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LA CONJURATION ANTICHRÉTfENNE
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M'" Hehri DELASSUS
DOCTEUR EK THÉOLOGIE
La conjuration
ANTICHRÉTIENNE
Le Temple Maçonnique
voulant s'éler>er sur les ruines de
rÉgUse Catholique
Les puissances de l'enfer ne prévau-
dront pas contre Elle.
(Matth., XVI. 18.)
Société Saint'Augustin
Desclée, De Brouwer et C'"
LILLE, 41 , Rue du Metz -*
0
NTHIL OBSTAT :
Insulis, die 11 Novembris 1910.
K. Qdilliet, s. th. d.
librorum censor.
IMPRIMATUR
Cameraci, die 12 Novembris 1910.
A. Massakt, vie. gen,
Domus Pontificise Antistes.
L'AGENT DE LA
CIVILISATION MODERNE
II. - CONSTITUTION
ET MOYENS D'ACTION
DE LA FRANC-MAÇONNERIE
CHAPITRE XXIII
VENTES ET HAUTE VENTE
Le plan de désorganisation totale de la société
chrétienne que nous avons ru exposé dans la corres-
pondance des Encyclopédistes et dans les papiers
des Illuminés, ne fut abandonné ni en 1801 ni en
1814 ni en 1870. Nos lecteurs ont pu s'en con-
vaincre par le rapide exposé que nous avons fait
de l'action maçonnique durant toute cette période.
La Révolution de 89 n'avait pu le réaliser complète-
ment, et l'instinct de la conservation avait fait ren-
trer la société sinon dans les voies les plus droites,
du moins dans celles qui paraissaient devoir l'éloi-
gner de l'abîme où elle avait failli sombrer.
Barruel, voyant arriver la réaction, avait fait dès
1798 'cette prophétie que de Maistre formulait de
son côté avec non moins d'assurance :
« Ce que les sectaires ont fait une première fois,
ils le feront encore, avant d'éclater de nouveau. Ils
poursuivront dans les ténèbres le grand objet de
leur conspiration, et de nouveaux désastres appren-
dront aux peuples que la Révolution française n'était
que le commencement de la dissolution universelle
que la secte médite. »
;U6 l'agent de la civilisation moderne
La dissolution universelle par la diffusion dans
toutes les parties du monde de l'esprit révolution-
naire gui a eu en France, il j a un siècle, sa pre-
mière explosion, apparaît bien menaçante, à l'heu-
re actuelle, à tous les sociologues et à tous les hom-
mes d'Etat de l'ancien et du nouveau monde.
De nouveaux désastres, plus étendus que ceux
de la fin du XVIII^ siècle, et plus radicalement des-
tructeurs, s'annoncent dans les idées qui ont cours,
dans les faits qui se produisent : faits prémonitoires,
qui nous instruisent de ce que ces idées renferment
et nous avertissent de ce qu'elles appellent.
Aujourd'hui comme au XVIII® siècle, elles sont
élaborées dans les sociétés secrètes et introduites
par elles dans tous les pays comme dans toutes les
classes de la société.
Nous avons vu les sectaires distillant, avant 89,
leurs poisons dans les académies voltairiennes, dans
les loges maçonniques et dans les arrière-loges illu-
minées, puis les inoculant au corps social qui faillit
en périr.
Nous avons vu dans la période qui s'étend de
1802 à nos jours, les mêmes idées reparaître et
prendre corps tantôt dans une institution, tantôt dans
une autre. Aujourd'hui, on est venu à ce point d'en-
tendre proclamer jusque dans le Parlement la cer-
titude d'arriver cette fois définitivement à ruiner la
religion; ailleurs on ne s'en tient point là, mais
on dit qu'il faut renverser tout l'ordre social, abolir
la famille et la propriété pour substituer à tout ce
qui est depuis le christianisme, depuis même le
commencement du monde, un état de choses que l'on
se garde de définir.
Ceux qui manifestent ces desseins sont évidem-
ment les héritiers des Encyclopédistes et des Illu-
VENTES ET HAUTE VENTE 317
minés et des Jacobins, du moins quant aux idées
et aux intentions. Sont-ils plus que cela? Y a-t-il
entre ceux-ci et ceux-là un lien social aui en fait
un même corps, un même être, continuant à vouloir
au XX^ siècle ce qu'il a entrepris au XVIIle?
Le même but, également avoué de part et d'au-
tre et poursuivi d'une manière continue, semble bien
révéler la présence d'un seul et même agent.
Nous avons pour croire à cette identité plus que
des soupçons raisonnes. Nous possédons, du moins
pour les années écoulées entre la Restauration et la
chute du pouvoir temporel des Papes, des documents
semblables à la correspondance de Voltaire et aux
Ecrits saisis par la Cour de Bavière. Par un sort
tout pareil, ils tombèrent entre les mains de l'Au-
torité pontificale, et comme le gouvernement de Ba-
vière avait publié ceux qu'il avait saisis, les Papes
Grégoire XVI et Pie IX firent publier, comme nous
le verrons, ceux que la Providence mit entre leurs
mains.
Pour les temps qui ont suivi l'usurpation piémon-
taise, c'est-à-dire ceux où nous sommes, nous n'avons
encore pour nous convaincre de la permanence de
cet organisme,^ que la lumière des faits, mais elle
n'est que trop éclatante.
Le principal ressort en était situé, avons-nous dit,
au XVIII^ siècle, en Bavière et mû par la main de
Weishaupt. A l'époque de la Restauration, nous le
voyons transporté en Italie. Aujourd'hui, son action
se fait surtout sentir en France, mais on peut croire
que la main qui lui donne l'impulsion est ailleurs.
La maçonnerie est cosmopolite. C'est dans tous
les pays du monde qu'elle complote et qu'elle a^it
contre l'Eglise catholique. Elle a juré de l'anéantir
complètement et par conséquent partout.
318 l'agent de la civilisation moderne
Mais si elle est présente efc agissante sur tous
les points de l'univers, elle ne se conduit point
partout de la même façon. Comme M. Claudio Jan-
net le fait observer avec beaucoup de raison, elle
a ses centres de direction et ses théâtres d' opération.
Les centres de direction se dissimulent dans les pays
protestants. Là sont les repaires les plus secrets
de la secte, là se préparent les révolutions qui doi-
vent éclater ailleurs. Les théâtres d'opération sont
d'ordinaire les pays catholiques, et paiticulièrement
la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, en un mot
les pays latins les plus imprégnés de la civilisation
chrétienne, c'est contre eux que la maçonnerie in-
ternationale a toujours dressé ses plus formidables
batteries. (1).
Pour l'époque dont nous allons nous occuper, c'est
l'Italie qu'elle révolutionne, et ses principaux ins-
truments sont le Carbonarisme et îa Haute-Vente,
à qui a été donnée la mission confiée autrefois à
rilluminisme.
Le Carbonarisme fut une société plus secrète dans
rassocia,tion secrète de la Maçonnerie. « La Franc-
Maçonnerie, dit M. Copin-Albancelli, est un édifice
truqué qui, à bon escient, laisse voir aux profanes
une façade étrange et hypocrite, et qui ouvre à la
1. Il est de l'intérêt de la maçonnerie internationale, pour
le but qu'elle se propose, de maintenir l'ordre extérieur
dans les pays protestants, tandis qu'elle révolutionne les
pays catholiques.
On voit par là ce qu'il faut penser des tirades en-
thousiastes sur la supériorité des nations anglo-saxonnes
du système américain, etc., etc. Dans une revue très
répandue, une plume naïve écrivait récemment, à propos des
francs-maçons persécuteurs : ce phylloxéra ne' prend pas
sur la vigne américaine! De telles déclarations sont de
nature à rassurer, en les égayant, les chefs des sociétés
secrètes.
VENTES ET HAUTE VENTE 319
main des F. • . F. • . des appartements, dont certaines
portes plus ou moins dissimulées dans la muraille
demeurent perpétuellement closes. »
De telle sorte qu'il existe deux maçonneries : 1°
celle qu'on nous permet de voir parce qu'on ne peut
pas faire autrement, et qui se manifeste par des
temples ayant pignon sur rue, par des bulletins,
des revues, voire même des volumes savamment cui-
sinés, par des fêtes et des couvents, par une organisa-
tion i}urement administrative de loges, de conseils
et d'obédiences.
S° Celle que l'on cache soigneusement, non seule-
ment aux profanes, mais aussi à la grande majorité
des affiliés. C'est le caractère particulier de la Franc-
Maçonnerie de n'être point une seule association,
mais plusieurs associations, organisées par superpo-
sition de groupes dont les supérieures constituent
de véritables sociétés secrètes pour les inférieures.
La Charbonnerie, l'un de ces groupes supérieurs aux
loges fut créée pour travailler au renversement de
tous les trônes et surtout à l'anéantissement de la
puissance pontificale, clef de voûte de l'ordre social.
La Haute-Vente fut dans le Carbonarisme même une
société plus secrète encore, recevant des instructions
plus mystérieuses et plus précises pour diriger les
efforts et du Carbonarisme et de la Maçonnerie et les
faire converger vers le but que nous venons de
marquer.
Dans les sociétés chrétiennes, telles que la sagesse
des siècles et l'esprit de l'Evangile les avaient consti-
tuées, les rapports établis entre le pouvoir civil et
le pouvoir religieux pour le bien du peuple, faisaient
que l'autorité temporelle formait au catholicisme et
à l'idée cnrétienne un premier rempart. Aussi, la
détruire, en tuant les rois et en brisant leurs trô-
320 l'agent de la civilisation moderne
nés, fut la première œuvre qu'entreprit la Franc-
Maçonnerie. Nous avons ru à quel jour et par quels
conspirateurs fut décrétée la mort de Louis XVI. L'as-
sassinat du duc d'Enghien et du duc de Berry qui
suivirent, la conspiration permanente des sociétés
secrètes contre les Bourbons de France, d'Espagne,
de Portugal, de Naples et de Parme, partout termi-
née par leur expulsion à travers des flots de sang
et par les plus ignobles trahisons, ne peuvent laisser
aucun doute sur le sens de la devise maçonnique :
Lilia pedibus destrue; et, comme le dit Deschamps,
ce sera l'éternel honneur de la plus ancienne, de la
plus glorieuse, de la plus paternelle des races royales,
d'avoir été choisie comme premier but dans le ren-
versement de la religion et de la société par les fana-
tiques scélérats qui, sous le nom de Maçons, de
Carbonari, ont juré de les détruire.
Renverser les trônes fut l'œuvre plus particulière-
ment assignée aux Carbonari. A la Haute-Vente fut
donnée celle de faire disparaître le pouvoir tem-
porel des Papes et celle, plus hardie encore et plus
incroyable, de corrompre l'Eglise catholique dans ses
membres, dans ses mœurs et même dans ses dog-
mes.
Lors^que la chtite de Napoléon eut amené en France
la Restauration des Bourbons, la franc-maçonnerie
craignit, malgré les précautions qu'elle avait su pren-
dre, un mouvement de recul pour l'œuvre révolution-
naire, dans l'Europe entière. Les peuples voyaient
la paix succéder aux plus terribles guerres, la pros-
périté renaître du sein des ruines, le bonheur, si
longtemps absent, se répandre de proche en proche.
L'opinion publique, revenant aux idées monarchi-
ques et religieuses en France, en Italie, en Espagne et
VENTES ET HAUTE VENTE 321
en Allemagne, comprenait que tous les malheurs
étaient venus de l'abandon des principes sur les-
quels la société avait reposé jusque-là.
Les chefs suprêmes de la secte se dirent qu'ils
ne pouvaient laisser s'étendre et se développer ce
mouvement contre-révolfuiionnaire. Ils résolurent non
seulement de l'arrêter, mais de reprendre l'offen-
sive. Le Pouvoir occulte fit rouvrir les loges qui
s'étaient fermées, tandis que les membres des arriè-
re-loges arrivés au Pouvoir versaient le sang à flots
et accumulaient ruines sur ruines. Il se mit en me-
sure de préparer la seconde phase de la Révolution,
celle où nous nous trouvons qui, espère-t-il, réussira
à établir définitivement la civilisation nouvelle sur
les débris de toutes les institutions anciennes, civiles,
nationales, religieuses, en France, en Europe et sur
toute la surface de la terre. De fait, nous avons
vu sous la royauté légitime, comme sous la royauté
usurpatrice, sous la seconde et la troisième République
aussi bien que sous le second Empire, se dévelop-
per un plan d'attaque contre l'Eglise et contre la
société, qui se révélait comme savamment étudié
et persévéramment poursuivi, triomphant toujours des
difficultés que faisaient naître les événements im-
prévus ou ceux qui, dans leurs effets, se montrent
plus forts que toute puissance humaine.
Une telle sagesse, une telle persévérance, un tel
succès révèlent bien un organisme aussi puissant
que souple toujours dans la main des mêmes, les
chefs de la conjuration antichré tienne.
Ils fondèrent donc dans les années qui suivirent
le rétablissement de l'ordre les Ventes de charbon-
niers.
L'Église et le Temple. 21
322 l'agent de la civilisation moderne
Carbonari, Vente (1) : Ces noms étranges furent
pris pour mieux cacher le complot; les conspirateurs
se présentèrent comme associés pour un commerce
de charbon (2). Les Ventes étaient de trois classes
ou de trois degrés : les Ventes particulières, les
Ventes centrales et la Haute-Vente. La Haute- Vente
était composée de quarante membres. Elle se recru-
tait elle-même et exerçait sur toute la Charbonnerie
une autorité sans limite et sans contrôle. Lorsque
la création d'une Vente centrale était jugée utile,
deux membres de la Haute-Vente s'adressaient à un
carbonaro, membre d'une Vente particulière, qu'ils
estimaient propre à leur dessein, et, sans lui faire
connaître qu'ils appartenaient^ eux, à une société en-
core plus secrète, ils lui proposaient l'organisation
d'une Vente supérieure à celle dont il faisait déjà
partie.
De même, pour former une Vente particulière, deux
membres d'une Vente centrale choisissaient un franc-
maçon dont le caractère, la position sociale et le
degré d'initiation pouvaient assurer à la Vente l'in-
fluence voulue. Sans faire connaître ce qu'ils étaient
eux-mêmes, ils lui proposaient simplement de former,
avec lui et avec quelques autres maçons à recruter,
une association d'ordre supérieur à la franc-maçon-
nerie. Des Ventes particulières, en nombre illimité,
étaient ainsi rattachées à une Vente centrale par deux
de leurs membres, qu'elles ne savaient pas être en
rS^pport avec une association supérieure à la leur; et
les Ventes centrales, aussi en nombre illimité, étaient
rattachées de la même manière à la Haute-Vente, qui
1. Carbonarisme en Italie, Charbonnerie en France, Tu-
gendhund en Allemagne, Communeros en Espagne.
2. Déjà Weishaupt avait donné aux siens le conseil de
se dissimuler en prenant les apparences de sociétés de
marchands.
VENTES ET HAUTE VENTE 323
gouvernait le tout sans être aperçue nulle part (1).
Les sociétés secrètes étaient ainsi constituées en forme
de pyramide humaine dont les carbonari tenaient
le centre; les loges, la base; et la Haute- Vente le
sonmiet. Toutes les pensées, tous les mouvements,
étaient déterminés par une suggestion pénétrant dans
la masse, mais qui n'était clairement consciente qu'au
sommet d'où elle descendait dans les régions infé-
rieures. L. Blanc, après avoir loué l'admirable élas-
ticité de cette organisation, nous apprend qu'il fut
interdit à tout charbonnier appartenant aune Vente
de s'introduire dans une autre Vente. « Cette inter-
diction était sanctionnée par la peine de mort ».
Nous verrons que la Haute-Vente n'était pas plus
à elle-même son propre maître que les Ventes infé-
rieures : elle recevait ses directions d'un Comité
supérieur dont elle savait l'existence, puisqu'il la
dirigeait, mais dont elle ignorait le siège et le per-
sonnel.
Les Ventes centrales, à plus forte raison les Ven-
tes particulières, se trouvaient dans la même situa-
tion vis-à-vis de la Haute-Vente. Elles recevaient des
instructions, des mots d'ordre, sans savoir d'où ni
de qui cela venait.
La charbonnerie est justement appelée par L. Blanc
« la partie militante de la franc-maçonnerie (2) ».
n dit aussi, et on peut s'en convaincre, qu'elle fut,
comme organisation, « quelque chose de puissant et
de merveilleux. »
Voici, d'après M. Alfred Nettement, comment la
Charbonnerie fut introduite en France.
1. Saint-Edme, Constitution et Organisation des Carbo-
nari, 2e édition, p. 197. « La Haute- Vente » était la oon-
tinuation de « l'Ordre intérieur » d'avant la Révolution.
2. Ij Histoire de Dix Ans, p. 98, 4e édition.
324 l'agent de la civilisation moderne
Trois jeunes gens, Dugied> Beslay et Joubert, qui
avaient dû s'exiler de France après la conspiration
du 19 août 1821, furent admis dans l'une des Ventes
du Carbonarisme à Naples. Ils y étudièrent la pra-
tique des révolutions et on particulier le mécanisme
de la Charbonnerie. A leur retour en France, ils
provoquèrent une réunion d'intimes à cette loge des
Amis de la Vérité, dont nous avons déjà parlé. Ils
y firent connaître le fonctionnement ingénieux et re-
doutable ide ces Ventes, travaillant dans l'ombre, sans
se connaître, à une œuvre commune, et mises en
rapport d'une manière mystérieuse avec le pouvoir
suprême d'où venait la direction. Après les avoir
entendus, les Amis de la Vérité convinrent que cha-
que membre présent étaT^lirait une Vente (1).
Lorsque ces Ventes furent assez nombreuses, un
comité directeur fut constitué. En faisaient partie La
Fayette, député de la Sarthe; son fils Georges, dé-
puté du Haut-Rhin; Manuel, député de la Vendée;
Voyer-d'Argenson, député du Haut-Rhin; de Corcel-
les, père, député du Rhône; Dupont (de l'Eure),
député de l'Eure; Jacques Kœcklin, député du Haut-
Rhin; M. de Beauséjour, député de la Charente-Infé-
rieure de 1819 à 1820. Les membres non députés
étaient le baron de Schoen, Manguier, Barthe, Mé-
rilhou et le colonel Fabvier. Ce fut ce Comité direc-
teur, ce furent ces purs patriotes qui organisèrent les
conspirations militaires de Belfort, de Saumur, de
la Rochelle (2). Il avait en effet donné à ses affiliés
une organisation militaire et il enjoignait à chacun
d'eux d'avoir un fusil et cinquante cartouches.
Le mystère dans lequel le Carbonarisme s'envelop-
1. Histoire de la Restauration, t. VII, p. 684.
2. Edmond Biré dans la Gazette de France du 1er avril
1906.
VENTES ET HAUTE VENTE 325
pait est percé aujourd'hui. Les papiers de la Haute-
Vente qui en était le couronnement, vinrent en la
possession du Saint-Siège sous le Pontificat de
Léon Xll, qui les fit déposer aux archives du Vati-
can. Par quelle voie y sont-ils arrivés? Est-ce par
la conversion de l'un des conjurés? est-ce par un
coup heureux de la police romaine? On ne le sait.
Comment de là sont-ils venus à la connaissance du
public, assez du moins pour que l'on sache quelle fut
l'organisation de la Haute-Vente, la tâche qui lui
fut assignée et les moyens qu'elle employa pour
remplir sa mission? Le voici.
Les Papes ont toujours eu l'œil ouvert sur la
Franc-^Iaçonnerie. Dès ses premières manifestations
ils s'empressèrent d'avertir les rois et les peuples
de son existence, de ses projets, de ses agissements, et
cela par de solennelles Encycliques. Sur la fin de
son Pontificat, le pape Grégoire XVI, effravé du re-
doublement d'activité qu'il remarquait dans les so-
ciétés secrètes, et voyant le danger que leurs machina-
tions faisaient courir à la société civile et à la so-
ciété religieuse, voulut, peu de jours avant sa mort,
les dévoiler à toute l'Europe. Pour cela, il jeta les
yeux sur Crétineau-Joly. Le 20 mai 1846, il lui
fit écrire par le cardinal Lambruschini de venir à
Rome pour un projet de haute importance. L*Jiistorien
de la Compagnie de Jésus allait s'embarquer à An-
cône pour un voyage en Orient. H y renonça et
se rendit aussitôt à l'appel du Saint-Père. Grégoire
XVI lui demanda d'écrire V Histoire des Société secrètes
et leurs Conséquences. Il lui fit remettre pour ce tra-
vail, par le cardinal Bernetti, ancien secrétaire d*Etat,
les documents en sa possession, et il l'accrédita
auprès des Cours de Vienne et de Naples pour qu'il
326 l'agent de la civilisation moderne
obtînt d'elles communication d'autres documents dé-
posés dans leurs archives secrètes.
Crétineau-Joly se rendit d'abord à Naples, et là il
apprit de la bouche du roi la mort du pape. Pie IX
succéda à Grégoire XVl et confirma à l'historien la
mission qu'il avait reçue de son prédécesseur. Il se
rendit à Vienne, reçut bon accueil du prince de Met-
ternich. Mais les employés de la chancellerie autri-
chienne, par instinct révolutionnaire ou pour tout
autre motif, ne se prêtèrent qu'à contre-cœur à ses
recherches. Cependant, le comte Henri de Bombelles,
Français d'origine et gouverneur du jeune archiduc,
depuis empereur François-Joseph, ayant appris le mo-
tif de son séjour à Vienne, vint lui offrir ses services.
Dans toute sa carrière diplomatique, il s'était occupé
des sociétés secrètes, qu'il avait vues à l'œuvre en
Italie, en Pologne, en Russie. Il révéla, sur pièces,
à l'historien, des complots tels qu'il put lui dire :
« Osez divulguer ces mystères. Ce sera le plus grand
service qui jamais peut-être aura été rendu à la
civilisation. Mais vous n'irez pas jusqu'au bout. Si
le poignard des Carbonari ne vous arrête pas en che-
min, soyez sûr qu'il se rencontrera des princes inté-
ressés à vous condamner au silence. »
Le premier de ces princes fut Charles-Albert, roi
de Sardaigne, qui, par ambition, s'était livré, dès sa
jeunesse, aux sociétés secrètes. Crétineau-Joly raconte
dans ses Mémoires, publiés en partie par l'abbé
Maynard — c'est là que nous puisons ces renseigne-
ments, — l'entrevUe aussi secrète que dramatique, qu'il
eut à Gênes avec le roi sur là demande instante de
celui-ci. Crétineau ne voulut point lui promettre le
silence qui lui fut demandé. Le roi alors s'adressa
au Pape. Pie' IX avait hâte de connaître les matériaux
recueillis et avait fait dire à l'historien de revenir
VENTES ET HAUTE VENTE 327
à Rome au plus tôt. Lorsqu'il reçut la lettre du roi,
il en fut ébranlé. Cependant il dit à CréLineau de se
rendre à Naples. A Naples, il se heurta à un Car-
bonaro du nom de Code, qui avait tout pouvoir sur
l'esprit du roi. Il était entré dans les ordres, s'était
même fait religieux, et avait gagné la confiance du
souverain à ce point qu'il était devenu son confesseur.
A s6n instigation, Ferdinand écrivit aussi au Pape.
D'une note remise le 4 décembre 1857 au cardinal
Antonelli, il résulte que, le 21 décembre 1846, Créti-
neau fut reçu en audience par Pie IX. Le Pape lui
dit que sa charité de père et son devoir de prince
s'opposaient à la publication d'une histoire qui, dans
les circonstances présentes, pouvait offrir plus d'un
danger. Crétineau s'inclina.
En 1849, pendant que le Pape était à Gaëte, le
cardinal Fornari, nonce à Paris, engagea l'historien
à reprendre son travail, et Ijai montra une dépêche
du cardinal Antonelli disant que le Pape n'avait
point fait défense de composer VHistoire des Sociétés
secrètes, qu'il en avait seulement jugé la publication
inopportune en 1846 et 1847; mais que, vu le chan-
gement des circonstances, il croyait maintenant utile
de donner suite à l'ouvrage.
Crétineau se remit à l'œuvre. Une fois de plus il
fut arraché à son travail par une lettre de Mgr Gari-
baldi, lui disant qu'après le service rendu en 1850
au Saint-Siège par le gouvernement de Louis Bona-
parte, il n'était point possible de donner libre cours
à un livre où ce nourrisson des sociétés secrètes
serait signalé comme tel.
L'ouvrage était presqu'achevé, en partie imprimé;
M. l'abbé Maynard dit en avoir vu les épreuves. De
dépit, Crétineau le jeta au feu. U Histoire des Sociétés
secrètes, qui aurait projeté la lumière dans les profon-
328 l'agent de la civilisation moderne
deurs mêmes des révolutions qui agitent l'Europe,
était anéantie.
Cependant, bien des documents qui avaient servi
à la composer, ou leurs copies, étaient restés entre
les mains de l'historien. Il en fit entrer quelques-uns
dans VHistoire du Sonderbund, et d'autres dans le
livre intitulé : L'Eglise romaine en face de la Révo-
lution. Dans le premier de ces ouvrages, Crétineau-
Joly fut injuste et même cruel dans ses expressions
à l'égard de Pie IX, relativement à la conduite ^gue
le Pontife avait cru devoir tenir dans cette déplora-
ble affaire. La grande âme de Pie IX lui pardonna. Et
lorsque, en octobre 1858, l'historien alla à Rome por-
tant le second ouvrage, partie en épreuves, partie en
manuscrit, il eut la joie de le voir lu, approuvé et ap-
plaudi au Vatican. Après sa publication, Mgr Fioramon-
ti, secrétaire des Lettres latines, déclara officiellement
ç^ue toutes les pièces qui y étaient • publiées étaient
authentiques et qu'il les avait confrontées avec les
textes. Puis, Pie IX adressa à l'historien, pour la
2me édition de son livre, un Bref où il dit : « Cher
Fils, vous avez acquis des droits particuliers à notre
reconnaissance, lorsqu'il y a deux ans vous avez
formé le projet de composer un ouvrage naguère
achevé et de nouveau livré à l'impression, pour mon-
trer, par les documents, cette Eglise romaine toujours
en butte à l'envie et à la haine des méchants, au
milieu des révolutions politiques de notre siècle tou-
jours triomphantes » (25 février 1861).
Des doutes ont été émis sur la loyauté historique de
Grétineau-Joly. Nous n'avons pas à les examiner ici.
La déclaration du secrétaire des Lettres latines et le
Bref de Pie IX, imprimés en tête de l'ouvrage en
plein règne du saint Pontife, nous sont une garantie
VENTES ET HAUTE VENTE 329
de l'entière fidélité des documents insérés dans le
livre : L'Eglise romaine en face de la Révolution.
Ce n'est donc point sans raison que M. Claudio Jan-
net a dit de ce livre, dans son introduction à l'ouvrage
du P. Deschamps : Les Sociétés secrètes et la Société:
« Aucun document historique n'offre plus de garan-
ties d'authenticité. » (P. CVI). S'il était besoin d'une
nouvelle preuve de sincérité, on la trouverait dans
l'emploi que la Civiltà cattolica fit de ces documents,
sous les yeux du Pape, en 1879. On peut ajouter en-
core que L. Blanc fit entrer dans son Histoire de
Dix Ans des lettres d'un des membres de la Haute-
Vente, Menotti, lettres adressées, le 29 décembre
1830 et le 12 juillet 1831, à l'un de ses frères en con-
juration, Misley (1), et publiées par Crétineau-Joly.
Les documents insérés par lui dans L'Eglise ro-
maine en face de la Révolution, sont les Instructions
secrètes données à la Haute-Vente, et quelques-unes
des lettres que les membres de cette Vente échan-
gèrent entre eux (2). Rien ne peut mieux faire con-
naître la constitution de la franc-maçonnerie, sa ma-
nière d'agir, le but qu'elle poursuit, et les moyens
qu'elle emploie pour l'atteindre, aussi bien aujour-
d'hui g;u'en 1820.
Metternich, qui, dans sa correspondance, parle à
plusieurs reprises, de l'action directrice exercée par
la Haute-Vente sur tous les mouvements révolution-
naires de l'époque, dit, dans une lettre adressée
le 24 juin 1832 à Newmann, à Londres, que la Haute-
1. Histoire de Dix Ans, t. II, p. 292 et suiv., 5c édi-
tLon, 1846.
2. On trouvera à l'Appendice ces Instructions et celles
des lettres échangées entre les conspirateurs qui ont été
publiées par Crétineau-Joly. Nous ne donnons ici que les
fragments qui viennent à l'appui de nos assertions.
330 l'agent de la civilisation moderne
Vente est la continuation de l'association des Illu-
minés, « qui a pris successivement, selon les cir-
constances et les besoins du temps, les dénomina-
tions de Tugendbund, de Burschenschaft, etc. » Assu-
rément, personne n'a pu être mieux informé que
lui.
Les sociétés secrètes de l'Illumiiiisme et de la
Haute-Vente se sont-elles perpétuées jusqu'à nos jours
après avoir pris d'autres formes et sous de nou-
veaux noms? Qui pourrait le dire, même parmi les
francs-maçons, même parmi les Grands-Orients? Mais,
comme on pourra s'en assurer, ce qui se passe sous
nos yeux est évidemment la continuation de ce qui
a été fait dans les deux périodes précédentes.
Avant d'entrer dans le récit des agissements de la
Haute-Vente, nous devons la faire mieux connaître.
La Haute-Vente ne fut composée que de quarante
membres, tous cachés, dans la correspondance qu'ils
échangeaient entre eux, sous des pseudonymes. « Par
respect pour de hautes convenances, dit Crétineau-
Joly, nous ne voulons pas violer ces pseudonymes,
que pxotège aujourd'hui le repentir ou la tombe. L'his-
toire sera peut-être un jour moins indulgente que
l'Eglise. »
C'est que ces conjurés étaient pour la plupart
l'élite du patriciat romain par la naissance et là
richesse, et celle du Carbonarisme par le talent et
la haine antireligieuse. Quelques-uns, comme on le
verra, étaient Juifs. Il était nécessaire que la Jui-
verie fût représentée parmi eux. Eckert, Gougenot-
Desmousseaux, d'Israëli, sont d'accord pour affirmer
que les Juifs sont les vrais inspirateurs de tout ce
que la franc-maçonnerie conçoit et exécute, et qu'ils
sont toujours en majorité dans le Conseil supérieur
des sociétés secrètes.
VENTES ET HAUTE VENTE 331
Le chef des quarante avait pris nom Nubius, l'hom-
me des ténèbres et du mystère. C'était un grand sei-
gneur, occupant à Rome une haute situation dans
la diplomatie, ce qui le mettait en rapports avec
les cardinaux et toute l'aristocratie romaine.
Lorsque la création de la Haute-Vente fut décidée
par le suprême Conseil, il était tout désigné pour
en prendre la directioîi. Il n'avait pas encore atteint
sa trentième année, et déjà les Loges d'Italie, de
France et d'Allemagne le savaient destiné à de gran-
des choses. « Il est ici, et il est là, dit Crétineau-
Joly, tempérant ou réchauffant le zèle, organisant,
en chaque lieu, un complot permanent contre le
Saint-Siège, tantôt sous un vocable, tantôt sous un
autre. » La mission spéciale que le Conseil suprême
voulait confier à la Haute-Vente, était précisément
de préparer l'assaut final à donner au Souverain
Pontificat. Nubius avait témoigné avoir compris que
la Franc-Maçonnerie n'est autre chose que la contre-
Eglise, l'Eglise de Satan, et que, pour la faire triom-
pher de l'Eglise de Dieu, il fallait attaquer celle-ci
à la tête. C'est ce qui avait fait porter les vues
sur lui pour les desseins que l'on méditait.
Voici le portrait qu'en fait Crétineau-Joly :
« Nubius a reçu du Ciel tous les dons qui créent
le prestige autour de soi. Il est beau, riche, éloquent,
prodigue de son or comme de sa vie; il a des clients
et des flatteurs. Il est dans l'âge des imprudences
et des exaltations, mais il impose à sa tête et à
son cœur un tel rôle d'hypocrisie et d'audace, mais
il le joue avec une si profonde habileté^ qu'aujourd'hui,
quand tous les ressorts qu'il faisait mouvoir lui
ont échappé l'un après l'autre, on se prend encore
à s'effrayer de l'art infernal développé par cet homme
dans sa lutte avec la foi du peuple. A lui seul,
332 l'agent de la civilisation moderne
Nubius est corrompa comme tout un bagne. Il sou-
rit toujours dans le monde, afin de se donner le
droit d'être plus sérieux au sein des associations
secrètes qu'il fonde ou qu'il dirige. On voit par
ses lettres adressées à des membres influents de
l'association occulte, que, grâce à son nom, à sa
fortune, à sa figure, à son extrême prudence pour
éviter toute question irritante ou politique, il s'est
créé dans Rome une position à l'abri de tout soup-
çon.
» De Paris, Buonarotti, Charles Teste, Voyer d'Ar-
genson, Bayard, le général Lafayette, Saint-Simon,
Schonen et Merilhou le consultent a la façon de
l'oracle de Delphes. Du sein de l'Allemagne, de Mu-
nich ainsi que de Dresde, de Berlin comme de Vienne
ou de Pétersbourg, on voit les chefs des principales
Ventes, Tscharner, Heymann, Jacobi, Chodzko, Lie-
ven, Pestel, Mouravieff, Strauss, Pallavicini, Dries-
ten, Bem, Bathyani^ Oppenheim, Klauss et Carolus
l'interroger sur la marche à suivre, en présence de
tel ou tel événement : et ce jeune homme, dont
l'activité est prodigieuse, a réponse à tout, organi-
sant en chaque lieu un complot permanent contre
le Saint-Siège. »
Nubius garda le timon de la Vente suprême jus-
que vers 1844. A ce moment, on lui fit boire VAqua
toffana. Il tomba aussitôt dans une maladie que les
plus célèbres médecins ne purent comprendre ni arrê-
ter. Ce brillant diplomate, ce conspirateur si ha-
bile, sentit son intelligence s'obscurcir tout à coup
et sa vie s'éteindre dans l'idiotisme. Son agonie
dura quatre ans. Il quitta Rome et alla se cacher
à Malte, où il mourut en 1848, au moment où le
travail des intellectuels de la secte était jugé assez
avancé pour que l'ordre de se mettre en mouvement
fut donné au parti chargé de l'action.
VENTES ET HAUTE VENTE 333
Piccolo-Tigre (le petit tigre), l'un des premiers
lieutenants de Nubius, était Juif. « Son activité est
infatigable, dit Crétinean; il ne cesse de courir le
monde pour susciter des ennemis au Calvaire. Il
est tantôt à Paris, tantôt à Londres, quelquefois à
Vienne, souvent à Berlin. Partout, il laisse des traces
de son passage;; partout, il aifilie aux sociétés se-
crètes, et même à la Hante-Vente, des zélés sur
lesquels l'impiété peut compter. Aux yeux des gou-
vernants et de la police, c'est un marchand d'or et
d'argent, un de ces banquiers cosmopolites ne vivant
que d'affaires et s'occnpant exclusivement de leur
commerce. Vu de près, étudié à la lumière de sa
correspondance, cet homme est l'un des agents les
plus habiles de la destruction préparée. C'est le
lien invisible, réunissant dans la même communauté
de trames toutes les corruptions secondaires qui tra-
vaillent au renversement de l'Eglise. »
Un troisième, Gaëtano, est un riche Lombard qui
avait trouvé moyen de servir la secte et de trahir
l'Autriche, en devenant, à force d'hypocrisie, le con-
fident et le secrétaire intime du prince de Metter-
nich. On n'ignore pas que les grands ministres, les
rois, les empereurs, ont toujours près d'eux un délé-
gué de la secte qui sait leur inspirer confiance et
les incliner à favoriser, sciemment ou non, l'exé-
cution des desseins des sociétés secrètes. De cette
haute situation, Gaëtano observe ce qui se passe
en Europe; il est au courant des secrets de toutes
les cours, et il correspond, suivant les indications
du moment, avec Nubius, Piccolo-Tigre, ou Volpe
(le renard), ou Vindice (le Vengeur), ou Beppo; en
un mot, avec tous ceux qui ont pris à forfait, comme
dit M. Crétineau, l'anéantissement du catholicisme
et le triomphe de l'idée révolutionnaire.
334 l'agent de la civilisation moderne
Ils ne sont que quarante, mais choisis parmi les
plus intelligents, les plus astucieux, les plus en situa-
tion d'exercer, non seulement dans le monde maçon-
nique, mais dans le « monde profane », l'influence
la plus puissante et la plus étendue. Discutés et
triés sur le volet, il ne leur est pas permis de décliner
la périlleuse mission qu'on leur donne. Initiés, ils
sont condamnés à s'envelopper de mystère, et l'abné-
gation la plus absolue leur est imposée. « Le succès
de notre œuvre, dit Nubius — dans la lettre par
laquelle il annonce à Volpe, qu'il va prendre en mains
le timon de la Vente suprême, — le succès de notre
œuvre dépend du plus profond mystère ; et dans
les Ventes nous devons trouver l'initié, comme le
chrétien de Vlmitation, toujours prêt « à aimer à
être inconnu et à n'être compté pour rien. »
Ce n'étaient point seulement les personnages qui
composaient la Haute-Vente qui devaient s'envelop-
per de ténèbres, mais la Haute-Vente elle-mêm©. Jus-
qu'à son existence, tout devait rester inconnu aux
Ventes et aux Loges, qui cependant recevaient d'elle
la direction et l'impulsion. Nubius, Volpe et les au-
tres étaient accrédités personnellement auprès d'elles;
elles obéissaient à un mot, à un signe de ces pri-
vilégiés de la secte; mais tout ce qu'elles savaient,
c'est qu'il fallait exécuter les ordres donnés sans
en connaître ni l'origine ni le but. Ces ordres par
lesquels était gouvernée l'Europe souterraine étaient
ainsi mystérieusement transmis, de degrés en degrés,
jusqu'à la Loge la plus reculée.
Mazzini, l'âme du Carbonarisme d'où avaient été
tirés les quarante, Mazzini lui-même ne put percer
ce mystère. «Par l'instinct de sa nature profondé-
ment vicieuse, dit Crétineau-Joly, Mazzini se douta
VENTES ET HAUTE VENTE 335
qu'il existait, en dehors des cadres formant les so-
ciétés secrètes, une affiliation particulière. Il crut
devoir solliciter l'honneur d'entrer dans cette avant-
garde de choix. On ne sait ni par qui ni comment il
adressa cette demande; seulement une lettre de Nu-
bius à un personnage connu dans la Haute-Vente sous
le nom de Beppo, exprime très catégoriquement le
refus que formula la Vente ;
« Vous savez, lui mande-t-il, le 7 avril 1836, que
Mazzini s'est jugé digne de coopérer avec nous à
l'œuvre la plus grande de nos jours. La Vente su-
prême n'en a pas décidé ainsi.
» Mazzini a trop les allures d'un conspirateur de
mélodrame, pour convenir au rôle obscur que nous
nous résignons à jouer jusqu'au triomphe. Mazzini
aime à parler de beaucoup de choses, de lui sur-
tout...; qu'il fabrique tout à son aise des jeunes
Itaïies, des jeunes Allemagnes, des jeunes Frances,
des jeunes Polognes, des jeunes Suisses, etc., si cela
peut servir d'aliment à son insatiable orgueil, nous
ne nous y opposons pas; mais faites-lui entendre,
tout en ménageant les termes selon vos convenances,
que l'association dont il parle n'existe plus, si elle
a jamais existé; que vous ne la connaissez pas,
et que cependant vous devez lui déclarer que, si elle
existait, il aurait pris à coup sûr le plus mauvais
chemin pour y entrer. Le cas de son existence admis,
cette Vente est évidemment au-diessus de toutes les au-
tres; c*est le Saint- Jean de Latran : caput et mater
omnium ecclesiarum. On y a appelé les élus qu'on a
seuls regardés dignes d'y être introduits. Jusqu'à
ce jour, Mazzini en aurait été exclu; ne pense-t-il
pas qu'en se mettant de moitié, par force ou par
ruse, dans un secret qui ne lui appartient pas, il
s'expose peut-être à des dangers qu'il a déjà fait
336 l'agent de la civilisation moderne
courir à plus d'un? Arrangez cette dernière phrase
à votre guise, mais passez-la au grand-prêtre du
poignard ; et moi qui connais sa prudence consommée,
je gage que cette pensée produira un certain effet
sur le rufian. »
Nubius ne se trompa point en appréciant ainsi
Mazzini, et on ne trouve plus trace, dans les archives
de la Vente suprême, d'une communication quel-
conque du pauvre Joseph relative à cette demande.
La menace d'un coup de stylet lui fit rentrer, « au
fond des entrailles, le sentiment de son orgueil. »
Enfin, pour comble de mystère, les quarante de
la Haute-Vente, eux-mêmes, ne savaient d'où venait
l'impulsion à laquelle ils obéissaient, les ordres à
transmettre ou à exécuter.
L'un d'eux, Malegari, écrit au docteur Breidenstem
en 1836 : « Nous voulons briser toute espèce de
Joug, et il en est un qu'on ne voit pas, qu'on sent
à peine et qui pèse sur nous. D'où vient-il ? où est-il ?
Personne ne le sait, ou du moins personne ne le
dit. L'association est secrète, même pour nous, les
vétérans des associations secrètes. On exige de nous
des choses qui, quelquefois, sont à faire dresser les
cheveux sur la tête; et croiriez-vous qu'on me mande
de Rome que deux des nôtres, bien connus par leur
haine du fanatisme, ont été obligés, par ordre du
chef suprême, de s'agenouiller et de communier à la
Pâque dernière? Je ne raisonne pas mon obéissance,
mais je voudrais bien savoir où nous conduisent
de telles capucinades. » Voilà bien le vrai permde
ac cadaver. Et ce sont ces esclaves d'un maître qui se
dérobe à tout regard, ces hommes qui se sentent
toujours la pointe du poignard dans le dos, qui
font des lois contre les religieux, par horreur, di-
sent-ils, du vœu d'obéissance!
CHAPITRE XXIV
L'ŒUVRE PROPRE DE LA HAUTE VENTE
Les Quarante avaient donc reçu des instructions
secrètes marquant ce qu'ils avaient à faire par eux-
mêmes, la direction qu'ils devaient donner, avec la
prudence voulue, aux Ventes centrales, et par elles,
aux Ventes particulières, pour obtenir une action
aussi concertée et aussi vaste que possible en vue
du résultat à obtenir.
Le but assigné à toute la conjuration, c'était l'anéan-
tissement de l'idée chrétienne. Mais c'était là une
œuvre de longue haleine. Le travail auquel devaient
s'appliquer immédiatement les quarante, c'était la
destruction du pouvoir temporel des Papes.
Les Instructions débutaient ainsi :
« Il est une pensée qui a toujours profondément
préoccupé les hommes qui aspirent à la régénéra-
tion universelle : c'est la pensée que de I'affranchis-
SEMENT DE l'Italie doit sortir, à un jour déterminé,
l'affranchissement du monde entier, la république
fraternelle (la république des Frères maçons) et l'har-
monie de l'humanité (le genre humain tout entier
L'Église et le Temple. 22
338 l'agent de la civilisation moderne
sous la loi maçonnique), pour la régénération uni-
verselle. »
Nous trouvons ici la pensée dernière des sociétés
secrètes, le but vers lequel sont dirigés tous leurs
efforts par le pouvoir occulte, individu ou comité,
qui leur donne l'impulsion première : l'établissement
sur la ruine de tous les trônes, y compris le trône
pontifical d'une république universelle qui opérera
l'affranchissement du genre humain à l'égard de Dieu
et de sa loi, et la régénération de l'homme, c'est-
à-dire son retour à l'état de nature par la répu-
diation de tout l'ordre surnaturel. Alors, au lieu
des deux sociétés dont M. Waldeck-Rousseau a dé-
ploré la coexistence, il n'y en aura plus qu'une, et
sur toute la terre régnera l'harmonie dans l'univer-
selle sujétion à Israël.
Dans la pensée de celui qui avait donné aux
Quarante les Instructions secrètes, le renversement
du trône pontifical était le premier objet à pour-
suivre et atteindre. Il voyait que c'est la Papauté qui
maintient l'humanité sous le joug paternel de Dieu,
et il s'était dit que du moment où l'Italie serait
affranchie et le pouvoir temporel des Papes anéanti,
la Papauté, n'ayant plus de point d'appui sur la
terre, suspendue en l'air, pour ainsi dire, ne garderait
plus longtemps un pouvoir spirituel qui, pour s'exer-
cer sur les hommes, composés de corps et d'âme,
a besoin d'instruments matériels et de ministères hu-
mains.
L'affranchissement de Fltalie ne pouvait guère être
accompli que par des faits de révolution et de guerre.
Ces faits furent posés d'abord par Charles-Albert,
puis de 1859 à 1870 par Victor-Emmanuel avec la
complicité de Napoléon III. Mais ils ne pouvaient se
l'œuvre propre de la haute vente 3b9
produire qu'après avoir été préparés par un mouve-
ment dans les idées. C'est cette tâche préparatoirs
qui fut imposée à la Haute-Vente.
Les Instructions lui recommandèrent tout d'abord
de déconsidérer le pouvoir temporel et de déconsi-
dérer ses ministres. « Nous devons puiser dans nos
entrepôts de popularité ou d'impopularité les armes
qui rendront inutile ou ridicule le pouvoir entre
leurs mains », entre les mains des prélats, agents
du Pouvoir pontifical. « Dépopularisez la prêtraille
par toutes sortes de moyens », disait un document
émané du comité directeur à la date du 20 octobre 1821.
Les Instructions ne dédaignent point d'entrer dans le
détail des moyens à prendre pour y parvenir : « Si
un prélat arrive de Rome pour exercer quelque fonc-
tion publique au fond des provinces, connaissez aus-
sitôt son caractère, ses antécédents, ses qualités,
ses défauts surtout. Est-il d'avance un ennemi déclaré
(de la Révolution) : un Albani, un Pallota, un Ber-
netti, un Délia Genga, un Rivarola? enveloppez-le
de tous les pièges que vous pourrez tendre sous ses
pas; créez-lui une de ces réputations qui effraient
les enfants et les vieilles femmes. — Un mot que
l'on invente habilement et qu'on a l'art de répajidre
dans certaines honnêtes familles choisies, pour que
de là il descende dans les cafés et des cafés dans
la rue, un mot peut quelquefois tuer un homme. —
Peignez-le, cruel et sanguinaire; racontez quelque trait
de cruauté qui puisse facilement se graver, dans
la mémoire du peuple. » (En d'autres termes, déna-
turez les actes de justice que le pouvoir est obligé
d'accomplir pour la défense de la société).
L'Italie ne pouvait pas se faire d'elle-même : elle
avait besoin du concours ou tout au moins de l'as-
sentiment de l'Europe. Il fallait donc préparer par-
340 l'agent de la civilisation moderne
tout les esprits à la chute du pouvoir temporel. Il
ne suffisait pas de le décrier là où il s'exerçait,
il fallait soulever contre lui l'opinion publique dans
l'Europe entière. Les Instructions ne manquent pas
de le dire. Grâce aux complicités qui lui avaient été
ménagées dans tous les pays, dans toutes les classes
de la société et jusqu'auprès des trônes, c'est à
la Haute-Vente que revenait cette besogne. Elle pou-
vait faire parler les journaux, elle pouvait faire agir
la diplomatie. Relativement aux journaux, les Ins-
tructions lui font ces recommandations : « Quand
les journaux étrangers recueilleront par nous ces ré-
cits qu'ils embelliront à leur tour, montrez ou plu-
tôt faites montrer, par quelque respectable imbécile,
ces feuilles où sont relatés les noms et les excès
arrangés des personnages. Comme la France et l'An-
gleterre, l'Italie ne manquera jamais de ces plumes qui
savent se tailler dans des mensonges utiles à la
bonne cause. » Ces recommandations ne sont point
tombées en oubli, elles sont observées chaque jour
dans tous les pays catholiques pour rendre odieux
et le clergé et la religion.
M. Bidegain, dans son livre : Le Grand Orient de
France, ses doctrines et ses actes, en donne cette
preuve pour notre France :
« Dans le rapport secret de la Commission de pro-
pagande du Couvent de 1899, le F. • . Dutillay, rap-
porteur, écrivait ceci : « Une correspondance anti-
cléricale, discrète, adressée à de nombreux journaux,
fait pénétrer les idées maçonniques dans certaines
régions où des préventions séculaires étaient jus-
qu'ici profondément enracinées. »
Un autre rapporteur de la même Commission jus-
tifiait ainsi en 1901 des dépenses qu'il proposait
de placer sous la rubrique « Publicités ». « Entre
l'œuvre propre de la haute vente 341
elles, disait-il, il en est une que justifie l'existenoe,
le fonctionnement d'un organe de propagande, habi-
lement conçu, qui rend d'incontestables services à
toute la presse républicaine et anticléricale de ce
pays, d'autant mieux que sa véritable origine de-
meure insoupçonnée du monde profane. »
« Cet organe, dit Jean Bidegain, est un simple
papier autographié intitulé La Semaine de France.
Son auteur est Emile Lemaître, membre da Conseil
de l'Ordre, conseiller municipal de Boulogne-sur-Mer.
Il est remboursé de ses frais par le secrétaire géné-
ral lui-même, qui signe le mandat de paiement com-
me s'il touchait personnellement ces sommes. Le
nom de l'éditeur-rédacteur de « l'organe de propa-
gande habilement conçu », ne figure donc pas sur
les registres de comptabilité.
» La Semaine de France, œuvre de prédilection
du Grand-Orient, est un riecueil des ignominies dont
se rendent coupables, paraît-il, les prêtres, moines,
séminaristes, etc.
» Il ne s'agit là-dedans que d'assassinats, de vols,
d'attentats à la pudeur. Ses informations débutent
toujours ainsi : « Il y a quelques jours... », ou « Mar-
di dernier », ou encore, « Dans son audience du 3
septembre, la Cour d'assises de..., etc. »; et l'on
a soin de ne pas préciser autrement. C'est assez
dire que « l'organe habilement conçu » réédite de
très anciennes histoires, dont la répétition dans le
presse a pour conséquence d'entretenir ou de pro-
voquer la haine du prêtre. Je suis bien persuadé
que les très nombreux journaux qui ont recours
à La Semaine de France seraient fort embarrassés de
prouver l'authenticité des événements aussi variés
qu'extraordinaires dont ils lui empruntent le récit.
Le procédé est tout à fait maçonnique, tout à fait
342 l'agent de la civilisation moderne
juif, extrêmement lâche et peu dangereux pour celui
qui en use » (pp. 192-195) (1).
« Ecrasez l'ennemi quel qu'il soit, continuent les
Instructions secrètes, écrasez celui qui est puissant
(contre nous, soit par le pouvoir qu'il a entre les
mains, soit par son intelligence et l'usage qu'il en
fait, soit par la force de sa volonté), écrasez-le à
force de médisances et de calomnies; mais surtout
écrasez-le dans l'œuf. »
On sait avec quelle ardeur et quelle persévérance
les journaux de toutes les nations, surtout les jour-
naux français et anglais, s'acharnèrent alors à dé-
1. Les mêmes pratiques ont lieu en Espagne. La Se-
maine Religieuse de Madrid eut connaissance d'un Manuel
distribué aux Francs-Maçons d'Espagne, et en rendit comp-
te en novembre 1885.
Il y était dit : « L'action de la maçonnerie doit s'attacher
principalement à discréditer les prêtres et à diminuer l'in-
fluence (Qu'ils ont sur le peuple et dans les familles. Pour
cela, employer les livres et les journaux, établir des cen-
tres d'action pour alimenter l'hostilité contre les prêtres.
» Recueillez des notices et transmettez-les aux jour-
naux pour détruire le respect qu'ont les ignorants à l'égard
des .prêtres.
» Engagez les familles à ne pas lire les journaux catho-
liques et introduisez-y quelque feuille libérale.
» Qu'on ne se fasse pas scrupule dans le choix des moyens
pour détruire le respect de la religion et du prêtre. Tous
les moyens sont bons, quand il s'agit de délivrer l'huma-
nité des chaînes du prêtre. »
Dans les résolutions du Congrès de la Libre Pensée réuni
à Genève, en septembre 1902, on put voir comment les
sociétés secrètes produisent les mouvements d'opinion :
lo Indiquer aux journalistes libres-penseurs les campa-
gnes à mener à la même époque, à la même heure, sur la
même question; — 2» Donner aux députés le même mot
d'ordre, afin que, dans tous les pays, des interpellations
2iient lieu en même temps sur les mêmes questions qui
seront l'objet des 'campagnes de presse; — 3» organiser
en même temps des meetings dans les principales villes
du monde entier pour éclairer le peuple.
Un exemple récent de la manière dont ces trois points
sont observés nous a été donné dans l'affaire Ferrer.
l'œuvre propre de la. haute vente 348
crier de toutes manières le pouvoir pontifical et
les autres puissances légitimes en Italie (1).
Lorsque l'opinion fut jugée suffisamment préparée,
on fit marcher les diplomates (2). Dès les premiers
1. Lorsque M. Jaurès vint dire à la tribune qiie la
France devait faire son deuil de l'Alsace et de la Lor-
raine, M. Ed. Drumont publia un _ article où, dans un
contraste saisissant, il montra combien est puissante 1 ac-
tion des journaux pour former et conduire l'opinion, au
gré des desseins des sociétés secrètes.
» Songez à ce que doivent penser ceux qui, sans avoir
encore atteint l'extrême vieillesse aujourd'hui, étaient tout
jeunes il y a une quarantaine d'années. Tout le monde
alors avait une idée fixe : affranchir l'Italie, délivrer Ve-
nise de ses fers, mettre les Allemands dehors : Fuori Te-
descJiH... Il fallait faire tuer nos soldats et dépenser nos
milliards pour délivrer les provinces que l'Autriche occu-
pait.
» Dix ans après, Strasbourg appartient aux Allemands,
comme Venise, que nous croyions avoir pour mission
d'arracher à ses oppresseurs. On n'a aperçu nulle part rien
qui ressemble à la campagne infatigable, incessante, en-
treprise jadis en France dans la presse, dans le livre,
dans les salons, pour rendre l'indépendance à l'Italie...
» Pour arriver à ce résultat, tout avait été mis en œu-
vre : la diplomatie avec Cavour, l'intrigue avec le comte
d'Arèse, l'audace avec Garibaldi, le crime avec Mazzini...
On remplirait une immense bibliothèque avec tout ce que
l'on a écrit là-dessus en France. Les historiens, les ora-
teurs, les poètes, les romanciers s'en sont mêlés...
» C'est la Maçonnerie qui, par les sociétés secrètes affi-
liées, les Ventes, les réunions de Carbonari, l'influence
exercée sur les hommes politiques et les chefs d'Etat ap-
partenant à la secte, a le plus contribué à délivrer l'Ita-
lie du joug autrichien... Aujourd'hui, la Maçonnerie dé-
clare à l'immense majorité de ses loges que le vol de nos
provinces est parfaitement légitime et qu'il n'est pas à
souhaiter que la France reprenne l'Alsace-Lorraine. »
Aujourd'hui comme alors elle est partout écoutée.
2. Voici le projet que déjà, en 1813, la Charbonnerie sou-
mettait à r approbation de V Angleterre :
« 1. — L'Italie sera libre et indépendante.
» 2. — Les limites de cet empire seront les trois mers
et les Alpes.
» 3. — La Corse, la Sardaigne, la Sicile, les Sept-Iles et
344 l'agent de la civilisation moderne
jb'urs du pontificat de Grégoire XVI, l'Europe com-
mença à demander au Saint-Siège les « réformes »
dont la Haute-Vente avait fait proclamer la né-
cessité.
Dirigé par Palmerston, l'un des grands chefs de
la Maçonnerie, Louis-Philippe entraîna les ministres
d'Autriche, de Prusse et de Russie, dans une cam-
pagne diplomatique contre le Saint-Siège. Une con-
férence fut réunie et rédigea le Memora7idum, sorte
de mise en demeure adressée à la Papauté. « Oh!
s'écria Grégoire XVI, la barque de Pierre a subi de
plus rudes épreuves, nous braverons certainement
la tempête. Le trône du roi Philippe d'Orléans crou-
lera, mais celui-ci non! » Ce fut le commencement
de la campagne qui se poursuivit sous Pie IX et
qui aboutit à la sécularisation des Etats-Pontificaux
et à l'occupation de Rome.
Dans l'allocution consistoriale qu'il prononça le
29 avril 1848, Pie IX dénonça la pression exercée
par les puissances européennes sur le gouvernement
pontifical dans le but de le faire pour ainsi dire
abdiquer.
« Vous n'ignorez pas, vénérables frères, que déjà,
vers la fin du règne de Pie VII, notre prédécesseur,
les princes souverains de l'Europe insinuèrent au
Siège apostolique le conseil d'adopter, pour je gou-
vernement des affaires civiles, un mode d'adminis-
tration plus facile et plus conforme aux désirs des
laïques. Plus tard, en 1831, les conseils et les vœux
de ces souverains furent plus solennellement expri-
toutes les autres îles situées sur les côtes de la Méditerranée,
formeront une partie de l'Empire romain.
» 4. — Rome sera la capitale de V Empire et le siège des
Césars » (Saint-Edme, Constitution et organisation des car-
bonari, 1821).
l'œuvrf propre de la haute vente Ï)4ù
mes dans le célèbre Mémorandum que les empereurs
d'Autriche et de Russie, le roi des Français, la
reine de la Grande-Bretagne et le roi de Prusse,
crurent devoir envoyer à Rome par leurs ambassa-
deurs. Dans cet écrit, il fut question, entre autres
choses, de la convocation, à Rome, d'une consulte
d'Etat formée par le concours de l'Etat pontifical
tout entier, d'une nouvelle et large organisation des
municipalités, de l'établissement des conseils pro-
vinciaux, d'autres institutions également favorables
à la prospérité commune, de l'admission des laï-
ques à toutes les fonctions de l'administration pu-
blique et de l'ordre judiciaire. Ces deux derniers
points étaient présentés comme des principes vitaux
de gouvernement. D'autres notes des mêmes am-
bassadeurs faisaient mention d'un plus ample par-
don à accorder à tous ou à presque tous les sujets
pontificaux qui avaient trahi la foi due à leur sou-
verain. »
Les princes étrangers, en intervenant ainsi, bles-
saient la souveraineté dans son essence qui est de
ne relever que d'elle-même, et par là nuisaient à
leur propre cause. Mais la secte, plus ou moins
directement, commandait ou persuadait.
Pie IX, à son avènement, crut devoir [tenir compte
des conseils exposés dans le Mémorandum et l'on
sait l'effet qu'ils eurent : ce fut de faire proclamer
la république à Rome.
Ce qui n'empêcha point la diplomatie, après la
restauration du trône pontifical, de rendre de jour
en jour plus pressantes, ses remontrances, et l'on
pourrait dire ses injonctions, de mettre fin aux abus.
Au congrès tenu à Paris après la guerre de Crimée
furent dites enfin les paroles qui allaient mettre
346 l'agent de la civilisation moderne
la France au service du Piémont pour « affranchir
l'Italie » (1).
En même temps qu'elles recommandaient de décrier
la Rome papale, les Instructions disaient qu'il était
nécessaire de rappeler les souvenirs de la Rome
païenne et d'en faire désirer le retour. « Un siècle
ne s'écoulera pas, s'écriait un agent plus ou moins
conscient des sociétés secrètes, l'abbé Gioberti, avant
que notre patriie ne redevienne aussi belle qu'elle
l'était au temps de Scipion (2). » « Rome dira plus
tard Mazzini, n'est pas une cité, Rome représente une
idée. Rome est le sépulcre de deux grandes reli-
gions qui ont donné autrefois la vie au monde, et
Rome est le sanctuaire d'une troisième religion fu-
ture, destinée à donner la vie au monde de l'avenir.
Rome représente la mission de l'Italie au milieu
des nations, le Verbe de notre peuple, l'Evangile
éternel de l'union universelle (3). »
1. Quand Napoléon III eut manifesté ses intentions se-
crètes par les paroles adressées en janvier 1859 à l'am-
bassadeur d'Autriche, Mgr Pie, effrayé, lui demanda au-
dience. L'empereur dit à l'évêgue : « La France n'a paa
entretenu à Rome une armée d'occupation pour y consa-
crer des abus. »
Mgr Pie demanda la permission de s'expliquer sur ce sujet
en toute liberté. Il faut lire dans le beau livre de Mgr
Baunard : Histoire du cardinal Fie, les paroles coura-
geuses qu'il fit entendre.
« Il se glisse des abus partout, et quel gouvernement
peut se flatter d'y échapper? Mais j'ose affirmer qu'il
n'en existe nulle part de moins nombreux que dans la
ville et dans les Etats gouvernés par le Pape. — Qu'a
fait notre glorieuse expédition de Crimée? N'est-ce pas
plutôt à Constantinople et en Turquie qu'à Rome que
la France serait allée pour maintenir des abus? »
2. Gesuita moderno, t. II, p. 600.
3. Voir le Monde du 31 décembre 1864.
l'œuvre propre de la haute vente 847
« Il y a toujours au fond du cœur de l'Italien
(les Instructions secrètes reprennent la parole) un
regret pour la Rome républicaine. Excitez, échauffez
ces natures si pleines d'incandescence, offrez-leUr d'a-
bord, mais toujours en secret (les Instructions parlent
ici de ce qu'il y a à faire auprès des jeunes gens dans
les familles, les collèges et les séminaires), offrez-leur
des livres inoffensifs, des poésies resplendissantes
d'emphase nationale; puis, peu à peu, vous amè-
nerez vos disciples au degré de cuisson voulu. -Quand,
sur tous les points à la fois de l'Etat ecclésiastique,
ce travail de tous les jours aura répandu vos idées
comme la lumière, alors vous pourrez apprécier la
sagesse des conseils dont nous prenons l'initiative. »
On était en 1819. Si les Instructions recomman-
daient de propager les idées, elles ne recomman-
daient pas moins de ne point pousser encore à l'ac-
tion. « Rien n'est mûr, disent-elles, ni les hommes,
ni les choses, et rien ne le sera encore de bien
longtemps. Mais de ces malheurs (de ce qui était
déjà arrivé j>our avoir voulu trop tôt précipiter le
mouvement, et de l'intervention armée de l'Autri-
che que l'on voyait alors menaçante), vous pou-
vez facilement tirer une nouv^elle corde à faire vibrer
au cœur du jeune clergé. Ce sera la haine de l'étran-
ger. Faites que l'Allemand (il Tedesco) soit ridi-
cule et odieux avant même son entrée prévue. »
Un document, daté du 20 octobre 1821, traçait la
stratégie à suivre dans les div^ers pays de l'Europe
pour « la lutte maintenant engagée entre le despotisme
sacerdotal ou monarchique et le principe de liberté. »
Il disait spécialement pour l'Italie : « En Italie, il
faut rendre impopulaire le nom de l'étranger, de
sorte que, lorsque Rome sera sérieusement assiégée
par la Révolution, un secours étranger soit tout
348 L'AiîENT DE LA CIVILISATION MODERNE
d'abord un affront, même pour les indigènes fidè-
les. »
La Haute-Vente s'efforçait surtout, on vient de
l'entendre, de gagner le clergé à ces idées d'affran-
chissement politique; et vraiment elles avaient Un
côté bien séduisant pour qui ne savait point les secrets
desseins de ceux qui les propageaient. « Rendez le^
prêtre patriote », écrivait Vindice. Ils ne réussirent
que trOp', non auprès de tous, ni même auprès du
plus grand nombre, mais auprès de religieux et de
prêtres séculiers Influents qui entraînèrent à leur suite
trop de naïfs. Le P. Gavazzi, l'abbé Gioberti, le
P. Ventura, l'abbé Spola, allèrent jusqu'à se faire
les acolytes de Mazzini, lorsque la Révolution eut
chassé Pie IX de Rome; et ils eurent l'impiété et
l'audace de chanter le jour de Pâques V Alléluia
des sociétés secrètes sur la tombe des Apôtres.
Non satisfaits de rencontrer des auxiliaires dans le
clergé, les conjurés avaient visé plus haut. Ils espé-
raient rencontrer un Pape qui servirait leurs desseins.
Après la mort de Grégoire XVI,. ils crurent l'avoir
trouvé en Pie IX (1). Appelé à l'improviste au gou-
1. Adam Mickiewicz en a donné un témoignage curieux :
« Un ami, M. Armand Lévy, m'a raconté l'impression
singulière que le commencement du règne de Pie IX fit
sur Lamennais, depuis douze ans séparé de Rome, et qui,
huit ans plus tard, devait mourir hors de l'Eglise en
laissant comme testament politique cette préface à la tra-
duction de Dante, où il insiste sur l'incompatibilité entre
le catholicisme et la liberté. Un jour du mois de novem-
bre 1846, dit-il, le fougueux Breton, parlant du nouveau
pape, se mit tout à coup à arpenter sa chambrette de la
rue Byrou, le geste rapide et l'œil en feu, en disant ce que
Pie IX pouvait faire, ce qu'il ferait sans doute, ce que lui-
même ferait certainement, s'il était à sa place : « Je pren-
drais la croix en main, je marcherais contre les Autri-
chiens... » Et ce monologue, qui n'avait que deux témoins,
se poursuivit ainsi toute une demi-heure, sur le thème
l'œuvre propre de la haute vente 349
vernail de l'Eglise, Pie IX n'avait point été en posi-
tion de découvrir les écueils qui menaçaient la bar-
que de Pierre, et il cherchait instinctivement le moyen
de les éviter. Il crut devoir d'abord accorder à l'opi-
nion publique et aux instances des souverains, l'am-
nistie en faveur de ceux des Carbonari frappés par
la justice. Elle avait été réclamée à cor et à cri
sous le règne de Grégoire XVi. « Nous nous ser-
virons des larmes réelles de la famille et des dou-
leurs présumées de l'exil, écrivait Nubius à Vin-
dice, dès 1832^ pour nous fabriquer de l'amnistie
une arme populaire. Nous la demanderons itoujours,
heureux de ne l'obtenir que le plus tard possible,
mais nous la demanderons à orrands cris. »
Quelles paroles pourraient mettre dans un plus
grand jour le fond du cœur des révolutionnaires! Ils
feignent de prendre intérêt aux misères et aux souf-
frances populaires; en réalité, ils les font naître
ou ils les exaspèrent afin d'en tirer profit pour
eux.
Pie IX ne s'en tint point là. Ne sachant pas encore
qu'il ne faut, comme le dit Crétineau-Joly, toucher à
la Révolution que pour lui abattre la tête (ce qu'il
fit plus tard par le Syllabus), il crut pouvoir concé-
der quelque chose de ce qu'elle demandait par des
améliorations sagement progressives. « Courage, Saint-
Père! » lui criait M. Thiers, du haut de la tribune
d'une croisade pour l'indépendance de l'Italie et la liberté
des nations. Jamais peut-être Lamennais ne fut plus élo-
quent. Son âme s'épanouissait sous ce rêve de délivrance
universelle, opérée par l'initiative papale. Ce qui avait
été le songe caressé de sa jeunesse allait-il donc s'accom-
plir? »
(Mémorial de la Légion polonaise de 1848, créé en
Italie par Sdam Mickiewicz, publication faite d'après les
papiers de son père avec préface et notes par Ladislas
Mickiewicz. Paris, 1877, t. I, p. 30).
350 l'agent de la civilisation moderne
française, faisant écho aux ovations des révolution-
naires italiens. Cependant Pierre resta Pierre, refu-
sant ce qui ne pouvait être accordé : — Non possOy
non debho, non voglio, — et par la grâce de Dieu et
moyennant le bras de la France, il sortit, en vain-
queur, de l'épreuve.
1
Cette déconvenue ne porta nullement la secte à
abandonner ses desseins. Elle continua d'une part
à ruiner le trône pontifical, d'autre part à répandre
les idées que préparaient les révolutions destinées
à renverser les trônes et à mettre la souveraineté
dans le peuple. Cette deuxième œuvre n'était point
à nos yeux la plus importante.
« Cette victoire (la chute des trônes, écrivait Ti-
grotto, le 5 janvier 1846, deux ans avant la Révo-
lution de 48 qui devait les ébranler tous), cette
victoire qui sera si facile, n'est cependant pas celle
qui a provoqué jusqu'ici tant de sacrifices de notre
part.
» Il y a une victoire plus précieuse, plus durable,
et que nous poursuivons depuis si longtemps... Four
tuer avec sécurité le vieux monde (et sur ses ruines
établir une civilisation nouvelle), nous avons vu
qu'il était nécessaire d'étouffer le germe catholique
et chrétien », en d'autres termes, anéantir le christia-
nisme dans les âmes.
CHAPITRE XXV
PRUD£NGE MAÇONNIQUE
« La haine des conjurés de la Haute- Vente contre
l'Eglise, dit Crétineau-Joly, ne s'évapore ni en tur-
bulences impies, ni en provocations insensées; ils
eurent le calme du sauvage et l'impassibilité du
diplomate anglais ». C'est bien cela. En rapports
constants avec les chefs de la franc-maçonnerie des
différents rites et avec les Juifs de tous les pays,
ayant des affidés placés près des souverains ou
de leurs ministres, les Quarante avaient une puis-
sance d'action aussi étendue que sûre d'elle-mêmie.
Elle n'en était pas pour cela moins avisée.
La plus pressante des recommandations faite aux
Quarante était de n'agir qu'avec prudence et circons-
pection.
Un document émané du comité directeur, à la date
du 20 octobre 1821, dit : « Nous ne prouvons plus
marcher à l'ennemi, avec l'audace de nos pères de
1793. Nous sommes gênés par les lois et plus en-
core par les mœurs; mais, avec le temps, il nous
sera permis peut-être d'atteindre le but qu*ils ont
manqué. Nos pères mirent trop de précipitation en
tout, et ils ont perdu la partie. Nous la gagnerons si.
352 l'agent de la civilisation moderne
en contenant les témérités, nous parvenons à fortifier
les faiblesses. » Ce mot d'ordre, nous l'avons entendu
répéter publiquement, le jour où la Maçonnerie s'em-
para du pouvoir. Et, depuis, ne l'avons-nous pas
vue contenir toujours les témérités, et, en se for-
tifiant sans cesse, marcher au but, lentement, mais
sûrement? Les Instructions secrètes disaient de leur-
côté : « Pour atteindre plus sûrement notre but, et
ne pas nous préparer, de gaîté de cœur, des revers
qui ajournent indéfiniment ou compromettent pour
des siècles le succès d'une bonne cause, il ne faut
pas prêter l'oreille à ces vantards de Français (1)...,
à ces nébuleux Allemands..., à ces tristes Anglais...
Le catholicisme a la vie plus dure que cela; il a vu
de plus implacables, de plus terribles adversaires,
et il s'est souvent donné le malin plaisir de jeter
de l'eau bénite sur la tombe des plus enragés. Lais-
sons donc nos frères de ces contrées se livrer aux
intempérances stériles de leur zèle anticatholique;
permettons-leur de se moquer de nos madones et
de notre dévotion apparente (2). Avec ce passe-port,
nous pouvons conspirer à notre aise et arriver peu
à peu au terme proposé ». La Haute-Vente, nos lec-
teurs ne l'ignorent point, avait pour mission de miner
le trône pontifical au temporel et au spirituel, et
d'employer, autant que possible, le clergé lui-même
à cette œuvre de destraction. Pour cela, il lui était
recommandé d'user de beaucoup d'hypocrisie. Elle
ne s'en fit point faute.
1. On sait qae la Haute-Vente avait son siège à Rome et
était principalement composée d'Italiens.
2. Pour mieux circonvenir le monde ecclésiastigue de
Rome, les Quarante avaient reçu l'ordre de fréquenter les
sacrements €t d'affecter les dehors de la piété. C'est
de cet ordre qu'ils disaient que les cheveux leur en dres-
saient sur la tête.
PRUDENCE MAÇONNIQUE 353
Piccolo-Tigre piontre qu'il s'est bien pénétré de
ces Instructions : « Servons-nous, dit-il, de tous les
incidents, piettons à profit toutes les éventualités.
Défions-nous principalement des exagérations du zèle.
Une bonne haine bien froide, bien calculée, bien
profonde, vaut mieux que tous ces feux d'artifice
et toutes ces déclamations de tribune » (des Fran-
çais, des Allemands et des Anglais).
Félice ne parle point autrement : « Afin de don-
ner à notre plan toute l'extension qu'il doit prendre,
nous devons agir à petit bruit, à la sourdine, ga-
gner peu à peu du terrain et n'en perdre jamais.
Chaque jour, les Carbonari prophétisent un boulever-
sement général. C'est ce qui nous perdra, car alors
les partis seront plus tranchés, et il faudra opter
pour ou contre (1). De ce chaos naîtra inévitablement
une crise, et de cette crise un ajournement ou des
malheurs imprévus. »
Ce sont bien toujours les mêmes instructions, il
n'est pas difficile de le voir, qui ont dicté jusqu'ici
la conduite prudente de la secte.
Dans ces derniers temps, les ouvrages du F. • .
Bidegain, publiés en même temps, que se produi-
sait l'incident relatif au F. • . Piernée, le cas du
F. • . Nicol, la démission du F. • . Doumer, etc., ému-
rent le Grand-Orient. Il adressa aux Vén. • . des LL. ' .
départementales un « morceau d'architecture » leur
prescrivant de faire observer chacun dans son obé-
dience la discipline et l'obéissance maçonniques en
même temps que la discrétion vis-à-vis des profanes.
1. Voilà cer que tant de catholiq-ues ne veulent point
encore comprendre. La secte sera perdue, et elle ne le sera
que lorsque les partis seront nettement tranchés, lorsqu'au
parti de Satan s'opposera résolument le parti de Dieu,
comme le demande avec tant d'instance le Souverain Pon-
tife Pie X.
L'Eglise et le Temple. 23
354 l'agent de la civilisation moderne
En voici un extrait : « Pourquoi les Anciens con-
servaient-ils avec un soin si jaloux les secrets de
leurs mystères? Pourquoi leurs préceptes n'étaient-
ils pas écrits? Pourquoi la peine capitale était-elle
réservée aux traîtres, aux indiscrets et aux renégats?^
Parce qu'ils savaient, mes FF.:., que les œuvres
les plus grandes et les plus bienfaisantes se fon-
dent dans le silence; parce qu'ils savaient que tout
ce qui est mystérieux ou obscur a beaucoup plus
de prestige aux yeux du vulgaire, et qu'une insti-
tution qui connaît le monde et n'est pas connue
de lui est une puissance irrésistible. Aucun obstacle
ne l'arrête. A la longue elle accomplit son œuvre
avec une sage lenteur, mais avec la sûreté de la
goutte d'eau qui creuse le granit. Soyons discrets
à la manière antique, mes FF. ; ., et nous aurons
bien mérité de la maçonnerie universelle! »
Le F. • . Maréchaux présenta au Conseil de l'Ordre
dans la séance du 20 mars 1906 {Compte rendu du 1^^
janvier au 31 mai, p. 71), un rapport intéressant sur la
question de la création d'une imprimerie maçonnique.
« Cette création, n'hésite point à dire le rappor-
teur, présenterait une foui© de dangers. D'abord, nous
imprimons beaucoup trop de choses; notus avons beau-
coup trop de papiers en circulation; et le moyen le
plus sûr de diminuer les chances de divulgation de ces
papiers, c'est d'en diminuer le nombre. » Il faut donc
avant tout s'adresser à des imprimeurs sûrs. On peut
observer que «si dans de grandes imprimeries où la
surveillance est difficile il se produit des fuites, on
en rechercherait vainement dans certaines imprime-
ries de province où le patron et le prote surveillent
la composition et le tirage et se font rendre toutes
les feuiles, bonnes ou mauvaises, après tirage effec-
tué. » De plus « ce qui rend dangereux la profusion
PRUDENCE MAÇONNIQUE "355
de nos imprimés, c'est la manie que nous avons
de les collectionner : les bulletins, les convocations,
les circulaires, et une foule de documents dont la
correspondance des Loges est inondée, devraient être
détruits une fois portés à la connaissance des Ateliers.
En résumé : pas d'imprimerie maçonnique, moins
d'imprimés et moins d'archives inutiles. »
Cette conclusion est adoptée après que le F. • . Le-
maître a déclaré qu'il avait proposé simplement « quel-
ques casses de caractères et une forte pédale placées
dans le Grand-Orient, et qui auraient servi à im-
primer quelques travaux simples ou encore dans
un cas urgent. Four déjouer une conspiration, par
exemple, il serait utile de posséder un outil de ce
genre. »
Ainsi jdonc ces hommes qui se disent chargés de
répandre la lumière ne pensent qu'à se cacher. On
n'imprime qu'une partie des rapports, on les par-
sème de lignes de points. On donne des instructions
pour incinérer les documents. Cela ne suffit pas. Tan-
dis que les li^es ou associations quelconques ne vi-
sent qu'à étendre leur publicité, le Grand-Orient ne
cherche qu'à dissimuler ce qui se dit et ce qui se
fait dans les loges. Il fabrique même de faux docu-
ments pour mieux dérouter le public. La revue Eiram,
dans son n» d'avril 1909 (page 3) faisait cet aveu :
« L'Ill. : . F. : . Bernardin, membre du Conseil de
l'Ordre et du Collège des Rites, ne nous a-t-il pas
déclaré avoir calculé que 206 ouvrages maçonni-
ques donnaient à la Maçonnerie 39 origines diver-
ses? »
En admettant qu'un des ouvrages maçonniques en
question ait dit la vérité, il s'ensuivrait donc que
la Maçonnerie a menti dans 38 cas sur 39, puisqu'elle
donne 39 versions différentes du même fait; c'est
356 l'agent de la civilisation moderne
rill.-. F.-. Bernardin lui-même qui le constate...
« Seule, ,dans l'univers entier, dit Mgr Ketteler,
évêque de Mayence (1), la Franc-Maçonnerie reven-
dique, en fait comme en principe, une position excep-
tionnelle vraiment remarquable. Seule, elle veut
échapper aux débats de la presse périodique, et,
à part quelques exceptions, elle y réussit. Tandis que
la presse examine et apprécie tout ce qui intéresse
l'Humanité; tandis que le christianisme, avec tou-
tes ses doctrines et toutes ses oeuvres, l'Etat, avec
tous ses droits et ses constitutions, sont sans cesse
discutés et appréciés; tandis que la curiosité pu-
blique pénètre jusque dans, les derniers recoins de la
vie privée, la Franc-Maçonnerie seule peut dire avec
l'approbation de toute l'Europe : JSe me touchez pas!
Chacun craint d'en parler comme s'il s'agissait d'un
fantôme. »
Ce mystère dont la secte s'enveloppe avec tant
de soins amène Crétineau-Joly à faire cette obser-
vation : « Il existe une race d'insectes que les sa-
vants appellent termites. Ces termites rongent à l'in-
térieur les poutres d'une maison; et, avec un art ad-
mirable, ils savent laisser intacte la surface du bois
rongé. Mais cette surface est si mince que le doigt
de l'homme en s'y appliquant, fait craquer la pou-
tre. Ce procédé des termites est à l'usage des so-
ciétés secrètes. »
Cette .tactique n'échappa point à la perspicacité du
cardinal Consalvi. Le 4 janvier 1818, il écrivait au
prince de Metternich : « Par tout ce que je recueille
de divers côtés, et par tout ce que j'entrevois dans
l'avenir, je crois (et vous verrez plus tard si j'ai
1. Dans un ouvrage publié vers 1865, sous ce titre ■
Liberté, Autorité, Eglise. Considérations sur les graiidF-
problèmes de notre époque.
PRUDENCE MAÇONNIQUE 857
tort), que la Révolution a changé de marche et de
tactique. Elle n'attaque plus à main armée les trô-
nes et les autels, elle se contentera de les miner. »
Le Conseil suprême doit bien s'applaudir d'avoir
recommandé l'usage de ce procédé il y a trois quarts
de siècle; il voit, nous voyons en quelle situation
son emploi nous a mis. Et cela peu à peu, sans
que l'on songeât à ouvrir les yeux.
« Ici, disait encore le même cardinal au même
prince, j'entretiens chaque jour les ambassadeurs
de l'Europe des dangers futurs que les sociétés se-
crètes préparent à l'ordre à peine reconstitué, et je
m'aperçois que l'on ne me répond que par la plus
belle indifférence ». Léon XII répandait les mêmes
plaintes dans le sein du cardinal Bernetti : « Nous
avons averti les princes, et les princes dorment en-
core. Nous avons averti leurs ministres, et leurs mi-
nistres n'ont pas veillé. Nous avons annoncé aux
peuples les calamités futures, et les peuples ont
fermé les yeux et les oreilles (1). »
Non seulement la Haute-Vente, en tant que société,
devait marcher avec la plus grande circonspection,
mais il était recommandé à chacun de ses ouvriers
d'user eux-mêmes de la prudence la plus avisée.
« Vous devez avoir l'air d'être simples comme des
colombes, disaient les Instructions aux Quarante,
mais vous serez prudents comme le serpent. » La
prudence ainsi recommandée consistait tout d'abord
à se conduire de telle sorte que jamais le moindre
soupçon sur ce qu'ils étaient et sur ce qu'ils fai-
saient, ne pût naître dans l'esprit de personne. « Vous
savez, continuent les mêmes Instructions^ que la
1. Crétineau-Joly : L'Eglise romaine en face de la Révo-
lution, II, p. 141.
358 l'agent de la civilisation moderne
moindre révélation, le plus petit indice, peut entraîner
de grands malheurs, et que c'est son arrêt de mort
que signe le révélateur volontaire ou involontaire. »
Le rôle qui leur était assigné leur rendait d'ailleurs
cette discrétion plus facile qu'à d'autres. Ils n'avaient
point, comme Mazzini et ses sicaires, à jouer du
poignard, à faire éclater les émeutes, à provoquer
les révolutions. Leur affaire était d'agir sur les es-
prits pour les pervertir, employer la parole et l'écii-
ture à la séduction des personnes et à la propa-
gande des idées. Ils étaient dans la franc-maçon-
nerie à la tête de ce que l'on a appelé l'armée des
pacifiques ou des intellectuels, composée des jour-
nalistes, des universitaires, des parlementaires qui
travaillent l'opinion et qui préparent les uns à faire,
les autres à accepter les lois forgées dans le des-
sein d'asservir l'Eglise en attendant qu'elle puisse
être anéantie (1).
Le soin de cacher jusqu'à l'existence de la Haute-
Vente, et de détourner tout soupçon des personnes
1. Un. avocat saxon, d'une rare vigueur d'esprit et d'uae
grande érudition, M. Eckert, a employé sa vie à dévoi-
ler les mystères des sociétés secrètes et à mettre au jour
de précieux documents sur leur action.
Il dit : « Toutes les révolutions modernes prouvent que
Vordre est divisé en deux "parties distinctes, l'une Pacifique,
Vautre Guerrière. La première n'emploie qrie la parole et
l'écriture. Elle conquiert au profit de l'Ordre toutes les
places dans les Etats et les Universités, toutes les positions
influentes. Elle séduit les masses, domine l'opinion pu-
blique au moyen de la presse et des associations.
» Dès que la division pacifique a poussé ses travaux assez
loin pour qu'une attaque violente ait des chances de
succès dans un temps peu éloigné ; lorsque les passions
sont enflammées, lorsque l'autorité est suffisamment af-
faiblie, ou que les postes importants sont occupés par des
traîtres, la division guerrière reçoit l'ordre de déployer son
activité.
» L'existence de la division belligérante est inconnue à
la grande partie des membres de l'autre division. »
PRUDENCE MAÇONNIQUE 359
qui la composaient, allait si loin que, pour dérouter
plus complètement les investigations de la police
du gouvernement pontifical, nos conjurés eurent l'art
de lui livrer cinq ou six Ventes particulières dont
les imprudences pouvaient devenir dangereuses. Ils
obtenaient ainsi un double résultat : endormir à leur
égard les soupçons de la cour romaine, et satis-
faire une vengeance fraternelle, car, dans ces succur-
sales de l'enfer, si on travaille à la même œuvre, on
est loin de s'aimer. L. Blanc, dans son Histoire de
Dix Ans, nous montre comment les rivalités du
F. • . Lafayette et du F. • . Manuel amenèrent l'anar-
chie dans la Charbonnerie. N'avons-nous point yu
quelque chose de semblable tout récemment? Dans
l'affaire des « fiches », les « Enfants de Gergovie »
ont fait campagne contre André, Berteaux, Maujan;
tout un groupe de maçons se sont associés à cette
campagne et plusieurs loges commencèrent à médire
du Grand-Orient. Ces discordes sont l'un des moyens
dont la Providence se sert pour arrêter l'essor de
la Révolution et retenir les peuples sur la pent^
de l'abîme où on veut les précipiter.
Non contents de livrer quelques loges à la po-
lice romaine, les trois membres de la Haute-Vente
qui proposèrent à leur chef, le 25 février 1839, de
se délivrer, en le faisant assassiner, des craintes que
les agissements de Mazzini entretenaient parmi eux,
lui écrivaient : « Un jour, demain peut-être, l'opi-
nion publique se révoltera. Alors le sang inuti-
lement versé retardera, peut-être pour de longues
années, les projets conçus par nous avec une dexté-
rité si audacieuse. Cet état de choses va tous les
jours en empirant, et doit cesser, sans quoi nous
serions obligés de renoncer à nos plans contre le
siège de Rome, car la plus légère indiscrétion peut
'SQO l'agent de la civilisation moderne
•
tout révéler. Un seul assassinat, qu'on n'aura pas
réussi à couvrir comme tant d'autres, mettra sur la
trace de nos réunions. »
« Docile aux avis de Nubius, dit Crétineau-Joly,
la Haute-Vente chemina à pas mesurés, sondant le
terrain, se rendant compte des obstacles, les tour-
nant sans jamais les attaquer de front. On l'a vue
prendre tout à la fois les masques de la piété, du
patriotisme et du dévouement. Dans une existence
de complots non interrompus, cette Vente n'a pu
donner Une ombre d'inquiétude à la police romaine. »
Elle ne s'est jamais non plus laissé détourner du
but qui lui avait été marqué; jamais, pour y arri-
ver, elle n'employa d'autres moyens que ceux qui
étaient dans ses attributions : la parole et les écrits,
en un mot, la séduction. Car c'est par la corruption
des idées et des mœurs que la secte espère anéan-
tir l'Eglise, après avoir détruit son pouvoir temporel.
CHAPITRE XXVI
LE SUPRÊME ATTENTAT
Notre Saint-Père le Pape Léon XIII, après s'être
appliqué, dans son Encyclique sur la Franc-Maçon-
nerie, à faire connaître la doctrine, les projets, les
actes, les progrès, la puissance de cette secte, exhorta
tous les évêques du monde « à employer tout leur
zèle à faire disparaître l'impure contagion du poison
qui circule dans les veines de la société et l'infecte
tout entière »; et il leur indiqua en ces termes le
principal moyen à employer à cette fin : « Puisque
l'autorité inhérente à Notre charge Nous impose le
devoir de vous tracer Nous-même la ligne de conduite
que nous estimons la meilleure, Nous vous dirons :
En premier lieu, arrachez a la franc-maçonnerie
LE MASQUE DONT ELLE SE COUVRE ET FAITES-LA
VOIR TELLE QU'ELLE EST. »
Continuant à obéir à ce mot d'ordre, nous avons
maintenant à faire connaître le plus audacieux atten-
tat que la secte ait jamais conçu et qu'elle a essayé
de perpétrer.
Deux mois après avoir pris en mains le timon
de la Vente suprême, Nubius s'en expliquait ainsi
à Volpe (3 avril 1824) : « On a chargé nos épaules
362 l'agent de la civilisation moderne
d'un lourd fardeau, cher Volpe. Nous devons arriver
par de petits moyens bien gradués, quoiqu'assez mal
définis, au triomphe de ridée révolutionnaire par
UN PAPE. » Nubius pensait qu'un tel projet n'avait
pu être conçu, et que les moyens à employer pour le
réaliser n'avaient pu être donnés que par Satan
lui-même, car il ajoute : « Ce projet m'a toujours
paru d'un calcul surhumain ». Il n'y avait en effet
pour avoir l'idée d'une telle entreprise que celui
qui avait déjà porté son audace plus haut encore,
puisqu'il s'était dressé contre l'Eternel lui-même.
Il n'avait point attendu jusqu'à la constitution de
la Haute-Vente pour l'inspirer.
A l'époque où la maçonnerie anglaise propagea la
secte dans l'Europe entière en établissant les loges
qui devaient préparer la Révolution, le déiste an-
glais Toland imprima secrètement en 1720 et répan-
dit avec un grand mystère un livre étrange écrit en
latin et intitulé Pantheisticon (1). Il y dit en pro-
pres termes : « Beaucoup de membres des solidarités
socratiques (2) se trouvent à Paris, d'autres à Venise,
dans .toutes les villes hollandaises, principalement
1. Dans ce livre, le F. : . Toland semble bien marquer
l'un des principaux caractères de la Maçonnerie, même
anglaise, et dès ses origines, lorscju'il raconte ce qui se
passait dans les loges des FF. • . fondateurs de la Grande
loge de Londres, célébrant les fêtes des solstices et des équi-
noxes. « Là, dit-il, ne s'embarrassant ni des cultes, ni
des lois de leur patrie, ils discourent avec le plus libre
jugement des « choses sacrées », comme on les appelle,
et des « profanes », après avoir mis de côté certains
préjugés ». Les rituels de ces premières loges anglaises
désignent déjà l'autorité civile et l'autorité religieuse sous
les noms de tyrannie et de superstition, qu'il faut rem-
placer par la liberté maçonnique et la vérité maçonnique.
2. Les solidarités socratiques avaient leur siège prin-
cipal à Londres.
LE SUPRÊME ATTENTAT 363
à Amsterdam, et même, dat-on s'en étonner, dans
la cour de Rome » (p. 42).
En 1806, un militaire, Jean-Baptiste Simonni, ayant
lu l'ouvrage de Barruel, lui écrivit de Florence une
lettre où il dit que, s'élant trouvé en rapports avec
des Juifs en Piémont au moment où ce pays était
en révolution, pour gagner leur confiance et sai-
sir leurs secrets, il les persuada qu'il était né à
Livourne id'une famille juive et que bien que chré-
tien d'extérieur il était toujours juif par le cœur.
Ils s'ouvrirent à lui peu à peu. Et voici ce qu'il
retint de leurs discours : La secte judaïque est au-
jourd'hui la puissance la plus formidable, si l'on
considère ses grandes richesses et la protection dont
elle jouit dans presque tous les Etats de l'Europe.
Elle paraît en tout séparée des autres sectes, réel-
lement elle ne l'est pas. Il suffit qu'une d'elles se
montre ennemie du nom chrétien pour qu'elle la
favorise, la soudoie ©t la protège. Avec tous les au-
tres sectaires, les juifs ne forment qu'une seule fac-
tion pour anéantir, s'il est possible, le nom chrétien.
Manés et le Vieux de la montagne sont sortis de
leur nation. Les francs-maçons et les Illuminés ont
été fondés par eux. En Italie et en. Espagne ils ont
gagné à leur cause Une multitude d'ecclésiastiques tant
réguliers que séculiers, des prélats, des évêques et
même des cardinaux. Ils ne désespèrent pas d'avoir un
Fape de leur parti. Ils se promettent dans moins d'uii
sièele d'être les maîtres du monde. Pour cela, ils
anéantiront la famille des Bourbons; à force d'ar-
gent et de cabales, ils espèrent obtenir de tous les
gouvernements Un état civil; et alors, possédant les
droits de citoyens, comme les autres, ils achèteront
terres et maisons, et au moyen de l'usure, ils parvien-
dront à dépouiller entièrement les chrétiens, à faire
364 l'agent de la civilisation moderne
de leurs églises autant de synagogues et à faire régner
leur secte sur les ruines de toutes les autres.
Barruel eut d'abord la pensée de publier cette
lettre, mais il se( dit qu'en saine critiqU'C, ce qui
s'y trouvait exposé exi'>;erait des preuves impossi-
bles à produire. Il se contenta donc d'en présenter
l'original au cardinal Fesch pour être communiqué
à l'empereur qui venait de convoquer le Sanhédrin
à Paris. Desmaretz, occupé sur l'ordre de l'empereur
de recherches sur les Juifs, voulut garder l'origi-
nal; Barruel ne le lui permit point et l'envoya au
Pape. Quelques mois plus tard. Sa Sainteté lui fit
écrire par l'abbé Tetta, son secrétaire, que « tout
annonçait la véracité et la probité de celui qui avait
ainsi découvert tout ce dont il avait été témoin.»
Au moment de la Restauration, Barruel remit une
copie de cette lettre à Louis XVIII.
. Nous ne voulons en retenir ici que ce qui y est dit
dîu futur pape que les Juifs espéraient et le mettre en
regard de la miission donnée à Nubius.
Pour animer le courage de ceux à qui l'œuvre
titanesque de faire triompher l'idée révolutionnaire
par un pape était confiée, les Instructions secrètes
faisaient de la puissance pontificale un tableau aussi
séduisant, que vrai, vrai en soi, séduisant pour qui
avait le désir et l'espoir de s'en emparer à son
profit : « Par le bras, par la voix, par la plume, par
le cœur de ses innombrables évêques, prêtres, moi-
nes, religieux et fidèles de toutes les latitudes, la
Papauté trouve des dévouements sans cesse prêts au
martyre et à l'enthousiasme. Partout où il lui plaît
d'en évoquer, elle a des âmes qui meurent, d'autres
qui se dévouent pour elle. C'est un levier immense
dont quelques Papes seulement ont apprécié toute
la puissance. Encore n'en ont-ils usé que dans une
LE SUPRÊME ATTENTAT ^UîT)
certaine mesure ». Les conjurés, en parlant ainsi,
ne faisaient que résumer l'histoire. A toutes ses
pages elle dit la foi des chrétiens en l'institution du
divin Maître, leur aveugle confiance en celui qu'il
a fait être son vicaire et qui leur parle en son
nom, leur dévouement absolu au Pontife qui tient
la place du Christ au milieu d'eux. Que quelques-
uns d'entre les Papes, à l'heure des grandes crises
de l'Eglise, n'aient point eu assez de foi en eux-
mêmes, ou plutôt en la vertu de Jésus-Christ dont
ils étaient investis, c'est possible. Cela arriva à Pierre
sur le lac de Génésareth : comme lui, ils ont alors
senti les flots s'ouvrir sous leurs pieds jusqu'à ce
que leur regard, se reportant sur le divin Sauveur,
ait puisé en lui avec un renouvellement de foi,
une recrudescence de vigueur et de. charité divines.
Montrer aux membres de la Haute-Vente la puis-
sance du levier pontifical, c'était peu pour le Con-
seil suprême des sociétés secrètes; l'important et
le difficile était de leur faire croire qu'ils pourraient
arriver à s'emparer de ce levier et le mettre en
action au profit du but final de la secte, « celui de
Voltaire et de la Révolution française : l'anéanlisse-
ment à tout jamais du catholicisme et .même de
l'idée chrétienne. »
Comment des hommes intelligents, — et certes
les Quarante l'étaient, Nubius, leur chef, avait plus
que de l'intelligence, c'était un homme d'un génie
infernal, — comment purent-ils accepter de s'atte-
ler à une si folle entreprise ? Ils s'y mirent, nous
le voyons par leur correspondance, ils s'y mirent
avec enthousiasme. Une haine satanique les animait
et [toute passion crée l'illusion.
Les Instructions étaient allées d'abord au-devant
des objections.
366 l'agent de la civilisation moderne
« Le Pape, quel qu'il soit, ne viendra jamais aux
sociétés secrètes. Nous n'entendons pas gagner les
Papes à notre cause, en faire des néophytes de nos
prnicipes, jdes propagateurs de nos idées. Ce serait
un rêve ridicule, et, de quelque manière que tour-
nent les événements, que des cardinaux ou des pré-
lats, par exemple, soient entrés, de plein gré ou
par surprise, dans une partie de nos secrets, ce n'est
point jdu tout un motif pour désirer leur élévation
au Siège de Pierre. Cette élévation nous perdrait.
L'ambition les aurait conduits à l'apostasie, les be-
soins du pouvoir les forceraient à nous immoler. »
Ce qfue la secte désirait, ce n'était donc point un
Pape franc-maçon; ce que la Haute-Vente était char-
gée de lui procurer, ce n'était même point un Pape
dévoué à la secte; si elle trouvait un tel candidat
au .trône pontifical, elle ne devrait point travailler
à l'y faire parvenir. Que voulait-elle? Les Instructions
le disent : « Ce que nous devons demander, ce que
nous devons chercher et attendre, comme les Juifs
attendent le Messie, c'est un Pape selon nos besoins. »
Comment ]e comprenaient-ils, ce Pape selon Jeurs
besoins ? Nous le voyons dans les Instructions : « Ale-
xandre VI ne nous conviendrait pas, car il n'a jamais
erré jdans les matières religieuses (1). Un Clément
1. Dieu donne l'Infaillibilité doctrinale au Pape, il ne
le rend point impeccable. C'est ce qu'eut soin de faire
remarquer Mgr Régnier dans l'Instruction pastorale qu'il
écrivit sur le concile Œcuménique du Vatican. Comme
tout autre homme, le Pape doit veiller à son propre salut
avec crainte et tremblement. « Il continue de confesser en
» se frappant la poitrine, avant de monter à l'autel, qu'il
» a beaucoup péché par pensées, par paroles et par ac-
» tions. » Il demande humblement à ceux de ses frères
qui l'entourent, de « prier pour lui le Seigneur notre Dieu » ;
et ceux-ci lui répondent : « Que le Seigneur tout-puissant ait
pitié de vous, et que, vous ayant pardonné vos péchés, il
vous conduise à la vie éternelle. »
LE SUPRÊME ATTENTAT i)67
XIV, au contraire, sera notre fait, des pieds à la
tête (1). Borgia a été anathématisé par tous les vices
de la philosophie et de l'incrédulité, et il doit cet
anathème à la viguear avec laquelle il défendit l'E-
glise. Ganganelli se livra pieds et poings liés aux
ministres des Bourbons qui lui faisaient peur, aux
incrédules qui célébraient sa tolérance, et Ganga-
nelli est devenu un très grand Pape (aux yeux des
philosophes). C'est à peu près dans ces conditions
qu'il nous en faudrait un, si c'est encore possible.
Avec cela nous marcherons plus sûrement à l'assaut
de l'Eglise, qu'avec les pamphlets de nos frères de
France et l'or même de l'Angleterre. Voulez-vous
en savoir la raison? C'est qu'avec cela, pour briser
le roc sur lequel Dieu a bâti son Eglise, nous n'avons
plds besoin de vinaigre Annibalien, plus besoin de
la poudre à canon, plus besoin même de nos bras.
Nous avons le petit doigt du successeur de Pierre
engagé dans le complot, et ce petit doigt vaut pour
cette croisade tous les Urbain II et tous les saint
Bernard de la chrétienté. »
Après avoir ainsi tracé le portrait de ce Pape
chimérique, et avoir dit ce que la secte pourrait
attendre de celui qui le réaliserait, les Instructions
ajoutent :
1. Clément XIV n'a pas plus erré qae ses prédécesseurs et
ses successeurs sur le siège de Saint-Pierre; mais il pro-
mulgua le célèbre Bref Dominus ac Bedempto?' qrii accor-
dait aux princes coalisés Vaholition de la Compagnie de
Jésus, en refusant toutefois de la condamner. « Ceux qui
accusent la faiblesse de Clément XIV, dit L. Veuillot, ne
se mettent pas à sa place, ne voient pas la situation comme
elle lui apparaissait. » « Pauvre Pape! s'écria saint Al-
phonse de Liguori en apprenant la douloureuse .nouvelle :
Pauvre Pape! que pouvait-il faire? » Et après un mo-
ment : « Volonté du Pape, volonté de Dieu! » Et il s'im-
posa un inviolable silence. Clément XIV mourut sans avoir
vu la tranqnillité s'établir dans l'Eglise, sans avoir pu
la conquérir pour lui-même.
368 l'agent de la civillsatiox moderne
« Nous ne doutons pas d'arriver à ce terme suprême
de nos efforts. Rien ne doit nous écarter du point
tracé; au contraire, tout doit y tendre. L'œuvre est
à peine ébauchée; mais dès aujourd'hui nous devons
y travailler avec la même ardeur que si le succès
devait le couronner demain. »
Les Instructions indiquent alors le grand moyen
à prendre pour que ces espérances deviennent une
réalité, le genre de travail auquel Ja Haute-Vente
doit s'appliquer pour que ses efforts soient un jour
couronnés de succès : « Or donc, pour nous assurer
un Pape dans les proportions exigées, il s'agit d'abord
de lui façonner, à ce Pape, une génération digne du
règne que nous rêvons. » Suivent des instructions
détaillées sur les moyens à employer pour corrompre
les mœurs et les idées de la jeunesse laïque et sur-
tout de la jeunesse cléricale. « Dans quelques an-
nées, ce jeune clergé aura, par la force des choses,
envahi toutes les fonctions; il gouvernera, il admi-
nistrera, il jugera, il formera le conseil du souverain,
il sera appelé à choisir le Pontife qui doit régner,
et ce Pontife, comme la plupart de ses contemporains,
sera nécessairement plus^ ou moins imbu des princi-
pes italiens et humanitaires que nous allons com-
mencer à mettre en circulation. »
«Dans la voie que nous traçons à nos frères,
concluent les Instructions, il se trouve de grands
obstacles à vaincre, des difficultés de plus d'une
sorte à surmonter. On en triomphera par l'expérience
et par la perspicacité; mais le but est si beau qu'il
importe de mettre toutes voiles au vent pour l'attein-
dre. Cherchez le Pape dont nous venons de faire le
portrait. Tendez vos filets au fond des sacristies,
des séminaires et des couvents. Le pêcheur de poissons
LE SUPRÊME ATTENTAT Î^^GD
devint pêcheur d'hommes; vous, vous amènerez des
amis (à nous) autour de la chaire apostolique. Vous
aurez prêché une révolution en tiare et en chape,
marchant avec la croix et la bannière, une révolu-
tion qui n'aura besoin que d'être un peu aiguillon-
née pour mettre le feu aux quatre coins du monde.
Que cliaque acte de votre vie tende donc à la décou-
verte de cette pierre philosophale. »
« Ce rêve des sociétés secrètes s'accomplira par
la plus simple des raisons : c'est qu'il est basé sur
les passions de l'homme. Préparons nos armes dans le
silence des Ventes, dressons toutes nos batteries,
flattons toutes les passions, les plus mauvaises comme
les plus généreuses, et tout nous porte à croire que
ce plan réussira un jour, au delà même de nos cal-
culs les plus improbables. »
Tandis que les Mazziniens travaillaient au ren-
versement des trônes, les Quarante ne s'occupaient
que de l'œuvre qui leur avait été assignée. Le 5
janvier 1846, le Petit-Tigre écrivait à Nubius : « Le
voyage que je viens d'accomplir en Europe a été aussi
heureux et aussi productif que nous pouvions l'es-
pérer. Dorénavant, il ne nous reste plus qu'à mettre
la main à l'œuvre pour arriver au dénouement de
la comédie. Si j'en crois les nouvelles qui me sont
communiquées ici, nous touchons à l'époque tant dé-
sirée. La chute des trônes ne fait plus de doute
pour moi qui viens d'étudier en France, en Suisse,
en Allemagne et jusqu'en Russie, le travail de nos
sociétés. Mais cette victoire n'est pas celle qui a
provoqué tous les sacrifices que nous avons faits.
Il en est un plus précieux, plus durable et que nous
envions depuis longtemps. Vos lettres et celles de
vos amis des Etats Romains nous permettent de
l'espérer; c'est le but auquel nous tendons, c'est
L'Église et le Temple. 24
870 l'agent de la civilisation moderne
le terme où nous voulons arriver. Pour tuer sûre-
ment le vieux monde (la civilisation chrétienne),
nous avons cru qu'il fallait étouffer le germe catholi-
que, et vous, avec l'audace du génie, vous vous
êtes offert pour frapper à la tête, avec la fronde
d'un nouveau David, le Goliath pontifical. C'est très
bien, maïs quand frapperez-vous ? J'ai hâte de voir
les sociétés secrètes aux prises avec les cardinaux
de l'Esprit-Saint. »
Petit-Tigre disait encore : « Ne conspirons que con-
tre Rome. Pour cela, servons-nous de tous les inci-
dents, mettons à profit toutes les éventualités. La
Révolution dans l'Eglise, c'est la Révolution eu per-
manence, c'est le renversement obli2[é des trônes
et des dynasties. »
La Révolution de 1830 éclata, elle n'eut point
tout le succès que la secte en attendait. Les Qua-
rante se remirent aussitôt à l'œuvre que le vent
des émeutes avait forcé de suspendre : c'est-à-diiie
à répandre dans le clergé « les doctrines de liberté »,
avec le désir de voir le Pape se mettre à la tête do
ceux qui les revendiquaient (1).
Tandis que les autres conjurés travaillaient ainsi
au loin, Nubius s'était réservé l'œuvre la plus déli-
cate et la plus difficile. Tout ce qui était entrepris
au dehors, devait demeurer stérile, si, lui, ne par-
venait à séduire les cardinaux : car les cardinaux
sont les électeurs du Pape et les candidats-nés au
trône pontifical.
Grâce à son nom, à sa fortune, à sa situation dans
le corps diplomatique accrédiié auprès du Saint-Siège,
Nubius était en relations avec tout le monde romain.
« Je passe, écrit-il au juif prussien Klauss, je passe
1. Paroles déjà rapportées au sujet de Gioberti.
LE SUPRÊME ATTENTAT 871
quelquefois une heure de la matinée avec le vieux
cardinal délia Somaglia, le secrétaire d'Etat; je monte
à cheval soit avec le duc de Laval, soit avec le
prince Cariati; je vais, après la messe, baiser la
main de la pi incesse Coria où je rencontre assez
souvent Bernetti (le cardinal qu'ils redoutaient Je
plus). De là je cours chez le cardinal Palotta; puis
je visite dans leurs cellules le procureur général
de l'Inquisition, le dominicain Jaulot, le .théatin Ven-
tura, ou le franciscain Orioli. Le soir, je commence
chez d'autres cette vie d'oisiveté si bien occupée
aux yeux du monde et de la cour; le lendemain,
je reprends cette c*haîne éternelle. »
Dans ces visites, dans ces conversations, il ne
perdait jamais de vue la mission qu'il avait reçue,
le but qu'il s'était proposé d'atteindre. Ceux de ses
complices qui se trouvaient à Rome faisaient de
même, dans la mesure où leur situation le leur
rendait possible. Qui aurait pu s'imaginer, dit Cré-
tineau-Joly, que ces patriciens, riches, considérés,
vivant dans l'intimité des cardinaux, et ne s'oc-
cupant dans leurs conversations qu'à améliorer les
mœurs et les lois par le progrès, pouvaient dans
l'ombre tramer un complot contre TEglise! Leur no-
toriété bien avérée les mettait à l'abri de tout soup-
çon. Ils se disaient libéraux, mais avec l'Eglise et
par l'Eglise et encdre plutôt par contenance que
par entraînement. »
Nubius nous donne lui-même un spécimen de sa
manière d'être auprès des princes de l'Eglise pour
mieux les trahir. Deux carbonari avaient été con-
damnés à mort pour complot suivi de meurtre. Ils
montent à l'échafaud sans s'être réconciliés avec Dieu.
Targhini, du haut de l'échafaud, s'écrie : « Peuple,
372 l'agent de la civilisation moderne
je meurs innocent, franc-maçon, carbonaro et im-
pénitent. » Montanari embrasse la tête du supplicié
et au lieu de se rendre aux exhortations des prêtres, il
leur dit : « Ceci, c'est une tête de pas^ot qui vient
d'être coupé. » Le peuple, entendant cela, se met à
genoux et maudit ce scandale sans exemple dans
la Ville Eternelle.
Là-dessus, Nubius écrit à Vindice : « Crier à tue-
tête, sur la place même du peuple à Rome, dans la
cité mère du catholicisme, en lace du bourreau qui
vous tient et du peuple qui vous regarde, que l'on
meurt en franc-maçon impénitent, c'est admirable,
d'autant plus admirable, que c'est la première fois
que pareille chose arrive... Nous avons donc des
martyrs. Afin de faire pièce à la police de Bernetti,
je fais déposer des fleurs et beaucoup de fleurs
sur le fossé où le bourreau a caché leurs restes.
Nous craignions de voir nos domestiques compro-
mis en faisant cette besogne; il se trouve ici des
Anglais et de jeunes miss romanesquement ajitipa-
pistes, ce sont eux que nous chargeons de ce pieux
pèlerinage. Ces fleurs jetées pendant la nuit aux
deux cadavres proscrits firent germer l'enthousiasme
de l'Europe révolutionnaire. Nous avons aussi de-
mandé à un de nos plus innocents affiliés de la
franc-maçonnerie, au poète français Casimir Dela-
vigne, une Messénienne sur Targhini et Montarini
Il a promis de pleurer un hommage pour les mar-
tyrs et de fulminer un anathème contre les bour-
reaux. Les bourreaux seront le Pape et les prê-
tres. »
Voilà ce qu'il faisait et ce dont il se vantait
auprès de ses amis; et voici ce que, dans le même
moment, il méditait de faire auprès des ecclésiasti-
ques : « J'irai dans la journée porter à Mgr Piatti
LE SUPRÊME ATTENTAT 873
mon compliment de condoléance. Ce pauvre homme
a manqué ses deux âmes de carbonari. 11 a mis
pour les confesser toute sa ténacité de prêtre, et il
a été vaincu. Je me dois à moi-même, à mon nom,
à ma position et surtout notre avenir, de déplorer
avec tous les cœurs catholiques, ce scandale inouï
à Rome. Je le déplorerai si éloquemment que j'es-
père attendrir le Piatti kii-même. »
Que des hommes droits se laissent parfois prendre
à de telles hypocrisies, quoi d'étonnant I Nulle part
autant de pièges et aussi subtils ne doivent être
tendus à la simplicité des cœurs honnêtes qu'à la
cour Pontificale, parce que nulle part Satan n'a au-
tant d'intérêt à surprendre la bonne foi, et nulle
part de telles surprises ne peuvent servir à de plus
mauvais desseins.
A l'hypocrisie ils joignaient la corruption vénale.
Nubius, après avoir donné au juif Klauss le détail
de ses journées, disait : « Vous m'avez souvent parlé
de nous venir en aide, lorsque le vide se ferait
dans la bourse commune. Cette heure-là est arrivée
in questa dominante. Pour travailler à la future con-
fection d'un Pape, nous n'avons pas un papalin, et
vous savez par expérience que l'argent est partout
le nçrf de la guerre. Je vous donne des nouvelles
qui vous iront à l'âme; en échange mettez à notre
disposition des thalers, beaucoup de thalers. C'est
la meilleure artillerie pour battre en brèche le siège
de Pierre. »
CHAPITRE XXVII
INANITÉ DES EFFORTS
CONTRE LA CHAIRE DE PIERRE.
Quelle fut l'issue de cette infernale conjuration?
Deux ans avant la mort de Grégoire XVI, le 2 no-
vembre 1844, Beppo, tout en s'applaudissant des suc-
cès qu'il avait remportés hors de Rome, faisait remar-
quer à Nubius que, pour faire le Pape voulu, le
principal élément continuait à leur échapper comme
au premier jour : « Nous autres, nous marchons au
galop, et chaque jour nous parvenons à enrôler dans
le complot de nouveaux néophytes : Fervet opus.
Mais le plus difficile est encore à faire ou plutôt
à commencer. Nous avons fait très facilement la con-
quête de certains religieux de tous les Ordres, de
prêtres d'à peu près toutes les conditions, et même
de certain Monsignori intrigants et ambitieux. Ce
n'est peut-être pas ce qu'il y a de meilleur ou de
plus respectable; mais n'importe. Pour le but cher-
ché, un Frate, aux yeux du peuple, est toujours
un religieux, un prélat sera toujours un prélat. Nous
avons fait un fiasco complet auprès des Jésuites. De-
puis que nous conspirons, il a été impossible de
mettre la main sur un fils d'Ignace. Nous n'avons
INANITE DES EFFORTS CONTRE ROME o75
pas de Jésuites avec nous, mais nous pouvons tou-
jours dire et faire dire qu'il y en a, et cela arri-
vera absolument au même. Il en est de même des
cardinaux. Ils ont tous échappé à nos embûches. Les
adulations les mieux combinées n'ont servi à rien,
de sorte qu'à l'heure actuelle, nous ùous trouvons
aussi avancés qu'au commencement. Pas un seul
membre du Sacré-Collège n'est tombé dans nos filets. »
En effet, dit Crétineau-Joly, dans cette période de
trente années, où la Haute-Vente agita tant de noms
propres et fit le siège de tant de vertus, il n© lui
fut jamais donné de pouvoir dire, même lorsqu'elle
régla ses comptes en secret, qu'elle pouvait placer
une espérance quelconque sur un membre du Sacré-
Collège. « La révolution a posé le pied partout, ex-
cepté dans un conclave. » Le complot, mené avec
tant d'astuce, put aboutir à la perversion de plu-
sieurs clercs, il ne put même effleurer l^ Siège
Romain.
Beppo continue :
« Le pape Grégoire XVI est sur le point de mou-
rir, et nous nous trouvons, comme en 1823, à la mort
de Pie VIL Que faire dans cette occurrence? Renon-
cer à notre projet n'est plus possible. Continuer l'ap-
plication d'un système sans pouvoir espérer une chan-
ce, même incertaine, me produit l'effet do jouer à
l'impossible. Le pape futur, quel qu'il soit,- ne vien-
dra jamais à nous; pouvons-nous aller à lui? Ne
sera-t-il pas comme ses prédécesseurs et ses suc-
cesseurs, et ne f era-t-il pas comme eux ? Dans ce cas-là,
demeurerons-nous sur la brèche, et attendrons-nous
un miracle? Nous n'avons plus d'espoir que dans
l'impossible. Grégoire mort, nous nous verrons ajour-
nés indéfiniment. »
376 l'agent de la civilisation moderne
Ces paroles de découragement n'étaient que trop
justifiées, d'une part, par l'histoire, de l'autre, par
les promesses que Notre-Seigneur Jésus-Christ a fai es
à son Eglise. Mais les hommes possédés d'une pas-
sion si satanique ne pouvaient prendre garde aux
leçons de l'histoire, encore moins prêter l'oreille aux
paroles du divin Sauveur.
N'ayant pu s'assurer d'aucun des électeurs-candi-
dats, ils ne désespèrent point de pouvoir agir sur
l'esprit de l'élu, ou du moins se servir de lui. Déjà,
après la mort de Léon XII, au conclave qui élut
Pie VIII, Chateaubriand, ambassadeur de France, avait
exprimé, au nom de son gouvernement, le désir de
voir le choix des cardinaux se porter sur un homme
qui saurait concilier la iiolitique pontificale avec les
idées nouvelles. Le cardinal Castiglione répondit : « Le
conclave espère que Dieu accordera à son Eglise un
Pontife saint et éclairé, qui réglera sa conduite selon
la politique de l'Evangile qui est la seule école
d'un bon gouvernement. » Et ce fut lui qui fut élu.
Assurément, nous ne voulons point dire que Cha-
teaubriand fût émissaire de la lïaute-Vente près de
ce conclave; mais nous avons ici une nouvelle preuve
de la mystérieuse influence que les sociétés secrètes
excercent sur les Puissances pour les faire concou-
rir plus ou moins- directement à l'exécution de leurs
desseins.
A la mort de Grégoire XVI, la révolution ne put,
pas plus qu'auparavant, s'insinuer dans le conclave.
Pie IX, le grand et saint Pontife Pie IX, fut élu.
Il faut dire cependant que les sociétés secrètes avaient
placé sur la tête du cardinal Mastaï certaines vagues
espérances de conciliation avec « les idées nouvel-
les. » « Crétineau, dit M. l'abbé Ménard, m'a fait
INANITÉ DES EFFORTS CONTRE ROME 377
lire son nom dans plus d'un papier de la secte. » Elle
connaissait son grand cœur, elle espérait le séduire,
l'entraîner par l'appât d'idées à l'aspect généreux.
Elle l'essaya et l'on a souvenir des ovations sin^ga-
lières et inouïes dont elle enveloppa les commen-
cements de son règne. L'heure de son avènoment
au trône pontifical était critique. Tout le monde
convenait qtie le régime si ferme de Grégoire XVI
ne pouvait pas être continué; même les cardinaux
Lambruschini et Bernetli étaient d'avis qu'il fallait
essayer de quelques concessions. Pie IX entra dans
la voie qui lui était montrée, sans cependant céder
jamais aucun des droits essentiels de l'Eglise. L'on
sait ce qu'il en advint, et l'on sait aussi comment,
instruit par sa propre expérience et éclairé de la
lumière divine, 'Pie IX pulvérisa le libéralisme, c'est-
à-dire le Maçonnisme avec le marteau du Sylhbus (1).
Non encore convaincue de l'inutilité de ses efforts
et de la vanité de ses espérances, la secte crut, à la
mort de Pie IX, que son heure allait enfin arriver.
Elle le dit hautement par la plume de Gambetta.
Léon XIII fut élu le 20 février 1878. Le lendemain,
Gambetta écrivit à Un de ses amis, Spuller :
L Nous lisons dans La Vie de l'Ahhé Bernard par M. le
Marquis de Ségur, qu'au mois de mars 1849, Pie IX, étant
en exil à Gaëte, reçut en audience le cardinal Giraud. Le
Saint-Père était profondément affecté de tout ce qui se
passait à Rome, et le cœur débordant de tristesse, il dit à
l'archevêque : « J'ai fait des concessions! On ne cesse
d'en abuser pour tout bouleverser. Je ne puis moi, leur
auteur, les retirer. Mais mon successeur le pourrait et le
ferait. Je songe à déposer la tiare : mon parti en est
pris. »
Mgr Gira,ud s'efforça de le détourner de cette résolution.
Pie IX fit mieux, nous venons de le voir, que de la mettre
à exécution.
378 l'agent de la civilisation moderne
« Paris, 21 février 1878.
» Aujourd'hui sera un grand jour. La paix venue
de Berlin est peut-être la conciliation faite avec le
Vatican. On a nommé le nouveau pape. C*est cet élé-
gant et raffiné cardinal Pecci, évêque de Pérouse,
à qui Pie IX avait essayé d'enlever la tiare, en le
nommant camerlingue. Cet Italien, encore plus di-
plomate que prêtre, est passé au travers de toutes
les intrigues des Jésuites et des clergés exotiques.
Il est pape, et le nom de Léon XIII qu'il a pris me
semble du meilleur augure.
» Je salue cet événement plein de promesses. Il
ne rompra pas ouvertement avec les tradiAons et les
déclarations de son prédécesseur, mais sa conduite,
ses actes, ses relations vaudront mieux que les dis-
cours, et s^il ne meurt pas trop tôt, nous pourrons
espérer un mariage de raison avec l'Eglise.
» Léon Gambetta. x
Le lendemain, il écrivit cette autre lettre :
« Paris, 22 février 1878.
» Je sais un gré infini à ce nouveau Pape du nom
qu'il a osé prendre; c'est un opportuniste sacré. Pour-
rons-nous traiter? CM lo sa? comme disent les Ita-
liens.
» Léon Gambetta. » (1)
1. Ces lettres furent immédiatement livrées à la publi-
cité. Le Figaro les réédita dans son numéro du 23 août
1894, affirmant qu'il en avait vu le texte original.
En janvier 1897, commentant le discours que M. Wal-
deck-Rousseau venait de prononcer dans son pèlerinage aux
Jardies, le même journal les rappela encore.
Enfin, à la mort de Léon XIII, elles furent mises de nou-
veau sous les yeux du public par un grand nombre de
journaux de Paris et de la Province, même par des pu-
INANITÉ DES EFFORTS CONTRE ROME 379
La réponse fut qu'à quatre reprises différentes,
Léon XIII confirma le Syllahus de Pie IX.
Dans une lettre adressée, le 28 août 1879, aux tra-
ducteurs des Œuvres de saint AlpJwnse, il loue le
saint Docteur d'avoir réfuté d'avance la plupart des
propositions qui devaient être condamnées dans le
Syllabus.
Dans une lettre à Tévêque de Périgueux datée du
27 juin 1884, il dit que le Syllahus est la règle où
les fidèles doivent prendre les principes de direc-
tion de leurs pensées et de leurs œuvres dans les
difficultés présentes.
Dans rEncyclique Immortale Dei, il dit que Pie IX^
parmi les opinions fausses qui commençaient à pren-
dre vigueur, en nota plusieurs et les réunit sous
un même titre, afin que, dans la confusion si granae
des erreurs du jour, les catholiques eussent un guide,
sûr. Il signale en particulier les Propositions XIX,
XXXIX, LV et LXXIX.
Dans l'Encyclique Inscrutabili, il confirtna et réitéra
toutes les condamnations de ses prédécesseurs, et
en particulier celles portées par Pie IX (1).
blications catholiques telles que la Chronique de la Bonne
Presse annexe de la Croix.
Le vœu de la secte fut exaucé en ce sens que- Léon XIII
« ne mourut pas trop tôt ». Dieu lui donna vingt-cinq ans
do règne. Mais le modernisme en est encore à attendre un
mariage de raison avec l'Eglise.
1. D'ailleurs, il est bon de connaître le fait relevé par
M. l'abbé Hourrat dans son étude sur le Syllahus. L'idée
première de la publication d'un document semblable re-
viendrait à Léon XIII lui-même, alors qu'il était arche-
vêque de Pérouse. En 1849, le concile provincial de Spo-
lète avait mis à son ordre du jour la recherche des moyens
les plus propres à combattre les erreurs nées de la Décla-
ration des droits de l'homme. Le cardinal Pecci proposa
au concile la délibération suivante :
« Demandons à Notre Saint-Père le Pape de nous don-
» ner une constitution qui, énumérant les erreurs concernant
380 l'agent de la civilisation moderne
Léon XIII put dire un jour de lui-même avec
vérité : Notre combat a non se'iileynent pour objet
la défense et V intégrité de la religion^ mais celle de la société
» ce triple sujet (le Concile s'était occupé particulièrement
» des erreurs touchant l'Eglise, l'autorité et la propriété),
» chacune sous son nom propre et sous une forme telle
» qu'on puisse ainsi dire les embrasser d'un seul coup
» d'œil, leur applique la censure théologique voulue et les
>v condamne dans la forme ordinaire. En effet, et bien que
» ces mêmes erreurs modernes aient été déjà séparément
» condamnées par l'Eglise, le Saint Concile est néanmoins
» persuadé qu'il y aurait un grand profit pour le salut
» des fidèles si on les présentait ainsi groupées en tableaux
» et sous les formes qu'elles ont revêtues de nos jours, en
» leur infligeant la note spécifique. »
Le texte complet des délibérations du Concile de Spolète
est reproduit dans les Œuvres 'pastorales de 8. Em. le Gard.
J. Fecci, ' archevêque de Pérouse, aujourd'hui Léon XIII
glorieusement régnant, par Lury. Tome II, pp. 146 et sui-
vantes (Société St-Augustin, Lille-Bruges).
Cette proposition du cardinal Pecci est de 1849. La ques-
tion fut mise à l'étude, et en 1852 une première commis-
sion fut chargée de recueillir et de noter « les erreurs
les plus généralement répandues par rapport au dogme et à
ses points de contact avec les sciences morales, politiques et
sociales. »
Lors de la publication de l'Encyclique Rumanum genus,
nous rapprochâmes, dans la Semaine religieuse du diocèse
de Cambrai, les erreurs signalées dars cette encyclique de
Léon XIII, des propositions condamnées par le Syllabus de
Pie IX (année 1884, p. 481). Le Temps fit la même remar-
que : « Cet écrit, dit-il, témoigne de l'opposition dans laquelle
persiste la Papauté à l'égard de tous les principes fonda-
mentaux de notre droit moderne, tel que l'a créé la Révo-
lution de 89. Comme son prédécesseur Pie IX, Léon XIII
n'admet pas l'égalité des droits politiques; il condamne le
principe de la souveraineté du peuple; il affirme la néces-
sité d'une religion d'Etat; il s'élève contre cette formule :
« La loi est athée »; il ne reconnaît pas le mariage civil
et il proteste avec énergie contre la neutralité religieuse de
l'école. Ce sont là, sous une forme adoucie, les doctrines
mêmes du Syllabus. »
INANITÉ DES EFFORTS CONTRE ROME 381
civile eUe-7nême, et la restauration des principes qui sont le
fondement de la jiaix et de la véritable prospérité (1).
La secte paraît bien n'avoir pas désespéré de voir
ses espérances réalisées au dernier conclave. V Acacia,
dans son numéro de septembre 1903, publia un arti-
cle du F. • . Hiram, intitulé « La mort de Léon XIII ».
Il appelait de ses vœux un Pape qui « desserrerait
les liens du dogmatisme tendus à l'excès, qui ne
prêterait pas l'oreille aux théologiens fanatiques et
dénonciateurs d'hérésies, qui laisserait les exégètes
travailler à leur guise, qui recommanderait et prati-
cjuerait la tolérance à l'égard des autres religions,
qui ne renouvellerait pas l'excommunication de la
franc-maçonnerie. » Cette fois encore, la franc-ma-
çonnerie a dû décompter. Jamais Toeuvre du Saint-
Esprit n'a été plus évidente que dans l'élection de
Pie X (2).
1. Allocution aux cardinaux, 27 juin 1878.
2. On a dit que sans l'intervention du cardinal Pusyna,
parlant au nom de l'empereur d'Autriche, le cardinal Rani-
polla eût été élu. La vérité est que cette déclaration eut
pour effet d'accroître d'une unité les voix données à l'an-
cien secrétaire d'Etat. Il avait eu 29 voix le 2 août au ma-
tin, il en eut 30 le 2 août au soir. Une fois cette protesta-
tion faite, les voix des cardinaux se rallièrent sur le car-
dmal Sarto qui n'avait eu que 5 voix au premier scrutin,
qui en avait eu 21, à son grand déplaisir, le 2 août au
matin, et qui en eut 50 le 4 août.
CHAPITRE XXVIII
CORRUPTION DES MŒURS.
Pour atteindre le but de Voltaire, la secte sait
bien qu'il ne suffit point de renverser le pouvoir
temporel des Papes, ni même de tenter le possible
et l'impossible pour obtenir un Pape à sa dévotion,
il faut atteindre les âmes. C'est en elles que l'idée
chrétienne doit être étouffée, qu'elle doit mourir.
Continuant d'être et de vivre dans les âmes, un
jour ou l'autre, nécessairement, elle refera les ins-
titutions à son image. Or, les âmes ne peuvent être
vraiment frappées de mort que par la corruption,
la corruption des mœurs, et surtout la corruption
des idées. C'est pourquoi le chef occulte de la Haute-
Vente lui avait donné pour mission expresse d'alté-
rer les idées et de dépraver les mœurs; et cela
principalement à cette double source de Ix vie chré-
tienne : la jeunesse laïque et la jeunesse ecclésias-
tique. Elle s'y employa tout le temps de son exis-
tence. Nul doute qu'après elle d'autres furent char-
gés de continuer son œuvre. Nous la voyons, hélas!
.trop florissante pour en douter.
Deux mois après son arrivée à Rome, le 3 avril
1824, Nubius écrit à Volpe : « On a chargé mes épau-
CORRUPTION DES MŒURS 880
les d'un lourd fardeau, cher Volpe. Nous devons
faire l'éducation immorale de l'Eglise. »
Quatorze ans plus tard, le 9 août 1838, dans une
lettre écrite de Castellamaie à Nubius, Vindice, par:
lant des coups de poignard prodigués par les Car-
bonari, en montre l'inutilité et rappelle que leur
mission à eux est tout autre; ce ne sont point des
individus, c'est le vieux monde, c'est la civilisation
chrétienne qu'ils doivent tuer : « N'individualisons
pas le crime; afin de le grandir jusqu'aux propor-
tions de la haine contre l'Eglise, nous devons h géné-
raliser. Le monde n'a pas le temps de prêter l'oreille
aux cris de la victime, il passe et il oublie. C'est
nous, mon Nubius, nous seuls qui pouvons suspen-
dre sa marche. Le catholicisme n'a pas plus peur
d'un stylet bien acéré que la monarchie; mais ces
deux hases de Vordre social peuvent crouler sous
la corruption; ne nous lassons donc jamais de cor-
rompre. Tertullien disait avec raison que le san^ç
des martyrs enfantait des chrétiens. Il est décidé
dans nos conseils que nous ne voulons plus de
chrétiens, ne faisons donc pas des martyrs, mais
popularisons h vice dans les multitudes. Quelles h
respirent par les cinq sens, qu'elles U boivent, qu'elles
s'en saturent. Faites des cœUrs vicieux, et vous n'aurez
plus de catholiques. »
Le conseil a été entendu. Dès les premiers jours
de la Restauration, la secte, pour regagner le terrain
qu'elle avait perdu, s'attaclia à dépraver, à corrom-
pre en grand. Sous l'Empire, Voltaire et Rousseau
n'avaient trouvé ni acheteurs, ni lecteurs, pour la
bonne raison que la réimpression de leurs œuvres
était interdite comme un attentat aux bonnes mœurs
ou à la raison politique. La secte fit insérer dans
884 l'agent de la civilisation moderne
la charte la liberté de la presse, et aussitôt elle se
mit à l'œuvre. Elle réorganisa le colportage, qu'elle
avait fait si utilement fonctionner à la fin du XVIII*^
siècle, elle multiplia les éditions de Voltaire et les
fractionna pour les mettre à la portée de tous. Depuis,
elle n'a cessé d'inventer de nouveaux mojens de
populariser le vice sous toutes ses formes; mais
jamais elle ne l'a fait avec autant d'audace, avec
une volonté si manifeste qu'en ces dernières années.
C'est bien maintenant que les populations le res-
pirent par les cinq sens, qu'elles le boivent, qu'elles
s'en saturent. Toutes les influences directrices de
l'esprit public, l'école et la caserne, les chaires pu-
bliques, et le parlement, la presse et les administra-
tions communales, préfectorales et gouvernementa-
les concourent fraternellement à pousser toujours plus
loin la dépravation publique (1). « Regardez bien
1. Et la famille, est-elle sans reproche? Pour ne signa-
ler qu'un seul point indiqué un jour par La Libre Parole,
comment ne pas s'étonner de l'incroyable liberté laissée
aux jeunes gens sur les plages. « Accompagné d'un étranger,
je me trouvais l'un de ces jours derniers sur Une plage nor-
mande. Devant nous un essaim joyeux de jeunes gens
et de jeunes filles faisaient retentir le casino de leurs éclats
de rire continuels. Je fis part à mon compagnon des ré-
flexions que me suggérait ce spectacle. « Il faut avouer, me
dit alors l'étranger, que vous avez en France une manière
d'élever vos filles, à tous les points de vue déplorable.
La jeune fille française jouit pendant trois longs mois
d'une liberté à peu près complète. Aa milieu des jeunes
gens, ses compagnons de tous les instants, elle nage,
monte à cheval, joue au tamis, fait de la bicyclette et se
repose le soir de toutes les fatigues de la journée en dan-
sant comme une enragée. Pendant ce temps, les mamans
sur la plage font de la tapisserie. L'été touche à sa fin.
Alors, attention! Au premier signal, vos jeunes filles doivent
rentrer dans le rang; elles doivent s'abstenir de faire
deux pas dehors autrement qu'accompagnées de la femme
de chambre... Félicitez-vous de compter encore des anges
avec un régime admirablement fait pour engendrer des
démons »
CORRUPTION DES MŒURS 385
la République et le spectacle qu'elle donne, disait
récemment M. Maurice Talmeyr. Elle a surtout subi
une domination, la domination maçonnique. Où cette
domination l'a-t-elle menée? A une transformation
politique et sociale? Non. Nous aurait-elle au moins
donné la liberté? Pas davantage. Mais quelle est
alors l'œuvre de la république maçonnique? Une
œuvre de dépravation pure. Pornographie du livre (1),
du théâtre (2), des salons, du journal. » Tout ce
monde et toutes ces choses et bien d'autres encore
conspirent à qui poussera plus loin la corruption
universelle. L'Etat voit, et, loin de réprimer, il favo-
rise. Que de preuves pourraient en être, données!
Le 26 novembre 1901, il inaugurait à Montmartre
1. Un romancier a donné pour post-scriptum à sa der-
nière œuvre ces paroles : « Quelle humiliation est la mien-
ne ! Devant moi, ma sœur dégradée par mon livre ! Faire
du vice et appeler cela psychologie, naturalisme, humanis-
me, voilà toute la carrière littéraire française! Que peut
faire et devenir un peuple dont l'ordure hystérique est Ja
seule nourriture intellectuelle. Une littérature comme la
nôtre est le plus grand élément do corruption et de dé-
chéance sociale qui soit. »
2. Le romancier ou autre écrivain corrupteur s'adresse
à vous seul à seul, tête à tête. Le dramaturge met son
infamie en paroles qui volent de bouches en bouches et
des bouches aux oreilles du public. Et s'il n'y avait là
que ce qui se dit! Par les yeux aussi bien fpie par les
oreilles, l'esprit s'enivre de choses de plus en plus ina-
vouables. Les théâtres les plus en faveur auprès du public
sont aujourd'hui ceux où s'exhibent des femmes nues,
ceux où la grossièreté et l'impudicité du spectacle sup-
pléent à l'insuffisance du talent. Dans ces conditions, n'est-
il pas triste de constater que les théâtres de la capitale
ont encaissé, dans ces dernières années, de 45 à 50 millions
de francs! Au théâtre est venu s'ajouter le cinématographe
et le cinématographe roulant qui se transfert de ville en
ville et de villago en village. A Paris, le cinématographe
a cinq millions de clients. La compagnie générale des
phonographes et cinématographes rapporte cinq millions
de bénéfices nets.
. L'Église et le Temple. 25
386 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
la statue du juif Henri Heine, qui exerça une si
funeste fascination sur la société du second Empire
et qui disait : « Il faUt, au lieu de continence et
de rigorisme, revenir à la joyeuse licence, instituer
des saturnales, pratiquer, par l'hymen libre, l'amé-
lioration esthétique de l'animal raisonnable. » En jan-
vier 1902, M. Leygues, ministre de l'Instruction pu-
blique, imposait aux jeunes filles pour préparation
au brevet supérieur la lecture de « l'Essai sur les
mœurs » de Voltaire. Un mois auparavant, un procès
était intenté à un dessinateur qui avait poussé la
licence à ses dernières limites. Un des témoins put
dire : « Au lycée, fai été élevé dans V amour du
paganisme. A l'école des Beaux-Arts, on m'a enseigné
le culte du nu. L'Etat seul est donc responsable
de m,on inclination aphrodisiaque. » Que d'autres té-
moignages pourraient être ajoutés à ceux-là!
L'éducation qu'il fait donner aux enfants du peuple
est aussi corruptrice que celle qu'il donne aux artistes.
Des livres d'une obscénité révoltante sont déposés
dans les bibliothèques scolaires, donnés en prix. Les
gravures obscènes se voient partout, mais particu-
lièrement à la porte des lycées et des écoles. On
cherche à atteindre par surprise les jeunes person-
nes pieuses aux lieux mêmes où elles vont faire
leurs dévotions (1). On a inséré .dans des croix et
1. De temps à autre, le préfet de police adresse aux
commissaires de police de Paris une circulaire leur enjoi-
gnant de dresser procès-verbal contre ceux qui exposent
des images contraires aux bonnes mœurs. On peut dire :
pure hypocrisie ; car, le lendemain d'une saisie, on constate
la présence des mêmes dessins aux mêmes vitrines; et cha-
que jour le dessin se fait plus obscène et l'étalage plus
cynique.
Un Congrès international pour combattre l'immoralité a
été tenu à Cologne le 26 octobre 1904. Outre l'Allemagne
CORRUPTION DES MŒURS 387
autres objets de piété des vues pholographiques d'une
inconvenance révoltante. Ces objets sont vendus à
la porte des églises, où se rendent de nombreux
pèlerinages, prr des marchands qui montrent comme
spécimen d'autres objets semblables contenant des
vues de monuments religieux. C'est Le Figaro qui
a signalé le fait en janvier 1892. Il ajoutait que
des collégiens, des jeunes filles, recevaient, aux abords
d'un bureau de tramways, de petites brochures inti-
tulées : Four Dieu! — Four la Fafris f qu*on accep-
tait sans défiance et qui contenaient un tissu d'inex-
primables saletés. Il n'y a dans une pareille propa-
gande aucune spéculation mercantile, aucun profit
matériel. C'est l'empoisonnement calculé comme l'ont
voulu les Quarante. Les cabarets et les mauvais
lieux sont multipliés à plaisir; et l'on déploie en
ce moment une activité et une ingéniosité incroyables
pour amener les femmes, et les plus comme il faut,
à se faire dorénavant habiller de la façon la plus
indiscrète. Toutes les occasions sont saisies pour
et l'Autriche étaient représentés l'Angleterre, la Belgique,
les Etats-Unis, le Danemark, la Suisse et la France.
Le pasteur Weber, président, a ouvert ce congrès par un
discours sur les effrayants progrès que fait l'empoisonne-
ment de la société par la littérature immonde. On a alors
entendu les rapports des délégués des différentes nations
sur la situation et sur les lois de leurs pays à ce point de
vue. C'est M. Déranger, sénateur, qui a présenté le rap-
port sur la situation en France. Il n'existe aucun pays dans
lequel la littérature immorale soit aussi répandue. Une
pétition couverte de 210.000 signatures, et demandant une
loi contre ce fléau, a été envoyée au président du Con-
seil. A quand cette loi? Les délégués des autres nations
firent presque tous cette remarque, que le flot impur qui
se répand sur elles vient principalement de la France.
Est-ce bien certain? Ne serait-il point plus vrai de dire
que c'est sur la France que la franc-maçonnerie, qui a son
foyer chez les peuples protestants, a porté son plus puis-
sant effort?
388 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
répandre par la presse, dans toutes les classes de
la société, la connaissance et la convoitise des pires
débauches. Pour ne parler que des dernières, « l'af-
faire Syveton », et « l'affaire Steinheil », les con-
fidences les plus éhontées ont été publiées. Au long
de colonnes entières, on a pu lire des turpitudes
qui n'auraient pas été tolérées, il y a quelques an-
nées, dans le feuilleton le plus licencieux. Que de
personnes qui n'auraient pas voulu lire ce feuilleton,
lisaient ces nouvelles! Pendant des semaines, jeunes,
ouvriers, collégiens, jeunes filles, toute l'adolescence
et la jeunesse de France ont pu vautrer leurs mau-
vais instincts dans cette littérature nauséabonde. Qui
est là pour saisir l'occasion et en profiter pour adres-
ser aux journaux qui veulent en régaler leur clientèle
tout ce qui peut surexciter la curiosité malsaine
et propager le vice?
On peut dire que les pouvoirs publics actuels
ne se contentent pas de tolérer l'immoralité sous
toutes ses formes, ils l'instituent. Depuis longtemps
déjà, au conseil municipal de Paris, une propagande
incessante est faite en faveur de tout ce qui est
vice et purulence morale. Elle a abouti en 1904
à une véritable révolution dans la police des mœurs,
qu'on, pourra appeler la police destructive des mœurs.
Tout un nouveau système de réglementation, a été
basé sur un rapport présenté au conseil municipal
par un conseiller franc-maçon, le F. • . Turot. Ce rap-
port rappelle tout ce qui peut s'exhumer de chez
les païens et de chez les barbares non seulement
pour excuser la débauche, mais pour la glorifier; il
la met en regard des rigueurs du christianisme pen-
sant le flétrir. L'organisation pratique devait suivre
cette théorie. Elle a suivi. La prostitution est de-
CORRUPTION DES MŒURS 380
venue libre, légitime, officielle, elle a été organisée
et protégée. Des maisons de rendez-vous oii toutes
les facilités, toutes les occasions de corruption sont
offertes aux mères de famille ont été ouvertes à la
suite de cet encouragement officiel. Leur nombre
a bientôt dépassé cent cinquante. Kt le rapporteur vint
dire au conseil municipal : « Nous avons visité beau-
coup de ces maisons. Nous y avons rencontré des
femmes appartenant à toutes les situations sociales :
femmes de niédecins, femmes d'avocats, femmes d'ar-
tistes... » Ces maisons sont placées sur le même
pied, au regard de la bienveillance et de la protection
des autorités, que les entreprises commerciales, indus-
trielles ou intellectuelles les plus véritablement res-
pectables. »
Le Parlement rivalise de zèle avec le conseil mu-
nicipal. Il a fait la loi du divorce. D'année en année,
il l'élargit. Il prête l'oreille à ceux qui lui deman-
dent l'abolition du mariage civil et l'union libre.
Elle est envisagée comme le dernier bienfait qui
doit découler du principe posé à la Renaissance :
le droit au bonheur individuel, cherché par la cpn-
science individuelle. « L'union libre, a dit M. Briand^
et pourquoi pas? » En attendant qu'elle soit légiti-
mée et légalisée, l'administration militaire a étendu
aux « compagnes » des jeunes soldats les secours qui
étaient accordés aux femmes légitimes.
Après le conseil municipal; après les Chambres,
voici l'Université.-
Les autorités académiques sont-elles bien rassu-
rées sur les conséquences que pourra avoir pour
la moralité publique un enseignement qui vient d'être
inauguré? N'ont-elles point, elles aussi, obéi à des
suggestions maçonniques ?
En 1901, M. le sénateur Bérenger et M. le professeur
Foarnier constituèrent la Société de prévoyance ou de
prophylaxie sanitaire et morale.
M. Fournier a exposé ainsi le but de ces sociétés :
S'adresser à la jeunesse, et en particulier aux jeunes
gens dans les lycées et collèges de garçons et de
filles, dans les patronages et réunions de jeunes
ouvriers et ouvrières, pour leur apprendre à con-
naître les dangereuses maladies qui sont la consé-
quence de la débauche. Il est des sociétaires qui,
comme M. Pinard, veulent que cet enseignement soit
donné dès l'école primaire.
La société a, comme moyens d'action, des distri-
buteurs de brochures, des affiches exposées à la vue
de tous, des conférences publiques avec projecteurs
oxydriques et électriques et figures de cine.
Dans les lycées et collèges de garçons et de
filles, il y aurait des cours spéciaux, auxquels les
jeunes gens ne seraient admis qu'avec le consente-
ment des parents. Mais, qui empêcherait les exclus
d'être instruits par leurs camarades ou leurs com-
pagnes ?
Le Bulletin de la Société dans le compte rend'i
de la réunion du il janvier 1904 (page 4), a fait con-
naître qu'à la réunion plénière du conseil supérieur
de l'Université, M. le recetur Liard, questionné par
le doyen de la Faculté de médecine, a répondu :
« Non seulement on doit mais il faut donner cette
éducation aux jeunes gens; et je prends l'engage-
ment de faire tous mes efforts pour que tous les
élèves de l'Etat reçoivent cet enseignement sous ré-
serve de l'approbation des parents. » Tous les élè-
ves de l'Etat, ce sera bientôt tous les jeunes gens
de France, puisque le monopole de l'enseignement
ne doit pas tarder à devenir absolu. « Ainsi, ajoute
le professeur Pinard, nous avons pil faire accepter
CORRUPTION DES MŒURS 391
par l'Université le principe des conférences collecti-
ves. » (Ibid., p. 35). Ceci en réponse à ceux qui
disaient .qu'un tel enseignement ne pouvait être donné
qu'en particulier.
M. l'abbé Fonssagiives, admis à se faire entendre
à l'une des réunions de la société à la suite de la
publication de son livre L'Education de la pureté,
fit cette observation : « Ou bien votre enseign<en:\ent
sera incomplet, il aura pour but unique d'effrayer,
et il pourra produire de fâcheux effets sur certaines
imaginations. Ou bien il sera complet, il compren-
dra les moyens préservatifs et il pourra justement
être taxé d'immoralité. »
L'enseignement complet ne préserve nullement. Dans
sa leçon d'ouverture de cours prononcée le 31 jan-
vier 1902, M. le professeur Landouzy a pu faire cette
observation : « Est-ce que les élèves en médecine
en contact dès l'abord avec les maladies vénériennes,
n'ignorant rien des risques qu'ils courent, sont moins
meurtris que leurs camarades du droit et des lettres ? »
Cet enseignement est donc : 1° mutile; 2° sou-
verainement immoral. Que penser de ceux qui veu-
lent l'imposer à toute la jeunesse de Franco? Que
penser du succès obtenu dans l'œuvre de démorali-
sation entreprise par la Franc-Maçonnerie pour que
des hommes bien intentionnés — car il y en a dans
cette société — croient que l'on en soit arrivé à ce
point qu'il soit devenu nécessaire de généraliser vm
tel enseignement!
Enfin cet enseignement ne répond-il pas au vœu
de Vindex, à son affirmation : « C'est la corruption
en grand que nous avons entreprise. »
A cet enseignement donné dans les lycées, tes
écoles et les patronages laïques, s'en joint un autre
en pleine rue, que les pouvoirs publics n'ignorent
392 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
point, mais auquel ils n'apportent aucune entrave,
bien que de temps à autre ils versent un pleur sur
la diminution de la natalité en France.
Dans la séance dti 13 novembre 1908, on discutait
à la Chambre des députés le budget du ministre
de l'intérieur. M. Gauthier de Clagny demanda la
parole :
« Je voudrais, dit-il, signaler l'œuvre détestable
poursuivie dans les grands centres ouvriers par la
Ligue de la génération consciente, dont fait partie
M. Robin, ancien directeur de Cempuis, subventionnée
hier encore par le Conseil général de la Seine.
» Cette ligue, par des brochures (jue j'ai entre
les mains, par des conférences, prêche dans les mé-
nages ouvriers, le droit à l'amour libre et indique
les moyens de ne pas avoir d'enfants. Les bro-
chures contiennent des descriptions infâmes, des ima-
ges obscènes, des conseils abominables aux femmes
et aux jeunes filles. C'est une œuvre d'empoisonne-
ment social.
» Je ne sais pas si le Parquet est désarmé con-
tre cette propagande désastreuse, si les pouvoirs pu-
blics peuvent l'empêcher, mais je dis qu'il est im-
possible que le gouvernement de la République, sou-
cieux de la grandeur du pays et de son avenir, se
désintéresse de cette situation. »
M. Gauthier de Clagny tendit à M. Clemenceau qui
faisait semblant de tomber des nues, un dossier.
— Je l'étudierai, dit celui-ci. Et ce fut tout (1).
1. En 1902, une commission extraparlementaire fut ins-
tituée pour étudier les causes et les remèdes du mal de la
dépopulation signalé par les statistiques. M. de Foville,
qui en fit partie, en raconte l'histoire. Au bout d'un an, on
cessa de la convoquer. « C'est l'argent qui manque »,
disait-on, et fièrement l'administration refusait celui que
lui offrait le docteur Javal. L'une des brochures, dont
CORRUPTION DES MŒURS o93
Quatre ans auparavant, avait en lieu à Paris une
Exposition internationale d'hygiène et le jury décer-
nait une médaille d'or à un produit dont le pros-
pectus s'intitulait : « Le bonheur pour tous ». Voici
les noms et qualités éminentes des membres du
comité sous le patronage duquel cette poudre obte-
nait cette solennelle récompense : Président : Gçr-
ville-Réache, député; vice-président : Chauvet, séna-
teur; Dubois, député; le président du conseil général
de la Seine; le président du conseil municipal de
Paris; Mesureur, directeur de l'Assistance publique;
Messimy, député; Rivet, sénateur... Et d'autres...
Le 4 décembre 1904, M. Piot, sénateur de la Côle-
d'Or, adressa au Président du Conseil une lettre
où il appelait son attention sur ce fait : Aux portes
de Paris, des municipalités prêtent les salles des
mairies aux réunions qui préconisent les théories
malthusiennes.
M. Paul Robin, l'homme de Cempuis, paraît bieo
être un personnage officiel. Il jouit d'une copieuse
pension. Il . a fondé un journal et un comité, que
nos gouvernants ne peuvent ignorer, pour propager
dans les familles les immondes doctrines auxquels
l'indignation publique ne lui a plus permis d'ini-
vient de parler M. Gauthier de Clagny, rédigée par un an-
cien instituteur officiel, se plaint de ne point trouver le
même accueil à la campagne qu'en ville et cela parce que
la population y est plus religieuse; les citadines, dit-il,
n'ont pas comme les paysannes « la crainte du péché ».
« L'expérience lui a appris, dit-il encore, que le chant est un
moyen de propagande autrement fécond que les mémoires
et les bouquins. Il cite le titre d'une chanson parue dans
la Bibliothèque ouvrière socialiste. A son avis, il fau-
drait imprimer cette chanson à des milliers d'exemplaires
et les faire suivre de conseils et d'indications. « Il faut
surtout indiquer les endroits où les préservatifs les moins
coûteux peuvent s'obtenir et créer des dépôts un peu par-
tout, chez des personnes dévouées et sincères. »
394 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
tier les enfants de l'Assistance publique. Le 20 no-
vembre 1905, sa lig'ue donna -ane conférence publique
dans la salle des Sociétés savantes, sous la prési-
dence de M. Eugène' Fournière, chargé d'un cours
d'économie sociale à l'Ecole polytechnique.
Quelques jours auparavant, à Charonne, le maire
de cet arrondissement mit une des salles de l'hôtel
de ville à la disposition de M. Paul Robin et de
ses amis. Son journal fait savoir qu'un grand nom-
bre de médecins, de pharmaciens, d'herboristes, de
sages-femmes sont à la disposition de ceux qui veu-
lent mettre ses enseignements en pratique.
Il publie leurs noms. Les conférenciers assurent
que la propagande enrôle chaque jour de nombreux
prosélytes parmi les ouvriers, et que les campa-
gnes sont gagnées par les doctrines malthusiennes.
C'est maintenant partout que ces missionnaires de
la corruption prêchent et opèrent. Ils semblent obéir
à une direction commune. M. Pierret a fourni des
renseignements tristement curieux sur M^ sujet, 9^u
dernier Congrès de la Société d'écouOTnie sociale.
Les fascicules des 1^^ et 16 avril 1908 de la Réforme
sociale ont publié son mémoire, qui a pour titre
VŒuvre maçonn'que de la dépopulation en France (1).
Ils établissent d'une manière péremptoire qae le mou-
1. Voici la conclusion de la monographie publiée par
la Réforme sociale :
Il y a lieu de noter : 1» que c'est avec le gouvernement
de la Restauration, si dévoué à l'Eglise, que finissent les
natalités normales et que commence avec l'ère voltairienne
de Juillet, le dépassement du chiffre des naissances par
c€luL des décès; 2» qu'un relàvement de la natalité accom-
pagne le second Empire, favorable à la religion, et la Ré-
publique conservatrice, c'est-à-dire de 1863 à 1882; 3°
qu'au contraire, une chute profonde de la natalité date de
la République anticléricale, donnant, au lieu des 130 nais-
sances de 1813 à 1822, deux tiers en moins, de 1893 à
1902, c'est-à-dire 43 seulement.
CORRUPTION DES MŒURS 395
rement néo-malthtisien est voulu par la Franc-Maçon-
nerie. Elle fournit les théoriciens, les propagandistes
et aussi les exécutants, c'est-à-dire les ministres, les
administrateurs, les directeurs d'école. Elle prête ses
temples- pour qu'on y fasse des conférences sur la
« libre maternité ». Elle publie ces conférences.
Un des membres les plus dévoués de la Ligue
Française Antimaçonnique, M. Emile Pierret, auteur
de divers ouvrages d'économie sociale très remarqués,
vient de publier une brochure abondamment docu-
mentée sur les causes de la dépopulation en France;
et cette brochure, qui est le résumé d'un rapport
fait l'année dernière, au Groupe d'Etudes de Paris
de la Ligue Française Antimaçonnique, démontre jus-
qu'à l'évidence que le fléau dont nous souffrons n'est
pas seulement engendré par les conditions sociales
et morales de la vie française, mais qu'il est aussi
et surtout le résultat d'un véritable complot orga-
nisé par la Maçonnerie.
M. Pierret prouve que, sous le haut patronage
de celle-ci, avec le concours avoué des personnages
les plus éminents du parti maçonnique, des asso-
ciations se sont fondées, qui tendent à ce but cri-
minel : encourager le dépeuplement de la France.
Le F. • . Robin y est encadré par tout un groupe de
politiciens dont les noms sont tristement connus du
public : Aulard, Henry Bérenger, Séailles, Lucipia,
Merlou, Fernand Gregh, Trouillot, Jaurès, le président
Magnaud, etc. Et M. Emile Pierret explique com-
ment il prit contact avec ce mouvement dans une réu-
nion de « jeunesse laïque » présidée par M. Havet,
de l'Institut, et dont les principaux orateurs n'étaient
rien moins que M. Anatole France, de l'Académie
Française, M. le député Sembat, et le non moins
député Ferdinand Buisson, qui présida longtemps aiix
destinées de notre enseignement officiel.
39() L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
Voilà les FF. • . et les maçonnisés de haut parage
dont se réclame le F.-. Robin (1).
Maintenant il est sérieusement question d'abolir
le mariage civil et de déclarer la liberté de l'amour.
On connaît la théorie, de M. Briand, garde des sceaux,
successeur de d'Aguesseau. M. Briand considère que
le mariage moderne doit être envisagé comme un vul-
gaire contrat de louage, par exemple : bail de trois,
six ou neuf ans, ou même moins, à la volonté des
parties.
Le Play a dit que les hommes sont corrompus
par les mstitutions. « Ce mot, écrit M. Lacointa,
est, au regard de notre pays, d'une vérité d'autant
pMs saisissante que c'est réellement en vue de le
corrompre qu'une secte satanique l'a doté des ins-
1. Il ne faut point croire que ce soit en France seulement
que la secte antichrétienne propage l'immoralité. Dans une
des séances du Congrès catholique allemand, le député, M.
Rœxen, a eu le courage de dire :
« Les désastres causés par l'immoralité qui s'étale et
par la propagation de la littérature obscène parmi la jeu-
nesse sont incaJculables ; le mal a fait de tels ravages
que c'est la santé du peuple allemand tout entier qui est
en jeu.
» Je ne puis pas, cela va sans dire, vous communiquer
tous les dossiers que j'ai sous la main, mais je puis vous
assurer qu'elles sont effrayantes les perspectives qu'ils
ouvrent sur l'abîme de corruption dont toutes les couches
de la population et — ce qui est plus triste encore — tous
les âges sont contaminés. La propagation des écrits immo-
raux est énorme, l'obscénité qu'ils renferment est diabolique ;
un seul de ces facteurs suffit, entre les mains de person-
nes jeunes et faciles à émouvoir, pour les conduire néces-
sairement au péché et à la perversité sexuelle, qui en-
gendre ensuite les vices l3s plus répugnants.
» Il y a pas longtemps que, dans une petite boutique
de l'Allemagne, 500.000 photogTaphies obscènes ont été
saisies : 60 maisons allemandes ne vivent que de cette
honteuse industrie. En même temps que les écrits ou les
images, les représentations obscènes augmentent d'effron-
terie. »
CORRUPTION DES MŒURS 397
titutions qu'il possède actuellement (1), car elle sait
mieux que personne que le plus sûr moyen de former
des générations impies, c'est de favoriser par les pires
excitations; les penchants bestiaux et anarchiques
de la nature humaine. »
Vindice ne mentait point lorsqu'il disait : « C'est
la corruption en grand que nous avons entreprise. »
Pour qu'elle soit profonde et durable, il faut qu'elle
descende de haut. La Haute-Vente l'avait bien com-
pris; aussi s'attachait-elle à corrompre l'aristocratie.
Et de nos jours quels scandales n'a-t-elle point donnés I
Sous l'empire de quelles suggestions?
Dans la lettre à laquelle nous avons déjà lait des
emprunts, Piccolo-Tigre n'exhortait point seulement
à faire entrer dans les loges le plus possible de
princes et de nobles, il voulait qu'on s'attachât à
les corrompre.
« Une fois qu'un homme, dit-il, un prince même,
un prince surtout, aura commencé à être corrompu,
soyez persuadé qu'il ne s'arrêtera guère sur la pente.
Il y a peu de mœurs, même chez les plus moraux
(il lui plaît de dire ainsi), et l'on va très vite dans
cette progression, » (ceci est vrai). Il ne serait peut-
être pas impossible de trouver dans ces lignes l'ex-
plication de la chute dans le vice de bien des princes
contemporains, et peut-être de ceux de nos rois qui,
par leurs mœurs, ont désolé la France et l'Eglise,
1. 27 juillet 1884. — On établit le divorce.
15 décembre 1904. — On autorise le mariage entre com-
plices adultères.
13 juillet 1907. — On abrège le délai imposé aux di-
vorcés avant de se remarier.
") juin 1908. — On accorde le divorce de droit après
as ans de séparation.
5 juin 1908. — On légitime les enfants adultérins.
898 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
car ce n'est pas d'aujourd'hui que date la franc
maçonnerie; toujours elle a eu le même but et tou-
jours et elle a eu recours aux mêmes moyens.
De nos jours, qui ne voit à quels excès de monda-
nité la noblesse est poussée par les journaux mon-
dains, tels que le Figaro, le Gaulois, et d'autres.
Se sont-ils jamais demandé qui les inspirait sous ce
rapport ?
Dans notre société chrétienne, la femme, le regard
fixé sur Marie, maintient dans la famille, dans la
société, l'arôme de la pureté. La vertu qui émane
d'elle, enveloppe l'homme, même vicieux, le force
à rune certaine retenue et parfois arrive même à
le tirer de sa corruption. La secte le sait biei\; aussi
s'emploie-t-elle de son mieux à entraîner le sexe
dans la fange. Vindice ne nous le laisse pas igno-
rer. « J'entendais dernièrement, continue-t-il, un de
nos amis rire d'une manière philosophique de nos
projets, et nous dire : Four abattre le catholicisme,
IL FAUT commencer par supprimer la femme. Le
mot est vrai dans un sens, mais puisque nous ne
pouvons supprimer la femme, corrompons-la. » Les
lycées de filles n'ont-ils pas été créés dans l'inten-
tion de répondre à ce mot d'ordre?
N'est-ce point la même pensée qui a dicté les dé-
crets Combes, qui ont fait fermer tous les établis-
sements tenus par les religieuses ? Les religieuses,
en classe, puis dans les réunions dominicales, inspi-
rent aux jeunes filles le .respect d'elles-mêmes, la
décence et la pureté. C'est par les mères religieuses
qui les ont élevées, que la foi et les mœurs chrétien-
nes se sont maintenues dans tant de foyers, mal-
gré tous les entraînements et toutes les séductions.
Disséminées partout dans nos villes et dans nos
vi'lages, elles étaient le plus puissant obstacle à la
CORRUPTION DES MŒURS 391)
grande entreprise de corruption poursuivie par la
secte. Elle résolut de les faire disparaître. On s'est
demandé par quelle aberration nos gouvernants
avaient pu choisir ainsi comme premières victimes ces
femmes si dévouées à tout bien, si vénérées des
populations au milieu desquelles elles se trouvent.
Il n'y a pas eu d'erreur, il y a eu calcul (1).
Mais nous ne pouvons tout dire sur ce sujet délicat
de la corruption de la femme et de la corruption
par la femme. Il est bon cependant d'avertir les
familles de prendre garde à qui s'introduit chez elles,
à surveiller ce qu'y s'y passe. Le 7 décembre 1883,
le journal VEmeufe de Lyon écrivait : « Il est temps
de renforcer nos bataillons avec tous les éléments
qui épouseront nos haines... Les filles seront de
puissants auxiliaires; elles iront chercher les fils
de famille jusque dans le giron de leur mère pour
les pousser au vice, au crime même; elles se, feront
les servantes des filles des bourgeois pour pouvoir
leur inculquer les passions honteuses... Il est encore
une autre besogne utile qui incombera à ces auxi-
liaires femmes, au milieu de ces familles ennemies;
mais nous n'en dirons rien et pour cause. Telle
pourra être l'œuvre des femmes attachées à la révo-
lution. »
Le premier auteur de la loi qui a créé les lycées
de filles, le juif Camille Sée, a déclaré que l'œu-
vre de déchristianisation de la France n'obtiendrait
son plein succès que lorsque toutes les femmes au-
1. Ce qui est surprenant, c'est qu'une suggestion aussi
longue, aussi continue, aussi persévérante, aussi intensive,
n'ait pas produit des résultats encore plus effrayants. Il
fallait que notre pays et que le peuple de France eussent
en réserve une provision de moralité fort considérable,
pour résister si longtemps à un pareil traitement.
400 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
raient reçu l'éducation laïque. « Tant que l'éducalion
des femmes, a-t-il dit dans son rapport à la Cham-
bre en 1880, finira avec l'instruction primaire, il
sera presque impossible de vaincre les préjugés, la
superstition, la routine; » lisez les traditions catholi-
ques, le dogme, la morale. Et le F. • . Bienvenu-
Martin, ministre de l'Instruction publique, se réjouis-
sant d'avoir occupé ses vacances parlementaires à
l'inauguration de nombreux lycées et collèges de
filles en donnait cette raison : « Il s'agit de trans-
former les âmes féminines. »
En janvier 1906, le renégat Charbonnel eut une
interview avec le même ministre. La liaison en ren-
dit compte.
« Je voyage beaucoup, dit le ministre, pour une
cause que j'ai profondément à cœur, l'éducation des
jeunes filles. Je suis allé inaugurer nombre de lycées
et de collèges à leUr usage. Nous arrachons la femme
au couvent et à l'Eglise. » « L'homme fait la loi,
la femme fait les mœurs. » En entendant ces paroles,
dit M. Charbonnel, je ne me sentis pas de joie. »
Ici encore l'initiative avait été prise par les loges.
Le 6 septembre 1900 le Couvent du Grand-Orieïit
de France renvoya « à l'étude des loges la recherche
des moyens les plus efficaces pour établir l'influence
des idées maçonniques sur les femmes, tenter de les
arracher à l'influence des prêtres et créer telles insti-
tutions aptes à atteindre ce but. » (1).
En exécution de ce vœu et d'autres semblables,
le conseil de l'Ordre adressa à toutes les loges une
circulaire (n^ 13), datée du 15 décembre 1902, leur
disant : « La puissance du cléricalisme a été déve-
loppée et consolidée grâce à la femme, et c'est même
grâce à elle que cette puissance malfaisante se main-
1. Compte rendu du Convent de 1900, p. 166.
CORRUPTION DES MŒURS 401
tient et s'exerce. Il faut donc opposer à la femme
nourrie d'idées fausses et de superstitions ridicules,
la femme forte, la femme maçonnique, connaissant
nos principes et nos aspirations et les inculquant à
nos enfants. »
Il y a pis encore que ce que nous venons de voir,
plus révoltant et plus satanique. Vindice, après avcir
dit : « Corrompons la femme »;, ajoutait : « Corrom-
pons-la avec l'Eglise : Corruptio optimi pesswia.
C'est la corruption en grand que nous avons entre-
prise : la corruption du peuple par le clergé et du
clergé par nous, la corruption qui doit nous conduire
à mettre un jour l'Eglise au tombeau. Le but est assez,
beau pour tenter des hommes tels que nous. Le
meilleur poignard pour frapper l'Eglise au cœur, c'est
la corruption. A l'œuvre donc jusqu'à la fin! »
On s'est mis à l'œuvre. Qu'un prêtre soit ccrrompu
ou que le peuple croie à sa corruption, c'est à peu
près la même chose pour l'effet que la secte a en
vue : propager le vice, en donnant à penser que la
vertu est impossible, que tous les hommes sans ex-
ception se livrent à leurs passions, et que là où il
]^araît y avoir plus de retenue, il n'y a que plus
d'hypocrisie. /
Aussi, dès la révolution de 1830, le prêtre fut re-
présenté sur les théâtres et dans les romans comme
un être rempli de turpitudes. A la fin du second
Empire, commencèrent, et depuis que la République
est devenue maçonnique, ont été repris, ces procès
scandaleux qui ne sont la plupart du temps intentés
que pour permettre aux journaux de la secte d'im-
puter au clergé les vices les plus honteux. Il fallait
cependant autant que possible ne pas se contenter de
calomnier; corrompre effectivement serr.it bien nii."ux;
et c'est pourquoi a été faite la loi des curés sac au
L'Eglise et le Temple 26
402 l'agent de la civilisation moderne
dos, qui livre l'innocent lévite aux promiscuités de
la caserne; et comme un an de caserne ne prodai-
sait pas l'effet voulu, on l'astreignit à deux ans et
on le fit assister aux conférences pornographiques.
Vindice n'était pas seul à parler comme nous ve-
nons de l'entendre. Au même moment, ou à peu
près, Quinet, professeur au collège de France, fit
tUne édition des œuvres de l'immonde Luthérien, Mar-
nix de Sainte-Aldegonde, et il en donna cette raison
dans la préface qu'il y mit : « Celui qui entreprend
de déraciner une superstition caduque et malfaisante
comme le catholicisme, s'il possède l'autorité, doit
avant tout éloigner cette superstition des yeux du
peuple et en rendre l'exercice absolument impossible,
en même temps qu'il ôte toute espérance de la voir
renaître. Pour réaliser cette espérance, il s'agit non
seulement de réfuter le papisme, mais de l'extirper;
non seulement de l'extirper, mais de le déshonorer;
non seulement de le déshonorer, mais comme le vou-
lait la loi germaine contre l'adultère,, de « l'étouffer
DANS LA boue. » (Pagcs 31 et 37). (1).
Quel honneur plus grand pour le catholicisme que
d'avoir de tels ennemis, et de les voir réduits à
employer et à afficher de tels moyens dans l'espé-
rance d'avoir raison de nous!
Scipion Pertrucci, secrétaire de Mazzini, peignait
bien ses F. • . lorsque, le 2 avril 1849, il disait à
Paul Ripari : « // nosfro è un graii partito porco;
questo in famiglia lo possiamo dire. Notre associa-
tion est un grand parti de pourceaux. Ceci, nous
pouvons le dire en famille. »
1. Il n'est pas inutile de remarquer qu'en 1903 le gou-
vernement de la République a fêté et même fait fêter
par les enfants des écoles le centenaire de la naissance
d'Edgar Quinet.
CHAPITRE XXIX
CORRUPTION DES IDÉES
Pour arriver à « ranéantissement de l'idée chré-
tienne )>, la corruption des mœurs est un moyen
puissant assurément, mais seulement de second ordre.
11 peut même arriver qu'au lieu de servir ceux qui
l'emploient, il se mette à l'encontre ée. leurs des-
seins. Plus le cloaque devient impur, plus il' presse
les âmes qui n'ont point perdu toute noblesse, d'en
sortir. Et où se réfugier, sinon dans TEglise, qui
fait de la pureté des mœurs l'objet de ses plus
vives sollicitudes! N'est-ce point dans la ville la
plus corrompue de l'empire romain, à Corinthe, que
saint Paul put, en moins de deux ans, fonder l'une
de ses plus belles Eglises? Aussi la Haute-Vente
tout en favorisant la corruption des mœurs, s'atta-
cha-t-elle >surtout à corrompre les idées. C'est le
conseil qUe Weishaupt avait donné précédemment :
« Le grand art de rendre . infaillible une révolution
quelconque, c'est d'éclairer les peuples, c'est-à-dire
amener insensiblement l'opinion publique à désirer,
à vouloir, à exiger les changements, qui sont l'objet
de la révolution voulue. » Il ajoutait : « Quand l'objet
de ce vœu est une Révolution universelle, tous les
i04 l'agent de la civilisation moderne
membres de ces sociétés tendant au même Lut, s'ap-
p'uyant les uns sur les autres, doivent chercher à
dominer invisiblement et sans apparence de moyens
violents, non pas sur la partie la plus éminente,
ou la moins distinguée d'un seul peuple, mais sur
les hommes de tout état, de toute nature, de toute
religion. Souffler partout un même esprit; dans le
plus grand silence et avec toute l'activité possible,
diriger tous les hommes épars sur la surface de
la terre vers le même objet. C'est dans l'intimité
des sociétés secrètes qu'il faut savoir préparer l'opi-
nion. »
Ce programme est encore suivi point par point.
Le vœu des sociétés secrètes est bien toujours
une révolution universelle, une révolution qui em-
brasse le monde entier et qui puisse transformer toutes
choses, en les attaquant dans le fondement sur lequel
elles reposent, la civilisation : détruire la civilisation
chrétienne pour établir sur ses ruines la civilisa-
tion humanitaire, la civilisation maçonnique.
Et toujours aussi le moyen employé pour rendre
cette révolution infaillible c'est « d'éclairer les peu-
ples. » Les loges ne parlent que d'éclairer, de répan-
dre la lumière. Leur principale occupation, c'est la
suggestion. Elles amènent par là insensiblement l'opi-
nion publique à désirer, à votJLOiR, à exiger les
changements qui doivent amener la révo^jiition vou-
lue, et la Tendre infaillible.
« C'est dans l'intimité des sociétés secrètes, dit
Weishaupt, qu'il faut savoir préparer l'opinion. » C'est
là qu'elle est faite avant d'être répandue au dehors.
Il importe donc de voir de près et d'étudier dans
ses détails la machine maçonnique montée pour faire
l'opinion. Elle est admirable, autant que peut l'être
CORRUPTION DES IDEES 405
une chose mauvaise, une chose créée pour prorluire
le mal et un tel mal.
Les sophismes révolutionnaires sont d'abord ré-
pandus dans les loges sous l'aspect qui les rend
séduisants, avec la couleur qui leur donne l'appa-
rence de la vérité devant produire le bien.
Car il ne faut point s'imaginer qu'à la fin du
XVIII« siècle, on ait dit dans les loges, aux appren-
tis et même aux maîtres : vous allez travailler avec
nous au renversement de la monarchie, à rexj)ro-
priation et à l'extermination du clergé et de la no-
blesse. On leur faisait voir les désordres introduits
clans la société par le cours des siècles, et on
en faisait désirer la disparition, on leur montrait
un idéal de société parfaite dans l'égalité substituée
à la hiérarchie. Imbus de ces idées, les maçons se
faisaient apôtres, les répandaient dans leur entou-
rage, et chacun contribuait ainsi à faire l'opinion
.qui, au moment voulu, devait éclater comme une
bombe et causer des ravages analogues.
La secte use toujours du même procédé : la sug-
gestion. Elle suggestionne ses membres, ceux-ci sug-
gestionnent le public, le public suggestionné se prête
aux changements voulus par le Pouvoir occulte, si
même il ne les exige ou ne les impose par des
actes plus ou moins révolutionnaires.
Suggestion! ce mot dit peu de choses j)eut-être
à l'esprit du lecteur. La constitution de la maçonnerie
est faite tout entière et admirablement faite pour la
produire. Ce que nous devons donc étudier mainte-
nant afin de pouvoir nous rendre compte de l'état
de corruption intellectuelle auquel notre société est
arrivée, c'est la constitution de la Franc-Maçonnerie
en vue de la suggestion. Comment elle se recrute,
comment elle s'est organisée, comment, par cet orga-
406 l'agent de la civilisation moderne
nisme, elle arrive à répandre les idées qu'elle vout
faire prévaloir et les succès que ses suggestions
obtiennent dans les diverses classes de la société.
On comprendra alors comment une association res-
treinte à un nombre de personnes relativement mi-
nime a pu s'emparer de tous les ressorts de la vie
publique, arriver aux résultats que nous voyons et
nourrir l'espérance fondée d'arriver aux fins der-
nières qu'elle s'est proposées il y a au moins deux
siècles.
I. - RECRUTEMENT EN SOCIÉTÉ SECRÈTE
C'est chez elle tout d'abord et dans l'esprit de
ses membres que la Franc-Maçonnerie opère la corrup-
tion des idées. Dès leur entrée en loge, elle s'appli-
que à cette perversion; elle la poursuit dans les
initiations successives; elle l'achève par ses sugges-
tions* continues.
Et d'abord, comment se recrute-t-elle ?
Le membre de la Haute-Vente qui se cachait sous
le nom de Piccolo-Tigre, va nous en instruire. 11 le
fait dans une lettre adressée, le 18 janvier 1822, à
une Vente piémontaise qu'il avait créée lui-même de
la manière que nous avons dite, en exposant la
constitution du carbonarisme.
« Four i^oyager la lumière, il a été jUgé bon et
utile de donner le branle à tout ce qui aspire à
remuer (1). L'essentiel est d'isoler l'homme de sa
1. Donner Je branle à tout ce qui aspire à remuer! Ja-
mais cette instruction n'a été mieux observée que de nos
jouTs, du haut en bas de la société. Ne peut-on point en
observer l'effet jusque dans le clergé? N'avons-nous point
vu, même dans son sein, se lever des agitateurs et des agi-
tés? Savent-ils d'où leur vient « le branle » et à quelles fins?
Piccolo-Tigre le dit : « Propager la lumière maçonnique!! »
D'autres, plus ouvertement, « l'idée démocratique ».
CORRUPTION DES IDÉES 407
famille, de lui en faire perdre les mœurs. 11 est
assez disposé par la pente de son caractère à fuir
les soins du ménage, à courir après des plaisirs fa-
ciles et des joies défendues. Il aime les longues
causeries du café, l'oisiveté des spectacles. Entraî-
nez-le, soutirez-le, donnez-lui une importance quel-
conque; apprenez-lui directement à s'ennuyer de ses
travaux journaliers, et, par ce manège, après l'avoir
séparé de sa femme et de ses enfants, et lui avoir
montré combien sont pénibles tous les devoirs, vous
lui inculquez le désir d'une autre existence. Quand
vous aurez insinué dans quelques âmes le dégoût
de la famille, et de la religion, — l'un va pres-
que toujours à la suite de l'autre, — laissez tom-
ber certains mots qui provoqueront le désir d'être
affilié à la loge la plus voisine. Cette vanité du
citadin ou du bourgeois de s'inféoder à la franc-
maçonnerie a quelque chose de si universel que je
suis toujours en extase devant la stupidité humaine.
Je m'étonne de ne pas voir le monde entier frapper
à la porte de tous les vénérables, et demander à
ces messieurs l'honneur d'être un des ouvriers choisis
pour la reconstruction du Temple de Salomon. Le
prestige de l'inconnu exerce sur les hommes uno telle
puissance, que l'on se prépare avec tremblement aux
fantasmagoriques épreuves de l'initiation et du ban-
quet fraternel. Se trouver membre d'une loge, se
sentir, en dehors de sa femme et de ses enfants,
appelé à garder un secret qu'on ne vous confie ja-
mais, est pour certaines natures une volupté, une
ambition. »
La franc-maçonnerie, qui n'est que l'antichambre
de sociétés plus secrètes, telles que le carbonarisme,
a elle-même des antichambres, où elle recherche les
dégoûtés de la famille, les vaniteux, les rebelles,
pour les inviter à entrer chez elle.
408 l'agent de la civilisation moderne
La première de ces antichambres, c'est l'école laïque,
en prenant ce mot « école » dans un sens large.
Dans son numéro du 30 septembre 1903, La Yérité
de Québec a publié ceci :
« Il existe aux Etats-Unis une société secrète qui
compte au delà de 200.000 membres, recrutés ex-
clusivement parmi les enfants et les jeunes gens
de 14 à 21 ans. Ses ramifications s'étendent au Canada,
au Mexique et dans le monde entier. Elle a son
rite, son alphabet secret, ses insignes, ses degrés,
ses mots de passe, bref tout le bagage des sectes
maçonniques. Cette société a pour nom The Corning
men of America. Nos collèges classiques, dit la Vé-
rité, nos académies ne sont pas à l'abri du travail
fait par ces Corning men pour embaucher leurs élè-
ves. Nous n'exagérons rien. Nous avons en notre
possession des documents : certificats d'admission,
prospectus, pamphlets, etc., qui ne laissent aucun
doute sur le caractère de cette société et la rapidité
de ses progrès. De ces documents il résulte que
cette société d'enfants et de jeunes gens a pour orga-
nisateur et pour parrain un 32® de la maçonnerie,
un Old Fellow, un Mystic Shriner. Le « Grand Secre-
tary » avertit l'enfant initié qu'il doit dissimuler avec
le plus grand soin tous ses papiers, notamment l'alpha-
bet secret, ne les portant jamais sur lui, les chan-
geant fréquemment de place, etc., etc., et cela sons
la foi d'une parole d'honneur, qui équivaut, dit-il,
au plus terrible des serments.
» Ailleurs le même secrétaire affirme que les sec-
tes maçonniques mettent gratuitement h la disposi-
tion de la C. M. A., leurs salles de réunion. »
N'avons-nous point des associations se.ublables e:i
Europe ?
îl est d'autres antichambres.
CORRUPTION DES IDÉES 409
« Sous le prétexte le plus futile, créez, dit Piccolo-
Tigre, ou mieux encore, faites créer par d'autres
des associations ayant le commerce, l'industrie^ la
musique, les beaux-arts pour objets. Réunissez dans
un lieu ou dans un autre vos tribus encore ignorantes ;
infiltrez le venin dans les cœurs choisis, infiltrez-le
à petites doses et comme par hasard; puis, à la
réflexion, vous serez étonné vous-même de votre
succès. »
Piccolo recommandait aux membres de la Vente
qu'il avait instituée en Piémont, de ne pas hésiter
à placer ces associations de musique et autres sous
la direction d'ecclésiastiques : « Mettez-les, disait-il,
sous la houlette d'un prêtre vertueux, bien noté,
mais crédule et facile à tromper. »
Bien plus, il engageait à introduire des francs-
maçons recmteurs jusque dans les confréries : « Ne
craignez pas de glisser quelques-uns des nôtres au
milieu de ces troapeaux (1). Qu'ils étudient avec
soin le personnel de ces confréries, et ils verront
que peu à peu il n'y manque pas de récoltes à
faire. » En effet, en Italie, conUne dans l'Amérique
du Sud, les confréries fournirent nombre de francs-
maçons, et non de ceux qui firent le moins de mal.
Ces recommandations ne doivent point échapper à
MM. les ecclésiastiques chargés de la direction des
patronages et des cercles, encore moins à ceux qui,
d'eux-mêmes ou sous l'influence de certaines sug-
gestions, organisent des sociétés de musique, de gym-
1. Weishaupt avait donné un nom spécial à ceux de sos
F. : . appelés à remplir ce rôle. Il les appelait F. : . Insi-
nuants ou Enrôleurs.
« Par le nom de F.:. Insinuant, dit Barruel, il faut en-
tendre ici r Illuminé travaillant à gagner des Frères à
son Ordre. Il est des Frères plus spécialement chargés de
cet emploi; ce sont ceux qu'on pourrait appeler les apôtres,
les missionnaires de l'Ordre ».
410 l'agent de la civilisation moderne
nastique, etc. Ils ne se repentiront jamais de trop de
perspicacité et de vigilance sur les idées qui se ré-
pandent parmi leurs jeunes gens.
C'est, en général, dans les sociétés laïques que se
fait le recmtement des maçons. Le F. • . Bourget,
au congrès des Loges du Nord-Ouest à Rouen, enga-
geait ses FF. • . à s'insinuer dans le plus grand nom-
bre possible de sociétés, « toujours et particulière-
ment dans les patronages laïques, scolaires et de
bienfaisance, associations de prévoyance, de secours,
de tir, et de gymnastique, et dans tous les groupe-
ments où l'idée démocratique (l),a le plus de chance
de germer et de se développor. »
Jean Bidegain, dans son livre Le Grand Orient
DE France, ses doctrines et ses actes (p. 281), dit
aussi : « Chaque loge groupe autour d'elle une mul-
titude de groupes, de sociétés qui sont des succé-
danés. » Et il montre l'activité que sait déployer
le délégué de la Franc-Maçonnerie auprès de ces
sociétés : « Le citoyen qui est franc-maçon à dix heu-
res du soir, organisera demain matin, à huit heu-
res, l'Université populaire, délibérera à onze heures
à la section de la Ligue des Droits de l'Homme, et
tonitruera à deux heures de l'après-midi au groupe
de la Libre-pensée. Les Francs-Maçons sont les Maî-
tres Jacques de la démocratie. »
Au troisième congrès des Loges de l'Est qui a eu
lieu en juillet 1882, les maçons ont reçu ces ins-
tructions :
« Quand, sous l'inspiration d'une, loge, un noyau
de maçons, aidés de tous les amis profanes, ont ainsi
créé une société quelconque, ils ne doivent pas en
1. On a déjà pu remarquer que les francs-maçons disent
indifféremment : idées démocraticrues ou idées maçonni-
ques; propager les unes, c'est, du moins, ouvrir la voie
aux autres.
CORRUPTION DES IDEES 411
laisser la direction à des mains profanes. Tout au
contraire il faut qu'ils s'efforcent de maintenir dans
le comité directeur de cette société créée par eux, un
noyau de maçons, qui en restent comme la cheville
ouvrière, et qui, tenant la direction de la société
entre les mains, continueront à la pousser dans une
voie conforme aux aspirations maçonniques.
» Quelle force n'aura pas la maçonnerie sur le
monde profane, quand existera autour de chaque
loge comme une co'uronne de sociétés, dont les mem-
bres dix ou quinze fois plus nombreux que les ma-
çons, recevront des maçons l'inspiration et le but,
et uniront leurs efforts aux nôtres pour le grand
œuvre que nous poursuivons! (1) ».
Toutefois, au couvent de 1898, le rapporteur de
la commission des vœux faisait cette recommanda-
tion : « Il ne faut pas laisser voir dans cette œuvre
la main de la franc-maçonnerie (2). »
La franc-maçonnerie a donc des émissaires par les-
quels non seulement elle recrute s-es nouveaux mem-
bres, mais souffle son esprit dans cette multitude
d'associations qu'elle a créées ou au sein desquelles
elle a pu s'introduire. Par eux, elle leur imprime
ses directions et les fait concourir, sans qu'elles
s'en doutent, à son plan de déchristianisation. « C'est
1. En 1880, au mois de septembre ou d'octobre, dix ans
après l'entrée des Piémontais dans Rome, le Folchetto,
dans un article à la louange de la franc-maçonnerie, dit :
« Ce serait une suprême injustice de ne pas reconnaître que
toutes ces associations (non maçonniques mais maçonnisées)
qui n'étaient que des rameaux du grand arbre maçonnique,
ont maintenu en vie pendant plusieurs dizaines d'années la
pensée italienne (de l'uTiité italienne), et que cette végétation
qui a abouti à la sainte entreprise de la rédemption de la
patrie, n'a trouvé son aliment nulle part ailleurs que dans
les associations ».
2. Les Fétitions contre la franc-maçonnerie, pp. 163-
165.
412 l'agent de la civilisation moderne
par cette plénil'ude d'organisation, dit le F. : . Oo-
blet d'Alviella, que la maçonnerie est en état de ri-
valiser avec sa grande ennemie, l'Eglise de Rome (1). »
Waldeck-Rousseau, parlant des congrégations religieu-
ses, a voulu y faire voir « un substratum d'influen-
ces cachées, aujourd'hui visible »; impossible de
mieux caractériser l'action que la franc-maçonnerie
exerce sur la société par cette plénitude d'organisation
qui met entre les mains de quelques chefs mconiïus
la direction non seulement de toutes les loges du
monde, mais aussi de cette multitude d'associations
que la secte a su établir autour d'elle, qu'elle ins-
pire et où elle se recrute.
Ces sociétés ne fournissent que des bourgeois;
la maçonnerie les reçoit volontiers, mais ne peut
s'en contenter. « La Haute-Vente désire, continue Pic-
colo-Tigre, que, sous un prétexte ou sous un autre,
on introduise dans les loges maçonniques le plus
de princes et de riches que Ton pourra. Les princes
des maisons souveraines, gui n'ont pas l'espérance
légitime d'être rois par la grâce de Dieu, veulent
tous l'être par la grâce d'une révolution. Le duc
d'Orléans (depuis Louis-Philippe; ces lignes étaient
écrites en 1822) est franc-maçon; le prince de Cari-
gnan (depuis Charles-Albert, roi de Sardaigne) le
fut aussi. Il n'en manque pas en Italie et ailleurs
qui aspirent aUx honneurs du tablier et de. la truelle
symboliques. Flattez tous ces ambitieux de popu-
larité, accaparez-les pour la franc-maçonnerie : la Ha,u-
te-Vente verra après ce qu'elle en pourra faire d'utile
à la cause du progrès. En attendant, ils serviront
de glu aux imbéciles, aux intrigants, aux citadins
1. A la loge Les Amis philanthropes de Bruxelles, 5
août 1877.
CORRUPTION DES IDEES 418
et aux besofïneux. C'est une magnifique enseigne, et
il y a toujours des sots disposés à se compromettre
au service d'une conspiration dont un prince quelcon-
que semble être l'arc-boutant (1) »
C'est dans une société secrète que les recrues
ainsi captées sont introduites, d'où qu'elles vien-
nent.
— Société, sans doute, dira quelqu'un; mais se-
crète? On connaît un grand nombre de ceux qui
la composent. Leurs noms remplissent un gros vd-
lume qui vient d'être publié. On connaît leurs lieux
de réunion : les loges. On sait la date de leur assem-
blée générale annuelle : le convent ; et des comptes
rendus de leurs séances sont publiés.
Et cependant, malgré cette notoriété et cette pu-
blicité, la Franc-Maçonnerie est vraiment une so-
1. Lo Monde maçonnique a publié, vers le milieu' de
l'année 1883, un tableau de l'histoire de l'Espagne pen-
dant ce siècle. Il y dit que tous les événements impartants
cjui ont eu lieu en ce pays sont le fait de la franc-maçonno-
rie ; que la reine Isabelle et son fils Alphonse lui ont dû
le trône, et que c'est grâce à l'énergie du Grand-Maître
que Ferdinand VII a maintenu l'abrogation de la loi sa-
liqu-e en Espagne.
.11 n'y a pas que les usurpateurs qui soient aux mains
de la franc-maçonnerie. A l'avènement d'Edouard VII au
trône d'Angleterre, ÏEvénement de Québec publia ces ren-
seignements :
« Albert-Edouard, prince de Galles, est le plus éminent
franc-maçon qui soit sur terre, non seulement du fait qu'il
devient roi d'Angleterre, mais parce qu'il est grand-maître
des grandes loges d'Angleterre, d'Irlande, d'Ecosse et du
Pays de Galles, et qu'il est aussi grand prieur de l'ordre
des Chevaliers du Temple en Angleterre et grand patron
de l'ordre Ancient Accepted Sçottish Rite of Freemasonry
dans le Royaume-Uni, ayant reçu le 33e et dernier degré
dans cette branche de la franc-maçonnerie.
» Il appartient à l'ordre maçonnique depuis .jplus de
trente-deux ans; et il n'y a pas, dans le monde entier,
de membre qui prenne une part plus active à son dévelop-
pement. Dans la position royale qu'il occupe et par la
hauite fonction qu'il remplit dans l'ordre maçonnique, il
414 l'agent de la civilisation moderne
ciété secrète, et la plus secrète des sociétés existant
actuellement dans le monde.
Comment cela? M. Copin-Albancelli va nous l'ex-
pliquer.
« On doit, dit-il, regarder comme société secrète,
surtout celle qui cache son but. Lorsque des hommes
se réunissent, c'est toujours en vue d'un but qui
leur est proposé. S'ils croient que ce but ne peut
porter ombrage à personne, ils le déclarent fran-
chement et leur société n'est pas qualifiée secrète.
» Mais lorsque des hommes se constituent en so-
ciété pour un but qu'ils sentent devoir froisser des
intérêts ou blesser des convictions, les mettre en
opposition avec un état d'esprit ou un état de choses
donne franchement l'exemple à ses co-sociétaixes de l'éga-
lité que les francs-maçons prônent comme existant entre
eux ».
La Vérité de jQuébec, après avoir reproduit ces rensei-
gnements, ajoutait :
.;:< Nous le savons, le nouveau roi d'Angleterre est un
maçon haut gradé; de même que la reine Victoria était
la protectrice de cette sscte condamnée par l'Eglise. Mais
si haut gradé que soit Edouard VII, il n'est probablement pas
nu courant de ce qui se passe dans les cercles intimes de la
franc-maçonnerie. Les vrais chefs de la secte, qui ne sont
pas toujours les chefs apparents, accordent volontiers les
titres et les places dlionneur aux rois et aux princes,
mais ils gardent les secrets maçonniques pour eux. Ils sa-
vent tourner à leur profit le prestige royal, voilà tout. »
C'est-à-dire, ils savent fort bien faire servir les princes et
les rois maçons à rexécution de leurs desseins.
A l'appui de ce que vient de dire la Vérité de Québec,
observant que le F. : . Edouard VII, tout grand-maître de
la maçonnerie anglaise qu'il soit, ignore probablement bien
des secrets, nous rappellerons la lettre du duc d'Orléans,
grand-maître du Grand Orient de France, insérée le 22
février 1793 au Journal de Paris, signée Egalité, et lue
dans la tenue du Grand Orient, le 13 mai de la même an-
née :
« Voici mon histoire maçonnique. Dans un temps où as-
surément personne ne prévoyait notre révolution, je m'étois
attaché à la franc-maçonnerie, qui offroit une sorte d'image
CORRUPTION DES IDEES 415
régnant, ou bien ils déclareront hautement l'objet
de leur association, quoi qu'il puisse s'ensuivre; ou
bien, ils prendront des moyens pour que le public
ignore cet objet, ce but, celte fin, pour qu'il s'en
figure un autre ^que celui qu'ils ont réellement. L'as-
sociation ainsi constituée sera essentiellement secrète.
On sera obligé de dire : on ne sait pas pourquoi ces
hommes se sont rapprochés et unis, pourquoi ils
ont entre eux des assemblées; on ne sait pas ce
qu'ils y font, en vue de quoi ils travaillent. Une
telle société est secrète, quand bien même elle ne ca-
cherait point son existence. L'existence d'une société
qui se cache finit toujours par être connue, quelques
moyens qu'elle prenne pour se dérober aux yeux
d'égalité, comme je m'étois attaché au parlement qui offroit
une sorte d'image de liberté. J'ai depuis quitté le fantôme
pour la réalité. Au mois de décembre dernier, le secré-
taire du Grand Orient s'étant adressé à la personne qui
remplissoit près de moi les fonctions de secrétaire du grand-
maîbre, pour me faire parvenir une demande .relative aux
travaux de cette Société, je répondis à celui-ci sous la
date du 5 janvier :
« Comme je ne connois pas la manière dont le Grand
Orient est composé, et que, d'aillfurs, je pense qu'il
ne doit y avoir aucun mystère ni aucune assemblée
secrète dans une République, suriout au commence-
ment DE son établissement, JE NE VEUX PLUS ME MÊLER
DU Grand Orient, ni des assemblées des francs-
maçons ».
En écrivant cette lettre, Philippe-Egalité avait rédigé
sa propre sentence de mort. Quelques semaines plus tard,
il avait la tète tranchée par le couteau triangulaire.
Louis Blanc parlant, dans son Histoire de la Révolution,
des princes placés a la tête des Grands-Orients, confirme
en ces termes ce dont Philippe-Egalité vient de nous ins-
truire lui-même : « Ils savaient seulement de la franc-ma-
çonnerie ce qu'on peut en montrer sans péril; et ils n'a-
vaient point à s'en inquiéter, retenus qu'ils étaient dans
les grades (les initiations) inférieurs, où le fond des doc-
trines ne paraît que confusément à travers V allégorie, et où
beaucoup ne voyaient qu'une occasion do divertissements
et de banquets joyeux ». T. II, pp. 82 et 83.
116 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
du p'ublic et de la police. Mais tout en se manifestant,
une société peut avoir un but caché, un secret qui
sera d'autant mieux tenu (ju'elle ne le confiera point
même à tous ses adhérents. Telle est la Franc-Ma-
çonnerie. Elle a appelé à elle le mystère, elle s'en
est enveloppée; c'était pour elle nécessité, car elje
se proposait la lutte contre l'ordre de choses existant.
Si elle ne luttait pas contre cet ordre de choses, elle
ne se cacherait pas. Elle est une conspiration, un
complot à l'état permanent, autrement dit un orga-
nisme de guerre contre la société telle qu'elle est
constituée. »
Il y a près de deux siècles que la Franc-Maçonnerie
a établi ses loges dans toute la France et même
dans toute l'Europe. Or, on discute toujours sur le
but de cette association. Elle en a donné trente-six,
divers selon les temps et les lieux, modifiant même
ses statuts selon l'opportunité et les nécessités am-
biantes. Actuellement encore, ses adhérents ne sont
pas d'accord lorsqu'on les interroge, et surtout ils
ne seraient pas d'accord si on pouvait mettre face
à face les francs-maçons de tous les pays du monde,
ou tous les francs-maçons français qui ont existé
depuis deux siècles. Si les fondateurs de l'association
ou ses chefs actuels avaient fait connaître à leurs
associés son véritable but, nous n'aurions pas à
constater ainsi des contradictions entre les déclara-
tions des uns et des autres.
La Franc-Maçonnerie ne cache pas seulement son
but. Elle ne nous dit point quels ont été ses fonda-
teurs, quelle est son organisation. Elle nous dérobe
ses modes d'action; elle cherche à nous tromper sur
le caractère de l'œuvre accomplie par elle jusqu'ici.
On commence bien à pénétrer tout cela, mais ce
n'est pas parce qu'elle le dévoile, mais à cause de
CORRUPTION DES IDÉES 417
l'observation à laquelle elle est maintenant soumise.
Pour elle, elle continue à s'envelopper de voiles, de
voiles non pas seulement épais, mais souveraine-
ment trompeurs (1).
« La Franc-Maçonnerie est mensonge dans tout son
être et dans toute son action », dit M. Copin-Alban-
celli. Rien ne manifeste mieux sa filiation. Notrc-
Seigneur a dit de Satan : « Lorsq;a'il prolère le men-
songe, il parle de son propre fonds : car il est men-
teur et le père du mensonge. » C'est bien là aussi
1. La Franc-Maçonnerie a tenu, en 1894, un Congrès
international à Anvers. Les divers rites avaient à exposer
leurs vues sur les questions qui leur avaient été soumises
auparavant.
La troisième séance a été consacrée à l'examen de la
question suivante : Quelle est l'étendue de l'obligation du
secret maçonnique?
Le F. • . Bouvier, délégué du Directoire du Régime Ecos-
sais rectifié d'Helvétie, trouve qu' « il importe, pour réus-
sir, de travailler dans le secret, car du moment que le pu-
blic sait que la Mac. • . étudie et prépare une œuvre, tous les
ennemis de notre Ordre se mettent en campagne pour la
faire échouer sans s'occuper de sa valeur et de son utilité,
mais uniquement par haine de la Franc-Maçonn. • . « Si la
Maçonn. • . a encore une puissance aussi considérable dai:s
le monde, c'est parce que c'est une puissance occulte. Nous
aurions grand tort, au point de vue du but que nous pour-
suivons, d'abandonner un système qui jusqu'ici a été pour
nous un élément de force. »
Le F.-. Goebel dit :
«... Nous n'avons pas songé au secret en ce qui concerne
les personnes. J'estime que celui-ci doit être inviolable au-
dessus de tout autre. 11 doit être interdit à qui que ce soit
de faire connaître dans le monde profane le secret des au-
tres. Vous avez le droit de vous faire connaître comme
Mac. • . ; vous avez le droit de dire aux profane : « Je suis
Mac. • . pour tels motifs ; mais vous ne pouvez pas disposer
du secret de vos FF. • . Ceux qui entrent dans un temple
maçonnique doivent savoir que jamais personne ne le saura
sinon .par leur propre volonté. »
En Êongrie aussi, dit le F. • . Bosanyi, « le secret, quant
aux personnes et cpiant à l'institution, ne peut faire de
doute pour personne. Ce serment doit être tenu rigoureu-
sement. »
L'Église et le Temple. 27
418 l'agent de la civilisation moderne
le propre de la Franc-Maçonnerie, de sorte qti'on
peut leur appliquer ce que Notre-Seigneur disait aux
Juifs : « Le père dont vous êtes issus c'est le dia-
ble. » Vos mensonges décèlent votre origine. Vous
voulez accomplir les désirs de votre père, et le
moyen qui vous sert, c'est celui qu'il emploie.
Une société qui existe depuis des siècles a dû et
doit se recruter. Pour se recruter, il faut bien pré-
senter à ceux que l'on sollicite un motif d'adhésion,
un but à atteindre par une communauté d'efforts. Mais
si la fin que l'on se propose est telle qu'elle ne
puisse être dévoilée, il est nécessaire d'en présenter
une autre; d'où mensonge même à ses adhérents.
Même nécessité à l'égard du monde au milieu du-
quel la société secrète se trouve, s'assemble et agit.
De là, cette continuelle diversité d'attitudes et de
déclarations dont l'histoire de la Franc-Maçonnerie
est pleine. Elle se dit religieuse à ses débuts. Un des
premiers qui se déclarèrent en France franc s -maçons,
le chevalier de la Tierra écrivait : « Représentez-
vous un homme craignant Dieu, fidèle à son Prince;
rendant à chacun ce qui lui est dû, ne faisant à
autrui que ce qu'il voudrait lui être fait à lui-même :
Voilà le maçon. Voilà ses rnystères, voilà son se-
cret... » Après s'être dite religieuse, elle s'est dite
tolérante. Le premier article de ses statuts affirme
qu'elle a pour principe la tolérance, qu'elle respecte
la foi religieuse de tous ses adhérents, et elle ajoute
qu'elle ne s'occupe pas de politique.
Voici comment elle s'exprime :
« Dans la sphère élevée où elle se place, la Franc-
Ma,çonnerie respecte la foi religieuse et les opinions
politiques de chacun de ses membres, elle interdit
formellement ,à ses assemblées toute discussion en
matière religieuse ou politique qui aurait pour objet
CORRUPTION DES IDEES 419
soit la controverse sur les différentes religions, soit
la critique des actes de l'autorité civile et des di-
verses formes de gouvernement. »
Respect de la foi religieuse et pas de politique.
Toute discussion « en matière religieuse ou politi-
que » est formellement interdite. C'est absolument
précis.
Or ce n'est pas vrai.
En fait, la Franc-Maçonnerie n'est pas tolérante.
Elle ne respecte pas la foi catholique. Au contraire,
elle la poursuit d'une haine acharnée. Les faits écla-
tent aux yeux de tous. Mais si elle se montre au-
jourd'hui antireligieuse, elle l'est de façon différente
dans les pays protestants et dans les pays catho-
liques (1).
De même pour la politique. Longtemps, elle déclara
ne vouloir s'en occuper en aucune façon; mainte-
nant, elle reconnaît qu'elle s'est rendue maîtresse
du pouvoir. Toutes les formes du pouvoir ont été
successivement adulées par elle et combattues par
elle jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à cette république
qui, selon son aveu ou sa forfanterie, n'est que la
Maçonnerie ^ découvert.
Si la Franc-Maçonnerie est menteuse par fonction,
1. Franc-maçonnerie et protestantisme ont toujours fait
bon ménage. En novembre 1905, à Mansion-House, le lord-
maire de Londres a ouvert la Loge maçonnique n^ 3116,
dite du Guildhall, qui a été consacrée par le grand se-
crétaire, assisté de l'archidiacre Sinclair et de sir Savary,
faisant fonctions de chapelains. Parmi les fondateurs de
cette Loge, créée à l'Hôtel de Ville de Londres, il y a lo
lord-maire, ^M. Vaughan Morgan, et de nombreux alder-
men. Parmi les francs-maçons présents, on vit les évêques
anglicans de New-York et de Barking, le doyen anglican
de Capetown et des membres du Parlement. L'archidiacre
anglican Sinclair, dans le discours qu'il a prononcé, re-
marqua que la nouvelle Loge devait être pour les mem-
bres du Conseil de la Cité et pour les hauts fonctionnaires
qui sont mêlés à la vie si comj)lexe du Guildhall.
420 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
par nécessité, si elle ne peut faire autrement que
de mentir pour se maintenir secrète au sens que
nous avons dit, il ne s'ensuit point que tous les
francs-maçons soient des menteurs. Eux-mêmes sont
trompés; ce qui fait que lorsqu'ils disent les choses
les plus contraires à la vérité, au sujet de leur
société, ils sont le plus souvent sincères vis-à-vis
d'eux-mêmes.
Les loges ainsi recrutées ne sont, comme le dit
Piccolo-Tigre dans la lettre que nous avons citée,
qu' « un lieu de dépôt, une espèce de- haras, un
centre par lequel il faut passer avant d'arriver à
nous (membres des arrière-loges). En lui apprenant
à porter arme avec son verre, on s'empare de la vo-
lonté, de l'intelligence et de la liberté de l'homme.
On en dispose, on le tourne, on l'étudié. On devine
ses penchants, ses affections et ses tendances; quand
il est mûr pour nous, on le dirige vers l'une ou
l'autre des sociétés secrètes dont la franc-maçonnerie
ne peut plus être que l'antichambre assez mal éclai-
rée. »
CHAPITRE XXX
CORRUPTION DES IDÉES (suite)
II. — INITIATIONS
Lorsque la maçonnerie a attiré quelqu'un dans son
sein, si elle commençait par lui dévoiler ses doc-
trines • et lui montrer distinctement le but qu'elle
poursuit, le plus souvent elle lui causerait un étonne-
ment et même tin effroi tel, qu'il chercherai!; à s'éva-
der. Elle procède plus prudemment. D'abord, le nour-
risson des loges se trouve là dans une atmosphère
qu'il ne peut respirer longtemps sans que son âme
n'en soit intoxiquée. « Les loges, dit Piccolo-Tigre,
discourent sans fin sur les dangers du fanatisme,
sur le bonheur de l'égalité sociale et sur les grands
principes de la liberté religieuse. Elles ont entre deux
festins des anathèmes foudroyants contre l'intolérance
et la persécution. »
Les initiations font entrer les aspirants dans l'esprit
de la maçonnerie mieux encore que les discours qu'ils
entendent.
Le premier but de l'ini.iation est de purifier l'ap-
prenti de toute mentalité chrétienne, s'il en a une.
Le compagnon, ainsi revenu à l'état de nature, sans
préjugés religieux et sociaux, sera capable, en de-
venant maUe, de prendre une menta'i é nouvelle.
422 l'agent PE LA CIVILISATION MODERNE
L'enfant élevé dans la société chrétienne voit, juge
et agit chrétiennement; le maçon né à la lumière
du temple verra, jugera et agira maçonniquement.
Point n'est besoin de lui suggérer ses actes. Le
Maître Parfait, en présence d'un jugement à porter,
d'une décision à prendre, jugera et agira d'instinct,
suivant les préceptes de la Maçonnerie, pour le bien
de l'Ordre; à la discipline chrélienne aura été substi-
tué l'esclavage maçonnique.
Dès les premiers pas qu'ils font dans l'associa-
tion, elle leur dit qu'elle a un secret pour procurer
le bonheur de l'humanité et le souverain bien de
ses membres, et qu'ils ne peuvent arriver à la con-
naissance de ce secret que par des initiations -succes-
sives. Ces initiations ' se font par des scènes sym-
boliques savamment graduées. Dans une coiumuni-
cation confidentielle adressée, le l^'" mars 1902, par
le Grand Collège des Rites, suprême conseil du Grand-
Orient de France, aux Conseils Philosophiques et
aux Chapitres de la Fédération, il est dit :
« Nos symboles représentent avant tout des pro-
cédés d'éduca'ion philosophique, en même temps que
des signes de ralliement. Sous des formes matéiielles,
ils emblématisent un certain nombre de vérités mo-
rales acceptées par tous nos adeptes, et qu'il est
bon de leur rappeler incessamment, en s'adressant
tout à la fois à leur bon sens et à leur raison...
» Les ateliers supérieurs doivent être, en quel-
que sorte, comme les écoles normales de l'Ordre;
écoles qui doivent se consacrer avant tout à l'étude
de la science maçonnique. Leurs membres iront en-
suite porter dans les loges ce qu'ils auront appris là.
Ils le feront avec tact et prudence (1). »
1. Cette circulaire a été publiée, en entier^ par Bidegain
dans son livre, Le Grand-Orient de France, pp. 142-152.
CORRUPTION DES IDEES 428
A chacune des initiations, les candidats sont très
attentivement observés. Il en est gui s'arrêtent aux
apparences extérieures, qui ne cherchent point à se
rendre compte de leur signification, à en pénétrer
le mystère. Ceux-là sont laissés dans leur simplicité
et forment la première assise de la société, à laquelle
ils ne laissent pourtant pas de rendre d'importants
services.
Ceux dont l'intelligence pénètre au delà du voile
des symboles, et qui témoignent que leur esprit s'ou-
vre aux idées maçonniques, sont invités à monter
plus haut.
« Les cérémonies sont symboliques — disait le
F. -• . Régnier dans une séance commune des loges,
tenue à Lyon, le 3 mai 1882, — pratiquées par des
maçons intelligents; leur signification porte ses
fruits. » Et dans le discours de clôture du Couvent
de 1883 du Grand-Orient de France, le F. • . Blatin
disait aussi : « La franc-maçonnerie, dans son sym-
bolisme perfectionné par une longue tradition, et
qu'elle peut encore moderniser à son gré sans por-
ter atteinte à son Ordre même, possède la contre-
partie salutaire et le contre-poison du symbolisme
religieux. »
Ces symboles sont à la fois lumière et ténèbres;
ils sont conçus de telle sorte qu'ils éclairent ceux-ci
et aveuglent ceux-là. M. Gerbet, depuis évêque de
Perpignan, a publié en 1832, dans le Mémorial catho-
lique, les papiers d'un chef des sociétés secrètes,
saisis après sa mort, dit-il, « par un personnage haut
placé. » Après avoir expliqué ce qu'est la liberté
et l'égalité au sens maçonnique, il dit : « Telle est
la force de notre doctrine. Mais persuadons-nous bien
que nous ne pouvons jamais l'exposer tout à coup
au grand jour ni en termes si formels à tout aspirant.
424 l'agent de la civilisation moderne
Un esprit délié pourrait en tirer des consé(juences
trop funestes aux intentions qu'elle couvre. Aussi, à
peine lui avons-nous fait entendre ces deux mots
sacrés : Liberté, Egalité (1), (ju'aussitôt nous de-
vons savoir prévenir ou du moins arrêter le cours
de ses réflexions, contre lesquels nos emblèmes et
nos hiéroglyphes nous offrent un remède certain,
en les employant sur-le-champ pour distraire à pro-
pos l'esprit de l'aspirant par la variété des sujets
qfu'on lui présente : ressource admirable et fruit de
la politique raffinée de notre célèbre auteur (fon-
dateur), trop versé dans la connaissance du cœur
humain pour ne nous avoir pas préparé, avec toute
l'adresse imaginable, la coupe enchantsresse et mys-
térieuse que nous devons présenter et faire passer
sans cesse dans l'âme de chaque frère, toujours en-
veloppée et sous une forme inno:ente qui e:i déguise
le véritable sens. »
L'auteur distingue ensuite entre les esprits péné-
trants, les esprits remuants et les imbéciles. « Nous
devons, dit-il, mettre chacune de ces classes au fait
de la doctrine, mais non la communiquer à cha-
cun en même temps et de la même manière. Aux
premiers, le sens véritable ne tarde pas à se faire
connaître. Les seconds ne doivent être amenés à
cette haute connaissance que par degrés, par des
emblèmes qu'on leur propose à. deviner. Des troi-
sièmes, on n'exige autre chose que de suivre aveu-
glément et sans réserue, tout en les tenant attachés par
la crainte de la violation du serment sacré. »
Ces règles de conduite sont religieusement obser-
vées. Après chaque initiation, on donne à l'initié
un délai de quinze jours pour préparer l'explica-
1. Voici que reviennent encore ces deux mots qui sont
bien, non le secret, mais l'âme de la Franc-Maçonnerie.
CORRUPTION DES IDEES 425
tion qti'il doit donner du grade qu'il a reçu, pour
découvrir le sens de la cérémonie dont il a été le
héros. Quoi qu'il en dise, on le complimente tou-
jours, sans lui faire connaître ce que l'on pense
de son explication. S'il n'a pas compris, on le laisse
où il est, à moins cependant qu'il ne soit de ceux
sur lesquels on a fondé quelque genre d'espérances.
Dans ce cas, on le fait passer par de nouvelles épreu-
ves, sous prétexte de ^nouveaux grades à lui con-
férer, qui désépaissiront peu à peu le voile qui cou-
vre le mystère.
Ces épreuves ont varié avec le temps, avec les
obédiences, et aussi avec les .fins plus immédiates
que se proposaient les chefs. C'est ce que le F. • .
Blatin vient de faire entendre.
A l'hetire actuelle, voici en quoi consiste, au mi-
lieu de beaucoup d'autres, l'épreuve fondamentale :
On amène devant tin cercueil le maçon à initier; on
fait plus, on le couche lui-même dans le cercueil.
Là, il entend dire qu'il est mort, qu'il est bien
mort, qu'il est pourri, que sa chair quitte ses os.
Et de peur qu'il ne l'oublie, on lui donne pour mot
de passe, qu'il répétera sa vie entière chaque fois
qu'il entrera dans une loge, un mot hébreu qui si-
gnifie, à ce que l'on dit : La chair quitte les os :
Mac-JBenac. Dans un autre rite, on lui donne le
mot Mahabone ou Moabon: fils de la putréfaction.
Chaque fois qu'il entrera dans la loge, il fera
quelques pas d'aspect bizarre, qui sont le simula-
cre d'enjamber un cercueil. Cette initiation est celle
du grade de maître, celle qui fait le vrai maçon.
Quand les témoins ont déclaré que le nouveau
maître est bien mort, qu'il est bien en putréfaction,
que sa chair quitte ses os dans le cercueil symbo-
426 l'agent de la civilisation moderne
lique, le président de la loge vient le tirer du cer-
ctieil. On le déclare alors ressuscité, l'appareil fu-
nèbre de la loge fait place à des illuminations joyeu-
ses, et on dit au nouveau maître qu'il est, en per-
sonne, le maître Hiram ressuscité. Cet Hiram est
pour les francs-maçons l'architecte du Temple de
Salomon. Ce symbole de la reconstruction du Tem-
ple de Salomon — dans son sens dernier, celui
qu'on ne révèle jamais publiquement, annonce la
reconstitution du peuple juif en nation, mais en na-
tion devenue maîtresse de l'univers.
Or, ce Temple de Salomon ne sera construit, l'E-
glise ne lui cédera la place, le Dieu des chrétiens
ne sera vaincu qu'à une condition : cette condition,
c'est que le monde entier, et tout entier, descende
au cercueil symbolique d'Hiram pour y recevoir une
vie nouvelle, après la mort absolue, la dissolution
définitive de ce que nous voyons être et vivre au-
jourd'hui.
Le sens social de l'initiation est donc la mise au
tombeau du monde chrétien et la résurrection du
monde hébreu. Et comme moyen d'atteindre ce but,
moyen unique, révélé dans l'initiation même comme
étant son enseignement le plus immédiat, le plus
transparent : la destruction de tout l'ordre de cho-
ses établi sur les principes du christianisrhe.
Le sens personnel est que l'initié mis au cercueil
y est bien mort en tant que chrétien, en tant que
citoyen du monde où le Christ est connu et adoré.
Pas un atome de chair qui tienne encore à la vie
selon l'ordre de Dieu, du Dieu .des chrétiens, ne
reste en lui. Nous savons de Dieu qu'il est la voie,
la vérité et la vie. C'est en ce sens que l'initié
est déclaré avoir perdu la vie, aussi réellement que
la vie animale a quitté un cadavre dont la chair
CORRUPTION DES IDEES 427
se dissout. Le nom hébreu qu'on lui donne en le
relevant, en fêtant sa résurrection, révèle le monde
nouveau dont il est devenu citoyen, la civilisation
nouvelle au triomphe de laquelle il doit se "dévouer.
Celui qui comprend ces choses est marqué pour
les arrière-loges, dont le nombre, la composition,
et la mission assignée à chacune varient selon les
circonstances, la marche de la Révolution, les pro-
grès accomplis dans la construction du Temple.
Les arrière-loges étant ainsi composées, des émis-
saires leur portent en temps opporfun les directions
et les ordres d'un comité central et supérieur, en
même, temps qu'ils mettent en rap^^orts constants tous
les Grands-Orients. Ces émissaires sont presque tous
Juifs. C'est que le peuple juif trouve dans son or-
ganisation nationale des facilités pour remplir ce
rôle que personne d'autre ne présente. Il a en effet
partout ce que le Kabal appelle des facteurs, agents
du gouvernement occulte des Israélites s'interposant
d'un bout du monde à l'autre pour les ventes et
les achats, pour les procès de leurs coreligionnaires,
agissant près des administrations pour tout ce qui
est de l'intérêt de la race, secondant ou paraly-
sant les projets des gouvernements, etc. Ils sont
admirablement propres à être les commis-voyageurs
de la Franc-Maçonnerie et de la Révolution. Les
papiers de la Haute-Vente nous montrent Piccolo-
Tigre à Paris, à Londres, à Vienne, à Berlin; ici il
paraît gentilhomme, là banquier, ailleurs négociant,
courtier et même petit marchand ambulant; partout
commis-voyageur en placement dô haine contre Celui
que ses ancêtres crucifièrent.
Bakoumine fait ce portrait du maçon véritablement
initié, admis dans les sociétés plus secrètes : « Le
428 l'agent de la civilisation moderne
révolutionnaire est "un homme consacré. Il n'a pas
d'intérêts personnels, pas de sentiments, pas d'affai-
res, pas de préférence, pas de biens, pas même
de nom. Tout en lui est absorbé par un intérêt
unique et exclusif, par une pensée unique, par une
passion unique : la Révolution. Non seulement par
ses paroles, non seulement par ses actes, mais encore
dans le fond même de son être, il a rompu à jamais
avec l'ordre public, avec le monde civilisé tout en-
tier. Froid envers soi-même, il doit l'être aussi envers
autrui. Tous les sentiments d'affection, d'amour, de
gratitude doivent être étouffés dans son âme par
la passion unique et calme de l'œuvre révolutionnaire.
Nuit et jour, il doit avoir une pensée unique, poursuivre
un seul but : la destruction implacable. Et accomplissant
cette œuvre froidement et sans relâche, il doit être prêt
à périr et à égorger de ses propres mains quiconque fat
obstacle à ses desseins. »
CHAPITRE XXXI
CORRUPTION DES IDÉES (suite)
III. — LA MACHINE A CORROIVIPRE
Les créatetirs de la Franc-Maçonnerie, voulant fon-
der une société dont le but devait rester ignoré,
bien qu'elle se manifestât elle-même, devaient consti-
tuer en elle un organisme dissimulateur du but qu'ils
voulaient atteindre, et dissimulateur à ce point que
la mise en mouvement de cet organisme produisît,
pour ainsi dire, automatiquement, des apparences con-
traires aux réalités, c'est-à-dire des mensonges. S'ils
n'avaient pas réussi à faire cela, la Franc-Maçon-
nerie n'aiurait pu atteindre la fin qu'elle s'était pro-
posée, elle n'eût pas vécu.
Cet organisme, construit tout exprès pour créer
l'illusion et, grâce à cette illusion, produire l'effet
voulu, M. Copin-Albancelli, esprit observateur, qui
sait voir et qui pénètre jusqu'à l'inlérieur des choses
qui se présentent à ses yeux, en a percé le mystère.
Il a démonté le mécanisme et il en expose toutes les
pièces sous nos yeux!
Il a trouvé tout d'abord que la Franc-Maçonnerie
a une double organisation, l'une visible, l'autre oc-
culte, celle-là servant à dissimuler celle-ci. L'orga-
430 l'agent de la civilisation moderne
nisation visible divise la Franc-Maçonnerie (univer-
selle en grands gro^upements qui s'appellent ici fédé-
rations, là, Grandes Loges ou Souverains Conseils.
Le groupement le plus important et le plus connu
qu'il y ait en France est le Grand-Orient de France.
Ce sont des entités administratives, indépendantes.
Ces grands groupements se subdivisent en groupe-
ments infiniment plus petits, qu'on appelle ateliers ou
loges. Une loge est dirigée par ses officiers, c'est-
à-dire par le Vénérable, le Premier et le Second
Surveillant, l'Orateur et le Secré'.aire. On les appelle
les Cinq Lumières. Ces officiers sont élus par les
membres de la loge, chaque année, au mois de dé-
cembre, et pour un an seulement. Ils sont toujours
rééligibles. Notons en passant qu'ils n'ont d'autorité
comme officiers que dans leur loge. Partout ailleurs,
ils sont obligés d'obéir aux officiers des ateliers
dans lesquels ils pénètrent au simple titre de visi-
teurs, tout comme la foule des autres maçons.
Le Grand-Orient de France compte actuellement
un peu plus de vingt mille adhérents, répartis entre
quatre cents ateliers environ de cinquante membres
en moyenne.
C'est aussi par l'élection qu'est constituée l'au-
torité administrative de la fédération entière. Tous
les ans, au mois de décembre, chaque atelier nomme
un délégué au convent qui se réunira à Paris au
mois de septembre suivant. Le convent nomme un
conseil de trente-trois membres qui est pour ainsi
dire le .comité exécutif de la fédération du Grand-
Orient. De plus, il examine les questions qui sont
de l'intérêt général de la fédération. Parfois, il entre
en rapports avec les fédérations ou puissances maçon-
niques étrangères. Enfin, il s'occupe, et avec plus
d'ardeur qu'à tout le reste, des questions actuelles
d'ordre politique et religieux.
CORRUPTION DES IDÉES 481
Le Grand-Orient est administré par un Conseil de
l'ordre. Ce Conseil de l'Ordre est la plus haute
autorité administrative de la Franc-Maçonnerie fran-
çaise, dans laquelle il n'existe plus de Grand Maître.
Telle est l'organisation de la Maçonnerie, comme
elle se présente à la masse de ses adhérents et au
public.
Mais il y a chez elle un autre organisme moins
connu^ celui des grades. Lorsqu'un profane est sou-
mis à l'initiation, il reçoit, en même temps que la
lumière, le grade d'apprenti. Après quelques mois,
il peut, s'il est exact aux réunions, être admis au
grade de compagnon; puis, après un autre délai éga-
lement assez court, à celui de maître. Mais ce n'est
pas par l'élection qu'il est nommé à ces différents
grades. Ce n'est plus d'en bas, comme dans la hié-
rarchie administrative, qu'il reçoit la poussée; il est at-
tiré d'en haut. Ce sont ses supérieurs en grade qui
l'appellent à eux, s'ils le jugent digne.
Il faut ici faire cette remarque importante que
le grade confère à celui qui le reçoit des prérogatives
toujours existantes, dans quelque lieu maçonnique
qu'il se trouve. Je veux dire que, tandis qu'un Orateur,
un Premier Surveillant ou un Vénérable n*exercent
les fonctions d'Orateur, de Premier' Surveillant ou
de Vénérable que dans leur loge, un compagnon
a le grade de compagnon partout; un Maître jouit
également partout des prérogatives de la Maîtrise
qu'il a reçue.
Presque tous les francs-maçons arrivent au grade
de Maître et y arrivent rapidement. Le franc-maçon
Maître est reconnu franc-maçon parfait.
Au-dessus de la maîtrise, il y a les hauts-grades,
432 l'agent de la civilisation moderne
dont un cei-tain nombre de Maîtres ne connaissent
même pas l'existence.
Comment y arrive-ton? Toujours par sélection.
Les Haut-gradés ont à eux des ateliers autres que
les loges, et portant le nom de chapitres, conseils,-
aéropages. Mais ils n'en continuent pas moins à
fréq;uenter les loges. Ils y sont même particulière-
ment obligés par les règlements. Lorsqu'ils y rencon-
trent tin Maître qiii leur paraît offrir les conditions
requises, et qui a les trois ans de grade nécessaires,
ils l'interrogent pnidemment et, s'ils croient pouvcir
compter sur son acceptation, ils lui proposent de lui
servir de parrain dans un atelier supérieur, dont
les membres auront d'ailleurs à voter sur son ad-
mission. C'est ainsi que le principe de sélection exerce
en Franc-Maçonnerie tin rôle considérable sans que
s'en doutent les maçons de grade inférieur qui sont
constamment observés, mais à leur insu. C'est ainsi
que le principe d'élection n'est qu'une apparence men-
songère. En réalité, c'est bien sur le principe de
sélection qu'est constituée la véritable et secrète au-
torité maçonnique.
Les grades d'apprenti, de compagnon et de maître
forment la base de la Maçonnerie. Sur cette base
s'élèvent donc nombre de degrés. Ils ont été trente-
trois au Grand-Orient; huit seulement sont actuelle-
ment en usage. Les plus connus sont le Rose-Croix (18«
degré), le Kadosch (30® degré).
On peut donc se représenter la Franc-Maçonnerie
sous la forme d'une pyramide dont les différentes
assises vont en se rétrécissant de la base au sommet,
car plus les grades sont élevés, plus est restreint
le nombre de ceux qui en sont pourvus.
CORRUPTION DES IDÉES 433
La société des apprentis, qui est au-dessous de
toutes les autres, est non seulement dominée, mais
pénétrée par toutes. Les grades supérieurs peuvent
s'introduire chez eux comme il leur plaît, et même
les apprentis ne peuvent se réunir qu'en la compa-
gnie d'un maître qui les surveille, les inspire, leur
apporte les suggestions que lui-même a reçues de
plus haut.
Au second éta^e se trouvent les compagnons. A
leur initiation à ce grade, on leur a fait prononcer
de nouveaux serments, on les a menacés de la malé-
diction des maîtres s'ils révèlent n.on seulement aux
profanes, mais aux apprentis, ce qui est particulier
au grade de compagnon. Ce grade constitue donc iine
société secrète superposée à la première.
Arrivé au second étage, le compagnon continue
à être ohservé par les maîtres et les haut gradés
sans qu'il puisse s'en douter, et, lorsqu'il en est
jugé digne, il est appelé à devenir maître.
Apprentis, compagnons, maîtres consti!uent la ma-
çonnerie inférieure, appelée maçonnerie bleue qui se
réunit dans les Loges.
Au-dessus de ces Loges, les ateliers supérieurs,
forment une maçonnerie superposée, également à di-
vers étages, plus ou moins nombreux selon les rites,
les temps et les nécessités du moment.
Le livre si curieux du Philalèthe (pseudonyme d'An-
derson) the Long livers, dédié en 1720 aux grand
^naître, maîtres et gardiens et frères des Loges de
Londres, indique fort bien dans sa préface que déjà
il existait au-dessus des trois grades traditionnels
(Apprenti, Compagnon et Maître) emp tintés aux free-
L'Église et le Temple. 28
434 l'agent de la civilisation moderne
masons, une illumination et une hiérarchiz dont il
ne révèle 'pas la nature (1).
Quels avantages l'autorité supérieure retire-t-elle
de cette organisation? Le voici.
Un 'maçon du premier degré, un apprenti, a le droit
de savoir tout ce que savent tous les autres apprentis.
Il peut aller dans tous les autres ateliers où on tra-
vaille au grade d'apprenti, mais non dans aucun des
ateliers où on travaille d'un grade supérieur au sien.
De même d'un maçon du second degré ou compa-
gnon, de même encore, du maçon arrivé au grade
de maître, 3^ degré. Il sait tout ce qui se. passe dans
1. La Franc-Maçonnerie n'est pas seulement, par sa
constitution même, un organisme dissimilateur de ce qu'elle
est, de ce qu'edle fait, de ce qu'elle poarsuit; elle a, de
plus, construit une immense machine, montée pour proje-
ter constamment à travers le monde entier toutes sortes
de mensonges.
_ Cette machine, c'est l'ensemble des grandes Agences
juives et des journaux d'informations qui portent partout
les échos des nouvelles qu'elle leur dicte.
Toujours la première annonce des faits arrive aux lec-
teurs du monde entier présentés de façon à les prévenir,
à former en eux des préjugés contre le vrai, contre le
juste et le légitime, contre le bien. C'est dans les ghettos
et dans les arrière-loges que cette manipulation est faite,
et la nouvelle ainsi travestie s'impose même aux journaux
à pavillon catholique, grâce au monopole de la juiverie.
Il en va des réputations comme des nouvelles. Par la
presse, la Franc-Maçonnerie porte au pinacle les hommes
les moins dignes d'estime en tout ordre de choses. Léon
Gambetta est un des plus illustres exemples de la réputa-
tion mondiale que la secte parvient à donner aux siens.
Son nom est inscrit dans les rues, sur les places de toutes
nos villes, si petites qu'elles soient; son effigie est par-
tout. Pour le plus grand nombre, il est grand patriote, grand
politique, grand orateur, sauveur de la patrie, père de
la démocratie. Inutile de dire ce qu'il fut en réalité, les
lecteurs de ces pages sont assez instruits de l'histoire con-
temporaine pour ne point l'ignorer.
CORRUPTION DES IDEES 435
les ateliers où on travaille au grade d'apprenti, et dans
ceux où on travaille au grade de compagnon, pais-
qu'avant d'être maître, il a fallu nécessairement qu'il
commence par être apprenti d'abord et compagnon
ensuite. Il a le droit d'aller dans tous les ateliers
où on travaille aux grades d'apprenti et de compa-
gnon. Il a même le devoir âJaller dans le 'plus grand
nombre possible, afin d'entraîner les apprentis et les
compagnons dans la voie où il est en avance sur eux
d'un ou de deux degrés. Mais il ne sait absolument rien
de ce qui se dit et se fait dans aucun des ateliers où on
travaille à un grade supérieur au sien.
Le devoir imposé aux grades supéri^rs de fré-
quenter les ateliers où on travaille aux grades infé-
rieurs, pour y porter les inspirations qu'ils reçoi-
vent eux-mêmes, est considéré comme essentiel, in-
dispensable à la transmission des dites inspirations.
Chaque maçon ignore donc absolument tout ce
qui se dit et se fait dans les a'eliers supérieurs à
ceux de son grade, car l'entrée d3 ces ateliers lui
est rigoureusement interdite. De sorte que, de même
que son grade est une société véritablement secrète
pour les gradés inférieurs, les grades supérieurs au
sien constituent des sociétés véritablement secrètes
pour lui.
On comprend comment ceux qui composent le
groupe supérieur, quel qu'il soit, et quels qu'ils soient
eux-mêmes, peuvent faire circuler leurs volontés dans
toute la pyramide des ateliers maçonniques. Lors-
qu'ils ont élaboré ensemble un projet, lorsqu'ils ont
pris une résolution, s'ils constatent que tel état d'es-
prit régnant dans la nation et se faisant sentir dans
la Maçonnerie s'opposerait à la réalisation de leur
projet, ils décident qu'ils vont s'attaquer à cet état
436 l'agent de la civilisation moderne
d'esprit dans les groupes qui sont au-dessous d'eux,
et ils le font avec toutes les chances de réussite,
parce que leur groupe étant ignoré, leur entente
l'est aussi.
On comprend aussi que les documents qui éma-
nent des groupements supérieurs, tels que ceux sai-
sis à Munich et à Rome, si peu nombreux qu'ils
soient, doivent nous être d'une incontestable utilité
pour l'étude profonde de la Maçonnerie, pour la
connaissance de la voie dans laquelle elle est pous-
sée et de la méthode qu'elle emploie.
0.1 co.nprenl enfin que celui ou ceux qai se trou-
vent au sommet de la pyramide, la tiennent tout
entière. Par eux et vers eux se fait l'ascension;
d'eux descendent les influences et les suggestions.
Il faut ajouter que la Maçonnerie dite des hauts
grades a elle-même au-dessous d'elle, une Maçonne-
rie supérieure internationale; de sorte qu'elle n'est
elle-même, en dépit de son titre, qu'une Maçonnerie
subalterne. Elle sert de canal de transmission aux
Loges des volontés supérieures et d'organisme de
triage agissant sur les membres assemblés dans les
Loges; mais au point de vue de l'ensemble de la secte
qui couvre le monde de ses filets, elle est un li-eu de
dépôt par lequel il faut passer « avant d'arriver à
lun autre monde secret » dont elle n'est que « l'anti-
chambre assez mal éclairée ». Ce sont les expressions
de Piccolo-Tigre (1).
1. M. Copin-Albanceili a dit comment il fut amené à
connaître l'existence des loges ténébreuses.
« J'avais remarqué, dit-il, l'influence extraordinaire de
certains membres des loges où je fréquentais.
Ce fut un de ces personnages qui me fit signe un beau
jour.
— Voulez-vous, me dit-il, venir chez moi, j'ai à vous
parler? ' ' '>^^
CORRUPTION DES IDEES 437
Car, il est nécessaire de le savoir, la Franc-Ma-
çonnerie française n'est pas seule constituée sur le
type que nous venons de décrire trop brièvement.
Dans tous les pays se trouve une organisation sem-
blable et au-dessus de toutes ces organisations natio-
nales, doit se trouver, se trouve une organisation
Et il me fixa un rendez-vous. J'acceptai et je m'y ren-
dis.
L'entrevue prit tout d'abord une tournure que je n'avais
pas prévue.
— Donnez-mci, dit mon interlocuteur, votre parole d'hon-
neur d'homme, que rien de ce qui vous sera confié ici ne
transpirera au dehors.
Je donnai ma parole d'honneur. Si je parais la violer,
aujourd'hui, c'est qu'au fond de ma conscience j'ai décidé
une fois pour toutes que l'intérêt supérieur de mon pays
passait avant ces paroles d'honneur-là.
— Que pensez-vous de la franc-maçonnerie? me demanda
brusquement mon interlocuteur.
— C'est, dis-je, une bien grosse question pour qu'on y
réponde aussi vite.
— Eh bien! alors, me dit-on, avec un sourire, que pen-
sez-vous de son œuvre?
Et sans me laisser le temps de répondre, mon interlocuteur
continua.
— La franc-maçonnerie, vous l'avez jugée, n'est, à part
quelques exceptions, quelques rares exceptions, qu'un ra-
massis d'imbéciles, de marchands de vins et de « sous-mar-
chands de vins », au nombre d'environ 25.000. Car nous
ne dépassons pas ce chiffre. Vous le savez fort bien. Et
pourtant, ces 25.000 médiocrités, ces 25.000 imbécillités
tiennent la France. Voilà leur oeuvre. Vous la connaissez
également. — Comment elle s'est faite? C'est bien sim-
ple. Elle résulte du simple faU de son organisation et de
la désorganisation de nos adversaires. Nous sommes orga-
nisés, ils ne le sont pas. Nous savons où nous allons, ils
l'ignorent. Nous sommes secrets, caches, invisibles, ils
sont visibles et sujets à tous les coups. En dépit de nos
mauvais éléments, notre merveilleuse discipline nous a
fait ce que nous sommes, les maîtres de ce pays, et nous
allons, nous allons, nous allons toujours droit devant
nous, à la conquête de toutes les institutions, de toutes les
administrations, de tous les pouvoirs, sans que rien ne nous
438 l'agent de la civilisation moderne
internationale à la tête de laquelle se tient oe qtie
l'on .a justement appelé le Pouvoir occulte qui
dirige l'action du tout vers le but voulu.
Au-dessous de ce Pouvoir, il existe donc trois
Francs-Maçonneries superposées.
En bas, la Franc-Maçonnerie bleue, nettement vi-
sible, dont l'existence est connue des profanes depuis
longtemps. Cette Maçonnerie inférieure n*a pour ainsi
dire pas accès dans le Temple d'Hiram, elle est
maintenue dans les parvis qu'on lui donne comme
arrête, pour cette raison bien simple, c'est que devant nous
il n'y a rien...
» Eh bien ! s'écria tout à coup mon interlocuteur, main-
tenant que je vous ai dépeint la franc-maçonnerie, laissez-
moi _ imaginer un autre mode d'association secrète. Elle
serait d'abord très restreinte. Elle comprendrait, par exem-
ple, mille adeptes au maximum. Chacun des membres aurait
été éprouvé, sous tous les rapports : intelligence, énergie,
habileté, souplesse, ténacité, etc., et cela, non seulement
pendant des jours, ni pendant des mois, mais pendant des
années — de longues, de patientes années. Ce n'est pas
tout : à cet individu, mis pour ainsi dire en observation
sous l'œil de l'Occulte, la puissance secrète qui l'environne
aurait créé sans qu'il le sût des difficultés de toute espèce,
uniquement pour vérifier et en quelque sorte pour expé-
rimenter scientifiquement sa valeur. — Dites-moi donc ce
que pourrait faire une pareille association d'hommes choisis
dans de telles conditions?
— Elle serait, m'écriais-je transporté, la maîtresse du
monde.
— Eh bien! reprit mon interlocuteur, je suis chargé de
vous apprendre que cette association existe et de vous an-
noncer que vous en faites désormais partie...
« Je ne vous dirai pas, poursuivit M. Copin-Albancelli,
quelle fut la stupeur et même l'effroi de mon interlocuteur
quand, à ces mots, je me levai et lui déclarai tout net
que je refusais, en m'appuyant sur les raisons qui me
déterminaient à quitter la franc-maçonnerie elle-même, com-
me d'ailleurs toute association secrète, poursuivant, par
des moyens plus ou moins puissants, des fins sembla-
bles. »
CORRUPTION DES IDEES 439
étant le Temple. Le Pouvoir occulte s'en sert pour
opérer un triage qui a pour objet de mettre à part
les sujets hypnotisables, susceptibles de devenir les
sectaires dont le Pouvoir occulte a besoin pour
arriver à ses fins. CeUx-ci forment la seconde Ma-
çonnerie qui a à poursuivre un but partiel dont la
réalisation préalable est indis;: ensable au but gêné: al
que le Pouvoir occulte seul connaît. Ces buts par-
tiels ne sont pas les mêmes dans tous les pays,
parce que le Pouvoir occulte n'y dispose pas des
mêmes moyens, ou parce qu'il n'a pas à y renverser les
mêmes obstacles.
Au-dessus de ces deux Maçonneries logées dans le
Temple, il en est une troisème cachée aux deux
autres et qui se terre dans les cryptes du Temple.
Elle est chargée des actions d'ensemble qui s'éten-
dent à divers pays ou à tout l'univers (1).
1. Cette constitution de la Franc-Maçonnerie a servi de
type à l'organisation d'autres sociétés secrètes créées sans
doute par des Francs-Maçons. Comme indice, voici la ques-
tion que M. Paul Laf argue, gendre de Karl Marx, 'posait en
février 1908 :
« Que feriez-vous si vous veniez à découvrir dans la
Confédération générale du travail une Société secrète, igno-
rée des Syndicats et composée de quelques syndiqués et
de bourgeois, qui intriguerait pour faire marcher les Syn-
dicats et la Confédération aux ordres d'un Comité secret,
résidant à l'étranger, dont les affiliés, lors de la tenue
des Congrès syndicaux et des séances du Comité confé-
déral se réuniraient secrètement pour prendro les décisions
qu'on doit leur faire voter?
Et voici la réponse du même Paul Lafargue :
« L'Alliance des Frères Internationaux, Société secrète
composée de quelq;ues internationaux et de bourgeois, et
fondée par Bakounine pour faire, non la lutte de classes,
mais « l'égalisation des classes » qui avait des Comités
secrets en Italie, Espagne et Belgique, était organisée dans
l'Internationale pour la diriger d'après les instructions
du Comité directeur de Suisse, où trônait Bakounine. Les
alliancistes arrêtaient en secret les résolutions qu'on devait
440 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
Celle-ci connaît-elle le véritable but dont le Pou-
voir occulte poursuit la réalisation? Connaît-elle même
ce Pouvoir et quels en sont les membres? On peut
dire : Non, quant aux membres; mais quant à son
existence, elle peut, comme nous, l'induirei des faits
produits depuis un siècle et particulièrement en ces
dernières années.
Comment le Pouvoir occulte est-il construit? D'après
la logique générale du système, ce ne saurait être
un homme. C'est un groupe d'hommes. Ainsi seulement
peut être assurée la perpétuité de l'œuvre. Qui peut
arriver à faire partie de ce groupe chef? Celui-là
seul qui, après les sélections multipliées dont il a é é
l'objet, présente toutes garanties qu'il sera, envers
et contre tout, fidèle à l'idée qui est l'àme de cette
extraordinaire création. Cela ne suffit point. Il faut
encore qu'il soit dans une condition spéciale, et cette
condition spéciale est, comme nous le verrons, d'être
de race juive.
Pouvoir occulte. Plusieurs fois ce mot est revenu
sous notre plume. Existe-t-il vraiment au faîte de
la maçonnerie Un pouvoir qui se dérobe à tous les
yeux ?
M. Copin-Albancelli a supérieurement trailé cette
question dans son journal et dans ses livres.
Lorsque, dit-il, il s'agit de percer le mystère dont
les fondateurs de la maçonnerie se sont enveloppés,
une seule méthode est possible, une seule est scien-
tifique, parce qii'elle est adéquate à l'objet de l'étude
prendre aux Congrès et aux Conseils de l'Internationale. »
C'est au cours d'une polémique avec Emile Pouget, ré-
dacteur en chef de la Voix du Peuple, que Lafargue fit
ces_ révélations. La lettre a été publiée par M, Pouget,
mais après en avoir retranché toute la partie qui visait
les Frères internationaux.
CORRUPTION DES IDEES 441
qti'on poursuit : c'est le raisonnement. Ce raisonne-
ment doit être établi sur l'induction et la déduction;
cette induction et cette déduction devant elles-mêmes
reposer sur des faits positifs et hors de contestation.
Une autre voie serait de chercher des documents.
Mais s'il s'en produisait, on pourrait dire avec assu-
rance gue, dissimulation par essence, la secte les
aurait fabriqués tout exprès pour tromper le public
et dérouter les chercheurs.
é
Raisonnons donc.
Il y a un grand fait qui domine toute la question,
c'est l'existence même de la Franc-Maçonnerie. Eli©
existe depuis des siècles. Quelqu'un l'a créée.
Etant donné qu'elle est non seulement séculaire, mais
internationale, ce quelqu'un dispose de moyens d'ac-
tion puissants et universels. Depuis deux siècles au
moins qu'elle fonctionne au milieu de nous, on ne
sait encore ni comment, ni pourquoi, ni pour le
compte de qui. On le cherche, on le soupçonne, mais
c'est malgré elle et malgré les efforts qu'elle fait
pour se maintenir dans le mystère, qu'on arrive à
en savoir quelque chose. Si cette secte existe, elle
a une raison d'être. Son fondateur avait un but, sans
cela il ne se fût point mis en peine de créer un orga-
nisme si vaste, si compliqué. Mais ce qu'il faut
considérer surtout, c'est qu'il est fait pour dérouter
ses associés eux-mêmes et les aveugler tout en les
faisant servir à l'accomplissement de ses desseins.
La maçonnerie, en effet, nous l'avons vu, par sa
double organisation, est constituée de façon à per-
mettre à une autorité invisible de s'exercer sur elle
de la même manière que l'autorité maçonnique
s*exerce sur le monde profane. Tous les rouages
de l'organisation maçonnique sont façonnés et agen-
442 L'AGENT DE LJC CIVILISATION MODERNE
ces pour transmettre de degrés en degrés depuis
les arrière-loges les plus secrèt'es jusqu'au monde
profane des suggestions, des idées et des volontés.
En un mot toute la machine est constituée en vue
du fonctionnement d'un pouvoir dirigeant, mais qui
veut rester occulte. Prenons, pour exemple, la der-
nière affaire, l'affaire Ferrer. Une agitation univer-
selle s'est produite tout à coup. Elle n'a pu s'exé-
cuter sans qu'un mot d'ordre eût été lancé. Or, un
mot d'ordre suppose une volonté et un mécanisme
ordonné pour la transmission de cette volonté. Où
est la volonté? On ne la voit pas. Et comme l'orga-
nisme de transmission est évidemment la Franc-Ma-
çonnerie, il faut tconclure que la Franc-Maçonnerie est
un corps ayant une tête, et que les autres membres
de ce corps agissent sous l'impulsion que la tête
leur donne et en vue des desseins que la tête a conçus.
Cette tête, c'est le pouvoir occulte.
Un fait, entre mille autres, qui montre bien son
existence et son action.
La chute de l'indépendance temporelle de la Pa-
pauté est due à un vaste complot international dont les
fils aboutissaient aux loges d'Angleterre, de France,
d'Allemagne et d'Italie. Ce complot eût été impossible
à réaliser sans un plan conçu et une direction donnée
par Un état-major mystérieux, agent d'une force ca-
chée qui concentre dans ses mains la puissance de la
haute maçonnerie, comme un général concentre l'ac-
tion militaire.
La Révolution française ne s'explique pas en de-
hors de l'action de cet agent aussi mystérieux que
puissant.
Lorsque vous lisez les quatre gros volumes de
Taine sur la Révolution, vous êtes toujours tenté
de vous demander s'il n'y a pas quelque chose der-
CORRUPTION DES IDÉES 443
rière la page. Les faits, les événements, les cho-
ses, les gens, le drame, les acteurs, tout cela passe
devant vous dans un tableau merveilleusement vivant,
mais qui demeure, d'un bout à l'autre, un véritable
logogryphe. Comment toutes ces émeutes éclatent-
elles ainsi à point nommé? Comment totit ce qu'il
eût été élémentaire de faire pour le salut du pays
et de la Monarchie n'est-il régulièrement jamais fait?
Comment, au contraire, tout ce qu'il eût été élémen-
taire d'éviter n'est-il régulièrement jamais évité?
Taine ne vous donne que l'explication vague de
r « Anarchie spontanée » dans laquelle, précisément,
rien ne sent jamais le « spontané », tandis que tout
y sent continuellement le « préparé ». A ces pages
il manque un mot : pouvoir dirigeant, pouvoir occuUe.
Dans Une lettre pastorale, écrite en 1878, Mgr
Martin, évêque de Natchitoches, aux Etats-Unis, par-
lant de la conjuration antichrétienne qui s'étend au
monde entier, disait :
« En présence de cette persécution d'une univer-
» salité jusqu'ici inouïe, de la simultanéité de ses
» actes, de la similarité des moyens qu'elle emploie,
» nous sommes forcément amenés à conclure l'exis-
» tence d'une direction donnée, d'un plan d'ensemble,
» d'une forte organisation qui exécute un but arrêté
» vers lequel tout tend.
» Oui, elle existe, cette organisation, avec son but,
» son plan et la direction occulte à laquelle elle
» obéit; société compacte malgré sa dissémination
» sur le globe; société mêlée à toutes les sociétés
» sans relever d'aucune; société d'une puissance au-
» dessus de toute puissance, celle de Dieu exceptée;
» société terrible, qui est, pour la société religieuse
» comme pour les sociétés civiles, peur la civilisation
444 l'agent de la civilisation moderne
» du monde, non pas seulement un danger, mais le
» plus redoutable des dangers. »
Grâce à l'organisme qtie nous avons décrit, ce grou-
pe chef a dans la main toutes les Maçonneries visibles
€t invisibles. Il exerce son influence à chaque degré.
Des sphères supérieures, les volontés du Pouvoir
occulte descendent dans les inférieures. Chaque étage
a sa fonction; chaque pays a son rôle.
Conception étonnante et gigantesque! Organisme
merveilleux qui met en jeu des êtres libres et les
conduit sans qu'ils s'en doutent vers un but que la
plupart réprouveraient s'ils le connaissaient! Œuvre
qui serait impossible à un homme ou à quelques
hommes venus de-ci ou de-là, mais qui n'est pas
au-dessus des forces d'une race et d'une religion.
CHAPITRE XXXII
CORRUPTION DES IDÉES (suite) .
IV. - SUGGESTIONS
Piccolo-Tigre avait donné ce conseil aux membres
des Ventes qu'il institu lit : « Infiltrez le venin dans
les cœurs choisis; infiltrez-le à petites doses et comme
par hasard. Vous serez étonnés vous-mêmes de votre
succès. »
Comment et par quels moyens, faire cette infil-
tration? La Bévue maçonnique répond : Par des in-
fluences individuelles soignsusement couvertes. »
Ces influences s'exercent au dedans des loges et
de là dans le monde profane.
Le Pouvoir occulte suggestionne les « ateliers »,
au sortir des ateliers les maçons suggestionnent le
public. C'est ainsi qu'ont été répandues dès avant
la Révolution les idées de liberté et d'égalité qui
devaient la produire. De nos jours, nous avons vu
préparer les voies à l'enseignement neutre par cette
sentence : c'est le maître d'école qui a fait la vic-
toire du Français. Cette autre sentence : « Nécessité
du service militaire obligatoire pour tous » permet-
tait d'enrôler les prêtres, faisait délester l'année, dé-
446 l'agent de la civilisation moderne
serter les campagnes, corrompait la jeunesse et dimi-
nuait la natalité. Toutes choses voulues par le Pou-
voir occulte pour les fins que nous dirons.
Comment ces suggestions et mille autres arrivè-
rent-elles à s'emparer de l'esprit public?
Pour répondre à cette question, voyons d*abord ce
qui se passe dans les loges.
Nous savons que les fédérations maçonniques Bont
divisées en groupes appelés ateliers et qui ne com-
prennent chacun qu'un nombre de personnes très
restreint. Dans les grandes villes, les autorités maçon-
niques préfèrent voir les Francs-Maçons fonder plu-
sieurs loges plutôt que de se réunir en une seule.
C'est qfue la Maçonnerie est une société d'enseigne-
ment et il convient de n'avoir à instruire ensemble
qu'un petit nombre d'adeptes.
Nous savons encore que les hauts gradés, bien
qu'ils aient des ateliers spéciaux, sont obligés à la
fréquentation assidue des loges. Là, rien ne les dis-
tingue de tous les autres maçons qui s'y trouvent
et cependant ils ont reçu une initiation supérieure, ils
appartiennent à un atelier d'ordre supérieur (1). Mais
tous l'ignorent. Ils peuvent donc se mêler à la dis-
cussion des questions proposées, sans que l'on sache
qu'ils ont à faire prévaloir l'opinion, qu'ils apportent
toute faite, de plus haut. Eux-mêmes, les hauts gradés,
ont été suggestionnés de la même façon par des
1. Les hauts gradés ne sont pas tous employés à ces
missions, . mais seulement ceux qui sont reconnus comme
les plus aptes à transporter les ins:.Dirations directrices ; ceux
qui sont les mieux armés pour cela, par leurs aptitudes
d'abord, par le Pouvoir occulte ensuite, ou par ses inter-
médiaires. Rien ne les désigne aux yeux des bas gradés.
Ils portent dans les loges le simple cordon des maîtres, quel-
quefois même le tablier d'apprenti. Ils exécutent le pas
en entrant dans le Temple. Ils jouent leur rôle humblement
dans toutes les cérémonies auxqueles participent les maç'Ons
du premier degré.
CORRUPTION DES IDEES 447
délégués de la maçonnerie supérieure appartenant
à un atelier d'ordre supérieur^ mais dont ils ignorent
l'existence, ou, en tout cas, dont les membres leur
sont inconnus comme tels et qui, lorsqu'ils appa-
raissent chez eux, sont crus leurs pareils. Le Pou-
voir occulte peut ainsi cultiver avec succès et inco-
gnito les intelligences qui sont venues se mettre
à son école; d'autant mieux que parmi ceux qui
ont été introduits dans les loges par les recruteurs,
il se fait une sélection automalique, comme dit M.
Copin-Albancelli, par élimination volontaire. Le Pou-
voir occulte prit soin en effet de n'opposer aucun
obstacle à la sortie de ceux qui, en raison de leur
caractère ou de leur attachement aux principes reçus
dans leur éducation, se montrent rétifs à l'enseigne-
ment qui leur est donné. Les maîtres n'ont donc^ devant
eux que des écoliers dociles.
Que fait-on dans les réunions maçonniques? se
fait demander l'ex-franc-maçon M. Copin-Albancelli,
et il répond : « Dans les réunions maçonniques, on
commence par écouter des prédications; eï plus tard,
on en fait soi-même. Les loges sont des lieux où
l'on est prêché et où l'on prêche. » Cette réponse
ne doit pas surprendre; car dès lors qu'il s'agit
pour le Pouvoir occulte de jeter des suggestions
dans l'esprit des francs-maçons, il n'a qu'un moyen
à sa disposition : la prédication.
Qu'enseigne-t-on ?
D'abord, et comme fondement à la doctrine qui
viendra s'édifier sur cette base, deux suggestions
maîtresses : 1° La Maçonnerie est une institution
sublime, éternelle initiatrice de tout ce qui se fait
de bon et de grand dans l'humanité; 2'' Cette asso-
ciation se heurte à un ennemi : le catholicisme —
on dit d'abord : le cléricalisme. — D'où la conclu-
448 l'agent de la civilisation moderne
sion : Puisque le catholicisme est l'ennemi de la
Maçonnerie, il est l'ennemi de toutes les grandes
causes auxquelles celle-ci se dévoue. En conséquence,
quiconque ai.r.e ces grandes causes doit combattre le
catholicisme.
Comment peut-on présenter la Franc-Maçonnerie
sous un jour si beau, et le catholicisme sous un jour
si déplorable? En faisant de la Franc-Maçonnerie
l'organe et le défenseur de la Raison.
Qu'est-ce que cette déesse à laquelle la Maçon-
nerie a offert tant de sacrifices humains au jour
où elle la faisait adorer dans la personne d'une
prostituée? Nous connaissons des raisons individuel-
les, des intelligences humaines dans lesquelles se
développent plus ou moins avec l'âge, l'étude et la
réflexion, l'expérience, la science et la sagesse. Mais
ces raisons individuelles sont toujours bornées,
même chez les plus savants et les plus sages.
La raison ainsi acquise par l'étude et l'expé-
rience n'est autre chose qu'un reflet dans l'âme
humaine de la raison infinie qui est Dieu. Est-ce
Dieu et sa sagesse infinie que les Francs-Maçons
veulent défendre contre le catholicisme sous ce nom :
la Raison? Il suffit de poser la question pour la ré-
soudre. La Raison qu'ils veulent nous faire adorer
est un fantôme qu'ils habillent de grands mots éblouis-
sants : science, progrès, civilisation, liberté, et à la
poursuite duquel ils mettent toutes leurs dupes. Sous
tous ces mots se cachent la contradiction aux vérités
chrétiennes, l'opposition à la civilisation née des prin-
cipes posés dans le monde par la prédication du
Christ.
Quand l'état d'esprit voulu par la double sugges-
tion que nous venons de dire est bien entré dans
les têtes, on leur fait connaître une à une les causes
CORRUPTION DES IDÉES 449
au succès desquelles tout bon franc-maçon doit tra-
vailler pour le triomphe de la Raison sur la Supers-
tition et les moyens à prendre pour assurer la supré-
matie de la Raison et anéantir le catholicisme. A
ces moyens, doivent collaborer tous les maçons dignes
de ce beau titre.
Là-dessus viennent des études en commun dont les
thèmes sont fournis par les intermédiaires sugges-
tionnés de plus haut, ainsi que nous l'avons dit.
Ce sont les différents aspects, les différents points
d'une philosophie anticatholique, d'une science his-
torique anticatholique, d'une économie sociale anti-
catholiqpe, et d'une morale anticatholique. L'étude
de la question sociale, par exemple, permet de sug-
gestionner toutes les idées quatre-vingt-neuvistes : la
souveraineté du peuple, la liberté, l'égalité et tout
le bagage démocratique (1).
1. « J'ai subi, dit M. Gopin-Albancelli, celte intoxication
lorsque j'étais dans la Franc-Maçonnerie. On m'avait tout
d'abord inoculé certaines pensées par lesquelles mon in-
telligence avait été séduite et comme chloroformée. L'opé-
ration s'était accomplie sans çfue j'eusse rien senti. Ma
bonne foi était toujours demeurée absolument intacte, et,
d'autre part, je m'imaginais toujours raisonner librement.
En fait, je mâchais et remâchais un certain nombre d'idées
générales qu'on avait transfusées en moi, et qui, justes et
vraies en apparence et théoriquement, devenaient, dans
l'application qui en était faite, fausses et destructrices. A
mesure que s'effectuait cette inoculation, je perdais de plus
en plus possession de moi-même. Ce n'était plus moi
qui raisonnais. C'était quelque chose d'étranger gui
raisonnait, ou plutôt qui déraisonnait en moi, comme
l'absinthe déraisonne dans le cerveau de celui qui s'en est
enivré. J'étais un halluciné, un hypnotisé, tout comme U
nation. Et je n'ai qu'à me souvenir pour avoir la certitude
que tous les autres Francs-Maçons étaient des hypnotisés
comme moi. C'est si vrai que, si j'ai pu échapper aux
suggestions qui avaient été jetées dans mon esprit, c'est en
grande partie parce que j'eus la chance de me rendre
compte, alors qu'U en était encore temps, du travail qui
était opéré sur moi et autour de moi. Un jour il arriva
L'Église et le Temnlc. 29
450 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
Ainsi est formé afu sein de l'organisme maçon-
ni(jue tin état de pensée anticalholique, non seulement
sur les questions générales que nous venons d'indi-
qtier, mais sur chacune des questions actuelles qui
se présentent, ou que le Pouvoir occulte soulève,
telles la question de l'enseignement, du divorce, de
la séparation de l'Eglise et de l'Etat, etc., etc.
Mais pour le résultat auquel il tend, le Pouvoir
occulte ne saurait renfermer son action dans l'en-
ceinte de ses loges. Il faut qu'il crée également
un état d'opinion conforme à ses desseins dans le
« monde profane. » ,
Il a pour cela tout d'abord ses Maçons. Pris dans
tous les milieux, ils font sentir partout autour d'eux
le contre-coup de l'action qui est incessamment exercée
sur leur esprit. Ils répètent ou font répéter dans
les journaux et dans les conférences, dans les écoles
et dans les lycées ce qu'ils ont entendu dire j)ar
les prédicateurs du Pouvoir occulte. « Etre Franc-
Maçon, disait le F.;. Lafferre au banquet du Cou-
vent de 1903, c'est être apôtre. » Vous devez être
apôtres, leur répète-t-on sans cesse. Ils n'y manquent
point, et ils sont bien plus hardis pour répandre
l'erreur que les bons pour défendre la vérité. Le
journaliste dans ses articles, le publiciste dans ses
écrits, l'auteur dramatique dans ses pièces, le chan-
qu'ayant une série d'articles à écrire pour la Revue de
l'Hypnotisme, je fus amené à réfléchir sur les suggestions
qui sont répandues dans les milieux sociaux, comme d'au-
tres le sont dans l'esprit de certains sujets sur lesquels
travaillent les hypnotiseurs. Je fus alors _ frappé de ce
qui se faisait dans les loges et de ce que j'y faisais moi-
même, et je m'aperçus que nous étions des hallucinés qui,
une fois suggestionnés par certains d'entre nous, en sug-
gestionnaient d'autres ensuite. On nous parlait de raison
et nous en parlions à notre tour; mais, en réalité, il ne
s'agissait que de suggestions jetées dans nos esprits.
CORRUPTION DES IDEES 451
sonnier dans ses chansons, le pornographe dans ses
dessins, le professeur dans ses cours, l'instituteur
dans ses classes, tous répandent, sous différentes
formes, l'enseignement qu'ils ont reçu, les idées dont
ils ont été imprégnés, les mots d'ordre qui leur
sont communiqués (1).
Il ne faut pas croire que ces missionnaires de la
1. Nous avons parlé ci-dessus de l'étude faite par MM.
Cocliiix €t Charpentier sur la campagne qui a précédé les
élections de 1789 en Bourgogne. Ils nous montrent comment
la suggestion a agi, en ce moment, d'un bout à l'autre
de la France et ce qu'elle a produit.
En 89 (écrivent-ils) la nation paraît se lever d'elle-même,
agir de son propre mouvement, sans rien devoir aux talents
ni à l'autorité de personne... (Le peuple) s'assemble sans
être convoqué, signe des requêtes sans qu'on sache d'où
elles viennent, nomme des députés sans avoir entendu de
candidats, se soulève sans suivre personne.
Et pourtant cette armée sans officiers manœuvre avec un
ensemble étonnant : on voit les mêmes démarches se faire
au même moment dans les provinces que séparent mœurs,
intérêts, dialectes mêmes, sans parler des douanes et des
mauvais chemins. En novembre 1788 toute la France de-
mande le doublement du Tiers aux Etats; en janvier 89
le vote par tête ; en mars, toute la France envoie 'aux Etats
des doléances si semblables qu'on les croirait rédigées sur
le même canevas, par le même pamphlétaire^ philosophe :
car les paysans, eux aussi, parlent philosophie dans leurs
cahiers, pour rester à l'unisson. Au milieu de ' juillet, au
moment de la Grande Peur, toute la France se croit menacée
par des brigands et prend les armes ; à la fin du mois,
toute la France se rassure : il n'y avait pas de brigands.
Mais la garde nationale était sortie de terre en cinq jours,
elle obéissait au mot d'ordre des clubs, et les communes
restent armées.
Et ce ne sont là que les grandes étapes du mouvement :
même ensemble dans les détails. Si on voit une commune
signer une requête au roi, « ce nouveau Henri IV » et à
M. Necker, « notre Sully », on peut être sûr de trouver
les habitants de telle autre commune, à l'autre bout du
royaume, occupés à rédiger la même requête précédée du
même comphment.
Les Français d'alors semblent obéir à une sorte d'har-
monie préétablie qui leur fait faire les mêmes actes et
prononcer les mêmes paroles partout en môme temps; et qui
connaît les faits et gestes de tels bourgeois du Dauphiné 'ou
452 l'agent de la civilisation moderne
doctrine maçonnique soient tous de mauvaise foi.
Ils ont été fanatisés, aveuglés, de telle sorte que
c'est parfois, souvent, avec conviction qu'ils prêchent
leurs erreurs. Un grand nombre d'entre eux sont
des croyants; ils croient à la mission de la Veuve,
et ils s'en font les apôtres avec fanatisme. On est
parvenu à leur persuader que la Science, le Progrès,
la Civilisation exigent la destruction du Christia-
nisme. Ils le croient. Et cette foi est une force consi-
dérable chez ces ingénus. « Il faut avoir vu, dit
M. Copin-Albancelli, jusqu'où va leur hallucination. »
De même que les hauts gradés sont délégués dans les
réunions de la Franc-Maçonnerie bleue, de même
des francs-maçons sont délégués dans cette mullitude
d'associations qiie nous avons vu dépendre d'elle.
« Notre commission, dit le compte rendu du congrès
maçonnique d'Amiens en 1894, a estimé que ce moyen
(d'action sur l'opinion publique par les suggestions
maçonniques dans les sociétés à caractère inlifférent)
devait être désigné d'une façon toute particulière
à votre attention. Il vous procurera, en effet, à vous,;
l'occasion de faire prédominer nos idées partout si
nous avons le talent d'organiser ces sociétés tout
en restant dans la coulisse. »
de r Auvergne, sait l'histoire de toutes les villes de France
au même moment.
Ainsi, dans cette singulière campagne, tout se passe
comme si la France entière obéissait au mot d'ordre du
mi6ux monté des partis, et on ne voit pas de partis...
Il y avait un complot. Gomment et par qui fut-il formé?
(A. Gochin et Ch. Charpentier, La Campagne électorale de
1789 en Bourgogne. Paris, 1904, pp. 5, 6, 7.)
Le F, : . Jouaust a par avance répondu à cette question
de MM. Gochin et Charpentier — en ce qui concerne la
Bretagne — qniand il a dit :
II ensemble, jusqu'alors incompris, avec lequel toutes les villes
de Bretagne se soulèvent pour agir au même instant, dans le
même but, s'explique facilement par la correspondance inces-
sante des Loges si nombreuses dans cette province. » {Le Monde
Mac.'., décembre 1859, p. 479.)
CORRUPTION DES IDEES 453
Le F. • . Docteur Savoire, rapporteur de la Commis-
sion de Propagande du Couvent de Paris 1900 a dit
de même à propos de ces sociétés laïques :
«Il faudrait que la F.-. M.-, s'emparât de ces
Associations, d'une manière occulte. Il suffirait qu'un
certain nombre de F. • . M. • . entrassent dans le Con-
seil de chacune de ces institutions de façon à y
exercer une influence 'prépondérante... »
Le F. • . B latin disait à ses co-maçons, au convent
de 1892, « vous êtes un état-major, vous êtes des
officiers qui n'avez pas encore suffisamment groupé
les troupes que vous devez mener au combat. Ces
troupes, vous ne pouvez les a^nener dans nos loges,
mais il faut arriver à réunir autour de vous toutes
ces masses du suffrage universel qui ne demandent
qu'à être disciplinées par vous. » Un an avant que
le F. • . Blatin prononçât ces paroles, le congrès des
loges du Midi nous apprenait que, dans cette partie de
la France seulement, « la libre-pensée comptait déjà
six cents groupes dont la formation était due pour
la plus grande partie à la Franc-Maçonnerie. » Il s'agit
ici non plus des sociétés neutres, mais de celles
qui ont elles-mêmes un caractère anticlérical, telles
que la « Ligue de l'enseignement», les « Unions ami-
cales de solidarité », les « Amicales d'instituteurs »,
les « Cercles d'études », les « Bibliothèques popu-
laires », etc., etc. (1).
1. M. Jean Bidegain, dans son ouvrage Masques et Visages
maçonniques, page 303, écrit :
« La Franc Maçonnerie a créé de toutes pièces :
La Société républicaine des Conférences populaires ;
Le Comité d Action pour les réformes républicaines ;
La Ligue d'Action républicaine ;
Les unions de la Jeunesse républicaine ;
Les Unions fraternelles.
L'Esprit de la secte anime les Sociétés dont les noms
sidvent :
454 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
Ces sociétés neutres ou libres-penseuses, ont été
constituées par la Maçonnerie, et elles ne le savent
pas; elles sont dirigées par les représentants de cette
société secrète, et elles l'ignorent; c'est de ses idées
qu'elles sont nourries, et elles ne s'en doutent pas.
C'est bien la réalisation du vœu formulé par la
Revue maçonnique : « Il faut mer d'influences indi-
viduelles soigneusement couvertes. »
La Franc-Maçonnerie, sans qu'on y prît garde, a
donc créé autour d'elle une multitude de sociétés
dans lesquelles elle répand ses suggestions, de même
que le Pouvoir occulte les répand chez elle. Ces
sociétés sont ses armées en mâme temp? que sa cou-
verture protectrice, de même qu'elle est l'armée et
la couverture protectrice du Pouvoir occulte (1). Com-
La Ligue des droits de ï homme ;
La Ligue de l'Enseignement ;
Société nationale des Conférences populaires ;
Association Foly technique ;
Société des Universités populaires ;
Société pour V Instruction élémentaire ;
Union démocratique pour V éducation sociale ;
Cercle populaire d- enseignement laïque ;
Patronage laïque d'enseignement populaire et d'éducation
morale et civique ;
Les Foyers du Soldat ;
Les Foyers du Marin ;
La plupart des Patronages laïques, des Deniers ou Sous
des Écoles, des Caisses des Ecoles et des Bibliothèques
populaires.
1. Outre les sociétés ci-dessus nommées, il en est d'autres
directement affiliées à la Franc-Maçonnerie sans en être ce-
pendant. Voici sur ces sociétés des renseignements précis et
authentiques empruntés au Bulletin maçonnique d'avril
1892, p. 26.
Des collectivités adhérentes. — Article 1er. — Tou-
tes les associations ayant une organisation permanente
et un fonctionnement régulier, telles que sociétés de libre-
pensée, patronages, ligues d'enseignement patriotique ou
de défense d'intérêts matériels ou moraux, sociétés de pré-
voyance, de secours mutuels et philanthropiques de toute
espèce, sociétés compagnoniques, syndicats professionnels,
CORRUPTION DES IDÉES 455
ment, par ces milliers de sociétés, et par les sugges-
tions incessantes qui leur sont faites, le Pouvoir
occulte n'arriverait-il pas à détruire de fond en comble
la façon de penser d'une nation? Enlever au Français
associations corporatives, bibliothèques populaires, etc., peu-
vent devenir groupes adhérents de la Franc-Maçonnerie à
titre collectif.
Art. 2. — Toute association qui voudra devenir groupe
adhérent de la Franc-Maçonnerie en fera la demande à une
loge choisie par elle, sur laquelle elle sera souchée.
Art. 3. — L'admission ne sera définitive qu'après avis
conforme de la grande loge symbolique. Pour cela, la loge
transmettra au secrétariat général l'extrait du procès-verbal
de sa tenue relatif à la prise en considération de la de-
mande du groupe; elle y joindra la liste des membres com-
posant ledit groupe, en y indiquant les noms, domiciles et
professions. Chaque année elle fera connaître les modi-
fications survenues dans cette liste par suite d'admissions
ou de radiations.
Art. 4. — Les loges pourront constituer avec les groupes
souches sur elles, à titre provisoire ou permanent, des
comités mixtes pour organiser des fêtes, concerts et toutes
réunions de propagande jugées utiles.
Signé : Friquet.
En beaucoup de cas, les simples membres de ces sociétés
adhérentes ne soupçonnent pas qu'ils sont ainsi enrégi-
mentés et souches à la Franc-Maçonnerie. Ce sont leurs
chefs qui, sans les avoir consultés, ont disposé d'eux et de
leurs noms et qui, ensuite, les font évoluer dans le sens
maçonnique comme des pantins.
Longtemps le caractère maçonnique de la ligue de l'en-
seignement fut caché et même nié, lorsque le moment fut
jugé venu le voile fut déchiré.
Au cinquième congrès de la Ligue tenu à Lille, en 1885,
le F.; . Macé déclarait ceci : « Autrefois nous affirmions
que la Ligue de l'enseignement n'était pas une institution
politique et religieuse. Aujourd'hui il n'en n'est plus ainsi.
Aujourd'hui il faut affirmer que la ligue est bien une ins-
titution maçonnique. »
Et le F. • . Adrien Duvaud, au convenl de 1898, déclare
que c'est la Ligue de l'Enseignement qui a fait voter les
lois scolaires de la République », que « c'est une institution
maçonnique », que « l'esprit maçonnique y est toujours
présent ». Et le F. • . Lecoq, au convent de 1900, déclarait
ceci : « Nous ne devons pas oublier qu'à côté de la Franc-
Maçonnerie il y a la fille de la Franc-Maçonnerie, la Ligue
de l'enseignement.
456 l'agent de la civilisation moderne
toutes les traditions françaises, leur en substituer
d'autres, c'est l'œuvre à laquelle la Franc-Maçonne-
rie s'est attachée depuis deux siècles avec le plus
de constance et de sticcès, afin d'amener notre pays
à se détruire lui-même.
CHAPITRE XXXIII
CORRUPTION DES IDÉES (suite)
V. — SUGGESTIONS ANTITRADITIONALISTES
Par la mise en œuvre d'un organisme conçu et
employé avec fane sagesse infernale, le Pouvoir occulte
qui préside à la Franc-Maçonnerie, peiït donc jeter
dans l'esprit de la multitude, des suggestions favo-
rables à ses desseins, et les répéter sans cesse.
Les principales suggestions lancées dans le public
au XVIII*^ siècle furent celle de Végalité qui devait
aifranchir les Juifs et les mettre sur le môme pied
que nous, Français; et celle de la liberté qui devait
susciter la Révolution. Nous en avons parlé dans
le livre Vérités sociales et Erreurs démocratiques.
Aujourd'hui, les suggestions de l'humanitarisme,
de l'abolition des frontières, soit politiques, soit dog-
matiques, tiennent le premier rang. Elles ont pour
fin de détruire tout attachement à la patrie et à
la religion afin que sur ces ruines puisse s'élever la
Jérusalem de nouvel ordre qui doit s'étendre à tout
l'univers. Nous en parlerons dans la seconde partie
de cet ouvrage.
Ici nous devons nous borner aux suggestions anti-
traditionalistes semées en France afin de détruire la
458 l'agent de la civilisation moderne
nationalité française, car l'altération des traditions
françaises dans l'esprit des Fratiçais, est la condition
préalable, nécessaire ati succès des desseins de la
secte, qui sont, on peut le dire, en toute certitude
l'assassinat de la France.
Plus de cinquante ans ont été ainsi employés à
suggestionner l'esprit public et à préparer la Révo-
lution; et en voici soixante-dix, employés de même
sorte à nous amener à la situation actuella et à ce qtii
doit la stiivre. Alors comme aujourd'hui, la secte,
avant d'agir, a commencé par ' créer un état d'es-
prit nouveau fondé sur le mépris et la haine des tra-i^
ditions de la race française : traditions politiques
aussi bien que traditions religieuses, les deux racines
maîtresses de l'arbre national, comme dit M. Copin-
Albancelli. Les détruire par la force était impossible.
On y arrive par la suggestion et le mensonge.
A première vue, on est porté à croire qu'une na-
tion ne peut être vaincue que par les armées. C'est
une erreur. A côté des blessures qui font couler le
sang des veines, il y en a d'autres plus affaiblissantes
et plus difficilement curables, celles qui font couler
le sang de l'âme. Où est l'âme d'un peuple? dans
ses traditions. C'est dans ses origines et dans les
traditions qui en ont surgi, qu'ont été et que sont
les vraies sources de sa vie. Or, quiconque examine
les faits de notre histoire contemporaine peut se
convaincre qu'un immense et incessant effort est
poursuivi depuis cent soixante ans pour tuer l'âme
française par ce procédé : la détacher de ses origines
et de ses traditions, en les lui faisant oublier, en
lui en inspirant la haine et le mépris.
« Depuis plus d'un siècle, dit M. Gustave Bord
dans la préface de son livre, intitulé : La Franc-
Maçonnerie en France, des origines à 1815, les his-
CORRUPTION DES IDÉES 459
toriens et les économistes se demandent comment un
pays, foncièrement monarchique et catholique comme
la France, a pu brusquement changer d'idéal et de
foi... Aucun historien de bonne f ji n'a mÎ3 en doute
que l'âme du pays ne fût royaliste et croyante... Il
faut qu'un mal plus terrible (que le déficit finan-
cier, etc.) ait envahi ce qti'on appelait alors l'opi-
nion publique : le but de cette étude est de prouver
que le mal qui devait contaminer le monde entier,
n'était pas seulement la Franc-Maçonnerie, mais sur-
tout l'esprit maçonnique, l'esprit maçonnique créé
par des suggestions continues et se répandant des
loges dans tout le monde profane. »
« Lorsqu'on veut qu'un peuple vive, dit encore M.
Bord, on ne détruit pas les sources de sa vie. On
n'attaque pas haineusement ses souvenirs. Même dans
les cas où il devient nécessaire de choisir entre
les différents chemins que peut ouvrir l'avenir, on
le fait avec le respect qu'on se doit à soi-même et
qu'on doit encore plus aux aïeux par lesquels on
existe; on médite pieusement les modifications dont
sont susceptibles ces traditions grâce auxquelles ils
ont édifié ce qu'ils nous ont transmis. On fait en
sorte, non pas de tuer le passé, ni de le déshono-
rer, mais de le relier aux conditions nouvelles qui
peuvent résulter du changement d'âge des nations.
Si, au contraire, on veut qu'un peuple meure, rien
de plus logique que de le fiapper aux endroits où
sont les sources même de ga \ie.
» N'est-elle pas singulièrement impressionnante cette
marche de la Maçonnerie, installée au milieu d'un
peuple dont elle commence par fermer les yeux et
par enivrer la raison; puis qui supprime l'un après
l'autre tous les organes de notre vie nationale, en
s'attaquant dabord à ceux dont le Pouvoir occulte
460 l'agent de la civilisation moderne
sent la disparition plus urgente pour lui : la Monar-
chie, tradition nationale politique, force qui main-
tenait la cohésion dans le corps social, qui coordonnait
les efforts en rue de la défense; puis le catholicisme,
force ^morale qpii donnait aux âmes le ressort à défaut
duquel la meilleure organisation reste inutile, comme
serait une machine, même la plus perfectionnée, dans
laquelle il n'y aurait point de vapeur. Ces destruc-
tions préalables accomplies, l'âme du pays étant en-
dormie, sinon détruite, et ses membres ou disjoints
ou paralysés, réduits à l'impuissante défensive, le
Pouvoir occulte s'en prend successivement aux idées,
désormais sans support, de propriété, de famille, de
moralité, qui, à défaut des institutions traditionnelles
et des principes fondamentaux préalablement anéan-
tis, distingueraient encore l'homme de la bête. Il
veut que soit effacée cette dernière distinction, et il
s'y acharne en proclamant qu'il travaille pour la
lumière, la justice, la civilisation, le progrès! Il atta-
que enfin l'idée nationale elle-même, de la façon
dont il a attaqué toutes les autres, c'est-à-dire en
répandant subrepticement, par fraude et mensonge,
dans ses loges, et de là dans le monde profane, les
idées qu'il sent nécessaires pour fanatiser les uns,
pour engourdir les autres. Notre renoncement à toutes
nos traditions, c'est par là que le Pouvoir occulte
a résolu de nous tuer, en faisant de nous les arti-
sans de notre ruine. »
Cela commença avec Voltaire et l'école encyclopé-
dique. Ils préparèrent la Révolution par une propa-
gande d'idées.
« Nous avons à craindre, disait Mirabeau à Cham-
fort, l'opposition de la grande partie de la natioû,
qui ne connaît pas nos projets et qui ne serait pas
disposée à nous prêter son concours. On lui fera
CORRUPTION DES IDÉES 46i
vouloir et on lui fera dire ce qu'elle n'a jamais
pensé. Si elle en doute, on lui répondra comme Crispin
au légataire : C'est votre léthargie. La nation est un
grand troupeau qui ne songe qu'à paître et qu'avec
de bons chiens les bergers mènent à leur gré. Après
tout, c'est son bien qu'on veut faire à son insu.
Ni son vieux régime, ni son culte, ni ses mœurs,
ni toutes ses antiquailles de préjugés ne méritent
qu'on les ménage. Tout cela fait honte et pitié à un
siècle comme le nôtre et, pour tracer un nouveau
plan, il faut faire place nette. »
Grâce à cet empoisonnement des esprits, ils purent
arriver à couper la tête au roi et anéantir le culte
catholique.
Napoléon se rendant compte des nécessités qui
s'imposaient, restaura la tradition religieuse; et vou-
lut* créer un nouveau traditionalisme politique. N'ayant
point voulu faire la première de ces choses comme
le Pape l'entendait, il ne put réussir la seconde.
Apres la Restauration, tout le travail accompli par
la secte était à refaire; il fut repris de même façon.
Elle s'attacjiia d'abord au traditionalisme politique. Par
le libéralisme et ses hypocrisies, elle parvint à dé-
trôner les Bourbons, à rétablir une République; puis,
ne la trouvant point viable, à substituer de nou-
veau au traditionalisme politique français l'Empire
qui en est la contrefaçon. En même temps, l'unité ita-
lienne était dressée pour battre en brèche le boulevard
du catholicisme, la Papauté; et Napoléon III était
sommé de prêter les mains à cet attentat de tous le
plus funeste. Et tandis qu'il s'accomplissait, toute ,une
série d'assauts étaient donnés chez nous, avec autant
de patience que de perfidie, au traditionalisme reli-
gieux. On sait ce qu'il en advint.
La France parut se ressaisi- après la guerre, Tin-
462 l'agent de la civilisation moderne
vasion et la Commune, et vouloir échapper à la Franc-
Maçonnerie et au Pouvoir occulte par le retour au
traditionalisme religieux et politique. C'est ce que
marquèrent les élections de 1871. Mais la secte sut
semer entre les représentants de la nation des divi-
sions qui firent tout avorter. Le traditionalisme poli-
tique fut abattu en 1874 et 1877, et dès ce moment
fut conduite lentement, mais sûrement, la guerre au
tmditionalisme religieux. Elle commença par l'école
neutre, fut poursuivie par l'expulsion des congré-
gations religieuses; elle en est aujourd'hui à la sépa-
ration de l'Eglise et de l'Etat, en attendant qu'elle
puisse anéantir l'Eglise de France.
Tout ce qui a é té tenté depuis 1880 pour faire ou-
blier aux Français ce qu'ils ont été, ce qu'Us sont,
ce qu'ils doivent être, a été préparé dans les loges.
Pour s'en convaincre il n'y a qu'à consulter le Bulle-
tin du Grand-Orient. On y voit que tou'es les lois,
toutes les mesurçs antireligieuses, antimorales, anti-
sociales, prises par le gouvernement ou fabriquées
par le Parlement, ont été discutées et votées dans les
ateliers maçonniques plus ou moins longtemps avant
de l'être à la Chambre et au Sénat. Lorsque la re-
marque en fut faite, le Bulletin du Grand-Orient
disparut du dépôt légal, cessa d'y être porté, de
sorte ,^u'aujourd'hui, il est impossible d'y faire de
nouvelles découvertes.
Donc, depuis cent cinquante ans, c'est toujours
la même marche inflexiblement poursuivie vers le
même but; ce sont toujours les mêmes coups de
hache de l'invisible bûcheron en vue de la des-
truction en France de cette double racine de l'arbre
français : le traditionalisme politique et le traditio-
nalisme religieux. Aujourd'hui, l'antitraditionalisma
religieux est poussé jusqu'à l'athéisme, dans les écoles
CORRUPTION DES IDÉES 463
et l'antitradidonalisme politique jusqu'à la démoli-
tion de l'idée de Patrie dans l'armée. Ce plan était
nié autrefois, il ne l'est plus, car les francs-maçons
croient n'avoir plus à se gêner, l'un des deux tra-
ditionalismes étant mort, disent-ils, et l'autre mou-
rant. « Il nous plaît de constater que nous ne sommes
pas étrangers à cette double ruine, disait en 1902,
dans un chant de triomphe, l'aide-bûcheron F.'. Del-
pech. Au point de vue politique, les francs-maçons
ont varié; mais en tout temps la Franc-Maçonnerie a
été ferme sur ce principe : guerre à toutes les su-
perstitions, guerre à tous les fanatismes... Le triom-
phe du Galiléen a duré vingt siècles, il se meurt. »
Ce chant de victoire contient un mensonge. Il dit :
guerre à toutes les superstitions, à tous les fanatis-
mes; or, il existe une « superstition » et un « fana-
tisme » que la Maçonnerie n'a jamais combattus :
c'est la « superstition » et le «fanatisme » juifs.
Pour Israël, contre le « Galiléen »! telle est la for-
mule qui résume le mieux l'œuvre maçonnique. L'au-
tre point de cette déclaration — « Au point de
vue politique les francs-maçons ont varié », — de-
mande explication : Oui; la secte a flatté la Restau-
ration, mais pour détourner l'attention de ses ma-
nœuvres. Elle a travaillé à l'établissement du pou-
voir personnel dans la personne des Napoléons, mais
pour se servir d'eux. Et pour ce qui est de nos rois^
elle n'a jamais cessé de porter dans son cœur et
d'exécuter, autant que les circonstances le permet-
taient, ce mot d'ordre qui lui a été donné à l'ori-
gine : Lilia pedïbus destrue.
Tout cela, la secte a pu le faire grâce à son action
sur l'esprit public par les moyens ci-dessus si-
gnalés.
Dans l'ouvrage déjà cité- M. Bord donne le nom
464 l'agent de la civilisation moderne
de « latomisés » aux personnes initiées pu profa-
nes qui sont imprégnées de la doctrine maçonnique.
Les Romains appelaient latomies des carrières où
l'on renfermait des prisonniers. Les « latomisés » sont
donc les captifs de la maçonnerie, ses captifs intel-
lectuels, ceux de l'esprit desquels elle a pris pos-
session. De ces captifs il y en a beaucoup plus dans
le monde profane que dans les Loges. Ce sont tous
ceux en qui les suggestions maçonniques ont plus
ou moins oblitéré l'idéal de nos aïeux, l'idéal qui a
fait la France. M. G. Bord fait cette observation qui
est aussi patente aujourd'hui qu'avant la Révolu-
tion : « Le latomisé fut un perturbateur aussi ter-
rible que l'initié, car sa mentalité était la cause fa-
tale de l'ambiance créée par le dogme égalitaire. La
mentalité maçonnique agissait en effet autant sur le
latomisé que sur l'initié, et la plupart d'entre eux ne
voyaient pas exactement les transformations que la
maçonnerie avait produites sur leur intelligence, sur
leur volonté et sur leur conscience. Voilà précisément
où se trouve la force de la Maçonnerie. Là aussi est
le danger qu'elle présente ».
La France avait comme idéal la religion catholi-
que et la royauté traditionnelle. C'est de l'union de
ces deux idées et de ces deux faits qu'est née la pa-
trie française; c'est à leur culte qu'elle doit son dé-
veloppement, sa prospérité et sa suprématie sur l'Eu-
rope et sur le monde civilisé (1). Hélas! combien
elle en est déchue, depuis qu'il s'est trouvé dans son
sein une association travaillant constamment, et a^^ec
tant de complices hors d'elle, à tarir dans les âmes
ces deux sources de la vie nationale!
1. Du huitième au quinzième siècle, il n'y eut, de par
le monde, qu'un peuple à l'apogée ; la France. Tout ce
qu'il fit alors de grand naquit de la double inspiration reli-
gieuse et nationale.
CORRUPTION DES IDEES 465
Ces complices, on les trouve jusque dans nos rangs.
Pour ce qui est de la tradition religieuse, n'est-ce
point chez les catl:oliques que l'Encyclique Fascendi
a dû aller chercher et condamner les fauteurs ^u
Modernisme? Et que fait le Modernisme? Il s'attaque
hypocritement aux racines mêmes du christianisme.
Comme le protestant, le moderniste nie l'autorité
divine de l'Eglise; comme le rationaliste, le moder-
niste nie la divinité réelle de Notre Seigneur Jésus-
Christ; comme le panthéiste et l'athée, le mo-
derniste nie l'existence réelle d'un Dieu dis'.inct du
monde; comme le sceptique, le moderniste refuse
à la raison humaine le pouvoir de connaître réelle-
ment aucune vérité. Et en niant tout cela, le moder-
niste garde toute l'apparence, toute la façade, toutes
les formules du catholicisme. Aussi Pie X a pu dire :
« Les partisans de ces erreurs, il n'y a pas aujour-
à les chercher parmi les ennemis déclarés; ils se
cachent dans le sein même et au cœur de l'Eglise,
ennemis d'autant plus redoutables qu'ils le sont moins
ouvertement. Nous parlons d'un grand nombre de
catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à dé-
plorer, de prêtres qui, sous couleur d'amour de l'E-
glise, se posent, au mépris de toute modestie, comme
rénovateurs de l'Eglise. En phalanges serrées, ils
donnent audacieusement l'assaut à tout ce qu'il y a
de plus sacré dans l'œuvre de Jésus-Christ. »
Peut-il y avoir un péril plus grand pour la tradi-
tion religieuse et sa conservation dans notre pays
que celui qui est ici décrit?
Le péril n'est pas moins grand pour la tradition
nationale. Les Francs-Maçons estiment celle-ci mor-
te, tandis qu'ils ne voient encore qu'à l'agonie la
tradition religieuse. Ils se trompent. Le catholicisme
n'est point mourant même en France; et l'idée mo-
L'Église et le Temple. 30
466 l'agent de la civilisation moderne
narchique n'est point morte. Elle revit.; elle se relè-
ve des coups qui lui ont été portés depuis un siè-
cle. Mais la secte n'a point jeté ses armes; elle
continue le combat et elle le poursuit là où elle
croit qu'il sera plus décisif. C'est pourquoi elle
porte l'attaque d'abord dans les écoles. De Mais-
tre a dit que l'histoire, depuis la Réforme, est une
conspiration contre la vérité. Cette conspiration est
patente dans l'enseignement à tous ses degrés, aus-
si bien à l'école primaire qtie dans les Lycées et les
Universités. Dans l'enquête qui se fait en ce moment
sur les livres classiques, on constate un égal achar-
nement, et contre la vérité religieuse, et contre la
vérité historique : à toutes les pages la falsification
voulue des faits et des doctrines est faite pour créer
dans l'âme des enfants des préjugés indéracinables.
C'est la recommandation qui avait été faite à la
Haute-Vente : « C'est à la jeunesse qu'il faut aller,
c'est elle qu'il faut séduire^ çlle que nous devons
entraîner sans qu'elle s'en doute. »
Au sortir des écoles, le jeune homme est saisi
par les associations; il est catéchisé par les jour-
naux; il est circonvenu par des apôtres dont il ne
croit pas devoir se défier et qui, dans le fait, sont
les plus dangereux parce qu'ils se présentent sous
un visage religieux et patriotique.
Quel journal, quelle association plus acharnés con-
tre la tradition monarchiste que le Sillon, pour ne
citer que lui? (1) Les jeunes catholiques qu'il en-
traîne par l'amorce d'idées généreuses, mais vagues,
imprécises, peuvent-ils se douter qu'en les hypnoti-
sant dans la contemplation de l'idée démocratique,
1. En plusieurs provinces, l'Association de la Jeunesse ca-
tholique ne se distingue point assez du Sillon sous ce rap-
port.
CORRUPTION DES IDEES 467
le Sillon fait les affaires de la Maçonnerie? Peu-
vent-ils se douter que l'idée fondamentale du Sillon
est une idée juive, une de ces idées qui sont employées
par la secte judéo-maçoimique pour asservir \x France
et saper le catholicisme? Ils ne le peuvent, car,
dans leurs cercles d'études, on se garde bien de
porter leur attention du côté de la secte. Par l'étude
sérieuse, approfondie de la question maçonnique, ils
verraient ce que la secte se propose, les moyens
qu'elle emploie pour arriver à ses fins, les sugges-
tions qu'elle croit utile de répandre pour se donner
des collaborateurs parmi « les profanes ». Ils ver-
raient que ces collaborateurs, elle les cherche de
préférence parmi eux à raison des qualités natu-
relles à la jeunesse et des ressources qu'elle pré-
sente pour l'apostolat dans le présent et pour les
institutions à établir dans l'avenir. Profitant de la
simplicité et de la candeur propres à leur âge, elle
travaille à faire de leur association une école de
dissociation anticatholique aussi bien qu'antifrançai-
se. N'a-t-on point vu le Sillon s'adjoindre aux in-
sulteurs de Jeanne d'Arc? S'il est une tradition fran-
çaise digne de respect et d'enthousiasme, c'est pour-
tant bien celle-là. Ne voit-on pas le SMon faire
partout alliance avec les protestants, et même avec
les Unions chrétiennes dont le but avoué est d'en-
traîner la jeunesse de tous les pays du monde dans
une religiosité 'qui secoue le joug de tout dogme? Les
choses semblables s'appellent et la haine de la tra-
dition monarchique devait nécessairement amener
après elle au moins l'indifférence dans l'ordre reli-
gieux.
Le Pape, les évêques les ont maintes fois aver-
tis pour ce qui regarde la religion; des hommes di-
gnes de toute considération les avertissent peur
468 l'agent de la civilisation moderne
ce qui est de la patrie. Ils ferment obstinément
l'oreille, tant la suggestion maçonnique s*est ptiissam-
ment emparée de leur esprit. Combien y en a-t-il
parmi eux qui peuvent s'en rendent compte!
Pour qui a étudié la secte maçonnique, q^ui con-
naît ses visées et les moyens d'action qu'elle s'est
donnés, il n'est pas douteux que son influence ne
s'exerce parfois, même dans les journaux réputés
les meilleurs. A la manière dont sont traitées cer-
taines questions, on sent le souffle, l'inspiration de
la secte. S'il est une question urgente entre toutes,
c'est bien celle de l'union des catholiques dans une
même pensée et dans une même action. Dès les
premiers jours de son pontificat, dans sa première
Encyclique, notre Saint-Père le Pape Pie X a mar-
qué l'unique terrain sur leqiuel ils peuvent s'enten-
dre et unir leurs efforts. Il s'y est placé lui-même,
les invitant à se grouper autour de lui et s'offrant
à les diriger. « En face de la guerre impie qui a été
soulevée et qui va se poursuivant presque pai'tout
contre Dieu... si l'on nous demande une devise tra-
duisant le fond même de notre âme, nous ne don-
nerons jamais que celle-ci : Restaurer toutes cho-
ses dans le Christ... Il en est, et un grand nombre,
nous ne l'ignorons pas, qui, poussés par l'amour
de la paix, c'est-à-dire de la tranquillité de l'Ordre,
s'unissent et se groupent pour former ce qu'ils ap-
pellent le parti de V Ordre. Hélas! vaines espérances,
peines perdues! De partis d'Ordre capables de ré-
tablir la tranquillité au milieu de la perturbation
des choses, il n'y en a qu'un : le Parti de Dieu. »
Cette parole devait, ce semble, rallier tous les orga-
nes catholiques de publicité. Mais non. Les plus
ostentatoirement catholiques ont préféré au Farti de
CORRUPTION DES IDÉES 469
Dieu, le parti de V Ordre, et à l'action, catholique,
l'action libérale! Et lorsque la constitution du Parti
de Dieu demande, actuellement, que chacun dans
la défense des droits de Dieu, de l'Egliso et des âmes
fasse abstraction de ses préférences politiques, ces
mêmes journaux « catholiques » ont exigé préala-
blement à toute entente et à toute action commune,
une profession de foi républicaine. Qui ne recon-
naîtrait en cela .l'inspiration maçonnique, la sug-
gestion de la secte qui nous a dotés de la républi-
que tout en déclarant de vive voix et par ses œuvres
que la République n'est autre chose que « la maçon-
nerie à découvert? » Ce n'est pas à la légère que
M. Copin-Albancelli a dit : « Le journal modéré, pa-
triote, religieux même, peut avoir, sans qu'il le sa-
che, son ou ses francs-maçons qui n'y disent que
ce qu'ils peuvent dire. S'il n'a pas son ou ses francs-
maçons, il a tel et tel de ses rédacteurs qui sont
imbibés, grâce à des « influences individuelles soi-
gneusement couvertes », d'esprit maçonnique dilué
dans la mesure où il convient pour qu'il soit assi-
milable dans le milieu où il doit agir. Ces maçonni-
sants transmettent à leur tour à leurs confrères l'es-
prit qu'ils ont reçu. Et c'est ainsi que notre presse,
même celle d'opposition, est attaquée sur bien des
points par des infiltrations maçonniques (1). Il en
est de même des ateliers, des salons, des groupes
1. M. Louis Teste a raconté ce gui suit :
« Un de nos évêques, aujourd'hui archevêque, étant
allé pour je ne sais plus quelle affaire voir à son bureau
un de nos confrères, le trouva en compagnie de quelques-
uns de ses collaborateurs, qui lui furent aussitôt présentés;
mais deux d'entre eux s'étaient déjà précipités pour baiser
l'anneau épiscopal, bien qu'à Paris ce ne soit pas l'usage,
ce que je constate sans l'apprécier. En sortant, l'évêque
dit à la personne qui l'accompagnait : « Ohl il y a là
deux bien bons catholiques, MM. Untel et Untell » C'était
les deux Juifs qui avaient baisé l'anneau. Je tiens l'anec-
470 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
que nous constituons ». On peut dire à coup sûr
que tout ce qui est marqué de l'estampille « libé-
ral » vient des Loges par des voies plus ou moins
détournées. En tout cas, il fait leurs affaires.
Que conclure?
Le Pouvoir occulte a basé sa domination sur un
état d'esprit.
Cet état d'esprit est antitraditionaliste. Antitradi-
tionalisme religietix et antitraditionalisme politique.
Il est le résultat des divisions successives opérées
chez nous depuis quatre siècles.
Lorsqu'un ouvrier carrier veut briser un bloc de
pierre, dit M. Copin-Albancelli, il commence par le
séparer en deux morceaux. Il s'attaque ensuite et
successivement à l'un et à l'autre de ceux-ci, qu'il
subdivise à leur tour. Il continue ainsi, en faisant
des morceaux de plus en plus petits, jusqu'à ce
qu'ils soient réduits à la dimension qui lui con-
vient.
Tel est le procédé qui a servi à réduire la France à
l'état où nous la voyons.
Son adversaire commença par la briser eu deux
grands fragments. Ce fut le jour où il réussit à y
introduire le protestantisme.
dote de première main et j'en garantis l'authenticité. »
A ceux çfui s'étonneraient de ce qui est dit ici, il n'y a qu'à
leur mettre sous les yeux la revue maçonnique L'Acacia,
numéro de mars 1908, page 235 :
« Pourquoi, quand la Croix aura le monopole incon-
testé de la direction des catholiq^ues, ne nous en empare-
rions-nous pas, avec le concours des Juifs, des protestants
et du gouvernement, en achetant les actions?
» On balayerait alors toute la rédaction cléricale « pour
en substituer une de libres-penseurs malins qui conservet-
raient d'abord le ton de la maison, puis le changeraient
peu à peu. » Faire évoluer un journal sans que les lecteurs
s'en doutent, comme un fabricant de chocolat change son
cacao, c'est V enfance de l'art. »
CORRUPTION DES IDÉES 471
Le bloc catholique et monarchiste français, après
qu'il eut été réduit par la brisure résultant de l'éta-
blissement du protestantisme, fut brisé à nouveau
par la philosophie du XVIIL' siècle. L'éclatement fut
même alors double : il se produisit dans le sens
religieux et dans le sens politique. La Révolution
en fut la conséquence et après elle, à la place de
ce bloc catholique et monarchiste déjà léduit, il y
eut, d'une part, des catholiques et des « philosophes »
et, d'autre part, des monarchistes et des républi-
cains.
Survint l'Empire qui fut une tentative de réagglu-
tination due à l'ambition et au génie d'un homme
appuyés sur l'instinct de conservation de la nation.
Lorsque cet homme tomba, la tâche de la Restaura-
tion était devenue bien difficile; car, au lieu du bloc
national d'autrefois, il y avait alors en France des
catholictues, des protes'.ants, des déistes, des athées,
des royalistes, des impérialistes et des républicains.
Un nouveau morcellement fut opéré lorsque la bran-
che cadette succéda à la branche aînée : Un parti
orléaniste exista dès lors à côté des autres déjà si
nombreux.
Depuis lors, le mystérieux ennemi n'a cessé de
travailler dans le même sens. Il a frappé sans re-
lâche et sans que personne le vît agir sur les frag-
ments produits par les éclatements successifs de l'an-
cien bloc français. Si bien que maintenant non seu-
lement il y a en France des catholiques, des pro-
testants, des déistes, des athées, des royalistes, des
impérialistes et des républicains, mais encore cha-
cun de ces groupements se trouve subdivisé en un
nombre sans cesse grandissant de sous g;oupements.
. Regardez partout, à droite, à gauche, chez les
croyants et chez les incroyants^ chez les pat iotes
472 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
et chez ceux qui ne le sont plus, chez les autoritaires
et chez les libéraux, dans tous les milieux, dans
tous les camps, à tous les degrés de l'échelle so-
ciale, c'est la guerre incessante, sans cesse renouvelée
sous un prétexte ou sous un autre.
Les germes en ont été inoculés aux générations
qui ont précédé la nôtre par l'ennemi masqué au-
quel nous avons affaire et ils nous ont été transmis
comme une conséquence inéluctable d'états de cho-
ses antérieurs.
A ce déplorable état il n'y a qu'une seule chose
à opposer : les doctrines vraies aux doctrines fausses;,
une contre-propagande tendajit à remettre en hon-
neur, avec une constance inlassable, les principes
de notre race, à créer un esprit opposé à celui que
la secte n'a que trop fait prévaloir,
« L'Ancienne France, dit M. Gustave Bord, avait
comme idéal la religion catholique et la royauté
traditionnelle. C'est de ces deux croyances qu'est
née la Patrie française; des doctrines maçonniques
ont pu nous la faire oublier momentanément, mais
je reste convaincu que la France de demain repren-
dra ses anciennes traditions ; qUe celles-ci seront d'ac-
cord avec les nécessités du monde moderne et que
notre pays redeviendra la nation énergique et gé-
néreuse qu'elle fut sous ses rois. »
CHAPITRE XXXIV
CORRUPTION DES IDÉES (stiite)
VI. - PROPAGANDE PAR LE COLPORTAGE
ET PAR LES ÉCOLES
Ainsi donc pour répandre les idées qu'elle a in-
térêt à faire prévaloir, la Franc-Maçonnerie use tout
d'abord « d'influences soigneusement couvertes », in-
fluences des hauts initiés sur les vulgaires maçons,
influences des maçons sur les sociétés qu'ils ont or-
ganisées ou dans lesquelles ils ont pu s'introduire,
et par elle et par eux, influences sur l'opinion pu-
bliée dans toutes les classes de la société.
Mais pour arriver aux résultats qu'il veut obtenir,
le parti occulte ne se contente point de' ces influences.
Dans sa lettre du 18 janvier 1822, Piccolo-Tigre
se félicitait des ressources abondantes qu'il tirait
de Londres pour la propagande par la brochure et
le journal des idées libérales et humanitaires,
« Des offres considérables m'ont été faites. Bien-
tôt nous aurons à Malte une imprimerie à notre dis-
position (1). Nous pourrons donc avec impunité, à
1. En mars 1763, Voltaire écrivait à Helvétius : « Pour-
(pioi les adorateurs de la raison restent-ils dans le silence
474 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
coup sûr, et sous le pavillon britannique, répondre
d'un bout de l'Italie à l'autre, les livres, brochures,
etc., que la' Vente jugera à propos de mettre en circu-
lation ». Le 5 janvier 1846, le même écrivait de Li-
vourne à Nubius : « Nos imprimeries de Suisse sont
en bon chemin. Elles produisent des livres tels que
nous les désirons; mais c'est un peu cher; j'ai con-
sacré à cette propagande nécessaire une assez forte
partie des subsides recueillis. Je vais utiliser le res-
te dans les légations ».
Maintenant, la secte a ses imprimeries partout, et
le colportage de leurs productions est favorisé par
les lois.
Ln 1881, la liberté complète du colportage fut
greffée sur la liberté complète de l'imprimerie et
de la librairie. Los vagabonds, les repris de justice
reçurent le droit de répandre les brochures les plus
et dans la crainte? Qui les empêcherait d'avoir chez eux
une petite imprimerie et de donner des ouvrages utiles
et courts, dont leurs amis seraient les seuls dépositaires?...
On oppose ainsi, au Pédagogue chrétien et au Fensez-y bien,
de petits livres philosophiques qu'on a soin de répandre
partout adroitement. On ne les vend point, on les donne à
des personnes affiliées, qui les distribuent à des jeunes
gens et à des femmes... »
*Le conseil fut suivi, nous l'avons vu plus haut, et ce fut
l'une des choses qui préparèrent le mieux la Révolution.
Un M. Leroy, lieutenant des chasses royales, s'écriait
en 1789, dans un dîner raconté par Barruel et qui avait
lieu chez M. d'Angevilliers, mtendant des bâtiments du
roi : « J'étais le secrétaire du comité à qui vous devez cette
Révolution et j'en mourrai de douleur et de remords... La
plupart de ces livres que vous avez vu paraître depuis
longtemps contre la religion, les mœurs et le gouvernement,
étaient notre ouvrage, et nous Tes envoyions à des colpor-
teurs qui, les recevant pour rien, les vendaient au plus bas
prix... Voilà ce qui a changé ce peuple et l'a conduit au
point où vous le voyez aujourd'hui ».
De l'aveu i^e M. Didier, aveu fait à la Chambre des Dé-
putés en 1833, le conseil de Piccolo-Tigre, renouvelé de
Voltaire en 1822, eut à la Révolution de 1830 la part qu'il
avait eue à la Révolution de 1798. (Voir ci-dessus, p.<232).
CORRUPTION DES IDÉES 475
impies et Les plus immondes. Et cependant, quel-
ques années auparavant, le préfet de police avait
établi que le colportage n'employait pas moins de
dix à douze mille agents, répandant frauduleusement
quinze millions de publications malsaines et hon-
teuses. Ce n'était j)oint assez, on décréta une liber-
té plus complète. De plus, les auteurs des œuvres
ainsi colportées furent glorifiés afin de leur donner
plus de crédit auprès du peuple (1).
Ce sont surtout les journaux qui servent à répan-
dre les idées que la secte veut semer dans le public.
Les feuilles qui sont à sa dévotion sont légion; elles
sont graduées avec un art infernal, pour toutes les
classes possibles de lecteurs, afin que chacun, se-
lon le degré où son esprit est parvenu sur la voie
de l'erreur, puisse se procurer le périodique atiqUel
son esprit puisse s'adapter et marcher de compagnie
avec lui. La poésie et le roman, les beaux-arts et
les sciences, l'histoire du passé et l'exposé des évé-
nements présents, tout sert, dans la mesure qui con-
vient au public auquel s"adresse spécialement telle
ou telle feuille, à répandre les idées d'affranchis-
sement intellectuel, moral et religieux qui sont le
fond de l'esprit maçonnique.
Les congrès ont bien souvent été employés au
même but. C'est de l'existence de la Haute-Vente
que date l'impulsion; qui leur est donnée. On sait com-
bien, en ces derniers temps, ils se sont multipliés,
1. Oa vient d'ériger une statue à Eugène Sue et de célé-
brer son Centenaire; il a été précédé par des réclames
bamnmesques en faveur de ses œuvres. Tous les cinq ou
six ans, des journaux reprennent ^on Juif Errant, ses
Mystères de Paris, en feuilleton; des éditions de livraisons
en approvisionnent le marché sans reliche, pour qu'aucune
génération ne grandisse sans avoir bu le poison qu'elles con-
tiennent.
476 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
SOUS toutes les étiquettes possibles. Il ne fut d'a-
bord question que de congrès scientifiques. Le pa-
pe Grégoire XVI s'y opposa avec une inébranlable)
fermeté. Il ne put éloigner ce 'fléau de l'Italie, où
les princes se laissèrent forcer la main; du moins
il en préserva Rome. Les congrès scientifiques fu-
rent en Italie en 1845 ce que furent en France,
deux ans plus tard, les banquets démocratiqfues. De
plus, ils servirent aux esprits aventureux à se con-
naître, aux affidés à semer leurs idées, à la secte à
jeter le discrédit et le mépris sur les dogmes chré-
tiens.
Mais pour être profonde, pour être tenace, pour
être générale, la propagande des idées doit être ert-
treprise dès le bas âge, dans l'éducation. Dans ses
instructions au «Régent», Weishaupt dit : « Il faut
pourtant gagner à notre Ordre le commun du peu-
ple : le grand moyen pour cela est l'influence sur les
écoles... Vous devez sans cesse voir comment on
peut, dans vos provinces, s'emparer de l'éducation
publique, du gouvernement ecclésiastiqlie, des chai-
res d'enseignement et de prédication ». Ecrasez l'en-
nemi quel qu'il soit, disaient les Instructions aux
membres de la Haute-Vente, mais surtout écrasez-lé
dans l'œuf. C'est à la jeunesse qu'il faut aller, c'est
elle qu'il faut séduire, elle qu'il faut entraîner, sans
qu'elle s'en doute... Allez à la jeunesse, et, si c'est
possible, jusqu'à l'enfance ».
Ces Instructions n'étaient point de celles que les
membres de la Haute-Vente dussent garder pour eux
seuls. Ils ne pouvaient, à quarante, endoctriner tou-
te la jeunesse européenne. Elles devaient être trans-
mises de proche en proche, plus ou moins expli-
cites ou voilées, selon le degré d'avancement des
CORRUPTION DES IDÉES . 477
personnes auxquelles on voulait les faire parvenir.
Elles étaient particulièrement destinées à ceux qui
s'occupent de Tinstruction de la jeunesse, dans les
lycées, dans les collèges, dans les écoles et même
dans les séminaires. Il n'était point nécessaire que
toutes les personnes appelées à cette propagande fus-
sent engagées dans' les liens de la Maçonnerie; il suf-
fisait, il suffit toujours, qu'elles aient l'esprit ma-
çonnique; celles-ci sont même considérées comme les
plus. utiles, parce qu'elles inculquent les idées vou-
lues à la jeunesse qui leur est confiée sans se dou-
ter du mal qu'elles lui font.
Aux autres, aux initiés, on recommandait une ex-
trême prudence. Elle était plus nécessaire alors qu'au-
jourd'hui, plus dans les Etats pontificaux que chez
nous. Elle était exigée, surtout de ceux qui, d'une
manière ou d'une autre, directement ou indirecte-
ment, pouvaient avoir quelque influence sur l'édu-
cation de la noblesse ou du clergé.
Le document publié par Mgr Gerbet, après avoir
dit qu'il faut s'efforcer d'entraîner dans le sillon
maçonnique les autorités civiles et militaires, les
rois et les princes eux-mêmes, ajoute : « et surtout
leurs enfants... C'est par des auteurs célèbres, dont
la morale s'accorderait avec nos desseins, que nous
paralyserons et ébranlerons leur puissance. C'est par
d'aussi sages mesures mises à profit avec prudence,
et surtouf appliquées à propos à de jeu le? cœurs tiop
faibles pour en discerner le vrai but, que nous les
amènerons à nous seconder pour le grand œuvre ».
C'est ce que l'on n'a cessé de pratiquer. Pour ne ci-
ter qu'un exemple, la secte avait réussi à faire ad-
mettre conrnie précepteur du prince Rodolphe, hé-
ritier présomptif de l'empereur François-Joseph, un
apostat, croyons-nous, et pour maîtres des savants.
478 l'agent pe la civilisation moderne
comme le naturaliste Brehm, qui ne croyaient ni
en Dieu, ni en la vie future. L'on sait comment
cet infortuné prince roula jusqu'à l'abîme le plus
profond du déshonneur et du désespoir.
Ici encore, nous voyons observées de nos jours
les instructions de Weishaupt. Voici celles qui avaient
été données à celui dont il avait fait choix pour
être gouverneur de l'héritier présomptif de la cou-
ronne de Bavière en 1785.
« I. On visera à ce que les connaissances du prin-
ce soient étendues, mais non pas profondes. S'atta-
quer directement au sentiment religieux inné à la
jeunesse, serait imprudent; en procédant indirecte-
ment, on obtiendra d'excellents résultats. Il suffi-
ra de montrer dans renseignement une opposition
entre la science et la foi.
» II. L'éducateur étudiera soigneusement le carac-
tère de son élève. Il est deux points surtout au su-
jet desquels il devra obtenir une connaissance cer-
taine : Quels sont les plaisirs vers lesquels le prince
se sent le plus attiré? Quelles sont les passions do-
minantes dans sa nature? Le gouverneur aura soin
de nourrir les penchants et les passions du prince.
La jeunesse, légère de sa nature, aime cela, s'en
montre reconnaissante et s'attache à ceux qui agis-
sent ainsi avec elle. Mais on évitera de dépasser une
certaine mesure, afin d'éviter que la satiété se pro-
duise. Il faut maintenir la soif. Les connaissances
étendues et superficielles produisent la vanité. On
la flattera : la jeunesse inexnérimentée se laisse tou-
jours séduire par des louanges.
» III. Une attention spéciale sera attachée au choix
des lectures. On vantera les ouvrages écrits dans
l'esprit de la loge comme faisant époque dans la
CORRUPTION DES IDÉES 41^
science, et comme perles littéraires. Quand le public
se sera laissé prendre à ces manœuvres, le gou-
verneur signalera au prince les publications en ques-
tion comme faisant sensation et dignes d'être lues
avec attention.
» IV. Il importe de donner à la jeunesse, de bon-
ne heure, au moyen de la parole et des lectures, un
certain intérêt, voire V estime du suicide! On signale-
ra le suicide comme l'acte le plus élevé du courage
viril, surtout dans certains cas spéciaux. »
Le prince héritier de Bavière, plus heureux que le
prince Rodolphe, fut préservé du sort d'une pareil-
le éducation.
C'est à ces précepteurs surtout que les Instruc-
tions recommandent la prudence : « N'ayez jamais
pour ces enfants un mot d'impiété ou d'impureté :
Maxima debetur puero rêver entia. N'oubliez jamais
ces paroles du poète, car elles vous serviront de
sauvegarde contre des licences dont il importe es-
sentiellement de s'abstenir dans l'intérêt de la cau-
se. Pour la faire fructifier au seuil de chaque fa-
mille, pour vous donner droit d'asile au seuil do-
mestique, vous devez vous présenter avec toutes les
apparences de l'homme grave et moral (1). » Il peut
paraître étonnant que l'on recommande ici de ne
pas dire un mot d'impiété, alors qu'il s'agit « d'a-
néantir l'idée chrétienne »; mais, nous avons déjà
1. Weishaupt, t. III, p. 35, disait à ses Frères insinuants:
« Le Frère insinuant peut avoir tous les vices, mais ne doit,
en même temps, jamais se laisser voir que sous le plus
parfait extérieur d'honorabilité et de vertu. Il lui est pres-
crit de s'appliquer « à la perfection extérieure ». II doit
voir comment il pourra s'emparer de l'éducation, des chaires
d'enseignement, du gouvernement ecclésiastique. Il pourra
avoir l'air de remplii* q-uelque fonction en faveur de ces
mêmes puissances, dont la destruction doit être son unique
objet. »
480 l'agent pe la civilisation moderne
vu et l'on verra mieux encore plus loin, par quels
mots, par quelles idées qui, de prime-abord parais-
sent în offensifs, la Maçonnerie parvient à inculquer
dans les esprits, à propager dans les masses, à fai-
re régner dans la société ses principes qui sont tout
l'opposé des principes chrétiens.
Voici un fait qui montre bien que Voltaire, Wei-
shaupt, Nubius sont toujours fidèlement obéis.
Dans les premiers jours de juin 1892, le corres-
pondant parisien du Courrier de Bruxelles lui com-
muniqua ce qui suit :
« C'était à l'époque où les Chambres siégeaient en-
core à Versailles et où par conséquent sénateurs,
députés, journalistes, habitant Paris, étaient condam-
nés à des voyages presque quotidiens. Je me trou-
vais un jour dans un compartiment du train, dit
parlementaire, en compagnie de M. Madier de Mont-
jau, de M. et Mme Lockroy, des enfants Hugo, Geor-
ges et Jeanne. On parla d'un jeune homme ami des
deux familles, dont on dit beaucoup de bien. Com-
me Mme Lockroy rappelait que cet adolescent avait
eu longtemps des idées « réactionnaires et clérica-
les », Madier l'interrompit : « Oui, oui, mais je lui
ai inoculé le virus (1), et maintenant il l'a bien ».
Jamais je n'oublierai l'air véritablement infernal avec
lequel ces paroles furent prononcées. Toute la haine
antireligieuse de Madier' de Montjau apparaissait dans
ses yeux, sa voix sifflante, son rictus de fanatique ».
A ce Madier de Montjau le gouvernement maçon-
nique fit des funérailles aux frais de l'Etat!
Ce n'est plus seulement les fils des princes que
les F. • . Insinuants ont mission de corrompre intel-
1. « Inoculer le virus », « infiltrer le venin », ce sont
les propres expressions employées dans les Instructions
secrètes données aux Quarante de la Haute-Vente.
CORRUPTION DES IDÉES 481
lectuellement, mais tous les enfants du peuple. Des
instructions sont données en ce sens aux instituteurs
par les journaux pédagogiques. Qu'il suffise de ci-
ter une seule note de VAction scolaire (n» d'octo-
bre 1900). Elle pose cette question : « Comment les
maîtres laïques parviendront-ils à détruire l'influen-
ce du prêtre? » Elle répond : « Un entretien de quel-
ques minutes avec les enfants qui reviennent de l'é-
glise suffirait pour anéantir les ravages causés dans
leur intelligence par les leçons du catéchisme. En
les interrogeant habilement, le maître saurait cha-
que fois quel genre de poison le prêtro vient encore
d'inoculer à ses victimes, et le remède lui serait
aisé à appliquer : ce serait une petite conversation
avec toute la classe, se rapportant, sans en avoir l'air,
à la leçon du curé et qui montrerait nettement que
celui-ci est un menteur effronté ».
Il paraît incroyable que la seçie ait pu concevoir
l'espoir d'atteindre même les séminaristes. C'est par
une fin de non-recevoir que beaucoup nous ont re-
poussé, lorsque, dans la Semaine religieuse du diocè-
se de Cambrai, nous avons jeté un cri d'alarme en
présence des tentatives faites récemment auprès des
lévites par les missionnaires des idées nouvelles, des
idées libérales, démocratiques et humanitaires : jour-
naux, conférences, prédicateurs laïques de retraites
sociales aux jeunes ecclésiastiques (1).
1. Dans le livre qu'il a intitulé : A propos de la sépara-
tion des Eglises et de VEtat, M. Paul Sabatier, protestant,
ex-ministre, dit (pp. 93 et suiv.) : « Parmi tous les specta-
cles intéressants que nous offr« la vie actuelle, je n'en vois
pas de plus grand que celui de la rencontre des jeunes ca-
tholiques avec les penseurs libres.
_ » Une grande crise intellectuelle, religieuse, morale, so-
ciale, se prépare dans beaucoup de consciences. En mesurer
l'origine, la profondeur et la portée, ne sera sans' doute ja-
L'Église et le Temple. 31
482 l'agent de la civilisation moderne
Nous parlions en connaissance de cause. Déjà, au
XVIIP siècle, Weishaupt disait aux illuminés : « S'il
est intéressant pour nous d'avoir les écoles ordinai-
res, il paraît aussi très important de gagner les sé-
minaires ecclésiastiques et leurs supérieurs. Avec ce
monde-là nous avons la principale partie du pays;
nous mettons de notre côté les plus grands enne-
mis de toute innovation (et surtout de la grande in-
novation voulue par la secte, le retour à la civili-
sation païenne par le naturalisme et le libéralisme);
et, ce qui est par-dessus tout, avec les ecclésiasti-
ques, le peuple et les gens du commun seront entre
nos mains ». Ainsi, le grand avantage que Weishaupt
trouvait à charmer l'esprit des séminaristes avec les
idées de liberté et d'égalité, c'est que les sémina
ristes devenus prêtres les répandraient dans le peu-
mais possible. Qui nous raconterait l'histoire du germe de
blé duranl sa germination dans le sein de la terre?
» J'ai pourtant pu un instant contempler de tout près
cette germination d'une vie nouvelle au sein de la vieille
Eglise, et j'en ai gardé un invincible souvenir. C'était il
y a quelques mois, chez un professeur de séminaire dont
j'étais l'hôte. Le soir un jeune diacre me remet un gros
cahier manuscrit, sorte de journal confidentiel où, depuis
trois ans, quelques élèves de ce grand séminaire ont écrit
leurs préoccupations, leurs angoisses, leur idéal, leurs rê-
ves, leur foi.
» Que se passera-t-il quand la France connaîtra ce nou-
veau clergé? »
Ce fait, et chacune des paroles qui l'exposent et qui le
commentent, parlent assez d'eux-mêmes pour qu'il soit inutile
de les relever.
M. Fonsegrive était aussi reçu dans les séminaires et admis
à prêcher aux séminaristes le modernisme. M. Harmel,
dans les retraites sociales pour lesquelles il convoquait
séminaristes et jeunes prêtres au Val-des-Bois, les imbibait
de l'esprit démocratique. Les abbés Naudet, Lemire, Gar-
nier, etc., trouvaient aussi les portes des séminaires, grands
et petits, tout ouvertes et y semaient à pleines mains leurs
idées SUT le passé et sur l'avenir de l'Eglise.
Par quelles « influences soigneusement couvertes » cela
a-t-il pu être obtenu?!
CORRUPTION DES IDÉES 483
pie, les feraient adopter par cette partie de la popu-
lation qui est trop chrétienne pour que la secte
puisse ^atteindre directement.
Au dix-neuvième siècle, nous trouvons l'es mêmes
recommandations dans le document publié par Mgr
Gerbet : « Il est de la plus grande importance, y
ést-il dit, pour le succès de notre sublime projet,
et pour en faciliter et mieux assurer l'exécution,
de ne rien négliger pour entraîner dans notre ordre
les menibres marquants dans le clergé, et tous ceux
dont les intérêts seraient en opposition avec notre
doctrine. Il faut adroitement, dans leur éducation
et sous les formes les plus séduisantes, glisser le
germe de nos dogmes et les accoutumer par là, in-
sensiblement et sans qu'ils s'en doutent^ au choc
qui doit les anéantir. »
Les instructions données à la Haute-Vente disent
à leur tour combien il importe à la secte de gagner
l'esprit des séminaristes : « Une fois votre réputa-
tion établie dans les collèges, dans les gymnases,
dans les universités et dans les séminaires, une fois
que vous aurez capté la confiance des professeurs et
des étudiants, faites principalement que ceux qui
s'engagent dans la 7nilice cléricale aiment à recher-
cher vos entretiens. Offrez-leur, tout d'abord, des
livres inoffensifs, puis peu à peu vous amènerez vos
disciples au degré de cuisson voulu... Vous devez
avoir l'air d'être simples comme des colombes, mais
vous serez prudents comme le serpent ».
En parlant ainsi, en donnant ces conseils et ces
ordres, Weishaupt, l'initié que nous révèle Mgr Ger-
bet et la Vente, ne faisaient que reprendre le procé-
dé qui avait réussi aux Gnostiq'ues, aux Maniché-
ens, puis aux chefs de la Réforme. Toujours, pour
entraîner le peuple hors des voies de la vérité et du
484 l'agent de la civilisation moderne
bien, hors de l'Eglise, il a fallu tout d'abord gagner
une partie du clergé et surtout séduire la jeunesse
cléricale par de généreuses illusions.
Tout en faisant exercer sur les séminaristes cette
action directe et personnelle, la Haute-Vente se pré-
occupait de la direction même des séminaires; elle
demandait et faisait demander, dit Crétrneau-Joly,
que l'on donnât dans les séminaires une éducation
plus appropriée aux besoins du siècle et aux inté-
rêts du pays. Elle se plaignait de voir l'étude des
langues anciennes absorber l'attention de la jeunes-
se cléricale. L'étude de la théologie et celle des
belles-lettres devaient être reléguées au second plan.
N'avons-nous pas entendu les mêmes plaintes et les
mêmes conseils en ces derniers temps?
En 1867, r Univers Israélite (T. V, p. 223) disait
compter par-dessus tout sur la direction à donner
à l'esprit des jeunes clercs pour changer l'orienta-
tion intellectuelle du monde. « Inaugurée par la sa-
vante et spéculative Allemagne, la rénovation des
études théologiques s'acclimate en France, qui, grâ-
ce à son esprit généralisateur et expansif, peut être
appelée à faire pour la synthèse religieuse ce qu'elle
fit un jour pour la reconstitution civile et politique
du monde. Et tout Israélite doit éprouver le désir
de coopérer à cette œuvre, où sont engagés NOS intérêts les
plus sacrés. »
Par le colportage, la secte s'efforce principalement
de corrompre les mœurs. Par l'enseignemeent, elle
vise surtout à pervertir les esprits.
Dans les séminaires comme dans les collèges et
les ^universités, ce qui lui tient le plus à cœur, c'est
d'y faire pénétrer les principes de 89.
Une douloureuse énigme se pose ici : comment
CORRUPTION DES IDÉES 485
a-t-il pu se faire que la secte ait trouvé des person-
nages de réputation hautement catholique et tant
de revues et de journaux catholiques po^ur présenter
au public la « coupe enc"hanteresse et mystérieu-
se, » qui verse dans les âmes « les grands princi-
pes, les immortels principes »? Savent-ils d'où vien-
nent ces principes et à quelle fin ils ont été in-
ventés? Au concile du judaïsme réuni à Leipzig, le
29 juin 1869, sous la présidence du D^ Lazarus de
Berlin, le D^ Philips on, de Bonn, appuyé par le
grand rabbin de Belgique, M. Astruc, avait conclu,
aux applaudissements de tous : « Le synode recou:
naît que le développement et la réalisation des prin-
cipes modernes sont les plus sûres garanties du
présent et de l'avewir du judaïsme et de ses mem-
bres. Ils sont les conditions les plus énergiquement
vitales pour l'existence expansive et le plus haut
développement du judaïsme (1). »
1. Voir Les Juifs, le judaïsme et la judaïsation des
peuples chrétiens, par Gougenot des Mousseaux.
M. Bidegain, dans son livre Le Grand-Orient de France,
ses doctrines et ses actes, a publié (pages 261 à 276) une
circulaire signée par des Juifs éminents : MM. Henri Aron,
membre du Consistoire central des Israélites de France;
Dr Dreyfus-Bresac, membre du comité central de VAlUanee
Israélite Universelle; Narcisse Leven, président du comité
central de l'Alliance Israélite Universelle, et vice-président
du Consistoire Israélite de Paris; Salomon Reinach, vice-
président du comité central de V Alliance Israélite Universelle.
Le but de cette circulaire, datée du 14 novembre 1902,
était doublf : « 1» appeler l'attention sur les élections qui
se feront en 1906; et 2o ouvrir une souscription pour les
frais de cotte élection et de ses préparatifs. » On y trouvait
les mêmes vues que celles exposées ci-dessus, dans YUni-
vers Israélite : l'égalité quatre-vingt-neuvième devant faire
des Juifs les égaux des Français et bientôt leurs maî-
tres.
« Nous consacrant avant tout à faire triompher la cause
de l'égalité de tous les Français devant la loi, nous 'n'avons
voulu distinguer qu'entre les adversaires et les partisans
des principes de la Révolution. Nous avons combattu
486 l'agent de la civilisation moderne
C'était dire : « Israélites, vous aspirez à la domi-
nation universelle; si vous voulez préparer effica-
cement les voies à celui qui doit vous la procurer,
vous n'avez que cette seule chose à faire : vous emplo-
yer à développer les principes modernes, à les faire 'en-
trer dans les esprits, sous tous leurs aspects, à en
tirer toutes les conséquences qu'ils renferment; puis
à les réaliser, c'est-à-dire, à faire que ces consé-
quences dernières passent de l'ordre des idées, dans
l'ordre des faits, par les lois que vous ferez faire
et par les mœurs que vous introduirez.
Comment les « principes modernes » peuvent-ils
être considérés par les Juifs comme leur préparant
les voies à cette domination? Le voici. Grâce à
l'égalité civile et l'égalité en toutes choses avec les
chrétiens, les Juifs ont vu disparaître la digue qui
les avait contenus jusque-là; et alors, à l'égal d'un
torrent dévastateur, ils ont fait irruption partout et
se sont emparés de tout : des banques, du commer-
ce, de la presse et des charges les plus importantes
dans la diplomatie, dans l'administration politique,
dans l'armée, dans l'enseignement : tout est tombé
entre leurs mains ou dans les mains de ceux qui
dépendent d'eux. Et maintenant la société chrétien-
les premiers (aux élections de 1902) de quelque étiquette
qu'ils aient pu se couvrir et nous nous sommes efforcés
de soutenir les seconds. Gomme nous ne revendiquions pas
de privilèges et ne réclamiqns rien en dehors du droit ^com-
mun, nous n'avions eu besoin, pour assurer la défense de
nos intérêts, que de leur demander de défendre leurs prin-
cipes et de travailler, en restant fidèles à eux-mêmes, à
la victoire de leurs propres doctrines ». Et plus loin : « Ce
qui est surtout de nature à nous rassurer sur l'avenir, c'est
que la lutte n'est plus actuellement entre l'antisémitisme
et les juifs, mais entre l'antisémitisme et les principes de
la Révolution... A supposer même que nos intérêts propres
fussent désormais hors d'atteinte, ce serait encore notre de-
voir, comme fils reconnaissants de la Révolution, de pour-
suivre l'œuvre commencée ».
CORRUPTION DES IDÉES 487
ne rencontre dans les principes de 89, dans « les
droits de l'homme » qui sont inscrits dans les cons-
titutions des Etats* le plus grand empêchement à
secouer le joug juif gui lui est imposé sous le cou-
vert de « la liberté » et de « l'égalité ».
« Quand on s'est aperçu que les Juifs étaient ci-
toyens, a écrit un Juif converti et prêtre catholi-
que, M. l'abbé Lémann, ils étaient déjà en partie les
MAITRES. » Crémietix, fondateur de V Alliance Israélite
Universelle s'est écrié dans l'une de ses assemblées :
« Comme déjà tout est changé pour nous, et en si
peu de temps! » Et Disraeli : « Le Juif arrive de
nos jours à exercer sur les affaires de l'Europe une
influence dont le prodige est saisissant ». Aussi, un
publiciste. M.- Kuhn, a-t-il eu raison de dire : « Cet-
te revendication des principes modernes en faveur du
Judaïsme est des plus humiliantes pour nos démo-
crates. »
Si les organisateurs d'associations de la jeunes-
se chrétienne connaissaient ces choses, la pousse-
raient-ils avec tant d'ardeur dans les voies de la dé-
mocratie? Si les supérieurs des séminaires avaient
connu cette déclaration du concile que les rabbins
juifs, avaient opposée au concile convoqué par Pie IXy
comme suite à la publication du syllàbus, qui dé-
masque les « grands principes » et les poursuit jus-
que dans leurs dernières conclusions, s'en serait-
il trouvé parmi eux qui eussent laissé entrer dans
leurs maisons' les publications démocratiques? au-
raient-ils autorisé chez eux les conférences démo-
cratiques ?
Un rabbin allemand s'est permis cette ironie :
« Ces chrétiens bornés et à courte vue se don-
nent de la peine pour nous arracher par-ci par-là
une âriie et sont heureux comme des rois quand
488 l'agent de la civilisation moderne
ils y ont réussi. Mais ils ne voient pas que nous
aussi nous sommes missionnaires et que notre pré-
dication est plus habile et plus fructueuse que la
leur. Ils ne comprennent pas que nous marchons
contre eux de conquête en conquête. Un peu de
temps encore et tous ceux d'entre les chrétiens qui
ont véritablement de l'éducation (die Wahrhaft Ge-
bildeten) n'auront plus besoin du Christ et se pas-
seront de lui aussi facilement que n^us. Le temps
est proche où la plupart des chrétiens seront re-
tournés à notre enseignement sur Dieu, à notre mo-
nothéisme. L'avenir est à nous. Nous convertissons
en masse et d'une façon inaperçue. »
Comment et par quoi? Par les principes moder-
nes, par les doctrines démocratiques dont « la réa-
lisation est la plus sûre garantie du présent et de
l'avenir du judaïsme. (1) »
M. Bachem a fait récemment au Landtag prus-
sien cette constatation :
« Le judaïsme allemand travaille avec une puis-
sance tellement gigantesque et une persévérance tel-
lement constante à la civilisation et à la science mo-
dernes, que le plus grand nombre des chrétiens ( lit-
téralement la plus grande partie du christianisme)
sont menés d'une façon consciente ou inconsciente
par l'esprit du judaïsme moderne. »
Ce n'est pas seulement en Allemagne que le ju-
1. « Le Messie est venu pour nous le 27 février 1790 avec
les Droits de l'homme », a dit l'Israélite Cahen (Relaté
dans les Archives Israélites en 1847).
M. le prince Louis de Broglie a conclu une étude sur
la question juive au point de vue politique par cette cons-
tatation : « ... 30 Entrés dans les sociétés, grâce aux prin-
cipes modernes, ils sont devenus les adeptes et les propa-
gateurs les plus ardents de ces principes, les membres les
plus actifs de la franc-maçonnerie, les fils les plus dé-
voués de la libre-pensée. »
CORRUPTION DES IDÉES 489
daïsme travaille au développemenj; et à la réalisa-
tion des principes modernes de la civilisation anti-
chrétienne; il s'y emploie bien plus en France. Et
d'ailleurs quels sont les pays où ils ne régnent point?
Quels sont les esprits qui n'en soient plus ou moins
atteints ?
Dans son commentaire de l'Apocalypse, Bossuei
dit : « Je regarde dans l'Eglise deux sortes de per-
sécution : la première en son commencement, et sous
l'empire romain, où la violence devait prévaloir;
la seconde à la fin dos siècles, où sera le règne de
la séduction ».
La séduction libérale s'exerce de nos jours sous
des formes si cachées et si perfides que ceux qui en
sont victimes ne s'en aperçoivent même pas. Elle
envahit peu à peu toutes les intelligences dans l'or-
dre ecclésiastique aussi bien que dans l'ordre laï-
que, et cela dès les plus jeunes années.
Ce dont nous avons été témoins, ce que nous
voyons encore peut nous donner l'intelligence des
paroles par lesquelles le divin Sauveur nous a mis
en garde contre les séductions des derniers jours :
« Il s'élèvera beaucoup de faux prophètes qui en
séduiront un grand nombre... Si le Seigneur n'avait
pas abrégé ces jours, personne n'eût pu échapper. »
CHAPITRE XXXV
CORRUPTION DES IDÉES (suite)
VII. - LA PERVERSION DU LANGAGE
Le grand moyen employé pour corrompre les idées
a été de pervertir le langage.
La Franc-Maçonnerie a su faire adopter par le
public le mot Laïcisation, au lieu de déchristia-
nisation; sécularisation, au lieu de séparation en-
tre l'ordre religieux et l'ordre civil, dans la famille
et dans la société; neutralité scolaire, au lieu d'en-
seignement athée; séparation de V Eglise et de VEtat,
au lieu d'athéisme dans le gouvernement et dans
les lois; dénonciation du Concordat, au lieu de spo-
liation de l'Eglise; désaffectation, au lieu de confis-
cation; lois existantes, au lieu de décrets arbitrai-
res et illégaux; tolérance, au lieu de licence donnée
aux pires erreurs, etc., ek
Elle a fait des mots cléricalisme, main-morte, etc.,
des épouvantails ; et des séductions, des mots liberté,
égalité, fraternité, démocratie, etc.
« Ce sont, disait M. de Bonald, des expressions
» à double entente, où les passions trouvent d'abord
» un sens clair et précis, sur lequel la raison s'effor-
» ce en vain de les faire revenir par de tardives
CORRUPTION DES IDÉES 491
» explications; les passions s'en tiennent au texte
» et rejettent le commentaire (1). »
« Malgré les enseignements donnés par la raison
et l'évidence produite par nos catastrophes, dit M.
Le Play cette phraséologie abrutissante fournit un
aliment journalier aux tendances révolutionnaires in-
carnées dans notre race. Sous cette influence, pé-
nètrent de plus en plus, dans les couches inférieu-
res de la société, le mépris de la loi de Dieu, la hai-
ne des supériorités sociales et l'esprit de révolte
contre toute autorité (2). »
Mazzini ne pensait pas autrement que M. le Play
sur ce point. Au rapport de Lubienski, il disait :
« Les discussions savantes ne sont ni nécessaires,
ni opportunes. Il y a des mots régénérateurs (3) qui
contiennent tout ce qu'il faut souvent répéter au peu-
ple : liberté, droits de l'homme, progrès, égalité,
fraternité. Voilà ce que le peuple comprendra, sur-
tout quand on opposera les mots despotisme, pri-
vilèges, tyrannie, etc. »
Le sens plein des mots : liberté, égalité, progrès,
esprit moderne, science, etc., qui reviennent sans
cesse dans les discours et les articles des politiciens
et dans les professions de foi des candidats patro-
nés par la Loge, c'est révolution, destruction de
l'ordre social, retour à l'état de nature par l'ané-
antissement de toute autorité comme limitant la li-
berté, destruction de toute hiérarchie, comme rom-
1. Do Bonald. A l'Institut national, séance du 29 juin
1805. Mgr Darbois, archevêque de Paris, otage, rappelait,
à ceux qui le collaient au mur, qu'il avait toujours défendu
la Liberté. Un de ses exécuteurs lui répondit : « Tais-toi!
F... nous la paix. Ta Liberté n'est pas la nôtre! »
2. Réforme sociale, t. IV, p. 29.
3: Des mots qui peuvent servir à opérer la régénération
de la société, au sens maçonnique.
492 l'agent de la civilisation moderne
pant l'égalité, et établissement par la fraternité d'un
ordre de choses où tous les droits et tons les biens
seront communs. Les initiés, en prononçant ces mots,
savent qu'ils énoncent tout un programme contre
les lois de Dieu et ses représentants sur la terre,
qu'ils expriment le concept de l'état social dont J.-J.
Rousseau a donné la formule. Les antres, en les
répétant après eux, sottement, préparent à l'accep-
tation de cet état social ceux que la franc-maçonnerie
ne pourrait atteindre directement (1).
Que ce soit la direction suprême de la franc-
maçonnerie qui fasse le choix de ces mots, qui
les lance et qui charge ses adeptes de les propager,
il n'y a pas le moindre doute.
« Nous allons commencer, avaient dit les Instruc-
tions secrètes, à mettre en circulation les principes
humanitaires. » Réformes, améliorations, progrès, ré-
publique fraternelle, harmonie de l'humanité, régé-
nération universelle : tous ces mots décevants se
lisent dans les Instructions. Piccolo-Tigre les fait
suivre de ceux-ci : « Le bonheur de l'égalité so-
ciale » et « les grands principes de liberté. » jNu-
1. LTJnivers, dans son numôro du 13 septembre 1902,
rapportait qu'au précédent pèlerinage des Français à Rome,
M. Harmel, dans le toast qu'il prononça à Sainte-Marthe,
s'écria : « Nous sommes des serviteurs passionnés de la
liberté, — oui, des serviteurs passionnés de la liberté, prêts
à donner notre vie, et à répandre notre smg pour la cause
sacrée de la liberté! »
La hberté pour les âmes de pouvoir aller à Dieu, leur
fin dernière, sans entraves, fort bien. Mais est-ce ainsi que
l'entendirent les auditeurs de M. Harmel, est-ce bien cette
liberté qu'il voulait leur faire acclamer?
Un mot d'explication n'eût point été inutile, au lende-
main du jour où le chef des démocrates chrétiens d'Italie
était condamné pour son discours : Liberté et Christia-
nisme.
CORRUPTION DES IDÉES 493
bius ajoute : « L'injuste réparlition des biens et des
honneurs. » Résumant le tout, Gaétan se réjouis-
sait de voir le monde lancé sur la voie de la démo-
cratie.
Dans le compte rendu du 3*^ congrès des Loges
de l'Est, à Nancy, en 1882, on lit : « Dans les der-
niers degrés (les plus hauts de la hiérarchie macon-
mque), se condense un travail maçonnique inter-
national d'une très grande profondeur. Ne serait-oe
pas de ces sommets que nous viennent les mots mys-
térieux qui, partis on ne sait d'où, traversent par-
fois les foules au milieu d'un grand frémissement,
et les soulèvent pour le bonheur (!) de l'huma-
nité? »
Il est à remarquer que c'est de la langue fran-
çaise que la maçonnerie s'est servi pour forger, ses
formules révolutionnaires. Cela n'a point échappé
à de Maistre, qui a si bien connu la puissance mys-
térieuse de notre langue. Dans la troisième des
Lettres d'u7i royaliste savoisiefi à ses compatriotes
écrites aux jours de la Révolution, il dit : « Le
règne de cette langue ne peut être contesté. Cet
empire n'a jamais été plus évident et ne sera jamais
plus fatal que dans le moment présent. Une bro-
chure allemande, anglaise, italienne, etc., sur les
Droits de Vhomme, amuserait tout au plus quelque
valet de chambre du pays : écrite en français e'ie
ameutera en un clin d'œil toutes les forces de l'uni-
vers. (1) »
Toutes ces formules perfides ont été créées de-
puis deux sièeles. Sous le règne du Philosophisme, ce
fut « tolérance » et « superstition » qui passèrent
de bouche en bouche; sous celui de la Terreur, c'est
« fanatisme » et « raison »; sous la Restauration,
1. Œuvres nnmplètes, t. Vil, pp. 139-140.
494 l'agent de la civilisation moderne
« ancien régime », « dîme », « privilèges »; sous le
second Empire, « le progrès »; lors de la récente
persécution en Allemagne, « le Kulturkampf »; en
France, au 16 mai, « le gouvernement des curés ».
Aujourd'hui, ce qui est le plus en vogue, c'est, avec
le « cléiicalisme » (1), « la science », « la démocra-
tie » et « la solidarité » : la science contre, la foi,
la démocratie contre toute hiérarchie religieuse, so-
ciale et familiale; la solidarité des plébéiens contre
tous ceux qui font obstacle à la libre jouissance
des biens de ce monde, riches qui les possèdent et
prêtres qui en interdisent l'injuste convoitise; soli-
darité aussi entre tous les peuples, qui, d'un bout
du monde à l'autre, doivent s'entr'aider pour bri-
ser le triple joug de la propriété, de l'autorité et de
la religion.
Au-dessus de tous ces mots, trône depuis un siè-
cle la devise : « Liberté, égalité, fraternité ». La sec-
te la fait retentir partout, elle a obtenu de la faire
inscrire sur les édifices publics, sur les monnaies,
sur tous les actes de l'autorité législative et civile.
« Cette formule, dit le F. • . Malapert dans un de ses
discours aux Loges (2); fut précisée vers le milieu
1. Le « gouvernement des curés » a servi à faire passer
la liste de Gambetta et à constituer le gouvernement des
francs-maçons. La peur du « cléricalisme » fait fermer
les yeux sur les pires tyrannies. De peur d'être accusés
de favoriser ce monstre, des catholiques se défendent d'être
des cléricaux. Lors de la validation de M. Gayraud, M. Le-
mire dit à la tribime : « Mon collègue et moi ne sommes
pas des cléricaux. » Le 27 novembre 1899, le même : « Je
me permettrai de faire observer crue ni M. l'abbé Gayraud,
ni M. l'abbé Lemire, ne sont ici les députés du catho-
licisme. Je n'ai pas accepté dans le passé et je n'accepterai
pas plus dans l'avenir, que la Chambre soit transformée
en un lieu de discussions théologiques ou philosophiques »
{Journal officiel du 28 novembre 1899).
2. Chaîne d'Union, 1874, p. 85.
CORRUPTION DES IDÉES 49Ô
du siècle dernier (XVIII^) par Saint-Martin (fonda-
teur de rilluminisme français). Tous les ateliers Tont
acceptée, et les grands hommes de la Révolution en
ont fait la devise de la République française ». « Li-
berté, égalité, fraternité, ces trois mots disposés dans
cet ordre, dit encore le F. • . Malapert, indiquent ce
que doit être une société bien réglée », ce qu'elle
sera, lorsque le contrat social sera arrivé à ses der-
nières conséquences, aura porté ses derniers fruits.
Weishaupt et les siens ont dit ouvertement ce qu'ils
prétendent tirer de cette formtiîe : d'abord l'abolition
de la religion et de toute autorité civile, puis l'aboli-
tion de toute hiérarchie sociale et de toute propriété.
Voilà ce que ces trois grands mots disent aux ini-
tiés, voilà ce qu'ils ont dans leur pensée, ce à quoi
ils veulent nous faire arriver. Ils ont fait adopter
les mots; par les mots ils insinuent les idées, et les
idées préparent la voie aux faits. Il ne faut donc
point s'étomier si, à leur admission dans les Ven-
tes, les postulants au Carbonarisme doivent dire,
dans le serment qu'ils sont obligés de prêter : « Je
jure d'employer tous les moments de mon existence
à faire triompher les principes de liberté, d'égalité,
de haine à la tyrannie, qui sont l'âme de toutes les
actions secrètes et publiques de la Carhoyiara. Je pro-
mets de propager l'amour de l'égalité dans toutes
les âmes sur lesquelles il me sera possible d'exercer
quelque ascendant. Je promets, s'il n'est pas pos-
sible de rétablir le règne de la liberté sans com-
battre, de le faire jusqu'à la mort (1). » Voilà le
devoir bien marqué, et bien tracées les étapes pour
le remplir entièrement : répandre les mots, propager
les idées, faire triompher la chose, pacifiquement,
si c'est possible, sinon par une guerre à mort.
1. Saint-Edme, Constitution et orgmisithon des Carhonari,
p. 110.
496 l'agent de la civilisation moderne
Ce n'est point seulement parmi les classes dégra-
dées, ignorantes ou souffrantes, que cette phraséo-
logie exerce ses ravages. Elle donne également le
vertige aux classes supérieures de la société, ce que
la secte estime bien plus avantageux pour le but
qii'elle poursuit. Grâce à la confusion des idées in-
troduites par elle dans les esprits, il règne actuelle-
ment dans les classes qui sont appelées par leur
situation à donner à la société sa direction, la plus
déplorable divergence de vues, la plus parfaite anar-
chie intellectuelle.
Nous sommes revenus à la confusion de Babel,
toutes les idées sont troubles et, dans ce trouble,
nombre de chrétiens sont entraînés le plus facilement
du monde dans le sillage des erreurs maçonniques.
On ne se défie point de ces courants, on s'abandonne
à leurs flots avec quiétude, et cela parce que la
plupart des mots (jui y entraînent peuvent servir à
exprimer des idées chrétiennes, comme ils se prêtent
à exprimer les idées les plus opposées à resj)rit du
christianisme. M. Le Play en a fait la remarque.
« Aucune formule composée de mots définis ne sau-
rait satisfaire à la fois, et ceux qui croient en Dieu,
et ceux qui considèrent cette croyance comme le
principe de toutes les dégradations. Mais ce qui ne
peut être obtenu par un arrangement de mots défi-
nis devient facile avec des mots vagues qui compor-
tent, selon la disposition d'esprit de ceux qui les
lisent ou les entendent, des sens absolument oppo-
sés (1). »
Parmi les mots en vogue aujourd'hui, il n'en est
point dont il soit fait un plus fréquent et plus per-
nicieux usage que celui de « liberté ». Il est à deux
faces, à la fois chrétien et maçonnique.
1. L'Organisation du Travail, p. 355.
CORRUPTION DES IDÉES 497
« La liberté, dit Léon XIII, est an bien, bien excel-
lent, apanage exclusif des êtres doués d'intelligence
et de raison. » L'intelligence leur donne la connàis-
sance de leurs fins, la raison leur fait découvrir les
moyens d'y parvenir, et le libre arbitre leur permet
de saisir ceux de ces moyens qui leur conviennent
et de les employer à atteindre la fin qu'ils se pro-
posent. Si tous les hommes voyaient et plaçaient
leur fin derrière là où elle est, en réclamant la
liberté, tous entendraient demander ^ue la voie soit
largement ouverte vers le Souverain Bien, me soit
obstruée par aucune pierre d'achoppement et qu'eux-
mêmes ne soient point entravés dans leur ascension
vers Dieu. Mais qui ne sait que les fins que se pro-
posent les hommes sont sans nombre, aussi diverses
que sont divers les objets de leurs passions 1 De
sorte que l'appel à la « liberté » peut jaillir à la
fois du cœur des plus grands saints et des plus
grands scélérats, et qu'en la demandan! d'une même
voix, ils semblent désirer une même chose. En réa-
lité, ils veulent des choses aussi diverses et même
aussi opposées que sont opposés, d'une part, les
infinis degrés qui portent l'homme à la plus haute
vertu, d'autre part, les degrés non moins nombreux
qui le font descendre vers la pii'e corruption.
A ce cri « ILberfcé », l'enfant indocile, le serviteur
orgueilleux sentent s'élever en leur cœur te désir
de l'indépendance à l'égard des parents et des maî-
tres : les époux infidèles voient luire le jour où le
lien conjugal sera dissous; le mauvais sujet aspire
à un état politique et social où la cçercition du mal
«l'existera plus. Ce cri rallie toutes les rébellions,
excite toutes les convoitises. Le chrétien lui-même
sent à ce cri le joug du Seigneur lui devenir plus
pesant, ^car la concupiscence originelle n'est complè-
L'Eglise et le Temple. 33
498 l'agent de la civilisation moderne
tement éteinte au cœur de personne, et tout homn:e
est plus ou moins ami, dans son mauvais fond,
de la liberté pernicieuse. Pour tous, le cri de « liberté x
a un charme malsain, celui que le père du mensonge
mit à l'origine des choses dans sa première ten-
tation : Du eritis ! vous serez dieux, vous serez
vos maîtres, vous ne relèverez plus de personne.
Et comme l'indépendance n'est nulle part, ce cri
devient partout un appel à la révolte, révolte des
inférieurs contre l'autorité, des pauvres contre la
propriété, des époux contre le mariage, des hommes
contre le Décalogue, de la nature humaine contre
Dieu.
Aussi parmi les mots en vogue, il n'en est point
dont il soit fait un usage plus pernicieux ©t plus fré-
quent que celui de liberté. Il sert à faire réclamer
par les foules^ consacrer par les lois, fixer dans
les institutions, les plus puissants dissolvants de
l'ordre social. C'est la liberté de conscience, ou l'in-
dépendance de chacun à l'égard de Dieu; c'est la
liberté des cultes, la séparation de l'Eglise et de
l'Etat, la neutralité et la laïcisation, toutes choses
qui brisent les liens qui attachent l'homme et la
société à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à son Eglise;
c'est la souveraineté du peuple, c'est-à-dire Tindépen-
dance des foules à l'égard des autorités sociales et
civiles; c'est le divorce et certaines dispositions du
code civil qui mettent la même anarchie dans la
famille. Enfin, pour pousser à toutes ces /évoltes,
pour faire obtenir toutes ces indépendances, 'a liberté
de la presse qui travaille tous les jours à corrompre
dans les esprits la notion de la vraie liberté et
à insinuer dans les cœurs l'amour et le désir des
libertés mauvaises.
Si les catholiques joignent leur voix à celle (.le tous
CORRUPTION DES IDÉES 499
les révoltés pour réclamer, eux aussi, la liberté,
tout court, et non telle ou telle liberté définie, et,
avant toutes les autres, la liberté pour les âmes de
n'être point entravées dans leurs démarches vers
Dieu, ils paraîtront réclamer la même chose que
les révolutionnaires, et ils les aideront à l'obtenir.
Et c'est ce que l'on voit trop souvent.
Au nom du Progrès, de la Civilisation, du Droit nou-
veau, la secte fait réclamer par ses journaux, par les
associations qu'elle inspire, par celles où elle a des
affidés, l'abolition de telle ou telle institution ou
l'établissement de telle autre. Qui oserait s'opposer
au progrès, à la civilisation? Par crainte de paraître
rétrogrades, des catholiques, au Parlement, dans les
Conseils départementaux ou communaux, votent des
mesures contraires à leur propre manière d'être et
de penser, des mesures qui les tyranniseront eux-
mêmes en tyrannisant leurs frères.
Dans un de ses ravissements, l'apôtre saint Jean
vit tous les peuples suivre stupéfaits la Bête à qui
le Dragon donna sa puissance et son trône. Elle ou-
vrit une bouche d'où sortaient des mots semblant
dire de grandes choses : Datum est ei os loquens
magna. En réalité, c'étaient des blasphèmes contre
Dieu, contre son tabernacle et contre ceux qui habitent
le ciel de l'Eglise : Blasphemias ad Deum, et taher-
naeulum ejus et eos qui in Cœlo habitant (1).
Ces mots grandiloquents, nous venons de les en-
tendre, et nous savons quelle étrange séduction ils
exercent sur les multitudes. Ce sont vraiment, dans
la signification qui leur est donnée par la Bête, des
blasphèmes qui portent la mort dans les âmes, qui
sapent les fondements de la société civile et de la
1. Apocalypse, XU, 1-6,
500 l'agent de la civilisation moderne
société religieuse et qui veulent anéantir le règne
de Dieu sur ses créatures.
Le comble de l'astuce déployée par la Bête et le
Dragon — c'est-à-dire par la Maçonnerie et par Satan
— leur triomphe est de faire croire et de fairo dire
que ces mots, ils les ont pris dans l'Evangile et
que, par leur moyen, ils veulent amener le règne
de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la société!
« Ce qu'il y a de plus funeste pour les peuples,
après la Révolution, a dit M. de Saint-Bonnet, c'est
la langue qu'elle a créée. Ce qu'il y a de plus redou-
table après les révolutionnaires, ce sont les hommes
qui emploient cette langue, dont les mots sont au-
tant de semences pour la Révolution... Ne jetons
plus aux foules des termes dont on ne leur explique
point le sens théologique et vrai. Ils ne cessent
d'engendrer les idées qui tiennent les masses ien
ébuUition et les arrachent au devoir de la vie... »
Rejeter fièrement la langue déloyale, voilà désor-
mais à quoi l'on reconnaîtra l'homme de cœur.
» 0 Fronce! tu sauras qu'il te vient des hommes
de cœur lorsqu'on cessera de te flatter et d'employer
des équivoques (1). »
M. Charles de Ribbes a dit aussi : « Le vrai seul
relèvera la France, et pour que ce vrai produise
son effet de régénération, la noble langue française
devra elle aussi être restaurée (2). »
1. La Légitimité, pp. 281-284.
2. Le Play, d'après sa Correspondance, p. 191.
CHAPITRE XXXVI
CORRUPTION DES IDÉES (suife)
VIII. — L'ESPRIT MAÇONNIQUE
Des suggestions lancées dans le public par la Franc-
Maçonnerie et des mots qu'elle met en circulation, naît
l'esprit maçonnique.
Dans une Instruction pastorale adressée à son clergé
en 1864, Mgr Meiridux, évêque de Digne, disait :
« Telle est la sagesse avec laq'uelle l'esprit du mal
a dressé ses embûches, qu'il égare des esprits droits,
qfu'il les fascine au point de s'en faire des défenseurs.
Il s'opère sous nos yeux ce qu'on verra au dernier
jour : un grand mystère de séduction. Il semble, si
cela était possible, que les élus mêmes n'y échap-
peraient pas. »
Un demi-siècle s'est écoulé depuis que ce cri d'alar-
me s'est fait entendre. Combien, depuis, le mouve-
ment des esprits s'est accéléré et rend l'avertisse-
ment plus pressant!
La franc-maçonnerie, au vu et au su de tous, est
maintenant arrivée à l'apogée de la puissance. Elle
fait ce qu'elle veut, même ce qni, il y a peu d'années
encore, eût paru à tout jamais impossible.
Pour expliquer ce succès, il ne suffit point de dire
502 l'agent de la civilisation moderne
que la maçonnerie est une société très savamment
organisée, pourvue de moyens puissants pour arri-
ver à ses fins, et ayant souvent compté en son
sein des hommes d'une merveilleuse habileté. L'E-
glise qu'elle veut détruire ne lui cède en rian. C'est
la Sagesse même de Dieu qui l'a constituée et orga-
nisée, et les saints ont au moins, pour le bien, le zèle
et l'inspiration que les suppôts de Satan ont pour
le mal. Sans doute, la maçonnerie jouit du béné-
fice que lui donne le mystère dont elle s'enveloppe.
Elle ne dévoile point ses desseins, même à ceux
qu'elle charge de les exécuter. Mais si le secret a pour
le mal ses avantages, la pleine lumière du bien
et de la vérité en a de plus grands.
Il faut donc chercher ailleurs l'explication de la
puissance à laquelle la franc-maçonnerie est par-
venue.
Cette explication se trouve, dans les complicités
qu'elle se crée en dehors de ses loges, par ses sug-
gestions. Elle obtient par là que tous ou presque
tous, nous la secondions.
Par l'organisme qu'elle s'est donnée, la franc-ma-
çonnerie a trouvé moyen de se procurer, dans tou-
tes les classes de la société, d'innombrables complices
qui, alors même qu'ils la détestent, travaillent avec
elle et pour elle. Et cela, par la propagande des idées
qu'elle a intérêt à répandre.
Elle s'en vante.
« ... La franc-maçonnerie, dit Une circulaire, a été
jusqu'ici une vaste école, où des hommes de toutes
les classes et de toutes les opinions, athées ou déistes,
sont venus s'instruire, se former pour les bons com-
bats de la démocratie. Malgré la diversité de leurs
origines et de leur condition, des doctrines commu-
nes les incitaient à parler ou à agir, dans le monde
CORRUPTION DES IDÉES 503
profane, conformément aux enseignements reçus dans
les loges. La franc-maç. : . fut leur inspiratrice, et
cest grâce à leur coopération qu'elle imprégna la
société contemporaine de sa pensée. Si notre Ordre re-
nonçait à son rôle historique, à sa mission de propa-
gande parmi tous les hommes conscients, sans excep-
tion de croyance ou d'opinion, elle prononcerait elle-
même sa condamnation. » Qui parle ainsi ? Le conseil
de l'Ordre du Grand-Orient (1).
La secte viendra à bout de ses entreprises, jelle
ruinera tout l'ordre religieux, tout l'ordre civil, tout
l'ordre familial, si le public continue à prêter l'oreille
à elle et à ses organes. Comme le disait un jour
Léon XIII aux pèlerins français, la chose la plus
urgente est de nous débarrasser du joug de la franc-
maçonnerie. Et surtout du joug intellectuel, qui, depuis
deux siècles pèse sur nous. Or, pour en débarrasser le
pays, il faut d'abord que chacun y soustraie son
propre cou. Personne n'y portera les mains avant
d'avoir constaté la présence de ce joug sur ses
épaules. Il faut donc faire voir à chacun qu'il en
est chargé, et lui montrer qu'il a contribué à en
charger ses frères, afin de lui donner la volonté
de s'en défaire et de les aider à s'en défaire à lour
tour.
Qu'est-ce donc que le Maçonnisme? C'est au fond,
comme nous l€ verrons dans la seconde partie de
cet ouvrage, l'esprit naturaliste.
La franc-maçonnerie poursuit la substitution de
l'ordre naturel à l'ordre surnaturel, dans les idées
et dans les mœurs, dans les personnes et dans les
i. Extrait de la circulaire da Conseil de l'Orire du 15
février 1904, au sujet de la modification de l'article 1er de
la Constitution. Publié dans La Grand-Orient^ de France
ses doclrines et ses actes, par Bidegain, pp. 15-18..
504 l'agent de la civilisation moderne
institutions. Le maçonnisme est cette substitution,
à ses divers degrés d'avancement dans les âmes et
dans la société.
Du côté du cœur, il trouve les portes ouvertes
devant lui. La nature est en chacun de nous avec les
concupiscences et les passions que le péché y a per-
verties. « Ah! fidèles, s'écrie Bossuet, ne craignons
pas de confesser ingénument nos infirmités, avouons
que notre nature est extrêmement languissante. Quand
nous voudrions le dissumelr ou le taire, toute notre
vie crierait conti'e nous... D'où vient que tous les
sages s'accordent à dire que le chemin du vice est
glissant? D'où vient que nous connaissons par expé-
rience que non seulement nous y tombons de nous-
mêmes, mais encore que nous y sommes entraînés?
au lieu que pour monter à cette éminence où la
vertu établit son trône, il faut se raidir et bander
les nerfs avec une incroyable contention. Après cela,
est-il malaisé de connaître où nous porte le poids
de notre inclination dominante? et qui ne voit que
nous allons au mal naturellement (1) ? » « Cette mau-
dite concupiscence, dit-il ailleurs, corrompt tout ce
qu'elle touche (2) ». Et ailleurs encore il signale
jusque dans les saints « cet attrait du mal ». (3).
La franc-maçonnerie ne se tiompe pas en plaçant
ses espérances sur la perversion du cœur humain.
« Le rêve des sociétés secrètes, disent les Instruc-
tions de la Haute-Vente, s'accomplira par la plus
simple des raisons, c'est qu'il est basé sur les pas-
sions- humaines. » Tous les hommes, sans exception,
1. Sermon pour le jour de la Pentecôte. Œuvres oratoires
de Bossuet. Edition critiqne complète, par l'abbé Lebarcq,
I, 544.
2. Ibid. Sermon sur la Nativité de la Très Sainte Vierge,
p. 177.
3. Sermon pour le jour de Pâques, p. 506.
CORRUPTION DES IDÉES 505
se sentent, à certains moments, du moins par les
tentations qu'ils éprouvent, de connivence avec le
parti qui veut rendre à la nature l'empire que le
paganisme lui avait reconnu et que le chris'ianisme
travaille à lui ravir. Cette disposition qui prépare
la réalisation des desseins de la secte, peut bien être
appelée maçonnisme, maçonnisme du cœur, qui fait
incliner l'homme vers tout ce qui flatte la nature,
et le fait contribuer dans la mesure où il s'y abandonne,
au triomphe que la secte veut lui procurer sur le
surnaturel. L'homme vertueux ne lui apporte qu'un
faible concours, parce qu'il combat plus qu'il ne
cède; mais la multitude, affamée de jouissances, a
toujours l'oreille tendue vers qui lui promet de lui
en donner, et elle est toujours prête à se ruer sur
ses pas.
On peut encore appeler maçonnisme du cœur cette
pusillanimité qui empêche tant d'honnêtes gens, tant
de bons chrétiens de se montrer ce qu'ils sont. Tan-
dis que les méchants s'affichent et affirment avec
audace les erreurs politiques, sociales et religieuses
qui nous mènent à l'abîme, les bons sont mus par
des peurs qui se résument dans celle d'être pris
pour ce qu'ils sont. Que de fois on a vu cette crainte
amener au point de dire et même de faire ce que
l'adversaire veut faire dire et faire faire!
Quand M. Boni de Castellane soulevait contre lui
la presque unanimité des conservateu.s de la Chambre
en protestant contre la visite du président de la
république au roi d'Italie, la grande majorité de
ces conservateurs ne pouvait pas, au fond, ne pas
penser un peu comme M. de Castellane; mais la
terreur de paraître clérical était là, et ce qu'il y a,
au monde, de plus irréfluctîblo, c'est la terreur. Que
M. de Castellane eût proposé à ses collègues n'importe
bi)G l'agent de la civilisation moderne
qfuoi, ils l'eussent peat-ètre suivi. Mais il leur pro-
posait de se faire appeler « papalins », quand Je
Bloc leur reprochait de l'être? Il allait d'avance, et
sûrement, à une défaite retentissante.
Que de gens chez lesquels on trouve ce penchant
à suivre l'ennemi, cette terreur de passer pour des
imbéciles, s'il leur arrivait de faire acle d'indépen-
dance et de jugement!
Au maçonnisme du cœur, vient se joindre le ma-
çonnisme de l'esprit. 'Il est devenu, de nos jours,
presqu'aussi général et il est bien plus dangereux,
parce que, n'éveillant point autant que le premier
les susceptibilités de la conscience, beaucoup s^y
laissent entraîner, souvent sans le savoir, et s'y
abandonnent sans remords. Il est aussi plus pro-
pice à la secte, il la seconde plus efficacement^ car
les idées ont un empire plus étendu et plus durable que
les mœurs. Aussi s'y applique-t-elle avec un soin
tout particulier. « Il faut, — est-il dit dans les Ins-
tructions que la Haute-Vente doit transmettre et faire
passer de proche en proche, — il faut glisser adroi-
tement dans les espri's les germes de nos dogmes. »
L'action exercée sur la jeunesse par ceux qui l'ins-
truisent ou qui l'approchent, tant recommandée aux
Quarante et par eux à toute la secte, pontribue assu-
rément, pour une grande part, à la corruption des
idées dans la société chrétienne. L'empreinte reçue
aux premiers jours de la vie s'efface difficilement
et l'homme conserve généralement, dans l'àge mûr,
les préjugés qui ont d'abord pris possession de son
intelligence.
Pour les adultes, c'est par la presse et par les
tribunes de tout genre et de tout ordre, que se
fait la contagion du maçonnisme.
CORRUPTION DES IDÉES 507
Ne vous est-il point arrivé de rentrer, après quel-
que interruption, en relations avec des personnes que
vous avez connues parfaitement chrétiennes d'idées
et de sentiments. Quelques instants d'entretien vous
font demander : Est-ce bien l'ami d'autrefois? Il ne
voit plus les choses sous le même aspect, il n'use
plus du naême critérium pour les apprécier et les
juger; et ses jugements nouveaux lui inspirent d'au-
tres sentiments; il n'aime plus ou il n'aime plus
autant ce qu'il aimait autrefois, il ne déteste plus
ce qu'il détestait; sa conduite, qui s'inspirait en ce
temps des principes de la foi, est guidée aujour-
d'hui par un rationalisme plus ou moins avoué.
D'où vient ce changement? Le plus souvent de
l'effet produit sur son esprit par le journal gu'il a
l'habitude de lire. Par les journaux se produisent dans
le public des courants d'opinions, des manières de
penser et de faire qui gagnent de l'un à l'autre
et finissent par constituer l'atmosphère morale où touB
se trouvent plongés, l'air ambiant que tout respirent.
Les livres, les romans, les ouvrages de vulgarisation
scientifique, les conversations et les exemples le vi-
cient de jour en jour et en font un poison dont
les tempéraments les plus vigoureux ont peine à se
défendre. Que de familles catholiques s'administrent
à elles-mêmes le maçonnisme, franc ou raffiné, par
les publications auxquelles elles s'abonnent inconsilé-
rément! Aussi sont-ils bien rares aujourd'hui les es-
prits entièrement vides et purs de naturalisme, de
rationaUsme et de libéralisme, autrement dit, d'esprit
maçonnique.
La secte se vante de .répandre la lumière dans
le monde. Ce mot peut servir à faire bien compren-
dre ce qu'est le maçonnisme et comment il arrive à
508 '.AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
pénétrer plus ou moins dans tous les esprits. La,
lumière est directe ou diffuse. Là où le soleii envoie
ses rayons sans rencontrer d'obstacle, elle est elLe-
même dans la plénitude de son être et dans toute
sa. puissance. Mais lorsqu'elle rencontre un écran,
elle s'infléchit, se répand obliquement dans les lieux
circonvoisins et s'atténue de plus en plus à mesure
qu'elle s'éloigne du point d'incidence, du foyer que
les rayons directs alimentent. Ainsi ia maçonnerie,
ce foyer ténébreux d'erreurs et de perversité antichré-
tiennes, étend son influence bien au delà de ses Joges,
répand la nuit dans les intelligences même très dis-
tantes de son action, imprègne tellement la société
d'idées fausses, que toutes les erreurs se propagent
aujourd'hui comme d'elles-mêmes.
Le maçonnisme intellectuel, c'est donc un ensem-
ble d'idées émanées de la franc-maçonnerie, répan-
dues par elle dans l'atmosphère des esprits, respi-
rées et bientôt tenues, professées et pratiquées par
une multitude de personnes qui ne peuvent être appe-
lées « maçons », puisqu'elles ne sont pas inscrites
sur les registres d*aucune loge, qu'elles ne se sont
pas fait initier, • qu'elles n'ont point prêté serment
à la secte; mais qui lui appartiennent par les idées
qu'elles ont accueillies dans leur intelligence et qu'elles
propagent autour d'elles, par leurs écrits, par leurs
discours et par leurs actes, par l'influence qu'elles
exercent sur l'opinion, sur la vie de famille, sur
l'enseignement, sur les divertissements publics et les
œuvres sociales, sur la législation et les relations
internationales, sur tout, en un mot, et qui contribuent
ainsi puissamment au progrès de l'œuvre maçon-
nique qui est la ruine de la société.
Un Espagnol, Don Sarda y Salvaûy, dans Un livre
CORRUPTION DES IDÉES 509
intitulé : Le Mal social, ses causes, ses remèdes, a appe-
lé l'attention sur quelques-unes des questions où
l'esprit maçonniqfue s'est le plus donné carrière et
a fait les ravages les plus pernicieux. Les principaux
objets de ses observations sont : la religion, l'Etat,
la famille, l'enseignement, etc., etc.
1° La religion. Nous avons entendu la maçonnerie
dire dans ses loges qtie le but auquel doivent tendre
tcms ses efforts est d'anéantir la religion, et même
toute idée religieuse. En public, elle se contente,
généralement parlant, de mettre dans les esprits cette
persuasion, que la religion est affaire purement indi-
viduelle dont chacun décide dans son for intérieur :
l'homme est libre de servir et d'adorer Dieu de la
manière qui lui paraît la meilleure. Par là elle accré-
dite, elle propage l'indifférentisme religieux qui de-
vient bientôt l'absence de toute religion; elle pro-
clame la liberté de conscience, la liberté des cultes
et le droit de les discréditer. Beaucoup de conserva-
teurs se laissent séduire au point d'appeler ce ma-
çonnisme un progrès.
2° L'Etat. L'erreur relative à l'Etat qu'adopte le
maçonnisme est celle-ci : l'Etat çst souverain, d'une
souveraineté absolue. C'est en lui-même, et non en
Dieu, qu'il trouve la source de son autorité. Il n'a à
reconnaître d'auti'e sujétion que celle que lui impo-
sent ses propres lois. Il est l'auteur du droit, non
seulement dans son domaine, mais dans celui de
la famille, de la propriété, de l'enseignement. Il fait
les lois, et ces lois qui disposent ainsi de toutes
choses ne peuvent émaner d'une autre autorité que de
la sienne. Ce que la majorité des suffrag'^s déclare
bon est bon, ce qu'elle déclare vrai est vrai. Devant
ses arrêts, il n'y a qu'à courber la tête, alors même
qtie les droits de la conscience chrétienne sont outra-
510 l'agent de la civilisation moderne
gés. Cela est maintenant admis par la multitude. Pour
elle, dès que le mot « loi » est prononcé, tout est dit.
3° La famille. Le maçonnisme approuve l'institution
du mariage civil et tout ce qui en résulte, c'est-à-
dire qu'il accepte que l'Etat s'attribue le droit de sanc-
tionner, l'union de l'homme et de la femme, d'en
déterminer et d'en prescrire les conditions, de dissou-
dre le lien conjugal comme il l'a formé. Il admet
que l'Etat se substitue à Dieu qui a institué le ma-
riage à l'origine des choses, à Notre-Seignetir Jésus-
Christ qui l'a élevé à la dignité de sacrement, à
l'Eglise le fondé de pouvoirs de Dieu et du Christ,
pour le réglementer, le reconnaître et le bénir.
4° La puissance paternelle. Le maçonnisme con-
sidère l'exercice de l'autorité paternelle comme n'ap-
partenant aux parents qu'en vertu d'une concession
supposée de la loi civile qui peut le restreindre ou
l'étendre à son gré. Il reconnaît comme légitimes les
droits q;ue l'Etat s'arroge sur l'éducation des en-
fants et la répartition des héritages.
5° L'éducation. En fait d'éduca'ion et dans la di-
rection qu'il lui donne, le maçonnisme part du prin-
cipe de la perfection originelle. L'enfant, selon lui,
est naturellement porté au bien et n'a qu'à suivre
ses inspirations pour être bon et vertueux. Cela est
contredit, comme l'observe M. Le Play, par la plus
grossière des nourrices, comme par la plus perspi-
cace des mères. Elles constatent à chaque instant
que la propension au mal est prédominante chez le
jeune enfant. N'importe, le maçonnisme ne s'appuie
pas moins sur ce faux dogme pour faire consister toute
l'éducation dans l'instruction, pour interdire la cor-
rection, pour écarter l'enseignement religieux, pour
développer le sentiment de l'orgueil, et stimuler l'am-
bition.
CORRUPTION DES IDÉES 511
Dans l'enseignement, le maçonnisme n'admet pas
que la science soit subordonnée au dogme, la vérité
présumée et hypothétique à la vérité fixe et abso-
lue (1). Il n'admet pas que celle-ci serve de pierre
de touche pour vérifier celle-là. Le maçonnisme trouve
bon que l'enseignement soit obligatoire et neutro,
c'est-à-dire que l'Etat fasse passer toutes les âmes
sous le laminoir de son enseignement pour les ma-
çoniser toutes; et s'il proteste contre le monopole ab-
solu de l'enseignement, s'il veut que soit conservée
une certaine liberté permettant d'échapper à l'ensei-
gnement de l'Etat, il trouve juste qUe celui qui
veut en user, non seulement se le procure à ses frais,
mais soit tenu de contribuer à renseiççnement neutre;
il trouve bon que l'Etat ait le monopole des exa-
mens, qu'il ait le contrôle des livres de l'enseigne-
ment libre, qu'il ait son Index et que par la il
s'ingère très avant dans l'enseignement piétendu libre.
Que l'Eglise enseigne ses dogmes à celui qui est
baptisé et exige de lui l'adhésion de la Foi, le ma-
çonnisme appelle cela oppression despotique, servi-
tude de la pensée, mais si l'Etat impose l'athéisme,
c'est à ses yeux, chose libérale.
6° La propriété. Le maçonnisme reconnaît à TEIat
le pouvoir de déclarer nul le droit Je propriété, lors-
qu'il a pour objet les biens ecclésiastiques, la plus
sacrée de toutes les propriétés. Il lui reconnaît le droit
de faire des lois nour la transmission et la jouissance
de la propriété privée, et par là il achemine les
esprits et les institutions vers le socialisme d'Etat.
7° La bienfaisance. Le maçonnisme détourne l'at-
tention et le cœur de l'homme des besoins principaux
1. On voit à chaque instant les théories scientifiques les
plus autorisées, les plus universellement acceptées, être
rangées tout à coup parmi les fiaradoxes.
512 l'agent DE LA CIVILISATION MODERNE
du pauvre, de ceux de son âme. Il ne voit en lui
que le corps, et parmi les œuvres de miséricorde,
il n'admet que celles qui ont le corps pour Oibjet. Il veut
que le pain donné pour apaiser la faim, le vête-
ment destiné à couvrir la nudité, la visite faite à
l'indigent ou à l'infirme, le remède offert au malade,
n'aient d'autre fin que le soulagement corporel;^ il
ne veut pas qu'au-dessus de cette fin immédiate,
il y en ait une autre : édifier l'âme, la perfectionner,
l'aider à obtenir les biens qui lui sont propres, la
vérité, la grâce de Dieu, le bx)nheur éternel. Et c'est
pourquoi, s'il trouve mauvaise la laïcisation des hô-
pitaux, des hospices, des orphelinats, c'est unique-
ment parce qu'il constate expérimentalement que les
soins des laïques ne valent pas ceux des religieux.
Il ne regrette point l'absence des secours spirituels,
il ne les reconnaît point comme bienfaisants.
Le maçonnisme tarit la vraie source de la bienfai-
sance en dédaignant le vrai, le principal motif qui
doit la déterminer : l'amour de Dieu. Il veut que
l'on aime l'homme pour l'homme; il appelle cela
de la philanthropie, il l'oppose à la charité divine.
Pour obtenir le concours à ses œuvres de philanthro-
pie, le maçonnisme, ignorant ou dédaignant les motifs
d'ordre supérieur, a recours à divers moyens, tous
atJssi misérables les uns que les autres. II s'efforce
de stimuler la sensibilité naturelle, mais l'égoïsme
lui répond en faits, sinon en paroles, qu'il est moins
désagréable de voir souffrir son prochain que de
s'imposer à soi-même des sacrifices. Il ouvre des
souscriptions publiques, et il se sert du respect hu-
main pour y faire contribuer par la crainte du ridi-
cule et de la censure. Il organise des fêtes de bien-
faisance, marchés publics de sensualité, où l'on prend
occasion du malheur des autres pour se procurer
du plaisir.
i-.ORRUPTION DES IDEES 513
8° L'art n'est pas plus que le reste hors des attein-
tes du maçonnisme. L'^art qu'il patronne, qu'il exalte
est celui qui exprime et qui surexcite les concupis-
cences qui animalisent l'homme, au détriment de
celui qui exprime les sentiments qui ennoblissent
l'âme humaine, qui relèvent sa dignité. Le maçon-
nisme est, à l'heure actuelle, tout à fait dominant
dans l'art. La poésie et le chant, la peinture et la
sculpture s'attachent de nos jours à flatter les sens,
à amener les hommes à chercher leurs joies dans
ce qfui les avilit et les souille, au lieu de les élever
aux joies de l'intelligence et de l'âme.
Immense est l'influence du maçonnisme artistique
et littéraire. Il atteint toutes les classes de la société,
même les plus infimes, par le feuilleton, l'affiche^
les statues officielles, et les amusements publics qui
ne sont plus autre chose qu'une grande entreprise
de corruption générale.
On le voit, le maçonnisme s'étend à tout. A l'heure
actuelle, sa contagion est si puissante et si étendue
que quiconque voudra rentrer en lui-même, faire l'ins-
pection de ses idées et de ses sentiments, devra recon-
naître qu'il en est plus d'un et plus d'une qui sont
altérés en lui, qu'il n'a pas conservé entière la pu-
reté de la doctrine et du sens catholique.
C'est par cet affaiblissement graduel, méthodique,
que la secte espère arriver peu à peu à. anéantir
l'idée chrétienne dans le monde.
Le journal V Opinion nationale écrivait, sous le
règne de Napoléon III : « Il existe en certaines par-
ties de l'Afrique et de l'Amérique un insecte d'une
activité et d'une fécondité effrayantes : le pou de
bois. C'est une bête molle, blanchâtre, sans résis-
tance, organisée qu'elle est pour vivre dans les ténè-
L' Église et le Temple. 33
514 l'agent de la civilisation moderne
bres. Cependant, lorsqu'elle s'attaque aux habitations,
il faut toujours finir par lui* céder la place. Rien
ne peut l'arrêter. Sans bruit, elle ronge solives, pou-
tres, madriers et jusqu'à la rampe de l'escalier. Vous
appuyez dessus sans défiance : le bois cède, sous
les doigts. Les poux vont ainsi creusant, creusant
avec une activité incroyable et se multipliant chaque
nuit par milliers. Ils avancent. Au dehors nulle trace;
tout conserve l'apparence de la solidité, jusqu'à ce
qu'un jour, au premier souffle de la tempête, la
maison tombe en poussière sur ses habitants sur-
pris et montre, au grand jour, l'innombrable et im-
monde fourmilière des poux, grouillant sur les rui-
nes. »
Cette vermine, sous la plume de yOpinion nationale,
c'était les Petites Sœurs des Pauvres, les Filles de
Saint-Vincent de Paul et autres congréganistes. N*est-il
pas plus juste de voir sous cette figure le maçon-
nisme et son œuvre? Les idées qui le constituent
sont bien ces termites. Elles se répandent de proche
en proche dans la société, la minent sans que l'on
s'en aperçoive. Au jour de la tempête 'révolutionnaire,
on la verra tomber; et tous, ceux qui auront pro-
pagé ces idées, comme ceux qui n'auront point réagi
contre elles périront sous ses ruines.
Combien de personnes, si elles voyaient ce travail
obscur de destruction, reculeraient d'effroi! Et c'est
pourquoi il est nécessaire et charitable de leur ou-
vrir les yeux, de leur apprendre à traduire devant
leur conscience les idées qui hantent leur intelligence,
et à se demander si, de cet examen, il ne résulte pas
qu'elles appartiennent, du moins par quelques ten-
dances de leur esprit, à l'âme de la franc-maçonnerie.
Car de même que l'on distingue dans l'Eglise de
Dieu le corps et l'âme, et que l'on peut être du
CORRUPTION DES IDÉES 515
corps sans être complètement de l'âme, et récipro-
quement de l'âme sans être du corps; ainsi en va-t-il
du Temple de Satan. Le corps, ce sont les loges
et ceux qui s'y sont inscrits, l'âme, c'est le libéralisme
et le rationalisme, en un mot le naturalisme. Tous
ceux qui en tiennent appartiennent à l'âme de la
secte dans la mesure où ils se sont laissé déchris-
tianiser l'esprit ou le cœur, ou le cœur et l'esprit.
CHAPITRE XXXVII
CORRUPTION DES IDÉES {suite)
IX. — MACONNISME ET ÉVANGILE
Nous avons entendu l'un des membres de la Haute-
Vente nous expliquer comment il peut se faire que
certains membres du clergé se laissent séduire par
le libéralisme; l'égalitarisme et autres productions
du maçonnisme. « Ils se persuadent, dit-il, que le
christianisme est tme doctrine essentiellement démo-
cratique. » Il n'y a point de suggestion qui ait eu
sur les esprits un empire plus étendu et plus funeste.
L'effort pour la répandre vient de loin, et si on
remonte à sa source, on trouve qu'elle a pour pre-
miers auteurs Weishaupt et Knigge, les deux hommes
qui ont donné aux sociétés secrètes leur dernière
et décisive impulsion, ceux qui leur ont marqué le
but suprême qu'elles doivent s'efforcer d'atteindre :
l'anéantissement du christianisme.
Knigge, daiî.s une lettre à Zwach, expose que parmi
les élèves de l'Illuminisme il se trouve des hommes
qui ont besoin d'une religion révélée pour fixer leurs
idées, et d'autres qui détestent toute révélation. « Pour
mettre en actioUj pour faire concourir à notre objet
ces deux classes d'hommes, pour réussir, il fallait
CORRUPTION DES IDÉES 517
trouver une explication du christianisme qui rappelât
les superstitieux à la raison et qui apprît à nos sages
plus libres à ne pas rejeter la chose pour l'abus.
Ce secret devait être celui de la maçonnerie et nous
conduire à notre objet. Pour réunir ces deux extrê-
mes, nous disons donc que Jésus n'a point établi
une nouvelle religion, mais qu'il a voulu simple-
ment rétablir dans ses droits la religion naturelle.
Son intention était de nous apprendre à nous gouver-
ner nous-mêmes, et de rétablir, sans les moyens
violents de révolution, la liberté et l'égalité parmi
les hommes. Il ne s'agissait pour cela que de citer
divers textes de l'Ecriture et de donner des expli-
cations vraies ou fausses, n'importe, pourvu que cha-
cun trouve un sens d'accord avec sa raison dans la
doctrine de Jésus. Spartacus (Weishaupt) avait réuni
bien des données pour cela; j'ai ajouté les mien-
nes dans l'instruction pour ces deux grades (les deux
grades des petits mystères). » (1).
Conformément à ces Instructions avant d'admettre
le Chevalier Ecossais au grade d'Epopte, on lui adres-
sait diverses questions auxquelles il devait répondre
par écrit.
« 1. L'état actuel des peuples répond-il à l'objet
pour lequel l'homme a été placé sur la terre. Les
gouvernements, les religions des peuples remplissent-
ils le but pour lequel les hommes les ont adop-
tés? Les conduisent-ils au vrai bonheur?
» 2. N'a-t-il pas existé autrefois un ordre de choses
plus simple? Quelle idée vous faites-vous de cet
ancien état du monde?
» 3. A présent que nous sommes passés par toutes
les nullités (par toutes les formes vaines et inutiles
1. Ecrits originaux, t. II, pp. 104 et ssq.
518 l'agent de la civilisation moderne
de gouvernement et de religion), serait-il possible
de revenir à cette première et noble simplicité de
nos pères?
» 4. Comment faudrait-il s'y prendre pour rame-
ner cette heureuse période?
» 7. Peut-on connaître et enseigner un meilleur
christianisme? Le monde tel qu'il est à présent sup-
porterait-il plus de lumière?
» 9. En attendant, ne faut-il pas semer la vérité
dans les sociétés secrètes?
» 10. N'observez-vous pas les mesures d'une 'édu-
cation graduelle dans cet art gue vous voyez trans-
mis à notre Ordre depuis les temps les plus an-
ciens? »
Quand les réponses convenables avaient été données
et que le Chevalier Ecossais était admis au grade
d'Epopte, l'Hiérophante lui disait dans la cérémonie
de l'Initiation : « Notre doctrine est cette doctrine
divine, telle que Jésus l'enseignait à ses disciples,
celle dont il leur développait le vrai sens dans ses
discours secrets... Il enseigna à tout le genre hu-
main la manière d'arriver à la délivrance... Personne
n'a frayé à la liberté des voies aussi sûres que
notre grand maître Jésus de Nazareth. »
Weishalupt, en rédigeant cette partie de son rituel,
chargeait ses disciples de répandre cette persuasion
que la liberté, l'égalité et la fraternité, entendues
au sens maçonnique, ont eu pour inventeur Notre-
Seigneur Jésus-Christ; que sa doctrine secrète, celle
qui était vraiment et complètement sienne, mais qui
ne devait être prêchée ouvertement que lorsque le
monde serait capable de l'entendre, était la pure
doctrine démocratique, celle qui rejette toute auto-
rité et maudit toute propriété.
Qu'ils fussent persuadés ou non, ses disciples ne
CORRUPTION DES IDÉES 519
manquèrent point de parler en ce sens. Qu'il suffise
de citer Camille Desmoulins, qui faisait de Notre-
Seigneur Jésus-Christ « le premier sans-culotte »;
Gracchus Babeuf, qui lui donnait un rôle de parta-
geux; et, plus près de nous, Proudhon qui le trans-
figurait en « divin socialiste »; Lamennais, qui en-
treprit de donner la démonstration de ce sophisme :
que la Révolution française est sortie de l'Evangile. (1)
Weishaupt ne s'était point trompé. Donner au peuple
cette conviction, que la doctrine démocratique est
la doctrine même de l'Evangile, la pure doctrine
de Jésus-Christ, et surtout arriver à lui faire donner
cette conviction par des prêtres, c'était assurément
le moyen le plus ingénieux et le plus infaillible de
faire arriver et d'asseoir à tout jamais la Révolu-
tion en vue de laquelle il avait fondé rilluminisme.
Aussi, répandre cette persuasion fut l'une des occu-
pations principales de la Haute-Vente, héritière directe
de rilluminisme. Dans la Bulle Ecclesiam a Jesu
Christo, le pape Pie VIII en fit la remarque : « Les
Carbonari affectent un singulier respect et un zèle
merveilleux pour la religion catholique et pour la
doctrine et la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
qu'ils ont quelquefois l'audace de nommer leur grand
maître et le chef de leur société. »
Et Pie IX, dans l'allocation consistoriale prononcée
à Gaëte, le 20 avril 1849, dit aussi : « Les chefs de la
faction, par un coupable abus des paroles et des
pensées du très saint Evangile, n'ont pas craint, loups
ravisseurs déguisés en agneaux, d'entraîner la mul-
titude inexpérimentée dans leurs desseins et leurs
entreprises et de verser dans les esprits imprévoyants
le poison de leurs fausses doctrines. »
1. Au moment où le P. Laoordaire, Ozanam, l'abbé Ma-
ret, fondaient l'Ere nouvelle, paraissaient les journaux in-
titulés : Le Christ républicain. — Le Christ socialiste.
520 l'agent de la civilisation moderne
Piccolo-Tigre a donné la raison dernière pour la-
quelle cette tactique a été inventée et mise en œu-
vre : « La Révolution (ou l'idée révolutionnaire) dans
l'Eglise, c'est la Révolution en permanence. »
Nos démocrates s'y sont laissé prendre.
Dans son numéro-programme, la Démocratie chré-
tienne, après avoir dit que « la démocratie a pour
principe fondamental l'égalité naturelle de tous les
hommes », ajoute : « Et qui donc a fait prévaloir
ce principe de l'égalité naturelle de tous les hommes,
qp'aucune société païenne n'avait reconnue, et qui
trouve son plein développement social dans le régime
démocratique bien compris?... Ah! n'est-ce pas Jésus-
Christ? Et lorsque la démocratie vient donner à ce
principe de l'égalité humaine son plein développe-
ment social, nous chrétiens ,nous répugnei'îons àravè"
nement complet de la démocratie? »
Et ailleurs : « La démocratie est bonne, son prin-
cipe est inattaquable, puisqu'elle est l'état social le
plus conforme à l'esprit de l'Eglise, parce qu'elle
a été promulguée par Jésus-Christ. »
« La liberté, l'égalité, la fraternité, sont des bien-
faits qui nous viennent du christianisme. »
La liberté dont parle Notre-Seigneur lorsqu'il dit :
Veritas liberahit vos? Oui, assurément, cette liberté
est l'un des grands bienfaits du christianisme. La
vérité sur Dieu, sur l'homme, sur nos destinées que
sa Bonté infinie a faites surnaturelles et éternelles,
cette vérité délivre l'homme de l'esclavage de Satan
et du monde, de celui de ses passions et de ses
péchés. Voilà la liberté qui vient du christianisme.
Mais non la liberté démocratique dont l'essence est
de se soustraire à l'Autorité, d'en secouer le joug.
Le mot a été pris au christianisme, la chose aux
CORRUPTION DES IDÉES 521
passions de l'homme, à son orgueil. Et ravir ainsi
au christianisme ses mots pour les interpréter dans le
sens du paganisme, c'est mettre le comble à l'anar-
chie intellectuelle, c'est prendre la voie la plus sûre
pour mener les peuples à leur perte la plus irrémé-
diable.
Mêmes observations sur le mot égalité. L'égalité
des hommes appelés tous à la vie éternelle, rachetés
tous par le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, rece-
vant toutes les grâces nécessaires au salut, cette
égalité vient du christianisme. Mais est-ce celle-là que
revendique la jalousie démocratique qui veut tout
abaisser sous son niveau? l'orgueil démocratique qui
ne peut souffrir de supérieur ?
Et la fraternité que prêche la démocratie, est-ce la
fraternité des hommes en Jésus-Christ qui s'est fait
leur frère et qui leur a donné pour Père le Sou-
verain Seigneur qui est aux cieux? N'est-ce point
plutôt l'humanitarisme qui tend à un Etat-Humanité
par la solidarité universelle?
« Quand on voit quelles sont les doctrines contre
lesquelles beaucoup d'hommes ont échangé les tré-
sors de vérités cachées dans le Christ, a dit Shelling,
on se rappelle involontairement ce roi dont San-
cho Pança raconte qu'il avait vendu son royaume
pour acheter un troupeau d'oies. »
Non, la liberté, l'égalité, la fraternité démocrati-
ques n'ont point été promulguées par Notre-Seigneur
Jésus-Christ. Ce n'est point là ce qu'il a voulu faire
prévaloir en venant sur la terre. On ne peut dire
que cette liberté, cette égalité et cette fraternité soient
des bienfaits qui nous viennent du christianisme et
que l'état social qui reposerait sur elles serait le plus
conforme à l'esprit de l'Eglise. L'état social le plus
522 l'agent de la civilisation moderne
conforme à l'esprit de l'Eglise est celui qui aide le
mieux les hommes à faire leur salut.
Ces confusions d'idées et les actions libérales qui
en sont la mise en œuvre, préparent une société
essentiellement anti chrétienne ; car il n'y a rien qui
puisse s'opposer plus efficacement au retour de notre
société révolutionnaire à l'esprit du christianisme,
à cet esprit qui, d'après Léon XIII, — s'adressant direc-
tement aux démocrates chrétiens, — doit donner
à la communauté humaine une forme et un carac-
tère en harmonie avec ceux que Dieu a établis (1).
Dieu a établi la société non sur la liberté, mais sur
la soumission aux autorités; non sur l'égalité, mais
sur la hiérarchie; non sur l'humanitarisme, mais
sur la divine charité.
On l'a toujours dit, et rien de plus vrai : l'erreur la
plus nuisible est celle qui est la plus proche de la
vérité, ou celle qui en emprunte les termes. Les
hommes les plus dangereux sont ceux qui ont la
vérité sur le visage et l'erreur dans le sein. Com-
ment la jeunesse se mettra-t-elle en garde contre des
écrivains et des orateurs honnêtes et brillants, qui
annoncent à tous le règne de la liberté et de l'éga-
lité avec du pain et des plaisirs? Ils affirment ap-
porter en cela la solution chrétienne de la question
sociale, alors qu'ils propagent les idées de la Révolu-
tion. C'est jeter les peuples dans un trouble dont
ils ne pourront revenir. « Si l'on parvenait, dit M.
de Saint-Bonnet, à allier l'esprit révolutionnaire à
l'esprit religieux, à marier l'orgueil à la vérité, c'en
serait fait à jamais de notre civilisation. Le socialisme
chrétien perdra tout s'il prend de la force : il s'ap-
proprie assez de vérité pour dissimuler l'erreur et
1. Encyclique Graves de communi.
CORRUPTION DES IDÉES 523
étouffer définitivement la vérité. Veuille Dieu préser-
ver notre clergé de l'erreur la plus glissante, la plus
terrible qui fut jamais ! Le mirage est tel que beau-
coup parmi les plus sages ne savent plus où fixer
leur esprit. Comment désormais distinguer la bran-
che empoisonnée de la branche de l'Evangile (1)? »
« Chaque âge a son hérésie, mais ici Ton enlève le
fond même du christianisme, en lui laissant son nom.
L'âme éprouve un frisson. L'ennemi du genre hu-
main a trouvé une erreur qui porte le nom de la
vérité et qui est capable d'accélérer la fin des temps. »
M. de Montalembert ne parlait pas autrement :
« Si la contagion socialiste allait envahir jusqu'aux
enfants de l'Eglise elle-même, si une portion de notre
jeunesse catholique avait le malheur d'ouvrir son
esprit et son cœur à ces doctrines fallacieuses, c'est
alors vraiment que le mal pourrait sembler irrépara-
ble et qu'il ne resterait plus qu'à pleurer sur les rui-
nes d'une société condamnée à mourir dans les étrein-
tes d'une incurable anarchie. »
«c C'est pour un prêtre une trahison, disait encore
M. de Saint-Bonnet, que de faire porter la question
sociale ailleurs que sur la Foi. »
Il y a une dizaine d'années, dans un numéro de
VEclair, daté du 6 juillet, l'abbé Charbonnel, qui
n'avait point encore apostasie, écrivait un article
intitulé : Le Socialisme chrétien. Il y invoquait l'au-
torité de saint Paul, de Mgr Ketteler, de Mgr Ireland,
de M. le comte de Mun, de l'abbé Hitze. Et il terminait
par ces mots :
1 M. Blanc de Saint-Bonnet a fourni lui-même la lé-
ponse : « Pour la reconnaître, il reste un signe certain.
L'esprit du christianisme se décèle immédiatement : au
lieu d'enfler le moi, il en demande le sacrifice ».
524 l'agent de la civilisation moderne
« Au dire de Proudhon, la question sociale est
» déjà soulevée, mais elle est errante : prêehée au
» nom de Dieu, consacrée par la parole du prêtre
» elle se répandra avec la rapidité de la foudre.
» C'EST CE QUI ARRIVE et l'évolution a été singuliè-
» rement prompte de Lamennais à Léon XIIL Qui
» disait donc que l'Eglise ne change pas? »
Non, l'Eglise ne change pas, elle dit aujourd'hui
ce qu'elle a dit hier, mais ils sont bien dangereux ceux
qui essaient de lui faire dire le contraire de ce qu'elle
a toujours enseigné et qui, pour cela, se présentent,
sous le couvert du Pontificat suprême et de l'infailli-
bilité doctrinale !
De la persuasion que le christianisme est une doc-
trine essentiellement démocratique est né le désir
de la réconciliation de l'Eglise et du siècle d'abord
dans l'ordre politique, puis en tout ordre de choses.
Dans la lettre à son clergé sur le concile œcuméni-
que du Vatican (1), le cardinal Régnier disait : « Le
catholicisme libéral travaille à faire sortir l'Eglise
de ses voies traditionnelles et séculaires., pour la
faire entrer dans celles où s'est engagée la société
moderne et dont Dieu seul connaît l'issue. »
Les catholiques libéraux se proclament volontiers
les fils de la société moderne qu'ils déclarent être
« la moins imparfaite, la meilleure des sociétés qui
aient jamais existé. » Ils répètent sur tous les tons
qu'ils « l'acceptent telle qu'elle est », et que personne
ne doit plus songer à réagir contre le courant qu'a
créé la Révolution. La langue de la Révolution tie
leur fait pas peur, loin de là; ils ont habituellement
sur les lèvres les formules des libertés à la mode.
Que dis-je? De ces libertés que les papes ont appe-
1. Œuvres, t. IV, p. 189.
CORRUPTION DES IDÉES 525
lées des délires et des instraments de perversion et
de corruption, ils disent « qu'elles sont sorties de
l'Evangile comme autant de fruits exquis » et que
ce sont là « les côtés superbes de la société moderne ».
De la Déclaration des droits de Vhomme, qui est
le principe même de la Révolution et le fond du
naturalisme, ils disent que « nulle nation n'a jamais
eu rien de pareil », « qu'il a fallu dix-huit siècles
de christianisme pour la rendre possible », qu'il n'y
a jamais eu d'événement plus grand dans le monde »,
etc.
La plupart de ces citations sont prises dans le livre
de l'abbé Bougaud : Le Christianisme et les temps
PRÉSENTS (1). M. Vacherot avait une plus juste com-
préhension des choses lorsqu'il disait : « A ceux qui
croiraient encore que la Révolution peut se récon-
cilier avec la Religion, la démocratie, qui est l'âme
et l'esprit de la Révolution, répond en ces termes :
« Nulle religion, même le protestantisme, qui est la
plus libérale de toutes, n'est compatible avec l'idéal
de la démocratie (2). »
Faut-il s'étonner après cela que dans les premiers
jours de juin 1885, le Figaro ait eu l'insolence d'adres-
ser cette invite à Léon XIII : « Si Léon 'XIII se levait
avec le grand chiffre 1789 à la main — tout à coup
de son fauteuil où il est assis calme, penseur, voyant
1. Dans ce même ouvrage, t. V, p. 21. M. l'abbé Bougaud
dit : « Il n'y a pas de solution de continuité entre les
vérités de l'ordre surnaturel et les vérités de l'ordre naturel;
celles-ci plongent dans celles-là et réciproquement ». Et
plus loin : « On monte du sens à la raison comme on monte
de la raison à la foi ». A la page 42 : « Sans doute la
foi est un don de Dieu comme la vue, comme la raison, pas
plus qu'elles, pas moins ». Ces propositions sont du pur
pélagianisme. Elles montrent ce que_ devient la notion
du surnaturel dans les esprits qui se laissent envahir par le
libéralisme.
2. Do la Démocratie, p. 60.
526 l'agent de la civilisation moderne
— il serait aussi grand que le Moïse de Saint-
Pierre-aux-Liens. A les voir assis, le Pape et Moïse,
on juge de leur taille s'ils étaient debout! Il a
COMPRIS que, si son Eglise ne marchait pas avec la
société moderne — la société moderne marcherait
sans son Eglise. » Ce que le Figaro disait, toule la
clientèle des Ignotus, des Wolff, des Grandlieu, des
Millaud, etc., en un mot, tout le catholicisme libéral
le pensait.
C'est Lamennais qui est le père et le chef de l'école
à la fois catholique et révolutionnaire de la pacifica-
tion, de la conciliation, de l'adaptation, de l'union
enfin et de la fusion entre le Christianisme et la
Révolution. Selon lui, il n'y a de salut pour l'Eglise
dans l'avenir que là. Il faut qu'elle s'harmonise avec
la liberté moderne, disons mieux avec le libéralisme
qui est l'hérésie des hérésies,
« C'est ici, dit M. Chapot, le point culminant de
la séduction libérale. Il ne saurait y avoir rien au-
delà. Faire croire aux bons, faire croire au clergé
que le salut nous viendra du libéralisme, c'est l'apo-
gée et le triomphe de la Révolution.
» Voilà plus de soixante-dix ans que cette nou-
velle manière de comprendre les intérêts de l'Eglise
a tout envahi. Elle trône au sein des académies,
elle siège dans les sanctuaires, elle a toutes les fa-
veurs de l'opinion publique; on la considère comme
la garantie certaine, infaillible, de la victoire pro-
chaine de l'Eglise sur la terre,
» Grâce à l'ingénieuse distinction entre la thèse
et l'hypothèse du libéralisme, l'évolution des catho-
liques sur le terrain révolutionnaire du droit commun,
des droits de l'homme, de la liberté pour tous, du
ralliement aux idées, aux institutions politiques et
sociales du monde moderne, s'est accomplie. L'armée
CORRUPTION DES IDÉES 527
chrétienne est passée tout entière, av^c armes et ba-
gages, sous les étendards du libéralisme et de la
Révolution. C'est ainsi que les catholiques de France
se sont jetés, tête baissée, dans le piège suprême da
Satan. Cet aveuglement est si profond et a une por-
tée si considérable, qu'on peut à bon droit le con-
sidérer comme le fait capital de la Révolution, et un
des plus malheureux, quant à ses conséquences, de
toute l'histoire humaine.
» La confusion envahit tous les esprits, même les
meilleurs. On en est venu à ne plus distinguer nette-
ment les caractères du règne de Satan de ceux du
règne de Jésus-Christ, les principes du christianisme,
des principes de l'hérésie de Satan (1). »
Heureusement Rome est toujours là.
La. lettre du Pape au cardinal Gibbons vint con-
damner cette proposition : « Pour ramener plus faci-
lement à la vérité catholique les dissidents, il faut
que l'Eglise s'adapte davantage à la civilisation d'un
monde parvenu à l'âge d'homme et que, se relâ-
chant de son ancienne rigtieur, elle se montre conci-
liante à l'égard des aspirations et des exigences des
peuples modernes. » C'était, sous une nouvelle forme,
la dernière des propositions que le Syllahus de Pie IX
a condamnées : « Le Pontife romain peut et doit se
réconcilier et transiger avec le progrès, le libéra-
lisme et la civilisation moderne. »
Au lendemain de la publication de cette Encyclique,
le 24 mars 1899, le Temps, l'un des organes du pro-
testantisme, vint dire aux conciliateurs de ne point
renoncer cependant à leur projet : « Ceux qui, dans
le clergé comme chez les laïques, cherchent un re-
nouveau, une action sociale plus profonde, une en-
1. Revue catholique des Institutions et du Droit, sep-
tembre, 1904. N. 9, p. 202.
528 l'agent de la civilisation moderne
tente plus cordiale avec la société moderne, n'ont
aucune raison de se décourager. » La Civilta catto-
lica disait, elle : « Celui qui louvoie, celui qui tâtonne,
celui qui s'adapte au siècle et transige, celui-là peut se
donner à lui-même le nom qu'il voudra, mais devant
Dieu, et devant l'Eglise, il est un rebelle et tm traître. »
Rebelle, parce qu'il veut aller à l'encontre des di-
rections séculaires de l'Eglise; traître, parce qu'il
fait le jeu des ennemis de l'Eglise.
On ne saurait dire s'il est une seule des possessions
de l'Eglise où le recul ne lui soit demandé pour
arriver à la conciliation : l'Ecriture Sainte ne de-
vrait point maintenir intacte son inspiration, sa vé-
racité, son authenticité; la théologie devrait diminuai
le nombre de ses dogmes et les soumettre au contrôle
du scientisme; la philosophie, se kantiser; la poli-
tique, consacrer la souveraineté du peuple; l'écono-
mique, faire trouver le ciel ici-bas, etc., etc. A tou-
tes et à chacune de ces prétentions, Léon XIII a
répondu par ses immortelles encycliques. La pre-
mière, Inscrutabili, a dit que la civilisation qui ré-
pugne aux doctrines de l'Eglise n'est qu'une fausse
civilisation; celle commençant par les mots Quod
apostolici a repoussé les conclusions pratiques aux-
quelles cette fausse civilisation doit aboutir : le so-
cialisme, le communisme, le nihilisme, qui veulent
établir l'ordre social sur l'égalité de tous les hom-
mes, c'est-à-dire le renversement de toute hiérarchie,^
l'abolition du mariage et de la famille, la négation
du droit de propriété. Les Encycliques suivantes sont
revenues sur chacune de ces bases de l'ordre social :
Arcanum divinœ sapientiœ, sur le mariage et la
famille; Diuturnum, sur le pouvoir civil; Immortale
Deij sur la constitution chrétienne des Etats; Liber-
CORRUPTION DE^ IDÉES 529
tas prœstantissimum, sur la vraie notion de la li-
berté : Sapientiœ christianœ, sur les devoirs civi-
ques des chrétiens; Rerum Novarum, sur la paix
sociale et les moyens de l'obtenir; Aeterni pairiSy
sur la philosophie; Frovideyitissimus Deus, sur l'E-
criture Sainte, etc., etc.; et au centre de cette sphère
d'où la lumière rayonne sur toutes les questions
agitées de nos jours, l'Encyclique sur l'Eglise, dé-
positaire et docteur de toutes les vérités, et celle
sur la franc-maçonnerie, fo^er de toutes les erreurs.
« Nous faisons tous nos efforts, disait Léon XIII
aux pèlerins de Malte, le 22 mai 1893, pour rame-
ner sur le droit chemin la société humaine »; et
dans une lettre adressée le 6 janvier 1896 au cardi-
nal Langénieux, il exhortait en ces termes tous les
catholiques à seconder ses efforts : « Les calholiques
doivent s'affirmer comme des fils de lumière, d'au-
tant plus intrépides et plus prudents qu'ils voient
une puissance ténébreuse mettre plus de persistance
à ruiner autour d'eux tout ce qui est sacré et bien-
faisant; ils doivent prendre avec clairvoyance et cou-
rage, conformément à la doctrine exposée dans nos
Encycliques, l'initiative de tous les vrais progrès
sociaux, se tenir au premier rang parmi ceux qui ont
l'intention loyale, à quelque degré que ce soit, de con-
courir à faire régner partout, contre les ennemis de
tout ordre, les éternels principes de la justice et
de la civilisation chrétienne. »
Le refus de conciliation opposé par l'Eglise aux
ennemis de tout ce qui constitue l'ordre, ne porte
donc que sur l'erreur et le mal 'qu'elle ne peut consa-
crer, même au degré le plus infime. A cela, son
opposition est à tout jamais irréductible. Mais c'est
une perfidie de la secte, qui voudrait la conciliation
dans l'erreur et le mal, de faire croire que l'Eglise
L'Eglise et le Temple. 34
530 l'agent de la civilisation moderne
a en horreur les découvertes de la science moderne
et leur application aux usages de la vie.
L'apôtre saint Paul a dit : « Nolite conformari huic
sœculo (1). Ne vous conformez pas au siècle présent. »
Et l'apôtre saint Jacq'ues : « Quiconque veut être
ami du monde se rend ennemi de Dieu. » Jamais
l'Eglise ne mettra ces paroles en oubli.
Les Instructions donfiées aux Quarante, sur les
moyens à employer pour corrompre l'esprit public,
furent si bien suivies et eurent tant de succès que,
dix ans après leup rédaction, le pape Pie VIII dut
déplorer, dans son Encyclique du 24 mai 1829, le
mal qu'elles avaient déjà fait.
Le 23 janvier 1844, Gaétan écrivait à Nubius :
« Dans l'espace d'un petit nombre d'années, nous
avons fait beaucoup de chemin. La désorganisation
règne partout, au Nord comme au Midi, dans le cœur
des nobles comme dans celui des prêtres. Tous ont
fléchi sous le niveau que nous voulons imposer à
l'humanité pour l'abaisser. Le monde est lancé sur
la voie de la démocratie. »
Gaétan prenait ses désirs pour des réalités. Non,
il n'était pas vrai de dire que tous avaient fléchi
sous le niveau que la maçonnerie veut imposer à
l'humanité pour l'abaisser. Il y en avait pourtant,
et il y en avait assez pour que l'année suivante, le
4 août 1845, le cardinal BernetLi, dont la perspicacité
avait effrayé Nubius, ait pu écrire à l'un de ses
amis :
« Un jour viendra où toutes ces mines chargées de
poudre constitutionnelle et progressive éclateront. Fas-
se le Ciel qu'après avoir vu tant de révolutions et as-
1. Rom., XII, 2.
CORRUPTION DES IDEES 531
sisté à tant de désastres, je ne sois pas témoin des
nouveaux malheurs de l'Eglise! La barque de Pierre
surnagera sans aucun doute, mais je sens le besoin
de me recueillir dans la paix avant d'aller rendre
compte à Dieu d'une vie si tourmentée au service
du Siège apostolique. Que sa divine volonté soit
faite et tout sera pour le mieux! »
Il n'y avait pas plus de vingt ans que la Haute-
Vente avait commencé son œuvre, s'était appliquée
à mettre à exécution le plan qui lui avait été tracé
pour introduire le Maçonnisme dans l'Eglise, et déjà
le Pape et ses fidèles ministres pouvaient exhaler
d'amères plaintes en jetant un regard de tristesse
et de pitié sur ce qui aVait été fait et un regard
d'effroi sur l'avenir.
Chose incroyable, chose que l'on n'aurait pu ima-
giner : pour faire accueillir ses suggestions par nom-
bre d'esprits qui ne demandaient qu'à marcher à la
lumière de la vérité, la secte a trouvé le moyen
de les faire présenter à la jeunesse sous le couvert
de l'autorité du Souverain Pontife.
Lès Instructions secrètes données à la Haute Vente
avaient dit : « Vous voulez établir le règne des élus
(de Satan) sur le trône de la prostituée de Baby-
lone (Rome); que le clergé marche sous votre
ÉTENDARD EN CROYANT TOUJOURS MARCHER SOUS LA
BANNIÈRE DES CLEFS APOSTOLIQUES. »
Dans son livre Nouveiu Catholicisme et nouveau
Clergé, M. Maignen n'a point hésité à signaler des
paroles et des faits qui montrent que cette illusion
a existé pour plusieurs.
«^Qu'il y ait danger pour la foi et pour la disci-
pline de l'Eglise, dans ce besoin insatiable de nou-
veauté qui emporte beaucoup de ca'holiques et une
532 l'agent de la civilisation moderne
partie du clergé, il devient chaque jour plus difficile
de le contester.
» Mais nous croyons apercevoir un danger plus grand
dans la façon dont les novateurs prétendent faire
prévaloir leurs doctrines.
» Cette lactique, en effet, est mervieilleusement adap-
tée à la situation présente et à ce que l'on pour-
rait appeler la mentalité catholique depuis le Con-
cile du Vatican.
» Non seulement les modernes novateurs ne pré-
tendent point rompre avec Rome, ni s'insurger ou-
vertement contre l'autorité pontificale, mais ils ont
hautement avoué le dessein d'accaparer, en quelque sorte
Vinfluenee de cette autorité même, et de la faire servir à
V avènement de leur parti.
» Dans le domaine de la théorie, il ne s'agit plus
pour les novateurs de nier un dogme, mais de don-
ner, selon l'occasion, à tous les dogmes un sens
nouveau.
» Dans le domaine des faits, il n'est pas question
de résister au Pape, mais de faire croire à l'opinion
publique que les meneurs du parti sont les seuls fidèles
interprètes de la pensée du Fape.
» Pour parvenir à leurs fins, les novateurs disposent
de deux moyens puissants : l'un qui est de tous
les temps, l'intrigue, par laquelle ils s'efforcent de
pousser leurs partisans dans l'Eglise et dans l'Etat;
l'autre, très moderne et très redoutable, la presse,
qu'ils savent faire manœuvrer habilement de façon à
créer ces sympa.hies populaires, ces courants d'cpinion,
d'autant plus pernicieux à la vie de l'Eglise qu'ils
paraissent plus inoffensifs et plus spontanés (1). »
1. Nouveau Catholicisme et nouveau Clergé, pages 435-
436 . ■ i : ' , Ml
CORRUPTION DES IDÉES 533
Feu M. Auguste Sabatier, alors doyen de la Fa-
culté de théologie prolestante, à Paris, a fait la même
observation, dans des lettres adressées de Paris au
journal de Genève, le 20 octobre 1898 et le 19
mars 1899, l'une avant, l'autre après la publication
de l'Encyclique sur l'américanisme.
Après avoir observée que :
« L'américanisme est fils du libéralisme. »
Il dit :
« Sa pensée dominante est d'uNiR le siècle et
l'église, de chercher une conciliation entre la tra-
dition de VEglise et les aspirations du siècle, de
faire cesser le conflit entre la théologie des sémi-
naires et les sciences modernes. »
Il termine en disant qtie les américanistes espèrent
triompher de toutes les résistances.
Comment? il le dit encore : « Bn redoublant leurs
protestations de soumission au Saint-Siège, en abri-
tant tout cela sous la souveraineté du Tape, en pro-
testant d'une pleine obéissance à ses directions. »
Ceux qui ont suivi les novateurs, ceux qui ont
observé leur attitude et leurs actes, q;ui ont lu leurs
écrits, reconnaîtront que M. Sabatier a saisi sur le
vif leur tactique. C'est d'ailleurs ce qu'a constaté
Mgr Lorenzelli, dans le discours qu'il prononça au
grand séminaire de Soissons dans les premiers jours
de l'année 1902. Le nonce après avoir parlé des
dangers qui menacent VEglise catholique à Vheure
présente et signalé « la tendance à naturaliser l'es-
prit du clergé, à accueillir toute nouvelle doctrine,
toute nouvelle méthode d'action », ne craignit point
d'ajouter : « Cet esprit voudrait se justifier par cer-
taines paroles du Saint-Siège. »
Cette manière de faire, il n'est pas inutile de le
534 l'agent de la civilisation moderne
remarquer, répond d'une manière frappante aux vœux
qu'exprimaient les Instructions données à la Haute-
Vente.
Démocrates chrétiens d'abord, puis américanistes
et enfin modernistes n'ont cessé d'agiter la bannière
du Pape et de se présenter comme ses hérauts, tout
en enseignant et en propageant de leur mi9ux los
doctrines que le Saint-Siège n'a cessé de condamner.
Ils ont pris leur point d'appui à Rome même.
Des directions pontificales, interprétées contre le sens
commun, ils se sont forgé une arme contre les dé-
fenseurs de la saine doctrine; ils ont gagné des jour-
naux, même ceux autrefois les plus opposés au li-
béralisme, de sorte qu'en France et en Italie, en
Allemagne et en Amérique, on a eu la douceur de voir
des célèbres champions de TEglise s'appliquer à dis-
simuler les vérités, quand ils ne propageaient pas
eux-mêmes les erreurs de l'américanisme, du libé-
ralisme et de la démocratie. Ainsi appuyée, l'audace
des novateurs ne connut plus aucune crainte (1).
Quand vint la condamnation de l'américanisme,
ils dirent que cette condamnation avait été « arrachée
à la faiblesse maladive du Saint-Pore. » Et ce n'est
point Le Figaro seul qui a parlé ainsi (numéro du
11 juin 1899). Le Sillon, qui n'a pas eu à chan-
ger, soit dit en passant, avait l'audace de ces per-
fides insinuations : « On chuchote bien des choses,
je ne l'ignore pas, sur la façon dont l'entourage du
Saint-Père aurait mis à profit, ces temps derniers,
sa vieillesse et sa maladie. »
1. En novembre 1894, La Démocratie chrétienne publia
un article de plus de 40 pages dont la conclusion était :
« Nous n'avions ici qu'un but dans ce travail : démontrer
que le Pape a des sympathies et des préférences pour les
Chefs, les Doctrines et les Œuvres de cette Ecole que nous
pourrions appeler désormais Eccls pontificale. Nous croyons
avoir atteint notre but. »
CORRUPTION DES IDEES 535
Dans le Problème de Vheure présente, bien d'autres
faits semblables ont été rapportés (1).
Quels troubles de tels dires produisent dans les
esprits qui n'ont point les défiances commandées par
le malheur des temps!
Dans son numéro du 10 avril 1899, le Sillon pu-
bliait sans commentaires une lettre où l'un des siens
commençait par lui rappeler le doute qu'il avait
émis peu de temps auparavant, à propos de l'Ency-
clique aux américanistes. « Léon XIII pouvait-il con-
damner du même coup l'œuvre entière de son pon-
tificat? » Puis il en venait aux reproches :
« Maintenant, vous lâchez des hommes ou des idées
que vous souteniez, dans l'espoir, semble-t-il, que
ces concessions vous en épargnent d'autres. Permet-
tez-moi de croire que c'est peine perdue. On vous
délogera de vos derniers retranchements... Ne se-
rait-il pas plus franc d'avouer que le Pape semble
en train de ruiner peu à peu, — ou de laisser rui-
ner et défaire, dans ce qu'elle a d'humain et par suite
de destructible, bien entendu, — l'œuvre de son
glorieux pontificat? Cela peut et doit nous attrister :
cela ne peut ni ne doit nous décourager. Mais pour-
quoi ne pas le constater? »
La suite de l'article montrait la pensée de l'apos-
tasie roulant dans l'esprit de ces jeunes gens qui
ont « cru marcher sous la bannière des clefs aposto-
liques », alors qu'en réalité ils étaient lancés sur
les voies ouvertes par le maçonnisme.
Au moment où la franc-maçonnerie arriva au pou-
voir et qu'elle jeta son cri de guerre : « Le cléri-
calisme, voilà l'ennemi », un des maçons les mieux
instruits et des plus capables de se rendre compte
des desseins et des plans de la secte, dit à un évê-
1. Voir Ire partie, chapitre XXXV.
536 l'agent de la civilisation moderne
que, qui le redit à VUnivers: « Nos mesures sont
trop bien prises, nous avons trop bien préparé nos
moyens d'attaque, nous nous sommes trop bien
assuré toutes les alliances, toutes les connivences,
TOUTES LES COMPLICITÉS de tout ce qui est une
force, une influence, une puissance, pour que notre
succès ne soit pas certain. »
Hélas! tout a marché comme la franc-maçonnerie
l'avait préparé et comme l'interlocuteur de l'évêque
l'avait prédit.
L'AGENT DE LA .
CIVILISATION MODERNE
III. — SON BUT
LA CONSTRUCTION DU TEMPLE
LE TEMPLE
I. - NEF POLITIQUE
CHAPITRE XXXVIII
VERS UN ÉTAT SOCIAL NOUVEAU
Aux premières pages de ce livre, nous avons vu
qu'il y a deux façons d'envisager la vie présente :
Comme ayant sa fin en elle-même.
Comme préparant à la vie éternelle.
Ces deux manières de voir ouvrirent la voie à
deux civilisations :
La civilisation chrétienne.
La civilisation humanitaire.
Toujours elles ont été en conflit. Mais ce conflit
qui, depuis l'apparition du christianisme n'avait cessé
d'exister dans le cœur de l'homme, est devenu pu-
blic, social, du jour ou les humanistes ont fait por-
ter les regards en arrière, vers le paganisme et se
sont proposé de le restaurer.
Une société secrète s'est formée pour pours'uivre
la réalisation dans la société chrétienne de l'idéal
nouveau, ou plutôt de l'idéal ancien : jouir et mou-
540 1,'agent de la civilisation moderne
rir, — en opposition à l'idéal que le Christ et son
Eglise nous avaient fait admettre : mériter et vivre
éternellement en participation de la nature divine,
de sa béatitude et de sa gloire.
Nous avons suivi les développements de cette so-
ciété depuis le XV^ siècle jusqu'à nos jours, ses
transformations et son action incessante pour dé-
truire tout l'état de choses existant : action poli-
tique, renversant et élevant les princes et les régimes,
selon qu'elle pouvait ,ou non les inspirer, les gou-
verner, les faire servir à la réalisation de ses des-
seins; en même temps, action morale sur les peu-
ples par la corruption des idées et des mœurs. Nous
avons suivi cette double action incessamment mise
en œuvre et courant de succès en succès, grâce à un
merveilleux organisme supérieurement manié.
Nous avons à voir maintenant ce que la Franc-
Maçonnerie poursui*^, ce à q^uoi elle veut aboutir.
Déjà, par leurs correspondances et par les pa-
piers saisis à Munich et à Rome, nous avons entendu
Voltaire et les Encyclopédistes, Weishaupt et les illu-
minés, Nubius et ses conjurés se confier les Uns
aux autres leurs desseins, et nous en avons vu
un premier essai de réalisation de 1789 à 1800. Nous
assistons, depuis 1830, et ^surtout depuis 1875 à un
second essai, plus prudemment conduit, plus astu-
cieux, et par là se tenant plus assuré d'aboutir.
Quel doit être cet aboutissement? C'est la q^uestion
qui se pose maintenant et à laquelle nous es:ayerDns
de répondre.
Disons d'abord qu'il serait erroné de croire que
tous les Francs-Maçons connaissent explicitement l'œu-
vre à laquelle ils collaborent. Cette connaissance n'est
point donnée complètement même aux ini'.iés des
Hauts Grades, même à ceux des arrière-loges. Cha-
VERS UN ÉTAT SOCIAL NOUVEAU 541
cun, OU pMtôt chaq;uo équipe fait l'œuvre qui lui
est assignée, à la place qui lui a été marquée, au-
près des princes et du clergé, auprès des parlemen-
taires et des fonctionnaires, auprès des journalistes
et des professeurs, auprès des magistrats et des offi-
ciers, et encore au sein de la multitude. Mais en
accomplissant la tâche qui leur est imposée l'indi-
vidu, l'équipe ignorent la place que l'œuvre parti-
culière à laquelle ils coUaLorent, occupe dans le p'an
général, car ils n'en ont point le tracé complet sous
les yeux.
Ce plan est double : destruction et réédification :
destruction de la cité chrétienne, édification de la
cité maçonnique. La destruction nous en avons vu
les travaux et les ruines dans les pages qui précè-
dent. Nous devons maintenant assister à l'édificL^tlon
du Temple. • .. Les mêmes ouvriers, !es mêmes maçons
sont employés à ce second travail, mais ici apparaî-
tront dans une plus grande lumière les maîtres de
l'œuvre, et au-dessus d'eux le Grand Architecte.
« Il est absurde, a dit M. Aulard, professeur d'his-
toire révolutionnaire à la Sorbonne, de continuer à
dire : nous ne voulons pas détruire la religion quand
nous sommes obliges d'avouer d'autre part que ce. te
destruction est indispensable pour fonder rationnel-
lement la cité nouvelle politique et soci:h. Ne disons
donc plus : nous ne voulons pas détruire la religion;
disons au contraire : nous voulons détruire la religion,
afin de pouvoir établir en son lieu et place la cité
nouvelle. »
Ordinairement en effet on ne démolit que pour
réédifier : c'est bien la pensée de la secte qu'a traduite
M. Aulard. Elle veut élever un nouvel ordre de
choses sur les ruines de l'ancien. Elle a son idéal,
elle en poursuit la réalisation. Quel ost-il? Elle lui a
542 l'agent de la civilisation moderne
donné un nom : le Temple. C'est pour rédification
de ce Temple que, depuis des siècles, elle recruté des
maçons.
Que doit être ce Temple?
Le divin Sauveur, apportant à la terre la conception
chrétienne de la civilisation, n'a pas voulu l'abandon-
ner aux hasards que court nécessairement une idée
laissée à elle-même, et par conséquent livrée flot-
tante au souffle des fantaisies et des passions hu-
maines. Il l'a remise aux mains de la société qu'il a
élevée sur Pierre, et il a donné à celle-ci la charge
de maintenir sa doctrine dans sa pureté, de la dé-
fendre contre les idées contraires, de la propager
dans le monde et de lui faire porter des fruits de
vie. Aussi, le divin Maître s'est-il comparé à un
architecte : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je
bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne pré-
vaudront pas contre elle. »
Pour mieux marquer son opposition, Satan s'est
fait appeler le « Grand Architecte (1) », et en face
1. Le Grand Architecte est une de ces expressions que
la franc-maçonnerie excelle à créer, et qui ont pour elle
le grand avantage que tous peuvent les accepter, parce
que chacun les comprend selon ses propres idées. Pour les
juifs et les déistes, le Grand Architecte de l'univers, c'est
le Créateur du monde; les chrétiens peuvent y voir, s'ils
le veulent, la Très Sainte Trinité; pour les initiés, c'est
la Nature; au dernier degré d'initiation, c'est Lucifer, le
Porte-lumière.
Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit : « Je suis la lumière
du monde; celui qui me suit ne marche point dans les
ténèbres, mais il possède la lumière de la vie : croyez à
la lumière, afin que vous soyez les fils de la lumière ».
Ici encore apparaît la contrefaçon. La maçonnerie se dit
posséder la lumière; ses loges sont le lieu de la lumière,
elle appelle à elle les hommes afin de leur communiquer
la lumière dans ses initiations, et son maître et son prince
est Lucifer, l'astre déchu.
VERS UN ÉTAT SOCIAL NOUVEAU 548
de l'Eglise il construit un « Temple ». Comme TEglise,
ce Temple est à la fois esprit et corps : corps, une so-
ciété, la maçonnerie; esprit, une idée que la société
a la mission de propager dans le monde et de réa-
liser par des institutions.
Cette idée est une conception de l'ordre social
opposée à celle que le christianisme a fait préva-
loir.
« Il ne s'agit de rieii moins, dit Findel, que d'une
réédification de la société sur des bases entièrement
nouvelles, d'une réforme du droit, d'un renouvelle-
ment complet du principe de l'existence, notamment
du principe de la communauté, et des relations réci-
proques entre l'homme et ses semblables (1) ».
Rabaut-Saint-Etienne avait dit avant lui, à la tri-
bune de la Constituante : « Pour rendre le peuple
heureux, il faut le renouveler, changer ses idées,
changer ses lois, changer ses mœurs, changer les
hommes, changer les choses, tout détruire, oui, tout
détruire, puisque tout est à recréer. »
Voilà ce que la franc-maçonnerie se propose d'ob-
tenir par la Révolution, qui en est aujourd'hui au
second acte en attendant le troisième. Rien ne peut
être imaginé de plus radical : faire disparaître le
principe sur lequel repose actuellement notre exis-
tence et lui en substituer un autre; puis tirer les
conséquences de ce changement : c'est-à-dire renver-
ser les relations des hommes entre eux, réformer
le droit, et réédifier la société d'après un principe
nouveau.
Quelles sont donc les bases entièrement nouvelles
sur lesquelles la société doit être réédifiée? Sur quel
principe nouveau le droit social doit-il être réformé?
1. Les principes de la Franc-Maçonnerie dans la vie des
peuples, p. 163.
544 l'agent de la civilisation moderne
Jean-Jacqties Rousseau l'a longuement exposé dans
ses divers ouvrages, et tout le monde sait que c'est
son Contrat social à la main que les hommes de
89 ont fait la Révolution, ont voulu une première
fois faire place nette, pour édifier sur les ruines
de la société chrétienne le Temple maçonnique. Les
maçons du XX^ siècle reconnaissent le même maître
que ceux du XVII^ siècle; leurs chefs ont le même
idéal et poursuivent la réalisation du même plan.
« Si un jour nous écrasons l'infâme, ce sera sous
le Contrat social. » Cette parole fut dite au Con-
grès des loges du Nord-Ouest, tenu à Amiens en
1901, les 13 et 14 avril, par le F. • . Dutilloy, mem-
bre du Conseil de l'Ordre du Grand-Orient (1). C'est
donc à Jean-Jacques Rousseau qu'il faut recourir pour
savoir ce que sera l'état social que la maçonnerie
nous prépare.
Le principe sur lequel repose rexistence humaine
a été, de tout temps et chez tous les peuples, celui-
ci. « L'homme est naturellement un être sociable,
et celui q^ui demeurerait à l'état isolé et sauvage
serait un être dégradé (2). » C'est sur ce princi-
pe, posé de la main de Dieu au fond de la nature
humaine, qu'elle vit depuis ses origines; c'est en
observant ce qu'il prescrit, que la société s'est cons-
tituée et se maintient, que l'homme naît et grandit.
Le christianisme avait mis dans une plus parfaite
lumière cette vérité, reconnue par la sagesse des
nations, que la société sort spontanément de la na-
ture humaine, qu'elle est le résultat de la consti-
1. Congrès des loges du Nord-Ouest, p. 24. Amiens, imp.
Duchâtel.
2. Aristote, Politique, § 0.
VERS UN ÉTAT SOCIAL NOUVEAU 545
tution, de la manière d'être q^ue Dieu a donnée à
l'homme. L'individu isolé est impaissant à se pro-
curer ce dont il a besoin pour vivre et prenlro son
développement; il ne peut le trouver q'ue dans le
secours qu'il reçoit de ses scmbliblei et qu'en retour
il leur donne, ^n un mot, dans les relations qui
naissent de l'association. Et comme ses besoins sont
multiples et divers, divers aussi sont les motifs
et les fins pour lesquels il s'associe, multiples sont
les aspects sous lesqtiels l'association se présente.
L'homme a das besoins physiques, des besoins in-
tellectuels, des besoins religieux. En naissant, il se
trouve ati seijn d'une sodété, la famille, qui défend
sa fragile existence contre les agents extérieurs, et
lui procure la nourriture qui maintient sa vie et
peu à peu accroît ses forces ;
Mais la famille ne peut non plus se suffire; elle
ne trouve poi^nt en elle les ressources nécessaires
pour porter ses membres à la perfection à laquelle
chacun peut atteindre au point de vue physiqne,
aussi bien q^u'au point de vue intellectuel et religieux.
Et c'est pourq'uoi la famille n'es' pas plus isolée qne
l'individu : elle aussi naît et vit au sein d'associations
plus vastes qtii l'environnent de leur probection, qui
président aux intérêts généraux de bien-être maté-
riel, de culture intellectuelle et de perfectionnement
moral et religieux, qui sont dans les exigences ou
du moins dans les aspirations de la nature humaine.
Autant sont nombreuses et diyerses ces exigences
ou ces aspirations, autant Tassociation prend de for-
mes différentes pour que tous puissent atteindre les
fins communes à l'humanité, et les fins spéciales
propres aux aptitudes de chacun.
Les sociétés à fin particulière et contingente pren-
L'Église et le Temple. 3Î
1)46 l'agent de la civilisation moderne
nent leur origine dans les conventions que font entre
eux ceux q'ui poursuivent le même but.
Mais il n'en est point de même de la société appelée
à conduire tous les hommes à leur lin dernière. Celle-
là a nécessairement pour auteur le Dieu qui a assi-
gné à l'homme ses destinées. De fait, Dieu l'a fondée
aux origines, et la seconde Pei-sonne de la Très
Sainte Trinité est venue au milieu des temps lui
donner sa dernière perfection. Cette société se nomme
la sainte Eglise catholique : catholique parce que,
virtuellement du moins, elle embrasse tous les temps
et tous les lieux et que tous les hommes sont appe-
lés à en faire partie, Dieu voulant le salut de tous;
sainte, parce que sa mission est de conduire les hom-
mes à la sainteté : non pas seulement à la perfection
morale, mais à un état surnaturel, à une certaine
participation à la nature divine, à la vie divine, com-
mencée ici-bas par la grâce sanctifiante, achevée par
la gloire dans l'éternité des cieux.
La société civile tient le milieu entre l'Eglise et
les associations particulières : elle est plus néces-
saire que celles-ci, répondant à des besoins qui ne
peuvent trouver en elles leur pleine satisfaction;
elle ne peut être aUssi générale que celle-là, parce
que les diverses tribus de la famille humaine, ayant
des aptitudes et des caractères différents, demandent
à n'être point gouvernées de la même manière. Dans
la formation des sociétés civiles, il entre donc de
la nécessité et de la convention, du divin et de
l'humain; divin, ce qui est fondamental, ce qui vient
des exigences de la nature; humain, oe qui est d'ordre
secondaire ©t variable comme les tempéraments des
peuples.
J.-J. Roussea:u s'inscrivit en faux contre ces don-
VERS UN ÉTAT SOCIAL NOUVJlAU 547
nées de la raison et de la foi ; et voici ce qu'il imagina,
ce qu'il consigna dans tons ses écrits, et ce que la
maçonnerie s'est donné la mission de réaliser. La
société, l'état social, ne résulte point de la consti-
tution de l'homme et de l'institution divine; c'est,
dans le monde, une excroissance accidentelle et l'on
pourrait dire contre nature, q'ui est survienne un beau
jour par le fait des volontés humaines.
Les hommes vivaient à l'état de nature, dit J.-J.
Rousseau, comme le font les sauvages, les animaux,
et c'était l'âge d'or; état de liberté et d'égalité,
où les fruits étaient à tous et la terre à personne,
où chaque homme était citoyen de l'univers.
Pour passer de l'état de nature à l'état social,
les hommes primitifs firent un pacte, un contrat,
« le contrat social (1) ». D'une part, chaq;ue indi-
vidu se remit, sa personne et tous ses droits, entre
les mains de tous; d'autre part, tous garantirent à
chacun une part égale des biens communs. L'individu
donna à la société tout ce q;a'il a et tjut ce qu'il est,
et la société admit l'individu à la communion de
toute la chose publiqfue, de la république.
1. J.-J. Rousseau n'est point, à proprement parler, l'in-
venteur du contrat social. C'est un protestant, Hubert
Languet, qui, dans le Vindiciœ contra tyrannos, sous le
pseudonyme de Junius Brutus, exposa pour la première
fois la théorie d'un « contrat », origine de la société.
11 est aussi absurde de supposer un pacte primitif fon-
damental de la société publique, qu'il serait absurde de
supposer un pacte constitutif de la famille entre le père et
les enfants. Bonald dénonce le cercle vicieux où tombe
Rousseau : « Une loi, ne fût-ce que celle qui réglerait les
formes à suivre pour faire la loi; un homme, ne fût-ce que
celui qui l'aurait proposée, aurait toujours précédé cette
prétendue institution du pouvoir, et le peuple aurait obéi
avant de se donner un maître ». Bossuet avait dit avant
de Bonald : « Bien loin que le peuple en cet état (sans loi
et sans pouvoir) pût faire un souverain, il n'y aurait même
pas de peuple ».
548 l'agent de la civilisation moderne
« Les clauses du pacte social, dit J.-J. Rousseau (1),
se réduisent toutes à une seule : V aliénation tota'!e
de chaque associé avec tous ses droits à toute la com-
munaJuté...- S'il restait qfuelques droits aux particu-
liers, l'état de nature s'ubsisterait et l'association
deviendrait nécessairement vaine... L'aliénation se
faisant sans réserye, l'union est aussi parfaite q^u'elle
peut l'être, et nul associé n'a plus rien à réclamer. »
Voilà l'idée que la maçonnerie se fait de la so-
ciété, voilà le plan sur leq;uel elle veut la reconsti-
tuer. Si longtemps que cela ne sera point compliète-
ment réalisé, c'est-à-dire si longtemps que les indi-
vidus prétendront conserver q^uelques droits, l'état
social, tel que le contrat l'a fait, tel qu'il doit être,
ne sera point jugé parfait; l'éLat de nature, auquel
le contrat a voulu mettre fin, subsistera en quelque
chose. Le progrès, c'est donc la marche vers l'absorp-
tion complète de tous les droits par l'Etat; plus de
droits pour l'individu, plus de droits pour la famille,
plus de droits à plus forte raison pour uue société
quelconque qlii se formerait au sein de l'Etat, ou au-
dessus de lui.
Dans la société démocratique rêvée par la Franc-Ma-
çonnerie il n'y aura plus ou il ne doit plus y avoir
que oes deux unités : l'individu et l'Etat. D'un côté
l'Etat omnipotent, de l'autre, l'individu impuissant, dé-
sarmé, privé de toutes les libertés, puisqu'il ne peut
rien sans la permission de l'Etat.
N'est-ce pas vers cela que nous marchons a grands
pas? et cette conception de la société n'est-elle point
l'explication, et, pour nos maçons, la justification
de tout ce qui est actuellement fait ou tenté contre
1. Contrat social, livre I, ch. VI.
VERS UN ÉTAT SOCIAL NOUVEAU 549
la liberté de l'Eglise, contre la liberté des associa-
tions, contre la liberté des familles, contre la liberté
individuelle elle-même? L'Etat ne peut, ne doit souf-
frir aucune association autre qiie celle qu'il est. Si des
événements passés, si des individualités puissantes
ont créé au sein de la société civile des associations
distinctes, l'Etat doit travailler constamment à rétré-
cir le cercle dans lequel ielles vivent et agissent,! jusqu'à
ce qu'il soit parvenu à les absorber ou aies anéantu*.
Selon Rousseau, selon la Maçonnerie, c'est là son
droit, c'est là son devoir, droit et devoir qui décou-
lent directement du contrat social, et sans l'exercice
desquels ce contrat deviendrait illusoire et bientôt
caduc.
Que l'on cesse donc de s'étonner que dans cette so-
ciété sortie de la Révolution, pétrie de l'idée révolu-
tionnaire, l'Etat veuille tout centraliser et tout absor-
ber, étouffer toute initiative et paralyser toute vie :
il obéit en cela à sa loi, au principe d'après lequel
il doit être tout, tout lui ayant été livré par le con-
trat initial. Ce qui vit, ce qui se meut, ce qui est
en dehors de lui, ne l'est et ne le fait que par une usur-
pation dont il doit être rendu compte pour restitu-
tion.
Cette revendication doit s'exercer surtout à l'égard
des associations, parce qu'elles sont plus puissantes
que les individus, et surtout à l'égard des associa-
tions qui ont un idéal autre que celui de l'Etat natura-
liste. Le pacte social a été contracté pour une plus
complète jouissance des biens de ce monde. S'il
est des sociétés formées dans le but de porter ailleurs
le regard de l'homme, de l'exhorter à se détacher
des biens présents pour ambitionner et poursuivre
d'autres biens, ces sociétés sont la contradiction vi-
vante de la société sortie du contrat social, elles
550 l'agent de la civilisation moderne
doivent disparaître avant toute autre. Le devoir est
de les tracfuer, de les mutiler jusqu'à complet anéan-
tissement. C'est là l'explication des calomnies ré-
pandues par les humanistes dans leurs écrits contre
les religieux, et des persécutions sans cesse renou-
velées contre eux depuis la Renaissance jusqu'à nos
jours, comme aJussi de la guerre à mort déclarée
aujourd'hui à la première des sociétés religieuses,
à celle qui est le fondement et le principe de vie
de toutes les aiutres, à l'Eglise catholique.
On constate actuellement un mouvement de réac-
tion contre l'état social institué en France par la
Révolution. On institue partout des syndicats, on re-
tourne aux corporations. Puisse ce mouvement aboutir
à la restauration de la société dans son état normal!
Dans la société normalement organisée, il y a entre
l'individu et l'Etat des sociétés intermédiaires qji en-
cadrent les individus et qui par leur action naturelle
maintiennent l'Etat dans le domaine qui lui appar-
tient et l'empêchent d'en sortir. Ces sociétés se nom-
ment : familles, corporations, communes, provinces,
Eglises. Que, dans ce régime, le plus faible des
individus soit lésé par l'Etat ou par tout autre, aussi-
tôt c'est son association, c'est toute une collecti-
vité organisée qui se lève pour le défendre. Par
elle, il est fort; et parce gu'il est fort, il est libre.
La démocratie, c'est l'esclavage.
CHAPITRE XXXIX
L'ÉTAT, SOUVERAIN MAITRE DE TOUTES CHOSES
Le Temple que la maçonnerie veut édifier d'après
le plan cfue J.-J. Rousseau en a tracé dans son Con-
trat social, c'est donc l'Etat souverain maître de
toutes choses, absorbint en lui tous les droi's, aussi
bien ceux des individus que ceUx de la famille, ceux
des associations que ceux de l'Eglise.
C'est là, dira-ton, une utopie et une prétention aussi
monstrueuse qu'irréalisable. Non, pour les maçons,
pour les révolutionnaires, c'est l'idéal, el un idéal
vers lequel on nous fait marcher à grands pas.
J.-J. Rousseau a dit qu'en vertu du contrat social
qu'il suppose à la base de la société, contrairement
à l'histoire et contrairement à la nature humaine qui
n'en a que faire, tous les hommes appartiennent to-
talement à la collectivité, leur personne et leurs for-
ces, leurs droits et leurs biens. C'est ce que Jes
maçons veulent réaliser; c'est bien à cela que la Ré-
volution veut aboutir; c'est cela et cela seul qui
peut donner l'explication de la manière d'être et
d'agir de l'Etat contemporain à l'égard de tout et
de tous. En toutes choses, il s'applique à restreindre
552 l'agent de la civilisation moderne
les droits particuliers : son dessein est de les sup-
primer entièrement.
D'abord et surtout, le citoyen n'a pas ]e droit
d'être chrétien. « Rien, dit Taine, iriterprétajit la pen-
sée fondamenta,le du Contrat social, n'est plus con-
traire que le christiajiisme à l'esprit social... Une
société de chrétiens ne serait plus une société d'hom-
mes, car la patrie du chrétien n'est pas de
CE monde. » Il faut le ramener ici-bas, il faut en-
fermer ses penséçis dans la poursuite des intérêts
terrestres, il faut qu'il soit tout entier à la société
à laquelle il a été donné tout entier. Aussi, voit-on
le catholique traité en emiemi dans l'Etat maçon-
nique.
Le citoyen n'a pa,s le droit d'être propriétaire.
Tout ce qu'il a, aussi bien que tout ce qu'il est,
est devenu bien social. Aussi, voit-on \& droit de
propriété disparaître peu à peu devant les empié-
tements du socialisme d'Eta,t. Les impôts croissent
et se multiplient sans cesse. L'utilité publique ex-
proprie avec une conscience de jour en jour plus
légère. Les lois s'essayent à répartir les gains entre
patrons et ouvriers. L'Etat se fait partie prenante
dans les ventes et les donations, et surtout dans
les successions. Il parle maintenant d'impôts sur le
revenu et d'impôts progressifs, destinés à niveler les
propriétés, à égaliser les fortunes, ou plutôt à faire
que l'Etat devienne seul et tunique propriétaire. Déjà,
au XVIIIe siècle, il s'est emparé de toute la pro-
priété ecclésiastique, et aujourd'hui même il met
la main sur celle qui s'était reconstituée au siècle
dernier. Demain, il s'emparera de la même façon
des instruments de travail : mines, usines, champs,
tout sera nationalisé (1).
1. Il est à remarquer que la franc-maçonnerie n'hésite
plus à se déclarer socialiste et même collectiviste. Le F. : .
l'état, souverain MAITRE 553
Ce ne sont pas seulement les biens que l'Etat
revendique comme appartenant à la collectivité,- mais
les forces de chacun : « Chaque membre de la so-
ciété est à elle, lui et toutes ses forces. » Il faudra
bien qu'à un jour prochain le Contrat se réalise aussi
sous ce rapport, et que l'Etat en arrive à attribuer
à chacun les fonctions qu'il aura à remplir dans la
société, sous sa surveillance et à son bénéfice. Les
monopoles de l'Etat qui vont de l'instruction pu-
blique à la fabrication du tabac et des allumettes,
et le fonctionnarisme qui peu à peu s'étend à tout,;
sont un acheminement \^rs cet esclavage universel.
Pour y arriver, il importe surtout de se saisir
des forces naissantes, des générations qui surgis-
sent. Aussi, le premier souci do l'Etat révolution-
naire est de s'emparer de l'enfance (1). « Les en-
Bonnardot, qui fut nommé, en 1901, Grand-Maître de
la Grande Loge de France, proposa au Congrès des loges
du Centre, tenu à Gien, en 1894, au nom de la 3^ com-
mission, de proclamer le principe de la propriété collective.
Son rapport fut signalé à l'attention du Couvent de la même
année. La plupart des loges parisiennes sont devenues
socialistes-réformistes. La grande majorité des loges des
départements les ont suivies; un certain nombre sont déjà
collectivistes. Pour nous en tenir à La Fidélité de Lille,
qui compte plus de deux cents membres, le prochain pro-
gramme d'action de la franc-maçonnerie y était ainsi dé-
fini par son orateur, le 8 juillet 1900 : « Nous avons com-
battu toutes les idées théologiques, il y a encore un dieu à
combattre, c'est le dieu capital. » (Voir la pétition contre la
franc-maçonnerie à la 11^ commission des pétitions de la
Chambre des Députés, pp. 51 et 75.)
1. « Les enfants mâles sont élevés depuis cinq ans jus-
qu'à seize ans par la patrie. Ils sont vêtus de toile dans
toutes les saisons. Ils couchent sur des nattes et dorment
huit heures. Ils sont nourris en commun de racines, de
fruits, de laitage, de pain et d'eau. Ils ne mangent pas de
viande avant seize ans accomplis. Depuis dix ans jusqu'à
seize ans, leur éducation est militaire et agricole. Ils sont
distribués en compagnies de soixante, etc. Tous les enfants
conserveront le même costume jusqu'à seize ans; de seize
554 l'agent de la civilisation moderne
fants, disait Danton, appartiennent à la République
avant d'appartenir à leurs parents; l'égoïsme des pères
pourrait être dangereux pour la République. Voilà
pourquoi la liberté que nous leur laissons ne va
pas jusqu'à élever leurs enfants autrement qu'à notre
gré »; et Jules Ferry, dans le discours qu'il pro-
nonça en 1879 pour obtenir le vote du fameux article
VII : « Il existe un père de famille qui les comprend
tous : c'est l'Etat. » Nous avons entendu répéter ces
paroles à satiété depuis que de nouveaux projets
de loi veulent mettre dans une sécurité absolue les
instituteurs et les institutrices chargés par l'Etat de
jusqu'à vingt-et-un, ils auront le costume d'ouvrier: de
vingt-et-un à vingt-six, le costume de soldat, s'ils ne sont
pas magistrats. »
{Projet de loi, d'après les Institutions de Saint-Just).
Le 12 avril 1903, au congrès des loges de l'Afrique du
Nord (de l'Algérie), les F. : . CoHin et Marchetti émirent
ce vœu :
« Qu'une disposition, ainsi conçue, soit ajoutée au Code
civil : Défenses formelles sont faites aux parents ascen-
dants ou ayants droit quelconques, de donner ou d'ensei-
gner à leurs enfants, pupilles ou descendants, une religion
quelle qu'elle soit, sous peine de déchéance de puissance
PATERNELLE et de puissance légale. Et qu'en cas d'in-
fraction, dûment constatée, les enfants, pupilles ou descen-
dants, seront retirés et confiés à l'Etat, aux frais des parents
ou ascendants ».
L'année précédente, au Convent de Paris, une loge de
France, la Thémis, avait émis un vœu à peine diffé-
rent :
« Lorsqu'un enfant, âgé de huit ans révolus et au-dessus,
n'aura pas encore fréquenté l'école, les parents et personnes
responsables, pourront être déchus de la puissance pater-
nelle ».
CondoTcet offrit le premier, à l'Assemblée législative en
1792, un plan d'éducation nationale. D'autres suivirent
en grand nombre sous la Convention. Les plus connus
sont ceux de Saint-Just, Lakanal, Michel Lepelletier, celui
accueilli et présenté à la Convention par Robespierre. Gar-
çons et filles devaient être élevés en commun jusqu'à l'câge
de onze et douze ans, aux frais de la République, sous
la sainte loi de l'égalité.
L ETAT, SOUVERAIN MAITRE b[)i)
faire entrer dans les âmes juvéniles les dogmes ma-
çonniques.
C'est bien à ce point de. vue du droit exclusif
de l'Etat sur toute la jeunesse que nous voyons
l'Etat moderne se placer. Sa législation la mieux
étudiée, la plus serrée, ses lois les plus intangibles,
sont celles qui tendent à supprimer toute liberté d'en-
seignement, à réunir sous la férule de l'Eta^ à livrer
à son éducation les enfants de toutes les familles,
de l'école dite maternelle aux Facultés. D'abord, c'est
son intérêt de former les volontés par lesquelles il
dure, de, préparier les votes qui le maintiendront,
d'implanter dans les âmes des passions qui lui seront
favorables, des idées qui seconderont la construc-
tion du Temple. N'a-t-il pas le devoir de pétrir les
générations de façon à les rendre aptes au plus par-
fait fonctionnement du pacte social? « L'éducation
dans des régies prescrites par le souverain (le peu-
ple souverain) est une des maximes fondamentales
du gouvernement populaire », dit J.-J. Rousseau. C'est
par elle qu'on forme le citoyen, « c'est elle qui
doit donner aux âmes une forme nationale »; « les
bonnes institutions nationales sont celles qui savent
le mieux dénaturer Vhomme, lui ôter son existence
absolue pour lui donner une existence relative et
transporter le moi dans l'unité commune (1). »
Dénaturer l'homme! Quel mot pouvait mieux dire
ce que veut la secte, ce qu'elle fait dans les écoles
de l'Etat?
Pour arriver à réaliser son dessein sans trop d'op-
position, elle a commencé par donner à la jeunesse
l'instruction gratuite, aujourd'hui, elle y joint la nour-
riture et le vêtement, dans les lycées aussi bien q'ue
1. J.-J. Rousseau, cité par Taine. L'ancien régime, p.
324.
556 l'agent de la civilisation moderne
dans les écoles primaires, espérant se rendre ainsi
complices les intérêts.
Que l'on ne dise point que le droit que l'Eglise
refuse à l'Etat, elle le revendique pour elle-même.
Non, l'Eglise respecte les droits de la liberté natu-
relle à ce point que si un père, une mère n'appar-
tiennent point par le baptême à sa juridiction, elle
se regarde comme empêchée d'intervenir dans l'édu-
cation de l'enfant jusqu'à ce qu'il soit en âge de se
prononcer selon sa propre conscieince. L'Eglise con-
sidère, comme un attentat contre le droit naturel,
l'éducation d'un enfant mineur dans la religion chré-
tienne contre la volonté expresse de ses père et mère
non baptisés. Elle ne permet point de le baptiser.
Et alors- même que le fils catholique de parents
catholiques est arrivé à sa majorité, elle ne l'admet
point à la profession religieuse sans leur permission,^
s'il leur est nécessaire pour subvenir à leurs besoins.
L'Etat maçonnique comprend que les enfants ne
pourront être complètement à lui aussi longtemps qu'il
n'aura point aboli la famille; tant qu'elle subsistera,
le cri de la nature protestera contre son intrusion.
Et c'est pourquoi il tend à la suppression du mariage.
Dans la pensée des sectaires, le mariage civil et le
divorce sont des étapes qui doivent conduire à l'amour
libre, et par suite à l'Etat, unique père nourricier,
unique éducateur des générations à venir.
L'abolition de la famille, la suppression de la pro-
priété, l'anéantissement de l'Eglise et l'étouffement
de toute association autre que celle qui est l'Etat,
« tous ces articles, dit Taine, sont des suites forcées
du contrat social. Du moment où, entrant dans un
corps, je ne me réserve rien de moi-même, je iienonce
par cela seul à mes biens, à mes enfants, à mon
Eglise, à mes opinions. Je cesse d'être propriétaire,
l'état, souverain MAITRE 557
père, chrétien, philosophe. C'est l'Etat qui se substi-
tue à moi dans toutes ces fonctions. A la place
de ma volonté, il y a la volonté publique, c'est-à-
dire, en théorie, l'arbitraire rigide de l'assemblée,
de la fraction, de l'individu qui détient le pou-
voir. »
Tel est le « Temple » que la maçonnerie est en train
de construire; où déjà elle nous a fait entrer, pas
à pas, avant achèvement; où elle entend abriter les
générations à venir et l'humanité entière. L'entre-
preneur qtd a pris à forfait la constitue tion de ce
Temple, c'est le régime parlementaire. Le peuple
souverain choisit des délégués, les investit de tout
pouvoir. Ils s'assemblent, la majorité est censée expri-
mer la volonté générale, et cette volonté fait loi.
Cette loi peut tout atteindre; et en toutes choses
elle crée le droit, sans égard à qui ou à quoi que
ce soit, pas même à Dieu, pas même aux exigences
de la nature humaine.
Déjà, il y a un siècle, pour constmire ce Temple,
les constituants, dit Taine, firent trois mille décrets;
et pour les mettre en vigueur, ils substituèrent le
gouvernement de la force au gouvernement de la
loi. L'échafaud présida à la réédification de la so-
ciété, à ce qui avait été appelé le « renouvellement
du principe de l'existence humaine. »
Les choses ne se passeront point autrement si
l'expérience nouvelle, à laquelle nous assistons, est
poussée à bout. L'Allemand qui fut le docteur des
Jacobins et qui est resté le docteur de nos maçons,
a parfaitement tracé la voie que ceux-là suivirent
et dans laquelle ceux-ci se sont engagés.
Dans le rituel que Weishaupt composa pour les
cérémonies de l'initiation aux divers «grades de TIllu-
558 l'agent de la civilisation moderne
minisme, il fait dire par rHiérophante a l'Initié :
« 0 Frères, ô mon fils, quand, assemblés ici, loin
des profanes, nous considérons à quel point le monde
est livré aux méchants (aux souverains et aux prê-
tres), pourrions-nous donc nous contenter de sou-
pirer? — Non, Frère, reposez -vous -en sur nous. Cher-
chez des coopérateurs fidèles; ils sont dans les ténè-
bres, (dans les sociétés secrètes), c'est là que, soli-
taires, silencieux, ou rassemblés en cercles peu nom-
breux, enfants dociles, ils pouisuivent le grand
ŒUVRE sous la conduite de leurs chefs...
» Dans ce grand projet, les prêtres et les princes
nous résistent; nous avons contre nous les constitu-
tions politiques des peuples. Que faire en cet état de
choses?... Il faut insensiblement lier les mains aux
protecteurs du désordre (aJux rois et aux prêtres)
et les gouverner sans paraître les dominer. En un
mot, il faut établir un régime dominateur universel,
sous forme de gouvernement, q'ui s'étende sur tout le
monde... Il faut donc que tous nos Frères, élevés
sur le même ton, étroitement unis les uns aux au-
tres, n'aient tous qu'un même but. Autour des Puis-
sances de la terre, il faut rassembler une légion
d'hommes infatigables, et dirigeant partout leurs tra-
vaux, suivant le plan de l'ordre pour le bonheur
de l'humanité (1). »
Et ailleurs : « Comme l'objet de notro vœu est
une révolution universelle, tous les membres de ces
sociétés (secrètes) tendant au même but, s'appuyant
1. Le bonheur, auquel l'illuminisme doit faire parvenir
l'humanité, est ainsi exposé dans oe même discours : « La
source des passions est pure; il faut que chacun puisse
satisfaire les siennes dans les bornes de la vertu et que
notre ordre en fournisse les moyens ». La vertu! le bon-
heur de l'humanité ! la secte ne peut ouvrir la bouche
qui n'en sortent aussitôt l'hypocrisie et le mensonge.
l'état, souverain MAITRE 009
les uns sur les aiutres, doiArent chercher à domi-
ner invisiblement et sajis apparence de moyens vio-
lents, non pas sur la partie la plus éminente ,ou
la moins distinguée d'un seul peuple, mais sur les
hommes de tout état, de toute nation, de toute reli-
gion. Souffler partout un même esprit; dans le plus
grand silence et avec toute l'activité possible, diriger
tous les hommes épars sur toute la surface de
la terre vers le même objet. C-et empire une fois
établi par l'union et la multitude des adeptes, qnie la
force succède à l'empire invisible; liez les mains
à tous ceux q;ui résistent, subjuguez, étouffez la mé-
chanceté dans son germe, écrasez tout ce qui reste
d'hommes qTie vous n'aurez pu convaincre (1). »
C'est bien ainsi que l'entendirent les hommes de
93. Jean-Bon-Saint- André disait que, « pour établir
solidement la République, il fallait réduire la popu-
lation de moitié. Geoffroy jugeait que c'était insuf-
fisant : il voulait ne laisser en France que cinq mil-
lions de citoyens. « Nous ferons de la France un
cimetière, plutôt que de ne pas la régénérer à notre
manière », disait Carrier. Ils en ont fait un cime-
tière, et n'ont pu la régénérer à leur mode. L'in-
succès n'a point découragé leurs successeurs. « La
France régénérée, dit le F.-. Buzot, n'a point encore
atteint le degré de perfection que commandent les
doctrines de la franc-maçonrerie et le génie des philo-
sophes. Mais le mouvement est donné, entraînant,
IRRÉSISTIBLE; LE GRAND ŒUVRE S'ACCOMPLI-
RA (2). » Ils prétendent l'accomplir non seulement
en France, mais dans le monde entier. « Il faut,
leur a dit Weishaupt, établir un dominateur univer-
1. Barruel, t. III, ch. II et IX.
2. Tableau philosophique, historijue et moral de la franc-
maçonnerie.
560 l'agent PE LA CIVILISATION MODERNE
sel, une forme de gouvernement qui s'étende sur
tout le monde ». Ils y travaillent, nous le verrons.
Ce régime dominateur uni\nersel dont ils poursui-
vent l'établissement, ils l'appellent le régime de la
démocratie, ou la république universelle.
La théorie de J.-J. Rousseau sur le? origines de la
société, sur sa constitution rationnelb, sur ce qu'elle
sera lorsque le contrat social aura produit toutes ses
conséquences, n'est point restée à l'état spéculatif.
Depuis un siècle, nous approchons de jour en jour
du terme qu'il nous a marqué, où il n'y aura plus
ni propriété, ni famille, ni Etat indépendant, ni Eglise
autonome. Sur l'emplacement qiue les ruines faites
par la Révolution laissaient libre, Napoléon I-^ ]^^\^^^
« à saible et à chaux, dit Taine, la société nouvelle,
d'après le plan tracé par J.-J. Rousseau. Toutes les
masses du gros œuvte, code civil, université, con-
cordat, administration préfectorale et centralisée, tous
les détails de l'aménagement et de la distribution
concourent à un ef _et d'e.isemble qui est V omnipotence
de VEtat, Vomniprésence du gouvernemeyit, Vaboli-
tion de Vinitiative locale et privée, la suppression de
l'association volontaire et libre, la dispersion gra-
duelle des pletits groupes spontanés, rinterdiction pré-
ventive des longues œuvres héréditaires,- rextincti:>n
des sentiments par le3quels l'homme vit au delà de
lui-même, dans le passé et dans l'aVenir. Dans cette
caserne philosophique, — dans cte temple, disent
les maçons — nous vivons depuis quatre-vingts
ans (1). » J^e grand œuvre avance, il s'accomplira
d'autant mieux qUe sa continuation est aux mains
de la foule et de ses mandataires, c'est-à-dire des
aveugles et des irresponsables.
1. La Révolution, III, p. 635.
l'état, souverain MAITRE 5G1
Un individu recule devant les conséquences der-
nières de ses eireurs lorsqu'il voit où elles le con-
duisent. Un peuple livré à lui-même, comme Test
tout peuple soumis au régime républicaiii, ne peut le
faire. Ce sont les plus logiques qui se font en-
teïidre des foules, surtout lorsque cette - logique est
d'accord avec les passions et promet à la masse
l'entrée en possession des biens qu'elle convoite :
ce sont ceux-là que le suffrage universel porte au
pouvoir. Et si les premiers arrivés s'épouvantent
et n'osent réaliser le programme, ils sont supplantés
par d'autres, et par d'autres encore, jusqu'à ce que
viennent ceux qui met'ent résolument la main aux
hautes œuvres que les princiies commandent. Déjà
nous a\tons vu les opportunisles balayés par les radi-
caux; ceux-ci déménagent dev'ant les socialistes, et
du' sein du socialisme s'élèvent les anarchistes, les
nihilistes et les patastrophards (1).
M. Winterer, dans son livre Le Socialisme con-
temporain, fait une observation dont pe: sonne ne
peut nier le bien fondé.
« Enlevez Dieu tet la vie future, Tiiomme s::ns Disu
se trouve placé, avec S'^s passions, en face de la
vie mortelle, avec l'inégalité des conditions et l'iné-
galité de la jouissance. Cet homme demandera au
banquet de la vie la part que réclament ses passions.
Il ressentira les barrières qu'oppose à ses passions
la société actuelle basée sur la foi en Dieu et en
la vie future; il s'irritera contre l'obstacle, et la
haine sociale, avec toutes les haines qui l'accompa-
gnent, entrera dans son âme ». Dans combien de cœurs
gronde actuellement cette haine ! Elle pousse l.;s mas-
1. Catastrophards, c'est le nom que se sont donné,
devant le tribunal de la Seine, ceux qui ont fait l'émeute
du 2 mats 1901.
L'Église et H Temple. 3^
562 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
ses à se ruer, aussitôt que faire se pourra, sur ce
qui reste de, l'ordre social! Et cela par toute l'Eu-
rope, et non seulement dans le vieux monde, mais
en Amérique et en Oc^anie; et non seulement chez
les miséreux, mais chez les intelLecLuels! Qu'il suffise
de nommer Elisée Reclus pour la France, Karl Marx
pour l'Allemagne, Bakouninc et le pri.ice Krapotkine
pour la Russie, Most pour les Etats-Unis, elC; etc. Tons
sont d'accord pour dire que le dogme de la souve-
raineté du peuple exige : 1° une révolution politique,
qui amène au pouvoir les masses populaires par
le suffrage universel; 2° une révolution économiqi^e,
qui introduira la propriété commune; 3° une révo-
lution démocratique, qui supprimera les pa-ento et
livrera les enfants à la République (1).
Nous y allons.
Quel est l'homme intelligent qui ne soil effrayé
des ruines déjà amoncelées en tout ordre de choses,
et, en entendant les clameurs des meutes prêtes
à se jeter sur ce qui reste de l'ordre social, ne se
pose à l'heure actuelle ces terriblss questions :
1. En octobre 1882, on inaugurait un groupe scolaire à
Ivry-sur-Seine. Parmi les assistants officiels, on comptait
un grand nombre de représentants des loges maçonnigues.
Le F. : . C. Dreyfus prononça l'allocution ; on y trouve
ces paroles : < C'est la franc-maçonnerie qui prépare les
solutions que la démocratie fait triompher. De même que nos
glorieux ancêtres de 1789 ont inventé l'égalité civile des
hommes devant la loi (on sait comment elle est pratiquée), de
même que nos devanciers de 1848 ont réalisé l'égalité poli-
tique des citoyens devant l'urne du suffrage universel, de
•même la maçonnerie doit préparer, pour la fin du XIXe
siècle, l'égalité sociale, qui rétablira l'équilibre des forces
économiques et ramènera l'union et la concorde au sein de
notre société si divisée ». (Cité dans le Monde du 4 octo-
bre 1882). Nous en sommes donc à la Révolution écono-
mique; la démocratique, qui doit la suivre et qui livrera
les enfants corps et âme à la République, est fort avan-
cée.
l'état, souverain MAITRE :>i;:î
Les biens que le Créateur a mis à la disposilion
des hommes, mais que le travail, l'ordre, la tempe
rance, l'économie ont répartis entre les familles, se
ront-ils encore demain la propriété de' c ^ux qui les
ont ainsi acquis, ou seront-ils universellement possé-
dés paa* l'Etat, qui en distribuera les fruits selon
les lois qu'il lui plaira de faire?
Demain, y aura-t-il encore, entre l'homme et la
femme, mariage, c'est-à-dire contrat passé sous le
regard de Dieu et sanctionné par lui, engagement
sacré et indissoluble ? Y auia-t-il encore la famille avec
la possibilité de transmettre à ses enfa;nts, non seu-
lement son sang, mais son âme et ses biens?
Demain, que sera la France? Que deviendra l'Eu-
rope? Réduite à l'état de poussière par la démocratie,
ne serart-elle point une proie facile à 3a franc-maçon-
«erie internationale et ju:laïquo cpii marche à la con-
quête du monde, et calcule déjà le nombre d'années
qu'il lui fajudra encore pour arriver à faire de tous
les Etats une Répu])Iique universelle?
Voilà ce que prépare le mouvement des idées et
des faits qui hantent les esprits et dont nous sommes
témoins.
Si le cours des choses actuelles n'avait point ses
sources dans un passé lointain, on pourrait moins
s'effrayer, croire qu'il n'y a en tout cela que des
faits accidentels. Mais il n'en est point ainsi. L'état
actuel, gros de l'avenir que nous venons de dire, est
ie produit nà!urel d'une idée, jelée comme une g:aine
sur notre sol il y a cinq siècles. Elle y a germé.
Nous avons vu ses prcm'è es pousses sortir de terre;
elles ont été cultivées secrètement et soigneusement
par une société qui, plusieurs fois déjà, a servi au
monde leurs fmits trop hâtivement cueillis; aujour-
d'hui elle les voit arriver à maturité : fruits de mort
564 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
qui portent la corruption dans les foudemcnta même
de l'ordre social. :
Ce que la Renaissance a conçu, ce q;ae la franc-ma-
çonnerie a élevé, la France révolutionnaire a reçu
de la Puissance des ténèbres la mission do le mani-
fester au monde. Il semble qu'on ait voulu le sym-
boliser sur les nouver.eo monnaies. CetLe femme éclie-
velée, coiffée du bonnet phrygien, qui, sous les. aus-
pices de la République, jette à tous les vents les grai-
nes de la liberté, de l'égalité et de la fraternité,
aux rayons d'un soleil levant appelé à éclairer le
monde d'un jour nouveau, c'est bien la maçonnerie
confiant à tous les s-ouffles de l'opiniony les idées
qui préparent les esprits à accepter l'orure nouveau,
qu'elle médite depuis si longtemps d'établir dans
le monde.
CHAPITRE XLII
LA RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE
Le Temple maçonnique, dont nous avons vu le plan,
doity dans la pensée de &es architectes, étendre ses
constructions sur l'univers entier. Lorsque 1' « ap-
prenti » demande à êtie reçu « compagnon », on lui
pose entre autres ces questions :
D. — Quelles sont la longueur et la largeur de
la loge?
R, — Sa longueur est de l'Orient à l'Occident; sa
largeur du Midi au Nord.
D. — Que signifient ces dimensions ?
R. — Que la franc-maçonne: ie est universelle, et
qu'elle s'éteuLlra un jour sur to:ite l'humanité (1).
1. En 1907 parut la première année d'un annuaire pu-
blié par le « Bureau international des relations maçonni-
ques ».
Le caractère international de la maçonnerie s'affirme
dans le titre même de la publication qui présente un as-
semblage bizarre de français, d'allemand et d'anglais. Nous
le reproduisons : « Annr.ai.e, Vrai ndcr, Annual, delà, der.
of. Maçonnerie universelle, Wellfraumerei, Universel Ma-
sonry, 1907. Première année, Erste Jakr, First Year ».
Cet annuaire a paru chez Buchler, l'éditeur des publications
maçonniques en Suisse et a pour auteur le F. : . Martier
la Tente, président du Bureau international.
D'après cet annuaire, il existe dans le monde 106 puis-
:)G() l'agent pe la civilisation moderne
Ce n'est pas par un vain caprice, dit le F. • . Clavel,
que nous nous donnons le titre de « Maçons ». Nous
bâtissons le plus vaste édifice qui fût jamais, puisqu'il
ne connaît d'autres bornes que celles de la terre (1). »
[1 n'en peut être .autrement, puisque la maçonnerie
ne se propose rien moins que de changer les bases
sur lesquelles repose la société humaine : faire dé-
pendre d'un contrat ce qui est de droit naturel et
divin, fixer sur la terre los destinées de l'homme,
le doter d'une civilisation e!; d'institutions propres
à le tenir asservi à la matière. Aussi bien que l'E-
glise catholique, la maçonnerie doit vouloir appli-
quer sa conception de la vie à l'humanité entière.
Il y a toutefois entre elles une différence. L'Eglise
aspire sans doute à faire de tous les hommes Une
famille de frères, et à ençrlobér le monde dans la
■sancos maçonniques régulières. On appelle « puissance rna-
çonnigue » une confédération de Loges ayant à sa tête
une grande Loge, un Grand-Orient ou un Suprême Con-
seil.
Voici, pour les principaux pays d'Europe, le dénombre-
ment des Loges :
Pays Loges Membres
Angleterre
2607
150.000
Irlande
450
15.000
Ecosse
1012
50.000
France (Gr.-Or.)
396
27.000
France (Gr.-Loge)
81
5.100
Hollande
91
2.093
Suède
35
12.295
Norvège
13
3.900
Suisse
33
3.670
Danemark
29
4.500
Espagne
59
2.594
Allemagne
495
60.145
Hongrie
61
2.594
Resterait à faire le dénombrement des loges de l'Améri-
que, de l'Asie et de l'Océanie.
1. Tableau philosophique, histoyique et moral de la franc-
maçonnerie, par le F. : . Bazot, pp. 20-28.
LA RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE ^ 567
vaste unité chrétienri'e. C'est la mission que lui a
donnée son divin Fondateur. Seulement, elle n'a ja-
mais eu la pensée de supprimer la personnalité des
divers peuples; loin de là, elle s'est toujoure appli-
quée à étudier la physionomie spéciale de chacun
d'eux, la mission particulière que la Providence lui a
dévolue, pour l'encourager et aider à y répondre.
Il n*en est point de même de la maçonnerie : son
principe cosmopolite es', essentiellement cont a:li:toire
avec le princi;:e national.
« Effacer panni les hommes, dit le F. - . Clavel,
la distinction de rang, de croyance, d'opinion, de
PATRIE;... faire, en un mot, de tout le genre humain
une seule et même famille : voilà le grand œuvre
qu'a entrepris la franc-maçonnerie, et auquel l'ap-
prenti, le compagnon et le maître sont appelés à
associer leurs efforts (1) » : une S2ule et môme famille,
non dans l'unité d'une même foi et la communion
d'une charité s'étendant de chacun à tous et de tous
à chacun, mais sous la domination d'une même s^cte.
Pour arriver à cette domination, la maçonnerie em-
ploie tous ses membres à travailler, les uns direc-
tement, les autres inconsciemment, à la constitution
lente et graduée d'un Etat, d'une république com-
prenant le monde entier : Etat Humanité, République
universelle.
Le Temple de la nature, disent les maçons, a abrité
le genre humain aux jours de son bonheur. La cu-
pidité, l'ambition et la superstition — lisez : la pro-
priété, l'autorité civile et la religion — ont renversé
l'ancien édifice. Les maçons unissent leurs efforts
1. L'int^m^tionalsme, l'hu nanitarisme son' aclue'lement
les deux suggestions q;ue la maçonnerie s'efforce de faire
entrer dans toutes les têtes; même dans l'esprit de la
jeunesse catholi(iue, par le Sillon.
568 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
pour le relever sur les ruiaes de la famillej^ de l'Etat
et<4e l'église. •
Le Temple, à réé(iifief estcoavenaclemont appelé la.
République, la République humanitaire. La Républi-
que, c'est le pouvoir,. des biens, les personnes de-
venues choses communes. La République humani-
taire, c'est la République :éunissant l'humanité dans
un tout indivisible. C'est, comme l'a dit Billaud-
Varennes, la fusion de, toutes les volontés/ de tous
les intérêts, de tous les efforts pour que chacun
trouve, dans C3t ensemble de ressources communes,
une part égale à -sa -mise.
Dès leur entrée dans l'Ordre, la secte présente
aux maçons cette idée, mais dans une sorte de nuage,
qu'elle dissipera' peu à peu au cours' des initiations
successives. L'article 2 cie la Constilution dui G-and-
Orient dit : « La franc^maçonnerie à pour devoir d'é-
tendre à tous les membres de l'humanité les liens
fraternels qui unissent les fran es maçons sur toute
la surface du globe. » Dès le grade d'apprenti, elle
fait dire au réeipiendaire par le Vénérable : « Puis-
siez-vous, fiièle à jajui.is aux engagôneents que. vous
venez de contracter, nous aider à achever l'œuvre
sublime à laqueLe: travaillerr:; les maçons de^ uiè tant
de siècles, celle surtout de la réunion des' hommes
de tous les pays, dé tous/ les caractères, de toutes
les opinions civiles et religieuses, ren une seule
famille d'amis et de frères (1)! »: Elle ne leur dé-
voile pas autrement sa pensée, mais s'ils- se mon-
trent dignes de communications plus . explicites, ils
sauront bientôt, comme l'observe M. Prache, dans
son rappoit sur les pétitions aili'jssées à la Chambre
1. Ragon, Cours,... p. 110.
LA RÉPUBLIQUE. IJNIVERSZLLE [)C9
des Députés contre la franc-maçonner'e; que, « so-
ciété cosmo^rolite et humanitaire, la niaçonneiie :êve
d'établir une Républi:^ue universelle (1). » Le rap-
porteur renvoie au compte-rendu du Cornent de 1895,
page 209, où il est dit : «La franc-maçonnene s'ef-
force de préparer les Etats-Unis non seulement d'Eu-
rope, mais de la terre entière (2)« »
Quatre ans auparavant» en. novembre 1891, un
congrès international de la paix universelle s'était
réuni à Rome. « On nous as:ure, e'it alors le Moni-
teur de Borne, que, derrière ce masque, se cache,
pour une partie des congressistes, un dessein très
particulier. D'après nos informations, ce ne serait
rien moins que l'établisseir.ent d'une Ré^;ublic^ue uni-
verselle, sur les ruines des empires et des royau-
tés, comme garantie absolue et efficace :de la paix
imivcrselle. Il est évident, pour tout observât :ur im-
partial, que les maçons, surtout les francs-maçons
Français et Italiens, sans parler des Espagnols et
des Portugais, tendent de toutes les fibrrs de leur
âme vers cet idéal. Il serait asiez remarquable que
Rome, capitale du royaume d'Italie, devier.ne le foyer,
le laboratoire de la République universelle. »
<< Peuples, soyez frères! s'écrie le F.-. Bazot, se-
crétaire du Grand-Orient. L'Univers est votre pa-
trio! » Bien avant lui, Danton, à la fête annivcrsaie
du serment du jeu de Paume, 20 juin 1790, avait
dit : « Le patriotisme ne doit avoir d'autres bases
que l'univers. »
En 1825, un aulre franc maçon célèbre, Blu.iiehna-
gen, disait : « L'Ordre de la |ran"c-maçonnerie a fini
1. C'est l'espoir de la paix universelle et étemelle: que
la Maçoancrie fait miroiter .au3{ yeux des simples pour .pré-
parf^r les esprits à admettre l'idée d'une république mon-
diale.
2. La pétition contre la franc-maçonnerie, p. 221.
570 l'agent de la civilisation moderne
son enfance et son adolescence. Maintenant il est
homme, et avant que son troisième siècle soit ac-
compli, le monde connaîtra ce qu'il est réellement
devenu. Puisque le monde entier est le temple de
l'Ordre, l'azur du ciel son toit, les pôles ses mu-
railles, et le Trône et l'Eglise S3S piliers, alors les
puissants de la terre s'inclineront d'eux-mêmes, et
abandonneront à nous le gouvernement du monde et
aux peuples la liberté que nous leur préparons.
» Que le Maître de l'univers (Is prince do ce monde,
Satan), nous doinne seulement un siècle, et nous
serons arrivés à ce but ainsi désigné à l'avance. Mais,
pour cela, il faut que rien ne ralentisse le travail,
et que, jour par jour, notre bâtisse s'élève. Plaçons,
sans qu'on s'en aperçoive, pierre par pierre, et le
mur invisible s'élèvera solidement toujours plus
haut (1). »
Que de pierres ont été placées depuis 1825! Com-
bien de gouvernements révolutionnaires ont surgi
depuis lors! L'Italie est unifiée sur les ruines du
pouvoir temporel et des souverainetés légitimes; la
Prusse est devenue rAllemiagne impériale; l'Autriche
s'annexe des populations slaves. L'idée capitale du
règne de Napoléon III, c'est le principe des natio-
nalités. Héritier de la traJdition napoléonienne et ré-
volutionnaire, frotté d'ailleurs de carbonarisme, il
consacra à ce .principe toute son influence et toutes
ses forces. Après Sedan, après l'unité italienne «t
l'unité allemande faites contre nous, après l'effondre-
ment de son trône, il s'acharnait encore à défendre
et à glorifier ce principe qu'il avait ainsi énoncé
dans sa proclamation de Strasbourg au peuple fran-
çais : « J*ai voué mon existence à rac:omplis::emcnt
d'une grande mission. Du rocher de Sainte-Hélène
1. Cité par Pachtler, Der Cœtze der Humanitœl, p. 450.
LA RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE 571
un regard du soleil mourant a passé sur mon âme;
je saurai garder ce feu sacré; je saurai vaincre ou
mourir pour la cause des peuples. »
Aujourd'hui, par suite des événemonts que cette
idée a produits, l'Europe entière tient tous ses hom-
mes valides sous les drapeaux, armés d'engins d'une
puissance telle que le monde jusqu'ici n'avait pu
en avoir l'idée. Elle est prête pour le conflit qui
donnera à l'un de ses peuples, avec la suprématie
sur les autres, le pouvoir de subjuguer toutes les
races.
Des lettres bien intéressantes furent publiées en
1888 par VOsservatore cattolico de Milan. L'auteur
de ces lettres, revenant de Rio-de-Janeiro, en 1858,
se trouvait sur le même vapeur avec un dij)lomate
européen et le ministre des Affaires Etrangères du
Brésil, lequel était Giand-Maître des loges de son
pays. Un jour, en conversant a\^c îe diplomate eu-
ropéen, le ministre brésilien lui dit : « Le temps
viendra et vous !e AeiTez de vos propres yeux, Mon-
sieur le baron, où il n'y aura en Europe que trois
monarchies : une romaine, sous la maison de Sa-
voie, une allemande, sous la maison de Hohenzol-
lern; une slave, sotis la maison de Romanof-Got-
torp. Mais ne croyez pas que nous, maçons, nous
ayons aucfun intérêt au maintien de ces dynasties.
Quand le nègre aura fini sa hesog7ie, il pourra s'en
aller. Ces trois monarchies ne peuvent être que le
pont q;:i nous coîidtiira aux gandes républiques eiur'o-
péennes, desquelles naîtra enfin la grande républi-
que DE l'humanité, qui reste l'objectif des initiés. »
Un franc-maçon des plus hauts g:ades, Grand-Maî-
tre du Grand-Orient de Beyrouth et professeur à
l'Université de Hcidelberg, un des hommes qui, par
leur enseignement et par leurs écrits, ont le plus
572 l'agent de la civilisation moderne
coQitribué à jiefber ia classa cultivée dâtiS Je Guturkampf
et dant les ouvi^ages sont traduits^ à peu près dans
Joutes les langues, M, BluntschJi, e:i,seigne aussi que
I'Etat moderne futur doit ejnbr'asser rhumanité tout
entière. Comme ses livres uXa Théorie générale de
VEtat, La Folitique, Le Droit d:s Gens, s'adressent à
tousj aiux initiés comme à ceux qui ne le sont pas,
il n'y dit point, comment ce résultat pourra ètrj o-:tenu.
Mais il lut plus explicite dans un discours qu'il pro-
nonça en 1873,. à Zurich, devant la loge Modestia.
Là il dit ouvertement que c'est des efforts réunis
des loges maçonniques . du monde entiei, que l'on
doit attendre la formation de cet Etat qui embrassera
rhumanité entière.
Aux discours, la secte joint l'action. En 1869, il ce
/orm^ à N|ew-York vç^3 association appelée L/Allian:e
républicaine universelle,. da^RS^ le but de réunir tous les
Etats du monde en une soûle république.
«Le but.de l'association est d'affirmer le droit
de tout pays à se gouvierner en Républiqut, et par
conséquent le droit c!e tous les républicains de s'unir
entre eux pour former une solidar-té ré;:ublicaine.
» Pour appliquer les vérités sus-énoncées, on pro-
posa de former une seule association fraternelle de
tous les hommes à principes libres, qui désirent pro-
mouvoir, dans la mesure de leurs forces, la recon-
naissance et le développement du véritalle républi-
canisme dans tous hs pays et chez tous les peuples,
Cette association fraternelle doit être composée de
sections. distinctes, dont chacune comprendra les mem-
bres d'une même nationalité, Américains et Euro-
péens.
» Ces sections, en conservant leur indi.idr.alité
respective, seront autant de représentations des fu-
LA REPUBLIQUE UNIVERSELLE ^û 'à
iures répulîiques, tandis que leurs futurs délégués,
réunis dans un conseil central, représenteront Ja soli-
darité des républiques, dont la réalisation est le but
suprême proposé aux travaux de l'Alliance (1). »
M. Prache, dans son rapport sur les pé'itions contre
la franc-maçonnerie, a un chapitre pour montrer
« comment s'établissent et se resserrent les liens
entre la maçonnerie française et les maçonneries
étrangères, pour travailler avec ordre au but que
toutes poursuivent ». Il y a : 1° des- « garants d'ami-
tié » entre elles toutes; 2° des relations spéciales,
que l'on pourrait dire personnelles^ enlre certaines
loges françaises et les puissances maçonni:;ues étran-
gères; 3° le fonctionnement, au Grand-Orient de Fran-
ce, d'une commission des relations extérieures. Les
rapports de cette commission ne sont pas iiirprimés,
à cause — dit le F.; . Dequaire, exposant au Cou-
vent du 10 septembre 1894 les travaux du Conseil
de l'Ordre — « des aperçus déliats qu'ils renferment
sur les relations du Grand-Orient avec diverses fédé-
rations de l'univers » ; mais le Bulletin du Grand-
Orient de cette même année nous montre le Grand-
Orient de France en relations « avec les Suprêmes
Conseils en général, avec les Suprêmes Conseils de
Charlestown, et de Lausanne en particulier; avec
la Grande-Loge d'Angleterre sur tous 'les points du
globe; avec le Grand-Orient d'Italie; avec le très
fraternel Grand-Orient espagnol et la Grande-Loge
suisse Alpina; avec les cfiverses maçonneries du
bassin de la Méditerranée; avec les ateliers et puis-
sances maçonniques régulières qui, sur tous les points
du globe, combattent parallèlement avec le Grand-
1. Gautrelet, pp. 184 et seq. Dans les pages suivantes,
l'auteur suit les développements de l'Alliance en Allemagne,
en Italie, en France, etc.
574 '.'agent de la civilisation moderne
Orient de France, pour le succès final de l'œuvre
maçoîinique universelle (1). » Sur quoi portent ces
relations? « Les innombrables lignes de point qui
constellent les documents maçonniques, dit M. Pra-
che, lorsqu'il s'agit des relations extérieures, mettent
hors d'état d'étudier complètement la question. » Il
relève néanmoins plusieurs choses intéressantes, que
l'on peut voir dans son livre, page 195 à 204.
M. Bluntschli, dans sa Théorie générale de VEtat,
nous révèle sans aucun doute, le but de cette entente
entre toutes les loges du monde. Il y enseigne que
le progrès consiste à « supprimer tous les petiis Etats,
et qu'au-dessus des grandes puissances, comme l'Au-
triche et la France, il y a les puissances mondiales
qui ont conscience de leurs droits et de leurs devoirs
vis-à-vis de l'humanité entière. » « Pour que l'huma-
nité accomplisse ses destinées, dit-il encore, il faut
que les peuples qui la composent puissent accomplir
les leurs. » Ces destinées, c'est, « pour les peuples
qui ont conscience d'eux-mêmes et qui se sentent
Une vocation politique et des qualités viriles, » de
se développer au détriment des autres, de ceux qui
n'ont que des qualités féminines. « C'est là leur droit
saint entre tous les autres. » Il ajoute : « L'humanité
progressive ne trouve pas sa pleine satisfaction dans
les Etats particuliers, elle les consume. Si VEtat
universel se fonde un jour sur les bases de l'humanité
entière, on peut espérer qu'il durera aussi longtemps
que l'humanité elle-même » (p. 86-87).
Voilà donc à quoi travaillent les Grands-Orients
du monde entier dans leurs relations, voilà à quoi
le Pouvoir occulte les pousse et les dirige : à consu-
mer les Etats particuliers pour arriver à la constitu-
1. Bulletin du Grand-Orient, août-septembre 1894, p.
118.
LA REPUBLIQUE UNIVERSELLE 575
tion d'un Etat universel. C'est aux petits Etats qu'on
s'est attaqué d'abord. La RévoluUon française et le
premier Empire s'y sont employés; ils ont fait dispa-
raître une multitude de Principautés, et nous avons
vu récemment le Piémont consumer tous les petits
Etats d'Italie, et la Prusse nombre de petits Etats
allemands. Bientôt il n'y aura plus que des « grandes
puissances ». La maçonnerie dit maintenant qu'il faut
distinguer parmi elles. Il en est qui ont ou à qui
l'on peut donner « conscience d'elles-mêmes », qui
ont ou à qui l'on peut suggérer « une vocation pu-
blique », qui ont enfin « les qualités voulues pour
se développer au détriment des autres ». Il en est
d'autres à qui on ne reconnaît que des « qualités
féminines », comme la France (1) et rAutiiohe. Lors-
que les premières, en accomplissement de « leurs
droits et de leurs devoirs » vis-à-vis de l'humanité,
auront fait disparaître les secondes, l'Etat universel
sera bien près d'être fondé sur la base large de l'hu-
manité entière.
On le voit, le Pouvoir occulte de la franc-maçonnerie
a l'art d'employer les Puissances à leu: mutuelle des-
truction, pour élever son Temple sur les ruines • de
toutes. Déjà en 1811, J. de Maistre avait pénétré ce
dessein. Il écrivait de Saint-Pétersbours à son roi,
ancêtre de Victor-Emmanuel cfui fut un instrument
si utile aux mains de la secte : « Votre Maiesté ne doit
pas douter un instant de l'existence d'une grande et
formidable secte qui a juré depuis longtemps le ren-
1. La France, sortant des mains de ses rois, était si peu
considérée comme une puissance féminine, que c'est d'elle
que la franc-maçonnerie fit d'abord choix pour bouleversor
l'Europe par les guerres de la Révolution et de l'Empire.
Aujourd'hui, la socte emploie tout son savoir et toute sa
puissance à la « féniiniser », en lui enlevant sa foi et en
désorganisant son armée.
576 l'agent de la civilisation moderne
versement de tous les trônes; et c'est des princes
mêmes dont elle se sert, avec une habileté infernale,
pour les renverser... Jjk.vois ici tout ce que nous avons
vu ailleurs, c'est-à-dire .une force cachée qui trompe
la souveraineté et la force de s'égorger de ses propres
mains... L'action est incontestable, quoique l'agent
ne soit pas encore entièrement connu. Le talent
de cette secte pour enchanter les gouvernements est
un des plus terribles et des plus extraordinaires
phénomènes qu'on ait vus dans le monde (^1). »
L'agent est maintenant universellement connu : c'est
le franc-maçon et au-dessus du franc-maçon, le Jcif.
La Bévue maçonnique, dans son numéro de janvier
1908, faisait cet aveu : « L'activité hébraïque dans
une partie de la maçonnerie peut être envisagée
de différentes manières. L'esprit hébreu, par sa trempe
historique, est un ferment, une levure; qui met en
mouvement, d'une façon souvent fort utile, la pâte
de la civilisation occidentale. » Ce ferment agit sur
la masse maçonnique, et par elle suï le monde.
« Les Juifs, si remarquables par leur instinct de
domination, par leur science innée du gouvernement,
dit M. Bidegain, ont créé la franc-maçonnerie, afin
d'y enrôler les hommes qui n'appartiennent pas à
leur race, s'engageant néanmoins à les aider dans
leur œuvre, à collaborer avec eux à l'instauration
du règne d'Israël parmi les hommes.
» Est-il utile de répéter à de bons Français quo les
Juifs jjui, disent-ils, n'ont point perdu leur foi en
la reconstruction du Teiiiple, cachent, sous cette pa-
role symbolique, sous cette revendication ' de leur
nationalité, la volonté de faire, du monde entier,
un temple gigantesque où les enfants d'Israël soient
prêtres et rois, et où tous les hommes de tous les
1. Œuvres complètes, t. XII, p. 42.
LA RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE 577
climats et de toutes les races, rédaits à la servitude
par l'organisation capitaliste, travailleront à la gloire
de Javeh. Tout cela peut se dire, mais ne se prouve
pas, ne peut encore se prouver. Ceux-là seuls, qui
crnt vécu dans l'intimité de l'Ordre maçonnique, qui
en ont deviné la pensée secrète, — non cette pensée
que disent les hommes, mais celle qui se dégage des
faits, des symboles, des coutumes, — ceux-là seuls,
peuvent avoir la profonde conviction de cette vé-
rité.
» C'est ^râce à d'immenses et patients travaux,
que les Israélites ont pu acquérir la situation prépon-
dérante qu'ils occupent aujourd'hui. C'est par de
savantes et subtiles intrigues qu'ils travaillent à leur
triomphe définitif. La domination financière et po-
litique du Juif ne pourra s'établir définitivement qu'a-
près la destruction, dans tous les pays — par les
loges, par la presse, par les moyens divers que pro-
curent l'argent et la ruse — de toujtes les institutions,
de toutes les forces, de toutes les traditions, qui for-
ment comme l'ossature de chaque patrie (1). »
Et plus loin : « Les Juifs ne pourront achever,
dans l'avenir, leur œuvre de s;)oliation et de dénatio-
nalisation, qu'au moyen des groupements dits ré-
))ublicains, tels que la Ligue des Droits de l'Homme
ou le Comité radical et radical-socialiste — et sur-
tout de la franc-maçonnerie. Grâce à leur or et à
leur ruse, ils dirigent, d'une manière secrète, ces so-
ciétés politiques vers le but qu'ils poursuivent avec
une inlassable énergie : la domination universelle
du peuple d'Israël (2). »
1. Jean Bidegain, 18G-189.
2. Ibîd.. 256.
L'Eglise et le Temple.
CHAPITRE XLI
LIDÉE DE RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN FRANGE
Elle a pris naissance dans les Loges, il y a près de
deux siècles.
Dans un discours prononcé en 1740 à une tenue,
le duc d'Antin dit : « L'amour de la patrie, mal en-
tendu et poussé à l'excès, détruisait souvent dans
ces républicfues (antiques) guerrières l'amour de Thu-
manité en général... Le monde entier n'est qu'une
grande république, dont chaque nation est une fa-
mille, et chaque particulier un enfant... »
En 1792, fut publié à Paris un livre ayant pour
titre La République universelle. L'auteur Anacharsis
Kloost était le baron J.-B. Hermann, Marie de Kloost,
né à Guardenthal, au duché de Clèves. Les sociétés
secrètes n'eurent pas de membre plus zélé. Il témoi-
gna de bonne heure une grande sympathie aux Juifs.
Il dit dans son livre : « Nous trouverons de puissants
auxiliaires, de fervents apôtres dans les tribus ju-
daïques qui regardent la France comme une seconde
Palestine. Nos concitoyens circoncis nous bénissent
dans toutes les synagogues de la captivité. Le Juif
avili dans le reste du monde est devenu citoyen
français, citoyen du monde par nos décrets philoso-
phiques » (pages 186-187).
l'idée de république universelle en FRANCE 579
'Fixé à Paris avant 1779, Anacharsis Kloots fut de
ceux qui préparèrent le plus activement la Révolu-
tion. On le vit paraître le 19 juin 1790, à l'Assemblée
nationale avec une troupe de 36 étrangers qualifiés :
V Ambassade du genre humain. Son livre sur la Répu-
blique universelle lui valut de l'Assemblée législative
le titre de citoyen français 1792. Sa doctrine peut
se résumer en une phrase : « Le genre humain vivra
en paix lorsqu'il ne formera qu'un seul corps, la
nation unique. »
On peut constater aujourd'hui l'existence de la
même pensée. Le même esprit persévère, maintenu et
au besoin ravivé par la même secte.
Ce qui se passe en France depuis vingt-cinq ans,
et tout particulièrement la désorganisation, en ces
'derniers temps, de l'armée et de la marine, par
ceux-là mêmes qui président aux destinées du pays,
montre les progrès de cette idée. Pour tous ceux qui
n'ont point connaissance des pensées dernières de
la synagogue, la construction du Temple qui doit
abriter tous les peuples, en d'autres termes, l'éta-
blissement d'une République humanitaire sur les rui-
nes de toutes les patries est une douloureuse énigme.
Il est donc nécessaire de montrer que la maçonnerie
française au moins dans les hauts sommets comiaît
ce dessein de la maçonnerie cosmopolite, et^ pour
sa part, travaille à sa réalisation.
M, Prache, dans le rapport que nous avons déjà
cité, dit (page 191) : « Ouvrons le compte rendu
de la Conférence maçonnique internationale tenue
à Anvers en 1894; nous lisons à la page 35, dans
un discours de l'un des représentants du Grand-
Orient de France, le F. • . Dequaire, actuellement ins-
pecteur d'Académie à blende, cette invite adressée
à toutes les autres maçonneries de l'univers : « Notre
580 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
maçonnerie croit à la nécessité d'exercer sur l'opi
nion nationale, et, par cette opinion, sur la marche
de notre gouvernement, son influence, qui, par l'ac-
tion politique, grandit en puissance au profit du
programme maçonnique universel. » « Il y a donc,
conclut M. Prache, un programme maçonnique univ^er-
sel, » Quel est ce programme? Quelle est l'œuvre
à laquelle doivent travailler les loges de France, de
concert avec les loges de toutes les parties du monde?
M. Prache le trouve dans ces paroles du même F.-.
Dequaire : « La grande mission de la France est de
présider à l'œuvre de V organisation de la démocratie,
en un mot, à l'organisation de la RépuhlijUG univer-
selle. » Et il renvoie au Coinpte rendu des travaux du
Grand-Orient du 16 janvier au 28 février 1897, p. 10.
Quelques citations montreront que les loges fran-
çaises ne refusent point le concours qui leur est de-
mandé. Nous ne remonterons pas au delà de 1848.
Garnier-Pagès, ministre de la seconde République,
déclara publiquement que « les maçons voulaient ache-
ver l'œuvre glorieuse de la République; et que cette
Ré]3ublique était destinée à être établie dans toute
l'Europe et sur toute la surface de la terre. »
J. Weil, franc-maçon juif, écrivit : « Nous exerçons
une influence pressante sur les mouvements de notre
temps et sur les progrès de la cinlisation vers la répu-
blicanisation de tous les peuples. »
Un autre juif, Louis Bence, disait dans le même
temps : « D'une main puissante nous avons secoué
les piliers sur lesquels est basé l'ancien édifice de
manière à le faire gémir (1). »
Crémieux, le fondateur de V Alliance Israélite Uni-
verselle, recevant, en qualité de membre- du gouverne-
1. Voir Mgr Meuriri, La Franc-Maçonnerie, synagogue
de Satan, pp. 197-198.
l'idée de république universelle en FRANCE 581
ment j)rovisoire, les délégués de la franc-maçonneiie,
leur dit : « La République fera ce que fait la maçon-
nerie; elle deviendra le gage éclatant de l'union
des peuples sur tous les points du globe, sur tous les
côtés de notre triangle; et le Grand Architecte sou-
rira à cette noble pensée de la République qui, se
répandant de toutes parts, réunira, dans un même
sentiment, tous les Jiabitants de la terre (1). » Il
n'est pas inutile de rapprocher de ces paroles celles
qu'un maçon allemand disait en ce même moment
dans la loge de Gœttingue, Au Compas d'Or: « La
grande époque prédite si souvent est-elle enlin arri-
vée, où notre association doit se transformer en
alliance universelle entre les membres de l'huma-
nité?... La liberté que réclame la génération ac-
tuelle, c'est la suppression de toutes les barrières
(ou frontières), devenues superflues lorsque tous les
hommes seront réunis en un seul Etat. »
Jean Macé publia, en cette même année 1848, un
opuscule intitulé : Les Vertus d'un Républicain. Il y
dit : « Le vent ^ui passera sur la France se char-
gera d'emporter, par delà les fleuves et les monta-
gnes, les germes fécondants destinés à faire éclore
les républiques. Nous ferons la conquête du monde
sans quitter nos femmes et nos enfants ». Jean Macé
fut Tun des plus grands propagateurs de l'idée de
la République universelle, comme il fut l'organisateur
de la Ligue universelle de VEnseignemeyit, agent de
l'internationalisme, aussi bien que de l'Alliance Israé-
lite Universelle ellie-même. Malgré cela, la loge La
Fraternité des Peuples^ avant de s'intéresser à la
Ligtie de l'Enseignement, cita à sa barre M. Jean
Macé, parce qu' « il paraissait à quelques-uns être
1. Histoire du Grand-Orient de France, par Jouaust,
pp. 502-505.
582 l'agent de la civilisatiOxN moderne
Français avant d'être membre de l'humanité »; et
M. Macé, par une lettre dont il fut donné lecture à la
tenue du 22 juin 1867, la rassura pleinement.
Victor Hugo prêta aussi, dès 1848, sa voix sonore à
l'union des peuples, à la confusion des races, à oe
point qu'on l'appela « ïe barde de l'humanitarisme ».
Présidant le congrès de la Paix qui eut lieu à Pajis
en 1849, il signifia, au nom de l'Evangile, devant deux
mille personnes, à la France, à l'Angleterre, à la
Prusse, à l'Autriche, à l'Espagne, à la Russie, qu'un
jour les armes leur tomberaient des mains. 11 déclara
entrevoir les Etats-Unis d'Europe tendant les bras
aux Etats-Unis d'Amérique par-dessus les mers (1).
Plus tard, il s'écriait dans les Châtiments: « Plus
de soldats l'épée au poing! plus de frontières! »
Dans sa préface au Paris-Guide, il acclamait les
Allemands comme nos « concitoyens dans la cité
philosophique », « nos compatriotes dans la patrie-
liberté ». Le l^'^ mars 1871, à l'Assemblée de Bor-
deaux, il souhaitait à la France de reconquérir la
rive gauche du Rhin, mais pour le plaisir d'en faire
présent à l'Allemagne en lui disant : « Plus de fron-
tières! Le Rhin à tous! Soyons la même République,
les Etats-Unis d'Europe, la paix universelle (2). »
Déjà en 1859, lors du départ de Napoléon III
pour la guerre d'Italie,; observe M. Goyau, à qui nous
avons emprunté la plupart de ces citations, tirées
1. Actes et paroles. Avant Vexil, II, pp. 160-161.
2. Actes et paroles. Depuis Vexil, 1870-71, p. 90.
C'est aux eavirons de 1850 que la formule « Etats-Unis
d'Europe » apparut dans l'histoire. On la trouve sur les
lèvres de Victor Hugo dans le discours par lequel, en
1849, il ouvrit le congrès de la Paix tenu à Paris. Elle
apparaît en même temps en Italie et en Belgique. Au
congrès de Lausanne, en 1869, Victor Hugo, qui présidait
encore, employa une autre formule : « Nous voulons la
grande République continentale. »
l'idée de république universelle en FRANCE 583
de son livre : L'idée de Patrie et r Humanitarisme,
les ouvriers parisiens acclamaient l'empereur, parce
qu'ils voyaient dans cette guerre la réalisation de
l'idée de l'émancipation des peuples et de la frater-
nité entre les peuples émancipés.
C'est que ces idées, répandues dans le public par
les journaux et par la suggestion des loges, péné-
traient déjà profondément dans la masse du peu-
ple. Aux approches des entreprises de la Prusse
sur tous ses voisins, elles furent propagées avec
plus d'ardeur. En 1864, M. Boutteville, professeur
à Sainte-Barbe, proclamait que la maçonnerie devait
construire « le Temple symbolique de la République
universelle ». La Ruche maçonnique expliquait com-
ment cela pouvait se faire. Elle souhaitait que l'unité
maçonnique, prélude de l'unité universelle, émanât
d'un centre unique, lequel donnerait l'impulsion in-
tellectuelle et administrative aux centres secondaires,
un pour chaque Etat. Rebold énonçait le projet d'une
confédération maçonnique universelle conduisant dans
un temps donni à la con!éd 'ration de l'hjmanité (1).
Deux ans plus tard, en juin 1866, Varlin, qui devait
devenir le communard de 1871, adressait un mani-
feste aux travailleurs parisiens où on lisait : « La
démocratie monte... monte et grandit sans cesse...
La démocratie n'est ni française, ni anglaise; elle n'est
pas plus autrichienne qu'allemande; les Russes et
les Suédois en font partie comme les Américains e.t
les Espagnols; en un mot, la démocratie est univer-
selle! »
Aux congrès de Genève, de Lausanne, do Berne,
du Havre, qui eurent lieu à cette époque, le cri
le plus fréquemment répété, fut, avec celui de haine
à l'Eglise catholique : « Plus de frontières! »
1. Histoire des trois granides loges, pp. 552-662.
584 l'agent de la civilisation moderne
La maçonnerie fait répandre cette ldé3 jusque dans
les écoles. M. Edgar Monteil, le préfet que l'on sait,
dans son « Catéchisyne du Libre-Fenseur, dédié à la
franc-maçonnerie universelle, association internatio-
nale et fraternelle, force organisée », salue les temps
futurs où, « le progrès aidant, les frontières seront
abaissées, où on ne connaîtra plus que la Société. » 11
redit la même chose dans son Manuel d'Instruction
laïque.
Les feuilles pédagogiques, publiées par des ins-
pecteurs d'académie, telles que Le Volume, L'Ecole
nouvelle, La Mevue de V Enseignement 'primaire, L'U-
nion coopérative, L'Ecole laïque, etc., se montrent
■ennemies déclarées de nos institutions militaires. « Ar-
rachez, renversez, proscrivez, dit L'Ecole laïque, tout
ce qui, dans vos ouvrages^ sur vos cahiers eu dans vos
classes, célèbre la gloire du sabre. » « A vous, l-es
instituteurs, dit-elle encore, de faire pénétrer ces idées
dans les cerveaux des paysans. »
La Revue de V enseignement primaire est actuelle-
ment dirigée par M. Hervé, — l'homme du drapeau
dans le fumier. — Elle ne compte pas moins de
qfuatorze mille instituteurs abonnés, et donne le ton
à plus de trente mille. C'est des bureaux de VEn-
seignement primaire que sortent les Bulletins des
soixante Amicales d'instituteurs et d'institutrices. En
1904, elle publia dans la partie destinée aux élèves,
les paroles et la musique de V Internationale, avec le
fameux couplet :
S'ils s'obstinent, ces cannibales,
A faire de nous des héros,
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.
Le même M. Hervé doana cet avertissement au
pays, en avril 1905, dans le Fioupiou:
l'idée de république universelle en FRANCE 585
« Nous déclarons que, quel que soit le gouver-
nement qui sera agresseur, nous nous refuserons à
donner une goutte de notre sang. Nous sommes
décidés à répondre à l'ordre de mobilisation par la
grève des réservistes (1). »
Il y a quelques années, deux journaux. L'instruc-
tion primaire et L'Union pédagogique française, es-
sayèrent de relever le culte du drapeau national.
Ces deux organes ne trouvèrent pas de clientèle par-
mi les cent mille instituteurs formés par M. Buis-
son.
L'internationalisme va-t-il s'infiltrer jusque dans les
associations de jeunes gens catholiques ? Dans la con-
férence publique qu'il donna le 23 mars 1903 dans
la salle des Mille-Colonnes, M.Marc Sangnier, voyant
son auditoire imbu d'idées humanitaires, crut devoir
lui faire ces avances : « Nous aimons passionnément
la France, mais nous la considérons comme le champ
d'expérience de l'humanité, et nous sommes en quel-
que sorte des patriotes internationalistes (2). »
1. La majorité du corps enseignant dans l'enseignement
primaire est gangienée non seulement par rinternationa-
lisme, mais par le socialisme. En. 1904, à la suite du
discours prononcé le 3 juin, par M. Chaumié, ministre
de l'instruction publique, au sujet de l'introduction dans
certaines écoles du Manuel d'histoire de M. Hervé, la
Revue de V Enseignement primaire écrivait : « Nous som-
mes quelque trente mille instituteurs socialistes en Fran-
ce... Ajoutez à cela trente ou quarante mille radicaux-
socialistes... Il ne faudra pas vous étonner si, dans quel-
ques années, votre successeur se trouve à la tête d'une
petite armée de quatre-vingt mille éducateurs socialistes. »
2. Le Sillon, n» du 4 juin 1903, p. 406.
Les Juifs sont internationalistes depuis leur dispersion.
Est-ce qu'il n'est pas absolument logique, absolument na-
turel de penser que l'internationalisme juif n'est pas ab-
solument étranger à l'internationalisme révolutionnaire ?
Ça l'est d'autant moins qu'on voit actuellement, en France,
les journaux, révolutionnaires « actionnés » par los Juifs,
et en Russie, les révoltes organisées par les mêmes juifs.
*586 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
Mais on ne se borne point à semer l'idéo, on tra-
vaille à sa réalisation, et tout d'abord en paraly-
sant les nations marquées pour disparaître les pre-
mières. Qui peut .avoir oublié les efforts qui furent
faits^ après la victoire de la Prusse sur l'Autriche,
pour empêcher la France de tenir son armée en
état de résister à l'assaut qui allait lui être livré (1)!
En mai 1869, Gambetta posant sa candidature à
Paris contre Carnot, laissait inscrire dans son cahier
électoral « la suppression des armées permanentes,
cause de ruine pour les finances et les affaires de
la nation, source de haine entre les peuples et de
défiance à l'intérieur ». Jules Simon disait dans le
même temps : « Quand je dis que l'armée que nous
voulons faire serait une armée de citoyens et qu'elle
n'aurait à aucun degré l'esprit militaire, ce n'est pas
une concession que je fais, c'est une déclaration et
une déclaration dont je suis heureux. Car c'est pour
qu'il n'y ait pas en France d'esprit militaire que
nous voulons avoir une armée de citoyens qui soit
invincible chez elle (!) et hors d'état de porter la
guerre au dehors. S'il n'y a pas d'armée sans es-
prit militaire, que nous ayons une armée qui n'en
soit pas une. » L'année précédente, il avait dit (Séance
du 17 juillet 1868) : « L'armée, puisqu'on dit qu'il
en faut une... » Les gauches applaudissaient, elles
réclamaient le désarmement universel, de sorte que
M. Caro put écrire d'elles, au moment de nos dé-
sastres, qfu'elles avaient « préparé de toutes leurs
forces, en fait, le désarmement de la France. » C'est
bien ici le cas de redire le mot de M. Montégut : « Une
sorte d'émulation patricide règne dans, le camp de
la démocratie (2)? »
1. Voir Groyau : L'idée de la Patrie et V Humanitarisme,
chap. I.
2. Libres opinions morales et historiques, p. 367.
l'idée de république universelle en FRANCE 587
On le voit, ce n'est nullement Hervé qui a in-
venté l'Hervéisme. Il s'est borné à répéter sur le
militarisme et soir l'armée les paroles que les répu-
blicains plus ou moins affiliés aux loges n'ont cessé
depuis quarante ans d'imprimer dans leurs journaux
et de clamer dans leurs meetings.
Dans son ouvrage sur Vidée de Pairie et VHuma-
nitarisme, M. Georges Goyau nous montre Buisson
pérorant au Congrès de Lausanne, en 1869. « Il fallait,
disait-il, aller dans les villages, y distribuer de petits
papiers et de petits livres contre la guerre, contre
toutes les livrées, contre le Dieu des armées, contre
les conquérants; et sa conclusion fut qu'on ne de-
vait point craindre les poursuites, la prison, « et
qu'un jour il faudrait refuser de se soumettre. »
N'est-ce pas là de l'hervéisme en plein? Quand
J. Ferry sera ministre de l'Instruction publique, il
n'aura rien de plus pressé que d'appeler près de
lui ce Buisson et de lui confier la réforme de l'en-
seignement primaire.
Dans nos désastres, quelques-uns saluaient, semb!e-
t-il, l'acheminement à la réalisation de leur rêve.
Le Siècle du 10 juillet 1870, dans un article signé
d'Henri Martin, appelait Garibaldi en France et di-
sait : « Garibaldi vaut plus qu'une armée et plus
qu'un peuple, car il vient au nom de tous les peu-
ples et il apporte avec lui le droit universel, l'idéal
de l'universelle humanité. » Trois mois plus tard,
un futur député de Tours, Armand Rivière, escorté
d'une délégation, présentait à Garibaldi et à quel-
ques députés républicains d'Espagne, les hommages
de la démocratie tourangelle et disait : « Lorsque,
républicains français, . italiens, espagnols, nous au-
rons vaincu l'ennemi commun (non la Prusse, mais
588 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
le sacerdoce catholique), nous aurons jeté les fon-
dements de cette grande fédération à laquelle vien-
dront s'associer nos frères les démocrates allemands
et qui formera bientôt les Etats-Unis d'Europe. » Et ces
garibaldiens, trouvant un drapeau prussien enseveli
sous des cadavres, le renvoyaient à l'armée prus-
sienne en disant : « Nous sommes venus pour dé-
fendre la République française au nom de la fraternité
humaine, dont nous n'avons jamais entendu exclure
le peuple allemand (1). »
En avril 1860, Garibaldi, se préparant avec la con-
nivence de l'Angleterre à son expédition en Sicile^
avait été reçu Grand-Maître de la franc-maçonnerie
italienne. Ceux qui le recevaient lai dirent : « Dis
maintenant avec nous notre serment suprême. » Et il
dit : « Je jure de n'avoir d'autre patrie que la pa-
trie universelle; — je jure de combattre à outrance,
toujours et partout, les bornes frontières des nations^
les bornes-frontières des champs et des ateliers; et
les bornes-frontières des familles. Je jure de ren-
verser, en y sacrifiant ma vie, la borne-frontière où
les humanicides ont tracé avec du sang et de la boue
le nom de Dieu (2). »
La Commune manifesta les m.êmes sentiments que
les Garibaldiens Dans sa proclamation du 28 mars
1871, elle disait aux Prussiens : « Prêchez d'exemple
en prouvant la valeur de la liberté, et vous arri-
verez au but prochain : la République universelle (3) ».
Dès la première séance, le 28 mars, Delescluze écrit
à la garde nationale : « Votre triomphe sera le saJut
1. Les Etats-Unis d'Europe. Revue publiée par Charles
Lemonnier, 1er mars 1877.
2. L'Ennemie sociale, par M. Rosen, de race juive.
3. Réimpression du Journal officiel de la Commune,
30 mars, p. 106.
l'idée de république universelle en FRANCE 589
pour tous les peuples. Vive la République univer-
selle! (1) ». Ce cri se retrouve dans presque tous
les manifestes des communards.
Arrivons aux jours présents. Le juif Alfred Naquet
publia en 1901 un livre sous ce titre : L'Humanité
et la Patrie. Un Espagnol, M. Lozano, le résame
ainsi : « Le patriotisme du Français véritable consiste
à n'avoir point de patrie. » M. Naquet y reproche
à Gambetta de n'avoir pas eu assez souci de la
défense républicaine, pour avoir pris exclusivement
à cœur la défense du territoire. Il dit que quand
l'homme ne sera plus empêtré dans les lisières na-
tionales, chaque membre de la communauté aura une
part plus grande à la consommation et une somme
plus grande de jouissances, — ce que promet la
civilisation maçonnique. — Sa conclusion est que,
sur les décombres des patries nivelées, se fondera
la République des Etats-Unis de la civilisation, dont
la France ne sera qu'un canton; de sorte que, deux mil-
le ans après l'infructueux essai du Christ pour réaliser
la Paix universelle, l'avènement définitif du Messie-
humanité — lisez l'Antéchrist — marquera le triom-
phe de l'ancien rêve judaïque. f
Le 22 juin 1902, a eu lieu à Saint-Mandé un ban-
quet franco-italien sous la présidence d'honneur de
M. Jaurès, dont les déelarations à la Chambre au
sujet de i'Alsace-Lorraine ont eu du i^tentissement
dans l'Europe entière, et sous la présidence effective
de MM. Cerutti et Sadoul. Dans leurs toasts, ils ont
exprimé l'espoir que cette fête consacrerait bientôt
l'union de tous les peuples. Leurs paroles ont été
accueillies par les cris de : « Vive l'Internationale! »
M. Jaurès, lui, a dit : « Je me félicité que les deux
1. Ihid., p. 527.
590 l'agent de la civilisation moderne
peuples soient rapprochées à l'heure où Tua et l'au-
tre secouent le joug de la tyrannie cléricale. »
En 1905, parut un livre intitulé : Four la Faix.
Le Journal des Instituteurs en donna le programme
en ces termes : « Faire la guerre à la guerre. Anéan-
tir les 'frontières, qui ne sont que des préjugés.
Assurer au prolétariat du monde une ère de justice
et d'humanité.. » Après avoir fait l'exposé de cette
belle thèse, le Journal des Instituteurs l'approuve :
« Nous qui avons toujours considéré les guerres et
leur histoire comme un non-sens et un crime, nous
ne pouvons qu'applaudir à l'apparition de Pour la
Paix. »
Une association internationale ayant pour devise :
« Ni frontières, ni Dieu », paraît avoir actuellement
pour chefs, en France, les députés Jaurès et Pres-
sensé; en Italie, les députés Enrico, Ferri et Bovio;
en Espagne, Soriano. Son but est de travailler, sous
les auspices des mânes de Garibaldi, à l'union des
Etats latins sous le rédme républicain, pour la guerre
au catholicisme. On aura ainsi franchi l'une des éta-
pes qui doivent conduire au but ultime que la syna-
gogue a assigné aux sociétés secrètes.
Ces idées et ces projets viennent des prophètes
de la Révolution, de J.-J. Rousseau, nous l'avons
montré, et auparavant de Weishaupt.
Dans le discours que l'Hiérophante adresse à celui
qu'il initie au grade d'Epopte, nous lisons : « A l'ins-
tant où les hommes se réunirent en nation (en vertu
du contrat social), le nationalisme ou l'amour national
prit la place de l'amour général. Avec la division
du globe et de ses contrées, la bienveillance se res-
serra dans des limites qu'elle ne devait plus fran-
chir. Alors ce fut une vertu de s'étendre aux dépens
l'idée de république universelle en FRANCE 591
de ceux qui ne se trouvaient pas sous notre empire.
Cette vertu fut appelée le patriotisme. Et dès lors,
pourquoi ne pas donner à cet amour des limites
plus étroites encore? Aussi vit on alors du patriotisme
naître le localisme, l'esprit de famille et enfin l'égoïs-
me. Diminuez, retranchez cet amour de Ja patrie,
les hommes de nouveau apprennent à se connaître
et à s'aimer comme hommes... Les moyens de sor-
tir de cet état d'oppression et de remonter à l'ori-
gine de nos droits, sont les écoles secrètes de la
philosophie (les enseignements donnés dans les ar-
rière-loges). Par ces écoles, un jour, sera réparée
la chute du genre humain; les princes et les na-
tions disparaîtront sans violence ( ?) de de:5sus terre.
La raison alors sera le seul livre dos lois, le, seul
code des hommes (1). »
Jamais, dira-ton, ceUe république universelle ne
pourra se réaliser. L'Empire romain lui-même n'a
pu arriver au terme de son ambition, dans les limi-
tes restreintes que lui offrait le monde alors connu.
A cela, M. Favière répondait récemment : « Les
causes de l'effondrement de l'Empire romain furent
d'ordre purement économique. L'Empire périt par la
pénurie des ressources matérielles. Il arriva qu'on
ne put plus gouverner ni défendre un empire dé-
mesuré, qui n'avait que des courriers pour porter les
ordres de Constantinople à Cadix. » Aujourd'hui il
n'en est plus de même. Ce qui alors était impossible
est devenu réalisable. « Ce sont les chemins de fer,
continue M. Favière, c'est la navigation à vapeur
et le télégraphe, c'est surtout l'immense puissance
contributive de l'Etat moderne sustentant de ver-
tigineux budgets, qui permettent à la Russie la con-
1. Barruel, t. III, p. 184.
592 l'agent de la civilisation moderne
quête de l'Asie centrale, aux Etats-Unis, la mise
en valeur de leur immense territoire, et à l'Angleterre
l'exploitation d'un empire dispersé aux quatre vents
de la Planète (1). » Que ces forces, ces puissances,
qui n'ont point encore dit leur dernier mot,- soient aux
mains d'un homme de génie, tel que Napoléon, ou
d'un plus puissant esprit encore, assisté par les Puis-
sances infernales, tel que sera l'Antéchrist, et l'Etat-
Unique, embrassant la totali:é du genre humain, ne
tardera point à être une réalité.'
1. Réforme sociale, 1903. Le Progrès.
CHAPITRE XLII
LA RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE
DE FORMATION
A la mort de l'empereur Joseph, Léopold, son
successeur, appela près de lui le professeur Hoffmann,
q^u'il savait avoir été sollicité de consacrer sa plume
à la cause de la Révglution. Celui-ci lai rapporta
que Mirabeau avait déclaré à ses confidents, avoir
en Allemagne une correspondance très étendue. Il
savait que le système de la Révolution embrasserait
l'univers; que la France n'était que le théâtre choisi
pour une première explosion, que les propagandistes
travaillaient les peuples sous toutes les zones, que
les émissaires étaient répandus dans les quatre par-
ties du monde et surtout dans les capitales (1).
D'autres Conventionnels témoignèrent plus d'une
fois être dans le secret des ambitions ultimes de
la secte. Un député du Cantal, Milhaut, parlant, à
la Loge-Club des Jacobins, de la réunion de la Savoie
à la France, saluait le renversement de tous les
trônes, « suite prochaine, disait-il, du succès de nos
armes et du volcan révolutionnaire »; et il expri-
1. Barruel, t. V, p. 224.
L'Église et le Temple. 38
594 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
mait le vœu que, de toutes les Conventions nationales
qui seraient établies sur les ruines de tous les trônes,;
un certain nombre de députés extraordinaires formas-
sent, au centre du globe, une Convention universelle
qui veillerait sans cesse au maintien des droits de
l'homme par tout l'univers (1). En d'autres termes,
elle aurait pour mission, de veiller à maintenir les
hommes dans la Révolution, dans leur révolte contre
Dieu, dans l'ordre purement naturel. Remarquons,
en passant, qu'un même nom, peu modifié, — Cou-
vent, Convention, — sert à désigner les assemblées
générales de la franc-maçonnerie, l'Assemblée révo-
lutionnaire, de 1789 et l'Assemblée à venir des dé-
putés de toutes les parties du monde (2).
1. Cité par Thiers, Histoire de la Révolution, t. IV, p.
434.
2. Le gouvernement des loges a servi de type, aux
hommes de la Révolution, pour réorganiser la France.
« Le gouvernement de la franc-maçonnerie, dit le F.:. Ra-
gon {Cours philosophique, pp. 7, 9, 377 et suiv.) était au-
trefois divisé en départements, en loges provinciales, qui
avaient leurs subdivisions. L'Assemblée nationale, consi-
dérant la France cojnme une grande loge, décréta que
son territoire serait distribué suivant les mêmes divisions.
Les municipalités ou communes répondent aux loges ; elles
correspondent à un centre commun pour former un can-
ton. Un certain nombre de cantons, correspondant à un
centre nouveau, composent un arrondissement ou district,
actuellement une sous-préfecture, et plusieurs sous-préfec-
tures forment un département. Les grandes loges de pro-
vince avaient un centre commun, dans la Constituante. »
C'est l'ébauche de la façon dont sera organisée la Répu-
blique universelle.
Le F. : . A. J. Régnier, dans un discours aux Conférences
maçonniques de Lyon, prononcé le 22 mai 1882, a dit
de même : « Le régime républicain est calqué sur nos
institutions. » Et le Bulletin maçonnique, livraison de dé-
cembre 1890, pp. 229, 230 : « La préoccupation de la
maçonnerie a toujours été d'amener dans Vordre politi-
que l'avènement de la forme républicaine, et dans l'ordre
philosophique le triomvhe de la libre-pensée. On peut dire
qu'elle n'a jamais failli à sa mission. »
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION 595
A la fin du XV1II<^ siècle, ce projet de gouverner
le genre humain tout entier, par une Convention uni-
que, placée au centre du monde et composée des
députés des Conventions établies dans les anciens
royaumes réduits à l'état de départements, pouvait
paraître fou. Mais aujourd'hui, à l'entrée du XX®
siècle, où nous voyons le globe entier sillonné par
les fils télégraphiques, les chemins de fer, et les
steamers, le messie attendu par les Juifs pourrait
facilement tenir le monde entier dans sa main, et
le gouverner par une Convention centrale en rapport
avec des Conventions locales.
On peut voir dans Deschamps, t. II, p. 150 et suiv.,
l'aide que la Convention, puis Napoléon, reçurent de
la franc-maçonnerie en Allemagne, en Belgique, en
Suisse et en Italie, pour essayer de former les Etats-
Unis d'Europe, acheminement vers l'Etat-Humanité (1).
Le projet n'a jamais été abandonné; l'exécution a
subi plus d'une fois des reculs, mais pour être re-
1. La duchesse de Dino, qui vivait dans une intimité de fa-
mille avec la Cour de Prusse, a noté — c'est à la date du
25 juin 1860, pendant l'entrevue solennelle de Bade —
un entretien entre l'empereur des Français et le prince
régent de Prusse, qui sera le futur empereur d'Allemagne,
Guillaume Jer^ proclamé à Versailles dans la grande ga-
lerie de Louis XIV !
C'est Napoléon III qui parle :
« Que pour en finir avec les révolutions, il fallait faira
partout de grands Etats; que l'Italie devait redevenir V Em-
pire romain ; que l'Allemagne devait devenir V Empire prus-
sien; que les petites populations françaises, de langue et
de mœurs, qui longent les frontières de la France : la
Belgique, le canton de Vaud, ceux de Neuchàtel et de
Genève, devaient rentrer dans V Empire français; qu'alors
les nationalités seraient satisfaites, les ambitions aussi;
que les imaginations auraient de l'espace, que ce qui fai-
sait les révolutions étaient les petits qui voulaient devenir
grands; que du jour où il n'y aurait que des grands, en
petit nombre, mais unis entre eux. on aurait bon marché des
révolutionnaires ; que les grands Empires, c'est la paix ! »
590 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
prise aussitôt que les circonstances le permettaient.
L'unification de l'Italie, l'unification de l'Allemagne,
les ambitions des Etats-Unis, appelés peuL-être à re-
cueillir de l'Angleterre l'empire des mers, le mouve-
ment qui agite l'Extrême-Orient font progresser de
jour en jour, sur tous les points du globe, la mar-
che vers l'unité politique. Avant cent ans, cinquante
peut-être, deux ou trois empires, grossis par la « con-
sumation » des nationalités de second ordre, pourront
se heurter dans un conflit suprême pour laisser le
vainqueur libre et maître de disposer à son gré des
destinées du monde. N'est-ce point le pressentiment
qui s'est élevé dans tous les esprits éclairés, qui a
été manifesté partout, dès qu'a éclaté la ^guerre entre
la Russie et le Japon?
« Renverser toutes les frontières, dit M. Claudio
Janet dans la continuation de l'ouvrage du P. Des-
champs, abolir toutes les nationalités, en commen-
çant par les petites, pour ne faire qu'un seul Etat;
effacer toute idée de patrie; rendre commune à tous
la terre entière, qui appartient à tous; briser, par
la ruse, par la force, tous les traités; tout préparer
pour une vaste démocratie dont les races diverses,
abruties par tous les genres d'immoralités, ne seront
que des départements administrés par les hauts grades
et par l'Antéchrist, suprême dictateur devenu leur
soûl dieu : tel est le but des sociétés secrètes. »
Pour s'en tenir à ce qui se passe sur notre confi-
nent, il n'est point douteux que le plan de la maçon-
nerie est, à cette heure, de subordonner les nations
catholiques aux puissances protestantes.
Dans son numéro du 29 août 1902, le Gaulois a
reproduit un article de VOpinion ?iatîonale qui remonte
au mois de juillet 1866. On y applaudissait au triom-
phe do la Prusse à Sadowa et on disait :
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE EORMATION 597
« Nous sojiiïnes pour ramoindiissemerit de l'Au-
triche, parce que l'Autriche est une puissance catho-
lique qui doit être supplantée par la Prusse, boule-
vard du Protestantisme dans le centre de l'Europe.
Or, la mission de la Frusse est de protestaniiseï' V Eu-
rope, comme la mission de Vltalie est de détruire
le pontificat romain. Voilà les deux raisons pour
lesquelles nous sommes tout à la fois pour l'agran-
dissement de la Prusse et pour l'agrandissement de
l'Italie. »
« L'unité de l'Allemagne, disait Le Siècle de son
côté, c'est, comme l'unité de l'Italie, le triomphe
de la Révolution. » La Liberté appuyait, elle aussi,
la « Politique de la prédominance d'une Prusse pro-
testante en Europe. »
Mais comme la pensée du pouvoir occulte est de
substituer « une Jérusalem de nouvel ordre » à la
double cité des Césars et des Papes, si la haute
juiverie travaille maintenant à anéantir les nations
catholiques elle est persuadée que celles-ci détruites,
le reste tombera de lui-même et Israël pourra éta-
blir son universel empire. Dans le monde entier, les
sociétés secrètes favorisent l'Angletene, la Prusse,
l'Amérique du Nord, au détriment de la France, de
l'Autriche et de l'Espaiine. L'Autriche a reçu un coup
que l'on a cru mortel à Sadovva; la France une bles-
sure cruelle à Sedan et une plus cruelle encore lors-
qu'elle fut livrée à la franc-maçonnerie par l'Assem-
blée nationale. Mais d'un jour à l'autre elle pou-
vait se relever. Il fut décidé que le coup de grâce
devait lui être porté; mais ce coup devait être pré-
paré. L'affaire Dreyfus a rempli ce rôle de prépara-
tion. Elle a désorganisé l'année, elle a déballé sous
les yeux des voisins tous nos plans de défense,
elle a fomenté la guerre civile, elle a fait de la
598 l'agent pe la civilisation moderne
France une proie jugée facile désormais à dépecer
par l'Angleterre et l'Allemagne (1).
Dès qu'une nation est ainsi choisie pour « con-
sumer » les autres, selon le mot de Bluntschli, la
maçonnerie s applique à lui donner « conscience d'elle-
même », « le sentiment de sa vocation politique »,
autres mots du même, à exalter le sentiment patrio-
tique et à dépraver ce même sentiment chez les peu-
ples qu'elle a condamnés. Le socialisme est patrio-
tique en Allemagne, avec Bebel, internationaliste en
France, avec Jaurès. L'un et l'autre obéissent sans
doute à l'impulsion d'un seul et même moteur, qui
veut déprimer ceux-ci, surexciter ceux-là, pour rendre
pins facile et plus certaine la victoire de ceux qu'elle
veut, pour le moment, agrandir et élever.
Dans les Questions Historiques, M. Fustel de Cou-
langes fait la comparaison entre la manière d'écrire
l'histoire en Allemagne et en France depuis cin-
quante ans. Il y oppose la différence des sentiments
des historiens allemands et des historiens français
vis-à-vis de leur pays : « Le premier devoir d'un
grand peuple est de s'aimer et de s'honorer dans
ses morts... Le véritable patriotisme n'est pas l'amour
du sol, c'est l'amour du passé, c'est le respect de
ceux ^qui nous ont précédés. Nos historiens ne nous
apprennent qu'à les maudire et ne nous recommandent
que de ne pas leur ressembler... Nous nourrissons
au fond de notre âme une sorte de haine incons-
ciente à l'égard de nous-mêmes... C'est une çorte
de fureur de nous calomnier et de nous détruire,
semblable à cette manie de suicide dont vous voyez
certains individus tourmentés. » Mépriser ainsi son
1. On riait à gorge déployée, avant la iiuerre de 1870,
des cartes Allemandes qui annexaient par avance nos pro-
vinces de l'Est à l'Allemagne. A-t-on raison de rire, à
présent, des cartes Anglaises qui octroient à l'Angleterre
nos provinces de l'Ouest?
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION 599
passé n'est assurément point chose naturelle pour
un peuple. Et alors une question se pose : D'où
cela vient-il?
« Les Allemands, dit le même auteur, ont tous
le culte de la patrie, et ils entendent le mot patrie
dans son sens vrai : c'est le Vaterland, la terre des
ancêtres. C'est le pays tel que les ancêtres l'ont
eu et l'ont fait. Ils aiment ce passé et ils n'en parlent
que comme on parle d'une chose sainte. »
Ce n'est pas de cet œil, mais « d'un œil haineux »,
que la France révolutionnaire envisage le sien. Quelle
nation, en Europe, eût été pourtant capable de mon-
trer une histoire plus ancienne ou plus glorieuse?
Engoué, depuis 1815, de l'Angleterre et de l'Alle-
magne, notre libéralisme s'est fait l'apologiste de
la race germanique aux dépens de la nation fran-
çaise.
Y a-t-il quelque chose de changé? En Allemagne,
non certes. En France, « vieille France » est tou-
jours presque une injure. Sur les traces de Michel et
et de ses élèves, notre histoire est devenue moins
l'histoire d'une nation déterminée que celle du labo-
rieux enfantement de 89. Un jeune Français candi-
dat au baccalauréat était dispensé, il y a quatre
ans, de savoir l'histoire de son pays avant 1610.
Depuis, la dispense a été étendue jusqu'à 1715, et il
y en a qui demandent maintenant que la date soit
abaissée jusqu'à 1789.
On sait les beaux résultats, à l'intérieur et à l'exté-
rieur, qu'a donnés l'histoire telle qu'elle fut pratiquée
chez les Prussiens. «Au dedans, constate Fustel,- elle
faisait taire les partis et fondait une centralisation mo-
rale plus vigoureuse que ne Fest notre centralisation
administrative. Au dehors, elle ouvrait les routes de
la conquête, et elle faisait à l'ennemi une guerre
600 l'agent de la civilisation moderne
implacable en pleine paix. » C'est ainsi que, vingt
ans d'avance, elle avait mis la main sur l'Alsace-
Lorraine. Fustel ajoutait : avant que l'Allemagne s'em-
pare de la Hollande, « l'histoire démontre déjà que
les Hollandais sont des Allemands. » Elle prouvera
aussi bien que la Lombardie est une « terre alle-
mande », et que Rome est « la capitale naturelle de
l'empire germanique. »
Aujourd'hui, comme avant la guerre, l'histoire est
la servante de la grandeur allemande; elle continue
à pétrir une âme commune au jeune empire et à se
faire sur toutes les frontières la fourrière du panger-
manisme. On en sait quelque chose à Prague, à Zu-
rich, à Nancy, à Luxembourg, à Amsterdam.
Les Universités allemandes et d'Autriche sont de-
venues des foyers de pangermanisme. Les premiers
disciples de M. de Schœnerer furent des étudiants
de Vienne. Actuellement, deux cris se font enten-
dre. « L'Allemagne une » et « Rompons avec Ro-
me 1 » La Prusse, la Prusse protestante, s'annexera
ainsi non seulement toutes les parties de l'Allemagne,
mais la France et les autres pays cire on voisins.
La propagande s'exerce sous les formes les plus
variées : action politique, action par la presse, par
le colportage, action- par la prédication protestante
qui se fait l'auxiliaire du « germanisme ». L'Alle-
magne, en un mot, ne néglige rien pour être prête
quand le moment sera venu de compléter l'exécu-
tion du plan pangermanique.
Des manifestations constantes, en Allemagne, révè-
lent les projets ambitieux des pangermanistes, qui
se croient maintenant assez forts pour avouer leurs
rêves de domination universelle et surtout de con-
quête prochaine de la France.
Un professeur de Magdebourg a, dans cinq Confé-
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION GOl
rences officielles, exposé en novembre 1909 le plan
des pangermanistes.
« Avec l'accroissement continu de notre population^
dit le professeur docteur Waetig, il est absolument
nécessaire que notre pays cherche à se procurer des
contrées où il pourra écouler le trop-plein de sa
population.
» Je ne vois actuellement que deux moyens d'arri-
ver à ce résultat, car, à mon avis, notre avenir ne
se trouve pas sur mer, mais sur terre.
» Il est possible, presque certain, que les Fran-
çais en arrivent à ne plus occuper dans le monde
qu'une place secondaire. Il nous faut donc profiter de
cette reculade fatale.
» Le premier moyen serait l'infiltration : inonder
les pays latins d'hommes venant de chez nous. Le
résultat est certes lointain, mais certain, et je vois-
très bien Paris ou Bruxelles restant capitales de pays
non annexés, mais parlant allemand; une telle in-
filtration ne doit pas être seulement tentée vers l'Est,
et je ne considère la politique de germanisation
de la Pologne que comme un essai, un moyen de
se faire la main.
» L'infiltration devant durer trop longtemps, allons
plus loin. Pourquoi ne chercherions-nous pas à acqué-
rir ces territoires dont nous avons besoin, par la
force des armes? Pourquoi ne tenterions-nous pas
de substituer notre gouvernement aux régimes exis-
tants chez nos voisins? Sans chercher à provoquer
de conflits, nous devons profiter de toutes les occa-
sions cfui nous sont offertes pour fondre sur l'ennemi
héréditaire.
» En un mot, c'est vers l'Ouest, vers la France,
que nous devons tourner et c'est là que uous de-
vons coloniser... »
Non contente de vouloir conquérir les pays cir-
602 l'agent de la civilisation moderne
convoisins, l'Allemagne, qpoique protestante, prétend
à prendre la place de la France comme protectrice
des chrétiens en Orient, et, s'il le faut, de protectrice
du Pape à Rome. Les discours et les démarches de
son empereur ont clairement manifesté ces inten-
tions.
Pour ne rappeler que l'un de ses discours, ne l'a-
t-on point entendu dire à Brème en mars 1905 :
« Notre-Seigneur Dieu ne se serait jamais donné
autant de peine pour notre patrie allemande et son
peuple, s'il ne nous avait destinés à de grandes cho-
ses : nous sommes le sel de la terre; mais aussi nous
devons nous montrer dignes de l'être. Aussi, notre
jeunesse doit-elle apprendre le renoncement, se gar-
der de tout ce qui n'est pas bon pour elle, de
ce qui est importé de peuples étrangers, et rester
fidèle aux moeurs, à la règle et à l'ordre, au respect et
à la religion.
» L'Empire universel, tel que je l'ai rêvé, doit
consister en ceci, a^^ant tout,- que l'empire allemand,
nouvellement fondé, doit jouir de la plus absolue
confiance de tous, comme un voisin tranquille, lojal
et pacifique; et si un jour peut-être on devait par-
ler dans l'histoire d'un empire universel allemiand ou
d'un empire universel des Hobenzollern, il n'aurait
pas été fondé sur des conquêtes par l'épée, mais
par la confiance mutuelle des nations aspirant aux
mêmes buts. En un mot, comme l'a dit un grand
poète : « Limité au dehors, infini au dedans! »
Qu'on ne prenne pas cette idée de la domination uni-
verselle réservée à la race germanique pour une exa-
gération oratoire : Gruillaume II n'a fait qu'exprimer
un sentiment commun à tous les Allemands, et qu'on
retrouve au fond des discours de Bebel à Amster-
dam, comme dans les harangues impériales.
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION 603
Quiconque observe rAllemagne voit avec quelle
assurance elle prépare sa domination aussi étendue
que possible par tous les moyens à la fois, par l'idée
comme par la puissance militaire, par le commerce
et l'industrie comme aussi par ses émigrations. Dès
à présent, l'Allemagne est la seconde des grandes
puissances commerciales du monde. La colonie alle-
mande est aux Etats-Unis une puissance politique
de premier ordre, et, dans l'Amérique du Sud, elle
forme presque la majorité dans les provinces méridio-
nales du Brésil.
La même puissance occulte qui enivre rAllemagne
déprime la France. A la distance de quarante ans, l'on
voit maintenant comment la Prusse et la France
étaient travaillées depuis des années, pour être aptes
à jouer le rôle de vainqueur dévolu à l'une et de
vaincue dévolu à l'autre. Que la France eût été en
1870 le jouet des sociétés secrètes, nous en avons
une preuve dans les révélations faites en 1872 par
M. de Giers et publiées deux ans plus tard par un
grand nombre de journaux sans aucune réclama^
tion de celui qui était mis en cause.
« Un soir, en 1872, à Stockholm, dans le fumoir
de la baronne X..., nous étions quatre ou cinq cau-
sant familièrement. Parmi nous se trouvait M. de
Giers, ancien ministre des Affaires étrangères en
Russie, ambassadeur de Russie à Stockholm. On par-
lait du sujet qui préoccupait encore tout le monde :
des causes de la défaite de la France. M. Y... émit
l'opinion que la maçonnerie avait joué un rôle im-
portant et peu flatteur. »
M. de Giers prit alors la parole :
« Je ne voulais pas, dit-il, aborder le premier cette
» question délic-ate; mais puisqu'elle est soulevée.
604 l'agent de la civilisation moderne
» je puis vous affirmer que je connais bien Le rôle
» que joua la F.-. M.-, dans cette guerre.
» J'étais alors accrédité à Berne; il y avait dans
» la ville une agence parfaitement organisée et fonc-
» tionnant avec une précision toute prussienne, pour
» les informations concernant la répartition des trou-
» pes françaises, leurs déplacements, la quantité de
;> munitions, de vivres, etc., etc., et mille indications
» des plus infimes et détaillées, que des Français
» affiliés à la F. . M. ■ . communiquaient aux loges,
» et, chose étrange, ces renseignements parvenaient
» avec une rapidité prodigieuse, par dépêches chiffrées,
» à V agence prusienne maçonnique de Berne.
» J'ai étudié à fond cette colossale organisation
)> pour en faire un rapport détaillé à mon gouverne-
» ment.
» C'était invraisemblable, n'est-ce pas? Et cepen-
» dant, rien de plus vrai et du plus palpitant intérêt
» alors. ''
» La nation française avait été, paraît-il, condamnée
» par la Haute-Maçonnerie internationale, et ni meil-
» leure organisation militaire, ni talents stratégiques,
» ni bravoure incontestable des troupes, n'auraient
» matériellement jamais pu triompher. C'était une
» guerre d'AVEUGLES à voyants! »
Cette accusation formulée si nettement et venant
d'un homme qui a occupé les plus hautes fonctions
dans la diplomatie, habitué à la discrétion et à la
mesure, à ne parler qu'à bon escient, a par elle-
même une trop poignante éloquence, pour qu'il soit
besoin d'y rien ajouter.
Abattue, la France se releva cependant avec assez
de vigueur pour donner à craindre qu'elle ne reprît
son rang à la tête de la civilisation. Elle fut alors
condamnée à la République, et par la République
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION 605
à la plus complète énervation de toutes ses forces
religieuses, politiques, militaires et civiles, afin que
toute résistance lui soit devenue impossible lorsque
sera venue l'heure de se jeter de nouveau sur elle.
La publication de la correspondance de Bismarck a
achevé de montrer, et la part qu'il avait prise à
l'établissement de la République (1), et le profit qu'il
on attendait, et les complicités qu'il trouvait à l'in-
térieur pour l'accomplissement de ses desseins. Le
1er novembre 1877, le comte Herbert de Bismarck
écrivait au comte Henckel de Donnesmarck, l'ancien
gouverneur d'Alsace-Lorraiiie, le mari de la Païva dont
on sait le rôle dans les dernières années de l'Empire,
et enfin l'agent secret de Bismarck en France dans
la lutte entre le parti conservateur et le parti oppor-
tuniste : « Les relations que vous entretenez avec
Gambetta sont d'un très grand intérêt pour mon
père, mais il ne croit pas opportun pour le moment
de lui faire parvenir, fût-ce même par votre intermé-
diaire, des communications ou des ordres. » Deux
mois après, les ordres arrivaient, et la guerre au
cléricalisme commençait. Elle devait bientôt être sui-
vie de la guerre à la magistrature, puis de la guerre
à l'épargne (2), puis de la guerre à l'armée; et tout
1. Le comte d'Arnim s'est expliqué là-dessus avec une
clarté (fui ne laisse rien à désirer. Ambassadeur à Paris,
il ne voulait pas obéir à Bismarck qui lui ordonnait de
travailler au triomphe des partis de gauche. « Bismarck
m'a frappé, écrivait-il après sa disgrâce et son procès,
parce que je refusais d'accélérer l'arrivée de Gambetta au
pouvoir. »
2. M. Paul Dahn, explorant la situation de l'Autriche-
Hongrie et faisant le relevé des divers éléments qu'il y
trouvée, soit hostiles, soit favorables ta l'Allemagne, a écrit
dans le Deutftchhmd nach Osien : « Bontoux inquiétait
Bismarck plus qu'une armée de 300.000 hommes. Que n'a-t-
on dit de l'œuvre granchose de Cecil Rhodes, le Napoléon
du Cap? Bontoux nous gagnait, sans tirer un coup de
606 l'agent de la civilisation moderne
cela accompagné de prostrations devant les aiutres
puissances et de l'abandon de notre protectorat en
Orient.
« Le drame qui se joue depuis trente ans, a dit
M. Copin-Albancelli, n'est autre chose que l'assas-
sinat de la France, ourdi par le pouvoir occalte juif,
agissant par la franc-maçonnerie. Si nous ne parve-
nons à faire comprendre cela à temps à la majo-
rité des Français, la France est perdue. »
Mais, hélas! comme le dit M. Bidegain : « Ceux
qui dirigent secrètement l'Ordre maçonnique ont si
habilement pétri les cerveaux de leurs disciples de-
venus leurs serviteurs inconscients, qu'ils trouvent
dans la maçonnerie un instrument admirable pour
le coup d'Etat juif qui consacrera la dénationali-
sation de notre patrie et la définitive dépossession
des Français de France (1). »
Dans une interview qu'il eut avec un rédacteur du
Soleil (2), M. de Marcère dit de même, à l'occasion
du Congrès antimaçonnique qui tint ses assises aux
premiers jours de l'année 1902 : « Il n'y a pas à
se le dissimuler, cest en France tout particulièrement
que se porte V effort de la désorganisation maçonique, et
CELA POUR UNE BESOGNE QUI ÉVIDl^^MMENT CORRESPOND A
LA RÉALISATION D'uN PLAN IMMENSE, OÙ il est clair qUe
nous avons été sacrifiés » .
Ce qui est infiniment douloureux, c'est de voir
que la France prête elle-même les mains à la réa-
lisation de ce plan. Nous disons la France. Non. Mais
fusil, r Autriche-Hongrie, et les Balkans, et l'Orient. Il
marchait à pas de géant, non pas du rêve, mais de la
réalisation de ce plan savamment conçu. C'est Bismarck
qui l'a brisé, aux applaudissements de Français ravis de
cette défaite du. cléricalisme! »
1. Bidegain. Le Grand-Orient de France. Ses doctrines
et ses actes, p. 114.
2. Voir le Soleil du 14 février 1902.
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION 607
ceux qui la gouvernent et qui sont délégués au pou-
voir pour effectuer les uns après les autres les divers
points de la désorganisation maçonnique.
V Armée. — Ce fut vraiment un travail colossal
que 'celui que la France entreprit, après la guerre,
pour se relever et pour reprendre son rang dans
le monde. Loi du recrutement ; loi d'organisation ;
loi des cadres pour ne citer que les lois constitutives.
Edification de casernements et d'établissements sur
tout le territoire; reconstitution de l'armement des
troupes et de l'artillerie; construction des * systèmes
défensifs de la frontière du Nord-Est et de celle du
Sud-Est et de l'intérieur; élaboration des règlements
généraux et des règlements particuliers d'armes; créa-
tion de l'Ecole de Guerre et réforme des Ecoles mili-
taires; constitution de l'Etat-Major de l'armée, com-
prenant les bureaux de la mobilisation, de la statis-
tique, des opérations, des chemins de fer. Tout cela
fut accompli, tandis que les troupes se reformèrent,
reprirent confiance. En vérité, chaque année était
une année de progrès, et quand la pensée se reporte
sur ce que le dévouement de tous ceux qui servirent
alors parvint à faire, on éprouve un sentiment de
très vive admiration, vis-à-vis d'une œuvre que seul
l'amour de la Patrie réussit à mener à bien.
Mais bientôt vinrent des hommes qui entreprirent
de détruire, par ordre, tout ce qui constituait l'Armée :
la discipline, le respect des chefs, la confiance réci-
proque, le sentiment du divin, l'abnégation et jus-
qu'à l'amour de la patrie. C'est cela d'abord qu'ils
s'appliquèrent à détruire, parce qu'ils savent que,
bien plus que l'armement le plus perfectionné et que
les effectifs les plus considérables, ce sont les vertus
de nos officiers et de nos soladts qui, à travers
les siècles ont constamment fait la force de l'armée
française.
'608 l'agent de la. civilisation moderne
Mais ils ne négligèrent point le reste (1). Le minis-
tère de la guerre fat confié à des ingénieurs, à des
agents de change, à des hommes d'affaires ou à des
militaires justement méprisés.
Aussi ce n'est plus seulement les devoirs militaires
que le soldat doit remplir, que les officiers doivent
enseigner dans ce temps si court de deux années, c'est
encore les devoirs du citoyen. Par sa circulaire d'oc-
tobre 1905, M. Berteaux les a obligés à faire des
conférences sur la solidarité, la mutualité et les pro-
grès de l'esprit laïque; ils doivent conduire leurs
hommes aux musées, aux usines, etc., car, dit la
circulaire, « l'armée n'est pas surtout le plus grand
organe de la défense nationale, elle doit être aussi
un puissant organe de progrès social. La Ligue ma-
çonnique de l'enseignement (congrès de Biarritz en
octobre 1905 et d'Angers en août 1906) s'empressa
d'applaudir à cette innovation que la loge avait ins-
pirée.
Il faudrait parler ici de « l'affaire Dreyfus » et
■de ses suites. Mais n'est-elle pas présente à l'es-
prit de tout bon Français? Tous ne savent-ils pas
-que c'est du mois de janvier 1895 que s'est ouverte
la période des manœuvres odieuses que les enne-
mis de la Patrie n'ont cessé depuis de tramer contre
l'armée, pour « tout chambarder » comme ils ont
eu l'audace de dire.
La marine. — Que dire d'elle? De 1871 à 1909
elle nous a coûté très exactement 9.012.214.001 fr.
1. Lors de la discussion de la loi concernant le recru-
tement des officiers et les écoles militaires, 1908, le général
Kessler écrivit : « Le nouveau projet de loi déposé à la
Chambre sur le recrutement des officiers n'est qu'une suite
du travail de démolitioai de l'armée française commencée
depuis plusieurs années déjà, par voie législative, avec
une VOLONTÉ et une méthode que la menace perma-
nente du danger extérieur est impuissante à entraver.
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION 609
C'est du moins le chifîre qu'accusent les rapports
officiels de la rue Royale et du Palais-Bourbon. « Nous
avons dépensé dix milliards, nous a dit M. Emma-
nuel Brousse à la tribune, reprenant les conclusions
du rapport fait par la commission, et aujourd'hui
nous n'avons pas de marine. » De fait, après un
pareil effort, la France est tombée au sixième rang
des puissances navales du globe.
Ici, la trahison — ce mot s'impose — s'est mon-
trée sous une autre forme, sous la forme de catas-
trophes qui n'ont cessé de se produire (1).
1. Août 1900. — Le cuirassé d'escadre « Brennus »
coule sur la côte du Portugal : 43 victimes; 1.700.000
francs.
Octobre 1900. — Le transport « Caravane /> est coulé
au large de' Tagamatsu : 3 morts; 3 millions.
Février 1903. — Le contre-torpilleur « Espingole » coule
près de Saint-Tropez : 2 millions 100.000 fr., y compris
les frais de s'&.uvetage inutile.
Janvier 1904. — Le transport « Vienne » coule : 52 morts;
2.500.000 francs.
Mars 1904. — Le croiseur « Léon-Gambetta » brise ses
hélices et déchire sa coqne : 600.000 francs de répara-
tion.
Février 1905. — Le croiseur « Sully » se perd dans
la baie d'Along d'où il n'a pu être retiré : 30.300.003
francs.
Juillet 1905. — Le sous-marin « Farfadet » coule en
Tunisie : 14 morts, 500.000 francs.
Avril 1906. — Explosion sur la « Couronne » : 4 morts.
Juillet 1906. — Explosion d'une chaudière à bord du
« Jules-Ferry » : 2 morts.
Octobre i906. — Le sous-marin « Lutin » coule en
rade de Bizerte : 16 morts : Renflouement et réparations,
800.000 francs.
Novembre 1906. — A bord du « Charles-Martel » une
torpille éclate : 1 mort.
Novembre 1906. — L' « Algésiras » brûle dans l'ar-
senal de Toulon : 3 tués; 1.500.000 francs.
Février 1907. — Le torpilleur « 339 » a un accident de
chaudière dans les parages de Quiberon : 9 morts.
Février 1907. — Le « Jean-Bart » se perd sur la côte
occidentale d'Afrique : 6.500.000 francs.
L'Église et le Temple 39
610 l'agent de la civilisation moderne
C'est la seconde fois depuis un siècle que la marine
française est démantelée. A la veille de la prise
de la Bastille, ce fut en faveur de l'Angleterre, cette
fois il paraît que c'est au profit de l'Allemagne.
L'aviation. — En mars 1910, lors de la discussion
du budget, fut prononcé un discours qui se résume
Mars 1907. — Explosion de 1' « léna » à Toulon : 105
morts; 35.000.000 francs.
Mars 1907. ~ Le torpilleur « Epée » aborde le « 263 » :
2 morts.
Août 1907. — Explosion à bord de la « Couronne » :
3 morts.
Février 1908. — Accident à bord du « Descartes » :
5 morts.
Février 1908. — Explosion à bord de la « Jeanne-d'Arc x
au Maroc : 4. morts.
Août 1908. — Explosion à bord de la « Couronne » :
9 morts.
22 septembre 1908. — « Latouche-Tréville » : 13 morts.
Bilan : 288 officiers et matelots tués. 85 millions de
pertes.
Le rapporteur du budget de la marine de cette année,
M. Chaumet, déclare que nous n'avons, à l'heure actuelle,
et malgré tant de milliards consacrés à la flotte depuis
quarante ans, que l'effectif réel suivant : cuirassés, 15;
garde-côtes, 5 ; croiseurs cuirassés, 21 ; contre-torpilleurs,
64; torpilleurs, 162; submersibles et sous-marins, 68.
Il ajoute qu'en 1916, il ne nous restera que les 6 cui-
rassés type « Patrie » du programme de 1900 — qui se-
ront a^.ors bien vieillis, et les 6 cuirassés, type « Danton »,
du programme de 1906 qui, seuls, auront moins de dix
ans d'âge. Quant aux croiseurs cuirassés, seul V « Edgar-
Quinet » et le « Waldeck-Rousseau » auront alors moins
de dix ans.
Deux ans plus tard, en 1919, il ne nous restera plus
un seul navire âgé de moins de dix ans. La France aura
cessé d'avoir une marine cuirassée. Elle ne possédera plus
que quelques vieux navires propres à constituer une esca-
dre de la mort, mûre pour un Tsou-Sbima futur... En ces
années de 1908 à 1920, l'Allemagne qui, patiemment, mé-
thodiquement, poursuit l'augmentation de sa flotte, possé-
dera autant de tonnes de cuirassés que l'Angleterre en
compte actuellement. Le Japon et les Etats-Unis auront,
à cette époque, accru leur flotte dans des proportions
pareilles.
RÉPUBLIQUE UNIVERSELLE EN VOIE DE FORMATION 611
en ces quelques mots : Messieurs, nous sommes le
pays de Faviation, le pays où elle est née et d'où
elle a pris son vol, mais nous sommes en même
temps celui , où elle n'a rien produit d'utile. L'Alle-
magne a toute une flotte aérienne, et nous n'avons
pas même un dirigeable (1).
Les forces morales de la France sont aussi amoin-
dries que ses forces physiques. Inutile de parler
de la guerre faite à la religion et à ses ministres.
La magistrature, le ministre de la justice a dû re-
connaître en mars 1910 qu'elle est « gangrenée », le
parlement ne l'est pas moins, et tout est employé
pour gangrener jusqu'aux moelles toutes les classes
de la société.
II n'y a à tout cela d'autre explication que celle
donnée par M. de Marcère : « Tout l'effort de la désor-
ganisation maçonnique se porte sur la France, pour
la réalisation d'un plan immense où nous avons le
rôle de sacrifiés.
» D'après ce plan, nous, Français, devons être les
1. La France a inventé les dirigeables et elle n'en a
pas, tandis que l'Allemagne en a trente-huit.
La France avait aussi inventé des SQUS-marins : le dé-
sordre qui a régné à la Marine a permis au secret des
sous-marins de filer à l'étranger, qui en a plus que nous.
La France avait aussi inventé la mélinite et même
un détonateur spécial pour la faire exploser : mélinite et
détonateur ont filé à l'étranger, par certains intermédiaires
suspects du ministère de la Guerre, et c'est l'inventeur de
la mélinite, Turpin, qui a expié en prison le crime d'avoir
dénoncé cette trahison.
La France a inventé le canon de 75 à tir rapide sur
affût fixe. Son inventeur primitif, le colonel Déport, a dû,
comme les officiers aérostiers, quitter l'armée pour l'in-
dustrie privée qui l'en récompense mieux que ne l'a fait
l'Etat français.
La France avait aussi organisé un incomparable service
de renseignements militaires, qui lui permettait de se
tenir sur ses gardes : les officiers qui avaient organisé ce
service ont été couverts d'opprobre.
612 l'agent de la civilisation moderne
premières victimes. Après nous, viendra le tour des
autres Puissances catholiques, puis celui des Puis-
sances protestantes qui se seront partagé nos dé-
pouilles. Alors pourra être entrepris le grand œuvre
de la République universelle avec les instruments
et par les moyens qui se présenteront à ce mo-
ment. »
CHAPITRE XLIIÏ
POUR QUELLE RACE ET PAR QUELS PEUPLES ?
Il y a quelques années, l'historien Treitschke de-
mandait :
« A qui appartiendra le sceptre de l'Univers? Qui
imposera ses volontés aux autres nations, affaiblies
ou en décadence? N'est-ce pas l'Allemagne qui aura
la mission d'assurer la paix du monde? La Russie^
colosse immense et en formation, aux pieds d'argile,
sera absorbée par ses difficultés économiques et inté-
rieures. L'Angleterre, plus forte en apparence qu'en
réalité, verra sans doute ses colonies se détacher
d'elle et s'épuisera en des luttes stériles. La France,
toute à ses discordes intestines et aux luttes des
partis, s'enlizera de plus en plus dans une déca-
dence définitive. Pour l'Italie, elle aura assez à faire
si elle veut assurer un peu de pain à ses enfants.
L'avenir appartient donc à l'Allemagne, à laquelle
viendra se joindre l'Autriche, si elle tient à vivre. »
Ainsi pense l'Allemagne.
L'Angleterre a des espérances semblables. Ayajit
l'empire des mers et étant résolue de le garder à
tout prix, aucun peuple, pense-t-elle, n'est en me-
sure de prendre sur elle l'hégémonie mondiale.
614 l'agent de la civilisation moderne
Les Etats-Unis ont la même ambition. « Le cen-
tre de gravité de l'activité humaine se déplace rapi-
dement, et dans un avenir qui n'^est pas éloigné,
l'Amérique conduira le monde. » Ainsi parle Mgr
Ireland, l'un des interprètes les plus fidèles de l'âme
américaine (1).
Qu'en sera-t-il? C'est le secret du Pouvoir occulte.
Mais c'est plus encore le secret de Dieu. En aucune
question, en aucune occasion, il n'a été plus vrai
df dire : l'homme propose et Dieu dispose. Les am-
bitions, non plus les ambitions de frontières, comme
autrefois, mais les ambitions de races sont partout
éveillées, armées, prêtes à risquer l'enjeu de l'em-
pire universel.
Le Pouvoir occulte observe depuis des siècles. Il
a ses hommes près de tous les souverains, dans
les ministères de tous les gouvernements, dans la
diplomatie et dans les armées des divers peuples. Par
eux, depuis qu'est ouverte l'ère de la Révolution,
il surveille, il suggère, il donne des impulsions aux-
quelles les Etats obéissent, celui-ci de gré, celui-là
de force.
« Les gouvernements de ce 'siècle, dit lord Beacons-
field, qui était en situation de le savoir mieux que
qui que ce soit, n'ont pas affaire seulement aux
gouvernements, aux empereurs, rois ou ministres,
mais encore aux sociétés secrètes dont il faut tenir
compte. Au dernier moment, elles peuvent mettre à
néant tous les arrangements, elles ont des agents
partout, des agents sans scrupules, elles se servent
même de l'assassinat (2), et peuvent, s'il le faut,
amener un massacre » (3).
1. Discours sur l'avenir du catholicisme aux Etats-Unis.
2. Discours prononcé à Ayles-Bury, le 20 septembre 1876.
3. L'Univers a publié, dans son numéro du 10 août
1909, une conversation que l'un de ses rédacteurs, M.
POUR QUELLE RACE ET PAR QUEL PEUPLE 615
Par ces sociétés, les gouvernements quelles favo-
risent peuvent en tout cas susciter chez ceux de
leurs voisins qui pourraient les troubler dans leurs
opérations des difficultés, des troubles et même des
révolutions.
Nous en avons eu un exemple tout récent, après bien
d'autres antérieurs qu'il est inutile de rappeler.
En 1899, à l'époque de la guerre du Transvaal,
le fils de M. Chamberlain, ministre des colonies
d'Angleterre, écrivit à l'un de ses amis une lettre qui
fut publiée par un journal suisse. Il y disait : « Pour
ce qui est de la France, outre les assurances du gou-
vernement, nous sommes garantis de toutes repré-
Edouard Bernaert, a eu avec un membre militant du parti
nationaliste russe. Celui-ci lui rappela d'abord qu'un mi-
nistre russe venait de déclarer à la tribune que le chiffre
officiel des nationalistes morts par le poignard et le revolver
était de plusieurs milliers.
Puis il ajouta :
« Du 25 août 1908 au 15 octobre, plus de trente-cinq
annonces de morts subites, dont il est facile à chacun de
relever les noms, ont paru dans le « Novoie Vremia ».
Sur ces trente-cinq annonces, vingt-cinq concernaient des
personnages militants du parti monarchiste russe. Encore,
la liste est-elle forcément incomplète. L'impression géné-
rale est que, dans toutes ces morts, la Franc-Maçonnerie
et la puissance juive ont la main...
» Tous ceux que je vous ai nommes sont morts en
moins d'un an de temps. Schvvanebach, contrôleur d'Etat,
membre du Conseil des m'inistres, un des adversaires de
Witte et un des chefs de la droite du Conseil d'Etat, se
sent tout à coup fatigué; et, sur le conseil des médecins,
s'en va à l'étranger. Il arrive à Marienbad. A peine y
est-il arrivé qu'une fièvre étrange, dont les médecins du
pays n'avaient jamais, avant ce jour, connu un cas, le
terrasse, comme celle qui, à Resen, avait terrassé Kislows-
ky. En quelques jours, il meurt (septembre 190.S). Quel-
ques jours avant lui était mort, du même mal étrange, un
autre adversaire de Witte, l'ex-contrôleur d'Etat LobkD.
» Un mois plus tard, en octobre 1908. c'est le tour, à
Weimar, d'un autre traditionaliste, George de Bartienieff,
vice-président de l'Association des hommes russes, homme
616 l'agent de la civilisation moderne
sailles de Fachoda par les événements intérieurs qui
vont s'y dérouler : si nous ne pouvons guère compter
sur l'affaire Dreyfus, qui est usée; si le procès de
la Haute-Cour ne semble pas créer une sensation
suffisante pour absorber entièrement l'attention de
la nation, nous savons que, dès la rentrée du Par-
lement de Paris, le gouvernement introduira, avec
l'appui de la majorité, différents bills contre les
catholiques, qui, par leur violence, pourront plonger
la France dans un état de surexcitation extrême;
nous savons qu'on est décidé à l'éviction de plu-
sieurs des plus importants des ordres de religieuses
et que rien que cela suffira pour nous mettre à
l'abri de ce côté-là ».
énergique autant qu'instruit, et dont la santé, quelques
mois à peine plus tôt, était citée comme un exemple. Au
retour d'un voyage à Saint-Pétersbourg, il se rend à Wei-
mar. Il y est pris d'un mal étrange. Un premier télégramme
annonce aux siens que sa température baisse; un deuxième
annonce sa mort.
» A peu près dans le même temps mourait le prince
Lobanoff-Rostowsky, membre de la droite du Conseil d'E-
tat. Mort subite, comme celle des autres; fièvre maligne
— et anonyme.
» Le cas typique s'est produit en 1907. La victime,
cette fois-là, était le vice-président de l'Union du peuple
russe de Moscou, M. Léon de Kislowsky. En janvier 1907,
s'étant rendu de Moscou à Resen pour assister à une
assemblée de nobles, il succombait, en quelques jours, aux
attaques d'une fièvre étrange, dont les médecins du pays
n'avaient jamais, avant ce jour, connu un cas. L'an-
tipyrine qu'on lui donnait pour tout remède venait, notez
ce point, d'une pharmacie juive...
» Personne, chez nous, ne s'y trompe : on se trouve en
présence d'une suite de crimes politiques. Il n'y a pas
jusqu'à l'analogie des circonstances des décès dont je
voas parle qui n'accusent l'intervention d'une volonté tou-
jours la même, employant à ses fins un moyen toujours
identique. »
En France, à l'occasion de l'attentat sur M. Real de!
Sarte, on a pu, du haut de la tribune parlementaire, rap-
peler nombre de morts mystérieuses et demander d'où
elles provenaient.
POUR QUELLE RACE ET PAR QUEL PEUPLE 617
Quel jour ces paroles jettent sur la politique géné-
rale extérieure, et en particulier sur ce qui se passe
chez nous, en cette France constamment troublée
et divisée, agonisant presque sous l'effort des traîtres,
jqui, de l'intérieur, favorisent l'étranger!
Sans doute, le pouvoir occulte a à compter avec des
vues et des volontés qui viennent contrarier les sien-
nes. Mais les- moyens dont il dispose lui permettent
à la longue de tirer également profit de ce que ces
volontés ont produit.
Peut-on par ce qui s'est passé aux siècles précé-
dents et par ce que nous avons sous les yeux, se
faire une idée de la marche que suit le Pouvoir
occulte avec le concours des puissances à son ser-
vice ?
La première œuvre a été de dissoudre la chré-
tienté, de briser l'unité catholique. Ce fut accom-
pli au XVI« siècle par les hérésies et les schismes.
La seconde, celle qui s'achève, est de subordon-
ner les nations catholiques aux nations protestantes.
Pour cela, il y a eu entente, plus ou moins ou-
verte entre l'Angleterre et la secte. Au XVIII® siè-
cle, l'Angleterre a semé les loges sur tous les points
de l'Europe. En retour les loges suscitèrent partout
les révolutions pendant lesquelles l'Angleterre put
s'élever sans obstacle au point de grandeur et de
puissance où nous la voyons. Déjà elle avait pu
s'emparer de Gibraltar, cet incomparable point stra-
tégique qui lui donnait la clef de la Méditerranée.
Elle installe ses loges de surveillance navale à Cadix,
Barcelone, Lisbonne et autres ports de mer. Sous
Louis XV et Louis XVI, elle parvient, par des moyens
identiques à ceux employés aujourd'hui, à détruire
notre flotte et à s'emparer de nos colonies. De nos
618 l'agent de la civilisation moderne
jours la complaisance ou la trahison de nos gouver-
nants lui ont sacrifié Fachoda, l'Egypte, et nos pê-
cheries de Terre-Neuve (1).
La prépondérance des nations protestantes sur les
nations catholiques se poursuivait d'ailleurs par les
guerres de îa Prusse contre l'Autriche et contre la
France, par l'annexion de l'Amérique du Sud à l'Amé-
rique du Nord au détriment de l'Espagne, par le
sacrifice qu'a fait la France de l'admirable posses-
sion du canal de Panama, qui commande les évolu-
tions économiques de l'avenir, à l'unité américaine,
et par celui de la presqu'île indo-chinoise qui sera
fait avant dix ans à l'unité asiatique.
Il semble que les conquêtes de Napoléon en exal-
tant la France, soient venues traverser ce plan. Mais,
à quoi ont-elles abouti? à rendre la Fille aînée de
l'Eglise moins grande et plus faible qu'elle n'était,
à raviner l'Europe, à abattre les frontières des petits
Etats et à semer partout les idées révolutionnaires.
En même temps qu'il abaisse les nations catho-
liques au profit des nations protestantes par la diplo-
1. Lors de la conquête de l'Algérie, sitôt suivie de
la révolution de 1830, un membre du gouvernement fit
cette déclaration au Parlement anglais : « L'Angleterre pour-
rait entreprendre une guerre contre la France. Mais il y
a un autre moyen : ce serait de rendre la possession de
ce pays inutile entre des mains rivales, ce serait de la
rendre plus qu'inutile, ce serait de la rendre préjudiciable
au possesseur... Notre pays verrait se ranger sôus sa
6ajinière, pour prendre part à la lutte, tous les hommes
qui, justement ou injustement, ne sont pas satisfaits de
la condition actuelle de leur patrie... Il existe entre les
mains de la Grande-Bretagne un Pouvoir plus terrible
'peut-être quon nen vit jamais en action dans l'histoire
humaine.
» (Ecoutez !) La conscience de posséder cette force fait
notre mérite. L'Angleterre est comme le maître des Vents
dont parle le poète :
« Celsa sedit iEolus arce. »
POUR QUELLE RACE ET PAR QUEL PEUPLE 619
matie et la guerre, le Pouvoir occulte prépare, par
la propagande des principes de 89, l'établissement
en tous pays du gouvernement républicain et de
la souveraineté du peuple (1). Lorsqu'elles jugent
le moment venu, les sociétés secrètes soulèvent les
passions, excitent les révoltes, font éclater les révo-
lutions et proclament la République. Si longtemps
que la Franc-Maçonnerie voit chez un peuple, le
monarque se prêter à l'exécution de ses desseins,
elle le soutient, elle augmente son pouvoir par une
1. N'est-il pas bien remarquable que dans les toasts
échangés à Cowes, en août 1909, entre l'empereur de
Russie et le roi d'Angleterre, oelui-ci ait déterminé les
conditions dans lesquelles Albion consentirait à prêter son
concours à son ancienne ennemie? Edouard VII a fait
comprendre que la sympathie de l'Angleterre n'irait qu'à
une Russie dotée d'une vraie Douma, c'est-à-dire d'un régime
représentatif, d'un régime reposant sur les principes de
89.
Mn peu auparavant, tout à coup, sans que l'événement
fût le moins attendu, la Turquie, elle-même, s'était méta-
morphosée en pays libéral, constitutionnel.
« J'ai posé, dit un rédacteur du Temps, à Refik bey une
question sur le rôle que, selon certains, la Franc-Maçon-
nerie aurait joué dans ces événements. Voici ce qu'il a
répondu :
« Il est vrai que nous avons eu l'appui moral de la
» Franc-Maçonnerie italienne. Il existe, à Salonique, plu-
» sieurs loges : la « Macedonia risorta » (la Macédoine
» ressuscitée), et la « Labor et Lux », qui dépendent du
» Grand Orient d'Italie; la « Veritas ». du Grand Orient
» de France, la « Perseveranza, » du Grand Orient d'Es-
» pagne, et la « Philippos » du Grand Orient de Grèce,
» celle-ci ayant un but exclusivement nationaliste. A vrai
» dire, les deux premières, seules, nous ont vraiment servi.
» Elles ont été pour nous des refuges. Nous nous y réunis-
» sions oommp' maçons, car beaucoup d'entre nous font
» partie de la Maçonnerie, mais en réalité pour nous
» organiser. De plus, nous avons pris une grande partie
» de nos adhérents dans ces loges qui, par le soin avec
» lequel elles faisaient leurs enquêtes, servaient ainsi de
» crible à notre Comité. »
620 l'agent de la civilisation moderne
bureaucratie plus concentrée et une augmentation de
puissance militaire. C'est ce qui se voit en Prusse
et aussi en Italie. Il n'en sera point toujours ainsi.
Pour l'Italie, c'est certain : elle sera mise en ré-
publique comme le seront l'Espagne et le Portugal.
Pour la Russie, la voilà déjà livrée au parlementa-
risme.
En sera-t-il de même de la Prusse, de l'Angle-
terre ?
En novembre 1872, VUnivers reçut d'une source
très sûre une série de communications fort précieu-
ses sur un conciliabule des sociétés secrètes tenu
à Locano les 29-31 octobre. Là étaient représentés
les Grands-Orients de Rome, de Naples, de Palerme,
de Florence, de Turin, de Gênes. Félix Pyat y était
délégué pour la France, Kossuth pour la Hongrie,
Klapka pour la Suisse, le général Etzel pour la
Prusse. Le général Etzel présida. Il y dit . « M. de
Rismarck est intéressé plus qu'on ne pense à tra-
vailler dans le sens de la démocratie. Pour le
moment, V Allemagne demeure forcément en dehors
du mouvement républicain ; mais la raison en est
très simple: elle n'a pas achevé son unité. Le
grand chancelier a fait une grosse besogne, et, quel-
que pressé qu'il soit, il faut du temps. Or, pendant
que la France, l'Italie, l'Espagne, tout le monde la-
tin enfin sera dans les convulsions d'une transfor-
mation sociale, il accomplira plus facilement, croit-il,
les exécutions souveraines qu'il a méditées et por-
tera le dernier coup à l'Empire d'Autriche. Cela fait,
on verra l'Allemagne entière acclamer la Républi-
que et envoyer promener son Empereur. »
Le général Etzel ajouta à ces communications : « M.
de Bismarck est à nous entièrement, et le jour où
POUR QUELLE RACE ET PAR QUEL PEUPLE 621
nous le verrons titubant, nous lui retirerons notre
confiance. Il le sait très bien. »
La secte aurait-elle voulu tout récemment faire
sentir à Guillaume II qu'il n'avait point à « titu-
ber »? (1) Le monde vit avec stupéfaction l'Allemagne
faire comparaître son Empereur devant le tribunal
des représentants et le faire condamner par eux à
l'unanimité! Un mois auparavant, qui n'aurait souri
si on lui avait annoncé la séance historique du
Reischstag ?
Reste l'Angleterre. Le Pouvoir occulte veut-il con-
tinuer à employer ses services?
Le roi Edouard VII a bien semblé dans toute sa
conduite poursuivre la résolution d'accéder à la pré-
sidence des Etats européens, vouloir réaliser l'impé-
rialisme de Chamberlain. Mais pouvait-il compter que
sera continuée l'aide que la Maçonnerie internatio-
nale a accordée à son pays depuis deux siècles?
Quelque chose de semblable, de plus grave peut-
1. Le 27 octobre 1908, le « Daily Telegraph » repro-
duisit une série de conversations de l'Empereur allemand
avec divers personnages anglais, conversations qui avaient
trait surtout à la politique étrangère de l'Allemagne de-
puis une dizaine d'années. Cette publication remua toute
l'Europe. En Allemagne, la presse de tous les partis s'em-
para de l'incident qui fit, en même temps, à la tribune du
Reichstag, l'objet de violentes discussions.
D'une façon presque unanime, l'Empereur fut blâmé.
Des discours, des articles, des caricatures, qui eussent, peu
auparavant, exposé leurs auteurs à des poursuites justi-
fiées pour délit de lèse-majesté, mirent impunément en
cause, de la façon la plus outrageante, la personne de
1 Etnpereur. Les journaux Israélites se distinguèrent, en-
tre tous. A leur tête s'est trouvé le juif Max Hardon, ré-
dacteur à la « Zukunft ». Trouvant son journal insuffisant,
il parcourut les grandes villes de l'Allemagne pour y don-
ner des conférences dont la personne de Guillaume II
était toujours l'objet principal.
Depuis nous avons vu les émeutes pour réclamer le suf-
frage universel.
6 22 l'agent de la civilisation moderne
être que ce qui venait de se passer en Allemagne
a commencé en Angleterre.
Tous les peuples, à raison du rôle que l'Angle-
terre a dans le monde, ont suivi avec anxiété les
péripéties fle la lutte électorale qui a eu lieu à la
fin de l'année 1909. Le courant révolutionnaire allait-il
emporter l'Angleterre à son tour? Asquith, Lloyd Geor-
ges et leurs collègues se montrèrent décidés à rui-
ner le pouvoir de la Chambre des lords qui, sem-
blable au sénat romain, a tendu toutes les forces
nationales à acquérir la domination des mers et des
terres les plus éloignées. Allaient-ils réussir? Le sort
futur du globe semblait dépendre tout entier de la
victoire ou de la défaite du patriciat britannique.
A l'heure où nous écrivons, rien n'est définitivement
obtenu et Edouard VII vient de mourir (1). Le mi-
1. Au lendemain de ses funérailles, Edouard Drumont
écrivit :
« Ce sera une vision q-ui demeurera inoubliable pour
ceux gui en auront été les témoins que ce cortège de sou-
verains à cheval accompagnant le cercueil d'Edouard VII :
le kaiser, le roi de Danemark, le roi d'Espagne, le roi
de Portugal, le roi de Grèce, le roi de Norvège, le roi
des Belges.
» Tout ce qui a constitué l'organisation du Passé, tout
ce gui a fait la gloire, la magnificence, l'éclat de ce
Passé, tous ceux qui furent les représentants de la société
d'autrefois étaient rassemblés là comme dans une éblouis-
sante synthèse...
» A la vision de tous ces porteurs de couronnes, accourus
pour s'associer à l'apothéose d'un des leurs, on pourrait
opposer une autre vision.
» Dans dix ans, dans cinq ans peut être, où seront les
brillants figurants de ces fêtes de la Mort? Quelles révolu-
tions auront secoué ce vieil ordre européen qui semble vou-
loir s'admirer une dernière fois lui-même dans la pompe
de ces funérailles?
» Roosevelt est là et fait songer aux Felsenburgh de
Benson dans le Maître de la Terre. M. James S. Barcus,
nous apprend le Radical, vient de publier une brochure,
■qui a beaucoup de succès aux Etats-Unis, et qui a pour
POUR QUELLE RACE ET PAR QUEL PEUPLE 623
nistère s'appuie sur une majorité où les éléments
révolutionnaires ont le rôle prépondérant. Vont-ils
emporter l'Angleterre, après qu'ils lui ont servi à
emporter les nations qui faisaient obstacle à son am-
bition? Les faits actuels ne tranchent pas la question.
Ils n'ajournent pas non plus indéfiniment la solu-
tion. Le problème est posé; il continuera d'agiter
les esprits, en Angleterre et ailleurs.
S'il a suffi de porter une main téméraire sur les
prérogatives et les privilèges de l'aristocratie pour
que la vieille Angleterre apparût ébranlée sur ses
bases, que pourrait-il advenir de l'empire d'Allema-
gne assurément moins fortement cimenté!
Aussi le Pouvoir occulte, c'est-à-dire* le gouverne-
ment secret qui dirige la race juive vers les desti-
nées auxquelles elle se croit appelée depuis tant
de siècles et qu'elle compte atteindre de nos jours,
ce pouvoir suit, on n'en peut douter, d'un regard
attentif tous les événements. Or, il semble actuel-
lement porter son attention sur le développement
de la puissance américaine et l'exaltation de ses
ambitions (1). Il n'ignore point non plus ce qui se
passe en ' Asie. Peut-être a-t-il aidé le petit peuple
japonais à battre le colosse russe. Il favorise peut-
titre : Théodore Boosevelt, premier président du Monde. —
Prophétie.
» L'auteur suppose qu'à l'issue de la Conférence tenue
à La Haye en 1900, M. Roosevelt se sera vu décerner
le titre de président des nations confédérées. Les services
qu'il a rendus à la cause de la paix, la connaissance
que sa qualité d'ex-président des Etats-Unis lui a donnée
des ConfédcratioTis sont, aux yeux de M. Barcus, des
titres suffisants pour légitimer l'élection de M. Roosevelt
au poste de premier magistrat du monde. »
l.M. Bargy, dans son livre : La Beligion dans la so»
ciété aux Etats-Unis, dit : « La République des Etats-
Unis est, dans la pensée des Juifs d'Amérique, la Jérusa-
lem future. »
624 l'agent de la civilisation moderne
être l'alliance des Etats-Unis et du Japon. Il sait*
combien de milliers d'hommes peut fournir la Chine
et combien il sera facile dans quelques années de
les jeter sur l'Europe armés des engins de guerre
qu'elle nous aura empruntés.
De son alliance avec la, Franc-Maçonnerie, l'An-
gleterre a tiré son hégémonie sur les mers, et par
elle a conquis son empire, le plus grand qui soit, qui
ait été; de son côté, la maçonnerie internationale
a mis au service du Pouvoir occulte la puissance de
destruction que l'Angleterre tenait d'elle.
Cette entente et cette collaboration seront-elles éter-
nelles? A l'heure actuelle l'une et l'autre prennent
leurs dispositions pour la prochaine conflagration.
Mais cette conflagration, si elle fait les Etats-Unis
d'Europe, ne créera point encore la république uni-
verselle; et pour achever la réalisation de son rêve,
le Pouvoir occulte médite,- peut-être, de briser avec
l'Angleterre et de traiter avec l'Amérique (1) ou
avec la race jaune.
1. M. Edouard Drumont faisait tout récemment ces ob-
servations :
« Ce dont il faut bien se pénétrer, c'est que les Etats-
Unis d'aujourd'hui ne ressemblent plus du tout aux Etats-
Unis d'il y a seulement vingt ans.
» Il y a eu, surtout depuis la guerre avec l'Espagne,
une transformation radicale des mœurs, des idées et des
sentiments de ce pays. Les Etats-Unis étaient naguère
une grande démocratie laborieuse et pacifique; ils sont
devenus peu à peu une démocratie militaire, orgueilleuse
de sa force, avide d'agrandissements et de conquêtes; il
n'y a peut-être pas dans le monde entier d'impérialisme
plus ambitieux, plus résolu et plus tenace que l'impéria-
lisme américain. Chez ce peuple, qui eût haussé les épau-
les autrefois si on lui eût parlé de la possibilité d'une
guerre avec une puissance quelconque, il n'est question
actuellement que de dissentiments, de conflits et d'aven-
tures.
» On sait les progrès énormes qu'a faits en ces der-
nières années la marine américaine. Quant au budget mi-
POUR QUELLE RACE ET PAR QUEL PEUPLE 625
La nation juive n'a d'autre moyen d'action pour
la réalisation de ses projets que la parole et l'ar-
gent. Il lui faut de plus une force. Cette force, l'An-
gleterre la lui a prêtée jusqu'ici, elle la prêtera en-
core vraisemblablement pour le prochain boulever-
sement. Mais après?
Tout homme intelligent, capable d'observer, de sui-
vre les événements, do leur demander leurs causes
et leurs suites, surprend partout les prodromes de
formidables événements qui, semble-t-il, doivent chan-
ger la face du monde.
Le Pouvoii occulte qui les a préparés en bien des
points, les conduira-t-il à son gré? Arrivera-t-il à
constituer cette République universelle qui fera du
litaire des Etats-Unis, il dépasse aujourd'hui quinze cents
millions. C'est un chiffre singulièrement significatif dans
un pays qui, il y a si peu de temps encore, ne voulait pas
entendre parler d'avoir une armée.
» Remarquez également combien l'action diplomatique
des Etats-Unis est différente de ce qu'elle était jadis. Au
lieu de se borner à maintenir l'intaiigibilité de la doctrine
de Monroë, la grande République a la prétention mainte-
nant de jouer partout son rôle de puissance mondiale. Elle
no veut pas que nous intervenions dans les affaires amé-
ricaines, mais elle intervient à chaque instant et à tout
propos dans nos affaires d'Europe. On n'a pas oubhé le
mauvais goût et le sans-gêne avec lesquels Roosevelt, il
y a deux ou trois ans, voulut s'immiscer dans les affai-
res intérieures de la Roamanie, à propos des Juifs. Il est
vrai que les Etats-Unis sont en voie de devenir une puis-
sance juive, puisque dans une seule ville, comme New-
York, il y a près d'un milhon d'Hébreux 1 Ajoutez à cela
la fermentation continue de toutes ces races juxtaposées,
mais non fusionnées, qui bouillonnent perpétuellement sur
ce vaste territoire, comme en une immense cuve': la ques-
tion chinoise, la question japonaise, la question nègre,
presque aussi aiguë aujourd'hui qu'elle l'était à la veille
de la guerre de sécession. Tout cela fait ressembler la
République américaine à un volcan gigantesque qui lance
déjà des jets de fumée et des bouffées de lave, en atten-
dant l'éruption qui ne peut manquer d'éclater tôt ou
tard... »
L'Église et le Temple. 40
626 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
juif le maître du monde ? Quelle que soit l'intelligence
avec laquelle il a su tirer parti de tout, et l'ha-
bileté avec laquelle il a. séduit les princes pour me-
ner ceux-ci, ^ leur perte et ceux-là au faîte de la
puissance rêvée, il est au-dessus de lui une plus
grande habileté, une intelligence plus pénétrante et
une puissance qui surpasse sa puissance.
Au-dessus de lui, au-dessus de tout, il y a Dieu,
Dieu tout-puissant. Il a créé le monde pour sa gloire,
la gloire inexprimable, inconcevable, qui lui sera
éternellement rendue par toutes ses créatures, sans
exception, quoique diversement, les unes en mani-
festant sa bonté, les autres en manifestant sa justice.
Jusqu'au jour des suprêmes ré tribu lions, il les laisse
à leur libre arbitre, de telle sorte cependant que
les méchants comme les bons, le mal comme le
bien, servent à l'accomplissement des desseins de
la sagesse infinie.
Ce que M. Donoso Cortès a dit du démon, nous
pouvions l'entendre ici du Pouvoir occulte : « Lucifer
n'est pas le rival, il est l'esclave du Très-Haut. Le
mal qu'il inspire ou qu'il introduit dans l'âme et
dans le monde, il ne l'introduit pas, il ne l'impose
pas sans la permission du Seigneur; et le Seigneur
ne lui laisse cette licence que pour châtier les im-
pies ou pour purifier les justes par le fer brûlant
de la tribulation. De cette sorte, le mal même arrive
à se transformer en bien sous la conjuration toute
puissante de celui qui n'a d'égal ni, pour la puis-
sance, ni pour la grandeur, ni pour le prodige; qui
est celui qui est, et qui a tiré tout ce qui est en
dehors de Lui, des abîmes du néant » (1).
1. L'Eglise et la Révolution. Un proverbe provençal
exprime la même pensée à sa manière : « Lou diable porte
pèire. » Le diable même apporte sa pierre pour l'édifice
du Seigneur ». (Voir Mistral dans son poème de Nerto.)
POUR QUELLE RACE ET PAR QUEL PEUPLE 627
Satan, la synagogue et la maçonnerie poursuivant
leur dessein avec un succès qui, sans doute, paraîtra,
à une certaine heure, se réaliser complètement. Le
Souverain Maître de toutes choses, les attend à ce
jour, pour réaliser ce que David a vu et entendu
il y a trente siècles dans l'une de ses extases pro-
phétiques : « Les nations s'agitent en tumulte, et
les peuples méditent de vains projets. Les rois de
la terre se soulèvent et les princes tiennent conseil
contre le Seigneur et contre son Oint. « Brisons leurs
liens, disent-ils, et jetons loin de nous leurs chaî-
nes », Celui qui est a,ssis dans les cieux rit et se
moque d'eux.
» Le Seigneur m'a dit : « Tu es mon Fils, je t'ai en-
gendré de toute éternité. Demande, et je te donnerai
les nations pour héritage et pour domaine les extré-
mités de la terre. »
LE TEMPLE
IL - NEF RELIGIEUSE
CHAPITRE XLIII
TRANSFORMATION DU JUDAÏSME
Faire de tous les Etats de l'ancien et du nouveau
monde les départements d'une seule et même répu-
blique, assujettir tous les peuples au gouvernement
d^une Convention tmique n'est qu'un côté du plan
que s'est tracé le Pouvoir occulte qui dirige la secte
judéo-maçonnique et par elle le mouvement révolu-
tionnaire.
Le plan entier a été exposé en 1861, dans les
Archives Israélites avec un stylet qui en grave tous
les caractères dans l'esprit (1). « Tel Jésus s'est substi-
tué d'autorité aux dieux établis et a trouvé sa plus
haute manifestation dans le sein de Rome; tel un
Messianisme des nouveaux jours doit éclore et se
développer; telle une Jérusalem de nouvel ordi-e,
saintement assise entre l'Orient et l'Occident doit
se substituer à la double cité des Césars et des Payes. »
La Jérusalem, qui doit se substituer à la cité des
1. XXV, p. 600, 651.
630 l'agent de la civilisation moderne
Césars, c'est, nous l'avons vu dans les chapities
précédents, la république universelle. La Jérusalem
de nouvel ordre qui doit se substituer à la, cité des
Papes, c'est le messianisme des nouveaux jours que
nous avons maintenant à étudier. Telles sont les deux
nefs du Temple que le Pouvoir occulte construit par
l'action combinée des Juifs et des maçpns avec lo
concours des protestants qui ne voient point que leur
haine de Rome les pousse à leur propre ruine. In-
ternationalistes, démocrales et modernistes travaillent
plus ou moins consciemment à la même œuvïe.
Dans la construction de la nef religieuse du Tem-
ple, le rôle des Juifs devient plus apparent que dans
la construction de la nef politique.
Les paroles ci-dessus rapportées fui-ent prononcées
dans l'une des premières assemblées de V Alliance
israélite universelle par son fondateur, M. Crémieux :
« Sous ce nom grotesque, dit M. Edouard Drumont,
il y eut un Nazi juif, un prince de la JuiVeriej qui
exerça l'influence la plus profonde sur l'évolution
du peuple prédestiné, et mena de fi^nt, comme un
premier ministre, la politique intérieure et la poli-
tique extérieure. » Souv^erain grand-maître du rita
écossais, Président de V Alliance israélite universelle,
Chef important de la démocratie française, Crémieux
incarna la révolution maçonnique en ce qu'elle eut
de plus complet. Il prépara et annonça hautement,
dans les dernières années de sa vie, le règne mes-
sianique, l'époque attendue depuis si longtemps où
toutes les nations seront soumises à Israël. Avant
de mourir, Crémieux indiqua l'inscription qu'il vou-
lait voir figurer sur son tombeau :
A ISAAC-ADOLPHE CRÉMIEUX
PRÉSIDENT DE l'aLLIANCE-ISRAÉLITÉ-UNIVERSELLE
TRANSFORMATION DU JUDAÏSME 631
Ce fut son œuvre, en effet, la grande œuvre qu'il
glorifiait en ces termes : « L'institution la plus belle
et la plus féconde qxii ait été fondée dans les temps
modernes. »
Telle qn'elle est constituée actuellement, car elle
a dû être précédée d'essais et d'expériences (1) —
V Alliance Israélite universelle ne date que du mois
de juillet 1860. Elle est ou^^rte au genre humain
tout entier, sous la haute direction d'Israël, son pro-
gramme est « l'anéantissement de l'erreur et du fa-
natisme et l'union de la société humaine dans une
fraternité solide et fidèle. » Sa première assemblée
générale eut lieu le 30 mai 1861. Elle est gouvernée
par un comité central qui réside à Paris. Il se com-
posait d'abord de 40 membres, il en compte main-
tenant 60, afin de donner une plus nombreuse repré-
sentation aux Juifs des contrées éloignées. A V Alliance
se rattachent d'innombrables sociétés juives répan-
dues dans le monde entier. De plus, elle agit plus
ou moins directement sur cette multitude de chré-
tiens et même de catholiques qui, nous l'avons vu,
propagent les idées qu'elle a intérêt de répandre et
travaillent à la construction du Temple par l'em-
pire que ces idées exercent sur eux et sur ceux qui
les écoutent. C'est elle qui dispose, par l'argent,
de toute la grande presse européenne, sauf de rares
exceptions. Elle eut, avant la guerre, le 3 février
1870, une assemblée, dont Edouard Drumont e cru
pouvoir dire : « Cette réunion eut l'importance his-
torique du fameux couvent de Willemsbad où furent
résolues la mort de Louis XVI et celle du roi de
1. Dès l'année 1831, il s'est formé, en Allemagne, une
association de Juifs et de chrétiens, dont le but, comme
celui de V Alliance est de fonder la civilisation religieuse,
morale et sociale des Israélites.
632 ï.'agenï de la civilisation moderne
Suède. C'est là qu'on décida l'écrasemerit de la
France. »
« Les romans publiés sur la Compagnie de Jésus,
donnent r.n peu l'idée de ce qu'est en réalité V Alliance
Israélite universelle. — C'est encore Drumont qui
parle. — Ce qui n'est pas vrai pour les Jésuites,
l'est pour elle. » Les Juifs eux-mêmes ont fait
ce rapprochement. L'un des orateurs de l'Assemblée
générale du 3 février 1870 y a dit : « En assistant
hier à votre séance, j'ai pensé au Juif errant d'Eugène
Sue, à cette scène où Rodin dépouillant sa corres-
pondance trouve des lettres ées quatre coins du
monde. La comparaison entre ces deux sociétés est
juste, quant à l'extension et à l'étendue de ses rap-
ports avec le m'onde, mais elle s'arrête là. Ah! quelle
différence entre ces deux œuvres : l'une a des res-
sorts pour opprimer, l'autre pour affranchir; l'une
s'étend pour étouffer la liberté, l'autre pour la don-
ner; l'une veut éteindre les lumières, l'autre les ral-
lumer; l'une répand le froid et la mort, l'autre la
chaleur et la vie. » (Bravos). L'Alliance se donne
le beau rôle comme le fait toujours la Franc-Ma-
çonnerie et dans les mêmes tenues. L'histoire du
temps présent et du temps passé est là pour dire
que ce n'est point à elle qu'il appartient.
L'Alliance israélite traite d'égal à égal avec les
Puissances. Elle leur envoie des notes, des protes-
tations, des ultimatum que les souverains reçoivent
avec humble docilité (1) : la France juive en four-
1. « Tout à l'heure, Israël dispersé depuis dix-huit siè-
cles sur la surface du globe, n'avait plus de centre, plus
de représentants, plus de défenseurs des intérêts com-
muns; maintenant tout est changé. Uns société florissante
(l'Alliance l. U.) et qui trouve accès auprès des trônes
LES PLUS PUISSANTS, est là toujours prête à revendiquer
ses droits, à combattre ces hommes qui sont tout à la
fois les ennemis de notre race et ceux de la lumière et de
la liberté » {Archives israélites, XIV, p. 655, 1867.)
TRANSFORMATION DU JUDAÏSME C)3S
nit les preuves et Crémitetix s'-en est vanté dans
les assemblées qu'il présidait.
Que veut-elle? que poursuit-elb? Le « Mesianisins
des nouveaux jours, la Jérusalem de nouvel ordre,
dont l'empire doit s'étendre au monde entier, de
l'Orient à l'Occident, sur les ruines de la cité des
Césars et de la cité des Papes, c'est-à-dire, de tout
l'ordre politique et de tout l'ordre religieux.
Que faut-il entendre par ce Messianisme des nou-
veaux jours?
Les Archives Israélites et VUnivcrs Israélite ïious
l'expliquent : c'est une transformation du judaïsme
qui en fera la religion de tous les peuples gouvernés
par une seule et même Convention.
Pour qui observe, l'heure où nous sommes pré-
sente le plus soudain et le plus inattendu des spec-
tacles : celui de la marche du juif.
Depuis la dispersion, depuis dix-neuf siècles, le
Juif au point de vue religieux était immobile, et
voici que tout s'ébranle, tout s'éloigne de la source
talmudique où le Juif puisait sa foi devenue im-
muable. « Aujourd'hui, dit le juif Bernard Lazare,
les Juifs d'Europe « ont oublié le sens des anti-
ques cérémonies; ils ont transformé le judaïsme rab-
binique en un rationalisme religieux : ils ont dé-
laissé les observances familières, et l'exercice de
la religion se réduit pour eux à passer quelques
heures par an, dans une synagogue, en écoutant
des hymnes qu'ils n'entendent plus. Ils ne peuvent
pas se rattacher à un dogme, à un symbole : ils
n'en ont pas, en abandonnant les pratiques talmti-
diques, ils ont abandonné ce qui faisait leur unité,
ce qui contribuait à former leur esprit. Cette mar-
che, il est vrai, est à peine sonsible dans les régions
de l'Orient; elle est d'une rapidité prodigieuse en
634 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
certaines contrées occidentales. » Il faut voir en cela,
dit M. Gougenot des Motisseaux, « le signe éclatant
d'une époque nouvelle et le présage d'événements
grandioses. »
« Voici, nous- disent les hommes du progrès judaï-
que, que les effluves de la liberté chassent devant
eux les nuages de l'immobile orthodoxie et le Tal-
mud qui, depuis son apparition avait joui d'une au-
torité inco7itestée, se voit dédaigné et repoussé. Non
seulement « l'antique code de Moïse et le Talmud
ne sont plus du goût de la majorité, mais les simu-
lacres mêmes de l'orthodoxie offusquent des my-
riades d'Israélites. » C'est un journal allemand et
protestant La Croix, qui fait cette constatation.
Un fait entre plusieurs rapportés par M. Gouge-
not des Mousseaux, montre jusqu'où va chez les
juifs libéraux, le mépris de l'orthodoxie. Un jour-
naliste belge, juif et librcrpenseur, Bérard, fut sur-
pris au théâtre par le choléra qui l'expédia hor^
de ce monde. Ses coreligionnaires de la libre-pensée
le portèrent au cimetière Israélite, et là, le grand
rabbin de Belgique, Aristide Astruc, déposa sur sa
tombe « un juste tribu dé regrets et dC estime pour
cet amant passionné de la liberté religieuse. » Le
Moniteur des solidaires traita de méprise ou d'in-
conséquence cette intervention du grand rabbin à
l'enterrement d'un libr^^penseur. M. le rabbin lui ré-
pliqua : « Bérard était maître de la libre-pensée, nous
le savions. Le judaïsme n'exclut personne de ses
temples pendant la vie, ni de ses cimetières après la
mort... Bérard a pu devenir libre-penseur en restant
Israélite. »
« On nous juge toujours au dehors, disent les Ar-
chives israélites (1), avec les habitudes d'Eglise éta-
1. XV, p. 677, année 1867.
TRANSFORMATION DU JUDAÏSME 635
blie et officielle dont le christianisme nous offre le
modèle. Nous sommes, au contraire, le type le plus
absolu de démocratie religieuse, et chacun de nous
est le juge suprême de la foi. »
La réforme ne porte point seulement sur le dogme :
les progressistes Veulent la disparition prohibitive
du sabbat, etc.,- etc. L'Univers israélité va même
jusqu'à dire : « Qui sait? Peut-être vont-ils jusqu'à
se flatter in petto, que la circoncision, ce cachet
divin que nous portons sur notre chair, selon la
poétique expression du Talmud, sera rayée par un trait
de plume (1). » En même temps, une autre feuille
juive, la Neuzeit, attaque avec violence dans l'an-
tique capitale de l'empire allemand, à Vienne, « la
vie israélité tout entière, le Talmud, le Schoulchan
Arouch, les traditions, les cérémonies religieuses du
foyer domestique. »
« Nous voulons marcher, s'écrient les voix tumul-
tueuses des réformistes. Nous ne saurions être pour
un statu quo béat et inintelligent dont il existe etn.-
core des coryphées! L'immobilité n'est, en ce mo-
ment surtout, le droit ni l'avantage de personnie.
Unir le passé au présent de manière à préparer
Vavenir par d'utiles améliorations faites à propos,
c'est le secret de la durée pour nos croyances. De-
puis un demi-siècle, on a, malgré les cris et les
protestations de ce qui s'intitule l'orthodoxie, réa-
lité nombre de changements avantageux taxés à l'ori-
gine de subversifs et d'impies, et l'on n'est pas
au bout de cette féconde transformation » (2). « Une
religion n'est à nos yeux ni une morale inflexible,
ni une matière inerte qui se prête à d'incessantes
expériences; c'est un être vivant, perfectible, ayant,
1. Univers israélité, VIII, pp. 358-359, année 1868.
2. Archives Israélites, XIX^ p. 835, 1866.
636 l'agent de la civilisation moderne
dans le passé des racines qu'il ne faut pas couper
et se renouvelant avec une lenteur nécessaire » (1).
Ces pensées sontrelles celles de tous les Juifs de
nos jours? Non; nous l'avons dit, les Juifs des con-
trées orientales sont encore à peu près ce qu'ils
étaient il y a des siècles. Mais eux aussi sont ti'a-
vaillés. Voici un fait qnii^ montre bien les influences
que Y Alliance Israélite sait employer poux amenjer,
même dans ces pays, la transforma'ion du judaïsme
et préparer l'avenir du genre humain, tel qu'elle le
conçoit, le veut 'et l'espère.
Le 10 mars 1908, M. Brice, ministre de France à
Addu-Abbeba, écrivit à M. Pichoii, ministre des Affai-
res étrangères, que le 6 du même mois, M. Roux,
consul de France, avait présenlé sur son ordre, à
Ménélick, MM. Nahoum et Eherlm. Rendant compte
de cette entrevue avec l'empereur, M. Nahoum dit :
« Je suis arrivé à parler de la renaissance d'Israël
et de la floraison de l'Ethiopie dans les temps mo-
dernes. Les Israélites continuent de marcher vers
le progrès, grâce à leur organisme vivant qui lest
V Alliance, qui, en travaillant dans ce but, travaille
aussi pour l'humanité en général. »
On voit ici le gouvernement de la France charger
ses représentants d'introduire auprès de l'empereur
d'Ethiopie les délégués de V Alliance israélite uni-
verselle, afin que ceux-ci puissent l'entretenir de cet
« organisme vivant » qui fait marcher Israël, et, en
général, l'humanité, vers le progrès.
En Occident, s'il y a des Juifs réformistes, il y a
1. Archives israélites, XX, p. 879, année 1866. Qui no
serait frappé de la ressemblance de ce langage avec celui
des catholiques modernistes condamnés par Pie X! Nous
verrons plus loin qu'il n'y a dans ces deux régions ju-
daïque et cathO''iqxie qu'ui seul et même mouvement
d'idées.
TRANSFORMATION DU JUDAÏSME G37
aussi les Juifs orthodoxes; mais les premiers sont de
beaucoup les plus nombreux et les seconds fléchis-
sent, leur orthodoxie n'est plus, que l'ombre de celle,
de leurs frères d'Orient ou de celle de tous les juifs
d'autrefois. M. Gougenot des Mousseaux. en donne
des preuves nombreuses et frappantes (1).
Cependant, remarquons-le de nouveau, il ne faut
pas croire que le juif, parce qu'il renie les croyances
de ses pères, n'est plus un juif. Tout en s© libé-
rant de sa foi, le juif conserve et maintient avec
un soin jaloux sa nationalité. Les réformistes, aussi
bien que les orthodoxes, à qtielque échelon qu'ils
se soient arrêtés, brûlent également du zèle de tenir
haut et ferme l'étendard national du judaïsme; pas
plus ceux-là que ceux-ci n'abandonnent l'idée et l'es-
poir de soumettre le genre humain tout entier à leur
joug. « Vos observances surannées, disent los réfor-
mistes aux orthodoxes, empêchent le judaïsme de se
faire accepter et nous font ainsi manqu-er un pro-
sélytisme que nous devons exercer, » en vue de cette
domination (2).
En 1886, la place de Grand rabbin de France
devint vacante. Deux concurrents se présentèrent :
Salomon Klein, grand rabbin de Colmar, orthodoxe,
et Isidore, grand rabbin de Paris, progressiste. Les
Archives Israélites se prononcèrent pour celui-ci, pour
cette raison : « Toute candidature qui nous ramener ait
à l'ancien système d'étroite casuistique, et qui pré-
tendrait immobiliser les errements talmudiques ferait
OBSTACLE A l'avenir DU JUDAÏSME, et doit être écar-
tée » (3). L'avenir du judaïsme, voilà bien ce qui
1. Les juifs, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens.
2. archives israélites, X, p. 448, année 1867.
3. Archives israélites, p. 533. Année 1868, XII..
638 l'agent de la civilisation moderne
reste plus vivant que jamais au cœur de toute la
race d'Israël, ce que tous veulent assurer. Les pro-
.gressistes prétendent avoir piis pour l'atteindre la
voie la plus sûre, et ceux qu'ils persuadent de se
mettre à leur suite se comptent par myriades de
plus en plus nombreuses.
Ce qu'ils veulent, ce n'est point seulement une
transformation du judaïsme, son appropriation aux
besoins du temps; ils ont l'ambition d'être aussi,
au sein de l'humanité, un ferment.
Le rationaliste Klubert nous le dit dans son livre :
Du Droit de la Confédération germanique: « En
face du judaïsme rabbinique ou du talmudism^, s'élève
un judaïsme réformé non rabbinique, préparé par
Moïse Mendelson. Ce judaïsme se transformera, se-
lon toute vraisemblance, en un pur déisme ou une
religion naturelle, dont les représentants, n'auront
pas besoin d'appartenir à la race judaïque » (1). Et
à quoi tend ce prosélytisme? « Chacun, suivant sa
conscience, conservera les pratiques du culbe rendu
au Dieu unique et immatériel, ou les réformera
d'après les principes d'un israélitisme libéral et hu-
manitaire. Grâce à l'ampleur de cette liberté prati-
que, le progrès jaillira et la religion universelle res-
sortira sans qu'aucune conscience ait été autrement
troublée. » (2).
Dans ces phrases, on peut voir l'ébauche du plan
de la Jérusalem de nouvel ordre, de l'israélisme
humanitaire, que l'Alliance Israélite universelle s'ef-
force de promouvoir, de la religion de l'avenir, qui,
dans leur pensée doit être le vrai catholicisme, la
vraie religion universelle.
Isilaël se transforme donc, et il dit le faire dans un
1. Kluber, 4e édition, § 516, note 4.
2. Archives Israélites, III, pp. 118-119, année 1868.
TRANSFORMATION DU JUDAÏSME 639
but de prosélytisme : « Nos observances surannées
empêchent le judaïsme de se faire accepter et nous
fait ainsi manquer un prosélytisme que nous de-
vons exercer. »
Depuis de longs siècles, Israël avait cessé de faire du
prosélytisme. Il s'y remet, et avec une telle passion, Un
tel désir de réussir, que pour amener les autres à lui,
il commence par se débarrasser lui-même de tout
ce qui le différencie.
Convaincu qu'en matière religieuse l'esprit est tout
et la forme peu de chose, le juif Hippolyte Rodri-
gue, cité par les Archives Israélites (1) s'adresse
successivement aUx trois filles de la Bible : au
judaïsme, au christianisme et à l'islamisme. Il les
exhorte et les conjure de mettre de côté les formes
extérieures du culte qui les séparent, mystères, sacre-
ments, etc., et de s'unir sur le terrain qui leur est
commun, de l'unité de Dieu, et de la fraternité uni-
verselle.
« Que partout des temples s'élèvent, r;"'cevant dans
leur enceinte, tous les hommes sans distinction d'ori-
gine religieuse! Que tous les coeurs remplis des mê-
mes sentiments d'amour, s'épanchent devant le mê-
me Dieu, père de tous les êtres. Que tous soient
nourris des mêmes principes de vertu, de morale
et de religion, et les haines des sectes disparaî-
tront, et l'harmonie régnera sur la terre, et les temps
messianiques, prédits par les prophètes, seront réa-
U Alliance Israélite universelle a été créée en Vue
de cette réalisation, et, dès ses premiers jours, elle
se félicitait du succès. « VAlUance Israélite univer-
selle commence à peine, et déjà son influence salu-
taire se fait sentir ^u loin. Elle ne s'arrête pas à notre
1. XIV, pp. 628-629, 1866.
640 l'agent de la civilisation moderne
culte seul, elle s'adresse à tous les cultes. Elle veut
pénétrer dans toutes les religions^ comme elle pénètre
dans toutes les contrées... La religion juive est la
mère des religions qui répandent la civilisation. Ainsi,
à mesure que la philosophie émancipe l'esprit hu-
main, les aversions religieuses contre le peuple juif
s'effacent... Eh bien! messieurs, conlinuons notre
mission glorieuse; que les hommes éclairés, sans
distinction de culte, s'unissent dans cette Association
israélite universelle, dont le but est si noble, si sa-
gement civilisateur... Faire tomber les barrières qui
sépai"ent ce qui doit se réunir un jour: voilà, Mes-
sieurs, la belle, la grande mission de notre Alliance
israélite universelle. Marchons fermes et résolus dans
la voie qui nous est tracée. J'appelle à notre asso-
ciation nos frères de tous les cultes; qu'ils viennent
à nous, avec quel empressement nous irons vers eux!
Le moment est venu de fonder sur une base indes-
truclible une immortelle association » (1).
« Et comme les temps sont enfin venus où les
faits s'empressent de répondre aux paroles, le plus
vaste, le plus merveilleux des temples, un temple
dont les pierres sont vivantes et douées de pensée,
s'élève pour recevoir dans son élastique enceinte,
sous la bannière à jamais sacrée de la raison, et
de la philosophie, tout ce que le genre humain ren-
ferme dans son sein de généreux, d'hostile au mys-
tère et à l'ignorance, de vrais fils de la lumière
et de la liberté. Ce temple abritera dans son enceinte
la religion juive, qui survit à tout et que rien n'ébran-
le; religion élargie et digne de Vhumayiité tout en-
tière y> (2).
1. Discours de Crémietix à VAUiance israélite univer-
selle. .
2. Archives israélites, XXIV, p. 1074, 1866.
TRANSFORMATION DU JUDAÏSME 641
M. Gougenot des Mousseaux a ainsi résumé une
page de VUnivers Israélite, (V. p. 223, 1869}. « Il ne
reste plus guère aux enfants du progrès qtu'à potasser
du pied une religion vermoulue (le catholicisme) et
le jour de sa chute se fait pressentir. » Et voici
la raison qu'il en donne : « Inaugurée par la savante
et spéculative Allemagne, la rénovation des études
théologigues s'acclimate en France, qui, grâce à son
esprit généralisateur et expansif, peut être appelée,
à faire pour la synthèse religieuse ce qu'elle fit un
jour pour la reconstitution civile et politique du
monde. Et tout Israélite doit éprouver le désir de
coopérer à cette œuvre où sont engagés ses intérêts
les plus sacrés (1).
Dans la pensée d*Israël il faut donc que, refondue,
comme le furent par la Révolution le droit et l'his-
toire, la théologie romaine s'accorde avec la phi-
losophie judaïque. Il faut que d'un 'bout à l'autre
le la terre, une croyance hoslile au surnaturel, c'est-
t-dire vraiment antichrétienne, et digne des clartés
lo la science moderne lie et cimente les uns aux
autres les membres <le la grande famille humaine.
Homme ou idée, le Messie que le juif attend, arrive,
son jour est proche.
Telle est l'ambition, telîe est l'espérance d'Israël.
Nous ne disons point du juif d'aujourd'hui, car il a
toujours eu la prétention de dominer le genre humain
tout entier; mais aujourd'hui il précise ses moyens
et se croit à la veille d'aboutir.
1. Le Juif, le Judaïsme et la jî(daisation des peuples chrét-
tiens, f. 323.
L'Église et le Temple
CHAPITRE XLIV
L'ISRAÉLITISME HUMANITAIRE
Un isiaéli isme libéral e': human; taire, Voilà donc
ce que tend à devenir la religion des Juifs. Et voilà
ce que les Juifs les plus actifs, les plus avancés,
voilà ce que V Alliance israélite universelle propose
aux hommes de toute religion et de tout pays et
ce qu'elle espère bien leur faire adopter.
Un effort bien puissant est fait en ce moment, sur
tous les points de l'univers, pour ameher le genre
humain tout entier à cette religion humanitaire. Nous
sommes loin de pouvoir exposer ici cette eonspi-
ration sous tous ses aspects, il y faudrait un au-
tre livre. Nous en dirons assez pour faire comprendre
à quelle profondeur sont sapés les fondements de la
civilisation chrétienne^ et cela sur toute l'étendue
de la terre.
L'idée d'une religion humanitaire commença à se
manifester à la même époque que celle de la Répu-
blique universelle, c'est-à-dire vers la fin du XVIIP
siècle; mais elle avait été conçue antérieurement.
Un écrivain franc-maçon, Henné am Rym dans son
ouvrage Allemeine Eulturgeschicht (T. IV, p. 214)
l'israélitisme humanitaire 643
dit : « La conception de rhumanisme, dans son sens
le plus haut et, pouvons-nous dire, tout à fait mo-
derne, fut propagée en 1641 en Angleterre par le
frère Moiave Amos Komensky qui s'y éîait réfugié et
qui y avait fait paraître en 1639 son Frodomus Pan-
sophiœ. Il professait et propageait la tolérance géné-
rale de toutes les religions et l'amour de l'humanité
se manifestant par la bienf:iisince. Animé d'abord de
l'espérance de réunir en un© seule toutes les croyan-
ces chrétiennes, quand il se fut convaincu de l'im-
possibilité de réaliser ce projet, il rejeta toute dif-
férence confessionnelle et se plaça sur la hauteur
de rhùmanité pure et dépouillée de tout préjugé.
« Dans sa Pansophiœ, Amos Komensky parle d'un
temple de la sagesse à construire et il dit : « Parce
que cette œuvre ne doit pas servir aux chrétiens
seulement, mais à tous ceux qui sont nés hommes;,
elle pourrait être nommée la Pansophie ou sagesse
humaine. »
A cette même époque, on vit un personnage dont
le vrai nom est inconnu, mais qui se fit appeler
Eyrénée Philalète, parcourir la France, l'Angleterre,
la Hollande, l'Amérique. En tous ces pays, il par-
lait d'une nouvelle religion «humanitaire» qui devait
"établir prochainement dans le- monde et compren-
dre toutes les nations. « Ses écrits, dit Claudio Jan-
net, qui renvoie à l'Histoire Hermétique de Lenglet-
Dufernoy (I, 402), ont une teinte judaïque très pro-
noncée. L'humanitarisme s'y donne déjà comme de-
vant remplacer le christianisme. »
« Au siècle suivant, observée M. Joseph Lemann (1),
le philosophisme commence à se mettre à l'exécu-
tion de ce plan d'enfer. Il y emploie deux maxi-
1. L'entrée des Israélites dans la société et les États chrétiens,
d'après des documents nouveaux, ch. IV.
G44 l'agent de la civilisation moderne
mes qui, après plus d'un siècle, n'ont rien perdu de
leur prestige : « Toutes les religions sont bonnes »,
« les Juifs sont des hommes comme les autres. » La
première de ces maximes avait pour but d'abais-
ser le christianisme, la seconde de relever les Juifs,
l'une et l'autre de préparer le terrain pour un temps
plus ou moins éloigné à la religion humanilaire; car
du moment où on n'admettait entre les religions
ni infériorité, ni supériorité, il n'y avait plus à con-
sidérer en chacun et en tous que l'humlanité et à
proclamer les « Droits de l'homimie ».
On sait comment, depuis le rétablissemeiit du culte
en France, cette égalité entre les religions fut établie,
maintenue et développée piar Napoléon qui mit les
sectes protestantes sur le même pied que l'Eglise
catholique, par Louis-Philippe qui fit entrer les Juifs
dans cette confusion, par Napoléon III qui y admit
les musulmans. Nous voyons mlaintenant comment,
sous la troisième république, la supériorité a été ré-
tablie en faveur des juifs el des protestants, qui ont
toutes les forces gouvernem3ntales à leur service pour
persécuter ceux des catholiques qui n'entrent point
dans le mouvement. Il ne pouvait en être autrement.
L'Eglise catholique possède et professe la pleine vé-
rité. Un secret instinct le dit même à ceux qui sont
les plus éloignés de nous.
Permettre à toutes les religions fausses, aux hé-
résies, aux schismes, aux monstruosités de l'orgueil
et même de l'immoralité, de vtenir se ranger sur
la même ligne, prétendre à la même considération,
c'était autoriser d'avance la ligue légale de toutes
les erreurs, de toutes les monstruosités, contre la
religion catholique, contre les établissements catho-
liques, contre la vie catholique. Cela ne s'est pas
fait attendre. Cela dépasse même tout ce que les
L^SRAÊLITïSME HUMANITAIRE 045
bons pouvaient redouter, tout ce cfae les méchants
pouvaient se promettre.
Ici encore nous nous trouvons en présence do l'exé-
cution du plan élaboré au couvent de Wilhemsbad,
Il est tout entier exprimé, dans los paroles que le
comte de Virieu, de retour de ce congrès, dit au
comte de Gilliers. Il concluait en disant combien il
serait, difficile au catholicisme de ne pas succom-
ber sous l'assaut qui allait lui être livré.
De Maistre, qui vit et prévit tant de choses, n'igno-
rait rien de ce plan. Il en avertit Alexandre I^^
dans un mémoire qu'il lui adressa en 1816, Il y dit :
«Il y a très certainement, selon toutes les appa-
rences, des sociétés proprement dites, organisées pour
la destruction de tous les trônes et de tous les
autels. »
II ajoutait que les juifs tiraient un grand parti
de ces sociétés. Il etit pu dire qu'ils en étaient
l'âme.
En 1860, l'heure sembla venue de se mettre résolu-
ment à l'œuvre; le juif Crémieux, chargé de pré-
parer les voies au règne de l'humanitarisme, institua
V Alliance israélite universelle, comme nous l'avons
vu ^u chapitre précédent.
Le moyen le plus puissant peut-être inventé pour
réaliser son programme, pour se procurer les pier-
res vivantes qui doivent entrer dans la construction
du Temple, c'est l'école neutre.
N'est-ce pas upe chose prodigieusement étonnante
que de voir tous les Elats, ca'holijues oa protestants,
monarchies ou républiques, promulguant, à peu près
en même temps, les mêmes lois pour imposer la neu-
tralité !au point de vue religieux, dans l'enseigne-
ment de la jeunesse? Comment expfiquer, en dehors
646 l'agent de la civilisation moderne
de la conjumtion • antichrétienne, un tel accord pour
une chose si nit)nstrueuse, let dont les effets ont
été bientôt si funestes, que plusieurs Etats se sont
hâtés de corriger leur législaiion sur ce point?
Mais laussi, quoi de plus efficace que cette neutralité
scolaire pour atteindre le but visé par V Alliance
Israélite universelle? Les enfants élevés dans l'igno-
rance des vérités religieuS'es appartiennent par le fait
à risraélitisme libéral et; humanitaire; ils sont les
éléments tout faits de la « religion universelle », de
ce « catholicisme » qui perme'tra l'accomplissement
des destinées d'Israël.
La preuve que le Juif est l'instigateur de ce mou-
vement, nous la trouvons dans le livre qu'a pu-
blié un inspecteur d'Académie, M. Pajot.
Après avoir dit que les élèves des écoles norm^iles
y perdent infailliblement la foi et qu'il est par consé-
quent nécessaire de remplacer la foi « par une forte
culture morale indépenda7ite de tout enseignement
confessionnel, » il prend le langage de V Alliance Israé-
lite universelle, et il dit : « Que cette culture morale
est aussi une foi, une religion, mais une religion
supérieure à toutes les autres, et dans laquelle elles
peuvent et doivent se confondre. A côté, et nous ne
craignons pias de dire au-dessus des religions qui
divisent les esprits, il y a place pour une religion
vraiment universelle, acceptable pour tous les es-
prits pensants et qui renferme les religions parti-
culières comme le genre renferme les espèces 1 (1) »
N'est-ce point mot pour mot le langage des Ar-
chives israélites et de V Alliance israélite universelle 'f
Cette conformité de 'langage, de pensées et de vœux
entre ce fonctionnaire de l'Université et la grande
l._ Avant d'entrer dans la vie. Aux instituteurs et insti-
tutrices, consd's et directions pratiques.
l'israélitisme humanitaire 647
machine vivante et parlante construite par les juifs
modernes pour broyer tout ce qu'il y a de positif en
toute religion quelle qu'elle soit, n'est-elle pas bien
digne d'attention?
La tâchie que l'Alliance Israélite universelle s'est
donnée à accomplir, pour préparer l'édification du
Temple, est donc d'introduire dans le catholicisme et
en ce qui reste de ferme dans les autres religions,
des éléments de dissolution qui les amèneront à
se confondre toutes dans une Vague religiosité hu-
manitaire.
Les dogtoeis forment^ pour ainsi dire, l'ossature
des religions, et c'est aussi par eux qu'elles se dis-
tinguent et se tiennent séparéies les unes des autres.
Le grand effort des apôtres de la religion humani-
taii^e doit donc être de les fa^ire disparaître. Il s'y
porte en effet. Un synode protestant tenu à Clairac,
en octobre 1903, exprimait parfaitement leur des-
sein et leur but dans ce vœu : «Que les baniè-
res soient abaissées entre les Eglises, afin de faciliter
la collaboration fraternelle au service de l'huma-
nité. »
C'est en Amérique surtout qu'a pris corps le pro-
jet de l'élablissément d'une religion huraani'aire, de-
vant se substituer aux religions existantes. Depuis
longtemps on y ti^av'aille à abaisser les barrières dog-
matiques et à unifier les confessions de façon à favo-
riser les voies à l'humanitarisme.
Le terrain est propice. D'après le P. Forbes, S. -.T.,
dent cinquante sectes officiellement inscrites com-
prennent sept à huit millions de protestants, mem-
bres actifs des Eglises aristocratiques. En dehors
de ces Eglises officielles, il y a quarante-cinq mil-
lions d'indifférente.
648 l'agent de la civilisation moderne
Pai'mi ceux qui ont conservé le sentiment reli-
gieux, il en est beaucoup qui sont empoi-tés p^
les sectes les plus échevelées. Enfin, on compte en
Amérique huit cent mille francs-maçons (1) et dix
millions de spirites. Dans un tel milieu, l'humanita-
risme peut se donner carrière.
Dans cette miasse d'infidèles, voici d'après le Ca-
tholio Directory de Milwaukee, la population catho-
lique des Etats-Unis. Elle était en 1906, de 12.651.944,
soit 189.131 de plus que l'année précédente. Le nom-
1. En octobre 1905, VAlpi}m, publication maçonnigue in-
ternationale, lançant l'idée de célébrer, en 1917, par unij
fête générale à Londres, le deux centième anniversaire de
la création de la Franc-Maçonnerie en Angleterre, donna ce
renseignement : « Le grand développement qu'a pris la
F. • .-M. • . 'dans les Etats-Unis d'Amérique est démontré
par le fait que plus de 87 o/o des membres de la Chambre
des représentants et 80 o/o des sénateurs appartiennent à des
loges. »
A l'occasion de la dernière élection à la Présidence des
Etats-Unis, le Saint-Paiil-Wanderer (no 2123) publia un
article qui fut reproduit par le CathoUc Fortnightly Beview
de Saint-Louis. Il y était dit que les deux candidats, MM.
Bryon et Taft, étaient l'un et l'autre francs-maçons. Et la
Vérité de Québec ajoutait que depuis la fondation des Etats-
Unis, la règle, sauf de rares exceptions, a été que leurs
Présidents appartinssent à la Franc-Maçonnerie. Le premier,
Washington, a été élu d'abord secrètement par ses frères
avant d'être désigné au choix populaire. Le F.-. Limou-
sin, parlant dans un journal du rôle considérable que la
Franc-Maçonnerie joue aux Etats-Unis, écrit : « Elle a été
le moule où s'est formée la société américaine ».
Le nombre des Francs-Maçons aux Etats-Unis que nous
reproduisons ci-dessus est celui qui a été donné par le
P. Forbes. Mais le l«r mars 1908, le CathoUc Forttiightly
Beview affirmait, d'après l'Encyclopédie des Fraterniié.'i
d'Amérique, que les Loges maçonniques seules augmentent
annuellement d'une moyenne de trente mille membres, hom-
mes et femmes, et que le chiffre actuel de toutes les so-
ciétés secrètes à tendances antichrétiennes : Loges des trois
Rites, Triangles sataniques, loges socialistes et anarchistes,
Odd Fellows, chevaliers de Pythias, etc., etc., peuvent s'éle-
ver aux Etats-Unis à plus de huit millions, y compris
les sœurs de toute espèce.
l'israélitisme humanitaire 649
hre des membres du clergé, régulier et séculier, est
de 14,484, se décomposant ainsi : séculiers, 10.789;
réguliers, 3.695. Un caMinal, 14 archevêques et 90
évêques. Les églises sont au nombre de 11.814. Et
1.066.207 fréquentent 4.281 écoles. Ces chiffres ne
s'appliquent qu'aux Etats-Unis continentaux, et ne
tiennent compte ni de Porto-Rico, ni des Philippines.
Plus que le nombre, ce qu'il importe de connaître,
c'est la disposition d'esprit.
Un livre a été publié récemment : La religion dans
la société aux Etats-Unis, par un écrivain français,
M. Henry Bargy. M. Brunetière, dans un article qu'il
publia len décembre 1902 dans la Bévue des Deux-
Mondes, lui rend ce témoignage qu'il a 1res habi-
lement décrit les transformations qui s'opèrent en
ce moment même au sein du pro!estantisme. M. Bru-
netière marque ainsi le terme de cette transforma-
tion : « L'évolution qui prépare en Amérique l'unité
du christianisme est un effet du positivisme ». En
effet, dans la pensée d'Auguste Comte, « religion »
et « sociologie » ne font qu'un. Sa sociologie n'est
qu'un effort pour réaliser le royaume de Dieu sur la
terre; c'est-à-dire diviniser l'homme ou humaniser
Dieu. » M. Bargy donne de cette évolution ^— et
nous les ferons connaître d'après lui — les origines,
le développement et le caractère. Le résultat est ce
qu'il appelle parfois la religion américaine, d'au-
tre fois LA RELIGION HUMANITAIRE.
La Religion américaine, telle qu'elle nous est pré-
sentée dans ce livre, n'est point tout à fait ce que
M. l'abbé Klein, dans sa Vie du F. Jlecker, et, après
lui, Mgr O'Connell et Mgr Keane, ont baptisé du
nom d'américanisme (1). L'américanisme est ce que
1. Voir V Américanisme et la conjuration an tî chrétienne,
pp. 306-308.
650 l'agent de la civilisation moderne
quielques catholiques ont laissé entrer dans leur ca-
tholicismie de l'idéal religieux américain; mais cet
idéal ne se réalise complètement que dans les ssctes
protestantes qui se partagent les populations de l'Amé-
rique, et dans le judaïsme libéral.
De cet « idéal américain », ou de celte « religion
américaine, » M. H. Bargy donne cette définition par
le fait : « Toutes les Eglises des Etats-Unis, pro-
testantes, catholiques, juives et indépendantes ont
quelque chose de commun. Elles sont plus voisines
entre elles, qfue chacune d'elles ne l'est avec son
Eglise-mère d'Europe; et l'ensemble de toutes les
religions d'Amérique forme ce que l'on peut appeler
la religion américaine. » Ces lignes sont les premières
qlii se lisent en tête du livre de M. Henri Bargy.
Le livre tout entier est pour démontrer le bien fondé
de cette assertion.
Nous avons à faire, dès maintenant, des réserves
sur la miention de l'Eglise catholique au milieu des
Eglises protestantes et juives. Il n'est point vrai de
dire que l'Eglise catholique en Amérique est plus
voisine des sectes protestantes que de l'Eglise ro-
maine; mais il est exact que des chrétiens qui con-
servent le nom de catholiques se rapprochent trop
des protestants, — en Amérique plus qu'ailleurs. La
facilité aviec laquelle les familles catholiques con-
fient l'éducation de leurs enfants aux Universités
neutres ne fera qu'aggraver le mal. Le R. P. B.
Caselly, S. J., dans un article reproduit par le Ca-
thoUe Morrer de Baltimore, a dit en avril 1906 :
« Il y a en ce moment au moins deux mille étudiants
catholiques, garçons et filles dans ces Universités. »
Les origines de la Religion américaine doivent ê'ie
attribuées, selon M. Bargy, aux Puritains. Le terme
l'israélitisme humanitaire 651
en sera dans un christianisme élargi jusqu'à l'hu-
mani taris me.
Il croit pouvoir poser ces deux assertions : « La
République des Etats-Unis est, dans la pensée des
Juifs d'Amérique, la Jérusalem future ». « L'Amé-
ricain croit sa nation Velue de Dieu ». Et il ajoute :
Dans cette confiance patriotique des Américains, les
Juifs ont reconnu la leur. Leur orgueil national est
venu s'appuyer sur celui de leurs nouveaiux com-
patriotes. Les uns comme les autres attendent de
leur race le salut de la terre (1). »
1. M. l'abbé Klein, dans le récit qu'il publia dan s le
Correspondant (10 février et 10 mars 1904) de son voyage
en Amérique, reconnaît qu'il y a six cent mille juifs
dans la ville de New-York. Il ajoute, il est vrai, que c'est
la moitié de ce qu'il y a dans les Etats-Unis; mais les gens
bien, informés assurent, au contraire, que la même propor-
tion se retrouve dans les autres villes de l'Union.
Cette émigration des juifs aux Etats-Unis répond bien
à oe que dit M. Bargy, que la République des Etats-Unis est,
dans la pensée des juifs d'Amérique, la Jérusalem future.
Un journal juif, la Zntung des Judenstams, dans son
numéro du 13 octobre 1905, laisse entendre que les Juifs
finiront par conquérir le Nouveau-Monde. « Dans un tel
pays, avec des possibilités illimitées, où il n'y a pas de
religion d'Etat, et où on ne vous demande ni votre origine
ni votre nationalité, un peuple actif, sobre, studieux et
plein d'initiative peut aller loin... Actuellement, le nombre
des Juifs se trouvant au premier plan de la vie publique, est
de plus de 900. Le fait est d'autant plus réconfortant qu'il
n'y a qu'un petit pour cent de la population juive qui
vive depuis plus d'un âge d'homme aux Etats-Unis; et ce-
pendant il fiaut au mcins un âge d'homme pour jouer un rôle
dans la vie d'un peuple. »
Ce quo non ascendum est digne d'attention. A la suite de
la campagne menée par les Juifs en 1907 pour l'abolition
de la fête de Noël da.ns les écoles des Etats-Unis, le Central
cathoHc publia ce défi porté à la chrétienté par le juif Israël
Rosenstoin : « Si les chrétiens s'irritent et veulent renverser
l'ordre donné par la Commission scolaire de New-York,
les .forces juives coahsées peuvent précipiter une terrible
catastrophe financière, dont l'issue sera que nous attraperons
plus encore que ce que nous demandons maintenant! »
652 l'agekt de la civilisation moderne
Cet orgueil national est partagé même par des
membres du clergé.
« Dans le cours de l'histoire, a dit Mgr Ireland,
la Providence a choisi tantôt une nation tantôt une
autre, pour servir de guide et de modèle au progrès
de l'hiimaniié. Qjand s'ouvril l'èra chrétienne, c'était
Rome toute-puissante qui menait l'avant-garde. L'Es-
pagne prenait la direction du monde à l'heure où
l'Amérique s'apprêtait à entrer dans la famille des
peuples civilisés. Maintenant que commence à poin-
dre sur V horizon ïère la plus grande qu'on ait en-
core vue, de quelle nation la Providence va-t-elle
faire choix pour guider les destinées de V humanité ?
Cette noble nation, je la vois qui m'apparait.
Géante de stature, gracieuse dans tous ses traits,
pleine de vie dans la fraîcheur et le matin de sa jeu-
nesse, di^ne comme une matrone dans la prudence de
sa démarche, les cheveux ondulants au souffle chéri
de la liberté, c'est elle, on n'en saurait douter en
la voyant, c'est elle la reine, la conquérante, la
maîtresse, l'iNSTiTUTRiCE des siècles a venir... Ses
enfants lui sont venus de tous les pays; ils ont
construit un monde nouveau, un monde qui incarne
en lui les espérances, les ambitions, les rêves des
prêtres et des voyants de l'humanité.
» La nation de l'avenir 1 ai-je besoin de la nom-
mer? Nos cœurs frémissent d'amour pour elle.
» 0 mon pays, c'est toi.
Douce terre de liberté,
C'est toi-même que je chaate » (1).
Les Juifs ont dit : « Le développement et la réa-
lisation des principes modernes sont les conditions
les plus énergiquement vi'ales pour l'extensijn expan-
1. Voir V Américanisme et la conjuration anti chrétienne,
pp. 187-190.
l'israélitisme humanitaire G53
sive et le plus haut développement du judaïsme (con-
cile juif de 1869).
De leur côté, les Américanisles nous disent : « Les
idées américaines sont celles que Dieu veut chez
tous les peuples civilisés de notre temps. »
« L'influence de l'Amérique, continue Mgr Ireland,
s'étend au loin parmi les nations, antant pour la
solution des problèmes sociaux et politiques que pour
le développement de l'industrie et du commerce. Il
n'y a point de pays au monde qui ne nous emprunte
des idées. L'esprit de la liberté américaine déploie
son prestige à travers les océans et les mers, et
prépare le terrain pour y planter les idées et les
mœurs américaines. Cette influence croîtra avec le
])rogrès de la nation. Le centre de gravité de l'acti-
vité humaine se déplace rapidement, et da7is un
avenir qui n'est pas éloigné, I'Amékique conduira
LE MONDE ». (L'avenir du catholicisme aux Etats-
Unis).
M. Bargy ne prête donc pas gratuitement ses pen-
sées aux autres, lorsqu'il dit que les Américains
voient le salut de la terre se préparer dans « l'évolu-
tion religieuse qui^se fait sentir aux Etals-Unis, et qui
prépare une religion de l'humanité où viendraient
se confondre toutes les religions existantes. » On
a lu les premières lignes du livre, celles-ci sont les
dernières. Le livre tout entier marque les phases de
cette évolution.
M. Bargy fait remonter les origines de la religion
américaine à l'époque où, sur d'autres indices, nous
avons reporté nous-même les origines de l'humani-
tarisme, c'est-à-dire au XVII^ siècle. « Le christia-
nisme américain, dit M. Bargy, a reçu des premiers
colons son caractère. La colonisation par les Puritains
date de leur émigration en Hollande où ils vécurent
654 l'agent de la civilisation moderne
douze ans avant de passer en Amérique. C'est en
Hollande qu'est né le christianisme américain. La
premièro Eglise protss'ante d-i Nouveau-Monde, celle
de Plymouth (1620), ne fut autre que l'Eglise de
Leyde fondée en 1608 aux Pays-Bas par des sépara-
tistes anglais sous la conduite de John Robinson.
L'histoire de l'Eglise de Leyde, c'est déjà l'histoire
des Eglises d'Amérique : « Un effort vers plus de
tolérance pour plus de solidarité ». « Le traité de
la communion religieuse », écrit en 1612 par Ro-
binson, est le premier témoignage d'un esprit nou-
veau en religion... Robinson mit son Traité sous
l'invocation de saint Paul, cet apôtre de la tolérance
dont s'inspirent tant de prédicateurs du Nouveau-
Monde (1). »
Quel est cet esprit nouveau en religion? On vient
de le dire, c'est un esprit de tolérance en ce qui
concerne le dogme, afin d'arriver à une plus par-
faite solidarité entre les hommes de toute race et
de toute condition. C'est donc un esprit humanitaire.
« La religion des Puritains est faite pour l'homme
et non pour Dieu. Ils sont dévots de la religion
en ce qu'elle a de social,; ils n3g!i^eiit ce quelle a de
dogmatique. »
Ce fut d'abord comme un instinct qui gagna l'une
après l'autre toutes les sectes protestantes résidant
en Amérique. De 1820 à 1830 ce devint, avec Chan-
ning, un système philosophique qui prit le nom d'Uni-
tarisme. Son auteur le caractérise : « Une religion
qui refuse de se définir. » Son seul dogme est l'in-
différence aux dogmes. « Nous n'avons suivi qu'un
système : exclure la controverse ». Ayant ainsi écarté
la vérité révélée, il fit de sa religion une philan-
1. M. Bargy fait ici allusioa à la Congrégation des Pau-
listes fondée par le P. Hecker.
L'ISRAÉLITISME HUMANITAIRE 655
thropie : « Le perfectionnement de l'homme par le
perfectionnement de la société. »
De 1830 à 1840 se forma le groupe des Transcen-
dantalistes. « A côté des Unitaires et plus haut qu'eux,
dit M. Bargy, ils incarnent ce qui caractérise l'Amé-
rique : l'union du sentiment chrétien et de la raison
positive; ils réconcilient l'esprit évangélique et l'es-
prit rationaliste en les faisant servir tous deux à
l'action sociale... Conciliateurs par excellence, ils per-
soiinifient l'horreur américaine des controverses et
des polémiques... Ils concilient toutes les contradic-
tions apparentes : chrétiens et rationalistes, individua-
listes et socialistes. Ils sont typiquement améri-
cains. »
« L'influence des Transoendantalistes, dit encore M.
Bargy, comme celle des Unitaires, s'est répandue par-
tout : on la reconnaît dans- les sociétés de culture
morale, dans les Eglises libérales, et même dans
les Eglises orthodoxes; dans la littérature et le jour-
nalisme; dans l'éducation, dans • le courant d'idées,
insaisissable et tout-puissant, qui fait la façon de
sentir et de penser d'un peuple. »
Après avoir passé des Puritains aux Unitaires et
des Unitaires aux Transcendantalistes, le christianis-
me américain a trouvé son terme dans la « Société
de culture morale », Society for Ethical Culture.
C'est le type de l'Eglise sans dogme. Elle n'enseigne
plus à mourir, mais à vivre; elle est une école d'éner-
gie pratique, qui fait, du perfectionnement de l'homme
par le perfectionnement de la société, l'objet même
du christianisme transformé. En un mot, le christia-
nisme dans la transformation que la religion huma-
nitaire veut lui faire subir, ne sera rien autre chose
que le socialisme.
650 l'agent de la civilisation moderne
« La vraie forme et la forme vraiment moderne de
la religion^ dit un jeune publicisle italien, M. Guillaume
Ferrero, c'est le socialisme allemand » (1).
Et M. Brune tière reprend : « Pourquoi le « socia-
lisme iallemand »? C'est le « socialisme » en général
qu'il faut dire — • en France aussi bien qu'en Alle-
magne, en Italie comme en Angleterre, le socialisme
sans épithète, le socialisme des foules : je veux dire
le socialisme considéré, non dans les programmes ou
à travers l'éloquence des politiciens qui s'en font
une carrière et une voie d'accès aux jouissances du
pouvoir, mais dans les aspirations de ces masses
populeuses qu'agitent, que soulèvent et qu'entraî-
nent ses prédica'eurs. Moins français, plus international
et plus universel que notre rév^olution, ce que le so-
cialisme aspire à réaliser, c'est proprement « le
royaume des cieux » sur la terre, c'est le rêve de
l'universelle fraternité dans l'universel amour. Ce n'est
point après la mort, ni dans une autre vie, dont
celle-ci ne seiait que la voie douloureuse, mais sur
terre et demain, que le socialisme promet à ses adep-
tes la réalisation du royaume des cieux... Ce qu'il
y a de certain, c'est que ces espérances n'étant pas
conçues comme immédiatement réalisables, maïs dans
un avenir indéterminé, l'enthousiasme qu'elles ins-
pirent à ceux qui les partagent est lui tout seul
une manière de religion (2). »
Le socialisme est bien, en effet, la forme concrète
de la reUgion humanitaire; ou, si l'on veut, le terme
de la civilisation moderne, si elle parvient à supplan-
ter pour un temps la civilisation chrétienne.
1. M. Gougenot des Mousseaux (p. 97) dit, que dès l'an-
née 1831, il s'est formé en Allemagne une association de
juifs et de chrétiens doat le but est de fonder la civilisation
religieuse, morale et sociale des Israélites.
2. Revue des Deux-Mondes, décembre 1902, p. 873.
CHAPITRE XLV
D'AMÉRIQUE LA RELIGION HUMANITAIRE
SE RÉPAND EN EUROPE
La « Société de culture morale » avait été fondée
à New- York par M. Félix Adler, chargé de cours , à
l'Université Cornell. Bientôt des sections ou asso-
ciations semblables furent établies en 1883 à Chi-
cago, en 1885 à Philadelphie, en 1886 à Saint-Louis.
D'Amérique, le mouvement se propagea en Europe.
M. Fouillée représente la France dans l'organe pu-
blié pour toutes ces sociétés, l'International Journal
of Ethies, qui fut créé à l'instigation de M. Adler.
La société de Londres (1891) fut l'œuvre d'un Amé-
ricain, M. Stanton Coit. En 1895, une société fut
fondée en Autriche, à Vienne, et une en Suisse. Celles
de l'empire Allemand furent fondées par Adler lui-
même, et elles sont au nombre de seize.
Faut-il y rattacher l'association des « cogitants », dont
la presse nous a révélé l'existence à l'occasion du
congrès qu'ils tinrent à Berlin en juin 1899?
Le but paraît bien le même, c'est de réuniç les
« partis de réforme religieuse et sociale », et de « fon-
der la religion de l'avenir. » Leur président est aussi
un Juif. Comme moyens d'atteindre cette fin, le con-
L'Église et le Temple. 42
658 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
grès a préconisé, lui aussi, « la libération d8 la con-
trainte dogmiatique », la création d'une religion affran-
chie du dogme. Il a 'adopté la résolution que voici :
« Considérant que la vieille foi, par suite de sa
contradiction avec la science moderne, est condamnée
à disparaître tôt ou tard, le congrès pour l'union
des partis de réforme religieuse et sociale exprime
le vœu que le gouvernement ne reconnaisse plus à
l'avenir l'organisation ecclésiastique traditionnelle (1).
» En second lieu, le congrès invite tous ceux qui
pensent librement à donner leur adhésion à la reli-
gion de la science et de la conscience progressives,
c'est-à-dire à la religion des « cogitants », afin de hâter
le triomphe de l'idée correspondant à l'esprit mo-
derne.
» Enfin, lé congrès estime qu'il est nécessaire de
faire sans retard de l'agitation en ce sens dans toute
l'Allemagne. »
Nous ne savons si les « cogitants » se ramifient
dans les autres pays; mais il existe, sur tous les
points du monde, une association qui n'en diffère
guère : Les Unions chrétiennes des jeunes gens. La
Réforme Sociale en a parlé dans son numéro du
l^r juillet 1893, dans celui du 16 novembre 1896^
dans celui du 1^^ juillet 1902 et dans celui du 16 fé-
vrier 1903. Ce dernier numéro a publié une commu-
nication faite par M. Em. Sautier, secrétaire général
de cette association pour la France.
Voici les renseignements que nous trouvons là et
ailleurs :
Ces Unions, fondées il y a un demi-siècle, se sont
rapidement développées sur toute la surface du globe.
Un employé de commerce, Georges Williams, fonda
1. C'est chose fait on France par la loi de séparation
de l'Eglise et de l'Etat.
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE 6Ô9
la pi^mière Union anglaise en 1844 et fut appelé
le « Père des Unions ». Cook fonda l'Union de Paris
en 1852. En 1906, l'œuvre comptait en France, cinq
mille membres répartis entre 113 Unions. Il y a des
Unions paysannes dans le Gard, la Charente et la Ven-
dée, des Unions ouvrières à Roubaix et au Creu-
sot. Les Unions sont fédérées en groupes régionaux,
dont les réunions forment l'Alliance française. L'Al-
liance française n'est qfu'une province de l'Alliance
internationale, qtii comptait alors 7.000 Unions com-
prenant 600.000 jeunes gens.
En 1878, la huitième « conférence universelle »,
réunie à Genève créa un comité central international
qui comprend onze membres. 11 est inspiré lui-même
par une Commission délibér'ative composée de vingt
et un conseillers, appartenant aux nationalités sui-
vantes : Amérique, Allemagne, Autriche, Belgique, Da-
nemark, Espagne, France, Grande-Bretagae, Hollande,
Hongrie, Indes, Italie, Japon, Norvège, Océanie, Russie,
Suède et Suisse (1).
L'âme de tout groupement est son secrétaire gé-
néral, et le lien fédératif entre toutes les Unions
est constituée par ces secrétaires. Ils doivent être
de 5 « apôti^s adroi's et expérimen'és ». Depuis 1899
les secrétaires généraux échangent en des « confé-
rences » les résultats de leur expérience person-
nelle (2).
1. L'Alliance universelle des Unions chrétiennes a ainsi
dressé sa statistique :
unions membres secrétaires bâtiments valeurs
1907 : 7031 761056 2604 1001 201667821 fr.
1908 : 7835 8(30573 2864 1067 221997140 fr.
2.807 Unions (avec 103.981 membres), ne sont pas ra: ta-
chées à l'Alliance universelle.
En France, l'Alliance compte 125 Unions, 32 groupes
indépendants et 15 associations d'étudiants ou de lycéçns.
^ 2. Voir Les cinq premières années des Unions chrétiennes de
jeunes gens de France, par Roger Merlin.
660 l'agent de la civilisatioiN moderne
Il y a trois catégories de secrétaires généraux :
1*^ Les secrétaires 'permanents, véritables ministres,
qui ont sous leur direction un territoire considéra-
ble; 2° Les secrétaires itinérants, visiteurs de grou-
pes, fondateurs de sections nouvelles; 3° Les secré-
taires locaux, placés à la tête d'une Union et en
faisant leur chose. Une allocation de 6.000 à 15.000
francs les dispense de tout souci d'avenir, en même
temps que la haute considération que leur témoigne
la Société protestante les entretient dans leur dévoue-
ment et les récompense de leurs efforts. Il y a quel-
ques années a été créée à Springfield une véritable
Ecole normale, à eux destinée, et où on les pré-
pare à leur futur apostolat. A l'heure actuelle, un
huitième des secrétaires d'Unions chrétiennes sort de
cette maison et le nombre ira en augmentant. Une
autre école a été fondée à Genève, en 1896 et plu-
sieurs en Amérique. Pour ceux qui ne sont point
formés dans ces écoles, on les attache comme auxi-
liaires à l'un de leurs aînés, qui a mission de les
former.
On compreaid la puiss^ce d'une telle organisa-
tion.
Les Unions favorisent le mélange des classes,^ mais
elles associent aussi entre eux les jeunes gens que
rapprochent les communautés d'intérêt; de travail ou
d'études. C'est ainsi qu'il existe des Unions chré-
tiennes pour les étudiants, jusque dans les Univer-
sités des 'pays d'Extrême-Orient. A Tokio, à Nan-King,
à Péking, à Séoul en Corée, à Calcutta, il existe des
associations exclusivement composées d'étudiants chi-
nois, japonais, indous ou coréens (1). Il y en a aux
1. VElan, daas son numéro du 1er avril 1901, donnait
cette information :
« Les Unions japonaises projettent d'entreprendre Une
œuvre spéciale parmi les soldats tant que durera la guerre.
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE 661
Etats-Unis pour les employés de chemins de fer.
En France, elles sont particulièrement établies dans
les villes de garnisons, et à chacune de ces Unions
est annexée une œuvre militaire que l'on se garde bien
de mettre en interdit. La France chrétienne (numéro
du 28 janvier 1904) affirme que ces Unions et les
œuvres militaires annexées reçoivent, de bienfaiteurs
américains, les capitaux qui leur permettent de fonc-
tionner et de faire de la propagande.
Il y a même des Unions chrétiennes de jeunes
filles. C'est ce que nous a appris le Chrétien belge,
dans son numéro du 4 juin 1904. Il informait que
le lundi de la Pentecôte, une centaine d'unionistes
s'étaient réunis dans le temple de Charleroi. Un rap-
port sur la marche de ces Unions qui fut lu, montre,
dit ce journal protestant, que cette marche est « ré-
jouissante ». L'assemblée a ensuite applaudi au pro-
jet d'une fédération des trois groupes sectionnaires,
Hainaut, Brabant, Liège.
Les protestants unitaires ont institué à Genève, en
1900, un Corïiité international et des Conférences
universelles.
Après avoir tenu ses congrès œcuméniques à Lon-
dres et à Amsterdam, l'Unitarisme a choisi Genève
Lo héros de la bataille de Chemulpo, le oontre-amiral
Uriu, a été, pendant deux ans, président de l'Union Chré-
tienne des Jeunes Gens, pendant qu'il fréquentait l'Ecole
navale d'Annapolis aux Etats-Unis. M. Kataoka, qui vient
de mourir, était président de la Chambre basse du Parle-
ment japonais et président de l'Union de Tokyo. »
A l'occasion de la guerre, les protestants ont étabH des
te7ites unionistes en Mandchourie. La première a été ins-
tallée à Antoken, vis-à-vis de Wiju. Elle peut contenir
deux cents soldats et porte en grands caractères l'ins-
cription Union chrétienne des jeunes gens. Le soir, la
môme inscription se lit sur une quantité de lanternes ja-
ponaises; quatre grands drapeaux japonais sont déployés
dans certaines occasions. Les secrétaires de l'œuvre sont
au nombre de trois.
662 l'agent de la civilisation moderne
comme siège de la troisième de ses assemblées, qui
s'est tenue en ceftte ville au milieu de septembre
1905. Le nom officiel de l'assemblée était Congres in-
ternational du Christianisme libéral et progress'f. Le
Comité genevois d'organisation estime que «la haute
importance d'une réunion pareille dans l'antique cité
de Calvin ne saurait échapper à aucune des âmes
de la tendance unitaire. Il compte sur le concours
dévoué de tous ceux auxquels est chère l'indépendance
absolue de la prière religieuse » (1).
Le Christianisme au XX^ siècle, dans son numé-
ro du 17 mars 1904, avait fait savoir qu'une réu-
nion avait eu lieu le vendredi précédent à l'Union
de Paris, salle André, à l'effet de prendre les pre-
mières mesures pour l'organisation de ce congrès.
Dans un rapport à la jeunesse catholique de Be-
sançan, M. de Montenach a dit : « Les Unions dé-
clarent exister en dehors de toute organisation ecclé-
siastique et conserver une complète neutralité vis-
à-vis des différentes dénominations ecclésiastiques. »
Nous retrouvons donc ici l'esprit et les tendances
de la « Religion américaine », dont tout le credo est
la foi au bien » et qui accueille les gens de toute
religion comme les gens sans religion.
On s'efforce en ce moment de grouper, sur toute
l'étendue du territoire français, la jeunesse catholi-
que. On ne prend peut-être point assez garde aux
idées de ceux qui s'introduisent çà et là dans l'Asso-
ciation de la Jeunesse catholique. Pour ce qui est
du Sillon, on sait qu'il a contracté avec les « Unions
chrétiennes » une union aussi intime qu'indissolu-
ble. Plusieurs de leurs « secrétaires » sont rédac-
teurs habituels de VEveil démocratique et autres pu-
1. Semaine religieuse de Genàve, 24 décembre 1904).
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE G63
blications sillonnistes. L'esprit des Unions chrétiennes
se répand donc chez nous par le Sillon et aussi par
certains émissaires qui s'introduisent dans les Asso-
ciations de la jeunesse catholique. Rien n'exige de
la part du clergé et des catholiques une surveillance
plus active.
Un livre a été publié, il y a un peu plus de cinq
ans, sous ce titre : Jeunesse. Il a été couronné par
l'Académie française, l'exemplaire que j'ai sous les
yeux est de la vingt^septième édition (1). Là se
trouve le pur esprit des Unions chrétiennes qui n'est
autre que l'esprit voulu par V Alliance Israélite univer-
selle.
Le dernier chapitre est intitulé : La Foi. « Se re-
constituer une foi, dit l'auteur, et pour cela se rendre
compte comment naît la foi, est un des besoins les
plus sérieux et les plus profonds de la jeunesse. »
Si la jeunesse catholique a besoin de se reconsti-
tuer une foi, c'est donc que la foi reçue a été ou
1. L'auteur de Jeunesse est le pasteur Wagaer, de Paris.
II y a près de vingt-cinq ans qu'il prêche à Paris l'évan-
gile de la solidarité sans dogmes et qu'il a l'ambition de
faire du christianisme un supérieur humanisme. Outre Jeu-
nesse, il a publié Justice, Vaillance, Auprès dit Foyer,
VAme des choses, la Vie simple. Ces livres sont traduits
dans toutes les langues civilisées, et font pour ainsi dire
h ce pasteur un diocèse universel. Ses allocutions de cha-
que dimanche sont sténographiées, traduites par ses amis
d'Amérique et reproduites chaque semaine dans cinquante
journaux des Etats-Unis.
La Vie simple fut lue par le président Roosevelt. Il y
trouva la reproduction de son idéal, et le dit dans deux
discours publiés, à Banyor (Maine) et à Philadelphie. Il
écrivit en même temps à l'auteur : « Je prêche vos li-
vres à mes concitoyens. Venez me voir à la Alaison-Blan-
che » (Automne 1902). D'autres lettres pressantes lui vin-
rent d'Amérique, il se mit cà apprendre l'anglais et partit
le 10 septembre 1904. Le 25 il se trouvait en présence
d'un auditoire de 12.000 personnes. Il fit 150 conféren-
ces, et 200.000 auditeurs l'applaudirent successivement. A
664 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
doit être abandonnée. L'auteur dit en effet : « On
entend communément par foi, radhésion à un corps
d'e doctrine qui se présente à nous avec un carac-
tère d'autorité. Dieu, à une certaine époque, aurait
révélé la vérité aux hommes, une fois pour toutes.
La révélation ainsi faite constitue un bloc dont cer-
tains hommes et certaines sociétés sont les déposi-
taires. Représentant la vérité divine, ils réclament
la même soumission que Dieu. Il ne s'agit pas de
peser, d'examiner, de discuter ce qu'elles nous appor-
tent, mais de le recevoir à genoux, au milieu du
silence imposé à notre être tout entier, malgré ses
répugnances et ses révoltes. Toutes les vieilles croyan-
ces autoritaires en sont là. Ce premier point d'où
elles parlent et qui entraîne le reste, est le gros point
litigieux sur lequel elles se séparent de l'esprit mo-
derne. Mais, hâtons-nous, d'ajouter que l'esprit mo-
derne se rencontre ici avec le Christ et l'Evangile...
Le Christ est un inconnu, non seulement dans le
Washington il fut présenté à l'assemblée par M. Roosevelt
lui-même.
Reçu ensuite dans l'intimité du Président, il dit : « La
doctrine foncièrement humaine et haute contenue dans mes
écrits créait d'emblée un terrain commun entre tous mes
auditeurs : pasteurs variés, très souvent aussi (j'en étais
ravi), prêtres catholiques, professeurs, industriels, médecins,
etc. Nous avons fraternisé par-dessus toutes les barrières
d'intérêts, de classe et de credo.
— Toutes les barrières.
— ]\Iais oui. Par exemple j'ai parlé à la synagogue Em-
manuel-Temple devant un auditoire de 2500 Israélites. A
Saint-Paul j'eus, avec l'archevêque Ireland, une longue
conversation. En parlant à cœur ouvert avec ce patriar-
che du catholicisme libéral, je sentis une fois de plus
que la religion du cœur ne connaît point^ d'exclusions.
Combien de fois n'avais-je pas eu la même impression en
causant en France avec des prêtres d'un catholicisme^ sans
anathèmes ! Tin de mes grands regrets, c'est de n'avoir pn
faire à New-York la conférence demandée par les Dames
de Saint-Vincent-de-Paul au profit de leurs œuvres.
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE 6G5
monde, mais même ,dans les Eglises qui se récla-
ment de lui. Si quelque chose est obstrué, terni, dé-
vié de sa ^direction première, c'est bien le vieil Evan-
gile... Dans sa pensée, comme dans sa pratique,
dans sa façon d'interpréter le monde comme dans
sa manière de régler l'activité humaine, l'Evangile
dépasse à tel point toutes les Eglises qui se sont
réclamées de lui, qu'il est dans Vavenir bien plutôt
que dans le passé. Et plus on fixe son attention sur
ce sujet, moins on peut s'empêcher de constater une
grande affinité eatre cet Evangile oublié et les meil-
leures aspirations de l'esprit moderne. »
Que dit donc l'esprit moderne? quel est le fond
de sa pensée, là où il se trouve d'accord avec l'Evan-
gile et avec le Christ? L'auteur nous le montre en
ceci : « L'homme est en évolution, et avec lui la
nature entière, de l'atome et de la cellule vers la
vie parfaite. Sa loi c'est le devenir (ainsi souligné).
Et quand il prend conscience de ce fond de sa des-
tinée, le sens qui prend la vie dans son ensemble,
qui enveloppe tout ce détail dont nous sommes faits
dans la grande volonté qui est au fond des choses
est le sens religieux. » Du sens religieux naît la
piété et de la piété la foi.
« La foi, sommet de la vie, de toute la vie, est
la synthèse totale de l'induction humaine. Toutes
nos expériences et celles du passé vivifiées à tra-
vers notre âme, se condensent ensemble et constituent
pour nous la révélation personnelle que nous a fait
la vie : voilà la foi.
» La piété est de vouloir faire la volonté du Père;
et la foi, de sonder sa vie, afin de réaliser ce qui
est en elle et d'accomplir la volonté dont elle est
issue. »
D'après tout cela, la foi que la jeunesse chrétienne
GGG l'agent de la civilisation moderne
doit « reconstituer » en elle paraît bien être la foi
des. panthéistes par laquelle « le fil de l'évolution
humaine est maintenant jenoué. »
Le panthéisme, l'évolutionisme, telle est donc la
religion de l'avenir, la religion vers laquelle la jeu-
nesse est engagée à se porter. « Certaines religions
sont bonnes pour abriter les vieux égoïsmes, les
sénilités, les puérilités, ou encore pour soustraire
aux bruits du dehors, les cœurs déçus ou même
pour endormir doucement les consciences et les in-
telligences. Celle-ci est surtout faite pour la vie et
pour les vivants. Elle nous jette en pleine action,
en pleine mêlée : elle nous fait faire un beau départ
avec vaisseaux brûlés derrière nous. Point de regard
en arrière! c'est énergique, viril, joyeux. Cela sonne
et vous enlève comme le clairon des batailles! »
Après ces paroles emphatiques, l'auteur en vient aux
conseils pratiques. Un mot les précède pour servir
de tampon et amortir le coup qu'ils doivent porter.
« Lorsque l'on appartient par la naissance à un mi-
lieu religieux, c'est un devoir de lui vouer une grande
reconnaissance. Aimer son Eglise est bon comme
aimer sa famille et son pays. — Mais ici se présenté
un écueil : l'esprit de parti en religion, l'esprit exclu-
sif. Jeunes croyants, fuyez-le comme la peste! Mieux
vaudrait être seul que de cultiver en commun l'es-
prit d'exclusion et l'orgueil spirituel. Comme en tou-
tes choses, ce temps-ci demande, sur le terrain de
la foi, une grande largeur. Le devoir de l'heure
présente est de fraterniser, et les Eglises particulières,
quelle que soit leur raison d'être, ne sont bonnes
qu'à la condition de « nous préparer à l'Eglise uni-
verselle. »
» Il y a des heures dans l'histoire où il faut être
l'homme d'une cause particulière, définie, où il y
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE 607
a, en un mot, un trou à faire en un certain sens, et
où il convient de s'enrégimenter. Aujourd'hui, le de-*
voir pressant est de franchir les murs de séparation
et de se tendre les mains par-dessus les clôtures.
Retrouver l'humanité, redevenir des hommes, si cela
est le mot d'ordre en pédagogie, en politiqfue, sur
le terrain social, .combien plus ne devraiL-on pas
s'en souvenir sur le terrain religieux, le plus large
de tous, et ;que l'étroitesse d'esprit parvient à mor-
celer et à rétrécier d'une si lamentable façon. Que
la jeunesse le comprenne! »
Ce livre, il est bon de le redire, a été couronné
par l'Académie française et la propagande qui en
est faite est telle qu'en ses trois premières années '
il est arrivé à sa vingt-septième édition.
A toutes ces jassociations qui écartent le dogme
et ^montrent lia perfection de la morale dans le progrès
humanitaire, il faut joindre comme tendant au même
but l'enseignement de l'histoire des religions et les
congrès de l'histoire des religions.
Le premier de ces congrès a eu lieu à Paris, en
1900, le second à Bâle, du 30 août au 2 septembre
1904. Toutes les nations de l'Europe, de FAmérique,
de l'Asie y étaient représentées par des pait-sans des
formes religieuses les plus diverses.
M. Albert Réville, directeur de la Bévue de l'His-
toire des JReligions, était à ce congrès en qualité de
délégué de lia Faculté de théologie de Paris et de
représentant du ministre de l'Instruction publique et
du ministre des Affaires étrangères. Il a dit ce que
le gouvernement de la République a fait depuis vingt-
cinq lans pour favoriser ce genre d'études, qui « dans
les soixante dernières années, a pris un développe-
ment international sans cesse grandissant, et que les
668 l'agent de la civilisation moderne
siècles précédents n'avaient pu prévoir ». Il a fondé
en 1880 une chaire spéciale d'histoire des religions
au collège de France, suivie, peu d'années après,
par celle d'une section non moins spéciale dans l'Ecole
des Hautes-Etudes organisée à la Sorbonne. Vers le
même temps, M. Guinet, avec l'assentiment des Pou-
voirs publics, a doté la capitale d'un Musée d'Histoire
des religions (1).
Des professeurs des Universités d'Upsal, de Balti-
1. Ce musée des religions a été inauguré par. M. le
Président de la République, le 26 novembre 1889. Il avait
été construit aux frais de l'Etat au prix de trois millions,
sur un terrain donné par la ville de Paris et estimé un
million. M. Guinet a consacré l'immense fortune que son
père avait faite avec le bleu d'outre-mer, à rechercher et
à acquérir tous les objets de culte, images, livres sacrés,
etc., pouvant servir à l'étude des religions, et il a placé
dans ce Pandemonium, dans un ordre méthodique, toutes
ces collections que l'on estime avoir une valeur de dix mil-
lions. La bibliothèque se compose de plus de quinze mille
volumes, dont un grand nombre de manuscrits indous, sur
feuilles de palmier.
Des salles sont mises à la disposition des travailleurs.
Des conférences sont faites plusieurs fois par semaine, et
une double publication périodique les Amiales du Musée
Guinet et la Mevue de l'Histoire des religions portent au
loin l'enseignement que l'on peut tirer de ce rassemblement
d'idoles et de livres. Outre les Annales et la Eevue, le Musée
Guinet publie une bibliothèque de vulgarisation dont les
divers volumes contiennent l'exposé de toutes les reli-
gions.
Lors des noces d'argent de ce Musée auxquelles prit part,
avec M. le Président de la République, le ministre de l'Ins-
truction publique, La Raison dit l'impression qu'il produit,
généialement sur ceux qui le visitent : « On y peut suivre
pas à pas, siècle par siècle, les fantaisies de l'imagination
de l'humanité, exaltée ou tremblante dans l'enfantement de
ses dieux. On les voit mortes, se métamorphoser, vieillir
et disparaître.
« On constate que les religions sont bien des créatures
humaines, que ce n'est point le Dieu de la Bible, comme
l'enseignent les Eghses, qui a fait l'homme à son ima^e,
mais bien l'homme qui a fait tous les dieux à la sienne,
celui de la Bible comme les autres. »
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE G69
more, de Tûbinge, d'Oxford, de Paris, de Strasbourg
et d'autres prirent la parole et avec eux le grand-
prêtre des Parsis de Bamberg en costume blanc et
manteau rouge brodé d'or. Leurs communications ont
porté sur toutes les religions vivantes ou mortes
des peuples, des pays et des époques les plus va-
riées.
M. Albert Réville formulant les conclusions a dit :
« Les uns peuvent voir dans l'histoire des religions la
démonstration prolongée de la vanité de toutes les
conceptions religieuses sans exception. Les autres dis-
cernent lau contraire, dans cette évolution déjà plu-
sieurs fois millénaire, les lignes fondamentales et
constantes qui indiquent une marche très accidentée,
mais continue vers la simplification et la spiritualisa-
tion des croyances religieuses. »
On ne peut douter de l'œuvre de désagrégation
dogmatique que ces congrès de religion produisent
dans l'esprit des masses.
Aux Congrès des religions et aux Congrès de l'histoi-
re des religions est venu s'adjoindre l'enseignement pu-
blic et officiel de « l'histoire des religions ». Depuis
une trentaine d'années, des chaires de cet enseigne-
ment ont été fondées sur tous les points de l'Europe.
Le mouvement est parti d'Allemagne. Lessing en a
été le promotçur. La Hollande a été la première à mar-
cher officiellement dans cette voie. A partir du 1^^
octobre 1877, l'enseignement de la théologie fut sup-
primé dans les trois Facultés* de l'Etat et fit place
à l'étude des religions. En Angleterre, des conférences
sur ce sujet sont données dans l'abbaye de West-
minster. En Suisse, une chaire de l'histoire des reli-
gions a été introduite dans l'Université de Genève.
La Belgique a voulu aussi avoir sa chaire des reli-
gions. A Rome, le gouvernement italien a également
G70 l'agent de la civilisation modernf
établi une chaire pour cet enseignement. L'Autriche-
Hongrie a suivi le mouvement : l'histoire des reli-
gions y est devenue matière obligatoire de l'ensei-
gnement. L'Ecosse a consacré à ce même objet un
legs de deux millions, etc.
En Fiiance, ce furent MM. Littré et Maurice Verner
qui commencèrent la campagne. Le 9 juillet 1879,
Paul Bert, appuyé par J. Ferry, demanda et obtint
une loi 'supprimant les Facultés de théologie et créant
à la Sorbonne une chaire de l'histoire des religions.
Par décret du 30 janvier 1886, cet enseignement fut
aussi introduit dans l'Ecole pratique des Hautes-
Etudes.
En 1906, une pétition a été adressée au Parlement
par « le groupe d'études et de propagande rationa-
listes », dont font partie MM. Aulard, Louis Havet,
Paul Reclus, le Pasteur Maurice Verner, etc., deman-
dant la création d'un enseignement de l'histoire des
religions semblable à celui institué en 1886 à l'Ecole
des Hautes-Etudes, non seulement dans les lycées, mais
dans les écoles primaires.
« D'une p^rt, écrivent les pétitionnaires, il faut en-
seigner à la jeunesse les faits historiques que VEglise
lui cache et lui montrer sous son vrai jour l'his-
toire des religions et celle de la papauté. Ces notions
seront distribuées par l'enseignement primaire et se-
condaire. D'autre part, il faut poursuivre les tra-
vaux de critique religieuse que les réformateurs et
les encyclopédistes oht entrepris avec des méthodes
insuffisantes et des documentations incomplètes.
» A Paris, l'enseignement supérieur de l'histoire
des religions existe (au Collège de France, où une chaire
de l'histoire générale des religions a été créée par
Ferry en Sorbonne, à l'école pi^atique des Hautes-
Etudes, etc., etc.. En province, il faudra uji jour, au
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE 671
moins deux chaires, dans chaque faculté, soit qua-
rante-huit en tout : une chaire d'histoire du judaïsme
et des religions issues de la Bible, christianisme et
islamisme, et une chaire d'histoire des autres religions.
» Pour commencer, on pourrait se borner à créer
d'abord une conférence d'histoire des religions bi-
bliques à Lille, Nancy, Lyon, Bordeaux et Toulouse...
Le moment est particulièrement favorable pour insti-
tuer l'enseignen.ent dont il s'&git.,La suppression des
facultés de théologie protestante de Paris et de Mon-
tauban Va fournir immédiatement les disponibilités
suffisantes pour créer ces conférences de Lille, de...
» Dans l'enseignement secondaire, la conférence se-
ra faite par un professeur de philosophie ou d'histoire.
Pour lui faire place dans l'enseignement yrimaire,
il faudra élaguer un peu le programme actuel... dire
ce que l'histoire sait des livres nommés Ancien et
Nouveau Testament, la croissance du dogme chrétien...
la création relativement récente de l'évêché de Rome...
le long combat de la République contre le clérica-
lisme... l'a lutte de l'Eglise contre le progrès des
sciences, p^rce que toutes lui i:)araissent contredire Li
texte de ses livres sacrés > etc.
» Cet enseignement iiura des sanctions, car l'Etat
laïque a le droit d'exiger de tous les jeunes gens qui
lui demandent un diplôme de fin d'études, qu'ils
témoignent de conniaissances précises et scientifiquer.
sur des faits qui ont tenu une place aussi considérable
dans les civilisations dont la nôtre est issue. »
A voir comment une même pensée éclate partout
en même temps, comment à la même heure, pour
ainsi dire, les gouvernements des divers pays votent
des lois et allouent des forïds pour un enseigne-
ment auquel personne n'avait songé jusque-là, il est
difficile de ne point penser qu'un mot d'ordre a été
672 l'agent de la civilisation moderne
donné, et ce mot d'ordre d'où peut-il venir, si ce
n'est des régions supérieures de la franc-maçonnerie,
la seule puissance aujourd'hui écoutée et obéie par
tous les gouvernements?
L'enseignement donné du haut des chaires univer-
sitaires est bientôt répandu par les mille voix de
lia revue, du journal et du livre, sur tous les points
de lia France et de l'Europe. Des Facultés, il se
répland dans les lycées, puis dans les écoles primaires
et de là dians une multitude de familles (1).
« Vous n'ignorez pas, disait M. l'abbé de Bro^lie,
en ouvrant, en 1889, son cours d'apologétique chré-
tienne, que tantôt clairement avouée, tantôt voilée
sous les formes transparentes d'un respect apparent
qui recouvre le dédain, cette idée qu'il n'y a aucune
religion qui puisse porter légitimement, d'une ma-
1. Aucune occasion n'est perdue pour faire entrer dans
le public ce qui est enseigné dans ces chaires. Tous ceux
qui ont visité l'exposition du centenaire de ^ 89 ont pu
remarquer l'importance qu'y avait prise l'iiistoire des reU-
gions. On a pu en effet y voir réunis des statues, des au-
tels, des modèles de temples, des amulettes, des objets de
toute nature qui rappelaient les pratiques religieuses des
divers peuples. Sur l'Esplanade des Invalides, s'élevait
un modèle de la célèbre pagode d'Angker; elle a même
été inaugurée avec un certain éclat; des conférences y ont
été données sur les religions de la Chine; on a même offert
au public le spectacle d'une procession et d'un office boudhi-
que.
« Si l'on avait dit, écrit M. l'abbé de Broglie, à quel-
ques-uns des érudits qui étudiaient obscurément, il y a deux
siècles, les dieux de certains peuples païens... qu'un 'jour
viendrait que la science modeste à laquelle ils s'étaient
dévoués deviendrait un des grands sujets de l'attention du
public..., on les aurait sans doute beaucoup étonnés. Si
l'on avait ajouté à cette prédiction... qu'on trouverait à
côté de cette étude bienveillante du paganisme la critique
tantôt acerbe, tantôt dédaigneuse, du Dieu de la Bible et
de l'Evangile, du seul vrai Dieu que la raison des peuples
civilisés puisse accepter, la surprise aurait été bien plus
grande encore » (Problèmes, pp. 1 et 2.)
RELIGION HUMANITAIRE D'AMÉRIQUE EN EUROPE 678
nière exclusive, le titre de vraie religion, règne dans
un grand nombre d'esprits, parmi nos contemporains;
que cette pensée est surtout dominante parmi ceux
qui s'occupent de créer, de développer, de propager
l'enseignement de l'histoire des religions; et que cet
enseignement, si prôné de nos jours, semble avoir
pour but principal, sinon unique, de détruire la no-
tion même d'une religion vraie. »
La conclusion de ce qui précède est qu'il existe
en projet et en voie de formation une leligion nouvelle,
religion de l'avenir, disent les uns, religion du XX^
siècle, disent les plus impatients, religion qualifiée
américaine, de ce qu'elle a trouvé en Amérique ses
origines, son développement et les zélateurs qui veu-
lent l'introduire en Europe, religion humanitaire, par
le but qu'elle poursuit, qui est de substituer l'homme
à Dieu.
Des sociétés nombreuses et actives se sont formées
dans ce but, et nous les avons rencontrées partout.
Leurs membres sont imbus de ces deux idées : 1°
qu'une religion absolument universelle doit s'établir
sur les ruines de toutes les religions, et cela par
l'abaissement des barrières, par l'effacement des dog-
mes; 2° que cette religion universelle doit être une
religion sociale, une religion humanitaire, une reli-
gion de progrès humain, allant jusqu'à procurer à
l'honmie le paradis sur la terre. Ces idées, les mem-
bres de ces diverses sociétés les répandent dans un
public de plus en plus nombreux et préparent ainsi
l'opinion à désirer le nouvel ordre de choses voulu
par le Pouvoir occulte des Juifs pour asseoir sa do-
mination sur tout le genre humain.
Toutes les fois qu'une œuvre de propagande est
à faire, c'est toujours vers la France que les yeux
se tournent.
T/Egiise et le Temple. 4'î
674 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
Déjà, en 1820, Channing disait attendre de notre
pays « la religion de l'avenir ». « Je crois, écrivit-il
à Sismondi, que quand la religion reparaîtra parmi
vous, elle se montrera sous une forme plus divine;
je crois que la France, après tant d'efforts vers le
progrès, ne reprendra pas sa théologie vermoulue...
Un moyen d'y restaurer le christianisme est d'en
montrer l'harmonie avec l'esprit de liberté, de philan-
thropie, de progrès^ et de faire voir que ces principes
exigent pour leur entier développement, l'aide du
christianisme... L'œuvre se fera-t-elle par une action
silencieuse ou par de grandes convulsions? »
Les grandes convulsions s'annoncent de toutes fa-
çons, et si elles éclatent, il faut espérer de la misé-
ricorde de Dieu qu'elles serviront à ouvrir les yeux
et à faire rentrer dans les voies traditionnelles et
dians la lumière de la pleine vérité. Mais, en atten-
dant, l'œuvre avance. Il n'y a qu'à regarder autour
de soi pour voir les efforts puissants qui sont faits
pour introduire le modernisme dans les esprits, pour
introduire dans le monde la religion de « l'huma-
nité. »
LE TEMPLE
III. — LES MAITRES DE L'ŒUVRE.
CHAPITRE XLVII
I. — LES JUIFS, LEUR ACTION DANS
LA CHRÉTIENTÉ.
En toute construction, les maçons sont guidés dans
leurs travaux par des contremaîtres, des directeurs,
et ces directeurs veillent à la bonne exécution des
plans dressés par l'architecte.
Il n'en va pas autrement dans l'édification du Tem-
ple de Salomon. Là aussi, il n'y a point que des
ouvriers, mais, au-dessus d'eux, des maîtres de l'œu-
vre et un architecte. Déjà bien souvent nous avons
surpris l'interv^ention des juifs dans l'œuvre maçonni-
que. Ce sont eux qui ont conçu l'idée d'une réptiblique
universelle et d'une religion humanitaire pour asseoir
leur domination sar tout le genre humain. Depuis
cinq siècles, ils enrôlent, ils organisent en des socié-
tés secrètes superposées les unes aux autres, les
ouvriers adonnés aux destructions et aux construc-
676 l'agent pe la civilisation moderne
tions nécessaires à cette double œuvie; et ils ont
pris sur eux iassez d'ascendant et assez de pouvoir
pour les maintenir à leur besogne malgré les diffi-
cultés et les traverses, ou les y ramenet et arriver
aux résultats que nous avons pu constater dans les
pages qui précèdent.
Le moment est donc venu de porter noire atten-
tion sur ce qui, en ce moment, préoccupe le plus
les esprits éclairés qui cherchent à se rendre compte
de l'état aotuel de la France, de l'Eglise et du monde :
lia question juive. Depuis un demi-siècle, son im-
portance croît de jour en jour. Elle est étudiée par les
théologiens et les philosophes, les historiens et les
hommes politiques, les économistes et tout le pu-
blic. Depuis surtout que M. Edouard Dmmont a attiré
l'attention de ce côté que de travaux sont venus
démontrer la gravité croissante du problème juif!
Nous ne pouvons le traiter ici dans toute son
ampleur, mais tout ce qui précède appelle des éclair-
cissements que nous ne pouvons refuser à nos lec-
teurs. I
Nous avons vu la conjuration antichrétienne mani-
fester sa présence dans les deux mondes, employer
piartout la même tactique, frapper aux mêmes points,
souvent en même temps. Mgr Martin, évêque aux
Etats-Unis, conclut de là à l'existence d'une direc-
tion centrale, d'un but arrêté vers lequel tout tend,
d'un plan d'ensemble pour l'atteindre et d'une forte
orgianisation qui l'exécute. Nous avons vu cette orga-
nisation dans sa structure et son fonctionnement au
eours de plusieurs siècles. Mais qui a construit la
machine? et qui la fait fonctionner? Le nombre de
ceux qui nomment le juif s'accroît de jour en jour.
Se trompent-ils?
En remontant aux origines de la conjuration anti-
LES JUIFS, LEUR ACTION DANS LA CHRÉTIENTÉ G77
chrétienne en France, nous avons trouvé d'abord Vol-
taire, les encyclopédistes et les francs-maçons ex-
portés par lui de l'Angleterre chez nous. Nous avons
constaté qu'en même temps s'introduisaient chez nous
des idées en contradiction avec celles que l'éducation
familiale, politique et religieuse y entretenaient |de-
puis des siècles. De chez nous, ces idées se sont ré-
pandues chez les autres nations, qui avaient une
même civilisation, et cela avec une rapidité mer-
veilleuse. Comment expliquer sans un .agent de propa-
gande, répandu partout, cette invasion à laquelle s'op
posaient la culture française, la mentalité européenne,
la vigilance des pouvoirs spirituels et la difficulté
des communications ?
La supposition de l'intervention des juifs donne
une réponse. Ils avaient intérêt à se faire les agents
de ti'^ansmission des idées maçonniques, puisqu'elles
enseignaient l'égalité des races et que la leur était
partout repoussée comme ennemie, seuls, eux seuls
dans le monde avaient cet intérêt. De plus, ils avaient
la possibilité d'être efficacement ces agents parce
qu'ils avaient des communautés partout, que depuis
longtemps ils lavaient l'habitude d'organiser des grou-
pements secrets et qu'ils en connaissaient le manie-
ment et la force.
Plus tard, nous avons vu des juifs, membres de la
Haute-Vente, entretenir des relations avec leurs core^
ligionnaires de tous les pays. Nous avons rencontré
d'autres juifs dans toutes les révolutions opérées par
les sociétés secrètes. Nous avons vu que les fonda-
teurs, les propagateurs et les zélateurs de toutes
les associations à caractère universel, fondées pour
saper le christianisme et renverser les barrières dog-
mJatiques et morales qui le séparent des fausses reli-
gions, V Alliance religieuse univer selle, la Ligue uni-
678 l'agent de la civilisation moderne
verselle de renseignement, etc., les Unions chrétiennes
de jeunes gens, à liaquelle on peut bien joindre le
le Sillon, etc., et au-dessus d'elles toutes, V Alliance
israélite universelle, ont été et sont de rtace Israélite.
Ce sont des juifs iallemands qui sont à la tête du
mouvement socialiste. Jules Simon qui avait du sang
juif dia,ns les Veines est l'un des fondateurs de V Interna-
tionale. L'un des créateurs du Nihilisme russe est un
juif Hertzen, et c'est un juif allemand Deutz qui lui
a donné la première impulsion. Le pope Gapone est
d'origine juive, et l'on sait quelle grande part les
juifs ont prise dans les tentatives de révolution fai-
tes en Russie à lia faveur de la guerre contre le
Japon. La main du juif a également été signalée
dians la révolution qui a suivi et qui a introduit le
p'arlementajisme dans le pays de l'autocratie.
Il y a quarante ans, en 1870, M. de Camille écrivit
de Bologne 'au journal Le Monde (2 avril 1870).
« J'accomplis en ce moment une tournée en Italie,
que j'^i visitée il y a quinze ans, et jo viens d'y
rencontrer une de mes anciennes connaissances. Cet
homme, je le savais, dans le temps, mêlé active-
ment aux affaires de l'ordre maçonnique el occupant
une place élevéïe dans une loge de la Haule-Italie.
J'ai demandé à cet homme où il en était avec son
ordre miaçonniqUe, et voici sa réponse : « J'ai quitté
mia loge et l'ordre définitivement, parce que j'ai ac-
quis la conviction que nous n'étions que l'instrument
des juifs qui nous poussîaient à la destruction totale
du christianisme. C'est à cela que la foule des adep-
tes, qui n'y voit pas grand chose, est menée par les
juifs qui dirigent tout. »
Le Monde faisait suivre cette lettre dont on n'a
ici qu'un très court extrait de cette conclusion : « Ce
témoignage, joint à tant d'autres, autorise donc à
LES JUIFS, LEUR ACTION DANS LA CHRÉTIENTÉ 679
penser que la grande conspiration antichrétieiine, qui
nous enveloppe, est conduite plar les anciens ennemis
du Christ, et par les descendants de ceux qui l'ont
mis à mort. »
Lia nation juive est d'ailleurs la seule à se trou-
ver dans les conditions nécessaires pour remplir un
tel office; Sa dispersion depuis dix-neuf siècles sur
toute la surface de la terre, la situation qui lui fut
faite chez tous les peuples, l'amenèrent à chercher
les moyens de maintenir sa nationalité, sa foi, ses
espérances et de pourvoir à ses intérêts (1).
Pour cela, elle dut se constituer en une société
bien disciplinée, gouvernée par des chefs religieuse-
1. Il y a une nation juive. Les Juifs eux-mêmes ne
cessent de le déclarer.
Cri' mieux par'aiit de l'Alliance israélito universelle, écri-
vait ;
« L'alliance n'est pas une alliance française, allemande,
ou anglaise : elle est juive, elle est universelle. »
En 1870, le même Crémieux revenant de présider un con-
grès israélite à Berlin disait de tous les Juifs des différents
pays qui y avaient pris part :
« Point de sentiment de rivalité, un concours entier,
spontané, sans réserve. La différence de nationalité n'existe
pas. »
En 1895, les étudiants juifs de Bohême, naturalisés au-
(rlchions, publièrent à Prague u:ie déclaration dans laquelle
on peut lire cette phrase :
« Les juifs ne sont ni des Allemands, ni des Slaves,
ils sont un peuple à part... Les juifs ont été et restent
un peuple autonome par l'unité de la race, de l'histoire,
de la conception, du sentiment. »
En 1864, les Archives Israélites écrivaient :
« Israël est une nationalité. L'enfant issu de parents Israé-
lites est israélite. La naissance lui fait incomber tous les
devoirs d'un Israélite. Ce n'est pas par la circoncision que
nous recevons la qualité d'Israélite. Non, la circoncision
n'a aucune analogie avec le baptême chrétien. Nous ne
sommes pas Israélites parce que nous sommes circoncis ;
mais nous faisons circoncire nos enfants parce que nous
sommes Israélites. Nous acquérons le caractère d'Israélite
par notre naissance, et nous ne pouvons perdre ce caractère,
ni nous en démettre. L'Israélite qui renie sa religion, même
680 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
ment obéis et protégée par la loi du secret la plus
rigoureuse.
Grâce à cette organisation, les juifs durant ces dix-
neuf siècles, eurent toujours entre eux, d'un bout
du monde à l'autre, des rapports très actifs. L'éten-
due presque universelle de leur commerce, l'habi-
lité et Itei discrétion de leurs agents procurait^nt aux
chefs de la nation des moyens sûrs et nombreux
de donner des mots d'ordre, de les faire parvenir
sans difficulté dans les pays les plus éloignés, et
par là d'obtenir une action commune et persévérante
en vue du résultat à obtenir (1).
Réduite à elle-même et sans alliance avec la jui-
Verie, jamais la Franc-Maçonnerie n'eût pu accom-
plir ce que nous lui savons vu faire.
Ici revient l'observation faite pour le XVIII^ siè-
cle. Les idées, les intérêts, les convoitises des divers
peuples qui habitent les deux hémisphères ne sont
celui qui sa fait baptiser, ne cesse pas d'être Israélite. Tous
les devoirs d'un Israélite continuent à lui incomber. »
N'est-ce pas bien là une conception patriotique, nationa-
liste ?
'« Le Juif, disent encore les Archives Israélites, est d'un
inexorable universalisme. »
Inexorable! Par conséquent, aucune naturalisation, au-
cun droit civil et politique ne fera jamais d'un juif un
Français.
1. Le 7 avril, Bernard Lazare reconnaît lui aussi l'exis-
tence de la nation juive en tant que nation, et il affirme
expressément que cette nation a un gouvernement.
Les Juifs ne sont pas un etlinos, mais ils sont une
nationalité, ils sont de types variés, cela est vrai, mais quelle
est la nation qui n'est pas diverse? (P. 272.)^
Si les Juifs ne sont pas une race, ils ont été jusquà nos
jours une 7iation. (P. 392.)
Partout ils voulaient rester Juifs, et partout ils obte-
naient des privilèges leur permettant de fonder un Etat
dans VEtat. (P. 7.)
Les Juifs entrèrent dans les sociétés modernes non com-
me des hôtes, mais comme des conquérants. (P. 223.)
LES JUIFS, LEUR ACTION DANS LA CHRÉTIENTÉ G81
point identiq[ues. Ces peuples sont gouvernés par des
autorités, des dynasties qui n'ont ni les mêmes ten-
dances, ni les mêmes ambitions. Si la Franc-Ma-
çonnerie n'était composée que d'individus apparte-
nant à ces divei"s pays, chacun aurait eu les pen-
sées de son milieu : l'unité de vues, la correspon-
d'ance des efforts vers un but opposé aux traditions
de la- nationalité propre et à la foi de la religion
nationale ne seraient pas possible. Il faut donc que
les Francs-Maçons reçoivent leurs inspirations du de-
hors et que les impulsions viennent d'une religion
et d'une nationalité ennemies.
Tout s'explique si les cadres de la Franc-Maçon-
nerie sont fournis par la juiverie. Les individus
formant ces cadres reçoivent les suggestions du Pou-
voir occulte de leur race, les transmettent, et après
que les suggestions ont préj^aré les esprits à la do-
cilité, viennent les directions.
Un indice bien frappant de cette subordination de
la Franc-Maçonnerie à la juiverie, se trouve dans le
symbolisme commun à l'une et à l'autre, symbolisme
adopté dans les pays catholiques, comme dans les
contrées protestantes, chez les infidèles, comme chez
les chrétiens.
Ce qui ne donne p'as moins à réfléchir, c'est le
genre d'œuvres accomplies par la Franc-Maçonnerie.
Tout en elle est coordonné à ce double but, l'abaisse-
ment des frontières et l'abolition du dogme. On ne
voit pas pourquoi et comment l'idée de ces deux
destructions serait venue dans l'esprit des Français
et des chrétiens, si elles n'étaient suggérées d'ailleurs.
Mais plus rien n'étonne, si on la suppose suggérée
par les juifs. Elle est alors le fruit naturel des deux
grandes passions d'Israël, depuis la dispersion : la
682 l'agent de la civilisation moderne
haine du Christ et de son œuvre et l'ambition d'as-
servir le genre humain.
Dès les premiers jours du christianisme, les juifs
ne laissèrent point ignorer que la haine qu'ils avaient
conçue contre Notre-Seigneur Jésus-Christ ei qui les
aviait portés à cet excès de le crucifier, persévérerait
dans leurs cœurs.
Ils firent mourir ses disciples Etienne, Jacques le
Majeur et Jacques le Mineur, Mathias, coupables uni-
quement de prêcher la doctrine du Sauveur et de
lia confirmer par des miracles. Ils s'opposèrent avec
i^age à la propagation de l'Evangile, tantôt fouettant
les Apôtres (Act. V, 40), tantôt excitant Saùl contre
les disciples (Act. VIII, 3); puis, après la conver-
sion de celui-ci, ils le persécutèrent p^r leurs calomnies
et leurs blasphèmes (Act. XIII, 45),- piar des sédi-
tions soulevées contre lui (Act. XIII, 50 et XVII, 5)
à ce point que les païens eux-mêmes, tel Gallion,
proconsul d'Achaïe, durent soit l'arracher à leurs
barbares violences (Act. XVIII, 12 et XX, 31), soit
mettre à néant leurs accusations mensongèieià et cri-
minelles (Act. XXIV, 9, 10). L'an 65, à Jérusalem,
ils le traînèrent hors de la ville pour le tuer. Lysias
le délivra, il dut cependant leur accorder cette satis-
faction de l'enchaîner, et même s'il en avait eu] le
pouvoir de le battre de verges (Act. XXIV, 7).
Les juifs furent cause des premières persécutions
des plaïens contre les chrétiens. « Les synagogues
sont les sources d'où découle la persécution v> a écrit
Tertullien. Et de nos jours, un protestant, M. Jean
■ Réville, affirme la même chose en ces termes : «Les
(premiers) chrétiens, issus du Judaïsme, n'avaient pas
de pires ennemis que les Juifs » (1).
Dès l'an 44, Agrippa mit sa puissance à leur ser-
1. La Religion à Rome sous les Sévères, Paris, 1886.
LES JUIFS, LEUR ACTION DANS LA CHRÉTIENTÉ 683
vice. Néron était entouré d'esclaves juifs, Poppée était
à demi-juive. L'historien dos Persécutions, M. Paul
Allard, se range au sentiment de saint Clénient qui
attribue à leur jalousie, la première persécution.
Lorsqiie l'empereur Sévère, publia l'édit par le-
quel il interdisait la propagande juive et chrétienne,
cet édit fut si peu observé à l'égard des juifs et si
cruellement obéi contre les disciples du Christ que
l'on vit des chrétiens trop lâches pour braver les
supplices et trop attachés cependant au cu-te du Dieu
unique pour brûler de l'encens devant les idoles,
se réfugier au sein du judaïsme.
Sous la persécution de Dèce, les juifs, dit M. Paul
Allard (1) assistent avec une curiosité ardente, avec
une joie hiaineuse, à l'épreuve imposée, aux chré-
tiens. On entendait partout leui^s voix, s'élevant avec
l'accent du triomphe. Ils se plaisaient, comme le
leur reprocha un martyr (2) à piétiner lâchement sur
des ennemis tombés. Comme au temps de Polycarpe,
ce fut alors la colonie juive qui se montra l'enne-
mie la plus acharnée des chrétiens. Le peuple païen
regardait curieusement, mais les juifs prenaient part,
jouaient un rôle actif.
Julien l'apostat, reconnut vite, chez les juits, ses
meilleurs alliés dans la guerre sourde, incessante, qu'il
fit aux chrétiens : « Leurs inimitiés séculaires, dit
saint Grégoire de Nazianze, les désignaient pour auxi-
liaires à celui-ci » (3); et ceux-ci se hâtèrent de
mettre à profit les dispositions de l'empereur pour
assouvir de nouveau leurs haines tiaditionnelles. On
les vit en Egypte, en Asie, incendier impunément les
basiliques chrétiennes.
1. Histoire des persécutions, l, p. 373 et siiiv.
2. Passio S. Pionii et sociorum ejus, 4.
3. Oratio, v. 3.
€84 l'agent de la civilisation moderne
On sait que l'apostat voulut les rassembler de
nouveau en corps de nation, rendre à Jérusalem son
caractère de ville sainte et pour cela relever le Tem-
ple. Saint Jean Chrysostome dit qu'il avait mandé
près de lui les principaux d'entre les juifs et que
c'est à leur suggestion qu'il avait conçu l'idée de
donner un démenti public à la prophétie de Notre-
Seigneur Jésus-Christ, telle qu'elle était interi>rétée.
Après les persécutions, les juifs donnèrent à leur
haine un autre cours. Déjà le judaïsme s'était intro-
duit dans l'Eglise même pour y porter le trouble,
la division et l'hérésie. Ce fut l'œuvre de Simon
le Mage, des Gnostiques, de Manès et de ses adhérents
ou de ses émules. Ce fut l'œuvre de tous \es héré-
siarques, non pas qu'ils aient été tous de race jui-
ve, mais tous ont suivi ses inspirations. Nous en
avons pour garant Bernard Lazare, ce juif qui fut
l'un des grands agents de l'affaire Dreyfus et à qui
la Républiqpie en reconnaissance éleva une statue.
Dans son livre L'Antisémitisme, son histoire, ses cau-
ses (1), il dit: « Ce sont ces rationalistes et ces
philosophes (juifs) qui, du X® au XV^ siècle, jusqu'à
la Renaissance, furent les auxiliaires de ce qu'on
peut appeler la Révolution générale de l'humanité. »
« Les juifs laverroïstes furent les ancêtres directs des
hommes de la Renaissance. C'est grâce à eux que
s'élabora l'esprit de doute et aussi l'esprit d'investi-
g'ation. Les platoniciens de Florence, les aristotéliciens
d'Italie, les humanistes d'Allemagne vinrent d'eux.
C'est grâce à eux que Pomponazzo composa des trai-
tés contre l'immortalité de l'âme, grâce à eux encore
que chez les penseurs du XVI® siècle, germ^ ce
1. Cet ouvrage, comme son titre l'indique, a été écrit
pour combattre celui d'Edouard Drumont. Les aveux que
nous en recueillons ici sont donc doublement précieux.
LES JUIFS, LEUR ACTION DANS LA CHRÉTIENTÉ G85
théisme qi:i corresponclit à une décadence du catholi-
cisme ». C'est donc, d'après Bernard Lazare, aux juifs
qu'il faut attribuer l'origine et le principe de la
civilisation moderne et du conflit qui depuis lors
n'a cessé entre elle et la civilisation chrétienne après
avoir été préparé par eux durant des siècles.
« La Réforme en Allemagne comme en Angleterre,
c'est toujours le même juif qui parle, fut un de
ces moments où le christianisme se retrempa aux
sources juives. C'est l'esprit juif qpii triompha avec
le protestantisme ». « L*exégèse, le libre examen sont
fatalement destructeurs, et ce sont les juifs qui ont
créé l'exégèse biblique, ce sont eux qui les premiers
ont critiqué le symbole et les croyances chrétiennes. »
Un autre juif, M. Damiesteter, résume ainsi tout
ce qui peut être dit à ce sujet : « Le juif s'entend
à dévoiler les points vulnérables de l'Eglise, et il
a à son service, pour les découvrir, outre Fïntelligence
des Livres saints, la sagacité redoutable de l'oppri-
mé. Il est le docteur de l'incrédule; tous les révoltés
de l'esprit viennent à lui dans l'ombre ou à ciel ou-
vert (1). Il est à l'œuvre dans l'immense atelier de
blasphèmes du grand empereur Frédéric et des prin-
ces de Souabe ou d'Aragon : c'est lui qui forge tout
cet arsenal meurtrier de raisonnement et d'irouie
qu'il léguera aux sceptiques de la Renaissance, aux
libertins du grand siècle, et le sarcasme de Voltaire
n'est que le dernier et retentissant écho d'un mot
murmuré six siècles iauparavïint, dans l'ombre du
Ghetto, et plus tôt encore, au temps de Ce! se et
d'Origène, ïlu berceau même de la religion du Christ. »
Ayant pris une grande part dans la Renaissance (2),
1. De nos jours les rapports de M. Loisy avec le juif
Joseph Reinach ont été rendus publics.
2. M. Flavien Brenier a magistralement montré que les
bumaiiistcs italiens étaient inspirés par les Juifs.
686 l'agent de la civilisation moderne
dans la Réforme, dans le philosophisme, dans tou-
tes les hérésies, les juifs n'en eurent pas une moin-
dre dans la Révolution (1), la preuve à en donner
serait longue, contentons-nous de ces aveux de Ber-
nard Lazare : « Le juif a l'esprit révolutionnaire;
conscient oti non, il est un agent de révolution ».
« Pendant la période révolutionnaire, les juifs ne res-
tèrent p'as inactifs. Etant donné leur petit nombre à
Piaris, on les Voit occuper une place considérable,
comme électeurs de section, officiers de légion, ou
assesseurs, etc. Il faudrait dépouiller les archives des
provinces pour déterminer leur rôle général. » « Pen-
dant la seconde période révolutionnaire, celle qui
pai't de 1830, ils montrèrent plus d'ardeur enccxre
que dans la première. En travaillant pour le triom-
phe du libéralisme, ils travailljèrent pour eux. Il est
hors de doute que piar leur or, par leur énergie,
p'ar leur talent, ils soutinrent et secondèrent la révo-
lution européenne... On les trouve mêlés au mou-
vement de lia jeune Allemagne; ils furent en nombre
dans les sociétés secrètes qui formèrent l'armée com-
battante révolutionnaire dans les Loges maçonniques,
dans les groupes de la Charbonnerie, dans la Haute-
Vente romaine, partout, en France, en Allemagne, en
Suisse, en Autriche, en Italie. »
1. La revue anglaise The Mouth, dans son numéro d'oc-
tobre 1896, attribuant aux Juifs les causes de mort qui
sont en nous, disait : « Les Juifs n'essaient même pas de
dissimuler que, dans leur éternelle haine du christianisme,
secondée par les chefs de la Franc-Maçonnerie, ils ont
. été les auteurs de la Révolution. »
Le journal juif Haschophet revendiquait dernièrement
encore la Révolution comme une œuvre purement sémitique,
dans un article intitulé : L'agonie d^ l'univers romain :
« C'est en vain, disait-il, que la tiare lutte contre le sceptre
de la Révolution juive de 1793; elle voudrait en vain se
délivrer de l'étreinte de fer du colosse sémitique qui l'en-
serre; tous ses efforts sont inutiles. Le danger est imminent
et le catholicisme meurt à mesure que le judaïsme pénètre
les couches de la société. »
LES JUIFS, LEUR ACTION DANS LA CHRÉTIx^.NTÉ G87
En France, en ces derniers temps, les persécuteurs
n'ont pias eu d'amis plus fervents, d'inspirateurs
plus écoutés que certains Juifs comme Lévy-Créniieux,
Hugo Oberndoffer, Hemmerdingor, Von Reinach, Arton
et Cornélius Herz. C'est à ce dernier, juif allemand,
que demandaient conseil les Freycinet, les Floquet,
les Rouvier; c'est que sur le tableau de la Haute
jMaçonnerie internationale, Herz figurait au l'^^ mars
1881 dans la liste des Inspecteurs généraux avec
cette mention : « Pour les relations générales d'An-
gleterre, France et Allemagne. »
« Qu'ant à leur action, et à leur influence dans le
socialisme contemporain, dit encore Bernard Lazare,
elle fut et elle est, on le sait, fort grande ». Bien qu'il
ne nous apprenne rien, ce juif ne se fait pas faute de
donner les preuves de son assertion, en montrant chez
tous les peuples les partis socialistes, internatio-
nalistes, nihilistes, fondés par les juifs ou du moins
soutenus p!ar eux.
Il vient de nous les faire voir dans l-es loges et les
aiTière-loges, il dit ailleurs : « Il est certain qu'il
y eut des juifs au berceau même de la Franc-Maçon-
nerie, des juifs klabbalistes, ainsi que le prouvent
certains rites conservés. Très probablement pendant
les (années qui précédèrent la Révolution française,
ils entrèrent en plus grand nombre encore dans les
conseils de cette société et fondèrent eux-mêmes des
sociétés secrètes. » C'est-à-dire des arrière-loges, pour
de là, dominer, inspirer et diriger toute la secte.
Après ce'a nos lecteurs conviendront que VUnivers
israclite n'a rien dit de trop dans son numéro du
26 juillet 1907 (p. 585) : « On rencontre à presque
tous les grands changements de la pensée .une action
juive, soit éclatante et visible, soit sourde et latente.
Ainsi, l'histoire juive longe l'histoire universelle sur
toute son étendue et la -pénètre yar mille trames. »
688 l'agent de la civilisation moderne
Dans son livre : Le judaïsme et la judaïsation des
peuples chrétiens, M. Gougenot des Moussaux ra-
conte ce qfui suit (1).
Un de nos amis, homme d'Etat, au service de
la, grande puissance germanique, un de ces rares
protestants qui sont restés fidèles à la dévotion du
Christ, nous écrivait au mois de décembre 1865 :
« Depuis la recrudescence révolutionnaire de 1848,
je me suis trouvé en relations avec un juif, qui,
par vanité, trahissait le secret des sociétés secrètes
auxquelles il était associé et qui m'avertissait huit
à dix jours d'avance de toutes les révolutions qui
allaient éclater sur un point quelconque de l'Europe.
Je lui dois l'inébranlable conviction que tous ces
griands mouvements « des peuples opprimés » etc., etc.,
sont combinés par une demi-douzaine d'individus qui
donnent leurs ordres aux sociétés secrètes de l'Eu-
rope entière :
» Le sol est tout à fait miné sous nos pieds. »
Il ne faut point plus de preuves que nous venons
d'en donner, — et elles pourraient être multipliées
— pour établir que depuis le commencement de l'ère
chrétienne, le juif a été et est vraiment en toutes
choses et sur tous les points le grand révolutionnaire
et le grand hérésiarque. Il détruit pour détruire, par
haine de ce qui existe, mais aussi dans l'espoir
d'édifier sur ces ruines le Temple qiie nous avons
dit : la Jérusalem de nouvel ordre, assise entre l'O-
rient et l'Occident pour se substituer à Ta double
cité des Césars et des Papes, c'est-à-dire la Répu-
blique universelle et la Religion humanitaire dont
il veut être le pontife et le souverain.
1. Page 367.
CHAPITRE XLVIIl
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION
Pour annoncer le règne du Messie futur, les pro-
phètes avaient employé des expressions grandioses
qui, à première vue, pouvaient éveiller l'idée d'une
domination temporelle. A l'époque de Notre-Sei.gn.eux,
ces prophéties recevaient généralement des docteurs
une interprétation conforme à cette idée : le Messie
doit être un roi temporel et sa royauté une domination
terrestre. A sa venue, les puissances adverses doi-
vent s'élever contre lui, et leur extermination doit
se faire par les armes. On lit dans les Targums de
Jonathan sur Isaïe : « Les peuples sont broyés par
le Roi messie ». La conséquence de cette lutte vic-
torieuse était, dans la pensée des juifs de ce temps,
l'établissement à Jérusalem d'un grand royaume fondé
piar Dieu lui-même et qui devait dominer le monde
entier. Saint Jérôme (In Joël, III, 8) rappelle ces
idées encore en faveur parmi les Israélites de son
époque.
Ces idées sur le futur royaume palestinien entrè-
rent jusque dans le monde païen et furent signalées
p^r Tacite (Hist. V, 13) et Suétone (Vespas., 4).
C'est ce qui explique comment à la suite de la
L'Église et le Temple 44
690 l'agent de la civilisation moderne
multiplication des pains, les Galiléens crurent avoir
trouvié en Jésus lei Messie temporel qu'ils attenda,ieflit
et songèrent à s'emparer de Lui pour le faire roi (Joan.
VI, 15). Cest ce qui explique également l'indigna-
tion des juifs devant la prétention de Jésus à être
le Fils de Dieu, alors qu'il semblait à leur orgueil
si méprisable et qu'ils ne voyaient en Lui aucune
aptitude à réaliser les aspirations nationales.
La ruine de Jérusalem, leur dispersion dans le
monde, ne fit point perdre aux juifs leurs espérances.
Saint Jérôme, qui connaissait à fond les doctrines
judjaïques, dans son commentaire sur la prophétie de
Dlaniel qui montre la petite pierre se détachant du
haut de la montagne pour briser la statne de Na-
buchodonosor, écrit : « Les juifs tournent ce pas-
sage à leur avantage,, et refusent de reconnaître le
Christ dans cette pierre. Elle ne désigne pour eux
que le peuple d'Israël devenu tout d'un coup assez
fort pour renverser tous les royaumes de la terre
et fonder sur leurs ruines, son empire éternel. »
Cette idée, cette espérance, cette conviction d'être
la « première aristocratie du monde » et de tirer
de là, le droit à l'universelle domination est, a tou-
jours été le centre de toutes leurs pensées. Saint
Jérôme vient de nous dire ce qu'ils pensaient d'eux-
mêmes au IV^ siècle, au XV^, le docte rabbin Abra-
hanel, ministre des finances, en Espagne et en Por-
tugal, sous Ferdinand le catholique, annonçait dans
ses commentaires sur Jérémie (chap. XXX) le pro-
chain avènement et règne du Messie où s'accomplira
l'exterminJation des chrétiens et des gentils. Et Reu-
chlin à lia même époque, disait aussi : « Les juifs
attendent avec impatience le bruit des armes, les
guerres et la ruine des royaumes. Leur espoir est
celui d'un triomphe sembliable à celui de Moïse sur
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION 691
les Chiananéens et qui serait le prélude d'un glo-
rieux retour à Jénisalem, rétablie dans son antique
splendeur. Ces idées sont l'âme des commentaires
rabbiniqiies sur les prophètes. Elles ont été tradition-
nellement transmises et inculquées d'ans l'esprit de
cette nation. Et ainsi, de tout temps, les Israélites
se sont prép&rés à cet événement, terme suprême
des aspirations de la race juive. »
De nos jours, Bernard Lazare a aussi dit de ceux
de sa race : « Peuple énergique, vivace, d'un orgueil
infini, se considérant comme supérieur aux autres
nations, le peuple juif voulut être une puissance.
Il avait instinctivement le goût de la domination,
puisque par ses origines, par sa religion, par sa
qualité de race élue qu'il s'était de tout temps attri-
buée, il se croyait placé au-dessus de tous. Pour
exercer cette autorité, les juifs n'eurent pas le choix
des moyens. L'or leur donna un pouvoir que tou-
tes les lois politiques et religieuses leur refusèrent,
et c'était le seul qu'ils pouvaient espérer. Détenteurs
de l'or, ils devenaient les maîtres de leurs maîtres,
ils les dominaient, et c'était aussi Tunique façon de
déployer leur énergie, leur activité. »
C'est cet esprit de domination qui les a toujours
rendus odieux à tous les peuples. « Ajmd ipsos, dit
Tacite (1), fides ohstinata, misericordia in promptu,
sed adversus omnes alios hostile odium », et saint
Paul dans son Epître aux* Thessaloniciens a dit aussi
d'eux : « Et omnibus hominibus adversanlur. »
Un livre qu'ils placent au-dessus de la Bible elle-
même a puissamment servi à entretenir cet esprit
chez eux, jusqu'à nos jours, le Talmud. M. Auguste
Rokling, professeur à l'Université de Prague l'a tra-
duit. Quelques lignes suffiront à en faire connaître
1. Histoire, v. 5.
692 l'agent de la civilisation moderne
l'esprit. « Lia domination sur les autres peuples doit
être le partage des juifs. — En attendant la Venue
du Messie, les juifs vivent dans l'état de guerre
continuelle avec les autres peuples. Quand la vic-
toire sei'a définitive, les peuples accepteront la foi
juive (1). — Les non juifs n'ont été créés que poar
servir les juifs nuit et jour. — Dieu donne toute
puissance aux juifs sur les biens et le sang de
tous les peuples. . — L'argent du non juif est !un
bien sans maître, en sorte que le juif a le droit
d'en prendre possession. — Dieu nous a ordonné
d'exercer l'usure envers le non juif, de façon que
nous ne lui prêtions pas assistance, mais que nous
lui fassions du tort. — Les juifs seuls sont des
hommes, les autres nations ne sont que des variétés
d'animaux. — Les âmes des non juifs viennent de
l'esprit impur et les âmes d'Israël viennent de l'esprit
de Dieu (2). » Le p^euple judaïque régnant éternelle-
ment sur tout l'univers, ayant tous les Goïms (3)
pour esclaves. Voilà depuis trois mille ans, le rêve
de ce peuple, le but qu'il poursuit à travers toutes
les vicissitudes et par tous les moyens. Joseph Lé-
man a fort bien dit : « L'imagination d'Israël n'a ja-
mais cessé d'être hanté par un rêve de domination uni-
verselle. » Des pages et des livres entiers du Tal-
mud expriment les sentiments qui agitent l'âme juive,
1. Rapprocher ces paroles des chapitres ci-dessus : Le
temple. Nef politiqiie. Nef religieuse.
2. Le Juif selon le Tahnud, par Rohling. Edition fran-
çaise par Pontigny. Editeur Savine.
3. Goï, Goim, ne signifie pas « le chrétien », « les chré-
tiens », mais le « non juif », les « non juifs ». Goïm sont
les Turcs, les Chinois, les Nègres, etc.
De même le mot « juif » n'est plus un nom de reli-
gion, de culte, mais un nom de peuple. Les juifs de nos
jours sont en grand nombre libres-penseurs, cabalistes,
occultistes, spirites, etc.
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION 693
dont les lignes ci-dessus, ne donnent qu'une bien
faible idée (1).
Telles sont les convictions que le Talmud et l'ensei-
gnement qui en est donné ont fait entrer dans la
conscience juive. Là est le principe de l'action que le
juif s'efforce d'exercer au sein des autres peuples,
la source de ses espérances, la justification de son
orgueil et de l'ambition qui veut assujettir tous les
peuples à son empire.
L'heure de ce triomphe et de cette dominô^tion
approche, pensent-ils. L*un d'eux, le fondateur de
YAMlaiice Israélite universelle, créée pour en hâter
la venue, s'écriait il y a quelques années, dans un
discours aux délégués de cette association. « Comme
déjà tout est chlangé pour nous, Messieurs, (depuis
notre affranchissement par la Révolution) et en si
peu de temps! Lorsque j'étais enfant, les juifs ne
comptaient pour rien, et à mesure que l'âge est venu,
je les ai vus conquérir dans toutes les carrières, une
position élevée... Courage, mes amis, redoublez d'ax-
deur; quand on a si vite et si bien conquis le pré-
sent, que l'avenir est beau! »
Cet avenir, ils pensent le toucher. Ils l'attendent
surtout des idées qu'ils ont semées dans la société
chrétienne : liberté, égalité, démocratie, principes de
89.
Le 29 juin 1869, au moment où s'ouvrait le Con-
cile du Vatican, les juifs voulurent avoir, eux aussi,
leur concile. Ils le tinrent à Leipzig, sous la. prési-
dence du D^ Lazarus, de Berlin. Y figuraient les re-
1. On peut, pour s'en faire une idée plus complète, recDU-
rir à l'ouvrage de M. Grougenot des Mousseaux, le chapitre
IV et le chapitre V avec ses cinq divisions. On peut lire
aussi l'ouvrage du rabbin converti, M. Drach. Particulière-
ment 2e lettre, page 99.
094 l'agent de la civilisation moderne
présentants de l'Allemagne, de la Russie, de la Tur-
quie, de l'Autriche, de l'Angleterre, de la France,
des Pays-Bas, etc., etc.
Lia conclusion en a été donnée, aux applaudisse-
ments de tous, plar le D^ Philipson, de Bonn, appuyé
piar le grand rabbin de Belgique, M. Astruc. Elle fut
ainsi formulée : « Le Synode reconnaît que le dé-
veloppement et la réalisation des principes moder-
nes sont les plus sûres garanties du présent et de
l'avenir du judaïsme et de ses membres. Ils sont les
conditions les plus énergiquement vi'.a'es pour l'exis-
tence expiansive et le plus haut développement du
judaïsme. »
Déjà nous avons rapporté ces paroles; mais elles
ont une importance capitale et il est bon de les
considérer de plus près.
Les principes modernes ont été formulés dans la Dé-
claration des droits de l'homme. Ils procèdent tous
du principe des principes : l'égalité. Tous les hom-
mes sont égaux. Un Anglais ne doit être pour ^n
Français que l'équivalent de tout autre Français, étant
l'un et l'autre, membres de la famille humaine, hom-
mes, n'ayant d'autres droits que les droits qui ap-
piartiennent à l'homme.
C'est le juif, aidé par la Franc-Maçonnerie qui a
répiandu et fait admettre cette idée dans les amiées
qui ont précédé la Révolution. Idée nouvelle, car,
jusque-là, il y avait des Français, des Anglais, des
Allemands, des Russes, comme il y avait eu des
Grecs, des Romains, des Barbares ayant chacun leurs
lois, leur constitution et les droits qu'elles confèrent
aux nationaux à l'exclusion des étrangers.
Les juifs, considérés étrangers dans tous les pays
du monde, lavaient im souverain intérêt à changer
cet état dé choses, à se faire prendre et accepter
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION G95
comme nationaux partout où ils se trouvaient. C'est
ce qu'ils obtinrent par la Déclaration des droits de
l'homme et ils viennent de nous dire le parti qu'ils
en ont tiré, les espéj^ances qu'elle leur fait concevoir
pour un prochain avenir.
Il n'est pas étonnant que le concile des juifs ait
reconnu que d^ns ces « Principes modernes » se trou-
vent « les plus sûres giaranties du présent du judaïsme
et de ses membres ». Si, en effet, les nations ve-
naient à reconnaître leur erreur, à repousser cette
égalité, la condition des juifs redeviendrait ce qu'elle
était autrefois, race à part, race infusible; i-S seraient
de nouveau traités pour ce qu'ils sont, traités partout
comme étiiangers.
Aussi le concile a-t-il voté le développement et
la réalisation des principes modernes, leur dévelop-
pement dans les esprits et leur réalisation de plus
en plus parfaire dans les institutions.
Rien de plus facile pour lui. Il forme au sein
de chacun des Etats de ce monde un Etat particulier.
Partout, il a l'aide des associations, secrètes ou non
secrètes, composées d'hommes de toutes les croyances
ou plutôt de toutes les incroyances. Il exerce sur
ces sociétés, dont quelques-uns de ses chefs sont
l'âme soigneusement enveloppée de mystère, un em-
pire qui lui permet de les faire travailler à son
profit, soit en répandant les idées qu'il a intérêt
à propager, soit en faisant les lois ou établissant les
institutions que ces idées appellent. Il a Timmensité
sans cesse croissante de ses richesses et par elle
les leviers qu'il se forge pour former l'opinion, pour
la soulever, pour faire éclater les événements dont
il attend l'avancement de sa cause. Il a l'inflexibilité
de son vouloir et lia flexibilité de son aptitude. Il
a de singuliers et merveilleux privilèges d'intelligence
en rapport avec ses ambitions.
696 l'agent de la civilisation moderne
Aussi ne devons-nous pas nous étonner de voir
combien grand est le nombre des chrétiens^ qui dans
la presse et dans l'enseignement, dans l'administration
et dans tous les corps civils et politiques, se font
les coopérateurs des juifs dans la propagande des
grands principes. Ils ne savent sans doute pas ce
que le juif attend de leur collaboration; ils ignorent
ce que doit produire le développement des principes
modernes dans l'esprit des masses, et leur réalisation
dans les institutions politiques et sociales. Le con-
cile de Leipzig ne l'a pourtant point caché. Ce déve-
loppement, cette réalisation sont, a-t-il dit, « les con-
ditions les plus énergiquement vitales pour l'existence
expansive et le plus haut développement du judaïs-
me. »
Quelle est cette énergie de vie que le judaïsme
attend pour lui, pour sa race de la propagande des
idées modernes et du fonctionnement des modernes
institutions qui en découlent, suffi^age universel et ce
qui s'en suit? Et quel est le plus haut développement
auquel le judaïsme espère et que doivent lui procurer
ces idées et ces institutions énergiquement vitales
pour lui?
Ce développement n'est rien moins, inutile de le
répéter, que l'hégémonie du juif sur toute la race
humaine, sa domination sur tous les peuples, devenus
sujets, esclaves d'Israël.
« Comme' déjà tout est changé pour nous! et en
si peu de temps! » s'écriait Crémieux après trois
quarts de siècle seulement de fonctionnement des
principes modernes. 'Et l'abbé Lémann, de race juive :
« Quiand on s'est aperçu que les juifs étaient ci-
toyens, ils étaient déjà en partie les maîtres. » Il
écrivait cela bien avant l'affaire Dreyfus qui a fait
voir à tous ceux qui ne sont point inféodés aux juifs
que ceux-ci sont vraiment nos maîtres.
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION 607
Avant eux, Disraeli, autre juif, bien placé pour
connaître la vérité de ce qu'il avouait, écrivait : « Le
juif arrive de nos jours à exercer sur les affaires
de l'Europe une influence dont le prodige est sai-
sissant. »
Beiaucoup de juifs aujourd'hui n'attendent point d'au-
tre Messie, que les principes de 89. Ils disent avec
M. Cahen : « Le Messie est venu pour nous, le 28
février 1790 lavec les Droits de l'homme ». 89 est
leur hégire. Les principes modernes sont considérés par
eux comme l'idée messianique et ils n'appellent rien
d'autre, ni homme, ni arme pour conquérir l'univers.
Ces principes nivellent tout chez leurs adversaires et pn
font une proie facile; à eux ils donnent Tavantage
de jouir partout de deux nationalités; celle d'em-
prunt qui leur donne to'us les droits des citoyens
du pays où ils se sont introduits, et la leur propre
qui leur permet de s'entendre d'un bout à l'autre du
monde et de concentrer leur action pour arriver à
tout dominer (1).
1. Le Prince Louis de Broglie a conclu une étude sur La
question juive au point de vue politique, par cette cons-
tatation : « ... 30 Entrés dans les sociétés, grâce aux prin-
cipes modernes, les Juifs so-nt devenus les adeptes et les
propagateurs les plus ardents de ces principes, les membres
les plus actifs de la Franc-Maçonneri'e, les fils les plus
dévoués de la libre-pensée. »
Si les chefs du Sillon, et même de l'Associatioa catho-
lique de la jeunesse savaient ces choses, pousseraient-ils
nos jeunes chrétiens avec tant d'ardeur dans les voies de
la démocratie? Un rabbin allemand s'est permis à leur
égard cette ironie : « Ces chrétiens bornés et à court? vue
se donnent de la peine pour nous arracher par ci par-là une
âme. Et ils ne voient pas que nous aussi nous sommes
missionnaires et que noire prédication est plus habile et
plus fructueuse que la leur... L'avenir est à nous. Nous
convertissons en masse et d'une façon inaperçue. »
M. Bachem a fait récemment au Landtag prussien cette
déclaration : « Le judaïsme allemand — la chose est en-
i')'Ji^ l'agent de la civilisation moderne
Cependant l'immense majorité des juife reste fidèle
à l'antiqoe croyance ainsi exposée par l'éiiiinent rab-
bin Drach dans son livre V Eglise et la Synagogue.
« D'après la doctrine enseignée par les maîtres
d'Israël, le Messie doit être un grand conquérant,
qui soumettiia les nations à la servitude des juifs.
Ceux-ci reprendront la Terre Sainte, triomphants et
chargés des richesses qu'ils auront arrachées aux in-
fidèles. Alors tous les peuples setront assujettis aux
juifs et à ceux-ci appartiendront les biens et la puis-
sance des vaincus (1). C'est par un salut à ce même
triomphateur et par l'espérance des biens qu'il doit
procurer à son peuple que les rabbins finissent d'ordi-
nJaire leurs discours. »
Ceux-là même qui tournent en mythe le Messie,
tels les rédacteurs des Archives iraélites, ne peuvent
se mettre en opposition ouverte 'avec les vrais croyants
et sont souvent obligés de leur laisser la parole.
Le 21 miars 1864, les Archives publièrent une lettre
d'un orthodoxe de Nancy où l'on voit bien qu'ortho-
doxes ou non, tous les juifs comptent sur la, domi-
nation universelle qu'ils croient leur être promise
par le Souverain Maître.
« Messieurs, je suis de ceux qui pensent que notre
génér'ation ne verra pas le jour de la grande répara-
core plus vraie en France — travaille avec une puissance tel-
lement gigantesq 16 et avec une pers5v^rance tellement cons-
tante à la civilisation et à la science modernes qtie le
plus grand nombre des chrétiens sont menés d'une façon
consciente ou inconsciente par l'esprit du judaïsme mo-
derne. »
1. Dans l'école où j'étais, à- Strasbourg, nous raconte M.
Drach, les enfants prirent la résolution de faire, à la pre-
mière apparition du Messie, main basse sur toutes les
boutiques de confiseries de la ville... J"ai dressé longtemps,
à part moi, l'état des lieux d'une ber.e boutique au coin
de la Place d'Armes, s.ir laquelle j'avais jeté mon dévolu ».
Drach. Deuxihne l:ttre, p. 319. Paris, 1827.
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION G09
tion promise. Et pourtant j"e ne voudrais pas affirmer
le contraire en présence des événements et des trans-
formations auxquelles nous assistons depuis ces quinze
dernières années!
» Vous dites : nous ne croyons cette idée — du
Messie et de son retour triomphal à Jérusalem — ni
réalisable, ni acceptable! Avez-vous bien réfléchi à
la gravité de ces paroles? car elles coyistîtuent la
négation complète de notre foi et de notre mission
DANS LE monde! Telle n'est certes pas votre pensée;
mais il convient qu'un organe de l'importance des
Archives ne puisse être considéré comme n'ayant pas
toute lia conscience des devoirs co^mme des espérances
d'Israël. Gomment! vous ne croyez pas à la mission
-finale de la maison de Jacob? Jérusalem serait pour
vous un vain mot? Mais ce serait h renversement im-
médiat de notre culte, de notre tradition, de notre
raison d'être; et à ce compte, il faudrait aussitôt
brûler tous nos livres sla.crés... Notre rituel, ordinaire
ou extriaordinaire, toujours nous parle de la mère-
patrie. En nous levant, en nous couchant, en nous
7nettant à table, nous invoquons notre Dieu pour qu'il
hâte notre retour à Jérus^alem, sans retard et de nos
jours! ce seraient donc là de vaines paroles? La
répétition générale, universelle, de ces paroles n'au-
rait donc plus de sens? ce serait de pure forme?
» Heureusement qu'il n'en est pas ainsi; et vous
voyez, cher IMonsieur, que, si bdaucoup d'entre nous
ont oublié d'importance du retour, Dieu nous a suscité
des frères nouveaux qui comprennent parfois mieux
que nous-mêmes, ce miracle, unique dans la vie du
monde, d'un peuple tout entier dispersé depuis dix-
huit cents ans dans toutes les parties de l'univers
sans se confondre ni se mêler nulle paît avec les
populations au milieu desquelles il vit! Et, cette
700 L'AGENT DE LA CIVILISATION MODERNE
conserviation incroyable, faite pour ouvrir les yeux
aux plus aveugles, n'aurait aucune signification, au-
cune vlaleur pour nous et pour le monde?
» ...Mais regardons l'horizon, et considérons trois
signes éclatants qui nous frappent. Trois mots, trois
choses ont le privilège d'occuper tous les esprits
et d'absorber l'attention du temps présent : nationa-
lités, CONGRÈS, SUEZ.
» Eh bien! la clef de ce triple problème (des peu-
ples qui entrent en possession d'eux-mêmes pour s'uni-
fier, et unifier à l'aide du fil électrique et de la
vapeur, les diverses régions du monde), la clef de
cette triple solution, c'est Israël, c'est Jérusalem!
Je l'ai dit plus haut, toute la religion juive est fondée
sur Vidée nationale. — Et qu'ils en aient ou non
conscience — il n'est pas une pulsation, pas une
aspiration dés fils d'Israël qui ne soit vers la patrie. Je
le répète, il faudrait fermer depu.is le premieir jus-
qu'au dernier de nos livres, s'il fallait chasser Jéru-
salem de nos pensées!
» Et ces aspirations, ces pensées ne sont pas seule-
ment une chose intime, personnelle ,à notre race, mais
c'est un besoin universel; c'est la réalisation des
paroles des prophètes; que dis-je? des paroles de
Dieu...
» Encore un mot, cher Monsieur. Nous approchons
du jour anniversaire de la sortie d'Egypte des Israé-
lites nos pères. C'est la soirée du 20 avril que, par
toute la terre, un peuple disséminé depuis bientôt
deux mille ans, le même jour, à la même heure sou-
dain, se lève comme un seul homme. Il saisit la
coupe de bénédiction placée devant lui, et d'une voix
fortement accentuée, il redit par trois fois le magni-
fique toast que voici : Tannée prochaine dans Jéru-
salem. Direz-vous encore que le rétablissement de
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION 701
la nation juive n'est ni réalisable ni acceptable. —
Lévy BuRG. »
Il faudrait reproduire cette lettre en entier. Citons-en
encore du moins, ce passage qui montre que dans la
pensée des juifs, le retour à Jérusalem emporte leur
domination sur tout le genre humain par une Con-
vention ou un tribunal chargé de gouverner tous
les hommes. « N'est-il pas naturel, nécessaire de
voir un tribunal suprême, saisi des grands démêlés
publics, des plaintes entre nations et nations, jugeant
en dernier ressort, et dont la parole fasse loi? Et
cette parole, c'est la parole de Dieu, prononcée par
ses fils aînés (les Hébreux) et devant laquelle s'incli-
nent avec respect, tous les princes, c'est-à-dire Tuniver-
salité des hommes » (1).
Peuple, il vous faut un juge suprême, infaillible.
Reconniaissez en moi non seulement le peuple-roi,
mkis le peuple-pape.
Comme complément de cette lettre, peut être re-
produit un extrait d'un rapport que fit le docteur
Becchanan, en 1810, à l'Eglise anglicane. « Pendant
mon séjour en Orient, j'ai partout trouvé des juifs
animés de l'espoir de retourner à Jérusalem et de
voir leur Messie... Ils croient que l'époque de leur
délivrance n'est pas très éloignée et regardent les
révolutions qui agitent l'univers comme des présages
de liberté. Un signe certain de notre prochain affran-
chissement, disent-ils, c'est qu'en presque tous pays,
les persécuteurs suscités contre nous se ralentissent.
Israël croit donc proche, très proche, le moment où
les prophéties messianiques vont se réaliser dans
le sens qu'il leur a toujours donné. »
Devons-nous redouter de voir leur rêve se réaliser?
La tradition chrétienne nous parle de l'Antéchrist
1. Archives Israélites, 1864, pp. 335 à 350.
702 l'agent de la civilisation moderne
et lui donne les mêmes caractères que les juifs don-
nent à leur Messie.
Or, comme l'observe M. des Mousseaux, « sous nos
yeux, d'un bout à Vautre ds la terre, le monde poli-
tiq;ue, le monde économique et commercial, conduit
ou entilaîné par les sociétés du monde occulte dont
les juifs sont les princes, ,se sont mis à brasser
à la fois de toutes parts et avec une inlassable ardeur,
la grande unité cosmopolite. Ainsi, se nomme, dans
le langage 'du jour, le système d'où sortirait l'abo-
lition de toutes frontières, de toutes patries, ou, si
l'on veut, le remplacement de la patrie particulière
de chiaqfue peuple par une grande et universelle pa-
trie qui serait celle de tous les hommes » (1).
La république universelle et la religion humani-
taire appelent une langue commune. Plusieurs es-
sais sont faits en ce moment pour la créer et la faire
adopter : l'Ido, le Volapuck, l'Espéranto. Beaucoup
estiment que ce sont là des tentatives judéo-maçonni-
ques, rentrant dans les moyens employés par la secte
pour préparer le nivellement des esprits et des na-
tions. Entre d'autres signes qui le donnent à penser,
l'étoile maçonnique n'e:t-elle pas l'insigne préféré des
Espérantistes ? Le créateur de l'Espéranto, le D^" Za-
menonhof, est un juif. Il y a toujours à se défier de
ce qui vient d'eux (2).
1. De plus, nous l'avons vu, le remplacement de toutes
les religions par la religion humanitaire q;ui serait, elle
aussi, la religion de tous les hommes.
2 La langue universelle existait pour la* chrétient'^, elle
existe encore au service de la civilisation catholique : le latin.
Reclus, quoique nullement chrétien, dans son livre Le
partage du mond^, dit d'elle (pp. 294 et suiv.) : « Sa gloire
étemelle c'est d'avoir modelé les hommes après les avoir
commandés du verbe le plus sonore, le plus concis, le plus
fin, le plus impérial qui fût jamais; c'est, en traînant
à sa suite la science, la philosophie, l'art des Grecs, d'avoir
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION TO^Î
Or, cette unité réclame une tète. Et donc les juif:?
no so contenteraient point d'espérer, d'appeler de !eurB
vœux leur Messie dominateur du monde, ils lui pré-
pareraient les voies par tout ce travail séculaire au-
quel ce livre à fait assister ses lecteurs.
C'est ainsi que nous avons pu les appeler les maî-
tres de Vœuvre.
Ce serait le grand œuvre du Pouvoir occulte qui
est à la tête de toutes les sociétés secrètes qui cou-
vrent lo monde (1), qui les inspire et qui dirige l'ac-
tion de toutes vers le but que lui connaît bien, mais
instruit l'Occident et par l'Occident le monde; c'est d'avoir
donné aux idiomes qui s'assujettissent l'orbe des terres, les
mots de toutes les connaissances qui élèvent l'homme au-
dessus de l'animalité : arts, sciences morales, sciences so-
ciales, sciences politiques, sciences économiques, le droit,
l'histoire, la géographie, les mathématiques; c'est d'avoir
été et d'être resté la langue du cathoUcisme universel.
Bref, le plus précieux trésor de l'humanité civilisée, c'est
le latin, et le plus souvent, ne l'oublions pas, du latin qui
a passé par l'idée française.
1. Il ne faut point croire que les relations des Juifs avec
la Franc-Maçonnerie soient renfermées dans les limites de
l'Europe et de l'Amérique. (Voir ci-dessus). Les sociétés
secrètes se rencontrent sur tous les points du monde et
paraissent bien obéir partout à une seule et même di-
rection.
Les relations de la Franc-Maçonnerie européenne avec
la Chine ont pu être constatées par les Français dans leurs
expéditions au Tonkin et dans l'Annam. Des cens fort bien
renseignés assurent que les déceptions que la République
y a rencontrées sont atlribuables à la société Tien Si Hevl
(Ciel et Terre). Les endroits traversés par l'armée fran-
çaise étaient pleins de signes mystérieux et de menaces
maçonniques à l'adresse des initiés européens qui étaient
conjurés de ne pas user de leurs armes contre leurs frères
orientaux.
Deux sociétés secrètes terrorisent la Cochinchine, la
Nghia hung et la Nghia hou. La première a pour bannière
la couleur jaune et la seconde la couleur verte. Dans l'une
et dans l'autre on se réunit dans des pvTgodes spéciales, on
est lié par un secret absolu, on se soutient jusqu'à la mort.
704 l'agent de la civilisation moderne
qu'il cache autant que possible aux chrétiens dont
il a fait ses serviteurs et ses instruments.
Par eux, ou du moins avec leur concours, il tra-
vaille, dès maintenant, à une entière expropriation
afin que, n'étant plus attachés à rien, les peuples
les laissent s'emparer de tout : nous avons vu les
Français désappropriés de leurs traditions, écouter
ceux qui s'efforcent de les désapproprier de leur
nationalité, et même de leur religion. Ils sont en
train de se dépouiller même de leurs richesses.
M. Emile Cahen, auditeur au Conseil d'Etat, vient
d'être chargé par le ministre du travail de recher-
cher les causes des crises (économiques. Juif lui-
même, il ne fera pas figurer parmi œs causes- les
grandes razzias juives. Nous avons été amenés, —
par qui, et comment? — à confier à l'étranger trente
six milliards de notre avoir. C'est M. Arthur Meyer
qui donna ce chiffre. La liquidation de la fortune de
Ces maçoiiiieries indigènes sont absolument ennemies de
la France.
Un Chinois, qui séjourna en France, Ting-Toung-ling, pu-
blia, en 1864, un livre sur la Franc-Maçonnerie chinoise.
Il se fit affilier en France à la R. • . L, • . La Jérusalem
des Vallées égyptiennes. M. de Rosny, professeur à l'Ecole des
langues orientales à Paris, fut chargé de servir d'interprète
au récipiendaire. Il apprit de lui qu'il existe en Chine des
associations identiques à celles de nos loges et également
liées entre elles par des serments inviolables.
M. de Rosny se mit également en rapports avec un
autre franc-maçon chinois d'un grade plus élevé, Sun-young.
Sa conclusion est qu'en Asie comme en Europe la Franc-
Maçonnerie est à la fois philosophique et révolutionnaire.
Le vice-roi du Yun-nan avoua à M. François, consul
de France, que les sociétés secrètes sont à ce point- puis-
santes en Chine que lui-même était obligé de leur servir
d'instrument. Il ajouta qu'elles sont internationalisées pour
les étrangers qui sont en Chine.
On voit comment, au moment propice, le monde entier
pourra être soulevé et bouleversé pour la satisfaction des
ambitions d'Israël.
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION 705
la France, sa transformation en papier, c'est-à-dire
bientôt en feuilles mortes, c'est l'une des choses qui
doivent contribuer à la faire disparaître comme na-
tion; et l'on sait que c'est d'elle, de la fille aînée
de l'Eglise, que le Pouvoir occulte veut triompher tdut
d'abord. Mais les autres peuples sont aussi sous l'ac-
tion de cette pompe aspirante qu'est le judaïsme.
Le D^ Riatzinger a fort bien dit : « L'expropriation
de la société par le capital mobile s'effectue avec
autant de régularité que si c'était une loi de la
nature. Si on no fait rien pour l'arrêter, dans l'espace
de cinquante ans, ou, tout au plus d'un siècle, toute
la société européenne sera livrée, pieds et poings
liés, à quelques centaines de banquiers juifs. » Toute
la société européenne, c'est trop peu dire, l'Amérique
et l'Asie, seront également à la merci des banquiers
juifs. Le Krack américain a bien montré que leur
pouvoir est ixussi grand dans le nouveau monde que
dans l'ancien, et personne n'ignore que le Japon
et la- Chine commencent aujourd'hui à leur deman-
der les moyens de se « civiliser ».
M. Gougenot des Mousseaux montre dans son li\^re
« l'immensité », l'énormité de la puissance que le juif
doit à son or, à son art inimitable de le faire sien,
à l'instinct, au talent, au génie dont il est doué
d'élever iau-dessus de toute hauteur son nid et de
l'équilibrer de telle sorte que l'ébranler ce soit ébran-
ler le monde.
Jamais autant que de nos joujs, la finance ne fut
le nerf de la guerre et Je la paix, l'âme de la politi-
que et de l'industrie, du commerce et du bonheur des
familles, et jamais cette puissance n'eut, autant que
de nos jours, pour domicile ou pour citadelle, le coffre-
fort du juif, ne s'y concentra d'une manière atissi
prodigieuse et aussi formidable.
L'Église et le Temple. 45
706 l'agent de la civilisation moderne
Et par l'or, le juif nous possède, parce que l'or-
gueil, le luxe, la luxure, la soif de toute puissance,
et de toute jouiss^ance se sont emparés de nos âmes.
Il ne lâchera prise qlie devant la résurrection de
l'éducation chrétienne, qui inspire à l'homme humi-
lité, modération, honnêteté, sobriété, dévouement,
égards et respect pour le faible et le pauvre.
Le P. Ratisbonne (1), de race juive, constate que
« les juifs dirigent la bourse, la presse, le théâtre,
la littérature, les administrations, les grandes voies
de communication sur terre et sur mer; et par l'as-
cendant de leur fortune et de leur génie, ils tiennent
enserrée à l'heure qu'il est, comme dans un réseaa,
toute la société chrétienne. »
D'ans ces conditions, qu'adviendrait-il, demande M.
Gougenot des Mousseaux « si quelque agitateur, si
quelque conquérant, levant l'étendard du Messie et
le front couronné de l'auréole qu'y jetterait le jour
glorieux de la victoire, se donnait pour le désiré
d'Israël? La très grande majorité, le véritable noyau
de la race judaïque l'acclamerait. Quant à la mino-
rité moins croyante, l'évéinement reconstruirait ^a foi
défaillante sur le modèle de la foi de ses pères. »
Et nou seulement cela, mais, continue M. Gouge-
not des Mousseaux, si par la toute puissance des
révolutions modernes, un homme se trouvait maître
tout à coup des volontés et des forces d'un peuple,
pourrions-nous nier, indépendamment du langage pro-
phétique des Ecritui-es et de l'Eglise, que dans les
circonstances préparées de longue date par les révo-
lutionn'aires du monde entier, un seul homme, un
de ces coryphées de révolution qui fascinent et en-
traînent les multitudes, puisse, en un instant, se
trouver sur les lèvres, dans les vœux et à la tête
1. Question juive, page 9
LES JUIFS : LE TERME DE LEUR AMBITION 707
des peuples ardents à tourner les merveilleuses apti-
tudes de sa personne vers le but final de leurs aspira-
tions », de ces aspirations à la jouissance sans bor-
nes qu'enflamme la civilisation moderne? (1).
M. des Mousseaux, ajoute : « Lorsque, dans le do-
maine de la pensée, chaque agent destructeur a rem-
pli s'a tâche, avec quelle vélocité de foudre — dans
le siècle de la vapeur let de l'électricité, c'est-à-
dire dans un siècle de miraculeux raccourcissements
de temps et d'esp'ace — viendront fondre sur nous
les événements les plus gros de surprises! événe-
ments qui ne cesseront de paraître aussi lointains,
aussi impossibles à ceux qui ne savent ni voir ni
croire, que le semblait aux contemporains de Noé,
le déluge universel, la veille même du jo^ur où ce
cataclysme, si longtemps prophétisé, bouleversa la
terre.
1. Il faut lire en entier ce chapitre XII du livre : « Le
Juif, le Judaïsme et laJudaïsation des peuples chrétiens. »
LE TEMPLE
IV. — LE GRAND ARCHITECTE
CHAPITRE XLIX
I. = SATAN : SA RENTRÉE DANS LE MONDE
CHRÉTIEN
Au-dessus des maçons et au-dessus des maîtres
de l'œuvre, y a-t-il uu ordonnateur suprême des dé-
molitions religieuses et sociales et un architecte de
ledifice auquel elles doivent faire place, l'artiste-
ingénieur du Temple qui doit s'élever sur les raines
de l'Eglise?
M. le comte d'Anthémarre a établi dans la Bévue
catholique des Institutions et du Droit que « l'Etre
suprême en présence et sous les auspices duquel la
Révolution a proclamé les « Droits de l'homme » et
voulu établir « le culte de la nature » n'était point,
dians la pensée des principaux auteurs de la Décla-
ration et de la religion nouvelle, le Dieu qu'adore le
ciel et la terre, mais Satan (1) désigné sous ce nom
1. « Le génie du mal, dit M. Joseph Lemaiin, porte diffé-
reoits noms dans l'Ecriture. L2 principal est Satan. Satan
SATAN, SA RENTRÉE DANS LE MONDE 700
d'Etre suprême ou de « Grand architecte » dans le
langage plein de mensonge et d'obscurités calculées
que les loges se sont fait pour cacher aux profanes
leurs pensées et le but qnie la secte poursnit. C'est
à ce dieu qne les vrais initiés veulent élever le
Temple symbolique où ils espèrent pouvoir réunir
tous les humains sous un même sceptre et dans un
même culte.
Pour ce culte, ils ont déjà jeté leur dévolu, sur
nos sanctuaires, comme l'avaient fait les théophilan-
thropes iaprès l'inauguration qui en fut faite par Ro-
bespierre. « Si les vieilles architectures élevées par la
foi des siècles restent debout, ,a dit un des chefs
de lu secte, le triangle y logera la solennité de ses
rituels; les curés de Notre-Da,m6 céderont leurs pres-
bytères aux pasteurs du Grand-Orient. » Et le F. • .
Blatin à la seconde séance du convent de 1883. « Dans
en hébreu signifie adversaire, l'adversaire! Le diable, qxii
est aussi son nom, signifie calomniateur, accusateur men-
songer. Il est appelé également le Démon, qui veut dire
mauvais génie, tentateur.
» Il est le Démon, le Diable, par rapport aux hommes, les
tentant, les calomniant, les accusant mensongèrement. Mais
il est Satan par rapport à Dieu; l'adversaire contre Dieul
Son rêve est d'être usurpateur. Il a été l'usurpateur dissi-
mulé à l'époque de la déclaration des droits de l'homme.
Il est maintenant l'usurpateur avoué par l'apostasie offi-
cielle. »
Calomniateur, accusateur mensonger. Oui; et pax là le
diable se montre bien le père et le docteur de la Franc-
Maçonnerie et de ses suggestions.
Mauvais génie tentateur. Oui, encore, et chacun de nous
ne le sait que trop.
Adversaire de Dieu, contre Dieu. Non. Satan est une in-
telligence trop haute pour vouloir se mesurer contre l'Infini.
Mais adversaire de Jésus-Christ, l'Homme-Dieu, le prin-
cipe de l'ordre surnaturel dans lequel l'orgueil de Lucifer
et de ses suivants ne leur a point permis d'entrer let
qui maintenant soustrait les chrétiens, les disciples et les
membres du Christ à leur domination. Ce que nous verrons
plus loin. I ' 1 l "*
710 l'agent de la CIVILISATIO-'V MODERNE
ces édifices élevés de toutes parts, depuis des siècles
aux superstitions religieuses et aux .suj)rématies sacer-
dotales, nous serons peut-être appelés à notre tour
à prêcher nos doctrines; et au lieu des psalmodies
cléricales, qfui résonnent encore, ce seront les mail-
lets, les batteries ot les acclamations de notre ordre
qui en feront retentir les larges voûtes et les vastes
piliers » (1).
L'année suivante, le 24 février 1884, le F. : . Masson,
délégué de la, loge Les amis de V indépendance repro-
duisit le vœu du F. • . Blatin, en invoq'uant son au-
torité.
Ces paroles sont autre chose qu'une vaine jac-
tance.
Déjà, nous sommes témoins des premiers efforts
de la secte pour arriver à son but. Nos églises ne
nous 'appartiennent plus. Notre présence n'y est plus
que tolérée. Quand cessera le bon plaisir de la secte,
nous devrons les éviacuer.
En 'attendant le jour où elle jugera bon d'en pren-
dre possession, elle dispose les esprits à accueillir
cette transformation, en faisant disparaître peu à peu
le nom de Dieu et en glorifiant Satan.
La première partie du programme est visible : tou-
tes les lois, et particulièrement la loi scolaire, sont
faites pour la réaliser. La 'mise en pratique du second
article doit être plus discrète. On y tend. On sait
l'affreux salut adressé à Satan par Proudhon et ce'ui
non moins odieux proféré par Renan. Michelet a pro-
phétisé son triomphe et Quinet voulait « étouffer le
1. Dans la discussion du projet de loi sur la séparation
de l'Eglise et de l'Etat, M. Groussau rapporta ces paroles.
M. Limousin, directeur de V Acacia, dans une lettre au Figaro,
parut mettre en doute l'exactitude de cette citation. M.
Groussau écrivit aussitôt au Figaro : « J'en ai le texte
sous les yeux dans le « Bulletin du Grand-Orient de Fran-
ce ». pp. 526, 631, 645. »
SATAN, SA RENTRÉE DANS LE MONDE 711
christianisme dans la boue », afin que la religion
de Stitan pût prendre sa place.
Son culte commence à se dessiner. Le nom de
temple donné par les francs-maçons à leurs lieux
de réunion, l'autel qui s'y trouve, les ornements que
portent les dignitaires, les cérémonies qu'ils accom-
plissent, tout cela indique un culte, un culte qui
s'adresse à tout autre qu'à Dieu, à ses anges et ses
saints (1).
Lia religion satanique a ses hymnes, même hors
des temples mjiçonniques : l'infâme chanson qui met
sur les lèvres du peuple chrétien le vœa de voir
le Christ relégué à l'écurie et la Vierge à la voirie.
Elle a ses sacrements. Il y a le baptême maçonniquo
qui fait les « louveteaux »; il y a l'enterrement ma-
çonnique dit « civil », et il y ^ le mariage maçonni-
que (2). « La chaîne d'union, journal de la franc-
1. En 1893, le palais Borghèse cà Rome, fut donné en
location au Grand-Orient d'Italie. Deux ans plus tard, en
vertu d'une clause inscrite dans le bail, la franc-maçon-
nerie reçut l'intimation de délotçer de la partie du palais
qu'elle occupait. Le Corriere Nazionale publia alors ce
qui suit. Le chargé d'affaires de la famille Borghèse s'étant
présenté pour visiter ces appartements et les mettre en
état d'être occupés par D. Scipion Borghèse et la duchesse
de Ferrari, une salle restait fermée et ne put être ouverte
que sur menace d'invoquer la force publique pour enfoncer
la port?. Elle se trouvait transformée en « temple satani-
que ». Le journal en donna cette description : « Les murs
étaient tendus de damas rouge et noir; sur le fond il y
avait une grande tapisserie sur laquelle se détachait la
figure de Lucifer. Tout près était une espèce d'autel
ou de bûcher; çà et là des triangles et autres insignes ma-
çonniques. Tout autour étaient rangés de magnifiques siè-
ges dorés ayant chacun au-dessus du dossier une espèce
d'œil transtarent et éclairé à la lumière électrique. Au
milieu de ce temple, il y avait quelque chose ressemblant
à un trône. »
2. Au couvent de 1890, à la quatrième séance, celle
du 11 septembre, vint la question des rites funèbres négli-
gés depuis certain nombre d'années. Il sembla d'abord aux
712 l'agent de la civilisation moderne
maçonnerie universelle », dans son n° de janvier-
février 1881, nous a initiés aux rites de ce sacrement
des famiJles vouées à Satan.
Cette religion a aussi ses docteurs. La Tribune
pédagogique, journal fait par des instituteurs pour
les instituteurs, leur a parlé de Satan en ces termes :
« Pour l'Eglise catholique, Satan, c'est l'ennemi.
A ce titre, il est sympathique à beaucoup de gens.
» Satan, c'est non seulement la négation de toute
foi religieuse, mais encore la diffusion de toute science.
Dans le cerveau des penseurs, il est l'esprit d'examen,
de critique et de recherche philosophique, représen-
tant la science et la philosophie liguées contre l'obscu-
rantisme.
» Mais Satan, à titre de protestation contre la doc-
trine ecclésiastique, représente encore la nature. Il
met iau ,cœur du jeune ,homme ce qu'il y a de meilleur
au monde et de plus doux: les amoureux désirs.
Il allume en nous toutes les généreuses passions :
si nous valons quelque chose, c'est à lui que nous
le devons. »
Ne l'oublions pas, c'est un journal pédagogique
membres du Convent que la maçonnerie doit s'efforcer
d'atteindre au plus vite son but par l'agitation politique
et que l'argent dont elle dispose a un meilleur emploi
dans cette direction que dans les manifestations symboli-
ques. Mais ce point de vue ne satisfit pas le petit nombre
des hauts initiés. Ils sentirent d'instinct un péril dans
l'abandon des rites, et ils s'y opposèrent. « C'est que,
comme l'observe M. Georges Bois, si la maçonnerie est
en dernière analyse, sous son dernier secret, une manifes-
tation du satanisme, elle ne saurait, sous peine de n'être
plus elle-même, se passer d'un culte, ni éviter d'insulter
en le contrefaisant le culte rendu à Dieu. Les cérémonies
maçonniques du baptême, du mariage, du rite funèbre
imitent avec effort les cérémonies du culte catholique, en
attendant le jour où . la maçonnerie triomphante pourrait
prendre possession des églises et des cathédrales des ca-
tholiques. » '
SATAN, SA RENTRÉE DANS LE MONDE 713
qui dicte ces leçons aux instituteurs pour qu'ils les
répètent aux enfants.
Les ma^çons italiens, plus hardis que ne le sont,
aujourd'hui du moins, les maçons de France, ont
fondé à Ancône un journal Intitulé II Lucifer o, à Li-
vourne, un autre journal VAteo. « Satan est notre
chef », ont dit les rédacteurs de ces journaux dans
leur profession de foi. Ils ont même osé, le mardi
du carnaval de 1882, amener Satan sur le théâtre
à Alfieri, et à Turin, pour lui chanter des hymnes, lui
offrir « leur encens et leurs vœux », et annoncer au
peuple son arrivée « sur un char de feu » et son
règne prochain sur toute la terre.
L'hymne de Giosue Carducci exprime le vœu que
désormais l'encens et les hommages des hymnes s'a-
dressent à Satan, « l'insurgé contre Dieu » (1).
1. Parmi les choses troublantes de ce temps ci, en voici
une qu'il faut signaler à une particulière attention :
Un abonné de l'Avvenire d'italia ayant émis la pro-
position de faire, le premier jour de l'an 1905, un pieux
pèlerinage à la maison de ce poêle de Satan, vice-grand-
maître de la franc-maçonnerie italienne, la feuille démo-
crate chrétienne de Bologne s'est empressée de manifester
sa pleine approbation.
« L'illustre poète, a-t-elle dit, n'ignore pas que notre
admiration pour lui est d'autant plus sincère que nous
l'avons combattu quand nous l'avons cru de notre devoir.
Notre hommage, en ce moment, et notre initiative, n'en
feront que mieux voir le légitime orgueil que nous met-
tons à porter en toute matière cette sérénité et cette objec-
tivité qui ennoblissent la mission du journalisme. »
Giosue Carducci jouit depuis longtemps de la faveur
des démocrates chrétiens : ses Œuvres figuraient au nombre
des livres en vente à Rome dans les bureaux de la Société
de culture de l'abbé Romolo Murri, alors qu'il était encore
considéré par les démocrates chrétiens comme leur chef.
Voici plus étonnant encore. Les Italiens ont fêté, en 1909,
le centenaire de la naissance de Carducci. A cette occasion,
l'Université de France l'a glorifié en Sorbonne. Mais ce
qui passe tout, c'est que l'un des plus qualifiés parmi nos
journaux catholiques a consacré son Premier-Paris du 22
juin 1909 à l'éloge du chantre de Satan. « Ce pnôte n'est
714 l'agent de la civilisation moderne
Le 22 juin, à rinauguration du monument de Maz-
zini à Gênes, fut portée dans le cortège une ban-
nière noire, dont Ija hampe était surmontée d'une
statue de Lucifer. Après cette démonstration, le cer-
cle anticlérical de Gênes adressa à VUnita cattolica
de Turin, une lettre iannonçant que l'on se proposait
de poser, quand le moment serait venu, la bannière
de Satan sur toutes les églises d'Italie, notamment
sur le Vatican.
De nouveau, le 20 septembre 1883, dans deux fau-
bourgs de cette même ville de Gênes, à Gaprona
et à San Fruttuoso, des bannières noires, sur les-
quelles avait été biodée l'image de Satan triompha-
teur, furent portées en grande pompe. Le journal
VEpoca dit le lendemain : « Croassez tant que vous
voudrez, ô noirs corbeaux agonisants! désormais vos
malédictions, vos sermons, vos légendes ne sont plus
qu'un écho de cavernes désertes. Satan ne tardera
pas à triompher sur toute la ligne. »
Dans le consistoire du 30 juin 1889, Léon XIII s'est
vu obligé de protester contre l'exhibition publique
du drapeau de Satan dans la ville sainte (1). C'était
pas seulement le plus grand nom de la littérature italienne
récente, il s'apparie aux plus illustres du passé ». Ôti a ici
un exemple bien remarquable des « influences soiîçneiiso-
ment couvertes » qui parviennent à glisser ce qu'ils veu-
lent dans les milieux les plus catholiques.
1. Quand Léon XIII eut parlé, la « Rivista délia Masso-
neira Italiana », tome XVI, pp. 356-357), dit : « Vexilla
» régis prodeunt Inferni », a dit le Pape. Eh bien! oui,
» oui, les drapeaux du Roi des Enfers s avancent... »
La même « Rivista délia Massonneira Italiana », avait
dit précédemment : X, p. 265, col. 1, lignes 37 et suiv.,
col. 2, lignes 1 à 25 :
...« Le génie de l'Avenir, notre Dieu à nous, porte
» en nous le germe de la nouvelle Loi du Bien... Son âme
» nie que le bien être social se trouve à fuir l'animalité
» humaine (sic) car le bien-être social est réellenient la
» conséquence de l'animalité humaine (sic). L'édifice so-
SATAN, SA RENTRÉE DANS LE MONDE 715
à l'inauguration de la statue de Gioidano Bruno, moine
apostat et perdu de mœurs.
C'est partout que le culte de Satan cherche à
s'introduire.
En octobre 1905, un riche Allemand des Etats-Cni^;
M. Herman Menz a élevé une statue à Satan sur
un monticule qxii se dresse au milieu de sa propriété
de campagne, à*peu de distance de New-York. La
statue est haute de cinq mètres, sans compter le pié-
destal. Elle représente Lucifer « accroupi comme un
faune sur un rocher et prêt à bondir sur le monde;
soiu front est orné des deux cornes traditionnelles
et l'une des mains se cramponne au manche d'une
fourche. » M. Herman Menz distribue gratuitement
des brochures où il proclame sa foi en un diable
unique.
En janvier 1906, un club de New-York le Thirteen
inscrivit solennellement le diable au nombre de ses
membres à vie.
Chez nous (aussi, Satan est glorifié publiquement.
L'ex-abbé Charbonnel, adonné au spiritisme, alors
qu'il portait encore la soutane, est venu à Lille faire
une conférence, présidée par le F. • . Debierre, et là,
dans la chapelle des Rédemptoristes, il a proféré les
pires blasphèmes contre Dieu et glorifié Satan.
Un Canadien, M. J. Chicoyne, a raconté dans la
Vérité de Québec, lors de la mort de Louise Michel,
ce qu'il avait vu et entendu chez nous en 1880.
» cial qui s'écroule a besoin d'une pierre angulaire (trian-
» gulaire). C'est lui Notre Dieu qui la posera. Et cette
» pierre angulaire sera sur la terre et non pas dans les
» Cieux.
» Saluez le génie rénovateur, vous tous qui souffrez, le-
» voz haut les fronts, mes FF.-, car il arrive, lui, Satan-
» le-Grand. »
716 L AGEx\T DE LA CIVILISATION MODERNE
La vierge rouge revenait de l'exil. Une grande
démonstration en son honneur fut organisée le 18 sep-
tembre. M. J. Chicoyne s'y rendit, en compagnie
de deux journalistes piarisiens et un Ltixembourgeois.
La salle, présidée par M. Rochefort, pouvait contenir
cinq mille assistants. Le mot de Blanqui : « Ni Dieu
ni maître » y servât de thème aux tirades les plus
hideuses.
« L'un des plus éclatants succès oratoires de la
réunion fut remporté par un espèce d'énergumène
qui se fit l'apologiste de Lucifer.
« Si la légende des anges rebelles pouvait être
» acceptée, dit-il, leur chef devrait être un objet de
» vénération. Il fut le premier être qui sut résister
» à l'autorité. Il peut être le patron de tous ceux
» qui luttent pour la liberté et l'émancipation. »
« Vive Satan! » cria quelqu'un dans la foule.
« Vive S'atan! » répétèrent cinq mille voix avec
une chaleur et un entrain tenant du délire.
» C'était un spectacle peu banal que de voir une
pareille multitude prise d'un tel vertige pour accla-
mer l'ange déchu. »
Avant que la populace n'ait poussé ces cris, le
monde, le monde des académies avait entendu son
journal, le Journal des Débats (n° du 25 avril 1855)
réclamer la réhabilitation du démon.
« De tous les êtres autrefois maudits, que la tolé-
rance de notre siècle a relevés de leur anathème,
Satan est, sans contredit, celui qui a le plus gagné
au progrès des lumières et de l'universelle civilisa-
tion. Le moyen-âge qui n'entendait rien à la tolé-
i^ance, le fit à plaisir méchant, laid, torturé... Un
siècle iaussi fécond que le nôtre en réhabilitations
de toutes sortes ne pouvait manquer de raisons pour
excuser un révolutionnaire malheureux que le be-
SATAX^ SA RENTRÉE DANS LE MONDE 717
soin d'action jeta dans les entreprises hasardeuses...
Si nous sommes devenus indulgents pour Satan, c'est
que Satan a dépouillé une partie de sa méchanceté
et n'est plus ce génie funeste, objet de tant de haines
et de terreur. Le mal est évidemment de nos jours
moins fort qu'il n'était autrefois. Permis au moyen-
âge, qui \'ivtat continuellement en présence du mal
fort, armié, créuelé, de lui porter cette haine im-
placable... Nous qnii respectons l'étincelle divine par
tout où elle reluit, nous hésitons à prononcer des
arrêts exclusifs, de peur d'envelopper dans notre con-
damnation quelqu'atome de beauté. »
Ce que nous dirons plus loin sur la religion de
Satan, celle où la civilisation moderne voudrait ra-
mener les chrétiens, c'est-à-dire, le culte de la na-
ture, fera comprendre les raisons de ce plaidoyer du
journal des mondains et des intoUectuels en faveur
de Lucifer. »
Cette inclination pour Satan vient des juifs.
Dès lavant Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais Sur-
tout depuis la dispersion, certains juifs ont pratiqué
les doctrines et les rites de la Kabbale noire on
magique, qui n'est autre chose que la cfuintessence
de l'idolâtrie, la religion et le culte direct des es-
prits déchus, des démons, enseignant les moyens de
se mettre en ilapports immédiats avec eux. « Il est
certain, dit le F. • . Eliphaz Lévy, que les juifs, dépo-
sitaires les plus fidèles des secrets de la Kabbale,
ont été presque toujours, en ma.gie, les plus grands
maîtres du moyen âge ». Ce n'est point sans raison
que deux fois, dans l'Apocalypse, le pharisien et sa
descendfcmce ont été nommés par le divin Sauveur « la
synagogue de Satan », c'est-à-dire l'Eglise du diable.
C'est donc des juifs que les Francs-Maçons ont
7J8 l'agent de la civilisation moderne
reçu le culte qui dans leur pensée doit un jour
remplacer le culte du Christ. « Leurs chefs réels,
dit M. Gougenot des Mousseaux, vivent dans une
étroite et intime alliance avec les membres militants
du judaïsme, princes et initiateurs de la Haute-Kab-
bale ». « Ce sont les juifs, dit aussi le professeur
de magie Eliphaz Lévy, qui après en avoir reçu le
dépôt des Chaldéens sabéistes, issus de Cham, et qui,
d'après une opinion fort accréditée dans la science
(magique) étaient les héritiers de la doctrine des fils
de Caïn, nous enseignèrent cette science ». « La Kab-
bale juive, dit de son côté Mgr Meurin, dans son
livre La Franc-Maçonne7'ie, synagogue de Satan (1)
— et tout son ouvna,ge est pour prouver cette asser-
tion — la Kabbale juive est la base philosophique
et la clef de la Franc-Maçonnerie. » Le prêtre apostat,
Eliphaz Lévy, que nous venons de citer, ajoute aux
paroles reproduites que « les rites religieux de tous
les illuminés, Jacob Bœhme, Swedenborg, Saint-Mar-
tin, sont empruntés à la Kabbale, et que toutes les
associations maçonniques lui doivent leur-s secrets
et leurs symboles. »
L'Osservatore Bomano ne pense pas autrement. Le
1er octobre 1893, il publia un article sur la Franc-
Maçonnerie où il dit : « La Franc-Maçonnerie est sa-
tauiqiie en tout : dans son origine, dans son organi-
sation, dans son action, dans son but, dans ses moyens,
dans son code et son gouvernement, parce qu'elle
est devenue une seule et même chose avec le ju-
dlaïsme. Et même elle est la plus grande force et
la principale armée du judaïsme, cherchant à ban-
1. Introduction, p. 7. Voir aussi les trente dernières
pages du livre de M. Gougenot des Mousseaux : Le Juif,
le Judaïsme et la Judaïsation des peuples chrétiens.
SATAN, SA RENTRÉE DANS LE MONDE 719
nir de la terre le règne de Jésus-Christ pour lui substi-
tuer le règne de Satan » (1).
En 1888, M. Bossane, ancien receveur des postes
a Saint-Fjélicien, dans l'Ardèche, donna sa démission
de membre de la Loge des amis des hommes à An-
nonay. Avec un rare courage, il tint à ce que sa
démission fût publique; et pour- la. faire connaître,
il écrivit une lettre au Cour,rier de Tournon, où il
dit : « Fiatigué d'avoir assisté à des réunions tenues
à Annoriay, Lyon, Valence, Vienne, Genève et Lau-
sanne, sans avoir rien appris, et ne voulant pas en-
trer djans les grades suprêmes pour n'avoir pas de
serments à garder, j'ai pu me mettre en relations
avec de hauts dignitaires de nationalités différentes.
Ce que j'ai appris et ce que l'on m'a laissé deviner
est épouvantable... Le culte maçonnique est le
CULTE DE Satan » (2).
Dans certaines arrière-loges, Satan reçoit un culte
c-alqué sur le culte que les catholiques rendent à
Dieu (3). Ragou, l'un des écrivains maçonniques qui
1. Jusqu'aux temps marqués, les Juifs sont et seront
la nation et l'instrument de prédilection de Satan. De-
puis leur déicide, ils sont sa propriété, à peu près au
môme titre que l'humanité depuis le péché d'Adam jusqu'à
la Rédemption. Le crime des Juifs a été comme un second
péché originel sur cette race. Sanguis ejus super nos et
super filios nostros !
2. 11 ajoute : « De plus, la Franc-Maçonnerie poursuit
l'anéantissement de la France. » ^,
Ceux qui désirent s'instruire sur le culte que la Maçon-
nerie rend au démon, peuvent lire les cent dernières pages
du second volume de La Cité antichrétienne au XIX^ silcle,
par Dom Benoît. V. Palmé.
3. Il est une section des chevaliers Kadosch qui rend
un culte à Eblis. Eblis est en Orient le nom du démon.
Ce nom est particulièrement attribué au serpent qui sédui-
sit Eve. Leur œuvre est de faire disparaître l'hérésie du
Nazaréen et de faire régner Eblis sur tout le genre humain.
Ils se révèlent par là Juifs Kabbalistes, om disciples des
720 l'agent de la civilisatjox moderne
ont déployé le plus d'intelligence et de zèle, a pu-
blié, en 1844, à Paris, sous le pseudonyme Jean-
Marie de V., un livre intitulé : La Messe et ses
mystères comparés aux mystères anciens, ou Com-
plément de la science ifiitiatique. Par un renversement
du vrai, toutes les parties de la messe y sont pré-
sentées comme des adaptations chrétiennes des céré-
monies antiques reprises dans les arrière-loges; tou-
tes les fêtes chrétiennes sont rapprochées des fêtes
du paganisme; les litanies du Saint Nom de Jésus,
les litanies de la T. S. Vierge sont comparées aux
invocations qui accompagnaient les processions païen-
nes. "SI. l'abbé Ribet, dans sa Mystique divine, dit
aussi : « Il n'y a guère, entre le sabbat des francs-
miaçons et celui des sorciers, que des différences
accidentelles, le fond est le même, savoir : le culte
de Satan, la profanation des choses saintes, les dé-
bordements de l'impudicité. »
M. Serge Basset, rédacteur au Figaro, avait expri-
mé des doutes sur la pratique diabolique des messes
noires dans les arrière-loges. Il reçut le lendemain
une lettre signée Bl. Ocagn, l'invitant à se trouver
le jeudi suivant, à neuf heures du soir, sur la place
Saint-Sulpice, un numéro du Matin à la main. IJ
s'y rendit, une femme vint le prendre et le conduisit
en voiture de l'autre côté de la Seine. Où? Il ne put
Juifs Kabbalistes. Le signe des chevaliers Kadosch consiste
à montrer du doigt le ciel et à l'abaisser vers la terre
pour montrer que ce qui est en haut doit être précipité en
bas. Le vulgaire de l'Ordre comprend par là que l'ordre
social, fondé sur l'autorité et sur Dieu sera jeté à terre pour
être remplacé par celui de la pure matière. Les Kabbalistes
veulent dire que le Nazaréen sera plongé dans les enfers et
qu'Ebhs régnera dans les cieux. En attendant ils exercent
leur haine sur des hosties qui leur sont livrées pour les
trente deniers et apportées des messes matinales entre les
feuillets d'un livre ou dans un mouchoir.
SATAN, SA RENTRÉE DANS LE MONDE l'^l
le dire. Le 27 mai 1899, il donna dans le Matin
le compte-rendu de la soèr\e à laquelle il avait assisté.
Sur un iautel se trouvait lun bouc vivant devant lequel
l'assemblée, hommes et femmes, chantait « Gloria
in profwidis Satanil... » Un officiant se revêtit d'un
costume sacerdotal et commença une parodie de la
messe. Il s'interrompit comme fait le prêtre, pour
prononcer un discours, et il dit : « Nous sommes
ici pour refaire la royauté de Satan, le Grand, le
Be^u, le Suave. A force d'outrager le Christ, nous
abolirons sa gloire et nous replacerons le proscrit
dans sa suréminente dignité. Un jour, le Prince de
ce monde, Satan, notre maître, triomphera du Christ
et sera adoré comme vrai Dieu. » Après le discours
vint le sacrifice, où l'obscène le disputa à l'horrible,
et une immonde priàpée suivit le sacrilège et se
consomma dans le sang (1).
1. Mgr Méric reçut, à l'occasioa de ce rjcit, uae lettre
lui demandant ce gu'il fallait en croire.^ En réponse, il le
reproduisit dans sa Revue du Monde i:icisible, et il ajO'uta :
« Notre excellent ami M. Lidos nous a affirmé souvent
la réalité de ces messes noires; il nous a indiqua sur la
paroisse de Saint-Sulpice et ailleurs, les lieux où l'on
pouvait s'assurer de ces parodies sacrilèges et de ces
pratiques infâmes qui expUquent le vol trop souvent cons-
taté des hosties. Elles prouvent aussi la réalité substantielle
de Satan contestée par des esprits légers et orgueilleux.
Cependant, nous ne réproduisons cpi'à titre de document et
sans nous prononcer sur la question de fond, l'article du
journal de Charleroi (qui avait reproduit le Matin)... Nous
cro^-ons à l'adoration de Satan dans la messe noire, devant
la croix renversée, nous croyons aux profanations des Sain-
tes Espèces et aux scènes abominables d'immoralité sata-
nique dont il est parlé dans ce récit. » Bévue du Monde
invisible. Juillet 1899.
Mgr Méric ne donna dans ce numéro que la première
partie du compte-rendu du Matin. II lui répugna de donner
la suite au numéro suivant. 11 reçut de France, de Belgique,
des Antilles danoises, des lettres lui en demandant la con-
tinuation. Un habitant de Tours lui écrivit : « Je crois à
ces messes avec Gorres, Ribat et tous les mystiques et théolo-
L Eglise et le Temple. 46
722 l'agent de la civilisation moderne
Satan Veut toujours obtenir de la part des hom-
mes l'adoration qu'il a briguée dès le commencement :
« Je monterai au ciel, j'établirai mon trône au-des-
sus des astres de Dieu; je m'assiérai sur la montagne
de l'Alliance aux côtés de l'Aquilon, je me placerai
au-dessus des nuées les plus élevées, et je serai
semblable au Très-Haut (1). »
Il a obtenu du paganisme ce qu'il désirait. Mais
Jésus-Christ est venu et a mis dehors le prince de ce
monde.
Depuis, il n'a cessé de faire effort pour y rentrer.
A cette iin, il s'est principalement servi des juifs. Car,
comme le dit fort bien le P. Bonniot, le démon
n'entre d'ans le monde matériel que sous le bon
plaisir du tenancier ou du Seigneur; le Seigneur :
Dieu; le tenancier : l'homme à qui Dieu l'a donnée
terram dédit flliis Jiominum. Adam, par son péché,
lui en a ouvert la porte. Jésus-Christ l'en a chassé,
egredietur foras. Mais il reste toujours loisible à
l'homme de l'y r'appeler, soit simplement, dans son
âme par le péché, soit pour des rapports extérieurs
par l'emploi de certaines observances.
Ce n'est point Dieu qui alors déchaîne Satan, mais
notre impiété et notre infidélité. Les démons n'ont
jamais eu et n'auront jamais d'entrée dans notre
monde — nous le démontrerons plus loin — qu'au-
tant que l'homme a voulu ou voudra leur en donner.
Aussi bien qu'autour des fidèles, ils rôdent comme
des lions rtigissants autour des peuples qu*ils n'ont
gieas. Il n'est pas inutile d'en parler, ne serait-ce que pour
provoquer des amendes honorables et des réparations. »
Un autre correspondant de Paris : « Nous avons fait une
enquête : les informations de l'informateur du Matin sont
puisées à bonne source. Les faits racontés dans cet article
sont réels. » Bévue du Monde invisible. Février 1900.
1. Is. XIV.
SATAN, SA RENTREE DANS LE MONDE
9?.
pu retenir sous leur joug pour reconquérir sur eux
leur ancien empire.
Leur désir est de rendre l'état du genre humain
pire qu'avant la venue du Jésus-Christ (Luc, XI, 26),
A l'heure actuelle, ils sont par notre faute plus nom-
breux et plus puissants qu'ils ne le furent jamais
depuis le sacrifice du Calvaire. C'est pourquoi Léon
XIII et Pie X nous font prononcer chaque jour au
pied de l'autel l'exorcisme qui a pour but de repousser
en enfer Satan et les esprits mauvais que Voltaire
a évoqués par son crî sata^nique tant de fois répété
dans tes loges (1).
Il est un autre exorcisme, plus explicite, ^7^ sata-
nam et angelos apostaticos, qui fut édité par Léon
XIII, il y a dix ans, et confié par lui à la piété du
clergé. Peut-être sont-ils trop peu nombreux ceux
qui le formulent ou ne le récitent-ils que trop rare-
ment.
1. Ce n'est pas la première fois qu'il se fait une invasion
de satanisme dans la chrétienté.
Ali XVe siècle, la Réforme, première manifestation de
la conjuration antichréli hne, fut pri'cédce d'un extraordi-
naire développement de la magie. Le protestantisme, en
s'épanouissant, la favorisa partout et il amena le déborde-
ment de sorcelierie q i pendant le XVIIe siècle pesa comme
un cauchemar sur TAUemagne, l'Angleterre et l'Ecosse,
tandis que les pays de race latine étaient à peu près in-
demnes.
A son tour, la Révolution a été précédée d'une fièvre
de satanisme. Partout se montrèrent les magnétiseurs, les
nécromanciens, comme on disait alors. Les nobles cor-
compus s'étaient fait initier aux rites par lesquels on in-
voquait Satan, et dans I s villages comme dans les villes,
on se livrait à toutes les pratiques des sciences occultes.
Mais, jamais, depuis le paganisme, Satan ne se vit,
comme il l'est aujourd'hui, invité à rentrer dans le do-
maine d'où la Croix du Divin Rédempteur l'avait chassé.
CHAPITRE L
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES
I. — LA GNOSE.
Satan chassé de notre monde par la croix du divin
Rédempteur y est appelé par nos contemporains et il
y entre. Il y rentre non seulement pour y tenter les
hommes individuellement, mais pour rétablir son em-
pire sur la race humaine, pour •reconstituer son royau-
me.
Nous avons vu dans les chapitres précédents une
multitude d'associations, dont plusieuis couvrent tou-
tes les parties du globe, occupées, sous son inspira-
tion, à détruire la religion chrétienne, en s'attaquant
à son ossature, c'est-à-dire, en cherchant à faire dis-
paraître toute vériLé dogmatique, tout ce qui cons-
titue la religion révéléo, l'ordre surnaturel.
Il est d'autres associations, tout récemment insti-
tuées qui, commencent, elles, à relever le culte et la
religion de Satan.
De même qu'aux temps du paganisme, il y avait Un
culte secret et une doctrine ésotérique q;ui n'apparte-
nait qu'aux initiés, livrant au vulgaire ce qu'il pou-
vait porter et donnant satisfaction à ses instincts
religieux dans le naluralisme; nous voyons renaître
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 725
aujourd'hui des pratiques et des dogmes qui consti-
tuent et consiitueront pour les initiés une religion
proprement luciférienne, tandis que le public est et
sera amené peu à peu à une religion simplement
naturelle.
Nous parlerons plus loin de cette religion naturelle,
nous avons à nous occuper ici, en deux chapitres, de
la religion satanique : la Gnose et le Spiritisme.
Comme le dit M. Georges Bois (1), avocat à la
Cour d'appel de Paris, « la franc-maçonnerie n'est
que la plus commune et la plus vulgaire des initia-
tions pratiquées autour de nous. Il en est diverses
autres plus discrètes, plus profondes, d'un recuutement
plus choisi. Si on parcourt Paris ou qfuelques gran-
des villes, en ouvrant des yeux avertis, on ne peut
ne pas voir çà et là, trop fréquemment, les traces
presque cultuelles, si on peut le dire, d'un démonisme
qui n'est déjà plus secret (2). »
M. Huyssmians dans la préface qu'il mit au livre
de M. Jules Bois, Le satanisme et la magie, dit aussi:
K Des gens que l'on rencontre dans la rue, qui sont
semblables à tout le monde, en somme, se livrent
en secret aux opérations de la magie noire, se lient,
ou au moins essaient de se lier avec les esprits
des ténèbres, pour, en un mot, faire le mal. »
Après avoir parlé des vols d'Hosties, dont il re-
cueillait au fur et à mesure qu'ils y paraissaient, les
récits dans les Semaines religieuses, M. Huyssmans
demande : « Sont-ce des gens isolés ou des associa-
tions démoniaques qui commandent ces forfaits ou
en profilent? Avons-nous affaire à des sataniques ou
1. Ne pas confondre M. Georges Bois, ancien rédacteur
de La Vérité, qui vient de mourir comme il a vécu, c'est-à-
dire très chrfc'tiennement, avec M. Julos Bois dont il sera
ici fréquemment question.
2. Revue du Monde invisible, janvier 1904.
726 l'agent de la civilisation moderne
à des lucifériens? » (1) Il opine poar la secle des
lucifériens ou des Palladistes; « cfui englobe, dit-il,
le vieux et le nouveau monde, cpii possède un an-
tipape avec sa curie et qui poursuit ce but d'abat-
tre le catholicisme partout et de préparer le règne
de l'antéchrist. »
Il est à noter que les principaux dans les diffé-
rentes sectes dont nous par'.erons ci dessous sont géné-
i^alement francs-maçons et d'autant plus élevés en
gi^ade dans la maçonnerie qu'ils sont initiés davantage
aux mystères de leur secte respective. Depuis que
la maçonnerie du Grand Orient de France se voit
découverte, que l'on connaît son organisation et ses
agissements, depuis surtout qu'elle est ouvertement
engagée dans la lutte politique et sociale, il s'est
formé derrière elle, et pour ainsi dire en seconde
ligne, une franc-maçonnerie plus mystérieuse qui re-
met en honneur tous les anciens rites des Templiers,
des Albigeois, des Cathares, des Gnostiques, etc. Ces
rites ne sont pas vides de sens et le culte qu'ils
constituent n'est pias sans objet. C'est la religion
du diable. Elle constitue pour la société actuelle le
plus terrible danger.
Cette secte se divise en plusieurs branches, Kabba-
listes, Théosophes, Martinistes, Occultistes, Lucifériens
proprement dits. Celle qui a le plus d'étendue et em-
brasse le plus grand nombre d'individus, est celle
des spirites. M. Jules Bois affirme que les adhérents
de ces diverses sociétés sont plus nombreux que
1. Le satanisme est le culte du démon. Le Luciférisme
est la dernière poussée de la Gnose et de l'Albigéisme. Pour
lui, le Diaii de l'Ancien et du Nouveau Testament est le
dieu mauvais, hostile au progrès, irrité contre le progrès
s^cientifique. Lucifer est le dieu bon, le pivot de l'évolu-
tion universelle, l'aiguillon des é'ans passionnels. Les révo-
lutionnaires sont ses saints.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 727
les juifs et les protestants réunis. « Dans chaque
ville, dit-il, de Belgique, de France, d'Italie, de Hol-
lande, d'Angleterre, (je parle des pays qu'en Europe
j'ai particulièrement visités) il existe des groupes
spirites. En dehors et à côté se forme une petite
élite qui est occultiste, martiniste ou théosophe. »
L'occultisme échappe aux définitions précises. On
peut dire que c'est une philosophie tenue secrète,
généralement exprimée par des symboles. La magie
est la fille de l'occultisme. Mages et occultistes usent
de procédés qu'ils prétendent scientifiques pour se
mettre en rapports avec les « puissances occultes ».
Les jeunes gens sont attirés dans ces associationsi
par la curiosité d'expériences qui, penseri-ils, vont
leur faire découvrir les « forces ignorées de la na-
ture ». On leur dit qu'il existe un « entraînement »
qui permet chez les hommes arrivés à un certain
degré d'évolution de développer l'échelle actuelle
de réception des sens et pour eux d'agrandir in-
définiment le monde. Quand les pouvoirs intérieurs
de l'homme seiont ainsi développés, la nature révé-
lera ses énergies cachées : les humains ne seront plus
des « mortels », ils auront placé le pied sur le che-
min de la divinité.
Téosophie, occultisme, maitinisme, etc., sont des
formes diverses de l'antique gnose des deux ou trois
premiers siècles du christianisme, fondée par les juifs
pour étouffer la doctrine chrétienne dans son ber-
ceau. Elle fut réorganisée en France en 1890 par
Jules Doinel, revenu après ses égarements au catho-
licisme avec des marques non équivoques d'une vraie
conversion.
Le Gnosticisme a aujourd'hui une organisation hié-
rarchique, comme nous le verrons. Il a aussi une
doctrine renouvelée de l'ancienne Gnose. Il public
728 l'agent de la civilisation moderni:
deux revues. La Gnose, revue mensuelle des sciences
ésotériques. C'est l'organe d'un groupe gnosticfue di-
rigé par le D^* Fabre des Essarts qui se dit successeur
de feu Doinel et se fait appeler Synesius, archevê-
que de Paris et évêque de Montségur. Le Réveil
gnosiique^ autre revue paraissant tous les deux mois,
est l'organe du Di" J.-B. Bricaud se disant : S. B.
Jean II, souverain Patriarche. Le siège de cet or-
gane est à Lyon. La plupart des initiateurs de ce mou-
vement gnostique sont lyonnais.
Les gnostiques ont fondé plusieurs librairies pour
répandre leurs publications et toutes celles qui s'y
rattachent, c'est-à-dire, la réédition ou traduction des
œuvres des anciens hérétiques.
Pour être admis dans la Gnose; il faut confesser
les deux dogmes fondamentaux de la Gnose restau-
rée : la foi à l'émanation et le saint par la science
(Gnose). Le dogme de l'émanation est opposé à ce-
lui d'un Dieu créateur. Le salut par la science) est
opposé au salut par la foi.
On entre dans l'Egase gnostique par l'imposition
des mains de l'évêque gnostique. Ceux qui l'ont re-
çue sont appelés les Pneumatiques. Il y a un se-
cond degré, celui du diaconat; et un troisième, l'épis-
copat. L'évêque est élu par l'assemblée des fidèles
et des diacres. Son élection est soumise à l'approba-
tion du Très-haut synode composé de tous les évê-
ques et de toutes les Sophies (Les femmes élevées
en grade dans la Gnose); et il a pour président à
vie, !e patriarche gnostique, chef temporel de l'Eglise
gnostique dont Sophie céleste, lisez Luciter, est le
chef spirituel et invisible. L'évêque élu reçoit ses
pouvoirs de juridiction par «n sacre. Chaque évêque
gouverne son diocèse composé de plusieurs groupes
auxquels sont préposés un diacre et une diaconesse.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 720
Le Patriarche correspond aTe3 les Paissances maçon-
niques qui le reconnaissent. Ils ont un culte qu'il est
inutile de décrire. Qu'il suffise de dire que le rituel
gnostique est imprégné de liturgie catholique. Les
formules catholiques masquent l'œuvre liuciférienne.
Lucifer s'y entend attri'buer les textes sacrés et la
prière qu'on ne doit dire qu'à Dieu. Les cérémonies
catholiques sont adaptées au dogme Valentinien (1).
Les ornements épiscopaux dont se servent les prélats
gnostiques offrent plus d'un point de ressemblance
avec ceux des prélats légitimes.
La théosophie se dit l'essence même des religions
passées, présentes et futures. Son bureau central est
à Londres. Elle s'est répandue peu à peu sur le globe,
aux Jndes, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aJix
Etats-Unis, aux Antilles, en Suède, en Allemagne, en
Italie, en Hollande, en Angleterre et en France (2).
La section française a son siège, 59, rue de La Bour-
donnais; elle comprend 25 branches et un certain
nombre de centres en activité; elle publie le Bulle-
tin de la Section française de la Société théosophi-
que (3).
En mai 1907, M. Chacornac a organisé un congrès
occultiste dans l'amphithéâtre du Grand-Hôtel des so-
ciétés savantes, à Paris. Ce congrès a émis le vœu :
1° que les pouvoirs publics favorisent officiellement
l'application de la Psychothérapie à la régénératKon
1. Valentin, hérésiarque du Ile siècle, est l'un des au-
teurs de la Gnose et du dogme de rémanation.
2. Jules Bois. Le monde invisible. Mme Blavalski est con-
sidérée comme la fondatrice de la secte des Théosophes, di-
rigée actuellement par une Américaine, Mme Besant.
3. Voir l'Année occultiste, p. 283.
730 l'agent de la civilisation moderne
morale de l'enfance et des détenus de toute catégo-
rie (1);
2° Que des conférences publiq;ues soient données
dans les villes par les occultistes suivies de sous-
criptions pour la fondation de biblioithèques occul-
tistes;
3° Qu'une agence de renseignements pour l'occul-
tisme soit fondée pour concentrer les expériences et
signaler les méfaits commis par le fanatisme reli-
gieux.
Il a décidé qu'il appartient à toutes les fraterni-
tés et individualités occultistes de répandre autour
d'elles dans la masse, les lois « de l'univers et de
la connaissance suprême, afin que ces lois devien-
nent la base de l'évolution de la société liumaine pour
guider les foules vers un idéal social de Progrès, et
de Fraternité ».
Il a résolu d'augmen'er les moyens de prop: guide
des études des sciences occultes, et cela par tous
les moyens possibles.
Trois ans avant la réorganisation de la Gnose, le
1. Le 15 octobre 1903, la Fédération lyonnaise et ré-
gionale des spirites tint la première de ses conférences à
Lyon, à la salle des Folies-Bergère. Huit cents personne?
s'y trouvaient. Un ordre du jour fut voté à l'unanimité
moins six voix, engageant M. Combes à poursuivre jus-
qu'au bout l'œuvre de la laïcisation, et formant le vœu
que le spiritisme occupe enfin dans le monde la place
qui lui revient.
L'un des chefs les plus actifs et les p'u3 écoutés de la
religion spirite s'est aussitôt efforcé de donner à ce vœu
une première réalisation, en adressant à M. Combes un
mémoire concluant à l'introduction du spiriiisme dais l'en-
seignement public, et en particulier, à ce que cette étude soit
rendue obligatoire dans tous les lycées. Dans ce mémoire,
il dit que ni l'Eglise, ni l'Université, ne répondent aux
besoins des âmes pour résoudre le problème de la destinée
humaine et pour fournir une orientation aux esprits.
SATAN. SES CDNSTR'JCnONS ACTUELLES 781
Martinisme avait été restauré par le D'" Papus, de son
vrai nom Encausse, un des lucifériens les plus dan-
gereux du siècle. Le Martinisme avait été fondé en
1754 par un Juif portugais Martinez de Pasq^uelly;
son premier disciple avait été Louis Claude de Saint-
Martin, ce qui fait que la secte a une double raison
pour s'appeler le « Martinisme ».
Le Martinisme dérive directement de la Kabbale
juive. Il eut une grande part dans les horreurs de
la Révolution. A l'heure actuelle, le Martinisme en-
globe la plupart des groupes occultistes et sans lui
la gnose n'aurait jamais pu arriver de la théorie à la
réalisation. Le D'^ Papus en est le Grand-Maître à
vie, et il préside un suprême conseil dont les mem-
bres sont élus à perpétuité. Il réunit autdur de lui
des jeunes gens instruits dont plusieurs sont deve-
nus des maîtres en science magique. Puis il réalisa
cette entreprise colossale de fonder des groupes éso-
tériques qui aujourd'hui sont répandus par tout l'uni-
vers civilisé et sont une pépinière de hauts lucifé-
riens. Papus dirige une reVue intitulée Hiram, et il a
fondé un Institut de Hautes-Etudes hermétiq'ues. Les
cours durent trois ans et donnent droit à des diplô-
mes. Il n'a jamais moins de cent cinquante élèves.
Le martinisme compte aussi trois degrés. Ce qui
fait la puissance de l'ordre, c'est que l'initiateur peint
n'être connu que de deux personnes : celui qui l'a
initié lui-même et celui qu'il initie. Ainsi s'établit
la chaîne du silence si nécessaire aux associations
occultes. Dans le sein même de l'ordre bien des F. • .
n'arrivent à connaître qu'un petit nombre d'entre eux.
L'initiateur a pour devoir de ne pas perdre de vue
celui ou ceux qu'il a initiés.
A part ces trois degrés, l'ordre en comprend un
autre qui constitue une sorte de tiers-ordre marti-
732 l'agent de la civilisation moderne
niste. Les initiés à ce tiers-ordre pullulenl dans le
monde parisien. Il crée des entrées au martinisme
dans les salons, les rerues, les journaux et prépare
sa dictature sur le monde universitaire.
Ce tiers-ordre est appelé des « Rosicruciens ». Or
il existe une société qui s'intilule Frères rosicruciens
de la Rosace. Elle a pour organe une revue men-
suelle fondée le 25 octobre 1906, Les entretiens idéa-
listes qui s'affirme nettement catholique et même
prétend combattre le modernisme (voir la déclara-
tion placée en tète du n» du 25 janvier 1910); et
cependant il suffit de lire ses principaux articles,
notamment ceux de son directeur, M. Paul Vuillaud,
pour constater qu'elle enseigne toutes les erreurs
des néognostiques et des théosophes (1). D'ailleurs,
la revue ne dissimule pas sa sympathie pour les
sciences occultes; elle annonce l'envoi gratis à ses
lecteurs d'importants catalogues de livres sur les
sciences occultes.
Nombre de catholiques sont séduits surtout par
cette affirmation que nous avons déjà trouvée sur les
lèvres de Weishaupt : Toutes les religions, sans en
excepter la religion catholique ont un enseignement
ésotérique. Et c'est cette doctrine secrète de Jésus-
Christ, aujourd'hui inconnue de l'Eglise officielle qu'il
1. Les prouves surabondent. Dès la troisième livrai-
so;], M. Vuilaud annonce la première traduction française
du Zohar, livre ésotérique des Hébreux. Dans cet article,
il ne craint pas d'avancer que « les systèmes religieux et
philosophiques se retrouvent tous, pour ce qu'ils ont de
vrai, dans la théosophie cabalistique ». Il ajoute : « Les
notions fournies par la Sagesse Cabalistique sont identiques à
celles que la théologie chrétienne nous enseigne » page 106.
Cette assertion est répétée plus loin sous une autre forme
(p. 109) et l'auteur ajoute que « la Cabale fut calomniée ».
C'est surtout dans une série d'articles intitulés Mysta-
gogiques, que M. Paul Vulliand expose plus ouvertement
son système (Voir cahiers XXXIII, XXXIV, XXXV, XXXVI.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 733
s'agit de communiquer poiu initier à la véritable
sagesse, à la Gnose, g': préparer l'avènement du vrai
catholicisme, de la religion vraiment universelle.
Voici qui est souverainement digne d'attention. Dans
le cahier XL, M. Pierre de Cresinoy fit des discours
de Marc Sangnier, qui venaient d'être publiés en
volume, un éloge plein de flatteries outiées, adres-
sées à l'auteur. Il faut rapprocher ce cahier de celui
du 25 mai 1909 où se trouve le compte rendu du con-
grès du Sillo7i. De son côté, VEveil démocratique
du 13 juin 1909, répondant aux compliments de Paul
Vuillaud, nous apprend que la revue Les Entretiens
idéalistes est l'organe d'un groupe deFrères dits Eosi-
cruciens de la rosace (1). Jamais la revue de Vuil-
laud n'avait laissé échapper cet aveu. On savait donc
au Sillon ce que les lecteurs et abonnés des Entretiens
idéalistes ignorent, s'ils ne sont pas affiliés.
Que l'on veuille bien comparer maintenant une
brochure de Maurice Boue de Villiers intitulée Les
secrets de la Rose-Croix et faisant partie de la
Bibliothèque des Entretiens idéalistes, qu'on compare
cette brochure avec le livre de Marc Sangnier La
Vie profonde; c'est le même état d'âme, le même
idéalisme morbide, le même érotisme macabre. Qu'on
rapproche les poésies si fréquemment publiées dans
les Entretiens des théories du Sillon sur la chasteté,
sur l'amour, il y a identité de fond et de forme,
et l'on se dira que les Eveils et visions de la Vie
profonde qui avaient paru seulement l'œuvre dMn
esprit malade et d'une imagination déréglée, devien-
nent l'indice d'une initiation au moins partielle à
d'abominables mystères.
C'est par le caractère idéaliste de la démocratie du
Sillon que se rejoignent les sillonnistes et les rosicru-
1. A rapprocher ce nom de celui de Rose-croix.
734 l'agent de la civilisation moderne
ciens. Les gnostiques voient dans l'aspiration aussi
ardente que vague des silonnistes vers le « progrès
par la démoeratie », un courant favor'able à leurs
idées d'ascension vers la Science ou la Gnose. Les
sillonnistes subissent l'influence des théosophes et
des gnoSciques, quand ils rêvent d'une ascension de
la démocratie vers un idéal de vertu qui la rendra
vraiment capable de se gouverner elle-même.
Il suffit de lire le numéro de janvier-février 1910 du
Béveil gnostique pour se rendre compte jusqu'à quel
point ces hérétiques attendent et prédisent un nouvel
âge d'or. Ce sont ces fo'les espérances semées dans
le peuple par les mille organes des sectes qui expli-
quent comment les meneurs socialistes peuvent impu-
nément promettre des réformes évidemment chiméri-
ques. La foule croit vaguement à un noiuvel ordre de
choses quasi-messianique et voit dans le progrès dé-
mocratique l'aurore du bonheur paradisiaqiuje retroii-
vé (1).
1. D'après ces hérétiques, l'histoire de rhumanitô com-
prend neuf époques, à travers lesquelles la matière inanimée
s'élève sous l'action de la « matière astrale » jusqu'à la
divinité.
La première époque est celle du Brahmanisme, la seconde
celle de la religion des Egyptiens, la troisième est l'époque
chrétienne, la quatrième l'époque révolutionnaire (nous y
sommes), la cinquième sera c^lle de la république univer-
selle ; les époques six, sept et huit marqueront dans l'histoire
de l'humanité des époques tellement supérieures à ce que
nous pouvons concevoir, qu'elles ne peuvent actuellement
être définies; enfin la neuvième époqu3 sera celle de la na-
ture divinisée.
Voilà le rêve fantastique qui est au fond de touf-és ces dé-
clamations sur le Progrès et sur l'ascension de l'humanité.
Vodlà à quel mirage se laisse prendre plus ou moins in-
consciemment le Sillon.
Quand Marc Sangnier proclame que la démocratie est
l'aboutissement nécessaire du christianisme, qu'elle doit
élever l'humanité à une « organisation sociale qui tend
» à porter au maximum la conscience et la responsabilité
SATAN. SES CONSTRUCriOXS ACTUELLES 735
A l'heure où nous écrivons, le Sillon annonce qu'il
vient de se réorganiser. • 11 reste ce qu'il était, moins
une organisation qu'un esprit. Et l'on voit quel es-
prit!
Quel puissant levier sur la société chrétienne Satan
tient en ses mains par toutes les sociétés que nous
venons de signaler!
Il nous reste à parler des spirites.
» civique de chacun », ces paroles n'auraient qu'une si-
gnification chimérique et déclamatoire si elles ne répon-
daient à un état d'esprit depuis longtemps créé et entretenu
chez ses auditeurs comme en lui-même. Or cet état d'esprit,
c'est la Franc-Maçonnerie kabbalistique et théosophique qui
l'a créé et c'est à elle et non pas au christianisme qu'il pro-
fite.
La démocratie n'est pas pour eux une forme de gouver-
nement, c'est un degré de l'échelle mystérieuse par la-
quelle l'humanité s'élève vers l'infini. La République uni-
verselle que ce progrès prépare sera autant supérieure à la
chrétienté du moyen-âge que celle-ci le fut au brahmanisme
et au monde païen. Elle sera faite de la fusion de toutes
les Eglises, de l'abolition de toutes les patries, de la suppres-
sion de la proipriété privée et de la destruction de la fa-
mille. Voilà l'idéal démocratique plus ou moins nettement
entrevu, mais salué de loin avec un enthousiasme égal par
les gU'Ostiques et les sillonnistes, disons mieux, par tous les
démocrates modernes de toutes les écoles et de toutes les
dénominations.
CHAPITRE LI
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES
II. - LE SPIRITISME
Satan a donc de nos jours une église occulte avec
ses fidèles, ses cérémonies, sa liturgie, opposée à
la sainte Eglise, aux fidèles du Christ, à la liturgie
romaine, à la religion du Fils de Dieu fait Homme.
C'est là un fait indiscutable; Satan exerce un empire
redoutable sur une niasse de iDerdition.
La majeure partie de cette masse est formée par
les spirites. Eux aussi appartiennent à la Gnose par
ses principaux dogmes.
Le spiritisme n'est pas d'hier : ses pratiques rem-
plissent tous les temps, tous les lieux, mais surtout
les temps et les lieux païens. Cicéron (1) nous ap-
prend que son ami Appius faisait des consultations
des morts sa pratique habituelle; et que, dans le
voisinage d'Arpinum, était le lac Averne, d'où l'on
faisait « surgir du sein des ténèbres les ombres des
morts encore tout ensianglantées. » Il y avait partout
des Orachs des morts. On les évoquait sur les bords
du fleuve Achéron en Thesprotie, à Phigalée en Arca-
1. Tusculanes, I, 16.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS AITUELLES 737
die, au cap ïénare, à Héraclée dans le Pont, à Cumes.
Ce n'est peint seulement la. populace qui ajoutait foi
à ces pratiques. Péiiandre, l'un des sept sa.ges, en-
voie consulter l'âme de sa femme qu'il a fait égor-
ger (1). Pausanias évoque lui-même l'âme d'une jeune
fille qu'il a tuée (2); les magistrats de Sparte font
évoquer par des nécromanciens de Thessalie l'âme
de ce même Pausanias (3); Libo Drusus est mis à
mort par Tibère pour avoir commis un crime de
lèse-majesté pendant qu'il se livrait à la nécromancie;
le grammairien Apion évoque l'ombre d'Homère pour
l'interroger sur sa patrie et ses parents (4).
Ces mêmes évocations furent pratiquées au moyen
âge par les sorciers et les mages (5). Elles ont
pris de nos jours une fréquence, des accroissements,
et une importJance qui autorisent les plus inquié-
tantes prévisions.
Le spiritisme peut donc se définir un système de
relations extra-naturelles des hommes aVec les purs
esprits. Le spiritisme possède et emploie les moyens
de franchir, à volonté, dit-il, la barrière qui sépare
notre règne humain de celui des purs esprits, et c'est
la coordination plus ou moins heureuse de ces moyens
qui constitue tout système de spiritisme.
Assurément, les cas de tromperie ou d'erreur sont
fréquents, mais les faits bien caractérisés comme
extra-naturels sont si nombreux qu'ils ne peuvent
se compter et ont é'é si parfaitement observés que Je
doute à leur égard n'est point possible.
1. Hérodote, V, 92.
2. Plutarquo, Vie de Cimon.
3. Plutargue, Des délais de la justice divine.
4. Pline l'Ancien, XXX, 6.
5. Nous n'avons pas à fare remarqti.r que les démons
ne sont pas les maîtres des âmes, et que, pour répondre aux
évocations qui leur sont adressées, ils n'ont, eux, qu'à se
présenter en personne sous des noms supposes.
L'Église et le Temple. 47
788 l'agent de la civilisation moderne
On cherche à les revêtir d'une apparence scienti-
fique, ou à les rejeter en bloc dans le domaine de la
prestidigil^ition. Assurément il y a des fraudes. Mais,
dit le D^ Grasset, il est faux de conclure que tous les
médiums fraudent et qu'un médium convaincu de
fraude en certains cas fraude nécessairement dans
tous les cas.
D'iautre part, les phénomènes spirites ne peuvent
pas être reproduits à volonté, ce qui ne permet pas
de les classer dans le domaine de la science. On ne
peut leur appliquer les procédés habituels et rigoureux
du contrôle scientifique. D'abord, il faut un mé-
dium (1). De plus quand on a le médium, l'expérience
ne réussit pas toujours, il y a un mystère dansi le
déterminisme qui multiplie les échecs. « Les phé-
nomènes sont rebelles à la discipline », dit Maxwel.
« Dans des conditions identiques, dit Charles Richet,
cette incertitude des résultats jette l'incertitude sur
la science même. » Cela met entre les faits physi-
ques et les faits spirites, un critérium de distinction
tout à fait infaillible. Les premiers son! produits par
la nature seule ou par rintervenftion de l'homme
qui lui commande en lui obéissant, c'est-à-dire qui
obtient ses manifestations par des procédés imités
de son action même. Il étudie la vapeur, l'électricité
et il les met en œuvre pour sa locomotion ou pour
ses messages, en observant strictement leurs habi-
tudes et en canalisant leur cours naturel. Voilà la
physique.
Mais si en touchant simplement ,une table, si même
1. Médium, être, homme-milieu. On appelle ainsi la per-
sonn:^, homme ou femme qui, dans le spiritisme, est l'inter-
médiaire entre le monde terrestre et le monde des esprits et
sert à leurs manifestations. On appelle médium à maté-
rialisations, celui qui obtient des manifestations corpo-
relles.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 739
en conceviant intérieurement un désir, j'obtiens la
présence et lia conversation d'un être intelligent et
libre et de plus invisible qui devine mon désir et
mia pensée, je vois très clairement que j'ai affaire
à un pur esprit (1).
M. Jeanniard du Dot raconte qu'en 1849, les cinq
évêques d'une province réunis pour tiaiter différents
1. M. Jacques Brieu, le critique occultiste bien connu
du Mercure de France, distingue entre les phénomènes d'or-
dre purement psychique et d'ordre spirite. Son point de
départ est le fait, son but est le fait, son critérium de
certitude est le fait. Les faits demeurent tandis que s'effon-
drent les théories les plus ingénieuses, les systèmes les plus
savants.
Ces faits sont-ils 1° Certains? Oui, s'ils sont existants
pour tous, savants et ignorants.
2° Hétéronomiques ? Oui, s'ils sont autre chose qu'un jeu
de l'imagination, une idée subjective, un rêve, une opinion.
3° Obsen^ables? Oui, s'ils tombent sous nos sens et peu-
vent être saisis par nos instruments.
5» Irréductibles? Oui, s'ils ne se ijdu'sont pas à d'autres
plus simples ressortissant d'une science dôjà existante ou
ne sont pas des inductions tirées des faits.
« Les sciences psychiques et le spiritisme proprement
dit rossortent ils des sciences avec lesquelles ils présen-
tent le plus de points de contact, la physiologie et la psy-
chologie? Non, car la physiologie et la psychologie ont
seulement pour objet d'études les facidtcs de l'esprit et les
fonctions du corps à l'état normal; tandis qus les phéno-
mènes qu'étudient le spiritisme et les sciences psychiques
sont anormaux, exigent la présence d'un être anormal, un
médium.
» La production des phénomènes spirites semble néces-
siter l'intervention de forces ou d'êtres intelligents normaux.
» Il sera souvent difficile de discerner si un fait appar-
tient au spiritisme ou aux sciences psychologiques, mais n'en
est-il pas de même pour un grand nombre de faits? qui
déterminera exactement par exemple, la limite émanant des
faits psychologiques et des faits physiologiques?
» La distinct'on des phénomènes psychiques et des faits
physiologiques est possible et même légitime, s'il y a un
fait caractéristique qui permette de les différencier, si
l'intervention de forces ou d'êtres étrangers au monde phy-
sique est un fait indestructible, le phénomène est d'ordre
spirite, il vient de forces ou d'êtres intelligents inconnus ».
740 i/agent de la civilisation moderne
points de doctrine ou de droit ecclésiastique voulurent
se rendre compte, p'ar eux-mêmes, du phénomène des
tables tournantes. Quiand ils virent la table tourner,
ils y placèrent un chapelet et un bréviaire. La table
renversa ces objets avec fureur; puis elle poussa
jusqu'à la porte l'évêque du lieu.
La pensée de Satan paraît bien être de se mani-
fester de nos jours p'Ius qu'il ne l'a fait à auoane
époque du christianisme; mais sa taciique est de
s'abriter derrière la science. Mille savants, mathé-
maticiens, physiciens, chimistes, etc., sont entrés dans
ie domaine de l'occulte avec la pensée de le sou-
mettre à leurs expériences et de saisir ses lois. Cette
espérance que Satan a fait naître rentre bien dans
son dessein qui est, comme nous le verrons dans
la dernière partie de cet ouvrage, de ramener l'hom-
me dans l'ordre purement naturel et de l'y enfermer
tout en le dominant.
C'est en Amérique, en l'année 1847, que, par la
permission de Dieu et par des motifs de sagesse infi-
nie qu'il ne nous est point donné de pénétrer, le prince
des ténèbres recommença de nos jours cette longue
série de manifestations, qui devaient s'étendre au
monde entier et dont le dernier mot est loin d'être
dit.
La famille Fox, installée dans une maison de Hy-
derville, petit village de l'Etat de New-York, reçut
en mars la visite d'un esprit qui fit retentir la mai-
son de coups mystérieux. Etonnés d'abord et même
terrifiés, les habitants de la maison hantée se lais-
sèrent bientôt aller à la curiosité et interrogèrent.
Aux claquements des doigts des jeunes filles répon-
dirent des claquements de doigts. Un premier moyen
de communication était établi avec le frappeur qui,
par là, se révélait comme un être intelligent.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 741
La famille Fox se transporte à Rochester; l'esprit
la suit et conquiert dans cette ville un champ d'opé-
rations plus vaste, un plus grand nombre de témoir.s
qui deviennent bientôt des apôtres; car il suit chez
eux ceux à qui il s'est manifesté une première fois,
et i! multiplie ainsi lo3 théâtres de ses marifestations.
Nous n'avons point à dire ici les différentes formes
que prennent ces manifestations, ni les différents
moyens de communication et de conversation que
les esprits ont suggérés successivement à ceux qui
se mettaient en communication avec eux; nous vou-
lons seulement suivre le spiritisme dans son ex-
tension.
En. 1853, c'est-à-dire six ans après les débuts, cinq
cent mille personnes étaient en Amérique en corres-
pondance suivie avec « les âmes des morts », et
en rapports entre elles par douze revues ou jour-
naux.
Il y a quelques années, d'après le calcul de M.
Babinet, il y avait, rien qu'en Amérique, soixante
mille médiums. En 1855, Emma Harding-Button es-
timait à 12 millions le nombre des adeptes dans la
seule Amérique. Un peu plus tard, le juge Edmunds,
sénateur et président de la Cour de l'Etat de New-
York, accusait trois millions de nouveaux adhérents.
Combien sont-ils aujourd'hui? Il n'était pas exagé-
ré de porter, dès 1870, le nombre des spirites du
globe à une vingtaine de millions.
« Ce qui a fait l'extraordinaire vogue da spiritis-
me, observe Jules Bois (1), c'est sa thaumaturgie
à proximité, populaire. Tout devient simple. Dieu poar
tous à la dose de chacun : Dieu démocrate! »
Les spirites ont des Congrès internationaux : Ils
eurent lieu à Bruxelles en 1884, à Barcelone en 1886,
1. Le monde invisible, 307.
. 742 l'agent de la civilisation moderne
à Paris en 1889. En 1889, centenaire de la Révo-
lution, le Congrès s'est réuni au Grand-Orient : nou-
velle preuve des rapports secrets qui existent entre
la franc-maçonnerie, les Juifs talmudiques et Satan.
Le Congrès du centenaire comptait cinq cents mem-
bres.
Au Congrès de 1900, furent invités, par un abbé
Julio, « tous les catholiques des deux mondes, prê-
tres et laïques, qui ne peuvent rester étrangers au
renouvellement scientifique qui entraîne l'humanité
vers la fin glorieuse que lui a montrée le divin
Maître (1). »
« Le Congrès, dit M. Durville, a tenu ses ass-ises
à l'hôtel des Agriculteurs de France, au milieu d'une
affluence considérable de magnétiseurs, de spirites,
d'hermétiques, de théosophes et de spiiitualistes in-
dépendants, venus ici en qualité de délégués de so-
ciétés ou de groupes de toutes les parties du mon-
de, dont ils étaient les représentants... Les spirites
ont exposé les grandes lignes de leur religion dans
ce Congrès international, dont ils avaient pris lini-
tiative et qu'ils ont su mener à bonne fin. »
M. Denis, qui avait déjà présidé le Congrès de
1889, fut de nouveau chargé de présider celui de
1900. En prenant le fauteuil, M. Denis dit : « Au
Congrès de 1889, le spiritisme voyait encore devant
lui de nombreux obstacles, la marche était hésitante.
Aujourd'hui, le nombre des adeptes s'est multiplié,
le public et la presse sont curieux. Nous avons des
adeptes dans le monde de la science et dans les rangs
les plus élevés de la société... Les puissances occultes
sont à l'œuvre, elles soutiennent l'action des hom-
mes... Après la période de diffusion, doit venir la pé-
riode d'organisation... L'heure présente, l'heure à la-
1. Revue du Monde imisibh, septembre 1899.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 743
quelle nous sommes, est une heure pleine d'espéran-
ces et de promesses; les masses sont agitées par
le sourd travail de la pensée; les intelligences et
les consciences sont à la recherche d'un idéal nou-
veau... Le spiritisme est un germe puissant q^ui se
développera et qui amènera une transformation des
lois, des idées, des forces sociales... Le spiritisme doit
contribuer à transformer la science... Il amènera une
transformation des religions... Il en sera de même
de l'enseignement... Il influera puissamment sur l'é-
conomie sociale et la vie publique... Le spiritisme ne
peut plus être arrêté dans sa marche : il a j)énétré
dans l'esprit et dans le cœur de millions d'hommes. »
(P. 32 et 42).
Ces derniers mots n'étaient point une forfanterie.
Dans le Problème de Vheure présente nous avons
donné de nombreux renseignements sur le nombre
des spirites, leurs organes de publicité, leur pro-
pagande, en France et dans tous les pays du monde.
Notre intention n'est point d'y revenir ici, d'ailleurs
les chiffres donnés alors ne seraient plus exacts, ils
grossissent de jour en jour, et nous ne connaissons
point d'ouvrage qui tienne à jour les progrès de la
secte. Nous nous contenterons de quelq'ues obser-
vations.
La terre est donc couverte de spirites. On les trou-
ve partout sur tous les continents, ils pénètrent dans
tous les milieux et prêtent leur concours à toutes
les œuvres de satan. La Gnose s'est recrutée' dans
leurs rangs, parmi les spirites intelligents, lettrés,
appartenant aux fonctions libérales ou au grand mon-
de (1).
1. M. Gaston M^^ry, fondateur de VEcho du merveilleux,
a publié, le 10 septembre 1907, dans la Libre Paroi-', un
article ou il dit que comme au temps de Cagliostro, l'aris-
tocratie interroge les esprits. Elle se sert pour cela dans ses
744 l'agent de la civilisation moderne
Pour la propagation de leurs doctrines, les spirites
comptent surtout sur les femmes. Dans le rapport
qu'il lut à la séance générale de clôture du congrès
international de 1900, séance qui avait réuni toutes
les écoles spirites, le Dr Papus dit : « C'est aux
femmes que nous devons le succès de nos congrès,
et c'est justement qu'on dit que celui qui a les fem-
mes pour lui est sûr de la victoire. Ce sont elles qui,
entre les sessions, préparent les réussites par leur
incessant apostolat. Ce sont elles qui, abeilles in-
fatigables, vont partout butiner le miel de la vérité.
Sachons ne pas être ingrats, en ce jour de joie, et
rendons à la femme justice pour le succès de l'idée
spiritualiste à travers toutes les classes sociales. »
Ces pauvres femmes sont attirées dans le spiritisme
par leur cœur, par le désir de rentrer en communication
avec les êtres qu'elles ont aimés, leurs enfants, leur
mari. Une fois séduites par les illusions que Satan
leur donne, elles se font ses apôtres.
Ce que se proposent les chefs du mouvement spi-
rite c'est donc de faire passer la direction religieuse
de l'humanité, du magistère de l'Eglise aux Esprits
devenus nos familiers et nos guides; et ceux-ci pré-
parent les voies au règne universel de leur Maître,
Lucifer. Avec les curieux, avec les imprudents, avec
les amateurs de nouveautés, ils arrivent à grouper
des disciples venus de toutes les religions et de toutes
salons du Ouija, planchette en bois verni sur laquelle sont
inscrits l?s lettres de l'Alphabet. Un pedt appareil, en
forme de soucoupe retouraîe, munie d'une flèche indicatrice
est placée sur cette planchette. « Je connais des salons,
dit- il, ou périodiquement on donne des sîances de spiritisme.
Des dames lisent les sermons du diable à leurs invités, et.
même les réunissent en volumes. Il n'y a pas à Paris moins
de trois ou quatre librairies spéciales, où les gens du monde
et même les autres, peuvent s'approvisionner de cette htté-
rature d'outre-tombe, vendue à tous les prix, dans im
but évident de propagande. »
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 745
les contrées du monde. Ils forment ainsi une nou-
velle Eglise à laquelle ils donnent un culte nouveau,
une religion nouvelle.
« Par le spiritisme, a dit au Congrès de 1900 le
pasteur Boversluis, le christianisme sera consommé
(arrivera à sa perfection), mais non le chrstianisme
des églises, des dogmes et des rites... Alors point
de prêtres, point de contrainte de conscience! Alors
point de zélateurs aveugles; point d'adoration de l'au-
torité d'un livre; point de confessionnalisme; point
de système dogmatique; point d'infaillibilité d'un hom-
me ou d'un livre. Alors point de peur pour un Dieu
cruel, point de médiation de saints entre Dieu et
l'homme. » Le pasteur appelle cela un christianisme
purifié et simplifié.
Le programme de cette nouvelle religion comprend
deux parties : l'œuvre de destruction et l'œuvre d'é-
dification. !« Destruction de l'Eglise catholique et
anéantissement de la foi en Jésus-Christ; — Révo-
lution sociale par l'anarchie qui soulèvera les pro-
létaires contre les classas supérieures; — Renverse-
ment des idoles, c'est-à-dire des faux dieux (les trois
Personnes de la Très Sainte Trinité), des rois et de
toute aristocratie, noblesse, clergé, propriétaires. 2»
Edification d'un culte fondé sur la Vérité et la Maison,
auquel sera donné le nom de christianisme (christian-
science).
L'association spirite, appelée Christian science, a été
fondée à Boston, en 1879, par Mistress Eddy, qui, pour
cette raison, est appelée la mère de christian-scien-
ce (1). D'Amérique elle s'est répandue partout. Tren-
1. En. déœmbre 1907, l'agence Reuter de Concord (New
Hampshire N. S. .A) publia une dépêche annonçant que Miss
Eddy avait reçu du gouvernement français le brevet d'officier
d'académie.
746 l'agent de la civilisation moderne
te-trois ans après sa fondation, elle comptait six cent
mille scientistes. Ils ont un temple à Paris, rue Pas-
quier. Leur église métropolitaine pour l'Europe est
à Londres. Ils établissent partout des églises ou du
moins des locaux de services religieux. L'almanach
de New-York World's pour 1897 indiquait 123 églises
et 131 locaux de service. L'année suivante, le Chris-
tian-Science-Journal comptait 250 églises et 127 lo-
caux de services. Ainsi, en un an, 123 nouvelles égli-
ses s'étaient élevées. En 1905 la Christian-Science
comptait 908 églises ou sociétés aux Etats-Unis, au
Canada, au Mexique, aux Philippines, en France,
en Angleterre, en Norwège, en Suisse, en Italie, aux
Indes, en Chine et ailleurs. L'église-mère est à Bos-
ton et compte 34.000 membres. La mère de scien-
tisme compte que, « dans moins de cinquante ans,
la Christian-science sera la foi religieuse dominante
dans le monde. »
Le nom de chrétienne donné à une secte qui se
propose, premièrement, de détruire la religion de No-
tre-Seigneur Jésus-Christ, paraît assez étonnant; mais
les explications font entendre que le Christ de la
christian-science n'est autre que « l'universel esprit»
ou « le grand agent magique », en d'autres termes,
Lucifer. La christian-science est donc proprement la
religion de Satan, à laquelle doivent faire aboutir
toutes les évocations spirites.
Le Dr Gibar, dans son livre Les Choses de Vautre
Monde, rapporte que, dans une séance chez M. Nus,
la table dit : « La religion nouvelle transformera les
voûtes du vieux monde catholique déjà ébranlées par
les coups du protestantisme, de la philosophie et de
la science. » Cette transformation, c'est la substi-
'tution du règne de Satan, au règne de Nôtre-Seigneur
Jésus- Christ
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 747
C'est là que vient aboutir l'immense travail de
dissolution religieuse dont ce livre expose les mul-
tiples agents.
« Le travail qui s'accomplit, dit un autre spirite,
est le prélude d'une rénovation philosophique et ma
raie qui embrassera le globe entier. »
Aussi, comme l'a constaté Mgr Méric, les esprits
évoqués font les plus grands efforts pour donner
aux spirites du monde entier ce mot de ralliement :
Haine à l'Eglise catholique, à l'éternelle ennemie qu'il
faut détruire. Satan imprime par là, sur ceux qui se
font siens, son caractère, le caractère de la Bête,
comme dit l'apôtre saint Jean. Quand on lit les revues
et les ouvrages des chefs du mouvement spirite, on
est frappé de l'extrême violence des sentiments de
colère et de Jiaine qu'ils manifestent contre le dogme
catholique et contre l'Eglise, contre le clergé et contre
la papauté. Ils cherchent à entraîner leurs disciples
dans un-e campagne violente contre le catholicisme.
Ils ne cessent de dire : Le catholicisme est fini! Le
catholicisme est mort! Ils ne se contentent plus de
propager les idées qui leur sont inculquées par les
démons, ils veulent anéantir le catholicisme et lui
substituer le spiritisme dans la conscience humaine
et dans la société; en un mot, fonder une religion
nouvelle.
L'un des médiums les plus en vue à raison de sa
situation sociale et de la culture de son esprit, la
princesse Marie Karadja, fille d'un sénateur suédois,
a publié deux livres : Phénomènes spirites et Vues
spiritualistes, puis L'Evangile de Vespoir. Elle y dit
que le spiritisme doit remplacer les différents spi-
rituaîismes et la religion se substituer aux différentes
religions. Elle exprime ainsi sa pensée :
« L'humanité est un immense bâtiment où cha-
748 l'agent de la civilisation moderne
que religion représ-ente une fenêtre — grande ou pe-
tite — par laquelle pénètre le même soleil. Les hom-
mes qui se trouvent dans ce iîâtiment se répartissent
auprès des différentes fenêtres et se querellent entre
eux, prétendant que l'une donne plus de lumière que
l'autre, et chacun affirme que la vraie lumière ne
saurait entrer qu'à la fenêtre où il se trouve lui-
même.
» C'est la mission du spiritisme d'abattre toute la
muraille qui sépare les différentes fenêtres. »
Abattre toutes les murailles! Que de fois nous
avons entendu cê mot sortir de toutes les, associations
que Satan emploie à renverser l'Eglise de Jésus-Christ
pour édifier son temple sur ses ruines.
Deux choses sont à faire, dit l'esprit qui révéla
à AUan Kardec la mission qu'il lui donnait : démolir
et bâtir. Que de démolisseurs nous avons vus à l'œu-
vre au cours de cette étude!. Qu'ils s'entendent ou ne
s'entendent pas, des différents points du chantier de
démolition où chacun se trouve placé, ils obéissent
à un même maître.
Un général, qui signe A, publiait, il y a quelques
années, dans la Revue scientifique et morale du Spi-
ritisme, une communication reproduite dans la Bévue
du Monde invisibh (n° de mai 1902). Il était dit que
« les esprits évoqués sont les architectes de l'édifice
de l'avenir et qu'ils laissent aux manœuvres le soin
d'en établir les grossières fondations. »
Ces manœuvres, ce sont tous ceux que nous avons
vus à l'œuvre au cours de cette étude, juifs et francs-
maçons, et aussi, il faut bien le dire, ces chrétiens
et ces catholiques modernistes qui travaillent à abat-
tre les barrières dogmatiques. Tous ceux qui font
brèche à la foi catholique, qu'ils le veuillent ou ne
le veuillent point, font partie de l'armée du mal.
SATAN. SES CONSTRUCTIONS ACTUELLES 749
travaillant, sous les ordres de Satan, à rétablir son
empire renversé par la Croix et fonder son Temple,
son EgMse qu'il prétend bien faire universelle, effec-
tivement catholique.
Satan triomphera-t-il ? Parviendia-t-il à se faira éle-
ver des temples sur tous les points de l'univers et
à s'y faire adorer par tous les hommes?
Les Juifs verront-ils bientôt le Messie temporel
qu'ils appellent de leurs vœux depuis deux à trois
mille ans, se rendre enfin à leurs prières et leur
donner l'empire sur tout ' le genre humain ?
Les Francs-maçons parviendront-ils à faire passer
le niveau égalitaire sur toutes les têtes et sur to-u-
tes les consciences et pourront-ils réaliser leur rêve
de paix universelle par la suppression de tous les
dogmes qui mettent des frontières dans le monde
des âmes et la dénaturation de toutes les nationalités
qui en établissent d'autres entre les intérêts tempo-
rels ?
Voilà la question qui se pose au point de notre
étude où nous sommes parvenu. Il n'est assurément
pas de problème d'un plus poignant intérêt. On peut
ajouter qu'il n'en est pas de plus troublant pour qui
considère ce qui est déjà fait dans l'ordre des idées
et même dans l'ordre des faits.
Il devient angoissant lorsque l'esprit s'élève à con-
templer la marche du monde à l'époque où nous som-
mes et la vitesse accélérée que prennent les événe-
ments.
La réponse ne peut être donnée avec certitude. Elle
dépend des conseils de la sagesse divine et aussi
des démarches de la liberté humaine, choses qui nous
sont inconnues, qu'on peut à peine soupçonner.
Cependant, il est possible de conjecturer. Mais pour
le faire congrûment et avec espoir d'atteindre une
750 l'agent de la civilisation moderne
solution plausible, il est nécessaire de prendre les
choses, nous ne dirons pas d'un peu haut, mais de
très haut.
Notre étude sur l'antagonismo entre la civilisation
chrétienne et la civilisation moderne, nous a amené
à dire qu3 le démon y joue un rôle. Nous avons vu
les sociétés secrètes se multiplier, enrôler d'innom-
brables adeptes et aboutir toutes à des rapports avec
lui.
Nous 9,vons vu les sociétés plus occultes dominer et
diriger la Franc-Maçonnerie, et la Franc-Maçonnerie
gouverner les Etats e': donner l'impulsion à tout le
mouvement moderniste.
Satan est donc le premier moteur de la civilisation
moderne, en tant qu'elle est opposée à la civilisation
chrétienne.
Pourquoi et comment a-t-il pris ce rôle? Que se
propose-t-il ? C'est la réponse à cette double ques
tion qui nous permettra de conjecturer quelle peut
être l'issue de la situation actuelle, situation telle
qu'elle fait dire avec raison : Le monde ne peut rester
en cet état. •
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