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Full text of "La Confédération, c'est le salut du Bas-Canada : il faut se défier des ennemis de la Confédération"

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CONTRE-POISON  | 

LA  CONFEDERATION 

C'EST  LE  SALUT  DU  BAS-CANADA 


Il  faut  se  Défier  des  Ennemis  de  la  Confédération 


MONTREAL 

TYPOGRAPHIE   D'EUSEBE   SENÉCAL, 

Rue  St.  Vincent,  No.  6,  8  et  10. 

1867 


i,T 


tCélS 


PREFACE 


Depuis  le  1er  juillet  (1867)  le  Bas-Canada  est  régi  par 
un  nouveau  mode  de  gouvernement.  Il  n'est  plus  le 
Bas-Canada,  mais  la  "  Province  de  Québec  ;  "  avec  ce 
vieux  nom  français  qui  nous  a  été  rendu,  on  nous  a 
donné  un  Gouverneur  français  et  toutes  les  âmes  vrai- 
ment patriotiques,  ont  tressailli  d'allégresse  et  d'un  noble 
orgueil,  lorsque  les  journaux  nous  ont  appris,  que  le 
canon  de  la  vieille  citadelle  de  Québec  avait  tonné  sa 
grande  voix  pour  saluer  l'arrivée  du  premier  gouver- 
neur français  depuis  1760  !  !  ! 

On  nous  a  séparés  du  Haut-Canada,  nous  nous  appe- 
lons la  Province  de  Québec,  nous  avons  un  gouver- 
neur Canadien-français,  le  deuxième  depuis  rétablissement 
du  pays,  nous  allons  avoir  notre  propre  gouvernement  et 
nos  propres  chambres,  où  tout  se  fera  par  et  pour  les 
Canadiens-français,  et  en  français,  Il  faut  être  renégat, 
ou,  ce  qui  revient  au  même,  annexioniste,  pour  ne  pas  se 
trouver  ému  jusqu'au  larmes,  pour  ne  pas  sentir  son 
cœur  battre  d'une  joie  indescriptible  et  d'une  bien  légi- 
time fierté  à  la  pensée  de  ces  glorieux  résultats  du  patrio- 
tisme et  de  l'énergie  indomptable  de  nos  hommes  d'état, 
de  nos  chefs  politiques  qui,  cent  ans  après  la  conquête 
du  pays  par  l'Angleterre,  ont  décidé  celte  dernière,  tou- 
chée de  notre  héroïsme  et  de  notre  loyauté,  à  nous  rendre 
à  nous  mêmes,  à  nous  restituer  notre  autonomie  com- 
plète et  à  confier  le  dépôt  sacré  de  nos  traditions  na- 
tionales à  un  gouvernement  choisi  parmi  nous  et  com- 
posé des  nôtres. 

A  qui  devons-nous  ces  immenses  bienfaits  ?  à  qui  la 
nation  canadienne  française  reconnaissante  doit-elle  éle- 
ver dans  son  cœur  un  monument  d'éternelle  gratitude? 
C'est  ce  que  nous  allons  examiner  dans  les  quelques 
notes  qui  suivent.  Nous  avons  cru  quià  la  veille  des 
élections    un    petit    travail    démontrant    succinctement 


l'excellence  de  la  confédération,  le  caractère  de  ceux  qui 
la  soutiennent  et  la  tendance  et  les  principes  ou  plutôt 
l'absence  de  principes  de  ceux  qui  la  combattent,  serait 
utile  au  pays  et  notamment  aux  Canadiens- français  pour 
les  guider  dans  le  choix  de  leurs  représentants  et  leur 
faire  connaître  leurs  véritables  amis  comme  leurs  véri- 
tables ennemis. 

Nous  le  ferons  sans  parti  pris  comme  sans  passion. 
Etranger  aux  partis  du  jour,  retiré  de  la  vie  publique 
depuis  bien  des  années,  ayant  toujours  suivi  de  près  la 
marche  des  événements,  nous  nous  croyons  en  état, — 
appuyé  que  nous  sommes  sur  la  boussole  infaillible  des 
grands  principes  religieux  et  sociaux  qui  seuls  peuvent 
faire  vivre  les  peuples  et  les  conduire  à  l'immortalité, — 
d'apprécier  et  juger  sainement  les  choses,  comme  nous 
pensons  avoir  acquis  le  droit  de  dire  franchement  et  im- 
partialement la  vérité  à  tout  le  monde. 

Nous  promettons  la  vérité  et  l'impartialité,  et  nous 
tiendrons  notre  parole  ;  mais  cela  ne  veut  pas  dire  que 
nous  serons  froid  et  indifférent.  Nous  avons  au  milieu 
de  nous  des  lâches,  des  hypocrites,  des  traîtres,  qui  font 
bien  tout  leur  possible  pour  cacher  l'oreille  de  l'âne  et 
endormir  la  surveillance  des  vrais  patriotes.  Quelque- 
fois pourtant,  ils  s'échappent  et  percent,  comme  dans  le 
guet-apens  du  Club  St.  Jean-Baptiste.  Ma  foi  !  si  nous  les 
rencontrons,  nous  ne  pouvons  nous  engager  à  rester 
maîtres  de  nous  et,  si  nous  avons  une  cravache  à  la 
main,  elle  pourrait  bien  aller  malgré  nous  labourer  leur 
figure  flétrie  et  déjà  entamée  par  le  crime. 

Alphonse  B. 
Montréal,  25  juillet  1867. 


CONTRE-POISON 


LA  CONFEDERATION 


C'EST  LE  SALUT  DU  BAS-CANADA 


IL  FAUT  SE  DEFIER  DES  ENNEMIS  DE  LA  CONFEDERATION. 


LA  CONFÉDÉRATION  ÉTAIT-ELLE  DEVENUE  NÉCESSAIRE  ? 

Gesta  Dei  per  Franco*. 

C'est  la  Foi  qui  a  fondé  le  Canada,  et  c'est  elle  qui  le  main- 
tient et  fera  sa  gloire.  "  Noblesse  oblige  "  est  un  proverbe  aussi 
Trai  pour  les  peuples  que  pour  les  individus.  Les  pieux  fonda- 
teurs du  pays  n'ont  pas,  comme  les  étrangers  qui  vinrent  après, 
été  amenés  ici  par  l'espoir  du  gain,  du  lucre  et  de  la  spéculation. 
Gagner  des  âmes  à  Dieu,  conquérir  un  nouvel  empire  au  Christ, 
tel  était  leur  désir,  telle  était  leur  mission.  Un  roi  très-chrétien, 
comme  nous  l'a  encore  prouvé  la  si  belle  histoire  de  l'abbé  Faiilon, 
s'associa  à  ces  sublimes  élans  du  zèle  catholique,  et  cette  heureuse 
association  de  l'autorité  royale  avec  les  efforts  du  missionnaire 
ont  établi  et  colonisé  la  Nouvelle-France,  d'où  rayonna,  plus  tard, 
le  mouvement  religieux  qui  fit  sentir  son  influence  bienfaisante 
jusqu'aux  coins  les  plus  reculés  de  l'Amérique. 

Ces  débuts,  bénis  de  Dieu,  ne  se  démentirent  pas.  La  Nou- 
velle-France fut  toujours  un  peuple  de  braves,  de  martyrs  et  de 
héros.  Et  lorsque,  après  un  siècle  et  demi  de  luttes  gigantesques 
avec  les  barbares,  les  colonies  anglaises  et  l'Angleterre,  le  peuple 
de  la  Nouvelle-France,  abandonné  de  la  mère-patrie,  épuisé  d'ef- 
forts, d'hommes  et  de  ressources,  fut  obligé  de  se  rendre  au  vain- 


queur,  il  avait  déjà  assez  excité  l'estime  et  l'admiration  de  ce 
dernier  pour  en  obtenir  la  garantie  du  libre  exercice  de  sa  Foi, 
de  ses  institutions,  ses  lois  et  us  et  coutumes  :  c'était  presque 
tomber  en  triomphateur. 

La  Providence  protégeait  visiblement  ce  petit  peuple  et  avait 
les  yeux  fixés  sur  lui.  L'Angleterre  fit  tout  ce  qu'elle  put.  de 
temps  à  autre,  pour  nous  arracher  notre  langue  et  notre  religion. 
Vains  efforts  !  Un  événement  imprévu,  une  guerre,  un  change- 
ment de  gouverneur,  une  intervention  épiscopale  arrivait  toujours 
à  propos  pour  déjouer  l'astuce  et  la  perfidie  à  la  veille  de  réussir. 

Fatigues  de  nous  voir  grandir  en  dépit  de  toutes  les  entraves 
jetées  sur  notre  voie,  quelques  ennemis  profitèrent  de  nos  troubles 
de  1837-1838  pour  nous  imposer,  en  1840,  l'Union  des  Canadas. 
C'était  le  coup  de  mort  de  notre  nationalité,  criaient  ceux  qui  ne 
voient  dans  l'histoire  que  le  jeu  du  hasard.  On  sait  comment  ils 
ont  eu  raison.  En  1760,  nous  étions  60,000  habitants  ;  en  1861, 
nous  avions  atteint  le  chiffre  de  neuf  cent  mille  âmes  !  !  !  Il  faut 
compter  avec  un  peuple  aussi  nombreux,  et  déjà  depuis  1842  ou 
1843,  nos  hommes  d'état  canadiens-français  s'étaient  emparés  du 
pouvoir  et  l'avaient  administré  à  notre  avantage,  et  nous  sommes 
devenus  nombreux,  puissants,  riches  et  maîtres  de  nos  destinées. 

Un  peuple  qui  a  fait,  en  aussi  peu  de  temps,  d'aussi  grandes 
choses,  a  une  mission  spéciale  et  est  certainement  destiné  à  l'im- 
mortalité. Nous  sommes  tenus  d'honorer  ce  glorieux  passé  par 
notre  conduite  future.  Ce  n'est  pas  là  le  langage  d'un  vision- 
naire, d'un  utopiste.  Nous  ne  sommes  pas  le  premier  à  regarder 
ce  noyau  de  Canadiens-français,  qui  s'est  si  prodigieusement  con- 
servé et  développé  depuis  1760,  comme  l'avant-garde,  le  boule- 
vard, le  plus  sûr  soldat  de  la  civilisation  chrétienne  sur  ce 
continent;  menacé  de  dissolution  par  les  mille  sectes  protestantes 
qui  tendent  à  se  perdre  dans  un  indifférentisme  et  un  rationa- 
lisme désastreux.  Et  il  y  a  du  miracle  dans  notre  conservation  ; 
tous  les  coups  que  l'on  a  voulu  nous  porter  ont  été  mystérieu- 
sement détournés  de  nos  têtes  pour  se  changer  quelquefois  en 
moyens  de  salut  pour  nous. 

Ces  quelques  réflexions,  d'ailleurs,  inspirées  rar  la  situation, 
nous  ont  semblé  naturelles  et  nécessaires  pour  mieux  comprendre 
le  rôle  que  nous  avons  à  jouer  sous  le  nouveau  système.  Elles 
seront  surtout  propres  à  rassurer  les  timides  que  la  moindre  lutte 
effraye.  En  voyant  ce  que  nos  pères  ont  fait  dans  un  passé  si 
difficile,  nous  serons  forcément  amenés  à  la  conclusion  que  sous 
la  confédération,  qui  nous  est  si  avantageuse,  nous  n'aurons,  pour 
continuer  leur  sublime  mission,  qu'à  le  vouloir,  qu'à  nous 
entendre,  qu'à  imiter  leur  énergique  persévérance. 


Et,  d'abord,  la  confédération  était-elle  devenue  nécessaire  en' 
1864  ?  Nous  répondons,  sans  hésiter  :  oui.  Un  changement  cons- 
titutionnel était  devenu  absolument  nécessaire,  et  nous  devons 
ajouter  que,  de  tous  les  changements  imaginés  par  nos  hommes 
publics,  la  confédération  était  le  seul  qui  fût  propre  à  sauvegarder 
nos  droits,  notre  nationalité  et  notre  religion.  Les  uns  disent  : 
«e  sont  les  grits  du  Haut-Canada  qui,  par  leurs  fanatiques  exi- 
gences, ont  rendu  la  confédération  nécessaire  ;  d'autres  disent 
encore  :  ce  sont  les  rouges  et  les  annexionistes  du  Bas-Canada 
qui  ont  rendu  la  confédération  nécessaire  en  attisant  et  soutenant 
le  fanatisme  haut-canadien,  par  l'appui  coupable  et  lâche  qu'ils 
n'ont  cessé  de  lui  prêter  depuis  1849.  Il  y  a  du  vrai  dans  ces 
deux  accusations.  Une  des  principales  causes  qui  ont  nécessité 
un  changement  est  évidemment  le  fanatisme  des  grits  et  la 
lâcheté  des  rouges  et  des  annexionistes  :  nous  reviendrons  sur  ce 
sujet  dans  un  instant. 

Mais  ce  n'est  pas  là  la  seule  cause  ;  des  considérations  d'un  ordre 
beaucoup  plus  élevé  ont  rendu  la  confédération  nécessaire.  Nos 
hommes  d'état,  ceux  dont  s'honore  le  parti  conservateur,  tant  du 
Bas  que  du  Haut-Canada,  avaient  senti  que  le  premier  coup  de 
canon  tiré  en  1860  au  Fort  Sumter,  coup  de  canon  qui  mit  en 
feu  tous  les  Etats-Unis,  était  pour  nous  un  avertissement  solennel 
de  penser  à  notre  avenir.  Jusqu'alors,  en  effet,  nos  voisins, 
quoique  riches  et  fort  nombreux,  n'étaient  nullement  à  craindre 
pour  nous  ;  exclusivement  adonnés  à  l'agriculture,  à  l'industrie 
et  au  commerce,  ils  n'avaient  pensé  qu'à  s'enrichir  et  à  s'agrandir, 
mais  pacifiquement,  et  ils  n'avaient  ni  armée  ni  marine  militaire. 
Frère  Jonathan  aimait  bien  un  peu,  comme  ce  sera  toujours  son 
faible,  le  bien  d'autrui;  mais,  voyant  de  ce  côté-ci  l'Angleterre 
toujours  prête  à  nous  défendre,  il  aimait  mieux  tourner  ailleurs 
ses  regards  pour  opérer  de  riches  et  faciles  conquêtes  chez  les 
Sauvages  des  Plaines  et  les  Mexicains  indolents.  C'étaient  des 
triomphes  aisés,  si  vous  le  voulez,  mais  qui  suffisaient  alors  à  son 
orgueil  encore  bien  modeste.  Et  s'il  songeait  parfois  à  nous, 
c'était  dans  le  temps  seulement  où  les  rêves  criminels  de  nos 
annexionistes  écervelés  lui  promettaient  l'acquisition  de  nos 
trésors  sans  coup  férir. 

La  guerre  fratricide  qui  éclata  et  sévit  entre  le  Nord  et  le  Sud 
changea  comme  en  un  clin-d'œil  ces  dispositions  bénévoles. 
"  L'appétit  vient  en  mangeant  "  ;  c'est  là  un  proverbe  aussi  vrai 
qu'il  est  brutal.  On  ne  devient  soldat  que  pour  désirer  la  guerre, 
et  l'on  ne  désire  la  guerre  que  pour  faire  des  conquêtes.  Mais 
le  Sud  soumis,  et  il  était  impossible  qu'il  ne  le  fut  pas,  où  se 
porterait   l'ardeur  de  nos  belliqueux  voisins  ?     Les  américains 


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ont  besoin  du  Canada  ;  ils  nous  l'ont  dit  bien  des  fois  et  ont 
même  essayé  de  nous  le  prouver  :  ouvrez  et  lisez  les  journaux  des 
Etats  et  vous  verrez  cela  comme  nous  ;  aujourd'hui,  d'ailleurs, 
personne  ne  le  conteste. 

Nos  hommes  d'états,  si  perspicaces,  ne  manquaient  pas  d'être 
frappés  de  ces  considérations  et  de  cette  éventualité.  Mais  com- 
ment nous  protéger  ?  Il  n'y  avait  que  deux  moyens  :  l'annexion  ? 
Horreur  !  Le  mépris  public  est  la  seule  réponse  donnée  jusqu'ici 
aux  traîtres  qui  ont  osé  parler  de  cette  ignominieuse  alternative, 
et  la  lâcheté  est  étrangère  au  Canadien-Français.  Il  est  de  fait 
qu'à  l'heure  qu'il  est  il  est  impossible  de  rencontrer  un  honnête 
homme  qui  soit  annexioniste.  Il  ne  restait  donc  que  l'autre 
alternative,  que  tous  les  gens  intelligents  devinaient  et  désiraient  : 
La  Confédération,  c'est-à-dire  alliance  fédérale  entre  plusieurs 
peuples  et  union  plus  étroite,  plus  sympathique  avec  l'Angle- 
terre pour  mériter  davantage  et  obtenir,  en  cas  de  danger,  sa 
protection  et  son  concours  plus  efficaces. 

C'est  là  que  nos  hommes  publics  ont  senti  la  nécessité  de  la 
Confédération,  quoique,  pour  des  raisons  d'état  faciles  à  com- 
prendre, il  leur  fut  difficile  de  l'avouer  trop  ouvertement.  V  ^ 
D'autres  causes,  les  premières  mentionnées,  avaient  fait  désirer  ' 
la  Confédération  par  presque  tous  nos  hommes  publics.  On 
connaît  l'histoire  de  la  fameuse  question  de  la  représentation 
basée  sur  la  population. 

Lors  de  l'Union  des  Canadas,  en  1840,  la  population  du  Bas 
était  plus  nombreuse  que  celle  du  Haut-Canada  ;  cependant,  on 
nous  imposa  l'égalité  représentative  dans  les  Chambres  et  le  Bas- 
Canada  eut  le  même  nombre  de  représentants  que  le  Haut- 
Canada.  C'était  une  injustice  flagrante,  mais  que  nous  dûmes 
subir.  Plus  tard,  surtout  après  1850,  le  Haut-Canada,  grâce  à 
une  immigration  européenne  considérable,  vit  le  chiffre  de  ses 
habitants  atteindre  et  dépasser  le  nôtre.  Quelques  fana- 
tiques du  Haut-Canada,  guidés  par  George  Brown,  se  mirent  à 
avocasser  la  représentation  basée  sur  la  population  afin  de  ruiner 
notre  nationalité  et  d'anéantir  notre  foi  en  persécutant  notre 
clergé.  Qui  leur  prêta  main  forte  dans  le  Bas-Canada  ? 
les  Bouges,  que  vous  êtes  toujours  sûr  de  rencontrer  quand  il  y 
a  une  bassesse  ou  une  trahison  nationale  à  faire.  M.  Joseph 
Doutre,  homme  propre  à  bien  des  choses  pas  toujours  nettes,  fut 
lancé  le  premier  comme  ballon  d'essai.  Il  prononça  à  Beau- 
harnois  à  la  fin  de  l'année  1857  ou  au  commencement  de  l'année 
1858,  ce  fameux  discours  où  il  accepta  la  représentation  basée 
sur  la  population,  discours  qu'approuva  "  Le  Pays,"  alors  comme 
aujourd'hui  l'organe  de  l'Hon.    A.   A.   Dorion,  le  chef  du  parti 


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rouge.  En  1858,  le  fameux  ministère  Brown-Dorion  monta  au 
pouvoir  pour  y  séjourner  juste  48  heures  ;  le  mépris  et  l'indigna- 
tion de  la  Chambre  et  du  peuple  le  précipitèrent  à  bas  dans  la 
boue.  Ce  fameux  ministère  avait  promis  de  nous  donner  la 
représentation  basée  sur  la  population  :  M.  Dorion  lui-môme 
l'admit  mainte  et  mainte  fois  depuis.  (Tous  ces  avoués  seront 
prouvés  plus  loin.) 

Qui  s'opposa  toujours  à  la  représentation  basée  sur  la  popula- 
tion ?  L'Hon.  G.  E.  Cartier  et  son  parti  ;  sans  lui,  sans  son 
alliance  si  bienfaisante  avec  le  parti  conservateur  du  Haut- 
Canada,  il  y  a  9  ou  10  ans  que  nous  aurions  cette  mesure,  qui 
eut  été  notre  coup  de  mort.  A-t-on  en  effet  jamais  songé  aux  effets 
désastreux  qu'aurait  eus  pour  nous,  Canadiens-Français,  l'octroi 
de  cette  mesure  dans  une  union  législative  comme  celle  qui  existait 
entre  le  Haut  et  le  Bas. Canada  ?  Toutes  nos  institutions  eussent 
été  à  la  merci  des  fanatiques  du  Haut-Canada  alliés  aux  Rouges, 
aux  impies  et  aux  annexionistes  du  Bas-Canada  ;  et  nous  aurions 
été  sans  garantie  aucune  ;  le  principe  de  la  représentation  sur  le 
nombre  une  fois  admis,  toute  garantie  devenait  ridicule  et  illu- 
soire parceque  la  majorité  du  lendemain  aurait  toujours  pu 
défaire  ce  qu'avait  fait  la  majorité  de  la  veille  par  le  déplacement 
d'une  seule  voix  ! 

Grâce  au  patriotisme,  à  l'énergie  et  à  l'habileté  de  M.  Cartier, 
nous  avons  pu  échapper  à  ce  terrible  fléau.  Mais  comme  nous 
disions  plus  haut,  la  lâcheté  de  M.  Dorion  et  de  son  parti  n'en 
a  pas  moins  eu  un  très  mauvais  effet,  celui  d'encourager  les  fana- 
tiques par  la  pensée  et  la  certitude  qu'il  y  avait  des  traîtres  dans 
la  place  assiégée,  c'est-à-dire  dans  le  Bas-Canada.  C'est  ainsi 
que  le  parti  clear  grit  continua  à  augmenter  en  nombre  et  en 
exigences,  exigences  qu'il  poussa  jusqu'à  nous  menacer  de  la 
guerre  civile  et  de  l'annexion.  Heureusement  pour  nous,  M. 
Cartier  était  là  :  par  son  habileté,  il  sut  museler  et  anéantir  les 
grits  en  en  décidant  une  portion  considérable  à  accepter  la  Con- 
fédération, qui  était  devenue  nécessaire  depuis  deux  ou  trois  ans 
par  l'attitude  des  Etats-Unis  comme  ci-haut  expliqué. 

Pour  nous  résumer  en  deux  mots,  la  Confédération  était 
devenue  nécessaire  dès  1864  et  avant,  à  cause  des  circons- 
tances critiques  dans  lesquelles  nous  plaçaient  les  changements 
survenus  chez  nos  voisins  depuis  1860,  et  la  crise  politique  qu'a- 
vait amenée  entre  les  deux  Canadas  la  question  de  la  représen- 
tation basée  sur  le  nombre,  rendit  opportune  la  discussion  d'un 
changement  constitutionel  et  tout  le  monde  tomba  d'accord  sur 
les  avantages  et  la  nécessité  d'une  Confédération  comme  celle  que 
nous  possédons  pour  parer  aux  dangers  extérieurs,  qui  ne  dépen- 


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daient  pas  de  nous,  et  que  l'invasion  fénienne  vint  aggraver,  et 
aux  dangers  intérieurs  qu  avaient  produits  et  désirés  les  Rouges, 
les  annexionistes  et  les  clubistes,  trois  catégories  de  renégats  con- 
fondus dans  un  seul  et  même  parti  acharné  à  la  ruine  du  pays  et 
que  nous  ferons  plus  loin  connaître  en  détail. 

Donc,  en  1864,  la  Confédération  était  devenu   nécessaire,  très 
nécessaire  même. 


LA    CONFÉDÉRATION   NOUS    SERA-T-ELLE    AVANTAGEUSE  ? 

L'état  fédératif  a  présidé  à  l'enfance  de 
presque  tous  les  peuples  naissants. 


Eu  lui-même,  le  système  fédératif*  est  excellent  ;  nous  le  trou- 
vons au  berceau  de  toutes  les  nations.  Il  est  commandé  par  la 
nature  et  quelquefois  par  les  circonstances  :  ici,  la  nature  et  les 
circonstances  nous  en  font  une  nécessité  et  nous  le  rendent  très 
précieux.  Qu'est-ce  au  fond  que  le  système  fédératif  ou  une 
Confédération  ?  C'est  une  alliance,  une  société  formée  entre 
plusieurs  petits  peuples,  qui  mettent  en  commun  leurs  intérêts 
généraux  pour  acquérir  plus  de  force  dans  la  défense  comme  dans 
l'attaque  en  se  réservant  à  chacun  d'eux  le  contrôle  et  la  gouverne 
de  leurs  affaires  et  institutions  locales  et  particulières.  C'est,  en 
fin  de  compte,  la  mise  en  pratique  du  principe  si  connu,  si  vrai, 
que  "  l'union  fait  la  force."  L'association,  dans  notre  siècle, 
comme  dans  tous  les  temps,  a  toujours  doublé,  triplé,  centuplé  la 
force  des  associés.  On  ne  s'est  jamais  avisé  de  contester  la 
vérité  et  la  sagesse  de  ces  principes  sanctionnés  par  l'expérience 
des  siècles,  et  qui  s'appliquent  aux  nations  tout  comme  aux  par- 
ticuliers. Par  exemple,  dans  une  société,  dans  une  compagnie 
de  commerce,  d'industrie  ou  d'exploitation  de  mines,  établie  entre 
dix  associés,  chacun  met  le  surplus  de  son  avoir  disponible  ;  avec 
ces  petits  capitaux  réunis,  on  fait  de  grandes  choses  et  si  la  société 
est  bien  conduite,  elle  grandit  et  fait  la  fortune  de  chacun  qui, 
sans  l'association,  eut  été  impuissant  à  tenter  d'aussi  importantes 
entreprises  et  serait  toujours  resté  dans  la  pauvreté  ou  la  médio- 
crité. 

Si,  donc,  la  Confédération  n'est  quo  la  mise  à  exécution  de  ces 
saines  maximes,  nous  serons  bien  obligés  de  convenir  qu'elle  est 
avantageuse  pour  toutes  les  parties  concernées  et  notamment 
pour  nous.     Eh  !  bien,  tel  est  le  cas  ;  voyons  plutôt, 

Comme  on  le  sait,  c'est  entre  le  Haut-Canada,  le  Bas-Canada, 
le  Nouveau-Brunswick  et  la  Nouvelle-Ecoss3  qu'est  formée   la 


11 

Confédération  en  force  depuis  le  premier  Juillet  courant.  La 
première,  l'une  des  principales  clauses  de  la  constitution  est  celle 
qui  opère  le  rappel  de  l'Union,  tant  demandé  par  les  rouges,  et 
sépare  le  Bas-Canada  du  Haut-Canada. 

La  Confédération  porte  le  nom  de  "  Canada."  Le  Haut- 
Canada  s'appelle  la  "  Province  Ontario,"  le  Bas  la  "  Province 
de  Québec"  et  les  provinces  maritimes  conservent  leur  nom  res- 
pectif. Ces  dispositifs  sont  contenus  dans  les  clauses  5  et  6  de 
la  constitution  : 

5.  Le  Canada  sera  divisé  en  quatre  provinces,  dénommées  : — Ontario, 
Québec,  Nouvelle-Ecosse  et  Nouveau-Brunswick. 

6.  Les  parties  de  la  province  du  Canada  (telle  qu'existant  à  la  passation 
du  présent  acte)  qui  constituaient  autrefois  les  provinces  respectives  du 
Haut  et  du  Bas-Canada,  seront  censées  séparées  et  formeront  deux  pro- 
vinces distinctes.  La  partie  qui  constituait  autrefois  la  province  du  Haut- 
Canada  formera  la  province  d'Ontario,  et  la  partie  qui  constituait  la 
province  du  Bas-Canada  formera  la  province  de  Québec. 

Si  le  partie  rouge  n'était  pas  gangrené  de  haine,  d'envie,  de 
perfidie  et  de  mauvaise  foi,  il  suffirait  presque  de  citer  cette 
clause  pour  montrer  les  immenses  avantages  de  la  Confédération 
et  imposer  silence  à  tous  les  braillards.  Cette  union  des  Canadas 
tant  maudite  par  les  rouges  et  les  annexionistes,  la  voilà  donc 
brisée  par  la  volonté  et  l'énergie  de  M.  Cartier  et  de  son  parti  ! 
Ce  rappel  de  l'Union  si  longtemps  et  si  hypocritement  réclamé 
par  les  rouges  et  les  annexionistes,  le  voilà  donc  effectué,  et  par 
nous  et  pour  nous  !  Et  cependant  ces  gens  crient  à  la  trahison  ! 
ils  ont  lancé  une  meute  de  petits  avocats  sans  clients  comme  sans 
cervelle  contre  M.  Cartier  pour  vociférer  que  celui-ci  à  vendu  le 
pays  !  Pour  Dieu  !  peut-il  se  rencontrer  dans  le  monde  aussi 
noire  hypocrisie  et  le  peuple  indigné  ne  finira-t-il  pas  par  voir 
que  les  rouges  et  les  annexionistes  ne  sont  que  des  charlatans 
sans  cœur  et  sans  patriotisme  qui  veulent  le  duper  et  s'engraisser 
de  ses  sueurs  et  de  ses  épargnes  en  attendant  l'heure  où  ils 
pourront  le  pressurer  et  le  livrer  aux  Etats-Unis? 

Continuons  notre  étude.  La  constitution  ayant  divisé  la  Con- 
fédération nouvelle  en  trois  provinces,  pour  les  fins  fédérales 
seulement,  établit  un  gouvernement  général  ou  fédéral  chargé  de 
l'administration  de  toutes  les  affaires  concernant  toute  la  Confé- 
dération. Ce  gouvernement  sera  mis  en  opération  par  un  Gou- 
verneur Général,  un  conseil  privé  ou  ministère  responsable  de 
treize  membres,  un  sénat  et  une  chambre  des  communes;  la 
province  de  Québec  aura  24  sénateurs,  la  province  Ontario  24, 
et  le  Nouveau-Brunswick  et  la  Nouvelle-Ecosse  24,  en  tout  72 
sénateurs.    Dans  la  chambre  des  communes,  la  province  OnU.rio 


12 

aura  82  membres,  la  province  de  Québec  65,  le  Nouveau- 
Brunswick  15  et  la  Nouvelle-Ecosse  19.  Voici  maintenant 
quelles  seront  les  attributions  de  ce  gouvernement,  telles  que 
tracées  par  l'article  91  de  la  constitution  : 

VI. — Distribution  de3  Pouvoirs  Législatifs. 
Pouvoirs  du  Parlement. 

91.  Il  sera  loisible  à  la  Reine,  de  l'avis  et  du  consentement  du  Sénat  et 
de  la  Chambre  des  Communes,  de  faire  des  lois  pour  la  paix,  l'ordre  et  le 
bon  gouvernement  du  Canada,  relativement  à  toutes  les  matières  ne 
tombant  pas  dans  les  catégories  de  sujets  par  le  présent  acte  exclusive- 
ment assignés  aux  législatures  des  provinces  ;  mais,  pour  plus  de  garantie, 
sans  toutefois  restreindre  la  généralité  des  termes  ci-haut  employés  dans 
cette  section,  il  est  par  le  présent  déclaré  que  (nonobstant  toute  dispo- 
sition contraire  énoncée  dans  le  présent  acte)  l'autorité  législative  exclu- 
sive du  parlement  du  Canada  s'étend  à  toutes  les  matières  tombant  dans 
les  catégories  de  sujets  ci-dessous  énumérés,  savoir  : 

1.  La  dette  et  la  propriété  publiques. 

2.  La  réglementation  du  trafic  et  du  commerce. 

3.  Le  prélèvement  de  deniers  par  tous  modes  ou  systèmes  de  taxation. 

4.  L'emprunt  de  deniers  sur  le  crédit  public. 

5.  Le  service  postal. 

6.  Le  recensement  et  les  statistiques. 

7.  La  milice,  le  service  militaire  et  le  sei  vice  naval,  et  la  défense  du  pays. 

8.  La  fixation  et  le  paiement  des  salaires  et  honoraires  des  officiers 
civils  et  autres  du  gouvernement  du  Canada. 

9.  Les  amarques.  les  bouées,  les  phares  et  l'Ile  de  Sable. 

10.  La  navigation  et  les  bâtiments  ou  navire  [shipping.) 

11.  La  quarantaine  et  l'établissement  et  maintien  des  hôpitaux  de 
marine. 

12.  Les  pêcheries  des  côtes  de  la  mer  et  l'intérieur. 

13.  Les  passages  d'eau  / ferries)  entre  une  province  et  tout  pays  britan- 
nique ou  étranger,  ou  entre  deux  provinces. 

14.  Le  cours  monétaire  et  le  monnayage. 

15.  Les  banques,  l'incorporation  des  banques  et  l'émission  du  papier 
monnaie. 

16.  Les  caisses  d'épargne. 

17.  Les  poids  et  mesures. 

18.  L^s  lettres  de  change  et  les  billets  promissoires. 

19.  L'intérêt  de  l'argent. 

20.  Les  offres  légales. 

21.  La  banqueroute  et  la  faillite. 

22.  Les  brevets  d'invention  et  de  découverte. 

23.  Les  Sauvages  et  les  terres  réservées  pour  les  Sauvages. 

24.  La  naturalisation  et  les  aubains. 

25.  Le  mariage  et  le  divorce. 

26.  La  loi  criminelle,  sauf  la  constitution  des  tribunaux  de  juridiction 
criminelle,  mais  y  compris  la  procédure  en  matière  criminelle. 

27.  L'établissement,  le  maintien,  et  l'administration  des  pénitenciers. 

'  28.  Les  catégories  de  sujets  expressément  exceptés  dans  rénumération 
des  catégories  de  sujets  exclusivement  assignés  par  le  présent  acte  aux 
législatures  des  provinces. 


13 

Cette  distribution  des  pouvoirs  est  parfaite  et  ne  laisse  rien  à 
désirer  ;  le  plus  ardent  patriotisme  comme  le  zélé  catholique  le 
plus  intelligent  ne  peuvent  trouver  à  redire.  On  comprend  que 
le  "  mariage"  mentionné  au  No.  25  ne  s'applique  qu'à  la  régle- 
mentation du  nouveau  mariage  que  voudront  contracter  les  pro- 
testants divorcés  sous  l'autorité  du  parlement  fédéral,  puisque  la 
législation  complète  sur  le  mariage  est  laissée  aux  provinces  et 
aux  législatures  locales,  comme  nous  allons  le  voir  dans  un 
instant.  D'ailleurs,  cette  partie  de  la  constitution,  comme  tout 
le  reste,  a  reçu  l'approbation  complète  des  hautes  autorités  reli- 
gieuses du  pays.  Il  est  bon  d'observer  que  les  rouges,  dans  un 
petit  pamphlet  plein  de  mensonges  intitulé  :  "  La  Confédération 
couronnement  de  dix  années  de  mauvaise  administration,"  écrit 
pour  duper  les  électeurs  à  la  veille  des  élections,  ne  dit  rien  du 
tout  contre  cette  partie  de  la  constitution  :  il  faut  donc  qu'elle 
soit  bien  bonne. 

A  part  le  gouvernement  fédéral,  dont  nous  venons  de  voir  tous 
les  pouvoirs,  chaque  province  a  un  gouvernement  complet  pour 
la  gestion  de  toutes  ses  affaires  intérieures.  La  province  de 
Québec  a  donc  un  lieutenant-gouverneur  canadien-français,  un 
ministère  ou  conseil  exécutif  composé  de  sept  membres,  un  conseil 
législatif  de  vingt-quatre  membres  et  une  chambre  des  repré- 
sentants composé  de  65  députés.  En  un  mot,  la  province  de 
Québec  (le  Bas-Canada)  est  complètement  séparé  du  Haut- 
Canada  et  a  une  organisation  gouvernementale  entière  pour  ad- 
ministrer seule  toutes  ses  affaires  locales.  Et  nos  pouvoirs  sont 
très-étendus,  et  se  rapportent  à  tout  ce  qui  nous  est  précieux, 
cher  et  sacré  ;  les  voici  ;  nous  citons  en  entier  la  clause  92  : 

Pouvoirs  exclusifs  des  législatures  provinciales. 

92.  Dans  chaque  province  la  législature  pourra  exclusivement  faire  des 
lois  relatives  aux  matières  tombant  dans  les  catégories  de  sujets  ci-des- 
sous énumérés,  savoir  : 

1.  L'amendement  de  temps  à  autre,  nonobstant  toute  disposition  con- 
traire énoncée  dans  le  présent  acte,  de  la  constitution  de  la  province,  sauf 
les  dispositions  relatives  à  la  charge  de  lieutenant  gouverneur  ; 

2.  La  taxe  directe  dans  les  limites  de  la  province,  dans  le  but  de  préle- 
ver un  revenu  pour  des  objets  provinciaux  ; 

3.  Les  emprunts  de  deniers  sur  le  seul  crédit  de  la  province  ; 

4.  La  création  et  la  tenure  des  charges  provinciales,  et  la  nomination  et 
le  paiement  des  officiers  provinciaux  ; 

5.  L'administration  et  la  vente  des  terres  publiques  appartenant  à  la 
province,  et  des  bois  et  forêts  qui  s'y  trouvent  ; 

6.  L'établissement,  l'entretien  et  l'administration  des  prisons  publiques 
et  des  maisons  de  réforme  dans  la  province  ; 

7 .  L'établissement,  l'entretien  et  l'administration  des  hôpitaux,  asiles, 


14 

institutions  et  hospices  de  charité  dans  la  province,  autres  que  les  hôpitaux 
de  marine  ; 

8.  Les  institutions  municipales  dans  la  province  ; 

9.  Les  licences  de  boutiques,  de  cabarets,  d'auberges,  d'encanteurs  et 
autres  licences,  dans  le  but  de  prélever  un  revenu  pour  des  objets  provin-' 
ciaux,  locaux  ou  municipaux  : 

10.  Les  travaux  et  entreprises  d'une  nature  locale,  autres  que  ceux  énu- 
merés  dans  les  catégories  suivantes  : — 

a.  Lignes  de  bateaux  à  vapeur  ou  autres  bâtiments,  chemins  de  fer,  ca- 
naux, télégraphes  et  autres  travaux  et  entreprises  reliant  la  province  à  une 
autre  ou  à  d'autres  provinces,  ou  s'étendant  au-delà  des  limites  de  la  pro- 
vince : 

b.  Lignes  de  bateaux  à  vapeur  entre  la  province  et  tout  pays  dépendant 
de  l'empire  britannique  ou  tout  pays  étranger; 

e.  Les  travaux  qui,  bien  qu'entièrement  situés  dans  la  province,  seront 
avant  ou  après  leur  exécution  déclares  par  le  parlement  du  Canada  être 
pour  l'avantage  général  du  Canada,  ou  pour  l'avantage  de  deux  ou  d'un 
plus  grand  nombre  des  provinces  ; 

11.  L'incorporation  de  compagnies  pour  des  objets  provinciaux  ; 

12.  La  célébration  du  mariige  dans  la  province  ; 

13.  La  propriété  et  les  droits  civils  dans  la  province  ; 

14.  L'administration  de  la  justice  dans  la  province,  y  compris  la  créa- 
tion, le  maintien  et  l'organisation  de  tribunaux  de  justice  pour  la  province, 
ayant  juridiction  civile  et  criminelle,  y  compris  la  procédure  en  matières 
civiles  dans  les  tribunaux  ; 

15.  L'infliction  de  punitions  par  voie  d'amende,  pénalité,  ou  emprison- 
nement, dans  le  but  de  faire  exécuter  toute  loi  de  la  province  décrétée  au 
sujet  des  matières  tombant  dans  aucune  des  catégories  de  sujets  énumérés 
dans  cette  section  ; 

16.  Généralement  toutes  les  matières  d'une  nature  purement  locale  ou 
privée  dans  la  province  ; 

Il  manque  encore  quelque  chose  :  l'éducation.  Mais  que  l'on 
se  rassure.  Le  patriotisme  de  nos  chefs  a  pourvu  à  tout.  Chaque 
province  aura  le  contrôle  exclusif  de  son  éducation.  Il  y  a  même 
plus  :  M.  Cartier  a  voulu  que  la  provice  de  Québec,  presque 
toute  catholique,  eût  le  bonheur  et  le  droit  de  protéger  tous  les 
catholiques  de  chacune  des  autres  provinces  ;  et  pour  atteindre  ce 
but  vraiment  louable  et  religieux,  il  a  réservé  tous  les  droits, 
aequisget  accordé  aux  minorités  catholiques  que  les  protestants 
des  gouvernements  locaux  voudraient  molester,  un  droit  d'appel 
au  ministère  fédéral  où  toutes  les  influences  catholiques  pourront 
et  devront  toujours  peser  d'un  poids  prépondérant  en  faveur  des 
co-religionnaires  opprimés.  Lisez  cette  belle  clause,  qui  vient 
immédiatement  après  celle  que  nous  venons  de  citer. 

Education. 

93.  Dans  chaque  province,  la  législature  pourra  exclusivement  décréter 
des  lois  relatives  à  l'éducation  sujettes  et  conformes  aux  dispositions  sui- 
vantes : — 

(1).  Rien  dans  ces  lois  ne  devra  préjudicier  à  aucun  droit  ou  privilège 


15 

conféré,  lors  de  l'union,  par  la  loi,  à  aucune  classe  particulière  de  per- 
sonnes dans  la  province,  relativement  aux  écoles  séparées  [dcnominational). 

(2).  Tous  les  pouvoirs,  privilèges  et  devoirs  conférés  et  hnposés  par  la 
loi  dans  le  Haut-Canada,  lors  de  l'union,  aux  écoles  séparées  et  aux 
syndics  d'écoles  des  sujets  catholiques  romains  de  Sa  Majesté,  seront  et 
sont  par  le  présent  étendus  aux  écoles  dissidentes  des  sujets  protestants 
et  catholiques  romains  de  la  Reine  dans  la  province  de  Québec  ; 

(3).  Dans  toute  province  où  un  système  d  écoles  séparées  ou  dissidentes 
existera  par  la  loi,  lors  de  l'union,  ou  sera  subséquemment  établi  par  la 
législature  de  la  province, — il  pourra  être  interjeté  appel  au  gouverneur- 
général  en  conseil  de  tout  acte  ou  décision  d'aucune  autorité  provinciale 
affectant  aucun  des  droits  ou  privilèges  de  la  minorité  protestante  ou 
catholique  romaine  des  sujets  de  Sa  Majesté  relativement  à  l'éducation. 

(4).  Dans  le  cas  où  il  ne  serait  pas  décrété  telle  loi  provinciale  que,  de 
temp3  à  autre,  le  gouverneur-général  en  conseil  jugera  nécessaire  pour 
donner  suite  et  exécution  aux  dispositions  de  la  présente  section, — ou  dans 
le  cas  où  quelque  décision  du  gouverneur-général  en  conseil,  sur  appel 
interjeté  en  vertu  de  cette  section,  ne  serait  pas  mise  à  exécution  par  l'au- 
torité provinciale  compétente, — alors  et  en  tout  tel  cas,  et  en  tant  seu- 
lement que  les  circonstances  de  chaque  cas  l'exigeront,  le  parlement  du 
Canada  pourra  décréter  des  lois  propres  à  y  remédier  pour  donner  suite  et 
exécution  aux  dispositions  de  la  présente  section,  ainsi  qu'à  toute  décision 
rendue  par  le  gouverneur-général  en  conseil,  sous  l'autorité  de  cette 
même  section. 

Ceux  qui  nous  ont  fait  l'honneur  de  nous  lire  jusqu'ici  ont 
déjà  vu  quel  système  beau,  admirable  et  avantageux  est  la  Con- 
fédération pour  nous,  canadiens-français  et  catholiques.  La 
Confédération  nous  réserve  encore  pourtant  d'autres  avantages: 
c'est  que  la  province  de  Québec,  le  Bas-Canada,  ou  toute  autre 
province  en  particulier,  ne  pourra  jamais  être  taxé  pour  les  dé- 
penses du  gouvernement  fédéral  et  que  ce  dernier  ne  pourra 
jamais  taxer  nos  terres  pour  quoique  ce  soit.  C'est  là  la  teneur 
formelle  de  la  clause  125  : 

125.  Nulle  terre  ou  propriété  appartenant  au  Canada  ou  à  aucune  pro- 
vince en  particulier  ne  sera  sujette  à  la  taxation. 

Ainsi,  plus  d'inquiétude  désormais  :  jamais  nous  n'aurons  de 
taxe  directe  foncière  à  payer  pour  le  gouvernement  fédéral  ou 
pour  toute  autre  chose  que  ce  soit,  si  ce  n'est  en  ce  qui  concerne 
la  taxe  directe  pure  et  simple,  pour  nos  propres  besoins  locaux, 
dans  le  cas  impossible  où  nous  serions  assez  follement  prodigues 
pour  ne  pas  nous  contenter  des  vastes  ressources  que  nous  avons 
à  notre  disposition,  comme  nous  allons  le  démontrer  bientôt. 

Nous  avons  fait,  suivant  notre  humble  opinion,  suffisamment 
connaître  la  nouvelle  constitution  qui  nous  régit.  Nous  l'avons 
fait  connaître  honnêtement,  consciencieusement  ;  non  par  nos 
commentaires,  mais  par  les  citations  textuelles  extraites  de  la 
constitution  elle  même.     Et,  certes,  en  ce  faisant,  nous  n'avons 


16 

que  rempli  un  devoir  dicté  par  les  règles  de  la  plus  élémentaire 
probité.  Celui  qui  peut  tenir  une  plume  exerce  un  sacerdoce, 
et,  s'il  ment,  il  est  digne  du  mépris,  car  il  trahit  sa  mission  en 
abusant  d'un  don  précieux  reçu  de  Dieu.  Il  doit  la  vérité  à  ses 
lecteurs,  comme  le  prêtre  à  ses  ouailles,  et  s'il  faillit,  il  devient 
traitre  ou  apostat.  Il  est  donc  bien  misérable  celui  qui  ne  prend 
une  plume  que  pour  tromper  ses  compatriotes  :  c'est  pourtant  là 
le  rôle  de  tons  les  écrivains  rouges.  En  voulons-nous  un  exemple 
saillant,  palpable  ?  Ayez  le  courage  d'ouvrir  et  de  lire  avec  nous 
ce  petit  pamphlet  hideux  récemment  publié  par  les  rouges  dans 
l'intérêt  de  M.  A.  A.  Dorion  et  de  son  parti.  Nous  conseillons 
même  à  nos  lecteurs  de  le  parcourir,  s'ils  en  ont  la  force,  afin 
qu'ils  voient  par  eux-mêmes  à  quel  degré  de  bassesse  en  doit  être 
rendu  un  parti  qui  n'a  plus  pour  armes  que  le  mensonge  et  la 
calomnie.  Aussi  bien,  ce  sera  pour  nous  un  moyen  de  mieux 
connaître  et  de  plus  aimer  la  Confédération  en  voyant  comment 
il  est  facile  de  confondre  ces  effrontés. 

De  prime  abord,  une  chose  vous  frappe  en  lisant  ce  petit 
pamphlet  de  "  La  Confédération  couronnement  de  dix  années  de 
mauvaise  administration  :  "  c'e-t  l'absence  complète  de  citations  ! 
L'auteur,  que  nous  félicitons  beaucoup,  dans  son  intérêt,  d'avoir 
caché  son  nom,  se  contente  d'affirmer  sans  prouver.  C'est  plus 
commode  qu'honnête.  Il  remue  mer  et  monde  pour  prouver  que 
la  Confédération  nous  anglifie  et  nous  tue,  et  il  ne  cite  pas  une 
seule  clause  de  la  constitution.  Ah  !  bah,  quand  on  est  rouge  et 
enfant  de  la  libre  pensée,  élève  de  Dessaulles  par-dessus  le  marché, 
on  n'a  pas  besoin  d'être  si  fier.  Avant  tout,  il  faut  être  fidèle 
aux  traditions  de  l'école  et  du  papa  Voltaire  :  "  Mentez,  mentez, 
il  en  restera,  toujours  quelque  chose." 

Nous  procédons  par  ordre.  Le  premier  mensonge  du  petit 
pamphlet  est  que  le  ministère  Taché-McDonald  n'a  eu  recours  à 
la  Confédération  que  pour  garder  le  pouvoir.  Répondons  caté- 
goriquement. Nous  avons  assigné  deux  causes  à  la  Confédération, 
l'une  d'essence,  l'autre  d'opportunité  ;  la  cause  essentielle,  c'était 
le  danger  nous  venant  des  Etats-Unis  par  suite  de  leur  grande 
guerre  civile,  qui  en  faisait  une  puissance  militaire  de  premier 
ordre  et  pleine  d'ambition  et  de  convoitise.  La  preuve,  elle  est 
dans  le  fait  de  la  guerre  elle-même;  sur  ce  point,  que  nous  avons 
plus  haut  longuement  développé,  il  n'y  a  rien  à  ajouter  comme 
rien  à  réfuter  dans  ce  que  nous  avons  constaté.  Toutefois,  si 
un  lec'eur  plus  exigeant,  veut  de  plus  amples  preuves,  il  n'a  qu'il 
ouvrir  le  "  New-York  Herald"  du  onze  février  1865,  qui  con- 
tient une  étude  complète  sur  la  question  de  l'annexion  du  Canada 
aux  Eiats-Unis.     A  cette  époque,  on  s'en  souvient,  la  question 


17 

de  la  Confédération  était  chaudement  discutée  et  en  Canada  et 
aux  Etats-Unis;  les  Américains,  cela  va  sans  dire,  étaient  de 
chauds  adversaires  de  la  Confédération  pareequ'ils  voyaient  dans 
cette  mesure  la  ruine  de  leurs  espérances  sur  le  Canada.  Le 
"New-York  Herald,"  principal  organe  du  gouvernement  et  sur- 
tout écho  fidèle  de  l'opinion  publique  aux  Etats-Unis,  fit  une 
étude  spéciale  de  la  question  de  la  confédération  et  de  l'annexion 
pour  en  arriver,  naturellement  pour  lui,  à  la  conclusion  que  les 
Américains  ne  devaient  pas  laisser  adopter  la  confédération  ici, 
mais  qu'au  contraire  ils  devaient  presser  instantanément  l'an- 
nexion, vu  que  le  Canada,  avec  ses  grands  lacs  et  son  beau  fleuve 
St.  Laurent,  leur  était  absolument  indispensable  ;  mais  suivons 
notre  b.mne  hatitude  de  citer.  Nous  trouvons  donc  dans  ce  journal 
du  11  Février  1865,  à  la  première  colonne  de  la  deuxième  page, 
l'intéressant  passage  que  nous  traduisons: 

u  La  question  imposée  à  notre  gouvernement." 

"  Le  gouvernement  américain  doit  s'occuper  immédiatement 
"  de  l'importante  question  de  savoir  s'il  va  se  croiser  les  bras  et 
u  laisser  sans  mot  dire  l'Angleterre  ériger,  dans  des  motifs  d'hos- 
"  tilités  ouvertement  avoués,  sur  le  continent  américain  une 
11  série  de  forteresses  imprenables,  construire  et  armer  de  puis- 
a  sants  bâtiments  de  guerre  sur  les  lacs  américains  et  organiser 
"  une  milice  considérable  sous  la  conduite  d'officiers  anglais  sur 
"  les  frontières  des  Etats-Unis." 


M  Le  temps  est  venu  pour  nous  d'unir  sans  délai  le  Canada  à 
4t  la  république,  paisiblement,  si  possible,  par  la  force,  si  néces- 
"  saire." 

Plus  loin,  on  trouve  encore  dans  le  même  article,  que  les 
Américains  doivent  se  hâter  d'annexer  le  Canada  avant  la  pas- 
sation du  projet  de  confédération.  Cet  article,  long  de  treize 
colonnes,  est  curieux  à  étudier.  On  y  voit  une  volonté  bien 
arrêtée  chez  les  Américains  de  nous  posséder,  surtout  parce  que 
nous  leur  sommes  utiles. 

Nous  disions,  en  second  lieu,  que  les  difficultés  sectionnelles 
entre  le  Haut  et  le  Bas-Canada  avaient  été  pour  nos  hommes 
d'état,  une  occasion  de  hâter  la  mesure.  De  ces  deux  causes,  il 
n'est  rien  dit  dans  le  fameux  pamphlet.  Et,  lecteur,  savez-vous 
la  vérité  sur  le  sujet?  Vous  croiriez,  d'après  ce  pamphlet,  que  les 
rouges  ont  toujours  ignoré  les  difficultés  entre  le  Haut  et  le  Bas- 
Canada  ;  vous  croiriez  encore  qu'ils  ont  toujours  été  étrangers  à 
ces  difficultés  ;  vous  croiriez  encore  que  leur  grand  chef,  leur 
idole,  l'Hon.  A.  A.  Dorion,  a  toujours  été  contre  la  confédération 

2 


18 

et  qu'il  n'en  a  jamais  reconnu  la  nécessité.  Puisque  le  pamphlet^ 

écrit  pour  M.  Dorion,  revisé  par  lui,  avoue  carrément  que  la 

seule  cause  de  la  confédération  était  l'amour  du  pouvoir  chez  M. 

Cartier  et  son  parti,  veus  êtes  bien  obligé  de  le  croire  jusqu'à 

preuve  du  contraire,  et  de  penser  que  ces  bons  rouges  et  cet 

excellent  M.  Dorion  ont  toujours  été  contre  la  confédération  et 

n'en  ont  jamais  parlé.     Lisez  alors,  mais  bien  attentivement,  ce 

que  M.  Dorion  disait  en  Chambre  le  6  Juillet  1858  :     "  Uabro- 

''  gation  de  V  Union,  V  Union  Fédérale  basée  sur  la  population  ou 

11  quelque  autre  grand  changement  constitutionnel,  doit,  de  toute 

"  nécessité,  avoir  lieu,  et,  pour  ma,  part,  je  suis  disposé  à  exami- 

"  ner  la  question   de  la  représentation  basée  sur  la  population 

11  pour  voir  si  elle  ne  pourrait  pas;  être   concédée  avec  des  garan- 

"  des  pour  la  protection  de  la  religion,  de  la  langue  et  des  lois 

"  des  Bas-Canadiens.     Je  suis  prêt  pareillement  à  prendre  en 

"  considération  le  projet  d'une  confédération  lequel  laisserait  à 

"  chaque    Province,    F  administration   de   ses    affaires    locales, 

"  comme,  par  exemple,  le  pouvoir  de  décréter  ses  propres  lois 

11  civiles,  municipales  et  d'éducation,  et  au  gouvernement  géné- 

"  rai,  V administration  des  travaux  publics,  des  terres  publiques, 

"  du  département  des  postes  et  du  commerce 

il 

u 

tt 

Avec  le  temps,  les  idées  de  M.  Dorion  marchèrent;  en  1858, 
il  trouvait  déjà  que  la  confédération  était  uue  bonne  chose  ;  en 
1860,  il  l'appelait  de  tous  ses  vœux.  Le  3  mai  1860,  il  disait 
encore  : 

"  J'avertis  les  députés  du  Bas-Canada  que,  lorsque  le  temps 
"  viendra,  toute  la  représentation  du  Haut-Canada  s'unira  et 
"  obtiendra  la  représentation  basée  sur  la  population  avec  l'aide 
"  des  députés  des  townships  de  l'Est.  Je  regarde  l'Union  féde- 
•'  raie  du  Haut  et  du  Bas-Canada  comme  le  noyau  de  la  grande 
11  confédération  des  provinces  de  V Amérique  du  Xord,  que  j'ap- 
"  pelle  de  mes  vœux.  En  concluant,  je  dois  dire  que  je  voterai 
"  pour  la  résolution,  parce  que  c'est  le  seul  moyen  qu'aient  les 
"  deux  provinces  de  sortir  de  leurs  difficultés  actuelles.  Je  crois 
"  que  l'union  de  toutes  les  provinces  viendra  avec  le  temps." 

Est-ce  clair?  oui  ou  non  ?  C'est  le  chef  qui  a  parlé  ainsi  ;  son 
organe  le  "  Pays,"  tous  ses  disciples  l'ont  alors  approuvé.  Et 
maintenant  ces  gens  crient  que  la  confédération  n'était  pas  néces- 
saire et  n'a  été  proposée  que  comme  expédient  ministériel  !  Il  y 
a  encore  quelque  chose  de  pis  ;  on  a  vu  plus  haut  que  les  pou- 
voirs locaux  ont  l'administra tion  de  toutes  leurs  terres  publiques  : 


19 

qu'on  relise  le  numéro  5  de  la  clause  92.  M.  Dorion,  lui,  vou- 
lait, dans  son  discours  de  lr  58,  laisser  l'administration  des  terres 
publiques  au  gouvernement  fédéral  ;  la  confédération  que  nous 
avons  obtenue  est  donc  bien  plus  avantageuse  que  celle  que  M. 
Dorion  appelait  de  tous  ses  vœux  en  1860.  Nous  avouons  ici 
ingénument  que  la  plume  nous  tombe  des  mains  en  préseuce  de 
tant  de  mauvaise  foi,  de  tant  de  contradiction  et  de  tant  d'abais- 
sement. Comment!  Vous,  M.  Dorion  ;  vous  MM.  les  rouges, 
vous  avez,  depuis  1858,  reconnu  la  nécessité  d'un  changement 
constitutionnel,  vous  avez,  depuis  1858  et  1860,  acclamé  l'idée 
d'une  confédération  moins  avantageuse  que  celle  que  nous  a 
gagnée  M.  Cartier,  et  aujourd'hui,  vous  vous  prononcez  contre 
cette  confédération,  jadis  objet  de  tous  vos  vœux  ! 

Au  fond  peut-être  avons  nous  tort  de  nous  indigner  d'un  phé- 
nomène qui  n'est  que  naturel  ;  tout  peut  s'expliquer  aisément 
quand  on  a  suivi  de  près  les  évolutions  du  parti  rouge  et  de  ses 
chefs.  En  1858  en  1860  ils  espéraient  parvenir  au  pouvoir  et 
voyaient  les  américains  peu  s'occuper  de  nous.  Kn  1867  tout 
espoir  d'arriver  au  pouvoir  est  pour  eux  perdu  ;  mais  les  intri- 
gues américaines  et  les  invasions  féniennes  les  ramènent  à  leurs 
projets  chéris  d'annexer  leur  pays  au  territoire  de  l'oncle  Sam 
et  ils  se  prononcent  contre  la  confédération,  qui  est  notre  seul 
préservatif  contre  les  dommages  et  les  maux  de  l'annexion  et  les 
infamies  féniennes. 

Et  ces  gens-là  ont  l'audace  de  parler  d'honneur  et  de  probité!  !  ! 

Ab  uno  disce  omnes.  D'après  ce  premier  mensonge  du  petit 
pamphlet,  jugez  du  reste,  qui  est  de  la  même  force. 

Le  petit  pamphlet  des  rouges,  dit  en  second  lieu,  que  la  confé- 
dération ne  nous  a  été  donnée,  que  pour  réaliser  le  fameux  rap- 
port de  Lord  Durham.  Nous  avons  presque  honte  d'avoir  à 
nous  occuper  de  cette  ineptie.  11  faut  être  bien  malhonnête  ou 
croire  le  peuple  bien  ignorant,  pour  faire  un  tel  avancé.  Lord 
Durham  venait  en  Canada  à  la  suite  des  troubles  de  1 837  et 
1838,  étudier  les  moyens  d'anglifier  le  Canada  Français,  afin 
de  prévenir  le  retour  de  nouveaux  troubles  civils.  Imbu  des 
préjugés  de  race  que  lui  inculqua  en  arrivant  l'oligarchie  anglai- 
se, acharnée  à  nous  tyraniser  depuis  1791,  il  proposa  à  la  métro- 
pole trois  systèmes  qui,  suivant  lui,  devaient  nous  angliâer,  nous 
anéantir  et  rétablir  par  là   la   paix  sur  des  bases  permanentes  : 

1.  L'Union  législative  du  Haut  et  du  Bas-Canada  ;  2.  l'U- 
nion législative  de  toutes  les  Provinces  de  l'Amérique  Britanni- 
que du  Nord,  ou,  3.  la  Confédération  de  ces  dernières  Provinces. 
Le  projet  de  confédération  fut  mis  de  coté,  comme  inefficace  à  at- 


20 

teindre  le  résultat  désiré  et  l'on  eut  recours  à  l'Union  législative 
pi2re  et  simple  du  Bas-Canada. 

Voilà  toute  l'histoire  de  ce  fameux  rapport.  L'union  fut 
adoptée  comme  le  plus  sûr  moyen  de  nous  réduire  ;  elle  nous  fut 
imposée  en  1840  et  ses  uniques  effets  ont  été  de  nous  grandir  et 
de  nous  permettre  de  nous  affirmer  comme  nation  ainsi  que  nous 
3'avons  surabondamment  démontré  plus  haut. 

Quelle  analogie  peut-il  donc  y  avoir,  entre  ce  rapport  de  Lord 
Durham  et  la  Confédération  de  1867,  que  nous  avons  demandée 
et  acceptée  spontanément  et  volontairement.  C'en  est  assez 
pour  nous  édifier  sur  la  bonne  foi  et  les  connaissances  historiques 
de  Messieurs  les  rouges. 

La  confédération  qui  nous  régit  fournit  la  plus  ample  protec- 
tion possible  à  nos  lois,  à  notre  religion,  à  notre  langue  et  nos  in- 
térêts matériels.  Il  suffit  de  lire  les  attributions  conférées  au 
gouvernement  de  la  Province  de  Québec  pour  prouver  notre  as- 
sertion. Toutes  ces  choses  précieuses  et  sacrées  sont  placées 
sous  notre  contrôle  immédiat  et  exclusif  et  tout  droit  d'ingérence 
à  ce  sujet  est  formellement  enlevé  au  gouvernement  fédéral. 
Mais  il  y  a  plus  ;  non-seulement  notre  belle  langue  française  se- 
ra la  seule  parlée  dans  le  Parlement  de  la  Province  de  Québec 
où  nous  formons  la  presque  totalité,  mais  elle  sera  encore  la  lan- 
gue officielle  dans  le  Parlement  Fédéral  conjointement  avec  la 
tangue  anglaise  et  l'usage  en  sera  facultatif  dans  les  débats.  C'est 
là  la  disposition  formelle  de  la  clause  133  de  la   Constitution  : 

133.  Dans  les  chambres  du  parlement  du  Canada  et  les  chambres  de  la 
législature  de  Québec,  l'usage  de  la  langue  française  ou  de  la  langue 
anglaise,  dans  les  débats,  sera  facultatif;  mais  dans  la  rédaction  des 
archives,  procès-verbaux  et  journaux  respectifs  de  ces  chambres,  l'usage 
de  ces  deux  langues  sera  obligatoire  ;  et  dans  toute  plaidoirie  ou  pièce  de 
procédure  par-devant  les  tribunaux  ou  émanant  des  tribunaux  du  Canada 
qui  seront  établis  sous  l'autorité  du  présent  acte,  et  par-devant  tous  les 
tribunaux  ou  émanant  des  tribunaux  de  Québec,  il  pourra  être  fait  égale- 
ment usage,  à  faculté,  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  langues. 

Les  actes  du  parlement  du  Canada  et  de  la  législature  de  Québec 
devront  être  imprimés  et  publiés  dans  ces  deux  langues. 

Les  américains  eux-mêmes,  dont  les  rouges  nous  vantent  tant 
h  libéralité,  accordent  moins  aux  Français  de  la  Louisiane,  que 
nous  n'avons  obtenu  de  l'Angleterre  et  des  colonies  anglaise  con- 
fédérées avec  nous.  Dans  le  parlement  local  de  l'Etat  de  la 
Louisiane,  la  langue  française  n'est  en  effet  que  facultative  dans 
les  débats,  mais  n'est  pas  langue  officielle  et  tous  les  procès- 
verbaux,  archives,  registres,  projets  de  lois  et  statuts  ne  sont  écrits 
et  imprimés  qu'en  anglais.  Mais  il  existe  encore  une  preuve 
bien  plus  éclatante  de  l'excellence  de  la  Confédération  pour  nous, 


21 

de  la  protection  illimitée  qu'elle  donne  à  tous  nos  intérêts  religieux, 
moraux,  matériels  et  nationaux,  dans  les  paroles  sacrées  des  hauts 
dignitaires  de  l'église  du  Canada. 

Quiconque  sait  un  peu  son  histoire  de  la  nouvelle  France, 
n'ignore  pas  que  le  clergé  catholique  a  rendu  au  pays  d'immenses 
services  et  que  c'est  à  lui  que  nous  devons  d'être  restés  Français 
et  catholiques,  dans  la  plus  belle  acception  du  mot.  A  toutes  les 
époques  critiques  de  notre  histoire,  nous  voyons  toujours  nos 
évêques  pleins  de  dévouement  et  de  zèle  pour  nos  intérêts,  inter- 
venir dans  la  politique,  pour  prévenir  les  mesures  dangereuses 
projetées  par  les  ennemis  de  notre  race  et  de  notre  religion  ;  et, 
en  cela,  l'épiscopat  usait  non-seulement  d'un  droit,  mais  remplis- 
sait un  devoir.  Tout  le  monde  sait  en  effet,  comme  le  Pape  l'a 
plusieurs  fois  déclaré  dans  des  encycliques  demeurées  célèbres, 
que  le  clergé  a  le  droit,  bien  plus,  le  devoir  d'intervenir  dans 
toutes  les  questions  politiques  et  gouvernementales  qui  toueheat 
à  la  religion,  à  la  morale,  et  aux  intérêts  généraux  des  peuples. 
L'Episcopat  actuel  s'est  montré  digne  de  son  prédécesseur;  il  a 
suivi  avec  attention  et  anxiété,  toute  les  discussions  sur  le  projet 
de  Confédération  depuis  1864,  et  lorsqu'en  février  ou  mars 
dernier,  la  Confédération  devint  un  fait  accompli,  tous  les  évêques 
catholiques  tant  du  Bas-Canada,  que  des  autres  Provinces  confé- 
dérées, ont  approuvé  la  constitution,  l'ont  déclarée  bonne  et  avan- 
tageuse aux  intérêts  des  catholiques,  et  ont  conseillé  fortement  à 
leurs  diocésains  de  ne  travailler  et  de  ne  voter  dans  les  prochaines 
élections,  que  pour  les  candidats  qui  avaient  contribué  à  la  pas- 
sation de  cette  mesure,  ou  qui  déclareraient,  formellement  l'ap- 
prouver et  vouloir  la  soutenir  en  tous  points. 

Ecoutons  d'abord,  Monseigneur  Cook,  évêque  de  Trois- 
Rivières,  dans  son  admirable  mandement  du  huit  juin  dernier 
(18G7)  dont  nous  extrayons  les  quelques  lignes  suivantes,  où  il 
parle  particulièrement  du  projet  de  confédération. 

Vous  n'ignorez  pas,  N.  T.  C.  F.,  quelle  fut  la  vivacité  des  débats  sur 
ce  projet  dans  la  Chambre  d'Assemblée.  La  grande  majorité  des  députés 
le  regardaient  comme  la  seule  planche  de  salut  que  la  Piovidence  offrait 
à  notre  nationalité,  tandis  que  la  minorité  le  repoussait  de  toutes  ses 
forces,  sans  avoir  toutefois  de  plan  bien  arrêté  à  mettre  à  la  place  pour 
arracher  le  pays  de  l'impasse  où  il  se  trouvait.  Un  certain  nombre  des 
membres  de  cette  minorité  laissait  entrevoir  assez  clairement  que  l'annexion 
du  Canada  aux  Etats-Unis  était  bien  la  condition  indispensable  au  salut 
de  notre  nation.  Quelques-uns  auraient  préféré  laisser  les  choses  comme 
elles  étaient,  ou  amener  tout  au  plus  quelques  modifications  à  la  consti- 
tution qui  n'auraient  fait  que  reculer  pour  quelque  temps  la  crise  en 
l'aggravant. 

Pour  tout  homme,  tant  soit  peu  observateur,  il  était  évident  qu'à  peu 
près  tous  reconnaissaient  la  nécessité  d'un  changement  de  constitution, 


22 

et  que  la  lutte  véritable  était  entre  la  confédération  et  l'annexiou,  c'est-à- 
dire,  qu'il  s'agissait  de  décider  si  le  Canada  allait  se  préparer  à  devenir 
un  grand  Etat  prospère  et  libre,  en  marchant  courageusement  vers  l'ac- 
complissement des  destinées  que  la  Providence  semble  lui  réserver  ;  ou 
bien  si,  renonçant  à  la  vie  de  peuple  libre  et  maître  chez  lui,  il  allait  pour 
toujours  enchaîner  son  avenir  au  sort  d'une  république  qui  n'a  encore  vécu 
qu'à  peu  près  l'âge  d'un  homme,  et  qui  a  déjà  traversé  plusieurs  guerres 
et  notamment  la  dernière,  la  plus  épouvantable  des  guerres  civiles  dont 
les  annales  des  nations  fassent  mention  ;  guerre  civile  qui  lui  a  dévoré 
plus  d'un  million  de  ses  enfants,  et  creusé  un  abime  où  se  sont  englouties 
pour  des  années  ses  richesses  et  sa  propérité. 

Quelques  rouges,  encore  plus  imbécilles  que  malhonnêtes,  ont 
osé  lâchement  vociférer,  que  M.  Cartier  et  son  parti  était  traîtres 
à  la  religion  et  à  la  nationalité  parce  qu'ils  avaient  proposé  et 
adopté  la  confédération  ;  le  public  intelligent  ne  les  a  pas  crus. 
A  part  quelques  Béotiens  arriérés  du  rougisme,  tout  le  monde  a 
fait  justice  de  ces  honteuses  accusations.  Le  saint  évêque  de 
Trois-Rivières,  apprécie  justement  ces  déclamations  inspirées  par 
la  sottise  et  la  méchanceté  et  venge  noblement  nos  patriotiques 
hommes  d'état  ;  jamais  plus  bel  hommage  n'a  été  rendu  à  l'intel- 
ligence et  aux  sentiments  nationaux,  de  M.  Cartier  et  de  son 
parti  : 

Cependant,  N.  T.  C.  F.,  attendu  que  les  divers  moyens  par  lesquels  on 
pouvait  essayer  de  tirer  notre  pays  des  difficultés  où  il  se  trouvait,  étaient 
matière  d'opinion,  et  qu'il  était  libre  à  chacun  de  choisir  celui  qu'il  croyait 
le  plus  avantageux,  Nous  n'avons  pas  cru  qu'il  fut  nécessaire  délever  la 
voix  en  cette  circonstance  ;  mais  Nous  n'en  avons  pas  suivi  avec  moins 
de  vigilance  la  question  dans  toutes  ses  phases,  afin  de  sauvegarder, 
dans  la  mesure  de  nos  forces,  nos  intérêts  religieux,  et  de  nous  assurer 
qu'ils  seraient  pour  le  moins  aussi  efficacement  protégés  sous  la  nouvelle 
constitution.  Voilà  pourquoi  nous  avons  dâ  faire  parvenir  nos  réclama- 
tions respectueuses  auprès  du  gouvernement  impérial  pour  assurer  aux 
Catholiques  du  Haut-Canada  une  égalité  de  protection  avec  les  protestants 
du  Bas-Canada  sur  la  question  de  l'éducation. 

Mais  c'est  avec  peine  que  nous  avons  vu  la  violence  avec  laquelle  quel- 
ques-uns de  nos  compatriotes  se  sont  élevés  contre  le  projet  de  confédéra- 
tion ;  non  qu'il  ne  fût  permis  de  le  discuter  dans  le  temps  ;  mais  il  est  tou- 
jours repréhensible  de  manquer  de  modération.  Nous  eussious  été  heureux 
de  voir  plus  de  calme  dans  la  discussion  :  c'eut  été  la  voie  la  plus  propre 
à  faire  juger  sainement  ce  projet,  qui  après  tout,  était  regardé  par  la  ma- 
jorité de  nos  concitoyens  comme  une  nécessité  bien  grave,  à  la  vérité, 
mais  comme  le  moyen,  le  plus  praticable  de  sortir  des  circonstances  diffi- 
ciles où  nous  nous  trouvions.  Nous  avons  surtout  regretté  les  efforts  qui 
ont  été  faits  pour  jeter  l'alarme  parmi  vous,  lorsque  l'on  a  cherché  à  vous 
faire  croire  que  ce  projet  n'était  rien  moins  qu'une  trahison. 

Ce  sont  là,  des  excès  extrêmement  regrettables,  N.  T.  CF.,  que  la 
charité  chrétienne  condamne,  et  dont  il  faut  se  carder  avec  un  grand 
soin.  Nous  devons  toujours  observer  les  règles  de  la  justice  envers  tout 
le  monde,  et  nous  délier  de  semblables  exagérations.  Elles  ne  sont  pro- 
pres qu'à  empirer  la  douloureuse  division  qui  nous  à  déjà  fait  tant  de  mal. 


23 

C'est  i\  la  vérité,  la  justice  et  la  modération  que  nous  aurons  la  consolation 
de  voir  renaître  au  milieu  de  nous  la  concorde  et  l'union.  Tel  est  l'ensei- 
gnement de  nos  livres  saints  ;  u  Misericordia  et  venin*  obviaverunt  subi  : 
justitia  et  fax  osculatse  sunt.  "  M  La  miséricorde  et  la  vérité  >t  sont  ^con- 
trées :  la  justice  et  la  paix  se  BOflJt  embrassées."  Ps.  84,  v.  11.  Non,  Nous 
ne  voyons  aucune  raison  pour  justifier  une  accusation  aussi  odieuse  et 
aussi  grave  ;  Nous  ne  connaissons  rien  qui  puisse  autoriser  à  croire  que 
la  confédération  soit  un  acte  de  trahison.  Elle  a  été  discutée  assez  long- 
temps, examinée  assez  scrupuleusement  par  les  hommes  les  plus  dévoués 
et  les  plus  éclairés  de  toutes  les  provinces  pour  lever  tout  le  doute  à  cet 
égard.  Cependant,  il  n'en  est  par  moins  Mai  que  ce  n'est  toujours 
qu'avec  crainte  et  en  tremblant  qu'il  faut  porter  la  main  à  la  base  sur  la- 
quelle repose  un  édifice  tout  entier,  pour  lui  en  substituer  une  autre;  tant 
le  moindre  défaut  d'équilibre  pourrait  entraîner  de  funestes  conséquences. 

Le  vénérable  prélat  ne  s'est  pas  contenté  d'approuver  la  con- 
fédération et  de  louer  le  zèle  et  1  inteligence  de  ses  auteurs  ;  il  a 
encore  voulu  conseiller  à  ses  diocésains  de  s'unir  dans  un  même 
effort  patriotique,  pour  se  soumettre  au  nouveau  régime  et  n'élire 
que  des  hommes  disposés  à  l'approuver  et  à  le  faire  fonctionner 
pour  la  promotion  de  nos  meilleurs  intérêts.  Nous  ne  pouvons 
résister  au  plaisir  de  mettre  devant  les  yeux  du  public  la  citation 
suivante  qui  rappelle  les  plus  beaux  temps   apostoliques  : 

Aujourd'hui  que  ce  projeta  reçu  la  sanction  du  gouvernement  impérial 
et  qu'il  est  devenu  la  loi  fondamentale  du  pays,  nous  devons  nous  rappe- 
ler que  notre  devoir,  comme  catholiques,  est  de  mettre  un  terme  à  toute 
discussion  sur  ce  sujet  ;  si  nous  avons  eu  parfaite  liberté  d'opinion  dans 
les  limites  du  juste  et  de  l'honnête,  tant  que  la  confédération  n'a  été  qu'à 
l'état  de  projet,  si  nous  avons  pu  en  toute  sûreté  de  conscience  être 
pour  ou  contre,  la  combattre  avec  chaleur  ou  la  défendre  avec  con- 
viction, suivant  que  nous  l'avons  cru  utile  ou  dangereuse,  il  rCen  est  plus 
ainsi  dtpuis  qu'elle  est  pansée  à  V état  de  loi.  Elle  est  devenue  aujourd'hui 
une  chose  jugée  et  obligatoire  ;  et  c'est  le  temps  de  vous  rappeler  ce  grand 
principe  du  Catholicisme  :  Omnis  anima  potestatibus  sublimioribus  subdita 
sit  :  non  est  enim  potestas  nisi  à  Deo  :  quœ  autem  sunt  à  JJeo  ordinaUe 
sunt.  "  Que  tout  le  monde  soit  soumis  aux  puissances  supérieures  ;  car 
il  n'y  a  point  de  puissance  qui  ne  vienne  de  Dieiij  et  c'est  lui  qui  a  éta- 
bli toutes  celles  qui  sont  sur  la  terre.''  Rom.  XII.  v.  1.  Quelles  qu'aient 
été  nos  opinions  antérieures,  le  bien  de  notre  pays,  et  les  enseignements 
de  notre  religion  nous  font  un  égal  devoir  de  l'accepter  et  de  nous  y  sou- 
mettre. Vous  devez  en  conscience,  N.  T.  C.  F.,  et  comme  catholiques, 
et  comme  amis  sincères  de  l'ordre,  de  l'union  et  de  la  paix,,  vous  devez  fa- 
voriser dans  la  mesure  de  vos  forces,  et  par  le  concours  de  votre  bonne 
volonté,  le  bon  fonctionnement  de  la  constitution  qui  va  bientôt  être 
inaugurée. 

Ce  devoir,  vous  aurez  à  le  remplir  dans  les  prochaines  élections,  en 
vous  assurant  que  les  hommes  dont  vous  allez  faire  choix  pour  vous  re- 
présenter dans  les  parlements,  seront  animés  de  eet  esprit  de  conciliation 
de  cette  bonne  volonté  dont  le  concours  est  indispensable  pour  tirer  de  la 
nouvelle  constitution  tout  le  bien  que  nous  devons  attendre. 


24 

Sa  Grandeur  Monseigneur  l'Evêque  de  Rimouski  n'est  pas 
moins  explicite  : 

La  Constitution  qui  fonde  ainsi  au  Nord  des  Etats  un  grand  et  riche 
empire,  a  été,  Nous  le  croyons  sincèrement,  amenée  providentiellement 
par  une  suite  de  circonstances  exceptionnelles.  Les  rouages  de  la  ma- 
chine gouvernementale  ne  pouvaient  plus  fonctionner  ;  mille  riralités  de 
races,  de  croyances  religieuses,  d'intérêts  politiques  ou  sectionnels,  nous 
menaçaient  d'une  anarchie  complète  ;  lorsque  plusieurs  de  nos  hommes 
d'Etat  les  plus  éminents  ont  formé  le  projet,  pour  mettre  fin  à  ces  diffi- 
cultés interminables  et  toujours  renaissantes,  d'agrandir  leur  sphère  d'ac- 
tion, et  d'unir  en  un  puissant  Etat  des  Provinces  qui,  dans  leur  isolement, 
n'avaint  que  bien  peu  de  moyens  de  développer  leurs  ressources.  C'est  ce 
proj  ;t,  fruit  de  mûres  délibérations,  qui  a  été  soumis  à  l'approbation  des 
Parlements  Provinciaux  et  à  celle  du  Parlement  Impérial,  et  qui  est  de- 
venu dans  toutes  ces  dispositions  essentielles  la  loi  du  pays. 

Vous  allez  donc  choisir,  X.  0.  F.  des  Représentants  capables  de  soute- 
nir vos  intérêts  et  de  vous  faire  honneur  par  leurs  principes  honnêtes,  par 
leur  éducation,  par  leur  expériences  des  affaires  publiques.  Ils  devront 
vous  promettre  de  travailler  franchement- et  cordialement  à  faire  fonction- 
ner le  nouvel  ordre  de  choses,  et  à  seconder  à  cet  effet  ceux  qui  vont  être 
appelés  à  l'inaugurer.  Vous  vous  défierez,  s'il  s'en  rencontrait  parmi 
vous,  de  ces  esprits  mécontents  qui  rêvent  le  bonheur  et  la  prospérité 
dans  l'annexion  à  un  pays  voisin.  S'ils  réussissaient  dans  leurs  sinistres 
projets,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise,  ce  serait,  à  moins  d'un  miracle  de  la  Pro- 
vidence, la  ruine  de  notre  peuple,  la  perte  de  nos  mœurs,  de  nos  coutumes 
de  notre  langue,  l'anéantissement  de  notre  nationalité.  Vous  exigerez 
donc  des  Candidats  une  déclaration,  explicite  et  formelle  de  principes, 
l'engagement  positif  de  soutenir  la  nouvelle  Constitution. 

L'Archevêque  de  Québec  dans  un  mandement  publié,  il  y  a 
quelques  jours,  disait  encore,  entre  autres  choses  : 

"  Ainsi  donc,  N.  T.  C.  E  ,  comme  l'union  fédérale  qui  vient  de  s'opérer 
émane  de  l'autorité  légitime,  vous  la  regarderez  comme  loi,  et  vous  obéirez  à 
l'ordre  de  Dieu,  en  l'acceptant  en  toute  sincérité.  Il  est,  d'ailleurs,  de 
votre  intérêt,  comme  c'est  pour  vous  un  devoir  de  conscience,  de  le  faire, 
pour  qu'elle  puisse  contribuer  à  la  prospérité  commune,  et  procurer  par 
là  l'avantage  des  individus.  Bientôt  vous  serez  appelés  a  choisir  ceux  qui 
soit  dans  le  parlement  fédéral  soit  dans  le  parlement  local,  devront  tra- 
vailler à  mettre  en  pratique  la  nouvelle  constitution.  Vous  vous  garde- 
rez donc  de  donner  vos  voix  à  de?  hommes  disposés  à  la  combattre  ou  à 
mettre  des  entraves  h  son  fonctionnement,  mais  vous  les  donnerez  à  des 
citoyens  éprouvés  et  reconnus  comme  ayant  à  cœur  de  la  faire  servir  au 
plus  grand  bien  du  pays. 

"  Ce  qui  doit  nous  rassurer,  \.  T.  C.  F.  c'est  que  la  nouvelle  forme  de 
gouvernement  qui  vient  de  nous  être  donnée,  a  été  préparée  avec  soin  par 
des  hommes  bien  connus,  eux  aussi,  par  leur  patriotisme,  aussi  bien  que 
par  les  services  qu'ils  ont  rendus  à  leur  commune  patrie.  Si  elle  n'est 
pas  sans  défauts  ;  si  eile  n'est  pas  tout  ce  qu'on  aurait  pu  désirer  qu'elle 
fut,  rappelons  nous  que  rien  n'est  partait  dans  ce  monde,  et  que,  dans  un 
pays  commo  le  nôtre,  ou   tant  d'intérêts  divers  sont  en    présence  il    était 


25 

impossible  de  se  refuser  à  de  mutuelles  concessions,  et  d'arriver  à  un  ar- 
rangement qui  put  donner  satisfaction  à  tout  le  monde.  C'est  r/jx  hom- 
mes à  qui  vous  allez  confier  le  soin  de  vous  représenter  dans  l'un  et  l'au- 
tre parlement,  de  s'unir  fortement  ensemble  pour  conjurer  le  danger,  s'il 
existe,  et  pour  tirer  le  meilleur  parti  possible  de  la  situation.  Vous  avez 
donc  une  raison  de  les  choisir  parmi  ceux  qui  se  distinguent  davantage 
par  leur  honnêteté,  leur  énergie  et  leur  dévouement  à  la  chose  publique. 

L'éloquent  évêque  de  St.  Hyacinthe  n'est  pas  resté  en  arrière 
de  ses  vénérables  frères  en  Episcopat.  Il  nous  trace  de  main  de 
maître,  un  portrait  fidèle  des  adversaires  de  la  Confédération, 
c'est-à-dire  des  rouges  et  des  annexionnistes.  En  lisant  les  lignes 
suivantes,  on  croirait  voir  Notre-Seigneur  flagellant  les  pro- 
fanateurs du  temple  : 

Que  la  prudence  vous  mette  en  garde  contre  les  ten- 
dances de  certains  esprits  et  de  certains  journaux  exaltés,  qui  sont  loin 
de  Nous  apparaître  comme  des  guides  que  vous  puissiez  suivre  sans 
danger!  Fermez  vos  oreilles  à  l'insinuation  perfide,  assez  souvent  répétée! 
Plutôt  V annexion  que  la  confédération  telle  qu'elle  nous  est  donnée.  De- 
meurez convaincus  que  pour  ceux  qui  tiennent  ce  langage,  la  confé- 
dération n'est  qu'un  prétexte  mis  en  avant  :  l'annexion  est  clairement 
l'objet  de  leur  conviction  politique,  et  d'une  convoitise  qu'ils  flattent  et 
fomentent  depuis  assez  longtemps,  Nous  en  sommes  témoin  ! 

Et  à  notre  estime,  l'Annexion  si  jamais  elle  a  lieu,  sera  la  mort  ou  la 
destruction  certaine  de  notre  nationalité,  qui  ne  vit  que  par  nos  institu- 
tions, notre  langue,  nos  lois,  et  surtout  notre  Religion,  et  c'est  parce  que 
Nous  sommes  plein  de  la  conviction  que  tous  nos  intérêts  religieux 
auraient  grandement  à  souffrir  de  notre  Annexion  aux  Etats-Unis  que 
Nous  nous  fesons  un  devoir  de  vous  signaler  le  danger.  De  sorte  qu'en 
vous  parlant  ainsi,  Nous  abordons  un  sujet  qui  intéresse  plus  la  Religion 
que  la  politique.  Et  Nous  demandons  aux  hommes  sérieux  et  sans  passions, 
s'il  y  aurait  moyen  d'oser  affirmer  le  contraire  ? 

Et  malgré  cela,  il  demeure  plus  que  certain  qu'il  y  a  parmi  nous  des 
gens  qui  pensent  et  poussent  à  l'annexion  !  Qui  ignore,  en  efiet,  aujour- 
d'hui que  la  société  secrète,  designée  sous  le  nom  de  Club  de  St.  Jean- 
Baptiste,  qui  se  formait,  il  y  a  quelque  temps  à  Montréal,  et  que  des  zéla- 
teurs coupables  ont  cherché  à  répandre  dans  les  campagnes,  avait  pour 
but  et  pour  fin  de  créer  un  courant  annexionniste?  Qui  ne  sait  nùme  que 
quelques-uns  de  ses  membres,  dans  le  but  de  favoriser  et  de  hâter  l'An- 
nexion, ont  eu  le  triste  courage  de  fraterniser  avec  la  bande  méprisable 
des  Féniens,  qui,  l'an  dernier,  ont  envahi  notre  sol,  et  fait  couler  le  sang 
de  nos  concitoyens  ? 

Nous  serions  curieux  de  savoir  ce  que  pensent  de  ce  portrait, 
les  ci-devant  députés  des  comtés  d'Iberville,  de  Bagot  et  de  Ri- 
chelieu. 

Sa  Grandeur,  Monseigneur  l'Evêque  de  Montréal,  avait  déjà 
depuis  longtemps  devancé  ses  illustres  collègues,  dans  une  lettre 
du  11  mars  1867,  adressée  à  l'honorable  George  Etienne  Cartier, 
et  dans  une  circulaire  à  son  clergé  du  25  mai  dernier  (1867), 
lettre  et  circulaire  que  tout  le  monde  connaît  et  qui  viennent 


26 

d'être  publiées  dans  tous  les  journaux  du  pays.  Tous  les  évêques 
du  Haut-Canada  et  des  provinces  maritimes  ont  également  ap- 
prouvé la  Confédération. 

La  lettre  de  l'Evêque  de  Montréal ,  mérite  certainement 
reproduction  : 

Montréal,  le  11  mars  1867. 

M.  le  Procureur-Général, 

Je  reçois,  à  l'instant,  la  copie  du  British  North  America  Bill  que  vous 
avez  eu  la  bonté  de  m'adresser  ;  et  je  m'empresse  de  vous  présenter  mes 
sincères  remerciements  pour  votre  bienveillante  attention. 

Je  comprends  vivement  que  ce  Bill  intéresse  à  un  haut  degré  notre  pays, 
qui,  après  toutes  les  phases  d'administration  par  lesquelles  il  lui  a  fallu 
passer  depuis  un  certain  nombre  d'années,  a  grand  besoin  de  se  fixer  sur 
des  bases  stables  et  durables. 

Il  serait  superflu  de  vous  dire  que  le  clergé,  tout  en  se  mettant  en  dehors 
de  toutes  luttes  de  partis  politiques,  n'en  est  pas  moins  attaché  au  pays 
qui  l'a  vu  naître,  et  qu'il  aime,  comme  un  bon  enfant  aime  sa  mère,  et  cet 
amour  est  d'autant  plus  ardent  qu'il  lui  est  inspiré  par  la  religion. 

Veuillez  bien  croire,  M.  le  Procureur-Général,  à  la  haute  estime  avec 
laquelle  j'ai  l'honneur  d'être  votre  très-humble  et  obéissant  serviteur, 

7  IG.,  ÉVÊQUE  DE  MONTRÉAL. 

A  l'Hon.  G.  E.  Cartier,         ï 

Proc.-Gén.,  etc.,  j- 

Palais  de  Westminster,  Londres  J 

Il  nous  semble  modestement  que  l'opinion  des  évêques,  que 
nous  venons  de  rapporter,  vaut  bien  celle  de  Messieurs  Lanctot 
et  Dorion,  les  deux  chefs  du  parti  anti-fédéral.  Nous  est  avis 
même,  que  le  peuple  préfère  ses  saints  évêques  à  ces  deux 
glorieux  personnages,  et  surtout  dans  les  affaires  politiques  ;  en 
effet,  l'hon.  A.  A.  Dorion  en  fait  de  sublimes  conceptions  poli- 
tiques, n'a  jamais  dépassé  l'invention  des  juges  à  paix  électifs. 
Pourtant,  il  a  eu  des  moments  d'oubli  ;  lorsque  son  parti  ne  l'ob- 
sédait pas,  il  a  eu  le  noble  courage  d'appeler  de  tous  ses  vœux, 
une  Confédération  bien  moins  bonne  que  celle  de  M.  Cartier  ; 
mais  c'était  dans  l'heureux  temps  où  ses  partisans,  éloignés  de 
lui,  voulaient  bien  lui  laisser  démentir  le  spirituel  Gaspard  Le- 
mage  :  l'on  sait  en  effet  qu'un  jour,  M.  Dorion  fatigué  de  n'être 
que  la  queue  du  parti  qui  l'avait  choisi  pour  chef,  s'est  écrié 
dans  un  moment  d  amer  découragement  :  "  Je  suis  leur  chef,  il 
faut  bien  que  je  les  suive."  M.  Dorion  avait  été  créé  et  mis  au 
monde  pour  être  un  excellent  homme  d'état  de  cinquième  ordre 
et  il  eut  été  admirable,  s'il  eut  voulu  comprendre  que  ses  par- 
tisans exploitaient  sa  réputation  d'honnêteté  professionnelle  pour 
en  faire  un  chef  qu'ils  pussent  décider  à  se  contredire  aussi  souvent 
que  les  besoins  de  la  cause  l'auraient  exigé.    Nous  déplorons  sin- 


cèrement  son  sort.     Qunnt  à  M.  Médéric  Lanctot,  il  a  plus  de 
courage  et  n'a  jamais  reculé  dans  les  grandes  occasions  où  il  s'a- 
gissait d'affirmer  les  beaux  principes  du  parti  :  combat  au  poing, 
bris  de  vitres  et  de  maisons,  cour  de  police,  amende  ou  emprison- 
nement, rien   ne   l'effrayait.     Aussi,  s'est-il  fait  un  nom  notoire 
et  remarquable  parmi  la  gent  démagogique.  Nous  pouvons  même 
prédire   qu'il   ira  loin,   si,   surtout,  le   gouvernement  veut  s'en 
occuper.     Lors   de  l'invasion  fénienne,  il  put  faire,   grâce   aux 
fonds  secrets  qu'il  reçut  de  la  confrérie  fénienne,  tous  ses  efforts 
et  dans  le   club   St.  Jean-Baptiste   et  dans  un  journal  extorqué 
sous  de  fiux  prétextes,  pour  attirer  sur  lui,  l'attention  de  la 
police  et  des  autorités  militaires.     On  le  dédaigna  :  il  en  conçut 
une  rage  morbide.  Il  espérait  être  emprisonné  ;  il  le  criait  même 
sur  les  toits,  dans  l'espoir  de  mieux  vendre  sa  feuille  barbouillée 
aux  épiciers  peu  fiers.     Un  jour,  pourtant,  il  eut  occasion  de  ma- 
nifester son  héroïque  bravoure.     La  police  eut  à  faire  une  des- 
cente dans  sa  boutique,   pour  coffrer  un   de   ses  employés,  qui 
avait   trop  honoré  Bacchus.     M.  Médéric  Lanctot,  crut  que  le 
bonheur  lui  arrivait  et  qu'on  en  voulait  à  son  auguste  personne. 
Ce  fut  sa  journée  "  des  éperons,"   et  pour  prouver  qu'il  était 
vaillant,  il  alla  faire  une  petite  promenade  aux  Etats-Unis.  Son 
employé   récalcitrant  ayant  réglé  avec   M.  Penton,  M.  Lanctot 
revint  se  livrer  aux  autorités  qui  ne  l'avaient  jamais  réclamé.     Il 
fut  heureux  d'avoir  échappé  à  un  aussi  grand  péril,  et  ses  colla- 
borateurs l'en  félicitèrent  bien  cordialement.     Pour  lui,  en  vrai 
héros  espagnol,  il  ne  pardonna  jamais  à  M.  Cartier  et  à  la  police, 
de  lui  avoir  fait  une  aussi  mauvaise  affaire,  et  il  ne  se  considéra 
comme  bien  vengé  de  cet  odieux  attentat  contre  sa  liberté,  que 
lorsqu'il  eut  essayé  de  corrompre  nos  braves  ouvriers  du  faubourg 
Québec,  qui  malheureusement  commencent  déjà  à  le  connaître  et 
à  l'apprécier.     Mais  il  a  déjà  pourvu  à  cette  sombre  éventualité, 
et  le  jour  où  la  banqueroute  le  délaissera  lui-même  pour  fondre 
sur  ses  magasins  au  prix  coûtant,  il  ira  offrir  ses  services  gratis, 
bien  entendu,  à  ses  frères,  les  nobles  Féniens,  et  leur  vendra  son 
intéressante   feuille,  argent  comptant,  afin  de  mieux   assurer  le 
paiement  de  la  créance  du  père  Marier. 


Nous  venons  de  faire  impartialement  l'historique  de  la  confé- 
dération et  de  ses  avantages,  de  même  que  nous  avons  fait 
connaître  l'hypocrisie  et  la  mauvaise  foi  de  ceux  qui  combattent 
cette  mesure.  On  sait  maintenant  que  penser  des  mensonges 
du  petit  pamphlet  rouge  et  de  ce  qu'il  dit  au  sujet  du  rapport 
de  Lord  Durham,  de  la  question  d'éducation  et  des  mandements 


28 

de  nos  évèques.  Nous  pouvons  ajouter  que  dans  la  confédération 
les  intérêts  catholiques  seront  toujours  protégés  efficacement. 

Voyons  en  effet,  quel  sera  le  nombre  des  catholiques  dans  la 
confédération.  Disons  d'abord,  en  prenant  pour  base  le  recense- 
ment de  1861,  et  en  comprenant  de  suite,  comme  faisant  partie 
de  la  confédératioD,  l'Ile  du  Prince-Edouard  et  Terre-Neuve, 
qui  de  fait  y  entreront  bientôt,  que  le  chiffre  total  de  la  popula- 
tion de  la  confédération  est  de  3,292,706  âmes  ;  sur  ce  total,  la 
confédération  comptera  1,465,979  catholiques,  répartis  comme 
suit,  savoir  : 

Haut-Canada 258,141 

Bas-Canada  943,253 

Nouveau-Brunswick  85,238 

Nouvelle-Ecosse  86,281 

Ile  du  Prince-Edouard 35,852 

Terre-Neuve  57,-214 

Total    1,465,979 

Ce  qui  fait  à  peu  près  la  moitié  de  catholiques.  Ainsi  donc, 
si  les  protestants  dans  le  Parlement  Fédéral  voulaient  molester 
les  catholiques,  nous  nous  trouverions  à  lutter  à  peu  près  moitié 
contre  moitié,  en  mettant  les  choses  au  pis.  Mais  il  y  a  des 
circonstances  qui  changent  complètement  les  chances  et  les  tour- 
nent toutes  du  côté  des  catholiques. 

En  premier  lieu,  la  population  catholique  est  toute  homogène, 
nullement  dévorée  par  les  divisions  intestines  des  différentes 
sectes,  comme  l'est  le  protestantisme  ;  elle  devra  opérer  et  il  sera 
toujours  de  son  intérêt  de  marcher  en  un  faisceau  uni  et  com- 
pact, pour  que  rien  ne  la  divise.  Il  n'en  est  pas  de  même  du 
protestantisme,  partagé  en  plusieurs  dénominations  dont  quel- 
ques-unes se  jalousent  ou  se  détestent,  et  qui  ne  pourront  jamais 
se  réunir  pour  tyranniser  les  catholiques,  parce  que  chacune  de 
ces  dénominations  étant  faible,  aura  besoin,  dans  certains  cas 
donnés,  du  concours  des  catholiques  de  sa  province. 

Quelques  chiffres,  puisés  aux  meilleures  sources  vont  nous 
prouver  ce  fait.     La  confédération  comptera  : 

Anglicans  517,542 

Presbytériens 498,646 

Wesleyens  et  Méthodistes 458,388 

Baptistes 192,530 

Luthériens 29,651 

Congrégationalistes 1S,104 

Croyances  diverses 78,735 

Sans  aucune  religion 18,860 

Ceux  dont  les  crovances  ne  sont  pas  connues 17.271 


29 

Ces  dénominations  comparées  vis-à-vis  la  population  totale,  de 
Ja  Confédération,  donnent  le  résultat  géométrique  suivant  : 

Les  Anglicans  représentant 15§  par  100 

Les  Presbytériens 15-J  " 

Wesleyens  et  Méthodistes 14  " 

Baptistes 5J  l( 

Luthériens f  " 

Congréganistes J  " 

Croyances  diverses 2^  ll 

Sans  religion ^  " 

Croyances  non  connus J  " 

Les  catholiques,  eux,  représentent  vis-à-vis  le 

tout 44J  " 

Nous  voyons  de  suite  quelle  supériorité  numérique  nous  possé- 
dons sur  chacune  des  dénominations  protestantes  séparées. 

Un  second  avantage  qui  éloigne  tout  danger  des  catholiques, 
c'est  la  libéralité  bien  connue  et  presque  extraordinaire  des  pro- 
testants des  provinces  maritimes.  Dans  ces  provinces  la  haute 
éducation  est  presque  toute  entre  les  mains  du  clergé  catholique 
et  notamment  des  Jésuites  ;  la  plus  grande  partie  de  leurs 
hommes  politiques  ont  puisé,  quoique  protestants,  leur  éducation 
dans  des  institutions  catholiques  et  sont  conséquemment  pleins 
de  tolérance  à  l'égard  de  notre  croyance.  Là,  les  institutions 
catholiques  sont  vues  du  même  œil  que  les  protestantes  par  toute 
la  population  et  par  le  gouvernement.  Pour  ne  prrler  que  de 
la  Nouvelle-Ecosse,  il  y  a  dans  cette  province  deux  collèges 
catholiques,  sous  la  direction  exclusive  de  prêtres  et  de  jésuites, 
et  ces  deux  collèges  reçoivent  du  gouvernement  la  même  subven- 
tion annuelle  que  les  collèges  protestants,  savoir,  mille  piastres 
par  année  :  ce  sont  les  collèges  de  Ste.  Marie  et  de  St.  François- 
Xavier,  et  il  en  est  ainsi  de  toutes  les  autres  provinces.  Mais, 
bien  plus,  dans  chacune  de  ces  provinces,  la  population  catho- 
lique excède  de  beaucoup  le  nombre  de  chaque  dénomination 
protestante,  et  dans  deux  d'entre  elles,  Terre  Neuve  et  l'Ile  du 
Prince  Edouard,  l'élément  catholique  figure  à  peu  près  par 
moitié  dans  le  chiffre  total  de  la  population. 

Il  est  donc  de  la  dernière  évidence  que  les  catholiques  dans  la 
confédération  ne  peuvent  être  molestés,  et  il  faut  être  bien  peu 
soucieux  de  son  honneur  et  de  la  vérité,  pour  prétendre  que  la 
confédération  met  dans  le  gouvernement  général,  nos  intérêts 
religieux  en  danger,  et  ce,  pour  les  deux  bonnes  raisons  que  nous 
venons  de  développer,  lo  pour  que  le  parlement  fédéral  n'a  pas 
juridiction  sur  l'éducation  et  nos  institutions  religieuses,  2o  parce 


^0 

que  s'il  y  avait  appel  d'un  gouvernement  local  au  ministère  iédéral, 
sur  une  question  d'éducation  publique,  et  que  cet  appel  serait 
fait  dans  le  but  de  molester  les  catholiques,  (et  nous  maintenons 
que  la  supposition  est  impossible)  nous  verrions  tous  les  protestants 
des  Provinces  d'en  bas,  s'allier  à  la  moitié  catholique  pour  influ- 
encer victorieusement  le  gouvernement  fédérai.  Nous  pouvons 
conclure  hardiment  que  sous  la  confédération,  nos  intérêts  reli- 
gieux et  nationaux  se  trouvent  complètement  à  l'abri  de  tout 
danger  :  la  constitution  nous  le  promet,  et  tous  nos  vénérables 
évêques  et  les  honnêtes  gens  ont  trouvé  la  promesse  suffisante  et 
l'ont  sanctionnée  par  leur  approbation. 

Mais  disent  les  rouges,  et  leur  organe,  Le  Pays  et  le  petit 
pamphlet  la  confédération  nous  ruine,  et  va  nous  amener  la  taxe 
directe.  Nouveau  mensonge  que  nous  allons  de  suite  mettre  en 
poussière. 


FINANCES. 

Dans  le  petit  pamphlet  rouge  en  question,  la  question  financière 
n'est  nullement  touchée  ;  on  se  contente  de  déclamations  banales, 
sur  les  prétendus  gaspillages  des  dernières  admistrations,  qui 
n'ont  rien  à  voir  dans  le  débat  actuel. 

Quant  à  la  situation  financière  qui  est  faite  à  la  Province  de 
Québec,  sous  la  confédération,  ou  n'en  dit  rien  du  tout  et  pour 
cause.  M.  le  pamphlétaire  se  borne  à  des  chiffres  mensongers  et 
imaginaires  et  il  a  la  force  de  donner,  comme  dépenses  annuelles 
de  la  Province  de  Québec,  les  dépenses  générales  annuelles  des 
deux  Canadas  avant  la  confédération,  ce  qui  est  de  la  plus  odieuse 
malhonnêtetés  et  de  la  plus  grande  fausseté.  Il  tait  avec  soin  les 
ressources  de  la  Province  de  Québec,  ne  dit  mot  des  bénéfices  con- 
sidérables que  nous  confèrent  certains  articles  de  la  constitution 
et  il  évite  d'en  citer  un  seul.  C'est  là  la  mesure  exacte  du  respect 
que  messieurs  les  rouges  ont  pour  le  peuple  ;  au  lieu  de  l'instruire 
comme  ils  eu  ont  la  prétention,  ils  emploient  tout  leur  zèle 
à  le  tromper  par  des  assertion  fausses  et  que  chaque  articles  de 
la  constitution  dénient.  Encore  une  fois,  si  la  constitution  est 
mauvaise  et  nous  ruine,  pourquoi  ne  pas  citer  les  articles  qui 
prouvent  leurs  avancés  ?  La  raison  de  leur  silence  est  bien 
simple  ;  s'ils  mettaient  devant  le  peuple  les  articles  de  la  consti- 
tution se  rapportant  aux  finances  et  aux  ressources  du  Bas-Canada, 
ils  se  trouveraient  dans  la  pénible  nécessité  de  prouver  eux-mêmes 
qu'ils  ne  sont  que  de  fieffés  menteurs. 

Nous  allons  de  nouveau  établir  leur  mauvaise  foi,  par  la  cons- 
titution elle  même  : 


31 

109.  Toutes  les  terres,  mines,  minéraux  el  réserves  royales  appartenant 
aux  différentes  provinces  du  Canada,  de  la  Nouvelle-Ecosse  et  du  Nouveau- 
Brunswick  lors  de  l'union,  et  toutes  les  sommes  d'argent  alors  dues  ou 
payables  pour  ces  terres,  mines,  minéraux  et  réserves  royales,  appartien- 
dront aux  différentes  provinces  d'Otario,  Québec,  la  Nouvelle-Ecosse  et  le 
Nouveau-Brunswick,  dans  lesquelles  ils  sont  sis  et  situes,  ou  exigibles, 
restant  toujours  soumis  aux  charges  dont  ils  sont  grevés,  ainsi  qu?à  tous 
intérêts  autres  que  ceux  que  peut  y  avoir  la  province. 

110.  La  totalité  de  l'actif  inhérent  aux  portinos  de  la  dette  publique 
assumées  par  chaque  province,  appartiendra  à.  cette  province. 

111.  Le  Canada  sera  responsable  des  dettes  et  obligations  de  chaque 
province  existantes  lors  de  l'union. 

112.  Les  provinces  d'Ontario  et  Québec  serout  conjointement  respon- 
sables envers  le  Canada  de  l'excédant  (s'il  en  est)  de  la  dette  de  la  pro- 
vince du  Canada,  si,  lors  de  l'union,  elle  dépasse  soixante-et-deux  millions 
cinq  cent  mille  piasttes,  et  tenues  au  paiement  de  l'intérêt  de  cet  excédant 
au  taux  de  cinq  pour  cent  par  année. 

Les  sommes  suivantes  seront  annuellement  payées  par  le  Canada  aux 
diverses  provinces  pour  le  maintien  de  leur  gouvernements  et  législa- 
tures : 

Ontario $80,000 

Québec 70,000 

Nouvelle-Ecosse 60,000 

Nouveau-Brunswick 50,000 

Total $260,000 

Et  chaque  province  aura  droit  à  une  subvention  annuelle  de  quatre-vingts 
centins  par  chaque  tête  de  la  population,  constatée  par  le  recensement  de 
mil  huit  cent  soixante-un,  et — en  ce  qui  concerne  la  Nouvelle-Ecosse  et 
le  Nouveau-Brunswick — par  chaque  recensement  décennal  subséquent, 
jusqu'à  ce  que  la  population  de  chacune  de  ces  deux  provinces  s'élève  à 
quatre  cent  mille  âmes,  chiffre  auquel  la  subvention  demeurera  dès  lors, 
fixée.  Ces  subventions  libéreront  à  toujours  le  Canada  de  toutes  autres 
réclamations  et  elles  seront  payées  semi-annuellement  et  d'avance  à 
chaque  province;  mais  le  gouvernement  du  Canada  déduira  de  ces  sub- 
ventions, à  l'égard  de  chaque  province,  toutes  sommes  d'argent  exigibles 
comme  intérêt  sur  la  dette  publique  de  cette  province  si  elle  excède  les 
divers  montants  stipulés  dans  le  présent  acte. 

Pour  appuyer  d'avantage  notre  prétention,  citons  de  nouveau 
quelques  paragraphes  de  l'article  92  déjà  reproduit,  pour  faire 
voir  nos  sources  de  revenus  : 

POUVOIRS    EXCLUSIFS    DES    LÉGISLATURES    LOCALES. 

Dans  chaque  Province  la  Législature  pourra  exclusivement  faire  des 
lois  relatives  aux  matières  tombant  dans  les  catégories  de  sujets  ci-dessous 
énumérés,  savoir  : 


3.  Les  emprunts  de  deniers  sur  le  sous  crédit  de  la  province. 

5.  L'administration   et  la  vente  des   terres  publiques   appartenant  à  la 
province  et  des  bois  et  forêts  qui  s'y  trouvent. 


32 

8.  Les  licences  de  boutique,  de  cabarets,  d'auberge,  d'encanteurs  et 
autres  licences  dans  le  but  de  prélever  un  revenu  pour  des  objets  provin- 
ciaux, locaux  ou  municipaux. 

14.  L'administration  de  la  justice  dans  la  Province,  etc. 

15.  L'infliction  de  punitions  par  voie  d'amendes,  pénalité,  etc. 

On  va  voir  maintenant  que  la  Confédération  nous  laisse  en 
commun  avec  le  Haut  Canada,  des  propriétés  qui  nous  don- 
neront des  revenus  considérables  dont  au  moins  la  moitié  nous 
appartiendra  pour  subvenir  à  nos  dépenses  ordinaires  et  extraor- 
dinaires: 

113.  L'actif  énuméré  dans  la  quatrième  cédule  annexée  au  présent  acte 
appartenant  lors  de  l'Union  à  la  province  du  Canada,  sera  la  propriété 
d'Ontario  et  de  Québec  conjointement. 

QUATRIÈME  CÉDULE. 

Actif  devant  la  propriété  commune  d1  Ontario  et  Québec. 

Fonds  de  bâtisse  du  Haut-Canada. 

Asile  d'aliénés. 

Ecole  Normale. 

Palais  de  Justice  dans  le  1 

Kamouraska,  J 

Société  des  hommes  de  loi,  Haut-Canada. 

Commission  des  chemins  à  barrières  de,  Montréal. 

Fonds  permanent  de  l'université. 

Institution  royale. 

Fonds  consolidé  d'emprunt  municipal,  Haut-Canada, 

Fonds  consolidé  d'emprunt  municipal,  Bas-Canada. 

Société  d'Agriculture,  Haut-Canada. 

Octroi  législatif  en  faveur  du  Bas-Canada. 

Prêt  aux  incendiés  de  Québec. 

Compte  des  avances,  Témiscouata. 

Commission  des  chemins  à  barrières  de  Québec. 

Education — Est. 

Fonds  de  bâtisse  et  de  jurés,  Bas-Canada. 

Fonds  des  municipalités. 

Fonds  du  revenu  de  l'éducation  supérieure  Bas-Canada. 

Après  ces  citations,  nous  pouvons  bien  rappeler  les  paroles  de 
l'un  des  publicités  les  plus  éminents  de  l'Amérique  du  Nord, 
lequel  n'a  jamais  été  partisan  bien   ardent  de  la  confédération  : 

"  Pour  comprendre,  dit-il,  toute  la  signification  de  ces  dispo- 
11  sitifs,  il  est  important  d'avoir  devant  les  yeux,  avec  cet  avoir, 
"  les  obligations  qui  en  sont  le  débit. 

"  La  séparation  de  l'administration  provinciale  de  l'adminis- 
l'  tration  fédérale  a  naturellement  créé  deux  classes  distinctes  de 
"  revenus  et  aussi  deux  classes  distinctes  de  dépenses.  Ce  que 
"  nous  avons  à  constater  pour  le   moment,  ce  sont,  d'abord  les 


33 

4*  chiffres  du  revenu  et  de  la  dépense  de  l'administration  du  Bas- 
11  Canada,  tels  que  nous  les  fait  la  confédération,  et  à  s'assurer 
"  ensuite,  qu'en  pratiquant  l'éconoraie,  sans  nuire  au  développc- 
**  nient  de  nos  ressources,  de  nos  améliorations  locales,  de  nos 
'*  institutions  et  généralement,  de  notre  prospérité,  nous  sommes 
"  amplement  pourvus  pour  l'avenir  et  que  nous  n'aurons  pas 
"  besoin  d'avoir  recours  au  moyen  extrême  de  la  taxe  directe. 

"  Commençons  par  le  chiffre  de  la  dépense.  D'après  des 
"  calculs  basés  sur  des  données  puisées,  presque  toutes,  à  des 
"  sources  officielles  et  quelques  unes  seulement,  (celles  relatives 
"  à  la  législature  et  au  gouvernement)  sur  les  probabilités 
"  appuyées  sur  l'expérience  et  sur  la  connaissance  des  choses  et 
"  des  besoins  :  d'après  ces  calculs,  nous  arrivons  au  résultat 
4i  suivant  : 

DÉPENSE. 

Administration  gouvernementale  et  législation $150,000 

Judiciaire   (administration) 100,000 

Pénitentiaires 70,000 

Ecoles 160,000 

Asiles  d'aliénés 90,000 

Institutions  littéraires 5,900 

Hôpitaux  et  autres  institutions  de  charité  21,390 

Arts 3,500 

Agriculture 4,000 

Réparations  d'édifices  publics  etc 15,000 

Colonisation  (chemins) 50,000 

Autres  chemins 15,000 

Bureau  des  mesureurs  de  bois 35,009 

Travaux  publics 30,000 

Contingents  de  bureau 30,000 

Autres  contingents 32.000 

Glissoires 15,000 

Arpentage  30,000 

Terres  (administration) 57,000 

Autres  dépenses  non-énumérées 180,000 


Total $1,099,790 

Nous  avons  basé  nos  calculs  en  prenant  les  plus  hauts  chiffres 
possibles,  afin  d'être  sûrs  de  ne  pas  éprouver  de  déconvenue  ;  nos 
dépenses  seront  certainement  moindres  que  le  total  que  l'on 
vient  de  donner,  et  dans  tous  les  cas,  ne  pourront  jamais  l'excéder. 
Il  nous  reste  à  voir  quelles  ressources  nous  aurons  pour  rencon- 
trer ces  dépenses.  — 

3 


34 

REVENU. 

D'après  la  clause  118  de  la  confédération,  la  Province 
de  Québec  recevra  du  gouvernement  fédéral  une 

allocation  annuelle  de $      70,000 

D'après  la  même  clause,  nous  avons  droit  à  une  sub- 
vention additionnelle  de  80  cents  par  tête,  payable 
d'avance,  ce  qui  donne,  la  population  du  Bas- 
Canada  étant,  en   1861,  de  1,111,566,   le  beau 

chiffre  de 889,252 

Nos  revenus  locaux,  dont  la  confédération  nous  laisse 
la  propriété  exclusive  et  l'administration  absolue, 
en  vertu  des  clauses  92,  109,  110,  111  et  112, 
qui  ont  toutes  été  citées,  produiront,  en  faisant 
les  plus  modestes  estimés  basés  sur  les  revenus 
des  dernières  années,  les  diverses  sommes  suivantes  : 

Bois 105,000 

Terres 300,000 

Observons  de  suite  que  ce  chiffre  de  $300,000  est 
bien  au-dessous  de  la  moyenne.  En  1865,  le  revenu 
des  terres  s'est  élevé  à  la  somme  de  $830,992,  dont  . 
au  moins  la  moitié,  savoir:  $415,496,  devrait  repré- 
senter la  valeur  annuelle  approximative  des  terres  du 
Bas-Canada,  puisqu'il  y  en  a  plus  de  disponibles  ici 
que  dans  le  Haut-Canada,  et  cependant  nous  n'avons 
fixé  que  $300,000,  comme  terme  moyen,  afin  d'être 
certain  de  rester  au-dessous  du  vrai  et  de  n'être  pas 
démenti  dans  l'avenir. 

Autres  revenus  locaux,  tels  que  :  impôts  sur  l'admi- 
nistration de  la  justice,  licences,  amendes,  confis- 
cations, s'élevant  à  au  moins 300,000 

Total  du  revenu $1,664,252 

Total  de  la  dépense 1,099,790 

S  564,462 
C'est  donc  une  somme  de  $564,462  comme  excédant  de  nos 
revenus  sur  nos  dépenses,  et  dont  nous  pourrons  disposer  pour 
les  objets  qui  nous  seront  les  plus  nécessaires.  Il  est  impossible 
d'inaugurer  le  nouveau  système  sous  des  circonstances  plus  pros- 
pères. C3S  chiffres  sont  basés  sur  des  données  officielles  et  sur 
les  articles  mêmes  de  la  constitution  ;  personne  ne  peut  les 
démentir,  et,  s'il  y  a  exagération,  c'est  plutôt  en  moins  qu'en  plus. 
Il  est  bien  vrai  qu'en  vertu  de  l'article  112  de  la  constitution, 
qu'on  vient  de  voir,  le  gouvernement  fédéral  ne  se  charge  de  la 


35 

dette  des  deux  Canadas  que  jusqu'au  montant  de  $62,500,000, 
et  que  la  Province  de  Québec  et  la  Province  d'Ontario,  tout  en 
étant  déchargées  du  surplus  de  la  dette  vis-à-vis  leurs  créanciers, 
seront  néanmoins  tenues  de  payer  et  rembourser  au  gouvernement 
central  l'intérêt  sur  ce  surplus  de  la  dette  au  taux  de  cinq  pour 
cent  par  an.  La  dette  publique  des  deux  Canadas  était,  d'après 
les  dernières  statistiques  officielles,  de  $07,203,994  ;  le  surplus 
sera  donc  de  $4,763,994.  Nous  sommes  sûr  d'exagérer  considé- 
rablement en  plus,  en  prenant  pour  le  Bas-Canada  la  moitié  de 
ce  surplus  de  $4,763,994,  c'est-à-dire  32,381,997.  Nous  aurions 
donc,  par  ce  partage,  à  payer  annuellement  en  intérêts,  sur  cette 
dette,  une  somme  de  $119,035  ;  mais  n'allons  pas  croire  que 
cette  dernière  somme  entamera  le  surplus  de  nos  revenus  que 
nous  avons  établi  plus  haut,  à  la  somme  de  $564,402;  car,  dans 
l'énumération  que  nous  avons  faite  de  nos  ressources  et  de  nos 
revenus  ordinaires,  nous  avons  mis  de  côté,  à  dessein,  pour  nous 
en  occuper  ici  spécialement,  une  autre  source  de  revenus  et 
profits  très-considérables,  tirée  de  l'article  113,  déjà  cité  en  entier. 
Les  statistiques  les  phis  sûres  fournies  sur  le  sujet  établissent,  en 
effet,  ainsi  qu'il  suit,  la  valeur  des  propriétés  laissées  par  le  gou- 
vernement fédéral  aux  Provinces  de  Québec  et  d'Ontario,  qui 
s'en  partageront  les  revenus  entre  elles  : 

Fonds  de  bâtisse,  H.- C $      36,200 

Ecole  Normale,  B.-C 47,777 

Palais  de  justice,  Aylmer,  Montréal,  Kamouraska..         269,050 

Société  hommes  de  loi,  H.-C 25,000 

Compagnie  chemins  et  barrières,  Québec 42,600 

"  "<  «  Montréal 188,000 

Fonds  permanent  d'Université 1,200 

Institution  royale 7.990 

Fonds  consolidé  emprunt  municipale,  H.-C 7,294,800 

Intérêts 2,429,540 

Fonds  consolidé  emprunt  municipale,  B.-C 2,876,729 

Intérêts 055,836 

Société  agriculture,  H.-C 4,000 

Octroi  Législatif,  B.-C 28,494 

Prêt  aux  incendies  de  Québec 273,429 

Fonds  de  Témiscouata 3,000 

Education  est 273,429 

Fonds  des  Jurés 60,000 

Fonds  des  municipalités 59,707 

204,113 

Fonds  des  revenus  Education  Supérieure 239,362 

$15,029,366 


36 

En  lisant  attentivement  cette  nomenclature  de  notre  avoir, 
nous  verrons  que  plus  de  la  moitié  se  trouve  dans  le  Bas-Canada, 
et  que  conséquemment,  notre  part  des  revenus  sera  d'autant 
plus  élevée.  L'intérêt  de  cet  actif  à  six  pour  cent  par  an, 
donnerait  un  revenu  annuel  de  $903,318,  dont  la  province  de 
Québec,  pourrait  avo  r  au  moins  une  bonne  moitié,  savoir  à  peu 
près  $500,000.  Mais  mettons  les  choses  au  pire  ;  quelques-uns 
de  ces  revenus  pourraient  être  lents  à  entrer  ;  disons  même  que 
le  partage  en  sera  injuste  entre  nous  et  le  Haut-Canada  et  que 
nous  n'aurons  que  la  juste  moitié.  Pour  faire  la  part  de  ces 
pertes  et  de  ces  inconvénients  éventuels,  supposons  que  cette 
somme  de  815,026,366  ne  rapportera,  par  impossible,  qu'un 
intérêt  de  trois  pour  cent  par  an  ;  donc,  à  trois  pour  cent  par  an, 
nous  aurons  encore  un  intérêt  de  8450,880,  dont  au  moins  la 
motié  appartiendra  à  la  province  de  Québec,  savoir  $225,440. 
Ainsi  nous  nous  trouvons  avec  un  revenu  extraordinaire,  mais 
sûr  de  $225,440,  pour  rencontrer  la  somme  de  $119,035,  étant 
notre  part  à  payer  des  intérêts  de  la  moitié  du  surplus  de  notre 
ancienne  dette,  ce  qui  nous  laisse  un  surcroit  de  $106,405,  à 
ajouter  à  notre  excédant  de  $564,462,  et  en  additionnant  ces 
deux  dernières  sommes,  nous  avons,  savoir  : 

Excédant,  de  nos  revenus  ordinaires  sur  nos  dépenses 

ordinaires $564 ,462 

Excédant  de  notre  moitié  des  revenus  de  nos  propriétés 
communes  sur  les  intérêts  de  la  moitié  du  surplus 
de  l'ancienne  dette  des  deux  Canadas 106,405 

Total  de  l'excédant  de  nos  recettes  générales  sur  nos 

déboursés  généraux $670,867 

En  face  de  ce  résultat  si  beau,  tous  nos  hommes  bien  pensant 
et  animés  d'un  patriotisme  réel,  tous  nos  vénérables  Prélats  n'a- 
vaient-ils pas  raison  de  s'écrier,  que  la  confédération  était  notre 
salut  matériel,  religieux*  et  national  ?  n'avaient-ils  pas  raison  de 
s'écrier  que  la  confédération  était  le  résultat  heureux  des  efforts 
combinés  de  nos  hommes  d'état  les  plus  éclairés,  les  plus  habiles 
et  les  plus  désintéressés  ? 

Ici  doit  venir  une  réflexion  bien  naturelle.  Quel  est  l'intérêt, 
le  mobile  des  rouges  dans  leurs  déblatérations  continuelles  à  pro- 
pos de  taxes  directes  ou  indirectes  ?  Qui  est-ce  qui  les  pousse  à 
mentir  sans  cesse  depuis  1847,  à  propos  de  taxes  et  d'impôts  ? 
Jamais  ils  n'ont  parlé  au  peuple  de  choses  sérieuses,  grandes, 
propres  à  l'élever.  Qu'on  ouvre  leurs  brochures,  qu'on  parcoure 
leurs  journaux  et  l'on  verra  que  leur  grand  cheval  de  bataille  a 


37 

toujours  été  taxes  et  impôts.  Cette  manie  chez  eux  révèle  une 
grande  malhonnêteté  et  une  grande  hypocrisie  ;  elle  est,  de  plusr 
l'indice  d'une  absence  lamentable  de  cœur  et  de  patriotisme  j  elle 
montre  encore  que  le  parti  rouge  méprise  profondément  le  peu- 
ple et  n'a  toujours  cherché  qu'à  l'exploiter  et  à  s'en  faire  un  mar- 
chepied pour  atteindre  le  but  de  ses  ambitions  effrénées.  En 
fin  de  compte  ces  gens-là  n'ont  toujours  cherché  qu'à  préjuger  le 
peuple  contre  les  gouvernants  et  l'autorité  :  en  criant  sovs  et 
taxes.  Ils  croyaient  le  peuple  descendu  à  leur  niveau  et  c'est 
pour  cela  que  toute  leur  politique  a  toujours  roulé  sur  les  préju- 
gés et  les  intérêts  matériels.  Des  idées  religieuses,  grandes  et 
généreuses,  ils  n'ont  jamais  cherché  à  en  répandre.  Prenons  par 
exemple,  leur  petit  pamphlet  ;  qu'y  trouve  t-on  ?  Il  ne  contient  à 
proprement  parler,  que  deux  objections  contre  la  confédération  : 
le  nouveau  système  d'après  eux,  va  nous  ruiner  et  nous  conduire 
à  la  taxé  directe  ;  en  second  lieu,  les  prétendues  prodigalités  des 
anciennes  administrations  vont  encore  nous  mener  à  la  taxe  direc- 
te. C'est  en  vain  que  vous  checheriez  autre  chose  dans  ce  produit 
de  cerveaux  rouges.  Nous  venons  de  faire  amplement  et  victo- 
rieusement justice  de  la  première  objection.  Nous  avons  démon- 
tré que  la  confédération  laisse  à  la  Province  de  Québec  d'immen- 
ses ressources,  que  nous  ne  pour.ons  jamais  être  taxés  pour  les 
dépenses  du  gouvernement  fédéral  et  qu'il  nous  est  radicalement 
impossible  d'arriver  à  nous  taxer  directement  pour  nos  intérêts 
locaux.  Cette  objection  de  de  la  part  des  rouges,  ne  repose 
donc  que  sur  un  mensonge,  une  odieuse  fausseté.  Quant  à  la 
seconde  objection,  c'est  un  véritable  hors  d'oeuvre.  Nous  le  de- 
mandons à  tout  homme  de  bonne  foi,  qu'ont  à  faire  ces  stupides 
accusations  contre  les  anciens  gouvernements,  à  propos  du  nou- 
veau régime  sous  lcquelle  nous  vivons  :  Si  la  confédération  est 
mauvaise,  citez  les  clauses  de  la  constitution  et  montrez  nous  en 
quoi  elles  sont  préjudiciables  à  nos  intérêts  religieux,  nationaux 
et  matériels.  C'est  le  seul  moyen  honnête  et  convenable  de  com- 
battre une  mesure  que  l'on  croit  mauvaise.  Cependant  vous 
n'en  faites  rien  et  vous  vous  contentez  de  divaguer  à  tort  et  à 
travers  sans  rien  citer. 

Croyez-vous  le  peuple  assez  ignorant,  assez  insensé,  pour  vous 
croire,  et  avez-vous  la  naïveté  de  penser  qu'il  vous  suffit  de  men- 
tir sur  le  compte  des  anciens  gouvernements  du  Canada,  comme 
sur  le  compte  des  Honorables  G.  E.  Cartier  et  J.  A.  Macdonald, 
pour  tourner  la  population  contre  un  état  de  choses  que  n'ont  pas 
amené  ces  deux  ministres  éminents,  mais  qu'ils  ont  eu  la  sagesse 
de  croire  acceptable,  pour  nous  garder  et  nous  protéger  contre 
les  Américains,  les  Féniens  et  leurs  alliés  du  Bas-Canada  c'est-à- 


38 

dire  vous,  Mess,  les  rouges,  les  annexionnistes  et  les  ciubistes. 
D'ailleurs  tous  vos  arguments  reposent  sur  la  contradiction  et 
l'hypocrisie  la  plus  pitoyable.  Dans  tous  vos  écrits,  dans  tous 
vos  discours  aussi  vides  de  sens  que  pauvres  de  style,  vous  nous 
parlez  sans  cesse,  de  progrès,  de  libéralisme,  de  liberté  et  de  bon- 
heur du  peuple  ;  ouvrez  l'histoire  des  dix  ou  quinze  dernières  an- 
nées du  Canada  et  montrez  nous  un  peuple  qui  a  fait  autant  de 
progrès  que  nous  ?  Ouvrez  encore  nos  comptes  publics,  nos 
budgets  annuels,  et  dites  nous  où  sont  allés  et  à  quoi  ont  servi  ces 
emprunts,  ces  impôts,  ou  plutôt  ces  contributions  contre  lesquels 
vous  criez  tant,  pour  ameuter  notre  belle  population  agricole  et 
ouvrière  ? 

Mais  faisons  ici  quelques  considérations  sur  l'économie  poli- 
tique. Vous  ne  savez  p  is,  vous  autres,  messieurs  les  rouges,  ce 
que  c'est  que  s'endetter  pour  s'enrichir  et  développer  les  res- 
sources d'un  pays  neuf,  afin  d'en  augmenter  la  population  et  la 
fortune.  Vous  ignorez  également  la  position  géographique  du 
Bas-Canada  et  les  avantages  qu'on  pouvait  tirer  de  cette  position. 
Vous  le  savez  peut-être,  mais  vous  n'osez  le  dire  au  peuple,  afin 
de  lui  cacher  ce  qu'ont  pu  et  fait  pour  lui,  les  hommes  de  génie 
que  vous  vous  acharnez  à  calomnier.  Notre  dette  publique  s'est 
augmentée  considérablement  depuis  1850,  cela  est  incontestable  ; 
les  impôts  indirects  prélevés  depuis  1850,  ont  aussi  toujours  été 
croissants,,  cela  est  encore  vrai.  Si  pourtant,  vous  vouliez  dire  au 
peuple,  où  sont  allés,  cette  dette  et  ces  impôts  toujours  croissants, 
vous  savez  fort  bien  que  l'on  vous  répondrait  qu'il  faut  bénir  !es 
hommes  qui  ont  su  tirer  parti  des  immenses  ressources  naturelles 
que  possède  le  Canada.  Le  pays,  et  nous  parlons  surtout  du 
Bas-Canada,  était  resté  pauvre  et  faible  en  1760,  lors  de  la 
cession  du  Canada  à  l'Angleterre.  Durant  la  période  de  temps 
qui  s'écoula  de  1760  à  1850  ou  à  peu  près,  la  population  cana- 
dienne-française s'accrut  considérablement,  mais  consuma  pres- 
que toutes  ses  forces  dans  la  lutte  qu'elle  eut  à  soutenir,  pour 
s'affirmer  et  jouir  de  tous  les  droits  que  lui  conférait  le  Traité 
de  Cession.  En  1850,  ou  un  peu  avant,  ou  un  peu  après,  nous 
avions  acquis  la  reconnaissance  de  notre  autonomie  et  de  nos 
droits  politiques  et  civils,  de  la  part  de  nos  compatriotes  d'origine 
étrangère.  Ce  n'est  qu'alors  que  nous  pûmes  tourner  nos  regards 
vers  le  développement  de  nos  grandes  ressources  matérielles  et  le 
perfectionnement  de  nos  institutions  domestiques.  Le  regretté 
Sir  L.  H.  Lafontaine  comprit  cela,  mais  ne  put  qu'inaugurer 
faiblement  l'ère  nouvelle.  L'honorable  Georgo  Etienne  Cartier, 
héritier  naturel  de  sa  politique  arriva  quelque  temps  après  et  sut 
comprendre  la  nouvelle  situation,  les  nouveaux  horizons  ouverts 


39 

•devant  nous  et  continuer,  agrandir  et  compléter  l'œuvre  à  peine 
commencée  sous  Lafontaine,  que  de  regrettables  nécessités  poli- 
tiques et  une  trop  grande  susceptibilité  avaient  forcé  d'aban- 
donner trop  tôt  la  vie  publique.  Lors  de  l'Union,  nous  n'avions 
ni  système  d'éducation,  ni  chemins  vicinaux,  ni  routes  de  colo- 
nisation, ni  chemins  de  fer,  ni  navigation,  ni  canaux  en  un  mot, 
tout  était  à  créer  dans  le  pays.  Consultez  les  comptes  publics  et 
vous  verrez  à  quoi  ont  été  consacrés  la  dette  créée  et  les  impôts 
prélevés. 

Le  Canada  a  donc  dépensé  et  prêté  aux  municipalités,  aux 
compagnies  de  chemins  de  fer  et  autres,  pour  améliorations  pu- 
bliques et  dans  l'intérêt  général  une  somme  de  $73,909,993, 
somme  qui  naturellement  ne  peut  représenter  le  chiffre  de  sa 
dette,  vu  que  plusieurs  millions  lui  sont  annuellement  et  régu- 
lièrement remboursés. 

Ces  dépenses  et  ces  prêts  ont  augmenté  et  centuplé  la  richesse 
publique  et  privée  du  pays,  en  donnant  l'élan  et  un  accroissement 
prodigieux  aux  intérêts  de  l'agriculture,  du  commerce  et  de  l'in- 
dustrie. En  voulons-nous  un  exemple  frappant  ;  qu'on  consulte 
encore  les  statistiques. 

En  1850,  les  produits  de  l'agriculture  exportés,  s'élevaient  à 
une  somme  de  $4,237,896*  :  Douze  à  quinze  ans  plus  tard,  après 
la  complétion  de  nos  voies  de  communications,  nous  exportions 
des  mêmes  produits  pour  une  valeur  de  $18,236,476.  Et  toutes 
les  branches  de  nos  ressources  naturelles  s'accrurent  dans  les 
mêmes  proportions  ;  citons  encore  par  curiosité  une  couple 
d'exemples.  En  fait  d'objets  manufacturés,  la  valeur  exportée 
en  1850,  était  de  $26,708  seulement;  en  1865,  elle  avait  monté 
jusqu'au  chiffre  énorme  de  $1,094,714  ! 

En  1850,  la  valeur  du  bois  exporté  était  de  $5,442,937;  en 
1865  elle  avait  atteint  le  montant  de  $14,283,207.  Et  pendant 
tout  ce  temps  d'accroissement  rapide,  l'augmentation  de  la  popu- 
lation canadienne  française  suivait  au  moins  la  même  proportion. 
Il  n'est  pas  besoin  d'ajouter  que  la  valeur  de  la  propriété  a  suivi 
la  même  progression  ascendante.  Tout  le  inonde  peut  voir  ces 
chiffres  comme  nous,  dans  les  mille  rapports  des  départements  du 
ci-devant  gouvernement  canadien. 

Il  va  sans  dire  encore,  que  la  vente  et  la  colonisation  des  terres 
publiques,  l'ouverture  de  nouveaux  territoires  suivirent  de  près, 
sinon  dépassèrent  ces  progrès  merveilleux. 

La  demande  augmentant  suivant  l'accroissement  des  produits 
et  l'augmentation  de  la  population,  le  prix  des  objets  que  nous 
avions  à  vendre,  a,  plus  que  triplé  durant  la  même  période. 
Jadis,  Pavoine  se  vendait  de  douze  à  quinze  sous  par  minot  et 


40 

un  boa  ouvrier  se  considérait  heureux  d'avoir  trente  sous  par 
jour;  aujourd'hui  la  classe  agricole  et  la  classe  ouvrière,  ces 
deux  piliers  de  tout  état,  ont  vu  leur  travail  quintuplé  en 
valeur;  quelquefois,  il  a  même  de  beaucoup  dépassé  cette  pro- 
portion. Si  le  Canada  s'était  endetté  pour  des  objets  improduc- 
tifs, comme  par  exemple,  pour  faire  une  guerre  injuste,  ou 
n'acquérir  qu'un  simple  prestige  moral,  nous  comprendrions  les 
alarmes  des  rouges.  Mais,  qu'on  ne  l'oublie  pas,  le  Canada  a 
emprunté  pour  améliorer  et  s'enrichir,  rien  que  pour  cela.  Sui- 
vant Jay  Cook  et  tous  les  économistes  remarquables,  toute 
nation  qui  emprunte  ou  se  taxe,  afin  de  produire  plus  et  d'ex- 
ploiter ses  ressources,  naguère  improductives,  fait  un  acte  de 
grande  sagesse  économique,  qui  doit  nécessairement  la  conduire 
à  la  fortune.  C'est  précisément  ce  qu'a  fait  le  Canada.  Notre 
pays  se  trouvait  exactement  dans  la  position  d'un  agriculteur 
sans  capitaux,  mais  possesseur  d'immenses  terrains  fertiles  non 
défrichés;  si  cet  homme  emprunte  pour  défricher,  égouter  et 
améliorer  ses  terres,  non-seulement  il  ne  s'appauvrit  pas,  mais  il 
est  sûr  de  s'enrichir  considérablement.  Ses  propriétés  une  fois 
améliorées  et  rendues  productives,  acquièrent  une  plus-value  au 
moins  égale  à  la  somme  empruntée,  et  les  riches  rendements 
qu'elles  lui  fournissent,  ont  bientôt  payé  et  les  intérêts  et  le 
capital  emprunté,  et  au  bout  de  quelques  années,  notre  cultiva- 
teur intelligent  se  trouve  propriétaire  de  beaux  domaines  dont 
la  valeur  s'est  au  moins  doublée  et  qui  lui  donne  des  revenus 
plus  que  suffisants  pour  tous  ses  besoins.  Ou,  encore,  prenez  un 
de  nos  artisans  canadien-français  qui  sont  si  remarquables  par 
leur  intelligence  et  leur  assiduité  au  travail  ;  cet  artisan  a  un 
talent  plus  qu'ordinaire  pour  la  menuiserie,  la  sculpture  ou  la 
peinture;  il  possède,  en  outre,  le  grand  avantage,  d'une  belle 
réputation  de  probité,  mais  il  est  au  début  de  sa  carrière  et  n'a 
pas  d'épargnes.  Si  ce  jeune  homme  emprunte  de  l'argent  et  hy- 
pothèque son  avenir,  il  pourra  monter  une  boutique,  un  atelier 
muni  de  tous  les  instruments  nécessaires  à  l'exploitation  de  son 
art  ou  métier  ;  il  pourra  faire  de  grandes  entreprises  et  en  peu 
d'années,  on  le  citera  comme  un  de  nos  Crésus.  Et  pourquoi  ? 
Parce  qu'il  aura  emprunté  pour  améliorer,  pour  agrandir  la 
sphère  de  son  action  et  pour  rendre  plus  productives  ses  connais- 
sances en  mécanique. 

Nous  le  répétons,  la  position  financière  du  Canada  est  identi- 
quement la  même  que  celle  de  cet  ouvrier,  de  ce  cultivateur 
entreprenant  et  industrieux  dont  nous  venons  de  parler.  Le 
pays  possède  un  actif  en  propriétés  de  tous  genres,  qui  repré- 
sente au  moins  la  valeur  de   notre  dette   publique,  et,  ce  qui  est 


41 

encore  bien  mieux,  cet  actif,  ces  propriétés  fournissent  au 
Canada  des  revenus  considérables  qui  lui  permettent  de  faire 
honneur  à  ses  engagements,  de  payer  toutes  ses  dépenses  ordi- 
naires et  de  consacrer  une  portion  considérable  de  ces  revenus 
annuels,  à  encourager  par  des  libéralités  vraiment  royales,  l'édu- 
cation, l'agriculture,  l'industrie,  le  commerce,  les  hôpitaux  et 
institutions  de  charité,  les  arts  et  métiers,  en  un  mot,  tout  ce 
qui  tend  à  l'agrandissement  moral  et  matériel  d'un  peuple. 

Les  preuves  vaudront  encore  mieux  que  nos  paroles,  quelque 
sincères  et  véridiques  qu'elles  soient.  En  référant  aux  comptes 
publics,  nous  trouvons  la  classification  suivante  de  notre  actif,  de 
nos  propriétés,  qui  toutes,  consistent  en  des  travaux  publics 
d'une  grande  richesse,  d'une  grande  valeur  et  qui  rapportent  au 
pays  d'immenses  revenus,  tout  en  développant  considérablement 
la  richesse  privée,  ou,  en  sommes  avancées  à  des  compagnies  de 
chemins  de  fer,  ou  autres,  ou  aux  municipalités,  sommes  qui, 
sans  produire  un  intérêt  considérable  et  direct  au  gouvernement, 
augmentent  cependant  d'une  façon  prodigieuse,  les  ressources  du 
gouvernement  et  du  pays  en  général,  par  l'essor,  le  développement 
et  les  progrès  rapides  imprimés  à  l'industrie,  à  l'agriculture  et  au 
commerce. 

Voici  donc  notre  actif: 

Travaux  publics,  savoir  : 

Canaux  du  St.  Laurent $7,413,425,48 

Canal  Welland 7,386,545,53 

Améliorations  du  canal  Chambly 

et  de  la  Rivière  Richelieu...  433,807,83 
Canal  de  la  Baie  Burlington...  308,328,32 
Améliorations  du  Lac  St.  Pierre     1,157,235,08 

Travaux  d'Ottawa 1,208.368,37 

Amélioration  du  Trent 558,506,20 

Havres  et  Phares 2,564,686,70 

Chemins  et  Ponts 1,723,697,21 

Bâtisses  d'Ottawa  (Parlement)  2,071,095,17 
Prêts  au  compagnies  incorporées  142,154,52 
Ouvrages  et  bâtisses  divers 1,759,755,98 

26,727,606,89 
Dû  par  les  fonds  de  bâtisse  et  du  havre  857,866,64 

Comptes  de  chemins  de  faire,  savoir  : 
Chemin  de  fer  du  Grand  Tronc  $23,902.403,41 

"     "     "     Great  Western..       3,727,082.85 

"     "     "     Northern 3,504,526,90 

31,134,013,16 


42 

Montant  rapporté     31,134,013,16 
Dû  par  le  fonds  de  dépôt  890,849,34 

Comptes  du  fonds  de  prêt  municipal  13,255,956,10 

$72,866,292,13 

Nous  omettons,  pour  une  valeur  de  deux  ou  trois  millions  de 
propriétés  différentes  qu'il  serait  trop  long  d'énumérer,  mais  que 
nous  trouvons  dans  tous  les  comptes  publics. 

Nous  devons  observer  pour  la  deuxième  fois,  que  ce  chiffre  ne 
représente  pas  notre  dette  publique,  qui  ne  dépasse  pas  comme 
nous  l'avons  dit  plus  haut  $67,000,000,  ou  $68,000,000. 

La  vérité  de  notre  assertion  se  trouve  complètement  établie 
par  l'état  de  notre  actif  que  l'ont  vient  de  voir. 

Comme  on  l'a,  en  effet,  aperçu,  toute  notre  dette  n'a  été  con- 
tractée que  pour  des  améliorations  et  des  travaux  publics,  ou 
pour  prêter  aux  compagnies  et  aux  municipalités  ;  et  tout  l'argent 
emprunté  est  pour  ainsi  dire  retourné  dans  la  poche  des  contri- 
buables. 

N'est-il  pas  bien  misérable  celui  qui  cherche  à  préjuger,  à 
aveugler  le  peuple  au  point  de  lui  cacher  les  vérités  précieuses 
que  nous  venons  d'exposer,  pour  lui  faire  voir,  dans  les  impôts 
prélevés  pour  subvenir  aux  besoins  d'une  dette  aussi  profitable, 
le  résultat  des  intrigues  de  gouvernements  corrompus,  prodigues 
et  vénaux  ? 

Il  est  vraiment  désolant  d'avoir  à  lutter  contre  de  pareils 
adversaires  et  de  les  compter  pour  compatriotes.  Heureusement, 
le  peuple  a  ouvert  les  yeux  et  sait  à  quoi  s'en  tenir  là-dessus  ;  il 
est  assez  intelligent  et  assez  honnnête  pour  comprendre  et  avouer, 
qu'une  taxe  indirecte,  qu'une  contribution  en  quelque  sorte  volon- 
taire, prélevée  pour  payer  le  coût  d'améliorations  et  de  travaux 
qui  le  font  vivre  et  l'enrichissent,  ne  lai  est  ni  préjudiciable, 'ni 
odieuse,  ni  nuisible,  mais,  qu'au  contraire,  c'est  pour  lui  une 
obole  donnée  en  échange  de  la  prospérité  et  de  la  fortune.  Il  sait 
si  bien  cela,  le  brave  peuple  du  Canada,  qu'il  a  toujours  continué 
à  donner  sa  confiance  aux  hommes  qui  ont  fait  le  pays  grand  et 
l'ont  lancé  sur  la  voie  d'une  prospérité  inouïe.  D'ailleurs,  mes- 
sieurs les  rouges,  n'est-il  pas  de  la  dernière  inconvenance  pour 
vous  d'essayer  à  donner  au  peuple  dos  leçons  sur  un  sujet  qu'il 
comprend  bien  mieux  que  vos  prétendus  grands  hommes  ;  il  sait 
bien,  nous  pouvons  vous  l'assurer,  qu'il  tient  les  cordons  de  la 
bourse  publique  et  qu'il  ne  peut  être  taxé  sans  son  consentement. 
Et  cependant,  voilà  près  de  vingt  ans  que  vous  lui  criez  à  tue- 
tête,  qu'il  se  laisse  écraser  de  taxes,  et  vos  criailleries  n'ont  jamais 
pu  l'empêcher  d'avoir  confiance  en  nos  hommes  d'Etat. 


43 

Nous  aurions  pu,  plus  facilement,  réfuter  ou  plutôt  faire  voir 
les  mensonges  et  l'hypocrisie  des  rouges  ;  il  ne  nous  était  pas 
nécessaire  d'expliquer  tout  le  mécanisme  financier  du  pays  et  les 
causes  de  notre  dette  pour  prouver  que  le  petit  pamphlet  rouge 
ne  contient  pas  un  mot  de  vérité  ;  si  nous  l'avons  fait,  c'était 
pour  réduire  une  bonne  fois  pour  toutes,  à  leur  juste  valeur,  les 
hâbleries  des  rouges  à  propos  de  finances  et  de  dette  publique,  et 
établir,  par  des  documents  irréfragables,  l'ignorance  crasse  ou  la 
mauvaise  foi  insigne  de  M.  Dorion  et  de  son  parti. 

Nous  avions  un  moyen  bien  plus  simple  de  les  contredire  et 
même  de  les  vouer  au  mépris.  Ces  gens  ont  été  quelques  mois 
au  pouvoir  ;  ils  ont  donc  pu  réduire  la  dette  publique  et  faire 
cesser  les  impôts,  eux  qui  ont  tant  crié  contre  la  dette  et  les 
taxes.  Eh  bien  !  le  croira-t-on,  loin  de  là,  ils  ont  augmenté  la 
dette  publique  et  les  impôts  durant  leur  courte  administration. 
Ouvrez  les  comptes  publics  de  1863,  signés  par  le  ministre  des 
finances  rouge,  et  vous  y  verrez  que  ces  faux  libéraux,  ces 
sépulchres  blanchis,  ces  ignobles  charlatans,  ont  créé  dans  les 
revenus  un  déficit  de  $2,704,536,  et  ont,  par  conséquent,  aug- 
menté notre  dette  publique  d'autant.  Cela  se  voit  à  la  page  III 
des  comptes  officiels  de  1863.  Qu'on  lise  encore  les  estimés  de 
l'année  1863,  pour  le  service  de  1864,  on  y  verra  encore  com- 
ment les  Rouges  entendaient  le  progrès  et  l'amour  du  peuple  : 
ils  ont  diminué  les  octrois  de  vingt  pour  cent  sur  l'éducation 
dans  le  Bas- Canada,  de  vingt-cinq  pour  cent  sur  la  colonisation 
et  de  vingt-cinq  pour  cent  sur  les  hôpitaux  et  les  institutions  de 
charité.  Ils  ne  se  sont  pas  contentés  de  réduire  les  octrois  les 
plus  favorables  au  peuple,  ils  ont  voulu  encore  établir  de  nou- 
velles taxes  qui  retombaient  principalement  sur  le  pauvre  peuple  : 

Par  année. 

Pour  le  droit  de  manufacturer  du  tabac $  1 00.00 

Pour  permission  de  faire  usage  de  presses  à  tabac,  par 

presse 20.00 

Permission  de  faire  usage  de  machines  à  couper  le  tabac, 

chaque  machine 20.00 

Permission  de  faire  usage  de  moulins  à  tabac  en  poudre, 

chaque  moulin 1 5.00 

Pour  droit  de  vendre  du  tabac  en  gros 20.00 

en  détail 5.00 

Sur  chaque  livre  de  tabac  haché,  en  torquettes  ou  pressé, 

etc.,  manufacturé  dans  le  pays 0.10 

Sur  chaque  livre  de  tabac  moulu 0.10 

"  "  "      haché  et  uniquement  composé 

de  tiges 0.05 


44 

Sur  toute  autre  description  de  tabac  par  livre 0.10 

Pour  le  droit  de  tanner  le  cuir,  par  année 50.00 

Pour  l'usage  de  chacune  des  fosses,  par  année 1.00 

Pour  le  droit  de  vendre  le  cuir  en  gros,  par  anné: 20.00 

«  "  «         en  détail 5.00 

Sur  chaque  livre  de  cuir  de  veau , 0.06 

"  "  •'         à  empeigne 0.05 

"  u  "        à  semelle,  cuir  fendu  et  cuir  à 

harnais  0.04 

Sur  chaque  livre  de  toute  autre  espèce 0.05 

Sur  chaque  livre  de  cuir  importé,  en  sus  des  droits  act. .        0.03 

Il  faut  donc  que  les  rouges  aient  beaucoup  pillé,  beaucoup  cor- 
rompu et  beaucoup  volé,  pour  nous  servir  de  leur  style  élégant  ! 

Ils  ont  augmenté  les  taxes  et  appauvri  ce  pauvre  peuple  qu'ils 
aiment  d'un  véritable  amour  de  crocodile,  ils  ont  retranché  les 
octryis  faits  pour  le  peuple  et  malgré  cela,  leur  administration 
prodigue  ou  malhonnête  a  atteint  un  déficit  d'au-delà  de 
$2,000,000. 

Pour  donner  une  idée  de  leurs  principes  rigides,  voyons  une 
petite  colonne  de  ce  qu'ils  ont  gaspillé  et  volé. 

Quelques-unes  des  dépenses  inutiles  ou  injustifiables  faites  pur  le 
gouvernement  rouge  en  1862,  18b3  et  1864. 

Octroi  additionnel  inutile  pour  les  édifices  d'Outaouais. $100,000 

Excès  de  dépense  sur  le  chemin  Matapédia 50,000 

Payé  de  trop  aux  vapeurs  transatlantiques 392,000 

Payé  pour  le  service  des.  remorqueurs,  offert  pour  rien.     16,000 
Payé  pour  'e  chemin  du  nord-ouest,  en  dehors  du  Ca- 
nada       50,000 

Pour  achat  de  la  voix  d'un  membre 32,640 

Pour  l'exploration  du  chemin  de  fer  intercolonial  que  le 

gouvernement  ne  voulait  pas  faire 10,000 

Commissions  d'enquête  pour  persécuter  les  employés 
conservateurs  et  caser  les  affamés  ou  banqueroutiers 
rouges,  tels  que  Dessaulles  et  autres 100,000 

Total 8750,640 

Les  choses  allant  ce  train,  le  pays  courait  vers  sa  ruine  ;  et  si 
les  rouges  n'eussent  pas  été  balayés  du  théâtre,  ils  auraient  cer- 
tainement amené  la  banqueroute  avant  trois  ans. 

Oti  vient  de  voir  qu'ils  ont  été  malhonnêtes  ;  on  va  maintenant 
se  convaincre  au-delà  de  tout  doute,  qu'ils  sont  les  plus  hideux 
hypocrites  que  jamais  parti  politique  ait  produits.  Dans  leur 
petit  pamphlet  en  question,  ils  posent  en  amis  du  peuple  et  font 


45 

semblant  de  s'apitoyer  sur  sod  soit  parce  qu'ils  le  voient  d'avance 
écrasé  sous  le  fardeau  des  taxes  directes  et  indirectes,  nécessitées 
par  la  Confédération,  et  ils  entassent  chiffres  sur  chiffres,  men- 
songes sur  mensonges,  calomnies  sur  calomnies,  pour  le  soulever 
contre  le  parti  conservateur,  qui  a  tant  fait  pour  le  bien  du  pays. 
Et  pourtant,  ces  mêmes  hommes  en  septembre  1863,  voulaient 
imposer  la  taxe  directe  dans  ce  pnys,  afin  de  prélever  assez  d'ar- 
gent pour  satisfaire  leur  rapacité  eL  gorger  leurs  nécessiteux. 

L'hon.  L.  Holton,  ministre  des  finances  de  l'administration 
McDonald-Dorion,  disait  en  chambre  à  cette  époque  (septembre 
1863),  aux  applaudissements  de  tous  les  rouges  : 

"  J'incline  à  croire,  que  nous  pourrions  avec  beaucoup  d'a- 
"  vautages,  alléger  le  fonds  général  du  pays,  d'un  nombre  consi- 
"  dérable  d'items  importants,  laissant  aux  municipalités  à  les 
<'  fournir  au  moyen  d'une  taxe  locale.  Nous  devons  aborder  la 
(i  question  des  taxes  courageusement  en  face,  et  le  moyen  d'y 
t*  arriver,  c'est  de  familiariser  le  peuple  avec  la  taxe  directe, 
<•  dont  je  viens  de  parler.  Si  plusieurs  de  ces  items,  qui  sont 
tl  d'un  caractère  strictement  local,  étaient  payés  à  l'aide  d'une 
<•'  taxe  locale  imposée  par  les  municipalités,  nous  aurions  fait  par 
il  là,  un  grand  pas  Vers  un  système  rationnel  de  taxes." 

Les  commentaires  sont  inutiles,  après  ce  que  l'on  vient  de  voir, 
et  si  d'ailleurs,  nous  voulions  parler,  l'expression  nous  manquerait 
pour  flétrir  du  stigmate  de  l'infamie,  le  front  d'airain  de  ces 
gens,  qui,  après  avoir  pillé  et  volé  le  peuple,  après  avoir  même 
osé  parler  de  taxes  directes  pour  le  mieux  pressurer,  viennent 
maintenant  outrageusement  courtiser  les  faveurs  de  ce  même 
peuple,  lui  mentir  insolemment  et  le  menacer  de  taxes  lourdes  et 
directes,  qui  seront  impossibles  sous  le  nouvel  état  de  choses. 

Nous  n'avons  pas  cru  devoir  encore  aborder  la  question  des 
Finances  de  la  Confédération  elle-même,  c'est-à-dire  du  gouver- 
nement fédéral.  Les  ressources  se  composeront  des  ressources 
jadis  possédées  par  chacune  des  provinces,  excepté  celles  qui 
sont  spécialement  exemptées  pour  l'usage  propre  de  ces  provinces, 
comme  on  l'a  vu  plus  haut.  Toutes  les  dettes  des  provinces  sont 
mises  à  sa  charge  et  le  Bas-Canada  se  trouve  enfin  libéré  de  sa 
dette  qui  a  tant  fait  crier  les  rouges,  à  l'excepte  des  trois  ou 
quatre  millions  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Nous  ne  pouvons, 
en  aucune  façon  être  appelés  à  contribuer  aux  dettes  du  gouver- 
nement général  :  on  suit  la  clause  qui  empêche  ou  prohibe  toute 
taxation  pour  cette  objet  imposée  sur  nos  terres.  11  nous  est 
donc  inutile  de  toucher  cette  question.  Mais  comme  nous 
tenons   avant  tout  à  faire   un  livre  utile,  nous  allons  citer  les 


46 

clauses  qui  établissent  les  ressources,  le  passif  et  l'actif  du  gou- 
vernement fédéral  : 

102.  "  Tous  les  droits  et  revenus  que  les  législatures  respectives  du  Ca- 
"  nada,  de  la  Nouvelle-Ecosse  et  du  Nouveau-Brunswick,  avant  et  à  l'é- 
"  poque  de  l'union,  avaient  le  pouvoir  d'approprier, — sauf  ceux  réservés 
"  par  le  présent  acte  aux  législatures  respectives  des  provinces  ou  qui 
u  seront  perçus  par  elles  conformément  aux  pouvoirs  spéciaux  qui  leur 
u  sont  conférés  par  le  présent  acte, — formeront  un  fonds  consolidé  de 
"  revenu  pour  être  approprié  au  service  public  du  Canada,  c'est-à-dire  de 
"  la  confédération  ou  plutôt  gouvernement  fédéral  de  la  manière  et 
"  soumis  aux  charges  prévues  par  le  présent  acte." 

104.  "  L'intérêt  annuel  des  dettes  publiques  des  différentes  provinces 
"  duCanada,  de  la  Nouvelle-Ecosse  et  du  Nouveau-Brunswick,  lors  de 
"  l'union,  constituera  la  seconde  charge  sur  le  fonds  consolidé  de  revenu 
"  du  Canada,  c'est-à-dire,  du  gouvernement  fédéral." 

108.  "  Les  travaux  et  propriétés  publics  de  chaque  province,  énumérés 
"  dans  la  troisième  cédule  annexée  au  présent  acte,  appartiendront  au  Ca- 
"  nada,  n'oublions  pas  que  Canada  veut  dire  ici  "  Gouvernement  Fédéral." 

Voici  cette  troisième  cédule  : 

TROISIÈME  CÉDULE. 


"  Travaux    et  propriétés  publiques    de  la  province   devant    appartenir    au 

Canada. 

"1.  Canaux  avec  les  terrains  et  pouvoirs  d'eau  y  adjacents. 

"  2.  Havres  publics. 

"  3.  Phares  et  quais,  et  l'île  de  Sable 

"  4.  Bateaux  à  vapeur,  dragueurs  et  vaisseaux  publics. 

"  5.  Améliorations  sur  les  lacs  et  rivières. 

"  6.  Chemins  de  fer  et  actions  dans  les  chemins  de  fer,  hypothèques  et 
"  autres  dettes  dues  par  les  chemins  de  fer. 

"  7.  Routes  militaires. 

"  8.  Maisons  de  douane,  bureaux  de  poste,  et  tous  autres  édiûces  publics, 
"  sauf  ceux  que  le  gouvernement  du  Canada  destine  à. l'usage  des  législa- 
"  tures  et  des  gouvernements  provinciaux. 

"  9.  Propriétés  transférées  par  le  gouvernement  impérial,  et  désignées 
"  sous  le  nom  de  propriétés  de  l'artillerie. 

"  10.  Arsenaux,  salles  d'exercice  militaire,  uniforme,  munitions  de 
"  guerre,  et  terrains  réservés  pour  les  besoins  publics  et  généraux." 

"  III.  Le  Canada  (savoir  le  gouvernement  fédéral)  sera  res- 
"  ponsable  des  dettes  et  obligations  de  chaque  province  exis- 
"  tantes  lors  de  l'Union." 

L'honorable  M.  Galt,  dans  ce  langage  si  lucide  et  si  magni- 
fique qu'on  lui  connaît,  a  fait  voir  que  la  Confédération,  avec 
ces  ressources  mises  à  sa  disposition,  serait  en  état  de  subvenir 
amplement  à  toutes  les  exigences  du  gouvernement  fédéral.  Nous 
en  faisous  les  quelques  citations  suivantes  : 

"  Notre  dette  totale,  à  part  le  fond  des   écoles  communes  qui 


47 

"  ne  forme  pas  à  proprement  parler  une  partie  de  nos  engage- 
':  ments,  vis-à-vis  des  provinces  d'en-bas,  s'élève  à  $67,208,995. 

"  L'hon.  A.  A.  Dorion — le  chifire  de  $07,203,995  auquel  on 
"  porte  la  dette  du  Canada,  couvrc-t-il  la  première  indemnité 
tl  seigneuriale  accordée  au  Haut  et  au  Bas-Canada  sous  l'acte  de 
"  1854? 

"  L'hon.  M.  Calt.  — Oui,  ce  montant  couvre  l'indemnité  en 
"  question,  et  au  nombre  des  arrangements  que  le  gouvernement 
n  a  en  vue,  supposant  toujours  que  la  confédération  ait  lieu,  il 
"  se  propose  de  soumettre  à  la  considération  de  cette  chambre 
"  un  projet  tendant  à  faire  assumer  au  Bas-Canada  l'indemnité 
"  seigneuriale  réglée  par  l'acte  de  1859  ;  l'effet  de  ce  projet  sera 
"  de  rendre  inutile  l'obligation  de  donner  une  indemnité  équi- 
"  valente  nu  Haut-Canada,  ce  qui  opérera  une  économie  de  près 
«  de  $3,000,000. 

"  Il  est  maintenant  de  mon  devoir  de  soumettre  à  la  chambre 
11  un  aperçu  des  ressources  que  les  différentes  provinces  peuvent 
11  apporter  au  fonds  commun,  et  je  suis  en  mesure  d'ajouter,  que 
11  dans  le  but  de  pouvoir  plus  facilement  vérifier  l'exactitude  de 
u  cet  aperçu,  j'ai  pris  pour  base  de  mes  calculs  les  rapports 
"  publics  sur  les  finances  de  1863.  De  l'étude  de  ces  documents, 
"  il  ressort  que  les  revenus  et  les  dépenses  des  différentes  pro- 
"  vinces  pouvaient,  cette  année-là,  se  décomposer  comme  suit  : 
il  La  Nouvelle-Ecosse,  avec  une  population  de  338,857,  avait  des 
«  revenus  de  $1,185,629,  et  des  dépenses»  s'élevant  à  $1,072,274  : 
11  le  Nouveau-Brunswick  avec  une  population  de  252,047,  avait 
"  des  revenus  de  $894,836,  et  des  dépenses,  s'élevant  à  $884,613  ; 
"  Terreneuve,  avec  une  population  de  130,000,  avait  des  revenus 
"  de  $480,000,  et  des  dépenses  s'élevant  à  $479,420  ;  l'Ile  du 
"  Prince  Edouard,  avec  une  population  de  80,000,  avait  des 
ht  revenus  de  $197,384,  et  des  dépenses  s'élevant  à  $171,718. 
"  Le  revenu  total  de  toutes  ces  colonies  se  montait  à  $2,763,004, 
"  et  la  dépense  totale  à  $2,608,025  :  l'excédant  réuni  sur  les 
"  dépenses  de  1863,  étant  de  $154,979  ;  l'on  pourra  remarquer, 
"  en  ce  qui  concerne  ces  provinces,  que  leurs  revenus  et  dépenses 
"  sont  tels  qu'ils  étaient  en  position  de  pouvoir  faire  partie  de 
"  la  confédération,  dans  une  situation  financière  nullement  infé- 
"  rieure  à  celle  du  Canada.  Si  Ton  prenait  objection  à  une  pro- 
"  vince,  en  particulier,  sur  le  principe  de  sa  situation  financière, 
"  la  première  à  coup  sûr  serait  le  Canada.  Les  provinces  mari- 
"  timesont  été  et  sont  actuellement  en  position  de  faire  face,  au 
"  moyen  de  leurs  taxes,  à  toutes  leurs  dépenses,  et  ne  peuvent 
"  être  considérées  comme  apportant  aucun  fardeau  au  peuple  du 
"  Canada.     Il  devient   inutile  que  je  parle  en  cette  occasion  de 


48 

"  la  situation  financière.du  Canada  en  1863,  mais  je  ne  doute 
"  pas  que  la  chambre  apprendra  avec  un  vif  plaisir  que  le  déficit, 
"  qui,  malheureusement  existait  cette  année-là,  a  été  comblé  en 
"  1864,  et  que,  conséquemment,  nous  ne  nous  verrons  pas  dans 
•'  la  dure  nécessité  d'occuper  dans  la  confédération  une  position 
11  inférieure,  sous  ce  rapport,  à  celle  de  nos  sœurs  colonies." 

"  L'hon.  A.  A.  Dorion.  — Le  Bas-Canada  devra  donc  assumer 
"  le  fonds  d'emprunt  municipal,  l'indemnité  seigneuriale  et  la 
"  subvention  scolaire." 

l(  L'hon.  M.  Glalt. — Je  le  repète,  quelque  soit  l'opinion  du 
"  gouvernement  au  sujet  de  la  répartition  des  obligations  exis- 
"  tantes  entre  le  Haut  et  le  Bas-Canada,  la  chambre  pourra  en 
"  ce  cas  apporter  toutes  les  modifications  qu'elle  jugera  à  propos, 
"  vu  qu'il  ne  s'agit  ici  que  d'un  arrangement  local,  qui  ne  con- 
"  cerne  en  rien  la  convention  passée  avec  les  autres  provinces  ; 
"  mais  je  dois  insister  en  ce  qui  se  rattache  à  la  première  in- 
11  demnité  seigneuriale,  ainsi  qu'au  fonds  d'emprunt  municipal, 
"  sur  le  fait  que  ces  deux  items  sont  compris  dans  les  soixante- 
u  sept  millions  auxquels,  comme  il  a  déjà  été  dit,  se  montent  les 
tl  obligations  du  Canada,  et  que  conséquemment  ils  ne  sauraient 
"  être  imputés  au  Bas-Canada  ;  il  est  de  fait  qu'en  ce  qui  con- 
"  cerne  le  fonds  d'emprunt  municipal  au  lieu  de  le  porter  au 
"  passif,  il  appert  que  les  sommes  payées  sous  ce  chapitre, 
k<  doivent  être,  au  point  de  vue  sous  lequel  j'envisage  actuelle- 
"  ment  la  question,  considérées  comme  actif,  parce  que  nous 
"  sommes  en  ce  moment  occupés  à  examiner  les  sommes  que  le 
"  Bas-Canada  reçoit  comme  actif;  or,  comme  le  fonds  d'em- 
"  prunt  municipal  est  compris  sous  ce  chapitre,  les  sommes  qui 
"  sont  dues  à  ce  fonds  en  vertu  des  arrangements  en  existence 
"  seront  payables  à  titre  d'actif  à  cette  section  de  la  province  ; 
"  l'on  ne  manquera  pas  d'observer  que  dans  le  projet  sous  consi- 
"  dération  certaines  sources  du  revenu  local,  provenant  du 
"  domaine  territorial,  des  terres,  des  mines,  etc.  sont  réservées 
"  aux  gouvernements  locaux.  Le  Canada  devra  retirer  une 
u  somme  considérable  de  ces  sources." 

Quelle  mauvaise  foi  chez  les  rouges  ?  N'est-il  pas  clair  comme 
le  jour  que  l'union  double  les  forces  ?  Plus  il  y  aura  de  provinces 
réunies  ensemble,  plus  les  revenus  seront  considérables,  plus  les 
entreprises  et  les  améliorations  seront  grandes,  plus,  conséquem- 
ment, grandira  la  richesse  privée,  seule  base  de  la  richesse 
publique.  Ce  que  le  Bas-Canada  seul  n'a  pu  faire,  nous  l'avons 
fait  avec  le  Haut-Canada  ;  et  ce  que  les  deux  Canadas  n'ont  pu 
et  ne  pouvaient  faire  ensemble,  la   confédération  le  fera  parce 


49 

qu'elle  aura  des  débouchés  et  des  ports  de  mer  que  nous  n'avions 
pas. 

Nous  demandons  pardon  au  lecteur,  de  nous  être  étendu  si 
longuement  sur  cette  question  des  Finances  ;  les  rouges  ont  tant 
fait,  pour  l'embrouiller,  que  nous  avons  cru  devoir  essayer  de  la 
traiter  à  fonds,  pour  leur  ôter  jusqu'à  ce  dernier  prétexte  d'ar- 
gent et  de  taxes,  avec  lequel  ils  prétendaient  soulever  le  peuple. 

LA  CONFÉDÉRATION  JUGÉE  PAR  SES  ENNEMIS. 

Un  bon  thermomètre  pour  juger  des  avantages  de  la  confédé- 
ration, c'est  l'étude  des  gens  qui  l'opposent  depuis  qu'elle  est 
devenue  fait  accompli.  Dans  le  Bas-Canada,  il  n'y  a  que  deux 
journaux  français  qui  la  combattent.  Le  Pays  de  Montréal 
et  le  Journal  de  St.  Hyacinthe.  Nous  ne  parlons  pas  de 
Y  Union  Nationale,  qui  n'est  pas  un  journal,  ni  de  son  rédac- 
teur-en-chef, qu'on  ne  peut  décemment  introduire  dans  une  dis- 
cussion sérieuse  ;  ce  n'est  qu'un  petit  bonhomme  sans  tête  et 
sans  âme,  qui  ne  sait  que  crier  et  vociférer,  pour  faire  parler  de 
lui  et  se  vendre  un  prix  raisonnable.  Nous  ne  mentionnons  que 
pour  mémoire,  Y  Ordre  de  Montréal  qui  a  naturellement 
droit  à  nos  sympathies,  à  cause  de  l'infirmité  de  son  rédacteur  et 
de  son  propriétaire  ;  ce  n'est  pas  leur  faute,  si  leur  feuille  n'a  ni 
esprit,  ni  caractère,  ni  couleur;  c'est  un  journal  qui  s'en  va  et 
qui  cherche  à  faire  oublier  ses  anciennes  alliances  de  mauvais 
aloi,  pour  passer  plus  aisément  dans  le  camp  qui  pourra  le  mieux 
payer,  lorsque  le  désabonnement  complet  se  sera  opéré,  affaire  de 
quelques  mois.  Le  Pays  et  le  Journal  de  St.  Hyacinthe,  quoi- 
quencore  moins  respectables,  ont  cependant,  un  caractère  tran- 
ché ;  c'est,  si  vous  le  voulez,  un  caractère  sali,  comme  celui  de  leurs 
rédacteurs.  On  sait  ce  qu'ils  veulent  ;  ils  combattent  la  confé- 
dération ouvertement  et  avec  ardeur  et  désirent  vivement  l'anne- 
xion ou  la  vente  en  bloc  aux  Etats-Unis.  La  nationalité 
canadienne  française  et  la  religion  catholique  sont  pour  eux  des 
friperies  dignes  d'être  jetées  aux  orties,  comme  l'ancien  froc  de 
Mr.  Lusignan,  dont  le  plus  amer  regret  est  d'avoir  porté  la  sou- 
tane et  de  devoir  son  éducation  à  la  générosité  du  Séminaire  de 
St.  Hyacinthe.  Brave  garçon  d'ailleurs,  qui  a  cru  devoir  témoi- 
gner sa  reconnaissance  à  la  maison  qui  l'avait  nourri  charitable- 
ment du  pain  de  l'intelligence,  en  se  faisant  le  délateur  de  ses 
anciens  professeurs  et  le  valet  de  Dessaulles.  C'est  là,  le 
rédacteur  du  principal  organe  du  parti  rouge. 

11  a  encore  à  la  notorié'é  d'autres  titres  que  nous  voulions 
passer  sous  silence  pour  ménager  sa  modestie.  C'est  un  braoi 
de  la  plume,  un  bandit  du  journalisme,  devrions-nous  ajouter  s'il 

4 


50 

était  moins  lâche.  Il  a  été  très  vite  dans  le  métier  et  si  loin 
qu'un  tribunal  a  récemment  décidé  que  ça  ne  coûtait  plus  que 
cinq  piastres  pour  flageller  le  petit  Lusignan  jusqu'au  sang.  De 
M.  Lusignan,  on  pourra  donc  dire  après  sa  mort,  qu'il  a  passé 
en  méritant  et  recevant  des  coups  de  cravache.  Le  Pays  a 
encore  pu  baisser  depuis  Dessaulles  qui,  lui,  se  battait  au 
moins  avec  des  pistolets  vides,  et  a  vu  son  honneur  cotté  à  $100  !  !  ! 
C'est  donc  une  buisse  de  95  par  cent  pour  le  pauvre  petit,  sans 
les  soufflets.  Ce  que  c'est  que  le  progrès  compris  et  pratiqué  par 
les  disciples  de  Dessaulles  ! 

Le  Pays  et  le  Journal  de  St.  Hyacinthe  sont  les  continuateurs 
de  V Avenir,  journal  fondé  en  1847,  par  une  clique  de  jeunes 
voltairiens  qui  voulaient  ruiner  le  catholicisme  en  Canada  et 
annexer  leur  patrie  aux  Etats-Unis,  pour  être  plus  sûrs  d'anéan- 
tir l'influence  cléricale. 

L'Avenir,  le  premier  organe  de  AI.  Dorion  a  publié  les 
odieuses  lignes  qui  suivent  : 

"  Le  règne  des  prêtres  a  commencé  au  règne  des  Pharaons  dans  les  sept 
"■  années  de  famine.  Les  prêtres  à  emparèrent  des  biens  du  peuple  et  le 
"  tinrent  dans  V ignorance  et  la  misère  afin  de  le  dominer.  Les  prêtres,  dans 
"  tous  les  temps,  ont  su  tirer  partie  de  la  faiblesse  inhérente  à  notre  nature 
"  pour  dominer  et  satisfaire  leurs  passions. 

"  Une  république  démocratique  n'a  pas  besoin  de  prêtres.  Les  prêtre» 
"  de  l'antiquité  n'étaient  pas  chrétiens  à  la  vérité,  MAIS  LA  RELIGION 
"  DU  PRÊTRE  NE  FAIT  RIEN  DU  TOUT  A  L'AFFAIRE.  Le  clergé, 
"  dans  le  moyen-âge,  avait  su  amener  le  peuple  à  cet  état  de  complète  igno- 

11  rance  ! Le  clergé  est  venu  à  bout  d'effacer  presque   complètement 

"  toute  trace  de  civilisation  romaine." 

Le  même  journal  qui  ne  voulait  ni  Papes,  ni  Prêtres  a  encore 
publié  ces  infamies  : 

«  AUCUN  DES  DEGRÉS  DE  LA  HIÉRARCHIE  ECCLÉSIASTIQUE 
«  N'EST  EXEMPT  DES  VICES  QU'ENTRAINE  L'AMOUR  DU  POU- 
"  VOIR  ET  DES  RICHESSES. 

"  L'histoire  de  la  papauté  pendant  une  suite  de  siècles,  EST  L'HISTOIRE 
"  DE  TOUS  LES  CRIMES  QUI  DÉSHONORENT  L'HUMANITÉ." 

Nous  pourrions  continuer  à  l'infini  les  citations  ;  ces  deux 
doivent  suffire  pour  nous  prouver  que  dès  le  début,  le  parti  rouge 
était  l'ennemi  juré  de  la  religion  et  de  son  clergé.  Nous  frémis- 
sons à  la  pensée  que,  quelques-uns  de  nos  compatriotes,  aient  pu 
écrire,  que  nous  devions  nous  dispenser  de  prêtres. 

Qui  n'a  entendu  parler  du  notoire  Dessaulles,  dont  les  Six 
Lectures  sur  l'annexion  du  Canada  aux  Etats-Unis  ont  fait  les 
délices  des  rouges  et  ont  été  en  partie  reproduites  et  chaudement 
approuvées  par  tous  leurs  organes. 

Depuis  qu'il  est  tombé  du  Conseil  Législatif,  dans  un  sinécure 
à  la  Cour  de  Police  et  qu'il  a  montré  le  niveau  de  son  caractère, 


51 

dans  la  conspiration  sans  nom  qui  l'a  fait  descendre  là,  on  ne  s'oc- 
cupe plus  de  lui  si  ce  n'est  pour  gémir  sur  cette  ruine  morale. 

Mais,  dans  le  temps,  il  avait  la  vogue  dans  la  secte  voltairien- 
ne  et  ses  rapsodies  faisaient  autorité  ;  elles  étaient  d  ailleurs  en 
conformité  avec  les  principes  du  Parti.  Il  sera  instructif  de  re- 
produire quelques  lignes  de  ses  lectures  : 

A  la  page  14  l'auteur  y  dit  : 

"  La  civilisation,  cette  puissance  à  part,  dans  le  monde,  qui  a 
11  tiré  l'humanité  de  l'état  de  barbarie,  d'ignorance  et  de  dépra- 
"  dation  dans  lequel  le  christianisme  lui-même  n'avait  pas  pu 
11  l'empêcher  de    tomber.  " 

Ce  n'est  que  le  commencement,  on  ne  fait  qu'y  insinuer  l'im- 
puissance du  catholicisme. 

Plus  loin,  il  en  vient  à  l'attaque  brutale  et  il  fait  passer  le  ra- 
tionalisme comme  élément  civilisateur,  bien  avant  le  christianis- 
me qu'il  essaie'  de  flétrir,  sous  le  nom  d'ultramontanisme.  Ce 
morceau  mérite  d'être  cité  ;  il  cadre  parfaitement  avec  les  deux 
extraits  de  L'avenir  que  l'on  connaît  déjà. 

"  Enfin,  messieurs,  dit  il,  la  civilisation  a  trouvé  dans  le  monde 
"  le  principe  de  l'égalité  native  des  hommes  entre  eux  que  le 
"  christianisme  y  avait  implanté  ;  mais  elle  a  vu  bientôt  l'ultra- 
"  montanisme  Romain  refuser  d'admettre  les  conséquences  de  ce 
'•  principe,  et  consacrer  théoriquement  et  pratiquement,  l'asser- 
"  vissement  de  l'intelligence,  et  conséquemment  la  dépendance 
"  morale  et  politique  de  l'individu." 

"  Alors  la  civilisation  a  imprimé  au  monde  un  mouvement 
11  différent.  Elle  a  protesté  contre  la  réaction  ultramontaine,et  ne 
"  pouvant  l'éclairer  ni  la  faire  sortir  de  son  immobilité  systéma— 
"  tique,  elle  l'a  laissée  loin  derrière  elle  et'  l'a,  de  fait,  reléguée 
"  sur  le  dernier  plan  où  elle  occupe  aujourd'hui  une  position 
"  analogue  à  celle  de  ces  poudreux  et  vénérables  bouquins  que 
i{  l'on  conserve  encore,  pour  mémoire,  sur  les  rayons  de  nos  bi- 
"  bliothèques:" 

A  la  page  15,  se  place  une  insulte  au  clergé  canadien  : 

11  En  Canada  seulement  comme  l'indépendance  et  conséquem- 
"  ment  la  liberté  politique  n'existent  pas  encore,  la  hiérarchie 
"  refuse  de  reconnaitre  le  dogme  de  la  souveraineté  du  peuple  et 
li  lui  a  déclaré  une  guerre  à  mort. 

"  Mais  aussi  comme  il  est  excessivement  probable  que,  du 
"  moment  que  l'heure  de  la  liberté  aura  sonné,  pour  le  pays, 
•'  elle  le  proclamera  avec  force  saluts  et  bénédictions,  laissons  la 
"  exhaler  une  mauvaise  humeur  qui  entre  peut-être,  qui  sait, 
11  dans  les  vues  de  la  Providence,  et  qui  n'entravera  pas  d'un 
M  ïota  la  mouche  des  événements." 


52 

A  la  page  17,  il  s'attaque  violemment  et  en  style  vulgaire  à  la 
papauté  qu'il  calomnie  et  qu'il  injurie,  comme  lui  seul  possède 
le  secret  de  le  faire  : 

"  En  Europe,  messs'.eurs  et  en  Europe  seulement,  je  vois  trois 
"  hommes,  soutenus  par  quelques  centaines  de  privilégiés,  tendre 
"  leur  bras  en  avant  pour  faire  rétrograder  les  générations. 

"  Trois  hommes  y  luttent  encore,  au  moyen  des  proscriptions, 
"  des  cachots,  de  l'exil,  de  l'échafaud,  des  meurtres  juridiques 
"  des  trahisons  achetées,  de  la  séquestration  intellectuelle,  de 
"  l'ignorance  imposée  aux  masses,  des  excommunications,  ana- 
"  thèmes  contre  le  principe  fondamental,  nécessaire,  indéniable 
"  de  toute  organisation  sociale  régulière." 

"  Ces  trois  hommes,  vous  les  connaissez  comme  moi.  C'est  sa 
11  majesté,  l'Empereur  d'autriche,  l'infâme  bourreau  de  la  Hongrie 
"  et  de  l'Italie!  C'est  sa  majesté  le  Czar  de  toutes  les  Russies, 
"  l'infâme  bourreau  de  la  Hongrie,  de  la  Pologne  et  de  la 
"  Circassie  !  C'est  enfin  leur  ami  et  allié,  le  roi  de  Rome,  le  chef 
'•  visible  du  catholicisme. 

"  Voilà,  messieurs,  les  seuls  représentants  du  despotisme  dans 
"  le  monde  civilisé  !  Voilà  la  glorieuse  alliance  que  la  hiérarchie 
"  Italienne  a  ménagée  au  père  commun  des  fidèles  !  Voilà  le  sort 
11  qu'elle  lui  a  fait  !  Voilà  le  résultat  de  la  victoire  remportée  sur 
"  l'évangile  et  sur  le  christianisme  démocratique  des  premiers 
"  siècles,  par  la  sacristie  et  le  capuchon  inquisitorial. 

"  Ces  trois  hommes  ne  se  sont  maintenus  politiquement  jusqu'à 
"  notre  époque,  qu'en  proscrivant  la  presse,  qu'en  dégradant  le 
"  sentiment  national,  qu'on  éteignant  chez  les  masses  humaines 
tl  qu'ils  oppriment,  le  flambeau  de  l'intelligence  ;  qu'en  les 
"  séquestrant  sévèrement  de  tout  contact,  moral  avec  les  autres 
"  peuples.  Ils  se  sont  faits,  chacun  dans  les  limites  de  leurs 
u  états  respectifs,  les  geôliers  de  la  civilisation." 

Il  continue  sur  le  même  ton  ;  nous  voulons  citer  sa  dernière 
tirade  qui  finit  par  un  appel  déguisé  au  poignard  de  Mazziui  et 
un  petit  soupir  comprimé  pour  la  chute  ou  l'assassinat  du 
Pape  : 

"  Eh  bien,  messieurs,  s'éerie-t-il  qu'elle  est  la  qualification  qui 
"  convient  à  un  gouvernement  qui  considérait  comme  son  droit, 
"  la  proscription  de  la  pensée,  comme  une  de  ses  plus  importantes 
"  occupations,  la  saisie  des  enveloppes  salies  et  chiffonnées  des 
"  voyageurs  ?  Heureusement  pour  les  peuples,  ce  despotisme 
"  abject  et  brutal  ne  sera  pas  encore  longtemps  possible." 

C'était  à  la  veille  des  tristes  événements  de  1849  ;  c'était  dans 
le  temps  où  l'illustre  Pontife  se  préparait  à  donner,  où  il  avait 
même   commencé    à    accorder  des   institutions    libérales  à  son 


53 

peuple,  que  le  courageux  L.  A.  Dessaulles,  écrivait  ces  lignes  qui 
resteront  son  éternelle  flétrissure.  Peu  de  temps  après,  le  Pape 
fuyait  devant  les  hordes  Mazziniennes,  et  son  ministre  Rossi 
tombait  sous  les  coups  des  libres  penseurs  .et  des  affidés  aux  so- 
ciétés secrètes. 

h' Avenir,  se  réjouit  de  ces  horreurs  et  les  approuva,  et  tout  le 
parti  rouge  se  rangea  du  côté  des  assassins,  contre  la  sainte  vic- 
time qui  priait  à  Gaëte  pour  ses  bourreaux.  Il  y  eut  même, 
orgie  des  rédacteurs  de  Y  Avenir,  au  restaurant  Compain,  pour 
célébrer  la  victoire  des  bourreaux  auxquels  le  Pape  n'échappa 
que  par  miracle. 

Tirons  le  voile  sur  ces  hontes  et  sur  ces  ignominies  ;  l'expiation 
a  déjà  commencé  pour  quelques-uns  de  ces  malheureux  rouges  et 
elle  arrivera  infailliblement  pour  les  autres.  Ces  crimes  sont  de 
ceux  que  la  colère  divine  ne  laisse  jamais  impunis. 

Si  nous  avons  rappelé  ce  honteux  passé  des  rouges,  ce  baptême 
sanglant  qu'ils  se  sont  eux-mêmes  donné,  ce  n'est  pas  pour  flageller 
M.  Dessaulles  en  particulier.  Pour  lui,  le  châtiment  est  déjà 
Tenu  et  a  été  complet.  Sa  réputation  et  sa  fortune  y  ont  passé  ; 
son  intelligence,  qui  eût  pu  quelque  chose,  s'est  rétrécie  en  per- 
vertissant son  cœur,  et  aujourd'hui  M.  Dessaulles  n'est  plus 
qu'un  pensionné  du  gouvernement,  qui  exhale  sa  haine  impuis- 
sante et  son  désespoir  de  n'être  plus  rien,  à  la  face  de  ceux  qui 
le  nourissent  et  le  laissent  faire  par  pitié. 

Il  est  donc  inutile  de  le  combattre,  puisqu'il  suffit,  que  son 
nom  soit  attaché  à  un  écrit  quelconque,  pour  soulever  la  dérision 
et  le  mépris  du  public. 

Il  nous  a  fallu  exhumer  de  l'oubli,  ces  pages  néfastes,  pour 
faire  connaître  l'origine  et  les  aspirations  du  parti  rouge.  Elles 
constituent  un  témoin  et  un  accusateur  irréprochables,  parce 
qu'elles  ont  reçu  la  sanction  et  l'approbation  de  tous  les  rouges 
marquants,  et  qu'elles  ne  sont  d'ailleurs  que  la  reproduction,  sous 
diverses  formes,  des  idées  et  des  principes  que  propageait  Y  Avenir. 

Il  était  naturel  que  M.  Dessaulles,  après  avoir  insulté  à  la  pa- 
pauté, tournât  ses  regards  vers  le  clergé  canadien,  pour  essayer 
de  le  salir  de  sa  bave  Yoltairienne.  Il  trouve  défectueux  et  im- 
moral l'enseignement  donné  par  le  clergé  et  lui  administre  une 
leçon  polie  dont  nous  donnons  un  échantillon  à  nos  lecteurs  : 

"  Nous  avons  pleinement  le  droit  de  lui  dire  :  Votre  système 
11  ne  nous  convient  plus  ;  il  entrave  notre  développement  intel- 
"  lectuel  et  industriel  ;  il  n'est  pas  adopté  à  notre  situation  poli- 
"  litique  ni  à  notre  avenir  national  :  au  point  de  vue  social,  il 
"  n'est  pas  à  la  hauteur  de  l'époque.  Voilà  pourquoi,  nous 
11  allons  par  nos   propres  moyens  en  créer  un   autre,  séculariser 


54 

u  V enseignement,  afin  de  nous  affranchir  de  votre  tutelle  morale  ; 
"  doter  une  ou  plusieurs  universités  avec  les  biens  des  jésuites 
"  qui  n'ont  servi  jusqu'à  présent  qu'à  exciter  vos  convoitises  et 
u  dont  le  gouvernement  responsable  ne  s'est  servi  que  pour  faire 
"  de  l'intrigue." 

A  la  fin  de  sa  dernière  lecture,  Al.  Dessaulles  veut  les  insti- 
tutions démocratiques  pour  le  Bas-Canada,  vu  "  qu  elles  seraient 
il  la  plus  sûre  sauvegarde  de  notre  nationalité,  comme  le  meilleur 
<(  refuge  contre  V intolérance  religieuse."  (Lisez  l'intolérance 
catholique.) 

Pauvre  homme  ! 

Impiété,  haine  du  catholicisme,  annexion,  voilà  l'essence  des 
conquêtes  demandées  par  les  rouges.  Ils  n'ont  pas  dégénéré.  Ils 
se  sont  dès  leur  début  alliés  aux  fanatiques  du  Haut-Canada  et 
Brown  fut  leur  dieu. 

En  1852,  M.  Brown  disait  dans  le  Globe,  son  journal  : 

11  Le  Papisme  dans  son  essence  est  complètement  opposé  à  la  liberté 
civile." 

Dans  la  même  année,  il  disait  encore  : 

"  Si  les  prêtres  papistes,  inculquaient  cette  doctrine,  leurs  revenus  ces- 
seraient. Les  Messes,  Vieux  os,  Vieilles  guenilles  et  les  Reliques  seraient 
tout  à  la  fois  rejetées  par  les  fidèles  et  le  Papisme  mourrait  de  sa  propre 
pourriture." 

Voici  ce  que  l'on  lit  encore  sur  le  "  Globe"  du  18  Février 
1866: 

"  Dans  quelques  mois,  on  pourra  voir  émaner  de  Rome  une  bulle  qui 
avec  Vaide  et  V assentiment  de  notre  Gouvernement,  va  inonder  le  pays  de 
cette  population  (irlandais  catholiques)  et  nous  affliger  ainsi  d'une  plaie 
aussi  dangereuse  que  les  sauterelles  pour  la  terre  d'Egypte,  &c  ,  &c  ,  &c.'' 

Le  7  Août  1857,  Brown  publiait  dans  son  journal  les  paroles 
suivantes,  que  Ton  dirait  copiées  de  Y  Avenir  : 

11  Une  pensée  absorbe  et  ranime  le  plus  chétif  membre  du  Clergé  Catholi- 
que,— c'est  que,  tout  infime  qu'il  soit,  lui  insecte  venimeux  se  traînant  dans 
les  crevasses  et  les  parties  en  ruine  de  V édifice  social,  il  est  cependant  un 
associé  de  cette  effroyable  conspiration  qui,  depuis  des  siècles  et  avec  des  suc- 
cès différents,  n'a  cessé  de  travailler  à  miner  les  institutions  libres  et  à 
étouffer  les  progrès  de  l'humanité." 

Canadiens-Français,  et  catholiques,  lisez,  si  vous  le  pouvez, 
sans  frémir,  cet  article  du  "  Globe  "  du  4  Juillet  1857  !  !  ! 

"  L'ignorance  et  la  dégradation  des  prêtres  offrent  la  partie  la  plus 
ob-cure  du  tableau.  Sortis  des  derniers  rangs  de  la  pauvreté,  il  est  no- 
toire qu'ils  sont  ignorants  et  dégradés.  L'idée  de  leur  dégradation  est 
même  si  enracinée  partout,  que  lorsqu'un  enfant  est  indomptable  et  que 
ses  parents  n'ont  pu  réussir  à  lui  faire  entreprendre  quelque  carrière  hon- 
nête, ils  considèrent  souvent  alors  l'état  ecclésiastique  comms  leur  der- 
nière et  unique  ressource. 


55 

u  Ce  fait  peut  être  consigné  dans  un  dicton  qui  peut  être  rendu  ainsi  : 
Est-il  vicieux,  ignorant,  glouton  comme  la  brute, 
Il  ne  nous  reste  plus  que  d'en  faire  un  prêtre. 

Voici  maintenant  ce  qu'il  pense  des  Canadiens-Français  en 
particulier.  (Globe  du  10  Juin  1852)  : 

11  Le  départ  de  quelques  canadiens-français  pour  les  Etats-Unis  n'aura 
que  peu  d'effet  sur  toute  la  Province  ;  mais,  si  toute  cette  race  émigrait  en 
corps,  il  en  résulterait  une  plus  grande  force  pour  l'influence  anglaise.  La 
vérité  est  que  les  Canadiens  sont  un  obstacle  réel  pour  le  fonctionnement 
des  institutions  Anglaises,  &c. 

Voici  un  renseignement  précieux  à  récueiller  et  que  nous  tirons 
d'un  journal  bien  informé  et  des  Rapports  Parlementaires.  Les 
Rouges  voulaient  mettre  en  pratique  leurs  principes  sur  l'édu- 
cation et  restreindre  la  spbère  des  Collèges  : 

En  1854,  il  fut  question  en  Chambre  d'incorporer  le  Collège  MassoD. 
M.  Hartman  proposa  la  motion  ci-dessous  : 

"  Que  la  dite  corporation  n'aura  point  le  pouvoir  d'acquérir  ou  possé- 
der aucuns  immeubles,  excepté  ceux  quipourront  être  nécessaires  pour  l'usage 
du  dit  College.v 

Cette  motion  mettait  en  suspicion  l'honnêteté  et  l'intégrité  des  Direc- 
teurs du  Collège  Masson.  Elle  insinuait  très  clairement  que  ceux-ci 
pourraient  acquérir  des  propriétés  et  les  employer  à  d'autres  fins  qu'aux 
fins  de  l'éducation.  Malgré  cela,  MM.  Dorion,  Holton  et  deux  ou  trois  de 
leurs  suivants  votèrent  pour  la  motion,  en  compagnie  de  George  Brown. 

En  1856  les  rouges  avaient  encore  progressé  et  demandaient 
les  Ecoles  sans  Dieu,  ni  religion,  juisons  la  fameuse  motion 
Papin,  appuyée  de  Dorion  et  de  tous  ses  adeptes  : 

"  Qu'il  est  désirable  d'établir  dans  toute  la  province,  un  système  géné- 
ral et  uniforme  d'éducation  élémentaire  gratuite  et  MAINTENUE  EN- 
"  TIÈREMENT  AUX  FRAIS  DE  L'ETAT,  par  le  moyen  d'un  fonds  spé- 
11  cial  qui  serait  crée  à  cet  effet. 

11  Que  pour  faire  fonctionner  ce  système  d'une  maniée  JUSTE  et 
"  AVANTAGEUSE  il  sera  nécessaire  que  toutes  les  écoles  ainsi  établies, 
u  soient  ouvertes  indistinctement  à  tous  les  enfants  en  âge  de  les  ftvquen- 
»  ter,  SANS  QU'AUCUN  D'EUX  SOIT  EXPOSÉ  PAR  LA  NATURE  DE 
"  L'ENSEIGNEMENT  QUI  Y  SERA  DONNÉ,  A  VOIR  SES  CROYAN- 
«  CES  OU  OPINIONS  RELIGIEUSES  VIOLENTÉES  OU  FROISSÉES 
"  EN  AUCUNE  MANIÈRE." 

Sans  la  réprobation  énergique  de  nos  Kvêques  et  de  notre  clergé 
le  parti  rouge,  M.  Dorion  en  tête,  nous  aurait  déjà,  de  concert 
avec  M.  Brown,  imposé  depuis  longtemps  un  système  d'écoles 
communes  d'où  l'enseignement  religieux  eut  été  complètement 
banni,  et  nos  enfants  seraient  devenus  suisses,  comme  Blanchet 
ou  impies  vulgaires,  comme  les  Fontaine  du  Journal  de  St.- 
Hyacinthe,  les  Lusignan  et  les  Dessaulles.  Sûrement  que  nous 
fierions  bien  avec  des  gens  comme  ç'i,  pour  moraliser  une  popula- 
tion et  défendre  la  patrie  ! 


56 

Le  parti  rouge  ne  se  contenta  pas  de  désirer  l'annexion  aux 
Etats-Unis,  comme  l'un  des  meilleurs  moyens  de  ruiner  V influence 
cléricale,  et  noyer  la  nationalité  canadienne  françaises;  voyant 
que  les  américains  retardaient  beaucoup  à  s'emparer  du  pays, 
ils  eurent  recours  de  bonne  heure  à  la  représentation  basée  sur  la 
population  ;   dès  le  12  août  1852,  le  Pays  écrivait  déjà: 

«  LE  SUFFRAGE  UNIVERSEL  ;  LA  REPRÉSENTATION  BASÉE 
SUR  LA  POPULATION  :  V abolition  de  la  qualification  des  représentants  ; 
le  Conseil  Législatif  électif  mais  par  tous  les  citoyens  ;  tous  les  officiers 
ayant  une  autorité  sur  le  peuple  électifs  ;  tel  est  un  échantillon  des  réforme» 
rentables  que  nous  demandons." 

Le  26  août  de  la  même  année,  le  même  Journal  disait  encore  : 
"  Le  principe  de  la  représentation  basée  sur  la  population,  EST   JUSTE 
D'UNE    JUSTICE    ABSOLUE.     Kous   %   tenons    maintenant    comme  ci- 
devant;  et  nous  répétons  QUE  LA  REPRÉSENTATION  N'EN  EST  PAS 
UNE,  SI  ELLE  N'A  PAS  LA  POPULATION  POUR  BASE." 

Mais  d'abord  qu'on  oublie  pas  que  le  Pays  avait  succédé 
à  Y  Avenir,  anéanti  par  la  banqueroute  et  l'opinion  publique. 
Les  mêmes  hommes  et  les  mêmes  principes  présidaient  à 
l'esprit  et  à  la  rédaction  du  Pays,  la  seule  différence  entre 
Y  Avenir  et  le  Pays,  c'est  que  ce  dernier  fut  à  son  début 
moins  grossier  et  moins  brutale  à  l'égard  du  clergé  et  des  prin- 
cipes catholiques.  On  voulait  duper  le  peuple  et  voler  sa  confi- 
ance à  l'aide  de  formules  moins  compromettantes.  Mais  l'on  a 
vu,  depuis  le  commencement  de  la  guerre  d'Italie  (1859)  que  le 
Pays  n'est  toujours  resté  que  Y  Avenir  ;  il  a  toujours  été  du 
côté  de  Mazzini  et  de  Garibaldi.  Sa  guerre  contre  le  saint  évêque 
de  Montréal,  à  propos  de  Tlnstitut-Canadien  et  la  reproduction, 
avec  éloge,  et  approbations,  dans  ses  colonnes,  des  diatribes  de 
Dessaulles,  contre  le  séminaire  de  St.  Hyacinthe  et  ses  prêtres  les 
plus  éminents,  ont  complété  plus  que  suffisamment,  la  preuve  que 
ce  journal,  n'est  que  le  digue  continuateur  de  Y  Avenir.  Revenons 
à  la  question  de  la  représentation  basée  sur  la  population. 

En  1857,  l'Hon.  A.  A.  Dorion  disait  : 

"  Si  l'Union  actuelle  doit  continuer  d'exister,  elle  ne  peut  exister  qu'avec 
la  représentation  basée  sur  la  population.  Je  considère  que  c'est  le  seul 
système  juste. 

"  Je  préfère  une  union  fédérale,  mais  après  cela,  JE  PRÉFÉRERAIS 
A  L'ORDRE  DE  CHOSES  ACTUEL  LA  REPRÉSENTATION  BASÉE 
SUR  LA  POPULATION; — et  je  volerai  pour  cela,  si  aprH  l'avoir  tenté, 
je  ne  puis  obtenir  V  union  fédérale? 

En  1858,  M.  Dorion,  dans  son  adresse  aux  électeurs  de  Mon- 
tréal, s'exprimait  ainsi: 

"  La  discussion  suggéra  bientôt  qu'au  moyen  de  changements  consti- 
tutionnels accompagnés  de  restrictions  et  de  garanties  suffisantes  pour  la 


57 

protection  des  intérêts  et  des  institutions  de  chaque  section  delà  province, 
ou  par  l'application  du  principe  fédéral  à  notre  système  de  gouvernement, 
il  était  possible  de  préparer  une  mesure  qui  rencontrât  l'approbation  du 
Haut  et  du  Bas  Canada,  TOUT  EN  ADOPTANT  LA  POPULATION 
COMME  BASE  DE  LA  REPRÉSENTATION." 

L'on  se  rappelle  que  le  ministère  Brown-Dorion,  pour  se 
dédommager  de  son  court  passage  au  pouvoir,  se  fit  donner  le  4 
novembre  1858,  un  grand  banquet,  à  la  salle  publique  du  marché 
Bon-Secours,  de  Montréal,  M.  Dorion  y  prononça  un  long 
discours  ;  nous  allons  en  donner  un  court  extrait,  qui  fera  voir 
la  perfidie  et  les  vues  tortueuses  de  cet  homme  d'état.  Il  parle 
de  la  question  de  la  représentation  basée  sur  la  population  ;  on 
sait  qu'il  avait  concédé  cette  mesure  à  M.  Brown  et  voyons  les 
ambiguités  malhonnêtes  dont  il  se  sert  pour  avouer  la  chose 
devant  le  Bas-Canada  : 

"  La  seule  difficulté  réelle  qui  s'élevât,  était  donc  la  question 
M  de  la  représentation  d'après  la  population.  Habitant  le  Bas- 
"  Canada,  lui  devant  toute  l'influence  que  je  puis  .posséder,  je 
"  n'étais  pas  prêt  à  sacrifier  un  des  justes  droits  de  cette  section 
"  de  la  province.  Mais  depuis  longtemps,  je  sentais  toutefois, 
11  qu'il  fallait  en  venir  à  un  règlement  de  la  question.  Il  fallait 
"  s'entendre.  Les  demandes  du  Haut-Canada  devenaient  de 
"  plus  en  plus  pressantes  à  chaque  élection  et  je  voyais  que  l'opi- 
"  nion  se  faisait  tellement  forte  que  la  mesure  serait  quelque 
"  jour  emportée  par  l'influence  du  gouvernement  impérial,  jetée 
'•  dans  la  balance  avec  la  majorité  Haut-Canadienne,  de  manière 
"  à  être  injurieuse,  peut-être  désastreuse  pour  les  intérêts  du  Bas- 
11  Canada.  Il  fallait  prévoir  l'époque  où  cette  mesure  serait 
"  imposée.  Il  était  du  devoir  des  Bas-Canadiens  de  se  prémunir 
u  contre  cet  état  de  choses.  Nous  avons  des  institutions,  une 
"  langue,  une  religion  qui  nous  sont  chères  et  nous  devons  veiller 
"  à  leur  protection.  Mais,  d'un  autre  côté,  sur  les  questions  gé- 
"  nérales,  il  n'était  pas  à  craindre  que  le  Bas-Canada  s'imposât 
"  au  Haut-Canada,  ni  que  le  Haut-Canada  s'imposât  au  Bas- 
,c  Canada,  pas  plus  que  le  District  de  Québec  n'a  à  appréhender 
"  l'influence  du  District  de  Montréal  et  le  District  de  Montréal 
11  celle  du  District  de  Québec.  Il  y  avait  saris  doute,  quelques 
"  difficultés  pour  arriver  à  une  solution  du  problême  ;  il  y  avait 
"  certains  intérêts  qu'il  fallait  protéger,  certains  droits  qu'il  fallait 
"  consacrer  par  la  législation  ;  mais  après  avoir  donné  cette  pro- 
"  tection,  il  n'était  pas  malaise  d'arranger  une  constitution. 
"  Messieurs,  la  question  paraît  plus  épineuse  au  premier  abord 
"  qu'elle  ne  l'est  dans  le  fond." 

Si  nous    voulons    faire   autant  de    citations    pour  prouver  la 


58 

mauvaise  foi  du  parti  rouge  et  qu'il  a  toujours  été  favorable  à 
une  mesure  qui  constituait  notre  ruine  nationale  et  religieuse, 
c'est  uniquement  pour  faire  disparaître  complètement  les  préjugés 
qu'il  n'a  cessé  de  répandre  dans  le  peuple  depuis  des  années. 

Au  reste,  M.  Dorion  a,  lui-même,  reconnu  avoir  toujours  été 
prêt  à  accorder  la  représentation  basée  sur  la  population,  ou,  à 
accepter  une  union  fédérale  entre  le  Haut  et  le  Bas-Canada 
ou  une  conféderatian  pure  et  simple.  Mais  sait-on  aujourd'hui, 
pourquoi  il  s'oppose  à  la  Confédération  depuis  1865  ?  Ecoutez 
bien,  lecteurs,  qui  croyez  encore  qne  M.  Dorion  est  la 
pâte  des  hommes  honnêtes  et  vertueux  :  cest  parce  que  la 
Confédération  assure  le  triomphe  des  intérêts  catholiques 
et  conservateurs  du  Bas-Canada  sous  le  régime  nouveau,  grâce 
aux  nombreux  conservateurs  des  Provinces  maritimes,  qui  en  se 
joignant  à  ceux  de  la  Province  de  Québec,  nous  mettront  toujours 
en  état  de  repousser  les  tentatives  des  fanatiques  du 
Haut-Canada  ;  c'est  en  un  mot,  parce  que  sous  la  confédération 
et  dans  le  Parlement  fédéral,  Vêlement  conservateur  sera  si  fort 
qu'il  pourra  rester  au  pouvoir,  tandis  que  les  Rouges,  les  Radi- 
caux, ne  pourront  jamais  gouverner.  Ouvrez  le  volume  qui 
contient  les  débats  officiels  sur  la  Confédération  et  vous  y  ver- 
rez cet  aveu  maladroit  du  grand  chef,  aux  pages  253,  254,  et 
suivantes,  dans  la  version  anglaise. 

Comprenez-vous  maintenant  la  douleur  patriotique  de  ce  bon 
M.  Dorion,  que  la  Confédération  va  empêcher  de  monter  au 
pouvoir,  pour  y  placer  sa  légion  d'affamés,  de  mauvais  rhéteurs 
et  d'insulteurs  publics  ?  Quel  dommage  pour  le  pays  ?  Est-ce 
possible  que  la  Confédération,  puisse  nous  enlever  l'espoir  du 
concours  précieux  des  anciens  collaborateurs  de  Y  Avenir  et  de 
tous  les  cuistres,  qui  noircissent  de  temps  à  autre,  les  colonnes 
du  Pays,  du  Journal  de  St.  Hyacinthe,  de  Y  Union  Nationale 
et  de  Y  Ordre? 

M.  Dorion,  permettez-nous  de  vous  le  dire,  vous  avez  fait  là 
votre  millième  gaucherie.  Tout  le  monde  savait  déjà  que  votre 
seule  objection  à  une  mesure  que  vous  avez  toujours  appelée  de 
tous  vos  vœux,  n'était  inspirée  que  par  un  misérable  égoïsme  et 
d'étroits  préjugés.  Pourquoi  venir  l'avouer  vous-même  et  mettre 
à  nu  la  pauvreté  de  votre  caractère,  ou  la  malhonnêteté  de  ceux 
qui  vous  poussent  ? 

Nous  avons  surabondamment  démontré  que  les  seuls  adver- 
saires de  la  confédération,  dans  le  Bas-Canada,  sont  les  rouges  es 
les  annexionistes,  et  que  les  seuls  motifs  qui  en  font  les  ennemit 
décidés  du  nouveau  régime  sont  leur  haîne  du  catholicisme  et 
leur  déloyauté  ;  ils  sont,  en   effet,  assez   clairvoyants  pour  com- 


59 

prendre  que  l'ordre  de  choses  récemment  introduit  consolide  l'em- 
pire de  la  religion  et  éloigne  à  jamais  tout  danger  d'annexion.  Ils 
ont  donné,  dans  le  petit  pamphlet  rouge,  la  mesure  de  ce  qu'ils 
peuvent  en  fait  de  mensonges  éhontés  ;  ils  prétendent,  à  la  page 
13,  que  M.  Dorion  n'a  jamais  été  pour  la  représentation  basée 
sur  la  population,  et  que  M.  Cartier,  lui,  a  accordé  la  mesure  ! 
On  vient  de  voir  comment  M.  Dorion  s'est  oppocé  aux  exigences 
du  Haut-Canada,  et  ce  qu'il  pense  d'une  union  fédérale  ou  d'une 
confédération.  Quant  à  M.  Cartier,  il  n'y  avait  qu'un  rouge  des 
plus  menteurs,  et  ce  n'est  pas  peu  dire,  quant  on  sait  que  le 
mensonge  est  la  seule  arme  du  parti,  qui  pût  porter  contre  lui 
une  semblable  accusation. 

Nous  avons  expliqué,  plus  haut,  la  composition  de  notre  légis- 
lature locale  et  du  parlement  fédéral  ;  nous  avous  vu,  par  les 
articles  même  de  la  constitution,  que  toutes  nos  institutions  par- 
ticulières et  locales  sont  laissées  sous  notre  contrôle  exclusif,  et 
que  le  parlement  fédéral  ne  pourra  jamais  y  toucher.  Les  attri- 
butions du  parlement  fédéral  se  rapportent  seulement  aux  affaires 
qui  sont  d'un  intérêt  général  à  toutes  les  provinces  de  la  confé- 
dération. Dès  lors,  il  devient  impossible  pour  quiconque  sait  un 
peu  raisonner,  que  jamais  tentative  n'y  pourra  être  faite  pour 
léser  qui  que  ce  soit,  parce  que  l'auteur  du  mal  projeté  devien- 
drait lui-même  victime  comme  les  autres.  Bien  plus,  dans  la  pré- 
vision d'empiétements  certainement  impossibles,  il  y  a  des  garan- 
ties au  sommet  du  nouvel  édifice  politique,  par  l'égalité  intro- 
duite dans  la  composition  du  sénat,  où  tous  projets  tendant  à 
molester  quelque  province  particulière  seraient  de  suite  étouffés. 
D'ailleurs,  M.  Dorion  s'est  chargé  lui-même  de  nous  rassurer;  et 
c'est  lui  qui  nous  a  promis  que  les  provinces  maritimes  marche- 
raient toujours  avec  nous  lorsqu'il  s'agirait  de  combattre  les 
exigences  des  annexionistes  d'ici  et  des  radicaux  du  Haut- 
Canada. 

En  outre,  cette  prétendue  représentation  bâ^ée  sur  la  popu- 
lation, adoptée  à  la  chambre  des  communes  du  parlement  fédéral, 
n'est  nullement  dangereuse  pour  nous. 

La  clause  51,  de  la  constitution  est  admirable  de  sagesse  et 
constitue  pour  nous  une  protection  toujour  efficace. 

51.  Immédiatement  après  le  recensement  de  mil  huit  cent  soixante-et- 
onze,  et  après  chaque  autre  recensement  décennal,  la  représentation  des 
quatre  provinces  sera  r 'partie  de  nouveau  par  telle  autorité,  de  telle  ma- 
nière et  à  dater  de  telle  époque  que  pourra,  de  temps  à  autre,  prescrire  le 
parlement  du  Canada,  d'après  les  règles  suivantes  ; 

(1).  Québec  aura  le  nombre  fixe  de  soixante-et-cinq  représentants  ; 

(2).  Il  sera  assigné  à  chacune  des  autres  provinces  un  nombre  de  repré- 
sentants proportionné  au  chiffre  de  sa  population  (constaté  par  tel  recen- 


60 

sèment)  comme  le  nombre  soixante-et-cinq  le  sera  au  chiffre  de  la  popu- 
lation de  Québec  (ainsi  constaté)  ; 

(3),  En  supputant  le  nombre  des  représentants  d'une  province,  il  ne  sera 
pas  tenu  compte  d'une  fraction  n'excédant  pas  la  moitié  du  nombre  total 
nécessaire  pour  donner  à  la  province  droit  à  un  représentant  ;  mais  toute 
fraction  excédant  la  moitié  de  ce  nombre  équivaudra  au  nombre  entier  ; 

(4).  Lors  de  chaque  nouvelle  répartition,  nulle  réduction  n'aura  lieu 
dans  le  nombre  des  représentants  d'une  province,  à  moins  qu'il  ne  soit 
constaté  par  le  de rnier  recensement  que  le  chiffre  de  la  population  totale 
du  Canada  à  l'époque  de  la  dernière  répartition  du  nombre  des  représen- 
tants de  la  province,  n'ait  décru  dans  la  proportion  d'un  vingtième  ou 
plus  ; 

(5).  Les  nouvelles  répartitions  n'auront  d'effet  qu'à  compter  de  l'expi- 
ration du  parlement  alors  existent. 

Ecoutons  sur  l'importance  du  paragraphe  deux  de  la  clause 
51,  les  voix  autorisées  des  Honorables  Cauchon,  Galt  et  Brown  : 

"  Ce  dispositif  de  la  constitution  à  été  au  début,  mal  compris 
"  et  mal  interprêté.  L'on  se  demandait  pourquoi,  lorsque  les 
"  autres  provinces  pourront  avancer,  le  Bas  Canada  devra  rester 
"  stationnaire  !  Ecoutons  d'abord  M.  Galt,  celui,  de  tous  les 
"  ministres,  qui  a  lo  plus  complètement  expliqué  et  rendu  la 
"  pensée  de  la  convention  de  Québec  dans  son  célèbre  discours  de 
"  Sherbrooke  : 

u.  La  population  devra  être  la  base  de  la  représentation  dans  la 
"  chambre  basse,  et  pour  empêcher  une  augmentation  exorbitante 
u  du  nombre  des  députés  dans  cette  chambre,  à  mesure  que  la 
"  population  accroîtra,  il  fut  convenu  que  l'on  ferait  une  base  sur 
"  laquelle  l'on  computerait  le  nombre  des  députés  ;  l'on  choisit  le 
"  Bas-Canada.  Bien  que  le  Bas-Canada  ne  possédât  pas  la 
"  population  la  plus  considérable,  cependant  la  sienne  était  nom- 
"  breuse,  et  croissait  dans  des  proportions  plus  égales  que  celle 
"  des  autres  Provinces,  n'augmentant  pas  aussi  rapidement  que 
il  celle  du  Haut-Canada,  ni  aussi  lentement  que  celle  des  Pro- 
"  vinces  atlantiques.  Aussi  le  nombre  des  membres  de  la  cham- 
11  bre  des  communes,  ne  sera  pas  soumis  à  des  variations  aussi 
"  irrégulières  que  si  l'on  avait  pris,  pour  base  de  la  computation, 
tl  la  population  de  l'une  des  autres  Provinces." 

"  Cependant  le  ministre  des  finances  n'a  pas  tout  dit.  Ce  dispo- 
"  sitif  est  tout  à  l'avantage  des  provinces  dans  lesquelles  les  popu- 
"  lations,  moins  nombreuses  déjà,  augmentent  encore  d.;ns  une 
u  proportion  moindre.  Le  Globe,  du  reste,  a  parfaitement  com- 
"  pris  et  parfaitement  expliqué  l'opération  de  ce  paragraphe. 

"  Le  principe  de  la  représentation  assise  sur  le  nombre  est  con- 
"  sacré  par  le  projet  de  la  convention  ;  il  y  est  tempéré,  dans  ses 
"  conséquences,  par  ses  conditions  d'existence  ;    sagement   com- 


61 

l(  primé  par  des  freins,  dans  son  travail  d'expansion  et  retardé 
u  considérablement  dans  ses  progrès. 

"  Pour  bien  nous  faire  comprendre,  donnons  un  exemple:  sup- 
i(  posons  que  la  constitution  dise  :  la  chambre  des  communes  se 
"  composera  de  trois  députés  ;  comme  vous  ne  comptez  que  pour 
"  un  tiers  dans  l'ensemble  de  la  population,  vous  y  serez  représen- 
"  tés  par  une  voix,  nous,  nous  aurons  les  deux  autres,  parce  que 
"  nous  sommes  les  deux  tiers.  Ici  le  priucipe  de  la  population 
11  est  parfaitement  reconnu  et  parfaitement  pratiqué  ;  mais  la 
"  majorité  contre  nous  ne  sera  que  d'une  voix;  et  en  déplaçant 
"  cette  seule  voix,  nous  aurons  la  majorité  ! 

11  Maintenant,  supposons  un  autre  cas  ;  et  disons  que  la  rc- 
il  présentation,  au  lieu  d'être  de  trois  soit  de  trois  cents  députés, 
"  dans  la  chambre  d.s  communes.  Notre  tiers  sera  cent,  et  les 
11  deux  autres  tiers  deux  cents.  Les  mêmes  proportions  seront 
"  parfaitement  conservées  avec  le  principe  de  la  représentation 
u  basée  sur  la  population,  comme  dans  le  premier  cas,  et  cepen- 
"  dant,  la  majorité  contre  nous  ici  sera  de  cent  !  Or  l'on  en  con- 
"  viendra  facilement,  il  est  plus  facile  de  déplacer  une  voix  que 
li  d'en  déplacer  cent. 

11  Donc  tout  en  conservant  la  population  pour  base,  on  peut 
"  considérablement  la  modifier  dans  sa  progression  et  l'amoindrir 
"  dans  ses  effets  :  il  est  évident  parce  que  nous  venons  de  dire, 
'•  que  plus  le  chiffre  autour  duquel  devra  pivoter  tout  le  système 
"  sera  bas,  le  mieux  ce  sera  pour  nous  et  pour  les  provinces  atlan- 
u  tiques. 

"  Maintenant,  laissons  de  côté  les  hypothèses  et  opérons  sur 
"  la  réalité.  Le  Bas-Canada  ayant  une  population  de  1,110,664 
"  âmes  et  une  représentation  de  65  députés,  chacun  de  ceux-ci 
"  représente  en  moyenne,  17,087  âmes.  C'est  la  base  adoptée 
"  par  la  convention,  pour  toutes  les  autres  provinces,  au  point  de 
"  départ.  Si  ce  chiffre  de  17,087,  devait  continuer  à  être  la 
"  moyenne  permanente  de  la  population  pour  chaque  député,  et 
(;  que  la  population  totale  du  Bas-Canada  se  doublât,  en  trente 
•'  ans,  de  1861  à  1891,  celui-ci  aurait  une  population  de  2,221,- 
"  328  et  une  représentation  de  130  députés. 

11  Si  le  Haut-Canada  au  bout  de  la  même  période,  avait,  ce  qui 
"  est  possible,  une  population  double  de  la  nôtre  c'est-à-dire  de 
"  4,442,656,  il  posséderait  une  représentation  de  2G0  députés,  et 
tl  une  majorité  sur  nous  de  130. 

"  Mais  si  au  contraire  le  chiffre  de  65,  de  notre  représenta- 
"  ti  m  demeure  station naire,  à  la  même  époque,  la  moyenne  de  la 
"  pipulation  pour  chaque  député,  dans  toute  l'étendue  de  la  con- 
"  tédération  sera  de  34,174,  et  le  Haut-Canada  aura  droit  à  130 


62 

"  députés.  Ainsi  donc  dans  le  premier  cas,  le  Haut-Canada  au- 
"  rait  sur  nous  une  majorité  de  130  voix,  tandis  que  dans  le 
11  second,  cette  majorité  ne  serait  que  65  voix.  Il  est  donc  im- 
"  portant,  comme  on  le  voit,  que  le  chiffre  de  notre  représenta- 
"  tion  reste  ce  qu'il  est." 

Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  des  explications  aussi  satisfaisan- 
tes. 

Le  Haut-Canada  devra  donc,  pour  voir  augmenter  le  nombre 
de  ses  députés,  accroître  sa  population  dans  une  proportion  d'à 
peu  près  les  deux  tiers  plus  vite  que  le  Bas-Canada  ;  or,  la  chose 
est  impossible.  Qu'on  lise  bien  le  calcul  suivant  et  l'on  s'en  con- 
vaincra; bien  plus,  l'accroissement  de  la  province  de  Québec 
deviendra  nécessairement  plus  rapide. 

"  Ce  qui  a  jusqu'ici  constitué  la  supériorité  du  Haut-Canada,  c'est  l'émi- 
"  gration.  Depuis  douze  ans,  pas  moins  de  300,000  émigrants  se  sont 
"  établis  en  Haut-Canada,  quand  il  en  est  venu  à  peine  4,000  en  Bas- 
"  Canada.  Mais  aujourd'hui  la  force  des  choses  va  changer  le  courant  do 
"  l'émigration. 

lo.  D'abord,  ayant  la  conduite  de  l'émigration  entre  les  mains,  nous 
11  chercherons  des  émigrants  qui,  par  leur  origine,  seront  prêts  à  demeurer 
"  en  Bas-Canada. 

"  2o.  Le  Haut-Canada  n'ayant  plus  de  bonnes  terres  pour  la  coloni- 
"  sation,  les  émigrants  devront  en  chercher  en  Bas-Canada.  Voici  1» 
u  preuve  de  notre  avancé  : 

Territoire.  En  culture. 

«  Bas-Canada 128,659,000  arp.— 1 3, 1 38,069  arp. 

"Haut-Canada 31,741,000    «    —18,587,783    " 

t«  Différence  en  faveur  du  Bas-Canada. .   96,918,000 
"  Il  reste  donc  à  coloniser  en  : 

"  Bas-Canada 115,511,000  arpents. 

«  Haut-Canada 13,154,000 

"  Différence  en  faveur  du  Bas-Canada..  102,357,000 

11  Cette  différence  entre  le  territoire  total  des  deux  provinces  et  le  ter- 
"  ritoire  habité,  c'est-à-dire  entre  46,918,000  et  102,357,000,  fait  voir  que 
"  notre  colonisation  est  6  pour  cent  en  arrière  de  celle  du  Haut-Canada. 

M  Le  même  tableau  nous  fait  voir  qne  le  Haut-Canada  va  être  forcé  de 
"  nous  laisser  profiter  de  l'émigration. 

»  Sur  les  13,000,000  d'arpents  du  Haut-Canada,  il  faut  déduire  les 
"  rivières,  les  montagnes,  les  marécages  et  les  terres  impraticables.  Reste 
"  à  peu  près  10,000,000  d'acres  et  pour  le  Bas-Canada,  à  la  suite  d'une 
"  même  déduction  106,000,000. 

"  On  comprend  qu'il  y  a  un  très-mauvais  choix  à  taire  sur  10,000,000 
"  d'arpents  laissés  en  arrière,  alors  que  les  précédents  colons  ont  choisi 
"  le3  meilleurs." 

"  L'an  dernier  16,000  émigrants  se  sont  fixés  en  Haut-Canada.  En 
"  mettant  seulement  à  2  p.  cent  l'augmentation  naturelle  de  la  population, 
"  par  année,  on  trouve  que    30,000   personnes  y  atteignent  tous  les  ans 


G3 

•'leur  majorité.  Nous  supposons  que  sur  les  11,000  émigrants,  8,000 
"  s'établissent  sur  des  terres  et  que  des  30,000  âmes  de  population  indi- 
"  gène,  6,000  seulement  soient  forcés  de  se  fixer  dans  les  townships  si 
11  nous  accordons  à  chacun  d'eux  seulement  300  arpents  de  terre  ;  ils  se 
M  trouvent  à  prendre  dans  une  seule  année  4,200,000  arpents  de  terre 
"  disponsibles.  Le  Haut-Canada  n'a  donc  plus  rien  de  terres  que  pour  un 
"  an,  s'il  continuait  à  recevoir  l'émigration  dans  la  même  proportion. 

il  Ce  résultat  nous  fournit  un  double  argument: 

"  lo.  En  enlevant  forcément  lïmigralion  du  Haut-Canada,  nous  lui 
"  ôtons  une  augmentation  de  ]  6,000  âmes  par  année.  Nous  pourrions 
"  mettre  plus  :  car  le  terme  moyen  de  IV migration  depuis  14  ans  est  de 
"  24,000  par  année,  dont  22,000  en  Haut-Canada. 

"  N'importe,  en  gagnant  16,000  que  nous  leur  ôtons,  nous  avons  une 
"  différence  annuelle  de  32,000  en  notre  faveur.  Cette  différence  pendant 
"10  ans,  nous  donne  une  augmentation  de  320,000  âmes.  Or,  la  progres- 
11  sion  naturelle  de  notre  population  est  près  de  un  pour  cent  plus  forte 
"  que  celle  du  Haut-Canada,  qui  ne  se  rattrapait  que  par  son  immigration. 
"  En  sorte  que  si  notre  progression  ne  l'emportait  seulement  que  de  § 
"  pour  cent,  nous  aurions  une  majorité  annuelle  de  6,000  âmes,  soit  en 
"  dix  ans  60,000  ou,  en  tout,  près  de  400,000  âmes,  c'est-à-dire  que  notre 
11  population  l'emportera  et  pour  toujours  sur  celle  du  Haut-Canada. 

"  2o.  Ce  résultat  nous  prouve  ensuite  qu'il  n'y  plus  d'émigration  possible 
"  en  Haut-Canada,  et  que  nous  profiterons  de  toute  l'immigration  pour  la 
u  vente  de  nos  terres." 

Armée  Permanente. 

Les  Rouges  crient  encore  contre  la  Confédération,  parce 
qu'elle  va  nous  amener  une  armée  permanente,  qui  va  dévorer 
tous  nos  revenus  et  peut-être  forcer  ces  braves  gens  à  montrer 
du  cœur.  Nous  avouons  que  c'est  désolent  pour  eux.  Mais, 
nous  devons  avouer  que  quant  à  nous,  nous  ne  serions  pas  fâchés, 
que  dans  un  temps  donné,  les  ressources  de  la  Confédération 
fussent  suffisantes  pour  nous  permettre  d'organiser  une  bonne 
milice  active  ou  un  noyau  de  petite  armée  permanente,  avec 
laquelle  on  pût  imposer  le  respect  aux  Féniens  et  à  leurs  alliés, 
les  rouges,  les  annexion istes  et  les  clubistes. 

Toutefois  ne  nous  décourageons  pas  :  les  Rouges  au  pouvoir, 
et  les  Rouges  qui  veulent  y  arriver,  forment  un  parti  bien  diffé- 
rent. En  1863,  ils  étaient  au  pouvoir  et  nous  ont  présenté  un 
projet  de  loi  sur  la  milice,  dont  la  mise  en  pratique  eût  coûté 
$613,000,  et  c'est  à  eux  que  nous  devons  l'établissement  des 
écoles  militaires,  qui  nous  ont  donné  des  élèves  distingués  et 
destinés  à  former  cette  armée  permanente  contre  laquelle  on 
braille  tant.  Et  ils  ont  fait  cela,  parce  qu'il  fallait  le'faire,  ou 
descendre  du  pouvoir,  et,  comme  ils  aiment  encore  mieux  empo- 
cher l'argent  du  peuple,  que  faire  de  l'opposition,  ils  se  sont 
exécutés  de  bonne  grâce  et  se  sont  faits  belliqueux.  Mettez  un 
queteux  à  cheval,  il  n'y  a  plus   moyen  de  l'en  faire  descendre  ; 


64 

avant  de  monter,  il  tempête  contre  les  heureux  mortels  qui  ne 
vont  pas  à  pied  ;  une  fois  monté,  il  s'y  cramponne  et  oublie  les 
injustices  de  la  société.  C'est  là  l'histoire  de  nos  rouges  les  plus 
intelligents  et  les  plus  honnêtes. 

Le  parti  rouge  et  annexioniste,  fertile  en  s  attises,  a  donné 
naissance  au  club  St.  Jean-Baptiste,  où  alla  se  réfugier  la  secte, 
pour  faire  dans  l'ombre,  ce  que  les  chefs  ne  voulaient  pas  tenter 
au  grand  jour.  Ecoutez  sur  le  compte  du  club  St.  Jean-Baptiste 
la  voix  éloquente  de  quelqu'un  qui  a  bien  connu  la  sociétés  des 
compagnons  et  qui  a  reçu  les  révélations  d'un  membre  converti 
et  repentant. 

Le  Club  St.  Jean-Baptiste. 

Abordons  maintenant  le  Club  St.  Jean-Baptiste,  cette  araignée 
du  parti  libéral  qui  pendant  près  d'un  an  a  tissé  ses  fils  dans  la 
rue  St.  Jean-Baptiste  en  face  du  couvent  de  la  Congrégation. 
Cela  n'existe  plus  bien  entendu,  parce  que  le  balai  a  passé  là 
dedans.  Les  mouches  qui  furent  prises  dans  la  toile  sont  dis- 
persées aussi.  Beaucoup  s'en  sont  retirées  avec  une  aile  ou  une 
antenne  de  moins,  d'autres  à  demi  sucées,  quelques-unes,  (rnais 
elles  sont  rares)  encore  intactes.  De  celles-là  on  en  voit  voltiger 
encore  une  ou  deux,  dans  les  rues  du  faubourg  Québec.  Je  les 
ai  toujours  soupçonnées  d'être  de  connivence  avec  l'araignée. 
Elles  étaient  là  pour  engager  les  autres  à  y  venir. 

—  Vous  croirez  peut-être  que  je  ris  en  écrivant  ces  lignes — 
que  je  suis  de  gai  et  fol  humeur — vous  vous  trompez,  du  tout 
au  tout  ;  on  ne  saurait  être  plus  triste  que  je  le  suis  en  rap- 
pelant ces  souvenirs.  Il  y  a  là  une  leçon  pour  nous  mais  peu 
c'en  est  fallu  que  nous  y  trouvions  une  grande  honte  et  la  cause 
de  notre  ruine  comme  peuple  religieux  et  moral.  Car  c'était 
une  société  secrite  que  ce  club  de  St.  Jean-Baptiste,  et  une  des 
plus  avilissantes  encore.  On  y  entrait  en  mettant  le  pied  sur 
une  tête  de  mort  pour  attester  qu'on  était  prêt  à  tout  ;  un 
poignard  était  placé  sur  la  poitrine  du  récipiendaire,  pâle  et 
haletant,  presque  fou  de  terreur— cela  voulait  dire  que  la  mort 
le  frapperait  à  la  moindre  trahison  des  ordres  de  la  société. — 
D'où  viendrait  cette  mort?  de  tous  cotés  et  de  nulle  part.  Le 
masque  qui  tenait  le  poignard  ne  s'expliquait  qu'ainsi.  Des 
masques^  il  y  en  avait  quarante,  cinquante  et  cent  qui  se  tenaient 
autour  d'une  vaste  salle  souterraine  éclairée  par  une  faible 
lumière — un  œil  de  bête  fauve  dans  la  nuit. —  C'étaient  des 
hommes  qui  avaient  honte  de  leurs  actes  ou  de  leur  front.  Beau- 
coup d'entre   eux,   se   cachaient,   parce   qu'ils   sentaient   qu'ils 


65 

feraient  horreur  au  timide  néophyte,  qui  demandait  à  devenir 
leur  frère. 

Un  serinent  était  prêté,  serinent  anti-religieux  et  anti-social, 
serment  qui  rompait  les  liens  civils  et  politiques,  qui  foulait  aux 
pieds  les  affections  les  plus  chères  pour  le  bénéfice,  pour  l'avan- 
tage d'une  association,  dont  le  but  apparent  tl  le  progrès,  la 
nationalité''  n'était  qu'un  leurre,  dont  le  but  réel  et  indéniable 
était  l'élévation  de  deux  ou  trois  individus,  au  détriment  de 
tous  les  autres.  Ces  deux  ou  trois  Messieurs  se  sentaient  petits 
et  traînards.  Dans  leur  esprit  qu'ils  crurent  plus  grand  que 
leur  condition  ils  révèrent  de  colossales  destinées.  Ils  cher- 
chèrent une  échelle  pour  arriver  au  point  que  fixaient  leurs 
regards.  Ils  en  trouvèrent  une  dans  la  boue,  dans  l'ordure  ; 
quelques-uns  des  barreaux  étaient  môme  tachés  de  sang.  "  Pre- 
nons toujours  se  dirent-ils,  une  fois  là-haut,  nous  nous  laverons 
les  mains."  Ils  ont  dressé  l'échelle,  ils  sont  montés  aussi,  mais 
arrivés  au  deuxième  peut-être  au  troisième  échelon,  crac  !  tout 
se  rompt  et  les  voilà  Gros  Jean  comme  devant  déplorant  cepen- 
dant bien  fort,  pour  le  succès  de  leur  tentative  que  la  lune  soit 
si  haut  placée. 

Ils  juraient  donc,  ces  pauvres  gens,  ces  moutons  entêtés,  ils 
juraient  qu'aucun  devoir  social,  aucun  lien  de  famille,  aucun  sen- 
timent d'amitié,  par  suite,  d'honneur,  ne  les  empêcheraient 
d'obéir  aux  ordres  de  la  société,  et  ils  juraient  cela  sur  Vlionneiir. 
Us  juraient  sur  llwnneur,  que  l'occasion  donnée,  ils  n'auraient 
plus  de  devoir  à  remplir,  plus  de  reconnaissance  à  éprouver,  plus 
d'affection  au  cœur,  plus  de  cœur  quoi  ;  ils  juraient  cela  sur 
Vlwnneur. 

Us  juraient  sur  Vhonneur,  de  prendre  fait  et  cause  pour  un 
frère  en  tout  et  partout,  de  le  défendre  par  la  parole  et  par  les 
armes,  s'il  le  fallait  envers  et  contre  tous  ;  il  juraient  cela  sur 
l'honneur. 

Une  surprise  se  présente  un  jour— M.  Chapleau  sollicitait  les 
suffrages  des  électeurs  d'un  certain  quartier  de  la  ville  de 
Montréal.  Un  membre  du  club  les  sollicitait  en  même  temps. 
Pour  la  plupart  des  membres  de  cette  association,  l'adversaire 
de  M.  Chapleau  était  un  étranger,  un  premier  venu.  M.  Cha- 
pleau, lui,  était  un  ami  de  tous  les  jours,  un  homme  qui  avait 
rendu  service  à  plusieurs  d'entr'eux,  un  homme  d'un  talent 
reconnu — admiré  de  tout  le  monde. 

C'était  une  petite  épreuve. 

Qu'arriva-t-il  ?  Ces  amis  de  dix  ans,  travaillèrent  jour  et  nuit 
contre  leur  ami  le  plus  intime  et  le  plus  dévoué.  Ils  travaillèrent 
en  lui  demandant  pardon  pour  leur  honte — ils   travaillèrent  si 

6 


66 

bien  que  M.  Chapleau  dut  se  retirer  pour  laisser  le  champ  libre 
à  son  adversaire,  qui  certes  était  loin  de  pouvoir  rendre  les 
mêmes  services  que  lui  à  la  municipalité.  Que  voulez-vous  ? 
il  fallait  bien  en  agir  ainsi,  puisqu'ils  avaient  juré  sur  l'honneur 
de  n'avoir  plus  d'amis,  de  n'avoir  que  des  frères.  Oh  !  quels  frères  ! 
quelle  famille  !  bon  Dieu  !  Il  fallait  les  voir,  dans  leurs  réunions 
de  tous  les  soirs  dans  leurs  salles  enfumées  de  la  rue  St.  Jean- 
Baptiste,  les  uns  trinquant,  les  autres  jouant  aux  cartes  en  se 
disputant  quelques  sous,  tout  leur  pain  du  lendemain.  Ea  bas, 
on  conspirait,  en  haut  on  s'enivrait,  on  jurait,  on  volait. 

Le  cadre,  du  reste,  valait  bien  le  tableau. — Ce  que  c'était  que 
cette  maison  avant  que  le  club  s'en  fut  emparé,  je  ne  le  dirais 
pas  à  une  honnête  femme. — On  y  vendait  du  vice,  on  n'y  avait 
jamais  vu  d'honneur.  Les  murs  gardent  encore  quelques  traces 
de  ces  jours  de  dégradations. — Il  y  a  à  poine  trois  ans  deux 
hommes  s'y  sont  égorgés  à  coups  d^  rasoir.  Leur  sang  est  resté 
sur  le  plancher,  rien  n'a  pu  l'effacer,  et  c'est  sur  cette  tache  de 
sang  que  se  dressait  la  table  de  jeu,  que  s'agitait  le  tripot,  sur 
cette  tache  de  sang  que  venaient  s'abimer  le  bonheur  et  la  richesse 
des  familles.  Quelques  flacons  de  genièvre,  un  misérable  tapis 
vert  suffisaient  à  ces  ruines  et  à  ces  désespoirs.     On  se  ruinait, 

donc  on  s'éniviait,  on  se  mettait  le  désespoir  au  cœur,  là,  là 

mais  ensuite  pour  oublier,  après  avoir  bu  et  joué  le  paia  de  sa 
femme  et  de  ses  enfants,  on  allait  ailleurs  les  déshonorer.  Pour 
dire  vrai  ceux-là  n'avaient  pas  juré  sur  l'honneur  de  faire  le  bon- 
heur de  leurs  familles,  ils  ne  l'avaient  juré  que  devant  Dieu. 

C'était  donc  une  société  secrète  que  ce  club  St.  Jean  Baptiste, 
une  société  secrète,  parce  qu'elle  se  recrutait  dans  l'ombre  et  dans 
la  nuit,  une  société  secrète,  parce  qu'on  y  prêtait  un  serment  in- 
discret, une  société  secrète,  parce  qu'on  y  avait  des  secrets,  des 
mots  de  passe,  des  signes  entre  frères,  une  société  secrète,  puis- 
qu'elle sacrifiait  les  intérêts  de  la  grande  société  humaine  à  ses 
propres  intérêts,  une  société  secrète,  puisque  le  sang,  puisque  le 
cœur  n'étaient  plus  comptés  pour  rien  par  ceux  qui  en  faisaient 
partie  et  qu'il  n'y  avait  plus,  ni  parents,  ni  amis,  ni  raison,  ni 
foi,  ni  loi,  pour  celui  qui  entrait  dans  l'association.  Un  frère  ne 
pouvait  jamais  avoir  tort.  Eût-il  été  assassin,  voleur,  sacrilège, 
il  fallait  le  protéger,  le  défendre  contre  les  lois  et  la  justice. 

Des  principes  aussi  monstrueux  ne  pouvaient  réunir  d'adhérents 
que  parmi  les  hommes  tarés  à  qui  il  ne  restait  plus  rien  à  risquer, 
ou  à  perdre.  Aussi,  sur  les  deux  ou  trois  cents  membres  com- 
posant cette  association,  à  peine  en  aurait-on  trouvé  dix  qui  ap- 
partinssent à  la  bonne  société.  Encore,  ceux  là  n'y  firent-ils 
qu'une  courte  apparition.     Dès  qu'ils  sentirent  que  leur  dignité 


67 

de  gentilhotnines  souffrait  au  contact  de  la  tourbe  ignominieuse 
et  disparate  de  leurs  nouveaux  frères  ils  se  retirèrent  du  club 
pour  n'y  plus  remettre  les  pieds.  La  grande  attraction  s'exerçait 
sur  les  hommes  de  métiers,  sur  les  aubergistes,  les  boutiquiers  de 
tout  genre,  sur  les  avocats  sans  cause  et  les  jeunes  gens  sans 
emploi,  presque  tous  oiseaux  de  proie  que  l'on  conviait  à  dépecer 
la  grande  société.  Il  en  vint  beaucoup  de  ceux-là,  on  leur  pro- 
mettait, voyez-vous,  la  protection,  l'encouragement  du  club,  et  les 
membres  étaient  tenus  rigoureusement  à  cette  règle.  Le  club 
eût  donc  ses  avocats,  ses  notaires,  ses  médecins,  ses  cordonniers, 
ses  tailleurs,  etc.  Tous  devaient  faire  fortune.  De  fait,  l'en- 
couragement fut  d'abord  très-libéral.  Le  grand  nombre  qui 
n'avait  que  des  habits  râpés,  des  souliers  éculés  se  firent  vêtir  et 
chausser  ;  on  ne  refusait  pas  à  un  frère  ;  mais  tailleurs,  bottiers, 
aubergistes,  etc.,  sont  encore  à  courir  après  leur  argent.  Après 
tout,  un  frère  saura  tout  sacrifier  pour  un  frère,  mais  en  dépit  de 
sa  bonne  volonté  il  ne  saurait  battre  monnaie. 

Tous  ceux  qui  sont  entrés  dans  cette  association  ont  été  les 
dupes  de  quelques  intrigants  politiques  à  la  tête  desquels  figure 
M.  Médéric  Lanctot.  Il  en  était,  lui,  et  l'un  des  premiers  en- 
core ;  sous  ses  grandes  phrases  philanthropiques  il  cachait  soi- 
gneusement le  germe  de  l'ambition  qui  aujourd'hui  se  développe 
et  menace  bientôt  d'envahir  tout  le  pays  si  une  main  ferme  ne 
l'étouffé  à  temps.  C'est  là,  dans  ce  bourbier  infect  que  M. 
Lanctot  a  nourri  son  patriotisme,  a  rêvé  sa  grandeur  future,  a 
préludé  à  la  régénération  de  l'ouvrier,  qu'il  opère  aujourd'hui 
avec  un  succès  désespérant  pour  l'humanité.  Il  travaillait  bien 
pour  son  compte,  celui-là,  mais  il  était  à  peu  près  le  seul  qui 
retirât  quelque  bénéfice  de  l'association.  Tous  les  autres,  ou  à 
peu  près,  qui  sont  entrés  là  avec  quelqu'argent,  quelques  res- 
sources, en  sont  sortis  gueux  et  misérables.  Il  y  aurait  de  cu- 
rieuses statistiques  à  établir  sur  le  nombre  de  banqueroutes  et  de 
ruines  dont  le  club  a  été  la  cause  évidente,  immédiate  ;  nous  en 
parlerons  peut-être  quelque  jour. 

La  protection  mutuelle,  ayant  pour  principale  considération  la 
nationalité  canadienne  française,  telle  a  été  d'abord  le  prétexte 
de  cette  réunion.  Aux  badauds  et  aux  niais  on  promettait  un 
pays  de  cocagne  ;  aux  clairvoyants  on  ouvrait  une  autre  perspec- 
tive :  la  perspective  du  triomphe  du  parti  rouge.  La  ruine  de  M. 
Cartier,  le  succès  du  rougisine.  telle  est  la  vraie,  la  seule  raison 
de  la  formation  de  ce  club,  qui  n'a  été  qu'une  des  formes  du 
Protée  libéral,  et  la  plus  hideuse  de  toutes  peut-être.  On  essaiera 
de  le  nier  dans  certains  quartiers,  parce  qu'on  a  honte  de  cette 
sentine  qui  pue  la  crapule  et  le  vice,  mais  les  faits  sont  écrasants, 


68 

à  i'encontre  de  ces  dénégations.  La  majorité  des  membres  appar- 
tenaient au  parti  rouge,  tous  les  chefs  étaient  pris  dans  ses  rangs. 
Toute  la  presse  libérale,  les  valets  de  MM.  Dessaulles  et  Cie., 
les  rédacteurs  du  Pays,  de  Y  Union  Nationale,  de  L'Ordre  lui- 
même,  trônaient  dans  les  assemblées.  N<uis  les  mettons  tous  au 
défi  de  protester  contre  cette  assertion.  Trois  membres  du  parle- 
ment sont  descendus  dans  ce  bouge,  ont  revêtu  les  insignes  de 
l'ignominie,  c'étaient  trois  membres  rouges.  J'espère  que  les 
comtés  de  Bagot,  Richelieu  et  Iberville  sauront  leur  payer,  dans 
les  élections  prochaines,  le  tribut  d"hommages  qu'ils  méritent 
pour  une  aussi  louable  action 

Sans  doute,  M.  Dorion  n'a  jamais  osé  descendre  jusque  là, 
mais  il  y  envoyait  ses  satellites,  mais  il  défendait  le  club  par  ses 
journaux,  mais  il  l'encourageait  par  tous  les  moyens  possibles, 
parce  qu'il  voulait  s'en  servir  comme  d'une  mine  pour  saper  la 
popularité  de  M.  Cartier  dans  le  faubourg  Québec.  M.  Dorion 
n'était  pas  du  club,  ce  qui  n'empêchait  pas  le  club  d'être  à  son 
service  ;  et,  pendant  plus  d'un  au,  tous  les  mouvements  du  parti 
libéral  sont  partis  du  club.  Qui  a  lutté  contre  la  confédération 
sur  tous  les  hustings,  à  toutes  les  fenêtres  et  jusque  sur  les  toits 
du  faubourg  Québec,  si  ce  n'est  quelques  forcenés  du  club  com- 
posant une  petite  cohorte  dont  Lanctôt  était  le  chef  et  l'inspi- 
rateur. Qui  a  levé  le  drapeau  de  l'indépendance,  si  ce  n'est  M. 
Lanctôt  ?  Qui  a  été  le  plus  ardent  avocat  de  l'annexion  depuis 
quelques  années,  si  ce  n'est  M.  Lanctôt  ?  Qui  a  arboré  le  pavillon 
fénien  lors  de  l'invasion  menaçante  de  c^s  déguenillés  ?  M. 
Lanctôt,  toujours  M.  Lanctôt  et  le  Club  St  Jean-Baptiste.  Le 
parti  libéral  s'effaçait  devant  ce  parti  naissant  et  le  laissait  agir, 
sauf  à  profiter  des  avantages  qu'il  pourrait  conquérir,  Il  songeait 
aux  dragées,  mais  se  souciait  fort  peu  des  coups.  Son  échine 
doit,  du  reste,  être  fort  sensible,  depuis  si  longtemps  qu'il  est 
incessamment  battu. 

Force  est  donc  au  parti  rouge  d'accepter  ce  petit  démagogue 
comme  un  des  siens,  plus  que  cela,  comme  un  de  ses  chefs,  et 
d'assumer  en  même  temps  toutes  les  hontes  du  Club  St.  Jean- 
Baptiste.  Il  n'osera  pas  les  renier,  lorsque  son  principal  organe, 
le  Pays,  tressaille  d'allégresse  en  parlant  de  la  lutte  que  Lanctôt 
se  prépare  à  entreprendre  contre  M.  Cartier.  Il  prévoit  d'emblée 
(on  les  connaît  ces  prophètes-là)  la  défaite  de  M.  Cartier,  et,  là- 
dessus,  il  entonne  le  chant  de  triomphe  du  parti  libéral.  Laissons- 
les  chanter  aujourd'hui,  c'est  bien  le  moins  qu'ils  aient  la  gaies 
de  leurs  chimériques  espérances,  ils  ont  si  souvent  éprouvé  lsé 
amertumes  de  la  déception.  Et  encore,  sont-ils  loin  d'avoir  épuité 


69 

leur  calice  de  souffrance.  Riez  bien,  mais  rira  mieux  qui  rira  le 
dernier. 

Vous  chantez  des  hymnes  à  M.  Lanctôt,  vous  l'appuyez  de 
votre  influence,  vous  le  poussez,  vous  le  lancez,  quoi  !  et  vous 
direz  ensuite  que  le  club  St.  Jean-Baptiste,  dont  il  était  le  chef, 
n'est  pas  une  société  secrète  rouge,  que  vous  le  désavouez  ;  mais 
le  bon  sens  du  peuple  saura  vous  juger  et  rendre  à  chacun  selon 
ses  œuvres. 

Ce  club  a  été  une  transformation  soudaine  de  votre  parti,  qui 
a  travaillé  pour  vous  et  comme  vous  contre  la  religion,  contre  la 
patrie,  au  profit  des  ennemis  de  nos  institutions,  de  notre  auto- 
nomie et  de  notre  avenir.  Il  a  été  flétri,  comme  vous  l'avez  été, 
par  la  vcix  éloquente  de  notre  clergé  et  par  toutes  les  consciences 
honnêtes.  Vainement  Lanctôt  se  rattache  à  cette  parole  de  la 
chaire  qui  le  stigmatise,  vainement,  vous  aussi,  vous  essayez  de 
vous  protéger  de  la  croix  qui  domine  notre  petit  peuple  cana- 
dien. Dans  ses  efforts  comme  dans  les  vôtres,  vous  me  faites 
l'effet  d'un  pendu  qui  s'est  délié  une  main  et  qui  cherche  à  se 
cramponner  à  la  corde  qui  l'étrangle.  Ses  forces  s'épuisent  bien- 
tôt, on  entend  son  râle  d'agonie,  les  dernières  convulsions  agitent 
son  corps,  il  se  roidit,  il  meurt  enfin  ;  c'est  un  cadavre. 

Le  peuple,  en  bas,  dit  :  "  c'est  juste,"  et  tout  est  fini. 

La  Grève. 

Le  club  est  mort — mais  l'esprit  qu'il  a  soufflé  sur  une  partie 
de  la  population  subsiste  encore. — Un  instant  cet  esprit  avait 
animé  le  corps  d'un  monstre  qui  habitait  dans  un  antre — main- 
tenant, sous  un  autre  nom,  dans  un  nouvel  ordre  d'idées  il  tour- 
mente notre  pauvre  corps  social. — C'est  l'histoire  du  démon 
chassé  du  lieu  dont  il  avait  pris  possession  et  qui  en  ramène  sept 
autres  plus  dangereux  que  lui  pour  recouvrer  sa  conquête.  M. 
Lanctôt  ne  conduit  plus  discrètement  les  gens,  à  la  nuit  tom- 
bante, dans  une  ruelle  obscure,  dans  une  maison  plus  obscure 
encore,  noire  et  enfumée,  non,  car  cela  n'a  pas  réussi,  non,  c'est 
en  plein  air,  c'est  au  grand  vent  qu'il  expose  ses  doctrines  sur  la 
grève,  sur  la  misère  du  peuple,  sur  l'égalité  absolue  qui  doit 
exister  entre  tous  les  hommes,  laissant  espérer  à  l'ouvrier  que 
dans  une  société  à  lui,  formée  par  lui,  les  oiseaux  lui  tomberont 
tout  rôtis  dans  la  bouche  et  qu'il  lui  suffira  de  vouloir  pour  obte- 
nir tout  ce  qu'il  voudra. 

Cette  utopie  inqualifiable  a  trouvé  encore  des  dupes.  Quel 
est  de  fait  le  sot  qui  n'en  trouve  un  plus  sot  que  lui  qui  l'admire. 
Cinquante  à  soixante  claqueurs  suivent  journellement  M.  Lanc- 
tôt de  porte  en  porte  pour  applaudir  à  ses  balivernes.   Le  peuple 


70 

s'attroupe  autour  de  lui  pour  admirer  une  aussi  prodigieuse 
source  de  sottises  et  le  lendemain  on  lit  dans  L'Union  Nationale 
que  deux  milles  auditeurs  se  pressaient  au  coin  d'une  rue  pour 
recueillir  la  parole  éloquente  du  citoyen  Lanctôt. — Petit  Marat 
va  ! 

Il  ne  suffisait  pas  cependant  à  sa  grande  tâche  de  rénovation. 
Il  demanda  de  l'aide,  mais  personne  ici  ne  voulut  lui  prêter 
assistance.  Alors  il  résolut  d'implorer  le  secours  de  ses  amis 
MM.  les  Américains.  Ils  lui  envoyèrent  de  suite  M.  Woodman 
(homme  des  bois)  ex-rédacteur  de  la  Tribune,  aventurier  hardi, 
prêt  et  résolu  à  tout,  qui  vint  ici,  pousser  au  milieu  de  nos 
populations  paisibles  un  cri  de  révolte  contre  l'Angleterre,  en  les 
appelant  toutes  à  l'annexion  sous  le  plus  bref  délai,  insultant  à 
nos  célébrités  en  polisson  politique  qu'il  est. 

Avez-vous  vu  cette  figure  ?  C'était  celle  d'un  bandit  et  d'un 
brigand. 

Que  voulait  en  faire  Maître  Lanctôt  ?  Il  voulait  le  placer  à  la 
tête  d'un  journal  annexionniste  qui  devait  sortir  de  son  atelier  ; 
cela  par  pur  patriotisme,  bien  entendu,  dans  l'intérêt  de  la  religion 
et  de  la  nationalité. 

Ce  Woodman  criait  ainsi  des  injures  rontre  l'Angleterre  dans 
le  seul  but  de  se  faire  emprisonner.  On  lui  disait  un  jour  "  mais, 
si  vous  continuez  on  vous  coffrera.  "  That  is  what  1  want,  ré- 
pondit-il. 

Ne  pouvant  obtenir  une  prison,  sa  suprême  espérance,  ici-bas, 
il  résolut  d'en  finir  avec  l'ingrate  humanité  et  mardi  soir,  16 
juillet,  il  se  suicidait  lâchement  dans  un  hôtel  de  New-York.  On 
le  trouvait,  baignant  daus  son  sang,  mercredi  matin.  Une 
balle  de  revolver  lui  avait  traversé  le  cœur  !  ! 

Grâce  à  la  grève  et  aux  associations  ouvrières,  Lanctôt  espéra 
pendant  quelque  temps  échapper  à  l'infamie  dont  allait  le  cou- 
vrir la  chute  du  club  St.  Jean-Baptiste;  il  fit  donc  et  fait  encore 
des  efforts  inouïs  dans  son  nouveau  genre  d'exploitation.  Il  a 
enlevé  à  ses  créanciers  jusqu'à  leur  dernière  espérance  ;  il  a  tiré 
des  féniens  et  des  américains  tous  les  deniers  qu'il  a  pu  pour 
masquer  son  ambition  effrénée,  inspirer  et  voler  la  confiance  des 
ouvriers  et  en  arriver  à  les  dominer  pour  s'en  servir.  Il  faut 
qu'il  conspire  ;  c'est  chez  lui  un  besoin  de  sa  nature  perverse. 
Au  moyen  de  théories  obscures,  de  promesses  mensongères,  il 
compte  tenir  les  ouvriers  enchaînés  et  les  faire  se  consacrer  à 
l'édification  de  sa  fortune  personnelle.  Quelques-uns  ont  mordu 
à  l'appas  ;  mais  le  nombre  des  dupes  diminue  chaque  jour  et 
bientôt  Lanctôt,  épuisé,  meurtri  et  déshonoré  sera  obligé  de  fuir 
le  pays  ou  de  se   cacher  soigneusement  pour  jouir  en  silence 


71 

de  la  plus  triste  réputation  laborieusement  acquise  par  dix  années 
de  conspiration,  de  vices  et  de  crimes. 

Résumé. — Conclusion. 

Nous  avons  démontré,  lo  que  la  race  canadienne-française 
avait,  à  jouer  sous  la  Confédération,  un  grand  rôle,  et  que  la 
Confédération  était  pour  nous,  un  moyen  »ûr  de  remplir  notre 
mission  providentielle  ; — 2o  que  la  Confédération  était  devenue 
nécessaire  ;  -3o  que  la  Confédération  nous  est  très  avantageuse, 
en  ce  qu'elle  offre  et  nous  assure  une  protection,  une  garantie 
certaine  pour  nos  intérêts  religieux,  nationaux  et  matériels;  — 
4o  que  les  accusations  portées  contre  les  hommes  d'état  qui  nous 
ont  obtenu  la  confédération,  n'étaient  inspirées  que  par  la  jalou- 
sie, la  malveillance,  le  mensonge,  l'hypocrisie,  la  déloyauté  et  la 
malhonnêteté  ;  5o  que  le  parti  qui  s'oppose  à  la  Confédération 
est  composé  d'impies,  d'annexionnistes  et  d'ex-affidés  aux  sociétés 
secrètes,  qui  tous  forment  le  parti  rouge  et  qui  tous  refusent 
d'accepter  la  Confédération,  parce  qu'elle  est  la  sauvegarde  de 
toutes  nos  institutions  les  plus  chères. 

Ce  parti  infâme  a  pour  chef,  le  triste  Médéric  Lanctôt  et 
l'Hon.  A.  A.  Dorion,  qui  ont  fini  par  opérer  ouvertement  l'union, 
qui  déjà,  existait  entr'eux  secrètement,  le  Pays  approuvant 
depuis  samedi,  20  juillet,  (1867)  la  candidature  de  Lanctôt  et 
L'Union  Nationale  prêchant  depuis  la  même  date  les  vertus  et 
les  mérites  du  compère  Dorion.  Qu'ont  fait  ces  deux  pauvres 
sires  ?  M.  Dorion  par  sa  faiblesse  et  un  certain  prestige  que  lui 
donne  une  réputation  d'honnêteté  usurpée,  a  soutenu  le  parti 
rouge,  annexionniste  et  voltairien  ;  le  petit  Médéric  a  essayé  de 
fortifier  ce  mauvais  parti,  en  y  introduisant  l'élément  des  sociétés 
secrètes  et  le  communisme,  par  ses  prédications  burlesques,  son 
fénianisme,  et  le  clubisme. 

Le  parti  conservateur,  le  parti  canadien-français,  le  parti 
catholique  marche  sous  la  direction  de  l'Honorable  George 
Etienne  Cartier,  depuis  13  à  15  ans.  Qu'ont  fait  M.  Cartier  et 
son  parti  ? 

Ils  nous  ont  obtenu  : 

1.  L'abolition  des  réserves  du  clergé,  dont  partie  des  revenus 
a  servi  à  bâtir  nos  palais  de  justice. 

2.  L'abolition  de  la  tenure  seigneuriale,  qui  a  affranchi  le  sol. 

3.  L'extension  du  suffrage,  qui  a  permis  à  tout  ouvrier,  à  tout 
cultivateur  honnête,  d'avoir  voix  dans  nos  assemblées  délibé- 
rantes. 

4.  Le  système  municipal,  qui  habitue  le  peuple  à  faire  ses 
propres  affaires  et  à  manier  avantageusement  la  constitution. 


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5.  Le  développement  et  les  progrès  immenses  de  la  colonisation 
et  de  l'agriculture. 

6.  Un  système  d'éducation  commune  et  commerciale,  propre 
à  promouvoir  les  intérêts  du  peuple. 

7.  Des  canaux,  des  chemins  de  fer  et  une  foule  d'autres  amé- 
liorations qui  ont  centuplé  la  richesse  publique  et  privée. 

8.  Le  Codification  de  nos  lois  civiles  et  un  Code  de  Procédure, 
dont  le  besoin  se  faisait  si  vivement  sentir. 

9.  La  navigation  libre  et  le  creusement  de  nos  rivières  inté- 
rieures. 

10.  La  décentralisation  judiciaire,  qui  met  la  justice  à  la 
portée  de  tout  le  monde. 

11.  Enfin,  la  grande  et  belle  confédération  de  l'Amérique 
Britannique  du  Nord,  digne  couronnement  d'un  aussi  beau  passé 
qui  asseoit  définitivement  la  nationalité  canadienne  française, 
créé  une  grande  nation  et  donne  à  notre  pays  une  base  solide  et 
durable,  suivant  la  belle  expression,  de  Sa  Grandeur,  Monsei- 
gneur l'Evêque  de  Montréal. 

Peut-on  hésiter  entre  M.  Dorion  et  M.  Cartier,  entre  le  parti 
rouge  et  le  parti  conservateur  ?  Tous  les  honnêtes  gens,  à 
quelque  parti  qu'ils  appartiennent,  répondront  avec  enthou- 
siasme :  donnons  notre  mépris  à  MM.  Dorion  et  Lanctot,  et  nos 
votes  à  M.  Cartier  et  à  son  parti. 


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