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Full text of "La cité de Carcassonne"

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University  of  Ottawa 


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â' 


6 


L'A    CITE   DE 
CARGASSONNE 


OUVRAGE  ETABLI 

PAR  LES  SOINS  DES 
ÉDITIONS  ALDEUT 
MORANCÉ,     A     PARIS 

30-32,      RUE      DE      FLEURUS 


ANCIENNE      MAISON     MOREL 
FONDÉE         EN         1780 


TOUS   DROITS    DE   TRADUCTION,    DE    REPRODUCTION   ET    d'aDAPTATION 
RÉSERVÉS   POUR   TOUS   PAYS 


V 


yiOLLET-LE-DUG,  ^"?^^  ^ 


LA    GITE 


DE 


CARCASSONNE 


NOUVELLE    EDITION 

RBVXJE   ET   COMPLÉTÉE 

PAR     Michel     Jordy 


EDITIONS    ALBERT   MORANGÉ 


Les  précédentes  éditions  de  cet  ouvrage  repro- 
duisaient textuellement  le  rapport  présenté  en  1853 
par  Viollet-le-Duc  au  Gouvernement  Impérial. 

Cet  important  document  révéla  le  grand  intérêt 
historique  et  artistique  qu'offre  la  Cité  de  Car- 
cassonne  et  décida  de  sa  conservation  qui  était 
déjà  demandée  d'une  manière  pressante  par  J.-P. 
Cros-Mayrevieille  et  par  les  pouvoirs  publics  aler- 
tés par  lui. 

En  rédigeant  son  rapport.  Viollet-le-Duc,  écri- 
vant au  courant  de  la  plume,  s'est  surtout  attaché 
à  mettre  en  lumière  l'importance  du  monument  et 
l'utilité  de  sa  restauration  au  point  de  vue  national. 

Il  assemblait  les  points  offrant  le  même  intérêt 
architectural,  mêlant  les  faits  et  les  époques,  sans 
se  préoccuper  de  l'ordre  de  la  visite,  d'ailleurs 
inutile  en  ce  temps-là.  Aussi  le  visiteur  qui  se  trou- 
vait en  présence  du  monument  avait-il  quelque 
difficulté  à  retrouver  dans  le  texte  la  description 
des  constructions  qu'il  avait  devant  lui. 

C'est  pour  répondre  au  désir  souvent  manifesté 
par  les  nombreux  admirateurs  de  l'antique  Carcas, 
que  nous  présentons  cette  nouvelle  édition,  conçue 


sur  un  plan  différent,  mais  dans  laquelle  le  texte  du 
génial  architecte  a  été  scrupuleusement  respecté. 

Nous  avons  simplement  groupé  par  chapitres 
les  détails  ayant  trait  aux  mêmes  sujets,  aux 
mêmes  ensembles  et  qui  sont  dispersés  dans  le 
rapport.  De  cette  manière  le  touriste  trouvera  aisé- 
ment la  description  générale  et  suivie  des  parties 
qu'il  veut  étudier. 

Tel  est  le  but  de  cette  nouvelle  édition.  Nous  la 
présentons  augmentée  d'un  guide-itinéraire  des- 
criptif de  la  visite  des  Monuments  de  la  Cité. 

Les  adjonctions  faites  au  texte  primitif  sont 
composées  en  italiques. 

Nous  avons  complété  ce  volume  par  des  photo- 
graphies de  la  Cité  actuelle,  restaurée  par  Viollet- 
le-Duc. 


HISTORIQUE    ET    DESCRIPTION 

I,     Situation    stratégique    7 

II.     Historique     7 

III.  Description  des  défenses  de  la  Cité 20 

IV.  Effectif  de   la   garnison 31 


GUIDE  TOPOGRAPHIQUE  DU  VISITEUR 

I.  Enceinte   extérieure    37 

II.  Enceinte   intérieure    54 

III.  Le  château   87 

IV.  Eglise    de   Saint-Nazaire. 103 

V.  Intérieur  de   la   Cité 111 

VI.  Conclusions    113 


PREMIERE  PARTIE 


HISTOIRE  ET   DESCRIPTION 


LA  CITE 

DE 

GARGASSONNE 


HISTOIRE  ET  DESCRIPTION 


I.  —  SITUATION   STRATÉGIQUE 

Le  pîateau  sur  lequel  est  assise  la  Cité  de  Carcassonne 
commande  la  vallée  de  l'Aude,  qui  coule  au  pied  de  ce 
plateau,  et  par  conséquent  la  route  naturelle  de  Narbonne 
à  Toulouse.  Il  s'élève  entre  la  Montagne-Noire,  derniers 
contreforts  des  Cévennes,  et  les  versants  des  Pyrénées, 
précisément  au  sommet  de  l'angle  que  forme  la  rivière  de 
l'Aude  en  quittant  ces  versants  abrupts,  pour  se  détourner 
vers  l'Est.  Carcassonne  se  trouve  ainsi  à  cheval  sur  la 
seule  vallée  qui  conduise  de  la  Méditerranée  à  l'Océan  et 
à  l'entrée  des  défilés  qui  pénètrent  en  Espagne  par 
Limoux,  Alet,  Quillan,  Mont-Louis,  Livia,  Puicerda  ou 
Campredon. 


II    —   HISTORIQUE 

Les  Romains.  —  Vers  l'an  636  de  Rome,  le  Sénat,  sur 
l'avis  de  Lucius  Crassus,  ayant  décidé  qu'une  Colonie 
Romaine  serait  établie  à  Narbonne,  la  lisière  des  Pyrénées 
fut  bientôt  munie  de  postes  importants  afin  de  conserver 
les  passages  en  Espagne  et  de  défendre  le  cours  des 
rivières.  Les  peuples  Volkes-Tectosages  n'ayant  pas  opposé 
de  résistance  aux  armées  romaines,  la  République  accorda 


8  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

aux  habitants  de  Carcassonne,  de  Lodève,  de  Nîmes,  de 
Pézenas  et  de  Toulouse  la  faculté  de  se  gouverner  suivant 
leurs  lois  et  sous  leurs  magistrats.  L'an  70  avant  J.-C, 
Carcassonne  fut  placée  au  nombre  des  Cités  nobles  ou 
élues.  On  ne  sait  quelle  fut  la  destinée  de  Carcassonne 
depuis  cette  époque  jusqu'au  iv*  siècle.  Elle  jouit,  comme 
toutes  les  villes  de  la  Gaule  méridionale,  d'une  paix  pro- 
fonde; mais  après  les  désastres  de  l'Empire,  elle  ne  fut 
plus  considérée  que  comme  une  citadelle  {Castellum). 
En  350  les  Francs  s'en  emparèrent,  mais  peu  après  les 
Romains  y  rentrèrent. 

Les  Visigoths.  —  En  407,  les  Goths  pénétrèrent  dans  la 
Narbonnaise  première,  ravagèrent  cette  province,  pas- 
sèrent en  Espagne,  et,  en  436,  Théodoric,  roi  des  Visi- 
goths, s'empara  de  Carcassonne.  Par  le  traité  de  paix  qu'il 
conclut  avec  l'Empire  en  439,  il  demeura  possesseur  de 
cette  ville,  de  tout  son  territoire  et  de  la  Novempopulanie, 
située  à  l'ouest  de  Toulouse. 

En  508,  Clovis  mit  le  siège  devant  Carcassonne  et  fut 
obligé  de  lever  son  camp  sans  avoir  pu  s'emparer  de  la 
ville. 

En  588,  la  Cité  ouvrit  ses  portes  à  Austrovalde,  duc  de 
Toulouse,  pour  le  roi  Gontran;  mais  peu  après,  l'armée 
française  ayant  été  défaite  par  Claude,  duc  de  Lusitanie, 
Carcassonne  rentra  au  pouvoir  de  Reccarède,  roi  des 
Visigoths. 

Ce  fut  en  713  que  finit  ce  royaume. 

Les  Sarrasins.  —  Les  Maures  d'Espagne,  sous  le  com- 
mandement de  Moussa-ben-Nossaïr,  devinrent  alors  pos- 
sesseurs de  la   «  Septimanie  » . 

La  Féodalité.  —  On  ne  peut  se  livrer  qu'à  de  vagues 
conjectures  sur  ce  qu'il  advint  de  Carcassonne  pendant 
quatre  siècles;  entre  la  domination  des  Visigoths  et  le 
commencement  du  xii'  siècle,  on  ne  trouve  pas  de  traces 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  9 

appréciables  de  constructions  dans  la  Cité,  non  plus  que 
sur  ses  remparts.  Mais,  à  dater  de  la  fin  du  xi^  siècle,  des 
travaux  importants  furent  entrepris  sur  plusieurs  points. 

Sous  le  vicomte  Bernard  Aton,  la  bourgeoisie  de  Carcas- 
sonne  s'était  constituée  en  milice  et  il  ne  paraît  pas  que  la 
concorde  régnât  entre  ce  seigneur  et  ses  vassaux,  car  ceux- 
ci,  battus  par  les  ti'oupes  d'Alphonse,  comte  de  Toulouse, 
venu  en  aide  à  Bernard,  furent  obligés  de  se  soumettre  et 
de  se  cautionner.  Les  biens  des  principaux  révoltés  furent 
confisqués  au  profit  du  petit  nombre  des  vassaux  restés 
fidèles,  et  Bernard  Aton  donna  en  fief  à  ces  derniers  les 
tours  et  les  maisons  de  Carcassonne,  à  la  condition,  dit 
Dom  Vaissette  :  «  de  faire  le  guet  et  de  garder  la  ville, 
«  les  uns  pendant  quatre,  les  autres  pendant  huit  mois  de 
«  Tannée  et  d'y  résider  avec  leurs  familles  et  leurs  vas- 
«  saux  durant  tout  ce  temps-là.  Ces  gentilshommes,  qui 
«  se  qualifiaient  de  a^  Châtelains  de  Carcassonne  )) ,  pro- 
«  mirent  par  serment  au  Vicomte  de  garder  fidèlement  la 
«  ville.  Bernard  Aton  leur  accorda  divers  privilèges,  et 
«  ils  s'engagèrent  à  leur  tour  à  lui  faire  hommage  et  à  lui 
«  prêter  serment  de  fidélité.  C'est  ce  qui  a  donné  l'ori- 
«  gine,  à  ce  qu'il  paraît,  aux  «  Mortes-Payes  »  de  la  Cité 
«  de  Carcassonne,  qui  sont  des  bourgeois,  lesquels  ont 
«  encore  la  garde  et  jouissent  pour  cela  de  diverses  pré- 
«  rogatives.  »  (Voir  l'our  de  la  Vade,  n"  18,  p.  50.) 

Ce  fut  probablement  sous  le  vicomte  Bernard  Aton  ou, 
au  plus  tard,  sous  Roger  III,  vers  1130,  que  le  Château  fut 
élevé  et  les  murailles  des  Visigoths  réparées. 

Croisade  albigeoise  {Siège  de  1209).  —  Le  1*"^  août  1209, 
le  siège  fut  mis  devant  Carcassonne  par  l'armée  des 
Croisés,  commandée  par  le  célèbre  Simon  de  Montfort. 

Le  vicomte  Raymond-Roger  Trencavel  avait  fait  aug' 
menter  les  défenses  de  la  Cité  et  celle  des  deux  faubourgs 
de    la    Trivalle    et    de    Graveillant    (aujourd'hui    faubourg 


10  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Barbacane),  situés  entre  la  Cité  et  l'Aude,  ainsi  que  vers 
la  route  de  Narbonne, 

Les  défenseurs,  après  avoir  perdu  les  faubourgs,  man- 
quant d'eau,  furent  obligés  de  capituler.  Le  siège  entrepris 
par  l'armée  des  Croisés  ne  dura  que  du  1"  au  15  août, 
jour  de  la  reddition  de  la  place.  On  ne  peut  admettre  que, 
pendant  ce  court  espace  de  temps,  les  assiégeants  aient  pu 
exécuter  les  travaux  de  mine  ou  de  sape  qui  ruinèrent 
une  partie  des  murailles  et  tours  des  Visigoths;  d'autant 
qu'il  existe  des  reprises  faites  pendant  le  xii*^  siècle  pour 
consolider  et  surélever  les  tours  visigothes  qui  avaient 
été  fort  compromises  par  la  sape  et  la  mine. 

Il  faut  donc  admettre  que  les  travaux  de  siège  et  les 
brèches  dont  on  signale  la  trace,  notamment  sur  le  côté 
nord,  sont  dus  aux  Maures  d'Espagne,  lorsqu'ils  con~ 
quirent  ce  dernier  boulevard  des  rois  Visigoths.  Bernard 
Aton  ne  peut  être,  non  plus,  l'auteur  de  ces  travaux  de 
mine,  car  le  traité  qui  lui  rendit  la  Cité,  occupée  par  ses 
sujets  révoltés,  n'indique  pas  qu'il  ait  eu  à  faire  un  long 
siège  et  que  les  défenseurs  fussent  réduits  aux  dernières 
extrémités. 

Le  vicomte  Raymond-Boger  Trencavel,  au  mépris  des 
traités  et  de  la  capitulation  qui  rendait  la  Cité  de  Carcas- 
sonne  aux  Croisés,  était  mort  en  prison  dans  une  des 
tours  en   novembre   1209. 

Période  Royale.  —  Depuis  lors,  Raymond  Trencavel,  son 
fils,  avait  été  dépouillé,  en  1226,  par  Louis  VIII  de  tous 
ses  biens  reconquis  sur  les  Croisés.  Carcassonne  alors  fît 
partie  du  domaine  royal,  et  un  sénéchal  y  commandait 
pour  le  roi  de  France. 

Siège  de  1240.  —  En  1240,  ce  jeune  vicomte  Baymond 
Trencavel,  dernier  des  vicomtes  de  Béziers  et  de  Carcas- 
sonne, et  qui  avait  été  remis  en  1209  aux  mains  du  comte 
de  Poix  (il  était  alors  âgé  de  deux  ans),  se  présente  tout 
à  coup  dans  les  diocèses  de  Narbonne  et  de  Carcassonne 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  11 

avec  un  corps  de  troupes  de  Catalogne  et  d'Aragon. 
Il  s'empare,  sans  se  heurter  à  une  sérieuse  résistance,  des 
châteaux  de  Montréal,  des  villes  de  Montolieu,  de  Saissac, 
de  Limoux,  d'Azillan,  de  Laurens  et  se  présente  devant 
Carcassonne. 

Il  existe  deux  récits  du  siège  de  Carcassonne  entrepris 
par  le  jeune  vicomte  Raymond  Trencavel  en  1240,  écrits 
par  des  témoins  oculaires  :  celui  de  Guillaume  de  Puy- 
Laurens,  Inquisiteur  pour  la  Foi  dans  le  paj's  de  Toulouse, 
et  celui  du  Sénéchal  Guillaume  des  Ormes,  qui  tenait  la 
ville  pour  le  roi  de  France.  Ce  dernier  récit  est  un  rap- 
port, sous  forme  de  journal,  adressé  à  la  reine  Blanche, 
mère  de  Louis  IX. 

Cette  pièce  importante  nous  explique  toutes  les  dispo- 
sitions de  l'attaque  et  de  la  défense  (1).  A  l'époque  de  ce 
siège,  les  remparts  de  Carcassonne  n'avaient  ni  l'étendue 
ni  la  force  qui  leur  furent  données  depuis  par  Louis  IX 
et  Philippe  le  Hardi.  Les  restes  encore  très  apparents  de 
l'enceinte  des  Visigoths,  réparée  au  xiV  siècle,  et  les 
fouilles  entreprises  en  ces  derniers  temps,  permettent  de 
tracer  exactement  les  défenses  existant  au  moment  où  le 
vicomte  Raymond  Trencavel  prétendit  les  forcer. 

Nous  donnons  ci-après  (flg.  1)  le  plan  de  ces  défenses, 
avec  les  Faubourgs  y  attenant,  les  Barbacanes  et  le  cours 
de  l'Aude. 

L'armée  de  Trencavel  investit  la  place  le  17  septembre 
1240,  et  s'empare  du  faubourg  de  Graveillant,  qui  est 
aussitôt  repris  par  les  assiégés.  Ce  faubourg,  dit  le  Rap- 
port, est  ante  portam  Tolosœ.  Or,  la  Porte  de  Toulouse 
n'est  autre  que  la  Porte  dite  de  VAude  aujourd'hui, 
laquelle  est  une  construction  romane  percée  dans  un  mur 
visigoth,  et  le  faubourg  de  Graveillant  ne  peut  être,  par 

(1)  Le  rapport  du  sénéchal  Guillaume  des  Ormes,  et  le  récit 
de  Guillaume  de  Puy-Laurcns  ont  été  publiés  et  annotés  par 
M.  Douët  d'Arcq,  dans  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Chartes, 
1'  série,  tome  II,  p.  363. 


12  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

conséquent,  que  le  faubourg  dit  de  la  Barbacane.  La  suite 
du  récit  fait  voir  que  cette  première  donnée  est  exacte. 

Les  assiégeants  venaient  de  Limoux,  c'est-à-dire  du 
midi,  ils  n'avaieni  pas  besoin  de  passer  l'Aude  devant 
Carcassonne  pour  investir  la  place.  Un  pont  de  pierre 
existait  sur  l'Aude.  Ce  pont  est  encore  entier  aujourd'hui: 
c'est  le  vieux  pont  dont  la  construction  date,  en  partie,  du 
XII'  siècle.  Il  ne  fut  que  réparé  et  muni  d'une  tête  de  pont, 
sous  Saint  Louis  et  sous  Philippe  le  Hardi.  Il  est  indiqué 
en  P  sur  notre  figure  1. 

Raymond  Trencavel  n'ignorait  pas  que  les  assiégés 
attendaient  des  secours  qui  ne  pouvaient  se  jeter  dans  la 
Cité  qu'en  traversant  l'Aude,  puisqu'ils  devaient  se  pré- 
senter par  le  nord-ouest.  Aussi  le  Vicomte  s'empara  du 
pont,  et,  poursuivant  son  attaque  le  long  de  la  rive  droite 
du  fleuve  vers  l'amont,  il  essaya  de  couper  toute  commu- 
nication de  l'assiégé  avec  la  rive  gauche. 

Ne  pouvant  toyt  d'abord  se  maintenir  dans  le  faubourg 
de  Graveillant,  en  G  (voir  la  fig.  1),  il  s'empare  d'un  mou- 
lin fortifié,  M,  sur  un  bras  de  l'Aude,  fait  filer  ses  troupes 
de  ce  côté,  les  loge  dans  les  parties  basses  du  faubourg, 
et  dispose  son  attaque  de  la  manière  suivante  :  une  partie 
des  assaillants,  commandés  par  Ollivier  de  Thermes, 
Bernard  Hugon  de  Serre-Longue  et  Giraut  d'Aniort, 
campent  entre  le  saillant  nord-ouest  de  la  ville  et  la 
rivière,  creusent  des  fossés  de  contrevallation  et  s'en- 
tourent de  retranchements  palissades. 

L'autre  corps,  commandé  par  Pierre  de  Fenouillet, 
Renaud  de  Puy  et  Guillaume  Fort,  est  logé  devant  la  Bar- 
bacane qui  existait  en  B  et  celle  de  la  Porte  dite  Narbon- 
naise,  en  N. 

En  1240,  outre  ces  deux  Barbacanes,  il  en  existait  une 
en  D  (1)  qui  permettait  de  descendre  du  Château  dans  le 

(1)   Reconstruite   sous  saint  Louis. 


Fig.    1. 

Plan  des  Défenses  de  la  Cité 

(Siège  de   1240) 


14  LA    CITÉ    DE    CARCASSONN'E 

faubourg  (1)  et  une  en  H  faisant  face  au  midi.  La  grande 
Barbacane  D  servait  encore  à  protéger  la  porte  de  Tou- 
louse T  (aujourd'hui  Porte  de  l'Aude). 

Il  faut  observer  que  les  seuls  points  où  le  sol  extérieur 
soit  à  peu  près  au  niveau  des  Lices  (car  Guillaume  des 
Ormes  signale  l'existence  des  Lices  L  et,  par  conséquent, 
d'une  enceinte  extérieure),  sont  les  points  O  et  R.  Quant 
au  sol  de  la  Barbacane  D  du  château,  il  était  naturellement 
au  niveau  du  faubourg  et,  par  conséquent,  fort  au-dessous 
de  l'assiette  de  la  Cité.  Tout  le  front  occidental  de  la  Cité 
est  bâti  sur  un  escarpement  très  élevé  et  très  abrupt. 

En  reprenant  tout  d'abord  le  faubourg  aux  assiégeants, 
les  défenseurs  de  la  ville  s'étaient  empressés  de  transporter 
dans  leur  enceinte  une  quantité  considérable  de  bois  qui 
leur  fut  d'un  grand  secours;  mais  ils  avaient  dû  renoncer 
à  se  maintenir  dans  ce  faubourg. 

Le  Vicomte  fit  donc  attaquer  en  même  temps  la  Barba- 
cane D  du  Château  pour  ôter  aux  assiégés  toute  chance 
de  reprendre  l'offensive,  la  Barbacane  B  (c'était  d'ailleurs 
un  saillant),  la  Barbacane  N  de  la  Porte  Narbonnaise  et 
le  saillant  I,  au  niveau  du  plateau  qui  s'étendait  à 
100  mètres  de  ce  côté  vers  le  sud-ouest. 

Les  assiégeants,  campés  entre  la  place  et  le  fleuve, 
étaient  dans  une  assez  mauvaise  position;  aussi  se  retran- 
chent-ils avec  soin  et  couvrent-ils  leurs  fronts  d'un  si 
grand  nombre  d'arbalétriers  que  personne  ne  pouvait 
sortir  de  la  ville  sans  être  blessé. 

Bientôt,  ils  dressèrent  un  «  Mangonneau  »  devant  la 
Barbacane  D. 

Les  assiégés,  de  leur  côté,  dans  l'enceinte  de  cette  Bar- 
bacane, élèvent  une  «  pierrière  turque  »  qui  bat  le 
Mangonneau.  Pour  être  autant  défilé  que  possible,  le  man- 
gonneau devait  être  établi  en  E. 

Peu  après,  les  assiégeants  commencent  à  miner  sous  la 

(1)  Toutes  les  défenses  du  château  datent  du  xii'  siècle  sauf 
celles  du  front  sud. 


HISTOIRE    ET   DESCRIPTION  15 

Barbacane  de  la  Porte  Narbonnaise  en  N,  en  faisant  partir 
leurs  galeries  de  mine  des  maisons  du  faubourg  qui,  de 
ce  côté,  touchaient  presque  aux  défenses. 

Les  mines  sont  étançonnées  et  étayées  avec  du  bois 
auquel  on  met  le  feu,  ce  qui  fait  tomber  une  partie  des 
défenses  de  la  Barbacane. 

Mais  les  assiégés  ont  contre-miné  pour  arrêter  les  pro- 
grès des  mineurs  ennemis  et  ont  remparé  la  moitié  de  la 
Barbacane  restée  debout.  C'est  par  les  travaux  de  mine 
que,  sur  les  deux  points  principaux  de  l'attaque,  les  gens 
du  Vicomte  tentent  de  s'emparer  de  la  place;  ces  mines 
sont  poussées  avec  une  grande  activité;  elles  ne  sont  pas 
plutôt  éventées  que  d'autres  galeries  sont  commencées. 

Les  assiégeants  ne  se  bornent  pas  à  ces  deux  attaques. 
Pendant  qu'ils  battent  la  Barbacane  D  du  château,  qu'ils 
ruinent  la  Barbacane  N  de  la  Porte  Narbonnaise,  ils 
cherchent  à  entamer  une  portion  des  Lices  et  ils  engagent 
une  attaque  très  sérieuse  sur  le  saillant  en  1  entre  l'Evê- 
ché  et  l'Eglise  Cathédrale  de  Saint-Nazaire,  marquée  S 
sur  notre  i>lan. 

Comme  nous  l'avons  dit,  le  plateau,  sur  ce' point,  s'éten- 
dait presque  de  niveau  avec  l'intérieur  de  la  Cité  de  ï 
en  0,  et  c'est  pourquoi  Saint  Louis  et  Philippe  le  Hardi 
firent,  sur  ce  plateau,  en  dehors  de  l'ancienne  enceinte 
Visigothe,  un  ouvrage  considérable,  destiné  à  dominer 
l'escarpement. 

L'attaque  des  troupes  de  Trencavel  est  de  ce  côté  (point 
faible  alors)  très  vivement  poussée;  les  mines  atteignent 
les  fondations  de  l'enceinte  des  Visigoths,  le  feu  est  mis 
aux  étançons  et  dix  brasses  de  courtines  s'écroulent.  Mais 
les  assiégés  se  sont  remparés  en  retraite  de  la  brèche  avec 
de  bonnes  <.<  palissades  »  et  des  «.  bretèches  y)  (1);  si  bien 
que  les  troupes  ennemies  n'osent  risquer  l'assaut.  Ce  n'est 
pas  tout,  des  galeries  de  miive  sont  aussi  ouvertes  devant 

(1)    Sorte    de    petit    blockaus    en    charpente. 


16  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

la  porte  de  Rodez,  en  B;  les  assiégés  contre-minent  et 
repoussent  les  travailleurs  des  assiégeants^ 

Cependant,  des  brèches  étaient  ouvertes  sur  divers 
points  et  le  Vicomte  Raymond  Trencavel  craignant  de 
voir,  d'un  moment  à  l'autre,  déboucher  les  troupes  de 
secours  envoyées  du  nord,  se  décide  à  tenter  un  assaut 
général.  Ses  gens  sont  repoussés  avec  des  pertes  sensibles, 
et,  quatre  jours  après,  sur  la  nouvelle  de  la  venue  de 
l'armée  royale,  il  lève  le  siège,  non  sans  avoir  mis  le  feu 
aux  églises  du  faubourg,  et  entre  autres  à  celle  des 
Minimes,  en  R. 

L'armée  de  Trencavel  était  restée  vingt-quatre  jours 
devant  la  ville. 

Règne  de  Saint  Louis.  —  Louis  IX,  attachant  une  grande 
importance  à  la  place  de  Carcassonne  qui  couvrait  cette 
partie  du  domaine  royal  devant  V Aragon,  et  prétendant  ne 
plus  avoir  à  redouter  les  conséquences  d'un  siège  qui 
l'aurait  mise  entre  les  mains  d'un  ennemi  sans  cesse  en 
éveil,  voulut  en  faire  une  forteresse  inexpugnable. 

Il  faut  ajouter  au  récit  du  Sénéchal  Guillaume  des  Ormes 
un  fait  rapporté  par  Guillaume  de  Puy-Laurens.  Dans  la 
nuit  du  8  au  9  septembre,  les  habitants  du  faubourg  de 
Carcassonne  (de  la  Trivalle;  voir  le  plan,  fig.  1),  malgré 
leur  protestation  de  fidélité  à  la  noblesse  tenant  pour  le 
Roi,  avaient  ouvert  leurs  portes  aux  soldats  de  Trencavel 
qui,  dès  lors,  dirigea  de  ce  faubourg  son  attaque  de 
gauche  contre  la  Porte  Narbonnaise.  Saint  Louis,  sitôt 
après  le  siège  levé,  n'eut  pas  à  détruire  le  bourg  déjà 
brûlé  par  le  Vicomte  Raymond  Trencavel;  mais,  voulant, 
d'une  part,  punir  les  habitants  de  leur  manque  de  foi,  et, 
de  l'autre,  ne  plus  avoir  à  redouter  un  voisinage  aussi 
compromettant  pour  la  Cité,  il  défendit  aux  gens  du  fau- 
bourg de  Graveillant  de  rebâtir  leurs  maisons  et  fit  évacuer 
le  faubourg  de  la  Trivalle.  Ces  malheureux  durent  s'exiler. 

Louis  IX  commença  immédiatement  de  grands  ouvrages 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  17 

de  défense  autour  de  la  Cité;  il  fit  raser  les  restes  des  fau- 
bourgs, débarrassa  le  terrain  entre  la  Cite  et  le  pont  et  fit 
élever  toute  «  l'Enceinte  Extérieure  »  que  nous  voyons 
aujourd'hui,  afin  de  se  couvrir  de  tous  côtés  et  de  prendre 
le  temps  d'améliorer  les  défenses  intérieures. 

Ayant  pu  constater  la  faiblesse  des  deux  parties  de  l'en-, 
ceinte  sur  lesquelles  le  Vicomte  Raymond  Trencavel  avait, 
avec  raison,  porté  ses  deux  principales  attaques,  c'est-à- 
dire  l'extrémité  Sud  et  la  Porte  Narbonnaise,  il  étendit 
r  «  Enceinte  Extérieure  »  bien  au  delà  de  l'ancien  saillant 
sud  sur  le  plateau  qui  domine  de  ce  côté  un  ravin  abou-. 
tissant  à  l'Aude  et  vers  la  Porte  Narbonnaise,  à  30  mètres 
environ  en  dehors,  enclavant  ainsi  dans  les  nouvelles 
défenses  les  deux  points  principaux  de  l'attaque  de  Tren- 
cavel (fig.  16,  Plan  général,  p.  116). 

Résolu  à  faire  de  la  Cité  de  Carcassonne  le  boulevard  de 
cette  partie  du  domaine  royal  contre  les  entreprises  des 
seigneurs  hérétiques  des  provinces  méridionales,  Saint 
Louis  ne  voulut  pas  permettre  aux  habitants  des  anciens 
faubourgs  de  rebâtir  leurs  habitations  dans  le  voisinage 
de  la  Cité.  Sur  les  instances  de  l'Evêque  Radulphe  (1), 
après  sept  années  d'exil,  il  consentit  seulement  à  laisser 
ces  malheureux  proscrits  s'établir  de  l'autre  côté  de 
l'Aude.  Voici  les  lettres  patentes  de  Saint  Louis,  expédiées 
à  ce  sujet  (2): 

«  Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  à  notre 
«  amé  et  féal  Jean  de  Cravis,  Séneschal  de  Carcassonne, 
«  salut  et  dilection.  Nous  vous  mandons  que  vous  recevez 

(1)  Le  tombeau  de  cet  Evêque  est  dans  la  petite  Chapelle 
bâtie  à  rextrémité  du  bras  de  croix  sud  de  l'église  de  Saint- 
Nazaire  (voir  p.  106). 

(2)  Histoire  des  Antiques  et  Comtes  de  Carcassonne,  G.  Besse, 
citoyen  de  Carcassonne,  Béziers,  1645.  «  Ces  lettres,  dit  Besse, 
furent  exécutées  par  le  séneschal,  pridie  nonas  Aprilis,  c'est- 
à-dire  le  4  avril  1247,  et,  avec  l'acte  de  leur  exécution,  se  trou- 
vent avoir  esté  transcrites  en  langage  du  pays,  dans  le  livi-e 
manuscrit  des  coutumes  de  Carcassonne.  » 


18  LA   CITÉ   DE    CARCASSONNE 

en  seureté  les  hommes  de  Carcassonne  qui  s'en  estoient 
fuj^s,  à  cause  qu'ils  n'avoient  payé  à  nous  les  sommes 
qu'ils  dévoient,  les  termes  des  payements  escheus.  Pour 
les  demeures  et  habitations  qu'ils  demandent,  vous  en 
prendrez  advis  et  conseil  de  nostre  amé  et  féal  l'evesque 
de  Carcassonne  et  de  Raymond  de  Capendu  et  autres 
bons  hommes,  pour  leur  bailler  place  pour  habiter, 
proveu  qu'aucun  dommage  n'en  puisse  avenir  à  nostre 
chasteau  et  ville  de  Carcassonne.  Voulons  que  leur 
rendez  les  biens  et  héritaiges  et  possessions,  dont  ils 
joiiissoient  avant  la  guerre,  et  les  laissez  jouir  de  leurs 
uz  et  coustumes,  affin  que  nous  ou  nos  successeurs  ne 
les  puissions  changer.  Entendons  toutefoiz  que  lesdits 
hommes  de  Carcassonne  doivent  refaire  et  bastir  à  leurs 
despens  les  églises  de  Nostre-Dame  et  des  Frères-. 
Mineurs,  qu'ils  avoient  démolies;  et  au  contraire  n'en- 
tendons que  vous  recevez  en  façon  quelconque  aucun 
de  ceux  qui  introduisirent  le  vicomte  (de  Trencavel)  au 
bourg  de  Carcassonne,  estant  traistres,  ains  rappellerez 
les  autres  non  coupables.  Et  direz  de  nostre  part  à 
nostre  amé  et  féal  l'evesque  de  Carcassonne,  que  des 
amendes  qu'il  prétend  sur  les  fugitifs,  il  s'en  désiste,  et 
de  ce  luy  en  sçaurons  gré.  Donné  à  Helvenas,  le  lundy 
après  la  chaise  de  saint  Pierre.  » 

Bien  que  nous  n'ajons  pas  le  texte  original  de  cette 
pièce,  mais  seulement  la  transcription  altérée  évidemment 
par  Besse,  ce  document  n'en  est  pas  moins  très  important 
en  ce  qu'il  nous  donne  la  date  de  la  fondation  de  la  ville 
actuelle  de  Carcassonne.  En  effet,  en  exécution  de  ces 
lettres  patentes,  l'emplacement  pour  bâtir  le  nouveau 
bourg  fut  tracé  au  delà  de  l'Aude,  et  comme  cet  empla- 
cement dépendait  de  l'Evêché,  le  Roi  indemnisa  l'Evêque 
en  lui  donnant  la  moitié  de  la  ville  de  Villalier.  L'acte  de 
cet  échange  fut  passé  à  Aigues-Mortes  avec  le  Sénéchal 
en  août  1248. 

Ce  bourg  est  aujourd'hui  la  Ville  de  Carcassonne  (ville 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  19 

Basse),  élevée  d'un  seul  jet  sur  un  plan  régulier,  avec  des 
rues  alignées,  coupées  à  angle  droit,  une  Place  au  centre 
et  deux  Eglises. 

La  prudence  de  Louis  IX  ne  se  borna  pas  à  dégager  les 
abords  de  la  Cité  et  à  élever  une  enceinte  extérieure  noU' 
velle,  il  fit  bâtir  la  grosse  défense  circulaire  appelée  la 
Barbacane  (n"  8,  p,  97),  à  la  place  de  celle  qui  comman- 
dait le  faubourg  de  Graveillant,  lequel,  rebâti  plus  tard, 
prit  son  nom  de  cet  ouvrage. 

A  la  manière  dont  sont  traitées  les  maçonneries  de 
V  a  Enceinte  Extérieure  y>,  il  y  a  lieu  de  croire  que  les 
travaux  furent  poussés  activement,  afin  de  mettre,  au  plus 
tôt,  la  Cité  à  l'abri  d'un  coup  de  main  et  pour  donner  le 
temps  de  réparer  et  d'agrandir  l'enceinte  intérieure. 

Règne  de  Philippe  le  Hardi.  —  Philippe  le  Hardi,  lors  de 
la  guerre  avec  le  roi  d'Aragon,  continua  ces  ouvrages  avec 
activité.  Ils  étaient  terminés  au  moment  de  sa  mort  (1285). 
Carcassonne  était  la  place  centrale  des  opérations  entre- 
prises contre  l'armée  aragonaise  et  un  refuge  assuré  en 
cas  d'échec  (1). 

A  la  place  de  l'ancienne  Porte  appelée  Pressam  ou  Nar- 
bonnaise  ou  des  Salins,  Philippe  le  Hardi  fit  construire 
une  admirable  défense,  comprenant  la  Porte  Narbonnaise 
actuelle  (n°  20),  la  Tour  du  Trésau  (n°  21)  et  les  belles 
courtines  voisines.  Du  côté  de  l'ouest-sud-ouest,  sur  l'un 
des  points  vivement  attaqués  par  l'armée  de  Trencavel, 
profitant  du  saillant  que  Saint  Louis  avait  fait  faire,  il 
rebâtit  toute  la  défense  intérieure,  c'est-à-dire  les  tours 
n"'  39,  11,  40,  41,  42,  43  (Porte  de  Razez,  de  Saint-Nazaire 
ou  des  Lices),  ainsi  que  les  hautes  courtines  intermé- 
diaires (fig.  16,  Plan  général,  p.  116),  de  manière  à  mieux 
commander  la  vallée  de  l'Aude  et  l'extrémité  du  plateau 
(voir  p.  80,  Courtine  entre  les  Tours  39  et  40).  Du  côté  du 
midi    et    du    sud-est,    Philippe    le    Hardi    fit    couronner, 

(1)   Le  Verdun   du   Moyen   Age  !   (Note   des   Editeurs). 


20  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

exhausser  et  même  reconstruire  sur  quelques  points  les 
tours  des  Visigoths,  ainsi  que  les  anciennes  courtines.  Du 
côté  nord,  on  répara  également  les  parties  dégradées  des 
murs  anciens  et  on  éleva  une  large  Barbacane  devant  l'en- 
trée du  Château  dans  l'intérieur  de  la  ville  (n°  54  du  Plan 
général). 

Depuis  lors,  il  ne  fut  entrepris  aucun  travail  de  défense 
dans  la  Cité  de  Carcassonne  et,  pendant  tout  le  cours  du 
moyen  âge,  cette  forteresse  fut  considérée  comme  impre- 
nable. Le  fait  est  qu'elle  ne  fut  point  attaquée  et  n'ouvrit 
ses  portes  au  Prince  Noir,  Edouard,  en  1355,  que  quand 
tout  le  pays  du  Languedoc  se  fut  soumis  à  ce  conquérant. 


in.  —  DESCRIPTION    DES  DÉFENSES  DE  LA  CITÉ 

J'ai  voulu  donner  un  résumé  très  succinct  de  l'histoire 
des  constructions  qui  composent  l'enceinte  de  la  Cité  de 
Carcassonne,  afin  d'expliquer  aux  voyageurs  curieux  les 
irrégularités  et  les  différences  d'aspect  que  présentent  ces 
défenses,  dont  une  partie  date  de  la  domination  Romaine 
et  Visigothe  et  qui  ont  été  successivement  modifiées  et 
restaurées,  pendant  les  xii*  et  xiii*  siècles,  par  les  Vicomtes 
et  par  le  Roi  de  France. 

Quand  on  se  présente  devant  la  Cité  de  Carcassonne,  on 
est  tout  d'abord  frappé  de  l'aspect  grandiose  et  sévère  de 
ces  tours  brunes  si  diverses  de  dimensions,  de  forme,  et 
qui  suivent,  ainsi  que  les  hautes  courtines  qui  les  réu- 
nissent, les  mouvements  du  terrain  pour  obtenir  un  com- 
mandement sur  la  campagne  et  profiter  autant  que  pos- 
sible des  avantages  naturels  offerts  par  les  escarpements 
du  plateau,  au  bord  duquel  on  les  a  élevées. 

Chemins  de  ronde  et  Escaliers.  —  Habituellement,  les 
tours  de  l'enceinte  intérieure  et  même  de  l'enceinte  exté- 
rieure interrompent  les  chemins  de  ronde;  de  sorte  que, 
si  l'assaillant  parvenait  à  s'emparer  d'une  courtine,  il  se 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  21 

trouvait  pris  entre  deux  tours,  et,  à  moins  de  les  forcer 
les  unes  après  les  autres,  il  lui  devenait  impossible  de 
circuler  librement  sur  les  remparts;  d'autant  que  les 
«  Escaliers  »  qui  mettent  directement  en  communication 
les  «  Chemins  de  Ronde  »  avec  le  terre-plein  du  côté  de 
la  ville,  sont  très  rares  et  qu'on  ne  peut  monter  sur  ces 
chemins  de  ronde  qu'en  passant  par  les  escaliers  prati- 
qués dans  les  tours.  «  Chaque  tour  était  ainsi  un  réduit 
séparé,  indépendant,  qu'il  fallait  forcer  y>. 

Cependant,  dans  l'enceinte  du  Cloître  Saint-Nazaire,  de 
larges  escaliers  donnent  accès  aux  remparts.  Mais  il  est 
bon  d'observer  que  le  Cloître  et  VEvêchc  étaient  déjà  ren- 
fermés dans  une  enceinte,  et  que,  par  conséquent,  les  habi- 
tants de  la  ville  ne  pouvaient  monter  de  la  voie  publique 
sur  les  courtines.  Partout  où  il  existe  des  escaliers  mon- 
tant aux  chemins  de  ronde  directement,  ces  escaliers 
sont  toujours,  ou  enclavés  dans  d'anciens  logis  dépendant 
des  murailles  et  fortifiés,  ou  compris  dans  des  enceintes 
spéciales;  tels  sont  les  escaliers  qui  montaient  à  la  cour- 
tine à  côté  de  la  tour  n°  44,  le  long  de  la  tour  n"  47  et 
près  de  la  chapelle  Saint-Sernin  (tour  53).  Le  plus  sou- 
vent, ce  sont  les  escaliers  des  tours  qui,  au  moyen  de 
petites  portes  extérieures  bien  ferrées,  permettent  l'accès 
sur  les  chemins  de  ronde.  La  garnison  pouvait  donc,  si 
bon  lui  semblait,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
s'isoler  et  tenir  les  citoyens  en  respect  pendant  qu'elle 
repoussait  les  assiégeants.  Elle  seule  circulait  entre  les 
deux  enceintes,  dans  les  «Lices»,  en  fermant  les  portes 
de  la  ville  sur  les  habitants;  sur  ce  point,  il  n'y  avait  nul 
inconvénient  à  ce  que  les  chemins  de  ronde  fussent  de 
plain-pied  avec  le  terre-plein. 

On  remarquera  encore  que  les  «  Chemins  de  ronde  » 
des  courtines  et,  par  conséquent,  les  «  crénelâmes  »  et  les 
«  hourds  »  ne  sont  pas  toujours  de  niveau,  mais  suivent 
la  pente  du  terrain  extérieur,  de  manière  à  conserver  sur 


22  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

tous  les  points  de  l'enceinte  une  hauteur  d'escarpe  uni- 
forme, ainsi  que  cela  se  pratique  encore  de  nos  jours. 

L'Echelade.  —  C'était  une  règle  établie  par  l'expérience, 
et,  passé  une  certaine  hauteur,  VEchelade  devait  être 
regardée  comme  impossible;  aussi  maintenait-on  un  mini- 
mum d'élévation  partout.  Toutefois  les  «  escarpes  »  de 
l'enceinte  intérieure  sont  beaucoup  plus  élevées  que  celles 
de  l'enceinte  extérieure.  L'enceinte  extérieure  était  établie 
de  manière  à  battre  l'assaillant  à  grande  distance  et  à 
l'empêcher  d'approcher;  tandis  que,  pour  l'enceinte  inté- 
rieure, tout  est  combiné  en  vue  de  combattre  un  ennemi 
très  rapproché.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur  une  dis- 
position indiquée  par  le  simple  bon  sens. 

Les  Portes.  —  Les  Portes  qui  mettent  les  tours  en  com- 
munication avec  les  chemins  de  ronde  sont  étroites,  bien 
ferrées,  barrées  à  l'intérieur,  de  sorte  qu'en  un  instant  on 
pouvait  fermer  le  vantail  et  le  barricader  en  tirant  rapi- 
dement la  barre  de  bois,  logée  dans  la  muraille,  avant 
même  de  prendre  le  temps  de  pousser  les  verrous  et  de 
donner  un  tour  de  clef  à  la  serrure.  L'examen  attentif  de 
ces  défenses  fait  ressortir  le  soin  apporté  par  les  ingé- 
nieurs de  ce  temps  contre  les  surprises.  Toutes  sortes  de 
précautions  ont  été  prises  pour  arrêter  l'ennemi  et  l'em- 
barrasser à  chaque  pas  par  des  dispositions  imprévues. 
Evidemment,  un  siège  à  cette  époque  n'était  réellement 
sérieux  pour  l'assiégé,  comme  pour  l'assaillant,  que  quand 
on  en  était  venu  à  se  prendre,  pour  ainsi  dire,  corps  à 
corps.  Une  garnison  aguerrie  pouvait  lutter  avec  des 
chances  de  succès  jusque  dans  ses  dernières  défenses. 
L'ennemi  entrait  dans  la  ville  par  escalade  ou  par  une 
brèche,  sans  que,  pour  cela,  la  garnison  se  rendît;  car 
alors,  celle-ci  renfermée  dans  les  tours  qui,  je  le  répète, 
sont  autant  de  réduits  indépendants,  pouvait  se  défendre 
encore;  il  fallait  forcer  des  portes  barricadées.  Prenait-on 
le  rez-de-chaussée  d'une  tour,  les  étages  supérieurs  con- 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  23 

servaient  les  moyens  de  reprendre  l'offensive  et  d'écraser 
l'ennemi.  On  voit  que  tout  était  calculé  pour  une  lutte  pos- 
sible pied  à  pied.  Les  escaliers  à  vis  étaient  facilement 
barricadés  de  manière  à  rendre  vains  les  efforts  de  l'as- 
siégeant pour  arriver  aux  étages  supérieurs. 

Les  bourgeois  d'une  place  eussent-ils  voulu  capituler, 
que  la  garnison  se  gardait  contre  eux  et  leur  interdisait 
l'accès  des  tours  et  des  courtines.  C'est  un  système  de 
défiance  adopté  envers  et  contre  tous. 

Les  Poternes.  —  Indépendamment  des  portes  percées 
dans  l'enceinte  intérieure,  on  comptait  plusieurs  Poternes. 
Pour  le  service  des  assiégés,  —  surtout  s'ils  devaient  gar- 
der une  double  enceinte  — ,  il  fallait  rendre  les  commu- 
nications faciles  entre  ces  deux  enceintes  et  ménager  des 
poternes  donnant  sur  les  dehors,  pour  pouvoir  porter 
rapidement  des  secours  sur  un  point  attaqué,  faire  sortir 
ou  rentrer  des  corps,  sans  que  l'ennemi  pût  s'y  opposer. 
En  parcourant  Venceinle  intérieure  de  Carcassonne,  on 
voit  un  grand  nombre  de  poternes  plus  ou  moins  bien 
dissimulées  et  qui  devaient  permettre  à  la  garnison  de  se 
répandre  dans  les  Lices  par  une  quantité  d'issues  facile- 
ment masquées,  ou  de  rentrer  rapidement  dans  le  cas  où 
la  première  enceinte  eût  été  forcée.  Entre  la  Tour  du 
Trésau  du  côté  nord  et  le  Château,  nous  trouvons  deux 
de  ces  poternes,  sans  compter  la  Porte  de  Rodez.  L'une  de 
ces  poternes  donne  entrée  dans  le  fossé  du  Château 
(fig.  16),  l'autre  à  côté  de  la  tour  n°  26.  Entre  le  Château 
et  la  tour  n°  37  est  une  poterne  donnant  également  dans 
le  fossé  du  Château.  Entre  la  Porte  de  l'Aude  et  la  Porte 
Narbonnaise  (côté  ouest  et  sud  de  l'enceinte  intérieure) 
on  trouve  la  poterne  Saint-Nazaire;  entre  les  tours  44  et  45, 
une  poterne  communiquant  à  un  escalier  à  vis,  et  entre 
les  tours  50  et  52  une  construction  saillante  n°  51  comrru- 
niquant  à  de  vastes  souterrains. 

De  plus,  il  existe  une  poterne  mettant  les  Lices  en 
communication  avec  le  fossé,  à  l'angle  de  rencontre  de  la 


24  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

courtine  de  droite  avec  le  donjon  de  la  Vade  n°  18.  Il  y 
avait  une  poterne  au  côté  droit  de  la  grosse  tour  n°  4  de 
l'enceinte  extérieure.  Il  existait  une  autr'e  poterne,  très 
relevée  au-dessus  de  l'escarpement,  percée  dans  le  mur 
extérieur  de  la  porte  de  l'Aude  et  la  poterne  encore  ouverte 
dans  l'angle  de  la  tour  15.  En  ajoutant  à  ces  issues  la 
Grande  Barbacane  du  Château  n"  8,  on  voit  que  la  gar- 
nison pouvait  faire  des  sorties  et  se  mettre  en  communi- 
cation avec  les  dehors,  sans  ouvrir  les  deux  portes  princi- 
pales de  l'Aude  et  Narbonnaise. 

Machines  de  jet.  —  Les  «  machines  de  jet  »,  les  engins 
dont  les  assaillants  disposaient  à  cette  époque  pour  battre 
du  dehors  des  murailles,  comme  celles  de  la  Cité  de  Car- 
cassonne,  ne  pouvaient  produire  qu'un  effet  très  médiocre, 
vu  la  solidité  des  ouvrages  et  l'épaisseur  des  merlons;  car 
l'artillerie  à  feu  seule  pourrait  les  entamer.  Restaient  la 
«  sape  »,  la  «  mine  »,  le  «  bélier  »  et  tous  les  engins  qui 
obligeaient  l'assaillant  à  se  porter  au  pied  même  des 
défenses.  Or  il  était  difficile  de  se  loger  et  de  saper 
sous  ces  «  hourds  »  puissants  qui  vomissaient  des  projec- 
tiles. La  «  mine  »  n'était  guère  efficace  ici,  car  toutes  les 
murailles  et  tours  sont  assises  sur  le  roc. 

Hourds  et  Mâchicoulis  de  bois.  —  Les  trous  carrés,  desti- 
nés au  passage  des  solives  en  bascule  qui  supportaient 
les  «  hourds  »  sont  tous  intacts  et  disposés  de  telle  sorte 
que,  du  dedans,  on  pouvait,  en  très  peu  de  temps,  établir 
ces  ouvrages  de  bois  dont  la  couverture  se  reliait  à  celle 
des  combles  à  demeure.  En  effet,  on  conçoit  facilement 
qu'avec  le  système  de  créneaux  et  de  meurtrières  prati- 
qués dans  les  couronnements  de  pierre,  il  était  impossible 
d'empêcher  des  assaillants  nombreux  et  hardis,  protégés 
par  des  «  pavois  »  et  même  par  des  chats  (sortes  de  cha- 
riots recouverts  de  madriers  et  de  peaux)  de  saper  le  pied 
des  tours,  puisque  des  meurtrières,  malgré  la  forte  incli' 
naison   de  leur  coupe,  il  est  impossible   de  voir  le  pied 


HISTOIRE   ET   DESCRIPTION  25 

des  tours  ou  courtines,  et  que,  par  les  créneaux,  à  moins 
de  sortir  la  moitié  du  corps  en  dehors  de  leur  ventrière, 
on  ne  pouvait  non  plus  viser  un  objet  placé  au  pied  de 
l'escarpe.  Il  fallait  donc  établir  une  défense  continue, 
couverte  et  permettant  à  un  grand  nombre  de  défenseurs 
de  battre  le  pied  de  la  muraille  ou  des  tours  par  le  jet  de 
pierres  ou  de  projectiles  de  toute  nature  (voir  figure  13, 
page  95). 

Non  seulement  les  «  hourds  »  remplissaient  cet  objet, 
mais  ils  laissaient  aux  défenseurs  toute  la  liberté  de  leurs 
mouvements,  les  chemins  de  rondes  au  dedans  des  créne- 
lages  étant  réservés  à  l'approvisionnement  des  projectiles 
et  à  la  circulation. 

D'ailleurs  si  ces  hourds  étaient  percés,  outre  le.  machin 
nicoulis  continu,  de  meurtrières,  les  meurtrières  prati- 
quées dans  les  merlons  de  pierre  restaient  démasquées 
dans  leur  partie  inférieure  et  permettaient  aux  arbalétriers 
postés  au  dedans  du  parapet  sur  ce  chemin  de  ronde  de 
lancer  des  traits  sur  les  assaillants.  La  défense  était  donc 
aussi  active  que  posible  et  le  manque  de  projectiles  devait 
seul  laisser  quelque  répit  à  l'attaque. 

On  ne  doit  donc  pas  s'étonner  si,  pendant  des  sièges 
mémorables,  après  une  défense  prolongée,  les  assiégés  en 
étaient  réduits  à  découvrir  leurs  maisons,  à  démolir  les 
murs  de  clôture  des  jardins,  à  dépaver  les  rues,  pour  gar- 
nir les  hourds  de  projectiles  et  forcer  les  assaillants  à 
s'éloigner  du  pied  des  tours  et  murailles. 

Au  xiir  siècle,  la  Montagne-Noire  et  les  rampes  des 
Pyrénées  étaient  couvertes  de  forêts;  on  a  donc  pu  faire 
grand  usage  de  ces  matériaux  si  communs  alors  dans  les 
environs  de  Carcassonne. 

Les  couronnements  des  deux  enceintes  de  la  Cité,  cour- 
tines et  tours,  sont  tous  percés  de  ces  trous  carrés  traver- 
sant à  distances  égales  le  pied  des  parapets  au  niveau  des 
chemins  de  ronde.  Les  étages  supérieurs  des  tours  et  de 
larges   hangars   établis   en    dedans   des    courtines,  comme 


26  LA   CITÉ   DE    CARCASSONNE 

nous  le  dirons  tout  à  l'heure,  servaient  à  approvisionner 
ces  bois  qui  devaient  toujours  être  disponibles  pour  mettre 
la  ville  en  état  de  défense. 

Sur  le  front  sud-est,  les  hourds  présentaient  en  temps 
de  guerre  une  ligne  non  interrompue,  car  ceux  des  cour- 
tines se  relient  à  ceux  des  tours  au  moyen  de  quelques 
marches.  Cela  était  nécessaire  pour  faciliter  la  défense  et 
ne  pouvait  avoir  d'inconvénients,  dans  le  cas  où  l'assié- 
geant se  serait  emparé  d'une  portion  de  ces  hourds,  car  il 
était  facile  de  les  couper  en  un  instant  et  d'empêcher 
l'ennemi  de  profiter  de  cette  coursière  extérieure  continue 
pour  s'emparer  successivement  des  étages  supérieurs  des 
tours.  L'assiégé,  obligé  d'abandonner  une  portion  de  ces 
hourds,  pouvait  lui-même  y  mettre  le  feu,  sacrifier  au 
besoin  une  tour  ou  deux,  et  se  retirer  dans  les  postes  éloi- 
gnés du  point  tombé  au  pouvoir  de  l'ennemi,  en  coupant 
les  planchers  de  bois  derrière  lui. 

Les  tablettes  de  pierre  des  chemins  de  ronde  des  cour- 
tines élevées  sous  Philippe  le  Hardi  sont  supportées  à 
l'intérieur  pour  augmenter  la  largeur  de  la  coursière,  du 
côté  du  sud  et  du  sud-est,  depuis  la  tour  de  l'Evêque 
(n"  11)  jusqu'à  la  porte  Narbonnaise  (n°  20),  par  des 
«  Corbeaux  de  pierre  ».  Il  existe,  entre  ces  corbeaux,  des 
trous  carrés  très  profonds  ménagés  dans  la  construction 
à  intervalles  égaux.  Ces  trous  étaient  destinés  à  loger  des 
solives  horizontales  dont  l'extrémité  pouvait,  au  besoin, 
être  soulagée  par  des  poteaux.  Sur  ces  solives  on  établis- 
sait un  plancher  continu  qui  élargissait  d'autant  le  chemin 
de  ronde  à  l'intérieur  et  formait  une  saillie  fort  utile  pour 
l'approvisionnement  des  hourds,  pour  la  mise  en  batterie 
de  «  pierrières  »  et  «  trébuchets  »,  et  pour  disposer  au 
pied  des  remparts,  sur  le  terre-plein  de  la  ville,  des  maga- 
sins, des  abris  pour  un  supplément  de  garnison. 

Les  combles  qui  couvraient  les  hourds  venaient  très 
probablement  couvrir  ce  supplément  de  coursières.  On 
conçoit  combien  ces  larges  espaces,  ménagés  à  la  partie 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  27 

supérieure  des  courtines,  devaient  faciliter  la  défense.  Et 
il  faut  noter  ici  que  cette  disposition  n'existe  que  dans  la 
partie  des  défenses  qui  était  le  moins  protégée  par  la 
nature  du  terrain  et  contre  laquelle,  par  conséquent, 
l'assaillant  devait  réunir  tous  les  efforts  et  pouvait  orga- 
niser une  attaque  en  règle. 

Ces  précautions  eussent  été  inutiles  là  où  l'ennemi  ne 
pouvait  se  présenter  qu'en  petit  nombre  par  suite  des 
escarpements  de  la  colline.  Du  «  côté  méridional  », 
l'ennemi,  en  supposant  qu'il  se  fût  emparé  de  l'enceinte 
extérieure,  pouvait  combler  une  partie  des  fossés,  détruire 
un  pan  de  mur  de  l'enceinte  extérieure  et  faire  approcher 
de  la  muraille  intérieure,  sur  un  plan  incliné,  un  de  ces 
«  beffrois  de  charpente  »  recouverts  de  peaux  fraîches 
pour  les  garantir  du  feu  et  au  moyen  desquels  on  se  jetait 
de  plain-pied  sur  les  chemins  de  ronde  supérieurs.  On  ne 
pouvait  résister  à  une  semblable  attaque,  qui  réussit 
maintes  fois,  qu'en  réunissant,  sur  le  point  attaqué,  un 
nombre  de  soldats  supérieur  aux  forces  des  assiégeants. 
Comment  l'aurait-on  pu  faire  sur  ces  étroits  chemins  de 
ronde?  Les  hourds  brisés,  les  merlons  entamés  par  les 
machines  de  jet,  les  assiégeants  se  précipitant  sur  les  che- 
mins de  ronde,  ne  trouvaient  devant  eux  qu'une  rangée  de 
défenseurs  acculés  à  un  précipice  et  ne  présentant  qu'une 
ligne  sans  profondeur  à  cette  colonne  d'assaut  sans  cesse 
renouvelée!  Avec  ce  supplément  de  chemin  de  ronde 
qu'on  pouvait  élargir  à  volonté,  il  était  possible  d'opposer 
à  l'assaillant  une  résistance  solide,  de  le  culbuter  et  de 
s'emparer  même  du   «  beffroi  ». 

D'un  autre  côté,  les  assiégeants  cherchaient  à  mettre 
le  feu  à  ces  hourds  de  bois  qui  rendaient  le  travail  des 
sapeurs  impossible  ou  à  les  briser  à  l'aide  des  pierres 
lancées  par  les  mangonneaux  ou  les  trébuchets.  Et  cela 
ne  devait  pas  être  très  difficile,  surtout  lorsque  les 
murailles  n'étaient  pas  fort  élevées. 


28  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Mâchicoulis  de  pierre.  —  Aussi,  dès  la  fin  du  xiii'  siècle, 
on  se  mit  à  garnir  les  murailles  et  tours  de  «  mâchicoulis 
de  pierre  »  portés  sur  des  consoles,  ainsi  qu'on  peut  le 
voir  à  Beaucaire,  à  Avignon  et  dans  tous  les  Châteaux  forts 
ou  Enceintes  des  xiv"  et  xv*  siècles  (1). 

A  Carcassonne,  le  «  mâchicoulis  de  pierre  »  n'apparaît 
nulle  part,  et  partout,  au  contraire,  on  trouve  les  trous 
des  hourds  de  bois  dans  les  fortifications  du  Château,  qui 
datent  du  commencement  du  xii"  siècle,  aussi  bien  que 
dans  les  ouvrages  de  Louis  IX  et  de  Philippe  le  Hardi. 

C'est  dans  ces  détails  de  la  défense  pied  à  pied  qu'ap- 
paraît l'art  de  la  fortification  du  W  au  xV  siècle.  En  exa- 
minant avec  soin,   en  étudiant  scrupuleusement,  et  dans 
les  moindres  détails,  les  ouvrages  défensifs  de  ces  temps, 
on  comprend  ces  récits  d'attaques  gigantesques  que  nous 
sommes  trop   disposés  à  taxer  d'exagération.  Devant  des 
moyens    de    défense    si    bien    prévus,    si    ingénieusement 
combinés,  on  se  figure  sans  peine  les  travaux  énormes  des 
assiégeants,  les  beffrois  mobiles,  les  estacades  et  bastilles 
terrassées,  les  engins  de  sape  roulants,  tels  que  chats  et 
galeries,  ces  travaux  de  mine  qui  demandaient  un  temps 
considérable,  lorsque  la  poudre  à  canon  n'était  point  en 
usage  dans  les  armées.  Avec  une  garnison   déterminée  et 
bien  approvisionnée  on  pouvait  prolonger  un  siège  indéfi^ 
niment.  Aussi  n'est-il  pas  rare  de  voir  une  bicoque  résister 
pendant  des  mois  à  une  armée  nombreuse.  De  là,  souvent, 
cette  audace  et  cette  insolence  du  faible  contre  le  fort  et 
le   puissant,   cette   habitude   de   la   résistance   individuelle 
qui    faisait   le    fond    du   caractère    de    la    féodalité,    cette 
énergie  qui  a  produit  de  si  grandes  choses  et  un  si  grand 
développement  intellectuel  au  milieu  de  tant  d'abus. 

(1)  Au  château  de  Coucy,  bâti  au  commencement  du  xm' 
siècle  on  voit  naître  les  mâchicoulis  de  pierre  destinés  à  rem- 
placer les  hourds  de  bois.  Là,  ce  sont  déjà  de  grandes  consoles 
de  pierre  qui  portaient  le  hourd  de  bois. 


HISTOIRE    ET    DESCRIPTION  29 

Volets  à  rouleaux.  —  En  temps  ordinaire  les  couronne- 
ments de  pierre  pouvaient  suffire,  et  l'on  voit  encore 
comment,  dans  les  étages  supérieurs  des  tours,  les  cré' 
neaux  étaient  garnis  de  Volets  à  rouleaux:  sortes  de 
sabords,  manœuvrant  sur  un  axe  de  bois  posé  sur  deux 
crochets  en  fer;  volets  qui  permettaient  de  voir  le  pied 
des  murailles  sans  se  découvrir  et  qui  garantissaient  les 
postes  des  étages  supérieurs  contre  le  vent  et  la  pluie.  Les 
volets  inférieurs  s'enlevaient  facilement  lorsqu'on  établis- 
sait les  hourds,  car  alors  les  créneaux  servaient  de  com- 
munication entre  ces  hourds  et  les  chemins  de  ronde  ou 
planchers  intérieurs. 

Notre  figure  2,  page  31,  explique  la  disposition  de  ces 
volets.  La  partie  supérieure  pivotant  sur  deux  gonds  fixes 
demeurait,  la  partie  inférieure  était  enlevée  lorsqu'on 
posait  les  hourds. 

Meurtrières.  —  Les  «  meurtrières  »  ne  sont  pas  percées 
les  unes  au-dessus  des  autres,  mais  chevauchées,  ou  vides 
sur  pleins,  afin  de  battre  tous  les  points  de  la  circonfé' 
rence  de  la  tour.  Ce  principe  est  généralement  suivi  dans 
les  tours  de  l'enceinte  intérieure  et,  sans  exception,  dans 
les  tours  de  l'enceinte  extérieure  où  les  meurtrières  jouent 
un  rôle  important.  En  effet,  les  meurtrières  percées  dans 
les  étages  des  tours  ne  pouvaient  servir  que  lorsque  l'en- 
nemi était  encore  éloigné  des  remparts;  on  conçoit  dès 
lors  qu'elles  aient  été  pratiquées  plus  nombreuses  et 
disposées  avec  plus  de  méthode  dans  les  tours  de  l'en- 
ceinte extérieure. 

Anciens  logis.  —  On  voit  encore,  accolés  aux  remparts 
intérieurs,  des  Logis  qui  ont  été  élevés  en  même  temps 
que  les  défenses  et  qui  étaient  probablement  destinés  à 
contenir  des  postes  et  des  commandants  supérieurs.  Ces 
restes  sont  apparents:  à  la  Porte  Narbonnaise  (n°  20),  face 
intérieure  de  gauche,  derrière  les  tours  n°^  51,  52,  48  et  44, 
à  l'intérieur  de  la  Porte  de  l'Aude  et  derrière  la  tour  n°  25. 


30  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Place  imprenable.  —  On  ne  doit  pas  être  surpris  si,  dans 
ces  temps  éloignés  de  nous,  certains  sièges  se  prolon- 
geaient indéfiniment.  La  Cité  de  Carcassonne  était,  à  la 
fin  du  xiir  siècle,  avec  sa  double  enceinte  et  les  dispo- 
sitions ingénieuses  de  la  défense,  une  place  imprenable 
qu'on  ne  pouvait  réduire  que  par  la  famine,  et  encore 
eût-il  fallu,  pour  la  bloquer,  une  armée  nombreuse,  car  il 
était  aisé  à  la  garnison  de  garder  les  bords  de  l'Aude,  au 
moyen  de  la  grande  Barbacane  (n°  8  du  plan,  page  116) 
qui  permettait  de  faire  des  sorties  avec  des  forces  impo- 
santes et  de  culbuter  les  assiégeants  dans  le  fleuve. 

Les  remparts  et  les  tours  présentent  surtout  un  aspect 
formidable  sur  les  points  de  l'enceinte  où  les  approches 
sont  relativement  faciles,  où  des  escarpements  naturels  ne 
viennent  pas  opposer  un  obstacle  puissant  à  l'assaillant. 
Du  côté  du  nord-est,  de  l'est  et  du  sud,  là  où  le  plateau 
qui  sert  d'assiette  à  la  Cité  est  à  peu  près  de  plain-pied 
avec  la  campagne,  de  larges  «  fossés  »  protègent  la  pre- 
mière enceinte. 

Palissades.  —  Il  est  vraisemblable  que  les  extrémités  de 
ces  fossés,  ainsi  que  les  avancées  des  portes,  étaient  défen^ 
dues  par  des  «  palissades  »  extérieures,  suivant  les  habi- 
tudes de  l'époque.  Ces  palissades  étaient  munies  de 
barrières  ouvrantes. 


IV.    —    EFFECTIF    DE    LA    GARNISON 

Nous  avons  fait  le  calcul  du  nombre  d'hommes  stricte- 
ment nécessaire  pour  défendre  la  Cité  de  Carcassonne. 

L'enceinte  extérieure  de  la  Cité  de  Car- 
cassonne possède  14  tours;  en  les  suppo- 
sant gardées  chacune  par  20  hommes, 
cela  fait    280  hommes 


HISTOIRE   ET   DESCRIPTION 


31 


Fig.  2. 
Volets  a  rouleaux 


32  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Vingt  hommes   dans   chacune   des  trois 

harbacanes    60  hommes 

Pour  servir  les  courtines  sur  les  points 

attaqués    100  — 

L'enceinte  intérieure  comprend  24  tours 

à  20  hommes  par  poste;  en  moyenne.    .  .  480  — 

Pour  la  porte  Narbonnaise 50  — 

Pour   garder   les   courtines 100  — 

Pour  la  garnison  du  château 200  — 

1.270  hommes 
Ajoutons    à    ce    nombre    d'hommes    les 
capitaines,  un  par  poste  ou  par  tour,  sui- 
vant l'usage   53 

1.323  hommes 

Il  s'agit  ici  des  combattants  seulement;  mais  il  faut 
ajouter  à  ce  chiffre  les  servants,  les  ouvriers  qu'il  fallait 
avoir  en  grand  nombre  pour  soutenir  un  siège  :  soit  au 
moins  le  double  des  combattants.  Ce  nombre,  à  la  rigueur, 
était  suffisant  pour  opposer  une  résistance  énergique  à 
l'ennemi,  dans  une  place  aussi  bien  fortifiée. 

Les  deux  enceintes  n'avaient  pas  à  se  défendre  simul- 
tanément, et  les  hommes  de  garde,  dans  l'enceinte  inté- 
rieure, pouvaient  envoyer  des  détachements  pour  défendre 
l'enceinte  extérieure.  Si  celle-ci  tombait  au  pouvoir  de 
l'ennemi,  ses  défenseurs  se  réfugiaient  derrière  l'enceinte 
intérieure.  D'ailleurs,  l'assiégeant  n'attaquait  pas  tous  les 
points  à  la  fois.  Le  périmètre  de  l'enceinte  extérieure  est 
de  1.400  mètres  sur  les  courtines;  donc  c'est  environ  un 
combattant  par  mètre  courant  qu'il  fallait  compter  pour 
composer  la  garnison  d'une  ville  fortifiée  comme  la  Cité 
de  Carcassonne. 


DEUXIEME   PARTIE 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE 
DU    VISITEUR 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE 
DU    VISITEUR 


La  visite  de  la  merveilleuse  ville  fortifiée  qu'est 
la  Cité  de  Carcassonne  demande  plusieurs  heures. 
Le  touriste  qui  veut  apprendre  ou  revivre,  au 
milieu  des  plus  pures  sensations  d'art,  les  vingt 
siècles  passés  de  l'Histoire  à  tous  les  points  de  vue 
—  militaire,  religieux,  artistique,  social  —  doit 
consacrer  au  moins  une  journée  à  cette  visite. 

Visiter  successivement: 

1°  L'enceinte  extérieure  (les  Lices); 

2°  L'enceinte  intérieure  (sur  les  Remparts)  ; 

3°  Le  Château  Comtal  et  son  musée; 

é"  La  Cathédrale  Saint-Nazaire  (le  Bijou  de  la 
cité)  ; 

5°  L'intérieur  de  la  vieille  ville  (rues,  maisons 
anciennes,  puits,  etc.). 

Ne  pas  quitter  la  Cité  sans  avoir  vu  en  détail 
chacune  de  ces  cinq  parties  qui  sont  toutes  des  plus 
intéressantes  et  se  complètent  l'une  par  l'autre. 


36 


LA    CITE    DE    CARCASSONNE 


Voici  le  nom  des  tours  des  deux  enceintes  en  se 
rapportant  aux  numéros  inscrits  sur  le  Plan  géné- 
ral, page  116. 


ENCEINTE  EXTERIEURE 


Pages 

1.  Barbacane  de  la  Porte 

Narbonnaise    38 

2.  Tour  de  Bérard 39 

3.  Tour  de  Bénazet 39 

4.  Barbacane  Notre-Dame  39 

5.  Tour  de  Mouretis 39 

6.  Tour  de  la  Glacière...  39 

7.  Tour     de      la      Porte- 

Rouge    40 

8.  Grande   Barbacane   ex- 

térieure du  Château.  47 

9.  Avant-porte  de  l'Aude.  47 


Pagfs 

47 


10.  Tour  du  petit  Canisou. 

11.  Tour   carrée    de    l'Evê- 

que   47 

12.  Tour  du  grand  Canisou  49 

13.  Tour  du  grand  Brûlas.  49 

14.  Tour  d'Ourliac 49 

15.  Barbacane     St-Nazaire, 

dite  Tour  Crémade..  49 

16.  Tour  Cautières 50 

17.  Tour  Pouléto 50 

18.  Tour  de  la  Vade 50 

19.  Tour  de  la  Peyre 51 


ENCEINTE  INTERIEURE 


20.  Tour  de  la  Porte  Nar- 

bonnaise    57 

21.  Tour  du   Trésau 68 

22.  Tour  du   Connétable..  71 

23.  Tour  du  Vieulas 72 

24.  Tour  de  la  Marquière.  72 

25.  Tour  de  Samson 72 

26.  Tour  du  Moulin  d'Avar  73 

27.  Tour    de    la    Charpen- 

tière  73 

37.  Tour  de  la  Justice 77 

38.  Tour  visigothe 79 

39.  Tour  de   l'Inquisition.  80 

40.  Tour  de  Cahuzac 81 

41.  Tour  Mipadre 81 


42.  Tour     du     Moulin     du 

Midi   81 

43.  Tour     et     Poterne     de 

Saint-Nazaire 82 

44.  Tour  Saint-Martin 83 

45.  Tour  des  Prisons 84 

46.  Tour  de  Castéra 84 

47.  Tour  du  Plô 84 

48.  Tour  de  Balthazar 84 

49.  Tour  de  Davejean 85 

50.  Tour  Saint-Laurent.  . .  86 

51.  Escalier    descendant    à 

la  poterne  de  la  tour 

de  la  Peyre 86 

52.  Tour  du  Trauquet....  86 

53.  Tour   Saint-Sernin.  . . .  86 


CHATEAU 


28.  Tour  de  la  Chapelle .  .  74 

29.  Tour   de   la   Poudre...  74 

30.  Avant-porte     du     Châ- 

teau    75 

31.  Tour  Peinte^" Guetté].  75 

32.  Tour    Saint-Paul 76 


33.  Porte   du   Château 76 

34.  Tour  des  Casernes. ...  76 

35.  Tour  du  Major 76 

36.  Tour  du  Degré 76 

54.  Barbacane       intérieure 

du  Château 87 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  37 

I.    —   ENCEINTE    EXTÉRIEURE 

L'enceinte  extérieure,  qui  présente  un  intérêt 
sérieux  et  que  je  regarde  comme  antérieure  de 
quelques  années  aux  réparations  entreprises  par 
Philippe  le  Hardi,  pour  améliorer  l'enceinte  inté- 
rieure —  et  je  vais  en  donner  des  preuves  certaines 
tout  à  l'heure  —  est  bâtie  en  matériaux  (grès)  irré- 
guliers et  disposés  sans  choix,  mais  présentant  des 
parements  unis,  tandis  que  toutes  les  constructions 
de  la  fin  du  xiii*  siècle  sont  parementées  en  pierres 
ciselées  sur  les  arêtes,  et  forment  des  «  bossages 
rustiques  »  qui  donnent  à  ces  constructions  un 
aspect  robuste  et  d'un  grand  effet. 

Tous  les  profils  des  tours  de  l'enceinte  intérieure, 
réparée  par  Philippe  le  Hardi,  sont  identiques;  les 
culs-de-lampe  des  arcs  des  voûtes  et  les  quelques 
rares  sculptures,  telles,  par  exemple,  que  la  statue 
de  la  Vierge  et  la  niche  placées  au-dessus  de  la 
Porte  Narbonnaise,  appartiennent  incontestable- 
ment à  la  fin  du  xiii«  siècle. 

Dans  ces  constructions,  les  matériaux  sont  de 
même  nature,  provenant  des  mêmes  carrières  et  le 
mode  d'appareil  uniforme;  partout  on  rencontre 
ces  «  bossages  »,  aussi  bien  dans  les  parties  com- 
plètement neuves,  comme  celles  de  l'ouest,  du  sud- 
ouest  et  de  l'est,  que  dans  les  portions  complétées 
ou  restaurées,  sur  les  constructions  visigothes  et  du 
xii«  siècle.  Les  moulures  sont  finement  taillées  et 
déjà  maigres,  tandis  que  l'enceinte  extérieure  pré- 


38  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

sente  dans  ses  meurtrières,  ses  portes  et  ses  cor- 
beaux, de  profils  très  simples  et  larges.  Les  clefs 
des  voûtes  de  la  tour  n°  18  (tour  de  la  Vade  ou  du 
Papegay)  sont  ornées  de  figures  sculptées  présen- 
tant tous  les  caractères  de  l'imagerie  du  temps  de 
Saint  Louis. 

De  plus,  entre  la  tour  n°  7  et  l'Echauguette  de 
l'ouest,  le  parapet  de  la  courtine  a  été  exhaussé, 
en  laissant  toutefois  subsister  les  merlons  primitifs 
ainsi  englobés  dans  la  maçonnerie  surélevée,  afin 
de  donner  à  cette  courtine,  jugée  trop  basse,  un 
commandement  plus  considérable. 

Or,  cette  surélévation  est  construite  en  pierres 
avec  bossages,  les  créneaux  sont  plus  espacés, 
l'appareil  beaucoup  plus  soigné  que  dans  la  partie 
inférieure  et  parfaitement  semblable,  en  tout,  à 
l'appareil  des  constructions  de  1280. 

La  différence  entre  les  deux  constructions  peut 
être  constatée  par  l'observateur  le  moins  exercé: 
donc,  la  partie  inférieure  étant  semblable,  comme 
procédés  de  structure,  à  tout  le  reste  de  l'enceinte 
extérieure,  et  la  surélévation  conforme,  comme 
appareil,  à  toutes  les  constructions  dues  à  Philippe 
le  Hardi,  l'enceinte  extérieure  a  été  évidemment 
élevée  avant  les  restaurations  et  les  adjonctions 
entreprises  par  le  fils  de  Louis  IX. 

1.  Barbacane  de  la  Porte  Narbonnaise.  — 
Ouvrage  avancé  destiné  à  défendre  l'accès  de  la 
Porte  Narbonnaise  (n°  20).  Crénelage  hourdé  avec 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  39 

chemin  de  ronde;  huit  larges  meurtrières  au  rez-de- 
chaussée.  A  remarquer  la  1"  meurtrière  à  gauche, 
modifiée  pour  l'usage  du  «  mousquet  ».  Cette  adap- 
tation se  trouve  aussi  aux  Tours  15,  16,  17. 

2.  Tour  de  Bérard.  —  Flanque  l'angle  nord-est. 
Ronde  du  côté  des  «  Fossés  »,  carrée  sur  la  face 
des  «  Lices  ».  Deux  étages  avec  bandeaux  intérieurs 
continus  pour  recevoir  des  planchers  mobiles.  Cré- 
nelage  avec  chemin  de  ronde.  Escalier  à  angle  droit 
conduisant  à  l'étage  inférieur  défendu  par  cinq 
meurtrières.  La  partie  supérieure  est  ouverte  sur 
la  façade  des  «  Lices  » . 

3.  Tour  de  Bénazet.  —  Circulaire  à  l'intérieur; 
fermée  par  un  mur  plat,  avec  lucarne,  à  la  hauteur 
des  «  Lices  »,  deux  étages  sur  cave.  Cette  tour, 
comme  plusieurs  autres,  interrompt  le  chemin  de 
ronde  et  concourt  à  la  défense  en  isolant  l'assail- 
lant entre  deux  tours. 

4.  Barbaicane  Notre-Dame.  —  Demi-circulaire 
défendant  la  Porte  de  Rodez;  large  chemin  de 
ronde  crénelé  et  hourdé;  au-dessous  ligne  de  neuf 
meurtrières;  poterne  au  côté  droit  donnant  accès 
dans  les  fossés.  Le  crénelage  a  été  modernement 
exhaussé.  Dans  l'angle  extérieur  sud-est,  traces 
d'une  ancienne  meurtrière. 

5.  Tour  de  Mouretis;  6.  Tour  de  la  Glacière.  — 
Cylindriques  à  l'intérieur,  avec  chemin  de  ronde 
crénelé  et  hourdé;  étages  séparés  et  rendus  indépen- 


40  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

dants,  par  un  plancher  en  bois,  facile  à  enlever  ou  à 
détruire.  Ces  deux  tours  sont  à  peu  près  construites 
sur  le  modèle  de  la  Tour  7,  dite  de  la  Porte  Rouge. 

7.  Tour  de  la  Porte  Rouge.  —  Cette  tour  possède 
deux  étages  au-dessous  du  crénelage.  La  figure  3 
en  donne  les  plans  à  chacun  de  ces  étages.  Comme 
le  terrain  s'élève  sensiblement  de  a  en  b,  les  deux 
chemins  de  ronde  des  courtines  ne  sont  pas  au 
même  niveau;  le  chemin  de  ronde  5  est  à  3  mètres 
au-dessus  du  chemin  de  ronde  a. 

En  A  est  tracé  le  plan  de  la  tour  au-dessous  du 
terre-plein;  en  B,  au  niveau  du  chemin  de  ronde 
d;  en  C,  au  niveau  du  crénelage  de  la  tour  qui 
arase  le  crénelage  de  la  courtine  e.  On  voit  en  d  la 
porte  qui,  s'ouvrant  sur  le  chemin  de  ronde, 
communique  à  un  degré  qui  descend  à  l'étage  infé- 
rieur A,  et  en  e,  la  porte  qui,  s'ouvrant  sur  le  che- 
min de  ronde  d'amont,  communique  à  un  degré  qui 
descend  à  l'étage  B.  On  arrive,  du  dehors,  au  cré- 
nelage de  la  tour  par  le  degré  g.  De  plus,  les  deux 
étages  A  et  B  sont  mis  en  communication  entre 
eux  par  un  escalier  intérieur  h  h',  pris  dans  l'épais- 
seur du  mur  de  la  tour.  Ainsi  les  hommes  postés 
dans  les  deux  étages  A  et  B  sont  seuls  en  communi- 
cation directe  avec  les  deux  chemins  de  ronde  des 
courtines.  Si  l'assaillant  est  parvenu  à  détruire  les 
hourds  et  le  crénelage  supérieur,  et  si,  croyant 
avoir  rendu  l'ouvrage  indéfendable,  il  tente  l'assaut 
de  l'une  des  courtines,  il  est  reçu  de  flanc  par  les 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR 


41 


Plan 

au  niveau 

du  crénelage. 


Fig.  3. 
Tour  de  la  Porte  Rouge  (n"  27). 


Plan 

au  niveau 

du    chemin 

de  ronde. 


Plan 
au-dessous 

du 
terre-plein. 


42 


LA    CITÉ    DE    CARCASSONNÈ 


postes  établis  et  demeurés  en  sûreté  dans  les  étages 
inférieurs,  lesquels  étant  fortement ~  blindés,  n'ont 
pu  être  écrasés  par  les  projectiles  des  pierrières  ou 
rendus   inhabitables  par   l'incendie   du   comble   et 


Fig.   4. 
Tour   de  la   Porte  Rouge   (n°    7).  Coupe   longitudinale 

des  hourds.  Une  coupe  longitudinale  faite  sur  les 
deux  chemins  de  ronde,  de  e  en  d,  permet  de  saisir 
cette  disposition  (fig.  4).  On  voit  en  e'  la  porte  de 
l'escalier  e,  et  en  d'  la  porte  de  l'escalier  d  du  plan. 
Cette  dernière  porte  est  défendue  par  une  échau- 
guette  f,  à  laquelle  on  arrive  par  un  degré  de  six 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  43 

marches.  En  A"  commence  l'escalier  qui  met  en 
communication  les  deux  étages  A  et  B.  Une  couche 
de  terre  posée  en  A^  empêche  le  feu,  qui  pourrait 
être  mis  au  comble  /  par  les  assiégés,  d'endomma- 
ger le  plancher  supérieur.  La  figure  5  donne  la 
coupe  de  cette  tour  suivant  l'axe  perpendiculaire 
au  front.  En  d"  est  la  porte  donnant  sur  l'escalier  d. 
Les  hourds  sont  posés  en  m.  En  p  est  tracé  le  profil 
de  l'escarpement  avec  le  prolongement  des  lignes 
de  tir  des  deux  rangs  de  meurtrières  des  étages  A 
et  B.  Il  n'est  pas  besoin  de  dire  que  les  hourds 
battent  le  pied  o  de  la  tour. 

Une  vue  perspective  (flg.  6),  prise  des  Lices 
(point  X  du  plan  C,  fîg.  3),  fera  saisir  les  dispo- 
sitions intérieures  de  cette  défense. 

Les  approvisionnements  des  hourds  et  chemins 
de  ronde  de  la  tour  se  font,  par  le  créneau  c  du 
plan  C,  au  moyen  d'un  palan  et  d'une  poulie,  ainsi 
que  le  fait  voir  le  tracé  perspectif  (fig.  6).  Ici  la 
tour  ne  commande  que  l'un  des  chemins  de  ronde 
(voyez  la  coupe,  figure  4).  Lors  de  la  construction 
sous  Saint  Louis,  elle  commandait  les  deux  cour- 
tines; mais  sous  Philippe  le  Hardi,  lorsqu'on  ter- 
mina les  défenses  de  la  Cité,  on  augmenta,  ainsi 
qu'on  l'a  vu  plus  haut,  le  relief  de  quelques-unes  des 
courtines  de  l'enceinte  extérieure  qui  ne  parais- 
saient pas  avoir  un  commandement  assez  élevé. 
C'est  à  cette  époque  que  le  crénelage  G  fut  remonté 
au-dessus  de  l'ancien  crénelage  H,  sans  qu'on  ait 
pris  la  peine  de  démolir  celui-ci;  de  sorte  qu'exté- 


44 


LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 


rieurement  ce  premier  crénelage  H  reste  englobé 
dans  la  maçonnerie  surélevée.  En  effet,  le  terrain 


Fig.  5. 

Tour   de   la   Porte  Rouge  (n°    7). 

Coupe  suivant  l'axe  perpendiculaire   au  front. 

extérieur  s'élève  comme  le  terrain  des  Lices  de  a 
en  b  (voyez  les  plans),  et  les  ingénieurs,  ayant  cru 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR 


45 


Fig.  6. 
Tour   de   la  Porte  Rouge   (n°    7).  Vue    perspective. 


46  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

devoir  adopter  un  commandement  uniforme  des 
courtines  sur  le  dehors,  aussi  bien  pour  l'enceinte 
extérieure  que  pour  l'enceinte  intérieure,  on  régu- 
larisa, vers  1285,  tous  les  reliefs.  Il  faut  dire  aussi 
qu'à  cette  époque  on  ne  donnait  plus  guère  un 
commandement  important  aux  tours  sur  les  courti- 
nes qu'aux  saillants,  ou  sur  quelques  points  où  il 
était  utile  de  découvrir  les  dehors  au  loin. 

Pour  les  grands  fronts,  les  tours  flanquantes 
n'ont,  sur  les  courtines,  qu'un  faible  commande- 
ment, et  cette  disposition  est  observée  pour  le 
grand  front  sud-est  de  l'enceinte  intérieure  de  la 
Cité,  réparé  et  couronné  par  Philippe  le  Hardi. 

La  disposition  de  cette  tour  de  l'enceinte  exté- 
rieure que  nous  venons  de  donner  est  telle,  que  cet 
ouvrage  re  pouvait  se  défendre  contre  l'enceinte 
intérieure  ;  car,  non  seulement  cette  tour  est  domi- 
née de  beaucoup,  mais  elle  est,  du  côté  des  Lices, 
nulle  comme  défense. 

La  Courtine  (entre  la  Tour  7  et  la  petite  Echau- 
guette  nord-ouest)  a  été  bâtie  sous  Saint  Louis  et 
exhaussée  par  Philippe  le  Hardi  sur  l'ancien  cré- 
nelage.  Le  sol  des  «  Lices  »  a  été  aussi  exhaussé 
sur  ce  point.  La  porte  murée  visible  à  l'intérieur 
de  la  Tour  7  communiquait  avec  la  courtine  pri- 
mitive (voir  explications  détaillées  sur  ces  travaux 
page  38). 

La  petite  Echauguettc  nord-ouest,  commande 
l'angle    nord-ouest.    Crénelée.    Deux    mâchicoulis. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  47 

Voir  de  ce  point  la  belle  ligne  des  remparts  pro- 
tégeant le  château  et  le  passage  crénelé  à  chicanes. 
(La  Grande  Caponnière,  p.  100)  qui  menait  à  la 
Grande  Barbacane,  n°  8. 

8.  Grande  Barbacane  extérieure  du  Château. 
(Voir  le  Château,  p.  97). 

9.  Avant-Porte  de  l'Aude.  —  Première  barrière 
défendant  l'accès  de  la  Cité  du  côté  de  la  rivière. 
Profusion  d'obstacles  et  de  détours  obligeant  l'as- 
saillant à  se  démasquer.  Sous  le  passage,  voûté,  se 
trouve  une  ancienne  Citerne.  (Voir  Citerne  de  la 
Porte  de  l'Aude,  Intérieur  de  la  Cité). 

Au  xviir  siècle  ce  passage  fut  comblé  et  trans- 
formé en  place  publique.  On  l'appelait  «  Belle 
Vue  »,  puis  «  Place  de  la  Liberté  ».  C'est  là  que  le 
20  novembre  1793  furent  brûlés  solennellement  les 
archives  et  tous  les  documents  précieux  pour  l'His- 
toire de  la  Cité. 

10.  Tour  du  Petit  Canisou.  —  Demi-ronde  fer- 
mée à  la  gorge  au  rez-de-chaussée.  Chemin  de  ronde 
et  crénelage  au  premier  étage.  Commande  la  mon- 
tée de  la  Porte-d'Aude. 

11.  Tour  de  l'Evêque.  —  A  cheval  sur  les 
«  Lices  »,  commande  les  deux  enceintes  et  pouvait 
sur  ce  front,  couper  la  communication  entre  la 
partie  sud  et  la  partie  nord  des  Lices.  Toutefois, 
les  deux  arcs  jetés  sur  le  passage,  entre  les  deux 
enceintes,  n'étaient  défendus  que  par  deux  mâchi- 


48  LA    CITÉ   DE    CARCASSONNE 

coulis  intérieurs  et  par  un  mâchicoulis  percé  au 
milieu  de  la  voûte.  On  ne  trouve  pas  trace  de  gonds 
indiquant  la  présence  de  vantaux  de  porte,  mais 
seulement  des  entailles  qui  font  supposer  qu'en 
temps  de  guerre  des  barrières  de  bois  fermaient 
ces  ouvertures  et  interceptaient  les  communications. 

Cette  tour,  dont  l'Evèque  avait  la  jouissance,  sauf 
le  chemin  de  ronde  supérieur,  est  fort  belle,  admi- 
rablement construite,  fièrement  plantée  sur  les 
deux  enceintes  dont  elle  rompt  l'uniformité.  De 
même  qu'elle  coupait  la  communication  sur  les 
Lices,  elle  interrompait  aussi  le  chemin  de  ronde 
supérieur  des  courtines,  car,  pour  aller  de  la  cour- 
tine nord  à  la  courtine  sud,  il  fallait  traverser  cette 
tour  et  forcer  deux  portes.  Les  escaliers  intérieurs 
sont  disposés  de  façon  à  ce  que  l'accès  aux  créne- 
lages  soit  indépendant  de  l'accès  aux  deux  salles 
voûtées,  dont  l'évêque  avait  la  jouissance. 

En  examinant  le  plan  général  (page  116,  fig.  16), 
nous  voyons  en  bas  de  l'escarpement  de  la  Cité, 
devant  les  tours  11  et  12  à  l'ouest,  une  muraille  qui 
défendait  le  faubourg  de  la  Barbacane.  Cette 
muraille  date  du  xni«  siècle,  et  elle  fut  certaine- 
ment élevée  pour  empêcher  l'ennemi  de  se  loger 
comme  l'avait  fait  Trencavel,  entre  l'Aude  et  la 
Cité.  Cette  muraille  est  à  portée  d'arbalète  des 
tours  11,  12  et  40  et  est  commandée  par  celles-ci. 
Il  était  donc  fort  difficile  d'arriver,  en  descendant 
la  rive  droite  de  l'Aude,  jusqu'à  la  Barbacane,  mal- 
gré la  garnison  de  la  Cité. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  49 

12.  Tour  du  Grand-Canisou.  —  Mêmes  disposi- 
tions que  la  tour  10.  On  voit  encore,  en  dehors  de 
cette  partie  de  l'enceinte  extérieure,  à  côté  de  la 
tour  12,  les  orifices  de  Végout  que  le  roi  Philippe 
le  Hardi  avait  fait  construire  à  travers  la  muraille 
élevée  par  son  ordre,  pour  rejeter  au  dehors  les 
eaux  de  VEvèché  (voir  p.  80,  Courtine  entre  les 
tours  39  et  W). 

.  13.  Tour  du  Grand  Brûlas.  —  Ouvrage  impor- 
tant, à  bec  saillant,  destiné  à  défendre  l'angle  sud- 
ouest.  Il  avait  été  bâti  avec  un  soin  tout  particulier. 

14.  Tour  d'Ourliac.  —  Interrompt  la  poursuite 
sur  le  chemin  de  ronde  grâce  à  deux  portes  faciles 
à  obstruer.  L'escalier  extérieur,  pouvant  être  inter- 
cepté, conduit  au  crénelage  hourdé.  Un  deuxième 
escalier,  dans  l'épaisseur  du  mur,  dessert  spéciale- 
ment le  premier  étage  à  plancher  mobile. 

15.  Tour  Crémade  (Barbacane  de  la  Poterne 
Saint-Nazaire).  —  A  côté  de  cette  Barbacane,  est 
une  Poterne  basse  et  étroite,  donnant  dans  le  fossé 
peu  profond  sur  ce  point.  Cette  poterne,  en  cas 
de  siège,  pouvait  être  murée  facilement  puisqu'il 
n'y  avait  qu'à  remplir  l'escalier  roide  qui,  du  seuil 
de  cette  poterne,  monte  aux  Lices.  Le  large  diamètre 
de  la  tour  de  la  Crémade  en  fait  une  Barbacane 
propre  d'ailleurs  à  protéger  des  sorties  ou  des  partis 
rentrants.  Cette  tour  n'était  point  couverte,  comme 
les  autres,  par  un  comble,  et  est  en  communication 


50  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

directe  avec  le  chemin  de  ronde  des  courtines  dont 
elle  n'est,  pourrait-on  dire,  qu'un  appendice  flan- 
quant. 

Quant  à  la  tour  Saint-Nazaire  n°  43,  il  était  im- 
possible à  des  assiégeants  postés  en  dehors  de  l'en- 
ceinte extérieure  de  supposer  qu'elle  fût  munie 
d'une  poterne. 

16.  Tour  Cautieres.  17.  Tour  Pouléto.  —  Réali- 
sent à  peu  près  le  système  de  défense  offert  déjà 
par  la  Tour  1^. 

Courtine,  entre  les  tours  16  et  17.  —  Dans  l'angle 
extérieur  nord  de  cette  muraille  était  percée  une 
poterne,  aujourd'hui  murée,  faisant  communiquer 
les  Lices  avec  l'extérieur. 

L'Echauguette,  entre  les  tours  17  et  18,  flanque 
l'angle  avancé  de  la  courtine  et  commande  les 
fossés.  Des  trous  de  «  hourds  »  permettaient  de 
l'armer  en  temps  de  guerre. 

18.  Tour  de  la  Vade  ou  du  Papegay.  —  Bien 
qu'elle  appartienne  à  l'enceinte  extérieure,  cette 
tour  est  une  sorte  de  réduit,  un  donjon  avancé, 
absolument  indépendant,  dominant  tout  le  plateau 
de  ce  côté,  occupé,  avant  le  règne  de  Saint  Louis, 
par  un  faubourg. 

Trois  étages  spacieux,  voûtés  en  ogive,  clefs  des 
voûtes  ornées  de  figures  sculptées  présentant  les 
caractères  de  l'imagerie  du  temps  de  Saint  Louis. 
Abrite  un  puits  et  un  four  à  cuire  le  pain.  Ancien 
logement  de  la  compagnie  dite  des  Mortes-Payes, 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  51 

instituées  par  Louis  IX  pour  veiller  à  la  sauve- 
garde perpétuelle  de  la  cité  (voir  p.  9,  Historique). 

La  liaison  avec  l'enceinte  supérieure,  soit  pour 
le  ravitaillement,  soit  pour  le  changement  de  gar- 
nison, était  facilitée  par  la  Poterne  ogivale,  avec 
herse,  visible  dans  l'angle  ouest  de  la  tour  Bal- 
Ihazar  (n°  48)  lui  faisant  face.  , 

Courtine,  entre  les  tours  18  et  19.  —  Il  existe  dans 
cette  muraille  une  poterne  mettant  les  Lices  en 
communication,  au  moyen  d'un  escalier  à  vis,  avec 
le  fossé,  à  l'angle  de  rencontre  de  la  courtine  nord 
avec  le  donjon  de  La  Vade  (n°  18). 

19.  Tour  de  la  Peyre.  —  Cette  tour,  comme  la 
plupart  de  celles  dépendant  de  cette  enceinte,  est 
ouverte  du  côté  de  la  ville  dans  la  partie  supé- 
rieure de  manière  à  ne  pouvoir  servir  de  défense 
contre  les  remparts  intérieurs,  et  afin  que,  du  che- 
min de  ronde  supérieur,  on  puisse  donner  des 
ordres  aux  hommes  postés  dans  cette  tour.  Le 
milieu  de  cette  tour,  comme  de  toutes  celles  de 
l'enceinte  extérieure,  à  l'exception  des  Barbacanes, 
était  couvert  par  un  comble,  mais  le  chemin  de 
ronde  crénelé  était  à  ciel  ouvert  en  temps  de  paix 
et  pouvait  être  garni  de  hourds  en  temps  de  siège. 

Ces  combles  à  demeure  portaient  sur  le  bahut 
intérieur  du  chemin  de  ronde. 

La  figure  7  donne  la  coupe  de  cette  tour  de  la 
Peyre. 

En  M  est  tracé  le  profil  d'ensemble  de  cet  ou- 


52 


LA    CITE   DE    CARCASSONNE 


Fig.    7. 
Tour  de  la  Peyre  (n°  19).  Coupe. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR 


53 


vrage  avec  le  fossé,  la  crête  de  la  contrescarpe  el 
le  sol  extérieur  formant  glacis.  On  voit  comme  les 
meurtrières  sont  disposées  pour  couvrir  de  projec- 
tiles rasants  ce  glacis,  et  de  projectiles  plongeants, 


Fig    8. 
Tour  de  la  Peyre  (n°   19).  Tracé  général. 

la  crête  et  le  pied  de  la  contrescarpe.  Quant  à  la 
défense  rapprochée,  il  y  est  pourvu  par  les  mâchi- 
coulis et  des  hourds,  ainsi  qu'on  le  voit  en  P. 

La  figure  8  donne  le  tracé  général  de  cette  tour 
du  côté  intérieur,  les  hourds  n'étant  supposés  mon- 
tés que  du  côté  R. 


54  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

IL   —   ENCEINTE    INTÉRIEURE 

C'est  pendant  la  domination  des  Visigoths  que 
fut  bâtie  l'Enceinte  Intérieure  sur  les  débris  des 
fortifications  romaines. 

En  effet,  la  plupart  des  Tours  Visigothes  encore 
debout  sont  assises  sur  des  Substructions  romaines 
qui  semblent  avoir  été  élevées  hâtivement,  proba- 
blement au  moment  des  invasions  franques.  Les 
bases  des  «  tours  visigothes  »  sont  carrées  ou  ont 
été  grossièrement  arrondies  pour  recevoir  les  dé- 
fenses du  v«  siècle. 

Du  côté  méridional  de  l'enceinte  on  remarque 
des  soubassements  de  tours  élevées  au  moyen  de 
blocs  énorines,  posés  à  joints  vifs  et  qui  appar- 
tiennent certainement  à  l'époque  de  la  décadence 
de  l'Empire. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  encore  facile  aujourd'hui 
de  suivre  toute  l'enceinte  des  Visigoths  (voir  le 
plan  général,  page  99,  fig.  14)  ^  Cette  enceinte 
affectait  une  forme  ovale  avec  une  légère  dépres- 
sion sur  la  face  occidentale,  suivant  la  configu- 
ration du  plateau  sur  lequel  elle  est  bâtie.  Les 
tours,  espacées  entre  elles  de  25  à  30  mètres  en- 
viron, sont  cylindriques  à  l'extérieur,  terminées 
carrément  du  côté  de  la  ville  et  réunies  entre  elles 
par  de  hautes  courtines  (fig.  9,  page  55).  Toute  la 

(1)  Des  fouilles  nous  ont  permis  de  reconnaître  les  fonda- 
tions de  cette  enceinte  sur  les  points  où  elle  a  été  supprimée, 
à  la  fin  du  xiu*  siècle,  pour  augmenter  le  périmètre  de  la  Cité. 


Fig.   9. 


56  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

construction  visigothe  est  élevée  par  assises  de 
petits  moellons  de  0  m.  10  à  0  m.  12  de  hauteur 
environ,  avec  rangs  de  grandes  briques  alternées. 
De  larges  baies  en  plein  cintre  sont  ouvertes  dans 
la  partie  cylindrique  de  ces  tours,  du  côté  de  la 
campagne,  un  peu  au-dessus  du  terre-plein  de  la 
ville;  elles  étaient  garnies  de  volets  de  bois  (voir 
page  30)  à  pivots  horizontaux  et  «  tenaient  lieu  de 
meurtrières  ».  Le  couronnement  de  ces  tours  con- 
sistait en  un  crénelage  couvert.  Des  chemins  de 
ronde  des  courtines  on  communiquait  aux  tours 
par  des  portes  dont  les  linteaux  en  arcs  surbaissés 
étaient  soulagés  par  un  arc  plein  cintre  en  brique. 
Un  escalier  de  bois  mettait  à  l'intérieur  l'étage  in- 
férieur en  communication  avec  le  crénelage  supé- 
rieur qui  était  ouvert  du  côté  de  la  ville  par  une 
arcade  percée  dans  le  pignon. 

Malgré  les  modifications  apportées  au  système 
de  défense  de  ces  tours,  pendant  les  xii^  et  xiii  siè- 
cles, on  retrouve  toutes  les  traces  des  constructions 
des  Visigoths.  Jusqu'au  niveau  du  sol  des  chemins 
de  ronde  des  courtines,  ces  tours  sont  entièrement 
pleines  et  présentent  ainsi  un  massif  puissant  pro- 
pre à  résister  à  la  sape  et  aux  béliers. 

Les  Visigoths,  entre  tous  les  peuples  barbares 
qui  envahirent  l'Occident,  furent  ceux  qui  s'appro- 
prièrent le  plus  promptement  les  restes  des  arts 
romains,  au  moins  en  ce  qui  regarde  les  construc- 
tions militaires  et,  en  effet,  ces  défenses  de  Carcas- 
sonne  ne  diffèrent  pas  de  celles  appliquées  à  la  fin 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  57 

de  l'Empire  en  Italie  et  dans  les  Gaules.  Ils  compri- 
rent l'importance  de  la  situation  de  Carcassonne, 
et  ils  en  firent  le  centre  de  leurs  possessions  dans 
la  Narbonnaise.  L'assiette  était  donc  parfaitement 
choisie  et  elle  avait  été  déjà  prise  par  les  Romains 
qui,  avant  les  Visigoths,  voulaient  se  ménager  tous 
les  passages  de  la  Narbonnaise  en  Espagne. 

Mais  les  Romains  trouvaient  par  Narbonne  une 
route  plus  courte  et  plus  facile  pour  entrer  en  Espa- 
gne et  ils  n'avaient  fait  de  Carcassonne  qu'une  cita- 
delle, qu'un  Castellum,  tandis  que  les  Visigoths, 
s'établissant  dans  le  pays  après  de  longs  efforts, 
durent  préférer  un  lieu  défendu  déjà  par  la  nature, 
situé  au  centre  de  leurs  possessions  de  ce  côté-ci 
des  Pyrénées,  à  une  ville  comme  Narbonne,  assise 
en  pays  plat,  difficile  à  défendre  et  à  garder.  Les 
événements  prouvèrent  qu'ils  ne  s'étaient  point 
trompés;  en  effet,  Carcassonne  fut  leur  dernier 
refuge  lorsqu'à  leur  tour  ils  furent  en  guerre  avec 
les  Francs  et  les  Bourguignons. 

20.  Tour  de  la  Porte  Narbonnaise.  —  Du  côté 
oriental  de  la  Cité  est  ouverte  l'Entrée  principale, 
la  seule  accessible  aux  charrois,  c'est  la  Porte  Nar- 
bonnaise défendue  par  un  fossé  et  une  Barbacane 
(n°  1).  L'entrée  est  biaise,  de  façon  à  masquer  la 
porte  de  l'ouvrage  principal.  Un  Châtelet,  qui  peut 
être  isolé  de  la  Barbacane,  la  précède,  à  cheval  sur 
le  Pont  qui  était  composé  de  deux  tabliers  mobiles 
en  bois,  dont  les  tourillons  sont  encore  à  leur  place. 


58  LA    CITÉ   DE    CARCASSONNE 

Cette  Barbacane  et  le  Ghâtelet  sont  ouverts  à  la 
gorge  afin  d'être  battus  par  les  défenses  supérieu- 
res de  la  Porte  Narbonnaise,  si  ces  premiers  ouvra- 
ges tombaient  au  pouvoir  de  l'ennemi. 

Du  «  côté  extérieur  »,  les  deux  grosses  Tours, 
entre  lesquelles  est  ouverte  la  Porte,  sont  renfor- 
cées par  des  becs,  sortes  d'éperons  destinés  à  éloi- 
gner l'assaillant  du  point  tangent  le  plus  attaqua- 
ble, de  le  forcer  à  se  démasquer,  à  faire  dévier  le 
bélier  (bosson  en  langue  d'Oïl),  ou  à  présenter  une 
plus  forte  épaisseur  de  maçonnerie  à  la  mine. 

L'Entrée  était  d'abord  fermée  par  une  «  chaîne  » 
dont  les  attaches  sont  encore  à  leur  place  et  qui 
était  destinée  à  empêcher  des  chevaux  lancés  d'en- 
trer dans  la  ville  (fig.  n°  10)  (A,  page  59).  Un  mâchi- 
coulis protège  la  première  «  herse  »  et  la  première 
porte  en  bois  avec  barres;  dans  la  voûte  est  percé 
un  second  «  mâchicoulis  »,  puis  on  trouve  un  troi- 
sième «  mâchicoulis  »  devant  la  seconde  «  herse  ». 
Il  n'était  donc  pas  facile  de  franchir  tous  ces  obsta- 
cles. Mais  cette  entrée  était  défendue  d'une  manière 
plus  efficace  encore  en  temps  de  guerre. 

Au-dessus  de  l'arc  de  la  porte,  des  deux  côtés  de 
la  niche  occupée  par  la  Statue  de  la  Vierge,  se 
voient,  sur  les  flancs  de  chacune  des  deux  tours, 
trois  entailles  proprement  faites;  les  deux  voisines 
de  l'angle  sont  coupées  carrément  et  d'une  profon- 
deur de  0  m.  20,  la  troisième  est  coupée  en  biseau 
comme  pour  recevoir  le  pied  d'un  lien  de  bois  ou 
d'un  chevron  Incliné. 


^    ". 


Z  1>    C      JJ         A, 

Fig.   10. 

Tour  de  la  Porte  Narbonnaise  (n°   20). 

Coupe   sur  l'axe   de  la   Porte. 


60  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Au-dessus  de  la  niche  de  la  Vierge  on  remarque 
trois  autres  trous  carrés  profonds,  destinés  à  rece- 
voir des  pièces  de  bois  formant  une  forte  saillie. 
Ces  trous  recevaient,  en  effet,  les  pièces  de  bois 
d'un  auvent  formant  une  saillie  prononcée  au-des- 
sus de  la  porte,  protégeant  la  niche  et  les  gens  de 
garde  à  l'entrée  de  la  ville. 

Cet  auvent  subsistait  en  temps  de  paix;  en  temps 
de  guerre  il  servait  de  «  mâchicoulis  ».  A  1  m.  30 
au-dessus  du  faîtage  de  cet  auvent  on  voit  encore, 
sur  les  flancs  des  deux  tours,  de  chaque  côté,  qua- 
tre entailles  ou  trous  carrés  au  même  niveau,  les 
trois  premiers  au-dessus  de  ceux  servant  de  points 
d'appui  aux  chevrons  de  l'auvent  et  le  quatrième 
à  Om.  60  en  avant.  Là  était  établi  le  plancher  du 
«  deuxième  mâchicoulis  ».  Une  cinquième  entaille, 
faite  entre  les  deux  dernières  et  un  peu  au-dessus, 
servait  de  garde  pour  recevoir  le  madrier  mobile 
destiné  à  protéger  les  assiégés  contre  les  projec- 
tiles lancés  du  dehors  de  bas  en  haut  et  maintenait, 
par  un  système  de  décharges,  tout  cet  étage  supé- 
rieur en  l'empêchant  de  basculer. 

On  ne  pouvait  communiquer  des  tours  à  ces 
mâchicoulis  extérieurs  que  par  une  ouverture  pra- 
tiquée au  deuxième  étage  et  par  des  échelles,  de 
façon  à  isoler  ces  mâchicoulis  dans  le  cas  où  les 
assaillants  s'en  seraient  emparés.  Ces  ouvrages  de 
bois  étaient  protégés  par  des  mantelets  percés  de 
meurtrières. 

L'assaillant,  pour  pouvoir  s'approcher  de  la  pre- 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  61 

mière  herse,  devait  donc  affronter  une  pluie  de 
traits  et  les  projectiles  jetés  de  trois  mâchicoulis, 
deux  posés  en  temps  de  guerre  et  un  dernier  tenant 
à  la  construction  elle-même. 

Ce  n'est  pas  tout:  le  sommet  des  tours  était  garni 
de  «  hoiirds  »  en  charpente  que  l'on  posait  égale- 
ment en  temps  de  guerre  (1). 

La  coupe  ci-contre  (fîg.  10,  p.  59),  faite  sur  l'axe 
de  la  porte  Narbonnaise,  explique  les  dispositions 
que  nous  venons  d'indiquer. 

Outre  la  chaîne  A  (fîg.  10),  derrière  le  premier  arc 
plein  cintre  de  l'entrée  et  entre  celui-ci  et  le  deu- 
xième, est  ménagé  un  mâchicoulis  B  par  lequel  on 
jetait  les  projectiles  de  droite  et  de  gauche  sur  les 
assaillants  qui  tentaient  de  briser  la  première  herse 
C.  Les  réduits  dans  lesquels  se  tenaient  les  défen- 
seurs sont  défilés  par  un  épais  garde-fou  de  pierres. 

Le  mécanisme  des  herses  est  parfaitement  com- 
préhensible encore  aujourd'hui.  Dans  la  salle  qui 
est  au-dessus  de  l'entrée,  on  aperçoit,  dans  les  deux 
pieds-droits  de  la  coulisse  de  cette  première  herse, 
les  entailles  inclinées  dans  lesquelles  s'engageaient 
les  deux  jambettes  du  treuil  tracé  sur  notre  coupe 
(fig,  10),  et  les  scellements  des  brides  en  fer  qui 
maintenaient  le  sommet  de  ces  jambettes;  au  niveau 
du  sol,  les  deux  trous  destinés  à  recevoir  les  cales 
sur  lesquelles  reposait  la  herse  une  fois  levée;  sous 

(1)  On  a  vu  que  le  sénéchal  Guillaume  des  Ormes  se  félicite 
d'avoir  pu  reprendre  le  faubourg  de  Graveillant,  dans  lequel 
se  trouvait  une  provision  de  bois  qui  fut  très  utile  aux  assiégés. 


62  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

l'arc,  au  sommet  du  tympan,  le  trou  profond  qui 
recevait  la  suspension  des  poulies  destinées  au  jeu 
des  contrepoids  et  de  la  chaîne  s'enroulant  sur  le 
treuil. 

Derrière  la  herse  était  une  porte  épaisse  à  deux 
vantaux  D  roulant  sur  des  crapaudines  inférieures 
et  des  pivots  fixés  dans  un  linteau  de  bois  dont  les 
scellements  sont  intacts.  Ces  vantaux  étaient  forte- 
ment unis  par  une  barre  qui  se  logeait  dans  une 
entaille  réservée  dans  le  parement  du  mur  de  droite 
lorsque  la  porte  était  ouverte,  et  par  deux  autres 
barres  de  bois  entrant  dans  des  entailles  pratiquées 
dans  les  deux  murs  du  couloir. 

Si  l'on  pénètre  au  milieu  du  passage,  on  voit 
dans  la  voûte  s'ouvrir  un  large  trou  carré  E  qui 
communique  avec  la  salle  du  premier  étage.  La 
grande  dimension  de  ce  trou  s'explique  par  la 
nécessité  où  se  trouvait  l'assiégé  de  pouvoir  lancer 
des  projectiles  non  seulement  au  milieu,  mais  aussi 
contre  les  parois  du  passage.  La  voûte  du  premier 
étage  est  également  percée  d'un  trou  carré  I,  mais 
plus  petit,  de  sorte  que  du  deuxième  étage  on  pou- 
vait écraser  les  assaillants  qui  se  seraient  emparés 
de  la  salle  au-dessous  ou  donner  des  ordres  aux 
hommes  qui  l'occupaient. 

Des  deux  côtés  de  ce  large  mâchicoulis,  au  pre- 
mier étage,  il  existe  deux  réduits  profonds  qui  pou- 
vaient servir  de  refuge  et  défiler  les  défenseurs 
dans  le  cas  où  les  assaillants,  maîtres  du  passage, 
auraient  décoché  des  traits  de  bas  en  haut.  La  lar- 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  63 

geur  de  ce  mâchicoulis  permettait  encore  de  jeter 
sur  l'assiégeant  des  fascines  embrasées,  et  les 
réduits  garantissaient  ainsi  les  défenseurs  contre 
la  flamme  et  la  fumée  en  leur  laissant  le  moyen 
d'alimenter  le  feu.  Des  meurtrières  latérales  per- 
cées dans  le  passage,  au  niveau  du  sol,  en  E,  per- 
mettaient aux  arbalétriers  postés  dans  les  salles  du 
rez-de-chaussée  des  deux  tours  d'envoyer  à  bout 
portant  des  «  carreaux  »  aux  gens  qui  oseraient 
s'aventurer  entre  les  deux  herses. 

De  même  que  devant  la  herse  extérieure  C,  il 
existe  dans  la  salle  du  premier  étage  un  deuxième 
mâchicoulis  oblong  F  destiné  à  protéger  la  seconde 
herse  G.  Ce  mâchicoulis  se  fermait,  ainsi  que  l'ou- 
verture pratiquée  dans  le  milieu  de  la  voûte  du 
passage,  par  une  trappe  dont  la  feuillure  et  l'en- 
castrement ménagé  dans  le  mur  existent  encore. 
Au  moyen  d'une  petite  fenêtre  qui  éclairait  la  salle 
du  premier  étage,  les  assiégés,  du  dedans,  pouvaient 
communiquer  des  ordres  à  ceux  qui  servaient  la 
herse  sur  le  chemin  de  ronde  pratiqué  au-dessus 
de  la  seconde  porte  H.  Cette  seconde  herse  ma- 
nœuvrait sous  un  arc  réservé  à  cet  effet;  son  treuil 
était  en  outre  protégé  par  un  auvent  P  maintenu 
par  de  forts  crochets  de  fer  qui  sont  encore  scellés 
dans  la  muraille.  Tout  le  jeu  de  cette  herse  est 
encore  visible;  ses  ferrures  sont  en  place,  la  herse 
seule  manque. 

Les  deux  tours  qui  flanquent  cette  entrée  sont 
distribuées     de    la    même    manière.    Elles    com- 


64  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

prennent:  un  étage  de  caves  creusées  au-dessous 
du  sol,  un  rez-de-chaussée  percé  de  meurtrières  et 
voûté  avec  quatre  escaliers  pour  communiquer  au 
premier  étage;  un  premier  étage,  également  voûté, 
percé  de  meurtrières  et  muni  de  deux  cheminées 
et  de  deux  fours.  Deux  des  escaliers  seulement  con- 
tinuent jusqu'à  l'étage  supérieur.  Les  deux  autres 
n'aboutissent  pas  et  peuvent  tromper  ainsi  les  gens 
qui  ne  connaîtraient  pas  les  lieux. 

Ces  deux  tours  comprennent  encore  un  deuxième 
étage  couvert  autrefois  par  un  plancher  portant  sur 
le  bord  du  chemin  de  ronde.  Ce  deuxième  étage  est 
percé,  du  côté  de  la  ville,  de  riches  fenêtres  ogi- 
vales à  menaux  0  qui  ne  s'ouvraient  que  dans  la 
partie  inférieure  par  des  volets,  tandis  que  les  com- 
partiments de  l'ogive  étaient  vitrés  à  demeure;  ces 
fenêtres  étaient  fortement  grillées  à  l'extérieur. 

Un  troisième  étage  crénelé  recevait  la  charpente 
des  combles  Cette  charpente  est  divisée  en  trois 
pavillons,  deux  sur  les  deux  tours  et  un  pavillon 
intermédiaire  au-dessus  de  la  porte.  Lors  de  la 
construction  première,  rétablie  aujourd'hui,  ces 
trois  pavillons,  aux  points  de  leur  rencontre,  étaient 
portés  par  des  poutres  entrant  dans  des  entailles 
pratiquées  dans  l'assise  de  la  corniche;  soit  que  ces 
poutres  aient  fléchi,  soit  que  les  eaux  des  chéneaux 
mal  entretenus  les  eussent  pourries,  au  xv^  siècle, 
ces  combles  furent  réparés,  et,  pour  les  porter,  on 
établit  deux  grands  arcs  qui  s'arrangeaient  fort  mal 
avec  la  construction   du   xiii''  siècle,   puisque   l'un 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  65 

d'eux  venait  buter  dans  un  des  créneaux  M  et  le 
boucher.  Des  chéneaux  en  pierre  furent  posés  sur 
ces  arcs  et  reçurent  les  pieds  du  chevron  des  toitures 
aux  points  de  leur  jonction.  Des  gargouilles  sail- 
lantes rejetaient  les  eaux  des  chéneaux  du  côté  de 
la  campagne.  Ces  arcs,  qui  poussaient  en  dehors  le 
grand  mur  élevé  du  côté  de  la  ville,  ont  dû  être 
enlevés. 

Le  chemin  de  ronde  de  la  courtine  n'est  pas  inter- 
rompu par  la  Porte  Narbonnaise  suivant  le  système 
ordinaire  adopté  dans  les  défenses  de  cette  époque. 
Il  passe  du  côté  de  la  ville,  au-dessus  de  la  porte,  et 
relie  les  deux  courtines  de  façon  cependant  à  n'être 
en  communication  avec  la  ville  que  par  les  escaliers 
intérieurs  des  tours  et  par  une  seule  baie  fermée 
autrefois  par  deux  épais  vantaux  ferrés.  L'escalier 
actuel,  qui  donne  accès  à  ce  chemin  de  ronde,  est 
moderne  et  a  été  élevé  par  le  génie  militaire. 

Courtines,  entre  les  tours  20  et  21.  —  Les  cour- 
tines qui  accompagnent  la  Tour  du  Trésau  sont 
fort  belles.  Leur  partie  inférieure  est  percée  de 
meurtrières  au  niveau  du  terre-plein  de  la  ville, 
sous  des  arcs  plein  cintre  avec  bancs  de  pierre  et 
leurs  nierions,  larges,  épais  sont  bien  construits. 

Le  parement  intérieur  des  nierions  entre  la  Tour 
Narbonnaise  et  la  Tour  du  Trésau  n'est  pas  ver- 
tical, mais  élevé  en  fruit.  L,a  disposition  des  hourds 
explique  l'utilité  de  cette  inclinaison  du  parement 
intérieur  des  merlons. 


66  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Sur  ce  point  de  la  défense  —  l'un  des  plus  atta- 
quables, à  cause  du  plateau  qui  s'étend  de  plain- 
pied  devant  la  Porte  Narbonnaise  —  les  courtines 
intérieures  devaient  être  munies  de  ces  «  hourds 
doubles  »  dont  il  est  fait  parfois  mention  dans  les 
chroniqueurs  du  xiii^  siècle  (1). 

La  figure  11  (p.  69)  explique,  dans  le  cas  actuel,  la 
disposition  de  ces  doubles  hourds.  Ainsi  que  nous 
venons  de  le  dire,  les  merlons  ayant  leur  parement 
intérieur  en  fruit  sur  le  chemin  de  ronde  A,  leur 
base  est  traversée  au  niveau  de  ce  chemin  de  ronde 
par  des  trous  de  hourds  de  0  m.  30  de  côté,  réguliè- 
rement espacés.  Sur  le  parement  du  chemin  de 
ronde,  du  côté  de  la  ville,  est  une  retraite  continue 
B.  Les  hourds  doubles  étaient  donc  ainsi  disposés  : 
de  cinq  pieds  en  cinq  pieds  passaient,  par  les  trous 
des  hourds,  de  fortes  solives  C,  sur  l'extrémité  des- 
quelles, à  l'extérieur,  s'élevait  le  poteau  incliné  D, 
avec  des  contre-poteaux  E,  formant  la  rainure  pour 
le  passage  des  madriers  de  garde.  Des  moïses  dou- 
bles J  pinçaient  ce  poteau  D,  reposaient  sur  la  lon- 
grine  F,  mordaient  les  trois  poteaux  G,  H,  I,  celui  G 

(1)  A  Toulouse,  assiégé  par  Simon  de  Montfort,  les  habitants 
augmentent  sans  cesse  les  défenses  de  la  ville: 

E  parec  ben  a  lobra  e  als  autres  mestriers 
Que  de  dins  et  défera  ac  aitans  del  obriers 
Que  garniron  la  vila  els  portais  els  terriers, 
Els  murs  e  las  bertrescas  els  cadafalcs  dobliers 
Els  fossatz  e  las  lissas  els  pons  els  escaliers 
E   lains   en   Toloza   ac   aitans   carpentiers.    » 

Ces   cadafalcs   dobliers    sont   des  hourds    doubles. 

Voyez  Poëme  de  la  Croisade  contre  les  Albigeois,  Collection 
des  documents  inédits  de  VHistoire  de  France. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  67 

étant  appuyé  sur  le  parement  incliné  du  merlon, 
et  venaient  saisir  le  poteau  postérieur  K  également 
incliné.  Un  second  rang  de  moises,  posé  en  L  à 
1  m.  80  du  premier  rang,  formait  l'enrayure  des 
arbalétriers  M  du  comble.  En  N  un  mâchicoulis 
était  réservé  le  long  du  parement  extérieur  de  la 
courtine.  Ce  mâchicoulis  était  servi  par  des  hommes 
placés  en  0,  sur  le  chemin  de  ronde,  au  droit  de 
chaque  créneau  muni  d'une  ventrière  P.  Les  archers 
et  arbalétriers  du  hourd  inférieur  étaient  postés 
en  R  et  n'avaient  pas  à  se  préoccuper  de  servir  ce 
premier  mâchicoulis. 

Le  deuxième  hourd  possédait  un  mâchicoulis 
en  S.  Les  approvisionnements  de  projectiles  se  fai- 
saient en  dedans  de  la  ville  par  les  guindés  T.  Des 
escaliers  Q,  disposés  de  distance  en  distance,  met- 
taient les  deux  hourds  en  communication.  De  cette 
manière,  il  était  possible  d'amasser  une  quantité 
considérable  de  pierres  en  V,  sans  gêner  la  circula- 
tion sur  les  chemins  de  ronde  ni  les  arbalétriers  à 
leur  poste.  En  X,  on  voit,  de  face,  à  l'extérieur,  la 
charpente  du  hourdage  dépourvue  de  ses  madriers 
de  garde,  et  en  Y,  cette  charpente  garnie.  Par  les 
meurtrières  et  mâchicoulis,  on  pouvait  lancer  ainsi 
sur  l'assaillant  un  nombre  prodigieux  de  projec- 
tiles. Comme  toujours,  les  meurtrières  U,  percées 
dans  les  merlons,  dégageaient  au-dessous  des 
hourds  et  permettaient  à  un  deuxième  rang  d'arba- 
létriers postés  entre  les  fermes,  sur  le  chemin  de 
ronde,  de  viser  l'ennemi. 


68  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

On  conçoit  que  l'inclinaison  des  madriers  de 
garde  était  très  favorable  au  tir.  Elle  permettait,  de 
plus,  de  faire  surplomber  le  deuxième  mâchicoulis 
S  en  dehors  du  hourdage  inférieur. 

La  dépense  que  nécessitaient  des  charpentes 
aussi  considérables  ne  permettait  guère  de  les  éta- 
blir que  dans  des  circonstances  exceptionnelles,  sur 
des  points  mal  défendus  par  la  nature. 

La  courtine  qui  relie  la  tour  du  Trésau  à  la  Porte 
Narbonnaise  possède  un  «  petit  puits  »  et  une 
«  échauguette  »  flanquante  destinée  à  battre  l'inter- 
valle entre  la  Barbacane  et  cette  Porte. 

21.  Tour  du  Trésau  dite  aussi  du  Trésor.  —  Cette 
construction  est  un  magnifique  ouvrage  de  la  fin 
du  xm«  siècle,  contemporain  de  la  Porte  Narbon- 
naise. Elle  domine  toute  la  campagne,  la  ville,  et 
joignant  presque  l'enceinte  extérieure,  elle  comman- 
dait le  plateau,  la  Barbacane  de  la  Porte  Narbon- 
naise et  empêchait  l'ennemi  de  s'étendre  du  côté 
du  nord  dans  les  Lices  le  long  desquelles  s'élèvent 
les  tours  Visigothes. 

La  Tour  du  Trésau,  outre  ses  caves,  renferme 
quatre  étages  dont  deux  sont  voûtés. 

L'étage  inférieur  est  creusé  au-dessous  du  terre- 
plein  de  la  ville.  Le  deuxième  étage  est  presque 
de  plain-pied  avec  le  sol  intérieur  de  la  ville.  Le 
troisième  étage  était  couvert  par  un  plancher  et  le 
quatrième,  sous  comble,  au  niveau  du  chemin  de 
ronde  du  crénelage. 


Fig.  11.  ^ —  Courtine  entre  la  Porte  Narbonnaise 
ET  LA  Tour  du  Trésau  (n°^  20  et  21). 

Disposition   des   doubleshourds. 


70  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Le  chemin  de  ronde  des  courtines  passe  derrière 
le  pignon  de  la  tour,  mais  n'a  aucune  communica- 
tion avec  les  salles  intérieures. 

Du  côté  de  la  ville,  la  partie  supérieure  de  la 
tour  est  terminée  par  un  pignon  crénelé  avec  esca- 
liers rampants  le  long  du  comble.  Deux  tourelles 
carrées,  munies  d'escaliers  et  crénelées  à  leur  partie 
supérieure,  épaulent  le  pignon  et  servaient  de  tours 
de  guet,  car  elles  sont,  de  ce  côté,  le  point  le  plus 
élevé  des  défenses. 

En  temps  de  paix,  le  crénelage  de  la  tour  du  Tré- 
sau  n'était  pas  couvert.  Le  comble  porte  sur  un 
mur  intérieur.  Les  gargouilles  qui  existent  encore 
à  l'extérieur  indiquent  d'une  manière  certaine  que 
le  chemin  de  ronde  supérieur  était  à  ciel  ouvert.  En 
temps  de  guerre,  les  toitures  des  hourds  couvraient 
ces  chemins  de  ronde  ainsi  que  les  hourds  eux- 
mêmes. 

Un  seul  escalier  à  vis  dessert  les  quatre  étages  et 
toutes  les  issues  étaient  garnies  de  portes  fortement 
ferréeâ.  Le  deuxième  étage  au-dessus  des  caves  con- 
tient une  petite  chambre  ou  réduit  éclairé  par  une 
fenêtre,  destiné  au  capitaine,  une  grande  cheminée 
et  des  latrines  ;  cet  étage  et  le  rez-de-chaussée  sont 
percés  de  nombreuses  meurtrières  s'ouvrant  sous 
de  grandes  arcades  munies  de  bancs  de  pierre. 

Courtines,  entre  les  tours  21,  22  et  suivantes.  — 
De  la  tour  du  Trésau,  en  se  dirigeant  vers  le  nord, 
on  longe  une  grande  partie  des  vestiges  de  l'en- 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  71 

ceinte  des  Visigoths.  A  voir  le  désordre  de  ces 
anciennes  constructions,  on  doit  admettre  qu'elles 
ont  été  bouleversées  par  un  siège  terrible  ;  on  a 
peine  à  comprendre  comment  on  a  pu,  avec  les 
moyens  dont  on  disposait  alors,  renverser  des  pans 
de  murs  d'une  épaisseur  considérable,  faire  pen- 
cher ces  tours  dont  toute  la  partie  inférieure  ne 
présente  qu'une  masse  de  maçonnerie.  Il  semble- 
rait que  la  poudre  à  canon  peut  seule  causer  des 
désordres  aussi  graves,  et  cependant  le  siège  pen- 
dant lequel  une  partie  considérable  de  ces  rem- 
parts a  été  renversé  est  antérieur  au  xii^  siècle, 
puisque,  sur  ces  débris,  on  voit  s'élever  des  cons- 
tructions identiques  avec  celles  du  Château,  ou 
datant  du  xiii«  siècle. 

A  peine  si  l'on  a  pris  soin  de  déblayer  les  ruines, 
car  on  remarque,  enclavés  dans  les  courtines  repri- 
ses au  xiii^  siècle,  d'énormes  pans  de  murs  renver- 
sés et  présentant  verticalement  les  lits  de  leurs 
assises  de  moellon  ou  de  brique.  Grâce  à  la  bonté 
des  mortiers,  ces  masses  renversées  ne  se  sont  point 
disjointes  et  sont  là  comme  des  rochers  sur  lesquels 
on  serait  venu  construire  de  nouveaux  murs. 

De  ce  côté,  les  courtines  et  les  tours  sont  très 
hautes  et  dominent  de  beaucoup  l'enceinte  exté- 
rieure élevée  sur  la  crête  de  l'escarpement. 

22.  Tour  du  Moulin  nu  Connétable.  —  Les  fon- 
dations Gallo-Romaines  sont  soutenues  par  des 
substructions    de    Saint   Louis.    Appareil   visigoth, 


72  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

avec  assises  alternées  de  briques,  jusqu'à  mi-hau- 
teur. Au-dessus,  construction  féodale  jusqu'au  cré- 
nelage  qui  a  été  rétabli  dans  le  style  du  xin'=  siècle. 
A  l'intérieur,  voûte  en  calotte  hémisphérique 
{comme  les  tours  de  la  Porte  du  Château)  suppor- 
tant le  premier  étage.  Cette  tour  a  été  utilisée 
comme  moulin  à  vent. 

23.  Tour  du  Vieulas.  —  Fondations  Gallo-Romai- 
nes  protégées  et  soutenues  par  les  travaux  de  Saint 
Louis.  Fortement  penchée  en  avant  à  suite  de  sape- 
ment, suivi  du  renversement  de  la  courtine,  au  siège 
de  12M.  Partie  supérieure  réédifiée  d'aplomb  au 
Xiii"  siècle. . 

24.  Tour  de  la  Marquière.  —  Inclinée  vers  la 
gauche  pour  la  même  cause  que  la  tour  23. 

Porte  de  Rodez,  entre  les  tours  24  et  25.  — 
Percée  dans  l'enceinte  des  Visigoths  au  xiP  siècle, 
et  réparée  au  xni^  C'est  la  porte  désignée  par  le 
Sénéchal  Guillaume  des  Ormes,  lors  du  siège  de 
1240,  sous  le  nom  de  «  Porte  de  Rodez  ».  Elle  ne 
présente  aucune  défense  particulière,  mais  devait 
être  précédée  d'un  ouvrage  avec  poterne  protégé 
par  la  Tour-Barbacane  Notre-Dame  n°  4. 

25.  Tour  de  Samson.  —  Reconstituée  en  partie 
dans  le  style  Visigoth  complet.  La  base  carrée  a 
été  réparée  au  moyen  âge.  Dans  l'angle  de  droite, 
au  bas  de  la  courtine  attenante,  traces  de  construc- 
tions difficiles  à  déterminer. 


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GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  73 

Remarque  :  Les  «  nierions  »  des  créneaux  sont 
pleins,  c'est-à-dire  dépourvus  de  meurtrières.  Les 
Visigoths  ne  connaissaient  pas  ce  moyen  de  défense 
inventé  par  les  féodaux. 

Du  côté  de  la  ville,  restant  d'ancien  logis. 

26.  Tour  du  Moulin  d'Avar.  —  Gallo-Romaine, 
réparée  au  xiii"  siècle.  A  servi  de  moulin  à  vent  au 
xix^  siècle. 

Dans  l'angle  nord-ouest  curieuse  Poterne  formée 
de  gros  blocs  de  pierre.  Probablement  une  des  por- 
tes latérales  du  Castellum  romain. 

Au-dessus  de  la  Poterne,  sur  le  crénelage  de  la 
Courtine,  on  voit  un  monte-charge  reconstitué. 

Courtine  entre  les  Tours  26  et  27.  —  Très  inté- 
ressante à  étudier.  On  distingue  nettement  sur  toute 
la  longueur  de  la  Courtine  et  à  des  hauteurs  varia- 
bles suivant  la  conformation  du  terrain,  la  ligne 
des  fondations  Gallo-Romaines  reposant  sur  des 
substructions  de  Saint  Louis. 

Vers  le  milieu  de  la  Courtine  est  visible  rempla- 
cement d'une  tour  Gallo-Romaine  démolie  à  suite 
d'un  siège,  probablement  celui  de  12^0. 

27.  Tour  de  la  Charpentière.  —  Base  Gallo- 
Romaine,  à  environ  deux  mètres  au-dessus  du  soi. 
soutenue  par  des  substructions  du  xiii"  siècle.  Son 
nom  provient  de  son  voisinage  avec  les  ateliers  ou 
dépôts  de  bois  destinés  aux  défenses. 

Courtine  entre  les  tours  27  et  28.  —  Construction 
Gallo-Romaine  soutenue  par  des  travaux  de  Saint 

10 


74  LA    CITÉ   DE    CARCASSONNE 

Louis.  Vers  le  milieu  de  la  Courtine  s'ouvre  une 
poterne  du  xiii®  siècle  donnant  accès  dans  les  fossés 
nord  du  Château.  A  la  place  de  cette  poterne  devait 
s'élever  une  tour  faisant  partie  de  l'enceinte  Gallo- 
Romaine. 

En  avant  de  la  tour  28,  un  mur,  avec  porte  et 
meurtrière,  couronné  par  une  plate-forme  créne- 
lée, ferme  les  abords  du  Château.  Du  haut  de  cette 
plate-forme,  facilement  accessible  à  l'aide  d'esca- 
liers en  pierre  placés  dans  l'angle  de  la  tour  28,  on 
découvre  un  splendide  panorama  embrassant  les 
formidables  défenses  du  Château  et  de  la  Porte 
d'Aude,  et  un  lumineux  paysage  borné,  à  l'horizon, 
par  les  cimes  dentelées  des  Pyrénées. 

Les  Tours  28  a  37  et  les  remparts  joignant  ces 
tours,  font  partie  des  défenses  du  château  du  côté 
de  la  rivière.  (Voir  description  p.  100,  La  Grande 
Caponnière,  Défenses  du  Château.) 

28.  Tour  de  la  Chapelle.  —  Reconstituée  dans  sa 
forme  Visigothique.  La  base  est  Gallo-Romaine  avec 
revêtement  du  xni^  siècle.  La  Chapelle  du  Château 
était  voisine  de  cette  tour. 

Courtine,  entre  les  tours  28  et  29.  —  Elle  paraît 
avoir  été  bâtie  au  xvi^  siècle,  par  le  Sénéchal,  en 
remplacement  de  la  courtine  Gallo-Romaine. 

29.  Tour  de  la  Poudre.  —  Construction  du  xiii" 
siècle  (Saint  Louis)  tenant  la  place  d'une  tour  de 
l'enceinte  primitive.  A  la  base  de  la  tour.  Porte 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  75 

ogivale,  murée  et  à  moitié  enfouie  dans  le  sol  des 
Lices. 

Courtine,  entre  les  tours  29  et  31.  —  Cette  partie 
des  fortifications  est  des  plus  intéressantes.  Les 
moyens  de  défense  y  sont  accumulés  pour  protéger 
l'entrée  du  Château  du  côté  de  la  rivière.  Une  belle 
échauguette  domine  les  murailles  transversales  et 
permet  de  découvrir  un  vaste  horizon.  (Voir  figure 
14,  p.  99). 

30.  Avant-Porte  du  Château.  —  Interceptait  le 
passage  des  assaillants  entre  le  Château  et  la 
Grande  Barbacane  N°  8.  L'espace,  clos  de  hautes 
murailles,  faisant  suite  à  l'avant-porte,  est  une  véri- 
table souricière  d'où  ne  pouvait  plus  sortir  l'enne- 
mi qui  aurait  pu  s'y  engager.  C'est  de  l'avant-porte 
que  descend  le  couloir  appelé  la  Grande  Capon- 
nière  (p.  100)  conduisant  à  la  Barbacane  8  entre 
deux  murs  crénelés. 

31.  Tour  Peinte  ou  Pinte.  —  Seule  tour  dans  la 
Cité  de  forme  carrée  ce  qui  l'a  fait  supposer  bâtie 
par  les  Arabes.  Bases  Gallo-Romaines  avec,  au- 
dessus,  appareillage  de  diverses  époques. 

Domine  toute  la  Cité  dont  elle  était  la  Guette 
principale.  Cette  tour,  sur  plan  barlong,  ne  pouvait 
contenir  et  ne  contenait  en  effet  qu'un  escalier  de 
bois,  car  elle  n'est  divisée,  dans  toute  sa  hauteur, 
par  aucune  voûte  ni  aucun  plancher.  Une  seule 
petite  fenêtre  romane,  percée  vers  la  moitié  de  sa 


76  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

hauteur,  s'ouvre  sur  la  campagne,  du  côté  de 
l'Aude.  Cette  tour  est  intacte;  on  voit  encore  son 
crénelage  supérieur  avec  les  trous  des  hourds  très 
rapprochés,  comme  pour  établir  une  galerie  exté- 
rieure saillante,  en  état  de  résister  aux  vents  terri- 
bles de  la  contrée. 

Courtine,  entre  les  tours  31  et  37.  —  Un  mur 
transversal,  surmonté  d'une  grande  ouverture  ogi- 
vale ferme  le  passage  des  Lices  en  cas  d'attaque  et 
défend  l'accès  du  Château  du  côté  de  la  Porte 
d'Aude.  Cette  défense  est  complétée  par  un  Châte- 
let  à  deux  étages,  surplombant  le  talus. 

Entre  le  mur  transversal  et  la  tour  37  est  une 
Poterne  du  xiii^  siècle,  murée,  communiquant  autre- 
fois avec  les  fossés  du  Château. 

Une  autre  Poterne,  aussi  murée,  très  relevée  au- 
dessus  de  V escarpement  et  qui  exigeait  l'emploi 
d'une  échelle,  se  trouve  dans  le  mur  extérieur,  pres- 
que sous  le  Châtelet. 

32.  Tour  Saint-Paul.  —  33.  Tours  de  la  Porte  du 
Château.  —  34.  Tour  des  Casernes.  —  35.  Tour  du 
Major.  —  36.  Tour  du  Degré. 

Ces  tours  entourent  le  Château  sur  trois  faces  : 
est,  sud  et  nord  et  sont  de  construction  féodale 
avec  crénelage  du  xiii"  siècle.  Elles  ont  le  même 
système  de  défense.  Mêmes  petites  salles  voûtées 
en  calottes  hémisphériques,  mêmes  dispositions  des 
crénelages,  des  meurtrières  et  hourds,  mêmes  com- 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  77 

binaisons  de  combles  pyramidaux.  Les  deux  tours 
d'angle  32  et  35  sont  les  seules  qui  contiennent  des 
escaliers  à  vis,  en  pierre.  Le  plan  de  ces  deux  tours 
est  fort  intéressant  à  étudier. 

37.  Tour  de  la  Justice.  —  Bâtie  sous  Saint  Louis 
à  la  place  d'une  tour  Gallo-Romaine  entre  deux 
courtines  de  cette  dernière  époque.  C'était  le  siège 
de  la  «  Justice  du  Roi  »  et  aussi  celui  du  «  Tribu- 
nal de  l'Inquisition  ».  La  belle  salle  du  premier 
étage  sert  actuellement  de  Poste  aux  Gardiens  des 
fortifications.  C'est  de  cette  tour  que  commence  la 
visite  des  remparts  supérieurs. 

Porte  de  l'Aude  (autrefois  Porte  de  Toulouse). 
Entre  les  tours  37  et  38.  —  Cette  porte  a  été  percée 
dans  la  muraille  des  Visigoths  au  xw  siècle.  On 
voit  encore,  à  l'extérieur,  l'arc  plein  cintre  qui 
paraît  appartenir  à  cette  époque  par  son  appareil 
et  la  nature  des  matériaux  employés  (1).  A  la  gauche 
de  cette  porte  il  existait,  sur  un  pan  de  mur  visi- 
goth,  un  bâtiment  contemporain  du  château,  c'est- 
à-dire  élevé  du  xi^  au  xii«  siècle.  Le  mur  extérieur 
de  ce  bâtiment  est  encore  percé  de  trois  petites 
fenêtres  jumelles  divisées  par  des  colonnettes  de 
marbre  avec  chapiteaux  sculptés. 

Une  longue  rampe  aboutissait  à  la  Grande  Bar- 
bacane  n°  8  et  était  battue  par  cette  barbacane; 
elle  s'élève  suivant  une  inclinaison  assez  roide,  et, 

(1)    Des    restaurations   malencontreuses    ont    fait    disparaître 
cet  arc.  (N.  des  E.). 


78  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

en  faisant  un  lacet,  conduit  à  une  première  porte, 
simple  barrière,  puis  à  une  seconde  porte  défendue 
par  un  crénelage  et  commandée  par  un  gros  ouvrage 
en  forme  de  traverse,  terminé,  à  la  hauteur  des 
chemins  de  ronde  de  l'enceinte  intérieure,  par  une 
plate-forme  et  des  merlons.  A  sa  base,  cette  traverse 
est  percée  d'une  porte  qui  donne  entrée  dans  les 
Lices  du  sud-ouest  (voir  Porte  du  Sénéchal,  p.  79). 

Il  faut  gravir,  en  dedans  de  l'enceinte  extérieure, 
une  rampe  assez  roide  (voir  Avant-Porte  de  l'Aude, 
p.  47).  Cette  rampe  est  battue  par  l'ouvrage  qui 
masque  la  Porte  de  l'Aude,  percée  dans  le  mur  de 
l'enceinte  intérieure. 

Cette  rampe  est  dominée  par  la  Tour  de  la  Jus- 
tice, n°  37,  et  par  une  Tour  Visigothe,  n°  38.  On 
arrive  ainsi  à  un  lacet  qui  oblige  l'arrivant  à  se 
détourner  brusquement  pour  atteindre  la  Porte  de 
l'Aude.  Bien  qu'il  n'y  ait,  devant  cette  porte,  ni 
fossé  ni  ponts  à  bascule,  il  n'était  point  facile  d'y 
arriver  malgré  les  gens  du  dedans  de  la  ville,  car 
l'espace  compris  entre  les  deux  enceintes  forme 
une  véritable  place  d'armes,  un  grand  châtelet, 
commandé  de  tous  côtés  par  des  ouvrages  formi- 
dables. De  plus,  les  Lices,  à  droite  et  à  gauche, 
étaient  fermées  par  des  portes.  On  observera  que  la 
porte  supérieure  est  percée  dans  un  angle  rentrant, 
ce  qui  a  permis  de  la  flanquer  très  puissamment, 
et  que  son  masque  forme  en  avant  un  petit  châte- 
let que  l'on  pouvait  fermer  complètement  en  temps 
de  guerre,  et  qui,  en  temps  de  paix,  était  précédé 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  79 

d'un  petit  poste  dont  on  aperçoit  encore  la  trace 
le  long  de  la  courtine.  De  cet  ouvrage,  les  rondes 
pouvaient  descendre  dans  les  Lices  du  sud-ouest, 
en  ouvrant  une  porte  percée  sur  le  flanc  du  parapet 
et  en  posant  des  planches  mobiles  sur  des  corbeaux 
engagés  dans  les  gros  contreforts  à  la  suite.  Ce 
moyen  de  sortie  ou  d'entrée  indique  assez  que  l'ou- 
vrage, en  avant  de  la  Porte  de  l'Aude,  était  absolu- 
ment fermé  en  temps  de  guerre. 

Porte  du  Sénéchal.  Entre  les  tours  37  et  38.  — 
En  se  dirigeant  de  la  Porte  d'Aude  vers  les  Lices 
du  sud-ouest,  on  laisse  bientôt  les  dernières  traces 
des  constructions  Visigothes  et  l'on  atteint  le  sail- 
lant bâti  par  Philippe  le  Hardi,  en  dehors  des  ter- 
rains de  l'Evêché  (fîg.  16).  Ayant  passé  la  porte 
percée  dans  la  traverse  de  commandement  et  que 
nous  croyons  être  la  Porte  dite  du  Sénéchal  (voir 
Porte  d'Aude,  p.  77),  on  aperçoit  la  Tour  Visigolhe 
n°  38,  puis  la  Tour  39,  dite  de  l'Inquisition. 

38.  Tour  Visigothe.  — La  base  de  cette  tour  est 
semblable  dans  tous  ses  détails  à  la  Tour  28. 

Courtine,  entre  les  tours  38  et  39.  —  On  voit  dis- 
tinctement que  cette  muraille  est  formée  de  deux 
genres  de  constructions  bien  différentes  :  Gallo- 
Romaine  du  côté  de  la  Tour  38  et  xiii«  siècle  vers 
la  tour  39.  C'est  de  la  ligne  séparative  de  ces  deux 
constructions  que  partait  l'enceinte  Gallo-Romaine 
démolie  par  Philippe  le  Hardi  pour  former  l'im- 


80  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

portant   saillant   actuel   du   sud-ouest   (voir   Plan 
Général,  fig.  16). 

39.  Tour  de  l'Inquisition.  —  Dans  laquelle  nous 
avons  trouvé  un  cachot  avec  pilier  central  garni  de 
chaînes. 

Courtine,  entre  les  tours  39  et  M.  —  Les  cour- 
tines qui  font  partie  du  saillant  bâti  par  Philippe 
le  Hardi  (voir  p.  19),  sont  munies  de  belles  meur- 
trières percées  sous  des  arcades  avec  bancs  ;  meur- 
trières qui  battent  les  Lices  et  les  chemins  de  ronde 
de  l'enceinte  extérieure. 

Un  fait  curieux  donne  la  date  certaine  de  cette 
partie  de  l'enceinte  qui  enveloppait  l'Evêché.  En 
août  1280  à  Paris,  le  roi  Philippe  le  Hardi  permit  à 
Isar,  alors  évêque  de  Carcassonne,  de  pratiquer  qua- 
tre fenêtres  grillées  dans  la  courtine  adossée  à  l'Evê- 
ché, après  avoir  pris  l'avis  du  Sénéchal,  et  sous  la 
condition  expresse  que  ces  fenêtres  seraient  murées 
en  temps  de  guerre,  sauf  à  pouvoir  les  rouvrir,  la 
guerre  terminée.  Le  roi  s'obligeait  à  faire,  à  ses 
dépens,  les  égouts  pour  l'écoulement  des  eaux  de 
l'Evêché,  à  travers  la  muraille  (voir  Tour  12,  p.  49), 
et  à  l'évêque  était  réservée  la  jouissance  des  étages 
de  la  tour  dite  de  l'Evêque  (tour  carrée  n°  11,  à 
cheval  sur  les  deux  enceintes),  jusqu'au  crénelage, 
sans  préjudice  des  autres  droits  du  prélat  sur  le 
reste  des  murailles  de  la  ville.  Or,  ces  quatre  fenê- 
tres n'ont  point  été  ouvertes  après  coup,  elles  ont 
été  bâties  en  élevant  la  courtine,  et  elles  existent 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  81 

encore  entre  les  tours  n°^  39,  11  et  40;   donc  ces 
courtines  et  tours  datent  de  1280. 

40.  Tour  de  Cahusac.  —  Présente  une  disposi- 
tion curieuse.  Le  chemin  de  ronde  tourne  à  l'en- 
tour,  et  est  couvert  par  un  portique. 

41.  Tour  Miprade,  de  Prade  ou  du  Coin.  —  Bâtie 
sur  l'angle  terminant  le  saillant  occidental  de  la 
Cité,  faisant  face  à  l'Aude. 

Elle  contient  deux  étages  voûtés  et  deux  étages 
entre  planchers,  elle  est  munie  d'une  cheminée  et 
d'un  four.  La  seule  porte  donnant  entrée  dans  cette 
tour,  qui  n'interrompt  pas  le  chemin  de  ronde,  est 
percée  du  côté  de  l'est  et  était  fermée  par  des 
verrous  et  une  barre  rentrant  dans  la  muraille. 
Comme  aux  autres  tours  de  cette  partie  de  l'en- 
ceinte, le  dernier  merlon  des  courtines  s'élève  au 
point  de  jonction  avec  la  tour,  là  où  sont  percées 
les  portes  et  le  dernier  créneau  était  également 
muni  de  volets  sur  rouleaux  (voir  p.  31),  afin  de 
protéger  les  entrants  ou  les  sortants  ou  les  faction- 
naires postés  aux  entrées  des  tours.  Presque  tou- 
jours il  faut  monter  quelques  marches  pour  passer 
des  courtines  dans  les  tours,  et  alors  le  crénelage 
suit  la  montée. 

42.  Tour  du  Moulin.  —  Ainsi  nommée  parce 
qu'autrefois  son  étage  supérieur,  en  retraite  sur  le 
crénelage,  était  affecté  au  mécanisme  d'un  moulin 
à  vent. 

11 


82  LA    CITÉ   DE    CARCASSONNE 

Aux  pieds  de  cette  tour,  sur  l'emplacement  de 
l'ancien  cloître,  se  développe  la  scène  du  Théâtre 
de  la  Cité. 

43.  Tour  Saint-Nazaire  {voir  aussi  Tour  Crémade 
n°  15).  —  Cet  ouvrage,  sur  plan  carré,  est  encore 
un  des  plus  remarquables  de  la  Cité.  La  porte, 
percée  à  la  base  de  cette  tour  Saint-Nazaire,  et 
donnant  sur  les  Lices,  est  ouverte  de  côté,  masquée 
par  la  saillie  de  l'échauguette  d'angle,  et  le  seuil 
de  cette  ouverture  est  établi  à  plus  de  deux  mètres 
au-dessus  du  sol  des  Lices.  11  fallait  donc  poser  des 
échelles  ou  un  plan  incliné  en  bois  pour  entrer  et 
sortir. 

Dans  la  tour  elle-même  l'entrée  est  biaise,  et,  si 
de  l'extérieur  on  n'entre  par  la  porte  percée  sur 
le  flanc  Est  de  la  tour  qu'au  moyen  d'échelles  ou 
d'un  plancher  mobile,  on  ne  peut  franchir  la  seconde 
entrée  qu'en  se  détournant  à  angle  droit.  Cette 
porte  ne  pouvait  donc  servir  qu'aux  gens  de  pied. 
Chacune  des  deux  baies  est  munie  d'une  herse,  de 
mâchicoulis  et  de  vantaux.  Un  puits  dessert  les 
Lices  et  le  premier  étage,  qui  contient  en  outre  un 
four.  La  première  herse  était  manœuvrée  de  la 
salle  du  premier  étage,  la  deuxième  du  chemin  de 
ronde,  comme  à  la  Porte  Narbonnaise,  Le  crénelage 
supérieur  s'élève  sur  une  plate-forme  propre  à  rece- 
voir un  engin  de  défense  (mangonneau)  et  possède 
une  guette,  car  ce  point  est  un  des  plus  élevés  de 
la  Cité.  Le  crénelage  inférieur  (car  la  défense  de 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  83 

couronnement    est    double)    est    flanqué    par    des 
échauguettes  qui  montent  de  fond  (1). 

44.  Tour  Saint-Martin.  —  Cette  tour  semble  avoir 
été  élevée  à  proximité  de  la  tour  n°  43  à  dessein, 
pour  masquer  et  battre  la  poterne  à  très  petite 
portée.  Cette  tour  est  renforcée,  comme  les  tours 
41  et  42  et  comme  celles  de  la  Porte  Narbonnaise, 
par  un  bec  saillant  dont  nous  avons  expliqué  l'uti- 
lité. Elle  contient  deux  étages  voûtés,  deux  étages 
sous  plancher,  comme  la  tour  n"  41,  et  se  dégage 
au-dessus  du  chemin  de  ronde  qui  tourne  autour 
d'elle  du  côté  de  la  ville. 

Sur  le  mur  du  côté  de  la  ville,  traces  de  cons- 
tructions (voir  p.  29,  anciens  Logis). 

Restes  des  Remparts  Visigoths.  —  A  partir 
de  ce  point  de  l'enceinte  intérieure,  nous  voyons 
reparaître,  dans  les  parties  inférieures  des  cour- 
tines et  tours,  les  restes  des  remparts  visigoths  jus- 
qu'à la  tour  11°  53,  dite  de  Saint-Sernin,  à  côté  de 
la  Porte  Narbonnaise  (N"  20). 

Ainsi,  toute  cette  portion  de  l'enceinte  comprise 
entre  la  Tour  44  et  la  Porte-Narbonnaise  (n°  20), 
a  été  réparée  et  reconstruite  en  partie  par  Philippe 
le  Hardi  sur  l'enceinte  des  Visigoths,  qui  avait  été 
élevée  sur  les  remparts  romains.  Le  périmètre  de 
la  ville  antique  est  donc  donné  par  celui  de  la  ville 

(1)  Une  table  d'orientation,  placée  par  les  soins  du  Touring- 
Club,  occupe  aujourd'hui  la  plate-forme  de  cette  tour. 
(N.  des  E.). 


84  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

des  Visigoths,  puisque,  du  côté  du  midi  comme  du 
côté  du  nord,  nous  retrouvons  les  tracés  des  cons- 
tructions romaines  sous  les  ouvrages  dus  aux  Bar- 
bares. 

Courtine  entre  les  tours  H  et  45.  —  On  y  trouve 
une  poterne  qui  parait  être  l'ancienne  «  Porte  de 
Rodez  ».  Cette  porte  a  été  transformée  en  meur- 
trière au  XIII*  siècle. 

45.  Tours  des  Prisons.  —  46.  Tour  de  Castéra.  — 
Ces  deux  tours  sont,  comme  les  n°^  47,  49,  50,  52  et 
53,  bâties  sur  les  fondations  des  tours  primitives  et 
sont  d'un  diamètre  plus  faible  que  les  tours  du 
XIII*  siècle. 

Elles  ne  sont  pas  voûtées,  et  des  planchers  en 
bois  séparaient  leurs  étages,  au  nombre  de  deux 
seulement  et  établis  sur  le  massif  plein  de  la  maçon- 
nerie des  Visigoths.  Leurs  escaliers  à  vis  font  saillie 
à  l'intérieur  des  salles  et  sont  pris  à  leurs  dépens. 
Toutes  ces  tours  interrompent  la  circulation  sur 
le  chemin  de  ronde  des  courtines;  il  faut  les  tra- 
verser pour  communiquer  d'une  courtine  à  l'autre. 

47.  Tour  du  Plô.  —  Elle  présente  aussi,  sur  les 
Lices,  dans  sa  partie  inférieure,  des  restes  de  sou- 
bassements romains,  sur  lesquels  est  implantée  une 
tour  visigothe  couronnée  par  la  bâtisse  du  xiii* 
siècle. 

48.  Tour  de  Balthazar.  —  Seule,  la  tour  n°  48  a 
été  reconstruite  entièrement  par  Philippe  le  Hardi. 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  85 

Aussi  présente-t-elle  à  l'extérieur  un  bec  saillant, 
et  l'épaisseur  de  sa  construction  est  très  considé- 
rable. C'est  qu'elle  devait  s'élever  assez  haut  pour 
dominer  la  tour  n°  18  de  l'enceinte  extérieure,  tour 
dite  de  la  Vade  ou  du  Papegay,  sorte  de  donjon 
avancé  absolument  indépendant  et  qui  était  destiné 
à  battre  le  plateau  qui  s'étend  de  plain-pied,  en 
face  de  ce  front. 

Traces  apparentes  d'ancien  logis  sur  le  mur  côté 
ville. 

Dans  l'angle  de  droite  de  la  Courtine  joignant  la 
Tour  de  Balthazar  est  visible  une  poterne  facilitant 
la  communication  avec  la  Tour  de  la  Vade  n°  18. 

49.  Tour  de  Davejean  ou  de  Daréja.  —  La  tour 
n"  49,  est  bâtie  sur  une  substruction  romaine,  for- 
mée de  gros  blocs  de  pierre  parfaitement  jointifs, 
sans  mortier.  Le  soubassement  romain  portait  cer- 
tainement une  tour  carrée,  car  les  Visigoths  se  sont 
contentés  d'abattre  les  arêtes  saillantes  à  coups  de 
masse,  pour  arrondir  cette  construction  massive 
qui  ne  renferme  qu'un  blocage. 

En  examinant  les  constructions  surélevées  au  xiii« 
siècle,  on  voit  que  les  ingénieurs  ont  donné  à  la 
partie  cylindrique  (côté  extérieur)  une  forte  épais- 
seur, tandis  que  du  côté  de  la  ville,  là  où  la  tour 
est  fermée  par  un  pignon,  les  murs  n'ont  qu'une 
faible  épaisseur,  afin  d'obtenir  l'espace  vide  le  plus 
grand  possible  à  l'intérieur  pour  loger  les  postes. 


86  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

50.  Tour  Saint-Laurent.  —  De  construction  Gallo- 
Romaine,  réparée  au  xiii®  siècle. 

51.  Escalier  descendant  à  la  Poterne  de  la  Tour 
de  la  Peyre.  —  On  trouve  entre  les  tours  50  et  52, 
une  construction  saillante,  n°  51,  qui  contenait  un 
escalier  de  bois,  communiquant  à  de  vastes  sou- 
terrains dont  l'issue  extérieure  est  placée  à  côté  de 
la  tour  de  la  Peyi'e,  n°  19,  au  niveau  du  fond  du 
fossé  et  dont  deux  galeries  débouchaient  dans  les 
Lices.  Cette  poterne  de  la  Tour  de  la  Peyre  avait 
une  grande  importance,  car  elle  mettait  les  che- 
mins de  ronde  supérieurs  en  communication  directe, 
soit  avec  les  Lices,  soit  avec  les  dehors.  Aussi,  en 
arrière  de  la  poterne  donnant  dans  l'angle  de  la 
tour  19,  est  une  salle  voûtée,  souterraine,  vaste, 
pouvant  contenir  une  quarantaine  d'hommes  armés. 

Du  côté  de  la  ville  restes  apparents  d'ancien 
logis,  contre  le  mur  de  la  construction  saillante. 

52.  Tour  du  Trauquet.  —  Mêmes  dispositions  que 
les  tours  45,  46,  47,  49  et  50.  Traces  d'ancien  logis 
sur  le  mur  faisant  face  à  la  ville. 

53.  Tour  de  Saint-Sernin.  —  D'origine  Gallo- 
Romaine,  ornementée  d'une  rangée  de  briques  en 
forme  «  d'arêtes  de  poisson  ».  Formait  l'abside  de 
l'Eglise  paroissiale  de  Saint-Sernin,  démolie  vers 
1793.  Belle  fenêtre  ogivale  ouverte  au  xv«  siècle  en 
remplacement  de  la  baie  primitive.  Cette  abside, 
creusée  dans  la  circonférence  de  la  Tour  Gallo- 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  87 

Romaine,  et  tenant  compte  de  ce  fait  que  l'Eglise 
Saint-Sernin  était  la  plus  ancienne  de  la  Cité,  pour- 
rait avoir  été  la  Chapelle  du  Château  Narbonnais 
qui  s'élevait,  avant  le  xiii*  siècle,  à  la  place  des  tours 
de  la  Porte  Narbonnaise.  (Voir  p.  112,  Intérieur  de 
la  Cité,  Eglise  Saint-Sernin.) 


III.   —   LE    CHATEAU 

Il  est  bâti  sur  le  point  culminant  de  la  Cité.  Ce 
fut  probablement  sous  le  Vicomte  Aton  ou,  au  plus 
tard,  sous  Roger  III,  vers  1130,  que  le  Château  fut 
élevé. 

54.  Barbacane  Intérieure.  —  Lorsqu'on  arrive 
devant  le  Château,  dans  l'intérieur  de  la  Cité,  le 
premier  ouvrage  qui  se  présente  est  une  Barbacane 
bâtie  au  xiii''  siècle,  semi-circulaire,  crénelée  avec 
chemins  de  ronde  (voyez  le  plan  général,  fig.  16), 
et  dans  laquelle  est  percée  une  avant-porte.  Cette 
première  porte  n'était  défendue  que  par  des  meur- 
trières et  des  créneaux  garnis  de  doubles  volets, 
un  mâchicoulis  et  des  vantaux  de  bois.  C'est,  comme 
on  peut  le  voir,  une  charmante  construction,  bien 
faite  et  passablement  conservée. 

L'étage  supérieur  de  la  porte  était  ouvert  du 
côté  du  Château,  afin  d'empêcher  les  assaillants 
qui  s'en  seraient  rendus  maîtres  de  se  défendre 
contre  la  garnison  renfermée  dans  le  Château. 


88  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Le  Château.  —  Les  tours  du  Château,  par  leur 
construction  et  les  quelques  sculptures  qui  déco- 
rent les  chapiteaux  des  colonnettes  de  marbre  ser- 
vant de  meneaux  aux  fenêtres  géminées,  visibles 
dans  la  cour  intérieure,  appartiennent  certaine- 
ment à  la  première  moitié  du  xn*  siècle.  En  parcou- 
rant l'enceinte  intérieure  de  la  Cité,  ainsi  que  le 
Château,  on  peut  facilement  reconnaître  les  parties 
des  bâtisses  qui  datent  de  cette  époque;  leurs  pare- 
ments sont  élevés  en  grès  jaunâtre  et  par  assises  de 
0  m.  15  à  0  m.  30  de  largeur,  et  grossièrement  appa- 
reillés. 

Un  large  «  fossé  »  protège  trois  des  fronts  de 
cette  citadelle,  le  quatrième  donnant  sur  les  escar- 
pements faisant  face  à  l'Aude. 

Un  pont,  reconstruit  en  partie  à  une  époque  assez 
récente,  donnait  accès  à  la  seule  Porte  du  Château 
sur  le  front  faisant  face  à  la  ville.  Les  piles  de  ce 
pont  datent  du  xm*  siècle,  et  les  deux  dernières, 
proches  l'entrée,  sont  disposées  de  telle  façon  qu'un 
plancher  mobile  en  bois  devait  s'y  appuyer. 

L'assaillant  trouvait  un  premier  obstacle  formé 
d'une  barrière  de  bois  couverte  d'un  appentis.  Cet 
obstacle  détruit,  supposant  le  plancher  mobile 
enlevé,  il  avait  à  franchir  un  fossé  d'une  largeur 
de  2  mètres  pour  arriver  à  la  première  herse  défen- 
due par  un  mâchicoulis.  Derrière  cette  herse  est 
une  porte  de  bois,  un  second  mâchicoulis,  une 
seconde  herse  et  une  seconde  porte.  La  première 
herse  se  manœuvrait  du  deuxième  étage.  La  deu- 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  89 

xième  lierse  était  servie  dans  une  petite  chambre 
disposée  immédiatement  au-dessus   du  passage. 

Tours  d'entrée.  —  Les  deux  tours  qui  flanquent 
cette  Entrée  renferment  deux  étages  voûtés  en 
calotte  hémisphérique,  et  percés  de  meurtrières; 
les  deux  étages  supérieurs  sont  séparés  par  un  plan- 
cher. Ces  deux  étages  supérieurs  mettent,  sans  murs 
de  refend,  les  deux  tours  en  communication  avec  le 
dessus  du  passage.  On  ne  pouvait  arriver  à  ces 
étages  que  par  un  escalier  de  bois  disposé  contre 
la  paroi  plate  de  la  porte,  du  côté  de  la  cour  ou 
par  les  chemins  de  ronde  des  courtines.  Les  salles 
voûtées  ne  sont  éclairées  que  par  les  meurtrières. 
Le  troisième  étage  prend  jour  sur  la  cour  par  une 
charmante  fenêtre  romane  à  doubles  cintres  posés 
sur  une  colonnette  de  marbre  avec  chapiteau 
sculpté,  et  par  une  très  petite  ouverture  donnant 
latéralement  au-dessus  de  l'entrée  à  l'extérieur. 
Cette  dernière  fenêtre  était  percée  pour  permettre 
aux  assiégés  qui  servaient  la  première  herse  de  voir 
ce  qui  se  passait  à  l'entrée  et  de  prendre  leurs 
dispositions  en  conséquence,  sans  se  démasquer. 

Bien  que  les  tours  affectent  la  forme  cylindrique 
à  l'extérieur,  à  l'intérieur  les  parements  des  étages 
supérieurs  sont  à  pans  coupés.  Cette  construction 
était  évidemment  faite  pour  faciliter  l'établissement 
de  la  charpente  des  combles.  Il  est  beaucoup  plus 
facile  de  tailler  et  de  poser  une  charpente  en  pavil- 
lon sur  un  plan  polygonal  que  sur  un  plan  circu- 


90  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

laire;  le  plan  circulaire  exige  pour  les  sablières  des 
bois  courbes,  pour  la  pose  des  chevrons  des  assem- 
blages compliqués.  A  la  fin  du  xi^  siècle  on  ne  devait 
pas  être  fort  habile  dans  ces  sortes  de  construc- 
tions, qui,  un  siècle  et  demi  plus  tard,  étaient  arri- 
vées à  un  degré  de  perfection  remarquable;  aussi 
ne  doit-on  pas  s'étonner  de  voir  cette  forme  de 
charpentes  pyramidales  adoptée  pour  toutes  les 
tours  primitives  du  Château.  Les  constructeurs 
rachetaient  les  différences  de  saillies  produites  par 
la  forme  circulaire  du  parement  extérieur  par  des 
coyaux. 

Du  deuxième  étage  on  communique  au  premier 
au  moyen  d'une  trappe  ouverte  dans  la  voûte 
hémisphérique.  Cette  trappe,  percée  derrière  la 
petite  fenêtre  qui  permet  de  guetter  l'entrée,  était 
destinée  à  transmettre  des  ordres  aux  gens  qui  ser- 
vaient la  deuxième  herse  dans  la  petite  salle  du 
premier  étage,  soit  pour  faire  tomber  rapidement 
cette  herse  en  cas  d'attaque,  soit  pour  la  lever 
lorsqu'un  corps  rentrait;  car  on  observera  que  les 
servants  de  la  deuxième  herse  ne  peuvent  voir  ce 
qui  se  passe  à  l'extérieur  que  par  une  meurtrière 
très  étroite,  ou  par  le  mâchicoulis  ouvert  devant 
cette  deuxième  herse. 

Dans  cet  ouvrage  de  défense  si  complet  et  dont 
nous  donnons  les  coupes  figure  12,  C,  p.  91),  tout  est 
disposé  pour  que  le  commandement  puisse  venir 
du  haut,  là  où  les  moyens  de  défense  les  plus  effi- 
caces étaient  déployés,  et  là,  par  conséquent,  où 


Fig.  12. 
Coupe  des  Tours  d'Entrée  du  Château. 


92  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

devait  se  tenir  le  Capitaine  de  la  tour  au  moment 
de  l'attaque.  Nos  vaisseaux  de  guerre"  avec  leurs 
écoutilles,  leurs  porte-voix  et  leurs  batteries  basses, 
peuvent  donner  une  idée  des  moyens  de  transmis- 
sion du  commandement  alors  en  usage  dans  les 
ouvrages  de  fortification  (1). 

Couronnement  des  Murailles.  —  Hourds  saillants. 
—  Tous  les  couronnements  des  murailles  et  des 
tours  du  Château  élevé  vers  le  commencement  du 
xii^  siècle  étaient  défendus  en  temps  de  guerre  par 
des  hourds  très  saillants,  car  on  remarquera  que 
les  trous  par  lesquels  passaient  les  pièces  de  bois 
en  bascule  portant  ces  hourds,  sont  doubles,  percés 
à  0  m,  60  environ  l'un  au-dessus  de  l'autre,  afin  de 
soulager  la  portée  des  pièces  supérieures  recevant 
le  plancher  par  des  corbelets  et  des  liens  de  char- 
pente. La  pose  de  ces  hourds  devait  être  moins 
expéditive  que  celle  des  hourds  du  xiii®  siècle  portés 
par  de  fortes  solives  en  bascule.  Toutefois  elle  pou- 
vait se  faire  sans  trop  de  difficulté  en  supposant 
les  liens  assemblés  par  embrèvement,  sans  tenons 
ni  mortaises,  ce  qui,  du  reste,  eût  été  inutile,  puis- 
que les  pièces  de  bois  traversant  les  murs  étaient 
parfaitement  fixes  et  ne  pouvaient  dévier  ni  à  droite 
ni  à  gauche.  Un  charpentier  (fig.  13,  p.  95),  à  cheval 

(1)  Dans  la  figure  12,  la  coupe  transversale  est  tracée  en  A. 
En  I  est  l'extrémité  du  pont  fixe;  en  B,  le  fossé  couvert  par 
un  pont  volant;  en  C,  la  première  herse  avec  son  treuil  en  E; 
en  D,  la  deuxième  herse  avec  son  treuil  en  F;  en  G,  les  trous 
des  hourds.  En  H  est  tracée  la  coupe  longitudinale  sur  le  passage 
et  les  salles  voûtées. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  93 

sur  la  solive  horizontale  supérieure,  adossé  à  la 
muraille,  pouvait  assembler  le  lien  par  le  côté  à 
coups  de  maillet,  en  ayant  le  soin  de  le  retenir 
préalablement  à  l'aide  d'un  bout  de  corde  (1). 

Les  trous  des  solives  dans  les  crénelages  du  Châ- 
teau, étant  plus  petits  que  ceux  des  constructions 
datant  du  xiii^  siècle,  expliquent  ce  surcroît  de  pré- 
cautions, destiné  à  empêcher  les  bois  en  bascule  de 
fléchir  à  leur  extrémité.  On  observera  encore  que 
les  créneaux  du  Château  sont  hauts  (2  mètres), 
c'est  que  le  plancher  des  hourds  était  posé  à  la 
base  même  de  ces  créneaux,  au  lieu  d'être,  comme 
au  xiiv  siècle,  posé  à  0  m.  30  au-dessus  du  sol  de 
chemin  de  ronde.  Il  fallait  donc  passer  par  ces 
créneaux  comme  par  autant  de  portes  et  leur  don- 
ner une  hauteur  suffisante  pour  que  les  défenseurs 
pussent  se  tenir  debout  dans  les  galeries  des  hourds. 

Linteaux  en  béton.  —  Nous  ne  devons  pas  passer 
sous  silence  un  fait  très  curieux  touchant  l'histoire 

(1)  Du  chemin  de  ronde,  les  charpentiers  faisaient  couler  par 
le  trou  inférieur  une  première  pièce  A,  puis  une  seconde  pièce 
B,  en  bascule.  L'ouvrier,  passant  par  le  créneau,  se  mettait  à 
cheval  sur  cette  seconde  pièce  B,  ainsi  que  l'indique  le  détail 
perspectif  B',  puis  faisait  entrer  le  lien  C  dans  son  embrève- 
ment.  La  tête  de  ce  lien  était  réunie  à  la  pièce  B  par  une 
cheville;  un  potelet  D,  entré  de  force  par  derrière,  roidissait 
tout  le  système.  Là-dessus,  posant  des  plats-bords,  il  était  facile 
de  monter  les  doubles  poteaux  E  entre  lesquels  on  glissait  les 
madriers  servant  de  garde  antérieure,  puis  on  assujettissait  la 
toiture  qui  couvrait  le  hourd  et  le  chemin  de  ronde,  afin  de 
mettre  les  défenseurs  à  l'abri  des  projectiles  lancés  à  toute 
volée.  Des  entailles  G,  ménagées  entre  les  madriers,  permet- 
taient de  viser. 


94  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

de  la  construction.  La  plupart  des  portes  et  fenêtres 
des  tours  du  Château,  du  côté  de  la  cour,  sont  cou- 
ronnées par  des  linteaux  en  béton.  Ces  pierres  fac- 
tices ont  beaucoup  mieux  résisté  aux  agents  atmos- 
phériques que  les  pierres  de  grès;  elles  sont  compo- 
sées d'un  mortier  parfaitement  dur,  mêlé  de  cail- 
loux concassés  de  la  grosseur  d'un  œuf,  et  ont  dû 
être  façonnées  dans  des  caisses  de  bois.  Après  avoir 
observé  en  place  quelques-uns  de  ces  linteaux,  mon 
attention  ayant  été  éveillée,  j'ai  retrouvé  une  assez 
grande  quantité  de  ces  blocs  de  béton  dans  les  res- 
taurations extérieures  des  murailles  des  Visigoths 
entreprises  au  xii«  siècle.  Il  semblerait  que  les  cons- 
tructeurs de  cette  dernière  époque,  lorsqu'ils 
avaient  besoin  de  matériaux  résistants  d'une  grande 
dimension  relative,  aient  employé  ce  procédé  qui 
leur  a  parfaitement  réussi;  car  aucun  de  ces  lin- 
teaux ne  s'est  brisé,  comme  il  arriva  fréquemment 
aux  linteaux  de  pierre. 

Intérieur  du  Château.  —  Après  avoir  franchi  la 
Porte  du  Château,  on  entre  dans  une  cour  spa- 
cieuse, entourée  aujourd'hui  de  constructions  mo- 
dernes qui  ont  été  accolées  aux  courtines  et  tours. 
Ces  constructions  ont  été  élevées  sur  l'emplacement 
de  portiques  datant  du  xiw  siècle  et  dont  on  re- 
trouve toutes  les  amorces.  Des  traces  d'incendie 
sont  apparentes  sur  les  parements  des  construc- 
tions du  XII*  siècle,  et  font  supposer  que  ces  por- 
tiques ont  remplacé  des  constructions  de  bois  gar- 


I h 


Fig.   13. 
La  Pose  des  hourds. 


%  LA    CITÉ   DE    CARCASSONNE 

nissant  l'intérieur  de  la  cour  avant  les  restaura- 
tions entreprises  par  Louis  IX  et  Philippe  le  Hardi. 
Du  côté  de  l'est  et  du  nord  les  murailles  n'étaient 
doublées  que  par  un  simple  portique. 

Du  côté  sud,  s'élève  un  bâtiment  dont  toute  la 
partie  inférieure  date  du  xn"  siècle  et  la  partie  su- 
périeure de  la  fin  du  xii^  avec  remaniement  au  xv^ 
Ce  bâtiment  contenait,  à  rez-de-chaussée,  des  cui- 
sines voûtées  en  berceau  tiers^point,  avec  une  belle 
porte  plein  cintre  ouverte  dans  le  pignon.  Il  sépare 
la  grande  cour  d'une  seconde  cour  donnant  du  côté 
du  sud  et  fermée  par  une  forte  courtine  du  xii*  siè- 
cle, complètement  restaurée  au  xur. 

A  cette  courtine  était  accolée  une  construction 
présentant  un  très  large  portique  à  rez-de-chaussée, 
avec  salle  au  premier  étage.  On  voit  encore  en 
place,  le  long  de  la  courtine,  tous  les  corbeaux  de 
pierre  qui  supportaient  le  plancher  de  cette  salle, 
une  belle  cheminée  dont  les  profils  et  les  sculptures 
appartiennent  à  l'époque  de  Saint  Louis;  et,  à 
l'angle  de  la  tour  carrée  n°  31,  dite  tour  Peinte 
(p.  75),  l'amorce  des  piles  du  portique  inférieur. 
Une  grande  fenêtre  carrée  à  meneaux  éclairait  du 
côté  sud,  vers  Saint-Nazaire,  la  grande  salle  du 
premier  étage.  Cette  fenêtre  est  élevée  au-dessus 
du  plancher  intérieur,  et  la  disposition  du  plafond 
qui  fermait  l'ébrasement  est  telle,  que  les  projec- 
tiles lancés  du  dehors  ne  pouvaient  pénétrer  dans 
la  salle.  A  l'angle  sud-ouest  du  Château  s'élèvent 
d'énormes  constructions,  sortes  de  donjons  ou  ré- 


VII 


l'Iu.t.    M, .Ici    Jnr.h. 


La  grande   échauguette   du   Château. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  97 

duits,  indépendants  les  uns  des  autres,  qui  com- 
mandaient les  cours  et  les  dehors.  La  plus  élevée, 
mais  la  plus  étendue  de  ces  bâtisses,  est  la  tour 
dite  Peinte,  n°  31. 

Front  ouest  du  Château.  —  Mais  c'est  sur  le  front 
ouest  que  l'étude  du  Château  de  la  Cité  est  parti- 
culièrement intéressante.  Le  côté  occidental  est 
celui  qui  regarde  la  campagne  et  qui  fait  face  à 
la  grosse  Barbacane  n°  8,  bâtie  au  bas  de  l'escar- 
pement. 

Pour  bien  faire  comprendre  les  dispositions  très 
compliquées  de  cette  partie  du  Château  il  faut  que 
nous  descendions  à  cette  Barbacane  et  que  sucessi- 
vement  nous  passions  par  tous  les  détours  si  ingé- 
nieusement combinés  pour  rendre  impossible 
l'accès  du  Château  à  une  troupe  armée. 

Grande  Barbacane  extérieure  du  Château  (n°  8). 
—  Malheureusement  la  Barbacane  fut  démolie  en 
1816  pour  bâtir  une  usine  le  long  de  l'Aude  (Usine  de 
l'Ile).  Cette  destruction  est  à  jamais  regrettable, 
car,  au  dire  de  ceux  qui  ont  vu  ce  bel  ouvrage,  il 
produisait  un  grand  effet  et  était  élevé  en  beaux 
matériaux.  C'était  une  importante  défense,  com- 
muniquant avec  le  Château,  par  des  rampes  for- 
tifiées très  habilement  conçues  au  point  de  vue  de 
la  défense  de  la  place.  Je  n'ai  pu  retrouver,  en 
fouillant  assez  profondément,  que  ses  fondations  et 
ses  premières  assises,  ce  qui  permettait  seulement 

13 


98  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

de  reconnaître  exactement  et  sa  place  et  son  dia- 
mètre. 

Traces  du  pourtour  de  la  Barbacane  8,  visibles 
sur  le  sol  de  la  Place  Saint-Gimer,  au  pied  de  la 
Cité. 

La  Barbacane  avait  été  élevée  très  probablement 
sous  Saint  Louis,  comme  la  plupart  des  adjonctions 
et  restaurations  faites  au  Château.  Elle  était  percée 
de  deux  rangs  de  meurtrières  et  était  couronnée 
par  un  chemin  de  ronde  crénelé  avec  hourds.  Elle 
n'était  point  couverte,  sa  grande  étendue  ne  le  per- 
mettant guère,  mais  devait  posséder  à  l'intérieur 
des  galeries  de  bois  facilitant  l'accès  aux  meur- 
trières, et  formant  un  abri  pour  les  défenseurs. 

La  porte  était  percée  dans  l'angle  rentrant,  côté 
du  nord,  sur  le  flanc  de  la  Grande  Caponnière  qui 
monte  à  la  Cité  (fîg.  14)  en  B'  (1). 

Un  plan  de  la  Cité  et  de  la  Ville  de  Carcassonne, 
relevé  en  1774,  antérieurement  par  conséquent  à 
la  destruction  de  la  Barbacane,  mentionne,  dans  la 
légende,  un  grand  souterrain  existant  sous  le  bou- 
levard de  la  Barbacane,  mais  depuis  longtemps 
comblé.  Je  n'ai  pu  retrouver  la  trace  de  cette  cons- 
truction, à  l'existence  de  laquelle  je  ne  crois  guère. 
Si  ce  souterrain  a  jamais  existé,  il  devait  établir 

(1)  Notre  figure  14  fait  voir  en  C  la  Barbacane  du  côté  de  la 
ville  avec  sa  porte  en  A';  en  Oi  la  Porte  du  Château;  en  L,  la 
grande  cour;  en  P,  le  logis  contenant  les  cuisines,  en  M,  la 
deuxième  cour  avec  le  portique  N  sur  lequel  est  établie  la 
grande  salle;  en  Q  et  R,  les  logis,  donjons;  en  D,  la  grande 
Barbacane  extérieure  et  en  X  et  Y  les  tours  du  xii*  siècle. 


COTÉ  DE 


lA  MLLK. 


Fig.    14. 
Plan  Général  des  Défenses  du  Château, 


100  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

une  communication  entre  la  Barbacane  et  le  mou- 
lin fortifié  dit  du  Roi,  afin  de  permettre  à  la  gar- 
nison du  Château  d'arriver  à  couvert  jusqu'à  la 
rivière. 

La  Grande  Caponnière  et  Défenses  du  Château. 
—  Cette  Caponnière  ou  montée,  fortifiée  des  deux 
côtés,  est  assez  étroite  à  sa  base  près  de  la  Barba- 
cane. Elle  s'élargit  en  E  jusqu'au  point  où,  formant 
un  coude,  elle  se  dirige  perpendiculairement  au 
front  du  Château,  afin  d'être  enfilée  par  les  assiégés 
postés  sur  les  chemins  de  ronde  de  la  double  en- 
ceinte ou  dans  le  Château  même;  puis,  ayant 
atteint  le  pied  de  l'enceinte,  la  Caponnière  se  dé- 
tourne en  E'  à  droite,  longe  cette  enceinte  du  nord 
au  sud,  pour  atteindre  une  première  porte  dont  il 
ne  reste  que  les  pieds-droits.  Ces  rampes  E  sont 
crénelées  à  droite  et  à  gauche.  Leur  montée  est 
coupée  par  des  parapets  chevauchés.  En  F  était  un 
mur  de  garde  en  avant  de  la  première  porte;  ayant 
franchi  cette  première  porte,  on  devait  longer  un 
deuxième  mur  de  garde,  passer  par  une  barrière, 
se  détourner  brusquement  à  gauche,  et  se  présen- 
ter devant  une  deuxième  porte  G,  en  étant  battu 
de  flanc  par  les  gens  de  la  deuxième  enceinte. 
Alors  on  se  trouvait  devant  un  ouvrage  considé- 
rable et  bien  défendu;  c'est  un  couloir  long,  sur- 
monté de  deux  étages,  sous  lesquels  il  fallait  passer. 

Le  premier  de  ces  étages  battait  la  porte  G  et 
était  percé  de  mâchicoulis  s'ouvrant  sur  le  pas- 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  101 

sage;  le  deuxième  étage  était  en  communication 
avec  les  crénelages  supérieurs,  battant  soit  la 
rampe,  soit  l'espace  G.  Le  plancher  du  premier 
étage  ne  communiquait  avec  les  Lices  que  par  une 
porte  étroite.  Si  l'ennemi  parvenait  à  occuper  cet 
étage,  il  était  pris  comme  dans  une  souricière,  car, 
la  petite  porte  fermée  sur  lui,  il  se  trouvait  exposé 
aux  projectiles  tombant  des  mâchicoulis  du  deu- 
xième étage;  et  l'extrémité  du  plancher  de  ce  pre- 
mier étage  étant  interrompue  en  H,  du  côté  opposé 
à  l'entrée,  il  était  impossible  à  cet  assaillant 
d'avancer.  S'il  parvenait  à  franchir  sans  encombre 
le  couloir  à  rez-de-chaussée,  il  était  arrêté  par  la 
porte  H,  percée  dans  une  traverse  couronnée  par 
les  mâchicoulis  du  troisième  étage,  communiquant 
avec  les  chemins  de  ronde  supérieurs  du  Château. 
Si,  par  impossible,  les  assiégeants  s'emparaient  du 
deuxième  étage,  ils  ne  trouvaient  d'autre  issue 
qu'une  petite  porte  latérale  donnant  dans  une  salle 
établie  sur  des  arcs,  en  dehors  du  Château,  et  ne 
communiquant  avec  l'intérieur  que  par  des  détours 
qu'il  était  facile  de  barricader  en  un  instant  et  qui 
d'ailleurs  étaient  fermés  par  des  vantaux.  Si, 
malgré  tous  ces  obstacles  accumulés,  les  assié- 
geants forçaient  la  troisième  porte  H,  il  leur 
fallait  alors  attaquer  la  poterne  I  du  Château,  pro- 
tégée par  un  système  de  défense  formidable:  des 
meurtrières,  deux  mâchicoulis  placés  l'un  au- 
dessus  de  l'autre,  un  pont  avec  plancher  mobile, 
une  herse  et  des  vantaux.  Se  fût-on  emparé  de  cette 


102  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

porte,  qu'on  se  trouvait  à  7  mètres  en  contre-bas 
de  la  Cour  intérieure  L,  à  laquelle  on  n'arrivait 
que  par  des  degrés  étroits,  défendus,  et  en  passant 
à  travers  plusieurs  portes  en  K. 

En  supposant  que  l'attaque  fût  poussée  par  les 
Lices  du  côté  de  la  Porte  de  l'Aude,  on  était  arrêté 
par  un  poste  T  et  par  une  porte  avec  ouvrages  de 
bois  et  un  double  mâchicoulis  percé  dans  le  plan- 
cher d'un  étage  supérieur  communiquant  avec  la 
grande  salle  sur  N  du  Château,  au  moyen  d'un 
passage  de  charpente  qui  pouvait  être  détruit  en 
un  instant;  de  sorte  qu'en  s'emparant  de  cet  étage 
supérieur  on  n'avait  rien  fait  (voir  Courtine  entre 
31  et  37). 

Si  après  avoir  franchi  l'ouvrage  T,  on  poussait 
plus  loin  sur  le  chemin  de  ronde,  le  long  de  la  tour 
carrée  S,  on  rencontrait  bientôt  une  garde  avec 
porte  bien  munie  de  mâchicoulis  et  bâtie  perpen- 
diculairement au  couloir  G  H.  Après  cette  porte, 
c'était  une  troisième  porte  étroite  et  basse  percée 
dans  la  grosse  traverse  Z  qu'il  fallait  franchir; 
puis,  on  arrivait  à  la  poterne  I  du  Château. 

Si,  au  contraire,  l'assaillant  se  présentait  du  côté 
opposé  par  les  Lices  du  nord,  il  était  arrêté  par 
une  défense  V,  mais  de  ce  côté  l'attaque  ne  pouvait 
être  tentée,  car  c'est  le  point  de  la  Cité  qui  est  le 
mieux  défendu  par  la  nature.  La  grosse  traverse  Z 
qui,  partant  de  la  courtine  du  Château,  s'avance  à 
angle  droit  jusque  sur  la  montée  de  la  grande  Bar- 
bacane  extérieure,  était  couronnée  par  des  mâchi- 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  103 

coulis  transversaux  qui  commandaient  la  porte  H 
et  par  une  échauguelte  crénelée  qui  permettait  de 
voir  ce  qui  se  passait  dans  la  Caponnière,  afin  de 
prendre  les  dispositions  intérieures  nécessaires,  ou 
de  reconnaître  les  corps  amis. 

Cette  partie  des  fortifications  de  la  Cité  de  Car- 
cassonne  est  certainement  la  plus  intéressùnte. 
C'est  en  examinant  scrupuleusement  les  moindres 
traces  des  constructions  encore  existantes,  que  l'on 
a  pu  reconstituer  ce  bel  ouvrage.  Je  dois  dire,  tou- 
tefois, que  peu  de  points  restent  vagues  et  que  le 
système  de  la  défense  ne  présente  pas  de  doutes. 
Il  s'accorde  parfaitement  avec  les  dispositions  na- 
turelles du  terrain,  et  les  vestiges  sont  encore  pleins 
de  fragments  qui  donnent  non  seulement  la  dispo- 
sition des  constructions  de  pierre,  mais  encore  les 
attaches,  prises  et  scellements  des  constructions  de 
bois,  des  planchers  et  gardes. 

Une  vue  cavalière  du  Château  et  de  la  Barba- 
cane  restaurés,  que  nous  donnons  ci-après  (fîg.  15), 
présente  l'ensemble  de  ces  ouvrages. 

IV.   —    ÉGLISE    DE    SAINT-NAZAIRE 

ANCIENNE     CATHÉDRALE 

Cette  église  se  compose  d'une  nef  dont  la  cons- 
truction remonte  à  la  fin  du  xi«  siècle  ou  au  com- 
mencement du  xir,  et  d'un  transept  avec  abside  et 
chapelles,  datant  du  commencement  du  xiv*  siècle. 

Du    côté    sud-ouest,   la    muraille    des    Visigoths 


104  LA    CITÉ   DE    CARCASSONNE 

venait  longer  la  façade  ouest  de  l'église  cathédrale 
de  Saint-Nazaire  (fig.  16).  Cette  façade,  élevée, 
comme  nous  l'avons  dit,  à  la  fin  du  xi«  siècle  ou  au 
commencement  du  xii%  n'est  qu'un  mur  fort  épais 
sans  ouverture  dans  la  partie  inférieure.  Elle  do- 
minait l'enceinte  Visigothe  et  augmentait  sa  force 
sur  ce  point  attaquable.  Son  couronnement  consis- 
tait en  un  crénelage  dont  nous  avons  retrouvé  les 
traces  et  que  nous  avons  pu  rétablir  dans  son  inté- 
grité. 

Les  fortifications  de  Philippe  le  Hardi  laissèrent 
entre  elles  et  cette  façade  (fig.  16)  un  large  espace 
et  la  défense  supérieure  de  la  façade  de  Saint- 
Nazaire  demeura  sans  objet  puisqu'elle  ne  com- 
mandait plus  les  dehors. 

En  1096,  le  pape  Urbain  II  vint  à  Carcassonne 
pour  rétablir  la  paix  entre  Bernard  Aton  et  les 
bourgeois  qui  s'étaient  révoltés  contre  lui  et  il  bénit 
l'église  cathédrale  (Saint-Nazaire),  ainsi  que  les 
matériaux  préparés  pour  l'achever.  C'est  à  cette 
époque  en  effet  que  l'on  peut  faire  remonter  la 
construction  de  la  nef  de  cette  église. 

Nous  n'entreprendrons  pas  une  discussion  sur 
les  édifices  qui  ont  pu  précéder  l'église  que  nous 
voyons  aujourd'hui,  et  dont  les  parties  les  plus  an- 
ciennes ne  remontent  pas  au  delà  de  l'année  1090. 
Nous  n'essayerons  pas  davantage  de  pénétrer  les 
motifs  qui  firent  reconstruire  le  sanctuaire,  le  tran- 
sept et  les  chapelles  au  commencement  du 
xiV  siècle,  les  documents  historiques  faisant  abso- 


?>5^ 


Fig.  15. 

Vue  cavalière 
Château    et    de    la    Barbacane    (8)    restaurés 

14 


106  LA    CITÉ   DE    CARCASSONNE 

lument  défaut.  Mais,  ce  qui  est  certain,  c'est  que 
ces  constructions  du  xiv^  siècle  ont  été  relevées  sur 
les  fondations  romanes  retrouvées  partout,  et  no- 
tamment dans  la  Crypte  du  xi«  siècle  que  nous  avons 
découverte  sous  le  sanctuaire,  en  1857,  et  qui  fut 
alors  déblayée.  Seules,  les  voûtes  de  cette  crypte 
avaient  été  détruites  pour  abaisser  le  sol  de  ce  sanc- 
tuaire au  xiv^  siècle.  Elles  ont  été  remplacées  par 
un  plafond  de  pierre  qui  laisse  apercevoir  les 
anciennes  piles  et  les  murs  percés  de  petites  baies. 

La  nef  romane  présente  une  disposition  qui  a  été 
adoptée  assez  fréquemment  dans  les  églises  pro- 
vençales et  du  bas  Languedoc.  La  voûte  centrale, 
en  berceau  avec  arcs-doubleaux,  est  contre-butée 
par  les  voûtes  également  en  berceau,  couvrant  les 
collatéraux  très  étroits.  Cette  nef  n'est  donc  éclai- 
rée que  par  les  fenêtres  des  murs  latéraux. 

Une  porte  plein  cintre,  datant  du  commencement 
du  xii«  siècle,  s'ouvre  dans  le  bas-côté  nord;  car 
autrefois  la  façade  occidentale  de  la  nef,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit  précédemment,  était  voisine  des 
remparts  et  contribuait  à  leur  défense.  Sa  base  était 
seulement  percée  d'une  très  petite  porte  qui  s'ou- 
vrait dans  un  couloir  dont  on  aperçoit  les  amorces. 

Vers  1260  fut  accolée  au  flanc  sud  du  transept 
roman,  une  chapelle  dont  le  sol  est  au  niveau  du 
pavé  de  l'ancien  cloître,  c'est-à-dire  à  2  mètres 
environ  au-dessous  du  sol  de  l'église.  Cette  chapelle 
renferme  le  tombeau  de  Vévêque  Radulphe,  dont 
l'inscription  donne  la  date  de  1266,  comme  étant 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  107 

celle  de  la  mort  du  prélat.  C'est  sur  les  instances 
de  cet  évêque  que  les  habitants  des  faubourgs  de 
la  Cité,  proscrits  à  la  suite  du  siège  entrepris  par 
le  vicomte  Raymond  de  Trencavel,  furent  autorisés 
à  rebâtir  leur  ville  de  l'autre  côté  de  l'Aude.  Ce 
tombeau  est  un  monument  fort  intéressant,  bien 
que  la  figure  du  personnage,  traitée  en  bas-relief, 
soit  médiocre;  le  simulacre  du  sarcophage  qui  la 
porte  donne  une  série  de  figurines  d'une  conserva- 
tion parfaite,  représentant  les  chanoines  de  la 
Cathédrale  dans  leur  costume  de  chœur.  Ce  sou- 
bassement est  intact,  car  le  sol  de  la  chapelle  ayant 
été  relevé  au  niveau  de  celui  du  transept,  les  par- 
ties inférieures  du  monument  sont  restées  enterrées 
pendant  des  siècles  et  ont  été  ainsi  préservées  des 
mutilations. 

Le  chœur,  le  transept  et  les  chapelles  de  la  Cathé- 
drale ont  été  élevés  sous  l'épiscopat  de  Pierre  de 
Roquefort,  de  1300  à  1320.  Le  plan  roman  a  été 
suivi  dans  la  construction  de  cette  partie  de  l'église, 
et  c'est  pourquoi  les  deux  bras  de  ce  transept  pré- 
sentent une  disposition  originale  qui  appartient  seu- 
lement à  quelques  édifices  de  l'école  romane  du 
Midi,  antérieure  au  xiir  siècle. 

En  effet,  sur  chacun  de  ces  bras  de  la  croix  s'ou- 
vrent trois  chapelles  orientées,  séparées  seulement 
par  des  claires-voies  au-dessus  d'une  arcature  de 
soubassement  aveugle.  Quatre  des  piliers  qui  for- 
ment la  séparation  de  ces  chapelles  sont  cylindri- 

14* 


108  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

ques  comme  pour  rappeler  ceux  de  la  nef  du  xii' 
siècle. 

L'évêque  Pierre  de  Roquefort  sembla  vouloir 
faire  de  sa  Cathédrale  de  Saint-Nazaire,  si  modeste 
comme  étendue,  un  chef-d'œuvre  d'élégance  et  de 
richesse.  Contrairement  à  ce  que  nous  voyons  à 
Narbonne,  où  la  sculpture  fait  complètement  défaut, 
l'ornementation  est  prodiguée  dans  l'église  de  Saint- 
Nazaire.  Les  verrières,  immenses  et  nombreuses 
(car  ce  chevet  et  ce  transept  semblent  une  véritable 
lanterne),  sont  de  la  plus  grande  magnificence 
comme  composition  et  couleur.  Le  sanctuaire,  dont 
les  piliers  sont  décorés  des  statues  des  Apôtres,  était 
entièrement  peint. 

Les  deux  chapelles  latérales  de  l'extrémité  de 
la  nef,  au  nord  et  au  sud,  ne  furent  probablement 
élevées  qu'après  la  mort  de  Pierre  de  Roquefort, 
car  elles  ne  se  relient  point  au  transept  comme 
construction,  et,  dans  l'une  d'elles,  celle  du  nord, 
est  placé,  non  pas  après  coup,  le  tombeau  de  cet 
évêque,  l'un  des  plus  gracieux  monuments  du  xiv^ 
siècle  que  nous  connaissions. 

Les  grands  vents  du  sud-est  et  de  l'ouest  qui 
régnent  à  Carcassonne  avaient  fait  ouvrir  la  porte 
principale  sur  le  flanc  nord  de  la  nef  romane;  une 
autre  porte  est  percée  dans  le  pignon  du  bras  de 
croix  nord;  et  dans  l'angle  de  ce  bras  de  croix  est 
un  joli  escalier  en  forme  de  tourelle  saillante.  Des 
deux  côtés  du  sanctuaire,  entre  les  contre-forts, 
sont  disposés  deux  petits  sacraires  qui  ne  s'élèvent 


GUIDE   TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  109 

que  jusqu'au-dessous  de  l'appui  des  fenêtres.  Ces 
sacraires  sont  munis  d'armoires  doubles,  fortement 
ferrées  et  prises  aux  dépens  de  l'épaisseur  des  murs. 
Ils  servaient  de  trésors,  car  il  était  l'usage  de  pla- 
cer, des  deux  côtés  du  maître  autel  des  églises  abba- 
tiales ou  cathédrales,  des  armoires  destinées  à  ren- 
fermer les  vases  sacrés,  les  reliquaires  et  tous  les 
objets  précieux. 

Outre  les  tombeaux  des  évêques  Radulphe  et 
Pierre  de  Roquefort  on  voit,  sur  les  parois  du  sanc- 
tuaire, côté  de  l'évangile,  un  beau  tombeau  en  albâ- 
tre d'un  évêque  dont  la  statue  est  couchée  sur  un 
sarcophage  et  que  l'on  dit  être  Simon  Vigor,  arche- 
vêque de  Narbonne,  mort  à  Carcassonne  en  1575. 
Ce  tombeau  et  la  statue  datant  du  xiv«  siècle  ne 
peuvent,  par  conséquent,  être  attribués  à  ce  prélat. 
Nous  signalerons  une  autre  erreur.  On  a  placé  dans 
l'église  de  Saint-Nazaire  une  dalle  funéraire  que 
l'on  donne  comme  ayant  appartenu  au  tombeau 
du  fameux  Simon  de  Montfort.  D'abord  le  tombeau 
de  Simon  de  Montfort  fut  élevé  près  de  Montfort- 
l'Amaury,  dans  l'église  de  l'abbaye  des  Hautes- 
Bruyères,  et,  s'il  y  eut  jamais  à  Carcassonne  un 
monument  dressé  à  sa  mémoire,  après  la  levée  du 
siège  de  Toulouse,  ce  ne  pourrait  être  une  dalle 
funéraire.  Puis  la  gravure  de  cette  dalle,  l'inscrip- 
tion, sont  tracées  par  un  faussaire  ignorant  et  inha- 
bile. Toutefois,  cette  dalle  ayant  été  retrouvée,  dit- 
on,  sans  qu'on  ait  su  exactement  où  et  comment,  et 


110  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

donnée  à  l'église  de  Saint-Nazaire,  nous  n'avons  pas 
cru  devoir  la  rejeter. 

On  voit,  incrusté  dans  la  muraille  de  la  chapelle 
de  droite,  un  fragment  d'un  bas-relief  d'un  intérêt 
plus  sérieux  en  ce  qu'il  présente  l'attaque  d'une 
place  forte.  Ce  fragment,  quoique  d'un  travail  très- 
grossier,  date  de  la  première  moitié  du  xiw  siècle. 
L'assaillant  essaye  de  forcer  les  Lices  d'une  ville 
entourée  de  murailles,  et  les  assiégés  font  jouer  un 
mangonneau.  On  a  cru  voir  dans  ce  bas-relief  une 
représentation  de  la  mort  de  Simon  de  Montfort, 
tué  devant  les  murs  de  Toulouse  par  la  pierre  d'un 
engin  servi  par  des  femmes,  sur  la  place  de  Saint- 
Sernin.  L'hypothèse  n'a  rien  d'invraisemblable,  ce 
bas-relief  datant  de  l'époque  de  ce  siège,  et  des 
anges  enlevant  dans  les  airs  l'âme  d'un  personnage, 
sous  la  forme  humaine,  qui  peut  bien  être  celle  de 
Simon  de  Montfort. 

Parmi  les  plus  belles  verrières  qui  décorent  les 
fenêtres  de  la  Cathédrale  de  Saint-Nazaire,  il  faut 
citer  celle  de  la  première  chapelle  près  du  sanc- 
tuaire, côté  de  l'épître,  et  qui  représente  le  Christ 
en  croix,  avec  la  tentation  d'Adam,  des  prophètes 
tenant  des  phylactères  sur  lesquels  sont  écrites  les 
prophéties  relatives  à  la  venue  et  à  la  mort  du 
Messie.  Ce  vitrail,  comme  entente  de  l'harmonie  des 
tons,  est  un  des  plus  remarquables  du  xiv®  siècle. 
Toutes  les  autres  verrières  à  sujets  légendaires 
datent  de  cette  époque.  Mais  dans  le  sanctuaire,  il 
existe    deux   fenêtres   garnies,   au   xvi®   siècle,    de 


FiG.  16.  —  Plan  général  de  la  Cité. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  111 

vitraux  d'une  grande  valeur  qui  appartiennent  à 
la  belle  Ecole  Toulousaine  de  la  Renaissance.  Les 
grisailles  sont  modernes  et  ont  été  fabriquées  à 
l'aide  des  fragments  anciens  qui  existaient  encore. 
Les  vitraux  des  deux  roses  et  des  deux  chapelles  de 
la  nef  sont  anciens  et  ont  été  simplement  restaurés 
avec  le  plus  grand  soin. 

La  sacristie,  jointe  à  la  chapelle  de  l'évêque 
Radulphe,  a  été  construite  en  même  temps  que  cette 
chapelle,  puis  réparée  au  xv^  siècle. 

L'ÉvÈCHÉ.  —  Le  Cloître 

Quant  aux  bâtiments  de  l'Evêché,  ils  sont  com- 
plètement rasés;  il  n'en  est  pas  de  même  du  cloître 
de  l'église  Saint-Nazaire,  dont  les  fondations  ont 
été  retrouvées.  Ces  fondations,  et  un  mur  de  ce 
cloître,  conservé  avec  les  piles  engagées  et  les  for- 
merets  des  voûtes,  se  rapportent  aux  tracés  des 
vieux  plans  de  la  Cité,  dans  lesquels  ce  cloître  et 
ses  dépendances  sont  indiqués.  Cette  construction 
date  de  l'époque  de  Saint  Louis.  (Voir  Escalier  du 
Cloître,  page  21). 

V.    —    INTÉRIEUR    DE    LA    CITÉ 

Il  n'existe  plus,  dans  l'intérieur  de  la  Cité,  que 
quelques  débris  des  rnaisons  anciennes  et  trois 
puits.  L'un  large,  avec  belle  margelle  surmontée  de 
trois  piliers,  margelle  et  piliers  qui  datent  du  xiv^ 


112  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

siècle.  Ce  puits  a  été  creusé  dans  le  roc  dès  une 
époque  très  ancienne  (le  Grands  Puits),  l'autre, 
beaucoup  plus  étroit,  dont  la  margelle  date  du  xv^ 
siècle  (le  Puits  du  Plô),  le  troisième,  dans  le  cloître 
de  Saint-Nazaire  (aujourd'hui  comblé).  Il  devait 
exister  des  Citernes  dans  la  Cité,  car  ces  trois  puits 
et  ceux  établis  dans  quelques-unes  des  tours,  ainsi 
qu'on  l'a  vu,  ne  pouvaient  suffire  aux  besoins  de  la 
garnison  et  des  habitants.  Une  seule  de  ces  citernes 
a  été  découverte  par  nous;  elle  est  creusée  sous  la 
montée  de  la  porte  de  l'Aude,  entre  les  deux  encein- 
tes. On  y  descend  par  un  escalier,  pratiqué  dans 
l'épaisseur  du  mur  de  la  première  enceinte,  et  on 
pouvait  puiser  l'eau  qu'elle  contenait  par  un  regard 
avec  margelle  que  l'on  voit  le  long  de  ce  mur  en 
montant  à  la  porte  de  l'Aude.  Cette  citerne  est 
aujourd'hui  comblée  en  partie:  elle  devait  être  ali- 
mentée par  les  eaux  de  pluies  recueillies  entre  la 
porte  de  l'Aude  et  le  cloître  de  Saint-Nazaire,  et 
peut-être  par  une  source  qui  aujourd'hui  ne  donne 
que  très  peu  d'eau  (voir  Avant-Porte  de  l'Aude, 
page  47). 

Une  petite  église  existait  le  long  des  murailles, 
près  de  la  Porte  Narbonnaise;  c'était  l'église  de 
Saint-Sernin,  dont  la  tour  n°  53  formait  l'abside. 
Au  xv  siècle,  une  fenêtre  à  meneaux  fut  ouverte 
dans  cette  abside,  à  travers  la  maçonnerie  Visi- 
gothe.  L'église  fut  démolie  pendant  le  dernier 
siècle;  elle  était  de  construction  romane  (voir  Tour 
Saint-Sernin,  n°  53), 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  113 


CONCLUSIONS 

Cette  description  sommaire  de  la  Cité  de  Car- 
cassonne  peut  faire  comprendre  l'importance  de 
ces  restes,  l'intérêt  qu'ils  présentent  et  combien  il 
importait  de  ne  pas  les  laisser  périr.  L'église  de 
Saint-Nazaire  a  été  complètement  restaurée  par 
les  soins  de  la  Commission  des  monuments  histo- 
riques. Ces  travaux,  entrepris  en  1844,  n'ont  été 
terminés  qu'en  1860.  Toutes  les  tours  de  l'enceinte 
intérieure,  découvertes  depuis  un  grand  nombre 
d'années,  et  particulièrement  celles  qui  sont  voû- 
tées, avaient  beaucoup  souffert  des  intempéries  de 
l'atmosphère.  Longtemps  ces  ruines  ont  été  aban- 
données aux  habitants  de  la  Cité,  qui  ne  se  fai- 
saient pas  faute  d'enlever  les  matériaux  des  para- 
pets et  des  chemins  de  ronde  à  leur  portée,  et  de  se 
servir  des  tours  comme  de  dépôts  d'immondices. 
La  circulation,  sur  le  chemin  de  ronde,  était  très 
difficile.  Sur  le  front  sud,  un  grand  nombre  de 
maisons  et  de  baraques  s'adossaient  aux  remparts. 
Ces  maisons,  qui  composent  ce  qu'on  appelle 
encore  aujourd'hui  le  quartier  des  Lices,  sont  occu- 
pées par  une  population  pauvre  de  tisserands  qui 
vivent  dans  des  rez-de-chaussée  humides,  pêle- 
mêle  avec  des  animaux  domestiques  (1). 

(1)  Toutes  ces  maisons  sont  aujourd'hui  démolies.  Les  Lices, 
ainsi  dégagées  et  aplanies,  offrent  une  promenade  des  plus 
intéressantes.  (N.  des  E.). 


114  LA    CITÉ    DE    CARCASSONNE 

Depuis  1855,  des  travaux  de  restauration,  et  prin- 
cipalement de  consolidation  et  de  couverture  des 
tours,  ont  été  entrepris  dans  la  Cité  de  Carcassonne 
sous  la  direction  supérieure  de  la  Commission  des 
monuments  historiques. 

Chaque  année,  depuis  cette  époque,  des  crédits 
sont  ouverts  pour  restaurer  les  parties  de  l'enceinte 
qui  souffrent  le  plus  et  qui  présentent  le  plus  d'inté- 
rêt. La  plupart  des  tours  de  l'enceinte  intérieure 
sont  couvertes  comme  elles  l'étaient  jadis.  Des  pans 
de  murs  qui  menaçaient  ruine,  particulièrement 
du  côté  de  la  Porte  de  l'Aude,  ont  été  remontés  et 
consolidés,  les  chemins  de  ronde  sont  praticables. 
De  leur  côté,  l'administration  de  la  guerre,  le  Con- 
seil général  de  l'Aude  et  la  Ville  de  Carcassonne 
accordent  des  crédits  qui  sont  spécialement  affectés 
aux  acquisitions  des  maisons  adossées  encore  aux 
remparts. 

Bien  que  les  crédits  disponibles  soient  faibles 
chaque  année,  cependant  le  résultat  obtenu  est  con- 
sidérable et  les  nombreux  étrangers  qui  visitent 
aujourd'hui  la  Cité  de  Carcassonne  peuvent  se  faire 
une  idée  exacte  du  système  de  défense  employé 
dans  les  fortifications  des  diverses  époques  du 
moyen  âge. 

Je  ne  sache  pas  qu'il  existe  nulle  part  en  Europe 
un  ensemble  aussi  complet  et  aussi  formidable  de 
défenses  des  VI\  XIP  et  XIIP  siècles,  un  sujet  d'étude 
aussi  intéressant,  et  une  situation  plus  pittoresque. 


GUIDE    TOPOGRAPHIQUE    DU    VISITEUR  115 

Tous  ceux  qui  tiennent  à  nos  anciens  monuments, 
qui  aiment  et  connaissent  l'histoire  de  notre  pays, 
désirent  voir  achever  cette  restauration,  et  déjà, 
dans  le  Midi,  la  Cité  de  Carcassonne,  à  peine  visitée 
autrefois,  est  devenue  le  point  d'arrêt  de  tous  les 
voyageurs. 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS 
HORS -TEXTE 


I.  Vue  générale  de  l'Ouest.  Les  deux  ponts  sur  l'Aude.  9 

II.  Vue  générale  du  nord 17 

III.  Les    défenses   de    la   porte    d'Aude 33 

IV.  La  Porte  Narbonnaise.  Entrée  principale   de   l'est.  .  41 
V.  La  porte  de  l'Aude.  Entrée  principale  de  l'ouest.  .  73 

VI.  Entrée  principale  du  château 81 

VII.  La  grande  échauguette  du  château 97 

VIII.  Eglise   Saint-Nazaire   105 


LUnion  Typobsapkique,  Villeheuvf-S'-Gforoes. 


DOCUMENTS     D'ART 

Collection  d'ouvrages  d'amateur  in-^"  (i8  X  24) 
comportant  un  texte  et  un  album  de  planches 
en  portefeuille.  La  série  se  vend  également 
reliée  demi-chagrin,  tète  dorée,  moyennant  un 
supplément  de  5o  fr.  par  volume. 

MUSÉE  DU  LOUVRE 

Le  Mobilier  Français,  par  Carie  Dreyfus,  conservateur- 
adjoint  au  Musée  du  Louvre. 

L  Epoques  de  Louis  XIV  et  de  Louis  XV,  41  planches. 

IL  Epoque  de  Louis  XVI,  5i  planches. 

Les    deux   albums    ensemble. 120  fr. 

Les   Objets  d'Art  du   XVIII^    siècle,   par    Carie    Dreyfus, 

conservateur-adjoint  au  Musée  du  Louvre. 

L  Epoque  de  Louis  XV,  aS  planches. 

II.  Epoque  de  Louis  XVI,  41  planches. 

Les    deux   albums    ensemble 90  fr. 

La  Céramique  Française,  par  M'"'  M.-J.  Ballot,  attachée  au 

Musée  du  Louvre. 

I.  Bernard  Palissy  et  les  fabriques  du  XVI'  siècle. 

Un  album  de  48  plancbes,  dont  25  en  couleurs,  et  46  pages  de 
texte. 

IL  Nevers,  Rouen  et  les  fabriques  des  XVII'  et  XVIII°  siècles. 

Un  album  de  48  planches,  dont  36  en  couleurs,  et  52  pages  de 
texte. 

Les    deux   albums    ensemble 200  f r. 

La  Céramique  Chinoise,  par  J.-J.  Marquet  de  Yasselot, 
conservateur-adjoint  et  M"*  M.-J.  Ballot,  attachée  au 
Musée  du  Louvre. 

Deux  albums   de  planches  et  texte,  avec  les  fac-similés   exacts 
des  marques  des  potiers  et  des  fabriques. 

I.  De  l'époque  des  Han  à  l'époque  des  Ming  (206   avant  J.-C- 
i643). 

Un  album  de  40  planches,  dont  28  en  couleurs. 
II.  De  l'époque  de  K'ang-Hi  à  nos  Jours  (1662-igii). 

Un  album  de  44  planches,  dont  32  en  couleurs. 

Les    deux   albums    ensemble 200  fr. 

L'Art  Chinois.  Sculptures,  Bronzes,  Orfèvrerie,  Fer,  Peinture, 
par  Gaston  Migeon,  directeur  honoraire  des  Musées 
Nationaux. 

Un  album  de  58  planches,  dont  6  en  couleurs,  et   40  pages   de 
texte     90  fr. 


L'Orient  Musulman,  par  Gaston  Migeox,  directeur  honoraire 
des  Musées  Nationaux. 
I.  Sculptures  de  pierre  et  de  bois,   ivoires,  af'mes,   bronzes  et 

cuivres,  tapis  et  tissus,  miniatures. 

Un  album  de  52  planches,  dont  6  en  couleurs. 
II.  Cristaux  de  roche,  verres  émaillés,  céramiques. 

Un  album  de   51    planches,   dont  20  en   couleurs. 

Les    deux   albums    ensemble 200  fr. 

La  Céramique  Japonaise,  par  M"*  M.-J.  Ballot,  attachée  au 
Musée  du  Louvre. 

Un  album  de  46  planches,  dont  12  en  couleurs 100  fr. 

L'Estampe  Japonaise,  par  Gaston  Migeon,  directeur  honoraire 
des  Musées  Nationaux. 
I.  XVir  et  XVIII'  siècles. 

Un  album  de  36  planches  dont  13  en  couleurs. 
II.  XVIIP  et  XIX'  siècles. 

Un  album  de  39  planches,  dont  23  en  couleurs. 

Les    deux   albums    ensemble 180  fr. 

L'Art  Japonais.  Sculpture  de  bois,  peintures,  laques,  poteries, 
armes  et  étuifi,  bronzes,  gardes  de  sabre,  par  Gaston 
MiGEON,  directeur  honoraire  des  Musées  Nationaux. 

Un  album  de  60  planches,  dont  7  en  couleurs 90  fr. 

Antiquités  Orientales.  Sumer,  Babylonie,  Elarn,  par  J. 
COxNTENAU,  attaché   au  Musée    du  Louvre. 

Un   album   de   54  planches 70  fr. 

Les  Primitifs  français,  par  Charles  Terrasse. 

Un  album  de  40  planches  avec  texte 60  fr. 

Les  Pastels  du  XV IP  et  du  XV IIP  siècle,  par  P.  Ratouis 
DE  LiMAV,  archiviste  au  Ministère  des  Beaux-Arts. 

Un  album  de  60  planches,  dont  12  en  couleurs 100  fr. 

Les  Dessins  de  Michel-Ange,  par  Louis  Demoxts. 

Un  album  de  18  planches,  avec  catalogue  raisonné 30  fr. 

Les  Dessins  de  Léonard  de  Vinci,  par  Louis  Demonts. 

Un  album  de  26  planches,  avec  catalogue  raisonné....       35  fr. 

Les  Dessins  de  Claude  Gellée,  dit  Le  Lorrain,  par  Louis 
Demonts. 

Un  album  de   56  planches,  avec  catalogue   descriptif  . .       70  fr. 

Dessins  italiens  du  XVII'  siècle,  par  Gabriel  Rouchès. 

Un  album  de  36  planches  et  20  pages  de  texte 50  fr. 

Prud'hon,  peintures,  pastels  et  dessins,  par  Jean  Guiffrey, 
conservateur  au  Musée  du  Louvre. 

Un   album   de   47   planches 70  fr, 

ÉDITIONS      ALBERT      MORANGÉ 


DOCUMENTS 

ET    SOUVENIRS 

Le  Théâtre  de  la  rue,  par  Paul  Ginisty. 

Un  album  in-d»  (18X24)  de  64  pages  de  texte  et  24  planches, 
dont    1    en    couleurs,    en    portefeuille 50  fr. 

Le  Théâtre  romantique,  par  Paui>  Ginisty. 

Un  album  in-4o  (18X24)  de  50  pages  de  texte  historique,  et  de 
46  planches  documentaires,  dont  6  en  couleurs,  sous  élégant  porte- 
feuille           75  fr. 

Le  Berry  de  George  Sand.  par  Aurore  S  and. 

Un  volume  in-4o  (18X24)  de  192  pages  de  texte,  illustré  de 
10  dessins  dans  le  texte  et  12  hors-texte  en  héliotypie,  broché  sous 
couverture   romantique    50  fr. 

Il  a  été  tiré  25  exemplaires  sur  hollande  Van  Gelder. .     150  fr. 

Louis  XV  intime,  par  Claude  Saint- André. 

Un  bel  album  in-4»  (18x24)  de  72  pages  de  texte,  décorées  de 
bandeaux  et  culs-de-lampe,  et  40  planches  en  héliotypie,  dont 
7   en   couleurs,   sous    portefeuille    de   luxe 75  fr. 

L' Impératrice  Eugénie,  par  Lacour-Gayet,  Membre  de 
l'Institut. 

Un  bel  album  in-4o  (18x24)  de  104  pages  de  texte  et  40  planches 

en  héliotypie,  dont  1  en  couleurs,  sous  portefeuille  de  luxe.      75  fr. 

Il  a  été  tiré  25  exemplaires  sur  hollande  Van  Gelder. .     150  fr. 

Le  Palais  du  Louvre,  par  Henri  Verne,  Directem*  des 
Musées  Nationaux  et  de  l'Ecole  du  Louvre. 

I.  —  Comment  il  a  grandi  de  Philippe-Auguste  à  Louis  XIV. 

II.  —  Comment  l'ont  terminé  Louis  XIV,   Napoléon  /"''  et 

Napoléon  III. 

Deux  albums  in-4»  (18x24  de  92  pages  de  texte  et  86  planches, 
dont  11  en  couleurs,  présentés  sous  portefeuilles  de  luxe.     130  fr. 

ÉDITIONS      ALBERT      MORANGÉ 


ARCHIVES  DE  L'AMATEUR 

Collection   d'ouvrages    de   bibliothèque 

in-4°  (18,5  X  23,5)   comportant  un  texte 

important  documentaire  ou  historique, 

illustré  de  planches  en  héliotypie 

Georges  Jacob,   Ébéniste  français   du   XVI  11^    siècle   (1739- 

i8i4)  pfii'  Hector  Lefuel. 

Un  volume  de  424  pages,  illustré  de  24  hors-texte  et  de  marcrues, 
poinçons  et  plans  dans  le  texte 75  fr. 

F.-H.-G.  Jacob-Desmalter,  Ébéniste  de  Napoléon  P''  et  de 
Louis  XVIII,  par  Hector  Lefuel. 

Un  volume  de  462  pages,  illustré  de  24  hors-texte  en  héliotypie 
et  de  marques  de  châteaux  et  palais 75  fr. 

Les  Meubles  du  XVI IP  siècle,  par  Henri  Glouzot,  conser- 
vateur du  Musée  Galliéra. 

Un  volume  de  234  pages  de  texte,  20  planches  de  tableaux  gra- 
phiques, 39  planches  de  meubles  et  4  hors-texte,  avec  répertoire 
des   ébénistes   du   temps \ 50  fr. 

La  Miniature  sur  Émail  en  France,  par  Henri  Clouzot. 

Un  volume  de  228  pages  de  texte  et  12  illustrations 75  fr. 

Dictionnaire  des  Miniaturistes  sur  Émail  (i63o-i83o),  par 
Henri  Clouzot. 

Un  volume  de  xx-244  pages,  avec  un  frontispice  en  couleurs  et 
12    planches    hors-texte 75  fr. 

Il  a  été  tiré  10  ex.  sur  hollande  Van  Gelder,  numérotés  de  1 
à    10     200  fr. 

Abraham  Bosse  et  la  Société  Française  au  XVIP  siècle, 
par  André  Blum  docteur  es  lettres.  Préface  de  Gabriel 
Hanotaux  de   l'Académie   Française. 

Un  volume  de  xxvi-224  pages,  de  texte,  avec  24  planches  hors- 
texte     75  fr. 

Il  a  été  tiré  30  ex.  sur  hollande  Van  Gelder,  numérotés  de  1 
à    30     200  fr. 

Dictionnaire  des  Peintres  Miniaturistes  sur  vélin,  parchemin, 

ivoire  et  écaille,  par  J.-E.  Darmo". 

Un  volume  de  xxvi-124  pages,  illustré  de  17  reproductions  en 
héliotypie     35  fr. 


EDITIONS      ALBERT     MORANGE 

A     PARIS,     30     &     32.     RUE     DE     FLEURUS 


PEINTURE,   DESSINS 

La  Peinture  Française  :  Les  Primitifs,  par  Jean  Guiffkey, 
Pierre  Marcel  cl  Charles  Terrasse. 

Deux  séries  in-folio  (36,5x45)  de  chacun  deux  albums,  60  plan- 
ches, en  héliotypie  avec  texte,  en  carton.  Chaque  séi'ie,  en 
un    portefeuille     300  fr. 

La  Peinture  Française  :  Le  XVIII"  siècle,  par  Pierre 
Marcel. 

Deux  albums  in-folio  (36,5X45),  58  planches  en  héliotypie 
avec  texte,    en    un    portefeuille    •  •  •       300  fr. 

Inventaire  général  illustré  des  Dessins  du  Musée  du  Louvre 
et  du  Musée  de  Versailles,  Ecole  française,  par  Jean 
GuiFFREY,  Pierre  Marcel  ot  Gabriel  Rouchès. 

Douze  volumes  brochés  in-4°  (22,5X28),  illustrés  chacun  de  plus 
de  450  reproductions  en  héliotypie.  Les  volumes  I  à  X  sont  parus. 

Le  volume  I  est  en  réimpression.  ' 

Chaque    volume     125   fr. 

Musée  du  Louvre  :  Les  Dessins  de  Michel- A ng-e,  par  Louis 
Demonts,  Conservateur-adjoint  au  Musée   du  Lo  ivre. 

Un  album  (18X24)  de  18  planches  en  héliotypie  avec  texte,  en 
portefeuille    30  fr. 

Musée  du  Louvre  :  Les  Dessins  de  Léonard  de  Vinci,  par 
Louis  Demonts,  Conservateur -adjoint  au  Musée  du 
Louvre. 

Un  album  (18X24)  de  26  planches  en  héliotypie  avec  texte,  en 
portefeuille 35  fr. 

Musée  du  Louvre  :  Les  Des^sins  de  Claude  Gellée,  dit  Le 
Lorrain,  par  Louis  Demonts,  Conservateur- adjoint  au 
Musée  du  Louvre. 

Un  album  (18X24)  de  56  planches  en  héliotypie  avec  introduction 
et   catalogue   descriptif,   en    portefeuille    70  fr. 

Les  Dessins  des  Ecoles  du  Nord  de  la  Colleclion  Dutuit  au 
Musée  des  Beaux- Arts  de  la  Ville  de  Paris,  par  Frits  Lugt. 

Un  volume  (23x29),  de  44  pages  de  texte  et  51  planches  en 
héliotypie,    cartonné,    dos    toile     150  fr. 

ÉDITIONS      ALBERT      MORANGÉ 

A     PARIS,     30     &     32,     RUE     DE     FLEURUS 


Le  Prix  des  Estampes 

Anciennes  et   Modernes 

Par  Lucien  MONOD 

VRIX    ATTEINTS    DANS    LES     VENTES 

SUITES  ET  ÉTATS,  BIOGRAPHIES  ET  BIBLIOGRAPHIES 


Cet  ouvrage  est  devenu  le  livre  de  chevet  de  tous  les 
amateurs  et  marchands  d'estampes.  II  donne  par  ordre 
alphabétique  des  noms  d'auteurs,  la  liste  complète  des 
œuvres  de  tous  les  graveurs  anciens  et  contemporains, 
français  et  étrangers,  avec  indication  des  prix  atteints 
dans  les  ventes,  les  suites  et  états  et  les  renseignements 
biographiques  et  bibliographiques  concernant  chaque 
artiste.  C'est  un  travail  d'une  importance  unique  dans 
cet  ordre  d'idées,  car  il  réunit,  dans  l'essentiel,  toutes 
les  connaissances  iconographiques  et  monographiques 
dispersées  jusqu'ici  dans  une  foule  d'ouvrages  rares 
et    onéreux. 


Cette  Encyclopédie  de  l'Estampe  comprendra 

neuf  volumes  m-8  brochés 
Sept    volumes    sont    parus    (lettres    A   à    S) 

Le  huitième  est  sous  presse 
Chaque  volume .35    franCS 

ÉDITIONS    ALBERT     MORANCÉ 
A  PARIS.  30  ET  32,  RUE  DE  FLEURUS 


BYBLIS 

MIROIR    DES    ARTS    DU    LIVRE 
ET   DE    L'ESTAMPE 

PUBLIÉE  avec  la  collaboration  de  l'élite  des 
spécialistes  en  matière  de  gravure  et  de 
beau  livre,  encouragée  par  les  plus  hautes  auto- 
rités dans  ces  domaines,  Bj'blis  est  devenue,  en 
quelques  années,  la  plus  belle  revue  du  genre 
existant  au  monde. 

=  Elle  contient  des  études  érudites  sur  toutes 
les  questions  touchant  à  Thistoire  du  livre  et  de 
la  gravure,  aux  procédés  techniques,  à  la  typo- 
graphie, à  la  bibliophilie,  à  la  reliure. 
aim  Ses  quatre  fascicules  annuels  constituent  une 
source  de  documentation  inappréciable,  en  même 
temps  quune  collection  dœuvres  rares  des 
meilleurs  artistes  :  chacun  contient  en  elVet  plu- 
sieurs planches  originales  anciennes  ou  mo- 
dernes, dont  la  seule  valeur  est  tiès  supérieure 
à  son  prix  d'édition. 

BYBLIS  EST  UNE  REVUE  A  TIRAGE  LIMITÉ  : 
ELLE    EST    PUBLIÉE   EN    DEUX    ÉDITIONS 

1°  Edition  sur  vélin  Lafuma  :   tirage  à  5oo  exemplaires 

mis  dans  le  commerce. 
Abonnement  annuel  (4   fascicules)   :   France,  125  francs. 

2°  Edition  de  luxe  sur  vélin  d'Arches  à  la  forme,  contenant 
un  frontispice  particulier  (gravure  originale,  cuivre,  bois 
ou  lithographie),  et  des  épreuA^es  signées  de  planches 
originales     modernes,    tirage    à    io5    exemplaires    dont 

loo  numérotés   et  5  marqués   de  A   à  E. 

Abonnement  annuel  :  France,  300  francs. 

ÉDITIONS    ALBERT    MORANCÉ 

A  PARIS,  30   ET  32,  RUE  DE  FLEURUS 


PARIS 

Cinquante     Eaux-Fortes     en     couleurs 

D'EUGÈNE   YÉDER 

1.  Le   jardin   de    Saint-Jullen-le- 

24.  Le  Marché  aux  Oiseaux. 

Pauvre. 

25.  Saint-Germain-l'Auxerrois. 

2.  La    place    du    Parvis    Notre- 

26.  Le  pont  des  Arts  et  l'Institut, 

Dame. 

27.  Le   Pont    du    Carrousel   et   le 

3.  Le  quai  de  l'Horloge. 

Louvre. 

4.  La  Conciergerie. 

28.  Le  jardin  des  Tuileries. 

5.  Sur  le  Pont-Neuf. 

29.  Les   jardins   du   Palais-Royal, 

6.  La      Seine     au     quai      Saint- 

30.  La  Bourse. 

Michel. 

31.  Les  Grands  Boulevards. 

7.  La  place  Saint-Michel. 

32.  La  rue  de  la  Lune. 

8.  Le  jardin  du  Luxembourg. 

33.  L'Opéra. 

9.  Le   Panthéon  et   la   rue   Souf- 

34.  La  place  Vendôme. 

flot. 

35.  La     place     de     la     Madeleine 

10.  Saint-Etienne-du-Mont. 

(Marché  aux  Fleurs). 

11.  La  rue  et  la  Tour  de  Clovls. 

36.  La  rue  Royale. 

12.  La  rue  MouflFetard. 

37.  La  place  de  la  Concorde. 

13.  La  rue  Saint-Médard  (Marché 

38,  Le  Pont-Royal, 

des  Chiffonniers). 

39,  Saint-Germain-des-Prés. 

•  14.  La  porte  de  Bagnolet, 

40.  Les     Invalides     et     le     pont 

15.  La  Maison  de  Guvier.  Le  jar- 

Alexandre. 

din  des  Plantes. 

41.  La  place  de  l'Etoile, 

16.  L'Hôtel  de  Sens. 

42.  Le  parc  Monceau, 

17,  La    rue    Saint-Antoine    et    la 

43,  La  place  Blanche. 

Bastille. 

44.  La  place  du  Tertre. 

18.  La  place  des  Vosges. 

45.  La    Maison    de    Mlmi    Pinson. 

19.  L'Hôtel  de  Sévigné. 

46.  Le  Cabaret  du  Lapin  Agile, 

20.  La  rue  de  Venise. 

47.  Le  Moulin  de  la  Galette. 

21,  Saint-Gervais, 

48.  La   Pointe   Saint-Eustache. 

22,  Le  quai  de  Béthune, 

49.  La  Maison  de  Balzac. 

23.  L'Abside  de  Notre-Dame. 

50.  La  Tour  Eiffel,  vue  d'Auteull. 

Format  des   estampes  :    25X32,5«'". 

JUSTIFICATION    DU    TIRAGE  : 

100  exemplaires  sur  japon  impérial,  numérotés  de  1  à  100..    1  000  fr. 

400  exemplaires  sur  vélin  de  Rives,  numérotés  de  101  à  500.       500  fr. 

23  exemplaires  hors  commerce,  dont  5  sur  japon,  marqués  de  A  à  E, 
et  20  sur  vélin  de  Rives,  marqués  de   F  à  Z. 

ÉDITIONS     ALBERT     MORANCÉ 

.'L-MON  î-|POtiR*^HA;t,  ViLLEMEl/Vt-ST-GlOBBE». 


JUN  3     1988 


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