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on
xilj
LA
CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE
Ij'niUeur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de
traduction et de reproduction à l'étranger.
Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (section
de la librairie) en lévrier 1889.
PAItlS. TYP. DE K. PLO^, fiOlimn KT C'«, nilE CAnANClÈnE, 8.
1^
LA
œOUÈTE DE L'ALGÉRIE
1841-1857
■^
CAMILLE ROUSSET
lu
DE L ' A C A n É M I K F R A N C. A 1 v"! K
TOME SECOND
PARIS
LIBRAIRIE PLON
E. PLON, NOURRIT et C'S IMPRIMEURS-ÉDITEURS
n i; E G A R A >■ c I fe n E , m
1889
Tous ilroits réserves
LA
CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE
CHAPITRE VI
LA GRANDE INSURRECTION.
I. — Affaire de Sidi-bel-Abbès. — Le colonel Géry dans les mon-
tagnes des Ksour.
II. — Bou-Maza. — Le colonel Pélissier. — Les grottes du Dahra.
— La Kabylie. — Activité d'Abd-el-Kader.
III. — Mécontentement du maréchal Bugeaud. — Le ministère de
la guerre. — Les journaux. — La colonisation militaire. — En-
trevue avec le maréchal Soult.
IV. — Le vrai et les faux Bou-Maza. — Abd-el-Kader rentre en
scène.
V. — Le lieutenant-colonel de Montagnac. — Sidi-Brahim. — Ain-
Temouchent.
VI. — Insurrection générale. — Retour du maréchal. — Dix-huit
colonnes. — Chasse à l'émir. — La Métidja menacée. — Sagacité
et sérénité du maréchal.
VII. — Retraite d'Alid-el-Kader. — Massacre des prisonniers fran-
çais.
VIII. — Colonnes Jusuf et Renault. — Abd-el-Kader rentre au
Maroc.
I
Après la bataille d'Isly, Abd-el-Kader sYtait
retiré sur la rive gauche de la JMoulouïa, dans
II. 1
2 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
une région qui ne reconnaissait guère l'autorité
du sultan de Maroc; après le traité de Tanger,
il s'y était enfoncé davantage. Un message du
sultan Ty avait cependant rejoint. Puisqu'il n"a-
vait pas cessé d'être un sujet de trouble dans ses
États, Mouley-Abd-er-Rahmane lui enjoignait de
licencier ses troupes, de disperser sa deïra et de
venir, avec sa famille et ses amis, vivre à Fez en
pieux marabout; sinon, il devait quitter immédia-
tement le territoire de l'empire. Là-dessus de
nombreux conseils furent tenus dans la deïra.
D'un avis unanime on repoussa l'idée de se
mettre à Fez sous la main du sultan ; mais, où
aller? Dans le désert, selon le sentiment de Ben-
Tami? On y avait trop souffert.
Abd-el-Kader borna son déplacement à passer
de la rive gauche de la Moulouïa sur la droite. Il
y trouva des populations encore mieux disposées
à son égard, et, dès qu'il fut dans le voisinage des
Beni-Snassen qui lui étaient absolument dévoués,
il sentit renaître ses espérances et crut au relève-
ment prochain de sa fortune. Moustafa-Ben-Tami,
Barkani , Bou-Hamedi, Miloud-ben-Arach , ses
amis fidèles, partageaient sa confiance. Vers la
fin du mois de décembre, il vit venir à lui un mil-
lier de Beni-Snassen et de gens du Rif, qui lui
ABD-EL-KADER. 3
apportaient une offrande de grains et de raisins
secs. Dejouren jour son influence grandissait et
s'étendait ; il y eut des tribus qui se proposaient,
disait-on, de déposer Abd-er-Rahmane et de pro-
clamer Abd-el-Kader à sa place. Il refusa de se
prêter à leurs projets de révolte, mais il n'en
resta pas moins pour le sultan un rival possible
et un hôte toujours dangereux. Le fait que Mou-
ley- Abd-er-Rahmane avait été battu par les roumi
humiliait l'orgueil marocain, et l'autre fait qu'il
avait traité ensuite avec eux exaspérait le fana-
tisme.
En même temps, les agents de l'émir ne ces-
saient d'intriguer parmi les tribus algériennes,
soit qu'ayant émigré au Maroc, elles fussent tentées
de rentrer sur leur ancien territoire, soit que, voi-
sines de la frontière, elles fussent incitées à passer
sur la terre marocaine. Malgré la surveillance que
faisait exercer sur celles-ci La Moricière, il lui
échappait toujours quelque douar, et la peine était
encore plus grande quand il fallait favoriser le
retour de quelques isolés. Abd-el-Kader faisait
annoncer chez les Beni-Ouragh, les Flilta , les
Sbéa, son arrivée prochaine avec des forces con-
sidérables.
Pour contrecarrer les intrigues de l'émir, le
1.
4 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
colonel Korte, le colonel Géry, La Moricière lui-
même, se montraient sur la frontière à l'ouest et
au sud, châtiant les insoumis, rassurant les timi-
des, essayant en un mot de rétablir l'ordre, qui,
sans être très apparemment troublé, ne laissait
pas d'être compromis sourdement. Ainsi se pas-
sèrent les derniers mois de l'année 1 844 et le pre-
mier de l'année 1845.
Le 30 janvier, dans la matinée, le chef de ba-
taillon Vinoy, commandant le poste de Sidi-bel-
Abbès, venait de sortir avec un détachement de
spahis pour punir les auteurs d'un vol de bestiaux
commis la veille, quand, vers dix heures, le fac-
tionnaire de garde à Tavancée vit venir à lui une
soixantaine de pèlerins arabes, marchant en pro-
cession et psalmodiant. Comme ils avaient la pré-
tention de passer outre, malgré la consigne, le
factionnaire croisa la baïonnette; à l'instant
même il tomba mort d'un coup de pistolet; en
un clin d'œil la redoute fut envahie. Les hommes
du 6'' léger , qui l'occupaient, étaient en train de
prendre leur repas du matin. Hurlant et tirant
leurs armes cachées sous les burnous, les faux
pèlerins tuèrent ou blessèrent les premiers qu'ils
surprirent; mais, la minute d'après, ils furent
assaillis à leur tour, et comme la porte avait été
SIDI-BEL-ABBÈS. 5
fermée sur eux, pas un ne put échapper ; ils étaient
entrés cinquante-huit, on releva cinquante-huit
cadavres. De la garnison, il y avait six tués et
vingt-six blessés. Un coup de canon tiré de la
redoute rappela le commandant Vinoy, qui, sans
se douter de la gravité du cas, rencontra au re-
tour les femmes, les enfants et les troupeaux de
ceux qui venaient de tenter cet audacieux coup
de main. Qui étaient-ils?
D'après l'enquête faite parle commandant Wal-
sin, chef du bureau arabe, c'étaient des Ouled-
Brahim, de la grande tribu des Béni- Amer,
khouan, c'est-à-dire adeptes d'une de ces con-
fréries qui entretenaient et ravivaient sans cesse
dans le Maroc l'exaltation religieuse. Ceux-ci ap-
partenaient à l'ordre des Derkaoua, le plus fana-
tique de tous et le plus dangereux, même pour
Abd-er-Rahmane, même pour Abd-el-Kader, car
ses adeptes, révolutionnaires au premier chef,
refusaient l'obéissance à toute puissance humaine
quelle qu'elle fût.
Le fait en lui-même ne se rattachait donc pas
à la propagande exercée par les agents de l'émir;
il n'en était pas moins un symptôme étrange et
redoutable de l'état général des esprits parmi les
indigènes. Deux douars seulement des Beni-Amer
6 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
s'étaient jetés dans l'entreprise; mais toute la
tribu en avait connu le projet, et pas un des chefs
ne l'avait révélé. Aussi le commandant Walsin les
punit-il en prenant une vingtaine d'entre eux
comme otages et en séquestrant leurs chameaux,
leurs mulets, leurs chevaux de guerre.
Dans le même temps, un commencement d'agi-
tation était signalé au sud, chez les Sahariens, qui
subissaient sans aucun doute l'influence d'Abd-el-
Kader. Il y avait de ce côté-là deux zones dis-
tinctes : la plus voisine était celle des Chotl,
parcourue par des tribus absolument pastorales
et nomades; la seconde, plus méridionale, com-
prenait les montagnes des Ksour et du Djebel-
Amour; les populations y étaient à la fois pas-
torales et agricoles. « 11 y a, disait La Moricière
au sujet des unes et des autres, deux moyens
d'atteindre leurs intérêts matériels : le premier est
de visiter leurs ksour, où elles ont des dépôts
considérables; le deuxième est de les frapper
par des razzias, lorsqu'elles viennent camper à
portée des limites du Tell. 11 n'est pas inutile
cependant de faire remarquer que, n'ayant pas
encore souffert, elles ont une cavalerie nom-
breuse qui doit obliger à quelque circonspection
dans les coups de main qu'on entreprendra contre
LES KSOUR. 7
elles. Ces populations, avec leurs nombreux cha-
meaux, étant plus mobiles que nos colonnes, il
ne faut pas essayer de les poursuivre, une fois
qu'elles sont averties de notre approche. Pour les
atteindre, il faut les surprendre, et cela n'est pos-
sible que dans des circonstances données qu'il
faut attendre et que nous ne pouvons pas faire
naître. Ce que je crois possible en ce moment,
c'est de parcourir le pays où elles campenthabituel-
lement, d'en reconnaître exactement les eau\ et
les pâturages, et enfin de visiter les ksour, ce qui
pourra amener leur soumission par la crainte de
voir détruire une partie de ce qu'elles possèdent.
Il faut frapper l'imagination de ces populations-là,
et si je parais y tenir, c'est que je ne suis pas sûr
de frapper autre chose, attendu qu'il n'est pas im-
possible que les tribus ne déménagent avec leurs
magasins et ne laissent devant nous que leurs ca-
banes. ))
Pour assurer le ravitaillement de la colonne qui
devait opérer dans l'extrême sud de la province
d'Oran, il fallait un poste-magasin plus rapproché
que Sidi-bel-Abbès. Il y avait longtemps d'ailleurs
que La Moricière avait reconnu et fait reconnaître
au maréchal Bugeaud l'urgence de fermer autant
que possible la trouée largement ouverte sur la li-
8 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
sière du Tell, depuisSebdou jusqu'à Saïda. Le point
de Daya, situé chez les Djafra, ayant été choisi par
La Moricière, il y fit construire, pendant le mois
d'avril, une redoute où il installa, sous les ordres
du comnaandant Charras, un bataillon de la légion
étrangère et quatre-vingts sapeurs du génie, avec
trois pièces de campagne, des vivres pour deux
mois, une ambulance et cent mille cartouches en
réserve.
Déjà la colonne d'exploration du Sud était
partie, le 18 avril, de Saïda, sous le commande-
ment du colonel Géry. Elle était formée du 1" ba-
taillon d'Afrique, de deux bataillons du 56% de
cent cinquante cavaliers, moitié chasseurs de
France, moitié spahis, de cent cinquante Arabes
du goum, d'un détachement d'artilleurs servant
quatre obusiers de montagne et vingt fusils de
rempart, avec une réserve de quarante-deux mille
cartouches et quatre quintaux de poudre démine,
enfin d'une section d'ambulance, avec quarante-
deux cacolets et six litières. Le convoi com-
prenait six cent soixante-dix chameaux chargés
d'orge et de vivres pour vingt-trois jours, de ton-
nelets et d'outrés, plus un troupeau de quatre-
vingts bœufs et de cinq cents moutons. L'elfectif
total dépassait deux mille hommes et six cents
LES KSOUR. 9
chevaux ; l'effectif de guerre était de quatorze à
quinze cents combattants.
Le 20 avril, la colonne traversa les gués vaseux
du Chott-el-Chergui; tout, dans cette région aride
et découverte, était étrange; plus on marchait au
sud, plus on avait froid; devant soi on apercevait
le Djebel-Ksel couvert de neige. Le 24, on entra
dans la montagne. Stilten, qui était le premier
objectif de l'expédition, était abandonné; mais un
notable, député par la population fugitive, vint
supplier « les enfants de la puissance » d'épar-
gner le ksar. Le colonel y consentit volontiers et
reçut le lendemain la soumission de nombreux
douars appartenant aux Trafi. Poussant plus loin
au sud, à travers le pays montagneux, il voulait
atteindre Rassoul, et surtout Brézina, sur l'autre
versant du massif, au seuil du grand désert, du vé-
ritable Sahara, C'était là que les grands nomades
avaient leurs intérêts; c'était là qu'ilsavaient leurs
dépôts et leurs moyens de trafic. Aux abords de
Rassoul, la colonne reçut les premiers coups de
fusil qu'elle eût encore entendus; des voleurs es-
sayèrent d'enlever les chameaux du convoi. En
punition de l'attentat, Rassoul fut détruit en partie
le 27.
Le 29, pendant une halte dans le défilé d'El-
10 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Aroiiïa, que les soldats nommèrent « la porte du
désert», un homme se présenta au colonel au
nom des habitants de Brézina, qui, disait-il, n'at-
tendaient, pour faire leur soumission, que l'arri-
vée de la colonne. Il s'offrit et on l'accepta natu-
rellement pour guide. Le défilé, tortueux, coupé
de ravins quis'entre-croisaient dans tous les sens,
était un vrai labyrinthe. Après une heure de tours
et de détours, la colonne se retrouva toute sur-
prise à son point de départ. L'homme l'avait évi-
demment et volontairement égarée; le capitaine
Deligny, chargé de surveiller les guides, lui fit
sauter la cervelle. Pour donner aux gens de Bré-
zina le temps de fuir avec leur fortune, cet homme
s'était dévoué à la mort; cet homme était un
héros. Il fallut bivouaquer sur place et le lende-
main faire le coup de fusil. Après trois heures d'une
marche pénible, par une chaleur suffocante, au
détour d'un rocher, on aperçut tout à coup, au
milieu d'une forêt de palmiers, Brézina. Avant d'y
atteindre, il y eut un petit combat de cavalerie.
Le ksar était totalement vide.
Le 1" mai, la mine ouvrit une brèche dans les
murs d'argile, et la colonne se mit au retour. Le
passage d'El-Arouïa ne fut pas disputé. Le 2, on
aperçut une grosse troupe d'Ouled-Sidi-Cheikh
LES OULED-NAIL. 11
qui fit défier par un héraut le colonel pour la ma-
tinée du lendemain. Le colonel ne voulut pas les
faire si longtemps attendre ; dans la journée
même, à trois heures, il vint à eux. Le combat
fut vif; le goum, qui avait engagé l'attaque, fut
d'abord repoussé; mais les chasseurs ayant pris
l'affaire à leur compte, l'ennemi, malgré sa bra-
voure, sévit forcé de quitter la place. Le 1 1 mai,
le colonel Géry rentra dans le Tell par Frenda.
Parallèlement à cette expédition, le général
Marey en avait fait une autre à l'est, dans le bas-
sin des Zahrez, pour châtier les Ouled-Naïi, cou-
pables d'avoir intercepté, au mois de mars, la
contribution de la zckkat, c'est-à-dire les trou-
peaux que conduisait à Médéa le khalifa de La-
ghouat. « Cet événement, écrivait au ministre de
la guerre le maréchal Bugeaud, ne serait proba-
blement pas arrivé si, depuis six mois, nous n'é-
tions restés immobiles. L'offensive, le plus souvent
possible, ou du moins la force souvent montrée
au loin, voilà la condition indispensable de notre
puissance. A^ous voyez que, pour rester en paix,
il faut deux volontés; il ne suffit pas de dire : Je
veux être pacifique, il faut encore que nos adver-
saires aient le même désir. Le meilleur moyen de
vaincre leur obstination n'est pas de rester t?an-
12 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
quille chez soi : la défensive absolue nous aurait
bientôt perdus. Je sais bien que les gens qui ne
comprennent pas diront : « Mais ils vont chercher
(( la guerre; pourquoi ne restent-ils pas en paix
« pour faire des routes, des édifices, de la coloni-
« sation ? » Je réponds à ces braves gens qui veulent
ainsi juger à tort et à travers, que nous allons
chercher la guerre parce qu'elle est à nos portes,
et que si nous n'y allions pas, elle viendrait avec
des avantages moraux que nous voulons lui en-
lever. »
DJEMMA-GHAZAOUAT. 13
II
La guerre n'était pas seulement aux portes, elle
était dans la maison même.
Le 25 mars,-^]e maréchal Bugeaud, revenu de
France, avait repris la direction des affaires ; comme
il voulait donner en personne ses instructions à
La Moricière, il s'embarqua pour Mers-el-Kebir,
prit le général à son bord et poursuivit avec lui
jusqu'à Djemma-Ghazaouat. Il persistait à trouver
ce poste détestable, surtout trop largement in-
stallé; il en fit publiquement le reproche à La
Moricière : « Vous autres, messieurs, qui sortez
du génie, lui dit-il, vous avez le génie des fortifi-
cations, mais vous n'avez pas le génie de la
guerre. » C'était dur; puis il ajouta: « Si je ne
trouve pas une population européenne à jeter ici,
j'évacuerai ce poste; c'est un boulet qui nous est
accroché à la jambe. »
Le maréchal rentra, le 6 avril, à Alger; quelques
jours après, le Dahra était en feu. Remarque im-
14 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
portante : Abd-el-Kadern'y était pour rien. L'a-
gitateur se trouvait être un jeune liorame d'une
vingtaine d'années, un inconnu venu du Maroc;
il s'appelait Mohammed-ben-Abdallah ; mais les
Kabyles lui avaient donné le surnom de Bou-Maza,
— l'homme à la chèvre, — parce qu'il était tou-
jours suivi d'une chèvre dressée à faire quelques
tours dont les Kabyles, naïfs et crédules, étaient
émerveillés. Ceci était bon pour le menu peuple ;
chez les gens de condition moyenne, Bou-Maza
passait pour un saint : khouan de l'ordre de Mou-
ley-Taïeb, un des plus anciens et des plus consi-
dérés dans le Maroc, il avait conquis par ses
prières, par ses mortifications, par ses extases,
une réputation extraordinaire; de Mostaganem à
Cherchel, il n'était parlé que de lui.
Un beau jour, chez les Ouled-Djounès, il fit sa
lévélation : il était le chérif envoyé de Dieu, celui
qui devait venir au moment indiqué par les pro-
phéties, « le maître de l'heure ». De toutes parts
on accourut pour l'entendre; de toutes parts on
lui apporta des aumônes, non seulement des
grains et de l'argent, mais encore de la poudre,
des fusils, des chevaux. Avec les fanatiques, les
aventuriers et les bandits, il eut bientôt une
troupe de quelques centaines d'hommes. Pour
BOU-MAZA. 15
son coup d'essai, il assassina le kaïd de Médiouna
et le kaïd des Sbéa, en faisant proclamer partout
que leur mort était la juste punition des services
qu'ils avaient rendus aux chrétiens, et qu'un tel
sort était réservé à tous leurs pareils en félonie.
Ce fut le 12 avril que ces tragiques nouvelles
arrivèrent au colonel de Saint-Arnaud, comman-
dant supérieur d'Orléansville. Il se mit, le 1 4, en
campagne, atteignit le chérif, le battit et dispersa
sa bande. On pensa qu'il n'en serait plus question.
Le 1 8, le colonel entra sur le territoire des Ouled-
Djounès, qui étaient en même temps attaqués par
le lieutenant-colonel Glaparède et le commandant
■Canrobert, venus de Tenès, et par le général de
Bourjolly, accouru de Mostaganem. Le châtiment
infligé aux Ouled-DJounès n'empêcha pas l'insur-
rection de s'étendre.
Il y avait, à une lieue de Tenès, un petit poste
retranché qu'on appelait le camp des Gorges. Il
avait été établi, l'année précédente, pour proté-
ger les travailleurs employés sur la route d'Or-
léansville, et de provisoire il était devenu perma-
nent, à l'insu du maréchal Bugeaud, qui n'en
soupçonnait même pas l'existence. Quand le lieu-
tenant-colonel Glaparède était sorti de Tenès, au
lieu de faire évacuer le camp, il y avait laibsé une
16 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
soixantaine d'hommes du S^bataillon de chasseurs
à pied. Le 20 avril, huit ou neuf cents Kabyles
conduits par Ben-Hinni, kaïd des Beni-Hidja, se
glissèrent par les ravins des alentours et tout à
coup envahirent le poste dont la porle n'était pas
gardée. Les chasseurs surpris eurent néanmoins
le temps de s'enfermer dans le blockhaus où ils
ne purent être forcés; mais leurs tentes furent
mises au pillage, et, sous leurs yeux, une malheu-
reuse enfant, la fille d'un cantinier, fut égorgée
par la bande exécrable. Le lendemain les Kabyles
revinrent; mais, pendant la nuit, le commandant
de place, à Tenès, avait expédié au camp une cen-
taine de condamnés au boulet et de disciplinaires,
avec quelques sapeurs-conducteurs en guise de
cavalerie; une sortie de la garnison, accrue de la
sorte, repoussa l'ennemi qui ne se montra plus.
Les résultats matériels de ce coup d'audace
étaient à peu près nuls, mais l'effet moral fut im-
mense.
Au premier avis de l'événement, le maréchal
Bugeaud donna l'ordre d'envoyer par mer de
Cherchel à Tenès le 2" bataillon d'Afrique et fit
diriger par terre un bataillon du 64' sur Orléans-
ville. Cette affaire du camp des Gorges l'avait
exaspéré. «Sans ce poste, écrivait-il au colonel de
BEN-HINM. 17
Saint-Arnaud, il n'y aurait eu probablement qu'une
insurrectiondansle vide; l'ennemi n'aurait pas osé
atlaquer Tenès, puisqu'il ne l'a pas fait, malgré le
scindement des forces. Ce détachement de cin-
quante à soixante hommes a tenté le diable; c'é-
tait bien le cas de le retirer quand Claparède est
sorti avec les forces les plus disponibles. Il faut
que cette manie de l' éparpillement et de Vimmohi-
lisation des forces soit quelque chose de bien invé-
téré dans les esprits pour que, malgré nos paroles
et nos écrits si multipliés contre ce système, on le
suive encore si souvent. »
Le 2 bataillon d'Afrique était arrivé le 22 à Te-
nès; le lendemain, il escortait un convoi de bis-
cuits dirigé sur Orléansville, quand, une lieure
après son départ, il fut assailli par Ben-Hinni et
ses Kabyles ; mais le convoi bien défendu parvint
à destination sans avoir laissé une voiture en ar-
rière; malheureusement, l'escorte avait eu cinq
hommes tués et cinquante-deux blessés. Aussitôt
le colonel de Saint-Arnaud se mit à la poursuite
des Béni - Hidja, dont il ravagea impitoyable-
ment le territoire pendant que le général de Bour-
jolly agissait contre les Sbéa. Une peine, inconnue
jusqu'alors, avait été décrétée contre les rebelles
parle maréchal Bugeaud : le désarmement. Pour
II. 2
18 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ces tribus guerrières, c'était la plus terrible de
toutes.
Rien n'y faisait. Le 28 avril, un grand posle,
Orléansville même, vit ses retranchements insultés
par Bou-Maza, qui avait soulevé et ameuté toute
la vallée du Cliélif. Il va sans dire qu'il fut re-
poussé; mais encore plus que l'attaque du camp
des Gorges, cette tentative insensée fut célébrée
parmi les Arabes et les Kabyles à l'égal d'une vic-
toire. L'insurrection avait gagné l'Ouarensenis.
Mohammed-bel-Hadj lui-même, l'agha des Beni-
Ouragb, devenait suspect.
Le 2 mai, le maréchal Bugeaud partit d'Alger
avec le duc de Montpensier, qui avait réclamé
l'honneur de faire campagne avec lui. Une co-
lonne de sept bataillons, zouaves, 3' chasseurs à
pied, tirailleurs indigènes, 6* léger, 36' de ligne,
de trois escadrons, chasseurs d'Afrique et spahis,
et d'une batterie de montagne, d'un effectif total
de cinq mille cinq cents baïonnettes et cinq cents
chevaux, avec mille mulets de bât, attendait le
gouverneur sous Miliana. Une seconde colonne de
trois bataillons, un escadron et deux pièces de
montagne, sous les ordres du général Reveu, était
en avant-garde au confluent de l'Oued-Rouina et
du Chélif. Le 7 mai, le maréchal prit le comman-
SIDI-EL-ARIBI. 19
dément et pénétra, le 9, dans l'Ouarensenis in-
surgé. Il marchait à petites journées, détruisant
les gourbis, les moissons, les vergers, recevant
d'ailleurs plus d'averses que de coups de fusil. Les
insurgés s'écartaient de sa route; à peine y eut-il
à l'arrière-garde quelques petites affaires qu'il y
aurait excès à nommer des combats. Le 22 mai,
la colonne du maréchal et celle du général Reveu
vinrent prendre des vivres aux magasins d'Or-
léansville.
Pendant ce temps, l'effort de l'ennemi s'était
porté dans le Dahra contre Saint-Arnaud. Bou-
Maza était rentré chez les Ouled-Djounès et s'y
fit battre encore une fois avec eux, sans que ce
nouvel échec portât la moindre atteinte à la foi
qu'il leur avait inspirée. Dans cette dernière ren-
contre, les combattants kabyles appartenaient à
sept tribus différentes. Battu par Saint-Arnaud,
le 1" juin, Bou->Iaza se fit battre derechef dix
jours plus tard, non plus par le colonel, mais ce
qui était plus grave, par Sidi-el-Aribi, un Arabe !
L'affaire eut lieu chez les Beni-Zerouel ; elle fut
vive et la victoire du khalifa complète. Le chérif
lui abandonna deux drapeaux, trente chevaux et
sept prisonniers seulement ; mais quatre cents
morts gisaient sur le champ de bataille. Pour
2.
20 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
coiiible de disgrâce, il faillit, quelques jours
après, tomber entre les mains de l'agha des
Sendja, demeuré fidèle comme Sidi-el-Aribi; puis,
ayant échappé presque seul à la poursuite, il dis-
parut dans rOuarensenis, et, pour quelque temps,
on n'entendit plus parler de lui.
11 ne restait plus qu'à réduire par le désarme-
ment les tribus des deux bords du Cliélif. Trois
colonnes y étaient destinées, sous les ordres des
colonels Pélissier, Saint-Arnaud et Ladmirault.
Après avoir donné à chacun d'eux son rôle, le ma-
réchal prit la mer à ïenès pour Alger, où il rentra
le 12 juin. La colonne Pélissier se composait du
3' bataillon de chasseurs à pied, de deux batail-
lons du 6" léger, d'un bataillon du 36* de ligne,
d'un escadron de chasseurs, d'une section d'obu-
siers de montagne et d'un détachement de sa-
peurs; l'effectif était de deux mille cinq cents
hommes. Sa mission était d'opérer dans l'ouest
du Dahra, pendant que la colonne Saint-Arnaud
agirait au nord et la colonne Ladmirault dans
l'est.
L'année précédente, au mois de juin 1841, le
général Gavaignac, alors colonel, s'était trouvé
dans un cas extrême. Il opérait, sur la rive gau-
che du Chélif, contre les Sbéa qui s'étaient retirés
LES GROTTES DU DAHRA. 21
dans leurs grottes. A toutes ses sommations ils
avaient refusé de se rendre ; un capilaine du 5 ba-
taillon de chasseurs, M. de Jouvencourt, envoyé
sur sa demande en parlementaire, avait été reçu
à coups de fusil et tué. Alors le colonel avait
donné au commandant du génie Tripier Tordre
d'attaquer une des grottes par la mine, et il avait
fait allumer un grand feu devant l'issue d'une
autre. La nuit suivante, un sergent de zouaves
avait eu l'épaule fracassée d'une balle; vers minuit,
onze Kabyles étaient sortis de la grotte enfumée;
cinq avaient été tués; les six autres avaient pu
s'enfuir. Le lendemain, les assiégés, dont quel-
ques-uns étaient déjà morts d'asphyxie, avaient
enfin consenti à sortir.
Un an plus lard, au mois de juin 1 845, le colo-
nel Pélissier se trouva dans une situation exacte-
ment pareille. Les Ouled-Ria, contre lesquels il
avait ordre d'agir, s'étaient aussi renfermés dans
leurs grottes qui étaient profondes. Pendant qu'on
cherchait à les investir, ils blessèrent cinq hom-
mes. Les prendre de vive force était impossible ;
les réduire par blocus était dillicile, car on savait
qu'ils avaient des vivres et de l'eau ; un ruisseau
souterrain traversait la montagne. Le colonel Pé-
lissier fit ce qu'avait fait le colonel Cavaignac.
22 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Après qu'aux dernières sommations les assiégés
eurent répondu par des coups de fusil, des fas-
cines, descendues du haut des rochers, furent
allumées devant l'entrée des grottes; le feu brûla
toute la nuit.
Le lendemain, 19 juin, au point du jour, un
des Kabyles se montra ; le colonel lui fit crier que
ni lui ni personne des siens n'avait rien à crain-
dre, qu'aucun d'eux ne serait conduit prisonnier
à Mostaganem, que chacun serait libre de rentrer
«hez soi, mais qu'il fallait d'abord faire soumission
et livrer les armes. Les pourparlers durèrent trois
heures; les assiégés exigeaient la retraite préa-
lable des troupes qui les tenaient investis : condi-
tion inadmissible. Un dernier quart d'heure leur
fut accordé pour réfléchir; le quart d'heure ex-
piré, un carabinier des chasseurs fut frappé d'une
balle kabyle.
Il était dix heures. Des fascines furent amassées
sur le foyer de la veille, mais elles ne furent en-
flammées qu'à deux heures. Les grottes , qui
étaient plutôt un tunnel, avaient deux issues, à
des niveaux différents. Il se produisit de l'une à
l'autre un tirage qui établit sur une longueur de
cent quatre-vingts mètres un courant de feu et de
fumée. L'incendie gagna les bagages des réfugiés.
LES GROTTES DU DAHRA. 23
Pendant la nuit, on crut entendre des abords de
la montagne un bruit confus, des clameurs sour-
des; puis rien ne troubla plus le silence. Long-
temps avant le jour, quelques hommes suffo-
quant vinrent tomberdevant les sentinelles. On se
hâta de les relever et d'envoyer reconnaître l'en-
trée des grottes; mais une fumée si épaisse et si
acre les remplissait qu'il fut impossible d'y péné-
trer d'abord. Cependant, on en voyait sortir de
temps à autre des êtres presque méconnaissables,
qui rampaient, et que d'autres, fanatisés jusque
dans l'asphyxie, essayaient d'arrêter en tirant sur
eux. Quand on put enfin visiter la fournaise
éteinte, on y compta plus de cinq cents victimes,
hommes, femmes, enfants. L'étendue de ce dé-
sastre frappa tous les assistants de stupeur. <( Ce
sont là, Monsieur le maréchal, a dit le colonel
Pélissier dans son rapport, de ces opérations que
l'on entreprend (juand on y est forcé, mais
que l'on prie Dieu de n'avoir à recommencer
jamais. »
Le tragique événement fut vivement commenté
en France et au dehors. Interpellé à la Chambre
des pairs, le maréchal Soult fit une réponse em-
barrassée, qui ne parut satisfaisante à personne.
Quelle que fût son opinion personnelle au sujet
24 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
de l'acte reproché à son subordonné, le maréchal
Bugeaud avait trop le sentiment de l'autorité pour
hésiter à le couvrir. Il écrivit au ministre de la
guerre : « Je regrette, Monsieur le maréchal, que
vous ayez cru devoir blâmer, sans correctif aucun,
la conduite de M. le colonel Pélissier. Je prends
sur moi la responsabilité de son acte ; si le gou-
vernement jugeait qu'il y a justice à faire, c'est
sur moi qu'elle doit être faite. J'avais ordonné
au colonel Pélissier, avant de nous séparer à Or-
léansville, d'employer ce moyen à la dernière
extrémité; et, en effet, il ne s'en est servi qu'après
avoir épuisé toutes les ressources de la concilia-
tion. C'est à bon droit que je puis appeler déplo-
rables, bien que le principe en soit louable, les
interpellations de la séance du 1 1 juillet. Elles
produiront sur l'armée un bien pénible effet, qui
ne peut que s'agrandir par les déclamations furi-
bondes de la presse. Avant d'administrer, de ci-
viliser, de coloniser, il faut que les populations
aient accepté notre loi. Mille exemples ont prouvé
qu'elles ne l'acceptent que par la force, et celle-ci
même est impuissante, si elle n'atteint pas les per-
sonnes et les intérêts. Par une rigoureuse philan-
thropie, on éterniserait la guerre d'Afrique en
même temps que l'esprit de révolte, et alors
INSURRECTION DANS L'EST. 25
on n'atteindrait même pas le but pliilanthro-
pique. »
Effrayées par la terrible leçon que leur donnait
le sort des Ouled-Ria, toutes les tribus du Dabra
et de rOiiarensenis cessèrent la résistance; mais,
d'autre part, l'esprit d'insurrection s'était propagé
dans l'est; un fanatique, nommé Bou-Cbareb,
avait soulevé le Djebel-Dira. Comme cette région
montagneuse était sur les confins des provinces
d'Alger et de Constantine, le général Marey y ac-
courut de Médéa et le général d'Arbouville de
Sétif ; prise entre deux feux, l'insurrection ne dura
guère dans ces parages, mais par l'Ouennouglia
elle atteignit dans le nord le versant méridional du
Djurdjura et trouva des adhérents chez les Ouled-
bou-Aziz. Lesdeuxgénéraux l'y poursuivirent et lui
infligèrent, le 10 juin, un châtiment sévère. Onze
villages des OuIed-bou-Aziz furent brûlés en un
seul jour.
Ce n'est pas tout. Par-dessus les crôtes du
Djurdjura, l'agitation avait gagné le cercle de
Dellys. Là Ben-Salem et Bel-Kassem la détour-
nèrent à leur profitcontre Ben-Zamoun, l'aglin des
Flissa institué par le maréchal Bugeaud. Ben-Za-
moun demanda du secours au général Gentil, qui
occupait avec trois bataillons le col des Beni-Aï-
26 LA CONQUETE DE L'ALGÉRIE.
cha. Autorisé par le gouverneur, le général s'éta-
blit, le 22 juin, en avant de Dellys; mais sa pré-
sence, au lieu de rétablir le calme dans le cercle,
ne fit qu'exaspérer l'insolence des Kabyles insou-
mis. Les choses en vinrent même au point que le
maréchal Bugeaud se vit obligé d'envoyer à Del-
lys de nombreux renforts et de s'y porter lui-
même.
Le 25juillet,il pritlecommandement d'une co-
lonne de dix bataillons et de deux escadrons, avec
artillerie de montagne et détachement de sapeurs.
Les principales tribus insurgées étaient les Beni-
Ouaguenoun et les Beni-Mimoun. Telle étaitla ter-
reur que réveillaitdans ces montagnes le seul nom
de Bugeaud qu'il ne lui fut pas même nécessaire de
combattre. Les deux tribus s'empressèrent de de-
mander Vaman et de payer la contribution de
guerre. Une tribu encore plus puissante, les Beni-
Raten, qui se sentaient menacés, conjurèrent l'o-
rage en priant le maréchal d'épargner à leur
pauvre et rude pays les maux d'une lutte qui ne
donnerait de profit à personne. La chaleur était
grande; le gouverneur n'était pas en mesure
d'exécuter ses grands projets sur la Kabylie.
Satisfait pour le moment d'avoir rétabli Tordre
autour de Dellys, il rentra le 7 août à Alger.
ABD-EL-KADER. 27
L'insurrection semblait comprimée partout, à
Test et à l'ouest ; mais il y avait Abd-el-Kader qui,
de sa personne, ayant quitté le Maroc où sa deïra
continuait de vivre, avait recommencé depuis deux
mois ses courses rapides dans le sud. D'abord,
dans les premiers jours de mai, afin de détruire
l'effet des opérations de la colonne Géry, l'émir
s'était porté sur Stitten qu'il avait mis au pillage,
puis il était allé menacer d'une razzia les Harar. La
Moricière se tenait en avant de Frenda et Bour-
jolly près de Tiaret.
i< Je m'attends d'un jour à l'autre, écrivait, le
22 mai, le maréchal Bugeaud à La [Moricière,
je m'attends d'un jour à l'autre à apprendre
qu'Abd-el-Kader s'est montré sur l'un ou sur
l'autre point du Tell, ce que ni vous, ni moi, ni
personne ne pouvons empêcher, quoique nous
soyons vingt fois plus forts qu'il ne faut pour
le battre. C'est que nous avons à protéger le
pays conquis sur une ligne considérable, et que
nous devons surtout être prompts à arrêter les
effets de son influence morale, cent fois plus
puissante que sa force matérielle. S'il n'avait que
celle-ci, nous pourrions, sans de grands inconvé-
nients, lui laisser faire une pointe dans le Tell;
mais son ascendant sur les populations nous im-
28 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
pose l'obligation de l'arrêter le plus complètement
possible. De là, nécessité de diviser nos forces; de
sorte que, quoique vous ayez une nombreuse ca-
valerie, vous ne pouvez avoir à chaque colonne
un nombre de cavaliers qui égale le quart de ceux
qu'il peut vous présenter. D'un autre côté, comme
il n'a plus que des tribus nomades dont vous ne
pouvez atteindre que très difficilement les intérêts,
votre rôle est devenu à peu près défensif ; c'est
certainement ce qu'il y a de plus difficile. »
A la tête de quelques centaines de cavaliers,
Abd-el-Kader faisait des courses d'une rapidité
sans égale : soixante lieues, par exemple, en trois
jours. Afin d'être prêtes à se porter aussi vite que
possible sur un point menacé, les troupes de La
Moricière travaillaient à relier par un chemin con-
tinu, sur une ligne de quatre-vingts lieues, les
quatre postes de Sebdou, Daya, Saïda et Tiaref,
qui servaient d'appui aux colonnes d'observation.
Tout le mois de juin se passa de la sorte sur le
qui-vive. Enfin, on apprit d'une manière certaine
que l'émir était rentré par Figuig dans le Maroc,
cil il avait retrouvé sa deïra non seulement sans
inquiétude, mais prospère et recrutée par un si
grand nombre d'adhérents venus de toutes paris
qu'on y pouvait compter plus de deux mille
LES MAROCAINS. 29
tentes. Il était évident que l'article IV du traité de
Tanger était bel et bien lettre morte.
« Les Marocains, écrivait La Moricière à Bour-
jolly, ne paraissent pas avoir envie de nous faire
la guerre; quand je dis les Marocains, je devrais
dire leur gouvernement. Quant aux tribus de la
frontière, celles au milieu desquelles est établie
la deïra d'Abd-el-Kader, le kaïd d'Oudjda les em-
pêche de commettre des actes d'hostilité dans le
Tell ; mais elles ont été si bien prêchées et fanati-
sées par Abd-el-Kader qu'elles sont aujourd'hui
plutôt à lui qu'à Mouley-Abd-er-Rahmane; et
comme ces tribus sont nombreuses et puissantes,
qu'elles occupent un pays fort difficile et en géné-
ral fort mal soumis, je crois que l'empereur,
alors même qu'il en aurait la ferme intention,
serait fort embarrassé pour employer des mesures
coercitives contre la base d'opération que Témir
s'est créée dans ses États. On ne peut se dissi-
muler qu'en présence d'une semblable situation,
le traité avec les Marocains ne soit assez difficile à
rajuster. »
Enfin, le maréchal Soult écrivait lui-même au
gouverneur : « Sans doute, il est pénible d'être
réduit à exercer une défensive otfensive après deux
traités, l'un de paix, l'autre de délimitation, qui
30 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
devraient nous inspirer une sécurité parfaite, s'ils
étaient loyalement exécutés; mais c'est un mal
qui durera encore longtemps, au moins pen-
dant l'existence d'Abd-el-Kader. Il convient de
chercher un remède à cette situation, qui n'est ni
paix ni guerre, dans une activité extrême, une
excessive vigilance et une mobilité telle qu'elle
nous permette de faire face à toutes les éven-
tualités. »
Le maréchal Bugeaud n'en prenait pas aussi
facilement son parti. Gomme il voulait traiter cette
question et quelques autres personnellement avec
le maréchal Soult, il prit un congé, laissa de
nouveau l'intérim du gouvernement à La Mori-
cière, et s'embarqua, le 4 septembre, pour la
France. « Si l'on ne me comprend pas, avait-il
dit quelques jours auparavant à Saint-Arnaud, ou.
si l'on ne veut pas me comprendre, je ne revien-
drai pas. Si tout s'arrange, comme je le crois, je
serai de retour dans les premiers jours de no-
vembre. ))
GRIEFS DU MARÉCHAL. 31
III
Le maréchal Bugeaud était mécontent; son mé-
contentement avait plusieurs causes. La première
de toutes était l'hostilité plus ou moins ouverte,
plus ou moins loyale, qu'il rencontrait dans les
bureaux de la direction de l'Algérie, au ministère
de la guerre. La colonie vivait, depuis sept ans,
sous le régime institué par l'ordonnance royale
du 31 octobre 1838, de telle sorte que les affaires,
au point de vue civil, étaient administrées, sous
l'autorité supérieure du gouverneur général, par
un directeur de l'intérieur, un directeur des fi-
nances et un procureur général. Or, disait-on à
Paris, comme IM. le maréchal Bugeaud est tou-
jours en expédition, les affaires en souffrent; mais
le remède à ce petit désordre est facile; il n'y a
qu'à créer un directeur général des affaires ci-
viles, personnage considérable qui centralisera
tous les services et qui aura la présidence du con-
seil d'administration avec la signature, en l'ab-
32 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
sence du maréchal. Il ne manquait pas, en effet,
de gens qui regrettaient « les longues absences »
du gouverneur et qui lui conseillaient de laisser à
ses lieutenants les affaires de guerre et de gou-
verner. « Je vous réponds à tous, écrivait-il à M. de
Corcelles, que je vais au plus pressé, au plus im-
portant, et que, quand le feu sera à mon grenier,
je ne resterai pas à la cuisine pour voir si la vo-
laille est bien embrochée. Excusez cette vulgaire
comparaison. Mais, en vérité, qu'étaient donc les
affaires civiles en comparaison de celles de la
guerre? Fallait-il que je restasse à Alger à discuter
Téclairage, le pavage, tel ou tel alignement, une
vente aux enchères, la police des filles, etc., pen-
dant que mes lieutenants auraient fait la guerre
bien ou mal, ou bien et mal? Mais qu'aurait-on dit?
Que le gouverneur était lâche et fainéant. On au-
rait eu raison cette fois. Avant de partir et à mes
rentrées, j'ai donné l'impulsion la plus active et il
y a un assez grand luxe d'administration pour
que les affaires se fissent en mon absence. Elles
se sont faites, rien n'est en arrière, et les bureaux
de la guerre doivent être satisfaits. »
Au premier indice de ce qui se tramait à Paris,
le maréchal se cabra : « Il paraît, écrivait-il au
mois de janvier 1 845, qu'on voulait, au ministère de
GRIEFS DU MARÉCHAL. 33
la guerre, enlever l'ordonnance sur l'Algérie sans
consulter le cabinet ni moi. On était convaincu,
en vraies mouches du coche, que l'Algérie ne pou-
vait vivre sans l'application de cette œuvre si lon-
guement élaborée par lesdites mouches; mais l'é-
veil a été donné à temps. Je sais que plusieurs
ministres doivent demander que ce travail de Pé-
nélope soit revu au Conseil d'État. C'est un moyen
dilatoire qui pourra bien devenir une fin de non-
recevoir. » Le maréchal se faisait illusion : le pro-
jet ne fut pas abandonné. Il fut seulement mo-
difié de manière à supprimer le dualisme que ses
auteurs avaient voulu rétablir, comme au temps
du duc de Rovigo et du général Voirol; un direc-
teur général des affaires civiles fut bien superposé
aux trois principaux chefs du service, mais sans
droit à la présidence ni à la signature ; c'était
une cinquième roue au carrosse algérien. Telle
quelle, l'ordonnance du 15 avril 1845 n'en fut
pas moins rendue contre le gré du maréchal qui
en conçut un vif ressentiment.
Un autre de ses griefs, non moins vif, était re-
latif à la presse. Il y avait deux feuilles spéciales,
l'Afrique et l'Algérie, qui lui étaient plus que dés-
agréables, odieuses, la seconde surtout, parce
que ses rédacteurs passaient pour être les bien-
u. 3
34 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
venus dans les bureaux de la guerre. Le maré-
chal y était personnellement et amèrement criti-
qué, tandis que le journal faisait des ovations à
ses lieutenants, un seul excepté, Saint-Arnaud.
A cet indice, on pourrait soupçonner l'inspiration
de Changarnier. Dans son exaspération, le gou-
verneur avait d'abord égaré ses soupçons du côté
de La Moricière, mais tout de suite il lui en avait
fait ses excuses. « Je vous remercie, lui écrivit
son lieutenant, de penser que je suis étrangeraux
articles de l' Algérie. Autrefois vous avez douté de
la loyauté de mes intentions; j'en ai été profon-
dément blessé, je ne vous l'ai pas caché. Le temps
et les affaires, ces deux grandes épreuves des
hommes, vous ont amené à me juger plus équita-
blement; j'en rends grâces au ciel. Il serait fort
malheureux que, se laissant prendre à des ma-
nœuvres perfides, les hommes arrivassent à douter
les uns des autres, alors que leur union est plus
nécessaire que jamais au succès des choses et à
l'intérêt du pays. Il serait fâcheux surtout qu'ils
prissent le public pour confident et pour juge de
leurs différends. Pour moi, je repousse la situation
de rivalité, d'opposition, dans laquelle on veut
me placer par rapport à vous, Monsieur le maré-
chal; je la repousse parce qu'elle répugne à mon
LE MARÉCHAL ET LA PRESSE. 35
caractère; je la repousse au nom de la discipline
de l'armée, que tout homme qui aime son pavs
doit respecter, parce qu'elle sera certainement
un jour la garantie la plus sûre de son indépen-
dance. »
Il y a, sur ce sujet des journaux, une lettre très
originale et très curieuse du maréchal Bugeaud
au général de Bourjolly. Remarquons en passant
que Bourjolly était bien placé dans son estime.
« Je ne trouve pas du tout mauvais, lui écrivait
un jour le gouverneur, que vous ayez l'ambition
de devenir lieutenant général. Je serais très fâché
que vous n'eussiez pas d'ambition ; c'est une très
bonne chose quand elle tourne au profit du pays.
11 n'est pas mai non plus de connaître sa propre
valeur; il n'y a que les sots qui ne la connaissent
pas et qui l'exagèrent. »
Voici la lettre sur la presse; elle est datée du
5 juin 1845, au bivouac de l'Oued-bou-Zegzag,
dans rOuarensenis : « Je vous remercie de m'a-
voir envoyé vos journaux. Avez-vous rien vu de
plus faux, de plus ridicule et de plus odieux que
l'Afrique et l'Algérie, mais surtout l'Algérie, car
elle est encore plus révoltante que l'Afrique? A
présent, mon cher général, me permettrez-vous
quelques observations sur votre abonnement au
3-
36 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Siècle, et même à l'Afrique et à V Algérie? Pour
Z'A/^er/e, lesobservalions portent sur moi-même,
car j'ai eu la faiblesse de m'y abonner, ce que je
ne renouvellerai pas. Je conçois très bien que
vous ayez le désir de lire un journal de l'op-
position comme le Siècle, et moi aussi je les lis
quand j'en trouve l'occasion, mais je ne les paye
pas, de même que je me garderais de donner des
armes, des munitions et des vivres à Abd-el-Ka-
der. Vous n'avez certainement pas l'opinion du
Siècle: pourquoi donc l'alimentez-vous? Ne pour-
riez-vous pas charger quelqu'un à Paris de vous
procurer le Siècle de seconde main? Vous l'auriez
un peu plus lard une première fois, et voilà tout.
Plusieurs personnes à qui j'ai dit la même chose
m'ont répondu : « Bah! qu'est-ce qu'un abonne-
« ment de plus ou de moins?» Oui, un abonnement
n'est rien ; mais comme vingt-cinq ou trente mille
personnes font à l'égard du Siècle le même rai-
sonnement, il en résulte que ce journal a qua-
rante-cinq mille abonnés dont plus de moitié n'ap-
partiennent pas à son opinion. Cependant il est
autorisé à dire : Vous voyez bien que je repré-
sente l'opinion de la France, puisque je suis le
journal qui a le plus d'abonnés, et il persévère
avec d'autant plus d'ardeur dans sa détestable
i
LE MARÉCHAL ET LA PRESSE. 37
ligne qu'il reçoit plus d'argent. Ne faisons pas
comme ces tirailleurs qui, un jour de bataille,
s'arrêtent derrière un arbre ou un rocher en se
disant : « Un homme de moins n'empêchera pas
« de gagner la bataille »; mais comme des milliers
de tirailleurs font en même temps le même raison-
nement, il en résulte que la bataille ne marche
pas. » Notons ici que le maréchal Bugeaud qui,
comme Napoléon P"", détestait la presse, se faisait,
comme lui, très souvent journaliste; le Moniteur
algérien de ce temps-là est rempli de ses articles.
« Les mauvais tours dont vous avez à vous plain-
dre, lui écrivait son ami M, de Corcelles, vous
viennent en grande partie de votre humeur d'op-
position et aussi de votre goût pour la polé-
mique écrite, car bien que vous soyez un grand
homme d'action, je vous considère comme un très
superbe opposant et un très habile journaliste.
Vous n'aimez pourtant ni l'opposition ni les jour-
naux. Toute votre vie vous serez journaliste contre
les journaux; mais comme vous serez mieux que
cela, il n'y aura pas grand mal. »
Pour en revenir aux griefs du gouverneur, le
plus grand reproche qu'il faisait à l'administration
de la guerre était de contrecarrer ses idées sur la
colonisation. Nous faisons exclusivement l'histoire
38 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
de la conquête : l'histoire de la colonisation est
un sujet tout à fait distinct et que nous ne voulons
pas traiter; néanmoins, il nous est impossible de
n'y pas toucher en cet endroit, parce que ce grave
problème a pesé d'un poids lourd sur l'esprit et sur
les résolutions du maréchal Bugeaud.
Dans sa proclamation d'arrivée, au mois de fé-
vrier 1841, il s'était déclaré « colonisateur arden t » ,
mais colonisateur à sa manière, car il parlait de
villages militairement constitués. Il était loin d'être
un érudit, et l'on ne voit pas qu'il ait eu, comme le
maréchal Clauzel, l'imagination hantée par les
grands souvenirs de Rome; cependant, comme les
Romains, il voulait assurer, consolider la conquête
par des colonies militaires. Les colons auraient été
des soldats libérables ou n'ayant plus que quelques
années de service à faire ; ils auraient reçu de
l'Etat des maisons, des instruments et des terres
qu'ils auraient cultivées en commun; des congés
leur auraient été accordés pour aller en France se
marier et revenir en ménage. Les premiers essais
ne furent pas heureux. Trois villages créés, d'a-
près ce thème, aux environs d'Alger, Fouka, Mered
et Maèlma, durent, après expérience faite, rentrer
sous le régime civil. Néanmoins, le gouverneur,
opiniâtre et tenace, ne démordait pas de son idée.
COLOMSATION MILITAIRE. 39
Ce n'est pas qu'il fût absolument contraire à la co-
lonisation civile ; elle fit même des progrès nota-
bles sous son gouvernement; mais c'était la colo-
nisation militaire qui avait ses préférences. Quand,
en 1843, les trappistes arrivèrent pour créer par
défrichement le célèbre domaine de Staouëli, le
maréchal écrivit au Père abbé : « Vous avez raison
de compter sur l'appui que je me fais un vrai bon-
heur d'accorder à l'établissement de vos frères en
Algérie. Mon opinion est que la colonisation ne
peut réussir que par des populations organisées
militairement : or rien ne se rapproche plus de
l'organisation militaire que l'organisation reli-
gieuse. Le moine et le soldat ont de grands
rapports l'un à l'autre; ils sont soumis à une dis-
cipline sévère, accoutumés à supporter les priva-
tions et à obéir passivement; ils travaillent l'un et
l'autre pour la communauté, et ils sont dirigés
par une seule volonté. Aussi suis-je persuadé que
votre établissement prospérera. »
Dans un banquet qui lui fut donné, au mois de
novembre 1843, par les notables d'Alger, il leur
disait : « L'armée ne peut être réduite sans qu'au
préalable on ait créé une force attachée au sol qui
puisse remplacer les troupes permanentes qu'on
supprimera. Cette force, à mon avis, vous ne pou-
40 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
vez la trouver suffisante que dans rétablissement
de colonies militaires en avant de la colonisation
civile. » Dans son grand discours du 24- jan-
vier 1845, à la Chambre des députés, il excitait
l'hilarité générale en disant, avec sa verve péri-
gourdine : « Je pourrais comparer les habitants
qui vivent sous \erégime civil de la côte à des en-
fants mal élevés, et ceux qui sont dans l'intérieur,
sous le régime militaire, à des enfants bien élevés.
Les premiers crient, pleurent, se fâchent pour la
moindre contrariété; les seconds obéissent sans
mot dire. «On riait, mais on n'était pas convaincu.
Le système du maréchal avait contre lui la ma-
jorité dans les Chambres, dans l'armée même des
contradicteurs, à commencer par La Moricière,
qui tenait pour la colonisation civile, et dans le
gouvernement l'administration de la guerre. De-
vant cette opposition compacte, d essayait d'une
transaction : « Je ne veux pas, disait-il dans le
Moniteur algérien, exclure la population civile;
elle existe, elle est un fait qui ne peut pas rétro-
grader. Je lui laisserais douze ou quinze lieues à
partir de la côte; mais en avant, au sud de l'Atlas,
j'établirais de nombreuses colonies militaires. »
Pour l'établissement de ces colonies, il demandait
un premier crédit de cinq cent mille francs; mais,
COLONISATION MILITAIRE. 41
sans attendre le vote de la Chambre, il adressait
aux généraux sous ses ordres une circulaire exe-
cutive, comme s'il n'eût pas douté du succès :
(( J'ai lieu, disait-il, de regarder comme très pro-
chain le moment où nous serons autorisés à en-
treprendre un peu en grand les essais de colonisa-
tion militaire; invitez donc MM. les chefs de corps
à les faire connaître à leurs subordonnés et à vous
adresser, aussitôt qu'il se pourra, l'état des offi-
ciers, sous-officiers et soldats qui désirent faire
partie des colonies militaires. » Cette circulaire
intempestive et maladroite, car elle contribua pour
beaucoup au rejet du crédit, fut blâmée vivement,
et son auteur fut en quelque sorte obligé de faire
amende honorable. Son plus grand tort, disait-il,
était d'avoir employé au futur les verbes qui au-
raient dû être au conditionnel, par exemple : « Les
colons recevront... » au lieu de : « Si le gouver-
nement adoptait mes vues, les colons rece-
vraient... »
On voit, par tout ce qui précède, dans quel état
d'esprit le maréchal Bugeaud s'en allait conférer
avec le ministre de la guerre. « J'ai la conviction,
avait-il écrit, dès le .30 juin, à M. Giiizot, que
M. le maréchal Soulta l'intention de me dégoûter
de ma situation pour me la faire abandonner. Cette
42 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
pensée résulte d'une foule de petits faits et d'un
ensemble qui prouvent qu'il n'a aucun égard pour
' mes idées, pour mes propositions. Vous avez vu le
cas qu'il a fait de l'engagement, pris devant le con-
seil, de demander cinq cent mille francs pour un
essai de colonisation militaire ; c'est la même chose
de tout ou à peu près. Il suffit que je propose une
chose pour qu'on fasse le contraire, et le plus
mince sujet de ses bureaux a plus d'influence que
moi sur l'administration et la colonisation de l'Al-
gérie. Je ne puis être l'artisan de la démolition de
ce que je puis sans vanité appeler mon ouvrage. Je
ne puis assister au triste spectacle de la marche
dans laquelle on s'engage au pas accéléré. Exten-
sion intempestive, ridicule, insensée de toutes les
choses civiles; amputation successive de l'armée
et des travaux publics pour couvrir les folles dé-
penses d'un personnel qui suffirait à une popula-
tion dix fois plus forte, voilà le système. Je suis
fatigué de lutter sans succès contre tant d'idées
fausses, contre des bureaux inspirés par le journal
l'Algérie. Je veux reprendre mon indépendance
pour exposer mes propres idées au gouvernement
et au pays. Le patriotisme me le commande, puis-
que j'ai la conviction qu'on mène mal la plus grosse
affaire de la France. »
LES DEUX MARÉCHAUX. 43
L'entrevue des deux maréchaux eut lieu, le
1 2 septembre, au château de Soultberg, dans le
Tarn. Le maréchal Soult y fit à son hôle le plus ai-
mable accueil et parut se rendre à tous ses argu-
ments, de sorte que le gouverneur de l'Algérie s'en
alla tout rasséréné passer son congé dans ses
champs du Périgord. C'est de là qu'il écrivait, le
28 septembre, à M. Guizot : « Pour répondre à la
sotte et méchante accusation de la Prçsse qui
m'appelle « un pacha révolté », je viens me li-
vrer seul au cordon et je me suis présenté tout
d'abord chez le minisire de la guerre. Si j'avais eu
quelques craintes, son charmant accueil les aurait
effacées. Il m'a bien fait voir, dans la conversation,
que les déclamations de la presse avaient produit
quelque effet sur son esprit; mais, aussitôt que je
lui ai expliqué mes motifs, le nuage s'est dissipé,
et, pendant deux jours que nous avons disserté
sur les affaires de l'Afrique, je n'ai trouvé en lui
que d'excellents sentiments pour moi et de très
bonnes dispositions pour les affaires en général.
De mon côté, j'y ai mis un moelleux et une défé-
rence dont vous ne me croyez peut-être pas sus-
ceptible, et cela m'a trop bien réussi pour que
je n'use à l'avenir du même moyen. »
Après avoir reproduit cette lettre dans ses mé-
44 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
moires, M. Guizoï y ajoute ce correctif : « Le ma-
réchal Bugeaud se faisait illusion et sur les dispo-
sitions de son ministre, et sur sa propre habileté,
en fait de déférence et de douceur. Le maréchal
Soult ne lui était pas devenu plu s favorable; moins
passionné seulement et fatigué de la lutte, il ne se
souciait pas de rompre ouvertement en visière à
un rival plus jeune de gloire comme d'âge, et de
prendre seul la responsabilité des refus. Le maré-
chal Bugeaud ne tarda pas à s'en apercevoir et à
retrouver lui-même sa rudesse avec son méconten-
tement; mais les nouvelles d'Algérie vinrent
donner, pour un moment, à ses idées un autre
cours. »
Le 8 octobre, dix jours seulement après avoir
écrit la lettre qu'on vient de lire, le maréchal
était obligé de repartir en grande hâte pour rega-
gner Alger.
BOU-MAZA REPARAIT. 45
IV
Un jour du mois dejuillel,EI-Haclj-Ahmed,agha
des Sendja, voisins d'OrléansvilIe, revenait du
Dahra en tenue de fête; il ramenait de Mazounala
fiancée de son fils. El-Hadj-Ahmed était un de
ceux qui, avec Sidi-el-Aribi, avaient donné, un
mois auparavant, la chasse à Bou-Maza fuyant du
Dahra dans l'Ouarensenis. Le cortège de noce
marchait allègrement, au sonde la musique arabe,
quand, au détour d'un chemin, on aperçut une
troupe de cavaliers, des amis sans doute qui ve-
naient faire honneur à l'agha. Les rangs s'ouvraient
pour leur laisser la place d'honneur, quand tout à
coup ils répondirent à la politesse par une décharge
à bout portant. El-Hadj-Ahmed fut tué. C'était
Bou-Maza qui avait reparu subitement pour la ven-
geance ; après quoi il disparut de nouveau. Il était
rentré chez les Ouled-Djounès.
Le prestige qu'il exerçait, non pas seulement
autour de lui, dans le Dahra, dans l'Ouarensenis,
46 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE-
mais au loin, dans l'est, était si grand qu'il y eut
bientôt des fanatiques à son image, des illuminés
qui s'emparèrent et se parèrent de son nom. Au
commencement du mois de septembre, peu de
jours après le départ du maréchal pour la France,
de l'embouchure du Chélif à Dellys, de l'Allas au
désert, l'Algérie était en insurrection. Le feu qui,
depuis la révolte du printemps, couvait assoupi
sous la cendre, jaillit de cinq ou six foyers à la fois
comme des cratères distincts d'un volcan unique,
et chacun de ces foyers était attisé par un Bou-
Maza : Bou-Maza des Beni-Mnacer, Bou-Maza des
Beni-Fera, Bou-Maza des Beni-Zoug-Zoug, Bou-
Maza du Dira, Bou-Maza du Sebaou.
Le vrai, celui des Ouled-Djounès, avait quitté sa
retraite, et traversant le Chélif, s'était porté, par
rOuarensenis, chez les Flitta qu'il avait trouvés en
armes. Le général de Bourjolly, sorti de Mostaga-
nem, avec une colonne de quatre petits bataillons
et de deux escadrons, était, le 18 septembre, au
centre de l'insurrection. Le 19, il fut attaqué
violemment, forcé de reculer, et suivi, sinon
poursuivi, pendant plusieurs jours, par des masses
de plus en plus nombreuses, car aux Flitta étaient
venus se joindre les Beni-Ouragh. Le 23, notam-
ment, ses pertes s'élevèrent à vingt-deux tués et
UN FAUX BOU-MAZA. 47
soixante blessés; au nombre des morts était le lieu-
tenanl-colonel Berthier, du 4' régiment de chas-
seurs d'Afrique. Enfin il put gagner, à Relizane
sur la Mina, une bonne position défensive. Le
colonel Géry, de Mascara, le colonel de Saint-
Arnaud, d'Orléansville, essayèrent d'arriver à lui :
telle était la force de l'insurrection qu'il ne leur
fut pas possible d'y parvenir.
Pour Bou-Maza le triomphe était grand. Si l'on
veut se faire une idée de l'influence qu'il avait
prise et de l'état général des esprits chez les indi-
gènes, il faut entendre un de ses homonymes, le
Bou-Maza des Beni-Zoug-Zoug. C'était comme lui
un tout jeune homme, qui se disait son frère.
Livré par les Arabes déçus à l'autorité française et
traduit devant un conseil de guerre, il répondit
fièrement aux questions qu'on lui fit et qui tou-
chaient moins à lui qu'au véritable chérif. Venu,
disait-il, du Maroc, par ordre du seigneur Mouley-
Taïeb, et bientôt célèbre par sa sainteté, Bou-Maza
s'était résolu à faire la guerre sainte; quelques
tribus du Dahra l'avaient seules assisté d'abord,
mais bientôt des adhérents lui étaient venus de
toutes paris, et, malgré ses premiers échecs, son
prestige n'avait pas cessé de grandir.
« Il n'y a qu'un seul Dieu, ajoutait le jeune
48 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
illuminé; ma vie est dans sa main et non dans la
vôtre; je vais donc vous parler franchement. Les
Arabes vous détestent, parce q.ue vous n'avez pas
la même religion qu'eux, parce que vous êtes
étrangers, que vous venez vous emparer de leur
pays aujourd'hui et que demain vous leur deman-
derez leurs vierges et leurs enfants. Tous les jours
vous voyez des musulmans vous dire qu'ils vous
aiment et sont vos serviteurs fidèles : ne les croyez
pas; ils mentent par peur ou par intérêt. Quand
vous donneriez à chaque Arabe et chaque jour une
de ces petites brochettes qu'ils aiment tant, faites
avec votre propre chair, ils ne vous en détesteraient
pas moins, et toutes les fois qu'il viendra un chérif
qu'ils croiront capable de vous vaincre, ils le sui-
vront tous, fût-ce pour vous attaquer dans Alger.
La victoire vient de Dieu; il fait, quand il veut,
triompher le faible et tomber le fort. Les Arabes
disaient à mon frère : « Guide-nous, recommen-
« çonslaguerre; chaque jour quis'écoule consolide
« les chrétiens. » jMon frère a reçu beaucoup de
lettres des Kabyles de l'est ; toutes l'encourageaient,
lui souhaitaient le triomphe ou l'appelaient dans
leur pays. »
Interrogé au sujet d'Abd-el-Kader et de ses re-
lations avec l'empereur de Maroc, il répondit :
L'ÉMIR KT LE MaROC. 49
« Mouley-Abd-er-Ralimane est au plus mal avec
Abd-el-Kader ; plusieurs fois il lui a dit ; « Sors
de mon pays! » Mais Abd-el-Kader a toujours ré-
pondu : « Je ne suis pas dans ta main et je n'ai
peur ni de loi ni des Français; si tu viens me trou-
ver, je te rassasierai de poudre, et si les Français
viennent aussi me trouver, je les rassasierai aussi
de poudre, » Depuis que les Marocains ont appris
que Mouley-Abd-er-Rahmane avait fait la paix avec
les chrétiens, ils se sont presque Ions tournés du
côlé de l'émir. Depuis celle paix, tout le pays
compris entre Sous et Rabat s'est insurgé; il en est
de même de toutes les tribus, et Mouley-Abd-er-
Rahmane necommande plus, à bien dire, (juedans
les villes. Les Ouled-Mouley-ïaïeb mêmes, qui
ont un si grand ascendant religieux dans l'empire
qu'aucun sultan ne peut pas être nommé sans leur
assentiment, ne veulent plus l'exercer pour lui, et
Mouley-Abd-er-Rahmane a tellement compris la
gravité de sa position qu'il s'occupe de faire peu à
peu iransporler tous ses trésors et tous ses maga-
sins au Tafilet. »
Quelque intéressantes que fussent ces réponses,
il y en eut une qui, dans l'élat des aiïaires, était
plus importante encore : «Votre frère prend le ti-
tre de sultan, lui avait-on dit; les Arabes doivent
II. 4
50 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIK.
en rire. » — u Non, s'écria-t-il, les Arabes n'en
rient pas; ils l'aiment au contraire, à cause de son
courage et de sa générosité; car il ne songe pas,
comme Abd-el-Kacler, à bâtir des forts pour y en-
fouir son argent et ses ressources. Il a mieux com-
pris que lui la guerre qu'il faut vous faire; il ne
possède qu'une tente et trois bons chevaux ; au-
jourd'hui il est ici, demain malin à vingt lieues
plus loin. Sa tente est pleine de butin, un instant
après elle est vide ; il donne tout, absolument tout,
et reste léger pour aller partout où l'appellent les
musulmans en péril. »
Plus irritant que dangereux pour les Français,
Bou-Maza était à la fois irritant et dangereux pour
Abd-el-Kader, puisqu'on pouvait déjà non seule-
ment le mettre en comparaison avec lui, mais en-
core le mettre au-dessus de lui. C'était un symp-
tôme grave qu'une grande influence autre que la
sienne fût assez forte pour remuer profondément
et soulever la population arabe. Dès qu'il eut
appris les succès de son rival, il prit la résolution
de rentrer immédiatement en campagne, et il fit
annoncer dans les montagnes des Trara révoltés et
par toute la vallée de la Tafna son arrivée pro-
chaine.
A cette nouvelle, le général Cavaignac sortit de
CAVAIGNAC. 51
Tlemcen et se porta sur la rive gauche de la ri-
vière, avec une petite colonne composée d'un ba-
taillon dezouaves, de deux bataillons du 1 5Méger,
d'un bataillon et de deux compagnies d'élite du
41" de ligne, de deux escadrons du 2' chasseurs
d'Afrique et d'un escadron du 2 hussards, avec
deuxsections d'artillerie de montagne et cinquante
sapeurs. Toute l'infanterie ne comptait que treize
cent quarante baïonnettes et la cavalerie trois cents
chevaux. En avant, à Lalla-Maghnia, se trouvait
le lieutenant-colonel de Barrai, du 41% avec le
10' bataillon de chasseurs, un bataillon du 15' lé-
ger, deux escadrons du 4' chasseurs d'Afrique et
deux obusiers de montagne ; « mais, écrivait, à la
date du 21 septembre, le général Cavaignac, l'effec-
tif de cette colonne est si faible, vu l'état sanitaire
des troupes, que je ne pourrai l'engager dans le
pays des Trara qu'après que je serai maître de ses
crêtes. J'aurai alors environ dix-huit cents hommes
qui me suffiront pour cerner le pays et y frapper
un coup décisif, si j'y trouve une résistance sé-
rieuse. »
Du 22 au 24 septembre, le général ne cessa pas
de combattre; le 24 particulièrement, l'opiniâtreté
des Kabyles fut si grande et si prolongée que
Cavaignac ne put pas s'empêcher d'en fi\ire la re-
4.
52
LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
marque. Le soir, après le combat, on les entendit
pousser des acclamations et faire une décharge
générale de leurs armes. Celait leur manière de
célébrerun succès; quel succès? Ils venaient d'être,
en dépit de leur acharnement, repoussés et mal-
traités; était-ce donc qu'il y avait eu pour leur
cause ailleurs quelque avantage?
MONTAGNAC. 53
Le poste de Djemma-Ghazaouat avait pour com-
mandant le lieutenant-colonel de Montagnac : le
poste et le commandant n'étaient pas faits l'un
pour l'autre. Montagnac, très brave et très vigou-
reux soldat, avait, par-dessus toute chose, le be-
soin de l'action, la passion du coup de fusil et du
coup de sabre. Stoïque dans sa vie, homme d'hon-
neur au premier chef, il dédaignait la réclame;
les grades lui étaient venus sans qu'il les eût solli-
cités; il ne les devait qu'à son mérite et à l'estime
de ses chefs. Dans les premières années de sa car-
rière, il avait refusé publiquement la croix de la
Légion d'honneur, parce qu'elle ne lui avait pas
paru suffisamment gagnée. Il aimait passionné-
ment son métier et la guerre pour elle-même. Voilà
ses qualités, nobles, grandes, mais oii perce déjà
le germe de ses défauts. 11 était fougueux, violent,
aventureux, emporté au premier mouvement.
Quand on lit le recueil de ses lettres, on est frappé
54 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
de ce fait qu'il avait l'impression et l'expression
toujours excessives. C'était un caractère du
seizième siècle, un vrai contemporain de Montluc.
Comment avait-on pu mettre cet homme d'action
à la chaîne, dans ce réduit de Djemma-Ghazaouat
qui ne devait être qu'un poste d'observation et
de ravitaillement? Première erreur. Comment en-
suite lui avait-on donné la tentation de sortir et
d'agir, en mettant sous ses ordres, non pas une
garnison simplement suffisante, mais les éléments
d'une petite colonne? Seconde erreur. « Il ne de-
vait point, a dit La Moricière, faire une colonne
mobile de sa garnison. Ses instructions lui pres-
crivaient d'agir avec la plus grande prudence et
d'attendre la venue d'une colonne, soit pour répa-
rer les irrégularités dont il avait souvent à se plain-
dre dans les relations des tribus avec lui, soit pour
rassurer les populations frontières qui chaque jour
nous annonçaient la venue de l'émir. » Mais La
Moricière connaissait l'homme ;ilavaitvusafougue
dans la première campagne d'hiver à Mascara, et
l'estime qu'il porlait à sa bravoure n'aurait pas dû
lui en faire oublier les emportements. Quand, au
mois d'avril, le maréchal Bugeaud était venu visi-
ter Djemma-Ghazaouat, il avait parlé à Montagnac
el lui avait fait « sentir avec force — c'est son ex-
LA COLOlNNE MOMAGNAC, 55
pression même — combien il pouvait être dange-
reux d'aller livrer des combats au dehors, ainsi
qu'il en manifestait l'intention ».
Plus le temps avait marché, plus la tentation
était devenue grande. « J'ai pour le moment une
garnison assez solide, écrivait Montagnac, le
21 août, à l'un de ses parents, un bon bataillon de
chasseurs d'Orléans et deux escadrons de hus-
sards; mais c'est bien peu de monde pour la beso-
gne que je puis avoir à faire d'un jour à l'autre,
demain peut-être. » Depuis la date de cette lettre,
un des deux escadrons avait été rappelé par le gé-
néral Cavaignac à Tlemcen.
Le dimanche 21 septembre, à dix heures du
soir, lelieutenant-colonel de iMontagnac sortit avec
le commandant Fromenl-Coste, neuf otïiciers et
cinq compagnies du 8' bataillon de chasseurs,
d'un effectif de trois cent quarante-six hommes, le
chef d'escadrons Courby de Gognord, trois olïiciers
et soixante-deux hussards du 2' régiment, un in-
terprèle et deux soldats du train; en tout quatre
cent vingt-cinq hommes. Un petit convoi d'une
quinzaine de mulets portait les bagages. Les
hommes avaient reçu des vivres pour deux jours,
sans compter lès sachets de réserve, et soixante
cartouches; il n'y avait pas d'autres munitions. La
56 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE,
garde du camp restait confiée au capitaine du génie
Coflyn, qui avait l'ordre de se tenir prêt à favoriser
le retour de la colonne. L'objet de la sortie était
d'empêcher la jonction d'Abd-el-Kader avec l'agha
Ben-Ali des Ghossel, réfugié chez les Trara, de te-
nir les iMsirda en respect et de protéger les Sou-
halia.
La colonne marcha toute la nuit dans la direc-
tion de l'ouest. Le 22, à quatre heures du matin,
elle s'arrêta pour faire le café ; puis elle se remit
en chemin par un à-gauche vers le sud. A sept
heures, le bivouac fut établi sur le bord de l'Oued-
Taoulj; les hommes reçurent l'ordre de se reposer
pendant la chaleur du jour et de faire la soupe ;
on ne devait reprendre la marche que le soir, à
onze heures.
Dans cette même journée du 22, à neuf heures
du matin, le capitaine Coffyn avait vu arriver à
Djemma-Ghazaouat le capitaine de Jonquières,
adjudant-major au 10' bataillon de chasseurs à
pied, escorté d'une centaine de chasseurs d'Afri-
que et d'une centaine de fantassins éclopés.
Djemma-Ghazaouat était pour la subdivision de
Tlemcen un dépôt de convalescents, une sorte de
sanatorium. Le capitaine de Jonquières apportait
une lettre du lieutenant-colonel de Barrai, com-
ORDRES ET RETARDS. 57
mandant de Lalla-Maghnia et l'ancien de Monfa-
gnac, dans laquelle il demandait à celui-ci, par
ordre du général Cavaignac, l'envoi immédiat de
trois cents chasseurs du 8" balaillon, ainsi que des
hommes rétablis du 10' bataillon et du 15" léger.
Par un effet de la malchance qu'on retrouve
dans toutes les péripéties de ce drame, le courrier
du général avait eu quatorze heures de retard ; s'il
était arrivé en temps utile, Montagnac, obligé
d'obéir à la réquisition, n'aurait plus eu le moyen
d'exécuter sa sortie. Quoiqu'il en soit, la lettre du
lieutenant-colonel de Barrai lui fut expédiée par
un exprès; il répondit au capitaine Coffyn, du
bivouac de l'Oued-Taouli, à cinq heures et demie
du soir : « Mon cher capitaine, envoyez tout ce
que le colonel de Barrai vous demande. Je ne puis
donner les hommes du bataillon de M. Froment-
Coste. Nous sommes entourés de goums considé-
rables, composés de gens du Maroc; nous avons
eu quelques coups de fusil avec eux. Abd-el-Kader
arrive ce soir à Sidi-bou-Djenane. Je ne puis
rejoindre Djemma-Ghazaouat sans exposer les
Souhalia à une déroute complète. Je vais me tenir
sur la ligne où je suis établi. Envoyez-moi demain
des vivres pour deux jours de toute nature par
les Souhalia, au bivouac sur TOued-Taouli. Faites
58 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
toujours de même. Tenez -moi au courant de tout.
Il faut huit mulets pour les vivres. N'oubliez pas
deux jours de viande sur pied ; entendez-vous
avec l'intendant. »
Cette lettre, avec une autre pour le lieutenant-
colonel de Barrai, parvint, le soir même, à dix
heures, à Djemma-Ghazaouat. Le capitaine de
Jonquières en était déjà reparti avec son escorte
de chasseurs d'Afrique, trente-cinq hommes du
10* bataillon de chasseurs et du 15' léger, quel-
ques isolés et des mulets chargés de vivres. Tandis
qu'il regagnait Lalla-IMaghnia, le lieutenant-colonel
de Barrai avait quitté ce poste, par ordre du
général Cavaignac, et s'était avancé jusqu'à
Nedroma. De là, le 23, à cinq heures et demie du
matin , il dépêcha deux cavaliers à Djemma-
Ghazaouat, afin d'avoir des nouvelles do la sortie
qu'il ne connaissait encore que par un mot de
Montagnac, daté du 21 au soir, lui annonçant en
bref son mouvement vers les Souhalia menacés,
sans demander d'ailleurs assistance.
Le 22, à onze heures du soir, au lever de la
lune, Montagnac avait remis sa colonne en mar-
che, en remontant d'abord la vallée de l'Oued-
Taouli, puis en inclinant à Test. Arrivés sur le
bord d'un petit ruisseau, au-dessous du marabout
SIDI-BRAHIM. 59
de Sidi-Braliim , les hommes s'étaient arrêtés
pour prendre un peu de repos; puis, le 23, au
point du jour, ils avaient fait le café. Une dizaine
de cavaliers arabes, comme la veille, se tenaient
en observation à quelque distance.
A sept heures du matin, Montagnac prit avec
lui trois compagnies de chasseurs et les hussards.
Les sacs des hommes qu'il emmenait et les bagages
restaient au bivouac sous la garde des deux autres
compagnies, avec lesquelles demeurait le comman-
dantFroment-Cosle. Depuis le marabout, le terrain
allait en montant vers un plateau que l'ennemi
paraissait occuper. Afin de se tenir en communi-
cation avec le lieutenant-colonel que les accidents
du sol allaient dérober à sa vue, le commandant
envoya le lieutenant deChappedelaine et quehpies
hommes en observation sur une colline intermé-
diaire.
A trois kilomètres environ du bivouac, la fusil-
lade commença. Les cavaliers arabes n'étaient
pas nombreux, une centaine tout au plus; Monta-
gnac les fit charger par les hussards ; ils se retirè-
rent, entraînant de plus en plus loin la charge;
les chasseurs à pied étaient déjà fort en arrière.
Tout à coup, une grosse masse de cavalerie, (jui
s'était tenue jusque-là cachée derrière un pli de
60 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
terrain, sortit d'embuscade et prit en flanc les
deux premiers et très petits pelotons d'avant-
garde. Les deux officiers qui les commandaient, le
capitaine Gentil Saint-Alphonse et le lieutenant
Klein, tombèrent, l'un tué sur le coup, l'autre
blessé mortellement. Accouru au galop avec les
deux pelotons de réserve, Montagnac fut presque
aussitôt atteint d'une balle au bas-ventre; cepen-
dant il se maintint encore à cheval, encourageant
ses hommes qui cherchaient à se rallier sur un
mamelon. Il n'y en parvint qu'une vingtaine; ce
fut là que les chasseurs à pied les rejoignirent.
Une attaque à la baïonnette des premiers arrivés
ne réussit pas; le capitaine de Chargère fut tué,
sa compagnie écrasée sous le nombre. De tous les
villages voisins, les Msirda étaient venus par cen-
taines, et ce qui redoublait l'ardeur des assaillants,
l'émir, le sultan, Abd-el-Kader était là, sur le
terrain du combat, en personne. Montagnac vivait
encore, mais il ne pouvait plus se tenir à cheval;
assis sur une pierre et comprimant d'une main sa
blessure, il avait fait former en carré les deux
compagnies restantes et dépêché vers le comman-
dant Froment-Coste le maréchal des logis chef
Barbut, avec l'ordre d'accourir à la rescousse;
puis il avait appelé le chef d'escadrons Courby de
MORT DE MOMAGNAC. 61
Cognord et lui avait rerais le commandement en
lui disant : u Ne vous occupez pas de moi, mon
compte est réglé. Tachez de gagner le marabout. »
Sur celte dernière parole, il tombe mort.
Les chasseurs tiennent toujours, mais ils n'ont
plus de cartouches, et les baïonnettes ne suflisent
pas. (( Les Arabes, a dit l'un des rares survivants
de cette poignée de braves dont l'héroïsme
réveille les souvenirs de Waterloo, les Arabes,
resserrant le cercle autour de ce groupe immobile
et silencieux, le font tomber sous leur feu comme
un vieux mur. » Courby de Cognord gît sans con-
naissance, couvert de blessures; un Arabe va lui
couper la tête, quand un vieux régulier, recon-
naissant son grade aux soutaches du dolman, le
traîne où sont les prisonniers blessés.
Cependant, averti d'abord par le lieutenant de
Chappedelaine, puis par le maréchal des logis
chef Barbut qui le guide, le commandant Froment-
Coste accourt avec l'adjudant-major Dutertre et la
compagnie Burgard; les carabiniers du capitaine
de Géreaux ont été laissés à la garde des bagages.
Du sommet du mamelon qui a servi d'observatoire
à Chappedelaine, Froment-Gosle a vu d'un coup
d'œil et compris l'horreur du désastre ; et quand,
tous les camarades de là-bas étant détruits, il ne
62 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
doit plus songer qu'au salut de sa petite troupe,
il est déjà trop tard. Cernée, assaillie, fusillée de
toutes parts, la petite troupe va succomber comme
l'autre. Froment-Coste tombe, la tête fracassée;
Dutertre et Burgard sont blessés, l'adjudant
Thomas et Barbut sont pris.
Il n'y a plus un seul Français debout sur le
champ de bataille; mais auprès du marabout
reste le capitaine de Géreaux avec sa compagnie
de carabiniers, quatre-vingts hommes. A l'appro-
che des Arabes, il s'enferme dans l'enceinte carrée
qui entoure la koubba, et par les meurtrières
pratiquées à travers le mur, le feu des grosses
carabines tient l'ennemi à distance. Aux somma-
tions que fait faire aux assiégés Abd-el-Kader, en
leur promettant la vie sauve, ils répondent par le
cri de : Vive le Roi! La dernière doit être faite par
un officier prisonnier et blessé , l'adjudant-major
Dutertre; tel est l'ordre de l'émir. Dutertre s'a-
vance vers le marabout : « Chasseurs, s'écrie-t-il,
on va me couper la tête si vous ne posez pas les
armes, et moi, je viens vous dire de mourir jus-
qu'au dernier plutôt que de vous rendre. »
Aussitôt tombe décapité ce martyr de l'honneur.
Abd-el-Kader s'éloigne, mais en laissant le mara-
bout bloqué par les Kabyles.
SECOURS POSSIBLE. 63
Les assiégés peuvent être sauvés; de deux côtés
le salut peut leur venir. Comment ne leur est-il
pas venu? Le 23, de Djemma-Ghazaouat on avait
entendu, depuis huit heures du matin jusqu'à
onze heures, une vive fusillade; puis le bruit avait
cessé complètement. A la tête d'une petite troupe
de cent vingt hommes d'infanterie et de seize
cavaliers, le capitaine Coffyn avait fait une timide
reconnaissance, à neuf heures, vers Sidi-Brahim;
mais, à l'approche de la cavalerie arabe, il s'était
mis en retraite. « Je suis rentré, dit son rapport,
avec celte conviction que toute communication
était désormais impossible avec la colonne. »
D'autre part, de son bivouac sous Nedroma, le
lieutenant-colonel de Barrai avait pareillement
entendu la fusillade; il s'était même avancé dans
la direction qu'elle indiquait avec deux escadrons
de chasseurs d'Afrique, que devait suivre le com-
mandant d'Exéa, du 1 0" bataillon de chasseurs à
pied. Après une course de deux heures aux allures
vives, le lieutenant-colonel avait fait sonner les
trompettes, afin d'annoncer son approche; mais,
au moment où il s'engageait dans les montagnes
des Msirda, la fusillade avait cessé. Peu de temps
après, il avait vu descendre précipitamment d'une
crête et courir à lui deux hommes épuisés, hors
64 LA COKQL'ÊTE DE L'ALGERIE.
d'haleine, deux carabiniers du 8' bataillon, qui
ayant, comme par miracle, échappé au désastre,
lui en avaient fait le récit, en affirmant que toute
la colonne était détruite, même la compagnie de
carabiniers qui avait été atteinte, disaient-ils,
avant d'avoir pu gagner le marabout.
Malgré ces affirmations et malgré le silence, —
c'était au moment où l'attaque de vive force était
changée en blocus, — le commandant d'Exéa, qui
venait de rejoindre la cavalerie, soutenait éner-
giquement lavis de poursuivre la marche. Après
deux heures de halte, pendant lesquelles aucun
bruit de combat ne s'était fait entendre, persuadé
qu'il n'y avait plus rien à faire que de se replier
sur Lalla-31aghnia, et craignant même d'être
devancé par l'insurrection au col de Bab-Taza, le
lieutenant-colonel de Barrai se mit en retraite. Il
eut, en effet, un petit engagement en arrivant au
col; à dix heures du soir, il était rentré dans son
poste. S'il avait cédé aux instances du comman-
dant d'Exéa, le capitaine de Géreaux et ses cara-
biniers auraient été délivrés, presque sans coup
férir.
Pendant trois jours, ils attendirent, prêtant, eux
aussi, l'oreille aux bruits du dehors. Pendant trois
jours, ils ne virent ni n'entendirent rien qui pût
LA CATASTROPHE. 65
leur donner espoir. Les vivres n'étaient pas encore
épuisés, mais c'était l'eau qui manquait. Mieux
valait tomber sous le feu ou sous le yatagan que
mourir de soif. Le 26 septembre, à six heures du
matin, ils sortent subitement, soixante-treize
valides emportant sept blessés, surprennent les
Kabyles et forcent le passage. A neuf heures, ils
ne sont plus qu'à une lieue de Djemma-Ghazaouat;
il n'y a plus qu'un ravin à suivre; mais au fond
de ce ravin coule un ruisseau, et, sans s'inquiéter
de l'ennemi qui couronne les crêtes, sans écouter
les officiers qui s'efforcent de les retenir, tous ces
malheureux courent, se précipitent, se jettent à
plat ventre, pour boire à longs traits l'eau bien-
faisante. Pendant ce temps, les balles pleuvent;
Chappedelaine tombe, Géreaux tombe; successi-
vement ils sont frappés tous, à l'exception de
douze, qui sont recueillis par quelques cavaliers et
soldats sortis du camp. Un seul, le caporal La-
vaissière, a rapporté sa carabine. Ainsi s'est
achevé le drame de Sidi-Brahim.
La ()remière nouvelle en était arrivée au général
Thiéry, commandant supérieur d'Oran, ce même
jour, '26 septembre, par une balancelle que le
capitaine Collyn avait fait partir, le 24, de Djem-
ma-Ghazaouat. Elle arriva, le 28, à Alger, au
II. 5
66 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
général de La Moricière. Deux jours plus tard sur-
venait l'annonce d'une autre catastrophe, cent
fois plus douloureuse, car c'était une défaillance
de l'honneur militaire.
Inquiet pour le poste d"Aïn-Temouchent, qui
n'avait que ciuquante hommes de garnison, le
général Cavaignac, aussitôt rentré à Tlemcen,
avait fait partir, le 27 septembre, sous le comman-
dement du lieutenant Marin, ancien sous-officier
aux zouaves, un détachement de deux cents
hommes, sortant de l'hôpital pour la plupart. Le
28, au matin, à six kilomètres seulement d'Aïn-
Temouchent, le lieutenant avait fait la halte du
café auprès du marabout de Sidi-Moussa, quand
il aperçut une troupe de cavaliers arabes avec des
drapeaux qu'il reconnut pour ceux d'Abd-el-
Kader. A cette vue, perdant la tête, et l'imagina-
tion sans doute frappée par le désastre de Sidi-
Brahim, qu'il connaissait de la veille. Marin, au
lieu de se mettre en défense, courut à l'émir et lui
offrit la soumission de son détachement, s'il vou-
lait lui garantir, à lui-même et aux siens, la vie
sauve. Abd-el-Kader ne s'attendait à rien moins;
il prit au mot le malheureux officier, lui promit
tout ce qu'il voulut et goûta l'orgueilleux plaisir
de voir deux cents soldats français déposer à ses
LA MORICIERE. 67
pieds leurs armes. La cérémonie faite, il les envoya
rejoindre à sadeïra, dans le Maroc, les survivants
de ceux qui s'étaient si bien battus à Sidi-Brahim,
Le 28 septembre, le général de La Moricière,
rendant compte au maréchal Soult de ce combat
et de la part que les Marocains y avaient prise,
ajoutait : « Quoiqu'il eût agi avec imprudence et
transgressé les instructions qu'il avait reçues, le
lieutenant-colonel de Montagnac n'en est pas
moins mort victime d'une trahison flagrante et de
la violation des traités. Vous jugerez, sans doute,
qu'ilest indispensable que M. le maréchal Bugeaud
et M. le général Bedeau rentrent immédiatement
en Algérie. Je ne dois pas vous dissimuler que la
situation est fort grave. » Le même jour, il faisait
embarquer à la hâte le commandant Rivet, qu'il
dépêchait au maréchal Bugeaud, avec mission de
réclamer et de presser son retour au plus vile.
5.
68 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
VI
Assurément, la situation était fort grave. Indé-
pendamment de Sidi-Brahim et d'Aïn-Temou-
chent, il y avait beaucoup d'autres affaires que le
général de Marlimprey, dans ses mémoires, a
résumées en quelques lignes, d'un laconisme clair
et saisissant.
« A Sebdou, le commandant Billot, attiré dans
une embuscade, était massacré, avec le chef du
bureau arabe et son escorte, par les Ouled-
Ouriach. Nos ponts sur Tisser et la Tafna étaient
brûlés. Les Beni-Amer, après avoir incendié leurs
moissons et même les herbes sèches, fuyaient au
Maroc. Autour d'Oran, nos Douair et nos Sméla
étaient eux-mêmes eu fermentation. Les Djafra
s'éloignaient de Daya, après avoir échoué dans
leur tentative de tuer le commandant Charras. Les
Gharaba bloquaient de fait, quoique sans hos-
tilités ouvertes, Saint- Denis-du-Sig. Les com-
munications d'Oran avec Mascara et avec Sidi-bel-
SITUATION GRAVE. 69
Abbès étaient interrompues. Le poste -magasin
inoccupé d'Ouizert, où se trouvaient des vivres
et des fourrages, était réduit en cendres; les
Ferraga pillaient un convoi sur la route de Mas-
cara; l'insurrection était chez les Beni-Chougrane
€t s'étendait à toute la montagne d'El-Bordj et aux
Bordjia de la plaine. Nos camps de travailleurs,
pour se retirer dans les places les plus voisines,
traversaient, le fusil à la main, les populations
hostiles. Près de Saïda, un kaïd et des indigènes
qui nous étaient dévoués étaient assassinés; à
Saïda même, une tentative d'incendier le gros
approvisionnement de foin formé sur ce point,
échouait heureusement. Le chef du bureau arabe
de Tiaret, le lieutenant de Lacotte, était arrêté par
trahison chez les Beni-Médiane qui égorgeaient ses
chasseurs d'escorte et le livraient à l'ennemi. Le
maghzen de Tiaret, composé d'Arabes qui nous
devaient tout, déserta tout entier; les Hararet les
Ouled-Khehf en firent autant. Grand enseigne-
ment, qu'il ne faut pas perdre de vue, une
pareille situation s'était déclarée en moins de huit
jours! »
Venu par mer d'Alger à INIers-el-Kebir avec
trois bataillons, La Moricière avait hâte de rejoin-
dre à Tlemcen Gavaignac, qui avait déjà rappelé
70 LA CONQUÊTE DE L'AKiÉRlE.
de Sebdou le colonel de Mac Mahon, du 4f . Le
danger le plus pressant n'était pas sur ses der-
rières, quoique l'insurrection y fût menaçante; il
était devant lui, là où était Abd-el-Kader; c'était
de ce côté-là qu'il fallait faire lêle. Rallié en
chemin par le général Korte, qu'il avait appelé de
Sidi-bel-Abbès, il ne Ht que toucher, le 7 octobre,
à Tlemcen,d'où Cavaignac était parti afin d'empê-
cher l'émigration générale des Beni-Amer et des
Ghossel que l'émir voulait entraîner vers la deïra.
Le 9, les deux colonnes se réunirent au col de
Bab-Taza, allèrent prendre des vivres à Djemma-
Ghazaouat, puis se portèrent sur Aïn-Kebira, au
cœur du pays montagneux desTrara. Elles comp-
taient ensemble quatre mille cinq cents baïonnettes,
six cent cinquante sabres et dix obusiers de mon-
tagne. Le 13, la position d' Aïn-Kebira fut atta-
quée, à droite par La Moricière, à gauche par
Cavaignac. Les Trara leur opposèrent une vive
résistance; mais délaissés par Abd-el-Kader, qui
craignait de compromettre sa cavalerie sur un
terrain difficile, les malheureux Kabyles se sacri-
fièrent inutilement pour lui. Poussés, refoulés par
le vainqueur, ils pouvaient être anéantis et jetés
à la mer. Si La Moricière eût écouté ses soldats,
vengeurs de Sidi-Brahim, pas un Trara^ pas un
COMPLICATIONS. 71
Beni-Araer, pas un Ghossel n'aurait échappé; le
général brava l'impopularité , fut clément aux
vaincus et se contenta de leur soumission. Il n'a-
vait pas de temps à perdre aux représailles :
Abd-el-Kader s'était dérobé; il fallait retrouver
sa trace.
En effet, l'émir avait fait un détour par le sud,
avec l'espoir de surprendre Sidi-bel-Abbès ou
Mascara. Laissant Cavaignac à Tlemcen, La Mori-
cière coupa au plus court, rassura en passant
Sidi-bel-Abbès, puis courut à Mascara, où il arriva
le 30 octobre. Il y trouva le colonel Géry, qui
venait de pousser jusqu'au poste de Tiaret et d'en
revenir, en passant et repassant au travers d'un
pays tout insurgé; son opération n'avait été qu'un
combat perpétuel. D'autre part, le général de
Bourjolly sur la Mina, le colonel de Saint-Arnaud
sur le Chélif, avaient fort à faire pour contenir
l'effort des nombreux partisans de Bou-Maza.
Enivré de ses succès, l'audacieux chérif avait
poussé l'insolence jusqu'à s'attaquer, le 18 octo-
bre, à Mostaganem; il est vrai qu'une sortie du
lieutenant-colonel Mellinet avait promptementfait
échouer sa tentative.
C'était le 6 octobre que le maréchal Bugeaud
avait reçu en Périgord l'appel de La Moricière; le
72 LA CONQUETE D !• L'ALGÉRIE.
15, il débarquait dans le port d'Alger; le 18, il
était en campagne. Avant la fin du mois, six
régiments d'infanterie et deux de cavalerie de-
vaient lui être envoyés de France. L'armée d'A-
frique allait compter dès lors plus de cent mille
hommes; telles étaient l'étendue et la force de
l'insurrection qu'il n'en fallait pas moins pour la
réduire. En homme de guerre supérieur, le maré-
chal avait deviné les projets d'Abd-el-Kader, et
c'était sur la lisière méridionale du Tell qu'il avait
décidé de le prévenir ou de l'arrêter. Assuré de
la défense du Titteri dont il confia le soin au
général Bedeau, il se porta dans la province
d'Oran.
Le 24 octobre, il était avec trois mille cinq
cents hommes d'infanterie et quatre cent cin-
quante chevaux entre Teniet-el-Had et Tiaret.
Devant lui toutes les tribus avaient fait le vide, le
pays était désert; seuls, les Ayad, contenus par
Ameur-ben-Ferhat, étaient demeurés sur leur terri-
toire. Une colonne légère, couduite par Jusuf, qui
venait d'être nommé général des troupes indi-
gènes, alla surprendre, à vingt lieues de distance,
les Ouled-Khelif, leur tua trois cents hommes et
ramena tous leurs troupeaux. Après ce coup
frappé sur les insurgés du sud, le maréchal des-
DOUZE COLONiNES. 73
cendit par la vallée da Riou jusqu'au Chélif. Cette
course avait pour objet et eut pour résultat de
rabattre la jactance de Bou-Maza, en relevant
l'autorité du général de BoiirjoUy et du colonel de
Saint-Arnaud. Pendant ce temps, La Moricière
faisait débloquer Daya par le général Korte et
Saïda par le général Géry , récemment promu,
tandis qu'il manœuvrait lui-même autour de Mas-
cara pour rétablir les communications avec Oran
et Mostaganeni d'une part, Frenda et Tiaret de
l'autre.
A la fin du mois de novembre, il n'y avait pas
moins de douze colonnes en mouvement : dans la
province d'Oran, les colonnes Cavaignac, Korte,
Géry et La Moricière rayonnant de Tiemcen, de
Sidi-bel-Abbès et de Mascara ; la colonne Bourjolly
et celle du maréchal sur la Mina; dans la province
d'Alger, les colonnes Saint-Arnaud et Comman
sur le moyen Chélif, la colonne Camou sous
Miliana, la colonne Gentil au col des Beni-Aïclia,
les colonnes d'Arbou ville et Marey dans le Djebel-
Dira. Si l'insurrection intérieure n'était pas entiè-
rement réduite, elle avait du moins beaucoup
perdu de son importance.
Pour ce qui est d'Abd-el-Kader, dont on avait
perdu la trace, le maréchal venait enfin d'en
74 LA CONQUÊTE D F. L'ALGÉRIE.
avoir des nouvelles certaines. Le 21 novembre, il
avait fait une razzia énorme, près de Taguine, sur
les Ouled-Chaïb, une des rares tribus qui ne s'é-
taient pas mêlées à la révolte. Aussitôt le maré-
chal, décidé à ne plus laisser de relâche à son
adversaire, et pour n'être plus exposé à perdre
le contact, mit tout son monde en alerte sur un
immense arc de cercle qui, passant par le sud,
reliait à la Tafna Tisser oriental. Le nombre des
colonnes actives fut porté de douze à dix-huit.
Alors commença une chasse prodigieuse où le
fauve, dépistant les meutes, fatiguant les relais,
forçant les chiens, narguant les veneurs, les
entraîna, sept mois durant, par une course brisée
de sept ou huit cents lieues, de l'ouest à l'est,
du sud au nord, depuis les steppes brûlantes du
Sahara jusqu'aux cimes neigeuses de la Grande
Kabylie, puis encore du nord au sud, de l'est à
l'ouest, et les laissant épuisés, haletants, fourbus,
finit par rentrer dans son fort.
Celte campagne, la plus difficile et la plus
sérieuse qui ait été faite en Algérie, ne se distingue
par aucun trait saillant, par aucun combat de
grande importance. Elle est admirable et fasti-
dieuse; il est impossible de la décrire en détail;
l'historien y perdrait sa peine et le lecteur son
CHASSE A L'ÉMIR. 75
attention. Tout ce qu'il est possible de faire, c'est
d'en tracer les grandes lignes.
« Ce qui est à peu près certain, écrivait, le
24 novembre, le maréchal Bugeaud au général
Moline deSaint-Yon, successeur du maréchal Soult
au ministère de la guerre, ce qui est à peu près
certain, c'est que, d'ici à deux ou trois mois, les
tribus seront aux abois, qu'elles auront perdu
beaucoup d'hommes, beaucoup de troupeaux,
beaucoup d'approvisionnements, et que l'émir, ne
trouvant partout que misère et désolation, déser-
tera de nouveau le pays et rentrera dans le Maroc
ou dans le désert. » En ne comptant que deux ou
trois mois, le maréchal se trompait de plus do
moitié.
Il fît commencer la chasse par Jusuf. Il lui
donna toute la cavalerie de sa propre colonne, un
escadron de gendarmes, deux escadrons du
r' chasseurs d'Afrique, deux escadrons de spahis;
il y joignit deux bataillons d'infanterie légère, un
obusier de montagne, cent soixante -dix mulets
pour porter le matériel d'ambulance, les muni-
tions, les sacs des fantassins. De Tiaret, Jusuf se
dirigea d'abord sur Goudjila, mais ayant ouï dire
qu'après la razzia des Ouleb-Cliaïb, Abd-el-Kader
était remonté au nord, vers Teniet-el-Had, pour
76 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
faire la pareille sur les Ouled-Ayad, il remonta
vers Teniet-el-Had. En y arrivant, le 1"^ décembre,
il apprit que l'émir était là d'oii il venait lui-
même, c'est-à-dire à Goudjila; donc il rebroussa
chemin et se rencontra, le 4, avec le général
Bedeau qui, de Boghar, s'était mis, lui aussi, à la
recherche d'Abd-el-Kader. Le lendemain , les
deux chasseurs, n'ayant rien trouvé à Goudjila, se
séparèrent, Bedeau s'en retournant à Médéa,
Jusuf continuant la poursuite.
A chaque instant il rencontrait les traces de
l'émir et il ne désespérait pas de gagner sur lui
une ou deux marches; mais l'émir, qui était rusé,
ne désespérait pas de le mettre en défaut. A cet
effet, il envoya ses troupeaux avec les goums par
un chemin, et marcha lui-même avec ses réguhers
par un autre, de sorte qu'à la bifurcation il y avait
deux pistes. Jusuf avait le flair; il ne se trompa
pas et suivit la bonne. Malheureusement ses
vivres étaient épuisés; il lui fallut rentrer, le
1 4 décembre, à Tiaret. C'était le maréchal en
personne qui allait le relever; mais tandis qu'il
croisait dans les parages de la haute Mina, entre
Frenda et le Ghott, dans l'espoir de saisir Abd-el-
Kader au passage, celui-ci, pointant droit au nord,
se jeta dans le Tell, et parut tout à coup chez les
RE^CO^TRE A TEMDA. 77
Keraïch. Quelle audace! Il y avait autour de lui
cinq maîtres d'équipage : le maréchal, Jusuf,
Comman, Saint-Aruaud, Pélissier.
Le maréchal resserra l'enceinte, fit faire des
battues; le 23 décembre, à Temda, Jusuf atteignit
enfin l'émir et ses réguliers, mais l'engagement ne
fut pas décisif, de sorte que, le lendemain, le gou-
verneur, écrivant au ministre de la guerre, se
crut obligé d'insister sur l'effet moral de ce petit
combat : « Cet événement que nous poursuivions
depuis si longtemps, disait-il, doit produire un
très bon effet politique. Néanmoins, nous ne
devons pas nous dissimuler que, si cette belle
troupe qui entoure l'émir et fait la terreur ou. l'es-
poir des tribus arabes, a été gravement entamée,
elle n'a pas été détruite. Abd-el-Kader a couru
personnellement de très grands dangers, et peut-
être a-t-il été blessé. Il a évidemment éprouvé là
un grand échec moral et matériel, mais il est
homme à s'en relever, pour peu que nous lui
donnions quelque relâche. Il réparera ses pertes
en recrutant chez les tribus qui lui restent encore,
et il saisira les occasions que lui présentera la for-
lune pour effacer les impressions de sa défaite au
combat de Temda. »
Non seulement Abd-el-Kader ne se hâta pas de
78 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
quitter l'Ouarensenis, mais encore il y fit acte
d'autorité, car il nomma un khalifa; ce fut Hadj-
el-Sghir, un neveu de Ben-Allal. Bien plus, il
obtint en ce moment-là le plus grand succès moral
qu'il lui fût permis de souhaiter : Bou-Maza, le
chérif, ce rival qui avait eu l'audacieuse préten-
tion de s'égaler à lui, se soumit, lui fit hommage
et se réduisit à n'être plus que son khalifa dans le
Dahra. Arabes et Kabyles n'avaient plus désormais
d'autre chef qu'Abd-el-Kader : c'était un grand
triomphe.
Il y avait, au contraire, divergence de vues
entre ses adversaires. Depuis l'affaire de Temda,
Jusuf avait perdu le contact; tandis qu'il cherchait
l'émir au sud, vers le Nahr-Ouassel, La Moricière
le cherchait au nord, vers le Chélif. C'était La Mo-
ricière qui avait vu juste; il était sur la bonne
piste; mais, par un crochet au sud-ouest, l'émii-
dérouta la poursuite, ef, sortant du Tell plus fort
qu'il n'y était entré, alla se recruter encore parmi
les nomades du désert. La cavalerie française, au
contraire, était à bout de forces.
Ainsi commença l'année 1846. Après avoir
gagné à sa cause les Harar et les Ouled-Khelif,
Abd-el-Kader avait repris par les Hauts-Plateaux
la direction du nord-est; on le signalait à Taguine.
SAGACITÉ DU MARÉCHAL. 79
Aussitôt le maréchal se porta d abord sur Teniet-
el-Had, puis au delà, sur le Nahr-Ouassel, tandis
que le général Marey se mettait à la poursuite de
l'émir avec une colonne chamelière ; mais comment
atteindre un coureur qui pouvait en vingt-quatre
heures faire quarante-cinq lieues? L'audace et la
rapidité de ses mouvements semblaient déjouer
toute prévision.
C'est ici que la sagacité militaire du maréchal
Bugeaud s'éleva jusqu'au génie. En notant à
mesure les progrès continus de l'émir vers le
nord-est, il devina son projet, qui était de raviver
par son apparition l'insuriection dans le Dira et de
la provoquer dans la Grande Kabylie. Sans tarder,
le maréchal prit à marches forcées la direction de
Boghar; en même temps, il dépêchait au général
de Bar, qui avait le commandement d'Alger,
l'ordre d'envoyer au col des Beni-Aïclia le géné-
ral Gentil avec deux bataillons. Ces deux batail-
lons étaient, en fait de troupes régulières, tout ce
qui restait pour la garde d'Alger. Cependant il
était plus urgent encore de pourvoir à la défense
de la Métidja. Les rapports du colonel Daumas,
directeur général des allaires arabes, dénonçaient
une propagande active des agents d'Abd-el-Kader.
Le maréchal avait présentes à la mémoire l'invasion
80 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
de 1839 et la dévastation de la plaine; à tout prix
il fallait empêcher le retour d'un pareil désastre.
Le 2 février, il fit télégraphier au général de
Bar l'ordre « d'armer les condamnés militaires et
de les porter en réserve à Koléa, d'organiser deux
bataillons de la milice et de les tenir prêts à mar-
cher au premier danger sur Douera ou sur Blida ».
En recevant cette dépêche, le bon général de Bar
fut tout abasourdi : « Je prépare, répondit-il par
le télégraphe, l'exécution des ordres relatifs à la
milice. Je crois de mon devoir de vous informer
que la simple annonce de cette mesure a déjà pro-
duit plus d'alarmes que l'insurrection tout entière.
J'attends de nouveaux ordres pour signer l'ar-
rêté. )) Il les reçut dans la journée même. Quoi!
la guerre aux portes d'Alger! La situation pire
qu'en 1839, aussi mauvaise qu'en 1831 ! H y eut
un premier moment de grande panique; peu à peu
l'agitation diminua, et les deux bataillons de mili-
ciens s'organisèrent.
Le jour même oii arrivaient les derniers ordres
du maréchal, Abd-el-Kader, ayant tourné le géné-
ral Bedeau et le général Marey qui le cherchaient
dans le Dira, donnait la main à Ben-Salem sur le
bas Isser. Ce même jour, le colonel Blangini, qui
venait de changer la garnison de Dellys, ramenait
SURPRISE DE BEN-SALEM. 81
au général Gentil le bataillon relevé, quand il ren-
contra des groupes d'hommes et de femmes qui
fuyaient devant une razzia de Ben-Salem. Immé-
diatement il se porta contre les pillards et leur
reprit une partie du bétail enlevé.
Dans la nuit du 6 au 7 février, le général Gentil
rejoignit le colonel avec son autre bataillon, un
escadron du 5' chasseurs de France et un obusier
de montagne. Avant le jour, il surprit le campe-
ment de Ben-Salem; dès les premiers coups de
feu, les Kabyles, pris de terreur, s'enfuirent dans
la montagne, laissant au général, comme trophée
de cette facile victoire, trois drapeaux, six cents
fusils, les tentes toutes tendues, des chevaux et
les troupeaux enlevés la veille aux Isser. La
petite colonne française n'avait ni un seul tué ni
un seul blessé même. Mais la nouvelle la plus
surprenante qu'on eut par les prisonniers, c'est
qu'Abd-el-Kader était danslecampetqu'il n'avait
échappé qu'avec peine aux suites de la bagarre.
Comme il ne se trouvait plus en sûreté à si
courte distance du général Gentil, il se jeta dans
le Djurcijura, où il mit tout en œuvre pour se
créer un nouveau centre de résistance. La iMétidja
n'avait plus rien à craindre. Le 9 février, le
maréchal, accouru de Boghar, fit sa jonction avec
II. 6
82 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Bedeau; mais la neige et la pluie retardèrent de
quelques jours le châtiment qu'il voulait infliger
aux Kabyles coupables de connivence avec l'émir.
Le i 5, il prit au général Gentil ses réserves de
troupes fraîches, lui donna en échange son infan-
terie fatiguée, et, du 17 au 21, ravagea le terri-
toire desFlissa, des Guechtoula, des Nezlioua et
des Beni-Khalfoun. Au lieu de les soutenir, Abd-
el-Kader et Ben-Salera profitèrent de l'occupation
qu'ils donnaient à la colonne française pour se
dérober au sud-est, vers Hamza. Le 23, le maré-
chal reprit au général Gentil ses vieilles bandes
et à leur tête fit dans Alger, le lendemain, une
rentrée saisissante.
(( La sérénité du maréchal dans cette redou-
table crise, a dit le général Trochu, qui était alors
son aide de camp, — on pourrait dire sa gaieté —
nous remplit d'étonnement et d'admiration. Ce
calme profond d'un chef responsable, sur qui la
presse algérienne et métropolitaine s'apprêtait à
déchaîner toutes ses colères, et aussi des veilles
continuelles, des fatigues excessives pour son âge,
furent, dans cette campagne ultra-laborieuse, des
faits qui mirent dans un nouveau relief la vaillante
organisation morale et physique du gouverneur.
De celte campagne, qui ne fut marquée par aucune
ALGER ET LE MARÉCHAL. 83
action militaire éclatante, le maréchal parlait
souvent avec complaisance, et c'était à bon droit.
Elle fut l'une des plus grandes crises, la plus
grande crise peut-être de sa carrière algérienne.
Quand il rentra dans Alger avec une capote mili-
taire usée jusqu'à la corde, entouré d'un état-
major dont les habits étaient en lamlieaux, mar-
chant à la tête d'une colonne de soldats lironzés,
amaigris, à figures résolues, et portant fièrement
leurs guenilles, l'enthousiasme de la population
fut au comble. Le vieux maréchal en jouit pleine-
ment; c'est qu'il venait d'apercevoir de très près
le cheveu auquel la Providence tient suspendues
les grandes renommées et les grandes carrières. »
Le maréchal ne fit que toucher à Alger; il en
repartitlcD mars, sur la nouvelle qu'Abd-el-Kader
avait essayé, inutilement il est vrai, de rétablir
son influence parmi les tribus du Djurdjura. Une
grande assemblée des djemâ, c'est-à-dire des
communautés kabyles, convoquée à Bordj-bou-
Keni le 27 février, était demeurée sourde aux
instances qu'il lui avait fait faire. Afin d'encou-
rager ce revirement pacifiijue, le maréchal reprit,
à la tête d'une colonne de cinq mille hommes, la
direction de l'Isser. Sa seule approche suffit à
faire tomber les dernières hésitations et à décider
6.
84 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
la retraite définitive d' Abd-el-Kader, de Ben-Salena
et de tous les agents d'insurrection. Il revint donc
à Alger le 1 8 mars, pour recevoir le duc d'Aumale
et le prince Auguste de Saxe-Cobourg, son beau-
frère. Gomme le général Bedeau s'en retournait
dans la province de Constantine, le duc d'Aumale
prit à sa place le commandement supérieur du
Titteri.
RETRAITE DE L'ÉMIR. 85
VU
L'apparition d'Abd-el-Kader dans le Djurdjura
marque la limite extrême de son aventureuse
entreprise; dès lors, il va lutter encore de ruse et
de vitesse avec ses adversaires, mais en reculant
toujours, et sa retraite sera en même temps, pour
l'insurrection en général, le commencement de la
décadence.
Le 7 mars, à six heures du matin, après une
course de quarante lieues en vingt-quatre heures,
il surprit, entre Berouaghia etBoghar, le maghzen
du Titteri et fit un butin considérable; mais ce
butin allait ralentir sensiblement sa marche. En
efl'et, à deux heures de l'après-midi, dans la
même journée, il fut atteint par le colonel Camou,
qui lui tua soixante-dix hommes et lui prit deux
cent cinquante chevaux harnachés, mille cha-
meaux, vingt-cinq mille têtes de bétail. Ce grand
succès piqua d'émulation le général Jusuf.
Le 13, à cinq heures du matin, Jusuf aperçut
86 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Ja fumée d'un campement arabe; un petit goum
envoyé en avant reconnut bientôt la présence de
l'émir, qui, sans essayer d'organiser la résistance,
ne songea qu'à se dérober au plus vite. Succes-
sivement abandonné par ceux qui avaient suivi,
au début, sa fortune grandissante, quand la pour-
suite cessa, il n'avait plus avec lui que quatorze
fidèles. On lui prit huit cents mulets chargés. Deux
prisonniers français, le lieutenant deLacotte, chef
du bureau arabe de Tiaret, et Tinterprète Levi,
pris à Sidi-Brahim, furent retrouvés dans le camp,
mais cruellement blessés par leurs fanatiques gar-
diens. L'inlerprète ne survécut que peu d'heures;
on put sauver le lieutenant, qui avait reçu trois
coups de feu. La surprise avait été faite à imit
lieues au sud-ouest de Bou-Sâda.
Allégé par la perte de ses bagages, Abd-el-
Kader fuyait vers le Djebel-Amour; dans ces
parages, il avait pour adhérents les nombreux
douars nomades des Ouled-Naïl, et des renforts
d'hommes et de chevaux lui venaient de la deïra.
Par les ordres du maréchal, des convois de cha-
meaux avaient apporté, pour le ravitaillement de
la colonne Jusuf, à El-Beïda, au pied du Djebel-
Amour, un grand approvisionnement de vivres.
De cette base d'opération, Jusuf ne cessa pas,
LES PRISONNIERS FRANÇAIS. 87
pendant tout le mois d'avril, de pousser des pointes
dans toutes les directions, à la recherche de l'émir
dont il avait de nouveau perdu la trace; mais
s'il ne parvenait pas à l'atteindre, ses courses
n'étaient pas tout à fait inutiles, car elles eurent
pour effet de réduire les Ouled-Naïlà l'obéissance.
Le P"^ mai, le duc d'Aumale lui amena des troupes
fraîches; le prince avait voulu, en descendant
jusqu'à El-Beïda, se rendre compte des progrès
de la soumission dans ces régions lointaines.
Ce fut en ce temps-là, pendant qu'Abd-el-Kader
était dans le Djebel-Amour, qu'à plus de cent
lieues de distance, un crime exécrable, le massacre
des prisonniers français, ensanglantait la deïra
dans le Maroc. Ils étaient environ deux cent qua-
tre-vingts; sur ce nombre quatre-vingt-quinze,
dont cinquante-sept blessés, avaient été pris com-
battant à Sidi-13rahim; le surplus étaient les
défaillants d'Aïn-Temouchent. Ils avaient été bien
traités d'abord; mais leur sort, attaché à celui de
la deïra, ne tarda pas à en subir les vicissitudes.
Déjà Miloud-ben-Arach, cédant aux injonctions
de l'empereur Mouley-Abd-el-Rahmane, était allé
faire sa soumission à Fez; bientôt il y eut une
autre défection plus considérable; les Beni-Amer,
qui étaient huit ou dix mille, prirent, au mois do
88 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
mars, le chemin de l'ouest, et suivirent l'exemple
(le Miloucl-ben-Arach. Il ne restait plus que les
Hachem et quelques émigrés isolés de diverses
tribus.
Sur ces entrefaites, le beau-frère de l'émir,
Moustafa-ben-Tami, vint prendre à la place de
Bou-Hamedi le commandement de la deïra; il
avait l'ordre de la conduire dans le sud. Cet ordre
provoqua d'énergiques résistances; entre les deux
khalifas, il y eut des discussions vives. Dans la
deïra, réduite des trois quarts, le méconten-
tement grandissait avec la misère; on regardait
comme un embarras ces prisonniers qu'il fallait
nourrir.
Ils occupaient, au milieu d'un camp de cinq
cents réguliers, sur les bords de la Moulouïa, une
vingtaine de gourbis; le camp était entouré d'un
rempart de broussailles. Le 24 avril, dans l'après-
midi, Moustafa-ben-Tami envoya chercher les
officiers français, deux sous-officiers et quatre
soldats, en tout douze hommes, qu'on conduisit à
la deïra, trois lieues plus loin. A la nuit tombante,
les autres furent répartis par petits groupes dans
les huttes des réguliers. A niinuit, un cri donna
le signal du massacre; la fusillade dura une demi-
heure; puis Fincendie dévora les gourbis où
MASSACRE DES PRISONNIERS. 89
quelques-unes des malheureuses victimes avaient
cherché refuge.
Un seul (les prisonniers, le clairon Rolland, du
8' bataillon de chasseurs à pied, put échapper aux
massacreurs. Blessé, nu, mourant de faim, pris
par des Marocains qui d'abord voulurent le tuer,
mais qui se ravisèrent en songeant au bénéfice que
devait leur rapporter la capture, il fut en effet
ramené, moyennant rançon, à Lalla-Maghnia, le
17 mai. Ce fut par lui qu'on sut le détail de cetle
horrible tragédie. Qui en avait été l'auteur? Quelles
qu'aient été plus tard les dénégations et les pro-
testations d'Abd-el-Kader, il n'est pas douteux
qu'il ait ordonné le crime. Dans des lettres que
nous aurons à citer bientôt, il en a fait l'aveu lui-
même.
90 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
VIII
Dans les premiers jours du mois de mai, le
général Jusuf, d'après les instructions que venait
de lui donner le duc d'Aumale, avait organisé, au
campement d'El-Beïda, une colonne légère de
seize cents baïonnettes et de quatre cent soixante
sabres. L'infanterie élait commandée par le
colonel de Ladmirault, la cavalerie par le lieu-
tenant-colonel d'AUouville. Jusuf s'engagea d'a-
bord dans le Djebel-Amour, mais il n'y trouva
plus Abd-el-Kader qui s'était réfugié plus loin au
sud-ouest, chez les Ouied-Sidi-Cheikh. Le soin de
l'y poursuivre fut confié, par ordre du gouver-
neur, au colonel Renault, avec une seconde
colonne. Après avoir pacifié le Djebel-Amour, le
général Jusuf en finit aisément avec les derniers
dissidents des Ouled-Naïl; la grande tribu, venue
à résipiscence, lui fit toutes les satisfactions
réclamées; des troupeaux, représentant une va-
LA MORICIERE ET JUSUF. 91
leur de cent soixante mille francs, lui furent
livrés en cinq jours. Le 30 mai, il put rentrer à
Boghar.
C'était La Moricière qui avait été chargé d'orga-
niser à Mascara la colonne Renault, destinée à
poursuivre et à terminer la chasse à l'émir. Le
général y répugnait, ayant vu dans quel état de
délabrement revenaient les troupes surmenées par
Jusuf. 11 n'avait rien vu de semblable, disait-il, ni
après le retour de Conslantine, ni après « la désas-
treuse campagne de 1840 », et il se serait inquiété
de l'etTet produit sur les indigènes par un tel
spectacle, s'il n'avait eu sous la main des troupes
fraîches à leur montrer.
A cela, le maréchal Bugeaud répondait : « Si
votre opinion s'adresse à toutes les opérations
dans le désert, — et je suis tenté de le croire par
l'amertume avec laquelle vous parlez de l'état
dans lequel le général Jusuf a mis les troupes qu'il
avait, — je suis loin de la partager. Les opérations
des colonnes Camou, Renault, Jusuf, réunies ou
séparées, nous ont rendu les plus grands services;
ce sont elles qui ont ruiné l'émir, en ne lui laissant
qu'une poignée de cavaliers exténués; elles ont
amené la soumission de tout le désert au sud de la
province d'Alger; elles nous ont ramené plusieurs
92 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
tribus du Tell qui avaient émigré, et, par leur effet
matériel et moral, elles ont amené la pacification
do tout le Titteri. C'est aux échecs répétés que ces
colonnes ont fait éprouver à Abd-el-Kader que
vous devez, de votre côté, la soumission des
Harar, des Oïded-Khelif et autres. Ce n'est pas
tout. Pendant que ces colonnes s'exténuaient, les
vôtres se reposaient ou agissaient peu ; voilà pour-
quoi elles sont aujourd'hui en bon état.
(' Je reconnais que le général Jusuf, avec des
qualités militaires très distinguées, n'a pas tout
l'ordre d'administration et d'organisation qu'on
pourrait désirer, mais je crois facile de le justifier
d'avoir retenu des cadres d'escadrons, en ne vous
envoyant que des hommes et des chevaux indis-
ponibles. Il jouait un coup de partie pour la tran-
quillité de tout l'est et même de l'ouest. Je pense
sincèrement qu'il a eu raison, et les résultats la lui
donnent. Il ne voulait pas abandonner le pays des
Ouled-Naïl avant d'avoir chassé Abd-el-Kader; il
sentait que, s'il s'éloignait seulement pendant
quelques jours pour venir à Boghar se remettre et
échanger ses troupes, il pouvait perdre le fruit de
tous ses travaux et relever les actions de l'émir.
Je trouve que c'est bien joué, et je jugerais ainsi
lors même qu'il n'aurait pas gagné la partie. On
COLONNE RENAULT. 93
ne fait les choses extraordinaires à la guerre
qu'avec des moyens extraordinaires. »
Formée d'abord à Mascara, la colonne Renault
ne fut définitivement organisée qu'à Frenda; elle
comprenait six bataillons d'un etfectif de deux
mille six cents hommes, et quatre escadrons comp-
tant trois cent cinquante chevaux; il y avait de
plus deux cents cavaliers de la Yakoubia. Elle
bivouaqua, le 24 mai, à la pointe orientale du
Ghott-el-Chergui, et atteignit, trois jours après,
Stitten, où elle eut des nouvelles d'Abd-el-Kader.
Il était dans les montagnes des Ksour, chez les
Trafi; mais quand il avait demandé aux gens
d'Arbâ le cheval de soumission, ils lui avaient
répondu : « Nous n'avons pas de cheval; nous ne
pouvons te donner qu'un âne. » C'était peu encou-
rageant; aussi avait-il envoyé plus loin, àChellala,
son convoi réduit à quelques mulets et à trois cha-
meaux, l'un desquels portait sa femme. Ce (jui
n'était pas encourageant davantage, c'était la
réponse des Ouled-Sidi-Cheikh à ses exhortations
belliqueuses : « Tu es comme la mouche qui
excite le taureau, et quand tu l'as irrité, tu dis-
parais, et c'est nous qui recevons les coups. »
Le 1" juin, les éclaireurs du colonel Renault le
surprirent à Chellala-Guebha; il n'eut que le temps
94 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
de se mettre à cheval et de fuir. Des envoyés se
présentèrent au colonel de la part des Ouled-Sidi-
Cheikh, et lui dirent : « Nous sommes les supporls
de la tente que tu veux planter; nous voici; nous
soutiendrons l'édifice. » Ainsi les nomades aban-
donnaientsuccessivementAbd-el-Kader.Le12juin,
le colonel Renault prit son bivouac au ksar aban-
donné d'El-Biod; il y avait de l'eau qui par bon-
heur n'était pas saumâtre et du fourrage en abon-
dance. C'est le poste qui est devenu, sept ans plus
tard, Géryville. Le 25, la colonne reprit la direc-
tion du Tell. Le 1" juillet, elle atteignit Frenda,
et Mascara le 5.
Depuis deux jours, Abd-el-Kader était rentré
dans le Maroc par Figuig; on ne tarda pas à savoir
qu'il avait rejoint la deïra, le 1 8 juillet, après sept
mois de la vie la plus agitée par les péripéties les
plus émouvantes.
CHAPITRE VII
LA DERNIERE ANNÉE DU MARÉCHAL BUGEAUD
EN AFRIQUE.
I. — Échecs de Bou-Maza. — Le derviche Sidi-Fadel. — Création
du poste d'Anmale. — Incidents dans la province de Constantine.
II. — Rachat des prisonniers français. — Lettres d'Abd-el-Kader.
III. — Reddition de Bou-Maza. — Soumission de Ben -Salem. —
Promenades militaires dans le Sud.
IV. — Le maréchal Bugeand et La Moricière. — Échec du projet de
colonisation militaire. — Expédition ilu maréchal dans la vallée
de l'Oued-Sahel. — Démission du maréchal Bugeaud. — Ses adieux.
— La statue du maréchal.
1
Depuis la courte apparition d'Abd-el-Kader
dans rOuarensenis, à la fin de 1845, l'insurrec-
tion, sur les deux bords du Chélif, s'en était allée
déclinant; aucun des khalifas qu'il venait d'insti-
tuer, ni El-Hadj-el-Sghir au sud, ni Bou-Maza au
nord, ne parvinrent à rendre aux insurgés l'ar-
deur des premiers jours. Le 28 janvier 1840, le
96 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
lieutenant- colonel Canrobert, commandant la
colonne mobile de Tenès, réussit à surprendre le
principal fauteur de la révolte du Dahra, le kaïd
des Beni-Hidja, Ben-Hinni, qui périt dans la ba-
garre. Ce fut pour Bou-Maza une très grande perte.
Deux jours après, la colonne Canrobert eut un
nouveau succès à la suite duquel le chérif jugea
prudent de se dissimuler dans les montagnes. Six
semaines plus tard, il reparut pour se faire battre
derechef par le colonel de Saint-Arnaud et le
lieutenant-colonel Canrobert réunis; dans ce com-
bat de Sidi-Klifa, livré le i 5 mars, il eut le poignet
fracassé par une balle.
Au mois d'avril, le général Pélissier, sorti de
Mostaganem, Saint-Arnaud d'Orléansville, et Can-
robert de Tenès, agirent simultanément dans le
Dahra; le résultat de ce concert fut l'expulsion
définitive de Bou-Maza qui passa dans l'Ouaren-
senis. Il n'y releva pas, tant s'en faut, la fortune
d'El-Sghir qui périclitait de plus en plus. Toutes
les tribus, lasses de la guerre, l'abandonnèrent
successivement, et il suffit d'une simple apparition
du maréchal Bugeaud sur l'Oued-Rouina, au mois
de mai, pour achever sa déchéance. Quelques
jours après, on sut d'une manière certaine que
les deux khalifas étaient allés ensemble joindre
CAVAIGNAC A SIDI-BRAHLM. 97
à Stitten, dans le désert, leur infortune à celle du
maître.
Dans la subdivision de Tlemcen, le général Ca-
vaignac ne cessait pas d'exercer sur la frontière
du Maroc et même au delà, de temps à autre, la
police que le gouvernement marocain oubliait ou
se sentait incapable de faire. Dans une de ces
courses, au mois de février 1846, la colonne qu'il
commandait fit halte auprès du marabout de Sidi-
Brahim. Les restes des braves qui avaient péri
dans la fatale journée du 23 septembre gisaient
épars sur le champ de bataille; au-dessus de la
fosse où ils furent pieusement recueillis, un monu-
ment bien simple, une pyramide de terre gazonnée
s'éleva en deux heures; puis, le général en tête,
l'épée à la main, l'infanterie, la baïonnette au
canon, la cavalerie, le sabre au clair, les tambours
battant aux champs, les trompettes sonnant la
marche, la colonne défila au pied de l'ossuaire;
une salve d'artillerie envoya aux morts le suprême
adieu, et quand les troupes reformées en bataille
eurent présenté les armes, elles s'éloignèrent,
émues, silencieuses, dans la direction de Djemma-
Ghazaouat.
Un jour, vers la fin de mars, le général Cavai-
gnac vit arriver sous Tlemcen une bande étrange,
II. 7
98 LA COAOUÊTE DE L'ALGERIE.
conduite par un derviche, un thaumaturge, qui
se faisait appeler Sidi-Mohammed-el-Fadel. « Tu
sais, écrivit -il au général, qu'il doit venir un
homme qui régnera jus(|u'à la fin des temps. Cet
homme, c'est moi, Mohammed, envoyé par Dieu
et choisi parmi les plus saints de la suite du Pro-
phète. Je suis l'image de celui qui est sorti du
souffle de Dieu; je suis l'image de Notre-Seigneur
Jésus. Je suis Jésus ressuscité, ainsi que tout le
monde le sait, croyant à Dieu et à son Prophète.
Si lu ne crois pas les paroles que je te dis en son
nom, tu t'en repentiras aussi sur comme il n'y a
qu'un Dieu au ciel qui a le pouvoir de tout faire.
Salut ! » Le jour où il avait la prétention d'entrer
dansTlemcen, le général Cavaignac alla au-devant
de lui. Le thaumaturge n'avait pas moins de douze
cents fantassins et de huit cents cavaliers, Maro-
cains pour la plupart; d'après les promesses de
leur chef, ils n'avaient même pas besoin d'apprê-
ter leurs armes, la terre devant engloutir d'abord
les Français. Quand ils virent sur leurs têtes les
sabres des hussards, ils furent tout surpris et scan-
dalisés; cependant il leur fallut bien essayer de se
défendre, à quoi ils ne réussirent guère; car ils
furent bien vite mis en déroute. De huit drapeaux
qu'ils avaient, sept furent pris; ([uant au thauma-
LE POSTE D'AUMALE. 99
turge, il disparut, et jamais plus on n'entendit
parler de lui.
Au temps où surgissaient de tous côtés les
émules de Bou-Maza, Bou-Ghareb, dans la Djebel-
Dira, avait eu quelques succès d'abord; mais les
généraux d'Arbouville et Marey étaient venus
facilement à bout de lui. Restait à pacifier défini-
tivement cette région montagneuse et toute la
partie du ïitteri qui touche à la province de Gon-
stantine. Ce fut l'œuvre du duc d'Aumale pendant
le printemps de l'année 1846. Le maréchal Bu-
geaud lui avait recommandé de chercher avec
soin dans ces parages un point (jui, de simple
biscuitville d'abord, pourrait peu à peu s'élever,
en passant par la condition de poste-magasin, jus-
qu'à l'état supérieur de base permanente, au même
titre que Médéa ou IMiliana. Le prince reconnut et
choisit la position de Sour-Ghozlan, sur le revers
nord du Djebel-Dira. Il y avait là un ancien bordj
turc qui fut mis aussitôt en état de défense. De
fait, la croissance du nouvel établissement fut
beaucoup plus rapide (|ue n'avait pensé le gouver-
neur. Avant la fin de l'année 1846, il avait pris
rang parmi les postes permanents et s'appelait
Aumale; vers le même temps, le nom de Nemours
était donné à Djenmia-Ghazaouat. Destiné à de-
7.
100 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
venir bientôt chef-lieu de subdivision , Aumale se
trouvait au nœud des communications d'Alger
avec Tiaret d'une part, Bou-Sâda et Gonstantine
de l'autre.
La province de Gonstantine, depuis l'administra-
tion du prince en 1844, avait joui d'une tranquil-
lité si complète, par comparaison à ce qui se pas-
sait dans l'ouest, qu'au moment de l'insurrection
de 1 845 le maréchal Bugeaud avait pu en distraire
le général Bedeau, qui en était le commandant
titulaire, pour lui conférer pendant la crise le
commandement du Titteri. C'était le général
Levasseurqui le remplaçait provisoirement à Gon-
stantine. Get intérim ne fut signalé que par un
incident dont les suites ne furent heureusement pas
aussi fâcheuses qu'elles avaient paru l'être au pre-
mier moment. Comme le général Levasseur venait
de faire, tout à l'ouest de la province, dans le
Belezma et le Hodna, une tournée de police, et
pendant qu'il reprenait le chemin de Gonstantine,
sa colonne, avant d'arriver à Sétif, futassaillie,dans
les ravins du Djebel-bou-Taleb, le 3 janvier 1846,
par un ouragan de neiged'une violence telle qu'il lui
fut impossible d'y résister. Les hommes s'égarèrent
et se dispersèrent. Ceux qui, le lendemain soir,
purent entin gagner Sétif, étaient en si petit nombre
LES OULED-YAYA. 101
qu'on fut d'abord porté à croire le désastre im-
mense; mais, les jours suivants, la plupart des
égarés reparurent, soignés et ramenés par les
Arabes.
En regard de ce dernier fait, politiquement et
moralement considérable, il faut par malheur en
placer un autre qui est tout contraire. Ce fut cinq
mois plus tard, et dans l'est de la province. Le
général Randon, commandant de Boue, avait ap-
pris qu'un chérif, venu de Tunisie, prêchait aux
Nemencha la révolte. Aussitôt il se mit en campagne
avec le 31° de ligne, la légion étrangère, le 5" hus-
sards et les spahis. Arrivé sous Tebessa sans coup
férir, il vit venir à lui, apportant la diffa pour les
hommes et l'orge pour les chevaux, la grande
tribu des Yaya-ben-Taleb. Le T^ juin, le général,
qui allait s'engager chez les Nemencha, dans la
partie la plus âpre de leur territoire, mit en route
pour Bone, sous l'escorte de cinq spahis comman-
dés par un de leurs officiers, un petit convoi
d'éclopés, de malingres et de soldats valides,
mais qui, leur temps de service fini, devaient
rentrer en France; le total était d'une centaine
d'hommes.
« Le lendemain matin, au petit jour, disent les
mémoires du maréchal Randon, un homme entiè-
102 LA rOKQUÉTE DE L'ALGÉRIE.
rement nu, couvert de sang, se jetait clans une
grand'garde de la légion, prononçant des paroles
inintelligibles dans lesquelles revenaient souvent
les mots : « Spahis... morto!... morto!... » Con-
duite la tente du général, il fut reconnu pour un
des spahis du convoi dirigé la veille sur Bone.
D'après son dire, ils avaient été inopinéaient atta-
qués pendant une halte chez les Ouled-Yaya. Lui
seul, pensait-il, avait échappé au carnage et à une
poursuite acharnée, en jetant derrière lui burnous,
turban, zéroual, et en se glissant dans les brous-
sailles, malgré de nombreuses blessures. Quelques
instants après, le kaïd des Yaya-ben-Taleb, Si-
Mohammed-Tazar , se précipitait aux genoux du
général et, d'une voix brisée par les sanglots, ré-
pétait sans cesse qu'il avait été trahi par les siens,
qu'il ne voulait pas être le complice d'un pareil
attentat, et que, ne pouvant le racheter que par
son sang, il apportait sa tête. Le général ne perdit
pas de temps en récriminations vaines ; il obtint
sans peine du kaïd qu'il dirigerait lui-même l'expé-
dition contre sa tribu, et, levant le camp, il lança
sa cavalerie pour atteindre au plus vite le théâtre
de cet affreux attentat; peut-être serait-il possible
de sauver quelques blessés et de reprendre quel-
ques prisonniers; mais, arrivé sur le lieu du mas-
DÉTACHEMENT MASSACRÉ. 103
sacre, plus d'espoir. Du nombreux campement
des Ouled-Yaya, il ne restait plus trace : un hideux;
charnier, que se disputaient déjà les chacals et les
vautours, lui avait succédé. Il était facile de recon-
struire par l'imagination les péripéties de cet hor-
rible drame. Ici, des cadavres étaient amoncelés .'
c'étaient ceux des malades surpris sans défense ;
ailleurs, la terre piétinée attestait les efforts de
quelques combattants armés; partout du sang, des
débris; au loin quelques corps isolés, ceux d'hom-
mes qui avaient succombé après avoir essayé de
fuir. Le récit du spahi survivant était confirmé :
il ne restait plus qu'à tirer vengeance de cette
odieuse trahison. Une reconnaissance de cavalerie
apprit que toute la tribu des Ouled-Yaya, fuyant
dans l'est, se concentrait sur une forte position
nommée El-Gola ou Rassaln. C'était un plateau
calcaire, en forme de table à bords escarpés,
comme il s'en rencontre dans ce pays du Kef. Dès
le lendemain, on était prêt à l'assaut; quelques
rampes abruptes y donnant accès en certaines
places, les spahis suivis de la légion les gravirent
les premiers. Pour la cavalerie, arriver là, c'était
un vrai tour de force ou plutôt d'adresse; elle y
monta cependant, au milieu d'une forte fusillade ;
les fantassins suivirent, et, en un instant, la mul-
104 LA CONQLÊTE DE L'ALGÉRIE.
titude des Yaya était mise à sac ou fuyait en se
|)récipitant du haut des rochers sur le revers boisé
de la position. Les traîtres étaient châtiés; restait
à en finir avec les contingents de Tunis et desNe-
mencha. »
Le général Randon demanda des renforts au
général Bedeau qui avait repris le commandement
supérieur de la province; il reçut le 2' de ligne,
des détachements de chasseurs d'Afrique et de
spahis, avec de l'artillerie. Devant lui les rebelles
avaient fait le vide; cependant il finit par les at-
teindre, et le choc des deux, cavaleries fut superbe.
(( A peine nos fantassins osaient-ils faire feu, disent
les mémoires, de peur de tuer nos cavaliers pêle-
mêle avec leurs adversaires. Ce fut pour le 2" de
ligne un curieux spectacle : on comptait les coups.
Gérard, le tueur de lions, alors maréchal des logis
aux spahis de Bone, tua plusieurs cavaliers tuni-
siens, comme dans les combats des Horaces et des
Curiaces. Deux cavaliers entre autres fuyaient de-
vant lui : il atteint le premier et lui passe son
sabre à travers le corps; par un bond de son che-
val, il rejoint le second, qui, penché sur sa selle,
le tenait au bout de son fusil; l'Arabe fait feu,
manque son coup et tombe sous le sabre deGérard.
La suite de ce combat fut une poursuite acharnée
CHATIMENT. 105
d'environ sept lieues ; la nuit et la fatigue y mirent
un terme forcé. Toute cette cavalerie ne s'arrêta
qu'après avoir constaté qu'elle était depuis long-
temps déjà sur le pays de Tunis. » Les jours sui-
vants, les Nemencha ayant fait soumission, le gé-
néral Randon ramena sa colonne à Bone.
106 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE,
II
Il convient, pour être exaci, de rechercher le^
derniers vestiges et de noter les conséquences^
extrêmes de la grande insurrection. Rentré dans
le Maroc, au mois de juillet 1846, Abd-el-Kader
se raidissait obstinément contre la mauvaise
fortune; son retour fut signalé par une sourde
agitation des deux côtés de la frontière, chez les
Beni-Snassen au delà, chez les Trara en deçà.
Afin d'être prêt à tout événement, le général Ca-
vaignac envoya le colonel de Mac Mahon à Sebdou,
et s'établit de sa personne entre Lalla-Maghnia et
Djemma-Ghazaouat.
Trois mois se passèrent ainsi sans incidents
bien significatifs; mais en octobre, on apprit
qu'une scission s'était faite dans la deïïa, que Bou-
Maza s'était mis en désaccord avec l'émir, et que,
soit qu'il fût inquiet pour sa vie, ou seulement
fatigué de sa réclusion, il avait pris le parti de
rentrer pour son propre compte en campagne.
POLITIOIE DE L'ÉMIK. 107"
« Je vous annonce, écrivail-il aux Ghossel, que
vous aurez bientôt le bonheur et la joie, s'il plaît
à Dieu. Je vous annonce que je ne suis plus sous
les ordres de Hadj-Abd-el-Kader, et qu'il n'y aura
plus rien de commun entre nous. )>
Avant de suivre le chérif dans ses nouvelles
aventures, il est important d'étudier de près les
actes et la politique de l'émir. On sait que, pour
faire croire aux populations indigènes qu'il se
trouvait toujours en état de traiter avec les Fran-
çais, il engageait le plus souvent possible des
pourparlers relatifs à l'échange ou au rachat des
prisonniers. C'étaient les survivants du massacre
de la deïra qui naturellement faisaient l'objet de
ces communications, et c'étaitavecM. Léon Roches,
alors secrétaire de légation à Tanger, qu'il semblait
le plus naturel qu'Abd-el-Kader s'entendît volon-
tiers à leur égard. Cependant l'émir soulevait une
difficulté : négocier à Tanger, c'était accepter ou
paraître accepter le patronage du gouvernement
de Fez, tandis que sa prétention était de traiter
directement avec la France, et il faisait écrire
expressément dans ce sens-là par le principal de
ses prisonniers, le lieutenant-colonel Courby de
Cognord, au général Cavaignac.
Autorisé par le gouvernement français à négo-
108 LA COMQIJÊTE DE L'ALGÉRIE.
cier avec Abd-el-Kader, le général adressa, le
5 octobre, au lieutenant-colonel Courby de Co-
gnord, pour être mises par lui sous les yeux de
lemir, les conditions précises de l'échange. Mais,
longtemps avant l'arrivée de cette lettre, qui fut
retenue d'ailleurs par Abd-el-Kader sans que le
destinataire en eût eu connaissance, une péripétie
nouvelle avait compliqué l'imbroglio. Le 18 sep-
tembre, un des chefs de la deïra était venu deman-
der aux prisonniers s'ils voulaient traiter de leur
rançon, non pas avec l'émir qui n'en saurait rien,
mais avec les khalifas qui en feraient personnelle-
ment leur affaire. Que l'émir voulût paraître
étranger au marchandage, on peut le comprendre;
mais qu'il n'en sût rien, c'est inadmissible.
Quoi qu'il en soit, le marché fut débattu, et l'on
convint d'une somme de six mille piastres fortes
d'Espagne, soit trente-trois mille francs en mon-
naie de France, qui serait avancée par le gouver-
neur espagnol du préside de Mélilla. Le lieutenant-
colonel Courby de Cognord écrivit en conséquence
au colonel Demetrio, marquis de Benito, gouver-
neur de Mélilla, lequel s'empressa d'acquiescer à la
convention. « Je suis disposé à tout faire pour
vous être agréable, s'empressa-t-il de répondre à
Courby de Cognord; que j'aurai de plaisir à vous
MISE EN SCENE. 109
recevoir chez moi et à vous embrasser comme si
vous étiez de mes enfants ! Je vous attends avec
les bras ouverts. Le jour que j'aurai ce plaisir
sera pour moi une belle journée. » Le gouverneur
n'eut pas d'ailleurs à faire l'avance de la rançon,
qui fut apportée d'Oran à Mélilla par le bateau à
vapeur Véloce.
Le dénouement se fit avec une mise en scène
tout à fait mélodramatique. Le 3 novembre, au
soir, Gourby de Cognord fut introduit secrètement
dans UDB tente isolée de la deïra; il y trouva les
quatre chefs les plus directement intéressés à l'af-
faire, qui lui firent part du scénario suivant: Abd-
el-Kader devait venir le surlendemain au camp
des prisonniers; aussitôt ces derniers iraient lui
demander qu'on les renvoyât dans leur pays,
puisque leur gouvernement ne les réclamait pas
et ne voulait pas les échanger; sur quoi les chefs
interviendraient en leur faveur et feraient appel aux
sentiments de l'émir grand et généreux.
Le surlendemain , en effet, chacun s'acquitta
correctement de son rôle : Abd-el-Kader soutint
particulièrement le sien avec une gravité noble.
Cependant des intrus, qui n'étaient pas dans le
secret, faillirent faire manquer la scène; un entre
autres réclama chaleureusement contre le renvoi
■110 LA f:ONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
des prisonniers français, parce qu'il avait un
frère retenu captif en France; mais l'émir leva la
séance en annonçant à Courby de Cognord qu'il
lui ferait connaître ses résolutions plus tard.
Le 8 novembre, il le fit appeler, et le dialogue
suivant s'engagea : « Puisque la France ne te ré-
clame pas et que tes généraux ne veulent pas l'é-
changer, veux-tu me servir? Je te ferai grand, je
te donnerai des chevaux et des armes. — Je ne
demande qu'à revoir mon pays, et je ne peux pas
en servir d'autre. — Si je te renvoie, que dirai-je
aux miens quand ils me réclameront leurs familles ?
— Tu leur diras que je demanderai à la France
d'être aussi généreuse envers toi que tu l'as été
envers elle. — Combien me renverra-t-on de pri-
sonniers? — Je ne puis te le diie. — Veux-tu
partir par le Maroc, par Lalla-Maghnia ou par
Mélilla? — Par Mélilla. — Pourquoi plutôt par là
qu'ailleurs ? — Parce que les bonnes relations de
la France et de l'Espagne leur permettent de se
rendre mutuellement de pareils services, et parce
que Mélilla est le point le plus rapproché. — Si
j'avais été présent, la mort de les hommes n'aurait
pas eu lieu; le Maroc ne serait pas venu me me-
nacer de me les enlever ici. 11 n'y a que les Fran-
çais qui puissent me battre; quant aux Marocains,
INTRIGUE DE L'ÉMIR. 111
je ne les crains pas. Je désire faire la paix avec
vous; une guerre continuelle est un fléau. Penses-
tu que la France y consente ? — Adresse-toi à
elle; si tu n'exigeais pas trop, cela pourrait peut-
être se faire. — Ne parle à qui (|ue ce soit de ce
que je viens de le demander, ni d'une lettre que
je te remettrai. Je n'ai jamais voulu te faire de
mal; je sais que tu appartiens à une famille hono-
rable. Veux-tu prendre sous ta protection un chef
arabe porteur de la lettre que j'adresserai au Roi,
et me promets-tu qu'il ne lui sera rien fait? — Je
te le promets. »
Le 1 0 novembre, Courby de Cognord écrivit au
maréchal Bugeaud, au général Cavaignac et au
consul général de France à Tanger : « El-Hadj-
Abd-el-Kader me charge de vous prévenir qu'il
rend la liberté aux onze prisonniers français qui
lui restent, qu'il vient de donner des ordres pour
que nous soyons conduits à la ville espagnole de
Mélilla, où nous devons arriver dans peu de jours,
qu'il a été bon pour nous, et qu'il espère ({ue la
France sera aussi généreuse que lui, en lui rendant
également les siens. » Les prisonniers arabes
-étaient arrivés depuis plusieurs jours de Toulon à
Mers-el-Kebir; mais le général Cavaignac attendait
toujours la réponse à sa lettre du o octobre.
112 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Enfin, le 23 novembre, à deux heures du matin,
Gourby de Cognord et ses compagnons se mirent
en chemin pour Mélilla, sous la garde de soixante
cavaliers et de cent cinquante fantassins. Dans la
seconde journée du voyage, le lieutenant Hillairin
succomba aux misères de la captivité; il mourut
la veille de la délivrance. Le 25, les prisonniers
furent amenés sur le bord de la mer. On voyait à
quelque distance une balancelle espagnole ; elle
avait à bord l'enseigne de vaisseau Durande, qui
depuis plusieurs jours attendait avec anxiété l'exé-
cution de la convention depuis longtemps faite.
L'enseigne, qui avait dû prendre l'uniforme espa-
gnol, était assisté d'un officier envoyé par le gou-
verneur de Mélilla, le capitaine Cappa. Une barque
amena de la côte un des chefs arabes; les piastres
furent d'abord comptées par lui, puis transportées
à terre. Une fois l'argent reçu en échange des pri-
sonniers, ceux-ci gagnèrent aussitôt la balancelle
qui mit sans tarder le cap sur Mélilla. Il était
temps; les Kabyles du voisinage, mécontents de
n'avoir pas eu leur part de l'aubaine, commen-
çaient à tirer des coups de fusil.
De Mélilla, où le plus généreux accueil leur fut
fait, les prisonniers reprirent la mer, le lende-
main, pour Nemours. Le colonel de Mac Mahon
DÉLIVRANCE. 113
avait amené la garnison sur la plage; quand ils
débarquèrent, ce furent des acclamations, des
embrassements, une émotion universelle ; les uns
pleuraient de joie, les autres de reconnaissance.
Quelques jours après, le bateau à vapeur Caméléon
les conduisit à Oran, oii les attendait le maréchal
Biigeaud.
Ils étaient onze : le lieutenant-colonel Courby de
Cognord, les lieutenants Larrazet et Marin, le
sous-lieutenant Thomas, le chirurgien Cabasse, le
maréchal des logis chef Barbut, les hussards Tes-
tard et Metz, le chasseur Trottet, le fusilier Michel ;
enfin une femme, Thérèse Gilles, enlevée cinq
années auparavant par les Arabes. Tandis qu'à
Oran comme à Nemours on leur faisait fête, un seul
se tenait à l'écart, accablé sous le souvenir écra-
sant d'Aïn-Temouchent^ c'était le lieutenant Marin.
Traduit devant un conseil de guerre, il fut con-
damné à mort; mais la Cour de cassation mit à
néant la sentence, et le malheureux disparut, em-
portant on ne sait où le remords de sa faute, rivé
impitoyablement à sa conscience.
Suivant la promesse (ju'avait exigée de lui Abd-
el-Kader, le lieutenant-colonel Courby de Cognord
protégea l'Arabe qui apportait trois lettres de l'é-
mir pour le Roi, pour le maréchal Soult et pour le
II. 8
114 LA CONQLÊTE DE L'ALGÉRIE.
Maure Bouderba; mais le maréchal Bugeaud ne
permit pas au messager de passer en France.
I.a missive destinée au Roi débutait par ce
préambule magnifique : « De la part du prince des
croyants, Sidi-el-Hadj-Abd-el-Kader-ben-Mahi-ed-
Dine, — que Dieu le favorise de ses grâces en ce
monde et dans l'autre! — au sultan des sultans
des chrétiens^ dont le gouvernement est des plus
élevés, et dont la gloire doit servir d'exemple aux
autres nations, celui qui doit désormais être le type
des plus hautes célébrités, dont l'héroïsme et la
magnanimité sont de nos jours le plus éclatant mo-
dèle, le César du siècle, le protecteur de la piété
et des vertus, le chef suprême de toutes les insti-
tutions religieuses et leur conseil le plus élevé;
celui qui a acquis au plus haut degré la connais-
sance de la direction sage d'un peuple, ainsi que
des besoins nécessaires à son bien-être, le chef
suprême des armées françaises, le roi Louis-Phi-
lippe, — que Dieu facilite constamment l'exécu-
tion de ses projets et sa puissance, en tout ce qui
peut concerner le bonheur de son peuple ! — etc. »
L'émir énumérail ensuite toutes les démarches
qu'il avait tentées en vain pour arriver à la paix,
et présentait à sa façon, non sans habileté, le ta-
bleau des faits accomplis. C'était là qu'arrivé au
AVEU D'ABD-EL-KADER. 115
massacre des prisonniers français, il convenait d'en
avoir donné l'ordre, parce qu'il avait été poussé à
bout par le silence obstiné que les généraux fran-
çais avaient dédaigneusement opposé à toutes ses
ouvertures. « L'accroissement de notre colère, di-
sait-il, a été tel que nous nous sommes décidé à
ordonner le massacre. » A la fin, l'émir insistait
sur la générosité dont il venait de faire preuve en
délivrant les derniers captifs. Il importe, à ce pro-
pos, d'ajouter ici qu'afin d'éviter toute récrimina-
tion au sujet de la rançon bel el bien reçue argent
comptant, il avait fait signer par chacun des cap-
tifs une note attestant qu'au dire des chefs arabes,
la somme demandée n'était qu'une indemnité re-
présentant toutes les dépenses supportées person-
nellement par ceux-ci pour la nourriture et l'en-
tretien des prisonniers français.
Dans le même ordre d'idées, mais plus explicite
encore, la lettre d'Abd-el-Kader au maréchal
Soult, (( grand vizir du roi des Français w, c'est-à-
dire président du conseil, vaut la peine d'être ci-
tée presque tout entière; c'est un monument cu-
rieux de la diplomatie arabe ;
« Les jours se succèdent sans se ressembler;
chaque chose a son temps. La guerre a des chan-
ces diverses; il y a pour tout un mode particulier;
116 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
chaque âge a son expression, hon champ de ba-
taille propre; il n'y a pas d'invention où l'on n'ait à
reprendre. Au début du cours de ces événemeiils,
nous étions avec vous, nous avions fait avec vous
une paix [le traité de la Tafna], et nous nous
étions accoutumés à votre voisinage. Nous avions
accepté les conditions de votre traité, et comme
elles étaient convenables, nous nous étions engagés
réciproquement à les observer. Toi, qui es la porte
du conseil du royaume et qui représentes la foi
suprême de ion pays, tu avais, dans ta sagesse,
adhéré à ce que nous t'exposions dans nos lettres
au sujet de cetle paix, et, de part et d'autre, pour
sceller Tamilié, nous nous étions fait des présents.
Mais voilà que, parmi les représentants de votre
pays en Algérie, il s'en est trouvé, et des plus
haut placés, qui ont prêté l'oreille aux propos de
mauvaises gens d'entre les Arabes, cherchant à
semer la discorde entre nous, et qui vous ont rap-
porté des propos calomnieux. Je dis, moi, que
nous sommes lésés, et, sous l'influence des mé-
chants, [vos agents] prétendent que nous nous
plaignons sans motif.
« Nous avons écrit plusieurs fois au Roi et à toi,
et chaque fois que nous avons écrit à tous deux
pour vous exposer la situation, on a opposé des
AVEU D'ABD-EL-KADER. 117
démentis à nos plaintes ; on vous a de la sorte, par
malveillance, induits en erreur touchant nos sen-
timents. La haine des méchants s'est donné pleine
carrière. Ensuite, lorsque Dieu a voulu que nous
fissions notre voyage à Test, dans l'année qui a
précédé celle de cette date [en 1 845], et que nous
avons tenu des prisonniers faits dans les combats,
nous les avons gardés dans l'espérance qu'on nous
les rachèterait; nous avons attendu avec impa-
tience du commencement jusqu'à la fin.
« Jusqu'ici, je ne pouvais parler des prisonniers
musulmans; je ne savais à qui m'adresser pour
cela; mais nous avions laissé libres et renvoyé à
Bugeaud plus de cent prisonniers des années pré-
cédentes, sans échange ni rançon; et lorsque
beaucoup de nos hommes ont été pris par vous et
sont tombés entre vos mains, nous avons écrit à
Bugeaud, à Monseigneur [probablement le duc
d'Aumale] et à votre représentant en Algérie
[probablement La Moricière ou Cavaignac] ; nous
leur avons écrit plus de trois fois à chacun, et il
n'a été répondu à aucune de nos lettres. Bien plus,
chacun de ceux que nous avons envoyés porter ces
mêmes lettres, on l'a jeté en prison; c'est une
perfidie inconnue des Français, qui au contraire en
faisaient un crime aux autres. En aucun temps, le
118 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
porteur d'une lettre n'a été l'objet d'un acte d'hos-
tilité de la part d'aucun parti.
« On s'est écrié parmi nous : (' On a fait des
« forçais denosprisonniers, etceux quiserontfails
« encore seront encore forçats !» On a imaginé un
autre artifice : on a fait courir le bruit que le sul-
tan de Fez faisait des préparatifs pour venir arra-
cher de nos mains les prisonniers français que
nous avions faits, «Il enlèvera, avez-vous faitdire,
nos prisonniers et nous les rendra en haine d'Abd-
el-Kader. » Nous nous sommes écrié : « Grand
« Dieu! est-il possible que des personnages émi-
« nents s'abaissent à de pareils moyens, que des
« hommes forts et puissants par leur savoir et leur
« connaissance des hommes et des choses aient re-
« cours à cela ? lisse disposeraient à otTrir des pri-
« sonniers français en spectacle à des Marocains! »
Bugeaud et Monseigneur les outrageraient et me
feraient insulte à moi-même en voulant les délivrer
par eux; car ils n'ignorent pas mes procédés. Du
reste, ils ne se peuvent tenir tranquilles; malgré la
trêve, ils ne me laissent pas un moment de repos.
Aussi la colère a-t-elle fini par déborder de noire
cœur^ et nous avons ordonné que Von tuât vos prison-
Jiiersy après les avoir traités, quant à la nourriture
et aux égards, mieux que nos propres soldats. Ils
AVEU D'ABD-EL-KADER. 119
avaient tout ce qu'ils pouvaient désirer : café,
viande et le reste. Et quand nous avons su que les
officiers appartenaient aux meilleures familles de
France, comme c'étaient d'ailleurs des héros, et
que nous avions constaté nous-même leur fidélité
à la foi jurée et leur refus de trahir, nous avons
décidé de les épargner pour cette raison et à cause
de leur naissance, et de sacrifier les autres.
c( La responsabilité de cela, c'est sur les chefs
de votre armée qu'elle pèse ; ce sont eux qui les
ont assassinés, eux qui ont manqué à leur parole
et faussé leur promesse de les racheter. Cette mau-
vaise foi est indigne de leur réputation de loyauté
et des rapports de confiance qui existaient entre
nous. De la part d'hommes réputés honorables,
une pareille conduite les fait déchoir de leur rang,
les amoindrit et les abaisse au dernier degré.
M Les jours se passant et se succédant sans que
rien indiquât que la promesse de rachat dût se
réaliser, les prisonniers nous firent demander par
ceux de notre entourage de les mettre en liberté.
Nous acceptâmes l'invitation de nos frères pour
eux; mais, bien que décidé à les libérer, nous ne
pouvions le faire en nous adressant à vos repré-
sentants en Algérie, à cause de leur déloyauté à
notre égard, de leur cupidité, de toute leur con-
120 ■ LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
duile si contraire à ce que nous connaissons de la
sagesse de votre gouvernement et de votre respect
des rapports de voisinage et de lîonne société.
Nous avons donc consulté les chefs de nos troupes,
et il a été décidé d'un commun accord que l'on di-
rigerait les prisonniers sur Mélilla, pour les remettre
entre les mains du sultan espagnol, ce souverain
qui est chrétien ayant toujours été en bonnes re-
lations avec nous. »
Après avoir pris connaissance des lettres d'Abd-
el-Kader, le maréchal Bugeaud lui renvoya son
messager avec cette réponse verbale : « Dis à ton
maître que, s'il nous avait renvoyé nos prisonniers
sans rançon, je lui en aurais remis trois pour un ;
mais puisqu'il a fait payer la liberté de ceux-ci et
fait égorger les autres, je ne lui dois rien que de
l'indignation pour sa barbarie. » Et, de fait, les
captifs arabes qui attendaient à Mers-el-Kebir
furent ramenés aux îles Sainte-Marguerite.
Abd-el-Kader fut très froissé de la réponse faite
à ses avances, non pas au sujet du massacre qu'il
avouait comme une nécessité cruelle, mais au su-
jet de l'intrigue pécuniaire dont il répudiait la
complicité : « Tes paroles sont étranges, écrivit-il
au maréchal, et j'ai été surpris qu'elles aient été
dites par toi. Tu as dit à mon envoyé : » Abd-el-
PHILOSOPHIE DE L'ÉMIR. 121
« Kaderarendu les Français pour de l'argent. » Ces
paroles n'ont pu être dites ni par toi ni par quel-
qu'un qui, comme toi, me connaît el n'ignore pas
mes sentiments. »> 11 protestait contre des propos
tels, ajoutait-il, a qu'il aurait préféré plutôt la mort
que d'entendre de pareilles choses proférées sur
son compte «.Enfin, il terminait ainsi sa réplique :
(( Tu oublies que les choses de ce monde sont
changeantes. A cet égard, j'en sais plus que toi. Je
suis convaincu que rien ne peut être durable sur
cette terre depuis la création d'Adam jusqu'à l'ex-
tinction de la race humaine. C'est pourquoi je ne
me réjouis point, je ne m'enorgueillis point, ni ne
me fie aucunement aux effets du destin, si la for-
tune me sourit, comme aussi je ne m'afflige point
ni ne me désespère, si je suis atteint par des revers,
et cela parce que j'ai la croyance que rien n'est
stable sur la terre. Dieu, par sa grâce infinie, ne
manque pas chaque année de répandre sur la masse
des mortels trois cent soixante étincelles de sa
bonté. Chacune d'elles les exhausse ou les abaisse,
les enrichit ou les appauvrit, les honore ou les avi-
lit. Au reste, les anciens sages ont comparé le des-
tin à la grossesse d'une femme : le sexe de l'enfant
prêt à naître ne peut être connu avant l'enfante-
ment. »
122 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
111
Tandis qu'Abd-el-Kader demandait à la philo-
sophie religieuse des consolations et des espéran-
ces, Bou-Maza cherchait à l'aventure la satisfaction
de ses ambitieux désirs; mais après avoir accepte
d'être le khalifa de l'émir, il ne lui était plus pos-
sible de se rehausser à son niveau. Il avait pu sans
doute, à l'origine, exercer dans le Tell oranais et
dans le Titteri un certain prestige; ces temps fa-
vorables étaient passés, il s'en rendait bien
compte; aussi était-ce sur un terrain nouveau qu'il
voulait renouveler son personnage. Il est vrai que
sur ce terrain-là le grand émir avait laissé sa trace,
et qu'à vouloir jouer le même rôle après lui, l'é-
mule présomptueux s'exposait au danger des
comparaisons accablantes.
Tel fut le sort de Bou-Maza parmi les tribus sa-
hariennes, d'abord chez les Hamiane et les Ouled-
Sidi-Clieikh, puis dans le Djebel-Amour, puis chez
COURSE DE BOU-MAZA. 123
les Ouled-Naïl. Plus au nord-est, dans les oasis de
la province de Constantine, il fut accueilli avec un
peu moins de défaveur; il parvint même à intéres-
ser à sa cause les Ouled-Djellal ; mais le résultat
fut malheureux pour ses adhérents que châtia ru-
dement le général Herbillon.Bou-Maza n'avait pas
attendu de partager leur sort; il s'était enfoncé
dans le vrai Sahara jusqu'à Tougourte. Le général
Herbillon et, plus à l'ouest, le général Marey
profitèrent de l'occasion pour montrer au delà du
Tell l'appareil menaçant de leurs colonnes, et cette
démonstration, appuyée de quelques exemples
faits aux dépens des insoumis, acheva d'effacer les
derniers souvenirs du passage, non de Bou-Maza,
qui n'était guère plus redoutable, mais d'Abd-el-
Kader qui, même déchu, pouvait le redevenir
encore.
Le chérif, réduit à singerl'émir, essayait, comme
lui naguère, de revenir de l'est à l'ouest, courant
la nuit, se cachant le jour. En fin de compte, il
réussit à rentrer dans le Tell. Le il mars 1847, il
fut signalé dansl'Ouarensenis; mais il n'avaitavec
lui qu'une douzaine de cavaliers. Le lieutenant
Margueritte, chef du bureau arabe de Teniet-el-
Had, qui n'avait pareillement qu'une douzaine de
spahis, se mit à ses trousses, l'atteignit après trois
124 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
heures de course à fond de train, lui tua quatre
de ses hommes et força les autres, lui compris, de
se jeter à corps perdu dans le fond d'un ravin. On
perdit sa (race alors; on la retrouva dans leDahra
un peu plus tard. Il était revenu au gîte, non
pour mourir, mais pour faire une fin plus origi-
nale.
Les tribus qui l'avaient suivi jadis avec ardeur
s'étaient singulièrement refroidies. On le vénérait
sans doute encore, ce qui n'empêchait pas qu'on
s'écartait de lui ou qu'on l'écartait lui-même : il
portait malheur. « Je fais traquer Bou-Maza
comme un chacal », écrivait le colonel de Saint-
Arnaud, le 10 avril ; trois jours après, c'est un cri
de joie : ce Bou-Maza est entre mes mains! Il est ici
[àOrléansville], depuis deux lieures. C'est un beau
et lier jeune homme. Nous nous sommes regardés
dans le blanc des yeux. J'ai tout de suite annoncé
la nouvelle au maréchal. » Et le colonel raconte
comment Bou-Maza se trouve entre ses mains.
« Ses dernières tentatives, dit-il, l'ont dégoûté et
désillusionné. Partout il nous a trouvés en garde,
partout il a rencontré mes camps, mes émissaires.
Enfin, il arrive chez un de ses afîidés, le kaïd des
Ouled-Djounès, El-Haceni, qui, s'il eût été seul,
se serait prosterné devant lui, mais il y trouve
REDDITION DE BOL'-MAZA. 125
quatre de mes myhazni. C'a été le dernier coup.
Il a tout de suite pris sa détermination, et a dit :
« Menez-moi à Orléansville, au colonel Saint-
« Arnaud lui-même », ajoutant que c'était à moi
qu'il voulait se rendre, parce que c'était contre
moi qu'il s'était le plus battu. Les autres ont obéi ;
ils tremblaient encore devant Bou-Maza, qui a
gardé ses armes et ne les a déposées que chez moi,
sur mon ordre, deux pistolets chargés de huit
balles. En amenant Bou-Maza, mes ^xxdXvQ mghazni
étaient effrayés de leur audace. D'un signe il les
aurait fait fuir. Bou-Maza était las de la guerre et
de la vie aventureuse qu'il menait; il a compris
(|ue son temps était passé. » Quand on le condui-
sit à Tenès, les Kabyles accoururent sur son pas-
sage; c'était à qui baiserait son burnous.
Reçu par le maréchal Bugeaud dans son palais
d'Alger, Bou-Maza fut traité, non comme un pri-
sonnier de guerre, mais comme un otage de haute
distinction. Dans une sorte de parallèle avec
Abd-el-Kader, le maréchal inclinait peu justement
à lui donner la préférence. « Ainsi, écrivait-il au
ministre de la guerre, a fini le rôle d'un des
hommes les plus dangereux qu'aient produits le
fanatisme et la nationalité arabes. Les débuts de
Bou-Maza furent brillants, plus audacieux i)eut-
126 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
être que ceux d'Abd-el-Kader, et s'il n'a pas ob-
tenu les mêmes résultats que son devancier, il faut
suitout l'attribuer à ce que son entreprise a été
faite dans des circonstances infiniment moins favo-
rables. Abd-el-Kader n'eut aucune peine à grandir,
tout le favorisait : Bou-Maza, au contraire, est
arrivé au moment où, déjà maîtres du terrain,
nous étions répartis de manière à frapper partout,
au moment où toute l'armée savait la guerre et
connaissait parfaitement le pays. Malgré tous ces
désavantages, Bou-Maza nous a donné pendant
longtemps de très grands embarras sur les deux
rives du Chélif. Notre action contre lui a dû être
très active pendant près de deux ans. S'il n'a pas
eu le génie organisateur d'Abd-el-Kader, il s'est
montré plus audacieux dans les entreprises, plus
intrépide dans le combat. » Conduit à Paris par
le capitaine Richard, chef du bureau arabe d'Or-
léansville, Bou-Maza y devint, comme on disait en
ce temps-là, le lion du jour.
Six semaines avant qu'il se rendît au colonel de
Saint-Arnaud, un autre grand chef, un des meil-
leurs khalifas d'Abd-el-Kader, Ben-Salem, avait
fait sa soumission entre les mains du maréchal Bu-
geaud lui-même. Le maréchal était venu visiter le
nouvel établissement d'Aumale. Le 27 février,
SOUMISSIOiS DE BEN-SALEM. 127
Ben-Salem, escorté de Bou-Chareb, du frère de
Bel-Kassem, de plus de cent chefs des revers nord,
sud et ouest du Djurdjura, se présenta devant lui.
L'entrevue fut solennelle et digne de l'un et de
l'autre. L'ancien khalifa d'Abd-el-Kader refusa
noblement de reprendre sa dignité au nom de la
France; il dit que tout son désir était de se retirer
avec Bou-Chareb à La Mecque. Cependant, sur
l'invitation du maréchal, qui lui rendait tous ses
biens séquestrés et l'autorisait à vivre en toute sé-
curité dans le pays, il consentit à demeurer et
même à prêter à l'autorité française le concours de
sa puissante influence.
D'après ses conseils, deux grands chefs indi-
gènes, deux bachaghas furent institués parle ma-
réchal, Bel-Kassem et Si-Omar, frère de Ben-Sa-
lem; tous les deux, l'un au nord, l'autre au sud,
prenaient la responsabilité du maintien de l'ordre
dans le Sebaou Le 20 mars, ils vinrent recevoir,
à Alger, le burnous d'investiture. Ben-Salem, qui
ne les avait pas accompagnés alors, s'y rendit, le
8 avril. Le maréchal avait donné l'ordre qu'on lui
fît un accueil exceptionnel. Une députation d'offi-
ciers supérieurs, suivie d'un escadron de chasseurs
d'Afrique, fanfare en tête, l'attendait à la Maison-
Carrée. Il arrivait, précédé lui-même d'un goum
128 LA COî^QUÈTE DE L'ALGÉRIE.
de cent cinquante cavaliers faisant la fantasia.
Ben-Salem n'avait pas vu Alger depuis 1830; les
changemenis accomplis pendant ces dix -sept
années le frappèrent d'étonnement. Enfin, l'ar-
rivée de Bou-Chareb acheva de consacrer publi-
quement la soumission de l'Ouennougha comme
du Sebaou.
Tandis que cet heureux événement s'accomplis-
sait au nord-est, le maréchal faisait exécuter, dans
l'extrême sud où il importait démontrer de temps
en temps le drapeau de la France, moins des ex-
péditions que de grandes promenades militaires. Il
y en eut trois simultanément. La première, sous
les ordres du général Jusuf, visita, du I 7 avril au
17 mai, les ksour des environs de Laghouat; le
commandant Feray, officier d'ordonnance et gen-
dre du gouverneur, fut reçu dans Aïn-Madhi, et,
fait beaucoup plus considérable, Tedjini, le mara-
bout vénéré du sud, consentit à venir au bivouac
renouveler publiquement, devant le général Ju-
suf, ses promesses de fidélité à la France.
Les deux autres colonnes, commandées, l'une
par le général Cavaignac, l'autre par le général
Benault, se portèrent en suivant des directions
parallèles, la première de Daya sur Asla, Tioute,
Aïn-Sefra, Aïn-Sfisifa, Moghar-Tahtani etMoghar-
VISITE DES KSOUR. 129
Foukani; l'autre, de Saïda sur Messif, les deux
Chellala, Rassoulet Brézina. Toute la région mon-
tagneuse des Ksour du sud-ouest fut ainsi par-
courue, et c'est tout au plus s'il y eut çà et là
quelque échange de coups de fusil.
II.
130 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
JV
En vérité, le maréchal Bugeaud avait lieu d'être
fier et satisfait de son œuvre; car il avait, dans
toute la force du terme, refait la conquête de l'Al-
gérie; cependant il était mécontent, plus mécon-
tent même qu'en 1845, avant la grande insurrec-
tion. Le gouvernement lui avait refusé l'autorisa-
tion d'aller rechercher et détruire, dans les mon-
tagnes du Maroc, la deïj-a d'Abd-el-Kader. Il se
plaignait de ce refus : « Si la deïra se recompose,
disait-il, si l'Algérie est encore menacée d'une
invasion, mon opinion est qu'il faudra frapper sé-
rieusement sur les grandes tribus de la frontière
qui entretiennent ce Goblentz menaçant pour le
repos de l'Algérie. »
Cette mémorable campagne de 1846, si active
€t si pénible, mais si décisive, on n'en avait com-
pris en France ni la difficulté ni Timportance;
comme il n'y avait pas eu d'actions d'éclat, on
l'avait prise en dédain. Dans les Chambres, à la
MÉCONTENTEMENT DU MARÉCHAL. 131
tribune et surtout dans les couloirs, mais plus en-
core dans la presse, il n'était sorte de critiques
malveillantes dont la conduite du maréchal n'eût
été l'objet; l'acharnement de certains journaux
contre lui n'avait jamais été plus cruel. On atta-
quait violemment son « détestable système de
guerre »; à quoi il répondait ironiquement :
« N'était-on pas beaucoup plus habile quand on se
traînait péniblement et en grosse masse entre Al-
ger, Médéa et Miliana, en recevant des milliers de
coups de fusil en allant et en revenant ? » Cette ri-
poste allait à l'adresse de Changarnier qui était,
selon toute apparence, l'inspirateur et l'instigateur
des censures soi-disant militaires.
Enfin, le maréchal voyait grandir Tinfluence de
La Moricière, et les idées de son lieutenant, abso-
lument contraires aux siennes, l'aire leur chemin
d'Oran et d'Alger à Paris. Saint-Arnaud écrivait,
au mois de janvier 1846 : a II n'y a pas deux
camps dans l'armée d'Afrique, mais il y a deux
hommes : l'un grand, plein de génie, qui par sa
franchise et sa brusquerie se fait quelquefois des
ennemis, lui qui n'est l'ennemi de personne;
l'autre capable, habile, ambitieux, qui croit au
pouvoir de la presse et la ménage, qui pense que
le civil tuera le militaire en Afrique et se met du
9.
132 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
côté du civil. L'armée n'est pas divisée pour
cela entre le maréchal Bugeaud et le général La
Moricière; seulement il y a un certain nombre
d'officiers qui espèrent plus d'un jeune général
qui a de l'avenir que d'un vieillard illustre dont la
carrière ne peut plus être bien longue. »
Gomme pour confirmer le dire de Saint-Arnaud,
voici ce que le maréchal écrivait lui-même à
M. Guizot, au mois d'avril 1 846 : « Mon temps est
fini, cela est évident; l'œuvre étant devenue
quelque chose, tout le monde s'en empare; chacun
veut y mettre sa pierre, bien ou mal. Je ne puis
m'opposer à ce torrent et je ne veux pas le sui-
vre. Je m'éloigne donc de la rive. J'ai déjà fait la
lettre par laquelle je prie M. le ministre de la
guerre de soumettre au gouvernement du Roi la
demande que je fais d'un successeur. Je fonde ma
demande sur ma santé , mon âge et mes affaires
de famille; mais, entre nous, je vous le dis, ma
grande raison, c'est que je ne veux pas être
l'artisan des idées fausses qui régnent très géné-
ralement sur les grandes questions d'Afrique. Je
ne redoute ni les grands travaux de la guerre
ni ceux de l'administration ; mais je redoute
l'opinion publique égarée. Je vous demande
aujourd'hui une faveur, c'est de me faire accor-
BUGEAUD ET LA MORICIERE. 133
der un congé définitif pour les premiers jours de
juillet. Dans trois mois , je serai soustrait à cet
enfer. » Les bons conseils de M. Guizot et les
instances du Roi prévinrent la retraite définitive;
l'absence du maréchal ne fut que temporaire.
Le 18 juillet, laissant l'intérim au général de
Bar, qui commandait la division d'iVIger, il s'em-
barqua pour la France; La Moricière, également
pourvu d'un congé, l'y avait précédé d'un mois.
Ils allaient se retrouver tous les deux sur la scène
politique, car, aux élections générales du mois
d'août 1846, larrondissement d'Excideuil renou-
vela le mandat du maréchal, et l'arrondissement
de Saint-Calais, dans la Sarthe, nomma La Mori-
cière pour le représentera la Chambre. Ils revin-
rent l'un et l'autre en Algérie au mois de novem-
bre, mais le général pour très peu de temps,
parce que l'ouverture de la session ne tarda pas
à l'appeler à Paris. Le maréchal, au contraire,
demeura en Afrique, et pourtant sa présence à la
Chambre eût paru bien justifiée, car une demande
de crédit pour un grand essai de colonisation
militaire allait être mise en discussion.
Quoiqu'il n'eût j)lus à subir les contradictions
du maréchal Souh, il n'était guère plus satisfait
de son successeur au ministère de la guerre, le
134 LA COINQUËTE DE L'ALGÉRIE.
général Moline de Sainl-Yon. Quand la demande
de crédit, qui s'élevait à trois millions, fut dé-
posée sur le bureau de la Chambre, l'exposé des
motifs désappointa le gouverneur. « Je n'ai rien
vu, écrivit-il, le 9 mars 1847, à M. Guizot, de
plus pâle, de plus timide, de i)lus incolore. On y
a mêlé Ihistorique incomplet de la colonisation,
le système du général La IMoricière, celui du
général Bedeau; enfin le mien arrive comme
accessoire. On ne l'appuie par aucune des grandes
considérations; on lui donne la plus petite portée
possible; on l'excuse bien plus qu'on ne le
recommande et qu'on n'en démontre l'utilité. )>
Quelques jours après, le choix des commissaires
nommés pour examiner le projet de loi ne lui
laissa plus de doute sur l'échec qu'il allait subir.
Dès lors, sa décision fut prise : mais avant de
quitter définitivement la place, il voulut rendre
à la France un dernier service.
La soumission de la Kabylie était, on le sait,
son desideratum : ce fut par là qu'il résolut de
finir. Il y avait un projet du général Bedeau, qui
proposait d'aller par Sétif débloquer tout à fait
Bougie, et la démarche éclatante de Ben-Salem
était venue à point pour y ajouter une nouvelle
chance de succès. D'autre pari, le chef d'escadron
PPxOJET DU MARÉCHAL. 135
de Wengy, commandant de Bougie, élait parvenu
à desserrer le blocus. « On ne manquera pas de
vous dire, écrivait, à la fin d'avril, le maréchal au
ministre.de la guerre, qu'il était bien inutile
d'aller à Bougie, puisque tout s'arrangeait de
soi-même. Cette manière de voir ne serait pas du
tout juste. D'abord tout n'est pas arrangé aux
environs de Bougie; cela n'est vrai que pour les
trois ou quatre tribus qui entourent la ville. Par-
tout ailleurs il y a des dissidents, et, sur beaucoup
de points, dans les environs de Djidjeli, par
exemple, tout est dissident; mais, lors même que
toutes les tribus entre Sétif et Bougie auraient fait
un semblant de soumission, il serait de la plus
haute importance militaire et politique de nous
montrer dans ces contrées avec des forces impo-
santes. C'est dire tacitement aux montagnards :
« Vous le voyez, si vous ne tenez pas les engage-
ments faits avec nous, nous pouvons arriver chez
vous avec des forces telles que toute résistance
est impossible. »
Cependant le ministre, voyant la Chambre et
l'opinion en général très hostiles à toute expédi-
tion en Kabylie, était fort hésitant. Alors le maré-
chal, qui avait sa résolution prise, lui écrivit le
6 mai : « Il faut bien que je sente à quel point il
136 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
est important d'achever ce qui est si bien com-
mencé, pour que je me détermine, dans l'état de
santé où je suis, à entreprendre une campagne
pénible qui retarde ma rentrée en France. Jus-
qu'ici, j'avais eu lieu d'espérer que je terminerais
les affaires de Sétif et de Bougie sans coup férir;
la situation qui m'est révélée par les dernières
nouvelles diminue infiniment cette espérance.
Néanmoins, je ferai tout pour éviter les com-
bats. »
Le lendemain, comme il sortait du palais pour
se mettre en campagne, survint une dépêche
ministérielle, datée du 30 avril; en conformité
d'un ordre du jour voté par la Chambre, elle
blâmait l'entreprise sans oser absolument l'inter-
dire. Le maréchal ne se donna pas la peine de
remontera son cabinet; il entra dans le bureau
des officiers de service, prit une plume et fit
immédiatement au ministre celte réponse : « 11
est bien évident que je dois prendre sur moi
toute la responsabilité de l'œuvre dans toute la
chaîne du Djurdjura. Je la prends en entier. Il le
faut bien d'ailleurs, puisqu'elle m'est laissée, mais
cela ne m'effraye pas. Je vous prierai seulement
de remarquer qu'on serait bien mal fondé de me
répéter encore que je redoute la presse et l'opi-
EXPÉDITION EN KABYLIE. 137
nion. Je monte à cheval pour rejoindre mes
troupes. » Et il partit.
Deux colonnes devaient concourir à l'expédi-
tion. Celle dont le maréchal s'était réservé le
commandement, et dont les éléments se concen-
traient à Bordj-Bouira, dans le Hamza, comptait
onze bataillons et trois escadrons, d'un effectif
total de sept mille hommes et de quatre cents
chevaux. L'autre, que le général Bedeau rassem-
blait à Sétif, comprenait neuf bataillons et trois
escadrons; elle était moins forte de mille hommes
en infanterie.
Du côlé du maréchal, les opérations commen-
cèrent le 13 mai. Les deux premières journées
furent pacifiques; les tribus riveraines de la grande
vallée de l'Oued-Sahel, obéissant à la proclama-
tion qui avait été répandue chez elles, venaient
faire leur soumission tour à tour. Le lo, les pre-
miers coups de fusil furent tirés par les Beni-
Abbès. A la nuit tombante, des signaux de feu
coururent sur les crêtes de la rive droite, et il y
fut pareillement répondu de la rive gauche. Pres-
que tout de suite, dès huit heures, l'attaque com-
mença contre les grand'gardes qui ripostèrent,
sans que l'ordre et le silence fussent troublés dans
le bivouac. Vers une heure du matin le feu cessa;
138 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
deux lieures après le maréchal prit l'offensive.
Laissant ses bagages à la garde de trois batail-
lons, il s'éleva dans la montagne de la rive droite
avec les huit autres et les obusiers. Toutes les
crêtes occupées sur plusieurs lignes par les Kabyles
furent tournées les unes après les autres, et les
villages qui leur servaient d'appui successivement
enlevés et incendiés. Il n'en restait plus qu'un
tout au sommet, entre deux tours. Ce village por-
tai t le noin d'Arzou, et, dans le pays, les deux tours
étaient communément appelées les Cornes du tau-
reau. La chaleur était excessive — 45 degrés —
et la pente raide. Malgré tout, les zouaves à droite,
le 6* bataillon de chasseurs à pied de front, le
13' léger à gauche, grimpèrent résolument à
l'assaut. « Le spectacle qui devait terminer le
combat, a dit le maréchal, devint des plus inté-
ressants. Nos trois colonnes gravissaient les
rampes avec une égale ardeur. Les officiers et les
soldats les plus vigoureux devancèrent bientôt
leurs camarades, et l'on vit la position abordée
sur trois points par une poignée d'hommes qui
n'étaient pas plus braves que leurs frères d'armes,
mais que leurs jarrets et leurs poitrines avaient
mieux servis. Leur audace fut couronnée d'un
plein succès. Les deux tiers de nos forces étaient
SOUMISSION DES BEIM-ABBÈS. 139
encore sur les pentes que déjà la position était
enlevée.
« Une heure après, un des plus beaux types de
chef kabyle que j'aie jamais rencontrés, le chef le
plus puissant des Beni-Abbès, Hamou-Tahar, a
traversé toutes nos troupes pour venir à moi. Il
s'exprimait avec une véhémence de gestes et de
paroles qui m'a d'abord déplu; mais la traduction
m'a bientôt convaincu qu'il n'était animé que par
le désir de faire cesser les maux dont sa Iribu
était accablée. « Arrête, m'a-t-il dit, ce châtiment
(( que nous avons bien mérité par nos folles atta-
« ques; les Kabyles ont été sourds à tous les con-
« seils qui leur ont été donnés et que tu leur as
« donnés toi-même dans ta proclamation. J'ai fait
« ce que j'ai pu, parce que je connaissais ta puis-
« sance, pour engager mes concitoyens à se sou-
« mettre; ils ne l'ont pas voulu, et j'ai été contraint
« moi-même d'aller brûler delà poudre contre Ion
« camp. Aujourd'hui ils écoutent ma voix qu'ils
(( méconnaissaient hier, et ils m'envoient te dire
« qu'ils se mettent à ta discrétion. Fais cesser la
« destruction, et je te promets que demain j'amè-
« nerai dans ton camp les chefs des Beni-Abbès.
« Tu ordonneras de nous ce que lu voudras, nous
« l'obéirons. » Sa parole et sa physionomie étaient
140 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
si franches, si expressives, il avait si bien l'air
d'un homme fait pour commander aux autres que
j'ai pris en lui une entière confiance.
a Dans la prévision de l'arrivée des parlemen-
taires, les troupes avaient été prévenues qu'au
signal de trois coups de canon la destruction
cesserait, et que tout le monde viendrait au point
de réunion où je n'avais gardé qu'un seul batail-
lon et rarlillerie. Les trois coups de canon ont
été tirés et, sans attendre le rassemblement géné-
ral, j'ai pris la route de mon camp, et j'y ai été
rejoint successivement par tous les détachements. »
Le lendemain, les Beni-Abbès firent une soumis-
sion complète et furent placés sous l'autorité du
khalifa Si-ivlokrani; les Beni-Mellikeuch, de la rive
gauche, suivirent leur exemple.
Le 21 mai, la colonne du maréchal qui suivait
le cours de l'Oued-Sahel vit arriver en avant de
Bougie, à une journée de marche, la colonne de
Sétif. Celle-ci n'avait rencontré quelque résistance
que dans les journées du 1 6 et du 1 8, chez les
Reboula d'abord, puis chez les Beni-Ourtilane.
Le 22, toutes les troupes firent leur entrée dans
Bougie; le 24, l'investiture fut donnée solennelle-
ment aux chefs désignés par les bureaux arabes
d'Alger et de Gonstantine. Le lendemain, le mare-
FIN DE L'EXPÉDITION. 141
chai s'embarqua pour Alger; il avait prescrit au
général Bedeau de demeurer pendant quinze jours
encore à Bougie avec la moitié des troupes; l'au-
tre moitié devait être ramenée immédiatement
par le général Gentil à Bordj-Bouira , d'où les
différents corps auraient à regagner leurs canton-
nements.
Ainsi prit fin celte courte expédition. Elle n'a-
vait produit ni plus ni moins de résultats que les
précédentes opérations du même genre. Les popu-
lations visitées n'étaient que nominalement et pour
un temps soumises; au delà, le grand nombre des
tribus demeuraient dans leur indépendance. 11 ne
fallait pas se payer de mots ni d'apparences : la
conquête de la Grande Kabylie restait pour l'a-
venir toute à faire.
142 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Le 29 mai 1847, le maréchal Biigeaud écrivait
d'Alger à l'un de ses amis : « Je suis rentré depuis
trois jours de l'expédition de la Grande Kabylie,
qui a fait déclamer nos grands tacticiens de la
Chambre et de la presse. Vous apprendrez avec
plaisir, j'en suis sûr, que j'ai pris la ferme résolu-
tion de demander un successeur. Sans attendre la
décision définitive, je pars, le 5, pour le Périgord.
J'ai exprimé ma détermination avec tant de force
que l'on renoncera sans doute à la faire chan-
ger. »
Le 4 juin, l'escadre de la [Méditerranée, com-
mandée par le prince de Joinville, mouillait en
rade d'Alger. Le gouverneur eut encore le temps
de faire au prince les honneurs de son palais et
de donner des ordres pour l'excursion qu'il vou-
lait pousser, par BUda et Médéa, jusqu'à Boghar.
Le lendemain, devant une foule respectueuse, le
ADIEUX DU MARÉCHAL. 143
maréchal prit passage sur le stalionnaire Camé-
léon, que commandait le lieutenant de vaisseau
Fourichon, son compatriote, et l'on peut ajou-
ter, malgré la différence d'âge et de grade, son
ami.
Avant de s'embarquer, il avait fait ses adieux à
ses compagnons d'Afrique, de quelque condition
qu'ils fussent, par trois proclamations à la popu-
lation, à l'armée, à la marine. « Colons de l'Algé-
rie, disait-il dans la première, jetez un couj) d'œil
sur la proclamation que je vous adressais en
février 1841. Vous verrez que j'ai dépassé de
beaucoup le programme que je m'étais tracé. J'a-
vais dit que le drapeau de la France devait seul
planer sur l'Algérie : deux fois l'émir a été refoulé
dans le Maroc, et notre domination s'étend sur le
pays des Arabes, de la frontière de Tunis à celle
du Maroc, de la mer à cent vingt ou cent trente
lieues dans le désert. J'avais dit que je serais
colonisateur ardent. Étendez vos regards au delà
du cercle d'Alger : voyez les routes, les ponts, les
édifices de toute nature, les barrages, les conduites
d'eau, les villages qui ont surgi, et dites si nous
n'avons pas fait en colonisation, au milieu d'une
guerre ardue, plus qu'on n'avait le droit d'atten-
dre. » Puis il donnait aux. colons des conseils
14i LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
graves, blâmant leur impatience et leurs injustes
préventions contre le gouvernement militaire.
« Ces conseils, ajoutait-il en finissant, n'ont rien
qui doivent vous blesser; ils sont au contraire la
preuve du vif intérêt que je vous porte. Vous
savez que, pendant les six années et plus de mon
gouvernement, j'ai mieux aimé servir vos intérêts
que de flatter vos passions et votre amour-pro-
pre. Pour que je fusse moins franc en vous quit-
tant, il faudrait que mon affection pour vous eût
diminué. Il n'en est rien, l'avenir vous le prou-
vera. »
L'avenir lui a manqué, mais non la reconnais-
sance nationale. Sa mémoire illustre s'est enra-
cinée profondément dans la terre d'Afrique.
Quand, au mois de juin 1849, Alger apprit la
mort de son ancien gouverneur, enlevé par le
choléra, l'émotion fut universelle et profonde.
({ J'ai fait mettre à l'instant, écrivait le général
Bosquet, des crêpes à toutes les épées, et le deuil
reste dans tous les cœurs, j'entends les cœurs des
soldats et les cœurs des patriotes. » Une sous-
cription s'ouvrit pour élever un monument à
la gloire du maréchal, une statue, qui fut inau-
gurée trois ans plus tard, le 1 5 août 1 852, à Bab-
Azoun.
LA STATUE DU MARÉCHAL. 145
Il est debout, tête nue, face à la Kabylie, vêtu
de sa capote de campagne. A ses pieds, des
attributs de guerre et d'agriculture symbolisent
ses deux passions unies dans la devise qu'il s'était
faite : Ense et aratro.
II.
CHAPITRE VIII
GOUVERNEMENT DU DUC D'AUMALE.
I. — Le duc d'Aumale et le maréchal Bugeaud. — Le duc d'Aumale
et ses lieutenants. — Affaires civiles.
n. — Abd-el-Kader au Maroc. — Mort du kaid El-Alimar. — Les
Béni-Amer.
IIL — Colère d'Abd-er-Rahinane. — Ses fils marchent contre Abd-
el-Kader. — Lettre de l'émir au duc d'Aumale. — La Moricière
sur la frontière marocaine. — Tentative d'Abd-el-Kader contre
les Marocains. — Retraite de la deira sur le territoire algérien.
IV. —Reddition d'Abd-el-Kader. — Lettres échangées.
V. — Le duc d'Aumale et Abd-el-Kader. — L'émir embarqué pour
France.
VI. — Dispositions du gouvernement français. — Discours de M. Gui-
zot. — Attitude nouvelle d'Abd-el-Kader. — Son entrevue avec le
général Changarnier.
VIL — Projets du duc d'Aumale. — Révolution de Février. —
Adieux et départ du duc d'Aumale.
I
Une ordonnance royale, du 29 juin 1847, con-
fia l'intérim du gouvernement d'Algérie au géné-
ral Bedeau. Jusque-là, c'était le général de Bar,
le plus ancien des lieutenants généraux présents
dans la colonie, qui l'avait exercé par délégation
du maréchal Bugeaud.
10.
148 LA CONQUÊTE IiE L'ALGÉRIE.
La voix publique avait depuis longtemps dési-
gné le successeur du maréchal, et la colonie l'at-
tendait avec impatience; mais le gouvernement
n'avait pas voulu, par une hâte malséante, accep-
ter la démission du vainqueur d'Isly. Il ne s'y dé-
cida que lorsque le temps eut démontré qu'elle
était irrévocable.
Le 3 août, le duc d'Aumale écrivit au maréchal
Bugeaud : « J'ai longtemps espéré que vous con-
sentiriez à reprendre le gouvernement général, et
j'ai la conviction qu'aux très grands services que
vous aviez déjà rendus vous pouviez en ajouter
de nouveaux que nul autre peut-être ne pourra
rendre. Si tout espoir doit être perdu à cet égard,
si aucune autre combinaison ne paraît acceptable
au gouvernement du Roi, je ne refuserai pas une
position éminente où je puis servir activement
mon pays. Je ne me fais aucune illusion sur les
obstacles qui hérissent la question, sur les atta-
ques dont je serai l'objet, sur les déceptions qui
m'attendent; mais j'apporterai à l'accomplisse-
ment de mes devoirs une entière abnégation per-
sonnelle et un dévouement de tous les instants. Je
conserverai précieusement le souvenir de tout ce
que je vous ai vu faire d'utile et de grand sur
cette terre d'Afrique, et je ferai tous mes ef-
LE DUC D'AL'MALE. 149
forts pour suivre vos traces et y continuer votre
œuvre. »
Le maréchal répondit au prince : « Vous n'êtes
point séduit par le brillant du commande-
ment; vous en connaissez dès longtemps tous les
écueils; vous avez mesuré les difficultés, vous
avez prévu la critique et même la calomnie, et
cependant vous bravez tout cela pour servir la
France et obéir à votre père. Cette noble conduite
serait une critique de la mienne, si je n'avais payé
mon tribut pendant six ans et demi, et surtout si
je n'avais pas eu l'espoir qu'en me retirant je ser-
virais mieux les intérêts de l'Algérie qu'en restant
au poste qui m'avait été confié. Déjà mes prévi-
sions se réalisent, puisqu'on vous destine ma suc-
cession. Vous voulez, dites-vous, marcher sur mes
traces: moi, je veux que vous les élargissiez, et je
serai bien heureux si vous faites mieux que moi ;
je ne serai pas le dernier à le proclamer. »
Le duc d'Aumale fut nommé gouverneur géné-
ral de l'Algérie par ordonnance du H septembre.
Quand le canot de la frégate à vapeur Labrador
l'amena, le 5 octobre, au débarcadère d'Alger, la
population lui fit un accueil enthousiaste. Le len-
demain, il adressa aux troupes cet ordre du jour;
« En prenant le commandement de l'armée d'A-
150 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
frique, le gouverneur général de l'Algérie croit
devoir témoigner à tous les officiers, sous-officiers
et soldats qui la composent, combien il est fier de
se trouver à leur tête. Appelé déjà cinq fois à
l'honneur de servir dans leurs rangs, il sait depuis
longtemps ce qu'on peut attendre de leur dévoue-
ment au Roi et à la France. Confiant dans leur cou-
rage, confiant dans le mérite éprouvé de valeu-
reux généraux, il ne doute pas que le succès ne
continue de couronner tant de nobles efforts.
L'armée qui vient d'accomplir tant de grandes
choses a salué d'universels regrets l'illustre chef
à qui elle doit tant de gloire et sous les ordres du-
quel j'aurais tant aimé à me retrouver encore.
Qu'il reçoive ici la nouvelle expression du bien vif
et bien reconnaissant souvenir que lui conservera
toujours l'armée d'Afrique. »
Le duc d' Aumale avait amené avec lui le géné-
ral Ghangarnier qui prit le commandement de
la division d'Alger; La Moricière et Bedeau con-
tinuèrent de commander, le premier la division
d'Oran, le second la division de Constantine. L'un
et l'autre étaient venus conférer avec le prince et
recevoir ses instructions. Du 7 au 16 octobre, il
réunit tous les matins ses trois principaux lieute-
nants. « Dans ces conférences, çi dit Ghangarnier,
AFFAIRES CIVILES. 151
OÙ d'importantes questions militaires, politiques
et administratives furent traitées, le jeune gou-
verneur, moins verbeux que mes collègues, quoi-
qu'il parle volontiers et bien, montra un esprit cul-
tivé, réfléchi, attentif aux petits détails, qu'il
aimait peut-être trop. «
Parmi les questions traitées, il y avait au pre-
mier rang l'application d'une ordonnance royale
du 1 "septembre qui réglait à nouveau l'administra-
tion de l'Algérie. Le directeur général des affaires
civiles et le conseil supérieur étaient maintenus dans
leurs attributions; mais les trois directions de l'in-
térieur, des finances et des travaux publics étaient
supprimées, et les services dont elles avaient eu
charge étaient centralisés, au chef-lieu de chaque
province, par un directeur des affaires civiles
assisté d'un conseil de direction. Ce fonctionnaire
devait préparer le travail du général commandant
la province pour tout ce qui concernait les affaires
administratives en territoire civil ou militaire.
Quant aux indigènes, ils étaient placés tous,
sans distinction de territoire, sous la tutelle exclu-
sive des bureaux arabes, mais ils restaient soumis,
en matière criminelle, à la juridiction des tri-
bunaux français. Comme don de bienvenue, le
duc d'Aumale leur apportait une amnistie très
152 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
large qui autorisait le retour en Algérie d'un grand
nombre de leurs coreligionnaires détenus en
France.
Sans aborder le problème de la colonisation
qui n'est pas de notre sujet, nous pouvons dire
cependant que le prince gouverneur se préoccu-
pait d'obtenir, par le cantonnement équitable et
graduel des tribus arabes, sans spoliation ni
atteinte aux droits garantis par la capitulation
d'Alger, les terrains nécessaires à l'établissement
de la population européenne.
AFFAIRES DU MAROC. 153
II
Après le règlement des affaires urgentes, l'at-
tention du duc d'Aumale devait se porter natu-
Tellement du côté du Maroc, où les incidents les
plus graves se succédaient rapidement et sans re-
lâche. Dans les premiers jours de juin, immédia-
tement après le départ du maréchal Bugeaud, le
courrier d'Oran avait apporté au général de Bar
la nouvelle d'une collision sanglante qui aurait
mis aux prises les Kabyles du Rif avec les parti-
sans d' Abd-el-Kader ; mais sur le résultat du con-
flit il y avait désaccord; suivant une certaine
version, c'étaient les Rifains qui auraient eu le
dessous, et c'était le contraire, suivant un autre
dire.
Voici, d'après le témoignage de M. Léon Ro-
chts, secrétaire à la légation de Tanger, l'exacte
vérit"^ sur cette affaire. Pressé par les réclamations
instantes du consul général de France, M. de
Chasteau , et d'ailleurs intjuiet de l'influence
154 LA CONQL'ÊTF. DE L'ALGÉRIE.
qu'Abd-el-Kader exerçait dans le Maroc au détri-
ment du pouvoir impérial, le sultan Abd-er-Rah-
mane s'était décidé à prendre contre lui des me-
sures effectives. Au commencement du mois de
mai, un corps composé de deux mille cavaliers
réguliers, de cinq cents hommes d'infanterie et
d'une batterie de quatre pièces de campagne, avait
été réuni près de Fez, sous les ordres du prince
Mouley-el-Hassan, cousin de l'empereur. Dans le
même temps, le kaïd El-Alimar, nouvellement
appelé au gouvernement du Rif, avait reçu l'ordre
de marcher contre Abd-el-Kader et de s'emparer
de sa personne, ou tout au moins de l'expulser
du territoire de l'empire. Quand le kaïd fit part de
cet ordre aux chefs kabyles, ceux-ci lui répondi-
rent : (( Sois le plus fort, nous t'aiderons. » En
attendant, ils prirent le parti de s'abstenir.
El-Ahmar, qui ne pouvait disposer que de
quatre cents chevaux, fit demander du renfort à
Fez; on lui envoya sept cents cavaliers; mais,
on ne sait pourquoi, il n'en mena d'abord que
deux cents vers la deïra. L'émir, pour gagner du
temps, fit demander par des cheikhs amis des ex-
plications au kaïd qui excipa des ordres impé-
riaux. Pendant ces pourparlers, Abd-el-Kader
avait averti ses partisans qui accoururent, et il
MEURTRE I>'EL-AHMAR. 155
résolut de prendre immédiatement l'offensive.
Une belle nuit, il marcha sur le camp d'El-Ali-
mar, où tout dormait sans aucune garde. Au point
du jour, il ordonna aux tambours de ses réguliers
de battre la charge; en un moment, les chevaux
marocains, effrayés, rompant leurs entraves, se pré-
cipitèrent au travers des tentes, et bientôt le sauve-
qui-peut devint général; mais Abd-el-Kader, qui
voulait se montrer généreux, fit crier aux fuyards
de se rassurer, parce qu'il était seulement venu
pour s'entendre avec El-Ahmar. En effet, sur son
ordre, Bou-Hamedi entra dans le camp, sans fusil,
avec une faible escorte, et se dirigea vers la tente
du kaïd; mais soudain les gardes nègres d'EI-Ah-
mar firent feu sur la petite troupe; lui-même mit
en joue Bou-Hamedi, l'arme ne partit pas, et le
khalifa d'Abd-el-Kader, usant de représailles,
abattit d'un coup de pistolet le kaïd à ses pieds.
L'émir, protestant de son respect pour l'autorité
sacrée de l'empereur, laissa le maghzen retourner
à Fez; il ne voulut pas retenir prisonniers la femme
et les enfants d'EI-Ahmar, mais il n'empêcha pas
les gens du Rif de piller le camp marocain.
En même temps qu'il faisait de ce côté montre
de modération, ses agents répandaient le bruit
d'un accord prochain avec la France, par l'entre-
156 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
mise de l'Espagne, et de la création d'un État indé-
pendant sur lequel régnerait Abd-el-Kader depuis
la Sebkha d'Oran à l'est jusqu'à Mélilla au cou-
chant. Ce qu'il y avait de fondé dans celte ru-
meur, c'était que l'émir avait en effet engagé des
pourparlers avec le gouverneur de Mélilla et que
le gouverneur s'y était prêté plus que de raison.
En échange de la médiation que l'Espagne aurait
exercée au profit de l'émir, celui-ci se serait dé-
claré son vassal et l'aurait aidée à étendre le terri-
toire espagnol autour des Présides. Averti de ces
négociations interlopes, le gouvernement français
en fit des plaintes à Madrid, et le gouverneur de
Mélilla fut rappelé.
Les tribus du Rif étaient méfiantes; si Abd-el-
Kader devenait leur souverain, il faudrait d'abord
combattre contre l'empereur qui ne se laisserait
pas spolier sans résistance, et puis il faudrait
donner au nouveau sultan beaucoup plus d'argent
qu'à l'autre, auquel on n'en donnait guère. Bref,
la future souveraineté d'Abd-el-Kader n'obtenait
pas faveur; de plus, on savait qu'Abd-er-Rah-
mane, furieux de la défaite de son maghzen et de
la mort du kaïd El-Ahmar, avait ordonné des ar-
mements pour en tirer vengeance. « Tout ce que tu
nous as prédit est arrivé, faisait-il dire au consul
LES BEM-AMER. 157
général de France; lu connaissais mieux que nous
les ruses diaboliques d'Abd-el-Kader ; il ne lui reste
plus que la vengeance céleste à attendre, et c'est à
nous défaire disparaître de ce monde la trace même
de ses pas. Tu vas voir ce qui adviendra de lui et
de ses partisans. » En style marocain, tu vas voir
ne devait pas être pris, comme en français, dans
le sens d'une exécution immédiate. Tout se faisait
par poids et par mesure.
Cependant un incident inopiné vint substituer
aux lenteurs habituelles de la cour de Fez une
allure un peu plus vive. Quand, l'année précé-
dente, la grande émigration des Beni-Amer s'était
séparée de la deïra pour porter son campement
dans l'intérieur du Maroc, c'était avec l'espoir
d'y trouver une existence meilleure; déçue dans
son attente, elle avait manifesté l'intention de re-
venir au bercail, c'est-à-dire à ses anciens campe-
ments sur la terre algérienne. Il ne convenait pas
à l'empereur de laisser sortir de ses États un con-
tingent si considérable: en effet, c'était une popu-
lation de huit ou dix mille âmes qui pouvait four-
nir deux mille fusils et huit cents chevaux de guerre.
Le kaïd Feradj, délégué du prince Mouley-Mo-
hammed, commandant en chef des troupes impé-
riales, vint, avec trois mille cavaliers, intimer à la
158 LA CONQLËTE DE L'ALGÉRIE.
tribu l'ordre de lui livrer ses chevaux et ses
armes, et de se mettre immédiatement en chemin
pour l'ouest oii l'empereur avait résolu de l'inter-
ner. Tous à cheval, la crosse du fusil sur la cuisse,
les grands des Beni-Amer firent au kaïd cette fière
réponse : « Nous sommes venus de notre propre
mouvement demander un asile à ]Mouley-Abd-er-
Rahmane; il nous l'a accordé; aujourd'hui, sans
que nous ayons commis la moindre faute, il veut, au
mépris des droits de l'hospitalité, nous désarmer
et nous faire prisonniers 1 Nous mourrons tous plu-
tôt que de nous soumettre à des ordres pareils, et,
puisque nous n'avons pas trouvé sûreté sur la terre
musulmane, nous jurons de nous arrêter seule-
ment lorsque nous serons arrivés sur celle des
chrétiens. » Puis la tribu se mit en marche vers
Taza; mais alors le prince Mohammed fit publier
dans tous les environs de Fez une proclamation
par laquelle il mettait au prix de dix ducats la tête
de chacun des guerriers Beni-Amer, et donnait à
qui pourrait les prendre, leurs femmes, leurs en-
fants, leurs troupeaux, leur avoir. Cernés par plus
de douze mille Arabes et Kabyles, les Beni-Amer
se défendirent pendant trois jours et finirent par
succomber. Le massacre eut lieu vers le commen-
cement de septembre.
ABD-EL-KADER MENACÉ. 159
Ce fut pour Abd-el-Kader un coup terrible ; car
il s'était avancé, malgré l'hostilité de certaines
tribus, à la rencontre des émigrants, non pas sans
doute pour les aider à regagner la terre chré-
tienne, mais avec l'espoir de les ramener à la deïra
et de les y retenir. Dans le même temps, Mouley-
Mohamraed faisait saccager le territoire des tribus
kabyles qui avaient montré quelque partialité pour
l'émir, tandis que son frère Mouley-Ahmed cam-
pait sous Taza. Vers la fin d'octobre, Mouley-Mo-
hammed vint l'y rejoindre, et désignant Abd-el-
Kader comme l'ennemi à combattre, il fit publier
celte proclamation : « De ce moment, je ne con-
nais personne. Mes amis seront ceux qui apporte-
ront de l'orge à mon camp et qui marcheront avec
mes troupes contre le révolté; mes ennemis seront
ceux qui ne viendront pas à moi. »
160 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ni
Des marabouts influents et vénérés s'entremi-
rent afin d'apaiser la colère de l'empereur; ils se
rendirent à Fez pour lui représenter qu'en ordon-
nant de si grands apprêts contre un vrai musul-
man, il ne faisait que donner de la joie aux chré-
tiens, ravis de voir les fidèles de l'islam se déchirer
entre eux. Abd-er-Rahmane les écoula sans les
interrompre; puis après quelques minutes de mé-
ditation, il leur dit d'un ton sévère : « Ce n'est
point un vrai musulman, celui qui, après avoir de-
mandé l'hospitalité, cherche à trahir son hôte ! Ce
n'est point un vrai musulman, celui qui non seule-
ment désobéit aux ordres du prince des croyants,
mais encore agit en maître dans ses États ! Ce n'est
pomt un vrai musulman, celui qui massacre des po-
pulations soumises à leur légitime souverain, qui
attaque ses camps et tue ses fidèlesservi teurs ! C'est
un rebelle qui trace une ligne de feu et de sang
partout où il passe. Je ne veux rien entendre de lui.
rONCENTRATION. 161
S'il veut éviter de nouveaux malheurs, qu'il aban-
donne mes Étals et qu'il aille porter ailleurs le
désordre attaché à ses pas! L'un de nous deux
doit commander dans l'empire, et Dieu va décider
entre nous. »
Le 4 9 novembre, La Moricière, qui était à Oran,
fut informé de la marche en avant des corps ma-
rocains et du mouvement rétrograde que l'émir
venait de prescrire à la deïra. Les deux fils de
l'empereur, iMouley-Mohamraed et Mouley-Ah-
med, se portaient avec deux corps d'armée de
Taza sur la Moulouïa; un troisième corps chemi-
nait à travers les montagnes du Rif; enfin, le kaïd
d'Oudjda se portait avec son maghzen vers les
Beni-Snassen. Abd-el-Kader concentrait ses forces
sur la rive gauche de la Moulouïa.
Sur ces entrefaites, un de ses secrétaires, El-
Hadj-el-Habid, se présenta, le 17 novembre, au
général Renault qui commandait à Nemours l'an-
cien camp de Djemma-Ghazaouat, et lui remit, de
la part de l'émir, trois lettres adressées, la pre-
mière au duc d'Aumale, la deuxième au gé-
néral de La Moricière, la troisième au général
Cavaignac. Il y en avait une quatrième, de Bou-
Hamcdi pour La Moricière.
La lettre au duc d'Aumale, écrite trois jours
II. 11
162 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
auparavant, était conçue en ces termes : « Gloire
à Dieu, dont les louanges font obtenir les bienfaits
d'une manière complète et qui accorde le bien
avec surabondance! Que Dieu soit priépournotre
seigneur et maître Mohammed et ses compagnons!
De la part du combattant pour la foi, le défenseur
de la religion, notre maître Sidi-Hadj-Abd-el-
Kader, — que Dieu lui soit en aide et le dirige!
— au chef le plus magnifique des armées fran-
çaises d'Alger et de ses dépendances, au chef de
leurs généraux, commandants et autres, au fils du
sultan des sultans du pays de Roum, au duc
d'Aumale. — Que Dieu fasse prospérer l'état de
ceux qui sont fermement attachés à la justice la
plus pure! Salut sur ceux qui ont saisi l'anse solide,
ainsi que la miséricorde de Dieu, ses bénédictions,
ses bontés et ses bienfaits! — Déjà avant ton avè-
nement au gouvernement de ce pays d'Alger, j'a-
vais écrit plusieurs fois aux commandants d'alors
ainsi que j'avais écrit à ton père leur sultan. Ilsont
gardé le silence à mon égard, et je n'ai pas reçu
de réponse à une seule lettre. Aujourd'hui, lors-
que j'ai appris que tu es arrivé en ce pays, afin
d'y commander par les ordres de ton père, je me
suis réjoui de cet événement et je t'ai écrit, il y a
quelques jours, avant la présente. Je suppose que
LETTRE D'ABD-EL-KADER. 163
ma lettre est arrivée à temps; mais puisqu'elle n'a
pas atteint le but que je me proposais, j'ai voulu
t'en écrire une nouvelle pour le même objet, en la
confiant à un homme distingué, sage et sûr, qui
doit la présenter à Ta Seigneurie. Il sera mon man-
dataire et me suppléera près de toi pour te faire
savoir ce que j'ai à te dire et me faire connaître
ce que tu auras à lui répondre. Tu es la porte de
la souveraineté, et notre livre dit bien : « Faites
« choix de la porte pour entrer » ; c'est donc pour
cela que je t'adresse un homme propre à cette
mission. Je lui avais donné ma confiance à l'époque
de la paix entre vous et nous; ses bonnes qualités
me sont connues, et il possède aussi la connais-
sance de vos armées, de vos mœurs et de vos ha-
bitudes; il sait aussi , pour l'avoir vu par lui-
même, ce qui vous dislingue dans la bonne
administration en général, et connaît personnel-
lement les chefs de votre gouvernement autant
que qui que ce soit. Si tu en désires un autre d'un
rang plus élevé, ce sera pour un autre moment et
après son retour. A une personne comme toi il est
inutile de faire des recommandations pour lui faire
accueil dans ta magnifique demeure. Je ne doute
pas que tu ne veuilles bien le recevoir d'une ma-
nière convenable et que tu ne t'occupes avec soin
II.
164 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
et bonté de boucher la fente qui sépare les deux
partis. Tu n'ignores pas que celui qui s'occupe de
réparer les malheurs, d'unir les partis éloignés, et
([ui parvient à les rapprocher, a fait une belle
action aux yeux des deux partis et même de
toutes les nations en général. Tu as le pouvoir de
lier et délier, de fixer ce qui est mouvant. Tu peux
nouer et dénouer des difficultés plus grandes ([ue
celles de la circonstance présente. Que Dieu puisse
améliorer par sa bonté la situation présente et
fnturel Amen. En date du 4 hedja 1263 (14 no-
vembre 1 847). Par ordre de notre maître. — Que
Dieu lui soit en aide ! »
Ce verbiage long et diffus, tout l'opposé du style
habituel d'Abd-el-Kader, n'était à autre fin que
d'essayer encore une fois d'entrer en correspon-
dance avec l'autorité française, et de présenter aux
Marocains comme aux Arabes le leurre d'une né-
gociation apparente. Le duc d'Aumale ne s'y
trompait pas. « Abd-el-Kader et Bou-Hamedi,
écrivait-il, ont envoyé au général de La Moricière et
à moi plusieurs lettresplus respectueuses que d'ha-
bitude, mais traitant toujours de puissance à puis-
sance, et n'ayant évidemment pour but que de
faire croire aux populations que l'émir n'est pas
en hostilité avec les Français. La lettre qui m'est
I
TENTATIVE INUTILE. 1G5
adressée par Abd-el-Kader ne renfermait que des
assurances vagues sur ses intentions pacifiques, et
les instances habituelles pour qu'on lui répondît
et qu'on traitât de la paix. Il est à remarquer seu-
lement qu'elle était plus que convenable et pres-
que respectueuse dans la forme ; tout en me pro-
diguant les épitlîètes dont la langue arabe est si
riche, Abd-el-Kader ne se désigne que par ces
mots : Celui qui combat pour la foi, sans se traiter
de sultan et de Commandeur des croyants, comme
par le passé. » Après avoir pris des mams d'El-
Habid les lettres de l'émir et de Bou-Hamedi, le
général Renault n'avait pas permis au messager
d'aller plus loin et lui avait fait publiquement re-
passer la frontière.
Le duc d'Aumale avait donné à La Moricière
l'ordre de se poster au plus près des montagnes
où devait se décider la crise. Embarqué, le 20 no-
vembre, à Mers-el-Kebir, sur le Véloce, avec son
état-major, La Moricière prit terre, le lendemain
matin, à Nemours, se rendit, le même jour, à
Lalla-Maghnia, et, le 22, au bivouac de Sidi-Mo-
hammed-el-Oussini. Là se trouvaient réunis, sous
les ordres du colonel de Mac Mahon, un bataillon
de zouaves, deux bataillons du 1 2' léger, un
bataillon du 5^ de ligne, le 10° bataillon de chas-
166 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
seurs à pied, un escadron du 2'' chasseurs de
France, deux escadrons du 2" chasseurs d'Afrique,
un escadron de spahis, deux sections d'artillerie
de montagne; TetTectif total était de deux mille
trois cent cinquante hommes. Le 23 et le 24, de
grands renforts arrivèrent, un second bataillon du
5' de ligne, deux bataillons du 9% le 8' bataillon
de chasseurs à pied, deux autres escadrons du
2' chasseurs d'Afrique, deux autres de spahis,
une autre section d'artillerie de montagne, un
détachement du train des équipages.
La Moricière prescrivit que les hommes eussent
toujours six jours de vivres dans le sac et les cava-
liers quatre jours d'orge en besace, et qu'en outre
le convoi de mulets fût toujours prêt à suivre,
avec un supplément de quatre jours de vivres et
d'un jour d'orge; enfin, tous les jours, les con-
voyeurs arabes devaient apporter de Nemours au
camp un approvisionnement de vingt-quatre
heures. Le 29 novembre, deux bataillons du 44%
deux escadrons du 4' chasseurs d'Afrique, un
nouveau détachement du irain rejoignirent. L'ef-
fectif fut alors porté à cinq mille quatre cent qua-
tre-vingts hommes. L'infanterie, sous les ordres
du général Renault, fut répartie en deux bi igades
avec une réserve, les brigades commandées par
BOU-HAMEDI A FEZ. 167
les colonels Roche et Faure, la réserve par le
colonel de Mac Mahon, La cavalerie embrigadée
eut pour chef le colonel Cousin-Montauban.
En arrivant sur la frontière, le général de La
Moricière avait appris que les corps marocains
faisaient beaucoup de démonstrations à distance
de la deïra, mais qu'ils n'osaient évidemment pas
l'attaquer. D'autre part, on sut qu'Abd-el-Kader,
dans le temps qu'il écrivait au duc d'Aumale, avait
député vers les fils de l'empereur deux aghas de
ses réguliers pour leur offrir quatre chevaux de
soumission, mais que les princes avaient refusé de
les recevoir, et qu'Abd-er-Rahmane, avisé par
eux de cette démarche, leur avait fait dire qu'il ne
voulait rien entendre, à moins que le porteur de
paroles ne fût Bou-Hamedi. Sur cette ouverture,
Bou-Hamedi, muni d'un sauf-conduit, prit, non
sans quelque préoccupation, le chemin de Fez. Il
avait raison d'être inquiet, car, dès son arrivée, il
fut traité bien moins eu négociateur qu'en otage.
Il lui fut signifié qu'Abd-el-Kader aurait tout
d'abord à restituer les cinq ou six cents chevaux
qu'il avait pris dans le camp du kaïd El-Ahmar,
à payer une dia ou compensation pour les meurtres
que ses gens avaient commis, puis, en fin de
compte, à licencier sa deïra et à se rendre lui-
168 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
même à Fez. En même temps, l'empereur fit por-
ter à ses fils l'ordre formel de prendre l'offensive,
si « le révolté » ne se soumettait pas, et d'insurger
contre lui toutes les tribus de la frontière.
On apprit, le 8 décembre, que tous ces ordres
étaient en cours d'exécution. La rive gauche de la
Moulouïa était investie par les deux fils de l'em-
pereur, par le kaïd d'Oudjda, par le kaïd du Rif,
et par Bou-Ziane-ech-Chaoui avec la cavalerie des
Halaf. On estimait l'ensemble de leurs forces à
quarante mille hommes. Les Beni-Snassen eux-
mêmes s'étaient décidés à prendre parti pour
Abd-er-Rahmane contre le rebelle, qu'il n'était
plus permis de désigner que par le nom réduit de
Kader. L'empereur, en le frappant d'une sorte de
dégradation religieuse, lui avait enlevé les titres
de Sidij de Hadj, et même la particule Abd. Pour
les musulmans fanatiques, si nombreux dans le
Maroc, cette dégradation était chose grave.
Aux forces rassemblées contre lui Abd-el-Kader
ne pouvait guère opposer que deux ou trois mille
combattants, mais c'étaient des c;uerriers dont il
était sûr. Il chercha sur la basse Moulouïa une
bonne position défensive, et vint s'établir dans un
lieu nommé Gherma, sa gauche appuyée à la
rivière, sa droite aux montagnes. Averti par une
SURPRISE MANQUÉE. 169
dernière sommation d'Abd-er-Rahmane et par
une lettre de Boii-Hamedi qu'il n'y avait plus
d'accommodement possible, il prit la résolution
d'attaquer ses adversaires. S'il parvenait à s'em-
parer de l'un des fils de l'empereur, ne serait-ce
pas à lui dès lors de dicter ses conditions? Après
avoir entendu le rapport d'un de ses agbas qui
avait reconnu la disposition des camps marocains,
particulièrement de celui que commandait le
second fils d'Abd-er-Rahmane, il fit jurer à tous
ses réguliers de ne pas tirer un coup de fusil avant
d'être arrivés à la tente du prince.
Le 10 décembre, il mil en mouvement ses fan-
tassins; le lendemain, il les suivit avec les cava-
liers. Son projet était de surprendie l'ennemi par
une attaque nocturne, et, pour l'épouvanter davan-
tage, il fit enduire de goudron et charger de fas-
cines également goudronnées quatre pauvres cha-
meaux qui devaient èlre lâchés tout flambants à
travers les tentes. Malheureusement pour lui, lo
secret fut livré aux Marocains qui se tinrent sur
leurs gardes. Mouley-Ahmed donna l'ordre à ses
troupes d'évacuer les tentes, en les laissant
dressées, et de se ranger en arrière. Tentée à deux
heures du matin, la surprise échoua donc; mais
l'émir, qui voulait prendre à tout prix sa revanche.
170 LA CONQUÊTE DR L'ALGÉRIE.
se jeta sans tarder sur le deuxième camp — il y en
avait quatre — et s'en empara. Cependant le jour
naissant lui montra toutes les hauteurs voisines
occupées par l'ennemi, et il lui fallut combattre
énergiquement pour n'être pas coupé de la deïra
sur laquelle il fut contraint de se retirer en défini-
tive. S'il avait tué beaucoup de Marocains, ses
propres pertes, par comparaison, étaient bien plus
sensibles. L'ennemi se rapprochait, resserrant le
cercle. De son camp, La Moricière avait expédié
au kaïd d'Oudjda trente mulets chargés de car-
touches; de Nemours, pareil envoi avait été fait
au kaïd du Rif. Telle était, vers le 15 décembre,
la situation de l'émir.
Que faire? Déjà la défection se mettait parmi
les siens. Ses frères mêmes, Si-Moustafa et Si-Saïd,
allèrent d'abord camper avec une vingtaine de
tentes chez les Beni-Snassen, puis le premier
envoya demander Vaman au général de La Mori-
cière; le 21 décembre, il se présenta au camp
français. Ce même jour, l'émir, acculé à la mer, fit
passer sur la rive droite de la Moulouïa, par un gué
voisin de l'embouchure, la deïra fugitive; mais,
pour couvrir le passage, il fut obligé de sacrifier
la moitié de son infanterie et ses cavaliers les plus
braves. Superbe de vaillance, dans une situation
DERiMERE CRISE. 171
désespérée, donnant l'exemple à tous, il eut, dans
ce combat suprême, son burnous criblé de balles
et trois chevaux tués sous lui. Désormais, à l'abri
des Marocains, la deïra campait sur la terre algé-
rienne. Après avoir donné aux siens le conseil de
se rendre aux Français, Abd-el-Kader, suivi d'un
petit nombre de cavaliers fidèles, s'éloigna vers
le sud; lui seul ne désespérait pas encore; rien
n'était tout à fait perdu, s'il parvenait à gagner le
désert.
172 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
IV
D'après les instructions précises du duc d'Au-
male, la frontière était strictement gardée. De
nombreux postes de correspondance étaient éche-
lonnés à très petite distance les uns des autres, de
sorte que les moindres incidents étaient portés
sans retard à la connaissance de La Moricière. Le
soir venu, il fit partir secrètement deux détache-
ments de spahis revêtus de burnous blancs; le
premier, commandé par le lieutenant Mohammed-
bou-Khouïa, alla occuper le col de Kerbous, le
seul point par où l'émir pût espérer de trouver
passage; l'autre, commandé par le lieutenant
Ibrahim, se tint en arrière, à mi-chemin du col
au camp français.
A deux heures du matin, La Moricière se mit en
marche avec la plus grande partie des troupes. La
nuit était sombre; il pleuvait à torrents. A mi-
chemin, le général rencontra les députés de la
deïra qui venaient faire soumission; en même
REDDITION D'ABD-EL-KADER. 173
temps, on entendit quelques coups de feu. Deux
spahis arrivaient au galop : Abd-el-Kader avait
essayé de forcer le col; quelques minutes après,
ce fut le lieutenant Bou-Khouïa, suivi de deux
cavaliers de l'émir. Abd-el-Kader faisait demander
au général Vainan pour lui-même et pour son
escorte; en manière de lettre de créance, ses
envoyés apportaient l'empreinte de son cachet sur
un morceau de papier mouillé par la pluie. La
Moricière les renvoya aussitôt avec la promesse
d'aman, et, comme gage de sa parole, il fit porter
par Bou-Khouïa son propre sabre à l'émir.
Au point du jour, il s'arrêta près du col de
Kerbous, puis il fit partir le colonel Montauban, à
la tête de six escadrons, pour aller chercher la
deïra, autour de laquelle rôdaient les Kabyles du
voisinage'pet la conduire au puits de Sidi-bou-
Djenane, où le colonel de Mac Mahon allait s'éta-
blir avec les zouaves et un bataillon du 9" de ligne.
Après une halte de quelques heures, la colonne
se replia sur le camp. La Moricière y trouva tous
les chefs des réguliers qui avaient survécu au
désastre du 21 décembre. Ils le supplièrent d'ac-
corder deux jours de repos à la deïra encombrée
de blessés, de vieillards, de femmes et d'enfants
qui succombaient à la fatigue. Le général y con-
174 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
sentit, et fit porter au colonel de Mac Mahon
l'ordre de prendre son bivouac, non plus à Sidi-
bou-Djenane, mais aux environs du campement
arabe. On sut alors que la deïra comprenait encore
près de six cents lentes avec une population de
cinq à six mille âmes.
Dans la journée, le lieutenant Bou-Kliouïa
rejoignit le camp; il rapportait au général son
sabre et il lui remit une lettre d'Abd-el-Kader :
« Louange au Dieu unique. Que Dieu répande ses
grâces sur notre seigneur et maître Mohammed et
sur ses compagnons! Du prince des croyants, le
guerrier saint, El-Sidi-el-Hadj-Abd-el-Kader, —
que Dieu l'assiste et le protège! — au général de
La Moricière, chef des troupes françaises de la
province d'Oran. Que Dieu rende prospères nos
affaires et les vôtres-, que le salut soit sur qui-
conque reconnaît la vraie voie! J'ai reçu le cachet
et le sabre que tu m'as fait remettre comme signe
que tu avais reçu le blanc-seing que je t'avais
envoyé; l'obscurité de la nuit m'avait empêché de
t'écrire. Cette réponse de ta part m'a causé de la
joie et du contentement. Cependant je désire que
tu m'envoies une parole française qui ne puisse
être ni diminuée ni changée, et qui me garantira
que vous me ferez transporter, soit à Alexandrie,
ABD-EL-KADER ET LA MORICIÈRE. 175
soit à Akka (Saint- Jean d'Acre), mais pas autre
part. Veuille m'écrire à ce sujet d'une manière
positive.. Lors de notre entrevue, nous nous com-
muniquerons beaucoup de choses. Je connais ta
manière d'agir, et je désire que tu aies seul le
mérite du résultat. Je te recommande de main-
tenir où elles sont les tribus qui se sont séparées
hier soir chez les Msirda. Je pensais qu'elles me
suivraient, et lorsque j'ai regardé derrière moi, il
n'y avait plus personne. Il y a dans ces tribus des
affaires d'intérêt qui concernent moi et les miens,
par exemple des esclaves, des chameaux, des
mulets, des effets et des chevaux. Je désire donc
terminer ces affaires par la vente de ces choses;
alors ceux qui voudront venir avec moi dans l'est
seront Ubres de le faire. Je te prie également de
t'intéresser à la mise en liberté de mon frère El-
Sidi-Mohammed-bou-Hamedi, le plus tôt possible,
afin qu'il puisse m'accompagner. »
La Moricière crut pouvoir souscrire, sous sa
responsabililé, aux conditions demandées par
l'émir. Voici sa réponse : « Louanges au Dieu
suprême. De la part du général de La Moricière à
Sidi-el-Hadj-Abd-el-Kader-hcn-Mahi-ed-Dine,
— que le salut soit avec toi! — J'ai reçu ta lettre
et je Tai comprise. J'ai l'ordre du fils de notre
176 LA CO>QL"ËrE DE L'ALGÉRIE.
roi, — que Dieu le protège! — de V accorder V aman
que tu m'as demandé et de te donner le passage
de Djemma-Ghazaouat à Alexandrie ou à Akka;
on ne te conduira pas autre part. Viens comme il
te conviendra, soit de jour, soit de nuit. Ne doute
pas de cette parole; elle est positive. Noire sou-
verain sera généreux envers toi et les tiens. Quant
aux tribus qui t'ont quitté et qui sont chez les
Msirda, je me rendrai demain au milieu d'elles.
Les esclaves, chameaux, chevaux, mulets et effets
qui t'appartiennent et ont été emmenés par elles,
tu peux être tranquille à leur égard; tout ce qui
t'appartient te sera rendu, et la part qui te revient
sur les choses qui sont en commun te sera remise.
Il en sera de même pour ceux qui sont avec toi.
Je suis certain que tu pourras emmener dans l'est
par mes soins ceux qui voudront te suivre. Pour
ce que tu me dis relativement à Bou-Hamedi,
aussitôt que tu seras arrivé, je ferai partir un
bateau pour Tanger, et j'écrirai au consul de
France de réclamer Bou-Hamedi à Mouley-Abd-er-
Rahmane. Je pense qu'il sera mis en liberté, et,
s'il le veut, il pourra aussi te suivre dans l'est. On
m'a dit que ta famille était chez les Msirda, je
ferai en sorte qu'il ne soit rien enlevé de ce qui lui
appartient. Quant à ce dont tu auras besoin, au
ABD-EL-KADER ET LA MORICIERE. 177
moment de ton arrivée, pour toi et pour ceux qui
t'accompagnent, tu sais ce que nous avons fait
pour ton frère et pour les siens. Tu peux voir par
là ce que nous ferons pour toi. Tu peux être cer-
tain que tu seras traité comme il convient à ton
rang. »
Le lendemain, 23 décembre, à neuf heures du
matin, [.a Moricière, avec deux cents chevaux, se
dirigeait vers la deïia quand il apprit, par une
dépêche du colonel Monlauban, qu'Abd-el-Kader
venait d'arriver à lui, devant le marabout de Sidi-
Brahim. Sidi-Brahim! Quel souvenir! Quel con-
traste entre la journée du 23 décembre 1847 et la
journée du 23 septembre 1845! Ce fut sur le
théâtre même de son plus complet triomphe que
l'émir fit sa soumission au général de La Moricière,
« le seul, disait-il, entre les mains duquel il avait
pu se résoudre à consommer le sacrifice suprême
de son abdication ». Une heure après, il entrait à
Nemours.
12
178 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Le 18 décembre, le duc d'Aumale était parti
d'Alger pour Nemours, l'ancien Djemma-Gha-
zaouat. La mer était détestable, le vent soufflait
en tempête. Il fallut relâcher d'abord à Mers-el-
Kebir, puis demeurer trente-six heures au mouil-
lage de Rachgoune, à l'embouchure de la Tafna;
bref, ce fut seulement le 23 au matin que le prince
put atterrir à grand'peine dans la crique étroite
qui sert de port à Nemours. En relâchant à Mers-
el-Kebir, il avait pris à son bord le général Cavai-
gnac, qui devait faire, dans le commandement de
la province d'Oran, l'intérim de La Moricière,
appelé en France pour l'ouverture prochaine de la
session législative. En même temps qu'eux arri-
vait sur la plage un groupe d'hommes hâves,
décharnés, en haillons, blessés la plupart, mais
fiers d'attitude, superbes, magnifiques; c'étaient
des réguliers d'Abd-el-Kader, et ce fut ainsi que
le duc d'Aumale apprit le désastre héroïque, mais
LE DUC D'AUMALE. 179
décisif, de leur chef et de sa petite armée. La Mo-
ricière, venant de Sidi-Brahim, ne tarda pas à lui
donner le détail de la catastrophe.
Quand, après quelques instants de réflexion, le
prince eut déclaré à La Moricière qu'il ratifiait
pour son compte la promesse faite par lui à l'émir
et qu'il en acceptait la responsabilité, La Moricière
lui fil son remerciement avec effusion, avec émotion
même. Cavaignac écoutait, d'abord silencieux;
puis il dit lentement : « Vous serez attaqués, très
vivement attaqués, soyez-en sûrs, vous surtout,
prince. Plus le succès est grand, plus on s'effor-
cera de l'amoindrir et même de le retourner con-
tre vous. — Eh bien, répliqua en riant le duc
d'Aumale, le général de La Moricière est député
de la gauche, et vous n'êtes pas, je crois, sans
avoir encore quelques amis dans le parti républi-
cain : à vous deux de parer. »
Le soir, dans la baraque du commandant de
place, La Moricière amena l'émir; la chambre,
très petite, était à peine éclairée par une lampe
fumeuse; le duc d'Aumale n'avait auprès de lui
qu'un de ses officiers et l'interprète principal,
M. Rousseau. Après avoir donné les mar(|ues de
respect consacrées par l'usage arabe, Abd-el-
Kader dit au prince : « Tu devSiis depuis long-
12.
180 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
temps désirer ce qui arrive aujourd'hui; l'évé-
nement s'est accompli à l'heure que Dieu avait
marquée. » Il y eut ensuite un assez long silence;
puis le duc d'Aumale prit la parole : u Le général
m'a fait part de ce qui s'est passé entre toi et lui ;
il t'a assuré que tu ne serais pas retenu^en capti-
vité et que lu serais conduit à Saint-Jean-d'Acre
ou à Alexandrie. Je confirme cet engagement et
j'approuve tout ce que le général t'a dit. Il sera
ainsi fait, s'il plaît à Dieu; mais il faut l'appro-
bation du Roi et de ses ministres, qui seuls peuvent
décider sur l'exécution de ce qui est convenu entre
nous trois. Quant à moi, je ne puis que rendre
compte de ce qui s'est passé et t'envoyer en
France pour y attendre les ordres du Roi. » L'émir
baissa la tête, réfléchit un moment et répondit :
« Que la volonté de Dieu soit faite! Je me confie
à toi. » Puis, faisant un retour sur le passé, il
parla de la prise de la Smala, et demanda au
prince quelques éclaircissements sur les incidents
de cette journée fameuse. Le prince lui ayant
adressé quelques questions à son tour, notamment
au sujet d'une fusillade nocturne dirigée sur le
campement français au retour de Taguine : « J'étais
là en personne, répondit Abd-el-Kader; je l'ai
guetté, tàté pendant vingt-quatre heures », et,
HOMMAGE D'ABD-EL-KADER. 181
sans basse flatterie, il lui fit compliment de son
activité comme de sa vigilance; après quoi, comme
il était harassé de fatigue, il demanda la permis-
sion de se retirer; avant de sortir, il sollicita la
grâce de n'être débarqué nulle part sur la terre
algérienne. Le duc d'Aumale y consentit, mais il
dit à l'émir qu'il devait se représenter le len-
demain matin devant lui, et lui amener le cheval
de gâda comme témoignage de sa soumission
entière au Roi et à la France. Abd-el-Kader feignit
d'être un peu surpris d'abord; puis, après avoir
échangé un regard avec La Moricière, il répondit :
« Je t'amènerai demain ma bonne jument; — et
avec un triste sourire, — c'est la dernière qui me
reste. »
La cérémonie eut lieu le lendemain, dans le
petit jardin du commandant de place, entre le
rocher et la mer. Abd-el-Kader vint seul, à pied,
vêtu comme un simple Ilachem, jambes nues,
babouches jaunes, haïk tout uni, burnous brun;
deux serviteurs conduisaient le cheval. La Mori-
cière, Cavaignac, un nombreux état-major, une
foule d'indigènes assistaient à la scène, qui, pres-
que sans paroles, fui grande et dramatique. Plu-
sieurs des chefs arabes, rattachés à la cause fran-
çaise, ne cachaient pas leur émotion profonde.
182 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Le 24 décembre, dans l'après-midi, le duc d'Au-
male, La Moricière et l'émir s'embar(|uèrent sur
le Solo7i. « A son arrivée à Mers-ei-Kebir, au
milieu de la nuit, a dit le général de Marlimprey
dans ses mémoires, La Moricière m'envoya l'ordre
de me rendre de grand matin auprès de lui. Lors-
que j'arrivai à bord, le général me sauta au cou,
et nous nous tînmes embrassés quelques instants;
puis il me conduisit auprès de l'émir et me mil à
sa disposition. Abd-el-Kader me demanda de faire
venir un médecin pour panser un léger coup de
feu qu'il avait reçu à la jambe, s'informa de mon
nom, du temps que j'avais passé en Afrique. Je lui
dis que j'y étais depuis 1833, que j'avais débuté
par l'expédition de Mascara, après la Macta; que
j'étais avec le général Bugeaud, àleur entrevue du
Fid-el-Atach, pour la paix de la Tafna. Le sou-
venir de cette journée, où sa puissance s'était
élevée jusqu'à le faire traiter d'égal à égal avec le
représentant de la France, touchait une plaie sai-
gnante : Abd-el-Kader inclina la tète et se tut. Il
passa la matinée à écrire et à dicter des lettres à
Mouslafa-ben-Tami. Vers huit heures, je con-
duisis l'émir à bord de la frégate l'Asinodée^ qui
allait le porter à Toulon. J'y vis amener sa mère,
sa femme, toutes deux voilées, son fils, enfant
L'ÉMIR ENVOYÉ EN FRANCE. 183
d'un aspect maladif, et plusieurs de ses officiers,
tous blessés. A dix heures, le navire faisait route
pour la France. » Le lieutenant-colonel de Beau-
fort, aide de camp du duc d'Aumale, était à bord.
Les adieux d'Abd-el-Kader au prince avaient été
simples et dignes; il n'avait laissé échapper ni une
plainte ni une parole de regret; il s'était borné à
recommander ses serviteurs à la générosité fran-
çaise, et il avait fini par l'assurance que désormais
il ne songerait plus qu'au repos.
18i LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRli".
Y!
Le 24 décembre, le duc d'Anmale adressait à
M. Guizot, président du conseil et ministre des
affaires étrangères, la dépêche suivante : « Abd-
el-Kader et sa famille partent avec moi pour Oran,
d'où ils seront expédiés à Marseille; ils y atten-
dront les ordres du gouvernement, qui, j'espère,
ne les y retarderont pas longtemps. Le général de
La Moricière a promis à l'émir qu'il serait envoyé
à Alexandrie ou à Saint-Jean-d'Acre. Sans cette
condition, il était fort possible qu'un homme seul,
résolu, entouré d'une poignée de cavaliers fidèles,
parvînt à nous échapper et à gagner les tribus qui
lui sont encore dévouées dans le sud, où il nous
eût suscité de grands embarras. Je ne pense pas
qu'il soit possible de manquer à la parole donnée
par cet oflicier général, et qui ne me paraît pas
d'ailleurs avoir d'inconvénient. Si l'émir désignait
d'autre point qu'Alexandrie ou Saint-Jean-d'Acre,
nous serions parfaitement libres à son égard. »
DISCOURS DE M. GL'IZOT. 185
Le i" janvier 18i8, le général ïrezel, mi-
nistre de la guerre, écrivait au duc d'Aumale :
« Vous avez ratifié les promesses faites par le
général de La Moricière, et la volonté du Roi est
qu'elles soient exécutées. Le cabinet s'occupe
des mesures propres à prévenir les embarras
éventuels qui pourraient naître, dans l'ave-
nir, du caractère aventureux et perfide de l'é-
mir. » Le 17 janvier, M. Guizot s'exprimait ainsi
devant la Chambre des pairs : a J'ai la confiance
que le gouvernement du Roi trouvera moyen d'ac-
quitter loyalement les promesses qui ont été faites
et de s'assurer en même temps de tout ce qui im-
porte à la sécurité de la France en Algérie. » Le
5 février, il disait plus explicitement, devant la
Chambre des députés : a Monseigneur le duc
d'Aumale a promis à Abd-el-Kader qu'il serait
conduit à Alexandrie ou à Saint-Jean-d'Acre; ce
sont là les termes de la promesse, rien de plus,
rien de moins. J'exclus à l'instant Saint-Jean-
d'Acre. Saint-Jean-d'Acre est dans les mains de la
Porte : la Porte n'a pas reconnu notre occuj)ation,
notre possession de l'Algérie; il est impossible
que nous mettions Abd-el-Kader entre les mains
de la puissance qui ne reconnaît pas notre posses-
sion de l'Algérie et qui pourrait à l'instant môme
186 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
s'en servir contre notre possession. Je n'exclus
point Alexandrie. Nous pouvons avoir à Alexan-
drie des garanties que nous ne pouvons pas avoir
à Saint-Jean-d'Acre. Une négociation est ouverte
et des mesures sont prises pour obtenir du pacha
d'Egypte, d'abord qu'il reçoive Abd-el-Kader à
Alexandrie, ensuite que, quand il l'aura reçu à
Alexandrie, il nous donne les garanties, les con-
ditions de surveillance que j'établirai d'une telle
façon qu'il y ait une véritable sûreté pour nous en
remplissant les conditions de l'engagement pris.
Voilà la conduite que se propose de tenir et que
tient déjà le gouvernement du Roi. Elle répond, je
crois, au double but que nous avons à atteindre :
nous montrer loyaux quant à l'engagement pris, et
nous ménager, pour la sûreté de rÉlat, toutes les
précautions qui sont de notre devoir. »
L'Asmodée, qui portait Abd-el-Kader, s'était
dirigé, non sur Marseille, mais sur Toulon. Par un
malentendu regrettable, du fait de l'autorité mari-
time, l'émir, au lieu d'être gardé simplement au
lazaret, où il avait été conduit d'abord, fut interné
au fort Lamalgue. Le colonel Daumas, envoyé de
Paris, l'y trouva dans une disposition d'esprit
revêclie, presque révoltée. Après avoir annoncé
à l'émir que le gouvernement prenait ses mesures
l'RÉTEMION D'ABD-EL-KADER. 187
pour le faire mener à Alexandrie, le colonel, qui
avait résidé auprès de lui, dix années auparavant,
à Mascara, crut pouvoir lui donner un conseil
d'ami : « Tu seras là, lui dit-il, sous la dépen-
dance d'un consul et d'un pacha; tu serais bien
plus libre en France. Pourquoi ne demandes-tu
pas à y rester? » Là-dessus Abd-el-Kader se ré-
cria : « Je ne veux ni rester en France, ni rester à
Alexandrie, je veux aller à La Mecque. » Et il
écrivit au duc d'Aumale : « Les paroles de Daumas
m'ont jeté dans Tétonnemenl, et je me suis écrié :
— loin de moi tout blasphème ! — Je me suis
livré au seigneur duc d'Aumale; je me suis réfu-
gié auprès de lui ; je ne lui ai demandé protection
ni pour rester en France, ni pour rester à Alexan-
drie. Je lui ai demandé de vouloir bien me faire
conduire à Alexandrie, pour gagner de là La Mec-
que, 011 je désire demeurer jusqu'à la mort. »
C'était, pour employer une expression modérée,
absolument inexact. Ni La Moricière, ni le duc
d'Aumale n'étaient assez ignorants de la situation
du monde musulman pour laisser espérer à l'émir
qu'il serait conduit ou libre de se retirer aux lieux
saints. Jamais le nom de La Mecque n'avait été
prononcé dans ses entretiens, soit avec le général,
soit avec le prince. Assertion erronée, insinuation
188 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
OU prétention, il y avait dans l'attitude nouvelle
d'Abd-el-Kader un fait qui donnait à réflécliir et
dont la gravité a pu servir de justification, tout au
moins de prétexte à des délais prolongés dont le
gouvernement de Juillet, renversé deux mois après
la reddition de l'émir, ne saurait être, en tout cas,
responsable. A ceux qui reprocheraient encore à
ce gouvernement de n'avoir pas dégagé la parole
de La Moricière, il suffirait de répondre que, de-
venu ministre de la guerre six mois plus lard,
La Moricière ne se crut pas en état de la dégager
lui-même. La sûreté de l'Algérie ne permettait
pas qu'Abd-el-Kader fût rendu sitôt à la liberté.
Ce qui est devenu possible en 18o2 ne l'était pas
en 1848.
Personne n'aurait dû mieux le comprendre que
le général Gliangarnier; il ne l'a pas compris
cependant, si l'on s'en rapporte au récit qu'il a
donné dans ses mémoires d'une visite faite par lui,
le 1 4 mars 1848, au prisonnier du fort Lamalgue.
« Après l'avoir fait prévenir, dit le général, je fus
introduit par le capitaine d'artillerie Boissonnet,
attaché naguère à l'état-major du duc d'Aumale,
qui l'avait placé, en qualité d'interprète, auprès
de l'émir, dont il est devenu l'admirateur et l'ami.
A notre entrée dans la chambre où Abd-el-Kuder
ABD-EL-KADER ET CHANGARNIER. 189
m'attendait en feuilletant un des cinq ou six gros
volumes dont il était entouré, il se leva, dirigea
sur moi ses yeux étincelant d'une ardente curio-
sité, exempte, comme la mienne, de malveillance.
Après m'avoir enveloppé tout entier de son regard,
pendant une minute, dont je profitai pour saisir
l'ensemble de sa belle tète et de sa taille moyenne,
élégante et souple, que la captivité n'avait pas
encore épaissie, il m'offrit, d'un geste gracieux, sa
place habituelle sur un tapis. Je préférai m'asseoir
devant lui dans un fauteuil que le capitaine Bois-
sonnet avait fait apporter. Quand celui-ci se fut
accroupi entre nous, prêt à traduire nos paroles
avec l'exactitude scrupuleuse d'un homme con-
sciencieux, très intelligent, et parlant les deux
langues avec une égale facilité, Abd-el-Kadi r-
abaissa ses paupières ornées de longs cils et sembla
se recueillir dans sa prudence arabe. Il ne tarda
pas à entamer le récit des circonstances qui, « sans
« combat, sans nécessité absolue, l'avaient mis entre
« nos mains, parce qu'il avait cru à notre loyauté ».
Clair dans l'exposé des faits, invincible dans ses
raisonnements, simple et digne dans l'expression
de sa douleur amère, mais contenue, il n'employa
pas un seul mot violent à l'égard du prince « tombé
« à son tour dans le malheur », ni du général (La
190 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Moricière), dont il croyait avoir surtout à se
plaindre. Dans l'entraînement de notre conversa-
tion, il n'hésita pas à parler du massacre des pri-
sonniers, malheureux débris de la colonne Monta-
gnac. Rappelant ses fréquentes absences , son
impuissance à contenir l'exaspération des tribus
marocaines , dont l'hospitalité n'était pas géné-
reuse ni même sûre pour lui, il repoussa énergi-
quement la responsabilité de cet horrible épisode.
Dans notre long entretien, le barbare eut con-
stamment l'avantage de l'éloquence sur le civi-
lisé d'Europe, bien embarrassé d'excuser une
conduite qui humiliait son patriotisme, et de don-
ner des espérances dont la réahsation ne dépendait
pas de lui. »
Abd-el-Kader, de sa personne, va disparaître
des récits qui vont suivre; mais son souvenir,
comme celui du maréchal Bugeaud, s'y retrouvera
toujours. Tous deux ont marqué profondément
leur empreinte dans l'histoire. Européen, Abd-el-
Kader aurait été un très grand homme ; Arabe,
ses quinze années de gouvernement et de guerre
en Algérie l'ont placé hors de pair dans le monde
del'Jslam.
LE DUC D AUMALE ET BUGEAUD. 191
VII
Le 2 janvier 1848, le duc d'Auraale écrivait
d'Alger au maréchal Bugeaud : « Les événements
du Maroc et la vie politique d'Abd-el-Kader ont
eu le dénouement que vous prévoyiez et que je
n'osais espérer. Lorsque ce grand fait s'est accom-
pli, votre nom a été dans tous les cœurs. Chacun
s'est rappelé avec reconnaissance que c'est vous
qui aviez mis fin à la lutte, que c'est l'excellente
direction que vous aviez donnée à la guerre et à
toutes les affaires de l'Algérie qui a amené la ruine
morale et matérielle d'Abd-el-Kader. Qu'il soit
permis à un de vos anciens et modestes lieutenants
de vous offrir, à l'occasion du renouvellement de
l'année, ses vœux personnels et ceux de toute l'ar-
mée que vous avez si brillamment commandée
pendant sept ans. »
Cet hommage délicat que lui rendait son jeune
successeur alla droit au cœur du vieux maréchal.
11 y fut particulièrement sensible. « J'étais certain
192 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
d'avance, répondit-il au prince, que vous pensiez
ce que vousm'écriviez surla chute d'Abd-el-Kader.
Vous avez l'esprit trop juste pour ne pas apprécier
les véritables causes de cet événement, et l'âme
trop élevée pour ne pas rendre justice à chacun.-
Comme tous les hommes capables de faire les
grandes choses, vous ne voulez que votre juste
part de i;loire, et, au besoin, vous en céderiez un
peu aux autres. Dans cette circonstance, mon
prince, vous m'avez beaucoup honoré, mais vous
vous êtes honoré bien davantage. Si votre lettre
pouvait être publiée, elle doublerait l'estime, déjà
si grande, que vous portent le pays et l'armée. »
La reddition d'Abd-el-Kader avait frappé de
stupeur les Arabes; de la frontière du Maroc à la
frontière de Tunis, de la zone maritime au plus
profond du désert, la nouvelle s'était propagée
avec la soudaineté de la foudre. Heureux de sa
fortune présente, le jeune gouverneur général,
d'accord avec Changarnier et Bedeau, s'occupait
de préparer les succès de l'avenir. C'était ce mas-
sif de la Grande Kabylie, trois fois abordé par le
maréchal Bugeaud , plus profondément entamé
l'année précédente, mais encoi e insoumis et même
inconnu sur un large espace, qui captivait ses re-
gards et provoquait son ambition légitime. 11 eût
PROJETS D'AVENIR, 193
été bien que ce fût au fils du Roi, sous qui l'Al-
gérie avait été presque totalement conquise, que
la France dût rachèvement de ce grand ouvrage,
le conoplément définitif de la conquête. Dans les
premiers jours du mois de mai 1 848, les divisions
d'Alger et de Constantine devaient se rencontrer
dans la vallée de l'Oued-Sahel, après avoir obtenu
de gré ou de force, l'une à l'ouest, l'autre à l'est,
la soumission certaine et durable des représentants
les plus belliqueux d'une des races les plus belli-
queuses du monde. Le duc d'Aumale pensait qu'il
était urgent de faire cette expédition sans retard,
avant qu'il survînt quelqu'un de ces événements
imprévus qui bouleversent et détruisent les com-
binaisons les plus habilement faites.
Le i 0 février-, le duc et la duchesse d'Aumale
étaient venus recevoir, au débarcadère d'Algei-,
le prince et la princesse de Joinville. Ces royaux
visiteurs en avaient attiré d'autres; la saison
d'hiver, toujours brillante, était plus animée que
jamais, et les divertissements de toute sorte se
succédaient dans la ville en fête. On touchait à la
fin du mois ; le courrier de France était en retard.
Le 27 février, à six heures du soir, une frégate à
vapeur entra dans le port. Pendant que le contre-
amiral Dubourdieu, commandant de la marine, se
II. 13
194 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
rendait en hâte auprès du gouverneur général, au
palais de Mustapha supérieur, son aide de camp
entrait chez le général Changarnier et lui faisait
lire des dépêches télégraphiques où il était parlé
du mouvement insurrectionnel de Paris, de l'ab-
dication du roi Louis-Philippe et de la régence de
la duchesse d'Orléans. Le surlendemain, les ap-
ports du courrier furent infiniment plus graves :
à la place du gouvernement monarchique, un
gouvernement républicain s'était installé sur ses
ruines.
Le 2 mars, au moment oii le capitaine de fré-
gate Touchard, aide de camp du prince de Join-
ville, venait d'apporter les premières nouvelles de
la famille royale, le duc d'Aumale apprit par le
Moniteur que, proscrit avec toute sa race, il était
remplacé par le général Cavaignac. Dans cette
crise terrible où il était naturel et légitime que ses
préoccupations fussent pour les siens, ce fut à la
France qu'il songea d'abord. Il écrivit au ministre
de la guerre, quel qu'il pût être, de ce gouverne-
ment, quel qu'il fût, afin de lui rendre compte de
la belle conquête et de la belle armée dont la révo-
lution le séparait brusquement.
Voici cette lettre, testament militaire du gou-
verneur général de l'Algérie : a Monsieur le mi-
I
RAPPORT DU DUr: D'AU MALE. 195
nistre , fidèle jusqu'au dernier moment à mes
devoirs de citoyen et de soldat, je suis resté à
mon poste tant que j'ai pu y croire ma présence
utile au service du pays. J'apprends à l'instant,
par le Moniteur, le nom de mon successeur. Sou-
mis à la volonté nationale, je remets le comman-
dement à M. le général Changarnier jusqu'à l'ar-
rivée à Alger de M. le général Cavaignac. Demain,
j'aurai quitté la terre française.
« J'ai eu l'honneur d'appeler votre attention
sur les besoins de la défense des cotes et du ser-
vice des subsistances. Je ne puis que renouveler
mes instances à cet égard. L'armement des batte-
ries, dont j'avais fait entreprendre la construction
il y a deux mois, est commencé. L'artillerie de la
milice s'exerce à la manœuvre et au tir du canon.
J'ai donné à M. l'intendant de l'armée des ordres
pour hâter et augmenter partout les achats de
grains et de viande sur pied.
« Je ne dois pas vous laisser ignorer que, pré-
voyant depuis un mois le cas où la France pour-
rait avoir besoin d'une partie de son armée d'A-
frique pour la porter sur un point quelconque de
l'Italie, j'avais prescrit aux deux commandants
des divisions d'Alger et d'Oran de prendre, sous
des prétextes divers et sans éveiller l'attention,
13.
196 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
des dispositions telles qu'une force effective de
quinze mille baïonnettes, prises dans les plus
vieilles troupes de l'armée, pût être embarquée,
quatre jours après l'ordre donné, dans les ports
d'Alger, d'Arzeu et d'Oran. Ces dispositions sont
etTectuées aujourd'hui.
« La France peut compter sur son armée d'A-
frique. Elle trouvera ici des troupes disciplinées,
braves^ aguerries; elles sauront partout donner
l'exemple de toutes les vertus militaires et du plus
pur dévouement au pays. J'avais espéré partager
leurs dangers et combattre avec elles pour la pa-
trie... Cet honneur m'est enlevé; mais, du fond de
l'exil, tous mes vœux seront pour la gloire et le
bonheur de la France ! »
Puis, avec la même élévation de sentiments,
presque dans les mêmes termes, il dicta ses adieux
aux troupes et aux colons. A l'armée, il disait :
« M. le général Changarnier remplira [)ar intérim
les fonctions de gouverneur général jusqu'à l'arri-
vée, à Alger, de M. le général Cavaignac, nommé
gouverneur général de l'Algérie. En me séparant
d'une armée modèle d'honneur et de courage,
dans les rangs de laquelle j'ai passé les plus beaux
jours de ma vie, je ne puis que lui souhaiter de
nouveaux succès. Une nouvelle carrière va peut-
ADIEUX DU DUC D'AUMALE. 197
être s'ouvrira sa valeur; elle la remplira glorieu-
sement, j'en ai la ferme croyance.
M Officiers, sous-officiers et soldais, j'avais es-
péré combattre encore avec vous pour la pairie!...
Cet honneur m'est refusé; mais, du fond de mon
exil, mon cœur vous suivra partout où vous appel-
lera la volonté nationale; il triomphera de vos
succès; tous ses vœux seront toujours pour la
gloire et le bonheur de la France. »
Il disait aux colons : « Habitants de l'Algérie,
fidèle à mes devoirs de citoyen et de soldat, je
suis resté à mon poste tant que j'ai cru ma présence
utile au pays. Cette situation n'existe plus. M. le
général Cavaignac est nommé gouverneur général
de l'Algérie. Jusqu'à son arrivée à Alger, les
fonctions de gouverneur général par intérim se-
ront remplies par M. le général Changarnier.
Soumis à la volonté nationale, je m'éloigne;
mais du fond de l'exil, tous mes vœux seront
pour votre prospérité et pour la gloire de la
France, que j'aurais voulu pouvoir servir plus
longtemps. »
Le 3 mars, dès les premières heures du jour,
une foule anxieuse, agitée, se pressait sur la place
du Gouvernemenl, dans la rue de la Marine, à
l'embarcadère. Français, Européens, Maures, Juifs,
198 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Arabes, soldats, marchands, ouvriers, matelots,
tous attendaient, sous un ciel sombre, sous une
pluie froide, le départ des nobles exilés. A dix
heures, on les vit apparaître au seuil du palais, le
duc d'Aumale d'abord, le prince de Joinville
donnant le bras à la duchesse d'Aumale, la prin-
cesse de Joinville conduite par le général Changar-
nier. Une rumeur sympathique les accueillit et les
accompagna jusqu'au port, tandis que l'artillerie
de terre et de mer les saluait pour la dernière fois
de la salve royale. « La France, écrivait quelques
jours après le lieutenant-colonel Durrieu, laFrance,
en condamnant ces deux jeunes gens à l'exil,
repousse de son sein deux admirables Français. Je
n'oublierai jamais le trajet de ces deux familles
princières se rendant à pied, dans la boue, du
palais du Gouvernement à la Marine, sans autre
escorte que celle de leurs amis accourus pour sa-
luer une dernière fois ces beaux jeunes gens qu'ils
estimaient et aimaient tant. Cette marche a été un
vrai triomphe. »
Une demi-heure après, à bord du Solo?iy ils s'é-
loignaient dans la direction de Gibraltar. Ils s'é-
loignaient de celte terre algérienne , dont ils
avaient, pour leur part, accru le domaine de la
patrie française. La haine révolutionnaire bannis-
LA SMALA, TANGER, MOGADOR. 199
sait leur personne; elle était impuissante à bannir
leur mémoire. Les noms glorieux de la Smala, de
Tanger, de Mogador, sont de ceux qui ne peuvent
pas être etTacés des annales de la France, même
ingrate.
CHAPITRE IX
L'ALGÉRIE DE 1848 A 1851.
I. — Lettre ilu général Changarnier. — Belle atlitmle de rarinéi- —
Émotion dans quelijues tribus. — Reddition d'Alimed-Key. — Les
Kabylies.
II. — Le général Charoii. — Insurrections au sud-oue.st et au ncd-
est. — Opérations en Kabylie.
III. ^ Zaatcba. — Bou-Ziane. — Échec du colonel Carbuccia. —
Mort du commandant de Saint-Germain.
IV. — Le général Herbillon. — Siège de Zaatcba. — Mort du colo-
nel Petit. — Assaut rei)oussé. — Les Sahariens — Énergie de
Bou-Ziane.
V. — Dispositions d'assaut. — Le colonel Canrobert. — Prise de
Zaatcba. — Mort de Bou-Ziane. — Destiuction de l'oasis.
VI. — Le colonel Caniobert à Nara. — Agitalions en Kabylie. —
Mort du général de Barrai.
VIL — Le général d'Hautiioul. — Ses projets. — Intérim du géné-
ral Pélissier. — Expédition du général de Saint-Arnaud dans la
Petite Kabylie. — Le commandant Flcury. — Le général Camou.
— Résultats de l'expédition.
VIII. — Le général Pélis-ier dans la Kabviie occidentale. — Saint-
Arnaud ministre de la guerrrc. — Le général Randon, gouverneur
de l'Algérie.
Le 3 mars 1848, à onze heures dix minutes ilii
matin, le général Changarnier dicte à l'adresse du
202 LA CONQUETE DE L'ALGERIE.
ministre de la guerre de la seconde république
française la lettre suivante :
« ^lonsieur le ministre, je viens d'accompagner
à bord du Solon M. le duc et madame la duchesse
d'Aumale, M. le prince, madame la princesse de
Joinville et leurs enfants. Sur leur passage, ils ont
trouvé un accueil aussi honorable pour la popula-
tion que pour ces princes dont la jeunesse a été
consacrée au service de l'État.
« L'ordre du jour ci-joint m'investit du gou-
vernement par intérim de l'Algérie.
« A l'instant où j'acquiers le droit de corres-
pondre directement avec vous, mon premier
besoin est de vous prier d'utiliser au service de la
patrie un dévouement éprouvé et qui n'a pas tou-
jours été stérile.
« Je n'étais pas le courtisan du gouvernement
qui vient de tomber et, devant les collèges élec-
toraux, j'ai hautement désapprouvé ses tendances
et sa politique. Je ne puis pas vous dire cependant
que j'aie souhaité sa chute, mais, quand la patrie,
en reniant une décision souveraine, vient peut-
être de s'ouvrir d'immenses horizons de dangers
et de gloire, mes devoirs envers elle ne sont pas
changés, et vous me trouverez toujours prêt à les
remplir avec cette netteté, cette simplicité et cette
LETTRE DE CH A NGARNIE R . 203
ardeur qui, en dehors de toute intrigue et sans
Tappui d'aucune coterie, m'ont acquis dans l'ar-
mée une position dont il convient peut-être d'uti-
liser l'influence.
« Depuis un mois, et dans la prévision des évé-
nements graves que le laborieux réveil de l'Italie
semblait annoncer, le prince gouverneur général
m'avait permis, après avoir étendu sur la province
un réseau de troupes suffisant pour l'occuper et
la contenir, de réunir à Alger et dans un rayon de
douze lieues deux divisions de toutes armes, (ju'on
pourrait embarquer en quaranle-huit heures. Ces
vieilles bandes, intrépides dans le danger, patien-
tes dans la fatigue, ont conservé toute leur disci-
pline et leur ardeur. En Europe, aucunes troupes
ne peuvent leur être comparées en ce moment.
Les provinces d'Oran et de Constantine pourraient
leur adjoindre d'énergiques contingents, et j'ai
l'orgueil de croire que cette armée, partout où
vous la transporteriez sous mes ordres, ferait
pencher la balance en faveur du drapeau de la
France,
« Par une dépêche télégraphique, qui parlant
avec cette lettre la devancera de quelques jours,
je me hâte de demander le commandement de la
frontière la plus menacée. Quelque aptitude pour
204 LA C0N0;ËTE DE L'ALGÈHIE
rorganisation, une expérience éclairée par des
études sérieuses, l'habitude de manier les troupes
^ui m'honorent d'une grande confiance, Famour
passionné de !a gloire, la volonté et l'habitude de
vaincre, me permettraient sans doute de remplir
tous les devoirs qui me seraient imposés.
« Dans ce que j'ose vous dire de moi, ne cher-
chez pas l'expression d'une vanité puérile, mais
l'expression d'un ardent désir de dévouer toutes
mes facultés au service de la patrie.
« L'Italie semble nous offrir le champ de bataille
où les premiers succès, qu'il faut remporter à tout
prix, doubleraient Jes forces de l'armée et la con-
fiance de la France. C'est là que je désirerais
employer tout mon dévouement si sincère; mais
quelque part que vous vouliez bien m'appeler à
servir la patrie, comptez que mon ardeur dévouée
s'efforcerait de justifier la confiance dont vous
m'auriez honoré.
« Cette lettre , souvent interrompue par les
obligations du service, aurait besoin d'être revue;
mais, dictée à mes aides de camp, l'exemplaire
le plus lisible en sera porté au courrier dont je ne
veux pas relarder le départ, sans que je prenne le
temps de corriger l'expression de mes sentiments,
qu'il me suffit de savoir loyaux, et honorables. »
EXCES RÉVOLUTIONNAIRES. 205
La France n'eut pas de guerre à soutenir, mais
le général Changarnier eut le déplaisir de voir une
armée d'observation rassemblée au pied des Alpes
et le chagrin de la voir commandée par le maré-
chal Bugeaud, qn'il détesta d'aulant plus. Quant
à son gouvernement intérimaire, il dura tout
juste huit jours, du 3 au 10 mars. Le général
Cavaignac , nommé gouverneur titulaire, étant
arrivé d'Oran, Changarnier se hâta de s'embar-
quer pour la France.
En étendant jusqu'à la réduction définitive de
la Grande Kabylie, en 1857, cette histoire de la
conquête, nous entendons nous tenir exclusive-
ment dans le domaine des actions de guerre,
écartant de parti pris les faits d'administration
plus ou moins régulière, d'organisation ou de
désorganisation civile. Nous ne dirons donc rien
des saturnales révolutionnaires qui ont déshonoré
les grandes villes, Alger, Bone, Oran, après la
catastrophe de 1848. Honteuses comme partout
ailleurs, elles ont été particulièrement odieuses
en Algérie, devant les Arabes. « Ce n'est pas
ainsi que j'entends la république», disait, des
larmes dans les yeux, le général Cavaignac; et
de son côté le colonel Bosquet écrivait, à propos
de Tenès qui faisait ses manifestations comme les
206 l.A COiSnUËTE DE L'ALGÉRIE.
autres: « C'est une étrange folie qui s'empare de
tous; il semble que, sous prétexte de république,
il faille partout essayer du désordre. La sainte
république est encore mal comprise : quand
sera-t-elle bien pratiquée ? »
Heureusement l'armée sauva la dignité de la
France; entourée, harcelée d'excitations mal-
saines, elle demeura calme, fidèle à ses devoirs,
respectueuse de la discipline. Elle a d'autant
mieux mérité de la patrie qu'elle a dû se ressen-
tir davantage de l'instabilité, on pourrait dire du
désarroi dans le commandement. En sept mois
elle n'a pas eu moins de cinq chefs suprêmes,
intérimaires ou titulaires : Changarnier, du 3 au
10 mars; Cavaignac, du 10 mars au 11 mai;
Changarnier derechef, du 11 mai au 22 juin; le
général Marey, du 22 juin au 22 septembre;
enfin le général Charon qui allait avoir deux
années de gouvernement.
«Cette fantasmagorie de gouverneurs, disait
le lieutenant-colonel Durrieu, nous fait beaucoup
de mal dans l'esprit des Arabes. » Si, au mois de
décembre 1 847, Abd-el-Kader ne s'était pas rendu
à la France, la conquête de l'Algérie eût été, trois
mois plus tard, terriblement compromise. « Les
indigènes résidant à Alger, écrivait Changarnier,
RI MEURS ÉTRANGES. 207
le 5 mars, au ministre de la guerre, se félicitent
entre eux et croient que l'heure des musulmans
va revenir; mais ces Maures dégénérés et pusil-
lanimes n'agiront point et se contenteront de
donner des avertissements aux Arabes vivant
sous la tente et de les pousser à la révolte, quand
ils croiront le moment favorable. »
Le général Cavaignac voulut et crut imposer
aux malveillants par une grande exhibition des
forces militaires réunies immédiatement sous sa
main. Le 26 mars, il leur montra, sur le champ de
manœuvre de Mustapha, dix mille hommes de
belles troupes, et, à leur suite, plus de cinq cents
chefs indigènes : khalifas, bachaghas, aghas,
kaïds, cheikhs. Cependant de tous côtés, de tous
les bureaux arabes arrivaient des informations
sérieuses; un souffle d'insoumission passait dans
les douars. On y accueillait avidement, on y com-
mentait des rumeurs extraordinaires : une inva-
sion marocaine dans l'ouest, l'apparition de Bou-
Maza, la rentrée miraculeuse d'Abd-el-Kader ,
par-dessus tout la guerre maritime, Alger déjà
pris et saccagé par les Anglais. Des Kabyles
étaient descendus de leurs montagnes pour s'as-
surer du fait et tirer, s'il se trouvait exact, quelque
lopin du pillage. Ces nouvelles étaient graves,
208 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
mais tout essai d'insurrection, toute prise d'armes
pouvait être immédiatement réprimée. I/armée
comptait encore plus de soixante- dix mille
hommes; il y avait vingt et un bataillons dans la
province d'Alger, seize dans la province d'Oran,
quatorze dans la province de Gonstantine.
Ce fut vers lo milieu d'avril que les premiers
actes d'insoumission se produisirent au grand
jour; c'était le moment où l'impôt du printemps,
\azekkaty devait être perçu; un certain nombre
de douars refusèrent de l'acquitter, d'abord aux
environs de Médéa, parmi les Righa et les Beni-
Hassen; des meurtres même furent commis. Le
1 3 avril, le général 31arey, à la tète d'une colonne
de deux mille quatre cents hommes, marcha
contre les insoumis qui ne firent d'ailleurs aucune
résistance; en six jours ils versèrent l'impôt exi-
gible et de plus trente-deux mille boudjous d'a-
mende. La tranquillité rétablie dans le Titteri, le
général se porta dans le sud, chez les Ouled-Naïl,
dont il parcourut durant plus d'un mois le vaste
territoire, frappant des contributions, réclamant
l'impôt arriéré, partout obéi; les seuls Ouled-
Sidi-Aïssa n'en furent pas quittes à moins de
(|uarante-cinq mille boudjous; ils étaient de plus
(1 une année en retard. Le général rentra donc
MESURES RÉPRESSIVES, 20»
satisfait à Médéa, le 29 mai, après quarante-sept
jours de promenade.
Dans la province d'Oran, il y eut plus qu'une
promenade; il est vrai que les insoumis n'étaient
rien de moins que les grandes et belliqueuses
tribus des Beni-Ouragh et des Flitla. Les menaces
n'ayant pas d'effet, il fallut en venir aux coups de
fusil. Trois colonnes sorties, la première de Mosta-
ganem, sous les ordres du général Péiissier, la
deuxième d'Orléansville, sous le colonel Bosquet,
la dernière de Mascara, sous le colonel Maissiat,
resserrèrent et poursuivirent les insurgés dans
l'âpre région de l'Ouarensenis. L'expédition dura
un peu plus d'un mois; il n'y eut d'engagement
un peu sérieux que le l7 mai, chez les Cheurfa
qui perdirent quatre-vingts des leurs, tués ou
blessés.
Des opérations dans la province de Constantine
il n'y aurait pas beaucoup plus à dire, si elles ne
s'étaient pas terminées par un coup de théâtre
qui mérita d'attirer l'attention publique. Après
avoir parcouru le Belezma et le Hodna, le colonel
Ganrobert, commandant la subdivision de Batna,
s'était engagé au sud dans le Djebel-Aurès où le
drapeau français ne s'était pas montré depuis trois
ans; aussi les montagnards inclinaient-ils de plus
II. li
210 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
en plus à l'indépendance. La colonne, forte de
deux mille neuf cents hommes, se composait du
43' de ligne, du T régiment de la légion étran-
gère, du bataillon de tirailleurs indigènes de la
province, d'un escadron du 3* chasseurs d'Afri-
que, d'une cinquantaine de spahis, d'une batterie
de montagne et d'un convoi de quatre cent
soixante mulets. Le mouvement avait commencé
le 1 0 mai. Parmi les populations surprises, les unes
avaient fait soumission, les autres, évacuant leurs
dacheras en hâte, essayaient de s'échapper par le
sud dans le Zab.
Averti qu'au nombre des émigrants se trou-
vait l'ancien bey de Constantine Ahmed , le
colonel Canrobert se hâta de faire occuper ou
surveiller par le chef d'escadrons de Saint-Ger-
main, commandant supérieur de Biskra, les
débouchés méridionaux de l'Aurès, et se mit de
sa personne à la poursuite du fugitif. Le 5 juin,
cerné de tous côtés, au nord par la colonne de
Batna, au sud par les goums du commandant de
Saint-Germain, un peu partout par les Kabyles
qui voulaient se faire pardonner leur insoumis-
sion, Ahmed écrivit au colonel Canrobert pour
demander Vamany et, sans même attendre l'effet
de sa lettre, il se remit entre les mains du comman-
REDDITION D'AHMED. 211
dant de Saint-Germain, plus rapproché de lui, de
sorte qu'il en fut d'Ahmed comme d'Abd-el-Kader
qui, ayant voulu se rendre à La Moricière, avait
rencontré d'abord le colonel Montauban. Ce fut à
Biskra, deux jours après, que le colonel Canro-
bert reçut la soumission du personnage consi-
dérable qui, depuis onze ans déchu, ne laissait
pas d'avoir encore des partisans secrets dans
Constanline et d'exercer une influence réelle
dans l'Aurès.
Conduit sous bonne escorte à Alger, Ahmed y
arriva, le 27 juin, avec une suite de soixante
personnes. Ce fut le général Mare y, successeur
intérimaire de Changarnier depuis cinq jours, qui
le reçut. La soumission de l'ancien bey, comme
celle de Bou-Maza, était sincère. Las des aven-
tures, las des privations, las des alarmes, il obtint
d'achever paisiblement, dans Alger même, une
vie déjà longue et longtemps tourmentée.
Cette émotion de printemps n'eut donc pas de
grandes suites. L'été fut assez tranquille, si ce
n'est vers la frontière du Maroc, où le général de
Mac Mahon, commandant la subdivision de Tlem-
cen, eut à rappeler à l'ordre les Hamiane-Gliaraba
d'abord, les Beni-Snousplus tard, et dans les envi-
rons de Bougie, où le général Gentil infligea, les
M.
212 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
5 et 6 juillet, auxMzaïa deux échecs qui les rédui-
sirent à demander grâce et à payer des amendes
effectives.
En fait, pour être un peu moins bloquée qu'elle
ne l'avait été depuis treize ans, Bougie, de même
que ses congénères Djidjeli et Coilo, n'en demeu-
rait pas moins sans communications constantes,
régulières et sûres, avec le reste de l'Algérie.
Gomme des échantillons de minerai dans leur
gangue, elles étaient empâtées dans les montagnes
kabyles. Il y a de la frontière du Maroc à la fron-
tière tunisienne beaucoup de montagnes, et par
conséquent beaucoup de Kabyles, mais Tusage a
prévalu de réserver le nom de Kabyiie à la partie
du littoral comprise entre l'Isser à l'ouest et
l'Oned-Safsaf à l'est; et dans celte partie même
on distingue la Grande Kabyiie ou Kabyiie du
Djurdjura, de la Petite Kabyiie ou Kabyiie des
Babors. Elles sont séparées l'une de l'autre par le
cours de l'Oued-Sahel qui, sous le nom d'Oued-
Soummam, se jette dans la mer au-dessous de
Bougie. Bougie se trouve donc à la limite des
deux Kabylies. La Grande est une forteresse
énorme qui a pour escarpe au sud le Djurdjura et
rOued-Sahel pour fossé. Au nord, entre le Djur-
djura et les montagnes moins élevées qui bor-
LES KABYLIES. 213
dent la côte , court de l'est à l'ouest, en sens
inverse de l'Oued-Sahel, l'Oued-Sebaou. Les cimes
neigeuses du Djurdjura sont les plus hautes de
l'Algérie; la plus élevée, le pic de Lellà-Khedidja
se dresse à 2,308 mètres au-dessus du niveau de
la Méditerranée. Dans la Petite Kabylie, la chaîne
des Babors semble être le prolongement oriental
du Djurdjura; ses deux principaux sommets, le
Grand Babor et le Tababor se tiennent entre
1,960 et 1,970 mètres. Des cours d'eau de celte
contrée le plus important est l'Oued-Kebir qui est
le Roummel de Constantine.
Dans sa partie moyenne et par sa rive gauche,
rOued-Kebir longe la montagne du Zouagha où
dominait de tout temps l'autorité des Ben-Azzed-
dine. Les chefs de cette puissante famille étaient,
en 1848, deux frères, Mohammed et Bou-Ghe-
nane , qui, depuis l'installation des Français à
Mila, n'avaient pas cessé de prendre à leur égard
une attitude équivoque. Il leur était souvent arrivé
de molester les tribus soumises à la France. Au
mois d'août, le général Herbillon, commandant la
province de Constantine, fit marcher contre eux.
une colonne de treize cents hommes sous les
ordres du colonel Jamin. La résistance de ces
Kabyles fut assez vive et assez prolongée pour que
214 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
le général crût devoir se porter avec des renforts
sur le théâtre des opérations. Les affaires du 8 et
du 9 septembre furent décisives. Les deux Ben-
Azzeddine firent leur soumission, payèrent une
amende et parurent accepter si sincèrement la
suprématie française que l'aîné, Mohammed, fut
institué par le général Herbillon kaïd duZouagha.
LE GÉNÉRAL CHARON. 215
II
Quand, vers la fin du mois de septembre 1 848,
le général Charon prit possession du gouverne-
ment de l'Algérie, les dernières troupes qui
venaient d'opérer sur les divers points où l'ordre
avait été momentanément troublé, rentraient dans
leurs cantonnements. Diminuée d'un certain nom-
bre de corps qui avaient été rappelés en France,
l'armée d'Afrique, au 1" janvier 1 849, se compo-
sait de quarante-six bataillons, de vingt-huit
escadrons, de vingt et une batteries; en y ajou-
tant les détachements du génie et du train des
équipages, les tirailleurs indigènes et les spahis,
l'effectif était de 2,742 officiers, de73,929 hommes
de troupe, de i 2,000 chevaux et de 4,500 mulets.
Les instructions données par le ministre de la
guerre au gouverneur général lui recommandaient
de s'abstenir autant que possible d'opérations
trop étendues et de se borner à des tournées de
police, destinées surtout à hâter le recouvrement
216 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
des contributions en retard et des impôts cou-
rants. C'eût été à merveille si les indigènes n'eus-
sent pas forcé le gouverneur et ses lieutenants à
transgresser, bon gré, mal gré, les instructions dn
ministre. Au printemps de 1849, une fièvre d'a-
gitation, beaucoup plus intense qu'en 1848, se
propagea parmi les populations d'un bout du pays
à l'autre; mais il n'y avait plus ni un Abd-el-
Kader, ni même un Bou-Maza pour coordonner
jusqu'à un certain point leurs efforts. Au lieu
d'une révolte générale, il n'y eut que des insurrec-
tions partielles. Les foyers principaux, allumés,
excités, entretenus par des chérifs et des mara-
bouts, étaient signalés, d'une part, au sud -ouest,
sur les confins du désert, de l'autre au nord-est,
autour de la Kabylie.
Sur le premier point, l'agitateur était Sidi-
Cheikh-ben-Tayeb, chef vénéré de la grande tribu
dont il portait le nom. Enflammés par ses prédi-
cations, les nomades de la région des Chott, les
Hamiane, avaient quitté leurs campements, tué
leur kaïd qui voulait s'opposer au mouvement, et
s'étaient groupés autour du marabout provoca-_
teur. Il était à craindre que la fidélité des tribus
soumises qui s'étaient repliées au nord, entre le
Tell et les Hauts-Plateaux, ne fût tôt ou tard
LE GÉNÉRAL PÉLISSIER. 217
ébranlée par l'exemple et ne cédât à des menaces
et même à des commencements de razzia. Dans
ces conjonctures, le général Pélissier, commandant
la province d'Oran, n'hésita pas. Autorisé par le
gouYerneur, qui n'hésita pas davantage, il orga-
nisa deux colonnes, l'une à Mascara, sous son
commandement personnel, l'autre à Tlemcen,
sous les ordres du général de Mac Mahon. La
premièie était forte de deux mille trois cents
hommes, la seconde en comptait dix-huit cents;
deux convois, comprenant ensemble plus de deux
mille chameaux, porlaient les réserves de vivres,
d'eau et de munitions. Avec elles marchaient les
goums des tribus fidèles. Les opérations, com-
mencées dans la seconde quinzaine du mois de
mars, se prolongèrent jusque dans les premiers
jours de mai. Il n'y eut pas d'action sérieuse,
parce que les Hamiane, fuyant devant les Fran-
çais, finirent par se réfugier sur le territoire du
Maroc. Arrivé dans la région montagneuse des
Ksour, à la limite du Sahara, le général Pélissier
fit un premier exemple sur Tioute, qui avait fermé
ses portes aux coureurs de la colonne et qu'on
savait êlre le principal dépôt des approvisionne-
ments de Ben-Tayeb. Le ksar était évacué, mais les
maisons étaient remplies de blé, d'orge, de dattes
218 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
et de raisins secs. Pendant trois jours elles furent
vidées, au profit des troupes, et surtout des
auxiliaires. Moghar-Talitani et Moghar-Foukani,
qui avaient, en 1847, massacré les parlementaires
envoyés par le général Cavaignac, furent pillés et
rasés, à l'exception des mosquées et des koubbas ;
les jardins furent détruits, les palmiers abattus.
Aïn-Sefra, Aïn-Sfisifa, moins coupables, ne furent
pas aussi rigoureusement traités; mais leurs
magasins d'orge et de blé furent vidés comme
ceuxdeTioute. Avant de regagner le Tell, le géné-
ral Pélissier constitua deux colonnes mobiles, l'une
à El-Aricha, l'autre au Kheider, afin d'empêcher
les émigrants de rentrer sur leur territoire sans
avoir fait leur soumission d'abord. Deux mois
plus tard, celte condition ayant été acceptée par
la plus grande partie des dissidents, les colonnes
mobiles furent rappelées dans leurs garnisons
accoutumées.
Pendant que les généraux Pélissier et Mac
Mahon opéraient dans le sud-ouest de la province
d'Oran, les Ouled-Djounès du Dahra, les Ouled-
Deradj du Hodna, les Beni-Selim du Titteri,
avaient été respectivement ramenés à l'obéissance
par le général Bosquet, par les colonels Carbuccia
et de Barrai, agissant de concert, et par le colonel
OPÉRATIONS EN KABYLIE. 219
Daumas. Ces tribus inquiètes avaient été facile-
ment soumises; mais à mesure qu'on se rappro-
chait de la Kabylie, on rencontrait plus d'agita-
tion, plus de résistance, plus d'obstacles, et la
répression exigeait une action plus vigoureuse.
Trois opérations, l'une intérieure, les deux autres
extérieures, durent être exécutées presque simul-
tanément dans cette région difficile.
L'opération intérieure fut la première en date.
Elle eut pour base Bougie, qui était pour la cen-
tième fois serrée de près par les Kabyles. Venu
d'Alger par mer avec des renforts, le général de
Saint-Arnaud sortit, le 13 mai, de la place, à la
tête d'une colonne de dix huit-cents hommes, pour
attaquer dans les montagnes la confédération des
Beni-Slimane, la plus puissante et la plus hostile
aux Français. Dans le même temps, le général de
Salles, commandant la subdivision de Sélif, se
mettait en marche avec des forces plus imposantes,
trois mille cinq cents hommes, atin de prendre à
revers, par le sud, les Beni-Slimane que Saint-
Arnaud abordait par le nord. Comme les Kabyles,
bien informés, voulaient prévenir à tout prix la
jonction des deux colonnes, ils se jetèrent, le
21 mai, sur la plus faible; mais s'ils lui firent subir
des pertes assez sensibles, ils ne réussirent pas à
220 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
l'entamer, et la jonction s'opéra, dans cette jour-
née même, en dépit de leurs etïorts. Néanmoins,
ils refusèrent de s'avouer vaincus, et, jusqu'au
3 juin, ils combattirent; enfin, voyant leurs jar-
dins détruits, leurs arbres coupés, leurs villages
en flammes, ils cédèrent au vainqueur et subirent
une lourde contribution de guerre.
La première des opérations extérieures, diri-
gée par le général Blangini, avait indirectement
aidé à la précédente en appelant ou en retenant
sur le revers méridional du Djurdjura des contin-
gents qui auraient pu, sans cette diversion, se join-
dre aux Beni-Slimanc; mais le but particulier du
général était le châtiment de deux des tribus les
plus turbulentes de la subdivision d'Aumale, les
Beni-Yala et les Guechtoula. Ceux-ci, adossés au
Djurdjura, donnaient asile à tous les fanatiques, à
tous les réfractaires, à tous les ennemis de l'auto-
rité française, La colonne sortie d'Aumale était
forte; elle comprenait quatre mille quatre cents
hommes, sans compter les goums deMahi-ed-Dine
et de Bel-Kassem. A peine eut-elle atteint Bordj-
Bouira que les Beni-Yala s'empressèrent de de-
mander \\ima7i et de payer les impôts arriérés;
mais les Guechtoula s'obstinèrent avec d'autant
plus d'arrogance qu'ils venaient d'être renforcés
LE CxÉNÉRAL BLANGLM. 221
par un gros contingent de Zouaoua, que leur avait
amenés Si-Djoudi, l'un des chefs les mieux obéis
de cette confédération belliqueuse et puissante. Un
premier engagement eut lieu, le 19 mai, à Bordj-
Boghni. Le lendemain, le général Blangini fit em-
porter la zaouïa de Sidi-Abd-er-Rahmane par les
zouaves du colonel Canrobert et les tirailleurs in-
digènes. Le 21 , le marabout de la zaouïa vint, au
nom des Guechtoula, demander grâce, pendant
que Si-Djoudi et ses Zouaoua, pleins de mépris
pour ces prétendus guerriers, si prompts à se sou-
mettre, regagnaient dans l'intérieur du pays leurs
montagnes. D'après les renseignements fournis
par les vaincus, la colonne avait eu, le 19 et le
20 mai, plus de onze mille fusils en face d'elle ; les
pertes que le feu lui avait fait éprouver étaient de
onze hommes tués et de cent cinq blessés. Après être
allée se ravitailler à Dellys, elle s'engagea dans la
vallée du Sebaou. Depuis deux ans, les Flissa
avaient oublié de payer l'impôt; quelques coups
d'obusier leur rendirent la mémoire; quand ils
eurent acquitté leur dette, la colonne reprit le
chemin de ses cantonnements et le général Blan-
gini celui d'Alger.
La seconde opération extérieure eut pour théâ-
tre, beaucoup plus à Test, la vallée de l'Oued-
222 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE,
Kebir et le cercle de Philippeville. Un chérif, pré-
dicateur de guerre sainte, y était apparu, "vers la
fin d'avril ; c'était un Marocain, khouan de la secte
de Mouley-Tayeb; il se nommait Ahmed-ben-
Jamina. En peu de temps, il avait réuni deux cents
cavaliers et quinze cents hommes de pied, avec
lesquels il se faisait fort d'enlever le camp d'El-
Arouch. Sa tentative échoua sans que l'échec fît
tort à son influence, de sorte que tous les monta-
gnards des environs de Philippeville et de Gollo,
même ceux du Zouagha, excités par les frères
Ben-Azzeddine, se déclarèrent en faveur du chérif.
A la nouvelle de cette insurrection, le général
Herbillon, commandant la province de Constantine,
réunit un corps expéditionnaire de quatre mille
deux cents hommes, à la tète duquel il marcha
d'abord contre le Zouagha qui ne fit pas une lon-
gue résistance, les Ben-Azzeddine ayant eu soin
de se dérober, puis contre les autres adhérents de
Ben-Jamina. Sur ces entrefaites, le chérif, qui s'é-
tait aventuré avec peu de monde à trois lieues
seulement du camp de Smendou, fut surpris et
tué par une reconnaissance sortie du camp. Ce dé-
nouement subit d'une intrigue d'ailleurs peu com-
pliquée permit au général Herbillon de transfor-
mer selon les instructions ministérielles, en simple
LE COLONEL CANROBERT, 223
tournée de police une opération qui avait dû
commencer par être une exécution militaire.
Au moment même où la colonne rentrait à Con-
stantine, le colonel Canrobert se disposait à sortir
encore une fois d'Aumale, afin de punir ces turbu-
lents et fantasques Beni-Yala, qui, moins de six
semaines auparavant, faussant compagnie aux
Guechtoula, s'étaient tirés d'affaire vis-à-vis du
général Blangini avec des assurances et des pro-
messes auxquelles ils ne s'étaient pas moins em-
pressés de faillir. Le colonel réunit donc deux de
ses bataillons de zouaves, conduits le 1" par le
commandant de Lorencez, le 3* par le comman-
dant de Lavarande, deux autres bataillons d'infan-
terie, un du 12* de ligne, l'autre du 51% une sec-
tion d'artillerie de montagne, un petit détachement
de sapeurs, un escadron de spahis, une compagnie
du train. L'effectif de la colonne était de soixante-
cinq officiers et de deux mille sept cent quatre-
vingts hommes de troupe. Sortie d'AumalC;, le
2 juillet, elle arriva, le 4, au pied d'un contrefort
du Djurdjura, au-dessusduquel s'élevaient les prin-
cipaux villages des Beni-Yala, Sameur, Amboude,
Adjiba. Sameur était protégé par un retranchement
en pierres sèches couronné d'un amas de brous-
sailles épineuses, d'un développement de cent
224 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
cinquante mètres. Le 5, à deux heures du matin,
deux compagnies de zouaves, soutenues par le ba-
taillon du commandant de Lorencez, se lancèrent
à l'attaque sous une grôle de balles, tournèrent le
retranchement et refoulèrent les défenseurs dans
le village que canonnait la section de montagne.
Sameur et Amboude furent successivement enlevés
et livrés aux flammes. Quelques heures après,
abordé par le bataillon du 51% Adjiba subit le
même sort. Le soir venu, les troupes d'attaque
rentrèrent, sans être inquiétées, au bivouac. Le 8,
les Beni-Yala demandèrent grâce et payèrent une
forte amende.
Tout semblait pacifié dans ces parages, quand
le colonel Canrobert, qui était venu bivouaquer,
leiO juillet, au delà du picd'Akbou, apprit qu'une
autre tribu importante, les Beni-Mellikeuch, sur-
excités par l'arrivée de Si-Djoudi à la tête de
deux ou trois mille Zouaoua, s'étaient décidés à
repousser tout accommodement avec les Français.
Bientôt, en effet, Si-Djoudi fit déclarer ofTicielle-
ment au colonel qu'ayant pris sous sa protection
les Beni-Mellikeuch, il voulait bien lui permettre
de faire sa retraite, pourvu que le colonel s'enga-
geât à n'inquiéter pas ses protégés. A cette som-
mation insolente le colonel répondit le lendemain,
ZOUAVES ET ZOUAOUA. 225
1 2 juillet, dès la pointe du jour, par un assaut
général donné aux retranchements desBeni-Melli-
keuch. Les zouaves sur les ailes, le 1 2* et le 51 ' au
centre s'élancèrent, et, après une lutte violente,
dépostèrent Tennemi. La résistance fut surtout
acharnée sur la droite, au village d'Aïach, où le
principal chef du pays, Si-el-Kerib, avait sa mai-
son. Les zouaves du 3^ bataillon et lesZouaouas'y
battirent corps à corps, à coups de baïonnette et
de yatagan, à coups de crosse, à coups de pierres.
Deux fois le village fut pris et repris ; mais enfin les
zouaves en demeurèrent maîtres. Ils eurent dans
ce combat huit tués et trente-quatre blessés. Le
soir, les Beni-Mellikeuch firent leur soumission, et
Si-Djoudi s'éloigna, les maudissant comme il avait
maudit les Guechtoula naguère.
Le 18 juillet, le colonel Canrobert regagna son
poste d'Aumale. Il en devait bientôt repartir pour
aller prendre sa part d'action, d'éclat et de gloire
dans l'un des épisodes les plus dramatiques de la
guerre algérienne.
15
226 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉUIE.
III
A quarante kilomètres au sud-ouest de Biskra,
sur la limite indécise du Zab-Dahraoui ou du nord,
et du Zab-Guebli ou du sud, se trouvait un groupe
de ksour peu visités des Arabes, à peine connus
des Français. Dans ses Souvenirs de la campagne
des Ziban, le capitaine Charles Bocher a tracé
de ces ksour, en quelques traits de plume, une es-
quisse parfaite. « Qui a vu, dit-il, un de ces cen-
tres de population les connaît tous. Partout on y
retrouve des forêts de palmiers qu'arrosent des
rigoles combinées avec beaucoup d'art, et où se
réunissent les eaux, soit d'une rivière voisine de
l'oasis, soit de sources naturelles et jaillissantes.
Au milieu de ces forêts où l'on ne pénètre que par
de rares sentiers, des espacesplus ou moins étendus
sont occupés par des villages, par des villes même,
dont les habitations sont construites ordinairement
en briques cuites au soleil. Plusieurs de ces ksour
ont une muraille d'enceinte protégée par un fossé
L'OASIS DE ZAATCHA. 227
plein d'eau et qu'entourent un grand nombre de
jardins fermés de murs. »
L'un d'eux, le principal, portait le nom de Zaat-
cha. « Une forêt de palmiers, continue le témoin
que nous venons de citer, l'entoure de tous côtés
et ne laisse même pas découvrir le minaret de sa
mosquée. A la lisière du bois, on voit une zaouïa,
auprès de laquelle un groupe de maisons forme
comme un ouvrage avancé de la place. En partant
de la zaouïa pour pénétrer dans l'oasis, on est
arrêté, dès les premiers pas, par une infinité de
jardins enclos de murs à niveaux différents, la plu-
part coupés par des canaux d'irrigation, et com-
prenant, outre les palmiers, toute sorte d'arbres
fruitiers qui gênent la vue et rendent toute recon- •
naissance impossible. Les rares sentiers qui mènent
à la ville sont resserrés entre les murs de ces jar-
dins, et ce n'est qu'après de nombreux détours que
l'on arrive à lin fossé large de sept mètres, profond,
encaissé et entourant la forteresse d'un infranchis-
sable obstacle. Au delà se présente l'enceinte bas-
tionnée et crénelée à différentes hauteurs pour
favoriser la multiplicité des feux. A l'intérieur,
de grandes maisons carrées, percées seulement
au dehors de petites ouvertures servant de cré-
neaux, sont merveilleusement disposées pour les
15-
228 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ressources extrêmes de la défense. Enfin, les murs
des premiers jardins construits au bord du fossé
forment déjà comme une première enceinte, et,
encore au delà, un petit mur à hauteur d'appui
règne autour de la moitié de la ville, accessoire
de l'obstacle principal, qui est la muraille bas-
tionnée. Une seule porte donne entrée dans la
place, du côté de la profondeur de l'oasis;
elle est défendue par une grande tour crénelée
dont les feux dominateurs en couvrent toutes les
approches. »
Dans la forêt de palmiers qui entourait Zaatcha
se trouvait comme englobé, à un kilomètre seule-
ment de distance, le ksar de Lichana. Presque
aussi voisins étaient les ksour de Farfar, de Bou-
Chagroune et de Tolga.
La paix assurée par l'autorité française, la sé-
curité des chemins, la facilité des relations
commerciales avaient accru dans les Ziban l'ai-
sance des populations ksouriennes; les dattes se
vendaient bien ; aussi le bureau arabe de Biskra
s'était-il cru légitimement en droit d'élever de
vingt-cinq à quarante centimes par tête d'arbre
en plein rapport l'impôt des palmiers; et, de fait,
la taxe nouvelle avait été perçue sans difficulté
d'abord. Peu à peu, cependant, des réclamations
LE CHEIKH BOU-ZIANE. 229
s'étaient produites et des symptômes d'agitation
avaient été signalés.
On ne tarda pas à savoir qui était le principal
auteur de cette fermentation encore sourde. C'é-
tait un habitant de Zaatcha, nommé Bou-Ziane.
Comme presque tous les Biskris, il avait fait, dans
sa jeunesse, le voyage d'Alger, où il avait exercé
le métier de porteur d'eau. De retour au ksar? in-
telligent et actif, il avait su grossir son pécule, de
sorte qu'il était devenu un personnage relative-
ment riche et considéré. En 1833, le bey de Con-
stantine, Ahmed, ayant voulu punir Zaatcha ré-
volté, la bravoure de Bou-Ziane acheva de le
mettre en évidence. Quand l'autorité d'Abd-el-
Kader s'étendit pendant un certain temps sur le
Zab-Dahraoui, Bou-Ziane exerça, en son nom,
dans sa ville natale, les fonctions de cheikh qu'il
dut résigner plus lard, lorsque la domination
française fut substituée à celle de l'émir. Bou-Ziane
n'aimait donc pas les Français et ne se cachait pas
de propager autour de lui le ressentiment qui l'ani-
mait contre eux.
Vers la fin du mois de juin 1849, le lieutenant
Seroka, adjoint au bureau arabe de Biskra, était
en tournée dans le Zab-Dahraoui; il avait avec
lui le cheikh de Lichana et sept ou huit sf)ahis. In-
230 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
formé de la propagande exercée par Bou-Ziane et
de l'agitation qu'elle avait déjà produite, l'officier
résolut d'enlever l'agitateur. 11 entra donc dans
Zaatclia et le fit saisir ; mais les habitants ameutés
délivrèrent leur ancien cheikh, et ce fut le capteur
qui se vit au moment d'être fait prisonnier à son
tour : il eut toutes les peines du monde à se tirer
d'affaire.
Le résultat de cette échauffourée malencon-
treuse fut l'insurrection déclarée de Zaatcha et des
ksour voisins. La garnison de Biskra était trop fai-
ble pour qu'il fut permis à son chef, le comman-
dant de Saint-Germain, de pensera réduire les in-
surgés. Il dut se borner à couper leurs communi-
cations avec l'Aurès et se hâla d'avertir Batna,
chef-lieu de la subdivision dont Biskra dépendait
avec les Ziban. Malheureusement, le commandant
supérieur, le colonel Carbuccia, du 2 régiment de
la légion étrangère, se trouvait engagé dans le
Hodna contre une tribu rebelle. Ce ne fut qu'après
avoir rétabli l'ordre de ce côté que le colonel put
se diriger à marches forcées vers le sud. Bou-
Ziane et son lieutenant Si-Moussa n'avaient pas
manqué de mettre le temps à profit pour recruter
de nouveaux adhérents et renforcer leurs travaux
de défense.
PREMIÈRES HOSTILITÉS. 231
La colonne française, formée du 3^ bataillon
d'Afrique, de deux bataillons du 2' étranger, de
deux escadrons du 3' chasseurs d'Afrique, d'un
demi-escadron de spahis, d'une batterie de mon-
tagne et d'un petit détachement de sapeurs, avait
un effectif de soixante officiers, de seize cent quatre-
vingt-dix hommes de troupe et de trois cents che-
vaux. Après avoir touché barre à Biskra, elle
apparut, le 1 6 juillet, à cinq heures du matin, sur
la lisière des oasis de Zaatcha et de Lichana. A
celte apparition, les gens de Lichana, de Bou-
Chagroune, de Tolg.i, de Farfar, prirent peur et
firent leur soumission, mais de Zaatcha rien ne
vint. A sept heures, le thermomètre marquait déjà
soixante degrés; les troupes cherchaient un abri
sous les palmiers de Farfar, quand une vive fusillad e
éclata. Le goum de Biskra, qui s'était avancé vers
Zaatcha en reconnaissance, ramené en désordre,
entraînait dans son mouvement de retraite les
compagnies de grand'garde, et l'engagement me-
naçait de devenir général. Au gré du colonel
Carbuccia, il était prématuré; le clairon donnais
signal de cesser le feu : de leur côté, les insurgés,
craignant de s'aventurer en plaine, se replièrent
dans les jardins. Cependant des nouvelles graves
arrivaient au colonel; de Bou-Sâda,de l'Aurès, des
232 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ksour, de nombreux contingents étaient en marche;
ils devaient entrer dans Zaatcha la nuit suivante.
Dès lors, si l'on ne voulait pas se retirer sur Biskra,
il n'y avait [)lus qu'à tenter immédiatement un
coup de main.
Deux colonnes d'attaque furent formées : un
bataillon de la légion, sous les ordres du comman-
dant de Saint-Germain, devait enlever la zaouïa,
pendant que le bataillon d'Afrique se porterait di-
rectement sur le ksar. A trois heures après midi,
sous un soleil ardent, le mouvement commença,
protégé par l'artillerie. La zaouïa ne fit pas grande
résistance; après une seule décharge, ses défen-
seurs disparurent. On les suivit à la course dans le
dédale des jardins, on sauta par-dessus les rigoles,
on escalada les petits murs ; mais tout à coup les
assaillants s'arrêtèrent : un fossé large et profond
les empêchait d'aller plusloin, et plus loin se dres-
sait la muraille haute, crénelée, couronnée d'une
ligne de feu. En vain les sapeurs accumulaient
dans le fossé les fascines ; des quelques braves qui
le traversèrent à la nage, le lieutenant Mangin re-
vint seul. Le commandant de Saint-Germain fit
avancer un obusier; les obus entraient dans le
mur d'argile sans y faire brèche ; au neuvième coup
l'affût se brisa. A l'autre attaque, empêché parles
ATTAQUE MANQUÉE. 233
mêmes obstacles, le bataillon d'Afrique ne fut pas
plus heureux. Après un dernier effort tenté parles
deux colonnes réunies, le colonel Carbucciadutse
résigner à faire sonner la retraite; les assaillants
se replièrent, emportant leurs blessés et leurs
morts, cent dix-sept des premiers, trente et un des
autres. Pendant trois jours, le colonel demeura au
bivouac, avec l'espoir de prendre en rase cam-
pagne une revanche dont l'ennemi lui refusa la
chance. Le 19 juillet, à quatre heures du soir, la
colonne, précédée du convoi et de l'ambulance, re-
prit le chemin de Biskra.
Du coup de main manqué sur Zaatcha il fut, en
1849, comme en 1836 du coup de main manqué
surConstantine. L'elTet moral, parmi les indigènes,
fut profond et immense. En 1849, la réparation
ne se fit pas aussi longtemps attendre qu'en 1 836 ;
mais elle se fit attendre trop longtemps encore; le
retard n'en doit cependant pas être imputé aux
hommes : ce fut le terrible été qui en fut la cause.
Cette inaction forcée devait fatalement profiter aux
insurgés de Zaatcha. L'aire de l'insurrection allait
s'étendant tous les jours; après Lichana, Buu-Cha-
groune, Tolga, Farfar, qui n'avaient pas manqué
de s'y rallier avec enthousiasme, elle avait gagné
tous les Ziban, atteint à l'ouest les Ouled-Naïl, au
234 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
nord-ouest le Hodna, au nord les Kabyles de l'Au-
rès. Il y avait là un marabout, Si-Abd-el-Afid, qui
ne cessait de prêcher la guerre sainte. Vers la mi-
septembre, il réunit quatre ou cinq mille Kabyles
et descendit sur Biskra, par la vallée de l'Oued-el-
Abiod.
Le commandant de Saint-Germain avait reçu
quelque renfort. Le 4 7, il marcha résolument à la
rencontre du marabout, qu'il trouva campé à Se-
riana, au débouché de l'Oued-el-Abiod dans le
Zab. Seriana, situé à vingt kilomètres à l'est de
Biskra, n'était pas unksar; ce n'était qu'un groupe
de sept ou huit cabanes. Le commandant n'avait
guère avec lui que trois cents hommes de la légion
étrangère, soixante-dix chasseurs d'Afrique, une
cinquantaine de spahis et deux cents chevaux
arabes. A quatre heures du soir, il fit commencer
la charge; mais au passage de la rivière, il tomba
raide raorl, frappé de deux balles à la tête. Le ca-
pitaine Souville, de la légion, prit aussitôt le com-
mandement, aborda vigoureusement l'ennemi, lui
tua plus de deux cents hommes et le poussa vive-
ment en déroute. Dans la lente du marabout, qui,
pour être plus léger à la fuite, s'était mis presque
nu, on tiouva son burnous, son haïk, sa gan-
doura, sa djebira; sur le champ de bataille, on ra-
MORT DE SAINT-GERMAIN. 235
massa des drapeaux, des fusils, des chevaux, des
mulets, des munitions, des approvisionnements de
toute sorte. Du côté du vainqueur, il n'y avait que
dix blessés et quatre morts; mais l'un des quatre
était le commandant de Saint-Germain ; la perte
était grave, et ce fut un regret général dans toute
l'armée d'Afrique.
L'été finissait; la saison devenait favorable; il
était grand temps de marcher sur Zaatcha. Par
malheur, le choléra, ce terrible choléra de 1849
qui venait d'enlever le maréchal Bugeaud à la
France, avait étendu à l'Algérie ses ravages. Dans
la division de Constantine, sur un effectif de deux
mille six cents hommes, le 8' de ligne comptait à
peine douze cents disponibles, et des deux mille
hommes du 2° étranger, huit cents tout au plus
étaient en état de faire campagne. Répondant à
l'appel du général Herbillon, le gouverneur lui en-
voya par mer, d'Alger à Philippeville, le o* batail-
lon de chasseurs, et fit passer d'Aumalc à Sétif le
colonel Canrobert avec le 1" bataillon de zouaves.
Avant de descendre dans le Zab, le commandant
supérieur de la province de Constantine avait du
laisser au général de Salles, son remplaçant intéri-
maire, des forces suffisantes pour assurer partout
l'ordre et tenir les malintentionnés en crainte.
236 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Comme c'était la région du Hodna et de Bou-Sâda
qui était la plus suspecte, le colonel de Barrai s'y
était transporté avec une colonne de deux mille
cinq cents hommes.
Toutes ces précautions de sûreté prises, le gé-
néral Herbillon ne put d'abord réunir, pour l'ex-
pédition dont il s'était réservé le commandement,
qu'une force de quatre mille cinq cents hommes,
ainsi composée : un bataillon du 8* de ligne, deux
bataillons du 43% le 5' bataillon de chasseurs, le
3° bataillon d'Afrique, un bataillon du 2^ étranger,
le bataillon de tirailleurs indigènes delà province,
quatre escadrons du 3' chasseurs d'Afrique et du
3' spahis, une batterie de campagne, deux sections
de montagne, trois mortiers, une section de fusils
de rempart, un détachement du génie, un détache-
ment du train des équipages. Il y avait de plus un
convoi de munitions et de vivres, escorté d'un
goum qui faisait nombre. Parties de Constantine,
du 24 au 25 septembre, arrivées le 28 à Batna, le
4 octobre à Biskra, les troupes firent halte le 7, à
huit heures du matin, en vue des palmiers qui
couvraient Zaatcha.
LE GÉNÉRAL HERBILLON. 237
IV
Le campement s'établit au nord-est, sur la pente
d'un mamelon découvert, au pied duquel sourdait
un ruisseau dont l'eau n'était pas trop saumâtre.
Pendant ce temps, la cavalerie au nord, le goum
au sud, firent la reconnaissance de l'oasis. Ces
préliminaires achevés, le général Herbillon donna
l'ordre d'occuper lazaouïa. La colonne d'attaque,
formée d'éléments eqipruntés aux divers corps
d'infanterie légère, et conduite par le colonel Car-
buccia, en eut bientôt délogé les Arabes; maisen-
traînéspar le mouvement du combat, les chasseurs
et les zéphyrs particulièrement s'aventurèrent
dans les jardins, sans guide, sans prudence, de
sorte que, fusillés presque à bout portant par des
tireurs invisibles, ils furent obligés de reculer sans
avoir eu le temps d'emporter tous leurs morts ni
tous leurs blessés. Quelques-uns de ces malheu-
reux, — détail horrible, — furent achevés, sous
les yeux de leurs camarades impuissants à les
238 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
sauver, par des femmes qui étaient venues, en
habits de fête, se mêler aux défenseurs de Zaat-
cha. Vingt-quatre morts et quarante-sept blessés
furent les victimes de cette malheureuse affaire.
De tout le jour la fusillade ne cessa pas; le soir
venu, on ne comptait pas moins de treize officiers
à l'ambulance; parmi eux le capitaine Marmier,
chef du bureau arabe deBatna, avait un œil perdu.
En dépit du feu et des obstacles, le génie et
l'artillerie n'avaient ménagé ni le temps ni la
peine. En avant de la zaouïa, le colonel Petit
avait construit, à cent trente mètres du ksar,
l'épaulement d'une place d'armes que le colonel
Pariset arma, pendant la nuit, d'une batterie com-
posée d'une pièce de 8, d'un obusier de campa-
gne et de trois pelits mortiers. Le 8' et le 43'
relevèrent la colonne Garbuccia et fournirent la
garde de tranchée. Le 8 octobre, à dix heures
du matin, l'artillerie ouvrit son tir dont l'effet fut
à peu près nul, les boulets et les obus épuisant
leur force sur les troncs des palmiers. Envoyé,
pendant la canonnade, en reconnaissance sur la
gauche, le commandant Bourbaki, des tirailleurs
indigènes, s'avança jusqu'au bord du fossé, sous
un feu nourri qui lui fit perdre, en quelques in-
stants, cinq morts, dont un officier, et vingt-cinq
\Â C
OLONEL PETIT. 239
blessés. Le soir, le colonel Carbuccia reprit le ser-
vice de tranchée. Pendant la nuit, des corvées
d'infanterie, abattant les palmiers, renversant les
murs, s'employèrent à dégager les abords de l'at-
taque, pendant que l'artillerie construisait deux
nouvelles batteries, à quarante mètres en avant
de la première.
A cinq heures du matin, le 9, une balle arabe
fit en même temps deux victimes, le lieutenant
Seroka, dont elle traversa le cou de part en part,
et le colonel Petit, dont elle fracassa le bras. Le
jeune officier eut la chance de guérir ; le colonel
eut à subir la désarticulation de l'épaule; il n'y
survécut pas. Jusqu'au dernier moment, sa pensée
fut au devoir : ce fut en entendant un rapport de
tranchée qu'il rendit à Dieu l'àme d'un héros. Son
nom fut donné à la batterie auprès de laquelle
était venue le frapper la balle meurtrière.
Après les tâtonnements des premiers jours, le
génie et l'artillerie avaient décidément arrêté leurs
projets d'attaque et combiné leur action contre le
front oriental du ksar. L'artillerie, notoirement
insuffisante, passait au rang d'auxiliaire; c'était
par des approches méthodiques, par la sape, que
le génie allait jouer le premier rôle. Sur ces entre-
faites, le colonel de Barrai, appelé duHodna par
240 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
le général Herbillon, arriva le 1 2 octobre. Ce ren-
fort de seize cent cinquante hommes n'était pas
encore assez nombreux pour permettre au général
de compléter l'investissement de l'oasis. Quoique le
sentier qui servait de chemin habituel et direct
entre Zaatcha et Lichana eût été coupé, les deux
ksour ne laissaient pas de communiquer facile-
ment ensemble, de sorte que l'assiégé ravitaillé,
rafraîchi, trouvait quotidiennement des ressources
pour réparer ses pertes.
Dirigées sur les angles nord-est et sud-est du
ksar, les sapes avaient, par leur progrès même,
permis à l'artillerie de choisir des emplacements
mieux appropriés à sa mission et suffisamment
rapprochés de la muraille pour lui donner plus
d'efficacité que par le passé. En effet, du 1 i au
18 octobre, son feu réussite ouvrir dans les angles
battus des brèches qui, à distance, furent jugées
praticables. Restait le passage du fossé; comment
le combler? Les fascines n'y suffisaient pas. Ce
furent les briques de la zaouïa démolie qui servi-
rent de matériaux; une chaîne de travailleurs se les
passaient de main en main jusqu'à la tête de sape
à l'attaque de gauche. A celle de droite, il s'en
fallait d'une vingtaine de mètres que les sa-
peurs n'eussent atteint le bord extérieur, la con-
DISPOSITIF D'ASSAUT. 241
trescarpe, en termes de l'art. Pour suppléer au
comblement du fossé, qui, de ce cùté-ci, n'était
pas praticable, le génie se projjosa d'y faire des-
cendre, immédiatement avant l'assaut, une sorte
de charrette à deux roues, chargée de poutrelles,
et qui pourrait faire lolfice de pont.
Le général Herbillon était impalient d'en finir.
D'après ses dispositions, une colonne composée
de treize cents hommes du 8% du 43% dubataillon
d'Afrique, précédée d'un détachement de sapeurs,
et commandée par le colonel Dumontet du 43%
devait assaillir la brèche de droite, pendant qu'une
autie colonne de sept cent cinquante hommes, du
régiment étranger et du 5 bataillon de chasseurs,
aborderait, sous les ordres du colonel Carbuccia,
la brèche de gauche. Dans le même temps, le
commandant Bourbaki, avec les tirailleurs indi-
gènes, le colonel de Mirbeck, du 2' chasseurs d'A-
frique, avec la cavalerie régulière, les spahis et le
goum, le colonel de Barrai, avec les troupes lais-
sées au campement, devaient éclairer les abords
de l'oasis, s'opposer aux tentatives de secouis ,
extérieur et, le cas échéant, couper aux assiégés
la retraite.
Le 20 octobre, à six heures du malin, du haut
d'un cavalier de tranchée construit par le génie
II. 16
242 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
entre les deux attaques, le général Herbillon fait
sonner la charge. A gauche, les deux compagnies
d'élite du régiment étranger, débouchant au pas
de course de la sape démasquée, franchissant le
fossé par-dessus les briques croulantes, s'élancent
sur la brèche, et par delà sur un monceau de dé-
combres. Comme les assaillants de Constantine,
un cercle de feu, sans issue apparente, les enve-
loppe. Une dizaine de voltigeurs viennent d'esca-
lader une terrasse : la terrasse s'efTondre sous
leurs pieds; un pan de muraille, s'écroulant sur
eux, les achève ; un seul reparaît et vient tomber
au milieu de ses camarades. En quelques minutes,
quatorze hommes ont été tués, quarante blessés.
11 faut redescendre, repasser le fossé, rentrer dans
la sape. Enivrés du succès, hurlant, se ruant, les
Arabes essayent d'y entrer à la suite; une compa-
gnie de chasseurs les arrête et les refoule. De ce
côté, il n'y a rien de plus à faire.
A l'attaque de droite, la catastrophe est pire. La
charrette qui devait servir de pont a chaviré; des
grenadiers du 43 , dans l'eau jusqu'au cou, ont
passé quand même; mais comment, avec des car-
touches mouillées, répondre aux balles qui les
frappent? D'autres arrivent, la giberne sur l'é-
paule; malheureusement la brèche est trop haute.
ASSAUT REPOUSSÉ. 243
le talus glissant. Pendant que les hommes du gé-
nie, armés de pioches, s'efforcent de saper le pied
de la muraille, grenadiers el fusiliers, à plat ven-
tre, essayent de riposterau juger à des tireurs plus
nombreux et qui ne se laissent pas voir. Il y a
vingt morts. Le chef de bataillon, l'adjudant-major,
deux capitaines sont tués; quatre officiers, quatre-
vingts hommes sont blessés, la plupart mortelle-
ment. Il faut de là aussi regagner les approches.
Sur le bord extérieur du fossé, deux compagnies
de zouaves protègent la retraite. Dans la nuit, la
garde de tranchée eut à repousser, deux heures
durant , une sortie des Arabes.
L'échec était grand; il fut ressenti de tous;
mais à l'esprit d'aucun ne vint l'idée de lever
le siège. Le général fit demander à Constantine
des hommes, des pièces de plus gros calibre^
avant (out des munitions et des vivres, car l'artil-
lerie était à court de gargousses, et l'intendance
voyait le fond de ses caisses à biscuit. On souf-
frait, on ne se plaignait pas. Outre les pertes
causées par le feu, beaucoup d'hommes étaient
morts de la dysenterie, et il y avait encore plus
de six cents malades qui s'en allaient à Biskra
encombrer l'ambulance. Ce poste, base d'opé-
ration du corps expéditionnaire, prenait [)Ius
16.
244 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
d'imporlance de jour en jour ; il y fallait un com-
mandant de grade élevé. Le général Herbillon y
envoya le colonel Carbuccia, qui, à tort ou à rai-
son, passait chez le troupier pour malchanceux à
la guerre.
En attendant les renforts demandés, le génie
continuait ses travaux ; à la fin d'octobre, des six
officiers de l'arme attachés dès le début à l'expé-
dition, il n'en restait que deux. Atîn d'occuper le
soldat, de dégager les approches et en même
temps de menacer dans le plus clair de leurs reve-
nus la fortune des ksouriens, le général Herbillon
fit procéder méthodiquement, par coupes réglées,
à l'abatage des palmiers. Dirigée par les officiers
du génie, l'opération commença le 23 octobre. Le
général avait frappé juste; au retentissement des
coups de cognée répondirent des clameurs déses-
pérées, des cris de douleur et de rage. Chaque
entaille au tronc d'un palmier était une blessure
au cœur d'un Arabe. Dès le soir même, les bûche-
rons furent attaqués, et, deux jours plus tard, le
25, assaillis avec encore plus de vigueur et d'en-
semble. Bou-Ziane se révélait homme de guerre.
Les travailleurs et la garde même furent obligés
d'abandonner l'atelier; il ne fallut pas moins de
deux bataillons pour recouvrer le terrain perdu.
MEAACES DU DEHORS. 245
et quand les Arabes se décidèrent à la retraite, ils
emporlèrent, à titre de trophée, une caisse de
tambour, des outils, malheureusement aussi les
corps de deux hommes de la légion étrangère.
Cette affaire ne coûta pas à nos troupes moins de
six morts et de vingt-trois blessés, dont trois offi-
ciers. Dès le lendemain, les mesures de sûreté
furent tellement mieux prises que, malgré l'oppo-
sition des Arabes, et sans la moindre perte,
mille pieds d'arbres furent jetés bas en cinq
heures.
11 convenait d'être aussi très vigilant au dehors,
de tenir ouvertes et libres les communications avec
Biskra et Batna ; or, elles étaient menacées. Le
courrier d'Alger venait d'être enlevé par deux
cavaliers du goum qui étaient passés à l'ennemi.
D'autre part, le général Herbillon était averti que
Mohammed-bel-Hadj, l'ancien khalifa d'Abd-el-
Kader, était sorti du Souf, oià il avait fait séjour,
et menaçait Sidi-Okba ; d'autre part aussi, que les
caravanes des Sahariens, revenant du Tell, témoi-
gnaient de leur sympathie pour l'insurrection. La
plus grande part de la cavalerie ayant été envoyée,
avecle colonel de Mirbeck, sur la route de Batna,
il ne restait au camp pas beaucoup plus de deux
cent cin(juante chevaux. Le 30 octobre au soir,
246 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
une reconnaissance fut attaquée subitement, entre
Farfar et Tolga, par des Saliariens. Le lendemain,
le général Herbillon se mit de bonne heure en
campagne. Il emmenait toute la cavalerie disponi-
ble, y compris le goum, une section de montagne
et trois compagnies de chasseurs à pied. A peine
avait-il passé Farfar qu'il se vit en présence de sept
ou huit cents cavaliers, appuyés par un nombre
à peu près égal de fantassins, sur la lisière de l'oa-
sis. Le combat fut vif, mais court. Chargés, sabrés,
fusillés, canonnés, les cavaliers tournèrent bride
et les fantassins se hâtèrent de rentrer sous bois.
Pendant celte rencontre, Bou-Ziane avait habile-
ment préparé contre la gauche des travaux de
siège une sortie qui ne réussit d'ailleurs qu'à
mettre le feu au fascinage d'une batterie. Ce demi-
succès ne laissa pas d'encourager l'assiégé à re-
nouveler sa tentative. Le o novembre, entre huit et
neuf heures du soir, le ciel, très sombre, s'éclaira
tout à coup. Des amas de brindilles flambaient sur
tout le front d'attaque, et des centaines d'Arabes,
la torche à la jnain, se ruaient sur les approches.
A droite, un coup de mitraille suflit pour les arrê-
ter; mais à gauche, ils réussirent à incendier le
masque et la galerie blindée que les sapeurs
avaient poussée jusqu'aux deux tiers du fossé.
LE COLONEL CANROBERT. 247
On envoyait qui, du chemin de ronde, exposés à
la fusillade, ne laissaient pas d'attiser le feu avec
de grandes perches. La nuit suivante, ils revin-
rent à la charge et parvinrent à défruire complè-
tement le blindage.
Tel était l'état des affaires quand, le 8 novembre
au soir, le camp fit fête au colonel Canrobert, ve-
nant de Sétif à la tête d'un bataillon de zouaves,
d'un balaillon du 16° de ligne, d'un escadron de
spahis et d'une section d'obusiers de montagne.
En route, au-dessous de Bou-Sâda,le colonel avait
fait sur les Sahariens une razzia de quelques mil-
liers de moutons et de chèvres, qui vinrent fort à
propos ravitailler les marmites. Huit jours après,
le 15, arriva de Constantine le lieutenant-colonel
de Lourmel avec un bataillon du 51% le 8' bataillon
de chasseurs, deux pièces de 1 2 et un grand con-
voi de munitions. Ces deux renforts portèrent mo-
mentanément à huit mille hommes l'effectif géné-
ral, momentanément, hélas! car le choléra, venu
de Sétif dans les rangs de la colonne Canrobert,
sur laquelle il avait déjà prélevé cent vingt vic-
times, allait réclamer aux autres corps sa dîme
funéraire.
Le général Herbillon avait réorganisé l'infan-
terie de sa petite armée en trois brigades, sous les
248 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE-
ordres des colonels de Barrai, Canrobert et Du-
inontet. Le colonel de Mirbeck continuait de com-
mander la cavalerie et le colonel Pariset l'artillerie.
Le colonel Lebrettevillois, arrivé depuis peu de
jours, avait pris, à la lêle du génie, la succession
de l'héroïque Petit; avec lui étaient venus deux
capitaines de l'arme et trente sapeurs. Ce surcroît
de bons ouvriers permit de donner aux travaux
languissants une activité nouvelle. Afin d'éviter le
retour des incendies dont avaient souffert, le 5 et
le 6 novembre, les têtes de sape, le colonel Lebret-
tevillois fit remplacer le masque habituel par un
gabion recouvert d'une peau de bœuf et prescrivit
de n'employer pour le fascinage que des brins
complètement dépouillés de feuilles. Au feu, qui
perdait chance, Bou-Ziane essaya de substituer
l'eau; par des retenues habilement combinées, il
essaya de noyer l'attaque de droite, et il y réussit
en partie, car la saignée que les sapeurs pratiquè-
rent à la hâte ne put sauver de l'inondation la
totalité des cheminements.
En même temps qu'il faisait resserrer plus étroi-
tement le ksar, le général Herbillon avait résolu
de se donner au dehors les coudées plus franches
et de se débarrasser du voisinage inquiétant des
nomades. A peine eut-il reçu le dernier renfort
DÉROUTE DES SAHARIENS. 2Î9
amené par le lieutenant-colonel de Lourmel, dès
le lendemain même, à minuit, laissant à la garde
du camp la troisième brigade, il sortit avec les
deux autres, la cavalerie et quatre obusiers de
montagne. Surpris, au point du jour, près de
l'oasis d'Ourlal, les Sahariens furent hors d'état
d'organiser leur défense; en moins d'une demi-
heure, ils étaient culbutés, poursuivis, dispersés,
abandonnant sur le terrain deux cents morts, leurs
tentes toutes dressées, quinze mille moutons et
chèvres, dix-huit cents chameaux. Le lendemain,
leurs cheikhs vinrent demander grâce, rachetè-
rent, par un fort prélèvement sur le produit de la
capture, une partie de leur fortune ambulante et
prirent, tout abattus, la direction de leurs cam-
pements d'hiver. Ce grand succès eut pour résul-
tat de dégager les abords de l'oasis et de tenir à
distance les adhérents plus ou moins avoués de
l'insurrection. Mohammed-bel-Hadj reprit à la
hâte le chemin du Souf, et les gens de Sidi-Okba
s'empressèrent d'envoyer au camp les charges
d'orge que depuis six semaines ils faisaient
attendre.
En revanche, l'énergie de Bou-Ziane ne parut
pas fléchir. Pendant le combat d'Ourlal, la gauche
des attaques avait été vigoureusement assaillie; la
250 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
garde de tranchée s'était laissé surprendre; après
avoir renversé les parapets, bouleversé les tra-
vaux, les Arabes étaient rentrés en triomphe dans
la place, aux acclamations joyeuses des femmes
émerveillées, agitant au-dessus de leurs lêtes des
fusils français, des gibernes, des outils, des habits
d'uniforme. Cependant Bou-Ziane ne pouvait se
faire illusion : le dénouement était proche.
SORTIE FURIEUSE. 251
Les pièces de 12 avaient été mises en batterie.
Une troisième brèche était ouverte au nord. De ce
côté, le fossé, beaucoup moins profond, avait per-
mis aux sapeurs d'établir un fourneau de mine au
pied de l'escarpe et de faire sauter le chemin de
ronde. Mais voici qu'en plein jour, le 24 novembre,
à onze heures, la tranchée est subitement envahie.
Bou-Ziane a très bien choisi le moment; c'est
l'heure où d'habitude on change la garde. En effet,
les chasseurs du 5" bataillon attendent d'être rele-
vés par les camarades du 8'; ils n'ont plus l'œil
au guet, ils sont surpris. Les premiers sont déca-
pités; les autres reculent d'abord, se rallient et
rentrent dans la tranchée, où les femmes de Zaat-
cha, excitant les hommes, s'acharnent sur les bles-
sés comme des hyènes. Le clairon sonne; les chas-
seurs du S*", les tirailleurs de Bourbaki accourent;
on se bat corps à corps ; les ksouriens cèdent, éva-
cuent les sapes, mais continuent la lutte d'enclos
■252 LA nONOLÊTE DE L'ALfiÉRIE.
en enclos; enfin ils se retirent, les uns dans la
place, les autres vers Lichana. Dans celte rude
affaire, les chasseurs ont perdu trois de leurs offi-
ciers, un lieutenant d'artillerie a été frappé mor-
tellement.
Le 25 fut une journée de calme, la dernière. Le
lendemain était le jour de l'assaut. Voici les dis-
positions faites : trois brèches, trois colonnes. A
droite, au nord, deux, cent cinquante chasseurs du
5' bataillon, cent grenadiers et voltigeurs du 1 6' de
ligne, cinq cent trente zouaves, le colonel Canro-
bert; au nord-est, au centre, quatre cent cin-
quante chasseurs du 8' bataillon, quatre cents
hommes du 38^ de ligne, cent zouaves, le colonel
de Barrai; au sud-est, à gauche, six cent trente
hommes du 8^ de ligne, deux cent cinquante du
43% le lieutenant-colonel deLourmel. Chacune des
colonnes est précédée d'un détachement de sa-
peurs et suivie d'une section de montagne. Le
colonel Dumontet commande le service de tran-
chée. Le commandant Bourbaki, avec ses seize
cents tirailleurs indigènes, deux cents chasseurs
du 5* bataillon et quatre cents hommes du ST de
ligne, a pour mission de tourner l'oasis et de sur-
veiller au sud l'unique débouché de Zaatcha. Le
colonel de Mirbeck a la garde du camp; il doit
ASSAUT DÉCISIF. 253
faire battre les environs par de fortes patrouilles
de cavalerie.
Le 25, dans la soirée, le général Herbillon a fait
soramer Zaatcha de se rendre; la réponse est
venue, négative, dédaigneuse, hautaine. La nuit
n'a été troublée que par quelques coups de canon
tirés sur les brèches. Le 26, à sept heures du ma-
tin, les troupes ont pris leurs formations de com-
bat; à huit heures, le général Herbillon est averti
par un signal que le commandant Bourbaki est à
son poste; le clairon sonne; les sapeurs renversent
à droite et à gauche les caisses à biscuit qui mas-
quent les têtes de sape; les colonnes débouchent :
c'est l'assaut.
Canrobert vient de haranguer ses hommes: « Eh
bien , zouaves, ce n'est pas une bicoque comme
celle-là qui arrêtera des guerriers comme vous! Il
faut la prendre, entendez-vous? ou y rester tous.
Tambours, clairons, la charge ! Bonne chance, mes
amis, et en avant! » Le colonel est devant tous; il
a choisi pour l'accompagner quatre ofllciers de
différentes armes et quinze zouaves. La brèche est
franchie; de toutes les terrasses, de tous les cré-
neaux viennent les balles; les moris, les blessés
tombent; le commandant de Lorencez est atteint
dans le flanc; n'importe, Canrobert marche tou-
254 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
jours; il ne s'arrête que lorsqu'il a donné la main
à Lourmel blessé et à Barrai. Alors il regarde au-
tour de lui; de ses quatre officiers et de ses quinze
hommes, deux seulement sont sans blessure; le
capitaine Toussaint, le sous-lieutenant Rosetti,
tous deux des spahis, ont été tués; le capitaine
Besson, de l'état-major, le lieutenant de Chard,
des zouaves, sont blessés.
Il est neuf heures; les trois colonnes se sont
rejointes au cœur de la place; néanmoins rien
n'est fini. Refoulés d'une moitié de la ville, les
ksouriens se sont concentrés dans l'autre. Chaque
maison est un réduit dont il faut faire le siège, qu'il
faut saper ou pétarder. Les hommes qui du haut
des terrasses ont sauté dans les cours intérieures
n'en sont pas revenus. On chemine pas à pas, dans
la fumée, dans le feu, dans le sang. En avant de
l'unique porte du ksar s'élève une maison plus
haute que les autres; ce n'est pas celle de Bou-
Ziane, qui est au centre et d'où il a pu sortir ; mais
c'est la maison où il s'est retranché avec sa fa-
mille, le marabout Si-Moussa et les plus détermi-
nés de ses fidèles. Les zouaves du 2* bataillon
viennent à l'attaque, conduits par le commandant
de Lavarande. La porte résiste aux coups de
crosse; on amène un obusier : elle résiste; cepen-
BOU-ZIANE. 255
dant les zouaves, les servants tombent sous le feu
de la terrasse supérieure et des créneaux. On ap-
pelle les sapeurs; l'un d'eux apporte un sac de
poudre, d'autres des sacs à terre pour contre-buter
le premier; la plupart sont tués ou blessés; enfin,
un sergent met le feu à la mèche. Quand le nuage
de poussière et de fumée produit par l'explosion
s'éclaircit, on aperçoit la maison éventrée, béante.
Les zouaves s'y précipitent; tout ce qu'ils rencon-
trent est passé par les armes.
« Il y eut ensuite, a dit le capitaine Bocher, un
moment d'attente. Un Arabe d'un extérieur et
d'une attitude qui révélaient le chef apparut, sor-
tant d'un des coins obscurs de la maison. Il était
blessé à la jambe et s'appuyait sur un des siens.
(( Voilà Bou-Ziane ! » s'écria le guide. Aussitôt le
commandant se jeta sur lui et empêcha ses soldats
de faire feu. « Je suis Bou-Ziane » , telle fut la seule
parole du prisonnier, puis il s'assit à la manière
arabe et se mit à prier. M. de Lavarande lui de-
manda où étail sa famille. Sur sa réponse, il envoya
l'ordre de la sauver, mais il était trop tard. M. de
Lavarande avait envoyé prévenir le général Her-
billon que Bou-Ziane était entre ses mains. « Faites-
le tuer », telle fut la réponse. Un second message
rapporta le même ordre. Le commandant fit appe-
256 LA CONQUÊTE DE L' A LGÉ RI IL
1er quatre zouaves et leur ordonna, à un signal
donné, de viser au cœur. Se tournant ensuite vers
Bou-Ziane, il lui demanda ce qu'il désirait et ce
qu'il avait à dire. « Vous avez été les plus forts;
Dieu seul est grand; que sa volonté soit faite! » Ce
fut la réponse du chef arabe. M. de Lavarande, le
prenant alors par la main, le força à se lever et,
après l'avoir appuyé le long d'un mur, se retira
vivement. Les quatre zouaves firent feu ; Bou-Ziane
tomba raide mort. Un zouave lui coupa la (ête,
apporta le sanglant trophée au colonel Canrobert
et le lui jeta entre les pieds. La tête du plus jeune
fils de Bou-Ziane fut également apportée au colo-
nel. On décapila aussi le cadavre de Si-Moussa,
qui avait été découvert au milieu des morts. »
Au dehors, la fermeté du commandant Bourbaki
avait arrêté à la fois les tentatives des assiégés qui
voulaient échapper au désastre, et celles des Licha-
niens qui s'efforçaient de venir en aide à leurs
frères. A midi, le ksar n'était plus qu'un amas de
ruines d'où sortaient çà et là quelques coups de
feu encore. A trois heures, tout bruit de combat
avait cessé. Des défenseurs de Zaatcha pas un seul
n'était vivant. On compta plus de huit cents cada-
vres ramassés sur les décombres; on ne connut
jamais le nombre de ceux qui étaient ensevelis
DESTRLCTION DE ZAATCHA. 257
dessous. Au vainqueur la journée du 26 novembre
coûta quarante-trois tués et cent soixante-quinze
blessés; relevée depuis le commencement du siège,
la perle totale, — moins les victimes du choléra et
de la dysenterie, — monta au chiffre de cent
soixante-cinq tués et de sept cent quatre-vingt-dix
i)lessés.
Le 27, tout ce qui tenait encore debout dans le
ksar et autour du ksar, mosquées, minarets, mai-
sons, murailles, vergers, palmiers, acheva de dis-
paraître; tout fut rasé au niveau du sol. Groupés
à distance, les Arabes des oasis voisines contem-
plaient terrifiés cette ruine. Le 28, le campement
fut levé; la colonne prit le chemin de Biskra; elle
y arriva le 30.
Ainsi finit cet épisode de Zaatcha, moins écla-
tant, mais, dans sa sombre horreur, plus tragique
peut-être que celui de Constantin e.
II. 17
258 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
VI
Le grand foyer de rinsurrection venait de s'é-
teindre dans le sang; mais le feu qui, pendant la
longue fureur de l'incendie, avait gagné l'Aurès,
couvait encore dans quelque recoin de ses étroites
vallées. Il était du moins circonscrit, n'ayant plus
d'aliments à recevoir, ni de Bou-Sâda, que le colo-
nel Daumas venait de faire occuper, à titre défini-
tif, par une garnison française, ni des Ouled-Naïl-
Cheraga, ni du Hodna, ni du Belezma, qui
prolestaient de leur parfaite obéissance.
Avant de rentrer à Constantine, le général Her-
billon avait, d'après les instructions du gouver-
neur, assigné au colonel Canrobert le commande-
ment supérieur de Batna et celui de Sétif au colonel
de Barrai. Le colonel Canrobert, dont la circon-
scription comprenait l'Aurès, avait résolu d'y pé-
nétrer par le nord. Le 25 décembre 1 849, il sortit
de Batna. La colonne qui marchait avec lui com-
INSOLENCE DE NARA. 259
prenait un bataillon du 8* de ligne, le 5* bataillon
de chasseurs à pied, le 2" de zouaves, le bataillon de
tirailleurs indigènes, trois escadrons de chasseurs
d'Afrique et de spahis, deux sections d'obusiers de
montagne, une section de sapeurs. Le 27, il entra
dans l'Aurès et commença de descendre la vallée
de rOued-Abdi, qui est le principal cours d'eau de
cette région dont les principaux habitants sont les
Chaouïa, de race berbère. Tout alla d'abord assez
bien; les villages, sans beaucoup d'empressement
d'ailleurs, apportèrent leurs témoignages de sou-
mission en paroles un peu plus qu'en argent ;
mais les gens de Nara refusèrent nettement ar-
gent et paroles. Le colonel, à cause de la sai-
son inclémente, inclinait à renvoyer au prin-
temps le châtiment de ces réfractaires, quand
leur insolence lui fit une obligation de ne plus
attendre.
Nara était un ensemble de trois villages bâtis
sur les rives escarpées d'un petit affluent de l'Oued-
Abdi. Le plus important des trois couronnait un
rocher isolé, à soixante mètres au-dessus du ravin.
On n'y pouvait accéder que par des degrés entail-
lés dans le roc, et tous les abords étaient comman-
dés par des tours solidement construites. Tous les
indépendants, tous les fanatiques de la montagne
i-.
260 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
s'y étaient donné rendez-vous, comme naguère les
fanatiques de la plaine à Zaatcha.
Déjà, au mois d'avril de l'année précédente, une
expédition avait été dirigée contre Nara par le
colonel Carbuccia; mais elle s'était réduite à la
destruction d'un des villages inférieurs et au jet
de quelques obus dans celui qui pouvait passer
pour en être la citadelle. Bref, les montagnards en
avaient tiré plutôt un motif de gloire qu'un conseil
de modération et de prudence.
D'après le plan du colonel Canrobert, Nara de-
vait être attaqué directement par deux colonnes et
tourné par une troisième, inexécution de ce plan
commença le 4 janvier 1850, au soir. Les colonnes
d'attaque avaient respectivement pour chefs les
commandants Bras-de-Fer et Lavarande; c'était
avec la première que s'était réservé de marcher le
colonel Canrobert. La colonne tournante était sous
les ordres du colonel Carbuccia. Celle-ci ayant
prononcé son mouvement et gagné les derrières
de l'ennemi, l'atTaire s'engagea, le 6, au point du
jour; elle fut achevée en moins de deux heures.
Des défenseurs de Nara cernés de toutes parts il
n'échappa aux poursuites de la cavalerie qu'un
petit nombre de fugitifs. Les trois villages furent
entièrement détruits. Retenu quatre jours au bi-
DESTRUCTION DE NARA. 261
vouac par la neige qui se mit à tomber à gros flo-
cons, le colonel Canrobert ne put rentrer que le
1 6 janvier à Batna.
Ajoutée à la ruine de Zaatcha, celle de Nara
porta le dernier coup aux derniers fauteurs d'in-
surrection dans le Sud. Cette partie delà province
de Constanline pouvait être considérée comme pa-
cifiée; tel n'était pas, tel ne devait pas être, de
longtemps encore, l'état de la région septentrio-
nale, de la Grande Kabylie et de ses entours.
Dans une visite que le Président de la Répu-
blique avait faite à la citadelle de Ham, en souve-
nir de sa captivité, il en avait fait sortir Bou-Maza
et lui avait assigné la ville pour prison. Quand
cette nouvelle fut arrivée en Algérie, il n'en fallut
pas davantage pour exciter l'imagination des
Arabes et pour provoquer l'apparition d'un Bou-
Maza. Le faux chérif, qui se faisait appeler
Mohammed-ben-Abdallali, comme le véritable,
apparut, au mois de juillet 1849, dans le Djur-
djura, escorté par de nombreux Zouaoua que lui
avait amenés l'irréconciliable Si-Djoudi. Au mois
de septembre, l'agitation avait débordé par-dessus
la montagne et s'était répandue dans la vallée de
rOued-Saliel. Acause de Tinsurrection de Zaatcha,
le commandant du poste d'Aumale, dégarni de
262 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
troupes françaises, n'avait pu diriger vers la région
troublée qu'un goum de trois cents chevaux, mais
il avait mis à sa tête un officier d'une énergie peu
commune, le sous-lieutenant Beauprêtre. Le 2 oc-
tobre, celui-ci, sans tenir compte de la supériorité
numérique de l'ennemi, lança son goum à l'atta-
que; en dépit de ses objurgations et de ses impré-
cations, le faux chérif fut tué par un cavalier arabe,
tout ému et frémissant de sa propre audace. Etonné
de ce coup de vigueur, Si-Djoudi rentra encore
une fois dans la montagne, et, fait plus remar-
quable encore, à l'autre extrémité de la Kabylie,
les frères Ben-Azzeddine en reçurent une telle
impression qu'ils vinrent humblement apporter à
Gonstanline la soumission définitive du Zouagha.
Si l'ordre était rétabli sur le cours supérieur de
rOued-Sahel, il s'en fallait du tout au tout qu'il
régnât dans la vallée inférieure. Vers la fin du mois
de février 1850, une de ces contestations, si fré-
quentes entre Kabyles, s'était élevée au sujet d'un
marché; deux officiers, l'un de Bougie, l'autre de
Sétif, avaient été envoyés pour accommoder le
différend. Pendant l'arbitrage, un Kabyle s'élança
sur l'officier de Sélif, le lieutenant Gravier, et lui
fracassa la cuisse d'un coup do pistolet. L'assassin,
saisi aussitôt par les indigènes stupéfaits, déclara
LE GÉNÉRAL DE BARRAL. 263
que l'arme avait éternise entre ses mains par deux
cheikhs, qui, profitant du tumulte, s'étaient hâtés
de déguerpir.
Les colonels Daumas, Canrobert et de Barrai
avaient été promus généraux de brigade. Nommé
au commandement de la subdivision de Sélif, le
général de Barrai avait eu d'abord à châtier des
tribus qui avaient attaqué sur le chemin de Bou-
Sâda un détachement français; puis il s'était dirigé
vers le nord par la route de Sétif à Bougie, afin de
rechercher les instigateurs de l'attentat commis
sur le lieutenant Gravier. Sa colonne était forte de
trois bataillons des 16 , 38' et 51* de ligne, de
deux bataillons de zouaves, du 3' bataillon d'Afri-
que, de deux escadrons de chasseurs d'Afrique et
de spahis, de deux sections d'obusiers de mon-
tagne, de cinquante sapeurs et d'un détachement
du train conduisant deux cent dix mulets.
La marche était lente, parce que le général avait
ordre d'élargir et d'améliorer la route par laquelle
il cheminait. Du 9 au 19 mai, il n'avait encore eu
à vaincre que les difiicullés du terrain; mais, le
19, il apprit que les Beni-Djellil, qui pouvaient
mettre en ligne deux mille fusils et que Si-Djoudi
animait à la résistance, avaient résolu de lui barrer
le passage. La rencontre eut lieu le 21 mai; les
264 LA CONQUÊTE DE L'ALGÊUIE.
Kabyles occupaient des crêtes que protégeaient,
en manière de fossés, trois ravins profonds. Au
moment oii le général, en tête de la colonne, me-
nait à l'attaque une compagnie de zouaves et les
sapeurs, il fui frappé, au passage du deuxième
ravin, d'une balle en pleine poitrine. Il fit appeler
le colonel de Lourmel, du 51% lui remit le comman-
dement, et seulement alors, après ce devoir accom-
pli, se laissa descendre de cheval. Pendant la
marche, la colonne s'était allongée; tandis que le
colonel prenait le temps d'en resserrer les éléments
et de la masser, les Kabyles, trompés sur les mo-
tifs de ce retard et l'attribuant volontiers à l'hé-
sitation de leurs adversaires, descendirent de leurs
positions défensives et s'aventurèrent à portée
d'arme blanche. Aussitôt la charge sonna; surpris,
abordé corps à corps, l'ennemi fut en un moment
culbuté, poursuivi la baïonnette et le sabre aux
reins, laissant sur le terrain deux cents morts. Le
général de Barrai, escorté par une compagnie de
son ancien régiment, le 38% fut transporté à Bou-
gie; il y mourut le 26 mai, à peine âgé de qua-
rante-trois ans.
Après avoir fait ravager le territoire des tribus
réfractaires, le colonel de Lourmel s'appliqua,
pendant le mois de juin, aux travaux de la route;
LE GÉNÉRAL D'HAUTPOUL. 2f55
quinze cents homnaes y étaient employés tous les
jours; le 24 j"in, cinquante et un kilomètres
étaient achevés. Une pyramide, élevée par le génie
auprès d'Aïn-Raoua, consacra le souvenir des
chefs et des corps qui avaient exécuté ce grand
labeur.
. Pendant cette expédition de Sétif à Bougie, le
général de Saint-Arnaud, successeur du général
Herbillon au commandement de la division de
Constantine, avait visité dans l'est de la province
le vaste territoire des Nemencha, dans le sud l'Au-
rès et les oasis.
En somme, la campagne de 1850, à peu près
nulle dans la province d'Alger, toute d'observation
dans la province d'Oran, où le général de Mac
Mahon exerçait, tout le long de la frontière maro-
caine, une surveillance incessante, n'avait eu un
peu d'intérêt que dans la province de Constan-
tine. Quand, le 4 novembre, le général d'Haut-
poul, nommé à la place du général Charon gou-
verneur de l'Algérie, reçut de son prédécesseur la
direction suprême des aiFaires, jamais transmission
de pouvoir ne s'était accomplie dans un temps
aussi calme.
266 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Vil
Le général d'Hautpoul, qui venait d'occuper,
une année durant, le ministère de la guerre, était
arrivé en Algérie avec des idées moins paisibles.
Il eut été fier de signaler son gouvernement par
l'annexion de la Grande Kabylie; il avait arrêté
ses plans en conséquence, et, pour les faire agréer
au gouvernement, il fit partir pour Paris, au mois
de février 1851, le lieutenant-colonel Durrieu.
L'état général des affaires n'était pas alors favo-
rable à une aussi grande entreprise. Le désaccord
évident dès cette époque entre le Président de la
République et l'Assemblée législative avait rendu
celle-ci défiante; elle n'était rien moins que dis-
posée à voter le surcroît d'effectif et d'argent que
les projets du général d'Hautpoul auraient rendu
nécessaire. Une sorte de transaction proposée par
le général Randon, ministre de la guerre, sou-
tenue par La Moricière, Bedeau, Cavaignac et
Gharras, fut acceptée par l'assemblée, non sans
PROJET D'EXPÉDITIOiN, 267
peine. Il n'était plus question de ia Grande
Kabylie ; c'était contre la Petite qu'une expédition
était autorisée dans la mesure que permettaient
les ressources ordinaires de l'armée d'Afrique.
Dès le 15 mars, le ministre fît parvenir au gou-
verneur général des instructions qui lui prescri-
vaient de préparer, pour le commencement de
mai , la formation d'une colonne de huit mille
hommes, et lui indiquaient pour objectif principal
le débloquement de Djidjeli. Le général d'Haut-
poul, membre de l'Assemblée législative, ne pou-
vait exercer, à ce titre, qu'un commandement
temporaire, et, comme il touchait au terme de sa
mission, il fut obligé, afin d'en solliciter le renou-
vellement, de se rendre à Paris, à la fin d'avril,
juste au moment où allait commencer l'opération
détachée du grand projet sur lequel il avait fondé
naguère de si flatteuses espérances. Ce fut au
général Pélissier, appelé d'Oran, que revint l'in-
térim du gouvernemeni, et le général de Saint-
Arnaud fut chargé de diriger l'expédition de la
Petite Kabylie.
Dans la Petite comme dans la Grande, les popu-
lations, tenues en éveil par la rumeur publique,
s'étaient préparées non seulement à la résistance,
mais même, sur certains points, à l'offensive. Au
268 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
mois d'avril, le commandant de Philippeville, qui
s'était rendu à Collo avec une faible escorte, fut
soudainement assailli et ne parvint à s'échapper
qu'en abandonnant ses chevaux pour sauter dans
une barque et gagner le large. Vers le même
temps, un nouvel agitateur, Bou-Baghla , —
l'homme à la mule, — soulevait les Grands Ka-
byles. Le 19 mars, suivi d'une troupe nombreuse
de Zouaoua et de Beni-Mellikeuch, il avait surpris
la zaouïa de Chellata, chassé le marabout Si-ben-
Ali-Chérif, ami des Français, ravagé ses cultures,
enlevé ses troupeaux, et depuis entretenu la ter-
reur dans la haute vallée de TOued-Sahel, jus-
qu'au jour où, battu par une colonne sortie d'Au-
male avec le colonel d'Aurelle, il disparut dans le
Djurdjura. Six semaines plus tard, on le vit repa-
raître, à l'autre extrémité du massif, devant
Bougie qu'il eut l'audace d'insulter; mais il en fut
le mauvais marchand; après avoir laissé beaucoup
des siens sous les remparts de la place, il disparut
encore une fois et, de quelque temps, on n'en-
tendit plus parler de lui.
L'époque des opérations était arrivée. Le 8 mai,
une division de huit mille sept cents hommes était
réunie à Mila; la 1" brigade, sous les ordres du
général de Luzy, comprenait quatre bataillons
COMPOSITION DE LA COLONNE. 269
des 9', 10° et 20" de ligne, le %' de chasseurs à
pied, les tirailleurs indigènes de Constantine; la
2% sons les ordres du général Bosquet, deux ba-
taillons du 8° de ligne, un bataillon du 16' léger,
un de zouaves, un de la légion étrangère, le
3' bataillon d'Afrique. A ces douze bataillons, il
faut ajouter, par brigade, 1 00 chasseurs d'Afrique,
4 obusiers de montagne, une section de sapeurs,
1 80 mulets du train. Telle était, dans son ensemble,
la colonne Saint-Arnaud, qui, tout en étant la prin-
cipale, devait agir excentriquement, puisque son
terrain d'opérations était tout à l'extrémité orien-
tale, presque en dehors de la Petite Kabylie pro-
prement dite, dans le triangle compris entre Djid-
jeli, Mila et Philippeville. A l'ouest, au contraire,
plus près du cœur de la Kabylie, une colonne se-
condaire , commandée par le général Camou,
devait couvrir le liane gauche de la première, et
guerroyer pour son compte entre Sétif et Bougie.
Cette colonne, qui n'eut d'abord pour noyau que
deux bataillons du 8' léger, un escadron de chas-
seurs d'Afrique et une section de montagne,
devait avoir par la suite un effectif très variable,
à cause des envois ou des emprunts que lui fit
alternativement la colonne principale.
Celle-ci, partie de Mila le 9 mai, prit au nord-
270 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ouest la direction de Djidjeli, à travers le prolon-
gement et les rameaux enchevêtrés de la chaîne
des Babors. Dès le 11, le combat ne cessa plus,
toujours acharné, toujours meurtrier; dans cette
première rencontre, la colonne ne perdit pas
moins de seize morts et de quatre-vingt-dix-sept
blessés. La journée du 13 fut pire; deux compa-
gnies d'élite du 1 0* de ligne avaient été détachées
en tlanqueurs. Tandis que des crêtes où ils se
croyaient en sûreté, les hommes regardaient au-
dessous d'eux le convoi cheminant à grand'peine
à travers la broussaille, trois ou quatre cents Ka-
byles, qsii avaient rampé jusque-là, s'élancèrent
en hurlant du taillis et firent de ces imprudents un
massacre épouvantable; les cinq officiers et qua-
rante-trois hommes furent décapités, soixante
furent blessés; sans l'arrivée d'un bataillon du 9%
ceux-ci comme ceux-là auraient perdu leurs têtes.
En somme, soixante-six morts et cent quarante et
un blessés durent être portés au compte de cette
journée fatale. Le 1 6, « tirant l'aile et traînant le
pied », la colonne atteignit enfin Djidjeli; elle y
déposa deux cent soixante-dix blessés que le
général Pélissier, venu d'Alger par mer, prit à son
bord et fit transporter à l'hôpital de Philip[)eville.
Du 1 9 au 26 mai, opérant du nord au sud, selon
SAINT-ARNAUD ET FLEURY. 271
les ordres qu'il venait de recevoir du gouverneur
intérimaire, le général de Saint-Arnaud fit partir
de Tibaïren, dans le Ferdjioua, le général Bos-
quet avec deux bataillons destinés à renforcer la
petite colonne du général Camou, puis il revint se
ravitailler à Djidjeii. Cette seconde partie de la
campagne n'avait pas été plus heureuse en résul-
tats utiles que la première; elle avait seulement
été moins coûteuse.
Le lieutenant-colonel Durrieii écrivait d'Alger,
le 5 juin : « Les journaux de l'Elysée contiennent
un bulletin pompeux des opérations du général
Saint-Arnaud; je soupçonne ce bulletin d'avoir un
but politique. Le commandant Fleury quitte au-
jourd'hui le général Saint-Arnaud. » Confident du
Prince Président de la République, le commandant
Fleury était venu faire auprès du général une
campagne secrète beaucoup plus importante, au
point de vue politique, que n'était, au point de
vue militaire, la campagne qu'il avait ostensible-
ment suivie.
Il est intéressant de noter, dans la correspon-
dance de Saint-Arnaud, la marche et le progrès de
la tentation, depuis cette lettre du 21 mars :
« Fleury m'écrit qu'il a bien envie de venir faire
l'expédition avec moi; je lui réponds qu'il sera le
272 LA CONQUETE DE L'ALGÉRIE.
bienvenu »; jusqu'à celle-ci, du 6 juin, après le
départ du tentateur : « Dieu sait ce que le ciel me
réserve! Si j'aime la guerre, je n'aime pas la poli-
tique. Enfin, il faut obéir à sa destinée! » Puis
viennent ces réflex.ions du 18, qui semblent mar-
quer un temps d'arrêt : « Je n'ai nulle envie de
m'avancer ni de me compromeltre dans la poli-
tique. La scène du monde et de la politique est
glissante. Le sage reste dans la coulisse, observe
et ne paraît qu'à propos. Les Africains qui se sont
mis en avant n'ont fait encore que de fausses
entrées et de fausses sorties. Le public rit quand il
ne murmure pas. Avec tout cela j'aimerais mieux
rester en Afrique. Ici l'on a sa réputation dans sa
main : à Paris, on la joue sur une phrase, sur un
mot, sur une démarche, sur un sourire. J'aime
mieux l'Afrique; m'y laissera-t-on? Nous saurons
cela dans un mois. » Le 27, la crise approche :
« Je n'aime ni la politique ni les affaires. Je suis
fourré jusqu'aux oreilles dans les affaires, et la
politique me menace comme l'épée de Damoclès. »
Voici enfin, le 28, qu'il a mordu à l'appât : « Je
viens de recevoir le courrier de France. Tout
le monde est content. Le prince, le ministre
me comblent d'éloges. On me nommera géné-
ral de division à ma rentrée de l'expédition. »
LE GÉNÉRAL CAMOU. 273
C'en est fait; le voilà définitivement acquis et
pris.
Pendant ce temps, le général Camou, qui, dès
avant d'être rallié par Bosquet, venait de recevoir
deux bataillons de la division d'Alger, avait ren-
contré et battu, le 23 mai, Bou-Baghla, dans la
vallée du Bou-Sellam, affluent de l'Oued-Sahel.La
jonction faite, il le battit derechef, le 1"" juin, de
concert avec le général Bosquet. Ne laissant ni aux
adhérents du chéri f ni au chérif lui-même ni trêve
ni relâche, il le contraignit à rentrer dans le Djur-
djura. Le 2 juillet, sur la place du marché d'Akbou,
les tribus dont le général venait de parcourir le
territoire jurèrent, entre les mains du marabout
Si-ben-Ali-Chérif, une alliance offensive et défen-
sive contre les entreprises de Bou-Baglila ou de
tout autre agitateur. « La mission du général
Camou se trouvait dès lors terminée, disait dans
son rapport au ministre de la guerre le gouverneur
par intérim; toutes les tribus de la rive droite de
rOued-Sahel, et celles de la rive gauche depuis les
Beni-Mellikeuch jusqu'à Bougie, étaient rentrées
dans le devoir. Si-ben-Ali-Cliérif était réinstallé
dans la zaouïa de Cliellata avec les honneurs de la
guerre et un accroissement d'influence. Bou-
Baghla était refoulé chez les Zouaoua et son im-
II- 18
274 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
puissance démontrée au grand jour. » Le 1 1 juillet,
les généraux Camou et Bosquet se dirent adieu et
regagnèrent, le premier Alger, l'autre Sélif.
Cette suite d'opérations, bien moins célébrée
que la campagne à fanfare du général de Saint-
Arnaud, avait été bien plus profitable. Nous avons
abandonné la pièce à spectacle après son deuxième
acte; elle en eut un troisième, du 5 au 16 juin,
toujours aux environs de Djidjeli, un quatrième,
du 1 8 au 26, à l'est, sur la rive gauche de l'Oued-
Kebir, enfin un cinquième, du V au 15 juillet,
sur la rive droite jusque dans Colio. Le 26 juin,
comme la colonne descendait à Kounar, à l'em-
bouchure de l'Oued-Nil, à mi-disiance entre Dji-
djeli et rOued-Kebir, pour recevoir les vivres que
lui apportait le Titan, une masse de Kabyles était
tombée sur l'arrière-garde commandée par le
colonel Marulaz. La lutte corps à corps avait été
terrible; l'ennemi s'était enfin retiré, laissant
quatre-vingts morts sur la place, mais l'arrière-
garde avait perdu vingt-huit tués, dont deux offi-
ciers, et cent trois blessés. Le 1 5 juillet, le bivouac
fut pris sous les murs de Collo; quand cette
bicoque eut été mise, tant bien que mal, en état de
repousser les insultes de ses voisins kabyles, le
général de Saint-Arnaud licencia sa colonne, ren-
RÉSULTATS DE L'EXPÉDITION. 275
voya les corps à leurs garnisons et prononça la
clôture de cette campagne qu'il résumait, pour les
siens, en style de bulletin d'une concision napo-
léonienne : « Quatre-vingts jours d'expédition,
vingt-six combats, lutte vive et acharnée, mille
hommes touchés par l'ennemi, un sur sept, et tou-
jours des succès! Expédition critiquée au début,
rude à conduire, aujourd'hui juste sujet d'éloges.»
Depuis cinq jours il était divisionnaire, et
presque tout de suite il fut appelé au commande-
ment d'une division active à Paris, Ce fut le
résultat le plus clair de cette grande prise d'armes.
On lit dans les mémoires du maréchal Randon :
a L'expédition s'accomplit avec des succès variés;
ses résultats, comme affermissement de notre
domination, furent à peu près nuls, et quand, en
1853, nous parûmes dans la même contrée, nous
ne trouvâmes ni vestiges ni souvenirs de l'appa-
rition de nos colonnes en 1 851 . »
18.
276 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
VIII
Chassé de l'Oued-Sahel par le général Camou,
comme on vient de voir, Bou-Baghla n'avait fait
que traverser la Grande Kabylie, et avait reparu
sur le Sebaou, chez les Guechtoula. Sur cette nou-
velle, et par les ordres du général Pélissier, tou-
jours gouverneur intérimaire à la place du général
d'Hautpoul, qu'on ne devait plus revoir d'ailleurs
en Algérie, le lieutenant-colonel Bourbaki alla
s'établir, au mois d'août, avec deux bataillons de
zouaves, un bataillon du 25" léger, deux esca-
drons de spahis et deux obusiers de montagne, au
camp de Dra-el-Mizane. Cette démonstration
n'ayant pas suffi à rétablir le calme dans ces pa-
rages, le gouverneur y fit marcher, au mois de
septembre, sous les ordres du général Cuny, une
colonne de trois bataillons et de deux escadrons,
d'un effectif de deux mille six cents hommes.
I
COMBAT DE TIZILT-MAHMOUD. 277
L'agitation diminua, mais ne cessa pas; il arriva
même que les Flissa, dont la défection n'avait
d'abord été que partielle, finirent par se déclarer
tous pour la cause du chérif. Dans cette conjonc-
ture, le général Pélissier constitua sous les ordres
du général Camou une seconde colonne forte de
cinq mille hommes, y compris les corps détachés
au camp de Dra-el-Mizane, en se réservant la
direction des opérations militaires et le comman-
dement supérieur des deux colonnes réunies. Celle
du général Cuny occupait la position de Tizi-
Ouzou, dont elle avait relevé le bordj. Arrivé, le
30 octobre, à Dra-el-Mizane, le gouverneur mit
les deux colonnes en mouvement, le i ' novembre.
Malmené le 2, Bou-Baghla fut atteint et battu,
le 3, au village de Tizilt-Mahmoud, qui passait
pour inaccessible. Jamais, en effet, dans les que-
relles entre Kabyles, ce village n'avait pu être
emporté par les uns ou par les autres; aussi était-il
devenu une sorte d'entrepôt où chacun avait cru
mettre en sûreté son avoir. Après que les troupes
s'y furent ravitaillées, il fut mis à sac, et les
flammes qui le dévorèrent servirent de signal à
d'autres incendies; dans un rayon de quatre lieues
et dans ce seul jour, les troupes brûlèrent vingt-
neuf villages.
278 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Dès le 4, les offres de soumission et les otages
commencèrent d'affluer. Laissant au campement
le général Cuny pour hâter le recouvrement des
amendes, le général Pélissier, accompagné du
général Camou, se porta chez les Mâtka. De plus
ou moins bonne grâce, les tribus de cette confé-
dération se soumirent. Alors le gouverneur par
intérim fit succéder à l'action militaire les opéra-
tions administratives. Il décida qu'à l'avenir les
populations voisines du plateau de Boghni relè-
veraient directement de l'autorité française, et
il leur donna pour chef, avec toute l'auto-
rité d'un kaïd, le lieutenant Beauprètre. Celui-
ci eut Dra-el-Mizane pour résidence, et pour
force publique une compagnie de cent soixante-
quinze tirailleurs avec un raaghzen de cinquante
chevaux.
Les Flissa restaient à réduire. Il ne fut pas
nécessaire d'employer contre eux la rigueur d'une
exécution militaire; la menace y suffit. Réunies à
Bordj-Mnaïel, toutes les djemâ de cette grande
tribu se soumirent aux conditions du plus fort. Le
général Pélissier rentra, le 2*7 novembre, au palais
d'Alger.
Le 26 octobre, le général de Saint-Arnaud avait
remplacé le général Randon au ministère de la
LE GÉNÉRAL RANDON. 279
guerre. Le 2 décembre, il exécutait le coup de
force en vue duquel il avait été appelé d'Afrique à
Paris. Le 11 décembre, le général Randon fut
nommé gouverneur général de l'Algérie; le 1 "jan-
vier 1852, il était à son poste.
CHAPITRE X
ACHEVEMENT DE LA CONQUÊTE,
I. — Gouvernement du général Randon. — Le général Bosquet. —
Soumission de Si-Djoudi et des Zouaoua, — Le général de Mac
Mahon dans la Petite Kabylie. — Opérations sur les frontières de
l'est et de l'ouest.
II. — Mohammed-ben-Abdallah, le diérif d'Ouargia. — Insurrection
de Laghouat. — Si-Hamza. — Les trois régiments de zouaves. —
Pélissier et Jusuf, — Prise et occupation délinitive de Lagliouat.
— Mort de Tedjini. — Succès de J-i-Hamza.
III. — Grand projet du général Randon. — Le maréchal de Saint-
Arnaud. — Expédition dans la Petite Kabjlie. — Le lieutenant-
colonel Cler et le général Bosquet. — La messe en Kabylie. —
Soumission des Babors.
IV. — Vaste ojiération dans le sud. — Soumission du Mzab. — Le
colonel Durrieu et Si-Flamza. — Le général Randon à Lagliouat.
— Tougourte. — Soumission de l'Oued-Righ etdu Souf. — Puits
artésiens.
V. — Contribution de l'armée d'Afrique à la guerre de Crimée. —
Agitation dans la Grande Kabylie. — Expédition du général
Randon. — Situation critique — Mort de Bou-Baghla.
YI. — Le général Randon nommé maréchal. — Mouvements en
Kabylie. — Opérations contre les Guechtoula. — Plans du maré-
chal Randon.
VII. — Campagne décisive dans la Grande Kabylie. — Soumission
des Benf-Raten. — Souk-el-Arba. — Ouverture d'une route et
construction dun fort. — Combat d'Icberidon. — Soumission
282 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
définitive de la Grande Kabylie. — Lettre du maréchal Bosquet au
maréchal Raiulon.
VIII. — Conclusion. — La conquête du sol est achevée. — Reste à
faire la conquête morale.
I
Au 1'' janvier 185^, voici quel était en Algérie
l'état du haut personnel militaire. Le général Ran-
don, gouverneur, avait pour chef d'état-major le
général de Martimprey, pour sous-chef le lieu-
tenant-colonel de Cissey, pour premier aide de
camp le commandant Ribourt. Le général Garaou,
commatidant la division d'Alger, avait sous ses
ordres directement le général Pâté, dans la subdi-
vision de Miliana le général Maissiat, dans la sub-
division d'Aumale le général d'Aurelle, dans la
subdivision de IMédéa le général de Ladmirault. A
la tête de la division d'Oran, le général Pélissier
avait sous ses ordres directement le général de
Luzy-Pellissac, à TIemcen le général de Mac
Mahon, à Mascara le général Bouscaren; la sub-
division de Moslaganem était alors sans titulaire.
Sous les ordres du général de Salles, commandant
la division de Constantine, étaient, à Constantine
même le général d'Autemarre, à Sétif le général
Bosquet.
LE GÉNÉRAL BOSQUET. 283
Ce fut le général Bosquet qui eut le premier, en
1852, à faire parler la poudre. Bou-Baghla, ce
revenant perpétuel, avait fait irruption dans
rOued-Sahel inférieur, brûlé, le 1 4 janvier, le
village d'Aguemoun qui lui faisait résistance et
malmené le maghzen de Bougie. Quatre jours
après, la colonne active de Sétif était en marche;
elle comptait quinze cents baïonnettes, cent cin-
quante sabres et deux obusiers de montagne. Le
21, au milieu du pays insurgé, elle était rejointe
par le colonel Jamin, venu de Bougie avec deux
bataillons et deux autres pièces de montagne; son
efifectif dès lors fut doublé. A cet ensemble de
forces animées par l'énergie du commandement
Bou-Baghla ne pouvait pas tenir lête. Attaqué, le
26 janvier, sur le territoire des Beni-Mansour, il
fut rejeté de l'autre côté du Djurdjura. Le 4 fé-
vrier, la colonne occupait le col d' Akfadou, domi-
nant à l'est rOiied-Sahel inférieur, à l'ouest la
vallée du haut Sebaou.
L'action militaire avait atteint son objet. « Il
ne saurait être question, à l'époque actuelle,
écrivait le général Randon à Saint-Arnaud, mi-
nistre de la guerre, de faire une expédition pro-
fonde, que la colonne n'aurait pas d'ailleurs les
moyens d'exécuter et qui ne pourrait être que
28i LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
comprometlante pour le présent, sans bénéfice
pour l'avenir. »
C'est le grand, le principal mérite du général
Randon, dans son gouvernement d'Algérie, d'avoir
voulu substituer quelque chose de permanent à ces
allées et venues de colonnes derrière lesquelles
les populations traversées se rejoignaient comme
les flots sur le sillage d'un navire, et d'avoir com-
pris que, pour garantir la permanence des établis-
sements, il fallait leur assurer d'abord des com-
munications permanentes. La belle route ouverte
par lui dans la forêt de l'Edough est restée le
meilleur souvenir et comme le monument de son
commandement de Bone en 1842. C'est pourquoi
il ajoutait dans sa dépêche à Saint-Arnaud : « La
route qui doit joindre Alger à Bougie, en traver-
sant la Kabylie, doit être l'objet d'une attention
toute particulière. Il importe de reconnaître la
véritable direction à lui donner de Bougie aux
crêtes des montagnes qui forment, à l'est, le
bassin du Sebaou, d'en indiquer le tracé et même
de procéder autant que possible à des travaux
d'ouverture. Nous faciliterons ainsi les opérations
militaires à entreprendre ultérieurement contre la
Grande Kabylie, et nous assurerons la tranquillité
du pays en prouvant dès aujourd'hui aux indi-
LE GÉNÉRAL BOSQUET. 285
gènes notre ferme volonté d'établir fortement
chez eux notre domination et notre autorité. »
Dès le 5 février, les troupes se mirent à l'œuvre
entre Bougie et Ksar-Kbouch, tandis qu'un peu
plus au sud, des corvées de Kabyles travaillaient
entre Akfadou et l'Oued-Sahel. Le 12, voici ce
qu'écrivait à sa mère le général Bosquet : « Nous
sommes bivouaques au sommet des montagnes et
contre les neiges du Djurdjura, qui ne fondent
qu'au printemps. De la porte de ma tente, je vois
dans le lointain un coin du grand golfe de Bougie
et toutes les montagnes du plateau de Sétif à qua-
rante lieues de nous; la belle vallée de l'Oued-
Sahel se déroule en bas, à nos pieds, dans une
étendue de vingt-cinq lieues. C'est un tableau
imposant, très beau. Depuis quelques jours, nous
n'avons plus, à portée, d'ennemis à combattre.
J'ai des otages de partout, dans les limites que j'ai
dû accepter. Nos soldats, comme ceux des légions
romaines, ont posé leurs armes pour prendre la
pioche, le pic à roc et la barre à mine. Je fais dans
ces montagnes une route qui conduira de Bougie
jusqu'au plateau du Djurdjura; nous nous en ser-
virons au printemps; elle sera l'amorce de la route
future de Bougie à Alger. C'est une prise de pos-
session du pays qui crève le cœur de nos mon-
286 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
lagnards et leur fixe des limites précises à la
résistance qu'ils rêvent contre le conquérant.
Malgré une neige qui tombe très claire, nos sol-
dats travaillent sur la route; je viens de leur
envoyer à chacun un bon verre d'eau-de-vie. Si
Annibal en avait eu dans les Alpes, je crois qu'il
en aurait usé plutôt que de vinaigre. »
Douze jours après, la note était tout autre, et
l'énergique émotion du chef faisait vibrer son
récit d'un accent tragique. Le 19 février, cette
neige très claire s'était épaissie; les communi-
cations avec Bougie étaient coupées; on allait
manquer de vivres; le 22, il fallut lever le cam-
pement. Bientôt toute marche en ordre devint
impossible; l'avant-garde qui devait faire halte au
pied de la montagne voulut poursuivre coûte que
coûte; en s'égarant elle égara tout ce qui suivait;
ceux qui tombaient sur la neige étaient bientôt
ensevelis sous la neige. Pendant quarante-huit
heures on dut croire à des pertes inouïes, à un
désastre sans nom.
Enfin, le 24, à minuit, le général Bosquet put
écrire, de Bougie, à sa mère : « Sache que,
depuis trente ans, on n'avait pas vu de tourmente
de neige sur le terrain oii je bivouaquais et (|ue
cette tempête est un vrai monstre d'ouragan. Pour
LE GÉNÉRAL BOSQUET. 287
n'abandonner personne, j'étais resté le dernier,
avec six compagnies d'élite et mon ami Jamin.
Quelle journée et quelle nuit! Et que de traits de
dévouement, d'énergie ! Rien n'est beau comme un
brave soldat! La veille du départ, quand la tour-
mente se déclara dans sa furie, je mis mes hommes
en mouvement pour les réchauffer; et la nuit je
fis faire de grands feux autour desquels on se pres-
sait, mais en manœuvrant pour que chacun à sou
tour pût approcher. Toutes les cinq minutes, je
criais ou faisais crier : Qui vive? et chacun devait
répondre : Présent! Enfin, les voilà casés à Bou-
gie! J'y suis arrivé le dernier, hier, et j'ai fait ma
première visite à l'hôpital où j'ai été mettre pied
à terre avant d'entrer dans le logement qui m'était
préparé. J'aurai perdu une cinquantaine d'hommes
gelés, peut-être; j'en ai près de deux cents endo-
loris des pieds. J'espère n'avoir que très peu de
cas d'amputation. Ces pauvres soldats me remer-
ciaient du regard et me demandaient : « Et vous?
« où en sont vos pieds? » Ils savaient que j'avais
marché, à pied, derrière, toute la journée et à peu
près toute la nuit, vingt-deux heures, dans la
neige, relevant plusieurs d'entre eux. Nous
sommes très bons amis, et j'aime bien ces amis-
là! »
288 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Quelques jours plus tard, il écrivait encore :
(( La part du mal a été minime, quand on la com-
pare aux chances probables. De mémoire de vieil-
lard, on n'avait pas eu, depuis trente ans et plus,
de neige pendant plus de cinq à six heures. La
température était celle du printemps; on avait
cueilli des violettes dans la journée. La nuit était
chaude, lorsque vers une heure du matin, il
tomba de la neige sans froid ni vent. Le lendemain,
du soleil, température chaude; mais, vers le miheu
de la journée suivante, ce fut la foudre; des tour-
billons à ne pas se voir, à renverser hommes et
chevaux. Nous partîmes au jour, et la tempête a
duré quatre jours et demi derrière nous, cou-
vrant le bivouac de cinq pieds de neige. Plus
d'une fois, j'ai dû abandonner des cadavres, jetant
sur eux une poignée de neige en signe d'adieu
pour nous et leurs familles, et levant les yeux au
ciel pour le prier qu'il nous fût permis promp-
tement de leur donner une autre sépulture. Je
reste responsable devant les hommes du naufrage
de ma colonne; mais le témoignage de mes soldats,
de mes officiers, des étrangers, de tout le monde
qui m'écrit, est trop d'accord avec celui de ma
conscience pour me laisser dans le cœur un autre
sentiment que la douleur d'avoir perdu de braves
SOUMISSION DE SI-DJOLDI. 289
gens et d'en voir soulfrir d'autres que tous mes
efforts n'ont pu sauver. »
Ces lignes étaient écrites de l'ancien bivouac,
du bivouac funèbre, où la colonne mutilée, mais
renforcée par un bataillon de zouaves arrivé
d'Alger, avait repris position, le 3 mars. Les
Kabyles, qui l'avaient crue anéantie, furent plus
frappés de son retour que de sa première appa-
rition sur leurs crêtes. Le 24, le général Bosquet
la ramena dans ses cantonnements à Sétif.
Les derniers écliecs de Bou-Baghla, ou plus
probablement ses prétentions à la prépotence,
venaient de causer en Kabylie une défection d'im-
portance et tout à fait inattendue. Le fameux chef
des Zouaoua, Si-Djoudi, s'étais mis secrètement
en rapport avec le lieutenant Beauprètre, com-
mandant du poste de Dra-el-Mizane, et tout à
coup, vers la lin de mars, on le vit arriver à
Alger, suivi de quatre-vingt-douze délégués des
tribus qui, jusque dans cette résolution décisive,
avaient subi son influence. Le 7 avril, le gouver-
neur le reçut solennellement dans la cour de son
palais. Là, en présence du meufti et des oulémas,
Si-Djoudi et ses adhérents jurèrent sur le Coran
de chasser de leurs montagnes Bou-Baghla et tous
les fauteurs de guerre, d'ouvrir au commerce
II. 19
290 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
l'accès de leurs marchés, d'accueillir amicalement
les colonnes françaises; après quoi Si-Djoudi fut
proclamé bacbagha du Djurdjura et revêtu du
burnous d'investiture. C'était assurément un
grand pas fait vers la soumission de la Kabylie;
mais il y avait encore loin de la réalité aux appa-
rences.
Si le ministre de la guerre en avait voulu croire
le gouverneur de l'Algérie, on en aurait tout de
suite fait l'épreuve. Le général Randon avait un
plan pour soumettre le Djurdjura; mais Saint-
Arnaud, qui, au fond de sa pensée, voulait se ré-
server l'entreprise, la jugea prématurée, s'y opposa
formellement, et n'autorisa qu'une opération
excentrique, comme celle qu'il avait dirigée lui-
même en 1851, à savoir une expédition sur
CoUo.
Forcé de renoncer à l'exécution immédiate de
son projet favori, le général Randon ne laissa pas
d'en préparer indirectement les chances. Sous le
prétexte d'empêcher la Grande Kabylie de venir
en aide à la Petite, il la fit investir sur ses deux
flancs par deux colonnes, l'une à l'ouest, sous les
ordres du général Camou, l'autre à l'est, sous les
ordres du général Maissiat. Non seulement elles de-
vaient observer, celle-ci la vallée de l'Oued-Sahel,
EXPÉDITION SUR COLLO. 291
celle-là les abords du plateau de Boghni, mais leur
plus importante mission était, pour la première,
d'établir une communication entre Dellys et Au-
male, par Bordj-Mnaïel, Dra-el-Mizane et Bordj-
Bouira, avec des amorces transversales de Bordj-
Mnaïel sur Tizi-Ouzou, et de Bordj-Bouira sur
Beni-Mansour; pour la seconde, d'améliorer et de
rendre partout carrossable la route ouverte, en
1850, de Sétif à Bougie. C'est pourquoi ces deux
colonnes reçurent des effectifs assez élevés pour
leur permettre de fournir chaque jour un nombre
suffisant de travailleurs.
Le général de Salles venant d'être nommé divi-
sionnaire et rappelé en France, ce fut le général
de Mac Mahon, son successeur au commandement
de la division de Conslantine, qui reçut la direc-
tion de l'opération sur Collo. La colonne active,
réunie à Mila, était de six mille cinq cents hommes,
en deux brigades, sous les ordres des généraux
Bosquet et d'Autemarre. La cavalerie, dont le rôle
devait être bien peu actif dans un pays très acci-
denté, se réduisait à dou\ escadrons, un de
chasseurs d'Afrique, l'autre de spahis. Une
seule batterie de montagne avait été jugée suffi-
sante.
Sorti de Mila le 1 2 mai, le général de Mac ^lahon
19.
292 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
élail, le 1 5, en plein pays kabyle. Il n'y eut d'abord
que des fusillades de nuit contre le bivouac, qui,
protégé par ses grand'gardes, ne s'en inquiéta
guère. Les affaires les plus vives eurent lieu le 21
et le 31 mai. Elles eurent pour effet la soumission
plus ou moins sincère des tribus les plus belliqueu-
ses. Le 4 juin, la colonne pénétra chez les fameux
Beni-Toufoul, renommés pour leur turbulence et
leur sauvagerie; le 1 0, ils apportaient leurs douros
d'amende. Le H , le général de Mac Mahon entrait
dans CoUo. Ses premières instructions lui prescri-
vaient d'y faire une installation définitive; mais il
lui était arrivé de Philippeville des nouvellesgraves
et d'Alger de nouveaux ordres. Une insurrection
avait éclaté dans l'est de la province de Constan-
tine; le gouverneur ordonnait d'y envoyer d'ur-
gence le général d'Autemarre avec la moitié de sa
brigade, de surseoir à l'occupation de Collo, mais
d'achever aux alentours la soumission de la mon-
tagne. Des contingents nombreux s'étaient donné
rendez-vous sur le Djebel-Gouffî; ils s'y croyaient
inexpugnables. Le général de Mac Mahon leur en
donna le démenti; il les en fit déloger le 17 juin,
et, comme ce fut fini de la résistance, il re-
prit le chemin de Constantine, où il rentra le
3 juillet.
RÉSULTAT DE L'EXPÉDITION. 293
Si l'on veut juger, non de la conduite, qui fut
excellente, mais de la valeur etTective de cette opé-
ration, il faut entendre celui qui, après le général
de Mac Mahon, y eut la plus grande part. Voici ce
que le général Bosquet écrivait, d'abord le 5 juin,
à sa mère : « La campagae de l'an passé, conduite
par le célèbre M. de Saint-Arnaud, au lieu de pré-
parer le pays à la soumission, n'y a laissé que des
semences d'irritation et d'espoir d'indépendance.
Cet étalage d'heureux succès, dont les journaux
ont assourdi leurs lecteurs à l'époque en question,
fait honneur à l'imagination de celui et de ceux
qui les ont inventés. La vérité est pour nous et
malheureusement qu'il y aurait plutôt un blâme à
infliger. Les mauvaises manœuvres de l'an der-
nier rendent aujourd'hui notre tâche plus diffi-
cile »; puis, le 11 juin : « Nous sommes arrivés
dans les montagnes voisines de Gollo, à travers un
chaos de hauteurs et de lavins et de Kabyles dé-
fendant bravement leur pays. Ce sera une longue
opération de plusieurs années que de soumettre
ces montagnards. L'an passé, pour faire une posi-
tion à M. Saint-ArnaudjOnacru utilede tromperla
France et de lui conter que la Kabylie orientale
était à peu près soumise; le tour est fait, comme
on dit dans ce raoude-là, mais ici la chose n'est
294 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
pas faite. Nous en avons ébauché une petite partie
avec de grands etTorts. Je crois que la campa-
gne va être interrompue par des mouvements
d'insurrection qui se développent sur la fron-
tière de Tunis et dont le caractère devient très
sérieux.»
Dans la nuit du 1" au 2 juin, dix hommes du
1 0' de ligne qui gardaient un caravansérail en
construction à quelqueslieues de Ghelma, s'étaient
vus subitement assaillis par une bande d'insurgés
et avaient perdu deux des leurs; le 12, un pareil
guet-apens avait surpris non loin de Bone, dans
la forêt de Beni-Sala, un détachement de bùche-
lons militaires; de dix-huit, onze furent tués. Fait
plus grave, dès le 5, les puissantes tribus des Ha-
rakta et des Nemencha s'étaient mises en armes
et avaient investi le poste d'Aïn-Beïda. Les uns et
les autres avaient bien spéculé sur la diminution
de forces de la province pendant l'expédition de
CoUo. Heureusement l'énergie des commandants
de cercle y suppléa; ils ne permirent pas à ces
tronçons de révolte de se rejoindre et de prendre
corps, et quand des renforts arrivèrent d'Alger et
de Dellys, une grande partie du mal était réparée.
Le chef du bureau arabe de Bone, le capitaine
Mesmer, s'était fait bravement tuer, mais l'offen-
LE GÉNÉRAL DE MAC MAHON. 295
sive qu'il avait prise avaii fait reculer l'insurrec-
tion et permis au colonel de Tourville de rétablir
l'ordre autour de Bone et de Ghelma. Tout était
fini de ce côté quand y arriva de Collo le général
d'Autemarre.
Il restait à châtier les Harakia et les Nemencha.
De retour, le 3 juillet, à Constantine, le général de
Mac Mahon en repartit le 4, se fit rejoindre par la
colonne d'Autemarre, et marcha aux insurgés avec
huit bataillons, quatre escadrons et six. pièces de
montagne. Les tribus menacées avaient évacué
leurs territoires et s'étaient réfugiées en Tunisie,
sans y avoir été désarmées par les autorités tuni-
siennes. Devant ce manque de foi et ce mépris des
obligations internationales, le général n'hésita pas;
il passa la frontière, atteignit, le 13 juillet, avec sa
cavalerie, l'émigration près de la montagne de
Kala, lui tua quatre cents hommes et lui prit seize
mille moutons, huit cents bœufs, une centaine de
chameaux. Tout était fait quand l'infanterie sur-
vint; elle avait marché vingt-trois heures. Après
cette exécution, le généial Mac Mahon rentra
d'abord sur son territoire, fit route au nord, et,
ayant appris que les Beni-Sala étaient aussi passés
en pays tunisien, il les y alla chercher et châtier
comme les autres.
296 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Ces violations de frontières, que justifiaient (Je
ce côté l'incurie et la mauvaise foi des Tunisiens,
l'incurie et la mauvaise foi des Marocains les jus-
tifiaient pareillement à l'autre extrémité de l'Al-
gérie. Des bandes de Beni-Snassen, descendues de
leurs montagnes, étaient venues, sur le territoire
français, jusqu'à Lalla-Maghnia même, attaquer
des Arabes occupés aux travaux des champs et
s'en étaient allées vendre sur le marché d'Oudjda
les dépouilles ensanglantées de leurs victimes.
Toutes les réclamations faites au kaïd marocain
n'ayant obtenu que des réponses évasivesou dila-
toires, le général Montauban, successeur du géné-
ral de Mac Mahon à Tlemcen, avait réuni des
troupes à Lalla-Maghnia et à Nemours, était entré
chez les Beni-Snassen, et les avait battus dans
toutes les rencontres, notamment le 15 mai et le
24 juin. Ce fut seulement alors que ces monta-
gnards, qui prétendaient à l'indépendance, solli-
citèrent l'intervention d'un représentant de
l'empereur Mouley-Abd-er-Rahmane, le kaïd Si-
Abd-es-Sadoc, personnage muet jusqu'alors et
spectateur impassible des événements. Le l"" juil-
let, il se présenta au général Montauban, et,
sans observations, sans récriminations, sous-
crivit, au nom des Beni-Snassen, à toutes les
AGITATION DU SUD. 297
conditions qu'il plut au général de leur imposer.
C'était d'ailleurs peu de chose que ces épisodes
des frontières de l'est et de l'ouest en comparaison
des incidents graves qui agitaient la région pro-
fondément troublée du sud.
298 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
II
A dix années de date en arrière, en 1 842, dans
la province d'Oran, un aventurier issu des Ouled-
Sidi-Cheikli, nommé, comme tous les prétendus
(( maîtres de l'heure », Mohammed-ben-Abdallah,
s'était produit et posé en rival d'Abd-el-Kader. Il
avait pris d'abord le titre de sultan ; mais comme
il n'avait ni par ses succès personnels, ni par l'ac-
tion de ses adhérents peu nombreux, justifié son
ambition trop haute, il était descendu, avec l'agré-
ment des Français, au rang déjà trop considérable
de khalifa de Tiemcen. Par ses prétentions et ses
contradictions, il s'était rendu si insupportable au
général Bedeau, puis au général Cavaignac, que,
sur les instances de celui-ci, le maréchal Bugeaud,
en 1845, conseilla paternellement au khalifa d'al-
ler chercher son titre de hadj à La Mecque et lui
fournit largement les moyens de s'y rendre. On
s'en crut débarrassé; point du tout.
Après trois années de séjour dans les villes
LE CHÉRIF D'OUARGLA. 299
saintes, le pèlerin reprit, par la Tripolitaine et la
Tunisie, le chemin de l'Algérie; mais au lieu de
rentrer dans le Tell, sous la domination française,
il s'établit en observation, très loin au sud, à cent
quatre-vingt-dix lieues d'Alger, dans la zaouïa de
Rouissat, qui dépendait de la grande oasis d'Ouar-
gla. Depuis la disparition d'Abd-el-Kader, dans le
drame qui mettait aux prises musulmans et roumi,
la scène était vide, ou plutôt le premier rôle
n'avait plus d'interprète. Mohammed se flatta d'en
pouvoir faire le personnage et s'y prépara pendant
trois années encore, en étonnant, en gagnant, en
fascinant par ses prédications et ses pratiques reli-
gieuses les nomades sahariens.
Quand il crut le moment propice, il sortit de sa
retraite, au mois de décembre 1851, et, suivi d'une
troupe déjà nombreuse, s'avança au nord-ouest,
par le Mzab. Dans tout le désert on ne parlait plus
que du chérif d'Ouargla; c'est le litre qui lui fut
désormais acquis. Le principal clieikh des Larbâ
vint à lui avec la plus grande partie de sa tribu, et
les Ouled-Naïl commencèrent à s'agiter. L'agha du
Djebel-Amour voulut arrêter ses progrès; mais,
trahi par son propre goum, il fut battu à Berriane
et se trouva trop heureux de gagner Laghouat. Au
reçu de ces étonnantes nouvelles, le général Uan-
300 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
don donna au général de Ladmirault, commandant
la subdivision de Médéa, l'ordre de réunir à Bo-
ghar deux bataillons du 1 2' de ligne, les tirailleurs
indigènes d'Alger, quatre escadrons, moitié chas-
seurs d'Afrique et moitié spahis, de se mettre à
la tête de cette colonne et de se porter en avant
de Laghouat, découvert par la défection des
Larbâ.
Parti de Boghar le 17 février 1852, le général
de Ladmirault passa par Taguine , rassura les
Ouled-Naïl, visita le Djebel-Amour, et vint s'éta-
blir à Ksar-el-Aïrane, à l'est de Laghouat. Dans le
même temps, le commandant Deligny, avec une
petite colonne sortie de Mascara, traversait rapi-
dement la région des Ghott, les montagnes des
Ksour , apparaissait au milieu des Ouled-Sidi-
Cheikh, leur enjoignait de reporter leurs campe-
ments au nord, et ramenait avec lui leur chef
Si-Hamza, qu'on soupçonnait de connivence avec
le chérif. Quant à celui-ci, le général de Ladmi-
rault perdit toute espérance de l'atteindre et dut
se borner à renforcer l'autorité des chefs indigènes
sur les populations dont la fidélité n'était pas
solide. A la place du vieux Ben-Salem, un nouveau
bachagha fut institué avec autorité sur Laghouat
et les oasis voisines, sur les Ouled-Naïl et les
LE COMMAKDAiST COLLINEAU. 301
Larbâ demeurés fidèles; puis, les chaleurs com-
mençant à fatiguer les troupes, le général ra-
mena, le 2 mai, sa colonne à Boghar, où elle fut
dissoute.
A l'approche des Français, le chérif s'était re-
plié dans le désert; mais après s'être ravitaillé à
Tougourte il pointa droit au nord, vers le Zab. Le
chef de bataillon Collineau commandait à Biskra ;
c'était un soldat énergique et décidé. Dans la soi-
rée du 21 mai, il sortit à la rencontre du chérif;
il n'avait avec lui que cinquante-quatre chasseurs
d'Afrique, trente-deux spahis etquatre-vingtscava-
lieis de la smala du Cheikh-el-Arab. Le lendemain
matin, il rallia sept cents chevaux des goums qu'il
avait envoyés en reconnaissance; rien n'était
encore en vue quand tout à coup, vers le milieu
du jour, une vedette signala une grosse troupe à
Mlili, près de l'Oucd-Djeddi. Il y avait bien là
deux mille cinq cents cavaliers et gens de pied.
Les goums hésitaient; à la tète des chasseurs, des
spahis et des hommes du Cheikh-el-Arab, le com-
mandant lit sonner la charge; ce fut une vraie
mêlée; le chérif, attaqué corps à corps par un
brigadier de chasseurs, reçut deux coups de sabre,
tourna bride et ne fut que dilficilement sauvé
par les siens. Toute la bande fuyait en déroute,
302 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
laissant cent cinquante morts sur le champ de
bataille.
Ce coup de vigueur retentit dans tout le Sahara,
de Tougourte à Figuig; pendant quatre mois, au-
cun souffle de révolte ne troubla le calme solen-
nel du désert. A la fin de septembre seulement,
on entendit reparler du chérif; ses lentes avaient
été reconnues à Ksar-el-Aïrane, sur TOued-xMzi,
non loin de Laghouat. Le général Jusuf, qui com-
mandait alors la subdivision de Médéa, surveillait,
à Djelfa, la construction d'un bordj ou maison de
commandemenl, destinée au bachagha des Ouled-
Naïl. Le 3 octobre, il se mit en marche avec une
colonne de huit cents hommes d'infanterie et de
deux cents cavaliers. Arrivé sur l'Oued- iMzi et n'y
trouvant plus le chérif, qui avait encore une fois
disparu, il poursuivit jusqu'à Laghouat.
A Laghouat, comme dans la plupart des autres
ksour, la population était divisée en deux fac-
tions ou sof; la nature même y avait aidé. Bâti
sur deux mamelons parallèlement allongés du
nord-est au sud-ouest, le ksar était partagé en
deux quartiers distincts par une rigole dérivée de
rOued-Mzij et c'était cette eau précieuse qui était
un perpétuel sujet de discorde entre l'un et l'au-
tre. Si le nord l'emportait, le sud mourait de soif.
RÉVOLTE DE LAGHOUAT. 303
et réciproquement. Depuis quelques années, grâce
à la protection des Français, le sud avait le dessus;
mais jaussi , grâce aux Français, il n'avait pas
abusé de son triomphe. Invité par le fils aîné de
Ben-Salem, qui avait le titre d'agha, moins effectif
qu'honorifique, le général Jusuf visita Laghouat,
prêcha la réconciliation aux deux sof, et ne pou-
vant concéder aux sollicitations de l'agha l'installa-
tion d'une garnison française qu'il n'avait pas l'au-
torisation de laisser dans le ksar, il s'occupa de
former un maghzen de deux cents hommes, une
sorte de milice locale qu'il mit sous les ordres d'un
officier de spahis, nommé Ben-Hamida.
A peine Jusuf eut-il repris le chemin de Djelfa
que le chérif d'Ouargla reparut sur la scène, porta
le ravage dans le Djebel-Amour et suscita dans
Laghouat même, parmi le so/du nord, une révolte
devant laquelle Ben-Hamida fut obligé de se déro-
ber au plus vite. La péripétie s'était faite en moins
de quinze jours. Informé de ce singulier revire-
ment, le général Randon prit une série de mesures
sagement combinées pour étouffer l'insurrection
ou du moins l'empêcher de gagner tout le sud.
En même temps qu'il envoyait des renforts à
Djelfa, à Bou-Sàda et à Biskra, il prescrivait au
iïénéral Pélissier de former une colonne active et
304 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
de se diriger sur Laghouat par El-Biod. Le gou-
verneur se proposait de s'y porter lui-même d'Al-
ger par Médéa et Boghar. Sur ses entrefaites ar-
riva un nouveau courrier de malheur : Si-Naïrai,
frère de Si-Hamza, s'était déclaré pour la révolte,
et sa défection pouvait entraîner la puissante tribu
des Ouled-Sidi-Clieikh.
Injustement soupçonné d'entente avec le chérif
et retenu, sinon comme captif, du moins comme
otage, par le commandant supérieur d'Oran, Si-
Hamza pouvait se venger du mauvais vouloir des
Français en laissant faire; mais à la seule idée
que Si-Naïmi, son propre frère, comme lui des-
cendant d'une grande race, allait s'humilier aux
pieds d'un aventurier, sorti d'une basse tente des
Ouled-Sidi-Cheikh, à l'idée que cet aventurier
osait rivaliser d'influence avec lui, Si-Hamza, chef
de guerre et marabout vénéré, dont le renom s'é-
tendait d'une extrémité du désert à l'autre, tout
son sang bouillonna dans ses veines et son vieil
orgueil se révolta. On avait bien ri naguère entre
Arabes, il avait ri sans doute lui-même de l'igno-
rance des Français qui s'étaient laissé duper si
longtemps par ce faux sultan, par ce khalifa de
rencontre ; de Si-Hamza on ne devait pas rire. Si-
Hamza était le type de ces grands seigneurs dont
LES RÉGIMENTS DE ZOUAVES. 305
le concours, en dehors du Tell d'Alger et d'Oran,
d'où leur influence avait été insensiblement écar-
tée, paraissait encore indispensable à Tautoiité
française. Tels étaient, avec lui, Bou-Akkas dans
le Ferdjioua, les Mokrani dans la iMedjana, les
Ben-Gana dans le Zab. Très sincèrement il s'offrit
au général Pélissier pour marcher à la tête des
goums sahariens contre le chérif, et très sagement
on accepta son offre.
Le général Pélissier organisait sa colonne. Parmi
les corps appelés à en faire partie figurait un nou-
veau régiment de zouaves, le 2'. Dès les premieis
jours de son gouvernement, le général Randon
s'était préoccupé d'accroître l'effectif des corps
spéciaux de l'Algérie, zouaves, chasseurs d'A-
frique, spahis, et il avait, dès le 20 janvier 1852,
adressé au ministre de la guerre un projet con-
forme à ses préoccupations. Il n'avait eu tout à
fait gain de cause qu'au sujet des zouaves. Un dé-
cret du 13 février avait admis, dans les cadres de
l'armée française, trois régiments de zouaves, un
pour chacune des trois provinces de l'Algérie. Les
trois bataillons do l'ancien et unique régiment
formèrent le noyau des nouveaux corps, dont l'ef-
fectif très élevé comportait un complet de trois
mille six. conts hommes (pii fut même dépassé, de
II. 20
306 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
sorte qu'à eux seuls les zouaves auraient pu con-
stituer une division de onze mille baïonnettes.
Vers le milieu de Tannée, leur organisation était
faite. Les colonels et lieutenants-colonels étaient :
pour le 1 ■■ régiment d'Alger, Bourbaki et Lava-
rande; pour le 2° d'Oran, Vinoy et Cler; pour le
3 de Constantine, Tarbouriech et Jannin.
Dans les premiers jours de novembre, le
2' zouaves reçut l'ordre de former deux bataillons
expéditionnaires de six cent vingt-cinq hommes ;
en l'absence du colonel Vinoy retenu en France,
le lieutenant-colonel Cler en prit le commande-
ment. Après avoir rallié en chemin une colonne
amenée de Saïda par le général Bouscaren, le
régiment fit séjour au ksar d'El-Biod, qui, relevé
de ses ruines et fortifié, devint le poste de Géry-
ville, du nom de l'officier mort à la peine qui,
sous le maréchal Bugeaud, avait longtemps et glo-
rieusement servi dans ces parages. Le général
Pélissier attendait les nouvelles de Jusuf, qui, de
Djelfa, s'était mis à la recherche des réfractaires.
H les avait rencontrés et battus, le 19 novembre,
entre Assafia et Ksar-el-Aïrane ; mais, au lieu de
s'enfuir comme d'habitude vers le sud, le chérif,
qui se trouvait avec eux, se jeta dans Laghouat,
dont le 50/ du nord lui ouvrit les portes. Quand
LE GÉNÉRAL PÉLISSIER. 307
Jusut' s'y présenta, il fut accueilli par une fusil-
lade, et n'ayant pas assez de monde pour tenter
un coup, de main avec chance de succès, il prit
son bivouac au nord, à quelque dix-huit cents
mètres du ksar, tenant Ras-el-Aïoun, « la tète des
fontaines », c'est-à-dire les bassins de retenue d'où
l'eau puisée à l'Oued-Mzi allait arroser l'oasis.
Était-ce donc qu'on fût sous la menace d'un autre
Zaatcha ?
Aussitôt averti, le général Pélissier accourut
d'El-Biod. La colonne qu'il amenait comprenait
deux bataillons du 21 zouaves, un bataillon du
50' de ligne, trois compagnies du l" bataillon
d'Afrique, deux compagnies de tirailleurs indi-
gènes, trois escadrons de chasseurs d'Afrique, un
escadron de spahis, une pièce de 8, un obusier de
campagne, quatre obusiers de montagne, en tout
un effectif de trois mille hommes. Le 2 décembre,
vers trois heures de l'après-midi, la colonne dé-
boucha du Djebel-Amour dans l'immense plaine de
Laghouat. Par-dessus une forêt de palmiers se
dressait, au centre du ksar, le minaret de la mos-
({uée; un peu plus bas et plus près, au sud-ouest,
on apercevait l'ancienne kasba de Ben-Salem.
Dans la soirée, le général Pélissier recul les infor-
mations de Jusuf : ses parlementaires avaient été
20.
308 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
décapités; l'exaltation du chérif et de ses adhé-
rents tenait de la fureur. Il fut convenu que les
deux colonnes agiraient séparément, mais en con-
certant leurs elTorts. Le commandant Barois et
quatre compagnies du 1" zouaves, détachées du
corps Jusuf, reçurent l'ordre de rejoindre les
camarades du 2^
Le 3 décembre, à sept heures du matin , le
général Pélissier fit la reconnaissance de la place.
Il choisit pour point d'attaque le marabout de
Sidi-el-Hadj-Aïssa, sur un mamelon rocheux, à
bonne portée du mur d'enceinte. Une vive fusil-
lade, partie des jardins, avait fait éprouver aux
pelotons de reconnaissance des pertes sérieuses.
La nuit venue, trois compagnies de zouaves, une
compagnie de zéphyrs et deux sections de travail-
leurs, sous la direction du lieutenant-colonel Cler
et du commandant Morand, s'avancèrent silen-
cieusement vers le marabout, et, sans riposter au
feu des Arabes, l'emportèrent à la baïonnette.
Aussitôt l'artillerie se mit à l'œuvre. Une embra-
sure pour la pièce de 8 fut pratiquée dans le mur
même de la koubba; Tobusier de campagne devait
être protégé par un épaulement en sacs à terre.
Vers minuit, les deux bouches à feu furent instal-
lées sur leurs plates-formes.
ASSAUT DE LAGHOUAT. 309
Le 4, à huit heures du matin, le tir en brèche
venait de commencer; le chemin qui conduisait à
la batterie, tout à découvert, suivait une arête ro-
cheuse incessamment fouettée par les balles ; ce
fut là que le général Bouscaren tomba, frappé
mortellement, à côté du général en chef. Après
trois heures d'un tir soutenu, la brèche fut jugée
praticable. Douze compagnies de zouaves, quatre
du 1" régiment, huit du 2% se formèrent en trois
colonnes, dont une de réserve. La fumée d'un
bûcher, allumé au sommet du mamelon, donna
par-dessus l'oasis au général Jusuf le signal de
l'attaque. Au même instant, les clairons sonnèrent
la marche des zouaves; les colonnes d'assaut s'é-
lancèrent; la brèche abordée, franchie, dépassée,
le combat s'engagea dans les rues ; mais les défen-
seurs de Laghouat, en dépit de leur exaltation
première, n'eurent pas la sauvage énergie de ceux
de Zaatcha.
Pendant que le lieutenant-colonel Cler, accom-
pagné du lieutenant-colonel Deligny, directeur
des affaires arabes de la province d'Oran, se ren-
dait maître de la kasba de Ben-Salem, de la mos-
quée, de tout le mamelon méridional du ksar, le
général Jusuf, à la tête du 2" bataillon d'Afrique
et (les tirailleurs indigènes d'Alger, escaladait la
310 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
muraille du nord et rejoignait à la kasba ses com-
pagnons de victoire.
Il ne restait plus qu'une grande maison, dite
du khalifa, d'où partaient encore des coups de
feu. C'était là qu'étaient retenus prisonnières, sous
la garde d'une troupe de Mzabites, fanatiques
serviteurs du chérif, les familles des anciens par-
tisans de Ben-Salem. Pour les zouaves, ignorants
des péripéties de leur hisloire, gardiens et captifs,
c'était tout un, et ils auraient fait bon marché des
uns comme des autres sans l'intervention propice
du lieutenant-colonel Cler, qui eut la satisfaction
de rendre à la vie et à la liberté ces intéressantes
victimes. Quant au chérif, plus heureux que Bou-
Ziane, il réussit à s'échapper de Laghouat.
A deux heures, tout était fait. Comparées à
l'importance du succès, les pertes n'étaient point
trop grandes; mais avec le général Bouscaren,
l'armée avait à regretter le digne héritier d'un des
célèbres divisionnaires du premier empire, le
commandant Morand, du 2" zouaves, frappé
mortellement à l'attaque de la kasba. Il fui en-
terré, avec trois autres ofliciers tués à l'ennemi,
au pied même de la brèche, comme les glorieux
morts du siège de Constantine.
Déjà signalée par la prise de Laghouat, cette
OCCUPATION DE LAGHOUAT. 311
journée du 4 décembre 1832 devait l'être encore
par un succès que remportait, au même instant, à
cinquante lieues de distance, le grand chef Si-
Hamza. Après avoir traversé, cinq jours durant,
cette steppe aride et désolée que les Arabes
nomment Bled-el-Ateuch, littéralement : le pays
de la soif, il surprit, avec un goum de sept cents
chevaux, entre Berriane et Guerrara, un campe-
ment de Mzabites et fit sur les adhérents du chéri f
une telle razzia que le succès de cette pointe
hardie jeta jusque dans Ouargla l'épouvante.
Le 16 décembre, le général Pélissier reprit le
chemin du Tell par Aïn-Madhi, où Tedjini le reçut
avec de grands honneurs; le lendemain, ce fut au
tour du général Jusuf de lever le bivouac pour
regagner Djelfa. Une garnison d'un millier
d'hommes fut laissée provisoirement dans La-
ghouat, en attendant le choix qu'il plairait au
gouvernement de faire entre l'un de ces trois
partis, la destruction, l'abandon ou l'occupation
définitive du ksar. Ce fut le dernier qui prévalut.
La brèche fut fermée, l'enceinte crénelée; aux
deux extérmités de l'ellipse dessinée par la
muraille, deux ouvrages s'élevèrent : le fort
Bouscaren et le fort Morand; la kasba demeura
le premier des établissements militaires; l'hôpiial
312 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
y fut établi; les maisons les plus spacieuses furent
appropriées au casernement, un moulin et une
manutention installés pour le service des vivres.
Un équipage de cinq cents chameaux, dont Ten-
trelien fut imposé aux Larbâ comme contribution
de guerre, dut être tenu par eux en état de mar-
cher au premier signal.
La force de la garnison permanente fut calculée
à raison de huit cents hommes d'infanterie, avec
un escadron de cent vingt-cinq chevaux, une
section de montagne, quelques sapeurs du génie
et un détachement de troupes d'administration
proportionné à l'effectif. La circonscription poli-
tique du poste avancé de Laghouat dut embrasser
les ksour d'Aïn-Madhi, de Tadjemoule, d'Assafia,
de Ksar-el-Aïrane, lagiialik des Larbâ, le bach-
aghalik des Ouled-Naïl; le groupe même des ksour
du Mzab y fut compris, mais nominalement, à
titre de région suspecte et bonne à surveiller.
Enfin, le commandement du poste, de la garnison
et du cercle fut confié par le gouverneur général
au capitaine Du Barail, du 1" régiment de spahis.
Pour son coup d'essai, le commandant de La-
ghouat débuta par un coup de maître; car il venait
de décider, — chose inouïe, invraisemblable, — le
vénérable marabout d'Aïn-Madhi, Tedjini, à faire
MORT DE TEDJIM. 3l3
le voyage d'Alger, quand, peut-être impressionné
par l'étrangelé de son aventure, Tedjini mourut
presque subitement, le 1^ mars 1853, à la veille
de se mettre en route. L'événement pouvait avoir
de graves conséquences, selon ce que serait le
successeur du marabout. Ce fut heureusement un
homme d'humeur paisible, et qui se rangea sans
peine sous Taulorilé du capitaine Du Barail. Le
colonel Durrieu, commandant la subdivision de
Mascara, envoyé par le gouverneur pour décider
du sort d'Aïn-Madhi, n'eut même pas besoin de
pousser au delà de Géryville; et comme si un
succès en appelait nécessairement un autre, en
même temps qu'il apprenait de ce côté-là le
dénouement de la diiricullé,un courrier lui appor-
tait la nouvelle d'une razzia faite, à trente-cinq
lieues au sud-ouest, par l'infaligable Si-Hamza
sur les Hamiane, auxquels il avait pris deux mille
chameaux, trente mille moulons, des dépouilles
de toute espèce.
Commencée sous les plus heureux auspices
dans le sud, l'année 1853 ne devait pas les dé-
mentir dans le nord.
314 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
III
Comme le général d'Hautpoul, son prédéces-
seur, le général Randon était arrivé en Algérie
avec une grande et ambitieuse pensée, la réduc-
tion de toute la Kabyiie, l'achèvement de la con-
quête. D'opposition parlementaire il n'y avait plus
cure; le gouvernement était absolument le maître.
En 1852, le ministre de la guerre avait renvoyé
l'examen de la question à l'année suivante; en
1853, dès le mois de janvier, remise sur le tapis
par le gouverneur général, elle fut tranchée, sui-
vant son désir, par le ministre. « J'ai décidément
arrêté, disait, dans une dépêche du 17 février, le
maréchal de Saint-Arnaud, le projet d'une expé-
dition sérieuse dans la Kabyiie du Djurdjura.
Cependant, avant de lancer des colonnes dans ces
âpres montagnes, il est indispensable que nous
nous rendions bien compte de la situation de l'en-
semble de nos possessions algériennes, afin de
constater les forces locales qui pourront être con-
RANDON ET SAINT-ARNAUD. 315
sacrées à celte opération. Cet examen est d'autant
plus nécessaire que la France vient encore de
réduire son armée de vingt mille hommes, et
qu'on ne peut plus évidemment réclamer le con-
cours des troupes de la métropole. J'attends votre
réponse avec une vive impatience, afin d'être
renseigné de la manière la plus précise sur la vraie
situation politique et militaire. Je désire connaître
aussi comment vous comptez former vos colonnes
de façon à ne vous laisser prendre nulle part au
dépourvu. Je vous prie enfin de me signaler ce
qui, dans votre opinion, vous paraît possible ou
impossible. Une fois fixé sur ces importantes ques-
tions, je vous communiquerai mes dernières in-
structions. »
Tout heureux, sans en être étonné, de l'intérêt
chaleureux que le ministre prenait à ses vues, le
général Randon lui avait complaisamment fait
part de ses combinaisons et développé ses plans,
lorsqu'il reçut, le 9 mars, ces dernières instruc-
tions qui lui étaient annoncées, mais dont il n'a-
vait certes pas prévu le tour. « C'est le moment,
lui écrivait, à la date du 3 mars, le ministre, c'est
le moment de parler de la direction générale des
opérations importantes qui doivent être entre-
prises. J'a[)précie trop votre caractère, et je pense
316 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
que mes sentiments à votre égard sont trop bien
connus pour ne pas aborder cette question avec
franchise. L'intention de l'Empereur est que l'ex-
pédition soit dirigée par un maréchal de France;
mais, en même temps, Sa Majesté a trop de bien-
veillance pour vous et sait trop ce que vous valez
pour ne pas vous laisser, dans la campagne qui
va s'ouvrir, une position dont votre amour- propre
ne puisse en rien souffrir. Il y aura deux colonnes
d'une égale importance qui, toutes deux, pourront
rencontrer des obstacles sérieux. Vous prendrez
le commandement en chef d'une de ces colonnes,
celle de Bougie; vous aurez sous vos ordres un
général de division et deux généraux de brigade.
L'Empereur a décidé que je prendrais le comman-
dement de la colonne de Dra-el-Mizane. Je pense,
mon cher général, que vous verrez sans trop de
peine venir partager momentanément vos travaux
et joindre sa vieille expérience à la vôtre un
homme qui, pendant quinze ans, s'est trouvé sur
tous les points de l'Afrique en face des Arabes et
a appris à les connaître et à les combattre. S'il
pouvait y avoir de la susceptibilité dans un esprit
aussi élevé que le vôtre, elle ne pourrait pas même
être émue en voyant un maréchal de France,
ministre de la guerre, grandir, par sa présence à
RANDON ET SAINT-ARNAUD. 317
l'armée d'Afrique, l'importance d'une expédition
à laquelle vous prendrez une si large part. Je n'irai
pas chercher des honneurs; je n'ai plus rien à
attendre. »
Pour être dissimulée sous la plus fine pellicule
d'or et polie en perfection, la pilule n'en était pas
moins amère. Le général Randon prit très nette-
ment et très noblement son parti; courrier pour
courrier, il adressa au ministre sa démission du
gouvernement général, et il envoya son premier
aide de camp, le commandant Ribourt, à Paris,
avec une lettre dans laquelle il demandait à l'Em-
pereur d'être employé à titre de simple division-
naire dans l'expédition prochaine. L'Empereur
n'accepta pas la démission, le général Randon
demeura gouverneur de l'Algérie, le maréchal
Saint-Arnaud se déclara malade, et la grande
expédition fut ajournée.
Le gouverneur maintenu crut devoir insister.
Son chef d'élat-major, le général Rivet, fut dépê-
ché avec une seconde lettre pour l'Empereur :
« Permettez-moi, Sire, de le dire à Votre Majesté,
il est cruel pour moi, qui me suis consacré à cette
pensée de compléter et de rendre profitable à nos
intérêts la conquête de la Kabylie, de me sentir
arrêté dans l'accomplissement de cette œuvre au
318 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
moment de la réaliser. Je ne puis taire le chagrin
que j'éprouve de voir le gouvernement de Votre
Majesté perdre une occasion si belle d'affermir sa
puissance en Algérie, et l'armée d'Afrique dés-
héritée de la nouvelle gloire qu'elle allait acquérir.
Je viens donc supplier Votre Majesté de modifier
les derniers ordres qu'elle a donnés, de me per-
mettre de mener à bonne fin l'expédition que j'ai
préparée et de prouver une fois de plus à l'Em-
pereur le désir de justifier la bienveillance qu'il
daigne m'accorder. »
L'insistance du général Randon était moins
habile que sa première démarche n'avait été fière;
il aurait dû penser que l'Empereur ne se déciderait
pas à faire subir au maréchal de Saint-Arnaud un
second échec. Le 6 mai, le général Rivet écrivait
au colonel Durrieu : « L'Empereur m'a écouté
très attentivement et a dit à plusieurs reprises :
« C'est bien tentant, mais.., mais... » Ces mais
devaient triompher parce qu'il y avait parti pris.
Je suis revenu avec un mezzo termine. Nous allons
attaquer la Kabylie des Babors avec quatorze
bataillons, dont sept de zouaves, et refaire ce que
le maréchal Saint-Arnaud n'a fait qu'effleurer. Il
y aura deux divisions, Bosquet et Mac Mahon. »
On sait ce qu'est la Kabylie des Babors ou Petite
EXPÉDITION DES BABORS. 319
Kabylie; à proprement parler, elle s'étend de
rOued-Sahel à l'Oued-Kebir; mais dans une pins
grande extension, on y peut comprendre la mon-
tagne entre l'Oued-Kebir et Philippeville. Des
troupes empruntées aux trois provinces furent
concentrées à Sétif. Elles formèrent deux divisions
ainsi composées : première division, généial de
Mac Malion; 1" brigade, général Pâté : 1 ' et 3'
zouaves; 2* brigade, colonel Thomas : 11' léger,
tirailleurs indigènes. Deuxième division, général
Bosquet; V brigade, colonel Vinoy : 2' zouaves,
68 de ligne, 7' bataillon de chasseurs; 2' brigade,
colonel de Failly : 20 de ligne, un bataillon du 3*
zouaves. L'effectif total de cette infanterie était
de dix mille hommes. La cavalerie, ré[)artie entre
les deux divisions, n'était représentée que par un
escadron de spahis; l'artillerie ne comptait que
deux sections d'obusiers de montagne avec une
section de fuséens; le génie était représenté par
trois cents sapeurs.
Afin d'empêcher le Djurdjura de prêter aide
aux Babors, le gouverneur prescrivit au général
Camou d'établir, avec quatre bataillons, un esca-
dron et une section de montagne, un camp d'ob-
servation à Dra-el-Mizane. D'autre part, entre
Sétif et Mila, le célèbre cheikh du Ferdjioua, Bou-
320 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Akkas, dut faire, sous la surveillance du comman-
dcint de Neveu, la police du pays limitrophe de la
Petite Kabylie. a Bou-Akkas, disait le gouverneur,
a tout intérêt à ce que nous soumettions les tribus
hostiles qui l'avoisinent, et c'est là-dessus que
je compte surtout pour l'exécution de ses enga-
gements. »
Débarqué, le 10 mai, à Bougie, le général Ran-
don prit aussitôt la route de Sétif. Le 13, il passa
en revue le corps expéditionnaire; le 1 8, il se mit
en campagne. Les deux divisions se séparèrent
pour opérer, la première sur la rive droite de
rOued-Agrioun, la seconde sur la rive gauche.
Celle-ci eut à forcer, le 21 mai, le col de Tizi-
Sakka, d'où elle descendit, par le versant septen-
trional des Babors, vers la mer. Le 4 juin, elle fit
sa jonction avec la première division qui n'avait
pas rencontré beaucoup plus de résistance. « Pen-
dant cette première partie de l'expédition des Ba-
bors, lisons-nous dans les Souvenirs d'un officier
du 2° zouaves, le régiment eut à supporter plus de
fatigues qu'à braver de véritables dangers. Il dut
traverser un pays de montagnes aux pics élevés et
déchiquetés, aux vallées déchirées et irrégulières,
profondes, boisées dans le fond, rocheuses et es-
carpées près des crêtes, un pays oii le fantassin ne
HORACE VERNE T. SU
pose qu'avec précaution le pied surl'étroitsentier
bordé de précipices effrayants. » Ce qui est dit ici
en particulier d'un certain corps peut s'appliquer
d'une façon générale à tous les autres. Il y eut
beaucoup de fusillades, peu de combats dignes de
ce nom.
Le 3 juin, de grand matin, à l'embouchure de
l'Oued-Agrioun, sur l'emplacement du Tnine des
Beni-Houssein, c'est-à-dire de leur marché du
lundi, le gouverneur général reçut en grande
pompe la soumission de toutes les tribus que les
deux divisions venaient de réduire à l'obéissance
et conféra l'investiture du burnous rouge à leurs
cheikhs. C'était le dimanche dans l'octave de la
Fête-Dieu. Le Père Régis, abbé de la Trappe de
Staouëli, venait d'arriver de Bougie; Horace Ver-
net, en tournée d'Afrique, était arrivé en même
temps. Alors, à la cérémonie politique succéda
une solennité grandiose que le peintre des grandes
scènes militaires a représentée sur la toile célèbre
de la Messe en Kahylie; mais, si habile et lidèle
qu'ait été le pinceau d'Horace Vernet, la plume ou
plutôt le cœur de deux soldats a eu plus d'élo-
quence encore. L'un des deux est le lieutenant-
colonel Cler, qui six ans plus tard, après avoir
mérité par son héroïsme en Crimée l'admiration
II. 21
322 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
des Anglais, devait tomber, à la tête des zouaves
et des grenadiers de la garde, àPonte-di-Magenta,
sous le coup mortel d'une balle autrichienne;
l'autre est Bosquet, c'est tout dire.
Écoutons, dans ses Souvenirs, l'officier du 2'
zouaves : « Sur un point élevé placé au centre du
bivouac du gouverneur, on avait construit avec
des tambours, des canons et des affûts, un autel
qui n'avait d'autres ornements que quelques fleurs
des champs et des faisceaux d'armes. Il était sur-
monté d'une croix rustique faite avec deux bran-
ches noueuses de chêne-liège; telle devait être la
croix sur laquelle fut attaché le Christ. Pour enca-
drement, ce temple improvisé avait les beautés de
la nature. Ni Saint-Pierre de Rome, avec ses ma-
gnifiques peintures, ni ces immenses cathédrales
gothiques de la vieille France, avec leurs sculp-
tures, leurs vitraux peints et leurs ombres pleines
de mystère, ne pourraient rendre le grandiose de
cette église toute primitive, dont la vue effaçait
plusieurs siècles de l'histoire et rappelait Constan-
tin dans les Gaules, Philippe-Auguste le matin de
la bataille de Bouvines et saint Louis aux ruines de
Carthage.
(( Derrière l'autel apparaissaient les hautes mon-
tagnes de la Kabylie orientale, aux arêtes dénu-
LA MESSE EN KABYLIE. 323
dées, veinées de couches de neige, ayant pour au-
réole des cercles de nuages. Sur la gauche et
derrière l'armée, sous une atmosphère vaporeuse
et enflammée, la mer d'Afri(|ue.
« Le Père Régis officiait. Supérieur de la Trappe
de Staouëli, il y avait dans la nature et dans le ca-
ractère de ce moine comme un reflet d'Urbain II,
de Pierre l'Ermite et de l'évèque d'Antioche.
« Les lignes de troupes encadraient le terrain :
en avant des soldats étaient placés les officiers.
Derrière les troupes, sur les versants des collines,
on apercevait, au milieu des bouquets de len-
tisquesj de myrtes et de lauriers-roses, les tentes
du camp; plus loin, sous les hêtres et les oliviers
séculaires, des groupes de Kabyles, silencieux,
étonnés, garnissaient les ogives de verdure de cette
immense basilique. Officiers et soldats étaient
recueillis pendant cette cérémonie grandiose; mais
ce recueillement se changea en une véritable émo-
tion au moment où le prêtre éleva l'hostie sainte
au-dessus des drapeaux et des têtes abaissées, au
bruit du tambour dominé par la grande voix du
canon. On eût dit l'Église française prenant pos-
session de cette terre qui, depuis l'épiscopat de
saint Augustin peut-être, n'avait point été foulée
par le pied d'un chrétien. »
21.
324 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉIUE.
C'est maintenant Bosquet dans une lettre à sa
mère : (( Voici une solennité comme la France n'en
saurait offrir. Pour y assister, il faut avoir passé
par les rudes montagnes des Babors, à travers
leurs brouillards, leurs affreux chemins et les fiers
monlagnards qui les défendaient. Lorsque les
deux divisions du corps d'armée ont été réunies
vers l'embouchure de l'Oued-Agrioun, la conquête
de celte portion de la Kabylie étant finie, les chefs
montagnards soumis et assemblés au bivouac, il a
été question de nommer de nouveaux cheikhs
dans toutes les tribus et de donner à chacun d'eux
le burnous rouge de commandement; c'est tout
simplement la pourpre romaine, un souvenir des
anciens temps qui se continue en Afrique.
(( Cette cérémonie était pleine de grandeur et
complète de toutes façons : le paysage grandiose,
avec ses montagnes sombres et ses profonds ravins
d'un côté, la mer de l'autre, et, sur le terrain, nos
troupes avec leurs drapeaux, leurs fanfares et les
vi?ages bronzés de nos soldats. Rien n'y manquait
pour produire une impression profonde. A côté du
plateau où se faisait l'investiture des cheikhs s'é-
levait un autel chrétien, dressé sur des tambours,
soutenu par des annes, enveloppé de lauriers-
roses et surmonté d'une croix taillée dans la forêt
LA MESSE EN KABYLIE. 325
et formée de deux grosses branches de vieux
chênes-lièges. Il est impossible de rien imaginer
de plus imposant.
« Le général en chef, ayant à ses côtés les
commandants des deux divisions et plus loin tous
les chefs, devant lui les Kabyles, a prononcé quel-
ques paroles répétées par un interprète, et puis,
au son des fanfares, il a fait passer les burnous à
une quarantaine de cheikhs qui venaient, chacun
à son tour, prêter serment et baiser la main armée
de Tépée de France.
« Cela fait, nous nous sommes placés devant
l'autel où le Révérend Père Régis a dit la messe;
ensuite, à haute voix, à la manière des évêques
dont il a le rang, il a donné solennellement la bé-
nédiction, pendant que tous salu;iient respectueu-
sement, soldats, drapeaux et tambours qui bat-
taient aux champs. C'était beau, très beau, très
solennel !
« Je l'écris après une messe que je viens de faire
dire dans les montagnes des Beni-Foughal, à peu
près dans le môme genre. Que ne pouvez-vous
assister un peu à tout cela! Le cœur s'élargit et
l'âme s'élève à ce mélange si harmonieux des sen-
timents religieux et militaires! »
Après quelques journées de repos à l'embou-
326 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
chure de l'Agrioun, les deux divisions se sépa-
rèrent derechef, mais pour marcher parallèlement
vers l'est, dans la direction de l'Caed-Kebir. Celle
reprise de l'opération fut signalée par plus de
coups de pioche que de coups de fusil. Pendant
huit jours, huit mille hommes, sous la direction
des officiers du génie, entreprirent l'ouverture
d'une route qui devait relier, par Mila, Djidjeli à
Constantine. A la fin de juin, le corps expédition-
naire fut dissous et les troupes reprirent le chemin
de leurs garnisons, excepté celles de la division de
Conslanline, qui poursuivirent jusqu'au 10 juillet
les travaux commencés. La tranquillité dans toute
la région montagneuse était parfaite. Abordée trois
fois en trois ans, mais pénétrée plus profondément
dans cette dernière campagne, la Kabylie des Ba-
bors était définitivement soumise.
LE CHERIF D'OUARGLA, ;^27
IV
Sur l'immense scène algérienne, ce fut encore
une fois du nord au sud, de la Kabylie au Sahara,
que, dans les derniers mois de 1 853 et les premiers
de 1854, passa l'action et par conséquent l'intérêt
dramatique. Depuis son évasion de Laghoiiat, le
chérif d'Ouargla s'était prudemment tenu dans la
coulisse; mais de la zaouïa deRouissat, oii il était
rentré d'abord, son influence avait été assez
grande pour retenir dans son parti les Beni-Mzab
ébranlés et pour faire désavouer et bannir quel-
ques-uns des plus considérables d'entre eux, qui,
au mois d'avril 1 853, avaient fait le voyage d'Alger
pour négocier avec le gouverneur général la sou-
mission de leurs ksour. Au mois de septembre, il
reparut en scène, traversa le désert de Test à
l'ouest, fit des razzias jusque dans le cercle de
Géryville et revint parader aux environs de La-
gliouat. Le capitaine Galinier, qui faisait dans ce
poste l'intérim du commandant Du Barail, se mit
328 LA r.ONQ^iÊTE DE L'ALGERIE,
résolument à ses trousses, fit trente lieues en trois
jours et le poussa jusqu'au Mzab, sans pouvoir
toutefois Talteindre; quoi qu'il en soit, cette pointe
hardie ne laissa pas d'imposer pour quelque temps
aux JMzabiles.
Le gouverneur général avait résolu d'en finir
avec le chérif. Son plan d'opérations, le plus vaste
qu'on pût concevoir, s'étendait sur une ligne de
plus de cent lieues, et sur cet immense front de
bataille, c'étaient les goums indigènes qui de-
vaient agir, soutenus seulement à distance par des
réserves françaises. Dans ce drame entre Arabes,
le premier rôle appartenait de droit à Si-Hamza.
Il avait, pour marcher, pour courir, pour se bal-
. tre, n'importe où, n'importe comment, liberté
pleine et entière. Le but qu'il devait atteindre,
coûte que coûte, c'était la destruction du chérif.
Sous ses drapeaux étaient groupés mille chevaux
et douze cents hommes de pied des Ouled-Sidi-
Cheikh. Plus à l'est, le bachagha Si-Chérif-bel-
Arch avait convoqué les Ouled-Naïl et les Larbâ
restés fidèles ; encore plus à l'est, les goums de
Bou-Sâda, du Hodna et des Ziban se rassemblaient
sous leurs kaïds, en avant de Bi^kra. Pour ap-
puyer cette grande chevauchée de burnous, le
commandant Niqueux, enire Géryville et Aïn-
CAMPAGNE DU SUD. 329
Madlii, le commandant Du Barail à Laghouat, le
colonel Dargent près d'Aïn-Ricli, se tenaient prêts
à se mettre en selle.
Dès les premiersjours de novembre, le mouve-
ment commença. Emporté par son ardeur, le com-
mandant Du Barail pressa la marche de ses goums ;
le 10, il était à Berriane; le 16, à Guerrara; mais
tandis qu'il croyait Si-Hamza en avant sur sa
droite, surpris par une de ces trombes d'eau
qui transforment en torrents infranchissables les
oueds à sec la veille, Si-Hamza avait fait halte.
Isolé, en l'air, à cinquante lieues de sa base d'o-
pération, la colonne de Laghouat reçut du gou-
verneur général l'ordre de se reporter en arrière;
mais déjà Si-Hamza s'était remis en marche. Le
18 novembre, il était entré à Metlili sans résis-
tance. H y fit une longue station, non pas qu'il
hésitât, mais parce qu'il voulait donner aux négo-
ciations qu'il avait ouvertes avec les Mzabites
d'une part, les Chambâ de l'autre, le temps d'a-
boutir. Quand il en eut recueilli les premiers et
très heureux effets, il se dirigea vers Ouargla, le
5 décembre. Le commandant Niqueux le remplaça
aussitôt dans Metlili, et le commandant Du Barail,
revenu à Guerrara, lui envoya le goum des Larbâ
en renfort.
330 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
L'oasis de Ngouça est à vingt kilomètres au
nord-est d'Ouargla ; Si-Hamza y laissa en dépôt
ses vivres et ses bagages, puis il se mit à la re-
cherche du chérif, juste au moment où celui-ci
allait le chercher lui-même. Au lieu de se ren-
contrer, les deux adversaires se croisèrent en
route; mais quand les gens d'Ouargla et des en-
virons apprirent la marche de celui qu'ils nom-
maient le khalifa français, ils s'empressèrent de
rebrousser chemin et de courir à la défense de
leurs ksour menacés, de sorte qu'il ne resta plus
autour du chérif que les Larbâ et les Ouled-Naïl
réfractaires.
Avec sa troupe réduite, il prit position sur des
dunes de sable dont l'abord semblait inaccessible;
Si-Hamza, cependant, n'hésita pas à l'y attaquer.
Cette première mêlée d'Arabes sous un nuage de
poussière, parmi les hurrahs, les coups de feu, le
cliquetis des armes blanches, longue, tumultueuse,
demeura incertaine. Des deux parts, comme par
un accord tacite, on s'arrêta. Si-Hamza, blessé,
mais n'y prenant pas garde, s'occupait de refor-
mer son monde, quand il vit un groupe d'hom-
mes s'avancer en criant de toutes leurs forces :
« Au nom de Dieu, nous te demandons Vaman;
nous voulons vivre désormais sous ton drapeau et
LE COLOîsEL DURRIEU. 331
SOUS celui des Français! » et lui présenter le che-
val de gâda. De l'avis de ses lieutenants, il accepta
la soumission qui lui était offerte. Quantau chérif,
il avait disparu; on sut plus tard qu'il s'était re-
tiré d'abord près de Tougourte, puis, ne s'y trou-
vant pas en sûreté, dans le Djerid tunisien.
Ouargla ouvrit ses portes au vainqueur.
Le 16 janvier 1854, les commandants Du Barail
et Niqueux se rejoignirent à Metlili. Deux jours
après, ils virent arriver le colonel Durrieu, com-
mandant supérieur de la subdivision de Mascara,
chargé par le gouverneur général de préparer
l'organisation de la région conquise. « La tran-
quillité du pays est (elle, écrivait-il de Metlili le
20 janvier, que j'ai pu prendre les devants de ma
colonne avec vingt chevaux. Je veux aller à Ouar-
gla en sept jours, en passant par le Mzab, dont
toutes les djemâ sont auprès de moi et m'appor-
tent des cadeaux de dattes, d'œufs d'autruche et
de plumes. Nous voilà réunis de Mascara, Tiaret,
Médéa, Laghouat, comme par un coup de ba-
guette, sous les murs d'une oasis jusqu'ici presque
ignorée. J'ai devant ma lente vingt quintaux de
dattes que je distribue à la troupe. »
Suivi seulement d'une quarantaine de spahis et
d'une vingtaine d'Arabes, le colonel Diirrieu prit la
332 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
direction deNgouça. Le 27, vers le milieu du jour,
il vit une grosse troupe de cavaliers venir à sa ren-
contre; c'était Si-Hamza et son escorte. Il s'arrêta
sur une dune et « pour établir nettement, suivant
son expression, la situation aux yeux de tous»,
avant de recevoir le salut du khalifa, il lui montra
le fanion tricolore et le mit en demeure de rendre
hommage au symbole de la patrie française. « Je
n'ai qu'un drapeau, dit sans hésitation Si-Hamza,
c'est celui que tu portes; je me suis battu pour la
France et je mourrai pour elle au premier ordre.»
Alors le colonel mit pied à terre, embrassa le
khalifa, le complimenta au nom du gouverneur,
et prit avec lui le chemin d'Ouargla.
Le général Randon était venu d'Alger à La-
ghouat; il y avait convoqué tous ceux^ Arabes et
Français, qui avaient pris part à l'expédition et
des députés de toutes les populations du Sud.
« Ces députalions, disait-il dans un ordre du jour
aux colonnes Niqueux et Du Barail qu'il venait de
passer en revue le 9 février, ces dép'utations qui
viennent des points les plus éloignés faire acte de
soumission à la France sont les heureux résultats
de celte campagne. Vous devez en être fiers, car
c'est sous la protection de vos baïonnettes que
nos chefs indigènes ont glorieusement accompli la
CÉRÉMOME D'INVESTITURE. 333
mission que je leur avais confiée. Nosgoums, qui,
de l'est à l'ouest, ont rivalisé d'élan et de bravoure
pour la cause de la France, sont dignes de partager
les éloges que je vous donne. Je signale avec bon-
heur cette communauté de bons services, car elle
est la preuve de notre puissance en Algérie. »
Deux jours après, sur la place d'armes de La-
ghouat, se pressaient les députations de tous les
ksour et de tous les douars; en avant se tenaient
les grands chefs, graves et fiers, altendanl l'inves-
titure qui leur allait être solennellement conférée.
Le gouverneur parut, escorté du colonel Durrieu,
commandant supérieur de Mascara, du capitaine
de Colomb, commandantsupérieurdeGéryville, et
desolTiciers de son état-major. Si-Hamza s'avança
le premier; son khalifalik s'étendait sur tout le
territoire qu'il venait de conquérir à la France.
Après lui, son frère Si-Zoubir, puis les kaïds
d'Ouargla, de Ngouça, des Chambâ, puis les cheikhs
et les djemâ des Mzabites. Jamais cérémonie plus
imposante et plus éclatante à la fois n'avait ébloui
les regards émerveillés des Arabes ; jamais image
ne se grava plus profondément dans leurs yeux
pour être évoquée toujours aussi brillante dans
leur souvenir.
Afin d'achever et de consolider l'établissement
334 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
du sud, il fallait prendre possession de l'Oued-
Righ et du Souf. Tougourte, la principale oasis de
rOued-Righ, est à deux cent sept kilomètres au
sud de Biskra et à cent quarante-huit kilomètres
au nord-est d'Ouargla, En 1854, elle était occu-
pée par un cheikh, du nom de Slimane, qui était
lié d'intérêts avec Mohammed-ben-Abdallali, le
chérif. Celui-ci, expulsé du Djerid tunisien, vint,
au mois de juin, s'établir dans le Souf, puis,
au mois de septembre, il osa se présenter de-
vant Ngouça. Son audace lui réussit; sur la seule
menace d'abattre les palmiers, il se fit ouvrir les
portes du ksar, et s'il est vrai que les gens d'Ouar-
gla ne soient pas allés jusqu'à lui ouvrir les leurs,
il n'est pas moins certain que plusieurs d'entre eux
lui envoyèrent des compliments et mênie des che-
vaux de gâda. Il était grand temps de couper court
à cette nouvelle aventure. L'aglia Si-Zoubir, qui
était à Géryville, accourut en hâte, préserva Met-
lili, rétablit dans Ouargla Tordre un moment trou-
blé, puis se fit recevoir dans Ngouça sans trop de
peine. Débouté de ses premiers succès, le chérif
se replia sur l'Oued-Righ, auprès de Slimane, son
complice.
Le général Randon décida que Tougourte serait
occupé. Un mouvement général fut ordonné sur
MARCHE SUR TOUGOURTE. 335
toute la ligne du sud. Le commandant Niqueux se
dirigea deTiaret sur El->îaïa, où il se tint en ob-
servation, avec deux cents hommes du 1" batail-
lon d'Afrique, cinquante spahis et deux cents ca-
valiers de son goum. Le général Durrieu s'établit
à Géryville avec sept cents hommes, moitié du 12"
de ligne, moitié zéphyrs du 1" bataillon, un esca-
dron de spahis et deux pièces de montagne. Le
commandant Du Barail se tenait à Laghouat, prêt
à marcher avec quatre cents fantassins, un esca-
dron de spahis et trois cents Larbâ. Le colonel
Desvaux, à Biskra, commandait une colonne forte
de deux cent cinquante hommes du 68% de cent
dix tirailleurs indigènes, de six cents chasseurs
d'Afri(]ue et spahis, d'une section d'obusiers de
montagne, et accompagnée d'un goum de quatorze
cents hommes de pied et de millechevaux arabes.
L'opération débuta par la marched'un détache-
ment envoyé de Géryville sur Ouargla. Le capi-
taine de Colomb, qui le comraandail, se saisit,
tant à Ouargla même qu'à Ngouça, des principaux
partisans du chérif et les ramena sous bonne garde
à Géryville. Pendant ce temps, le commandant Du
Barail était descendu de Laghouat sur Berriane,
Gliardaïa et Guerrara, tandis que le colonel Dis-
vaux marchait de Biskra vers l'Oued-Righ. La co-
336 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
lonne était précédée d'une avant-garde, composée
d'une compagnie de tirailleurs, de deux esca-
drons de spahis et de tout le goum, sous les
ordres du commandant Marmier.
Le 26 novembre, l'avant-garde avait atteint
Mgarine, à quinze kilomèlres seulement de Tou-
gourle. Là le commandant Marmier apprit, d'un
côté, que Slimane s'apprêtait à faire une vigoureuse
défense dans son ksar; d'un autre, que le chérif
amenait du Souf un nombreux contingent à son
aide. En effet, le 29, au point du jour, les deux
alliés apparurent avec deux mille hommes de
pied et six cents chevaux. Le commandant n'at-
tendit pas l'attaque et lança les goums, qui, ra-
menés d'abord, se rallièrent et revinrent à la
charge, soutenus par les spahis, pendant que la
compagnie de tirailleurs arrêtait, par un feu des
plus vifs, les tentatives des fantassins ennemis sur
le bivouac et contenait les gens de Mgarine. Une
troupe de fanatiques, drapeaux et musique en tête,
s'était cantonnée dans un jardin ; elle fut la der-
nière à tenir; mais toute la bande fut passée p.ir
les armes.
La victoire était complèle; un millier de fusils
et de sabres jonchaient le sol parmi des tas de ca-
davres; deux drapeaux du chérif, trois de Slimane
SOUMISSION DU SUD. 337
étaient entre les mains du vainqueur. On sut plus
tard que, dans la presse des fuyards, sous la porte
deTougourte, il y en eut treize d'étouffés. Le com-
bat de Mgarine eut un bien autre résultat : Slimane
et le chérif, absolument démoralisés, sortirent
du ksar pendant la nuit du 1" au 2 décembre et
disparurent. Ce fut très heureux, car, pour enlever
Tougourle par un coup de main, il aurait fallu fran-
chir un fossé large de quinze mètres, profond de
trois, puis escalader une escarpe de huit à dix
mètres de hauteur.
Le 2 décembre, le lieutenant Roze, avisé de l'é-
vasion des chefs, eut la bonne fortune d'entrer le
premier dans la place, où le commandant Marmier
ne tarda pas d'ailleurs à le suivre. Le colonel
Desvaux y arriva le 5, et le commandant Du Barail
le 8. Les demandes d'aînan affluaient; le 15 dé-
cembre, tout rOued-Righ, tout le Souf avaient fan
soumission. La dignité de kaïd de Tougourte fut
conférée à l'un des fils du fameux Farhal-ben-
Saïd; on lui laissa provisoirement, comme force
publique, la compagnie de tirailleurs indigènes
avec un peloton de spahis.
Il ne restait plus qu'à faire apprécier aux popu-
lations sahariennes, par des preuves évidentes,
les bienfaits qu'en retour de leur obéissance leur
II. 22
338 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE
apportait la domination française, l'ordre et la
justice d'abord, puis le développement de leurs
intérêts matériels. Dans ces régions brûlées, assé-
chées, où les rares cours d'eau ne peuvent échap-
per à l'évaporation qu'en se dissimulant sous le
sable, quelle fortune qu'un puits qui ne tarit pas,
qu'une source qui jaillit toujours! Cette fortune,
les colonnes françaises l'amenaient avec elles et
la laissaient après elles.
Au mois de décembre 1 855, le général Desvaux
visitait sa conquête de l'année précédente. Un
ingénieur, M. Laurent, qui l'accompagnait, apprit
d'abord aux gens du Souf et de l'Oued-Righ à
dégager facilement leurs puits obstrués, à en forer
de nouveaux, à retenir, par des barrages peu
coûteux, l'eau recueillie précieusement. Il fit plus
et mieux; il reconnut, par une étude attentive du
terrain et par des sondages, l'importance des
nappes souterraines, la direction des rivières
cachées, et il prépara de la sorte l'œuvre que
devait entreprendre, dès Tannée suivante, son
lieutenant, M. Jus, ces admirables fontaines jail-
lissantes, source de vie, dont les gerbes, retombant
en ruisseaux intarissables, ont, partout où il leur
a été permis d'atteindre, secoué dans sa tombe,
tiré de son linceul de sable et ressuscité le désert.
GUERRE D'ORIENT. 339
Pendant la conquête du Sud, l'Algérie avait
passé par une épreuve depuis longtemps redou-
tée, toujours inquiétante pour une colonie, la crise
d'une grande guerre européenne. Elle s'en était
tirée à son honneur. Il est vrai de dire que les cir-
constances étaient exceptionnellement favorables:
mer libre, communications avec la mère patrie
assurées comme en temps de paix, caractère et
qualité des alliances. L'Arabe, qui avait délesté le
Turc dominateur d'Alger, ne voyait plus dans le
Turc de Stamboul qu'un coreligionnaire, un vrai
croyant, un frère en Islam, et l'on crut d'abord
dans les douars qu'en envoyant ses troupes à l'aide
du sultan, l'empereur Napoléon III n'avait fait
que se soumettre aux obligations d'un vassal.
Ce qu'il y eut de plus remarquable, ce fut l'em-
pressement des tirailleurs indigènes à réclamer
une place dans l'expédition d'Orient. Il s'en pré-
senta plus de deux mille, qui formèrent un régi-
•22.
340 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ment nouveau dans les cadres de l'armée fran-
çaise. Les Maures citadins lui offrirent un drapeau
dont les broderies magnifiques figuraient, d'un
côté, les armes d'Alger, le lion et le palmier, sur-
montées de l'aigle impériale, et reproduisaient,
de l'autre, en caractères arabes, la devise sui-
vante : « Cet étendard brillera dans les champs de
la gloire et volera au succès avec l'assistance
divine. C'est l'œuvre des musulmans d'Alger,
offerte aux soldats indigènes faisant partie des
troupes françaises qui marchent au secours de
l'empire ottoman. An 1270. » A cet emblème
trop spécial et, qu'on nous passe le mot, particu-
lariste, l'autorité militaire fit substituer le drapeau
national.
En trois mois, de mars à juin 1854, l'Algérie
vit partir pour Gallipoli et Varna vingt-quatre mille
quatre cent cinquante hommes de vieille infan-
terie et seize cent trente cavaliers, chasseurs d'A-
frique et spahis. D'un effectif général de soixante-
quinze mille hommes, l'armée d'Afrique était donc
réduite à moins de cinquante mille. C'était un
affaiblissement connu de tous et dont les fauteurs
de révoltes devaient être tentés de tirer profit;
cependant tout demeura tranquille, sauf sur un
point. Bou-13aghla qui, depuis deux ans, se tenait
AGITATION EN KABYLIE. 341
caché au fond de la Grande Kabylie, sortit de sa
retraite et sema l'agitation sur la rive droite du
Boubehir, qui est le haut Sebaou. Le bachagha
Bel-Kassém fit les plus sincères efforts pour barrer
la route à l'insurrection, mais il fut débordé. Si
l'on voulait empêcher le feu d'embraser tout le
sahel montagneux de Bougie à Dellys, il n'y avait
pas de temps à perdre.
Le gouverneur envoya au général de Mac
Mahon, commandant la division de Constantine,
l'ordre de constituer à Sétif une colonne de sept
bataillons, et fit partir d'Alger pour Tizi-Ouzou le
général Camou. La division réunie sous les ordres
de ce général, et d'un effectif de six mille cinq
cent soixante-dix hommes, comprenait : 1'* bri-
gade, général Pâle, 11' léger, un bataillon du
1'' zouaves; 2^ brigade, général Bosc, 25* léger,
69" de ligne. Dans la division Mac Mahon, d'un
effectif de cinq mille cent soixante hommes, la
1" brigade, général Maissiat, comprenait : 1G' lé-
ger, 7® bataillon de chasseurs; la 2% colonel Piat,
un bataillon du 71% un du 3' zouaves, un de
tirailleurs indigènes. Parti de Sétif le 26 mai, le
général de Mac Mahon était le T" juin à Ksar-
Kbouch, prêt à passer de la vallée de l'Oued-
Sahel dans le bassin du haut Sebaou. Le même
342 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
jour, la division Camou occupait, à sept lieues à
l'est de Tizi-Ouzou, le bivouac de Chaoufa, sur la
rive gauche du Sebaou moyen.
Ainsi commençait, à l'improviste, sans plan
réglé d'avance, la première expédition sérieuse
dans la Grande Kabylie, ce qu'on peut nommer le
prologue de la conquête. Pour réduire la Kabylie
des Babors, il avait fallu s'y reprendre à trois fois;
il fallut aussi trois campagnes pour avoir raison
des Grands Kabyles, mais avec infiniment plus de
peine et d'elfort. C'est qu'entre les Grands et les
Petits Kabyles, s'il y avait communauté de race
et d'institutions, il n'y avait plus au même degré
communauté de caractère. Sur la rive droite de
rOued-Sahel, l'énergie était moindre ou, si l'on
veut, moins persévérante; sur la rive gauche, et
surtout parmi les arêtes neigeuses du Djurdjura,
l'âpreté du montagnard égalait l'àpreté de la
montagne. La population élait dense; dans le
Djurdjura seul, on comptait que les confédérations
pouvaient armer vingt-neuf mille guerriers.
Au combat, le fantassin kabyle est un type à
part, très distinct de l'Arabe. Ni haïk, ni burnous;
pour unique vêtement, une chemise de laine ; sur
la tête rasée, une calotte de feutre; aux pieds,
quand ils ne sont pas nus, des sandales de peau
LES GRANDS KABYLES. 343
fraîche; autour de la taille une ceinture de cuir
qui soutient le flissa d'un côté, la cartouchière de
l'autre. Le Kabyle a le plus grand soin de son
fusil; ilfabrique sa poudre, qui est meilleure que
celle de l'Arabe; mais il la ménage mieux, parce
qu'elle est très chère; au témoignage du général
Daumas, le prix de la cartouche, en 1847, était
de quarante centimes. Aussi tire-t-il posément et
pour ainsi dire à coup sûr. Dans le Djurdjura, les
villages ne sont plus guère bâtis sur les pentes,
encore moins dans les fonds; on les aperçoit tout
en haut, perchés sur les sommets, comme les
biirgs du mo) en âge; pour avoir de l'eau, il faut
que les femmes descendent bas et remontent
péniblement, la jarre sur l'épaule. Quand les
hostilités menacent, le village est entouré d'abatis,
de retranchements en pierres sèches, souvent
étages et donnant de bons flanquements. En
somme, c'est une race belliciueuse, nerveuse,
agile, sobre, tenace, éminemment douée pour la
guerre.
Le seul concert entre les deux divisions de l'est
et de l'ouest était qu'elles devaient marcher à la
rencontre l'une de l'autre. Le 4 juin, le gouver-
neur, qui avait rejoint le général Camou au
bivouac de Chaoufa, lui (it passer le Sebaou et
344 LA COAQUÊTE DE L'ALGÉRIE,
l'engagea sur la rive droite contre les Beni-
Djennad, les partisans les plus décidés de Bou-
Baghla. C'est dans leur territoire que se trouve le
Tamgout, le sommet le plus élevé de la chaîne
côtière. Sur un contrefort de ce pic, au village
d'Agherib, les Beni-Djennad avaient concentré
leurs forces. Abordée par trois colonnes et tournée
par la gauche, la position fut emportée dès la pre-
mière attaque. Ce même jour, la division Mac
Mahon, qui avait passé la veille le col de Ksar-
Kbouch, battit par la même tactique les Beni-
Hoceïne. Ce double succès eut pour résultat
immédiat la soumission de tout le littoral.
Le 12 juin, les deux divisions se réunirent et,
le 15, se dirigèrent, en remontant la vallée du
Boubehir, vers les Beni-Hidjer, les hôtes de Bou-
Baghla. Depuis plusieurs jours, on voyait passer,
du sud au nord, par les crêtes orientales du bas-
sin, un courant d'hommes armés; c'étaient des
Illoula, des Beni-Mellikeuch , même des Djurdju-
riens de la grande chaîne, qui, appelés par les
Beni-Hidjer, se hâtaient à leur aide. L'idée vint
alors au gouverneur de faire tête de colonne à
droile, et d'aborder le territoire quasi désarmé
des contingents qui l'attendaient ailleurs. Les trou-
pes n'étaient pas dans le secret. Quand, le 16, à
LE SEBT DES BENI-YAYA. 3i5
trois heures du matin, sans sonneries, en silence,
elles s'ébranlèrent pour marcher au sud, non à
l'est, après un premier moment de surprise, elles
eurent bientôt compris la manœuvre du général
en chef. La marche était difficile, la montée raide;
mais quand on eut atteint le Sebt, le plateau où se
tient, le samedi, le marché des Beni-Yaya, ce fut
dans tous les rangs un cri d'admiration. Jamais
panorama si grandiose ne s'était développé autour
d'une colonne; ce qu'on voyait, c'était le cœur
même de la Grande Kabylie.
« Le gouverneur général, dit la relation rédi-
gée d'après les notes de son état-major, reçut des
félicitations sur l'audace et l'habileté d'une mar-
che qui le rendait maîlre, sans coup férir, d'une
aussi formidable position; mais il ne se dissimu-
lait pas les périls qu'elle présentait, et il mit tous
ses soins à en prévenir les conséquences. Le corps
expéditionnaire se trouvait en eiïet séparé de sa
base d'opération par un pays de l'accès le plus
difficile; ses communications avec Tizi-Ouzou pou-
vaient être compromises, pour peu que les tribus
ennemies cherchassent à les inquiéter, et il deve-
nait impossible de quitter cette position sans avoir
frappé de terreur, par des coups vigoureux, les
diverses confédérations kabyles qui renlourcnt.
346 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Le moindre échec, en exaltant la bravoure natu-
relle des montagnards, pouvait produire un sou-
lèvement général et amener contre nos huit mille
fusils plus de vingt-cinq mille Kabyles soutenus
par leur farouche patriotisme et merveilleusement
servis dans leurs attaques par les embarras d'une
colonne chargée de bagages, au milieu de diffi-
cultés de terrain inextricables et qui devaient se
renouveler à chaque pas.
« Quoique le Sebt des Beni-Yaya soit la posi-
tion dominante de la contrée et le nœud d'où
s'échappent les divers contreforts des Beni-Fra-
oucen, des Beni-Raten, des Beni-Menguellet, des
Beni-bou-Youcef et des Beni-Yaya, l'influence de
son commandement, à cause des pentes abruptes
de chacun de ces contreforts, ne pouvait pas
s'étendre fort loin. Aussi fallait-il s'attendre à
livrer autant de combats qu'il y avait de confé-
dérations répandues autour de la position. Le
gouverneur général le prévoyait. »
En effet, cette position pittoresque était un
guêpier. La journée du 16 fut tranquille; mais le
lendemain matin, le campement se réveilla cerné.
Il fallut faire face, Mac Mahon à l'est, Gamou à
l'ouest; et, du matin au soir, ce ne furent que
pointes, retraites et retours offensifs. Les affaires
LUTTE ACHARNÉE. 347
les plus chaudes eurent lieu dans les villages de
Taourirt et d'Aguemoun-Izen. Du dernier le
général Bosc eut de la peine à revenir, parce qu'il
avait à franchir un ravin profond et boisé. En
somme, le corps expéditionnaire eut dans celte
journée trente-neuf morts et deux cent dix-huit
blessés.
Les deux jours suivants, un brouillard épais fit
trêve à la lutte; elle reprit, le 20, avec fureur.
Les Kabyles étaient rentrés dans Taourirt; ils
avaient fait tout autour des abatis de gros arbres
et construit des retranchements en pierres sèches;
toutes les maisons étaient crénelées. Contre cette
sorte de forteresse défendue par plus de trois mille
combattants, le gouverneur ne réunit pas moins
de huit bataillons. Quand elle eut été forcée, mal-
gré la plus vive résistance, on se porta sur les
autres villages des Beni-Mengnellet; tout fut
brûlé, sapé, rasé, maisons, vergers, jardins; la
destruction fut impitoyable; mais aussi, quand les
troupes de la division Camou se mirent en retraite,
les Kabyles s'acharnèrent après elles. Le nombre
des morts, du côté des Français, fut de trente, et
celui des blessés de cent cinq.
Comme les Beni-Menguellet avaient le plus
souffert, ils furent les premiers à réfléchir. Les
348 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ouvertures dont ils prirent l'initiative furent
accueillies; ils payèrentune contribution de guerre,
livrèrent des otages et s'engagèrent à renvoyer
les contingents étrangers à leur confédération. Les
Beni-Raten imitèrent leur exemple. Le 25 juin,
les entours du bivouac étaient redevenus si pai-
sibles qu'un officier du poste de Dra-el-Mizane
put arriver au Sebt ayant pour toute escorte un
cheikh de village. Le lendemain, le corps expédi-
tionnaire descendit au Boubehir et s'y reposa
pendant deux jours avant d'aller rendre aux Beni-
Hidjer la visite qui leur était due.
Ils l'attendaient assurément, car ils ne firent
aucune démarche pour la prévenir, et quand on
entra chez eux, on trouva qu'ils avaient tout pré-
paré pour lui faire honneur. En effet, la réception
fut chaude; on se battit le 30 juin, le i", le
2 juillet. Il y avait dans ces montagnes un village
nommé aussi Taourirt; de même que son homo-
nyme des Beni-Menguellet, il avait été crénelé,
barricadé, fortifié en manière de réduit. Six
bataillons de la division Mac Mahon l'emportèrent;
ce fut alors fini de la résistance. Le 4, les députés
des vingt-deux villages qui composaient la tribu
des Beni-Hidjer vinrent se soumettre à toutes les
conditions qu'il plut au gouverneur de leur
RÉSULTATS DE LA CAMPAGNE. 349
imposer. Le 6, les deux divisions reprirent le
chemin de leurs provinces respectives.
Analogue à la pointe poussée, en 1851, par le
général de Saint-Arnaud dans la Kabylie des
Babors, l'expédition du haut Sebaou n'était en
fait qu'une grande reconnaissance; elle donna
d'utiles renseignements pour l'avenir, mais elle
fut payée bien cher, car les pertes s'élevèrent à
plus de neuf cents tués ou blessés. 11 ne serait
cependant pas juste de prétendre qu'elle n'ait
pas eu de résultats immédiats : elle arrêta sur
place un mouvement de révolte qui, dans les cir-
constances difficiles où se trouvait alors l'Algérie,
aurait pu s'étendre en plaine, et, de plus, elle
ruina pour toujours le crédit de Bou-Baghia, qui
ne s'était pas distingué personnellement dans la
résistance. Réduit à courir les aventures, l'ancien
chérif du Djurdjura s'en alla faire du brigandage
dans la vallée de l'Oued-Sahel, et fut tué miséra-
blement, le 26 décembre, ditns un guet-apens
qu'il avait tendu au kaïd des Beni-Abbès.
350 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE
VI
Pendant l'année 1 855, un calme relatif ne cessa
pour ainsi dire pas d'être l'état normal de l'Algérie,
de la Grande Kabylie même. 11 y avait cependant
de temps à autre quelques symptômes d'agitation
dans le Djurdjura.
Depuis la soumission de Si-Djoudi et de la plus
grande partie des Zouaoua, c'était la confédé-
ration des Beni-Raten qui s'était saisie de leur
succession en déshérence. Tout s'accordait pour
faire d'elle un centre de résistance, l'âpreté du
sol et la fierté des esprits. En se résignant, ou
plutôt en paraissant se résigner aux conditions
que leur avait faites le général Randon, en 1854,
les Beni-Raten s'étaient flattés d'y trouver par
compensation de grands avantages pour leur com-
merce d'huile et de figues sèches; mais comme ils
n'avaient pas été plus particulièrement favorisés
que d'autres, ils en avaient conçu et montré de la
mauvaise humeur. Ce qui les gênait et les irritait,
TIZI-OUZOU. 351
c'était le voisinage des bordjs français de l'ouest,
particulièrement de Tizi-Oiizou, le plus rapproché,
qui, sous le commandement du capitaine Beau-
prêtre, était devenu un poste du premier ordre.
Le 20 janvier 1836, Tizi-Ouzou se vit investi
soudainement par des groupes armés qui appar-
tenaient à diverses tribus, surtout de la zone sep-
tentrionale, entre le Sebaou et la mer. Il y avait
là des Beni-Ouaguenoun, des Flisset-el-Bahr, des
Beni-Djennad. L'approche d'une petite colonne,
amenée rapidement par le général Deligny, com-
mandant la subdivision d'Alger, suffit pour déblo-
quer le bordj; puis il fallut faire sur les insurgés
un exemple. Ce furent les Beni-Ouaguenoun qui
payèrent pour leur propre compte et pour celui
des autres, à l'exception toutefois des Beni-
Djennad, qui s'exécutèrent eux-mêmes, la moitié
soumise ayant rudement châtié la moitié réfrac-
taire.
On savait que cette folle tentative avait été
provoquée par les excitations des Beni-Raten. C'é-
taient eux aussi qui excitaient ou guidaient même
contre les tribus paisibles de l'Oued-Sahel et du
Sebaou des bandes de pillards; mais ils étaient
assez habiles pour ne se laisser point prendre en
faute. Les choses traînaient de la sorte, dans un
352 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
état d'indécision et de malaise, lorsque, vers la
fin d'août, le coup de main, vainement tenté sur
Tizi-Ouzou sept mois auparavant, faillit être
renouvelé contre Dra-el-Mizane; sans l'indiscrétion
d'un Kabyle, il eût probablement réussi, car le
poste était faible et n'aurait pu opposer qu'une
poignée d'hommes aux assaillants.
A cette date, la guerre d'Orient avait pris fin;
les troupes d'Algérie, qui, dès le début, s'y
étaient portées, venaient de rentrer avec leur
gloire noblement acquise. N'était-ce pas le moment
d'en finir avec les Grands Kabyles, Beni-Raten et
autres? Telle était l'opinion du gouverneur géné-
ral, dont l'autorité devait peser d'un plus grand
poids dans les conseils du gouvernement, depuis
que la faveur impériale l'avait élevé, le 16 mars
1856, à la dignité de maréchal de France. « Vous
m'avez fait connaître, écrivait-il au maréchal Vail-
lant, ministre de la guerre, que la volonté de
l'Empereur était de me donner, quand la paix
serait conclue, les troupes nécessaires pour faire
en Kabylie une sérieuse et, s'il plaît à Dieu, une
dernière expédition. Vous-même, vous m'avez
encouragé à concevoir cette espérance. J'ai donc
lieu de compter sur une prochaine solution de
celte question, qui m'occupe depuis plus de
LE MARÉCHAL RANDON. 353
quatre années. Je crois cependant devoir vous
faire remarquer que je ne puis ordonner aucun
préparatif aussi longtemps que je demeurerai
dans cette situation d'expectative. » La conclusion
fut que le maréchal Randon ayant demandé l'au-
torisation d'ouvrir la campagne au mois de juin,
le ministre crut devoir l'ajourner au printemps
de 1857, pour cette raison qu'avant d'être lancés
dans de nouvelles aventures, les vainqueurs de
Sébaslopol avaient le droit et le besoin de se
reposer quelque temps de leurs glorieuses fatigues.
Il résultait de cette controverse qu'en attendant,
le maréchal Randon devait se réduire au simple
nécessaire; mais, pour lui, le simple nécessaire
était ce qui, pour d'autres, eut été, sinon le
superflu, au moins la grande aisance. En effet,
pour châtier la confédération des Guechtoula, res-
ponsable de l'attentat projeté contre Dra-el-Mizane,
il ne convoqua pas moins de quinze mille hommes.
De cet effectif, il forma d'abord deux divisions,
commandées, l'une parle général Renault, l'autre
par le général Jusuf, et constitua le surplus en
réserve.
Jusuf entra le premier en opération. A quel-
(jues kilomètres au sud de Bordj-Boghni s'élevait
dans la montagne une koubba célèbre, non seule-
II. 23
354 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
ment dans tout le pays kabyle, mais dans l'Algérie
enlière; c'était le tombeau d'un des grands saints
de l'islamisme, Sidi-Mohammed-ben-Abd-er-Rah-
mane, dont les restes mortels, par un miracle
tout à fait exceptionnel, reposaient complètement
et simultanément chez les Guecbtoula, en Kabylie,
et tout près d'Alger, au Hamma, d'où lui était
venu le surnom posthume de Bou-Kobrine,
(( l'homme aux deux tombes ». La koubba fut
respectée, mais le village qui l'entourait et la
zaouïa, foyer de fanatisme et d'hostilité, furent
rasés sans merci. Le 26 septembre, le maréchal
Randon vint prendre le commandement des divi-
sions réunies. Attaquées l'une après l'autre, les
tribus dont l'ensemble forme la confédération des
Guechtoula vinrent successivement à composition.
Il ne restait plus à réduire que les Douala, tribu
intermédiaire qui servait de trait d'union entre les
Guechtoula et les Beni-Raten; leurs villages furent
saccagés et brûlés le 7 et le 8 octobre. Ce fut la fin
de l'expédition. Les deux dernières journées
coûtaient aux deux divisions treize morts et
soixante-dix blessés. En hâtant le succès, la supé-
riorité numérique de l'attaque avait d'autant réduit
la probabilité des pertes.
Dans un ordre du jour daté de Tizi-Ouzou, le
LE MARÉCHAL VAILLANT. 355
iO octobre, le maréchal Randon annonçait expres-
sément aux troupes la campagne décisive : « Vous
ne direz pas un long adieu aux montagnes que
vous venez de parcourir; nous y reparaîtrons au
printemps, et nous conquerrons celte Kabylie où
nul n'aura pénétré avant nous. » Amis et ennemis,
tous étaient publiquement et solennellement pré-
venus. C'était, comme au moyen âge, un défi, un
appela jour donné, un rendez-vous en champ clos.
Le 10 décembre 1836, le maréchal Vaillant,
ministre de la guerre, écrivait au maréchal Ran-
don : « Celle opération sera longue ; elle sera dif-
ficile, plus difficile peut-être que ne le croient ceux
qui ont le plus étudié le Djurdjura, qui se sont
déjà mesurés avec les Kabyles et qui se sont fait le
moins d'illusions sur la résistance que pourront
opposer, dans une lutte suprême, ces monta-
gnards se battant pour le maintien d'une indépen-
dance qui a résisté à toutes les tentatives essayées
contre elle. A mon avis, c'est donc quelque chose
de très sérieux que nous voulons entreprendre, et
nous ne saurions par conséquent trop tôt nous
préoccuper de préparer le plan de l'expédition et
d'en étudier les moyens d'exécution. La conquête
de la Kabylie est comme un siège à entreprendre;
on marchera pour ainsi dire à la sape; ce qu'on
23.
356 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
aura pris ou enlevé devra être définitivement
acquis à nos troupes. Tout pas fait en avant sera
une menace déplus pour l'ennemi, une possibilité
de l'atteindre plus sûrement, plus efficacement. Il
n'y aura point de pas en arrière. Le temps, la
patience, les routes, les points fortifiés, voilà nos
moyens de dompter ces fiers Kabyles, dignes de
nous par leur énergie et par leur courage. «
Le plan de campagne attendu par le ministre
lui fut adressé le 15 janvier 1857. Pour l'exé-
cuter, le maréchal Randon ne demandait rien de
moins qu'une armée, trente mille hommes. Il en
avait bien, l'année précédente, employé quinze
mille pour une opération partielle et de moyenne
importance. En fait, il avait raison de vouloir être
fort, très fort, afin d'en finir complètement et vite;
mais qu'auraient dit les plus anciens de ses pré-
décesseurs, le maréchal Clauzel, par exemple,
avec ses dix mille hommes? Les temps étaient
changés, le maréchal Randon profitait du chan-
gement, c'était légitime.
La conquête faite, voici comment se ferait l'oc-
cupation : « Nous n'aurons pas besoin de recourir
à ces moyens extrêmes qu'il a fallu trop souvent
employer pour obtenir le gage de la victoire. Les
villages, au lieu d'être détruits, seront occupés
PLAN L'OCCUPATION. 3-57
par des bataillons; des voies de communication
seront ouvertes pour rendre accessibles les parties
même les plus abruptes. Ce qui s'est produit en
d'autres lieux se présentera en Kabylie. Une fois
le prestige de l'inviolabilité du territoire dissipé,
notre occupation consolidée sur certains points
stratégiques, notre volonté d'être maîtres du pays
bien constatée, les Kabyles se soumettront à cette
volonté, plus forte que la leur, et l'on doit espé-
rer qu'ils persisteront d'autant plus dans cette ré-
solution, que notre domination ne devra pas
apporter de notables changements à leurs usages,
ni même modifier leur organisation intérieure.
Leur territoire est trop peuplé pour que nous son-
gions en aucune manière à y introduire l'élément
européen.
« L'esprit démocratique incarné chez ces mon-
tagnards n'admet pas les grands chefs. C'est ainsi
que les Ouled-ou-Kassi ne se sont maintenus dans
la vallée du Sebaou qu'au moyen de smalas com-
posées d'éléments divers auxquels le bachagha
faisait des avantages considérables; ils avaient
ainsi le commandement de la vallée, par cela
même une certaine influence dans la montagne;
mais jamais cette influence n'a été dominatrice.
Si-el-Djoudi, bachagha du Djurdjura, a perdu
358 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
une grande part de son autorité sur les siens, le
jour même où il a été investi des fonctions que
nous lui avons données. Nous ne voyons pas quels
avantages il y aurait à tenter de modifier l'orga-
nisation actuelle du pays kabyle. Cette organisa-
tion répond assez exactement à celle de nos com-
munes, et, sous ce rapport, elle rentrerait dans le
droit commun que nous voulons étendre sur l'Al-
gérie; mais nous devons nous appliquer à être,
pour les Kabyles, des conquérants modérateurs
des passions populaires qui divisent et animent les
confédérations les unes contre les autres, à res-
pecter leurs droits, alors qu'ils ne deviennent pas
une cause de troubles pour le pays, à prouver, en
un mot, qu'après avoir déployé la force pour les
vaincre, nous voulons user de notre droit pour
faire respecter ce qui est juste, ce qui donne à la
paix et à la tranquillité les plus sûres garanties. »
Le ministre de la guerre paraissait hésiter en-
core; pour vaincre ses dernières objections, le
gouverneur de l'Algérie se rendit en France le
3 mars; il en revint, le 22 avril, avec l'autorisa-
tion d'agir.
PRÉPARATIFS. 3f)9
VII
Pendant son absence et d'après ses instructions,
les apprêts de la grande affaire avaient été poussés
avec ardeur. Tizi-Ouzou et Dra-el-Mizane, bases
d'opérations de la prochaine campagne, étaient
bourrés d'approvisionnements de toute espèce;
des fours y avaient été construits, des appropria-
tions faites pour le service de santé; un hôpital de
mille lits était installé à Dellys.
La majeure partie des troupes était venue des
provinces d'Oran et d'Alger. Elles formaient trois
divisions d'infanterie, composées comme suit :
première division, i>énéral Renault; r' brigade,
général de Liniers : 8' bataillon de chasseurs, 23'
et 90'; 2' brigade, général Chapuis : le 1" des
trois régiments de tirailleurs algériens récemment
créés, 41 et 5G^ Deuxième division, général de
MacMahon; 1' brigade, général T3oiirbaki :2
zouaves, 2 étranger, ol*"; 2' brigade, général Pé-
rigot : 11" bataillon de chasseurs, un bataillon du
360 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
3' tirailleurs algériens, 3 zouaves, 93'. Troisième
division, général Jusuf; I' brigade, général Gastu:
1" zouaves, 60 et 68'; 2* brigade, général Deli-
gny : 13 bataillon de chasseurs, un bataillon du
1" zouaves, 45'et7o^ Ces trois divisions formaient
proprement l'armée de Kabylie; une quatrième
allait se constituer extérieurement sous les ordres
du général Maissiat, dans la basse vallée deTOued-
Sahel, de détachements empruntés aux divers
corps de la province de Constantine. Au total, ces
quatre divisions d'infi\nterie comptaient ensemble
vingt-six mille sept cents baïonnettes ; en y ajou-
tant la cavalerie, l'artillerie, le génie, le train des
équipages et l'effectif de deux colonnes légères,
composées chacune de deux bataillons et de deux
escadrons en surveillance sur le versant méri-
dional du Djurdjura, on trouvera plus que les
trente mille hommes demandés par le maréchal
Randon.
Le 19 mai, le maréchal prit à Tizi-Ouzou le
commandement de l'armée. Un ordre prescrivit
aux hommes de marcher sans sacs et de n'em-
porter dans la tente-abri roulée en sautoir que les
cartouches et fës vivres pour quarante-huit heures.
La pluie, l'orage, le brouillard les retinrent pen-
dant cinq jours; enfin, le 24, les clairons sonné-
THÉÂTRE DES OPÉRATIONS. 361
rent la marche. Les divisions Jusuf et Mac Mahon
avaient pour commun objectif un contrefort dit
des Akerma, dont l'arête, signalée par une suc-
cession de villages élagés, aboutit au plateau de
Souk-el-Arba, « le marché du quatrièraejour», qui
est le centre de la confédération des Beni-Raten
et, par elle, de toute la Kabylie. La division Re-
nault, placée à droite, devait s'élever comme
les autres, mais par un contrefort de moindre im-
portance.
S'élever est le mot propre, car, sur un parcours
de six kilomètres à vol d'oiseau, la différence per-
pendiculaire entre le point de départ et le point
d'arrivée atteignait neuf cents mètres. S'il ne
s'était agi que d'une pente régulière de quinze
pour cent, il n'y aurait eu trop rien à dire, mais il
y avait que cette côte rocheuse et tourmentée se
tordait comme une couleuvre, en tronçons hachés
par des ravins abrupts. Le propre du combat sur
un terrain de cette sorte, et, en général, le propre
de la guerre de montagne, est de diviser l'action,
de l'éparpiller en mille petites actions particu-
lières, individuelles pour ainsi dire, où les com-
battants, à parité de bravoure, doivent se distin-
guer surtout par l'intelligence.
Tout ce qu'il est possible de noter dans cette
362 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
journée du 24 mai, c'est que des villages éche-
lonnés sur l'arête des Akerma, ce furent les deux
derniers, Affensou et Ismaïseren, qui furent le
mieux défendus par les Kabyles. Le soir venu, ils
crurent que les Français allaient, comme d'habi-
tude, se replier sur leurs bivouacs; mais quand
ils les virent, au contraire, s'établir dans leur con-
quête, ils concentrèrent sur le plateau de Souk-
el-Arba toutes leurs forces, et le 25, dès le point
du jour, ils prirent l'offensive avec fureur. Devant
Ismaïseren surtout, ils combattirent en désespé-
rés; mais ils avaient en face d'eux Mac Mahon,
Bourbaki, les zouaves de Sébastopol; comment
déloger de tels occupants? Tout à coup, vers
midi, le feu cessa; vers trois heures, on vit une
grande foule s'agiter sur le plateau; puis on en-
tendit une grande salve. C'était, suivant l'usage
kab\le, l'adieu des contingents étrangers. Les
Beni-Raten avaient décidé de se soumettre ; les
autres retournaient chez eux. Dans la soirée, les
premiers firent demander au maréchal vingt-
qualre heures d'armistice; elles leur furent ac-
cordées.
Le 26 mai, dans l'après-midi, vers quatre
lieures, cinquante députés de la confédération se
présentèrent; le colonel de Neveu, chef du bu-
CONFÉRENCE, 363
reaii poli{i(iue, les amena au gouverneur. Ils s'as-
sirent à terre, en demi-cercle, devant sa tente ;
l'un d'eux devait écouter ses paroles traduites par
un interprète et répondre au nom de tous. Alors
s'engagea le dialogue :
« Vous tous qui êtes ici, représentez-vous en-
tièrement la tribu des Beni-Raten et pouvez-vous
vous engager pour elle ? — Oui, nous sommes les
animes délégués par toute notre nation et nous
avons mission de parler pour tous les fils des Raten ;
ce que nous aurons accepté sera accepté par tous.
« Pourquoi avez-vous manqué aux promesses
de soumission que vous m'avez faites au Sebt des
Beni-Yaya, puis en 1855, à Alger, et fomenté des
révoltes chez les tribus soumises? — Si quelques
hommes des Beni-Raten ont fait cela, tous ne l'ont
pas fait; mais nous reconnaissons nos fautes, et
nous venons ici pour nous excuser du passé et nous
soumettre aux Français.
« Avez-vous cette fois l'intention de tenir fidè-
lement vos promesses et d'exécuter les conditions
qui vous seront imposées ? — Nous promettons (jue
notre tribu sera fidèle aux promesses que nous te
ferons en son nom.
« Voici quelles sont les conditions que je vous
impose; si elles ne vous conviennent pas, vous
364 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
retournerez à vos villages, vous reprendrez vos
armes, nous reprendrons les nôtres, et la guerre
décidera ; mais si vous nous forcez à combattre,
après le combat nous couperons vos arbres, et dans
vos villages nous ne laisserons pas pierre sur pierre.
— Nous sommes tes vaincus, nous nous soumet-
tons aux conditions qu'il le plaira d'imposer.
(( Vous reconnaîtrez l'autorité de la France.
Nous irons sur votre territoire comme il nous
plaira. Nous ouvrirons des routes, construirons
des bordjs; nous couperons les bois et les récoltes
qui nous seront nécessaires pendant notre séjour;
mais nous respecterons vos figuiers, vos oliviers et
vos maisons. Vous payerez, comme contribution
de guerre et juste indemnité des désordres que
vous avez causés, cent cinquante francs par fusil.
— Les Beni-Raten ne sont pas riches, et beaucoup
parmi eux n'ont pas assez d'argent pour payer
celte somme.
« Lorsque vous avez fomenté la révolte des tri-
bus qui sont autour de vous, chacun de vous a su
trouver de l'argent; les riches ont payé pour les
pauvres.. Vous ferez comme vous avez fait. Les ri-
ches prêteront aux pauvres, afin que tous payent
et que chacun supporte la peine des fautes de sa
nation. »
CONFÉRENCE. 365
Ici, remarque la relation de l'état-major, une
sorte de brouhaha, de réclamations confuses, s'é-
lève parmi les députés; quelques-uns parlent ou
gesticulent; le chef les apaise peu à peu, et répon-
dant pour tous : « Nous payerons la contribution
que tu demandes. »
(( Comme preuve de vos bonnes intentions, vous
me livrerez les otages qui vous seront désignés. Je
les garderai jusqu'au payement intégral de la con-
tribution, et même plus longtemps, selon votre
conduite. A ces conditions, vous serez admis sur
nos marchés comme les tribus soumises. Vous
pourrez travailler dans la Métidja et gagner, pen-
dant la récolte prochaine, de quoi payer votre
contribution de guerre et bien au delà. Pour vous
convaincre dès à présent que nous ne voulons ni
emmener les femmes et les enfants, ni vous prendre
vos terres, comme on vous a dit que nous avions
coutume de faire, vous rentrerez dans vos villages
immédiatement, aussitôt que vos otages nous se-
ront livrés, vous pourrez circuler en liberté à tra-
vers les camps avec vos femmes et vos enfants, et
l'on ne prendra à personne ni sa maison ni son
champ sans lui en payer la valeur. »
Les visages impassibles des Kabyles ne trahissent
aucun sentiment de regret ni de satisfaction.
366 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
« Vous pourrez, comme parle passé, vous choi-
sir des aminés, mais ils devront être reconnus et
investis par la France. Vous pourrez même garder
vos institutions politiques de village, pourvu que
vos chefs sachent vous maintenir en paix. »
A ces dernières paroles, ajoute la relation, un
frémissement de joie courut parmi ces hommes
jusque-là si impassibles. Des conversations à demi-
voix s'engagèrent entre eux, et il était facile de
voir, à leurs gestes et à leurs physionomies, toute
la satisfaction que leur causait cette promesse
inattendue. Puis, l'orateur reprenant la parole :
« Avons-nous bien compris? Nous conservons
nos institutions? — Oui. — Nous nommerons nos
chefs comme par le passé? •— Oui; seulement,
comme nous ne voulons pas que ce soient des
hommes de désordre, ces nominations seront
approuvées par nous. — Vous ne nous donnerez pas
d'Arabes pour nous commander? — Non. —Alors
vous pouvez compter sur notre soumission, et de-
main nous déposerons entre vos mains la contri-
bution de guerre. » Ainsi se termina la conférence.
Le succès était notable; il avait été payé d'ail-
leurs assez cher. Des deux divisions qui avaient
attaqué le contrefort des Akerma, la division Mac
Mahon avait le plus souffert ; le chiffie de ses pertes
OUVERTURE D'UAE ROUTE. 367
était de trente et un morts et de deux cent trente-
trois blessés; la division Jusuf ne comptait que
trois morts et trente- cinq blessés. La division
Renault, qui avait agi seule, sur la droite, avait eu
deux cent dix hommes atteints, dont trente-trois
morts.
Le 28 mai, la division Mac Mahon alla s'établir
sur la position élevée d'Aboudide, en avant des
deux autres, dont les bivouacs se développaient
sur cinq lieues d'étendue. Après avoir frappé sur
les Kabyles un coup de force, le maréchal Randon
avait décidé de porter à leurs illusions une
atteinte décisive. Tandis qu'ils s'attendaient à voir
leurs vainqueurs, ainsi ijuc dans toutes les expé-
ditions précédentes, faire, après un certain temps,
retraite, un spectacle nouveau vint surprendre et
déconcerter leur attente. De Tizi-Ouzou à Souk-el-
Arba, sur toute la ligne des bivouacs, des batail-
lons de travailleursouvrirentetachevèrent en dix-
huit jours, du 3 au 21 juin, une roule de vingt-
huit kilomètres de développement et de six mètres
de large. Le 22, un convoi d'artillerie, de four-
gons du génie et du train, couverts de drapeaux
et de feuillage, inaugura la nouvelle route en la
parcourant dans toute sa longueur.
Ce n'est pas tout. Dès le 4 juin, le maréchal
368 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
Randon avait écrit au ministre de la guerre :
t< Pendant les quelques jours qui viennent de s'é-
couler, le terrain sur lequel doit être élevée une
forteresse, assez vaste pour recevoir quatre batail-
lons avec accessoires, a été étudié, le tracé de
l'enceinte déterminé, l'emplacement des divers
services reconnu. Des carrières de pierre à bâtir et
de pierre à chaux ont été recherchées et ouvertes;
les fours sont en voie d'exécution; en un mot, tout
le matériel nécessaire est préparé. » Deux jours
après, les travaux de déblai commencèrent; le
I 4 juin, au sommet du plateau de Souk-el-Arba,
fut bénite et solennellement posée la première
pierre du grand poste fortifié qui allait recevoir le
nom de Fort-Napoléon et qui s'appelle aujourd'hui
Fort-National ; puis, sous la direction du général de
Chabaud-Latour, l'enceinte bastionnée, les bâti-
ments de toute sorte, casernes, ateliers, magasins,
sortirent de terre et s'élevèrent rapidement devant
les yeux stupéfaits des Kabyles. Il n'y avait plus à
douter; c'était une prise de possession définitive,
un établissement à demeure.
Après avoir démontré par un témoignage irré-
fragable sa volonté ferme, le maréchal Randon
rouvrit le cours interrompu des opérations mili-
taires. Pendant ce délai de quatre semaines, à
ICHERIDEN. 369
cinq kilomètres d'Aboudide, en vue de Souk-el-
Arba, les derniers défenseurs de la patrie kabyle
avaient dressé sur le piton d'Icheriden, vis-à-vis
de la forteresse d'occupation, la forteresse d'indé-
pendance. Un ravin profond lui servait de fossé;
pardelà, jusqu'au village crénelé et barricadé, des
retranchements en crémaillère avec flancs en re-
tour, des embuscades élagées, dissimulées der-
rière des amoncellements de pierres et de troncs
d'arbres, découvraient et commandaient le terrain
d'approche. Ce fut la division Mac Mahon qui eut
la charge et l'honneur d'attaquer ce qu'il est per-
mis d'appeler VAlcsia de la Kabylie.
Le 24 juin, à cinq heures du matin, sous les
yeux du maiéchal Randon, elle se mit en mou-
vement. Un bataillon du oi' était en avant-garde;
puis venaient le 2" zouaves et le 2 étranger ; la
deuxième brigade formait réserve. A portée de
mitraille, l'artillerie ouvrit le feu. Apiès vingt mi-
nutes de canonnade, le général Mac ]Mahon fit
sonner la charge. Conduits par Bourbaki, le oi' et
les zouaves s'élancèrent; à moins de cent mètres
des retranchements, une fusillade violente et
nourrie les arrêta sur place. Bourbaki avait son
cheval tué, Mac Mahon était atteint à la hanche;
mais pendant cet arrêt meurtrier sur le front d'al-
II. 24
370 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
taque, le S** étranger avait incliné à gauche, tourné
la position et pénélré de force entre le retranche-
ment et le village. Désormais la résistance était
vaincue, la position conquise. La perte des assail-
lants était de trois cent soixante et onze hommes,
tués ou blessés; il y avait trente officiers dans le
nombre.
Le combat d'icheriden, le plus vif et le plus bril-
lant de toute la campagne, fut, à peu de chose près,
le dernier. En continuant à marcher au sud-est,
parallèlement à la grande chaîne du Djurdjura, les
trois divisions recueillirent la soumission d'une
confédération puissante, les Beni-Yenni. Une ap-
parition inattendue sur les derrières des tribus
encore insoumises acheva de les décourager; c'é-
tait la division de Constanline qui venait d'occuper
le col de Chellata. A l'attaque d'Aguemon-lzen,
leur surprise fut encore plus grande : des Beni-
Fraoucen, des Beni-Raten accompagnaient les
colonnes françaises! Il ne restait plus à réduire
que les Beni-Menguellet, qui ne firent guère de
résistance, puis les Beni-Touragh, qui en firent un
peu davantage. Les derniers coups de fusil furent
tirés, le 11 juillet, chez les Illoul-ou-Malou et les
lllilten ; le 12, chez les Beni-Mellikeuch.
Il y avait chez les lllilten, dans la gorge de Ti-
LA KABYLIE DOMPTÉE. 371
rourda, un village de marabouts, et dans ce vil-
lage, une inspirée, une prophétesse, une voyante,
Lalla-Fatma. C'était elle qui la première avait
prêché la guerre sainte; elle fut prise, le 1 1 juillet,
avec tous les siens, et conduite hors du pays.
Parmi ces populations crédules, le bruit courut
aussitôt qu'avec elle était parti Tesprit de résis-
tance, et tout de suite on se soumit.
Tout était fait; la Grande Kabylie était domp-
tée. La division Renault demeura seule à la garde
de Fort-Napoléon; tous les autres corps reprirent
*le chemin de leurs garnisons. Avant la séparation
de l'armée, le maréchal Randon leur adressa, le
1 6 juillet, ses éloges : « Accourus à ma voix des
trois provinces, vous êtes venus prendre part à
cette belle campagne. Des cimes du Djurdjura
jusque dans les profondeurs du Sud, le drapeau
de la France se déploie victorieusement. C'est à
vous qu'il était donné de terminer cette grande et
noble tâche. L'Algérie reconnaissante applaudit à
vos triomphes. Trouvez dans ce témoignage la ré-
compense de ce que vous faites depuis vingt-sept
ans pour la prospérité de cette belle colonie, le
plus beau fleuron de la couronne de France. »
Le 17 août, le maréchal Bosquet adressa, de
Paris, au maréchal Randon la lettre suivante : « Le
24.
372 LA CONQUÊTE DE L'ALGERIE.
bruit avait couru que vous seriez ici pour les fêles
du 15, et, sans m'informer davantai^e, je m'accom-
modais très volontiers de la bonne chance de
vous revoir pour vous serrer les deux mains
très cordialement et vous féliciter chaudement de
la belle campagne que vous venez de terminer, en
même temps que la guerre d'Afrique, comme on
finit une fête par un bouquet superbe et brillant.
Cette glorieuse expédition dans les terrains les plus
ardus, les plus difficiles de la Kabylie et de l'Afri-
que, contre les populations les plus sérieusement
guerrières, et avec un succès éclatant, non inter-
rompu, doit vous avoir laissé au cœur une joie
bien légitime à laquelle je vous prie de me per-
mettre de m'associer de toute mon âme. Il n'y a
ici dans l'armée et dans la société qu'une voix,
qu'un concert d'éloges à votre adiesse et à celle
de votre admirable armée.
« Après la grande affaire de la conquête, ce sera
aussi une grande affaire d'organiser solidement et
d'administrer sagement les Kabyles; mais j'augure
bien de leur caractère décidé. Une main loyale et
ferme doit leur convenir; ils sont plus braves et
moins changeants que les Arabes. Pauvres et tra-
vailleurs, ils se plieront mieux à nos méthodes.
Loyauté et fermeté dans l'administration, et beau-
LE MARÉCHAL BOSQUET. 373
coup de travail offert à leur activité, voilà, je
pense, ce qui convient pour qu'ils restent en
paix. Puisque vous avez adopté le commandement
direct sans intermédiaire de grands chefs indi-
gènes, je serais heureux d'apprendre que ce ré-
gime est poussé dans ses limites extrêmes. La di-
vision du commandement s'accommode très bien
avec le caractère fier et chatouilleux du Kabyle
cl peut devenir une garantie contre les révoltes
en niasse. »
L'aulorité morale du maréchal Bosquet était
considérable; son assentiment qu'il ne prodiguait
pas n'était point banal. S'il complimentait le ma-
réchal Randon, c'est que le compliment était juste
et mérité. Après le maréchal Bugeaud qui domine
tout, après lui, mais à distance,
Proximus liuic, longo seil proxiiiiiis intervallo,
le second rang dans l'histoire de la conquête ap-
partient de droit au maréchal Randon. Au génie
de l'un a succédé la persévérance de l'autre; ce-
lui-ci a parachevé l'œuvre de celui-là. C'est un
grand honneur.
374 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE
VIII
Toute l'Algérie était soumise. Du nord au sud,
de la Méditerranée au désert, du levant au cou-
chant, du beylik tunisien au sultanat de Maroc^
il n'y avait plus un coin de terre, une anfractuo-
sité de rocher, un pic de l'Ouarensenis, du Djur-
djura, des Babors ou de l'AurèSjUne de ces oasis
sahariennes semées comme des îles parmi les
ondes fauves de la mer de sable, qui n'acceptât
OU ne subît la suprématie française.
La voilà donc terminée, cette lutte de vingt-sept
ans, soutenue avec tant d'énergie de part et d'au-
tre. Gloire aux vainqueurs! Honneur aux vaincus!
Rien n'est respectable comme un peuple fier qui a
défendu vaillamment son indépendance. Tout lui
est dû de ce (jue le conquérant a de noblesse,
d'humanité, de charité chrétienne dans le cœur,
modération, justice, bienveillance, encourage-
ment, bon exemple. La France est généreuse;
CONCLUSION. 375
l'Arabe et le Kabyle sont capables de reconnais-
sance.
Un jour du mois de janvier 1857, la colonne
du général Desvaux passait à Tmacine, non loin
de. Tougourle. Tout le pays était en liesse. Par
l'industrie des Français, un puits artésien venait
d'être foré dans cette petite oasis; à lui seul il don-
nait le double de ce que débitaient d'eau tous les
puits arabes. Un marabout de l'ordre de Tedjini,
un hadj, depuis peu revenu de la Mecque, Si-
Nâmeur, présidait à l'inauguration de la source
jaillissante; il était fier du succès parce que c'était
lui qui avait eu l'honneur de donner le premier
coup de sonde. Après avoir salué selon l'usage et
remercié le général, il se tourna vers les Arabes
et leur dit : « Vous avez été autrefois alarmés
lorsqu'on vous annonça l'arrivée des Français dans
rOued-Righ; mais bientôt vos incjuiétudes ont
fait place à la joie; car ils venaient non pas pour
vous faire la guerre, mais pour vous donner une
paix que vous ne connaissiez pas depuis longues
années. Ayez donc de la reconnaissance pour ce
gouvernement, et que vos enfants se rappellent ce
jour qui leur fournit la preuve des bonnes inten-
tions de la France. Je viens do traverser beaucoup
d'États musulmans; j'ai trouvé partout injustice
376 LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE.
et violence, les routes livrées au brigandage. Je
n'ai respiré librement que depuis l'heure on j'ai
mis le pied ^ur le territoire soumis à l'autorité
française. »
Après la conquête du sol, achevée cette année-
là même, c'était la conquête morale qui commen-
çait. Depuis trente ans, la France, la France algé-
rienne surtout, a-t-elle fait tout ce qui était de
son devoir absolu pour l'étendre?
FIN DU TOME SECOND.
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE VI
LA G 11 AN DE INSURRECTION.
I. — Affaire de Sidi-bel-Abbès. — Le colonel Géry dans les inon-
tagnes des Ksour i
II. — Bou-Ma/.a. — Le colonel Pélissier. — Les grottes du l);ihra.
— La Kabylie. — Aciiviîé d'Abd-el-Kadtr. 13
III. — Mécoiiteiitenient du maréchal Bugeaud. — Le ministère de
la guerre. — Les journaux. — La colonisation militaire. — En-
trevue avec le maréchal Soult 31
IV. — Le vrai et les faux Bou-Maza — Abdel-Kader rentre en
scène 45
V. — Le lieutenant-colonel de Montagnac. — Sidi-Hraliini. — .^m-
Temouciient 53
VI. — Insurrection générale. — Retour du maréchal. — Dix-huit
colonnes. — Clinsse à l'émir. — La Métidja menacée. — Sag.icité
et sérénité du man clial 68
VII. — Retraite d'.\ljd-el-Kader. — Massacre des prisonniers fran-
çais 85
YIII. — Colonnes Jusuf et Renault. — Ab l-i-l-Kadcr rentre au
Maroc (JO
CHAPITRE VII
LA DERNIÈRE ANNEE DU MARÉCHAL BUCEAUD EN AFRIQUE.
I. — Échecs de Bou-Maza. — Le derviclic Sidi-Fadei. — Création du
poste d'Aumale. — Incidents dans la province de Constantine. 95
378 TABLE DES MATIERES.
II . — Rachat des prisonniers français. — Lettres d'Abd-el-Kader. 1 06
III. — Reddition de Bou-Maza. — Soumission de Ben-Salem. —
Promenades militaires dans le Sud 122
IV. — Le maréchal Buj^eand et La Moricière. — Échec du [iiojetde
colonisalion militaire. — Expédition slu maréciial dans la vallée
de l'Oued-Sahel. — Di^mission du maréchal Bugeaud. — Ses adieux.
— La statue du maréchal 130
CHAPITRE Vm
GOUVERNEMENT DU DUC D'.VUMALE.
I. — Le duc d'Aumale et le maréchal Bugeaud. — Le diicd'Aumale
et ses lieutenants. — Affaires civiles . 147
II. — Abd-el Kader au Maroc. — Mort du kaid El-Alimar. — Les
Beni-Amer 153
III. — Colère d'Abd-er-Rahinaiie. — Ses fils man lient contre Ahd-
el-Kader. — Lettre de l'émir au duc d'Aumale. — La Moricière
sur la frontière marocaine. — Tentative d'Abd-el-Kader contre les
Marocains — Retraite de la deïra sur le territoire algérien. . 160
IV. — Reddition d'Abd-el-Kader. — Lettres échangées 172
V. — Le duc d'Aumale et Abd-el-Kader. — L'émir embarqué pour
France 178
YI. — Dispositions du gouvernement français. — Discours de M. Gui-
zot. — Attitude nouvelle d'Abd-el-Kader. — Son entrevue avec le
général Changariiier 1 8 t
VII. — Projets du duc d'Auniale. — Révolution de Février. —
Adieux et départ du duc d'Aumale 1 0 1
CHAPITRE IX
L'ALGÉRIE DE 18Î8 A 1851.
I. — Lettre du général Changarnier. — Belle altitude de l'armée. —
Émotion dans quelques tribus. — Reddition d'Ahmed-Bey. — Les
Kabylies QO 1
II. — Le général Charon. — Insurrections au sud-ouest et au nord-
est. — 0|iérations en Kab\ lie 215
JII. — Zaaicba. — Bou-Ziane. — Échec du colonel Carbuccia. —
Mort du commandant de Saint-Germain 22 6
IV. — Le général Ilerbillon. — Siège de Zaatcha. — Mort du colo-
TABLE DES MATIÈRES. 379
nel Petit. — Assaut repoussé. — Les Sahariens. — Énergie de
Bou-Ziane 237
V. — Dispositions d'assaut. — Le colonel Canrobert. — Prise de
Zaatcha. — Mort de Bou-Ziane. — Destruction de l'oasis. . 251
VI. — Le colonel Canrobert à Nara. — Agitations en Kabylie. —
Mort du général de Barrai 2.58
YII. — Le général d'Hautpoul. — Ses projets. — Intérim du géné-
ral Pélissier. — Expédition du général de Saint-Arnaud dans la
Petite Kabylie. — Le commandant Flcury. — Le général Camou.
— Résultats de l'expédition 266
VIII. — Le général Pélisder dans la Kabylie occidentale. — Saint-
Arnaud ministre de la guerre. — Le général Randon gouverneur
de l'Algérie 276
CHAPITRE X
ACHEVEMENT DE LA CONQUÊTE.
I. — Gouvernement du général Randon. — Le généial Bosquet. —
Soumission de si-Djoudi et des Zoiiaoua. — Le général de Mac
Mabon dans la I^etite Kabjlie. — Opérations sur les frontières de
l'est et de l'ouest. 282
II. — Mohammed-bcn-Abdallali, le chérif d'Ouargla. — Insurrection
de Lagliouat. — Si-IIainzn. — Les trois régiments de zouaves. —
Pélissier et Jusuf. — Prise fcl occupation délinitive de Laghouat.
— Mort de Tedjini. — Succès dô Si-Hamzî 298
III. — Grand projet du généial Randon. — Le maréchal de Sainl-
Arnaud. — Expédition dans la Petite Kabylie. — Le lieutenant-
colonel Cler et le général Bosquet. — La messe en Kabylie. —
Soumission des Bdbors. 3 1 4
IV. — Vaste opération dans le sud. — Soumission du M/ab. — Le
colonel Durriou et Si-Ham/.a. — Le général Randon à Laghount.
— Tougourte. — Soumission de l'Oued-Righ et duSouf. — Puits
artésiens 327
V. — Contribution de l'armée d'Afrique à la guerre de Crimée. —
Agitation dans la Grande Kabylie. — Expédition du général
Randon. — Situation critique. — .Alort de Bon-Baghla .339
VI. — Le général Randon nommé maréchal. — Mouvements en
Kabjlic. — Opérations contre les Gnechtoula. — Plans du maré-
chal Randon '^^0
VII — Campagne décisive dans la Grande Kabylie. — Soumission
380 TABLE DES MATIÈRES.
des Beni-Rateii. — Souk-cl-Aiba. — Ouverture d'une route et
construction d'un fort — Combat d'Icberiden, — Soumission
définitive de la Grande Kabylie. — Lettre du niarécbal Bosquet au
marécbal Randon 359
VIII. — Conclusion. — La conquête du sol est acbevée. — Reste à
(aire la conquête morale 374
INDEX HISTORIQUE
Dans cet Index et dans le suivant :
A désigne le volume qui a pour titre : La conquête d'Alger.
B', B^ désignent les deux volumes intitulés : Les commencements
d'une conquête, l'Algh'ie de 1830 à 18 W.
C, C- désignent les deux volumes intitulés: La conquête de
l'Algérie, 1841-1857.
Abdalla d'Asbonne. — B', 299,
303, 380, 38a.
Abd-ei.-Baki. — B-2, 418. — C,
233.
Abd-el-Kader. — B>, 218, 219,
223, 224, 273 à 279, 282, 283,
28C, 288, 292 à 313, 322, 334,
3.37 à 388, 400, 401. — B^, 5,
40, 11, 20 à 24, 28,29, 31, 36
à 44, 47, 51 à 53, 5.3, 58, 59,
71, 74 à 78, 82, 83, 90 à 93,
107, m, 189, 191 àl9i, 197,
198 à 213, 214, 216, 222, 223,
301 à 313, 318, 320, 321, 333,
334, 335, 339, 3't6 à 337, 363,
367, 371 à 374, 380, 383, 384,
387, 390, 404, 406, 417 à 420,
423, 424, 428, 432, 436, 439,
440, 442, 443, 446, 447, 430,
452 à 454, 439, 468, 469, 483.
— C, 8, 10, 11,20,21,22,23,
34, 35, 39 k 43, 48 à 33, 37 à
60, 63, 64, 68, 92, 93, 97, 100
à 102, 104, 107, 108,113,129
à 132, 136, 137, 140 à 144,
153, 155, 163 à 163, 172, 173,
184, 186, 188, 189, 193, 202,
203, 205, 208, 210, 220, 231 à
235, 238 à 240, 273, 283, 286,
292, 301 à 310, 317, 320, 322,
325, 326, 329, 334, 336, 3»,
343, 347, 367, 368, 377, 378.
— C-, 1 à 3, 3, 6, 14,27 à 30,
48 à 50, 36, 37, 60, 62, 66, 70 à
95, 106 à 111, 113 à 123, 123,
126, 153 à 192, 229.
Abd-el-Salem.— b-, 362, 363,
412.
Abeiuieen. — A, 81, 84, 234. —
B', 230. — C, 337, 338, 366,
367.
AcHAiii). — A, 70, 119, 136, li4,
143, 146, 134, 164, 169, 176,
183, 187, 190, 236. - B', 29,
30, 32, 33, 33, 38, 40, 42, 43,
45, 47, 49, 58, 64, 65, 66, 68,
73.
Admihaui.t. — B', 52, 129.
Aiimed-Bev. — A, 139, 140, 146,
242,213, 236, 266. — H', 72,
133, 196, 200, 211, 269, 272,
273. — BS 113, 120, 123,126,
382
INDEX HISTORIQUE,
127, 147, 149, 163, 163, 167,
180, 189, 223 à 231, 243, 245,
248 à 250, 238, 262, 280, 293,
295, 319 à 322, 325, 327, 358,
376,410. - C, 245, 253, 264,
271. _ C-, 210, 211, 229.
Ah.med-ben-Salem. — C, 274,
276, 278.
Ali-Dey. — A, 7, 8, 9, 10, 19.
Alleaume. — C, 245, 233.
Alleguo. — B', 249, 250, 260,
261,262, 393.— B2, 194, 313.
Allonville (d'). — B-, 334. —
C, 72, 191. — C^ 90.
Alton (o'). — li', 178, 193.
Ameuu-den-Feuhat. — C, 123,
147, 149, 156, 170, 187, 191,
193, 196. — C2, 72.
Amziane. — B^ 360,361, 363.
Angoulème (duc d'). — A, 95,
96, 97.
Anthouaud (f)').— B-, 408, 409.
AoHiMEUR. — C, 132, 143.
xNrbouville (i>'). — c, 93, 98,
100,114, 130, 131, 133, 138 à
141, 166. — G2, 25, 73.
Arlanges (d'). — B', 128, 132,
400, 402.— BS 11, 13,28,33,
43, 58, 68 à 79, 96.
Armandy (D'j. — BM98,190,201
à 207, 214. — B2, 262.
Arnaud (d'). — B-, 235.
ASSIGNY (d'). — A, 106.
Attili de Latouu. — A, 33, 51,
53, 57.
Aumale (duc d').— B^ 233, 390,
422, 423, 434. — C, 13, 16,
20, 39, 61, 153, 1.57, 138, 163,
166, 169 à 171, 186, 187, 190,
192 à 196, 200, 215, 239, 260,
262 à 266, 269, 271 à 274. —
C-, 84, 87, 90, 99, 148 à 133,
161 à 163, 172, 178 il 183, 187,
191 il, 109.
AURELLH(I)').— C',119. —C\
268, 282.
AUTEMAURE (o'). — C^, 282, 291,
292, 293.
AUTRAN. — B-, 481.
AuvRAY. — B', 74. — B^ 300.
AvizAui). — B', 194, 232, 234.
B
Bacri. — A, 21, 22, 24, 25, 27,
228, 241, 239, 268.
Bar (de).— c, 26, 109, 124, 166
à 168,216. — C^ 79, 80, 133,
147, 133.
Baraguey d'Hilliers. — B-, 472.
— C, 7,11,17, 27,29,40,42,
70 à 72, 80, 94, 216, 222, 223,
253, 257 à 239.
Barbut. — C-, 60 à 62, 113.
Barkani. — B', 368, 370. — B^,
321, 418, 442, 468 à 470. —
C, 14, 23, 72, 105, 165, 181,
305. — G-, 2.
Barois. — G^ 3')8.
Barral.— C',173, 233, 287.— C2,
31, 56 à 38, 63, 64, 218, 236,
23!», 241, 248, 232, 234, 258,
263, 204.
Barthélémy. — G', 254.
Bastouil.— c, 208.
Baude. — B", 314. — B^, 99, 109,
129.
BEAUFORT(des cliasseurs d'.\fri-
que). — B', 393.
Beaufort (de l'état-major). —
G', 192. — G^ 183.
Beauprètre. — C2,262, 278, 289,
351.
Bedeau.— B=,261, 292,360,363,
376, 413, 440, 444, 443, 431,
472. — G', 14, 19, 39, 69, 79,
83,93, 101, 102, 129,130,139,
184, 183, 221, 232, 240, 286,
301 il 304, 309 ix 314, 318, 322
il 326, 354, 353, 338, 363, 371.
— C-, 67, 72, 76, 80, 82, 8i,
INDEX HISTORinUE.
383
100, 131, 137, 141, 117, 130,
192, 266, 298.
Bel-Azouz. — B2, 321, 410, 418.
— C, 244.
Bel-Kassem. — C, 294. — C^
25, 127, '220, 3 il.
Bex-Aïssa.— B', 19G, 199 i 207.
— B2, 147, 149, 2o8, 289, 292,
337.
Ben-Allal. — B2, 333, 393,39a,
399, 418,422, 436, 4 42. — C,
14, 26, 42, 97, lOoù 108, 124,
12.0. 138, 146, 147, 149, 166,
170, 181, 189, 193, 209, 232,
233 à 239.
Bex-Ahach. — B', 298, 299,306,
307, 310, 312, 334, 333, 338,
371, 373.— B2, 194,204, 206,
308 à 310, 333. — C, 2b, 48,
193, 303. — C-, 2, 87, 88.
Bex-Azzeddine (les). — C-, 213,
214, 222, 262.
Ben-Bajou. — B2, 226, 227.
Bex-Dukand (les).— B', 360,361,
370, 371, 393, 400, 401. —
B^ 43, 191 à 194, 198, 226,
308, 312, 313, 334.
Ben-Ganah ( Cheikh -el-Arab).
— B2, 337, 410,411.— C, 244,
263, 264, 263, 271. — C-, 303.
Ben-Hi.nni. — C2, 10, 17,96.
Ben-Nouna.— B', 224, 278,311.
— B2, 37, 47, 30, 92, 93.
Bex-Omah (Alyer). — Bi,28,30,
108, 109, 111, 114, 267, 268,
399, 400. — B2, 5, 6.
Ben-Omar (Medjana). — B-, 112,
413, 418.
Ben-Rebaii. — C, 132, 143.
Be\-Sai.em.— \i\ 380, 393,418,
421, 441, 474, 473. — C, 103,
130, 131, 171, 292, 294, 296,
299, 373, 378. — C^, 23, 80,
81,82,84, 126 à 128.
Be\-Tami. — 152, 40.3, 406, 418,
442, 483.— C, 47,48,62,03,
82, 96, 98, 134, 209. - C-, 2,
88, 182.
Bex-Zamoux. — A, 247. — B',
30, 123, 126, 130, 133, 170,
180, 186.— B2, 216, 218,220,
221.
Ben-Zamoux (fils du précédent).
— C, 296, 298, 299. — C^, 25.
Berxaro. — B', 390.
Berxar» (général). — B', 314.
— li'-, 109, 112, 212, 239,298,
.344, 345.
Berxelle. — B2, 294, 293, 300,
307.
Berthezéxe.— a, 69, 120, 121,
122, 126, 1.33, 131, 132, 1.36,
13S, 166, 175, 183, 188, 189,
192, 198, 217. — B', 7, 83,89,
91, 92, 93 à 101, 109, 111,
114, 118, 119, 121, 122, 126,
128, 129, 130, 132, 134 à 137,
143, 144, 153, 1.38, 169, 170,
180.
Berthier. — C*, 47.
Berthois. — C, 8, 121, 122.
Bertier de Sadvio.xy. — A, 70,
172, 176, 183, 183.
Bertraxd. — B^ 1.32, 133, 160,
167, 171.
Bessiéres. — c, 267.
Bessox. — C-, 25i.
Bey de Tripoli. — A, 109.
Bey de Tunis. — A, 89, 109. — .
B', 71, 145, 147. — h-, 226,
227, 327.
lÎEZARD. — A, 48 à 52.
Bigot. — B', 137, 139, 141, 142,
196, 199.
liiLi.oT. — G^, 68.
lîiud.M. — |{2, 30.;.
Bissox. — C, 121, 127, 216.
Blanc. — C, 41, 177.
Blaxdan. — C, 111, 112.
Blaxi.ixi. — l5^ 147, 131,360,
366. — C-', 80,220, 221.
BociiER. — es 226, 253.
384
INDEX HISTORIQUE.
BoissoNNET. — C-, 188, 189.
BoNET. — B', 243,244, 292, 314.
BONNAFON'T. — B", 154, 162,
169, 268, 339.
Bosc — G-, 341, 347.
B0S0UET. — B2, 218,392.— C,
b4, 131, 133, 173, 287. — C^,
144, 203, 209, 218, 269, 271,
273^ 27 i, 282, 283, 283 à 289,
m, 293, 318, 319, 322, 324,
323^ 371 à 373.
Bou-Akkas. — BS 363, 377. —
es 303, 319, 320.
Bou-Baghla. - C2, 268, 273,
276, 277, 283, 289, 340, 344,
349'.
BoucETTA. — B', 248 à 230,
237, 348.
Bou-Chaued. — G-, 23, 127,
128.
BouDERBA. — A,213, 241.— B',
IQl^ 370. — B% 308, 309, 334.
— C^ 114.
Bou-llAMEiji. — B^ 32, 203,
403, 408, 409, 418, 485, 486.
— G', 48, 90, 303, 308. — G-,
2, 88, 133, 161, 164, 163, 167,
169, 175, 176.
Bou-Khouïa. — G-, 172 à 174.
Bou-Maza. — G^, 14, 18 à 20,
45 à 50,71,73,78, 93, 96, 98,
106, 107, 122 à 126,261.
Bou-Mezuag. — A, 174, 173,
243, 244, 243, 268. — B', 23,
28, 43, 49, .52, 33, 59, 60, 77.
BouiiBAKi. — G^ 238, 241, 231
à 253, 270, 300, 359, 362, 309.
BouRGON. — B2, 358, 484. — G',
72.
Bc)URJOLt.Y. — B-2, 394, 399. —
C, 178, 179, 204, 210, 232,
309, 313, 321. — G2, 13, 17,
27, 35, 46,71, 73.
IkiURMONT. — A, 02, 63, 72, 79
;ï 81, 83, 88 à 90, 102, 113,
149 à 153, 158, 103, 168, 169,
180, 187, 188, 190, 203,^14 à
220, 220, 230, 237, 238, 244,
245, 247, 249, 231, 253, 253,
258 à 262, 265, 267, 208, 270
à272. — B", 8,23, 30, 36,72,
87, 89, 95.
BouscAREN. — B-, 394, 445. —
G', 263. — C^ 282, 306, 309
à 311.
Bou-Selam. — G', 338, 367.
BouTAULT. — B^, 281, 289.
BouTiN. — A, 37, 38, 116, 170,
187,189,196.
BouzEïD. — B', 243, 244.
Bou-ZiANE. — G2, 229, 230, 244,
246, 248 à 231, 254 à 256.
BoYER. — B', 6, 10, 29, 31, 38,
64, 67, 76, 85, 90, 91, 147,
149, 131, 132, 135, 21.3, 219,
221, 223 à 223, 274, 296.
Bracewitz. — A, 218 à 220.
Bras-de-Fer. — G-, 260.
Bressox. — B^, 319.
Brice. — C, 246.
Bro. — B', 194, 243, 262, 264,
263, 336. — B2, 63, 65, 232,
300.
Broglie. — B', 228, 230, 231.
Brossari). — Bi, 138, 181, 184 à
187, 193, 240.— B2, 108, 181,
191, 193, 314 à 316.
Bruat. — A, 106, 107.
Bru.vet. — ]i-, 480.
BuciiET. — Bi,96, 98, 109, 112,
138, 177, 178, 193.
BuGEAUD. — B', 330. — Bî, 79
à 97, 104,175, 183 à 185, 187,
190, 191, 193 à 208, 211, 212,
222, 223, 297, 298, 311 à 317,
383, 424, 457 à 459, 472, 489,
491. — C, 1 à 12, 14 à 39,
42 à 50, 53 à 69, 72 à 79, 81,
84, 85, 91 à 94, 104 à 109, 112
à 122, 127 à 130, 139, 146,
150 à 152, 154, 153, 137 ù 162,
164 à 168, 173 à 180, 185,186,
INDEX HISTORIQLE.
385
19Gàl98, 204, 205, 208à2ll,
215 à 231, 235 à 239, 2il,
242, 260 à 262, 274, 275, 284
à 300, 304 à 306, 309, 319 à
323, 326 à 333, 338 à 349,
351,352, 354 à 364, 367, 369
à 379. — C-, 7, 11 à 13, 15 à
20, 24, 26 à 28, 30 à 44, 54,
67, 71 à 84, 91, 92, 96, 99,
100, 113, m, 120, 125 à 128,
130 à 145, 147 à 149, 190 à
192, 205, 298.
Bl'rgard. — C^ 61, 62.
Hl-snach. — B', 297, 299. — B^,
226, 227, 229.
BuTTAFUoco. — C, 203, 264.
Caheï de Vaux. — B', 4, 15, 19.
Camain. — B', 119.
Camou. — C-, 73, 85, 91, 269,
271, 273, 274, 276 à 278, 282,
290, 319, 341 à 343, 346, 347.
Ca.\i(Obert. — B'-, 295. — C,
119, 209. — C-, 15, 96, 209 à
211, 221,223 à 225, 235,247,
248, 2.52 à 254, 2.56, 2.58 h 201,
263.
Caramav. — B', 209.— H^, 245,
275, 29 4.
Cauamax (duc iJE). — B-, 129,
169.
Caubl-ccia. — C\ 218, 230, 231,
233, 237 à 239, 241, 244,260.
CAsrMia Périeu.— B', 1.58, 159,
162, 165, 168.
Ca-ssaigne. — B', 119, 120.
Cassaignole-s. — C, 144, 237.
Cassan. — B', 6.
Cavaignac. — Bi, .395.— 15^ 47,
85, 86, 89, 93, 192, 213, 415,
482. — C, 36, 37, 39, 101,
148, 309, 321, 371,372.— C-,
20, 21, 50, 51, 55, 57, 69 à 71,
73, 97, 98, 106,108, 111, 128,
II.
161, 178, 179, 181, 194 à 197,
205 il 207, 266, 298.
Cavaignac (colonel du 32"). —
C, 358.
Chabaud-Latour. — C-, 368.
Chabrière. — C, 268.
Chadevssox. — B-, 342. — C,
191, 322.
Chambaud. — A, 202.
Changarmer. — B-, 1, 26, 128,
144, 145, 1.50 à 1.52, 155, 156,
1.58 à 161, 163, 167 à 169,
170, 254, 299, 375, 379, .392,
393, 395 à 403, 426, 427, 431
à 435, 444 à 455, 464 à 482. —
C, 5 à 7, 13, 14, 17 à 19, 22
à 25, 3), 39, 70 ;i 73, 79, 8 4,
85,106, 107,109,1)0, 113, 117à
119, 123àl28, 136, 146àll9,
154 à 159, 166, 168, 169, 177
ù 179, 181, 182, 196, 215 à
230. — C2, 34, 131, 150, 188 à
190, 192, 194 à 198, 201 à 206.
Chappedelai.xe. — C-, 59, 61,
65.
Chapcis. — C-, 359.
Ghard (oe). — G-, 254.
Ghargère. — G-, 60.
Charles X. — .\, 39, 45, 60, 86,
245, 254, 2.55. — B', 71.
Charo.x. — G^ 200, 215, 265.
GHARRA.S. — G', 173, 206, 287.
— G-, 8, 68, 266.
Ghasseloup. — B-, 129.
Ghasseloup-Laudat. — C, 297.
Chasteau. — G-, 153.
Ciiatealbriand. — .\, 24, 25.
Chérir u'Ouargla. — Voir
MoHAMMED-BEX-ABDAI.r.AH.
GissEv. — G', 294. — C^ 282.
Gl-APARICDE. — G-, 15, 17.
Ct.ALZEi.. — A, 267, 271. — B',
2, 5 à 8, 14 à 16, 28, 35 ;i 41,
49, .50 à 55, 58, 6i, 69 i 74,
76 à 80, 83 à 87. 101 X 104,
107, 109, 110, 145, 160, 161,
26
386
INDEX HISTORIQUE.
192, 229, 230, 232, 272, 319,
323, 323, 344, 403. — BS 1 à
6, 11, 14, 18 à 32, 35 à 58,
60 à 70, 73, 89, 97, 104 à lOB,
108 à 113, 113 à 120, 123,127
à 141, 144 à 149, 152, 157,
158, 103, 166 à 178, 181 à
183, 187, 348, 300, 429, 456.
— C, 8, 53. — C2, 38.
Cleb. — C2, 306, 308 à 310, 321
à 323.
Cl.ERMOXT-TOiWERllE. — A, 38
à 40, 42, 43 à 47.
Clouet. — A, 70, 122, 125, 136,
138, 141, 144, 145, 16i, 176,
183, 206.
CoFFYX. — C-, 56 à 58, 63, 65.
COLBERT. — B^, 129.
Collet. — A, 33, 34, 36, 39, 48,
50.
CoLr.INEAU. — C-, 301.
CoLLOMB d'Arcine. A, 70,
138, 143, 144, 152, 164, 170,
171, 181, 183, 188, 197.
Colomb. — C-, 333, 334.
Combe. — B^, 15, 74, 73, 76, 80,
90, 93, 94, 193, 249, 232, 254,
281, 288, 290.
GoMMAN. — C, 123, 151, 373,
374. — C2, 73, 77.
Commission d'Afriqoe. — B',
243, 271, 292, 314.
Commission supérieure. — B',
314, 315. 321.
CoRBiN. — B2, 74, 281, 4.Ï9.
CoRCELLES.— c, 122, 238, 291,
332. — es 32, 37.
Cornulier-Lucinière. — B',
203.
CosMAO. — B", 177.
Cotte (de). — C, 23i.
CoURDY DK COC.N'ORI). — C", 53,
60, 61, 107 il 1J3.
CiuiNY. — n\ 488. — C, 172.
CUBIÉRES. — B-, 416.
CuNY. — C^ 270 à 278.
D
Damas. — A, 24, 27, 28, 29, 32.
Damesme. — C, 136.
Dampierre. — B2, .392, 394, 413,
421.
Damrémont. — A, 70, 137, 140,
146, 147, 164, 169, 170, 176,
181, 183, 197, 198, 236, 237,
266. — B', 73, 74, 76, 78, 90,
135, 145. — B2, 110, 183, 188,
190, 193, 197, 214, 215, 221 à
230, 239, 242, 246, 247, 260,
263, 270, 273, 275, 276, 278,
279, 281, 294, 296, 297.
Danlion. — B', 63, 67, 73, 76,
92, 126, 138, 193.
Dargent. — C-, 329.
Daubignosc. — A, 225. — B',
32.
Daumas. — B2, 317, 374, 384,
417, 487. — C. 33, 172, 287,
289, 29 i. — es 79, 186, 187,
219, 263.
Daumas (frère du précédent). —
C, 183.
Debit-Pillaut. — B', 4.
Decazes. — B', 314, 323.
Deforges. — Bi, 290.
Delan-n^y. — B', 62, 63.
Deligny. — C, 99. — C^ 10,
300, 309, 331, 360.
Delort. — B', 4, 6, 52, 76, 85.
Demoyen. — B2, 286, 287.
Denniée. — A, 70, 73, 131, 217,
218, 225, 228, 232.
Descalonne. — B', 4.
Des Gars. — A, 69, 149, 171,
177, 183, 188, 189, 191, 192,
197, 217, 249. — B', 6.
Desjobert. — B', 340.
Desmichels. — B', 225, 274,
275, 277, 279, 281, 283, 286 à
288, 291,292, 294 à iW, 299
à 302, 304 à 308, 310, 311,
INDEX HISTORIQUE.
3S7
313, 321, 324, 334, 335, 336 à
362, 374, 379. — B^, 61, 63,
G6, 67, 106, 202, 209.
Desprez.— a, 70,187, 191,199,
217.
Desvacx. — ■ C^, 334, 337, 338,
37o.
Deval. — A, 20, 21, 26 ii 33,
37, 49, 61, 214.
Deval (neveu du précédent). —
A, 223. — B', 13, 13.
Devin-. — C, 173.
Djellodl-ben-Ferhat. — C,
170, 196.
DoRLi.AC. — B^ 323.
Drée (de). — B2, 168, 171.
Drolewal-x. — B2, 403, 4.37,
431.
Drummond-Hav. — C, 3.37, 349,
330.
Du Barail. — B', 286. — B^,
406.
Du Barah. (fils du précédent).
— C, 192. — G2, 312, 313,
329, 331, 333, 337.
DuBERN. — B% 262.
DUBOURDIEU. — G-, 193.
DUCHATEL. — B'. 314. — B2,
489.
DucHATEL (Napoléon). — B',
344.
Du CouÉDiu. — B", 203.
DucRos. — G", 111.
DucROT. — G', 16.
DuMONTET. — G2, 241, 248, 2.32.
Dui'ERRÉ. — A, 67, 68, 93, 102,
103, 108, 130, 133, 182, 204,
206,246,261, 267, 271.
DUPETIT-THOUAHS. — A, 30, 68.
Dupi.x. — B', 318, 319, 321.
Dupi\ (Charles). — B', 341.
Dui'ucii. — B^ 372. — G', 42.
DuitAXDE. — G-, 112.
DuHKiEU. — C', 191 à 193, 278,
281. —C-, 198, 206, 266,271,
313, 318, 331 à 333, 331.
DUTERTRE. — G-, 61, 62.
DUVERGER. — Bi, 91, 138. — B-,
46, 119, 123, 126, 138, 172.
DUVERGIER DE HaURAXNE. — B",
210.
Duvivier. — B', 13, 109, 112,
118, 119, 122 à 124, 137, 143,
182, 189, 190, 2.39, 3.37, 344,
346 à 349, .333 à 333, 371, 394,
399, 403. — B2. 81, 114 à 116,
120, 122, 123, 123, 130, 1.32,
133, 137, 138, 167, 177 à 179,
183, 228, 230, 238, 300, .339,
392, 402 à 404, 41.3, 426, 429,
433, 437, 4.30, 431, 433, 464 à
471, 477, 482. — G', 7, 13, 17,
26 à 28, 36.
DuzER (Monk). — A, 70, 134,
137, 139, 147, 133, 138, 164,
170, 171, 182, 183, 206. — B',
29, 33, 40, 43, 30, 33, 34, 64,
66 à 68, 92, 208 ;i 213, 213,
236, 241, 270 à 272. — B*,
113 à 118, 122, 123.
E
El-Ahmar. — G-, 134 à 136.
Ei.-Arbi. — B', li)3, 196, 238.
Ei.-Arbi-be.\-Bkahim. — B',268,
269.
El-Ghennaouï. — G', 314, 316,
318, 323, 325, 326, 328, 329,
339, 344.
Er.-GoMARr. — B', 309.
Iù.-IIadj-Ahmed. — G-, 43.
Er.-llAMiu. — B'. 130 il 133, 216.
Er.-KEBiDi. — G', 312, 324, 329,
343.
Ei.-Kharocbi. — G', 109, 193.
Ei.-MzAMi. — B', 311, 376, 377,
378. — B^ 23, 26, 40, 41, 46,
.30, 77. — G', 33, 114,202.
Eri.on- (i/). — B", 324, 33.3, 334,
339, 340, 347, 348, 330, 353,
355, 336, 338, 339, 361, 366,
388
INDEX HISTORIQUE.
370, 372, 374 à 377, 379, 380,
393, 399, 400 à 403. — B^, 2,
43.
EscoFFiER. — G', 234, 235.
EsNAUT. — B', 31, 32, 34, 60.
EspivEXT. — G', 324.
ExÉA (d'). — G^ 63, 64.
ExMouTH. — A, 13, 17, 19.
Ey.nard. — G', 309, 313, 329.
Failly. — C-, 319.
Farhat-bex-Saïd. — B', 173,
174. _ B-, 293, 320, 321, 337.
— G', 244. — G^ 337.
Faudoas. — B', 147 à 149, 158,
181 à 184, 187, 193.
Pavas. — G', 183.
Féray. — G^ 128.
Feuchicres. — B', 92, 96, 99,
110, m, 127, 158, 193.
FE3EXSAC. — A, 79. - G', 219.
Filhox. — B', 13.
FiRixo. — A, 77, 223, 228.
Fitz-James. — B', 287, 357.
Flaxdix. — B', 4.
Fleury. — G', 60, 192, 271.
FoLTZ. — B2„226, 227.
FoREY. — G', 119, 148, 374.
FoRTOx. — G', 144.
FOUGEROUX. — B', 4, 13.
Fourichox. — G-, 143.
FouRXiÉ. — B', 390.
Fuv. — B2, 180.
Fhéart. — Bi, 198, 201, 202,
214.
Fkémv. — G', 248, 249.
Frescheville. — A, 270.
Fromext-Goste. — G-, 35, 59 à
62.
G
Gachot. — G", 339.
Gai.b.iis. — B2, 323, 330, 337,
339, 341, 358, 362, 373, 377,
410, 412, 413, 484. — G', 11,
242.
Galinieii. — C-, 327.
Garavixi. — B-2, 301, 302.
Garderexs. — B-, 281, 284.
Gastu. — G^ 360.
Gaullier. — B', 126.
Gentil. — B^, 453. — G', 13,
20, 166, 173, 179, 183, 204,
296, 321. — G2, 23, 73,79,81,
82, 141, 211.
Gextil Saint-Alphonse. — G-,
60.
Gexty de Bussy. — B', 169,
191 à 193, 324, 326 à 328,
333, 348.
Gérard (maréchal). — A, 260,
265. — B', 324. — B^, 235,
353.
Gérard. — G', 237. — G^, 104.
Géreaux. — C2, 61, 62, 64, 65.
Géry. — G', 38, 46, 07, 185,
203, 232. — G-, 4, 8 à 11, 27,
47, 73.
GiROT. — B', 333.
Glucksberg. — G', 367.
Grand. — B^, 133.
Graxville. — B', 230. — B^
32S.
Gravier. — G^ 262, 263.
Grey. — B', 229 à 231.
Grobox. — B-, 437.
GuÉHÉXEUc. — B-, 374, 485.
GuEsviLLER. — B-, 363, 433. — '
G', 243.
GriLLEMixoT. — A, 64, 136, 314,
323.
GUIXGRET. — B-, 484.
GuizbT. — B', 342. — B^, 103,
210, 212, 489. — G', 74, 160,
161, 302, 307, 313, 333, 335,
366. — G2, 41 à 44, 132 à 134,
184 à 186.
Guy. — B', 71.
GuYox. — B-, 43 i.
INDEX HISTORIQUE.
3S9
H
IIabiu-el-Hadj. — B', 303.
IIackett. — B2, 148, 149, loi,
177.
IIadj-Ali-Dey. — A, 5.
Hadj-el-Sghir.— G^ 78, 95, 96.
IIadj-Moustafa (frère d'Abd-el-
Kader). — B% 483. — G', 243.
— C\ 170.
Ha.mdan. — A, 2i'2, 247, 270.—
B', 20, 77, 101.
IIamlaoui. — B-, 323, 337.
IIa.vouda. — B'-, 292, 321, 32i,
336.
IIardoufn". — C, 173.
Haishv Nkai.e. — A, 23.
Hasxaoui. — W-, 124, 127, 338.
— Cl, 232, 233.
Iîassan-Bey. — A, 243, 236, 260.
— B>, 72, 78.
Haussez. — A, 62, 63, 67, 68.
Hautpoul (b'j. — G-, 263 à 267,
276, 314.
IIerbillon. — G', 238. — G-,
123, 213, 214, 222, 233 à 237,
240 à 249, 233, 235, 258, 263.
Her.n'Oux. — B', 127.
HiLLAIRIN. G-, 112.
Horace Vernet. — G-, 321.
ilORAIN. — B2, 361.
HouoETOT. — B-, 404, 413, 429,
447, 466.
IIuDER. — A, 64. — B', 136 il
141, 143, 196 à 199, 247.
IIu(iON. — B-', 226, 323.
Hugues (o'). — B', 33.
lluREL. — A, 70, 172, 170, 177,
183, 185, 212, 247, 230. — B',
10, 29, 30, 33, 40, 47, 49, 33.
Hussein-Dey. — A, 3 à 5, 7, 10,
11, 16, 17, 19 ;ï 32, 34, 49 à
53, 57 à 60, 01, 89, 109, M 2,
132, 133, 214, 216, 219, 221,
224, 237 à 239.
I
Ibrahim-Agha. — A, 113, 133,
140, 142, 148, 137, 163, 166,
173, 174.
Ibrahim. — B', 140, 141, 144,
170, 196 à 202, 211, 2i2.
Illexs (d';. — B-, 443, 480. —
G', 182.
Jamin. — Cl, 192, 193. — (>\
213, 283, 287.
Jannin. — C^ 306.
Jarras. — C',234.
Jaubert. — B-, 209.
JoiNviLLE (prince he). — !>',
127, 130. — B2, 294. — G",
333. 338, 339, 342, 313, 347 .i
330, 352, 364, 365, 367. — G-,
142, 193, 198.
JoLY. — B', 248, 348.
JONQUIÉRES. — G'^, 56, 58.
JOUVENCOURT. — G", 21.
Jus. — C\ 338.
JrsuK. — B', 31, 34, 70, 129,
197 à 199, 202 à 214, 218, 270.
— \i-, 47, 49, 119 à 130, 136,
146, 137, 164, 168, L72, 178,
179, 223, 234, 407 à 409. —
G', 59, 63, 60, 82, 170, 192 à
194, 198, 211 à 214, 273, 327,
359, 362. — G2, 72, 75, 77, 78,
83 il 87, 90 à 92, 128, 302,
303, 306 à 311, 360, 361, 367.
K
Kaddour. — B', 293, 294.
Kadi)Our-bgn-Mouii. — B', 309,
311. — B-, 41. — G', 202.
Kaïd-Idraiiim. — B", 132, 224,
283, 286, 291, 303, 393. — BS
14 ii 17, 28, 31, 40, 77.
390
INDEX HISTORIQUE.
Khalii a-bex-Mahmoui». — B',
298, 299, 303, 304.
Khalil. — B'-, 124, 123.
Khérepdine-Agha. — B', 79,
145, 283.
Klein. — C-, 60.
KoLB. — B', 190, 191.
KoRTE. — C", 72, 126, 134, 156,
297, 299,321.— C^ 4, 70,73.
KoiiDEH. — B', 263, 268.
Labossaye. — G', 237.
La Bretoxmère. — A, 30 à 32,
.54, 57 à 39.
La Cipière. — B-, 412.
Lacotte. — C^ 69, 86.
Lacroix. — B', 82.
LACR0UT3. — B', 167.
Ladmiraui.t. — c, 136, 216. —
G-, 20, 90, 282, 300.
Lafare. — B', 42.
La Ferroxnavs. — A, 46 à 48,
30, 53, 34.
Lafontaine. — B-, 412. — G',
253.
Lagondie. — B', 377. — B-, 73.
La Hitte. — A, 68, 120, 128,
154, 135, 181, 196, 201, 203,
211, 212, 215, 217, 226, 249.
Lalande. — B^ 226.
Lamartine. — B', 322. - B^,
209.
La MoRiciÉRE. — B', 12, 13, 83,
118, 122, 124, 123, 137, 191,
232, 233, 237, 240, 242, 249 ii
252, 254, 200, 201, 338, 340,
347, 353, 393, 394, 396, 399.
— BS 35, 63, 107, 120, 213,
214, 248, 249, 252, 26i, 281,
283 à 288, 290, 332, 392, 425,
429, 435, 439, 454, 485 à 489.
— G', 7, 10. 28 à 33, 36, 37,
39, 46, 47, 34 à 38, 69, 79, 82
à 85, 88, 96 à 98, 100, 104,
114, 129 à 141, 143, 144, 166,
172, 175 à 177, 179, 184, 186
à 188, 2i)0 à 203, 210, 214,
228, 232, 233, 237, 286, 300,
304, 305,309 à 315, 317 à 319,
322 à 324, 326, 330, 342, 344,
355, 369 à 371, 374. — C^ 3,
4, 6 à 8, 13, 27 à 30, 34, 40,
54, 66, 67, 69 à 71, 73, 78,91,
131 à 134, 150, 161, 165 à 167,
170, 172 à 190, 266.
Lamv. — B^ 245 ii 247, 254,
269,275,290, 291.
La Rue (de). — B^ 61, 105, 107,
212, 358. — G', 30, 368.
Lasry. — B2, 49, 50.
La Tohré. — B^, 218. — G',
145.
La Tour du Pin. — B^, 268.
Laurence. — B', 243, 314, 320,
333, 342, — B\ 102.
Laurent. — G-, 338.
Lavaissière. — G-, 65.
Laval. — A, 254. — B', 230.
Lavarande. — G-, 223, 234 à
236, 260, 300.
Leblond. — B', 289. — G", 130.
Leboeuf. — B2, 262, 361, 448.
Lebrettevillois. — G-, 248.
Le Flô. — B-^ 283, 403, 474.—
G', 209.
Lefol. — B', 143, 148.
Lelièvre. — B-, 405.
Lemercier. — B', 257, 239, 353
il 355. — B^ 58, 66, 73, ■77,
111, 130, 151, 170, 360.
Lenoir. — A, 202.
LÉON Roches. — B^, 310, 330.
— G', 183, 277, 278, 307, 324,
337, 308. — G^, 107, 153.
Lepasouiek. — B', 333, 350.
Lesseps. — A, 89. — B", 71, 72,
78, 80.
LÉTANG. — B', 223, 288, 294.—
B9, 90, 111, 181,191.
Levaillant. — B-, 426.
INDEX HISTORIQUE.
391
Levasseuu. — C, 30, 58, 59,
25â. — C2, 100.
LÉvi. — C2, 86.
Leydet. — B^, 193.
LiADÈRES. — G>, 226.
LiMERS. — ■ G-, 339.
LoRENXEz. — C2, 223, 224, 233.
Louis-Philippe. — B", 163. —
B'-, 108, 234, 24't, 346, 333.—
C2, 114, 194.
LouRMEL. — G', 304. — G-, 247,
249, 232, 234, 264.
LovERDo. — A, 69, 126, 133,
136, 138, 146, 132, 133, 130,
183, 188, 189, 191,197.
LowASY. — B', 349 à 335.
LuzY. — G-, 268, 282.
M
Mac-Dox.\ell. — A, 17, 23,
Mac Mahox. — B', 43. —
107, 273, 408,470, 481. —
72, 263. — G^ 70, 106,
163, 167, 173, 174, 211,
263, 282, 291 à 293, 293,
319, 341, 344, 340, 348,
301, 362, 360, 307, 369.
Mahiddine-el-Sgiiir. — B',
169, 170, 180, 18i, 186,
367 à 369, 371. — B^ 8,
Mahi-ed-Dine.— B', 218 à
223, 224, 279.
Mahi-ed-Di.\e (du Sebaou),
Gi, 130, 131, 171, 293. —
220.
Mahmoud. — A, 6i, lOi. —
226.
Maillot. — B-, 129.
Maison.— B", 403.— I!-, 4
61, 103, 109.
Maissiat. — G-, 209, 282,
341, 300.
Maléciiari). — B-, 276.
Man(;i.\. — G^ 232.
Manucci (les). — G', 101 à
24.
B2,
G',
112,
217,
318,
339,
134,
363,
107.
220,
G-,
, 3;i,
290,
108.
Marbot. — B-, 20, 430.
Marcy. — G', 206.
Mardochée. — B', 297 à 299.
Marey. — B', 13, 70, 113, 182,
330, 337, 399. — B^ 8, 116.
— G', 238, 274 à 276, 279, 281,
282, 321. — G^ 23, 73, 80,
123, 206, 208, 211.
Marguexat. — G', 192.
Margueritte. — G-, 113.
Marin. — G^ 60, 113.
Marion. — Bi,2, 42, 43, 43, 50,
03, 07, 111, 112.
Marmier. — G2, 238, 336, 337.
Mautignac. — A, 46, 60.
Martimprey. — G', 33, 34, 36,
38, 43, 67, 143, 172, 208, 287,
304, 324 à 326, 333, 338, 360,
368, 369. — G2, 68, 182, 282.
Marulaz. — G-, 274.
Massot. — B2, 473. — G', 42.
MAL-.iui.\.— Bi, 341. — B-, 211.
M.VLMET. — B', 9, 63, 190.
Maussion. — B', 339, 364, 382,
388 à 390, 392. — B-, 34, 56,
70, 73, 81, 86, 93, 96, 196,
201, 203, 213, 314, 313, 317,
487, 488.
MijAOUD. — B', 193, 190,238.
Meuani. — G', 294, 299.
Medeni. — B', 3i3, 330 à 352,
331.
Mkiiémet-.Vli. — A, 03, 6i, 66,
109, 110. — B", 71, 149. —
G', 31, 52.
Melcion I)'.\rc. — B-, 130, 134,
138, 168.
Mellinet. — G-, 71.
Meni.iui. — B', 83, 94, 131.
Menne. — B-, 23, 20.
Mkno.wille. — B-, 317.
Mermet. — B-, 407 a 409.
Mesmer. — G-, 294.
Metternicii. — B-, 327.
MicuMER. — G', 206.
MiLTGEN. — B^ 423.
392
INDEX HISTORIQUE.
MiRANuoi.. — C, 83, 114, 43:2.
MiRBECK.— B^ 321, 32.5. — C^,
241, 245, 248,232.
Mohammed-be[.-Haiij (des Beni-
Ouragli).— C, 137, 158,164,
189, 193, 203.— C-, 18.
Mohammed-del-IIadj (du Zab).
— C, 233, 264 à 26';, 269,
272. — C-, 245, 249.
Mohammed -BEN -Abdallah. —
C, 90, 93, 101, 286. — C^
298 à 304, 306, 310, 327, 328,
330, 331, 334, 336, 337.
MOHAMMED-BEN-HUSSEIN. — B",
6, 7. 62, 63, 66 à 68, 106,213.
MoKRANi. — B\ 337, 362, 363,
412, 413. — C, 243, 244. —
C2, 140, 303.
MoLÉ. — B-, 109, 188, 198, 204,
210, 211, 223, 239, 242, 243,
298, 308, 309, 319, 327 à 329,
334, 344, 346.
MoLi.NE DE Sai.\t-Yo\. — G", 75,
134.
MoLLiÈRE. — B', 234. — B-,
.339.
MoNCEL. — B^ 182.
MoNK d"Uzer. — Voir Duzer.
MoNTAGNAC. — B", 400, 476, 477,
487, 488. — C, 3, 63, 137,
234, 233, 370. — C^ 53 à 61,
67.
MONTALEMBERT. — B', 159.
MONTAUBAN. — B', 395. — ]i\
485. — C^ 107, 173, 177,
296.
MoNTFORT. — B', 209, 243.
MONTLIVAULT. — A, 70, 172,
183,206, 237, 243.
MONTPENSIEII (duc DE). — C,
269. — c-, 18.
Morand. — C-, 308, 310, 311.
MoRNAi. — B', 216.
Morris. — B^ 172, 445. — C,
110, 192 à 194, 198, 233, 234,
317, 339. 302.
MORTEMAUT. — B", 129, 168.
Mortier. — B', 359.
Mouça-el-Derkaoui. — B',368,
369.
MouLEY Abd-er-Rahma.\e. —
B',217.— B2,373. — C',302,
305, 307, 311, 327, 337, 338,
350. — C^ 2, 3, 5, 29, 49, 87,
154, 156, 157, 160, 167, 169.
Moulev-Ahmed. — C^, 159, 161,
169.
Mouley-Ali. — B', 73, 94, 1.30.
MOULEV-MOHAMMED. — C, 344 à
346, 362 Li 364, 367.-0^157
à 159, 161.
MOUNIER. — B', 112.
Mouserli. — B', 150, 1.3.3, 222.
MOUSTAFA-BEN-ISMAÏL. — B', 150,
133, 309 à 311, 337, 363, 366,
367,393. — B2, 12,40, 41,44,
45, 48, 31, 71 ù 75, 78, 83,88,
94, 405. — C, 58, 90, 91, 94.
101, 133, 136, 140, 184, 2U0 à
202.
N
Napoléon III. — C^, 261, 272,
316 à 318, 339.
NÉGRIER. — B2, 221, 300, 320,
322, 324, 325, 337. — C>, 11,
217, 242, 243, 243, 250 à 233.
Nemours (duc de). — B-, 112,
113, 129, 132, 137,.138, 167,
173, 174, 233 à 239, 243, 247,
250 à 232, 234, 260, 263, 273,
273, 279, 283, 287, 288, 292,
296, 298. — C, 14, 17, 22,
24, 32, 33, 36, 39, 76, 220,
221.
Neveu. — C^, 320, 362.
NiEL. — B^ 289.
Nion (de). — C, 307, 313, 333,
333, 338, 349, 367.
NiyuELX. — C-, 328, 329, 331,
333.
INDEX HISTORIOCE,
393
0
Odilon Barrot. — B', 322.
O'Kefk. — C, 207.
Omar-Dey. — A, 5 à 7, 13, 19,
20.
Orléans (duc d'). — B^, U, 20,
24 à 26, 3i, 42, .j6, 59. 130,
223, 229 à 241, 243, 333, 368,
374 à 377, 379, 380, 389, 416
à 418, 421, 422,428, 430, 433,
439. — C, 127, 128.
Oi'DiNOT (colonel). — B', 294,
293, 382, 384.
OrDixoT(gùnéral). — B-, 15, 17,
18, 23, 26.
Oltid-bou-Mezrag. — B', 109,
126, 130, 133, 216.
Oclid-ou-Rebah. — B', 2t8,
230, 348, 331, 332 à 333. —
B2, 360.
Palmerstox. — B', 231. — B=,
323 à 327, 330, 331.
Pariset. — C-, 238, 248.
Parseval. — B', 252.
Passv.— B', 314, 316, 317, 321,
3i0. — B2, 99.
Pâté. — G^, 282, 319, 341.
Pelisse. — C, 272.
PÉLLssiER. — B2, 488. — C, 34,
57, 172, 180, 210, 3.38. — C^,
20 à 24, 77, 96, 209, 217, 267,
270, 276 à 278, 282, 303 à 311 .
Pellismer. — B', 262, 264,268.
— B^ 29, 214, 307, 334.
Périgot.' — G-, 339.
Perraud. — B^, 82.
Pehregaux. — B-, 15, 43, 47,
53, 35, 58, 59, 69,70,77, 111,
217, 218, 220, 273, 279, 297.
Peusac. — G', 1.56.
Petit. — G^, 238, 239, 218.
Pi AT. — G-, 341.
PicHox. — B', 130, 165, 168,
169, 191.
PicouLEAi.-. — G', 166, 167, 168.
PisCATORv. — B', 243, 314, 317,
342, 4.37.
PoERio. — G', 26.
PoLiGXAC. — A, 60. 63, 64, 66,
80, 82 il 84, 86, 89, 103, 169,
230, 231, 233, 2.38. — B',230.
PORET DE MORVAX. — A, 70,
119, 136, 137, 146, 135, 164,
173, 176, 177, 183, 206.
PORTALIS. — A, 34.
PouRCET. — B\ 470. — G', 226.
Prébùis. — B-, 136.
R
Radier. — B-, 237.
Raxcé. — BS 108 à 110, 171,
184,209.
Raxdox. — fiî, 483. — C', 45,
245 à 249, 260 à 262, 273. —
G2, 101 à 103, 266, 275, 278,
282 à 284, 290, 299, 303, 305,
314 à 318, 320 à 325, 328, 332
à 334, 343, 345, 350, 332 à
358, 360, 362 à 369, 371, 373.
Rai'atel. — B', 336, 353, 400.
— B^ 7, 9, 60, 63, 67, 68,
106, 108, 116, 128, 182, 191,
300.
Raphel. — B^ 382.
Réalier-Dl'mas. — B-, 116.
Régis. — G-% 321, 323, 325.
REMISAT. — |{i, 316.
Rexai LT. — B^ 440. — G-. 90
ù 94, 128, 161, 165, 166, 359,
360, 367, 371.
Resghi. — B-% 124, 337, 3.38.
Reveu. — G-, 18, 19.
Rewdell. — B-, 162.
HiD.HRT. — G-, 282, 317.
RiciiEPAM.E. — B-, 47, 153.
RiGNY. — B-, 130, 133, 134, 112
394
INDEX HISTORIQUE.
à 143, loO, 132, 133, 166,167,
169 à 173.
Rivet. — C, 284, 285, 288. —
C2, 67, 317, 318.
RoBEiiT Peel. — C, 337, 36G,
367.
ROGNIAT. — C, 121.
RoGUET. — C, 317, 318.
ROHAULT DE Fleury. — B", 233,
239, 243, 243, 230, 236, 237, 275.
Roland de Bussy. — B', 18.
Rolland. — C-, 89.
RosAMEL. — A, 203, 207, 237. —
B', 314.
RosETTi. — G-, 234.
RosTOLAN. — B'-, 392, 394, 393,
400, 421, 441.
ROUILLARD. — B', 131.
RouvRAY. — B-, 313.
RoviGO. — B', 133, 135, 158,
166, 167, 169, 170 à 174, 178
à 180, 186, 187, 189, 193 à
193, 197, 198, 214, 215, 221,
223, 227, 232 à 234, 236, 238,
240, 248, 249, 325, 344.
RozE. — C-2, 337.
RuLLiÉKE. — B', 37, 40, 33, 37,
58. — B2, 195, 248, 232, 254,
273, 279, 290 à 292, 307, 387,
392 à 3!)4.
RuMiGNY. — B^ 421, 436. — C,
77 à 79, 9i, 93, 103.
Sade (de). — B', 314, 316, 317,
340.
Saget. — W-, 484.
Saint-Arnaud. — G', 118, 127,
128, 149, 166, 167, 198, 216,
217, 226, 278, 279, 371, 373.
— C\ 17, 19, 20, 47, 71, 73,
77, 96, 124 à d26, 131, 132,
219, 203, 267, 269 à 273, 278,
279, 283, 28 i, 290, 293, 314 à
318.
Saint-Germaix. — B', 254. —
C-, 210, 211, 230, 232, 234,
233.
Saixt-Hypolite.— B', 182,361,
371, 372. — B2, 168.
Sainte-Aulaire. — B-, 327. —
C, 33.3, 337, 338.
Salles. — B^, 335, 334, 335,
339, 361. — G^ 219, 235, 282,
291.
Salomon de Musis. -~ B', 176.
— B^ 360.
Salvandy. — B^, 212.
Sanzai. — B2, 28i, 285.
Sauzet. — B', 221, 280.
SCHAUENBOURG. — B', 333. —
B2, 217, 218, 220.
Schneider. — B-, 358.
SCHRAMM. — B2, 450. — G', 2.
Sebastiani. — B', 80, 164. —
B^ 323, 326, 330, 331, 437.
Seillière. — A, 74.
Sémerie. — B', 343.
Senilhes. — G', 258.
Sextuary. — G', 144.
SÉRIGNY. — B^ 285.
Seroka. — CK 229, 230, 239.
Si-Djoudi. — C', 296. — G-,
221, 224, 225, 261 à 263, 289,
290, 350, 357.
Si-Hamza. — G-, 300, 304, 303,
311, 31 ;i, 328 à 330, 332, 333.
Si-Zerdouu. — G', 243 à 247,
232 à 2.37.
Sidi-el-Ariui. — B', 309, 311,
357, 363, 367, 369.
Sidi-el-Aribi ( fils du précé-
dent). — B'-, 39. — G', 11.3,
137, 173, 180. — C2, 19, 20,
43.
Sidi-Hamh.a. — G', 344 à 346,
368.
Sidi-Mdarek. — Voir Be\-Al-
L A L .
Sihi-SAADi. — B', 125, 170,180.
— B^ 216.
INDEX HISTORIQUE.
395
Sidi-Saïd. — C, 60. — C-, 170.
SiGXY. — B', 181.
SiLLÈGUE. — C, 239 à 262, 264,
271.
SiouoT. — C, 237.
SoFAR.^B', 323.
Sol. — B', 299, 304 à 306.
Sol (commandanl). — B-, 12.
SouLT. — B', 138 à 161, 168,
223, 228, 231, 259, 319 à 324.
— B2, 381, 489. — C\ 2, 77,
79,94, 160, 162,211,229,290,
302, 370.— C-, 23, 24,29,30,
41 à 44, 113, 133.
SouviLLE. — C-, 234.
Tahir-Pacha. — A, 104 à 106.
Talleyraxd. — B', 163, 164,
229, 231.
Taubol'riech. — C-, 306.
Tarlé. — C, 7, 79.
Tartas. — B\ 473. — C, 233,
339, 362.
Tatareau. — C, 267, 270.
Tedjim. — B^ 347 à 349, 332,
333, 411. — C, 277,278,281.
— C^, 128, 311 à 313.
Tempoire. — C, 37, 38, 49,53,
54, 69, 89, 90, 93, 232, 236,
309, 313, 317, .321.
Thiers. — B2, 99 à 101, 103,
104, 109, 209, 210, 333, 416,
436, 466, 489. — C, 378.
Thiéry. — C, 202, 313. — C-,
63.
Tholozé. — A, 70, 1.S8, 223,
228, 230.
Thomas. — C, 263, 272, 273. —
es 319.
Thomas (adjudant). — C-, 62,
H3.
Ti.NA.N. — B', 249, 250. — C,
229.
Toucharo. — C-, 194.
TouRXEMixE. — B-, 130, 236.
271.
Tourville. — C^*, 293.
Toussaint. — C-, 234.
Trélax. — A, 230, 231.
Trézel. — B', 158, 179, 187,
188, 232, 233, 233, 232, 254,
236, 239, 310, 337, 361 à 367,
374 à 381, 384 à 386, 388 à
390, 393, 394, 396, 398, 400,
402, 403. — B2, 14, 16, 126,
131, 134, 138, 143, 151, 177,
178, 205, 252, 254, 274, 275,
295, 300, 407. — C^, 185.
Tripier. — B^, 480. — C^ 21.
Trobriaxt. — B', 194, 215,221,
223, 236, 245.
Trochu. — C, .39, 2.34. — C^
82.
Yaillaxi. — A, 202. — B^
3.37. — C2, 352, 355, 358.
Valazé.— a, 68, 125, 128,132,
162, 167, 181, 196, 198, 201,
212, 217, 226. — B', 341.
Valée. — B2, 233, 23G, 239,
242, 243, 243, 246, 230, 236,
238, 260, 267, 275, 280, 281,
283, 287, 290, 292, 294 à 296,
298 à 302, 306, 308 à 310,
320, 322, 332 à 339, 341, 344,
346, 331, 334, 357 à .359, 364,
363, 370, 374, 3*3, 377, 380,
381, 383 à 388, 391, 394, 393,
399, 40.3, 410, 411, 413, 416,
418, 421, 423 à 423, 430, 432,
4.33, 439, 442, 443, 447 à 430,
433, 439, 466, 471, 473, 474,
476, 478, 481 ù 483, 483, 489.
— C, 2, 6, 7, 13, 14, 27, 42,
7t.
\e\u:é. — B', 260 à 262, 263.
Vii:\m:t. — B', 319.
Vii;ix. — BS 283 à 287.
396
INDEX HISTORIQUE.
ViLLÈLE. — A, 28, 4o.
YiNOY. — C2, 4, 5, 306, 319.
VoiROL. — B', 234, 237, 240 à
243, 245, 249, 251, 256, 260 à
263, 265 à 268, 297, 302, 305,
312, 313, 324, 325, 327, 328,
339, 348, 358.
VoLLAND. — B', 14, 77,79, 314.
Walewsky. — B', 358, 359.
Walsi.n Esterhazy. — C, 33,
54, 86, 327, 359. — C^, S, 6.
Wengy. — C\ 135.
INDEX GÉOGRAPHIQUE
Abd-en-Nolr. — B2, 323, 341.
Abid-el-Bokhari. — C, 314,
3.j3, 364.
Aïx-Kedira (des Trara). — C-,
70.
Aïx-Kebira (près Mascara). —
BS 27. — C, o8.
Aïn-Madhi. — B-, 347, 352, 353,
.373. — C',277 à 281. — C\
128, 311 à 313.
Aï.n-Sefra. — C^ 128, 218.
Aïx-Sfisifa. — Gî, 128, 218.
Aïn-Tailazid. — B-, 465 à 467,
470,471. — C, 13.
Aïv-Temouchext. — C-, 66, 68,
87, 113.
AïN-Ti'Rco. — B2, 378, 412, 413.
Akbet-Kredda. — C, 38.
Alger. — A, 7, 10, 11, 14, 16,
23, 20, 57, 65, 107, 112, 115,
116,163, 187, 18'J, 194, 195,
207, 213, 224, 225, 235 à 237,
27i>. — Iji, Ifi, l'j, 22, 24, 80,
81, 94, 102, 107, 133, 166,
171, 315 à 319, 321, 325, 332,
333, .'i:!7, 339 à 344, 400, 402.
— 15-, 2,5 à 7, 9, 36,100, 101,
181, 200, 210, 299, 301, 303,
311, 325, .326, .328 à 331, 369,
372, .375, 388, 417, 441, 463.
— C, 12, 123, 126, 128. —
C2, 39, 79, 80, 82, 83, 127,
128.
Amer. — B-, .337.
Amraoua. — B', 177. — B-, 217.
— C, 294, 296, 297, 299,
AxGAD. — B', 222, 309. — B^
• 43, 45. — C, 304, 311, 341.
AxNOUNA. — B^ 135, 247.
AouARA. — B', 112, 113, 116.
— B^ 132.
Arib. — B', 266, 335.
Arzeu. — B', 279 à 281, 300,
.302 à 301, .306, 311, 365, 386,
388, 391 à 393, 396. — B^, 405.
Arzou. — C-, 138.
AssASNA. — C, 64, 205 à 208,
232, 233, 235.
Atlas. - A, 246. — B', 36, 37,
39, 41, 44, .50, .56, 100, 125.
— n-, 7, 19, 22, 33, 64, 66,
199, 216, 303. — C, i<2.
.Vttaf. — c, 153, 164.
AiMALE. — C^ 99, 100, 126,
261.
Aires. — B^, 295, 320. — C,
245, 253, 263, 266, 269. — (.:»,
398
209, 230, 232, 234, 258, 259,
265, 374.
Ayad. — C, 125, 126, 146, 149,
156, 166, 170, 196. — C,
72.
B
Bab-Azoun.— a, 194, 195,202,
204, 213, 223, 225, 236, 237.
— B>, 15, 30, «1, 107. — C-,
144.
Bab-el-Oued. — A, 195, 225,
236. — B", 15, 94, 107, 172.
— B2, 381.
Bab-el-Taza.— C, 101, 102.—
C^ 64, 70.
Baba-Ali. — B', 86, 104. —
B2, 9.
Babors. — B2, 362. — C^, 212,
213, 270, 320, 324,374.
Bastion de France. — A, 18,
21.
Batna. — C, 263 à 265, 269. —
C2, 230.
Belezma.— C, 270. — C2, 100,
258.
Bengut (cap). — A, 106. — C,
293.
Beni-Abbès. — C2, 1.37 à 140.
Beni-Aïcha (col des). — B-,
216,218, 220. — C, 299. —
es 79.
Beni-Amer. — B', 222, 277, 309.
— B2, 50, 55, 70, 96,480,487.
— C, 68, 84,90. — C% 0,68,
70, 87, 157, 158.
Beni-Chougranr. — B-, 42, —
G', .38, 83, 89. — C^, 69.
Beni-IIidjer. — (;-, 344, 348.
Bem-Khblil. — 15', 27, 00, 119,
176, 241, 243, 260 à 262, 264,
265, 267, 268, 335, 337, 375.
— B^ 304, .371.
lÎEM-MçAoui). — A, 246. — B',
95, 98. — B2, 466.
INDEX GÉOGRAPHIQUE.
Beni-Mellikeuch. — C-, 140,
224, 225, 268, 344, 370.
Beni-Mered. — B2, 181, 393,
394. — C, 110 à 112. — C%
38.
Beni-M\aceu. — B', .367, 426,
427. — G', 109,117, 119,124,
153, 165 à 169, 215,216.
Beni-M.\ad. — Bi, 28, 186, .337,
363, 367,442, 479, 482. —G",
119, 168, 169.
Bexi-Mouca. — B', 28, 94, 129,
176, 262, 264, 267, 335.— B^,
304, 371.
Bexi-Olragh. — G', 153, 155,
157, 158, 164, 189, 195, 204.
— G2, 3, 46, 209.
Bem-Raten. — G^, 26, 346,
348, 350 à 352, 354, 361 à 366,
370.
Bexi-Sala (Titteri). — A, 246.
— B', 27, 28, 84, 95, 98, 99,
268. — B2, 215, 332, 333, 465,
466. — G', 119.
Bem-Sala (Bone). — B-, 484.
— G2, 295.
Bexi-Slimane, — B', 94. — G-,
219, 220.
Bexi-Sxassex. — G', 102, 302,
314. — G2, 2, 106, 168,296.
Bexi-Sxous. — G', 240. — G-,
211.
Beni-Toukout. — G', 257. —
C^, 292.
Bexi-Yacoid. — B', 209 à 212,
270.
Beni-Yala.— C2, 220, 223,224.
Bexi-Yaya. — G2, 345, 346,363.
Bexi-Zerouel. — G", 49, 54,
115, 153, 173, 175.— G^ 19.
Bexi-Zougzoug. — G', 25, 119.
146, 153, 166, 181.
Berouaghia. — B', 369. — G',
40, 123.
ISess-Ness. — G', 156, 158, 205.
BiBAN (portes de fer). — A, 243.
INDEX GÉOGRAPHIQUE.
390
— B\ 335, 337, 378, 379,381,
383, 384, 399, 411, 412.
BiRKHAOEM. — B', 30, 129, 132,
171, 178, 184.— B3, 369, 4il,
474, 477.
BlRMANDRAÏS. — B', 30.
Bm-ToLTA. — A, ^31. — Bi,60,
132. 182, 194.
BisKRA. — B', 173, 320, 321. —
C, 244, 264, 263, 272, 376.—
C^ 228, 230 à 232, 234, 243,
214, 33.J.
Blida. — A, 246, 248 à 250. —
Bi H, 34i:i37, 51, 52, 54 à 58,
63, 84, 93, 97 à 99, 109, 123,
170, 187, 189, 241, 243, 244,
266, 208, 337, 33 s 399. — B^,
5, 6, 36, 182, 199, 213, 216,
301, 303, 332, 333, 369, 382,
392 à .397, 400, 402 à 404, 422,
434, 434, 46 4 à 460, 471, 478,
481, 482. — C, 7, 9, 13, 13,
17, 40, 42, 106, 109, 110, 113,
114, 117, 123, 149, 169. — C^
80.
BoGHAR. - C',8, 29, 40, 42,43,
60, 63, 106, 169, 170, 186 à
188, 190, 196, 212 à 214. —
C^ 76, 79.
Bois des Oliviers. — B-, 438,
446 à 448, 430, 471, 482. —
C, 13, 72.
BoNE. — A, 237, 206, 267. —
B', 1,33 à. 138, 170, 196, 197,
213. 243 à 247, 209, 271, 273,
313, 332, 340. — B^, 36, 113
à 116, 118, 119, 121, 124 à
130, 132, 133, 149, 173 ù 178,
209, 210, 227, 228, 2ol, 268,
294, 301, 372, 463.
BoRDJ-BoGH.vi. — C^, 221, 278,
333.
Bordj-bou-Areridj. — B-, 378.
BoROJ-BouiRA.— Bî, 380.— C,
131, 171. — C*. 137, 141,
220.
BORDJ-EL-AUBA. — B-, 413. —
C, 109.
Bordj-Medjaxa. — B-, 378.
BoRDj-MxAÏEL. — C>, 293 à 295.
— C^ 278.
BoRDJiA. — B', 293, 309. — C,
54, 83, 89, 96. — C^ 69.
BouAGiEB. — B', 233, 243.
BouDOLAOu. — B', 28. — B2,
216, 218, 307, 332, 475.— C,
130.
BnuFARiK. — A, 231. — B', 32,
39, 63, 121, 130, 1.32, 133,
183, 236, 241 à 244, 260, 262,
264, 266, 268, 333 à 339, .371.
— B2, 7, 9, 61 à 63, 108, 181,
182, 221, 222, 369, 372, 392 à
396, 400, 460, 473. — C, 110
à 112.
Bougie. — A, 134. — B", 243 à
260, 344 à 3.33. — B^36, 114,
339 à 363, 372, 375, 370, 378.
— C, 377 à 379. — C^ 134
il36, 140, 141,212,219,287.
Bou-Mer3oug. — B^, 141, 142,
158, 159, 200.
Bol-Rkika. — B-2, 479. — C,
119.
BoLuouiii. — B', 264. — B2, 8,
10, 221, 423, 440. — C, 124.
Bou-Sada. — C, 243, 259. —
C^, 86, 232, 230, 258.
BouzARÉA. — A, 101, 163, 175,
176, 183 à 183, 187 à 189,
191, 198, 207, 210 à 212. —
B', 31, 243.
Braz. — C, 140, 147, 153.
Bhezixa. — es 9, 10, 129.
BriiiiiA. — I!', 277. — ^^ 193.
Cadix. — C, 3.39, 343, 365.
(^AKÉ DES Pl.ATA.\ES. — B*, 441.
Camp d'Krlov. — B', 338.— B*,
400
INDEX GÉOGRAPHIQLE.
Camp de l'Arba. — B-, 369,
392, 394, 422.
Camp de la Tak.va. — B-, 73, 77,
82, 19.5, 197, 208.
Ca.xine (cap). — A, 42, 102, 204.
Chab-el-Keta. — B-, 443, 479.
— C, 71.
Chapelle-et-Fo.\tai.\e. — A,
170 à 172. 182àl84, 20G.
Chélif. — Bi, 50, 309,312, 3.57,
363, 367, 368, 370, 386. — B'^,
32, 59, 77, 111, J9;j, 199, 214,
390, 442 à 444, 446, 452, 455,
464. — C, 18, 20, 23, 25, 49,
54, 100, 113 à 117, 123, 124,
131, 134, 135, 146, 152, 153,
173, 175 à 178, 180, 181, 204.
— C% 18, 20, 46, 7J, 73, 78,
95.
Chellala. — C2, 93, 129.
Chenoua.— b-, 221.— C',169.
Chekchel. — B', 358, 3.59, 368.
— B2, 6, 390, 414, 415, 425,
427, 444, 458, 462. — C', 109,
113, 118, 119, 159, 166, 167,
169.
Ghel-rfa. — C, 54, 201. — C^,
209.
Chiffa. — B', 27, 28, 38, 69,
93, 119, 120, 368. — B^, 8,61,
64, 108, 111, 199, 221, 303,
396, 399, 403, 415, 421, 422,
425, 438. — C, 122, 149.
Chott.— G«, 133 à 135. — C-,
6, 9, 76, 93.
Chreub-ou-Heureub. — B-, 217,
218, 220.
Coi. DE MouzAÏA. — Voir Té-
nia DE MoUZAÏA.
Coi.i.o. — C, 257. — C-, 212,
268. 274, 290 à 292.
CoMPiÈG.NE. — B^, 229, 230. 236
à 238.
CONSTANTI.NE. — A, 243, 250. —
B', 272, 373. — B^, 36, 37,
112, 113, 118 à 123, 129, 138
à 141, 143, 146, 147, 157,162,
174, 176 à 178, 181, 183, 188,
189, 225, 227, 228, 230, 231,
238, 242, 244, 255 à 257, 262,
267, 268, 277, 280, 290, 294 à
297, 300, 319 à 327, 331, 334
;i 339, 342, 348, 304, 372 à
374, 376, 399, 410, 411, 463,
483, 484. — C, 10, 11, 198,
241, 242, 2.53, 262. — C^, 100.
Coldiat-Atv. — B-, 141 à 144,
149, 150, 152, 155, 157, 158,
169, 257 à 264, 266, 267, 271.
273,278,291.
D
Dahra. — C, 54, 115, 152, 153,
158, 159, 165, 166, 173, 175,
177, 181, 181. — C2, 13, 19,
20, 25, 45, 78, 96, 124.
Dar-el-Atchoux. — B-, 71,76.
Daya. — C'-, 8, 28, 68, 73, 128,
Dellys. — A, 106. — C>, 293,
300, 319, 373, 374. — C^, 25,
26, 80, 221, 359.
Dely-Ibrahim. — A, 167, 169,
177, 181.— B', 30, 171, 181,
184, 192, 338. — B^, 369.
Djafra. — C, 84, 133, 134, 231.
— C^ 8, 68.
Djebel-Amour. — C, 188, 190,
276. — C-, 6, 86, 87, 90, 299,
300, .303.
Djebel-Dakla. — B', 46. — B-,
467, 470. — C, 107.
Djebel-Dira. — C, 149, 171,
259. — C-2, 25, 79, 8), 99.
Djebel-Enfous. — B-2, 429, 434,
435.
Djelfa. — C-, 302.
Djemila. — IV-, 341 ù 343, 362,
363, 410, 412.
Djemma-Ghazaouat. — c, 330,
347, 364, 370. — C^ 13, 53,
54, 56 à 38, 63, 65, 70, 97, 99,
INDEX GÉOGRAPHIQUE.
401
Djekdel. — B', 369. — B3,446,
452.— C, 124, 126, 146, 147,
153, 166.
Djérid. — "82, 410, 411. — C,
51. — C2, 331.
Djidda. — C, 205, 208.
Djidjeli. — B-, 337, 359, 361,
375, 414. — C, 377 à 379.
— C2, 134, 212, 267, 269 à
271.
Djurdji-ra. — BS 216. — C,
151,291. — C2, 25, 81,83, 85,
136, 212, 213, 220, 261, 290,
342, 343, 350, 360, 374.
DOUAIR ET S.MELA. — B', 150,
153, 221, 222, 288, 291 à 293,
309 à 311, 374, 376,378 à 380,
386, 400. — B2, 11, 14 à 10,
40 à 47, 51, 69, 71, 74,75,78,
85, 88, 92 à 94, 195, 407,485,
486. — C, 9, 32, 56, .58, 68,
101, 133, 200, 202,319.— C>\
68.
Douera. — B', 30, 194, 241,
242, 263 à 265, 268, 337, 338,
370, 372, 392, 393, 395, 473.
C, 42, 218, 219. — C-, 80.
Dra-el-Mizane. — C-, 276 à
278, 319, 352, 353, 359.
Dréax. — B2, 124, 126, 127
Edougii. — B", 245. — C, 245,
246, 253, 258. — C^, 284.
Egiiris. — C, 45, 50, 54, 58, 59,
GO, 83, 132, 135, 184, 200,
203.
Kl-Afrou.\. — B^ 422, 423.
El-Arouch. — B2, 323, 337 à
339. — C, 11, 2i7.
El-Arolïa. — G-, 10.
El-Beïda. — G-, 86, 87, 90.
El-Biod. — G2, 9i, 306.
El-Bori)J. — B2, 28, 33. — G',
38, 46, 57, 140. — G-, 69.
>>.
El-Esxam. — C, 176, 177, 179
à 181, 185, 196, 204.
El-Fhas. — B', 24, 171, 241,
333.
El-Kantara. — G', 263 à 265.
Kl-Olffia. — B', 95, 96, 173,
174, 195.
Ferdjioua. — B-, 337, 377. —
C2, 305, 319.
Ferme du dey d'Ora.x. — B', 11,
30.
Ferme modèle. — B', 21, 22,
26, 120, 127, 129, 130, 132,
177, 179, 182, 263.— B2, 441.
Fez. — B', 73, 74, 107. — B%
373. — G', 337, .342, 343. —
G^, 87, 1.57, 160, 167.
Fezzara (lac). — IJi, 212, 270.
FiGUiG. — B2, 352. — G', 369.
— G2, 28, 94.
Flissa. — A, 247. — B', 125,
186. — G', 293, 296 à 300. —
G2, 82, 221, 277.
Flisset-el-Bahh. — G', 373,
374.
Flh TA. — B', 367. — B-, 3.52.
— G'. 54, 57, 83. 98,134,135,
138, 140, 141, 144, 153, 172,
183, 203, 205, 210. — G-, 3,
46, 209.
FoxnouK. — \V-, 332, 309, 381,
392, 394, 421, 474. — G'. 11.
Fort de l'Eau. — B', 194. 237,
207, 307.
Fort l'Empereur. — A, 14. 115,
150, 181, 183, 188 à l!tO, 192
à 194, 190, 198. 200 à 202,
209 à. 215, 220, 237.
Fort Natio.nal. — G*, 368. 371.
Fortassa. — G', 35, 30, 98.
FouKA. — C-, 38.
Frenda. — G', 99, 1.35, 137,
140. — G-, 73, 76, 93, 94.
26
402
INDEX GÉOGRAPHIQUE,
G
GÉRYViLLE. — C^ 94, 306, 327.
Gharaba. — B', 219, 222. 275,
277, 374, 378, 381, 380. —
B-, 59, 77, 405. 486, 487. —
C, 93, 133, 200. — C-\ 68.
Ghelma. — B', 273. — B^, 126,
130, 132 à 134, 172, 177 à 180,
227, 228, 244, 250, 251, 411.
— Cl, H.
Ghossel. — C. 90, 101. - C-,
70, 107.
Gibraltar. — B^, 12, 373. —
C 339.
Gontas. — B2, 443, 453, 478,
479. — G', 71, 169.
Goudjila. — C', 136, 142, 186,
188. — G-', 75, 76.
GouRAÏA. — B', 245, 252, 256,
258, 259.
GUECHTOULA. — G^ 82, 220.
221, 276, 353, 354.
GuERouAOU. — B', 235. — G',
110.
H
Habra.— B', 387.— B2, 11,18,
22, 24, 26, 40, 42, 59, 111,
480. — G', 60, 67, 84, 114.
Hachem. — B', 217. — B2, 28,
50, 352. — G', 50, 55, 59, 60,
64, 65, 67, 83, 84, 89, 96, 98,
99, 102, 104, 131 à 135, 141,
184, 189, 200, 203. 329, 330.
— C\ 88.
HAD.IOUTES. — B', 28, 119, 238,
245, 200, 261, 204 à 266, 312,
335 à 338, 367, 372, 375. —
— n\ 8, 9, 60, 181, 182, 221,
301, 313, 354, 382, 383, 422,
441, 473.— G', 109, 119, 140,
109.
IIai.i.oui.a (lac). — B', 337. —
B'-, 9, 221, 422, 424.
Hamiane. — C-, 211, 217, 313.
Hamise. — B", 237, 240, 266. —
— B2, 306, 307, 332.
Hammam-Berda. — B2, 172, 228.
II ammam-Meskoutine. — B-, 249.
IIamza. — B-2, 339, 341, 380. —
C-, 82.
IIanencha. — B2, 124, 337. —
G', 248, 2.j8.
IIaouch-Mouzaïa. — B', 38, 65,
IIO; 119, 120. — B2, 7, 63,
67, 425, 427, 436, 440, 447.
449, 479. — G', 13, 14, 42,
109.
Harakta. — B2, 337, 339, 339,
411, 412. — G', 258. — G^,
294, 295.
Harar. — G', 135, 136, 138,
141, 143, 203. — G-', 27, 69,
78, 92.
IIarrach. — A, 242, 270. — B",
10, 19, 20, 21, 27, 30, 97, 126
à 129, 173. 263. — B^, 369,
387. — G', 121.
Hauts Plateaux. — G", 8, 60,
64, 83, 133. 135, 143, 177,
186, 212, 243. — G-, 78.
IIiLLiL. — G', 58. 114. 110.
lloDNA. — G', 243, 239. — G^.
100, 230, 234, 230, 258.
Hussein-Dey. — B', 126. — B^,
441. 474.
I
IsLY. — G', 341. 342, 353, 334,
360 à 362, 360.
Isser (ouled). — B', 177. — B^
217, 218, 220, 475.
Isser oriental. — B', 178. —
B2, 217, 304, 333,381, 475.—
G', 150, 131, 171, 293, 300.—
C\ 80, 212.
Isser occidental. — B-, 44, 50,
31, 89 à 92. 94, 90. — G', 90,
92. — G^ 08.
INDEX GÉOGRAPHIQUE,
403
K
Kabylie (Grande). — C, 290,
374, 377 à 379. — C^, 79, 134,
135, 141, 142, 192, 212, 219,
261, 266^ 267, 290, 314, 342,
343, 343 332, 371.
Kabylie (Petite). — C^, 212,
213, 267, 269, 290, 318, 319,
326, 342.
Kara-Moustafa. — B-, 332,
369, 392, 394, 474, 473.
Kareza (bois des). — B', 264.
— B^, 61,221, 422. — C',HO.
Karoubet-el-Olzri. — B-, 442,
479.
Kasba d'Alger. — A, 8, 9, 11.
— A, 36 à .39, 107, 112, 19i,
193, 202, 213, 214, 224, 226,
227, 230, 232 à 234, 238, 231,
262, 272. — B', 3, 5.
Ker.uch. — C, 144, 133, 203,
205. — C^ 77.
Kergue.nta. — B', 148, 219,
222, 274.
Khachna. — B'. 28, 93. 96, 119,
174, 176, 193, 260, 262, 267,
335. — B^ 30't, 371. — C,
150.
Koléa. — B', 58. 93, 123, 134,
170, 180, 184, 187, 240, 260,
338, 368. — B2, 36, 199, 221,
332, 333, 370. 392, 39i, 396,
400, 461. — r,', 26, 43, 109,
121, 237. — C-, 80.
Koubba. — B', 171, 192. — B^,
369, .372, 474.
Ksar-Kuoucii. — C^ 283, 341.
344.
Ksouii. — C^, 6, 93, 129. 217,
300.
La Galle. -B', 272.- B^ 36,
227, 323, 353, 48 i.
Laghouat. — B2, 353. — C,
274, 281 à 283. — C^ 128,
299, 300, 302 à 312, 327, 332,
333, 333.
La Goulette. — B-, 226.
Lalla-Maghma. — C, 304, 309,
312, 314, 313, 317, 318, 346,
347, 333, 36i, 368. — C^ 31,
58, 64, 163.
Larba. — B2, 331. — C, 212.
— C\ 299, 300, 313, 328,329,
330.
Le Figuier. — B', 220, 273,
276, 288, 290, 291, 378, 379,
392.— B2, 12, 14, 16,77,483,
486. — C, 43.
LicHANA. — C^ 228, 231, 233,
240.
LoHA. — C, 132, 142.
M
Macta. — B', 282, 387, 391,
400, 403, 404. — B^, 5, 8, 10,
M. 22, 26, 31, 39, 40, 76, 79,
189. 198, 48i.
MvKi.MA. — B", 338. — B'-, 221,
370. — G^ 38.
Mahox. — a, 75, 239, 271.
Maison-Carrée. — A, 243. —
B', 26, 86, 96, 104, 107, 126,
127, 173, 173 à 177, 179, 181,
194. 263, 267. — B^ 332, 369,
474, 473. — G', 150.
Mansoura. — iV-, 139 à 143,
143 à 147, 149 à 131, 154, 155
il 157, 139, 253 ù 238, 260 à
262, 266, 267, 271, 273, 278.
.Maroc. — B', 215, 271, :{86. —
B-, 36, 37, 105, 107, 326, 331,
3.32, .373. — G', 48, 303, 320.
326, 332, 367. — G-, 133.
Marseille. — A, .73, 91, 263. —
B^ 79, 192, 343.
Mascara. — B', 151, 215 à 217.
225, 274, 278, 294, 303, 305,
26.
404
INDEX GÉOGRAPHIQUE,
313. 33o. 357, 3o!), 3liJ, 367,
369, 37:2, 376. — B^, \2, 14,
27 à 31, 3a à 37, 39, H, 77,
305, 317, 318, 353, 354, 384,
390, 417, 418. — C«, 9, 10, 33
à 38. 44 à 47, 56, 57, 59, 60,
67, 09, 82, 83, 80 à 89, 94, 9C,
98, 100, 131 à 133, 137, 138.
141, 145, 173, 175, 176, 208,
235. — C^, 68, 71, 93, 94.
Matifou (cap). — A, 223. — 15-,
113.
Maz.\fr.\n. — B'. 93. — B2, 00.
Mazagran. — B>, 283, 305, .386.
— B^ 35, 77, 198, 313, 405 à
407, 409, 412.
Mazoùna. — C, 173.
MCHOUNÈCHE. — C', 266.
Médéa. — A, 243. — B', 23, 46
à 52, 61 à 68, 74 à 76, 108 à
111, 114, 115, 170, 215, 216,
335, 342, 358, 359, 307 à 371,
373. — B2, 5, 36, 62, 60 à 68,
107, 108, 215, 305, 307, 319,
390, 418, 4.37, 440 à 451, 454,
455, 458, 404 à 471, 473, 477,
482. — C, 8, 9, 11 à 14, 17,
70 à 73 94, 120,122, 123, 149,
176. — C-, 70.
Medjaxa.— B2, .337, 362, 412,
483. — C, 243. — C2, 305.
Meujeher. — C, 49, 50, 53, 54,
50, 59.
Medzerga. — B-, 484.
Melilla. — C2, 108, 110. l\-2.
156.
Meouixez. — B-, 107.
Mers-el-Kebir. — A, 55, 257,
200 — B', 73, 70, 79, 148 à
151, 282, 291, 292, 310, 3.57,
377, 393, 395, 402. — B^, 5,
13, 15, 374. — C, 319, 338.
Metidja. — A, 187, 223, 240,
270. •- B', 10, 24, 25, 27, 28,
40. 50, 77, 92. 102, 105, 125,
136, 169, 177, 238, 242, 209,
318, 3.35, 368, 375.— B^, 182,
■ 198, 215, 216, 218, 221, 222,
303, 306, 332, 334, 370, 375,
382, 384, 387, 421, 427, '441,
455, 460, 473. — G', 11, 26,
41, HO, 117, 120, 121, 123,
146, 150, 158, 159, 108. — C^,
79, 81.
Metlili. — G-, 329, 331, 334.
MiLA. — B^, 322, 339 à 311,
344, 359, 302, 370, 377. — G^,
268, 269.
MiLiAXA. — B', 50, 54, 170, 215,
216, 358, 359, 367 à 369, 373.
— B2, 5, 6, 8, 9, 36, 107, 181,
215, ^22i, 222, 305, 333, 390,
418, 442 à 445, 449, 453, 455,
462, 473, 477 à 483. — C', 8,
9, 11, 12, 16 à 21, 70,71, 118
à 120, 122, 124, 127, 128,
167, 169, 176, 178, J79, 220,
2i[.
Mina. — B^, 59. — G', 54, 56,
58, 83, 98, 100, 114, 116, 138,
143, 144, 153, 158, 175.— G^,
71, 76.
MissERGHiXE. — B', 224, 277,
292, 293, 310, 377. — B^ 11,
405, 407, 409, 485.
Mjez-Ahmar. — B-, 134, 163,
172, 181, 228 à 230, 246, 2o2,
269, 294, 295, 301, 323.
Mléta. — B', 288, 294, 370. —
B^ 42.
MoGADOR. — G', 349, 350, 365.
Moghar-Fouka.ni. — G-, 128,
218.
Moghar-Tahtani. — C-, 128,
218.
MOSTAGANEM. — B', 150, 152,
215, 224, 281 à 288, 300, 302,
307, 311, 357, 359, 365, 381,
386. — B2, 26, 32, 34, 35, 77,
111, 198, 21», 372. — G', 10,
30, 32, 46 à 50, 52 à 57, 68,
69, 80, 88, 89, 93, 94, 114,
INDEX GÉOGRAPHIQUE.
405
139, 166, 173, 176, 204. — C^
71.
MouiLA. — C, 324, 327, 341,
342.
MOULEY-I.SMAEL. — B', 383, 386,
387. — B2, 11, 15, 16.
MouLouï.\. — C2, 1, 2, 88, 161,
168, 170.
Moui5AÏ.\. — B', 28, 39, 41, 337,
367. — B\ 7, 9, 454. — G',
119.
Msir.A. — C, 243, 244.
MsiUDA. — C2, 37, 60, 63.
Mu.stapha-Pacha. — B', 81, 107,
d30, 132, 263, 474.
MZAU ET MZABITES. — B", 352.
— G2, 299, 311, 327 à 329.
Mz.VïA. — B", 2i8. — C'-. 2J2.
N
Nador. — B", 06, 369. — B-,
432, 451.
Nahr-Oua.'^sel. — C, 123, 135,
138, 214. — G-, 78, 79.
Nar.\. — c?-, 239 à 261.
Nei;h.meïa. — B3, 228, 301.
NEDno.MA. — C, 101. — C^ 58,
63.
Ne.me.\cha. — C, 250. — G-,
101, 104, 103, 263, 294, 295.
Nemours. — G^, 99, 112, 165,
178.
Nezlioua. — G", 131, 171. —
G^ 82.
Ngaous. — G', 26i, 271.
0
Orax. — A. 236, 237, 266. —
B", 79, 92, 144, 145, 152, 13;;,
213. 219 à 221, 274, 277, 292,
300, 302, 303, 305, 307, 311,
313, 332, 310, 3.56, 3.37, .364,
373. .396. — B^ 10. 13. .33,59,
77, 181, 193, 198. 209. 210.
213, 300, 311, 320, 372. .37 'k
483, 480. — C, 9 à 11, 29,
52. 68, 69, 8.3, 93, 94, 100,
114, 129. — G2, 68.
Orléansville. — C, 20i, 210.
— Gâ, 15 à 19.
Olamri. — Bi, 369. — B^, 446.
Ouaren-se.ms. — G', 152, 133,
133, 137, 158, 165, 166, 173,
181, 182, 184, 186, 204, 203,
210, 233. — G2, 18 à 20, 25,
43, 46, 78, 93, 96, 209, 374.
Ol'are.xsexis (grand pic). — G',
13k 181. 196.
OuARGLA. — C-, 299, .329 à 332,
334, 333.
OuDJDA. — G', 31, 139, 302, 303,
310, 312, 313 à 318, 323, 327,
.328, .333, 333, 361.
Oled-Akmimine. — B-, 138,143.
OUED-BOIKTOUXE. — B-, 378,
379.
OuED-BouTANE. — B". 4i3, 479.
— G', 18, 22, 23.
Oleî^-Brioja. — A, 137, 139,
140, 146, 147, 133, 158.
OuEn-DEURDElR. — G', 125,
149, 152, loi.
OiEn-DjER. — B', 201.— B-', 8,
221, 422, 423, 413.— G', 119,
169.
Oued-Djioidlïa. — G', 153.
Oued-el-Abi). — G', 65, 203.
OuE0-Ei.-Ai.LEG.— \y-, 369, .387,
.396. .397, 399, 403.— G", 178.
OuED-FoDDA. — B', 386. - B»,
333. -G', 107, llo, 147,153,
151, 155, 181.
OuED-GnAZIiK. — B-. 70, 71.
Oued-Kerir (près IMida). — B',
33. — B-, 333. 39 i. 393. 397.
403.
Ol'eii-Kkiiir (KabYlio). — G-,
()i:eii-Kerm \. — \, 103 à 167,
lO'.l, 173. 177. 178. 181. 251.
— 151. 10. 21, 92. 131. 182.
406
INDEX GÉOGRAPHIQUE.
Oued-Khadra. — B2, 199, 303,
304, 307, 381.
Oued-Maoussa. — C',o8.
OuED-RiGH. — C-, 33i, 335,
337, 338, 37.D.
OuED-Riou.— C, 142, 144, 153,
155, 158, 203. 209. — C^, 73.
OuED-RouixA. — C, 152, 154,
181.
Oueo-Sahel. — B'-, 3,39. — C,
-151. _C2, 137,212,213,261,
262, 268, 341, 342, 349, 351,
360.
Oued-Sly. — C, 153.
Oued-Zeïtoux. — B2, 304, 305,
307.
Ooed-Zexati. — B-, 1.35, 247,
255.
Ouexnougha. — C-. 25, 128.
Ol'izert. — C-, 69.
OuLAÇA. — B2, 51. — C, 240.
Ouled-Attia. — B', 270. — B^,
122.
Ouled-bol-Aziz. — C4-, 25.
Ouled-Brahim. — C 206 à 208.
■ — C2, 5.
Ouled-Djolxès. — C-, 14, 15,
19, 45.
Ooi.ed-Fayet. — C, 26.
Ouled-Kheuf. — C, 136, 141,
143. — C2. 69, 72, 78, 92.
Ouled-Naïl.— c, 212, 259,
274, 376. — C^ll, 86, 87,90,
92, 208, 2.34, 299, 300, 312,
328, 330.
Ouled-Radjeta. — B^, 122.
Oi'LED-RiA. — c, 153. — C^,
21 à 23, 25.
OuLEn-Sini-CHEiKii. — C, 309.
— C2, 10, !)0. 93, 9i, 300, 304,
328.
OULED-SOI.TAXE. — C, 264, 269
à 272.
Ouled-Yava. — C^ 101 à 105.
OUSSERK. — C, 188, 190.
OuzRA. — B?,67,466.— C, 123.
Palma. — A, 105, 108, 114, 150,
162.
Philippeville. — B2, 338, 339,
359, 361, 372, 375, 376. —
— C, 246. — C^ 222, 268,
269.
PORT-AUX-POILES. — B', 282.
Port-Vexdres. — B-, 13, 79.
R
Rachgoux. — B', 401. — B2, 12,
50 à 53, 58, 69, 78, 197.
Ras-el-Aïx. — RI, 148, 220.
Ras-el-Akba. — B^ 135, 163,
172, 173, 180, 247, 255.
Rassauta. — A, 243. — B', 194,
237, 267.
Rassoul. — C2, 9, 129.
Regaïa. — B^ 220.
Relizaxe. — C-, 47.
RiF. — B2, 51, 105. — C2, 2,
153, 155, 156.
RiGHA. — B', 109. — C, 123.
Rio-Salado. — B2, 198, 485. —
C, 91.
RouMMEL. — B-, 140 à 142, 144,
150, 1.52, 154, 155, 158, 257,
261,271, 290. — C2, 213.
Rusicada. — B2, 323, 338.
Safsaf. — B^ 45, 85, 91.
Sahara. — B', 368. — B^, 347
à 349, 418. — C, 51, 212. —
C2, 9, 217, 327.
Sahel d'Algeu. — A, 170. —
B', 24, 27. 3.38. — B^, 303,
.370, 387. 388, 424, 441, 460,
461, 473.— C, 12. 26.
S.UDA. — B^ 373, 418. — C, 8,
60, 62 à 65, 133, 304, 305, 310,
INDEX GÉOGRAPHIQUE,
407
330. — C2, 8, 28, 69, 73, 129.
Sbéa. — C, 133, 180. — C^ 3,
17, 20.
Sdama. — C, 8.3, 98, 138, 1 iO,
143.
Seba Chiourk. — B-, 90.
Sebaou. — B^, 3.54, 418, 475.
— C, 150, loi, 171. — C^
127, 128.
Sebaou (oued). — B^, 307, 335.
— C, 294, 373. — C-, 213,
221, 341, 342, 349, 351, 357.
Sebdou. — C, 8, GO, 93, 301,
330. — C2, 8. 28, 68.
Sebkiia. — B', 219, 292, 376. —
B2, 12, 198.
Sersou. — C, 125, 135, J36,
138, 141, 142, 187, 189, 213.
Sétif. — B2, 147, 337, 339, 341,
358, 362, 363, 376 à 378, 380,
412, 484. — C, 11, 243. —
C2, 100, 137.
Seybouse. — B', 209, 214, 2i6,
271, 273. - B^ 126, 133, 134,
163, 172, 173, 181, 246, 248,
249.
SlDI-ABD-EL-IvAnEK. — B", 443,
453. — C, 23.
Sidi-Ali-Tamjihet. — B-, 432,
434.
Sini-AnziNE. — 15', 126. 130,
132, 133.
Sidi-bel-Abbès. — G', 232, 235,
330. — G2, 4, 7, 68, 70, 71.
Sim-BEL-IlACEi,. — C, 56, 114,
138.
SiDi-BiiAiiiM. — V/-, 59 à 63, 67,
68, 87, 97, 177.
SiDi-nAiio. — C, 47, 88.
Sidi-Fkiuiuch. — A, 42, 11.!,
116, 117, 123, 149, 150, 1.37,
162, 171, 172, 181 à 183, 206.
Sim-HAïn. — B', 58 à 60, 69,
182, \8ï, 186, 242.
SiDi-KiiAi,EP. — A, 163 à 175,
177, 196, 200.
Sidi-Lekhal. — C, 174, 175.
Sidi-Mabrouk. — B-, 139, 146,
159, 236, 260.
SiDi-MciD. — B2, 140, 147, 233,
256, 290.
Sidi-Okba. — C, 264, 272. —
— C\ 243, 249.
Sidi-Raghed. — C, 183.
Sidi-Tamtam. — B2, 135, 170,
247, 233, 411.
Sidi-Yacoub. — B-, 74 à 76, 79,
9i-, 189. — C. 90.
Sidi-Yaya. — C, 236.
Sini-YÉKLEF. — A, 165.
Sidi-Youcef. — C, 233, 233.
SiG. — B', 219, 310, 381, 383,
383, 387. — B2, 11, 16 à 20,
26, 35,59, 198, 483. — G', 60.
SiKAK. — B2, 91 à 93, 95, 96,
189, 192, 206, 311 à .313, 424,
452. — C, 2, 30, 92, 102,
202.
Skikda. — W-, .323, 338.
Smela. — Voir Douaih.
Smendou. — B^ 337, 339. — G',
11. — G2, 222.
Somma. — B^ 137, 162, 255.
SouF. — c-, 245, 219, 334, 336
à 338.
SouiiAr.iA. — C-, 36, 57,' 58.
Souk-Am. — H', 181. 182, 184.
Souk-Ej,-AnBA (Djendel). — B-,
446, 432, 454.
Souk-el-Arba (Kabylie). — C*,
301, 362, .367 à 369.
Soi!k-i;l-Miïou. — C, 49, 53.
Soumata. — B', 28, 39, 41, 42,
43, 2i6, 337, 367. — lî*, 7, 9,
13 'f. — G', 26, 119.
Sta(iiik[.i. — A, 113, 124, i'.M,
147, 148, 151, 152, 15i il 1.36,
158, 161, 162, 161, 165, 167,
170 il 173,176,181 il 183,206.
_ |{i, 89. — GS 39.
SriTTEX. — G*, 9, 27, 93, 97.
SioitA. — 113. ,323, 337, 338,375.
i08
INDEX GÉOGRAPHIQUE.
Tadjemout. — B-, 3ol, 3o3. —
C, 276, 279, 281, 282.
Tafna. — B', 401. — B2, 12,
35, 50 à 52, 58, 69, 72, 74, 76,
79, 90 à 92, 94, 107, 198, 202,
214, 222, 223. 225, 298, 301,
303, 306, 309, 311, 315, 317,
319, 331, 334, 353, 384, 388,
456. — C, 2, 90, lOJ, 102,
240, 309, 321, 326, 330. — C^,
.50, 68.
T.\FRA0UA. — B2, 418. — Cl, 92.
Taghemaret. — C, 65, 205.
Tagcuxe. — C, 136, 142, 188 à
191, 198, 200, 276. — C^. 74,
78, 180.
Takdemt. — B2, 318, 321, 348,
351, 334, 372, 383, 418.— G',
8, 10, 29, 32 à 35, 38, 40, 44,
60,63, 131,132, 134,143,170,
176, 222.
Taxger. — Bi, 73, 74, 216. —
B^ 12, 373. — C, 338, 343,
347 à 349, 332, 367. — C^
107.
Taourga. — C, 296.
Taza. — B2, 373, 418. — C, 8,.
29, 40, 43, 60, 63, 70, 125.
ÏEBEssA. — C, 250, 231..— C-,
101.
Tei.l. — B\ 347, 3.30, 418. —
C, 8, 51, 00, 83, 135, 138,
142, 163, 176, 181, 188, 200,
275. — C-, 27, 76, 78, 92.
Temda. — C^, 77, 78.
Temzoura. — B', 29 i, 297.
Tex-Sai.met. — B2, 408, 409.
Te.nès. — C, 50, 119, 158, 139,
176, 177, 180, 181, 183, 196,
201. — C2, 15 à 17.
Tema de Mouzaïa. — B', 39,
44, 50, 53, 65, 75, 100, 111,
115, 120, 133. — B3, 7, 36, 65,
66, 77, 428, 429, 436, 440, 449,
432, 453, 470 à 472, 477, 482,
489. — C, 1.3, 119, 123.
Temet-el-Had. — C, 123, 149,
170, 177, 179, 181. — C-, 72.
75, 76, 79.
Tessala. — ]i-, la.
TiARET. — C, 135, 138, 176.
177, 179, 181, 184, 186, 190,
201, 203, 214. — C^, 28, 69.
71, 72, 75, 76.
TiouTE. — G2, 128, 217.
TiTTERi. — B', 358, 361, 362.—
B2, 6, 36, 213, 216, 390, 403,
484. — C, 11, 27, 123, 126,
127, 129, lie, 149, 138, 177.
— G-, 72, 84, 85, 92.
TiXER.u.N. — B', 171. — B\ 369.
TizA (col de). — B', 99, 100.
Tizi (col de). — B-, 361, 363.
Tizi-Ouzou. — G-, 277, 351, 352,
359, 367.
Tliclate. — B', 273, 293, 379,
383, 393. — B2, 16.
Tlemcen. — B', 73, 9i, 130,
215, 216, 224, 278, 311, 333,
357, 363, 366, 369, 374, 376,
386, 394. — B2, 12, 32, 35 à
37, 39, 43, 43 à 47, 30 à 3i,
56, 38, 83. 88 à 92, 96, 191 à
193, 193, 196, 199, 20.3, 213,
214, 305, 312, 373, 390, 418.
— G', 91 à 94, 100, 102, 175.
— G-, 70, 97, 98.
ToLGA. — G', 272.
Torre-Ghica, — A, 42, 55, 117,
122.
ToRRicH. — G', 138, 141.
Tougourte. — G^ 301, 331, 334,
3.36, 337, 375.
Toui.ov. — A, 43, 68, 78, 93,
91, 90. — B', 252. — G^ 186.
Trara. — G', 90, 101, 316. —
G-, 50, 51, 50, 70, 106.
Tripoli. — A, 109, 257.
Tu.MS. — A, 89. — B", 32.
373. — B2,
31^8.
INDEX GÉOGRAPHIQUE
226, 3i'3, 320
i09
Yakoubia. — C, 64, 84, 138,
143, 20n, 232, 233, 236. — C^,
93.
Zaatcha. — C-, 227 à 257.
Zab et Ziban. — B', 173. — B^,
335, 3.53, 4)8. — C, 233, 263
à 263. — C-, 226, 228 à 230.
234, 305.
Zaccar. — B2, 443. — C, 18.
Z.^TiMA. — C, 153, 167.
Zedoudj-Azara. — B', 13, 46,
66, 111, 115, 369, 437, 452.
Zerdeza. — C, 247, 252, 253.
ZouAGHA. — G^ 213, 214, 2-2'2,
262.
ZouAouA. — A, 271. — B^, 363.
— C^ 221, 224, 225, 261, 268,
289, 350.
ZOUILANE. C, 137.
PALIS. TYrocr,APiiiE ije £. ri,ON, .-vounniT lt c'"", hue gaiwncièue, 8.
DT Rousset, Camille Félix i-îichel
294- La conouete de l'Algérie
R6 t. 2
t. 2
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