quatre des piliers qui for-
ment la séparation de ces chapelles sont cylindri-
14*
108 LA CITÉ DE CARCASSONNE
ques comme pour rappeler ceux de la nef du xii'
siècle.
L'évêque Pierre de Roquefort sembla vouloir
faire de sa Cathédrale de Saint-Nazaire, si modeste
comme étendue, un chef-d'œuvre d'élégance et de
richesse. Contrairement à ce que nous voyons à
Narbonne, où la sculpture fait complètement défaut,
l'ornementation est prodiguée dans l'église de Saint-
Nazaire. Les verrières, immenses et nombreuses
(car ce chevet et ce transept semblent une véritable
lanterne), sont de la plus grande magnificence
comme composition et couleur. Le sanctuaire, dont
les piliers sont décorés des statues des Apôtres, était
entièrement peint.
Les deux chapelles latérales de l'extrémité de
la nef, au nord et au sud, ne furent probablement
élevées qu'après la mort de Pierre de Roquefort,
car elles ne se relient point au transept comme
construction, et, dans l'une d'elles, celle du nord,
est placé, non pas après coup, le tombeau de cet
évêque, l'un des plus gracieux monuments du xiv^
siècle que nous connaissions.
Les grands vents du sud-est et de l'ouest qui
régnent à Carcassonne avaient fait ouvrir la porte
principale sur le flanc nord de la nef romane; une
autre porte est percée dans le pignon du bras de
croix nord; et dans l'angle de ce bras de croix est
un joli escalier en forme de tourelle saillante. Des
deux côtés du sanctuaire, entre les contre-forts,
sont disposés deux petits sacraires qui ne s'élèvent
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 109
que jusqu'au-dessous de l'appui des fenêtres. Ces
sacraires sont munis d'armoires doubles, fortement
ferrées et prises aux dépens de l'épaisseur des murs.
Ils servaient de trésors, car il était l'usage de pla-
cer, des deux côtés du maître autel des églises abba-
tiales ou cathédrales, des armoires destinées à ren-
fermer les vases sacrés, les reliquaires et tous les
objets précieux.
Outre les tombeaux des évêques Radulphe et
Pierre de Roquefort on voit, sur les parois du sanc-
tuaire, côté de l'évangile, un beau tombeau en albâ-
tre d'un évêque dont la statue est couchée sur un
sarcophage et que l'on dit être Simon Vigor, arche-
vêque de Narbonne, mort à Carcassonne en 1575.
Ce tombeau et la statue datant du xiv« siècle ne
peuvent, par conséquent, être attribués à ce prélat.
Nous signalerons une autre erreur. On a placé dans
l'église de Saint-Nazaire une dalle funéraire que
l'on donne comme ayant appartenu au tombeau
du fameux Simon de Montfort. D'abord le tombeau
de Simon de Montfort fut élevé près de Montfort-
l'Amaury, dans l'église de l'abbaye des Hautes-
Bruyères, et, s'il y eut jamais à Carcassonne un
monument dressé à sa mémoire, après la levée du
siège de Toulouse, ce ne pourrait être une dalle
funéraire. Puis la gravure de cette dalle, l'inscrip-
tion, sont tracées par un faussaire ignorant et inha-
bile. Toutefois, cette dalle ayant été retrouvée, dit-
on, sans qu'on ait su exactement où et comment, et
110 LA CITÉ DE CARCASSONNE
donnée à l'église de Saint-Nazaire, nous n'avons pas
cru devoir la rejeter.
On voit, incrusté dans la muraille de la chapelle
de droite, un fragment d'un bas-relief d'un intérêt
plus sérieux en ce qu'il présente l'attaque d'une
place forte. Ce fragment, quoique d'un travail très-
grossier, date de la première moitié du xiw siècle.
L'assaillant essaye de forcer les Lices d'une ville
entourée de murailles, et les assiégés font jouer un
mangonneau. On a cru voir dans ce bas-relief une
représentation de la mort de Simon de Montfort,
tué devant les murs de Toulouse par la pierre d'un
engin servi par des femmes, sur la place de Saint-
Sernin. L'hypothèse n'a rien d'invraisemblable, ce
bas-relief datant de l'époque de ce siège, et des
anges enlevant dans les airs l'âme d'un personnage,
sous la forme humaine, qui peut bien être celle de
Simon de Montfort.
Parmi les plus belles verrières qui décorent les
fenêtres de la Cathédrale de Saint-Nazaire, il faut
citer celle de la première chapelle près du sanc-
tuaire, côté de l'épître, et qui représente le Christ
en croix, avec la tentation d'Adam, des prophètes
tenant des phylactères sur lesquels sont écrites les
prophéties relatives à la venue et à la mort du
Messie. Ce vitrail, comme entente de l'harmonie des
tons, est un des plus remarquables du xiv® siècle.
Toutes les autres verrières à sujets légendaires
datent de cette époque. Mais dans le sanctuaire, il
existe deux fenêtres garnies, au xvi® siècle, de
FiG. 16. — Plan général de la Cité.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 111
vitraux d'une grande valeur qui appartiennent à
la belle Ecole Toulousaine de la Renaissance. Les
grisailles sont modernes et ont été fabriquées à
l'aide des fragments anciens qui existaient encore.
Les vitraux des deux roses et des deux chapelles de
la nef sont anciens et ont été simplement restaurés
avec le plus grand soin.
La sacristie, jointe à la chapelle de l'évêque
Radulphe, a été construite en même temps que cette
chapelle, puis réparée au xv^ siècle.
L'ÉvÈCHÉ. — Le Cloître
Quant aux bâtiments de l'Evêché, ils sont com-
plètement rasés; il n'en est pas de même du cloître
de l'église Saint-Nazaire, dont les fondations ont
été retrouvées. Ces fondations, et un mur de ce
cloître, conservé avec les piles engagées et les for-
merets des voûtes, se rapportent aux tracés des
vieux plans de la Cité, dans lesquels ce cloître et
ses dépendances sont indiqués. Cette construction
date de l'époque de Saint Louis. (Voir Escalier du
Cloître, page 21).
V. — INTÉRIEUR DE LA CITÉ
Il n'existe plus, dans l'intérieur de la Cité, que
quelques débris des rnaisons anciennes et trois
puits. L'un large, avec belle margelle surmontée de
trois piliers, margelle et piliers qui datent du xiv^
112 LA CITÉ DE CARCASSONNE
siècle. Ce puits a été creusé dans le roc dès une
époque très ancienne (le Grands Puits), l'autre,
beaucoup plus étroit, dont la margelle date du xv^
siècle (le Puits du Plô), le troisième, dans le cloître
de Saint-Nazaire (aujourd'hui comblé). Il devait
exister des Citernes dans la Cité, car ces trois puits
et ceux établis dans quelques-unes des tours, ainsi
qu'on l'a vu, ne pouvaient suffire aux besoins de la
garnison et des habitants. Une seule de ces citernes
a été découverte par nous; elle est creusée sous la
montée de la porte de l'Aude, entre les deux encein-
tes. On y descend par un escalier, pratiqué dans
l'épaisseur du mur de la première enceinte, et on
pouvait puiser l'eau qu'elle contenait par un regard
avec margelle que l'on voit le long de ce mur en
montant à la porte de l'Aude. Cette citerne est
aujourd'hui comblée en partie: elle devait être ali-
mentée par les eaux de pluies recueillies entre la
porte de l'Aude et le cloître de Saint-Nazaire, et
peut-être par une source qui aujourd'hui ne donne
que très peu d'eau (voir Avant-Porte de l'Aude,
page 47).
Une petite église existait le long des murailles,
près de la Porte Narbonnaise; c'était l'église de
Saint-Sernin, dont la tour n° 53 formait l'abside.
Au xv siècle, une fenêtre à meneaux fut ouverte
dans cette abside, à travers la maçonnerie Visi-
gothe. L'église fut démolie pendant le dernier
siècle; elle était de construction romane (voir Tour
Saint-Sernin, n° 53),
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 113
CONCLUSIONS
Cette description sommaire de la Cité de Car-
cassonne peut faire comprendre l'importance de
ces restes, l'intérêt qu'ils présentent et combien il
importait de ne pas les laisser périr. L'église de
Saint-Nazaire a été complètement restaurée par
les soins de la Commission des monuments histo-
riques. Ces travaux, entrepris en 1844, n'ont été
terminés qu'en 1860. Toutes les tours de l'enceinte
intérieure, découvertes depuis un grand nombre
d'années, et particulièrement celles qui sont voû-
tées, avaient beaucoup souffert des intempéries de
l'atmosphère. Longtemps ces ruines ont été aban-
données aux habitants de la Cité, qui ne se fai-
saient pas faute d'enlever les matériaux des para-
pets et des chemins de ronde à leur portée, et de se
servir des tours comme de dépôts d'immondices.
La circulation, sur le chemin de ronde, était très
difficile. Sur le front sud, un grand nombre de
maisons et de baraques s'adossaient aux remparts.
Ces maisons, qui composent ce qu'on appelle
encore aujourd'hui le quartier des Lices, sont occu-
pées par une population pauvre de tisserands qui
vivent dans des rez-de-chaussée humides, pêle-
mêle avec des animaux domestiques (1).
(1) Toutes ces maisons sont aujourd'hui démolies. Les Lices,
ainsi dégagées et aplanies, offrent une promenade des plus
intéressantes. (N. des E.).
114 LA CITÉ DE CARCASSONNE
Depuis 1855, des travaux de restauration, et prin-
cipalement de consolidation et de couverture des
tours, ont été entrepris dans la Cité de Carcassonne
sous la direction supérieure de la Commission des
monuments historiques.
Chaque année, depuis cette époque, des crédits
sont ouverts pour restaurer les parties de l'enceinte
qui souffrent le plus et qui présentent le plus d'inté-
rêt. La plupart des tours de l'enceinte intérieure
sont couvertes comme elles l'étaient jadis. Des pans
de murs qui menaçaient ruine, particulièrement
du côté de la Porte de l'Aude, ont été remontés et
consolidés, les chemins de ronde sont praticables.
De leur côté, l'administration de la guerre, le Con-
seil général de l'Aude et la Ville de Carcassonne
accordent des crédits qui sont spécialement affectés
aux acquisitions des maisons adossées encore aux
remparts.
Bien que les crédits disponibles soient faibles
chaque année, cependant le résultat obtenu est con-
sidérable et les nombreux étrangers qui visitent
aujourd'hui la Cité de Carcassonne peuvent se faire
une idée exacte du système de défense employé
dans les fortifications des diverses époques du
moyen âge.
Je ne sache pas qu'il existe nulle part en Europe
un ensemble aussi complet et aussi formidable de
défenses des VI\ XIP et XIIP siècles, un sujet d'étude
aussi intéressant, et une situation plus pittoresque.
GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR 115
Tous ceux qui tiennent à nos anciens monuments,
qui aiment et connaissent l'histoire de notre pays,
désirent voir achever cette restauration, et déjà,
dans le Midi, la Cité de Carcassonne, à peine visitée
autrefois, est devenue le point d'arrêt de tous les
voyageurs.
TABLE DES ILLUSTRATIONS
HORS -TEXTE
I. Vue générale de l'Ouest. Les deux ponts sur l'Aude. 9
II. Vue générale du nord 17
III. Les défenses de la porte d'Aude 33
IV. La Porte Narbonnaise. Entrée principale de l'est. . 41
V. La porte de l'Aude. Entrée principale de l'ouest. . 73
VI. Entrée principale du château 81
VII. La grande échauguette du château 97
VIII. Eglise Saint-Nazaire 105
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28. Le jardin des Tuileries.
5. Sur le Pont-Neuf.
29. Les jardins du Palais-Royal,
6. La Seine au quai Saint-
30. La Bourse.
Michel.
31. Les Grands Boulevards.
7. La place Saint-Michel.
32. La rue de la Lune.
8. Le jardin du Luxembourg.
33. L'Opéra.
9. Le Panthéon et la rue Souf-
34. La place Vendôme.
flot.
35. La place de la Madeleine
10. Saint-Etienne-du-Mont.
(Marché aux Fleurs).
11. La rue et la Tour de Clovls.
36. La rue Royale.
12. La rue MouflFetard.
37. La place de la Concorde.
13. La rue Saint-Médard (Marché
38, Le Pont-Royal,
des Chiffonniers).
39, Saint-Germain-des-Prés.
• 14. La porte de Bagnolet,
40. Les Invalides et le pont
15. La Maison de Guvier. Le jar-
Alexandre.
din des Plantes.
41. La place de l'Etoile,
16. L'Hôtel de Sens.
42. Le parc Monceau,
17, La rue Saint-Antoine et la
43, La place Blanche.
Bastille.
44. La place du Tertre.
18. La place des Vosges.
45. La Maison de Mlmi Pinson.
19. L'Hôtel de Sévigné.
46. Le Cabaret du Lapin Agile,
20. La rue de Venise.
47. Le Moulin de la Galette.
21, Saint-Gervais,
48. La Pointe Saint-Eustache.
22, Le quai de Béthune,
49. La Maison de Balzac.
23. L'Abside de Notre-Dame.
50. La Tour Eiffel, vue d'Auteull.
Format des estampes : 25X32,5«'".
JUSTIFICATION DU TIRAGE :
100 exemplaires sur japon impérial, numérotés de 1 à 100.. 1 000 fr.
400 exemplaires sur vélin de Rives, numérotés de 101 à 500. 500 fr.
23 exemplaires hors commerce, dont 5 sur japon, marqués de A à E,
et 20 sur vélin de Rives, marqués de F à Z.
ÉDITIONS ALBERT MORANCÉ
.'L-MON î-|POtiR*^HA;t, ViLLEMEl/Vt-ST-GlOBBE».
JUN 3 1988
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