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Full text of "La connaissance de la nature et du monde au moyen age d'après quelques écrits français à l'usage des laïcs"

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A CONNAISSANCE 


NATURE ET DU MONDE 


AU MOYEN AGE 


CEXTRAIT 
DE LA LISTE DES OUVRAGES DE 


= A LA MÊME LIBRAIRIE 


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* La Société française au XIIIe si cle, ps à 


# La Vie en France au moyen âge, dès 


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moralistes du temps. Un vol. EST A7 


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CH. LANGLOIS °° | 


D'LA CONNAISSANCE rl ; 
: De LA NATURE ET DU MONDE 
# AU MOYEN AGE 4 


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Er A L'USAGE DES LAÏÇS 


LE. | PARIS 
LIBRAIRIE HACHETTE ET Ci 


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INTRODUCTION 


Ce volume est le troisième, et le dernier, d'une série 
dont on a bien voulu accueillir les premiers avec indul- 
gence, au point d'en réclamer la suite. Série entreprise 
pour faire connaître, par une méthode nouvelle, de l'his- 
toire du moyen âge en France, surtout au x siècle, ce 
que le public lettré sait le moins, qéoique ce soit préci- 


_ sément ce qu'il en pourrait le mieux goûter, et peut 


être ce qu'il est en soi le plus intéressant de n’en pas 
ignorer. — Quels étaient à cette époque les aspects de la 
vie courante : les manières ordinaires et générales d’être, 
d'agir, de penser, de sentir ? les mœurs, les usages, les 
croyances, les préjugés ? Bref, quel était le milieu ma- 
tériel, moral et intellectuel où les hommes de cet âge 
étaient plongés ? Nous l'avons demandé d’abord aux ro- 
manciers, puis aux moralistes contemporains. Mais ils ne 
pouvaient tout nous dire, 

Les romanciers et les moralistes d'aujourd'hui rensei- 
gneront très bien la postérité sur nos habitudes et notre 
sensibilité, très peu sur les connaissances et les inter- 


prétations répandues dans la société actuelle au sujet du 


monde physique et des forces naturelles. Or ces connais- 
sances et ces interprétations sont les éléments de la pe 


Le 


Mc à ue me je 


VI LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


tite philosophie de l'univers que chacun se fait plus ou 
moins obscurément, et dont dépendent à leur tour l'angle 
du prisme à travers lequel on voit les choses et même, 
en quelque mesure, la conduite des individus. On ne 
vit pas tout à fait de la même manière sous le. ciel géo- 
centrique de l’ancienne astrologie et sous le ciel illimité 
de l'astronomie moderne. Il importe donc; pour con- 
naître à fond les hommes du passé, de savoir ce qu'ils 
savaient des réalités extérieures et comment ils s’en figu- 


raient les rapports. Les romanciers et les moralistes 


d'autrefois ne nous l'ont pas appris ; il ne leur apparte- 
nait pas de nous l’apprendre. Mais il est aisé de s’en in- 
former en étudiant d’autres sources, et notamment l’an- 
cienne littérature de vulgarisation scientifique. 

- Je ne dis pas l’ancienne littérature scientifique. 

Il ne s’agit pas ti, en effet, de l’histoire des sciences 
au moyen âge. Domaine immense, pas très riche cepen- 
dant, et, de plus, très mal défriché. 

Ce domaine immense n’est pas très riche. Pendant les 
mille ans qui se sont écoulés entre l'Antiquité et la Re- 
naissance l'effort des hommes d’étude qui s’intéressèrent 
à l’explication des phénomènes a porté principalement 
sur l’exhumation et le commentaire des œuvres qui con- 
tenaient l'héritage des Anciens à cet égard. Or il y avait, 
dans cet héritage, de l’or et du plomb: des germes d’idées 
fécondes et un vaste conglomérat d'observations précises 
ou superficielles, noyées dans des spéculations arbitraires, 
le tout cimenté dans les cadres d’une dialectique rigide. 
Dès l’Antiquité, la Physique de Démocrite, de Leucippe 
et des Atomistes, grosse de progrès indéfinis et où la 
pensée moderne reconnait ses véritables origines, avait 
été, pour ainsi dire, accablée sous le poids de l’Encyclo- 


pédie aristotélique, si bien faite pour stériliser l'avenir 


er Ra 
INTRODUCTION va 
en donnant l'illusion de la science achevée et en barrant 
les voies qui conduisent à la connaissance profonde de 
Ja réalité. On voit aujourd’hui, avec évidence, pourquoi 
‘œuvre d’Aristote marque un recul décisif sur celle des 
premiers physiologues de la Grèce! ; mais le moyen âge 
ne s'en douta pas: comment s’en serait-il douté ? Aris- 
…._  tote fut son oracle, son maïtre, son instituteur. Et cela 
» seul aurait sufli pour paralyser à fond son activité scien- 
tifique. — Sans doute, pendant ces mille ans, le patri- 
moine des acquisitions de l'humanité n’a pas laissé d’aug- 
 menter un peu: il y a eu quelques penseurs qui, comme 
Ee #0 .… Roger Bacon et ses amis, ont compris la nécessité de l’inves- 
_ tigation directe; quelques-uns ont même essayé de s'y 
3 4 _ livrer; Arnaud de Villeneuve et Albert de Saxesesontélevés 
“ au-dessus du commun de leurs contemporains ; enfin des 
…._ générations de praticiens n'ont pas pu passer sans récolter 
par hasard ou autrement quelques notions profitables : 
c’est ainsi que la chimie du xv* siècle disposait de combi- 
_naisons plus nombreuses et de recettes meilleures que 
la chimie gréco-arabe dont elle prétendait pourtant conti- 
| nuer servilement la tradition. Mais ces lueurs nouvelles 
ont été rares. En constater et en dater précisément l'ap- 
parition, c’est un travail méritoire; mais ce n'est pas 

_ celui qui m'a tenté. 

Re. _ Ce terrain est, d’ailleurs, très mal défriché. Les 
recherches n’y sauraient être bien conduites, pour chaque 
- ordre de connaissances, qne par des spécialistes ; et il ne 
EE s'en est guère rencontré jusqu'à présent qui aient eu la 
J patience de dépouiller méthodiquement le fatras des 
écrits scientifiques ou pseudo-scientifiques en latin du 


#4. Voir, par exemple, Th. Gomperz, Les penseurs de la Grèce 
(tr. A. Reymond), t. III (Paris, 1910), ch. xr et sui. 


VIIT LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


moyen âge afin d'y relever des indices de réflexion 
personnelle ou de trouvailles positives‘. La nomencla- 
ture même et l’histoire littéraire de ces écrits, par où 
il est clair qu’il aurait fallu commencer, n’existe encore 
ni pour l’alchimie ni pour l'astrologie? ; on est à peine 
plus avancé pour la botanique * et la médecine *. Bref, 
dans l’état actuel des choses, l’histoire des progrès scien- 
üfiques au moyen âge, qui, en tout état de cause, ne 
saurait être exposée d'ensemble ÿ, n’est pas possible. 
Mais telle n’est pas encore la raison principale qui 
nous invite à laisser de côté l’histoire proprement dite 
de la science, et ses sources. Cette histoire serait-elle 
achevée que l'utilité d’en connaître les curiosités resterait 
très médiocre pour notre objet. Car, d’une part, les spé- 
culations originales de quelques penseurs isolés, en avance 
sur leur temps, et les découvertes techniques qui ne 


1. Il n’y a guère, en France, que deux savants de profession 
qui se soient appliqués avec zèle à ces recherches rétrospectives : 
M. Berthelot dans la dernière génération et P. Duhem dans la 
nôtre. Les études de M. Berthelot ont porté sur l’histoire de la 
Chimie. Celles de P. Duhem (Études sur Léonard de Vinci ; ceuz 
qu’il a lus. Paris, 1906) ont trait à l’histoire de la Physique. 

2. On peut juger de l’état des études relatives à l’Astrologie 
du moyen âge par l’article de F. v. Bezold (Astrologische Ge- 
schichtsconstruction im Mittelalter, dans la Deutsche Zeitschrift 
Jür Geschichtswissenschaft, VIIL (1892, p. 29) 

3. E. Meyer, Geschichte der Botanik (1855)et Dr. Saint-Lager, 
Recherches sur les anciens Herbaria (Paris, 1886) ; cf. Romania, 
XVI, p. 590. 

4. Th. Puschmann, M. Neuburger et J. Pagel, Handbuch der 
Geschichte der Medizin, t. Ier (Lena, 1901). 

5. Le dernier exposé d'ensemble qui soit décemment au courant 
est celui de Fr. Dannemann: Die Naturwissenschaften in ihrer 
Entwicklung.… 1. Bis zum Wiederaufleben der Wissenschaften 


(Leipzig, 1910). 


| INFRODUCTION 


f ant pas sorties d’un cercle de praticiens pour modifier 


Jes grandes lignes de la philosophie naturelle, sont 
évidemment sans valeur pour qui, comme nous, ne cher- 
che à se rendre compte que des croyances communes. 
Et, d'autre part, la littérature proprement scientifique 
du moyen âge ne nous intéresse pas davantage en ce 


_ qu’elle a de traditionnel qu'en ce peu qu'elle a d'ori- 


ginal. Par définition, n'était-elle pas à l'usage des savants 
et de ceux qui prétendaient le devenir ? Or ce que nous 
cherchons à déterminer, ce sont les conceptions qui flot- 
taient dans l'esprit de l'homme du monde, c’est-à-dire 
des cleres et surtout des laïcs intelligents, cultivés et 
curieux, mais étrangers aux hautes études. 

On a écrit de bonne heure pour tenir, tant bien que 
mal, ce vaste public au courant de la science des savants 


sur l'univers. « Hélas ! », écrivait au solitaire Honorius 


(Honorius Augustodunensis), le célèbre encyclopédiste alle- 
mand, son correspondant Christianus, « quelle misère de 
vivre comme des bêtes, dans l'ignorance des choses qu'on 
voit tous les jours et qui furent faites pour nous. Wiserum 
esse videlur res propter nos faclas quotidie spectare et cum 
jumentibus insipientibus, quid sint, penitus ignorare! ». 
Cette phrase pourrait servir d’épigraphe aux très nom- 
breux ouvrages de vulgarisation qui ont été composés 
dans nos pays à partir du xu siècle et dont on se pro- 
pose ici d'examiner quelques types. 
*x 
x * 

Les plus anciens livres de vulgarisation qui furent en 

usage au moyen àge remontent aux derniers temps de 


1. Epistola Christiani ad Honorium solitarium, dans la Patro- 
logie latine de Migne, CLXXIE, p. 119. 


X LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE. 


l'Antiquité, où l’on s’employa activement à embouteiller 


dans des compendia plus où moins portatifs la substance 
des bibliothèques. Il s’est déposé ainsi comme une pre- 
mière couche de résumés et de spicilèges qui n’ont pas cessé 
d’être, pour ainsi dire, en service pendant une longue 
suite de siècles ; car non seulement on a continué à les 
lire, mais ils ont été, directement ou non, les sources de la 
plupart des compilateurs qui ont travaillé, par la suite, du 
même mélier !, Qu'il suffise ici de rappeler les noms célè- 
bresde Solin, de Marcianus Capella et de Boëce ; Damigerom 
de Lapidibus et le Physiologus ; Isidore de Séville et Raban 
Maur. Tous les genres sont déjà représentés dans cette hit- 
térature primilive, depuis la grosse encyclopédie en forme 
de dictionnaire jusqu'au recueil de fables populaires. , 

Une nouvelle poussée d'ouvrages analogues coïncida 
avec la Renaissance littéraire du xn° siècle; et la pro- 
duction en fut plus abondante encore au siècle suivant, 
celui où la curiosité scientifique paraît s'être définitive- 
ment éveillée en Occident. Presque tous les monuments 
de cette seconde période sont parvenus jusqu'à nous ?. 
Essayons de les classer. 


1. Le premier fascicule, seul paru, du travail de L.-M. Ca- 
pelli surles Encyclopédies du moyen âge (Primi studi sulle En- 
ciclopedie medioevali. Modena, 1897) 4 trait aux « sources des 


Encyclopédies latines du xrre siele », c’est-àidire aux Encyclo= 


pédies antérieures, de Solin à Raban Maur. 

2. On en trouve la nomenclature sommaire dans le Grundriss 
der romanischen Philologie de G. Grüber, t. IE, 1e partie. — 
Quelques considérations générales sur les Encyclopédies du moyen 
âge ont été présentées par V. Gian (« Delle Enciçlopedie Medie- 
vali in genere », dans Vivaldo Belcalzer e l'enciclopedismo italiano 
delle origini [Torino, 1902], p. 32) et par A.-E. Schünbach, 
dans les Milleilungen des Instituts für te 1 Geschichis- 
Jorschung, 1906, p. 32 et suiv. 


Une rcbon préalable s'impose. Pari les livres 
de vulgarisation de la seconde période du moyen âge, 
uns ont été écrits en latin, pour les clercs ; les autres 
Jangue vulgaire, à l'intention des gens du monde. 
usieurs de ceux-ci sont d’ailleurs traduits ou adaptés 
de ceux-là ; mais il en est pourtant de très considérables 
qui ont été composés directement en français‘, en pro- 
vençal, en italien, etc. 
H convient de distinguer, en outre, parmi les livres. 
dont il s’agit, tant en latin qu’en langue vulgaire, ceux 
qui n'embrassent qu'une partie de l’ensemble des con- 
maissances sur le ciel, la terre et l’homme, et les en- 
à cyclopédies générales. Il existe, du xr° et du xur° siècle, 
un grand nombre de livres d’Astronomie et d’Astrologie ; 
sur les animaux (Bestiaires, Volucraires), les minéraux (La- 
» pidaires) et les plantes (Herbiers) ; sur les phénomènes 
_ atmosphériques; sur la « Physique ? » (Médecine, hygiène 
et physiognomonie) ; des « Mappemondes » ou Géogra- 


Li coup 


: 1. Le roi Charles V avait réuni, dans sa librairie du Louvre, 
la plus belle collection de livres français pour l’enseignement 


. formée. Le catalogue de cette Collection célèbre est, en con- 
séquence, du plus grand prix pour nos études: Voir L. 
 Delisle, Recherches sur la Librairie de Charles V (Paris, 1905), 
_p: 10. 
F 2. Notons en passant que la « Physique » en français qui se 
trouve dans le ms. fr. 110g de la Bibliothèque nationale (daté 
4 pré 1310) n’est nullement, comme se l’est demandé G. Grü- 
 ber (Grandriss.…., 1. c., p. 1031), une traduction de la Physique 
_ d’Aristote. C'est + traité typique de médecine et d'hygiène élé- 
: F mentaires (Jne. : « Diex qui par sa grant poissanche... ») qui 
eut une si grande réputation au xine siècle sous le nom d’Ale- 
- brant de Florence (p. p. L. Landouzy et R. Pépin, Le Régime 
res de maistre Alebrant de Florence. Paris, 1910). 


mopuerox + 


. des sciences aux gens du monde qui ait été, sans doute, jamais 


XII LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 
phies; des résumés de l'Histoire universelle, etc. D'autre 
part, des auteurs ont entrepris de grouper toutes ces 
matières en vastes tableaux d'ensemble. 

Autre distinction. La plupart des vulgarisateurs se 
sont contentés de fournir des définitions et de décrire des 
phénomènes, bref d'indiquer les « propriétés des choses » 
et leurs « différences », suivant l'expression du temps, en 
insistant plus ou moins, d’après leur goût personnel et 
le public qu'ils avaient en vue, sur les « merveïlles », 
c'est-à-dire sur les choses extraordinaires. Mais quelques- 
uns ont fait à ce propos de la littérature, en s’efforçant 
de découvrir dans les « propriétés » et les « merveilles » 
des significations allégoriques. Cette méthode bizarre 
remonte à la décadence hellénique : elle s'accusait déjà 
dans l'original grec, probablement composé vers le rr° 
siècle de notre ère, du Physioloqus latin que le moyen 
âge européen a connu ; elle n’a pas cessé, depuis, d’être 
goûtée ; et les manuels de zoologie symbolique, où la zoolo- 
gie ést un canevas à broder des allégories de style sacré 
ou profane, n’ont jamais eu plus de vogue qu'au xrr1° 
siècle !. 

Entre toutes ces œuvres, dont plusieurs sont excep- 

‘tionnellement volumineuses, j'avais à choisir, pour les 
étudier et les présenter au lecteur, les plus caractéris- 
tiques. — Il me semble qu'il n'était pas permis d'hé- 
siter. 

Et d’abord il n’y avait pas à hésiter entre les écrits en 
latin et les écrits en langue vulgaire. Les grands livres du 


r. Voir l’Introduction de l'édition du Bestiaire de Guillaume 
le Clerc par R. Reinsch (Leipzig, 1890). Cf. sur les Propriétés 
des choses moralisées Romania, 1885, p. 442, et Histoire litté 
raire de la France, XXX, p. 334. 


al ee NE pat mt CE * 


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IN TRODUCTION XF 


moyen Fe en latin De naturis rerum, comme ceux d'Alexan- 
_ dre Neckam, d'Albert le Grand et de Vincent de Beauvais, 
. sont des compilations trop vastes ou trop techniques pour 
avoir jamais été appropriées aux besoins élémentaires du 
grand public. Ceux que le grand public des clercs a certai- 
nement adoptés, comme l’?mago Mundi d'Honorius, le 
‘# Lapidaire de Marbode, l'Eruditio didascalica d'Hugues 
de Saint-Victor et les Otia de Gervais de Tilbury, 
4 parce qu'ils étaient simplifiés, clairement composés ou 

particulièrement récréatifs, ont été de bonne heure tra- 
_ duïits ou paraphrasés en ‘langue vulgaire. Or les exposés 
. en langue vulgaire du xn° ou du x siècle ont beaucoup. 
À plus d'agrément, pour nous, que leurs prototypes en 
»_ latin d'école, sans compter que les traducteurs et les 

adaptateurs ont cédé parfois au désir d'ajouter à leurs 
modèles des détails et des réflexions de leur cru, qui ne 
sont pas toujours sans saveur. Enfin ce sont les livres. 
* en langue vulgaire, et ceux-là seulement, qui ont passé 

_ sous les yeux de l'immense majorité des hommes d’au- 
_trefois’. L'élite de la société laïque, princes, seigneurs et 

bourgeois, s’y est instruite ou divertie depuis le temps. 
de saint Louis jusque fort avant dans le xvi° siècle ; et 

quelques grands écrivains originaux de la Renaissance, 

comme Shakespeare, en étaient encore pénétrés au point 

- qu'il est parfois diflicile de comprendre, sans les con- 
_ naître, les allusions qu'ils y font?. 

| / 


1. Les laïcs assez lettrés pour entrer directement en com- 
merce avec les écrits latins sur la nature des choses, comme 
Jean de Meun (E. Langlois, Les sources du Roman de la Rose. 
Paris, 1890) et Dante (Paget Toynbee, Dante’s Obligations to 
Albertus Magnus, to Alfraganus, dans Dante Studies and Resear- 
ches [London, 1902]) étaient, naturellement, très rares. 

2. La fortune de ces écrits a été extraordinaire jusqu’au bout. 


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XIV. LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


De même il était indiqué de s'attacher plutôt aux ta- 
bleaux d'ensemble qu'aux traités spéciaux, et aux écrits 


tout unis qu'à ceux qui sont compliqués d’interpréta- 


tions tropologiques. Les Encyclopédies généralés ont 
pour nous l'avantage d'offrir en raccourci le système 
complet des connaissances usuelles ; et elles ont été ja- 
dis plus répandues, pour ce motif même. Dans les « His- 
_loires naturelles » allégorisées ou moralisées, l’allégorie, 


qui ne nous intéresse pas pour notre dessein présent, 


tient inutilement trop de place. 

L'entreprise que je méditais n'était pas, d’ailleurs, 
sans précédents anciens. Au xin° et au xrv° siècle, on 
exécuta, en France, un certain nombre de magnifiques 
manuscrits, véritables recueils d'ouvrages de vulgarisa- 
lion scientifique en langue vulgaire de France. Charles V 
en avait plusieurs dans sa librairie du Louvre. Il y en a 
encore quelques-uns dans nos dépôt$ publics: S'agissant 


de former aujourd’hui une gerbe similaire, il fallait, en 


partant des considérations qui précèdent, passer en revue 
les écrits de nature à y être placés, soit qu'ils se trou- 
vassent (par hasard ou autrement) dans ces grands 
recueils contemporains, soit qu'ils eussent été conservés 
à part. 

Le ms. 593 de la Bibliothèque municipale de Rennes, 
exécuté en 1303, qui est un des plus beaux, des meil- 
leurs et des plus complets parmi les anciens recueils, com 
prend l'Image du Monde, le Roman de Sidrach, le Dialogue 
de Placides et Timeo et le Trésor de Brunet Latin, c’est- 


Le premier livre européen qui ait été traduit en japonais (1579) 


est une « Théorie de l'Univers » en castillan, sommaire et at- 


tardée, qui a beaucoup d’analogie avec nos Encyclopédies cosmo= 
graphiques en français du moyen âge. 


tag À 


CE RARES ‘INTRODUCTION ; xY 


à-dire quatre des traités dont on trouvera dans le présent 


volume la notice, l'analyse et des extraits!. C’est un excel- 
lent choix. L’Image, le Trésor et Sidrach ont été sans con- 
tredit les livres les plus estimés en leur genre, comme 
l’atteste l'abondance des manuscrits, des versions ancien- 
nes et des éditions incunables qui en existent. Placides 


‘a et Timeo, qui fut sans doute un peu moins lu, appar- 


‘tient à la même famille, et mérite, quoique la valeur 
en ait peut-être été exagérée de nos jours, d'y être rat- 


Un seul ouvrage de même type a joui, en France, d'une 
réputation et d'une popularité comparables à celles de 
l'Image, du Trésor et de Sidrach: c'est le « Livre des pro- 


n: | “priétés des choses » par Barthélemy l'Anglais. S'il ne figure 


pas dans les recueils en langue vulgaire du temps de Phi- 
 lippe le Bel, c’est pour la raison qu'à cette époque, bien 


_ qu'il eût paru en latin dès avant le milieu du xun° siècle, 1l 


n'existait pas encore en français. Mais il a été traduit 
sous Charles V. Et rien ne s'oppose dès lors à ce qu'il 
soit confronté ici avec les trois œuvres maïitresses aux- 
quelles celle de Barthélemy, sous l'habillement français 
que Jehan Corbechon lui donna en 1372, fit aussitôt 
concurrence. 

On a cru devoir s'en tenir à ces cinq tableaux d'en- 


_ semble. Ce n’est pas qu'il ne s’en soit conservé d’autres, 


qui ont été aussi fort lus et qui, pour d’autres raisons 
qu'autrefois, méritent de l'être encore. J'aurais aimé, si 
cela eût été possible, à joindre à l'étude des cinq Ency- 


1. Les recueils qui en réunissaient deux ou trois n'étaient 
pas rares. Le n. 450 du Catalogue des livres de Charles V con- 
tenait l'/mage et Sidrach, et le n. 451 l’Image et le Trésor de 
Brunet. Dans le ms. 948 de la Bibliothèque de Lyon (xive siè- 
<cle) le Trésor est joint à Sidrach. Etc. 


PR TE RENE OT EE SE PR TR LIN RE 


XVI LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


clopédies capitales du moyen âge en français de France, 
celle, que j'avais ébauchée, des deux principales œuvres 
symétriques de la littérature anglo-normande, l’une et 
l’autre inédites et dont il n'est pas question dans le 
recueil spécial de Thomas Wright! : la Lumiere as lais 
de Pierre de Peckham? et surtout la Petite Philosophie 
anonyme dont M. P. Meyer a publié le prologue*. La 
Petile Philosophie est, comme l'Image du Monde, une 
paraphrase libre de l’/mago d'Honorius ; il y aurait lieu de 
comparer ces deux écrits ; mais il a été nécessaire de se 
borner. 

I l’a été d'autant plus que, si l’on se décidait à-ména- 
ger ici une place à des monuments de la littérature anglo- 
normande, il n’était pas possible de sacrifier l'œuvre de 
Philippe de Thaon. — Les anciens recueils manuscrits, 


ARE A N L4 
précités, renferment, en même temps que des encyclopé- . 


dies ou des traités généraux, beaucoup de ces traités spé- 
ciaux dont il a été question tout à l'heure, qui ont le même 


1. Th. Wright, Popular treatises on Sciences written during 
the middle ages in anglo-saxon, anglo-norman and english (London, 
1841). 

2. Ce poëme de 15 000 vers est apparenté, comme l’Image, 
aux écrits d'Honorius, mais surtout à l’Elucidarius de cet auteur, 
lequel est plutôt un catéchisme qu’un esquisse d’encyclopédie 
scientifique. Sur les mss. de la Lumiere as lais, voir P. Meyer 
dans la Romania, 1879, p. 325. Cf. K. Schorbach, Studien über 
das deutsche Volksbuch Lucidarius und seine Bearbeitungen in 
fremden Sprachen (Strassburg, 1894), p. 232 ets. 

3. De ce poëme d’environ 3000 vers il a été indiqué (par 
M. P. Meyer dans la Romania, 1886, p. 255 et 1900, p: 72) 
jusqu’à présent six copies, dont cinq dans les bibliothèques 
anglaises et une à Rome. — M. P. Meyer serait « disposé, à en 
juger par ce qu’il en connaît, à attribuer au commencement du 
xu siècle cette composition qui a sûrement été exécutée en 
Angleterre ». 


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INTRODUCTION XVH 


caractère, sans la même étendue, ç moralisés » ou non. 
C’est ainsi que le copiste du ms. 2 200 de la Bibliothèque 
Sainte-Geneviève a inséré, à côté de l'Image, le Lapidaire 
que L. Pannier considérait comme la première traduc- 
tion du poème latin de Marbode et le Bestiaire d’ Amour 
de Richard de Fournival!. Il a semblé qu'il serait bon 
de faire connaître ici, de même, un Bestiaire et un Lapi- 
daire (et l’un des deux « moralisé ») à titre de spécimen. 
Or, cela posé, comment ne pas préférer à tous les autres 
les deux opuscules de Philippe de Thaon, si intéressants 
par leur date et leur tournure archaïque : le Bestiaire à 


_ allégories, connu depuis longtemps, et le Lapidaire sans 


allégories, récemment exhumé, tous deux si caractéris- 
tiques ? Il était, pour ainsi dire, inévitable que l’on fit 
entendre d’abord la voix chevrotante de ce vieux maître, 
qui, dans l'état actuel des connaissances, apparaît 
comme le premier des écrivains, par la suite et bientôt 
innombrables, dont l’ambition a été d'enseigner les élé- 
ments de la science dans la langue des laïcs. 
* 
x + 

Pour le commun des hommes du moyen âge, il n'y 
avait qu’une source de connaissance sur les choses de la 
nature et du monde : ce que les anciens en avaient dit, 
« Cil qui ont esté cha en arriere, dit Richard de 
Fournival, ont seu tel chose que nus qui soit orendroit 
ne le conquerroit de son sens, ne ne seroit seu, s’on ne 
le savoit par les anciens ?. » Jusqu'où allait cette persua- 


1. L. Pannier, Les Lapidaires français du moyen âge (Paris, 
1882), p. 34-69 ;. Le Bestiaire d'amour par Richard de Fournival, 
publié par C. Hippeau (Paris, 1860). 

2. Le Bestiaire d'Amour..., p. 2. ” 


XVIII LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


sion, c'estce que l’on voit à plein dans les livres sur les 
« Propriétés des choses » dont les auteurs, comme Bar- 
thélemy l'Anglais, se croient tenus d’allégu:r un texte 
d’Aristote ou de quelque autre pour corroborer l'exis= 
tence de phénomènes que tout paysan a constatés et 
constate tous les jours par lui-même dans sa basse-cour. 
Ces gens, qui savaient si bien voir!, n'avaient pas l’idée 
d'observer. Les premiers écrivains qui, dès le commence- 
ment du xu! siècle, cherchèrent à communiquer aux laïcs 
quelque instruction scientifique, se bornèrent en consé- 
quence à traduire. Ainsi fit Philippe de Thaon, qui 
_traduisit des abrégés du Physiologus et de Darmigeron 
pour les réciter à la cour des rois normands d'Angle- 
terre. Le chroniqueur Lambert d’Ardres raconte que, 
vers le même temps, le comte Baudouin de Guines, dont 
la curiosité était fort variée, se faisait lire en public une 
traduction de Solin que son clerc, maître Simon de 
Boulogne, lui avait dédiée, et d’autres encore (qui, 
comme celle-là?, sont aujourd’hui perdues *). Cette mé- 


1. Les œuvres originales du moyen âge, telles que les ser- 
mons familiers, foisonnent de comparaisons zoologiques, très 
finement prises sur le vif, et qui ne doivent rien aux sèches no- 
tices traditionnelles des Bestiaires. Voir, par exemple; B. Hau- 
réau, Notices et Extraits de-quelques manuscrits latins de la Biblio- 
thèque nationale, I, 192 ; ILE, 44, 109, 199; IV, 115, etc, et 
quelques-uns des relevés dont la liste est dans notre Appendice: 
bibliographique. 

2. Cette traduction de Solin est aujourd’hui perdue, mais. 
on en a d’autres : notamment une paraphrase en yers composée, 
sous le titre de Mappemonde, par un certain Pierre (de Beau- 
vais), probablement pour Robert, comte d’Artois depuis 1237, 
celui-là même à qui fut dédiée la première édition de l'Image. Voir 
Notices et Extraits des Manuscrits, XXXIIL, 1re p. (1890), p. 10. 

3. « Maximam quoque phisice artis partem a viro eruditissimo- 
magistro Godefrido de latino in sibi notam linguam romanam 


INTRODUCTION ; XIX 


thode, qui revenait en somme à laisser parler directe- 
ment les anciens, n'était pas déraisonnable, dans l'état 
d'esprit où l'on était à leur endroit ‘. En tout cas, elle 
était prudente : on ne risquait guère, en l’employant, 
de commettre que des contre sens ?. Cependant, on y 
renonça vite (pour y revenir plus tard, au temps de 
Charles V) : elle était trop longue. En fait il ne nous 
est parvenu que très peu de traductions in extenso, ou 
proprement dites, des écrits antiques sur les phénomènes 


+ de l'univers qui remontent au xm siècle, et celles que 


l’on connaît n’ont pas eu de succès : une des meilleures, 


celle des Météorologiques d’Aristote que Mahieu Levilain 


de Neufchâtel en Normandie composa vers 1250, n’est 
connue que par un seul exemplaire*. 

Aux simples traductions succédèrent bientôt les com- 
pilations faites de pièces et de morceaux. Mais ce genre 
est dangereux. L'expérience de tous les temps prouve, 


translatam accepit. Solinum autem de naturis rerum non minus 
phisice quam philosophice proloquentem quis nesciat a venera- 
bili patre Ghisnensi magistro Symone de Bolonia studiosissima 
Jaboris diligentia de latino in sibi notissimam romanitatis lin- 
guam fida interpretatione translatum et, ut ejus captaret et 
lucrifaceret, immo dudum sibi comparatam refocillaret gratiam, 
ei presentatum et publice recitatum ? » (Lamberti Ardensis His- 
toria comitum Ghisnensium, dans les Monumenta Germaniæ, Serip- 
244 XXIV, p. 598). 


. On l’emploie de nouveau, aujourd’hui, dans l'intention de 


taire connaître ‘au grand FE l’état de la science dans l’Anti-. 


quité. C’est ainsi que le livre récent de J, Clarke, Physical 
Science in the time of Nero (London, 1910) n’est qu’une traduc- 
tion des Quæstiones naturales de Sénèque. , 
2. Dont on ne se faisait pas faute. Voir ici même, pp. 26, 336. 
3. Le ms. 11 200 de la Bibliothèque royale de Bruxelles. Voir 
L. Delisle, dans les Notices et Extraits des Manuscrits, XXXI 
(1884), p. 2. 


mn le ñ Cds. 
‘ 40 Du 
XX LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


en effet, que les auteurs de pareils ouvrages sont expo- 
sés, en exécutant leurs mosaïques, à des fautés très 
diverses : plans défectueux, choix arbitraires, raccourcis 
qui faussent la perspective, confusions, transposition, 
contradictions, etc. Tout compilateur, s'il n'est pas 
exceptionnellement soigneux et intelligent, corrompt 
plus ou moins ses sources. Jadis Solin avait corrompu 
ainsi ce qu'il avait emprunté à Pline ; les compilateurs 
du xu° et du xim° ont corrompu, à leur tour, ce qu'ils 
empruntaient à Solin. Ils n'étaient, en général, ni soi- 
gneux ni intelligents, et les plus cultivés, comme 
Brunet Latin, n'étaient pas les plus attentifs. Le résultat. 
final était inévitable : abrégés d’abrégés, corruptions de 
corruptions. L'héritage scientifique de l'Antiquité, déjà 
très médiocre dans les livres où les abréviateurs des 
bas siècles l'avaient consigné, est, dans les encyclopé- 
dies du moyen âge où il a été mis avec négligence à la 
portée d'hommes fort ignorants, tout défiguré d’absurdités 
secondaires. — Cela n’est pas particulier, naturellement, 
aux encyclopédies françaises de ce temps. Les provençales 
(Pierre de Corbiac, Matfre Ermengau) sont, dans leur 
sécheresse, encore plus faibles. Les italiennes (lAcerba 
de Gecco d’Ascoli, le Dittamondo de Fazio degli Uberti, 
la Composizione del Mondo de Ristoro d’Arezzo, etc. !) ne 
valent guère mieux. L'allemande, ce célèbre Puch der 
Nature de Kunrat von Megenberg (+ 1374), symétrique 
au « Livre des Propriétés des choses » de Jehan Corbe- 
chon ?, ne l'emporte en rien sur sa rivale. Quant à celles 


1. Il y a une revue sommaire des encyclopédies italiennes du 
x siècle dans B. Soldati, la Poesia astrologica nel quattroceñto 


Firenze, 1906), Introduction. 
9 


2. Le Puch der Nature de Kunrat n’est qu’une adaptation du. 


INTRODUCTION ’ XXI 
qui ont foisonné dans les littératures orientales du moyen 
_ äge sous des titres flamboyants comme « Jardin des 
_ délices », « Rosier des Secrets »,« Trésor des Mystères », 
etc., la PAROese antique y est aussi très gravement altérée, 
Il s’agit ici, du reste, d'un phénomène général. Toute 
littérature pédagogique qui ne se rafraïchit-pas sans cesse 
par le retour aux sources primitives ou par des apports de 


LAS 0 


Fast 


J'érTes 


4 vérités neuves, et qui se remâche indéfiniment comme 
È cèlle de la décadence gréco-latine s'est remâchée jusqu’à 
…. l'aurore des temps modernes, finit par des œuvres qui 
ont quelque chose de monstrueux. 

4 IL arrive pourtant un jour où, quelle que soit leur 
2 faiblesse intrinsèque, ces œuvres reprennent de l'intérèt 
je 


à distance, pour la postérité qui désire s'informer des 
temps où elles ont été estimées. Les livres de vulgarisation 
scientifique du moyen âge étaient, certes, une pâture de 
- mauvaise qualité; mais les hommes s’en sont nourris 
D: « longtemps qu'il devient important de savoir avec exac- 
- titude ce qu'ils ont été — puisqu'ils ont passé tout 
entiers (vérités, erreurs et confusions secondaires en- 
semble), dans les moëlles d’un public immense. Le succès 
qu'elles ont eu suffit à les rendre considérables jusque 
dans leurs difformités. 

Dès lors s'ouvre à l’activité des érudits un vaste champ 
dés recherches : restituer, conformément aux règles de la 
critique, le texte de ces écrits; en déterminer [2e sour- 
ces, et les sources de ces sources. Ce vaste travail est loin 
d'être achevé maintenant. Pour ne parler que des œu- 


p- 


. De natura rerum de Thomas de Cantimpré, comme le « Livre » 
_ de Jehan Corbechon du Liber de proprietatibus rerum de Barthé- 
- lemy l'Anglais. Voir H. Schulz, Conrad von Megenberg. Das 
Bach der Natur.…. (Greifswald, 1897). | 


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XXII LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


vres françaises !, et même, parmi celles-là, que des six qui 
“ont été retenues, il n’en est qu'une dont le texte ait été 
établi d'une manière correcte, celle du Clerc de Thaon. 
La seule dont l’auteur pare avoir eu quelque ombre de 
talent, l'Image du Monde, n’a encore été l'objet que de 
travaux d'approche ; les éditeurs les plus laborieux ont 
été accablés, semble-t-il, par le nombre des manuscrits 
à collationner ; et il restait à en déterminer la date avec 
précision. L'édition du Trésor de Brunet Latin, qui 
parût il y a cinquante ans, est entièrement à refaire. 
Sidrach, Placides et Timeo n'ont été imprimés qu'au xv° 
et au xvr° siècle, alors qu'ils étaient encore lus, non pas . 
au point de vue historique, mais « pour eux-mêmes » ; 
et on verra plus loin qu'il restait peut-être quelque 
chose à dire au sujet des circonstances où ils ont été 
rédigés, comme il reste certainement à faire, et beau- 
coup, pour en aménager les textes divergents. Quant 
à la traduction de Barthélemy l'Anglais par Corbe- 
chon, les études qui lui ont été consacrées en ces der- 
niers temps ne suppléent point à la notice que l'Histoire 
littéraire de la France lui doit, mais qui n'y paraîtra 
pas de sitôt. | | 
Je me suis cru en droit, néanmoins, de traiter les ouvra- 
ges des encyclopédistes du xm° siècle comme j'avais fait 
naguère, dans les volumes précédents, ceux des roman- 
ciers et des moralistes, lesquels n'étaient pas non plus, 


1. Ou, pour mieux dire, en français, car il n’est pas inutile 
de remarquer que Barthélemy était anglais ; l'auteur de l'Image, 
messin; celui de Sidrach, peut-être Franc d'Orient et, en tout 
cas, bang comme le précédent, au royaume de France ; et 
Afunet florentin. Les Français de France ne semblent pas avoir 
eu, en ce temps-là, un goût très vif pour ce genre d'activité, 
littéraire. 


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5" 


INTRODUCTION XXII 


_et tant s’en faut, dans une condition irréprochable au 
_ point de vue philologique. Après tout les uns et les 
autres peuvent très bien être utilisés, dans l'état où ils 
sont, pour les fins, exclusivement historiques, qui sont 
les nôtres. — Dans le cas présent, mon but était de 
mettre sous les yeux du lecteur les documents les plus 
propres à procurer une connaissance générale, et l’impres- 
sion précise, de ce qu'était l’état d'esprit des hommes 
du moyen âge qui n'étaient pas des savants (et celui 
des savants d'alors n'en différait guère) au sujet des 
choses dela nature ; la principale difficulté, de faire tenir 
en un volume la reproduction fidèle, quoique ré- 
duite, des cinq ou six grands tableaux nécessaires à cet 
effet. 

Il ne pouvait être question, comme de juste, de sup- 
primer rien d'instructif, pas même les répétitions d’une 
* œuvre à l'autre, ni les digressions diverses qui contri- 
buent à la couleur de chacune. Suffiraitl, pour faire 
assez court, de laisser tomber le verbiage (dont nos au- 


—…._ teurs ont tous étrangement abusé), et les détails dans 


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les énumérations où des échantillons choisis donnent 
assez l’idée du reste? J'en ai douté d'abord. Il m’a semblé 
ensuite qu'il n'était pas impossible d'y réussir. On en 


e- jugera. 


Les lignes générales et l'essentiel des conceptions 
répandues au moyen âge sur les choses du ciel et de la 
terre sont ici. [Il faudrait plusieurs in-folios pour exposer 
_ ce que l’on savait, ou plutôt ce que l’on croyait savoir, 
sur le détail des réalités. À défaut de ce détail immense, 
on trouvera en appendice un essai de nomenclature des 
monographies, déjà nombreuses, qui ont été publiées 
jusqu'à présent sur « ce que est dit des phénomènes . 


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XXIV LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


naturels dans les littératures du moyen âge ». Il ya, sur- 
tout hors de France, des érudits qui s’attachent, soit à 
étudier la doctrine d’un ou de plusieurs écrivains du 
moyen âge sur tel sujet scientifique ‘, soit à dépouiller 
certaines catégories de documents littéraires du moyen 
âge pour relever tout ce qui y est dit d’un groupe de 
phénomènes ? ou d’un phénomène en particulier ?. Ces 
études et ces relevés ne sont pas tous irréprochables, 
ni même vraiment utiles, mais il en est de nature à 
dispenser, sur un point spécial, de longues recherches. 
J'ai mentionné tous ceux qui sont venus à ma connais- 
sance. Et parce que la civilisation du moyen âge a été 
singulièrement uniforme au moyen âge en matière 
d'instruction scientifique et de croyances populaires, je 
n'ai pas noté seulement, ou surtout, comme dans la 
bibliographie du même genre qui est à la fin de mon 
premier volume (La Société française au x1m° siècle.….), 
les travaux exécutés d’après la littérature française ; toutes 
les littératures, romanes, germaniques et slaves du moyen 
âge, ont fait ou pourraient faire l’objet de travaux comme 
ceux dontil s’agit ; ilm’a paru intéressant d'indiquer tous 
ceux qui ont été exécutés. 


1. Tels sont, par exemple, les opuscules qui portent, dans 
la Bibliographie en appendice, les n. 27, 29, 39, 81, 83. 

2. 1b., n. 4, 6, 38, 55, 78,.etc. 

3. 1b., n. 34, 47. 


Octobre 1910. 


AU MOYEN AGE 


PHILIPPE DE _THAON 


 Thaon est un village des environs de Caen (canton de 

_ Creully), dont l’église passe pour être un des spécimens 
les plus purs de l’art normand de la fin du xr° et des-pre- 
mières années du xu° siècle. Sous le règne de Henri E°", 


&2 3 Angleterre et duc de None (1100-1 135), 

vait un certain Philippe, originaire de cet endroit!. 
_ Alétait clerc ; ayant du goût pour la vulgarisation scien- 
ue?, il versifiait en langue vole des opuscules 
qi traduisait librement re latin. Ses « poëmes » sont 
“plus anciens monuments de la littérature anglo-nor- 

% mande qui aient été conservés. 

"  Onnesait rien de Philippe de Thaon, sice n’est ce qu'il 
dit lui-même dans ses dédicaces. Un oncle à lui, 

FE Rien n'indique qu’il ait appartenu à la famille des anciens 
gneurs du pays, comme plusieurs critiques se sont plu à le 

supposer. * 3 » CE, C 
2. « Car unc ne fu loée — Escience celée... » (Li Cumpoz, 
-v: 227). 


Il a adressé un de ses écrits à la belle Aelis de Lou- 
vain, mariée à Henri I‘ en 1121, qui est connue pour 
avoir patronné d’autres rimeurs, notamment Geoffre 


Gaiïimar : 


Le Clerc de Thaon a composé au moins trois-« poëmes ». … $ 
I. Un traité de comput, c’est-à-dire de calendrier ec- 


* envoie. — * doit, — ** Un livre savant, en latin, — + perle, 


bijou. 


LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AC 
« Hunfrei de Thaün », était chapelain 4 du sénéchal du k 


roi d'Angleterre : 


[Le seneschal le rei 1... 


Paizipes DE THAÜN 

At fait une raisun.…. 

À sun undle l’enveit* + 
Que amender la deit * | 
Se rien i at mesdit 

En fait u en escrit, 

À Hunfrei de Thaïün, N 
Le chapelain Yux 


Puicippes DE TAËÜN Leg j 
En franceise raisun 5e 
Atestrait Bestiaire, M En 
Un livre de gramaire, * ch 
Pur l’onur d’une geme + 

Ki mult est bele feme 

E est curteise et sage, 

De bones murs e large : 
Aaz1z est numée ; 

Reïne est corunée, 

Reïne est d'Engleterre?..…. 


: ed) dons % il a uen" 2 à de "+ 


. 


clésiastique, destiné aux clercs, où il est parlé dela mesure > 


| 
; 


. E. Mall, Li Cumpoz Philipe de Thaün, mit einer Eineiung | 
ni 1873); P- 1. k) 
2. E. Walberg, Le Bestiaire de Philippe de Thaïün ques " 


Paris, 1900), p. 1. 


de quelques épisodes liturgiques, tels que les quatre 
temps, l’avent et les rogations ; enfin des clés des fêtes 
mobiles. Li Cumpoz a at probablement écrit en 1119, car 
il l’a été; semble-t-il (v. 3004 ets.), une année où le 1°° 
mars était un samedi, et dont le calendrier portait u dans à 
la colonne des concurrents, ce qui n'est arrivé que trois Æ 
_ fois au commencement du xu° siècle (notamment en ci 
" 119); et, d'autre part, il est dédié au chapelain du 

| sénéchal Yun ou Ydun (Eudo, dans les textes latins), 
; Er mourut en février 1120. 

IL. Le Bestiaire, envoyé à la reine Aelis — du vivant, 
semble-t-il, Sons I: — et composé, par conséquent, 


% 


re nil existe trois RARES de ce livre de Zoologie sym- F: 
bolique: à Copenhague (autrefois à Saint-Martin-des ee. 
Champs de ao à Oxford et à Londres. Une circons- SE 


1. Voir E. Mall, 0. c., p.23 ets. 
«- . Le Besliaire est précédé dans les manuscrits d'une rubri- TE 
LE Jatine ainsi conçue : Bestiarius incipit quem Ph. Taonensis 
 fecit in laude et memoria regine Anglie Aelidis.… (E. Walberg, 
_0.c., p. a). < 

Ce texte ne fait que traduire les v. 19 et suiv. du Prologue 
de re 


LS 


TRS : N'en os faire loënge 
k 4 nn: Qu'envie ne me prenge 

: Mais qu'el seit remembrée 
E tuz jurz mais loée.. 


| Cela doit s'entendre évidemment en ce sens, non pas qu'Aelis 
était morte, mais que Philippe a voulu, par sa dédicace, lui assu- 
rer r immortalité. — Au reste, la belle Be n'a été « reine 


A AX CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE (> 


tance notable est que deux de ces trois exemplaires sont 
incomplets, ou, en tout cas, plus courts que le troisième. 


Celui de Copenhague ne va que jusqu'au v. 1928, cou- 


pure sans doute accidentelle. Celui d'Oxford ne va que 
jusqu'au v. 2842, c'est-à-dire jusqu'au point précis où 
l’auteur annonce que, ayant fini de parler des animaux, 
il va s'occuper des pierres : , 


2841 Or fin ceste raisun 
Et des pieres dirum. 


Mais le manuscrit de Londres — qui est, du reste, le 


plus ancien — continue, sans autre transition, par une. 
notice sur la pierre « Turrobolen » (v. 2843-2888). Puis. 


le mètre change brusquement. L'auteur a écrit jusque- 
là en vers de six syllabes, comme dans Li Cumpoz ; ; il ri- 
mera, désormais, en vers octosyllabiques : : 


2889 Or voil [je] mun metre müer 
Pur ma raisun mielz ordener. 


Le début des développements en vers octosyllabiques, 
annoncé en ces termes, manque, malheureusement, dans 
l'exemplaire unique de Londres, soit qu'un feuillet ait 
été arraché, soit en conséquence d’un bourdon commis 
par le copiste. Ce qui se lit, après la lacune, n’est pas, 
du reste, un Traité sur les Piérres ou Lapidaire propre- 


ment dit. C’est un assemblage de trois ou quatre frag- | 


ments qui se laissent aisément isoler : 1° une notice sur 
l'A damas (aimant, diamant); 2°un morceau sur les Douze 
gemmes du Rational et de l Apocalypse (v. 2977-3004); 
3° une notice sur l'Unio (la perle), où ilen a été encastré 
assez maladroitement une autre sur le béril. 

On ne peut manquer d’être frappé de ce que cette 
composition a de bizarre : d’abord un Bestiaire, ouvrage 
complet et qui se suflit à lui-même ; puis, dans un seul 
manuscrit, et presque entièrement sur un autre mètre, 


_ 


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ee A 


der dé me = À 


lu dis 


" 4 
ét tt En ust 


Len + 


j 


= 
eo 
: 


FR r DE THAON 


ques fragments de Lapidaire, qui paraissent avoir 
_ été rajustés à la hâte", 

Nul doute, pourtant, que, dans la pensée de l’auteur 
de la seconde partie (en vers octosyllabiques), elle ait 
été destinée à faire suite à la première (en vers de six 
; syllabes). L’épilogue qui couronne l'ensemble constate en 
effet qu'il il a été parlé d’abord des animaux’ (bêtes et oï- 
seaux), puis des pierres : 


+ 3189 Mustré ai [or] de treis manieres 
Fe. +É De bestes, d’oisels et de pieres. 


En présence de ces faits, on est assez disposé à se de- 
ide si l'ouvrage de Philippe de Thaon, connu sous 
- le nom de Hfatre) n'a pas été composé en deux fois. 
’ Le est ici le lieu de mentionner un fait qui vient peut- 
_ être à l'appui d’une hypothèse de ce genre. 

Un des manuscrits du Bestiaire, le n. 249 de Merton 
College, à Oxford, contient, écrite d’une autre main 
que le reste du manuscrit, une seconde dédicace à la suite 
de l’envoi à Aelis. Cette seconde dédicace commence ainsi: 


Dus gart madamé ALIENOR, 

La reïne chi est tensor * 

De sens, de onur, de beuté, 
- De largesce e de leauté * 

Dame, a bone -ure futis née 

E al rei Hanri espusée…. 


Ms: et-éd: Walberg : censor. Correction de G. Paris. Ten- 
sor — trésor. — ** Ms. et éd. : beuté. 


… x. Le très ancien Physiologus latin, source du Bestiaire de 
hilippe, traite aussi, à la fin, de la pierre « Turrobolen », de 
’Adamas et de l Unio ; mais, en outre, de bien d’autres chose: 
t, d'autre part, il ne s’y trouve rien sur les Douze gémmes du 
Rational. Ce dernier sujet a été souvent traité à part depuis 
saint Épiphane (v. R. M. Garrett, Precious stones in old english 
+ literature. Leipzig, 1909, p. 5 ; et L. Pannier, Les Lapidaires 
- français du moyen âge. Paris, 1882, p- 209 et suiv.). 


IR EL I NET ds 


bi x 5 Me LD dance Sn , -7 + ii 
CEA TANT ÉÉRSEMDErX 7: 3 
, Re ré LV Ve 


6 LA.GONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


Le rimeur continue en priant Mme Alienor [d’Aqui- 
taine] d'intervenir en sa faveur auprès du roi Henri 


[IT Plantagenet]: il ne demande, dit-il, que son droit « de 
l'héritage de sa mère », dont il est le fils unique (car il 
n’a ni frères ni sœurs). Il ajoute, comme l’auteur de lépi- 
logue précité (v. 3185-6), et dans les mêmes termes, 
qu'il a fait cet ouvrage « en trois manières : de bêtes, 
d'oiseaux et de pierres ! ». 


Ces lignes ont dû être tracées, comme l'a remarqué 


G: Paris ?, peu après le mariage d’Alienor avec.Henri HI : 


après le mariage, mais avant les brouilles, c’est-à-dire : 


un peu après 1192. Si elles sont de Philippe de Thaon, 


comme c'est probable *, il en faut conclure que ce per- 


sonnage à adressé successivement son Bestiaire à deux 
reines d'Angleterre : Aelis (avant 1135) et Alienor (après 
1152). Dès lors il a pu adresser à Alienor une édition 
remaniée : celle qui, augmentée à la fin de divers frag- 
ments sur les pierres, n’est plus représentée aujourd’hui 
que par le manuscrit de Londres *. 

Quoi qu'il en soit, l’auteur de l’édition, primitive ou 
remaniée, qui comporte les fragments sur les pierres, a 
eu le sentiment de ce que la seconde partie de son ou- 
vrage avait d'imparfait. Car on lit, à la suite de son très 
bref exposé sur les Douze gemmes : 


3005 Ki plus volt saveir de cez pieres, 
[De] lur vertuz e lur manieres, 


s“ 


1. La seconde dédicace a été publiée sans commentaires, 
d’après le ms. d'Oxford, dans l’Introduction à l'édition du Bes- 
tiaire par E. Walberg (p. vi). 

2. Romania, 1900, p. 589, n. 2. 

3. Si elles ne sont pas de lui, elles sont de quelqu'un < vA a 
voulu se faire passer pour lui. 

4. Le ms. d'Oxford contient, en même temps que la seconde 
dédicace, un court extrait de l’édition complète du Bestiaire telle 
qu’elle est dans le ms. de Londres (16 vers de la notice sur l’Unio). 


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PR NT Dee 
PHILIPPE DE THAON 


1& alt lire de Lapidaire 
Ki est [ja] * estrait de gramaire. 


à Il La clair ge Philippe renvoie ici à un Lapidaire 


rarmaire », C FD en son Rs traduit du latin. 
É Suis alors les questions se posent de savoir: si cet an- 

_cien Lapidaire, plus complet, en français, existe encore : > 
et qui l'avait écrit ? 

- _G. Paris a cru que ce renvoi de Philippe visait un 
— Lapidaire bien connu, assez fréquemment copié au moyen 
- âge, qui commence par Evaz fu un molt riches reis'. fl 

_ écartait en même temps l’idée d'attribuer cet opuscule, 
qui est une traduction du poëme latin de Marbode, au 
 rimeur de la reine Aelis ?. 

_Les choses en étaient là, et l'on ne pouvait rien dire ve 
s Éde plus, lorsque M. P. Meyer a fait connaître un poëme en cr 

_ vers octosyllabiques dont l’exemplaire unique, exécuté Be. 
vers 1200, appartient à la Bibliothèque de Jesus College, à Pr. 
Cambridge..C’est un véritable Lapidaire, et même le plus ee 

tendu des opuscules de ce genre, en français, qui soient es 
parvenus jusqu à nous : il traite de 78 pierres. Mais le fait = 
… capital, c'est que la langue et le style de ce Lapidaire : 

- sont absolument semblables à la langue et au styledu 
Comput et du Bestiaire de Philippe. Cette identité, que 
M. P. Meyer a pris la peine de démontrer par quelques 
rapprochements choisis ?, a le caractère de l'évidence. 


Peut-être « [tot] ». 


+. Ce Lapidaire a été publié par L. Pannier, Les Lapidaires 
français du moyen âge, p. 34. Mais Pannier n’en connaissait pas 
tous les manuscrits; M. P. Meyer en a signalé trois nouveaux 
(Romania, XXX VII, 1909, pp. 53, 254, 285). 

- 2. Dans L. Pannier, 0. e., p. vint, n. 2. 

_ 3. Romania, 1909, p. 184 et suiv. 


_ 


NOR à 


8 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


IT. Philippe de Thaon avait donc composé un Lapidaire. 

Ce premier produit de sa veine (si l’on peut, en par- 
lant de lui, s'exprimer ainsi) présente d’ailleurs une par- 
ticularité remarquable, qui l’oppose nettement aux deux 
autres ouvrages de l’auteur, le Comput et le Besliaire. 


Comput et Bestiaire sont des traités « moralisés », c’est- 


à-dire où l'écrivain s’est attaché, suivant la mode de son 
temps, à découvrir la signification symbolique des faits 
qu’il énonce. On partait alors de ce principe: tous les 


phénomènes ont un sens caché par rapport aux per- 


sonnes et aux choses de la théologie; dans chacun, il 
y a un « exemple » ; il n’est que de s’en aviser : 


2541  Nen est rien en cest munt* 
Ki essample ne dunt * 
Kil savreit demander 
Enquere e espruver. Der] 


Au contraire le Lapidaire est, purement et simple- 
ment, un dictionnaire des pierres précieuses, disposé sui- 


vant l’ordre alphabétique, où sont indiquées, tant bien 


que mal, leurs « manières », leurs « vertus » physiques. 
De l’enseignement « céleste » ou moral qu’elles com- 
portent il n’est question que deux fois, aux articles de 
l'Aimant (v. 1-31) et du Béril (v. 223-296). Le texte 
moralisé des articles sur l’'Aimant et le Béril est, d’ail- 
leurs, sensiblement conforme, dans le Lapidaire de Jesus 
College, à ce qu’il est dans la seconde partie du Bestiaire, 
ce qui n’est pas fait pour surprendre. Et il n’y a pas, 
bien entendu, à tirer argument de cette concordance 
pour prouver que l’auteur du Lapidaire est aussi celui de 


Bestiaire (de quoi l'identité de la langue et du style est 


*en ce monde. — ** donne. 


1. C’est le même texte, avec des variantes. Pour l’Aimant, le 
texte du Lapidaire est abrégé; pour le Béril, il contient des 
vers qui manquent dans le ms. de Londres du Bestiaire. 


shit à isa ul à ed Ed dm 


e preuve bien es es Le faits Re autrement : 
>. Meyer a émis l'avis! que les moralisations qui fi- 
utent dans le Lapidaire, aux articles « Aimant» et 
Béril», ont dû y être insérées par un cp qui avait 


4 lle part A AE boetos Ms et, de 


t la source dont, partout ailleurs, le rédacteur du 
! pidaire s'est servi ? É 

En résumé, tout ‘paraît indiquer que Philippe de 
haon a écrit d'abord un Comput et un Bestiaire mo- 
ralisés, et un Lapidaire sans allégories. A une époque 


animaux par des exposés ‘du même genre sur les pierres 
(dont les prototypes se trouvaient d’ ailleurs en partie 
dans la source latine dont il s'était servi pe la pre- 


"+ 
< 


sée qu al entretenait ae Éures A a fin de 
on Lapidaire alphabétique il déclare en effet, très clai- 


z vit, Ré grandes signifiances », au regard de Jésus- 
4 ee des pierres dont il n’a indiqué jusque-là que les 


.… Grant signifiance [i] ad ; 
Et ço dirrai en l’autre He: 


. Cet abécédaire a été publié par M. Paul Meyer dans l’ar- 
ticle cité. Il renferme des articles Adamas et Berillus (pp. 539; 
Ghr, n.ret x1v), sans allégories. 

3. Cf. Li Cumpoz (éd. Mall), p. 1x : 
: ns E ço dirrum el livre 
- Se Deus nus dunet vivre. _ 


us, elles ne figurent pas dans l’abécédaire, latin qui 


* 


Pr 


10 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 5 


Se Jesu Crist me leisse vivre ; É 
Kar ço ert* tut allegorie 

De Jesu Crist le fiz Marie. 
Tut ço serra divinité * 


Qu'en l’autre livre ert demustré. 


\ 


Il annonce même que ce nouveau traité sera précédé: 
d’un prologue : 4 
1709 E al prologe musterum : 
De qui auctorité traitum.… 


Par opposition au présent livre (le Lapidaire alphabé- 
tique), qui est « terrestre », ce sera le livre « céleste »t. 

Le « livre céleste » ou°« Lapidaire moralisé », que 
Philippe de Thaon a, comme on voit, voulu écrire, où 
bien n’a jamais été composé, ou bien ne nous est pas 
parvenu, ou bien c’est, tout bonnement, la seconde par- 
tie du Bestiaire. 

Si cette dernière conjecture est fondée, Philippe, repre- 
nant son Bestiaire au v. 2841 (« E des pieres dirum »)} 
l'a continué d’abord, comme :l l'avait commencé, en 
vers de six syllabes (notice sur la pierre « Turrobolen »). 
Mais il s’est bientôt décidé à l’achever dans le mètre 
(octosyllabique) de son Lapidaire alphabétique. Seule- 
ment, il a bâclé cet appendice, n’empruntant que très 
peu de choses à son premier travail (quelques vers des- 
criptifs sur l’Aimant et le Béril), ajoutant par contre des 


“sera, — * théologie. 
1. On lit à la fin du ms, de Jesus : 


1709 Ci fine li livre terrestre 
E [si] comence li celestre. 


Cet explicit-incipit, que rien ne suit, et dont rien, par con- 


séquent, ne justifie la seconde partie, semble bien indiquer que, ‘ 


dans un manuscrit plus ancien, dont celui de Jesus n’est qu’une 
copie partielle, le Lapidaire de Philippe était suivi de son Bes- 
tiaire (ou d’un autre ouvrage du même auteur) moralisé. 


ee A4 . 


Ë F piste du manuscrit de Jesus College (ou un copiste anté- 


articles primitifs sur l'Aimant et le Béril par les notices 
moralisées sur ces deux pierres qu'il connaissait par le 
Bestiaire complété ‘. Ainsi s'explique l’aspect composite 
‘ Ligne aujourd'hui le mMavusorit de Cambridge. 


Philippe de Thaon qui, pour écrire son Comput, avait 
* compulsé plusieurs « compôtistiens » et « astrono- 
miens » anciens et modernes?, ne s’est pas mis en 
grands frais de recherches pour enseigner aux reines 
 Fhistoire naturelle. Ses « autorités » sont, en ce qui 
concerne les minéraux, un abrégé de Damigeron, et, 
pour les animaux, le Physiologus. 

Damigeron était, dit-on, un grec du 1** siècle après 
Jésus-Christ. Son livre sur les Minéraux est perdu, mais 


tine, faite vers le v* siècle’, où l’on reconnait des em- 


| n’était pas marquée dans le Lapidaire par abe. 

2 IL s’autorise du moins de leurs noms à pee reprises : 

| 2079 ces Beve e GerLaxz 

E Turus, li vaillanz. 

Gerland et « Helperis » (qu'il cite aussi souvent) sont des 
computistes de la fin du xr siècle. Philippe, pour rédiger son 


tels que ceux (Opuscula varia de Computo) dont il existe 


e au She siècle (par exemple, à la Bibliothèque de Dijon, 
448; à la Bibliothèque d’Évreux, n. 60; etc.). 

8. Orphei lithica, accedit Damigeron de Eipidihes: rec. E. Abel 
(Berlin, 188r), pp- 161-195. Cf. V. Rose, dans Hermès, IX, pp. 


qui 2 
mes de l’Apocalypse, la fire — En dernier lieu, le co- 


ur) aura remplacé dans le Lapidaire alphabétique les ; 


la substance en a été conservée par une traduction la- 


Comput, a dù avoir entre les mains des recueils d’opuscules la- . 


, dans nos Bibliothèques, un certain nombre, datés du 


: RS Drpe 
12 LA CONNAISSANCE DE LA* NATURE AU MOYEN AGE 


: teur .Cette version latine, précédée d’un préambule —la k 


Célèbre lettre prétendue d’Evax, roi des Arabes, à Pempe- 
reur Tibère — a été la source principale, sinon unique, 


du Lapidaire en vers latins de l’évèque angevin Marbode 
(x siècle), dont le succès a été prodigieux au moyen 


âge ‘. Elle a été aussi l’objet de remaniements divers : 


on l’a, notamment, abrégée, en rangeant les pierres dont 
elle traite suivant l’ordre alphabétique (ou à peu près) 
de leurs noms. Un remaniement de ce genre, en forme 
d’abécédaire, a été indiqué récemment par M. P. Meyer 
dans le n. 873 des Nouvelles acquisitions latines de 
sa Bibliothèque nationale ?. C’est un abrégé, non pas 
tdentique, mais très analogue à celui-là que Philippe a 
raduit librement, sans y ajouter, semble-t-il, quoique 
Ce soit de son fonds. ; 

Quant au Physioloqus*, le Bestiaire de Philippe 
de Thaon en est la plus ancienne version française. 
Il a été démontré‘ que Philippe s'était servi d’un 
Physiologus archaïque, où quelques extraits d’Isidore de 
Séville avaient été intercalés. Le texte latin qu'il avait 
sous les yeux ressemblait donc beaucoup à celui que 
M. M.-Fr. Mann a publié, d’après un manuscrit du Musée 
britannique, dans les Franzüsische Studien (VI, 2). Sui- 
vant son habitude, il n’a, en traduisant, rien introduit 
de son cru: pas même, selon toute apparence, l’ordre 


1. Il n’en existe pas encore d’édition satisfaisante. 

2. Romania, 1. c., p. 489. 

3. L'histoire de ce célèbre petit livre, composé d’abord en grec, 
qui a passé de là en éthiopien, en arménien, en syriaque, en arabe 
eten slave, et dont une traduction latine est attestée dès le ve siècle, 
a été esquissée par Fr. Lauchert, Geschichte des Physiologus(Strass- 
burg, 1889); cf. M. Goldstaub, Der Physiologus und seine Weiter- 
bildung, dans le Philologus, Supplementband, VII(xgo1), p. 839. 

h. E. Walberg, Le Bestiaire... p. xxv et suiv. Et surtout 
M.-Fr. Mann, Der Physiologus des Philipp von Thaün und seine 
Quellen, dans Anglia, VIE, p. 420 et IX, pp. 391, 447. 


bé nds on dite Cncnn d in df d 


slt disent 'isrétuaué À ‘À pti à Me 


RE ET OT 


A té Fa se à l'étuiration de 
te-quatre « bêtes » ou € oiseaux » qu'il considère ‘. 


Le style de Philippe de Thaon est d’une indigence, 
une nullité et d’ une gaucherie sans pareilles. Mais il 
produit pourtant une impression forte, inoubliable. Ces 
its vers décharnés, pénibles et impersonnels au delà 
- de toute expression, ces misérables développements ratta- s 
chés, comme avec des ficelles, par des transitions sans : 
Yergogne toujours les mêmes : 


D à N'en voil plus or traitier ; d 
_ Altre voil cumencier… 


Âtant fin ma raisun 
Altre cumencerum.... 


$ Ces ses étranges ou fantastiques, distillées en apo- 
htegmes, et ces allégories cocasses que le commentateur p- 


que lisaient les reines; ou plutôt ce qu'on lssifnats , dans LÉ 
Ê da première moitié de ce xr siècle qui fut, dans d’autres 
_ milieux, le grand siècle littéraire du moyen âge, et l’as- 

ct qu'avait alors la Science pour les laïcs les plus E- 
aut placés. Des œuvres comme le Bestiaire ont repré- " 
senté en leur temps le dernier mot de la culture mon- 
ne. Est-il rien de plus édifiant pour faire connaître 
conditions intellectuelles où l'on vivait ? SFR 
En raison de l'intérêt qu'ils présentent au point de vue 
linguistique, les opuscules du Clerc de Thaon ont eu = #4 


+ E. Walberg, 0. c., p. XXIX. ES 
2. Un seul trait du caractère de Philippe s’accuse dans ses 

EE (Comput et Bestiaire) : il était notablement antisémite. 
r plus loin, et cf. Li Cumporz, v. 2725 et suiv. (Redargutio E 
 Judeos). | LES 
3 LS ci-dessous, p. 17, n. 1. Er 


l'honneur d'être édités, de nos jours, par des Rp 4 
éminents ou très distingués, MM. Mall, Walberg et 
P. Meyer ; de tous, on a maintenant des textes aussi sa 
tisfaisants que possible. 


IL — LE LAPIDAIRE 


Apamas* ad de fer culur 
Et [de] cristal la resplendur. 


Ces deux vers sont, semble-t-il, les seüls, de la no- 


tice primitive sur l’ « Adamas », qui aient été con- 


servés. Le reste a été remplacé par la moralisation 
qui se lit dans le Bestiaire*. 
Acare. Cette pierre a la couleur de la peau du 


. * Adamas, aimant, diamant. Ce ,qui est dit dans cette notice a 


trait à la fois, on le voit, à l’aimant et au diamant ; il en 


est ainsi dans la plupart des Lapidaires, même dans ceux qui, 
comme celui-ci, ont un article Magnes. Cf. plus loin, p. 164. 


1. Voir plus loin, p. 46. — L'état primitif du texte est re- 
présenté sans doute par une traduction latine du Lapidaire de 
Philippe, que P. Meyer a découverte dans le ms. Arundel 34a 


du Musée Britannique, et publiée (Romania, XX XVIII, p. 539). 
Il est dit là que l’Adamas, pierre très dure, proyenant de l'Inde, . 


couleur de fer et qui attire le fer, lorsqu'elle est bénie et sertie 


dans l'argent, rend le porteur, qui vit chastement, redoutable à 
tous, et chasse les visions ; aspergé avec du sang de bouc, on le 


coupe aisément. 

2. J'indique la concordance des articles de notre Lapidaire 
avec ceux de l’ancienne traduction française du Lapidaire de 
Marbode, publiée par L. Pannier (Les Lapidaires français du 


moyen âge….). L'article de l’Agate est, dans cet ouvrage, le 


n. II (p. 37). 


PAPE PR Et AL 


sm fihs.. 


PPT C4 


se ht. déééete ne hi culs tt à de nil 


mb. «éd mis L ha. 


EN PTS PR 


5er des serpents et des niose Envelop- 
Per mouillée et liée sur la plaie, elle épuise 


“ il sera « paliblés » ee. puissant, ver- 


Sa 


 tueux, aimé Dieu et des PRE 


| goutte d’eau. Excellent talisman. Nul n’a soif qui l’a 
es sa bouche. Avalée dans du vin, elle guérit de 


| aux messagers. Le Crotoniate (Milon de Crotone) en 
- usait dans les combats. 

Asus. Pierre d'Alexandrie, blanche et légère 
omme de la ponce. La surface se désagrège quand 
n y touche. Saveur salée. Souveraine dans une foule 
maladies, telles que « gutefestre » (fistule) et 


1 < - - rs “ . 
s du vinaigre, guérit les maux de poitrine et autres. 
TuxtEe. Pierre dure, qui enflamme l'étoupe 


ALERITES Pierre nées « Eds ad en Fe 


sa lumiere ». On dirait qu'une étoile y circule. Ses *é 


vertus sont nombreuses, d’après Tibère. 


Asrriox. Cristal qui a A clarté et la couleur des A 


étoiles. EE LU 


Aracnires?. Pierre dure, à veines blanches qui. 


brille comme un feu ardent. Jetée dans les flammes, 


elle pâlit, comme morte. Fait des brûlures inguéris- 


sables. 


AcemanDina. Fait fondre la glace et bouillir l’eau. 
Aramanpa“. Couleur d’argent. Se trouve dans la 


Mer Rouge. Donne bon courage. 


Axaripa. Pierre molle sur laquelle le diable s’est 


assis quand il a voulu tenter Jésus-Christ. 


207 À ceus qui ceste pere avrunt 
Diable sovent apparrunt, 
Mais ja nuisir ne lur purrunt 
E pur nent les succriendrunt, * 
Ke li diable tot ferunt 
Quanque** il [lur] comanderunt. 
Lur ovre n’ert ja lungement : 
Tel ert [par] cum enchantement,. 


Bériz. Attire les rayons du soleil et enflamme les 
matières sèches. Ici, la « moralisation » empruntée 


*craindront. — ** tout ce que. 


. Asterites, dans Isidore de Séville (XVI, x, 3). 
2. Anthraciles, dans Isidore (XVI, xiv, 2). 


3. Il y a dans la traduction de Marbode un article Alabandine à 


(n: XXI), mais qui n’a aucun rapport avec celui-ci. 


k. L. Pannier, 0. c., p. 64; n. XLVIIE (« De Andro- 


dragma »). 


ds Co PEL US 6 di D 


du Ad à 


bains Étin : à à 7) 


Le, > 


uis, cercler d’or et mettre un peu d'herbe « savine » 
4 (sabine) sous la bête. — Les anneaux montés d’un 
“béri l conservent l'entente entre les époux. Le béril 


À HN HET 


_Benmuica. Qui la boit guérit du corpus (maladie 
des organes respiratoires) *. Fait pousser les cheveux, 
3 en empêche la chüte. 
4 = Bercocurus. Une prunelle, cernée de noir, qui res- 
plendit comme de l’or. On l'appelle ainsi parce qu’elle 
- rend invulnérable à la guerre (bellum). He 


(x. 283) caractéristique, qui n'est pas dans le Bestiaire : 
ro aiez en remenbrance... » 

2. Les bérils étaient Mtéehéremant appréciés en Angle- 
>, s’il faut en croire l’auteur du Lapidaire _ L. Pannier 


Bericle li Englois le claiment 
Qui mout le prisent et mout l’aiment. 


3. Sur cette maladie, voir Romania, XXXVII, pp. 37 5 et 


sauterelle) de mer, et sous ses pieds une corneille; 


fc Le nom d'Hécate y sera a, ou la figure 
__,  Gorgone, serpent femelle. Garantit de la foudre, des 
“blessures et de la peur. Précieux pour l’agriculture: 


381  S[e ele] est ben menu triblée a 
Puis seit od? semence mellée, 
MEET = 9 : N'i remaindrat neif ne gelée. 


S’ele est semée entre olivers, 
En vignes u entre pumers“, 
Venz ne fuildre ** mal n’i fera. 
Ne ja encumbrer ** ne vendra 
En maison u ele serra. S'ÉMRS 


Caprares'. Cette pierre, qui ressemble au cristal, 
protège aussi contre les enchantements; elle est le | 
topique de l’hydropisie (si on se la lie au bras Hs E- 
che), d’après Evax. 

L'hydropisie 


k 


hog ... est un mal que hom ad 
Cum il plus beïit e plus sei *** ad. 


PRET RTS TS. RME 
PEROU TE Au TRS COR ET OA APS EE 


26. 


% _ Ceraunius°?. Pierre de foudre. Elle naît dans les 
régions où les vents combattent. On la trouve en- 
foncée dans le sol neuf jours après la chûte. C’est un 
talisman qui porte bonheur. Les songes de qui la 
possède tournent toujours à bien. | 

CeroniTes *. On l'extrait des yeux des limaçons + 


CAT 


ÉS  n., 


a. broyée. — b. avec. — * pommiers, — * foudre. — ** mal- 
heur. — ***#* soif, — + testudines, dans le texte latin. 


1. Cest le grec xarvitne. > 
.2. L. Pannier, p. 55, n. XXVIIT. 
3. 1b., p. 60, n. XXXIX (De Chelonite), 


PE OS PESTE 


2 du jour à la lune nouvelle ; Tee la lune est 
en Cou. la Le n’a plus de force que depuis 


Lee liée au bras gauche dans un linge, cel les 
« langoureux- », les lunatiques et les forcenés ; elle 
rend éloquent et amoureux. La noire fait réussir 
dans le monde, et, roulée dans un chiffon rouge, 
_ c'est un spécifique contre la fièvre; elle aide aussi Re 
à la délivrance des femmes. Mais il faut que les E 
hirondelles qui fournissent la chélidoine aient été : e 


_ Cnsoure*. Cette pierre, étincelante comme de 
Jor, vaut contre les terreurs nocturnes et les 
fantômes. Assure la victoire sur les démons si es 
L à la porte : au bras gauche, percée, avec des poils 


à Cornu (Cornaline)*. A la couleur de l’eau dans z 
aquelle on a lavé de la viande. Étanche le sang. Pen 22 


| relles es. Utile contre la « Er » (pertes) des 
femmes. - 

- x. Ib, p. 48, n. XVII. 

4 2. I6., P- 44, n. XI. . 24 

D 10; p:52,n: XXI. | : 


20 LEA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


- Crisraz'. La poudre de cristal, bue avec. du miel, 
donne du lait aux nourrices. 

Corair. Il ne s’agit pas ici du « cor » dont il a 
été question plus haut, mais d’un autre qui, selon 
Galien, guérit la cécité et le mal de dents; de plus, 
le flux de sang et le « corpus ». Mélangez-en la poudre 
avec du cumin pour dentifrices et lotions des yeux. 

Cxmera. Pierre qui naît d’un poisson de mer ou 
de l’haleine des cétacés, et qu’on trouve à marée 
basse. Blanche et sèche. C’est une fontaine de jou- 
vence, qui tient toujours l’homme en joie. 

Cuimepra*. On la trouve dans la tête d’un poisson. 


Qui la tient dans sa bouche devine ce qu'il veut et 


ne Mmourra pas sans confession”. 
Cacumaïer (Camaïeu). Blanche, bordée de bleu. 
Rend timide et battu d'avance. S’en abstenir*. 


Cazcéponne *. Percée sur les bords ; assure la sécu- 


rité en toute occasion. 

Cozuire. Couleur d’écume de mer et ressemble au 
saphir. Qui la porte à son col est à l’abri du déplaisir 
de son seigneur. 


Drapocos'. La plus puissante des pierres pour la 
P P P po | 


.-Ib., p. 61, n. XLIT. 
. Cynœdia FREE Isidore (XVI, x, 8). 
3. La traduction latine du ms. Arundel (p. 544) remplace 
« sans confession » par intestatus. 
h. Le texte de l'édition est ici (v. 653) à corriger: Lire : 
« Pur ço di hom n’en seit garni. » 
“560 PR Pannier, p. 41, n. VI. 
6. Ib., p. 67, n. LVIL 


étiieuééss :h à À à 1 de 


£ rer la refroidir dans l’eau et Cachée pour 
_ éviter les brulüres. Elle donne autorité sur les 
k diables : : ceux qu'on appelle se présentent et se 
mettent à votre Less sans vous faire de mal. Elle 
rend immortel tant qu’on la porte, mais n'empêche 
‘“# Les de tomber dans une langueur telle que la mort 
… - est préférable. Les cadavres en contact avec cette 
pierre se redressent brusquement, mais sans marcher, 
voir ou parler pourtant. 
Darmmiox, Grand remède contre les diables, le flux 
_ du sang et l'hydropisie. / 
+ - Dionisra'. Noire, avec des taches rousses. En 
“À + poudre, améliore le vin et le rend inoffensif. 
ke: Daacoxrrmes. Pierre de dragon, escarboucle en 
_ français’. Les enchanteurs endorment les dragons, 
_ dont ils coupent la tête, pour leur ravir l’escarboucle 
_ et la vendre très cher aux rois. 


…  Errres*. Cette pierre est très salutaire. Son nom 
rest écrit à l’intérieur. Les aigles la trouvent en 


Orient et l’avalent, sachant ce qu’elle vaut, pour la 


_ placer dans leurs nids. Décèle les empoisonneurs. 
Aide à la délivrance des femmes. Etc. 


CA 


î a 1. 1b., n. LVIII. 
2. C£. ib., p.52, n. XXII (De Carbuneulo). 
c L. Dot p- 53, n. XXV (Echites). 
4. 1b., p. 55, n. XXIX (Elyotrope). Cf. Paget Toynbee, 


Fe +, Émeraude veïnée de sang, qui pro- 


= 


s ‘ 


22 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


vient d'Égypte, de Libye et de Chypre. Se forme 


dans la tête des ânes, qu’elle aveugle en grossissant. 
Evax conseille de la mettre dans un bassin d'argent, 
plein d’eau jusqu’au bord ; la lumière du soleil de- 
viendra sanglante, l’eau écumera, éclairs, pluies et 
tempêtes. Un tel miracle effraie les assistants. C’est, 
d’ailleurs, un remède contre le poison, la jaunisse, et 


pour les femmes enceintes. Qui la conjurera de par 


Dieu deviendra invisible et fera toutes ses volontés. 


Il fera, selon Tibère, la pluie et le beau temps à son 


gré. 

Eprrires'. Pierre rouge de Corinthe. Refroïdit 
l’eau. Détruit la vermine. Si on la tient de la main 
droite devant les rayons du soleil, elle les absorbe et 
il en tombe des gouttes de feu; c’est terrible à voir. 

Elle a aussi des vertus médicinales : 


893 Si hom ne poet a femme gesir 
Ne ses volentez acomplir, 
Qui sur les reins la liera 
Ses volentez aemplira. 


Exresenus. Pierre blanche dont les orfèvres se ser- 
vent pour éclaircir l'or. Guérit la folie des femmes, 
en solution dans du vin. 

Ewarires®. Noire comme fer, veinée de pourpre. 
Vient d’Éthiopie. Bue avec du lait de femme, mère 


d’un premier mâle”, guérit toutes les maladies, | 


1. 26.,p. 56,n. XXXL. 
2. 1b., p.57, n. XXXII. 
3. Le traducteur du ms. Arundel 342 n’a pas compris. 


MEDIA 


2 


, . Ü [4 Po 1 
PNA CL TO POP TA PO EURE TR 


stat? disass +: tt. 


à ne aux ee 
_ Fexrcrres. Tenue dans la main gauche, dissipe la 
douleur et la mélancolie. 


 Fepus. Avec du lait de femme, mère d’un pre- 
mier mâle, c’est un remède contre la cécité, Avec le : 
ait d’une Eébis qui vient d’avoir un agneau mâle, 
de couleur blanche, contre la « poacre ». Mais, en 
ce dernier cas, il faut en boire peu, et avec précau- 
tion, sous peine de vomir ses poumons. $e trouve 
dans le fleuve « Fasin », au pays des Sarrasins. 


 Gacarromeos. Couleur de chevreuil. Rend invin- 
cible. Hercule s’en est beaucoup servi. 

“Gararmes'. Les vertus de cette pierre, qui porte 
_ plusieurs noms, ont été vantées par Sistodanes?, qui 
l'appelle « litargun », c’est-à-dire pierre d’oubli. Non 
- seulement elle procure l’oubli des maux, mais elle a 

des vertus extraordinaires : - 


1057 Ki ceste pere lecherat 
Savor de miel concevra; 
Es: p. 61; n. XLIL 
2. Damigeron, $ 34 : « Sed Ostanes, magister magorum 
+ omnium... » 


2/ LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


E ki la pere triblera* 
Blanche cume lait devendra ; 
E la femme ki la bevra 
Puisqu’ele bainée serra, 

Tant grant plenté de lait avra 
Que la mamele l’en corrat. 
Beivre la deit après son baing 
Od ewe ** vive [e] senz pain. 

Percée et suspendue au col (ou à la cuisse gauche). 
par un fil fait de la laine d’une brebis féconde, elle 
supprime les douleurs de l’enfantement. Elle rend 
aussi leur lait aux brebis qui n’en ont plus, et guérit 
du mal de dents: 

1093 Ne ja enfant ne megrira 
Qui a son col la portera. 

Gaçatés'. Noire, sèche et légère. Raffermit les gen- 
cives, supprime la douleur des menstrues. On la met 
sur des charbons ardents, et c’est la fumée qui agit dans 
le second cas. Damigeron ($ 20) raconte ici que cette 
pierre sert à éprouver les esclaves qu’on veut acheter 
au marché : Si quis autem mancipia vult emere, hoc 
lapide trito suffumiget et statim videbitur si caducus 
vel lunaticus fuerit. Philippe de Thaon a traduit pai- 
siblement ce passage comme le reste (v. 1131 ets.). 
La pierre Gagates révèle la virginité et combat les 
enchantements. Ouvreles serrures et défait les nœuds. 

Gazacras”. Dure, froide ; il est impossible de la 
réchauffer : 


* broiïera. — ** avec de l’eau. 


1. L. Pannier, o. c., p. 49, n. XVIII. 
2. Ib., p.60, n. XXX VII (Chalazia). 


À m7 Autre Ve: i re aveir, 
Rte n'en uicore Le veir.. 

ST Se trouve dans ls yeux de l’hyène. Placée 
sur la langue d’un homme, elle fait prédire l'avenir. 
nice. | Pierre mouchetée, dont l’auteur ne 


1183  .… Go est un nom 


D'une pere que nus trovom. | É 
E si ad [en] seiï tel colur Eere 


Cum est la maile del ostur *. ; ÈS 
En li puet aver grant bonté rs 
Mais jo n’en sai la verité. | C0 
Atant fine ceste raisun. 


ne a à ajoute, d’après Damigeron, qu'il Rent 
- d’y sculpter des figures, Mars et Minerve : 


12174 Un trés bien armé chevalier £ Les 
En guise del deu de bataille ge 
Ki Mars ot nom senz controvaille. = 
Une virgine bien vestue, . D 
U une stole al col pendue ; | 
En sa main tinge un oliver…. 7 TNT 


ra Un. n.  XLIV. 

_ 2. Rien de pareil à l’article CnaLcÉDOINE (plus haut). Et cf. EE 
la traduction de Marbode (L. Pannier, p. 41) : « Calcedoines BAS. 
_est pierre jalne ». à 


26 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE. 


Jacnre. Il y a deux articles ‘ sous cette ea s 


chacun est emprunté à une source distincte. 


I. Il existe trois sortes de « jacintes »: granulée, É 


veinée, lisse. La prèmière rougit et se purifie au feu ; 


ce n’est pas le cas des autres, respectivement froide et _ 
tempérée par nature. Toutes ces pierres sont, d’après - 


Aristote, des remèdes contre la tristesse. 


IL. « De bloie* maniere », mais « cume purpre ». 
Change, du reste, de couleur. Très froide, et ne se 


réchauffe pas dans la bouche. Très dure : 


1273  Mut par est dure a entailler 
E Adam i fud peint premer ?. 


3 


Iris. Pierre d’arc-en-ciel, que l’on trouve dans la. 
« mer betée** ». L'auteur déclare qu’il n’en connaît pas 
les propriétés (non plus que celles Lu la précédente - 


et de la suivante). 


JACRACTIZONTA *. 


1297 Geste pere devient oscure 
Quant ele tuche a chevelure #… 


* bleue. — ** gelée. 


1. L. Pannier, p. 46, n. XIV (Jagunces). Les sources des 


deux articles de Philippe sont fondues dans l’article unique ‘du 


traducteur de Marbode. 


2. On lit dans Isidore (XVI, 1x, 3) : « Durissimus, nec tamen 1 


invictus, nam adamante scribitur et signatur ». Et dans la tra- 
duction de Marbode : à 
Ja entailliée ne sera 
Si de piecete n’est ovrée 
Ki d’aïmas est esclatée.… . 
Il est clair que le bon Philippe a lu : « Adam ante... » pour 
« adamante ». 
3. Nom écorché. C’est l’Hyacinthizon d’Isidore. 
4. Contre-sens. Isidore (XVI, 1x, 4): « Quidam autem 


u Fe de ventre. 
Lrricerus [Litharge]. On la fabrique avec de 


 Macxes‘. Couleur de fer, attire le fer. On la trouve 
É. és Lis du Jourdain ..— Elle sert à à éprouver la 


| votre be endormie : si elle est chaste, elle se 
tournera sur le ventre ; sinon, sur le dos. Elle guérit 


r. Cest le grec Ayywrns. Voir la note de P. Meyer dans 
Romania, XXX VII, 529. 

Pi. Cf, L. Pannier, p. 52, n. XXIV (Ligurium). 

_ 3. Rien de pareil dans les textes latins où l’on lit : « Lasuli 
is frigidus.…. » (Romania, 1. c., p. 530); cf. v. 1353 (à 
opos de la pierre Litigerus): « Ceste pere a freide nature ». 
? Ace sprietinl du ms. Arundel 342 (p. 550): « Frigia ». 

_h. L. Pannier, p. 50, n. XIX. 

_ 5. Tous les autres textes donnent : « dans l'Inde » au lieu 
_ de « Jourdain ». Faute de lecture probable. 


28 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE - e 


de l’hydropisie et rend impuissant. Les voleurs s’en 
servent pour épouvanter et faire fuir les habitants 
des maisons qu'ils se proposent de dévaliser. 

Meras. Cette pierre, qui procure toutes sortes 
d'avantages, n’a de vertu que quand la lune est 
en décours. 

Macepoxius. Cette pierre en engendre d’autres. 
Utile comme aphrodisiaque et en obstétrique’. Tue 
les mouches. : 


NiGer. S’appelle aussi Gelaticum*. On la pose sur « 
sa langue, après s’être longuement lavé la bouche, 
avec de la cire et du miel ; après quoi on devine les 
projets de ses adversaires et personne ne vous refuse 
rien. De plus, très puissant aphrodisiaque *. Et chasse. 
les mouches. | 


Orisres‘. Noire ou verte. Incombustible. Protège 
contre les animaux. Il y a une variété en forme de 


1. Cf. l’article Peanites de Marbode (L. Pannier, 0. €., p. 58, 

n. XXXIV)et celui du Lapidaire de Cambridge (1b., p. 172): 
En Machedon la region 
Naist piere, peanite a non. 

2. Cet article correspond à l’article Gerachite de Marbode 
(L. Pannier, p. 56, n. XXXID). 

3. On lit dans la source latine de Philippe, qui remonte à 
l'Antiquité : « Alliga ergo lapidem tibi et vade ad puerum sive 
ad puellam vel feminam et non tibi contradicet ». Philippe dit 
simplement : 

1473. Ne ja femme n'’escondira 
Chose que il demandera. 


h. Ib., p. 62, n. XLIII (Orytes). 


£r A d’Inde ou d'Arabie, porte malheur. 
- Oxcmmius. Mèmes propriétés néfastes que l’onyx. 
= En poudre, fait écumer les chiens. 


Panrueros”. C’est à la fois le nom d’une bête et 
d’une pierre qui. est multicolore comme la bête. La 
oir le matin est de bon augure : 


+ : . 
1979 Bon est a veer par matin 
| Pur surmunter malveis veisin. 


Pyrires*. Pour le mal d’yeux et la « corance » 
iarrhée). 

_ Ou bien (car il y a deux notices sous la même ru- 
brique), pierre qui brûle comme du feu. Nous l’ap- 
elons aussi « piere de part ». Frottée, attire les 


rins de paille’. 


Dr: 1b., p. 64; n. XLIX. 

3. 1b., p. 44, n. IX. 

203 1b., p. 65, n. LI. 

4. 1b., p. 67, n. LVI (Se rapporte au second article de Phi- 


ppe). 
5. Cf. l’article « Galgate » du Lapidaire dit de Berne (L. Pan- 


LRO LR. CONNAISSANCE DE LA 


| Proseurrus!. La pierre qui sue au feu. 
n’en sait pas davantage. | 54 


SrLENITES?. Cette pierre, qui ressemble au jaspe et. 
qui garantit de goutte et de langueur, croît et dé. 
croit”, selon Evax, en même temps quela lune. 

Sapnir*. Le saphir, rejeté par les flots sur les” 4 
grèves de la Libye, confère le don de prophépe ie œ 
rompt les chaînes des prisonniers. 


Tecourus*. Comme « grain d'olive ». Pour les « 
. maux de reins et de vessie. ‘a 

Trisrres*. Couleur d’arc-en-ciel. On n’en connalt: 4 
pas bien les propriétés. | FT J 


Il y a bien d’autres pierres dont il n’a pas ét ques- = 4 
tion’, mais C est que l’auteur les ignore. # 
. nier, p. 129): la Galgate, dit en substance cet auteur, est une X 
pierre anglaise, qui attire les brins de paille; et aussi l'article 
« Jayet » de Lapidaire de Cambridge (p. 159): « Gil d'En- 
gleterre luist assez... » et attire les brins de paille. — Il ya 4 
peut-être là une des rares additions de Philippe de Thaon, SE 
ie en Angleterre, à sa source latine. 
. Droselytus, dans Isidore (XVI, xrr, 2). 

2. 1b.,p. 54, n. XXVI. 

3. Darnigeton (& 36) dit simplement que sa lumière croit æ- Es 
décroît dans ces conditions. 

4. 1b., p. 39, n. V. 

5. 1b., p. 66, n. LV (Gegolitus). En grec, DE 

6. L'article Trisules (ailleurs, Crisites) de Damigeron ($ D 
n’est pas si bref. 

7: La traduction du Lapidaire de Marbode a plusieurs articles À 
qui ne sont point dans celui-ci ; citons, parmi les plus importants : 


| Puet cel estre que fables sunt 
. Mais, s’il se volunt purpenser 
 E les peres espermenter*, 

-  Lur Creatur aürerunt* 
Pür les miracles qu’il verrunt… 


IL. — LE BESTIAIRE® ER 


Fe en grec, c’est roi en français. Le lion est, Fe 
one le roi des animaux. Écoutez ses façons : Re 


_8r lat le vis herdu, 2] RC 2 
Gros le col et kernu** A 


menter. — * adoreront. — ** muni d’une crinière. T'as 
éthyste (n. XI), Chrysoprase (n. LV), Unio [perle] (n. L), si 
alachite (n. LIV), Sardius (n. X), Sardoine (n. VID), Émeraude be 
no Topaze (n. XHID). Et cf. plus loin, p. 260. ACER 
Cf. l'épilogue de la traduction de Micbods (L. Pannier, ÉS: 

68, v. 939). 4 = 

IL n'est pas inutile d'indiquer ici le plan de l'ouvrage. 

s 37 « « types », ou notices, qu'il comporte sont rangés en ET ER 
éries : 1° les « bêtes »; 2° les oiseaux ; 3° les pierres. De = 2e 


les types 1-6, 25-29 et 36-37 représentent Jésus-Christ, 
1 et 31-35 l’homme, 18-24 le diable, et 30 l'Église. 22 
‘Assida (Autruche) est rangée parmi les « bêtes », quoique 
l’auteur la qualifie d’ « oisel » (v. 1277). 

Nous distinguons le texte proprement dit, emprunté au Phy- 
is et à Isidore de Séville, des « moralisations » qui l’ac- 
gnent ; celles-ci sont analysées en petits caractères. 


- LA CONNAISSANCE. DE LA NATURE 


VX Quaré le piz Fons 

= Hardi.e cumbatant ; 

Graille at le trait deriere, 
Cue * de grant maniere, 
Et les jambes at plates, 
Juste les piez aates *; 
Les piez at gros culpez, 
Luns ungles e curvez. 
Quant faim at, maltalen 
Bestes meine ensement 
Cum il cest asne fait 

Ki rechane ***e brait. 


#4 
LT; 


De quoi voici la « signefiance ». Le lion, c’est le fis-de Sainte =: 


Marie, roi du monde, qui, le jour du Jugement, séra terrible 


aux Juifs. Carré par devant et grêle par derrière, c’est signe de : 


divinité et d'humanité confondues. La queue veut dire que nous 
sommes les justiciables de Dieu. Les jambes... Dieu est prompt. 


Le pied « culpé ».. Dieu tiendra le monde « en son poing ». 


_ Les ongles. il tirera vengeance des Juifs. L’âne... c’est le 


Juif, animal « fol par nature », qui ne croit en Dieu que 


par force. 


Quand le lion veut chasser, il trace un cercle à 
terre avec sa queue ; les bêtes dont il fait sa proie 


n’en peuvent plus sortir, dès qu’elles y sont entrées. 
« Ço mustre la peinture! » (v. 106). 


* queue, — * agiles. — *“*en colère. — **“*synonyme de 


braire. 


. On voit par des indications comme celle-ci (et celle qui se 


“es à la-fin de la citation précédente) que l'ouvrage était 
destiné à être illustré d'images. En fait, le ms. d'Oxford con- 


tient 40 dessins, « la plupart à l’encre noire, d’une éxécution 4 
9 P'uP 


grossière »; il y a 28 miniatures (également grossières) dans le 


ms. de Copenhague; quant au ms. de Londres, on ya réservé 


des espaces libres pour les illustrations, qui n'ont jamais été 
exécutées. 


: 


PHILIPPE DE THAON 


S Cea s BR par figure. Le cercle, c’est le paradis ; la queue, 
est la justice de Dieu ; c’est nous qui sommes les bêtes. 


: | Quand le lion est en colère, il piétine* la terre. 
»_ Voir la «peinture».  , 


_ Nous sommes la terre que le lion Jesus piétine. Dieu nous 
frappe par notre bien; il châtie ceux qu’il aime. 


_ Le lion pourchassé efface, en fuyant, ses traces 
| avec sa queue. 


- Era « signefance » ! Il s’agit de l’Incarnation. Dieu s’est 
% fait homme en secret, incognito, pour mieux tromper le diable, 
is s’est aperçu trop tard de la ruse. 


219 « Et iço entendum — Par trace de leün — Que 
Deus se volt mucier* — Pur diable engignier** ?. » 


EL: cacher. — “ tromper. 


D = 1. Éd. : « Leüns quant est iriez — Il se peint od ses piez; — 
+ En tere se peindrat — Quand il mariz serat. » — « Voilà, dit 

- l'éditeur (p. 12r), un trait bien curieux [faire son portrait avec 

| ses pieds]. Il semble plus naturel de lire paindre (<[ pangere), 
c’est-à-dire frapper, au lieu de peindre ; mais, comme les ru- 

; = briques latines [de quelques mss.] indiquent que, pour leur au- 

eur, il s’agissait bien de peindre, je n’y ai rien changé. » 

: D fallait changer, c’est clair. Et l'erreur évidente du rubrica- 

D. eur en cette circonstance est un argument qui s'ajoute à tous 

» ceux que M. Mann a fait valoir (Romanische Forschungen, VI, 
= 1891, p. 399) pour établir que les rubriques latines des manu- 

| _seri ts sont, non de l’auteur, mais d’un copiste. M. E. Walberg, 

sur ce point, n’a pas vu juste (p. xovi et suiv.). 

4 2. Cette idée est exprimée plus d’une fois, avec prédilection : 

br Si deçut Deus diable 

a Par semblant cuvenable. V 

Diable ume deçut:; 

Deus om, qu'il ne cunut, 

Deçut issi diable. 


34% LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MO) 


Le lion a peur des coqs blancs! et des grincements 5 4 
de charrette ; il dort les yeux ouverts. ‘a 


Le coq blanc, c'est celui de saint Pierre. Le coq chante les 


heures, nuit et jour, en l’honneur de Dieu. Et nous aussi, nous 4 


_ chantons matines, primes, tierce ‘et midi, nones et vêpren. .; au 
crépuscule, les chants se taisent : c’est alors que les démons se 
répandent pour agir. 2 


300 E lores nus taisum, 
E diable s’esmovent 
Ki tuz jurz par nuit ovrent ; 
Quant nus cessum d’urer*, 
Donc poent il erer ; 
La nuit unt poësté 
De travaillier malfé 
Pur ço, quant vient le jur, 
Dunc fuient la luur.. 


“age 


Le cri de la charrette, les quatre évangélistes l’ont poussé, en " 
racontant la Passion. — Dormir les yeux ouverts...; la mort 
de Dieu ne fut qu'apparente. ; Le 


Le lion tremble, la première fois qu'il voit 
l’homme. 


C'est-à-dire que Dieu fait homme s’est humilié. 


La lionne met bas un lionceau mort, qui ressus- 
cite après trois jours, aux rugissements du mâle qui 
rôde alentour. 


*prier, — “* les démons. 


. Tradition généralement répandue au moyen âge, qui re- 
mA sans doute sur une ancienne bévue. Solin, au 1. XXVII de 
ses Collectanea rerum memorabilium, avait écrit des lions : « Cantus 
gallinaceorum timent, » Mais la bévue n’est pas imputable, 
comme Paget Toynbee a l’air de le supposer (Romania, 1894, 
p. 74), au seul Brunet Latin. 


: 18 une pucelle qui découvre son sein; l'animal 
- vient la baiser et s’endort sur ses genoux ; on le tue 
. ou l’on s’en empare pendant qu'elle dort. 


É | | Cette bête, c'est Dieu; la pucelle, c’est la Vierge; et le sein 
xd la pucelle, c’est, Set Sainte Église. 


| Ë Pawruène. Toutes les bètes aiment la panthère, 
- qui est très douce, lé dragon excepté. Elle dort trois 
* jours après ses repas et se réveille en poussant un 
» cri. Alors une odeur suave se répand, qui attire tous 
les animaux du voisinage ; seul, le dragon terrifié s’en- 
» fuit dans ses repaires souterrains. 


- « Signefiance i at. » La panthère représente Jésus-Christ, et 
… nous sommes, derechef, les bêtes. Le dragon, espèce de serpent, 

figure le diable. Pan, du reste, qui est dans « Panthère », veut 
D dire « tout » en grec, et Dieu est le grand Tout. 


3 
#3 


 Dorcox (/a Chèvre). da chèvre paît sur les hau- 
rs, au sommet des rochers ; elle sait fort bien de- 
ner si l’homme qu'elle aperçoit ira loin. 
| Les justes sont les montagnes de vertu où Dieu se repaît. Il 


| sait fort bien quels sont ceux qui iront loin, c’est-à-dire en 
T: 


L’Hypre, semblable à la couleuvre, est l’ennemie 


A APT IE SRE TS NS PE TEE 
ï 2 "4 ">. + FA PEN TEET: 


4 24 


36 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


quatre pieds, longue de vingt coudées, dont le cuir 
est à l'épreuve du caillou, qui naît de l’eau du Nil, 
et qui pleure quand elle a mangé un homme, — 
dort la bouche ouverte, l’hydre, dissimulée sous une 
couche de limon, s’introduit dans l’ouverture, se 
fait avaler et cause de tels ravages à l’intérieur de 
l’animal qu’il succombe ; elle-même en ressort saine 
et sauve. < 


Importante allégorie de la lutte qui s’est engagée entre Dieu 
et le diable. 


Cerr. Lorsque le cerf a trouvé un terrier de ser- 


pent, il y verse de l’eau avec sa bouche, puis aspire ; : 


- le serpent sort, et.il est foulé aux pieds. 


Ainsi Jésus a fait sortir le serpent (le diable) du corps de plus 
d’un en y versant l’eau (la sagesse) de sa bouche, 


Aprazox (Antilope). Bête farouche, très difficile à 
approcher, analogue au chevreuil, qui a deux cornes 
aiguës et tranchantes comme des faucilles. Elle peut 
scier les arbres et boit les eaux de l’Euphrate, qui 
ont leur source au Paradis. Pour la prendre on 


s'arrange de façon qu’elle engage sa ramure dans 


un buisson. Prise, elle crie ; le chasseur accourt au 
bruit. 
L'homme ressemble à l’aptalon. Dieu lui a donné aussi deux 


cornes, qui sont l’Ancien et le Nouveau Testament. Avec ces 
cornes il peut aussi scier de grands arbres (les péchés mortels). 


Mais il boit volontiers, comme l’aptalon, et s’enivre. Il se prend . 


ensuite les cornes dans le buisson des filles de joie. Et le chas- 
seur, c’est Satan. 


Ka l'eve* signefie 3 
Ivrece, e le buissun 

Putain par grant raisun… 
Vins e feme ont nature 

Que funt del sage fol 

E trebuchier el pol *. 


- La Four, dont Salomon recommande la dili- 
 gence, amasse des grains de froment (non les grains 
Dre, dont elle n’a cure), pour l'hiver. 

_ Comparer l’histoire des Vierges sages. Mettre de côté pour 


Diner c'est-à-dire pour le Jour du Jugement. Le froment, c a: 
- la parole divine ; l'orge, c’est l’hérésie. « Oz tu, om de Dé? » 


» C7 959). 

Isidore ajoute que la fourmi porte de plus grands 
» faix, proportionnellement à sa taille, que le chameau 
- et le dromadaire. Elle sait aussi distinguer, dans ses 
» provisions, les grains sains, qu’elle thésaurise, des 
- grains abîmés par la pluie, qu’elle expulse. — Il y a en 
- Éthiopie des fourmis grandes comme des chiens; elles 
Dont la poudre d’or dans un fleuve qui est là ; 
mais personne n’approcherait de leur trésor sans 
| être mordu, et périr. Les gens du pays ont inventé 
| une ruse: ils envoient vers ces fourmis des juments 
qui viennent de mettre bas, chargées de coffres ou- 
verts; les fourmis remplissent d’or ces récipients ; 
» alors on fait hennir les poulains, et les juments re- 
1 ‘viennent au galop. Il y a aussi le formica-leo, petite 
| bête qui tend des pièges aux fourmis dans la pous- 


— “ dans la mare. — *“* Entends-tu, homme de Dieu ? 


PHILIPPE DE THAON 37 


38 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 
Oxoscexraurus. Homme jusqu’à la ceinture, âné 
" s 
plus bas. 


L’homme est un âne quand il fait vilainie. 


Casror (ou Brèvre). Les génitoires de cet animal 
sont utiles en médecine ; quand on le chasse pour 
s’en emparer, il se les coupe lui-même ; d’où son nom 
(castor — châtré). fe 4 


Le castor, c’est le saint homme qui triomphe de la luxure. 


Hxène (ou Lour cervier). Animal immonde, dont 
notre loi défend de manger, mâle et femelle à la fois. 
Il a une pierre dans l’œil telle que, si un homme l’a 
sous la langue, il devine l’avenir!. 


L’hyène symbolise l’avare, le convoiteux, le luxurieux. 


La Musreze (Belette), dont on ne doit pas manger 
non plus, conçoit par la bouche et engendre par 
l'oreille ?. | 

Bien des gens entendent ainsi la parole de Dieu par la bouche 
qui la rendent par l’oreille. 4 


1241 Co est del serf pulent 1 
Ki contre Dé se prent, À 
Ki fait contre nature | 
Si cum dit Escripture. : 


Assipa (Autruche). Pieds de chameau, aîles d’oi- | 
seau. Gette bête ne peut pas voler. Elle pond chaque 


1. Cf, plus haut, p. 25. 

2. D’autres enseignaient le contraire, « Quidam, dit Hugues 
de Saint-Victor (De Bestiis), dicunt cas aure concipere et ore 
. parere ; quidam e contrario dicunt eas ore semen concipere et 
per aurem parere ». 


PHILIPPE DE (THAON 


née dans le sable, au lever d’une certaine étoile, #4 
; à oublie ses œufs, qui éclosent à la chaleur du soleil. Û 


. D éiple. Ainsi font les saints ermites qui one) e” 
leur famille et leurs biens au lever de l'étoile céleste. s 


 SaramanDre. Espèce de lézard, qui vit impuné- 
ment dans les flammes. 


Les trois serviteurs de Dieu dont parle David, Ananias et 
- les autres, qui traversèrent sains et saufs le feu ardent. 


$ Ajoutons que la salamandre monte dans les pom- 
… miers, empoisonne les pommes et leau des puits où 
_ elle tombe. 

.  Srrèxe. Femme jusqu'à la ceinture et, à partir de 
là, queue de poisson. La sirène chante en mer contre 
» la tempête et pleure quand il fait beau. Les marins, 
4 a l'écouter, oublient leurs nefs. 


Ce sont les nue du monde, qui endorment et perdent les 


| ER uuer. Lorsque le temps de la reproduction est 
. | venu, les Fe: mâle et femelle, vont vers 
* VOrient, j jusqu’au Paradis. Ils mangent le fruit de 
* l'arbre Mandragore. La femelle conçoit. Par crainte 
du dragon, elle dépose son fruit en eau profonde. 
» Cependant, le mâle fait bonne garde. 


_ C’est Adam et ve. 


L'odeur des os et des poils de l'éléphant, brûlés, 
- chasse les serpents et la vermine. Selon Isidore, ces 
animaux ont l’aspect de bœufs énormes, avec des 
À dents d'ivoire. Ils portent des châteaux sur leur dos. 


D - 
_ 


La 


nm / J NE ne 2 LE | 'Éul CRE ARE D 


ho LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


L'intelligence et la mémoire sont développés chez 
eux. Nulles jointures à leurs jambes, de sorte que 
l'éléphant est obligé de dormir debout, appuyé contre 
un arbre ou un mur ; s’il se couchait, il ne pourrait 
se relever; les gens du pays profitent de cette cir- 
constance : ils scient l'arbre ou ruinent la base du 
mur où la bête s'appuie pour dormir ; elle trébuche 
et on la capture. La femelle porte deux « ans. Les élé- 
phants vivent dans l’Inde. 

La Mandragore, dont il a été parlé incidemment, 
a des racines qui ressemblent à un homme ou à une 
femme, avec des feuilles de laitue ou de bette, res- 
pectivement. Il faut prendre des précautions pour la 
cueillir: ne pas toucher à la plante, y attacher un 
chien affamé, qu’on appellera de loin en lui montrant 
un morceau de pain (et en se bouchant les oreilles) ; 
le chien tirera sur sa corde et tombera mort du cri 
qu'il entendra. Car nul ne peut entendre le cri de la 
Mandragore arrachée sans mourir. — La racine de 
Mandragore est un remède souverain. Elle guerre tout, 
sauf la mort. 

1611  Kors seulement de mort, 
U il n’at nul resort. 

Aspic. Quand ce serpent, dont la morsure est mor- 
telle, aperçoit des enchanteurs qui veulent le prendre, 
il se bouche une oreille en da contre terre et 
l’autre avec sa queue. 

« Grant chose signefie. » Ce sont les riches qui s’appliquent 


une oreille en terre, pour acquérir, et se bouchent l’autre avec 
leurs péchés. 


L 
* 
h 


PHILIPPE DE THAON 
RR | Bête marine. Ailes, tête de lion, queue de 
son. Si elle voit une nef en haute mer, elle étend 
s ailes et masque le vent, ce qui crée un calme 
st. | ne peut mieux faire, elle replie ses 


_ Cest le diable, qui intercepte le souffle du Saint-Esprit. 


…_ Le Hérissow, cochon épineux. Au temps des ven- 
_ danges, il grimpe aux ceps, abat les grappes, se 
4 roule dessus et les embroche avec ses piquants. Il les 
pr ensuite à ses petits. 


pee hérisson, c’est le diable qui embroche les âmes (les grappes). 


, Gouric (Renard) est très rusé. Il se poudre de 
_terre rougeâtre et fait le mort, gueule bée, langue 
he Des oiseaux s’abattent sur lui pour le dévo- 
. rer et lui mettent leur bec entre les dents. Il les dévore. : 


JR 


| Crest le diable. 


| | Onacre ou Âne sauvace. Le ss mars, à l'équinoxe, 
à cet animal brait douze fois. C'est de tristesse, en 
_ constatant que la nuit et le jour sont d’égale lon- 
| gueur, car il préfère la nuit au jour. 


= | C'est le diable. 


J % Le Snce contrefait les gens; irrité, il se souille 
| aisément. La femelle porte dans ses bras le petit 
’elle aime le mieux et l’autre sur son dos. 


- Cest le diable. 
Cerus (/a Baleine). Très grosse bête, qui habite 


A2 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


la mer. Le dos couvert de sable, elle demeure à fleur 
d’eau, immobile. Le marin croit que c’est une île, 
débarque, s'apprête à s’y installer. Mais, dès que 
l’on fait du feu, la baleine plonge dans les profon- 
deurs, et ceux qu’elle portait sont noyés. 


C’est le diable; et le sable qui dissimule le danger, ce sont 
les richesses du monde. 


Quand la baleine veut manger, elle baille ; les pe- 
tits poissons, attirés par l’odeur exquise qui se dé- 
gage de sa bouche, s’y précipitent et sont engloutis. 

Perprix'. Cet oiseau vole les œufs des autres; 
mais les petits qui sortent de ces œufs abandonnent 
le nid du voleur, dès qu’ils entendent l’appel de leurs 
congénères. Mielz vall nature que nureture*, dit le 
proverbe. 

C’est le diable : 

1991 Diable est en tel guise 


: Qui tolt ** a Sainte Eglise 
Co qu’aveit baptisié… 


L’Arcze est le roi des oiseaux. C’est le « clair- 


*éducation. — ** ravit,. 


1. La perdrix est, comme l’on voit, placée avant l'aigle, roi 
des oiseaux, ce qui paraît singulier. « Est-ce, dit M. E. Wal- 
berg (p. xx1x), parce qu’elle représente le même type que les 
six animaux qui précèdent immédiatement, c’est-à-dire le dia- 
ble? Ou est-ce que Philippe... la considérait comme une 
« beste »? Cela serait bien étrange, » L’explication de cette 
anomalie a été donné par Fr. Lauchert (O0. e., p. 129): Phi- 
lippe aura laissé subsister ici, par mégarde, l’ordre des amcien- 
nes versions du Physiologus, où la Perdrix était placée immé- 
diatement après la Baleine. 


ms 


CF 


æ goit 74 poissons qui stat dans la mer et fond 
| sur eux pour les saisir. Il ne cille pas en fixant le so- 
leil, etexerce ses po à le regarder en face ; ceux . 
i s’y refusent, il s’en désintéresse. Lorsqu'il vieil- 
lit, il s'élève au plus haut des airs, puis se plonge 
| — trois fois dans une « fontaine » qui est du côté de 
l'Orient ; ; après quoi, il redevient jeune. 

_ L'aigle, c’est le fils de Dieu et nous sommes les poissons. 
4 La fontaine de Jouvence, c’est le baptême, — Cet oïseau, qui 
_ se désintéresse de ses petits s’ils ne supportent pas la clarté du 


É- - soleil, nous enseigne à renier nos enfants s ’ils ne net point 
3 servir Dieu. 


; Dons oiseau blanc, comme une mouette. Le 
Deutéronome défend d'en manger. Fort utile à là 
_ cour des rois, car il guérit les gens malades, s’ils 
_ sont curables, en les regardant ; s’il détourne les 
: yeux pour ne pas voir un malade, c’est que le cas 
2 _est désespéré. La moëlle de l’os de sa cuisse rend la 
. vue aux aveugles. 


Se. Âls de Marie, pur et sans tache... Il a détourné ses 
yeux des Juifs, qu'il était venu sauver; ils mourront. Mais il 
nous a regardés. — Le baptème est le tout-puissant collyre qui 
nous fait voir la lumière. 


Le Pménix est une espèce de cygne, qui vit en 


Arabie. Il n'en existe qu’un seul ; il … de couleur . 


ER isine. il cueille des Ha d’arbustes par- 
fumés, en dresse un bûcher, et se couche sur ce bù- 


VAR ES DC RO PATES =: 1 


4 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


cite de ses cendres. D’après une autre tradition, en 
pareil cas, il s’oint de baume, et c’est un prêtre de 
la ville d’Héliopolis qui lui rend le service e le brü- 
ler. En tout cas, 


3202 De sun gré vient a mort. 
Et de mort vient a vie. 


C’est, évidemment, Jésus-Christ. 


Pérrcan. Oiseau d'Égypte, à long bec. Deux es- 
pèces, dont l’une vit de poisson, l’autre, sur la terre 
ferme, de lézards, de crocodiles, de serpents et autres 
vermines. Îl arrive que, quand ses petits le « bèchent » 
(lui donnent des coups de bec), en essayant de lui 
crever les yeux, il les tue. Mais alors, le troisième 
jour, il se frappe lui-même et arrose de son sang les 
cadavres, qui ressuscitent. 

Les hommes qui nient la vérité veulent aussi « crever l’oil 
Dé » ; et, comme les oiselets, Jésus est ressuscité. 

Il est, selon Isidore, une Coromse qui attire les 
autres à son colombier. Et, dans l'Inde, il est un 
arbre où les colombes se réfugient pour échapper au 
dragon qui les poursuit ; celui-ci redoute cet arbre et 
son ombre, et s’en tient à distance. 

La colombe qui attire les autres, c’est Jésus; Sainte Église 
est figurée par le colombier. Elle est aussi l’arbre protecteur 
contre les entreprises du Serpent. 

La TourTEereLLe, simple et chaste, est une veuve 
_inconsolable. 


Comme Sainte Église, dont Dieu est le « masles », 


La Hupps couve son père et sa mère en leur vieil- 


PAT DE. THAON 45 


, ce qui les rajeunit ; elle lé rend ainsi ce 
E 
qt w’elle a reçu d'eux. 


Bel exemple à suivre. 


Is. Cigogne du Nil, vit de charogne, ne sait pas 
1 nager, recueille les poissons morts sur les rives. Elle 
4 s Dei, en cas de besoin, des lavements avec 
FT qui ne sait pas nager sur les eaux spirituelles et 


; FER les sains aliments de l’Écriture, vit, tout de même, d’or- 
D'dures. — Homme, déploie donc tes ailes ! 

2689 Li ume dous* mains unt 

Ki pur eles** lur sunt; 

Ses mains deit om ne 

Al ciel, Dé aürer… 


Quant à l’histoire des lavements, elle fait penser aux « losan- 


“ 


: qui mentent par ÉRENR 


Ehoanétes et reste là où il trouve à vivre ; il fait son 
4 nid sur l’eau ou dans les rochers. 
4 Figure du saint homme ermite, qui s’interdit la chair des 
4 animaux. 
4 > Micricorax. Oiseau nocturne, qui préfère les or- 
… dures et les ténèbres et qui vole « envers ». On l’ap- 
- pelle « fresaye » (effraie) en français. 
+ Symbole du Juif, qui a fermé les yeux à la vérité : 
_ 2821 C'est lur lei e lur vie 

Qu'’ordure signefe. 


Issi sunt a envers 
Cum l’oisels… 


- deux. — “ailes. 


_ Fuuuca. Ce bel oiseau ne vit que de nourritures 


46 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


Les pierres TurRoBoLEN, que l’on trouve en Orient, 
sont de telle nature que, rapprochées, elles jettent 
des feux; séparées, elles n’ont point de vertu. L'une 
est mâle et l’autre femelle. 


C’est pour cela que les nonnains et les moines sont obligés 
de vivre séparément. 


Lacune'. F2 


\ 

L’Apawas brûle et se fend au contact du sang de 
bouc et du plomb. Il y a une montagne en Orient 
qui brille merveilleusement la nuit ; le jour, on ne la 
voit pas... L’aimant attire le fer. 

Sang de bouc, c’est péché, Dieu, comme la montagne, est là 


pour éclairer les ténèbres. Comme l’aimant, Jésus nous tire 
hors de l’enfer. 


Des pouze GEmMEs l’auteur va parler brièvement ; 
consulter, pour plus de détails, le Lapidaire?. Ilse 
borne, en fait,à énumérer les douze gemmes{du Ra 
tional|*, en indiquant d’un mot ce que chacune «dé- 
montre »: jaspe rouge (amour), jaspe vert (foi), jaspe 
blanc (douceur); saphir (promesse du ciel), chalcé- 
doine (nous irons près de Dieu), émeraude (confiance 
du chrétien), sardonix (chasteté, humilité), sardius 
(souffrance des justes), chrysolithe (vie céleste), béril 


1. Voir plus haut, p. 4. 

2." Il semble bien que l’anteur renvoie ici à son Lapidaire 
(plus haut, p. 8). Notons pourtant que cet ouvrage, tel qu'il 
est dans le ms. de Jesus College, ne traite pas de plusieurs des 
Douze gemmes bibliques : ni de l’émeraude, ni du sardonix, ni 
.de la topaze, ni de l’améthyste... 

3. Cf. Exode, 27, v. 17-20 et 39, v. 10-13. 


? 


ur), one (martyre que Dieu ur 

Mais il est une pierre qui est la « lumière » de 
>utes les autres. Elle naît dans l’île de Dapne, de la 
rosée du ciel. Ces pierres sans défaut et sans suture 
’entrouvent, Fa ren la rosée et se referment ; elles 
engendrent ainsi à la façon des créatures vivantes. 
Le « Bestiaire »* dit, d’autre part, que certains co- 
_ quillages vont recevoir le matin la rosée du ciel à la 
| surface de la mer, puis se laissent couler au fond, où 
| la rosée est changée en gemme. Cette gemme est 
_une panacée universelle. 


E … Figure de la Sainte Famille. La rosée, c’est la grâce. La nais- 
- sance de la pierre, c’est la conception de Jésus, sans tache. — 
PAu reste, de cette conception virginale, une autre « semblance » 
_ rend compte : les rayons du soleil traversent le béril sans rien 
_ perdre de leur force et brûlent, après l’avoir traversé, des étou- 
pes et des chiffons secs, comme on le voit tous les jours; or 
| 3097  ... Si cum li raiz * de soleil 
A ceste piere est feeil**, 
Qu'il entre en li senz uverture 
E ultre passe senz frainture ** 
Saciez issifaitierement **** 
Que Jesus Crist veraiement 


LL 


Le ‘rayon. — * fidèle. — ** effraction. — ** de même. 


æ # 4 ” 
1. Voir, sur les « Douze pierres du Rational », L. Pannier, 


. C., pp. 209 et suiv., — Philippe énumère ici les Douze gem- 

es dans l’ordre traditionnel, qui passait pour avoir lui-même 

D. une signification mystique (Ib. P:°217): >; 

2. Philippe désigne ainsi-le Physiologus mi dont il se sert 
ۮ. Walberg, 0. c., p. xxxi). 


si parte la virgine entresai, 
Cum par mie piere le rai. 


FA. a 


les hommes qui cherchent les richesses, : Les oiseaux 


comme les hommes dont les pensers vont vers 
J Les pierres sont immuables, comme le sage. 


= di 


3188 Co demustre que Deus est reis.…. # TA 
Icist Deus nus seit en aïe*, DRE 
E la virgine sainte Marie. à 
Icist Deus nus otreit veir sen * 
E vie perdurable! Amen. | 


*soit-en aide. — ** yrai sens. + 


+ FRE S « 


Se A 


L'IMAGE DU MONDE 


Il existe au moins trois rédactions, ou états, distincts 
de ce très célèbre ouvrage. ; 

I. Les manuscrits de la première rédaction sont de beau- 
coup les plus nombreux’. L’Image du Monde s'y présente 
comme un poëme d'environ 6 600 vers octosyllabiques. 

L’auteur a pris soin de dater son travail avec préci- 
sion. Il dit quelque part (1. HI, c. 17) que, si Adam 
avait marché sans s'arrêter pour aller aux étoiles, à rai- 
son de 25 milles (ou lieues) par jour, depuis le moment 
où il fut créé, il aurait encore à marcher pendant 712 
ans avant d'arriver au but 


"AE dès l’ore 
Que cis livres fust premiers faiz, 
Qui premierement fu parfaiz 
As Rois, a l’Aparicion, 
En l’an de l’Incarnacion 3 
Mi]. CC. XL. VII ans ?. 
Tant meist a aler Adans 
Dès lorz ains qu'il fust jusque-la. 


1. C. Fant, L’Image du Monde, poème inédit... (Upsala, 1886); 
— E.-D. Grand, L’Image du Monde. Recherches sur le classement 
des manuscrits de la première rédaction, dans la Revue des Langues 
romanes, 4° série, VIL (1893-94), pp. 1-58. L'auteur a étudié 
« le classement des mss. de la première rédaction d’après 32 
manuscrits appartenant aux Bibliothèques de ape Lon- 
dres, Oxford, Paris et Stockholm ». 

2. Dusage étudié par C. Fant, 0. c., p. 5-6 (sans exactitude) 


4 


CERTES ER COR 


5O LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


: On a reconnu depuis longtemps que le poème est écrit É 
en un dialecte lorrain notablement influencé par la lan- 


gue littéraire de l'Ile-de-France. De plus, à En à de 
Charlemagne, l’auteur écrit : < 


1054 Et sout assez d'astronomie, 
Si come raconte sa Vie 
Qui est a Mez EN LOHERRAINE... 


Il était assurément lorrain, comme le prouve encore 


et par E.-D. Grand, 0. c., p. 55. Ces deux auteurs ont adopté 
pour ce vers décisif la leçon: MCCXLV, que donnent « presque 
tous les manuscrits » de la première rédaction. D’autre part, 
M. P. Meyer, ayant l’occasion de réimprimer incidemment ce 
morceau (Romania, XXI, p. 503), a adopté la leçon MCCXLVII, 
et qualifié l’autre d’ «isolée et sans valeur ». — La leçon 
MCCXLYV n’est certes pas « isolée »; mais je crois aussi qu’elle 


est sans valeur. M. P. Meyer n’a pas dit pourquoi; on essaiera de 


le montrer dans la suite de cette notice. Et cf. plus loin, pp. 


110 et 290, en note. 
Il convient, d’ailleurs, d'indiquer tout de suite que la leçom 


MCCXLV paraît fortement garantie, en même temps que par | 


l'accord de la grande majorité des manuscrits, par l’eæplicit si 
connu qu’offrent tous les exemplaires de la première rédaction : 


En l'an de l’Incarnacion, 

As Rois, a l’Aparicion, 

Mül . Ile. XL. V . ans 

Fu premiers parfez cist romans, 


Mais cet explicit est-il de l’auteur du poëme, ou d’un ancien 


copiste? M. Fant est, à ma connaissance, le seul érudit qui Pat 
nettement attribué à un copiste (0. c., p. 37), ainsique les dix 


ou douze mauvais vers qui l’achèvent, dont la tradition manu- 
scrite est assez confuse. Il me semble que c’est l’évidence même, 


pour tout lecteur non prévenu. M. P. Meyer a rejeté cette opi- 


nion (Romania, XXI, p. 504, n. 3), mais pour une raison qui 
ne subsiste pas si l’on admet, comme je pense qu'il le faut, les 
considérations qui vont être présentées. 


Si l’explicit est d’un copiste, qui n’a fait que reproduire la 4 


L'IMAGE DU MONDE “5x 


ce qu'il dit dans son esquisse de Géographie générale 
- (IE, c. 10 et 11) sur les bains de Plombières et les eaux 
- salées de Vic en la vallée de la Seille. 
_ Le rimeur lorrain qui acheva la rédaction de l’Image 
du Monde le jour des Rois, 6 janvier 1247 (v. st.), avait 
à sa disposition — outre la Vie de Charlemagne, qu'il 
avait vue à Metz — un certain nombre de livres en latin, 
_ parmi lesquels on reconnaît à première vue l’/mago 
Mundi du fameux prêtre et reclus allemand que les hom- 
mes du moyen âge ont connu sous le nom d’ « Hono- 
rius Augustodunensis » !, et l’Historia Hierosolymitana du 
cardinal Jacques de Vitri?. On peut donc conclure dès à 
- présent, avec la plus grande vraisemblance, qu'il était clerc. 
Le poème l’Image du Monde, sous sa première forme, 
est divisé en trois parties, qui sont respectivement sub- 


date qu’il avait cru lire (par erreur) dans le passage [IIE, 17] cité 
au texte, il est clair que son témoignage est sans importance. 
. Cependant, il a fait de bonne heure autorité ; et on est en droit, 
+ dès lors, de se demander si ce n’est pas son influence qui a 
* conduit à contaminer la vraie date (MCCXLVII), dans une 
12 -foule d'exemplaires, au c. 17 du livre III. Le ms. fr. 1548 de 
—…._ la Bibliothèque nationale, qui est un des meilleurs, a 
…— « MCCXLVII » au livre III et « MCCXLV » à l’explicit (et tel 
… était aussi le cas d’un ms. très intéressant pour un autre motif, 
Es dont il sera question plus loin, p. 64, n. 1); mais la plupart des 
- scribes ont dû chercher à effacer cette contradiction, si cho- 
—… quante; et il est naturel que, ne disposant point des notions qui 
… nous persuadent d'adopter le parti contraire, ils aient ajouté foi, 
€. de préférence, à la leçon de l’explicit. 

+ x. Voir,sur ce personnage(que l’on appelle encore tropsouvent, 


in ut tal Et ciné 


… Honorius Augustodunensis.Beitrag zur Geschichte des geistigen Lebens 

… im 12. Jahrhundert (Kempten et München, 1906). L'opuscule de 

C. Daux, Un scolastique du XIIe siècle... Honoré d’Autun (Arras, 

1 » 1907 ; extr. de la Revue des Sciences ecclésiastiques), qui n’a pas 
connu lés travaux d’Andres et autres, n’est pas instructif. 

2. Ph. Funk, Jakob von Vitry (eitaie: 190q). 


52 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


divisées en 14, 19 et 22 chapitres. Il a été sommaire- 
ment analysé plusieurs fois'. Contentons-nous d’en indi- 
quer ici le plan. MEN 
Victor Le Clerc, qui avait été professeur de rhétori- 
que, a reconnu que l’ouvrage”du clerc lorrain n’est pas 
dépourvu de plan? ; ce din, il l’a même, comme on le 
verra, qualifié d’ « assez régulier ». « Les trois re 
divisions-du poème, dit-il (p. 320), c'est-à-dire Dieu et 
l'Homme, la Terre, le Ciel, dominent les détails dans 
lesquels il arrive souvent à l’auteur de se perdre, et qui, 
cependant, sont presque toujours à la place qu'il pouvait 
leur assigner... Chaque partie... a de l’unité... » 
En fait, la Première Partie est une sorte d’'Introduc- « 
tion à l'étude de la Science. L'auteur y traite de Dieu; 
de l’Intelligence humaine (histoire des « arts », c’est-à- 
dire des stiences), de la Nature ; vient ensuite un exposé . 
général de la Cosmogonie (répartition des Quatre Élé- 
mate dans le Csraos, place du globe dans l'univers, 
firmament). — La Seconde Partie est réservée, en PR 4 
cipe, à la description des phénomènes physiques qui se : 
passent dans chacun des Quatre Éléments (la terre, 
l’eau, l'air et le feu), c’est-à-dire, suivant la manière 
actuelle de parler, à la Géographie et à la Météorologie; 
il est question à la fin (ch. XVHEXIX) de l’éther, qui en- 
toure les quatre éléments: c’est une transition entre ce 
qui précède et ce qui suit. — Le sujet de la Troisième 
Partie est, en effet, l’Astronomie, c’est-à-dire la théorie « 
des phénomènes qui se passent dois l’éther. Mais l'auteur | 


1. Victor Le Clerc, dans l’Histoire littéraire, XXII, p. 302 4 
et suiv.; C. Fant, o.e., p. 11; E.-D. Grand, 0. c., p. 13% 

2. G. Azaïs (Le Breviari d’'Amor de Matfre Ermenqgau, 14 
p. xxx1v) dit au rebours que l’auteur de l'Image a divisé son 
œuvre en chapitres, qui, n’ayant pas de lien commun, pourraient 
sans inconvénient être placés dans un ordre différent. Mais’ il ne 
lavait pas lu. 


se laisse aller (c. vux et suiv.) à revenir sur l’histoire de 
» la science astronomique dont il a déjà parlé et, par une 


… autres, à traiter de l'invention de la monnaie. — Le der- 
nier chapitre est une récapitulation ou table des matières. 


_ - IL. La seconde rédaction n’est pas seulement plus 
_ étendue que la première (environ 4000 vers de plus), 
» mais elle en est une refonte complète. Fait curieux, dont 
4 il y a bien peu d’autres exemples dans l’histoire littéraire 
- du moyen âge. Ce fait, constaté de bonne heure, a 
- longtemps exercé, et défié, la sagacité des critiques. 
Victor Le Clerc a su à quoi s’en tenir au sujet de 
. l'existence d’une seconde rédaction (refondue), car, par 
hasard, la plupart des manuscrits connus (une douzaine 
environ) de ce remaniement sont à la Bibliothèque natio- 
male de Paris’, qu'il fréquentait entre toutes. Mais il n'a 
pas résolu le problème ainsi posé. Voici ce qu’il en dit : 
…. «Cetterédactiondéfigurée nous paraît l’œuvre d’un copiste 
… messin qui avait un grand amour des contes ; il n’en trou- 
… vait pas assez dans le poème primitif, et, pour en ajouter 
- beaucoup d’autres, le moindre prétexte lui a sufli.…. L’an- 
. cienne composition n'est pas exempte de ce désordre. ; 
. mais on y garde au moins quelque mesure: iln’y en a 
» plus dans la nouvelle forme... Nous n'avons pas hésité à 
considérer comme étrangers à l’auteur tous ces supplé- 
» ments, qui nous paraissent en général inférieurs pour le 
» style. et qui changent un ouvrage assez régulier en une 
- monstrueuse compilation ?. » 


r° 


ne RU AP MO MT € 


F- TT Gr 


ae ue 


1. Liste (non classifiée) des mss. de la seconde rédaction dans 
… l'opuscule de C. Fant, p. 57; cf. P. Meyer, dans le Bulletin de 
…… la Société des Anciens textes français, XXXV (1909), p. 46. — 
— Un des exemplaires de la seconde rédaction (Bibl. nat., fr. 2174) 
—_ à fait partie de la Bibliothèque de Charles V. 

D 2. L.c.,p. 324. 


90 pi Eaux F 


54 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN. 


Un philologue suédois, le très consciencieux C. Fant, 
qui a repris l'examen de la question, bien des années 
après le rédacteur de l'Histoire littéraire, se représente les. 
choses d’une manière un peu différente : « Le remanieur, 
dit-il, après avoir pénétré le style et le sujet de l’ouvrage 
qu’il étudie [première rédaction], s'aperçoit, d’une part, 
que la disposition du sujet n’est pas effectuéed’une façon ri- 
goureuse et que, par conséquent, elle appelle une revision; 
d'autre part il ne peut pas résister à l’envie d'augmenter 


un poème devenu rapidement populaire, en intercalant cè £ 


et là des épisodes destinés pour la plupart à entretenir * 
le lecteur par des récits fabuleux. » — M. Fant a constaté 


en outre! que toutes les additions n’ont pas un caractère 


fabuleux ; il y a aussi des retranchements dus à des mo- 
difications intelligentes, des corrections proprement dites; 
un vif souci s’accuse surtout de mieux grouper les déve- 
loppements de même nature, éparpillés dans la première 
édition. Enfin, le critique suédois a procédé à une con- 
frontation synoptique, aussi détaillée que possible, des 
deux textes (pp. 17-39), qui donne encore aujourd'hui 
du prix à sa dissertation, quoique, comme son devan- 
cier, il se soit trompé, en fin de compte, sur le point 
essentiel ?. 


* récréer. 


les D E0: 

. Encore aurait-il été possible d’être plus clair. L'auteur 
de L seconde rédaction de l’Image du Monde, quel qu'il soit, a 
divisé son ouvrage en deux parties (au lieu de trois), dont l’une 
contient 6 et l’autre 15 chapitres, sans compter l’épilogue. ne 
ressort pas nettement de l’exposé de GC. Fant que le rernanieur a 
rassemblé dans la première partie les généralités préliminaires 
et tout ce qui concerne l’histoire de la science et-des philoso= 
phes, en réservant pour la seconde le tableau encyclopédique” 
des phénomènes, |’ « Image du Monde » proprement dite (Bibl. 
nat., fr. 25343, fol. 42 ve, col. 1). 


que M. Fant a si bien pis dans sa confrontation, il 
en est d’autres qui auraient mérité d’être relevées autre- 
ment qu’en passant. Examinons-les. 
D’abord les vers de la première rédaction, cités plus 
haut, au sujet de Charlemagne ont été changés comme 
il suit dans la seconde : 
| Et sout assez d’astronomie, 
Si come l’en trouve en sa Vie 
Qu’a Mez EX LORERRAINE gist 
Dont cit fu qui cest livre fist. 


4 Ensuite, après avoir remplacé les quelques vers de l'ori- 
“ ginal sur la vie et les pérégrinations de saint Brendan 
“ (x. 5835 et s.) par un long morceau relatif à cette ma- 
= tière', le remanieur ajoute: 
-. D'un autre ci aprez orum. 
| 40 | A Samr ErxoL, une abeïe 
2 De moines noirs, qu'est establie 
Droit devant Mez Ex LOHERRAINE, 
3 Trovai ceste histoire anciene. 
0 De latin l'ai mis en romans 
Por faire entendre as laies genz; 
. En 1x jorz de marz l’ai parfait 
+ Mil .CC. anz XL et VII?. 
 . Et ces 11. ci apres aveuc 
‘4 Dont l’une commence ciluec ?. 


| Il parle, du reste, “plusieurs fois de cette abbaye de 
“ Saint-Arnoul de Metz où il avait trouvé le texte latin 


- 1. Ce morceau (1740 vers) a été publié d’après le ms. fr. 

- 1444 de la Bibliothèque nationale de Paris par A. Jubinal (La 

légende latine de saint Brandaines. Paris, 1836, p. 105). 

2. La plupart des mss. ont cette leçon, que la rime rend, 
d’ailleurs, certaine. 

… 3. J'adopte pour ce passage le texte de C. Fant (p. 3); cf. 

- Romania, 1892, p. 498. 


56. “LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN A 


des « Voyages de saint Brendan » et celui des por au 
tres récits annoncés par les vers qui précèdent (Del Fa 
losophe qui descrit comment Nature fist un home et Del 
philosophe qui ocist sa mere par sa parole), dont le premier. 
est emprunté à l'Anticlaudianus d'Alain de Lille : 


‘4 


A Sarnr Erxoz dehors la vile, 5 
Une abeïe de noirs moines 


Son fiz qui après tint le regne* 

Giest devant MEz EN LOHORRAINE, AN 
À Sair Erxoz en bel esgart 

E sa mere aussi Hydegart.. 

Dont li moine de Saint Denis 

En France des os Loeys 

Voudrent donner lor .n. pois d’or 

E plus, mès nes ont pas oncor ?. 


De même qu'il avait lu la légende de « saint Brendan » 
dans la bibliothèque de Saint-Arnoul de Metz, il avait, 
s’il faut l’en croire, mis la main sur celle de « Seth au 
paradis terrestre », qu'il a insérée au chapitre m1 de sa 
Deuxième partie, dns une église HE de Mont 
Sion, près d’Acre en Syrie? : 


… Fors uns dont je trouvai la Vie 
En la cité d'AGRE EN SURYE 

En un livre qui le devise 

Que je trovai en une eclise 
D’ancienne religion ' 
Qui apent a Monre Sxow, 
Mere Eclise en Jerusalem #. 


* Louis le Débonnaire. 


. Bibl. nat., fr. 25343, fol. 14. 
2. Ib., fol. 15 vw. 
3. La légende de Seth était bien connue au moyen âge. Voir 
Romania, XV, p. 320. 
4. Ib., fol. 48. 


o Jest in rs idole qu'il parle de certaines 
€ a oses, que le premier rédacteur avait mentionnées par 


mière Hédaction dit qu'on voit à Naples certaines reliques 


de Virgile : de 


_ 5517 Ce dient cil qu’en sont venu. 


Et il répète, quelques vers plus loin, les mêmes expres- 
sions à propos de la Sicile. — Or l’auteur de la seconde 


rédaction était personnellement monté, en touriste, au -. TS 

- sommet de l'Etna. Aucun doute ne peut subsister sur 4 
| ce point après avoir lu sa description, certainement di- F L 
perce et d’ apres, nature : “à 

x sr à 

4 En Sezise est .]. mont mout granz, = 1 


\ Touz jorz comme chaus fors® fumans ; SEA 
D: D'iluec a .IT. lieues près és 
D Un autre en mer qui fame adès ?. 


) 
AT (TETE 
Mr 


se 
À Je, qui cest livre fis ici, | 
E. Celes .IL. monteignes je vi 
D - - Et montai en son° la plus grans 
#4 Pour veiïr ce qu'’ist de leans4 
R s La bouche vi de la fumée 


Qu’adès fume sanz reposée. 
Li feu qui de leains issoit N. 
4 Tantost en nue se muoit ; | PER 
h.. _ N'avoit nule male puor. HS 
: ‘ U feu ting ma main nuement : 

. 1 Suer la me fist doucement. 

me Quant plus haut pernoie a crier 

- Plus veoie le feu troubler. 


Grans esté fu; si oi grant soif; . TEA RS 

+ Si bui de l’engelée noif*. CE 

É+. Les pierres qui sunt en cel mont ae : 

+ _ Si comme escume de fer sunt. ee 
a. : ÿ 

. «four. — toujours. — ‘ au sommet. — ce qui sort de “7 708 


là. — © Je bus de la neige gelée, 


58 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 
4 

La terre qu’entor est esparse 
Est aussi com bruslée et arse. 
Au descendre oï le tonnierre 
Plus bas de moi desouz mon erre 
Pour la nue en quoi il tonoit 
Qui plus basse de moi estoit. 
Quant a vile fui revenus 
Des gens fui pour musart tenus 
De ce que gi osai monter, 
Quer molt fet cis lieus a douter. 
Maintes choses dire en oï 
Dont le voir et le faus 1 vi. 
Moxcïge apelon cel mont ; 
On dit c’est li plus haut du mont, 
Mès au veoer ne semble pas 
Si haut comme il est de maint pas. 
Par mesure son haut prouvai; 
Molt est plus haut que ne cuidai. 
Cel mont puet on bien regarder 
De .IT. cenz lieues loing en mer. 


La seconde rédaction n'est pas datée. — Laisser enten- 
dre, comme on le fait souvent ?, qu’elle est toute entière 


a, Car ce lieu est très redoutable. 


1. Ce passage est cité ici d’après l'édition qu’en a donnée 
P. Meyer dans sa notice d’un nouveau ms. de l'Image, qui est 
à Gonville and Caius College, Cambridge (Romania, XXXVI, 
p. 19). Cf. Bibl. nat., fr. 25343, fol. 59. —C. Fant (0. c.; p. 


34) commet un véritable contre-sens en disant qu’il ne faut pas | 


prendre au pied de la lettre les affirmations « tout-à-fait fan- 
tastiques » (p.33) du romancier au sujet de son voyage en Sicile: 

« C’est uniquement pour donner plus de poids à son récit, pour 
le rendre plus authentique et plus frappant, que l’auteur dit 
avoir visité en personne ces contrées... » 

2. « Nous avons deux rédactions de l’?mage du Monde, l'une 
datée de 1246 (n. st.), l’autre de 1248. » (Romania, 1892, p: 
482). Of. ib., p. 505, et Bulletin de la Société des Anciens tetes 
français, XXXV (1909), p. 46. 


En 1x jorz de nie ieit 
Mil .CC. anz XL et VII. 


Car ce que l’auteur de l'Image déclare ainsi avoir 
« : parfait » le 9 mars 1247, ce n’est pas sa seconde rédac- 
ns 5 ce n'en est que le fragment sur les Voyages de saint 
_ Brendan, assurément rimé à part. Ce fragment, il a été 
5 LU dans la refonte du poème cosmogonique à une 
> que nous n'avons aucun moyen de déterminer. 


À IL. L'existence d’une troisième rédaction a été récem- 
ES" révélée ?. On n'en a rencontré jusqu'à présent 
qu'un seul exemplaire: dans le ms. Harleyen 4333 du 
Musée britannique 
(Ce-manuscrit de l'Image du Monde se distingue de 
tous les autres (environ 70) surtout parce qu’il contient 
un pose très étendu, qui n’est nulle part ailleurs. 
L'auteur de ce prélogue déclare expressément que la 
sée de composer l’Image du Monde lui vint à l'esprit 
I 246 : 
Le” En l’an de l’Incarnation 
Jhesu nostre redemption 
Mil e. CC. quarante sis ÿ 
Fui d’un livre faire pensis 
De tote l’ymage del monde. 


ce 


on ajoute que cet ouvrage a vu le jour « premiers » 


Et l’on constate par là que l’auteur, sitôt sa première édition 
ée (6j Janvier 1247); se remit aussitôt au travail, puisqu'il 
a deux mois après (9 mars) un morceau destiné à l'édition 
bg ue. 

4 2. Par M. P. Meyer, dans la Romania, XXI (1892), p. 481. 
- 3. On voit que cette date capitale est parfaitement assurée 


PALIER Jn HET Aa NE 
EL TOP 2 du Li 
€ 2 TT dl IE drar re .., . 14 4 


+ 


60 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN ÂGE 
(c'est-à-dire une première fois) — et, si j'entends bien le 
v. 636, prématurément — grâce au comte Robert d'Ar- 
tois, frère de saint Louis, celui qui fut tué à la bataille M 
de Mansourah le 8 février 1250. « Entendez à ce livre, 
dit-il, si vous voulez apprendre des choses qui n’ontjamais … 
été mises encore de latin en roman. » Et il continue: 
636  Mès ne sui pas si toz senez{ 

Ce? ne fust ,r. sols hom gentils, 

Fils de roi prodom et sutils, 

Freres au roi Loys bE FRANCE 

Qui conquist lo Fer et la Lance, 

La Corone Deu et la Croix 4, 

C’est hi contes Rogers p’Arroïs. 

À celui lo dona * premiers. 


Ensuite, il tira de son œuvre une seconde mouture 
pour Jacques, évêque de Metz, frère de Mathieu IE, duc 
de Lorraine, son évêque et son seigneur. 

645 Et après fis lo second mez è 
A l’avesque Jake pe Mez, 
Frere lo duc de Loheregne, 
Mon evesque et signor demeine 5. 


Et il en tira, plus tard encore, une troisième, puisque | 
le texte du manuscrit de Harley, abstraction faite de l'ad= 


a Les reliques de la Passion, envoyées de Constantinople à 


Louis IX en 1241. 


1. Sic dans l’édition (et sans doute dans le ms.). Maïs cela 


n’a pas de sens. Lire, très probablement : « Mès ne fust pas St 


tot finez ». 
2. Lire : « Se... » 
3. — donai, donnai. Forme de la première personne en ‘dia- 


lecte lorrain. | 

4. Jacques occupa le siège de Metz entre janvier 1239 et le 
24 octobre 1260, 

5. Au moyen âge, dédier successivement le même ouvrage à 
plusieurs patrons n'avait rien d’extraordinaire. On a vu plus 
haut le cas de la double dédicace de Philippe de Thaon à deux 


r trait à aucun autre. Ce texte diffère assez peu, pour- 


upprimant quelques digressions, en vérité trop amples, 
le Ja seconde AE comme la légende de Seth. Le 


| être par inadvertance. 

- Le manuscrit de Harley se termine par l’explicit de la 
: bonds rédaction, à laquelle on a collé brutalement 
- celui de la première. Cela est bizarre, mais non pas 
- particulier à ce manuscrit : plusieurs exemplaires de la 
* seconde rédaction sont dans le même cas‘, ce qui s'ex- 
À _plique, peut-être, par le fait que l’explicit daté de la pre- 
- mière rédaction était si connu qu il était considéré 


cet les lecteurs pour l'identification de l'ouvrage. 


| Maintenant, les conclusions correctes se dégagent, 
. semble-t-il, d’elles-mêmes ?. 

- reines d'Angleterre. Comparer le cas de Robert de Blois (La 
E. vie en France au moe âge... p. 199). 

” Notons ici qu’un des plus ere morceaux additionnels de la 
4 onde rédaction est une déclamation contre « cels qui mal- 
“_ vesement usent les biens de Sainte Eglise » (Bibl. nat., fr. 25343, 


pue s'adresser à son évêque fût une. raison suffisante pour 
s'abstenir de vitupérer les évêques : | 
Quant li abes ou li evesques 
Voit qu’il a rente bone et grant 
Tantost pense a fere boubant.. 
_ 1. Romania, XXXVI, p. 521, note 2. 
.._ 2. Chose curieuse, celles de ces conclusions qui sont depuis 
… longtemps certaines n’ont pas encore pénétré dans les ouvrages 
“ généraux, destinés à présenter l’état de la science. Voir H. Su- 
Mn chier, Geschichte der franzôsischen Litteratur (Leipzig, 1900) qui 
4 (p- 216) exprime un doute au sujet de l'identité de l’auteur et 
: du remanieur de l’Image. 


, dition 6 ce prologue si intéressant, ne ressemble trait 


3 comme un des signes les plus certains par les copistes 


4 fol. 22). Le bon clerc, diocésain de Jacques de Metz, n’a pas jugé 


HE: 


%. 


62 LA dorasant DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


On comprend mal aujourd’ hui que Victor Le Clerc et. 4 
C. Fant aient cru devoir distinguer l’auteur de la pre- 
mière rédaction du remanieur qui a composé la seconde 


— tous deux lorrains, tous deux messins, et qui par- « 


laient tous deux exactement la même langue, comme 
C. Fant l’a ingénüment reconnu‘. Le critique français 
et le critique suédois n’ont fait valoir à l'appui de leur 
thèse que des raisons d'ordre sentimental, d’ailleurs 
contradictoires. « Les additions [du remanieur] nous 
paraissent en général inférieures pour le style et pour 
la rime », dit Victor Le Clerc. C. Fant estime au con- 
traire que l’auteur primitif avait beaucoup moins de 
talent que son remanieur: « Pas un reflet de poésie 
dans la forme originale de l’Image; dans la seconde 
rédaction, on découvre un poëte » (p. 22)?. Amusant 
exemple de la subjectivité des appréciations littéraires de 
ce genre. 1 

En réalité l’auteur de l'Image du Monde, qui conçut . 
l'idée de cette composition en 12/6, a terminé la première 
rédaction de son ouvrage le 6 janvier 1247 (v. st.), — 
c’est-à-dire 1248 s’il comptait, quoique lorrain, d’après 
le style de France, — pour le comte Robert d'Artois. 
Il paraît très possible qu'il ait accompagné ensuite ce 
comte, son protecteur, en Orient ; et de là, dans la 


seconde rédaction, refondue d’un bout à l’autre, qu'il 


prépara ultérieurement pour l’évêque Jacques de Metz, 


: 


1. « On aurait un excellent criterium pour résoudre la ques- 
tion [de la non-identité des auteurs de la première et de la seconde 
rédaction] dans la langue, si celle-ci offrait quelques dissem- 
blances entre les parties anciennes et nouvelles du poème. Mais 
il n’y en a pas. Le langage est exactement le même partout... » 
(GC. Fant, 0. c., p. 39). 

2. Cf. 1b., p. 38 : « Tandis que l’élan poétique faisait com- 
plètement défaut au premier auteur, son successeur n’est pas 
dépourvu du sentiment de la poésie. » 


ces 


“traces si marquées de son passage en Syrie et en Sicile. 
üen, en eflet, n "empêche de croire que la seconde 
rédaction soit postérieure à la croisade d'Égypte. 
La troisième rédaction, celle du ms. de Harley, est pos- 
térieure aux deux autres, puisqu'elle les mentionne, mais 
il n’y a aucun moyen d’en déterminer la date. 


Nulle part le rimeur, auteur commun des trois rédac- 
tions, ne s’est nommé. Néanmoins, on l'appelle couram- 
- ment, de nos jours, Gautier de Metz. Et, parmi les ou- 
- vrages modernes où l'on s’obstine à à distinguer l'auteur 
- et le remanieur, plusieurs désignent le premier sous le 
. nom de Gossuin, le second sous celui de Gautier‘. On 
» a aussi fait valoir les droits prétendus d’un certain Omont, 
» d’autres encore ?. — Sur quoi toutes ces attributions 
» reposent-elles? Et quelle en est la valeur ? 
La plupart des critiques se sont prononcés sur ce point 
avec décision, mais sans motifs sérieux. — Le président 
. Claude Fauchet croyait à Omont parce qu il avait vu un 
manuscrit (Bibl. nat., fr. 24428) où l'Image du Monde est 
_ suivie d'un « Volüéraire » où l’auteur (dont la langue 
bn'a rien de commun avec celle de l'Image), se nomme, 
en son explicit, « Omons li clers » *. — Du Cange a 
» cru à Gautier, parce qu'il avait en sa possession un ma- 
. nuscrit de la seconde rédaction où il y avait une rubri- 
-que ainsi conçue : Che sont les materes qui sont contenues 
men cest livre qui est apellés le Mapemonde. Si le fist maistre 
2 | Gautiers de Mies en Lorraine, uns trés boins phillosophes. 
— Victor Le Clerc a hésité un moment, parce qu’il 


Er: G. Grôber, Grundriss der romanischen Philologie, , 1,p.757- 
… 2. Héron de Villefosse, dans la Bibliothèque de l'École des 
4 Chartes, 2e série, V (1849), p. 246; Histoire littéraire, XXIL, 
… p- 299; etc. 

Æ 3. Erreur surabondamment réfutée par C. Fant, 0. e., p. 45 
. et suiv. 


: 4 


PSE ir Satin EN RP SR TES Res 


iice ou 2 MONDE F0 


64 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


connaissait plusieurs exemplaires dont les rubricateurs | 


ont indiqué en toutes lettres, sous diverses formes, le 


nom de Gossuin'; mais ce nom de Gossuin (dont il a 


donné une explication absurde?) ne lui était pas 
familier, quoique qu’il ait été porté au xm° siècle, par- 


ticulièrement en Lorraine ; il a préféré s’en tenir à l'opi- : 


nion de Du Cange. Le manuscrit de Du Cange passait, 
à la vérité, pour perdu ; mais peu importait : « Il nya 
point de raison pour nier que Gautier ait été le nom de 


de l’auteur ».— M. Paul Meyer, ayant retrouvé, de nos k 


jours, l’exemplaire de Du Cange dans la bibliothèque de 
sir Thomas Phillipps à Cheltenham *, s’est prononcé 
presque dans les mêmes termes : « Ce rubricateur a le 
grand mérite de nous avoir conservé le nom de l’auteur, 
Gautier de Metz. Il n’y a aucune raison de révoquer en 
doute cette assertion, quoiqu'elle s'appuie uniquement sur 
le manuscrit Du Cange-Phillipps… ». . 

Il est bien certain, pourtant, que le fait accidentel 
d’avoir appartenu à Du Cange, et d’avoir été ensuite perdu, 
puis retrouvé, ne confère pas au manuscrit de Chelten- 
ham une autorité invincible. C’est un des 70 manuscrits 


1. Bibl. nat., ms. fr. 574 (Gi commencent li chapitre du roumanz 
mestre Gossouin.… ; cf. l’Inv. général des livres ayant appartenu à 
Jean de France, duc de Berry [dans L. Delisle, Recherches sur la Li 
brairie de Charles V], n. 141); fr. 25344 (Romanz maistre Gos- 


souin); Bibl. de Bruxelles, ms. 9822 (Cy commencent les chapitres w 


dou roumant maistre Gosson..….). Ces mss. sont des exemplaires de 
la rédaction en prose. — Victor Le Clerc avait vu, en outre, un ms. 
en vers « qui nous a été communiqué à Paris, mais qui ne s’y trouve 


plus » (Histoire littéraire, XXII, p. 327); il était précédé de cette 1 


rubrique : Ci commencent li chapitre du romanz maistre GoSoyn.… 


2. Il a émis (p. 299) l'hypothèse que Gossuin pourrait être une à 


déformation du surnom de l’encyclopédiste Honoré ÉPNS 
nensis, qu’il appelle, bien entendu, Honoré d’Autun. 

3. Notices et Extraits des Manuscrits, XXXIV, 1, p. 174. Le ms. 
est encore aujourd’hui à Cheltenham (n. 3655). 


à Quatre autres nées donnent ou donnaient, dans 
les s mêmes conditions, le nom de Gossuin. Il RE donc 


instinctif, pour un rubricateur placé en présence d’un 
pouct comme il y en a eu sans doute, où l’on lisait : 


… l'abréviation G. par « Gautier », l’un des noms les plus 
répandus au moyen âge; et il est évident qu'uneexplication 
_ du même genre. stat hautement invraisemblable dans 
tous les cas où le rubricateur a écrit « Gossouin », car ce 
nom, infiniment moins usité, n'est pas de ceux qui 


_L'Image du Monde a eu un succès immense. 

_ L'ouvrage de Gossuin, sous sa première forme — 
, dédiée à un fils de France, fut, assez naturellement, 
<  épandne que l'édition messine — a été « desrimé » 
à la fin du xxr° siècle ou au commencement du xrv° : 
> là, la rédaction en prose, dont il y avait un magnifi- 
e éxeniplaire, ayant appartenu à Guillaume Flotte, 


 r. Ces considérations ont été entrevues, mais entrevues seu- 
le ment, par C. Fant (O. c., p. 54). 
= La raison du flottement des meilleurs critiques sur ce point 
d’ailleurs facile à saisir : tous les mss. qui nomment « maistre 
ssouin » l’appellent ainsi tout court ; le ms. Du Cange-Phillipps 
dit: « Gautier de Mies ». Comme « de Metz » est exact, on a été 
subconsciemment invité à croire que « Gautier » l'était aussi. Voir 
de “Notices et Extraits, 1. c.: « I n’ y à aucune raison de révoquer en 
oute cette assertion, bien qu’elle s’appuie uniquement sur le ms. 
à Cange-Phillipps, car il y a dans le poème maints passages qui 
oriduisent à attribuer une origine lorraine, ou plus spéciale- 
ment messine, à l’auteur. » 


| Loin venir naturellement à l'esprit en pareil cas‘. 


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66. LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MO' EN ABS" x 
seigneur de Revel, chancelier de France, dans 1 bible 4 
thèque de Jean, duc de Berry (Bibl. nat., fr. 574). Ia 
été traduit en hébreu ! (et en judèo-allemand}, 68 anglais?, 
et plusieurs fois imprimé au xv° siècle. En 19517 un 
nommé François Buffereau, de Vendôme, serviteur de … 
- la famille de Gingins, publia à Genève un Mirouer du 
Monde dont il s’attribua froidement la composition : « 
ce n’est autre chose que le livre du clerc messin, dont 
le plagiaire s’est contenté de rajeunir la langue*.— Bret « 
l'Image du Monde a été lue pendant près de trois cents … 
ans par les laïcs intelligents, curieux de la philosophie 
naturelle. e Fe 
La vogue de l’Image s’est traduite encore d’une autre 
façon : on l’a beaucoup imitée ; la plupart des émules de 
Gossuin ont eu ses écrits sous les yeux. Que Brunet Latin 
l'ait lue ou non pour son Trésor*, Matfre Ermengau, de 
Béziers, s’en est inspiré pour nourrir son Breviari d’Amor, 
qui est daté de 1288. Il a été signalé depuis longtemps 
que la partie astronomique du poëme lorrain fut démar- 
quée au xrv* siècle « dans la seconde rédaction du Renard 
Contrefait » *, celle qui date au plus tôt de 1342°. On : 
n’a pas signalé encore, mais on verra plus loin jusqu’à 
quel point elle a été utilisée dans le Roman de Sidrach 
et dans les deux rédactions de Placides et Timeo. L 


Les sources latines de ce livre si considérable à tant 
 d’égards ont été étudiées dans une dissertation spé- : 


1. Par un juif anglais? Voir A. Neubauer, dans la Romania, « 
V, pp. 129-139, et dans l'Histoire littéraire, XX VII, p.5o2(sons / 
la signature d’E. Renan). 

2. Histoire littéraire, XXIII, p. 332; et A. Neubauer, L. ç. 

3. Ib., p. 330. 

4. L. Éoanabt Benedetto, 1! Roman de la Rose e la letteratura 
italiana (Halle a. S., 1910), p. 98. Cf. plus loin, p. 333. 

5. Histoire littéraire, XXII, p. 332. 

6. D’après G. Raynaud dans la Romania, 1908, p. 279. 


À qui en, bone es, médiocre !. J'ai déjà 
VPoccasion d'indiquer les principales : l'Hago Mundi 
u reclus allemand Honorius, vaste Encyclopédie élémen- 
taire, faite elle-même d'emprunts à des ouvrages anté- 
rieurs ? ; Jacques de Vitri, qui, quoiqu'il ait passé une 
partie Fe sa vie en Orient, a surtout entassé, lui aussi, 
des renseignements livresques *; 3; lAnticlaudianus d'Alain 
_ de Lille. Il y. aurait à préciser davantage, en procédant à 
24 _ des comparaisons minutieuses. C’est ce qe fera sans 
_ doute le futur éditeur de l'Image, s'il s’en trouve. 

- J'observerai seulement, en terminant , que les traductions 
E _ plus ou moins abrégées ou paraphrhsées de Gossuin sont, 

en général, estimables. Elles sont d’un homme sensé, et 


… qui n'était pas sans talent. L’auteur de l’?mage, dégourdi 


= par ses lectures et ses voyages, s’intéressait personnelle- 
… ment à bien des choses”; s'il ne faut peut-être pas le 
= 1. Fr. Fritsche, Untersuchung über die Quellen der Image du 
Ti des Walther von Metz (Halle, 1880). 
=. 2. J.-A. Andres, 0. c., p. 4{5ets. 
à 3. Jacques de Vitri, Hist. Hier., ch. gr: « Hec predicta 
- partim ex historiis Osenfilinin et Mappa mundi, partim ex 
- scriptis beati Augustini et Isidori, ex libris etiam Pit et So- 
ini, preter historie seriem, présents operi adjunximus. » I 
paraît certain que le clerc de Metz n’a connu plusieurs des auteurs 
qu'il cite, et, par exemple, Isidore de Séville, que par l'inter- 
_médiaire de Jacques de Vitri. 
4. Il ne s’en est point trouvé jusqu'ici, à cause du très grand 
— nombre des mss. à collationner, quoique la publication de ce 
| texte ait été positivement annoncée dès 1841 (Th. le 
- Popular treatises on Science, written during the middle ages. 


ne) 
te n'a été publié de nos jours que des fragments de l'Image 
près tel ou tel manuscrit. On a eu l'occasion de les citer pres- 
: has dans cette notice. Voir aussi Cahier et Martin, Mélanges 
d'archéologie, III (1853), p. 224 [v. 2232 et s.]. 
lu 5. Entre autres, et tout particulièrement, à la fabrication des 
… poteries (pp. 90, 95). 


croire sur AE lorsqu” il prétend avoir atèdié RE 
même la hauteur de l’Etna (p. 58), et vérifié les calculs 
de l’Almageste CP. 109), il est déjà à son honneur qu'il 
ait eu l’idée de s’en vanter. Il était, pourtant, fort ami 
des fables; et, de plus, très capable de commettre des er- 
reurs matérielles. On lit dans la première rédaction, au 
sujet des montagnes de la terre, vues du haut du ciel : 


1785 Si sembleroient tout de voir 
Enver la terre autant valoir 
Com il feroit d’un cheviel d’ome 
Sor un doit ou sor une pome,  - 


Le reclus Honorius (1mago Mundi, I, 5) avait écrit : 


! 
Si enim quis in aere positus terram desuper inspiceret, tota 


enormitas montium et concavitas vallium minus in ea RP Set 
quam digitus alicujus si pilam pregrandem in manu teneret{.. 


Pour l'analyse qui suit, je me suis servi de l’un des 
meilleurs manuscrits de la première rédaction (Bibl. nat., 
fr. 1548)?; et, pour les comparaisons (en note) entre 
l'original et le remaniement, d’un assez bon manuscrit 
de la seconde (Bibl. nat., fr. 25343). 


1. Confusion de pila (ballon) et de pilus (cheveu). Victor Le 
Clerc, qui cite ces passages parallèles (p. 307), n’a pas constaté 


l'erreur. 


2. Voir la classification des mss. de la première rédaction par 


GC. Fant (O. e., p. 56-72). E.-D. Grand a commencé la publi- 


cation d’un autre travail sur ce sujet (dans la Revue des langues 


romanes, 1. c.), où il annonçait intention d’ « appliquer l’étude 
des transformations des miniatures au classement des manus- 
crits, en leur donnant la même importance qu'aux fautes de 


texte ». 


| L'IMAGE DU MONDE 


m— 


Autant ot devant com dr 


Car, par définition, il ne > peut « « valoir 1 mieux » ; 


a commencement. 
Pourquoi donc a-t-il fait le monde Par « cha- 
 rité », et pour que son pouvoir et sa sagesse fussent 
… manifestés. Il forma l’homme à sa ressemblance 
r le combler de ses bienfaits. I lui a permis, 


Jaïcs D ieni en état de fre de telles questions, alors que tant 
de e clercs, haut tondus, se laissent vivre comme des brutes. — Le 
ducteur hébreu manifeste des sentiments du même ee 


I ëde-til Îles habitations de Patelliguec, alors que le fils de TS 
nitcesé est assis silencieux ?... » (Hist. litt., XX VIT, p. 503.) se 


* 


70 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


de travers, car la récompense est : si belle de ceux qi 4 


| dédeipuent de plaire au monde. f 


« 


Avant d’exposer « la forme k monde », on va . 
parler des Sept Arts, car c’est grâce à eux que l'hos "4 
a l'intelligence de Hire: | | 
_ Les anciens sages, s'étant posé % question: 
« Comment le monde est-il fait? », observèrent le 
firmament : : 

Fol. 5 vo Ne penserent pas comme bestes £ 
Qui ne quierent fors la pasture, 7 
Si comme or font cil qui n’ont cure 
Fors de vivre comme pourcel 


Et couchier a aise lor pel * ; 
Aïnz veillierent par ntE nuit... 


Ils observèrent les étoiles, le soleil, la lune; leurs 


pensées, dirigées vers la découverte des « hauts se- A 


crets » de la nature, les garantissaient des bassesses et 
des vices : 


Fol. 6 vo N'orent de nul autre avoir cure 
Fors d’aprendre science pure.” 


Ils vivaient en ermites et se réunissaient de toripés 4 
en temps pour comparer les données qu'ils avaient … 
recueillies ; le plus habile était élu pour « mestre » 4 


“ét chacun écrivait les conclusions sous sa dictée, pour M 


la postérité. ” A 
Plus de deux mille ans s’écoulèrent avant que les 
Sept Arts fussent constitués par cette méthode; ce M 
ne fut pas du temps perdu, car on sut désormais don- 
ner la raison des « cas merveilleux » qui se produi- 4 


leur peau (leur cofps). > 


au dote ou sur Ja térre, et l’on en aima Dieu 


Beaucoup de philosophes périrent alors martyrs de 


naître personnellement ! 


- Fol.7v°  .…. Mult prisa lui et ses diz. 
LR Dist de lui a cuer irascu* 
« Ha ! quel je t’eüsse rendu 
A Dieu, se tu fusses vivant... 1 » 


C’est à ces hommes que l’on doit la Science, telle 
l'elle est aujourd’hui. Certes, des progrès seraient 
ncore possibles, mais il faudrait, pour en faire, égaler 
les anciens en désintéressement, et, de nos jours, on 
ne pense qu’à l'argent ; avoir passe avant savoir, et 
- plus l’on a moins l’on vaut, tandis que d’autres, - qui 
. apprendraient volontiers, sont absorbés par le souci 


1 pain quotidien : 


Ad Maronis mausoleum 
Ductus fudit super eum 
Pie rorem lacryme. 

« Quem te », inquit, « reddidissem, 
Si te vivum invenissem, 

Poëtarum maxime! » 


+ auteur, dans sa seconde rédaction, a consacré plus de deux : 
- cents vers nouveaux à la biographie de saint Paul et à ses ee 
…. voyages en Jtalie. + 


‘79 (LA CONNAISSANCE DE LA (NATURE AU MOY x AGE 


Fol. 7 vo : Et maint poyre qui aprendroient 
. Volentiers, se pooir avoient, 
Ni pueent pas ainsi éntendte. 
Pour lor vivre qu’il n’ont ou prendre. 4% 
Ainz lor covient querre.. 
Les riches clercs de nos jours, qui ont les grandes ; 
“bibliothèques, les livres précieux et ornés, n’en re-. 
ess P 
gardent que la « peau » (la couverture). Ils jettent les” 
yeux deux ou trois fois sur les livres nouveaux, s ls. “4 
sont beaux, et n’y pensent plus : 


Fol. 8. Si pensent de lor ventre emplir... 
Et pour ce perissent les Ars. 


> 


À peine étudie-t-on les rudiments de la Grammaire, 
le premier des Arts. On passe ensuite à l'étude des 
lois, des décrétales, de la médecine, préparatoire 
aux professions lucratives. Cela se voit même à Paris, 
où tant de clercs passent pour « maîtres » dont la 
science est légère et l'intention de s’enrichir, comme " 
des courtiers ou des marchands. Tels n’étaientpas ceux 
qui jadis « trouvèrent » la grammaire, la logique, la « 
rhétorique, l’arithmétique, la géométrie, sans oublier 
l'astronomie". i 

. Les invectives contre les riches qui mésusent de ours: ri- 4 
trs et contre ceux qui s’absorbent dans la chasse à l'argent 
sont très longuement développées dans la seconde rédaction 4 
(Bibl. nat., fr. 25343, fol. 23). L'auteur en veut surtout aux 
« papelarts », qui font les petits saints me avoir des rentes : 


Megre et pales font lor vieres * 

Et geünent et vestent heres 

Aïnsi qu ‘autre s'en aperçoivent.….. 

Tant qu'’avoir puissent a els trere *” : 


Il y a aussi une pointé, peut-être ad NÉ contre D 


“visages. — “attirer. 


hs autres. Mais qui les apprend comme il faut ? 
L'auteur ne peut se lasser de vitupérer les faux savants 
- de son temps. Ceux qui se moquent aujourd’hui de 
+ la science et des savants iront, du reste, « gaber » 
-(blaguer) et « mesdire » un jour en enfer. 

_ Ce qui subsiste de « clergie » dans le monde se 
= trouve maintenant à Paris, l’Athènes moderne. C'est 
à Athènes, soit dit en passant, que les anciens phi- 
 losophes « ordonnèrent » la société en trois « ma- 
 nières de gens » : clercs, chevaliers, laboureurs. Ces 
trois ordres ne seront jamais confondus ; à chacun sa 


Chevalerie ensuit clergie 
Partout ou plus est avancie.…. 


ii impose des devoirs. Le passage suivant, qui n’a 
“À encore été cité, prend toute sa valeur lorsqu' on 


Mès puis qu’ensi est que _clergie 
Est en France plus avancie, 

Par reson savoir en devroient 

Li hoir de France, s’il daignoïent ; 


« drois vilains naïs », qui parce qu'il est allé au loin, à Rome 
u à re ‘abuse de ce quil se fait écouter en racon- 


7h LA GONNAISSANCE DE LA NATURE AU 
Car aussi comme li solaux * 
Des estoiles est li plus biaux.…. 
Ausi doit li rois miex valoir 
Des autres genz et plus savoir. on 
Si seroit bien droiz et resons HET CE 
Qu'il meïssent lor enfançons 
En aprendre tele clergie 
Qu'il ne perdissent seignourie 
Après ceste vie volage, 
Car par nature et par Les 

… Doivent il tuit amer clergie… 


Les rois de France ont, en effet, de qui tenir 
comme successeurs de Charemagns qui « ne assez. 


à leur pays l RDA scientifique, car 


Se clergie s’en aloit FES É 
Chevalerie la suirroit **2. ï 


* le soleil. — ** suivrait. 


. Ce passage est légèrement modifié dans la PE Pers 
Le destinée à l’évêque de Metz, et suivi par une longue apos 
logie de Charlemagne et de Lois té | considérés 
comme héros locaux de la région messine. 
2. Il est intéressant de comparer. ce morceau à la Not 
seculi, écrite en 1288 par un franciscain. allemand (sur 
l’auteur, voir W. Schraub, Jordan von Osnabrüek und Alexander 
von Roës. Heidelberg, 1910) qui était très gallophobe. La seule 
qualité éminente des Français, selon cet auteur, ést l'amour | 
la science (amor sciendi) ; c’est une nation de clercs (in Gallia 
regnat clerus.…..) ; à ce régime, et à l'exemple de leurs rois. 
vivent comme des prélats séculiers, ils ont perdu les vertus 
militaires (Jam mollescit et deficit milicia apud Francigenas _quia 
reges ipsorum, posiposilo exercilio militari et regali, sub guadam 
devocionis specie vitam ducunt episcoporum vel abbatum.….). 
texte de la Noticia seculi a été publié” dans les re 
Instituts für œsterreichische Geschichtsforschung, XIX LES 
p: 667. : 


_ sont FRE récemment pour restaurer les études. 
s « retiennent or la flour de clergie ». Moines, ils 


= omes qui vivaient à la façon de ermites. L'auteur 
est un ami déclaré des Ordres Mendiants : 


Fol.gv°  Quar, se ne fust par lor bontez. 
: Je cuit* bien que crestientez 

Fust or malement assaillie 

De mescreance et mal baillie{. 


_ Revenons aux Sept Arts, pour les définir. La 
> Grammaire est le fondement et la porte de la science. 58 
La Logique ou Dialectique fait distinguer le vrai du 524 
faux. La Rhétorique est la source du Droit : ET: 


AT. 
NOTE 


AFS 


L 
LL 


- Fol. 10. De cele sont li Droit estrait A: 
Par coi li jugement sont fait “A 
Qui esgardé sont par raison 8 

En court de roi et de baron. 7 


Qui Retoricque bien sauroït | : 
Il connoistroit et tort et droit. es. 


Fe sc 169 
a LE 


_L’Arithmétique est fort bien placée au milieu de 
la série : elle en est le centre, vu que « sanz nombre 
ule riens n’est »; c’est la science de l'Ordre. La 
éométrie est la science de la Mesure et sert à calcu- 


R 
d 
21 


ES Mn 
LA She PT ERA 
ERP) 


à 


' 


Le 
FA 


Ja marche des astres. La Musique, à qui l’on doit ss 

; 14 
chants de Sainte Église, n’est pas sans analogie 4 
avec la Physique, c’est-à-dire la pre car celle- à 


À L Ce qui concerne les Ordres Mendiants est supprimé dans 
la seconde rédaction. 


ae ; mais la Re (Médecine) . est pas un . 


art « libéral » : rien n’est « libéral » de ce qui con- “4 
cerne la matière. Le septième des arts libéraux, PAs- ‘4 
tronomie, est « la fin de toute clergie », comme? en. 
fut aussi Porigine; elle est connexe à la Divinité M 
(Théologie), car Die est le grand astronome. L’As- 4 
tronomie est la plus noble des sciences ; jadis, les « 
rois, princes et grands seigneurs s’en réservaient Ja 
connaissance. En ce temps-là un serf, un homme de. 
condition inférieure, un vilain, si riche qu'il fût, n'au-" 
rait pas osé apprendre des Sept Arts; c’est même à 
une des raisons pour lesquelles on les «HE «ibé- 
raux »'. — La connaissance de ces arts confère un 
pouvoir invincible ?. FE SN ER ra 4 


‘4. 25343, fol. l’auteur insiste sur esp cmt. 
Er des vilains : 

Quer poi avient que vilains hon. 
Sache a droit entendre reson ; 
Donc il est avenu a mains 
Qui les sens avoient vilains 
Et les rudes entendemenz, 
Quant il i metoient lor tens 
Qu'il en perdoiïent la memoire. AUS sde 
De plusors avient il encore. as 


Cela ne l’empèche pas, d’ailleurs, de déclarer un:peu plus lin: A 


Fol. 18. Autre chose n’est gentillece 
Fors une enviellie richece : 
et de déclamer contre les riches. 

2. Dans la rédaction remaniée, le tableau des Sent Fer est. 
suivi d’une comparaison entre les Sept Arts et les Sept Vertus” 
(Bibl. nat., fr. 25343, fol. 12) que C. Fant (p. 22) admire ne 
quoiqu elle n'ait rien de remarquable. 


ui Es. sous le ciel vit et subsiste. C’ est la hache du 


& qui fait que les choses sont comme elles sont, 
Née du trop ou du manque, et que tout se trans- 
orme. Platon et Aristote, son « clerc », ont défini la 
| Nature : : « la puissance, entrée dans les choses, qui 
- fait naître les apparences ». Dieu l’a établie, et il a 
nné ainsi, de sa toute-puissance, la preuve la plus 
clatante!. 

. De la forme du firmament. — Le monde est rond 
omme une pelote. Le ciel entoure la terre de toutes 
arts comme l’ « eschaille » de l'œuf. C’est un air 
ptil, qui, en latin, s'appelle éther, resplendissant 
et si pur qu'il n roffre pas d’obstacle à la lumière. Les 
anges le traversent lorsqu'ils viennent apporter des 
messages sur la terre ; mais l'œil de l’homme ne 

p ourrait supporter l'éclat qu'ils en ramènent: c’est 
- pourquoi, la plupart du temps, l’on ne voit les anges 


1. On s’explique mal que des critiques modernes aient accusé 
teur de hardiesse, à l’occasion de ce chapitre : « Sa tendance 
exagération, dit M. Fant (p. 13), attribue à la Nature presque 
même force génératrice qu’à Dieu. » Le pauvre homme avait 


ourtant cru bien prendre ses précautions : 


. 


Fol. 11 v°  Damediex fist premiers Nature. 

NE Ensi com Diex veut si oevre. 
Tout ce développement n’est, d’ailleurs, qu’un lieu-commun 
qui fut fort à la mode depuis Alain de Lille. Voir L. Foscolo 
. Benedetto, 0. c., p. 96. 
#4 L'auteur, dans sa seconde rédaction, a développé ce passage, 
une manière que GC. Fant (p. 17) trouve plus claire, et qui 
n’est que plus verbeuse. 


arpentier, entre les mains du grand ouvrier. C’est 


« 


Les quatre is — Les quatre dément 
le feu, l'air, l’eau et la terre ; ils sont emboîtés 
concentriquement: la terre au centre. De même 
dans l’œuf, sous l’écaille, on trouve d'abord le blanc. 
puis le jauneet enfin «une goutte comme de graisse » «à 
Voir la figure”. MS ‘4 
La terre est le plus pesant des quatre éléments à 
on s'explique par là qu’elle soit au centre, où tout 
tombe en vertu de l’attraction : 
Fol. 14. Quer qui pluz poise plus bas tret | e. 
Et qüanque * poise a lui atret. ARTE 
La forme de la terre et du monde. — La terre 
est ronde. S'il n’y avait pas d'obstacles, l'homme 
pourrait en faire le tour, comme une mouche cir- 3 
cule autour d’une pomme. Si le globe était percé 
de part en part, suivant son 2x0 verrait le ciel à … 
travers, mais une pierre, qu'on jetterait par l'ou- È 
verture, s’arrêterait au centre dans sa chute: De loin « 
et d’en haut, les plus hautes montagnes n'apparat- | 
traient sur la surface de la terre que comme des ac- 
cidents insignifiants. < F2 
Le monde est rond aussi. Et Dieu l’a voulu parce 
que c’est la forme la plus parfaite. Les objets ronde È 


* tout ce qui. 


. La figure est annoncée dans le texte; tous les exemplaires 1 
de Re, comme ceux du Bestiaire äe Philippe de CE E 
devaient donc être illustrés. 


A 
+ 


æ _ D 
_. où di: y: a 1e: moins x ice perdue et qui se 
reuvent le plus aisément. Or les diverses parties du 
psmos sont en mouvement perpétuel. É 
Mouvements du ae et des sise —— Un et | 


F5 que, si l’on laissait tomber de là une masse 
sante, elle mettrait plus de cent ans à tomber sur 
11 rotre globe; vue de là, la terre, supposé qu’elle fût 
ente, apparaîtrait comme une très petite étoile. Il 
est donc pas étonnant que nous n’ayons pas con- 
ience, ici-bas, du mouvement de rotation dont le 
rmament est animé. Cependant, nous voyons le so- 
leil se lever et se coucher chaque jour ; il tourne avec Re - 
> ciel: Et & ÊE* 
. 15 vo … Si com li clos* 
. Qui fichiez est en une roie * 
Et tourne quant ele tournoie… 


E _ Ou plutôt, car le soleil a un mouvement propre, 
comparaison de la Done Li se déplace surune 


Qui tuit par une voie vont 
Tout adès devers Orient ; D: 
Et li ciex tourne en Occident, RL 
Si com sa nature le guie…. … 


Puisque la terre est si petite par rapport aux corps 
célestes, il faut attacher beaucoup moïns de prix aux 
biens d ici-bas qu’aux biens éternels. 3 

Le quart de terre, à peine, est habité. Divisons Je 4 
tout en quatre parties, comme une pomme coupée É 
en quatre, dont on étendrait la pelure sur un plan. \ 
Il y ale Midi (là se trouve la cité qui fut le berceau L 
de l’astronomie) et le Septentrion (qui prend son nom » 
des sept planètes). IL y a l’Orient (où est le paradis E 
terrestre) et l'Occident (où le soleil se couche). Voir | 
les figures. : à 1 

La région habitée est elle-même divisée en trois ‘4 
parties. Celle qui est vers l'Orient s'appelle Asie, » 
l’ancien royaume de Mme Aise (d’où son nom), « 
aussi vaste, à elle seule, que les trois autres. La se 
conde est désignée d’après le roï Eutrope. La troi- 
sième, c’est l’Afrique, dont le nom-vient d’Affer (en 
latin : « Apporte! »). ; 

Chacune de ces trois parties embrasse plusieurs | 
contrées. On va les décrire, avec leur faune : 


Fol. 17. De ces .IIL. pars qui sont nommées 
Tient chascune maintes contrées 
Et maintes riches regions 
Dont nous dirons auques les nons, 
Et des bestes les nons d’aucunes 
Qui plus sont ou païs communes. 
Si comme li livres devise 
Dont ceste Mappemonde est prise. 


E a où “s’élève le fameux “he de vie, et dont 
_ Vaccès est interdit par un rideau de flammes. Il y a 
une fontaine qui se divise en quatre fleuves : le 
Phison, fleuve de l’Inde; le Nil, qui environne 
ni thiopie et traverse l'Égypte: ; le Tigre et l’Eu- 
_ phrate, qui sortent des monts d'Arménie. Les ré- 
4 ions autour du paradis sont inhabitables, à cause 
dés bêtes féroces. 

- Après vient l'Inde, qui prend son nom d’un fleuve, 
entourée par la grande mer, avec l’île de Taprobane. 
| Ce pays a deux étés et deux hivers par an, mais si 
| tempérés qu'il y a toujours de la verdure. C’est la 


Ne 


contrée de l’or et des pierres précieuses, dont les 


- un homme armé, défendent les gisements. On y 
Roue des anthropophages : 


Fo. 17 v° En Inde siet .1, moult granz mons.. 
On l’apele Mont Scapien 

Ou il a une gent sanz bien 
K’Alixandres dedans enclot — 

Et sont les genz Got et Margot — 
Qui char d’omme manjuent crue 
Et bestes com gent mescreue. 


= 


M” Tr Voir P. Meyer, « Gog et Magog. », dans Histoire de la 
Rs d'Alexandre, t. XI pee à 386. 


qui n ont que ne ae vont par 
vieillissent en sept ans ; ils habitent dans mi CR 
poivre blanc, qu’on récolte comme il suit : | 


Vers ceux croist li poivres touz Pere 
Mais la vermine i est si granz 

Qu'il i convient le feu bouter 

Pour la vermine fors oster ; s 

Et quant il est brullez ainsi = 
Si le cueïllent crespe et noireï. Fe 


D'autres gens, qu’on appelle brébtihiol se “tuên 
en se jétant dans le feu. D’autres mangent leurs 
vieux parents, pour leur faire honneur. D’autres, qui 
sont vers l'Orient, adorent le Soleil, leur Dieu. 
D’autres, velus, se nourrissent de poissons, sans des. 
cuire, et boivent de l’eau salée. Les bêtes et les 
hommes qui ont six doigts de pied ne sont pas rares. 3 
On voit des hommes à tête de chien, aux ongles ee 
paces, vêtus de peaux de bêtes; des « Giclopiens ». 
plus rapides que le vent, avec un seul pied, dont HA 4 
plante est si large qu’ils s’en servent comme de bou- 
clier et d’ombrelle; des hommes qui n'ont qu'un. 
œil, clair et vermeil, au milieu du Fons des hommes Ô 


triné, un œil à chaque épaule, dont le nez tombe 
dans la bouche, avec des soies sur le museau comme 
sur un dos de Ro Vers le Gange 


Fol. 18. Si ra vers le flueve de Gange 
Une gent courtoise et estrange, 
Et ont droite figure d’omme, 
Qui de l’odeur d’aucune pomme 


Vivent « sanz ae < s’il vont loing, 
+ La pomme lor a tel besoing 
ie Que, se male puor sentoient, 
_  Sanz la pomme tantost morroient. 


Dans l'Inde, il est des serpents qui dévorent des 
s. La bête « centiquore » a des cornes de cerf, la 
oitrine du lion, des pieds de cheval, la gueule ronde 
“ comme l'ouverture d’un tonneau, les yeux rappro- 
. chés, une voix d'homme. Une autre bête existe, qui 
amphibie: corps de cheval, tête de sanglier, 
queue d’éléphant, deux cornes d’une coudée, dont 
une se rabat sur le dos. Il y a des taureaux bancs, TE 
| dont la bouche est fendue d’une oreille à autre, 
. cornes mobiles. La manticore, yeux de chèvre, corps 
… de lion, queue de scorpion, plus légère qu’un oi- 
seau, attire les gens par ses chants pour les dévorer. 
à vit le monosceros : corps de cheval, pieds d’élé- 
mphant, tête de cerf, queue de truie, une corne au 
front; il détruit tout sur son passage, quand il 
arge ; en captivité, il se laisse mourir, mais on ne 
ut l’attraper que par l’appât d’une vierge : la bête 


ile, c’est le tigre; on attire les tigres avec des mi- 
; ils les brisent, mais restent si surpris qu’on s’en £ 
At sans danger. : ER 
Combien d’autres bêtes étranges dans ce pays l 

ecastor, qui se châtre pour échapper aux chasseurs ; ee 
à salamandre, dont la laine est incombustible ; des M à 


césarienne . 


Fol. 19. Et quant s’esveille une odour rent 
Si souëf* de la bouche fors se | 
Que les bestes 1 courent lors... " _ 
Fors le serpens, que bone odour CURE 
Grieve si qu’il en muert souvent. 
f. Cele beste n’a seulement 
- C’une foiz faons, et, quant doit | RE re 
- Faonner, si a tel destroit LL RE HR EE ee 
K’aus ongles ront son ventre lors 7 
Tant que li faon en sont fors. 
Mais jamais puis faons n'auront 
Quant ainsinques desciré * l'ont. 


besoin que de vent pour ‘engendrer. 2 
Les éléphants sont de grandes bêtes ne 4 
que la vue du sang.excite ; ils mangent avec un long de - 
« boel » qu'ils ont sur'la figure. Les peuples de 
l'Inde et de la Perse combattaient autrefois dans des é 
tours, à dos d’éléphant. Ces animaux se saluent 
quand ils se rencontrent. Ils sont de froide nature, ‘il 
et leurs dents d'ivoire ont la propriété d’éteindre les “4 
charbons ardents. Ils vivent trois cents ans et crai: M 
gnent les souris, les couleuvres, la verminé. La 
femelle porte deux ans et « faonne » dans l’eau, car, : 
si les petits tombaient à terre, ils ne pourraient se 
relever : les os des éléphants n'ont pas de jointures. M 
On utilise cette infirmité pour s'emparer d'eux; … 


* suaye. — ** ainsi déchiré. 


et igénères ne réussissent pas à la remettre sur pied 
ce qui arrive quelquefois), elle est perdue. 
ss le Gange on voit des anguilles qui ont trois 


_Ce n’est pas tout : des dragons hideux; le basilic 
dont le regard tue, et qui stérilise tout partout où il 4 
passe; serpents à cornes de mouton ; aspics qui aiment 
… trop la musique, mais qui se bouchent, par prudence, 
» une oreille avec la queue tandis qu'ils s'appliquent | 
l’autre à terre; serpents qui ont des pierres précieuses 28) 
dans la tête ou dans les yeux. : ct 
… A propos de pierres, l’Inde est la patrie de l'ai 
. mant, qui attire le fer, et du diamant que, seul, le 1 
sang de bouc désagrège; de l’émeraude, bonne pour la 


vue ; du saphir, qui fait désenfler ; des topazes, couleur ee 
’or ; du rubis, de l’escarboucle... Toutes ces pierres ES 
| , 


ont des propriétés singulières, 

… Fol. 20., Mais qui savoir veut lor affaire 
: S’aille lire le Lapidaire, 

Qui dist lor nons et lor vertuz. 


Les régions de l'Inde. L'auteur y place, en pre- 
mière ligne, la Perse, où fut découvert l’art de « ne- Re 
gromance » (nécromancie) ; on y trouve une poix 24 
bouillante, dont le niveau monte et décroît suivant 
3 les phases de la lune ; cette poix est très utile aux 
l . nécromanciens. En Mi nbdnbie il y a une très 
| grande ville et la tour de Babel, qui a environ quatre 


_ mille pas de haut. La Chaldée, pays des astronomes. 


Lt ” 
El chief a une creste en son * | 
A la maniere d’un paon. 2 5 REE pu RE 
Piez et gorge li resplendit $ 3 LEP 
À coulor d’or, et enrougist ERA PER 
Comme rose par sus le dos ; 
Et vers la keue est aussi blos * 
Com est li cieux quant il est purs... 


Damas, Antioche, Palestine, Samarie, Sébaste, les 
lieux où furent RE et Gomorrhe, la mer Morte, 


l'Égypte (où il ne pleut jamais)... Au Nord, le pays 
des Amazones, dont les armes sont d'argent. se 4 


femmes extraordinaires : PSE 

Fol. 20 vo Es bois d’Inde autres fames sont * | | * “4 
Qui les barbes si longues ont 
Que jusqu’as mameles s° ’arestent Ê 


Et de piaux de bestes se vestent; = Sn 
Et vivent de bestes sauvages en 
Teles com prennent par boscages. 
Si sont home et fames tuit nu, 

Si comme bestes tuit velu , 

En eau et en terre habitanz, 

Et quant voient les autres genz 

Si se fierent en l’iaue lors 

Si que point ne perent ** defors. 
Autres i a, grans com jaianz *** 
Velu com pors et mugissanz. 
Si sont autres fames par eles Lis, Rs 
S" Blanches come noif+ et moult beles : 

Fors tant ++ qu’eles ont dens de chien... 


. “au sommet. — * bleu. — ** paraissent, — *"" géants, — A 


+neige. — +} excepté. | ; EUR 


#5 grands comme des geais, verts comme 
% ons, avec une queue plus longue que les pies, 
t les ep nobles ont, se cinq doigts et les 


\rménie, montagne où l’arche de Noë a échoué : ; on 
| y voit er les pièces de charpente dont elle était 
aite. x : z 
; En Asie Mineure est la Dardanie, « la ou Paris 
vi Helaine ». Il y a des fleuves qui roulent des pail- 
es d’or. On voit, vers l'Est, une tribu, qui des- 
cend des Juifs : sales gens, et vils; ils n’ont ni 
. épouse ni amie, car ils sont persuadés que la femme 
“n’est pas faite pour être monogame. L’auteur polé- 
nique ensuite contre les « chrétiens corrompus » qu’il 
pelle « Jacobins » : ils ne se confessent qu’à Dieu. 
ol. 21. Quant il se confessent a Dieu 
Près d’aux metent encens et feu 
Et cuident par cele fumée 
S'en aille vers Dieu la pensée ; 
Mès il n'est pas si com il croient. 


à n’ont pas compris le baptême de saint Jean-Bap- 
e, dont ils se réclament. 

D’autres chrétiens de ces parties sont très redoutés 
- des Sarrasins qui les entourent. Ce sont les Géor- - 
8 siens ou chrétiens de saint Georges (leur cri de 
rre est : « Saint Georges ! »). Ils se font tous ra- Er 
r la tête, les clercs en rond, les laïcs en carré. Les 


88 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MO 


Sarrasins se gardent de les molester quand 
adorer le Saint Sépulcre. Les dames de leur Pi 
combattent les mécréants comme des hommes 
Leurs mœurs et leur langage sont ceux des Grecs: 


Fol. 21 vo Touz lor langages et lor lois Mer 
Sont a maniere de Griioiïs, . RE DR 


: 


L'auteur, malgré ces digressions”, continue ‘infati 
gablement à passer en revue les merveilles de l'Inde 
Le chapitre des poissons est court, quoïqu’ ‘il LA fasse 
figurer le dauphin, la baleine et la sirène, qui ne 
peut-être pas-un poisson : | 


Li .[. dient ce sont poisson, 
Li autre les voelent clamer 
Oisiaux qui volent par la mer. 


Mais il s'étend en parlant des arbres. Re a 
rants, qui portent des dattes ; arbres dont les feuilles 
ont “tal pieds de long sur un de large. Pommes | 
d'Adam. Fruits plaisants à la vue, mais pleins de. 
cendre." Vignes dont une grappe est la charge d'un 
homme. Arbrisseaux à coton, cannes à sucre. Baume, 3 
que les chrétiens seuls, même dans le pays des Sar- É 
rasins, cultivent et peuvent cultiver ; les Sarrasins le 
reconnaissent : ce 
Fol. 22. Dont li Sarrazin dient bien, 

Qui souvent le font esprouver, | 
Que, quant il le font cultiver ct 


As autres gens qu’as crestiens 
Si ne puet cel [li basmes] an porter rien. 


. Elles sont très raisonnablement rejetées, dans la seconde | 
l'A 2 à la fin du Tableau des Merveilles de Fledes 1 


charbon de certain bois demeure ns en sa PRE 
-un an entier. Clous de girofle, noix muscades, cu- 
; écorce de cannelle ; racines de garingal et de 
ngembre… ; c’est le pays aux épices. Nue grosses 
mme des têtes d'homme... 

L'Europe peut être expédiée vite, car on en entend 


réduit en effet à une enfilade de noms propres. 


n'est pas décrite plus en détail ; il est enseigné pour- 
tant qu’il y fait très chaud et qu'on y trouve des 
ègres, des bêtes fauves et de la vermine. 

Les îles sont plus intéressantes. L'auteur sait qu'il 
en a beaucoup du côté de l'Asie Mineure : la Col- 
chide, où Jason alla chercher la toison d’or; celle où 
naquit saint Denis; Delos, la première terre qui 
pparut après le déluge; Paros, pays du marbre 
Banc: Samos, d'où fut le Sibylle qui prophétisa de 
. Jésus-Christ NÉE avant sa naissance ; Sicile, 


1 Non seulement, sur les 26 vers consacrés à Afrique, il y 


_ non plus à cette partie du monde : 
. Grece, Romanie, Touscaingne, 
- s Gascoïingne, Lombardie, Espaigne. 


À cela dans tous les mss., même dans ceux de la rédaction re- 
| maniée. .G. Fant (0. AE _14) suppose qu'il y a À une 


parler assez souvent ; ce que l’auteur en dit d’abord 


ArRiQuEe (qui comprend la Syrie et la Palestine)‘ 


a 3 sur la Terre Sainte, mais il y en a 2 qui n’ont pas trait 


90 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


patrie de Pythagore, dont les a ont ét 
au loin: MR. 
Fol. 22 vo En Sezile fu controuvée LEE " AS #£ | 


La maniere de poz de terre 
: Com fet encore mainte terre. 


En Sardaigne, une herbe pousse qui fait mouri 
en riant ; les Poe, où la fronde fut inventée : 
« Meroes », où il n’y a point d'ombre : on y voit 


puits creux . cent Lu sur un dê 128 où le 


réunies, qui s'est effondrée dits la mer bétée. Le 


Perdue, que l’on ne peut voir lorsqu'on y veut aller, « 
PRE par saint Brendan. Chypre, etbien d° au. 
tres. Que de merveilles sur la terre !: mais non ps 
incroyables : k 


Fol. 23, .… Diex, en qui touz biens conversse, 
A fait mainte merveille en terre # Ê 
Dont nus ne puet reson enquerre. FT LT 
Pour ce ne convient rienz mescroire : 
Tant c’on set s’ele est fausse ou voire. | CTI 
N'est pas maus se li hons si croit | | 
Mès qu’encontre la foi ne soit, 

Puis qu’il i puisse aucun bien prendre; 
Car bon fet l’omme assez entendre ; 
Dont pas n’est esbahiz si tost 

Autre foiz quant parler en ot*. 


Au reste ce qui nous paraît naturel, ici, parce quenous 
le voyons tous les jours, est cons AEe comme étonnant | 


* entend. 


notre  patitesse et Ryan de notre grandeur. 


pents ni vermine ne sauraient vivre; une autre 
ni les femmes, ni même les oiseaux femelles, ne 
uvent demeurer ; une autre où l’on ne meurt pas : 
les habitants, lorsqu'ils sont trop vieux, la quittent 
jour être délivrés ailleurs. À Thulé, les arbres sont 
, hiver comme été ; il n’y a qu’un jour par an, 
ai dure six mois, et la nuit tout autant. En Irlande 
Certain lieu, qu'on appelle le Purgatoire, brûle 
cc mme un brasier ; les pécheurs non repentants qui 
ont par là disparaissent brusquement ; les autres y 
souffrent à proportion des péchés qu’ils ont commis, 
et, lorsqu'ils en reviennent, ils ne rient plus jamais : 
passent leur vie à gémir sur les péchés que les 
s font. Il y a une montagne de soufre qui est en 
mmes jour et nuit. Il y a une fontaine... quand 
jette de l’eau dessus, il vente, il pleut ; les élé- 
sont en fureur. Ailleurs’, gens qui ont des 
eues par derrière. | 

Fo . 23v° Si ra l’en en France veü 

* Une gent qui furent cornu. 


He Ce n’est que dans la seconde rédaction (fr. 25343, fol. 60) 
les « coués » sont expressément attribués, comme d’habi- 
e dans la littérature française du moyen âge, à l'Angleterre. 


s. Les hommes FR pays des géants s’étonnent 


comme une beauté. Bossus, béquillards, mue 


92 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


Femmes qui ont sous le menton des 
qui leur pendent jusqu'aux mamelles : c’est con id 


sourds, hermaphrodites, gens qui naissent : sans ki 
et sans mains. 

Autres bail du monde animal : le senebte 
fait le mort pour prendre les oiseaux; le cerf, \ 
mange les serpents pour se rajeunir ; l'araignée, 
FnpErAbIe tisseuse ; la « singesse », qui n’aim 
jamais qu’un de ses petits sur deux; le éhien,. 
fidèle à son maître qu'il ne peut, parfois, lui survivri 
En Angleterre, il y a des chiens de police: 


Fol. 24. En aucuns lieus en Angleterre | 
A chiens qui les larrons vont querre.. 


rit 
es! e, 


La « mustele » qui combat et tue les reptiles; le 1 
hérisson qui se roule sur les pommes pour les enfiler 
avec ses piquants et les emporter sur son dos... UE 

Merveilles des oiseaux. L’aigle, vieilli, s'élève. ea) 
dessus des nuages, si haut que le soleil l'aveugle ets 
brûle ses cie il s’abat comme une masse dans. 
une nappe d’eau qu’il a choisie et en sort rajeuni ; il 
brise son bec contre une pierre et il lui en FEpOUs ë 
un autre. La tourterelle qui a perdu son mâle men, 
accepte pas d’autre et ne se pose plus que sur les arbres | 
morts. L’autruche mange du fer sans inconvénient. 
Le héron fuit la tempête en volant jusqu'aux nues. Las 
« choe » (chouette) dérobe les objets d’or et d'argent, 
et a l’air de parler. Le corbeau se croit très beau, et 
maltraiterait ses petits s’il les voyait blancs. Le paon 


A Fi 


| . ss son a et s'enfuit. Autours et 
rviers domestiques rapportent leur proie à leur 
tre. La colombe élève les petits des autres. La 
huppe est un oiseau crêté, qui se plaît fort dans l’or- 
e ; qui s’oint de son sang et va dormir se voit en 
e attaqué par des ennemis. Le rossignol meurt en 
chantant, comme l’alouette. Le cygne, blanc par de- 
pe est tout noir à l’intérieur... Voilà des « choses 
communes » qui offrent bien aussi, quand on y pee 
natière à s’émerveiller. 
Ébien d’autres « choses communes » sont hs 
antes parce que les raisons en sont cachées. Ainsi 
es cailloux vont au fond de l’eau ou de l'huile, et 
É ent à la surface du vif argent. L’eau froide et la 
chaux mêlées brülent. Les rayons du soleil noircissent 
peau de l’homme et blanchissent le linge. Le fer fait 
la flamme du caillou. Le vent, qui est froïd, 
tive le feu ; l'haleine de l’homme, qui est soie 
tà refroidir. La terre, qui est pesante, se tient sus- 
ndue dans le ciel sans pilier ni fondement. Toutes 
s merveilles, si « communes », sont insondables : 


Fol. 25. Quar il n’est si petite chose 
ee Dont nus hom puist savoir la glose, 
Veraiement por coi ele est 
Fors si com a Damedieu plest. 
Par clergie puet bien li hom 
De mainte chose avoir raison 
- Es Et aucune nature entendre... 
D Mès du tout savoir ne porroit 
_ Comment ne por coi ele soit. 


rieures. Toutefois, l’enfer est partout. pour 1 
pable : | 

Je ne di pas qu’enfers ne soit © Per 
Aillors quele part que‘ce soit, 
Quar après la mort partout a à 
Paine et mal qui deservi* la. Re 
Nes *, s’il estoit sor le ciel mis, 
Si auroit il encore pis. . - 
Si com d’aucun qui morir doit, 
Si l’on em biau lieu le metoit . 
Qu'il eüst joie et soulaz, 

Tant seroit il plus tristes et laz : 
Quand il verroït que soulacier 
Ne se porroit.…. 


Suit une description de | « Abîme », hideux et * 
puant, plein de flammes sulfureuses, où il n° y a rie en 


d’original : de en 


Si nous en tairons ore atant,. 


de ne aux autres. 74 
L'Eau, c’est la « mer profonde », où les foaves se 
jettent et d’où ils viennent, par les veines de la ter 


vous trouverez de l’eau douce ou salée. Mais com 
ment se fait-il, dira-t-on, si toutes les eaux viennent” 


* mérité. — ** même, 


er, qu’elles ne soient point toutes salées É 
nse: l’eau de mer s ’adoucit en traversant les 
terres douces ». Les eaux amères et purgatives 
courent par terre noire, amère » et pleine de pour- 
riture. Les eaux chaudes, semblables à celles d’Aix- 
Ja Chapelle et de Plombières, ont traversé des ca- 
_vernes de soufre en feu. Certains lieux souterrains 
sont peuplés de sales bêtes venimeuses ; les eaux qui 
nt passé par là sont mortelles à boire. — Fontaines 
extraordinaires : celle de Samarie, qui change de 
à ileur quatre Gi l’an ; sources intermittentes, qui 
| > coulent que trois jours par semaine ; fleuve Sabat, 
s'arrête le samedi. 
ol. 26v El terroir d'Acre a .r. sablon 

D Dont on fet voirre* cler et bon 


: Et d’aucune terre de mer 
È C'on melle avec pour le former. 


_La Mer Rouge prend sa couleur de cette terre, 
en forme le fond et les bords. Un fleuve, en 
Perse, gèle toutes les nuits. En Épire, Émis où 
l'on plonge des bâtons ardents, que l’on en retire tels 
ls. En Éthiopie, il en est we qui débite de l’eau 


e est re sous ce e rapport: 


En Loheraine près de Mes 

La cité sourt une eaue adès 
Que l'en cuit en paieles* granz 
Et devient sel et biaus et blanz. 
Itele yaue que je devis 

Fornist de sel tout le païs 


— * chaudrons. 


‘ 
Y à AE SRE 
Se Cr A 


JE AT EAN LR OT 


d 
2 ta 


ARR 
Pa Pi 


4 | 


mt 
PE ET ee 


Et sourt en .1. puis près d’enqui 
C’on apele Le Puis De Vy*. 
Si ra fontaines cele part #4 
Qui sont si chaudes c’on si art*; 
Et en meismes cele place % 
Sourdent autres froides com glace. » 
Iluec sont li bain atrempé _  *<. 
De chaude et de froide merlé. 

Cil qui se baignent en ces baïnz 

Li cuirs lor devient biaus et sainz. 

Si ra unes noires fontaines 7 
Que mainte gens tienent a saines, | 
Que il vont boire por poisons 

Et font souvent purgacions . 

Plus granz c’une forz medecine. 


Il y a en Orient des fontaines qui débitent âca 
matières utiles pour la fabrication du feu grégeois, | 
ce feu qu’on ne peut éteindre qu'avec du vinaigre, « 
de l'urine et du sable; les Sarrasins vendent cette eau 
plus cher que du bon vin. D’autres eaux guérissent… 
les maux d’yeux et les plaies, rendent la mémoire ou 
font oublier, excitent ou apaisent la luxure, rendent 
les femmes fécondes ou stériles. Il en est où nul être 
animé ne peut s'engager sans aller au fond et d’au- 
tres où tout surnage. Les eaux d’une certaine source. - 
chaude ont la propriété d’aveugler les voleurs. Ail-4 
leurs, nappe d’eau tranquille qui s’émeut au son des 
instruments comme pour se mettre à l'unisson de la 
musique joyeuse... ; KR 

Les eaux soutermines sont la cause des tremble-! 
ments de terre. Les mouvements des eaux créent des 


* Vic-sur-Seille (Lorraine allemande). — * brûle, 5. 


céder dé points Ribled de la terre en cherchant 
s échapper. Alors les cités s’eflondrent dans 


La mer est salée parce qu’il y a au fond de grandes 

» montagnes de sel en dissolution. 

_ L’am. Il s’agit ici de cet air « épais » qui nous 

E. ænvironne et qui nous fait vivre, comme les poissons 
. dans l’eau, qui soutient l'aile de l’oiseau et qui fait Ée 

. ployer la baguette qu’on agite vivement. L'air, c’est 

… l'étofe dont est fait l’habit des esprits malins. | 


Es 27v° De cest air prennent lor habit 
; Et cors li puni esperit. ; 
C’est anemis* qui tous maus ose. 


— Ou pour tromper les gens, ou de par l’art de né- 
» cromancie ; art mortel, soit dit en passant, pour le 
- corps et pour l’âme. 

Le soleil est le cœur du Re source de toute 
à chaleur. C'est lui qui fait monter les nuées et tomber 
la pluie, en pompant l'humidité du sol ; l'humidité 
| condensée forme les nuages, lesquels PARA la 
| clarté solaire. Puis, les nuages se résolvent en eau 
qui tombe, et, déchargés, s'élèvent dans l'atmosphère 
1 Eau ce que la chaleur du soleil les vaporise ; on 
revoit alors l’azur du ciel. Tout de même EL si l’on k 
» fait sécher un drap mouillé, une vapeur s’en dégage, 
” qui se condense en gouttelettes, — Les gelées et les ns. 


& D 
» * l'ennemi, le démon. | À 


98 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU ! 
neiges adviennent par la froideur de l'air, qui est 
trême dans les hauteurs : | A " 
Fol. 28. Tout ce avient par la froidour ; 
Quar li airs a mainz de chalour 
En haut qu’en bas pour ce qu’il est 
Pluz soutis * que cil embas n’est; 
Et quant plus est soutis * en haut 
De tant retient il mains de chaut. . : 
L'air des hauteurs est d’ailleurs Me par les vents. 1 
et refroidi par là. 
Il se passe dans l’air maintes choses dont les gens L 
parlent peu, parce que cela dépasse leur entende- 
ment. La grêle d'été, ce sont les vents qui, par leurs. 
mouvements, refroidissent l'humidité en suspension a 
dans l’air et la gèlent. Le choc des vents détermine 
des feux qui brillent (éclairs), qui tombent parfois à … 
terre (foudres) et qui sont souvent éteints par l’eau | 
en suspension dans les nuages : d’où naît un bruit 
(tonnerre) comparable à celui du fer rouge plongé | 
dans l’eau. On voit l'éclair avant d’entendre lé ton- 
nerre parce que la vue de l’homme est plus subtile « 
que son ouïe, comme le montre l'expérience journa- 
lière. Moins il s'écoule de temps entre l’éclair etle“ 
bruit, plus le tonnerre est proche. — Le vent, € "est 
l’air en mouvement. ‘4 
Le reu est une sorte d’air très noble, subtil æ. 
resplendissant, sans trace d'humidité. L'air see à 
attiré par le soleil, lorsqu'il s'élève à une certaine | . 
hauteur, s'allume et brille comme du feu. Quelque- 


1 


* subtil. 


| ie Du MONDE | 99 
D ol | retombe, pour s'é éteindre dans l'atmosphère | 


sol: c’est Le phénomène des Goñes filantes, souvent 
« Estoile ne peut pas TE D. — 


Ainsi s’en vait cil feus volant 
Tant k’en la fin vient a neant. 
Tiex choses sont senefiance 
En terre d'aucune muance. 


Ë loppe tous : c’est ce que nous appelons l’azur du ciel. 

Là circulent les sept planètes, qui sont plus éloignées 
les unes des autres que la Terre ne l’est de la lune 
cet décrivent des cercles d'autant plus petits qu’elles 
“sont plus rapprochées de nous. — La lune est la plus 
oche de nous ; et c'est pourquoi son diamètre ap- 
ent est le plus grand. Elle n’a pas de lumière 
propre et réflète celle du soleil, comme un miroir 
"bien bruni. Les taches que l’on y voit ont été expli- 
quées de diverses manières ; pour les uns, c’est le reflet 
: des eaux terrestres ; d’autres pensent que ces taches 
sont produites lorsqu'Adam mangea la pomme. 
Tout le monde connaît le soleil et la lune ; les | 
utres planètes ne sont familières qu'aux she =: É 
planètes se succèdent dans cet ordre: Lune, 
ercure, Vénus, Soleil (dont le cercle est douze fois 
us grand que celui de la lune), Mars, Jupiter, Sa- 


terrestres est considérable, ont donné leurs noms at 
sept jours de la semaine. | 

Au dessus de Saturne, plus loin, ‘e est le (ciel 
étoilé : : 


Fol. 3r. Cil ciex qui ci est estelez 

Est le firmamens qui tornoie. | 
. Iltournoïieen émettant des sons très doux, A 
dont l'audition est une des jouissances du pis 


Dont aucun furent qui disoient IR Eos 

Que mout de petit enfant Fos Pt er. EL 

Quant il rient en lor dormant... PAF ON 

Il n’est chose sur la terre qui ne soit « com} ss. 

par estoiles » dans le ciel. Pas d’étoile si Le à ’elle e 
n'ait de l’action ici-bas: ; MEN 

Ni a estoile si petite 

K’en terre n’ait sa vertu quite 

En herbe, ou en fruit, ou en flour.….. 


LL 


nomie. 


* entendent. 


‘à no la terre est plus Fi que le soleil, elle 
“projette dans l’espace une ombre «en coing » 
Ex 5: 


(conique , effilée comme un clocher. On ne voit 
“à pires que la nuit parce que, pendant le pu 


E: Le second chapitre a trait à l'éclairage, c c'est-à-dire ; 
ux phases de la lune. “27% 


… Suit la théorie générale des éclipses de lune et de et. 
“soleil, à grand renfort de figures. Tout est du resta - 
la volonté de Dieu, qui procura une éclipse inexpli- k a 
-cable par les règles de l'astronomie le jour de la Cruci- ” == 
fixion. Denis!’ Aréopagite, qui savait l’astronomieet qui Les de 


“abserva ce phénomène, en fut confondu et c’est alors 
“qu'il dressa son autel « Au Dieu inconnu »; iln'eut 
îl l'explication du fait qu ‘à la venue de saint Paul. Les 
éclipses annoncent généralement de grands événe- 
nents publics. 

_ Vertus du ciel et des étoiles sur les choses d'ia- 
s. L'auteur n ‘entreprend pas d’en spécifier le détail, 

s il affirme le principe : 


"40 


L 34 vo - Li ciex et les estoiles sont 
Estrument de Nature amont 
Par coi ele oevre tout adès 
Si com Diex veut... 


C’est une grande science de connaître les pouvoirs 


fase des astres n’est pas ra Re on con 
state assez, n'est-ce pas? celle de la lune, selon 
qu’elle est pleine ou en décours, sur le régime des 
443 humeurs et sur celui de la mer. Les riverains de in 
1e mer le savent bien : 
‘Fol. 35. .… Cil qui de la mer sont près Ch RE £ 
: Quant la lune doit estre plaine x 3 
Chascuns d’aus sa maisniée emmaine 
Et s’eloignent de leur manoir 


N Ou il vont en haut lieu manoir 
ÿ Tant que la mer s’en vait arriere... 


j'a L'action du soleil sur la végétation est évidente | à 
À aussi. Or les autres planètes n’ont pas été faites non … 
plus pour rien. Ce sont leurs vertus, diversement 
combinées, qui expliquent les différences entre les 
saisons homologues d’une année à l’autre. Selon 
qu elles sont près ou loin, l’action, toujours égaleen 
soi, du soleil subit des variations notables. Cotes 
| les rois et leur entourage : le roi est d'autant plus M 
puissant qu’il a plus de ses gens autour de lui... 
0h On va passer ensuite à la mesure des astres et des | 
j distances qui les séparent. Les astronomes ont uti- 
lisé la géométrie pour mesurer successivement lan 
‘54 terre, la lune, le soleil, les autres étoiles. [ls n'ont 
D. trouvé que trois de ces corps qui soient plus petits 
0e que la terre: la lune, Mercure et Vénus. C’est au 
«roi Tolomeus » (Ptolémée) qu'on doit les plus 
TE grands progrès des études en ces matières. C'était | 
L un très grand roi, de la dynastie des « Tolomeus » 


te. ll avait ln passion des livres et des instru- 
ne quoi l’on prouve la grandeur de la 1 


.-36vo Par lui furent trouvez premiers 
"Li horeloges des moustiers. " 


+ Les Des qui marquent l’heure qu'il est, jour 
» et nuit, sont très utiles dans les églises, pour fixer 
- l'heure des oraisons, dont Dieu aime la régularité‘. 4 

| Mieux vaudrait, du reste, s acquitter de toutes les 
£ fonctions de la vie, comme de ange à heure fixe ; 


Si sont ore maintes gens mors 
Qui, se lor afferes eüssent = 
Ordenez si com il deüssent 
Chascun jor a heure establie 

Qui encore fussent en vie. 


Trop de gens, de nos jours, vont à l’église tard ou 
matin, suivant leur commodité ; encore n’y vont-ils 
s tant pour prier que pour « avoir le los du monde » ; 


_ 4. Ce développement sur les horloges et ce qui s’ensuit (près 

150 vers) est supprimé dans la seconde rédaction. C’est la 

ppression la plus considérable qui ait été faite au cours de la 
onte. — C. Fant(o. c., p. 39) a vu là, très singulièrement, 

preuve que le remanieur ne doit pas être confondu avec l’au- 

r: « L'auteur n'aurait guère pu se déterminer à rejeter Fr 4 

W ainsi une partie de son propre ouvrage. Nous lui supposons un æ 
sentiment trop vif de sa dignité et de son propre mérite pour 

y astreindre. » 


dt LEA 


104 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYE 


s’ils prient, c'est pour demander que leurs affaires 
prospèrent. 


Si est merveilles de tiex gens. 


Revenons à « Tolomeus ». C’est à lui qu'on doit 
le calendrier, revu par César de Rome; il est 
l’homme qui, après Adam (lequel savait tout) a su le 
plus d’astronomie. — Les premiers savants de la râce 
d'Adam connurent par leurs spéculations que le 
monde devait finir deux fois, par le feu et par l’eau. 
Craignant que la science qu’ils avaient amassée dis- 
parut dans le premier de ces cataclysmes, et n'ayant 
pas réussi à savoir lequel se produirait d’abord, ils 
firent faire deux grandes colonnes, si grandes que l’on 
y pût graver la doctrine des sept arts : l’une de marbre, 
en cas d'inondation; l’autre de terre cuite, en cas 
de conflagration. 
Fol. 38. Ainsi sauvierent les clergies 

Gil cui Diex les ot ensaingnies 


Tant qu’en terre Diex envoia 
Le deluge qui tout noia. 


Sem, fils de Noë, fut le premier de l’humanité 
post-diluvienne qui s’entremit de clergie et retrouva 
la colonne de marbre. L’astronomie fut ainsi redécou- 
verte par ses soins, puis par ceux d'Abraham. Vinrent 
ensuite le sage Platon, « li souverainz des philosophes », 
et Aristote, son clerc. Ils « prouvèrent » congrûment 
le dogme de la Trinité, mais non pas en latin, car 
tous deux étaient « Sarrazins, » et ils écrivaient en. 
grec, plus de trois cents ans avant Jésus-Christ 


Be: un aa FPS qui traduisit en 
une grande partie de leurs œuvres ; il mourut 
p tôt, par malheur. Puis parut Virgile, qui fit tant 
merveilles ‘ par son sens : 


. 39- - . . J fist par astronomie 
Maintes granz merveilles a plain. 
Il fist une mouche d’airain ; 
Quant la dreçoit en une place 

Si fesoit des autres tel chace 
Que nule autre mouche qui fust 
Vers lui approchier ne peüst 

De ,11. archiées * loing entour 
Que ne morust sanz nul retour. 


I fit un cheval d’airain dont la vue guérissait les 
hevaux malades. 


Si fonda une grant cité 

Sor un oef par tel poesté | : 
Que, quant aucuns l’uef remuoit, 

Toute la cité en trambloit… 


Ces objets, œuf, cheval et mouche, sont à Naples, 
où l’on les voit encore, d’après ceux qui sont allés 
là: On lui attribue bien d’autres enchantements: 


- Si fist parmi une eaue un pont 
Le plus grant c’onques fust au mont, 
Ne sai ou de pierre ou de fust**, 
Mès nus ouvriers tant soutis*** fust… 
Qu'il peüssent reson enquerre… 
En quel point il se soustenoit.. 


portées d'arc. — * bois. — ** subtil. | 5 


1. Sur la légende de Virgile au moyen âge, et particulière- 
ment sur la version qu’en offre l'Image, voir D. Comparetti, 
‘<c nel medio evo, IL Creer: 1872), p. 72 ets. 


TRI TROT 


LOG LA CONNAISSANCE DE LA NATURE 
IL fit deux cierges et une lampe qui bré 
se consumer. Il fit une tête parlante, qui lui prédi- 
- sait l'avenir. Il mourut d’un coup de soleil. Il est 
enterré « en .1. chastel devers Sezille », près de là 
mer, Naguère, quand on remuait ses os, la tempête 
se déchaînait. — C'était un petit homme maigre, qui 
marchait toujours tête baissée en regardent à terre. 
Les ignorants disent volontiers qu’il n’a pu accomplir 4 
de telles œuvres qu’avec le secours du diable ; ; mais E 
ils se trompent : | 
Fol. 39 vo Il n’est riens k’en cest monde soit 
K’Astronomie bien sauroit 
Dont querre n’en seüst raison, 
Et mainte chose feroit on 


Qui sembleroit miraële as genz 
Qui ne sauroient de ces senz. 


Sans doute, on peut abuser de la science, mais: 


Diex ne fist onques Evangile 
C'on ne peüst torner a guile. 


Il serait à coup sûr plus profitable, même maté- M 
riellement, d'apprendre à fond l’astronomie, qui con- 
fère de tels pouvoirs, que de se travailler sans cesse” 
à gagner de l'argent, comme on fait. Savoir vaut 
mieux que monnaie. Encore la plupart des gens qui 
sont avides de monnaie se soucient-ils peu d’en con- 
naître l’origine. L'auteur est amené ainsi, par une 
transition bien pénible, à l’histoire de la monnaie. 

Les philosophes, frappés des inconvénients du troc. 
primitif en nature, procurèrent un nouveau moon 
d'échange : 


Si firent tant qu'il bbbrent 
Par les granz ie ça arriere 
… Une petite rien] 
D | Dont chascun ho peist porter 
Tant qu'il em peüst achater 
Ce c’aillors mestiers li seroit. 


 MOROS, en grec, veut dire seul. Chacun fait main- 
2e nt sa monnaie, et c’est fâcheux, car il en est 
| ucoup de fausse. 

x Ces anciens “RARE munis de légère monnaie 


ho vo Pour miex la verité enquerre 
Des choses de ciel et de terre, 

_ Ne se rotissoient pas tant- 

As granz feus comme font cil truant, 
Maint papelart, c'au monde sont, 
Qui nul bien n'aiment ne ne font 
Fors por avoir le los du monde ; 

” Ainz cerchoïent la mer profonde  . 
Et la terre amont et aval... ' 
Car miex amoïent les clergies 
Que du monde les seignouries. 


Tel, entre autres, Platon, si puissant à Athènes, 
quitta sa patrie au risque d’être pris et vendu à 
tranger ; c’est ainsi qu'il eut l'occasion de trouver . 
« table du Soleil », en or fin, « ou touz li mondes 
_pourtraiz ». Il passa le fleuve du Gange et parvint 
fin fond de l'Inde. Virgile voyagea aussi. Quoi- 
qu x’il fût roi d'Égypte, Los parcourut de même 
usieurs contrées. Saint Paul en fit autant. Et en- 


pour l’amour de la SHiloso is 
Qu’est-ce donc que la philosophie ? 


1e Fol. 4r. Philosophie est connoissance 
14 Et fine amour de sapience… 
F0 Dont Platon respondi aucun 
Qui li demanda en commun : 
« Sire Platon, k’avez apris 
Qui tant avez vostre tans mis 
Et estudié por aprendre ?... 
Quar nous dites aucun bon mot ». 
Et Platons, qui plus que nus sot, 
Le Lor dist, si comme a cuer dolant, 
ne Qu'il n’avoit rien apris fors tant 
Qu'il se sentoit et jour et nuit 
Ausi com un vaissel tout vuit. 
Tant leur en respondi Platons… : 


7 : 
Les maîtres de nos jours n’en diraient pas autant; + 
61 ils font au contraire semblant de tout savoir, pu or. 3 
L gueil, et pour en imposer. 
14 La monnaie fut donc « trouvée » pour faciliter les 
pèlerinages ‘scientifiques des philosophes ; car, e ou 
voyage, on n ’est pas toujours hospitalisé gratis, CE 
qui est contraire au droit naturel : : 


Fol. 41 vo Et on ne donne pas touz jours 
Pour les convoitises des gens 

Qui paour ont de lor despens. 

Le droit corrompent de nature ; 
Quar, par raison et par droiture, 
Devroit chascuns prendre son vivre 
Au siecle. 


4 k 
La monnaie a été employée depuis d’une manière » 


bien étrangère à l'esprit de cette institution : ù 


É 


_Ne furent pas por c ce says 
Monnoies por fere soldées… 


m les* (le mille c’est mille pas; le pas est de en 
ieds, et le pied de douze pouces). Le diamètre de 
la terre est de 6 500 milles. — La lune est 39 fois r /4 
plus petite que la terre ; elle en est éloignée de 24 dia- 
. «mètres terrestres 1/2. — Le soleil est 170 fois plus 
re nd que la terre ; c’est géométriquement prouvé. La 
hose paraît si extraordinaire que plusieurs ont voulu 
rifier par eux-mêmes les calculs qui ont conduit à 
ette affirmation. L'auteur lui-même a pris la peine de 
> convaincre directement : 


Fol. 2 va Nes” je qui cest escrit en fis 

M'entente et mon sen i mis, 

Pour ce que je m'en merveilloie, = 
Que }; je vi ce dont je doutoie; 
Quar je vi tout apertement 

Le solueil estre tant plus grant 


+ Var: lieues. Cf. - plus bas, pp. 178 et 352, en note. — * même. 


1. Les mesures de V'Almageste sont précédées dans la seconde 
” action (IE, c. 13) d’une chapitre intitulé : « Quel chose est 
: grans mondes et petis » (Bibl. nat., fr. 25343, fol. 80). C’est 
» un résumé de la théorie du Maincoene et du Microcosme, d’après 
livret latin, bien connu, de Bernard de Chartres. 
_2. Les chiffres qui suivent sont altérés dans un grand Lombise 
_de nc, par suite d’erreurs de copie. Voir quelques leçons 
ec dans E.-D. Grand, 0. e., p. 52 ets. 


” 
1 


cer 5 état 4 à AN PRE 


l'addition reste exacte (à !/, près, comme la D pan 


110 EE CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


De la terre sanz nul deffois* 

Parce tax, for 

Ne ja en escrit nel meïsse 

Se la verité n’en veïsse. 
” Le soleil est situé à 585 diamètres terrestres de la 
terre. Quant aux étoiles, il serait trop long d’en par 1 
ler ; qu'il suffise de savoir que la plus petite est plus 
Lande que la terre. La distance de la région où elles 4 
sont à la terre est de 10055 * diamètres ; un homme « 
qui ferait 25 milles (ou lieues) par jour sans s’arrêter 1 
mettrait 7 157 ans et demi à y arriver. Si Adam avait ; 
entrepris ce voyage le jour où il est né, il aurait eu 
encore 712 ans à marcher quand le présent livre fut. 
achevé pour la première fois, aux Rois del’an 1247”. 
Une pierre qui serait Mi du du soleil sur la terre 
toraberait pendant cent ans à raison de 73 milles 1/2 

à l'heure. 


Fol. 44. Ce prova qui cest livre fist 
Ançois qu’il le meïst avant. 


do il) à À LL rue LL ur 08 bb 


L’Almageste dénombre toutes les étoiles, dont on 
peut compter 1 022, sans les planètes ; ce n’est pas à 
dire, du reste, qu’il n’y en ait point d’autres, ini- 


* difficulté. — ** Var. : 10065, 16 066. Cf. P- 353. 


Et hr mn. nd Ron pe ii) ET. 


. L'auteur de l’Image, comme Dante Pa E. Moore, Studies: Ê 
in Dodes Third Series. Oxford, 1903, p. 22), fixait, d'après 
Orose, l’Incarnation du CREiRE à l'an 5199 du Monde. Or 5199 . 
+ 12479 + 712 = 7158 (71573 »). Il est à remarquer que, dans w 
quelques-uns des mss. qui ont adopté la leçon MCCXLV au lieu | 
de MCCXLVII (cf. p. 49), 712 est changé en 713, afin que ! 


. 
4 


Is pour les Mie et mesurer les distances qui 
séparent les unes des autres, et de nous. Elles se 
upent en constellations, dont on connaît quarante- 
bprincipales. Les douze « ve dignes » s'appellent 


Et font un cercle tout entour 
Ou les planetes font lor tour. 


peu dimensions du firmament, elles sont 
# mmensurables avec celles d’ici-bas, Combien 
idrait-il de Terres pour le remplir? Voici com- 
L nent. l'auteur cherche à donner une idée de cette im- 


ve Se la Terre plus granz estoit 
Ca tans * qu’ele ne soit 
Et si eüst Cm tanz 
Plus qu'il vecust onques de genz, 
Et chaseuns d’aus si poissans fust 
C'un autre engendrer en peüst 
Chascun jour jusqu'a C® anz, 
Et fust chascun com un jaianz *, 
Si eüst chascuns son hostel 
Plus grans c’uns rois ou autretel, 
Bois, rivieres, fours et moulins, 
Chanz et prez, vignes et jardins, 
Chascuns tout entour sa meson 
Pour son vivre et a grant foison, 
Que chascuns en peüst fournir 
-C. maisniées pour lui servir, 

+ Et chascuns de cele maismiée 
Ténit .x. autres en maisniée 
Et porpris grant pour son manoir, 
Si porroient il bien chaoir 


B. — s géant. 


A *h: 


+ 
Sutigfx de Din. 
rave. } 

de Me 


j 


* 
f 


ET 
UN à M 


112 


LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 
Dedens le firmament trestuit 
Et si auroit encor de vuit 
Plus que trestuit ne pourprendroient 
Por aus esbatre.. 


Mais la bonté de Dieu nn ces Rp qui c con- 
fondent l'imagination. : 4 

Au-dessus du firmament qui tournoie avec les 
étoiles s'étend, tout alentour, le ciel qui nous paraît | 
azuré quand il fait beau. « Par nul art de demon- 
stroison », on ne peut rien prouver à son sujet, car” 
ce qui le concerne dépasse le sens de l’homme. On 
exposera, CRpeRCREt en peu de mots, sous toutes 
réserves, ce qu’en ont pensé les philosophes. 1 

Il y a d’abord, au-dessus du firmament, un ciel 
de cristal. Puis, Re couleur de pourpre, sept à 
fois plus brillant que Je soleil: c’est le séjour des, 
anges, d’où les mauvais furent précipités ; là est le 
paradis, avec ses délices inexprimables. 


Honiz est qui la ne sera ! 


PT PPT NS PLU EST 


Le dernier chapitre est une récapitulation som- 
maire des matières traitées dans les trois livres. J’an 


été, dit l’auteur en terminant, aussi concis que pos* 
sible afin de ménager le goût des hommes d’aujour- 
d’hui pour ce qui est bref, par égard pour leur fai- 
blesse : 


re 


Fol. 45 vo De ce vous avons nous conté 
Et rendu aucunes raisons 


ln ot, hs dé dé nn 


Quar cist Fe da tens en tens 
 Trespasse aussi comme vens 

_ Et defenist de jour en jour. 
Chascuns 1 fet petit sejour. 


ci finit l'/mage du Monde : 


_ À Dieu commence, a Dieu Are 
Des nous doint en la fin! 


BARTHÉLEMY L'ANGLAIS 
LE MAÎTRE DES « PROPRIÉTÉS DES CHOSES » 


.: 


Fra Salimbene, le bon franciscain de Parme qui « 
vivait dans la seconde moitié du xrn° siècle, renvoie, à : 
propos de l'éléphant de l'Empereur Frédéric IF, à ce que M 
son confrère Barthélemy, surnommé Angle, c'est-à- | 
dire l'Anglais, a dit de ces grosses bêtes en son De pro= 
prietatibus rerum. « Ce frère Barthélemy, dit-il, fut un 
grand clerc; il a expliqué toute la Bible dans un cours 1 
professé à à Paris 6 

On sait par ailleurs, et depuis longtemps‘, que, en 
1230, le ministre général de l'Ordre franciscain, ayant \ 
besoin de rire capables de diriger les études théo- | 
logiques des Frères Mineurs dans la nouvelle province 
de Saxe, pria le provincial de France de lui envoyer w 
deux sujets, dont frère Barthélemy Anglais. k 

Le surnom d’Anglicus est de nature à faire supposer … 
que frère Barthélemy était originaire de l'Angleterre ; \ 
et cette hypothèse a été présentée comme un fait certain, 
dès la fin du xv° siècle, par l’abbé Jean de Trittenheim. » 
Au xvi siècle le bibliographe John Leland (f 1553), , 
dans ses Commentari de seriploribus britannicis, ajouta 
qu'il avait des motifs de croire (ut ego colligo) que Par: è 


1. Texte cité dans les Annales Minorum de Wadding} sous 
l’année 1231. — Cf. A.-E. Schôünbach, Des Bartholomæus An-=« 
glicus Beschreibung Deutschlands gegen 1240, dans les Mütteilungen… 


des Instituts für üsterreichische Geschichtsforschung, 1906, p: 55: 


de Suffolk; mais il n’a pas fait connaître ses 
ns s qui, selon thbté vraisemblance, n'étaient pas sé- 


Le consentement général au sujet de l’origine an- 
_ glaise de Barthélemy n'a pas paru moins suspect, de 
nos jours, à M." L. Delisle que la tradition relative à 
son origine nobiliaire. M. L. Delisle s'exprime ainsi 
WHistoire littéraire de la France, XXX, p. 354): « Nous 
n'avons remarqué dans le De proprietatibus rerum rien 
qui trahisse une origine anglaise; plusieurs passages. 
semblent plutôt indiquer que sciber était français ou 
du moins qu’il habitait la France et qu’il en connaissait 
parfaitement les usages. De plus, Barthélemy de Pise, 
- qui vivait dans la seconde moitié du xrve siècle, dit Le 
- mellement que l'auteur du De proprietalibus rerum ap- 
…partenait à la province de France : Bartholomæus, qui li- 
à rum edidit « De proprietatibus rerum » , de provineia Fi ranciæ 
Î mit. » Le savant rédacteur de l’ sir e littéraire imprime 
“plus loin (p. 361) la notice de Barthélemy sur l’Angle- 
“terre « parce que l’on pourrait supposer, dit-il, qu ‘elle 
. renferme des allusions à la prétendue origine aigles » 
de l’auteur; etil n° yen voit pas. 
He . Toutefois cette opinion, qui enlève Barthélemy à l’An- 
- gleterre poûr l'attribuer à la France, n’a pas prévalu. 
. Non seulement les historiens de la Hitératore anglaise 
» l'ont unanimement rejetée, mais tous les critiques du 
: ontinent qui ont eu, depuis la publication du t. XXX 
_de Y'Histoire littéraire, l'occasion d'étudier la question se 
sont refusés à y adhérer: V. Cian’, le P. H. Felder?, 


—. 1. V. Cian, Vivaldo Belcalzer e l'enciclopedismo italiano delle 


…. origini (Torino, 1902). 
…._ 2. H. Felder, Geschichte der wissenschaftlichen Studien im 


ses. Quoique l'affirmation de Leland ait été repro- . 


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: Ja notice de “Barthélemy sur l'Angleterre est en vérité 


A.-E. Schünbach!. En 1909. M. P. Perdrize a crude- 
voir (sans connaître du reste les écrits de Felder et de 
Schünbach) publier dans le Journal des Savants un ar. 
ticle pour la combattre?. — Ce dernier critique tire sur- M 
tout argument de ce que, pour maître Jehan Corbechon, Ë 
qui, en 1372, sur l’ordre de Charles V, traduisit le De, 4 
proprelatibns, Barthélemy était anglais, Selon maitre … 
Jehan, il avait dit trop de bien de l'Angleterre dans sa « 
notice sur ce pays (cette même notice’ qui a paru peu 
significative à M. Delisle) pour ne pas être de ce pays- 
là: « Cest acteur monstre bien en ce chapitre qu'il fut 
angloys, car il loue fort Angleterre a son cuider;.:. ül 
deust avoir pensé que loange de personne en sa propre 
bouche enlaidist?. ». Mais cela ne serait pas décisif. Ib 
l'est davantage de constater, avec M. Schônbach, que, a. 


ds, 


nl se de 1 v a ps 


ps 


dt 


assez banale, celle qui suit, sur l'Écosse, ne l’est point 
du tout et parait accuser des connaissanées originales; 

et que Barthélemy cite couramment plusieurs écrivains 
anglais de son temps, plus connus au xmir siècle, pour 
la plupart, de leurs compatriotes que des étrangers, 
qui se sont occupés de philosophie naturelle, comme 


« 


ni ue Ge 


toner Orden bis in die Mitte des 13 Jakrhanderté (RE 
sui i. Brisgau, 1904), p. 250. 
. V. plus haut, p. 114, note. x 

2. Barthélemy l'Anglais et sa description de l'Angleterre, dans” 
le Journal des Savants, 1909, p. 170. — M. Perdrizet a traité 
ailleurs la même question avec plus de développements : La 
plus ancienne description de la Lorraine, dans les Mémoires de la 
Société d'archéologie lorraine, 1908, p. 389 ets. 

3. Journal des Savants, 1909, p. 178. — Un certain Jehan de 
Bihays, maître ès arts, qui, en 1472, copia la traduction de 
Corbechon (Arsenal, ms. 2286), observe de son côté: « Il” 
appert par le langaige d’aucuns des chapitres. de ce livre qu'il. u 
[l’auteur] estoit natif du royaume d’Angleterre » (1b., p: 171): 

k. A.-E. Schônbach, L. c., p. 62-63. Cf. plus bas, p: 162. 


| BARTHÉLEMY L'ANGLAIS 


de Sereshel, dit l’Anglais; Michel Scot; Robert 
seteste, évêque de Lincoln, le protecteur des Mi- 
rs en Angleterre‘ ; etc. Il appartenait probablement au 
cercle de ces clercs insulaires, ardemment curieux de 
_ recherches expérimentales et d'histoire naturelle, dont 
l'encyclopédiste Alexandre Neckam (l’auteur du De 
-naturis rerum, mort en 1227), fut, en quelque sorte 
le précurseur, et dont le franciscain Roger Bacon (qui a 
connu le De proprietatibus) est le plusillustre représentant. 
…._ Iln'y a pas d’ailleurs grand cas à faire des indices allé- 
“gués à l'appui de la thèse opposée. Barthélemy parle de 
la France en homme qui la connaît ; il est vrai, mais il 
“avait longtemps habité Paris; et, après avoir habité quel- 
“que temps la Saxe, il a parlé de l'Allemagne d’une ma- 
“bach l’a montré. Barthélemy fut inscrit, dansla première 
rlie de sa carrière, à la province franciscaine de 
ance ; il est vrai, mais beaucoup d'autres étrangers, 
et, en particulier, beaucoup d’Anglais ont compté de 
même dans cette province sans être natifs du royaume. 
Æt; après avoir compté dans la province de France, il a 
été transféré dans celle de Saxe, sans être saxon pour 
autant. — Il faudrait enfin des raisons bien fortes, qui 


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ce surnom d'Anglicus dont Barthélemy a toujours 
é gratifié. Sans doute, il n’a jamais sufh, au moyen 
Âge comme maintenant, de s'appeler Langlois pour être 
glais ; mais les clercs anglais, très nombreux à Paris 
u xm° siècle, avaient naturellement l'habitude de se 
surnommer ainsi pour se distinguer des homonymes. 

… La vie de Barthélemy est, d’ailleurs, tout à fait incon- 
nue. Ily a lieu de penser que puisqu'il fut, en 1230, 


I y a une traduction française du De sphera de Robert 
À seteste dans un ms. français (Bibliothèque nationale, 
ir. 613) du xive siècle : Li Espere de l’evesque de Nicole. 


117 . 


“nière qui n'est pas moins intéressante, comme M. Schôn- 
q P ” 


nexistent pas, pour détruire la présomption résultant 


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chargé d’une mission honorable par les ao Fa son 
Ordre, il était dès lors estimé comme professeur. A. LR. 
Schônbach croit probable‘, non sans vraisemblance, qu 2 
avait étudié sous Robert Grosseteste à Oxford pendant le 
decennium qui s’écoula de 1210 à 1220, et qu'il pro- 


fessa à Paris le cours sur la Bible. dont parle Salimbene | 


avant son départ pour l'Allemagne. Le même savant a 
fait remarquer le’ premier que le célèbre prédicateur 
Berthold yon Regensburg, qui s’est beaucoup servi des 
écrits de Barthélemy, dut être son disciple au couvent 
des Franciscains de Magdebourg, avant 1240? 


Le livre qui a fait la réputation de Barthélemy l’An- 


glais est intitulé Liber de proprietatibus rerum*. Il se pré- 


sente comme une encyclopédie à l’usage des « sup ri 


et des « ignorants », simplices el rudes. 
Voici comment M. L. Delisle, qui l’a, le premier, étudié 


d’une manière sérieuse, caractérise cet ouvrage‘ : :« C'est 


SE PAC APTE AL A 
2. 16, p. 61. — On n’a aucun moyen de fixer la date où Bar- 


thélemy acheva d'écrire le De proprietatibus. On dit d'ordinaire : 
« vers 1260 », maissans motif. La date « vers 1240 », proposée. 


par M. Schünbach, est évidemment plus probable. Il n’est donc 
pas tout à fait exact de dire comme Fr. Dannemann (Die Natur= 


wissenscha ften in ihrer Entwicklung.… Leipzig, 1910, p. 283) que le 


De natura rerum de Thomas de Cantimpré, composé entre 1228. 


et 1244, est « le plus ancien ouvrage en son genre ». Les deux 
Ency clopédies rivales de Barthélemy et de Thomas, dont l’une 
eut une si grande fortune en France et l’autre en Allemagne 
(v. plus haut, p. xx), sont sensiblement contemporaines. 

3. T1 lui en a été attribué d’autres, notamment un Traité de 


Perspective : voir le n. 717 du Catalogue des livres de Charles V 


et de Charles VI (dans L. Delisle, Recherches, LL, p. 118*): 


Mais il est à noter que Barthélemy oi-mime dit. son De proprie- | 


tatibus (LI, 17; VIIT, 2, et ailleurs), cite une Perspectiva ano- 


nyme : « En ceste maniere est la vision causée selonce l'aucteur 


de Prospective; aultrement parle Constantin... » 
h. Histoire littéraire, XXX, p. 355. 


oéie dans lgudls sont groupés,suivant un 
assez arbitraire, la plupart des êtres et des phénomè- 
naturels, artificiels où surnaturels. Lesinnombrables 

vations qui y sont développées ont pour but de faciliter 
des « énigmes » de l'Écriture sainte et de 
irnir les éléments d’un enseignement moral. Le fond de 
ivrage n'a rien d'original; le plus souvent ce n'est 
‘une mosaïque dont les matériaux, disposéssansart, ont 
tirés d’un assez grand nombre de livres sacrés ou pro- 
es! L'ouvrage est divisé en dix-neuflivres, dont cha- 
n est consacré à une matière bien déterminée: I. Dieu. 
- I. Les anges. — III. L'âme humaine. — IV. Les 
ments et les humeurs du corps humain. — V. Les 
| ai corps de l'homme. — VI. Les phases et les fonc- 
s de la vie ; les rapports de famille et de société. — 


mouvement et le temps. 
nts. — XI. L'air et les phénomènes atmosphériques. 
XII. Les ornements de l'air, c’est-à-dire les oiseaux. 
XI. L'eau et les poissons. — XIV. La terre et les 
mtagnes. — XV. Les trois parties du monde. — 
IE. Les minéraux. — XVII. Les végétaux, ceux-là 
ulement qui figurent dans le texte ou dans les gloses 
Écriture sainte. — XVIII. Les animaux mention- 
dans les livres sacrés. — XIX. Propriétés de diffé- 
objets matériels ou états des corps: la couleur, 


La liste de ces livres forme le dernier chapitre de la com- 
pilation; le nombre des auteurs indiqués là s’élève exactement 
à ce at (parmi lesquels Uguccione de Pise, dont les Magnæ deri- 

es, si fréqueñnment utilisées au moyen âge par les compi- 
eurs, sont encore inédites). ‘ 
- Debisle (1. c., p. 357) dit qu'aucun de ces cent auteurs 
postérieur « au commencement du xu siècle ». Mieux 


valu écrire : « au milieu du xru siècle » (Michel Scot, 


| PARTÉLENT 2 L’ANGLAIS 119 5 


. Les nes. — VIE. Le monde céleste. — I. 


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F. 


1 
 … 
272 

3 
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l'odeur, la saveur, la solidité ou la fluidité, le poids, 


£ 
+ 
1 


l'étendue, le son, le nombre. — Il n’était pas difficile » 


de faire rentrer dans un tel cadre tous les sujets sur les-. 


quels on voulait parler... L'histoire naturelle est traitée 
avec une prédilection visible ; mais l'histoire proprement 


‘dite est absolument laissée de côté... » 


Un trait de ce signalement sommaire a été récemment - 


contesté : « Il n’est pas exact de dire, déclare M. Per-. 


drizet', que le De proprielatibus soit d'intention uni- 
quement théologique et morale. » La preuve, c’est que, 


à la fin du xm° siècle, un franciscain anonyme éprouva 
= 


le besoin de le « moraliser » : Proprietates rerum mora- 
lizate?. Sous sa forme originale, ce n’était donc pas une 


moralizalio. — Mais quoi? L'auteur s'était exprimé sur ce … 


point très clairement dans sa préface: «.. ad intelligenda 
enigmata Scripturarum, que sub symbolis et figuris pro- 
prietatum rerum naturalium et artificialium a Spirita sancto 
sunt tradile vel velate*. » Le livre est, dans l'intention de 
celui qui l’a composé, une clé pour l'interprétation de 
ce qu'il y a de symbolique dans les Écritures; ce n’est 


pas ce que l’on appelait au moyen âge une « moralisa- . 


tion » des Écritures, mais c’est un travail préparatoire à 


‘1. Mémoires de la Société d'archéologie lorraine, 1. c., p. 305. 

2. Sur cet ouvrage, rédigé à la demande de Benoit Caëtani 
(le futur Boniface VIIT), que l’on a quelque temps considéré 
comme la source du livre de Barthélemy alors que’ c’est le'con- 
traire, voir l’article de L. Delisle dans l’Histoire littéraire, XXX, 
p. 334 ets. 

3. Cf. le prologue du I. VII : « ut per similitudinem pro- 
prielatum corporalium intellectum spiritualem et mysticum fa- 


cilius in divinis scripturis accipere valeamus. » Voir aussi III, 


19 (dans la traduction française du xive siècle): « En ces choses 
fait moult a merveiller la sapience de Dieu qui, par celles choses 
qui sont naturelles nous donne a entendre et cognoïssance des 
choses qui sont sur nature, et a ce est mon entencion ordonnée 
en tout ce livre et la fin a quoy je tens ». 


fin. Barthélemy és à satiété, comme M. Delisle 
très bien noté (mais seulement à propos des livres 
ILet X VIIL), qu'il nes’ occupe que des êtres et des phé- 
mènes dont il est question dans la Bible et les gloses de 
Bible (in textu et in glosis ; de quibus sacra pagina facit 
er onem) ! afin, comme s exprime la traduction française 
_xw* siècle, qu’on « puisse traire et cueillir », de ce 
e la Bible en dit, « aulcun sens espirituel » QU, 20)?; 
écrit donc, expressément, en professeur de théologie qu'il 
it. C’est, avant tout, un théologien. Seulement, c’est 
: théologien dont le goût pour les choses de la nature 
les œuvres des naturalistes était très vif, ce qui, tout 
étant un indice de plus de son origine anglaise, le 
“distingue de beaucoup d’autres et confère à son ouvrage 
l'apparence, et même, jusqu’à un certain point, le carac- 


+. 


ère d’une encyclopédie scientifique. 


; pendant les derniers siècles du moyen âge. L'ou- 
ge, sous sa forme latine, fut en très grande faveur au- 
s des prédicateurs et classique dans les Universités: il 
are expressément sur le catalogue des ouvrages que 
libraires de Paris louaient aux écoliers, moyennant 
> rétribution dont le taux fut fixé par un règlement 
iel au temps de Philippe le Bel ; l’ancienne Sor- 
onne en possédait deux exemplaires, dont un était fixé 
‘une chaïîñe sur un pupitre dans la chapelle du Col- 


+ Tous les passages où il le dit ont été réunis avec soin par 
ünbach, /. c.,.p. 59. 

2. Barthélemy n'indique jamais, lui-même, le sens « espiri- 
|» ; il se contente de fournir des matériaux pour qu’on com- 
nne mieux, d’abord, le sens naturel du texte sacré. Voir, 
“cependant, 1. XIX, $ 70, sur Jsaïe, x1r. 

x Do au xviue siècle, l'Hierozoïcon de Samuel Bochart, 
ÿ, de la Geographia sacra. 


Le succès du De proprietatibus rerum a été prodi- 


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122 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYI 


lège!, preuve que l’œuvre de Barthélemy était cor | 
comme un livre de reférence tout à fait usuel. Les co-" 
pies manuscrites du xm°, du xiv° et du xv* siècles en 
sont encore aujourd’hui nombreuses dans’ presque toutes 
les bibliothèques de l’Europe?. Cette vogue persista jus- 
qu’au xvi siècle: Hain n’a pas décrit moins de quatorze 
éditions incunables de l’œuvre du lecteur anglais de Pa= 
ris et de Magdebourg, et sa liste n’est pas complète. On M 
réimprimait encore le De proprietatibus à Francfort 
en 1609. tea 

Les gens du monde devaient être séduits, comme les 
clercs, par l'abondance des notions réunies par Bar- 
thélemy avec beaucoup de conscience et d'une manière 
relativement intelligente, quoique très aride, On com- 3 
posa donc, pour eux, des traductions du De propriela= 
libus. Dès 1309 Vivaldo Belcalzer, de Mantoue, en w 
fit une traduction italienne, que Dante a connue peut 
être. En 1372, Jehan Corbechon, de l'Ordre de saint 
Augustin, « solennel maistre en theologie, mistet exposa 
le livre des Proprietez des choses de latin en françois à » 
la requeste et commandement de trés puissant et noble 
prince Charles, roy de France. » De la fin du x siè= 4 
cle datent aussi une version provençale, faite probable- 4 


1. C’est aujourd’hui le ms. lat. 16099 de Ja Bibliothèque 
nationale; quelques feuillets (du 1. XIT) en ont été arrachés. 3 

2. M. L. Delisle a énuméré (1. e:, p. 364) les 48 exemplaires 
qui sont à la Bibliothèque nationale. Cf. Cian, 0.c., dansle Gior= 
nale storico della letteratura italiana, 1902, suppl.,n. 5, p.67; etu 
Schôünbach, p. 56. — Plusieurs exemplairés sont:anonymes: Le : 
copiste Jehan de Bihays (v. plus haut) a cru, à tort, que c'était 1 
exprès : « L'acteur de ce livre ne s’est point voulu nommer M 
pour son humilité, afin qu’il ne semblast aux lisans qu'il en eust 
voulu avoir gloire. » AT AUS 

3. Liste de la plupart des manuscrits de cette traduction 
qui sont conservés en France dans les Mémoires de la Société - 
d'archéologie lorraine, 1. c., p. 397, note 4. — Quelques-uns de 


pour Cssion Phébus, TR de Foix (+ 1391)", 
version anglaise, par Jean de Trévise. La version 
> (que Shakespeare a connue sans doute), et des 
uctions postérieures en espagnol et en néerlandais 
_ été publiées plusieurs fois à la fin du xv° siècle. 
nt au travail de Jehan Corbechon, la première édi- 
“datée en fut donnée à Lyon, par Mathieu Husz, en 
2, et l’on en connait treize autres (la dire en 
56). — Peu décrits du moyen âge ont exercé une 
fluence aussi profonde, pendant plus de trois ue 
: ans, sur la culture européenne. 

4 Les érudits qui, depuis le xvi° siècle, ont eu l’occasion 


“ces manuscrits, provenant d'anciennes bibliothèques princières, 
sont ornés de magnifiques miniatures. — La Bibliothèque de 
es V en contenait plusieurs (L. Delisle, Recherches sur la 
irie de Charles V, I, p. 230 ets.). 
traduction de Corbechon est généralement exacte. Mais le 
iducteur s’est permis un certain nombre de libertés. Il abrège 
et là, et surtout à la fin. Son patriotisme français s'affirme 
s sa traduction des notices de Barthélemy sur l’Angle- 
sur l'Écosse et sur la fleur de lys (XVII, go). Son patrio- 


> la notice sur la Picardie (XIV, 123), où il s'exprime ainsi : 
Les gens sont de belle stature et de beau visage... et de bon 
in et de cler entendement et de piteux cueur et de beau lan- 


en LA: eat) avait écrit : « ÊrRE ce es es 


€ 3 par un ms. de la este Sainte-Geneviève, qui a été 
l'occasion de beaucoup d’erreurs. P. Chabaille (Li Livres dou 
…Tresor. Paris, 1863, p. xu1) en a confronté quelques passages 
: le Trésor de Brunet Latin, sans en reconnaître le véritable 
ctère. K. Bartsch crut y voir une compilation originale. 
Cest C. Appel qui a mis hors de doute le fait que c’est simple- 
t une traduction de Barthélemy (Zeitschrift fär romanische 
Philologie,. XI, 1889, p. 225). Cf. K. Schorbach, Studien über 
Dove Volksbueh Lucidarius (Strassburg, 1894), p. 244. 


sme RE nriaca) (il était picard) s’affirme dans sa traduction 


124 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


de s'occuper de Barthélemy l’ Anglais, se sont exclusive- 
ment attachés, pour la plupart, à déterminer son nom, | 
sa patrie, sa condition et l’époque où il a vécu. A cet 
égard, après beaucoup d'erreurs, de confusions et de - 
controverses, on en est revenu en somme, sur presque » 
tous les points, à l’avis des premiers bibliographes, qui. 


peut se résumer ainsi: Barthélemy a vécu pendant la 


première moitié du x siècle, et non au xivt; il était 


anglais, non français. Et il Gt renoncer, dans l'état des 
documents, à en savoir davantage. 

D’autre part, on a commencé, en Allemagne !, l'étude 
des sources du De proprietatibus. 


A s’en rapporter aux affirmations de Barthélemy lui- 


même, il n’y aurait presque rien, dans son ouvrage, 
qu'il n'ait emprunté à autrui : « De meo pauca vel quasi 
nulla apposui, sed omnia que dicentur de libris autenticis 


sanctorum et philosophorum... compilavi, sicut per 


singulos titulos poterit legentium industria experiri. » 
Des paquets de fiches, munies chacune d’une étiquette 
d'origine et classées tant bien que mal, sans grand 
souci d'éviter les doubles emplois et les contradictiôns 
(qui sont, au contraire, soulignées volontiers), voilà son 
livre. 

E. Meyer, qui, dans sa Geschichte der Botanik (IN, pp. 
84-91),a recherché les sources du livre XVII du De pro- 
prietatibus (les végétaux); V. Rose, qui, dans sa belle 


dissertation sur le De lapidibus aristotélique et sur le 


Lapidaire d’Arnoldus Saxo?, a passé au crible le livre 
XVI (les minéraux), et von Tüply qui, dans ses Studien 
zur Geschichte der Anatomie im Mittelalter (Wien, 1898, 


pp. 113-121) s’est occupé du livre V (Anatomie), ont … 


1. Les travaux allemands ont échappé aux critiques français 
qui auraient eu le plus d’intérêt à les connaître. 


2, Zeitschrift für deutsches Alterthum, XNIIE, pp. 321- 
455. 


ER à : 
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pas de mène partout, et notamment au livre XV 
graphie). Là, sans doute, Barthélemy reproduit le 


moyen âge, auquel il a emprunté des détails sur les 
evins et les Gascons et dont il serait intéressant de 
fronter le texte avec le sien). Mais il parle parfois 
son cru, Sur la foi de l'expérience personnelle qu il 
ait acquise au cours de ses voyages et de ses séjours 
m Angleterre, en France et en Allemagne, et de rensei- 
pnements oraux. Schünbach croit même qu'il est pos- 


dditions originales, d’après la teneur du sty let. Lors- 


à la mode de son temps, c'est-à-dire en latin 
é avec soin, conformément aux règles du cursus. 
L LA 


b. . SR examen de V. Rose tourne du reste à l'honneur de 
rthélemy, qui paraît avoir choisi avec quelque discernement 


; matériaux : il s’est servi, par exemple, des traductions | 


ristote et des Arabes qui, D les premières décades du 

ne siècle, étaient les plus récentes (V. Rose, 0. c., p. 341 
-). Von Tôüply (L. c.) se montre plus sévère : « Kritiklose 

mpilation..… ». 

2. Sur les sources des livres XII et XVIIL, voir R. Reinsch, 

æ Bestiaire (Leipzig, 1890), p. 184 et s. 

cas où l'expérience personnelle du compilateur (ou du 
cteur) est expressément alléguée sont très rares. Voir plus 

) > PP- 136, 154. 

3. Ph. W. Kohlmann, Adam von Bremen. Ein Beitrag zur 

dtielalterlichen Textkritik und Kosmographie (Leipzig, 1908). 

4. AE. Schônbach, L. c., p. 67 ets. 


sible de distinguer matériellement les emprunts des 


u'il s’exprime d’original, Barthélemy, qui était lettré, - 


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126 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


Lorsqu’ il cite, c'est textuellement. Il est vrai que 
quelques-uns des auteurs qu'il a utilisés observaient aussi i 
les règles du cursus, mais non pas tous, et, même dans | 
le cas le plus défavorable, il ne serait pas toujours im- 
possible de reconnaître les points de suture. Schôn-" 
bach a essayé d'appliquer ce criterium nouveau à l'ane- 
lyse des chapitres du livre XV qui ont trait aux pays. 
d Empire”. Les résultats acquis sont assez curieux: on est” 
amené à constater entre autres choses que Barthélemy a 
jugé l'Allemagne de son temps avec des préjugés très” 
anglais et qu il a dû apprendre directement des missions 
franciscaines dans le Nord-Ouest de l'Europe ce qu'ildit. 
des régions slaves et scandinaves de la Baltique. Il est» 
plus que probable que Barthélemy, dont l'ouvrage de- 
vait être déjà fort avancé en 1230, lorsqu'il quitta Paris, 
a développé les parties de son lire XV qui concernaient ( 
l'Allemagne pendant son séjour à Magdebourg. 

A.-E. Schôünbach a ainsi indiqué la voie où il y au 


rait lieu de s'engager pour la critique approfondie du 


Livre des Propriétés. | 


Ajoutons, pour finir, que Robert Steele et William, 
Morris ont publié à Londres, en 1905, sous le titré ; Me- 
diæval Lore from Bartholomew Anglicus (The De la More” 
Press, in-12) une adaptation partielle, à la fois somp-. 
tueuse et populaire ?, du livre de Barthélemy, afin de faire, 


; 


. Ib., pp. 80-88. 

2. Ce joli petit livre n’a pas été préparé, du reste, avec assez. 
de compétence, L'Appendice I, The sources of the book (p. 178% 
et s.), n’est que la reproduction de la liste incomplète que Bar= 
thélemyÿ dressa lui-même, avec des identifications sommaires,s 
dont la plupart sont erronées ou insuffisantes. « Symon Cornu 
BIENSIS (?) », par exemple, n’est autre que Simon dé Tournai 
(Tornacensis), comme Delisle et Schônbach (p. 64) l'ont bien. 
vu. 1 n'y avait pas lieu de faire suivre l'article Misararw 


. 


agréablement aux hommes d'aujourd'hui la 
les mœurs, la médecine, la géographie, etc., du 


ieux comprendre leur littérature nationale du temps 
lisabeth : Shakespearet, Jonson, Spenser, Marlowe, 
singer, Lyly, Drayton, etc., tous nourris du De pro- 
tatibus et qui firent des pointes d’après ce vieil ouvrage 
ses dérivés) sur les choses de la terre et du ciel 


Talking of stones, stars, plants, of fishes, flies ; 
Playing with words and idle similes. 


È | 


_ On s’est servi, pour l'analyse qui suit, de la traduction 
: Jean Corbechon, d'après l'incunable de 1484, publié 

Lyon chez Jehan Cyber, dont il existe un exemplaire 
a Bibliothèque de la Sorbonne, en en collationnant le 
e, au besoin, avec celui du célèbre ms. fr. 16993 de 
ibliothèque nationale. 


oLoçus d’un point d'interrogation: « Messehala » (Masch- 
en arabe) est le nom d’un des « Neuf anciens juges 
rologie » dont Robert Godefroi traduisit le Livre en 1361 
: Charles de Normandie (ci-dessous, p. 192). Charles V 
édait plusieurs exemplaires de ses œuvres, en latin et en 
nçais (L. Delisle, 0. c., IE, p. 96 et s.). Il en existe encore 
les dépôts publics un grand nombre de recueils (Bibl. nat., 
083 et 1353; Arsenal, n. 2872; etc.). — Sur l'original 
be v. M. Steinschneider, dans la Zeitschrift für Mathematik 
Physik, XVI (1871), p. 376. 


Shakespeare's reading, dans Schriften der deutschen Shakes- 
e-Gesellschaft, 1 (1904). | 


| BARTHÉLEMY L'ANGLAIS 127 


Voir H. R. D. Anders, Shakespeare’s books, a dissertation 


à 


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leur substance, on va suivre l’ordre et ja distinction ‘4 
des substances. D'abord, les propriétés de la sub- 4 
stance non corporelle qui est indépendante de tout 
corps (les anges); puis, celles de la substance non 
corporelle qui est unie à un Na ;:en der- | 
nier lieu, les corps. S. 
Le premier livre traite « Le Dieu, des noms de À 
Dieu ou quant a son essence où quanta sa personne « 
ou quant a son effect ou quant a sa proprieté ». Le 
second traite des bons et des mauvais anges. Il ny a 
pas lieu d’analyser ici ces développements théolo- ; 
giques ; nous les laissons de côte. 4 
| rs. “4 
LIL. — L'homme est composé d’une âme et d’un 4 
corps. Qu'est-ce que l’âme? L'auteur rapporte les ; 
définitions que les saints et les philosophes en ont. 
données. Avec eux, il distingue en elle une « triple. ; 
puissance » : raisonnable, sensitive,  végélative. à 
L'âme des plantes n’est que végétative; celle des ani-. 
maux est végétative et sensitive ; celle de l’homme 
est la seule qui jouisse à la fois des trois attributs. 
L'âme végétative est caractérisée par la puissance 
de se nourrir, de croître et d'engendrer ; et quatre 
chosés sont « nécessaires pour son service » : les ver= 
tus appétitive, digestive, rétentive, expulsive. 4 
La sensibilité a son siège «es petites pellettes* qui ; 
sont assises es pelis ventres » du cerveau et se rés” 


pand dans les membres par les nerfs et les veines. 


* membranes. 


ne sensitive comporte deux pouvoirs : appréhen- 
E moteur. — Dans la faculté « appréhensive », il 
listinguer le sens de dedans ou sens commun 
rtu imaginative, dont le siège est au front; vertu 
imative, dont le siège est au centre du cerveau ; 
rtu mémorative, dont le siège est par derrière, sur 
le « hasterel*’ ») et le sens de dehors, qui comprend 


oucher ?. — Quant à la force motrice, CHER 
aussi : 1l y a la « vertu naturelle », dont le siège est au 
f ble, qui meut les humeurs dans le corps, et il y a la 
Le vertu bestiale », ou « vivante », ou « vitale », qui 
produit le phénomène de la vie par le mouvement 
“des esprits, provenant du cœur, dans les artères *. 


L’ * la nuque. 
dd. C£. le ch. xvr, consacré aux « vertus » du cerveau. L’au- 
te eur distingue là trois puissances du cerveau : ordonnatrice, sen- 
it e, motrice. 

. Les ch. xvir et suiv. traitent des cinq sens. Le sens de la 
est de la nature du feu, car il est le plus subtil. Nomencla- 
e des dix conditions requises, « selon la science prospective. 
| ce que la veue d’une chose soit causée en l'œil de la per- 
sonne ». L'ouïe est.de la nature de l'air, et il y a quatre choses 
. nécessaires à sa perfection : « la cause qui le fait, le membre qui 
Kéqit, le moyen (le milieu) ou il est fait et l’entencion de 
ame ». L’odorat est de la nature de l’eau (l’auteur ne dit pas 
urquoi) : « Odeur si n’est autre chose que une fumeuse sub- 
ace de l’air qui vient par la resolucion du corps odourable » ; 
ez est l'organe de ce sens. Il n’est pas là seulement « pour 
use de beauté ». Le sens du toucher est de la nature de la terre 
pue qu'il est le plus grossier. 

3. Cf. le ch. xxx, « Des esperis ». En ce sens, esprit signifie 
1 . une soubtille substance de l’air qui est dedens le corps, qui 
 esmeut les vertus et les puissances du corps a faire leurs opera- 


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ts LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MO 


Cette dernière « vertu » prend divers noms suivant 
qu’elle agit sur les bras et les mains (les clercs Pap- 


_ pellent alors opérative) ou sur les pieds (ils l'appellent 


alors progressive”). 

L'âme raisonnable, ou entendement, est une sub-. 
stance incorruptible et immortelle, à l’image de Dieu, 
qui nous fait participer à la nature des anges. Le. 
corps n’est pour elle qu’une prison, où elle se salit . 
souvent, comme le vin, bon en soi, qui prend du 
goût dans un mauvais tonneau. Elle juge du bien et 
du mal, du vrai et du faux, et choisit librement. 
Et elle se connaît elle-même « par la retournée qu’elle 
a sur SOi ». 


IV.— Il y a quatre éléments (terre, eau, air, feu), 


tions », ou encore « un corps subtil qui est engendré au corps 
humain par force de la chaleur naturelle ». C’est le foie qui 
élabore les esprits aux dépens du sang, le cœur les sublime en- 
suite et les fait circuler. L'esprit n’est pas l’âme, maïs, comme 
dit saint Augustin, c’est un chariot qui porte l’âme dans le corps. 
entier ; c’est lui qui « conjoint » l’âme au corps ; quand les es- 
prits sont altérés, l’âme est empêchée (c’est le cas des fous). — 
Suit un paragraphe sur le pouls, considéré comme « essence de 
l'esprit de vie ». L'auteur renvoie du reste, pour plus de détails, 

au vire livre du Pantegni de Constantin, qu’il s’est, dit-il, côntenté 
d’abréger. 

1. Cf. le ch. xv, consacré à la « vertu vitale ». Le cœur 
comparé à un soufflet de forge : « La vertu qui estent et res- 
traint le cueur si cause en la beste le vent qui est appelé alaine»; 
l’haleine est nécessaire « pour atemprer la chaleur naturelle, et | 
pour donner nourrissement a l’esperit qui donne vie et aussi 
generacion aux aultres esperis qui sont ou corps ». Suit la no- 
menclature des « manieres » dont l’haleine peut être « corrom— 
pue » ou suspendue, d’où mort s'ensuit. À 


Eté (chaud, froid, sec, humide), dont 
vus les corps sont composés ou affectés. 

La chaleur est la qualité active par excellence. 
is s elle agit très AIVerseaQRE. La chaleur de soleil 


enouilles dans les nuées ; mais elle est, d’autre 
t, câuse de corruption (les rayons concentrés dans 
miroir ardent brülent le drap) et de mort (les 
herbes séchées par la canicule). La chaleur durcit 
les œufs et fait fondre la glace. Elle purifie les mé- 
taux. Elle allège les choses humides en les séchant 
(de là vient que les êtres vivants sont moins lourds 
que leurs cadavres et que l’on est plus léger après les 
as, car manger échauffe). Elle fait mürir les fruits. 
lle change la nature des choses : elle fait de l’or et 
| l'argent avec de la terre, du verre avec de la 
cendre, de la chair et du sang avec du vin et de la 
no rriture. C’est elle encore qui produit les pluies, la 
ve, les éclairs, les foudres, les tempêtes (en as- 
ablant la vapeur dans l'air, par l’évaporation). 
ir et le feu, imprégnés de cette qualité, vont et 
dent toujours en haut: comparez l'huile, qui, versée 
s de l’eau, surnage, à cause de sa chaleur interne. 
complexion chaude se reconnaît aisément chez 
omme: de la chair et peu de graisse, rouge et 


ament amoureux, la voix forte. 

La froïdure aussi est une qualité active. Elle épais- 
k ce qui est clair (l’eau, sous son influence, se ré- 
te); elle liquéfie pourtant (l'humeur qui sort de 


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, l'entendement bon, de la hardiesse, le tem- 


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la covel, nr on est enrhumé). Elle est, suivan à 
les cas, cause de légèreté et cause de pesanteur. Elle « 
empêche la corruption (des cadavres), ét pourtant la … 
froideur de l'estomac engendre des humeurs nuisibles 
au corps. Elle tue lorsqu'elle est en excès; d'autre 
part, elle donne la vie (ces/oïseaux, dont parle Aver-" 
roës, qui poussent aux arbres comme des fruits et 
qui prennent vie en tombant dans l’eau, à cause de 
la fraicheur). Les gens de complexion froide sont" 
pâles et blonds ; ils ont l’intellect dur, peu de mé- 
moire, peu d’appétit; ils sont somnolents et pe-" 
sants... | 
La sécheresse, qualité passive, comme l’humidité, | 
son contraire, endurcit (la boue) et amollit (le 
bois FRA Elle concentre les humeurs et. 
réalise ainsi, parfois, le paradoxe de créer l’humi- 
dité (comme cela se voit dans les montagnes trèsw 
sèches où poussent des herbes. très aqueuses). Elle. | 
est, accidentellement, cause de vie, en diminuant : 
la quantité des humeurs superflues ; mais elles 
engendre d'habitude de très mauvaises maladies :" 
phtisie, étisie, etc. La peau se ride et se fend; les“ 
cheveux tombent ; les doigts des pieds et des mains 
se déforment comme chez les lépreux ; 7e exces- 
sive. QE 
L'humidité n’est pas moins nécessaire à la vie ques 
la chaleur, comme le dit Aristote. C’est la nourrice. 
des plantes et des corps. C’est elle qui maintient la 
cohésion de la terre, laquelle, si elle était sèche 
s’éparpillerait en poussière : l’intérieur de la terre est” 


mmier, du savon et des « feves frasées* », dont on 
sert pour se laver). Combinée avec la chaleur, elle 
e le tempérament colérique, le plus apte à toutes 
oses. Mais, si elle surabonde chez l’homme, c’est 
Vapoplexie. Ce sont des humeurs mauvaises qui 
sent l’épilepsie (tête) et l'hydropisie (foie). — Les 
nps qui ne sont pas de saison ont souvent beau- 
oup d’inconvénients, selon Galien. Si le printemps 
froid et sec, après un hiver chaud et humide, 
tucoup de maladies sont à craindre, car les hu- 


acuer ; d’où flux, coliques, avortements, etc. 

… Boire et manger sont nécessaires pour entretenir 
umidité vitale. — Mais pas trop, car alors l'humidité 
en excès, et l’âme s’en trouve blessée (tremble- 
ments paralytiques). — Ne pas trop dormir, non plus, 
à que la chaleur naturelle, atténuée dans le som- 
il, reste suffisante pour réduire les humeurs. Mais 
rmir assez, pour ne pas brûler ses réserves. 

Des Humeurs. — Les humeurs sont des substances 


servent à nourrir les membres. Il y en a quatre: 
8g, flegme, cole** et mélancolie. De ces substances, 
livant leur qualité ou leur proportion, résultent la 


à écosser (grosses fèves). — * bile. 


le cas du froment, du bren (son), de la racine de 


neurs accumulées pendant l’hiver ne peuvent. 


rendrées dans le corps des animaux par digestion,’ 


PTT) 


134 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 
santé et les maladies. Constantin ‘ compare très bien à 
la formation de ces humeurs à la fabrication du vin : 4 
| quand le moût bout, on distingue lécume, la lie, et. 
une substance entre les deux qui croit naturellement | 
en force... Le sang, comparable au-vin vieux, n’est 
pourtant jamais pur de quelque mélange avec les 
trois autres humeurs, qui modifient sa manière » 
d'être: mêlé de cole, il est roux ; de mélancolie, il” 
est noir ; de flegme, plein d’eau et d’écume. 4 

Le sang. Isidore, Constantin et Aristote sont mis : 

à contribution pour la définition du sang (veineux. 

et artériel) et de ses propriétés. Le sang est plus 
chaud dans la partie droite du corps que dans la» 
gauche. Le cœur est situé au milieu du corps pour 
présider à la distribution du sang. Le sang de tau-. 
reau est un poison, tant il est fort. Le sang chaud de. 
pigeon et d'hirondelle, appliqué sur les yeux, en ôte . 

les taches. La corruption du sang engendre des ma- 
ladies graves, notamment la lèpre. A ce propos, 
longue théorie de la menstruation, d’après Aristote” 

et un « naturien » (naturaliste) noté Le Roux. 

Ce Le Roux? a observé que les femmes qui travaillent 


DER ER "à MENT age YF & ge ar Dre LE eh ns M 


; | 
L 
: 
. 
4 


. Constantinus Afer (+ 1087), moine du Mont-Cassin, l'au- | 
st du Viaticum et du Pantegni. 

2. Ricardus Rufus, Richard Rowse, franciscain, d’après Steele | 
et Morris; voir l’article Richard of Cornwall du Dictionary of. 
national biography. Mais il s’agit plus probablement ici, je crois, « 
du Rufus qui est cité parmi les sources du Tacuinum sanitalis 
(L. Delisle, dans le Journal des Savants, 1896, p. 520), C'est-à=M 
dire de Rhuphos d'Ephèse (Th. Puschmann, M. Neuburger et. 


F 


: 7) Aristote dit que cette bu mal 
cuite, froide et humide, est la superfluité de la viande 
n’est pas digérée; c’est du sang imparfait. Le 
me naturel est blanc, clair, et de saveur un peu 
ce ; et il peut se transformer en sang. Il atténue 
d’ailleurs la chaleur du sang et l’éclaircit. Le flegme 
mêlé à d’autres humeurs engendre diverses maladies. 
Co o onstantin a indiqué les symptômes du tempérament 
natique : paresse et lourdeur de corps, chair 
le, pusillanimité, cheveux blonds et fins, etc. 

cole. Humeur chaude, sèche, subtile, rouge, 
ère. Une partie en est mêlée au sang, qui, sans 
, Serait trop épais et va nourrir les membres co- 
iques ; l’autre descend au fiel en drainant les su- 
luités ; la colique, c’est lorsque la voie entre le 
et les intestins est bouchée. Il y a des coles anor- 
es, dues à des mélanges d’humeurs, dont on dis- 
> bien des sortes: jaune, vitelline, verte (elle 
à ceux qui mangent trop de verdure), cen- 
. L’humeur colérique normale sublime les autres 
à favorise la digestion. Les colériques sont hardis, 
rs, soudains ; ils ont le teint jaune, les cheveux 
s et crépus, le poil dur, l’urine rouge, etc., etc. 


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Le mélancolie normale sert à épaissir le sang, à nour- 
J. Pagel, Handbuch der Geschichte der Medizin, lena, 1901, p 


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1907 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


rir la rate et à exciter l’appétit. La mélancolie anor- 
male est de la cole brûlée par excès de chaleur natu- 
relle; mêlée à l’autre, elle cause des maladies” 
innombrables: chancre, lèpre, etc. On reconnaît le. 
tempérament mélancolique à ces signes : peau noire, M 
caractère peureux, tristesse sans cause (car la mélan-. L 
colie « éteint » le cœur des patients). 4 


Aulcuns sont qui cuident tousjours mourir et si n’ont ut 
mal ; les aultres doubtent leurs ennemis, dont ilz n’en ont nul. 
Les cts ayment la mort et la desirent.. Derechief ceulx qui « 
ont ceste melancolie cuident estre un vaisseau de terre et ne. 
veulent souffrir que on les touche pour ce que on ne les brise... 
Derechief il est adviz a auleuns qu’ilz n’ont point de teste... Les. 
melancollieux encheent en ces et en moult d’autres passions 
merveilleuses si comme racontent Galien et Alixandre* et moult. 
d’aultres acteurs; et ce veons nous chascun jour par esperience, 1 
si comme il Rares n’a pas moult, d’ung noble homme qui cui- 
doyt estre ung chat etne se povoyt me fors que er les ! 
litz ou les chatz prennent les souris 1. é 


V. — Le 5‘ livre du « Propriétaire » traite äu corps | 
de l’homme et de ses parties. 

Après une définition, suivie d’une Lbsuone dre 
sification, des membres, qui donne lieu incidemment 
à quelques considérations tératologiques, l’auteur” 
examine, en autant de paragraphes, les diverses par 
ties du corps humain, en commençant par la tête.« 
On passe ensuite en revue, dans cet ordre: le cer 
* Alexandre Neckam. 


. Gette dernière phrase est traduite du latin, comme le reste . 
bi. nat., lat. 16099, fol. 22 vo) 


La BARTHÉLEMY L'ANGLAIS 
les yeux, l'œil, la prunelle de l'œil, les pau- 
, les sourcils, le front, les tempes, les oreilles, 
nez, les joues, la barbe, les mâchoires, les lèvres, 
menton, la bouche, les dents, la langue, la salive 
le crachat, la voix, la gorge, le col, les épaules, 
Jes bras, la main, les doigts, les ongles, les côtes, le 
d os, la poitrine, les mamelles, le poumon, le cœur, 
haleine, l'estomac, le foie ef le « jusier », le fiel, la 
te, les entrailles, les reins, la vessie, l’urime, le 
1 tre, le nombril, les « membres genitoires », la 
trice, les fesses, les hanches et les cuisses, les ge- 
ux, les jambes, les pieds, la plante du pied, le 
on, les os, la moëlle, les tendons, les cartilages, 
nerfs, les veines, la chair, la graisse, la peau, les 
s, les cheveux. ; 
On aura l’idée de la manière dont tous ces sujets 
t traités par l'analyse du premier paragraphe, qu 4 
. D'abord l’étymologie du nom, d’après Isidore; 
cription et fonctions, d’après Aristote, le Pante- 


ñ 


FES PUS 


Fr 


1 


, Ysaac le physicien’, etc.; enfin maladies et ML. 
nstruosités diverses, et résumé : tel est le cadre 5 
bituel des notices. “1 
Le « chef » (la tête), de capere (prendre), parce % 


x'il contient les sens et les origines des nerfs, a sept 
vertures, qui répondent aux sept clés des sept pla- 
ss, suivant certains maîtres. Il doit être bien pro- 
rtionné. Selon la qualité, la quantité et la crois- ‘S 
ace des cheveux, on peut juger « de la disposicion | 


1. Médecin arabe du vue siècle. 


cités sont là pour évacuer les ordures. Aristote parle 4 


_ la teste selon la dignité et la necessité de la beste ». 


l’homme selon les distinctiorfs de l’âge et du sexe. 


les gencives de miel. « Après on le doit souvent: baï- 


138 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU Mi \GE 
du chef et de la complexion qui est dedens ». Il est … 
osseux, pour protéger la cervelle. Ilest la couverture . 
et la cheminée du corps; c’est pourquoi il reçoit 
beaucoup de fumées qui en montent : les pertuis pré-. 3 


de bêtes avec un chef monstrueux ; ces phénomènes M 
sont plus fréquents dans la race Loiret en Égypte | 
qu'ailleurs, parce que les jumeaux y sont moins 
rares. Quand le chef est malade, tout le corps” 
souffre. Il est à noter que chez l’homme, les yeux 
sont au-dessus des oreilles et que, chez les animaux, - 
c’est le contraire : « Nature si a ordonné les sens en 


Le Glose sur les Lamentations de Jérémie parle du 
monstre Lamia qui a tête de pucelle et corps de pois- E 
son ; ce monstre séduit les hommes, les force à faire 
ses volent et puis les marges 


VI. — Il reste à parler des « propriétés » de ; 


L'auteur commence à la « création » de l'enfant, 
dont il décrit les conditions et le mécanisme. Soins 
à donner aux nouveaux-nés. Le Pantegni conseille 
d’envelopper leurs membres, aussitôt après la nais- M 
sance, de roses pilées avec du sel et de leur enduire 


gner et puis oindre de huille rosat et froter par tous 
les membres, et par especial des masles de qui les” 
membres FReUTe estre plus durs que es femelles Ra 
le labeur... » Ne donner nulle médecine à l'enfant 


éviter les déformations. Il est conseillé aux femmes 
les bercer en chantant. 

Le second âge commence lorsque l'enfant, hors de 
t, commence à entendre malice, à saisir les objets 
“et à craindre la verge. La vie des enfants est saine, 
Ca ‘ils ne pensent qu'à s’ébattre, ils préfèrent une 
pomme à un florin d’or, et « si n’ont point de paour 
cestui temps de descouvrir les secretz ‘de Na- 
re ». Ceux qui sont engendrés de pères corrompus 
HGéprenx goutteux) héritent généralement des mala- 
dies de leur famille... 

| Il est ensuite Are des femmes, en tant que 
celles, mères, filles nourrices, « ventrières » 
ges-femmes), chambrières (ne pas oublier que les 
sonnes de condition serve ne sont humbles que 
r crainte). Après un Vi des mâles par rapport 
femelles en général, s’égrène une série de para- 
graphes, symétriques aux précédents, sur l’homme, le 
père, le serf, le bon et le mauvais serviteur, le bon et 
mauvais seigneur. 


de 
« 


mme en son état naturel, comme l'air, le man- 
, le boire, le dormir, le veiller, le repos et le 
beur. — En toute « viande » (aliment), il faut con- 
er la substance, la qualité, la quantité, la néces- 
et l’opportunité de prendre. Les herbes crues et 
es fruits trop nouveaux ne sont pas de bons aliments : 
nt trop humides, ils remplissent le sang d’eau ; 


Parlons maintenant des choses qui gardent 


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ce sont plutôt des remèdes que da aliments. I faut, 


d’ailleurs, tenir compte des tempéraments ; l'ail et le 
poivre, qui sont bons pour les flegmatiques, sont À 
interdire aux colériques. Prendre aussi en considéra- 
tion l’âge, l'état de maladie, la saison, etc. — Boissons." 


Pour éprouver les qualités de l’eau, observer l’expo- 
sition de la source dont elle provient et laver du linge M 
avec: la meilleure eau est celle qui sourd à l’est et # 

qui sèche le plus vite. L’eau chaude, prise à jeun 
avec modération, nettoie l’estomac. Il y a des eaux 


D 


médicinales et bien des espèces de vins ; mais «quant 


a present nous laissons aux phisiciens la difference des 


beuvraiges ». L'auteur se contente en eflet, dans 
tout ce livre, de généralités vagues: définitions, 


classifications abstraites, distinctions puériles, bana- 


lités qui vont de soi. 


VII. — Le livre VII est un traité sommaire de. 
pathologie : « Des maladies et de leurs causes, dou= 


leurs et signes », et aussi des remèdes appropriés. 


Les principales maladies considérées ici sont les. 
affections de la tête (rhume, frénésie, démence, lé 
thargie, avertin, épilepsie, éternuement, tremble- 


ment, spasmes, paralysie, maux d’yeux, surdité, 
polypes du nez, mal de dents, enrouement, esqui- 


nancie, mat sanglants) ; la phüisie ; les affections . 


du cœur ; les fièvres (tierce, quarte, continue, etc: ); 
les désordres de l’estomac ; les troubles intestinaux 
(diarrhée, dysenterie, etc.) ; l’hydropisie, la jaunisse, 


les hémorroïdes, la douleur de reins, la goutte, les « 


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" 


LR ès dote, es ile la rogne, les dar- 
, la lèpre, les « tachèé sur le cuir », és venins 
de la vipère et du chien enragé. Quelques réflexions, 
our finir, sur « la'science du physicien » et « la 
diversité des médecines ». Dans ces derniers cha- 
itres l’auteur a voulu résumer les principes de la 
sagesse médicale. 

… La négligence et l'ignorance des médecins sont les 
“plus graves empêchements au retour des malades à 
la santé. Le bon médecin doit donc connaître la 
“composition des membres et des humeurs ; les con- 
ditions de sexe, de l’âge, etc. ; et les vertus des mé- 
caments : ceux qui sont chauds et secs, ceux qui 
sont froids et humides, et en quel degré. Règle gé- 
nérale : contre chaude cause, froide médecine ; 
ce contre froide maladie, médecine chaude. Les al 
dies sont de réplétion ou de « vuidenge » (épuise- 
ment) ; ; dans le premier cas, « vider la matière » ; 
ns le second, « remplir ». En conséquence, s’en- 
quérir des causes et des circonstances. A cet effet, 
egarder et tâter le malade : regarder ses urines, tâter 
son pouls. Lâcher, « restraindre », restaurer, tout 
là. Les médicaments sont classés en digestifs, 
urgatifs, astringents (astringents des humeurs, 
comme les nèfles ; du sang, comme le plantain; du 
ventre, comme les roses), endurcissants, émollients, 
| ee ürissants. Au reste il y en a bien d’autres : médi- 
“caments qui mortifient, qui brûlent, qui régénèrent, 
qui adoucissent, dont les livres spéciaux font men- 
tion. Mais en voilà, dit l’auteur, assez sur ce sujet. 


VIT. — Le monde sensible, dont dl est cn +. 
faire connaître les propriétés, nous a été donné. pour. 1 
nous fournir l’occasion de louer Dieu. 

Le monde est rond, en signe de perfection et de 
perpétuité. Les Hilscsis l'ont divisé en deux : par- 
ties, dont la plus noble est celle du haut, qui s'étend 
du cercle de la lune à la région des planètes ; l’autre 
va du cercle de la lune au centre de la terre (qui ses 
confond avec le centre du monde). Il est formé de 
quatre éléments, que la sagesse divine tira de la ma- 
tière primitive, l’yle dont Platon parle dans le Timée. « 
« Il appert que la premiere matiere de quoy le 
monde est fait n’est pas engendrée ne corrompue, « 
mais elle est celle de qui toutes choses materielles w 
commencent et en qui elles retournent... Ge monde 
passera quant a la figure que il a maintenant, mais 
il demourera en estre perpetuel quant a sa substance. » 

Il y a, d’après certains, sept ciels. Le premier, 
c'est la région supérieure de l'atmosphère, dont: 
l'Évangile fait mention quand il parle des « oiseaux du : 
ciel »; le second confine à la sphère du feu : c'est 
l'éther; le troisième est le ciel de feu; le quatrième. 
est l'Olympe; le cinquième est le firmament ; le 
sixième le ciel cristallin ; le septième le ciel des anges 
et des bienheureux. D’autres ordonnent autrement 
les sept ciels. Et des philosophes ont soutenu que le 
firmament est le premier et le dernier ciel; en son # 
Hexameron Basile’ dit que les philosophes mange-" 


1. Saint Basile, de Césarée, le père de l’Église (1ve siècle). 


 . ciels. — Suivent des extraits d’Aristote 
ki Livre du Ciel et du Monde selon la nouvelle 
anslacion ». Le ciel ou firmament des philosophes 
re sa révolution en un jour et tout ce qui est au- 
sous obéit à ce mouvement. Sa vertu motrice 
end jusqu'aux choses d’ici-bas, comme il appert 
flux de la mer ; les éléments y obéissent plus ou 
pins suivant leur hiérarchie, le feu plus que l’air, 
ir plus que l’eau, l’eau plus que la terre. « La 
> ne obeist pas au mouvement du ciel quant a ce 
qu'elle s’esmeut d’ung lieu en aultre, combien que 
de luy elle reçoive diverses i ge pour pro- 
ire diverses choses ». D’après Rabbi Moyses le 
ot vement propre du firmament est le plus rapide 
soit; mais il est contrarié par celui des planètes, 
dope d'être trop vif. Ce ciel se meut et 
ose tout ensemble, car, « combien. qu'il remue 
selon ses parties, neanmoins il est toujours en 
lieu selon soy tout ». Si le ciel se mouvait « tout 
it sur nous », notre terre ne serait pas habitable ; 


ment engendrés. En somme 


noblesse du ciel est entendue et considérée en la simplesse 
| la purté et en la perpetuité de sa substance, en la clarté et 
parence et en la rondesse de sa forme, en unité et ysneleté * 
| la vertu de son mouvemen et en la aultesse de son siege 


ans le, — ** rapidité. 
à 


DE" 


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pas froides, comme l’a très bien démontré Alexandre 


1/44 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU ï 


qui est moult loin du centre de la terre, en la dymencion FA 
quantité qui surmonte ymaginacion et mesure de raison, car il. 
mesure ét regle et ordonne toutes choses desoubz lui ; et, qui w 
surtout fait a mereveiller, le ciel ordonne et mue tomes les : 
choses qui sont soubz lui... ; 


. L'auteur se range, semble-t-il, à l’avis de ceux qui 


croient qu’il y a plus d’un ciel, car il consacre des cha- 
pitres au Ciel d’eau ou cristallin (dont les eaux ne sont 


[Neckam]) et au Ciel de feu. Il disserte ensuite sur 
l'Éther, en juxtaposant purement et simplement, sui- 
vant sa méthode, des extraits d’Aristote, d'Anaxa-" 
gore et de Macro. 4 

Des cercles du ciel". Il en est beaucoup, 1 mais deux | 
seulement sont visibles: le Cercle de lait (la Voie 
lactée), qui va par le milieu du ciel de lorient en 
septentrion, en passant par le cancer et le capricorne ;. 
et le Zodiaque qui est divisé en douze parties égales, ; 
les douze Signes, dont chacun a son nom. 1 

De ces douze Signes, trois sont de la nature du feu* 
(bélier, lion, sagittaire), trois de la nature de las 


1. Les matières traitées à partir d'ici ont fait, depuis le” 
xine siècle, l’objet d’un très grand nombre d’opuscules spéciaux 
en français, traduits du latin et pour la plupart adaptés de pro- 
totypes arabes. On en a des recueils du temps. Voir notamment» 
le ms. fr. 1353 de la Bibliothèque nationale (xure siècle), qui 
contient l’Introductoir d'astronomie, fait pour l’empereur Bau= 
douin de Constantinople (Histoire littéraire, XXI, p. 423); cf. 
le ms. fr. 613. . 

E. Moore, dans ses Studies in Dante (3° série, Oxford, 1903), 
a essayé de dégager les principes de l’astronomie de Dänte, 
ne différait point, naturellement, de celle de ses contemporains, 
puisqu'il l'avait puisée aux mêmes sources. 


V ___. EMY L’ANGLAIS 


ture de l'eau ne cancer, poissons). Les 
ones de la nature du feu sont chauds, mâles et 
urnes ; ceux de la nature de l’eau et de la terre sont 
pids, féminins èt nocturnes. Quatre sont mouvants 
ier, cancer, balance, capricorne), quatre fixes 
ureau, lion, scorpion, verseau), quatre communs 
émeaux, vierge, sagittaire, poissons). Les planètes 
: leurs « habitacles », ou « maisons », dans ces 


roupe des signes de même nature qui vont trois 
par trois : ainsi le groupe bélier-lion-sagittaire, à 
POrient, est la plus noble des triplicités, car le soleil 


tion », cela s’entend « selon ce que les planetes sont 
plus eslevées es degrés des signes », car leur vertu 
ugmente à mesure qu'elles s'élèvent: par exemple 
poil a son exaltation en 18 degrés du bélier et 

lénus en 28 degrés des poissons. En outre chaque 
signe est divisée en trois « faces » de dix degrés 
hacune. Chaque planète en sa propre maison a cinq 
rtus, quatre en son exaltation, trois en la maison 
de triplicité, une ou deux en la face ; sa vertu est, de 
lus, influencée, fortifiée ou affaiblie, par celle du signe 


adent des angles (gémeaux, vierge, sagittaire, pois- 


& É- | 10 


nes. On entend par « maison de triplicité » le 


ureau, lion, scorpion, verseau) et celles qui des-. 


est le jour et la lune la nuit, « Maisons d’exalta- 


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146 ra CONNAISSANCE DE LA xATURE AU 


sons). « Selon la montée et la dos de et les " 
gars et les opposicions et les conjonctions de ces 
signes il advient choses diverses et contraires en ce . 
monde... » | EE 

Les vertus de chaque Signe sont ensuite définies | 1 
copieusement en douze para tépies d’après le traité ù 
bien connu de « Missael »‘ 

Puis il est parlé du nor des planètes. 
Toutes sont animées d’un mouvement propre, d’oc- \ 
cident en orient, qui va à l’encontre de celui du fir-" 
mament, d’orient en occident. Les cercles plané-m 
taires sont loin d’être égaux : Saturne demeure trente M 
mois dans chaque signe et accomplit son cours en 
trente ans, Mars en deux ans, le Soleil en 365 jours \ 
et un quart. « De l'entrée et de l’alée et de l’yssuew 
de ces VIT planetes par les XIT signes est disposé la 
generation et la corruption et tout ce qui par nature 
se fait ci aval dessoubz le ciel ». Exemples; puis. 
notices sur les sept planètes, avec un appendice sur 
«le chef et la queue du dragon »° et les comètes. 

Les étoiles, qui paraissent immobiles, sont, d’après. 
certains, au firmament comme des clous fichés en la” 


1. Voir plus haut, p. 126, en note. 

2. Le Chef et la Queue du Dragon sont deux étoiles qui ne 
sont pas des planètes, mais qui se comportent comme telles. 
Chacune reste 18 mois dans chaque signe et parcourt en 18 ans 
le cercle entier. Le Chef et la Queue sont toujours dans des » 
signes opposés. Le Chef a son exaltation au 4° degré des Gé-" 
meaux ; la Queue au 3e degré du Sagittaire. Si la Lune est” 
‘dans un signe avec la Queue et le Soleil (avec le Chéf) à lop- 
posite, éclipse de lune, 


férence d’une roue. Ce sont, selon Alfragan‘, 
corps lumineux; elles sont de la nature du 
; selon Platon ; mais Aristote, qui considère le 
comme un cinquième élément, dit que les étoiles 
sont ni froides ni chaudes en soi, quoique leur 
uvement produise de la chaleur en même temps 
qu'une musique délicieuse (Macrobe). Quoi qu’il en 
soit, elles sont très pures, très claires, très lointaines, 
“très rapides, très grandes encore que l'éloignement 
| les fasse paraître très petites, et innombrables. Elles 
ont plus de puissance que nul autre corps sur la gé- 
-nération et la conservation des choses d'ici-bas, sur 
Je beau temps et la tempête ; elles annoncent les 
r hoses à venir par les variations de leur couleur et 
» de leur éclat. Les plus belles sont des groupes d'étoiles, 
comme la Pleïade que, en France, on appelle « la 
 Poussinière ». L'étoile polaire sert à situer les autres 
étoiles et les cercles du ciel ; c’est l'étoile de la mer, 
q ii guide les mariniers. La constellation qui en est 


« le char saint Martin ». — Propriétés d’Arcturus, 
d'Orion, de la Pleïade, de la Chienne. 

“ Le livre VIIL prend fin par des explications au 
4 sujet de la lueur, de la splendeur, de la lumière, de 


Re r. Al Farghani, astronome de Samarcande au 1x° siècle. Ses 
“Elementa astronomica ont été traduits deux fois de l'arabe en 
in, par Gérard de Crémone (+ 1183) et par Johannes Hispa- 
“lensis (« vers 1242 »). Sur les éditions incunables de cet ou- 
-vrage, voir Paget Toynbee, Dante’s Obligations to Alfraganus, 
— dans Dante Studies and Researches, p. 56. 


L'ANGLAIS “1 8 


“la plus prochaine est Arcturus, que le peuple nomme 


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l'ombre et des ténèbres. À propos de l'ombre, courte 


théorie des éclipses. 


IX. — Le remrs. Le temps est la mesure du 


mouvement. Suit un abrégé de quelques-unes des M 
matières exposées dans les traités de Comput: du + 
soleil, du solstice et de l’équinoxe ; de l’année lunaire 
et du bissexte ; les quatre saisons; les douze mois M 


(l’auteur indique comment chaque mois est figuré, 
en peinture, dans les calendriers) ; la semaine. Après 
quoi il est question de l’aube, du midi, du soir, de 


la nuit ; enfin, suivant le traité bien connu de Jean . 


Beleth', des fêtes [de l’ancien et du nouveau Testa- 


ment |: le samedi (sabbat), la plus ancienne des fêtes ; 


la nouvelle lune, la Septuagésime, la Quinquagésime, 
le Carême, la Pâdué, la Pentecôte, la fête des Taber- 
nacles, la fête de la Dédicace. 


X. — La MATIÈRE ET LA FORME. La matière a cette 
propriété de recevoir des formes, et d'autant mieux 
qu’elle est plus noble ; mais elle tend sans cesse à en 
changer. 

La forme est ce qui diflérencie une chose de 
l’autre et ce qui manifeste la matière. Il y a des 
formes substantielles et des formes accidentelles ; la 


forme substantielle est « celle qui parfait la ma- 


tiere sans nul moyen et entre avec elle en la compo- 


1. Liturgiste du xrre siècle, qui a sa notice dans l'Histoire M 


littéraire de la France (XIV, p. 218). 


Éd revient ici sur les quatre éléments et les vertus 
de chacun (cf. livre IV) pour admirer la merveille de 
ur coopération, malgré leurs contrariétés, sous 
influence du ciel et des planètes. Les quatre élé- 
_ ments ne sont jamais oisifs, mais se combinent sans 
cesse. Chacun a son ornement: le feu, sa clarté; 
| l'air, les oiseaux ; l’eau, les poissons ; la terre, les 


animaux, comme dit Bède. E. 
- Ainsi se trouve déterminé le plan des développe- - 
ments ultérieurs. Quoique le livre X soit intitulé La 4 
“matière et la Jorme, Barthélemy paraît bien aise ‘1 
 d’expédier rapidement ces sujets abstrus pour en ‘4 
F enir à la description de phénomènes précis. Et il 3 
} aborde tout de suite, sans autre transition, la mo- 4 


'nographie du Feu. 

Le Feu est un corps simple, pur et subtil, sans 
anteur, qui tend toujours en haut. On ne le voit 
e par le corps où il est ; et il est, de la sorte, in- 
“termédiaire entre les choses visibles et invisibles. Il y 
là du mystère, comme l’observe saint Denis'. Le 
feu rajeunit (ne réchauffe-t-il pas les vieillards >) et 
nettoie (ne débarrasse-t-il pas le fer de sa rouille ?) I 
ñ bi les valeurs et les humeurs dans le PROS 
“de la cuisson. Etc. 

an arrive parfois, la nuit, par les temps ne 
’on aperçoive comme de grands brandons de feu qui 


1. Le Pseudo-Aréopagite, auteur (vers 400) du De Celesti 


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… 


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font un sillage dans l’air ; c’est de l’air chaud et sec à 
qui s’enflamme dans le voisinage de la région du feu. 1 
Considérations sur la flamme, la fumée, le charbon, « 
“phupole, les flammèches, la cendre. La cendre | 
sert à nettoyer les habits et à faire du verre, mais w 
c’est un détestable engrais. ; 154 
XI. — L’Air est indispensable à tout être qui res- 
pire. Il est d’autant plus impur qu'il estplus près de « 
la surface terrestre. Il a des qualités diverses sous M 
l'influence du soleil, qui le refroïdit en s’éloignant, “ 
des étoiles et des planètes: il est excessivement | 
chaud, par exemple, ESA le soleil est en un signe : 
chaud en même temps qu'une planète chaude, telle” 
que Mars. La latitude, l'altitude, le voisinage des + 4 
charognes exercent aussi de l’action sur sa tempéra- * 
EN ou sa pureté. | 4 
_ Les « impressions » de l'air sont élites énstlite, À 1 
savoir: les feux folets, les étoiles filantes (dont il a 
déjà été parlé), les vents, les nuées, l’arc-en-ciel!, la « 


1. R. Steele (0. c., p. 16) observe à ce sujet : « [The notice] 
on the rainbow is somewhat typical of the faults of ancient 
science. À note is taken of a rare occurrence — a lunar rain- 
bow ; but, in describing the common one, an error of the most” 
palpable kind is made. The placing of blue as the middle and 
green as the lowest colour is obviously wrong and... inexpli-. 
cable... » Barthélemy enseigne en effet que les couleurs dew 
l’arc-en-ciel se succèdent concentriquement dans l’ordre des élé- 
ments qui leur correspondent : le rouge (couleur du feu) en hauts” 
le bleu, couleur de l’eau, au centre; le vert, couleur dela terre, 
en bas. Il parle ainsi, non d’après Aristote (Météores, HE, 1v, 
24), mais d’après Bède. Cf. Mélusine, 1900, col. 103. : 


“e ner l'éclair, la foudre. DE arc-en- 

: FR à l’opposite du soleil, est causé par 

rayons de cette planète qui traversent une nuée 

1e d’eau ; il n’en apparaîtra point durant qua- 

te ans avant le Jour du Jugement, en signe de la 
heresse qui précédera la conflagration finale. 


XII. — Lelivre XIT est un Volucraire ou Traité des 
aux (ceux-là seulement, en principe, qui sont men- 

nnés dans la Bible), suivant l’ordre alphabétique. 
Les « oiseaux » considérés sont l'aigle, le faucon, 
mouchet, les mouches à miel, le chat-huant, la 
plombe, les cailles, la cigogne, la corneille, le cor- 
tu, le cygne, les cincelles (moustiques), les cigales, 
phénix, la grue, le coq, le chapon, la poule, le 
riffon, le gerfaut, l’hirondelle, la calandre, le « lar'», 
es le plongeon, le milan, la chouette, le 
, le pélican, la perdrix, le paon, les moineaux, 
Dééhe, la fenrerdlle, le vautour, la huppe, la 

auve-Souris ?. 


1. Mot qui manque dans les glossaires de l’ancien français. 
texte latin (Bibl. nat., lat. 16098, fol. 118) renvoie à ce pas- 
de l’Aurora : 

Larus est fluminis habitator et incola terre 

. Nunc natat ut piscis, nune volat instar avis. 

Voir l’article Larus du Glossarium de Du ue 
. On observera que ces noms ne se suivent qu’: peu près 

l’ordre alphabétique. Barthélemy avait annoncé pourtant 

ention de s’y conformer rigoureusement. Cela tient à ce que 

traducteur a suivi l'ordre de l'original latin, qui était alpha- 
que, en faisant passer les noms latins er langue vulgaire. 


+ 


M — 
"3 


, 
* 


et 


Et a RO 


Du y dr LS ue Si ES 


Mn 


152 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE au MoEx 4 


les autres sont composées. | 
Les abeilles s'appellent ainsi, suivant Isidore, parce 
qu’elles naissent apodes. Elles ont un roi, s'orga- M 
nisent et fuient la fumée et le vent. On a constaté 
par expérience, dit Isidore, que ces mouches nais-w 
sent de la charogne. Les propriétés de ces mouches 
sont merveilleuses, suivant saint Ambroïse, car elles 
habitent ensemble une maison close, travaillent en 
commun et sont vierges. Elles aiment leur roi ets 
sont prêtes à mourir pour lui. Nul n'ose aller à lam 
pâture si le roi n’est le premier de la volée. Le roi 
est élu comme le plus grand, le plus fort et le plus 
débonnaire, mais il n’a pas d’aiguillon ou n’en use 
point. Nulle abeille n’est oisive : les unes se battent, « 
d’autres cherchent leur vie, d’autres « attendent et ! 
regardent la pluie a venir », d’autres récoltent lacire 
des fleurs, d’autres édifient des chambrettes « rondes" 
ou carrées ». Le tout sans envie réciproque ni dom- 
mage à autrui. Elles exposent leur vie pour se ven-" 
ger ou pour la défense de leur maison. Tout ce qui 
précède est de saint Ambroise ; mais ces mouches ont 1 
d’autres propriétés d’après Aristote, au X* livre des 
Animaux’. Aristote dit entre autres choses que” 


1. La collection des ouvrages aristotéliques, citée par les écri-" 
vains du moyen âge sous le titre de De animalibus, en compre- 
nait trois: De Historia animalium (dix livres), de Generatione“ 
animalium (cinq), de Partibus animalium (quatre) ; dix-neuf” 
livres en tout. Voir sur les divers arrangements de ces trois ou- 
vrages à l’intérieur de la collection, utiles à connaître pour: 
identifier les citations, Paget-Toynbee, 0. c., p. 147. | 


4 autres et a l’aiguillon plus fort et plus aigu 
son mâle ; beaucoup de mäles n’ont point d’ai- 
illon. Il y a souvent bataille entre ces mouches 
ir expulser celles qui ne font point de miel. Elles 
peuvent souffrir d’ordures dans la ruche. Ne pas 
r laisser trop de miel, car elles deviendraient pa- 
uses. Quand elles se tiennent souvent ensemble 
ans la ruche, c’est signe qu’elles vont essaimer ; il 
t alors les arroser de vin doux, et elles restent. 
i parle Aristote aux livres VIIL et IX des Ani- 
: mais au livre IV, Aristote explique comme 
O1 les mouches à miel ne font de bruit qu’en vo- 
t; au livre XIV, pourquoi leurs pattes de derrière 
nt plus grandes que celles de devant ; au livre 
NII il dit qu’elles ne sont pas engendrées de se- 
“mence de mâle et de femelle et se multiplient en 
temps pluvieux... ; 


«< 


… 


= XIII. — L'eau. Les propriétés générales de l’eau 
nt exposées surtout d’après lHexameron de Basile, 
les des fontaines merveilleuses‘ d’après Isidore. ane 
es paragraphes sont ensuite consacrés aux notions Re. 
de puits et de fleuve en général ; aux fleuves célèbres 
comme l'Euphrate, le Tigre, le Jourdain ; aux no- 
tions de lac, de piscine, de ruisseau, de tr de fil 
e de l'eau, de rivage, d’abime, de goutte d’eau; à la 


x: Cf. ci-dessus, p. 96. 


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+ 
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An Te NE UT UE. 


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mer et aux mers principales. Enfin, RE poissons. 
L'histoire naturelle des poissons, — d’après Pline,“ 


. Isidore, saint Ambroise , Basile et Jorath! — est rela- | 


tivement très brève « pour ne pas donner ennui aux. 
lisans? ». Citons en seulement quelques traits. Poi À 
son, selon Isidore, vient de ordure et de paitre. On peutA 
classer ces animaux « quant au lieu ou ilz sont en-" 
gendrés, quant a leurs viandes, quant a leurs figures, 
quant a leurs substances, quant a leurs vertus, quant 
au lieu ou ilz vivent, quant a leur pature », etc. La # 
murène est une espèce d’anguille qui conçoit d’un 
serpent ; celui-ci l’appelle en sifflant : c’est pourquoi | 
les pêcheurs sifflent pour attraper les murènes. On les 
tue d’un coup sur la queue. — Les poissons ont de M 
l'odorat. Ils viennent plus volontiers pour ce motif, . 
au dire d’Aristote, près des bateaux fraîchement | 
peints. Jorath rapporte que leau rejetée par les 
évents de la baleine est odorante comme l’ambre : “ 
elle attire les petits poissons, que la baleine englou-« 
tit. Les dauphins reconnaissent au flair, lorsqu'ils 
rencontrent un cadavre d'homme, s’il a jamais mangé « 


1. Get auteur, dont le De animalibus est souvent cité, est dé-“ 
signé, dans la nomenclature finale des sources de Barthélemy, « 
en ces termes : « Jorat Caldeus ». Vincent de Beauvais et AI-M 
bert le Grand s’en sont aussi servis. C'est, sans doute, un ou" 
vrage connu (car les encyclopédistes du xmie siècle n'ont guère 
utilisé que des sources banales), mais je ne le connaïs pas et les 
orientalistes que j'ai consultés n’ont pas réussi à Pidentifiers 

2. Elle est au contraire très développée dans le De natura | 
rerum de Thomas de Cantimpré, où elle occupe ie livres QUE 
VID) sur dix-neuf. 


eur dos. — Le poisson frais engendre le flegme ; il 
e convient qu’à ceux qui ont l’estomac and, Les 
ssons salés sont de véritables médicaments : bouil- 

en grande quantité, ils guérissent de la morsure 
chien enragé et de la piqüre du scorpion. Les 
tres sont dans la dépendance de la lune, car elles 
t peines à la pleine lune et vides en décours. 


x. — La terre, élément inférieur, mais centre 
k fondement du monde, est ornée de pierres, de 
x tunes, de bêtes et de plantes. Certaines pars 
Ê ont creusées de cavernes où le vent emprisonné fait 
1 ge à certains moments ; de là, les tremblements de 
terre (relevé des passages d’Aristote qui ont trait à 
tte matière). — Les aspects de la terre sont très va- 
riés ; cela tient à bien des causes: l'altitude, linci- 
dence des rayons du soleil, la proximité de la mer, le 
travail de l’homme, la diversité des vents. Les ré- 
‘gions où domine le vent d’est sont abondantes en 
fleurs et en fruits ; le vent d’ouest, froid et humide, 

t moins PU : : le vent du nord est froid et sec, 
mais il purifie l’air, et c’est pourquoi les hommes du 
Nord sont grands et de belle façon ; les vents du midi, 
chaud et humide, rend les hommes moins courageux. 
Certains disent qu'au commencement la terre fut 
plane et tout unie sans montagnes ; ce sont les mou- 
vements des eaux qui ont cavé les vallées. Mais il yr 
à eu aussi des convulsions qui ont suscité les hau- 


156 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN ! Gi 


teurs. La mer a couvert toute la terre et charrié beau 


coup de matériaux. Quantité de montagnes sont, 


criblées de cavernes qui rejettent des eaux (sources 
des fleuves). Les herbes des montagnes sont meil- 


leures pour les bêtes que celles des vallées ; les fruits” 


y sont moins abondants qu'ailleurs, mais excellents. 
Il pleut fort peu dans les très hautes montagnes, se- 


lon Aristote, parce que les vapeurs se résolvent en. 


pluie avant d’y parvenir. Très exposées au vent, les 


montagnes restent couvertes de neige plus longtemps 


que les vallées. 


Suivent des notices sur les principales montagnes 
citées dans la Bible (Ararat, Hermon, Liban, Sinaï, 
Segor, Galaad, etc.) et sur celles-là seulement. A las 
fin du livre, définitions du tertre, de la vallée, de lan 
plaine, du pré, du désert, de l’ermitage, des fosses 


naturelles et artificielles, grottes et cavernes. 


XV. — Marremonne, c’est-à-dire nomenclature et” 


L 


description des « provinces » du monde, suivant 


l’ordre alphabétique. 


L'auteur annonce l'intention de ne s’occuper que 
de celles dontla Sainte Écriture fait mention. Il parle, « 


toutefois, de bien d’autres !. 


: 
1 
{ 


: ; : | 
1. Les « provinces » énumérées sont en effet : Assyrie, Ara- 


bie, Arménie, Arad (près de Tyr), Albanie, Afrique la petite, 
Achaïe, Arcadie, Alanie, Amazones (pays des), Allemagne, An- 
gleterre, Aquitaine, Anjou, Auvergne, Apulie, Afrique la grande, 


| 


Asturies, Aragon, Babylone, Bastre (Bactriane), Braceane (en 
*Afrique), Brabant, Béauvoisis, Bythinie, Bretagne, Béotie, « 


Bohème, Bourgogne, Cappadoce, Chaldée, Cedar, Kent, Canta- " 


| 


la un at ces notices, Barthélemy a 
duit, selon sa coutume, des données tradition- 
; mais il a ajouté de son cru des détails inté- 
nts sur les pays qu’il connaissait personnelle- 
ou par ouï-dire, notamment sûr la Grande- 


Canaan, Campanie et Champagne, la Queue (ile entre la 
e et la Syrie)*, « Cicile » (Cilicie), Chypre, Crète, Cy- 
es, Cos, Corse, Dalmatie, « Dace » (Danemark), Delos, 
am (en Éthiopie), Europe, Éjulath (vallée du Gange ou Phi- 
O1 , Éthiopie, Égypte, Hellade, Éole (île d’), Franconie, France, 
landres, Phénicie, Phrygie, Frise, Iles fortunées, Galilée, Ga- 
atie fou ER Galice, Gaule, Gibraltar (ile), Grèce, Gétu- 
Gordones (île des), Gothie, Inde, Hircanie, Idumée, Judée, 
Italie, Espagne, Irlande, carie, Carthage, Carinihie; 
e, Lacédémonie, Lettons (pays des), Livonie, Lycie, 
Lydie, Libye, Lorraine, Lusitanie, Mauritanie, Macédoine, 
agnésie, Mésie, Mésopotamie, Médie, Melos, Midie (en Ir- 
inde), Missenne (région d’Allemagne, entre la Bohème, la 
Saxe et le Thuringe, autour de Meiïssen), Malte **, Nabatéens 
pa: rs des), Norvège, Normandie, Numidie, Marié, Ophir, 
lo oll nde, Orcades, Paradis terrestre, Parthie, Palestine, Pam- 
bhylie, Pannonie, Paros, Pentapole, Perse, Pyrénées, Pygmées 
(pays des), Poitou, Picardie, Arimathie, Rencie (pays du Rhin), 
 Rivalle » (Revel), Rincovie (Rheingau, près de Mayence), 


lan n province de Mésie, sur le rivage de la mer, vers le Nord), 
avoie, Sardaigne, Sarmatie, Samos, Saxe, Esclavonie, Sparte, 
Séres (pays des), Zélande, Sémigalle (prèa de la Livonie), 
(en France), Syrie, Sichem (pays de), Scythie, Sicyone, 
>, Syrtes, Écosse, « Suesse » (Suède), Souabe, Thanet (ile), 
laprobane (Ceylan), Thrace, Traconitide (en Judée), Thessalie, 
l'er : ssl Thulé, Tripoli, Troglodytes (pays des), Troye, Toscane, 
Thuring STE Gascogne, Venise, Westphalie, « Viroyne » 
; V Énbnd, à l’est du Danemark), Finlande, « Vitrie » (Wight, 
e d'Angleterre), Islande, Zeugie (environs de Rae 


\etes des Apôtres, xxvrr, 16. — * Ib., xxvur. 


e, Romanie, Rhodes, Russie, Saba, Samarie, Sambie (Sam- 


DIEPPE 
D + 


Pt RERO ESS 


PE 4 OT OP Le EP Eee TE AE ne ce ie cm 


de l'Allemagne du côté des pays slaves et scandi- 
naves'. En voici quelques-ünes, de l’un et l’autre. 
genre. - 1 
A frique la petite et Grèce, c’est tout un. Provincem 
ancienne dont était la terre d’Athènes, nourrice des 
philosophes et mère des sept arts. Platon y fut doc-« 
teur; Démosthènes l’embellit par son éloquence ;" 
mais surtout saint Denis, le disciple de saint Paul, 
qui fut plus tard évêque de Paris, en a été l'orne 
ment. | | 4 

Bohéme. Région voisine de l’Allemagne, qui con- 
fine à la Moravie et à la Pologne à l’est, à l'Autriche 
au sud, à la Bavière, à l'Allemagne et à la marche de« 
Meissen à l’ouest. Elle est toute enclose de bois, des 
hautes montagnes et de rivières. Belles plaines ; l'air, 
y est sain et la terre abondante ; mines d’or, d’argents 
et d’autres métaux ; l’Elbe, qui y prend sa source, et» 
la Moldau, qui passe à Prague, l’arrosent. Dans les 
montagnes, sapins, pins et herbes médicinales, bêtes 
sauvages telles que ours, sangliers, cerfs, chèvres” 
On remarque surtout des bêtes grandes comme un: 
bœuf, avec de grandes et larges cornes; elles ne se 
défendent point, mais elles ont sous le menton une 
poche-réservoir à eau; cette eau s’échauffe quand on! 
les poursuit et ils la jettent sur les poursuivants qui 
én sont échaudés comme par de l’eau bouillante. Ces 


1. Voir les études précitées de MM. Delisle, Perdrizet et. 
Schônbach sur les notices de Barthélemy relatives à la Grande 
Bretagne, à la France et à l'Allemagne. < 


_ Éthiopie. Ainsi appelée à cause de la couleur de 
n peuple, brülé par le soleil. Gouverte de montagnes, 
ablonneuse au centre, déserte à l’est. Située entre 
à fin du mont Atlas jusqu'en Égypte, limitée au nord 
D: ' le Nil. On y voit quantité d'êtres merveilleux et 
iorribles. Là sont les licornes et les caméléons, et 
es‘dragons dont on fouille la cervelle pour avoir les 
pierres précieuses telles que la topaze, læ jacinte, la 
ur etc. La cannelle et d’autres épices y 
issent. Il y a deux Éthiopies, l’une à l’est, 
‘au utre plus près de l'Espagne. Au delà d'Éthiopie la 
rûlée, d’après les fables des poètes, sont les Anti- 
podes. Dans les déserts de cette région vivent des 
hommes qui maudissent le soleil à son lever et à 
on coucher ; d’autres qui habitent dans des fosses, 
3 “SE des serpents et grognent comme des bêtes 
s Troglodytes); d’autres, les Garamantes, qui 
Bb sent de toutes les femmes sans loi; les Grapha- 
antes vont tout nus et ne font rien. Blemmyes, qui 
ont point de tête, avec la bouche et les yeux sur la 
F Ditine, Satyres… Tous les quadrupèdes sont privés 
d'oreilles. Il est des hommes qui ont un chien pour 
. Il en est qui ont trois ou quatre yeux sur le 
5 nt. 11 en est qui mangent les lions et les pan- 
ä res ; leur roi n’a qu'un œil sur le front. Autres 


i LE . Ce mot se présente sous différentes formes dans les mss. 
atins et français. M. le Pr Strekelj (Mitteilungen…, 1. c., p. 82) 
; fait remarquer que, en vieux tchèque, le nom de l'élan est losi 


ER OP EP A 


TRE NE 


n OR 


LE 
2 i2f Lo 


OR Es D a A: : nt à y ai 


160 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE au Mo F 


qui vivent seulement de sauterelles sé à au pote | 
et jamais plus de quarante ans !. 

France. Ge pays a pris son nom des Francs de 
Franconie qui y furent attirés par la bonté de l’air et. | 
du pays. Ceux qui sont plus au courant des Chro- | 
niques disent que Francion, fils d’Hercule et neveu. 
du roi Priam, lui donna son nom après la ruine dem 
Troie. C’est une terre très riche, limitée par le Rhin 1 
et le Rhône. Il s’y trouve beaucoup de carrières de“ 
pierres à bâtir; le plâtre abonde, en particulier, au- À 
tour de Paris, clair comme verre quand il est cru et 
dur comme pierre quand il est cuit ; détrempé d’eau, 4 
il se convertit en une espèce de ciment dont on tit 
les parois et les pavements des maisons. La principale | 
ville est Paris, qui a succédé à Athènes comme mère 
des sept arts et nourrice des philosophes. : 


L 
Paris. reçoypt de toutes les parties du.monde ceulx qui a luy 

viennent et trouve a chascun ses necessitez, et... donne doc- 
trine et nourriture aux saiges et aux fols. Paris est une cité très” 
puissante en richesses et en marchandises, paisible et en bon 
air et sur bonne riviere pour les clercz, et qui a prez, champs 
et montaignes pleines de beaulté pour rafraichir la veue des 
escoliers quand ïilz sont lassés et travaillez de estudier, et les. 
rues et les maisons sont bien propres pour escolliers ; et pour. 
ce ne laisse elle pas a a toutes les aultres manieres de 
gens souflisamment.. ] 


Irlande. Ile voisine de la Grande-Bretagne, plus" 
petite, mais plus riche. Très abondante en froments, « 
rivières, prés, bois, métaux et pierres précieuses :" 


# 


. Comparer ce chapitre à la Lettre du Prêtre-Jean sur les 
Merveilles de l’Éthiopie (ci-dessous, p. 191). 


1, des Sa 
sat Climat tempéré. D ièines merveil- 
; lac où les bâtons de frêne qu’on y plonge se 
| ot en coudrier et réciproquement. Il y a des 
ndroits où nul ne peut mourir et d’autres où les ca- 
lavres ne pourrissent pas. Ni mouches à miel, ni 
pents, ni grenouilles, ni araignées venimeuses ; 
e poignée. de terre d'Irlande, jetée sur -une bête 
imeuse, la fait mourir ; la laine et le cuir d'Irlande 
t la même propriété. Solin dit que les gens du 
ays sont très combatifs et se lavent le visage avec 
> sang de leurs ennemis. Ils vivent de chair et de 
sser que travailler, et « 11z ont aussi chier le tort 
omme le droit »*. 
. Midie* . Région d'Irlande, ainsi nommée parce 
qu'elle est au milieu du pays. Elle est abondante en 
f ntaines, en pâtures, en bêtes, lait, beurres et fro- 
ages. Ce pays est beau et sain, clos de bois et de ma- 
s, avec beaucoup de villes et de châteaux. En leur 
gage, ils l’appellent « la Chambre de Irlande ». 


ia, en Jatin. 


À « Lapis sexagorius, scilicet iris. » (Bibl. nat., RE 16099, 
120 vo). Cf. plus haut, p- 26. 


à de Barri. On sait que Jean de Meun, l’auteur du Roman 
Le la Rose, avait composé une traduction française de cet ou- 
e, qui ne se retrouve pas (Histoire littéraire, XXVIII, 


IT : 


ts, et boivent du lait. Ils aiment mieux jouer et 


(e à: 
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ns. 


4 


41 Lis jé 
in ii are be, 


Livonie. Avant d’être convertis par ceux ds 
manie, les gens de ce pays avaient plusieurs dieux, 
demandaient l'avenir aux diables et usaient de sor-. 
cellerie. Is brûlaient les cadavres au lieu de les en- 
terrer, et, quand un de leürs amis était mort, ils 
l Dabillaient de neuf, lui donnaient des bêtes, de l’ar-« 
gent, des valets et des chambrières comme El | 
aller en voyage; et plaçaient le tout sur un bûcher. ” 
Cette région est aujourd’hui délivrée de ses erreurs. 
par la grâce de Dieu et la puissance de ceux de Ger-_ 
manie ' 

use. Les Écossais ressemblent Nasa à ceux. 
d'Irlande en langage, en mœurs et en nature. Très. 
courageux, ils disent que c’est une honte que de - 
mourir de son lit. Gens de petite vie et endurcis à la 
faim, ils vivent de lait, de beurre et de fromage, de” 
chair, de fruit et de poisson plus que de pain. Is” 
sont beaux, mais les habits qui leur sont particu* . 
liers les enlaidissent beaucoup. A cause de leurs 
relations avec les Anglais, ils ont, du reste, beaucoup 
changé leurs coutumes, en mieux : « Toute l’hon- ” 
nesteté qui est entre eulx leur vient des Angloïs avec 
lesquelz ilz conversent ». Gependant les Écossais | 

sauvages se glorifient de leurs anciens usages et mé- . 
prisent ceux qui fort autrement. Les Écossais sont. 
très orgueilleux, envieux de leurs voisins et disent du … 
mal de tout le monde. Ils n’ont point de honte à 
mentir et ne réputent personne noble ni hardi qui. 


1. Ce passage n’a pas pu être écrit avant 1230. 


TAngleterre pour les biens de la terre’. 
sovie *. Pays près de la cité de Mayence entre 
nontagnes, sur les deux rives du Rhin, qui va 

qu'à la ville de « Pinguie » (Bingen). Cette terre est 
berveillensement belle et plantureuse ; les habitants 
£ les visiteurs s’étonnent de son abondance, car, 

ans les mêmes champs, croissent le blé, les fruits et 


les bains naturels et des fontaines d’eau chaude mé- 
A 


. Pays des montagnes de Norvège vers 
est, sur le rivage de la mer, qui n’est abondant 
m'en bois et en pâturages. Les gens sont très sau- 
rage et usent d'arts détestables, car ils vendent les 
ents propices aux navires étrangers qui sont sur le 
bin d'en revenir : ils font un « luissiel » (peloton) 
avec toutes sortes de nœuds ; les marins tirent 
t le vent s'élève, plus ou moins fort suivant le fil 
üré, si fort parfois que ceux qui-ont foi en ces mau- 

ises sorcellenies sont justement noyés. 


x. — Ce livre est un répertoire alphabétique 


La phopart des ms. latins et français ont. par erreur, Ricrenis. * 
+ — * Wieshaden.. É 
I. Le traducteur 2 ajouté : « Îl appert clerement en ce cha- 1 
re que l'acteur de ce livre ne fut pas escoçoys, mais fut an- '& 

kc LI ofortrnmaghe, 7e ou pp pr 
à 

# 


-raude, la pierre de soleil, l’étain, le soufre, le sel, le 


ne autrefois dans les îles de l’Atlantique, se trouve main 


16% LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


des pierres et des métaux, qui commence par. 
l « araine » (le sable)". | 

Les principales matières dont il est question sont, 
dans cet ordre, l'argile, l’albâtre, l'or, le ol 
pin (sulfure d’arsenic), l'argent, le diamant, l’amé« 
thyste, l’agate, le ciment, le béril, le caïllou, la chaux, « 
le mortier, l’escarboucle, la chrysoprase, la chalcé-« 
doine, la chrysolithe, le cristal, le corail, la cornaline, « 
l’airain, l'électrum, l’hélyotrope, le fer, la motte de“ 
terre, les gemmes, le jaspe, l’aimant, la perle, le 4 
marbre, le nitre, onyx, le plomb?, le saphir, l'éme- 
À 
tartre, le verre. Il est disais en outre de la pinperel 
des pierres mentionnées dans le Lapidaire ‘de Phi-« 
lippe de Thaon et les autres Lapidaires, évidemment 
d’après les mêmes sources : alectoires, Gap ï 
asterion, etc. ; 

Barthélemy distingue le diamant de late un. 
peu mieux que Philippe de Thaon. : 

Diamant. Petite pierre de l'Inde, très dure, bril- 


1. R. Steele et W. Morris (0. c., p. 20) ont cherché à déga- 
ger, des articles de ce 1. XVI, relatif aux Métaux, une théorie 
générale de leur composition chimiques qui n’est d’ailleurs ex- 
pressé ément présentée nulle part par Barthélemy. Elle se résume 
ainsi : tout métal est un composé de mercure et de soufre ; les 
divers métaux diffèrent entre eux suivant les qualités et les Dr 
rate du mélange. 4 

L'auteur dit que le minerai de plomb, que l’on allait cher 


nant en beaucoup d’endroits, notamment en France et en Foi) 
tugal. 


; pas plus grosse qu’une aveline. Ne redoute ni 
li fer : c’est pourquoi les Grecs l’appellaient « la 
: que l’on ne peut MALE «7 200 » ; mais le sang de 


Ps rer af 1# 
cold) iédidtus Le LS 


h :, : C'Eu è d: 
nié Se - RD UT, 


1,188; 


or du fer si ne le* laisse traire de Ltnebe 
is l’en retrait par une grant violence‘ ». Décèle le 
venin et la peur de celui qui le porte. Résiste aux 
nchantements. D’après Dioscoride, le diamant est 
a pierre d'amour et de réconciliation. Une femme 
porte cette pierre rentre plus aisément en gràce 
rès de son mari. Placée souslla tête d’ une femme 
ormie, elle fait juger de sa fidélité: fidèle, la 
ime se tourne vers son mari ; infidèle, elle tombe me 
as du lit. Portée à gauche, elle protège contre les 
tômes, les mauvais songes, les diables qui couchent 
les femmes sous figure d'homme. 

| Aimant. Pierre couleur de fer, qui se tronve chez 
Ranaoupte de l'Inde. Attire le fer, et aussi le 
e. On fit jadis une idole de fer qui restait suspen- 
en l'air, attirée qu'elle était de toutes parts par 
‘aimants d’égale force. Le fer qui a touché à l’aï- 
mant jouit ensuite des mêmes propriétés que lui. Il 
y a en Éthiopie une espèce d’aimant qui repousse 
fer; une espèce qui l'attire d’un côté et le re- 


ition : se (qui rend la phrase inintelligible). 


x Cf. le Breviari d'Amor de Matfre Ermengau, v. 5910 : 
E la vertut del diaman — Tol la vigor a l’aziman »; et K. | 
arens, Das Buch der Naturgegenstände (Kiel, 1892), p. 82. 2 


L é MS COR de CE 


L 
4 


pousse de l’autre. L’aimant réconcilie, rend 
guérit l'hydropisie et le mal de rate. Brûlez de lu 
poudre de cette pierre aux quatre coins d’une mai- 
son, et tous ceux qui sont dedans croiront qu'elle ya 
s’écrouler : la tête leur tourne. Gomme le diamant et w 
de la même façon, elle sert à éprouver, la vertu des « 
femmes. Il y a des montagnes d’aimant qui attirent 
les vaisseaux. | a L 

La plupart des articles de cette Maé Seat . 
développés surtout au point de vue médical. x 

Ciment (Bitume), espèce de terre limoneuse que 
l’on trouve dans certaines mares, et notamment dans « 
la Mer Morte. Le ciment de Judée ne peut être dé- « 
pecé ni par feu ni par eau, mais seulement « parune « 
matiere secrete que il ne fault pas nommer pour M 
l’onneur des dames ». Sert beaucoup dans la con- | 
struction navale. Platearius! dit que le ciment est À 
chaud et sec au troisième degré ; il est lourd et puant. « 
Excellent, en poudre, pour fermer les plaies. Utile en. 
inhalations pour les maladies de la matrice. Indiqué. 
contre la surabondance du flegme et la léthargie. 

Verre. Avicenne dit que le verre est entre les. 
pierres comme un fol entre les hommes, car ilchange « 
de couleur quand on veut de même qu'un fol ap-" 
prouve tout ce qu’on lui dit. Il fut découvert par des. 


EE 


1. Médecin de Salerne au xrie siècle, auteur d’une Practica - 
souvent imprimée à la Renaissance. Sur l'usage que Barthélemy 
et d’autres encyclopédistes du moyen àge ont fait de ses ou-« 
vrages, voir Saint-Lager, Recherches sur les anciens” Horharse; 
(Paris, 1886). 2-0 


pied du Carmel. À chaud, il se laisse fondre et 
ler. Le verre blanc, qui ressemble au cristal, est 
plus estimé de tous (Isidore). Un maître fabriqua, 
it-on, une sorte de verre que l’on pouvait marteler 
+i pliait sans rompre ; l’empereur Tibére le fit 
écapiter, parce qu'un verre de cette espèce eût fait 
À üne concurrence désastreuse à l’art des potiers d’or 
et d'argent. — La poudre de verre nettoie les dents 
t les yeux. Il est excellent dans les affections de la 
vessie et des reins (Avicenne). Et il ne peut « souffrir 
enin »; telle est du- moins l’opinion commune. 

XVII. — Ce livre est un répertoire alphabétique 
-« des arbres, des herbes, des fruits et des semences », 
“avec une introduction sur la biologie végétale qui, 
l’auteur en avertit, est tirée tout entière d’Aristote et 
des gloses d’Albumasar !. 

Les principales* plantes, parties ou dérivés de 


onographie sont l’amandier, le sapin, laloès, le 
oseau, l’anis, l'ail, l’ache, l’aristoloche, le cyprès, 
| cannelle, la casse, la cardamone, les figues sèches, 


1. Astronome arabe, originaire du Turkestan, mort en 885. 
usieurs de ses écrits ont été traduits en français (voir notam- 
ment son « Traité des elections selonc les regars et les conjonc- 
#ions de la lune as planettes par les .x11. signes », traduit par 
Hernous de Quincampoix : Bibl. nat., fr. 613, fol. 145 ; cf. P. 
Paris, Manuscrits français, V, p. 204). Je ne sais pas quel est 
- l'ouvrage d’Albumasar que le compilateur vise ici. 

* 2. Liste complète dans l'Histoire littéraire, XXX, p. 347. 


- 


DU, PRO A TNT 


plantes auxquelles Barthélemy consacre une courte 


cn. se aa : 


An re te 


le‘cumin, la coriandre, la coloquinte, le sal 
ciboule, l'o oignon de mer, la chélidoine, la cour 
la centaurée, le laurier, la gomme adragan à 
lierre, l’hellébore, le figuier, le frêne, le hêtre, 
fève, le froment, la farine, le levain, le fumeter 
fenouil, le foin, le fruit, le germe, le giroflier 
grain, la nielle, l’hysope, la jacinte, la jusquia 
le châtaignier, le laurier, le lentisque, la fleur de lys 
la laitue, les potages (légumes à cosse), le lin, le 
pommier, le grenadier, le mürier, le myrte, Ja 
myrrhe, la mandragore, le millet, la mauve, 
noyer, les avelines, le nard, l'olivier, l'huile, le ch: 
l'orge, le palmier, les provins, le platane, le pe 
plier, le pin, le poirier, le prunier, le jone, le ch 
don chaussetrappe, le pavôt, le plantain, le persil 
poivre, le poireau, le chêne, la rose, la racine, 
résine, les buissons, la rue, le saule, le sycomor 
Mate le senevé, la semence, le chaume, 
étoupes, les tables, poutres et chevrons, le térébinth 
le thym, le froment, la tisane, l’encens, l’osier, 
vigne, le raisin, le vin, la violette, l’orme, l'or 
l’ivraie, la gingembre, le citoal, le sucre. 
Il va sans dire qu'ici encore le point de vue n 
dical est celui où l’auteur se place de préférence. 
Soussie (souci). Herbe froide et humide au seca 
degré qui fleurit au solstice d'été, et qui suit le sole 
d’où son nom. La décoction vaut contre les ve 
des mains et le venin; l'emplâtre contre les ve 
du corps et les morsures de chien enragé. Utile con 
la chaleur du foie, et ouvre les conduits (Plateariu 


Li. 
LE 
38 
M cé 
ea 
re 
Q. 
Le 
7 
F 


re Se Fe contre la frénésie ; « et de ce 
y veue l’experience a Paris en ma presence! ». 

Fou (hètre). Arbre dont le bois sert à divers 
es, notamment dans la construction. Il porte un 
fruit, la faine, dont les gens vivaient autrefois ; 
me intenant, les rats, les souris et les ramiers s’en 
aissent. L’écorce est bonne pour faire des réci- 
nts à à garder les poissons et pour d’autres usages, 
dans les pays du Nord (Isidore). Le bois, léger, 
3 ourrit vite, mais la cendre en est bonne pour faire 
à verre. Les fleurs ressemblent à celles du tilleul, 
ais n’ont pas si bonne odeur. Toutefois les mouches 
à miel s’y plaisent et élisent souvent domicile dans 

arbres. 

Fève. On distingue la fève d'Égypte et la fève 
mmune, ou « frasée »*. Feuilles larges, un peu 
uës au bout. Fleurs blanches et noires, odorantes. 
ses vertes, dont l’intérieur est blanc, qui noir- 
sent à la maturité. Dioscoride dit que la fève est 
roide et sèche; nouvelle, elle ne nourrit point et 
8 engendre des humeurs nuisibles. Ceux qui vivent 
co: atinuellement de fèves ont le ventre dur et la di- 
stion difficile ; l'écorce, si on la mange, fait en- 
r. La moëlle nettoie la face et le poumon, guérit 
Vapostume du sein, et, avec des roses, la douleur des 
veux. La fève fendue et mise sur une veine coupée 


- Qi 
TRE 
” 


*à ‘écosser. 
1. Addition du traducteur: 


ds 
Pb 


TPE 


à L C1 
UE 
DNS TU 


‘ m” 


bis, c’est un dde pour les podagrs ; cuite à ee 
du vin aigre, contre les enflures, si l’on s'y prend 
temps. Pline dit que c’est un ru bon potage ; on la 
mêle quelquefois à la farine. La fève coupée et jetée: 
-en terre croît avec la lune, ce que ne fait nul autre, 
grain. Elle ne cuit pas dans.l’eau salée. Il faut las 
planter en décours de l'étoile Poussinière"(la Pléiade), 
avant l’hiver. Elle aime l'humidité quand elle est en 
fleur et la sécheresse ensuite ; elle engraisse la terre oùM 
elle est plantée comme du fumier. Les fèves poussent 
d’elles- -mêmes en certains pays, surtout dans les mon-. 
tagnes et aux îles de la mer vers lé Nord, mais elles: 
sont très dures ou Ra en Égypte, si épineuses 
que les crocodiles n’en osent approcher, pour ne pas M 
se piquer les yeux. Les plantes qui produisent ces“ 
fèves ont dix coudées de haut et la tête comme un 
pavôt couleur de rose ; la racine est bonne à manger 
(Pline, xvim, 12). 4 
Ortie. Il en est deux sortes, uné qui piqué et. 
l’autre à feuilles rougés ou blanches, d'odeur puante,* 
inoffensive. Toutes deux sont médicinales, car le jus 
en est bon contre la jaunisse. Avec du miel, il guérit | 
de la toux invétérée, nettoie le poumon et désenfle” 
le ventre. Les feuilles broyées avec du sel guérissents 
les plaies, les morsures et le chancre. La racinew 
broyée avec du vin et cuite dans l’huile vaut contre. 
l'enflure de la rate. Le jus étanche les saignementss 
de nez et restreint les fleurs des dames. La semence 
dans du vin avec du poivre pousse à la luxure et fait 


| BARTHÉLEMY L'ANGLAIS 171 
Cuïite, cette herbe lâche le ventre; c’est 
quoi Pline conseille d'en cueillir en mars et 
comme on fait des choax; ; mais on s’en 


XVIII. — Ce Besriaire très développé commence 
par l'indication des manières d’être communes À toutes 
ss bêtes. Il traite ensuite des « différences », qui 
expliquent « par la diversité des FompEons ». Il 
est des bêtes qui ont du sang et d’autres qui n’en ont 
joint ; il en est de solitaires et de sociables; les unes 
vivent à la ville et d'autres à la campagne. Distin- 
guons aussi les carnivores, les herbivores et les om- 
Hivores ; celles qui vivent au jour le jour et les pré- 
antes ; les diurnes et les nocturnes ; celles qui ont 
de la mémoire et celles qui n’en ont pas; etc. 

» Quelques caractères définis s’accompagnent tou- 


ainsi toute bête qui a des cornes a le pied fourchu 
(excepté la licorne) ; toute bête qui a le pied entier a 


dauphin ; etc. 

Certaines bêtes ont été Line à l'homme pour 

pe les mange ; d’autres, pour l'aider (cheval, cha- 

eau); d'autres pour l’amuser (singes, chiens), 

€ d'autres pour lui rappeler sa fragilité (puces, ver- 

s ines). Les autres nous remémorent la puissance 
à Dieu (ours, lions, serpents). En outre, les bêtes 


s dents aiguës ; ; toute bête qui engendre a des reins 
une vessie, excepté les oiseaux, et un fiel, excepté 


172 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU OYEN 
fournissent des remèdes. On sait assez que la peau de 
serpent guérit des hémorroïdes quand on s’asseoit, 
dessus ; les yeux d’ours font passer la quartaine ; uns 
anneau de corne d’âne garantit du haut mal ; le fiel. 
de taureau placé sur le nombril fait du bien au. 
ventre; etc. Règle générale, du reste : « Au corps de 
la beste il n’y a riens qui, occultement ou manifes-" 
tement, ne contiegne aulcune medecine, car le cuyr,. 
le poil, les cornes, les ongles, la chair et le sang, et” 
mesmes le fiens des bestes, ont en eulx grand vertu, 
de medecine. » | 1 

Les principaux animaux (115 en tout) décrits àM 
part, après cette introduction, sont : lebélier, l'agneau, 
le sanglier, l’âne, l’anguille et autres reptiles du même 
genre, l’aspic, l’araignée, l'abeille‘, le bœuf, le bulle,” 
le basilic, le crapaud, le bombyx, le chameau, le camé- 
léon, la ra le chien, le castor, le cerf, le serpent 
cornu, le crocodile, la re le daim, le dro-. 
madaire, le dragon, le cheval, l'éléphant, le che- 
vreuil, la chenille, les faunes ou satyres, les fourmis,“ 
le griffon, le bouc, l’hyène, le hérisson, le porc-épic;" 
le lion, le léopard, le lièvre, le limaçon, le loup, le“ 
mulet, la souris, la belette, la martre, le chat, le 
ver luisant, l’onagre, l’onocentaure, la panthère, les 
pygmées, le porc, le pou, la puce, la licorne, la gre-4 
nouille, la salamandre, la sangsue, la sirène, le singe, 
le scorpion, la truie, le taureau, la taupe, le tesson 


. L'auteur n'oublie pas qu'il a déjà traité ce sun en son 
Aa XII, car il y renvoie. 


u), le tigre, la teigne, la tortue, la vache, 
, le renard, les vérs‘. 


… XIX. — Il est clair que Barthélemy a refoulé dans 
e dernier livre de son « Propriétaire » tout ce qu'il 
Wavait pas pu mettre ailleurs, le résidu de ses notes. 
Mais il a essayé de grouper tout cela sous une rubrique 
générale : « Accinexts qui ensuyvent les substances 
es choses corporelles ». 


été soutenues au sujet de leur essence. La chaleur 
oircit, le froid blanchit; les conditions intermé- 
aires produisent les couleurs intermédiaires « selon 
LÉ nnnosition de la matière ». Quelques-uns disent 
que la couleur est de la lumière incorporée à l’objet 
coloré, le noir étant la privation de lumière et le blanc 
a lumière pure. On dit aussi que toutes les couleurs 
moyennes sont engendrées de blanc et de noir. — La 
couleur traduit les accidents de l’âme sur la face hu- 
Maine ; elle orne les corps; elle en dissimule les or- 
dures comme les peintures dans les maisons. Les 
choses changent de couleur pour diverses causes, 
q ve l'auteur s'efforce en vain de classifier raisonna- 
e Dent: les fruits, les hommes changent de couleur 
vieillissant, mais non pas de la même manière. 
ln est plus facile d’énumérer les couleurs et leurs 


1 A togritots de ces notices, d’après une ancienne para- 
‘phrase française, ont été publiés, dvec des annotations, par Berger 
| aps) Tradilions tératologiques (Paris, 1836), p. 441 et s. 

43 = notre Appendice bibliographique, n: 56, 61, 86. 


. D'abord, les couleurs*. Des opinions diverses ont 


en une à une ; c’est ce qu Rte 
pilateur, qui parle ace TS du blane, 
fauve, du rouge, du jaune, du vermillon, du re 
du violet, etc. La couleur verte, par exemple, est 
engendrée par la chaleur «en matiere moïenne entre 
sec et moiste, mais plus encline au moïste », comm 
il paraît aux feuilles. Le vert est l'indice de hu- 
meur crue et mal digérée, puisque les fruits la pénis 
en mûrissant. Le vert est intermédiaire entre le rouges 
et le noir, car les « naturiens » savent que la cole 
rouge devient verte avant de se muer en mélancolie: 
ou cole noire. Le vert est agréable à voir et très sain 
pour la vue; et c’est pourquoi les cerfs et autres 
bêtes sauvages recherchent beaucoup la verdure; 
« non pas seulement pour pasturer, mais aussi pour 
conforter leur veue » ; les veneurs sont vêtus de vert 
comme dit Galien, pour ne pas effrayer le gibier. — 
Enfin les matières colorantes sont l’objet de quelques 
paragraphes : cinabre, sandaraque, ocre, arsenic, | 
azur, etc. | 1 
Les odeurs sont des « substances fumeuses » qui 
sortent des objets pour frapper le sens de l’odorat.… 
La chaleur les exalte. Elles se rangent toutes dans: 
l’une ou l’autre de ces deux séries: aromatique et 
puante. Puantise est signe de corruption; Re. 
certains remèdes puent, comme l’aloès et le soufre, 
dont la vertu réside en ce qu’ils attirent au dehors 
les humeurs pourries. 4 
Les saveurs sont déterminées par l'effet de HS | 
substances sur certaines complexions. Ainsi la 


| BARTHÉLEMY L'ANGLAIS 175- 


sse substance » produit, avec la complexion 
ide et humide au second degré, l'effet de la saveur 
asse; et ainsi de suite. Les quatre éléments se 
jouvent en proportions diverses dans chacune des 
aveurs, mais le feu et l’air l’emportent dans la saveur 
ouce, le feu et la terre dans la saveur salée, l’eau et 
à terre dans la saveur astringente, etc. 
| Des liqueurs. Toutes les humeurs ne sont pas des. 
iqueurs. Liqueurs sont les humeurs qui, par art ou 
jar nature, coulent hors des plantes et des corps des. 
È Mes et des gens comme l'urine, le lait; le vin, le 
: e et l'huile, qui viennent des fruits ; le miel, des. 
leurs ; le baume, des arbres; la cervoise, du blé ; 
te. L'auteur qui a conscience d’en avoir cité déjà un 
ertain nombre dans les parties précédentes de son 
uvrage, ne les étudiera pas toutes ici. Il se borne à 
isserter sur le miel et les boissons qu'on en fait (bo- 
het, claré, piment, oximel), avec un appendice im- 
sur la cire et les cierges, et un autre sur le lait 
le chameau, de vache, de chèvre, de brebis, d’ânesse, 
Bent y qui l'amène à parler du beurre et 
ü fromage. Le beurre ranci est détestable pour ac- 
ommoder les aliments, mais on s’en sert pour divers 
nguents, « car il avient souvent que ce qui ne vault 
lens a la gueulle est bon en médecine ». Un dernier 
n o sur le caillet, ou présure, lait endurci dans l’es- 
pmac de certaines bêtes qui fait « prendre » le lait 
s des autres animaux. Le caillet de lièvre est ex- 
nt contre le flux de ventre, selon Aristote. 
Des vertus qui viennent à diverses choses. Liqueurs, 


humeurs et autres choses encore ont des vertus qu Il 
y a lieu de mentionner: vertus d'ouvrir, de bou 
cher, de nettoyer, de mürir, etc. La vertu d'ouvrir 
les conduits obstrués ‘est, par exemple, chaude et“ 
sèche en substance subtile, comme les oignons et le” 
jus de poireau. La vertu d’attendrir est chaude et 
humide (mauve). La vertu d’épaissir est froide ets 
humide (persil). Les vertus de ce genre sont innom-« 
brables. Et il y a en outre la vertu de croître, la* 
vertu d’engendrer, la vertu de se nourrir, dont il a 
déjà été question, Gontentons-nous donc d'examiner” 
maintenant « la vertu de faire des œufs ». 4 

Des œufs. Barthélemy ne traite point, au début de“ 
ce dernier chapitre, des « œufs en général », comme 
l'annonce la rubrique. Il se contente d’aligner sans 
ordre les fiches recueillies sur le sujet au cours de ses. 
lectures. — Les oiseaux font leurs œufs au commen-« 
cement de l’été, excepté l'oiseau alcyon, qui couve! 
au commencement de l’hiver. Il y a des oïseaux qui 
pondent deux ou trois fois lan, comme les hiron” 
delles; les poules pondent toute l’année, excepté juil=« 
let et décembre. Tous les oiseaux ne choisissent pas, 
pour déposer leurs œufs, les mêmes emplacements." 
Tous les œufs n’ont pas la même forme ni la mêmes 
couleur. L'autorité d’Aristote est invoquée pour éta 
blir que la femelle échauffe l’œufen le couvantet quem 
le blanc d'œuf durcit au feu. Les œufs sont bons à 
manger surtout quand ils sont pochés dans l'eau ;* 
frits, ils pèsent sur l'estomac. L'huile de jaune d'œuf 
est bonne pour les brûlures. — Les crapauds couvent: 


2 Fe PRES 
" BARTHÉLENT |  L'ANGLAIS 177 


rfois re œufs d’aspic, mais il en sort un serpent 
qui les tue. 

. L'auteur enfile ensuite une série de notices sur les 
œ œufs de l’araignée, de l'aigle, de l’oie, du canard, 

de e l’alouette, du chat-huant, du corbeau et de vingt- 
sept autres espèces. 

> De la différence des nombres, des fiqures, des 
me sures, des poids et des sons. — Pas de distinction, 

dit Isaac, entre l’homme qui ne sait pas compter et 
. une beste ». On va donc exposer les propriétés des 
n Dnbres. Mais il n’en est énuméré que quelques-uns, 
les premiers de la série numérique à partir de l’u- 
ts et l’exposé de leurs propriétés arithmétiques est 
s bref. Le compilateur se complaît, en revanche, 
lans des considérations comme celles ci : le nombre 
à est parfait ; le nombre deux « est d’aucuns appelé 
nfame pour ce que par lui on se depart d'unité, 
mais... il fait a louer parce qu'il approche du nombre 
ur ois », qui est celui de la Trinité!. 

E La Géduiguts est expédiée ensuite, de la même 
façon que l’Arithmétique : propriétés du triangle, du 
carré, du cercle. 

. Pourles mesures, le traducteur a fort abrégé son 


…_ 1. Si l'on veut avoir l’idée de l’arithmétique élémentaire du 
sr 1e siècle, ce n’est pas à Barthélemy l'Anglais qu'il faut 
adresser, mais à l’opuscule d’un spécialiste contemporain, qui 
oïsine, dans le ms. 2200 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève 
le Paris avec l’Image du Monde et d’autres écrits de vulgarisation 
ci cientifique. Ce texte a été publié avec le plus grand soin par 
x. Ée Morte dans la Bibliotheca mathematica, Zeitschrift für Ge- 
schichie der mathematischen Wissenschaften, IX (1908), p. 6o. 


12 


ce mt moult +: mesures [de Ra: dont au- 
cunes ne sont point en usaige et n’ont point de noms 
correspondens en nostre langaige, et les autres sont 
si communs que chascun les scet. Et pour ce je 
m'en passe... » Quant aux mesures de longueur,. 
« les mesures des voies sont en divers pays diverse- 
ment nommées, car en Ytalie on les appelle milles, * 
_en Grece stades et en France lieues. » L'auteur pré- 
fère définir la « voie », le « chemin », la « sente »,4 
etc., que caractérisent, au dire d'Isidore, des diflé- 
rences de largeur. 
A propos des poids, théorie de la balance. Mais 
l’auteur (ou plutôt le traducteur) néglige ceux duw 
passé comme sans importance pratique, et refuse | 
de s'engager dans le détail infini de ceux du pré-| 
sent. | | 
Si l’art de compter et la métrologie sont utiles aux. 
études théologiques, la musique ne l’est pas moins; 
c'est par celte transition qu’est amené le chapitre final 
sur les « propriétés » des sons. Les gens de guerre,M 
les mariniers, les bêtes mêmes connaissent la puissance» 
des sons, des chants, de la mélodie (qui est l'accord 
des sons, doux à l'oreille comme le miel l’est au goût, 
ainsi que le mot l'indique). On distingue la musique“ 
vocale et l’instrumentale. Qualités diverses de la voix 
humaine. Définitions de quelques instruments de mu- 
sique: orgue, trompe, buisine, flûte, chalumeaus 


_et des sons musicaux, *. 
. Mais « ces paroles sont mout parfondes 
a gens is n'ont estudié € en sine” 


DO NE ON TOR N CU 
F + FAFTANE CUS * 


LE ROMAN DE SIDRACH 


La « Fontaine de toutes sciences », « Livre » ou chos 
man » du philosophe Sidrach, est un des ouvrages du 
moyen âge qui ont eu le los de succès jusqu au cœur 
de la Rendimancs. 

Il a figuré dans toutes les bibliothèques princières d 
xrvr et du xv° siècle!, Il n’est guère de grande biblio- 
thèque moderne qui n’en possède des manuscrits ou des* 
incunables. I] a été traduit au moyen âge en italien, en, 
flamand, en mutelniederdeutsch, en anglais, et toutes 
traductions ont été, comme l'original, très “Fee 


Quel en est l’auteur ? Le problème, posé en ces termes, | 
est “exceptionnellement difficile à résoudre. | 
Le prologue dont on lira plus loin analyse (P- 202) ; 
fournit à ce sujet des données qui ont été, de nos jours, 
considérées comme peut-être fabuleuses en partie ue 
ment ?. 


bises V en possédait plusieurs exemplaires (L. Delisle, | 
one sur la Librairie de Charles V. Paris 1907, p. 78° 
n. 457 et suiv.). É 
2. Dans la plus ancienne dissertation sur Sidrach qui “ait été 
publiée à ma connaissance (Opuscoli di Autori Siciliani, XIE 
[Calania, 1758-78], p. 138 et s.), on voit que les érudits du 
xvue siècle étaient déjà partagés sur ce point. L'auteur de la. 
dissertation admet les données du Prologue, contre l'en 
d'Argelati qui les déclarait entachées d’imposture. Mais nul n 
savait, en vérité, à quoi s’en tenir au sujet d’un si bizarre ou. 
vrage : « Quid monstri sit, non intelligo. » TT à TR 


ce prologue, le livre français de Sidrach aurait 
“traduit à Tolède d’une version latine faite, par 
ordre de l'Empereur Frédéric IE, d’après un texte « sar- 

inois » qui, lui-même, avait été exécuté en Espagne 
e traduction latine d'un original grec. Il va sans 
que cette généalogie compliquée n’est pas à prendre 
ied de la lettre ; mais on peut se demander, et on 
demandé en eflet, si le livre de Sidrach ne dérive 
t réellement, au moins en quelque mesure, d'un 
ne otype oriental. L'Histoire liltéraire de la France pré- 
sente, sur cette question préjudicielle, deux aflirmations 
1ccess ives, contradictoires, qui ne sont ni l’une ni l’autre 


+ Sans l'ombre d’un motif Victor Le Clerc a affirmé que 
de Livre de Sidrach, déjà cité par Pierre le Vénérable 
an 1140, paraît avoir été traduit au xmr° siècle 
breu en latin‘. » « L’original, ajoutait-il, peut avoir 
composé dans le Midi de la France par un juif qui se 


tla Sagesse, avaient été nommés « Trésors de toutes 
tus » et que, parmi ceux qui avaient passé pour en 
auteurs, on avait compté Jesus, fils de Sirach. » 
a été reconnu aisément que cette hypothèse était 
Pis Le Roman de Sidrach est étranger à la littérature 
élite. Le nom de Sidrach y a été attaché. non en 
venir de Jesus ben Sirach, mais par allusion au Si- 
ch de la Bible (Daniel, L, 7)°. Enfin c’est l'ouvrage de 
sus ben Sirach, et non pas celui dont il s’agit, qui a 
cité par Pierre le Vénérable, et par bien æ autres, 
nt le xin° siècle ?. 3, Il ne reste donc rien des affirmations 


re. 


LEA lidéraire, XXUI, p. 294. 
16., XXVIE, p. 501. 


enait que deux des livres sapientiaux, l Ecclésiasti- 


La confusion entre l'ouvrage de Jesus bèn Sirach et le - 


LL / 


E. Rest s’est posé de nouveau PAS sur le 
rain ainsi déblayé. Avec l'autorité que lui conféra 
qualité de sémitisant, il a déclaré que « le cadre 
les questions du Livre de Sidrach paraissent avoir 
composées en même temps par un clerc chrétien ! 
Ainsi le Livre de Sidrach n’aurait pas eu de prototype e 
oriental. 

« Le cadre et les questions... », c’est, semble-t-i 
beaucoup dire. Il n’est pas nécessaire, en l'effet, d’être 
versé dans les anciennes littératures orientales pour savoir, 
qu’elles sont riches en encyclopédies discursives par de- 
mandes et réponses, mêlées de devinettes et de balivernes, | 
à la façon de notre Sidrach. Le Livre de Sidrach en français à 
indubitablement quelque chose d’exotique. Aussi bien 
rédacteur de l'Histoire littéraire reconnaît-il plus loin que 
quantité des impertinences qui s’y trouvent AL ; ti 
à un vieux fonds de notions, de tout temps populaires er 
Orient, qui s’est perpétué jusqu’à nos jours dans le monde #1 
musulman ; et que plusieurs des noms propres qui s'yren= 
contrent ont traversé des transcriptions sémitiques. —" 
On n’est donc pas surpris que l’opinion de M. Renan sur 
ce point n'ait pas été acceptée par tous les orientalistes. 

M. It. Pizzi, qui a écrit une Storia della poesia per 
siana, soutient avec ardeur la thèse que notre roman est 
d’origine persane. Il serait conçu, en effet, dans la mêr 
forme qu’un livre pehlvi, récemment publié à Bombay, 
où les interlocuteurs sont le sage Bouzourdimir et le roi. 


14 


Livre de Sidrach aurait été commise dès le moyen âge sil 
exact, comme le dit À. Bartoli (11 Libro di Sidrach. Bologna, 1867 
p- xvir), que le Roman soit cité dans des opuscules italiens, els 
que le Trattatello della natura e virtù delle pielre_ preziose, sous 
le nom de Jesus Sirach. Mais, quand il est question, dans ces 
opuscules, de « Sirach », est-ce bien notre Roman qui st visé à 
ns est peu probable. ‘ De 
"x. Histoire littéraire, XXXI, p. 313. 


; nstitua Pancire empire and Le sage boue 
mir, personnage très historique, aurait composé 
ement, pour son maître, ce livre, qui fut traduit ou 
té plus tard dans divérse langues orientales, notam- 
at en arabe. L'ouvrage, où l'on pourrait encore dis- 
er çà et là, dans les rifacimenti les plus éloignés de 
iginal, des traces de conceptions zoroastriennes, a 
eu, selon M. Pizzi, une très grande fortune dans l'Orient 
lout entier avant d’être populaire en Occident, où il 
r rvint à une date indéterminée ?. Conclusion : « Le 
> de Sidrach que l'Occident a connu au moyen âge 
st certainement un rifacimento de l’œuvre du sage He 
z0 ourdjmir, quoiqu ‘il contienne des parties qui ne sont ni 
pe sanes ni orientales. Mais, dans l’état présent des 
se est impossible de dire par quelles voies s’est faite 
transmission du livre *. » 
D Ces origines lointaines ne sont pas, d’ailleurs, de notre 
pétence. J’observe seulement que J. Quicherat a pu- 
dès 1853, la notice et des extraits d’un manuscrit 


It. Pizzi, Un riscontro arabo del Libro di Sidrac, dans Rac- 
a di studi dedicala ad Alessandro d’Ancona (Firenze, 1g01), 

. 235-239. : 
Ex M. Pizzi renvoie, dans sa dissertation précitée, à sa Sloria 
a poesia persiana (Torino, 1894, 2 vol.). Le chapitre de cet 
age qui est intitulé : Le somigliañze e le relazioni tra la 
ia persiana e la rostra del Medio Evo (IL, p. 452), contient, 
effet, un paragraphe Le somiglianze nelle Enciclopedie scienti- 
J où la thèse de l’auteur au sujet du Sidrach occidental est 
enue avec ampleur. 
. O. 0, IE, p. 454. M. It. Pizza Le pe ensuite, à ce propos, 
hypothèse, déjà réfutée, qu'il n’appuie d'aucun indice nou- 
veau : « Possiam supporre soltanto che esso dovette venir fino a 
noi per qualche versione arabica su cui deve essere stata fatla 
che ebraica, e che dall’ ebraïico agevolmente, come è avve- 
) d’altre opere, sia passalo in latino. » 


nous occupe *. 


. culté de rêver est une perception de l’âme, est-elle procurée P: 


18/4 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE Av 10 


latin (rx° siècle) de la Bibliothèque national, re 
le nom de Priscien le Philosophe, contient Péabneé 
solution de « Problèmes proposés par le roi Chosroës 

Ces problèmes sont tout à fait du même genre que ce 
dont traite le saze Sidrach dans le roman occidental à i 


+ 


I nous faut rechercher. maintenant quel est l'autei 
du Livre de Sidrach en français, tel que le moyen 
occidental l’a connu. 

Constatons d'abord que l’on n'a signalé j Le "à pr 


. Bibliothèque de l'École des, Chartes, 3e Pr IV (1853), 

p: 348.263. 
2. Voici, d’après J. Quicherat, l'énoncé des principales ques= 
tions du roi Chosroës. — Quelle est la nature de âme? L'ame 
est-elle la même dans tous les êtres ? Est-ce la différence des âmes 
qui fait la différence des corps? Qu'est-ce que le sommeil? Se 
rapporte-til au principe du chaud ou à celui du froid? Si la fa 


les dieux ou par les esprits malfaisants ? Quelle est la raison des M 
quatre saisons ? Pourquoi tels médecins qui s'accordent sur la na 
ture d’une maladie ne s’accordent-ils pas sur le remède qu’il con. 
vient d’y appliquer, jusque-là que le remède déclaré nuisible p: 
l’un sera appliqué avec succès par un autre ? Comment se fait-il qi 
les corps graves se soutiennent dans l’air ? Pourquoi, tous les êtres 
étant pareillement composés des quatre éléments, n’y a-t-il que | 
les reptiles qui portent en eux des venins pee et pourquoi : 
tous les reptiles n’en ont-ils pas ? — La plus intéressante des qe 
tions de Chosroës à Priscien le Philosophe est sans doute celle= 
ci, qui reste posée, jusqu’à nos jours, à la curiosité scout 
presque dans les mêmes termes : « Pourquoi les diverses espèce 
d'animaux et de végétaux, lorsqu'on les change de région, pré 
sentent-elles, après un certain laps de temps et un certain nom=" 
bre de générations, des formes propres au pays où elles. ont ét l 
transplantées ; et pourquoi, si c’est la nature de l’air et du sol q 
les modifie, tous les individus des espèces qui ontété constlammer 
soumises à ces influences n’ont-ils pas la même physionomie ? | 


270 

a texte it dont le Sidrach français serait la 
ion. Ce fait, autant que «’le caractère même de 
ge », « porte à croire », selon E. Renan, « qu'il 
composé du premier coup en langue vulgaire ». 
opinion contraire a été émise autrefois, maisen l'air, 
n n'est venu la confirmer ‘. 
ayons, en second lieu, d’ indiquer les états d'esprit 
esquels ont passé les érudits qui ont étudié la ques- 
usqu’'à présent. — Ils ont été très frappés par le fait 
‘auteur du prologue qui est aussi, probablement, 
ur ou l’adaptateur du livre, ençore qu'iksémble s'en 
ilendre ? — mêle aux fables qu'il débite des renseigne- 
ients exacts. [l sait que l'École de Tolède a joué un 
rand rôle dans l’histoire de la transmission des monu- 
iénts de la sagesse orientale à l'Occident. Il sait que 
pereur Frédéric IL entretint des relations philoso- 
ques et littéraires avec les cours musulmanes. Parmi 
| noms qu'il indique comme ceux des familiers de 
éric IL qui auraient été mélés à l'histoire du Dia- 
,; l'en est plusieurs de réels. Le « Todre le phi- 
>sophe », originaire d’Antioche, du prologue, c'est évi- 
emment le personnage que Frédéric II lui-même, 
s ses lettres, appelle Theodorus, philosophus noster, 
t qui était à la fois son « philosophe », son astrologue 
à t son confiseur. Aubert, le patriarche d° Antioche, à 
Hi « Todre » aurait adressé subrepticement la seconde 
on latine de Sidrach, n’est pas non plus un person- 
imaginaire : Aubert, ancien évêque gibelin de Bres- 
fut patriarche d’Antioche de 1226 à 1246; il a joué 


P, Paris, Manuscrits françuis, VI (1845), p. 35 : « Le début 
1 le caractère de ces nombreuses compositions latines, demi- 
sophiques et demi-astrologiques, faites en Espagne vers le 
ècle et'atiribuées par ceux qui les fabriquaient à des sages 
; hébreux ou syriens. » 


Voir plus loin, p. 194. 


sroracu F6 


186 
un certain rôle, à ass reprises, dre is 
son temps. IL assista notamment au premier Conc 
œæcuménique de Lyon en 1245. 
On est, dès lors, assez porté à croire que tout ce qui 
dans le prologue, n’est pas évidemment trop romanesq 
peut être accepté comme étant vraisemblablement Lex 
pression de la vérité. Ainsi, dans un passage ic 
parce qu’il est trouble, et pour ainsi dire, malade dans 
tous les manuscrits, nee dont le sens général n’a pas 
paru douteux !, l’auteur du prologue a l'air de déclarer 
que c’est un clerc nommé Jean Pierre, de Lyon, attaché 
à la personne du patriarche Aubert, qui, ae quitté la 
Syrie pour aller aux écoles de Tolède? À ramena le 
Roman et procura le Sidrach français. Il n’y a, a-t-om 
dit, « aucun motif de douter » que Jean Pierre, d 
Lyon, ait existé, aussi bien que son patron, le patriar- 
che Aubert. Rien n "empêche non plus d'admettre, n’est- 
ce pas? qu'il ait procuré le Sidrach français. Qu'il lait 
traduit ou fait traduire à Tolède dans les conditions e 
romanesques que le prologue rapporte, cela ne supporte 
guère l’examen *, mais que ce soit lui qui l'ait écrit, 
pourquoi pas ? 4 
S'il faut en croire le prologue, « li prologue et li argu: 
ment de ce livre furent fais » en 1243. — C’est possib e 


. Hist. litt., 1. ©., p. 313. ; 

2. F1. Frocheur a écrit (Messager des sciences historiques 
Belgique, 1842, p. 83) que Jean Pierre, « clerc espagnol », 
allant à Tolède, vint «se fixer au lieu de sa naïssance » ; ri 
ne l'y autorisait certainement, car il n'avait à sa dispositi 
que des manuscrits de Sidrach qui existent encore, où l’on chers 
cherait en vain quelque chose de pareil. £ 
3. Encore est-il établi que Michel Scot, un des « philoso= 
phes » de Frédéric IE, fut en relations avec Tolède, Voir J, Wa 
Brown, An Enquiry into the life and legend of Michael Seat 
(Edinburgh, 1897), ch. mt Fee at Toledo). 


premier Sbord À l'époque où vivait l’auteur de 
, la quatrième croisade avait eu lieu, l'invasion 
Rte était un fait accompli, mais on a pu croire 
Louis IX n'avait pas encore entrepris sa première 
ion, car l'ouvrage ne renferme pas d’allusion for- 
à cet événement !. | 

iversesconsidérations semblent de nature à corroborer 
vraisemblances. L'Histoire littéraire en fait valoir 
ques-unes. — D'abord, « l'absence de toute men- 


Livre de Sidrach irait He avoir été fait à Lyon »} 
a r Lyon fut terre d'Empire jusqu’au commencement 
x siècle. — De plus, Sidrach existe en provençal 
mme en italien, en allemand, en anglais). Or, en 
nparant la rédaction provençale que présente le ma- 
cit fr. 1158 de la Bibliothèque nationale au texte 
Deus, E. Renan s'est rise que cette rédaction 


es ess See du mire s’explique- . 
t assez bien par un contresens commis dans l’in- 
prétation du provençal. Cette circonstance serait peut- 
tre, selon le savant critique, un argument de plus en 
aveur de Jean Pierre, car pourquoi Jean Pierre, de 
L pen n'aurait-il pas écrit en provençal ? La chose n’au- 
en soi, rien d'extraordinaire : « Il n’y a rien d’éton- 
à ce qu'on écrivit à Lyon, au xm° siècle, en pro- 
çal : entre les deux langues littéraires du Nord et du 
Sud de la France, les écrivains des régions intermié- 
diaires s’orientaient diversement.… » 


voit, assez SA On peut se en 
d’autres qui valent autant, sinon mieux. k 

I. Écartons, pour commencer, la sous-question i inci- 
dente posée par E. Renan (et par G. Paris, car l’ars 
ticle de l'Histoire litléraire est signé de ces deux gran ds 
noms) au sujet de l’antériorité de la rédaction proven- 
çule. La rédaction provençale du manuscrit fr. 1198, 
qui serait l'œuvre même de Jean Pierre, n’a été conservée 
qu’en un seul exemplaire, incomplet, de baise époque et 
très mauvais ; plus clair peut-être en quelques endroits 
que les ee manuscrits français, ce texte leur est, 
le plus souvent, comme je m'en suis convaincu, inférieur 
à tous égards. Et on sait par ailleurs que le Livre de Si 
drach a été traduit, au moins une fois, du français er 
provençal !. Enfin, à Lyon, au xrr° HQE on n “écrivait 
guère en provençal — La conjecture incidente, émise 
SE l'Histoire litéraire, est hautement Ne en TES 

IT. Il convient sans doute d’attacher plus d'importance 
à cette remarque, omise par l'Histoire littéraire, que plu- 
sieurs manuscrits anciens de Sidrach — et notamment l un 
des plus anciens, le manuscrit fr. 1160 — ne sont pas € 
langue d’oil très pure. On y observe un grand nintbre 2 
formes méridionales, ce qui tendrait à faire croire ques 
l'ouvrage a été copié de bonne heure, sinon composé; 
dans une région intermédiaire entre le Nord et le Midi 
(comme est Lyon). Mais il y a plus:il y a, däns ces mas 
nuscrits, des formes particulières à la langue qui étaitem 
usage au xiv° siècle dans les colonies franques de l'Orient 
latin ?., Le roman de Sidrach, dont la saveur orientales 


. C. Chabaneau, Le roman d'Arles (Paris, 1889), p. 1x, n. a 
On lit dans le ms. fr. 1160, fol. 38, c. 2, que la grèle ne pro-| 
duit d’escarhoucles dans les coquilles d’eau doûce que lorsqu'elle y. 
tombe « a .xur. jors de la lune de delier ». Or A. Thomas constate 
(Mélanges d'étymologie française. Paris, 1902, p. 174)que «la forme 
delier, pour deleir [décembre], paraît spéciale à l'Orient latin 5 


s contestable, n'aurait-il pas été écrit dans une 
colonies ? En tout état de cause, celui qui a écrit 
h était fort au courantet très préoccupé des affaires 
nt : les croisades et la situation de la Terre Sainte 
nt, de sa part, l’objet de longs exposés (malheureuse- 
# Drop peu clairs, sans dd à dessein) !. Il polémique 
» les Grecs et les autres chrétiens orientaux?. Il 
ment des « Francs », à plusieurs reprises *. 
ee Rédrue que les choniqueurs de TOrient latin, il con- 
e un fleuve « qui vient de l'Est », qu'il appelle 
Aigues froides », comme la limite autre les Tatars et 
s Sarrasins*. Ajoutons qu'il ne fait pas de distinction 
tre les Grecs et les Romains, comme cela n'était na- 


pire grec sous le nom de Romanie. Il semble que 
He et le chameau fussent pour lui des êtres fami- 
5, Enfin il était absolument dans l’état d'esprit des 
ics d'outre-mer, bien connu par les écrits de Philippe 
> Novare © et d’autres témoignages : « La est son pais 
a on puet vivre, déclare-t-il avec insistance, et non 
s la où l'on est natif » (cf. p. 249). — Tout cela con- 
t très bien, dira-t-on, à un clerc du patriarchat d'An- 

:, On serait amené à confirmer ainsi, par une autre 
e les droits d’auteur de Jean Pierre. Jean Pierre, de 


 Publiés in extenso Ma LH Craie, À c.: p. 306 


sui. 

“a. Noir plus loin, pp. 208, 241, 256. 

3: À. Bartoli (O0. e.,p. xvin)s’est complètement fourvoyé en 
rgu mentant, pour établir que l’auteur du Sidrach français était 
rançais, du fait qu’il parle souvent des « Francs ». 

-h: Un des affluents du Tigre ou de l'Eupbrate ; voir, sous ce 
“ mr : Findex des Gestes des Chiprois. p. p. G. Raynaud (Genève, 
5. Plus loin, pp. 237, 254, 255; v. aussi p. 250, L. 4. 

Cf. mon volume précédent, La Vie en France au moyen âge 
ès quelques moralistes, p. 199. 


FA, 1» 


LS 


t 
Le 
Le 
# 
2: 
& 


4: 


, âu moyen âge, que-chez ceux qui connaissaient 


190 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE 


Lyon, aurait composé Sidrach d’après des tabs orien 
tales, recueillies en. Syrie un peu avant 1243, c'est-# 
dire un peu avant que le patriarche, son patron, se . 
posät à venir à Lyon pour la célébration du Concile: 
HI. D'autre part, le Sidrach occidental, quelle qu’e 
ait été la forme primitive, n'est-il pas un des produit 
littéraires de la cour de Frédéric II? 
L' hypothèse que le roman de Sidrach aurait été po 1 
la première fois habillé à l’occidentale dans l’entourag 
de Frédéric IT a déjà été émise, notamment par J.-L.-A 
Huillard-Bréholles dans l’Introduction à son Histori® 
diplomatica Friderici Secundi (1859) ! et par H.-L.-D 
Ward dans son Cataloque of romances in the British Mu 
seum (1883)? ; et M. Ward à remarqué en outre, après 
M. Steinschneider *, mais plus pertinemment, que le 
historiettes de Sidrach ont le même caractère que ce 
qui se trouvent dans une partie des Prophéties (françaises 
de Merlin*; or les Prophéties de Merlin passaient aus 
pour avoir été rédigées à la demarfde de Frédéric". 
Cette dernière remarque peut et doit être étendue 
Sidrach et les Prophéties de Merlin ne sont pas les seul 
écrits en HAE du même genre qui aient été lancés dan 


1. À, p. xxx ets. 
2. Ï, p. 905. 

3- Déss IL Buonarroti, 1872, p. RS D 
4. La ressemblance est Rat frappante dans la partie pre 
prement prophétique de Sidrach, qui concerne les destinées d 
l'Orient latin. È 

5. On lit au début : « Et parole [li conte] des Profecies Mer 
lin qui sont translatées du latin en françois, que Fedelis a fai 
translater... » 

Les copistes de manuscrits joignaient parfois ls Prophéts 
de Merlin au roman de Sidrach dans les recueils qu’ils formaier 
Voir, par exemple, le ms. 593 de la Bibliothèque de Rennes. Cf 
le n. 450 du Catalogue des livres de la Bibliothèque de Charles Y : 
« L’Ymage du Monde, Cidrac et de Merlin en françoys 7. 


Du 1 C'est Anti is de ln Tumeuse lettre 
1 Prêtre Jean à « Fedri, l empereour de Rome », sur les 
e Ee de l'Éthiopie, dont il existe plusieurs versions 
isest, — C'est aussi le cas de deux Traités de faucon- 
| qui, dans le ms. unique de Venise(San Marco, CIV, 
),se présentent comme traduits par un certain Daniel de 
ré émone pour Enzio de Sardaigne, fils naturel de l’'Em- 
ereur ; ilest dit, dans le prologue de cet ouvrage, que les 
figinaux des deux traités, composés d’abord en hébreu 
ar « Moamyn » et « mestre Tariph de Perse », avaient 
té préalablement translatés de cette langue en Hé par 
s soins de « maître Théodore », pour le compte de Fré- 
ric 112. — C’est aussi le cas du Régime du corps en 
atre livres de « maistre Alebrant » le Lombard qui, 
ans plusieurs manuscrits (de basse époque, il est vrai) 
t précédé d’une préface d’après laquelle ce Manuel 
‘hygiène médicale aurait été traduit « du grec en latin 
du latin en françois » en 1234, à la requête de « Fel- 
ris , qui fu jadis empeureres de Rome, et puis fu con- 
impnez a Lyon sur le Rosne... en Comélle general » ?. 
ÉEofn c’est aussi le cas d’un Livre des neuf anciens juges 
& astrologie, especiaument quant as interrogacions.… dont 
1 fortune a été plus modeste que celle des œuvres pré- 
éd en tes. Le préambule de ce Livre des neuf anciens 
s…. qui, dans l’exemplaire unique, se dit « translaté » 
tin en 1361 pour le duc Charles de Normandie, mais 


"Une des versions françaises a été publiée par A. Jubinal, 
es de Rutebeuf, 2° éd., II, p. 355 (appendice). Sur les 
es, voir P. Meyer dans la Romania, XV, p. 177 

P. Meyer, dans les Atti del Congresso internazionale di 
nze storiche, t. IV (Roma, 1904), p. 78. 

3. Voir Le Régime du corps de maistre Alebrant Florence, 
». p. L. Landouzy et a Pépin, Introduction (Sous presse, oc- 


bre 1910). 


192 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE UM 
_ dont l'original latin ne se retrouve pas datée 
celui de Sidrach, déclare qu'il aurait été « envoyé 
le Soudan de Babiloine a l’empereur Frederic ou temps 
que le grand calif envoya Theodore audit empereür.… » 
Ce « Théodore » du Livre des neuf anciens juges, comme 
celui des Traités de fauconnerie, n’estautre, bien entendu, 
que le « Todre » de Sidrach. 4 

Mais tous ces écrits ont-ils vraiment l'origine qu’ ils 
s’attribuent, ou bien n’était-il pas à la mode, à ‘époques 
où ils ont été composés, de l’attribuer gratuitement? Il 
parait bien que, pour quelques-uns d’entre eux, sino n 
pour tous, c'est la seconde hypothèse qui doit être pré= 
férée. & 

IV. Avançons. Il est étonnant que l’on ne se soit pas 
encore avisé de rapprocher Sidrach de l’opuscule, popus 
laire entre tous au moyen âge et si connu encore aujour: 
d'hui (des érudits) sous le nom de Secret des Secrets. Car 
la confrontation de ces textes est instructive. 4 

Le Secret des Secrets, attribué à Aristote, est un opus: 
cule comparable à plusieurs de ceux qui sont étudiés dans 
le présent volume, mais surtout à Sidrach et au Dialo- 
gue de Placides et Timeo. L'auteur, sous le nom d’Aris® 
tote, donne à son élève Alexandre des conseils de con 
duite, de politique, d'hygiène, etc. ; il fait l'éloge de 

l'astrologie, qu'il défend contre ses contempteurs ; et il 


1. Le ms. 2872 de la Bibliothèque de l’Arsenal a conserv 
cet ouvrage, dont l’auteur se nomme : Robert Godefroi, « mais 
tre es ars et astronomien ». Ce Robert Godefroi, originaire dw 
diocèse de Rouen, faisait partie en septembre 1347 de la Nations 
de Normandie à l'Université de Paris (Denifle et Chatelaï V5 
Chartularium Universitatis Parisiensis, IL, p. 606). — Le même 
ms. contient (fol. 38) un « Livre des secrez de nature sur là 
vertu des oyseaulx et des poissons, pierres et herbes et beste 
lequel le noble roy Alfonse d’Espaigne fit transporter de g 
en latin... » 


us versions en ii vlgaire de France !, 
ginal latin de ces versions ?, et l Griginal arabe de la 
ersion latine (Sirr-el-asrar)*. Les textes français et latins 
ont précédés d'un prologue au moins, et, pour la plupart, 
le deux. — Le premier de ces dodnents est d’un certain 
ï hilippe, clerc de Tripoli, qui s'adresse à son évêque, 
i de Valence (d’ailleurs inconnu) : « Comme j'étais 
à > vous à Antioche, dit-il en substance, j'ai fait passer 
le l'arabe en latin cette précieuse perle de philosophie 
jour vous plaire‘... ». — Le second attribue les traduc- 
ions initiales qui auraient été faites successivement"du 
grec en chaldéen (syriaque), et du chaldéen en arabe, à 
ce très savant interprète, lingaarum interpretator peritis- 
x us et fidelissimus, Johannes filius Patrici en latin, 
& Jehan fiz Patrice » en français, qui aurait découvert 
l'original chez un ermite, dans lé temple du Soleil, bâti 
bar Esculape. Ce Johannes filius Patricü n’est pas, du 
ste, un personnage imaginaire. Les arabisants ont re- 
connu en lui le linguiste Johannes filius Bitricit, Ibn el- 


4 
1 


) 
nr. Romania, XV, pp. 167, 188, 330, etc. 
… 2. Les manuscrits sont très nombreux. Voir le texte critique 
des dédicaces dans R. Fürster, De Aristotelis quæ feruntur Secre- 
is Sééretorum Commentatio (Kiliæ, 1888, in-4). 
3. R. Fürster, L. c., p. 1. Cf. J.Wood Browne, 0. c., pp. 32-38. 
- 4. « Domino suo... Guidoni Vere de Valentia, civitatis Tri- 
| lis Litres pontifici, Ph., suorum minimus clericorum.… 
.. vobiscum essem apud Antiochiam, reperta hac pretio- 
à philosophiæ margarita, placuit vestræ dominationi ut 
ransferrem de lingua arabica in latinam... » (R. Fürster, 0. e., 
P . Fa + 
. On a proposé d'identifier le clerc Philippe, de Tripoli, avec 
jun personnage du même nom, qui vivait à la cour de Sicile au 
lemps de Frédéric II et de Michel Scot (lequel a connu les 
Secrela secretorum). Voir J. Wood Browne, 0. c., p. 37. 


13 


nd le lue dupe du Timée Fe Pla au 
chefs-d'œuvre de la littérature grecque, qui vivait : 
siècle. 
Il n’est nullement établi, bien entendu, par le: second 
prologue du Secret des Secrets qu’Ibn el-Bitriq soit l'a 
teur véritable de la traduction arabe, car il n’y a 1 
traces, parait-il, du Sirr-el-asrar dans la littérature arabe 
qu'à partir du xr° siècle. R. Fôrster a émis l’hypoth se 
très vraisemblable que l’auteur obscur du Sirr-eEasrar 
aura, au x1° siècle, décoré son œuvre d’un nom illustre, 
pour lui donner plus d’autorité. 
Il est certain, en tout cas, qu’ en Orient, au moyen âge, 
lesnom de YahyA ibn el-Bitriq (Johannés filius Patricit. 
ou Petri, Jean fiz Patrice où Jean Pierre!) fut synonyme | 
de traducteur par excellence. Il est possible que cette 
notion ne soit pas superflue pour l'interprétation du pro-| 
logue de Sidrach. | 
V. Remarquons, du reste, que le rôle attribué à 
l'énigmatique Jean Pierre dans le prologue du Sidrach 
français n’est peut-être pas aussi considérable qu'on le dit 
communément. L. 
Ce prologue lui-même se présente, non comme l'œuvre. 
de Jean Pierre, maiscomme celle, collective, de plusieurs 
« maistres clers » de Tolède en 1243 ?: ( | 


En l'an MCCXLUI furent fait li prologues et li argomenti 
de cest livre a Toulete par pluseurs mestres clers… 


Ils n'auraient pas touché à l'ordonnance de l'ouvrage | 
lui-même et se seraient contentés.de le gloser çaet là: 
. « It is not unlikely that some confusion might arise bet- | 
ween the names Patrick and Peter, often used interchangeably ». 
(J. Wood Browne, 0. e., p. 35). ST 
2. C’est sans doute pour ce motif que Leroux de Liney Gut- É 
letin du Bibliophile, 1837, p p. 239) enseigne que Sidrach est 
« l’œuvre de quelques moines espagnols du xrre (sie) siècle ». M 


ch. Et si ont aucunes ee 25 VS de ce livre par la 
ice des choses qui furent avant de nous et par l’art 


Bilosophie"… Dee 


qué, par le prologue, d’une manière ambiguë. J'ai ue 
à dit que le passage où.il en est question est obscur. = 
verra plus loin (p. 204, en note) qu'il paraît suscep- = 
e de deux interprétations. L'une, adoptée par lHis- 
ire littéraire, semble désigner pes Pierre comme le 
raducteur, ou même comme l’auteur du Livre: « Ce 
-Pierre de Lyon, dit E. Renan, qui, vers la fin du : 1) N 
rologue, apparaît obliquement, si l’on peut s exprimer 
ai isi, et semble nousdire avec un sourire: C’est mot qui 
ü tout fait. ». L'autre ne laisse à Jean Pierre que la 
oire d’avoir apporté le Livre dans ses paquets. : 
VI. S'il était donné de constater qu'il a été fait usage, 10 
Sidrach, de sources connues par ailleurs, on aurait 4 
à des éléments nouveaux pour sortir de toutes ces incer- ee 
itudes. Or deux circonstances, notables à cet égard, n’ont e- 
as encore été relevées. 

» D'une part, le Tableau d’ horoscopes que renferment 40 
jous les mss. de Sidrach se retrouve textuellement dans 
e des rédactions de Placides et Timeo. Voir ci-dessous, 
. 260, -en note. 

D'autre part, dans les éditions les plus amples de 
ach, quelques questions sont manifestement inspirées, = 
que leurs réponses, de l’Zmage du Monde. Voir ci- | 
sous, pp. 215 et 258, en note. 

. Le premier de ces deux faits ne tire pas à conséquence, 
auteur de la rédaction À de Placides et Timeo a pu 
brunter à Sidrach le morceau dont il s’agit ; et si cet 


ar.: « Astronomie ». 


196 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AL 


auteur et celui de Sidrach l'ont puisé à une | 
commune, cette source n’est pas datée !. 
Mais le fait que l’mage du Monde, datée avec es ”. 
comme nous l'avons vu, de 1247 (v. st.), soit implici- 
tement citée dans le foie de Sidrach — qui se présente 
comme préfacé et glosé en 1243 — est, au contraire, 
assez grave; car il est propre à discrédites tout à fait le 
fabuleux prologue sur lequel de grands esprits de notre 
temps n’ont pas dédaigné de raisonner longuement, mal= 
gré les absurdités évidentes qu’il contient, — L'hypothèse 
se présente à l'esprit qu'il faut renoncer à tirer de ce 
document quoi que ce soit d'historique et qu'il est touts 
entier de fantaisie, comme d’autres du même genre (où 
se lisent les mêmes noms propres : Frédéric Il, Todre, 
Jean Pierre, Antioche, Lyon, etc.). On s'expliquersilé 
ainsi fort bien une circonstance qui a paru embarrassante 
au rédacteur de l'Histoire lilléraire. « Ce n’est que vers. 
1300, dit-il, qu’on trouve des manucrits de Sidrach... Si 
le Livre est de 1243, comment se fait-il qu'il n’apparaïsse 
que si tard dans la littérature comme dans les biblio= | 
thèques ?.… Ce silence contraste d’une façon singulières 
avec le grand succès attesté aussitôt après. » Ce silences 
est très naturel, au contraire, si, malgré sa prétendue 
date, l’ouvrage di de la seconde moitié ou de la fin du 
x siècle. 
Il ne faut pas, du reste, perdre de vue que . pas ù 
sages inspirés de l’?mage sont seulement dans les éditions 
amplifiées, dont les additions au texte le plus bref ont 
peut-être été introduites par d’autres que l'auteur pri 
mitif. Et, dès lors, on est en droit d'estimer que tou 
demeure en suspens. 4 


| 


. Il'en est de même du petit Lapidaire d’origine orientale x 
ont les rapports avec celui qui est inséré dans Sidrach sont s 
gnalés plus loin (p. 261, en note). 


SIDRACH 197 
E Tout demeure en suspens s’il n'existe aucun 
> indice que la date de 1243 soit inacceptable. 

+ M. Renan n'en a vu aucun: « [Au moment où écrit 
l'auteur) il semble bien, dit-il, que saint Louis n'ait pas 
ncore fait son apparition dis le monde religieux (1 245) ; : 
acore moins Bibars semble-t-il avoir commencé la série 
é ses foudroyants succès (1260) ». Mais c'est là une 
pinion qu'il est permis de ne pas partager. Assurément, 

1 pu stoire prophétique des Croisades qui se lit à la fin du 
Roman est fort peu claire d’un bout à l’autre (à quoi le 
mauvais état du texte n’est pas complètement étranger) !, 

en grande partie chimérique ; il est pourtant manifeste 
que celui qui l’a écrite vivait en un temps où les maîtres 
musulmans de « Babylone » (Le Caire), les Latins de 
Palestine et les Tatars de l’arrière-Asie nouaient des 
É alli ances perpétuellement changeantes et se livraient de 
: irieux combats, avec des etes qui rappellent les 
tapes de la carrière triomphale de Bibars. Il serait bien 
é étrange, en particulier, que le sage Sidrach ait prédit si 
cl airement la subversion d’Antioche par l’émir des Sarra- 
‘sins du Caire ? si celui qui le fait parler n’a rien pu savoir 
‘du sort que Bibars fit subir à cette ville le 19 mai 1268, 
“dont elle ne s’est point relevée. IL est diflicile, je crois, 
le lire synoptiquement la « Chronique du Templier de 
1 Ty» qui forme la 3° partie des Gestes des Chiprois et 


= 


… r. Les prophéties rss Roman du Sidrach relativement aux 
“destinées de l'Orient latin n’ont encore été l’objet d’aucune 
LÉ tude analogue à celle d’Ernst Sackur sur le Pseudo-Méthode 
“(Sibyllinische Texte and Forschungen. Halle a. S., 1898). — Au 
sujet des Prophéties de ce genre, voir Revue de l'Orient latin, 
NI (1898), p. 554. 

3. « Istra un roi de celle orde gent [de Babiloine] qui fera 
mu mout de diversités au peuple du fils Dieu ; si toudra aus cres- 
“tiens mout de terres et confondera Rabata [Antioche]... » — 
Cf. p. 263. 


re 


198 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


les prophéties de Sidrach sans avoit de sentiment qi 
‘écrits ont été élaborés dans le même milieu 1} 

Il n’y a d’ailleurs aucun motif qui empêche de croi Ÿ 
que la rédaction de Sidrach soit postérieure à 12682. 


Concluons, en résumé, des observations qui précèdent 
que le rédacteur du Roman, qui probablement vivait | 
ou avait vécu dans l'Orient latin, mais dont il faut re 
noncer à préciser le nom, a dû PAU pendant 2 dernier | 
quart du xui° siècle. ; 4 

Quel qu'ait été l’auteur ou l’arrangeur qui s’est plu à 
se cacher à demi sous le masque du sage Sidrach, une | 
chose est hors de doute: c'était un sot. Aucune encyclo=" 
pédie du moyen âge ne dépasse celle-ci — je ne dis pas 


1. Sur le temps de Bibars l’Arbalétrier, consuiler rhone 
étude de R. Rôhricht dans les Archives de l'Orient latin, IE, p. 390." 

2. Les plus anciens mss. connus sont, d’après l'aspect de 
l'écriture, de la fin du xrri° siècle. — F1. Frocheur (Messager 
des sciences historiques de Belgique, 1842, p. 83) dit en avoir vu 
un « du second tiers du xt siècle » dans la Bibliothèque de « 
Bourgogne, mais cette appréciation paléographique n’est pas … 
confirmée par le P. Van den Gheyn, qui, sur ma demande, abien « 
voulu examiner l’exemplaire en question et l’attribue « au com- . 
mencement du xrve siècle ». 

Aucune allusion au Roman de Sidrach dans la littérature du 
xune siècle. — G. Grôber (Grundriss der romanischen Philo" 
logie, I, 1, p. g04) avance que le poëme intitulé Pamphile; à 
composé par JE Bras de fer de Dammartin-en-Goële, qui s'y « 
dit protégé par Guillaume, chancelier de Meaux (1228-1268), « 
contient des allusions à « Sydrach ». Mais il paraît bien qu'il 
s’agit dans ce poëme, comme dans le Trattatello... mentionné“ 
plus haut (p. 181, n. 3), du Sirach des livres sapientiaux. 

M. Ernest Langlois a écrit, sans justifier d’ailleurs son avis, M 
que notre Roman « a été composé en français dans la seconde M 
moitié du xrrie siècle » (Notices et Extraits des Memberis 
XXXIIT, 2e p. [1880], p. 97). 4 


,car ril n” y a pas à 7. faire grief d’une méthode 
i est voulue, en vue de l'agrément, et 
traditionnelle — mais en puérilité !. Son style 


, C'est une confuse et détestable logorrhée d'homme 
nstinct et sans culture littéraire ni autre, qui caté- 
» des illettrés. 
e pseudo-Sidrach ne ie pas; pourtant, dans l’in- 
ifiance absolue. Au point de vue de la philosophie na- 
e, son œuvre est une de celles dont A. Bartoli a très 
dit que, goûtées et admirées par le moyen âge, elles 
pour nous comme une image vivante et parlante 
conceptions de ce temps ?. En Es l'on croit recon- 
tre, d’un bout à l’autre de l'ouvrage, le même homme, 
t la physionomie morale ne laisse pas d’être assez 
chée, qu'elle soit individuelle ou que les traits en 
ne nt empruntés aux manières d'être générales en 
a temps et dans une région. Pseudo-Sidrach (lui ou 
s prototypes) était aveuglément conservateur, partisan 
# pouvoir fort, pacifiste, épicurien, égoïste, grossier *. 


DE Ron : a constaté l’insigne faiblesse de Sidrach en tant 
uvrage scientifique, mais sans signaler ce qui la rachète, et 
, ce qui paraît difficile, en l’exagérant. — « Les contra- 
ns, dit-il par exemple, sont perpétuelles : Sidrach connaît 
ondité du globe, mais il croit au firmament, à une voute 
e tournant sans cesse et englobant la terre. » (Hist. litt., 

: ag6). Sans doute; mais tous les contemporains, tous les 
es de Sidrach en ont fait autant. — Je ne suis nullement 
tappé, d'autre part, de la « très grande différence » que E. 
éna an a cru voir (p. 285) entre Sidrach et le Dialogue de 
s et Tümeo. Voir plus loin, p. 275. 

PA. Bartoli, 0. c., p. x: « Quelle enciclopedie, ch’erano al 
evo in ammirazione e in amore, e che a noi rimangono 
jme viva e parlante éfige di esso. » 

3. Si grossier que lon a dù supprimer ici plusieurs paragra- 
Ges omissions sont marquées par des points de suspension. 


MITA 


200 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE au MOYEN 


Nul ne fut jamais plus transe dépoutra” 4 _de 
jalousie sexuelle; ce qui s’explique par un infini rRopes 
des femmes (pp. 16, "239, 200, etc.). 


Reste à résoudre un problème accessoire que le rédac 
teur de l'Histoire littéraire n’a presque pas effleuré. Tous 
les manuscrits du Roman de Sidrach! ne renferment 
point le même nombre de questions. C'est ainsi que e 
manuscrit fr. 1160 en offre 615, tandis que, dans le ma» 
nuscrit 593 de la Bibliothèque de Rennes, qui est aussi 
d’une bonne époque, il y en a 1209. Ces différences 
tiennent en partie à ce que certains paragraphes ne sont 
pas coupés de même dans tous les exemplaires?, maïs 
aussi, et surtout, à des additions fort étendues. On doit 
distinguer, je crois, quatre éditions principales. : 

L'édition la plus courte est représentée, il me semble 
par le ms. fr. 1160 de la Bibliothèque nationale’, que 


| 
| 


1. Trois séries d'exemplaires seulement ont été décrites, celles 
que possèdent la Bibliothèque de Bruxelles (Messager des sciene 
historiques de Belgique, 1842, p. 79-86), la Bibliothèque du Vas 
tican (Notices et Extraits des Manuscrits, XXXIII, 2e p.) et les 
Bibliothèques anglaises (H.-L.-D. Ward, L. ce. ; cf. K.-D. Bük 
bring, Sidrac in England, dans Beiträge zur romanischen und en 
glischen Philologie. Festgabe für W. Fürster (Halle a. S., 1902), 
p. 445 ets.). 

Tous sont en prose. P. Chabaille (Li Livres Fe These Paris, 
1863, p. xx) déclare qu’ « une des rédactions » du Livre de 
Sidrach est en vers français ». Mais c’est par suite de quelque 
énorme confusion (peut-être avec la version en vers anglais de 
Hughe of Caumpedene), 

2. Par exemple, le paragraphe ou question xvrr du ms. fr. 
1160 est subdivisé en huit (xxvr-xxx1v) dans le ms. fr, 1159. 

3. Parmi les mss. les plus anciens (xurre siècle) du Roman de 
Sidrach qui sont conformes, ou à peu près, — car il n'yenæ 
pas deux absolument semblables, à cause des différences de 
coupure — au ms. fr. 1100, je citerai le ms. fr. 1161 de la Bi 


sous les yeux pour exécuter l’analyse de l'ouvrage:. 
la fin du xnr* siècle il a existé des exemplaires de 
tels que le ms. fr. 1159, qui contenaient à peu 
tout ce qui figure dans le précédent, et, en outre 
série de questions nouvelles ?. 

Un autre type d'édition amplifiée, qui remonte aussi 
la fin du x siècle, se voit dans le ms. fr. 1157. Ce ms. 


. 


pe sans parler de “beaticoûp d’additions mineures?, 
ane autre série, très considérable, de questions nouvel- 
s, intercalée entre les paragraphes pv et pv1 du texte 
e plus bref. 

- Enfin le ms. fr. 24395 est une édition plus complète 
ncore ; car 1l contient tout ce qui est dans les trois autres. 
| Les exemplaires des familles amplifiées ne sont pas 


s5. C’est d’après l’un d'eux qu’Antoine Vérard a pré- 


hèque nationale (qui est mutilé entre le fol. cxu et le fol. 
xut), le ms. 2202 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève et 
| [ms 149 de la Bibliothèque de l’ École de Médecine de Mont- 
Îlier. 11 y-en a beaucoup d’autres, un peu postérieurs (Arsenal, 
m 2320; Musée britannique, Harley 1121 et 4361 ; etc.). C’est 
aussi à cette famille qu'appartient la version italienne qui a été 
liée par A. Bartoli (J! Libro di Sidrach. Bologna, 1868), © la 
on flamande qui a été plusieurs fois imprimée au xv® siè- 
et la version en mittelniederdeutsch qui a été récemment l’objet 
à édition critique (H. Jellinghaus, Das Buch Sidrach… 
ingen, 1904). 
—… 1. Des feuillets manquent dans ce ms. (notamment entre le 
% à K 26 et le fol. 27; le fol. 32 et le fol. 33). On a consulté en 
ce cas les autres exemplaires de la même famille. 
À 2. Questions 579 à 643 du ms. fr. 1159. 
…. 3. Font défaut dans le ms. fr. 1160 les questions suivantes 
“du ms. fr. 1197: 106 à 128, 198 à 166, 232 à 239, 309 à 307, 
310 à 315, etc. : 
4. Questions 666 à 966 du ms. fr. 1197. 
… 5. Bibl. nat., fr. 762 (1027 questions); fr. 1156 (1113 ques- 
tions); fr. 19186 (1122 questions); Bibl. royale de Bruxelles, 


ent tout ce qui figure dans le ms. fr. 1160, et, en 


202 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE 
paré li impression princeps de UE p 


Les quelques centaines de questions qui se » trou ® 
seulemént dans les éditions les plus développées ont t 
à fait le même caractère que les autres. Mais sont-elles 
même auteur? Autrement dit l'édition la plus courte: 
elle primitive ou abrégée ? Et, si elle est primitive, 
l’auteur lui-même qui l’a allongée? Je ne suis pas en 
sure de le décider. — En tout cas, les questions additi 

_ nelles n’ajoutent pas grand’ chose à ce que celles du r 
fr. 1160 sont de nature à nous apprendre. C’est pourq 
après en avoir pris connaissance, j'ai cru devoir 
laisser de côté, afin de ne pas abuser de l'attention “4 
lecteur. # "4 


L'ouvrage est précédé d’un prologue. | 
Dieu, pour montrer sa bienveillance envers la d es 
cendance de Japhet, fit naître dans cette famille, 847 
ans après la mort de Noë, un certain Sidrach, qui reçut: 
ledon de tout savoir, le passé et l'avenir. Sidrach . 


n. 11113 (1207 questions); Bibl. de Marseille, n. 733 (1186. 
questions); Musée britannique, Add. mss., n. 17914 ‘4 
Éarne etc. 
L. Hain, Repertorium bibliographicum, I, à (1838), p. 374 
n. su ; cf. Copinger, Supplement… , 1 895) p. 454. — 
L'édition princeps contient 1073 questions. Le ms. de Ja Bibl. 
nationale auquel elle est apparentée de plus près est certaine- 
ment le ms. fr. 24395. 
Deux bibliographes distingués ont annoncé, de nos jours, 
qu'ils préparaient, et qu’ils publieraient bientôt, une monogra= 
phie sur les manuscrits et les éditions de Sidrach : A. Bartoli : 
(0: ©. p. XXXVI) en 1868 et K.-D. Bülbring (0. c., p. 444) en 


1902. Mais rien n’a paru. 


SIDRAGEH 


ps pe avance, 15 por: de la 


10) avant de penser à se convertir, l'avait je. 
nir pour l’interroger sur diverses questions na- | “ 
; il fut si satisfait de ses réponses que, par a 
À Be, un livre en fut fait, « le Livre de Sidrach 
: toutes sciences ». —— Après la mort de Boctus, ce 

e eut bien des aventures : il tomba entre les mains 
n n chaldéen qui, inspiré par le diable, voulut le 
Mer, mais Dieu l'en empèécha ; il fut successive- 
t Mid par le roi Madian et par un lépreux + 
>mmé Naaman, « prince des chevaliers » du roi de 
rie, celui qui guérit sa maladie en se plongeant 
ins les eaux de Jourdain'. Ensuite, on n’en entend 
us 0 jusqu'aux temps postérieurs à Jésus- 

brist. Mais Dieu veillait sur son sort. Il fut connu 

ÿ ab bord d’un « bonhomme grifon * », archevêque de 
ibaste (l’ancienne Samarie), qui s'appelait « Ayos 
isileo » **. L’archevèque le confia à un de ses clercs Pa 
i allait prècher l'Évangile en Espagne et qui fut 23 
art) yrisé à Tolède. C’est là, à Tolède, que le livre 4 
it traduit plus tard du grec en latin. Le roi d'Es “5 
igne en entendit parler, et, l'ayant lu, le tinten + 
aute estime. La renommée en parvint jusqu’à ES : 
Emir el Momenin » “*, seigneur de Tunis, qui en | 


E- 


— * « le saint roi », en grec. — **« Chef des croyants », 


IL Rois, v. 


_chambellan qui gardait l’ouvrage et l’envoya k 


20 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE At M ax 


demanda communication ; on le traduisit alors 
latin en sarrasinois. Puis un long temps s’écoul 
Enfin, il advint que des envoyés de l'empereur Fré 
déric Il furent émerveillés de la science du prince dt 
Tunis; ils s’informèrent et apprirent qu’elle prove 
nait d’un livre que ce prince avait trouvé dans kk 
trésor de ses ancêtres. Frédéric IT sollicita aussitô: 
et obtint l’autorisation de faire traduire ce livre du 
sarrasinois en latin, par frère Roger de Palerme, dé 
l'Ordre des Mineurs. Mais telle n’est pas encore là 
voie par où l’on en a eu connaissance. Il y avait à k 
cour de Frédéric un philosophe d’Antioche, fort aim 
de l'Empereur, nommé Todres ; il corrompit 


BE . 


présent au patriarche Aubert d’Antioche, lequel «à 
usa toute sa vie. Or ledit patriarche avait avec lui un 
clerc, « Jehans Pierre, de Lyons » ; c’est ce Jeha 
Pierre, de Lyon, qui en prit une copie et le rappor a 
à l'École de Tolède, où « Sidrach » a passé du latif 
en français pour la première fois’. Puisse-t-il vent 


. Ce passage capital est malheureusement trouble dans tous 
Le: mea, et on a sujet de regretter vivement, ici, l’absenci 
d’une édition critique. | 
L'Histoire littéraire (XXXI, p. 288) jte les leçons d 
quatre mss. et se décide, arbitrairement, pour celle d’un ms: 
du Musée britannique, « ae nous paraît la plus rapprochée de 
celle de l’auteur ». — La voici : « Et ala [Jean Pierre] a l'es 
colle de Tolettes et l’emporta [le Livre de Sidrach} o lui ; puis 
revint arrier et fist translater de plusors bons livres en autru 
nom, lesqués nus ne puet avoir, » 
Copondant le texte qui précède n’est qu’une conjecture 4 


D tu, qui ce livre lis, retien en ta memoire ce qu’il t’en- 
et t'aprent, car tu en pues mieus valoir et honor sor 


gens avoir. " 


est parlé en ce livre de la puissance de Dieu et 1 
anges ; des malins esprits du ciel et de la terre ; 4 
ü firmament, du soleil et de la lune, des planètes > 
L de leur vertu, des signes, des étoiles et de leur 
rtu; du paradis et de l’enfer; de la vie et de la 
jort tant de l’âme que du corps ; du jour et de la 
u L; de l’Orient et du Ponent; des vents, du ton- 
erre, des échipses, des foudres ; du feu, de l’eau, de 
à terre (de sa rotondité, de son épaisseur et de sa 
eur); de la mer et de sa salure, des eaux de 


te, probablement erronée ; M. Ward (0. c., I, p. 906) en 
vait déjà constaté le caractère. 
2 ai collationné, pour ma part, les mss. qui sont à Paris, à Fe 4 
ruxelles et quelques autres. Autant qu’on peut l’affirmer dans LR 
conditions, il semble qu’il faut lire, après le membre de phrase s 
ntestable où il est dit que Jean Pierre alla aux écoles de To- à Pa 
et y apporta le Roman (en latin) avec lui : « Ensi revint 445,08) 
re a Tolete [le Roman qui, comme on l’a vu, y avait déjà SE 
té sous une autre forme]. Et si sont translaté | Var. : estrais] de 

i [le Roman} pluseurs bons livres en autrui nom; de coi 
cun n’a pas cest livre. » Tel est le sens offert, notamment, 
les mss. 2202 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, fr. 1157 
16: de la Bibliothèque nationale, et adopté par les traduc- 
italienne et allemande ; la traduction anglaise n'a pas de 
e correspondant. 


dE 


de 


jt 


et de leurs Kertes : de ibraues de A “d’am 11 
de haine, de prouesse, de couardise; de veiller, 6 

dormir, de manger, de boire ; d’ « eschars* », de large 
de sage, de fol; d'homme, de femmes de sourd, d 
muet ; de prendre, de donner, d'aller et de venir 
de tousser, de respirer, d’éternuer, de cracher ; d 
jugements, de loi, de foi, de « songiers », d’aumône 
de péché; et des autres choses visibles et invi 
sibles. 


L' 


"1 


Le prologue et l'argument qui précèdent ont ét 
faits à Tolède en 1243 « par plusors maistret 
clers ». Ces maîtres se sont abstenus de grouper le 
chapitres qui traitent de choses analogues. Ils ont 
respecté l’ordre des questions de Boctus à Sidrach 
qui, dans l'original, se suivaient à la débandade. 


Le récit des relations entre le roi Boctus et Fr ski 
sophe Sidrach, résumé dans le prologue, se retrouve @ 
grand détail, et orné de circonstances magiques, aux 
premiers chapitres du Livre. — Le roi Boctus régnaï 
en Bactriane, entre l'Inde et la Perse. Il avait en= 
trepris de faire construire une tour. Des esprits mal: 
faisants démolissaient chaque nuit ce qu’il avait fai 
construire la veille. Sidrach, un « philosophe » dt 
roi de Tractabar, fut seul assez puissant pour rompre 
4 


* pingre. 


1 avant Jésus-Christ). Il y e. par des 
C prodigieux, et RO en faisant voir au 


puérile et plus grossière. 
Boctus, après la conversion de son peuple, qui 
ita de nouveaux enchantements, — semblables 


nt ce que l’on ju prévoir qu'elles soient, ou 
ement arbitraires et sans intérêt. 
ieu at. il toujours été et sera-t-il toujours ? Peut- 


fit, le « sentent » elles? (Oui, même celles qui 
paraissent sans âme comme les étoiles, les 
x et les vents, car elles suivent sa loi). 

est-ce que Dieu créa d’abord? Quand fit-1l les 
s? A quoi servent les anges ? Les démons savent- 
peuvent-ils tout ? Et les anges, quelle est leur 
e? Dieu fit-il l'homme de ses mains ? Où Adam 
fil fait ? Où alla-t-il lorsqu'il fut chassé du para- 
is s terrestre ? Pécha-t-il autrement qu’en mangeant 
LP ‘xp Quel tort fit-il à Dieu ? Pourquoi ne fut- 


RER PER Pot» 


208 LA CONNAISSANGE DE LA NATURE ‘Au mo 


il pas anéanti après de si grands crimes? Pourqu 
Dieu ne fera-t-il pas opérer la rédemption de 
ange? Pourquoi voudra-t-il naître d’une vierge, et 
comment celle-ci pourra-t-elle rester vierge en l’enfan: 
tant'? Combien de temps vécut Adam ? Pourquoi I 
mort s’appelle-t-elle ainsi? (« De ce qu’elle es 
amère et de ce que Adans morst la poume qui estoil 
devée * » ). +R 

Laquelle vaut mieux, la mort subite ou toute 
autre ? Comment les âmes vont-elles en l’autre 
monde? (Suivant le cas, les diables ou les anges 
emportent, « come le malfaitor se maine a la}; Ju 
tice a grand compaingnie de serjans »). 

Est-ce le corps ou l’âme qui préexiste ? Ve 
corps ou l’âme qui parle? Comment l'âme, qui es 
un pur esprit, peut-elle « sentir » joie au ciel & 
douleur en enfer? Est-ce l’âme ou le corps qui 
expose aux plus grands périls? Où est l’âme ? (Dan 
toutes les parties du corps où il y a du sang). L'âme 
peut-elle donc demeurer dans un corps exsangue 

Comment meurt-on ? Comment peut-on savoir qu 
Dieu fit l’homme à sa ressemblance ? Puisque nou 
sommes à la ressemblance de Dieu, pourquoi né 
sommes-nous pas égaux à lui? Que devient le sa 
quand le corps meurt? Que devient le feu quand 


2 


* défendue. 


Plusieurs questions sont intercalées ici dans les édition 
amplifées. Boctus se fait expliquer notamment la procession d 
Saint- “Esprit dans un paragraphe (n. XXXI) dont la rubriqu 
est suivie de la glose : « Gest chapitre est contre les Griex. 2 


209 à 


SIDRACH 
nt ? (« Le feu est dou soliel et au soliel re- Er 
or > quand il estaint.. ; car tout le feu dou monde ne. 
st de la chalor au soleil et au soleil se retrait »). >: 
- Pourquoi l’âme ne quitte-t-elle pas le corps quand 
L. post mutilé de moitié? Quelles sont la nature et la 
x mplexion du corps ? (« Le corps est de la nature 
le Dire et de complexion froide ; il est composé 
eurs des quatre éléments »). 
… Les âmes sont-elles créées depuis le commence- 
ent du monde ou sont-elles faites de jour en jour ? 
Je x qui ne connaissent ni Dieu ni bien sont-ils 
cusables ? (Ceux qui ne connaissent pas Dieu, 
Dieu ne les connaîtra pas ; il seront damnés à ja- 


D. 
4 é 
Ë 


- L'homme doit-il faire autre chose que les com- 
iandements de Dieu ? 

Pourquoi la mort est-elle appelée ainsi ? (Les bons 
épassent et ne meurent pas). 

“Combien y a-t-il de « siècles » et de mondes ? 
Deux « siècles »: le séjour des anges et celui des 
émons ; deux mondes : le corporel et le spirituel). 

_ Dieu ni til bien ? Les générations qui 
ront au temps du fils de Dieu, et après, croiront- 
les en lui? Quels commandements Dieu donnera-t- 
il à son peuple ? 

Quelle est la chose la plus sûre qui soit, la plus 
benoite », la plus digne, la plus belle? (C’est 
âme). — Quelle est la plus laide, la plus périlleuse, 
plus maudite, la plus honteuse (L'âme aussi). 

mu Les bonres âmes auront-elles deuil du mal des 


14 


HAE FE 
pee, de 


210 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE u x 


mauvaises âmes (Les bonnes âmes applaudi 0 

jugements de Dieu; elles auront plaisir à voir 

méchants souffrir, même s’il s’agit de leurs proches 

« come nos nos delitons a voir les poissons en l’aï 
_noer* »). 

Lequel vaut mieux, santé ou maladie? Quel pou 
voir Dieu a-t-il donné à l'âme en ce monde ? (Il lui 
donné le royaume du corps à administrer). ; 

Quand le fils de Dieu sera monté au ciel, y aur 4 
t-il encore des astronomes [comme Apr | 
Qui gouvernera alors la maison du fils de Die 
[l'Église] ? (Sidrach prédit ici, en termes cite 
l'hérésie des patarins et l'établissement des Prêcheut 
et des Mineurs, ces deux colonnes de la foi). 

Celui qui ne fait ni bien ni mal, pèche-t-il ? 

La seigneurie (le pouvoir) doit-elle être « forte 
ou indulgente ? (La justice est établie par Dieu. St 
n’y en avait pas, les gens seraient « en guise d 
poissons ; le fort manjeroit le foible et le grand. 1 
petit. Et toute justice doit estre forte »). 1 

Doit-on bien faire à ses parents et à ses amis 
(Cela dépend. Aïder des parents ou des amis ma 
heureux par leur faute, c’est brûler un cierge de bell 
cire devant un aveugle, ou en plein soleil ; il est perdu) 

Qu'est-ce que gentillesse ? (Le mot a deux sens 
Un «riche home de pooir » est gentilhomme; « saïgi 
et bien enseigniez » est gentilhomme aussi; « ca 
tous somes d’Adam »). 


* nager. 


alors ; les nuages l’interceptent). 
-on reconnaître, dans une foule, les bons 


créance aux idoles reparaîtra-t-elle par la suite 4 
temps ? 4 
urquoi Dieu n’a-t-il pas voulu que l’on n’eût | 
besoin de manger qu’une fois par semaine ? (La faim 
si une des peines qu’a values aux hommes le péché 
#. n). 

Dies riches et les pauvres sont-ils égaux devant la 
fort ? (Les riches et les pauvres. sont égaux. Pour- k 
« le povre a plus forte complexion que le riche Ts 
: le travail qu’il endure ». Mais, chez les uns et ‘as 
utres, mêmes causes, mêmes effets). | 
» Doit-on juger les riches comme les pauvres ? (Pu- 
ir les riches très roide, car le pauvre se dira: 
Quand la justice a esté tele au puissant, que sera ; 
moi qui suis povre home ? ») a: 
oit-on avoir pitié de son ennemi? Le mauvais | 
mme peut-il avoir l’amour de Dieu comme le bon? 
i commencent les questions d’obstétrique et de 
écologie, qui paraissent avoir un grand attrait 
le roi Boctus. — Comment lenfant peut-il sortir +% 
femme ? Une femme peut-elle avoir plus de deux D 
ants à la fois ? ue 
Mais le cours des idées s ‘interrompt bientôt : 

ielle est la meilleure chose. que l’on puisse avoir en 
joi ? (C’est la loyauté). Et la pire ? (C’est l'envie). 
mment être loyal ? 


dd ne à 
: PAR 4 ‘+ dr «, 


C2. 


212 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


D'où viennent la prouesse et la bete D (De la om - 
plexion du corps) — La lèpre et la teigne ? (Maladies 
congénitales, qui dépendent du moment de la con 
ception). À 

Toutes choses sont-elles faites depuis le commen“ 
cement du monde? (Non. La création de la mule, 
par exemple, est postérieure à celle de la jument e 4 
de l’âne.) — Qui nourrit les fruits de la terre? « 

Comment les bêtes deviennent-elles enragées À 
(En regardant une certaine étoile, vers l’est, le! 21° 
jour de la lune de mars). Quels sont les animaux qui 
vivent le plus longtemps (L’aigle et le serpent; tout, 

serpent qui n’est pas tué accidentellement vit milles 
ans et se change en dragon). Toutes les choses que 
Dieu fit, pourvoit-il à à leur subsistance ? Les bêtes, les: 
oiseaux et les poissons ont-ils une âme? Nos descen- 
dants vivront-ils autant que nous ? (La durée de lam 
vie comme de la taille humaine ira toujours en dm 
nuant). L 
Combien de temps vivra le monde ? (Dieu a tait 
sept planètes, dont chacune doit gouverner le monde 
mille ans; ensuite, comme il lui plaira). É 

Le roi désirerait avoir des notions de géogra-| 
phie (Sidrach défile aussitôt un’ chapelet de mer 


. Autres exemples : « Vers furent puis creëz de fumier ad 
ne et renoules® de la char aus mallars? ; prouvenciaus® furent 
puis creés de trouz 4 de chouz, » 4 


# grenouilles. — b canards, — € Mot dont le sens est inconnu (Romania, 
1904, p. 600; cf, ci-dessous, LÉ 216). — d trognons. 


SIDRAGH 
ci ny a plus de treize cents iles en la mer au le- 
ant. [1 y en a qui sont habitées de gens semblables à 
r jOUS, mais ue de trois paumes au plus, avec de la 
arbe j jusqu'aux genoux et des cheveux jusqu'aux ta- FL. 
lons; ils se nourrissent d'herbes et de chair ; leurs têtes , 
sont proportionnées à leur taille ; ils ont une langue Le 
articulière et ne croient à rien. Dans une autre île, 7. 
il y a des gens d’une paume de haut, qui ne mangent 
que des poissons et vivent comme eux dans l’eau. 
Dans une autre, les habitants sont comme nous, 
mais n'ont qu'un œil au milieu du front; ils nous 

aignent ; ils mangent de la chair et se vêtent de 
pa x. Dans une autre, les indigènes ont une queue ÿ 
comme des moutons. Dans une autre, ils ont une | 
broche vissée au fondement, longue d’une pau 208 
zrosse d’un doigt, de sorte qu'ils ne peuvent s'asseoir ; 
\ plat : : il leur faut de l’espace pour caser leur appen- “4 
dice; ils sont velus et mangent des corbeaux, leur 
seul gibier. Il y a des îles peuplées d’hommes à face 
de chien. — D’autres gens, sur la terre ferme, croient à 
a iù soleil, à la lune, aux idoles et sacrifient au diable ; 
3 | se font be sur des büchers, en cérémonie, 
L pour l’amour de ces idoles ; de leurs cendres, on fait 
des reliques ; dans ce pays-là, les femmes se sacri- 


3 E 4 


… 1. Les éditions amplifiées ont ici, en outre, plusieurs para- 
gr phes sur les Merveilles de l’Inde, qui offrent la plus grande 
inalogie avec les passages de l’Image du Monde sur le même su- 
et. Bibl. nat., fr. 24395, fol. 28 : « En cele contrée que l’on 

lle Capien si y a une gent que l’on apelle Got et Margot. »; 
. plus haut, p. 81. 


: 


lontaires de soi-même se font ailleurs par d’ 
procédés, notamment par l’auto-décapitation : 


Il ia une autre province qui font sacrifice meismes de lor 
cors au diaubles. Si font faire une faucile en guise d’un fer de 
val grant et moult trenchant; a cascun chief une presse de fus 
et se font lier tous lor RL en une corde et se font lier 
un lieu haut de terre et mettre celle facille au col, les pi 
devant, le trenchant desrieres le col. Et si prendent les p: 
‘ les mains et crient a haute vois et dient: « En l’amor de 
ydole! », et tirent par force de mains, et la teste se coup 
demore pendue, et le cors chiet a terre. Sur ce prendent le 
et cousent la teste o lui, et fendent le ventre et gettent quanqu 
a d’entre et salent le cors et laïssient en .I. is pres de 
ydole cui il a fait sacrifice... : 


Dans d’autres régions, quand l’homme meurt, 
femme s’enterre toute vive avec lui, et réciproq 
ment. Ailleurs, on tue la femme qui accouche. 
nuit, et l'enfant né pendant la nuit n’est pas co 
déré comme digne de vivre. Ailleurs on engrai 
des chats et des chiens avec du hachis pour les m 
ger aux épices ; c’est la viande préférée des gourm 
Aïlleurs, l’homme qui se marie en paye un au 
pour déflorer sa femme. Ailleurs, ceux qui ont di 
filles les nourrissent jusqu'à quinze ans ; ils les ch 
sent ensuite en leur disant d’aller chercher un ms 
D’autres ne se marient jamais, € car il dient que 
fame ne se pourra tenir a un seul home ». Ailleurs A, 
les hommes et les femmes vivent séparés ; quatre 
fois par an, ils se réunissent pendant huit jours p 
manger el faire la fête ensemble, puis chacun retou 
en son repaire ; les femmes qui accouchent de fill 


on les expulse hors du territoire féminin et 
chez les hommes ; il y a de grandes batailles 
les hommes et les femmes dans les intervalles 
atre saisons d’amour, et les femmes, dont les 
zs sont d'argent, lemportent souvent sur les 
ommes, armés de fer ; les hommes ont un roi et les 
des une reine, mais ils en changent quatre fois 
ban. — Îl y a de par le monde bien d’autres na- 
or bizarres, mais ce serait trop long à conter. 
- Pourquoi, parmi les hommes, en est-il de blancs, 
s noirs et de bruns? 
| D'où vient la félonie ? 
- Pourquoi les bêtes sont-elles de diverses couleurs ? 
Cela dépend de la proportion des herbes froides, 
Ur ides, chaudes ou sèches dont elles se nourrissent). 
Est-il bon de boire ou de manger au delà du be- 
bin > (Glouton est pire que bête). | 
Quelle est la meilleure et la pire chose du corps? 
langue). 
» Lequel donne plus grande science, boire ou man- 
froid ou chaud ? (Chaud ; cela éclaircit la cer- 
elle). 
Comment éviter la mélancolie ? (Il faut ne pas 
ser aux heureux du monde, mais se comparer 


En outre, lire les commandements de Dieu, 
rerser avec de bons amis, vivre en des lieux 


es dont on est melancolieus »). 


: 


avec elles ; quant aux mâles, dès qu'ils ont 


ax qui sont plus malades ou plus pauvres que 


ables, manger, dormir, et « traire son cuer des . 


femme ? (Une bonne fran est excelle mais | 
mauvaise est la pire chose qui soit : elle fait pet 
au « coquatrix' », si ingrat pour le petit oïs 
dont la fonction est de lui nettoyer les dents.) D 
Comment l’homme se fâche-t-il de ce qu'il 4 
tend ? ‘4 
Comment l’homme et la femme doivent-ils s’entr! 
aimer sans blâme ? (L'homme doit aimer la femme 
selon Dieu et la femme l’homme pour sa loyauté, s 
bonté, sa beauté, « ses richesses, ses dons, son bo . 
service, son sens ». « Home qui aime fame ou famé 
home et n’ont nulles de ces coustumes en eus, sa- 
chiés qu’il font moult a blasmer »). 

De quoi vient l’embonpoint du corps ? (De la dou - 
ceur des flegmes. Les flegmes salés rendent le corps 
maigre et rogneux, s’ils ne s’évacuent pas). … 

Doit-on battre sa femme? (Il ne faut pas battre 
une bonne femme ; les avertissements suffisent. 
Quant aux mauvaises, c’est inutile ; elles ne se cor” 
rigent pas pour cela. Il n’y a qu’une solution : « Nus: 
de la male feme qui est de la-volenté au deauble et 
en qui diaubles habite ne se doit acostier, et, s'il nes 
la puet guerpir dou tout, aloïgne soi d’elle et de ses 
volentez »). 1 

Qu'est-ce que la jalousie ? (Jalousie de femme, 1 
est folie, On en perd le manger et le boire. Et pour: 


| 


1. « Coquatrix [Crocodile] si est une beste faite en gui 
dou provensaul o grant teste longue e mult de dens. » 


) SIDRACI 
2 il suffrait de réfléchir. La femme est-elle à 


l 


lé se garder ; ne vous grattez plus: plus on se gratte, 
plus ça cuit ; et puis, vous n'êtes pas seul au monde 
dans votre oi. Si la femme n’est pas à vous, vous 
tes s fou, et pareil à celui qui, avec un écu et un bä- 
n, s’escrime contre le vent). 

: Foutil aimer son bon ami ? 

eut-on faire son profit sans travail ? (Non, ni les 
res, qui travaillent de leur corps, ni les riches, 
ui travaillent « de pensées ». Et il vaut mieux avoir 
les commencements pénibles ; on jouit davantage du 
bien-être). 

_ Faut-il faire du bien aux pauvres gens ? 
Comment se conduire dans le monde ? (Sagement, 
ou oisement, d’un air aimable. Écouter, même si 
‘Or s'ennuie, « car si est un grand sens et cortoisie 
& regarder a celui qui parle, car illi fait plaisir ». 
Pas de morgue. Pas de timidité non plus, « çar au- 
une foiz home qui a le droit et mostre sa raison 
>spoenteement et sa vergoingne il pert sa raison et 
Le droit ». Toutefois, comme dit le proverbe, « entre 
es bons bons et entre les fols fous »). 

… Quand le riche perd sa richesse, vaut-il moins, et 
quand le pauvre s'enrichit, vaut-il mieux ? (Assuré- 
hient ; et c’est la preuve que l'homme ne brille que 
l'un éclat emprunté. Toutefois, « li poyres qui fu 
riches est plus gentilx que li povres qui n’out onc- 
ques noiïant. ») 

LD où vient que l’on se conduit mal? (Sidraeh « es- 


a. 
En , 


RONDE RAP FETE UT 


LL 
a 


? rejetez le fardeau de vos épaules : c’est à elle” 


time que baena est repos de sa ie 
c’est votre faute si, au lieu de marcher tranquille 
en plaine, comme cela dépend de vous, vous allez 
par monts et par vaux). ir 
Comment forgea-t-on d’abord le fer, pour faire 
marteaux, tenailles et enclumes ? (Dieu l’enseigna à 
Adam). "14 
Que penser de ceux qui se parjurent, même rl 
faux Dieux, s’ils y croient? (Ils sont pires ee mé- 
créants). 
Faut-il être chaste? 3] 
Que faut-il aimer, éviter? (Il faut aimer à être 
« en la belle rousée et en la belle verdure », et és 
ter le feu. Entendez par là le bien et le mal). 
Richesse ou honneur, que doit-on préférer? (L’au 
teur préfère évidemment la richesse, LA procure aussi 
l'honneur, tandis que « le povre qui n’a que honnour, 
pou li vaut »). — Faut-il honorer le pauvre. comme 
le riche ? Les pauvres se plaisent-ils en leur pauvreté c) 
comme les riches en leur richesse ? 
Est-il bon de vanter ses actions ?... 4 
Que penser de ceux qui désirent la femme ou le: 
bien d’autrui? Peut-on éviter la mort ? Est-il bon 
de répondre à ceux qui parlent folement ? | 
Quel est l’art le plus difficile qui soit ? (L'écriture: 
« Qui escrit il travaille tout son cors et les ielz et læ 
cervelle et les rains et si n’ose penser ne regarder né 
rire ni parler ni oïr ne escouter mais que en son es” 
criure, et qui ne set escriure ne cuide que escrip- - 
ture soit art... ») 1 


| a: mal .. ceux se en sont atteints. Il en 

& d’autres qui nuisent à autrui, celles des voleurs, 

es faux témoins, des calomniateurs, etc.). 

L'âme souffre-t-elle en se séparant du corps ? 
€ Quant lame se depart dou cors, elle va comme 

. oisiaux la ou elle a deservi, et le corps demore 

m .1. arbre qui est deracinés ; il seche et devient 

nt »). 

i doit-on redouter le plus, vieux ou jeunes ? (Les 


espoir qu'ils s’améliorent, et ils n’ont pas l’excuse 
& la chaleur naturelle). 

ourquoi ne pleut-il pas toujours autant tous les 
? (Par le mouvement des planètes et des signes 
t par la volonté de Dieu). 


sophes. Cet onguent a, du reste, d’autres vertus 
ières. Quand on en met au feu, sa fumée dis- 

> les enchantements. Celui qui s’en frotte le front 
E- de la Sainte Trinité accomplit, ou passe pour 
Voir accompli, dans les batailles, des exploits extra- 
rdinaires. Ou bien encore il plaît à tout le monde 


. Cette question mañque dans la traduction italienne. 


… ; * « . . - 
: fous sont plus à craindre, car il n’y a pas 


P Peut-on guérir la lèpre ‘? (Qui, par l’onguent des 


en société, et même les bêtises qu’il dit rencon 
l'approbation générale. L’onguent des philos 
rend invulnérable. Il empêche la stérilité des fem 
Il est la panacée universelle. Il est fabriqué pend 
la première huitaine d'avril, par des philosophe 
des astronomes, dans une ville de la grande I d 
«entre deux montagnes » qui s'appelle Stranom 
Ilentre dans sa composition 372 herbes. précieuses 
et de la graisse du dragon blanc qui vit dans les îles 
de la mer des Indes. Un peu brun, un peu vermei 
un peu blanc, — cela dépend de l’état de l'atmosphère 
— cet onguent a bonne odeur et il est doux comme 
miel. Pour en reconnaître la qualité, on prend u 
« fer pertuisié » avec lequel on en flambe une p: a. 
celle: s'il grésille jusqu’au bout, c'est qu'il es 
bon.) | 1 
Pourquoi Dieu n’a-t-il pas fait l'homme i incapable 
de pécher ? $ % 

Est-il bon que les pauvres se mêlent aux puissant D 
(Les pauvres sont parmi les puissants comme « les 
moutons qui en l’aigue se hurtent, les genoilles dé 
lor piés escachent*, porce qu’elles sont petites. >). 
* Pourquoi Dieu a-t-il fait le monde ? (Pour peuplet 
le ciel, où la chûte des mauvais anges avait laissé des 
places vides). — Comment a-t-il fait le monde À 
(Rond comme une pomme et semblable à un œul 
par ses couches concentriques.) à 

Les gens de l’autre côté (« soute nous ») voient 


*écrasent. 


nt le soleil comme nous. Il y a des terres où le 
ne demeure qu’une heure à l'horizon par jour. 
ït quand c’est l’hiver dans une partie du monde, 
est l'été ailleurs, et réciproquement; et cela, « por la 
n au soleil qui prend autre chemin... »). 
“Combien le monde a-til de long, de large et 
épais ? (Étant semblable à une pomme, ses diverses 
imensions sont équivalentes. Sa longueur, on n’en 
iendrait pas à bout à moins de mille jours deroute, 
n marchant bien). 

| Pourquoi Dieu détruira-t-il le monde ? 

- Comment volent les oiseaux ? (L'air les soutient. II 
St épais. Chose facile à prouver : en fendant l’air, 
où idement, avec une verge, elle ploie). 

D'où vient la pluie ? (De l’évaporation. Quand 
eau est tombée, il reste en l'air une nuée blanche 
qui est de la froideur de V’air » ; le soleil la chasse 
dla consume, et le ciel aparati}, 

La grêle et la neige ? Le tonnerre, les éclairs, les 
nts? Comment l’eau monte-t-elle jusqu’au haut 
montagnes, où elle sourd ? (La terre a des veines 
mme le corps de l’homme ; or l’homme a des veines 
issi bien dans la tête qu'aux pieds). 

À D'où sortent les eaux, où vont-elles ? (De la mer 
:s eaux entrent en terre devers le levant et en sortent 
evers le ponent). 

Pourquoi la mer est-elle salée ? (Parce que le soleil 
à chauffe sans interruption et parce qu’il s’y trouve 
es montagnes de sel, que les eaux dissolvent. Et 


tee Ps 172 PAT 


comme nee est nat, ce serait une | ueot J 
rendrait la terre inhabitable). +1 
Les eaux chaudes qui sortent de terre ? (Elles or on 
passé sur du soufre ; pour s’en convaincre, il suffit d d 
les sentir). 
Qu'est-ce que le soufre ? (C’est le produit de l'ac 
tion des foudres sur les roches ; on en fait des rnédi 
caments). Et les foudres ? (Elles naissent du con fi 

des vents et des nues, et frappent ceux que Dieu 1 
punir). L 
- Est-ce que les montôgnes et lés roches furent créé 
au commencement du monde ? (Au temps d'Adael 
la terre était plate; les montagnes datent du déluge 
et furent produites par l’action des eaux, puis con 0 
lidées par celles du soleil et des gelées). 4 
D'où vint le déluge? (Du levant, comme tout ce 
qui vient de Dieu). — Y aura-t-il'à l'avenir d’autres 
déluges? (Non, car Dieu la promis). — Pourquo 
Noë jugea-t-il bon de mettre dans l'arche des êtres 
tels que les scorpions, serpents, tarentules? (Pou 
deux raisons. Pour obéir à Dieu, qui, ayant fait ces 
êtres « por sa loange », ne voulut pas les sacrifier 
Et parce que ces êtres se nourrissént du venir 
de la terre, qui, sans eux, deviendrait inhabitables 
cela est certain : prenez le plus venimeux serpent du 
monde, isolez-le de la terre en le nourrissant de pain, 
de chair et de choses non venimeuses, il deviendr 
inoffensif). 
D’où vient l’or? (Des veines de la terre, comm 


Ca 
C 
è les). 
v 


- Les perles et les escarboucles ? (Elles viennent de 


iontent et s'ouvrent à la surface, où elles reçoivent 
luie du ciel ; elles s'enfoncent ensuite et élaborent 
ss gouttes de pluie pendant cent ans. Les gens du 
ays, pour les prendre, se couvrent le visage de ves- 
es de bœuf qui leur permettent de nager longtemps 
ous l’eau et s’oignent d’un encens noir qui écarte les 
oissons. Les perles durcissent et deviennent comme 
ni les voit au contact de l’air ; mais celles qui ne 
ont de saison puent comme charogne. Il ne faudrait 
s croire que n'importe quelle pluie se transforme 
i en perles ; c’est seulement celle qui tombe à 
rtains jours et sous certains signes). 

“Combien de terres au monde ? (Une seule, mais 
bras de mer la divisent en plusieurs contrées. 
Poutes les eaux reposent sur un fond de terre, mais 
terre tout entière flotte elle-même sur d’autres 
qui la soutiennent). 

Dbiuton faire le tour du monde à pied sec? (On 


ges, déserts « ou l’on ne voit goutte », puis là 

vasse par où passe « la mer betée »). 

En allant indéfiniment sur la mer en bateau, par- 
vi F adrait-on là où tourne le firmament ? (Il faudrait 

« ans de voyage pour arriver, en partant du levant, 
"1 rive du ponent : et l’immense mouvement du fir- 

me ment frapperait de mort aussitôt). 


à mér noire. Cette mer nourrit des coquilles qui 


contrerait trop d'obstacles: montagnes, bêtes sau- 


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“ 0 RS F 


22/4 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MC 


Pourquoi Dieu a-t-il exposé l’homme à un 
courte, traversée de maladies, à la pauvreté, à la 
blesse, etc. ; pourquoi ne lui a-t-il pas assuré le p 
dis ? (IL aurait fait tort au diable en agissant autr 

menti). 4 
À l'heure de la mort, quels sont les anges c ul 
viennent quérir l'âme ? 4 

Lequel vaut mieux : chasteté sans œuvre ou œuw 
sans chasteté? (La décision de Sidrach est très 
ferme sur ce point : mieux vaut œuvre sans chas- 
teté : | | 

CXLVI. Se tu es chaste de ton cors et tes euvres sont . 
vaises, tu ne le fais mie por Dieu, ains le fais por. foiblesce o D! 
por viellesce ou por froide nature. Cil qui tuent la gent où qui 
les engingnent et qui roubent et qui emblent et qui sont parjur.… 
la chasteé qui est en eaus ne profite noïant a Ja gent. Gil nil 
ont bones euvres en eaus et ne sont chastes, ciaus ne font nul 


mal a la gent, ains... a eaus meismes...; son pechié ne fait nul 
dampmage as autres gens.) F: 


De quoi viennent les « crolles » * souterraines (Du 
conflit des eaux ef des vents dans les entrailles de la 
terre). 

Les éclipses ? (Théorie générale des éclipses de luné 
et de soleil). 

Les étoiles filantes ? (Il y en à le jour comme la 
nuit, mais on n’en voit que la nuit, à cause de 
clarté du soleil qui noie tout. Au reste, ce ne sonk 
pas des étoiles ; c’est le sillage des vents, ou l’humi= 
dité « soupirée » par la terre qui atteint les régions 


*tremblements de terre, 


s de Pair, ou La coups de feu dont sont 
és les mauvais anges qui essaient de rentrer au 

ïel et que les bons anges repoussent). 

Combien de ciels ? (Celui qui tourne autour de 
ous ; 1] est bleu. Celui de cristal, qui est des bien- 

eureux et des anges. Celui de Dieu, qui a l’air d’or. 

Jr pot d’ailleurs les sept cieux, à cause des sept pla- 


le distance du ciel à la terre ? (Une grosse pierre 
ombant du ciel n’arriverait sur la terre qu'au bout 
e cent ans. D'autre part, les âmes et les anges 
ntent et descendent de la terre au ciel en un clin 


| La vertu du firmament ? (C’est comme une roue 
qui tourne ; et, si elle cessait de tourner, la vie s’ar- 
erait ici-bas). 
. Vertus et grandeur des planètes et des étoiles ? (Les 
pl: nètes gouvernent par la volonté de Dieu la terre 
ét les eaux, et les vents, et les gens, et les bêtes, et 
s oiseaux, et les poissons, et toutes les autres choses 
qui sont. Il y en a sept. Sidrach leur consacre, à 
Chacune, une notice. Voici celle de Vénus, à titre de 
pécimen : 


44 
ôte 


Cr 


… Venus si est planete d’amor et d’estrumens et de delit et de 
ï . Celui qui en ceste planete naist de vain cuer sera et de 
fo ble. Et en .IIL. et .XL. jors puet changier son fait et sa vo- 
lenté et ses cogitations. Et passe les .XITL. signes et en chascun 
emore XX VII jors. Et si regne en un signe qui a nom Pisces 
Haine en un autre qui « nom Gemini. 


La destinée des individus dépend, non seulement 
4 15 


le jour de la naissance, mais de l’heure se du point.) ) 

Les eaux ? (Il y en a de bien des sortes : fontaines: 
qui changent de couleur quatre fois l'an ; fontaines 
intermittentes; le fleuve qui coule tous A jours de 
la semaine et s'arrête le samedi ; aux îles d'Inde, 
sources épaisses et si chaudes que le bois ne Y. 
jette prend feu et ne peut s éteindre qu'avec. de: 
l'urine ; sources d’eau noire dont on fait-« feu A À 
qui nat ‘art »; sources qui guérissent les blessures, 
qui rendent Le mémoire aux oublieux, qui « font 
home mult gesir avec fame », qui rendent les femmes 
stériles ou ie ; bassins tranquilles, où l'eau 
s’émeut au son des instruments, ‘quand on fait la fête 
aux environs, etc. « Et tout ce est par la nature de la 
terre ou elles passent »). 70 4 | 

Les mers? (Il y en a trois: la mer « betée » qui 
environne la terre, salée comme vous le voyez; au 
delà, la mer noire; au delà, la mer puante...). 4 

Pourquoi Dieu a-t-il fait le monde rond? (Pour sex | 
symboliser lui-même, qui n’a nicommencement ni fins | 

Pourquoi le soleil est-il chaud et la lune froide 
(Parce que cela est indispensable à la vie, telle qu’el 2 | 
est ici-bas). 

Quelle est la plus grande chose qui soit? (La mie! 
séricorde de Dieu). 

Y a-til plus de grains de sable que de gouttes 
d’eau dans la mer ? Peut-on compter ces grains et ces 
gouttes? Combien d'étoiles au ciel ? (Innombrables 4 
on ne peut pas les voir -toutes). Combien de bons etx 


L 


1 existe plus de cent bêtes, sans la vermine, et pois 
aque bête mille oiseaux, cent mille poissons). 
. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas fait d’autres êtres que 
-là ? (11 ne le pouvait guère, car il n’y a que 
quatre éléments : il a fait homme de terre, les pois- 
sons d’eau, les oiseaux d’air, les bêtes de feu; s’il 
ave it fait d’autres êtres de terre ainsi que Poyane, ils 
au iraient ressuscité comme celui-ci au Jour du juges 


| Quel ST endroit le plus agréable du monde ? (C’est 
celui où l’on se plaît). 

… Quel est le plus hardi, celui qui va de jour ou de 
nuit? (Sidrach flétrit à ce propos les gens qu’il ap- 


pelle « bobanciers » : « Ge sont gent de vile. De jors 


et vont par ville en guise de hardis... » Lâches qui 
isurpent ainsi l'apparence de née) 
— Les plus belles prouesses sont-elles celles de ville 
“ou celles de forêt ? (Nul doute. Prouesse de ville ne 
“vaut rien, c’est « musardie ». Il arrive souvent, en 
effet, que, en ville, les gens fassent semblant d’as- 
Saillir ceux avec qui ils se querellent, en comptant 
l’on les séparera ou que l’adversaire ne se défendra 
pas, crainte de la « seignorie » du lieu. En forêt, le 


e », s’enfuirait au premier péril). - 


AR ne 


+ 


e la gent vont saigement ; de nuit se deguisent: 


hardi de ville », qui « souvent fait estampies* en la 


228 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MO 


Doit-on se reprocher l'un à l’autre pauvreté, 
die, sa femme, ou choses semblables? Doit-on. porte 
honneur et faire plaisir à tout le monde» tab 
que possible). Doit-on oublier ceux qui vous ont, 
servi ? . 
Quand on est tenté de luxure, est-il possible de 
s'abstenir ? (Il suffit de penser que c’est une énormité, 
de « conchier la semblance de Dieu »). 
Quel est le plus grand plaisir qui soit? (Le plaisir 
spirituel de souffrir pour Dieu). 4 
Se doit-on amuser avec les femmes ? (Avec sa femme. 
seulement, et encore pas à certaines dates). ; 
Conduite à tenir quand une armée est en présence! 
d’une autre (Rien que des banalités). 
Quelles sont les parties de son corps les plus néces-| 
saires à l’homme? (La langue et les dents). ! 
Qui fit le premier instrument de musique  (Japhet, 
en écoutant couler l’eau sur les pierres et le bruit du! 
vent dans les arbres). 
Le sourd-muet, quel langage entend-t-il en son 
cœur? (Celui d AAA l’hébreu par conséquent; 
tout enfant que l’on élèverait sans lui enseigner une 
de nos langues modernes parlerait hébreu spontané-! 
ment, comme le fruit de l’arbre greflé reproduit e 


sauvajeon). ; 
Pourquoi les nuages sont-ils blancs ou noirs ? Quand d 
il fait beau temps, d’où viennent les nuages ? Des 


pays chauds). 
Les créatures peuvent-elles connaître la pensée de 
Dieu ? | & | 


-on Mure adorer Dieu ? (Non, car il faut 
ailler pour entretenir la vie du Corps). 

; D'où vieat qu’on pleure : ? (Sidrach n’a point une 
aute opinion des gens qui n’ont pas la larme facile : 
Les ielz qui sovent larment avient de la tendresce 
u cuer et de la purté dou coraige »). 

— Les gens qu'il faut honorer? De la largesse (Nul 
ma rien à donner que ce qu il a reçu de Dieu). 

… Le pauvre doit-il s’effacer devant le riche? (Oui, 
: cepté dans les batailles). 

> Manger de tout, est-ce pécher ? (Dieu a créé tout 
qui est à l’usage de l’homme). 


où seulement; saluer souvent, c’est ennuyer soi- 
me et les autres). 

| Comment doit-on maintenir ses enfants > (Pas trop 
‘ indulgence ni de caresses : « Li hons doit faire de 
es enfans et de sa maisnie comme de la verge qui est 
t et que on peut ploier a sa guise »). 
- Faut-il aimer mieux sa femme ou ses enfants ? 
(@est sa femme qu'il faut aimer le mieux après soi- 
même. Sidrach estime que l’on ne doit pas se marier 
Plus d’une fois. Il prévoit cependant un temps où, 
« por la fragilité de la foible char », il sera permis de 
convoler à plusieurs reprises). 
Simon père et ma mère n'avaient pas existé, com- 
‘ment serais-je né ? (Le nombre des vivants est prévu 
de touté éternité : « Si ton pere et ta mere n’eussent 
lez né, tu fuisses esté nés d’un autre home etd’autre 


fa ne »). 


() 
e. 
L 
er 


Doit-on toujours saluer les gens ? (Le matin et le” 


2È 
‘e 
4 


230 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE. AU MOYEN 


Quelle est la raison des avortements ? Toutes les 
femmes sont-elles faites de la même manière? (He 
est qui sont « de plus chaude complexion » que 
autres; mais, par ailleurs, belles ou laides, c’est la 
même chose. On se plaît mieux, toutefois, avec celle: 
qui sont belles, bien vêtues, et surtout Arte T ; 
l’on aime). . 

Doit-on révéler à son ami les trahisons de sa fem mm 

et de sa maisnie? (Oui, pour son bien). 

Faut-il agir en hâte? (Jamais). Aimer tout. 
monde? (Oui, en théorie. En pratique: «Gil qui roi 
aiment amez les, et ceus qui vos heent haés les »). 1 

Tous les Nos sont-ils Me (Devant la mor 
seulement). 4 

Dans l’autre monde, fait-on, comme dans celui-ci ) 
honneur au riche et déplaisir au pauvre ? 1 

Le père portera-t-il la charge du fils et le fils celle 
du père ? (Le cas d'Adam mis à part, chacun Fons 
son faix, « ensi com sont les bestes que on veut € 
corchier, que chascune pent par son jaret »). — 
Ceux qui tuent assument-ils les péchés de leürs 
victimes ? (Même réponse). - 

Qu'est-ce qui fait le plus de peine, ce que l’on voit 
ou ce que l’on entend? (Ge que l’on voit, car on 
n’en doute pas). 

Y a-t-il des anthropophages ? (Oui, il y en a beau: 
coup qui mangent leur prochain tout vif et le d + 
pouillent de ce qu’il a gagné à la sueur de son front: 
Et les mauvaises langues aussi rentrent dans la d 
nition). | 


-ÿ 
À 
Ë 
Le 


tre, larcin ou barat, lequel est le pire? (Aucun 
trois ; c’est la sodomie). 
Die: nets tous les péchés? 


héritage à leurs enfants; c’est un péché: « Se ti 
enfant sont bon, il gaingneront com tu as gaingné .» 
Emploie ton argent en aumônes et en dépenses pro- 
| ables à sauver ton âme. Si l’on avait cinq mille 
nfants, mieux vaudrait qu'ils fussent tous perdus et 
4 uver son âme). 
- Quelle est la chose la plus obscure ? (L' homme). 
» Le bien et le mal que l’on peut faire en ce siècle 
est-il de Dieu ou de celui qui le fait? 
> Comment le jour succède-t-il à la nuit? (Sidrach 
iffirme de nouveau l'existence d’hommes aux anti- 
podes : « ia gens au monde tels come nos somes 
t voient apertement la clarté del jor et de la nuit et 
1el soloeil et de la lune et des estoilles et sont soute 
et sur terre, et cultivent et laborent ensi com nos 
ons, et toz est par la reondesse dou monde »). 
Comment le soleil, la lune et les étoiles tiennent- 
Is au ciel? (Les planètes et le firmament, c’est 
ux en un. Elles sont au firmament « come le neu 
del marain * en l’arbre ». Cependant le firmament est 
en plusieurs couches qui tournent à des vitesses dif- 
férentes; chaque couche a ses étoiles propres; et 
ques-unes des étoiles qui nous paraissent les plus 


2 - 
ns. 
‘. 
re 


292 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE 


petites, parce qu’elles sont éloignées, sont en ve 
parmi les plus grandes). : Le 

Comment connaître les heures et les points d 
jour et de la nuit ? (Chaque heure est de 088 
points, et chaque point, c’est le temps qu faut poil 
compter un)’. 3 

Toutes les étoiles tiennent-elles au frneménti 
(Elles tournent toutes, sauf une, qui_ne bouge que 
comme la cheville de la pierre du moulin. C’est le 
plus haute de toutes. On l'appelle « guioiré »: Elle : 
sert à se guider sur terre et sur mer). À 

Les guerres auront-elles une fin? (Jamais; ans 
quoi la terre serait le paradis). L 

Dieu s’affecte-t-il de la façon dont les gens meurent 

Quel est le jour le plus respectable? (Le samedi ; : 
et, chez les chrétiens, le dimanche). 

Pourquoi dort-on ? 

Quel est le lieu le plus sain du monde? (Galoi dl où 
l’on suit le meilleur régime: manger une fois par 
jour, « gesir a fame » une fois par semaïne, se sais 
gner une fois par mois, se purger une fois par an). 

Qui maintient le monde? (Ceux qui enseignent less 
sciences et la croyance en Dieu, ceux qui travaille at 
pour nourrir les autres, les seigneurs et les gens. 2 
d'armes, les marchands). 

Le roi est-il au-dessus de la justice ? =. 5 

Est-il une richesse matérielle que l’on puisse port À 


. Sur cette division de l’heure, voir B. Boncompagni, dan 
Ati dell” Accademia pontificia dat nuovi Lincei, XVI (a), 
p- 1093. 


à 
4 


mme avant, lorsqu'ils se retrouvent ? 
mment s’aime-t-on à première vue? (On a tort 
ncevoir de l’amour en voyant une belle femme. 
ut dire avec componction: « Benoit soit Dieus 
isi belle creature a fait! »). 

Ceux qui enseignent le bien ici-bas auront-ils des 
âces particulières dans l’autre monde ? 

"Qu'est-ce qui excite le plus de haines entre les 
mes? (L'or, la puissance et les femmes). 


- 


érnière analyse, du « pur coraige », c’est-à-dire 
‘pur sanc qui entor la cuer demore », car « la 
té du sanc esclarit la cervelle »). : 
Pourquoi les gens tombent-ils de « mauvaise ma- 
ie » 2? (D'abord, les humeurs noires qui font voir 
oces visions; le diable n’y est pour rien, quoi- 
n en dise, lorsqu'il s’agit de gens qui croient en 
. Ensuite, les possédés. Enfin, la défaillance de 
des lâches). À 
Quelle est la partie la plus dangereuse du corps de 
homme ? (Les yeux). 

| Quel est l’art le plus sûr et le plus périlleux ? Œn- 
signer le bien aux hommes). 

Le Coment aucune foiz muet la joliveté au cors de 
me et devient jolis et alegres ? » (C’est le vieux sang 
reverdit le cœur. Mais la « joliveté » est péril- 
euse; car « si uns saiges hons et bons est jolis, si 
t mesprisiés entre la gent et encoulpés d’aucune 


La « pensée que l’on pense », d’où vient-elle? (En 


Fr 
NN 
he" 


fat », AUS s’il n’en ConREE pe Etla réci 
est vraie : on peut faire des folies sans passer pos 
si l’on est « quois et passibles »).. | Re 
Peut-on engendrer chaque fois que l'on fait ce qu 
est nécessaire pour cela? (Non; il y a une veine foi 1 
chue en la jambe de l’homme et de la femme : ; qu 
se la ferait saigner ne pourrait jamais sncatdter) 
Quel remède contre la stérilité de Ja femme ? ( À 
faire saigner des deux bras et boire du sucre bouil 
avec des roses et un peu de * réglisse, matin et soit 
pendant huit) jours. Le 8° jour, porter « racine d’esche* 
pilée, sans esprimer, en sa nature ensi com les far : 
les sevent portier, avec lainne sulente * de brebis 
Le 9° jour, le quart d’un pois d’onguent des his 
sophes ; ne pas se laver à l’eau froide ni à l’ea 


chaude, et manger légèrement)... : 
Doit-on aimer les enfants? (Pas trop. Tu ne doi 
pas aimer tes enfants plus que toi, car il est fol celui qi 
aime autrui pas que lui-même. fl faut les élever de sa son 
mieux « et après voissent *** guaingnier et porcha 
cier lor vivre come tu as fait »). 4 
Enchantements et sorcelleries peuvent-ils profite 
au corps? (Au Corps, oui, sinon à l’âme, mais & 
condition de savoir ss tnt et d’y croire). 
Quelle est la bête la plus vite et celle qui senti 
plus? (Le chien, la fourmi). 
Quelle est la plus haute, la mer ou la terre? (La terre) 
D'où viennent les limaces ? (De l'humidité de k 


*Var. : « poudre ». — **ache. — ** mouillée. — “"*zillent 


est une vermine laide, mais saine. En cas 
ssion, faire frire des limaces dans l'huile 
et les manger à jeun avec du miel sr 
x jours. La limace cuite, pilée avec le bois qu'on 
elle « ybanus », guérit du « blanc en l’oil » si 
1 s’en frotte dx ou trois fois par jour pendant 
Eoure). 
Pourquoi les vieillards et les petits enfants dor- 
# ils de la même manière? CŒa faiblesse est la 
use, dans les deux cas). 
L 7e avait fait un homme grand comme le 
onde, quelles seraient ses relations avec lui ? 

Si Dieu n’avait fait le siècle tel qu’il est, comment 
ait été le monde ? (Un abime de ténèbres. Dieu, 
à reste, n’en aurait pas été moins glorieux‘). 
| É s anges ont-ils été faits, comme Adam, de l’ha- 
e de Dieu? 

Q r’est-ce que le paradis terrestre ? 

D'où viennent courroux et joie ? (La qualité de la 

jurriture y est pour beaucoup). 

? Quelle est la plus belle chose que Dieu ait faite en 

e monde ? (L'homme). 

» Faut-il aimer davantage ceux qui vous aiment ou 

jux qu'on aime ? (Ceux qui vous aiment). 

» Quelles sont les plus « dignes » paroles, herbes et 
es du monde ? (Louanges à Dieu, froment, pierre 

net ière). 


. Cf. plus haut, p. 222, L. 23. 


: Pourquoi le croissant de la lune se voit-il toujours 


s (den à 
RE Era te 


re 


du même côté du ciel? (Il est aussi Fe l'autre 
mais pendant le jour; et on ne le voit pas). 

Faut-il confier ses secrets à son ami? (Non, ca 
ton ami a des amis de son côté, et ton secret co 
les rues. Ton secret est ton serf; sil est public, à 
deviens son esclave). 

« Queles fames profitent plus a l'ome quant il a 
avec elles charnelment? » (La brune quand il fà 
froid et la blonde quand il fait chaud ; mais les jeunes 
dans tous les cas). ' 1 

Pourquoi certaines gens se lèvent-ils au mati 
blancs et colorés, et d’autres pâles et jaunes? (Gel 
s'explique par le mouvement des « coles »). 

Le tremblement? (Du conflit des flegmes et c de 
autres coles, qui fait trembler le corps « en guist 
d’un hoeent qui de Pair vient »). £ 

Comment se fait-il qu’on voie? 4 

Pourquoi un seul individu péut-il parler pour plu 
sieurs et dire « nous » ? (Chaque. homme est une tri 
nité: le corps, l’âme et le sens). e 

La mer peut-elle diminuer ? 

Une femme qui laisse aller sous elle la nuit e 
dormant peut- -elle engendrer ? ÿ 

Doit-on aimer plus le fils de son frère ou on de 
sa sœur ? (Le fils de son frère, car « l’enfant est plus de 
l’ome que de la fame ». Mais, d’autre part, on 4 
plus certain de l’enfant de sa sœur que de celui de 


son frère, car le frère peut être coin 4 


*sursaut de flamme. 


s? (Le corps se compose de sang, de coles 
s, de flegmes blancs, de coles jaunes, et la 
Desralte de l'équilibre de ces quatre éléments. 


7 
atre saisons a l’année; suivre, en Done sai- 


1, le régime qui conviént au maintien de l’équilibre à 
on ne sera jamais malade). $ | 
Quelle est la meilleure chair à manger? (Le bœuf a 
Je buflle, si l’on a bon estomac). “ 

Pourquoi, quand on a soupe le soir, a-t-on faim cE C0 


lendemain matin, tandis qu'on n’a pas faim si l’on 2 
a pas soupé ? Conieue ce que l’on mange se dis- ta 
ibue-t-il dans le corps de l’homme ? 

Peut-on ôter un os ou une épine à quelqu'un qui 
Dvalé ou avalée? Pourquoi le fumier de l’homme 
t-il? Pourquoi l'urine est-elle salée ?... Comment 
ent les vers intestinaux ? (De ce que l’homme 
1 ange. C’est très sain d’en avoir, car ils se nourrissent 
e ? venin comme les serpents ; n’en pas trop avoir, 
ot tant). 

_ Quels sont les métiers indispensables ? (Fèvre [forge- 
on, charpentier, couturier, tisserand. Les divers mé- 
rs vont en se perfectionnant, « car chascun jor s’asou- 
illent [et s “asoutilleront] tant com le monde durra »). 

- Peut-on « vaincre la volonté dou siècle ? » (ous en 
ly pensant pas). 

La plus grande joie sera-t-elle, dans l’autre monde, 

our les enfants innocents ou pour ceux Wu ont re- 14 
0 acé au mal? 


Combien 4 temps : pee Rp de S ta 
Adam fut-il fait ? 4 
Quel est le plus beau membre du corps ? Een il 
car il est au corps ce que le soleil est au ciel. M ï 
la main est le membre le plus utile, car on fait de 

jambes de bois, mais pee de mains artificielles). 
Comment se fait-il qu’on sente le vent sans le voir 
et qu'on ne puisse saisir la flamme, quoiqu’ on } 
voie ? ‘À 
Qui peut plus se passer de luxure, le puceau ou. I 
corrompu ? (Le puceau). 4 
On dit « vierge » et on dit « pucel »; :'énallés di 
ces expressions est la meilleure ? (La première est le 
meilleure ; elle veut dire « pur et net de son cors & 
de son cuer ». Pucel veut dire simplement qui n’es 
pas corrompu de son corps). Be 
Qui peut plus se passer de luxure, l’homme ou lé 
femme ? (« La plus chaude fame dou monde est plus 
froide que le plus frois home dou monde »). k. 
Comment se nourrit l’enfant au ventre de sa mèrei 
Doit-on « ahonter » la femme qui a péché? («8 
ta fame, ou ta fille, ou ta cousine, fet aucune folie de 
son cors, tu ne la doie mie ahonter », car sa honte 
rejaillirait sur toi. Une femme qui ne l’est de rien D 
cela ne te regarde pas). 
Est-il bon d’être jaloux de sa femme? (Non, car s 
c’est sans raison, c’est l'exciter à mal faire ; et la mau: 
vaise femme fera pis si tu est jaloux d’elle, par mé 
chanceté : peut-être te tuera-t-elle ou te fera-t-elle tué r. 
Ne reproche jamais sa conduite à ta femme; car, «se tu 


tu li Suis le feu au cuer derechief a mal 
.— Mème question (Tu as le droit d’être jaloux, 
580 tu es sûr de ton fait: « Tu dois estre bien 
s et tu la dois chastoier par belles paroles, non pas 
Etiue, car, si tu la fiers ou si tu la bas, ou si tu la 
proches, fame est de tel nature qu’elle fera pis. » Si 
Pne peux t’empècher de la battre, va-t’en, jusqu’à 
> que tu sois en état de lui parler raisonnablement, 
Dur son bien. « Se ta mollier parole a ton ami ou a 
: home ou s’elle jue ou s’elle rist ou moque ou 
ou regarde en porte ou en huis, ja pourtant ne 
dois jalousier ». Telles sont d’allures évaporées 
i sont d’ailleurs irréprochables, et réciproque- 
ient). 

— Doit-on croire tout ce qu'on pense des gens, en 
ien ou en mal ? (Certesnon. Pas même de toi-même. 
Si tu penses que tu es prodome, par aventure tu 
> lies pas. Tels cuide estre d’une maniere qui est 
une autre ». Le cœur de l'homme estcomme l’arbre 
ré en terre; il oscille sous le vent. Le vent du 
, ce sont les humeurs, qui le font pencher ou 
déchaussent. Soyons prudents, par conséquent, 
lans nos jugements sur autrui). | 

il ya des j jeunes gens qui sont « chanus » et des 
| ds qui ne le sont pas; pourquoi? (C'est à 
e du « tour de la lune ». Tous les enfants qui 
Nues quand la lune était dans le signe des Poissons 
le D bicent de bonne heure. La « chaleur de la tête » 
est aussi pour quelque chose). 

Pourquoi les gens sont-ils chauves (Même expli- 


{! 
: 

he 
E- 


à 


3 
5 
Si. 


cation. Ceux qui deviennent Le sont nés lor qu 
le soleil était au signe du Lion). 
Le roi demande des détails au sujet des douz 
Signes et des sept Planètes. — Fee el complexio 
de chacun et de chacune. 
Comment naissent les hoirs des rois et des se 
gneurs ? (Dieu accorde aux rois qui én sont digne 
d’engendrer au moment précis où les enfants à naîtt 
sont destinés à devenir rois). 
Comment le bien et le mal sont-ils connus au cie 
et dans l'enfer? (Deux hommes vont sur la-routes 
l’un commet un crime, l’autre opère un sauvetage: 
les « agaiteors des chemins » le savent aussitôt et @ 
informent tout le monde dans la ville prochaine, ot 
l’un et l’autre reçoivent, à leur arrivée, la récompens. 
qui leur est due). 
Quand l’homme pèche, son ange gardien en est 
fâché ? 
Les morts reviendront-ils en ce siècle ? (Pendant ut 
clin d'œil, lors de la venue du vrai prophète [Jésus 
Christ], et au Jugement dernier). 4 : 
Les hôtes du paradis verront-ils jamais ceux € 
l'enfer ? (« Ne cuidez mie qu'il ait ores armeenp 
radis, mais touz sont en enfer », en haut ou en x$ 
‘La venue du ‘vrai prophète est attendue avec angoiss 
par les mauvais et avec impatience par les bons. 
car c’est alors que l’on se partagera en trois 
hortes :paradis, purgatoire [« le laveour des vices » 
enfer). 
Pourquoi les bons ne sont-ils pas au paradis te 


Er un peut- -il aller directement au ciel, sans 
er par le purgatoire ? 

Roi bon le Jugement dernier, puisque Dieu met 
as auparavant les uns au ciel, les autres en enfer ? (Il 


iendra « por acomplir »). — Les petits enfants 
ront-ils damnés? (Non, car chacun sera damné 
« selon sa reconoissance »). — Y a-t-il dans l’autre 


ronde des villes et des maisons comme ici ? Où iront 
eux qui ont fait beaucoup de bien et peu de mal ‘? 

F- E° Adam n'avait pas péché, les hommes et les 
mmes se seraient-ils unis de la même manière pour 
a à génération ? (Ce n'aurait pas été la mème chose). 
Le déluge a-t-il submergé le paradis terrestre? 

- Quand Dieu fit Adam, de quel àge le fit-il ? 

- Qu'adviendra-t-il de ceux qui, au moment du 
ju gement dernier, n’auront encore mérité ni le para- 
is m l’enfer « et n'auront espace de laver lor vices 
1 feu d’espurgeor » ? 

< Don l’âme est-elle invisible? Comment s’in- 
tro duit-elle dans le corps? Est-elle engendrée comme 
à corps? Les âmes ont-elles été faites toutes au 
3 Le rubricateur a inséré, dans l'intitulé de cetté es 
ne glose d’un manuscrit antérieur : « Cest chapitre est encontre 


outes les nations qui dient qu’il n’est point d’espurgeor*. » 
(Fol. 64 ve). 


F3  purgatoire. 
NE 16 


‘242 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 
commencement du monde ou s’en fabrique. il 
que jour ? 
Comment se eur qu'il y ait [pendant la gros- - 
sesse] « .11. armes* en .r. ventre »? Par où er re 
l’âme de l’enfant ? Et s’il meurt, par où sort-elle? 
Dieu, qui a fait toutes choses, leur a-t-1l donné 
des noms? 
Pourquoi les uns sont-ils grands et les autres pe 
tits? « (Por l’ore et por le point en quoi il sont a a 
Nos ancêtres étaient plus grands que nous ne sommes, 
et, « tant com le monde durera, il ira touz jors abaïs= 
sant »)'. 4 
Quel est le meilleur art qui soit? (« L'èrt de al 
letre » ). | | 
Lequel est le plus dangereux, le froid ou le sv} 
(Le chaud, car on peut se réchauffer, mais il est pri 
difficile de se rafraîchir à cause de la chaleur inté 
rieure). Ë 
Quels sont ceux qui sont le plus à à leur aise ? Se. 
qui s'attachent à Dieu: « Cil qui ont a faire avec | 
peuple ne puent eschapier qu’il ne soient corrompt Du 
en aucune maniere ou de dist ou de fait »). 
Ceux qui sont nés de mauvais père ou de sa 
mère, cela leur nuit-il ? (Non; pas plus qu’il ne nuï 
au froment d’être semé par un méchant). 


+ Qu’ est-ce que « delit » (plaisir)? en d’abord; 


* âmes. 


1. Sidrach a dit plus haut (p. 237) que la à civilisation j 
toujours en se perfectionnant, 


: Quelle est la Eee du RE la plus agréable à 
oir ? (Le ciel, et ensuite ce qu’on aime). 

Doit-on aimer son ami et son voisin ? (Cela dépend; 
n'est pas raisonnable, il faut le « blasmer et du- 
rement laidoier et chastier »). 
_ Parler _ se taire ? (« L’ome doit avoir col de grue, 
et noé *, que, se il pense a dire une paroule 
tornast a FRE d’autre, avant que il passe toz 
nous *, il porpenssera qu’ele est male a dire et si 
fera avaler encontreval ou ventre » ). 

— Convient-il de fréquenter les fols ? (« On doit guer- 
pir “* les fols et leur volenté »). 

1 doit être le plus sage, le vieux ou le jeune? 
Se tu vois un home qui soit peu sachant, tu ne le 
s mie trop blasmer, car le sens ne la folie ne muet 
br lun ne de l’autre par eaus, mais par l’orde- 
ner ent que Deus a ordené es .VII. planetes et es 
Ex . Signes, qui le monde governent et estaublissent 
les choses temporelles es nativités des gens par le mue- 
ent. dou firmament..… ») 

Pourquoi l’homme est-il velu et chevelu ? (Il ne 
ait pas dans le paradis terrestre ; c’est pour cacher 
Sa honte). 

» De quelle pomme Adam mangea-t-il ? 

Les sourds-muets ? (« Dieus, por sa puissance, 


noué: — *“* nœuds. — ** éviter. 


244 TA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN À 


4 È 


avant que il feist le monde et le firmament, savoit L 
bien que l’ome devoit pechier et getter de grace en. 
poine. Si estaubli le firmament et le movement et le 
_ tor des planetes et des signes que en aucun point | 
es signes doivent naistre gent sourt où mut ou. 
orbe ou contrait* por le se qe Adam devoit 
faire » ). 
._ Pourquoi Dieu fait- 15 mourir des Énlants en bas 
âge? : 
Comment profitent les aumônes ? (Les plus petites 
aumônés qu'ils font profitent aux croyants ; les plus 
grandes ne profitent pas aux incrédules, « car il ne 
les font pas por Dieu, mais por eaus meismes »). : 
Doit-on aimer la « seignorie » [les pouvoirs pu-M 
blics|? (Oui, car elle est de Dieu). 1 
La justice ? (Elle doit être juste). — Les juges | 
pèchent-ils quand ils condamnent les gens à LR tor-. 
ture ou à la mort? 
Les idiots seront-ils damnés ? | 
Les enfants apprennent-ils plus que les vieux ? 

Y a-t-il des anges gardiens ? Les anges savent-ilsM 
tout ? Sont-ils ici-bas tout le temps parmi les hommes? 
Comment apparaissent-ils aux hommes? Et les dia 
bles, savent-ils tout ce que les gens font? | 
Qu'est-ce que le purgatoire? Combien d'âmes au” 
paradis ? Qu'’est-ce que l’enfer ? (Longue, mais banale“ 
description de l’enfer. Les justes seront enchantés des” 
supplices infligés aux damnés, même à leurs proches | 


* 2£ 
aveugle ou estropié. 


bons sont-ils en parfaite joie? (Non, jusqu’au 
du Jugement). Les âmes savent-elles ce qui se 
en ce bas monde? Les ‘âmes peuvent-elles 
aître quand elles veulent ? (Celles des justes, 
; les autres, non, sans permission). 

De viennent les songes et les pressentiments ? 


on à ne pas se repentir). 
4 Les arbres que Dieu fit au commencement du monde 
rtaient-ils des fruits ? 
En quelle saison et à quelle heure fut fait Adaut? 
Qui fit le premier du vin ? (Noë, par le commande- 
nent et selon les instructions de Dieu. Il est à noter 
que d'Adam à Noë, avant le déluge, les hommes ne 
buvaient point et ne mangeaient pas de chair. L’hu- 
# Knité antérieure au déluge différait beaucoup de 
que nous connaissons). Quand Adam sortit 
du ou trouva-t-il des fruits pour vivre? Après 
e déluge, y eut-il des fruits nouveaux? (Non; 
la flore resta semblable à ce qu'elle avait toujours 
. Où fut faite l'arche de Noë ? : 
Qu'est-ce que la pitié? Le plaisir et le repos font- 
du bien ou du mal? Doit-on avoir pitié des créa- 
Ée qui sont en peine? (Il ne faut pas faire languir 
a bête qu’on doit tuer. On ne doit tuer, du reste, 
les s bêtes que pour les manger, ou celles qui nuisent 
+ qu’on prend en flagrant délit. « Se tu encontres 
aucune mauvaise beste perilleuse et elle ne te fait 


LUS 1 TUE NE TEE 


2h46 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU Mox 


nul mal ne ennui ne à autre devant toi tu ne la dois 
mie tuer, car tu ne l’as pas faite »). 4 
Faut-il boire du vin ou de l’eau ? QI Le vin est une 
chose précieuse et digne, et si est salu dou cors et den 
lame »). | LV 
Doit-on s'amuser au jeu ? (On ne doit s'amuser 
nulle part, si ce n’est en Dieu. « Il naïstra . È grand . 
pechié au monde qui sera nomé jeu as poins", et 
par cel chemin iront moult de gens en enfer »). 
Les hommes ardents à bataïller, comment peu 
vent-ils s’en empêcher ? 
Celui qui se vante de son péché fait-il mal? 1 
Un méchant peut-il être savant? (Oui, mais sa 
science n’est pas la science parfaite). 
« Porquoi ont les fames la joie et le duel dou 1 
siecle? » (Parce qu’elles ont la cervelle plus légère 
que les hommes et sont comme les cimes des arbres 
qui oscillent au vent de toutes parts. « Les fames sont 
teles, car de si petite chose qu’elles voient ou qu’elles 
oient elles se troublent toutes : ce est por le poi dev 
sens qu’elles ont, et la foiblesse dou sens lor fait tost 
avoir joie et tost duel. Gar, s’eles fuissent si saiges | 
come les homes, on les feroit baïllis et jugeors et sei= 
gnors a comander et a jugier come les homes font..." 
Et plus toust porroient estre deceues .LXX. fimes! A 
que .[. saige home »). 
Doit-on souvent aller voir son ami? (Non, car tu 
l’ennuierais; et ne va jamais chez lui sans t’êtres 


C0 
1. Plusieurs mss. offrent ici des variantes : «griesche », 
»: é ll 


vient Re vous à HET » 

Comment se fait-il qu'un homme, vainqueur de 
rois ou quatre adversaires, se laisse ensuite vaincre 
Jar un seul ? 

… Faut-il manger de tout ? 

… Quels sont les plus grands vantards du monde ? 
Les vieux qui racontent les bourdes et les folies de 
r jeunesse; personne ne les croit, du reste. Et 
aussi les étrangers qui vantent les richesses qu’ils ont 
Jans leur pays). 

… Pourquoi les nuages ne sont-ils pas en été comme 
à hiver ? Pourquoi un nuage qui paraît petit couvre- 
F une grande surface de terre ? 

… Les petits enfants? (Leur pureté fait honte au 
diable ; ils sont d’ailleurs plus faibles que les petits 
D aux). 

Be roi Boctus se démande ensuite pourquoi tous 
hommes ne sont pas faits de la même manière. 
D'où vient le sens? (De la pureté du « coraige », 
sang et de la cervelle). Pourquoi s’imagine-t-on 
ois qu’une chose fut qui n’a jamais été? Les sou- 
? (On soupire pour expulser les mauvais air). 
L'haleine? (C’est pour remplacer l’air souillé par de 
r pur). L’éternuement ? À 

Une quel élément pourrait-on le mieux se passer ? 

| » Pourquoi la pluie abat-elle le vent? 

_ Pourquoi les oiseaux femelles n’ont-ils pas de 
nature » comme les autres bêtes? (Parce que, en 


De. 


248 14 CONNAISSANCE DE LA NACRE AU 


Quel est le plus fort, le vent ou l'eau} (L'eau 
sans eau pas de vent). | 
Pourquoi tous les enfants ne naissent-ils pas ap 
le même laps de vie intra-utérine ? Pourquoi tout” 
monde ne meurt-il pas au même âge? (Le point de 
l’engendrement annonce celui de la naissance, et 
celui de la naissance annonce celui de la mort). 
Qui sent la douleur quand l’âme se sépare du 
corps, l’âme ou le corps? 1 
Pourquoi les petits enfants sont-ils ennuyeux à 
élever ? (A cause du péché d'Adam). L 
Comment doit-on vivre en ce siècle? Doit-on crain= 
dre ses ennemis ? (Cela dépend des circonstances). 
Doit-on jouer avec son ami? (Jeu de mains engendre: 
courroux, car le vaincu en a dépit, si faible qu’il soit» 
«. Poi en i a de ceus qui D soi meismes »). L 
Comment se comporter à l'égard de ses ennemis} 
(Vigoureusement, « ja soit ce que tu les doutes et 
que tu es coarz.… Si tu es vil et coart, tiens toi æ 
honour et cortoisement entre la gent; a ce cuideront 
que tu soies prodome et vaillant et a tel te tendront..« 
Si alcuns te chace d’armes et tu n’as cuer devers lui, 
conporte toi et pren exemple des chiens et torne & 
lui... ») “2 
Les riches ou les pauvres, lesquels valent le mieux 
Lesquels sont le plus en sécurité et à leur aise 
(Les riches sont plus à leur aise, les pauvres plus en: 
sécurité). Quels sont les plus riches gens du monde » 
(Après les Grecs, par la suite ‘des temps, ce seront. 
ceux d’une nation « qui seront plus humbles a Dieu d 


d'Occident ‘). 
aut-il lâcher la proie pour l'ombre? 

t-on ajouter foi à tous les conseils? (Avec dis- 

ment). Doit-on aimer les médisans? Doit-on 
liger si quelqu'un vous fait mauvais semblant? 
oit-on oublier son pays? (« L’om puet bien ou- 
r son païs. Se tu es en ton païs povres que tu 
s de quoi vivre et tu vas en autre païs ou tu 
oves bien et amor, bien dois donc oblier la ou tu 

Lesté povres et mendiant... La est ton païs, et cel 
dis dois tu aimer la ou tu as ton vivre, non pas la 
ütu fus nés. Car qui sevent doner garde au monde 
2 trovent que tote la gent qui furent et sont et seront 
ont estranges en cest siecle, car nus n’a païs, mais : 
nt seulement herberges, et partir maintenant lor 
ovient »)?. 
* Force ou « engin »*, lequel vaut mieux? (Engin 
aut mieux que force au corps; force vaut mieux 
u'engin pour l’âme). 
Si quelqu'un te demande raison, faut-il répondre ? 
| Ne répondre que si l’on est en état de le faire victo- 
1 eusement ; ; sinon, « prendre terme » et consulter 


EE. Hbliburs mss. portent ici à l’encre rouge l'identification: 
t es François ». 

2. Cf. la question des éditions amplifiées qui porte, dans le ms. 
Ra6%es, le n. VIIILX VII : « Lesquels doit l’en plus amer, 
z de son pays ou les estranges ? » Réponse: « Plus vaut le 
de l’estrange que le mal du frere. » 


les livres. « Cil qui spocdel ré ce que l’on lor dé 
mande sont appelés philosophes »).._ 

Doit-on réclamer ses créances? 

Pourquoi les Occidentaux (« cil de Ponent » 
sont-ils plus sages que les autres ? (Ceux d'Or 
sont trop échauflés ; ceux du Ponent n’ont mA 
cervelle « tant cuite a la chalour » et ils peuven! 
manger des viandes fortes, cé qui est interdit par 
climat aux Orientaux). 4 

Qu'est-ce qui plaît le plus aux femmes, le beat 
corps ou le beau visage? (Mieux vaut « belle chiere à 
que « belle charoïgne »). 1 

Si un homme trouve sa femme en flagrant délit 
que doit-il faire? (Chastier sa femme courtoisement 
et laisser l’homme aller. Et puis, ne pas se faire t op 
de souci. Vous n'êtes pas seul au monde, et, pour 
ce qui est arrivé, ni les eaux ne seront séchées ni le 
arbres ne cesseront de porter leurs fruits. Personne 
n’en est mort ni n'en mourra). 

Faut-il s Le à d'autrui ? (Temporellement, in 
faut penser qu’à soi et aux siens ; agir autrement, 
c’est folie). | | | 

Dans les malheurs qui arrivent, doit-on blâmer Die 

De qui peut-on avoir le plus de los et dhonneti 
le pauvre ou le riche ? (On a plus grand los du pauvre 
reconnaissant, qui colporte partout le bruit des géné- = 
rosités que vous lui faites). È 

Doit-on servir à toutes gens? (Oui, car si tu ser 
un inférieur, « tu le fais ou pour Dieu, ou por tor 
loer ou por honor de lui avoir ». Et il faut être pas 


à 
1 


[2 


rvice, car tel prud’homme pourra te ré- 
er d’un seul coup de lavoir servi pendant 


e est la plus savoureuse chose qui soit ? (Dor- 


Comment doivent-être les rois et les seigneurs ? 
oyaux, sages, courtois, débonnaires, larges, etc.). 
oi doit-il aller en bataille ? (Ils doivent se tenir 
ière-garde pour agir suivant les circonstances : 
Mieux vaut .1. bon fuir que mauvaise demorée ». 
Tout l’ost pent a eus » ; qu'ils ne se placent donc 
jiais à l'avant-garde. « Si l’ost est perdu et le seignor 
hape, il recoverra. 1. autre ost ; et se il est perdu, 
it est perdu »). 
D'où vient la sueur ? (Du mauvais sang ; les faibles 
non pas les forts). 
} quelle nuance faut-il s'habiller? (Le ver- 
st royal et donne « grand confort » à qui le 
. Le blanc est amoureux. Le vert est la couleur 
ne. de la terre. Le bleu, couleur du firma- 
ent, est aussi celle de l'humilité). 
“Quelle est la chose la plus verte qe: soit ? (L'eau). 
à plus grosse ? (La terre). 
tu moment de la mort, lequel vaut le mieux, re- 
ir ou bonne espérance ? 
Doit-on pleurer les morts? (Oui, s’il s’agit d’un 
é chant, car il est en enfer ; sinon, non). Quelqu'un 
il jamais revenu de fade monde, pour dire 
mment il est fait? (Abel, Seth, Enoch, Noë, Ma- 
(Sa em, etc.). 


tourner vers l’ a « ou est chier dou obde »): 
Pourquoi les enfants n’engendrent-ils pas? 
Les diables souffrent-ils dans l’autre monde? Quel 
est la lutte la plus dure à soutenir? (Les tentatioi 
| du diable). "4 
“TR Doit-on craindre tout le DonE (« On doit | dot 
ne ter ciaux qui Dieu ne doutent », ét ceux-là se l 
ment). 
Pourquoi le fer va-t-il vers l'étoile « Guioire * »? L 
fer est de la nature de cette étoile, comme le feu. est 
de la nature du soleil. Le feu retourne au soleil qua ni 
il s'éteint; de même, s’il était immatériel, le f 
DE la Guioire. Mais il y a une autre pier | 
qui est aussi de la nature de la Guioire : le fer « & 

, prend » à elle). RES 
Tous ceux qui naîtront mourront-ils ?.… 

-_ Peut-on oublier la joie et la peine? 


* 


sagement; de grand courage). Doit-on montrer soi 
sens entre les simples gens ? (Non; c’est vouloir ap 
prendre à lire et à écrire à une bête; on perd sci 
temps). Eh 

Pourquoi y a-t-il des vins blancs et des vins vers 
meils ? (Le vin blanc vient de ceps que Noë pla Û 
la nuit et le vin vermeil de ceps plantés au soleil} 


Les bêtes ont-elles un langage ? (Non. Les cris de 


? Polaire, 


el est le plus sage homme qui soit au monde ? 
i qui, depuis l’âge d’un an, aurait été élevé, 

nuit, au son des instruments. Car la musique 
e sang et adoucit le cœur). 

elle est la chair la plus savoureuse ? (Celle de la 
vagine châtrée). 

Est-il une âme qui puisse savoir ce qui se fait dans 
1t le monde en un jour? (Les astronomiens eux- 
les n'en savent qu’une partie). 

lest-il advenu des petites bêtes et des vermines 
u déluge ? 

rquoi les jeunes gens y voient-ils plus clair que 
vieillards ? 

es poissons dorment-ils dans l’eau ? Pourquoi les 
ons ont-ils une pierre dans la tête? (C’est un 
ntrepoids pour aller au fond). Combien d’espèces 
“poissons? (Il y en a tant que cela serait fort 
nuyeux à dire. Il y en a de toutes les couleurs. 
y en a en guise mes de bêtes, d’oiseaux, 
s, etc.). 

L s espèces de bêtes? (Il y en a qui ressemblent à 
S hommes ; il y en a qui ont deux têtes; il y en 
d assez “Lost pour porter sur leur dos déboires 


254. LA CONNAISSANCE DE LA NATL 


ou plus; il y a des bêtes qui vont sur ne eds 
avec une queue de lion ; il y en a en forme de sé 
pent avec des visages d’homme et des cheveux d 
femme ; il y en a qui n’ont qu'un-œæil, avec des md 
choires d’une seule pièce et qui broiïent des cailloux 
il y en a qui ont une pierre aiguisée au bout des 
| queue). (40 

Les oiseaux? (Il y en a, aux îles de la mer d 
Indes, qui sont plus grands que des bufiles et | 
peuvent voler que quatre fois par jour, une lie 
chaque fois ; il y en a qui ont deux têtes et qua 
pieds ; il y en a qui courent au feu, avec des plu 
incombustibles ; il y en a qui, sans couver, font éclo 
leurs œufs en les regardant, etc.). “1 

Le plus bel oiseau du monde? (C’est le coq, @ 
«il i a moult de bontés en lui, qui ne sont entre. 
autres oisiaux »: couronne, éperons, sens de recol 
naître le jour et la nuit. Il est jaloux plus q 
l'homme, généreux, combatif. Si c'était une ê 
de chasse, tous les autres oiseaux Jui feraient rév 
rence). La plus belle bête? (Le cheval). Le pl 
« digne oiseau »? (L'abeille). À quoi se reconnai 
sent les beaux chevaux ? (A quatre choses long 
quatre courtes, et quatre larges). La bête la plus b 
nigne? (Le REY Les bêtes les plus mauditei 
(Dieu n’a maudit que les démons). 1 

Pourquoi les grands arbres ont-ils de petits 
et les petits arbres de gros fruits ? 

Les bêtes les plus intelligentes ? (Les singes et 1 
chiens). Pourquoi les oiseaux de chasse ne boiven 


556 
olent si ae la fraicheur é l'air 
). Le serpent a-til toujours été ce qu’il est? 


yment ‘ soigner les saignements de nez? (Avec 
er de porc encore chaud et de la crotte* de 


auvaise enflure aux jambes, quel remède : d (On- 
t fait de saindoux et de cendre d’escarbot). 
r les dartres? (Écraser sur la ocee malade ee 
: « vers » bleus à ventre blanc, qu’on appelle fe 


r 5e etc.). 
Maïs, dit le roi, si l’on est en voyage, sans aucun #3 
> ces ingrédients sous la main? (Emporter « l’élec- 
e de vie », dont la ane est ici ei 


ce que les trois quarts des ‘gens meurent par * 
mment étancher le sang des plaies? — Suivent 


13 & Les questions médicales qui suivent manquent dans plu- * 
urs mss. et dans la version en mittelniederdeutsch. Elles ont 
é au contraire traduites en anglais et publiées à part, au xvie "% 
le, dans une plaquette aujourd’hui introuvable, sous le titre: A 
L: s0k of Medicines of king Bocchus, chez Robert Redman PAU 
LP Bülbring, 0. c., p. 477). — On lit, àla suite du Roman, PE 
is le ms. fr. 1161, une série complémentaire de recettes ! = 
gues (fol. 131) : « Ci après sont les meidecines que 
es Gonberz…., li plus excellens serorgiens qui fust onques 
s en son temps, ha essayées et esprouvées... » 
2. Ce mot se présente, dans les mss., sous les formes : pi- 
peer pichaar, picahart, bukahar, pulzahar, pulzachar. 


256 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


des recettes contre les pâles couleurs, les vers inte 
tinaux, « l'encombrement de pis » (emphysème), ; 
manque d’appétit, la frénésie, les vomissements, 
cicatrisations mal faites, la mauvaise haleine, 
maux d'oreilles, le mal de tête, l’apostume, la goutte 
etc. | 

Le roi, suffisamment instruit des choses médicales 
éprouve le besoin de revenir à des sujets plus élevés 
« Nos avons, dit-il, demandé et entendu de l’espiri 
tuel et dou corporel ; et si volons savoir des amis di 
Dieu qui furent d’Adam jusques a Noë ». 4 

Qu’arrivera-t-il quand naîtra le fils de Dieu? Qu 
signifient ces merveilles? Où sera le fils de Dieu dan 
son enfance ? Sera-t-il beau ? Pourquoi se laissera-t# 
mourir? La Résurrection? L’Eucharistie‘? Chacul 
pourra-t-il opérer ce mystère? (Seulement ceux qu 
auront « le pooir de la sainte maison », c’est-à-dini 
de l’Église. Il est remarqué à cette occasion qu 
« dou cors dou vrai prophete sera com dou soloil q 
ne puet estre conchiés de la pulentie, d’une longaine® 
ne ne le fait plus cler quand il est en belle 
son »). 

« Gil qui auront li pooir de faire le cors dou 
prophete seront il plus honorés devant Dieu que le 


“par la puanteur d’un cabinet d’aisances. 


1. Le rubricateur a encore inséré une glose, ou nota bene, 
cet endroit : « Ce chapistre est encontre toutes les nations FU 
dient porquoi les Frans ne donent au peuple dou cors que” 
prestre reçoit et dou sanc que il reçoit avec le cors. » (Fol. go: 


| SIDRACH 
pueples » ? (S'ils se conduisent mal, ils seront 
lus sévèrement damnés que les autres). 

Pourquoi voudront-ils toujours « faire le cors dou 
fai prophete ? » (Ceux qui le feront « por la convoi- 
se quil soient honorés et por ce qu'il soient fait 
ches en cest siecles » trahiront le fils de Dieu en 
@issant ainsi. On doit recevoir la communion avec 
tant de piété d’un mauvais prêtre que d’un bon). 
Qu'est-ce que le péché? (« Toutes les choses que 
fist ont substance et toute substance est bonne, 
ais mal n’a noiant de substance ; donc pechié n’a 
nt de substance ». Le péché est d’ailleurs chose 
importante que « quand un petit pechié est fait si 
St plus grand que tout le siecle »). 

Comment connaîtra-t-on la mort du vrai prophète? 
uelles merveilles fera le fils de Dieu sur la terre ? 
Miracles du Nouveau Testament). Les ministres du 
Is de Dieu, après sa rentrée au ciel, que deviendront- 
S? Pourront-ils guérir les APT 

: 4 aura-t-1l plus de monde sur la terre au temps 
lu fils de Dieu que maintenant? (Le nombre des 
Iémmes ira toujours en augmentant). 

» Combien le ciel et l'enfer sont-ils grands ? 

 Y a-t-il plus de naissances que de décès ? (Oui; il 
aît mille personnes par heure). 

… Laquelle est la plus grande, la grâce de Dieu ou sa 
L P ère? (« L'ire de Dieu n’est que le mal que Pom 
fait »). 

| Ceux qui seront au paradis vieilliront-ils ? (Ils se- 
t toujours jeunes comme desenfants et gais comme 


2] 


jours mourir et la mort les fuira). — ‘Cat qui s 
en enfer n’auront-ils nulle merci ni nul Re — 
Ceux du ciel seront-ils nus ou vêtus? (pue Ada 
et Ève avant le péché)". 


. C’est ici que-commence la PR série de questions CO 

D nie dans les éditions amplifiées (voir plus haut, P- 201). Ê 
Ces questions roulent d’abord sur la définition des vices et de s 
vertus, et d’autres problèmes moraux. — L'auteur blâme s 
vèrement ceux qui veulent « enquerre du fet Dieu » : « Gil q 
se met parfondement de savoir de la puissance Dieu est à a 
fo comme cil qui voudroit la clarté du soleil enclorre en sa 
maison. » — Boctus demande: Vaut-il mieux que l’hommé 
« foloie de son cors », ou la femme ? Sidrach répond: « J'an B. 
roie miex que ma titi foloiast que je... » — Puis, c’est la sa: 
lade ordinaire d'interrogations sans suite. — Les gens d'armes 
demande le roi, doivent-ils porter un lion dans leurs armoiries ? 
Chacun le peut, dit Sidrach, mais au risque de’se faire moquer 
de soi s’il n’est très brave. — Quelle est la fleur la plus ç g 
tille » qui soit? (La fleur de lys, qui est « la plus convenah 
en main de roi »). — « Pour quoi se travaillent la gent 
veoir la.lune nouvele ? » (Tel est l'usage des simples, qui se 
réjouissent à chaque lune d’apercevoir le premier croissant ;) 
mais c’est absurde.) — Doit on croire les philosophes qui disent 
qu’il n’y a pas d’autre monde que celui-ci ? (Ils mentent « par 
mi leur gueules » ; les Juifs, les chrétiens et les Sarrasins, qui 
auront un jour « le pouvoir du monde », croiront tous à la ie 
future.) 7 

Les questions IXcIX : « Coment fu trouvée la science RS 
le deluge ? » et IXeX : « Qui establi la monnoïe au monde ? » 
et les réponses qu’y fait Sidrach sont manifestement inspirées 
de l'Image du Monde. Voir ci-dessus, pp. 104, 106. | 

A partir de la question IXceX XIT, questions de Physiogno 
nie : « Comment ne par quiex entresaignes puet l'en connoi 
la bonne manere et la mauvaistié des gens ? » Of. le Secret des. 
Secrels (ci-dessus, P: 192). 

Liste des jours néfastes (q. IXcLIIID),. 


mment peut-on savoir l'avenir? (Dieu, par sa 
corde a établi les sept planètes à gouverner le 


es fust au monde ». Japhet fut le premier astro- 
ïen ; il fut instruit par un ange. Puis, une sorte 
anuel opératoire, où sont décrites les cérémo- 
qu’il faut observer: avant toute recherche on 
oquera « Sire Dieux Helyemons.. ». 


onomie devant toi et alumineras la chandille de la roe et 
indéras les autres lumieres de l’ostel ou tu feras cest art, por 
ir apertement la clarté dela roe sur quel planete elle descen- 
a; et, si tu le fais de jors, tu feras l’ostel oscur por veoir 
rtement la clarté qui descendera de la roe. 

La roe doit estre une table reonde d’une paume au mains 
vec le compas et .[. parchemin ou paper glué sur celle table 
&son grant. Et en mileu de celle table aura une petite broche 
é fust por sustenir .[. chandoille, Le parchemin ou le papier 
sera glué sur la table sera seignié et partis par VII parties 
compas et en chascune partie une planete d’entre sur la bro- 
et metras une chandille subtille, longue d’une paume ou 
la moitié de la chandoille où mains envoleperas d’un pou de 
dou gros d'une feve ou de moins entor elle por sustiner la 
qui doit torner de sus entor la chandoille ; et si auras l’autre 
qui doit tourner appareillie, et qu’elle soit dou grant de celle 
ii sera sur la table gluée, et tele come celle de la table ou par- 
in ou papier, et qu'elle soit faite de .II. chartres gluées] 
Pune sur l’autre par quoi elle se tieigne droite; et en mileu 
c Le doit avoir .L. pertuis reont overt par compas ou la chan- 
c puisse entrer et torner legerement. Entor la chandoille 
re F8 pertuis, la ou la chandoille demore de .II. dois ou plus, 


ki commence un Abrégé d’Astrologie pratique, dont 
alent se trouve ailleurs, à l’état de monographies. Voir 
nt, P- 144, en note, 


doit avoir en la roe .[: pertus a grant Pass chics 0 
reont par la ou la clarté doit descendre sur la planete 


Quant tu fpras la roe et elle torne, de son torner par € 
demorera; done te garde apartement et vraiment de la clar 
sur quele planete elle descendra ; et, s’elle touche .IL plantes, 
la ou elle plus pendera, cele planete sera de conte, Si pren- 
dras les poins qui sont sur celle dite planete et les poins q ai. 
sont sur les lettres del nom del jor et dou mois et de la lune’ 
et se l’art se fait de prime soir envers demie nuit envers le jor 
sera conté del jor qui doit entrer, et ensement les noms des, 
mois de la lune, se il est en son entrer où a son issir; el ne 
contés mie les poins des letres por chascune foiz que la lettre ! 
sert au mot ou au nom, mais .I. fois a chascun mot ou a chascu® 


nom. 


Comment peut-on savoir ce qui adviendra à une 
personne dans toute sa vieP (Au moyen de ladite 
roue; manuel opératoire et tableau d’horoscopes "). M 

Des PIERRES PRÉCIEUSES. Combien a-t-il ? Où 
sont-elles? Leurs vertus? (Il y en a vingt-quatre qu 
ont des vertus spéciales pour le corps de l’homme, 
de même qu’il y a vingt-quatre heures dans la jour-. 
née?. Voici, à titre de spécimen, la notice consacrée” 
à la Chrysoprase: | ù 


. Le Tableau d’horoscopes (d’après la situation dans le Zo É 
one au jour de la naissance, de la planète sous laquelle on est 
né), est identique à celui qui se trouve dans le Dialogue de Plæ 7 
cides et Timeo. — Comparer Bibl. nat., fr. 1160 (Sidrach),! 
fol. ro1 vo, et fr. 19958 (Placides et Timeo), fol. 98. Et ce 
plus loin, p. 297. 

À Des vingt-quatre pierres de ce petit Lapidaire, la moi pe 
sont identiques aux Douze Pierres du Rational, dont p 


SIDRACH 
ace est une pierre qui est aportée de la terre d’Ynde 
color est verdelasse et resemble as ieus de porc et gette 


Je come d’or de toutes pars. Cil qui [la] porte si est gra- 
de sa venue. 


_ Ce Lapidaire en miniature est suivi d’un TraïTé 
: ES HERBES, très bref aussi. L'auteur a classé les herbes 
d après leurs propriétés : herbes pour la vue, pour le 
s ing, contre les bêtes venimeuses, etc. D’aucune il 
ndique le nom; il donne seulement la descrip- 
à botanique, conformément à ce schéma: « Il1 a 
me erbe o pou de feuilles fendues longues : flor 
violete ; ; semence jaune, ronde, grosse; pelite ra- 
ci EEE 

L Exemple : 

1 Enve POR MAL DE PISSIER. — Îl i a une herbe petite o grans 
fuilles forchies, flour jaune, petite semence et petite racine. 


la feroit bollir en vin et la donroit a boire a home qui ne 
t pissier .IIL. jors au matin et au soir, soit de froit soit de 


at, il ‘garroit 


Des herbes sont indiquées pour se rendre invisible, 
our faire parler, pour rendre muet, pour faire aimer, 
EF r faire haïr, pour détruire l'effet des charmes, etc. 
- On revient ensuite à l'Histoire sainte. 

| Quel est le plus digne lieu du monde? (Le « nom- 


Pilippe de Thaon (ci-dessus, p. 46). Les autres sont : rubis, 
Feflambine, cocrice, turquüemaf, gute: agathe, onyx, diamant, 
crasnif, vermidor, dyane et sorge. 

Sur les rapports de cet opuscule avec le Lapidarius Salomonis 
cerplus ex libro Rasielis angeli, v. M. Steinschneider dans 1 
arroli, 1872, p. 246. 


262 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


bril du monde », c’est la terre promise, la Judée e).. 

« Quant tout le monde finira et toute la gent mor- 
ront et li fiz de Dieu vendra jugier les vis et les. 
mors, lesquels seront les mors et lesquels seront les 
vis, adonques que tous seront mors? » (Cela s “entend 
des méchants et des bons). | 

Après la mort du fils de Dieu, qu’adviendra-t-il aël 
Jérusalem? (Sept fois elle sera prise et gâtée. | 
Les Romains la ruineront, mais ils passeront à leur 
tour: Dieu « fera naistre un home de Berie* de la 
plus orde gent dou monde », qui les dépouillera de 
la plus grande partie de leurs domaines et les con 
finera en Romanie.) 

Quel homme sera celui qui naîtra ainsi en Arabie À 
(Pauvre, de laide façon, pasteur de chameaux. Ses: 
gens gagneront la terre et la perdront par l'épée. 
Leur domination ne durera que 740 ans). 

Ces gens tiendront-ils longtemps des terres en 
. Occident? 

Qu’ arrivera-t-il ensuite ? (Après la mort de Char- 
lemagne, « cil de Ponent venront desa le berguil ** 
de la mer » et s’empareront de Jérusalem, que Sala= 
din leur reprendra’. Les Tatars paraîtront ensuite” 


* Arabie. — * Le Dictionnaire de Godefroy cite cet éxemple du | 
mot (s. v. « Bercil »), sans l'expliquer. 


1. Par égard pour la fiction qui fait parler Sidrach longtemps 
avant la naissance du Christ, il n’y a nulle part de noms propres! 
dans le texte; ils sont écrits à l’encre rouge et placés en interl 
gne. Cela, dans tous les manuscrits ; mais les noms propres, ain: 1 
suggérés par le rubricateur, ne sont pas partout les mêmes. 


SIDRACH 263 


qui déconfiront les Sarrasins. Après quoi il sortira 
& Babylone (Le Caire) un roi qui fera beaucoup de 
Dit aux chrétiens et qui « confondra » Antioche. 
it une brève et obscure histoire « prophétique » des : 
; oisades, où la chronologie est bouleversée à des- 
ein, et en grande partie imaginaire, puisque l’on y 
it un pape marcher contre les Infidèles à-la tête du 
à aple chrétien en commandant de « frapper au nom 
e Dieu »). 

D où viendra le faux prophète (l'Antéchrist) et où 
laîtra-t-1l ? Quel jour ressusciteront les morts P Les 
dorts-nés ressusciteront-ils ? 

4 | Comment le fils de Dieu se manifestera-t-il? En 
üelle forme aura lieu le J ugement ? Qu'’arrivera-t-il 
suite ? Les « bonshommes » (les élus) seront-ils 
ou vêtus? Se souviendront-ils des maux de leur 
terrestre ? (Oui, « si come li chevaliers qui raconte 
s amis » ses campagnes). Quelle sera la joie des 
ienheureux ? 

- Là-dessus, la curiosité du roi est enfin rassasiée : 
ieu te bénisse, Sydrac, car tu m’as montré le che- 
nin de la joie pardurable du ciel ! » Mais nous avons 
ez appris. Il est temps de penser à « notre fait ». 


* 
* * 


Sidrach, qui n’est pas seulement philosophe, mais 
gicien, aide le roi Boctus à construire une tour 
vingt-six jours ; le roi Garaab, ennemi de Boctus, 
| est terrifié et se convertit, par avance, au christia- 


nisme, qu n'existe pas encore. Ms à apr 
de Boctus et de Sidrach, ces peuples RSS 
paganisme. 


Ici finit le « Livre du sage astronomien œ} 
sophe Sidrach » : 


Or prions tuit comunalment Dieu le createur qu 


euvre ce: que cest livre dou saige phylosophe Syst nos 
a l’onor dou cors et au profit de l’arme. Amen. 


PLACIDES ET TIMEO 


ou 


LE LIVRE DES SECRETS AUX PHILOSOPHES 


‘3 : 
… Le Dialogue de Placides et Timeo, ou « Livre des se- 
crets aux philosophes » a été conservé sous trois formes 
d tinctes. 


présentée que par un seul manuscrit : le ms. fr. 212 
> la Bibliothèque nationale. — Le manuscrit français 
12 est un magnifique volume en vélin très pur, exé- 

uté, à la fin du xv* siècle, pour Louis de Bruges, ser- 
gneur de La Gruthuyse, le célèbre bibliophile. Il a fait 
artie de la bibliothèque des rois de France depuis Louis 
. L’encadrement de la première page du texte, rin- 
ux d’or et fleurs des champs, est d’une délicatesse 
charmante. 

Une seconde forme est connue par un autre manuscrit 
de la Bibliothèque nationale (fr. 19958), dont l'écriture 
paraît être de la première moitié du xiv° siècle. Le ma- 
it français 19998 est un exemplaire à bon marché, 
parchemin grossier ; il était pourtant destiné à être 
ustré, comme l’attestent quelques dessins à la plume, 
es feuillets réservés pour des dessins qui n'ont pas été 
faits et les rubriques destinées à accompagner ces dessins. 
_ Du troisième type, aucun manuscrit. Antoine Vé- 
rd en a donné, vers 1504, la première édition. L'ou- 


… Une de ces formes a passé jusqu’ ici pour n'être ; 


de Louis XIT et de François [*", d’après cette éditi 


“eut, sous cette forme, un grand succès pendant la pre 


-crit analogue au ms. fr. 19958. Même texte, d’un bou 


-sent livre a l'honneur de vous et au prouffit et utilité de toutes 


tins compte de flaterie, ne d’envie, ne d'honneur terrestre. » 


m'offre un tele à peu près conforme à celui du ms. fr 


du Dialogue : à partir du fol. 104 v°, correspondant au 


266 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


vrage a été réimprimé plusieurs fois, à Paris, au 


pour les libraires Ph. Le Noir, Jean de La Garde, Jeat 
Petit, Poncet le Preux, etc. Il est évident que l’ouvrag 


mière moitié du xvi° siècle. 
Ces éditions diverses posent un problème assez come 
pliqué. Ne 
Observons, en premier lieu, qu'Antoine Vérard s'es 
servi, pour procurer son édition princeps, d’un manus- 


+ 


% 


à l’autre (sauf des différences de graphie) : mêmes 
rubriques pour les illustrations, aux mêmes places. Sew 
lement, dans le ms. fr. 19958, le Dialogue de Placide 
et Timeo” se présente comme un ouvrage en soi, san 
dédicace d'aucun genre. Dans les éditions du xvi: siècle, 
il figure comme première partie d’une compilation intis 
tulée Le Cuer. de philosophie ; et cette compilation es 
censée traduite du latin « a la requeste de Philippe 
Bel, roi de France » : 


« Et pour ce, mon souverain seigneur, Parzipres Le Ber,rôÿ 
de France, après vostre commandement, j’ay translaté ce pre 


creatures.. Tu trouveras en ce livre, nommé Le Cuer de phile 
sophie, plusieurs demandes et questions de Placides au philoso 
phe Tymeo et les responces contenues en ycellui. Pareillement 
est le traictié de l’Espere du Monde, du Compost et Kalendrier 
tout figuré... Et ne l’ay point faict pour gloire avoir, ne pour 


 / 


richesse, ne por aucun don terrien; car oncques en ma vie n& 


De son côté, le manuscrit du sire de La Gruthuys e 
19998 et des éditions que jusqu'aux trois quarts environ 


feuillet 45 vo de l'édition princeps, il est tout autre. D 
Ê 4 


PLACIDES ET TIMEO 267 


le Dore y est précédé d’une préface dont voici 
sage principal : 


Eaje, Jenax Bonxer, prestre, docteur en theologie, natif de 
ri is, à la requeste d’un mien bon seigneur et amy, ay voulen- 
s mis diligence et cure de conqueillier en plus briefs mots 
oi m'a esté possible, aussi comme tout en une somme, de- 
épminations et conclusions aux anchiens philozophes et leurs 

verses oppinions ; ; car, aux diversitez des natures jugier, ne 
Murent pas de legier les plusieurs philozophes concordans, ain- 
s en 1 Spia et arguoïent moult souvent et aigrement 
n a l’autre. 


L'auteur de cette préface Rae qu'il s’est donné 
#aucoup de peine pour traduire du latin en français 
te Introduction à la Philosophie, formée d'extraits 
Lo maîtres, mais qu'il ne le regrette pas, « se 
“plaist a celuy pour quy » il l'a fait. Si son bon sei- 
y prend goût, il translatera de même « tous les 
vres dont je lui ay faittes ces sommes..…, lesquels con- 
ennent LVI parties, qui très bien fétniroient pour cinq 
olumes... » de la grandeur de celui-ci, sans figures. 
On n'a pas d’autres renseignements sur la date et 
Dproyenance de Placides et Timeo. On peut noter 
ncore, pourtant, que le Catalogue de la librairie du 
zouvre, dressé vers 1373 par Gilles Mallet, mentionne 
‘ is exemplaires du Dialogue, aujourd’hui perdus, qui 
nm bent avoir été des exemplaires de luxe, comme celui 
u sire de La Gruthuyse. A quel type appartenaient-ils à 
n. 165 du catalogue de Gilles Mallet commen- 
çait au haut du second feuillet par jamais ne sera; or 
les mots ne sera (il est facile, dans la phrase, d’omettre 
mais, qui n’est pas nécessaire au sens) se lisent au bas 
e la première colonne du fol. 2 du manuscrit de La 
Gruthuyse, dans la préface de Jehan Bonnet ; il semble 
lonc que le n. 165 contenait cette préface. Sur le n. 194 
Gilles Mallet, aucune donnée. Le n. 260 de Gilles 


BÉLPINS DUT ASIA si La A | 


» 


Mallet était un CR volume, couvert de, 
rouge, à empreintes; il comportait dés illustratio 
(comme le ms. fr. 19958 et les éditions qui en dériven 
outre Placides et Timeo, il contenait plusieurs écrits « 
même genre, un « Gouvernement des princes », A 
« Tresor de philosophie », le Roman de Sidrachs 
« grant quantité d'histoires ». ; 


M. Ernest Renan, qui a consacré au « Livre des & 
crels » une notice étendue dans l’Histoire littéraire des 
France (XXX, pp. 567-595), a entrepris de raisonner 
partir des faits acquis qui précèdent. | : 

Il ne pense pas que l'on puisse « s'arrêter à l'idée 
que la dédicace des éditions à Philippe le Bel est sim 
plement apocryphe; car bien d’autres livres ont été dé 
diés à Philippe IV par des traducteurs ou des philosos 
phes : Raimon Lull, Jean de Meun, Gilles de Rome 
Mais l'hypothèse que la dédicace au roi Philippe serai 
authentique n'exclut pas, selon lui, celle que la préface dæ 
manuscrit de La Gruthuyse puisse être également sincère 
« La dédicace de Jehan Bonnet à un seigneur anonymi 
excite plus de soupçons que celle à Philippe le Bel: oi 
sait combien était fréquent au moyen âge le cas de ce 
prétendus translateurs, s'appropriant, pour le dédierà 
quelque riche personnage, un ouvrage antérieur. Néan 
moins il n'est pas impossible que l’auteur ait exploité 
son ouvrage sous deux formes !. » L 

Si les deux dédicaces sont sincères, l’auteur, Jehan 
Bonnet, écrivait au temps de Philippe le Bel. La form 
première de son ouvrage serait alors représentée par le 
manuscrit de La Gruthuyse. « De son vivant même » 
il se serait fait des copies du dialogue, sans dédicace, où 
la fin était refaite (ms. fr. 19958). Enfin, «à une épo 
que postérieure à 1300, peut-être avec son agrément € 


1. Histoire littéraire, XXX, p. 587, 


ix », il se nr n. fait une Mille édition de 
, cette fois jointe à deux autres écrits, L « Es- 
4 du Ciel » (d'après John de Holywood) et un traité 
zomput. La compilation formée par la réunion des 
s opuscules aurait été intitulée Le Cuer des secrets de 
osophie et dédiée à Philippe le Bel!. 

. Renan ne se dissimule pas, du reste, la fragilité 
e ponte. Et il y voit notamment, quoiqu'il les 
, deux difficultés. 

à première vient de ce qu'il n’existe aucun manus- 
Pau offre l’arrangement des éditions. Il est bien 
nt que, si le Cuer des. secrets de philosophie exis- 
déjà sous Philippe le Bel, tel qu'Antoine Vérard 
publié, il ny en ait eu aucun exemplaire dans la 
jairie de Charles V; or, la chose est certaine: les 
mplaires décrits par Gilles Mallet ne portaient pas le 
e Cuer des secrels.. ; et, du reste, le libellé même de 
e paraît être platôt dune les usages du xvi° que dans 
x du x1v° siècle. Dès lors, il est “fort possible « que 
| ape du Cuer des secrets soit l’ ouvrage d’un de ces 
s faméliques qui entouraient les premiers impri- 
et furent entre leurs mains les instruments de tant 
ipercheries. » En ce cas, la dédicace au roi Philippe 
it L apocryphe: « Peut-être les opuscules de Raimon 
ll, dédiés à Philippe, qui furent publiés à à Paris vers 
09, engagèrent-ils Antoine Vérard à couvrir la publi- 
10n qu'on Jui proposait, ou qu il avait provoquée, 
me dédicace qui lui donnait un semblant d'a au- 
.. té 2. » 

La seconde objection à son système, le rédacteur de 
li Eire littéraire la voit dans la qualité que s’attribue 
Jehan Bonnet: « prestre, docteur en théologie. » Un 
Prêtre aurait-il pu écrire Placides et Timeo? L'auteur, 
UT 1b., p. 590. 

- 1. p. 592. 


270 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE : 
quel qu'il soit, était peu lettré et n'avait év 
reçu aucune éducation théologique. M. Renan | 
buait, en outre, « une grande liberté d'esprit ». 
singulière hardiesse. « Quand on cherche, dit-il, à 
rendre raison des motifs qui portèrent à l’arrangeme 
bizarre de la compilation Cuer de philosophie, on pe 
difficilement se débarrasser de l’idée que les traités de 
Sphère et du Comput sont là pour masquer les ha 
diesses du Dialogue... » Mais quoi? Cela n’est pas, st 
vant le savant critique, un, motif suffisant de refu 
toute créance à Jehan Bonnet. Sous Philippe le: Beln 
vaient à Paris des clercs d’allures très indépéndante 
« On peut donc concevoir Jehan Bonnet comme À 
personnage. ayant assisté aux cours de l’Université 
Paris vers 1275, ayant entendu peut-être Sige r [de Bi 
bant] et ces professeurs dont l'enseignement. 2 L 
couleur positiviste très prononcée. C'était ce que 
appelle un averroïste, expliquant l'âme par les sens, 
les religions par trois imposteurs. Quand on comp 
en effet, un tel livre à ceux des scolastiques propremé 
dits, tels que saint Thomas d'Aquin, la distance € 
grande. L'opinion éclairée s’est détournée de la mét 
physique. On veut savoir le monde. ‘La foi chrétien 
n’est pas niée, mais les délicatesses en sont oubliée 
Une sorte de matérialisme porte à soulever sans pudet 
le voile qui nous dérobe les sources de la vie, deve 
lesquels on s'était arrêté jusque-là avec tremblementii 

M. E. Renan, qui avait conscience de toutes les i inee 
litudes du sujet, a toujours été, pourtant, aflirmal 
sur un point : la haute valeur non pas Se 
l’auteur n'avait aucun art), mais philosophique, du d 
logue. « Placides et Timeo, dit-il, nous fait parfois s6 
rire; mais c'est peut-être le plus ancien livre de phil 1 


1. 1b., p. 589. 
2. Il comptait, pour les résoudre, sur la découverte 


PLACIDES er TIMEO 


langue vulgaire que nous possédions. L'esprit 
a philosophie scientifique s’y dessine parfaitement. 

ee pmme, cette naïve composition, pleine dü senti- 
nt de la recherche des réalités, est supérieure à beau- 
de traités scolastiques en latin, roulant sur des 
ractions, et où la pensée moderne n’a pas ses véri- 


es antécédents !. » 


L j Îne 1e enquête nouvelle ne laisse pas d'apporter quel- 
‘éléments additionnels pour la solution des problè- 


“Pour résoudre les difficultés qu'il avait constatées, 
nan comptait sur la découverte éventuelle de nou- 
exemplaires. Je n’en ai rencontré que deux qui 
nt échappé à ses recherches. 
Le premier se trouve à la fin du ms. 593 de la Biblio- 
que de Rennes. Ce bel exemplaire semblait devoir être 
tant plus précieux pour notre objet que le recueil 
it il fait partie est daté de 1303. Malheureusement, 1l 
in complet au début (de sorte que la dédicace, s'il en 
tenait une, manque) et à la fin (de sorte qu'il est 
possible de dire s'il appartenait à la première, à la 
onde ou à la troisième rédaction). Par une étrange. 
icontre, 1l a été brutalement amputé juste à l'endroit 
il est question de la théorie atmosphérique des vents 
essous, p. 294), après laquelle les diverses rédactions 
ouvrage commencent à diverger. On ne l'aurait pas 
utilé autrement si l'on avait voulu empêcher que notre 
riosité fût satisfaite. 
€ second figure, sous le titre de Livre de Nature, qui 
2 mpêché j jusqu’à présent de le reconnaître pour ce qu'il 
pers 1 ms. fr. 1543 de la Bibliothèque nationale. 
x termes de la souscription du copiste (fol. 238), il a 


ra 
EE - 


î Histoire littéraire, XXX, p. 593. 


979 
été exécuté « en le ville dé Maigny es Arniéihiéess », 
. le 27. mai 1402, sur l'ordre de « monseigneur Mahi@ 
de Hangest, chevalier, seigneur de Genly et dé Maigny »4 
Le texte du Dialogue y est à peu près conforme à celu 
du ms. de La Gruthuyse, mais le nom de Jehan Bonn 
fait défaut au commencement de la préface : ; 4 
Aristote dist en son Livre de Nature, ou commenchemen 
d’un livre, lequel livre est appelé le Livre de Metañsique, qu 
tout homme convoile et desire a savoir naturelement les se 
de Nature. Et verités est que tout homme soubtil le convoite ë 
desire a savoir, ne nul fol ne metroit entente a ce enquerre 
demander, car haute cose et soutieve est a savoir. Et ne ceje 
a le requeste et a le priere d’un mien seigneur et ami. 


Ainsi le Dialogue existait dès avant 1303 ; et il y à @ 
des exemplaires de l'édition représentée par le ms. d 
La Gruthuyse où la préface était anonyme. Nous n° ape e 
 nons rien de plus. 

I. I est plus important, sans doute, de constater q a 
des deux principales formes sous lesquelles l'ouvrage nou! 
est parvenu, l’une, celle du ms. fr. 19958 et des édition 
(que j'appellerai À) est manifestement inférieure à l’autre 
celle du ms. de La Gruthuyse et du ms. fr. 5e 
j'appellerai B)?. 

Les deux textes sont parallèles, comme il a été dit plu 
haut, jusqu’à un certain endroit’. A partir de cet en 

r. ‘Ce personnage était « esleus sur le fait des aides » à No 
en mai 1371 (Bibl. nat., Pièces originales, fr. 27958, n. 37) 

2. Quant à la troisième forme, celle du Cuer de philosophie 
il paraît évident qu’elle est une fabrication du xvie siècle, ét 
par conséquent, négligeable. 

3. Parallèles, mais non pas identiques. Le texte du ms. del Lé 
Gruthuyse (fol. 1-104) est sensiblement plus long que celuidi 
ms. fr. 19958 et des éditions. C’est un texte plus verbeux, ay le 
quelques additions. Les histoires de Socrate et de la Puc 
venimeuse (ci-dessous, pp. 279, 291) sont amplifiées, | 


F4 Le Fe à qui sont assez ane 
de ce qui précède; dans À, après avoir amputé 
normale de l'ouvrage, on a brutalement collé de 
traités, sans doute indépendants à l’origine, d’As- 
e et de Médecine‘. Le raccordement a été fait 
une négligence extrème ; on ne s'est mème pas sou- 
éviter les contradictions entre le commencement du 
pue et ce que l’on y ajoutait?. De plus, la compila- 
a finit avec le traité de Médecine, sans un mot de 
nclusion, de la manière la plus abrupte. 

Le Dialogue de Placides et Timeo, tel qu'il est dans le 
nuscrit de La Gruthuyse, est certainement très mal 
, avec de perpétuelles références à ce qui a déjà 
Eh et à ce qui sera expliqué plus loin * ; il Gnit, pour 


3 


jurnit une nouvelle course ; il en profite mème pour 


ie 5s pose quelques questions nouvelles et prend plus souvent 
ple. On a relevé plus loin, en note, les deux ou trois di- 
principales. 4 
1- L’arrangeur de la rédaction A s’est servi là, non seulement 
Tableau d'horoscopes qui était banal, puisque, comme nous 
vu, il est aussi dans le Roman de Sidrach, mais de 
Image du Monde — agissant, en ce dernier cas, avec une in- 
oyable sottise, jusqu’à copier le passage qui contient la date 
‘ce poëme fut publié (ci dessous, p. 296). 
: Exemple. L'auteur du Dialogue dit quelque part que la lune 
à fplus grande que la terre: « Por ce poez vous bien savoir que 
op est la lune plus grant que la terre » (Ms. fr. 19958, fol. 
r). : Celui du traité d’astrologie qui a été ajouté professe, d'après 
, lé contraire: « Le cors de la terre est plus grant 
bo Mia-de' ls lune [XJXXIX tans et plus le quart » ({bid., 
L 112 vo). 
3 3. « De ces choses nous parlerons autrefoiz, mais, si comme 
ay autrefoiz dit... » Il y a des formules de ce genre à 
> page. 
18 


oc deux fois, car l’auteur, après avoir, en ap- 
, épuisé son sujet et fait mine de prendre congé, 


274 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE 


insérer, lui aussi, en apperdice, la traduction d'un c 
cule qui n’est pas de lui — il l’attribue à un cel 
Albert de Trébizonde! — et dont le moindre inconvé 
nient est de faire double emploi, parfois textuellement: 
avec les développements qui ont déjà été ou qui von 
ètre présentés en son propre nom?. Il ente, de plus à 

. Albert de Trébizonde est inconnu, ainsi que le dit G. é 
ie (Grandriss der romanischen : Philo. IL, 1, p. 1029). Sor 
livre était, d’après l’analyse qu’en fait autant de la rédaction B 
in recheil. de renseignements d’obstétrique et de ne 
précédé de quelques notions sur les quatre complexions, — comm 
il y en avait beaucoup, en latin et en français, dans les bibli® 
thèques du x1ve et du xve siècle. Voir, par exemple, M. Pelle 
chet, Catalogue général des incunables des Bibliothèques publiques 
de France (sous Secreta mulierum..…., n. 366 et suiv.); et Biblic 
thèque Mazarine, ms. 3636, fol. 74 : « Ce sont les termes et lle 
secrez des femmes translatés de latin en françoys. » Cf. Bibl 
- nat., fr. 19994, fol. 118 : « Le Livre des secrez des dames. Cy 
commence le livre des secrez des dames, lequel est defendu 4 
reveler sur peine d’escomuniement en la Clementine a nulk 
femme ne a nul homme se il n’est de l'office de cyrurgien. » M 

Charles V avait dans sa Librairie un grand nombre d'ou 
ges, en latin et en français, attribués à Albert où Aubert : « 
secrez Aubert » (n. 71); « Le Miroir Aubert » (n. 465), don! 
il avait aussi l'original latin, Speculum scientiarum Alberti(n - 464) 
un livret d’astrologie (Albertus de revolutionibus nativitatum 

731) et un autre de chiromancie (Ciromancia Alberti, n. 316) 
On. a imprimé au xve siècle : Le Grand Albert des secretz de 
vertus des herbes, pierres, bestes et aultres livres des ner 
monde, (M. Pellechet, 0. c., n. 364). Mais, dans la plupart de cet 
cas, sinon dans tous, c’est Albert le Grand, le fameux encyclo 
pédiste du xrne siècle, qui est visé. Albert « de Trébizonde 5 
n’est nommé nulle part. 

On lit dans le ms. fr. 19994 (xv* siècle), fol. 154: « Collati 
pour congnoistre toutes les complexions selon la parole de mais e 
Albubert (sic), dont Rasis, le noble et trés excellent docteur, parle 
en son livre... » Cf. L. Delisle, Recherches, IL, p. 130 *, n.8o 

2. Il semble que le rédacteur du texte du ms. de La Gr 


5% moins, sous Frs d'« dements » MOraux. 
l'ouvrage a néanmoins, dans son ensemble, une 
taine unité; et celui qui en a écrit les dernières lignes 
n possédait parfaitement le début, qu'il rappelle. 
n II y a plus. Celui qui a écrit la fe. du dialogue, telle 
w'elle est dans le manuscrit de La Gruthuyse, est celui-là 
mème qui, sous le nom de Jehan Bonnet, en a rédigé 
à préface : l'identité du style, qui va jusqu’à celle de 
es phrases, dans cette préface et dans la conclu- 
n, suffit à l'établir. 
Ces Don ARnons engageraient assez à croire que Jehan 
Bonnet est le nom', ou + pseudonyme, de l'homme qui 
ol mposa Placides et Timeo, s'il n’était fort possible que 
e personnage — précurseur du François Buflereau qui 
lagia, au xvi° siècle, l'Image du Monde — n'ait fait 
u'ajouter une tête et une fin bien adaptées à un 
Placides et Timeo plus ancien, dont un tronçon, analogue 
Lcelui qui subsiste dans le ms. de x lui était 
ombé sous la main. 
4 HN. Je dois dire, enfin, qu'il paraît impossible de 
tager l'estime de E. Renan pour notre auteur, quel 
qu'il ait été. Renan a été frappé par quelques passages 
de la rédaction B où semble s’esquisser une philosophie 


æ 


huyse ait inséré à la suite l’un de l’autre, comme par mégarde, 
opuscule d’ « Albert de Trébizonde » et le résumé qu'il en 
avait fait. Dans le ms. fr. 1543, le résumé seul a été conservé, 
me on verra. 

1. Ce nom et ce prénom ont été très fréquemment portés au 
en âge comme aujourd’hui. Mais le Chartularium Universi- 
tis Parisiensis ne mentionne (IT, p. 460, sous la date de 1387) 
un seul suppôt de la Faculté de Théologie qui se soit appelé 
Ainsi ; et il était originaire, non de Paris, mais du diocèse de 
Lisieux. — Aucun Jehan Bonnet, contemporain de Philippe le 
Bel, n’a laissé de traces à ma connaissance. 


…. 


276 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE 


de l’histoire assez hardie!. Mais il a prêté à Jehan 
net (ou au pseudo-Jehan Bonnet) quelque chose 
riche nature. Celle de Jehan Bonnet était pauvre. 
penseur, un averroïste, un disciple de Siger?? Non : 
modeste compilateur, quelque « astronomien » mâtinédi 
naturaliste et de médecin comme il y eut tant au xml 
au xiv° et au xv° siècle. Peu lettré, et comptant san 
doute sur la description minutieuse des mystères de ke 
génération et des Secrez as Jemmes pour se procurer d 
lecteurs. Filandreux, obscur à dessein : « Les secrez di 
nature ne sont a escrire par le jugement aus philosophe 
fors de menue letre et petile et a soutives paroles, en 
feible parchemin et pou durant et en paroles couvertes, 
por ce que chose abandonnée est trop vile et chose a painn il 
seue et trouvée est chiere?... » , | 4 


1% 
« 


Philosophie est « amour de sapience », comm 
l'indique l’étymologie. | 
« Force ne vaut pas sens (excepté en Dieu, où lé 
deux se confondent). Ne voit-on pas tous les } jou rs 


. Tous ces passages appartiennent à la rédaction B. C'es 
ps par inadvertance que Renan a voulu expliquer l’arrange 
ment de la compilation Cuer de philosophie par l’idée que « les 
traités de la Sphère et du Comput sont là pour masquer le 
hardiesses du Dialogue » (ef. p: 270); car ce n’est pas la rédaction 
B, c’est la rédaction À, où il n’y a pas l'ombre d’une hardieg 
qui a été utilisée pour le Cuer de philosophie. 

2. Voir l’étude sur Siger de Brabant dans mes Questions d'hè 
toire et d’enseignement (1'e série, 1902), p. 51. 

3. Cet intéressant passage se trouve dans la partie du Di 
logue qui est commune à toutes les rédactions (ms. fr: 19958 
fol. 70). | 


PLACIDES ET TIMEO 277 


“ensemble sont invincibles. Aussi les - anciens 
aitaient-ils de posséder Pun et l’autre; c'est 
oi ils donnaient leurs enfants à élever aux phi- 
, pour apprendre « sapience ». Les philo- 
phes étaient alors aimés, craints et honorés, encore 
ils ne fussent pas toujours disposés à révéler les 
s de la nature: si chacun connaissait à fond les 
ets de sa nature, les mal partagés en vaudraient pis 
use du découragement] et les plus favorisés s’enor- 
iraient. Il advint donc qu’un empereur confia 


eo. Gelui-ci refusa : le jeune homme était natu- 
éllement « fol » et « mal complexionné ». Il préféra 
htréprendre l'é l'éducation du fils d’un simple roi, qui 
était offerte aussi, parce que l'enfant, nommé 
lacides, était « de bonne complexion ». Tout le 
fonde fut surpris, et Placides le premier. D'où la 
stion initiale qu’il posa à son maître : « Pour- 
y me receustes vous plus volontiers a vostre doc- 
fine que le filz l’empereur ? ». — C'est, dit le philo- 
ophe , qu'il ne faut pas donner des pierres précieuses 
ux pourceaux, qu aiment l’ordure. Un ‘coq préfère 
pois pourri à un saphir. Le fol aime mieux une 

se ou un « mouquois » que la plus sage parole. 
Dr, le fils de l'empereur est fol. — Mais, maïtre, dit 
PI: acides, il me semble que plus il est fol, plus il au- 
ait besoin d’enseignement. — « RARE TE est 
“semence de sapience en cuer d'omme ». Nul ne doit 
“semer en terrain ingrat où la semence se perd. Or 


ol ie, faible et sage prospérer ? Mais sens et 


éducation d’un sien fils à un philosophe nommé 


« en cuer de fol par nature ne puet _remeindre : 6 
mence de sapience ». Tandis que celui qui est « 
cler sens naturel » est comme « la bonne terre 
menteuse » : la graine y croit et multiplie. 
PLaciwes. Vous dites qu’il y a des gens fols par n: 
ture; mais je ne sais ce qu'est nature. 
Tmro. Grande question, et dont la réponse mé 
rite une récompense appropriée. L'histoire de So: 
crate, le précepteur d'Alexandre de Macédoine, le 
montre bien’. Cet excellent philosophe avait reçu 
d'Alexandre, qui l’aimait et l’honorait fort, un grand 
trésor comme salaire. Déjà mélancolique par nature 
ilen vint à ne plus penser qu'à cela et à répondre 
distraitement aux demandes de ses disciples. On le lui 
fit observer ; et, attribuant sa mélancolie aux hon- 
neurs que la cour du roi lui prodiguait, ils ’enfuit 
secrètement, par ne emportant son trésor. Mai 
son état ne fi qu'empirer. Il reconnut alors que s 
richesse et les pensées qu’elle lui inspirait étaient. N 
cause du mal, et, sans attendre d’être arrivé en um 
lieu où il aurait pu faire du bien en distribuant son 
argent, il le maudit et le jeta par-dessus bord, n'en 
gardant que de quoi vivre. Il s'établit ensuite. 
Thèbes, modestement, et redevint aussi bon 
sophe qu'il avait jamais été. Là-dessus, Alexandre; 


“2 


. Ici s'arrête le fragment imprimé par E. Rénan (Histoir 
lihéraine: XXX, p. 572). : 
2. C’est au milieu de cette historiette que commence le fre 1 
ment du Dialogue qui se trouve dans le ms. 593 de Rennes 
510-538). 


e décerner aux vainqueurs ce que l’on appelait le 
t triomphe » (ce mot vient de deux mots grecs: 
ï$ — trois, et phonos — son; et à bon droit, car le 
rio aphateur, couronne en tête et sceptre en main, 
Hait assis sur un char traîné par trois chevaux, dont 
cun était monté par un chanteur). Socrate ne put 
s ster au désir d'assister, sous un déguisement, «en 
wre chape », au « triomphe » de son élève. Mais 
Ù andre, l'ayant reconnu tout de mème, sauta à 
as de son char pour l’embrasser. Alexandre donna 
insi un grand exemple de la façon dont il convient 
lhonorer son maître. Il traita Socraie de la sorte 
arce qu’il lui avait enseigné ce que vous m'avez osé 
demander. 
 Placides répond que « qui besoing a du feu a son 
loy le doit querir » et que, au dire de Timeo lui- 
m ème®, sagesse dissimulée, comme argent enfoui, 
he vaut rien. — Écoutez donc, dit Timeo. 


“1. L'histoire de Socrate est allongée dans le ms. de La 
Gruthuyse. Il est dit notamment (fol. h) que Socrate fut marié 
D bre] « contre la coutume qui lors estoit telle qu’on 
: les bons avec les bons afin que la lignée fust entre eux 
a: able »; — et que Socrate divisa les hommes en trois 
ordres, prêtres, rois et peuple: « Et estoit l’ordonnance des prestres 
sur celle des rois et celle des rois sur celle du pueple; et disoit 
que les prestres doibvent prier Dieu pour eux, pour les rois et 
pour le peuple, et le peuple pour lui tant seulement. » (Fol. 6). 
— 2. Timeo n’a précédemment rien dit de pareil. Il semblerait 
= donc que Placides ait eu avec lui des conversations antérieures : 
mx Si m'avez dit maintes fois. » (Fol. 6 vo). 


nature naturée. La nature naturante « est celle pa 
quoi toutes autres nalures sont faites et soustenues » 
les Grecs l’appelaient Theos (Dieu), d’autres 
nomment Cause première, ou Créateur, où «@ i- 
rouer de pardurableté ». Quant aux natures naturées; 
elles sont sans nombre, car « ce sont toutes les choses 
qui sont sous Dieu ». De ces choses, tirées de la 
matière primitivement homogène, les unes ont & 
simplement créées, c’est-à-dire « commandées « 
estre », comme les planètes du ciel ; les autres, qu 
sont corruptibles, sont engendrées et engendrent. — 
« Haute seignorie est de ce oser penser a savoir ! ! 
Comme Dieu aime l’homme, à qui il a octroyé le 
privilège d'entretenir de si hautes pe Os homini 
sublime dedit'.. 1 
Placides éprouve un scrupule. La nature naturante,! 
qui est Dieu, a-t-elle forme et figure ? 
Nul n’en peut rien savoir, dit le maître ; seuls, 
les purs esprits voient Dieu. Mais on appelle « Mi- 
roir de pardurableté » parce qu’il reluit en toutes cho- 
ses comme toutes choses reluisent en lui. De ce qu'il 
reluit en toutes choses, il ne s'ensuit pas qu'il s y 
réflète. — Ah! maître, l’auteur de toutes les formes, 
je ne puis croire qu’il soit sans forme ! — Les anciens 
disaient qu’il a la forme ronde, parce que la circon* 
férence n’a, comme lui, ni commencement ni fin... 
Pracines. Dieu a et avait « tout en soy » lorsque 


1. Développement répété plus loin, fol. 55 wo. 


| PLACIDES ET TIMEO 281 


re Drive était homogène. Où était-il alors ? 
est-il? 

io. De telles pensées ont fait éclater la tête de 
d’un philosophe. Le philosophe Amphiteus, par 
mple, en perdit l'esprit. Il crut qu’il pouvait tout 
rouver et savoir. Mais un jour qu'il se promenait 
ür le bord de la mer, il vit un enfant qui versait de 
u dans un petit trou, pour y « mettre » l'Océan. 
comme Amphiteus se moquait : « J’en serai venu 
b out, dit l’enfant, plus vite que vous de savoir où 
Le Een avant la création. » Écoutez donc ceci, 
1on. fils, et ne pensez plus à ces problèmes (il est 
mpossible de les creuser plus avant): « Avant qu'il 
&ist riens, Diex estoit en soi meismes, et [est et fu 
t sera, et 1l meismes se souflist, et] d& lui est estre, 
til est estre, et estre est en lui! et il est en estre, 
t de soi meismes est [sa] substance? 

* Placides s'étonne que Timeo l'ait ue « mon 
». C’est, dit Timeo, qu'il y a plusieurs espèces 
per Il y a les pères selon la chair. Il y a ceux 
6 sous qui nous sommes », comme les prélats et les 
arons. Il y a ceux qui font naître les enfants, natu- 
rellement ineptes, à la vie spirituelle ; « ceste en- 
EL. Ms. : « et estre est en lui et est et il est en estre ». 


_ 2. Les passages entre crochets ne sont pas dans le ms. 
f r. 19958. — Cf. le commencement de l'Évangile de saint 


Lanecdote « r> Philosophe et de l'Enfant au bord de la 
» est un des lieux communs de la littérature latine du 
no oyen âge. On la lit souvent dans les sermons dont l’ intention 

de rabattre l'orgueil intellectuel, 


% 


SR TS ER AR PE ER PUS 


282 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU La YE 


gendreure si est enseignement de sapience, si co 
je fais a vous. » 1 

Pracinrs. Beau doux maître, mon père, dites-30 
maintenant comment les créatures « sous Dieu » on! 
été « devisées ». F 

Timo. Volontiers. Dieu a fait le soleil, les pla 
nètes, les anges, la lune et les étoiles, ét par-dessous, 
les éléments. Plusieurs étymologies sont proposées 
pour « éléments »; entre autres ligamentum, parce 
que Dieu a tout lié. Dieu fit le firmament « tout a la 
ronde » et superposa à l’intérieur les quatre éléments 
dans l’ordre de pesanteur : terre, eau, air, feu ; le touts 
par quantités égales. Comparez la disposition concen-M 
trique des diverses parties d’un œuf: la coque, c’est le 
firmament ; la peau blanche par dessous, c’est la terre 
le blanc, c’est l’eau; le jaune, c’est le feu‘... IlLya 
tant de manières de « complexions » dans un œuf, 
soit dit en passant, que les vertus de chacune se neu= 
tralisent; c’est, en conséquence, un aliment qui ne 
peut faire ni bien ni mal. «ge, 4 

Placides est étonné. Quoi! les éléments sont su= 
perposés par parties égales ! La terre recouvre l'eau, 
mais pas tout entière, semble-t-il? et, quand om 
creuse, on ne trouve pas toujours d’eau. « De petit 
s'emerveille qui petit set », répond Timeo avec indul- 
gence. Mais voici: il faut distinguer deux espèces» 
de terre: la terre-élément et la terre-élémentée. Sur 
la première (qui est sèche, arida, solum) repose la 


1. Cette comparaison classique est répétée plus loin (fol. 15q)" 


6 et sur la mer repose la seconde (humus, ainsi 
ommée parce qu'elle humide, et elle est humide 
arce qu’elle est sur l’eau). De même, distinguer 
1-élément de celle qui ne l’est pas (l’eau douce, 
sert à abreuver les bêtes). Ainsi de l'air et du 
u. Le feu que vous voyez n’est pas le feu-élément ; 
t un feu « subjectif, c’est a dire qui est en bail- 
t e ». D'ailleurs, chaque chose « élémentée » tend à 
Delément ; c'est pour cela que si vous jetez de la 
re dans la mer, elle tombe au fond, tandis que les. 
4 vres remontent à la surface et el par être 
gjetés sur les côtes, tandis que les fleuves et les fon- 
aines se dirigent vers la mer. « Ensi sont les choses 
rdenées par la haute euvre du Createur qui sagement 
 demella ». 

EL'é étonnement de Placides redouble, car son maître 
eprésenté les éléments comme corporels. Timeo 
à doncs’expliquer plus clairement. — Selon Aristote, 
Out ce qui est est substance ou accident. « Sub- 
lances sont les choses sus quoi accident pevent 
tre, si comme l’en puet faire une meisiere * blanche 
“Ou noire : la meisiere est la substance ; la blancheur 
iest l'accident ». Il y a des substances corporelles, 
con me les éléments et les choses qui en sont formées 
>s bêtes, les arbres, etc.); il y a des substances 
corporelles, comme les planètes, les esprits, les 
4 nes (on pourrait faire tenir aisément quatre mille 
mes dans un demi-setier ; le sage roi Salomon réus- 


Le off n6 ME Eh 
PE CENT AA 
ht dir 


98/4 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE! 


sit À enfermer tous les diables de l'enfer dans 
petit vaisseau d’airain) Des choses corporelles, le 
unes ont une âme, les autres non. Ont une âme tous 
les êtres qui sont capables de remuer, les hommes el 
les animaux. Animal, du reste, vient d'âme. Maïs 
tous les animaux ne sont pas raisonnables: la raison 
est l'apanage de l’homme (lequel est fait de terre, hu: 
mus, comme l'indique son nom). Les arbres auss 
ont une âme, quoiqu'ils ne se déplacent pas. Tout 
cela est fort bien résumé dans le tableau RE j 
que de la Substance et de l’Accident quele philosop ph 
Porphyre a dressé jadis". À 
Placides n’est pas encore éclairé parfaitement. 
Comment se fait-il que le « corps » de l’air ne nous 
_ prive pas de la vue des oiseaux qui volent? — Timeo 
reprend du champ. Oui, la terre est corporelle, et à 
le démontre à loisir. Oui, l’eau est corporelle, et 
allègue à ce sujet l'histoire d’un corbeau qui, syunt 
soif, jeta dans une outre ouverte et à demi-pleir 
assez de petits cailloux pour faire monter jusqu'à sé 
portée le niveau du liquide. Oui, l'air est corporel, 
car il soutient les oiseaux, ainsi que l’eau les poissonss 
une verge agitée dans l’air le fend et produit un son 
Si l’on voit à travers l'air, c’est comme à travers l’eau: 


1. Ici, place réservée dans le manuscrit, après la rubrique : 

« C’est l’arbre de Porphyre selonc la division de Substance. Et 

en autele maniere puet l’en entendre la, division d’Accident… 

Cf. le ms. de Rennes, fol. 514: les noms d'hommes typic 168, 

te cités au pied du tableau, sont, dans ce ms.: Adam, Eve, Guil 
laume, Erembourc, Jehans, Typhain, Robert, | 


qu'il n'y en ait ee une couche trop épaisse. 
couche d'air ne s’interposait pas, on verrait 
i bien les choses qui sont loin que celles qui 


ï pr 


Vous dites, maître, que nous pouvons voir mieux 
qui est près que ce qui est loin? » Et, tirant de 
bourse un denier, il le met devant l’œil de Timeo, 
e pucher la paupière: « Quelle est la forme de-ce 
mier? » — « Il est trop près », dit Timeo. Et de 
fâcher. Mais Placides decide son pardon à ge- 
à et l’obtient. 

Si je n'ai pas vu le denier, reprend Timeo apaisé, 
8 n'est pas parce qu'il était près; c’est parce que 
s m'avez bouché l'œil avec. L’œil est commé un 
ir ir, qui réflète la lumière. Supprimez la lumière, 
bvous n’y voyez plus. Ÿ voyez-vous dans une cave‘? 
n n'y voit pas non plus lorsque l’œil se couvre, 
om me 1l arrive, d’une pellicule opaque (macula, en 
ançe is maille). Et Timeo achève sa démonstration. 
ii, le feu aussi est corporel, car il fait du bruit. 

Les éléments ont-ils une âme ? Non, dit Timeo. — 
is, dit Placides, ils remuent: l’eau coule; le feu 
pe et palpite. — « Douter est profitable », dé- 
 Timeo, charmé d’une curiosité si vive. Mais la 
ponse est facile : c’est que l’eau et le feu terrestres 


m1. Cette explication a paru si lumineuse à un ancien lecteur 
“du ms. 19958 qu'il l’a soulignée de plusieurs Nota. L’autenr, 
jui rabâche beaucoup, la répète plus bas (p. 289). 


(> 20 


286 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE a | MOYEN. 


ne sont pas « élémentaires ». S'ils bougent, 
qu'ils tendent à rejoindre leur élément: les eaux, | 
mer ; le feu, les brasiers célestes. 4 

* Pracwes. Pourquoi l’eau des fleuves est-elle pl 
douce que celle de la mer? 1 

Timro. Les éléments purs ont des qualités définie s 
la terre est froide et sèche ; l’eau froide et bumic di 
l'air chaud et humide ; le feu chaud et sec. Rer 
quez que, de la sorte, de terre et l’eau ont une ul 
commune (froid), ainsi que l’eau et l'air _Ghumid ) 
etc. La terre et l’eau ont d’autre part des qualité 
contraires (sèche, humide), et ainsi des autres élé 
ments, deux à deux’. Les contrariétés sont tempé é 
par tés affinités. Cela posé, si l’eau terrestre est p L 
douce que l'eau élémentaire, c’est qu’elle a couru pa 
les veines de la terre qui est sèche. Ainsi Re 
le philosophe Naso qui reçut le nom d’Ovide po 
avoir identifié le monde à un œuf (d’ovum et « 
divido). 

PLacines. Certains corps, entrechoqués, produisen 
des étincelles. Mais les morceaux de bois ne sont ps 
dans ce cas, et pourtant ils brûlent mieux que | 
pierres et l’acier. 

Timso. C’est que les pierres sont surtout de la n 
ture de la terre (sèche); le bois au contraire est e 
partie de la nature de l’eau (humide), nai bi 


1. Place réservée pour un tableau, sous la rubrique : « C'es 
Ja figure du monde comment li element sont accordant et di 
cordant. » (Fol. 33.) | È 


, car rl arbre, en vivant, « nd partie de l'air», 
est chaud ; il a, d’ailleurs, de l’affinité avec 
| chaleur, car tout le monde sait que le temps chaud 
st favorable à sa croissance. 
-Poursuivons l'étude des créatures, corporelles et 
corporelles, animées ou non, placées au-dessus ou 
ongées au milieu des éléments. 
abord, en dehors des éléments, les anges, mes- 
s du Créateur. Les mauvais ont chu au-dessous, 
a s l'enfer. Aux uns et aux autres, il est loisible de 
irc aler à travers le monde que nous connaissons. 
nsuite la lune, neuf fois plus grande que la terre où 
xs sommes, et le soleil, neuf fois plus grand que la 
ne; la plus petite des étoiles est grande au moins 
mme la terre. Si ces corps paraissent petits, c’est 
m'ils sont loin. Ils sont animés, mais leur âme est 
térieure à eux (« par dehors, ainsi comme se uns 
ons boutoit avant soi une roe ou tiroit après sOI »), 
belle n’est pas « vegetative » : ils ne croissent ni ne 
croissent. 
 Créatures qui vivent dans la région des élémeuts. 
ït d’abord, dans celle du Feu. Les plus connues sont 
és salamandres, dont il existe deux espèces : les unes, 
és vermisseaux, « qui sont en petiz bourriaux aussi 
omme li ver qui font la soie »; les autres, en forme 
e souris, dont le poil et la peau sont luisanis comme 
lcol de malart* ». On en trouve parfois sur la terre, 


+ © canard. 
D 


ont-ils à] 


288 [LA CONNAISSANCE DE LA NATURE 


surtout en Éthiopie et dans l'Inde ES 
sont plus proches que nos pays de la région du 
et du Soleil levant: én s’égayant, elles ont sauté 
de leur élément, elles ont dégringolé et sont mort 
leur peau est com bethle mais il ne faut pas | 
mouiller. L'empereur de l’Inde s’est réservé le mon 
pole des cocons et des peaux de salamandre ram 
sés dans ses États; il s’en fait faire des habits qu 
l’on lave en les jetant dans les flammes. — Dans 
région de l'Air, il y a l'oiseau gamalion’et les pé 
licans, qui vivent de l'air des hauteurs; quand 
poussins des pélicans, encore au nid, meuren 
faute d'air puisé dans les parties supérieures de Pat 
mosphère, les parents les arrosent en se saignan 
eux-mêmes sous l'aile, et les petits ressuscitent 
— Dans la région de l'Eau, citons notamment A 
hareng, qui, comme les pêcheurs le savent bien 
vit de l’écume de la mer’; de même que la salamand re 
il meurt dès qu'il sort de son élément. — Dans la ré 
gion de la Terre élémentaire (so{um) vivent aussi des 
créatures : non pas la taupe, qui circule dans notr 
terre à nous, laquelle n’est pas élémentaire, mais ce 
êtres bizarres que la mer rejette parfois ou que id 
pêcheurs recueillent dans leurs filets: êtres sans na 
geoires, durs comme fer, qui sentent là terre à pi 
nez, comme nos poissons d’étang sentent la mer : 
proviennent du sol qui sert de support aux eaux 


. Même doctrine dans le De natura rerum de Thomas 4 
Cantirapré (Histoire littéraire, XXX, p. 368). 


PLACIDES ET TIMEO 289 
uant aux bêtes de notre monde, dont la plus grosse 
st l'éléphant, les décrire est l'affaire des Bestiaires ; 
s en parlerons une autre fois si cela vous fait 
sir. 
Les arbres ont aussi une âme, puisqu'ils vivent ; 
s ils n’ont que deux « vertus » : attractive, pour 
po per les humeurs de la terre dont Fe se nourrissent, 
1 végétative. 
- Enfin l’homme est le roi de la création, car il a 
ous les attributs des autres êtres, et, en outre, la rai- 
jon qui est son apanage exclusif, et une âme immor- 
elle. « Nous en ferons autre fois plus longues pa- 
S. D 
| Revenons au soleil. C’est, au monde, le seul foyer 
e clarté ; lorsqu'il n’est pas au-dessus de nous, c’est 
a nuit; la manière dont il éclaire la lune, différente 
suivant. sa position par rapport à elle au zodiaque, 
qui change continuellement et régulièrement, explique 
es phases de cet astre. 
. Pracunes. Quoi ! le soleil est, au monde, le seul 
ES oyer de clarté. Et pourtant, le feu est clair? 
— Tiuco. Nullement. Toute clarté vient du soleil: 
za terre est obscure en soi: les animaux qui en ha- 
itent l’intérieur n’ont pas d’yeux. De même, l’eau ; 
Car elle n’illumine pas l'air à la nuit sombre. L’air 
Véclaire pas: enfermez-vous, pour voir, dans une 
hambre voûtée, sans verrière ni fenêtre. Quant au 
“feu, il n’est pas clair non plus par lui-même ; car, 
hors de la présence de l'air, il ne peut jeter de clarté, 
et, d’ailleurs, rien n’est plus noir que la fumée ; la 
319 


290 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


vérité est que le feu jouit de la propriété d’emme 
siner mieux que les autres étions la clarté du s 
leil, voilà tout. S 
Poe. La plus noble des créatures, pour laquell 
tout le reste a été fait, c’est l’homme. Il jouit ke 
privilège de la raison. Maïs qu'est-ce que la raison? 
La connaissance du bien et du mal ? Les bêtes dis 
tinguent, semble-t-il, le bien du mal. Souvenez-vo Ê 
de cette histoire de corbeau que vous avez racontée 
tout à l’heure. E. 
Trmxo. Béni soit Dieu qui m'a donné un disciple 
si attentif et si intelligent ! Mais, Placides, la nature 
naturante a donné aux bêtes, pour qu’elles ne périssent 
pas, une certaine faculté de juger (« esmance » où 
«estimation »}), l'instinct; instinct ressemble par- 
fois à raison, mais n’est jamais à confondre avec ell 
Timeo se lance ensuite dans une singulière apolo” 
gie de la dignité humaine. L'homme est un micro» 
cosme. Il est rond comme le monde (car il doit avoir 
autant de hauteur que d’envergure en étendant les 
bras). On peut comparer sa tête au feu, sa poitrineà 
l'air, son ventre à la mer, et ses « dessous » (« sur 
quoy il siet ») à la terre. — Oui, dit Placides, mai 
il est « fait et engendré ». Et, à PAPE) commen! 
cela ? à 
« Moyse le juif » a raconté dans la Genèse l’his 
toire du premier homme, dit Timeo, et celle de la 
première femme. Celle-ci s’appella Æve (peut-être de 
Extra vadens, « pour ce, si comme dient li phik 
sophe, que femme va volentiers hors de voye de sa 


écodbér Et Je lai 2 à 1 
PR COPA - ejA- 


AT pra N 
ES er né Le 


 PLACIDES ET TIMEO 291 


ce ou de raison »). Depuis la chûte, la race hu- 
maine engendre à la manière des bêtes. 

“ Placides se demande si c’est l’âme, ou le corps, 
“qui est engendré d'abord ; il est porté à croire que 
c’est le corps. Son maître lui enseigne que tous deux 
se font simultanément. 

- Et comment? insiste Placides. Timeo répond sans 
“embarras, avec précision, en médecin, par la des- 
cription détaillée des organes et l’analyse des glaires. 
De même que le sang de l'homme monte du poumon 
à la bouche, telle « l’escume d’une chaudiere », 
ainsi, du cœur... Il indique, à ce propos, qu'hommes 
et femmes peuvent devenir, en certains cas, « si ve- 
meux qu’il occient les genz par leur atouchemenz ». 
Suit l’histoire bien connue de la Pucelle venimeuse. 
1 y avait une fois une jolie fille si « envenimée » 
que son contact faisait mourir; le roi Darius l’en- 
Yoya à Alexandre de Macédoine, son ennemi, en pré- 
sent, afin qu'il s’y laissât prendre. 


ES 


» « Quant Alixandre vist icelle pucelle, plaisant et bien har- 
pant, si li plut a merveilles et a paines se retint que tantost ne 
la corust embracier et acoler. Mais Aristoutes, I. clers de sa 
“court sage et bien lettré, et Socrates, son maistre, aperçurent 
le venin de la pucele. Si ne pooient souffrir que Alixandres tou- 
ast a li... Li ancien philosophe et phisicien appelerent iceste 
niere de venin anapellis*1... » 


.S Cf. napel, le nom de l’aconit. 


4 


ar E. Renan (0. c., XXX, p. 579), d’après les éditions du xvre 
le. Cette histoire, qui figure aussi dans le Secret des Secrets 
ibué à Aristote, a été fort répandue. W. Hertz lui a consacré 


: 1. Toute l'histoire de la Pucelle venimeuse a été imprimée 


rte dan VTT =" 1 RO “re 
RE Ti MS re à 
“ma PSE 7 


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2 


292 : LA CONNAISSANCE DE LA NATURE au 1 IC 


Timeo continue patiemment la description qu Pi a 
entreprise. « Il nous convient parler ordeneement s 
comme la chose va par ordre pour ce que vous las 
puissiez mieux entendre ». Mais la curiosité de Pla” 
cides est insatiable. — Pourquoi l’homme est-il le 
seul animal qui fasse l’amour en tout temps? Pa 
que, dit Timeo, le Créateur lui a donné le précieux 
avantage de la mémoire. — Pourquoi « femme ha” 
bite-t-elle plus volentiers a home quant elle [a] re 
tenu“ » ? Ah ! dit Timeo, vous avez de la chance d’avoir 
un maître qui vous fera plus savoir en un an qu'il 
n’a lui-même appris en dix, tout en vous épargnant 
les angoisses et les frais'. Une femme philosophe; 
qui s'appelait Trotula, a enseigné aux médecins les 
secréts de « la nature aus femmes », qu’elle connais 
sait mieux que personne par expérience et par confi- 


4, Ms. de Rennes et édition : receu, c’est-à-dire quand elle est 
enceinte. 


une très savante étude : Die Sage vom Gifimädchen (München, 
1893. Extr. des Mémoires de l’Académie royale de Bavière, 
t. XX, 1re partie). 4 

1. Ce passage est plus développé dans les éditions incunables qu 
dansle ms. fr. 19958. E. Renan et G. Paris(O. c., p. 575)l’on 
bien remarqué. Les éditions ajoutent: « Le riche a grand avantag 
plus que le povre [au point de vue de l’acquisition des scie 1 
ces], car ik convient, avant que le povre puisse riens sçavoir @& 
par son sens riens conquester, qu’il despende quanque il a pout 
donner a ses maistres. Et se ung riche homme donnoïit a soi 
maistre la dixiesme partie de sa rente ung an, il cuideroit a où 
son sens trop achapté. Et pour ceste raison est il plus de menue 
gens bien saiges que de grans seigneurs. » Mais ce développe 
ment est ancien, car il se trouve dans le ms. de Rennes (fol. 52) 
qui est de 1303. 


Lie ue et ài nl ER. ne pe 
re xt ti ME. Ts +25 De pe 


PLACIDES ET TIMEO 


ice, et entre autres celui-là. Explication confirmée 
une autre sage dame, Cyrenis, et par le célèbre 
teur Hermaphrodite, qui se déguisa en femme pour 
a pprofondir ces choses. Le fait dont vous avez parlé, 

Placides, vient de ce que la froide nature de la femme - 
à pris l'habitude d’être réchauffée. Au reste Maho- 
| met , en sa loi, interdit cette pratique, parce que 
test gaspillage. — Le maître sait aussi, et explique à 
VPlacides attentif, pourquoi les hommes sont plus ve- 
s que les femmes’ et l'influence de la lune sur 
iles à: pourquoi l’on a parfois des jumeaux; la 
raison des grossesses imaginaires et celle des cas téra- 
“tologiques, etc. « Maistre, dit Placides, il advint en 
une de nos parties que .11. femmes furent nées qui 
“estoient .11. par dessus la ceinture et par dessous 
n’estoient que une seule chose, et si n’avoient que 
11. piez, et avoient .11. testes, .1111. bras, .r1. 
“poitrines, .11. bouches, .1111. yeux et .t. nom- 
bril ». — « Placides, je le cuit bien et tout ce pot aussi 
— bien avenir comme .11. cerises en une queue ». — 
— De tels monstres ont-ils une âme ou-deux? Grand 
sujet de controverse ! La première alternative a paru 
la plus probable aux philosophes. Timeo narre, à ce 
| propos, l’histoire du Minotaure, d’après l'Art d'amour 
1. « Homme a d’autres voies par lesquelles le sang s’en va »: 

mil s'en va « en poil ». Il existe, toutefois, quelques hommes 
LE Le sont sujets aux mêmes inconvénients périodiques que les 
à … femmes. — Le ms. de La Sr (fol. 83 ve) ajoute ici au 


| texte du ms. fr. 19958 (fol. 37 vo) et des éditions que de tels 
hommes « sont par especial ns en Ytalie que aultre part ». 


294 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN GE 


d'Ovide; « chose vilaine a raconter », comme il 
dit lui-même. — Il expose ensuite les causes divers | 
de la stérilité chez la femme; il sait, notamment, que : 
l’on peut « maleficier tone et fames par herbes et. 
par sorceries si que il ne puissent engendrer », mais 
c’est là œuvre diabolique, qui n’est pas dans son sujet.\ 
Quiconque naît, naît à douleur, ainsi que Dieu l’a. 
voulu. Eh quoi ! dit Placides, est-ce aussi le cas dés 
feuilles et des fleurs? Oui, répond Timeo, car les 
bourgeons s'ouvrent à l’aigre bise du printemps.M 
Cette transition permet à l’auteur à s'étendre lon= 
guement sur la théorie des phénomènes météorolo- 
giques: rosée, vents, nuages', 


RÉDACTION A 


arc-en-ciel, vapeurs. L’arc-en-ciel est signe de pluie 
Ses couleurs sont celles des quatre éléments; toute 
fois, il y a d’autres interprétations ; d’aucuns croient 
que c’est le soleil qui est « d’autre part contre law 
nue et luist en l’iaue de la nue ». On appelle vapeur 
les nuées qui s’assemblent dans les hauteurs de l'air, 
près de l'élément du feu, qui s’enflamment et filent," 
semblables à « ces filandres blanches qui viennent 
contre les semailles des blés environ septembre et en 
mars quand il fait cler temps ». 


Fra (fol. 104 vo, c. r) commence à être tout autre de cel 
du ms. fr. 19958 et des éditions, -— Obsepronk A0 que, à pe 
de là, dans le ms. fr. 19958 (fol. 89), les initiales commencent, 
à être ornées avec plus de soin et d’un autre style qu'auparavant: 


PLACIDES ET TIMEO .. “295 


es étoiles ne servent-elles qu’à illuminer le ciel? 
nt du tout. Elles agissent sur les créatures d’ici- 
— Des sept planètes, qui se meuvent suivant des 
k les concentriques, la lune est la plus proche. de 
us et traverse les douze signes du Zodiaque en un 
mois; Saturne est la plus lointaine et son cours est 
de trente ans. Le soleil, placé entre deux, tourne au- 
jur de la terre en un jour et une nuit. De la marche 
ale des planètes à travers le zodiaque résultent na- 
turellement des éclipses, notamment de lune et de 
80 eil, causées par l’interposition de la terre, dont le 
mécanisme est ici exposé très verbeusement, sinon 
n détail. — Si le firmamentet les étoiles s’arrêtaient 
n instant de tourner, tous les vivants périraient. Car 
la vie de tous les vivants est continuellement entre- 
tenue par la vertu des planètes. La mer s’enfle en 
p eine lune et s’affaisse en décours. Les arbres rever- 
#4 nt à l'approche du soleil. Et si les années se 
suivent sans se ressembler, quoique le soleil soit 
s les ans, aux mêmes dates, aux mêmes pois du 
fin mament, c'est que son ofadacs. qui suflit à dé- 
terminer les saisons, se combine avec celles des autres 
«étoiles, dont l’entrelacement et les rapports se modi- 
| fient sans cesse. Îl existe une science de ces conjonc- 
“hüons perpétuellement mouvantes; elle permet de 
“prévoir et d'annoncer l'avenir. — La nature intime des 
“étoiles est d’ailleurs incertaine: « Ce sont aucunes 
“parties du ciel qui sont plus cleres que ailleurs. ; 
Iles semblent chandoiïles ardenz...; mais nul fors 
ieu ne set que c'est et ne peut on trouver leur grant 


et ur td es pe RE LEE TS is : 


ne leur haut par instrument ne leur moveme 
prouver par vives raisons... » | 

Il y a des gens qui disent que c’est folie de 
former des secrets de Dieu, pour excuser leur à 


anges sont inconnaissables; nous pouvons au 
traire, par la grâce du Créateur, étudier « su en 
et Lédinient » les vertus et le mouvement des! ô 
la terre, la mer et le ciel. 
Poomutions donc. Le « Don roi » Ptolémée 
a appris, par ses mesures, des faits merveilleux. 1 
mesura d’abord la terre (20428 lieues de tour F 
6 500 de diamètre), la distance. de la terre à la lu 
la masse du soleil, la distance de la terre au ciel 
les étoiles sont fichées. Pour aller au ciel en dr 
ligne, il faudrait faire 25 lieues par jour pend 
7156* ans et demi. C’est-à-dire que 
se le premier homme que Diex fist fust alez toujo 
qu'il fu creé et eust alé chacun jour .X XV. liues ne feust il 
encore la, ainz eust a aler encore par VII: XII ans au 


que ce livre fu fait premiers, qui fu fait en l an MIle XLVII, | 
jour de l'Aparicion. (Fol. 113)!. | 


*Ms.: VIlm et LVI. Lisez: VIIm CLVI. 


1. Ce passage n’a pas encore été remarqué. S'il l’avait 
on en aurait sans doute conclu, au premier abord, que la 
daction A est datée. Mais il est clair que le compilateur n 
que copier ici, de la manière la plus Émis un pe 
l’Image du Monde (cf. p. 110). 

On notera en passant que le ms. de l'Image qui a servi al 
compilateur du Dialogue était un de ceux qui portaient la le 
correcte, MCCXLVII, et non MCCXLYV. é 


y a en somme mille vingt-neuf astres * dont on 
calculer les mouvements, dont quarante-cinq 
t particulièrement « vertueuses » ; qu’il en existe 
tres, c’est possible, mais on ne les voit pas, à 
use du rayonnement. 

u delà du ciel bleu que nous voyons quand il fait 
peau, il en est d’autres : un de cristal, un de pourpre, 
e paradis. 

» Pracines. Pourquoi tous les hommes ne se res- 
e blent-ils pas et pourquoi n’y a-t-il même pas deux 
se ressemblent parfaitement? 


3 use. Tout dépend, pour chacun, de la qe qui 
'élevait ou s’abaissait le jour de sa naissance dans 
tel ou tel signe du zodiaque. | 
- Comme Placides exprime le désir de connaître 
horoscope d’un enfant né sous Saturne, le maître 
éntame l’énumération des qualités et des défauts 
propres à ceux qui naissent sous les principales pla- 
nètes, suivant l'aspect du zodiaque à l'heure de la 
aissance. Exemple: | 


… (Fol. 128). Li enfes nez en Venus sera amez en sa petiteice 
t de’bonne nourreture. Il en son croissant sera orguilleux, 
mesdisant et couart. Volentiers fera desloiautez et amera moult 
instrumenz. Il sera covoiteux et eschars. 

» Se Aries est au nestre, il mourra jeunes. 

| Se Taurus y est il sera pouvre homme et vivra lonc temps. 

« _ Se Gemini est encontre Venus il sera pouvre homme lonc 


CASA LIEN EE ET 
LP LE ri AN à 


298 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


Se Cancer est encontre Venus, il ne sera ne de ne Pr 
et vivra lonc temps. | 
Se Leo est encontre Venus, il sera riche homme et prisiez e 
vivra lonc temps. 1 
Se Virgo est encontre ee il sera pouvre ménereils L. 
mourra en sa jeuneice.…. 


Ces divagations, comparables à celles des tireusés 
de cartes modernes, durent longtemps. Lorsqu'elle 
sont terminées, Timeo en recommence d’analogues 
mais il adopte, cette fois, un autre pue 


Je vous monstreray la triplicité des signes, liquel son 
muables et liquel non, liquel masculin et liquel feminin, € 
lequel membre d’omme et de feme chacun signe regarde plus 
especialment. Et si vous monstrerai quel triplicité de signes ét 
en quel partie du monde elle regarde, et quelle complexion er 
cors humain, et quel signes sont cause d’abondance de biens suk 
terre et liquel non. Et en la fin descendray aus jugemenz par 
ticuliers qui apartienent a medicine pour cors d’omme et de 
feme tenir en santé et remuer les maladies... Parles quiex vous 
pourrez plus apertement vooir coment vous pourrez et devrez 
juger en autres causes (Fol. 131 vo). 


Qu'est-ce que la « triplicité » des Signes ? C’est le 
fait que les signes du zodiaque se groupent trois par 
trois. Le bélier, le lion et le sagittaire sont de la na 
ture du feu ; le taureau, la vierge et le capricorne son! 


et le verseau sont chauds et humides ; le cancer, 
scorpion et les poissons sont humides et froids. Cela 
posé, les anciens philosophes constatèrent par expé= 
rience que lorsqu'une planète pourvue de certaines! 
qualités entre dans un signe de même nature, ses 


1. Of, le Livre des Propriétés, ci-dessus, p. 1h44ets. 


PLACIDES ET TIMEO 299 


4 tés intrinsèques doublent d'intensité; dans le 
$ contraire, elles se mitigent. — Les planètes sont 
onc, elle aussi, par elles-mêmes, les unes froides et 
sèches, les autres chaudes et humides, d’autres 
chés et chaudes, d’autres froides et humides ? Il 
faut s'entendre. De même que, d’après Aristote, le 
pr incipe du mouvement universel est immobile, 
: ce qui, dans le monde, est chaud, froid, sec 
u humide tient ces qualités des corps diète 
à quels, étant incorruptibles, ne sont par eux- 
| ièmes ni chauds, ni secs, ni froids, ni humides. 
st ainsi que le soleil « donne chaleur par sa 
», encore qu’il ne soit point chaud « en sa sub- 
ance ». 
Des signes les uns sont « movables », les autres 
. Le bélier, le cancer, la balance et le capricorne 
ont « movables », car, quand le soleil est sous un 
> ces quatre signes, « le temps est movables en ses 
alitez et ne demeure point en .r.. estat ». Les signes 
7e » sont le taureau, le lion, le verseau et le 
scorpion, parce que, quand le soleil est sous eux, le 
temps est fixe. Les autres signes sont intermédiaires. 
Or, règle générale : « l’œuvre commenciée dessouz les 
nes mouvables doit estre movable », sauf empê- 
ment intercurrent. 
Il y a des signes masculins et féminins. La puis- 
ace des signes masculins est plus grande de jour 
ue de nuit; pour les signes féminins, au rebours. 
es six signes masculins sont ceux qui sont chauds 
nature (le bélier, le lion, le sagittaire, les gé- 


300 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


meaux, la balance, le verseau); pendant le jour,” 
soleil les échauffe encore. ñ 

Placides fait ici, brusquement, une demande q 
n’a pas l'air, au premier abord, d’être amenée par 
courant de la conversation : « Or me dites pour q 
c’est que plusieurs hommes et plusieurs femmes ef 
gendrent ligierement, et aucuns hommes et femmes 
 peyent engendrer ne concevoir ? » — C’est, dit Timed 
qu’il y a trois signes à vertus particulièrement proli 
fiques (scorpion, cancer, poissons) ; d’autres ont de 
vertus contraires (bélier, vierge, lion, balance, sagit 
taire, capricorne). 4 

C’est aussi une circonstance remarquable que cer 
tains signes ont deux corps (les gémeaux) et d’autres 
un seul; que les uns ont quatre pieds (bélier), 
d’autres point du tout (poissons) et d’autres plusieurs 
(cancer, scorpion). É 

Le bélier, qui est le premier des signes et celui oi 
le soleil entra d’abord au commencement du monde, 
est préposé à la tête; le taureau, au col, à « la 
gueule » et aux épaules ; les gémeaux (deux homm a 
qui s’embrassent), aux bras, aux mains et aux ais 
selles; le cancer, à la poitrine; le lion, au cœur, 
au foie, au poumon et à l’estomac; la vierge au 
ventre et au nombril ; la balance aux reins, aux fesses 
et au fondement ; le scorpion aux « membres appar 
tenans a generation »; le sagittaire aux cuisses ; le 
capricorne aux genoux ; le verseau aux jambes ; ‘1 
‘poissons aux pieds. Voilà pourquoi « les inspections 
de ces signes feites en certeine interjection et en cers 


4 


LAIT VER et 


Lutre triplicité des signes par rapport aux parties 
#4 aux complexions et aux âges qu'ils re- 
irdent. Les signes chauds et secs ont rapport à 
Jrient, au tempérament colérique et à la jeunesse. 
ës signes froids et secs, au Midi, au tempérament 
ancolique et à l’âge mür. Les signes froids et hu- 
des, à l'Occident, au tempérament sanguin et à 
enfance. Les signes froids et humides, au Nord, au 
mpérament « fleumatique » et à la vieillesse. 
Saturne est la planète des hommes maigres et né- 
ligés, noirs, secs, sans barbe, lents et de pauvre 
olonté. Jupiter est celle des hommes débonnaires, 
| roi et amoureux, barbus et à l'abri de la calvi- 
. Mars est celle des hommes irascibles, querelleurs, 
tiques, écervelés, orgueilleux et chauves. Venus 
Bccile des jeunes hommes « cointes et jolis », 
urieux. Etc. 
ne et Mars sont de mauvaise fortune, Jupiter 
& Vénus de bonne fortune. Le soleil et la lune sont 
bienfaisants par excellence. Mercure « prend la com- 
lexion d’iceus avec lesquiex il est joint soit en bien 
soit en mal ». 
| intrinsèque de chaque planète est forti- 
ée par cinq circonstances: maison, exaltation, tri- 
blicité, terme, face. La première de ces circon- 
tances multiplie par cinq l'influence de la planète ; 


» 1. Il n’est plus question du « terme » par la suite. 


in PORT 


DRE D ES Pad TA LE 2 eq Le a Can 
Te A OR COPA NÉE RLE CEE MES 


>] 


302 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


la seconde, par quatre ; la troisième par trois ; 
quatrième par deux ; la cinquième la double, simpl 
ment. 
Chaque planète a deux « maisons », à l’exceptit 
du soleil et de la lune qui n’en ont qu’une. La m& 
son du soleil est le lion; celle de la lune, le cance 
Les « maisons » de PR sont le capricorne et 
verseau; celles de Jupiter, le sagittaire et les poissons 
celles de Mars, le scorpion et le bélier : etc. L’ «exal 
tation » du soleil est dans le bélier; celle de la lur 
dans le taureau; celle de Saturne dans la balance 1 
celle de Jupiter dans le capricorne; etc. Quant àd 
triplicité, elle a déjà été définie. Chaque signe : 
trente degrés et comprend trois parties, ou « faces” 
| 
Cu 


| 


de six degrés chacune: ainsi, les dix premiers du , 
bélier sont la « face » de Mars, les dix suivants cel 
du Soleil, les dix derniers celle de Vénus. Suit u 
tableau synoptique des « faces ». 1 

A toute heure du jour et de la nuit une te tel 
« règne » ou domine. Saturne a la première, et, 
conséquent, la huitième, la quinzième et la vingt 
deuxième heure du samedi (jour de Saturne). Chag 1e. 
planète a de la sorte, la 1°, la 8°, la 15° et la 29$ 
heure du jour de la semaine qui a reçu son nom dell | 
(soleil — dimanche, lune — lundi, mars = mardi, 
etc.). ‘4 

Entre elles les planètes ont quatre « regards » (où 
rapports) principaux: corjonction, regard de sixte 
regard de quarte, opposition. L'effet de la conjonés 
lion est aisé à prévoir: les vertus des planètes er 


PLACIDES ET TIMEO 303 


nction s’additionnent si elles sont de mème es- 
èce ou se mitigent si elles sont diflérentes. Le 
égard de sixte, qui est très favorable, c’est quand 
ine planète est éloignée de l’autre par la sixième 
lie du zodiaque ; exemple : quand, l’une étant 
ans le bélier, l’autre est dans les gémeaux. Le re- 
ard de quarte, qui est très fâcheux, c’est quand les 
eux planètes considérées sont séparées par trois 
ig ynes (le quart du zodiaque). L'opposition se pro- 
ait naturellement lorsque deux planètes se trouvent 
A signes de distance ; ce rapport néfaste fait pré- 
boir batailles et contre temps. 

- Pour commencer quelque chose sous des auspices 
favorables, faire attention à la « maison » (c’est-à- 
ire à la section du zodiaque) qui est alors « en as- 
endant » (c’est-à-dire « la premiere qui nest sur 
rre en la partie d’orient laquele touche orizon ») ; 
t à la planète qui est dans cette’ maison. Chaque 
émaison », de 1 à 12, a ses propriétés particulières, 
t chaque PR a sa maison de prédilection (Mer- 
jure dans la première, la Lune dans la 3°, Vénus dans 
la 5°, etc.). 3 

» Conclusions à tirer de ce qui précède. — Un 
homme est navré d’une plaie à la tête; si, à ce mo- 
ient-là, la lune est dans le signe de bélier, c’est 
hauvais signe, car le bélier a trait à la tête et lin- 
luence de la lune s'exerce toujours dans le sens de 
humidité. Donc, humidité à la tête ; or, nulle plaie 
ne guérit tant que pourriture y abonde. — Ne pas 
COIT mencer un ouvrage quand la lune est dans un 


© 304 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYE 


signe « estable », car on éprouverait des contratiét té 
continuelles. — Etc. È 

Ici commencent, sans transition, les « Jugeme " 
appartenanz a medecine » (fol. 148 v°). D'abord 
règles générales : 


Vous devez savoir premierement quele est la chose dont le 

. veut juger, et quelle meson est propre a cele chose; et si con 
vient savoir l’ascendent et le seigneur de l’ascendent, et le sign 
de la meson de la chose demandée et le seigneur du signe, € 
convient qu'il se porte vers le seigneur de l’ascendent. Et deve 

‘savoir que l’ascendent et son seigneur signifient le malade, et } 
milieu du ciel et ses seigneurs signifient la maladie; la quar 
meson © son seigneur signifient la medecine... Et qui ps 
tement veut jugier, il devra regarder le seigneur de la na 
tivité du malade, c’est a dire la planete qui a la seignorie su 
toutes les autres en la nativité de l'enfant, et doit conside 
sa force. 


Si le septième jour des maladies est toujours cri 
tique, c’est que la lune se trouve, de sept en sep 
jours, dans des signes en opposition. 

En pratique, il est difficile de se rendre compte: À 
chaque jour, de l’état exact du ciel, mais il faut du 
moins observer la lune, qui a, sur les humeurs dt 
corps, une vertu toute spéciale, « Qui ne regarde 18 
condition de la lune il ne puet le malade curer »M 

Il ya, dans le corps humain, trois vertus : la re 
tentive, l’expulsive, l’attractive. L’attractive se ren" 
force artificiellement par la chaleur sèche, la retenti 
par le froid sec, l’expulsive par la chaleur humide 
Mais prendre garde de n’administrer les remèdes 
convenables dans chaque cas que si la lune est alors 


1è +, chaque humeur est sous la Dance a une 
pl lanète : il serait ridicule: de vouloir aider à l’expul- 
sion de l'humeur mélancolique, par exemple, à un 
moment où domine Saturne (dont l'influence en- 
gendre plus de mélancolie que les remèdes n’en ex- 
ulseront jamais). Ajoutez que les vomitifs ne doivent 
pas se prendre ni les saignées se faire quand la lune 
est au signe du lion ou à la fin de la balance‘. Le 
meilleur temps pour droguer, c’est quand la lune 
ést dans les poissons, sans conjonction défavorable. 
… Passons maintenant aux remèdes. 
- Pracwes. L'homme est un composé des quatre élé- 
ments. Mais alors, pourquoi sa durée n’est-elle pas 
égale à celle des éléments eux-mêmes ? 
Two. C’est que, dans l’homme, l'équilibre des 
divers éléments est instable; lorsqu'il se rompt, 
homme périt*. 
| La proportion des quatre éléments est, du reste, 
Variable suivant les individus ; d’où les quatre tem- 
péraments typiques Célie: sanguin, mélan- 
colique, flegmatique). Mais chacune des quatre 
« humeurs » correspondantes à ces tempéraments 


S Cf. V. Fossel, Aderlasz und Astrologie im späteren Mittelal- 
r, dans Studien zur Geschichte der Medizin (Stuttgart, 1909). 

a. (Fot. 153). Placides lui avait déjà posé (fol. 111) la même 
sstion, à laquelle Timeo avait déjà fait une réponse toute 
emblable. Nous avons remplacé plus haut (p. 296, 1. q) la ques- - 
lion et la réponse par des points de suspension parce qu’elles 
étaient là hors de propos et certainement insérées par mégarde. 

Leur place est ici. 


20 


PT TR UT TT UE 21 Le der An 
; = rte cs re L 


306 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN A 


peut être momentanément en surabondance ; de 
des maladies diverses, dont les symptômes sont exa* 
minés. Les remèdes sont indiqués aussi : c’est, en 
première ligne, la saignée (dans tous les cas, maïs 
dobpae à la même veine) ; en second lieu, le régime 
Voici, à titre d'exemple, le régime du Hé ol 
bon pain frais, chair de porc, de chapon ou de mou 
ton ou de poulet; pas de poisson à arêtes; bon vin 
blanc ou rouge, trempé d’eau claire. 

Timeo entreprend enfin de décrire les symptômes 
des maladies qui affectent les diverses ee du corps 
et les remèdes corrélatifs. 

D'abord, la tête. Pour les douleurs de tête, surtoul | 
lorsqu” Ar ont pour cause la surabondance de law 
«_ cole » rouge, et sont localisées à droite, saigner et 
administrer un « clistoire ». Mais quel? | 

Un clistoire de la decoction de mauves ou de guimauves 0 ou 
d’herbe violeite, et .1. petit d’aluine * et de bran de froment ; et, 
quant toutes ces choses seront cuites, si les colez et metez avec 
.. pou de miel et d’uile, du sel, tout autant que vous metriés 
en la viande que vous mangeriés, et puis en la fin si metez lé 


moieu d’un euf bien batu; et getez de celle decoction en 
bourse de quoi l’en fait le clistoire une chopine ou plus... D | 


Oindre ensuite la tête malade d’huile violat ou ro- | 
sat. Si cela ne suffit pas, recourir au lait de femme 
chaud. Si cela ne suffit pas, emplâtre de guimauve, 
de sauge, de morelle et de pourpier, par parties 
égales. 

Les maux de tête, localisés vers le front, qui pro= 


*absinthe. 


PLACIDES ET TIMEO 307 


inent de la superfluité du sang, sont justiciables 
la saignée. Si la douleur ne cesse pas, emplâtre 
bourrache; appliquer sur lendroit souffrant un 
oumon et l’envelopper de la peau d’un chat écorché. 
n dernier recours, cataplasme de morelle ou de 
avot, qui fait dormir. 

. Pour maux de tête, localisés vers la nuque, dont 
“le tempérament flegmatique est la cause, ce qui 
convient, c’est un clystère ou deux et de la poudre 
_sternutatoire. 

» Placides voudrait savoir pourquoi l’on voit que les 
| cheveux de certains hommes tombent de bonne 
heure. C’est, dit Timeo, « par trop habiter a femme, 
— ou par souffrir feu, ou par trop veiller ». Pour ne 
pas devenir chauve, boire du bon vin vieux, s’en 
tenir au pain de seigle, laitue, bourrache et poisson. 
Se laver la tête en eau « qui vient par tuiaux »; 
-l'oindre d’huile rosat et d'huile de myrrhe. 

Moyens de garder ses yeux en santé: se plonger la 
te dans un seau d’eau froide ; se les laver à l’eau de 
fenouil ; en outre, divers collyres dont la formule est 
- donnée. 

- Recettes pour la conservation de l’ouie et des 
dents. 

Pour avoir le teint frais, prendre deux drachmes 
et demie d’hysope, une once et demie de sucre, demi- 
drachme de safran, et délayer dans du vin. Ce breu- 
vage ne fait pas seulement venir de belles couleurs : 
« il fait aussi avoir joie et liece, jouer et chanter et 
oïr instrumenz ». 


L’ estomac, où les aliments « cuisent », kde F: 
ou froid. Si on l’a chaud, manger de PRE 
bœuf ou d’oie; si on l’a froid, nourritures légères 


froid n’a mie trop grand talent de boire! ». 

Le foie est un des quatre « membres » principaux 
où se forment le sang et les humeurs. De cet organe, 
dépend la « complexion » générale de l'individu : 
froide, sèche, chaude ou humide. Que chacun usé 
D thèses analogues à son tempérament s’il va bien 
et de choses contraires si son tempérament s'exa- 
gère. | | 

De même, pour le cœur, qui ressemble à unes 
pomme de pin, la pointe en bis, On peut l’avoir froid, 
sec, chaud ou humide. Signes et remédes dans chaque. 
cas. | | 

Les veines du corps sont comme les conduits sou-« 
terrains : creusez la terre n'importe où et vous trou-« 
verez de l’eau; frappez le corps n'importe où, il 
saigne. Si les conduits souterrains se bouchent, l’eauM 
s’accumule. et cause des catastrophes en cherchant 
une issue ; de là, les tremblements de terre qui ruinents 
châteaux et villes. Quand le cours naturel du sang» 


. Le sire de Joinville se prévalait, au contraire, de ce qu'il 
ét « l’estomac froïd » pour s’excuser de boire sec auprès de saint 
Louis : « Il me demanda en Cypre pourquoy je ne metoie de 
l’yaue en mon vin; et je li diz que ce me fesoient li phisicien, 
qui me disoient que j'avoie une grosse teste et une froide four- 
celle et que je n’en avoie pooir de enyvrer » (Histoire de saint 
Louis, éd. N. de Wailly, $ 23). | 


PLACIDES ET TIMEO 309 


lé veines est interrompu, c’est, de même, ma- 
e. En ce cas, il faut saigner. 

Ne saigner, pourtant, qu’à bon escient. Les gens 
affaiblis, tels que vieillards, femmes enceintes, 
hommes ivres, ne seront $aignés qu’à la dernière 
émité. Le printemps et l'automne sont les saisons 
hu favorables pour la saignée, car, alors, les 
umeurs abondent. Précautions à prendre avant et 
ès l'opération. Liste des veines et des artères où 
I J'opération doit être faite suivant les symptômes. Par 
exemple, saigner aux veines qui sont derrière les 
oreilles « pour les levres qui engroissent a ceus qui 
“devienent meseaux * », et « pour reume, apostume et 
autres maladies qui aus yeux avienent » ; la veine qui 
est entre le menton et la lèvre est bonne à saigner 
« pour mauvese alaine » ; la veine du petit doigt de 
a main droite est indiquée pour les maladies de foie ; 
3 lles des gros doigts de pied pour les bosses qni 
viennent aux aînes ; etc. 

: : Placides the qu'il faut se donner bien de la 
peine pour garder le corps en santé ; son maître n’est- 
il | pas en mesure de lui donner une « doctrine brève » 
et sûre pour ne pas être malade ? 

4 Un petit cours d’hygiène n’est pas pour embarras- 
ser Timeo, qui commence aussitôt!. 

» Au printemps, temps béni pour prendre médecine, 
* lépreux. 
… 1. Ce memento d'hygiène est à comparer avec celui qui figure 


dans | le Secret des Secrets, lequel commence aussi par l’ exposé des 
pme convenables aux quatre temps de l’année. 


US PCA EP IT I EN LS DU 
M' RS FAT Nr er FA 71 Dit 
> se LITE æ 


310 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


il faut se saigner et se purger. User d'aliments légers 
tels que « poussins au verjus, aïigniaux, char de 
mouton, porées d’erraiches* et de bourraiches et de 
bettes, brouez de moieux d’œux au yerjus, luz * 4 
perches et touz poissons a escailles ; et boire bon vin. 
trempé... » ; 
En été, diète rafraîchissante; manger peu et sou 
vent, « c’est assavoir au matinet, quant li solaux" 
monte, et au soir quant il couche ». Boire, le matin, 
du sirop, et, à midi, de l’eau bouillie et refroïdie, 
sucrée au sucre violat. Aux repas, vin verdelet, mêlé” 
d’eau «tant qu’il sante plus saveur d’iaue que de” 
vin ». Bains fréquents. « Et se doit l’en garder de” 
gesir a femmes... ». 1 
En automne, saigner et purger les humeurs. Alors. 
convient une nourriture substantielle : chapons,« 
pigeons qui commencent à voler, chair de porc. New 
pas boire d’eau. Ne pas se laver à l’eau froide. 
En hiver, s’habiller de bons habits de laine, four-. 
rés de renard (la plus chaude des fourrures). Chair" 
de bœuf, d’oie, de porc, de cerf; perdrix, faisans, « 
lièvres, oiseaux de rivière, vin pur. pe c’est le 
temps de plus sain de l’année. | 
Voici maintenant les prescriptions propres à chaque 
âge de la vie. À sept ans, l’enfant doit être baigné 
deux ou trois fois par semaine, de préférence au saut 
du lit. Après le bain, légère collation et qu'il aille 


*arrocïe ou bonnedame, plante de la famille des chénopedées.« 
— * brochets. È 


PLAGIDES ET TIMEO | 311 


| Après le jeu, donnez lui encore à manger et 
de l’eau à boire. Mais ni lait, ni fruit, ni fromage 
« pour la pierre qui en l’enfant se pourroit engen- 
drer ». À cet âge, il fait bon envoyer l'enfant à 
cole, chez un bon maître qui l’instruise « sans 
atre‘ » et ne le « chastie » que « par douces pa- 
roles ». À partir de quatorze ans, prendre garde à la 
surabondance des humeurs : saigner et purger légè- 
pe ment ; pas de femmes jusqu’à vingt ou vingt-cinq 
. Se garder, à cet âge, d'oignons, de poireaux, 
s vin vieux, et de « toutes choses chaudes et seches ». 

< and trente-six ans sont passés, les purgations 
valent mieux que la saignée; s’abstenir de « trop 
“hanter femes, quar, en cest aage, c’est la chose que 
plus l’en veult ». Rien de tel, pour ne pas vieillir trop 
| vite, que de ne point se faire de soucis, de bien man- 
“ger, de bien boire et de se baigner une fois ou deux 
par mois. Les viandes frites et charbonnées, cuites 
“sans eau, sont alors à recommander. Après quarante- 
“cinq, ni saignées ni purgations, si ce n’est en cas de 


1 


“besoin pressant. Alimentation légère et substantielle. 


 froter a la main ou aus dras qui ne soient pas trop 
aspres ». 

- Placides n’est pas encore éclairé suffisamment sur 
“ce point essentiel: « Comment on doit purger » ? 
C'est sa dernière question. 


: . Ces mots sont omis dans les éditions ; et tout le passage 
7 un peu différent. 


Bains fréquents, et, au sortir du bain, « soi faire 


SUN E PPT EN 
CAN CE NU RE à 
FRE ee , 


312 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYÉN A 


La nature des humeurs qui surabondent se rec 
nait, dit Timeo, à l'inspection des urines. Ensui 
la saison est à considérer : au printemps etàl 
tomne, les purgations vont de soï, comme on l’a déjà 
vu; mais en été et en hiver, des Pre spéciale S 
on indiquées pour se purger, si l’on s’y résout : en. 
été, changer l’air de la maison en la rafraîchissant, 
par des jonchées de feuilles de sauge, de myrte, de 
roses ou d’autres herbes; en hiver, réchaufler Pai 
sans l’enfumer. D’autre part, le tempérament al 
patients ne saurait être perdu de vue. Médecines. 
légères aux colériques, que l'on peut faire vomir. Les 
sanguins en supportent de plus énergiques. « Fleu- 
matiques et melencolieux peut on purger [par] des-« 
souz, pour ce que les humeurs sont pesanz. » Tout 
dépend aussi de l’âge, du sexe, du climat, de l'état 
du ciel, etc. « Sanz ces choses ne peut nuls saigement 
ovrer fors que en tasche *, si comme aujourd’ui font. 
maint phisicien. » | 


; ann _ nent mnt 
oo 


RÉDACTION 8 


pluie, neige et grêle. — Il passe ensuite aux 
« choses qui sont formées en l’air par sa corruption ».\ 
Dans les régions froides de l’air, il se produit des gé= 
nérations spontanées de grenouilles, crapauds et 
autres reptiles, ou bien il en tombe sur les étangs 
des « semences venimeuses » qui s’agglomèrent. De 


* Voir les exemples de cette locution qui sont donnés dans le 4 
Supplément du Dictionnaire de Godefroy, au mot Tasche. 


PLACIDES ET TIMEO | 313 
s semences « sortent de petits grains noirs et pes- 
cieulx », et, ultérieurement, des vermisseaux 
franges, courts et ronds, à grosse tête et petite 
que e, comme ces petits poissons qu’on appelle 
ebourbotes ‘ » ; ensuite il leur vient des pieds, leur 
queue tombe 2 ces êtres se muent en grenouilles... 
D'autres vermines encore hivernent dans la terre 
et en sortent au nouveau temps sous forme d’escar- 
jots, de hannetons, de mouches noires, de taren- 
es, etc. Il y a des sots qui prétendent que, quand 
ltombe des grenouilles du ciel, ce sont les nues ou 
larc-en-ciel qui les ont pompées et « levées », préa- 
blement toutes faites, hors des marécages ; mais 
en ’est pas vrai. 


er core rassasiés, le maître parle maintenant du ton- 
ner e et des éclairs. La foudre est formée dans les 
ärs comme les vermines dont il a été question tout à 
fheure, mais par un autre procédé. Et ces eaux 
chaudes qui jaillissent de la terre, et où les hommes 
se baignent ? Les philosophes discutent au sujet de 
eur origine. Les uns disent que c’est le soufre qui 
“chauffe les métaux à l’intérieur dé la terre ; les autres 
pensent au voisinage de l'enfer. Quoi qu'il en soit, 
à tels bains d'eaux chaudes se voient à Aix en Alle- 
: ë gne, à Aix en Provence, en plusieurs lieux d’Ita- 
, de Guienne et de Loin Il est, d’ Dee des 


à Fe. « Borbote gallice, lumbe vel quappe theotonice vocantur », 
it Thomas de Cantimpré (Histoire littéraire, XXX, p. 375). 


14 appétits météorologiques de l'élève n'étant pas 


RUE Date al 


D AP ed ne Te 


314 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


eaux qui tuent et d’autres qui guérissent, nul n 
pourquoi, Quelques-unes sont salées: « En la c 
de Bourgoingne sourt une fontaine dont l’eaue produis 
moult bon sel, qui toute la province sert de sel.» 
Outre-mer coule un fleuve merveilleux ; les indivi 
dus, soupçonnés de vol, que l’on force à boire de son 
eau, perdent la vue s'ils sont coupables. Aïlleurs à 
y a des rivières dont les eaux changent trois fois & 
couleur chaque jour ; d’autres où tout ce que l'or 
plonge, bête ou poisson, tombe au fond ; d’autres 0 
les navires sont insubmersibles. Entre les autres fon: 
taines merveilleuses, citons encore celle dont le it 
sert à faire pousser les arbres qui portent le baume. , 
Le baume, soit dit en passant, est bon et se cons 
bien s’il est recueilli par un chrétien ; sinon, il au 
vaut rien; ce sont là les « secrets de Nostre 
gneur »° ) 

Ce qui concerne les herbes, bonnes, ane 
ou vénéneuses, est expédié très rapidement: il est d lit 
seulement que leurs qualités tiennent à leur plus où 
moins de chaleur ou de froideur, ou aux proportions 
du mélange. Les vertus des pierres précieuses, l’a 
teur renonce aussi à les expliquer. Les anciens dise 
que « Dieu en fist son tresor en terre pour donner 
ses amis »; d’autres qu’elles se forment dans la terre, 
aux dépens de l’air, sous l'influence des planètes?, M 


à 
€ 


y L 


1. Cf. l'Image du Monde (p. 88). À 
2. « Planettes sont estoiles principales fichiées qui ne se peus 
vent mouvoir, si comme aultrefois je vous ay. devisé » Kol’} 
110 vo). Mais il n’en a rien dit encore, dans cette rédaction. 


_ PLAGIDES ET TIMEO 315 


parties du monde, il ne trouve rien à dire, si 
e : fa qu’elles sont au nombre de trois: Europe, 
sie et Afrique. Un mot sur la lune. Et c’est tout. 

L fous ces développements sont écourtés à l'excès. 
In dirait les vestiges d’un Herbier, d’un Lapidaire 
t d’une Mappemonde dont il ne subsiste plus que 
en mplacement ou des arrachements presque indis- 


Nous passons ensuite, sans transition, à la ma- 
ère dont les Sept Arts furent préservés du déluge. 
linvention des Sept Arts est antérieure au déluge. 
'révoyant un cataclysme, les anciens sages les firent 
e écrire » à deux SOPRRUe: le premier sur de 
brtes tuiles crues qu’on enterra; le second sur 
e grandes pierres de marbre. Éhusthnité post- 
liluvienne retrouva ces monuments et en fit son 
rofit *. 

Les Sept Arts font penser à Platon, « nostre 
istre ». C’est lui qui divisa les peuples en trois 
+ es principales: les uns « pour conseil donner » 
2e sont les clercs) ; les autres pour la défense com- 
d ane (ce sont les chevaliers); d’autres enfin pour 
ourrir tout le monde par le travail (ce sont les gens 
rl La classe des chevaliers fut formée des 
ommes qui avaient de gros membres et qui étaient 
plus hardis que les autres. Leurs armes furent, à 
rene, très grossières: de bois, de cuir cru,.de 
À ur bouilli, de corne, d’écailles enlevées aux poissons 


Us cu 
EL 4 


mn r. Cf. l'Image du Monde (p. 104). 


316 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


de mer, d’os de baleine, puis en métal, comme 
jourd’hui. 3 

Pracues. Maître, dites-moi « dont vint jadis qu 
forteresses, tirannies, raenchons et gabelles, droi 
seignouriaulx et extorsions furent mis ayant tellemen 
que ilz ont esté continuez jusques a ores, et, a mo 
advis, seront jusques a la fin des hommes mortelz* 

La Bible, dit Timeo, nous apprend que, chez le 
Hébreux, le premier qui inventa la chevalerie fut ui 
grand chasseur nommé Membrot (Nemrod), persé 
cuteur et homicide. Il s’'embusquait aux passages € 
s'emparait des passants. Il fit faire « une forte maë 
son de murailles entre deux roches » ; ce fut le com 
mencement des châteaux et des tours. Il ne relàchai 
ceux dont il s’était emparé qu'après leur avoir fai 
promettre de lui « rendre », chaque année, à lui et à 
ses hoirs, un bon poulet, ou un bœuf, ou une som mé 
de froment, car, en ce temps-là, on n’usait pas en: 
core d’or, d’argent ni de vin; faute de payement, À 
détruisait le bétail et tuait tout. eue est l’origi né 
des impôts. ; 1 


D. 


« Par telz tributs que il ainsi usurpoit tiranniquement furer 
depuis petit a petit establis et confermez les treuages, les ga 
belles, tailles, aydes et aultres subsides, qui sont de plus en plus 
jusque au jour d’huy maintenus. Et... non mie par bonne rai 
son ou par quelque droit de nature. Car, par droitte nature, 
tous biens quelzconques qui viennent de terre sont Sarre En aux 
hommes. Mais, par une maniere de forche et convoîitise des 
donnée et faulse ont esté et sont aujourd’huy les terres et pro 
vinces diviseement appropriées et parties par empires, pa 
roïaulmes, par duchiés, par contez, par baronnies et aultremenit 
et le petit poeuple taillié, pillié et mengé oultrageusement. Et 


| PLACIDES ET TIMEO 317 
ment aux ryvieres et passages sont constituez tonlieuz et 

combien que Dieu pas ne les crea pour estre propre 
y ne a deux ne a plusieurs, ainchoiïs pour service et ayde a 


1 le commun poeuple. » 


) Do où vinrent les lois? Des Grecs, qui furent les 
xemiers à en établir « par le commun assentement 
u poeuple », pour éviter les massacres. Les lois re- 
ati es à la justice furent écrites sur douze tables 
ivoire. Mais, depuis, avec la malice des gens, les 
se sont singulièrement développées. Les plus 
sants des Grecs ont été déifiés, comme Jupiter 
t Mercure ; ils ont donné leurs noms aux planètes qui 
jo uvernent, &it-on, le cours des choses (Virgile, Sa- 
omon, Merlin et Simon le Magicien furent jadis 
rès experts en ces matières), Ces héros furent les 
remiers dieux, avec le soleil et la lune, que les gens 
doraient pour leur clarté. C’est alors que Dieu donna 
Moïse, son serviteur, les commandements de sa loi. 

ar la suite des temps, une autre loi s'établit, la 

loi chrétienne »; celle que les chrétiens professent. 


pt maintiennent [les chrestiens] qui icelle loy leur fut donnée 
Jhesus, filz de Dieu, natif en Bethleem, et d’une vierge 
iommée Marie, qui est chose difficile a croire des malostrus 
gnorans pour tant que oncques plus ne fut veu. Mais il est 
out certain que ainsi en advint. 

. D’aucuns prétendent que « la vieille loy et la nou- 
vel » est tout une meismes chose », comme une noix, 
pont l’écorce et l’amande n’ont pas la même saveur. 
s Hébreux sont dans l’écorce etles chrétiens dans 
| nue e 


Prâcides voudrait savoir à quoi s’en tenir sur L 
troisième loi, celle qui n’est ni des Juifs ni des chré 
tiens, celle que suivent les Sarrasins. 

Un très grand clerc, selon Timeo, l’enseigna pou 
nuire aux chrétiens, qui s'appelait « Nicolas l’astro 
nomien ». 

Si fut longtemps compaignon a aulcuns disciples a Jhes 
Crist, et pareillement aux Romains, aux Hebrieux, aux Gregoi 
et aux Huns et aultres nations. Il donna icelle loy aux Sarrazin 
et se fist appeller sergent de Dieu. Il fut natif d'Espaigne, ete 


son nom encores renommé entre tous Sarrazins qui l’appellen 
Machomet. Et'est son ymage a La Mecque 1. 


Les Romains, qui en ont fait si grand usage, : 
çurent leurs lois des Grecs, lesquels les avaient! 
inventées. Ils n’en obtinrent communication qu’avei 
peine, car les Grecs ne révélaient le secret de leur 
tables d'ivoire qu’à ceux qu’ils en croyaient dignes 
Suit une anecdote. Les Grecs envoyèrent à Rom 
un vieillard avec mission d’éprouver les habitants 
pour savoir s'ils étaient, dignes. Ce vieillard le 
fit assembler et décida de les éprouver par signes 
‘Que tout le monde se taise ! Le vieillard lève w 
doigt; un « fol naturel », qui était dans l'assemblée 
en lève deux; le vieillard en lève trois ; le « fol natu 
rel » tend son poing fermé. « C’est assez », dit 
- vieillard ; « Rome est digne de nos lois ». Les Ro: 


4 
14 


1. Ces singulières absurdités ont eu cours au moyen âge 
voir À. d’Ancona, La leggenda di Maometto in Occidente, dans 
Giornale storico della letteratura italiana, XII (1889), p. 247: 
version qu’en donne Placides et Timeo est citée dans cet ouvrag 


(p. 262). 


L 


PLACIDES ET TIMEO Li 


lc tion de cet bouge de ie. Pour cela, il 
| mistrent deux femmes en euvre », et le vieillard 
parla : « J'ai voulu dire, en levant un Het, qu'il n'y 
à qu'un seul Dieu; votre homme a répondu, en 
nt deux doigts, qu'il se divisait en deux (père et 
ils); j j ’en ai levé trois, à cause du Saint-Esprit ; et 
e poing clos fut le symbole de la toute-puissance 
divine ». Mais on sut bientôt que le fol n’en avait 
as pensé si long. « Lâches, dit-il, ce vieillard vous 
menaçait d’un doigt : j’en ai levé deux en signe qu’on 
lui crèverait les yeux ; il a fait mine de m’administrer 
ne claque sur la mâchoire ; je lui ai montré le poing 
jour qu'il comprit que je lui en donnerais sur les 
dents ». On rit beaucoup". 

. Par la suite, les Grecs, qui, depuis la destruction 
le Troie, étaient les maîtres du monde, de sorte que 
outes les autres nations leur « puoient au nez », com- 
mencèrent à dégénérer ; les Romains prirent leur place. 
» On est surpris de lire ensuite l’histoire de Noë et 
de ses fils. C’est que l’auteur veut proposer une se- 
onde explication de l’origine du servage. Les serfs 
seraient les descendants de Japhet, le fils irrespec- 
de Noë, maudit par son père. 

- Il en propose bientôt une troisième. Dans l’an- 


… z. Historiette qui, sous diverses formes, a été très répandue 
pendant des siècles dans les milieux les plus divers. Voir notam- 
me ent E. K. Blümml, Beiträge zur deutschen Volksdichtung (Wien, 
1908) ; cf. Kubin-Polivka, Povidky Kladské | Contes de Kladsko], 
Le 32, n. 11. 


320 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


cienne Grèce, la classe des chevaliers élut roi. 
des siens; clercs et gens de labeur, sans armes 
furent obligés de subir cette autorité nouvelle. Le 
clercs, il est vrai, s’en tirèrent: ils n’accordèren 
au roi le secours de leur ministère qu’en échang 


rentes; par compensation, le clergé fut désormais 
récruté dans la noblesse. Mais, depuis le temps du ro 
Saridano!, il fut décidé que quiconque serait fait pri 
sonnier de guerre, demeurerait serf, lui et sa lignée 
De là, les « droits serfs » des âges postérieurs, « des 
quels est encore en plusieurs lieus. » 

Timeo conclut enfin, en ces termes: 

« Beaulz dou fils, or vous ay dit et monstré les introdue 
tions des choses comment vous pourrez entrer et aprendre qui 
est des natures, et par cspecial de nature humaine, de hommt 
et de femme, dont fort m'avez sollicité, ou en astronomie ou ef 
aultres sciences particulieres. Si vouldroie trés bien que vou 
esprouvissiez vostre sens et entendement entour aulcuns aul 


philosophes. Car certes nous ne sommes pas tous de ung a@ 
cord... Je suis vostre premier maistre de philosophie. » 


Il reste à la disposition de son élève pour résoud e 
les doutes que l’étude des autres auteurs lui inspi” 
rera peut-être, « car nulz bacelers ne poeult tant 
avoir veu des sciences acquises ne tant apris com me 
les clers quant ilz se y voeulent emploier ». 


Cependant le dialogue, qui paraît fini, rebond 
aussitôt. J 


1. Ms. fr. 1543, fol. 233 : «uns rois malicieus.… » 


sans raison) Timeo, que = vous avais déjà lar- 
ent répondu de « la matiere assez pareille dont 
ampliation traite ». Mais à vos souhaits. 

L auteur insère alors, ingénüment, la traduction 
# d’un Traité d'Albert de « Trapesonde », 
paraît avoir été, comme le sien, par demandes 
E réponses, entre un Discipulus et un Magister . En 
joici le début, qui fait voir la méthode suivie d’un 
out à l’autre: d’abord, quelques mots de l'original 
atin, puis la version ou le résumé du paragraphe 
lont ces mots étaient l’éncipit : 

| Incipiunt proprielates, ete. Cy commencent les proprietez de 


à complection de l’homme et des quatre elemens du monde, 
mment et par quelle maniere la personne est fourmée… 


D'abord, les quatre complexions de l’homme : san- 
juin, colérique, flegmatique, mélancolique. Cha- 
une est décrite en vers latins mnémotechniques que 
e | His paraphrase?. 


He. Tous les développements placés ici entre crochets(pp. 321- 
23) ne se trouvent que dans le ms. de La Gruthuyse. Le ms. 
. 1543 (fol. 234 v°) omet le Traité d'Albert. 

2. Ces huit vers De quatuor complerionibus se rencontrent 
une foule de manuscrits latins (voir les /nitia operum lati- 
or m de B. Hauréau (Bibl. nat., nouv. acq. lat. 2398, 
1. 16). 

» I existe anssi plusieurs paraphrases de ces apophtegmes en 
me ne “354 Il y en a une, par exemple, différente de 
, €t acéphale, dans le ms. 478 de la Bibliothèque d’An- 


21 


RARE di Ê 
L Fac a 5 LÀ D v os 
322 . LA CONNAISSANCE DE LA NATURE À EN . 
Le sanguin: a 


Largus, amans, hylaris, ridens, rubeique bre 
Cantans, carnosus satis, audax atque benignus. 


Le colérique : 


Hirsutus, fallax, trascens, prodiqus, audaæ. 
Astutus, gracilis, siccus, croceique coloris. 


Le flegmatique: 


Vir sompnolentus, piger, in sputamine multus. 
Est ebes huic sensus, pinguis faciès, color albus. 


Le mélancolique : 


Invidus et tristis, cupidus dextreque tenacis. 
Non expers fraudis, timidus, luteique coloris. 


Albert consacre des vers mnémotechniques du 
même genre aux saisons de l’année, aux heures dur 
jour et à leur influence sur les diverses complexions 
Il pue ensuite aux problèmes de la génération, et 
pour n’en plus sortir. f 

Les interrogations suivantes du Disciple donne- 
ront quelque idée de ce qui l’intéresse. Pourquoi les 
« femmes communes » n’engendrent-elles pas aussi 
aisément que les autres ? Comment et pourquoi y. 


ladre por habiter a feme aiant naguere recheü ladre 
et la feme non »? Comment « la veue peult par 
copulation estre bleschiée »# Comment « Nature es + 
desireuse de parvenir a generation! »? Il s’informe. 


1. À propos de la question, réitérée par Placides: « Pour= 


ques précautions oratoires : « Pour tant que je me 

vergongne dire, je voeul parler en couvert et.. . je 

a Mr le nom des natures... » (fol. 131); mais ces 

erves font un effet burlesque quand on voit 

Vauteur employer, tout de suite après, les termes les 

T Rovers — Et c'est tout: « Atant fine ce qu'il 
trouvé de Albert ».] 


 Placides, enfin satisfait à cet égard, exprime le 
désir de revenir sur ce qui a été dit au début, tou- 
“chant les rois et les princes. « Car, comme bien vous 
en recors, je vous demanday pourquoy vous m'avez 
plus tost prins en doctrine que n’avez le filz de l’em- 
eur, et vous me respondistes pourtant que il 
esloit fol naturel. Et je vous demande comment, par 
ï nature, ung homme est plus fol que ung autre ». 

> La noblesse de l'âme, dit Timeo, est toujours 
ire et pure ; mais elle peut être plus ou moins 
lipsée quand elle est dans un corps plus ou moins 
bi ien conformé et complexionné. Exemple de la chan- 


ï les femmes soni plus désireuses de la copulation charnelle 
les hommes ? » Timeo se souvient très bien d'y avoir déjà 
ondu : « Si comme autrefoys vous ay dit... » (fol. 126); et 
e l'explication d'Albert, conforme, d’ailleurs, à celle qu’il 
it déjà présentée en son nom. 


32% LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


delle qui brille plus ou moins suivant la nature de la. 
lanterne où elle est placée. 7 

Notre maître, dit Placides, vous m'avez très bien 
parlé ‘de la noblesse de l’âme [et aussi, en bref, 1 


quatre complexions de l homme ;] mais j'en udta 
savoir davantage. Quelle est la meilleure com-" 
plexion ? — Timeo condescend, mais c’est pour ré- 
péter ce qu’il a déjà dit, à peu près dans les mêmes 
termes : il va jusqu’à reproduire encore une fois les 
vers mnémotechniques précités, en les commentants 
un peu plus au long”. 

Ce revenons-y lui donne, pourtant, l'occasion d'un 
développement nouveau sur les tempéraments pro- ] 
pres aux divers peuples. Les Allemands, les Fla- 
mands et les Anglais sont volontiers flegmatiques. 
Les Lombards, les Portugais, les Espagnols, les 
Catalans, les Français et les Picards sont sanguins. J 
Il a, bien entendu, déclaré d’abord que le tempéra-v 
ment sanguin est le meilleur des tempéraments ; ; 
ceux qui en sont doués, étant « moistes, joieulz et 1 
chaulz », sont très portés à l’amour et s’en acquittent 
fort bien. En quoi ils se montrent supérieurs aux ? 
Bourguignons, aux Auvergnats, aux Provençaux, 
aux Gascons... : « Icestes nations sont volontiers 
chaulz et secs et moult ont grand appetit de. ; mais, « 


. Il n’y a, naturellement, de répétition que- dans le ms. de M 
‘# Gruthuyse. Dans le ms. fr. 1543, où il n’est pas question M 
d'Albert, rien de choquant dans la marche de l'exposé : Timeco u 
y parle ici des complexions pour la première fois. À 


; PLACIDES ET TIMEO 325 
jour tant que par droite inclination sont voulontiers 
Secqs, petit en pevent faire ». — Le tempérament mé- 
3 : colique est propre aux Bretons, aux Écossais, aux 
“Gallois et aux Irlandais’. Il est propre aussi à certains 
nimaux, telles qu'écureuils, lièvres, renards, serpents 
F autres bêtes sauvages sans graisse, comme hérons, 
utors et autres volailles « dont les chairs sont mal 
5 a mengier sans avoir aveuc aultre ayrun”, 
si comme de ciboules ou oignons fricassez ou aulz ». 
_ Eh bien! voilà pourquoi, dit Timeo, je n'ai pas 
voulu du fils de l’empereur; c’est que j'avais reconnu 
en lui les symptômes du tempérament mélancolique. 
Or il faut se garder soigneusement de ceux qui offrent 
* ces symptômes. 

: Les dames surtout doivent s’en garder quand elles 
se marient ou « quant elles voellent faire amy ». Car 
- « de fol et de melencolieux ne poeult ja venir fors 
tous maulx ». A la vérité, les hommes, en pareil 
cas, n’ont pas moins d'intérêt à prendre leurs pré- 
- cautions, mais cela leur est beaucoup plus malaisé. 
«car les femmes en tel cas sont trop plus fort a co- 
 gnoïstre pour tant qu’elles changent et muent par 
_ herbes ou par ointures..… la couleur naturelle de leur 
… face. ». 


à 


» + Chose À saveur àcre (la forme ordinaire est aigrun). 


…_ 1. Charles V avait dans sa bibliothèque un exemplaire de 

- Placides et Timeo dont il est dit dans l'Inventaire de Gilles 

… Mallet qu'il contenait à la fin un morceau intitulé : « Diz et 

. esbatemens contre les Piquars, et Normans, et autres plusieurs » 
€ Delisle, Recherches.…, n. 506 ter). 


326 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE « 


Timeo termine par des conseils généraux sur la” 
conduite qui convient à un prince iñstruit, c’est-à-direw 
par ce que l’on appelait au moyen âge un « Ensei- | 
gnement » ou « Gouvernement des princes. » | 

Un roi a de grands devoirs. « Sachiés que le poeu- 
ple qui est par dessoubz vous aymeroit mieux unes 
bonne parole de vous que celle de cent de tous les 
meilleurs conseilliers que l’en porroit recouvrer ». M 

Aimer Dieu, suivre ses commandements. « Et bien 
vous gardez de trop dormir, car le trop dormir fait. 
par accoustumance avoir la chair moult paresceuse 
et esmeult homme a pechier ». 

Ne pas trop parler, tenir son propos ferme sans 
varier, ne pas croire ta femme « de tous les mesdits 
et rapports que elle te fera de ta famille ». Souviens- w 
toi du sire de Coucy, ami de la châtelaine de Vergy, 
et de la duchesse!. | 

Nécessité de savoir les langues étrangères. « Co- 
gnoistre l’estat et tout le gouvernement de ce monde, 
et par especial des provinces de par deça ». Exemple « 
d'Achille, le plus vaillant des Grecs, qui fut remplacé M 
par Ulysse, parce que celui-ci connaissait mieux le” 
pays «et si sçavoit bien et doucement parler leur « 
langaige ». Toujours s'informer et apprendre... : 


1. Allusion à la nouvelle bien connue de la Chastelaine de « 
Vergi (Voir la Sociélé française au XIIIe siècle, d'après dix ro- 
mans.…, p. 222). Ce témoignage au sujet de la popularité durécit \ 
est à joindre à ceux qu'a recueillis E. Lorenz, Die Kastellanin \ 
0m Vergi in der Literatur Frankreichs, [taliens, der Niederlande, 
Englands und Deutschlands (Halle a. S., 1909). 


PLACIDES ET TIMEO 327 


or meo ajoute enfin des conseils bibliographiques. 
t lire, mais de bons livres: Virgile, « qui fut 
rand clerc et enseigna l’art de cultiver les terres » ; 


Au reste, la curiosité scientifique ne doit pas aller 
usqu’à chercher a pénétrer les secrets de Dieu. 

£ Ayez des livres qui aient été jadis « compillez et 
escrips » par les anciens. Transcrivez-les de votre 
;: ropre main; c’est la meiïlleure manière de se les 
assimiler. 

à L « Et a tant prendent icy fin, quant a present, les enseignemens 
de moy Tymeo, petitement fondé et inhabille?. » 

- 1. Ms.: Marke. — Is ’agit de l'ouvrage de Macer Floridus, 
de Virtutibus herbarum. Macer a été plusieurs fois traduit ou 
ibrégé en français (Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 2261, fol. 13 
Bibl. nat., fr. 2032, fol. 23; etc.). 

LL. 32 La fn n'est pas tout à fait pareille dans le ms. de La Gru- 
+hu Faq dans le ms. fr. 1543, dont voici l’explicit: « Ychi 
fenissent les Enseignemens... À Dieu soiés vous comandés ; a 
ant me tais. Amen. » 


Et Tnt. 1 UE 
rONMEA ST ES 


LE LIVRE DU TRÉSOR 


Ser Brunetto Latino (et non pas Latini), ou Brunet 
Latin, dont la biographie et les écrits ont donné lieu de 
nos jours à une vaste littérature !, naquit à Florence aw 
commencement du xr° siècle. Il exerça la profession d 
notaire et fut un des hommes en vue du parti guelfe 
dans sa ville natale. Il revenait d’une ambassade en Es= 
pagne près d’Alfonse X de Castille, roi des Romains 
lorsque la fameuse bataille de 1 Montaperti (4 septembre 
1260) ruina pour quelques années la cause guelle en 
Toscane. Ser Brunetto, exilé, se réfugia, comme beau 
coup de ses compatriotes et coreligionneires politiques 
en France. Le 15 septembre 1263, il était à Arras, où 
il dressait, en sa qualité de notaire un acte const 
que Tommaso Spigliati et quelques autres associés des 
Scali avaient juré d’observer les engagements pris en» 
leur nom par leur chef, Cavalcante della Scala ?. Il reprit: 
le chemin de sa patrie en 1266 ou 1267, et fut revêtu, 
par la suite de plusieurs charges dans la République. On» 
suit sa carrière, en détail, jusque vers le temps de la vic= 
toire des Florentins sur les Arétins à Campaldino (rt 
juillet 1289). Il mourut à Florence en 1299 et fut en= 
terré dans l’église de Santa Maria Maggiore. i 4 

Dès le xrv° ne, il passait pour avoir été « le maitre 


. Voir surtout Th. Sundby, Della vita e delle opere di Bru-« 

Le Latini (tr. R. Renier. Firenze, 1884). 4 

2. E. Jordan, Les origines de la domination angevine en Halie 
(Paris, 1909), p. 355. 


| LE LIVRE DU TRÉSOR 329 
Jante », maestro di Dante!. On s’est toujours fondé 
Vaffirmer sur ces vers de la Divine Comédie (Jnf.. 
W, 82 ets.), qui ne sont pas décisifs : 


..In la mente m'’è fitta ed or mi accora 
La cara e buona imagine paterna 
Di voi, quando nel mondo ad ora ad ora 


…  M'insegnavate come l'uom s’eterna.… 
1 


… Dante traite d’ailleurs Brunet Latin tantôt avec un 
: singulier respect, tantôt sans ménagements : châcun sait 
‘il Va pers, avec d’autres grands lettrés (notamment 
ien ? et François Accurse) dans le cercle des sodo- 
mistes. Cette accusation de mauvaises mœurs, que rien 
nfirme ni ne confirme, a fait, dans les temps modernes, 
jouler des torrents d’hypothèses cocasses ; on a été jus- 
qu'à supposer que Dante l'avait émise par patriotisme, 
pour punir Brunet d'avoir préféré la langue française à 
a loscaneen écrivant son « Trésor ». 

. Filippo Villani représente Brunet Latin comme un 
n prime docte et sagace, qui savait rire, quoique sérieux 
réservé de DU et de costume. Fe anni Villani 
a + 4348) dit de lui qu'il fut un grand philosophe, un 
gre and maître de rhétorique, un grand politique : « Fu 
cominciatore e maestro in digrossare i Fiorentini, e farli 
i in bene parlare e in sapere guidare e reggere la 


| 4 4. Voir, sur cette question, V. Imbriani, Studi danteschi 
(Firenze, 1891), p. 370. 

. 2. Il n’y a, soit dit en passant, aucun indice que cette accu- 
sation portée contre Priscien ait le moindre fondement. Mais 
Priscien est le type du pédagogue, c’est-à-dire d’une classe 
d'hommes spécialement bien placée pour commettre le péché en 
question ; c'est sans doute ce qui lui vaut sa fàcheuse situation 
dan l'Enfer dantesque. Car, comme dit Pietro Alighieri dans 
son Commentaire sur le ch. xv de l’Inferno: « Peccatum sodomi- 
4 icum frequentatur magis inter scientificos et doctrinatos juvenes 
quam in ais. » 


330 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


nostra repubblica secondo la  politica » (Cron. , VIN 


10). 


Il a beaucoup écrit. Pendant son exil en France, 1 
rencontra une homme de son pays, riche, honnête et 
sage, qu ‘il ne nomme point, qui partageait ses opinion 
et lui fit beaucoup d'honneur, au point qu’il l'appelle 
son sauveur ; c’est pour cet ami qu il traduisit et com= 
menta en toit la Rhétorique de Cicéron. De cette pé- 
riode de sa vie datent encore le Tesorelto, peut-être le 
Favolello, et enfin son grand livre en français, Li Livres 
dou Tresor, le seul qui nous intéresse. 4 

Brunet avait annoncé, dans son Tesoretto en vers tos* 
cans (c. xiv), l'intention de traiter plu amplement d 
l'encyclopédie des connaissances, à l'usage des gens intellis 
gents, mais, cette fois, en prose française. Il réalisa ce 
projet pendant son exil en France, — en 1266 au plus 
tard, par conséquent — comme il l’indique lui-mémes 
Fr un passage souvent cité : | 


Et se aucuns demandoit por quoi cist livres est escriz en 
romans selonc le langage des François, puisque nos somes Yta= 
liens, je diroie que ce est por .IL. raisons : l’une, car nos somess 
en France ; et l’autré porce que la parleure est plus delitable eb 
plus commune a toutes gens. 


Il dédia cet ouvrage à son ami et protecteur anonyme : s 
« Et parce que li tresors qui ci est ne doit estre donez se 
a home non qui soit soffisans a si haute richesse, le bail- 
lerai je a toi, biax dous amis ; car tu en es bien dignd 
selonc mon jugement se 

Le Trésor eut aussitôt un succès extraordinaire, qui a. 
été durable. On en a beaucoup de beaux manuscrits exé= 


. P. Chabaille, Li Livres dou Tresor, publié pour la PERÈrE 
fois (Pire) 1863), p- à. | 
2c:18,52 4 7 


LE LIVRE DU TRÉSOR 331 


tés à la fn du xiu° siècle. Nous savons qu'il figurait 
“bonne place dans la petite bibliothèque portative du 
i Philippe le Long en 1319. Charles V en posséda, 
turellement, plusieurs exemplaires ; tous les princes 
philes du xrv° et du xv° siècle ont voulu l'avoir. 
lautre part, il fut traduit en toscan, du vivant même 
Brunet, par le florentin Bono Giamboni *. Telle 
ét sa renommée à travers les siècles que Napoléon [°", 
= un quasi-compatriote, il est .vrai — qui, sans 
te, ne l'avait pas lu, crut donner une marque 
esa bienveillance pour les anciens chefs-d’œuvre de 
esprit humain en faisant connaitre son dessein d'en | 
rc er une édition impériale. On lit dans une ciréu- 
ire du ministre de l’Instruction publique (15 mai 1835): 
É Empereur Napoléon avait eu la pensée de faire im- 
rimer aux frais de l'État le Livre du Trésor avec des 
mmentaires, et il avait désigné une commission à cet 
et ; les préoccupations des ri iéete années de son 
ègne ne lui permirent point de donner suite à ce pro- 
D 


| L'éditeur qui fut choisi sous le Second Empire pour 
féaliser le projet du premier Napoléon dans la Collec- 
ion É Documents inédits, P. Chabaille, compulsa une 


que antaine de manuscrits. Il ne pouvait manquer de 


- 1. Voir une pièce de cette année, délivrée par Philippe le 
Long à Henri de Sulli, bouteiller de France, pour le décharger 
de plusieurs livres et joyaux de la couronne : « Item, le Livre 
c ner que mestre Brunet de Florence translata de latin en 
; lequel livre parle des nations de toutes terres... » (Cte . 
5 Sonltrait, Inventaire des titres de Nevers par l'abbé de Marolles 
@ Nevers, 1873), col. 625.) 

» 2. La traduction de Giamboni a été imprimée et réimprimée 
or gtemps avant l'ouvrage original, au xvie et au xixe siècle. 
Woir Th. Sundby, 0. c., p. 76 et s. — On connaît aussi une 
traduction en dialecte bérgamasque. 


BR PNR, ee EU NOIR PU USE 


332 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOY 


constater, après d’autres !, que les exemplaires du 7# 
sor ne 8e ressemblent pas tous : « Brunetto Latini, 


revu et remanié son livre, et l’on peut dire qu'il « en 
fait deux rédactions : l’une écrite pendant son exil e 
France, c’est-à-dire à l’époque où Florence était sousd 
joug de Mainfroi, et l’autre à son retour dans sa pat ï 
; après la mort de ce persécuteur des Guelfes.: Cette der 
nière se reconnaît aisément à l'addition des chapitre 
historiques sur Bérenger et ses fils, sur Frédéric Ie 
Mainfroi. Les attaqués violentes auxquelles l’auteur s 
livre contre les princes allemands et surtout contre Mair 
froi, aussi bien que l’éloge qu’il fait de son compétitewt 
nous portent à croire que ces chapitres ont été écrit 
après la défaite et la mort de ce personnage à la batailll 
de Bénévent, gagnée par Charles d'Anjou en 1266... 
[et même après la bataille de Tagliacozzo, en août 1268 

P. Honns s'en est tenu à cette constatation et à 


qui représentent larédaction primitive ni celle des manü 
scrits à texte remanié. Il n’a pas indiqué avec une préc 
sion suffisante les états successifs de l’ouvrage *. Après qu 
M. P. Meyer eût eu l’occasion de dire ce qu’il en était 
cet intéressant sujet est resté longtemps en jachère. Ma 


. Voir notamment l'Histoire littéraire de la FiMores XX 

P- de 
2. Édition citée, p: XXI. 
3. Il a simplement inséré dans son texte une partie des add 
tions à la rédaction primitive « en distinguant ces chapitre 
par un astérisque placé en tête du sommaire de chacun d'eux : 
Il regrette (p. xxxvi) de n'avoir pas retrouvé un des m: 
utilisés par Legrand d’Aussy; or, c’est le:ms., remarquable pa 
de longues interpolations empruntées à Gilles de Rome, qu'il 1: 
lui-même appelé K (p. xxxn). 4 
4. Romania, XIV, p. 23. Cf. A. d'Ancona, dans Afti della 
Accademia dei Lincei, Memorie.. (Roma, 1888), p: 211. k 


| LE LIVRE DU TRÉSOR 333 


qu'il ait été repris récemment ; en ces derniers 
lusieurs ms. Be du Trésor, PT décrits par 
aille * ou qui lui étaient restés complètement incon- 
ont été étudiés comme il faut, et M. J. Minckwitz 
nce : « La collation des tables d’une cinquantaine de 
scrits du Trésor nous aidera à nous former un 
ent plus précis du contenu de la première rédaction 
uvre de Brunet Latin »*. La question sera donc, 
s doute, élucidée prochainement. 
ll serait très nécessaire aussi de distinguer rigoureuse- - 
1 rent les morceaux qui ont été intérealés, peut-être ou 
s doute par d’autres que par l’auteur, dans l’une ou 
Libre rédaction. Certains exemplaires isolés contiennent 
: longs fragments textuellement empruntés à des écrits 
èbres, tels que l'Image du Monde de Gossuin et l'Infor- 
tation des princes par Gilles de Rome, ou des intrusions 
noins étendues *. 
Enfin P. Chabaille a avancé (p. xxxv) qu'un certain 
uchesne ou Duquesne, émule de ce François Buffereau 
ui essaya, au xvi° siècle, de se faire passer pour l’auteur 
e l'Amage du Monde, falsifia, au xv°, le Trésor, et ne 


13 Les fragments de Berne. Voir M. J. Minckwitz, dans la 
tomania, X XX VII (1909), p. 111. 

+2. O. Capasso, Di un prèsunto originale del Livres dou Tresor 
& Brunelto Lalini, dans le Bollettino della civica Biblioteca di Ber- 
imo, IL (1908), pp. 252-263. 

B9: L.e., p. 116. S 

1 A Édition citée, p. xx-xxt. — Le chapitre, intercalé dans un 
es mss. de la Bibliothèque nationale, sur l'invention de la 
onnaie, d’après F'Pnoge du Monde, a été imprimé par Cha- 
ail lle, en appendice. ° 

“Cet éditeur n’a pas cru devoir « insérer le fragment (72 pa- 
graphes) de l'Information des Princes, à cause de son étendue ». 
| Le texte est aujourd’hui imprimé: S. P. Molenaer, Li Livres du 
Gouvernement des rois, a XIIIb century french version of Egidio 
Colonna ‘s Treatise De regimine principum (New-York, 1899). 


AE 
craignit pas ay mettre son nom, dans la même inten! 
mais il parle ainsi d’ après la segle autorité du b blio 
graphe van Praët, qui n’a rien dif de pareil *. T4 


Le premier ‘éditeur du Trésor a aussi négligé de reche 
cher les sources de cet ouvrage, qui, pourtant, se pré 
sente franchement comme une compilation: € Et sim 
di je pas que cist livres soit estrais de mon povre sens 
ne de ma nue science; mais il est autressi comme. uni 
bresche de miel pre de diverses flors ; car cist hi re 
est compilés seulement de mervilleus diz de autors c 
devant nostre tens ont traitié de philosophie, chascuni 

selonc ce qu'il en ‘savoit partie... »?. M. Chabaiïlle n# 
fait, à cet égard, qu’une remarque, à savoir que @k 
partie d'histoire naturelle » est « empruntée à Aristolé 
et à Pline, mais, plus généralement à nos. anciens Bes 
liaires »*; et il croit en « fournir la preuve » en rappro: 
chant de certains passages du Trésor quelques morceaw 
de l’Elucidari provençal de la ‘Bibliothèque Sainte-Gene 
viève, sans se douter que cet Elucidari n’est qu'une tradui 
tion du: traité de Barthélemy l Angie sur les Proprié 
des choses *. 

On est aujourd’hui bien mieux renseigné sur les liv 
que Brunet Latin a dépouillés pour composer le sien (sai 
les désigner par leur nom). Th. Sundby a établi une Fe te 
provisoire des sources directes et indirectes du Trésor *. Ok 
a prouvé depuis que Brunet avait connu la compilatiot 
d'histoire ancienne, rédigée en français au temps d de 


. Van Praët, Recherches sur Louis de Bruges, seigneur à d 
ne Gruthuyse (Paris, 1831), p. 197; cf. p.232. 
2. Édition citée, p. 8. 
3. Sur ce point R. Reïnsch, Le Besliaire (Leipzig, 18y o), 
pp. 49. 180. 
k Plus haut, p. 123. 
5. O.c., p. 120 ets. 


_sous le tre de Faits des Romains'. Enfin 
études approfondies ont été publiées récemment sur 
ations de parenté intime qui existent entre le texte 
Trésor d une part, celui de Collectanea rerum memora- 
de Solin ? et celui d’un traité anonyme du xur° 
sur les Quatre Éléments® d’autre part, pour ne 
rler que des sources de la première partie. — On sait 
ue le Trésor comporte trois parties : la première est 

> Encyclopédie cosmographique ; la seconde’ est un 
aité de Morale ; la troisième est un traité de Politique. 
| res Rue est de nature à nous intéresser ici. 


1. P. Meyer, L. c.; cf. J. Lœsche, Die Abfassung der « Faits. 
s Romains » (Halle a. S., 1907). | 
La. peine, Hsche Lalino’s Obligations to -Solinus, 
la Romania, XXII (1894), P- 62. — Paget-Toynbee a 
payé de dégager la méthode suivie par Brunet: Le livre de 
a est un Traité de géographie qui contient des renseigne- 
1e ents d'histoire naturelle à propos des diverses contrées ; celui 
& Brunet traite de la géographie et de l’histoire saturells en 
eu chapitres, sous deux rubriques distinctes. Le critique pense 
w Roi a dù dépouiller [ou faire dépouiller par des secré- 
ires, comme nous savons par son propre témoignage que pro 
éd Vincent de Beauvais] les Collectanea (sur fiches ?) pour y 
cueillir les notions d’hisloire naturelle qu’il se proposait de 
rouper ultérieurement à part (L. c., p. 6g, n. 2). Il ne se pose 
as la question de savoir si ce ect Brunet l’a exécuté ou 
ait exécuter lui-même, ou bien s'il n'a pas utilisé les dépouil- 
ments d’un plus ancien adaptateur de Solin. 

F3. Le P. Timoteo Bertelli, Studi storici intorno alla bussola 
cutica (Roma, 1893. Extr. des Memorie della pontificia Accade- 
Mia dei nuovi Lincei. Cf. Bibliothèque de l'École des Chartes, 
1893, p. 406. — Le P. T. Bertelli conclut que Brunet a tra- 
luit, dans ses paragraphes c-cxxv (p. 103-172 de l'édition 
Chabai le), un opuscule analogue à celui qu'offre le ms. lat. 
5556 de la Bibliothèque nationale, lequel serait lui-même tra- 
uit d’unoriginal français, qui ne se retrouve pas. — Le pro- 
‘ e des rapports entre tous ces textes ne me paraît pas résolu. 


Au même en ce qui ne concerne aie 4 
partie. Mais nous savons qu’on y travaille en 
temps qu’à la constitution définitive du texte. 
Aussi bien, on en sait assez, dès à présent, pou 
en droit d'affirmer que Brunet Latin fut un des com 
lateurs les plus intelligents sans doute!, maïs aussi 
moins consciencieux de son temps. Son livre est bo 
d'erreurs et de non-sens qu'il a paisiblement ajou 
ses sources, par mégarde?. Comme beaucoup d’ouvr. 
de vulgarisation, au moyen âge et depuis, que lep 
nérant. cofia et d’ailleurs sans moyens de-chntré 
a tenu ou tient pour des miroirs fidèles, le sien ne dor 
qu'imparfaitement l'idée de ce qu'était, en vérité 


1. Th. Sundby(0. c., p. 119) a exprimé l'opinion que Br 
avait mis une discrétion louable à ne pas trop encombrer 
livre de fables traditionnelles ; il en donne comme preuve 

. Brunet ne parle pas des « bernaches », ces oiseaux qui nai 
sur les arbres, On note en effet, çà et là, quelques réserves 
protestations du sens commun contre les absurdités cours ni 
mais il paraît bien que, la plupart du temps, si l’auteur du 
n’a pas mentionné plus de fables, c’est simplement qu'il ab 

2. Nombreux exemples dans le Mémoire précité de P 
Toynbee. — Pour avoir lu trop vite le texte qu’il avait sous: 
yeux, Brunet place Athènes en Macédoine, le mont Athos d 
‘île de Lemnos et Taprobane (Ceylan) dans la Mer Rouge. 
lu trop vite la phrase de Solin : « Inter hos et Indiam gnari 
ciconas locaverunt... », puisqu'il traduit : « Entre cele terre 
Inde siet le païs de Symicoine entre deus ». Il a lu trop vite 
phrase d'Isidore : « [Serpentes] hyeme in nodos torquentur. 
puisqu'il traduit : « Tout hiverse gisent en lor niz. » — Il trad 
mal. Solin dit, d’après Pline, à propos des cornes recourbées 
bœufs d’Asie : « Cornua in se flexa, ut non sint utilia pugnæ.. 
Cornua ita multiplici flexu in se recurrentia ut si quis in 
-offendit, non vulneretur ». Brunet écrit : « Lor cornes 
si grans et si votices entor lor testes que nus ne les puet 
se sor les cornes non. » 


à la vie et très affairé, n’était pas dans les meil- 
eures conditions pour s’astreindre à compiler avec soin, 
uL qu'il conçut clairement, ce qui est douteux, la 
valeur de l'exactitude en ces matières. 


_ Ce Re est appelé Trésor; et à bon droit, car il 
est « compilez de sapience, si come cil qui est estrais 
> tous les membres de philosophie en une somme 
bi Li ». 

pi première partie traite du « commencement dou 
cle et de l'ancienneté des vielles estoires… et de 
1 nature de toutes choses en somme ». Là sont les 
jotions qui sont comme la monnaie courante pour 
| du reste‘. 

- L'auteur n’a pas tiré son ouvrage de son pauvre 
fonds : c’est « une bresche de miel cueillie de diverses 
flo s »; il est compilé de « merveilleus diz des au- 
tors qui, devant nostre tens, ont traitié de philoso- 
phie ». Philosophie ! « racine d'ou croissent toutes les 
sciences que home puet savoir ». 


… 1. Cf. l’explicit du livre Ier (p. 254): « Si comme les gens 
ne porroient pas achever lor besoignes ne lor marcheandises 
sanz monoie, tout autressi ne porroient il savoir la certaineté 
des humaines choses, se il ne seussent ce que ceste premiere 
artie devise. » 


22 


338 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


L'objet de la philosophie est triple: étude 
choses divines, des choses de la nature, des 
humaines. Tel fut le programme que l’on se pro: 
tout de suite, « quant les gens qui soloient vi 
loi de bestes cognurent premierement la dignitéx 
la raison que Diex lor avoit donée, et il vorrent* à 
voir. ». f 

D'abdea: les choses du à et de la terre, dont k 
unes sont is He et les autres non. La Théol 
nous montre « la nature des choses qui n’ont pol 
de cors » et qui sont au-dessus du monde matéri 
La Physique traite de « la nature des choses qui on 
cors », c’est-à-dire des hommes et des bêtes, des. 
seaux, des poissons, des plantes et des pierres. 
Mathématique (arithmétique, musique, géométri 
astronomie) s'occupe des incorporels qui app 
tiennent au monde physique. En particulier la 
métrie est la science « par laquele les .VII. S 
s’efforcierent de trouver la grandeur du ciel et d 
terre, et la hautesce entre l’un et l’autre ». L’as 

-nomie, elle, nous enseigne « trestout l’ordene 
dou ciel et dou firmament et des estoiles, et le € 
des .VIL. planetes parmi les .XII. signes, et con 
ment se mue li tens a chaut ou a froidure, ou af 
ou a sec ou a vent.. 


*voulurent, 


: ee LIVRE es | 339 
3 Dieu a créé le monde: 1° en le pensant de toute 
ernité; 2°en tirant du néant la « grosse matiere » 
he: ou yle, dont il le forgea par la suite ; 3° en 
m ttant en œuvre cette matière. Pour la troisième 
opération, il aurait pu faire très vite; mais la Bible 
nous raconte qu'il y consacra six jours. Après quoi, 
il établit les lois qui gouvernent le cours des choses : 
« comment eles doivent naistre et commencier et 
morir et finer ; et la force et la proprieté de chascune ». 
Chaque chose est soumise à sa nature; pourtant 
« Celui qui fist tout » peut déroger aux lois qu'il a 
éc ictées ; c’est là ce que l’on appelle miracles. Le 
fait miraculeux (comme, par exemple, la conception, 
“sans connaissance charnelle, de Notre Seigneur) n’est 
F oint, du reste, incompatible avec la permanence de 
a volonté divine ; car les miracles qui ont lieu ont 
été voulus de tout temps par la Divinité. De même, 
k avant le commencement du monde, la création tout 
entière était dans « l’éternel conseil » de Dieu. 

Dieu a fait tout bien ; il n’y a donc point de chose 
« mauvaise par nature ». Les choses ne deviennent 
“mauvaises que si nous en usons mal. Le mal fut 
3 trouvé » par le diable, non pas créé. Il est des 
gens qui demandent: « Porquoi Diex laissa naistre 
FA mal? » Réponse: « Por ce que la biauté de la 
“bone nature fust conneue par son contraire ». Il y 
en a qui disent : « Le fer est mauvais, puisqu'il tue; 
le feu, puisqu'il brûle ». Mais non: ces choses ne 
sont devenues nuisibles que par le pee du premier 
homme; auparavant, elles étaient à son service. 


“ 


340 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU 


C'est comme la clarté, « qui est bone par 
mais ele est mauvaise as oils malades ; et ce avie 
par vice des oïls, non pas de la clarté ». 

Après avoir alé des anges, l’auteur en vient À 
l’homme. « Toutes choses dou ciel en aval sont faites 
por l’ome ; mais li hom est faiz por lui meisme » 
Et que l'homme soit de plus haute dignité qu 
toutes les autres créatures, cela résulte bien de cette 
circonstance que, selon la Bible, Dieu la fait, tandis 
qu'il a simplement ordonné que tout le reste du 
monde fût fait. 4 

L'âme est « la vie » de l’homme. Ceux qui croien 
qu’elle est corporelle sont dans l’érreur, car elle-a ét 
faite, sous ce rapport, à l’image de Dieu. Elle a d’ail- 
leurs un commencement de quant ele est mise de- 
danz le cors »); mais elle n’aura pas de fin. 

C’est la raison qui nous distingue des animaux! 
Or, on la définit: « uns movemens de l’ame qui.. 1 
eslist le voir dou faus », c’est-à-dire la faculté: 
propre à l’âme, de distinguer le vrai du faux. 4 

L'âme a son siège dans la tête. C’est pourquoi les 
sages disent que le cerveau, cette « maïstre for e- 
resse » de l'âme, se partage en trois régions: elle 
du devant pour apprendre, celle du milieu QQRE con- 
naître, celle du fond pour se souvenir. 

Après la chute du premier homme, l'humanité 
étant désormais encline au mal, il fallut inventer des 


Éd 


1. Cf. plus loin : « En touz autres animaus est une pensée 
par le sens dou cors, non mie par entendement de raison. » 


où pour le salut de la race. — Distinguons les lois 
vu maines et la loi divine. Les premiers législateurs 
ont été Moïse chez les Hébreux, le roi Foronée chez 
es Grecs, Mercure chez les Égyptiens. Solon « a cels 
d'Athenes », Lycurgue « as Troyens », Numa Pom- 
pilius à Rome. Dix sages hommes traduisirent du 
livre de Solon la loi des douze tables ; mais ce docu- 
ment vieillit, d'autant qu'il n’était pas « en cors ». 
Enfin parut Justinien qui fit le code complet, « si 
co mme il est encore ». — La loi divine est contenue 
dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Certaines 
gens « blasment » l'Ancien Testament parce qu’il 
est çà et là en contradiction avec le Nouveau (notam- 
ment au sujet de la préférence accordée au mariage 
ou à la virginité, ou quand l’un dit Œil pour œil et 
Vautre Tendez la joue); ces gens-là ne considèrent 
pas que Dieu, « par sa grand norveance, bailla a 
lun tens et a l’autre ce que convenable fu ». 
Légiférer ne suffit point; la nécessité de faire res- 
pecter les lois conduisit à établir des lois et des sei- 
gneurs de toutes sortes. L 
Il y a eu autrefois deux grands empires qui ont 
surpassé les autres, celui des Assyriens, puis celui 
“des Romains ; le premier en Orient, le second en 
Occident, quoique chacun d’eux ait tenu, en son 
temps, « la monarchie de tout le monde ». Mais pro- 
cédons par ordre." 

» L'histoire du monde se divise en six àges : d'Adam 
3 Noë, de Noë à Abraham, d'Abraham à David, de 
4 David à Nabuckfodonosor, de la prise de Jérusalem 


3/2 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AG 
1 


par Nabuchodonosor à la naissance de Jésus-Christ, 
et depuis cet événement jusqu’à la fin du monde. 

Suit un résumé de l’histoire biblique jusqu 
commencement du troisième âge (naissance d’Abr: 
ham). Mais le cours du récit est interrompu ici pour 
faire place à une digression sur les empires Prose 
depuis Ninus: « Comment furent li premier toi à 
en quel lieu et en quele terre » ($ xxvi-xxxix). Un dé! 
sordre extraordinaire règrie dans cet exposé, où lon 
constate pourtant que l’auteur a voulu parler succes 
sivement des « rois » d'Égypte, de Grèce, de Troiel 
d'Italie, de Rome, d'Angleterre et de France. Voici, 
à litre d'exemple, le passage qui concerne l’histoire 
romaine, de Romulus à Jules César : 


4 


Et quant Romulus fu mors, Numa Pompilio, qui ne fu pas 
ses filz, tint le regne, et puis Tullus Ostilius, et puis en fu rois. 
Ancus Marcus, et puis Tarquinus Priscus, et puis li rois Servius, 
et puis regna Tarquinus li Orguilleus, le cui fil, par son orgueil,. 
fist honte et outrage a une noble dame de horse de haute lignie, 4 
por gesir a li charnelment. Cele dame avoit non Lucrece, une. 
des meillors dou monde et la plus chaste. Por ceste achoïsom 
fu cist Tarquinus chaciez de son regne; et fu establi par less 
Romains que jamais n’i. eust roi, mais fust la cité governée ets 
touz li regnes par les senators et par les consules, et patrices et, 
tribuns et dicteors, et par autres officiaus, selonc ce que les. 
choses seroient granz, et dedanz la vile et dshbre, Et cele M 
gnorie dura .ccec. Ixv. anz, jusqu'a tant que Catelina fist « 
Rome la conjuration encontre cels qui governoient Rome, pot ï 
le muement des dignitez; mais cele conjuration fu descoverte 
au tens que li tres sages Marcus Tullius Cicero, li miex parlans” 
hom dou monde et maistres de reclorique, fut consules de 
Rome, qui par son grant sens vainqui les conjurés, et en print. 
et fist Figure une grant partie par le conseil dou bon Caton,. 
qui les juja a mort, ja soit ce que Julius Cesar ne conseilla pass 


4 


LE LIVRE pu TRÉSOR be 


o En Mais, a la verité dire, il n’ama onques les senators 
à les autres officiaus de Rome, ne cil lui; car il estoit estraiz 
Le lignie le fil Enée, et après ce estoit il de si haut corage 
> il ne baoït fors qu'a la seignorie avoir dou tout, selonc ce 
e si ancestre avoient eu. 

- L'auteur ayant empiété ainsi, dans sa digression, 

Sur l’histoire des âges qui ont suivi la naissance 
“d'Abraham, jusqu’au sixième dont la naissance de 
“Jésus-Christ marque le point de départ, ne trouve 
“presque plus rien à en dire. Arrivé au sixième âge, 
“où finit le règne de la Vieille Loi et où celui de la 
Nouvelle commence, il croit devoir jeter, en re- 
nche, un regard rétrospectif sur « les maistres » 
de cette vieille loi, qui subsiste sur tous les points où 
‘elle n’a pas été « remuée ». par la nouvelle. C’est là 
qu'il place, en conséquence, la biographie abrégée. 
“de David, de Salomon, d’Élie, d'Élisée, d’Isaïe et. 
“des autres prophètes et personnages de la Bible, 
jusqu'aux Macchabées. Pour plus de détails, voyez, 
dit-il, « la grant Bible ». Ce grand ouvrage a été, 

en majeure partie, « mis en écrit » par Esdras, au 
retour de la Captivité de Babylone (l'Ecclésiastique 
l'a été par Jésus; fils de Sirach, que les Latins « ont 
en reverence porce que il fu semblables a Salemon »}; 
| quant aux livres de Judith, de Tobie et des Maccha- 
 bées, ils sont anonymes. 

Passons maintenant à la loi nouvelle. Et d'abord, 
…… la généalogie de Jésus-Christ, d’après saint Mathieu. 
Mais une difficulté se présente à ce propos: pourquoi. 


= 
nt 


3/4 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AG 


l'Écriture rapporte-t-elle l'arbre généalogique de 
Joseph, puisque Joseph « ne fut pas pere de Jesus, 
quoiqu'il fut le baron » (l’époux) de Marie? EM 
semble « que ele devroit conter la parenté Marie, quin 


fu sa mere, mais non mie celle de Joseph, qui neants 
ne li fu ». Mais voici l'explication: « En la vielle loi li 
Hebreu ne se marioient si a cels non de lor parenté; 
et encore le font li Juif qui sont a nostre tens ». La 
généalogie de Joseph, c'est donc; aussi, celle des 
Marie. On sait toutefois quelque chose sur la famille” 
de Marie « de par sa mere », et l’auteur le raconte,w 
pour que chacun soit re des « parents » et des, 
« cousins » de Jésus-Christ. 

Les biographies des apôtres et des évangélisteli} 
sont ensuite placées en pendant de celles des pro 
phètes, « maistres » ou « pères » de l’Ancien Testa- 
ment. Voici celle de saint Paul ($ xx) : 4 


Pols vaut autant a dire comme Merveilleus, qui premiereménhl L 
avoit a non Saules.. + Quant Diex l'apelas il chei a terre et, 
perdi la veue des oi mais il vit la verité Dieu; et se dreça et 
recovra sa veue, Et ainsi comme il estoit pérsestiiéhes de l'Eglise | 
devint il puis vaissiaus de election. Il fu k plus noviaus des” 
apostres, mais en preeschier fu il premiers et soverains; et fun 
nez en Judée, dou lignage Benjamin, et fu baptisiez le secont 
an après l’ascension Jhesu Crist. Il preescha en Jherusalem” 
Jusques en Espaigne, et par toute Ytaille, et a mains descovri | 
il le nom de Dieu, car nus ne le savoit. D: 

Et ses merveilles furent teles que il fu portez jusque | au tierce 
ciel. Il resuscita .i. enfant mort. Il fist avuigler un mague, car 
il avoit le maligne esperit dou deable. Il sana un clopin. Il new 
redouta le mors de la vipre, ains l’ardi en feu; il sana par ses 
orisons le pere Publii des fievres que il avoit. Il soffri por Dieu 
fain et soif par maintes fois, et demora ou parfont de la mer 


345 


jor et une nuit. Il soffri la raige des bestes sauvages, et 
intes ferues et tormenz de chartres. Li Juif le trainerent et 
iderent a mort. Il fu enchaenez en une prison, dont il fu 
liez par un terremeut. En la fin le fist l'empereres Nerons 


coler le jor que sainz Pierres fu crucefiez. 


LE LIVRE DU TRÉSOR 


à La vie de Jésus est résumée ($ Lxxxvi) en aussi 
peu de mots. 

- Il y avait eu 35 empereurs depuis Jules César et 
33 papes depuis Jésus-Christ quand prirent fin, par 
Ja conversion de Constantin, le catéchumène du pape 
» Silvestre, les persécutions contre les chrétiens. Alors - 
- commencèrent les erreurs des hérétiques, jusqu’au 
temps de Justinien. Ces erreurs, Justinien, homme 
- « de molt grant sens », les avait d’abord partagées ; 
| mais il les abjura par le conseil du pape Agapit, et 


la créance des hérétiques fut désormais condamnée, 


- « selonc ce que on puet veoir sus les livres des lois 


3 -que il fist ». 


- Sainte Église crut et prospéra de jour en jour, par 
. la force et la seigneurie qu’elle avait acquises au 


» temps du pape Sylvestre. Cependant les successeurs 
» de Constantin, établis à Constantinople, auraient bien 
» voulu reprendre ce que ce grand empereur avait 
. donné au Saint-Siège ; mais Dieu ne le souffrit pas. 


_ Le pape Étienne, menacé par les Byzantins et les 


1 Lombards, s’en alla en France vers le bon roi Pépin, 
- dont il consacra la race. Charlemagne, fils de Pépin, 


 soumit toute l'Italie « a soi et a Sainte Eglise » et fut 


F4 


couronné empereur à Rome, en triomphe. C'est 


+ 4 ainsi que « vint la dignité de l’Empire as François, 


n’orent mais la seignorie que il avoient eu devant ». 
L'Empire revint pourlant des Français aux Lom-" 
bards lorsque Charles le Chauve de France l’aban-« 
donna à Louis le jeune, fils de sa nièce, la reine de” 
Pouille. Mais la postérité de ce Louis finit mal. Alors. 
les prudhommes de Sainte Église et du commun de 
Rome et du pays environ mandèrent à Oton, quiM 
était roi d'Allemagne, qu'il vint les aider contre ces« 
diables, Bérenger, son fils Aubert ét le pape Jean, 
fils d’Aubert. Oton fut couronné à Rome en, 955 ; ei 
ce fut le premier empereur « né d’Alemaigne »% 
Comme l'envie engendrait des haïnes mortelles entre 
les princes lombards, ce fut au « prince d’ Alemaigne » » À 
de « maintenir » dés « la chose commune ». 
L'histoire des empereurs allemands, jusqu’à Br - 
déric IL inclusivement, et pendant l’Interrègne, es est! 
traitée, du $ xcurauS xarx, avec une certaine rs # 
Mais c’est une addition’. La rédaction originale du : 
Trésor était très brève là-dessus comme sur le reste. 
L'histoire universelle expédiée de la sorte, «orem 
de ce se taist li maistres et retorné a sa matiere ». 


PR TES 
D) 


Il s’agit ici de « la nature des choses ». Elle est : 
« establie par .1111. complexions » : chaud, froid, « 
sec, humide. Les quatre éléments participent de ces 


1. Voir plus haut, p. 332. 


LE LIVRE DU TRÉSOR 


complexions : le feu chaud et sec, l’eau froide et 
“humide, la terre froide ét sèche, l'air chaud et humide. 
De même, le corps des animaux et des bêtes ; il se 
Dre de quatre humeurs ; cole, chaude et sèche; 
legme, froïd et humide ; sang, chaud et humide ; mé- 
F noie froide et sèche. De même, encore, l’année, 
* avec ses quatre divisions: printemps, chaud et hu- 
- mide; été, chaud et sec; automne, froid et sec; hiver, 
#* et humide. 
Il est facile de comprendre que l'office de nature 
est d’ « acorder » ces choses « discordantes » de sorte 
4 que « totes diversités retornent en unité ». Mais, 
F comme il y a diverses manières de forger (on ne s’y 
- prend pas de même pour forger une épée, un 
. heaume, un clou, une aiguille), la nature emploie à 
ses fins des procédés divers: elle a des manières par- 
l ticulières d’ouvrer pour les étoiles, les planètes, les 
hommes et les autres animaux. 
. La matière primitive (yle, d’où éléments) était 
+ sans forme et sans figure. C’est à la distinguer 
- que Dieu a employé les six jours de la Création. 
Remarquez qu'il y a deux éléments légers (air, feu) 
et deux lourds (terre, eau); et chacun d'eux a des 
- extrémités et un milieu ; l'extrémité supérieure d’une 
- flamme, par exemple, est plus légère que celle qui 
- est au milieu et surtout que celle qui est en bas. Or, 
| ‘il'en est de même des quatre complexions, qui com- 
. portent des gradations. Cela posé, éléments et com- 
brins se mêlent en proportions diverses dans 
toutes les créatures (à l'exception des étoiles, qui sont 


348 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 
également de la nature du feu). Pourquoi l'oiseau 
vole-t-il dans l’air? Parce que ce sont les parties les 
plus subtiles des éléments dont les animaux sont 
composés qui ont été employées à sa fabrique. Et. 
pourquoi l’aigle vole-t-il mieux que le canard ? Parce 1 
que la proportion des dites parties subtiles est moins M 
grande chez le canard. 1 

Dans toutes les créatures éléments et complexions } 
se mêlent en proportions diverses, luttent et se do- ! 
minent. Cela explique que, parmi les choses, les 
unes soient bonnes à manger et les autres non, les unes 
vertes, les autres rouges, blanches ou noires, « selonc la « 
chalor des elemens ou des humeurs » qui l’emportent. « 
Les qualités dominantes en viennent à masquer le reste: 
ainsi, d’un homme en qui le flegme domine, on dit 
qu'il est « fleumatique »; c’est la condition des" 
vieillards. Comme l'humeur flegmatique est froide 
et humide, ceux qui en sont afiligés sont lents ‘et pe- « 
sants, frileux et endormis, sans mémoire ; ces symp- M 
tômes augmentent naturellement en hiver, qui est 
de semblable complexion (froide et humide). Que 
les flegmatiques usent donc, en hiver, de choses 
chaudes et sèches. Des RTE analogues dic- : 
teront l'hygiène du sanguin, du colérique et du mé- 
lancolique. ‘FOR 

Il y a enfin quatre vertus qui soutiennent les ani- 
maux en vie: l’appétitive, la rétentive, la digestive 
et l’expulsive. Elles correspondent aux quatre élé-« 
ments: c’est ainsi que le feu, parce qu’il est chaud et 
sec, donne envie de manger et de boire (appétitive) M 


LE LIVRE pu. TRÉSOR 


ds l'en , parce qu'elle est froide et humide, « chace 
er la viande quant ele est cuite » (expulsive). La 
“présence de ces quatre éléments est nécessaire à 
l'équilibre vital. 

… Le grand philosophe Aristote dit d’ailleurs qu'il y 
à un cinquième élément : c’est «uns ciels reons qui 
- environne et enclost dedanz soi touz les autres ele- 
» menz », comme l’écaille d’un œuf. Admirable pré- 
* voyance de la nature, d’avoir fait rond ce ciel, et par 
- conséquent, le monde qu’il enserre! Regardez les 
» tonneaux et les cuves des charpentiers, les voûtes des- 
maisons et des ponts ; la forme ronde est la meilleure. 
Le monde est comme un œuf, où les diverses ma- 
- iières sont déposées concentriquement par ordre de 
… pesanteur: au centre, la terre: autour de la terre, 
- l’eau ; autour de l’eau, l’air; autour de l’air, le feu ; 
- et puis le cinquième élément (la coquille). Au centre 
» de la terre, la pesanteur augmente ; c’est là qu’est 
 l'abime, où « enfers est assis ». Aussi bien, la roton- 
- dité de la terre, nécessaire pour bien des raisons, est 
… facile à démontrer : s’il ne rencontrait pas d'obstacles, 
- un homme qui marcherait toujours devant lui re- 
» viendrait nécessairement à son point de départ‘. 


1. C’est ce passage du Trésor qui a inspiré à G. Pouchet. 
» (Histoire des sciences naturelles au moyen âge. Paris, 1853, 
, p- 489) la phrase suivante: « Le livre de Brunetto renferme le 
À germe d’une grande idée ; au xzrre siècle il soutient que la terre- 
_ est ronde et il apporte des preuves palpables à l’appui d’une hy- 
1 | pothèse que l’on fut bien des années à admettre... » — Est-il : 
… besoin de rappeler que tous les encyclopédistes du xre et du 
 xrme siècle ont dit, sur ce point, la même chose que Brunet ? 


-350 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU Mc 


L'eau, qui entoure la terre, s’appelle mer Océane 
c’est d’elle que toutes les autres mers, fleuves et fon- 
taines naissent premièrement, pour y retourner à la” 
fin. La terre est toute creusée de veines et de ca= 
vernes où l’eau qui vient de la mer circule comme le 
sang dans le corps de l’homme. Elle change de sa=« 
veur et de couleur selon la nature de la terre où elle 
court, les veines de soufre, d’or et d’autres métaux 
qu’elle rencontre. Elle devient nuisible en traversant 
des « cavernes pourries ». La rapidité de ces eaux 
souterraines détermine parfois des courants d'air 
violents qui échauffent le soufre (de là, les sources 
chaudes) et provoquent des Hem de terre. 
L'air, qui entoure la terre et l’eau, est épais ; il. 
soutient des oiseaux « par sa espesselé ». Là naissent» 
les nues, les pluies, les éclairs et le tonnerre. VoiciM 
comment. Le soleil échauffe et sèche les choses de la 
terre comme un drap mouillé; les vapeurs qui 
s’élèvent ainsi s’amassent et cachent le soleil ; elles 
se résolvent ensuite en pluie et le soleil, qui iepatet L 
« fait de son resplendissement .r. arc de .1111. co= 
lors diverses ». Les couches supérieures de l’atmo=« 
sphère sont d’ailleurs plus froides que celles d’en bas, 
et cela s'explique: l'air d'en bas est plus épais ; ilM 
est plus remué par les vents, et « toutes choses qui 
demorent coies sont froides que celes qui 2 


- celles qui enflamment les nuages, et c’est la foudre. 
L'’éclair se voit avant que le tonnerre s’entende 
- parce que « li veoirs est plus prest que l'oir ». 
_ Quatre vents; chacun a sa nature et son office, 
- comme les mariniers le savent. Les vents du levant 
» et du couchant ne sont pas de grand péril, mais il 
en est autrement de ceux qui viennent de la tramon- 
» fjaneet du midi. Ces quatre vents principaux en ont 
> chacun, comme satellites, deux autres, secondaires 
Es intermédiaires. Mais leurs noms changent suivant 
» la diversité des langages, et leur nature selon les 
| divers pays’. 
1 Après la région de l’air s’étend un orbe de feu, 
jusqu’à la lune. Au delà, l’orbe pur, clair et net, où 
sont les sept planètes. Au delà, le firmament, qui 
 tournoie perpétuellement d'Orient en Occident. Au 
delà, un ciel de cristal. Au delà, celui d’où furent 
… précipités les mauvais anges. Au delà, le ciel de 
… pourpre, ou impérial, séjour de la divinité avec tous 
. ses secrets, dont il ne sera pas question ici, car l’au- 
_ teur laisse prudemment ce qui concerne Dieu « as 
 maistres de divinité et as seignors de Sainte Église, 
» a cui il apartient ». : 


‘ 


x: Cf. une notice sur les Vents, en provençal, puisée aux 
‘mêmes sources (c’est-à-dire d'aprés Isidore), qui se trouve à 
l'état d’interpolation dans un ms. de l'Image du Monde (publiée 

. par P. Meÿer dans le Bulletin de la Société des Anciens textes 
4 français, XXXV (1909), p. 55). 


l4 


triques ; et c’est pour cela que les planètes se meu 
avec des vitesses inégales ; celle dont le cercle 
le plus petit va le plus vite. Toutes, du reste, 
l'air d’aller lentement, car elles tournent autour 
la terre en sens inverse du firmament, dont la cou 
est très roide: « Leur aleure est semblablé au for 
quant il va a l'encontre d’une grant roe torneant » 

Les anciens géomètres ont su calculer la grande 
de la terre et du ciel, en partant de ce principe 
« Li cercles est environ .vr. foiz tant comme li com 
pas a de large, ce est a dire queil gire .111. foiz tant» 
comme il a d’espès ». Sachant combien la terre 
« gire » (20427 lieues* lombardes), ils en ont dés. 
duit son épaisseur, et ensuite l'élévation relative et 
grandeur des cercles planétaires. — La distance de las 
terre au firmament est 10066 fois l'épaisseur de la 
terre : il est donc tout simple que les étoiles nous . 
paraissent petites (elles sont si loin) quoiqu'il n’y en 
ait pas une qui ne soit plus grosse que la terre. É. 

Il y a, d’après l’Almageste, mille vingt-deux étoil 
et douze « Signes » (Aries, Taurus, Gemini, Cancer, 
Leo, Virgo...). Ges signes forment au firmament un 
cercle de 360 degrés, qui s'appelle Zodiaque, où cir- 


*« Ja soit ce que li Ytalien ne dient pas liués, mais milles, po | 
ce que en un mille de terre a mil pas... ; mais la liue ta 1 
çoise est bien .11. ou .11. tans greignour que le mille # 
n’est. » 


= 


douze signes en un an et treize jours; mais il ne re- 
vient à son point de départ au zodiaque que trente 
"ans après... Le Soleil, lui, va par les douze signes en 
un an et six heures; son cours parfait est de vingt- 
“huit ans. Le premier jour du monde, il entra au 
“premier signe (Aries), et c’était « le xm!° jour a l'issue 
dou mois de mars » ; 1l fait encore ainsi. 

Le soleil tourne autour de la terre d’orient en oc- 
“cident en un jour. À chaque instant il est donc à la 
“fois jour et nuit; s’il fait jour ici, il fait nuit aux 
-antipodes, et réciproquement. — Les saisons sont 
_ déterminées par sa course dans le zodiaque, que 
: l’auteur décrit mois par mois. 

. Les régions de la terre, au midi, qui sont le plus 
. proches du soleil sont désertes, à cause de la chaleur 
kqu'il y fait; de même, celles, au nord, qui en sont 
-le plus éloignées, à cause du froid. Au nord, nuit 
- presque perpétuelle ; au midi, jour sans fin, ou peu 
- s’en faut. L’ « aleure » du soleil « par son cercle » 
rend compte à merveille de tout cela. 

- Le Soleil est 170* fois plus grand que la terre; il est 
4 | séparé d’elle par une distance égale à 585 fois le dia- 
. mètre terrestre. - 

La Lune est ronde ; elle n’a pas de lumière propre. 
L Ses phases s nblauint ainsi: la lune parcourt 
. chaque j jour treize degrés du zodiaque (c’est-à-dire un 


D+ C’est certainement à tort que P. Chabaille, a rejeté parmi les 
» variantes cette leçon, qui est la bonne. Cf. p. 110. 


23 


signe de trente degrés en deux jours et un tiers, 
peu s’en faut); lorsqu'elle arrive dans un signe où le 
soleil se trouve, il l’éclaire d’en haut, et nous ne là 
voyons pas; mais, trois jours après, quand élle so! a 
de ce signe, le soleil l’éclaire de côté, et nous aper- 
cevons un croissant; plus elle s'éloigne, plus elle” 
augmente à nos yeux; quatorze jours après, elle est” 
toute ronde, faisant cxapte mont face au soleil ; mais | 
continuant sa course à travers le zodiaque, elle re 
tourne vers le soleil, décroît à mesure et disparaît enfin. 
lorsqu'elle est revenue au Signe où il est placé. 
Que la lune emprunte sa clarté du soleil, comme 
une épée brunie qu’on éclaire, et qu’elle soit plus. 
petite que le soleil et la terre, c’est ce que prouvent 
les éclipses. Éclipses de soleil, qui ne se peuvent. 
produire qu’à la nouvelle lune (lorsque la lune et le 
soleil se trouvent dans le même signe); éclipses de lune, « 
qui n’ont lieu qu’à la pleine lune (quand la lune est 
dans le signe à l’opposite de celui où le soleil est). 
La lune nous paraît plus grande que les autres M 
astres parce qu’elle est plus près. Et, pour ce même « 
motif, elle a plus d’action ici-bas. Lorsqu’elle croit, 1 
la mer s’enfle, les poissons dans la mer croissent et« 
jusqu’à la moëlle dans les os; tout s’affaisse et dimi-M 
nue en même temps qu'elle. À 
La lune parcourt en 27 jours, 18 heures et une 
fraction les douze signes que le soleil ne traverse 
qu’en un an de 365 jours. De là, l’année solaire et 
l’année lunaire (qui se compose de douze révolu- 
tions zodiacales de la lune). Suivent des notions som- 


maires de « ot » ou chronologie ; définition et 
explication du Cycle de dix-neuf ans, de l’'Embo- 
Be, des Épactes, du « Saut de la lune » (Saltus 
. lune), des Concurrents ; fixation des fêtes mobiles. 

- L'auteur enseigne ensuite à quelle heure du jour et 
à de la nuit chaque signe se lève, et quel est « li sires 
. de chascune hore »: la première heure de chaque 
» jour « est sous » la planète dont le jour a pris son 
- nom. Il est enfin question des deux essieux sur les- 

À quels pivote le firmament ; les étoiles qui sont là, les 

tramontanes, ne bougent pas, et l’aimant s’oriente 
* dans leur direction ; c’est à ces étoiles que « nagent » 
- les mariniers. « Les gens qui sont en Europe etes par- 
- ties de deça nagent a la tramontane de septentrion ». 
Tout ici-bas est déterminé par le cours des pla- 
. nètes à travers les douze signes; et, si le firmament 
- s’arrêtait de tourner un seul instant, tout serait ané- 
* anti. Aimons donc et redoutons Notre Seigneur, par 
- qui cette catastrophe est empèchée. 

Aristote dit que « Nature est cela par qui totes 
* choses se muevent ou reposent par eles meismes » ; 
et que ses œuvres sont en six manières : génération, 
| corraption, accroissement, diminution, altération, 
. mouvement d’un lieu en autre. Excellentes définitions, 

» qui suffisent à « bon entendeor » pour distinguer, au 

50 coup d'œil, ce qui est naturel de ce qui ne 
FF est pas: 


* 
x * 


1 
4 


Onva parler maintenant de la nature des choses qui 


356 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOY 
sont sur la terre; et d’abord des «parties » et des « habi- 
tacions » de la terre. Ici commence la Mappemonde. 

La terre, entourée de toutes parts par la mer, est … 
divisée en trois parties : Asie, Afrique et Europe ; « 
mais l’Asie, à elle seule, en fait bien la moitié, depuis 4 
l'embouchure du Nil à Alexandrie jusqu’à la mer 
Océane et au Paradis terrestre. La Méditerranée est M 
ce bras de la mer Océane qui s’interpose entre les. 
deux continents occidentaux : Europe (au Nord), 
Afrique (au Sud). 

Asre. L'Égypte est une terre méridionale qu’arrose « 
le Nil, issu du Tigre, lequel, issu lui-même d’un 
grand lac, sépare l'Afrique de l'Asie. Quand il y a eu 
en Mauritanie de grandes fontes de neige, en juin, 
le Nil commence à monter; en août il sort de 
son lit, pour y rentrer à l'équinoxe de septembre. M 
L'inondation oscille entre 13 et 18 pieds d’eau ; la 
hauteur optima est de 16. Pas d’autre arrosage dans 
le pays, ni autres cours d’eau, ni pluie. D 

Dans la région de transition entre le Tigre et le M 
Nil est l’Arabie, près de la mer Rouge. Cette mer est M 
rouge par accident, à cause des terres rougeâtres 4 
qu’elle charrie. Ici la mer Océane se divise en deux 
bras, ceux de Perse et d'Arabie. Il y a là une fon- « 
taine telle que, si des brebis en boivent, leur toison 4 
change de couleur. Dans ce pays croïssent l’encens, 1 
le mastic et la cannelle et vit l'oiseau Phénix. dont il 
sera question plus loin. [4 

Là est Jaffa, la plus ancienne ville du So e car 
elle date d’avant le déluge. 4 


ee 


LE LIVRE DU TRÉSOR 357 
_ Syrie et Judée forment une grande province. Le 
baume y croît. Le Jourdain, formé de deux fon- 
- taines, le Jouretle Dain, qui sortent du mont Liban, 
- l’arrose; il tombe près de Jéricho dans la mer 
… Morte. Dans la mer Morte, rien de vivant ; nul vent 
- ne la ride; elle est comme du beurre ; la boue de ce 
lac ne fond qu’au contact du sang menstruel des 
femmes. 

Ensuite, c’est la Palestine, avec Ascalon. A trente 
jours de Jérusalem se trouvent Sodome et Gomorrhe. 
Vers le soleil couchant, en Judée, habitent les Essé- 
niens, ces sages solitaires qui excluent les femmes 
de leur société et n’usent pas de monnaie. Quoiqu'il 
n’y ait jamais de naissance dans leurs communautés, 
elles sont toujours nombreuses. 

Près d’Antioche il y a une montagne si haute que, 
du sommet, on peut voir le soleil pendant le quart 
de la nuit. De ce côté coule le fleuve Euphrate, qui 
vient, dit-on, d'Arménie, comme le Tigre. Le Tigre 
va comme la foudre ; une grande partie de son cours 
est souterrain. 

On rencontre ensuite le pays des Amazones..…; 
les « portes de Caspe », où nul ne peut aller qu’en 
hiver, par un petit sentier fait de main d'homme, 


à travers une région sans eau où les serpents se don- 


nent rendez-vous au printemps. 

Plus loin, d'immenses solitudes neigeuses, des dé- 
serts. Au delà vivent des hommes, les « Seres » (Chi- 
nois), qui de feuilles et d’écorces d’arbres font une 
laine dont ils s’habillent. Ils sont aimables et paisibles 


2 


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358 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 
entre eux, mais refusent d'entrer en relations avec les” 
étrangers. Ils ne veulent point de nos marchandises et” 
vendent les leurs à nos marchands sans dire un mot: 
ils les déposent sur la rive d’un fleuve, avec des éti 
quettes où le prix est marqué; les nôtres les + 
portent après avoir mis à la place le prix demandé. 
Dans l'Inde, l'air est si bon qu'il y a deux mois- 
sons par an, et, en hiver, un vent doux et agréable. 
Comme les Indiens n’ont jamais été dérangés de leurs « 
terres, ils ont cinq mille villes bién peuplées. Les 
riverains du fleuve Indus, au Sud, sont d’une couleur 
verte. Certains ne vivent que de poisson ; et d’autres … 
tuent leurs parents pour qu’ils ne meurent pas de 
vieillesse; manger son père est, à leurs yeux, un acte | 
de piété. Ceux qui habitent au mont Niles ont les « 
pieds retors et huit doigts à chaque pied. D’autres w 
ont une tête de chien ; d’autres n’ont pas de tête du. 
tout, avec un œil entre les épaules. Il en est qui « 
naissent avec des cheveux blancs, lesquels noïrcissent » 
en vieillissant. D’autres n'ont qu’un pied et qu'un « 
œil; ils sont très légers à la course. Il y a des 
femmes qui ont des enfants à cinq ans ; elles meurent 
à huit. Les arbres ont toujours des feuilles. 
À l'Inde se rattachent le Caucase, qui domine « 
une grande partie du monde, et l’île de Taprobane M 
| dans la mer Rouge, traversée par un grand fleuve ; « 
d’un côté, des éléphants et d’autres bêtes sauvages ; M 
de l’autre, des hommes et quantité de pierres pré- « 
cieuses. Les étoiles ne servent à rien dans ce pays-là, 
‘car on n’en voit qu'une... Quand les habitants veu- 


: 


LE LIVRE DU TRÉSOR 


Fi nt aller sur la mer, ils emportent un oiseau élevé 
- dans le pays où ils veulent aller et se fient à son 
. instinct. 
2 P Paradis terrestre, d’un climat toujours tempéré, 
» est dans l'Inde ; il est fee depuis le péché du 
| premier Lee 
- En voilà assez sur ces NE orientales de la 
_ terre. Notons encore, pourtant, que c’est là que 
- pousse le poivre et que Jésus-Christ est né (à Beth- 
- léem en Judée). « La force des Sarrazins mescreans » 
+ empêche que la sainte loi de Jésus-Christ y puisse 
être « cultivée » en plusieurs endroits. 
Euro»e. L'Italie, d’abord, où est Rome, le chef de 
la chrétienté. Des montagnes qui la bornent à l'Ouest 
» sortent deux fleuves, l’un, le P6, qui, après avoir 
- reçu trente autres cours d’eau, traverse la Lombardie 
» et va se jeter dans la mer Adriatique près de la cité 
de Ravenne; l’autre, le Rhône, qui s’en va vers 
Bourgogne et vers Provence, et entre en la grande 
- mer de Provence « si roidement » qu’il emporte les 
- bateaux cinq lieues en pleine mer; il dessale les 
eaux de la mer jusqu'à cette distance ; c'est un des 
> plus grands fleuves de l'Europe. 

Les provinces d'Italie sont nombreuses. L'auteur 
_ les énumère, en indiquant, pour chacune, les arche- 
- vêchés et les évêchés qui s’y trouvent. En Sicile se 
. dresse le « Mont Gibel » (l’Etna), qui jette conti- 
» nuellement du feu par deux bouches, Re je son 
- sommet soit couvert de neige. 
__: En Grèce on trouve la Thessalie, où Jules César 


d'Athènes ; et le mont + ons étincelant plus haut 
que l’air où les oiseaux volent, « selonc ce que li 
aucun dient qui aucune foiz y monterent ». Le mont, 
Athos est aussi « plus haut que les nues ». Thrace, 
Romanie, Constantinople. 4 

Le Danube, né «es grans mons d’Alemaigne "1 
reçoit soixante cours d’eau navigables et dessale la, 
mer à vingt lieues de son embouchure. Au delà est la 
terre de Scythie, avec les monts hyperboréens, où 
vivent les oiseaux grifons ; mais « il est prouvé par 
les sages » que la Scythie est en Asie. 4 

L'Allemagne s'étend jusqu’au Rhin (qui, jadis, 4 
était sa frontière du côté de la France) et même au 
delà, puisqu'elle comprend la Lorraine, Metz et Ver- 
dun. ne » 

Puis, la France et l'Espagne (la « droite France » 
commence à la cité de Lyon sur le Rhône), qui sont 
battues à l’ouest par la mer Océane. Ces terres étaient 
jadis les dernières qui fussent habitées ; mais, la po- 
pulation s'étant multipliée, des colons passèrent, en« 
franchissant un détroit, dans une grande île de la mer 
qui s’appelle maintenant Angleterre. Après l’'Angle-« 
terre, l'Irlande, où il n’y a point de serpents; les pay- 
sans croient que, partout où l’on porte des pierres ou 
de la terre d’Irlande, les serpents ne peuvent pas 
vivre. — Dans l’île de Thulé, la dernière vers le Nord, 
l'été, il n’y a presque pas de nuit, et, en hiver, pres-« 
que pas de jour ; la mer est prise au delà. — Citons 
encore les Hébrides, dont les habitants, n'ayant point 


LE LIVRE DU TRÉSOR 361 
- de blé, vivent de lait et de poissons, et les Orcades, 
_ désertes. 

__ Arrique. D’Espagne on passe par les colonnes 
- d’Hercule dans le pays des Maures, qui s’étend de là 
. jusqu’en Égypte. Atlas, « le mont emmi les sables ». 
. Les deux Syrtes où la mer est si mauvaise, « por la 
diversité des flots » irréguliers, que les navires ne s’y 
aventurent pas. Au midi, le désert d’Éthiopie sur la 
mer Océane, et le Tigre... Les gens « des Amanz » 
qui font leur maison de sel. « Gartemans », ville où 
les fontaines sont si froides le jour et si chaudes la 
nuit que- c’est merveille. Les hommes sont noirs 
comme mûres (d’où leur nom, de Mores), « por la 
prochaineté dou soleil ». Éthiopiens et Garamantes 
ignorent le mariage ; les femmes sont communes; 
nul ne connaît que sa mère, jamais son père; race 
dégradée, par conséquent. — En Éthiopie, « sor la 


mer », vers le sud, montagne qui jette du feu. 


L'Océan, qui enveloppe tout, a, deux fois par 
jour, un flux et un reflux. Matière a réflexion pour 
les sages ! Les uns disent que le monde à une âme, 
dont le siège est dans les profondeurs de la mer; 
les marées sont sa respiration. Mais les astronomes 
rapportent ce phénomène à l’action de la lune, car 
« on voit les floz croistre et apeticier selonc la crois- 
sance et la descroissance de la lune ». 

Or sachez, bonnes gens, que Dieu a fait, sur la 
terre et dans la mer, bien des merveilles dont il s’est 
réservé la connaissance. L’Apôtre a dit : « Ne savoir 


362 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE au: 


plus que ne l'est besoing de savoir, mais pole re) 
de savoir a sobrieté... » Croyons fermement en 
Jésus-Christ et ses apôtres ; ils en ont su plus le 
que tous les autres sages « qui furent ou qui seror 
jamais ». | 


* x 

*X * 

Considérons, maintenant, la terre elle-même, « se 
lonc ce que ele est gaaignable », car c'est ce quiw 
maintient la vie. Il est bon de montrer comment on 
doit la choisir pour la culture. Palladius ! dit qu'il" 
faut tenir compte de quatre choses : l’air, l’eau, le s0Ù 
et l’industrie du cultivateur, : 4 
L'air. Que le liéu ne soit pas dans une vallée : en-. 
caissée el sujette aux brouillards. 
L'eau. Qu'elle ne sourde pas d’une veine de soufre | 
ou de cuivre, ou d’un marais; que son cours soit + 
dirigé vers l’est et non vers le nord. La meilleure ù 
eau, c’est, d’ailleurs, l’eau de pluie nouvelle, en 
citerne bien lavée. Elle est bonne pour l'estomac. 
Les gens de froide complexion se doivent d’ailleurs w 
garder de l’eau, spécialement de l’eau salée (de mer) : 


Le 


et nitreuse. 

La terre. Choisir celle qui est douce, grasse, noire 
et cengendre des herbes qui senefient bon froment ». 
Pour savoir si une terre est grasse, en mouiller une M 
poignée ; si elle reste « glutineuse » et cohérente, 
c’est qu’elle est grasse. Creuse un trou, et remplis-le M 


1. Agronome latin du rv° siècle. 


- ensuite des déblais que tu en auras ôtés; s’il y a du 
reste, la terre est grasse ; s’il n’y en a pas assez, elle 
est maigre. Essaie aussi la terre à la langue, pour sa- 
- voir si elle est douce. 

“ Pour les terres froides, les meilleures expositions 
» sont celles de l’est et du midi. 

Quant aux bâtisses, la première règle est de n’en 
élever qu’à proportion de ses moyens. En outre, faire 
* attention à la qualité des eaux du voisinage. La façade 
« de ta maison sera au midi, un angle exposé au so- 
 Jeil du printemps, l’autre au couchant. User de bois 
- sec pour les charpentes. Chaux de pierre blanche et 
- dure, ou rouge, ou tiburtine, ou d’Espagne. Le sable 
- de mer est trop long à sécher. — Le cellier au nord, 
+ Join des bains, étables et fours ; le pressoir des huiles 
» au midi; l’étable en pente, pour l’écoulement du purin. 
L S'il n’y a pas d’eau autour de ton manoir, voici 
comment il faut t'y prendre. Le matin, avant le lever 
_ du soleil, en août, couche-toi par terre en regardant 
… ‘vers l'est. « La ou tu verras l'air crespé », comme 
- une nuée déhiée, c’est signe d’eau sous terre (si, du 
- “reste, le lieu n’est pas humide, garni de joncs et de 
 sauges). Alors, creuse la terre (5 pieds sur 3 de 
- large); mets dans le trou un pot de terre séchée, crue, 
» ou une toison de laine, et couvre; s’il y a de l’eau 
» souterraine, le pot fondra, la laine s’imbibera. — Les 
eaux abondent au pied des monts et sont plus saines. 

En creusant les puits, avoir toujours avec soi une 
chandelle allumée ; si elle dure sans s’éteindre, c’est 
bon signe ; sinon, l’air est malsain à respirer. 


364 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 


Pour essayer les eaux, verses-en dans un vais: 
de cuivre bien net ; si elle reste pure, c’est bien. 

A défaut de puits, creuser des citernes, qu’elles. 
soient plus longues que larges, voûtées, ointes sou” 
vent de bon lard cuit. Les peupler de poissons pour 
que l’eau n’y reste pas stagnante. S'il se produit des, 
fuites, les « dauber » avec un mortier fait de pois | 
de lard et de chaux. À 

On ne bâtit pas de la même manière dans les pays 
qui sont le plus souvent en paix et dans ceux qui. 
sont d'habitude en guerre, dans les villes et en pleine 
campagne. Les Italiens, qui souvent guerroiïent entre 
eux, se plaisent à faire des tours et de hautes mai- 
sons de pierre; et, ‘si c’est hors de ville, « il font 
fossez et paliz, et murs et torneles, et pons et portes 
coleices* ; et sont garni de mangoniaux et de pierres 
et de saiettes* et de toutes choses qui a guerre besoi- 
gnent pour deffendre et por offendre ». Il n’en est 
pas de même en France: les Français ont « maisons 
granz et plenieres et peintes, et beles chambres por 
avoir joie et delit sanz guerre et sanz noise » ; ils 
savent mieux faire des préaux et des vergers autour” 
de leurs manoirs ; et cela est très agréable. \ 

On aura de grands mâtins pour garder les bêtes et 
de petits chiens à la maison ; des lévriers, des bra-« 
chets et des oiseaux pour la chasse. 

« Et toute la maison soit garnie de harnois qui . 
soient besoignables en cuisine et partout, selonc ce 
que a seignor afiert ; et la maisnie soit bien ensei-. 


*} herse. — * flèches. 


LE LIVRE pu | TRÉSOR 
ée et ordénée a ce que il doivent faire chascuns en 
son office dedanz et dehors, en tel maniere que li 
à sires… puisse mener sa vie honestement selonc son 
estat... » 

L'auteur renonce à traiter de l’économie rurale ; 
car, s’il le faisait, les uns « le tendroïent a des- 
- daing », et les autres l’accuseraient d’avarice. Il va 
| s'occuper maintenant de la nature des animaux, en 
“commençant par les poissons, cs furent créés en 


| premier lieu. 
# 


* * 

Des porssoxs EN GÉNÉRAL. Ils sont sans nombre, y 
- compris les amphibies. Les uns sèment des œufs 
» dans l'eau; les autres engendrent « fils vivanz » 
3 - (comme les baleines): ces derniers, en cas de dan- 
. ger, avalent leurs petits pour leur donner asile, et les 
. rejettent ensuite. 
- Iln'y a pas de croisements adultérins entre les 
- poissons, comme entre l’âne et la jument. Ils ont de 
- fortes dents aiguës, pour maintenir leur proie contre 
- les courants. Leur proie, c’est-à-dire herbes, petite 
4 vermine, ou congénères. Dans ce monde-là, les 
» gros mangent les petits: « Toz jors li maindres est 
- viande dou graignor ; et ainsi li uns vit de l’autre ». 

| [Nomenclature]. L'auteur énumère d’abord la ba- 

 leine, qui fait des jets d’eau; la « serre », qui a une 
- crête en forme d’ailes dont elle se sert comme de voiles, 
- et qui brise le fond des navires; le « porc » *, qui fouille 


. * Marsouin ; c’est l’anc. fr. pour pois (en anglais porpoise), 


és 
SR RSR) es, 


366 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE | 


le sol de la per à la facon des pourceaux terres | 
le « glaive » *, qui a le bec comme une épée, dont il. 
transperce les bordages ; l’anguille, née du limon» 
(les anciens disaient qu’il suffit de boire du vin où 
l’on aurait noyé une anguille pour s’en passer le goût 
à jamais) ; la murène, qui s’enroule en cercles ets 
dont la vie est dans la queue (tous ces animaux sont 
femelles et s’accouplent avec des serpents) ; l’echinus, 
petit poisson de mer très sage, qui, lorsqu' il pré-. 
voit la tempête, « prend » une pierre qui doit hi | 
servir d’ancre. # 
Le crocodile est un quadrupède, de couleur en. 
qui vit dans le Nil. Vingt pieds de long, de grandes 
dents, des griffes et un cuir si dur qu’il ne sent pas 
les coups de pierre, Il habite la terre le jour et le | 
fleuve la nuit. Il n’a point de langue: la mâchoire M 
inférieure n’est pas mobile. Il dévore l'homme en 
pleurant. L'oiseau strophilos lui gratte la gorge, il baille 
de plaisir ; aussitôt un serpent d’eau, le cocatrix", lui 
entre dans le corps, qu’il perfore de part en part, et. 
le tue. La fiente de bœuf est le remède indiqué contre 
les blessures causées à l’homme par le cocatrix. 
Dans les pays à crocodiles habitent de très petits » 
hommes qui n’en ont pas moins l’audace de lutter 
contre ces monstres. Ils en apprivoisent. Le croco- 


* épaulard, 


. Le « cocatrix », ou « hydre » (p. 35), c’est, à proprement 
“A l’ichneumon; mais on a vu plus haut (p. 216) que ce mot 
a été usité au-moyen âge, par confusion, pour désigner le … 
crocodile, ‘ 


1 5 ARE TOS ÉE AE Art 


S- be … ra" te \ ” : . * 


367 


_dile apprivoisé oublie toute fierté, et se laisse monter 
» à califourchon. — Les ose n'y voient pas bien 
1 _ dans l’eau et ne mangent pas l'hiver. 
…. Le « cete » (cetus) est une baleine énorme, grande 
- comme une ile, qui s'échoue souvent. C’est un de ces 
. animaux dont Jonas visita l’intérieur. Quand il flotte 
- longtemps à fleur d’eau, son large dos se couvre de 
sable ; des herbes et des arbrisseaux y poussent ; les 
 mariniers s’y trompent, mais, lorsqu'ils essaient de 
* faire du feu sur ce sol trompeur, l'animal plonge. 
… « Coquille » est un poisson de mer, enfermé dans 
- une carapace ronde, qui demeure dans les profon- 
- deurs, mais elle vient matin et soir à la surface, pour 
_ humer la rosée. Ces gouttes de rosée, le soleil les - 
- fait durcir, et ce sont les perles. Une autre coquille 
» fournit la pourpre. — Le cancre est l'ennemi des 
- huîtres, et voici sa tactique: il porte entre ses 
« jambes une petite pierre; quand une huître ouvre son 
- « charsois » (charnière), il jette la pierre entre les deux 
- valves, que l’huître ne peut plus refermer, et il la 
dévore. 
Le dauphin est un grand poisson de mer qui nage 
_ très vite; il parcourt les mers comme au vol, en 
- bandes. Les marins prévoient la tempête quand ils 
voient les dauphins en troupe « fuir parmi la mer 
et tresbuchier soi en fuiant comme se la foudre les 
» chaçast ». Leur bouche n’est pas là où les autres 
» poissons l'ont, mais près du ventre, contre la « na- , 
| ture ». Ils viennent respirer à la surface des eaux et 
leur cri ressemble à des sanglots humains. Ils n’y 


71e 


voient pas bien de l'œil ane —- LEE den | 
aiment beaucoup les hommes, obéissent à leur voix et. 4 


se laissent chevaucher ; il en fut un qui, ayant invo- 


lontairement causé la mort d’un enfant, se laissa 3 


mourir de chagrin. 


L’ « ypotame » est un poisson du Nil qui res- « 
semble à un cheval, avec le pied fendu comme celui . 
du bœuf et des dents de sanglier. Il mange les blés 


en herbe. En cas d’indigestion, il se saigne en mar- 
chant sur des cannes nouvellement taillées. 


On raconte des fables sur les sirènes, moitié 4 


femmes et moitié poissons ; les sirènes de l’Antiquité 
furent tout simplement de « foles femmes » qui dé- 
cevaient les passants. Mais il existe en Arabie des 
serpents très venimeux qui s’appellent ainsi. < 

Des sERPENTS EN GÉNÉRAL. Ces animaux, qui ne 


sortent que l'été de leurs nids, sont de froide nature. 
Leur venin ne devient nuisible que quand il entre, 


dans les veines de l’homme ; d’où son nom. 


Ils changent de peau entre deux pierres pour ra- 


jeunir et mangent du fenouil pour y voir clair (mais 
ils voient moins loin qu’ils entendent). Pour boire, 
ils déposent leur venin quelque part et le reprennent 


ensuite. Leur vie est dans leur tête, qui ne meurt 
pas si on la coupe. Pas d'êtres animés qui aient la M 


langue aussi mobile ; maintes gens croient en consé-. 

quence qu'ils en je trois, mais c’est une erreur. 
[Nomenclature]. L’ « aspide* », couronnée de la 

pierre précieuse qui s'appelle escarboucle, sait fort 


> aspic. 


LE LIVRE DU TRÉSOR 
bien à échapper aux enchanteurs, qui, par des paroles 
» magiques, la veulent dépouiller de cette pierre : « elle 
fiche une de ses oreilles en terre et l’autre ‘clost de 
» sa coe » ; ainsi elle devient sourde aux conjurations, 
qui bent inefficaces. Plusieurs espèces d’« aspides »: 
- celle qui fait mourir de soif ; celle qui fait mourir en 
» léthargie ; celle qui saigne à blanc ; celle qui fait en- 
» fler et pourrir. 

L'amphiménie, l'animal qui supporte le mieux le 
froid, a deux têtes, dont une au bout de la queue ; 
- ses yeux luisent comme des chandelles. 

Basilic, roi des serpents; sa présence corrompt 
- l'air; son odeur tue les oiseaux au vol; un homme 
- meurt de l'avoir vu. Il a six pieds, des taches blanches 
- et la crête d’un coq; il s’avance à demi dressé. Cepen- 
» dant les belettes le tuent. Alexandre en délivra son 
- armée en faisant faire des ampoules de verre qui 
. permettaient aux chasseurs de voir les basilics sans 
» être aperçus d’eux. 

Le dragon, qui habite däns l’Inde et en Éthiopie, 
- où c'est toujours l’été, est une des plus grandes bêtes 
. du monde. Il trace en volant, dans les airs, un sillon 
» de feu. D’un coup de sa queue, il peut abattre l’élé- 
_ phant. 

À Le scitalis, tacheté, est d’allures lentes ; on le regarde 
volontiers et son regard cloue les gens à leur place ; 
il craint la chaleur et mue l'hiver. 

La vipère. A la saison de l’amour, le mâle appelle 
la femelle par des chants qui ressemblent à un air de 
» flûte. En faisant l’amour, il met sa tête dans la gorge 


È a 


de la femelle, qui la lui tranche à coups de dents au 
moment décisif. Les pelits tuent leur mère en ais 
sant. EE MERE TRE 

La salamandre est un petit lézard dont le venin a est 
si fort que si elle monte sur un pommier, elle en 
empoisonne toutes les pommes ; tous ceux qui bc 
de l’eau d’un puits où elle est tombée en meurent. 
Elle vit impunément dans les flammes. >+4 

Mais en voilà assez sur ces vermines innom- 
brables de la terre, des eaux et des airs, de la chair, “ 
des feuilles, des bois, des draps et qui vivent sur 
et dans l’homme et les animaux, sans copulation de. 
mâles et de femelles (quoique quelques-unes aient « 
des œufs). Ce serait une longue matière, sans grand 
profit. 

Les orseaux. L'aigle a la vue extraordinairement 
perçante, car, planant à des hauteurs où il est, invi- 
sible pour nous, il aperçoit sur la terre ou sur l’eau 
des proies de très petite dimension et fond dessus 
pour s’en emparer. Il fixe le soleil sans ciller. Ceux « 
de ses petits qui ne peuvent fixer ainsi la lumière, ül. 
les rejette de son nid. Il vit longtemps, parce qu'il” 
se renouvelle en sa vieillesse. L’aigle vieilli s'élève sim 
haut que ses plumes s’enflamment, puis il se baïgne” 
trois fois ; il casse son bec ramolli en le frappant contre. 
des pierres ; et il reprend sa prime vigueur. 


Les oiseaux de proie et de chasse". — En règle gel , 


1. Brunet est le seul de nos encyclopédistes qui dise quelques 


os, 
v 


LE LIVRE DU TRÉSOR 


Due, ds oiseaux de proie que l’on entretient pour 
_ la chasse, comme les autours, les faucons et les éper- 
4 - viers, les plus grands (et les meilleurs) sont des fe- 
4 melles. Les mâles sont trop orgueilleux. Les femelles, 
- froides par tempérament, et, par conséquent, convoi- 
teuses, sont aisément dressées à prendre. 

Autours. Les meilleurs ont la tête longue et plate 
- comme l'aigle, les narines jaunes, les sourcils pen- 
 dants. Gros yeux saillants et colorés (c’est signe que 
- Je sujet est né d'oiseau plus de quatre fois mué, cir- 
constance favorable). Col long et serpentin. Poitrine 
bombée comme celle du pigeon. Plumes serrées aux 
ailes, courtes et bien jointes ; jambes grosses, jaunes et 
courtes ; pieds grands et larges ; long talon; l’orteil 
_ nerveux ; les ongles gros, forts et durs. L’autour à 
longues jambes prend mieux, mais ne retient pas si 
bien que l’autour à jambes courtes. 
= Pour savoir si un autour est malade ou bien por- 
| tant, porte-le sur ton poing gauche ; s’il regarde en 
haut, si sa queue n’est pas pendante, c’est qu'il va 
bien. L'oiseau est bien portant si, quand tu tournes 
ton poing sous ses pieds, il se rétablit ferme et droit ; 
s’il saisit sa proie comme il faut, en baissant bien le 
… bec; s’il referme bien et vite les ailes que tu lui 
| tires ; si la matière est louable selon la quantité des 
aliments absorbés, blanche ou noire, mais non en- 


mots sur ce sujet; mais il existe là-dessus une littérature du 
> moyen âge qui est immense ; elle a été bibliographiée avec une 

- insigne diligence par M. Werth, dans la Zeitschrift für roma- 
nische Philotogi, +. XII et XIII. 


tremêlée, ni trop claire, ni sanguinolente ; si, après « 
manger, il nettoie son bec çà et là, ne se tient pas « 
immobile, et, sur la main ou sur la perche, lustre ses « 
plumes. - 
Que l’épervier ait la tête petite, de longs pied 
blancs, les ailes « longues jusqu’au tiers tor de la 
coe », le « braier », c’est-à-dire la plume sur la queue, « 
taché « comme de mailles », et les jambes comme … 
rogneuses. S'il a une grosseur à l’orteil droit, « la 
ou l’eschaille se part », il est parfait. — Épervier à 
longue queue est couard, mais vole bien. Treize 
plumes à la queue est une marque d’excellence. 
Tous les oiseaux chasseurs sont de trois manières: M 
niais, pris au nid et élevés à la maison ; ramains, 
capturés dans les bois après qu’ils ont déjà chassé à u 
leur guise; grifains, aux yeux de feu, attrapés à 4 
l'entrée de l’hiver. Les vieux oiseaux engendrent les 
meilleurs fils ; ceux qui sont nés d'oiseaux jeunes ne … 
vivent pas plus de cinq ans. “He 
Il y a sept « ligniées » de faucons. Le lanier n’est 
acceptable que s’il a tête grosse, long bec, longues 
ailes, queue courte, pattes d’aigle ; 1l est dur à dres-| 
ser ; mais, après avoir mué trois fois, il prend toutes 
sortes d'oiseaux. Le pelerin est facile à nourrir. Le 
vol du gentil est trop long pour que l’on s’en serve à 
pied. Le gerfaut a la meilleure réputation. Le sour- 4 
point ressemble à l’aigle blanc, mais « je n’ai homme 
trouvé qui le veist oncques ». Etc. En somme, tous 
les faucons sont bons s’ils ont la tête bien faite et le. 
» pis » épais. - 


| LE LIVRE DU TRÉSOR 373 
Parmi les émerillons, il en est qui ont l’échine 
grise, d’autres l’échine noire (ceux-là sont très vo- 
 Jeurs), et de plus grands qui ne sont pas sans analo- 
+ gie avec les faucons laniers. La dernière espèce s'ap- 
privoise bien, mais elle est sujette à une maladie : les 
oïseaux se dévorent les pieds si on ne les fait se 
tenir plongés jusqu’à l’ergot dans des graines de lin 
ou de mil. 


L'alcyon est un oïseau de mer à qui Dieu a fait 
une grande grâce : durant les quatorze jours qu'il 
nourrit ses petits, les tempêtes de l'hiver s’apaisent 
sur la mer. « Les mariniers, qui maintes fois l’ont 
esprové, le temoignent ». | 

Le héron, qui cherche sa nourriture dans l’eau, 
niche pourtant dans les arbres. Lorsqu'une tempête 
se prépare; cet oiseau s'élève dans les régions supé- 
rieures et paisibles. Quand les hérons volent « con- 
tremont le ciel », c’est que le temps va devenir mau- 
vais. 

Les oïes et les canards domestiques valent d'autant 
mieux qu'ils sont plus blancs. Les oies noires et rayées 
d’autre couleur viennent de parents sauvages et pro- 
duisent moins. Ces animaux ne peuvent vivre sans 
eau et sans herbes ; ils sont très nuisibles aux cul- 
tures. Pour eux, la saison de l’amour dure des ca- 
lendes de mars jusqu'aux très grands jours d'été. 
Leur flair est extraordinaire ; leurs cris dénoncèrent 
jadis les « Français » qui voulaient prendre le Capi- 
tole de Rome. 


dr PERTE 

374 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE. 
Les « besaines », ou mouches à miel, qui son 
d’abord sans pieds et sans ailes, ont une civilisation 
merveilleuse. Elles ont des ducs, des rois, se livrent. 
des batailles, fuient la fumée, s’assemblent au son 
des pierres et des instruments. « Cal qui esprové M 
l'ont » affirment qu'elles naissent des charognes de 
bœuf ; ainsi naissent les escarbots des charognes de M 
cheval et les guêpes des charognes d'âne. — Ces” 
mouches vivent en communauté. Chastes et vierges 
sans corruption de luxure, elles ont néanmoins beau- 
coup d'enfants. Elles élisent leur roi, non par le sort, 
« ou il a plus de fortune que en droit jugement », 
mais le plus grand et le plus beau, désigné par sa 
supériorité naturelle, est élu. Le roi n’en est pas plus 
fier, et n’use jamais de son aiguillon. Tous les sujets, 
dans cette république, sont obéissants à leur seigneur ; 
nul ne sort avant que le roi ait pris son vol et mon- 
tré la route. Si une mouche a contrevenu aux règle- 
ments, elle se fait elle-même justice en brisant son: 
aiguillon (à l'exemple des anciens Persans). Toutes 
les besaines sont prêtes à mourir pour leur roi ; s’il 
meurt, elles perdent la tête, gâtent leur miel et leur 
ruche. — Dans les ruches, le travail est organisé ; il y. 
a des spécialités ; les unes cueillent la rosée des fleurs, 
les autres s'occupent de la cire, d’autres vont cher- 
cher la nourriture, d’autres observent le temps qu'il 
fait. Pour se venger de qui leur fait du mal, elles 
répandent dans le miel un principe amer, et se 
tuent. De) 
La calandre est un oïseau blanc dont le poumon 


| ox les yeux. nl ya de gens qui disent qu'ilaspire 
- les maladies en regardant les malades et les porte 


. dans la région céleste du feu, où ces mauvais prin- 
» cipes sont consumés. 


Les colombes, qui vont en bandes, sont des oïseaux 
| domestiques. Ils n’ont point de fiel, « esmeuvent 


_luxure par baisier » et pleurent au lieu de chanter. 


Ceux qui ont un colombier sont dans l’usage de 
- peindre à l'entrée le portrait d’une très belle colombe, 


pour qu’il y en naisse de pareilles’. De la corde de 


_ pendu dans un colombier, c'est assurance que les 
bêtes ne s’enfuiront jamais. Donnez-leur à manger 


du cumin ou oiïignez-leur les ailes de baume, elles 
amèneront chez vous quantité d’autres colombes. 


- Donnez-leur à manger de lorge cuite et chaude, elles 


seront très prolifiques. Défendez l'entrée des colom- 
biers par des tiges de ronce, crainte des mauvaises 


 - bêtes. 


Le corbeau, qui est noir, mange les charognes 


> en commençant par les yeux et la cervelle. Il n’est 


4 


d 


- pas revenu à l’arche de Noë, sans doute à cause des 


charognes qu’il trouva, ou parce qu’il fut noyé. 
La corneille, oïseau divinatoire, vit longtemps. 
Crie-t-elle? il va PRE C’est une très bonne mère. 
Les griesches s’en vont en été outre-mer. C’est, 


È - avec l’homme, le seul animal au monde qui tombe 


1. Les portes des écuries et des étables étaient peintes, au 
moyen âge, de motifs analogues; et cet usage a persisté dans 
quelques régions. 


ae 
Ve 


376 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AG 


en épilepsie. Elles craignent le vent du Midi, qui est 4 
humide; le vent du Nord, sec et violent, leur convient. 


La cigogne qui n’a pas de langue et claque du 


bec, est l’ennemie des serpents. Elle revient parmi 
nous au commencement du printemps et couve avec 
tant d’assiduité que les plumes de son ventre en h 
tombent. À l'automne, les cigognes s’assemblent « 
pour aller en Asie. Celle qui y arrive la dernière est 
cruellement dépecée. — Il est clair, par le fait sui- … 
vant, que oiseaux et bestes ont « esperit de connoïs- ” 


sance »: un Lombard de l'évêché de Milan substitua 
un œuf de corbeau à un œuf de cigogne dans le nid 
d’un couple; quand le petit corbeau fut éclos, le 
mâle du couple amena de ses pareils pour considérer 
le phénomène ; après quoi, ils coururent tous sus à la 
femelle et la mirent à mort’. | 

L’ibis est la cigogne du Nil; elle ne sait pas na- 
ger. Quand elle est malade, elle se donne avec 
son bec un lavement à l’eau de mer. Hippocrate, le 
grand « physicien, fist », dit-on, « premierement le 
clistere par celui exemple ». Il n’est pas de plus sale 
bête ; c’est pourquoi Ovide, ayant été mis en prison 
par l'Empereur, lui donna ce nom d'oiseau. 

Le cygne est blanc, avec la chair noire. Il nage la 
tête haute. Les paysans disent que, dans les mon- 


tagnes d’Yperborée en Grèce, si un homme joue de . 


1. Comparez une autre anecdote sur la fidélité conjugale des 


cigognes dans le De natura rerum de Thomas de Cantimpré 


(Hist. litt., XXX, p. 373). 


sd tits à 


sd net ie mc | dé 


7 LE LIVRE DU TRÉSOR 377 


Ja citole, des bandes de cygnes s’assemblent pour 


- l'écouter. Au moment de mourir, le cygne chante si 
. doucement que c’est merveille. 


Phénix, oiseau d’Arabie dont il n'existe plus au 
monde qu’un seul exemplaire. Grand comme un 


_ aigle, crêté sous les mâchoires, les plumes du col 


dorées, pourpre quant au reste du corps jusqu’à la 
queue qui est rose. Quand :il est vieux, vers cinq 
cents ans, il met le feu à un arbre et s’y laisse con- 
sumer au soleil levant. De sa cendre sort une ver- 
mine vivante, qui, le lendemain, a l’aspect d’un petit 
poussin, et, le surlendemain, de l'oiseau adulte. 

Les grues « volent a eschieles*, en maniere de che- 
valiers qui vont en bataille ». Chaque bande a son 
guide, sen chef, qui la commande à haute voix ; 
quand il est enroué, il cède la place à un autre. Si 


une grue est fatiguée, les autres la soutiennent de 


leurs ailes. En certaines régions, elles avalent du sable 
et tiennent des pierres dans leurs pattes crispées pour 
résister à la force du vent; les marins ont vu souvent 
de ces pierres tomber sur eux et autour des bateaux : ce 
sont les grues qui lâchent du lest. Leur discipline n’est 
pas moins remarquable au repos qu’en marche : chaque 
compagnie se fait garder par des sentinelles relevées 
à tour de rôle. Elles noircissent en vieillissant. 

La huppe a mauvaise haleine, car elle se repait 
d’ordures. Les jeunes nourrissent leurs vieux parents 
en leurs infirmités. | 


* par escadrons. 


L’hirondelle est un petit oiseau qui neo He 4 
droit, mais « a voltes et a tor »; il mange en vo- 


lant. Il habite parmi les hommes, pour sa sûreté, et … 


fait son nid dans les maisons, sous les couvertures. 
Il fuit les édifices croûlants, comme s’il prévoyait 
leur sort. Il soigne les ophtalmies de ses petits au 
moyen de l'herbe chélidoine, et cela réussit fort. 
bien, d’après « cil qui esproyé l'ont ». Sa fente est 
dangereuse, car il est dit dans la Bible que le grand. 
Tobie en perdit la vue. | 

Pélican, oiseau d'Égypte. Diverses versions cir- 
culent au sujet du sang qu'il se tire pour ses enfants, 
mais, quoi qu’il en soit, Sainte Église témoigne bien 
du fait là où Notre Seigneur dit: « Je sui venuz de 
ae par semblance ». 1 

La perdrix est bonne à manger, mais tricheresse 
et luxurieuse. Les mâles ont des vices contre nature. 
Les femelles garnissent leurs nids d’épines et de pe- 
lis feuilles. La mère-transporte ses petits d’un lieu 

à l’autre pour taquiner son mâle. Elle fait semblant 
de ne pouvoir voler, pour tromper les chasseurs. 

Le papegaut (barre) est un oiseau vert, avec le bec 
et les pieds rouges comme sang. Sa langue lui permet 
de prononcer des paroles articulées, si l’on lui en ap- 
prend dans sa jeunesse. On le châtie avec une petite 
verge de fer. Les Indiens prétendent qu’il n’en nait point 
ailleurs que dans leur pays. Ceux qui ont cinq doigts. 
sont de bonne race, ceux qui en ont trois de basse 
extraction. Toute sa force estdans sa tête et dans son bec. 

Le paon, bel oiseau, simple en son allure. « Vois 


“#4 


deable et pis de caf », ,et ra queue : de diverses 


pi - | couleurs, dont il n’est pas peu fier. Quand il voit 
‘4 _quonf admire, il étale cette quéue en montrant son 


| derrière. Sa chair est dure et de haut goût. 
La tourterelle, qui habite volontiers loin des gens, 


est une veuve RP Elle couvre son nid 


E. (qu’elle place au creux des arbres) de feuilles d’es- 


quille *, herbe qui fait fuir le loup. 
Le vautour est un grand oiseau pareil à laigle, 
dont le flair est étonnant. On dit qu'il sent les ar- 


. mées en marche, devinant qu’elles sèmeront bientôt 
. des cadavres. Il paraît que les vautours font des pe- 
tits « sans conjunction de masle et de femele » ; ils 


vivent cent ans. 
Une grande bête, avec des ailes et des plumes 


- comme les oiseaux et des pieds de chameau, voilà 


. l’autruche. Elle n’a pas de mémoire, couvre ses œufs 
_ de sable et les oublie : ils éclosent tout seuls au soleil. 


Comme armes, deux « ongles » dont la bête se sert en 
guise d’éperons. Son estomac est si parfait qu’il digère 
le fer. Sa graisse est excellente pour les douleurs. 

Le coq, oïseau domestique qui chante les heures 


du jour et de la nuit et les changements de temps ; 


avant de chanter, il bat des ailés trois fois. On le 
chaponne. Le chapon est très bon en été; la géline 


_ vaut mieux en hiver. Se garder des poules blanches. 


+ L’orge demi-cuite pousse à la ponte. Au printemps, 


faire couver, mais toujours un nombre d'œufs impair, 


* géranium, d’après Godefroy. 


380 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN AGE 


pendant que la lune croit, c’est-à-dire du “ au 15. 4 


jour de la lune. 
Les « Besres ». Et d’abord, le lion. En grec, 


à crins crespés, qui sont peu belliqueux; d’autres, 
de grande taille, à crins simples, qui sont merveil- 
leusement hardis. Redouté de tous, le lion craint, 
lui-même, les coqs blancs, le grincement des roues, 
le feu et les scorpions. Celui qui n’a pas voulu que 
rien fût sans contrepoids a donné les serpents au lion 
pour limiter sa race. De plus, les lions ont la fièvre 
trois jours par semaine, ce qui les affaiblit beau- 


coup ; mais la nature leur enseigne à manger de la 


ciguë pour se guérir. Le lion est ami de l’homme, 
pitoyable et généreux. Il mange (toujours de la 


viande fraîche) et boit de deux jours l’un, et se fait. 


vomir quand il a trop mangé ou qu'il se sent alourdi 
devant les chasseurs. Il fait l'amour « envers » avec 
sa femelle, comme les loups-cerviers, les chameaux, 


les éléphants, les unicornes et les tigres, et engendre 
cinq petits la première fois. Mais la lionne, abîmée 


: : 
par leur naissance, n’en peut plus concevoir que 
quatre la fois suivante, puis trois, puis deux, puis 


un ; ensuite, elle est stérile à jamais. Tous les lions 


ont les yeux ouverts en dormant; on reconnait leur 
âge à leurs dents; ils effacent soigneusement la trace 
de leurs pas avec leur queue. 

« Antelu », l’antilope, est une bête que l’on ne 


son nom signifie roi. Son cri met toutes les autres * 
bêtes en fuite; et nul n’ose passer « la ou il fait 
cercle de sa coe ». Il y a des lions de petite taille, M 


p! 
Lu 


381 


4 eut prendre, car ses cornes en dents de scie coupent 
. les filets et les grands arbres. Mais elle s’embarrasse 
“ parfois dans les roseaux flexibles qui bordent l’Eu- 
- phrate; alors l’homme, l’entendant crier, vient et 
s’en saisit. 

- Les ânes sauvages, ou onagres, que l’on trouve 
en Afrique, sont indomptables. Chaque mâle a plu- 
_ sieurs femelles et se montre si jaloux qu'il a tendance 


- à châtrer ses propres « poulains ». L’onagre brait 


régulièrement une fois par heure, jour et nuit; il 
_ peut, par conséquent, servir d’horloge. 

Les bœufs d’Asie ont des crins comme des chevaux 
et de très grandes cornes contournées. Poursuivis, 
ils lâchent une fiente très puante, qui brûle tout ce 
qu'elle touche. Geux de l’Inde n’ont qu’une corne et 
le sabot comme celui des chevaux. Ceux d’Alle- 

_ magne, qui sont fort grands, sont bons pour le 
» transport. Les buffles, qui dorment au profond des 
- grands fleuves, sont très affectueux en ménage. Ce 
genre d'animal étant fort utile pour l’économie, le 

bon maître doit savoir choisir ses bœufs domes- 

> tiques: membres gros et carrés, grandes oreilles, 
» front large, yeux et lèvres noires, cornes noires, na- 
_rines ouvertes, gorge pendante jusqu’au genou, ...…… 
queue grande et bien poilue. La vache doit être haute 

et longue, de grand corsage, les cornes noires, oreilles 

poilues, petits ongles, jambes courtes. De trois à dix 
» ans, c’est le bon âge. 

La brebis, bête simple, paisible et craintive, re- 
connaît ses petits au bêler. Animal très profitable 


Fe, Sac er y" ftPéiiy ARE. 
PRE Pr ee y run 
NES ENT 4 CR: A D 
MRT'PNENR IAE 


aussi pour le lait, la chair, la futé Hd Choi-. 
sir les bêtes Dites et légères, à toison blanche et 
épaisse, et de bon âge (jusqu’à huit ans). D’un mou- 
ton blanc peuvent naître des-moutons tachetés ; mais « 
un mouton noir n'en engendre jamais de blancs. 
Au reste, noirs et blancs n’ont pas la même voix ; « 
ceux-ci bent beh et ceux-là meh. Aristote avance » 
que les brebis exposés au vent du Nord engendrent 1 
des mâles, et celles qui sont exposés au vent Austal | 
des ait. : 
Belette, animal analogue à la souris, qui has la 2 
couleuvre. Deux espèces : l’une qui habite les mai- « 
sons, l’autre les champs. On prétend que les belettes M 
conçoivent par l'oreille et enfantent par la bouche ; ñ 
mais d’aucuns disent que c’est faux. Elles sauraient 
aussi ressusciter leurs petits, mais on ne dit pas com- M 
ment. : 
Deux espèces de chameaux : l’un a deux bosses sur 1 
l’échine, l’autre une seule ; cette dernière a les pieds 
à l'épreuve de la marche. Les grands chameaux 
portent de très lourds fardeaux ; les petits, ou dro- « 
madaires, vont vite et longtemps. Les uns et les « 
autres sont très fatigués par l’acte sexuel. Jamais 
un chameau ne consentirait à s’accoupler avec sa 
mère, délicatesse très rare chez les bêtes. Les cha- 
meaux peuvent se passer de boire pendant trois jours ; - 
si l’eau est claire, ils la troublent en piétinant, avant « 
d’en boire. Ils vivent cent ans dans leur pays. 
Le castor, ou « chien pontique », est chassé pour J 
ses organes sexuels, fort utiles en médecine. Il le sait M 


cet se vs arrache avec A den, lorsqu'il est pour- 


é suivi, pour qu’on le laisse tranquille. 


Chevreuils et biches ont un discernement remar- 


à quable et reconnaissent à la simple vue les bonnes 


herbes des mauvaises. Blessés, ces animaux soignent 
leurs plaies avec l'herbe « diptame », qui les guérit. 
Le cerf, selon les anciens, n’a jamais la fièvre ; 


c’est pourquoi certains mangent de sa chair tous les 


jours avant dîner, comme fébrifuge. Il y a dans son 
cœur un os dont les médecins apprécient beaucoup 


Jes propriétés. Il se sert aussi de l’herbe « diptame ». 


Il sait pomper les serpents hors de leurs terriers 
souterrains « par l’aspirement de son nez et de sa 
bouche » et les foule aux pieds. C’est que le serpent 
lui sert de remède. Il le mange, et puis mue, rajeu- 
nit. Voilà pourquoi le cerf vit si longuement. Quand 
le cerf a les oreilles basses, il n’entend rien ; l'oreille 
dessée, il a l’ouïe très fine. Ces animaux traversent 
les fleuves à la queue leu-leu, la croupe de l’un ser- 
vant d’appui à la tête du suivant. Quand ils entendent 
le « glatissement » des chiens sur leur piste, ils 
s’élancent dans la direction du vent contraire pour 
que leur odeur ne soit pas portée vers les chiens. Dés- 
espérant d'échapper, ils vont au-devant des chas- 
seurs, pour mourir devant eux. 

Le chien, fidèle à son maître, dont il reconnaît la 
voix, soigne ses plaies avec sa langue, et lâche sou- 
vent la proie pour l’ombre en traversant les rivières. 
Le croisement du chien et du loup, celui du chien et 
du tigre, sont féconds. — Les chiens domestiques sont 


384 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MoY 
de diverses sortes : petits chiens « gouz' », qui sont « 
bons à garder la maison ; plus petits encore « pour 
garder chambres et les liz as dames? ». On peut en 
avoir de minuscules, en les nourrissant peu, et leur 
tirer les oreilles souvent et menu, car « lors sont plus 
gent quant eles enclinent vers la terre ». Pour la 
chasse, « brachets » aux oreilles pendantes, qui con- 
naissent l'odeur des bêtes et des oiseaux. Éviter les 
croisements de race au hasard des rencontres, pour 
que l’odorat ne se perde. Lévriers, acharnés à la 
poursuite des bêtes qu’on leur a appris à chasser. 
d’abord: cerfs, ou loutres, bièvres et autre gibier 
d’eau. Les mâtins, grands, gros et forts, qui com- 
battent le loup, le sanglier, l’ours, l’homme même. 
Ils se livrent entre eux de véritables combats ; il n’y 
a pas si longtemps que, en Champagne, « s’assem- 
blerent tuit li chien dou païs en .1. leu, ou il s’entre- 
combatirent si asprement que il n’en demora que .1. 
vif, et tuit li autre furent mort en la place meisme ». 
Le caméléon de l’Inde ressemble au lézard, avec 
des jambes droites et longues et une queue recourbée, 


1. L'auteur de la notice sur Brunet dans l'Histoire littéraire, 
Ffauriel], qui était du Midi, écrit (XX, p. 297), à propos de 
cette addition de l’encyclopédiste à ses sources ordinaires: « Gous 
est encore de nos jours, dans beaucoup de localités du Midi, un 
des trois noms génériques du chien, et, selon toute probabilité, 
le plus ancien [?]. » Sur l’étonnante fortune de ce mot, qui estun 
hypocoristique, dans plusieurs langues romanes, voir Mémoires de 
la Société de Linguistique de Paris, XIV (1906), p. 219 ets. 

2. Au sujet des petits chiens d’appartement à la mode au 
xive siècle, voir P. Durrieu, dans les Comptes-rendus de l'Aca- 
démie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1909, p. 866. 


LE LIVRE DU  TRÉSOR 


l'allure de la tortue, une peau dure comme celle du 
.… crocodile, et les yeux « encavés dedans la teste », qui 
. regardent toujours tout droit. Il ne mange ni ne boit, 
et vit de l'air du temps. Il prend instantanément la 
couleur des objets qu’il touche, à moins qu'ils soient 
blancs ou rouges. Il n’a pas de sang, si ce n’est au 


+ cœur. L'oiseau « Coraz » le tue, mais qu'il n’en 


mange point, ou il mourra (à moins qu’il ne l’assai- 
sonne de laurier). 

Le cheval, vivant toujours dans la société des 
hommes, a du sens et de la mémoire. Il reconnait 
son seigneur et change d’habitudes en même temps 
que de maître. Quand ils sentent la bataille, les chevaux 
« se cointoient et s’esleecent » au son des trompettes, 
se réjouissent de la victoire, s’afiligent de la défaite. 
L'auteur résume l’histoire de Bucéphale et celle de 
quelques autres coursiers célèbres de l’antiquité. Des 
chevaux ont pleuré à la mort de leur maitre. Les 
mâles vivent longtemps (jusqu’à soixante-dix ans), 
mais non pas les femelles. En rognant les crins à 
celles-ci, on refroïdit leur luxure, mais alors un 

_« venefice d’amor » vient sur le front du poulain ; 
la mère l’arrache, mais, si on l’arrachait avant qu’elle 
_ l’eût enlevé, la mère refuserait son lait. — Un cheval 


> est d’autant mieux portant qu'il plonge davantage 


dans l’eau « sa bouche et son nez » quand il boït. 
Selon l'opinion des anciens sages, il faut, pour le 
choix des chevaux, considérer là forme, la beauté, la 
bonté, la couleur. La forme : croupe ronde, cuisses 
larges, pieds « bien cavez par dessous », etc. La 
25 


beauté : tête petite et sèche, le cuir collé aux os, | 
oreilles courtes et dressées, grand yeux et large nez, 
crins épais et queue bien fournie. La bonté : entrain, f: 
« liée aleüre, membres crolans » ; on juge, de la rapi- 


dité d’un cheval à ses oreilles et de sa force àses 


« membres crolanz ». Couleur: le bai, ou ferrant # 
pomelé, ou noir ou blanc, « ou cervin ou vairon»s À 

Le destrier est pour combattre, le palefroi pour 
chevaucher « a l’aise dou cors », le roncin pour. 
porter les fardeaux. Tenir compte des qualités spé- 
ciales qui conviennent à chaque cas: Mais, règle gé- 
nérale: « por ce que vices et maladies de chevaus 


sont sanz nombre, dont les unes sont dedanzet les M 
autres dehors, les unes apparissanz et les autres pri- M 


vées, si que nus ne puet estre qui n’en ait où po où … 
mout, sachiez que cil sont meillor qui moins en 
ont. » 4 
L’éléphant est la sn grande bête que l’on sache. 
Il a des dents d'ivoire ; un «bec », ou « promoistre», 
pareil à un serpent, qui lui sert à mettre ses aliments 
dans sa bouche. Geux de Crémone disent que le se- 
cond Frédéric en amena un à Crémone, que le Prêtre: 
Jean lui avait envoyé: ils le virent frapper un âne si fort 
qu'il le jeta par terre. Cependant l'éléphant s’appri=. 
voise ; son conducteur le dirige avec un crochet de: 
fer ; on le chevauche, on place sur son dos des man- 
goneaux et des tours en bois pour combattre mais 
jamais il n’entrera dans un vaisseau pour passer la 
mer si l’on ne lui promet de le ramener plus tard. 
C’est un animal très intelligent; car les éléphants 


LE LIVRE DU TRÉSOR | 387 
observent « la discipline » du soleil et de la lune 
eomme les hommes et marchent en troupe « a es- 
_ chieles* », avec un chef en tête et un serre-file en 
queue, lequel est commandant en second. C’est un 
animal très chaste. Chaque mâle a sa femelle, qu'il 
. nequitte jamais, et le veuvage est perpétuel chez eux. 
» Encore n’éprouvent-ils d'émotion sexuelle qu'après 
_avoir mangé de la mandragore qui croit près du Pa- 
» radis terrestre. La femelle n'engendre qu'une fois et 
” porte deux ans ; elle accouche dans un étang, dont 
le mâle bat continuellement l’eau pour éloigner le 
dragon, leur ennemi. Ceux qui voient souvent des 
… éléphants disent que ces animaux, s’ils tombent, ne 
peuvent se relever, parce qu'ils n’ont pas de join- 
> ture au genou ; il leur faut recourir aux services de 
leurs congénères, qui les soulèventcomme par un cric. 
# La fourmi est « petite chose » de grande pré- 
— voyance, car elle accumule en été ses provisions d'hi- 
ver. Elle choisit le froment et refuse l'orge, qu’elle … 
- reconnaît à l’odeur,, et concasse ses grains pour 
“qu'ils ne puissent germer à l'humidité du sol. Les 
>  Éthiopiens rapportent qu'il existe une île où des 
fourmis énormes recueillent de l'or dans le sable. Ils 
y envoient paître des juments chargées de coffres 
béants. Les fourmis entassent leur or dans ces coffres. 
Puis, on rappelle les juments, qui reviennent à la 
nage. Les fourmis tueraiïent quiconque voudrait s’em- 
_ parer directement de leurs trésors. 


L par escadrons. 


388 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN 2e 


La hyène hante les cimetières et mange les corps 
des hommes. L’os de son échine est si roïde qu'elle 
ne peul plier le corps et se tourne tout d’une pièce. 
Elle fréquente les maisons et les étables et imite 


* la voix des gens. On prétend que l’hyène a dans les 


/ 
4 


yeux une pierre de telle vertu que qui l'aurait sous 
sa langue devinerait l’avenir. C’est une bête magi- 
que, au point que tout être qu'elle effleure de son 
ombre devient subitement incapable de se mou- 
voir. 

Le loup abonde en Italie et ailleurs; sa force est 
dans sa gueule, mais il a les reins faibles et ne peut 
plier le cou. Les bergers disent qu'il vit de proie, ou 
de terre, ou de vent. Au temps de la luxure, plusieurs 
mâles suivent la louve, qui choisit le plus laid. Elle 
engendre en mai, quand le tonnerre vient. Quand le 
loup voit un homme avant que celui-ci lait aperçu, 
cet homme ne peut crier; dans le cas contraire, 
c’est le loup qui « depose toute sa fierté » et s’im- 
mobilise. Lorsqu'il hurle, il met toujours son pied 
devant sa bouche, pour qu’on croie qu'il s’agit de 
plusieurs loups. 

Les loups-cerviers, ou « lubernes », sont pomme- 
lés de taches noires comme l’once. Leur vue est si per- 
çante qu'ils voient à travers les murs et les monts. Mais 
c’est l'animal le plus distrait du monde ; si, en man- 
geant, il regarde quelque autre chose, il oublie où 
son manger est. Ceux qui le savent disent que cette 
bête a dans le ventre une pierre précieuse. La preuve, … 
c’est qu’on l’a vue couvrir son urine de sable, pour 


LE LIVRE DU TRÉSOR 389 


2] 


_ que la pierre en question ne tombât pas entre les mains 
des hommes. 

Le « lucrote » de l’Inde est le plus vite des ani- 
maux ; il est grand comme un âne avec une croupe 
de cerf, des jambes de lion, une tête de cheval, pieds 
de bœuf, bouche fendue jusqu'aux oreilles. Ses dents 
sont d’un seul tenant. 

« Manticore », autre bête de l'Inde : face d'homme 
et couleur de sang, yeux jaunes, corps de lion et 
queue de scorpion. « Et s’assemblent en tel maniere 
que ores maint li uns desouz et ore li autres ». 

La panthère est tachetée de petits cercles blancs et 
noirs, comme des yeux. Elle est en bons termes avec 
tous les autres animaux, le dragon excepté. Après 
avoir pris sa nourriture, elle dort trois jours ; puis, 
elle ouvre la bouche, et cela sent si bon que toutes 
les bêtes approchent pour en jouir, à l’exception du 
dragon, qui se cache dans les trous, car il a très 
peur. La femelle n’engendre qu’une fois parce que 
le premier petit qu’elle a lui abîime pour toujours les 
entrailles avec ses griffes. 

Comme les polypes de la mer et le caméléon, la 
« parande » d’Éthiopie, grande comme un bœuf, 
_cornue comme un cerf, change de couleur selon la 

teinte des choses les plus prochaines. 

Le singe imite ce qu’il voit faire à l’homme ; il est 
gai à la lune nouvelle et mélancolique à la pleine 
lune. La « singesse » porte deux petits, dont ilen 

* est un qu'elle préfère ; elle porte celui-ci dans ses 
bras et l’autre sur ses épaules. Il arrive pourtant que, 


L 


Ë 
1 
4 
4 


390 LA CONNAISSANCE DE LA NATURE AU MOYEN, AGE 
en fuyant, elle lâche son préféré, tandis que l’autre, 
accroché à son col, échappe comme elle au chasseur. 
Les Éthiopiens disent que, dans leur pays, il y a plu- 
sieurs espèces de singes. 

Le tigre, tacheté de noir, est surtout commun en 
Hyrcanie. Cet animal léger et féroce suit à la piste le 
chasseur qui a dérobé ses petits, mais l’homme s’en 
tire en jetant sur sa route des miroirs. Le tigre pour- 
suivant croit voir sa progéniture en se regardant dans 
le miroir, et, quand il a reconnu son erreur en re- 
tournant l’objet, l’homme est sauvé. 

La taupe creuse sous la terre et mange les racines 
qu'elle trouve; cependant certains assurent qu’elle 
vit de terre seulement. Elle n’y voit goutte, car la 
nature n’a pas ouvert la peau qui est sur ses yeux. 

L’unicorne ressemble à un cheval avec des pieds 
d’éléphant et une queue de cerf, et sa voix est épou- 
vantable. Au milieu de sa tête s’érige une corne res- 


plendissante, qui a bien quatre pieds de long, si forte 


et si aiguë qu'elle perce tout ce qu’elle atteint. 

L’unicorne n’a jamais été capturé. Pourtant les chas- 
seurs le déçoivent par le ruse que voici: ils envoyent 
une pucelle dans le pays que l'animal hante ; celui-ci 
va aussitôt poser sa tête sur le pion de la jeune fille 
et s’endort. 

La force de l'ours est dans ses membres ; c’est 
pour cela qu’il marche souvent « en estant », c'est-à- 
dire tout droit, sur ses pieds. Malade, il se guérit avec 
de la flouve; mais la mandragore est, pour lui, un 
poison mortel. Il aime le miel et fait l'amour comme 


à les LES mais té gestation ne dure que trente 
- jours; à cause de cette durée si brève, le petit qui naît 
est infirme, de sorte que la mère doit le lécher et le 


réchauffer longtemps pour qu’il prenne figure et vie. 


>. L'opération dure quatre mois, et la mère est affai- 


blie, aveuglée par l'obscurité quand elle sort, après 
cela, de sa tanière. Plusieurs disent que cette bête 


… engraisse et profite d'autant plus qu’on la bat. 


- L'auteur a brièvement devisé ainsi de la généra- 


tion du monde, des premiers rois de la terre, de 
- l'établissement de l’une et de l’autre loi, de la nature 


du ciel et de la terre, de l'ancienneté des vieilles his- 
toires, et de l’ « estre de chascun ». Il n’en dira pas 
davantage car, s’il"voulait « plus largement metre en 
escrit et monstrer chascune chose por quoi et com- 
ment », le livre serait sans fin. 


APPENDICE 


BIBLIOGRAPHIE DES TRAVAUX RELATIFS 
À CE QUI EST DIT DES PHÉNOMÈNES NATURELS 
DANS LES LITTÉRATURES DU MOYEN AGE 


_ Ilest dit, à la fin de l'Introduction (p- sur) quels sont le 
caractère et l'intention de cet Appendice. J'ajoute seulement 


ici : c’est à dessein que l’on n’y a pas fait figurer 1° un grand 
nombre de dissertations anciennes sur Dante astronome, physi- 


cien, naturaliste, etc., qui sont énumérées dans le Répertoire des 


_ sources historiques du moyen âge (Bio-Bibliographie) de M. Ulysse 


Chevalier ; 2° les dissertations, très nombreuses, qui ont été 
écrites sur le Sentiment [littéraire] de la Nature à telle époque 
ou dans tels auteurs du moyen âge‘; elles n’ont vraiment aucun 
intérêt pour notre objet. Par contre, on y a compris des tra- 
vaux purement philologiques sur les noms de certains êtres ou 


es : objets matériels et sur les comparaisons tirées des règnes ani- 
. … malet végétal, parce qu'il s’y trouve des données pour l’histoire 
_ des croyances populaires. J'en ai connu plusieurs par des com- 


munications de M. G.-A. Hïückel, ancien étudiant à l’Univer- 


| sité de Paris, qui a bien voulu dépouiller pour moi quelques 


recueils bibliographiques. Il va de soi que les indications de ces 
recueils ont été contrôlées. 


1. Comme celle de G. Stockmayer, Ueber Natargefühl in Deutschland 
im X und XI Jahrhundert (Leïpzig, 1910). Cf. La Société française au 


XIIIe siécle. Appendice, n. 64, 35, 706, 141. 


1 


394 LA cox 
1. F. Axcerrrri. Ulisse astro- 
nomo e geodeta nella Divina 
Commedia. Dans Giornale 
Dantesco, IX, pp. 208-213. 

2. — Le regioni dell'aria nella 

Divina Commedia. Dans Me- 
morie del R.Osservatorio astro- 
nomico di Palermo, 1, 5. Cf, 
Bulletino della Società dantesca 
italiana, VIT, p. 223-225. 

3. — Discussioni scientifico - 
dantesche su le stelle che ca- 
dono e le stelle che salgono, 
su le regioni dell’ aria, su l'al- 
tezza del Purgatorio. Dans 
Giornale di scienze naturali 
ed economiche, XXIII. 

A . F. Bancrrr. Die Tiere im 
allfranzôsischen Epos. Mar- 
burg, 1884, in-8, 122 p. 
Dans les Ausgaben u. Abhand- 
lüngen de E. Stengel, n. 
XXXIV (1885), 244 p. 

5. G. Bizrincer. Die mittel- 
alterlichen Horen und die mo- 
dernen Stunden. Ein Beitrag 
zur Kulturgeschichte.  Stutt- 
gart, 1892, in-8, x-279 p. 

6. O. Barereau. Die Tiere in 
der mittelhochdeutschen Lite- 
ratur. Borna-Leipzig, 1909, 
in-8, 65 p. 

7. V. Berrro. Le cognizioni 
geografiche di Giovanni Vil- 
lani, dans Memorie della So- 
cielà geografica italiana, X, 
1903, p. 1-113. Cf. le même, 
Le cogniziôni di geografia 
generale di G. Villani. Parte 
II. Roma, 1906, in-8, 44 pp. 


9. E. Bsürkmanx. pl Pfla 


Ein Fortis rs d 
lichen Volets 


rheinische und west 
Volkskunde, I, 1904 P-1 
158. 


zennamen der althochdeutse 16 
Glossen. Dans la Zeitschri 
für deutsche Wortforschu 
IL, 202-233; IN, 1e 
VI, 174-198. 
10. P. G. Borriro. Lanetis 
‘logia nn « Averka », € 


gico tdignds I (1890). 
11. — La meteorologia « 
Divina Commedia. Dans 
nuario  slorico . meteoro 
italiano, XX (1900). 


Perle Ines a a 
dell” episodio di Buonconte. 
Dans l’Annuario storicon 
rologico italiano, I (1900 
13. — La sfera del fuoco se. 
condo gli antichi e secondo » 
Dante, Dans Attidel R. Istitu 
veneto, LXI (1902), p. 281 
304. Cf. Bulletino della 
dantesca italiana, X Lun . 260- 
262, Re 1 LR 
14. — Di alcune questioncel 
di cosmogonia dantesea. Pavia, 
1902, in-8, 14 p. Extr. de la 
Rivista di fisica, malematica. 
.scienze naturali. Cf. Bulletino” 


se PAR 

Do _ X, p. 253-255. 
Le Le — Intorno AE Quaestio 
de aqua et terra » attribuita a 
Dante. I. La controversia dell’ 
acqua e della terra prima e 


_ di Dante. Memoria ; 
IL. I trattato dantesco. Dans 


dopo 


> Memorie dellaR. Accad. d. 


tes l'a 


Scienze di Torino, série IE, t. 
5x, 52. — Cf. Bulletino della 
- Società dantesea italiana, X, 
Me 388-400 ; Giornale slorico 

della letteratura italiana, XLI, 
op. 427-487. 


2 — La leggenda degli anti- 


* 


É- 


_ podi, dans Miscellanea di studi 
-critici ed. in onore di Arturo 

Graf, 1903, p. 583-607. 
_«7- Fr. Bouc. Chaucer und Pto- 
lemaeus. Dans Anglia, XXI 

(1899), p. 222-230. 

_48. F.Brixxmanx. Das Pferdin 
den romanischen Sprachen…., 
- dans l’Archiv de Herrig, L 


(1872), p. 123-g0. 


19. — Der Hund in den roma- . 


nischen Sprachen. Ibidem, 
XLVI (1870), p. 425-64. 


_ 20. M. Buec. Die franzôsischen 


"1 
[2 


 Namen der Haustiere alter und. 
neuer Zeit mit Berücksichtigung 
der Mundarten. Berlin, 1902, 
__in-8, 80 p. - 
* 21. Ion. Caxrü. Dante conside- 
rato come uomo di scienza. Mi- 
… lano, 1847, in-8. 
22. Céxac-Moxcaur. Les jar- 
dins du Roman de la Rose com- 
parés avec ceux des Romains et 


Res di à moyen ne ns L'n- 
vestigateur, journal de l'Insti- 
tut historique, VIIL (1868), 
-p- 229-241. 

23. Correzxou(J.vax Zaxpt). 
Die altenglischen Namen der 
Insekten, Spinnen-und Krus- 
tentiere. Heidelberg, 1906, 
in-8, vu-124 p. (Anglististhe 
Forschungen, XIX). 

24. Où Doserenrz. Die geo- 
graphischen Elemente des von 
Honorius | Augustodunensis] ge- 
lieferten Abrisses, dans la - 
Zeitschrift für deutsche Phila- 
logie, NII (1881), p: 29 
ets. 

25. E. Dreessacu. Der Orient 
in der altfranzôsischen Kreuz- 
zugslitteratur. Breslau, 1907, 
in-8, 96 p. 

26. Easter (De La Wanrr B.). 
A study of the magic elements 
in the romans d'aventure and 
the romans bretons, pt. I. 
Baltimore, 1906, in-8, 1x- 
56 pp- 

27. Sr. Feurxer. Albertus Ma- 


gnus als Botaniker. Wien, 
1881, in-8, go pp. 
28. E. Fiücer. Ueber einige 


Stellen aus dem Almagestum 
CL. Ptolemæi bei Chaucer und 
im Rosenroman. Dans An- 
glia, XVIII (1896), p. 133- 
140. 

29. H. Froxoger. Die Lehre 
von Materie und Form nach 
Albrecht dem Grossem. Bres- 
lau, 1909, in-8, 80 p. 


396 LA CONNAISSANCE DE 


30. R, M. Creer Precious 
siones in old english littera- 
ture. Leipzig, 3909, in-8, 
X1V-02 pp. (Münchener Bei- 
träge zur romanischen und 
englischen Philologie, n. 
XLVIT. 


31. M.S. Garver. Sources of 39. R.T. Horgrook. Dante « 


the beast similes in the Italian 

lyric of the thirteenth century. 

Dans Romanische Forschun- 

gen, XXI (1908), p. 276- 

320. 

- 32. O. Geisscer. Religion und 
Aberglaube in den mittelen- 
glischen Versromanzen. Halle 
a. d. S., 1908, in-8, 82 p. 

33. [. Gicuior. Dante e l'agri- 
coltora del suo secolo. Dans le 
Giornale Dantesco, VII, p. 
193-218. 

34. — Dante and the action of 
light upon plants. Dans Na- 
ture, LIX, n. 1531. 

35. G. Gürke. Ueber Tierver- 
wandlungen in franzüsischer 
Dichtung und Sage. Künigs- 
berg, 1904, in-8, 63 p. 


36. [. Hazrserc. L'Extrême- - 


Orient dans la littérature et la 
cartographie de l'Occident des 
XIIIe, XIVe et XVe siècles. 
Étude sur l'histoire de la géo- 
graphie. Güteborg, 1907, 
in-8, vin-573 p. 

37. À. Harrez. Versauberte 
Oertlichkeitenund Gegenstände 
in der alfranzôsischen erzäh- 
lenden Dichtung. Hannover, 


1908, in-8, 78 p. 


58. W. Hexser. Die Vagel 


franzôsischen Lyrik des Mit- Ê 
telalters, dans les Romanische 
Forsehungen, XXVI (1909), “ 
pp. 584-670. Cf. Romania 
XXXVIIL, p. 326. 


and the animal kingdom. New- $ 
York, 1902, xvir-395 p.. 


Cf. Modern Language Notes, 
XVIII, p. 118-192; Bulle … 


tino della Società Dantesca ita- È : 
liana, X, p. 336-337; Gior- 


nale slorico della letteratura 


italiana, XLI, p. 166-158 ; 
Rassegna nazionale, CXXX. 

ho. J. Hoops. Ueber die a 
tenglischen Pflanzennamen. 
Freiburg i. Br., 1889, in-8, 
84 p. M 

41. R. Jorpan. Die alteng- 
ischen Säugetiernamen zusam- 
mengestelll und erläutert. Heï- 
delberg, 1903, in-8, x1x-212 
pp. (Anglistische Forschungen, 
XI). Cf. Beiblatt zur An- 
glia, XIV (1903), p. 231- 
2934. 


&2. J.Jümaxe. Die Tierein der 
deutschen Volksmedizin alter 4 
und neuer Zeit. Nach den in 


der k. Bibliothek zu Dres- 
den gedruckten und ungedruck- 
ten Quellen. Mittweida, 1900, 
in-8, vir-39D p. 


43. Cu. Jorer. La rose dans 4 


l'antiquité et au moyen âge. 
Paris, 1892, in-10. 
b&: L. Kanis La Hongrie et be 


Es ae ke mess #4 

_ geste. Dans la Revue des lan- 
” ques romanes, 1908, pp. 5-38. 

; 45. A. Kirze. Das Ross in den 

| altfranzüsischen  Artus-und 

Abenteuer romanen. Marburg, 

… 1887, in-8, 47 p. Dans A. u. 

LL  À.,n. LXXV (1888), 48 p. 

A6: Fa, Kzarser. Das Bild bei 
Chaucer. L. Sammlung der 
Bilder aus der Tierwelt. Ber- 
lin, 1892, in-8, 36 p. — Cf. 

le même, Das Bild bei Chau- 
cer. Berlin, 1893, in-8, 
vin-454 p. 

47. I. Kocu. Das Meer in 
der miltelhochdeutschen Epik. 
Münster, 1910, 99 pp- 

48. J. J. Küazer. Die altengl- 
ischen Fischnamen. Heidel- 
berg, 1906, in-8, viri-87 
p- (Anglistische Forschungen, 
XXD). Cf. Beiblattzur Anglia, 
XIV (1903), pp. 231-234. 

“49. O.Küux Ueber Erwähnung 
und Schilderung von kôrperli- 
chen Krankheiten und Kürper- 

| gebrechen in altfranzüsischen 

r Dichtangen. Breslau, 1904, 

: in 8, 114 p. 

— Medizinisches aus der alt- 

n franzôsischen Dichtung. Bres- 

KE lau, 1904, in-8, 147 p. Dans 

x Abhandlungen zur Geschichte 

der Medizin, VIII. Cf. Zeit- 
4 schrift für fr. Sprache u. Lit- 
teratur, XX VIII (1905), p 
45-49. 

50. H. LaxcenBerG. Aus der 
Zoologie des Albertus Magnus. 


397 . 


| Elberfeld, 180r, in-4, 4o p. 

Gr F. Laure. Ueber Kranken- 
behandlung und Heilkunde in 
der Litteratur des alien Frank- 
reichs. Gôttingen, 1904, in-8, 
155 p. 

52. D. LauerstTeix. Der deut- 
sche Garten des Mittelalters bis 
um das Jahr 1400. Güttingen, 
1900, in-8, 51 p. 

53. A. Lecoy DE La Marcue. 
Les Sciences el la Médecine au 
moyen âge, dans la Nouvelle 
Revue, XXXVI (1885), p. 
77-113. 

54. A. Leone. Di alcune teorie 
cosmogoniche di Dante. Pavia, 
1902, in-8, 12 p. Extr. dela 
Rivista di fisica, matematica e 
scienze naturali. Cf. Bulletino 
della Società dantesca italiana, 
X,p. 253-255 ; et L'Ateneo, 
1902: 

55. E. v. Lippmanx. Chemisches 
bei Marco Polo, dans la Zeit- 
schrift für angewandte Chemie, 
1908. 

56. W.E. Mean. Color in old 
english Poetry, dans Publica- 
tions of the Modern Language 
Association of America, XIV 
(1899), p. 169-206. 

57. G. ve Mirariors. Dante 
georgio : saggio. Firenze, 
1898, in-8, xi-176 p. Cf. 
Giornale storico della lettera- 
tra italiana, XX XII, p. 428- 
430. 


58. E. Moore. Studies in Dante, 


Third series. Miscellaneous 


essays:. 
Press, 1903, in 8 xYI-388 p. 

L. The astronomy + Dante (pp. 
1-108, fig.). Paru,sans nom d’au- 
teur, dans la Quarterly Review, 

- 4 CLXXXVII, avril 1898 — 
IL. The geography of Dante(pp. 
109-1438. 1 pl., carte). 

84. [E. Saxesr e G. Borrtro. 
La geografia di Dante secondo 
Edoardo Moore ; traduzione e 
riassunto riveduto ed approbato 
dell” autore. Firenze, 1905, 
in-8, 22 p. — L'astronomia di 
Dante secondo Ed. Moore, dans 
la Rivista geografica italiana, 
XIIT, 1906.] 

59. C. Tu. Müirer. Zur Geo- 
graphie der älteren Chansons 
de geste. Güttingen, 1885, 
in-8, 36 p. 

60. G. Nicozussr. Le notizie e 
le leggende geografiche con- 

cernenli l'Italia nel Dittamon- 
do di Fazio degli Uberti. Dans 
les Rendicondi del R. Istituto 

lombardo, 9° série, XXXI 
(1898), pp. 157-178. 

A. Orr. Étude sur les cou- 
leurs en vieux français. Paris, 
1899, in-8, xrr-187 p. Cf. Ro- 
mania, XXIX, p. 477-478. 

62. Fr. D Oro Studj sulla 
Divina Commedia. Palermo, 
1901, in-8, xvi-608 p. 

IV. Dante e la magia. — XVI. 
Dante e la filosofia del “igueg- 
gio. 

63. H. Paraxper. Die althoch- 
deutschen Tiernamen. 1. Die 
Namen der Säugetiere. Darm- 


Gr. 


Oxford, don 


un on x1 17 
Englische  Studien, 
ECO P. HT 


es Fa du moyen 
âge, dacs Romans V (1876 % 
P: 109-138. - ‘0 
65. R. Piccocr. Abirologae an- 
tesca. Firenze) 1909, in-8 
4 p. i 
66. H.RerineetJ. Bouxr sr 
Unsere Pflanzen nach ihre 
deutschen Volksnamen, ihre: 
Stellung in Mythologie und 
Volksglauben, in Sitle und 
Sage, in Geschichte und Lite 
ratur. Gotha, 1904; in-8; XV 
416 p. : 24 
67. A. Reunier. Guise | 
sur la médecine au moyen âge, 
d'après le « Speculum majus » 
de Vincent de Beauvais. Fausse 3 
1893, in-8, Go p. . 
G. Rizzacasa D'Orsocna. | 
['movimenti de’ pianeli supe= * 
riori secondo Dante. Dans 
Giornale Dantesco, ne pee 
237-242. M 
69. E. Rorraxp. Faune popu- 4 
laire de la France. Paris, de- 
puis 1877, I-XIL, 9 vol. in-8, 
69% — Flore populaire où His- 
loire naturelle des plantes dans 
leurs rapports avec la. disgi 4 L 
tique et le folk-lore. Paris, 
depuis 1896, 4 vol. in-8. Cf. 
Revue critique d'histoire et de 4 
littérature, XLIX (1900), É 0 
15-18. 4 
704 V. Russo. La: |comografe 


68. 


De 


te La création 
_ métaphorique .en. français et 
en roman. Images tirées du 
_ monde des animaur domes- 
_. tiques. Le chat. Avec un ap- 
_ pendice sur la fouine, le singe 
n etes strigiens. Halle a. d.S., 
…. ago, in-8, 1v-148 p. (Bei- 
…_ hefte zur Zeitschrift für ro- 
…  manische Philologie, 1.). 
es: | ec La création métaphori- 
Res que en français et en roman. 
« Images tirées du monde des 
animaux domestiques. Le chien 
et le porc. 
BE  - dices sur le loup. le renard et 
- Les batrariens. ape ad: S., 
1907, in-8, vinr-174 p. (Bei- 
_ hefte zur Zeitschrift für ro- 
LORS Philologie, X.). 


| ie leurs applications métapho- 

-  riques, dans Mémoires de la 
‘4 _ Société linguistique de Paris, 

_ XIV (1906), p. 210-275. 

$ ns 74. P. Savs-Lopez. Sur les 
* oiseaux dans la poësie et la 
légende au moyen äge. Dans 
Trovatori e poeli (Milano, 
n. à 1907), p. 245 et & 

- 75. G: Fa Fede e su- 
>  perstizione nell' antica poesia 
% francese, dans la Zeitschrift 
Jür romanische  Philologie, 


> 97; XVIL (1893), p. 55-112. 
+ — Cf. Romania, XIV (18go), 


p. CRE et Le Moyen âge, 


Avec des appen-, 


— Les noms romans du chien 


XIV (1890), p. 89-127, 275- . 


_ 1897, p-. 5. 


. 76. W. Scnoser. Die Geogra- 


phie der  altfranzôsischen 
Chansons de geste. 1. Mar- 
burg, 1902, in-8, 100 p. 
77- R. Scurôper. Glaube und 
Aberglaube in den altfran- 
. zôsischen Dichtungen. Hanno- 
ver, 1886, in-8, 36 p. — Le 
même. Ein Beitrag zur Kultur- 
geschichte des Mittelalters. Er- 
langen, 1886, in-8, 186 p. 
Der Aberglaube in den ver- 
schiedenen Gebieten der Natur. 
78. GC. ScawarzexTraus. Die 
Pflanzenwelt in den altfran- 
zôsischen Karlsepen, 
Bäume. Marburg, 1890, in- 
8, 74 p- 
70. H. Sranzer. Albertus Ma- 
gnus als selbständiger Natur- 


forscher, dans les Forschungen- 


zur. Geschichte Bayerns, XIV, 
pp: 95-114. 

80. — Albertus Magnus von 
Côln als Naturforscher und 
das Kôlner Autogramm seiner 
Tiergeschichte. Leipzig, 1908. 

81. S. Vocr. Die Physik Roger 
Bacos. Erlangen, 1906, x- 
106 p. 

82. H. Wenre. Die deutschen 
Namen der Himmelsrichtungen 
und Winde. Strassburg, 1905, 
in-8, 59 p. Dans la Zeitschrift 
für deutsche Wortforschung, 
Viet VIIL 

83. K. Werner. Die Kosmo- 
logieundallgemeine Naturlehre 


I. Die 


84. Ca! H. Warrman. The M 


english animal names : Mol- 
lusks, Toads, Frogs, Reptiles. 
Dans Anglia, XXX (n. F. 
XVIID), 1907, p. 380-393. 
85. — The birds of old english 
Literature, dans le Journal of 
German Philology, I, 2. 
86. J. E. Wizims. Eine Un- 
 Lersuchung über den Gebrauch 
der Farbenbezeichnungen in 


88. À. Wüson, 
zenfabel in der "” 


14 -raliei RS D 0 en ET Ce UT 


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| | Ouvrage complet 


ERNEST LAVISSE 


HISTOIRE 


DE FRANCE 


DEPUIS LES ORIGINES JUSQU’A LA RÉVOLUTION 


PUBLIÉE AVEC LA COLLABORATION DE 


MM. BAYET, BLOCH, CARRÉ, COVILLE, 
KLEINCLAUSZ, LANGLOIS, LEMONNIER, LUCHAIRE, 
MARIÉJOL, PETIT-DUTAILLIS, PFISTER, 
REBELLIAU, SAGNAC, VIDAL DE LA BLACHE 


Dix-huit volumes grand in-8, brochés, de 400 pages 


CONDITIONS ET MODE DE LA PUBLICATION 


L’Ihstoire de France comprend 18 volumes 
grand in-8, brochés, de 400 pages. Chaque 
LU ge re CC OO LT ES CET 6 fr. 


L'ouvrage complet se compose de 72 fascicules 
d'environ 96 pages chacun. Chaque fasci- 
Nes is ART NRA TA er TER ON 


(Voir à la page 4 la Table de l'ouvrage.) 


Histoires de France, depuis Henri Martin 
Michelet, sur nos provinces et sur nos villes, sur les 
règnes et les institutions, sur les personnes et sur les. 
événements, un immense travail a été accompli. 


Le moment était venu d'établir le résumé de ce. 
demi-siècle d’études et de coordonner dans une œuvre 
d'ensemble les résultats de cette incomparable enquête. 

Une pareille tâche ne pouvait être entreprise que 
sous la direction d’un historien qui fût en même temps - 
un letiré. Nous nous sommes adressés à M. E. Lavisse,. 
qui a choisi ses collaborateurs parmi les maîtres de. 
nos jeunes Universités. 


D'accord sur les principes d’une même méthode, 
ils ont décrit les transformations politiques et sociales M 
de la France, l’évolution des mœurs et des idées et les 
relations de notre peuple avec l'étranger, en sat. 

tachant aux grands faits de conséquence longue et M 
aux personnages dont l’action a été considérable et . 
persistante. - ù AE 


Ils n’ont eu ni passions ni préjugés. 

Le temps n’est pas encore lointain où l’histoire de. À 
l’ancienne France était un sujet de polémique entre 
les amis et les ennemis de la Révolution. 

A présent, tous les hommes libres d’esprit pensent u 
qu il est puéril de reprocher aux ancêtres d’avoir cru 
à des idées et de s’être passionnés pour des sentiments 
qui ne sont pas les nôtres. L’historien sachant que, 
de tout temps, les hommes ont cherché de leur mieux 


_ les meiïlleures conditions de vie, essaie de ne les pas 
_ juger d’un esprit préconcu. | 
Pourtant l'historien n’est pas — il n’est pas d’ail- 
leurs souhaitable qu'il soit — un être impersonnel, 
émancipé de toute influence, sans date et sans patrie. 
L'esprit de son temps et de son pays est en lui;il a 
-soin de décrire aussi exactement que possible la vie de 
nos ancêtres comme ils l’ont vécue ; mais à mesure qu'il 
se rapproche de nos jours il s'intéresse de préférence 
aux questions qui préoccupent ses contemporains. 
S'il étudie le règne de Louis XIV, il s'arrête plus 
longtemps à l'effort tenté par Colbert pour réformer 
la société française et faire de la France le grand 
atelier et le grand marché du monde, qu’à l’histoire 
diplomatique et militaire de la guerre de Hollande, 
affaire depuis longtemps close. On ne s’étonnera dont 
pas si Colbert — et ceci n'est qu'un exemple choisi 
entre beaucoup — occupe dans notre récit une place 
plus grande que de Lionne ou Louvois. 


Ainsi à mesure que la vie générale se transforme 

. et que varie l'importance relative des phénomènes 
historiques, la curiosité de l'historien, emportée par 
_ le courant de la civilisation, se déplace et répond à 

_ des sentiments nouveaux. & 


Les éditeurs de l'Histoire de France ont voulu 
donner à la génération présente la plus sincère image 
qui puisse lui être offerte de notre passé, glorieux de 
toutes les gloires, traversé d'heures sombres, parfois 
désespérées, mais d’où la France toujours est sortie 
plus forte, en quête de destinées nouvelles et entrai- 
nant les peuples vers une civilisation meilleure. 

Ils souhaitent avoir réussi. 


TOME I. el 
I. — Tableau géographique de la France, par M. P. Vidal de Le Bach, Le 
fesseur à l'Université de Paris. 
11. — Les origines; la Gaule indépendante et la Gaule romaine, par M. G.} 
" professeur à l'Université de Lyon, chargé de conférences d'istoire ere 
à l'École normale supérieure. t} 
TOME H. CR 
I. — Le Christianisme, les Barbares. — Mérovingiens et Carolingiens, par 
MM. Æ. Bayet, directeur de l'Enseignement supérieur, ancien 66 El 
l'Université de Lyon, Pfister, professeur à l'Université de Nancy, et Klein 

clausz, chargé de cours à l'Université de Dijon. 
IT — Les premiers Capétiens (987-1137), par M. À. Luchaire, de l'Académie des 
Sciences morales et politiques, professeur à l'Université de Paris. 


TOME Il. ‘2 
ZI. — Louis VII, Philippe Auguste et Louis VIII (1137-1226), par M. A. Lahoe 
de l'Académie des Sciences morales et politiques, professeur à l'Université 

de Paris. 
TI. — Saint Louis, Philippe le Bel, les derniers Capétiens directs (1226- 
1328), par M. Ch.-Y. Langlois, professeur adjoint à l’ Université de Paris. 


TOME IV. 

I. — Les premiers Valois et la Guerre de Cent Ans(1328-1422), par M. A.Covilla, à 

professeur à l'Université de Lyon. : 

11. — Charles VII, Louis XT et les premières années de Charles VIII (1422-1492) 
par M. Ch. Petit-Dutaillis, professeur à l'Université de Lille. 


TOME V. ; 

1. — Les guerres d'Italie. — La France sous Charles VIII, Louis XII et Fran- 

çois 1° (1492-1547), par M. H. Lemonnier, professeur à l'Université de Paris. 

JI1 — La lutte contre la Maison d'Autriche. — La France sous Henri II (RS 
1569), par M. H. Lemonmer. 


TOME Vi. \ 


I, — La Réforme et la Ligue. — L'Édit de Nantes (4569-1698), par M. Marié 
professeur à l'Université de Lyon. 
11. — HeprilV et Louis XIII (1598-1643), par M. Mariéjol. 


TOME VII. - | 
Louis XIV. La Fronde. Le Roi. Colbert (1643-1685), par M. E Lavisse 
de l’Académie française, professeur à l'Université de Paris. Dre 


11. — Louis XIV. La Religion. Les Lettres et les Arts. La Guerre (1643-1685) 
par M. E. Lavisse. 


"4 


es 
| 


TOME VII. 21 TS 


1.— Louis XIV. La fin du règne (1685-1715), par MM. E. Lavisse, À. _ 1e 
PA Ci de l'Institut, et P. Sagnac, maitre de conférences ‘à l'Universi Fi 
e Lille 


I1.— Louis XV (1715-1774), par M. H. Carré, professeur à l'Université de Poitiers 0 
. TOME IX. 


— Louis XVI (1774-1789), par M. H. Carré. 
ii -— Tables analytiques. 


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