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Full text of "La conquête de l'Algérie, 1841-1857"

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AT  THE 


UNI\ERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


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in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


Iittp://www.archive.org/details/laconqutedelal02rous 


on 


xilj 


LA 


CONQUÊTE  DE  L'ALGÉRIE 


Ij'niUeur   et  les    éditeurs    déclarent  réserver     leurs    droits    de 
traduction  et  de  reproduction  à  l'étranger. 

Ce  volume  a    été   déposé   au   ministère  de  l'intérieur  (section 
de  la   librairie)  en  lévrier  1889. 


PAItlS.    TYP.    DE    K.    PLO^,    fiOlimn     KT    C'«,    nilE    CAnANClÈnE,    8. 


1^ 


LA 


œOUÈTE  DE  L'ALGÉRIE 


1841-1857 


■^ 


CAMILLE    ROUSSET 

lu 

DE     L  '  A  C  A  n  É  M  I  K     F  R  A  N  C.  A  1  v"!  K 


TOME   SECOND 


PARIS 

LIBRAIRIE     PLON 

E.  PLON,  NOURRIT  et  C'S  IMPRIMEURS-ÉDITEURS 

n  i;  E  G  A  R  A  >■  c  I  fe  n  E  ,  m 

1889 
Tous  ilroits  réserves 


LA 


CONQUÊTE  DE  L'ALGÉRIE 


CHAPITRE  VI 

LA    GRANDE    INSURRECTION. 

I.  —  Affaire  de  Sidi-bel-Abbès.  —  Le  colonel  Géry  dans  les  mon- 
tagnes des  Ksour. 

II.  — Bou-Maza.  —  Le  colonel  Pélissier.  —  Les  grottes  du  Dahra. 
—  La  Kabylie.  —  Activité  d'Abd-el-Kader. 

III.  —  Mécontentement  du  maréchal  Bugeaud.  —  Le  ministère  de 
la  guerre.  —  Les  journaux.  —  La  colonisation  militaire.  —  En- 
trevue avec  le  maréchal  Soult. 

IV.  —  Le  vrai  et  les  faux  Bou-Maza.  —  Abd-el-Kader  rentre  en 
scène. 

V.  —  Le  lieutenant-colonel  de  Montagnac.  —  Sidi-Brahim.  —  Ain- 
Temouchent. 

VI.  —  Insurrection  générale.  —  Retour  du  maréchal.  —  Dix-huit 
colonnes.  —  Chasse  à  l'émir.  —  La  Métidja  menacée.  —  Sagacité 
et  sérénité  du  maréchal. 

VII.  —  Retraite  d'Alid-el-Kader.  —  Massacre  des  prisonniers  fran- 
çais. 

VIII.  —  Colonnes  Jusuf  et  Renault.  —  Abd-el-Kader  rentre  au 
Maroc. 


I 


Après  la  bataille  d'Isly,   Abd-el-Kader  sYtait 
retiré   sur    la   rive  gauche  de  la  JMoulouïa,  dans 
II.  1 


2  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

une  région  qui  ne  reconnaissait  guère  l'autorité 
du  sultan  de  Maroc;  après  le  traité  de  Tanger, 
il  s'y  était  enfoncé  davantage.  Un  message  du 
sultan  Ty  avait  cependant  rejoint.  Puisqu'il  n"a- 
vait  pas  cessé  d'être  un  sujet  de  trouble  dans  ses 
États,  Mouley-Abd-er-Rahmane  lui  enjoignait  de 
licencier  ses  troupes,  de  disperser  sa  deïra  et  de 
venir,  avec  sa  famille  et  ses  amis,  vivre  à  Fez  en 
pieux  marabout;  sinon,  il  devait  quitter  immédia- 
tement le  territoire  de  l'empire.  Là-dessus  de 
nombreux  conseils  furent  tenus  dans  la  deïra. 
D'un  avis  unanime  on  repoussa  l'idée  de  se 
mettre  à  Fez  sous  la  main  du  sultan  ;  mais,  où 
aller?  Dans  le  désert,  selon  le  sentiment  de  Ben- 
Tami?  On  y  avait  trop  souffert. 

Abd-el-Kader  borna  son  déplacement  à  passer 
de  la  rive  gauche  de  la  Moulouïa  sur  la  droite.  Il 
y  trouva  des  populations  encore  mieux  disposées 
à  son  égard,  et,  dès  qu'il  fut  dans  le  voisinage  des 
Beni-Snassen  qui  lui  étaient  absolument  dévoués, 
il  sentit  renaître  ses  espérances  et  crut  au  relève- 
ment prochain  de  sa  fortune.  Moustafa-Ben-Tami, 
Barkani ,  Bou-Hamedi,  Miloud-ben-Arach ,  ses 
amis  fidèles,  partageaient  sa  confiance.  Vers  la 
fin  du  mois  de  décembre,  il  vit  venir  à  lui  un  mil- 
lier de  Beni-Snassen  et  de  gens  du  Rif,  qui  lui 


ABD-EL-KADER.  3 

apportaient  une  offrande  de  grains  et  de  raisins 
secs.  Dejouren  jour  son  influence  grandissait  et 
s'étendait  ;  il  y  eut  des  tribus  qui  se  proposaient, 
disait-on,  de  déposer  Abd-er-Rahmane  et  de  pro- 
clamer Abd-el-Kader  à  sa  place.  Il  refusa  de  se 
prêter  à  leurs  projets  de  révolte,  mais  il  n'en 
resta  pas  moins  pour  le  sultan  un  rival  possible 
et  un  hôte  toujours  dangereux.  Le  fait  que  Mou- 
ley- Abd-er-Rahmane  avait  été  battu  par  les  roumi 
humiliait  l'orgueil  marocain,  et  l'autre  fait  qu'il 
avait  traité  ensuite  avec  eux  exaspérait  le  fana- 
tisme. 

En  même  temps,  les  agents  de  l'émir  ne  ces- 
saient d'intriguer  parmi  les  tribus  algériennes, 
soit  qu'ayant  émigré  au  Maroc,  elles  fussent  tentées 
de  rentrer  sur  leur  ancien  territoire,  soit  que,  voi- 
sines de  la  frontière,  elles  fussent  incitées  à  passer 
sur  la  terre  marocaine.  Malgré  la  surveillance  que 
faisait  exercer  sur  celles-ci  La  Moricière,  il  lui 
échappait  toujours  quelque  douar,  et  la  peine  était 
encore  plus  grande  quand  il  fallait  favoriser  le 
retour  de  quelques  isolés.  Abd-el-Kader  faisait 
annoncer  chez  les  Beni-Ouragh,  les  Flilta ,  les 
Sbéa,  son  arrivée  prochaine  avec  des  forces  con- 
sidérables. 

Pour  contrecarrer  les  intrigues  de  l'émir,   le 

1. 


4  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

colonel  Korte,  le  colonel  Géry,  La  Moricière  lui- 
même,  se  montraient  sur  la  frontière  à  l'ouest  et 
au  sud,  châtiant  les  insoumis,  rassurant  les  timi- 
des, essayant  en  un  mot  de  rétablir  l'ordre,  qui, 
sans  être  très  apparemment  troublé,  ne  laissait 
pas  d'être  compromis  sourdement.  Ainsi  se  pas- 
sèrent les  derniers  mois  de  l'année  1 844  et  le  pre- 
mier de  l'année  1845. 

Le  30  janvier,  dans  la  matinée,  le  chef  de  ba- 
taillon Vinoy,  commandant  le  poste  de  Sidi-bel- 
Abbès,  venait  de  sortir  avec  un  détachement  de 
spahis  pour  punir  les  auteurs  d'un  vol  de  bestiaux 
commis  la  veille,  quand,  vers  dix  heures,  le  fac- 
tionnaire de  garde  à  Tavancée  vit  venir  à  lui  une 
soixantaine  de  pèlerins  arabes,  marchant  en  pro- 
cession et  psalmodiant.  Comme  ils  avaient  la  pré- 
tention de  passer  outre,  malgré  la  consigne,  le 
factionnaire  croisa  la  baïonnette;  à  l'instant 
même  il  tomba  mort  d'un  coup  de  pistolet;  en 
un  clin  d'œil  la  redoute  fut  envahie.  Les  hommes 
du  6''  léger  ,  qui  l'occupaient,  étaient  en  train  de 
prendre  leur  repas  du  matin.  Hurlant  et  tirant 
leurs  armes  cachées  sous  les  burnous,  les  faux 
pèlerins  tuèrent  ou  blessèrent  les  premiers  qu'ils 
surprirent;  mais,  la  minute  d'après,  ils  furent 
assaillis  à  leur  tour,  et  comme  la  porte  avait  été 


SIDI-BEL-ABBÈS.  5 

fermée  sur  eux,  pas  un  ne  put  échapper  ;  ils  étaient 
entrés  cinquante-huit,  on  releva  cinquante-huit 
cadavres.  De  la  garnison,  il  y  avait  six  tués  et 
vingt-six  blessés.  Un  coup  de  canon  tiré  de  la 
redoute  rappela  le  commandant  Vinoy,  qui,  sans 
se  douter  de  la  gravité  du  cas,  rencontra  au  re- 
tour les  femmes,  les  enfants  et  les  troupeaux  de 
ceux  qui  venaient  de  tenter  cet  audacieux  coup 
de  main.  Qui  étaient-ils? 

D'après  l'enquête  faite  parle  commandant  Wal- 
sin,  chef  du  bureau  arabe,  c'étaient  des  Ouled- 
Brahim,  de  la  grande  tribu  des  Béni- Amer, 
khouan,  c'est-à-dire  adeptes  d'une  de  ces  con- 
fréries qui  entretenaient  et  ravivaient  sans  cesse 
dans  le  Maroc  l'exaltation  religieuse.  Ceux-ci  ap- 
partenaient à  l'ordre  des  Derkaoua,  le  plus  fana- 
tique de  tous  et  le  plus  dangereux,  même  pour 
Abd-er-Rahmane,  même  pour  Abd-el-Kader,  car 
ses  adeptes,  révolutionnaires  au  premier  chef, 
refusaient  l'obéissance  à  toute  puissance  humaine 
quelle  qu'elle  fût. 

Le  fait  en  lui-même  ne  se  rattachait  donc  pas 
à  la  propagande  exercée  par  les  agents  de  l'émir; 
il  n'en  était  pas  moins  un  symptôme  étrange  et 
redoutable  de  l'état  général  des  esprits  parmi  les 
indigènes.  Deux  douars  seulement  des  Beni-Amer 


6  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

s'étaient  jetés  dans  l'entreprise;  mais  toute  la 
tribu  en  avait  connu  le  projet,  et  pas  un  des  chefs 
ne  l'avait  révélé.  Aussi  le  commandant  Walsin  les 
punit-il  en  prenant  une  vingtaine  d'entre  eux 
comme  otages  et  en  séquestrant  leurs  chameaux, 
leurs  mulets,  leurs  chevaux  de  guerre. 

Dans  le  même  temps,  un  commencement  d'agi- 
tation était  signalé  au  sud,  chez  les  Sahariens,  qui 
subissaient  sans  aucun  doute  l'influence  d'Abd-el- 
Kader.  Il  y  avait  de  ce  côté-là  deux  zones  dis- 
tinctes :  la  plus  voisine  était  celle  des  Chotl, 
parcourue  par  des  tribus  absolument  pastorales 
et  nomades;  la  seconde,  plus  méridionale,  com- 
prenait les  montagnes  des  Ksour  et  du  Djebel- 
Amour;  les  populations  y  étaient  à  la  fois  pas- 
torales et  agricoles.  «  11  y  a,  disait  La  Moricière 
au  sujet  des  unes  et  des  autres,  deux  moyens 
d'atteindre  leurs  intérêts  matériels  :  le  premier  est 
de  visiter  leurs  ksour,  où  elles  ont  des  dépôts 
considérables;  le  deuxième  est  de  les  frapper 
par  des  razzias,  lorsqu'elles  viennent  camper  à 
portée  des  limites  du  Tell.  11  n'est  pas  inutile 
cependant  de  faire  remarquer  que,  n'ayant  pas 
encore  souffert,  elles  ont  une  cavalerie  nom- 
breuse qui  doit  obliger  à  quelque  circonspection 
dans  les  coups  de  main  qu'on  entreprendra  contre 


LES    KSOUR.  7 

elles.  Ces  populations,  avec  leurs  nombreux  cha- 
meaux, étant  plus  mobiles  que  nos  colonnes,  il 
ne  faut  pas  essayer  de  les  poursuivre,  une  fois 
qu'elles  sont  averties  de  notre  approche.  Pour  les 
atteindre,  il  faut  les  surprendre,  et  cela  n'est  pos- 
sible que  dans  des  circonstances  données  qu'il 
faut  attendre  et  que  nous  ne  pouvons  pas  faire 
naître.  Ce  que  je  crois  possible  en  ce  moment, 
c'est  de  parcourir  le  pays  où  elles  campenthabituel- 
lement,  d'en  reconnaître  exactement  les  eau\  et 
les  pâturages,  et  enfin  de  visiter  les  ksour,  ce  qui 
pourra  amener  leur  soumission  par  la  crainte  de 
voir  détruire  une  partie  de  ce  qu'elles  possèdent. 
Il  faut  frapper  l'imagination  de  ces  populations-là, 
et  si  je  parais  y  tenir,  c'est  que  je  ne  suis  pas  sûr 
de  frapper  autre  chose,  attendu  qu'il  n'est  pas  im- 
possible que  les  tribus  ne  déménagent  avec  leurs 
magasins  et  ne  laissent  devant  nous  que  leurs  ca- 
banes. )) 

Pour  assurer  le  ravitaillement  de  la  colonne  qui 
devait  opérer  dans  l'extrême  sud  de  la  province 
d'Oran,  il  fallait  un  poste-magasin  plus  rapproché 
que  Sidi-bel-Abbès.  Il  y  avait  longtemps  d'ailleurs 
que  La  Moricière  avait  reconnu  et  fait  reconnaître 
au  maréchal  Bugeaud  l'urgence  de  fermer  autant 
que  possible  la  trouée  largement  ouverte  sur  la  li- 


8  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

sière  du  Tell,  depuisSebdou  jusqu'à  Saïda.  Le  point 
de  Daya,  situé  chez  les  Djafra,  ayant  été  choisi  par 
La  Moricière,  il  y  fit  construire,  pendant  le  mois 
d'avril,  une  redoute  où  il  installa,  sous  les  ordres 
du  comnaandant  Charras,  un  bataillon  de  la  légion 
étrangère  et  quatre-vingts  sapeurs  du  génie,  avec 
trois  pièces  de  campagne,  des  vivres  pour  deux 
mois,  une  ambulance  et  cent  mille  cartouches  en 
réserve. 

Déjà  la  colonne  d'exploration  du  Sud  était 
partie,  le  18  avril,  de  Saïda,  sous  le  commande- 
ment du  colonel  Géry.  Elle  était  formée  du  1"  ba- 
taillon d'Afrique,  de  deux  bataillons  du  56%  de 
cent  cinquante  cavaliers,  moitié  chasseurs  de 
France,  moitié  spahis,  de  cent  cinquante  Arabes 
du  goum,  d'un  détachement  d'artilleurs  servant 
quatre  obusiers  de  montagne  et  vingt  fusils  de 
rempart,  avec  une  réserve  de  quarante-deux  mille 
cartouches  et  quatre  quintaux  de  poudre  démine, 
enfin  d'une  section  d'ambulance,  avec  quarante- 
deux  cacolets  et  six  litières.  Le  convoi  com- 
prenait six  cent  soixante-dix  chameaux  chargés 
d'orge  et  de  vivres  pour  vingt-trois  jours,  de  ton- 
nelets et  d'outrés,  plus  un  troupeau  de  quatre- 
vingts  bœufs  et  de  cinq  cents  moutons.  L'elfectif 
total  dépassait  deux  mille  hommes  et  six  cents 


LES    KSOUR.  9 

chevaux  ;  l'effectif  de  guerre  était  de  quatorze  à 
quinze  cents  combattants. 

Le  20  avril,  la  colonne  traversa  les  gués  vaseux 
du  Chott-el-Chergui;  tout,  dans  cette  région  aride 
et  découverte,  était  étrange;  plus  on  marchait  au 
sud,  plus  on  avait  froid;  devant  soi  on  apercevait 
le  Djebel-Ksel  couvert  de  neige.  Le  24,  on  entra 
dans  la  montagne.   Stilten,   qui  était  le  premier 
objectif  de  l'expédition,  était  abandonné;  mais  un 
notable,  député  par  la  population  fugitive,  vint 
supplier  «  les  enfants  de  la  puissance  »  d'épar- 
gner le  ksar.  Le  colonel  y  consentit  volontiers  et 
reçut  le  lendemain  la  soumission    de  nombreux 
douars  appartenant  aux  Trafi.  Poussant  plus  loin 
au  sud,  à  travers  le  pays  montagneux,  il  voulait 
atteindre  Rassoul,  et  surtout  Brézina,  sur  l'autre 
versant  du  massif,  au  seuil  du  grand  désert,  du  vé- 
ritable Sahara,  C'était  là  que  les  grands  nomades 
avaient  leurs  intérêts;  c'était  là qu'ilsavaient  leurs 
dépôts  et  leurs  moyens  de  trafic.  Aux  abords  de 
Rassoul,  la  colonne  reçut  les  premiers  coups  de 
fusil  qu'elle  eût  encore  entendus;  des  voleurs  es- 
sayèrent d'enlever  les  chameaux  du  convoi.  En 
punition  de  l'attentat,  Rassoul  fut  détruit  en  partie 
le  27. 

Le  29,  pendant  une  halte  dans  le  défilé  d'El- 


10  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Aroiiïa,  que  les  soldats  nommèrent  «  la  porte  du 
désert»,  un  homme  se  présenta  au  colonel  au 
nom  des  habitants  de  Brézina,  qui,  disait-il,  n'at- 
tendaient, pour  faire  leur  soumission,  que  l'arri- 
vée de  la  colonne.  Il  s'offrit  et  on  l'accepta  natu- 
rellement pour  guide.  Le  défilé,  tortueux,  coupé 
de  ravins  quis'entre-croisaient  dans  tous  les  sens, 
était  un  vrai  labyrinthe.  Après  une  heure  de  tours 
et  de  détours,  la  colonne  se  retrouva  toute  sur- 
prise à  son  point  de  départ.  L'homme  l'avait  évi- 
demment et  volontairement  égarée;  le  capitaine 
Deligny,  chargé  de  surveiller  les  guides,  lui  fit 
sauter  la  cervelle.  Pour  donner  aux  gens  de  Bré- 
zina le  temps  de  fuir  avec  leur  fortune,  cet  homme 
s'était  dévoué  à  la  mort;  cet  homme  était  un 
héros.  Il  fallut  bivouaquer  sur  place  et  le  lende- 
main faire  le  coup  de  fusil.  Après  trois  heures  d'une 
marche  pénible,  par  une  chaleur  suffocante,  au 
détour  d'un  rocher,  on  aperçut  tout  à  coup,  au 
milieu  d'une  forêt  de  palmiers,  Brézina.  Avant  d'y 
atteindre,  il  y  eut  un  petit  combat  de  cavalerie. 
Le  ksar  était  totalement  vide. 

Le  1"  mai,  la  mine  ouvrit  une  brèche  dans  les 
murs  d'argile,  et  la  colonne  se  mit  au  retour.  Le 
passage  d'El-Arouïa  ne  fut  pas  disputé.  Le  2,  on 
aperçut  une  grosse   troupe  d'Ouled-Sidi-Cheikh 


LES    OULED-NAIL.  11 

qui  fit  défier  par  un  héraut  le  colonel  pour  la  ma- 
tinée du  lendemain.  Le  colonel  ne  voulut  pas  les 
faire  si  longtemps  attendre  ;  dans  la  journée 
même,  à  trois  heures,  il  vint  à  eux.  Le  combat 
fut  vif;  le  goum,  qui  avait  engagé  l'attaque,  fut 
d'abord  repoussé;  mais  les  chasseurs  ayant  pris 
l'affaire  à  leur  compte,  l'ennemi,  malgré  sa  bra- 
voure, sévit  forcé  de  quitter  la  place.  Le  1 1  mai, 
le  colonel  Géry  rentra  dans  le  Tell  par  Frenda. 

Parallèlement  à  cette  expédition,  le  général 
Marey  en  avait  fait  une  autre  à  l'est,  dans  le  bas- 
sin des  Zahrez,  pour  châtier  les  Ouled-Naïi,  cou- 
pables d'avoir  intercepté,  au  mois  de  mars,  la 
contribution  de  la  zckkat,  c'est-à-dire  les  trou- 
peaux que  conduisait  à  Médéa  le  khalifa  de  La- 
ghouat.  «  Cet  événement,  écrivait  au  ministre  de 
la  guerre  le  maréchal  Bugeaud,  ne  serait  proba- 
blement pas  arrivé  si,  depuis  six  mois,  nous  n'é- 
tions restés  immobiles.  L'offensive,  le  plus  souvent 
possible,  ou  du  moins  la  force  souvent  montrée 
au  loin,  voilà  la  condition  indispensable  de  notre 
puissance.  A^ous  voyez  que,  pour  rester  en  paix, 
il  faut  deux  volontés;  il  ne  suffit  pas  de  dire  :  Je 
veux  être  pacifique,  il  faut  encore  que  nos  adver- 
saires aient  le  même  désir.  Le  meilleur  moyen  de 
vaincre  leur  obstination  n'est  pas  de  rester  t?an- 


12  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

quille  chez  soi  :  la  défensive  absolue  nous  aurait 
bientôt  perdus.  Je  sais  bien  que  les  gens  qui  ne 
comprennent  pas  diront  :  «  Mais  ils  vont  chercher 
((  la  guerre;  pourquoi  ne  restent-ils  pas  en  paix 
«  pour  faire  des  routes,  des  édifices,  de  la  coloni- 
«  sation  ?  »  Je  réponds  à  ces  braves  gens  qui  veulent 
ainsi  juger  à  tort  et  à  travers,  que  nous  allons 
chercher  la  guerre  parce  qu'elle  est  à  nos  portes, 
et  que  si  nous  n'y  allions  pas,  elle  viendrait  avec 
des  avantages  moraux  que  nous  voulons  lui  en- 
lever. » 


DJEMMA-GHAZAOUAT.  13 


II 


La  guerre  n'était  pas  seulement  aux  portes,  elle 
était  dans  la  maison  même. 

Le  25  mars,-^]e  maréchal  Bugeaud,  revenu  de 
France,  avait  repris  la  direction  des  affaires  ;  comme 
il  voulait  donner  en  personne  ses  instructions  à 
La  Moricière,  il  s'embarqua  pour  Mers-el-Kebir, 
prit  le  général  à  son  bord  et  poursuivit  avec  lui 
jusqu'à  Djemma-Ghazaouat.  Il  persistait  à  trouver 
ce  poste  détestable,  surtout  trop  largement  in- 
stallé; il  en  fit  publiquement  le  reproche  à  La 
Moricière  :  «  Vous  autres,  messieurs,  qui  sortez 
du  génie,  lui  dit-il,  vous  avez  le  génie  des  fortifi- 
cations, mais  vous  n'avez  pas  le  génie  de  la 
guerre.  »  C'était  dur;  puis  il  ajouta:  «  Si  je  ne 
trouve  pas  une  population  européenne  à  jeter  ici, 
j'évacuerai  ce  poste;  c'est  un  boulet  qui  nous  est 
accroché  à  la  jambe.  » 

Le  maréchal  rentra,  le  6  avril,  à  Alger;  quelques 
jours  après,  le  Dahra  était  en  feu.  Remarque  im- 


14  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

portante  :  Abd-el-Kadern'y  était  pour  rien.  L'a- 
gitateur se  trouvait  être  un  jeune  liorame  d'une 
vingtaine  d'années,  un  inconnu  venu  du  Maroc; 
il  s'appelait  Mohammed-ben-Abdallah  ;  mais  les 
Kabyles  lui  avaient  donné  le  surnom  de  Bou-Maza, 
—  l'homme  à  la  chèvre,  —  parce  qu'il  était  tou- 
jours suivi  d'une  chèvre  dressée  à  faire  quelques 
tours  dont  les  Kabyles,  naïfs  et  crédules,  étaient 
émerveillés.  Ceci  était  bon  pour  le  menu  peuple  ; 
chez  les  gens  de  condition  moyenne,  Bou-Maza 
passait  pour  un  saint  :  khouan  de  l'ordre  de  Mou- 
ley-Taïeb,  un  des  plus  anciens  et  des  plus  consi- 
dérés dans  le  Maroc,  il  avait  conquis  par  ses 
prières,  par  ses  mortifications,  par  ses  extases, 
une  réputation  extraordinaire;  de  Mostaganem  à 
Cherchel,  il  n'était  parlé  que  de  lui. 

Un  beau  jour,  chez  les  Ouled-Djounès,  il  fit  sa 
lévélation  :  il  était  le  chérif  envoyé  de  Dieu,  celui 
qui  devait  venir  au  moment  indiqué  par  les  pro- 
phéties, «  le  maître  de  l'heure  ».  De  toutes  parts 
on  accourut  pour  l'entendre;  de  toutes  parts  on 
lui  apporta  des  aumônes,  non  seulement  des 
grains  et  de  l'argent,  mais  encore  de  la  poudre, 
des  fusils,  des  chevaux.  Avec  les  fanatiques,  les 
aventuriers  et  les  bandits,  il  eut  bientôt  une 
troupe  de  quelques   centaines  d'hommes.  Pour 


BOU-MAZA.  15 

son  coup  d'essai,  il  assassina  le  kaïd  de  Médiouna 
et  le  kaïd  des  Sbéa,  en  faisant  proclamer  partout 
que  leur  mort  était  la  juste  punition  des  services 
qu'ils  avaient  rendus  aux  chrétiens,  et  qu'un  tel 
sort  était  réservé  à  tous  leurs  pareils  en  félonie. 

Ce  fut  le  12  avril  que  ces  tragiques  nouvelles 
arrivèrent  au  colonel  de  Saint-Arnaud,  comman- 
dant supérieur  d'Orléansville.  Il  se  mit,  le  1 4,  en 
campagne,  atteignit  le  chérif,  le  battit  et  dispersa 
sa  bande.  On  pensa  qu'il  n'en  serait  plus  question. 
Le  1 8,  le  colonel  entra  sur  le  territoire  des  Ouled- 
Djounès,  qui  étaient  en  même  temps  attaqués  par 
le  lieutenant-colonel  Glaparède  et  le  commandant 
■Canrobert,  venus  de  Tenès,  et  par  le  général  de 
Bourjolly,  accouru  de  Mostaganem.  Le  châtiment 
infligé  aux  Ouled-DJounès  n'empêcha  pas  l'insur- 
rection de  s'étendre. 

Il  y  avait,  à  une  lieue  de  Tenès,  un  petit  poste 
retranché  qu'on  appelait  le  camp  des  Gorges.  Il 
avait  été  établi,  l'année  précédente,  pour  proté- 
ger les  travailleurs  employés  sur  la  route  d'Or- 
léansville, et  de  provisoire  il  était  devenu  perma- 
nent, à  l'insu  du  maréchal  Bugeaud,  qui  n'en 
soupçonnait  même  pas  l'existence.  Quand  le  lieu- 
tenant-colonel Glaparède  était  sorti  de  Tenès,  au 
lieu  de  faire  évacuer  le  camp,  il  y  avait  laibsé  une 


16  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

soixantaine  d'hommes  du  S^bataillon  de  chasseurs 
à  pied.  Le  20  avril,  huit  ou  neuf  cents  Kabyles 
conduits  par  Ben-Hinni,  kaïd  des  Beni-Hidja,  se 
glissèrent  par  les  ravins  des  alentours  et  tout  à 
coup  envahirent  le  poste  dont  la  porle  n'était  pas 
gardée.  Les  chasseurs  surpris  eurent  néanmoins 
le  temps  de  s'enfermer  dans  le  blockhaus  où  ils 
ne  purent  être  forcés;  mais  leurs  tentes  furent 
mises  au  pillage,  et,  sous  leurs  yeux,  une  malheu- 
reuse enfant,  la  fille  d'un  cantinier,  fut  égorgée 
par  la  bande  exécrable.  Le  lendemain  les  Kabyles 
revinrent;  mais,  pendant  la  nuit,  le  commandant 
de  place,  à  Tenès,  avait  expédié  au  camp  une  cen- 
taine de  condamnés  au  boulet  et  de  disciplinaires, 
avec  quelques  sapeurs-conducteurs  en  guise  de 
cavalerie;  une  sortie  de  la  garnison,  accrue  de  la 
sorte,  repoussa  l'ennemi  qui  ne  se  montra  plus. 
Les  résultats  matériels  de  ce  coup  d'audace 
étaient  à  peu  près  nuls,  mais  l'effet  moral  fut  im- 
mense. 

Au  premier  avis  de  l'événement,  le  maréchal 
Bugeaud  donna  l'ordre  d'envoyer  par  mer  de 
Cherchel  à  Tenès  le  2"  bataillon  d'Afrique  et  fit 
diriger  par  terre  un  bataillon  du  64'  sur  Orléans- 
ville.  Cette  affaire  du  camp  des  Gorges  l'avait 
exaspéré.  «Sans  ce  poste, écrivait-il  au  colonel  de 


BEN-HINM.  17 

Saint-Arnaud,  il  n'y  aurait  eu  probablement  qu'une 
insurrectiondansle  vide;  l'ennemi  n'aurait  pas  osé 
atlaquer  Tenès,  puisqu'il  ne  l'a  pas  fait,  malgré  le 
scindement  des  forces.  Ce  détachement  de  cin- 
quante à  soixante  hommes  a  tenté  le  diable;  c'é- 
tait bien  le  cas  de  le  retirer  quand  Claparède  est 
sorti  avec  les  forces  les  plus  disponibles.  Il  faut 
que  cette  manie  de  l' éparpillement  et  de  Vimmohi- 
lisation  des  forces  soit  quelque  chose  de  bien  invé- 
téré dans  les  esprits  pour  que,  malgré  nos  paroles 
et  nos  écrits  si  multipliés  contre  ce  système,  on  le 
suive  encore  si  souvent.  » 

Le  2  bataillon  d'Afrique  était  arrivé  le  22  à  Te- 
nès; le  lendemain,  il  escortait  un  convoi  de  bis- 
cuits dirigé  sur  Orléansville,  quand,  une  lieure 
après  son  départ,  il  fut  assailli  par  Ben-Hinni  et 
ses  Kabyles  ;  mais  le  convoi  bien  défendu  parvint 
à  destination  sans  avoir  laissé  une  voiture  en  ar- 
rière; malheureusement,  l'escorte  avait  eu  cinq 
hommes  tués  et  cinquante-deux  blessés.  Aussitôt 
le  colonel  de  Saint-Arnaud  se  mit  à  la  poursuite 
des  Béni  -  Hidja,  dont  il  ravagea  impitoyable- 
ment le  territoire  pendant  que  le  général  de  Bour- 
jolly  agissait  contre  les  Sbéa.  Une  peine,  inconnue 
jusqu'alors,  avait  été  décrétée  contre  les  rebelles 
parle  maréchal  Bugeaud  :  le  désarmement.  Pour 

II.  2 


18  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

ces  tribus  guerrières,  c'était  la  plus  terrible  de 
toutes. 

Rien  n'y  faisait.  Le  28  avril,  un  grand  posle, 
Orléansville  même,  vit  ses  retranchements  insultés 
par  Bou-Maza,  qui  avait  soulevé  et  ameuté  toute 
la  vallée  du  Cliélif.  Il  va  sans  dire  qu'il  fut  re- 
poussé; mais  encore  plus  que  l'attaque  du  camp 
des  Gorges,  cette  tentative  insensée  fut  célébrée 
parmi  les  Arabes  et  les  Kabyles  à  l'égal  d'une  vic- 
toire. L'insurrection  avait  gagné  l'Ouarensenis. 
Mohammed-bel-Hadj  lui-même,  l'agha  des  Beni- 
Ouragb,  devenait  suspect. 

Le  2  mai,  le  maréchal  Bugeaud  partit  d'Alger 
avec  le  duc  de  Montpensier,  qui  avait  réclamé 
l'honneur  de  faire  campagne  avec  lui.  Une  co- 
lonne de  sept  bataillons,  zouaves,  3'  chasseurs  à 
pied,  tirailleurs  indigènes,  6*  léger,  36'  de  ligne, 
de  trois  escadrons,  chasseurs  d'Afrique  et  spahis, 
et  d'une  batterie  de  montagne,  d'un  effectif  total 
de  cinq  mille  cinq  cents  baïonnettes  et  cinq  cents 
chevaux,  avec  mille  mulets  de  bât,  attendait  le 
gouverneur  sous  Miliana.  Une  seconde  colonne  de 
trois  bataillons,  un  escadron  et  deux  pièces  de 
montagne,  sous  les  ordres  du  général  Reveu,  était 
en  avant-garde  au  confluent  de  l'Oued-Rouina  et 
du  Chélif.  Le 7  mai,  le  maréchal  prit  le  comman- 


SIDI-EL-ARIBI.  19 

dément  et  pénétra,  le  9,  dans  l'Ouarensenis  in- 
surgé. Il  marchait  à  petites  journées,  détruisant 
les  gourbis,  les  moissons,  les  vergers,  recevant 
d'ailleurs  plus  d'averses  que  de  coups  de  fusil.  Les 
insurgés  s'écartaient  de  sa  route;  à  peine  y  eut-il 
à  l'arrière-garde  quelques  petites  affaires  qu'il  y 
aurait  excès  à  nommer  des  combats.  Le  22  mai, 
la  colonne  du  maréchal  et  celle  du  général  Reveu 
vinrent  prendre  des  vivres  aux  magasins  d'Or- 
léansville. 

Pendant  ce  temps,  l'effort  de  l'ennemi  s'était 
porté  dans  le  Dahra  contre  Saint-Arnaud.  Bou- 
Maza  était  rentré  chez  les  Ouled-Djounès  et  s'y 
fit  battre  encore  une  fois  avec  eux,  sans  que  ce 
nouvel  échec  portât  la  moindre  atteinte  à  la  foi 
qu'il  leur  avait  inspirée.  Dans  cette  dernière  ren- 
contre, les  combattants  kabyles  appartenaient  à 
sept  tribus  différentes.  Battu  par  Saint-Arnaud, 
le  1"  juin,  Bou->Iaza  se  fit  battre  derechef  dix 
jours  plus  tard,  non  plus  par  le  colonel,  mais  ce 
qui  était  plus  grave,  par  Sidi-el-Aribi,  un  Arabe  ! 
L'affaire  eut  lieu  chez  les  Beni-Zerouel  ;  elle  fut 
vive  et  la  victoire  du  khalifa  complète.  Le  chérif 
lui  abandonna  deux  drapeaux,  trente  chevaux  et 
sept  prisonniers  seulement  ;  mais  quatre  cents 
morts  gisaient  sur  le  champ   de  bataille.    Pour 

2. 


20  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

coiiible  de  disgrâce,  il  faillit,  quelques  jours 
après,  tomber  entre  les  mains  de  l'agha  des 
Sendja,  demeuré  fidèle  comme  Sidi-el-Aribi;  puis, 
ayant  échappé  presque  seul  à  la  poursuite,  il  dis- 
parut dans  rOuarensenis,  et,  pour  quelque  temps, 
on  n'entendit  plus  parler  de  lui. 

11  ne  restait  plus  qu'à  réduire  par  le  désarme- 
ment les  tribus  des  deux  bords  du  Cliélif.  Trois 
colonnes  y  étaient  destinées,  sous  les  ordres  des 
colonels  Pélissier,  Saint-Arnaud  et  Ladmirault. 
Après  avoir  donné  à  chacun  d'eux  son  rôle,  le  ma- 
réchal prit  la  mer  à  ïenès  pour  Alger,  où  il  rentra 
le  12  juin.  La  colonne  Pélissier  se  composait  du 
3'  bataillon  de  chasseurs  à  pied,  de  deux  batail- 
lons du  6"  léger,  d'un  bataillon  du  36*  de  ligne, 
d'un  escadron  de  chasseurs,  d'une  section  d'obu- 
siers  de  montagne  et  d'un  détachement  de  sa- 
peurs; l'effectif  était  de  deux  mille  cinq  cents 
hommes.  Sa  mission  était  d'opérer  dans  l'ouest 
du  Dahra,  pendant  que  la  colonne  Saint-Arnaud 
agirait  au  nord  et  la  colonne  Ladmirault  dans 
l'est. 

L'année  précédente,  au  mois  de  juin  1841,  le 
général  Gavaignac,  alors  colonel,  s'était  trouvé 
dans  un  cas  extrême.  Il  opérait,  sur  la  rive  gau- 
che du  Chélif,  contre  les  Sbéa  qui  s'étaient  retirés 


LES    GROTTES    DU    DAHRA.  21 

dans  leurs  grottes.  A  toutes  ses  sommations  ils 
avaient  refusé  de  se  rendre  ;  un  capilaine  du  5  ba- 
taillon de  chasseurs,  M.  de  Jouvencourt,  envoyé 
sur  sa  demande  en  parlementaire,  avait  été  reçu 
à  coups  de  fusil  et  tué.  Alors  le  colonel  avait 
donné  au  commandant  du  génie  Tripier  Tordre 
d'attaquer  une  des  grottes  par  la  mine,  et  il  avait 
fait  allumer  un  grand  feu  devant  l'issue  d'une 
autre.  La  nuit  suivante,  un  sergent  de  zouaves 
avait  eu  l'épaule  fracassée  d'une  balle;  vers  minuit, 
onze  Kabyles  étaient  sortis  de  la  grotte  enfumée; 
cinq  avaient  été  tués;  les  six  autres  avaient  pu 
s'enfuir.  Le  lendemain,  les  assiégés,  dont  quel- 
ques-uns étaient  déjà  morts  d'asphyxie,  avaient 
enfin  consenti  à  sortir. 

Un  an  plus  lard,  au  mois  de  juin  1 845,  le  colo- 
nel Pélissier  se  trouva  dans  une  situation  exacte- 
ment pareille.  Les  Ouled-Ria,  contre  lesquels  il 
avait  ordre  d'agir,  s'étaient  aussi  renfermés  dans 
leurs  grottes  qui  étaient  profondes.  Pendant  qu'on 
cherchait  à  les  investir,  ils  blessèrent  cinq  hom- 
mes. Les  prendre  de  vive  force  était  impossible  ; 
les  réduire  par  blocus  était  dillicile,  car  on  savait 
qu'ils  avaient  des  vivres  et  de  l'eau  ;  un  ruisseau 
souterrain  traversait  la  montagne.  Le  colonel  Pé- 
lissier fit  ce  qu'avait  fait   le  colonel  Cavaignac. 


22  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Après  qu'aux  dernières  sommations  les  assiégés 
eurent  répondu  par  des  coups  de  fusil,  des  fas- 
cines, descendues  du  haut  des  rochers,  furent 
allumées  devant  l'entrée  des  grottes;  le  feu  brûla 
toute  la  nuit. 

Le  lendemain,  19  juin,  au  point  du  jour,  un 
des  Kabyles  se  montra  ;  le  colonel  lui  fit  crier  que 
ni  lui  ni  personne  des  siens  n'avait  rien  à  crain- 
dre, qu'aucun  d'eux  ne  serait  conduit  prisonnier 
à  Mostaganem,  que  chacun  serait  libre  de  rentrer 
«hez  soi,  mais  qu'il  fallait  d'abord  faire  soumission 
et  livrer  les  armes.  Les  pourparlers  durèrent  trois 
heures;  les  assiégés  exigeaient  la  retraite  préa- 
lable des  troupes  qui  les  tenaient  investis  :  condi- 
tion inadmissible.  Un  dernier  quart  d'heure  leur 
fut  accordé  pour  réfléchir;  le  quart  d'heure  ex- 
piré, un  carabinier  des  chasseurs  fut  frappé  d'une 
balle  kabyle. 

Il  était  dix  heures.  Des  fascines  furent  amassées 
sur  le  foyer  de  la  veille,  mais  elles  ne  furent  en- 
flammées qu'à  deux  heures.  Les  grottes ,  qui 
étaient  plutôt  un  tunnel,  avaient  deux  issues,  à 
des  niveaux  différents.  Il  se  produisit  de  l'une  à 
l'autre  un  tirage  qui  établit  sur  une  longueur  de 
cent  quatre-vingts  mètres  un  courant  de  feu  et  de 
fumée.  L'incendie  gagna  les  bagages  des  réfugiés. 


LES    GROTTES    DU    DAHRA.  23 

Pendant  la  nuit,  on  crut  entendre  des  abords  de 
la  montagne  un  bruit  confus,  des  clameurs  sour- 
des; puis  rien  ne  troubla  plus  le  silence.  Long- 
temps avant  le  jour,  quelques  hommes  suffo- 
quant vinrent  tomberdevant  les  sentinelles.  On  se 
hâta  de  les  relever  et  d'envoyer  reconnaître  l'en- 
trée des  grottes;  mais  une  fumée  si  épaisse  et  si 
acre  les  remplissait  qu'il  fut  impossible  d'y  péné- 
trer d'abord.  Cependant,  on  en  voyait  sortir  de 
temps  à  autre  des  êtres  presque  méconnaissables, 
qui  rampaient,  et  que  d'autres,  fanatisés  jusque 
dans  l'asphyxie,  essayaient  d'arrêter  en  tirant  sur 
eux.  Quand  on  put  enfin  visiter  la  fournaise 
éteinte,  on  y  compta  plus  de  cinq  cents  victimes, 
hommes,  femmes,  enfants.  L'étendue  de  ce  dé- 
sastre frappa  tous  les  assistants  de  stupeur.  <(  Ce 
sont  là,  Monsieur  le  maréchal,  a  dit  le  colonel 
Pélissier  dans  son  rapport,  de  ces  opérations  que 
l'on  entreprend  (juand  on  y  est  forcé,  mais 
que  l'on  prie  Dieu  de  n'avoir  à  recommencer 
jamais.  » 

Le  tragique  événement  fut  vivement  commenté 
en  France  et  au  dehors.  Interpellé  à  la  Chambre 
des  pairs,  le  maréchal  Soult  fit  une  réponse  em- 
barrassée, qui  ne  parut  satisfaisante  à  personne. 
Quelle  que  fût  son  opinion  personnelle  au  sujet 


24  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

de  l'acte  reproché  à  son  subordonné,  le  maréchal 
Bugeaud  avait  trop  le  sentiment  de  l'autorité  pour 
hésiter  à  le  couvrir.  Il  écrivit  au  ministre  de  la 
guerre  :  «  Je  regrette,  Monsieur  le  maréchal,  que 
vous  ayez  cru  devoir  blâmer,  sans  correctif  aucun, 
la  conduite  de  M.  le  colonel  Pélissier.  Je  prends 
sur  moi  la  responsabilité  de  son  acte  ;  si  le  gou- 
vernement jugeait  qu'il  y  a  justice  à  faire,  c'est 
sur  moi  qu'elle  doit  être  faite.  J'avais  ordonné 
au  colonel  Pélissier,  avant  de  nous  séparer  à  Or- 
léansville,  d'employer  ce  moyen  à  la  dernière 
extrémité;  et,  en  effet,  il  ne  s'en  est  servi  qu'après 
avoir  épuisé  toutes  les  ressources  de  la  concilia- 
tion. C'est  à  bon  droit  que  je  puis  appeler  déplo- 
rables, bien  que  le  principe  en  soit  louable,  les 
interpellations  de  la  séance  du  1 1  juillet.  Elles 
produiront  sur  l'armée  un  bien  pénible  effet,  qui 
ne  peut  que  s'agrandir  par  les  déclamations  furi- 
bondes de  la  presse.  Avant  d'administrer,  de  ci- 
viliser, de  coloniser,  il  faut  que  les  populations 
aient  accepté  notre  loi.  Mille  exemples  ont  prouvé 
qu'elles  ne  l'acceptent  que  par  la  force,  et  celle-ci 
même  est  impuissante,  si  elle  n'atteint  pas  les  per- 
sonnes et  les  intérêts.  Par  une  rigoureuse  philan- 
thropie, on  éterniserait  la  guerre  d'Afrique  en 
même  temps  que   l'esprit    de   révolte,  et  alors 


INSURRECTION    DANS    L'EST.  25 

on  n'atteindrait  même  pas  le  but  pliilanthro- 
pique.  » 

Effrayées  par  la  terrible  leçon  que  leur  donnait 
le  sort  des  Ouled-Ria,  toutes  les  tribus  du  Dabra 
et  de  rOiiarensenis  cessèrent  la  résistance;  mais, 
d'autre  part,  l'esprit  d'insurrection  s'était  propagé 
dans  l'est;  un  fanatique,  nommé  Bou-Cbareb, 
avait  soulevé  le  Djebel-Dira.  Comme  cette  région 
montagneuse  était  sur  les  confins  des  provinces 
d'Alger  et  de  Constantine,  le  général  Marey  y  ac- 
courut de  Médéa  et  le  général  d'Arbouville  de 
Sétif  ;  prise  entre  deux  feux,  l'insurrection  ne  dura 
guère  dans  ces  parages,  mais  par  l'Ouennouglia 
elle  atteignit  dans  le  nord  le  versant  méridional  du 
Djurdjura  et  trouva  des  adhérents  chez  les  Ouled- 
bou-Aziz.  Lesdeuxgénéraux  l'y  poursuivirent  et  lui 
infligèrent,  le  10  juin,  un  châtiment  sévère.  Onze 
villages  des  OuIed-bou-Aziz  furent  brûlés  en  un 
seul  jour. 

Ce  n'est  pas  tout.  Par-dessus  les  crôtes  du 
Djurdjura,  l'agitation  avait  gagné  le  cercle  de 
Dellys.  Là  Ben-Salem  et  Bel-Kassem  la  détour- 
nèrent à  leur  profitcontre  Ben-Zamoun,  l'aglin  des 
Flissa  institué  par  le  maréchal  Bugeaud.  Ben-Za- 
moun demanda  du  secours  au  général  Gentil,  qui 
occupait  avec  trois  bataillons  le  col  des  Beni-Aï- 


26  LA   CONQUETE    DE    L'ALGÉRIE. 

cha.  Autorisé  par  le  gouverneur,  le  général  s'éta- 
blit, le  22  juin,  en  avant  de  Dellys;  mais  sa  pré- 
sence, au  lieu  de  rétablir  le  calme  dans  le  cercle, 
ne  fit  qu'exaspérer  l'insolence  des  Kabyles  insou- 
mis. Les  choses  en  vinrent  même  au  point  que  le 
maréchal  Bugeaud  se  vit  obligé  d'envoyer  à  Del- 
lys de  nombreux  renforts  et  de  s'y  porter  lui- 
même. 

Le  25juillet,il  pritlecommandement  d'une  co- 
lonne de  dix  bataillons  et  de  deux  escadrons,  avec 
artillerie  de  montagne  et  détachement  de  sapeurs. 
Les  principales  tribus  insurgées  étaient  les  Beni- 
Ouaguenoun  et  les  Beni-Mimoun.  Telle  étaitla  ter- 
reur que  réveillaitdans  ces  montagnes  le  seul  nom 
de  Bugeaud  qu'il  ne  lui  fut  pas  même  nécessaire  de 
combattre.  Les  deux  tribus  s'empressèrent  de  de- 
mander Vaman  et  de  payer  la  contribution  de 
guerre.  Une  tribu  encore  plus  puissante,  les  Beni- 
Raten,  qui  se  sentaient  menacés,  conjurèrent  l'o- 
rage en  priant  le  maréchal  d'épargner  à  leur 
pauvre  et  rude  pays  les  maux  d'une  lutte  qui  ne 
donnerait  de  profit  à  personne.  La  chaleur  était 
grande;  le  gouverneur  n'était  pas  en  mesure 
d'exécuter  ses  grands  projets  sur  la  Kabylie. 
Satisfait  pour  le  moment  d'avoir  rétabli  Tordre 
autour  de  Dellys,  il  rentra  le  7  août  à  Alger. 


ABD-EL-KADER.  27 

L'insurrection  semblait  comprimée  partout,  à 
Test  et  à  l'ouest  ;  mais  il  y  avait  Abd-el-Kader  qui, 
de  sa  personne,  ayant  quitté  le  Maroc  où  sa  deïra 
continuait  de  vivre,  avait  recommencé  depuis  deux 
mois  ses  courses  rapides  dans  le  sud.  D'abord, 
dans  les  premiers  jours  de  mai,  afin  de  détruire 
l'effet  des  opérations  de  la  colonne  Géry,  l'émir 
s'était  porté  sur  Stitten  qu'il  avait  mis  au  pillage, 
puis  il  était  allé  menacer  d'une  razzia  les  Harar.  La 
Moricière  se  tenait  en  avant  de  Frenda  et  Bour- 
jolly  près  de  Tiaret. 

i<  Je  m'attends  d'un  jour  à  l'autre,  écrivait,  le 
22  mai,  le  maréchal  Bugeaud  à  La  [Moricière, 
je  m'attends  d'un  jour  à  l'autre  à  apprendre 
qu'Abd-el-Kader  s'est  montré  sur  l'un  ou  sur 
l'autre  point  du  Tell,  ce  que  ni  vous,  ni  moi,  ni 
personne  ne  pouvons  empêcher,  quoique  nous 
soyons  vingt  fois  plus  forts  qu'il  ne  faut  pour 
le  battre.  C'est  que  nous  avons  à  protéger  le 
pays  conquis  sur  une  ligne  considérable,  et  que 
nous  devons  surtout  être  prompts  à  arrêter  les 
effets  de  son  influence  morale,  cent  fois  plus 
puissante  que  sa  force  matérielle.  S'il  n'avait  que 
celle-ci,  nous  pourrions,  sans  de  grands  inconvé- 
nients, lui  laisser  faire  une  pointe  dans  le  Tell; 
mais  son  ascendant  sur  les  populations  nous  im- 


28  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

pose  l'obligation  de  l'arrêter  le  plus  complètement 
possible.  De  là,  nécessité  de  diviser  nos  forces;  de 
sorte  que,  quoique  vous  ayez  une  nombreuse  ca- 
valerie, vous  ne  pouvez  avoir  à  chaque  colonne 
un  nombre  de  cavaliers  qui  égale  le  quart  de  ceux 
qu'il  peut  vous  présenter.  D'un  autre  côté,  comme 
il  n'a  plus  que  des  tribus  nomades  dont  vous  ne 
pouvez  atteindre  que  très  difficilement  les  intérêts, 
votre  rôle  est  devenu  à  peu  près  défensif  ;  c'est 
certainement  ce  qu'il  y  a  de  plus  difficile.  » 

A  la  tête  de  quelques  centaines  de  cavaliers, 
Abd-el-Kader  faisait  des  courses  d'une  rapidité 
sans  égale  :  soixante  lieues,  par  exemple,  en  trois 
jours.  Afin  d'être  prêtes  à  se  porter  aussi  vite  que 
possible  sur  un  point  menacé,  les  troupes  de  La 
Moricière  travaillaient  à  relier  par  un  chemin  con- 
tinu, sur  une  ligne  de  quatre-vingts  lieues,  les 
quatre  postes  de  Sebdou,  Daya,  Saïda  et  Tiaref, 
qui  servaient  d'appui  aux  colonnes  d'observation. 
Tout  le  mois  de  juin  se  passa  de  la  sorte  sur  le 
qui-vive.  Enfin,  on  apprit  d'une  manière  certaine 
que  l'émir  était  rentré  par  Figuig  dans  le  Maroc, 
cil  il  avait  retrouvé  sa  deïra  non  seulement  sans 
inquiétude,  mais  prospère  et  recrutée  par  un  si 
grand  nombre  d'adhérents  venus  de  toutes  paris 
qu'on  y  pouvait  compter   plus   de  deux   mille 


LES    MAROCAINS.  29 

tentes.  Il  était  évident  que  l'article  IV  du  traité  de 
Tanger  était  bel  et  bien  lettre  morte. 

«  Les  Marocains,  écrivait  La  Moricière  à  Bour- 
jolly,  ne  paraissent  pas  avoir  envie  de  nous  faire 
la  guerre;  quand  je  dis  les  Marocains,  je  devrais 
dire  leur  gouvernement.  Quant  aux  tribus  de  la 
frontière,  celles  au  milieu  desquelles  est  établie 
la  deïra  d'Abd-el-Kader,  le  kaïd  d'Oudjda  les  em- 
pêche de  commettre  des  actes  d'hostilité  dans  le 
Tell  ;  mais  elles  ont  été  si  bien  prêchées  et  fanati- 
sées par  Abd-el-Kader  qu'elles  sont  aujourd'hui 
plutôt  à  lui  qu'à  Mouley-Abd-er-Rahmane;  et 
comme  ces  tribus  sont  nombreuses  et  puissantes, 
qu'elles  occupent  un  pays  fort  difficile  et  en  géné- 
ral fort  mal  soumis,  je  crois  que  l'empereur, 
alors  même  qu'il  en  aurait  la  ferme  intention, 
serait  fort  embarrassé  pour  employer  des  mesures 
coercitives  contre  la  base  d'opération  que  Témir 
s'est  créée  dans  ses  États.  On  ne  peut  se  dissi- 
muler qu'en  présence  d'une  semblable  situation, 
le  traité  avec  les  Marocains  ne  soit  assez  difficile  à 
rajuster.  » 

Enfin,  le  maréchal  Soult  écrivait  lui-même  au 
gouverneur  :  «  Sans  doute,  il  est  pénible  d'être 
réduit  à  exercer  une  défensive  otfensive  après  deux 
traités,  l'un  de  paix,  l'autre  de  délimitation,  qui 


30  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

devraient  nous  inspirer  une  sécurité  parfaite,  s'ils 
étaient  loyalement  exécutés;  mais  c'est  un  mal 
qui  durera  encore  longtemps,  au  moins  pen- 
dant l'existence  d'Abd-el-Kader.  Il  convient  de 
chercher  un  remède  à  cette  situation,  qui  n'est  ni 
paix  ni  guerre,  dans  une  activité  extrême,  une 
excessive  vigilance  et  une  mobilité  telle  qu'elle 
nous  permette  de  faire  face  à  toutes  les  éven- 
tualités. » 

Le  maréchal  Bugeaud  n'en  prenait  pas  aussi 
facilement  son  parti.  Gomme  il  voulait  traiter  cette 
question  et  quelques  autres  personnellement  avec 
le  maréchal  Soult,  il  prit  un  congé,  laissa  de 
nouveau  l'intérim  du  gouvernement  à  La  Mori- 
cière,  et  s'embarqua,  le  4  septembre,  pour  la 
France.  «  Si  l'on  ne  me  comprend  pas,  avait-il 
dit  quelques  jours  auparavant  à  Saint-Arnaud,  ou. 
si  l'on  ne  veut  pas  me  comprendre,  je  ne  revien- 
drai pas.  Si  tout  s'arrange,  comme  je  le  crois,  je 
serai  de  retour  dans  les  premiers  jours  de  no- 
vembre. )) 


GRIEFS   DU   MARÉCHAL.  31 


III 


Le  maréchal  Bugeaud  était  mécontent;  son  mé- 
contentement avait  plusieurs  causes.  La  première 
de  toutes  était  l'hostilité  plus  ou  moins  ouverte, 
plus  ou  moins  loyale,  qu'il  rencontrait  dans  les 
bureaux  de  la  direction  de  l'Algérie,  au  ministère 
de  la  guerre.  La  colonie  vivait,  depuis  sept  ans, 
sous  le  régime  institué  par  l'ordonnance  royale 
du  31  octobre  1838,  de  telle  sorte  que  les  affaires, 
au  point  de  vue  civil,  étaient  administrées,  sous 
l'autorité  supérieure  du  gouverneur  général,  par 
un  directeur  de  l'intérieur,  un  directeur  des  fi- 
nances et  un  procureur  général.  Or,  disait-on  à 
Paris,  comme  IM.  le  maréchal  Bugeaud  est  tou- 
jours en  expédition,  les  affaires  en  souffrent;  mais 
le  remède  à  ce  petit  désordre  est  facile;  il  n'y  a 
qu'à  créer  un  directeur  général  des  affaires  ci- 
viles, personnage  considérable  qui  centralisera 
tous  les  services  et  qui  aura  la  présidence  du  con- 
seil d'administration  avec  la  signature,  en  l'ab- 


32  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

sence  du  maréchal.  Il  ne  manquait  pas,  en  effet, 
de  gens  qui  regrettaient  «  les  longues  absences  » 
du  gouverneur  et  qui  lui  conseillaient  de  laisser  à 
ses  lieutenants  les  affaires  de  guerre  et  de  gou- 
verner. «  Je  vous  réponds  à  tous,  écrivait-il  à  M.  de 
Corcelles,  que  je  vais  au  plus  pressé,  au  plus  im- 
portant, et  que,  quand  le  feu  sera  à  mon  grenier, 
je  ne  resterai  pas  à  la  cuisine  pour  voir  si  la  vo- 
laille est  bien  embrochée.  Excusez  cette  vulgaire 
comparaison.  Mais,  en  vérité,  qu'étaient  donc  les 
affaires  civiles  en  comparaison   de  celles  de  la 
guerre?  Fallait-il  que  je  restasse  à  Alger  à  discuter 
Téclairage,  le  pavage,  tel  ou  tel  alignement,  une 
vente  aux  enchères,  la  police  des  filles,  etc.,  pen- 
dant que   mes  lieutenants  auraient  fait  la  guerre 
bien  ou  mal,  ou  bien  et  mal?  Mais  qu'aurait-on  dit? 
Que  le  gouverneur  était  lâche  et  fainéant.  On  au- 
rait eu  raison  cette  fois.  Avant  de  partir  et  à  mes 
rentrées,  j'ai  donné  l'impulsion  la  plus  active  et  il 
y  a  un   assez  grand   luxe  d'administration   pour 
que  les  affaires  se  fissent  en  mon  absence.  Elles 
se  sont  faites,  rien  n'est  en  arrière,  et  les  bureaux 
de  la  guerre  doivent  être  satisfaits.  » 

Au  premier  indice  de  ce  qui  se  tramait  à  Paris, 
le  maréchal  se  cabra  :  «  Il  paraît,  écrivait-il  au 
mois  de  janvier  1 845,  qu'on  voulait,  au  ministère  de 


GRIEFS    DU    MARÉCHAL.  33 

la  guerre,  enlever  l'ordonnance  sur  l'Algérie  sans 
consulter  le  cabinet  ni  moi.  On  était  convaincu, 
en  vraies  mouches  du  coche,  que  l'Algérie  ne  pou- 
vait vivre  sans  l'application  de  cette  œuvre  si  lon- 
guement élaborée  par  lesdites  mouches;  mais  l'é- 
veil a  été  donné  à  temps.   Je  sais  que  plusieurs 
ministres  doivent  demander  que  ce  travail  de  Pé- 
nélope soit  revu  au  Conseil  d'État.  C'est  un  moyen 
dilatoire  qui  pourra  bien  devenir  une  fin  de  non- 
recevoir.  »  Le  maréchal  se  faisait  illusion  :  le  pro- 
jet ne  fut  pas  abandonné.  Il   fut  seulement  mo- 
difié de  manière  à  supprimer  le  dualisme  que  ses 
auteurs  avaient  voulu  rétablir,  comme  au  temps 
du  duc  de  Rovigo  et  du  général  Voirol;  un  direc- 
teur général  des  affaires  civiles  fut  bien  superposé 
aux  trois  principaux  chefs  du  service,  mais  sans 
droit  à  la  présidence  ni  à  la  signature  ;  c'était 
une  cinquième  roue  au  carrosse  algérien.    Telle 
quelle,    l'ordonnance  du    15  avril  1845  n'en  fut 
pas  moins  rendue  contre  le  gré  du  maréchal  qui 
en  conçut  un  vif  ressentiment. 

Un  autre  de  ses  griefs,  non  moins  vif,  était  re- 
latif à  la  presse.  Il  y  avait  deux  feuilles  spéciales, 
l'Afrique  et  l'Algérie,  qui  lui  étaient  plus  que  dés- 
agréables, odieuses,  la  seconde  surtout,  parce 
que  ses  rédacteurs  passaient  pour  être  les  bien- 
u.  3 


34  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

venus  dans  les  bureaux  de  la  guerre.  Le  maré- 
chal y  était  personnellement  et  amèrement  criti- 
qué, tandis  que  le  journal  faisait  des  ovations  à 
ses  lieutenants,  un  seul  excepté,  Saint-Arnaud. 
A  cet  indice,  on  pourrait  soupçonner  l'inspiration 
de  Changarnier.  Dans  son  exaspération,  le  gou- 
verneur avait  d'abord  égaré  ses  soupçons  du  côté 
de  La  Moricière,  mais  tout  de  suite  il  lui  en  avait 
fait  ses  excuses.  «  Je  vous  remercie,  lui  écrivit 
son  lieutenant,  de  penser  que  je  suis  étrangeraux 
articles  de  l' Algérie.  Autrefois  vous  avez  douté  de 
la  loyauté  de  mes  intentions;  j'en  ai  été  profon- 
dément blessé,  je  ne  vous  l'ai  pas  caché.  Le  temps 
et  les  affaires,  ces  deux  grandes  épreuves  des 
hommes,  vous  ont  amené  à  me  juger  plus  équita- 
blement;  j'en  rends  grâces  au  ciel.  Il  serait  fort 
malheureux  que,  se  laissant  prendre  à  des  ma- 
nœuvres perfides,  les  hommes  arrivassent  à  douter 
les  uns  des  autres,  alors  que  leur  union  est  plus 
nécessaire  que  jamais  au  succès  des  choses  et  à 
l'intérêt  du  pays.  Il  serait  fâcheux  surtout  qu'ils 
prissent  le  public  pour  confident  et  pour  juge  de 
leurs  différends.  Pour  moi,  je  repousse  la  situation 
de  rivalité,  d'opposition,  dans  laquelle  on  veut 
me  placer  par  rapport  à  vous,  Monsieur  le  maré- 
chal; je  la  repousse  parce  qu'elle  répugne  à  mon 


LE    MARÉCHAL    ET    LA    PRESSE.  35 

caractère;  je  la  repousse  au  nom  de  la  discipline 
de  l'armée,  que  tout  homme  qui  aime  son  pavs 
doit  respecter,  parce  qu'elle  sera  certainement 
un  jour  la  garantie  la  plus  sûre  de  son  indépen- 
dance. » 

Il  y  a,  sur  ce  sujet  des  journaux,  une  lettre  très 
originale  et  très  curieuse  du  maréchal  Bugeaud 
au  général  de  Bourjolly.  Remarquons  en  passant 
que  Bourjolly  était  bien  placé  dans  son  estime. 
«  Je  ne  trouve  pas  du  tout  mauvais,  lui  écrivait 
un  jour  le  gouverneur,  que  vous  ayez  l'ambition 
de  devenir  lieutenant  général.  Je  serais  très  fâché 
que  vous  n'eussiez  pas  d'ambition  ;  c'est  une  très 
bonne  chose  quand  elle  tourne  au  profit  du  pays. 
11  n'est  pas  mai  non  plus  de  connaître  sa  propre 
valeur;  il  n'y  a  que  les  sots  qui  ne  la  connaissent 
pas  et  qui  l'exagèrent.  » 

Voici  la  lettre  sur  la  presse;  elle  est  datée  du 
5  juin  1845,  au  bivouac  de  l'Oued-bou-Zegzag, 
dans  rOuarensenis  :  «  Je  vous  remercie  de  m'a- 
voir  envoyé  vos  journaux.  Avez-vous  rien  vu  de 
plus  faux,  de  plus  ridicule  et  de  plus  odieux  que 
l'Afrique  et  l'Algérie,  mais  surtout  l'Algérie,  car 
elle  est  encore  plus  révoltante  que  l'Afrique?  A 
présent,  mon  cher  général,  me  permettrez-vous 
quelques  observations  sur  votre  abonnement  au 

3- 


36  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Siècle,  et  même  à  l'Afrique  et  à  V Algérie?  Pour 
Z'A/^er/e,  lesobservalions  portent  sur  moi-même, 
car  j'ai  eu  la  faiblesse  de  m'y  abonner,  ce  que  je 
ne  renouvellerai  pas.  Je  conçois  très  bien  que 
vous  ayez  le  désir  de  lire  un  journal  de  l'op- 
position comme  le  Siècle,  et  moi  aussi  je  les  lis 
quand  j'en  trouve  l'occasion,  mais  je  ne  les  paye 
pas,  de  même  que  je  me  garderais  de  donner  des 
armes,  des  munitions  et  des  vivres  à  Abd-el-Ka- 
der.  Vous  n'avez  certainement  pas  l'opinion  du 
Siècle:  pourquoi  donc  l'alimentez-vous?  Ne  pour- 
riez-vous  pas  charger  quelqu'un  à  Paris  de  vous 
procurer  le  Siècle  de  seconde  main?  Vous  l'auriez 
un  peu  plus  lard  une  première  fois,  et  voilà  tout. 
Plusieurs  personnes  à  qui  j'ai  dit  la  même  chose 
m'ont  répondu  :  «  Bah!  qu'est-ce  qu'un  abonne- 
«  ment  de  plus  ou  de  moins?»  Oui,  un  abonnement 
n'est  rien  ;  mais  comme  vingt-cinq  ou  trente  mille 
personnes  font  à  l'égard  du  Siècle  le  même  rai- 
sonnement, il  en  résulte  que  ce  journal  a  qua- 
rante-cinq mille  abonnés  dont  plus  de  moitié  n'ap- 
partiennent pas  à  son  opinion.  Cependant  il  est 
autorisé  à  dire  :  Vous  voyez  bien  que  je  repré- 
sente l'opinion  de  la  France,  puisque  je  suis  le 
journal  qui  a  le  plus  d'abonnés,  et  il  persévère 
avec  d'autant  plus   d'ardeur  dans  sa  détestable 


i 


LE  MARÉCHAL  ET  LA  PRESSE.        37 

ligne  qu'il  reçoit  plus  d'argent.  Ne  faisons  pas 
comme  ces  tirailleurs  qui,  un  jour  de  bataille, 
s'arrêtent  derrière  un  arbre  ou  un  rocher  en  se 
disant  :  «  Un  homme  de  moins  n'empêchera  pas 
«  de  gagner  la  bataille  »;  mais  comme  des  milliers 
de  tirailleurs  font  en  même  temps  le  même  raison- 
nement, il  en  résulte  que  la  bataille  ne  marche 
pas.  »  Notons  ici  que  le  maréchal  Bugeaud  qui, 
comme  Napoléon  P"",  détestait  la  presse,  se  faisait, 
comme  lui,  très  souvent  journaliste;  le  Moniteur 
algérien  de  ce  temps-là  est  rempli  de  ses  articles. 
«  Les  mauvais  tours  dont  vous  avez  à  vous  plain- 
dre, lui  écrivait  son  ami  M,  de  Corcelles,  vous 
viennent  en  grande  partie  de  votre  humeur  d'op- 
position et  aussi  de  votre  goût  pour  la  polé- 
mique écrite,  car  bien  que  vous  soyez  un  grand 
homme  d'action,  je  vous  considère  comme  un  très 
superbe  opposant  et  un  très  habile  journaliste. 
Vous  n'aimez  pourtant  ni  l'opposition  ni  les  jour- 
naux. Toute  votre  vie  vous  serez  journaliste  contre 
les  journaux;  mais  comme  vous  serez  mieux  que 
cela,  il  n'y  aura  pas  grand  mal.  » 

Pour  en  revenir  aux  griefs  du  gouverneur,  le 
plus  grand  reproche  qu'il  faisait  à  l'administration 
de  la  guerre  était  de  contrecarrer  ses  idées  sur  la 
colonisation.  Nous  faisons  exclusivement  l'histoire 


38  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

de  la  conquête  :  l'histoire  de  la  colonisation  est 
un  sujet  tout  à  fait  distinct  et  que  nous  ne  voulons 
pas  traiter;  néanmoins,  il  nous  est  impossible  de 
n'y  pas  toucher  en  cet  endroit,  parce  que  ce  grave 
problème  a  pesé  d'un  poids  lourd  sur  l'esprit  et  sur 
les  résolutions  du  maréchal  Bugeaud. 

Dans  sa  proclamation  d'arrivée,  au  mois  de  fé- 
vrier 1841,  il  s'était  déclaré  «  colonisateur  arden  t  » , 
mais  colonisateur  à  sa  manière,  car  il  parlait  de 
villages  militairement  constitués.  Il  était  loin  d'être 
un  érudit,  et  l'on  ne  voit  pas  qu'il  ait  eu,  comme  le 
maréchal  Clauzel,  l'imagination  hantée  par  les 
grands  souvenirs  de  Rome;  cependant,  comme  les 
Romains,  il  voulait  assurer,  consolider  la  conquête 
par  des  colonies  militaires.  Les  colons  auraient  été 
des  soldats  libérables  ou  n'ayant  plus  que  quelques 
années  de  service  à  faire  ;  ils  auraient  reçu  de 
l'Etat  des  maisons,  des  instruments  et  des  terres 
qu'ils  auraient  cultivées  en  commun;  des  congés 
leur  auraient  été  accordés  pour  aller  en  France  se 
marier  et  revenir  en  ménage.  Les  premiers  essais 
ne  furent  pas  heureux.  Trois  villages  créés,  d'a- 
près ce  thème,  aux  environs  d'Alger,  Fouka,  Mered 
et  Maèlma,  durent,  après  expérience  faite,  rentrer 
sous  le  régime  civil.  Néanmoins,  le  gouverneur, 
opiniâtre  et  tenace,  ne  démordait  pas  de  son  idée. 


COLOMSATION   MILITAIRE.  39 

Ce  n'est  pas  qu'il  fût  absolument  contraire  à  la  co- 
lonisation civile  ;  elle  fit  même  des  progrès  nota- 
bles sous  son  gouvernement;  mais  c'était  la  colo- 
nisation militaire  qui  avait  ses  préférences.  Quand, 
en  1843,  les  trappistes  arrivèrent  pour  créer  par 
défrichement  le  célèbre  domaine  de  Staouëli,  le 
maréchal  écrivit  au  Père  abbé  :  «  Vous  avez  raison 
de  compter  sur  l'appui  que  je  me  fais  un  vrai  bon- 
heur d'accorder  à  l'établissement  de  vos  frères  en 
Algérie.  Mon  opinion  est  que  la  colonisation  ne 
peut  réussir  que  par  des  populations  organisées 
militairement  :  or  rien  ne  se  rapproche  plus  de 
l'organisation  militaire  que  l'organisation  reli- 
gieuse. Le  moine  et  le  soldat  ont  de  grands 
rapports  l'un  à  l'autre;  ils  sont  soumis  à  une  dis- 
cipline sévère,  accoutumés  à  supporter  les  priva- 
tions et  à  obéir  passivement;  ils  travaillent  l'un  et 
l'autre  pour  la  communauté,  et  ils  sont  dirigés 
par  une  seule  volonté.  Aussi  suis-je  persuadé  que 
votre  établissement  prospérera.  » 

Dans  un  banquet  qui  lui  fut  donné,  au  mois  de 
novembre  1843,  par  les  notables  d'Alger,  il  leur 
disait  :  «  L'armée  ne  peut  être  réduite  sans  qu'au 
préalable  on  ait  créé  une  force  attachée  au  sol  qui 
puisse  remplacer  les  troupes  permanentes  qu'on 
supprimera.  Cette  force,  à  mon  avis,  vous  ne  pou- 


40  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

vez  la  trouver  suffisante  que  dans  rétablissement 
de  colonies  militaires  en  avant  de  la  colonisation 
civile.  »  Dans  son  grand  discours  du  24-  jan- 
vier 1845,  à  la  Chambre  des  députés,  il  excitait 
l'hilarité  générale  en  disant,  avec  sa  verve  péri- 
gourdine  :  «  Je  pourrais  comparer  les  habitants 
qui  vivent  sous  \erégime  civil  de  la  côte  à  des  en- 
fants mal  élevés,  et  ceux  qui  sont  dans  l'intérieur, 
sous  le  régime  militaire,  à  des  enfants  bien  élevés. 
Les  premiers  crient,  pleurent,  se  fâchent  pour  la 
moindre  contrariété;  les  seconds  obéissent  sans 
mot  dire.  «On  riait,  mais  on  n'était  pas  convaincu. 
Le  système  du  maréchal  avait  contre  lui  la  ma- 
jorité dans  les  Chambres,  dans  l'armée  même  des 
contradicteurs,  à  commencer  par  La  Moricière, 
qui  tenait  pour  la  colonisation  civile,  et  dans  le 
gouvernement  l'administration  de  la  guerre.  De- 
vant cette  opposition  compacte,  d  essayait  d'une 
transaction  :  «  Je  ne  veux  pas,  disait-il  dans  le 
Moniteur  algérien,  exclure  la  population  civile; 
elle  existe,  elle  est  un  fait  qui  ne  peut  pas  rétro- 
grader. Je  lui  laisserais  douze  ou  quinze  lieues  à 
partir  de  la  côte;  mais  en  avant,  au  sud  de  l'Atlas, 
j'établirais  de  nombreuses  colonies  militaires.  » 
Pour  l'établissement  de  ces  colonies,  il  demandait 
un  premier  crédit  de  cinq  cent  mille  francs;  mais, 


COLONISATION    MILITAIRE.  41 

sans  attendre  le  vote  de  la  Chambre,  il  adressait 
aux  généraux  sous  ses  ordres  une  circulaire  exe- 
cutive, comme  s'il  n'eût  pas  douté  du  succès  : 
((  J'ai  lieu,  disait-il,  de  regarder  comme  très  pro- 
chain le  moment  où  nous  serons  autorisés  à  en- 
treprendre un  peu  en  grand  les  essais  de  colonisa- 
tion militaire;  invitez  donc  MM.  les  chefs  de  corps 
à  les  faire  connaître  à  leurs  subordonnés  et  à  vous 
adresser,  aussitôt  qu'il  se  pourra,  l'état  des  offi- 
ciers, sous-officiers  et  soldats  qui  désirent  faire 
partie  des  colonies  militaires.  »  Cette  circulaire 
intempestive  et  maladroite,  car  elle  contribua  pour 
beaucoup  au  rejet  du  crédit,  fut  blâmée  vivement, 
et  son  auteur  fut  en  quelque  sorte  obligé  de  faire 
amende  honorable.  Son  plus  grand  tort,  disait-il, 
était  d'avoir  employé  au  futur  les  verbes  qui  au- 
raient dû  être  au  conditionnel,  par  exemple  :  «  Les 
colons  recevront...  »  au  lieu  de  :  «  Si  le  gouver- 
nement adoptait  mes  vues,  les  colons  rece- 
vraient... » 

On  voit,  par  tout  ce  qui  précède,  dans  quel  état 
d'esprit  le  maréchal  Bugeaud  s'en  allait  conférer 
avec  le  ministre  de  la  guerre.  «  J'ai  la  conviction, 
avait-il  écrit,  dès  le  .30  juin,  à  M.  Giiizot,  que 
M.  le  maréchal  Soulta  l'intention  de  me  dégoûter 
de  ma  situation  pour  me  la  faire  abandonner.  Cette 


42  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

pensée  résulte  d'une  foule  de  petits  faits  et  d'un 
ensemble  qui  prouvent  qu'il  n'a  aucun  égard  pour 
'  mes  idées,  pour  mes  propositions.  Vous  avez  vu  le 
cas  qu'il  a  fait  de  l'engagement,  pris  devant  le  con- 
seil, de  demander  cinq  cent  mille  francs  pour  un 
essai  de  colonisation  militaire  ;  c'est  la  même  chose 
de  tout  ou  à  peu  près.  Il  suffit  que  je  propose  une 
chose  pour  qu'on  fasse  le  contraire,  et  le  plus 
mince  sujet  de  ses  bureaux  a  plus  d'influence  que 
moi  sur  l'administration  et  la  colonisation  de  l'Al- 
gérie. Je  ne  puis  être  l'artisan  de  la  démolition  de 
ce  que  je  puis  sans  vanité  appeler  mon  ouvrage.  Je 
ne  puis  assister  au  triste  spectacle  de  la  marche 
dans  laquelle  on  s'engage  au  pas  accéléré.  Exten- 
sion intempestive,  ridicule,  insensée  de  toutes  les 
choses  civiles;  amputation  successive  de  l'armée 
et  des  travaux  publics  pour  couvrir  les  folles  dé- 
penses d'un  personnel  qui  suffirait  à  une  popula- 
tion dix  fois  plus  forte,  voilà  le  système.  Je  suis 
fatigué  de  lutter  sans  succès  contre  tant  d'idées 
fausses,  contre  des  bureaux  inspirés  par  le  journal 
l'Algérie.  Je  veux  reprendre  mon  indépendance 
pour  exposer  mes  propres  idées  au  gouvernement 
et  au  pays.  Le  patriotisme  me  le  commande,  puis- 
que j'ai  la  conviction  qu'on  mène  mal  la  plus  grosse 
affaire  de  la  France.  » 


LES    DEUX    MARÉCHAUX.  43 

L'entrevue  des  deux  maréchaux  eut  lieu,  le 
1 2  septembre,  au  château  de  Soultberg,  dans  le 
Tarn.  Le  maréchal  Soult  y  fit  à  son  hôle  le  plus  ai- 
mable accueil  et  parut  se  rendre  à  tous  ses  argu- 
ments, de  sorte  que  le  gouverneur  de  l'Algérie  s'en 
alla  tout  rasséréné  passer  son  congé  dans  ses 
champs  du  Périgord.  C'est  de  là  qu'il  écrivait,  le 
28  septembre,  à  M.  Guizot  :  «  Pour  répondre  à  la 
sotte  et  méchante  accusation  de  la  Prçsse  qui 
m'appelle  «  un  pacha  révolté  »,  je  viens  me  li- 
vrer seul  au  cordon  et  je  me  suis  présenté  tout 
d'abord  chez  le  minisire  de  la  guerre.  Si  j'avais  eu 
quelques  craintes,  son  charmant  accueil  les  aurait 
effacées.  Il  m'a  bien  fait  voir,  dans  la  conversation, 
que  les  déclamations  de  la  presse  avaient  produit 
quelque  effet  sur  son  esprit;  mais,  aussitôt  que  je 
lui  ai  expliqué  mes  motifs,  le  nuage  s'est  dissipé, 
et,  pendant  deux  jours  que  nous  avons  disserté 
sur  les  affaires  de  l'Afrique,  je  n'ai  trouvé  en  lui 
que  d'excellents  sentiments  pour  moi  et  de  très 
bonnes  dispositions  pour  les  affaires  en  général. 
De  mon  côté,  j'y  ai  mis  un  moelleux  et  une  défé- 
rence dont  vous  ne  me  croyez  peut-être  pas  sus- 
ceptible, et  cela  m'a  trop  bien  réussi  pour  que 
je  n'use  à  l'avenir  du  même  moyen.  » 

Après  avoir  reproduit  cette  lettre  dans  ses  mé- 


44  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

moires,  M.  Guizoï  y  ajoute  ce  correctif  :  «  Le  ma- 
réchal Bugeaud  se  faisait  illusion  et  sur  les  dispo- 
sitions de  son  ministre,  et  sur  sa  propre  habileté, 
en  fait  de  déférence  et  de  douceur.  Le  maréchal 
Soult  ne  lui  était  pas  devenu  plu  s  favorable;  moins 
passionné  seulement  et  fatigué  de  la  lutte,  il  ne  se 
souciait  pas  de  rompre  ouvertement  en  visière  à 
un  rival  plus  jeune  de  gloire  comme  d'âge,  et  de 
prendre  seul  la  responsabilité  des  refus.  Le  maré- 
chal Bugeaud  ne  tarda  pas  à  s'en  apercevoir  et  à 
retrouver  lui-même  sa  rudesse  avec  son  méconten- 
tement; mais  les  nouvelles  d'Algérie  vinrent 
donner,  pour  un  moment,  à  ses  idées  un  autre 
cours.  » 

Le  8  octobre,  dix  jours  seulement  après  avoir 
écrit  la  lettre  qu'on  vient  de  lire,  le  maréchal 
était  obligé  de  repartir  en  grande  hâte  pour  rega- 
gner Alger. 


BOU-MAZA    REPARAIT.  45 


IV 


Un  jour  du  mois  dejuillel,EI-Haclj-Ahmed,agha 
des  Sendja,  voisins  d'OrléansvilIe,  revenait  du 
Dahra  en  tenue  de  fête;  il  ramenait  de  Mazounala 
fiancée  de  son  fils.  El-Hadj-Ahmed  était  un  de 
ceux  qui,  avec  Sidi-el-Aribi,  avaient  donné,  un 
mois  auparavant,  la  chasse  à  Bou-Maza  fuyant  du 
Dahra  dans  l'Ouarensenis.  Le  cortège  de  noce 
marchait  allègrement,  au  sonde  la  musique  arabe, 
quand,  au  détour  d'un  chemin,  on  aperçut  une 
troupe  de  cavaliers,  des  amis  sans  doute  qui  ve- 
naient faire  honneur  à  l'agha.  Les  rangs  s'ouvraient 
pour  leur  laisser  la  place  d'honneur,  quand  tout  à 
coup  ils  répondirent  à  la  politesse  par  une  décharge 
à  bout  portant.  El-Hadj-Ahmed  fut  tué.  C'était 
Bou-Maza  qui  avait  reparu  subitement  pour  la  ven- 
geance ;  après  quoi  il  disparut  de  nouveau.  Il  était 
rentré  chez  les  Ouled-Djounès. 

Le  prestige  qu'il  exerçait,  non  pas  seulement 
autour  de  lui,  dans  le  Dahra,  dans  l'Ouarensenis, 


46  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE- 

mais  au  loin,  dans  l'est,  était  si  grand  qu'il  y  eut 
bientôt  des  fanatiques  à  son  image,  des  illuminés 
qui  s'emparèrent  et  se  parèrent  de  son  nom.  Au 
commencement  du  mois  de  septembre,  peu  de 
jours  après  le  départ  du  maréchal  pour  la  France, 
de  l'embouchure  du  Chélif  à  Dellys,  de  l'Allas  au 
désert,  l'Algérie  était  en  insurrection.  Le  feu  qui, 
depuis  la  révolte  du  printemps,  couvait  assoupi 
sous  la  cendre,  jaillit  de  cinq  ou  six  foyers  à  la  fois 
comme  des  cratères  distincts  d'un  volcan  unique, 
et  chacun  de  ces  foyers  était  attisé  par  un  Bou- 
Maza  :  Bou-Maza  des  Beni-Mnacer,  Bou-Maza  des 
Beni-Fera,  Bou-Maza  des  Beni-Zoug-Zoug,  Bou- 
Maza  du  Dira,  Bou-Maza  du  Sebaou. 

Le  vrai,  celui  des  Ouled-Djounès,  avait  quitté  sa 
retraite,  et  traversant  le  Chélif,  s'était  porté,  par 
rOuarensenis,  chez  les  Flitta  qu'il  avait  trouvés  en 
armes.  Le  général  de  Bourjolly,  sorti  de  Mostaga- 
nem,  avec  une  colonne  de  quatre  petits  bataillons 
et  de  deux  escadrons,  était,  le  18  septembre,  au 
centre  de  l'insurrection.  Le  19,  il  fut  attaqué 
violemment,  forcé  de  reculer,  et  suivi,  sinon 
poursuivi,  pendant  plusieurs  jours,  par  des  masses 
de  plus  en  plus  nombreuses,  car  aux  Flitta  étaient 
venus  se  joindre  les  Beni-Ouragh.  Le  23,  notam- 
ment, ses  pertes  s'élevèrent  à  vingt-deux  tués  et 


UN    FAUX    BOU-MAZA.  47 

soixante  blessés;  au  nombre  des  morts  était  le  lieu- 
tenanl-colonel  Berthier,  du  4'  régiment  de  chas- 
seurs d'Afrique.  Enfin  il  put  gagner,  à  Relizane 
sur  la  Mina,  une  bonne  position  défensive.  Le 
colonel  Géry,  de  Mascara,  le  colonel  de  Saint- 
Arnaud,  d'Orléansville,  essayèrent  d'arriver  à  lui  : 
telle  était  la  force  de  l'insurrection  qu'il  ne  leur 
fut  pas  possible  d'y  parvenir. 

Pour  Bou-Maza  le  triomphe  était  grand.  Si  l'on 
veut  se  faire  une  idée  de  l'influence  qu'il  avait 
prise  et  de  l'état  général  des  esprits  chez  les  indi- 
gènes, il  faut  entendre  un  de  ses  homonymes,  le 
Bou-Maza  des  Beni-Zoug-Zoug.  C'était  comme  lui 
un  tout  jeune  homme,  qui  se  disait  son  frère. 
Livré  par  les  Arabes  déçus  à  l'autorité  française  et 
traduit  devant  un  conseil  de  guerre,  il  répondit 
fièrement  aux  questions  qu'on  lui  fit  et  qui  tou- 
chaient moins  à  lui  qu'au  véritable  chérif.  Venu, 
disait-il,  du  Maroc,  par  ordre  du  seigneur  Mouley- 
Taïeb,  et  bientôt  célèbre  par  sa  sainteté,  Bou-Maza 
s'était  résolu  à  faire  la  guerre  sainte;  quelques 
tribus  du  Dahra  l'avaient  seules  assisté  d'abord, 
mais  bientôt  des  adhérents  lui  étaient  venus  de 
toutes  paris,  et,  malgré  ses  premiers  échecs,  son 
prestige  n'avait  pas  cessé  de  grandir. 

«  Il  n'y  a  qu'un  seul  Dieu,  ajoutait  le  jeune 


48  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

illuminé;  ma  vie  est  dans  sa  main  et  non  dans  la 
vôtre;  je  vais  donc  vous  parler  franchement.  Les 
Arabes  vous  détestent,  parce  q.ue  vous  n'avez  pas 
la  même  religion  qu'eux,  parce  que  vous  êtes 
étrangers,  que  vous  venez  vous  emparer  de  leur 
pays  aujourd'hui  et  que  demain  vous  leur  deman- 
derez leurs  vierges  et  leurs  enfants.  Tous  les  jours 
vous  voyez  des  musulmans  vous  dire  qu'ils  vous 
aiment  et  sont  vos  serviteurs  fidèles  :  ne  les  croyez 
pas;  ils  mentent  par  peur  ou  par  intérêt.  Quand 
vous  donneriez  à  chaque  Arabe  et  chaque  jour  une 
de  ces  petites  brochettes  qu'ils  aiment  tant,  faites 
avec  votre  propre  chair,  ils  ne  vous  en  détesteraient 
pas  moins,  et  toutes  les  fois  qu'il  viendra  un  chérif 
qu'ils  croiront  capable  de  vous  vaincre,  ils  le  sui- 
vront tous,  fût-ce  pour  vous  attaquer  dans  Alger. 
La  victoire  vient  de  Dieu;  il  fait,  quand  il  veut, 
triompher  le  faible  et  tomber  le  fort.  Les  Arabes 
disaient  à  mon  frère  :  «  Guide-nous,  recommen- 
«  çonslaguerre;  chaque  jour  quis'écoule  consolide 
«  les  chrétiens.  »  jMon  frère  a  reçu  beaucoup  de 
lettres  des  Kabyles  de  l'est  ;  toutes  l'encourageaient, 
lui  souhaitaient  le  triomphe  ou  l'appelaient  dans 
leur  pays.  » 

Interrogé  au  sujet  d'Abd-el-Kader  et  de  ses  re- 
lations avec  l'empereur  de   Maroc,  il  répondit  : 


L'ÉMIR    KT    LE    MaROC.  49 

«  Mouley-Abd-er-Ralimane  est  au  plus  mal  avec 
Abd-el-Kader  ;  plusieurs  fois  il  lui  a  dit  ;  «  Sors 
de  mon  pays!  »  Mais  Abd-el-Kader  a  toujours  ré- 
pondu :  «  Je  ne  suis  pas  dans  ta  main  et  je  n'ai 
peur  ni  de  loi  ni  des  Français;  si  tu  viens  me  trou- 
ver, je  te  rassasierai  de  poudre,  et  si  les  Français 
viennent  aussi  me  trouver,  je  les  rassasierai  aussi 
de  poudre,  »  Depuis  que  les  Marocains  ont  appris 
que  Mouley-Abd-er-Rahmane  avait  fait  la  paix  avec 
les  chrétiens,  ils  se  sont  presque  Ions  tournés  du 
côlé  de  l'émir.  Depuis  celle  paix,  tout  le  pays 
compris  entre  Sous  et  Rabat  s'est  insurgé;  il  en  est 
de  même  de  toutes  les  tribus,  et  Mouley-Abd-er- 
Rahmane  necommande  plus,  à  bien  dire,  (juedans 
les  villes.  Les  Ouled-Mouley-ïaïeb  mêmes,  qui 
ont  un  si  grand  ascendant  religieux  dans  l'empire 
qu'aucun  sultan  ne  peut  pas  être  nommé  sans  leur 
assentiment,  ne  veulent  plus  l'exercer  pour  lui,  et 
Mouley-Abd-er-Rahmane  a  tellement  compris  la 
gravité  de  sa  position  qu'il  s'occupe  de  faire  peu  à 
peu  iransporler  tous  ses  trésors  et  tous  ses  maga- 
sins au  Tafilet.  » 

Quelque  intéressantes  que  fussent  ces  réponses, 
il  y  en  eut  une  qui,  dans  l'élat  des  aiïaires,  était 
plus  importante  encore  :  «Votre  frère  prend  le  ti- 
tre de  sultan,  lui  avait-on  dit;  les  Arabes  doivent 

II.  4 


50  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIK. 

en  rire.  »  —  u  Non,  s'écria-t-il,  les  Arabes  n'en 
rient  pas;  ils  l'aiment  au  contraire,  à  cause  de  son 
courage  et  de  sa  générosité;  car  il  ne  songe  pas, 
comme  Abd-el-Kacler,  à  bâtir  des  forts  pour  y  en- 
fouir son  argent  et  ses  ressources.  Il  a  mieux  com- 
pris que  lui  la  guerre  qu'il  faut  vous  faire;  il  ne 
possède  qu'une  tente  et  trois  bons  chevaux  ;  au- 
jourd'hui il  est  ici,  demain  malin  à  vingt  lieues 
plus  loin.  Sa  tente  est  pleine  de  butin,  un  instant 
après  elle  est  vide  ;  il  donne  tout,  absolument  tout, 
et  reste  léger  pour  aller  partout  où  l'appellent  les 
musulmans  en  péril.  » 

Plus  irritant  que  dangereux  pour  les  Français, 
Bou-Maza  était  à  la  fois  irritant  et  dangereux  pour 
Abd-el-Kader,  puisqu'on  pouvait  déjà  non  seule- 
ment le  mettre  en  comparaison  avec  lui,  mais  en- 
core le  mettre  au-dessus  de  lui.  C'était  un  symp- 
tôme grave  qu'une  grande  influence  autre  que  la 
sienne  fût  assez  forte  pour  remuer  profondément 
et  soulever  la  population  arabe.  Dès  qu'il  eut 
appris  les  succès  de  son  rival,  il  prit  la  résolution 
de  rentrer  immédiatement  en  campagne,  et  il  fit 
annoncer  dans  les  montagnes  des  Trara  révoltés  et 
par  toute  la  vallée  de  la  Tafna  son  arrivée  pro- 
chaine. 

A  cette  nouvelle,  le  général  Cavaignac  sortit  de 


CAVAIGNAC.  51 

Tlemcen  et  se  porta  sur  la  rive  gauche  de  la  ri- 
vière, avec  une  petite  colonne  composée  d'un  ba- 
taillon dezouaves,  de  deux  bataillons  du  1 5Méger, 
d'un  bataillon  et  de  deux  compagnies  d'élite  du 
41"  de  ligne,  de  deux  escadrons  du  2'  chasseurs 
d'Afrique  et  d'un  escadron  du  2  hussards,  avec 
deuxsections  d'artillerie  de  montagne  et  cinquante 
sapeurs.  Toute  l'infanterie  ne  comptait  que  treize 
cent  quarante  baïonnettes  et  la  cavalerie  trois  cents 
chevaux.  En  avant,  à  Lalla-Maghnia,  se  trouvait 
le  lieutenant-colonel  de  Barrai,  du  41%  avec  le 
10'  bataillon  de  chasseurs,  un  bataillon  du  15'  lé- 
ger, deux  escadrons  du  4'  chasseurs  d'Afrique  et 
deux  obusiers  de  montagne  ;  «  mais,  écrivait,  à  la 
date  du  21  septembre,  le  général  Cavaignac,  l'effec- 
tif de  cette  colonne  est  si  faible,  vu  l'état  sanitaire 
des  troupes,  que  je  ne  pourrai  l'engager  dans  le 
pays  des  Trara  qu'après  que  je  serai  maître  de  ses 
crêtes.  J'aurai  alors  environ  dix-huit  cents  hommes 
qui  me  suffiront  pour  cerner  le  pays  et  y  frapper 
un  coup  décisif,  si  j'y  trouve  une  résistance  sé- 
rieuse. » 

Du  22  au  24  septembre,  le  général  ne  cessa  pas 
de  combattre;  le  24  particulièrement,  l'opiniâtreté 
des  Kabyles  fut  si  grande  et  si  prolongée  que 
Cavaignac  ne  put  pas  s'empêcher  d'en  fi\ire  la  re- 

4. 


52 


LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


marque.  Le  soir,  après  le  combat,  on  les  entendit 
pousser  des  acclamations  et  faire  une  décharge 
générale  de  leurs  armes.  Celait  leur  manière  de 
célébrerun  succès;  quel  succès?  Ils  venaient  d'être, 
en  dépit  de  leur  acharnement,  repoussés  et  mal- 
traités; était-ce  donc  qu'il  y  avait  eu  pour  leur 
cause  ailleurs  quelque  avantage? 


MONTAGNAC.  53 


Le  poste  de  Djemma-Ghazaouat  avait  pour  com- 
mandant le  lieutenant-colonel  de  Montagnac  :  le 
poste  et  le  commandant  n'étaient  pas  faits  l'un 
pour  l'autre.  Montagnac,  très  brave  et  très  vigou- 
reux soldat,  avait,  par-dessus  toute  chose,  le  be- 
soin de  l'action,  la  passion  du  coup  de  fusil  et  du 
coup  de  sabre.  Stoïque  dans  sa  vie,  homme  d'hon- 
neur au  premier  chef,  il  dédaignait  la  réclame; 
les  grades  lui  étaient  venus  sans  qu'il  les  eût  solli- 
cités; il  ne  les  devait  qu'à  son  mérite  et  à  l'estime 
de  ses  chefs.  Dans  les  premières  années  de  sa  car- 
rière, il  avait  refusé  publiquement  la  croix  de  la 
Légion  d'honneur,  parce  qu'elle  ne  lui  avait  pas 
paru  suffisamment  gagnée.  Il  aimait  passionné- 
ment son  métier  et  la  guerre  pour  elle-même.  Voilà 
ses  qualités,  nobles,  grandes,  mais  oii  perce  déjà 
le  germe  de  ses  défauts.  11  était  fougueux,  violent, 
aventureux,  emporté  au  premier  mouvement. 
Quand  on  lit  le  recueil  de  ses  lettres,  on  est  frappé 


54  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

de  ce  fait  qu'il  avait  l'impression  et  l'expression 
toujours  excessives.  C'était  un  caractère  du 
seizième  siècle,  un  vrai  contemporain  de  Montluc. 
Comment  avait-on  pu  mettre  cet  homme  d'action 
à  la  chaîne,  dans  ce  réduit  de  Djemma-Ghazaouat 
qui  ne  devait  être  qu'un  poste  d'observation  et 
de  ravitaillement?  Première  erreur.  Comment  en- 
suite lui  avait-on  donné  la  tentation  de  sortir  et 
d'agir,  en  mettant  sous  ses  ordres,  non  pas  une 
garnison  simplement  suffisante,  mais  les  éléments 
d'une  petite  colonne?  Seconde  erreur.  «  Il  ne  de- 
vait point,  a  dit  La  Moricière,  faire  une  colonne 
mobile  de  sa  garnison.  Ses  instructions  lui  pres- 
crivaient d'agir  avec  la  plus  grande  prudence  et 
d'attendre  la  venue  d'une  colonne,  soit  pour  répa- 
rer les  irrégularités  dont  il  avait  souvent  à  se  plain- 
dre dans  les  relations  des  tribus  avec  lui,  soit  pour 
rassurer  les  populations  frontières  qui  chaque  jour 
nous  annonçaient  la  venue  de  l'émir.  »  Mais  La 
Moricière  connaissait  l'homme  ;ilavaitvusafougue 
dans  la  première  campagne  d'hiver  à  Mascara,  et 
l'estime  qu'il  porlait  à  sa  bravoure  n'aurait  pas  dû 
lui  en  faire  oublier  les  emportements.  Quand,  au 
mois  d'avril,  le  maréchal  Bugeaud  était  venu  visi- 
ter Djemma-Ghazaouat,  il  avait  parlé  à  Montagnac 
el  lui  avait  fait  «  sentir  avec  force  —  c'est  son  ex- 


LA    COLOlNNE    MOMAGNAC,  55 

pression  même  —  combien  il  pouvait  être  dange- 
reux d'aller  livrer  des  combats  au  dehors,  ainsi 
qu'il  en  manifestait  l'intention  ». 

Plus  le  temps  avait  marché,  plus  la  tentation 
était  devenue  grande.  «  J'ai  pour  le  moment  une 
garnison  assez  solide,  écrivait  Montagnac,  le 
21  août,  à  l'un  de  ses  parents,  un  bon  bataillon  de 
chasseurs  d'Orléans  et  deux  escadrons  de  hus- 
sards; mais  c'est  bien  peu  de  monde  pour  la  beso- 
gne que  je  puis  avoir  à  faire  d'un  jour  à  l'autre, 
demain  peut-être.  »  Depuis  la  date  de  cette  lettre, 
un  des  deux  escadrons  avait  été  rappelé  par  le  gé- 
néral Cavaignac  à  Tlemcen. 

Le  dimanche  21  septembre,  à  dix  heures  du 
soir,  lelieutenant-colonel  de  iMontagnac  sortit  avec 
le  commandant  Fromenl-Coste,  neuf  otïiciers  et 
cinq  compagnies  du  8'  bataillon  de  chasseurs, 
d'un  effectif  de  trois  cent  quarante-six  hommes,  le 
chef  d'escadrons  Courby  de  Gognord,  trois  olïiciers 
et  soixante-deux  hussards  du  2'  régiment,  un  in- 
terprèle et  deux  soldats  du  train;  en  tout  quatre 
cent  vingt-cinq  hommes.  Un  petit  convoi  d'une 
quinzaine  de  mulets  portait  les  bagages.  Les 
hommes  avaient  reçu  des  vivres  pour  deux  jours, 
sans  compter  lès  sachets  de  réserve,  et  soixante 
cartouches;  il  n'y  avait  pas  d'autres  munitions.  La 


56  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE, 

garde  du  camp  restait  confiée  au  capitaine  du  génie 
Coflyn,  qui  avait  l'ordre  de  se  tenir  prêt  à  favoriser 
le  retour  de  la  colonne.  L'objet  de  la  sortie  était 
d'empêcher  la  jonction  d'Abd-el-Kader  avec  l'agha 
Ben-Ali  des  Ghossel,  réfugié  chez  les  Trara,  de  te- 
nir les  iMsirda  en  respect  et  de  protéger  les  Sou- 
halia. 

La  colonne  marcha  toute  la  nuit  dans  la  direc- 
tion de  l'ouest.  Le  22,  à  quatre  heures  du  matin, 
elle  s'arrêta  pour  faire  le  café  ;  puis  elle  se  remit 
en  chemin  par  un  à-gauche  vers  le  sud.  A  sept 
heures,  le  bivouac  fut  établi  sur  le  bord  de  l'Oued- 
Taoulj;  les  hommes  reçurent  l'ordre  de  se  reposer 
pendant  la  chaleur  du  jour  et  de  faire  la  soupe  ; 
on  ne  devait  reprendre  la  marche  que  le  soir,  à 
onze  heures. 

Dans  cette  même  journée  du  22,  à  neuf  heures 
du  matin,  le  capitaine  Coffyn  avait  vu  arriver  à 
Djemma-Ghazaouat  le  capitaine  de  Jonquières, 
adjudant-major  au  10'  bataillon  de  chasseurs  à 
pied,  escorté  d'une  centaine  de  chasseurs  d'Afri- 
que et  d'une  centaine  de  fantassins  éclopés. 
Djemma-Ghazaouat  était  pour  la  subdivision  de 
Tlemcen  un  dépôt  de  convalescents,  une  sorte  de 
sanatorium.  Le  capitaine  de  Jonquières  apportait 
une  lettre  du  lieutenant-colonel  de  Barrai,  com- 


ORDRES    ET    RETARDS.  57 

mandant  de  Lalla-Maghnia  et  l'ancien  de  Monfa- 
gnac,  dans  laquelle  il  demandait  à  celui-ci,  par 
ordre  du  général  Cavaignac,  l'envoi  immédiat  de 
trois  cents  chasseurs  du  8"  balaillon,  ainsi  que  des 
hommes  rétablis  du  10'  bataillon  et  du  15"  léger. 
Par  un  effet  de  la  malchance  qu'on  retrouve 
dans  toutes  les  péripéties  de  ce  drame,  le  courrier 
du  général  avait  eu  quatorze  heures  de  retard  ;  s'il 
était  arrivé  en  temps  utile,  Montagnac,  obligé 
d'obéir  à  la  réquisition,  n'aurait  plus  eu  le  moyen 
d'exécuter  sa  sortie.  Quoiqu'il  en  soit,  la  lettre  du 
lieutenant-colonel  de  Barrai  lui  fut  expédiée  par 
un  exprès;  il  répondit  au  capitaine  Coffyn,  du 
bivouac  de  l'Oued-Taouli,  à  cinq  heures  et  demie 
du  soir  :  «  Mon  cher  capitaine,  envoyez  tout  ce 
que  le  colonel  de  Barrai  vous  demande.  Je  ne  puis 
donner  les  hommes  du  bataillon  de  M.  Froment- 
Coste.  Nous  sommes  entourés  de  goums  considé- 
rables, composés  de  gens  du  Maroc;  nous  avons 
eu  quelques  coups  de  fusil  avec  eux.  Abd-el-Kader 
arrive  ce  soir  à  Sidi-bou-Djenane.  Je  ne  puis 
rejoindre  Djemma-Ghazaouat  sans  exposer  les 
Souhalia  à  une  déroute  complète.  Je  vais  me  tenir 
sur  la  ligne  où  je  suis  établi.  Envoyez-moi  demain 
des  vivres  pour  deux  jours  de  toute  nature  par 
les  Souhalia,  au  bivouac  sur  TOued-Taouli.  Faites 


58  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

toujours  de  même.  Tenez -moi  au  courant  de  tout. 
Il  faut  huit  mulets  pour  les  vivres.  N'oubliez  pas 
deux  jours  de  viande  sur  pied  ;  entendez-vous 
avec  l'intendant.  » 

Cette  lettre,  avec  une  autre  pour  le  lieutenant- 
colonel  de  Barrai,  parvint,  le  soir  même,  à  dix 
heures,  à  Djemma-Ghazaouat.  Le  capitaine  de 
Jonquières  en  était  déjà  reparti  avec  son  escorte 
de  chasseurs  d'Afrique,  trente-cinq  hommes  du 
10*  bataillon  de  chasseurs  et  du  15'  léger,  quel- 
ques isolés  et  des  mulets  chargés  de  vivres.  Tandis 
qu'il  regagnait  Lalla-IMaghnia,  le  lieutenant-colonel 
de  Barrai  avait  quitté  ce  poste,  par  ordre  du 
général  Cavaignac,  et  s'était  avancé  jusqu'à 
Nedroma.  De  là,  le  23,  à  cinq  heures  et  demie  du 
matin ,  il  dépêcha  deux  cavaliers  à  Djemma- 
Ghazaouat,  afin  d'avoir  des  nouvelles  do  la  sortie 
qu'il  ne  connaissait  encore  que  par  un  mot  de 
Montagnac,  daté  du  21  au  soir,  lui  annonçant  en 
bref  son  mouvement  vers  les  Souhalia  menacés, 
sans  demander  d'ailleurs  assistance. 

Le  22,  à  onze  heures  du  soir,  au  lever  de  la 
lune,  Montagnac  avait  remis  sa  colonne  en  mar- 
che, en  remontant  d'abord  la  vallée  de  l'Oued- 
Taouli,  puis  en  inclinant  à  Test.  Arrivés  sur  le 
bord  d'un  petit  ruisseau,  au-dessous  du  marabout 


SIDI-BRAHIM.  59 

de  Sidi-Braliim ,  les  hommes  s'étaient  arrêtés 
pour  prendre  un  peu  de  repos;  puis,  le  23,  au 
point  du  jour,  ils  avaient  fait  le  café.  Une  dizaine 
de  cavaliers  arabes,  comme  la  veille,  se  tenaient 
en  observation  à  quelque  distance. 

A  sept  heures  du  matin,  Montagnac  prit  avec 
lui  trois  compagnies  de  chasseurs  et  les  hussards. 
Les  sacs  des  hommes  qu'il  emmenait  et  les  bagages 
restaient  au  bivouac  sous  la  garde  des  deux  autres 
compagnies,  avec  lesquelles  demeurait  le  comman- 
dantFroment-Cosle.  Depuis  le  marabout,  le  terrain 
allait  en  montant  vers  un  plateau  que  l'ennemi 
paraissait  occuper.  Afin  de  se  tenir  en  communi- 
cation avec  le  lieutenant-colonel  que  les  accidents 
du  sol  allaient  dérober  à  sa  vue,  le  commandant 
envoya  le  lieutenant  deChappedelaine  et  quehpies 
hommes  en  observation  sur  une  colline  intermé- 
diaire. 

A  trois  kilomètres  environ  du  bivouac,  la  fusil- 
lade commença.  Les  cavaliers  arabes  n'étaient 
pas  nombreux,  une  centaine  tout  au  plus;  Monta- 
gnac les  fit  charger  par  les  hussards  ;  ils  se  retirè- 
rent, entraînant  de  plus  en  plus  loin  la  charge; 
les  chasseurs  à  pied  étaient  déjà  fort  en  arrière. 
Tout  à  coup,  une  grosse  masse  de  cavalerie,  (jui 
s'était  tenue  jusque-là  cachée  derrière  un  pli  de 


60  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

terrain,  sortit  d'embuscade  et  prit  en  flanc  les 
deux  premiers  et  très  petits  pelotons  d'avant- 
garde.  Les  deux  officiers  qui  les  commandaient,  le 
capitaine  Gentil  Saint-Alphonse  et  le  lieutenant 
Klein,  tombèrent,  l'un  tué  sur  le  coup,  l'autre 
blessé  mortellement.  Accouru  au  galop  avec  les 
deux  pelotons  de  réserve,  Montagnac  fut  presque 
aussitôt  atteint  d'une  balle  au  bas-ventre;  cepen- 
dant il  se  maintint  encore  à  cheval,  encourageant 
ses  hommes  qui  cherchaient  à  se  rallier  sur  un 
mamelon.  Il  n'y  en  parvint  qu'une  vingtaine;  ce 
fut  là  que  les  chasseurs  à  pied  les  rejoignirent. 

Une  attaque  à  la  baïonnette  des  premiers  arrivés 
ne  réussit  pas;  le  capitaine  de  Chargère  fut  tué, 
sa  compagnie  écrasée  sous  le  nombre.  De  tous  les 
villages  voisins,  les  Msirda  étaient  venus  par  cen- 
taines, et  ce  qui  redoublait  l'ardeur  des  assaillants, 
l'émir,  le  sultan,  Abd-el-Kader  était  là,  sur  le 
terrain  du  combat,  en  personne.  Montagnac  vivait 
encore,  mais  il  ne  pouvait  plus  se  tenir  à  cheval; 
assis  sur  une  pierre  et  comprimant  d'une  main  sa 
blessure,  il  avait  fait  former  en  carré  les  deux 
compagnies  restantes  et  dépêché  vers  le  comman- 
dant Froment-Coste  le  maréchal  des  logis  chef 
Barbut,  avec  l'ordre  d'accourir  à  la  rescousse; 
puis  il  avait  appelé  le  chef  d'escadrons  Courby  de 


MORT    DE    MOMAGNAC.  61 

Cognord  et  lui  avait  rerais  le  commandement  en 
lui  disant  :  u  Ne  vous  occupez  pas  de  moi,  mon 
compte  est  réglé.  Tachez  de  gagner  le  marabout.  » 
Sur  celte  dernière  parole,  il  tombe  mort. 

Les  chasseurs  tiennent  toujours,  mais  ils  n'ont 
plus  de  cartouches,  et  les  baïonnettes  ne  suflisent 
pas.  ((  Les  Arabes,  a  dit  l'un  des  rares  survivants 
de  cette  poignée  de  braves  dont  l'héroïsme 
réveille  les  souvenirs  de  Waterloo,  les  Arabes, 
resserrant  le  cercle  autour  de  ce  groupe  immobile 
et  silencieux,  le  font  tomber  sous  leur  feu  comme 
un  vieux  mur.  »  Courby  de  Cognord  gît  sans  con- 
naissance, couvert  de  blessures;  un  Arabe  va  lui 
couper  la  tête,  quand  un  vieux  régulier,  recon- 
naissant son  grade  aux  soutaches  du  dolman,  le 
traîne  où  sont  les  prisonniers  blessés. 

Cependant,  averti  d'abord  par  le  lieutenant  de 
Chappedelaine,  puis  par  le  maréchal  des  logis 
chef  Barbut  qui  le  guide,  le  commandant  Froment- 
Coste  accourt  avec  l'adjudant-major  Dutertre  et  la 
compagnie  Burgard;  les  carabiniers  du  capitaine 
de  Géreaux  ont  été  laissés  à  la  garde  des  bagages. 
Du  sommet  du  mamelon  qui  a  servi  d'observatoire 
à  Chappedelaine,  Froment-Gosle  a  vu  d'un  coup 
d'œil  et  compris  l'horreur  du  désastre  ;  et  quand, 
tous  les  camarades  de  là-bas  étant  détruits,  il  ne 


62  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

doit  plus  songer  qu'au  salut  de  sa  petite  troupe, 
il  est  déjà  trop  tard.  Cernée,  assaillie,  fusillée  de 
toutes  parts,  la  petite  troupe  va  succomber  comme 
l'autre.  Froment-Coste  tombe,  la  tête  fracassée; 
Dutertre  et  Burgard  sont  blessés,  l'adjudant 
Thomas  et  Barbut  sont  pris. 

Il  n'y  a  plus  un  seul  Français  debout  sur  le 
champ  de  bataille;  mais  auprès  du  marabout 
reste  le  capitaine  de  Géreaux  avec  sa  compagnie 
de  carabiniers,  quatre-vingts  hommes.  A  l'appro- 
che des  Arabes,  il  s'enferme  dans  l'enceinte  carrée 
qui  entoure  la  koubba,  et  par  les  meurtrières 
pratiquées  à  travers  le  mur,  le  feu  des  grosses 
carabines  tient  l'ennemi  à  distance.  Aux  somma- 
tions que  fait  faire  aux  assiégés  Abd-el-Kader,  en 
leur  promettant  la  vie  sauve,  ils  répondent  par  le 
cri  de  :  Vive  le  Roi!  La  dernière  doit  être  faite  par 
un  officier  prisonnier  et  blessé  ,  l'adjudant-major 
Dutertre;  tel  est  l'ordre  de  l'émir.  Dutertre  s'a- 
vance vers  le  marabout  :  «  Chasseurs,  s'écrie-t-il, 
on  va  me  couper  la  tête  si  vous  ne  posez  pas  les 
armes,  et  moi,  je  viens  vous  dire  de  mourir  jus- 
qu'au dernier  plutôt  que  de  vous  rendre.  » 
Aussitôt  tombe  décapité  ce  martyr  de  l'honneur. 
Abd-el-Kader  s'éloigne,  mais  en  laissant  le  mara- 
bout bloqué  par  les  Kabyles. 


SECOURS    POSSIBLE.  63 

Les  assiégés  peuvent  être  sauvés;  de  deux  côtés 
le  salut  peut  leur  venir.  Comment  ne  leur  est-il 
pas  venu?  Le  23,  de  Djemma-Ghazaouat  on  avait 
entendu,  depuis  huit  heures  du  matin  jusqu'à 
onze  heures,  une  vive  fusillade;  puis  le  bruit  avait 
cessé  complètement.  A  la  tête  d'une  petite  troupe 
de  cent  vingt  hommes  d'infanterie  et  de  seize 
cavaliers,  le  capitaine  Coffyn  avait  fait  une  timide 
reconnaissance,  à  neuf  heures,  vers  Sidi-Brahim; 
mais,  à  l'approche  de  la  cavalerie  arabe,  il  s'était 
mis  en  retraite.  «  Je  suis  rentré,  dit  son  rapport, 
avec  celte  conviction  que  toute  communication 
était  désormais  impossible  avec  la  colonne.  » 

D'autre  part,  de  son  bivouac  sous  Nedroma,  le 
lieutenant-colonel  de  Barrai  avait  pareillement 
entendu  la  fusillade;  il  s'était  même  avancé  dans 
la  direction  qu'elle  indiquait  avec  deux  escadrons 
de  chasseurs  d'Afrique,  que  devait  suivre  le  com- 
mandant d'Exéa,  du  1 0"  bataillon  de  chasseurs  à 
pied.  Après  une  course  de  deux  heures  aux  allures 
vives,  le  lieutenant-colonel  avait  fait  sonner  les 
trompettes,  afin  d'annoncer  son  approche;  mais, 
au  moment  où  il  s'engageait  dans  les  montagnes 
des  Msirda,  la  fusillade  avait  cessé.  Peu  de  temps 
après,  il  avait  vu  descendre  précipitamment  d'une 
crête  et  courir  à  lui  deux  hommes  épuisés,  hors 


64  LA    COKQL'ÊTE    DE    L'ALGERIE. 

d'haleine,  deux  carabiniers  du  8'  bataillon,  qui 
ayant,  comme  par  miracle,  échappé  au  désastre, 
lui  en  avaient  fait  le  récit,  en  affirmant  que  toute 
la  colonne  était  détruite,  même  la  compagnie  de 
carabiniers  qui  avait  été  atteinte,  disaient-ils, 
avant  d'avoir  pu  gagner  le  marabout. 

Malgré  ces  affirmations  et  malgré  le  silence,  — 
c'était  au  moment  où  l'attaque  de  vive  force  était 
changée  en  blocus,  —  le  commandant  d'Exéa,  qui 
venait  de  rejoindre  la  cavalerie,  soutenait  éner- 
giquement  lavis  de  poursuivre  la  marche.  Après 
deux  heures  de  halte,  pendant  lesquelles  aucun 
bruit  de  combat  ne  s'était  fait  entendre,  persuadé 
qu'il  n'y  avait  plus  rien  à  faire  que  de  se  replier 
sur  Lalla-31aghnia,  et  craignant  même  d'être 
devancé  par  l'insurrection  au  col  de  Bab-Taza,  le 
lieutenant-colonel  de  Barrai  se  mit  en  retraite.  Il 
eut,  en  effet,  un  petit  engagement  en  arrivant  au 
col;  à  dix  heures  du  soir,  il  était  rentré  dans  son 
poste.  S'il  avait  cédé  aux  instances  du  comman- 
dant d'Exéa,  le  capitaine  de  Géreaux  et  ses  cara- 
biniers auraient  été  délivrés,  presque  sans  coup 
férir. 

Pendant  trois  jours,  ils  attendirent,  prêtant,  eux 
aussi,  l'oreille  aux  bruits  du  dehors.  Pendant  trois 
jours,  ils  ne  virent  ni  n'entendirent  rien  qui  pût 


LA    CATASTROPHE.  65 

leur  donner  espoir.  Les  vivres  n'étaient  pas  encore 
épuisés,  mais  c'était  l'eau  qui  manquait.  Mieux 
valait  tomber  sous  le  feu  ou  sous  le  yatagan  que 
mourir  de  soif.  Le  26  septembre,  à  six  heures  du 
matin,  ils  sortent  subitement,  soixante-treize 
valides  emportant  sept  blessés,  surprennent  les 
Kabyles  et  forcent  le  passage.  A  neuf  heures,  ils 
ne  sont  plus  qu'à  une  lieue  de  Djemma-Ghazaouat; 
il  n'y  a  plus  qu'un  ravin  à  suivre;  mais  au  fond 
de  ce  ravin  coule  un  ruisseau,  et,  sans  s'inquiéter 
de  l'ennemi  qui  couronne  les  crêtes,  sans  écouter 
les  officiers  qui  s'efforcent  de  les  retenir,  tous  ces 
malheureux  courent,  se  précipitent,  se  jettent  à 
plat  ventre,  pour  boire  à  longs  traits  l'eau  bien- 
faisante. Pendant  ce  temps,  les  balles  pleuvent; 
Chappedelaine  tombe,  Géreaux  tombe;  successi- 
vement ils  sont  frappés  tous,  à  l'exception  de 
douze,  qui  sont  recueillis  par  quelques  cavaliers  et 
soldats  sortis  du  camp.  Un  seul,  le  caporal  La- 
vaissière,  a  rapporté  sa  carabine.  Ainsi  s'est 
achevé  le  drame  de  Sidi-Brahim. 

La  ()remière  nouvelle  en  était  arrivée  au  général 
Thiéry,  commandant  supérieur  d'Oran,  ce  même 
jour,  '26  septembre,  par  une  balancelle  que  le 
capitaine  Collyn  avait  fait  partir,  le  24,  de  Djem- 
ma-Ghazaouat. Elle  arriva,  le  28,  à   Alger,  au 

II.  5 


66  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

général  de  La  Moricière.  Deux  jours  plus  tard  sur- 
venait l'annonce  d'une  autre  catastrophe,  cent 
fois  plus  douloureuse,  car  c'était  une  défaillance 
de  l'honneur  militaire. 

Inquiet  pour  le  poste  d"Aïn-Temouchent,  qui 
n'avait  que  ciuquante  hommes  de  garnison,  le 
général  Cavaignac,  aussitôt  rentré  à  Tlemcen, 
avait  fait  partir,  le  27  septembre,  sous  le  comman- 
dement du  lieutenant  Marin,  ancien  sous-officier 
aux  zouaves,  un  détachement  de  deux  cents 
hommes,  sortant  de  l'hôpital  pour  la  plupart.  Le 
28,  au  matin,  à  six  kilomètres  seulement  d'Aïn- 
Temouchent,  le  lieutenant  avait  fait  la  halte  du 
café  auprès  du  marabout  de  Sidi-Moussa,  quand 
il  aperçut  une  troupe  de  cavaliers  arabes  avec  des 
drapeaux  qu'il  reconnut  pour  ceux  d'Abd-el- 
Kader.  A  cette  vue,  perdant  la  tête,  et  l'imagina- 
tion sans  doute  frappée  par  le  désastre  de  Sidi- 
Brahim,  qu'il  connaissait  de  la  veille.  Marin,  au 
lieu  de  se  mettre  en  défense,  courut  à  l'émir  et  lui 
offrit  la  soumission  de  son  détachement,  s'il  vou- 
lait lui  garantir,  à  lui-même  et  aux  siens,  la  vie 
sauve.  Abd-el-Kader  ne  s'attendait  à  rien  moins; 
il  prit  au  mot  le  malheureux  officier,  lui  promit 
tout  ce  qu'il  voulut  et  goûta  l'orgueilleux  plaisir 
de  voir  deux  cents  soldats  français  déposer  à  ses 


LA    MORICIERE.  67 

pieds  leurs  armes.  La  cérémonie  faite,  il  les  envoya 
rejoindre  à  sadeïra,  dans  le  Maroc,  les  survivants 
de  ceux  qui  s'étaient  si  bien  battus  à  Sidi-Brahim, 
Le  28  septembre,  le  général  de  La  Moricière, 
rendant  compte  au  maréchal  Soult  de  ce  combat 
et  de  la  part  que  les  Marocains  y  avaient  prise, 
ajoutait  :  «  Quoiqu'il  eût  agi  avec  imprudence  et 
transgressé  les  instructions  qu'il  avait  reçues,  le 
lieutenant-colonel  de  Montagnac  n'en  est  pas 
moins  mort  victime  d'une  trahison  flagrante  et  de 
la  violation  des  traités.  Vous  jugerez,  sans  doute, 
qu'ilest  indispensable  que  M.  le  maréchal  Bugeaud 
et  M.  le  général  Bedeau  rentrent  immédiatement 
en  Algérie.  Je  ne  dois  pas  vous  dissimuler  que  la 
situation  est  fort  grave.  »  Le  même  jour,  il  faisait 
embarquer  à  la  hâte  le  commandant  Rivet,  qu'il 
dépêchait  au  maréchal  Bugeaud,  avec  mission  de 
réclamer  et  de  presser  son  retour  au  plus  vile. 


5. 


68  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


VI 


Assurément,  la  situation  était  fort  grave.  Indé- 
pendamment de  Sidi-Brahim  et  d'Aïn-Temou- 
chent,  il  y  avait  beaucoup  d'autres  affaires  que  le 
général  de  Marlimprey,  dans  ses  mémoires,  a 
résumées  en  quelques  lignes,  d'un  laconisme  clair 
et  saisissant. 

«  A  Sebdou,  le  commandant  Billot,  attiré  dans 
une  embuscade,  était  massacré,  avec  le  chef  du 
bureau  arabe  et  son  escorte,  par  les  Ouled- 
Ouriach.  Nos  ponts  sur  Tisser  et  la  Tafna  étaient 
brûlés.  Les  Beni-Amer,  après  avoir  incendié  leurs 
moissons  et  même  les  herbes  sèches,  fuyaient  au 
Maroc.  Autour  d'Oran,  nos  Douair  et  nos  Sméla 
étaient  eux-mêmes  eu  fermentation.  Les  Djafra 
s'éloignaient  de  Daya,  après  avoir  échoué  dans 
leur  tentative  de  tuer  le  commandant  Charras.  Les 
Gharaba  bloquaient  de  fait,  quoique  sans  hos- 
tilités ouvertes,  Saint- Denis-du-Sig.  Les  com- 
munications d'Oran  avec  Mascara  et  avec  Sidi-bel- 


SITUATION    GRAVE.  69 

Abbès  étaient  interrompues.  Le  poste -magasin 
inoccupé  d'Ouizert,  où  se  trouvaient  des  vivres 
et  des  fourrages,  était  réduit  en  cendres;  les 
Ferraga  pillaient  un  convoi  sur  la  route  de  Mas- 
cara; l'insurrection  était  chez  les  Beni-Chougrane 
€t  s'étendait  à  toute  la  montagne  d'El-Bordj  et  aux 
Bordjia  de  la  plaine.  Nos  camps  de  travailleurs, 
pour  se  retirer  dans  les  places  les  plus  voisines, 
traversaient,  le  fusil  à  la  main,  les  populations 
hostiles.  Près  de  Saïda,  un  kaïd  et  des  indigènes 
qui  nous  étaient  dévoués  étaient  assassinés;  à 
Saïda  même,  une  tentative  d'incendier  le  gros 
approvisionnement  de  foin  formé  sur  ce  point, 
échouait  heureusement.  Le  chef  du  bureau  arabe 
de  Tiaret,  le  lieutenant  de  Lacotte,  était  arrêté  par 
trahison  chez  les  Beni-Médiane  qui  égorgeaient  ses 
chasseurs  d'escorte  et  le  livraient  à  l'ennemi.  Le 
maghzen  de  Tiaret,  composé  d'Arabes  qui  nous 
devaient  tout,  déserta  tout  entier;  les  Hararet  les 
Ouled-Khehf  en  firent  autant.  Grand  enseigne- 
ment, qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  une 
pareille  situation  s'était  déclarée  en  moins  de  huit 
jours!  » 

Venu  par  mer  d'Alger  à  INIers-el-Kebir  avec 
trois  bataillons,  La  Moricière  avait  hâte  de  rejoin- 
dre à  Tlemcen  Gavaignac,  qui  avait  déjà  rappelé 


70  LA    CONQUÊTE    DE    L'AKiÉRlE. 

de  Sebdou  le  colonel  de  Mac  Mahon,  du  4f .  Le 
danger  le  plus  pressant  n'était  pas  sur  ses  der- 
rières, quoique  l'insurrection  y  fût  menaçante;  il 
était  devant  lui,  là  où  était  Abd-el-Kader;  c'était 
de  ce  côté-là  qu'il  fallait  faire  lêle.  Rallié  en 
chemin  par  le  général  Korte,  qu'il  avait  appelé  de 
Sidi-bel-Abbès,  il  ne  Ht  que  toucher,  le  7  octobre, 
à  Tlemcen,d'où  Cavaignac  était  parti  afin  d'empê- 
cher l'émigration  générale  des  Beni-Amer  et  des 
Ghossel  que  l'émir  voulait  entraîner  vers  la  deïra. 
Le  9,  les  deux  colonnes  se  réunirent  au  col  de 
Bab-Taza,  allèrent  prendre  des  vivres  à  Djemma- 
Ghazaouat,  puis  se  portèrent  sur  Aïn-Kebira,  au 
cœur  du  pays  montagneux  desTrara.  Elles  comp- 
taient ensemble  quatre  mille  cinq  cents  baïonnettes, 
six  cent  cinquante  sabres  et  dix  obusiers  de  mon- 
tagne. Le  13,  la  position  d' Aïn-Kebira  fut  atta- 
quée, à  droite  par  La  Moricière,  à  gauche  par 
Cavaignac.  Les  Trara  leur  opposèrent  une  vive 
résistance;  mais  délaissés  par  Abd-el-Kader,  qui 
craignait  de  compromettre  sa  cavalerie  sur  un 
terrain  difficile,  les  malheureux  Kabyles  se  sacri- 
fièrent inutilement  pour  lui.  Poussés,  refoulés  par 
le  vainqueur,  ils  pouvaient  être  anéantis  et  jetés 
à  la  mer.  Si  La  Moricière  eût  écouté  ses  soldats, 
vengeurs  de  Sidi-Brahim,  pas  un  Trara^  pas  un 


COMPLICATIONS.  71 

Beni-Araer,  pas  un  Ghossel  n'aurait  échappé;  le 
général  brava  l'impopularité ,  fut  clément  aux 
vaincus  et  se  contenta  de  leur  soumission.  Il  n'a- 
vait pas  de  temps  à  perdre  aux  représailles  : 
Abd-el-Kader  s'était  dérobé;  il  fallait  retrouver 
sa  trace. 

En  effet,  l'émir  avait  fait  un  détour  par  le  sud, 
avec  l'espoir  de  surprendre  Sidi-bel-Abbès  ou 
Mascara.  Laissant  Cavaignac  à  Tlemcen,  La  Mori- 
cière  coupa  au  plus  court,  rassura  en  passant 
Sidi-bel-Abbès,  puis  courut  à  Mascara,  où  il  arriva 
le  30  octobre.  Il  y  trouva  le  colonel  Géry,  qui 
venait  de  pousser  jusqu'au  poste  de  Tiaret  et  d'en 
revenir,  en  passant  et  repassant  au  travers  d'un 
pays  tout  insurgé;  son  opération  n'avait  été  qu'un 
combat  perpétuel.  D'autre  part,  le  général  de 
Bourjolly  sur  la  Mina,  le  colonel  de  Saint-Arnaud 
sur  le  Chélif,  avaient  fort  à  faire  pour  contenir 
l'effort  des  nombreux  partisans  de  Bou-Maza. 
Enivré  de  ses  succès,  l'audacieux  chérif  avait 
poussé  l'insolence  jusqu'à  s'attaquer,  le  18  octo- 
bre, à  Mostaganem;  il  est  vrai  qu'une  sortie  du 
lieutenant-colonel  Mellinet  avait  promptementfait 
échouer  sa  tentative. 

C'était  le  6  octobre  que  le  maréchal  Bugeaud 
avait  reçu  en  Périgord  l'appel  de  La  Moricière;  le 


72  LA    CONQUETE    D  !•    L'ALGÉRIE. 

15,  il  débarquait  dans  le  port  d'Alger;  le  18,  il 
était  en  campagne.  Avant  la  fin  du  mois,  six 
régiments  d'infanterie  et  deux  de  cavalerie  de- 
vaient lui  être  envoyés  de  France.  L'armée  d'A- 
frique allait  compter  dès  lors  plus  de  cent  mille 
hommes;  telles  étaient  l'étendue  et  la  force  de 
l'insurrection  qu'il  n'en  fallait  pas  moins  pour  la 
réduire.  En  homme  de  guerre  supérieur,  le  maré- 
chal avait  deviné  les  projets  d'Abd-el-Kader,  et 
c'était  sur  la  lisière  méridionale  du  Tell  qu'il  avait 
décidé  de  le  prévenir  ou  de  l'arrêter.  Assuré  de 
la  défense  du  Titteri  dont  il  confia  le  soin  au 
général  Bedeau,  il  se  porta  dans  la  province 
d'Oran. 

Le  24  octobre,  il  était  avec  trois  mille  cinq 
cents  hommes  d'infanterie  et  quatre  cent  cin- 
quante chevaux  entre  Teniet-el-Had  et  Tiaret. 
Devant  lui  toutes  les  tribus  avaient  fait  le  vide,  le 
pays  était  désert;  seuls,  les  Ayad,  contenus  par 
Ameur-ben-Ferhat,  étaient  demeurés  sur  leur  terri- 
toire. Une  colonne  légère,  couduite  par  Jusuf,  qui 
venait  d'être  nommé  général  des  troupes  indi- 
gènes, alla  surprendre,  à  vingt  lieues  de  distance, 
les  Ouled-Khelif,  leur  tua  trois  cents  hommes  et 
ramena  tous  leurs  troupeaux.  Après  ce  coup 
frappé  sur  les  insurgés  du  sud,  le  maréchal  des- 


DOUZE    COLONiNES.  73 

cendit  par  la  vallée  da  Riou  jusqu'au  Chélif.  Cette 
course  avait  pour  objet  et  eut  pour  résultat  de 
rabattre  la  jactance  de  Bou-Maza,  en  relevant 
l'autorité  du  général  de  BoiirjoUy  et  du  colonel  de 
Saint-Arnaud.  Pendant  ce  temps,  La  Moricière 
faisait  débloquer  Daya  par  le  général  Korte  et 
Saïda  par  le  général  Géry ,  récemment  promu, 
tandis  qu'il  manœuvrait  lui-même  autour  de  Mas- 
cara pour  rétablir  les  communications  avec  Oran 
et  Mostaganeni  d'une  part,  Frenda  et  Tiaret  de 
l'autre. 

A  la  fin  du  mois  de  novembre,  il  n'y  avait  pas 
moins  de  douze  colonnes  en  mouvement  :  dans  la 
province  d'Oran,  les  colonnes  Cavaignac,  Korte, 
Géry  et  La  Moricière  rayonnant  de  Tiemcen,  de 
Sidi-bel-Abbès  et  de  Mascara  ;  la  colonne  Bourjolly 
et  celle  du  maréchal  sur  la  Mina;  dans  la  province 
d'Alger,  les  colonnes  Saint-Arnaud  et  Comman 
sur  le  moyen  Chélif,  la  colonne  Camou  sous 
Miliana,  la  colonne  Gentil  au  col  des  Beni-Aïclia, 
les  colonnes  d'Arbou ville  et  Marey  dans  le  Djebel- 
Dira.  Si  l'insurrection  intérieure  n'était  pas  entiè- 
rement réduite,  elle  avait  du  moins  beaucoup 
perdu  de  son  importance. 

Pour  ce  qui  est  d'Abd-el-Kader,  dont  on  avait 
perdu   la  trace,   le  maréchal  venait  enfin   d'en 


74  LA    CONQUÊTE    D  F.    L'ALGÉRIE. 

avoir  des  nouvelles  certaines.  Le  21  novembre,  il 
avait  fait  une  razzia  énorme,  près  de  Taguine,  sur 
les  Ouled-Chaïb,  une  des  rares  tribus  qui  ne  s'é- 
taient pas  mêlées  à  la  révolte.  Aussitôt  le  maré- 
chal, décidé  à  ne  plus  laisser  de  relâche  à  son 
adversaire,  et  pour  n'être  plus  exposé  à  perdre 
le  contact,  mit  tout  son  monde  en  alerte  sur  un 
immense  arc  de  cercle  qui,  passant  par  le  sud, 
reliait  à  la  Tafna  Tisser  oriental.  Le  nombre  des 
colonnes  actives  fut  porté  de  douze  à  dix-huit. 

Alors  commença  une  chasse  prodigieuse  où  le 
fauve,  dépistant  les  meutes,  fatiguant  les  relais, 
forçant  les  chiens,  narguant  les  veneurs,  les 
entraîna,  sept  mois  durant,  par  une  course  brisée 
de  sept  ou  huit  cents  lieues,  de  l'ouest  à  l'est, 
du  sud  au  nord,  depuis  les  steppes  brûlantes  du 
Sahara  jusqu'aux  cimes  neigeuses  de  la  Grande 
Kabylie,  puis  encore  du  nord  au  sud,  de  l'est  à 
l'ouest,  et  les  laissant  épuisés,  haletants,  fourbus, 
finit  par  rentrer  dans  son  fort. 

Celte  campagne,  la  plus  difficile  et  la  plus 
sérieuse  qui  ait  été  faite  en  Algérie,  ne  se  distingue 
par  aucun  trait  saillant,  par  aucun  combat  de 
grande  importance.  Elle  est  admirable  et  fasti- 
dieuse; il  est  impossible  de  la  décrire  en  détail; 
l'historien  y  perdrait  sa  peine  et  le  lecteur  son 


CHASSE    A    L'ÉMIR.  75 

attention.  Tout  ce  qu'il  est  possible  de  faire,  c'est 
d'en  tracer  les  grandes  lignes. 

«  Ce  qui  est  à  peu  près  certain,  écrivait,  le 
24  novembre,  le  maréchal  Bugeaud  au  général 
Moline  deSaint-Yon,  successeur  du  maréchal  Soult 
au  ministère  de  la  guerre,  ce  qui  est  à  peu  près 
certain,  c'est  que,  d'ici  à  deux  ou  trois  mois,  les 
tribus  seront  aux  abois,  qu'elles  auront  perdu 
beaucoup  d'hommes,  beaucoup  de  troupeaux, 
beaucoup  d'approvisionnements,  et  que  l'émir,  ne 
trouvant  partout  que  misère  et  désolation,  déser- 
tera de  nouveau  le  pays  et  rentrera  dans  le  Maroc 
ou  dans  le  désert.  »  En  ne  comptant  que  deux  ou 
trois  mois,  le  maréchal  se  trompait  de  plus  do 
moitié. 

Il  fît  commencer  la  chasse  par  Jusuf.  Il  lui 
donna  toute  la  cavalerie  de  sa  propre  colonne,  un 
escadron  de  gendarmes,  deux  escadrons  du 
r'  chasseurs  d'Afrique,  deux  escadrons  de  spahis; 
il  y  joignit  deux  bataillons  d'infanterie  légère,  un 
obusier  de  montagne,  cent  soixante -dix  mulets 
pour  porter  le  matériel  d'ambulance,  les  muni- 
tions, les  sacs  des  fantassins.  De  Tiaret,  Jusuf  se 
dirigea  d'abord  sur  Goudjila,  mais  ayant  ouï  dire 
qu'après  la  razzia  des  Ouleb-Cliaïb,  Abd-el-Kader 
était  remonté  au  nord,  vers  Teniet-el-Had,  pour 


76  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

faire  la  pareille  sur  les  Ouled-Ayad,  il  remonta 
vers  Teniet-el-Had.  En  y  arrivant,  le  1"^  décembre, 
il  apprit  que  l'émir  était  là  d'oii  il  venait  lui- 
même,  c'est-à-dire  à  Goudjila;  donc  il  rebroussa 
chemin  et  se  rencontra,  le  4,  avec  le  général 
Bedeau  qui,  de  Boghar,  s'était  mis,  lui  aussi,  à  la 
recherche  d'Abd-el-Kader.  Le  lendemain ,  les 
deux  chasseurs,  n'ayant  rien  trouvé  à  Goudjila,  se 
séparèrent,  Bedeau  s'en  retournant  à  Médéa, 
Jusuf  continuant  la  poursuite. 

A  chaque  instant  il  rencontrait  les  traces  de 
l'émir  et  il  ne  désespérait  pas  de  gagner  sur  lui 
une  ou  deux  marches;  mais  l'émir,  qui  était  rusé, 
ne  désespérait  pas  de  le  mettre  en  défaut.  A  cet 
effet,  il  envoya  ses  troupeaux  avec  les  goums  par 
un  chemin,  et  marcha  lui-même  avec  ses  réguhers 
par  un  autre,  de  sorte  qu'à  la  bifurcation  il  y  avait 
deux  pistes.  Jusuf  avait  le  flair;  il  ne  se  trompa 
pas   et   suivit   la    bonne.    Malheureusement    ses 
vivres  étaient   épuisés;    il  lui  fallut  rentrer,   le 
1 4   décembre,  à  Tiaret.    C'était  le  maréchal  en 
personne  qui  allait  le  relever;  mais  tandis  qu'il 
croisait  dans  les  parages  de  la  haute  Mina,  entre 
Frenda  et  le  Ghott,  dans  l'espoir  de  saisir  Abd-el- 
Kader  au  passage,  celui-ci,  pointant  droit  au  nord, 
se  jeta  dans  le  Tell,  et  parut  tout  à  coup  chez  les 


RE^CO^TRE    A    TEMDA.  77 

Keraïch.  Quelle  audace!  Il  y  avait  autour  de  lui 
cinq  maîtres  d'équipage  :  le  maréchal,  Jusuf, 
Comman,  Saint-Aruaud,  Pélissier. 

Le  maréchal  resserra  l'enceinte,  fit  faire  des 
battues;  le  23  décembre,  à  Temda,  Jusuf  atteignit 
enfin  l'émir  et  ses  réguliers,  mais  l'engagement  ne 
fut  pas  décisif,  de  sorte  que,  le  lendemain,  le  gou- 
verneur, écrivant  au  ministre  de  la  guerre,  se 
crut  obligé  d'insister  sur  l'effet  moral  de  ce  petit 
combat  :  «  Cet  événement  que  nous  poursuivions 
depuis  si  longtemps,  disait-il,  doit  produire  un 
très  bon  effet  politique.  Néanmoins,  nous  ne 
devons  pas  nous  dissimuler  que,  si  cette  belle 
troupe  qui  entoure  l'émir  et  fait  la  terreur  ou.  l'es- 
poir des  tribus  arabes,  a  été  gravement  entamée, 
elle  n'a  pas  été  détruite.  Abd-el-Kader  a  couru 
personnellement  de  très  grands  dangers,  et  peut- 
être  a-t-il  été  blessé.  Il  a  évidemment  éprouvé  là 
un  grand  échec  moral  et  matériel,  mais  il  est 
homme  à  s'en  relever,  pour  peu  que  nous  lui 
donnions  quelque  relâche.  Il  réparera  ses  pertes 
en  recrutant  chez  les  tribus  qui  lui  restent  encore, 
et  il  saisira  les  occasions  que  lui  présentera  la  for- 
lune  pour  effacer  les  impressions  de  sa  défaite  au 
combat  de  Temda.  » 

Non  seulement  Abd-el-Kader  ne  se  hâta  pas  de 


78  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

quitter  l'Ouarensenis,  mais  encore  il  y  fit  acte 
d'autorité,  car  il  nomma  un  khalifa;  ce  fut  Hadj- 
el-Sghir,  un  neveu  de  Ben-Allal.  Bien  plus,  il 
obtint  en  ce  moment-là  le  plus  grand  succès  moral 
qu'il  lui  fût  permis  de  souhaiter  :  Bou-Maza,  le 
chérif,  ce  rival  qui  avait  eu  l'audacieuse  préten- 
tion de  s'égaler  à  lui,  se  soumit,  lui  fit  hommage 
et  se  réduisit  à  n'être  plus  que  son  khalifa  dans  le 
Dahra.  Arabes  et  Kabyles  n'avaient  plus  désormais 
d'autre  chef  qu'Abd-el-Kader  :  c'était  un  grand 
triomphe. 

Il  y  avait,  au  contraire,  divergence  de  vues 
entre  ses  adversaires.  Depuis  l'affaire  de  Temda, 
Jusuf  avait  perdu  le  contact;  tandis  qu'il  cherchait 
l'émir  au  sud,  vers  le  Nahr-Ouassel,  La  Moricière 
le  cherchait  au  nord,  vers  le  Chélif.  C'était  La  Mo- 
ricière qui  avait  vu  juste;  il  était  sur  la  bonne 
piste;  mais,  par  un  crochet  au  sud-ouest,  l'émii- 
dérouta  la  poursuite,  ef,  sortant  du  Tell  plus  fort 
qu'il  n'y  était  entré,  alla  se  recruter  encore  parmi 
les  nomades  du  désert.  La  cavalerie  française,  au 
contraire,  était  à  bout  de  forces. 

Ainsi  commença  l'année  1846.  Après  avoir 
gagné  à  sa  cause  les  Harar  et  les  Ouled-Khelif, 
Abd-el-Kader  avait  repris  par  les  Hauts-Plateaux 
la  direction  du  nord-est;  on  le  signalait  à  Taguine. 


SAGACITÉ    DU    MARÉCHAL.  79 

Aussitôt  le  maréchal  se  porta  d  abord  sur  Teniet- 
el-Had,  puis  au  delà,  sur  le  Nahr-Ouassel,  tandis 
que  le  général  Marey  se  mettait  à  la  poursuite  de 
l'émir  avec  une  colonne  chamelière  ;  mais  comment 
atteindre  un  coureur  qui  pouvait  en  vingt-quatre 
heures  faire  quarante-cinq  lieues?  L'audace  et  la 
rapidité  de  ses  mouvements  semblaient  déjouer 
toute  prévision. 

C'est  ici  que  la  sagacité  militaire  du  maréchal 
Bugeaud  s'éleva  jusqu'au  génie.  En  notant  à 
mesure  les  progrès  continus  de  l'émir  vers  le 
nord-est,  il  devina  son  projet,  qui  était  de  raviver 
par  son  apparition  l'insuriection  dans  le  Dira  et  de 
la  provoquer  dans  la  Grande  Kabylie.  Sans  tarder, 
le  maréchal  prit  à  marches  forcées  la  direction  de 
Boghar;  en  même  temps,  il  dépêchait  au  général 
de  Bar,  qui  avait  le  commandement  d'Alger, 
l'ordre  d'envoyer  au  col  des  Beni-Aïclia  le  géné- 
ral Gentil  avec  deux  bataillons.  Ces  deux  batail- 
lons étaient,  en  fait  de  troupes  régulières,  tout  ce 
qui  restait  pour  la  garde  d'Alger.  Cependant  il 
était  plus  urgent  encore  de  pourvoir  à  la  défense 
de  la  Métidja.  Les  rapports  du  colonel  Daumas, 
directeur  général  des  allaires  arabes,  dénonçaient 
une  propagande  active  des  agents  d'Abd-el-Kader. 
Le  maréchal  avait  présentes  à  la  mémoire  l'invasion 


80  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

de  1839  et  la  dévastation  de  la  plaine;  à  tout  prix 
il  fallait  empêcher  le  retour  d'un  pareil  désastre. 

Le  2  février,  il  fit  télégraphier  au  général  de 
Bar  l'ordre  «  d'armer  les  condamnés  militaires  et 
de  les  porter  en  réserve  à  Koléa,  d'organiser  deux 
bataillons  de  la  milice  et  de  les  tenir  prêts  à  mar- 
cher au  premier  danger  sur  Douera  ou  sur  Blida  ». 
En  recevant  cette  dépêche,  le  bon  général  de  Bar 
fut  tout  abasourdi  :  «  Je  prépare,  répondit-il  par 
le  télégraphe,  l'exécution  des  ordres  relatifs  à  la 
milice.  Je  crois  de  mon  devoir  de  vous  informer 
que  la  simple  annonce  de  cette  mesure  a  déjà  pro- 
duit plus  d'alarmes  que  l'insurrection  tout  entière. 
J'attends  de  nouveaux  ordres  pour  signer  l'ar- 
rêté. ))  Il  les  reçut  dans  la  journée  même.  Quoi! 
la  guerre  aux  portes  d'Alger!  La  situation  pire 
qu'en  1839,  aussi  mauvaise  qu'en  1831  !  H  y  eut 
un  premier  moment  de  grande  panique;  peu  à  peu 
l'agitation  diminua,  et  les  deux  bataillons  de  mili- 
ciens s'organisèrent. 

Le  jour  même  oii  arrivaient  les  derniers  ordres 
du  maréchal,  Abd-el-Kader,  ayant  tourné  le  géné- 
ral Bedeau  et  le  général  Marey  qui  le  cherchaient 
dans  le  Dira,  donnait  la  main  à  Ben-Salem  sur  le 
bas  Isser.  Ce  même  jour,  le  colonel  Blangini,  qui 
venait  de  changer  la  garnison  de  Dellys,  ramenait 


SURPRISE    DE    BEN-SALEM.  81 

au  général  Gentil  le  bataillon  relevé,  quand  il  ren- 
contra des  groupes  d'hommes  et  de  femmes  qui 
fuyaient  devant  une  razzia  de  Ben-Salem.  Immé- 
diatement il  se  porta  contre  les  pillards  et  leur 
reprit  une  partie  du  bétail  enlevé. 

Dans  la  nuit  du  6  au  7  février,  le  général  Gentil 
rejoignit  le  colonel  avec  son  autre  bataillon,  un 
escadron  du  5'  chasseurs  de  France  et  un  obusier 
de  montagne.  Avant  le  jour,  il  surprit  le  campe- 
ment de  Ben-Salem;  dès  les  premiers  coups  de 
feu,  les  Kabyles,  pris  de  terreur,  s'enfuirent  dans 
la  montagne,  laissant  au  général,  comme  trophée 
de  cette  facile  victoire,  trois  drapeaux,  six  cents 
fusils,  les  tentes  toutes  tendues,  des  chevaux  et 
les  troupeaux   enlevés  la   veille    aux   Isser.    La 
petite  colonne  française  n'avait  ni  un  seul  tué  ni 
un  seul  blessé  même.  Mais  la  nouvelle  la  plus 
surprenante  qu'on  eut  par  les  prisonniers,  c'est 
qu'Abd-el-Kader  était  danslecampetqu'il  n'avait 
échappé  qu'avec  peine  aux  suites  de  la  bagarre. 
Comme  il  ne  se  trouvait  plus  en   sûreté  à  si 
courte  distance  du  général  Gentil,  il  se  jeta  dans 
le  Djurcijura,  où  il  mit  tout  en  œuvre  pour  se 
créer  un  nouveau  centre  de  résistance.  La  iMétidja 
n'avait   plus  rien  à   craindre.    Le   9    février,   le 
maréchal,  accouru  de  Boghar,  fit  sa  jonction  avec 

II.  6 


82  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Bedeau;  mais  la  neige  et  la  pluie  retardèrent  de 
quelques  jours  le  châtiment  qu'il  voulait  infliger 
aux  Kabyles  coupables  de  connivence  avec  l'émir. 
Le  i  5,  il  prit  au  général  Gentil  ses  réserves  de 
troupes  fraîches,  lui  donna  en  échange  son  infan- 
terie fatiguée,  et,  du  17  au  21,  ravagea  le  terri- 
toire desFlissa,  des  Guechtoula,  des  Nezlioua  et 
des  Beni-Khalfoun.  Au  lieu  de  les  soutenir,  Abd- 
el-Kader  et  Ben-Salera  profitèrent  de  l'occupation 
qu'ils  donnaient  à  la  colonne  française  pour  se 
dérober  au  sud-est,  vers  Hamza.  Le  23,  le  maré- 
chal reprit  au  général  Gentil  ses  vieilles  bandes 
et  à  leur  tête  fit  dans  Alger,  le  lendemain,  une 
rentrée  saisissante. 

((  La  sérénité  du  maréchal  dans  cette  redou- 
table crise,  a  dit  le  général  Trochu,  qui  était  alors 
son  aide  de  camp,  —  on  pourrait  dire  sa  gaieté  — 
nous  remplit  d'étonnement  et  d'admiration.  Ce 
calme  profond  d'un  chef  responsable,  sur  qui  la 
presse  algérienne  et  métropolitaine  s'apprêtait  à 
déchaîner  toutes  ses  colères,  et  aussi  des  veilles 
continuelles,  des  fatigues  excessives  pour  son  âge, 
furent,  dans  cette  campagne  ultra-laborieuse,  des 
faits  qui  mirent  dans  un  nouveau  relief  la  vaillante 
organisation  morale  et  physique  du  gouverneur. 
De  celte  campagne,  qui  ne  fut  marquée  par  aucune 


ALGER    ET    LE    MARÉCHAL.  83 

action  militaire  éclatante,  le  maréchal  parlait 
souvent  avec  complaisance,  et  c'était  à  bon  droit. 
Elle  fut  l'une  des  plus  grandes  crises,  la  plus 
grande  crise  peut-être  de  sa  carrière  algérienne. 
Quand  il  rentra  dans  Alger  avec  une  capote  mili- 
taire usée  jusqu'à  la  corde,  entouré  d'un  état- 
major  dont  les  habits  étaient  en  lamlieaux,  mar- 
chant à  la  tête  d'une  colonne  de  soldats  lironzés, 
amaigris,  à  figures  résolues,  et  portant  fièrement 
leurs  guenilles,  l'enthousiasme  de  la  population 
fut  au  comble.  Le  vieux  maréchal  en  jouit  pleine- 
ment; c'est  qu'il  venait  d'apercevoir  de  très  près 
le  cheveu  auquel  la  Providence  tient  suspendues 
les  grandes  renommées  et  les  grandes  carrières.  » 
Le  maréchal  ne  fit  que  toucher  à  Alger;  il  en 
repartitlcD  mars,  sur  la  nouvelle  qu'Abd-el-Kader 
avait  essayé,  inutilement  il  est  vrai,  de  rétablir 
son  influence  parmi  les  tribus  du  Djurdjura.  Une 
grande  assemblée  des  djemâ,  c'est-à-dire  des 
communautés  kabyles,  convoquée  à  Bordj-bou- 
Keni  le  27  février,  était  demeurée  sourde  aux 
instances  qu'il  lui  avait  fait  faire.  Afin  d'encou- 
rager ce  revirement  pacifiijue,  le  maréchal  reprit, 
à  la  tête  d'une  colonne  de  cinq  mille  hommes,  la 
direction  de  l'Isser.  Sa  seule  approche  suffit  à 
faire  tomber  les  dernières  hésitations  et  à  décider 

6. 


84  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

la  retraite  définitive  d' Abd-el-Kader,  de  Ben-Salena 
et  de  tous  les  agents  d'insurrection.  Il  revint  donc 
à  Alger  le  1 8  mars,  pour  recevoir  le  duc  d'Aumale 
et  le  prince  Auguste  de  Saxe-Cobourg,  son  beau- 
frère.  Gomme  le  général  Bedeau  s'en  retournait 
dans  la  province  de  Constantine,  le  duc  d'Aumale 
prit  à  sa  place  le  commandement  supérieur  du 
Titteri. 


RETRAITE    DE    L'ÉMIR.  85 


VU 


L'apparition  d'Abd-el-Kader  dans  le  Djurdjura 
marque  la  limite  extrême  de  son  aventureuse 
entreprise;  dès  lors,  il  va  lutter  encore  de  ruse  et 
de  vitesse  avec  ses  adversaires,  mais  en  reculant 
toujours,  et  sa  retraite  sera  en  même  temps,  pour 
l'insurrection  en  général,  le  commencement  de  la 
décadence. 

Le  7  mars,  à  six  heures  du  matin,  après  une 
course  de  quarante  lieues  en  vingt-quatre  heures, 
il  surprit,  entre  Berouaghia  etBoghar,  le  maghzen 
du  Titteri  et  fit  un  butin  considérable;  mais  ce 
butin  allait  ralentir  sensiblement  sa  marche.  En 
efl'et,  à  deux  heures  de  l'après-midi,  dans  la 
même  journée,  il  fut  atteint  par  le  colonel  Camou, 
qui  lui  tua  soixante-dix  hommes  et  lui  prit  deux 
cent  cinquante  chevaux  harnachés,  mille  cha- 
meaux, vingt-cinq  mille  têtes  de  bétail.  Ce  grand 
succès  piqua  d'émulation  le  général  Jusuf. 

Le  13,  à  cinq  heures  du  matin,  Jusuf  aperçut 


86  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Ja  fumée  d'un  campement  arabe;  un  petit  goum 
envoyé  en  avant  reconnut  bientôt  la  présence  de 
l'émir,  qui,  sans  essayer  d'organiser  la  résistance, 
ne  songea  qu'à  se  dérober  au  plus  vite.  Succes- 
sivement abandonné  par  ceux  qui  avaient  suivi, 
au  début,  sa  fortune  grandissante,  quand  la  pour- 
suite cessa,  il  n'avait  plus  avec  lui  que  quatorze 
fidèles.  On  lui  prit  huit  cents  mulets  chargés.  Deux 
prisonniers  français,  le  lieutenant  deLacotte,  chef 
du  bureau  arabe  de  Tiaret,  et  Tinterprète  Levi, 
pris  à  Sidi-Brahim,  furent  retrouvés  dans  le  camp, 
mais  cruellement  blessés  par  leurs  fanatiques  gar- 
diens. L'inlerprète  ne  survécut  que  peu  d'heures; 
on  put  sauver  le  lieutenant,  qui  avait  reçu  trois 
coups  de  feu.  La  surprise  avait  été  faite  à  imit 
lieues  au  sud-ouest  de  Bou-Sâda. 

Allégé  par  la  perte  de  ses  bagages,  Abd-el- 
Kader  fuyait  vers  le  Djebel-Amour;  dans  ces 
parages,  il  avait  pour  adhérents  les  nombreux 
douars  nomades  des  Ouled-Naïl,  et  des  renforts 
d'hommes  et  de  chevaux  lui  venaient  de  la  deïra. 

Par  les  ordres  du  maréchal,  des  convois  de  cha- 
meaux avaient  apporté,  pour  le  ravitaillement  de 
la  colonne  Jusuf,  à  El-Beïda,  au  pied  du  Djebel- 
Amour,  un  grand  approvisionnement  de  vivres. 
De  cette  base  d'opération,  Jusuf  ne  cessa  pas, 


LES    PRISONNIERS    FRANÇAIS.  87 

pendant  tout  le  mois  d'avril,  de  pousser  des  pointes 
dans  toutes  les  directions,  à  la  recherche  de  l'émir 
dont  il  avait  de  nouveau  perdu  la  trace;  mais 
s'il  ne  parvenait  pas  à  l'atteindre,  ses  courses 
n'étaient  pas  tout  à  fait  inutiles,  car  elles  eurent 
pour  effet  de  réduire  les  Ouled-Naïlà  l'obéissance. 
Le  P"^  mai,  le  duc  d'Aumale  lui  amena  des  troupes 
fraîches;  le  prince  avait  voulu,  en  descendant 
jusqu'à  El-Beïda,  se  rendre  compte  des  progrès 
de  la  soumission  dans  ces  régions  lointaines. 

Ce  fut  en  ce  temps-là,  pendant  qu'Abd-el-Kader 
était  dans  le  Djebel-Amour,  qu'à  plus  de  cent 
lieues  de  distance,  un  crime  exécrable,  le  massacre 
des  prisonniers  français,  ensanglantait  la  deïra 
dans  le  Maroc.  Ils  étaient  environ  deux  cent  qua- 
tre-vingts; sur  ce  nombre  quatre-vingt-quinze, 
dont  cinquante-sept  blessés,  avaient  été  pris  com- 
battant à  Sidi-13rahim;  le  surplus  étaient  les 
défaillants  d'Aïn-Temouchent.  Ils  avaient  été  bien 
traités  d'abord;  mais  leur  sort,  attaché  à  celui  de 
la  deïra,  ne  tarda  pas  à  en  subir  les  vicissitudes. 

Déjà  Miloud-ben-Arach,  cédant  aux  injonctions 
de  l'empereur  Mouley-Abd-el-Rahmane,  était  allé 
faire  sa  soumission  à  Fez;  bientôt  il  y  eut  une 
autre  défection  plus  considérable;  les  Beni-Amer, 
qui  étaient  huit  ou  dix  mille,  prirent,  au  mois  do 


88  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

mars,  le  chemin  de  l'ouest,  et  suivirent  l'exemple 
(le  Miloucl-ben-Arach.  Il  ne  restait  plus  que  les 
Hachem  et  quelques  émigrés  isolés  de  diverses 
tribus. 

Sur  ces  entrefaites,  le  beau-frère  de  l'émir, 
Moustafa-ben-Tami,  vint  prendre  à  la  place  de 
Bou-Hamedi  le  commandement  de  la  deïra;  il 
avait  l'ordre  de  la  conduire  dans  le  sud.  Cet  ordre 
provoqua  d'énergiques  résistances;  entre  les  deux 
khalifas,  il  y  eut  des  discussions  vives.  Dans  la 
deïra,  réduite  des  trois  quarts,  le  méconten- 
tement grandissait  avec  la  misère;  on  regardait 
comme  un  embarras  ces  prisonniers  qu'il  fallait 
nourrir. 

Ils  occupaient,  au  milieu  d'un  camp  de  cinq 
cents  réguliers,  sur  les  bords  de  la  Moulouïa,  une 
vingtaine  de  gourbis;  le  camp  était  entouré  d'un 
rempart  de  broussailles.  Le  24  avril,  dans  l'après- 
midi,  Moustafa-ben-Tami  envoya  chercher  les 
officiers  français,  deux  sous-officiers  et  quatre 
soldats,  en  tout  douze  hommes,  qu'on  conduisit  à 
la  deïra,  trois  lieues  plus  loin.  A  la  nuit  tombante, 
les  autres  furent  répartis  par  petits  groupes  dans 
les  huttes  des  réguliers.  A  niinuit,  un  cri  donna 
le  signal  du  massacre;  la  fusillade  dura  une  demi- 
heure;   puis   Fincendie    dévora    les  gourbis  où 


MASSACRE    DES    PRISONNIERS.  89 

quelques-unes  des  malheureuses  victimes  avaient 
cherché  refuge. 

Un  seul  (les  prisonniers,  le  clairon  Rolland,  du 
8'  bataillon  de  chasseurs  à  pied,  put  échapper  aux 
massacreurs.  Blessé,  nu,  mourant  de  faim,  pris 
par  des  Marocains  qui  d'abord  voulurent  le  tuer, 
mais  qui  se  ravisèrent  en  songeant  au  bénéfice  que 
devait  leur  rapporter  la  capture,  il  fut  en  effet 
ramené,  moyennant  rançon,  à  Lalla-Maghnia,  le 
17  mai.  Ce  fut  par  lui  qu'on  sut  le  détail  de  cetle 
horrible  tragédie.  Qui  en  avait  été  l'auteur?  Quelles 
qu'aient  été  plus  tard  les  dénégations  et  les  pro- 
testations d'Abd-el-Kader,  il  n'est  pas  douteux 
qu'il  ait  ordonné  le  crime.  Dans  des  lettres  que 
nous  aurons  à  citer  bientôt,  il  en  a  fait  l'aveu  lui- 
même. 


90  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


VIII 


Dans  les  premiers  jours  du  mois  de  mai,  le 
général  Jusuf,  d'après  les  instructions  que  venait 
de  lui  donner  le  duc  d'Aumale,  avait  organisé,  au 
campement  d'El-Beïda,  une  colonne  légère  de 
seize  cents  baïonnettes  et  de  quatre  cent  soixante 
sabres.  L'infanterie  élait  commandée  par  le 
colonel  de  Ladmirault,  la  cavalerie  par  le  lieu- 
tenant-colonel d'AUouville.  Jusuf  s'engagea  d'a- 
bord dans  le  Djebel-Amour,  mais  il  n'y  trouva 
plus  Abd-el-Kader  qui  s'était  réfugié  plus  loin  au 
sud-ouest,  chez  les  Ouied-Sidi-Cheikh.  Le  soin  de 
l'y  poursuivre  fut  confié,  par  ordre  du  gouver- 
neur, au  colonel  Renault,  avec  une  seconde 
colonne.  Après  avoir  pacifié  le  Djebel-Amour,  le 
général  Jusuf  en  finit  aisément  avec  les  derniers 
dissidents  des  Ouled-Naïl;  la  grande  tribu,  venue 
à  résipiscence,  lui  fit  toutes  les  satisfactions 
réclamées;  des  troupeaux,  représentant  une  va- 


LA   MORICIERE    ET    JUSUF.  91 

leur  de  cent  soixante  mille  francs,  lui  furent 
livrés  en  cinq  jours.  Le  30  mai,  il  put  rentrer  à 
Boghar. 

C'était  La  Moricière  qui  avait  été  chargé  d'orga- 
niser à  Mascara  la  colonne  Renault,  destinée  à 
poursuivre  et  à  terminer  la  chasse  à  l'émir.  Le 
général  y  répugnait,  ayant  vu  dans  quel  état  de 
délabrement  revenaient  les  troupes  surmenées  par 
Jusuf.  11  n'avait  rien  vu  de  semblable,  disait-il,  ni 
après  le  retour  de  Conslantine,  ni  après  «  la  désas- 
treuse campagne  de  1840  »,  et  il  se  serait  inquiété 
de  l'etTet  produit  sur  les  indigènes  par  un  tel 
spectacle,  s'il  n'avait  eu  sous  la  main  des  troupes 
fraîches  à  leur  montrer. 

A  cela,  le  maréchal  Bugeaud  répondait  :  «  Si 
votre  opinion  s'adresse  à  toutes  les  opérations 
dans  le  désert,  —  et  je  suis  tenté  de  le  croire  par 
l'amertume  avec  laquelle  vous  parlez  de  l'état 
dans  lequel  le  général  Jusuf  a  mis  les  troupes  qu'il 
avait,  —  je  suis  loin  de  la  partager.  Les  opérations 
des  colonnes  Camou,  Renault,  Jusuf,  réunies  ou 
séparées,  nous  ont  rendu  les  plus  grands  services; 
ce  sont  elles  qui  ont  ruiné  l'émir,  en  ne  lui  laissant 
qu'une  poignée  de  cavaliers  exténués;  elles  ont 
amené  la  soumission  de  tout  le  désert  au  sud  de  la 
province  d'Alger;  elles  nous  ont  ramené  plusieurs 


92  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

tribus  du  Tell  qui  avaient  émigré,  et,  par  leur  effet 
matériel  et  moral,  elles  ont  amené  la  pacification 
do  tout  le  Titteri.  C'est  aux  échecs  répétés  que  ces 
colonnes  ont  fait  éprouver  à  Abd-el-Kader  que 
vous  devez,  de  votre  côté,  la  soumission  des 
Harar,  des  Oïded-Khelif  et  autres.  Ce  n'est  pas 
tout.  Pendant  que  ces  colonnes  s'exténuaient,  les 
vôtres  se  reposaient  ou  agissaient  peu  ;  voilà  pour- 
quoi elles  sont  aujourd'hui  en  bon  état. 

('  Je  reconnais  que  le  général  Jusuf,  avec  des 
qualités  militaires  très  distinguées,  n'a  pas  tout 
l'ordre  d'administration  et  d'organisation  qu'on 
pourrait  désirer,  mais  je  crois  facile  de  le  justifier 
d'avoir  retenu  des  cadres  d'escadrons,  en  ne  vous 
envoyant  que  des  hommes  et  des  chevaux  indis- 
ponibles. Il  jouait  un  coup  de  partie  pour  la  tran- 
quillité de  tout  l'est  et  même  de  l'ouest.  Je  pense 
sincèrement  qu'il  a  eu  raison,  et  les  résultats  la  lui 
donnent.  Il  ne  voulait  pas  abandonner  le  pays  des 
Ouled-Naïl  avant  d'avoir  chassé  Abd-el-Kader;  il 
sentait  que,  s'il  s'éloignait  seulement  pendant 
quelques  jours  pour  venir  à  Boghar  se  remettre  et 
échanger  ses  troupes,  il  pouvait  perdre  le  fruit  de 
tous  ses  travaux  et  relever  les  actions  de  l'émir. 
Je  trouve  que  c'est  bien  joué,  et  je  jugerais  ainsi 
lors  même  qu'il  n'aurait  pas  gagné  la  partie.  On 


COLONNE    RENAULT.  93 

ne  fait  les  choses  extraordinaires  à  la  guerre 
qu'avec  des  moyens  extraordinaires.  » 

Formée  d'abord  à  Mascara,  la  colonne  Renault 
ne  fut  définitivement  organisée  qu'à  Frenda;  elle 
comprenait  six  bataillons  d'un  etfectif  de  deux 
mille  six  cents  hommes,  et  quatre  escadrons  comp- 
tant trois  cent  cinquante  chevaux;  il  y  avait  de 
plus  deux  cents  cavaliers  de  la  Yakoubia.  Elle 
bivouaqua,  le  24  mai,  à  la  pointe  orientale  du 
Ghott-el-Chergui,  et  atteignit,  trois  jours  après, 
Stitten,  où  elle  eut  des  nouvelles  d'Abd-el-Kader. 
Il  était  dans  les  montagnes  des  Ksour,  chez  les 
Trafi;  mais  quand  il  avait  demandé  aux  gens 
d'Arbâ  le  cheval  de  soumission,  ils  lui  avaient 
répondu  :  «  Nous  n'avons  pas  de  cheval;  nous  ne 
pouvons  te  donner  qu'un  âne.  »  C'était  peu  encou- 
rageant; aussi  avait-il  envoyé  plus  loin,  àChellala, 
son  convoi  réduit  à  quelques  mulets  et  à  trois  cha- 
meaux, l'un  desquels  portait  sa  femme.  Ce  (jui 
n'était  pas  encourageant  davantage,  c'était  la 
réponse  des  Ouled-Sidi-Cheikh  à  ses  exhortations 
belliqueuses  :  «  Tu  es  comme  la  mouche  qui 
excite  le  taureau,  et  quand  tu  l'as  irrité,  tu  dis- 
parais, et  c'est  nous  qui  recevons  les  coups.  » 

Le  1"  juin,  les  éclaireurs  du  colonel  Renault  le 
surprirent  à  Chellala-Guebha;  il  n'eut  que  le  temps 


94  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

de  se  mettre  à  cheval  et  de  fuir.  Des  envoyés  se 
présentèrent  au  colonel  de  la  part  des  Ouled-Sidi- 
Cheikh,  et  lui  dirent  :  «  Nous  sommes  les  supporls 
de  la  tente  que  tu  veux  planter;  nous  voici;  nous 
soutiendrons  l'édifice.  »  Ainsi  les  nomades  aban- 
donnaientsuccessivementAbd-el-Kader.Le12juin, 
le  colonel  Renault  prit  son  bivouac  au  ksar  aban- 
donné d'El-Biod;  il  y  avait  de  l'eau  qui  par  bon- 
heur n'était  pas  saumâtre  et  du  fourrage  en  abon- 
dance. C'est  le  poste  qui  est  devenu,  sept  ans  plus 
tard,  Géryville.  Le  25,  la  colonne  reprit  la  direc- 
tion du  Tell.  Le  1"  juillet,  elle  atteignit  Frenda, 
et  Mascara  le  5. 

Depuis  deux  jours,  Abd-el-Kader  était  rentré 
dans  le  Maroc  par  Figuig;  on  ne  tarda  pas  à  savoir 
qu'il  avait  rejoint  la  deïra,  le  1 8  juillet,  après  sept 
mois  de  la  vie  la  plus  agitée  par  les  péripéties  les 
plus  émouvantes. 


CHAPITRE  VII 

LA    DERNIERE    ANNÉE    DU    MARÉCHAL    BUGEAUD 
EN    AFRIQUE. 

I.  —  Échecs  de  Bou-Maza.  —  Le  derviche  Sidi-Fadel.  —  Création 
du  poste  d'Anmale.  —  Incidents  dans  la  province  de  Constantine. 

II.  —  Rachat  des  prisonniers  français.  —  Lettres  d'Abd-el-Kader. 

III.  —  Reddition  de  Bou-Maza.  —  Soumission  de  Ben -Salem.  — 
Promenades  militaires  dans  le  Sud. 

IV.  —  Le  maréchal  Bugeand  et  La  Moricière.  —  Échec  du  projet  de 
colonisation  militaire.  —  Expédition  ilu  maréchal  dans  la  vallée 
de  l'Oued-Sahel. —  Démission  du  maréchal Bugeaud. —  Ses  adieux. 
—  La  statue  du  maréchal. 


1 


Depuis  la  courte  apparition  d'Abd-el-Kader 
dans  rOuarensenis,  à  la  fin  de  1845,  l'insurrec- 
tion, sur  les  deux  bords  du  Chélif,  s'en  était  allée 
déclinant;  aucun  des  khalifas  qu'il  venait  d'insti- 
tuer, ni  El-Hadj-el-Sghir  au  sud,  ni  Bou-Maza  au 
nord,  ne  parvinrent  à  rendre  aux  insurgés  l'ar- 
deur des  premiers  jours.  Le  28  janvier  1840,  le 


96  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

lieutenant- colonel  Canrobert,  commandant  la 
colonne  mobile  de  Tenès,  réussit  à  surprendre  le 
principal  fauteur  de  la  révolte  du  Dahra,  le  kaïd 
des  Beni-Hidja,  Ben-Hinni,  qui  périt  dans  la  ba- 
garre. Ce  fut  pour  Bou-Maza  une  très  grande  perte. 
Deux  jours  après,  la  colonne  Canrobert  eut  un 
nouveau  succès  à  la  suite  duquel  le  chérif  jugea 
prudent  de  se  dissimuler  dans  les  montagnes.  Six 
semaines  plus  tard,  il  reparut  pour  se  faire  battre 
derechef  par  le  colonel  de  Saint-Arnaud  et  le 
lieutenant-colonel  Canrobert  réunis;  dans  ce  com- 
bat de  Sidi-Klifa,  livré  le  i  5  mars,  il  eut  le  poignet 
fracassé  par  une  balle. 

Au  mois  d'avril,  le  général  Pélissier,  sorti  de 
Mostaganem,  Saint-Arnaud  d'Orléansville,  et  Can- 
robert de  Tenès,  agirent  simultanément  dans  le 
Dahra;  le  résultat  de  ce  concert  fut  l'expulsion 
définitive  de  Bou-Maza  qui  passa  dans  l'Ouaren- 
senis.  Il  n'y  releva  pas,  tant  s'en  faut,  la  fortune 
d'El-Sghir  qui  périclitait  de  plus  en  plus.  Toutes 
les  tribus,  lasses  de  la  guerre,  l'abandonnèrent 
successivement,  et  il  suffit  d'une  simple  apparition 
du  maréchal  Bugeaud  sur  l'Oued-Rouina,  au  mois 
de  mai,  pour  achever  sa  déchéance.  Quelques 
jours  après,  on  sut  d'une  manière  certaine  que 
les  deux  khalifas  étaient  allés  ensemble  joindre 


CAVAIGNAC    A    SIDI-BRAHLM.  97 

à  Stitten,  dans  le  désert,  leur  infortune  à  celle  du 
maître. 

Dans  la  subdivision  de  Tlemcen,  le  général  Ca- 
vaignac  ne  cessait  pas  d'exercer  sur  la  frontière 
du  Maroc  et  même  au  delà,  de  temps  à  autre,  la 
police  que  le  gouvernement  marocain  oubliait  ou 
se  sentait  incapable  de  faire.  Dans  une  de  ces 
courses,  au  mois  de  février  1846,  la  colonne  qu'il 
commandait  fit  halte  auprès  du  marabout  de  Sidi- 
Brahim.  Les  restes  des  braves  qui  avaient  péri 
dans  la  fatale  journée  du  23  septembre  gisaient 
épars  sur  le  champ  de  bataille;  au-dessus  de  la 
fosse  où  ils  furent  pieusement  recueillis,  un  monu- 
ment bien  simple,  une  pyramide  de  terre  gazonnée 
s'éleva  en  deux  heures;  puis,  le  général  en  tête, 
l'épée  à  la  main,  l'infanterie,  la  baïonnette  au 
canon,  la  cavalerie,  le  sabre  au  clair,  les  tambours 
battant  aux  champs,  les  trompettes  sonnant  la 
marche,  la  colonne  défila  au  pied  de  l'ossuaire; 
une  salve  d'artillerie  envoya  aux  morts  le  suprême 
adieu,  et  quand  les  troupes  reformées  en  bataille 
eurent  présenté  les  armes,  elles  s'éloignèrent, 
émues,  silencieuses,  dans  la  direction  de  Djemma- 
Ghazaouat. 

Un  jour,  vers  la  fin  de  mars,  le  général  Cavai- 
gnac  vit  arriver  sous  Tlemcen  une  bande  étrange, 

II.  7 


98  LA    COAOUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

conduite  par  un  derviche,  un  thaumaturge,  qui 
se  faisait  appeler  Sidi-Mohammed-el-Fadel.  «  Tu 
sais,  écrivit -il  au  général,  qu'il  doit  venir  un 
homme  qui  régnera  jus(|u'à  la  fin  des  temps.  Cet 
homme,  c'est  moi,  Mohammed,  envoyé  par  Dieu 
et  choisi  parmi  les  plus  saints  de  la  suite  du  Pro- 
phète. Je  suis  l'image  de  celui  qui  est  sorti  du 
souffle  de  Dieu;  je  suis  l'image  de  Notre-Seigneur 
Jésus.  Je  suis  Jésus  ressuscité,  ainsi  que  tout  le 
monde  le  sait,  croyant  à  Dieu  et  à  son  Prophète. 
Si  lu  ne  crois  pas  les  paroles  que  je  te  dis  en  son 
nom,  tu  t'en  repentiras  aussi  sur  comme  il  n'y  a 
qu'un  Dieu  au  ciel  qui  a  le  pouvoir  de  tout  faire. 
Salut  !  »  Le  jour  où  il  avait  la  prétention  d'entrer 
dansTlemcen,  le  général  Cavaignac  alla  au-devant 
de  lui.  Le  thaumaturge  n'avait  pas  moins  de  douze 
cents  fantassins  et  de  huit  cents  cavaliers,  Maro- 
cains pour  la  plupart;  d'après  les  promesses  de 
leur  chef,  ils  n'avaient  même  pas  besoin  d'apprê- 
ter leurs  armes,  la  terre  devant  engloutir  d'abord 
les  Français.  Quand  ils  virent  sur  leurs  têtes  les 
sabres  des  hussards,  ils  furent  tout  surpris  et  scan- 
dalisés; cependant  il  leur  fallut  bien  essayer  de  se 
défendre,  à  quoi  ils  ne  réussirent  guère;  car  ils 
furent  bien  vite  mis  en  déroute.  De  huit  drapeaux 
qu'ils  avaient,  sept  furent  pris;  ([uant  au  thauma- 


LE    POSTE    D'AUMALE.  99 

turge,  il  disparut,  et  jamais  plus  on  n'entendit 
parler  de  lui. 

Au  temps  où  surgissaient  de  tous  côtés  les 
émules  de  Bou-Maza,  Bou-Ghareb,  dans  la  Djebel- 
Dira,  avait  eu  quelques  succès  d'abord;  mais  les 
généraux  d'Arbouville  et  Marey  étaient  venus 
facilement  à  bout  de  lui.  Restait  à  pacifier  défini- 
tivement cette  région  montagneuse  et  toute  la 
partie  du  ïitteri  qui  touche  à  la  province  de  Gon- 
stantine.  Ce  fut  l'œuvre  du  duc  d'Aumale  pendant 
le  printemps  de  l'année  1846.  Le  maréchal  Bu- 
geaud  lui  avait  recommandé  de  chercher  avec 
soin  dans  ces  parages  un  point  (jui,  de  simple 
biscuitville  d'abord,  pourrait  peu  à  peu  s'élever, 
en  passant  par  la  condition  de  poste-magasin,  jus- 
qu'à l'état  supérieur  de  base  permanente,  au  même 
titre  que  Médéa  ou  IMiliana.  Le  prince  reconnut  et 
choisit  la  position  de  Sour-Ghozlan,  sur  le  revers 
nord  du  Djebel-Dira.  Il  y  avait  là  un  ancien  bordj 
turc  qui  fut  mis  aussitôt  en  état  de  défense.  De 
fait,  la  croissance  du  nouvel  établissement  fut 
beaucoup  plus  rapide  (|ue  n'avait  pensé  le  gouver- 
neur. Avant  la  fin  de  l'année  1846,  il  avait  pris 
rang  parmi  les  postes  permanents  et  s'appelait 
Aumale;  vers  le  même  temps,  le  nom  de  Nemours 
était  donné  à  Djenmia-Ghazaouat.  Destiné  à  de- 

7. 


100  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

venir  bientôt  chef-lieu  de  subdivision ,  Aumale  se 
trouvait  au  nœud  des  communications  d'Alger 
avec  Tiaret  d'une  part,  Bou-Sâda  et  Gonstantine 
de  l'autre. 

La  province  de  Gonstantine,  depuis  l'administra- 
tion du  prince  en  1844,  avait  joui  d'une  tranquil- 
lité si  complète,  par  comparaison  à  ce  qui  se  pas- 
sait dans  l'ouest,  qu'au  moment  de  l'insurrection 
de  1 845  le  maréchal  Bugeaud  avait  pu  en  distraire 
le  général  Bedeau,  qui  en  était  le  commandant 
titulaire,  pour  lui  conférer  pendant  la  crise  le 
commandement  du  Titteri.  C'était  le  général 
Levasseurqui  le  remplaçait  provisoirement  à  Gon- 
stantine. Get  intérim  ne  fut  signalé  que  par  un 
incident  dont  les  suites  ne  furent  heureusement  pas 
aussi  fâcheuses  qu'elles  avaient  paru  l'être  au  pre- 
mier moment.  Comme  le  général  Levasseur  venait 
de  faire,  tout  à  l'ouest  de  la  province,  dans  le 
Belezma  et  le  Hodna,  une  tournée  de  police,  et 
pendant  qu'il  reprenait  le  chemin  de  Gonstantine, 
sa  colonne,  avant  d'arriver  à  Sétif,  futassaillie,dans 
les  ravins  du  Djebel-bou-Taleb,  le  3  janvier  1846, 
par  un  ouragan  de  neiged'une  violence  telle  qu'il  lui 
fut  impossible  d'y  résister.  Les  hommes  s'égarèrent 
et  se  dispersèrent.  Ceux  qui,  le  lendemain  soir, 
purent  entin  gagner  Sétif,  étaient  en  si  petit  nombre 


LES    OULED-YAYA.  101 

qu'on  fut  d'abord  porté  à  croire  le  désastre  im- 
mense; mais,  les  jours  suivants,  la  plupart  des 
égarés  reparurent,  soignés  et  ramenés  par  les 
Arabes. 

En  regard  de  ce  dernier  fait,  politiquement  et 
moralement  considérable,  il  faut  par  malheur  en 
placer  un  autre  qui  est  tout  contraire.  Ce  fut  cinq 
mois  plus  tard,  et  dans  l'est  de  la  province.  Le 
général  Randon,  commandant  de  Boue,  avait  ap- 
pris qu'un  chérif,  venu  de  Tunisie,  prêchait  aux 
Nemencha  la  révolte.  Aussitôt  il  se  mit  en  campagne 
avec  le  31°  de  ligne,  la  légion  étrangère,  le  5"  hus- 
sards et  les  spahis.  Arrivé  sous  Tebessa  sans  coup 
férir,  il  vit  venir  à  lui,  apportant  la  diffa  pour  les 
hommes  et  l'orge  pour  les  chevaux,  la  grande 
tribu  des  Yaya-ben-Taleb.  Le  T^  juin,  le  général, 
qui  allait  s'engager  chez  les  Nemencha,  dans  la 
partie  la  plus  âpre  de  leur  territoire,  mit  en  route 
pour  Bone,  sous  l'escorte  de  cinq  spahis  comman- 
dés par  un  de  leurs  officiers,  un  petit  convoi 
d'éclopés,  de  malingres  et  de  soldats  valides, 
mais  qui,  leur  temps  de  service  fini,  devaient 
rentrer  en  France;  le  total  était  d'une  centaine 
d'hommes. 

«  Le  lendemain  matin,  au  petit  jour,  disent  les 
mémoires  du  maréchal  Randon,  un  homme  entiè- 


102  LA    rOKQUÉTE    DE    L'ALGÉRIE. 

rement  nu,  couvert  de  sang,  se  jetait  clans  une 
grand'garde  de  la  légion,  prononçant  des  paroles 
inintelligibles  dans  lesquelles  revenaient  souvent 
les  mots  :  «  Spahis...  morto!...  morto!...  »  Con- 
duite la  tente  du  général,  il  fut  reconnu  pour  un 
des  spahis  du  convoi  dirigé  la  veille  sur  Bone. 
D'après  son  dire,  ils  avaient  été  inopinéaient  atta- 
qués pendant  une  halte  chez  les  Ouled-Yaya.  Lui 
seul,  pensait-il,  avait  échappé  au  carnage  et  à  une 
poursuite  acharnée,  en  jetant  derrière  lui  burnous, 
turban,  zéroual,  et  en  se  glissant  dans  les  brous- 
sailles, malgré  de  nombreuses  blessures.  Quelques 
instants  après,  le  kaïd  des  Yaya-ben-Taleb,  Si- 
Mohammed-Tazar ,  se  précipitait  aux  genoux  du 
général  et,  d'une  voix  brisée  par  les  sanglots,  ré- 
pétait sans  cesse  qu'il  avait  été  trahi  par  les  siens, 
qu'il  ne  voulait  pas  être  le  complice  d'un  pareil 
attentat,  et  que,  ne  pouvant  le  racheter  que  par 
son  sang,  il  apportait  sa  tête.  Le  général  ne  perdit 
pas  de  temps  en  récriminations  vaines  ;  il  obtint 
sans  peine  du  kaïd  qu'il  dirigerait  lui-même  l'expé- 
dition contre  sa  tribu,  et,  levant  le  camp,  il  lança 
sa  cavalerie  pour  atteindre  au  plus  vite  le  théâtre 
de  cet  affreux  attentat;  peut-être  serait-il  possible 
de  sauver  quelques  blessés  et  de  reprendre  quel- 
ques prisonniers;  mais,  arrivé  sur  le  lieu  du  mas- 


DÉTACHEMENT    MASSACRÉ.  103 

sacre,  plus  d'espoir.  Du  nombreux  campement 
des  Ouled-Yaya,  il  ne  restait  plus  trace  :  un  hideux; 
charnier,  que  se  disputaient  déjà  les  chacals  et  les 
vautours,  lui  avait  succédé.  Il  était  facile  de  recon- 
struire par  l'imagination  les  péripéties  de  cet  hor- 
rible drame.  Ici,  des  cadavres  étaient  amoncelés  .' 
c'étaient  ceux  des  malades  surpris  sans  défense  ; 
ailleurs,  la  terre  piétinée  attestait  les  efforts  de 
quelques  combattants  armés;  partout  du  sang,  des 
débris;  au  loin  quelques  corps  isolés,  ceux  d'hom- 
mes qui  avaient  succombé  après  avoir  essayé  de 
fuir.  Le  récit  du  spahi  survivant  était  confirmé  : 
il  ne  restait  plus  qu'à  tirer  vengeance  de  cette 
odieuse  trahison.  Une  reconnaissance  de  cavalerie 
apprit  que  toute  la  tribu  des  Ouled-Yaya,  fuyant 
dans  l'est,  se  concentrait  sur  une  forte  position 
nommée  El-Gola  ou  Rassaln.  C'était  un  plateau 
calcaire,  en  forme  de  table  à  bords  escarpés, 
comme  il  s'en  rencontre  dans  ce  pays  du  Kef.  Dès 
le  lendemain,  on  était  prêt  à  l'assaut;  quelques 
rampes  abruptes  y  donnant  accès  en  certaines 
places,  les  spahis  suivis  de  la  légion  les  gravirent 
les  premiers.  Pour  la  cavalerie,  arriver  là,  c'était 
un  vrai  tour  de  force  ou  plutôt  d'adresse;  elle  y 
monta  cependant,  au  milieu  d'une  forte  fusillade  ; 
les  fantassins  suivirent,  et,  en  un  instant,  la  mul- 


104  LA    CONQLÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

titude  des  Yaya  était  mise  à  sac  ou  fuyait  en  se 
|)récipitant  du  haut  des  rochers  sur  le  revers  boisé 
de  la  position.  Les  traîtres  étaient  châtiés;  restait 
à  en  finir  avec  les  contingents  de  Tunis  et  desNe- 
mencha.  » 

Le  général  Randon  demanda  des  renforts  au 
général  Bedeau  qui  avait  repris  le  commandement 
supérieur  de  la  province;  il  reçut  le  2'  de  ligne, 
des  détachements  de  chasseurs  d'Afrique  et  de 
spahis,  avec  de  l'artillerie.  Devant  lui  les  rebelles 
avaient  fait  le  vide;  cependant  il  finit  par  les  at- 
teindre, et  le  choc  des  deux,  cavaleries  fut  superbe. 
((  A  peine  nos  fantassins  osaient-ils  faire  feu,  disent 
les  mémoires,  de  peur  de  tuer  nos  cavaliers  pêle- 
mêle  avec  leurs  adversaires.  Ce  fut  pour  le  2"  de 
ligne  un  curieux  spectacle  :  on  comptait  les  coups. 
Gérard,  le  tueur  de  lions,  alors  maréchal  des  logis 
aux  spahis  de  Bone,  tua  plusieurs  cavaliers  tuni- 
siens, comme  dans  les  combats  des  Horaces  et  des 
Curiaces.  Deux  cavaliers  entre  autres  fuyaient  de- 
vant lui  :  il  atteint  le  premier  et  lui  passe  son 
sabre  à  travers  le  corps;  par  un  bond  de  son  che- 
val, il  rejoint  le  second,  qui,  penché  sur  sa  selle, 
le  tenait  au  bout  de  son  fusil;  l'Arabe  fait  feu, 
manque  son  coup  et  tombe  sous  le  sabre  deGérard. 
La  suite  de  ce  combat  fut  une  poursuite  acharnée 


CHATIMENT.  105 

d'environ  sept  lieues  ;  la  nuit  et  la  fatigue  y  mirent 
un  terme  forcé.  Toute  cette  cavalerie  ne  s'arrêta 
qu'après  avoir  constaté  qu'elle  était  depuis  long- 
temps déjà  sur  le  pays  de  Tunis.  »  Les  jours  sui- 
vants, les  Nemencha  ayant  fait  soumission,  le  gé- 
néral Randon  ramena  sa  colonne  à  Bone. 


106  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE, 


II 


Il  convient,  pour  être  exaci,  de  rechercher  le^ 
derniers  vestiges  et  de  noter  les  conséquences^ 
extrêmes  de  la  grande  insurrection.  Rentré  dans 
le  Maroc,  au  mois  de  juillet  1846,  Abd-el-Kader 
se  raidissait  obstinément  contre  la  mauvaise 
fortune;  son  retour  fut  signalé  par  une  sourde 
agitation  des  deux  côtés  de  la  frontière,  chez  les 
Beni-Snassen  au  delà,  chez  les  Trara  en  deçà. 
Afin  d'être  prêt  à  tout  événement,  le  général  Ca- 
vaignac  envoya  le  colonel  de  Mac  Mahon  à  Sebdou, 
et  s'établit  de  sa  personne  entre  Lalla-Maghnia  et 
Djemma-Ghazaouat. 

Trois  mois  se  passèrent  ainsi  sans  incidents 
bien  significatifs;  mais  en  octobre,  on  apprit 
qu'une  scission  s'était  faite  dans  la  deïïa,  que  Bou- 
Maza  s'était  mis  en  désaccord  avec  l'émir,  et  que, 
soit  qu'il  fût  inquiet  pour  sa  vie,  ou  seulement 
fatigué  de  sa  réclusion,  il  avait  pris  le  parti  de 
rentrer  pour  son  propre  compte  en  campagne. 


POLITIOIE    DE    L'ÉMIK.  107" 

«  Je  vous  annonce,  écrivail-il  aux  Ghossel,  que 
vous  aurez  bientôt  le  bonheur  et  la  joie,  s'il  plaît 
à  Dieu.  Je  vous  annonce  que  je  ne  suis  plus  sous 
les  ordres  de  Hadj-Abd-el-Kader,  et  qu'il  n'y  aura 
plus  rien  de  commun  entre  nous.  )> 

Avant  de  suivre  le  chérif  dans  ses  nouvelles 
aventures,  il  est  important  d'étudier  de  près  les 
actes  et  la  politique  de  l'émir.  On  sait  que,  pour 
faire  croire  aux  populations  indigènes  qu'il  se 
trouvait  toujours  en  état  de  traiter  avec  les  Fran- 
çais, il  engageait  le  plus  souvent  possible  des 
pourparlers  relatifs  à  l'échange  ou  au  rachat  des 
prisonniers.  C'étaient  les  survivants  du  massacre 
de  la  deïra  qui  naturellement  faisaient  l'objet  de 
ces  communications,  et  c'étaitavecM.  Léon  Roches, 
alors  secrétaire  de  légation  à  Tanger,  qu'il  semblait 
le  plus  naturel  qu'Abd-el-Kader  s'entendît  volon- 
tiers à  leur  égard.  Cependant  l'émir  soulevait  une 
difficulté  :  négocier  à  Tanger,  c'était  accepter  ou 
paraître  accepter  le  patronage  du  gouvernement 
de  Fez,  tandis  que  sa  prétention  était  de  traiter 
directement  avec  la  France,  et  il  faisait  écrire 
expressément  dans  ce  sens-là  par  le  principal  de 
ses  prisonniers,  le  lieutenant-colonel  Courby  de 
Cognord,  au  général  Cavaignac. 

Autorisé  par  le  gouvernement  français  à  négo- 


108  LA    COMQIJÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

cier  avec  Abd-el-Kader,  le  général  adressa,  le 
5  octobre,  au  lieutenant-colonel  Courby  de  Co- 
gnord,  pour  être  mises  par  lui  sous  les  yeux  de 
lemir,  les  conditions  précises  de  l'échange.  Mais, 
longtemps  avant  l'arrivée  de  cette  lettre,  qui  fut 
retenue  d'ailleurs  par  Abd-el-Kader  sans  que  le 
destinataire  en  eût  eu  connaissance,  une  péripétie 
nouvelle  avait  compliqué  l'imbroglio.  Le  18  sep- 
tembre, un  des  chefs  de  la  deïra  était  venu  deman- 
der aux  prisonniers  s'ils  voulaient  traiter  de  leur 
rançon,  non  pas  avec  l'émir  qui  n'en  saurait  rien, 
mais  avec  les  khalifas  qui  en  feraient  personnelle- 
ment leur  affaire.  Que  l'émir  voulût  paraître 
étranger  au  marchandage,  on  peut  le  comprendre; 
mais  qu'il  n'en  sût  rien,  c'est  inadmissible. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  marché  fut  débattu,  et  l'on 
convint  d'une  somme  de  six  mille  piastres  fortes 
d'Espagne,  soit  trente-trois  mille  francs  en  mon- 
naie de  France,  qui  serait  avancée  par  le  gouver- 
neur espagnol  du  préside  de  Mélilla.  Le  lieutenant- 
colonel  Courby  de  Cognord  écrivit  en  conséquence 
au  colonel  Demetrio,  marquis  de  Benito,  gouver- 
neur de  Mélilla,  lequel  s'empressa  d'acquiescer  à  la 
convention.  «  Je  suis  disposé  à  tout  faire  pour 
vous  être  agréable,  s'empressa-t-il  de  répondre  à 
Courby  de  Cognord;  que  j'aurai  de  plaisir  à  vous 


MISE    EN    SCENE.  109 

recevoir  chez  moi  et  à  vous  embrasser  comme  si 
vous  étiez  de  mes  enfants  !  Je  vous  attends  avec 
les  bras  ouverts.  Le  jour  que  j'aurai  ce  plaisir 
sera  pour  moi  une  belle  journée.  »  Le  gouverneur 
n'eut  pas  d'ailleurs  à  faire  l'avance  de  la  rançon, 
qui  fut  apportée  d'Oran  à  Mélilla  par  le  bateau  à 
vapeur  Véloce. 

Le  dénouement  se  fit  avec  une  mise  en  scène 
tout  à  fait  mélodramatique.  Le  3  novembre,  au 
soir,  Gourby  de  Cognord  fut  introduit  secrètement 
dans  UDB  tente  isolée  de  la  deïra;  il  y  trouva  les 
quatre  chefs  les  plus  directement  intéressés  à  l'af- 
faire, qui  lui  firent  part  du  scénario  suivant:  Abd- 
el-Kader  devait  venir  le  surlendemain  au  camp 
des  prisonniers;  aussitôt  ces  derniers  iraient  lui 
demander  qu'on  les  renvoyât  dans  leur  pays, 
puisque  leur  gouvernement  ne  les  réclamait  pas 
et  ne  voulait  pas  les  échanger;  sur  quoi  les  chefs 
interviendraient  en  leur  faveur  et  feraient  appel  aux 
sentiments  de  l'émir  grand  et  généreux. 

Le  surlendemain ,  en  effet,  chacun  s'acquitta 
correctement  de  son  rôle  :  Abd-el-Kader  soutint 
particulièrement  le  sien  avec  une  gravité  noble. 
Cependant  des  intrus,  qui  n'étaient  pas  dans  le 
secret,  faillirent  faire  manquer  la  scène;  un  entre 
autres  réclama  chaleureusement  contre  le  renvoi 


■110  LA    f:ONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

des  prisonniers  français,  parce  qu'il  avait  un 
frère  retenu  captif  en  France;  mais  l'émir  leva  la 
séance  en  annonçant  à  Courby  de  Cognord  qu'il 
lui  ferait  connaître  ses  résolutions  plus  tard. 

Le  8  novembre,  il  le  fit  appeler,  et  le  dialogue 
suivant  s'engagea  :  «  Puisque  la  France  ne  te  ré- 
clame pas  et  que  tes  généraux  ne  veulent  pas  l'é- 
changer, veux-tu  me  servir?  Je  te  ferai  grand,  je 
te  donnerai  des  chevaux  et  des  armes.  —  Je  ne 
demande  qu'à  revoir  mon  pays,  et  je  ne  peux  pas 
en  servir  d'autre.  —  Si  je  te  renvoie,  que  dirai-je 
aux  miens  quand  ils  me  réclameront  leurs  familles  ? 
—  Tu  leur  diras  que  je  demanderai  à  la  France 
d'être  aussi  généreuse  envers  toi  que  tu  l'as  été 
envers  elle.  —  Combien  me  renverra-t-on  de  pri- 
sonniers? —  Je  ne  puis  te  le  diie.  —  Veux-tu 
partir  par  le  Maroc,  par  Lalla-Maghnia  ou  par 
Mélilla?  —  Par  Mélilla.  —  Pourquoi  plutôt  par  là 
qu'ailleurs  ?  —  Parce  que  les  bonnes  relations  de 
la  France  et  de  l'Espagne  leur  permettent  de  se 
rendre  mutuellement  de  pareils  services,  et  parce 
que  Mélilla  est  le  point  le  plus  rapproché.  —  Si 
j'avais  été  présent,  la  mort  de  les  hommes  n'aurait 
pas  eu  lieu;  le  Maroc  ne  serait  pas  venu  me  me- 
nacer de  me  les  enlever  ici.  11  n'y  a  que  les  Fran- 
çais qui  puissent  me  battre;  quant  aux  Marocains, 


INTRIGUE    DE    L'ÉMIR.  111 

je  ne  les  crains  pas.  Je  désire  faire  la  paix  avec 
vous;  une  guerre  continuelle  est  un  fléau.  Penses- 
tu  que  la  France  y  consente  ?  —  Adresse-toi  à 
elle;  si  tu  n'exigeais  pas  trop,  cela  pourrait  peut- 
être  se  faire.  —  Ne  parle  à  qui  (|ue  ce  soit  de  ce 
que  je  viens  de  le  demander,  ni  d'une  lettre  que 
je  te  remettrai.  Je  n'ai  jamais  voulu  te  faire  de 
mal;  je  sais  que  tu  appartiens  à  une  famille  hono- 
rable. Veux-tu  prendre  sous  ta  protection  un  chef 
arabe  porteur  de  la  lettre  que  j'adresserai  au  Roi, 
et  me  promets-tu  qu'il  ne  lui  sera  rien  fait? —  Je 
te  le  promets.  » 

Le  1 0  novembre,  Courby  de  Cognord  écrivit  au 
maréchal  Bugeaud,  au  général  Cavaignac  et  au 
consul  général  de  France  à  Tanger  :  «  El-Hadj- 
Abd-el-Kader  me  charge  de  vous  prévenir  qu'il 
rend  la  liberté  aux  onze  prisonniers  français  qui 
lui  restent,  qu'il  vient  de  donner  des  ordres  pour 
que  nous  soyons  conduits  à  la  ville  espagnole  de 
Mélilla,  où  nous  devons  arriver  dans  peu  de  jours, 
qu'il  a  été  bon  pour  nous,  et  qu'il  espère  ({ue  la 
France  sera  aussi  généreuse  que  lui,  en  lui  rendant 
également  les  siens.  »  Les  prisonniers  arabes 
-étaient  arrivés  depuis  plusieurs  jours  de  Toulon  à 
Mers-el-Kebir;  mais  le  général  Cavaignac  attendait 
toujours   la  réponse  à   sa  lettre    du  o   octobre. 


112  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Enfin,  le  23  novembre,  à  deux  heures  du  matin, 
Gourby  de  Cognord  et  ses  compagnons  se  mirent 
en  chemin  pour  Mélilla,  sous  la  garde  de  soixante 
cavaliers  et  de  cent  cinquante  fantassins.  Dans  la 
seconde  journée  du  voyage,  le  lieutenant  Hillairin 
succomba  aux  misères  de  la  captivité;  il  mourut 
la  veille  de  la  délivrance.  Le  25,  les  prisonniers 
furent  amenés  sur  le  bord  de  la  mer.  On  voyait  à 
quelque  distance  une  balancelle  espagnole  ;  elle 
avait  à  bord  l'enseigne  de  vaisseau  Durande,  qui 
depuis  plusieurs  jours  attendait  avec  anxiété  l'exé- 
cution de  la  convention  depuis  longtemps  faite. 
L'enseigne,  qui  avait  dû  prendre  l'uniforme  espa- 
gnol, était  assisté  d'un  officier  envoyé  par  le  gou- 
verneur de  Mélilla,  le  capitaine  Cappa.  Une  barque 
amena  de  la  côte  un  des  chefs  arabes;  les  piastres 
furent  d'abord  comptées  par  lui,  puis  transportées 
à  terre.  Une  fois  l'argent  reçu  en  échange  des  pri- 
sonniers, ceux-ci  gagnèrent  aussitôt  la  balancelle 
qui  mit  sans  tarder  le  cap  sur  Mélilla.  Il  était 
temps;  les  Kabyles  du  voisinage,  mécontents  de 
n'avoir  pas  eu  leur  part  de  l'aubaine,  commen- 
çaient à  tirer  des  coups  de  fusil. 

De  Mélilla,  où  le  plus  généreux  accueil  leur  fut 
fait,  les  prisonniers  reprirent  la  mer,  le  lende- 
main, pour  Nemours.  Le  colonel  de  Mac  Mahon 


DÉLIVRANCE.  113 

avait  amené  la  garnison  sur  la  plage;  quand  ils 
débarquèrent,  ce  furent  des  acclamations,  des 
embrassements,  une  émotion  universelle  ;  les  uns 
pleuraient  de  joie,  les  autres  de  reconnaissance. 
Quelques  jours  après,  le  bateau  à  vapeur  Caméléon 
les  conduisit  à  Oran,  oii  les  attendait  le  maréchal 
Biigeaud. 

Ils  étaient  onze  :  le  lieutenant-colonel  Courby  de 
Cognord,  les  lieutenants  Larrazet  et  Marin,  le 
sous-lieutenant  Thomas,  le  chirurgien  Cabasse,  le 
maréchal  des  logis  chef  Barbut,  les  hussards  Tes- 
tard  et  Metz,  le  chasseur  Trottet,  le  fusilier  Michel  ; 
enfin  une  femme,  Thérèse  Gilles,  enlevée  cinq 
années  auparavant  par  les  Arabes.  Tandis  qu'à 
Oran  comme  à  Nemours  on  leur  faisait  fête,  un  seul 
se  tenait  à  l'écart,  accablé  sous  le  souvenir  écra- 
sant d'Aïn-Temouchent^  c'était  le  lieutenant  Marin. 
Traduit  devant  un  conseil  de  guerre,  il  fut  con- 
damné à  mort;  mais  la  Cour  de  cassation  mit  à 
néant  la  sentence,  et  le  malheureux  disparut,  em- 
portant on  ne  sait  où  le  remords  de  sa  faute,  rivé 
impitoyablement  à  sa  conscience. 

Suivant  la  promesse  (ju'avait  exigée  de  lui  Abd- 
el-Kader,  le  lieutenant-colonel  Courby  de  Cognord 
protégea  l'Arabe  qui  apportait  trois  lettres  de  l'é- 
mir pour  le  Roi,  pour  le  maréchal  Soult  et  pour  le 

II.  8 


114  LA    CONQLÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Maure  Bouderba;  mais  le  maréchal  Bugeaud  ne 
permit  pas  au  messager  de  passer  en  France. 

I.a  missive  destinée  au  Roi  débutait  par  ce 
préambule  magnifique  :  «  De  la  part  du  prince  des 
croyants,  Sidi-el-Hadj-Abd-el-Kader-ben-Mahi-ed- 
Dine,  —  que  Dieu  le  favorise  de  ses  grâces  en  ce 
monde  et  dans  l'autre!  —  au  sultan  des  sultans 
des  chrétiens^  dont  le  gouvernement  est  des  plus 
élevés,  et  dont  la  gloire  doit  servir  d'exemple  aux 
autres  nations,  celui  qui  doit  désormais  être  le  type 
des  plus  hautes  célébrités,  dont  l'héroïsme  et  la 
magnanimité  sont  de  nos  jours  le  plus  éclatant  mo- 
dèle, le  César  du  siècle,  le  protecteur  de  la  piété 
et  des  vertus,  le  chef  suprême  de  toutes  les  insti- 
tutions religieuses  et  leur  conseil  le  plus  élevé; 
celui  qui  a  acquis  au  plus  haut  degré  la  connais- 
sance de  la  direction  sage  d'un  peuple,  ainsi  que 
des  besoins  nécessaires  à  son  bien-être,  le  chef 
suprême  des  armées  françaises,  le  roi  Louis-Phi- 
lippe, —  que  Dieu  facilite  constamment  l'exécu- 
tion de  ses  projets  et  sa  puissance,  en  tout  ce  qui 
peut  concerner  le  bonheur  de  son  peuple  ! — etc.  » 

L'émir  énumérail  ensuite  toutes  les  démarches 
qu'il  avait  tentées  en  vain  pour  arriver  à  la  paix, 
et  présentait  à  sa  façon,  non  sans  habileté,  le  ta- 
bleau des  faits  accomplis.  C'était  là  qu'arrivé  au 


AVEU   D'ABD-EL-KADER.  115 

massacre  des  prisonniers  français,  il  convenait  d'en 
avoir  donné  l'ordre,  parce  qu'il  avait  été  poussé  à 
bout  par  le  silence  obstiné  que  les  généraux  fran- 
çais avaient  dédaigneusement  opposé  à  toutes  ses 
ouvertures.  «  L'accroissement  de  notre  colère,  di- 
sait-il, a  été  tel  que  nous  nous  sommes  décidé  à 
ordonner  le  massacre.  »  A  la  fin,  l'émir  insistait 
sur  la  générosité  dont  il  venait  de  faire  preuve  en 
délivrant  les  derniers  captifs.  Il  importe,  à  ce  pro- 
pos, d'ajouter  ici  qu'afin  d'éviter  toute  récrimina- 
tion au  sujet  de  la  rançon  bel  el  bien  reçue  argent 
comptant,  il  avait  fait  signer  par  chacun  des  cap- 
tifs une  note  attestant  qu'au  dire  des  chefs  arabes, 
la  somme  demandée  n'était  qu'une  indemnité  re- 
présentant toutes  les  dépenses  supportées  person- 
nellement par  ceux-ci  pour  la  nourriture  et  l'en- 
tretien des  prisonniers  français. 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  mais  plus  explicite 
encore,  la  lettre  d'Abd-el-Kader  au  maréchal 
Soult,  ((  grand  vizir  du  roi  des  Français  w,  c'est-à- 
dire  président  du  conseil,  vaut  la  peine  d'être  ci- 
tée presque  tout  entière;  c'est  un  monument  cu- 
rieux de  la  diplomatie  arabe  ; 

«  Les  jours  se  succèdent  sans  se  ressembler; 
chaque  chose  a  son  temps.  La  guerre  a  des  chan- 
ces diverses;  il  y  a  pour  tout  un  mode  particulier; 


116  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

chaque  âge  a  son  expression,  hon  champ  de  ba- 
taille propre;  il  n'y  a  pas  d'invention  où  l'on  n'ait  à 
reprendre.  Au  début  du  cours  de  ces  événemeiils, 
nous  étions  avec  vous,  nous  avions  fait  avec  vous 
une  paix  [le  traité  de  la  Tafna],  et  nous  nous 
étions  accoutumés  à  votre  voisinage.  Nous  avions 
accepté  les  conditions  de  votre  traité,  et  comme 
elles  étaient  convenables,  nous  nous  étions  engagés 
réciproquement  à  les  observer.  Toi,  qui  es  la  porte 
du  conseil  du  royaume  et  qui  représentes  la  foi 
suprême  de  ion  pays,  tu  avais,  dans  ta  sagesse, 
adhéré  à  ce  que  nous  t'exposions  dans  nos  lettres 
au  sujet  de  cetle  paix,  et,  de  part  et  d'autre,  pour 
sceller  Tamilié,  nous  nous  étions  fait  des  présents. 
Mais  voilà  que,  parmi  les  représentants  de  votre 
pays  en  Algérie,  il  s'en  est  trouvé,  et  des  plus 
haut  placés,  qui  ont  prêté  l'oreille  aux  propos  de 
mauvaises  gens  d'entre  les  Arabes,  cherchant  à 
semer  la  discorde  entre  nous,  et  qui  vous  ont  rap- 
porté des  propos  calomnieux.  Je  dis,  moi,  que 
nous  sommes  lésés,  et,  sous  l'influence  des  mé- 
chants, [vos  agents]  prétendent  que  nous  nous 
plaignons  sans  motif. 

«  Nous  avons  écrit  plusieurs  fois  au  Roi  et  à  toi, 
et  chaque  fois  que  nous  avons  écrit  à  tous  deux 
pour  vous  exposer  la  situation,  on  a  opposé  des 


AVEU    D'ABD-EL-KADER.  117 

démentis  à  nos  plaintes  ;  on  vous  a  de  la  sorte,  par 
malveillance,  induits  en  erreur  touchant  nos  sen- 
timents. La  haine  des  méchants  s'est  donné  pleine 
carrière.  Ensuite,  lorsque  Dieu  a  voulu  que  nous 
fissions  notre  voyage  à  Test,  dans  l'année  qui  a 
précédé  celle  de  cette  date  [en  1 845],  et  que  nous 
avons  tenu  des  prisonniers  faits  dans  les  combats, 
nous  les  avons  gardés  dans  l'espérance  qu'on  nous 
les  rachèterait;  nous  avons  attendu  avec  impa- 
tience du  commencement  jusqu'à  la  fin. 

«  Jusqu'ici,  je  ne  pouvais  parler  des  prisonniers 
musulmans;  je  ne  savais  à  qui  m'adresser  pour 
cela;  mais  nous  avions  laissé  libres  et  renvoyé  à 
Bugeaud  plus  de  cent  prisonniers  des  années  pré- 
cédentes, sans  échange  ni  rançon;  et  lorsque 
beaucoup  de  nos  hommes  ont  été  pris  par  vous  et 
sont  tombés  entre  vos  mains,  nous  avons  écrit  à 
Bugeaud,  à  Monseigneur  [probablement  le  duc 
d'Aumale]  et  à  votre  représentant  en  Algérie 
[probablement  La  Moricière  ou  Cavaignac]  ;  nous 
leur  avons  écrit  plus  de  trois  fois  à  chacun,  et  il 
n'a  été  répondu  à  aucune  de  nos  lettres.  Bien  plus, 
chacun  de  ceux  que  nous  avons  envoyés  porter  ces 
mêmes  lettres,  on  l'a  jeté  en  prison;  c'est  une 
perfidie  inconnue  des  Français,  qui  au  contraire  en 
faisaient  un  crime  aux  autres.  En  aucun  temps,  le 


118  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

porteur  d'une  lettre  n'a  été  l'objet  d'un  acte  d'hos- 
tilité de  la  part  d'aucun  parti. 

«  On  s'est  écrié  parmi  nous  :  ('  On  a  fait  des 
«  forçais  denosprisonniers,  etceux  quiserontfails 
«  encore  seront  encore  forçats  !»  On  a  imaginé  un 
autre  artifice  :  on  a  fait  courir  le  bruit  que  le  sul- 
tan de  Fez  faisait  des  préparatifs  pour  venir  arra- 
cher de  nos  mains  les  prisonniers  français  que 
nous  avions  faits,  «Il  enlèvera,  avez-vous  faitdire, 
nos  prisonniers  et  nous  les  rendra  en  haine  d'Abd- 
el-Kader.  »  Nous  nous  sommes  écrié  :  «  Grand 
«  Dieu!  est-il  possible  que  des  personnages  émi- 
«  nents  s'abaissent  à  de  pareils  moyens,  que  des 
«  hommes  forts  et  puissants  par  leur  savoir  et  leur 
«  connaissance  des  hommes  et  des  choses  aient  re- 
«  cours  à  cela  ?  lisse  disposeraient  à  otTrir  des  pri- 
«  sonniers  français  en  spectacle  à  des  Marocains!  » 
Bugeaud  et  Monseigneur  les  outrageraient  et  me 
feraient  insulte  à  moi-même  en  voulant  les  délivrer 
par  eux;  car  ils  n'ignorent  pas  mes  procédés.  Du 
reste,  ils  ne  se  peuvent  tenir  tranquilles;  malgré  la 
trêve,  ils  ne  me  laissent  pas  un  moment  de  repos. 
Aussi  la  colère  a-t-elle  fini  par  déborder  de  noire 
cœur^  et  nous  avons  ordonné  que  Von  tuât  vos  prison- 
Jiiersy  après  les  avoir  traités,  quant  à  la  nourriture 
et  aux  égards,  mieux  que  nos  propres  soldats.  Ils 


AVEU    D'ABD-EL-KADER.  119 

avaient  tout  ce  qu'ils  pouvaient  désirer  :  café, 
viande  et  le  reste.  Et  quand  nous  avons  su  que  les 
officiers  appartenaient  aux  meilleures  familles  de 
France,  comme  c'étaient  d'ailleurs  des  héros,  et 
que  nous  avions  constaté  nous-même  leur  fidélité 
à  la  foi  jurée  et  leur  refus  de  trahir,  nous  avons 
décidé  de  les  épargner  pour  cette  raison  et  à  cause 
de  leur  naissance,  et  de  sacrifier  les  autres. 

c(  La  responsabilité  de  cela,  c'est  sur  les  chefs 
de  votre  armée  qu'elle  pèse  ;  ce  sont  eux  qui  les 
ont  assassinés,  eux  qui  ont  manqué  à  leur  parole 
et  faussé  leur  promesse  de  les  racheter.  Cette  mau- 
vaise foi  est  indigne  de  leur  réputation  de  loyauté 
et  des  rapports  de  confiance  qui  existaient  entre 
nous.  De  la  part  d'hommes  réputés  honorables, 
une  pareille  conduite  les  fait  déchoir  de  leur  rang, 
les  amoindrit  et  les  abaisse  au  dernier  degré. 

M  Les  jours  se  passant  et  se  succédant  sans  que 
rien  indiquât  que  la  promesse  de  rachat  dût  se 
réaliser,  les  prisonniers  nous  firent  demander  par 
ceux  de  notre  entourage  de  les  mettre  en  liberté. 
Nous  acceptâmes  l'invitation  de  nos  frères  pour 
eux;  mais,  bien  que  décidé  à  les  libérer,  nous  ne 
pouvions  le  faire  en  nous  adressant  à  vos  repré- 
sentants en  Algérie,  à  cause  de  leur  déloyauté  à 
notre  égard,  de  leur  cupidité,  de  toute  leur  con- 


120  ■  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

duile  si  contraire  à  ce  que  nous  connaissons  de  la 
sagesse  de  votre  gouvernement  et  de  votre  respect 
des  rapports  de  voisinage  et  de  lîonne  société. 
Nous  avons  donc  consulté  les  chefs  de  nos  troupes, 
et  il  a  été  décidé  d'un  commun  accord  que  l'on  di- 
rigerait les  prisonniers  sur  Mélilla,  pour  les  remettre 
entre  les  mains  du  sultan  espagnol,  ce  souverain 
qui  est  chrétien  ayant  toujours  été  en  bonnes  re- 
lations avec  nous.  » 

Après  avoir  pris  connaissance  des  lettres  d'Abd- 
el-Kader,  le  maréchal  Bugeaud  lui  renvoya  son 
messager  avec  cette  réponse  verbale  :  «  Dis  à  ton 
maître  que,  s'il  nous  avait  renvoyé  nos  prisonniers 
sans  rançon,  je  lui  en  aurais  remis  trois  pour  un  ; 
mais  puisqu'il  a  fait  payer  la  liberté  de  ceux-ci  et 
fait  égorger  les  autres,  je  ne  lui  dois  rien  que  de 
l'indignation  pour  sa  barbarie.  »  Et,  de  fait,  les 
captifs  arabes  qui  attendaient  à  Mers-el-Kebir 
furent  ramenés  aux  îles  Sainte-Marguerite. 

Abd-el-Kader  fut  très  froissé  de  la  réponse  faite 
à  ses  avances,  non  pas  au  sujet  du  massacre  qu'il 
avouait  comme  une  nécessité  cruelle,  mais  au  su- 
jet de  l'intrigue  pécuniaire  dont  il  répudiait  la 
complicité  :  «  Tes  paroles  sont  étranges,  écrivit-il 
au  maréchal,  et  j'ai  été  surpris  qu'elles  aient  été 
dites  par  toi.  Tu  as  dit  à  mon  envoyé  :  »  Abd-el- 


PHILOSOPHIE    DE    L'ÉMIR.  121 

«  Kaderarendu  les  Français  pour  de  l'argent.  »  Ces 
paroles  n'ont  pu  être  dites  ni  par  toi  ni  par  quel- 
qu'un qui,  comme  toi,  me  connaît  el  n'ignore  pas 
mes  sentiments.  »>  11  protestait  contre  des  propos 
tels,  ajoutait-il,  a  qu'il  aurait  préféré  plutôt  la  mort 
que  d'entendre  de  pareilles  choses  proférées  sur 
son  compte  «.Enfin,  il  terminait  ainsi  sa  réplique  : 
((  Tu  oublies  que  les  choses  de  ce  monde  sont 
changeantes.  A  cet  égard,  j'en  sais  plus  que  toi.  Je 
suis  convaincu  que  rien  ne  peut  être  durable  sur 
cette  terre  depuis  la  création  d'Adam  jusqu'à  l'ex- 
tinction de  la  race  humaine.  C'est  pourquoi  je  ne 
me  réjouis  point,  je  ne  m'enorgueillis  point,  ni  ne 
me  fie  aucunement  aux  effets  du  destin,  si  la  for- 
tune me  sourit,  comme  aussi  je  ne  m'afflige  point 
ni  ne  me  désespère,  si  je  suis  atteint  par  des  revers, 
et  cela  parce  que  j'ai  la  croyance  que  rien  n'est 
stable  sur  la  terre.  Dieu,  par  sa  grâce  infinie,  ne 
manque  pas  chaque  année  de  répandre  sur  la  masse 
des  mortels  trois  cent  soixante  étincelles  de  sa 
bonté.  Chacune  d'elles  les  exhausse  ou  les  abaisse, 
les  enrichit  ou  les  appauvrit,  les  honore  ou  les  avi- 
lit. Au  reste,  les  anciens  sages  ont  comparé  le  des- 
tin à  la  grossesse  d'une  femme  :  le  sexe  de  l'enfant 
prêt  à  naître  ne  peut  être  connu  avant  l'enfante- 
ment. » 


122  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


111 


Tandis  qu'Abd-el-Kader  demandait  à  la  philo- 
sophie religieuse  des  consolations  et  des  espéran- 
ces, Bou-Maza  cherchait  à  l'aventure  la  satisfaction 
de  ses  ambitieux  désirs;  mais  après  avoir  accepte 
d'être  le  khalifa  de  l'émir,  il  ne  lui  était  plus  pos- 
sible de  se  rehausser  à  son  niveau.  Il  avait  pu  sans 
doute,  à  l'origine,  exercer  dans  le  Tell  oranais  et 
dans  le  Titteri  un  certain  prestige;  ces  temps  fa- 
vorables étaient  passés,  il  s'en  rendait  bien 
compte;  aussi  était-ce  sur  un  terrain  nouveau  qu'il 
voulait  renouveler  son  personnage.  Il  est  vrai  que 
sur  ce  terrain-là  le  grand  émir  avait  laissé  sa  trace, 
et  qu'à  vouloir  jouer  le  même  rôle  après  lui,  l'é- 
mule présomptueux  s'exposait  au  danger  des 
comparaisons  accablantes. 

Tel  fut  le  sort  de  Bou-Maza  parmi  les  tribus  sa- 
hariennes, d'abord  chez  les  Hamiane  et  les  Ouled- 
Sidi-Clieikh,  puis  dans  le  Djebel-Amour,  puis  chez 


COURSE    DE    BOU-MAZA.  123 

les  Ouled-Naïl.  Plus  au  nord-est,  dans  les  oasis  de 
la  province  de  Constantine,  il  fut  accueilli  avec  un 
peu  moins  de  défaveur;  il  parvint  même  à  intéres- 
ser à  sa  cause  les  Ouled-Djellal  ;  mais  le  résultat 
fut  malheureux  pour  ses  adhérents  que  châtia  ru- 
dement le  général  Herbillon.Bou-Maza  n'avait  pas 
attendu  de  partager  leur  sort;  il  s'était  enfoncé 
dans  le  vrai  Sahara  jusqu'à  Tougourte.  Le  général 
Herbillon  et,  plus  à  l'ouest,  le  général  Marey 
profitèrent  de  l'occasion  pour  montrer  au  delà  du 
Tell  l'appareil  menaçant  de  leurs  colonnes,  et  cette 
démonstration,  appuyée  de  quelques  exemples 
faits  aux  dépens  des  insoumis,  acheva  d'effacer  les 
derniers  souvenirs  du  passage,  non  de  Bou-Maza, 
qui  n'était  guère  plus  redoutable,  mais  d'Abd-el- 
Kader  qui,  même  déchu,  pouvait  le  redevenir 
encore. 

Le  chérif,  réduit  à  singerl'émir,  essayait,  comme 
lui  naguère,  de  revenir  de  l'est  à  l'ouest,  courant 
la  nuit,  se  cachant  le  jour.  En  fin  de  compte,  il 
réussit  à  rentrer  dans  le  Tell.  Le  il  mars  1847,  il 
fut  signalé  dansl'Ouarensenis;  mais  il  n'avaitavec 
lui  qu'une  douzaine  de  cavaliers.  Le  lieutenant 
Margueritte,  chef  du  bureau  arabe  de  Teniet-el- 
Had,  qui  n'avait  pareillement  qu'une  douzaine  de 
spahis,  se  mit  à  ses  trousses,  l'atteignit  après  trois 


124  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

heures  de  course  à  fond  de  train,  lui  tua  quatre 
de  ses  hommes  et  força  les  autres,  lui  compris,  de 
se  jeter  à  corps  perdu  dans  le  fond  d'un  ravin.  On 
perdit  sa  (race  alors;  on  la  retrouva  dans  leDahra 
un  peu  plus  tard.  Il  était  revenu  au  gîte,  non 
pour  mourir,  mais  pour  faire  une  fin  plus  origi- 
nale. 

Les  tribus  qui  l'avaient  suivi  jadis  avec  ardeur 
s'étaient  singulièrement  refroidies.  On  le  vénérait 
sans  doute  encore,  ce  qui  n'empêchait  pas  qu'on 
s'écartait  de  lui  ou  qu'on  l'écartait  lui-même  :  il 
portait  malheur.  «  Je  fais  traquer  Bou-Maza 
comme  un  chacal  »,  écrivait  le  colonel  de  Saint- 
Arnaud,  le  10  avril  ;  trois  jours  après,  c'est  un  cri 
de  joie  :  ce  Bou-Maza  est  entre  mes  mains!  Il  est  ici 
[àOrléansville],  depuis  deux  lieures.  C'est  un  beau 
et  lier  jeune  homme.  Nous  nous  sommes  regardés 
dans  le  blanc  des  yeux.  J'ai  tout  de  suite  annoncé 
la  nouvelle  au  maréchal.  »  Et  le  colonel  raconte 
comment  Bou-Maza  se  trouve  entre  ses  mains. 
«  Ses  dernières  tentatives,  dit-il,  l'ont  dégoûté  et 
désillusionné.  Partout  il  nous  a  trouvés  en  garde, 
partout  il  a  rencontré  mes  camps,  mes  émissaires. 
Enfin,  il  arrive  chez  un  de  ses  afîidés,  le  kaïd  des 
Ouled-Djounès,  El-Haceni,  qui,  s'il  eût  été  seul, 
se  serait  prosterné  devant  lui,   mais  il  y  trouve 


REDDITION    DE    BOL'-MAZA.  125 

quatre  de  mes  myhazni.  C'a  été  le  dernier  coup. 
Il  a  tout  de  suite  pris  sa  détermination,  et  a  dit  : 
«  Menez-moi  à  Orléansville,  au  colonel  Saint- 
«  Arnaud  lui-même  »,  ajoutant  que  c'était  à  moi 
qu'il  voulait  se  rendre,  parce  que  c'était  contre 
moi  qu'il  s'était  le  plus  battu.  Les  autres  ont  obéi  ; 
ils  tremblaient  encore  devant  Bou-Maza,  qui  a 
gardé  ses  armes  et  ne  les  a  déposées  que  chez  moi, 
sur  mon  ordre,  deux  pistolets  chargés  de  huit 
balles.  En  amenant  Bou-Maza,  mes  ^xxdXvQ  mghazni 
étaient  effrayés  de  leur  audace.  D'un  signe  il  les 
aurait  fait  fuir.  Bou-Maza  était  las  de  la  guerre  et 
de  la  vie  aventureuse  qu'il  menait;  il  a  compris 
(|ue  son  temps  était  passé.  »  Quand  on  le  condui- 
sit à  Tenès,  les  Kabyles  accoururent  sur  son  pas- 
sage; c'était  à  qui  baiserait  son  burnous. 

Reçu  par  le  maréchal  Bugeaud  dans  son  palais 
d'Alger,  Bou-Maza  fut  traité,  non  comme  un  pri- 
sonnier de  guerre,  mais  comme  un  otage  de  haute 
distinction.  Dans  une  sorte  de  parallèle  avec 
Abd-el-Kader,  le  maréchal  inclinait  peu  justement 
à  lui  donner  la  préférence.  «  Ainsi,  écrivait-il  au 
ministre  de  la  guerre,  a  fini  le  rôle  d'un  des 
hommes  les  plus  dangereux  qu'aient  produits  le 
fanatisme  et  la  nationalité  arabes.  Les  débuts  de 
Bou-Maza  furent  brillants,  plus  audacieux  i)eut- 


126  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

être  que  ceux  d'Abd-el-Kader,  et  s'il  n'a  pas  ob- 
tenu les  mêmes  résultats  que  son  devancier,  il  faut 
suitout  l'attribuer  à  ce  que  son  entreprise  a  été 
faite  dans  des  circonstances  infiniment  moins  favo- 
rables. Abd-el-Kader  n'eut  aucune  peine  à  grandir, 
tout  le  favorisait  :  Bou-Maza,  au  contraire,  est 
arrivé  au  moment  où,  déjà  maîtres  du  terrain, 
nous  étions  répartis  de  manière  à  frapper  partout, 
au  moment  où  toute  l'armée  savait  la  guerre  et 
connaissait  parfaitement  le  pays.  Malgré  tous  ces 
désavantages,  Bou-Maza  nous  a  donné  pendant 
longtemps  de  très  grands  embarras  sur  les  deux 
rives  du  Chélif.  Notre  action  contre  lui  a  dû  être 
très  active  pendant  près  de  deux  ans.  S'il  n'a  pas 
eu  le  génie  organisateur  d'Abd-el-Kader,  il  s'est 
montré  plus  audacieux  dans  les  entreprises,  plus 
intrépide  dans  le  combat.  »  Conduit  à  Paris  par 
le  capitaine  Richard,  chef  du  bureau  arabe  d'Or- 
léansville,  Bou-Maza  y  devint,  comme  on  disait  en 
ce  temps-là,  le  lion  du  jour. 

Six  semaines  avant  qu'il  se  rendît  au  colonel  de 
Saint-Arnaud,  un  autre  grand  chef,  un  des  meil- 
leurs khalifas  d'Abd-el-Kader,  Ben-Salem,  avait 
fait  sa  soumission  entre  les  mains  du  maréchal  Bu- 
geaud  lui-même.  Le  maréchal  était  venu  visiter  le 
nouvel  établissement  d'Aumale.   Le  27   février, 


SOUMISSIOiS    DE    BEN-SALEM.  127 

Ben-Salem,  escorté  de  Bou-Chareb,  du  frère  de 
Bel-Kassem,  de  plus  de  cent  chefs  des  revers  nord, 
sud  et  ouest  du  Djurdjura,  se  présenta  devant  lui. 
L'entrevue  fut  solennelle  et  digne  de  l'un  et  de 
l'autre.  L'ancien  khalifa  d'Abd-el-Kader  refusa 
noblement  de  reprendre  sa  dignité  au  nom  de  la 
France;  il  dit  que  tout  son  désir  était  de  se  retirer 
avec  Bou-Chareb  à  La  Mecque.  Cependant,  sur 
l'invitation  du  maréchal,  qui  lui  rendait  tous  ses 
biens  séquestrés  et  l'autorisait  à  vivre  en  toute  sé- 
curité dans  le  pays,  il  consentit  à  demeurer  et 
même  à  prêter  à  l'autorité  française  le  concours  de 
sa  puissante  influence. 

D'après  ses  conseils,  deux  grands  chefs  indi- 
gènes, deux  bachaghas  furent  institués  parle  ma- 
réchal, Bel-Kassem  et  Si-Omar,  frère  de  Ben-Sa- 
lem;  tous  les  deux,  l'un  au  nord,  l'autre  au  sud, 
prenaient  la  responsabilité  du  maintien  de  l'ordre 
dans  le  Sebaou  Le  20  mars,  ils  vinrent  recevoir, 
à  Alger,  le  burnous  d'investiture.  Ben-Salem,  qui 
ne  les  avait  pas  accompagnés  alors,  s'y  rendit,  le 
8  avril.  Le  maréchal  avait  donné  l'ordre  qu'on  lui 
fît  un  accueil  exceptionnel.  Une  députation  d'offi- 
ciers supérieurs,  suivie  d'un  escadron  de  chasseurs 
d'Afrique,  fanfare  en  tête,  l'attendait  à  la  Maison- 
Carrée.  Il  arrivait,  précédé  lui-même  d'un  goum 


128  LA    COî^QUÈTE    DE    L'ALGÉRIE. 

de  cent  cinquante  cavaliers  faisant  la  fantasia. 
Ben-Salem  n'avait  pas  vu  Alger  depuis  1830;  les 
changemenis  accomplis  pendant  ces  dix -sept 
années  le  frappèrent  d'étonnement.  Enfin,  l'ar- 
rivée de  Bou-Chareb  acheva  de  consacrer  publi- 
quement la  soumission  de  l'Ouennougha  comme 
du  Sebaou. 

Tandis  que  cet  heureux  événement  s'accomplis- 
sait au  nord-est,  le  maréchal  faisait  exécuter,  dans 
l'extrême  sud  où  il  importait  démontrer  de  temps 
en  temps  le  drapeau  de  la  France,  moins  des  ex- 
péditions que  de  grandes  promenades  militaires.  Il 
y  en  eut  trois  simultanément.  La  première,  sous 
les  ordres  du  général  Jusuf,  visita,  du  I  7  avril  au 
17  mai,  les  ksour  des  environs  de  Laghouat;  le 
commandant  Feray,  officier  d'ordonnance  et  gen- 
dre du  gouverneur,  fut  reçu  dans  Aïn-Madhi,  et, 
fait  beaucoup  plus  considérable,  Tedjini,  le  mara- 
bout vénéré  du  sud,  consentit  à  venir  au  bivouac 
renouveler  publiquement,  devant  le  général  Ju- 
suf, ses  promesses  de  fidélité  à  la  France. 

Les  deux  autres  colonnes,  commandées,  l'une 
par  le  général  Cavaignac,  l'autre  par  le  général 
Benault,  se  portèrent  en  suivant  des  directions 
parallèles,  la  première  de  Daya  sur  Asla,  Tioute, 
Aïn-Sefra,  Aïn-Sfisifa,  Moghar-Tahtani  etMoghar- 


VISITE    DES    KSOUR.  129 

Foukani;  l'autre,  de  Saïda  sur  Messif,  les  deux 
Chellala,  Rassoulet  Brézina.  Toute  la  région  mon- 
tagneuse des  Ksour  du  sud-ouest  fut  ainsi  par- 
courue, et  c'est  tout  au  plus  s'il  y  eut  çà  et  là 
quelque  échange  de  coups  de  fusil. 


II. 


130  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


JV 


En  vérité,  le  maréchal  Bugeaud  avait  lieu  d'être 
fier  et  satisfait  de  son  œuvre;  car  il  avait,  dans 
toute  la  force  du  terme,  refait  la  conquête  de  l'Al- 
gérie; cependant  il  était  mécontent,  plus  mécon- 
tent même  qu'en  1845,  avant  la  grande  insurrec- 
tion. Le  gouvernement  lui  avait  refusé  l'autorisa- 
tion d'aller  rechercher  et  détruire,  dans  les  mon- 
tagnes du  Maroc,  la  deïj-a  d'Abd-el-Kader.  Il  se 
plaignait  de  ce  refus  :  «  Si  la  deïra  se  recompose, 
disait-il,  si  l'Algérie  est  encore  menacée  d'une 
invasion,  mon  opinion  est  qu'il  faudra  frapper  sé- 
rieusement sur  les  grandes  tribus  de  la  frontière 
qui  entretiennent  ce  Goblentz  menaçant  pour  le 
repos  de  l'Algérie.  » 

Cette  mémorable  campagne  de  1846,  si  active 
€t  si  pénible,  mais  si  décisive,  on  n'en  avait  com- 
pris en  France  ni  la  difficulté  ni  Timportance; 
comme  il  n'y  avait  pas  eu  d'actions  d'éclat,  on 
l'avait  prise  en  dédain.  Dans  les  Chambres,  à  la 


MÉCONTENTEMENT  DU  MARÉCHAL.     131 

tribune  et  surtout  dans  les  couloirs,  mais  plus  en- 
core dans  la  presse,  il  n'était  sorte  de  critiques 
malveillantes  dont  la  conduite  du  maréchal  n'eût 
été  l'objet;  l'acharnement  de  certains  journaux 
contre  lui  n'avait  jamais  été  plus  cruel.  On  atta- 
quait violemment  son  «  détestable  système  de 
guerre  »;  à  quoi  il  répondait  ironiquement  : 
«  N'était-on  pas  beaucoup  plus  habile  quand  on  se 
traînait  péniblement  et  en  grosse  masse  entre  Al- 
ger, Médéa  et  Miliana,  en  recevant  des  milliers  de 
coups  de  fusil  en  allant  et  en  revenant  ?  »  Cette  ri- 
poste allait  à  l'adresse  de  Changarnier  qui  était, 
selon  toute  apparence,  l'inspirateur  et  l'instigateur 
des  censures  soi-disant  militaires. 

Enfin,  le  maréchal  voyait  grandir  Tinfluence  de 
La  Moricière,  et  les  idées  de  son  lieutenant,  abso- 
lument contraires  aux  siennes,  l'aire  leur  chemin 
d'Oran  et  d'Alger  à  Paris.  Saint-Arnaud  écrivait, 
au  mois  de  janvier  1846  :  a  II  n'y  a  pas  deux 
camps  dans  l'armée  d'Afrique,  mais  il  y  a  deux 
hommes  :  l'un  grand,  plein  de  génie,  qui  par  sa 
franchise  et  sa  brusquerie  se  fait  quelquefois  des 
ennemis,   lui  qui    n'est    l'ennemi   de  personne; 
l'autre  capable,  habile,  ambitieux,  qui  croit  au 
pouvoir  de  la  presse  et  la  ménage,  qui  pense  que 
le  civil  tuera  le  militaire  en  Afrique  et  se  met  du 

9. 


132  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

côté  du  civil.  L'armée  n'est  pas  divisée  pour 
cela  entre  le  maréchal  Bugeaud  et  le  général  La 
Moricière;  seulement  il  y  a  un  certain  nombre 
d'officiers  qui  espèrent  plus  d'un  jeune  général 
qui  a  de  l'avenir  que  d'un  vieillard  illustre  dont  la 
carrière  ne  peut  plus  être  bien  longue.  » 

Gomme  pour  confirmer  le  dire  de  Saint-Arnaud, 
voici  ce  que  le  maréchal  écrivait  lui-même  à 
M.  Guizot,  au  mois  d'avril  1 846  :  «  Mon  temps  est 
fini,  cela  est  évident;  l'œuvre  étant  devenue 
quelque  chose,  tout  le  monde  s'en  empare;  chacun 
veut  y  mettre  sa  pierre,  bien  ou  mal.  Je  ne  puis 
m'opposer  à  ce  torrent  et  je  ne  veux  pas  le  sui- 
vre. Je  m'éloigne  donc  de  la  rive.  J'ai  déjà  fait  la 
lettre  par  laquelle  je  prie  M.  le  ministre  de  la 
guerre  de  soumettre  au  gouvernement  du  Roi  la 
demande  que  je  fais  d'un  successeur.  Je  fonde  ma 
demande  sur  ma  santé  ,  mon  âge  et  mes  affaires 
de  famille;  mais,  entre  nous,  je  vous  le  dis,  ma 
grande  raison,  c'est  que  je  ne  veux  pas  être 
l'artisan  des  idées  fausses  qui  régnent  très  géné- 
ralement sur  les  grandes  questions  d'Afrique.  Je 
ne  redoute  ni  les  grands  travaux  de  la  guerre 
ni  ceux  de  l'administration  ;  mais  je  redoute 
l'opinion  publique  égarée.  Je  vous  demande 
aujourd'hui  une  faveur,  c'est  de  me  faire  accor- 


BUGEAUD    ET    LA    MORICIERE.  133 

der  un  congé  définitif  pour  les  premiers  jours  de 
juillet.  Dans  trois  mois ,  je  serai  soustrait  à  cet 
enfer.  »  Les  bons  conseils  de  M.  Guizot  et  les 
instances  du  Roi  prévinrent  la  retraite  définitive; 
l'absence  du  maréchal  ne  fut  que  temporaire. 

Le  18  juillet,  laissant  l'intérim  au  général  de 
Bar,  qui  commandait  la  division  d'iVIger,  il  s'em- 
barqua pour  la  France;  La  Moricière,  également 
pourvu  d'un  congé,  l'y  avait  précédé  d'un  mois. 
Ils  allaient  se  retrouver  tous  les  deux  sur  la  scène 
politique,  car,  aux  élections  générales  du  mois 
d'août  1846,  larrondissement d'Excideuil  renou- 
vela le  mandat  du  maréchal,  et  l'arrondissement 
de  Saint-Calais,  dans  la  Sarthe,  nomma  La  Mori- 
cière  pour  le  représentera  la  Chambre.  Ils  revin- 
rent l'un  et  l'autre  en  Algérie  au  mois  de  novem- 
bre, mais  le  général  pour  très  peu  de  temps, 
parce  que  l'ouverture  de  la  session  ne  tarda  pas 
à  l'appeler  à  Paris.  Le  maréchal,  au  contraire, 
demeura  en  Afrique,  et  pourtant  sa  présence  à  la 
Chambre  eût  paru  bien  justifiée,  car  une  demande 
de  crédit  pour  un  grand  essai  de  colonisation 
militaire  allait  être  mise  en  discussion. 

Quoiqu'il  n'eût  j)lus  à  subir  les  contradictions 
du  maréchal  Souh,  il  n'était  guère  plus  satisfait 
de  son  successeur  au  ministère  de  la  guerre,  le 


134  LA   COINQUËTE    DE    L'ALGÉRIE. 

général  Moline  de  Sainl-Yon.  Quand  la  demande 
de  crédit,  qui  s'élevait  à  trois  millions,  fut  dé- 
posée sur  le  bureau  de  la  Chambre,  l'exposé  des 
motifs  désappointa  le  gouverneur.  «  Je  n'ai  rien 
vu,  écrivit-il,  le  9  mars  1847,  à  M.  Guizot,  de 
plus  pâle,  de  plus  timide,  de  i)lus  incolore.  On  y 
a  mêlé  Ihistorique  incomplet  de  la  colonisation, 
le  système  du  général  La  IMoricière,  celui  du 
général  Bedeau;  enfin  le  mien  arrive  comme 
accessoire.  On  ne  l'appuie  par  aucune  des  grandes 
considérations;  on  lui  donne  la  plus  petite  portée 
possible;  on  l'excuse  bien  plus  qu'on  ne  le 
recommande  et  qu'on  n'en  démontre  l'utilité.  )> 
Quelques  jours  après,  le  choix  des  commissaires 
nommés  pour  examiner  le  projet  de  loi  ne  lui 
laissa  plus  de  doute  sur  l'échec  qu'il  allait  subir. 
Dès  lors,  sa  décision  fut  prise  :  mais  avant  de 
quitter  définitivement  la  place,  il  voulut  rendre 
à  la  France  un  dernier  service. 

La  soumission  de  la  Kabylie  était,  on  le  sait, 
son  desideratum  :  ce  fut  par  là  qu'il  résolut  de 
finir.  Il  y  avait  un  projet  du  général  Bedeau,  qui 
proposait  d'aller  par  Sétif  débloquer  tout  à  fait 
Bougie,  et  la  démarche  éclatante  de  Ben-Salem 
était  venue  à  point  pour  y  ajouter  une  nouvelle 
chance  de  succès.  D'autre  pari,  le  chef  d'escadron 


PPxOJET    DU   MARÉCHAL.  135 

de  Wengy,  commandant  de  Bougie,  élait  parvenu 
à  desserrer  le  blocus.  «  On  ne  manquera  pas  de 
vous  dire,  écrivait,  à  la  fin  d'avril,  le  maréchal  au 
ministre.de  la  guerre,  qu'il  était  bien  inutile 
d'aller  à  Bougie,  puisque  tout  s'arrangeait  de 
soi-même.  Cette  manière  de  voir  ne  serait  pas  du 
tout  juste.  D'abord  tout  n'est  pas  arrangé  aux 
environs  de  Bougie;  cela  n'est  vrai  que  pour  les 
trois  ou  quatre  tribus  qui  entourent  la  ville.  Par- 
tout ailleurs  il  y  a  des  dissidents,  et,  sur  beaucoup 
de  points,  dans  les  environs  de  Djidjeli,  par 
exemple,  tout  est  dissident;  mais,  lors  même  que 
toutes  les  tribus  entre  Sétif  et  Bougie  auraient  fait 
un  semblant  de  soumission,  il  serait  de  la  plus 
haute  importance  militaire  et  politique  de  nous 
montrer  dans  ces  contrées  avec  des  forces  impo- 
santes. C'est  dire  tacitement  aux  montagnards  : 
«  Vous  le  voyez,  si  vous  ne  tenez  pas  les  engage- 
ments faits  avec  nous,  nous  pouvons  arriver  chez 
vous  avec  des  forces  telles  que  toute  résistance 
est  impossible.  » 

Cependant  le  ministre,  voyant  la  Chambre  et 
l'opinion  en  général  très  hostiles  à  toute  expédi- 
tion en  Kabylie,  était  fort  hésitant.  Alors  le  maré- 
chal, qui  avait  sa  résolution  prise,  lui  écrivit  le 
6  mai  :  «  Il  faut  bien  que  je  sente  à  quel  point  il 


136  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

est  important  d'achever  ce  qui  est  si  bien  com- 
mencé, pour  que  je  me  détermine,  dans  l'état  de 
santé  où  je  suis,  à  entreprendre  une  campagne 
pénible  qui  retarde  ma  rentrée  en  France.  Jus- 
qu'ici, j'avais  eu  lieu  d'espérer  que  je  terminerais 
les  affaires  de  Sétif  et  de  Bougie  sans  coup  férir; 
la  situation  qui  m'est  révélée  par  les  dernières 
nouvelles  diminue  infiniment  cette  espérance. 
Néanmoins,  je  ferai  tout  pour  éviter  les  com- 
bats. » 

Le  lendemain,  comme  il  sortait  du  palais  pour 
se  mettre  en  campagne,  survint  une  dépêche 
ministérielle,  datée  du  30  avril;  en  conformité 
d'un  ordre  du  jour  voté  par  la  Chambre,  elle 
blâmait  l'entreprise  sans  oser  absolument  l'inter- 
dire. Le  maréchal  ne  se  donna  pas  la  peine  de 
remontera  son  cabinet;  il  entra  dans  le  bureau 
des  officiers  de  service,  prit  une  plume  et  fit 
immédiatement  au  ministre  celte  réponse  :  «  11 
est  bien  évident  que  je  dois  prendre  sur  moi 
toute  la  responsabilité  de  l'œuvre  dans  toute  la 
chaîne  du  Djurdjura.  Je  la  prends  en  entier.  Il  le 
faut  bien  d'ailleurs,  puisqu'elle  m'est  laissée,  mais 
cela  ne  m'effraye  pas.  Je  vous  prierai  seulement 
de  remarquer  qu'on  serait  bien  mal  fondé  de  me 
répéter  encore  que  je  redoute  la  presse  et  l'opi- 


EXPÉDITION    EN    KABYLIE.  137 

nion.  Je  monte  à  cheval  pour  rejoindre  mes 
troupes.  »  Et  il  partit. 

Deux  colonnes  devaient  concourir  à  l'expédi- 
tion. Celle  dont  le  maréchal  s'était  réservé  le 
commandement,  et  dont  les  éléments  se  concen- 
traient à  Bordj-Bouira,  dans  le  Hamza,  comptait 
onze  bataillons  et  trois  escadrons,  d'un  effectif 
total  de  sept  mille  hommes  et  de  quatre  cents 
chevaux.  L'autre,  que  le  général  Bedeau  rassem- 
blait à  Sétif,  comprenait  neuf  bataillons  et  trois 
escadrons;  elle  était  moins  forte  de  mille  hommes 
en  infanterie. 

Du  côlé  du  maréchal,  les  opérations  commen- 
cèrent le  13  mai.  Les  deux  premières  journées 
furent  pacifiques;  les  tribus  riveraines  de  la  grande 
vallée  de  l'Oued-Sahel,  obéissant  à  la  proclama- 
tion qui  avait  été  répandue  chez  elles,  venaient 
faire  leur  soumission  tour  à  tour.  Le  lo,  les  pre- 
miers coups  de  fusil  furent  tirés  par  les  Beni- 
Abbès.  A  la  nuit  tombante,  des  signaux  de  feu 
coururent  sur  les  crêtes  de  la  rive  droite,  et  il  y 
fut  pareillement  répondu  de  la  rive  gauche.  Pres- 
que tout  de  suite,  dès  huit  heures,  l'attaque  com- 
mença contre  les  grand'gardes  qui  ripostèrent, 
sans  que  l'ordre  et  le  silence  fussent  troublés  dans 
le  bivouac.  Vers  une  heure  du  matin  le  feu  cessa; 


138  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

deux  lieures  après  le  maréchal  prit  l'offensive. 
Laissant  ses  bagages  à  la  garde  de  trois  batail- 
lons, il  s'éleva  dans  la  montagne  de  la  rive  droite 
avec  les  huit  autres  et  les  obusiers.  Toutes  les 
crêtes  occupées  sur  plusieurs  lignes  par  les  Kabyles 
furent  tournées  les  unes  après  les  autres,  et  les 
villages  qui  leur  servaient  d'appui  successivement 
enlevés  et  incendiés.  Il  n'en  restait  plus  qu'un 
tout  au  sommet,  entre  deux  tours.  Ce  village  por- 
tai t  le  noin  d'Arzou,  et,  dans  le  pays,  les  deux  tours 
étaient  communément  appelées  les  Cornes  du  tau- 
reau. La  chaleur  était  excessive  —  45  degrés  — 
et  la  pente  raide.  Malgré  tout,  les  zouaves  à  droite, 
le  6*  bataillon  de  chasseurs  à  pied  de  front,  le 
13'  léger  à  gauche,  grimpèrent  résolument  à 
l'assaut.  «  Le  spectacle  qui  devait  terminer  le 
combat,  a  dit  le  maréchal,  devint  des  plus  inté- 
ressants. Nos  trois  colonnes  gravissaient  les 
rampes  avec  une  égale  ardeur.  Les  officiers  et  les 
soldats  les  plus  vigoureux  devancèrent  bientôt 
leurs  camarades,  et  l'on  vit  la  position  abordée 
sur  trois  points  par  une  poignée  d'hommes  qui 
n'étaient  pas  plus  braves  que  leurs  frères  d'armes, 
mais  que  leurs  jarrets  et  leurs  poitrines  avaient 
mieux  servis.  Leur  audace  fut  couronnée  d'un 
plein  succès.  Les  deux  tiers  de  nos  forces  étaient 


SOUMISSION    DES    BEIM-ABBÈS.  139 

encore  sur  les  pentes  que  déjà  la  position  était 
enlevée. 

«  Une  heure  après,  un  des  plus  beaux  types  de 
chef  kabyle  que  j'aie  jamais  rencontrés,  le  chef  le 
plus  puissant  des  Beni-Abbès,  Hamou-Tahar,  a 
traversé  toutes  nos  troupes  pour  venir  à  moi.  Il 
s'exprimait  avec  une  véhémence  de  gestes  et  de 
paroles  qui  m'a  d'abord  déplu;  mais  la  traduction 
m'a  bientôt  convaincu  qu'il  n'était  animé  que  par 
le  désir  de  faire  cesser  les  maux  dont  sa  Iribu 
était  accablée.  «  Arrête,  m'a-t-il  dit,  ce  châtiment 
((  que  nous  avons  bien  mérité  par  nos  folles  atta- 
«  ques;  les  Kabyles  ont  été  sourds  à  tous  les  con- 
«  seils  qui  leur  ont  été  donnés  et  que  tu  leur  as 
«  donnés  toi-même  dans  ta  proclamation.  J'ai  fait 
«  ce  que  j'ai  pu,  parce  que  je  connaissais  ta  puis- 
«  sance,  pour  engager  mes  concitoyens  à  se  sou- 
«  mettre;  ils  ne  l'ont  pas  voulu,  et  j'ai  été  contraint 
«  moi-même  d'aller  brûler  delà  poudre  contre  Ion 
«  camp.  Aujourd'hui  ils  écoutent  ma  voix  qu'ils 
((  méconnaissaient  hier,  et  ils  m'envoient  te  dire 
«  qu'ils  se  mettent  à  ta  discrétion.  Fais  cesser  la 
«  destruction,  et  je  te  promets  que  demain  j'amè- 
«  nerai  dans  ton  camp  les  chefs  des  Beni-Abbès. 
«  Tu  ordonneras  de  nous  ce  que  lu  voudras,  nous 
«  l'obéirons.  »  Sa  parole  et  sa  physionomie  étaient 


140  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

si  franches,  si  expressives,  il  avait  si  bien  l'air 
d'un  homme  fait  pour  commander  aux  autres  que 
j'ai  pris  en  lui  une  entière  confiance. 

a  Dans  la  prévision  de  l'arrivée  des  parlemen- 
taires, les  troupes  avaient  été  prévenues  qu'au 
signal  de  trois  coups  de  canon  la  destruction 
cesserait,  et  que  tout  le  monde  viendrait  au  point 
de  réunion  où  je  n'avais  gardé  qu'un  seul  batail- 
lon et  rarlillerie.  Les  trois  coups  de  canon  ont 
été  tirés  et,  sans  attendre  le  rassemblement  géné- 
ral, j'ai  pris  la  route  de  mon  camp,  et  j'y  ai  été 
rejoint  successivement  par  tous  les  détachements.  » 
Le  lendemain,  les  Beni-Abbès  firent  une  soumis- 
sion complète  et  furent  placés  sous  l'autorité  du 
khalifa  Si-ivlokrani;  les  Beni-Mellikeuch,  de  la  rive 
gauche,  suivirent  leur  exemple. 

Le  21  mai,  la  colonne  du  maréchal  qui  suivait 
le  cours  de  l'Oued-Sahel  vit  arriver  en  avant  de 
Bougie,  à  une  journée  de  marche,  la  colonne  de 
Sétif.  Celle-ci  n'avait  rencontré  quelque  résistance 
que  dans  les  journées  du  1 6  et  du  1 8,  chez  les 
Reboula  d'abord,  puis  chez  les  Beni-Ourtilane. 
Le  22,  toutes  les  troupes  firent  leur  entrée  dans 
Bougie;  le  24,  l'investiture  fut  donnée  solennelle- 
ment aux  chefs  désignés  par  les  bureaux  arabes 
d'Alger  et  de  Gonstantine.  Le  lendemain,  le  mare- 


FIN    DE    L'EXPÉDITION.  141 

chai  s'embarqua  pour  Alger;  il  avait  prescrit  au 
général  Bedeau  de  demeurer  pendant  quinze  jours 
encore  à  Bougie  avec  la  moitié  des  troupes;  l'au- 
tre moitié  devait  être  ramenée  immédiatement 
par  le  général  Gentil  à  Bordj-Bouira ,  d'où  les 
différents  corps  auraient  à  regagner  leurs  canton- 
nements. 

Ainsi  prit  fin  celte  courte  expédition.  Elle  n'a- 
vait produit  ni  plus  ni  moins  de  résultats  que  les 
précédentes  opérations  du  même  genre.  Les  popu- 
lations visitées  n'étaient  que  nominalement  et  pour 
un  temps  soumises;  au  delà,  le  grand  nombre  des 
tribus  demeuraient  dans  leur  indépendance.  11  ne 
fallait  pas  se  payer  de  mots  ni  d'apparences  :  la 
conquête  de  la  Grande  Kabylie  restait  pour  l'a- 
venir toute  à  faire. 


142  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


Le  29  mai  1847,  le  maréchal  Biigeaud  écrivait 
d'Alger  à  l'un  de  ses  amis  :  «  Je  suis  rentré  depuis 
trois  jours  de  l'expédition  de  la  Grande  Kabylie, 
qui  a  fait  déclamer  nos  grands  tacticiens  de  la 
Chambre  et  de  la  presse.  Vous  apprendrez  avec 
plaisir,  j'en  suis  sûr,  que  j'ai  pris  la  ferme  résolu- 
tion de  demander  un  successeur.  Sans  attendre  la 
décision  définitive,  je  pars,  le  5,  pour  le  Périgord. 
J'ai  exprimé  ma  détermination  avec  tant  de  force 
que  l'on  renoncera  sans  doute  à  la  faire  chan- 
ger. » 

Le  4  juin,  l'escadre  de  la  [Méditerranée,  com- 
mandée par  le  prince  de  Joinville,  mouillait  en 
rade  d'Alger.  Le  gouverneur  eut  encore  le  temps 
de  faire  au  prince  les  honneurs  de  son  palais  et 
de  donner  des  ordres  pour  l'excursion  qu'il  vou- 
lait pousser,  par  BUda  et  Médéa,  jusqu'à  Boghar. 
Le  lendemain,  devant  une  foule  respectueuse,  le 


ADIEUX    DU    MARÉCHAL.  143 

maréchal  prit  passage  sur  le  stalionnaire  Camé- 
léon, que  commandait  le  lieutenant  de  vaisseau 
Fourichon,  son  compatriote,  et  l'on  peut  ajou- 
ter, malgré  la  différence  d'âge  et  de  grade,  son 
ami. 

Avant  de  s'embarquer,  il  avait  fait  ses  adieux  à 
ses  compagnons  d'Afrique,  de  quelque  condition 
qu'ils  fussent,  par  trois  proclamations  à  la  popu- 
lation, à  l'armée,  à  la  marine.  «  Colons  de  l'Algé- 
rie, disait-il  dans  la  première,  jetez  un  couj)  d'œil 
sur  la  proclamation  que  je  vous  adressais  en 
février  1841.  Vous  verrez  que  j'ai  dépassé  de 
beaucoup  le  programme  que  je  m'étais  tracé.  J'a- 
vais dit  que  le  drapeau  de  la  France  devait  seul 
planer  sur  l'Algérie  :  deux  fois  l'émir  a  été  refoulé 
dans  le  Maroc,  et  notre  domination  s'étend  sur  le 
pays  des  Arabes,  de  la  frontière  de  Tunis  à  celle 
du  Maroc,  de  la  mer  à  cent  vingt  ou  cent  trente 
lieues  dans  le  désert.  J'avais  dit  que  je  serais 
colonisateur  ardent.  Étendez  vos  regards  au  delà 
du  cercle  d'Alger  :  voyez  les  routes,  les  ponts,  les 
édifices  de  toute  nature,  les  barrages,  les  conduites 
d'eau,  les  villages  qui  ont  surgi,  et  dites  si  nous 
n'avons  pas  fait  en  colonisation,  au  milieu  d'une 
guerre  ardue,  plus  qu'on  n'avait  le  droit  d'atten- 
dre. »   Puis  il  donnait  aux.  colons  des  conseils 


14i  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

graves,  blâmant  leur  impatience  et  leurs  injustes 
préventions  contre  le  gouvernement  militaire. 
«  Ces  conseils,  ajoutait-il  en  finissant,  n'ont  rien 
qui  doivent  vous  blesser;  ils  sont  au  contraire  la 
preuve  du  vif  intérêt  que  je  vous  porte.  Vous 
savez  que,  pendant  les  six  années  et  plus  de  mon 
gouvernement,  j'ai  mieux  aimé  servir  vos  intérêts 
que  de  flatter  vos  passions  et  votre  amour-pro- 
pre. Pour  que  je  fusse  moins  franc  en  vous  quit- 
tant, il  faudrait  que  mon  affection  pour  vous  eût 
diminué.  Il  n'en  est  rien,  l'avenir  vous  le  prou- 
vera. » 

L'avenir  lui  a  manqué,  mais  non  la  reconnais- 
sance nationale.  Sa  mémoire  illustre  s'est  enra- 
cinée profondément  dans  la  terre  d'Afrique. 
Quand,  au  mois  de  juin  1849,  Alger  apprit  la 
mort  de  son  ancien  gouverneur,  enlevé  par  le 
choléra,  l'émotion  fut  universelle  et  profonde. 
({  J'ai  fait  mettre  à  l'instant,  écrivait  le  général 
Bosquet,  des  crêpes  à  toutes  les  épées,  et  le  deuil 
reste  dans  tous  les  cœurs,  j'entends  les  cœurs  des 
soldats  et  les  cœurs  des  patriotes.  »  Une  sous- 
cription s'ouvrit  pour  élever  un  monument  à 
la  gloire  du  maréchal,  une  statue,  qui  fut  inau- 
gurée trois  ans  plus  tard,  le  1 5  août  1 852,  à  Bab- 
Azoun. 


LA   STATUE    DU   MARÉCHAL.  145 

Il  est  debout,  tête  nue,  face  à  la  Kabylie,  vêtu 
de  sa  capote  de  campagne.  A  ses  pieds,  des 
attributs  de  guerre  et  d'agriculture  symbolisent 
ses  deux  passions  unies  dans  la  devise  qu'il  s'était 
faite  :  Ense  et  aratro. 


II. 


CHAPITRE  VIII 

GOUVERNEMENT    DU    DUC    D'AUMALE. 

I.  —  Le  duc  d'Aumale  et  le  maréchal  Bugeaud.  —  Le  duc  d'Aumale 
et  ses  lieutenants.  —  Affaires  civiles. 

n.  —  Abd-el-Kader  au  Maroc.  —  Mort  du  kaid  El-Alimar.  —  Les 
Béni-Amer. 

IIL  —  Colère  d'Abd-er-Rahinane.  —  Ses  fils  marchent  contre  Abd- 
el-Kader.  —  Lettre  de  l'émir  au  duc  d'Aumale.  —  La  Moricière 
sur  la  frontière  marocaine.  —  Tentative  d'Abd-el-Kader  contre 
les  Marocains.  —  Retraite  de  la  deira  sur  le  territoire  algérien. 

IV.  —Reddition  d'Abd-el-Kader.  —  Lettres  échangées. 

V.  —  Le  duc  d'Aumale  et  Abd-el-Kader.  —  L'émir  embarqué  pour 
France. 

VI.  —  Dispositions  du  gouvernement  français.  —  Discours  de  M.  Gui- 
zot.  —  Attitude  nouvelle  d'Abd-el-Kader.  —  Son  entrevue  avec  le 
général  Changarnier. 

VIL  —  Projets  du  duc  d'Aumale.  —  Révolution  de  Février.  — 
Adieux  et  départ  du  duc  d'Aumale. 


I 


Une  ordonnance  royale,  du  29  juin  1847,  con- 
fia l'intérim  du  gouvernement  d'Algérie  au  géné- 
ral Bedeau.  Jusque-là,  c'était  le  général  de  Bar, 
le  plus  ancien  des  lieutenants  généraux  présents 
dans  la  colonie,  qui  l'avait  exercé  par  délégation 
du  maréchal  Bugeaud. 

10. 


148  LA    CONQUÊTE    IiE    L'ALGÉRIE. 

La  voix  publique  avait  depuis  longtemps  dési- 
gné le  successeur  du  maréchal,  et  la  colonie  l'at- 
tendait avec  impatience;  mais  le  gouvernement 
n'avait  pas  voulu,  par  une  hâte  malséante,  accep- 
ter la  démission  du  vainqueur  d'Isly.  Il  ne  s'y  dé- 
cida que  lorsque  le  temps  eut  démontré  qu'elle 
était  irrévocable. 

Le  3  août,  le  duc  d'Aumale  écrivit  au  maréchal 
Bugeaud  :  «  J'ai  longtemps  espéré  que  vous  con- 
sentiriez à  reprendre  le  gouvernement  général,  et 
j'ai  la  conviction  qu'aux  très  grands  services  que 
vous  aviez  déjà  rendus  vous  pouviez  en  ajouter 
de  nouveaux  que  nul  autre  peut-être  ne  pourra 
rendre.  Si  tout  espoir  doit  être  perdu  à  cet  égard, 
si  aucune  autre  combinaison  ne  paraît  acceptable 
au  gouvernement  du  Roi,  je  ne  refuserai  pas  une 
position  éminente  où  je  puis  servir  activement 
mon  pays.  Je  ne  me  fais  aucune  illusion  sur  les 
obstacles  qui  hérissent  la  question,  sur  les  atta- 
ques dont  je  serai  l'objet,  sur  les  déceptions  qui 
m'attendent;  mais  j'apporterai  à  l'accomplisse- 
ment de  mes  devoirs  une  entière  abnégation  per- 
sonnelle et  un  dévouement  de  tous  les  instants.  Je 
conserverai  précieusement  le  souvenir  de  tout  ce 
que  je  vous  ai  vu  faire  d'utile  et  de  grand  sur 
cette  terre  d'Afrique,  et  je   ferai   tous  mes  ef- 


LE    DUC    D'AL'MALE.  149 

forts  pour  suivre  vos  traces  et  y  continuer  votre 
œuvre.  » 

Le  maréchal  répondit  au  prince  :  «  Vous  n'êtes 
point  séduit  par  le  brillant  du  commande- 
ment; vous  en  connaissez  dès  longtemps  tous  les 
écueils;  vous  avez  mesuré  les  difficultés,  vous 
avez  prévu  la  critique  et  même  la  calomnie,  et 
cependant  vous  bravez  tout  cela  pour  servir  la 
France  et  obéir  à  votre  père.  Cette  noble  conduite 
serait  une  critique  de  la  mienne,  si  je  n'avais  payé 
mon  tribut  pendant  six  ans  et  demi,  et  surtout  si 
je  n'avais  pas  eu  l'espoir  qu'en  me  retirant  je  ser- 
virais mieux  les  intérêts  de  l'Algérie  qu'en  restant 
au  poste  qui  m'avait  été  confié.  Déjà  mes  prévi- 
sions se  réalisent,  puisqu'on  vous  destine  ma  suc- 
cession. Vous  voulez,  dites-vous,  marcher  sur  mes 
traces:  moi,  je  veux  que  vous  les  élargissiez,  et  je 
serai  bien  heureux  si  vous  faites  mieux  que  moi  ; 
je  ne  serai  pas  le  dernier  à  le  proclamer.  » 

Le  duc  d'Aumale  fut  nommé  gouverneur  géné- 
ral de  l'Algérie  par  ordonnance  du  H  septembre. 
Quand  le  canot  de  la  frégate  à  vapeur  Labrador 
l'amena,  le  5  octobre,  au  débarcadère  d'Alger,  la 
population  lui  fit  un  accueil  enthousiaste.  Le  len- 
demain, il  adressa  aux  troupes  cet  ordre  du  jour; 
«  En  prenant  le  commandement  de  l'armée  d'A- 


150  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

frique,  le  gouverneur  général  de  l'Algérie  croit 
devoir  témoigner  à  tous  les  officiers,  sous-officiers 
et  soldats  qui  la  composent,  combien  il  est  fier  de 
se  trouver  à  leur  tête.  Appelé  déjà  cinq  fois  à 
l'honneur  de  servir  dans  leurs  rangs,  il  sait  depuis 
longtemps  ce  qu'on  peut  attendre  de  leur  dévoue- 
ment au  Roi  et  à  la  France.  Confiant  dans  leur  cou- 
rage, confiant  dans  le  mérite  éprouvé  de  valeu- 
reux généraux,  il  ne  doute  pas  que  le  succès  ne 
continue  de  couronner  tant  de  nobles  efforts. 
L'armée  qui  vient  d'accomplir  tant  de  grandes 
choses  a  salué  d'universels  regrets  l'illustre  chef 
à  qui  elle  doit  tant  de  gloire  et  sous  les  ordres  du- 
quel j'aurais  tant  aimé  à  me  retrouver  encore. 
Qu'il  reçoive  ici  la  nouvelle  expression  du  bien  vif 
et  bien  reconnaissant  souvenir  que  lui  conservera 
toujours  l'armée  d'Afrique.  » 

Le  duc  d' Aumale  avait  amené  avec  lui  le  géné- 
ral Ghangarnier  qui  prit  le  commandement  de 
la  division  d'Alger;  La  Moricière  et  Bedeau  con- 
tinuèrent de  commander,  le  premier  la  division 
d'Oran,  le  second  la  division  de  Constantine.  L'un 
et  l'autre  étaient  venus  conférer  avec  le  prince  et 
recevoir  ses  instructions.  Du  7  au  16  octobre,  il 
réunit  tous  les  matins  ses  trois  principaux  lieute- 
nants. «  Dans  ces  conférences,  çi  dit  Ghangarnier, 


AFFAIRES    CIVILES.  151 

OÙ  d'importantes  questions  militaires,  politiques 
et  administratives  furent  traitées,  le  jeune  gou- 
verneur, moins  verbeux  que  mes  collègues,  quoi- 
qu'il parle  volontiers  et  bien,  montra  un  esprit  cul- 
tivé, réfléchi,  attentif  aux  petits  détails,  qu'il 
aimait  peut-être  trop.  « 

Parmi  les  questions  traitées,  il  y  avait  au  pre- 
mier rang  l'application  d'une  ordonnance  royale 
du  1  "septembre  qui  réglait  à  nouveau  l'administra- 
tion de  l'Algérie.  Le  directeur  général  des  affaires 
civiles  et  le  conseil  supérieur  étaient  maintenus  dans 
leurs  attributions;  mais  les  trois  directions  de  l'in- 
térieur, des  finances  et  des  travaux  publics  étaient 
supprimées,  et  les  services  dont  elles  avaient  eu 
charge  étaient  centralisés,  au  chef-lieu  de  chaque 
province,  par  un  directeur  des  affaires  civiles 
assisté  d'un  conseil  de  direction.  Ce  fonctionnaire 
devait  préparer  le  travail  du  général  commandant 
la  province  pour  tout  ce  qui  concernait  les  affaires 
administratives  en  territoire  civil  ou  militaire. 

Quant  aux  indigènes,  ils  étaient  placés  tous, 
sans  distinction  de  territoire,  sous  la  tutelle  exclu- 
sive des  bureaux  arabes,  mais  ils  restaient  soumis, 
en  matière  criminelle,  à  la  juridiction  des  tri- 
bunaux français.  Comme  don  de  bienvenue,  le 
duc  d'Aumale  leur  apportait  une  amnistie  très 


152  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

large  qui  autorisait  le  retour  en  Algérie  d'un  grand 
nombre  de  leurs  coreligionnaires  détenus  en 
France. 

Sans  aborder  le  problème  de  la  colonisation 
qui  n'est  pas  de  notre  sujet,  nous  pouvons  dire 
cependant  que  le  prince  gouverneur  se  préoccu- 
pait d'obtenir,  par  le  cantonnement  équitable  et 
graduel  des  tribus  arabes,  sans  spoliation  ni 
atteinte  aux  droits  garantis  par  la  capitulation 
d'Alger,  les  terrains  nécessaires  à  l'établissement 
de  la  population  européenne. 


AFFAIRES    DU    MAROC.  153 


II 


Après  le  règlement  des  affaires  urgentes,  l'at- 
tention du  duc  d'Aumale  devait  se  porter  natu- 
Tellement  du  côté  du  Maroc,  où  les  incidents  les 
plus  graves  se  succédaient  rapidement  et  sans  re- 
lâche. Dans  les  premiers  jours  de  juin,  immédia- 
tement après  le  départ  du  maréchal  Bugeaud,  le 
courrier  d'Oran  avait  apporté  au  général  de  Bar 
la  nouvelle  d'une  collision  sanglante  qui  aurait 
mis  aux  prises  les  Kabyles  du  Rif  avec  les  parti- 
sans d' Abd-el-Kader  ;  mais  sur  le  résultat  du  con- 
flit il  y  avait  désaccord;  suivant  une  certaine 
version,  c'étaient  les  Rifains  qui  auraient  eu  le 
dessous,  et  c'était  le  contraire,  suivant  un  autre 
dire. 

Voici,  d'après  le  témoignage  de  M.  Léon  Ro- 
chts,  secrétaire  à  la  légation  de  Tanger,  l'exacte 
vérit"^  sur  cette  affaire.  Pressé  par  les  réclamations 
instantes  du  consul  général  de  France,  M.  de 
Chasteau ,   et  d'ailleurs    intjuiet    de    l'influence 


154  LA    CONQL'ÊTF.    DE    L'ALGÉRIE. 

qu'Abd-el-Kader  exerçait  dans  le  Maroc  au  détri- 
ment du  pouvoir  impérial,  le  sultan  Abd-er-Rah- 
mane  s'était  décidé  à  prendre  contre  lui  des  me- 
sures effectives.  Au  commencement  du  mois  de 
mai,  un  corps  composé  de  deux  mille  cavaliers 
réguliers,  de  cinq  cents  hommes  d'infanterie  et 
d'une  batterie  de  quatre  pièces  de  campagne,  avait 
été  réuni  près  de  Fez,  sous  les  ordres  du  prince 
Mouley-el-Hassan,  cousin  de  l'empereur.  Dans  le 
même  temps,  le  kaïd  El-Alimar,  nouvellement 
appelé  au  gouvernement  du  Rif,  avait  reçu  l'ordre 
de  marcher  contre  Abd-el-Kader  et  de  s'emparer 
de  sa  personne,  ou  tout  au  moins  de  l'expulser 
du  territoire  de  l'empire.  Quand  le  kaïd  fit  part  de 
cet  ordre  aux  chefs  kabyles,  ceux-ci  lui  répondi- 
rent :  ((  Sois  le  plus  fort,  nous  t'aiderons.  »  En 
attendant,  ils  prirent  le  parti  de  s'abstenir. 

El-Ahmar,  qui  ne  pouvait  disposer  que  de 
quatre  cents  chevaux,  fit  demander  du  renfort  à 
Fez;  on  lui  envoya  sept  cents  cavaliers;  mais, 
on  ne  sait  pourquoi,  il  n'en  mena  d'abord  que 
deux  cents  vers  la  deïra.  L'émir,  pour  gagner  du 
temps,  fit  demander  par  des  cheikhs  amis  des  ex- 
plications au  kaïd  qui  excipa  des  ordres  impé- 
riaux. Pendant  ces  pourparlers,  Abd-el-Kader 
avait  averti  ses  partisans  qui  accoururent,  et  il 


MEURTRE    I>'EL-AHMAR.  155 

résolut   de    prendre    immédiatement   l'offensive. 

Une  belle  nuit,  il  marcha  sur  le  camp  d'El-Ali- 
mar,  où  tout  dormait  sans  aucune  garde.  Au  point 
du  jour,  il  ordonna  aux  tambours  de  ses  réguliers 
de  battre  la  charge;  en  un  moment,  les  chevaux 
marocains,  effrayés, rompant  leurs  entraves,  se  pré- 
cipitèrent au  travers  des  tentes,  et  bientôt  le  sauve- 
qui-peut  devint  général;  mais  Abd-el-Kader,  qui 
voulait  se  montrer  généreux,  fit  crier  aux  fuyards 
de  se  rassurer,  parce  qu'il  était  seulement  venu 
pour  s'entendre  avec  El-Ahmar.  En  effet,  sur  son 
ordre,  Bou-Hamedi  entra  dans  le  camp,  sans  fusil, 
avec  une  faible  escorte,  et  se  dirigea  vers  la  tente 
du  kaïd;  mais  soudain  les  gardes  nègres  d'EI-Ah- 
mar  firent  feu  sur  la  petite  troupe;  lui-même  mit 
en  joue  Bou-Hamedi,  l'arme  ne  partit  pas,  et  le 
khalifa  d'Abd-el-Kader,  usant  de  représailles, 
abattit  d'un  coup  de  pistolet  le  kaïd  à  ses  pieds. 
L'émir,  protestant  de  son  respect  pour  l'autorité 
sacrée  de  l'empereur,  laissa  le  maghzen  retourner 
à  Fez;  il  ne  voulut  pas  retenir  prisonniers  la  femme 
et  les  enfants  d'EI-Ahmar,  mais  il  n'empêcha  pas 
les  gens  du  Rif  de  piller  le  camp  marocain. 

En  même  temps  qu'il  faisait  de  ce  côté  montre 
de  modération,  ses  agents  répandaient  le  bruit 
d'un  accord  prochain  avec  la  France,  par  l'entre- 


156  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

mise  de  l'Espagne,  et  de  la  création  d'un  État  indé- 
pendant sur  lequel  régnerait  Abd-el-Kader  depuis 
la  Sebkha  d'Oran  à  l'est  jusqu'à  Mélilla  au  cou- 
chant. Ce  qu'il  y  avait  de  fondé  dans  celte  ru- 
meur, c'était  que  l'émir  avait  en  effet  engagé  des 
pourparlers  avec  le  gouverneur  de  Mélilla  et  que 
le  gouverneur  s'y  était  prêté  plus  que  de  raison. 
En  échange  de  la  médiation  que  l'Espagne  aurait 
exercée  au  profit  de  l'émir,  celui-ci  se  serait  dé- 
claré son  vassal  et  l'aurait  aidée  à  étendre  le  terri- 
toire espagnol  autour  des  Présides.  Averti  de  ces 
négociations  interlopes,  le  gouvernement  français 
en  fit  des  plaintes  à  Madrid,  et  le  gouverneur  de 
Mélilla  fut  rappelé. 

Les  tribus  du  Rif  étaient  méfiantes;  si  Abd-el- 
Kader  devenait  leur  souverain,  il  faudrait  d'abord 
combattre  contre  l'empereur  qui  ne  se  laisserait 
pas  spolier  sans  résistance,  et  puis  il  faudrait 
donner  au  nouveau  sultan  beaucoup  plus  d'argent 
qu'à  l'autre,  auquel  on  n'en  donnait  guère.  Bref, 
la  future  souveraineté  d'Abd-el-Kader  n'obtenait 
pas  faveur;  de  plus,  on  savait  qu'Abd-er-Rah- 
mane,  furieux  de  la  défaite  de  son  maghzen  et  de 
la  mort  du  kaïd  El-Ahmar,  avait  ordonné  des  ar- 
mements pour  en  tirer  vengeance.  «  Tout  ce  que  tu 
nous  as  prédit  est  arrivé,  faisait-il  dire  au  consul 


LES    BEM-AMER.  157 

général  de  France;  lu  connaissais  mieux  que  nous 
les  ruses  diaboliques  d'Abd-el-Kader  ;  il  ne  lui  reste 
plus  que  la  vengeance  céleste  à  attendre,  et  c'est  à 
nous  défaire  disparaître  de  ce  monde  la  trace  même 
de  ses  pas.  Tu  vas  voir  ce  qui  adviendra  de  lui  et 
de  ses  partisans.  »  En  style  marocain,  tu  vas  voir 
ne  devait  pas  être  pris,  comme  en  français,  dans 
le  sens  d'une  exécution  immédiate.  Tout  se  faisait 
par  poids  et  par  mesure. 

Cependant  un  incident  inopiné  vint  substituer 
aux  lenteurs  habituelles  de  la  cour  de  Fez  une 
allure  un  peu  plus  vive.  Quand,  l'année  précé- 
dente, la  grande  émigration  des  Beni-Amer  s'était 
séparée  de  la  deïra  pour  porter  son  campement 
dans  l'intérieur  du  Maroc,  c'était  avec  l'espoir 
d'y  trouver  une  existence  meilleure;  déçue  dans 
son  attente,  elle  avait  manifesté  l'intention  de  re- 
venir au  bercail,  c'est-à-dire  à  ses  anciens  campe- 
ments sur  la  terre  algérienne.  Il  ne  convenait  pas 
à  l'empereur  de  laisser  sortir  de  ses  États  un  con- 
tingent si  considérable:  en  effet,  c'était  une  popu- 
lation de  huit  ou  dix  mille  âmes  qui  pouvait  four- 
nir deux  mille  fusils  et  huit  cents  chevaux  de  guerre. 

Le  kaïd  Feradj,  délégué  du  prince  Mouley-Mo- 
hammed,  commandant  en  chef  des  troupes  impé- 
riales, vint,  avec  trois  mille  cavaliers,  intimer  à  la 


158  LA    CONQLËTE    DE    L'ALGÉRIE. 

tribu  l'ordre  de  lui  livrer   ses   chevaux  et  ses 
armes,  et  de  se  mettre  immédiatement  en  chemin 
pour  l'ouest  oii  l'empereur  avait  résolu  de  l'inter- 
ner. Tous  à  cheval,  la  crosse  du  fusil  sur  la  cuisse, 
les  grands  des  Beni-Amer  firent  au  kaïd  cette  fière 
réponse  :  «  Nous  sommes  venus  de  notre  propre 
mouvement  demander  un  asile  à  ]Mouley-Abd-er- 
Rahmane;  il  nous  l'a  accordé;  aujourd'hui,  sans 
que  nous  ayons  commis  la  moindre  faute,  il  veut,  au 
mépris  des  droits  de  l'hospitalité,  nous  désarmer 
et  nous  faire  prisonniers  1  Nous  mourrons  tous  plu- 
tôt que  de  nous  soumettre  à  des  ordres  pareils,  et, 
puisque  nous  n'avons  pas  trouvé  sûreté  sur  la  terre 
musulmane,  nous  jurons  de  nous  arrêter  seule- 
ment lorsque  nous  serons  arrivés  sur  celle  des 
chrétiens.  »  Puis  la  tribu  se  mit  en  marche  vers 
Taza;  mais  alors  le  prince  Mohammed  fit  publier 
dans  tous  les  environs  de  Fez  une   proclamation 
par  laquelle  il  mettait  au  prix  de  dix  ducats  la  tête 
de  chacun  des  guerriers  Beni-Amer,  et  donnait  à 
qui  pourrait  les  prendre,  leurs  femmes,  leurs  en- 
fants, leurs  troupeaux,  leur  avoir.  Cernés  par  plus 
de  douze  mille  Arabes  et  Kabyles,  les  Beni-Amer 
se  défendirent  pendant  trois  jours  et  finirent  par 
succomber.  Le  massacre  eut  lieu  vers  le  commen- 
cement de  septembre. 


ABD-EL-KADER    MENACÉ.  159 

Ce  fut  pour  Abd-el-Kader  un  coup  terrible  ;  car 
il  s'était  avancé,  malgré  l'hostilité  de  certaines 
tribus,  à  la  rencontre  des  émigrants,  non  pas  sans 
doute  pour  les  aider  à  regagner  la  terre  chré- 
tienne, mais  avec  l'espoir  de  les  ramener  à  la  deïra 
et  de  les  y  retenir.  Dans  le  même  temps,  Mouley- 
Mohamraed  faisait  saccager  le  territoire  des  tribus 
kabyles  qui  avaient  montré  quelque  partialité  pour 
l'émir,  tandis  que  son  frère  Mouley-Ahmed  cam- 
pait sous  Taza.  Vers  la  fin  d'octobre,  Mouley-Mo- 
hammed  vint  l'y  rejoindre,  et  désignant  Abd-el- 
Kader  comme  l'ennemi  à  combattre,  il  fit  publier 
celte  proclamation  :  «  De  ce  moment,  je  ne  con- 
nais personne.  Mes  amis  seront  ceux  qui  apporte- 
ront de  l'orge  à  mon  camp  et  qui  marcheront  avec 
mes  troupes  contre  le  révolté;  mes  ennemis  seront 
ceux  qui  ne  viendront  pas  à  moi.  » 


160  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


ni 


Des  marabouts  influents  et  vénérés  s'entremi- 
rent afin  d'apaiser  la  colère  de  l'empereur;  ils  se 
rendirent  à  Fez  pour  lui  représenter  qu'en  ordon- 
nant de  si  grands  apprêts  contre  un  vrai  musul- 
man, il  ne  faisait  que  donner  de  la  joie  aux  chré- 
tiens, ravis  de  voir  les  fidèles  de  l'islam  se  déchirer 
entre  eux.  Abd-er-Rahmane  les  écoula  sans  les 
interrompre;  puis  après  quelques  minutes  de  mé- 
ditation, il  leur  dit  d'un  ton  sévère  :  «  Ce  n'est 
point  un  vrai  musulman,  celui  qui,  après  avoir  de- 
mandé l'hospitalité,  cherche  à  trahir  son  hôte  !  Ce 
n'est  point  un  vrai  musulman,  celui  qui  non  seule- 
ment désobéit  aux  ordres  du  prince  des  croyants, 
mais  encore  agit  en  maître  dans  ses  États  !  Ce  n'est 
pomt  un  vrai  musulman,  celui  qui  massacre  des  po- 
pulations soumises  à  leur  légitime  souverain,  qui 
attaque  ses  camps  et  tue  ses  fidèlesservi  teurs  !  C'est 
un  rebelle  qui  trace  une  ligne  de  feu  et  de  sang 
partout  où  il  passe.  Je  ne  veux  rien  entendre  de  lui. 


rONCENTRATION.  161 

S'il  veut  éviter  de  nouveaux  malheurs,  qu'il  aban- 
donne mes  Étals  et  qu'il  aille  porter  ailleurs  le 
désordre  attaché  à  ses  pas!  L'un  de  nous  deux 
doit  commander  dans  l'empire,  et  Dieu  va  décider 
entre  nous.  » 

Le  4  9  novembre,  La  Moricière,  qui  était  à  Oran, 
fut  informé  de  la  marche  en  avant  des  corps  ma- 
rocains et  du  mouvement  rétrograde  que  l'émir 
venait  de  prescrire  à  la  deïra.  Les  deux  fils  de 
l'empereur,  iMouley-Mohamraed  et  Mouley-Ah- 
med,  se  portaient  avec  deux  corps  d'armée  de 
Taza  sur  la  Moulouïa;  un  troisième  corps  chemi- 
nait à  travers  les  montagnes  du  Rif;  enfin,  le  kaïd 
d'Oudjda  se  portait  avec  son  maghzen  vers  les 
Beni-Snassen.  Abd-el-Kader  concentrait  ses  forces 
sur  la  rive  gauche  de  la  Moulouïa. 

Sur  ces  entrefaites,  un  de  ses  secrétaires,  El- 
Hadj-el-Habid,  se  présenta,  le  17  novembre,  au 
général  Renault  qui  commandait  à  Nemours  l'an- 
cien camp  de  Djemma-Ghazaouat,  et  lui  remit,  de 
la  part  de  l'émir,  trois  lettres  adressées,  la  pre- 
mière au  duc  d'Aumale,  la  deuxième  au  gé- 
néral de  La  Moricière,  la  troisième  au  général 
Cavaignac.  Il  y  en  avait  une  quatrième,  de  Bou- 
Hamcdi  pour  La  Moricière. 

La  lettre  au  duc  d'Aumale,  écrite  trois  jours 
II.  11 


162  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

auparavant,  était  conçue  en  ces  termes  :  «  Gloire 
à  Dieu, dont  les  louanges  font  obtenir  les  bienfaits 
d'une  manière  complète  et  qui  accorde  le  bien 
avec  surabondance!  Que  Dieu  soit  priépournotre 
seigneur  et  maître  Mohammed  et  ses  compagnons! 
De  la  part  du  combattant  pour  la  foi,  le  défenseur 
de  la  religion,  notre  maître  Sidi-Hadj-Abd-el- 
Kader,  —  que  Dieu  lui  soit  en  aide  et  le  dirige! 
—  au  chef  le  plus  magnifique  des  armées  fran- 
çaises d'Alger  et  de  ses  dépendances,  au  chef  de 
leurs  généraux,  commandants  et  autres,  au  fils  du 
sultan  des  sultans  du  pays  de  Roum,  au  duc 
d'Aumale.  —  Que  Dieu  fasse  prospérer  l'état  de 
ceux  qui  sont  fermement  attachés  à  la  justice  la 
plus  pure!  Salut  sur  ceux  qui  ont  saisi  l'anse  solide, 
ainsi  que  la  miséricorde  de  Dieu,  ses  bénédictions, 
ses  bontés  et  ses  bienfaits!  —  Déjà  avant  ton  avè- 
nement au  gouvernement  de  ce  pays  d'Alger,  j'a- 
vais écrit  plusieurs  fois  aux  commandants  d'alors 
ainsi  que  j'avais  écrit  à  ton  père  leur  sultan.  Ilsont 
gardé  le  silence  à  mon  égard,  et  je  n'ai  pas  reçu 
de  réponse  à  une  seule  lettre.  Aujourd'hui,  lors- 
que j'ai  appris  que  tu  es  arrivé  en  ce  pays,  afin 
d'y  commander  par  les  ordres  de  ton  père,  je  me 
suis  réjoui  de  cet  événement  et  je  t'ai  écrit,  il  y  a 
quelques  jours,  avant  la  présente.  Je  suppose  que 


LETTRE    D'ABD-EL-KADER.  163 

ma  lettre  est  arrivée  à  temps;  mais  puisqu'elle  n'a 
pas  atteint  le  but  que  je  me  proposais,  j'ai  voulu 
t'en  écrire  une  nouvelle  pour  le  même  objet,  en  la 
confiant  à  un  homme  distingué,  sage  et  sûr,  qui 
doit  la  présenter  à  Ta  Seigneurie.  Il  sera  mon  man- 
dataire et  me  suppléera  près  de  toi  pour  te  faire 
savoir  ce  que  j'ai  à  te  dire  et  me  faire  connaître 
ce  que  tu  auras  à  lui  répondre.  Tu  es  la  porte  de 
la  souveraineté,  et  notre  livre  dit  bien  :  «  Faites 
«  choix  de  la  porte  pour  entrer  »  ;  c'est  donc  pour 
cela  que  je  t'adresse  un  homme  propre  à  cette 
mission.  Je  lui  avais  donné  ma  confiance  à  l'époque 
de  la  paix  entre  vous  et  nous;  ses  bonnes  qualités 
me  sont  connues,   et  il  possède  aussi  la  connais- 
sance de  vos  armées,  de  vos  mœurs  et  de  vos  ha- 
bitudes; il  sait  aussi ,    pour  l'avoir  vu  par  lui- 
même,  ce   qui  vous   dislingue   dans    la    bonne 
administration  en  général,  et  connaît  personnel- 
lement les  chefs  de  votre  gouvernement  autant 
que  qui  que  ce  soit.  Si  tu  en  désires  un  autre  d'un 
rang  plus  élevé,  ce  sera  pour  un  autre  moment  et 
après  son  retour.  A  une  personne  comme  toi  il  est 
inutile  de  faire  des  recommandations  pour  lui  faire 
accueil  dans  ta  magnifique  demeure.  Je  ne  doute 
pas  que  tu  ne  veuilles  bien  le  recevoir  d'une  ma- 
nière convenable  et  que  tu  ne  t'occupes  avec  soin 

II. 


164  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

et  bonté  de  boucher  la  fente  qui  sépare  les  deux 
partis.  Tu  n'ignores  pas  que  celui  qui  s'occupe  de 
réparer  les  malheurs,  d'unir  les  partis  éloignés,  et 
([ui  parvient  à  les  rapprocher,  a  fait  une  belle 
action  aux  yeux  des  deux  partis  et  même  de 
toutes  les  nations  en  général.  Tu  as  le  pouvoir  de 
lier  et  délier,  de  fixer  ce  qui  est  mouvant.  Tu  peux 
nouer  et  dénouer  des  difficultés  plus  grandes  ([ue 
celles  de  la  circonstance  présente.  Que  Dieu  puisse 
améliorer  par  sa  bonté  la  situation  présente  et 
fnturel  Amen.  En  date  du  4  hedja  1263  (14  no- 
vembre 1 847).  Par  ordre  de  notre  maître.  —  Que 
Dieu  lui  soit  en  aide  !  » 

Ce  verbiage  long  et  diffus,  tout  l'opposé  du  style 
habituel  d'Abd-el-Kader,  n'était  à  autre  fin  que 
d'essayer  encore  une  fois  d'entrer  en  correspon- 
dance avec  l'autorité  française,  et  de  présenter  aux 
Marocains  comme  aux  Arabes  le  leurre  d'une  né- 
gociation apparente.  Le  duc  d'Aumale  ne  s'y 
trompait  pas.  «  Abd-el-Kader  et  Bou-Hamedi, 
écrivait-il,  ont  envoyé  au  général  de  La  Moricière  et 
à  moi  plusieurs  lettresplus  respectueuses  que  d'ha- 
bitude, mais  traitant  toujours  de  puissance  à  puis- 
sance, et  n'ayant  évidemment  pour  but  que  de 
faire  croire  aux  populations  que  l'émir  n'est  pas 
en  hostilité  avec  les  Français.  La  lettre  qui  m'est 


I 


TENTATIVE    INUTILE.  1G5 

adressée  par  Abd-el-Kader  ne  renfermait  que  des 
assurances  vagues  sur  ses  intentions  pacifiques,  et 
les  instances  habituelles  pour  qu'on  lui  répondît 
et  qu'on  traitât  de  la  paix.  Il  est  à  remarquer  seu- 
lement qu'elle  était  plus  que  convenable  et  pres- 
que respectueuse  dans  la  forme  ;  tout  en  me  pro- 
diguant les  épitlîètes  dont  la  langue  arabe  est  si 
riche,  Abd-el-Kader  ne  se  désigne  que  par  ces 
mots  :  Celui  qui  combat  pour  la  foi,  sans  se  traiter 
de  sultan  et  de  Commandeur  des  croyants,  comme 
par  le  passé.  »  Après  avoir  pris  des  mams  d'El- 
Habid  les  lettres  de  l'émir  et  de  Bou-Hamedi,  le 
général  Renault  n'avait  pas  permis  au  messager 
d'aller  plus  loin  et  lui  avait  fait  publiquement  re- 
passer la  frontière. 

Le  duc  d'Aumale  avait  donné  à  La  Moricière 
l'ordre  de  se  poster  au  plus  près  des  montagnes 
où  devait  se  décider  la  crise.  Embarqué,  le  20  no- 
vembre, à  Mers-el-Kebir,  sur  le  Véloce,  avec  son 
état-major,  La  Moricière  prit  terre,  le  lendemain 
matin,  à  Nemours,  se  rendit,  le  même  jour,  à 
Lalla-Maghnia,  et,  le  22,  au  bivouac  de  Sidi-Mo- 
hammed-el-Oussini.  Là  se  trouvaient  réunis,  sous 
les  ordres  du  colonel  de  Mac  Mahon,  un  bataillon 
de  zouaves,  deux  bataillons  du  1 2'  léger,  un 
bataillon  du  5^  de  ligne,  le  10°  bataillon  de  chas- 


166  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

seurs  à  pied,  un  escadron  du  2''  chasseurs  de 
France,  deux  escadrons  du  2"  chasseurs  d'Afrique, 
un  escadron  de  spahis,  deux  sections  d'artillerie 
de  montagne;  TetTectif  total  était  de  deux  mille 
trois  cent  cinquante  hommes.  Le  23  et  le  24,  de 
grands  renforts  arrivèrent,  un  second  bataillon  du 
5'  de  ligne,  deux  bataillons  du  9%  le  8'  bataillon 
de  chasseurs  à  pied,  deux  autres  escadrons  du 
2'  chasseurs  d'Afrique,  deux  autres  de  spahis, 
une  autre  section  d'artillerie  de  montagne,  un 
détachement  du  train  des  équipages. 

La  Moricière  prescrivit  que  les  hommes  eussent 
toujours  six  jours  de  vivres  dans  le  sac  et  les  cava- 
liers quatre  jours  d'orge  en  besace,  et  qu'en  outre 
le  convoi  de  mulets  fût  toujours  prêt  à  suivre, 
avec  un  supplément  de  quatre  jours  de  vivres  et 
d'un  jour  d'orge;  enfin,  tous  les  jours,  les  con- 
voyeurs arabes  devaient  apporter  de  Nemours  au 
camp  un  approvisionnement  de  vingt-quatre 
heures.  Le  29  novembre,  deux  bataillons  du  44% 
deux  escadrons  du  4'  chasseurs  d'Afrique,  un 
nouveau  détachement  du  irain  rejoignirent.  L'ef- 
fectif fut  alors  porté  à  cinq  mille  quatre  cent  qua- 
tre-vingts hommes.  L'infanterie,  sous  les  ordres 
du  général  Renault,  fut  répartie  en  deux  bi  igades 
avec  une  réserve,   les  brigades  commandées  par 


BOU-HAMEDI    A    FEZ.  167 

les  colonels  Roche  et  Faure,  la  réserve  par  le 
colonel  de  Mac  Mahon,  La  cavalerie  embrigadée 
eut  pour  chef  le  colonel  Cousin-Montauban. 

En  arrivant  sur  la  frontière,  le  général  de  La 
Moricière  avait  appris  que  les  corps  marocains 
faisaient  beaucoup  de  démonstrations  à  distance 
de  la  deïra,  mais  qu'ils  n'osaient  évidemment  pas 
l'attaquer.  D'autre  part,  on  sut  qu'Abd-el-Kader, 
dans  le  temps  qu'il  écrivait  au  duc  d'Aumale,  avait 
député  vers  les  fils  de  l'empereur  deux  aghas  de 
ses  réguliers  pour  leur  offrir  quatre  chevaux  de 
soumission,  mais  que  les  princes  avaient  refusé  de 
les  recevoir,  et  qu'Abd-er-Rahmane,  avisé  par 
eux  de  cette  démarche,  leur  avait  fait  dire  qu'il  ne 
voulait  rien  entendre,  à  moins  que  le  porteur  de 
paroles  ne  fût  Bou-Hamedi.  Sur  cette  ouverture, 
Bou-Hamedi,  muni  d'un  sauf-conduit,  prit,  non 
sans  quelque  préoccupation,  le  chemin  de  Fez.  Il 
avait  raison  d'être  inquiet,  car,  dès  son  arrivée,  il 
fut  traité  bien  moins  eu  négociateur  qu'en  otage. 
Il  lui  fut  signifié  qu'Abd-el-Kader  aurait  tout 
d'abord  à  restituer  les  cinq  ou  six  cents  chevaux 
qu'il  avait  pris  dans  le  camp  du  kaïd  El-Ahmar, 
à  payer  une  dia  ou  compensation  pour  les  meurtres 
que  ses  gens  avaient  commis,  puis,  en  fin  de 
compte,  à  licencier  sa  deïra  et  à  se  rendre  lui- 


168  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

même  à  Fez.  En  même  temps,  l'empereur  fit  por- 
ter à  ses  fils  l'ordre  formel  de  prendre  l'offensive, 
si  «  le  révolté  »  ne  se  soumettait  pas,  et  d'insurger 
contre  lui  toutes  les  tribus  de  la  frontière. 

On  apprit,  le  8  décembre,  que  tous  ces  ordres 
étaient  en  cours  d'exécution.  La  rive  gauche  de  la 
Moulouïa  était  investie  par  les  deux  fils  de  l'em- 
pereur, par  le  kaïd  d'Oudjda,  par  le  kaïd  du  Rif, 
et  par  Bou-Ziane-ech-Chaoui  avec  la  cavalerie  des 
Halaf.  On  estimait  l'ensemble  de  leurs  forces  à 
quarante  mille  hommes.  Les  Beni-Snassen  eux- 
mêmes  s'étaient  décidés  à  prendre  parti  pour 
Abd-er-Rahmane  contre  le  rebelle,  qu'il  n'était 
plus  permis  de  désigner  que  par  le  nom  réduit  de 
Kader.  L'empereur,  en  le  frappant  d'une  sorte  de 
dégradation  religieuse,  lui  avait  enlevé  les  titres 
de  Sidij  de  Hadj,  et  même  la  particule  Abd.  Pour 
les  musulmans  fanatiques,  si  nombreux  dans  le 
Maroc,  cette  dégradation  était  chose  grave. 

Aux  forces  rassemblées  contre  lui  Abd-el-Kader 
ne  pouvait  guère  opposer  que  deux  ou  trois  mille 
combattants,  mais  c'étaient  des  c;uerriers  dont  il 
était  sûr.  Il  chercha  sur  la  basse  Moulouïa  une 
bonne  position  défensive,  et  vint  s'établir  dans  un 
lieu  nommé  Gherma,  sa  gauche  appuyée  à  la 
rivière,  sa  droite  aux  montagnes.  Averti  par  une 


SURPRISE    MANQUÉE.  169 

dernière  sommation  d'Abd-er-Rahmane  et  par 
une  lettre  de  Boii-Hamedi  qu'il  n'y  avait  plus 
d'accommodement  possible,  il  prit  la  résolution 
d'attaquer  ses  adversaires.  S'il  parvenait  à  s'em- 
parer de  l'un  des  fils  de  l'empereur,  ne  serait-ce 
pas  à  lui  dès  lors  de  dicter  ses  conditions?  Après 
avoir  entendu  le  rapport  d'un  de  ses  agbas  qui 
avait  reconnu  la  disposition  des  camps  marocains, 
particulièrement  de  celui  que  commandait  le 
second  fils  d'Abd-er-Rahmane,  il  fit  jurer  à  tous 
ses  réguliers  de  ne  pas  tirer  un  coup  de  fusil  avant 
d'être  arrivés  à  la  tente  du  prince. 

Le  10  décembre,  il  mil  en  mouvement  ses  fan- 
tassins; le  lendemain,  il  les  suivit  avec  les  cava- 
liers. Son  projet  était  de  surprendie  l'ennemi  par 
une  attaque  nocturne,  et,  pour  l'épouvanter  davan- 
tage, il  fit  enduire  de  goudron  et  charger  de  fas- 
cines également  goudronnées  quatre  pauvres  cha- 
meaux qui  devaient  èlre  lâchés  tout  flambants  à 
travers  les  tentes.  Malheureusement  pour  lui,  lo 
secret  fut  livré  aux  Marocains  qui  se  tinrent  sur 
leurs  gardes.  Mouley-Ahmed  donna  l'ordre  à  ses 
troupes  d'évacuer  les  tentes,  en  les  laissant 
dressées,  et  de  se  ranger  en  arrière.  Tentée  à  deux 
heures  du  matin,  la  surprise  échoua  donc;  mais 
l'émir,  qui  voulait  prendre  à  tout  prix  sa  revanche. 


170  LA    CONQUÊTE    DR    L'ALGÉRIE. 

se  jeta  sans  tarder  sur  le  deuxième  camp  —  il  y  en 
avait  quatre  —  et  s'en  empara.  Cependant  le  jour 
naissant  lui  montra  toutes  les  hauteurs  voisines 
occupées  par  l'ennemi,  et  il  lui  fallut  combattre 
énergiquement  pour  n'être  pas  coupé  de  la  deïra 
sur  laquelle  il  fut  contraint  de  se  retirer  en  défini- 
tive. S'il  avait  tué  beaucoup  de  Marocains,  ses 
propres  pertes, par  comparaison, étaient  bien  plus 
sensibles.  L'ennemi  se  rapprochait,  resserrant  le 
cercle.  De  son  camp,  La  Moricière  avait  expédié 
au  kaïd  d'Oudjda  trente  mulets  chargés  de  car- 
touches; de  Nemours,  pareil  envoi  avait  été  fait 
au  kaïd  du  Rif.  Telle  était,  vers  le  15  décembre, 
la  situation  de  l'émir. 

Que  faire?  Déjà  la  défection  se  mettait  parmi 
les  siens.  Ses  frères  mêmes,  Si-Moustafa  et  Si-Saïd, 
allèrent  d'abord  camper  avec  une  vingtaine  de 
tentes  chez  les  Beni-Snassen,  puis  le  premier 
envoya  demander  Vaman  au  général  de  La  Mori- 
cière; le  21  décembre,  il  se  présenta  au  camp 
français.  Ce  même  jour,  l'émir,  acculé  à  la  mer,  fit 
passer  sur  la  rive  droite  de  la  Moulouïa,  par  un  gué 
voisin  de  l'embouchure,  la  deïra  fugitive;  mais, 
pour  couvrir  le  passage,  il  fut  obligé  de  sacrifier 
la  moitié  de  son  infanterie  et  ses  cavaliers  les  plus 
braves.  Superbe  de  vaillance,  dans  une  situation 


DERiMERE    CRISE.  171 

désespérée,  donnant  l'exemple  à  tous,  il  eut,  dans 
ce  combat  suprême,  son  burnous  criblé  de  balles 
et  trois  chevaux  tués  sous  lui.  Désormais,  à  l'abri 
des  Marocains,  la  deïra  campait  sur  la  terre  algé- 
rienne. Après  avoir  donné  aux  siens  le  conseil  de 
se  rendre  aux  Français,  Abd-el-Kader,  suivi  d'un 
petit  nombre  de  cavaliers  fidèles,  s'éloigna  vers 
le  sud;  lui  seul  ne  désespérait  pas  encore;  rien 
n'était  tout  à  fait  perdu,  s'il  parvenait  à  gagner  le 
désert. 


172  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


IV 


D'après  les  instructions  précises  du  duc  d'Au- 
male,  la  frontière  était  strictement  gardée.  De 
nombreux  postes  de  correspondance  étaient  éche- 
lonnés à  très  petite  distance  les  uns  des  autres,  de 
sorte  que  les  moindres  incidents  étaient  portés 
sans  retard  à  la  connaissance  de  La  Moricière.  Le 
soir  venu,  il  fit  partir  secrètement  deux  détache- 
ments de  spahis  revêtus  de  burnous  blancs;  le 
premier,  commandé  par  le  lieutenant  Mohammed- 
bou-Khouïa,  alla  occuper  le  col  de  Kerbous,  le 
seul  point  par  où  l'émir  pût  espérer  de  trouver 
passage;  l'autre,  commandé  par  le  lieutenant 
Ibrahim,  se  tint  en  arrière,  à  mi-chemin  du  col 
au  camp  français. 

A  deux  heures  du  matin,  La  Moricière  se  mit  en 
marche  avec  la  plus  grande  partie  des  troupes.  La 
nuit  était  sombre;  il  pleuvait  à  torrents.  A  mi- 
chemin,  le  général  rencontra  les  députés  de  la 
deïra   qui  venaient   faire  soumission;  en   même 


REDDITION    D'ABD-EL-KADER.  173 

temps,  on  entendit  quelques  coups  de  feu.  Deux 
spahis  arrivaient  au  galop  :  Abd-el-Kader  avait 
essayé  de  forcer  le  col;  quelques  minutes  après, 
ce  fut  le  lieutenant  Bou-Khouïa,  suivi  de  deux 
cavaliers  de  l'émir.  Abd-el-Kader  faisait  demander 
au  général  Vainan  pour  lui-même  et  pour  son 
escorte;  en  manière  de  lettre  de  créance,  ses 
envoyés  apportaient  l'empreinte  de  son  cachet  sur 
un  morceau  de  papier  mouillé  par  la  pluie.  La 
Moricière  les  renvoya  aussitôt  avec  la  promesse 
d'aman,  et,  comme  gage  de  sa  parole,  il  fit  porter 
par  Bou-Khouïa  son  propre  sabre  à  l'émir. 

Au  point  du  jour,  il  s'arrêta  près  du  col  de 
Kerbous,  puis  il  fit  partir  le  colonel  Montauban,  à 
la  tête  de  six  escadrons,  pour  aller  chercher  la 
deïra,  autour  de  laquelle  rôdaient  les  Kabyles  du 
voisinage'pet  la  conduire  au  puits  de  Sidi-bou- 
Djenane,  où  le  colonel  de  Mac  Mahon  allait  s'éta- 
blir avec  les  zouaves  et  un  bataillon  du  9"  de  ligne. 
Après  une  halte  de  quelques  heures,  la  colonne 
se  replia  sur  le  camp.  La  Moricière  y  trouva  tous 
les  chefs  des  réguliers  qui  avaient  survécu  au 
désastre  du  21  décembre.  Ils  le  supplièrent  d'ac- 
corder deux  jours  de  repos  à  la  deïra  encombrée 
de  blessés,  de  vieillards,  de  femmes  et  d'enfants 
qui  succombaient  à  la  fatigue.  Le  général  y  con- 


174  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

sentit,  et  fit  porter  au  colonel  de  Mac  Mahon 
l'ordre  de  prendre  son  bivouac,  non  plus  à  Sidi- 
bou-Djenane,  mais  aux  environs  du  campement 
arabe.  On  sut  alors  que  la  deïra  comprenait  encore 
près  de  six  cents  lentes  avec  une  population  de 
cinq  à  six  mille  âmes. 

Dans  la  journée,  le  lieutenant  Bou-Kliouïa 
rejoignit  le  camp;  il  rapportait  au  général  son 
sabre  et  il  lui  remit  une  lettre  d'Abd-el-Kader  : 
«  Louange  au  Dieu  unique.  Que  Dieu  répande  ses 
grâces  sur  notre  seigneur  et  maître  Mohammed  et 
sur  ses  compagnons!  Du  prince  des  croyants,  le 
guerrier  saint,  El-Sidi-el-Hadj-Abd-el-Kader,  — 
que  Dieu  l'assiste  et  le  protège!  —  au  général  de 
La  Moricière,  chef  des  troupes  françaises  de  la 
province  d'Oran.  Que  Dieu  rende  prospères  nos 
affaires  et  les  vôtres-,  que  le  salut  soit  sur  qui- 
conque reconnaît  la  vraie  voie!  J'ai  reçu  le  cachet 
et  le  sabre  que  tu  m'as  fait  remettre  comme  signe 
que  tu  avais  reçu  le  blanc-seing  que  je  t'avais 
envoyé;  l'obscurité  de  la  nuit  m'avait  empêché  de 
t'écrire.  Cette  réponse  de  ta  part  m'a  causé  de  la 
joie  et  du  contentement.  Cependant  je  désire  que 
tu  m'envoies  une  parole  française  qui  ne  puisse 
être  ni  diminuée  ni  changée,  et  qui  me  garantira 
que  vous  me  ferez  transporter,  soit  à  Alexandrie, 


ABD-EL-KADER    ET    LA    MORICIÈRE.  175 

soit  à  Akka  (Saint- Jean  d'Acre),  mais  pas  autre 
part.  Veuille  m'écrire  à  ce  sujet  d'une  manière 
positive..  Lors  de  notre  entrevue,  nous  nous  com- 
muniquerons beaucoup  de  choses.  Je  connais  ta 
manière  d'agir,  et  je  désire  que  tu  aies  seul  le 
mérite  du  résultat.  Je  te  recommande  de  main- 
tenir où  elles  sont  les  tribus  qui  se  sont  séparées 
hier  soir  chez  les  Msirda.  Je  pensais  qu'elles  me 
suivraient,  et  lorsque  j'ai  regardé  derrière  moi,  il 
n'y  avait  plus  personne.  Il  y  a  dans  ces  tribus  des 
affaires  d'intérêt  qui  concernent  moi  et  les  miens, 
par  exemple  des  esclaves,  des  chameaux,  des 
mulets,  des  effets  et  des  chevaux.  Je  désire  donc 
terminer  ces  affaires  par  la  vente  de  ces  choses; 
alors  ceux  qui  voudront  venir  avec  moi  dans  l'est 
seront  Ubres  de  le  faire.  Je  te  prie  également  de 
t'intéresser  à  la  mise  en  liberté  de  mon  frère  El- 
Sidi-Mohammed-bou-Hamedi,  le  plus  tôt  possible, 
afin  qu'il  puisse  m'accompagner.  » 

La  Moricière  crut  pouvoir  souscrire,  sous  sa 
responsabililé,  aux  conditions  demandées  par 
l'émir.  Voici  sa  réponse  :  «  Louanges  au  Dieu 
suprême.  De  la  part  du  général  de  La  Moricière  à 
Sidi-el-Hadj-Abd-el-Kader-hcn-Mahi-ed-Dine, 
—  que  le  salut  soit  avec  toi!  —  J'ai  reçu  ta  lettre 
et  je  Tai  comprise.  J'ai  l'ordre  du  fils  de  notre 


176  LA    CO>QL"ËrE    DE    L'ALGÉRIE. 

roi,  —  que  Dieu  le  protège!  —  de  V  accorder  V  aman 
que  tu  m'as  demandé  et  de  te  donner  le  passage 
de  Djemma-Ghazaouat  à  Alexandrie  ou  à  Akka; 
on  ne  te  conduira  pas  autre  part.  Viens  comme  il 
te  conviendra,  soit  de  jour,  soit  de  nuit.  Ne  doute 
pas  de  cette  parole;  elle  est  positive.  Noire  sou- 
verain sera  généreux  envers  toi  et  les  tiens.  Quant 
aux  tribus  qui  t'ont  quitté  et  qui  sont  chez  les 
Msirda,  je  me  rendrai  demain  au  milieu  d'elles. 
Les  esclaves,  chameaux,  chevaux,  mulets  et  effets 
qui  t'appartiennent  et  ont  été  emmenés  par  elles, 
tu  peux  être  tranquille  à  leur  égard;  tout  ce  qui 
t'appartient  te  sera  rendu,  et  la  part  qui  te  revient 
sur  les  choses  qui  sont  en  commun  te  sera  remise. 
Il  en  sera  de  même  pour  ceux  qui  sont  avec  toi. 
Je  suis  certain  que  tu  pourras  emmener  dans  l'est 
par  mes  soins  ceux  qui  voudront  te  suivre.  Pour 
ce  que  tu  me  dis  relativement  à  Bou-Hamedi, 
aussitôt  que  tu  seras  arrivé,  je  ferai  partir  un 
bateau  pour  Tanger,  et  j'écrirai  au  consul  de 
France  de  réclamer  Bou-Hamedi  à  Mouley-Abd-er- 
Rahmane.  Je  pense  qu'il  sera  mis  en  liberté,  et, 
s'il  le  veut,  il  pourra  aussi  te  suivre  dans  l'est.  On 
m'a  dit  que  ta  famille  était  chez  les  Msirda,  je 
ferai  en  sorte  qu'il  ne  soit  rien  enlevé  de  ce  qui  lui 
appartient.  Quant  à  ce  dont  tu  auras  besoin,  au 


ABD-EL-KADER    ET    LA    MORICIERE.  177 

moment  de  ton  arrivée,  pour  toi  et  pour  ceux  qui 
t'accompagnent,  tu  sais  ce  que  nous  avons  fait 
pour  ton  frère  et  pour  les  siens.  Tu  peux  voir  par 
là  ce  que  nous  ferons  pour  toi.  Tu  peux  être  cer- 
tain que  tu  seras  traité  comme  il  convient  à  ton 
rang.  » 

Le  lendemain,  23  décembre,  à  neuf  heures  du 
matin,  [.a  Moricière,  avec  deux  cents  chevaux,  se 
dirigeait  vers  la  deïia  quand  il  apprit,  par  une 
dépêche  du  colonel  Monlauban,  qu'Abd-el-Kader 
venait  d'arriver  à  lui,  devant  le  marabout  de  Sidi- 
Brahim.  Sidi-Brahim!  Quel  souvenir!  Quel  con- 
traste entre  la  journée  du  23  décembre  1847  et  la 
journée  du  23  septembre  1845!  Ce  fut  sur  le 
théâtre  même  de  son  plus  complet  triomphe  que 
l'émir  fit  sa  soumission  au  général  de  La  Moricière, 
«  le  seul,  disait-il,  entre  les  mains  duquel  il  avait 
pu  se  résoudre  à  consommer  le  sacrifice  suprême 
de  son  abdication  ».  Une  heure  après,  il  entrait  à 
Nemours. 


12 


178  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


Le  18  décembre,  le  duc  d'Aumale  était  parti 
d'Alger  pour  Nemours,   l'ancien  Djemma-Gha- 
zaouat.  La  mer  était  détestable,  le  vent  soufflait 
en  tempête.  Il  fallut  relâcher  d'abord  à  Mers-el- 
Kebir,  puis  demeurer  trente-six  heures  au  mouil- 
lage de  Rachgoune,  à  l'embouchure  de  la  Tafna; 
bref,  ce  fut  seulement  le  23  au  matin  que  le  prince 
put  atterrir  à  grand'peine  dans  la  crique  étroite 
qui  sert  de  port  à  Nemours.  En  relâchant  à  Mers- 
el-Kebir,  il  avait  pris  à  son  bord  le  général  Cavai- 
gnac,  qui  devait  faire,  dans  le  commandement  de 
la  province  d'Oran,  l'intérim  de  La  Moricière, 
appelé  en  France  pour  l'ouverture  prochaine  de  la 
session  législative.  En  même  temps  qu'eux  arri- 
vait sur  la  plage  un  groupe  d'hommes  hâves, 
décharnés,  en  haillons,  blessés  la  plupart,  mais 
fiers  d'attitude,  superbes,  magnifiques;  c'étaient 
des  réguliers  d'Abd-el-Kader,  et  ce  fut  ainsi  que 
le  duc  d'Aumale  apprit  le  désastre  héroïque,  mais 


LE    DUC    D'AUMALE.  179 

décisif,  de  leur  chef  et  de  sa  petite  armée.  La  Mo- 
ricière,  venant  de  Sidi-Brahim,  ne  tarda  pas  à  lui 
donner  le  détail  de  la  catastrophe. 

Quand,  après  quelques  instants  de  réflexion,  le 
prince  eut  déclaré  à  La  Moricière  qu'il  ratifiait 
pour  son  compte  la  promesse  faite  par  lui  à  l'émir 
et  qu'il  en  acceptait  la  responsabilité,  La  Moricière 
lui  fil  son  remerciement  avec  effusion,  avec  émotion 
même.  Cavaignac  écoutait,  d'abord  silencieux; 
puis  il  dit  lentement  :  «  Vous  serez  attaqués,  très 
vivement  attaqués,  soyez-en  sûrs,  vous  surtout, 
prince.  Plus  le  succès  est  grand,  plus  on  s'effor- 
cera de  l'amoindrir  et  même  de  le  retourner  con- 
tre vous.  —  Eh  bien,  répliqua  en  riant  le  duc 
d'Aumale,  le  général  de  La  Moricière  est  député 
de  la  gauche,  et  vous  n'êtes  pas,  je  crois,  sans 
avoir  encore  quelques  amis  dans  le  parti  républi- 
cain :  à  vous  deux  de  parer.  » 

Le  soir,  dans  la  baraque  du  commandant  de 
place,  La  Moricière  amena  l'émir;  la  chambre, 
très  petite,  était  à  peine  éclairée  par  une  lampe 
fumeuse;  le  duc  d'Aumale  n'avait  auprès  de  lui 
qu'un  de  ses  officiers  et  l'interprète  principal, 
M.  Rousseau.  Après  avoir  donné  les  mar(|ues  de 
respect  consacrées  par  l'usage  arabe,  Abd-el- 
Kader  dit  au  prince  :    «  Tu  devSiis  depuis  long- 

12. 


180  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

temps  désirer  ce  qui  arrive  aujourd'hui;  l'évé- 
nement s'est  accompli  à  l'heure  que  Dieu  avait 
marquée.  »  Il  y  eut  ensuite  un  assez  long  silence; 
puis  le  duc  d'Aumale  prit  la  parole  :  u  Le  général 
m'a  fait  part  de  ce  qui  s'est  passé  entre  toi  et  lui  ; 
il  t'a  assuré  que  tu  ne  serais  pas  retenu^en  capti- 
vité et  que  lu  serais  conduit  à  Saint-Jean-d'Acre 
ou  à  Alexandrie.  Je  confirme  cet  engagement  et 
j'approuve  tout  ce  que  le  général  t'a  dit.  Il  sera 
ainsi  fait,  s'il  plaît  à  Dieu;  mais  il  faut  l'appro- 
bation du  Roi  et  de  ses  ministres,  qui  seuls  peuvent 
décider  sur  l'exécution  de  ce  qui  est  convenu  entre 
nous  trois.  Quant  à  moi,  je  ne  puis  que  rendre 
compte  de  ce  qui  s'est  passé  et  t'envoyer  en 
France  pour  y  attendre  les  ordres  du  Roi.  »  L'émir 
baissa  la  tête,  réfléchit  un  moment  et  répondit  : 
«  Que  la  volonté  de  Dieu  soit  faite!  Je  me  confie 
à  toi.  »  Puis,  faisant  un  retour  sur  le  passé,  il 
parla  de  la  prise  de  la  Smala,  et  demanda  au 
prince  quelques  éclaircissements  sur  les  incidents 
de  cette  journée  fameuse.  Le  prince  lui  ayant 
adressé  quelques  questions  à  son  tour,  notamment 
au  sujet  d'une  fusillade  nocturne  dirigée  sur  le 
campement  français  au  retour  de  Taguine  :  «  J'étais 
là  en  personne,  répondit  Abd-el-Kader;  je  l'ai 
guetté,  tàté  pendant  vingt-quatre  heures  »,  et, 


HOMMAGE    D'ABD-EL-KADER.  181 

sans  basse  flatterie,  il  lui  fit  compliment  de  son 
activité  comme  de  sa  vigilance;  après  quoi,  comme 
il  était  harassé  de  fatigue,  il  demanda  la  permis- 
sion de  se  retirer;  avant  de  sortir,  il  sollicita  la 
grâce  de  n'être  débarqué  nulle  part  sur  la  terre 
algérienne.  Le  duc  d'Aumale  y  consentit,  mais  il 
dit  à  l'émir  qu'il  devait  se  représenter  le  len- 
demain matin  devant  lui,  et  lui  amener  le  cheval 
de  gâda  comme  témoignage  de  sa  soumission 
entière  au  Roi  et  à  la  France.  Abd-el-Kader  feignit 
d'être  un  peu  surpris  d'abord;  puis,  après  avoir 
échangé  un  regard  avec  La  Moricière,  il  répondit  : 
«  Je  t'amènerai  demain  ma  bonne  jument;  —  et 
avec  un  triste  sourire,  —  c'est  la  dernière  qui  me 
reste.  » 

La  cérémonie  eut  lieu  le  lendemain,  dans  le 
petit  jardin  du  commandant  de  place,  entre  le 
rocher  et  la  mer.  Abd-el-Kader  vint  seul,  à  pied, 
vêtu  comme  un  simple  Ilachem,  jambes  nues, 
babouches  jaunes,  haïk  tout  uni,  burnous  brun; 
deux  serviteurs  conduisaient  le  cheval.  La  Mori- 
cière, Cavaignac,  un  nombreux  état-major,  une 
foule  d'indigènes  assistaient  à  la  scène,  qui,  pres- 
que sans  paroles,  fui  grande  et  dramatique.  Plu- 
sieurs des  chefs  arabes,  rattachés  à  la  cause  fran- 
çaise,  ne  cachaient  pas  leur  émotion  profonde. 


182  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Le  24  décembre,  dans  l'après-midi,  le  duc  d'Au- 
male,  La  Moricière  et  l'émir  s'embar(|uèrent  sur 
le  Solo7i.  «  A  son  arrivée  à  Mers-ei-Kebir,  au 
milieu  de  la  nuit,  a  dit  le  général  de  Marlimprey 
dans  ses  mémoires,  La  Moricière  m'envoya  l'ordre 
de  me  rendre  de  grand  matin  auprès  de  lui.  Lors- 
que j'arrivai  à  bord,  le  général  me  sauta  au  cou, 
et  nous  nous  tînmes  embrassés  quelques  instants; 
puis  il  me  conduisit  auprès  de  l'émir  et  me  mil  à 
sa  disposition.  Abd-el-Kader  me  demanda  de  faire 
venir  un  médecin  pour  panser  un  léger  coup  de 
feu  qu'il  avait  reçu  à  la  jambe,  s'informa  de  mon 
nom,  du  temps  que  j'avais  passé  en  Afrique.  Je  lui 
dis  que  j'y  étais  depuis  1833,  que  j'avais  débuté 
par  l'expédition  de  Mascara,  après  la  Macta;  que 
j'étais  avec  le  général  Bugeaud,  àleur  entrevue  du 
Fid-el-Atach,  pour  la  paix  de  la  Tafna.  Le  sou- 
venir de  cette  journée,  où  sa  puissance  s'était 
élevée  jusqu'à  le  faire  traiter  d'égal  à  égal  avec  le 
représentant  de  la  France,  touchait  une  plaie  sai- 
gnante :  Abd-el-Kader  inclina  la  tète  et  se  tut.  Il 
passa  la  matinée  à  écrire  et  à  dicter  des  lettres  à 
Mouslafa-ben-Tami.  Vers  huit  heures,  je  con- 
duisis l'émir  à  bord  de  la  frégate  l'Asinodée^  qui 
allait  le  porter  à  Toulon.  J'y  vis  amener  sa  mère, 
sa  femme,   toutes  deux  voilées,  son  fils,  enfant 


L'ÉMIR    ENVOYÉ    EN    FRANCE.  183 

d'un  aspect  maladif,  et  plusieurs  de  ses  officiers, 
tous  blessés.  A  dix  heures,  le  navire  faisait  route 
pour  la  France.  »  Le  lieutenant-colonel  de  Beau- 
fort,  aide  de  camp  du  duc  d'Aumale,  était  à  bord. 
Les  adieux  d'Abd-el-Kader  au  prince  avaient  été 
simples  et  dignes;  il  n'avait  laissé  échapper  ni  une 
plainte  ni  une  parole  de  regret;  il  s'était  borné  à 
recommander  ses  serviteurs  à  la  générosité  fran- 
çaise, et  il  avait  fini  par  l'assurance  que  désormais 
il  ne  songerait  plus  qu'au  repos. 


18i  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRli". 


Y! 


Le  24  décembre,  le  duc  d'Anmale  adressait  à 
M.  Guizot,  président  du  conseil  et  ministre  des 
affaires  étrangères,  la  dépêche  suivante  :  «  Abd- 
el-Kader  et  sa  famille  partent  avec  moi  pour  Oran, 
d'où  ils  seront  expédiés  à  Marseille;  ils  y  atten- 
dront les  ordres  du  gouvernement,  qui,  j'espère, 
ne  les  y  retarderont  pas  longtemps.  Le  général  de 
La  Moricière  a  promis  à  l'émir  qu'il  serait  envoyé 
à  Alexandrie  ou  à  Saint-Jean-d'Acre.  Sans  cette 
condition,  il  était  fort  possible  qu'un  homme  seul, 
résolu,  entouré  d'une  poignée  de  cavaliers  fidèles, 
parvînt  à  nous  échapper  et  à  gagner  les  tribus  qui 
lui  sont  encore  dévouées  dans  le  sud,  où  il  nous 
eût  suscité  de  grands  embarras.  Je  ne  pense  pas 
qu'il  soit  possible  de  manquer  à  la  parole  donnée 
par  cet  oflicier  général,  et  qui  ne  me  paraît  pas 
d'ailleurs  avoir  d'inconvénient.  Si  l'émir  désignait 
d'autre  point  qu'Alexandrie  ou  Saint-Jean-d'Acre, 
nous  serions  parfaitement  libres  à  son  égard.  » 


DISCOURS    DE    M.    GL'IZOT.  185 

Le  i"  janvier  18i8,  le  général  ïrezel,  mi- 
nistre de  la  guerre,  écrivait  au  duc  d'Aumale  : 
«  Vous  avez  ratifié  les  promesses  faites  par  le 
général  de  La  Moricière,  et  la  volonté  du  Roi  est 
qu'elles  soient  exécutées.  Le  cabinet  s'occupe 
des  mesures  propres  à  prévenir  les  embarras 
éventuels  qui  pourraient  naître,  dans  l'ave- 
nir, du  caractère  aventureux  et  perfide  de  l'é- 
mir. »  Le  17  janvier,  M.  Guizot  s'exprimait  ainsi 
devant  la  Chambre  des  pairs  :  a  J'ai  la  confiance 
que  le  gouvernement  du  Roi  trouvera  moyen  d'ac- 
quitter loyalement  les  promesses  qui  ont  été  faites 
et  de  s'assurer  en  même  temps  de  tout  ce  qui  im- 
porte à  la  sécurité  de  la  France  en  Algérie.  »  Le 
5  février,  il  disait  plus  explicitement,  devant  la 
Chambre  des  députés  :  a  Monseigneur  le  duc 
d'Aumale  a  promis  à  Abd-el-Kader  qu'il  serait 
conduit  à  Alexandrie  ou  à  Saint-Jean-d'Acre;  ce 
sont  là  les  termes  de  la  promesse,  rien  de  plus, 
rien  de  moins.  J'exclus  à  l'instant  Saint-Jean- 
d'Acre.  Saint-Jean-d'Acre  est  dans  les  mains  de  la 
Porte  :  la  Porte  n'a  pas  reconnu  notre  occuj)ation, 
notre  possession  de  l'Algérie;  il  est  impossible 
que  nous  mettions  Abd-el-Kader  entre  les  mains 
de  la  puissance  qui  ne  reconnaît  pas  notre  posses- 
sion de  l'Algérie  et  qui  pourrait  à  l'instant  môme 


186  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

s'en  servir  contre  notre  possession.  Je  n'exclus 
point  Alexandrie.  Nous  pouvons  avoir  à  Alexan- 
drie des  garanties  que  nous  ne  pouvons  pas  avoir 
à  Saint-Jean-d'Acre.  Une  négociation  est  ouverte 
et  des  mesures  sont  prises  pour  obtenir  du  pacha 
d'Egypte,  d'abord  qu'il  reçoive  Abd-el-Kader  à 
Alexandrie,  ensuite  que,  quand  il  l'aura  reçu  à 
Alexandrie,  il  nous  donne  les  garanties,  les  con- 
ditions de  surveillance  que  j'établirai  d'une  telle 
façon  qu'il  y  ait  une  véritable  sûreté  pour  nous  en 
remplissant  les  conditions  de  l'engagement  pris. 
Voilà  la  conduite  que  se  propose  de  tenir  et  que 
tient  déjà  le  gouvernement  du  Roi.  Elle  répond,  je 
crois,  au  double  but  que  nous  avons  à  atteindre  : 
nous  montrer  loyaux  quant  à  l'engagement  pris,  et 
nous  ménager,  pour  la  sûreté  de  rÉlat,  toutes  les 
précautions  qui  sont  de  notre  devoir.  » 

L'Asmodée,  qui  portait  Abd-el-Kader,  s'était 
dirigé,  non  sur  Marseille,  mais  sur  Toulon.  Par  un 
malentendu  regrettable,  du  fait  de  l'autorité  mari- 
time, l'émir,  au  lieu  d'être  gardé  simplement  au 
lazaret,  où  il  avait  été  conduit  d'abord,  fut  interné 
au  fort  Lamalgue.  Le  colonel  Daumas,  envoyé  de 
Paris,  l'y  trouva  dans  une  disposition  d'esprit 
revêclie,  presque  révoltée.  Après  avoir  annoncé 
à  l'émir  que  le  gouvernement  prenait  ses  mesures 


l'RÉTEMION    D'ABD-EL-KADER.  187 

pour  le  faire  mener  à  Alexandrie,  le  colonel,  qui 
avait  résidé  auprès  de  lui,  dix  années  auparavant, 
à  Mascara,  crut  pouvoir  lui  donner  un  conseil 
d'ami  :  «  Tu  seras  là,  lui  dit-il,  sous  la  dépen- 
dance d'un  consul  et  d'un  pacha;  tu  serais  bien 
plus  libre  en  France.  Pourquoi  ne  demandes-tu 
pas  à  y  rester?  »  Là-dessus  Abd-el-Kader  se  ré- 
cria :  «  Je  ne  veux  ni  rester  en  France,  ni  rester  à 
Alexandrie,  je  veux  aller  à  La  Mecque.  »  Et  il 
écrivit  au  duc  d'Aumale  :  «  Les  paroles  de  Daumas 
m'ont  jeté  dans  Tétonnemenl,  et  je  me  suis  écrié  : 
—  loin  de  moi  tout  blasphème  !  —  Je  me  suis 
livré  au  seigneur  duc  d'Aumale;  je  me  suis  réfu- 
gié auprès  de  lui  ;  je  ne  lui  ai  demandé  protection 
ni  pour  rester  en  France,  ni  pour  rester  à  Alexan- 
drie. Je  lui  ai  demandé  de  vouloir  bien  me  faire 
conduire  à  Alexandrie,  pour  gagner  de  là  La  Mec- 
que, 011  je  désire  demeurer  jusqu'à  la  mort.  » 

C'était,  pour  employer  une  expression  modérée, 
absolument  inexact.  Ni  La  Moricière,  ni  le  duc 
d'Aumale  n'étaient  assez  ignorants  de  la  situation 
du  monde  musulman  pour  laisser  espérer  à  l'émir 
qu'il  serait  conduit  ou  libre  de  se  retirer  aux  lieux 
saints.  Jamais  le  nom  de  La  Mecque  n'avait  été 
prononcé  dans  ses  entretiens,  soit  avec  le  général, 
soit  avec  le  prince.  Assertion  erronée,  insinuation 


188  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

OU  prétention,  il  y  avait  dans  l'attitude  nouvelle 
d'Abd-el-Kader  un  fait  qui  donnait  à  réflécliir  et 
dont  la  gravité  a  pu  servir  de  justification,  tout  au 
moins  de  prétexte  à  des  délais  prolongés  dont  le 
gouvernement  de  Juillet,  renversé  deux  mois  après 
la  reddition  de  l'émir,  ne  saurait  être,  en  tout  cas, 
responsable.  A  ceux  qui  reprocheraient  encore  à 
ce  gouvernement  de  n'avoir  pas  dégagé  la  parole 
de  La  Moricière,  il  suffirait  de  répondre  que,  de- 
venu ministre  de  la  guerre  six  mois  plus  lard, 
La  Moricière  ne  se  crut  pas  en  état  de  la  dégager 
lui-même.  La  sûreté  de  l'Algérie  ne  permettait 
pas  qu'Abd-el-Kader  fût  rendu  sitôt  à  la  liberté. 
Ce  qui  est  devenu  possible  en  18o2  ne  l'était  pas 
en  1848. 

Personne  n'aurait  dû  mieux  le  comprendre  que 
le  général  Gliangarnier;  il  ne  l'a  pas  compris 
cependant,  si  l'on  s'en  rapporte  au  récit  qu'il  a 
donné  dans  ses  mémoires  d'une  visite  faite  par  lui, 
le  1  4  mars  1848,  au  prisonnier  du  fort  Lamalgue. 
«  Après  l'avoir  fait  prévenir,  dit  le  général,  je  fus 
introduit  par  le  capitaine  d'artillerie  Boissonnet, 
attaché  naguère  à  l'état-major  du  duc  d'Aumale, 
qui  l'avait  placé,  en  qualité  d'interprète,  auprès 
de  l'émir,  dont  il  est  devenu  l'admirateur  et  l'ami. 
A  notre  entrée  dans  la  chambre  où  Abd-el-Kuder 


ABD-EL-KADER    ET    CHANGARNIER.  189 

m'attendait  en  feuilletant  un  des  cinq  ou  six  gros 
volumes  dont  il  était  entouré,  il  se  leva,  dirigea 
sur  moi  ses  yeux  étincelant  d'une  ardente  curio- 
sité, exempte,  comme  la  mienne,  de  malveillance. 
Après  m'avoir  enveloppé  tout  entier  de  son  regard, 
pendant  une  minute,  dont  je  profitai  pour  saisir 
l'ensemble  de  sa  belle  tète  et  de  sa  taille  moyenne, 
élégante  et  souple,  que  la  captivité  n'avait  pas 
encore  épaissie,  il  m'offrit,  d'un  geste  gracieux,  sa 
place  habituelle  sur  un  tapis.  Je  préférai  m'asseoir 
devant  lui  dans  un  fauteuil  que  le  capitaine  Bois- 
sonnet  avait  fait  apporter.  Quand  celui-ci  se  fut 
accroupi  entre  nous,  prêt  à  traduire  nos  paroles 
avec  l'exactitude  scrupuleuse  d'un  homme  con- 
sciencieux, très  intelligent,  et  parlant  les  deux 
langues  avec  une  égale  facilité,  Abd-el-Kadi  r- 
abaissa  ses  paupières  ornées  de  longs  cils  et  sembla 
se  recueillir  dans  sa  prudence  arabe.  Il  ne  tarda 
pas  à  entamer  le  récit  des  circonstances  qui,  «  sans 
«  combat,  sans  nécessité  absolue,  l'avaient  mis  entre 
«  nos  mains,  parce  qu'il  avait  cru  à  notre  loyauté  ». 
Clair  dans  l'exposé  des  faits,  invincible  dans  ses 
raisonnements,  simple  et  digne  dans  l'expression 
de  sa  douleur  amère,  mais  contenue,  il  n'employa 
pas  un  seul  mot  violent  à  l'égard  du  prince  «  tombé 
«  à  son  tour  dans  le  malheur  »,  ni  du  général  (La 


190  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Moricière),  dont  il  croyait  avoir  surtout  à  se 
plaindre.  Dans  l'entraînement  de  notre  conversa- 
tion, il  n'hésita  pas  à  parler  du  massacre  des  pri- 
sonniers, malheureux  débris  de  la  colonne  Monta- 
gnac.  Rappelant  ses  fréquentes  absences  ,  son 
impuissance  à  contenir  l'exaspération  des  tribus 
marocaines ,  dont  l'hospitalité  n'était  pas  géné- 
reuse ni  même  sûre  pour  lui,  il  repoussa  énergi- 
quement  la  responsabilité  de  cet  horrible  épisode. 
Dans  notre  long  entretien,  le  barbare  eut  con- 
stamment l'avantage  de  l'éloquence  sur  le  civi- 
lisé d'Europe,  bien  embarrassé  d'excuser  une 
conduite  qui  humiliait  son  patriotisme,  et  de  don- 
ner des  espérances  dont  la  réahsation  ne  dépendait 
pas  de  lui.  » 

Abd-el-Kader,  de  sa  personne,  va  disparaître 
des  récits  qui  vont  suivre;  mais  son  souvenir, 
comme  celui  du  maréchal  Bugeaud,  s'y  retrouvera 
toujours.  Tous  deux  ont  marqué  profondément 
leur  empreinte  dans  l'histoire.  Européen,  Abd-el- 
Kader  aurait  été  un  très  grand  homme  ;  Arabe, 
ses  quinze  années  de  gouvernement  et  de  guerre 
en  Algérie  l'ont  placé  hors  de  pair  dans  le  monde 
del'Jslam. 


LE    DUC    D AUMALE    ET    BUGEAUD.  191 


VII 


Le  2  janvier  1848,  le  duc  d'Auraale  écrivait 
d'Alger  au  maréchal  Bugeaud  :  «  Les  événements 
du  Maroc  et  la  vie  politique  d'Abd-el-Kader  ont 
eu  le  dénouement  que  vous  prévoyiez  et  que  je 
n'osais  espérer.  Lorsque  ce  grand  fait  s'est  accom- 
pli, votre  nom  a  été  dans  tous  les  cœurs.  Chacun 
s'est  rappelé  avec  reconnaissance  que  c'est  vous 
qui  aviez  mis  fin  à  la  lutte,  que  c'est  l'excellente 
direction  que  vous  aviez  donnée  à  la  guerre  et  à 
toutes  les  affaires  de  l'Algérie  qui  a  amené  la  ruine 
morale  et  matérielle  d'Abd-el-Kader.  Qu'il  soit 
permis  à  un  de  vos  anciens  et  modestes  lieutenants 
de  vous  offrir,  à  l'occasion  du  renouvellement  de 
l'année,  ses  vœux  personnels  et  ceux  de  toute  l'ar- 
mée que  vous  avez  si  brillamment  commandée 
pendant  sept  ans.  » 

Cet  hommage  délicat  que  lui  rendait  son  jeune 
successeur  alla  droit  au  cœur  du  vieux  maréchal. 
11  y  fut  particulièrement  sensible.  «  J'étais  certain 


192  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

d'avance,  répondit-il  au  prince,  que  vous  pensiez 
ce  que  vousm'écriviez  surla  chute  d'Abd-el-Kader. 
Vous  avez  l'esprit  trop  juste  pour  ne  pas  apprécier 
les  véritables  causes  de  cet  événement,  et  l'âme 
trop  élevée  pour  ne  pas  rendre  justice  à  chacun.- 
Comme  tous  les  hommes  capables  de  faire  les 
grandes  choses,  vous  ne  voulez  que  votre  juste 
part  de  i;loire,  et,  au  besoin,  vous  en  céderiez  un 
peu  aux  autres.  Dans  cette  circonstance,  mon 
prince,  vous  m'avez  beaucoup  honoré,  mais  vous 
vous  êtes  honoré  bien  davantage.  Si  votre  lettre 
pouvait  être  publiée,  elle  doublerait  l'estime,  déjà 
si  grande,  que  vous  portent  le  pays  et  l'armée.  » 
La  reddition  d'Abd-el-Kader  avait  frappé  de 
stupeur  les  Arabes;  de  la  frontière  du  Maroc  à  la 
frontière  de  Tunis,  de  la  zone  maritime  au  plus 
profond  du  désert,  la  nouvelle  s'était  propagée 
avec  la  soudaineté  de  la  foudre.  Heureux  de  sa 
fortune  présente,  le  jeune  gouverneur  général, 
d'accord  avec  Changarnier  et  Bedeau,  s'occupait 
de  préparer  les  succès  de  l'avenir.  C'était  ce  mas- 
sif de  la  Grande  Kabylie,  trois  fois  abordé  par  le 
maréchal  Bugeaud ,  plus  profondément  entamé 
l'année  précédente,  mais  encoi  e  insoumis  et  même 
inconnu  sur  un  large  espace,  qui  captivait  ses  re- 
gards et  provoquait  son  ambition  légitime.  11  eût 


PROJETS    D'AVENIR,  193 

été  bien  que  ce  fût  au  fils  du  Roi,  sous  qui  l'Al- 
gérie avait  été  presque  totalement  conquise,  que 
la  France  dût  rachèvement  de  ce  grand  ouvrage, 
le  conoplément  définitif  de  la  conquête.  Dans  les 
premiers  jours  du  mois  de  mai  1 848,  les  divisions 
d'Alger  et  de  Constantine  devaient  se  rencontrer 
dans  la  vallée  de  l'Oued-Sahel,  après  avoir  obtenu 
de  gré  ou  de  force,  l'une  à  l'ouest,  l'autre  à  l'est, 
la  soumission  certaine  et  durable  des  représentants 
les  plus  belliqueux  d'une  des  races  les  plus  belli- 
queuses du  monde.  Le  duc  d'Aumale  pensait  qu'il 
était  urgent  de  faire  cette  expédition  sans  retard, 
avant  qu'il  survînt  quelqu'un  de  ces  événements 
imprévus  qui  bouleversent  et  détruisent  les  com- 
binaisons les  plus  habilement  faites. 

Le  i  0  février-,  le  duc  et  la  duchesse  d'Aumale 
étaient  venus  recevoir,  au  débarcadère  d'Algei-, 
le  prince  et  la  princesse  de  Joinville.  Ces  royaux 
visiteurs  en  avaient  attiré  d'autres;  la  saison 
d'hiver,  toujours  brillante,  était  plus  animée  que 
jamais,  et  les  divertissements  de  toute  sorte  se 
succédaient  dans  la  ville  en  fête.  On  touchait  à  la 
fin  du  mois  ;  le  courrier  de  France  était  en  retard. 
Le  27  février,  à  six  heures  du  soir,  une  frégate  à 
vapeur  entra  dans  le  port.  Pendant  que  le  contre- 
amiral  Dubourdieu,  commandant  de  la  marine,  se 

II.  13 


194  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

rendait  en  hâte  auprès  du  gouverneur  général,  au 
palais  de  Mustapha  supérieur,  son  aide  de  camp 
entrait  chez  le  général  Changarnier  et  lui  faisait 
lire  des  dépêches  télégraphiques  où  il  était  parlé 
du  mouvement  insurrectionnel  de  Paris,  de  l'ab- 
dication du  roi  Louis-Philippe  et  de  la  régence  de 
la  duchesse  d'Orléans.  Le  surlendemain,  les  ap- 
ports du  courrier  furent  infiniment  plus  graves  : 
à  la  place  du  gouvernement  monarchique,  un 
gouvernement  républicain  s'était  installé  sur  ses 
ruines. 

Le  2  mars,  au  moment  oii  le  capitaine  de  fré- 
gate Touchard,  aide  de  camp  du  prince  de  Join- 
ville,  venait  d'apporter  les  premières  nouvelles  de 
la  famille  royale,  le  duc  d'Aumale  apprit  par  le 
Moniteur  que,  proscrit  avec  toute  sa  race,  il  était 
remplacé  par  le  général  Cavaignac.  Dans  cette 
crise  terrible  où  il  était  naturel  et  légitime  que  ses 
préoccupations  fussent  pour  les  siens,  ce  fut  à  la 
France  qu'il  songea  d'abord.  Il  écrivit  au  ministre 
de  la  guerre,  quel  qu'il  pût  être,  de  ce  gouverne- 
ment, quel  qu'il  fût,  afin  de  lui  rendre  compte  de 
la  belle  conquête  et  de  la  belle  armée  dont  la  révo- 
lution le  séparait  brusquement. 

Voici  cette  lettre,  testament  militaire  du  gou- 
verneur général  de  l'Algérie  :  a  Monsieur  le  mi- 


I 


RAPPORT    DU    DUr:    D'AU  MALE.  195 

nistre ,  fidèle  jusqu'au  dernier  moment  à  mes 
devoirs  de  citoyen  et  de  soldat,  je  suis  resté  à 
mon  poste  tant  que  j'ai  pu  y  croire  ma  présence 
utile  au  service  du  pays.  J'apprends  à  l'instant, 
par  le  Moniteur,  le  nom  de  mon  successeur.  Sou- 
mis à  la  volonté  nationale,  je  remets  le  comman- 
dement à  M.  le  général  Changarnier  jusqu'à  l'ar- 
rivée à  Alger  de  M.  le  général  Cavaignac.  Demain, 
j'aurai  quitté  la  terre  française. 

«  J'ai  eu  l'honneur  d'appeler  votre  attention 
sur  les  besoins  de  la  défense  des  cotes  et  du  ser- 
vice des  subsistances.  Je  ne  puis  que  renouveler 
mes  instances  à  cet  égard.  L'armement  des  batte- 
ries, dont  j'avais  fait  entreprendre  la  construction 
il  y  a  deux  mois,  est  commencé.  L'artillerie  de  la 
milice  s'exerce  à  la  manœuvre  et  au  tir  du  canon. 
J'ai  donné  à  M.  l'intendant  de  l'armée  des  ordres 
pour  hâter  et  augmenter  partout  les  achats  de 
grains  et  de  viande  sur  pied. 

«  Je  ne  dois  pas  vous  laisser  ignorer  que,  pré- 
voyant depuis  un  mois  le  cas  où  la  France  pour- 
rait avoir  besoin  d'une  partie  de  son  armée  d'A- 
frique pour  la  porter  sur  un  point  quelconque  de 
l'Italie,  j'avais  prescrit  aux  deux  commandants 
des  divisions  d'Alger  et  d'Oran  de  prendre,  sous 
des  prétextes  divers  et  sans  éveiller  l'attention, 

13. 


196  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

des  dispositions  telles  qu'une  force  effective  de 
quinze  mille  baïonnettes,  prises  dans  les  plus 
vieilles  troupes  de  l'armée,  pût  être  embarquée, 
quatre  jours  après  l'ordre  donné,  dans  les  ports 
d'Alger,  d'Arzeu  et  d'Oran.  Ces  dispositions  sont 
etTectuées  aujourd'hui. 

«  La  France  peut  compter  sur  son  armée  d'A- 
frique. Elle  trouvera  ici  des  troupes  disciplinées, 
braves^  aguerries;  elles  sauront  partout  donner 
l'exemple  de  toutes  les  vertus  militaires  et  du  plus 
pur  dévouement  au  pays.  J'avais  espéré  partager 
leurs  dangers  et  combattre  avec  elles  pour  la  pa- 
trie... Cet  honneur  m'est  enlevé;  mais,  du  fond  de 
l'exil,  tous  mes  vœux  seront  pour  la  gloire  et  le 
bonheur  de  la  France  !  » 

Puis,  avec  la  même  élévation  de  sentiments, 
presque  dans  les  mêmes  termes,  il  dicta  ses  adieux 
aux  troupes  et  aux  colons.  A  l'armée,  il  disait  : 
«  M.  le  général  Changarnier  remplira  [)ar  intérim 
les  fonctions  de  gouverneur  général  jusqu'à  l'arri- 
vée, à  Alger,  de  M.  le  général  Cavaignac,  nommé 
gouverneur  général  de  l'Algérie.  En  me  séparant 
d'une  armée  modèle  d'honneur  et  de  courage, 
dans  les  rangs  de  laquelle  j'ai  passé  les  plus  beaux 
jours  de  ma  vie,  je  ne  puis  que  lui  souhaiter  de 
nouveaux  succès.  Une  nouvelle  carrière  va  peut- 


ADIEUX    DU    DUC    D'AUMALE.  197 

être  s'ouvrira  sa  valeur;  elle  la  remplira  glorieu- 
sement, j'en  ai  la  ferme  croyance. 

M  Officiers,  sous-officiers  et  soldais,  j'avais  es- 
péré combattre  encore  avec  vous  pour  la  pairie!... 
Cet  honneur  m'est  refusé;  mais,  du  fond  de  mon 
exil,  mon  cœur  vous  suivra  partout  où  vous  appel- 
lera la  volonté  nationale;  il  triomphera  de  vos 
succès;  tous  ses  vœux  seront  toujours  pour  la 
gloire  et  le  bonheur  de  la  France.  » 

Il  disait  aux  colons  :  «  Habitants  de  l'Algérie, 
fidèle  à  mes  devoirs  de  citoyen  et  de  soldat,  je 
suis  resté  à  mon  poste  tant  que  j'ai  cru  ma  présence 
utile  au  pays.  Cette  situation  n'existe  plus.  M.  le 
général  Cavaignac  est  nommé  gouverneur  général 
de  l'Algérie.  Jusqu'à  son  arrivée  à  Alger,  les 
fonctions  de  gouverneur  général  par  intérim  se- 
ront remplies  par  M.  le  général  Changarnier. 
Soumis  à  la  volonté  nationale,  je  m'éloigne; 
mais  du  fond  de  l'exil,  tous  mes  vœux  seront 
pour  votre  prospérité  et  pour  la  gloire  de  la 
France,  que  j'aurais  voulu  pouvoir  servir  plus 
longtemps.  » 

Le  3  mars,  dès  les  premières  heures  du  jour, 
une  foule  anxieuse,  agitée,  se  pressait  sur  la  place 
du  Gouvernemenl,  dans  la  rue  de  la  Marine,  à 
l'embarcadère. Français, Européens, Maures,  Juifs, 


198  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Arabes,  soldats,  marchands,  ouvriers,  matelots, 
tous  attendaient,  sous  un  ciel  sombre,  sous  une 
pluie  froide,  le  départ  des  nobles  exilés.  A  dix 
heures,  on  les  vit  apparaître  au  seuil  du  palais,  le 
duc  d'Aumale  d'abord,  le  prince  de  Joinville 
donnant  le  bras  à  la  duchesse  d'Aumale,  la  prin- 
cesse de  Joinville  conduite  par  le  général  Changar- 
nier.  Une  rumeur  sympathique  les  accueillit  et  les 
accompagna  jusqu'au  port,  tandis  que  l'artillerie 
de  terre  et  de  mer  les  saluait  pour  la  dernière  fois 
de  la  salve  royale.  «  La  France,  écrivait  quelques 
jours  après  le  lieutenant-colonel  Durrieu,  laFrance, 
en  condamnant  ces  deux  jeunes  gens  à  l'exil, 
repousse  de  son  sein  deux  admirables  Français.  Je 
n'oublierai  jamais  le  trajet  de  ces  deux  familles 
princières  se  rendant  à  pied,  dans  la  boue,  du 
palais  du  Gouvernement  à  la  Marine,  sans  autre 
escorte  que  celle  de  leurs  amis  accourus  pour  sa- 
luer une  dernière  fois  ces  beaux  jeunes  gens  qu'ils 
estimaient  et  aimaient  tant.  Cette  marche  a  été  un 
vrai  triomphe.  » 

Une  demi-heure  après,  à  bord  du  Solo?iy  ils  s'é- 
loignaient dans  la  direction  de  Gibraltar.  Ils  s'é- 
loignaient de  celte  terre  algérienne ,  dont  ils 
avaient,  pour  leur  part,  accru  le  domaine  de  la 
patrie  française.  La  haine  révolutionnaire  bannis- 


LA    SMALA,    TANGER,    MOGADOR.  199 

sait  leur  personne;  elle  était  impuissante  à  bannir 
leur  mémoire.  Les  noms  glorieux  de  la  Smala,  de 
Tanger,  de  Mogador,  sont  de  ceux  qui  ne  peuvent 
pas  être  etTacés  des  annales  de  la  France,  même 
ingrate. 


CHAPITRE  IX 

L'ALGÉRIE    DE    1848   A    1851. 

I.  —  Lettre  ilu  général  Changarnier.  —  Belle  atlitmle  de  rarinéi-  — 
Émotion  dans  quelijues  tribus.  —  Reddition  d'Alimed-Key.  —  Les 
Kabylies. 

II.  —  Le  général  Charoii. —  Insurrections  au  sud-oue.st  et  au  ncd- 
est.  —  Opérations  en  Kabylie. 

III.  ^  Zaatcba.  —  Bou-Ziane.  —  Échec  du  colonel  Carbuccia.  — 
Mort  du  commandant  de  Saint-Germain. 

IV.  —  Le  général  Herbillon.  —  Siège  de  Zaatcba.  —  Mort  du  colo- 
nel Petit.  —  Assaut  rei)oussé.  —  Les  Sahariens  —  Énergie  de 
Bou-Ziane. 

V.  —  Dispositions  d'assaut.  —  Le  colonel  Canrobert.  —  Prise  de 
Zaatcba.  —  Mort  de  Bou-Ziane.  —  Destiuction  de  l'oasis. 

VI.  —  Le  colonel  Caniobert  à  Nara.  —  Agitalions  en  Kabylie.  — 
Mort  du  général  de  Barrai. 

VIL  —  Le  général  d'Hautiioul.  —  Ses  projets.  —  Intérim  du  géné- 
ral Pélissier.  —  Expédition  du  général  de  Saint-Arnaud  dans  la 
Petite  Kabylie.  —  Le  commandant  Flcury.  —  Le  général  Camou. 
—  Résultats  de  l'expédition. 

VIII.  —  Le  général  Pélis-ier  dans  la  Kabviie  occidentale.  —  Saint- 
Arnaud  ministre  de  la  guerrrc.  —  Le  général  Randon,  gouverneur 
de  l'Algérie. 


Le  3  mars  1848,  à  onze  heures  dix  minutes  ilii 
matin,  le  général  Changarnier  dicte  à  l'adresse  du 


202  LA    CONQUETE    DE    L'ALGERIE. 

ministre  de  la  guerre  de  la  seconde  république 
française  la  lettre  suivante  : 

«  ^lonsieur  le  ministre,  je  viens  d'accompagner 
à  bord  du  Solon  M.  le  duc  et  madame  la  duchesse 
d'Aumale,  M.  le  prince,  madame  la  princesse  de 
Joinville  et  leurs  enfants.  Sur  leur  passage,  ils  ont 
trouvé  un  accueil  aussi  honorable  pour  la  popula- 
tion que  pour  ces  princes  dont  la  jeunesse  a  été 
consacrée  au  service  de  l'État. 

«  L'ordre  du  jour  ci-joint  m'investit  du  gou- 
vernement par  intérim  de  l'Algérie. 

«  A  l'instant  où  j'acquiers  le  droit  de  corres- 
pondre directement  avec  vous,  mon  premier 
besoin  est  de  vous  prier  d'utiliser  au  service  de  la 
patrie  un  dévouement  éprouvé  et  qui  n'a  pas  tou- 
jours été  stérile. 

«  Je  n'étais  pas  le  courtisan  du  gouvernement 
qui  vient  de  tomber  et,  devant  les  collèges  élec- 
toraux, j'ai  hautement  désapprouvé  ses  tendances 
et  sa  politique.  Je  ne  puis  pas  vous  dire  cependant 
que  j'aie  souhaité  sa  chute,  mais,  quand  la  patrie, 
en  reniant  une  décision  souveraine,  vient  peut- 
être  de  s'ouvrir  d'immenses  horizons  de  dangers 
et  de  gloire,  mes  devoirs  envers  elle  ne  sont  pas 
changés,  et  vous  me  trouverez  toujours  prêt  à  les 
remplir  avec  cette  netteté,  cette  simplicité  et  cette 


LETTRE    DE    CH A NGARNIE R  .  203 

ardeur  qui,  en  dehors  de  toute  intrigue  et  sans 
Tappui  d'aucune  coterie,  m'ont  acquis  dans  l'ar- 
mée une  position  dont  il  convient  peut-être  d'uti- 
liser l'influence. 

«  Depuis  un  mois,  et  dans  la  prévision  des  évé- 
nements graves  que  le  laborieux  réveil  de  l'Italie 
semblait  annoncer,  le  prince  gouverneur  général 
m'avait  permis,  après  avoir  étendu  sur  la  province 
un  réseau  de  troupes  suffisant  pour  l'occuper  et 
la  contenir,  de  réunir  à  Alger  et  dans  un  rayon  de 
douze  lieues  deux  divisions  de  toutes  armes,  (ju'on 
pourrait  embarquer  en  quaranle-huit  heures.  Ces 
vieilles  bandes,  intrépides  dans  le  danger,  patien- 
tes dans  la  fatigue,  ont  conservé  toute  leur  disci- 
pline et  leur  ardeur.  En  Europe,  aucunes  troupes 
ne  peuvent  leur  être  comparées  en  ce  moment. 
Les  provinces  d'Oran  et  de  Constantine  pourraient 
leur  adjoindre  d'énergiques  contingents,  et  j'ai 
l'orgueil  de  croire  que  cette  armée,  partout  où 
vous  la  transporteriez  sous  mes  ordres,  ferait 
pencher  la  balance  en  faveur  du  drapeau  de  la 
France, 

«  Par  une  dépêche  télégraphique,  qui  parlant 
avec  cette  lettre  la  devancera  de  quelques  jours, 
je  me  hâte  de  demander  le  commandement  de  la 
frontière  la  plus  menacée.  Quelque  aptitude  pour 


204  LA    C0N0;ËTE    DE    L'ALGÈHIE 

rorganisation,  une  expérience  éclairée  par  des 
études  sérieuses,  l'habitude  de  manier  les  troupes 
^ui  m'honorent  d'une  grande  confiance,  Famour 
passionné  de  !a  gloire,  la  volonté  et  l'habitude  de 
vaincre,  me  permettraient  sans  doute  de  remplir 
tous  les  devoirs  qui  me  seraient  imposés. 

«  Dans  ce  que  j'ose  vous  dire  de  moi,  ne  cher- 
chez pas  l'expression  d'une  vanité  puérile,  mais 
l'expression  d'un  ardent  désir  de  dévouer  toutes 
mes  facultés  au  service  de  la  patrie. 

«  L'Italie  semble  nous  offrir  le  champ  de  bataille 
où  les  premiers  succès,  qu'il  faut  remporter  à  tout 
prix,  doubleraient  Jes  forces  de  l'armée  et  la  con- 
fiance de  la  France.  C'est  là  que  je  désirerais 
employer  tout  mon  dévouement  si  sincère;  mais 
quelque  part  que  vous  vouliez  bien  m'appeler  à 
servir  la  patrie,  comptez  que  mon  ardeur  dévouée 
s'efforcerait  de  justifier  la  confiance  dont  vous 
m'auriez  honoré. 

«  Cette  lettre ,  souvent  interrompue  par  les 
obligations  du  service,  aurait  besoin  d'être  revue; 
mais,  dictée  à  mes  aides  de  camp,  l'exemplaire 
le  plus  lisible  en  sera  porté  au  courrier  dont  je  ne 
veux  pas  relarder  le  départ,  sans  que  je  prenne  le 
temps  de  corriger  l'expression  de  mes  sentiments, 
qu'il  me  suffit  de  savoir  loyaux,  et  honorables.  » 


EXCES    RÉVOLUTIONNAIRES.  205 

La  France  n'eut  pas  de  guerre  à  soutenir,  mais 
le  général  Changarnier  eut  le  déplaisir  de  voir  une 
armée  d'observation  rassemblée  au  pied  des  Alpes 
et  le  chagrin  de  la  voir  commandée  par  le  maré- 
chal Bugeaud,  qn'il  détesta  d'aulant  plus.  Quant 
à  son  gouvernement  intérimaire,  il  dura  tout 
juste  huit  jours,  du  3  au  10  mars.  Le  général 
Cavaignac ,  nommé  gouverneur  titulaire,  étant 
arrivé  d'Oran,  Changarnier  se  hâta  de  s'embar- 
quer pour  la  France. 

En  étendant  jusqu'à  la  réduction  définitive  de 
la  Grande  Kabylie,  en  1857,  cette  histoire  de  la 
conquête,  nous  entendons  nous  tenir  exclusive- 
ment dans  le  domaine  des  actions  de  guerre, 
écartant  de  parti  pris  les  faits  d'administration 
plus  ou  moins  régulière,  d'organisation  ou  de 
désorganisation  civile.  Nous  ne  dirons  donc  rien 
des  saturnales  révolutionnaires  qui  ont  déshonoré 
les  grandes  villes,  Alger,  Bone,  Oran,  après  la 
catastrophe  de  1848.  Honteuses  comme  partout 
ailleurs,  elles  ont  été  particulièrement  odieuses 
en  Algérie,  devant  les  Arabes.  «  Ce  n'est  pas 
ainsi  que  j'entends  la  république»,  disait,  des 
larmes  dans  les  yeux,  le  général  Cavaignac;  et 
de  son  côté  le  colonel  Bosquet  écrivait,  à  propos 
de  Tenès  qui  faisait  ses  manifestations  comme  les 


206  l.A    COiSnUËTE    DE    L'ALGÉRIE. 

autres:  «  C'est  une  étrange  folie  qui  s'empare  de 
tous;  il  semble  que,  sous  prétexte  de  république, 
il  faille  partout  essayer  du  désordre.  La  sainte 
république  est  encore  mal  comprise  :  quand 
sera-t-elle  bien  pratiquée  ?  » 

Heureusement  l'armée  sauva  la  dignité  de  la 
France;  entourée,  harcelée  d'excitations  mal- 
saines, elle  demeura  calme,  fidèle  à  ses  devoirs, 
respectueuse  de  la  discipline.  Elle  a  d'autant 
mieux  mérité  de  la  patrie  qu'elle  a  dû  se  ressen- 
tir davantage  de  l'instabilité,  on  pourrait  dire  du 
désarroi  dans  le  commandement.  En  sept  mois 
elle  n'a  pas  eu  moins  de  cinq  chefs  suprêmes, 
intérimaires  ou  titulaires  :  Changarnier,  du  3  au 
10  mars;  Cavaignac,  du  10  mars  au  11  mai; 
Changarnier  derechef,  du  11  mai  au  22  juin;  le 
général  Marey,  du  22  juin  au  22  septembre; 
enfin  le  général  Charon  qui  allait  avoir  deux 
années  de  gouvernement. 

«Cette  fantasmagorie  de  gouverneurs,  disait 
le  lieutenant-colonel  Durrieu,  nous  fait  beaucoup 
de  mal  dans  l'esprit  des  Arabes.  »  Si,  au  mois  de 
décembre  1 847,  Abd-el-Kader  ne  s'était  pas  rendu 
à  la  France,  la  conquête  de  l'Algérie  eût  été,  trois 
mois  plus  tard,  terriblement  compromise.  «  Les 
indigènes  résidant  à  Alger,  écrivait  Changarnier, 


RI  MEURS    ÉTRANGES.  207 

le  5  mars,  au  ministre  de  la  guerre,  se  félicitent 
entre  eux  et  croient  que  l'heure  des  musulmans 
va  revenir;  mais  ces  Maures  dégénérés  et  pusil- 
lanimes n'agiront  point  et  se  contenteront  de 
donner  des  avertissements  aux  Arabes  vivant 
sous  la  tente  et  de  les  pousser  à  la  révolte,  quand 
ils  croiront  le  moment  favorable.  » 

Le  général  Cavaignac  voulut  et  crut  imposer 
aux  malveillants  par  une  grande  exhibition  des 
forces  militaires  réunies  immédiatement  sous  sa 
main.  Le  26  mars,  il  leur  montra,  sur  le  champ  de 
manœuvre  de  Mustapha,  dix  mille  hommes  de 
belles  troupes,  et,  à  leur  suite,  plus  de  cinq  cents 
chefs  indigènes  :  khalifas,  bachaghas,  aghas, 
kaïds,  cheikhs.  Cependant  de  tous  côtés,  de  tous 
les  bureaux  arabes  arrivaient  des  informations 
sérieuses;  un  souffle  d'insoumission  passait  dans 
les  douars.  On  y  accueillait  avidement,  on  y  com- 
mentait des  rumeurs  extraordinaires  :  une  inva- 
sion marocaine  dans  l'ouest,  l'apparition  de  Bou- 
Maza,  la  rentrée  miraculeuse  d'Abd-el-Kader , 
par-dessus  tout  la  guerre  maritime,  Alger  déjà 
pris  et  saccagé  par  les  Anglais.  Des  Kabyles 
étaient  descendus  de  leurs  montagnes  pour  s'as- 
surer du  fait  et  tirer,  s'il  se  trouvait  exact,  quelque 
lopin  du  pillage.  Ces  nouvelles  étaient  graves, 


208  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

mais  tout  essai  d'insurrection,  toute  prise  d'armes 
pouvait  être  immédiatement  réprimée.  I/armée 
comptait  encore  plus  de  soixante- dix  mille 
hommes;  il  y  avait  vingt  et  un  bataillons  dans  la 
province  d'Alger,  seize  dans  la  province  d'Oran, 
quatorze  dans  la  province  de  Gonstantine. 

Ce  fut  vers  lo  milieu  d'avril  que  les  premiers 
actes  d'insoumission  se  produisirent  au  grand 
jour;  c'était  le  moment  où  l'impôt  du  printemps, 
\azekkaty  devait  être  perçu;  un  certain  nombre 
de  douars  refusèrent  de  l'acquitter,  d'abord  aux 
environs  de  Médéa,  parmi  les  Righa  et  les  Beni- 
Hassen;  des  meurtres  même  furent  commis.  Le 
1 3  avril,  le  général  31arey,  à  la  tète  d'une  colonne 
de  deux  mille  quatre  cents  hommes,  marcha 
contre  les  insoumis  qui  ne  firent  d'ailleurs  aucune 
résistance;  en  six  jours  ils  versèrent  l'impôt  exi- 
gible et  de  plus  trente-deux  mille  boudjous  d'a- 
mende. La  tranquillité  rétablie  dans  le  Titteri,  le 
général  se  porta  dans  le  sud,  chez  les  Ouled-Naïl, 
dont  il  parcourut  durant  plus  d'un  mois  le  vaste 
territoire,  frappant  des  contributions,  réclamant 
l'impôt  arriéré,  partout  obéi;  les  seuls  Ouled- 
Sidi-Aïssa  n'en  furent  pas  quittes  à  moins  de 
(|uarante-cinq  mille  boudjous;  ils  étaient  de  plus 
(1  une  année  en  retard.   Le  général  rentra  donc 


MESURES    RÉPRESSIVES,  20» 

satisfait  à  Médéa,  le  29  mai,  après  quarante-sept 
jours  de  promenade. 

Dans  la  province  d'Oran,  il  y  eut  plus  qu'une 
promenade;  il  est  vrai  que  les  insoumis  n'étaient 
rien  de  moins  que  les  grandes  et  belliqueuses 
tribus  des  Beni-Ouragh  et  des  Flitla.  Les  menaces 
n'ayant  pas  d'effet,  il  fallut  en  venir  aux  coups  de 
fusil.  Trois  colonnes  sorties,  la  première  de  Mosta- 
ganem,  sous  les  ordres  du  général  Péiissier,  la 
deuxième  d'Orléansville,  sous  le  colonel  Bosquet, 
la  dernière  de  Mascara,  sous  le  colonel  Maissiat, 
resserrèrent  et  poursuivirent  les  insurgés  dans 
l'âpre  région  de  l'Ouarensenis.  L'expédition  dura 
un  peu  plus  d'un  mois;  il  n'y  eut  d'engagement 
un  peu  sérieux  que  le  l7  mai,  chez  les  Cheurfa 
qui  perdirent  quatre-vingts  des  leurs,  tués  ou 
blessés. 

Des  opérations  dans  la  province  de  Constantine 
il  n'y  aurait  pas  beaucoup  plus  à  dire,  si  elles  ne 
s'étaient  pas  terminées  par  un  coup  de  théâtre 
qui  mérita  d'attirer  l'attention  publique.  Après 
avoir  parcouru  le  Belezma  et  le  Hodna,  le  colonel 
Ganrobert,  commandant  la  subdivision  de  Batna, 
s'était  engagé  au  sud  dans  le  Djebel-Aurès  où  le 
drapeau  français  ne  s'était  pas  montré  depuis  trois 
ans;  aussi  les  montagnards  inclinaient-ils  de  plus 

II.  li 


210  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

en  plus  à  l'indépendance.  La  colonne,  forte  de 
deux  mille  neuf  cents  hommes,  se  composait  du 
43'  de  ligne,  du  T  régiment  de  la  légion  étran- 
gère, du  bataillon  de  tirailleurs  indigènes  de  la 
province,  d'un  escadron  du  3*  chasseurs  d'Afri- 
que, d'une  cinquantaine  de  spahis,  d'une  batterie 
de  montagne  et  d'un  convoi  de  quatre  cent 
soixante  mulets.  Le  mouvement  avait  commencé 
le  1 0  mai.  Parmi  les  populations  surprises,  les  unes 
avaient  fait  soumission,  les  autres,  évacuant  leurs 
dacheras  en  hâte,  essayaient  de  s'échapper  par  le 
sud  dans  le  Zab. 

Averti  qu'au  nombre  des  émigrants  se  trou- 
vait l'ancien  bey  de  Constantine  Ahmed ,  le 
colonel  Canrobert  se  hâta  de  faire  occuper  ou 
surveiller  par  le  chef  d'escadrons  de  Saint-Ger- 
main, commandant  supérieur  de  Biskra,  les 
débouchés  méridionaux  de  l'Aurès,  et  se  mit  de 
sa  personne  à  la  poursuite  du  fugitif.  Le  5  juin, 
cerné  de  tous  côtés,  au  nord  par  la  colonne  de 
Batna,  au  sud  par  les  goums  du  commandant  de 
Saint-Germain,  un  peu  partout  par  les  Kabyles 
qui  voulaient  se  faire  pardonner  leur  insoumis- 
sion, Ahmed  écrivit  au  colonel  Canrobert  pour 
demander  Vamany  et,  sans  même  attendre  l'effet 
de  sa  lettre,  il  se  remit  entre  les  mains  du  comman- 


REDDITION    D'AHMED.  211 

dant  de  Saint-Germain,  plus  rapproché  de  lui,  de 
sorte  qu'il  en  fut  d'Ahmed  comme  d'Abd-el-Kader 
qui,  ayant  voulu  se  rendre  à  La  Moricière,  avait 
rencontré  d'abord  le  colonel  Montauban.  Ce  fut  à 
Biskra,  deux  jours  après,  que  le  colonel  Canro- 
bert  reçut  la  soumission  du  personnage  consi- 
dérable qui,  depuis  onze  ans  déchu,  ne  laissait 
pas  d'avoir  encore  des  partisans  secrets  dans 
Constanline  et  d'exercer  une  influence  réelle 
dans  l'Aurès. 

Conduit  sous  bonne  escorte  à  Alger,  Ahmed  y 
arriva,  le  27  juin,  avec  une  suite  de  soixante 
personnes.  Ce  fut  le  général  Mare  y,  successeur 
intérimaire  de  Changarnier  depuis  cinq  jours,  qui 
le  reçut.  La  soumission  de  l'ancien  bey,  comme 
celle  de  Bou-Maza,  était  sincère.  Las  des  aven- 
tures, las  des  privations,  las  des  alarmes,  il  obtint 
d'achever  paisiblement,  dans  Alger  même,  une 
vie  déjà  longue  et  longtemps  tourmentée. 

Cette  émotion  de  printemps  n'eut  donc  pas  de 
grandes  suites.  L'été  fut  assez  tranquille,  si  ce 
n'est  vers  la  frontière  du  Maroc,  où  le  général  de 
Mac  Mahon,  commandant  la  subdivision  de  Tlem- 
cen,  eut  à  rappeler  à  l'ordre  les  Hamiane-Gliaraba 
d'abord,  les  Beni-Snousplus  tard,  et  dans  les  envi- 
rons de  Bougie,  où  le  général  Gentil  infligea,  les 

M. 


212  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

5  et  6  juillet,  auxMzaïa  deux  échecs  qui  les  rédui- 
sirent à  demander  grâce  et  à  payer  des  amendes 
effectives. 

En  fait,  pour  être  un  peu  moins  bloquée  qu'elle 
ne  l'avait  été  depuis  treize  ans,  Bougie,  de  même 
que  ses  congénères  Djidjeli  et  Coilo,  n'en  demeu- 
rait pas  moins  sans  communications  constantes, 
régulières   et  sûres,  avec  le  reste  de   l'Algérie. 
Gomme  des   échantillons  de   minerai   dans  leur 
gangue,  elles  étaient  empâtées  dans  les  montagnes 
kabyles.  Il  y  a  de  la  frontière  du  Maroc  à  la  fron- 
tière tunisienne  beaucoup  de  montagnes,  et  par 
conséquent  beaucoup  de  Kabyles,  mais  Tusage  a 
prévalu  de  réserver  le  nom  de  Kabyiie  à  la  partie 
du   littoral  comprise   entre   l'Isser  à   l'ouest   et 
l'Oned-Safsaf  à  l'est;   et  dans  celte  partie  même 
on    distingue  la  Grande  Kabyiie  ou  Kabyiie  du 
Djurdjura,  de  la  Petite  Kabyiie  ou  Kabyiie  des 
Babors.  Elles  sont  séparées  l'une  de  l'autre  par  le 
cours  de  l'Oued-Sahel  qui,  sous  le  nom  d'Oued- 
Soummam,  se  jette   dans  la  mer  au-dessous  de 
Bougie.   Bougie  se  trouve  donc  à  la  limite  des 
deux   Kabylies.   La    Grande    est  une    forteresse 
énorme  qui  a  pour  escarpe  au  sud  le  Djurdjura  et 
rOued-Sahel  pour  fossé.  Au  nord,  entre  le  Djur- 
djura  et  les  montagnes  moins  élevées  qui  bor- 


LES    KABYLIES.  213 

dent  la  côte ,  court  de  l'est  à  l'ouest,  en  sens 
inverse  de  l'Oued-Sahel,  l'Oued-Sebaou.  Les  cimes 
neigeuses  du  Djurdjura  sont  les  plus  hautes  de 
l'Algérie;  la  plus  élevée,  le  pic  de  Lellà-Khedidja 
se  dresse  à  2,308  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  Méditerranée.  Dans  la  Petite  Kabylie,  la  chaîne 
des  Babors  semble  être  le  prolongement  oriental 
du  Djurdjura;  ses  deux  principaux  sommets,  le 
Grand  Babor  et  le  Tababor  se  tiennent  entre 
1,960  et  1,970  mètres.  Des  cours  d'eau  de  celte 
contrée  le  plus  important  est  l'Oued-Kebir  qui  est 
le  Roummel  de  Constantine. 

Dans  sa  partie  moyenne  et  par  sa  rive  gauche, 
rOued-Kebir  longe  la  montagne  du  Zouagha  où 
dominait  de  tout  temps  l'autorité  des  Ben-Azzed- 
dine.  Les  chefs  de  cette  puissante  famille  étaient, 
en  1848,  deux  frères,  Mohammed  et  Bou-Ghe- 
nane ,  qui,  depuis  l'installation  des  Français  à 
Mila,  n'avaient  pas  cessé  de  prendre  à  leur  égard 
une  attitude  équivoque.  Il  leur  était  souvent  arrivé 
de  molester  les  tribus  soumises  à  la  France.  Au 
mois  d'août,  le  général  Herbillon,  commandant  la 
province  de  Constantine,  fit  marcher  contre  eux. 
une  colonne  de  treize  cents  hommes  sous  les 
ordres  du  colonel  Jamin.  La  résistance  de  ces 
Kabyles  fut  assez  vive  et  assez  prolongée  pour  que 


214  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

le  général  crût  devoir  se  porter  avec  des  renforts 
sur  le  théâtre  des  opérations.  Les  affaires  du  8  et 
du  9  septembre  furent  décisives.  Les  deux  Ben- 
Azzeddine  firent  leur  soumission,  payèrent  une 
amende  et  parurent  accepter  si  sincèrement  la 
suprématie  française  que  l'aîné,  Mohammed,  fut 
institué  par  le  général  Herbillon  kaïd  duZouagha. 


LE    GÉNÉRAL   CHARON.  215 


II 


Quand,  vers  la  fin  du  mois  de  septembre  1 848, 
le  général  Charon  prit  possession  du  gouverne- 
ment de  l'Algérie,  les  dernières  troupes  qui 
venaient  d'opérer  sur  les  divers  points  où  l'ordre 
avait  été  momentanément  troublé,  rentraient  dans 
leurs  cantonnements.  Diminuée  d'un  certain  nom- 
bre de  corps  qui  avaient  été  rappelés  en  France, 
l'armée  d'Afrique,  au  1"  janvier  1 849,  se  compo- 
sait de  quarante-six  bataillons,  de  vingt-huit 
escadrons,  de  vingt  et  une  batteries;  en  y  ajou- 
tant les  détachements  du  génie  et  du  train  des 
équipages,  les  tirailleurs  indigènes  et  les  spahis, 
l'effectif  était  de  2,742  officiers,  de73,929  hommes 
de  troupe,  de  i  2,000  chevaux  et  de  4,500  mulets. 

Les  instructions  données  par  le  ministre  de  la 
guerre  au  gouverneur  général  lui  recommandaient 
de  s'abstenir  autant  que  possible  d'opérations 
trop  étendues  et  de  se  borner  à  des  tournées  de 
police,  destinées  surtout  à  hâter  le  recouvrement 


216  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

des  contributions  en  retard  et  des  impôts  cou- 
rants. C'eût  été  à  merveille  si  les  indigènes  n'eus- 
sent pas  forcé  le  gouverneur  et  ses  lieutenants  à 
transgresser,  bon  gré,  mal  gré,  les  instructions  dn 
ministre.  Au  printemps  de  1849,  une  fièvre  d'a- 
gitation, beaucoup  plus  intense  qu'en  1848,  se 
propagea  parmi  les  populations  d'un  bout  du  pays 
à  l'autre;  mais  il  n'y  avait  plus  ni  un  Abd-el- 
Kader,  ni  même  un  Bou-Maza  pour  coordonner 
jusqu'à  un  certain  point  leurs  efforts.  Au  lieu 
d'une  révolte  générale,  il  n'y  eut  que  des  insurrec- 
tions partielles.  Les  foyers  principaux,  allumés, 
excités,  entretenus  par  des  chérifs  et  des  mara- 
bouts, étaient  signalés,  d'une  part,  au  sud -ouest, 
sur  les  confins  du  désert,  de  l'autre  au  nord-est, 
autour  de  la  Kabylie. 

Sur  le  premier  point,  l'agitateur  était  Sidi- 
Cheikh-ben-Tayeb,  chef  vénéré  de  la  grande  tribu 
dont  il  portait  le  nom.  Enflammés  par  ses  prédi- 
cations, les  nomades  de  la  région  des  Chott,  les 
Hamiane,  avaient  quitté  leurs  campements,  tué 
leur  kaïd  qui  voulait  s'opposer  au  mouvement,  et 
s'étaient  groupés  autour  du  marabout  provoca-_ 
teur.  Il  était  à  craindre  que  la  fidélité  des  tribus 
soumises  qui  s'étaient  repliées  au  nord,  entre  le 
Tell  et  les  Hauts-Plateaux,   ne   fût  tôt  ou  tard 


LE    GÉNÉRAL    PÉLISSIER.  217 

ébranlée  par  l'exemple  et  ne  cédât  à  des  menaces 
et  même  à  des  commencements  de  razzia.  Dans 
ces  conjonctures,  le  général  Pélissier,  commandant 
la  province  d'Oran,  n'hésita  pas.  Autorisé  par  le 
gouYerneur,  qui  n'hésita  pas  davantage,  il  orga- 
nisa deux  colonnes,  l'une  à  Mascara,  sous  son 
commandement   personnel,   l'autre   à   Tlemcen, 
sous  les  ordres  du  général  de  Mac  Mahon.  La 
premièie  était   forte  de  deux  mille  trois  cents 
hommes,  la  seconde  en  comptait  dix-huit  cents; 
deux  convois,  comprenant  ensemble  plus  de  deux 
mille  chameaux,  porlaient  les  réserves  de  vivres, 
d'eau  et  de  munitions.  Avec  elles  marchaient  les 
goums  des  tribus  fidèles.  Les  opérations,  com- 
mencées dans  la  seconde  quinzaine  du  mois  de 
mars,  se  prolongèrent  jusque  dans  les  premiers 
jours  de  mai.  Il  n'y  eut  pas  d'action  sérieuse, 
parce  que  les  Hamiane,  fuyant  devant  les  Fran- 
çais, finirent  par  se  réfugier  sur  le  territoire  du 
Maroc.   Arrivé  dans  la  région  montagneuse  des 
Ksour,  à  la  limite  du  Sahara,  le  général  Pélissier 
fit  un  premier  exemple  sur  Tioute,  qui  avait  fermé 
ses  portes  aux  coureurs  de  la  colonne  et  qu'on 
savait  êlre  le  principal  dépôt  des  approvisionne- 
ments de  Ben-Tayeb.  Le  ksar  était  évacué,  mais  les 
maisons  étaient  remplies  de  blé,  d'orge,  de  dattes 


218  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

et  de  raisins  secs.  Pendant  trois  jours  elles  furent 
vidées,  au  profit  des  troupes,  et  surtout  des 
auxiliaires.  Moghar-Talitani  et  Moghar-Foukani, 
qui  avaient,  en  1847,  massacré  les  parlementaires 
envoyés  par  le  général  Cavaignac,  furent  pillés  et 
rasés,  à  l'exception  des  mosquées  et  des  koubbas  ; 
les  jardins  furent  détruits,  les  palmiers  abattus. 
Aïn-Sefra,  Aïn-Sfisifa,  moins  coupables,  ne  furent 
pas  aussi  rigoureusement  traités;  mais  leurs 
magasins  d'orge  et  de  blé  furent  vidés  comme 
ceuxdeTioute.  Avant  de  regagner  le  Tell,  le  géné- 
ral Pélissier  constitua  deux  colonnes  mobiles,  l'une 
à  El-Aricha,  l'autre  au  Kheider,  afin  d'empêcher 
les  émigrants  de  rentrer  sur  leur  territoire  sans 
avoir  fait  leur  soumission  d'abord.  Deux  mois 
plus  tard,  celte  condition  ayant  été  acceptée  par 
la  plus  grande  partie  des  dissidents,  les  colonnes 
mobiles  furent  rappelées  dans  leurs  garnisons 
accoutumées. 

Pendant  que  les  généraux  Pélissier  et  Mac 
Mahon  opéraient  dans  le  sud-ouest  de  la  province 
d'Oran,  les  Ouled-Djounès  du  Dahra,  les  Ouled- 
Deradj  du  Hodna,  les  Beni-Selim  du  Titteri, 
avaient  été  respectivement  ramenés  à  l'obéissance 
par  le  général  Bosquet,  par  les  colonels  Carbuccia 
et  de  Barrai,  agissant  de  concert,  et  par  le  colonel 


OPÉRATIONS    EN    KABYLIE.  219 

Daumas.  Ces  tribus  inquiètes  avaient  été  facile- 
ment soumises;  mais  à  mesure  qu'on  se  rappro- 
chait de  la  Kabylie,  on  rencontrait  plus  d'agita- 
tion, plus  de  résistance,  plus  d'obstacles,  et  la 
répression  exigeait  une  action  plus  vigoureuse. 
Trois  opérations,  l'une  intérieure,  les  deux  autres 
extérieures,  durent  être  exécutées  presque  simul- 
tanément dans  cette  région  difficile. 

L'opération  intérieure  fut  la  première  en  date. 
Elle  eut  pour  base  Bougie,  qui  était  pour  la  cen- 
tième fois  serrée  de  près  par  les  Kabyles.  Venu 
d'Alger  par  mer  avec  des  renforts,  le  général  de 
Saint-Arnaud  sortit,  le  13  mai,  de  la  place,  à  la 
tête  d'une  colonne  de  dix  huit-cents  hommes,  pour 
attaquer  dans  les  montagnes  la  confédération  des 
Beni-Slimane,  la  plus  puissante  et  la  plus  hostile 
aux  Français.  Dans  le  même  temps,  le  général  de 
Salles,  commandant  la  subdivision  de  Sélif,  se 
mettait  en  marche  avec  des  forces  plus  imposantes, 
trois  mille  cinq  cents  hommes,  atin  de  prendre  à 
revers,  par  le  sud,  les  Beni-Slimane  que  Saint- 
Arnaud  abordait  par  le  nord.  Comme  les  Kabyles, 
bien  informés,  voulaient  prévenir  à  tout  prix  la 
jonction  des  deux  colonnes,  ils  se  jetèrent,  le 
21  mai,  sur  la  plus  faible;  mais  s'ils  lui  firent  subir 
des  pertes  assez  sensibles,  ils  ne  réussirent  pas  à 


220  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

l'entamer,  et  la  jonction  s'opéra,  dans  cette  jour- 
née même,  en  dépit  de  leurs  etïorts.  Néanmoins, 
ils  refusèrent  de  s'avouer  vaincus,  et,  jusqu'au 
3  juin,  ils  combattirent;  enfin,  voyant  leurs  jar- 
dins détruits,  leurs  arbres  coupés,  leurs  villages 
en  flammes,  ils  cédèrent  au  vainqueur  et  subirent 
une  lourde  contribution  de  guerre. 

La  première  des  opérations  extérieures,  diri- 
gée par  le  général  Blangini,  avait  indirectement 
aidé  à  la  précédente  en  appelant  ou  en  retenant 
sur  le  revers  méridional  du  Djurdjura  des  contin- 
gents qui  auraient  pu,  sans  cette  diversion,  se  join- 
dre aux  Beni-Slimanc;  mais  le  but  particulier  du 
général  était  le  châtiment  de  deux  des  tribus  les 
plus  turbulentes  de  la  subdivision  d'Aumale,  les 
Beni-Yala  et  les  Guechtoula.  Ceux-ci,  adossés  au 
Djurdjura,  donnaient  asile  à  tous  les  fanatiques,  à 
tous  les  réfractaires,  à  tous  les  ennemis  de  l'auto- 
rité française,  La  colonne  sortie  d'Aumale  était 
forte;  elle  comprenait  quatre  mille  quatre  cents 
hommes,  sans  compter  les  goums  deMahi-ed-Dine 
et  de  Bel-Kassem.  A  peine  eut-elle  atteint  Bordj- 
Bouira  que  les  Beni-Yala  s'empressèrent  de  de- 
mander \\ima7i  et  de  payer  les  impôts  arriérés; 
mais  les  Guechtoula  s'obstinèrent  avec  d'autant 
plus  d'arrogance  qu'ils  venaient  d'être  renforcés 


LE    CxÉNÉRAL    BLANGLM.  221 

par  un  gros  contingent  de  Zouaoua,  que  leur  avait 
amenés  Si-Djoudi,  l'un  des  chefs  les  mieux  obéis 
de  cette  confédération  belliqueuse  et  puissante.  Un 
premier  engagement  eut  lieu,  le  19  mai,  à  Bordj- 
Boghni.  Le  lendemain,  le  général  Blangini  fit  em- 
porter la  zaouïa  de  Sidi-Abd-er-Rahmane  par  les 
zouaves  du  colonel  Canrobert  et  les  tirailleurs  in- 
digènes. Le  21 ,  le  marabout  de  la  zaouïa  vint,  au 
nom  des  Guechtoula,  demander  grâce,  pendant 
que  Si-Djoudi  et  ses  Zouaoua,  pleins  de  mépris 
pour  ces  prétendus  guerriers,  si  prompts  à  se  sou- 
mettre, regagnaient  dans  l'intérieur  du  pays  leurs 
montagnes.    D'après   les  renseignements  fournis 
par  les  vaincus,  la  colonne  avait  eu,  le  19  et  le 
20  mai,  plus  de  onze  mille  fusils  en  face  d'elle  ;  les 
pertes  que  le  feu  lui  avait  fait  éprouver  étaient  de 
onze  hommes  tués  et  de  cent  cinq  blessés.  Après  être 
allée  se  ravitailler  à  Dellys,  elle  s'engagea  dans  la 
vallée  du  Sebaou.  Depuis  deux   ans,   les  Flissa 
avaient  oublié  de  payer  l'impôt;  quelques  coups 
d'obusier  leur  rendirent  la  mémoire;  quand   ils 
eurent  acquitté  leur  dette,  la  colonne  reprit   le 
chemin  de  ses  cantonnements  et  le  général  Blan- 
gini celui  d'Alger. 

La  seconde  opération  extérieure  eut  pour  théâ- 
tre, beaucoup  plus  à  Test,  la  vallée  de  l'Oued- 


222  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE, 

Kebir  et  le  cercle  de  Philippeville.  Un  chérif,  pré- 
dicateur de  guerre  sainte,  y  était  apparu,  "vers  la 
fin  d'avril  ;  c'était  un  Marocain,  khouan  de  la  secte 
de  Mouley-Tayeb;  il  se  nommait  Ahmed-ben- 
Jamina.  En  peu  de  temps,  il  avait  réuni  deux  cents 
cavaliers  et  quinze  cents  hommes  de  pied,  avec 
lesquels  il  se  faisait  fort  d'enlever  le  camp  d'El- 
Arouch.  Sa  tentative  échoua  sans  que  l'échec  fît 
tort  à  son  influence,  de  sorte  que  tous  les  monta- 
gnards des  environs  de  Philippeville  et  de  Gollo, 
même  ceux  du  Zouagha,  excités  par  les  frères 
Ben-Azzeddine,  se  déclarèrent  en  faveur  du  chérif. 
A  la  nouvelle  de  cette  insurrection,  le  général 
Herbillon,  commandant  la  province  de  Constantine, 
réunit  un  corps  expéditionnaire  de  quatre  mille 
deux  cents  hommes,  à  la  tète  duquel  il  marcha 
d'abord  contre  le  Zouagha  qui  ne  fit  pas  une  lon- 
gue résistance,  les  Ben-Azzeddine  ayant  eu  soin 
de  se  dérober,  puis  contre  les  autres  adhérents  de 
Ben-Jamina.  Sur  ces  entrefaites,  le  chérif,  qui  s'é- 
tait aventuré  avec  peu  de  monde  à  trois  lieues 
seulement  du  camp  de  Smendou,  fut  surpris  et 
tué  par  une  reconnaissance  sortie  du  camp.  Ce  dé- 
nouement subit  d'une  intrigue  d'ailleurs  peu  com- 
pliquée permit  au  général  Herbillon  de  transfor- 
mer selon  les  instructions  ministérielles,  en  simple 


LE    COLONEL    CANROBERT,  223 

tournée  de  police  une   opération  qui  avait   dû 
commencer  par  être  une  exécution  militaire. 

Au  moment  même  où  la  colonne  rentrait  à  Con- 
stantine,  le  colonel  Canrobert  se  disposait  à  sortir 
encore  une  fois  d'Aumale,  afin  de  punir  ces  turbu- 
lents et  fantasques  Beni-Yala,  qui,  moins  de  six 
semaines  auparavant,  faussant  compagnie  aux 
Guechtoula,  s'étaient  tirés  d'affaire  vis-à-vis  du 
général  Blangini  avec  des  assurances  et  des  pro- 
messes auxquelles  ils  ne  s'étaient  pas  moins  em- 
pressés de  faillir.  Le  colonel  réunit  donc  deux  de 
ses  bataillons  de  zouaves,  conduits  le  1"  par  le 
commandant  de  Lorencez,  le  3*  par  le  comman- 
dant de  Lavarande,  deux  autres  bataillons  d'infan- 
terie, un  du  12*  de  ligne,  l'autre  du  51%  une  sec- 
tion d'artillerie  de  montagne,  un  petit  détachement 
de  sapeurs,  un  escadron  de  spahis,  une  compagnie 
du  train.  L'effectif  de  la  colonne  était  de  soixante- 
cinq  officiers  et  de  deux  mille  sept  cent  quatre- 
vingts  hommes  de  troupe.  Sortie  d'AumalC;,  le 
2  juillet,  elle  arriva,  le  4,  au  pied  d'un  contrefort 
du  Djurdjura,  au-dessusduquel  s'élevaient  les  prin- 
cipaux villages  des  Beni-Yala,  Sameur,  Amboude, 
Adjiba.  Sameur  était  protégé  par  un  retranchement 
en  pierres  sèches  couronné  d'un  amas  de  brous- 
sailles épineuses,    d'un  développement  de   cent 


224  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

cinquante  mètres.  Le  5,  à  deux  heures  du  matin, 
deux  compagnies  de  zouaves,  soutenues  par  le  ba- 
taillon du  commandant  de  Lorencez,  se  lancèrent 
à  l'attaque  sous  une  grôle  de  balles,  tournèrent  le 
retranchement  et  refoulèrent  les  défenseurs  dans 
le  village  que  canonnait  la  section  de  montagne. 
Sameur  et  Amboude  furent  successivement  enlevés 
et  livrés  aux  flammes.  Quelques  heures  après, 
abordé  par  le  bataillon  du  51%  Adjiba  subit  le 
même  sort.  Le  soir  venu,  les  troupes  d'attaque 
rentrèrent,  sans  être  inquiétées,  au  bivouac.  Le  8, 
les  Beni-Yala  demandèrent  grâce  et  payèrent  une 
forte  amende. 

Tout  semblait  pacifié  dans  ces  parages,  quand 
le  colonel  Canrobert,  qui  était  venu  bivouaquer, 
leiO  juillet,  au  delà  du  picd'Akbou,  apprit  qu'une 
autre  tribu  importante,  les  Beni-Mellikeuch,  sur- 
excités par  l'arrivée  de  Si-Djoudi  à  la  tête  de 
deux  ou  trois  mille  Zouaoua,  s'étaient  décidés  à 
repousser  tout  accommodement  avec  les  Français. 
Bientôt,  en  effet,  Si-Djoudi  fit  déclarer  ofTicielle- 
ment  au  colonel  qu'ayant  pris  sous  sa  protection 
les  Beni-Mellikeuch,  il  voulait  bien  lui  permettre 
de  faire  sa  retraite,  pourvu  que  le  colonel  s'enga- 
geât à  n'inquiéter  pas  ses  protégés.  A  cette  som- 
mation insolente  le  colonel  répondit  le  lendemain, 


ZOUAVES   ET    ZOUAOUA.  225 

1  2  juillet,  dès  la  pointe  du  jour,  par  un  assaut 
général  donné  aux  retranchements  desBeni-Melli- 
keuch.  Les  zouaves  sur  les  ailes,  le  1 2*  et  le  51  '  au 
centre  s'élancèrent,  et,  après  une  lutte  violente, 
dépostèrent  Tennemi.  La  résistance  fut  surtout 
acharnée  sur  la  droite,  au  village  d'Aïach,  où  le 
principal  chef  du  pays,  Si-el-Kerib,  avait  sa  mai- 
son. Les  zouaves  du  3^  bataillon  et  lesZouaouas'y 
battirent  corps  à  corps,  à  coups  de  baïonnette  et 
de  yatagan,  à  coups  de  crosse,  à  coups  de  pierres. 
Deux  fois  le  village  fut  pris  et  repris  ;  mais  enfin  les 
zouaves  en  demeurèrent  maîtres.  Ils  eurent  dans 
ce  combat  huit  tués  et  trente-quatre  blessés.  Le 
soir,  les  Beni-Mellikeuch  firent  leur  soumission,  et 
Si-Djoudi  s'éloigna,  les  maudissant  comme  il  avait 
maudit  les  Guechtoula  naguère. 

Le  18  juillet,  le  colonel  Canrobert  regagna  son 
poste  d'Aumale.  Il  en  devait  bientôt  repartir  pour 
aller  prendre  sa  part  d'action,  d'éclat  et  de  gloire 
dans  l'un  des  épisodes  les  plus  dramatiques  de  la 
guerre  algérienne. 


15 


226  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉUIE. 


III 


A  quarante  kilomètres  au  sud-ouest  de  Biskra, 
sur  la  limite  indécise  du  Zab-Dahraoui  ou  du  nord, 
et  du  Zab-Guebli  ou  du  sud,  se  trouvait  un  groupe 
de  ksour  peu  visités  des  Arabes,  à  peine  connus 
des  Français.  Dans  ses  Souvenirs  de  la  campagne 
des  Ziban,  le  capitaine  Charles  Bocher  a  tracé 
de  ces  ksour,  en  quelques  traits  de  plume,  une  es- 
quisse parfaite.  «  Qui  a  vu,  dit-il,  un  de  ces  cen- 
tres de  population  les  connaît  tous.  Partout  on  y 
retrouve  des  forêts  de  palmiers  qu'arrosent  des 
rigoles  combinées  avec  beaucoup  d'art,  et  où  se 
réunissent  les  eaux,  soit  d'une  rivière  voisine  de 
l'oasis,  soit  de  sources  naturelles  et  jaillissantes. 
Au  milieu  de  ces  forêts  où  l'on  ne  pénètre  que  par 
de  rares  sentiers,  des  espacesplus  ou  moins  étendus 
sont  occupés  par  des  villages,  par  des  villes  même, 
dont  les  habitations  sont  construites  ordinairement 
en  briques  cuites  au  soleil.  Plusieurs  de  ces  ksour 
ont  une  muraille  d'enceinte  protégée  par  un  fossé 


L'OASIS    DE    ZAATCHA.  227 

plein  d'eau  et  qu'entourent  un  grand  nombre  de 
jardins  fermés  de  murs.  » 

L'un  d'eux,  le  principal,  portait  le  nom  de  Zaat- 
cha.  «  Une  forêt  de  palmiers,  continue  le  témoin 
que  nous  venons  de  citer,  l'entoure  de  tous  côtés 
et  ne  laisse  même  pas  découvrir  le  minaret  de  sa 
mosquée.  A  la  lisière  du  bois,  on  voit  une  zaouïa, 
auprès  de  laquelle  un  groupe  de  maisons  forme 
comme  un  ouvrage  avancé  de  la  place.  En  partant 
de  la  zaouïa  pour  pénétrer  dans  l'oasis,  on  est 
arrêté,  dès  les  premiers  pas,  par  une  infinité  de 
jardins  enclos  de  murs  à  niveaux  différents,  la  plu- 
part coupés  par  des  canaux  d'irrigation,  et  com- 
prenant, outre  les  palmiers,  toute  sorte  d'arbres 
fruitiers  qui  gênent  la  vue  et  rendent  toute  recon-  • 
naissance  impossible.  Les  rares  sentiers  qui  mènent 
à  la  ville  sont  resserrés  entre  les  murs  de  ces  jar- 
dins, et  ce  n'est  qu'après  de  nombreux  détours  que 
l'on  arrive  à  lin  fossé  large  de  sept  mètres,  profond, 
encaissé  et  entourant  la  forteresse  d'un  infranchis- 
sable obstacle.  Au  delà  se  présente  l'enceinte  bas- 
tionnée  et  crénelée  à  différentes   hauteurs  pour 
favoriser  la  multiplicité  des  feux.  A  l'intérieur, 
de  grandes  maisons  carrées,  percées  seulement 
au  dehors  de  petites  ouvertures  servant  de  cré- 
neaux, sont  merveilleusement  disposées  pour  les 

15- 


228  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

ressources  extrêmes  de  la  défense.  Enfin,  les  murs 
des  premiers  jardins  construits  au  bord  du  fossé 
forment  déjà  comme  une  première  enceinte,  et, 
encore  au  delà,  un  petit  mur  à  hauteur  d'appui 
règne  autour  de  la  moitié  de  la  ville,  accessoire 
de  l'obstacle  principal,  qui  est  la  muraille  bas- 
tionnée.  Une  seule  porte  donne  entrée  dans  la 
place,  du  côté  de  la  profondeur  de  l'oasis; 
elle  est  défendue  par  une  grande  tour  crénelée 
dont  les  feux  dominateurs  en  couvrent  toutes  les 
approches.  » 

Dans  la  forêt  de  palmiers  qui  entourait  Zaatcha 
se  trouvait  comme  englobé,  à  un  kilomètre  seule- 
ment de  distance,  le  ksar  de  Lichana.  Presque 
aussi  voisins  étaient  les  ksour  de  Farfar,  de  Bou- 
Chagroune  et  de  Tolga. 

La  paix  assurée  par  l'autorité  française,  la  sé- 
curité des  chemins,  la  facilité  des  relations 
commerciales  avaient  accru  dans  les  Ziban  l'ai- 
sance des  populations  ksouriennes;  les  dattes  se 
vendaient  bien  ;  aussi  le  bureau  arabe  de  Biskra 
s'était-il  cru  légitimement  en  droit  d'élever  de 
vingt-cinq  à  quarante  centimes  par  tête  d'arbre 
en  plein  rapport  l'impôt  des  palmiers;  et,  de  fait, 
la  taxe  nouvelle  avait  été  perçue  sans  difficulté 
d'abord.  Peu  à  peu,  cependant,  des  réclamations 


LE    CHEIKH    BOU-ZIANE.  229 

s'étaient  produites  et  des  symptômes  d'agitation 
avaient  été  signalés. 

On  ne  tarda  pas  à  savoir  qui  était  le  principal 
auteur  de  cette  fermentation  encore  sourde.  C'é- 
tait un  habitant  de  Zaatcha,  nommé  Bou-Ziane. 
Comme  presque  tous  les  Biskris,  il  avait  fait,  dans 
sa  jeunesse,  le  voyage  d'Alger,  où  il  avait  exercé 
le  métier  de  porteur  d'eau.  De  retour  au  ksar?  in- 
telligent et  actif,  il  avait  su  grossir  son  pécule,  de 
sorte  qu'il  était  devenu  un  personnage  relative- 
ment riche  et  considéré.  En  1833,  le  bey  de  Con- 
stantine,  Ahmed,  ayant  voulu  punir  Zaatcha  ré- 
volté, la  bravoure  de  Bou-Ziane  acheva  de  le 
mettre  en  évidence.  Quand  l'autorité  d'Abd-el- 
Kader  s'étendit  pendant  un  certain  temps  sur  le 
Zab-Dahraoui,  Bou-Ziane  exerça,  en  son  nom, 
dans  sa  ville  natale,  les  fonctions  de  cheikh  qu'il 
dut  résigner  plus  lard,  lorsque  la  domination 
française  fut  substituée  à  celle  de  l'émir.  Bou-Ziane 
n'aimait  donc  pas  les  Français  et  ne  se  cachait  pas 
de  propager  autour  de  lui  le  ressentiment  qui  l'ani- 
mait contre  eux. 

Vers  la  fin  du  mois  de  juin  1849,  le  lieutenant 
Seroka,  adjoint  au  bureau  arabe  de  Biskra,  était 
en  tournée  dans  le  Zab-Dahraoui;  il  avait  avec 
lui  le  cheikh  de  Lichana  et  sept  ou  huit  sf)ahis.  In- 


230  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

formé  de  la  propagande  exercée  par  Bou-Ziane  et 
de  l'agitation  qu'elle  avait  déjà  produite,  l'officier 
résolut  d'enlever  l'agitateur.  11  entra  donc  dans 
Zaatclia  et  le  fit  saisir  ;  mais  les  habitants  ameutés 
délivrèrent  leur  ancien  cheikh,  et  ce  fut  le  capteur 
qui  se  vit  au  moment  d'être  fait  prisonnier  à  son 
tour  :  il  eut  toutes  les  peines  du  monde  à  se  tirer 
d'affaire. 

Le  résultat  de  cette  échauffourée  malencon- 
treuse fut  l'insurrection  déclarée  de  Zaatcha  et  des 
ksour  voisins.  La  garnison  de  Biskra  était  trop  fai- 
ble pour  qu'il  fut  permis  à  son  chef,  le  comman- 
dant de  Saint-Germain,  de  pensera  réduire  les  in- 
surgés. Il  dut  se  borner  à  couper  leurs  communi- 
cations avec  l'Aurès  et  se  hâla  d'avertir  Batna, 
chef-lieu  de  la  subdivision  dont  Biskra  dépendait 
avec  les  Ziban.  Malheureusement,  le  commandant 
supérieur,  le  colonel  Carbuccia,  du  2  régiment  de 
la  légion  étrangère,  se  trouvait  engagé  dans  le 
Hodna  contre  une  tribu  rebelle.  Ce  ne  fut  qu'après 
avoir  rétabli  l'ordre  de  ce  côté  que  le  colonel  put 
se  diriger  à  marches  forcées  vers  le  sud.  Bou- 
Ziane  et  son  lieutenant  Si-Moussa  n'avaient  pas 
manqué  de  mettre  le  temps  à  profit  pour  recruter 
de  nouveaux  adhérents  et  renforcer  leurs  travaux 
de  défense. 


PREMIÈRES    HOSTILITÉS.  231 

La  colonne  française,  formée  du  3^  bataillon 
d'Afrique,  de  deux  bataillons  du  2'  étranger,  de 
deux  escadrons  du  3'  chasseurs  d'Afrique,  d'un 
demi-escadron  de  spahis,  d'une  batterie  de  mon- 
tagne et  d'un  petit  détachement  de  sapeurs,  avait 
un  effectif  de  soixante  officiers,  de  seize  cent  quatre- 
vingt-dix  hommes  de  troupe  et  de  trois  cents  che- 
vaux. Après  avoir  touché  barre  à  Biskra,  elle 
apparut,  le  1 6  juillet,  à  cinq  heures  du  matin,  sur 
la  lisière  des  oasis  de  Zaatcha  et  de  Lichana.  A 
celte  apparition,  les  gens  de  Lichana,  de  Bou- 
Chagroune,  de  Tolg.i,  de  Farfar,  prirent  peur  et 
firent  leur  soumission,  mais  de  Zaatcha  rien  ne 
vint.  A  sept  heures,  le  thermomètre  marquait  déjà 
soixante  degrés;  les  troupes  cherchaient  un  abri 
sous  les  palmiers  de  Farfar,  quand  une  vive  fusillad  e 
éclata.  Le  goum  de  Biskra,  qui  s'était  avancé  vers 
Zaatcha  en  reconnaissance,  ramené  en  désordre, 
entraînait  dans  son  mouvement  de  retraite  les 
compagnies  de  grand'garde,  et  l'engagement  me- 
naçait de  devenir  général.  Au  gré  du  colonel 
Carbuccia,  il  était  prématuré;  le  clairon  donnais 
signal  de  cesser  le  feu  :  de  leur  côté,  les  insurgés, 
craignant  de  s'aventurer  en  plaine,  se  replièrent 
dans  les  jardins.  Cependant  des  nouvelles  graves 
arrivaient  au  colonel;  de  Bou-Sâda,de  l'Aurès,  des 


232  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

ksour,  de  nombreux  contingents  étaient  en  marche; 
ils  devaient  entrer  dans  Zaatcha  la  nuit  suivante. 
Dès  lors,  si  l'on  ne  voulait  pas  se  retirer  sur  Biskra, 
il  n'y  avait  [)lus  qu'à  tenter  immédiatement  un 
coup  de  main. 

Deux  colonnes  d'attaque  furent  formées  :  un 
bataillon  de  la  légion,  sous  les  ordres  du  comman- 
dant de  Saint-Germain,  devait  enlever  la  zaouïa, 
pendant  que  le  bataillon  d'Afrique  se  porterait  di- 
rectement sur  le  ksar.  A  trois  heures  après  midi, 
sous  un  soleil  ardent,  le  mouvement  commença, 
protégé  par  l'artillerie.  La  zaouïa  ne  fit  pas  grande 
résistance;  après  une  seule  décharge,  ses  défen- 
seurs disparurent.  On  les  suivit  à  la  course  dans  le 
dédale  des  jardins,  on  sauta  par-dessus  les  rigoles, 
on  escalada  les  petits  murs  ;  mais  tout  à  coup  les 
assaillants  s'arrêtèrent  :  un  fossé  large  et  profond 
les  empêchait  d'aller  plusloin,  et  plus  loin  se  dres- 
sait la  muraille  haute,  crénelée,  couronnée  d'une 
ligne  de  feu.  En  vain  les  sapeurs  accumulaient 
dans  le  fossé  les  fascines  ;  des  quelques  braves  qui 
le  traversèrent  à  la  nage,  le  lieutenant  Mangin  re- 
vint seul.  Le  commandant  de  Saint-Germain  fit 
avancer  un  obusier;  les  obus  entraient  dans  le 
mur  d'argile  sans  y  faire  brèche  ;  au  neuvième  coup 
l'affût  se  brisa.  A  l'autre  attaque, empêché  parles 


ATTAQUE    MANQUÉE.  233 

mêmes  obstacles,  le  bataillon  d'Afrique  ne  fut  pas 
plus  heureux.  Après  un  dernier  effort  tenté  parles 
deux  colonnes  réunies,  le  colonel  Carbucciadutse 
résigner  à  faire  sonner  la  retraite;  les  assaillants 
se  replièrent,  emportant  leurs  blessés  et  leurs 
morts,  cent  dix-sept  des  premiers,  trente  et  un  des 
autres.  Pendant  trois  jours,  le  colonel  demeura  au 
bivouac,  avec  l'espoir  de  prendre  en  rase  cam- 
pagne une  revanche  dont  l'ennemi  lui  refusa  la 
chance.  Le  19  juillet,  à  quatre  heures  du  soir,  la 
colonne,  précédée  du  convoi  et  de  l'ambulance,  re- 
prit le  chemin  de  Biskra. 

Du  coup  de  main  manqué  sur  Zaatcha  il  fut,  en 
1849,  comme  en  1836  du  coup  de  main  manqué 
surConstantine.  L'elTet  moral,  parmi  les  indigènes, 
fut  profond  et  immense.  En  1849,  la  réparation 
ne  se  fit  pas  aussi  longtemps  attendre  qu'en  1 836  ; 
mais  elle  se  fit  attendre  trop  longtemps  encore;  le 
retard  n'en  doit  cependant  pas  être  imputé  aux 
hommes  :  ce  fut  le  terrible  été  qui  en  fut  la  cause. 
Cette  inaction  forcée  devait  fatalement  profiter  aux 
insurgés  de  Zaatcha.  L'aire  de  l'insurrection  allait 
s'étendant  tous  les  jours;  après Lichana,  Buu-Cha- 
groune,  Tolga,  Farfar,  qui  n'avaient  pas  manqué 
de  s'y  rallier  avec  enthousiasme,  elle  avait  gagné 
tous  les  Ziban,  atteint  à  l'ouest  les  Ouled-Naïl,  au 


234  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

nord-ouest  le  Hodna,  au  nord  les  Kabyles  de  l'Au- 
rès.  Il  y  avait  là  un  marabout,  Si-Abd-el-Afid,  qui 
ne  cessait  de  prêcher  la  guerre  sainte.  Vers  la  mi- 
septembre,  il  réunit  quatre  ou  cinq  mille  Kabyles 
et  descendit  sur  Biskra,  par  la  vallée  de  l'Oued-el- 
Abiod. 

Le  commandant  de  Saint-Germain  avait  reçu 
quelque  renfort.  Le  4  7,  il  marcha  résolument  à  la 
rencontre  du  marabout,  qu'il  trouva  campé  à  Se- 
riana,  au  débouché  de  l'Oued-el-Abiod  dans  le 
Zab.  Seriana,  situé  à  vingt  kilomètres  à  l'est  de 
Biskra,  n'était  pas  unksar;  ce  n'était  qu'un  groupe 
de  sept  ou  huit  cabanes.  Le  commandant  n'avait 
guère  avec  lui  que  trois  cents  hommes  de  la  légion 
étrangère,  soixante-dix  chasseurs  d'Afrique,  une 
cinquantaine  de  spahis  et  deux  cents  chevaux 
arabes.  A  quatre  heures  du  soir,  il  fit  commencer 
la  charge;  mais  au  passage  de  la  rivière,  il  tomba 
raide  raorl,  frappé  de  deux  balles  à  la  tête.  Le  ca- 
pitaine Souville,  de  la  légion,  prit  aussitôt  le  com- 
mandement, aborda  vigoureusement  l'ennemi,  lui 
tua  plus  de  deux  cents  hommes  et  le  poussa  vive- 
ment en  déroute.  Dans  la  lente  du  marabout,  qui, 
pour  être  plus  léger  à  la  fuite,  s'était  mis  presque 
nu,  on  tiouva  son  burnous,  son  haïk,  sa  gan- 
doura, sa  djebira;  sur  le  champ  de  bataille,  on  ra- 


MORT    DE    SAINT-GERMAIN.  235 

massa  des  drapeaux,  des  fusils,  des  chevaux,  des 
mulets,  des  munitions,  des  approvisionnements  de 
toute  sorte.  Du  côté  du  vainqueur,  il  n'y  avait  que 
dix  blessés  et  quatre  morts;  mais  l'un  des  quatre 
était  le  commandant  de  Saint-Germain  ;  la  perte 
était  grave,  et  ce  fut  un  regret  général  dans  toute 
l'armée  d'Afrique. 

L'été  finissait;  la  saison  devenait  favorable;  il 
était  grand  temps  de  marcher  sur  Zaatcha.  Par 
malheur,  le  choléra,  ce  terrible  choléra  de  1849 
qui  venait  d'enlever  le  maréchal  Bugeaud  à  la 
France,  avait  étendu  à  l'Algérie  ses  ravages.  Dans 
la  division  de  Constantine,  sur  un  effectif  de  deux 
mille  six  cents  hommes,  le  8'  de  ligne  comptait  à 
peine  douze  cents  disponibles,  et  des  deux  mille 
hommes  du  2°  étranger,  huit  cents  tout  au  plus 
étaient  en  état  de  faire  campagne.  Répondant  à 
l'appel  du  général  Herbillon,  le  gouverneur  lui  en- 
voya par  mer,  d'Alger  à  Philippeville,  le  o*  batail- 
lon de  chasseurs,  et  fit  passer  d'Aumalc  à  Sétif  le 
colonel  Canrobert  avec  le  1"  bataillon  de  zouaves. 
Avant  de  descendre  dans  le  Zab,  le  commandant 
supérieur  de  la  province  de  Constantine  avait  du 
laisser  au  général  de  Salles,  son  remplaçant  intéri- 
maire, des  forces  suffisantes  pour  assurer  partout 
l'ordre  et  tenir  les   malintentionnés  en  crainte. 


236  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Comme  c'était  la  région  du  Hodna  et  de  Bou-Sâda 
qui  était  la  plus  suspecte,  le  colonel  de  Barrai  s'y 
était  transporté  avec  une  colonne  de  deux  mille 
cinq  cents  hommes. 

Toutes  ces  précautions  de  sûreté  prises,  le  gé- 
néral Herbillon  ne  put  d'abord  réunir,  pour  l'ex- 
pédition dont  il  s'était  réservé  le  commandement, 
qu'une  force  de  quatre  mille  cinq  cents  hommes, 
ainsi  composée  :  un  bataillon  du  8*  de  ligne,  deux 
bataillons  du  43%  le  5'  bataillon  de  chasseurs,  le 
3°  bataillon  d'Afrique,  un  bataillon  du  2^  étranger, 
le  bataillon  de  tirailleurs  indigènes  delà  province, 
quatre  escadrons  du  3'  chasseurs  d'Afrique  et  du 
3'  spahis,  une  batterie  de  campagne,  deux  sections 
de  montagne,  trois  mortiers,  une  section  de  fusils 
de  rempart,  un  détachement  du  génie,  un  détache- 
ment du  train  des  équipages.  Il  y  avait  de  plus  un 
convoi  de  munitions  et  de  vivres,  escorté  d'un 
goum  qui  faisait  nombre.  Parties  de  Constantine, 
du  24  au  25  septembre,  arrivées  le  28  à  Batna,  le 
4  octobre  à  Biskra,  les  troupes  firent  halte  le  7,  à 
huit  heures  du  matin,  en  vue  des  palmiers  qui 
couvraient  Zaatcha. 


LE    GÉNÉRAL   HERBILLON.  237 


IV 


Le  campement  s'établit  au  nord-est,  sur  la  pente 
d'un  mamelon  découvert,  au  pied  duquel  sourdait 
un  ruisseau  dont  l'eau  n'était  pas  trop  saumâtre. 
Pendant  ce  temps,  la  cavalerie  au  nord,  le  goum 
au  sud,  firent  la  reconnaissance  de  l'oasis.  Ces 
préliminaires  achevés,  le  général  Herbillon  donna 
l'ordre  d'occuper  lazaouïa.  La  colonne  d'attaque, 
formée  d'éléments  eqipruntés  aux  divers  corps 
d'infanterie  légère,  et  conduite  par  le  colonel  Car- 
buccia,  en  eut  bientôt  délogé  les  Arabes;  maisen- 
traînéspar  le  mouvement  du  combat,  les  chasseurs 
et  les  zéphyrs  particulièrement  s'aventurèrent 
dans  les  jardins,  sans  guide,  sans  prudence,  de 
sorte  que,  fusillés  presque  à  bout  portant  par  des 
tireurs  invisibles,  ils  furent  obligés  de  reculer  sans 
avoir  eu  le  temps  d'emporter  tous  leurs  morts  ni 
tous  leurs  blessés.  Quelques-uns  de  ces  malheu- 
reux, —  détail  horrible,  —  furent  achevés,  sous 
les  yeux  de  leurs  camarades  impuissants  à   les 


238  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

sauver,  par  des  femmes  qui  étaient  venues,  en 
habits  de  fête,  se  mêler  aux  défenseurs  de  Zaat- 
cha.  Vingt-quatre  morts  et  quarante-sept  blessés 
furent  les  victimes  de  cette  malheureuse  affaire. 
De  tout  le  jour  la  fusillade  ne  cessa  pas;  le  soir 
venu,  on  ne  comptait  pas  moins  de  treize  officiers 
à  l'ambulance;  parmi  eux  le  capitaine  Marmier, 
chef  du  bureau  arabe  deBatna,  avait  un  œil  perdu. 
En  dépit  du  feu  et  des  obstacles,  le  génie  et 
l'artillerie  n'avaient  ménagé  ni  le  temps  ni  la 
peine.  En  avant  de  la  zaouïa,  le  colonel  Petit 
avait  construit,  à  cent  trente  mètres  du  ksar, 
l'épaulement  d'une  place  d'armes  que  le  colonel 
Pariset  arma,  pendant  la  nuit,  d'une  batterie  com- 
posée d'une  pièce  de  8,  d'un  obusier  de  campa- 
gne et  de  trois  pelits  mortiers.  Le  8'  et  le  43' 
relevèrent  la  colonne  Garbuccia  et  fournirent  la 
garde  de  tranchée.  Le  8  octobre,  à  dix  heures 
du  matin,  l'artillerie  ouvrit  son  tir  dont  l'effet  fut 
à  peu  près  nul,  les  boulets  et  les  obus  épuisant 
leur  force  sur  les  troncs  des  palmiers.  Envoyé, 
pendant  la  canonnade,  en  reconnaissance  sur  la 
gauche,  le  commandant  Bourbaki,  des  tirailleurs 
indigènes,  s'avança  jusqu'au  bord  du  fossé,  sous 
un  feu  nourri  qui  lui  fit  perdre,  en  quelques  in- 
stants, cinq  morts,  dont  un  officier,  et  vingt-cinq 


\Â   C 


OLONEL    PETIT.  239 


blessés.  Le  soir,  le  colonel  Carbuccia  reprit  le  ser- 
vice de  tranchée.  Pendant  la  nuit,  des  corvées 
d'infanterie,  abattant  les  palmiers,  renversant  les 
murs,  s'employèrent  à  dégager  les  abords  de  l'at- 
taque, pendant  que  l'artillerie  construisait  deux 
nouvelles  batteries,  à  quarante  mètres  en  avant 
de  la  première. 

A  cinq  heures  du  matin,  le  9,  une  balle  arabe 
fit  en  même  temps  deux  victimes,  le  lieutenant 
Seroka,  dont  elle  traversa  le  cou  de  part  en  part, 
et  le  colonel  Petit,  dont  elle  fracassa  le  bras.  Le 
jeune  officier  eut  la  chance  de  guérir  ;  le  colonel 
eut  à  subir  la  désarticulation  de  l'épaule;  il  n'y 
survécut  pas.  Jusqu'au  dernier  moment,  sa  pensée 
fut  au  devoir  :  ce  fut  en  entendant  un  rapport  de 
tranchée  qu'il  rendit  à  Dieu  l'àme  d'un  héros.  Son 
nom  fut  donné  à  la  batterie  auprès  de  laquelle 
était  venue  le  frapper  la  balle  meurtrière. 

Après  les  tâtonnements  des  premiers  jours,  le 
génie  et  l'artillerie  avaient  décidément  arrêté  leurs 
projets  d'attaque  et  combiné  leur  action  contre  le 
front  oriental  du  ksar.  L'artillerie,  notoirement 
insuffisante,  passait  au  rang  d'auxiliaire;  c'était 
par  des  approches  méthodiques,  par  la  sape,  que 
le  génie  allait  jouer  le  premier  rôle.  Sur  ces  entre- 
faites, le  colonel  de  Barrai,  appelé  duHodna  par 


240  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

le  général  Herbillon,  arriva  le  1  2  octobre.  Ce  ren- 
fort de  seize  cent  cinquante  hommes  n'était  pas 
encore  assez  nombreux  pour  permettre  au  général 
de  compléter  l'investissement  de  l'oasis.  Quoique  le 
sentier  qui  servait  de  chemin  habituel  et  direct 
entre Zaatcha  et  Lichana  eût  été  coupé,  les  deux 
ksour  ne  laissaient  pas  de  communiquer  facile- 
ment ensemble,  de  sorte  que  l'assiégé  ravitaillé, 
rafraîchi,  trouvait  quotidiennement  des  ressources 
pour  réparer  ses  pertes. 

Dirigées  sur  les  angles  nord-est  et  sud-est  du 
ksar,  les  sapes  avaient,  par  leur  progrès  même, 
permis  à  l'artillerie  de  choisir  des  emplacements 
mieux  appropriés  à  sa  mission  et  suffisamment 
rapprochés  de  la  muraille  pour  lui  donner  plus 
d'efficacité  que  par  le  passé.  En  effet,  du  1  i  au 
18  octobre,  son  feu  réussite  ouvrir  dans  les  angles 
battus  des  brèches  qui,  à  distance,  furent  jugées 
praticables.  Restait  le  passage  du  fossé;  comment 
le  combler?  Les  fascines  n'y  suffisaient  pas.  Ce 
furent  les  briques  de  la  zaouïa  démolie  qui  servi- 
rent de  matériaux;  une  chaîne  de  travailleurs  se  les 
passaient  de  main  en  main  jusqu'à  la  tête  de  sape 
à  l'attaque  de  gauche.  A  celle  de  droite,  il  s'en 
fallait  d'une  vingtaine  de  mètres  que  les  sa- 
peurs n'eussent  atteint  le  bord  extérieur,  la  con- 


DISPOSITIF    D'ASSAUT.  241 

trescarpe,  en  termes  de  l'art.  Pour  suppléer  au 
comblement  du  fossé,  qui,  de  ce  cùté-ci,  n'était 
pas  praticable,  le  génie  se  projjosa  d'y  faire  des- 
cendre, immédiatement  avant  l'assaut,  une  sorte 
de  charrette  à  deux  roues,  chargée  de  poutrelles, 
et  qui  pourrait  faire  lolfice  de  pont. 

Le  général  Herbillon  était  impalient  d'en  finir. 
D'après  ses  dispositions,  une  colonne  composée 
de  treize  cents  hommes  du  8%  du  43%  dubataillon 
d'Afrique,  précédée  d'un  détachement  de  sapeurs, 
et  commandée  par  le  colonel  Dumontet  du  43% 
devait  assaillir  la  brèche  de  droite,  pendant  qu'une 
autie  colonne  de  sept  cent  cinquante  hommes,  du 
régiment  étranger  et  du  5  bataillon  de  chasseurs, 
aborderait,  sous  les  ordres  du  colonel  Carbuccia, 
la  brèche  de  gauche.  Dans  le  même  temps,  le 
commandant  Bourbaki,  avec  les  tirailleurs  indi- 
gènes, le  colonel  de  Mirbeck,  du  2'  chasseurs  d'A- 
frique, avec  la  cavalerie  régulière,  les  spahis  et  le 
goum,  le  colonel  de  Barrai,  avec  les  troupes  lais- 
sées au  campement,  devaient  éclairer  les  abords 
de  l'oasis,  s'opposer  aux  tentatives  de  secouis  , 
extérieur  et,  le  cas  échéant,  couper  aux  assiégés 
la  retraite. 

Le  20  octobre,  à  six  heures  du  malin,  du  haut 
d'un  cavalier  de  tranchée  construit  par  le  génie 

II.  16 


242  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

entre  les  deux  attaques,  le  général  Herbillon  fait 
sonner  la  charge.  A  gauche,  les  deux  compagnies 
d'élite  du  régiment  étranger,  débouchant  au  pas 
de  course  de  la  sape  démasquée,  franchissant  le 
fossé  par-dessus  les  briques  croulantes,  s'élancent 
sur  la  brèche,  et  par  delà  sur  un  monceau  de  dé- 
combres. Comme  les  assaillants  de  Constantine, 
un  cercle  de  feu,  sans  issue  apparente,  les  enve- 
loppe. Une  dizaine  de  voltigeurs  viennent  d'esca- 
lader une  terrasse  :  la  terrasse  s'efTondre  sous 
leurs  pieds;  un  pan  de  muraille,  s'écroulant  sur 
eux,  les  achève  ;  un  seul  reparaît  et  vient  tomber 
au  milieu  de  ses  camarades.  En  quelques  minutes, 
quatorze  hommes  ont  été  tués,  quarante  blessés. 
11  faut  redescendre,  repasser  le  fossé,  rentrer  dans 
la  sape.  Enivrés  du  succès,  hurlant,  se  ruant,  les 
Arabes  essayent  d'y  entrer  à  la  suite;  une  compa- 
gnie de  chasseurs  les  arrête  et  les  refoule.  De  ce 
côté,  il  n'y  a  rien  de  plus  à  faire. 

A  l'attaque  de  droite,  la  catastrophe  est  pire.  La 
charrette  qui  devait  servir  de  pont  a  chaviré;  des 
grenadiers  du  43  ,  dans  l'eau  jusqu'au  cou,  ont 
passé  quand  même;  mais  comment,  avec  des  car- 
touches mouillées,  répondre  aux  balles  qui  les 
frappent?  D'autres  arrivent,  la  giberne  sur  l'é- 
paule; malheureusement  la  brèche  est  trop  haute. 


ASSAUT    REPOUSSÉ.  243 

le  talus  glissant.  Pendant  que  les  hommes  du  gé- 
nie, armés  de  pioches,  s'efforcent  de  saper  le  pied 
de  la  muraille,  grenadiers  el  fusiliers,  à  plat  ven- 
tre, essayent  de  riposterau  juger  à  des  tireurs  plus 
nombreux  et  qui  ne  se  laissent  pas  voir.  Il  y  a 
vingt  morts.  Le  chef  de  bataillon,  l'adjudant-major, 
deux  capitaines  sont  tués;  quatre  officiers,  quatre- 
vingts  hommes  sont  blessés,  la  plupart  mortelle- 
ment. Il  faut  de  là  aussi  regagner  les  approches. 
Sur  le  bord  extérieur  du  fossé,  deux  compagnies 
de  zouaves  protègent  la  retraite.  Dans  la  nuit,  la 
garde  de  tranchée  eut  à  repousser,  deux  heures 
durant  ,  une  sortie  des  Arabes. 

L'échec  était  grand;  il  fut  ressenti  de  tous; 
mais  à  l'esprit  d'aucun  ne  vint  l'idée  de  lever 
le  siège.  Le  général  fit  demander  à  Constantine 
des  hommes,  des  pièces  de  plus  gros  calibre^ 
avant  (out  des  munitions  et  des  vivres,  car  l'artil- 
lerie était  à  court  de  gargousses,  et  l'intendance 
voyait  le  fond  de  ses  caisses  à  biscuit.  On  souf- 
frait, on  ne  se  plaignait  pas.  Outre  les  pertes 
causées  par  le  feu,  beaucoup  d'hommes  étaient 
morts  de  la  dysenterie,  et  il  y  avait  encore  plus 
de  six  cents  malades  qui  s'en  allaient  à  Biskra 
encombrer  l'ambulance.  Ce  poste,  base  d'opé- 
ration  du  corps   expéditionnaire,    prenait   [)Ius 

16. 


244  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

d'imporlance  de  jour  en  jour  ;  il  y  fallait  un  com- 
mandant de  grade  élevé.  Le  général  Herbillon  y 
envoya  le  colonel  Carbuccia,  qui,  à  tort  ou  à  rai- 
son, passait  chez  le  troupier  pour  malchanceux  à 
la  guerre. 

En  attendant  les  renforts  demandés,  le  génie 
continuait  ses  travaux  ;  à  la  fin  d'octobre,  des  six 
officiers  de  l'arme  attachés  dès  le  début  à  l'expé- 
dition, il  n'en  restait  que  deux.  Atîn  d'occuper  le 
soldat,  de  dégager  les  approches  et  en  même 
temps  de  menacer  dans  le  plus  clair  de  leurs  reve- 
nus la  fortune  des  ksouriens,  le  général  Herbillon 
fit  procéder  méthodiquement,  par  coupes  réglées, 
à  l'abatage  des  palmiers.  Dirigée  par  les  officiers 
du  génie,  l'opération  commença  le  23  octobre.  Le 
général  avait  frappé  juste;  au  retentissement  des 
coups  de  cognée  répondirent  des  clameurs  déses- 
pérées, des  cris  de  douleur  et  de  rage.  Chaque 
entaille  au  tronc  d'un  palmier  était  une  blessure 
au  cœur  d'un  Arabe.  Dès  le  soir  même,  les  bûche- 
rons furent  attaqués,  et,  deux  jours  plus  tard,  le 
25,  assaillis  avec  encore  plus  de  vigueur  et  d'en- 
semble. Bou-Ziane  se  révélait  homme  de  guerre. 
Les  travailleurs  et  la  garde  même  furent  obligés 
d'abandonner  l'atelier;  il  ne  fallut  pas  moins  de 
deux  bataillons  pour  recouvrer  le  terrain  perdu. 


MEAACES    DU    DEHORS.  245 

et  quand  les  Arabes  se  décidèrent  à  la  retraite,  ils 
emporlèrent,  à  titre  de  trophée,  une  caisse  de 
tambour,  des  outils,  malheureusement  aussi  les 
corps  de  deux  hommes  de  la  légion  étrangère. 
Cette  affaire  ne  coûta  pas  à  nos  troupes  moins  de 
six  morts  et  de  vingt-trois  blessés,  dont  trois  offi- 
ciers. Dès  le  lendemain,  les  mesures  de  sûreté 
furent  tellement  mieux  prises  que,  malgré  l'oppo- 
sition des  Arabes,  et  sans  la  moindre  perte, 
mille  pieds  d'arbres  furent  jetés  bas  en  cinq 
heures. 

11  convenait  d'être  aussi  très  vigilant  au  dehors, 
de  tenir  ouvertes  et  libres  les  communications  avec 
Biskra  et  Batna  ;  or,  elles  étaient  menacées.  Le 
courrier  d'Alger  venait  d'être  enlevé  par  deux 
cavaliers  du  goum  qui  étaient  passés  à  l'ennemi. 
D'autre  part,  le  général  Herbillon  était  averti  que 
Mohammed-bel-Hadj,  l'ancien  khalifa  d'Abd-el- 
Kader,  était  sorti  du  Souf,  oià  il  avait  fait  séjour, 
et  menaçait  Sidi-Okba  ;  d'autre  part  aussi,  que  les 
caravanes  des  Sahariens,  revenant  du  Tell,  témoi- 
gnaient de  leur  sympathie  pour  l'insurrection.  La 
plus  grande  part  de  la  cavalerie  ayant  été  envoyée, 
avecle  colonel  de  Mirbeck,  sur  la  route  de  Batna, 
il  ne  restait  au  camp  pas  beaucoup  plus  de  deux 
cent  cin(juante  chevaux.  Le  30  octobre  au  soir, 


246  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

une  reconnaissance  fut  attaquée  subitement,  entre 
Farfar  et  Tolga,  par  des  Saliariens.  Le  lendemain, 
le  général  Herbillon  se  mit  de  bonne  heure  en 
campagne.  Il  emmenait  toute  la  cavalerie  disponi- 
ble, y  compris  le  goum,  une  section  de  montagne 
et  trois  compagnies  de  chasseurs  à  pied.  A  peine 
avait-il  passé  Farfar  qu'il  se  vit  en  présence  de  sept 
ou  huit  cents  cavaliers,  appuyés  par  un  nombre 
à  peu  près  égal  de  fantassins,  sur  la  lisière  de  l'oa- 
sis. Le  combat  fut  vif,  mais  court.  Chargés,  sabrés, 
fusillés,  canonnés,  les  cavaliers  tournèrent  bride 
et  les  fantassins  se  hâtèrent  de  rentrer  sous  bois. 
Pendant  celte  rencontre,  Bou-Ziane  avait  habile- 
ment préparé  contre  la  gauche  des  travaux  de 
siège  une  sortie  qui  ne  réussit  d'ailleurs  qu'à 
mettre  le  feu  au  fascinage  d'une  batterie.  Ce  demi- 
succès  ne  laissa  pas  d'encourager  l'assiégé  à  re- 
nouveler sa  tentative.  Le  o  novembre,  entre  huit  et 
neuf  heures  du  soir,  le  ciel,  très  sombre,  s'éclaira 
tout  à  coup.  Des  amas  de  brindilles  flambaient  sur 
tout  le  front  d'attaque,  et  des  centaines  d'Arabes, 
la  torche  à  la  jnain,  se  ruaient  sur  les  approches. 
A  droite,  un  coup  de  mitraille  suflit  pour  les  arrê- 
ter; mais  à  gauche,  ils  réussirent  à  incendier  le 
masque  et  la  galerie  blindée  que  les  sapeurs 
avaient  poussée  jusqu'aux  deux  tiers  du  fossé. 


LE    COLONEL    CANROBERT.  247 

On  envoyait  qui,  du  chemin  de  ronde,  exposés  à 
la  fusillade,  ne  laissaient  pas  d'attiser  le  feu  avec 
de  grandes  perches.  La  nuit  suivante,  ils  revin- 
rent à  la  charge  et  parvinrent  à  défruire  complè- 
tement le  blindage. 

Tel  était  l'état  des  affaires  quand,  le  8  novembre 
au  soir,  le  camp  fit  fête  au  colonel  Canrobert,  ve- 
nant de  Sétif  à  la  tête  d'un  bataillon  de  zouaves, 
d'un  balaillon  du  16°  de  ligne,  d'un  escadron  de 
spahis  et  d'une  section  d'obusiers  de  montagne. 
En  route,  au-dessous  de  Bou-Sâda,le  colonel  avait 
fait  sur  les  Sahariens  une  razzia  de  quelques  mil- 
liers de  moutons  et  de  chèvres,  qui  vinrent  fort  à 
propos  ravitailler  les  marmites.  Huit  jours  après, 
le  15,  arriva  de  Constantine  le  lieutenant-colonel 
de  Lourmel  avec  un  bataillon  du  51%  le  8'  bataillon 
de  chasseurs,  deux  pièces  de  1 2  et  un  grand  con- 
voi de  munitions.  Ces  deux  renforts  portèrent  mo- 
mentanément à  huit  mille  hommes  l'effectif  géné- 
ral, momentanément,  hélas!  car  le  choléra,  venu 
de  Sétif  dans  les  rangs  de  la  colonne  Canrobert, 
sur  laquelle  il  avait  déjà  prélevé  cent  vingt  vic- 
times, allait  réclamer  aux  autres  corps  sa  dîme 
funéraire. 

Le  général  Herbillon  avait  réorganisé  l'infan- 
terie de  sa  petite  armée  en  trois  brigades,  sous  les 


248  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE- 

ordres  des  colonels  de  Barrai,  Canrobert  et  Du- 
inontet.  Le  colonel  de  Mirbeck  continuait  de  com- 
mander la  cavalerie  et  le  colonel  Pariset  l'artillerie. 
Le  colonel  Lebrettevillois,  arrivé  depuis  peu  de 
jours,  avait  pris,  à  la  lêle  du  génie,  la  succession 
de  l'héroïque  Petit;  avec  lui  étaient  venus  deux 
capitaines  de  l'arme  et  trente  sapeurs.  Ce  surcroît 
de  bons  ouvriers  permit  de  donner  aux  travaux 
languissants  une  activité  nouvelle.  Afin  d'éviter  le 
retour  des  incendies  dont  avaient  souffert,  le  5  et 
le  6  novembre,  les  têtes  de  sape,  le  colonel  Lebret- 
tevillois fit  remplacer  le  masque  habituel  par  un 
gabion  recouvert  d'une  peau  de  bœuf  et  prescrivit 
de  n'employer  pour  le  fascinage  que  des  brins 
complètement  dépouillés  de  feuilles.  Au  feu,  qui 
perdait  chance,  Bou-Ziane  essaya  de  substituer 
l'eau;  par  des  retenues  habilement  combinées,  il 
essaya  de  noyer  l'attaque  de  droite,  et  il  y  réussit 
en  partie,  car  la  saignée  que  les  sapeurs  pratiquè- 
rent à  la  hâte  ne  put  sauver  de  l'inondation  la 
totalité  des  cheminements. 

En  même  temps  qu'il  faisait  resserrer  plus  étroi- 
tement le  ksar,  le  général  Herbillon  avait  résolu 
de  se  donner  au  dehors  les  coudées  plus  franches 
et  de  se  débarrasser  du  voisinage  inquiétant  des 
nomades.  A  peine  eut-il  reçu  le  dernier  renfort 


DÉROUTE    DES    SAHARIENS.  2Î9 

amené  par  le  lieutenant-colonel  de  Lourmel,  dès 
le  lendemain  même,  à  minuit,  laissant  à  la  garde 
du  camp  la  troisième  brigade,  il  sortit  avec  les 
deux  autres,  la  cavalerie  et  quatre  obusiers  de 
montagne.  Surpris,  au  point  du  jour,  près  de 
l'oasis  d'Ourlal,  les  Sahariens  furent  hors  d'état 
d'organiser  leur  défense;  en  moins  d'une  demi- 
heure,  ils  étaient  culbutés,  poursuivis,  dispersés, 
abandonnant  sur  le  terrain  deux  cents  morts,  leurs 
tentes  toutes  dressées,  quinze  mille  moutons  et 
chèvres,  dix-huit  cents  chameaux.  Le  lendemain, 
leurs  cheikhs  vinrent  demander  grâce,  rachetè- 
rent, par  un  fort  prélèvement  sur  le  produit  de  la 
capture,  une  partie  de  leur  fortune  ambulante  et 
prirent,  tout  abattus,  la  direction  de  leurs  cam- 
pements d'hiver.  Ce  grand  succès  eut  pour  résul- 
tat de  dégager  les  abords  de  l'oasis  et  de  tenir  à 
distance  les  adhérents  plus  ou  moins  avoués  de 
l'insurrection.  Mohammed-bel-Hadj  reprit  à  la 
hâte  le  chemin  du  Souf,  et  les  gens  de  Sidi-Okba 
s'empressèrent  d'envoyer  au  camp  les  charges 
d'orge  que  depuis  six  semaines  ils  faisaient 
attendre. 

En  revanche,  l'énergie  de  Bou-Ziane  ne  parut 
pas  fléchir.  Pendant  le  combat  d'Ourlal, la  gauche 
des  attaques  avait  été  vigoureusement  assaillie;  la 


250  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

garde  de  tranchée  s'était  laissé  surprendre;  après 
avoir  renversé  les  parapets,  bouleversé  les  tra- 
vaux, les  Arabes  étaient  rentrés  en  triomphe  dans 
la  place,  aux  acclamations  joyeuses  des  femmes 
émerveillées,  agitant  au-dessus  de  leurs  lêtes  des 
fusils  français,  des  gibernes,  des  outils,  des  habits 
d'uniforme.  Cependant  Bou-Ziane  ne  pouvait  se 
faire  illusion  :  le  dénouement  était  proche. 


SORTIE    FURIEUSE.  251 


Les  pièces  de  12  avaient  été  mises  en  batterie. 
Une  troisième  brèche  était  ouverte  au  nord.  De  ce 
côté,  le  fossé,  beaucoup  moins  profond,  avait  per- 
mis aux  sapeurs  d'établir  un  fourneau  de  mine  au 
pied  de  l'escarpe  et  de  faire  sauter  le  chemin  de 
ronde.  Mais  voici  qu'en  plein  jour,  le  24  novembre, 
à  onze  heures,  la  tranchée  est  subitement  envahie. 
Bou-Ziane  a  très  bien  choisi  le  moment;  c'est 
l'heure  où  d'habitude  on  change  la  garde.  En  effet, 
les  chasseurs  du  5"  bataillon  attendent  d'être  rele- 
vés par  les  camarades  du  8';  ils  n'ont  plus  l'œil 
au  guet,  ils  sont  surpris.  Les  premiers  sont  déca- 
pités; les  autres  reculent  d'abord,  se  rallient  et 
rentrent  dans  la  tranchée,  où  les  femmes  de  Zaat- 
cha,  excitant  les  hommes,  s'acharnent  sur  les  bles- 
sés comme  des  hyènes.  Le  clairon  sonne;  les  chas- 
seurs du  S*",  les  tirailleurs  de  Bourbaki  accourent; 
on  se  bat  corps  à  corps  ;  les  ksouriens  cèdent,  éva- 
cuent les  sapes,  mais  continuent  la  lutte  d'enclos 


■252  LA    nONOLÊTE    DE    L'ALfiÉRIE. 

en  enclos;  enfin  ils  se  retirent,  les  uns  dans  la 
place,  les  autres  vers  Lichana.  Dans  celte  rude 
affaire,  les  chasseurs  ont  perdu  trois  de  leurs  offi- 
ciers, un  lieutenant  d'artillerie  a  été  frappé  mor- 
tellement. 

Le  25  fut  une  journée  de  calme,  la  dernière.  Le 
lendemain  était  le  jour  de  l'assaut.  Voici  les  dis- 
positions faites  :  trois  brèches,  trois  colonnes.  A 
droite,  au  nord,  deux,  cent  cinquante  chasseurs  du 
5'  bataillon,  cent  grenadiers  et  voltigeurs  du  1 6'  de 
ligne,  cinq  cent  trente  zouaves,  le  colonel  Canro- 
bert;  au  nord-est,  au  centre,  quatre  cent  cin- 
quante chasseurs  du  8'  bataillon,  quatre  cents 
hommes  du  38^  de  ligne,  cent  zouaves,  le  colonel 
de  Barrai;  au  sud-est,  à  gauche,  six  cent  trente 
hommes  du  8^  de  ligne,  deux  cent  cinquante  du 
43%  le  lieutenant-colonel  deLourmel.  Chacune  des 
colonnes  est  précédée  d'un  détachement  de  sa- 
peurs et  suivie  d'une  section  de  montagne.  Le 
colonel  Dumontet  commande  le  service  de  tran- 
chée. Le  commandant  Bourbaki,  avec  ses  seize 
cents  tirailleurs  indigènes,  deux  cents  chasseurs 
du  5*  bataillon  et  quatre  cents  hommes  du  ST  de 
ligne,  a  pour  mission  de  tourner  l'oasis  et  de  sur- 
veiller au  sud  l'unique  débouché  de  Zaatcha.  Le 
colonel  de  Mirbeck  a  la  garde  du  camp;  il  doit 


ASSAUT    DÉCISIF.  253 

faire  battre  les  environs  par  de  fortes  patrouilles 
de  cavalerie. 

Le  25,  dans  la  soirée,  le  général  Herbillon  a  fait 
soramer  Zaatcha  de  se  rendre;  la  réponse  est 
venue,  négative,  dédaigneuse,  hautaine.  La  nuit 
n'a  été  troublée  que  par  quelques  coups  de  canon 
tirés  sur  les  brèches.  Le  26,  à  sept  heures  du  ma- 
tin, les  troupes  ont  pris  leurs  formations  de  com- 
bat; à  huit  heures,  le  général  Herbillon  est  averti 
par  un  signal  que  le  commandant  Bourbaki  est  à 
son  poste;  le  clairon  sonne;  les  sapeurs  renversent 
à  droite  et  à  gauche  les  caisses  à  biscuit  qui  mas- 
quent les  têtes  de  sape;  les  colonnes  débouchent  : 
c'est  l'assaut. 

Canrobert  vient  de  haranguer  ses  hommes:  «  Eh 
bien ,  zouaves,  ce  n'est  pas  une  bicoque  comme 
celle-là  qui  arrêtera  des  guerriers  comme  vous!  Il 
faut  la  prendre,  entendez-vous?  ou  y  rester  tous. 
Tambours,  clairons,  la  charge  !  Bonne  chance,  mes 
amis,  et  en  avant!  »  Le  colonel  est  devant  tous;  il 
a  choisi  pour  l'accompagner  quatre  ofllciers  de 
différentes  armes  et  quinze  zouaves.  La  brèche  est 
franchie;  de  toutes  les  terrasses,  de  tous  les  cré- 
neaux viennent  les  balles;  les  moris,  les  blessés 
tombent;  le  commandant  de  Lorencez  est  atteint 
dans  le  flanc;  n'importe,  Canrobert  marche  tou- 


254  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

jours;  il  ne  s'arrête  que  lorsqu'il  a  donné  la  main 
à  Lourmel  blessé  et  à  Barrai.  Alors  il  regarde  au- 
tour de  lui;  de  ses  quatre  officiers  et  de  ses  quinze 
hommes,  deux  seulement  sont  sans  blessure;  le 
capitaine  Toussaint,  le  sous-lieutenant  Rosetti, 
tous  deux  des  spahis,  ont  été  tués;  le  capitaine 
Besson,  de  l'état-major,  le  lieutenant  de  Chard, 
des  zouaves,  sont  blessés. 

Il  est  neuf  heures;  les  trois  colonnes  se  sont 
rejointes  au  cœur  de  la  place;  néanmoins  rien 
n'est  fini.  Refoulés  d'une  moitié  de  la  ville,  les 
ksouriens  se  sont  concentrés  dans  l'autre.  Chaque 
maison  est  un  réduit  dont  il  faut  faire  le  siège,  qu'il 
faut  saper  ou  pétarder.  Les  hommes  qui  du  haut 
des  terrasses  ont  sauté  dans  les  cours  intérieures 
n'en  sont  pas  revenus.  On  chemine  pas  à  pas,  dans 
la  fumée,  dans  le  feu,  dans  le  sang.  En  avant  de 
l'unique  porte  du  ksar  s'élève  une  maison  plus 
haute  que  les  autres;  ce  n'est  pas  celle  de  Bou- 
Ziane,  qui  est  au  centre  et  d'où  il  a  pu  sortir  ;  mais 
c'est  la  maison  où  il  s'est  retranché  avec  sa  fa- 
mille, le  marabout  Si-Moussa  et  les  plus  détermi- 
nés de  ses  fidèles.  Les  zouaves  du  2*  bataillon 
viennent  à  l'attaque,  conduits  par  le  commandant 
de  Lavarande.  La  porte  résiste  aux  coups  de 
crosse;  on  amène  un  obusier  :  elle  résiste;  cepen- 


BOU-ZIANE.  255 

dant  les  zouaves,  les  servants  tombent  sous  le  feu 
de  la  terrasse  supérieure  et  des  créneaux.  On  ap- 
pelle les  sapeurs;  l'un  d'eux  apporte  un  sac  de 
poudre,  d'autres  des  sacs  à  terre  pour  contre-buter 
le  premier;  la  plupart  sont  tués  ou  blessés;  enfin, 
un  sergent  met  le  feu  à  la  mèche.  Quand  le  nuage 
de  poussière  et  de  fumée  produit  par  l'explosion 
s'éclaircit,  on  aperçoit  la  maison  éventrée,  béante. 
Les  zouaves  s'y  précipitent;  tout  ce  qu'ils  rencon- 
trent est  passé  par  les  armes. 

«  Il  y  eut  ensuite,  a  dit  le  capitaine  Bocher,  un 
moment  d'attente.  Un  Arabe  d'un  extérieur  et 
d'une  attitude  qui  révélaient  le  chef  apparut,  sor- 
tant d'un  des  coins  obscurs  de  la  maison.  Il  était 
blessé  à  la  jambe  et  s'appuyait  sur  un  des  siens. 
((  Voilà  Bou-Ziane  !  »  s'écria  le  guide.  Aussitôt  le 
commandant  se  jeta  sur  lui  et  empêcha  ses  soldats 
de  faire  feu.  «  Je  suis  Bou-Ziane  » ,  telle  fut  la  seule 
parole  du  prisonnier,  puis  il  s'assit  à  la  manière 
arabe  et  se  mit  à  prier.  M.  de  Lavarande  lui  de- 
manda où  étail  sa  famille.  Sur  sa  réponse,  il  envoya 
l'ordre  de  la  sauver,  mais  il  était  trop  tard.  M.  de 
Lavarande  avait  envoyé  prévenir  le  général  Her- 
billon  que  Bou-Ziane  était  entre  ses  mains.  «  Faites- 
le  tuer  »,  telle  fut  la  réponse.  Un  second  message 
rapporta  le  même  ordre.  Le  commandant  fit  appe- 


256  LA    CONQUÊTE    DE    L' A  LGÉ  RI  IL 

1er  quatre  zouaves  et  leur  ordonna,  à  un  signal 
donné,  de  viser  au  cœur.  Se  tournant  ensuite  vers 
Bou-Ziane,  il  lui  demanda  ce  qu'il  désirait  et  ce 
qu'il  avait  à  dire.  «  Vous  avez  été  les  plus  forts; 
Dieu  seul  est  grand;  que  sa  volonté  soit  faite!  »  Ce 
fut  la  réponse  du  chef  arabe.  M.  de  Lavarande,  le 
prenant  alors  par  la  main,  le  força  à  se  lever  et, 
après  l'avoir  appuyé  le  long  d'un  mur,  se  retira 
vivement.  Les  quatre  zouaves  firent  feu  ;  Bou-Ziane 
tomba  raide  mort.  Un  zouave  lui  coupa  la  (ête, 
apporta  le  sanglant  trophée  au  colonel  Canrobert 
et  le  lui  jeta  entre  les  pieds.  La  tête  du  plus  jeune 
fils  de  Bou-Ziane  fut  également  apportée  au  colo- 
nel. On  décapila  aussi  le  cadavre  de  Si-Moussa, 
qui  avait  été  découvert  au  milieu  des  morts.  » 

Au  dehors,  la  fermeté  du  commandant  Bourbaki 
avait  arrêté  à  la  fois  les  tentatives  des  assiégés  qui 
voulaient  échapper  au  désastre,  et  celles  des  Licha- 
niens  qui  s'efforçaient  de  venir  en  aide  à  leurs 
frères.  A  midi,  le  ksar  n'était  plus  qu'un  amas  de 
ruines  d'où  sortaient  çà  et  là  quelques  coups  de 
feu  encore.  A  trois  heures,  tout  bruit  de  combat 
avait  cessé.  Des  défenseurs  de  Zaatcha  pas  un  seul 
n'était  vivant.  On  compta  plus  de  huit  cents  cada- 
vres ramassés  sur  les  décombres;  on  ne  connut 
jamais  le  nombre  de  ceux  qui  étaient  ensevelis 


DESTRLCTION    DE    ZAATCHA.  257 

dessous.  Au  vainqueur  la  journée  du  26  novembre 
coûta  quarante-trois  tués  et  cent  soixante-quinze 
blessés;  relevée  depuis  le  commencement  du  siège, 
la  perle  totale,  —  moins  les  victimes  du  choléra  et 
de  la  dysenterie,  —  monta  au  chiffre  de  cent 
soixante-cinq  tués  et  de  sept  cent  quatre-vingt-dix 
i)lessés. 

Le  27,  tout  ce  qui  tenait  encore  debout  dans  le 
ksar  et  autour  du  ksar,  mosquées,  minarets,  mai- 
sons, murailles,  vergers,  palmiers,  acheva  de  dis- 
paraître; tout  fut  rasé  au  niveau  du  sol.  Groupés 
à  distance,  les  Arabes  des  oasis  voisines  contem- 
plaient terrifiés  cette  ruine.  Le  28,  le  campement 
fut  levé;  la  colonne  prit  le  chemin  de  Biskra;  elle 
y  arriva  le  30. 

Ainsi  finit  cet  épisode  de  Zaatcha,  moins  écla- 
tant, mais,  dans  sa  sombre  horreur,  plus  tragique 
peut-être  que  celui  de  Constantin e. 


II.  17 


258  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


VI 


Le  grand  foyer  de  rinsurrection  venait  de  s'é- 
teindre dans  le  sang;  mais  le  feu  qui,  pendant  la 
longue  fureur  de  l'incendie,  avait  gagné  l'Aurès, 
couvait  encore  dans  quelque  recoin  de  ses  étroites 
vallées.  Il  était  du  moins  circonscrit,  n'ayant  plus 
d'aliments  à  recevoir,  ni  de  Bou-Sâda,  que  le  colo- 
nel Daumas  venait  de  faire  occuper,  à  titre  défini- 
tif, par  une  garnison  française,  ni  des  Ouled-Naïl- 
Cheraga,  ni  du  Hodna,  ni  du  Belezma,  qui 
prolestaient  de  leur  parfaite  obéissance. 

Avant  de  rentrer  à  Constantine,  le  général  Her- 
billon  avait,  d'après  les  instructions  du  gouver- 
neur, assigné  au  colonel  Canrobert  le  commande- 
ment supérieur  de  Batna  et  celui  de  Sétif  au  colonel 
de  Barrai.  Le  colonel  Canrobert,  dont  la  circon- 
scription comprenait  l'Aurès,  avait  résolu  d'y  pé- 
nétrer par  le  nord.  Le  25  décembre  1 849,  il  sortit 
de  Batna.  La  colonne  qui  marchait  avec  lui  com- 


INSOLENCE    DE    NARA.  259 

prenait  un  bataillon  du  8*  de  ligne,  le  5*  bataillon 
de  chasseurs  à  pied,  le  2"  de  zouaves,  le  bataillon  de 
tirailleurs  indigènes,  trois  escadrons  de  chasseurs 
d'Afrique  et  de  spahis,  deux  sections  d'obusiers  de 
montagne,  une  section  de  sapeurs.  Le  27,  il  entra 
dans  l'Aurès  et  commença  de  descendre  la  vallée 
de  rOued-Abdi,  qui  est  le  principal  cours  d'eau  de 
cette  région  dont  les  principaux  habitants  sont  les 
Chaouïa,  de  race  berbère.  Tout  alla  d'abord  assez 
bien;  les  villages,  sans  beaucoup  d'empressement 
d'ailleurs,  apportèrent  leurs  témoignages  de  sou- 
mission en  paroles  un  peu  plus  qu'en  argent  ; 
mais  les  gens  de  Nara  refusèrent  nettement  ar- 
gent et  paroles.  Le  colonel,  à  cause  de  la  sai- 
son   inclémente,    inclinait  à  renvoyer  au  prin- 
temps le  châtiment  de   ces  réfractaires,  quand 
leur  insolence  lui   fit  une  obligation  de  ne  plus 
attendre. 

Nara  était  un  ensemble  de  trois  villages  bâtis 
sur  les  rives  escarpées  d'un  petit  affluent  de  l'Oued- 
Abdi.  Le  plus  important  des  trois  couronnait  un 
rocher  isolé,  à  soixante  mètres  au-dessus  du  ravin. 
On  n'y  pouvait  accéder  que  par  des  degrés  entail- 
lés dans  le  roc,  et  tous  les  abords  étaient  comman- 
dés par  des  tours  solidement  construites.  Tous  les 
indépendants,  tous  les  fanatiques  de  la  montagne 

i-. 


260  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

s'y  étaient  donné  rendez-vous,  comme  naguère  les 
fanatiques  de  la  plaine  à  Zaatcha. 

Déjà,  au  mois  d'avril  de  l'année  précédente,  une 
expédition  avait  été  dirigée  contre  Nara  par  le 
colonel  Carbuccia;  mais  elle  s'était  réduite  à  la 
destruction  d'un  des  villages  inférieurs  et  au  jet 
de  quelques  obus  dans  celui  qui  pouvait  passer 
pour  en  être  la  citadelle.  Bref,  les  montagnards  en 
avaient  tiré  plutôt  un  motif  de  gloire  qu'un  conseil 
de  modération  et  de  prudence. 

D'après  le  plan  du  colonel  Canrobert,  Nara  de- 
vait être  attaqué  directement  par  deux  colonnes  et 
tourné  par  une  troisième,  inexécution  de  ce  plan 
commença  le  4  janvier  1850,  au  soir.  Les  colonnes 
d'attaque  avaient  respectivement  pour  chefs  les 
commandants  Bras-de-Fer  et  Lavarande;  c'était 
avec  la  première  que  s'était  réservé  de  marcher  le 
colonel  Canrobert.  La  colonne  tournante  était  sous 
les  ordres  du  colonel  Carbuccia.  Celle-ci  ayant 
prononcé  son  mouvement  et  gagné  les  derrières 
de  l'ennemi,  l'atTaire  s'engagea,  le  6,  au  point  du 
jour;  elle  fut  achevée  en  moins  de  deux  heures. 
Des  défenseurs  de  Nara  cernés  de  toutes  parts  il 
n'échappa  aux  poursuites  de  la  cavalerie  qu'un 
petit  nombre  de  fugitifs.  Les  trois  villages  furent 
entièrement  détruits.  Retenu  quatre  jours  au  bi- 


DESTRUCTION    DE    NARA.  261 

vouac  par  la  neige  qui  se  mit  à  tomber  à  gros  flo- 
cons, le  colonel  Canrobert  ne  put  rentrer  que  le 
1 6  janvier  à  Batna. 

Ajoutée  à  la  ruine  de  Zaatcha,  celle  de  Nara 
porta  le  dernier  coup  aux  derniers  fauteurs  d'in- 
surrection dans  le  Sud.  Cette  partie  delà  province 
de  Constanline  pouvait  être  considérée  comme  pa- 
cifiée; tel  n'était  pas,  tel  ne  devait  pas  être,  de 
longtemps  encore,  l'état  de  la  région  septentrio- 
nale, de  la  Grande  Kabylie  et  de  ses  entours. 

Dans  une  visite  que  le  Président  de  la  Répu- 
blique avait  faite  à  la  citadelle  de  Ham,  en  souve- 
nir de  sa  captivité,  il  en  avait  fait  sortir  Bou-Maza 
et  lui  avait  assigné  la  ville  pour  prison.  Quand 
cette  nouvelle  fut  arrivée  en  Algérie,  il  n'en  fallut 
pas  davantage  pour  exciter  l'imagination  des 
Arabes  et  pour  provoquer  l'apparition  d'un  Bou- 
Maza.  Le  faux  chérif,  qui  se  faisait  appeler 
Mohammed-ben-Abdallali,  comme  le  véritable, 
apparut,  au  mois  de  juillet  1849,  dans  le  Djur- 
djura,  escorté  par  de  nombreux  Zouaoua  que  lui 
avait  amenés  l'irréconciliable  Si-Djoudi.  Au  mois 
de  septembre,  l'agitation  avait  débordé  par-dessus 
la  montagne  et  s'était  répandue  dans  la  vallée  de 
rOued-Saliel.  Acause  de  Tinsurrection  de  Zaatcha, 
le  commandant  du  poste  d'Aumale,  dégarni  de 


262  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

troupes  françaises,  n'avait  pu  diriger  vers  la  région 
troublée  qu'un  goum  de  trois  cents  chevaux,  mais 
il  avait  mis  à  sa  tête  un  officier  d'une  énergie  peu 
commune,  le  sous-lieutenant  Beauprêtre.  Le  2  oc- 
tobre, celui-ci,  sans  tenir  compte  de  la  supériorité 
numérique  de  l'ennemi,  lança  son  goum  à  l'atta- 
que; en  dépit  de  ses  objurgations  et  de  ses  impré- 
cations, le  faux  chérif  fut  tué  par  un  cavalier  arabe, 
tout  ému  et  frémissant  de  sa  propre  audace.  Etonné 
de  ce  coup  de  vigueur,  Si-Djoudi  rentra  encore 
une  fois  dans  la  montagne,  et,  fait  plus  remar- 
quable encore,  à  l'autre  extrémité  de  la  Kabylie, 
les  frères  Ben-Azzeddine  en  reçurent  une  telle 
impression  qu'ils  vinrent  humblement  apporter  à 
Gonstanline  la  soumission  définitive  du  Zouagha. 

Si  l'ordre  était  rétabli  sur  le  cours  supérieur  de 
rOued-Sahel,  il  s'en  fallait  du  tout  au  tout  qu'il 
régnât  dans  la  vallée  inférieure.  Vers  la  fin  du  mois 
de  février  1850,  une  de  ces  contestations,  si  fré- 
quentes entre  Kabyles,  s'était  élevée  au  sujet  d'un 
marché;  deux  officiers,  l'un  de  Bougie,  l'autre  de 
Sétif,  avaient  été  envoyés  pour  accommoder  le 
différend.  Pendant  l'arbitrage,  un  Kabyle  s'élança 
sur  l'officier  de  Sélif,  le  lieutenant  Gravier,  et  lui 
fracassa  la  cuisse  d'un  coup  do  pistolet.  L'assassin, 
saisi  aussitôt  par  les  indigènes  stupéfaits,  déclara 


LE  GÉNÉRAL  DE  BARRAL.         263 

que  l'arme  avait  éternise  entre  ses  mains  par  deux 
cheikhs,  qui,  profitant  du  tumulte,  s'étaient  hâtés 
de  déguerpir. 

Les  colonels  Daumas,  Canrobert  et  de  Barrai 
avaient  été  promus  généraux  de  brigade.  Nommé 
au  commandement  de  la  subdivision  de  Sélif,  le 
général  de  Barrai  avait  eu  d'abord  à  châtier  des 
tribus  qui  avaient  attaqué  sur  le  chemin  de  Bou- 
Sâda  un  détachement  français;  puis  il  s'était  dirigé 
vers  le  nord  par  la  route  de  Sétif  à  Bougie,  afin  de 
rechercher  les  instigateurs  de  l'attentat  commis 
sur  le  lieutenant  Gravier.  Sa  colonne  était  forte  de 
trois  bataillons  des  16  ,  38'  et  51*  de  ligne,  de 
deux  bataillons  de  zouaves,  du  3'  bataillon  d'Afri- 
que, de  deux  escadrons  de  chasseurs  d'Afrique  et 
de  spahis,  de  deux  sections  d'obusiers  de  mon- 
tagne, de  cinquante  sapeurs  et  d'un  détachement 
du  train  conduisant  deux  cent  dix  mulets. 

La  marche  était  lente,  parce  que  le  général  avait 
ordre  d'élargir  et  d'améliorer  la  route  par  laquelle 
il  cheminait.  Du  9  au  19  mai,  il  n'avait  encore  eu 
à  vaincre  que  les  difiicullés  du  terrain;  mais,  le 
19,  il  apprit  que  les  Beni-Djellil,  qui  pouvaient 
mettre  en  ligne  deux  mille  fusils  et  que  Si-Djoudi 
animait  à  la  résistance,  avaient  résolu  de  lui  barrer 
le  passage.  La  rencontre  eut  lieu  le  21  mai;  les 


264  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÊUIE. 

Kabyles  occupaient  des  crêtes  que  protégeaient, 
en  manière  de  fossés,  trois  ravins  profonds.  Au 
moment  oii  le  général,  en  tête  de  la  colonne,  me- 
nait à  l'attaque  une  compagnie  de  zouaves  et  les 
sapeurs,  il  fui  frappé,  au  passage  du  deuxième 
ravin,  d'une  balle  en  pleine  poitrine.  Il  fit  appeler 
le  colonel  de  Lourmel,  du  51%  lui  remit  le  comman- 
dement, et  seulement  alors,  après  ce  devoir  accom- 
pli, se  laissa  descendre  de   cheval.   Pendant  la 
marche,  la  colonne  s'était  allongée;  tandis  que  le 
colonel  prenait  le  temps  d'en  resserrer  les  éléments 
et  de  la  masser,  les  Kabyles,  trompés  sur  les  mo- 
tifs de  ce  retard  et  l'attribuant  volontiers  à  l'hé- 
sitation de  leurs  adversaires,  descendirent  de  leurs 
positions  défensives  et  s'aventurèrent  à   portée 
d'arme  blanche.  Aussitôt  la  charge  sonna;  surpris, 
abordé  corps  à  corps,  l'ennemi  fut  en  un  moment 
culbuté,  poursuivi  la  baïonnette  et  le  sabre  aux 
reins,  laissant  sur  le  terrain  deux  cents  morts.  Le 
général  de  Barrai,  escorté  par  une  compagnie  de 
son  ancien  régiment,  le  38%  fut  transporté  à  Bou- 
gie; il  y  mourut  le  26  mai,  à  peine  âgé  de  qua- 
rante-trois ans. 

Après  avoir  fait  ravager  le  territoire  des  tribus 
réfractaires,  le  colonel  de  Lourmel  s'appliqua, 
pendant  le  mois  de  juin,  aux  travaux  de  la  route; 


LE    GÉNÉRAL    D'HAUTPOUL.  2f55 

quinze  cents  homnaes  y  étaient  employés  tous  les 
jours;  le  24  j"in,  cinquante  et  un  kilomètres 
étaient  achevés.  Une  pyramide,  élevée  par  le  génie 
auprès  d'Aïn-Raoua,  consacra  le  souvenir  des 
chefs  et  des  corps  qui  avaient  exécuté  ce  grand 
labeur. 

.  Pendant  cette  expédition  de  Sétif  à  Bougie,  le 
général  de  Saint-Arnaud,  successeur  du  général 
Herbillon  au  commandement  de  la  division  de 
Constantine,  avait  visité  dans  l'est  de  la  province 
le  vaste  territoire  des  Nemencha,  dans  le  sud  l'Au- 
rès  et  les  oasis. 

En  somme,  la  campagne  de  1850,  à  peu  près 
nulle  dans  la  province  d'Alger,  toute  d'observation 
dans  la  province  d'Oran,  où  le  général  de  Mac 
Mahon  exerçait,  tout  le  long  de  la  frontière  maro- 
caine, une  surveillance  incessante,  n'avait  eu  un 
peu  d'intérêt  que  dans  la  province  de  Constan- 
tine. Quand,  le  4  novembre,  le  général  d'Haut- 
poul,  nommé  à  la  place  du  général  Charon  gou- 
verneur de  l'Algérie,  reçut  de  son  prédécesseur  la 
direction  suprême  des  aiFaires,  jamais  transmission 
de  pouvoir  ne  s'était  accomplie  dans  un  temps 
aussi  calme. 


266  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


Vil 


Le  général  d'Hautpoul,  qui  venait  d'occuper, 
une  année  durant,  le  ministère  de  la  guerre,  était 
arrivé  en  Algérie  avec  des  idées  moins  paisibles. 
Il  eut  été  fier  de  signaler  son  gouvernement  par 
l'annexion  de  la  Grande  Kabylie;  il  avait  arrêté 
ses  plans  en  conséquence,  et,  pour  les  faire  agréer 
au  gouvernement,  il  fit  partir  pour  Paris,  au  mois 
de  février  1851,  le  lieutenant-colonel  Durrieu. 
L'état  général  des  affaires  n'était  pas  alors  favo- 
rable à  une  aussi  grande  entreprise.  Le  désaccord 
évident  dès  cette  époque  entre  le  Président  de  la 
République  et  l'Assemblée  législative  avait  rendu 
celle-ci  défiante;  elle  n'était  rien  moins  que  dis- 
posée à  voter  le  surcroît  d'effectif  et  d'argent  que 
les  projets  du  général  d'Hautpoul  auraient  rendu 
nécessaire.  Une  sorte  de  transaction  proposée  par 
le  général  Randon,  ministre  de  la  guerre,  sou- 
tenue par  La  Moricière,  Bedeau,  Cavaignac  et 
Gharras,  fut  acceptée  par  l'assemblée,  non  sans 


PROJET    D'EXPÉDITIOiN,  267 

peine.  Il  n'était  plus  question  de  ia  Grande 
Kabylie  ;  c'était  contre  la  Petite  qu'une  expédition 
était  autorisée  dans  la  mesure  que  permettaient 
les  ressources  ordinaires  de  l'armée  d'Afrique. 

Dès  le  15  mars,  le  ministre  fît  parvenir  au  gou- 
verneur général  des  instructions  qui  lui  prescri- 
vaient de  préparer,  pour  le  commencement  de 
mai ,  la  formation  d'une  colonne  de  huit  mille 
hommes,  et  lui  indiquaient  pour  objectif  principal 
le  débloquement  de  Djidjeli.  Le  général  d'Haut- 
poul,  membre  de  l'Assemblée  législative,  ne  pou- 
vait exercer,  à  ce  titre,  qu'un  commandement 
temporaire,  et,  comme  il  touchait  au  terme  de  sa 
mission,  il  fut  obligé,  afin  d'en  solliciter  le  renou- 
vellement, de  se  rendre  à  Paris,  à  la  fin  d'avril, 
juste  au  moment  où  allait  commencer  l'opération 
détachée  du  grand  projet  sur  lequel  il  avait  fondé 
naguère  de  si  flatteuses  espérances.  Ce  fut  au 
général  Pélissier,  appelé  d'Oran,  que  revint  l'in- 
térim du  gouvernemeni,  et  le  général  de  Saint- 
Arnaud  fut  chargé  de  diriger  l'expédition  de  la 
Petite  Kabylie. 

Dans  la  Petite  comme  dans  la  Grande,  les  popu- 
lations, tenues  en  éveil  par  la  rumeur  publique, 
s'étaient  préparées  non  seulement  à  la  résistance, 
mais  même,  sur  certains  points,  à  l'offensive.  Au 


268  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

mois  d'avril,  le  commandant  de  Philippeville,  qui 
s'était  rendu  à  Collo  avec  une  faible  escorte,  fut 
soudainement  assailli  et  ne  parvint  à  s'échapper 
qu'en  abandonnant  ses  chevaux  pour  sauter  dans 
une  barque  et  gagner  le   large.  Vers  le  même 
temps,    un    nouvel    agitateur,    Bou-Baghla ,    — 
l'homme  à  la  mule,  —  soulevait  les  Grands  Ka- 
byles. Le  19  mars,  suivi  d'une  troupe  nombreuse 
de  Zouaoua  et  de  Beni-Mellikeuch,  il  avait  surpris 
la  zaouïa  de  Chellata,  chassé  le  marabout  Si-ben- 
Ali-Chérif,  ami  des  Français,  ravagé  ses  cultures, 
enlevé  ses  troupeaux,  et  depuis  entretenu  la  ter- 
reur dans  la  haute  vallée  de  TOued-Sahel,  jus- 
qu'au jour  où,  battu  par  une  colonne  sortie  d'Au- 
male  avec  le  colonel  d'Aurelle,  il  disparut  dans  le 
Djurdjura.  Six  semaines  plus  tard,  on  le  vit  repa- 
raître,  à   l'autre    extrémité   du    massif,    devant 
Bougie  qu'il  eut  l'audace  d'insulter;  mais  il  en  fut 
le  mauvais  marchand;  après  avoir  laissé  beaucoup 
des  siens  sous  les  remparts  de  la  place,  il  disparut 
encore  une  fois  et,  de  quelque  temps,  on  n'en- 
tendit plus  parler  de  lui. 

L'époque  des  opérations  était  arrivée.  Le  8  mai, 
une  division  de  huit  mille  sept  cents  hommes  était 
réunie  à  Mila;  la  1"  brigade,  sous  les  ordres  du 
général  de   Luzy,  comprenait  quatre  bataillons 


COMPOSITION    DE    LA    COLONNE.  269 

des  9',  10°  et  20"  de  ligne,  le  %'  de  chasseurs  à 
pied,  les  tirailleurs  indigènes  de  Constantine;  la 
2%  sons  les  ordres  du  général  Bosquet,  deux  ba- 
taillons du  8°  de  ligne,  un  bataillon  du  16'  léger, 
un  de  zouaves,  un  de  la  légion  étrangère,  le 
3'  bataillon  d'Afrique.  A  ces  douze  bataillons,  il 
faut  ajouter,  par  brigade,  1 00  chasseurs  d'Afrique, 
4  obusiers  de  montagne,  une  section  de  sapeurs, 
1 80  mulets  du  train.  Telle  était,  dans  son  ensemble, 
la  colonne  Saint-Arnaud,  qui,  tout  en  étant  la  prin- 
cipale, devait  agir  excentriquement,  puisque  son 
terrain  d'opérations  était  tout  à  l'extrémité  orien- 
tale, presque  en  dehors  de  la  Petite  Kabylie  pro- 
prement dite,  dans  le  triangle  compris  entre  Djid- 
jeli,  Mila  et  Philippeville.  A  l'ouest,  au  contraire, 
plus  près  du  cœur  de  la  Kabylie,  une  colonne  se- 
condaire ,  commandée  par  le  général  Camou, 
devait  couvrir  le  liane  gauche  de  la  première,  et 
guerroyer  pour  son  compte  entre  Sétif  et  Bougie. 
Cette  colonne,  qui  n'eut  d'abord  pour  noyau  que 
deux  bataillons  du  8'  léger,  un  escadron  de  chas- 
seurs d'Afrique  et  une  section  de  montagne, 
devait  avoir  par  la  suite  un  effectif  très  variable, 
à  cause  des  envois  ou  des  emprunts  que  lui  fit 
alternativement  la  colonne  principale. 

Celle-ci,  partie  de  Mila  le  9  mai,  prit  au  nord- 


270  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

ouest  la  direction  de  Djidjeli,  à  travers  le  prolon- 
gement et  les  rameaux  enchevêtrés  de  la  chaîne 
des  Babors.  Dès  le  11,  le  combat  ne  cessa  plus, 
toujours  acharné,  toujours  meurtrier;  dans  cette 
première  rencontre,  la  colonne  ne  perdit  pas 
moins  de  seize  morts  et  de  quatre-vingt-dix-sept 
blessés.  La  journée  du  13  fut  pire;  deux  compa- 
gnies d'élite  du  1 0*  de  ligne  avaient  été  détachées 
en  tlanqueurs.  Tandis  que  des  crêtes  où  ils  se 
croyaient  en  sûreté,  les  hommes  regardaient  au- 
dessous  d'eux  le  convoi  cheminant  à  grand'peine 
à  travers  la  broussaille,  trois  ou  quatre  cents  Ka- 
byles, qsii  avaient  rampé  jusque-là,  s'élancèrent 
en  hurlant  du  taillis  et  firent  de  ces  imprudents  un 
massacre  épouvantable;  les  cinq  officiers  et  qua- 
rante-trois hommes  furent  décapités,  soixante 
furent  blessés;  sans  l'arrivée  d'un  bataillon  du  9% 
ceux-ci  comme  ceux-là  auraient  perdu  leurs  têtes. 
En  somme,  soixante-six  morts  et  cent  quarante  et 
un  blessés  durent  être  portés  au  compte  de  cette 
journée  fatale.  Le  1 6,  «  tirant  l'aile  et  traînant  le 
pied  »,  la  colonne  atteignit  enfin  Djidjeli;  elle  y 
déposa  deux  cent  soixante-dix  blessés  que  le 
général  Pélissier,  venu  d'Alger  par  mer,  prit  à  son 
bord  et  fit  transporter  à  l'hôpital  de  Philip[)eville. 
Du  1 9  au  26  mai,  opérant  du  nord  au  sud,  selon 


SAINT-ARNAUD    ET    FLEURY.  271 

les  ordres  qu'il  venait  de  recevoir  du  gouverneur 
intérimaire,  le  général  de  Saint-Arnaud  fit  partir 
de  Tibaïren,  dans  le  Ferdjioua,  le  général  Bos- 
quet avec  deux  bataillons  destinés  à  renforcer  la 
petite  colonne  du  général  Camou,  puis  il  revint  se 
ravitailler  à  Djidjeii.  Cette  seconde  partie  de  la 
campagne  n'avait  pas  été  plus  heureuse  en  résul- 
tats utiles  que  la  première;  elle  avait  seulement 
été  moins  coûteuse. 

Le  lieutenant-colonel  Durrieii  écrivait  d'Alger, 
le  5  juin  :  «  Les  journaux  de  l'Elysée  contiennent 
un  bulletin  pompeux  des  opérations  du  général 
Saint-Arnaud;  je  soupçonne  ce  bulletin  d'avoir  un 
but  politique.  Le  commandant  Fleury  quitte  au- 
jourd'hui le  général  Saint-Arnaud.  »  Confident  du 
Prince  Président  de  la  République,  le  commandant 
Fleury  était  venu  faire  auprès  du  général  une 
campagne  secrète  beaucoup  plus  importante,  au 
point  de  vue  politique,  que  n'était,  au  point  de 
vue  militaire,  la  campagne  qu'il  avait  ostensible- 
ment suivie. 

Il  est  intéressant  de  noter,  dans  la  correspon- 
dance de  Saint-Arnaud,  la  marche  et  le  progrès  de 
la  tentation,  depuis  cette  lettre  du  21  mars  : 
«  Fleury  m'écrit  qu'il  a  bien  envie  de  venir  faire 
l'expédition  avec  moi;  je  lui  réponds  qu'il  sera  le 


272  LA    CONQUETE    DE    L'ALGÉRIE. 

bienvenu  »;  jusqu'à  celle-ci,  du  6  juin,  après  le 
départ  du  tentateur  :  «  Dieu  sait  ce  que  le  ciel  me 
réserve!  Si  j'aime  la  guerre,  je  n'aime  pas  la  poli- 
tique. Enfin,  il  faut  obéir  à  sa  destinée!  »  Puis 
viennent  ces  réflex.ions  du  18,  qui  semblent  mar- 
quer un  temps  d'arrêt  :  «  Je  n'ai  nulle  envie  de 
m'avancer  ni  de  me  compromeltre  dans  la  poli- 
tique. La  scène  du  monde  et  de  la  politique  est 
glissante.  Le  sage  reste  dans  la  coulisse,  observe 
et  ne  paraît  qu'à  propos.  Les  Africains  qui  se  sont 
mis  en  avant   n'ont  fait  encore  que   de  fausses 
entrées  et  de  fausses  sorties.  Le  public  rit  quand  il 
ne  murmure  pas.  Avec  tout  cela  j'aimerais  mieux 
rester  en  Afrique.  Ici  l'on  a  sa  réputation  dans  sa 
main  :  à  Paris,  on  la  joue  sur  une  phrase,  sur  un 
mot,  sur  une  démarche,  sur  un  sourire.  J'aime 
mieux  l'Afrique;  m'y  laissera-t-on?  Nous  saurons 
cela  dans  un  mois.  »  Le  27,  la  crise  approche  : 
«  Je  n'aime  ni  la  politique  ni  les  affaires.  Je  suis 
fourré  jusqu'aux  oreilles  dans  les  affaires,   et  la 
politique  me  menace  comme  l'épée  de  Damoclès.  » 
Voici  enfin,  le  28,  qu'il  a  mordu  à  l'appât  :  «  Je 
viens  de  recevoir  le  courrier  de  France.   Tout 
le   monde  est   content.   Le  prince,   le   ministre 
me   comblent  d'éloges.   On   me  nommera  géné- 
ral de  division  à  ma  rentrée  de  l'expédition.  » 


LE    GÉNÉRAL    CAMOU.  273 

C'en  est  fait;   le   voilà  définitivement  acquis  et 
pris. 

Pendant  ce  temps,  le  général  Camou,  qui,  dès 
avant  d'être  rallié  par  Bosquet,  venait  de  recevoir 
deux  bataillons  de  la  division  d'Alger,  avait  ren- 
contré et  battu,  le  23  mai,  Bou-Baghla,  dans  la 
vallée  du  Bou-Sellam,  affluent  de  l'Oued-Sahel.La 
jonction  faite,  il  le  battit  derechef,  le  1""  juin,  de 
concert  avec  le  général  Bosquet.  Ne  laissant  ni  aux 
adhérents  du  chéri f  ni  au  chérif  lui-même  ni  trêve 
ni  relâche,  il  le  contraignit  à  rentrer  dans  le  Djur- 
djura.  Le  2  juillet,  sur  la  place  du  marché  d'Akbou, 
les  tribus  dont  le  général  venait  de  parcourir  le 
territoire  jurèrent,  entre  les  mains  du  marabout 
Si-ben-Ali-Chérif,  une  alliance  offensive  et  défen- 
sive contre  les  entreprises  de  Bou-Baglila  ou  de 
tout  autre  agitateur.  «  La  mission  du  général 
Camou  se  trouvait  dès  lors  terminée,  disait  dans 
son  rapport  au  ministre  de  la  guerre  le  gouverneur 
par  intérim;  toutes  les  tribus  de  la  rive  droite  de 
rOued-Sahel,  et  celles  de  la  rive  gauche  depuis  les 
Beni-Mellikeuch  jusqu'à  Bougie,  étaient  rentrées 
dans  le  devoir.  Si-ben-Ali-Cliérif  était  réinstallé 
dans  la  zaouïa  de  Cliellata  avec  les  honneurs  de  la 
guerre  et  un  accroissement  d'influence.  Bou- 
Baghla  était  refoulé  chez  les  Zouaoua  et  son  im- 

II-  18 


274  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

puissance  démontrée  au  grand  jour.  »  Le  1 1  juillet, 
les  généraux  Camou  et  Bosquet  se  dirent  adieu  et 
regagnèrent,  le  premier  Alger,  l'autre  Sélif. 

Cette  suite  d'opérations,  bien  moins  célébrée 
que  la  campagne  à  fanfare  du  général  de  Saint- 
Arnaud,  avait  été  bien  plus  profitable.  Nous  avons 
abandonné  la  pièce  à  spectacle  après  son  deuxième 
acte;  elle  en  eut  un  troisième,  du  5  au  16  juin, 
toujours  aux  environs  de  Djidjeli,  un  quatrième, 
du  1 8  au  26,  à  l'est,  sur  la  rive  gauche  de  l'Oued- 
Kebir,  enfin  un  cinquième,  du  V  au  15  juillet, 
sur  la  rive  droite  jusque  dans  Colio.  Le  26  juin, 
comme  la  colonne  descendait  à  Kounar,  à  l'em- 
bouchure de  l'Oued-Nil,  à  mi-disiance  entre  Dji- 
djeli et  rOued-Kebir,  pour  recevoir  les  vivres  que 
lui  apportait  le  Titan,  une  masse  de  Kabyles  était 
tombée  sur  l'arrière-garde  commandée  par  le 
colonel  Marulaz.  La  lutte  corps  à  corps  avait  été 
terrible;  l'ennemi  s'était  enfin  retiré,  laissant 
quatre-vingts  morts  sur  la  place,  mais  l'arrière- 
garde  avait  perdu  vingt-huit  tués,  dont  deux  offi- 
ciers, et  cent  trois  blessés.  Le  1 5  juillet,  le  bivouac 
fut  pris  sous  les  murs  de  Collo;  quand  cette 
bicoque  eut  été  mise,  tant  bien  que  mal,  en  état  de 
repousser  les  insultes  de  ses  voisins  kabyles,  le 
général  de  Saint-Arnaud  licencia  sa  colonne,  ren- 


RÉSULTATS    DE    L'EXPÉDITION.  275 

voya  les  corps  à  leurs  garnisons  et  prononça  la 
clôture  de  cette  campagne  qu'il  résumait,  pour  les 
siens,  en  style  de  bulletin  d'une  concision  napo- 
léonienne :   «  Quatre-vingts  jours   d'expédition, 
vingt-six  combats,  lutte  vive  et  acharnée,  mille 
hommes  touchés  par  l'ennemi,  un  sur  sept,  et  tou- 
jours des  succès!  Expédition  critiquée  au  début, 
rude  à  conduire,  aujourd'hui  juste  sujet  d'éloges.» 
Depuis   cinq  jours   il    était    divisionnaire,    et 
presque  tout  de  suite  il  fut  appelé  au  commande- 
ment d'une  division   active    à   Paris,  Ce  fut  le 
résultat  le  plus  clair  de  cette  grande  prise  d'armes. 
On  lit  dans  les  mémoires  du  maréchal  Randon  : 
a  L'expédition  s'accomplit  avec  des  succès  variés; 
ses  résultats,    comme    affermissement  de   notre 
domination,  furent  à  peu  près  nuls,  et  quand,  en 
1853,  nous  parûmes  dans  la  même  contrée,  nous 
ne  trouvâmes  ni  vestiges  ni  souvenirs  de  l'appa- 
rition de  nos  colonnes  en  1 851 .  » 


18. 


276  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 


VIII 


Chassé  de  l'Oued-Sahel  par  le  général  Camou, 
comme  on  vient  de  voir,  Bou-Baghla  n'avait  fait 
que  traverser  la  Grande  Kabylie,  et  avait  reparu 
sur  le  Sebaou,  chez  les  Guechtoula.  Sur  cette  nou- 
velle, et  par  les  ordres  du  général  Pélissier,  tou- 
jours gouverneur  intérimaire  à  la  place  du  général 
d'Hautpoul,  qu'on  ne  devait  plus  revoir  d'ailleurs 
en  Algérie,  le  lieutenant-colonel  Bourbaki  alla 
s'établir,  au  mois  d'août,  avec  deux  bataillons  de 
zouaves,  un  bataillon  du  25"  léger,  deux  esca- 
drons de  spahis  et  deux  obusiers  de  montagne,  au 
camp  de  Dra-el-Mizane.  Cette  démonstration 
n'ayant  pas  suffi  à  rétablir  le  calme  dans  ces  pa- 
rages, le  gouverneur  y  fit  marcher,  au  mois  de 
septembre,  sous  les  ordres  du  général  Cuny,  une 
colonne  de  trois  bataillons  et  de  deux  escadrons, 
d'un  effectif  de  deux  mille   six  cents  hommes. 


I 


COMBAT    DE    TIZILT-MAHMOUD.  277 

L'agitation  diminua,  mais  ne  cessa  pas;  il  arriva 
même  que  les  Flissa,  dont  la  défection  n'avait 
d'abord  été  que  partielle,  finirent  par  se  déclarer 
tous  pour  la  cause  du  chérif.  Dans  cette  conjonc- 
ture, le  général  Pélissier  constitua  sous  les  ordres 
du  général  Camou  une  seconde  colonne  forte  de 
cinq  mille  hommes,  y  compris  les  corps  détachés 
au  camp  de  Dra-el-Mizane,  en  se  réservant  la 
direction  des  opérations  militaires  et  le  comman- 
dement supérieur  des  deux  colonnes  réunies.  Celle 
du  général  Cuny  occupait  la  position  de  Tizi- 
Ouzou,  dont  elle  avait  relevé  le  bordj.  Arrivé,  le 
30  octobre,  à  Dra-el-Mizane,  le  gouverneur  mit 
les  deux  colonnes  en  mouvement,  le  i  '  novembre. 
Malmené  le  2,  Bou-Baghla  fut  atteint  et  battu, 
le  3,  au  village  de  Tizilt-Mahmoud,  qui  passait 
pour  inaccessible.  Jamais,  en  effet,  dans  les  que- 
relles entre  Kabyles,  ce  village  n'avait  pu  être 
emporté  par  les  uns  ou  par  les  autres;  aussi  était-il 
devenu  une  sorte  d'entrepôt  où  chacun  avait  cru 
mettre  en  sûreté  son  avoir.  Après  que  les  troupes 
s'y  furent  ravitaillées,  il  fut  mis  à  sac,  et  les 
flammes  qui  le  dévorèrent  servirent  de  signal  à 
d'autres  incendies;  dans  un  rayon  de  quatre  lieues 
et  dans  ce  seul  jour,  les  troupes  brûlèrent  vingt- 
neuf  villages. 


278  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Dès  le  4,  les  offres  de  soumission  et  les  otages 
commencèrent  d'affluer.  Laissant  au  campement 
le  général  Cuny  pour  hâter  le  recouvrement  des 
amendes,  le  général  Pélissier,  accompagné  du 
général  Camou,  se  porta  chez  les  Mâtka.  De  plus 
ou  moins  bonne  grâce,  les  tribus  de  cette  confé- 
dération se  soumirent.  Alors  le  gouverneur  par 
intérim  fit  succéder  à  l'action  militaire  les  opéra- 
tions administratives.  Il  décida  qu'à  l'avenir  les 
populations  voisines  du  plateau  de  Boghni  relè- 
veraient directement  de  l'autorité  française,  et 
il  leur  donna  pour  chef,  avec  toute  l'auto- 
rité d'un  kaïd,  le  lieutenant  Beauprètre.  Celui- 
ci  eut  Dra-el-Mizane  pour  résidence,  et  pour 
force  publique  une  compagnie  de  cent  soixante- 
quinze  tirailleurs  avec  un  raaghzen  de  cinquante 
chevaux. 

Les  Flissa  restaient  à  réduire.  Il  ne  fut  pas 
nécessaire  d'employer  contre  eux  la  rigueur  d'une 
exécution  militaire;  la  menace  y  suffit.  Réunies  à 
Bordj-Mnaïel,  toutes  les  djemâ  de  cette  grande 
tribu  se  soumirent  aux  conditions  du  plus  fort.  Le 
général  Pélissier  rentra,  le  2*7  novembre,  au  palais 
d'Alger. 

Le  26  octobre,  le  général  de  Saint-Arnaud  avait 
remplacé  le  général  Randon  au  ministère  de  la 


LE    GÉNÉRAL   RANDON.  279 

guerre.  Le  2  décembre,  il  exécutait  le  coup  de 
force  en  vue  duquel  il  avait  été  appelé  d'Afrique  à 
Paris.  Le  11  décembre,  le  général  Randon  fut 
nommé  gouverneur  général  de  l'Algérie;  le  1  "jan- 
vier 1852,  il  était  à  son  poste. 


CHAPITRE  X 

ACHEVEMENT  DE  LA  CONQUÊTE, 


I.  —  Gouvernement  du  général  Randon.  —  Le  général  Bosquet.  — 
Soumission  de  Si-Djoudi  et  des  Zouaoua,  —  Le  général  de  Mac 
Mahon  dans  la  Petite  Kabylie.  —  Opérations  sur  les  frontières  de 
l'est  et  de  l'ouest. 

II.  —  Mohammed-ben-Abdallah,  le  diérif  d'Ouargia.  — Insurrection 
de  Laghouat.  —  Si-Hamza.  —  Les  trois  régiments  de  zouaves.  — 
Pélissier  et  Jusuf,  —  Prise  et  occupation  délinitive  de  Lagliouat. 

—  Mort  de  Tedjini.  —  Succès  de  J-i-Hamza. 

III.  —  Grand  projet  du  général  Randon.  —  Le  maréchal  de  Saint- 
Arnaud. —  Expédition  dans  la  Petite  Kabjlie. —  Le  lieutenant- 
colonel  Cler  et  le  général  Bosquet.  —  La  messe  en  Kabylie.  — 
Soumission  des  Babors. 

IV.  —  Vaste  ojiération  dans  le  sud.  —  Soumission  du  Mzab.  —  Le 
colonel  Durrieu  et  Si-Flamza.  —  Le  général  Randon  à  Lagliouat. 

—  Tougourte.  —  Soumission  de  l'Oued-Righ  etdu  Souf.  —  Puits 
artésiens. 

V.  —  Contribution  de  l'armée  d'Afrique  à  la  guerre  de  Crimée.  — 
Agitation  dans  la  Grande  Kabylie.  —  Expédition  du  général 
Randon.  —  Situation  critique  —  Mort  de  Bou-Baghla. 

YI.  —  Le  général  Randon  nommé  maréchal.  —  Mouvements  en 
Kabylie.  —  Opérations  contre  les  Guechtoula.  —  Plans  du  maré- 
chal Randon. 

VII.  —  Campagne  décisive  dans  la  Grande  Kabylie.  —  Soumission 
des  Benf-Raten.  —  Souk-el-Arba.  —  Ouverture  d'une  route  et 
construction  dun   fort.  —  Combat  d'Icberidon.  —  Soumission 


282  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

définitive  de  la  Grande  Kabylie.  — Lettre  du  maréchal  Bosquet  au 
maréchal  Raiulon. 
VIII.  —  Conclusion.  —  La  conquête  du  sol  est  achevée.  —  Reste  à 
faire  la  conquête  morale. 


I 


Au  1'' janvier  185^,  voici  quel  était  en  Algérie 
l'état  du  haut  personnel  militaire.  Le  général  Ran- 
don,  gouverneur,  avait  pour  chef  d'état-major  le 
général  de  Martimprey,  pour  sous-chef  le  lieu- 
tenant-colonel de  Cissey,  pour  premier  aide  de 
camp  le  commandant  Ribourt.  Le  général  Garaou, 
commatidant  la  division  d'Alger,  avait  sous  ses 
ordres  directement  le  général  Pâté,  dans  la  subdi- 
vision de  Miliana  le  général  Maissiat,  dans  la  sub- 
division d'Aumale  le  général  d'Aurelle,  dans  la 
subdivision  de  IMédéa  le  général  de  Ladmirault.  A 
la  tête  de  la  division  d'Oran,  le  général  Pélissier 
avait  sous  ses  ordres  directement  le  général  de 
Luzy-Pellissac,  à  TIemcen  le  général  de  Mac 
Mahon,  à  Mascara  le  général  Bouscaren;  la  sub- 
division de  Moslaganem  était  alors  sans  titulaire. 
Sous  les  ordres  du  général  de  Salles,  commandant 
la  division  de  Constantine,  étaient,  à  Constantine 
même  le  général  d'Autemarre,  à  Sétif  le  général 
Bosquet. 


LE    GÉNÉRAL   BOSQUET.  283 

Ce  fut  le  général  Bosquet  qui  eut  le  premier,  en 
1852,  à  faire  parler  la  poudre.  Bou-Baghla,  ce 
revenant  perpétuel,  avait  fait  irruption  dans 
rOued-Sahel  inférieur,  brûlé,  le  1  4  janvier,  le 
village  d'Aguemoun  qui  lui  faisait  résistance  et 
malmené  le  maghzen  de  Bougie.  Quatre  jours 
après,  la  colonne  active  de  Sétif  était  en  marche; 
elle  comptait  quinze  cents  baïonnettes,  cent  cin- 
quante sabres  et  deux  obusiers  de  montagne.  Le 
21,  au  milieu  du  pays  insurgé,  elle  était  rejointe 
par  le  colonel  Jamin,  venu  de  Bougie  avec  deux 
bataillons  et  deux  autres  pièces  de  montagne;  son 
efifectif  dès  lors  fut  doublé.  A  cet  ensemble  de 
forces  animées  par  l'énergie  du  commandement 
Bou-Baghla  ne  pouvait  pas  tenir  lête.  Attaqué,  le 
26  janvier,  sur  le  territoire  des  Beni-Mansour,  il 
fut  rejeté  de  l'autre  côté  du  Djurdjura.  Le  4  fé- 
vrier, la  colonne  occupait  le  col  d' Akfadou,  domi- 
nant à  l'est  rOiied-Sahel  inférieur,  à  l'ouest  la 
vallée  du  haut  Sebaou. 

L'action  militaire  avait  atteint  son  objet.  «  Il 
ne  saurait  être  question,  à  l'époque  actuelle, 
écrivait  le  général  Randon  à  Saint-Arnaud,  mi- 
nistre de  la  guerre,  de  faire  une  expédition  pro- 
fonde, que  la  colonne  n'aurait  pas  d'ailleurs  les 
moyens  d'exécuter  et  qui  ne  pourrait  être  que 


28i  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

comprometlante   pour  le  présent,  sans  bénéfice 
pour  l'avenir.  » 

C'est  le  grand,  le  principal  mérite  du  général 
Randon,  dans  son  gouvernement  d'Algérie,  d'avoir 
voulu  substituer  quelque  chose  de  permanent  à  ces 
allées  et  venues  de  colonnes  derrière  lesquelles 
les  populations  traversées  se  rejoignaient  comme 
les  flots  sur  le  sillage  d'un  navire,  et  d'avoir  com- 
pris que,  pour  garantir  la  permanence  des  établis- 
sements, il  fallait  leur  assurer  d'abord  des  com- 
munications permanentes.  La  belle  route  ouverte 
par  lui  dans  la  forêt  de  l'Edough  est  restée  le 
meilleur  souvenir  et  comme  le  monument  de  son 
commandement  de  Bone  en  1842.  C'est  pourquoi 
il  ajoutait  dans  sa  dépêche  à  Saint-Arnaud  :  «  La 
route  qui  doit  joindre  Alger  à  Bougie,  en  traver- 
sant la  Kabylie,  doit  être  l'objet  d'une  attention 
toute  particulière.  Il  importe  de  reconnaître  la 
véritable  direction  à  lui  donner  de  Bougie  aux 
crêtes  des  montagnes  qui  forment,  à  l'est,  le 
bassin  du  Sebaou,  d'en  indiquer  le  tracé  et  même 
de  procéder  autant  que  possible  à  des  travaux 
d'ouverture.  Nous  faciliterons  ainsi  les  opérations 
militaires  à  entreprendre  ultérieurement  contre  la 
Grande  Kabylie,  et  nous  assurerons  la  tranquillité 
du  pays  en  prouvant  dès  aujourd'hui  aux  indi- 


LE    GÉNÉRAL    BOSQUET.  285 

gènes  notre   ferme   volonté    d'établir  fortement 
chez  eux  notre  domination  et  notre  autorité.  » 

Dès  le  5  février,  les  troupes  se  mirent  à  l'œuvre 
entre  Bougie  et  Ksar-Kbouch,  tandis  qu'un  peu 
plus  au  sud,  des  corvées  de  Kabyles  travaillaient 
entre  Akfadou  et  l'Oued-Sahel.  Le  12,  voici  ce 
qu'écrivait  à  sa  mère  le  général  Bosquet  :  «  Nous 
sommes  bivouaques  au  sommet  des  montagnes  et 
contre  les  neiges  du  Djurdjura,  qui  ne  fondent 
qu'au  printemps.  De  la  porte  de  ma  tente,  je  vois 
dans  le  lointain  un  coin  du  grand  golfe  de  Bougie 
et  toutes  les  montagnes  du  plateau  de  Sétif  à  qua- 
rante lieues  de  nous;  la  belle  vallée  de  l'Oued- 
Sahel  se  déroule  en  bas,  à  nos  pieds,  dans  une 
étendue  de  vingt-cinq   lieues.  C'est  un  tableau 
imposant,  très  beau.  Depuis  quelques  jours,  nous 
n'avons  plus,  à  portée,  d'ennemis  à  combattre. 
J'ai  des  otages  de  partout,  dans  les  limites  que  j'ai 
dû  accepter.  Nos  soldats,  comme  ceux  des  légions 
romaines,  ont  posé  leurs  armes  pour  prendre  la 
pioche,  le  pic  à  roc  et  la  barre  à  mine.  Je  fais  dans 
ces  montagnes  une  route  qui  conduira  de  Bougie 
jusqu'au  plateau  du  Djurdjura;  nous  nous  en  ser- 
virons au  printemps;  elle  sera  l'amorce  de  la  route 
future  de  Bougie  à  Alger.  C'est  une  prise  de  pos- 
session du  pays  qui  crève  le  cœur  de  nos  mon- 


286  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

lagnards  et  leur  fixe  des  limites  précises  à  la 
résistance  qu'ils  rêvent  contre  le  conquérant. 
Malgré  une  neige  qui  tombe  très  claire,  nos  sol- 
dats travaillent  sur  la  route;  je  viens  de  leur 
envoyer  à  chacun  un  bon  verre  d'eau-de-vie.  Si 
Annibal  en  avait  eu  dans  les  Alpes,  je  crois  qu'il 
en  aurait  usé  plutôt  que  de  vinaigre.  » 

Douze  jours  après,  la  note  était  tout  autre,  et 
l'énergique  émotion  du  chef  faisait  vibrer  son 
récit  d'un  accent  tragique.  Le  19  février,  cette 
neige  très  claire  s'était  épaissie;  les  communi- 
cations avec  Bougie  étaient  coupées;  on  allait 
manquer  de  vivres;  le  22,  il  fallut  lever  le  cam- 
pement. Bientôt  toute  marche  en  ordre  devint 
impossible;  l'avant-garde  qui  devait  faire  halte  au 
pied  de  la  montagne  voulut  poursuivre  coûte  que 
coûte;  en  s'égarant  elle  égara  tout  ce  qui  suivait; 
ceux  qui  tombaient  sur  la  neige  étaient  bientôt 
ensevelis  sous  la  neige.  Pendant  quarante-huit 
heures  on  dut  croire  à  des  pertes  inouïes,  à  un 
désastre  sans  nom. 

Enfin,  le  24,  à  minuit,  le  général  Bosquet  put 
écrire,  de  Bougie,  à  sa  mère  :  «  Sache  que, 
depuis  trente  ans,  on  n'avait  pas  vu  de  tourmente 
de  neige  sur  le  terrain  oii  je  bivouaquais  et  (|ue 
cette  tempête  est  un  vrai  monstre  d'ouragan.  Pour 


LE    GÉNÉRAL    BOSQUET.  287 

n'abandonner  personne,  j'étais  resté  le  dernier, 
avec  six  compagnies  d'élite  et  mon  ami  Jamin. 
Quelle  journée  et  quelle  nuit!  Et  que  de  traits  de 
dévouement,  d'énergie  !  Rien  n'est  beau  comme  un 
brave  soldat!  La  veille  du  départ,  quand  la  tour- 
mente se  déclara  dans  sa  furie,  je  mis  mes  hommes 
en  mouvement  pour  les  réchauffer;  et  la  nuit  je 
fis  faire  de  grands  feux  autour  desquels  on  se  pres- 
sait, mais  en  manœuvrant  pour  que  chacun  à  sou 
tour  pût  approcher.  Toutes  les  cinq  minutes,  je 
criais  ou  faisais  crier  :  Qui  vive?  et  chacun  devait 
répondre  :  Présent!  Enfin,  les  voilà  casés  à  Bou- 
gie! J'y  suis  arrivé  le  dernier,  hier,  et  j'ai  fait  ma 
première  visite  à  l'hôpital  où  j'ai  été  mettre  pied 
à  terre  avant  d'entrer  dans  le  logement  qui  m'était 
préparé.  J'aurai  perdu  une  cinquantaine  d'hommes 
gelés,  peut-être;  j'en  ai  près  de  deux  cents  endo- 
loris des  pieds.  J'espère  n'avoir  que  très  peu  de 
cas  d'amputation.  Ces  pauvres  soldats  me  remer- 
ciaient du  regard  et  me  demandaient  :  «  Et  vous? 
«  où  en  sont  vos  pieds?  »  Ils  savaient  que  j'avais 
marché,  à  pied,  derrière,  toute  la  journée  et  à  peu 
près  toute  la  nuit,  vingt-deux  heures,  dans  la 
neige,    relevant    plusieurs    d'entre    eux.     Nous 
sommes  très  bons  amis,  et  j'aime  bien  ces  amis- 
là!  » 


288  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Quelques  jours  plus  tard,  il  écrivait  encore  : 
((  La  part  du  mal  a  été  minime,  quand  on  la  com- 
pare aux  chances  probables.  De  mémoire  de  vieil- 
lard, on  n'avait  pas  eu,  depuis  trente  ans  et  plus, 
de  neige  pendant  plus  de  cinq  à  six  heures.  La 
température  était  celle  du  printemps;  on  avait 
cueilli  des  violettes  dans  la  journée.  La  nuit  était 
chaude,   lorsque  vers   une  heure  du  matin,   il 
tomba  de  la  neige  sans  froid  ni  vent.  Le  lendemain, 
du  soleil,  température  chaude;  mais,  vers  le  miheu 
de  la  journée  suivante,  ce  fut  la  foudre;  des  tour- 
billons à  ne  pas  se  voir,  à  renverser  hommes  et 
chevaux.  Nous  partîmes  au  jour,  et  la  tempête  a 
duré  quatre  jours  et  demi  derrière  nous,  cou- 
vrant le  bivouac  de   cinq  pieds  de  neige.  Plus 
d'une  fois,  j'ai  dû  abandonner  des  cadavres,  jetant 
sur  eux  une  poignée  de  neige  en  signe  d'adieu 
pour  nous  et  leurs  familles,  et  levant  les  yeux  au 
ciel  pour  le  prier  qu'il  nous  fût  permis  promp- 
tement  de  leur  donner  une  autre  sépulture.  Je 
reste  responsable  devant  les  hommes  du  naufrage 
de  ma  colonne;  mais  le  témoignage  de  mes  soldats, 
de  mes  officiers,  des  étrangers,  de  tout  le  monde 
qui  m'écrit,  est  trop  d'accord  avec  celui  de  ma 
conscience  pour  me  laisser  dans  le  cœur  un  autre 
sentiment  que  la  douleur  d'avoir  perdu  de  braves 


SOUMISSION    DE    SI-DJOLDI.  289 

gens  et  d'en  voir  soulfrir  d'autres  que  tous  mes 
efforts  n'ont  pu  sauver.  » 

Ces  lignes  étaient  écrites  de  l'ancien  bivouac, 
du  bivouac  funèbre,  où  la  colonne  mutilée,  mais 
renforcée  par  un  bataillon  de  zouaves  arrivé 
d'Alger,  avait  repris  position,  le  3  mars.  Les 
Kabyles,  qui  l'avaient  crue  anéantie,  furent  plus 
frappés  de  son  retour  que  de  sa  première  appa- 
rition sur  leurs  crêtes.  Le  24,  le  général  Bosquet 
la  ramena  dans  ses  cantonnements  à  Sétif. 

Les  derniers  écliecs  de  Bou-Baghla,  ou  plus 
probablement  ses  prétentions  à  la  prépotence, 
venaient  de  causer  en  Kabylie  une  défection  d'im- 
portance et  tout  à  fait  inattendue.  Le  fameux  chef 
des  Zouaoua,  Si-Djoudi,  s'étais  mis  secrètement 
en  rapport  avec  le  lieutenant  Beauprètre,  com- 
mandant du  poste  de  Dra-el-Mizane,  et  tout  à 
coup,  vers  la  lin  de  mars,  on  le  vit  arriver  à 
Alger,  suivi  de  quatre-vingt-douze  délégués  des 
tribus  qui,  jusque  dans  cette  résolution  décisive, 
avaient  subi  son  influence.  Le  7  avril,  le  gouver- 
neur le  reçut  solennellement  dans  la  cour  de  son 
palais.  Là,  en  présence  du  meufti  et  des  oulémas, 
Si-Djoudi  et  ses  adhérents  jurèrent  sur  le  Coran 
de  chasser  de  leurs  montagnes  Bou-Baghla  et  tous 
les  fauteurs   de  guerre,  d'ouvrir  au   commerce 

II.  19 


290  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

l'accès  de  leurs  marchés,  d'accueillir  amicalement 
les  colonnes  françaises;  après  quoi  Si-Djoudi  fut 
proclamé  bacbagha  du  Djurdjura  et  revêtu  du 
burnous  d'investiture.  C'était  assurément  un 
grand  pas  fait  vers  la  soumission  de  la  Kabylie; 
mais  il  y  avait  encore  loin  de  la  réalité  aux  appa- 
rences. 

Si  le  ministre  de  la  guerre  en  avait  voulu  croire 
le  gouverneur  de  l'Algérie,  on  en  aurait  tout  de 
suite  fait  l'épreuve.  Le  général  Randon  avait  un 
plan  pour  soumettre  le  Djurdjura;  mais  Saint- 
Arnaud,  qui,  au  fond  de  sa  pensée,  voulait  se  ré- 
server l'entreprise,  la  jugea  prématurée,  s'y  opposa 
formellement,  et  n'autorisa  qu'une  opération 
excentrique,  comme  celle  qu'il  avait  dirigée  lui- 
même  en  1851,  à  savoir  une  expédition  sur 
CoUo. 

Forcé  de  renoncer  à  l'exécution  immédiate  de 
son  projet  favori,  le  général  Randon  ne  laissa  pas 
d'en  préparer  indirectement  les  chances.  Sous  le 
prétexte  d'empêcher  la  Grande  Kabylie  de  venir 
en  aide  à  la  Petite,  il  la  fit  investir  sur  ses  deux 
flancs  par  deux  colonnes,  l'une  à  l'ouest,  sous  les 
ordres  du  général  Camou,  l'autre  à  l'est,  sous  les 
ordres  du  général  Maissiat.  Non  seulement  elles  de- 
vaient observer,  celle-ci  la  vallée  de  l'Oued-Sahel, 


EXPÉDITION    SUR    COLLO.  291 

celle-là  les  abords  du  plateau  de  Boghni,  mais  leur 
plus  importante  mission  était,  pour  la  première, 
d'établir  une  communication  entre  Dellys  et  Au- 
male,  par  Bordj-Mnaïel,  Dra-el-Mizane  et  Bordj- 
Bouira,  avec  des  amorces  transversales  de  Bordj- 
Mnaïel  sur  Tizi-Ouzou,  et  de  Bordj-Bouira  sur 
Beni-Mansour;  pour  la  seconde,  d'améliorer  et  de 
rendre  partout  carrossable  la  route  ouverte,  en 
1850,  de  Sétif  à  Bougie.  C'est  pourquoi  ces  deux 
colonnes  reçurent  des  effectifs  assez  élevés  pour 
leur  permettre  de  fournir  chaque  jour  un  nombre 
suffisant  de  travailleurs. 

Le  général  de  Salles  venant  d'être  nommé  divi- 
sionnaire et  rappelé  en  France,  ce  fut  le  général 
de  Mac  Mahon,  son  successeur  au  commandement 
de  la  division  de  Conslantine,  qui  reçut  la  direc- 
tion de  l'opération  sur  Collo.  La  colonne  active, 
réunie  à  Mila,  était  de  six  mille  cinq  cents  hommes, 
en  deux  brigades,  sous  les  ordres  des  généraux 
Bosquet  et  d'Autemarre.  La  cavalerie,  dont  le  rôle 
devait  être  bien  peu  actif  dans  un  pays  très  acci- 
denté, se  réduisait  à  dou\  escadrons,  un  de 
chasseurs  d'Afrique,  l'autre  de  spahis.  Une 
seule  batterie  de  montagne  avait  été  jugée  suffi- 
sante. 

Sorti  de  Mila  le  1 2  mai,  le  général  de  Mac  ^lahon 

19. 


292  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

élail,  le  1 5,  en  plein  pays  kabyle.  Il  n'y  eut  d'abord 
que  des  fusillades  de  nuit  contre  le  bivouac,  qui, 
protégé  par  ses  grand'gardes,  ne  s'en  inquiéta 
guère.  Les  affaires  les  plus  vives  eurent  lieu  le  21 
et  le  31  mai.  Elles  eurent  pour  effet  la  soumission 
plus  ou  moins  sincère  des  tribus  les  plus  belliqueu- 
ses. Le  4  juin,  la  colonne  pénétra  chez  les  fameux 
Beni-Toufoul,  renommés  pour  leur  turbulence  et 
leur  sauvagerie;  le  1 0,  ils  apportaient  leurs  douros 
d'amende.  Le  H ,  le  général  de  Mac  Mahon  entrait 
dans  CoUo.  Ses  premières  instructions  lui  prescri- 
vaient d'y  faire  une  installation  définitive;  mais  il 
lui  était  arrivé  de  Philippeville  des  nouvellesgraves 
et  d'Alger  de  nouveaux  ordres.  Une  insurrection 
avait  éclaté  dans  l'est  de  la  province  de  Constan- 
tine;  le  gouverneur  ordonnait  d'y  envoyer  d'ur- 
gence le  général  d'Autemarre  avec  la  moitié  de  sa 
brigade,  de  surseoir  à  l'occupation  de  Collo,  mais 
d'achever  aux  alentours  la  soumission  de  la  mon- 
tagne. Des  contingents  nombreux  s'étaient  donné 
rendez-vous  sur  le  Djebel-Gouffî;  ils  s'y  croyaient 
inexpugnables.  Le  général  de  Mac  Mahon  leur  en 
donna  le  démenti;  il  les  en  fit  déloger  le  17  juin, 
et,  comme  ce  fut  fini  de  la  résistance,  il  re- 
prit le  chemin  de  Constantine,  où  il  rentra  le 
3  juillet. 


RÉSULTAT    DE    L'EXPÉDITION.  293 

Si  l'on  veut  juger,  non  de  la  conduite,  qui  fut 
excellente,  mais  de  la  valeur  etTective  de  cette  opé- 
ration, il  faut  entendre  celui  qui,  après  le  général 
de  Mac  Mahon,  y  eut  la  plus  grande  part.  Voici  ce 
que  le  général  Bosquet  écrivait,  d'abord  le  5  juin, 
à  sa  mère  :  «  La  campagae  de  l'an  passé,  conduite 
par  le  célèbre  M.  de  Saint-Arnaud,  au  lieu  de  pré- 
parer le  pays  à  la  soumission,  n'y  a  laissé  que  des 
semences  d'irritation  et  d'espoir  d'indépendance. 
Cet  étalage  d'heureux  succès,  dont  les  journaux 
ont  assourdi  leurs  lecteurs  à  l'époque  en  question, 
fait  honneur  à  l'imagination  de  celui  et  de  ceux 
qui  les  ont  inventés.  La  vérité  est  pour  nous  et 
malheureusement  qu'il  y  aurait  plutôt  un  blâme  à 
infliger.  Les  mauvaises  manœuvres  de  l'an  der- 
nier rendent  aujourd'hui  notre  tâche  plus  diffi- 
cile »;  puis,  le  11  juin  :  «  Nous  sommes  arrivés 
dans  les  montagnes  voisines  de  Gollo,  à  travers  un 
chaos  de  hauteurs  et  de  lavins  et  de  Kabyles  dé- 
fendant bravement  leur  pays.  Ce  sera  une  longue 
opération  de  plusieurs  années  que  de  soumettre 
ces  montagnards.  L'an  passé,  pour  faire  une  posi- 
tion à  M.  Saint-ArnaudjOnacru  utilede  tromperla 
France  et  de  lui  conter  que  la  Kabylie  orientale 
était  à  peu  près  soumise;  le  tour  est  fait,  comme 
on  dit  dans  ce  raoude-là,  mais  ici  la  chose  n'est 


294  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

pas  faite.  Nous  en  avons  ébauché  une  petite  partie 
avec  de  grands  etTorts.  Je  crois  que  la  campa- 
gne va  être  interrompue  par  des  mouvements 
d'insurrection  qui  se  développent  sur  la  fron- 
tière de  Tunis  et  dont  le  caractère  devient  très 
sérieux.» 

Dans  la  nuit  du  1"  au  2  juin,  dix  hommes  du 
1 0'  de  ligne  qui  gardaient  un  caravansérail  en 
construction  à  quelqueslieues  de Ghelma,  s'étaient 
vus  subitement  assaillis  par  une  bande  d'insurgés 
et  avaient  perdu  deux  des  leurs;  le  12,  un  pareil 
guet-apens  avait  surpris  non  loin  de  Bone,  dans 
la  forêt  de  Beni-Sala,  un  détachement  de  bùche- 
lons  militaires;  de  dix-huit,  onze  furent  tués. Fait 
plus  grave,  dès  le  5,  les  puissantes  tribus  des  Ha- 
rakta  et  des  Nemencha  s'étaient  mises  en  armes 
et  avaient  investi  le  poste  d'Aïn-Beïda.  Les  uns  et 
les  autres  avaient  bien  spéculé  sur  la  diminution 
de  forces  de  la  province  pendant  l'expédition  de 
CoUo.  Heureusement  l'énergie  des  commandants 
de  cercle  y  suppléa;  ils  ne  permirent  pas  à  ces 
tronçons  de  révolte  de  se  rejoindre  et  de  prendre 
corps,  et  quand  des  renforts  arrivèrent  d'Alger  et 
de  Dellys,  une  grande  partie  du  mal  était  réparée. 
Le  chef  du  bureau  arabe  de  Bone,  le  capitaine 
Mesmer,  s'était  fait  bravement  tuer,  mais  l'offen- 


LE    GÉNÉRAL    DE    MAC    MAHON.  295 

sive  qu'il  avait  prise  avaii  fait  reculer  l'insurrec- 
tion et  permis  au  colonel  de  Tourville  de  rétablir 
l'ordre  autour  de  Bone  et  de  Ghelma.  Tout  était 
fini  de  ce  côté  quand  y  arriva  de  Collo  le  général 
d'Autemarre. 

Il  restait  à  châtier  les  Harakia  et  les  Nemencha. 
De  retour,  le  3  juillet,  à  Constantine,  le  général  de 
Mac  Mahon  en  repartit  le  4,  se  fit  rejoindre  par  la 
colonne  d'Autemarre,  et  marcha  aux  insurgés  avec 
huit  bataillons,  quatre  escadrons  et  six.  pièces  de 
montagne.  Les  tribus  menacées  avaient  évacué 
leurs  territoires  et  s'étaient  réfugiées  en  Tunisie, 
sans  y  avoir  été  désarmées  par  les  autorités  tuni- 
siennes. Devant  ce  manque  de  foi  et  ce  mépris  des 
obligations  internationales,  le  général  n'hésita  pas; 
il  passa  la  frontière,  atteignit,  le  13  juillet,  avec  sa 
cavalerie,  l'émigration  près  de  la  montagne  de 
Kala,  lui  tua  quatre  cents  hommes  et  lui  prit  seize 
mille  moutons,  huit  cents  bœufs,  une  centaine  de 
chameaux.  Tout  était  fait  quand  l'infanterie  sur- 
vint; elle  avait  marché  vingt-trois  heures.  Après 
cette  exécution,  le  généial  Mac  Mahon  rentra 
d'abord  sur  son  territoire,  fit  route  au  nord,  et, 
ayant  appris  que  les  Beni-Sala  étaient  aussi  passés 
en  pays  tunisien,  il  les  y  alla  chercher  et  châtier 
comme  les  autres. 


296  LA    CONQUÊTE   DE    L'ALGÉRIE. 

Ces  violations  de  frontières,  que  justifiaient  (Je 
ce  côté  l'incurie  et  la  mauvaise  foi  des  Tunisiens, 
l'incurie  et  la  mauvaise  foi  des  Marocains  les  jus- 
tifiaient pareillement  à  l'autre  extrémité  de  l'Al- 
gérie. Des  bandes  de  Beni-Snassen,  descendues  de 
leurs  montagnes,  étaient  venues,  sur  le  territoire 
français,  jusqu'à  Lalla-Maghnia  même,  attaquer 
des  Arabes  occupés  aux  travaux  des  champs  et 
s'en  étaient  allées  vendre  sur  le  marché  d'Oudjda 
les  dépouilles  ensanglantées  de  leurs  victimes. 
Toutes  les  réclamations  faites  au  kaïd  marocain 
n'ayant  obtenu  que  des  réponses  évasivesou  dila- 
toires, le  général  Montauban,  successeur  du  géné- 
ral de  Mac  Mahon  à  Tlemcen,  avait  réuni  des 
troupes  à  Lalla-Maghnia  et  à  Nemours,  était  entré 
chez  les  Beni-Snassen,  et  les  avait  battus  dans 
toutes  les  rencontres,  notamment  le  15  mai  et  le 
24  juin.  Ce  fut  seulement  alors  que  ces  monta- 
gnards, qui  prétendaient  à  l'indépendance,  solli- 
citèrent l'intervention  d'un  représentant  de 
l'empereur  Mouley-Abd-er-Rahmane,  le  kaïd  Si- 
Abd-es-Sadoc,  personnage  muet  jusqu'alors  et 
spectateur  impassible  des  événements.  Le  l""  juil- 
let, il  se  présenta  au  général  Montauban,  et, 
sans  observations,  sans  récriminations,  sous- 
crivit,   au  nom  des  Beni-Snassen,   à  toutes  les 


AGITATION    DU    SUD.  297 

conditions  qu'il  plut  au  général  de  leur  imposer. 
C'était  d'ailleurs  peu  de  chose  que  ces  épisodes 
des  frontières  de  l'est  et  de  l'ouest  en  comparaison 
des  incidents  graves  qui  agitaient  la  région  pro- 
fondément troublée  du  sud. 


298  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 


II 


A  dix  années  de  date  en  arrière,  en  1 842,  dans 
la  province  d'Oran,  un  aventurier  issu  des  Ouled- 
Sidi-Cheikli,  nommé,  comme  tous  les  prétendus 
((  maîtres  de  l'heure  »,  Mohammed-ben-Abdallah, 
s'était  produit  et  posé  en  rival  d'Abd-el-Kader.  Il 
avait  pris  d'abord  le  titre  de  sultan  ;  mais  comme 
il  n'avait  ni  par  ses  succès  personnels,  ni  par  l'ac- 
tion de  ses  adhérents  peu  nombreux,  justifié  son 
ambition  trop  haute,  il  était  descendu,  avec  l'agré- 
ment des  Français,  au  rang  déjà  trop  considérable 
de  khalifa  de  Tiemcen.  Par  ses  prétentions  et  ses 
contradictions,  il  s'était  rendu  si  insupportable  au 
général  Bedeau,  puis  au  général  Cavaignac,  que, 
sur  les  instances  de  celui-ci,  le  maréchal  Bugeaud, 
en  1845,  conseilla  paternellement  au  khalifa  d'al- 
ler chercher  son  titre  de  hadj  à  La  Mecque  et  lui 
fournit  largement  les  moyens  de  s'y  rendre.  On 
s'en  crut  débarrassé;  point  du  tout. 

Après  trois  années  de  séjour  dans  les  villes 


LE    CHÉRIF    D'OUARGLA.  299 

saintes,  le  pèlerin  reprit,  par  la  Tripolitaine  et  la 
Tunisie,  le  chemin  de  l'Algérie;  mais  au  lieu  de 
rentrer  dans  le  Tell,  sous  la  domination  française, 
il  s'établit  en  observation,  très  loin  au  sud,  à  cent 
quatre-vingt-dix  lieues  d'Alger,  dans  la  zaouïa  de 
Rouissat,  qui  dépendait  de  la  grande  oasis  d'Ouar- 
gla.  Depuis  la  disparition  d'Abd-el-Kader,  dans  le 
drame  qui  mettait  aux  prises  musulmans  et  roumi, 
la  scène  était  vide,  ou  plutôt  le  premier  rôle 
n'avait  plus  d'interprète.  Mohammed  se  flatta  d'en 
pouvoir  faire  le  personnage  et  s'y  prépara  pendant 
trois  années  encore,  en  étonnant,  en  gagnant,  en 
fascinant  par  ses  prédications  et  ses  pratiques  reli- 
gieuses les  nomades  sahariens. 

Quand  il  crut  le  moment  propice,  il  sortit  de  sa 
retraite,  au  mois  de  décembre  1851,  et,  suivi  d'une 
troupe  déjà  nombreuse,  s'avança  au  nord-ouest, 
par  le  Mzab.  Dans  tout  le  désert  on  ne  parlait  plus 
que  du  chérif  d'Ouargla;  c'est  le  litre  qui  lui  fut 
désormais  acquis.  Le  principal  clieikh  des  Larbâ 
vint  à  lui  avec  la  plus  grande  partie  de  sa  tribu,  et 
les  Ouled-Naïl  commencèrent  à  s'agiter.  L'agha  du 
Djebel-Amour  voulut  arrêter  ses  progrès;  mais, 
trahi  par  son  propre  goum,  il  fut  battu  à  Berriane 
et  se  trouva  trop  heureux  de  gagner  Laghouat.  Au 
reçu  de  ces  étonnantes  nouvelles,  le  général  Uan- 


300  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

don  donna  au  général  de  Ladmirault,  commandant 
la  subdivision  de  Médéa,  l'ordre  de  réunir  à  Bo- 
ghar  deux  bataillons  du  1 2'  de  ligne,  les  tirailleurs 
indigènes  d'Alger,  quatre  escadrons,  moitié  chas- 
seurs d'Afrique  et  moitié  spahis,  de  se  mettre  à 
la  tête  de  cette  colonne  et  de  se  porter  en  avant 
de  Laghouat,  découvert  par  la  défection  des 
Larbâ. 

Parti  de  Boghar  le  17  février  1852,  le  général 
de  Ladmirault  passa  par  Taguine ,  rassura  les 
Ouled-Naïl,  visita  le  Djebel-Amour,  et  vint  s'éta- 
blir à  Ksar-el-Aïrane,  à  l'est  de  Laghouat.  Dans  le 
même  temps,  le  commandant  Deligny,  avec  une 
petite  colonne  sortie  de  Mascara,  traversait  rapi- 
dement la  région  des  Ghott,  les  montagnes  des 
Ksour ,  apparaissait  au  milieu  des  Ouled-Sidi- 
Cheikh,  leur  enjoignait  de  reporter  leurs  campe- 
ments au  nord,  et  ramenait  avec  lui  leur  chef 
Si-Hamza,  qu'on  soupçonnait  de  connivence  avec 
le  chérif.  Quant  à  celui-ci,  le  général  de  Ladmi- 
rault perdit  toute  espérance  de  l'atteindre  et  dut 
se  borner  à  renforcer  l'autorité  des  chefs  indigènes 
sur  les  populations  dont  la  fidélité  n'était  pas 
solide.  A  la  place  du  vieux  Ben-Salem,  un  nouveau 
bachagha  fut  institué  avec  autorité  sur  Laghouat 
et  les  oasis  voisines,    sur  les  Ouled-Naïl  et  les 


LE    COMMAKDAiST    COLLINEAU.  301 

Larbâ  demeurés  fidèles;  puis,  les  chaleurs  com- 
mençant à  fatiguer  les  troupes,  le  général  ra- 
mena, le  2  mai,  sa  colonne  à  Boghar,  où  elle  fut 
dissoute. 

A  l'approche  des  Français,  le  chérif  s'était  re- 
plié dans  le  désert;  mais  après  s'être  ravitaillé  à 
Tougourte  il  pointa  droit  au  nord,  vers  le  Zab.  Le 
chef  de  bataillon  Collineau  commandait  à  Biskra  ; 
c'était  un  soldat  énergique  et  décidé.  Dans  la  soi- 
rée du  21  mai,  il  sortit  à  la  rencontre  du  chérif; 
il  n'avait  avec  lui  que  cinquante-quatre  chasseurs 
d'Afrique,  trente-deux  spahis  etquatre-vingtscava- 
lieis  de  la  smala  du  Cheikh-el-Arab.  Le  lendemain 
matin,  il  rallia  sept  cents  chevaux  des  goums  qu'il 
avait  envoyés  en  reconnaissance;  rien  n'était 
encore  en  vue  quand  tout  à  coup,  vers  le  milieu 
du  jour,  une  vedette  signala  une  grosse  troupe  à 
Mlili,  près  de  l'Oucd-Djeddi.  Il  y  avait  bien  là 
deux  mille  cinq  cents  cavaliers  et  gens  de  pied. 
Les  goums  hésitaient;  à  la  tète  des  chasseurs,  des 
spahis  et  des  hommes  du  Cheikh-el-Arab,  le  com- 
mandant lit  sonner  la  charge;  ce  fut  une  vraie 
mêlée;  le  chérif,  attaqué  corps  à  corps  par  un 
brigadier  de  chasseurs,  reçut  deux  coups  de  sabre, 
tourna  bride  et  ne  fut  que  dilficilement  sauvé 
par  les  siens.  Toute  la  bande  fuyait  en  déroute, 


302  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

laissant  cent  cinquante  morts  sur  le  champ  de 
bataille. 

Ce  coup  de  vigueur  retentit  dans  tout  le  Sahara, 
de  Tougourte  à  Figuig;  pendant  quatre  mois,  au- 
cun souffle  de  révolte  ne  troubla  le  calme  solen- 
nel du  désert.  A  la  fin  de  septembre  seulement, 
on  entendit  reparler  du  chérif;  ses  lentes  avaient 
été  reconnues  à  Ksar-el-Aïrane,  sur  TOued-xMzi, 
non  loin  de  Laghouat.  Le  général  Jusuf,  qui  com- 
mandait alors  la  subdivision  de  Médéa,  surveillait, 
à  Djelfa,  la  construction  d'un  bordj  ou  maison  de 
commandemenl,  destinée  au  bachagha  des  Ouled- 
Naïl.  Le  3  octobre,  il  se  mit  en  marche  avec  une 
colonne  de  huit  cents  hommes  d'infanterie  et  de 
deux  cents  cavaliers.  Arrivé  sur  l'Oued- iMzi  et  n'y 
trouvant  plus  le  chérif,  qui  avait  encore  une  fois 
disparu,  il  poursuivit  jusqu'à  Laghouat. 

A  Laghouat,  comme  dans  la  plupart  des  autres 
ksour,  la  population  était  divisée  en  deux  fac- 
tions ou  sof;  la  nature  même  y  avait  aidé.  Bâti 
sur  deux  mamelons  parallèlement  allongés  du 
nord-est  au  sud-ouest,  le  ksar  était  partagé  en 
deux  quartiers  distincts  par  une  rigole  dérivée  de 
rOued-Mzij  et  c'était  cette  eau  précieuse  qui  était 
un  perpétuel  sujet  de  discorde  entre  l'un  et  l'au- 
tre. Si  le  nord  l'emportait,  le  sud  mourait  de  soif. 


RÉVOLTE    DE    LAGHOUAT.  303 

et  réciproquement.  Depuis  quelques  années,  grâce 
à  la  protection  des  Français,  le  sud  avait  le  dessus; 
mais  jaussi ,  grâce  aux  Français,  il  n'avait  pas 
abusé  de  son  triomphe.  Invité  par  le  fils  aîné  de 
Ben-Salem,  qui  avait  le  titre  d'agha,  moins  effectif 
qu'honorifique,  le  général  Jusuf  visita  Laghouat, 
prêcha  la  réconciliation  aux  deux  sof,  et  ne  pou- 
vant concéder  aux  sollicitations  de  l'agha  l'installa- 
tion d'une  garnison  française  qu'il  n'avait  pas  l'au- 
torisation de  laisser  dans  le  ksar,  il  s'occupa  de 
former  un  maghzen  de  deux  cents  hommes,  une 
sorte  de  milice  locale  qu'il  mit  sous  les  ordres  d'un 
officier  de  spahis,  nommé  Ben-Hamida. 

A  peine  Jusuf  eut-il  repris  le  chemin  de  Djelfa 
que  le  chérif  d'Ouargla  reparut  sur  la  scène,  porta 
le  ravage  dans  le  Djebel-Amour  et  suscita  dans 
Laghouat  même,  parmi  le  so/du  nord,  une  révolte 
devant  laquelle  Ben-Hamida  fut  obligé  de  se  déro- 
ber au  plus  vite.  La  péripétie  s'était  faite  en  moins 
de  quinze  jours.  Informé  de  ce  singulier  revire- 
ment, le  général  Randon  prit  une  série  de  mesures 
sagement  combinées  pour  étouffer  l'insurrection 
ou  du  moins  l'empêcher  de  gagner  tout  le  sud. 
En  même  temps  qu'il  envoyait  des  renforts  à 
Djelfa,  à  Bou-Sàda  et  à  Biskra,  il  prescrivait  au 
iïénéral  Pélissier  de  former  une  colonne  active  et 


304  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

de  se  diriger  sur  Laghouat  par  El-Biod.  Le  gou- 
verneur se  proposait  de  s'y  porter  lui-même  d'Al- 
ger par  Médéa  et  Boghar.  Sur  ses  entrefaites  ar- 
riva un  nouveau  courrier  de  malheur  :  Si-Naïrai, 
frère  de  Si-Hamza,  s'était  déclaré  pour  la  révolte, 
et  sa  défection  pouvait  entraîner  la  puissante  tribu 
des  Ouled-Sidi-Clieikh. 

Injustement  soupçonné  d'entente  avec  le  chérif 
et  retenu,  sinon  comme  captif,  du  moins  comme 
otage,  par  le  commandant  supérieur  d'Oran,  Si- 
Hamza  pouvait  se  venger  du  mauvais  vouloir  des 
Français  en  laissant  faire;  mais  à  la  seule  idée 
que  Si-Naïmi,  son  propre  frère,  comme  lui  des- 
cendant d'une  grande  race,  allait  s'humilier  aux 
pieds  d'un  aventurier,  sorti  d'une  basse  tente  des 
Ouled-Sidi-Cheikh,  à  l'idée  que  cet  aventurier 
osait  rivaliser  d'influence  avec  lui,  Si-Hamza,  chef 
de  guerre  et  marabout  vénéré,  dont  le  renom  s'é- 
tendait d'une  extrémité  du  désert  à  l'autre,  tout 
son  sang  bouillonna  dans  ses  veines  et  son  vieil 
orgueil  se  révolta.  On  avait  bien  ri  naguère  entre 
Arabes,  il  avait  ri  sans  doute  lui-même  de  l'igno- 
rance des  Français  qui  s'étaient  laissé  duper  si 
longtemps  par  ce  faux  sultan,  par  ce  khalifa  de 
rencontre  ;  de  Si-Hamza  on  ne  devait  pas  rire.  Si- 
Hamza  était  le  type  de  ces  grands  seigneurs  dont 


LES   RÉGIMENTS    DE    ZOUAVES.  305 

le  concours,  en  dehors  du  Tell  d'Alger  et  d'Oran, 
d'où  leur  influence  avait  été  insensiblement  écar- 
tée, paraissait  encore  indispensable  à  Tautoiité 
française.  Tels  étaient,  avec  lui,  Bou-Akkas  dans 
le  Ferdjioua,  les  Mokrani  dans  la  iMedjana,  les 
Ben-Gana  dans  le  Zab.  Très  sincèrement  il  s'offrit 
au  général  Pélissier  pour  marcher  à  la  tête  des 
goums  sahariens  contre  le  chérif,  et  très  sagement 
on  accepta  son  offre. 

Le  général  Pélissier  organisait  sa  colonne.  Parmi 
les  corps  appelés  à  en  faire  partie  figurait  un  nou- 
veau régiment  de  zouaves,  le  2'.  Dès  les  premieis 
jours  de  son  gouvernement,  le  général  Randon 
s'était  préoccupé  d'accroître  l'effectif  des  corps 
spéciaux  de  l'Algérie,  zouaves,  chasseurs  d'A- 
frique, spahis,  et  il  avait,  dès  le  20  janvier  1852, 
adressé  au  ministre  de  la  guerre  un  projet  con- 
forme à  ses  préoccupations.  Il  n'avait  eu  tout  à 
fait  gain  de  cause  qu'au  sujet  des  zouaves.  Un  dé- 
cret du  13  février  avait  admis,  dans  les  cadres  de 
l'armée  française,  trois  régiments  de  zouaves,  un 
pour  chacune  des  trois  provinces  de  l'Algérie.  Les 
trois  bataillons  do  l'ancien  et  unique  régiment 
formèrent  le  noyau  des  nouveaux  corps,  dont  l'ef- 
fectif très  élevé  comportait  un  complet  de  trois 
mille  six.  conts  hommes  (pii  fut  même  dépassé,  de 

II.  20 


306  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

sorte  qu'à  eux  seuls  les  zouaves  auraient  pu  con- 
stituer une  division  de  onze  mille  baïonnettes. 
Vers  le  milieu  de  Tannée,  leur  organisation  était 
faite.  Les  colonels  et  lieutenants-colonels  étaient  : 
pour  le  1  ■■  régiment  d'Alger,  Bourbaki  et  Lava- 
rande;  pour  le  2°  d'Oran,  Vinoy  et  Cler;  pour  le 
3  de  Constantine,  Tarbouriech  et  Jannin. 

Dans  les  premiers  jours  de  novembre,  le 
2'  zouaves  reçut  l'ordre  de  former  deux  bataillons 
expéditionnaires  de  six  cent  vingt-cinq  hommes  ; 
en  l'absence  du  colonel  Vinoy  retenu  en  France, 
le  lieutenant-colonel  Cler  en  prit  le  commande- 
ment. Après  avoir  rallié  en  chemin  une  colonne 
amenée  de  Saïda  par  le  général  Bouscaren,  le 
régiment  fit  séjour  au  ksar  d'El-Biod,  qui,  relevé 
de  ses  ruines  et  fortifié,  devint  le  poste  de  Géry- 
ville,  du  nom  de  l'officier  mort  à  la  peine  qui, 
sous  le  maréchal  Bugeaud,  avait  longtemps  et  glo- 
rieusement servi  dans  ces  parages.  Le  général 
Pélissier  attendait  les  nouvelles  de  Jusuf,  qui,  de 
Djelfa,  s'était  mis  à  la  recherche  des  réfractaires. 
H  les  avait  rencontrés  et  battus,  le  19  novembre, 
entre  Assafia  et  Ksar-el-Aïrane  ;  mais,  au  lieu  de 
s'enfuir  comme  d'habitude  vers  le  sud,  le  chérif, 
qui  se  trouvait  avec  eux,  se  jeta  dans  Laghouat, 
dont  le  50/  du  nord  lui  ouvrit  les  portes.  Quand 


LE    GÉNÉRAL    PÉLISSIER.  307 

Jusut' s'y  présenta,  il  fut  accueilli  par  une  fusil- 
lade, et  n'ayant  pas  assez  de  monde  pour  tenter 
un  coup,  de  main  avec  chance  de  succès,  il  prit 
son  bivouac  au  nord,  à  quelque  dix-huit  cents 
mètres  du  ksar,  tenant  Ras-el-Aïoun,  «  la  tète  des 
fontaines  »,  c'est-à-dire  les  bassins  de  retenue  d'où 
l'eau  puisée  à  l'Oued-Mzi  allait  arroser  l'oasis. 
Était-ce  donc  qu'on  fût  sous  la  menace  d'un  autre 
Zaatcha  ? 

Aussitôt  averti,  le  général  Pélissier  accourut 
d'El-Biod.  La  colonne  qu'il  amenait  comprenait 
deux  bataillons  du  21  zouaves,  un  bataillon  du 
50'  de  ligne,  trois  compagnies  du  l"  bataillon 
d'Afrique,  deux  compagnies  de  tirailleurs  indi- 
gènes, trois  escadrons  de  chasseurs  d'Afrique,  un 
escadron  de  spahis,  une  pièce  de  8,  un  obusier  de 
campagne,  quatre  obusiers  de  montagne,  en  tout 
un  effectif  de  trois  mille  hommes.  Le  2  décembre, 
vers  trois  heures  de  l'après-midi,  la  colonne  dé- 
boucha du  Djebel-Amour  dans  l'immense  plaine  de 
Laghouat.  Par-dessus  une  forêt  de  palmiers  se 
dressait,  au  centre  du  ksar,  le  minaret  de  la  mos- 
({uée;  un  peu  plus  bas  et  plus  près,  au  sud-ouest, 
on  apercevait  l'ancienne  kasba  de  Ben-Salem. 
Dans  la  soirée,  le  général  Pélissier  recul  les  infor- 
mations de  Jusuf  :  ses  parlementaires  avaient  été 

20. 


308  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

décapités;  l'exaltation  du  chérif  et  de  ses  adhé- 
rents tenait  de  la  fureur.  Il  fut  convenu  que  les 
deux  colonnes  agiraient  séparément,  mais  en  con- 
certant leurs  elTorts.  Le  commandant  Barois  et 
quatre  compagnies  du  1"  zouaves,  détachées  du 
corps  Jusuf,  reçurent  l'ordre  de  rejoindre  les 
camarades  du  2^ 

Le  3  décembre,  à  sept  heures  du  matin ,  le 
général  Pélissier  fit  la  reconnaissance  de  la  place. 
Il  choisit  pour  point  d'attaque  le  marabout  de 
Sidi-el-Hadj-Aïssa,  sur  un  mamelon  rocheux,  à 
bonne  portée  du  mur  d'enceinte.  Une  vive  fusil- 
lade, partie  des  jardins,  avait  fait  éprouver  aux 
pelotons  de  reconnaissance  des  pertes  sérieuses. 
La  nuit  venue,  trois  compagnies  de  zouaves,  une 
compagnie  de  zéphyrs  et  deux  sections  de  travail- 
leurs, sous  la  direction  du  lieutenant-colonel  Cler 
et  du  commandant  Morand,  s'avancèrent  silen- 
cieusement vers  le  marabout,  et,  sans  riposter  au 
feu  des  Arabes,  l'emportèrent  à  la  baïonnette. 
Aussitôt  l'artillerie  se  mit  à  l'œuvre.  Une  embra- 
sure pour  la  pièce  de  8  fut  pratiquée  dans  le  mur 
même  de  la  koubba;  Tobusier  de  campagne  devait 
être  protégé  par  un  épaulement  en  sacs  à  terre. 
Vers  minuit,  les  deux  bouches  à  feu  furent  instal- 
lées sur  leurs  plates-formes. 


ASSAUT    DE    LAGHOUAT.  309 

Le  4,  à  huit  heures  du  matin,  le  tir  en  brèche 
venait  de  commencer;  le  chemin  qui  conduisait  à 
la  batterie,  tout  à  découvert,  suivait  une  arête  ro- 
cheuse incessamment  fouettée  par  les  balles  ;  ce 
fut  là  que  le  général  Bouscaren  tomba,  frappé 
mortellement,  à  côté  du  général  en  chef.  Après 
trois  heures  d'un  tir  soutenu,  la  brèche  fut  jugée 
praticable.  Douze  compagnies  de  zouaves,  quatre 
du  1"  régiment,  huit  du  2%  se  formèrent  en  trois 
colonnes,  dont  une  de  réserve.  La  fumée  d'un 
bûcher,  allumé  au  sommet  du  mamelon,  donna 
par-dessus  l'oasis  au  général  Jusuf  le  signal  de 
l'attaque.  Au  même  instant,  les  clairons  sonnèrent 
la  marche  des  zouaves;  les  colonnes  d'assaut  s'é- 
lancèrent; la  brèche  abordée,  franchie,  dépassée, 
le  combat  s'engagea  dans  les  rues  ;  mais  les  défen- 
seurs de  Laghouat,  en  dépit  de  leur  exaltation 
première,  n'eurent  pas  la  sauvage  énergie  de  ceux 
de  Zaatcha. 

Pendant  que  le  lieutenant-colonel  Cler,  accom- 
pagné du  lieutenant-colonel  Deligny,  directeur 
des  affaires  arabes  de  la  province  d'Oran,  se  ren- 
dait maître  de  la  kasba  de  Ben-Salem,  de  la  mos- 
quée, de  tout  le  mamelon  méridional  du  ksar,  le 
général  Jusuf,  à  la  tête  du  2"  bataillon  d'Afrique 
et  (les  tirailleurs  indigènes  d'Alger,  escaladait  la 


310  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

muraille  du  nord  et  rejoignait  à  la  kasba  ses  com- 
pagnons de  victoire. 

Il  ne  restait  plus  qu'une  grande  maison,  dite 
du  khalifa,  d'où  partaient  encore  des  coups  de 
feu.  C'était  là  qu'étaient  retenus  prisonnières,  sous 
la  garde  d'une  troupe  de  Mzabites,  fanatiques 
serviteurs  du  chérif,  les  familles  des  anciens  par- 
tisans de  Ben-Salem.  Pour  les  zouaves,  ignorants 
des  péripéties  de  leur  hisloire,  gardiens  et  captifs, 
c'était  tout  un,  et  ils  auraient  fait  bon  marché  des 
uns  comme  des  autres  sans  l'intervention  propice 
du  lieutenant-colonel  Cler,  qui  eut  la  satisfaction 
de  rendre  à  la  vie  et  à  la  liberté  ces  intéressantes 
victimes.  Quant  au  chérif,  plus  heureux  que  Bou- 
Ziane,  il  réussit  à  s'échapper  de  Laghouat. 

A  deux  heures,  tout  était  fait.  Comparées  à 
l'importance  du  succès,  les  pertes  n'étaient  point 
trop  grandes;  mais  avec  le  général  Bouscaren, 
l'armée  avait  à  regretter  le  digne  héritier  d'un  des 
célèbres  divisionnaires  du  premier  empire,  le 
commandant  Morand,  du  2"  zouaves,  frappé 
mortellement  à  l'attaque  de  la  kasba.  Il  fui  en- 
terré, avec  trois  autres  ofliciers  tués  à  l'ennemi, 
au  pied  même  de  la  brèche,  comme  les  glorieux 
morts  du  siège  de  Constantine. 

Déjà  signalée  par  la  prise  de  Laghouat,  cette 


OCCUPATION  DE  LAGHOUAT.        311 

journée  du  4  décembre  1832  devait  l'être  encore 
par  un  succès  que  remportait,  au  même  instant,  à 
cinquante  lieues  de  distance,  le  grand  chef  Si- 
Hamza.  Après  avoir  traversé,  cinq  jours  durant, 
cette  steppe  aride  et  désolée  que  les  Arabes 
nomment  Bled-el-Ateuch,  littéralement  :  le  pays 
de  la  soif,  il  surprit,  avec  un  goum  de  sept  cents 
chevaux,  entre  Berriane  et  Guerrara,  un  campe- 
ment de  Mzabites  et  fit  sur  les  adhérents  du  chéri f 
une  telle  razzia  que  le  succès  de  cette  pointe 
hardie  jeta  jusque  dans  Ouargla  l'épouvante. 

Le  16  décembre,  le  général  Pélissier  reprit  le 
chemin  du  Tell  par  Aïn-Madhi,  où  Tedjini  le  reçut 
avec  de  grands  honneurs;  le  lendemain,  ce  fut  au 
tour  du  général  Jusuf  de  lever  le  bivouac  pour 
regagner  Djelfa.  Une  garnison  d'un  millier 
d'hommes  fut  laissée  provisoirement  dans  La- 
ghouat,  en  attendant  le  choix  qu'il  plairait  au 
gouvernement  de  faire  entre  l'un  de  ces  trois 
partis,  la  destruction,  l'abandon  ou  l'occupation 
définitive  du  ksar.  Ce  fut  le  dernier  qui  prévalut. 
La  brèche  fut  fermée,  l'enceinte  crénelée;  aux 
deux  extérmités  de  l'ellipse  dessinée  par  la 
muraille,  deux  ouvrages  s'élevèrent  :  le  fort 
Bouscaren  et  le  fort  Morand;  la  kasba  demeura 
le  premier  des  établissements  militaires;  l'hôpiial 


312  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

y  fut  établi;  les  maisons  les  plus  spacieuses  furent 
appropriées  au  casernement,  un  moulin  et  une 
manutention  installés  pour  le  service  des  vivres. 
Un  équipage  de  cinq  cents  chameaux,  dont  Ten- 
trelien  fut  imposé  aux  Larbâ  comme  contribution 
de  guerre,  dut  être  tenu  par  eux  en  état  de  mar- 
cher au  premier  signal. 

La  force  de  la  garnison  permanente  fut  calculée 
à  raison  de  huit  cents  hommes  d'infanterie,  avec 
un  escadron  de  cent  vingt-cinq  chevaux,  une 
section  de  montagne,  quelques  sapeurs  du  génie 
et  un  détachement  de  troupes  d'administration 
proportionné  à  l'effectif.  La  circonscription  poli- 
tique du  poste  avancé  de  Laghouat  dut  embrasser 
les  ksour  d'Aïn-Madhi,  de  Tadjemoule,  d'Assafia, 
de  Ksar-el-Aïrane,  lagiialik  des  Larbâ,  le  bach- 
aghalik  des  Ouled-Naïl;  le  groupe  même  des  ksour 
du  Mzab  y  fut  compris,  mais  nominalement,  à 
titre  de  région  suspecte  et  bonne  à  surveiller. 
Enfin,  le  commandement  du  poste,  de  la  garnison 
et  du  cercle  fut  confié  par  le  gouverneur  général 
au  capitaine  Du  Barail,  du  1"  régiment  de  spahis. 

Pour  son  coup  d'essai,  le  commandant  de  La- 
ghouat débuta  par  un  coup  de  maître;  car  il  venait 
de  décider,  —  chose  inouïe,  invraisemblable,  —  le 
vénérable  marabout  d'Aïn-Madhi,  Tedjini,  à  faire 


MORT    DE    TEDJIM.  3l3 

le  voyage  d'Alger,  quand,  peut-être  impressionné 
par  l'étrangelé  de  son  aventure,  Tedjini  mourut 
presque  subitement,  le  1^  mars  1853,  à  la  veille 
de  se  mettre  en  route.  L'événement  pouvait  avoir 
de  graves  conséquences,  selon  ce  que  serait  le 
successeur  du  marabout.  Ce  fut  heureusement  un 
homme  d'humeur  paisible,  et  qui  se  rangea  sans 
peine  sous  Taulorilé  du  capitaine  Du  Barail.  Le 
colonel  Durrieu,  commandant  la  subdivision  de 
Mascara,  envoyé  par  le  gouverneur  pour  décider 
du  sort  d'Aïn-Madhi,  n'eut  même  pas  besoin  de 
pousser  au  delà  de  Géryville;  et  comme  si  un 
succès  en  appelait  nécessairement  un  autre,  en 
même  temps  qu'il  apprenait  de  ce  côté-là  le 
dénouement  de  la  diiricullé,un  courrier  lui  appor- 
tait la  nouvelle  d'une  razzia  faite,  à  trente-cinq 
lieues  au  sud-ouest,  par  l'infaligable  Si-Hamza 
sur  les  Hamiane,  auxquels  il  avait  pris  deux  mille 
chameaux,  trente  mille  moulons,  des  dépouilles 
de  toute  espèce. 

Commencée  sous  les  plus  heureux  auspices 
dans  le  sud,  l'année  1853  ne  devait  pas  les  dé- 
mentir dans  le  nord. 


314  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 


III 


Comme  le  général  d'Hautpoul,  son  prédéces- 
seur, le  général  Randon  était  arrivé  en  Algérie 
avec  une  grande  et  ambitieuse  pensée,  la  réduc- 
tion de  toute  la  Kabyiie,  l'achèvement  de  la  con- 
quête. D'opposition  parlementaire  il  n'y  avait  plus 
cure;  le  gouvernement  était  absolument  le  maître. 

En  1852,  le  ministre  de  la  guerre  avait  renvoyé 
l'examen  de  la  question  à  l'année  suivante;  en 
1853,  dès  le  mois  de  janvier,  remise  sur  le  tapis 
par  le  gouverneur  général,  elle  fut  tranchée,  sui- 
vant son  désir,  par  le  ministre.  «  J'ai  décidément 
arrêté,  disait,  dans  une  dépêche  du  17  février,  le 
maréchal  de  Saint-Arnaud,  le  projet  d'une  expé- 
dition sérieuse  dans  la  Kabyiie  du  Djurdjura. 
Cependant,  avant  de  lancer  des  colonnes  dans  ces 
âpres  montagnes,  il  est  indispensable  que  nous 
nous  rendions  bien  compte  de  la  situation  de  l'en- 
semble de  nos  possessions  algériennes,  afin  de 
constater  les  forces  locales  qui  pourront  être  con- 


RANDON    ET    SAINT-ARNAUD.  315 

sacrées  à  celte  opération.  Cet  examen  est  d'autant 
plus  nécessaire  que  la  France  vient  encore  de 
réduire  son  armée  de  vingt  mille  hommes,  et 
qu'on  ne  peut  plus  évidemment  réclamer  le  con- 
cours des  troupes  de  la  métropole.  J'attends  votre 
réponse  avec  une  vive  impatience,  afin  d'être 
renseigné  de  la  manière  la  plus  précise  sur  la  vraie 
situation  politique  et  militaire.  Je  désire  connaître 
aussi  comment  vous  comptez  former  vos  colonnes 
de  façon  à  ne  vous  laisser  prendre  nulle  part  au 
dépourvu.  Je  vous  prie  enfin  de  me  signaler  ce 
qui,  dans  votre  opinion,  vous  paraît  possible  ou 
impossible.  Une  fois  fixé  sur  ces  importantes  ques- 
tions, je  vous  communiquerai  mes  dernières  in- 
structions. » 

Tout  heureux,  sans  en  être  étonné,  de  l'intérêt 
chaleureux  que  le  ministre  prenait  à  ses  vues,  le 
général  Randon  lui  avait  complaisamment  fait 
part  de  ses  combinaisons  et  développé  ses  plans, 
lorsqu'il  reçut,  le  9  mars,  ces  dernières  instruc- 
tions qui  lui  étaient  annoncées,  mais  dont  il  n'a- 
vait certes  pas  prévu  le  tour.  «  C'est  le  moment, 
lui  écrivait,  à  la  date  du  3  mars,  le  ministre,  c'est 
le  moment  de  parler  de  la  direction  générale  des 
opérations  importantes  qui  doivent  être  entre- 
prises. J'a[)précie  trop  votre  caractère,  et  je  pense 


316  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

que  mes  sentiments  à  votre  égard  sont  trop  bien 
connus  pour  ne  pas  aborder  cette  question  avec 
franchise.  L'intention  de  l'Empereur  est  que  l'ex- 
pédition soit  dirigée  par  un  maréchal  de  France; 
mais,  en  même  temps,  Sa  Majesté  a  trop  de  bien- 
veillance pour  vous  et  sait  trop  ce  que  vous  valez 
pour  ne  pas  vous  laisser,  dans  la  campagne  qui 
va  s'ouvrir,  une  position  dont  votre  amour- propre 
ne  puisse  en  rien  souffrir.  Il  y  aura  deux  colonnes 
d'une  égale  importance  qui,  toutes  deux,  pourront 
rencontrer  des  obstacles  sérieux.  Vous  prendrez 
le  commandement  en  chef  d'une  de  ces  colonnes, 
celle  de  Bougie;  vous  aurez  sous  vos  ordres  un 
général  de  division  et  deux  généraux  de  brigade. 
L'Empereur  a  décidé  que  je  prendrais  le  comman- 
dement de  la  colonne  de  Dra-el-Mizane.  Je  pense, 
mon  cher  général,  que  vous  verrez  sans  trop  de 
peine  venir  partager  momentanément  vos  travaux 
et  joindre  sa  vieille  expérience  à  la  vôtre  un 
homme  qui,  pendant  quinze  ans,  s'est  trouvé  sur 
tous  les  points  de  l'Afrique  en  face  des  Arabes  et 
a  appris  à  les  connaître  et  à  les  combattre.  S'il 
pouvait  y  avoir  de  la  susceptibilité  dans  un  esprit 
aussi  élevé  que  le  vôtre,  elle  ne  pourrait  pas  même 
être  émue  en  voyant  un  maréchal  de  France, 
ministre  de  la  guerre,  grandir,  par  sa  présence  à 


RANDON    ET    SAINT-ARNAUD.  317 

l'armée  d'Afrique,  l'importance  d'une  expédition 
à  laquelle  vous  prendrez  une  si  large  part.  Je  n'irai 
pas  chercher  des  honneurs;  je  n'ai  plus  rien  à 
attendre.  » 

Pour  être  dissimulée  sous  la  plus  fine  pellicule 
d'or  et  polie  en  perfection,  la  pilule  n'en  était  pas 
moins  amère.  Le  général  Randon  prit  très  nette- 
ment et  très  noblement  son  parti;  courrier  pour 
courrier,  il  adressa  au  ministre  sa  démission  du 
gouvernement  général,  et  il  envoya  son  premier 
aide  de  camp,  le  commandant  Ribourt,  à  Paris, 
avec  une  lettre  dans  laquelle  il  demandait  à  l'Em- 
pereur d'être  employé  à  titre  de  simple  division- 
naire dans  l'expédition  prochaine.  L'Empereur 
n'accepta  pas  la  démission,  le  général  Randon 
demeura  gouverneur  de  l'Algérie,  le  maréchal 
Saint-Arnaud  se  déclara  malade,  et  la  grande 
expédition  fut  ajournée. 

Le  gouverneur  maintenu  crut  devoir  insister. 
Son  chef  d'élat-major,  le  général  Rivet,  fut  dépê- 
ché avec  une  seconde  lettre  pour  l'Empereur  : 
«  Permettez-moi,  Sire,  de  le  dire  à  Votre  Majesté, 
il  est  cruel  pour  moi,  qui  me  suis  consacré  à  cette 
pensée  de  compléter  et  de  rendre  profitable  à  nos 
intérêts  la  conquête  de  la  Kabylie,  de  me  sentir 
arrêté  dans  l'accomplissement  de  cette  œuvre  au 


318  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

moment  de  la  réaliser.  Je  ne  puis  taire  le  chagrin 
que  j'éprouve  de  voir  le  gouvernement  de  Votre 
Majesté  perdre  une  occasion  si  belle  d'affermir  sa 
puissance  en  Algérie,  et  l'armée  d'Afrique  dés- 
héritée de  la  nouvelle  gloire  qu'elle  allait  acquérir. 
Je  viens  donc  supplier  Votre  Majesté  de  modifier 
les  derniers  ordres  qu'elle  a  donnés,  de  me  per- 
mettre de  mener  à  bonne  fin  l'expédition  que  j'ai 
préparée  et  de  prouver  une  fois  de  plus  à  l'Em- 
pereur le  désir  de  justifier  la  bienveillance  qu'il 
daigne  m'accorder.  » 

L'insistance  du  général  Randon  était  moins 
habile  que  sa  première  démarche  n'avait  été  fière; 
il  aurait  dû  penser  que  l'Empereur  ne  se  déciderait 
pas  à  faire  subir  au  maréchal  de  Saint-Arnaud  un 
second  échec.  Le  6  mai,  le  général  Rivet  écrivait 
au  colonel  Durrieu  :  «  L'Empereur  m'a  écouté 
très  attentivement  et  a  dit  à  plusieurs  reprises  : 
«  C'est  bien  tentant,  mais..,  mais...  »  Ces  mais 
devaient  triompher  parce  qu'il  y  avait  parti  pris. 
Je  suis  revenu  avec  un  mezzo  termine.  Nous  allons 
attaquer  la  Kabylie  des  Babors  avec  quatorze 
bataillons,  dont  sept  de  zouaves,  et  refaire  ce  que 
le  maréchal  Saint-Arnaud  n'a  fait  qu'effleurer.  Il 
y  aura  deux  divisions,  Bosquet  et  Mac  Mahon.  » 

On  sait  ce  qu'est  la  Kabylie  des  Babors  ou  Petite 


EXPÉDITION  DES  BABORS.         319 

Kabylie;  à  proprement  parler,  elle  s'étend  de 
rOued-Sahel  à  l'Oued-Kebir;  mais  dans  une  pins 
grande  extension,  on  y  peut  comprendre  la  mon- 
tagne entre  l'Oued-Kebir  et  Philippeville.  Des 
troupes  empruntées  aux  trois  provinces  furent 
concentrées  à  Sétif.  Elles  formèrent  deux  divisions 
ainsi  composées  :  première  division,  généial  de 
Mac  Malion;  1"  brigade,  général  Pâté  :  1  '  et  3' 
zouaves;  2*  brigade,  colonel  Thomas  :  11'  léger, 
tirailleurs  indigènes.  Deuxième  division,  général 
Bosquet;  V  brigade,  colonel  Vinoy  :  2' zouaves, 
68  de  ligne,  7'  bataillon  de  chasseurs;  2'  brigade, 
colonel  de  Failly  :  20  de  ligne,  un  bataillon  du  3* 
zouaves.  L'effectif  total  de  cette  infanterie  était 
de  dix  mille  hommes.  La  cavalerie,  ré[)artie  entre 
les  deux  divisions,  n'était  représentée  que  par  un 
escadron  de  spahis;  l'artillerie  ne  comptait  que 
deux  sections  d'obusiers  de  montagne  avec  une 
section  de  fuséens;  le  génie  était  représenté  par 
trois  cents  sapeurs. 

Afin  d'empêcher  le  Djurdjura  de  prêter  aide 
aux  Babors,  le  gouverneur  prescrivit  au  général 
Camou  d'établir,  avec  quatre  bataillons,  un  esca- 
dron et  une  section  de  montagne,  un  camp  d'ob- 
servation à  Dra-el-Mizane.  D'autre  part,  entre 
Sétif  et  Mila,  le  célèbre  cheikh  du  Ferdjioua,  Bou- 


320  LA   CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Akkas,  dut  faire,  sous  la  surveillance  du  comman- 
dcint  de  Neveu,  la  police  du  pays  limitrophe  de  la 
Petite  Kabylie.  a  Bou-Akkas,  disait  le  gouverneur, 
a  tout  intérêt  à  ce  que  nous  soumettions  les  tribus 
hostiles  qui  l'avoisinent,  et  c'est  là-dessus  que 
je  compte  surtout  pour  l'exécution  de  ses  enga- 
gements. » 

Débarqué,  le  10  mai,  à  Bougie,  le  général  Ran- 
don  prit  aussitôt  la  route  de  Sétif.  Le  13,  il  passa 
en  revue  le  corps  expéditionnaire;  le  1 8,  il  se  mit 
en  campagne.  Les  deux  divisions  se  séparèrent 
pour  opérer,  la  première  sur  la  rive  droite  de 
rOued-Agrioun,  la  seconde  sur  la  rive  gauche. 
Celle-ci  eut  à  forcer,  le  21  mai,  le  col  de  Tizi- 
Sakka,  d'où  elle  descendit,  par  le  versant  septen- 
trional des  Babors,  vers  la  mer.  Le  4  juin,  elle  fit 
sa  jonction  avec  la  première  division  qui  n'avait 
pas  rencontré  beaucoup  plus  de  résistance.  «  Pen- 
dant cette  première  partie  de  l'expédition  des  Ba- 
bors, lisons-nous  dans  les  Souvenirs  d'un  officier 
du  2°  zouaves,  le  régiment  eut  à  supporter  plus  de 
fatigues  qu'à  braver  de  véritables  dangers.  Il  dut 
traverser  un  pays  de  montagnes  aux  pics  élevés  et 
déchiquetés,  aux  vallées  déchirées  et  irrégulières, 
profondes,  boisées  dans  le  fond,  rocheuses  et  es- 
carpées près  des  crêtes,  un  pays  oii  le  fantassin  ne 


HORACE    VERNE  T.  SU 

pose  qu'avec  précaution  le  pied  surl'étroitsentier 
bordé  de  précipices  effrayants.  »  Ce  qui  est  dit  ici 
en  particulier  d'un  certain  corps  peut  s'appliquer 
d'une  façon  générale  à  tous  les  autres.  Il  y  eut 
beaucoup  de  fusillades,  peu  de  combats  dignes  de 
ce  nom. 

Le  3  juin,  de  grand  matin,  à  l'embouchure  de 
l'Oued-Agrioun,  sur  l'emplacement  du  Tnine  des 
Beni-Houssein,  c'est-à-dire  de  leur  marché  du 
lundi,  le  gouverneur  général  reçut  en  grande 
pompe  la  soumission  de  toutes  les  tribus  que  les 
deux  divisions  venaient  de  réduire  à  l'obéissance 
et  conféra  l'investiture  du  burnous  rouge  à  leurs 
cheikhs.  C'était  le  dimanche  dans  l'octave  de  la 
Fête-Dieu.  Le  Père  Régis,  abbé  de  la  Trappe  de 
Staouëli,  venait  d'arriver  de  Bougie;  Horace  Ver- 
net,  en  tournée  d'Afrique,  était  arrivé  en  même 
temps.  Alors,  à  la  cérémonie  politique  succéda 
une  solennité  grandiose  que  le  peintre  des  grandes 
scènes  militaires  a  représentée  sur  la  toile  célèbre 
de  la  Messe  en  Kahylie;  mais,  si  habile  et  lidèle 
qu'ait  été  le  pinceau  d'Horace  Vernet,  la  plume  ou 
plutôt  le  cœur  de  deux  soldats  a  eu  plus  d'élo- 
quence encore.  L'un  des  deux  est  le  lieutenant- 
colonel  Cler,  qui  six  ans  plus  tard,  après  avoir 
mérité  par  son  héroïsme  en  Crimée  l'admiration 

II.  21 


322  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

des  Anglais,  devait  tomber,  à  la  tête  des  zouaves 
et  des  grenadiers  de  la  garde,  àPonte-di-Magenta, 
sous  le  coup  mortel  d'une  balle  autrichienne; 
l'autre  est  Bosquet,  c'est  tout  dire. 

Écoutons,  dans  ses  Souvenirs,  l'officier  du  2' 
zouaves  :  «  Sur  un  point  élevé  placé  au  centre  du 
bivouac  du  gouverneur,  on  avait  construit  avec 
des  tambours,  des  canons  et  des  affûts,  un  autel 
qui  n'avait  d'autres  ornements  que  quelques  fleurs 
des  champs  et  des  faisceaux  d'armes.  Il  était  sur- 
monté d'une  croix  rustique  faite  avec  deux  bran- 
ches noueuses  de  chêne-liège;  telle  devait  être  la 
croix  sur  laquelle  fut  attaché  le  Christ.  Pour  enca- 
drement, ce  temple  improvisé  avait  les  beautés  de 
la  nature.  Ni  Saint-Pierre  de  Rome,  avec  ses  ma- 
gnifiques peintures,  ni  ces  immenses  cathédrales 
gothiques  de  la  vieille  France,  avec  leurs  sculp- 
tures, leurs  vitraux  peints  et  leurs  ombres  pleines 
de  mystère,  ne  pourraient  rendre  le  grandiose  de 
cette  église  toute  primitive,  dont  la  vue  effaçait 
plusieurs  siècles  de  l'histoire  et  rappelait  Constan- 
tin dans  les  Gaules,  Philippe-Auguste  le  matin  de 
la  bataille  de  Bouvines  et  saint  Louis  aux  ruines  de 
Carthage. 

((  Derrière  l'autel  apparaissaient  les  hautes  mon- 
tagnes de  la  Kabylie  orientale,  aux  arêtes  dénu- 


LA    MESSE    EN    KABYLIE.  323 

dées,  veinées  de  couches  de  neige,  ayant  pour  au- 
réole des  cercles  de  nuages.  Sur  la  gauche  et 
derrière  l'armée,  sous  une  atmosphère  vaporeuse 
et  enflammée,  la  mer  d'Afri(|ue. 

«  Le  Père  Régis  officiait.  Supérieur  de  la  Trappe 
de  Staouëli,  il  y  avait  dans  la  nature  et  dans  le  ca- 
ractère de  ce  moine  comme  un  reflet  d'Urbain  II, 
de  Pierre  l'Ermite  et  de  l'évèque  d'Antioche. 

«  Les  lignes  de  troupes  encadraient  le  terrain  : 
en  avant  des  soldats  étaient  placés  les  officiers. 
Derrière  les  troupes,  sur  les  versants  des  collines, 
on  apercevait,  au  milieu  des  bouquets  de  len- 
tisquesj  de  myrtes  et  de  lauriers-roses,  les  tentes 
du  camp;  plus  loin,  sous  les  hêtres  et  les  oliviers 
séculaires,  des  groupes  de  Kabyles,  silencieux, 
étonnés,  garnissaient  les  ogives  de  verdure  de  cette 
immense  basilique.  Officiers  et  soldats  étaient 
recueillis  pendant  cette  cérémonie  grandiose;  mais 
ce  recueillement  se  changea  en  une  véritable  émo- 
tion au  moment  où  le  prêtre  éleva  l'hostie  sainte 
au-dessus  des  drapeaux  et  des  têtes  abaissées,  au 
bruit  du  tambour  dominé  par  la  grande  voix  du 
canon.  On  eût  dit  l'Église  française  prenant  pos- 
session de  cette  terre  qui,  depuis  l'épiscopat  de 
saint  Augustin  peut-être,  n'avait  point  été  foulée 
par  le  pied  d'un  chrétien.  » 

21. 


324  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉIUE. 

C'est  maintenant  Bosquet  dans  une  lettre  à  sa 
mère  :  ((  Voici  une  solennité  comme  la  France  n'en 
saurait  offrir.  Pour  y  assister,  il  faut  avoir  passé 
par  les  rudes  montagnes  des  Babors,   à  travers 
leurs  brouillards,  leurs  affreux  chemins  et  les  fiers 
monlagnards   qui   les   défendaient.   Lorsque    les 
deux  divisions  du  corps  d'armée  ont  été  réunies 
vers  l'embouchure  de  l'Oued-Agrioun,  la  conquête 
de  celte  portion  de  la  Kabylie étant  finie,  les  chefs 
montagnards  soumis  et  assemblés  au  bivouac,  il  a 
été  question  de  nommer  de   nouveaux   cheikhs 
dans  toutes  les  tribus  et  de  donner  à  chacun  d'eux 
le   burnous  rouge  de  commandement;  c'est  tout 
simplement  la  pourpre  romaine,  un  souvenir  des 
anciens  temps  qui  se  continue  en  Afrique. 

((  Cette  cérémonie  était  pleine  de  grandeur  et 
complète  de  toutes  façons  :  le  paysage  grandiose, 
avec  ses  montagnes  sombres  et  ses  profonds  ravins 
d'un  côté,  la  mer  de  l'autre,  et,  sur  le  terrain,  nos 
troupes  avec  leurs  drapeaux,  leurs  fanfares  et  les 
vi?ages  bronzés  de  nos  soldats.  Rien  n'y  manquait 
pour  produire  une  impression  profonde.  A  côté  du 
plateau  où  se  faisait  l'investiture  des  cheikhs  s'é- 
levait un  autel  chrétien,  dressé  sur  des  tambours, 
soutenu  par  des  annes,  enveloppé  de  lauriers- 
roses  et  surmonté  d'une  croix  taillée  dans  la  forêt 


LA   MESSE    EN    KABYLIE.  325 

et  formée  de  deux  grosses  branches  de  vieux 
chênes-lièges.  Il  est  impossible  de  rien  imaginer 
de  plus  imposant. 

«  Le  général  en  chef,  ayant  à  ses  côtés  les 
commandants  des  deux  divisions  et  plus  loin  tous 
les  chefs,  devant  lui  les  Kabyles,  a  prononcé  quel- 
ques paroles  répétées  par  un  interprète,  et  puis, 
au  son  des  fanfares,  il  a  fait  passer  les  burnous  à 
une  quarantaine  de  cheikhs  qui  venaient,  chacun 
à  son  tour,  prêter  serment  et  baiser  la  main  armée 
de  Tépée  de  France. 

«  Cela  fait,  nous  nous  sommes  placés  devant 
l'autel  où  le  Révérend  Père  Régis  a  dit  la  messe; 
ensuite,  à  haute  voix,  à  la  manière  des  évêques 
dont  il  a  le  rang,  il  a  donné  solennellement  la  bé- 
nédiction, pendant  que  tous  salu;iient  respectueu- 
sement, soldats,  drapeaux  et  tambours  qui  bat- 
taient aux  champs.  C'était  beau,  très  beau,  très 
solennel  ! 

«  Je  l'écris  après  une  messe  que  je  viens  de  faire 
dire  dans  les  montagnes  des  Beni-Foughal,  à  peu 
près  dans  le  môme  genre.  Que  ne  pouvez-vous 
assister  un  peu  à  tout  cela!  Le  cœur  s'élargit  et 
l'âme  s'élève  à  ce  mélange  si  harmonieux  des  sen- 
timents religieux  et  militaires!  » 

Après  quelques  journées  de  repos  à  l'embou- 


326  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

chure  de  l'Agrioun,  les  deux  divisions  se  sépa- 
rèrent derechef,  mais  pour  marcher  parallèlement 
vers  l'est,  dans  la  direction  de  l'Caed-Kebir.  Celle 
reprise  de  l'opération  fut  signalée  par  plus  de 
coups  de  pioche  que  de  coups  de  fusil.  Pendant 
huit  jours,  huit  mille  hommes,  sous  la  direction 
des  officiers  du  génie,  entreprirent  l'ouverture 
d'une  route  qui  devait  relier,  par  Mila,  Djidjeli  à 
Constantine.  A  la  fin  de  juin,  le  corps  expédition- 
naire fut  dissous  et  les  troupes  reprirent  le  chemin 
de  leurs  garnisons,  excepté  celles  de  la  division  de 
Conslanline,  qui  poursuivirent  jusqu'au  10  juillet 
les  travaux  commencés.  La  tranquillité  dans  toute 
la  région  montagneuse  était  parfaite.  Abordée  trois 
fois  en  trois  ans,  mais  pénétrée  plus  profondément 
dans  cette  dernière  campagne,  la  Kabylie  des  Ba- 
bors  était  définitivement  soumise. 


LE    CHERIF    D'OUARGLA,  ;^27 


IV 


Sur  l'immense  scène  algérienne,  ce  fut  encore 
une  fois  du  nord  au  sud,  de  la  Kabylie  au  Sahara, 
que,  dans  les  derniers  mois  de  1 853  et  les  premiers 
de  1854,  passa  l'action  et  par  conséquent  l'intérêt 
dramatique.  Depuis  son  évasion  de  Laghoiiat,  le 
chérif  d'Ouargla  s'était  prudemment  tenu  dans  la 
coulisse;  mais  de  la  zaouïa  deRouissat,  oii  il  était 
rentré  d'abord,  son  influence  avait  été  assez 
grande  pour  retenir  dans  son  parti  les  Beni-Mzab 
ébranlés  et  pour  faire  désavouer  et  bannir  quel- 
ques-uns des  plus  considérables  d'entre  eux,  qui, 
au  mois  d'avril  1 853,  avaient  fait  le  voyage  d'Alger 
pour  négocier  avec  le  gouverneur  général  la  sou- 
mission de  leurs  ksour.  Au  mois  de  septembre,  il 
reparut  en  scène,  traversa  le  désert  de  Test  à 
l'ouest,  fit  des  razzias  jusque  dans  le  cercle  de 
Géryville  et  revint  parader  aux  environs  de  La- 
gliouat.  Le  capitaine  Galinier,  qui  faisait  dans  ce 
poste  l'intérim  du  commandant  Du  Barail,  se  mit 


328  LA    r.ONQ^iÊTE    DE    L'ALGERIE, 

résolument  à  ses  trousses,  fit  trente  lieues  en  trois 
jours  et  le  poussa  jusqu'au  Mzab,  sans  pouvoir 
toutefois  Talteindre;  quoi  qu'il  en  soit,  cette  pointe 
hardie  ne  laissa  pas  d'imposer  pour  quelque  temps 
aux  JMzabiles. 

Le  gouverneur  général   avait  résolu  d'en  finir 
avec  le  chérif.  Son  plan  d'opérations,  le  plus  vaste 
qu'on  pût  concevoir,  s'étendait  sur  une  ligne  de 
plus  de  cent  lieues,  et  sur  cet  immense  front  de 
bataille,  c'étaient  les  goums   indigènes  qui  de- 
vaient agir,  soutenus  seulement  à  distance  par  des 
réserves  françaises.  Dans  ce  drame  entre  Arabes, 
le  premier  rôle  appartenait  de  droit  à  Si-Hamza. 
Il  avait,  pour  marcher,   pour  courir,  pour  se  bal- 
.  tre,   n'importe   où,   n'importe   comment,  liberté 
pleine  et  entière.  Le  but  qu'il  devait  atteindre, 
coûte  que  coûte,  c'était  la  destruction  du  chérif. 
Sous  ses  drapeaux  étaient  groupés  mille  chevaux 
et  douze  cents  hommes  de  pied  des  Ouled-Sidi- 
Cheikh.  Plus  à  l'est,  le  bachagha  Si-Chérif-bel- 
Arch  avait  convoqué  les  Ouled-Naïl  et  les  Larbâ 
restés  fidèles  ;  encore  plus  à  l'est,  les  goums  de 
Bou-Sâda,  du  Hodna  et  des  Ziban  se  rassemblaient 
sous  leurs  kaïds,  en  avant  de  Bi^kra.  Pour  ap- 
puyer cette  grande   chevauchée  de  burnous,  le 
commandant  Niqueux,   enire  Géryville   et  Aïn- 


CAMPAGNE    DU    SUD.  329 

Madlii,  le  commandant  Du  Barail  à  Laghouat,  le 
colonel  Dargent  près  d'Aïn-Ricli,  se  tenaient  prêts 
à  se  mettre  en  selle. 

Dès  les  premiersjours  de  novembre,  le  mouve- 
ment commença.  Emporté  par  son  ardeur,  le  com- 
mandant Du  Barail  pressa  la  marche  de  ses  goums  ; 
le  10,  il  était  à  Berriane;  le  16,  à  Guerrara;  mais 
tandis  qu'il  croyait  Si-Hamza  en  avant   sur   sa 
droite,  surpris    par    une  de  ces   trombes   d'eau 
qui  transforment  en  torrents  infranchissables  les 
oueds  à  sec  la  veille,  Si-Hamza  avait  fait  halte. 
Isolé,  en  l'air,   à  cinquante  lieues  de  sa  base  d'o- 
pération, la  colonne  de  Laghouat  reçut  du  gou- 
verneur général  l'ordre  de  se  reporter  en  arrière; 
mais  déjà  Si-Hamza  s'était  remis  en  marche.  Le 
18  novembre,  il  était  entré  à  Metlili   sans  résis- 
tance. H  y  fit  une  longue  station,  non  pas  qu'il 
hésitât,  mais  parce  qu'il  voulait  donner  aux  négo- 
ciations qu'il  avait    ouvertes  avec    les  Mzabites 
d'une  part,  les  Chambâ  de  l'autre,  le  temps  d'a- 
boutir. Quand  il  en  eut  recueilli  les  premiers  et 
très  heureux  effets,  il  se  dirigea  vers  Ouargla,   le 
5  décembre.  Le  commandant  Niqueux  le  remplaça 
aussitôt  dans  Metlili,  et  le  commandant  Du  Barail, 
revenu  à  Guerrara,  lui  envoya  le  goum  des  Larbâ 
en  renfort. 


330  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

L'oasis  de  Ngouça  est  à  vingt  kilomètres  au 
nord-est  d'Ouargla  ;  Si-Hamza  y  laissa  en  dépôt 
ses  vivres  et  ses  bagages,  puis  il  se  mit  à  la  re- 
cherche du  chérif,  juste  au  moment  où  celui-ci 
allait  le  chercher  lui-même.  Au  lieu  de  se  ren- 
contrer, les  deux  adversaires  se  croisèrent  en 
route;  mais  quand  les  gens  d'Ouargla  et  des  en- 
virons apprirent  la  marche  de  celui  qu'ils  nom- 
maient le  khalifa  français,  ils  s'empressèrent  de 
rebrousser  chemin  et  de  courir  à  la  défense  de 
leurs  ksour  menacés,  de  sorte  qu'il  ne  resta  plus 
autour  du  chérif  que  les  Larbâ  et  les  Ouled-Naïl 
réfractaires. 

Avec  sa  troupe  réduite,  il  prit  position  sur  des 
dunes  de  sable  dont  l'abord  semblait  inaccessible; 
Si-Hamza,  cependant,  n'hésita  pas  à  l'y  attaquer. 
Cette  première  mêlée  d'Arabes  sous  un  nuage  de 
poussière,  parmi  les  hurrahs,  les  coups  de  feu,  le 
cliquetis  des  armes  blanches,  longue,  tumultueuse, 
demeura  incertaine.  Des  deux  parts,  comme  par 
un  accord  tacite,  on  s'arrêta.  Si-Hamza,  blessé, 
mais  n'y  prenant  pas  garde,  s'occupait  de  refor- 
mer son  monde,  quand  il  vit  un  groupe  d'hom- 
mes s'avancer  en  criant  de  toutes  leurs  forces  : 
«  Au  nom  de  Dieu,  nous  te  demandons  Vaman; 
nous  voulons  vivre  désormais  sous  ton  drapeau  et 


LE    COLOîsEL    DURRIEU.  331 

SOUS  celui  des  Français!  »  et  lui  présenter  le  che- 
val de  gâda.  De  l'avis  de  ses  lieutenants,  il  accepta 
la  soumission  qui  lui  était  offerte.  Quantau  chérif, 
il  avait  disparu;  on  sut  plus  tard  qu'il  s'était  re- 
tiré d'abord  près  de  Tougourte,  puis,  ne  s'y  trou- 
vant pas  en  sûreté,  dans  le  Djerid  tunisien. 
Ouargla  ouvrit  ses  portes  au  vainqueur. 

Le  16  janvier  1854,  les  commandants  Du  Barail 
et  Niqueux  se  rejoignirent  à  Metlili.  Deux  jours 
après,  ils  virent  arriver  le  colonel  Durrieu,  com- 
mandant supérieur  de  la  subdivision  de  Mascara, 
chargé  par  le  gouverneur  général  de  préparer 
l'organisation  de  la  région  conquise.  «  La  tran- 
quillité du  pays  est  (elle,  écrivait-il  de  Metlili  le 
20  janvier,  que  j'ai  pu  prendre  les  devants  de  ma 
colonne  avec  vingt  chevaux.  Je  veux  aller  à  Ouar- 
gla en  sept  jours,  en  passant  par  le  Mzab,  dont 
toutes  les  djemâ  sont  auprès  de  moi  et  m'appor- 
tent des  cadeaux  de  dattes,  d'œufs  d'autruche  et 
de  plumes.  Nous  voilà  réunis  de  Mascara,  Tiaret, 
Médéa,  Laghouat,  comme  par  un  coup  de  ba- 
guette, sous  les  murs  d'une  oasis  jusqu'ici  presque 
ignorée.  J'ai  devant  ma  lente  vingt  quintaux  de 
dattes  que  je  distribue  à  la  troupe.  » 

Suivi  seulement  d'une  quarantaine  de  spahis  et 
d'une  vingtaine  d'Arabes,  le  colonel  Diirrieu  prit  la 


332  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

direction  deNgouça.  Le  27,  vers  le  milieu  du  jour, 
il  vit  une  grosse  troupe  de  cavaliers  venir  à  sa  ren- 
contre; c'était  Si-Hamza  et  son  escorte.  Il  s'arrêta 
sur  une  dune  et  «  pour  établir  nettement,  suivant 
son  expression,  la  situation  aux  yeux  de  tous», 
avant  de  recevoir  le  salut  du  khalifa,  il  lui  montra 
le  fanion  tricolore  et  le  mit  en  demeure  de  rendre 
hommage  au  symbole  de  la  patrie  française.  «  Je 
n'ai  qu'un  drapeau,  dit  sans  hésitation  Si-Hamza, 
c'est  celui  que  tu  portes;  je  me  suis  battu  pour  la 
France  et  je  mourrai  pour  elle  au  premier  ordre.» 
Alors  le  colonel  mit  pied  à  terre,  embrassa  le 
khalifa,  le  complimenta  au  nom  du  gouverneur, 
et  prit  avec  lui  le  chemin  d'Ouargla. 

Le  général  Randon  était  venu  d'Alger  à  La- 
ghouat;  il  y  avait  convoqué  tous  ceux^  Arabes  et 
Français,  qui  avaient  pris  part  à  l'expédition  et 
des  députés  de  toutes  les  populations  du  Sud. 
«  Ces  députalions,  disait-il  dans  un  ordre  du  jour 
aux  colonnes  Niqueux  et  Du  Barail  qu'il  venait  de 
passer  en  revue  le  9  février,  ces  dép'utations  qui 
viennent  des  points  les  plus  éloignés  faire  acte  de 
soumission  à  la  France  sont  les  heureux  résultats 
de  celte  campagne.  Vous  devez  en  être  fiers,  car 
c'est  sous  la  protection  de  vos  baïonnettes  que 
nos  chefs  indigènes  ont  glorieusement  accompli  la 


CÉRÉMOME    D'INVESTITURE.  333 

mission  que  je  leur  avais  confiée.  Nosgoums,  qui, 
de  l'est  à  l'ouest,  ont  rivalisé  d'élan  et  de  bravoure 
pour  la  cause  de  la  France,  sont  dignes  de  partager 
les  éloges  que  je  vous  donne.  Je  signale  avec  bon- 
heur cette  communauté  de  bons  services,  car  elle 
est  la  preuve  de  notre  puissance  en  Algérie.  » 

Deux  jours  après,  sur  la  place  d'armes  de  La- 
ghouat,  se  pressaient  les  députations  de  tous  les 
ksour  et  de  tous  les  douars;  en  avant  se  tenaient 
les  grands  chefs,  graves  et  fiers,  altendanl  l'inves- 
titure qui  leur  allait  être  solennellement  conférée. 
Le  gouverneur  parut,  escorté  du  colonel  Durrieu, 
commandant  supérieur  de  Mascara,  du  capitaine 
de  Colomb, commandantsupérieurdeGéryville,  et 
desolTiciers  de  son  état-major.  Si-Hamza  s'avança 
le  premier;   son  khalifalik  s'étendait  sur  tout  le 
territoire  qu'il  venait  de  conquérir  à  la  France. 
Après  lui,   son    frère  Si-Zoubir,  puis  les  kaïds 
d'Ouargla,  de  Ngouça,  des  Chambâ,  puis  les  cheikhs 
et  les  djemâ  des  Mzabites.  Jamais  cérémonie  plus 
imposante  et  plus  éclatante  à  la  fois  n'avait  ébloui 
les  regards  émerveillés  des  Arabes  ;  jamais  image 
ne  se  grava  plus  profondément  dans  leurs  yeux 
pour  être  évoquée  toujours  aussi  brillante  dans 
leur  souvenir. 

Afin  d'achever  et  de  consolider  l'établissement 


334  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

du  sud,  il  fallait  prendre  possession  de  l'Oued- 
Righ  et  du  Souf.  Tougourte,  la  principale  oasis  de 
rOued-Righ,  est  à  deux  cent  sept  kilomètres  au 
sud  de  Biskra  et  à  cent  quarante-huit  kilomètres 
au  nord-est  d'Ouargla,  En  1854,  elle  était  occu- 
pée par  un  cheikh,  du  nom  de  Slimane,  qui  était 
lié  d'intérêts  avec  Mohammed-ben-Abdallali,  le 
chérif.  Celui-ci,  expulsé  du  Djerid  tunisien,  vint, 
au  mois  de  juin,  s'établir  dans  le  Souf,  puis, 
au  mois  de  septembre,  il  osa  se  présenter  de- 
vant Ngouça.  Son  audace  lui  réussit;  sur  la  seule 
menace  d'abattre  les  palmiers,  il  se  fit  ouvrir  les 
portes  du  ksar,  et  s'il  est  vrai  que  les  gens  d'Ouar- 
gla ne  soient  pas  allés  jusqu'à  lui  ouvrir  les  leurs, 
il  n'est  pas  moins  certain  que  plusieurs  d'entre  eux 
lui  envoyèrent  des  compliments  et  mênie  des  che- 
vaux de  gâda.  Il  était  grand  temps  de  couper  court 
à  cette  nouvelle  aventure.  L'aglia  Si-Zoubir,  qui 
était  à  Géryville,  accourut  en  hâte,  préserva  Met- 
lili,  rétablit  dans  Ouargla  Tordre  un  moment  trou- 
blé, puis  se  fit  recevoir  dans  Ngouça  sans  trop  de 
peine.  Débouté  de  ses  premiers  succès,  le  chérif 
se  replia  sur  l'Oued-Righ,  auprès  de  Slimane,  son 
complice. 

Le  général  Randon  décida  que  Tougourte  serait 
occupé.  Un  mouvement  général  fut  ordonné  sur 


MARCHE    SUR    TOUGOURTE.  335 

toute  la  ligne  du  sud.  Le  commandant  Niqueux  se 
dirigea  deTiaret  sur  El->îaïa,  où  il  se  tint  en  ob- 
servation, avec  deux  cents  hommes  du  1"  batail- 
lon d'Afrique,  cinquante  spahis  et  deux  cents  ca- 
valiers de  son  goum.  Le  général  Durrieu  s'établit 
à  Géryville  avec  sept  cents  hommes,  moitié  du  12" 
de  ligne,  moitié  zéphyrs  du  1"  bataillon,  un  esca- 
dron de  spahis  et  deux  pièces  de  montagne.  Le 
commandant  Du  Barail  se  tenait  à  Laghouat,  prêt 
à  marcher  avec  quatre  cents  fantassins,  un  esca- 
dron de  spahis  et  trois  cents  Larbâ.  Le  colonel 
Desvaux,  à  Biskra,  commandait  une  colonne  forte 
de  deux  cent  cinquante  hommes  du  68%  de  cent 
dix  tirailleurs  indigènes,  de  six  cents  chasseurs 
d'Afri(]ue  et  spahis,  d'une  section  d'obusiers  de 
montagne,  et  accompagnée  d'un  goum  de  quatorze 
cents  hommes  de  pied  et  de  millechevaux  arabes. 
L'opération  débuta  par  la  marched'un  détache- 
ment envoyé  de  Géryville  sur  Ouargla.  Le  capi- 
taine de  Colomb,  qui  le  comraandail,  se  saisit, 
tant  à  Ouargla  même  qu'à  Ngouça,  des  principaux 
partisans  du  chérif  et  les  ramena  sous  bonne  garde 
à  Géryville.  Pendant  ce  temps,  le  commandant  Du 
Barail  était  descendu  de  Laghouat  sur  Berriane, 
Gliardaïa  et  Guerrara,  tandis  que  le  colonel  Dis- 
vaux  marchait  de  Biskra  vers  l'Oued-Righ.  La  co- 


336  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

lonne  était  précédée  d'une  avant-garde,  composée 
d'une  compagnie  de  tirailleurs,  de  deux  esca- 
drons de  spahis  et  de  tout  le  goum,  sous  les 
ordres  du  commandant  Marmier. 

Le  26  novembre,  l'avant-garde  avait  atteint 
Mgarine,  à  quinze  kilomèlres  seulement  de  Tou- 
gourle.  Là  le  commandant  Marmier  apprit,  d'un 
côté,  que  Slimane  s'apprêtait  à  faire  une  vigoureuse 
défense  dans  son  ksar;  d'un  autre,  que  le  chérif 
amenait  du  Souf  un  nombreux  contingent  à  son 
aide.  En  effet,  le  29,  au  point  du  jour,  les  deux 
alliés  apparurent  avec  deux  mille  hommes  de 
pied  et  six  cents  chevaux.  Le  commandant  n'at- 
tendit pas  l'attaque  et  lança  les  goums,  qui,  ra- 
menés d'abord,  se  rallièrent  et  revinrent  à  la 
charge,  soutenus  par  les  spahis,  pendant  que  la 
compagnie  de  tirailleurs  arrêtait,  par  un  feu  des 
plus  vifs,  les  tentatives  des  fantassins  ennemis  sur 
le  bivouac  et  contenait  les  gens  de  Mgarine.  Une 
troupe  de  fanatiques,  drapeaux  et  musique  en  tête, 
s'était  cantonnée  dans  un  jardin  ;  elle  fut  la  der- 
nière à  tenir;  mais  toute  la  bande  fut  passée  p.ir 
les  armes. 

La  victoire  était  complèle;  un  millier  de  fusils 
et  de  sabres  jonchaient  le  sol  parmi  des  tas  de  ca- 
davres; deux  drapeaux  du  chérif,  trois  de  Slimane 


SOUMISSION    DU    SUD.  337 

étaient  entre  les  mains  du  vainqueur.  On  sut  plus 
tard  que,  dans  la  presse  des  fuyards,  sous  la  porte 
deTougourte,  il  y  en  eut  treize  d'étouffés.  Le  com- 
bat de  Mgarine  eut  un  bien  autre  résultat  :  Slimane 
et  le  chérif,  absolument  démoralisés,  sortirent 
du  ksar  pendant  la  nuit  du  1"  au  2  décembre  et 
disparurent.  Ce  fut  très  heureux,  car,  pour  enlever 
Tougourle  par  un  coup  de  main,  il  aurait  fallu  fran- 
chir un  fossé  large  de  quinze  mètres,  profond  de 
trois,  puis  escalader  une  escarpe  de  huit  à  dix 
mètres  de  hauteur. 

Le  2  décembre,  le  lieutenant  Roze,  avisé  de  l'é- 
vasion des  chefs,  eut  la  bonne  fortune  d'entrer  le 
premier  dans  la  place,  où  le  commandant  Marmier 
ne  tarda  pas  d'ailleurs  à  le  suivre.  Le  colonel 
Desvaux  y  arriva  le  5,  et  le  commandant  Du  Barail 
le  8.  Les  demandes  d'aînan  affluaient;  le  15  dé- 
cembre, tout  rOued-Righ,  tout  le  Souf  avaient  fan 
soumission.  La  dignité  de  kaïd  de  Tougourte  fut 
conférée  à  l'un  des  fils  du  fameux  Farhal-ben- 
Saïd;  on  lui  laissa  provisoirement,  comme  force 
publique,  la  compagnie  de  tirailleurs  indigènes 
avec  un  peloton  de  spahis. 

Il  ne  restait  plus  qu'à  faire  apprécier  aux  popu- 
lations sahariennes,  par  des  preuves  évidentes, 
les  bienfaits  qu'en  retour  de  leur  obéissance  leur 

II.  22 


338  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE 

apportait  la  domination  française,  l'ordre  et  la 
justice  d'abord,  puis  le  développement  de  leurs 
intérêts  matériels.  Dans  ces  régions  brûlées,  assé- 
chées, où  les  rares  cours  d'eau  ne  peuvent  échap- 
per à  l'évaporation  qu'en  se  dissimulant  sous  le 
sable,  quelle  fortune  qu'un  puits  qui  ne  tarit  pas, 
qu'une  source  qui  jaillit  toujours!  Cette  fortune, 
les  colonnes  françaises  l'amenaient  avec  elles  et 
la  laissaient  après  elles. 

Au  mois  de  décembre  1 855,  le  général  Desvaux 
visitait  sa  conquête  de  l'année  précédente.  Un 
ingénieur,  M.  Laurent,  qui  l'accompagnait,  apprit 
d'abord  aux  gens  du  Souf  et  de  l'Oued-Righ  à 
dégager  facilement  leurs  puits  obstrués,  à  en  forer 
de  nouveaux,  à  retenir,  par  des  barrages  peu 
coûteux,  l'eau  recueillie  précieusement.  Il  fit  plus 
et  mieux;  il  reconnut,  par  une  étude  attentive  du 
terrain  et  par  des  sondages,  l'importance  des 
nappes  souterraines,  la  direction  des  rivières 
cachées,  et  il  prépara  de  la  sorte  l'œuvre  que 
devait  entreprendre,  dès  Tannée  suivante,  son 
lieutenant,  M.  Jus,  ces  admirables  fontaines  jail- 
lissantes, source  de  vie,  dont  les  gerbes,  retombant 
en  ruisseaux  intarissables,  ont,  partout  où  il  leur 
a  été  permis  d'atteindre,  secoué  dans  sa  tombe, 
tiré  de  son  linceul  de  sable  et  ressuscité  le  désert. 


GUERRE    D'ORIENT.  339 


Pendant  la  conquête  du  Sud,  l'Algérie  avait 
passé  par  une  épreuve  depuis  longtemps  redou- 
tée, toujours  inquiétante  pour  une  colonie,  la  crise 
d'une  grande  guerre  européenne.  Elle  s'en  était 
tirée  à  son  honneur.  Il  est  vrai  de  dire  que  les  cir- 
constances étaient  exceptionnellement  favorables: 
mer  libre,  communications  avec  la  mère  patrie 
assurées  comme  en  temps  de  paix,  caractère  et 
qualité  des  alliances.  L'Arabe,  qui  avait  délesté  le 
Turc  dominateur  d'Alger,  ne  voyait  plus  dans  le 
Turc  de  Stamboul  qu'un  coreligionnaire,  un  vrai 
croyant,  un  frère  en  Islam,  et  l'on  crut  d'abord 
dans  les  douars  qu'en  envoyant  ses  troupes  à  l'aide 
du  sultan,    l'empereur  Napoléon  III  n'avait  fait 
que  se  soumettre  aux  obligations  d'un  vassal. 

Ce  qu'il  y  eut  de  plus  remarquable,  ce  fut  l'em- 
pressement des  tirailleurs  indigènes  à  réclamer 
une  place  dans  l'expédition  d'Orient.  Il  s'en  pré- 
senta plus  de  deux  mille,  qui  formèrent  un  régi- 

•22. 


340  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

ment  nouveau  dans  les  cadres  de  l'armée  fran- 
çaise. Les  Maures  citadins  lui  offrirent  un  drapeau 
dont  les  broderies  magnifiques  figuraient,  d'un 
côté,  les  armes  d'Alger,  le  lion  et  le  palmier,  sur- 
montées de  l'aigle  impériale,  et  reproduisaient, 
de  l'autre,  en  caractères  arabes,  la  devise  sui- 
vante :  «  Cet  étendard  brillera  dans  les  champs  de 
la  gloire  et  volera  au  succès  avec  l'assistance 
divine.  C'est  l'œuvre  des  musulmans  d'Alger, 
offerte  aux  soldats  indigènes  faisant  partie  des 
troupes  françaises  qui  marchent  au  secours  de 
l'empire  ottoman.  An  1270.  »  A  cet  emblème 
trop  spécial  et,  qu'on  nous  passe  le  mot,  particu- 
lariste,  l'autorité  militaire  fit  substituer  le  drapeau 
national. 

En  trois  mois,  de  mars  à  juin  1854,  l'Algérie 
vit  partir  pour  Gallipoli  et  Varna  vingt-quatre  mille 
quatre  cent  cinquante  hommes  de  vieille  infan- 
terie et  seize  cent  trente  cavaliers,  chasseurs  d'A- 
frique et  spahis.  D'un  effectif  général  de  soixante- 
quinze  mille  hommes,  l'armée  d'Afrique  était  donc 
réduite  à  moins  de  cinquante  mille.  C'était  un 
affaiblissement  connu  de  tous  et  dont  les  fauteurs 
de  révoltes  devaient  être  tentés  de  tirer  profit; 
cependant  tout  demeura  tranquille,  sauf  sur  un 
point.  Bou-13aghla  qui,  depuis  deux  ans,  se  tenait 


AGITATION    EN    KABYLIE.  341 

caché  au  fond  de  la  Grande  Kabylie,  sortit  de  sa 
retraite  et  sema  l'agitation  sur  la  rive  droite  du 
Boubehir,  qui  est  le  haut  Sebaou.  Le  bachagha 
Bel-Kassém  fit  les  plus  sincères  efforts  pour  barrer 
la  route  à  l'insurrection,  mais  il  fut  débordé.  Si 
l'on  voulait  empêcher  le  feu  d'embraser  tout  le 
sahel  montagneux  de  Bougie  à  Dellys,  il  n'y  avait 
pas  de  temps  à  perdre. 

Le  gouverneur  envoya  au  général  de  Mac 
Mahon,  commandant  la  division  de  Constantine, 
l'ordre  de  constituer  à  Sétif  une  colonne  de  sept 
bataillons,  et  fit  partir  d'Alger  pour  Tizi-Ouzou  le 
général  Camou.  La  division  réunie  sous  les  ordres 
de  ce  général,  et  d'un  effectif  de  six  mille  cinq 
cent  soixante-dix  hommes,  comprenait  :  1'*  bri- 
gade, général  Pâle,  11'  léger,  un  bataillon  du 
1''  zouaves;  2^  brigade,  général  Bosc,  25*  léger, 
69"  de  ligne.  Dans  la  division  Mac  Mahon,  d'un 
effectif  de  cinq  mille  cent  soixante  hommes,  la 
1"  brigade,  général  Maissiat,  comprenait  :  1G'  lé- 
ger, 7®  bataillon  de  chasseurs;  la  2%  colonel  Piat, 
un  bataillon  du  71%  un  du  3'  zouaves,  un  de 
tirailleurs  indigènes.  Parti  de  Sétif  le  26  mai,  le 
général  de  Mac  Mahon  était  le  T"  juin  à  Ksar- 
Kbouch,  prêt  à  passer  de  la  vallée  de  l'Oued- 
Sahel  dans  le  bassin  du  haut  Sebaou.  Le  même 


342  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

jour,  la  division  Camou  occupait,  à  sept  lieues  à 
l'est  de  Tizi-Ouzou,  le  bivouac  de  Chaoufa,  sur  la 
rive  gauche  du  Sebaou  moyen. 

Ainsi  commençait,  à  l'improviste,  sans  plan 
réglé  d'avance,  la  première  expédition  sérieuse 
dans  la  Grande  Kabylie,  ce  qu'on  peut  nommer  le 
prologue  de  la  conquête.  Pour  réduire  la  Kabylie 
des  Babors,  il  avait  fallu  s'y  reprendre  à  trois  fois; 
il  fallut  aussi  trois  campagnes  pour  avoir  raison 
des  Grands  Kabyles,  mais  avec  infiniment  plus  de 
peine  et  d'elfort.  C'est  qu'entre  les  Grands  et  les 
Petits  Kabyles,  s'il  y  avait  communauté  de  race 
et  d'institutions,  il  n'y  avait  plus  au  même  degré 
communauté  de  caractère.  Sur  la  rive  droite  de 
rOued-Sahel,  l'énergie  était  moindre  ou,  si  l'on 
veut,  moins  persévérante;  sur  la  rive  gauche,  et 
surtout  parmi  les  arêtes  neigeuses  du  Djurdjura, 
l'âpreté  du  montagnard  égalait  l'àpreté  de  la 
montagne.  La  population  élait  dense;  dans  le 
Djurdjura  seul,  on  comptait  que  les  confédérations 
pouvaient  armer  vingt-neuf  mille  guerriers. 

Au  combat,  le  fantassin  kabyle  est  un  type  à 
part,  très  distinct  de  l'Arabe.  Ni  haïk,  ni  burnous; 
pour  unique  vêtement,  une  chemise  de  laine  ;  sur 
la  tête  rasée,  une  calotte  de  feutre;  aux  pieds, 
quand  ils  ne  sont  pas  nus,  des  sandales  de  peau 


LES    GRANDS    KABYLES.  343 

fraîche;  autour  de  la  taille  une  ceinture  de  cuir 
qui  soutient  le  flissa  d'un  côté,  la  cartouchière  de 
l'autre.  Le  Kabyle  a  le  plus  grand  soin  de  son 
fusil;  ilfabrique  sa  poudre,  qui  est  meilleure  que 
celle  de  l'Arabe;  mais  il  la  ménage  mieux,  parce 
qu'elle  est  très  chère;  au  témoignage  du  général 
Daumas,  le  prix  de  la  cartouche,  en  1847,  était 
de  quarante  centimes.  Aussi  tire-t-il  posément  et 
pour  ainsi  dire  à  coup  sûr.  Dans  le  Djurdjura,  les 
villages  ne  sont  plus  guère  bâtis  sur  les  pentes, 
encore  moins  dans  les  fonds;  on  les  aperçoit  tout 
en  haut,  perchés  sur  les  sommets,  comme  les 
biirgs  du  mo) en  âge;  pour  avoir  de  l'eau,  il  faut 
que  les  femmes  descendent  bas  et  remontent 
péniblement,  la  jarre  sur  l'épaule.  Quand  les 
hostilités  menacent,  le  village  est  entouré  d'abatis, 
de  retranchements  en  pierres  sèches,  souvent 
étages  et  donnant  de  bons  flanquements.  En 
somme,  c'est  une  race  belliciueuse,  nerveuse, 
agile,  sobre,  tenace,  éminemment  douée  pour  la 
guerre. 

Le  seul  concert  entre  les  deux  divisions  de  l'est 
et  de  l'ouest  était  qu'elles  devaient  marcher  à  la 
rencontre  l'une  de  l'autre.  Le  4  juin,  le  gouver- 
neur, qui  avait  rejoint  le  général  Camou  au 
bivouac  de  Chaoufa,  lui  (it  passer  le  Sebaou  et 


344  LA    COAQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE, 

l'engagea  sur  la  rive  droite  contre  les  Beni- 
Djennad,  les  partisans  les  plus  décidés  de  Bou- 
Baghla.  C'est  dans  leur  territoire  que  se  trouve  le 
Tamgout,  le  sommet  le  plus  élevé  de  la  chaîne 
côtière.  Sur  un  contrefort  de  ce  pic,  au  village 
d'Agherib,  les  Beni-Djennad  avaient  concentré 
leurs  forces.  Abordée  par  trois  colonnes  et  tournée 
par  la  gauche,  la  position  fut  emportée  dès  la  pre- 
mière attaque.  Ce  même  jour,  la  division  Mac 
Mahon,  qui  avait  passé  la  veille  le  col  de  Ksar- 
Kbouch,  battit  par  la  même  tactique  les  Beni- 
Hoceïne.  Ce  double  succès  eut  pour  résultat 
immédiat  la  soumission  de  tout  le  littoral. 

Le  12  juin,  les  deux  divisions  se  réunirent  et, 
le  15,  se  dirigèrent,  en  remontant  la  vallée  du 
Boubehir,  vers  les  Beni-Hidjer,  les  hôtes  de  Bou- 
Baghla.  Depuis  plusieurs  jours,  on  voyait  passer, 
du  sud  au  nord,  par  les  crêtes  orientales  du  bas- 
sin, un  courant  d'hommes  armés;  c'étaient  des 
Illoula,  des  Beni-Mellikeuch ,  même  des  Djurdju- 
riens  de  la  grande  chaîne,  qui,  appelés  par  les 
Beni-Hidjer,  se  hâtaient  à  leur  aide.  L'idée  vint 
alors  au  gouverneur  de  faire  tête  de  colonne  à 
droile,  et  d'aborder  le  territoire  quasi  désarmé 
des  contingents  qui  l'attendaient  ailleurs.  Les  trou- 
pes n'étaient  pas  dans  le  secret.  Quand,  le  16,  à 


LE    SEBT    DES    BENI-YAYA.  3i5 

trois  heures  du  matin,  sans  sonneries,  en  silence, 
elles  s'ébranlèrent  pour  marcher  au  sud,  non  à 
l'est,  après  un  premier  moment  de  surprise,  elles 
eurent  bientôt  compris  la  manœuvre  du  général 
en  chef.  La  marche  était  difficile,  la  montée  raide; 
mais  quand  on  eut  atteint  le  Sebt,  le  plateau  où  se 
tient,  le  samedi,  le  marché  des  Beni-Yaya,  ce  fut 
dans  tous  les  rangs  un  cri  d'admiration.  Jamais 
panorama  si  grandiose  ne  s'était  développé  autour 
d'une  colonne;  ce  qu'on  voyait,  c'était  le  cœur 
même  de  la  Grande  Kabylie. 

«  Le  gouverneur  général,  dit  la  relation  rédi- 
gée d'après  les  notes  de  son  état-major,  reçut  des 
félicitations  sur  l'audace  et  l'habileté  d'une  mar- 
che qui  le  rendait  maîlre,  sans  coup  férir,  d'une 
aussi  formidable  position;  mais  il  ne  se  dissimu- 
lait pas  les  périls  qu'elle  présentait,  et  il  mit  tous 
ses  soins  à  en  prévenir  les  conséquences.  Le  corps 
expéditionnaire  se  trouvait  en  eiïet  séparé  de  sa 
base  d'opération  par  un  pays  de  l'accès  le  plus 
difficile;  ses  communications  avec  Tizi-Ouzou  pou- 
vaient être  compromises,  pour  peu  que  les  tribus 
ennemies  cherchassent  à  les  inquiéter,  et  il  deve- 
nait impossible  de  quitter  cette  position  sans  avoir 
frappé  de  terreur,  par  des  coups  vigoureux,  les 
diverses  confédérations  kabyles  qui   renlourcnt. 


346  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Le  moindre  échec,  en  exaltant  la  bravoure  natu- 
relle des  montagnards,  pouvait  produire  un  sou- 
lèvement général  et  amener  contre  nos  huit  mille 
fusils  plus  de  vingt-cinq  mille  Kabyles  soutenus 
par  leur  farouche  patriotisme  et  merveilleusement 
servis  dans  leurs  attaques  par  les  embarras  d'une 
colonne  chargée  de  bagages,  au  milieu  de  diffi- 
cultés de  terrain  inextricables  et  qui  devaient  se 
renouveler  à  chaque  pas. 

«  Quoique  le  Sebt  des  Beni-Yaya  soit  la  posi- 
tion dominante  de  la  contrée  et  le  nœud  d'où 
s'échappent  les  divers  contreforts  des  Beni-Fra- 
oucen,  des  Beni-Raten,  des  Beni-Menguellet,  des 
Beni-bou-Youcef  et  des  Beni-Yaya,  l'influence  de 
son  commandement,  à  cause  des  pentes  abruptes 
de  chacun  de  ces  contreforts,  ne  pouvait  pas 
s'étendre  fort  loin.  Aussi  fallait-il  s'attendre  à 
livrer  autant  de  combats  qu'il  y  avait  de  confé- 
dérations répandues  autour  de  la  position.  Le 
gouverneur  général  le  prévoyait.  » 

En  effet,  cette  position  pittoresque  était  un 
guêpier.  La  journée  du  16  fut  tranquille;  mais  le 
lendemain  matin,  le  campement  se  réveilla  cerné. 
Il  fallut  faire  face,  Mac  Mahon  à  l'est,  Gamou  à 
l'ouest;  et,  du  matin  au  soir,  ce  ne  furent  que 
pointes,  retraites  et  retours  offensifs.  Les  affaires 


LUTTE    ACHARNÉE.  347 

les  plus  chaudes  eurent  lieu  dans  les  villages  de 
Taourirt  et  d'Aguemoun-Izen.  Du  dernier  le 
général  Bosc  eut  de  la  peine  à  revenir,  parce  qu'il 
avait  à  franchir  un  ravin  profond  et  boisé.  En 
somme,  le  corps  expéditionnaire  eut  dans  celte 
journée  trente-neuf  morts  et  deux  cent  dix-huit 
blessés. 

Les  deux  jours  suivants,  un  brouillard  épais  fit 
trêve  à  la  lutte;  elle  reprit,  le  20,  avec  fureur. 
Les  Kabyles  étaient  rentrés  dans  Taourirt;  ils 
avaient  fait  tout  autour  des  abatis  de  gros  arbres 
et  construit  des  retranchements  en  pierres  sèches; 
toutes  les  maisons  étaient  crénelées.  Contre  cette 
sorte  de  forteresse  défendue  par  plus  de  trois  mille 
combattants,  le  gouverneur  ne  réunit  pas  moins 
de  huit  bataillons.  Quand  elle  eut  été  forcée,  mal- 
gré la  plus  vive  résistance,  on  se  porta  sur  les 
autres  villages  des  Beni-Mengnellet;  tout  fut 
brûlé,  sapé,  rasé,  maisons,  vergers,  jardins;  la 
destruction  fut  impitoyable;  mais  aussi,  quand  les 
troupes  de  la  division  Camou  se  mirent  en  retraite, 
les  Kabyles  s'acharnèrent  après  elles.  Le  nombre 
des  morts,  du  côté  des  Français,  fut  de  trente,  et 
celui  des  blessés  de  cent  cinq. 

Comme  les  Beni-Menguellet  avaient  le  plus 
souffert,  ils  furent  les  premiers  à   réfléchir.  Les 


348  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

ouvertures  dont  ils  prirent  l'initiative  furent 
accueillies;  ils  payèrentune  contribution  de  guerre, 
livrèrent  des  otages  et  s'engagèrent  à  renvoyer 
les  contingents  étrangers  à  leur  confédération.  Les 
Beni-Raten  imitèrent  leur  exemple.  Le  25  juin, 
les  entours  du  bivouac  étaient  redevenus  si  pai- 
sibles qu'un  officier  du  poste  de  Dra-el-Mizane 
put  arriver  au  Sebt  ayant  pour  toute  escorte  un 
cheikh  de  village.  Le  lendemain,  le  corps  expédi- 
tionnaire descendit  au  Boubehir  et  s'y  reposa 
pendant  deux  jours  avant  d'aller  rendre  aux  Beni- 
Hidjer  la  visite  qui  leur  était  due. 

Ils  l'attendaient  assurément,  car  ils  ne  firent 
aucune  démarche  pour  la  prévenir,  et  quand  on 
entra  chez  eux,  on  trouva  qu'ils  avaient  tout  pré- 
paré pour  lui  faire  honneur.  En  effet,  la  réception 
fut  chaude;  on  se  battit  le  30  juin,  le  i",  le 
2  juillet.  Il  y  avait  dans  ces  montagnes  un  village 
nommé  aussi  Taourirt;  de  même  que  son  homo- 
nyme des  Beni-Menguellet,  il  avait  été  crénelé, 
barricadé,  fortifié  en  manière  de  réduit.  Six 
bataillons  de  la  division  Mac  Mahon  l'emportèrent; 
ce  fut  alors  fini  de  la  résistance.  Le  4,  les  députés 
des  vingt-deux  villages  qui  composaient  la  tribu 
des  Beni-Hidjer  vinrent  se  soumettre  à  toutes  les 
conditions    qu'il    plut    au  gouverneur   de   leur 


RÉSULTATS    DE    LA    CAMPAGNE.  349 

imposer.  Le   6,  les  deux  divisions  reprirent  le 
chemin  de  leurs  provinces  respectives. 

Analogue  à  la  pointe  poussée,  en  1851,  par  le 
général  de  Saint-Arnaud  dans  la  Kabylie  des 
Babors,  l'expédition  du  haut  Sebaou  n'était  en 
fait  qu'une  grande  reconnaissance;  elle  donna 
d'utiles  renseignements  pour  l'avenir,  mais  elle 
fut  payée  bien  cher,  car  les  pertes  s'élevèrent  à 
plus  de  neuf  cents  tués  ou  blessés.  11  ne  serait 
cependant  pas  juste  de  prétendre  qu'elle  n'ait 
pas  eu  de  résultats  immédiats  :  elle  arrêta  sur 
place  un  mouvement  de  révolte  qui,  dans  les  cir- 
constances difficiles  où  se  trouvait  alors  l'Algérie, 
aurait  pu  s'étendre  en  plaine,  et,  de  plus,  elle 
ruina  pour  toujours  le  crédit  de  Bou-Baghia,  qui 
ne  s'était  pas  distingué  personnellement  dans  la 
résistance.  Réduit  à  courir  les  aventures,  l'ancien 
chérif  du  Djurdjura  s'en  alla  faire  du  brigandage 
dans  la  vallée  de  l'Oued-Sahel,  et  fut  tué  miséra- 
blement, le  26  décembre,  ditns  un  guet-apens 
qu'il  avait  tendu  au  kaïd  des  Beni-Abbès. 


350  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE 


VI 


Pendant  l'année  1 855,  un  calme  relatif  ne  cessa 
pour  ainsi  dire  pas  d'être  l'état  normal  de  l'Algérie, 
de  la  Grande  Kabylie  même.  11  y  avait  cependant 
de  temps  à  autre  quelques  symptômes  d'agitation 
dans  le  Djurdjura. 

Depuis  la  soumission  de  Si-Djoudi  et  de  la  plus 
grande  partie  des  Zouaoua,  c'était  la  confédé- 
ration des  Beni-Raten  qui  s'était  saisie  de  leur 
succession  en  déshérence.  Tout  s'accordait  pour 
faire  d'elle  un  centre  de  résistance,  l'âpreté  du 
sol  et  la  fierté  des  esprits.  En  se  résignant,  ou 
plutôt  en  paraissant  se  résigner  aux  conditions 
que  leur  avait  faites  le  général  Randon,  en  1854, 
les  Beni-Raten  s'étaient  flattés  d'y  trouver  par 
compensation  de  grands  avantages  pour  leur  com- 
merce d'huile  et  de  figues  sèches;  mais  comme  ils 
n'avaient  pas  été  plus  particulièrement  favorisés 
que  d'autres,  ils  en  avaient  conçu  et  montré  de  la 
mauvaise  humeur.  Ce  qui  les  gênait  et  les  irritait, 


TIZI-OUZOU.  351 

c'était  le  voisinage  des  bordjs  français  de  l'ouest, 
particulièrement  de Tizi-Oiizou,  le  plus  rapproché, 
qui,  sous  le  commandement  du  capitaine  Beau- 
prêtre,  était  devenu  un  poste  du  premier  ordre. 

Le  20  janvier  1836,  Tizi-Ouzou  se  vit  investi 
soudainement  par  des  groupes  armés  qui  appar- 
tenaient à  diverses  tribus,  surtout  de  la  zone  sep- 
tentrionale, entre  le  Sebaou  et  la  mer.  Il  y  avait 
là  des  Beni-Ouaguenoun,  des  Flisset-el-Bahr,  des 
Beni-Djennad.  L'approche  d'une  petite  colonne, 
amenée  rapidement  par  le  général  Deligny,  com- 
mandant la  subdivision  d'Alger,  suffit  pour  déblo- 
quer le  bordj;  puis  il  fallut  faire  sur  les  insurgés 
un  exemple.  Ce  furent  les  Beni-Ouaguenoun  qui 
payèrent  pour  leur  propre  compte  et  pour  celui 
des  autres,  à  l'exception  toutefois  des  Beni- 
Djennad,  qui  s'exécutèrent  eux-mêmes,  la  moitié 
soumise  ayant  rudement  châtié  la  moitié  réfrac- 
taire. 

On  savait  que  cette  folle  tentative  avait  été 
provoquée  par  les  excitations  des  Beni-Raten.  C'é- 
taient eux  aussi  qui  excitaient  ou  guidaient  même 
contre  les  tribus  paisibles  de  l'Oued-Sahel  et  du 
Sebaou  des  bandes  de  pillards;  mais  ils  étaient 
assez  habiles  pour  ne  se  laisser  point  prendre  en 
faute.  Les  choses  traînaient  de  la  sorte,  dans  un 


352  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

état  d'indécision  et  de  malaise,  lorsque,  vers  la 
fin  d'août,  le  coup  de  main,  vainement  tenté  sur 
Tizi-Ouzou  sept  mois  auparavant,  faillit  être 
renouvelé  contre  Dra-el-Mizane;  sans  l'indiscrétion 
d'un  Kabyle,  il  eût  probablement  réussi,  car  le 
poste  était  faible  et  n'aurait  pu  opposer  qu'une 
poignée  d'hommes  aux  assaillants. 

A  cette  date,  la  guerre  d'Orient  avait  pris  fin; 
les  troupes  d'Algérie,  qui,  dès  le  début,  s'y 
étaient  portées,  venaient  de  rentrer  avec  leur 
gloire  noblement  acquise.  N'était-ce  pas  le  moment 
d'en  finir  avec  les  Grands  Kabyles,  Beni-Raten  et 
autres?  Telle  était  l'opinion  du  gouverneur  géné- 
ral, dont  l'autorité  devait  peser  d'un  plus  grand 
poids  dans  les  conseils  du  gouvernement,  depuis 
que  la  faveur  impériale  l'avait  élevé,  le  16  mars 
1856,  à  la  dignité  de  maréchal  de  France.  «  Vous 
m'avez  fait  connaître,  écrivait-il  au  maréchal  Vail- 
lant, ministre  de  la  guerre,  que  la  volonté  de 
l'Empereur  était  de  me  donner,  quand  la  paix 
serait  conclue,  les  troupes  nécessaires  pour  faire 
en  Kabylie  une  sérieuse  et,  s'il  plaît  à  Dieu,  une 
dernière  expédition.  Vous-même,  vous  m'avez 
encouragé  à  concevoir  cette  espérance.  J'ai  donc 
lieu  de  compter  sur  une  prochaine  solution  de 
celte    question,    qui   m'occupe  depuis   plus  de 


LE    MARÉCHAL    RANDON.  353 

quatre  années.  Je  crois  cependant  devoir  vous 
faire  remarquer  que  je  ne  puis  ordonner  aucun 
préparatif  aussi  longtemps  que  je  demeurerai 
dans  cette  situation  d'expectative.  »  La  conclusion 
fut  que  le  maréchal  Randon  ayant  demandé  l'au- 
torisation d'ouvrir  la  campagne  au  mois  de  juin, 
le  ministre  crut  devoir  l'ajourner  au  printemps 
de  1857,  pour  cette  raison  qu'avant  d'être  lancés 
dans  de  nouvelles  aventures,  les  vainqueurs  de 
Sébaslopol  avaient  le  droit  et  le  besoin  de  se 
reposer  quelque  temps  de  leurs  glorieuses  fatigues. 

Il  résultait  de  cette  controverse  qu'en  attendant, 
le  maréchal  Randon  devait  se  réduire  au  simple 
nécessaire;  mais,  pour  lui,  le  simple  nécessaire 
était  ce  qui,  pour  d'autres,  eut  été,  sinon  le 
superflu,  au  moins  la  grande  aisance.  En  effet, 
pour  châtier  la  confédération  des  Guechtoula,  res- 
ponsable de  l'attentat  projeté  contre  Dra-el-Mizane, 
il  ne  convoqua  pas  moins  de  quinze  mille  hommes. 
De  cet  effectif,  il  forma  d'abord  deux  divisions, 
commandées,  l'une  parle  général  Renault,  l'autre 
par  le  général  Jusuf,  et  constitua  le  surplus  en 
réserve. 

Jusuf  entra  le  premier  en  opération.  A  quel- 
(jues  kilomètres  au  sud  de  Bordj-Boghni  s'élevait 
dans  la  montagne  une  koubba  célèbre,  non  seule- 

II.  23 


354  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

ment  dans  tout  le  pays  kabyle,  mais  dans  l'Algérie 
enlière;  c'était  le  tombeau  d'un  des  grands  saints 
de  l'islamisme,  Sidi-Mohammed-ben-Abd-er-Rah- 
mane,  dont  les  restes  mortels,  par  un  miracle 
tout  à  fait  exceptionnel,  reposaient  complètement 
et  simultanément  chez  les  Guecbtoula,  en  Kabylie, 
et  tout  près  d'Alger,  au  Hamma,  d'où  lui  était 
venu  le  surnom  posthume  de  Bou-Kobrine, 
((  l'homme  aux  deux  tombes  ».  La  koubba  fut 
respectée,  mais  le  village  qui  l'entourait  et  la 
zaouïa,  foyer  de  fanatisme  et  d'hostilité,  furent 
rasés  sans  merci.  Le  26  septembre,  le  maréchal 
Randon  vint  prendre  le  commandement  des  divi- 
sions réunies.  Attaquées  l'une  après  l'autre,  les 
tribus  dont  l'ensemble  forme  la  confédération  des 
Guechtoula  vinrent  successivement  à  composition. 
Il  ne  restait  plus  à  réduire  que  les  Douala,  tribu 
intermédiaire  qui  servait  de  trait  d'union  entre  les 
Guechtoula  et  les  Beni-Raten;  leurs  villages  furent 
saccagés  et  brûlés  le  7  et  le  8  octobre.  Ce  fut  la  fin 
de  l'expédition.  Les  deux  dernières  journées 
coûtaient  aux  deux  divisions  treize  morts  et 
soixante-dix  blessés.  En  hâtant  le  succès,  la  supé- 
riorité numérique  de  l'attaque  avait  d'autant  réduit 
la  probabilité  des  pertes. 

Dans  un  ordre  du  jour  daté  de  Tizi-Ouzou,  le 


LE    MARÉCHAL    VAILLANT.  355 

iO  octobre,  le  maréchal  Randon  annonçait  expres- 
sément aux  troupes  la  campagne  décisive  :  «  Vous 
ne  direz  pas  un  long  adieu  aux  montagnes  que 
vous  venez  de  parcourir;  nous  y  reparaîtrons  au 
printemps,  et  nous  conquerrons  celte  Kabylie  où 
nul  n'aura  pénétré  avant  nous.  »  Amis  et  ennemis, 
tous  étaient  publiquement  et  solennellement  pré- 
venus. C'était,  comme  au  moyen  âge,  un  défi,  un 
appela  jour  donné,  un  rendez-vous  en  champ  clos. 
Le  10  décembre  1836,  le  maréchal  Vaillant, 
ministre  de  la  guerre,  écrivait  au  maréchal  Ran- 
don :  «  Celle  opération  sera  longue  ;  elle  sera  dif- 
ficile, plus  difficile  peut-être  que  ne  le  croient  ceux 
qui  ont  le  plus  étudié  le  Djurdjura,  qui  se  sont 
déjà  mesurés  avec  les  Kabyles  et  qui  se  sont  fait  le 
moins  d'illusions  sur  la  résistance  que  pourront 
opposer,  dans  une  lutte  suprême,  ces  monta- 
gnards se  battant  pour  le  maintien  d'une  indépen- 
dance qui  a  résisté  à  toutes  les  tentatives  essayées 
contre  elle.  A  mon  avis,  c'est  donc  quelque  chose 
de  très  sérieux  que  nous  voulons  entreprendre,  et 
nous  ne  saurions  par  conséquent  trop  tôt  nous 
préoccuper  de  préparer  le  plan  de  l'expédition  et 
d'en  étudier  les  moyens  d'exécution.  La  conquête 
de  la  Kabylie  est  comme  un  siège  à  entreprendre; 
on  marchera  pour  ainsi  dire  à  la  sape;  ce  qu'on 

23. 


356  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

aura  pris  ou  enlevé  devra  être  définitivement 
acquis  à  nos  troupes.  Tout  pas  fait  en  avant  sera 
une  menace  déplus  pour  l'ennemi,  une  possibilité 
de  l'atteindre  plus  sûrement,  plus  efficacement.  Il 
n'y  aura  point  de  pas  en  arrière.  Le  temps,  la 
patience,  les  routes,  les  points  fortifiés,  voilà  nos 
moyens  de  dompter  ces  fiers  Kabyles,  dignes  de 
nous  par  leur  énergie  et  par  leur  courage.  « 

Le  plan  de  campagne  attendu  par  le  ministre 
lui  fut  adressé  le  15  janvier  1857.  Pour  l'exé- 
cuter, le  maréchal  Randon  ne  demandait  rien  de 
moins  qu'une  armée,  trente  mille  hommes.  Il  en 
avait  bien,  l'année  précédente,  employé  quinze 
mille  pour  une  opération  partielle  et  de  moyenne 
importance.  En  fait,  il  avait  raison  de  vouloir  être 
fort,  très  fort,  afin  d'en  finir  complètement  et  vite; 
mais  qu'auraient  dit  les  plus  anciens  de  ses  pré- 
décesseurs, le  maréchal  Clauzel,  par  exemple, 
avec  ses  dix  mille  hommes?  Les  temps  étaient 
changés,  le  maréchal  Randon  profitait  du  chan- 
gement, c'était  légitime. 

La  conquête  faite,  voici  comment  se  ferait  l'oc- 
cupation :  «  Nous  n'aurons  pas  besoin  de  recourir 
à  ces  moyens  extrêmes  qu'il  a  fallu  trop  souvent 
employer  pour  obtenir  le  gage  de  la  victoire.  Les 
villages,   au  lieu  d'être  détruits,  seront  occupés 


PLAN    L'OCCUPATION.  3-57 

par  des  bataillons;  des  voies  de  communication 
seront  ouvertes  pour  rendre  accessibles  les  parties 
même  les  plus  abruptes.  Ce  qui  s'est  produit  en 
d'autres  lieux  se  présentera  en  Kabylie.  Une  fois 
le  prestige  de  l'inviolabilité  du  territoire  dissipé, 
notre  occupation  consolidée  sur  certains  points 
stratégiques,  notre  volonté  d'être  maîtres  du  pays 
bien  constatée,  les  Kabyles  se  soumettront  à  cette 
volonté,  plus  forte  que  la  leur,  et  l'on  doit  espé- 
rer qu'ils  persisteront  d'autant  plus  dans  cette  ré- 
solution, que  notre  domination  ne  devra  pas 
apporter  de  notables  changements  à  leurs  usages, 
ni  même  modifier  leur  organisation  intérieure. 
Leur  territoire  est  trop  peuplé  pour  que  nous  son- 
gions en  aucune  manière  à  y  introduire  l'élément 
européen. 

«  L'esprit  démocratique  incarné  chez  ces  mon- 
tagnards n'admet  pas  les  grands  chefs.  C'est  ainsi 
que  les  Ouled-ou-Kassi  ne  se  sont  maintenus  dans 
la  vallée  du  Sebaou  qu'au  moyen  de  smalas  com- 
posées d'éléments  divers  auxquels  le  bachagha 
faisait  des  avantages  considérables;  ils  avaient 
ainsi  le  commandement  de  la  vallée,  par  cela 
même  une  certaine  influence  dans  la  montagne; 
mais  jamais  cette  influence  n'a  été  dominatrice. 
Si-el-Djoudi,    bachagha   du   Djurdjura,  a  perdu 


358  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

une  grande  part  de  son  autorité  sur  les  siens,  le 
jour  même  où  il  a  été  investi  des  fonctions  que 
nous  lui  avons  données.  Nous  ne  voyons  pas  quels 
avantages  il  y  aurait  à  tenter  de  modifier  l'orga- 
nisation actuelle  du  pays  kabyle.  Cette  organisa- 
tion répond  assez  exactement  à  celle  de  nos  com- 
munes, et,  sous  ce  rapport,  elle  rentrerait  dans  le 
droit  commun  que  nous  voulons  étendre  sur  l'Al- 
gérie; mais  nous  devons  nous  appliquer  à  être, 
pour  les  Kabyles,  des  conquérants  modérateurs 
des  passions  populaires  qui  divisent  et  animent  les 
confédérations  les  unes  contre  les  autres,  à  res- 
pecter leurs  droits,  alors  qu'ils  ne  deviennent  pas 
une  cause  de  troubles  pour  le  pays,  à  prouver,  en 
un  mot,  qu'après  avoir  déployé  la  force  pour  les 
vaincre,  nous  voulons  user  de  notre  droit  pour 
faire  respecter  ce  qui  est  juste,  ce  qui  donne  à  la 
paix  et  à  la  tranquillité  les  plus  sûres  garanties.  » 
Le  ministre  de  la  guerre  paraissait  hésiter  en- 
core; pour  vaincre  ses  dernières  objections,  le 
gouverneur  de  l'Algérie  se  rendit  en  France  le 
3  mars;  il  en  revint,  le  22  avril,  avec  l'autorisa- 
tion d'agir. 


PRÉPARATIFS.  3f)9 


VII 


Pendant  son  absence  et  d'après  ses  instructions, 
les  apprêts  de  la  grande  affaire  avaient  été  poussés 
avec  ardeur.  Tizi-Ouzou  et  Dra-el-Mizane,  bases 
d'opérations  de  la  prochaine  campagne,  étaient 
bourrés  d'approvisionnements  de  toute  espèce; 
des  fours  y  avaient  été  construits,  des  appropria- 
tions faites  pour  le  service  de  santé;  un  hôpital  de 
mille  lits  était  installé  à  Dellys. 

La  majeure  partie  des  troupes  était  venue  des 
provinces  d'Oran  et  d'Alger.  Elles  formaient  trois 
divisions  d'infanterie,  composées  comme  suit  : 
première  division,  i>énéral  Renault;  r' brigade, 
général  de  Liniers  :  8'  bataillon  de  chasseurs,  23' 
et  90';  2' brigade,  général  Chapuis  :  le  1"  des 
trois  régiments  de  tirailleurs  algériens  récemment 
créés,  41  et  5G^  Deuxième  division,  général  de 
MacMahon;  1'  brigade,  général  T3oiirbaki  :2 
zouaves,  2  étranger,  ol*";  2'  brigade,  général  Pé- 
rigot  :  11"  bataillon  de  chasseurs,  un  bataillon  du 


360  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

3'  tirailleurs  algériens,  3  zouaves,  93'.  Troisième 
division,  général  Jusuf;  I'  brigade, général Gastu: 
1"  zouaves,  60  et  68';  2*  brigade,  général  Deli- 
gny  :  13  bataillon  de  chasseurs,  un  bataillon  du 
1"  zouaves,  45'et7o^  Ces  trois  divisions  formaient 
proprement  l'armée  de  Kabylie;  une  quatrième 
allait  se  constituer  extérieurement  sous  les  ordres 
du  général  Maissiat,  dans  la  basse  vallée  deTOued- 
Sahel,  de  détachements  empruntés  aux  divers 
corps  de  la  province  de  Constantine.  Au  total,  ces 
quatre  divisions  d'infi\nterie  comptaient  ensemble 
vingt-six  mille  sept  cents  baïonnettes  ;  en  y  ajou- 
tant la  cavalerie,  l'artillerie,  le  génie,  le  train  des 
équipages  et  l'effectif  de  deux  colonnes  légères, 
composées  chacune  de  deux  bataillons  et  de  deux 
escadrons  en  surveillance  sur  le  versant  méri- 
dional du  Djurdjura,  on  trouvera  plus  que  les 
trente  mille  hommes  demandés  par  le  maréchal 
Randon. 

Le  19  mai,  le  maréchal  prit  à  Tizi-Ouzou  le 
commandement  de  l'armée.  Un  ordre  prescrivit 
aux  hommes  de  marcher  sans  sacs  et  de  n'em- 
porter dans  la  tente-abri  roulée  en  sautoir  que  les 
cartouches  et  fës  vivres  pour  quarante-huit  heures. 
La  pluie,  l'orage,  le  brouillard  les  retinrent  pen- 
dant cinq  jours;  enfin,  le  24,  les  clairons  sonné- 


THÉÂTRE    DES    OPÉRATIONS.  361 

rent  la  marche.  Les  divisions  Jusuf  et  Mac  Mahon 
avaient  pour  commun  objectif  un  contrefort  dit 
des  Akerma,  dont  l'arête,  signalée  par  une  suc- 
cession de  villages  élagés,  aboutit  au  plateau  de 
Souk-el-Arba,  «  le  marché  du  quatrièraejour»,  qui 
est  le  centre  de  la  confédération  des  Beni-Raten 
et,  par  elle,  de  toute  la  Kabylie.  La  division  Re- 
nault, placée  à  droite,  devait  s'élever  comme 
les  autres,  mais  par  un  contrefort  de  moindre  im- 
portance. 

S'élever  est  le  mot  propre,  car,  sur  un  parcours 
de  six  kilomètres  à  vol  d'oiseau,  la  différence  per- 
pendiculaire entre  le  point  de  départ  et  le  point 
d'arrivée  atteignait  neuf  cents  mètres.  S'il  ne 
s'était  agi  que  d'une  pente  régulière  de  quinze 
pour  cent,  il  n'y  aurait  eu  trop  rien  à  dire,  mais  il 
y  avait  que  cette  côte  rocheuse  et  tourmentée  se 
tordait  comme  une  couleuvre,  en  tronçons  hachés 
par  des  ravins  abrupts.  Le  propre  du  combat  sur 
un  terrain  de  cette  sorte,  et,  en  général,  le  propre 
de  la  guerre  de  montagne,  est  de  diviser  l'action, 
de  l'éparpiller  en  mille  petites  actions  particu- 
lières, individuelles  pour  ainsi  dire,  où  les  com- 
battants, à  parité  de  bravoure,  doivent  se  distin- 
guer surtout  par  l'intelligence. 

Tout  ce  qu'il  est  possible  de  noter  dans  cette 


362  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

journée  du  24  mai,  c'est  que  des  villages  éche- 
lonnés sur  l'arête  des  Akerma,  ce  furent  les  deux 
derniers,  Affensou  et  Ismaïseren,  qui  furent  le 
mieux  défendus  par  les  Kabyles.  Le  soir  venu,  ils 
crurent  que  les  Français  allaient,  comme  d'habi- 
tude, se  replier  sur  leurs  bivouacs;  mais  quand 
ils  les  virent,  au  contraire,  s'établir  dans  leur  con- 
quête, ils  concentrèrent  sur  le  plateau  de  Souk- 
el-Arba  toutes  leurs  forces,  et  le  25,  dès  le  point 
du  jour,  ils  prirent  l'offensive  avec  fureur.  Devant 
Ismaïseren  surtout,  ils  combattirent  en  désespé- 
rés; mais  ils  avaient  en  face  d'eux  Mac  Mahon, 
Bourbaki,  les  zouaves  de  Sébastopol;  comment 
déloger  de  tels  occupants?  Tout  à  coup,  vers 
midi,  le  feu  cessa;  vers  trois  heures,  on  vit  une 
grande  foule  s'agiter  sur  le  plateau;  puis  on  en- 
tendit une  grande  salve.  C'était,  suivant  l'usage 
kab\le,  l'adieu  des  contingents  étrangers.  Les 
Beni-Raten  avaient  décidé  de  se  soumettre  ;  les 
autres  retournaient  chez  eux.  Dans  la  soirée,  les 
premiers  firent  demander  au  maréchal  vingt- 
qualre  heures  d'armistice;  elles  leur  furent  ac- 
cordées. 

Le  26  mai,  dans  l'après-midi,  vers  quatre 
lieures,  cinquante  députés  de  la  confédération  se 
présentèrent;  le  colonel  de  Neveu,  chef  du  bu- 


CONFÉRENCE,  363 

reaii  poli{i(iue,  les  amena  au  gouverneur.  Ils  s'as- 
sirent à  terre,  en  demi-cercle,  devant  sa  tente  ; 
l'un  d'eux  devait  écouter  ses  paroles  traduites  par 
un  interprète  et  répondre  au  nom  de  tous.  Alors 
s'engagea  le  dialogue  : 

«  Vous  tous  qui  êtes  ici,  représentez-vous  en- 
tièrement la  tribu  des  Beni-Raten  et  pouvez-vous 
vous  engager  pour  elle  ?  —  Oui,  nous  sommes  les 
animes  délégués  par  toute  notre  nation  et  nous 
avons  mission  de  parler  pour  tous  les  fils  des  Raten  ; 
ce  que  nous  aurons  accepté  sera  accepté  par  tous. 

«  Pourquoi  avez-vous  manqué  aux  promesses 
de  soumission  que  vous  m'avez  faites  au  Sebt  des 
Beni-Yaya,  puis  en  1855,  à  Alger,  et  fomenté  des 
révoltes  chez  les  tribus  soumises?  —  Si  quelques 
hommes  des  Beni-Raten  ont  fait  cela,  tous  ne  l'ont 
pas  fait;  mais  nous  reconnaissons  nos  fautes,  et 
nous  venons  ici  pour  nous  excuser  du  passé  et  nous 
soumettre  aux  Français. 

«  Avez-vous  cette  fois  l'intention  de  tenir  fidè- 
lement vos  promesses  et  d'exécuter  les  conditions 
qui  vous  seront  imposées  ?  —  Nous  promettons  (jue 
notre  tribu  sera  fidèle  aux  promesses  que  nous  te 
ferons  en  son  nom. 

«  Voici  quelles  sont  les  conditions  que  je  vous 
impose;  si  elles  ne   vous  conviennent  pas,  vous 


364  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

retournerez  à  vos  villages,  vous  reprendrez  vos 
armes,  nous  reprendrons  les  nôtres,  et  la  guerre 
décidera  ;  mais  si  vous  nous  forcez  à  combattre, 
après  le  combat  nous  couperons  vos  arbres,  et  dans 
vos  villages  nous  ne  laisserons  pas  pierre  sur  pierre. 

—  Nous  sommes  tes  vaincus,  nous  nous  soumet- 
tons aux  conditions  qu'il  le  plaira  d'imposer. 

((  Vous  reconnaîtrez  l'autorité  de  la  France. 
Nous  irons  sur  votre  territoire  comme  il  nous 
plaira.  Nous  ouvrirons  des  routes,  construirons 
des  bordjs;  nous  couperons  les  bois  et  les  récoltes 
qui  nous  seront  nécessaires  pendant  notre  séjour; 
mais  nous  respecterons  vos  figuiers,  vos  oliviers  et 
vos  maisons.  Vous  payerez,  comme  contribution 
de  guerre  et  juste  indemnité  des  désordres  que 
vous  avez  causés,  cent  cinquante  francs  par  fusil. 

—  Les  Beni-Raten  ne  sont  pas  riches,  et  beaucoup 
parmi  eux  n'ont  pas  assez  d'argent  pour  payer 
celte  somme. 

«  Lorsque  vous  avez  fomenté  la  révolte  des  tri- 
bus qui  sont  autour  de  vous,  chacun  de  vous  a  su 
trouver  de  l'argent;  les  riches  ont  payé  pour  les 
pauvres..  Vous  ferez  comme  vous  avez  fait.  Les  ri- 
ches prêteront  aux  pauvres,  afin  que  tous  payent 
et  que  chacun  supporte  la  peine  des  fautes  de  sa 
nation.  » 


CONFÉRENCE.  365 

Ici,  remarque  la  relation  de  l'état-major,  une 
sorte  de  brouhaha,  de  réclamations  confuses,  s'é- 
lève parmi  les  députés;  quelques-uns  parlent  ou 
gesticulent;  le  chef  les  apaise  peu  à  peu,  et  répon- 
dant pour  tous  :  «  Nous  payerons  la  contribution 
que  tu  demandes.  » 

((  Comme  preuve  de  vos  bonnes  intentions,  vous 
me  livrerez  les  otages  qui  vous  seront  désignés.  Je 
les  garderai  jusqu'au  payement  intégral  de  la  con- 
tribution, et  même  plus  longtemps,  selon  votre 
conduite.  A  ces  conditions,  vous  serez  admis  sur 
nos  marchés  comme  les  tribus  soumises.  Vous 
pourrez  travailler  dans  la  Métidja  et  gagner,  pen- 
dant la  récolte  prochaine,  de  quoi  payer  votre 
contribution  de  guerre  et  bien  au  delà.  Pour  vous 
convaincre  dès  à  présent  que  nous  ne  voulons  ni 
emmener  les  femmes  et  les  enfants,  ni  vous  prendre 
vos  terres,  comme  on  vous  a  dit  que  nous  avions 
coutume  de  faire,  vous  rentrerez  dans  vos  villages 
immédiatement,  aussitôt  que  vos  otages  nous  se- 
ront livrés,  vous  pourrez  circuler  en  liberté  à  tra- 
vers les  camps  avec  vos  femmes  et  vos  enfants,  et 
l'on  ne  prendra  à  personne  ni  sa  maison  ni  son 
champ  sans  lui  en  payer  la  valeur.  » 

Les  visages  impassibles  des  Kabyles  ne  trahissent 
aucun  sentiment  de  regret  ni  de  satisfaction. 


366  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

«  Vous  pourrez,  comme  parle  passé,  vous  choi- 
sir des  aminés,  mais  ils  devront  être  reconnus  et 
investis  par  la  France.  Vous  pourrez  même  garder 
vos  institutions  politiques  de  village,  pourvu  que 
vos  chefs  sachent  vous  maintenir  en  paix.  » 

A  ces  dernières  paroles,  ajoute  la  relation,  un 
frémissement  de  joie  courut  parmi  ces  hommes 
jusque-là  si  impassibles.  Des  conversations  à  demi- 
voix  s'engagèrent  entre  eux,  et  il  était  facile  de 
voir,  à  leurs  gestes  et  à  leurs  physionomies,  toute 
la  satisfaction  que  leur  causait  cette  promesse 
inattendue.  Puis,  l'orateur  reprenant  la  parole  : 

«  Avons-nous  bien  compris?  Nous  conservons 
nos  institutions?  —  Oui.  —  Nous  nommerons  nos 
chefs  comme  par  le  passé?  •—  Oui;  seulement, 
comme  nous  ne  voulons  pas  que  ce  soient  des 
hommes  de  désordre,  ces  nominations  seront 
approuvées  par  nous.  —  Vous  ne  nous  donnerez  pas 
d'Arabes  pour  nous  commander?  —  Non.  —Alors 
vous  pouvez  compter  sur  notre  soumission,  et  de- 
main nous  déposerons  entre  vos  mains  la  contri- 
bution de  guerre.  »  Ainsi  se  termina  la  conférence. 

Le  succès  était  notable;  il  avait  été  payé  d'ail- 
leurs assez  cher.  Des  deux  divisions  qui  avaient 
attaqué  le  contrefort  des  Akerma,  la  division  Mac 
Mahon  avait  le  plus  souffert  ;  le  chiffie  de  ses  pertes 


OUVERTURE    D'UAE    ROUTE.  367 

était  de  trente  et  un  morts  et  de  deux  cent  trente- 
trois  blessés;  la  division  Jusuf  ne  comptait  que 
trois  morts  et  trente- cinq  blessés.  La  division 
Renault,  qui  avait  agi  seule,  sur  la  droite,  avait  eu 
deux  cent  dix  hommes  atteints,  dont  trente-trois 
morts. 

Le  28  mai,  la  division  Mac  Mahon  alla  s'établir 
sur  la  position  élevée  d'Aboudide,  en  avant  des 
deux  autres,  dont  les  bivouacs  se  développaient 
sur  cinq  lieues  d'étendue.  Après  avoir  frappé  sur 
les  Kabyles  un  coup  de  force,  le  maréchal  Randon 
avait  décidé  de  porter  à  leurs  illusions  une 
atteinte  décisive.  Tandis  qu'ils  s'attendaient  à  voir 
leurs  vainqueurs,  ainsi  ijuc  dans  toutes  les  expé- 
ditions précédentes,  faire,  après  un  certain  temps, 
retraite,  un  spectacle  nouveau  vint  surprendre  et 
déconcerter  leur  attente.  De  Tizi-Ouzou  à  Souk-el- 
Arba,  sur  toute  la  ligne  des  bivouacs,  des  batail- 
lons de  travailleursouvrirentetachevèrent  en  dix- 
huit  jours,  du  3  au  21  juin,  une  roule  de  vingt- 
huit  kilomètres  de  développement  et  de  six  mètres 
de  large.  Le  22,  un  convoi  d'artillerie,  de  four- 
gons du  génie  et  du  train,  couverts  de  drapeaux 
et  de  feuillage,  inaugura  la  nouvelle  route  en  la 
parcourant  dans  toute  sa  longueur. 

Ce  n'est  pas  tout.  Dès  le  4  juin,  le  maréchal 


368  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

Randon  avait  écrit  au  ministre  de  la  guerre  : 
t<  Pendant  les  quelques  jours  qui  viennent  de  s'é- 
couler, le  terrain  sur  lequel  doit  être  élevée  une 
forteresse,  assez  vaste  pour  recevoir  quatre  batail- 
lons avec  accessoires,  a  été  étudié,  le  tracé  de 
l'enceinte  déterminé,  l'emplacement  des  divers 
services  reconnu.  Des  carrières  de  pierre  à  bâtir  et 
de  pierre  à  chaux  ont  été  recherchées  et  ouvertes; 
les  fours  sont  en  voie  d'exécution;  en  un  mot,  tout 
le  matériel  nécessaire  est  préparé.  »  Deux  jours 
après,  les  travaux  de  déblai  commencèrent;  le 
I  4  juin,  au  sommet  du  plateau  de  Souk-el-Arba, 
fut  bénite  et  solennellement  posée  la  première 
pierre  du  grand  poste  fortifié  qui  allait  recevoir  le 
nom  de  Fort-Napoléon  et  qui  s'appelle  aujourd'hui 
Fort-National  ;  puis,  sous  la  direction  du  général  de 
Chabaud-Latour,  l'enceinte  bastionnée,  les  bâti- 
ments de  toute  sorte,  casernes,  ateliers,  magasins, 
sortirent  de  terre  et  s'élevèrent  rapidement  devant 
les  yeux  stupéfaits  des  Kabyles.  Il  n'y  avait  plus  à 
douter;  c'était  une  prise  de  possession  définitive, 
un  établissement  à  demeure. 

Après  avoir  démontré  par  un  témoignage  irré- 
fragable sa  volonté  ferme,  le  maréchal  Randon 
rouvrit  le  cours  interrompu  des  opérations  mili- 
taires. Pendant  ce  délai  de  quatre  semaines,  à 


ICHERIDEN.  369 

cinq  kilomètres  d'Aboudide,  en  vue  de  Souk-el- 
Arba,  les  derniers  défenseurs  de  la  patrie  kabyle 
avaient  dressé  sur  le  piton  d'Icheriden,  vis-à-vis 
de  la  forteresse  d'occupation,  la  forteresse  d'indé- 
pendance. Un  ravin  profond  lui  servait  de  fossé; 
pardelà,  jusqu'au  village  crénelé  et  barricadé,  des 
retranchements  en  crémaillère  avec  flancs  en  re- 
tour, des  embuscades  élagées,  dissimulées  der- 
rière des  amoncellements  de  pierres  et  de  troncs 
d'arbres,  découvraient  et  commandaient  le  terrain 
d'approche.  Ce  fut  la  division  Mac  Mahon  qui  eut 
la  charge  et  l'honneur  d'attaquer  ce  qu'il  est  per- 
mis d'appeler  VAlcsia  de  la  Kabylie. 

Le  24  juin,  à  cinq  heures  du  matin,  sous  les 
yeux  du  maiéchal  Randon,  elle  se  mit  en  mou- 
vement. Un  bataillon  du  oi'  était  en  avant-garde; 
puis  venaient  le  2"  zouaves  et  le  2  étranger  ;  la 
deuxième  brigade  formait  réserve.  A  portée  de 
mitraille,  l'artillerie  ouvrit  le  feu.  Apiès  vingt  mi- 
nutes de  canonnade,  le  général  Mac  ]Mahon  fit 
sonner  la  charge.  Conduits  par  Bourbaki,  le  oi'  et 
les  zouaves  s'élancèrent;  à  moins  de  cent  mètres 
des  retranchements,  une  fusillade  violente  et 
nourrie  les  arrêta  sur  place.  Bourbaki  avait  son 
cheval  tué,  Mac  Mahon  était  atteint  à  la  hanche; 
mais  pendant  cet  arrêt  meurtrier  sur  le  front  d'al- 

II.  24 


370  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

taque,  le  S**  étranger  avait  incliné  à  gauche,  tourné 
la  position  et  pénélré  de  force  entre  le  retranche- 
ment et  le  village.  Désormais  la  résistance  était 
vaincue,  la  position  conquise.  La  perte  des  assail- 
lants était  de  trois  cent  soixante  et  onze  hommes, 
tués  ou  blessés;  il  y  avait  trente  officiers  dans  le 
nombre. 

Le  combat  d'icheriden,  le  plus  vif  et  le  plus  bril- 
lant de  toute  la  campagne,  fut,  à  peu  de  chose  près, 
le  dernier.  En  continuant  à  marcher  au  sud-est, 
parallèlement  à  la  grande  chaîne  du  Djurdjura,  les 
trois  divisions  recueillirent  la  soumission  d'une 
confédération  puissante,  les  Beni-Yenni.  Une  ap- 
parition inattendue  sur  les  derrières  des  tribus 
encore  insoumises  acheva  de  les  décourager;  c'é- 
tait la  division  de  Constanline  qui  venait  d'occuper 
le  col  de  Chellata.  A  l'attaque  d'Aguemon-lzen, 
leur  surprise  fut  encore  plus  grande  :  des  Beni- 
Fraoucen,  des  Beni-Raten  accompagnaient  les 
colonnes  françaises!  Il  ne  restait  plus  à  réduire 
que  les  Beni-Menguellet,  qui  ne  firent  guère  de 
résistance,  puis  les  Beni-Touragh,  qui  en  firent  un 
peu  davantage.  Les  derniers  coups  de  fusil  furent 
tirés,  le  11  juillet,  chez  les  Illoul-ou-Malou  et  les 
lllilten  ;  le  12,  chez  les  Beni-Mellikeuch. 

Il  y  avait  chez  les  lllilten,  dans  la  gorge  de  Ti- 


LA    KABYLIE    DOMPTÉE.  371 

rourda,  un  village  de  marabouts,  et  dans  ce  vil- 
lage, une  inspirée,  une  prophétesse,  une  voyante, 
Lalla-Fatma.  C'était  elle  qui  la  première  avait 
prêché  la  guerre  sainte;  elle  fut  prise,  le  1 1  juillet, 
avec  tous  les  siens,  et  conduite  hors  du  pays. 
Parmi  ces  populations  crédules,  le  bruit  courut 
aussitôt  qu'avec  elle  était  parti  Tesprit  de  résis- 
tance, et  tout  de  suite  on  se  soumit. 

Tout  était  fait;  la  Grande  Kabylie  était  domp- 
tée. La  division  Renault  demeura  seule  à  la  garde 
de  Fort-Napoléon;  tous  les  autres  corps  reprirent 
*le  chemin  de  leurs  garnisons.  Avant  la  séparation 
de  l'armée,  le  maréchal  Randon  leur  adressa,  le 
1 6  juillet,  ses  éloges  :  «  Accourus  à  ma  voix  des 
trois  provinces,  vous  êtes  venus  prendre  part  à 
cette  belle  campagne.  Des  cimes  du  Djurdjura 
jusque  dans  les  profondeurs  du  Sud,  le  drapeau 
de  la  France  se  déploie  victorieusement.  C'est  à 
vous  qu'il  était  donné  de  terminer  cette  grande  et 
noble  tâche.  L'Algérie  reconnaissante  applaudit  à 
vos  triomphes.  Trouvez  dans  ce  témoignage  la  ré- 
compense de  ce  que  vous  faites  depuis  vingt-sept 
ans  pour  la  prospérité  de  cette  belle  colonie,  le 
plus  beau  fleuron  de  la  couronne  de  France.  » 

Le    17  août,   le  maréchal  Bosquet  adressa,  de 
Paris,  au  maréchal  Randon  la  lettre  suivante  :  «  Le 

24. 


372  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGERIE. 

bruit  avait  couru  que  vous  seriez  ici  pour  les  fêles 
du  15,  et,  sans  m'informer  davantai^e,  je  m'accom- 
modais très  volontiers  de  la  bonne  chance  de 
vous  revoir  pour  vous  serrer  les  deux  mains 
très  cordialement  et  vous  féliciter  chaudement  de 
la  belle  campagne  que  vous  venez  de  terminer,  en 
même  temps  que  la  guerre  d'Afrique,  comme  on 
finit  une  fête  par  un  bouquet  superbe  et  brillant. 
Cette  glorieuse  expédition  dans  les  terrains  les  plus 
ardus,  les  plus  difficiles  de  la  Kabylie  et  de  l'Afri- 
que, contre  les  populations  les  plus  sérieusement 
guerrières,  et  avec  un  succès  éclatant,  non  inter- 
rompu, doit  vous  avoir  laissé  au  cœur  une  joie 
bien  légitime  à  laquelle  je  vous  prie  de  me  per- 
mettre de  m'associer  de  toute  mon  âme.  Il  n'y  a 
ici  dans  l'armée  et  dans  la  société  qu'une  voix, 
qu'un  concert  d'éloges  à  votre  adiesse  et  à  celle 
de  votre  admirable  armée. 

«  Après  la  grande  affaire  de  la  conquête,  ce  sera 
aussi  une  grande  affaire  d'organiser  solidement  et 
d'administrer  sagement  les  Kabyles;  mais  j'augure 
bien  de  leur  caractère  décidé.  Une  main  loyale  et 
ferme  doit  leur  convenir;  ils  sont  plus  braves  et 
moins  changeants  que  les  Arabes.  Pauvres  et  tra- 
vailleurs, ils  se  plieront  mieux  à  nos  méthodes. 
Loyauté  et  fermeté  dans  l'administration,  et  beau- 


LE  MARÉCHAL  BOSQUET.         373 

coup  de  travail  offert  à  leur  activité,  voilà,  je 
pense,  ce  qui  convient  pour  qu'ils  restent  en 
paix.  Puisque  vous  avez  adopté  le  commandement 
direct  sans  intermédiaire  de  grands  chefs  indi- 
gènes, je  serais  heureux  d'apprendre  que  ce  ré- 
gime est  poussé  dans  ses  limites  extrêmes.  La  di- 
vision du  commandement  s'accommode  très  bien 
avec  le  caractère  fier  et  chatouilleux  du  Kabyle 
cl  peut  devenir  une  garantie  contre  les  révoltes 
en  niasse.  » 

L'aulorité  morale  du  maréchal  Bosquet  était 
considérable;  son  assentiment  qu'il  ne  prodiguait 
pas  n'était  point  banal.  S'il  complimentait  le  ma- 
réchal Randon,  c'est  que  le  compliment  était  juste 
et  mérité.  Après  le  maréchal  Bugeaud  qui  domine 
tout,  après  lui,  mais  à  distance, 

Proximus  liuic,  longo  seil  proxiiiiiis  intervallo, 

le  second  rang  dans  l'histoire  de  la  conquête  ap- 
partient de  droit  au  maréchal  Randon.  Au  génie 
de  l'un  a  succédé  la  persévérance  de  l'autre;  ce- 
lui-ci a  parachevé  l'œuvre  de  celui-là.  C'est  un 
grand  honneur. 


374  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE 


VIII 


Toute  l'Algérie  était  soumise.  Du  nord  au  sud, 
de  la  Méditerranée  au  désert,  du  levant  au  cou- 
chant, du  beylik  tunisien  au  sultanat  de  Maroc^ 
il  n'y  avait  plus  un  coin  de  terre,  une  anfractuo- 
sité  de  rocher,  un  pic  de  l'Ouarensenis,  du  Djur- 
djura,  des  Babors  ou  de  l'AurèSjUne  de  ces  oasis 
sahariennes  semées  comme  des  îles  parmi  les 
ondes  fauves  de  la  mer  de  sable,  qui  n'acceptât 
OU  ne  subît  la  suprématie  française. 

La  voilà  donc  terminée,  cette  lutte  de  vingt-sept 
ans,  soutenue  avec  tant  d'énergie  de  part  et  d'au- 
tre. Gloire  aux  vainqueurs!  Honneur  aux  vaincus! 
Rien  n'est  respectable  comme  un  peuple  fier  qui  a 
défendu  vaillamment  son  indépendance.  Tout  lui 
est  dû  de  ce  (jue  le  conquérant  a  de  noblesse, 
d'humanité,  de  charité  chrétienne  dans  le  cœur, 
modération,  justice,  bienveillance,  encourage- 
ment,  bon  exemple.  La  France   est  généreuse; 


CONCLUSION.  375 

l'Arabe  et  le  Kabyle  sont  capables  de  reconnais- 
sance. 

Un  jour  du  mois  de  janvier  1857,  la  colonne 
du  général  Desvaux  passait  à  Tmacine,  non  loin 
de.  Tougourle.  Tout  le  pays  était  en  liesse.  Par 
l'industrie  des  Français,  un  puits  artésien  venait 
d'être  foré  dans  cette  petite  oasis;  à  lui  seul  il  don- 
nait le  double  de  ce  que  débitaient  d'eau  tous  les 
puits  arabes.  Un  marabout  de  l'ordre  de  Tedjini, 
un  hadj,  depuis  peu  revenu  de  la  Mecque,  Si- 
Nâmeur,  présidait  à  l'inauguration  de  la  source 
jaillissante;  il  était  fier  du  succès  parce  que  c'était 
lui  qui  avait  eu  l'honneur  de  donner  le  premier 
coup  de  sonde.  Après  avoir  salué  selon  l'usage  et 
remercié  le  général,  il  se  tourna  vers  les  Arabes 
et  leur  dit  :  «  Vous  avez  été  autrefois  alarmés 
lorsqu'on  vous  annonça  l'arrivée  des  Français  dans 
rOued-Righ;  mais  bientôt  vos  incjuiétudes  ont 
fait  place  à  la  joie;  car  ils  venaient  non  pas  pour 
vous  faire  la  guerre,  mais  pour  vous  donner  une 
paix  que  vous  ne  connaissiez  pas  depuis  longues 
années.  Ayez  donc  de  la  reconnaissance  pour  ce 
gouvernement,  et  que  vos  enfants  se  rappellent  ce 
jour  qui  leur  fournit  la  preuve  des  bonnes  inten- 
tions de  la  France.  Je  viens  do  traverser  beaucoup 
d'États  musulmans;  j'ai  trouvé  partout  injustice 


376  LA    CONQUÊTE    DE    L'ALGÉRIE. 

et  violence,  les  routes  livrées  au  brigandage.  Je 
n'ai  respiré  librement  que  depuis  l'heure  on  j'ai 
mis  le  pied  ^ur  le  territoire  soumis  à  l'autorité 
française.  » 

Après  la  conquête  du  sol,  achevée  cette  année- 
là  même,  c'était  la  conquête  morale  qui  commen- 
çait. Depuis  trente  ans,  la  France,  la  France  algé- 
rienne surtout,  a-t-elle  fait  tout  ce  qui  était  de 
son  devoir  absolu  pour  l'étendre? 


FIN    DU    TOME    SECOND. 


TABLE   DES  MATIÈRES 


CHAPITRE   VI 

LA     G  11  AN  DE     INSURRECTION. 

I.  —  Affaire  de  Sidi-bel-Abbès.  —  Le  colonel  Géry  dans  les  inon- 
tagnes  des  Ksour i 

II.  —  Bou-Ma/.a.  —  Le  colonel  Pélissier.  —  Les  grottes  du  l);ihra. 
—  La  Kabylie.  —  Aciiviîé  d'Abd-el-Kadtr. 13 

III.  —  Mécoiiteiitenient  du  maréchal  Bugeaud.  —  Le  ministère  de 
la  guerre.  —  Les  journaux.  —  La  colonisation  militaire.  —  En- 
trevue avec  le  maréchal  Soult 31 

IV.  —  Le  vrai  et  les  faux  Bou-Maza  —  Abdel-Kader  rentre  en 
scène 45 

V.  —  Le  lieutenant-colonel  de  Montagnac.  —  Sidi-Hraliini.  —  .^m- 
Temouciient 53 

VI.  —  Insurrection  générale.  —  Retour  du  maréchal.  —  Dix-huit 
colonnes.  —  Clinsse  à  l'émir.  —  La  Métidja  menacée.  —  Sag.icité 
et  sérénité  du  man  clial 68 

VII.  —  Retraite  d'.\ljd-el-Kader.  —  Massacre  des  prisonniers  fran- 
çais        85 

YIII.  —  Colonnes  Jusuf  et  Renault.  —  Ab  l-i-l-Kadcr  rentre  au 
Maroc (JO 


CHAPITRE    VII 
LA    DERNIÈRE    ANNEE    DU   MARÉCHAL    BUCEAUD   EN   AFRIQUE. 

I.  —  Échecs  de  Bou-Maza.  —  Le  derviclic  Sidi-Fadei. —  Création  du 
poste  d'Aumale.  —  Incidents  dans  la  province  de  Constantine.       95 


378  TABLE    DES    MATIERES. 

II .  —  Rachat  des  prisonniers  français. — Lettres  d'Abd-el-Kader.     1 06 

III.  —  Reddition  de  Bou-Maza.  —  Soumission  de  Ben-Salem.  — 
Promenades  militaires  dans  le  Sud 122 

IV.  —  Le  maréchal  Buj^eand  et  La  Moricière.  —  Échec  du  [iiojetde 
colonisalion  militaire.  —  Expédition  slu  maréciial  dans  la  vallée 
de  l'Oued-Sahel.  —  Di^mission  du  maréchal Bugeaud. — Ses  adieux. 
—  La  statue  du  maréchal 130 


CHAPITRE    Vm 
GOUVERNEMENT     DU     DUC    D'.VUMALE. 

I.  —  Le  duc  d'Aumale  et  le  maréchal  Bugeaud.  —  Le  diicd'Aumale 
et  ses  lieutenants.  —  Affaires  civiles .      147 

II.  —  Abd-el  Kader  au  Maroc.  —  Mort  du  kaid  El-Alimar.  —  Les 
Beni-Amer 153 

III.  — Colère  d'Abd-er-Rahinaiie.  — Ses  fils  man  lient  contre  Ahd- 
el-Kader.  —  Lettre  de  l'émir  au  duc  d'Aumale.  —  La  Moricière 
sur  la  frontière  marocaine.  —  Tentative  d'Abd-el-Kader  contre  les 
Marocains  —  Retraite  de  la  deïra  sur  le  territoire  algérien. .      160 

IV.  —  Reddition  d'Abd-el-Kader.  —  Lettres  échangées 172 

V.  —  Le  duc  d'Aumale  et  Abd-el-Kader.  —  L'émir  embarqué  pour 
France 178 

YI.  —  Dispositions  du  gouvernement  français.  —  Discours  de  M.  Gui- 
zot.  —  Attitude  nouvelle  d'Abd-el-Kader.  —  Son  entrevue  avec  le 
général  Changariiier 1 8  t 

VII.  —  Projets  du  duc  d'Auniale.  —  Révolution  de  Février.  — 
Adieux  et  départ  du  duc  d'Aumale 1 0 1 


CHAPITRE    IX 
L'ALGÉRIE    DE    18Î8    A    1851. 

I.  —  Lettre  du  général  Changarnier. —  Belle  altitude  de  l'armée. — 
Émotion  dans  quelques  tribus.  —  Reddition  d'Ahmed-Bey.  —  Les 
Kabylies QO  1 

II.  —  Le  général  Charon. —  Insurrections  au  sud-ouest  et  au  nord- 
est.  —  0|iérations  en  Kab\  lie 215 

JII.  —  Zaaicba.  —  Bou-Ziane.  —  Échec  du  colonel  Carbuccia.  — 

Mort  du  commandant  de  Saint-Germain 22  6 

IV.  —  Le  général  Ilerbillon.  —  Siège  de  Zaatcha.  —  Mort  du  colo- 


TABLE    DES  MATIÈRES.  379 

nel  Petit.  —  Assaut  repoussé.  —  Les  Sahariens.  —  Énergie  de 
Bou-Ziane 237 

V.  — Dispositions  d'assaut.  —  Le  colonel  Canrobert.  —  Prise  de 
Zaatcha.  —  Mort  de  Bou-Ziane.  —  Destruction  de  l'oasis. .     251 

VI.  —  Le  colonel  Canrobert  à  Nara.  —  Agitations  en  Kabylie.  — 
Mort  du  général  de  Barrai 2.58 

YII.  —  Le  général  d'Hautpoul.  —  Ses  projets.  —  Intérim  du  géné- 
ral Pélissier.  —  Expédition  du  général  de  Saint-Arnaud  dans  la 
Petite  Kabylie.  —  Le  commandant  Flcury.  —  Le  général  Camou. 
—  Résultats  de  l'expédition 266 

VIII.  —  Le  général  Pélisder  dans  la  Kabylie  occidentale.  —  Saint- 
Arnaud  ministre  de  la  guerre.  —  Le  général  Randon  gouverneur 
de  l'Algérie 276 


CHAPITRE    X 

ACHEVEMENT  DE  LA  CONQUÊTE. 

I.  —  Gouvernement  du  général  Randon.  —  Le  généial  Bosquet.  — 
Soumission  de  si-Djoudi  et  des  Zoiiaoua.  —  Le  général  de  Mac 
Mabon  dans  la  I^etite  Kabjlie.  —  Opérations  sur  les  frontières  de 
l'est  et  de  l'ouest. 282 

II.  —  Mohammed-bcn-Abdallali,  le  chérif  d'Ouargla. —  Insurrection 
de  Lagliouat. —  Si-IIainzn.  —  Les  trois  régiments  de  zouaves.  — 
Pélissier  et  Jusuf.  —  Prise  fcl  occupation  délinitive  de  Laghouat. 

—  Mort  de  Tedjini.  —  Succès  dô  Si-Hamzî 298 

III.  —  Grand  projet  du  généial  Randon.  —  Le  maréchal  de  Sainl- 
Arnaud.  —  Expédition  dans  la  Petite  Kabylie.  —  Le  lieutenant- 
colonel  Cler  et  le  général  Bosquet.  —  La  messe  en  Kabylie.  — 
Soumission  des  Bdbors. 3 1 4 

IV.  —  Vaste  opération  dans  le  sud.  —  Soumission  du  M/ab.  —  Le 
colonel  Durriou  et  Si-Ham/.a.  —  Le  général  Randon  à  Laghount. 

—  Tougourte.  — Soumission  de  l'Oued-Righ  et  duSouf.  —  Puits 
artésiens 327 

V.  —  Contribution  de  l'armée  d'Afrique  à  la  guerre  de  Crimée.  — 
Agitation  dans  la  Grande  Kabylie.  —  Expédition  du  général 
Randon.  —  Situation  critique.  —  .Alort  de  Bon-Baghla .339 

VI.  —  Le  général  Randon  nommé  maréchal.  —  Mouvements  en 
Kabjlic.  —  Opérations  contre  les  Gnechtoula.  —  Plans  du  maré- 
chal  Randon '^^0 

VII    —  Campagne  décisive  dans  la  Grande  Kabylie.  —  Soumission 


380  TABLE    DES   MATIÈRES. 

des  Beni-Rateii.  —  Souk-cl-Aiba.  —  Ouverture  d'une  route  et 
construction  d'un  fort  —  Combat  d'Icberiden,  —  Soumission 
définitive  de  la  Grande  Kabylie.  —  Lettre  du  niarécbal  Bosquet  au 

marécbal  Randon 359 

VIII.  —  Conclusion.  —  La  conquête  du  sol  est  acbevée.  —  Reste  à 
(aire  la  conquête  morale 374 


INDEX   HISTORIQUE 


Dans  cet  Index  et  dans  le  suivant  : 

A  désigne  le  volume  qui  a  pour  titre  :  La  conquête  d'Alger. 

B',  B^  désignent  les  deux  volumes  intitulés  :  Les  commencements 
d'une  conquête,  l'Algh'ie  de  1830  à  18  W. 

C,  C- désignent  les  deux  volumes  intitulés:  La  conquête  de 
l'Algérie,  1841-1857. 


Abdalla  d'Asbonne.  —  B',  299, 
303,  380,  38a. 

Abd-ei.-Baki.  —  B-2,  418.  —  C, 
233. 

Abd-el-Kader.  —  B>,  218,  219, 
223,  224,  273  à  279,  282,  283, 
28C,  288,  292  à  313,  322,  334, 
3.37  à  388,  400,  401.  —  B^,  5, 
40,  11,  20  à  24,  28,29,  31,  36 
à  44,  47,  51  à  53,  5.3,  58,  59, 
71,  74  à  78,  82,  83,  90  à  93, 
107,  m,  189,  191  àl9i,  197, 
198  à  213,  214,  216,  222,  223, 
301  à  313,  318,  320,  321,  333, 
334,  335,  339,  3't6  à  337,  363, 
367,  371  à  374,  380,  383,  384, 
387,  390,  404,  406,  417  à  420, 
423,  424,  428,  432,  436,  439, 
440,  442,  443,  446,  447,  430, 
452  à  454,  439,  468,  469,  483. 
—  C,  8,  10,  11,20,21,22,23, 
34,  35,  39  k  43,  48  à  33,  37  à 
60,  63,  64,  68,  92,  93,  97,  100 
à  102,  104,  107,  108,113,129 
à  132,   136,   137,  140  à  144, 


153,  155,  163  à  163,  172,  173, 
184,  186,  188,  189,  193,  202, 
203,  205,  208,  210,  220,  231  à 
235,  238  à  240,  273,  283,  286, 
292,  301  à  310,  317,  320,  322, 
325,  326,  329,  334,  336,  3», 
343,  347,  367,  368,  377,  378. 
—  C-,  1  à  3,  3,  6,  14,27  à  30, 
48  à  50,  36,  37,  60,  62, 66, 70  à 
95,  106  à  111,  113  à  123,  123, 
126,  153  à  192,  229. 

Abd-el-Salem.—  b-,  362,  363, 
412. 

Abeiuieen.  —  A,  81,  84,  234.  — 
B',  230.  —  C,  337,  338,  366, 
367. 

AcHAiii).  —  A,  70, 119,  136,  li4, 
143,  146,  134,  164,  169,  176, 
183,  187,  190,  236.  -  B',  29, 
30,  32,  33,  33,  38,  40,  42,  43, 
45,  47,  49,  58,  64,  65,  66,  68, 
73. 

Admihaui.t. —  B',  52,  129. 

Aiimed-Bev.  —  A,  139,  140, 146, 
242,213,  236,  266.  —  H',  72, 
133,  196,  200,  211,  269,  272, 
273. —  BS  113,  120,  123,126, 


382 


INDEX    HISTORIQUE, 


127,  147,  149,  163,  163,  167, 
180,  189,  223  à  231,  243,  245, 
248  à  250,  238,  262,  280,  293, 
295,  319  à  322,  325,  327,  358, 
376,410.  -  C,  245,  253,  264, 
271.  _  C-,  210,  211,  229. 
Ah.med-ben-Salem.  —  C,  274, 

276,  278. 
Ali-Dey.  —  A,  7,  8,  9,  10,  19. 
Alleaume.  —  C,  245,  233. 
Alleguo.  —  B',  249,  250,  260, 
261,262,  393.— B2,  194,  313. 
Allonville  (d').  —  B-,  334.  — 

C,  72,  191.  —  C^  90. 
Alton  (o').  —  li',  178,  193. 
Ameuu-den-Feuhat.  —  C,  123, 
147,  149,  156,  170,  187,  191, 
193,  196.  —  C2,  72. 
Amziane.  —  B^  360,361,  363. 
Angoulème  (duc  d').  —  A,  95, 

96,  97. 
Anthouaud  (f)').—  B-,  408,  409. 
AoHiMEUR.  —  C,  132,  143. 
xNrbouville  (i>').  —  c,  93,  98, 
100,114,  130,  131,  133,  138  à 
141,  166.  —  G2,  25,  73. 
Arlanges  (d').  —  B',  128,  132, 
400,  402.— BS  11,  13,28,33, 
43,  58,  68  à  79,  96. 
Armandy  (D'j.  — BM98,190,201 

à  207,  214.  —  B2,  262. 
Arnaud  (d').  —  B-,  235. 
ASSIGNY  (d').  —  A,  106. 
Attili  de  Latouu.  —  A,  33,  51, 

53,  57. 
Aumale  (duc  d').—  B^  233,  390, 
422,  423,  434.  —  C,  13,  16, 
20,  39,  61,  153,  1.57,  138,  163, 
166, 169  à  171,  186, 187,  190, 
192  à  196,  200,  215,  239,  260, 
262  à  266,  269,  271  à  274.  — 
C-,  84,  87,  90,  99,  148  à  133, 
161  à  163,  172,  178  il  183, 187, 
191  il,  109. 

AURELLH(I)').—   C',119.    —C\ 

268,  282. 


AUTEMAURE  (o').  —  C^,  282,  291, 
292,  293. 

AUTRAN.  —  B-,  481. 

AuvRAY.  —  B',  74.  —  B^  300. 
AvizAui).  —  B',  194,  232,  234. 


B 


Bacri.  —  A,  21,  22,  24,  25,  27, 
228,  241,  239,  268. 

Bar  (de).— c,  26, 109, 124,  166 
à  168,216.  —  C^  79,  80,  133, 
147,  133. 

Baraguey  d'Hilliers.  — B-,  472. 
—  C,  7,11,17,  27,29,40,42, 
70  à  72,  80,  94,  216,  222,  223, 
253,  257  à  239. 

Barbut.  —  C-,  60  à  62,  113. 

Barkani.  —  B',  368,  370.  —  B^, 
321,  418,  442,  468  à  470.  — 
C,  14,  23,  72,  105,  165,  181, 
305.  —  G-,  2. 

Barois.  —  G^  3')8. 

Barral.— C',173, 233, 287.— C2, 
31,  56  à  38,  63,  64,  218,  236, 
23!»,  241,  248,  232,  234,  258, 
263,  204. 

Barthélémy.  —  G',  254. 

Bastouil.—  c,  208. 

Baude.  — B",  314.  — B^,  99,  109, 
129. 

BEAUFORT(des  cliasseurs  d'.\fri- 
que).  —  B',  393. 

Beaufort  (de  l'état-major).  — 
G',  192.  —  G^  183. 

Beauprètre.  —  C2,262, 278,  289, 
351. 

Bedeau.—  B=,261, 292,360,363, 
376,  413,  440,  444,  443,  431, 
472.  —  G',  14,  19,  39,  69,  79, 
83,93,  101,  102,  129,130,139, 
184,  183,  221,  232,  240,  286, 
301  il  304,  309  ix  314,  318,  322 
il  326,  354,  353,  338,  363,  371. 
—  C-,  67,  72,  76,  80,  82,  8i, 


INDEX    HISTORinUE. 


383 


100,  131,  137,  141,   117,  130, 

192,  266,  298. 
Bel-Azouz.  — B2,  321,  410,  418. 

—  C,  244. 

Bel-Kassem.  —  C,  294.  —  C^ 

25,  127, '220,  3 il. 
Bex-Aïssa.—  B',  19G,  199  i  207. 

—  B2,  147,  149,  2o8,  289,  292, 
337. 

Ben-Allal.  — B2,  333,  393,39a, 
399,  418,422,  436,  4  42.  —  C, 
14,  26,  42,  97,  lOoù  108,  124, 
12.0.  138,  146,  147,  149,  166, 
170,  181,  189,  193,  209,  232, 
233  à  239. 

Bex-Ahach.  — B',  298,  299,306, 

307,  310,  312,  334,  333,  338, 
371,  373.— B2,  194,204,  206, 
308  à  310,  333.  —  C,  2b,  48, 

193,  303. —  C-,  2,  87,  88. 
Bex-Azzeddine  (les). —  C-,  213, 

214,  222,  262. 

Ben-Bajou.  —  B2,  226,  227. 

Bex-Dukand  (les).— B', 360,361, 
370,  371,  393,  400,  401.  — 
B^  43,  191  à  194,  198,  226, 

308,  312,  313,  334. 
Ben-Ganah  (  Cheikh -el-Arab). 

—  B2,  337,  410,411.— C,  244, 
263,  264,  263,  271.  —  C-,  303. 

Ben-Hi.nni.  —  C2,  10,  17,96. 
Ben-Nouna.—  B',  224,  278,311. 

—  B2,  37,  47,  30,  92,  93. 
Bex-Omah  (Alyer).  —  Bi,28,30, 

108,  109,  111,  114,  267,  268, 

399,  400.  —  B2,  5,  6. 
Ben-Omar  (Medjana).  —  B-,  112, 

413,  418. 
Ben-Rebaii.  —  C,  132,  143. 
Be\-Sai.em.—  \i\  380,  393,418, 

421,  441,  474,  473. —  C,  103, 

130,  131,  171,  292,  294,  296, 

299,  373,  378.  —  C^,  23,  80, 

81,82,84,  126  à  128. 
Be\-Tami.  —  152,  40.3,  406,  418, 

442,  483.—  C,  47,48,62,03, 


82,  96,  98,  134,  209.  -  C-,  2, 

88,  182. 
Bex-Zamoux.  —  A,  247.  —  B', 

30,   123,   126,   130,  133,   170, 

180,  186.—  B2,  216,  218,220, 

221. 
Ben-Zamoux  (fils  du  précédent). 

—  C,  296,  298,  299.  —  C^,  25. 
Berxaro.  —  B',  390. 
Berxar»  (général).  —  B',  314. 

—  li'-,  109,  112,  212,  239,298, 
.344,  345. 

Berxelle.  —  B2,  294,  293,  300, 
307. 

Berthezéxe.—  a,  69,  120,  121, 
122,  126,  1.33,  131,  132,  1.36, 
13S,  166,  175,  183,  188,  189, 
192,  198,  217.  — B',  7,  83,89, 
91,  92,  93  à  101,  109,  111, 
114,  118,  119,  121,  122,  126, 
128,  129, 130,  132,  134  à  137, 
143,  144,  153,  1.38,  169,  170, 
180. 

Berthier.  —  C*,  47. 

Berthois.  —  C,  8,  121,  122. 

Bertier  de  Sadvio.xy.  —  A,  70, 
172,  176,  183,  183. 

Bertraxd.  —  B^  1.32,  133,  160, 
167,  171. 

Bessiéres.  —  c,  267. 

Bessox.  —  C-,  25i. 

Bey  de  Tripoli.  —  A,  109. 

Bey  de  Tunis.  —  A,  89,  109.  — . 
B',  71,  145,  147.  —  h-,  226, 
227,  327. 

lÎEZARD.  —  A,  48  à  52. 

Bigot.  —  B',  137,  139,  141,  142, 
196,  199. 

liiLi.oT.  —  G^,  68. 

lîiud.M.  —  |{2,  30.;. 

Bissox.  —  C,  121,  127,  216. 

Blanc.  —  C,  41,  177. 

Blaxdan.  —  C,  111,  112. 

Blaxi.ixi.  —  l5^  147,  131,360, 
366.  —  C-',  80,220,  221. 

BociiER.  —  es  226,  253. 


384 


INDEX    HISTORIQUE. 


BoissoNNET.  —  C-,  188,  189. 
BoNET.  —  B',  243,244,  292,  314. 

BONNAFON'T.    —    B",     154,     162, 

169,  268,  339. 
Bosc  — G-,  341,  347. 
B0S0UET.  —  B2,  218,392.— C, 

b4,  131,  133,  173,  287.  —  C^, 

144,  203,  209,  218,  269,  271, 

273^  27 i,  282,  283,  283  à  289, 

m,  293,  318,  319,  322,  324, 

323^  371  à  373. 
Bou-Akkas.  —  BS  363,  377.  — 

es  303,  319,  320. 
Bou-Baghla.  -   C2,   268,    273, 

276,  277,  283,  289,  340,  344, 

349'. 
BoucETTA.  —   B',   248   à   230, 

237,  348. 
Bou-Chaued.   —    G-,    23,    127, 

128. 
BouDERBA.  — A,213,  241.— B', 
IQl^  370.  —  B%  308,  309,  334. 

—  C^  114. 
Bou-llAMEiji.    —    B^    32,  203, 

403,  408,  409,  418,  485,  486. 

—  G',  48,  90,  303,  308.  —  G-, 
2,  88,  133,  161,  164,  163,  167, 
169,  175,  176. 

Bou-Khouïa.  —  G-,  172  à  174. 

Bou-Maza.  —  G^,  14,  18  à  20, 
45  à  50,71,73,78,  93,  96,  98, 
106,  107,  122  à  126,261. 

Bou-Mezuag.  —  A,  174,  173, 
243,  244,  243,  268.  —  B',  23, 
28,  43,  49,  .52,  33,  59,  60,  77. 

BouiiBAKi.  —  G^  238,  241,  231 
à  253,  270,  300,  359,  362,  309. 

BouRGON.  —  B2,  358,  484.  —  G', 
72. 

Bc)URJOLt.Y.  —  B-2,  394,  399.  — 
C,  178,  179,  204,  210,  232, 
309,  313,  321.  —  G2,  13,  17, 
27,  35,  46,71,  73. 

IkiURMONT.  —  A,  02,  63,  72,  79 
;ï  81,  83,  88  à  90,  102,  113, 
149  à  153,  158,  103,  168,  169, 


180,  187,  188,  190,  203,^14  à 
220,  220,  230,  237,  238,  244, 
245,  247,  249,  231,  253,  253, 
258  à  262,  265,  267,  208,  270 
à272.  —  B",  8,23,  30,  36,72, 
87,  89,  95. 
BouscAREN.  —  B-,  394,  445.  — 
G',  263.  —  C^  282,  306,  309 
à  311. 
Bou-Selam.  —  G',  338,  367. 
BouTAULT.  —  B^,  281,  289. 
BouTiN.  —  A,  37,  38,  116,  170, 

187,189,196. 
BouzEïD.  —  B',  243,  244. 
Bou-ZiANE.  —  G2,  229,  230,  244, 

246,  248  à  231,  254  à  256. 
BoYER.  —  B',  6,  10,  29,  31,  38, 
64,  67,  76,   85,   90,   91,   147, 
149,  131,  132,  135,  21.3,  219, 
221,  223  à  223,  274,  296. 
Bracewitz.  —  A,  218  à  220. 
Bras-de-Fer.  —  G-,  260. 
Bressox.  —  B^,  319. 
Brice.  —  C,  246. 
Bro.  —  B',  194,  243,  262,  264, 
263,  336.  —  B2,  63,  65,  232, 
300. 
Broglie.  —  B',  228,  230,  231. 
Brossari).  —  Bi,  138,  181,  184  à 
187,  193,  240.—  B2,  108,  181, 
191,  193,  314  à  316. 
Bruat.  —  A,  106,  107. 
Bru.vet.  —  ]i-,  480. 
BuciiET.  —  Bi,96,  98,  109,  112, 

138,  177,  178,  193. 
BuGEAUD.  —  B',  330.  —  Bî,  79 
à  97,  104,175,  183  à  185,  187, 
190,  191,  193  à  208,  211,  212, 
222,  223,  297,  298,  311  à  317, 
383,  424,  457  à  459,  472,  489, 
491.  —  C,  1  à  12,  14  à  39, 
42  à  50,  53  à  69,  72  à  79,  81, 
84,  85,  91  à  94, 104  à  109,  112 
à  122,  127  à  130,  139,  146, 
150  à  152, 154,  153,  137  ù 162, 
164  à  168, 173  à  180, 185,186, 


INDEX    HISTORIQLE. 


385 


19Gàl98,  204,  205,  208à2ll, 
215  à  231,  235  à  239,  2il, 
242,  260  à  262,  274,  275,  284 
à  300,  304  à  306,  309,  319  à 
323,  326  à  333,  338  à  349, 
351,352,  354  à  364,  367,  369 
à  379.  —  C-,  7,  11  à  13,  15  à 
20,  24,  26  à  28,  30  à  44,  54, 
67,  71  à  84,  91,  92,  96,  99, 
100,  113,  m,  120,  125  à  128, 
130  à  145,  147  à  149,  190  à 
192,  205,  298. 

Bl'rgard.  —  C^  61,  62. 

Hl-snach.  —  B',  297,  299.  —  B^, 
226,  227,  229. 

BuTTAFUoco.  —  C,  203,  264. 


Caheï  de  Vaux. —  B',  4,  15,  19. 

Camain.  —  B',  119. 

Camou.  —  C-,  73,  85,  91,  269, 
271,  273,  274,  276  à  278,  282, 
290,  319,  341  à  343,  346,  347. 

Ca.\i(Obert.  —  B'-,  295.  —  C, 
119,  209.  —  C-,  15,  96,  209  à 
211,  221,223  à  225,  235,247, 
248,  2.52  à  254,  2.56,  2.58  h  201, 
263. 

Caramav.  —  B',  209.—  H^,  245, 
275,  29  4. 

Cauamax  (duc  iJE).  —  B-,  129, 
169. 

Caubl-ccia.  —  C\  218,  230,  231, 
233,  237  à  239,  241,  244,260. 

CAsrMia  Périeu.—  B',  1.58, 159, 
162,  165,  168. 

Ca-ssaigne.  —  B',  119,  120. 

Cassaignole-s.  —  C,  144,  237. 

Cassan.  —  B',  6. 

Cavaignac.  —  Bi,  .395.—  15^  47, 
85,  86,  89,  93,  192,  213,  415, 
482.  —  C,  36,  37,  39,  101, 
148,  309,  321,  371,372.—  C-, 
20,  21,  50,  51,  55,  57,  69  à  71, 
73,  97,  98,  106,108,  111,  128, 
II. 


161,  178,  179,  181,  194  à  197, 
205  il  207,  266,  298. 

Cavaignac  (colonel  du  32").  — 
C,  358. 

Chabaud-Latour.  —  C-,  368. 

Chabrière.  —  C,  268. 

Chadevssox.  —  B-,  342.  —  C, 
191,  322. 

Chambaud.  —  A,  202. 

Changarmer.  —  B-,  1,  26,  128, 
144,  145,  1.50  à  1.52,  155,  156, 
1.58  à  161,  163,  167  à  169, 
170,  254,  299,  375,  379,  .392, 
393,  395  à  403,  426,  427,  431 
à  435,  444  à  455,  464  à  482. — 
C,  5  à  7,  13,  14,  17  à  19,  22 
à  25,  3),  39,  70  ;i  73,  79,  8  4, 
85,106, 107,109,1)0, 113, 117à 
119,  123àl28, 136,  146àll9, 
154  à  159,  166,  168,  169,  177 
ù  179,  181,  182,  196,  215  à 
230.  — C2,  34,  131,  150,  188  à 
190,  192,  194  à  198,  201  à  206. 

Chappedelai.xe.  —  C-,  59,  61, 
65. 

Chapcis.  —  C-,  359. 

Ghard  (oe).  —  G-,  254. 

Ghargère.  —  G-,  60. 

Charles  X.  —  .\,  39,  45,  60,  86, 
245,  254,  2.55.  —  B',  71. 

Charo.x.  —  G^  200,  215,  265. 

GHARRA.S.  —  G',  173,  206,  287. 
—  G-,  8,  68,  266. 

Ghasseloup.  —  B-,  129. 

Ghasseloup-Laudat.  —  C,  297. 

Chasteau.  —  G-,  153. 

Ciiatealbriand.  —  .\,  24,  25. 

Chérir    u'Ouargla.     —     Voir 

MoHAMMED-BEX-ABDAI.r.AH. 

GissEv.  —  G',  294.  —  C^  282. 

Gl-APARICDE.  —  G-,    15,   17. 

Ct.ALZEi..  —  A,  267,  271.  —  B', 
2,  5  à  8,  14  à  16,  28,  35  ;i  41, 
49,  .50  à  55,  58,  6i,  69  i  74, 
76  à  80,  83  à  87.  101  X  104, 
107,  109,  110,  145,  160,  161, 

26 


386 


INDEX    HISTORIQUE. 


192,  229,  230,  232,  272,  319, 
323,  323,  344,  403.  —  BS  1  à 
6,  11,  14,  18  à  32,  35  à  58, 
60  à  70,  73,  89,  97,  104  à  lOB, 
108  à  113,  113  à  120,  123,127 
à  141,  144  à  149,  152,  157, 
158,  103,  166  à  178,  181  à 
183,  187,  348,  300,  429,  456. 
—  C,  8,  53.  —  C2,  38. 
Cleb.  —  C2,  306,  308  à  310,  321 
à  323. 

Cl.ERMOXT-TOiWERllE.    —    A,    38 

à  40,  42,  43  à  47. 
Clouet.  —  A,  70,  122,  125, 136, 

138,  141,  144,  145,  16i,  176, 

183,  206. 
CoFFYX.  —  C-,  56  à  58,  63,  65. 
COLBERT.  —  B^,  129. 
Collet.  —  A,  33,  34,  36,  39,  48, 

50. 
CoLr.INEAU.  —  C-,  301. 
CoLLOMB  d'Arcine.  A,  70, 

138,  143,  144,  152,  164,  170, 

171,  181,  183,  188,  197. 
Colomb.  —  C-,  333,  334. 
Combe.  —  B^,  15,  74,  73,  76,  80, 

90,  93,  94,  193,  249,  232,  254, 

281,  288,  290. 
GoMMAN.    —  C,  123,  151,  373, 

374.  —  C2,  73,  77. 
Commission   d'Afriqoe.   —    B', 

243,  271,  292,  314. 
Commission   supérieure.  —  B', 

314,  315.  321. 
CoRBiN.  —  B2,  74,  281,  4.Ï9. 
CoRCELLES.—  c,  122,  238,  291, 

332.  —  es  32,  37. 
Cornulier-Lucinière.     —    B', 

203. 
CosMAO.  —  B",  177. 
Cotte  (de).  —  C,  23i. 

CoURDY    DK    COC.N'ORI).    —  C",   53, 

60,  61,  107  il  1J3. 
CiuiNY.  —  n\  488.  —  C,  172. 
CUBIÉRES.  —  B-,  416. 
CuNY.  —  C^  270  à  278. 


D 


Damas.  —  A,  24,  27,  28,  29,  32. 

Damesme.  —  C,  136. 

Dampierre.  —  B2,  .392,  394,  413, 
421. 

Damrémont.  —  A,  70,  137,  140, 
146,  147,  164,  169,  170,  176, 
181,  183,  197,  198,  236,  237, 
266.  —  B',  73,  74,  76,  78,  90, 
135,  145.  — B2,  110,  183,  188, 
190,  193,  197,  214,  215,  221  à 
230,  239,  242,  246,  247,  260, 
263,  270,  273,  275,  276,  278, 
279,  281,  294,  296,  297. 

Danlion.  —  B',  63,  67,  73,  76, 
92,  126,  138,  193. 

Dargent.  —  C-,  329. 

Daubignosc.  —  A,  225.  —  B', 
32. 

Daumas.  —  B2,  317,  374,  384, 
417,  487.  —  C.  33,  172,  287, 
289,  29  i.  —  es  79,  186,  187, 
219,  263. 

Daumas  (frère  du  précédent). — 
C,  183. 

Debit-Pillaut.  —  B',  4. 

Decazes.  —  B',  314,  323. 

Deforges.  —  Bi,  290. 

Delan-n^y.  —  B',  62,  63. 

Deligny.  —  C,  99.  —  C^  10, 
300,  309,  331,  360. 

Delort.  —  B',  4,  6,  52,  76,  85. 

Demoyen.  —  B2,  286,  287. 

Denniée.  —  A,  70,  73, 131,  217, 
218,  225,  228,  232. 

Descalonne.  —  B',  4. 

Des  Gars.  —  A,  69,  149,  171, 
177,  183,  188,  189,  191,  192, 
197,  217,  249.  —  B',  6. 

Desjobert.  —  B',  340. 

Desmichels.  —  B',  225,  274, 
275,  277,  279,  281,  283,  286  à 
288,  291,292,  294  à  iW,  299 
à  302,  304  à  308,   310,   311, 


INDEX   HISTORIQUE. 


3S7 


313,  321,  324,  334,  335,  336  à 

362,  374,  379.  —  B^,  61,  63, 

G6,  67,  106,  202,  209. 
Desprez.—  a,  70,187,  191,199, 

217. 
Desvacx.  — ■  C^,  334,  337,  338, 

37o. 
Deval.  —  A,  20,  21,  26  ii  33, 

37,  49,  61,  214. 
Deval  (neveu  du  précédent). — 

A,  223.  —  B',  13,  13. 
Devin-.  —  C,  173. 
Djellodl-ben-Ferhat.    —   C, 

170,  196. 
DoRLi.AC.  —  B^  323. 
Drée  (de).  —  B2,  168,  171. 
Drolewal-x.  —  B2,    403,   4.37, 

431. 
Drummond-Hav.  —  C,  3.37,  349, 

330. 
Du  Barail.  —  B',  286.  —  B^, 

406. 
Du  Barah.  (fils  du  précédent). 

—  C,  192.  —  G2,   312,   313, 

329,  331,  333,  337. 
DuBERN.  —  B%  262. 

DUBOURDIEU.  —  G-,   193. 
DUCHATEL.    —     B'.     314.     —    B2, 

489. 

DucHATEL  (Napoléon).  —  B', 
344. 

Du  CouÉDiu.  —  B",  203. 

DucRos.  —  G",  111. 

DucROT.  —  G',  16. 

DuMONTET.  —  G2,  241,  248,  2.32. 

Dui'ERRÉ.  —  A,  67,  68,  93,  102, 
103,  108,  130,  133,  182,  204, 
206,246,261,  267,  271. 

DUPETIT-THOUAHS.  —  A,  30,  68. 

Dupi.x.  —  B',  318,  319,  321. 

Dupi\  (Charles).  —  B',  341. 

Dui'ucii.  —  B^  372.  —  G',  42. 

DuitAXDE.  —  G-,  112. 

DuHKiEU.  —  C',  191  à  193,  278, 
281.  —C-,  198,  206,  266,271, 
313,  318,  331  à  333,  331. 


DUTERTRE.  —  G-,  61,  62. 
DUVERGER.  —  Bi,  91,  138.  —  B-, 
46,  119,  123,  126,  138,  172. 

DUVERGIER  DE  HaURAXNE.  —  B", 
210. 

Duvivier.  —  B',  13,  109,  112, 
118,  119,  122  à  124,  137,  143, 

182,  189,  190,  2.39,  3.37,  344, 
346  à  349,  .333  à  333,  371,  394, 
399,  403.  —  B2.  81,  114  à  116, 
120,  122,  123,  123,  130,  1.32, 
133,  137,  138,  167,  177  à  179, 

183,  228,  230,  238,  300,  .339, 
392,  402  à  404,  41.3,  426,  429, 
433,  437,  4.30,  431,  433,  464  à 
471,  477,  482.  —  G',  7,  13, 17, 
26  à  28,  36. 

DuzER  (Monk).  —  A,  70,  134, 
137,  139,  147,  133,  138,  164, 
170,  171,  182,  183,  206.  —  B', 
29,  33,  40,  43,  30,  33,  34,  64, 
66  à  68,  92,  208  ;i  213,  213, 
236,  241,  270  à  272.  —  B*, 
113  à  118,  122,  123. 


E 


El-Ahmar.  —  G-,  134  à  136. 
Ei.-Arbi.  —  B',  li)3,  196,  238. 
Ei.-Arbi-be.\-Bkahim.  —  B',268, 

269. 
El-Ghennaouï.  —  G',  314,  316, 

318,  323,  325,  326,  328,  329, 

339,  344. 
Er.-GoMARr.  —  B',  309. 
Iù.-IIadj-Ahmed.  —  G-,  43. 
Er.-llAMiu.  —  B'.  130  il  133,  216. 
Er.-KEBiDi.  —  G',  312,  324,  329, 

343. 
Ei.-Kharocbi.  —  G',  109,  193. 
Ei.-MzAMi.  —  B',  311,  376,  377, 

378.  —  B^  23,  26,  40,  41,  46, 

.30,  77.  —  G',  33,  114,202. 
Eri.on-  (i/).  —  B",  324,  33.3,  334, 

339,   340,  347,  348,  330,  353, 

355,  336,   338,  339,  361,  366, 


388 


INDEX   HISTORIQUE. 


370,  372,  374  à  377,  379,  380, 
393,  399,  400  à  403.  —  B^,  2, 
43. 

EscoFFiER.  —  G',  234,  235. 

EsNAUT.  —  B',  31,  32,  34,  60. 

EspivEXT.  —  G',  324. 

ExÉA  (d').  —  G^  63,  64. 

ExMouTH.  —  A,  13,  17,  19. 

Ey.nard.  —  G',  309,  313,  329. 


Failly.  —  C-,  319. 
Farhat-bex-Saïd.   —   B',    173, 

174.  _  B-,  293,  320,  321,  337. 

—  G',  244.  —  G^  337. 
Faudoas.  —  B',  147  à  149,  158, 

181  à  184,  187,  193. 
Pavas.  —  G',  183. 
Féray.  —  G^  128. 
Feuchicres.  —  B',   92,   96,   99, 

110,  m,  127,  158,  193. 
FE3EXSAC.  — A,  79.  -  G',  219. 
Filhox.  —  B',  13. 
FiRixo.  —  A,  77,  223,  228. 
Fitz-James.  —  B',  287,  357. 
Flaxdix.  —  B',  4. 
Fleury.  —  G',  60,  192,  271. 
FoLTZ.  —  B2„226,  227. 
FoREY.  —  G',  119,  148,  374. 
FoRTOx.  —  G',  144. 
FOUGEROUX.  — B',  4,  13. 
Fourichox.  —  G-,  143. 
FouRXiÉ.  —  B',  390. 
Fuv.  —  B2,  180. 
Fhéart.  —  Bi,  198,   201,   202, 

214. 
Fkémv.  —  G',  248,  249. 
Frescheville.  —  A,  270. 
Fromext-Goste.  —  G-,  35,  59  à 

62. 


G 


Gachot.  —  G",  339. 

Gai.b.iis.  —  B2,  323,  330,  337, 


339,  341,  358,  362,  373,  377, 

410,  412,  413,  484.  —  G',  11, 

242. 
Galinieii.  —  C-,  327. 
Garavixi.  —  B-2,  301,  302. 
Garderexs.  —  B-,  281,  284. 
Gastu.  —  G^  360. 
Gaullier.  —  B',  126. 
Gentil.  —  B^,  453.  —  G',  13, 

20,   166,   173,  179,   183,  204, 

296,  321.  — G2,  23,  73,79,81, 

82,  141,  211. 
Gextil  Saint-Alphonse.  —  G-, 

60. 
Gexty  de   Bussy.  —    B',  169, 

191   à  193,   324,   326   à  328, 

333,  348. 
Gérard  (maréchal).  —  A,  260, 

265.  —  B',  324.  —  B^,  235, 

353. 
Gérard.  —  G',  237.  —  G^,  104. 
Géreaux.  —  C2,  61,  62,  64,  65. 
Géry.  —  G',  38,  46,  07,   185, 

203,  232.  —  G-,  4,  8  à  11,  27, 

47,  73. 
GiROT.  —  B',  333. 
Glucksberg.  —  G',  367. 
Grand.  —  B^,  133. 
Graxville.  —  B',  230.  —   B^ 

32S. 
Gravier.  —  G^  262,  263. 
Grey.  —  B',  229  à  231. 
Grobox.  —  B-,  437. 
GuÉHÉXEUc.  —  B-,  374,  485. 
GuEsviLLER.  —  B-,  363,  433.  — ' 

G',  243. 
GriLLEMixoT. —  A,  64,  136,  314, 

323. 
GUIXGRET.  —  B-,  484. 
GuizbT.  —  B',  342.  —  B^,  103, 

210,  212,  489.  —  G',  74,  160, 

161,  302,  307,  313,  333,  335, 

366.  —  G2,  41  à  44,  132  à  134, 

184  à  186. 
Guy.  —  B',  71. 
GuYox.  —  B-,  43 i. 


INDEX    HISTORIQUE. 


3S9 


H 


IIabiu-el-Hadj.  —  B',  303. 
IIackett.  —  B2,  148,  149,  loi, 

177. 
IIadj-Ali-Dey.  —  A,  5. 
Hadj-el-Sghir.—  G^  78,  95,  96. 
IIadj-Moustafa  (frère  d'Abd-el- 

Kader).  —  B%  483.  —  G',  243. 

—  C\  170. 

Ha.mdan.  —  A,  2i'2,  247,  270.— 

B',  20,  77,  101. 
IIamlaoui.  —  B-,  323,  337. 
IIa.vouda.  —  B'-,  292,  321,  32i, 

336. 
IIardoufn".  —  C,  173. 
Haishv  Nkai.e.  —  A,  23. 
Hasxaoui.  —  W-,  124,  127,  338. 

—  Cl,  232,  233. 
Iîassan-Bey.  — A,  243,  236,  260. 

—  B>,  72,  78. 

Haussez.  —  A,  62,  63,  67,  68. 

Hautpoul  (b'j.  —  G-,  263  à  267, 
276,  314. 

IIerbillon.  —  G',  238.  —  G-, 
123,  213,  214,  222,  233  à  237, 
240  à  249,  233,  235,  258,  263. 

Her.n'Oux.  —  B',  127. 

HiLLAIRIN.  G-,   112. 

Horace  Vernet.  —  G-,  321. 

ilORAIN.  —  B2,  361. 

HouoETOT.  —  B-,  404,  413,  429, 

447,  466. 
IIuDER.  —  A,  64.  —  B',  136  il 

141,  143,  196  à  199,  247. 
IIu(iON.  —  B-',  226,  323. 
Hugues  (o').  —  B',  33. 
lluREL.  —  A,  70,  172,  170,  177, 

183,  185,  212,  247,  230.  —  B', 

10,  29,  30,  33,  40,  47,  49,  33. 
Hussein-Dey.  —  A,  3  à  5,  7, 10, 

11,  16,  17,  19  ;ï  32,  34,  49  à 
53,  57  à  60,  01,  89,  109,  M  2, 
132,  133,  214,  216,  219,  221, 
224,  237  à  239. 


I 


Ibrahim-Agha.   —  A,  113,  133, 

140,  142,  148,  137,  163,  166, 

173,  174. 
Ibrahim.  —  B',    140,   141,  144, 

170,  196  à  202,  211,  2i2. 
Illexs  (d';.  —  B-,  443,  480.  — 

G',  182. 


Jamin.  —  Cl,  192,  193.  —  (>\ 
213,  283,  287. 

Jannin.  —  C^  306. 

Jarras.  —  C',234. 

Jaubert.  —  B-,  209. 

JoiNviLLE  (prince  he).  —  !>', 
127,  130.  —  B2,  294.  —  G", 
333.  338,  339,  342,  313,  347  .i 
330,  352,  364,  365,  367.  —  G-, 
142,  193,  198. 

JoLY.  —  B',  248,  348. 

JONQUIÉRES.  —  G'^,  56,  58. 

JOUVENCOURT.  —  G",  21. 

Jus.  —  C\  338. 

JrsuK.  —  B',  31,  34,  70,  129, 
197  à  199,  202  à  214,  218,  270. 
—  \i-,  47,  49,  119  à  130,  136, 
146,  137,  164,  168,  L72,  178, 
179,  223,  234,  407  à  409.  — 
G',  59,  63,  60,  82,  170,  192  à 
194,  198,  211  à  214,  273,  327, 
359,  362.  —  G2,  72,  75,  77,  78, 
83  il  87,  90  à  92,  128,  302, 
303,  306  à  311,  360,  361,  367. 


K 


Kaddour.  —  B',  293,  294. 

Kadi)Our-bgn-Mouii. —  B',  309, 
311.  —  B-,  41.  —  G',  202. 

Kaïd-Idraiiim.  —  B",  132,  224, 
283,  286,  291,  303,  393.  —  BS 
14  ii  17,  28,  31,  40,  77. 


390 


INDEX   HISTORIQUE. 


Khalii  a-bex-Mahmoui».   —   B', 

298,  299,  303,  304. 
Khalil.  —  B'-,  124,  123. 
Khérepdine-Agha.  —   B',    79, 

145,  283. 
Klein.  —  C-,  60. 
KoLB.  —  B',  190,  191. 
KoRTE.  —  C",  72,  126,  134,  156, 

297,  299,321.—  C^  4,  70,73. 
KoiiDEH.  —  B',  263,  268. 


Labossaye.  —  G',  237. 

La  Bretoxmère.  —  A,  30  à  32, 

.54,  57  à  39. 
La  Cipière.  —  B-,  412. 
Lacotte.  —  C^  69,  86. 
Lacroix.  —  B',  82. 

LACR0UT3.  —  B',  167. 

Ladmiraui.t.  —  c,  136,  216.  — 
G-,  20,  90,  282,  300. 

Lafare.  —  B',  42. 

La  Ferroxnavs.  —  A,  46  à  48, 
30,  53,  34. 

Lafontaine.  —  B-,  412.  —  G', 
253. 

Lagondie.  —  B',  377.  —  B-,  73. 

La  Hitte.  —  A,  68,  120,  128, 
154,  135,  181,  196,  201,  203, 
211,  212,  215,  217,  226,  249. 

Lalande.  —  B^  226. 

Lamartine.  —  B',  322.  -  B^, 
209. 

La  MoRiciÉRE.  —  B',  12,  13,  83, 
118,  122,  124,  123,  137,  191, 
232,  233,  237,  240,  242,  249  ii 
252,  254,  200,  201,  338,  340, 
347,  353,  393,  394,  396,  399. 

—  BS  35,  63,  107,  120,  213, 
214,  248,  249,  252,  26i,  281, 
283  à  288,  290,  332,  392,  425, 
429,  435,  439,  454,  485  à  489. 

—  G',  7,  10.  28  à  33,  36,  37, 
39,  46,  47,  34  à  38,  69,  79,  82 
à  85,  88,  96  à  98,  100,  104, 


114,  129  à  141,  143,  144,  166, 
172,  175  à  177,  179,  184,  186 
à  188,  2i)0  à  203,  210,  214, 
228,  232,  233,  237,  286,  300, 
304,  305,309  à  315,  317  à  319, 
322  à  324,  326,  330,  342,  344, 
355,  369  à  371,  374.  —  C^  3, 
4,  6  à  8,  13,  27  à  30,  34,  40, 
54,  66,  67,  69  à  71,  73,  78,91, 
131  à  134, 150,  161, 165  à  167, 
170,  172  à  190,  266. 

Lamv.  —  B^  245  ii  247,  254, 
269,275,290,  291. 

La  Rue  (de).  —  B^  61,  105, 107, 
212,  358.  —  G',  30,  368. 

Lasry.  —  B2,  49,  50. 

La  Tohré.  —  B^,  218.  —  G', 
145. 

La  Tour  du  Pin.  —  B^,  268. 

Laurence.  —  B',  243,  314,  320, 
333,  342,  —  B\  102. 

Laurent.  —  G-,  338. 

Lavaissière.  —  G-,  65. 

Laval.  —  A,  254.  —  B',  230. 

Lavarande.  —  G-,  223,  234  à 
236,  260,  300. 

Leblond.  —  B',  289.  —  G",  130. 

Leboeuf.  —  B2,  262,  361,  448. 

Lebrettevillois.  —  G-,  248. 

Le  Flô.  —  B-^  283,  403,  474.— 
G',  209. 

Lefol.  —  B',  143,  148. 

Lelièvre.  —  B-,  405. 

Lemercier.  —  B',  257,  239,  353 
il  355.  —  B^  58,  66,  73,  ■77, 
111,  130,  151,  170,  360. 

Lenoir.  —  A,  202. 

LÉON  Roches.  —  B^,  310,  330. 
—  G',  183,  277,  278,  307,  324, 
337,  308.  —  G^,  107,  153. 

Lepasouiek.  —  B',  333,  350. 

Lesseps.  —  A,  89.  —  B",  71,  72, 
78,  80. 

LÉTANG.  —  B',  223,  288,  294.— 
B9,  90,  111,  181,191. 

Levaillant.  —  B-,  426. 


INDEX    HISTORIQUE. 


391 


Levasseuu.  —  C,  30,   58,    59, 

25â.  —  C2,  100. 
LÉvi.  —  C2,  86. 
Leydet.  —  B^,  193. 
LiADÈRES.  —  G>,  226. 
LiMERS.  — ■  G-,  339. 
LoRENXEz.  —  C2,  223,  224,  233. 
Louis-Philippe.  —  B",  163.   — 

B'-,  108,  234,  24't,  346,  333.— 

C2,  114,  194. 
LouRMEL.  —  G',  304.  —  G-,  247, 

249,  232,  234,  264. 
LovERDo.   —  A,   69,   126,  133, 

136,  138,  146,  132,  133,  130, 

183,  188,  189,  191,197. 
LowASY.  —  B',  349  à  335. 
LuzY.  —  G-,  268,  282. 


M 


Mac-Dox.\ell.  —  A,  17,  23, 
Mac  Mahox.  —  B',  43.  — 
107,  273,  408,470,  481.  — 
72,  263.  —  G^  70,  106, 
163,  167,  173,  174,  211, 
263,  282,  291  à  293,  293, 
319,  341,  344,  340,  348, 
301,  362,  360,  307,  369. 

Mahiddine-el-Sgiiir.  —  B', 
169,  170,  180,  18i,  186, 
367  à  369,  371.  —  B^  8, 

Mahi-ed-Dine.—  B',  218  à 
223,  224,  279. 

Mahi-ed-Di.\e  (du  Sebaou), 
Gi,  130,  131,  171,  293.  — 
220. 

Mahmoud.  —  A,  6i,  lOi.  — 
226. 

Maillot.  —  B-,  129. 

Maison.—  B",  403.—  I!-,  4 
61,  103,  109. 

Maissiat.  —  G-,  209,  282, 
341,  300. 

Maléciiari).  —  B-,  276. 

Man(;i.\.  —  G^  232. 

Manucci  (les).  —  G',  101  à 


24. 
B2, 
G', 
112, 
217, 
318, 
339, 


134, 
363, 
107. 
220, 


G-, 

,  3;i, 
290, 

108. 


Marbot.  —  B-,  20,  430. 
Marcy.  —  G',  206. 
Mardochée.  —  B',  297  à  299. 
Marey.  —  B',  13,  70,  113,  182, 

330,  337,  399.  —  B^  8,  116. 

—  G',  238,  274  à 276,  279,  281, 

282,  321.  —  G^  23,  73,  80, 

123,  206,  208,  211. 
Marguexat.  —  G',  192. 
Margueritte.  —  G-,  113. 
Marin.  —  G^  60,  113. 
Marion.  —  Bi,2,  42,  43,  43,  50, 

03,  07,  111,  112. 
Marmier.  —  G2,  238,  336,  337. 
Mautignac.  —  A,  46,  60. 
Martimprey.  —  G',  33,  34,  36, 

38,  43,  67,  143,  172,  208,  287, 

304,  324  à  326,  333,  338,  360, 

368,  369.  —  G2,  68,  182,  282. 
Marulaz.  — G-,  274. 
Massot.  —  B2,  473.  —  G',  42. 
MAL-.iui.\.—  Bi,  341.  —  B-,  211. 
M.VLMET.  —  B',  9,  63,  190. 
Maussion.  —  B',  339,  364,  382, 

388  à  390,  392.  —  B-,  34,  56, 

70,  73,   81,  86,   93,   96,   196, 

201,  203,  213,  314,  313,  317, 

487,  488. 
MijAOUD.  —  B',  193,  190,238. 
Meuani.  —  G',  294,  299. 
Medeni.  —  B',  3i3,  330  à  352, 

331. 
Mkiiémet-.Vli.  —  A,  03,  6i,  66, 

109,   110.  —  B",  71,    149.  — 

G',  31,  52. 
Melcion  I)'.\rc.  — B-,  130,  134, 

138,  168. 
Mellinet.  —  G-,  71. 
Meni.iui.  —  B',  83,  94,  131. 
Menne.  —  B-,  23,  20. 
Mkno.wille.  —  B-,  317. 
Mermet.  —  B-,  407  a  409. 
Mesmer.  —  G-,  294. 
Metternicii.  —  B-,  327. 
MicuMER.  —  G',  206. 
MiLTGEN.  —  B^  423. 


392 


INDEX    HISTORIQUE. 


MiRANuoi..  —  C,  83,  114,  43:2. 

MiRBECK.—  B^  321,  32.5.  —  C^, 
241,  245,  248,232. 

Mohammed-be[.-Haiij  (des  Beni- 
Ouragli).— C,  137,  158,164, 
189,  193,  203.—  C-,  18. 

Mohammed-del-IIadj  (du  Zab). 
—  C,  233,  264  à  26';,  269, 
272.  —  C-,  245,  249. 

Mohammed -BEN -Abdallah.  — 
C,  90,  93,  101,  286.  —  C^ 
298  à  304,  306,  310,  327,  328, 
330,  331,  334,  336,  337. 

MOHAMMED-BEN-HUSSEIN.    —    B", 

6,  7.  62,  63,  66  à  68,  106,213. 
MoKRANi.  —  B\  337,  362,  363, 

412,  413.  —  C,  243,  244.  — 

C2,  140,  303. 
MoLÉ.  —  B-,  109,  188,  198,  204, 

210,  211,  223,  239,  242,  243, 

298,  308,  309,  319,  327  à  329, 

334,  344,  346. 
MoLi.NE  DE  Sai.\t-Yo\.  —  G",  75, 

134. 
MoLLiÈRE.  —  B',  234.   —   B-, 
.339. 

MoNCEL.  —  B^  182. 
MoNK  d"Uzer.  —  Voir  Duzer. 
MoNTAGNAC.  —  B",  400,  476,  477, 

487,  488.  —  C,  3,    63,    137, 

234,  233,  370.  —  C^  53  à  61, 

67. 

MONTALEMBERT.  —  B',  159. 
MONTAUBAN.  —  B',  395.  —  ]i\ 

485.   —    C^    107,    173,    177, 
296. 
MoNTFORT.  —  B',  209,  243. 

MONTLIVAULT.     —     A,     70,      172, 

183,206,  237,  243. 

MONTPENSIEII    (duc    DE).     —    C, 

269.  —  c-,  18. 
Morand.  —  C-,  308,  310,  311. 
MoRNAi.  —  B',  216. 
Morris.  —  B^  172,  445.  —  C, 

110,  192  à  194,  198,  233,  234, 

317,  339.  302. 


MORTEMAUT.  —  B",  129,   168. 

Mortier.  —  B',  359. 

Mouça-el-Derkaoui.  —  B',368, 
369. 

MouLEY  Abd-er-Rahma.\e.  — 
B',217.— B2,373.  —  C',302, 
305,  307,  311,  327,  337,  338, 
350.  —  C^  2,  3,  5,  29,  49,  87, 
154,  156,  157,  160,  167,  169. 

Moulev-Ahmed.  —  C^,  159,  161, 
169. 

Mouley-Ali.  —  B',  73,  94,  1.30. 

MOULEV-MOHAMMED.  —  C,  344  à 
346,  362  Li  364,  367.-0^157 
à  159,  161. 

MOUNIER.  —  B',  112. 

Mouserli.  —  B',  150,  1.3.3,  222. 

MOUSTAFA-BEN-ISMAÏL.  —  B',  150, 

133,  309  à  311,  337,  363,  366, 
367,393.  —  B2,  12,40,  41,44, 
45,  48,  31,  71  ù  75,  78,  83,88, 
94,  405.  —  C,  58,  90,  91,  94. 
101,  133,  136,  140,  184,  2U0  à 
202. 


N 


Napoléon  III.  —  C^,  261,  272, 
316  à  318,  339. 

NÉGRIER.  —  B2,  221,  300,  320, 
322,  324,  325,  337.  —  C>,  11, 
217,  242,  243,  243,  250  à  233. 

Nemours  (duc  de).  —  B-,  112, 
113,  129,  132,  137,.138,  167, 
173,  174,  233  à  239,  243,  247, 
250  à  232,  234,  260,  263,  273, 
273,  279,  283,  287,  288,  292, 
296,  298.  —  C,  14,  17,  22, 
24,  32,  33,  36,  39,  76,  220, 
221. 

Neveu.  —  C^,  320,  362. 

NiEL.  —  B^  289. 

Nion  (de).  —  C,  307,  313,  333, 
333,  338,  349,  367. 

NiyuELX.  —  C-,  328,  329,  331, 
333. 


INDEX    HISTORIOCE, 


393 


0 


Odilon  Barrot.  —  B',  322. 
O'Kefk.  —  C,  207. 
Omar-Dey.  —  A,  5  à  7,  13,  19, 

20. 
Orléans  (duc  d').  —  B^,  U,  20, 

24  à  26,  3i,  42,  .j6,  59.  130, 

223,  229  à  241,  243,  333,  368, 

374  à  377,  379,  380,  389,  416 

à  418,  421,  422,428,  430,  433, 

439. —  C,  127,  128. 
Oi'DiNOT  (colonel).  —  B',  294, 

293,  382,  384. 
OrDixoT(gùnéral). —  B-,  15,  17, 

18,  23,  26. 
Oltid-bou-Mezrag.  —  B',  109, 

126,  130,  133,  216. 
Oclid-ou-Rebah.    —    B',    2t8, 

230,  348,  331,  332  à  333.  — 

B2,  360. 


Palmerstox.  —  B',  231.  —  B=, 
323  à  327,  330,  331. 

Pariset.  —  C-,  238,  248. 

Parseval.  —  B',  252. 

Passv.—  B',  314,  316,  317,  321, 
3i0.  —  B2,  99. 

Pâté.  —  G^,  282,  319,  341. 

Pelisse.  —  C,  272. 

PÉLLssiER.  —  B2,  488.  —  C,  34, 
57,  172,  180,  210,  3.38.  —  C^, 
20  à  24,  77,  96,  209,  217,  267, 
270,  276  à  278,  282,  303  à  311 . 

Pellismer.  —  B',  262,  264,268. 
—  B^  29,  214,  307,  334. 

Périgot.'  —  G-,  339. 

Perraud.  —  B^,  82. 

Pehregaux.  —  B-,  15,  43,  47, 
53,  35,  58,  59,  69,70,77,  111, 
217,  218,  220,  273,  279,  297. 

Peusac.  —  G',  1.56. 

Petit.  —  G^,  238,  239,  218. 


Pi  AT.  —  G-,  341. 

PicHox.  —  B',    130,   165,    168, 

169,  191. 
PicouLEAi.-.  —  G',  166,  167,  168. 
PisCATORv.  —  B',  243,  314,  317, 

342,  4.37. 
PoERio.  —  G',  26. 
PoLiGXAC.  —  A,  60.  63,  64,  66, 

80,  82  il  84,  86,  89,  103,  169, 

230,  231,  233,  2.38.  —  B',230. 

PORET     DE     MORVAX.    —    A,     70, 

119,  136,  137,  146,  135,  164, 
173,  176,  177,  183,  206. 

PORTALIS.  —  A,  34. 

PouRCET.  —  B\  470.  —  G',  226. 
Prébùis.  —  B-,  136. 


R 


Radier.  —  B-,  237. 

Raxcé.  —  BS  108  à  110,  171, 
184,209. 

Raxdox.  —  fiî,  483.  —  C',  45, 
245  à  249,  260  à  262,  273.  — 
G2,  101  à  103,  266,  275,  278, 
282  à  284,  290,  299,  303,  305, 
314  à  318,  320  à  325,  328,  332 
à  334,  343,  345,  350,  332  à 
358,  360,  362  à  369,  371,  373. 

Rai'atel.  —  B',  336,  353,  400. 
—  B^  7,  9,  60,  63,  67,  68, 
106,  108,  116,  128,  182,  191, 
300. 

Raphel.  —  B^  382. 

Réalier-Dl'mas.  —  B-,  116. 

Régis.  —  G-%  321,  323,  325. 

REMISAT.  —  |{i,  316. 

Rexai  LT.  —  B^  440.  —  G-.  90 
ù  94,  128,  161,  165,  166,  359, 
360,  367,  371. 

Resghi.  —  B-%  124,  337,  3.38. 

Reveu.  —  G-,  18,  19. 

Rewdell.  —  B-,  162. 

HiD.HRT.  —  G-,  282,  317. 

RiciiEPAM.E.  —  B-,  47,  153. 

RiGNY.  —  B-,  130,  133,  134,  112 


394 


INDEX    HISTORIQUE. 


à  143,  loO,  132,  133,  166,167, 

169  à  173. 
Rivet.  —  C,  284,  285,  288.  — 

C2,  67,  317,  318. 
RoBEiiT  Peel.  —  C,  337,  36G, 

367. 

ROGNIAT.  —  C,   121. 

RoGUET.  —  C,  317,  318. 

ROHAULT  DE  Fleury. —  B",  233, 
239, 243, 243, 230, 236, 237, 275. 

Roland  de  Bussy.  —  B',  18. 

Rolland.  —  C-,  89. 

RosAMEL. —  A,  203,  207,  237.  — 
B',  314. 

RosETTi.  —  G-,  234. 

RosTOLAN.  —  B'-,  392,  394,  393, 
400,  421,  441. 

ROUILLARD.  —  B',  131. 

RouvRAY.  —  B-,  313. 

RoviGO.  —  B',  133,  135,  158, 
166,  167,  169,  170  à  174,  178 
à  180,  186,  187,  189,  193  à 
193,  197,  198,  214,  215,  221, 
223,  227,  232  à  234,  236,  238, 
240,  248,  249,  325,  344. 

RozE.  —  C-2,  337. 

RuLLiÉKE.  —  B',  37,  40,  33,  37, 
58.  —  B2,  195,  248,  232,  254, 
273,  279,  290  à  292,  307,  387, 
392  à  3!)4. 

RuMiGNY.  —  B^  421,  436.  —  C, 
77  à  79,  9i,  93,  103. 


Sade  (de).  —  B',  314,  316,  317, 
340. 

Saget.  —  W-,  484. 

Saint-Arnaud.  —  G',  118,  127, 
128,  149,  166,  167,  198,  216, 
217,  226,  278,  279,  371,  373. 
—  C\  17,  19,  20,  47,  71,  73, 
77,  96,  124  à  d26,  131,  132, 
219,  203,  267,  269  à  273,  278, 
279,  283,  28  i,  290,  293,  314  à 
318. 


Saint-Germaix.  —  B',  254.  — 

C-,  210,  211,  230,   232,  234, 

233. 
Saixt-Hypolite.—  B',  182,361, 

371,  372.  — B2,  168. 
Sainte-Aulaire.  —  B-,  327.  — 

C,  33.3,  337,  338. 
Salles.   —  B^,   335,  334,   335, 

339,  361.  — G^  219,  235,  282, 

291. 
Salomon   de  Musis.  -~  B',  176. 

—  B^  360. 
Salvandy.  —  B^,  212. 
Sanzai.  —  B2,  28i,  285. 
Sauzet.  —  B',  221,  280. 

SCHAUENBOURG.    —    B',    333.    — 

B2,  217,  218,  220. 
Schneider.  —  B-,  358. 
SCHRAMM.  —  B2,  450.  —  G',  2. 
Sebastiani.  —  B',   80,  164.  — 

B^  323,  326,  330,  331,  437. 
Seillière.  —  A,  74. 
Sémerie.  —  B',  343. 
Senilhes.  —  G',  258. 
Sextuary.  —  G',  144. 
SÉRIGNY.  —  B^  285. 
Seroka.  —  CK  229,  230,  239. 
Si-Djoudi.  —    C',   296.  —    G-, 

221,  224,  225,  261  à  263,  289, 

290,  350,  357. 
Si-Hamza.  —  G-,  300,  304,  303, 

311,  31  ;i,  328  à  330,  332,  333. 
Si-Zerdouu.  —  G',  243  à  247, 

232  à  2.37. 
Sidi-el-Ariui.  —  B',  309,  311, 

357,  363,  367,  369. 
Sidi-el-Aribi    (  fils    du    précé- 
dent). —  B'-,  39.  —  G',  11.3, 

137,  173,  180.  —  C2,  19,  20, 

43. 
Sidi-Hamh.a.  —  G',  344  à  346, 

368. 
Sidi-Mdarek.  —  Voir  Be\-Al- 

L  A  L . 

Sihi-SAADi.  —  B',  125,  170,180. 
—  B^  216. 


INDEX   HISTORIQUE. 


395 


Sidi-Saïd.  —  C,  60.  —  C-,  170. 

SiGXY.  —  B',  181. 

SiLLÈGUE.  —  C,  239  à  262,  264, 
271. 

SiouoT.  —  C,  237. 

SoFAR.^B',  323. 

Sol.  —  B',  299,  304  à  306. 

Sol  (commandanl).  —  B-,  12. 

SouLT.  —  B',  138  à  161,  168, 
223,  228,  231,  259,  319  à  324. 
—  B2,  381,  489.  —  C\  2,  77, 
79,94,  160,  162,211,229,290, 
302,  370.—  C-,  23,  24,29,30, 
41  à  44,  113,  133. 

SouviLLE.  —  C-,  234. 


Tahir-Pacha.  —  A,  104  à  106. 
Talleyraxd.  —   B',  163,   164, 

229,  231. 
Taubol'riech.  —  C-,  306. 
Tarlé.  —  C,  7,  79. 
Tartas.  —  B\  473.  —  C,  233, 

339,  362. 
Tatareau.  —  C,  267,  270. 
Tedjim.  —  B^  347  à  349,  332, 

333,  411.  —  C,  277,278,281. 

—  C^,  128,  311  à  313. 
Tempoire.  —  C,  37,  38,  49,53, 

54,  69,  89,  90,  93,  232,  236, 

309,  313,  317,  .321. 
Thiers.  —  B2,  99  à   101,   103, 

104,  109,  209,  210,  333,  416, 

436,  466,  489.  —  C,  378. 
Thiéry.  —  C,  202,  313.  —  C-, 

63. 
Tholozé.  —  A,    70,   1.S8,   223, 

228,  230. 
Thomas.  —  C,  263,  272,  273.  — 

es  319. 
Thomas  (adjudant).  —  C-,   62, 

H3. 
Ti.NA.N.  —   B',  249,  250.  —  C, 

229. 
Toucharo.  —  C-,  194. 


TouRXEMixE.  —  B-,  130,  236. 
271. 

Tourville.  —  C^*,  293. 

Toussaint.  —  C-,  234. 

Trélax.  —  A,  230,  231. 

Trézel.  —  B',  158,  179,  187, 
188,  232,  233,  233,  232,  254, 
236,  239,  310,  337,  361  à  367, 
374  à  381,  384  à  386,  388  à 
390,  393,  394,  396,  398,  400, 
402,  403.  —  B2,  14,  16,  126, 
131,  134,  138,  143,  151,  177, 
178,  205,  252,  254,  274,  275, 
295,  300,  407.  —  C^,  185. 

Tripier.  —  B^,  480.  —  C^  21. 

Trobriaxt.  —  B',  194,  215,221, 
223,  236,  245. 

Trochu.  —  C,  .39,  2.34.  —  C^ 
82. 


Yaillaxi.  —  A,  202.  —  B^ 
3.37.  —  C2,  352,  355,  358. 

Valazé.—  a,  68,  125,  128,132, 
162,  167,  181,  196,  198,  201, 
212,  217,  226.  —  B',  341. 

Valée.  —  B2,  233,  23G,  239, 
242,  243,  243,  246,  230,  236, 
238,  260,  267,  275,  280,  281, 
283,  287,  290,  292,  294  à  296, 
298  à  302,  306,  308  à  310, 
320,  322,  332  à  339,  341,  344, 
346,  331,  334,  357  à  .359,  364, 
363,  370,  374,  3*3,  377,  380, 
381,  383  à  388,  391,  394,  393, 
399,  40.3,  410,  411,  413,  416, 
418,  421,  423  à  423,  430,  432, 
4.33,  439,  442,  443,  447  à  430, 
433,  439,  466,  471,  473,  474, 
476,  478,  481  ù  483,  483,  489. 
—  C,  2,  6,  7,  13,  14,  27,  42, 
7t. 

\e\u:é.  —  B',  260  à  262,  263. 

Vii:\m:t.  —  B',  319. 

Vii;ix.  —  BS  283  à  287. 


396 


INDEX    HISTORIQUE. 


ViLLÈLE.  —  A,  28,  4o. 

YiNOY.  —  C2,  4,  5,  306,  319. 

VoiROL.  —  B',  234,  237,  240  à 
243,  245,  249,  251,  256,  260  à 
263,  265  à  268,  297,  302,  305, 
312,  313,  324,  325,  327,  328, 
339,  348,  358. 

VoLLAND.  —  B',  14,  77,79,  314. 


Walewsky.  —  B',  358,  359. 
Walsi.n  Esterhazy.  —  C,  33, 

54,  86,  327,  359.  —  C^,  S,  6. 
Wengy.  —  C\  135. 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE 


Abd-en-Nolr.  —  B2,  323,  341. 

Abid-el-Bokhari.  —  C,  314, 
3.j3,  364. 

Aïx-Kedira  (des  Trara).  —  C-, 
70. 

Aïx-Kebira  (près  Mascara).  — 
BS  27.  —  C,  o8. 

Aïn-Madhi.  —  B-,  347,  352,  353, 
.373.  —  C',277  à  281.  —  C\ 
128,  311  à  313. 

Aï.n-Sefra.  —  C^  128,  218. 

Aïx-Sfisifa.  —  Gî,  128,  218. 

Aïn-Tailazid.  —  B-,  465  à  467, 
470,471.  —  C,  13. 

Aïv-Temouchext.  —  C-,  66,  68, 
87,  113. 

AïN-Ti'Rco.  —  B2,  378,  412,  413. 

Akbet-Kredda.  —  C,  38. 

Alger.  —  A,  7,  10,  11,  14,  16, 
23,  20,  57,  65,  107,  112,  115, 
116,163,  187,  18'J,  194,  195, 
207,  213,  224,  225,  235  à  237, 
27i>.  —  Iji,  Ifi,  l'j,  22,  24,  80, 
81,  94,  102,  107,  133,  166, 
171,  315  à  319,  321,  325,  332, 
333,  .'i:!7,  339  à  344,  400,  402. 
—  15-,  2,5  à  7,  9,  36,100,  101, 


181,  200,  210,  299,  301,  303, 
311,  325,  .326,  .328  à  331,  369, 
372,  .375,  388,  417,  441,  463. 

—  C,  12,  123,  126,  128.  — 
C2,  39,  79,  80,  82,  83,  127, 
128. 

Amer.  —  B-,  .337. 

Amraoua.  —  B',  177.  —  B-,  217. 

—  C,  294,  296,  297,  299, 
AxGAD.  —  B',  222,  309.  —  B^ 
•    43,  45.  —  C,  304,  311,  341. 
AxNOUNA.  —  B^  135,  247. 
AouARA.  —  B',    112,  113,   116. 

—  B^  132. 

Arib.  —  B',  266,  335. 

Arzeu.  —   B',  279  à  281,  300, 

.302  à  301,  .306,  311,  365,  386, 

388,  391  à  393,  396.  —  B^,  405. 
Arzou.  —  C-,  138. 
AssASNA.  —  C,  64,  205  à  208, 

232,  233,  235. 
Atlas.  -  A,  246.  —  B',  36,  37, 

39,  41,  44,  .50,  .56,  100,  125. 

—  n-,  7,  19,  22,  33,  64,  66, 
199,  216,  303.  —  C,  i<2. 

.Vttaf.  —  c,  153,  164. 
AiMALE.  —  C^    99,    100,    126, 

261. 
Aires.  —  B^,  295,  320.  —  C, 

245,  253,  263,  266,  269.  —  (.:», 


398 

209,  230,  232,  234,  258,  259, 
265,  374. 
Ayad.  —  C,  125,  126,  146,  149, 
156,    166,   170,   196.    —    C, 

72. 


B 


Bab-Azoun.—  a,  194,  195,202, 
204,  213,  223,  225,  236,  237. 

—  B>,  15,  30,  «1,  107.  —  C-, 
144. 

Bab-el-Oued.  —  A,  195,  225, 
236.  —  B",  15,  94,  107,  172. 

—  B2,  381. 
Bab-el-Taza.—  C,  101,  102.— 

C^  64,  70. 
Baba-Ali.    —    B',   86,  104.   — 

B2,  9. 
Babors.  —  B2,  362.  —  C^,  212, 

213,  270,  320,  324,374. 
Bastion  de  France.  —  A,   18, 

21. 
Batna.  —  C,  263  à  265,  269.  — 

C2,  230. 
Belezma.—  C,  270.  —  C2, 100, 

258. 
Bengut  (cap).  —  A,  106.  —  C, 

293. 
Beni-Abbès.  —  C2,  1.37  à  140. 
Beni-Aïcha   (col    des).    —   B-, 

216,218,  220.  —  C,  299.  — 

es  79. 
Beni-Amer.  —  B',  222, 277,  309. 

—  B2,  50,  55,  70,  96,480,487. 

—  C,  68,  84,90.  —  C%  0,68, 
70,  87,  157,  158. 

Beni-Chougranr.  —  B-,  42,  — 
G',  .38,  83,  89.  —  C^,  69. 

Beni-IIidjer.  —  (;-,  344,  348. 

Bem-Khblil.  —  15',  27,  00, 119, 
176,  241,  243,  260  à  262,  264, 
265,  267,  268,  335,  337,  375. 

—  B^  304,  .371. 
lÎEM-MçAoui).  —  A,  246.  —  B', 

95,  98.  —  B2,  466. 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE. 


Beni-Mellikeuch.  —   C-,  140, 

224,  225,  268,  344,  370. 
Beni-Mered.  —  B2,    181,   393, 

394.  —  C,  110  à  112.  —  C% 

38. 
Beni-M\aceu.  —  B',  .367,  426, 

427.  —  G',  109,117,  119,124, 

153,  165  à  169,  215,216. 
Beni-M.\ad.  —  Bi,  28,  186,  .337, 

363,  367,442,  479,  482.  —G", 

119,  168,  169. 
Bexi-Mouca.  —  B',  28,  94,  129, 

176,  262,  264,  267,  335.— B^, 

304,  371. 
Bexi-Olragh.  —  G',  153,  155, 

157,  158,  164,  189,  195,  204. 

—  G2,  3,  46,  209. 
Bem-Raten.   —    G^,    26,    346, 

348,  350  à  352,  354,  361  à  366, 
370. 
Bexi-Sala  (Titteri).  —  A,  246. 

—  B',  27,  28,  84,  95,  98,  99, 
268.  —  B2,  215,  332,  333,  465, 
466.  —  G',  119. 

Bem-Sala  (Bone).  —  B-,  484. 

—  G2,  295. 
Bexi-Slimane,  —  B',  94.  —  G-, 

219,  220. 
Bexi-Sxassex.  —   G',  102,  302, 

314.  —  G2,  2,  106,  168,296. 
Bexi-Sxous.  —  G',  240.  —  G-, 

211. 
Beni-Toukout.  —    G',  257.    — 

C^,  292. 
Bexi-Yacoid.  —  B',  209  à  212, 

270. 
Beni-Yala.—  C2,  220,  223,224. 
Bexi-Yaya.  —  G2,  345,  346,363. 
Bexi-Zerouel.   —    G",   49,   54, 

115,  153,  173,  175.—  G^  19. 
Bexi-Zougzoug.  —  G',  25,  119. 

146,  153,  166,  181. 
Berouaghia.  —  B',  369.  —  G', 

40,  123. 
ISess-Ness.  —  G',  156,  158,  205. 
BiBAN  (portes  de  fer).  —  A,  243. 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE. 


390 


—  B\  335,  337,  378,  379,381, 
383,  384,  399,  411,  412. 
BiRKHAOEM.  —  B',  30,  129,  132, 
171,  178,  184.— B3,  369,  4il, 
474,  477. 

BlRMANDRAÏS.  —  B',  30. 

Bm-ToLTA.  —  A,  ^31.  —  Bi,60, 
132.  182,  194. 

BisKRA.  —  B',  173,  320,  321.  — 
C,  244,  264,  263,  272,  376.— 
C^  228,  230  à  232,  234,  243, 
214,  33.J. 

Blida.  —  A,  246,  248  à  250.  — 
Bi  H,  34i:i37,  51,  52,  54  à  58, 
63,  84,  93,  97  à  99,  109,  123, 
170,  187,  189,  241,  243,  244, 
266,  208,  337,  33  s  399.  —  B^, 
5,  6,  36,  182,  199,  213,  216, 
301,  303,  332,  333,  369,  382, 
392  à  .397,  400,  402  à  404,  422, 
434,  434,  46  4  à  460,  471,  478, 
481,  482.  —  C,  7,  9,  13,  13, 
17,  40,  42,  106,  109,  110,  113, 
114,  117,  123,  149,  169.  —  C^ 
80. 

BoGHAR.  -  C',8,  29,  40,  42,43, 
60,  63,  106,  169,  170,  186  à 
188,  190,  196,  212  à  214.  — 
C^  76,  79. 

Bois  des  Oliviers.  —  B-,  438, 
446  à  448,  430,  471,  482.  — 
C,  13,  72. 

BoNE.  —  A,  237,  206,  267.  — 
B',  1,33  à.  138,  170,  196,  197, 
213.  243  à  247,  209,  271,  273, 
313,  332,  340.  —  B^,  36,  113 
à  116,  118,  119,    121,  124  à 

130,  132,  133,  149,  173  ù  178, 
209,  210,  227,  228,  2ol,  268, 
294,  301,  372,  463. 

BoRDJ-BoGH.vi.  —  C^,  221,  278, 

333. 
Bordj-bou-Areridj.  —  B-,  378. 
BoROJ-BouiRA.—  Bî,  380.—  C, 

131,  171.  —  C*.  137,  141, 
220. 


BORDJ-EL-AUBA.   —   B-,    413.    — 

C,  109. 
Bordj-Medjaxa.  —  B-,  378. 
BoRDj-MxAÏEL.  —  C>,  293  à  295. 

—  C^  278. 

BoRDJiA.  —  B',  293,  309.  —  C, 
54,  83,  89,  96.  —  C^  69. 

BouAGiEB.  —  B',  233,  243. 

BouDOLAOu.  —  B',  28.  —  B2, 
216,  218,  307,  332,  475.—  C, 
130. 

BnuFARiK.  —  A,  231.  —  B',  32, 
39,  63,  121,  130,  1.32,  133, 
183,  236,  241  à  244,  260,  262, 
264,  266,  268,  333  à  339,  .371. 

—  B2,  7,  9,  61  à  63,  108,  181, 
182,  221,  222,  369,  372,  392  à 
396,  400,  460,  473.  —  C,  110 
à  112. 

Bougie.  —  A,  134.  —  B",  243  à 
260,  344  à  3.33.  —  B^36, 114, 
339  à  363,  372,  375,  370,  378. 

—  C,  377  à  379.  —  C^  134 
il36,  140,  141,212,219,287. 

Bou-Mer3oug.  —  B^,  141,  142, 

158,  159,  200. 
Bol-Rkika.  —  B-2,  479.  —   C, 

119. 
BoLuouiii.  —  B',  264.  —  B2,  8, 

10,  221,  423,  440. —  C,  124. 
Bou-Sada.  —  C,  243,  259.  — 

C^,  86,  232,  230,  258. 
BouzARÉA.  —  A,  101,  163,  175, 

176,  183  à  183,   187    à   189, 

191,  198,  207,  210  à  212.  — 

B',  31,  243. 
Braz.  —  C,  140,  147,  153. 
Bhezixa.  —  es  9,  10,  129. 
BriiiiiA.  —  I!',  277.  —  ^^  193. 


Cadix.  —  C,  3.39,  343,  365. 

(^AKÉ  DES  Pl.ATA.\ES.  —    B*,   441. 

Camp  d'Krlov.  —  B',  338.—  B*, 


400 


INDEX    GÉOGRAPHIQLE. 


Camp    de    l'Arba.    —    B-,   369, 

392,  394,  422. 
Camp  de  la  Tak.va.  —  B-,  73,  77, 

82,  19.5,  197,  208. 
Ca.xine  (cap).  —  A,  42, 102,  204. 
Chab-el-Keta.  —  B-,  443,  479. 

—  C,  71. 
Chapelle-et-Fo.\tai.\e.  —   A, 

170  à  172.  182àl84,  20G. 
Chélif.  —  Bi,  50,  309,312,  3.57, 
363,  367,  368,  370,  386.  —  B'^, 
32,  59,  77,  111,  J9;j,  199,  214, 
390,  442  à  444,  446,  452,  455, 
464.  —  C,  18,  20,  23,  25,  49, 
54,  100,  113  à  117,  123,  124, 
131,  134,  135,  146,  152,  153, 
173,  175  à  178,  180,  181,  204. 

—  C%  18,  20,  46,  7J,  73,  78, 
95. 

Chellala.  —  C2,  93,  129. 
Chenoua.—  b-,  221.—  C',169. 
Chekchel.  —  B',  358,  3.59,  368. 

—  B2,  6,  390,  414,  415,  425, 
427,  444,  458,  462.  —  C',  109, 
113,  118,  119,  159,  166,  167, 
169. 

Ghel-rfa.  —  C,  54,  201.  —  C^, 
209. 

Chiffa.  —  B',  27,  28,  38,  69, 
93,  119,  120,  368.  —  B^,  8,61, 
64,  108,  111,  199,  221,  303, 
396,  399,  403,  415,  421,  422, 
425,  438.  — C,  122,  149. 

Chott.—  G«,  133  à  135.  —  C-, 
6,  9,  76,  93. 

Chreub-ou-Heureub.  —  B-,  217, 
218,  220. 

Coi.  DE  MouzAÏA.  —  Voir  Té- 
nia DE  MoUZAÏA. 

Coi.i.o.  —  C,  257.  —  C-,  212, 

268.  274,  290  à  292. 
CoMPiÈG.NE.  —  B^,  229,  230.  236 

à  238. 

CONSTANTI.NE.  —  A,   243,  250. — 

B',  272,  373.  —  B^,  36,  37, 
112,  113,  118  à  123,  129,  138 


à  141,  143,  146,  147,  157,162, 
174,  176  à  178,  181,  183,  188, 
189,  225,  227,  228,  230,  231, 
238,  242,  244,  255  à  257,  262, 
267,  268,  277,  280,  290,  294  à 
297,  300,  319  à  327,  331,  334 
;i  339,  342,  348,  304,  372  à 
374,  376,  399,  410,  411,  463, 
483,  484.  —  C,  10,  11,  198, 
241,  242,  2.53,  262.  —  C^,  100. 
Coldiat-Atv.  —  B-,  141  à  144, 
149,  150,  152,  155,  157,  158, 
169,  257  à  264,  266,  267,  271. 
273,278,291. 


D 


Dahra.  —  C,  54,  115,  152,  153, 

158,   159,  165,  166,  173,  175, 

177,  181,  181.  —  C2,  13,  19, 

20,  25,  45,  78,  96,  124. 
Dar-el-Atchoux.  —  B-,  71,76. 
Daya.  —  C'-,  8,  28,  68,  73,  128, 
Dellys.  —  A,  106.  —  C>,  293, 

300,  319,  373,  374.  —  C^,  25, 

26,  80,  221,  359. 
Dely-Ibrahim.  —  A,   167,  169, 

177,  181.—  B',  30,  171,  181, 

184,  192,  338.  —  B^,  369. 
Djafra.  —  C,  84,  133,  134,  231. 

—  C^  8,  68. 
Djebel-Amour.  —  C,  188,  190, 

276.  —  C-,  6,  86,  87,  90,  299, 

300,  .303. 
Djebel-Dakla.  —  B',  46.  —  B-, 

467,  470.  —  C,  107. 
Djebel-Dira.  —  C,    149,  171, 

259.  —  C-2,  25,  79,  8),  99. 
Djebel-Enfous.  —  B-2,  429,  434, 

435. 
Djelfa.  —  C-,  302. 
Djemila.  —  IV-,  341  ù  343,  362, 

363,  410,  412. 
Djemma-Ghazaouat.  —  c,  330, 

347,  364,  370.  —  C^  13,  53, 

54,  56  à  38,  63,  65,  70,  97,  99, 


INDEX   GÉOGRAPHIQUE. 


401 


Djekdel.  —  B',  369.  —  B3,446, 

452.—  C,  124,  126,  146,  147, 

153,  166. 
Djérid.  —  "82,  410,  411.  —  C, 

51.  —  C2,  331. 
Djidda. —  C,  205,  208. 
Djidjeli.  —  B-,  337,  359,  361, 

375,   414.   —  C,  377  à  379. 

—  C2,    134,  212,  267,  269  à 

271. 
Djurdji-ra.  —  BS  216.  —  C, 

151,291.  —  C2,  25,  81,83,  85, 

136,  212,  213,  220,  261,  290, 

342,  343,  350,  360,  374. 

DOUAIR   ET    S.MELA.    —    B',      150, 

153,  221,  222,  288,  291  à  293, 
309  à  311,  374,  376,378  à  380, 
386,  400.  —  B2,  11,  14  à  10, 
40  à  47,  51,  69,  71,  74,75,78, 
85,  88,  92  à  94,  195,  407,485, 
486.  —  C,  9,  32,  56,  .58,  68, 
101,  133,  200,  202,319.—  C>\ 
68. 

Douera.  —  B',  30,  194,  241, 
242,  263  à  265,  268,  337,  338, 
370,  372,  392,  393,  395,  473. 
C,  42,  218,  219.  —  C-,  80. 

Dra-el-Mizane.  —  C-,  276  à 
278,  319,  352,  353,  359. 

Dréax.  —  B2,  124,  126,  127 


Edougii.  —  B",  245.  —  C,  245, 

246,  253,  258.  —  C^,  284. 
Egiiris.  —  C,  45,  50,  54,  58,  59, 

GO,    83,    132,   135,    184,    200, 

203. 
Kl-Afrou.\.  —  B^  422,  423. 
El-Arouch.  —   B2,  323,  337  à 

339.  —  C,  11,  2i7. 
El-Arolïa.  —  G-,  10. 
El-Beïda.  —  G-,  86,  87,  90. 
El-Biod.  —  G2,  9i,  306. 
El-Bori)J.  —  B2,  28,  33.  —  G', 

38,  46,  57,  140.  —  G-,  69. 
>>. 


El-Esxam.  —  C,  176,  177,  179 

à  181,  185,  196,  204. 
El-Fhas.  —   B',  24,  171,  241, 

333. 
El-Kantara.  —  G',  263  à  265. 
Kl-Olffia.  —  B',  95,  96,  173, 

174,  195. 


Ferdjioua.  —  B-,  337,  377.  — 

C2,  305,  319. 
Ferme  du  dey  d'Ora.x.  — B',  11, 

30. 
Ferme  modèle.  —  B',   21,   22, 

26,   120,   127,    129,   130,   132, 

177,  179,  182,  263.— B2,  441. 
Fez.  —  B',  73,  74,  107.  —  B% 

373.  —  G',  337,  .342,  343.  — 

G^,  87,  1.57,  160,  167. 
Fezzara  (lac).  —  IJi,  212,  270. 
FiGUiG.  —  B2,  352.  —  G',  369. 

—  G2,  28,  94. 

Flissa.  —  A,  247.  —  B',  125, 
186.  —  G',  293,  296  à  300.  — 
G2,  82,  221,  277. 

Flisset-el-Bahh.  —  G',  373, 
374. 

Flh TA.  —  B',  367.  —  B-,  3.52. 

—  G'.  54,  57,  83.  98,134,135, 
138,  140,  141,  144,  153,  172, 
183,  203,  205,  210.  —  G-,  3, 
46,  209. 

FoxnouK.  —  \V-,  332,  309,  381, 
392,  394,  421,  474.  —  G'.  11. 

Fort  de  l'Eau.  —  B',  194.  237, 
207,  307. 

Fort  l'Empereur.  —  A,  14.  115, 
150,  181,  183,  188  à  l!tO,  192 
à  194,  190,  198.  200  à  202, 
209  à.  215,  220,  237. 

Fort  Natio.nal.  —  G*,  368.  371. 

Fortassa.  —  G',  35,  30,  98. 

FouKA.  —  C-,  38. 

Frenda.    —  G',   99,    1.35,    137, 
140.  —  G-,  73,  76,  93,  94. 
26 


402 


INDEX   GÉOGRAPHIQUE, 


G 


GÉRYViLLE.  —  C^  94,  306,  327. 

Gharaba.  —  B',  219,  222.  275, 
277,  374,  378,  381,  380.  — 
B-,  59,  77,  405.  486,  487.  — 
C,  93,  133,  200.  —  C-\  68. 

Ghelma.  —  B',  273.  —  B^,  126, 
130,  132  à  134,  172,  177  à  180, 
227,  228,  244,  250,  251,  411. 

—  Cl,  H. 

Ghossel.  —  C.  90,  101.  -  C-, 

70,  107. 
Gibraltar.  —  B^,  12,   373.   — 

C  339. 
Gontas.  —  B2,  443,  453,  478, 

479.  —  G',  71,  169. 
Goudjila.  —  C',  136,  142,  186, 

188.  —  G-',  75,  76. 
GouRAÏA.  —  B',  245,  252,  256, 

258,  259. 
GUECHTOULA.    —    G^    82,   220. 

221,  276,  353,  354. 
GuERouAOU.  —  B',  235.  —  G', 

110. 

H 

Habra.— B',  387.— B2,  11,18, 
22,  24,  26,  40,    42,  59,    111, 

480.  —  G',  60,  67,  84,  114. 
Hachem.  —  B',  217.  —  B2,  28, 

50,  352.  —  G',  50,  55,  59,  60, 
64,  65,  67,  83,  84,  89,  96,  98, 
99,  102,  104,  131  à  135,  141, 
184,  189,  200,  203.  329,  330. 

—  C\  88. 

HAD.IOUTES.  —  B',  28,  119,  238, 
245,  200,  261,  204  à  266,  312, 
335  à  338,  367,  372,  375.  — 

—  n\  8,  9,  60,  181,  182,  221, 
301,  313,  354,  382,  383,  422, 
441,  473.—  G',  109,  119,  140, 
109. 

IIai.i.oui.a  (lac).  —  B',  337.  — 
B'-,  9,  221,  422,  424. 


Hamiane.  —  C-,  211,  217,  313. 
Hamise.  —  B",  237,  240,  266.  — 

—  B2,  306,  307,  332. 
Hammam-Berda.  — B2,  172,  228. 
II  ammam-Meskoutine.  —  B-,  249. 
IIamza.  —  B-2,  339,  341,  380.  — 

C-,  82. 
IIanencha.  —  B2,  124,  337.  — 

G',  248,  2.j8. 
IIaouch-Mouzaïa.  —  B',  38,  65, 

IIO;  119,  120.   —  B2,  7,  63, 

67,  425,  427,  436,  440,   447. 

449,   479.  —  G',   13,  14,  42, 

109. 
Harakta.  —  B2,  337,  339,  339, 

411,  412.  —  G',  258.  —  G^, 

294,  295. 
Harar.   —   G',   135,   136,  138, 

141,  143,  203.  —  G-',  27,  69, 

78,  92. 
IIarrach.  —  A,  242,  270.  —  B", 

10,  19,  20,  21,  27,  30,  97,  126 

à  129,  173.  263.  —  B^,   369, 

387.  —  G',  121. 
Hauts  Plateaux.  —  G",  8,  60, 

64,   83,   133.    135,    143,    177, 

186,  212,  243.  —  G-,  78. 
IIiLLiL.  —  G',  58.  114.  110. 
lloDNA.  —  G',  243,  239.  —  G^. 

100,  230,  234,  230,  258. 
Hussein-Dey.  —  B',  126.  —  B^, 

441.  474. 


I 


IsLY.  —  G',  341.  342,  353,  334, 

360  à  362,  360. 
Isser  (ouled).  —  B',  177.  —  B^ 

217,  218,  220,  475. 
Isser  oriental.  —  B',  178.  — 

B2,  217,  304,  333,381,  475.— 

G',  150,  131,  171,  293,  300.— 

C\  80,  212. 
Isser  occidental.  —  B-,  44,  50, 

31,  89  à  92.  94,  90.  —  G',  90, 

92.  —  G^  08. 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE, 


403 


K 

Kabylie  (Grande).  —  C,  290, 
374,  377  à  379.  — C^,  79,  134, 
135,  141,  142,  192,  212,  219, 

261,  266^  267,  290,  314,  342, 
343,  343   332,  371. 

Kabylie  (Petite).  —  C^,  212, 
213,  267,  269,  290,  318,  319, 
326,  342. 

Kara-Moustafa.  —  B-,  332, 
369,  392,  394,  474,  473. 

Kareza  (bois  des).  —  B',  264. 

—  B^,  61,221,  422.  —  C',HO. 
Karoubet-el-Olzri.  —  B-,  442, 

479. 
Kasba  d'Alger.  —  A,  8,  9,  11. 

—  A,  36  à  .39,  107,  112,  19i, 
193,  202,  213,  214,  224,  226, 
227,  230,  232  à  234,  238,  231, 

262,  272.  —  B',  3,  5. 
Ker.uch.  —  C,  144,  133,  203, 

205.  —  C^  77. 
Kergue.nta.   —    B',    148,    219, 

222,  274. 
Khachna.  — B'.  28,  93.  96,  119, 

174,  176,  193,  260,  262,  267, 

335.  —  B^  30't,  371.  —  C, 

150. 
Koléa.  —  B',  58.  93,  123,  134, 

170,  180,  184,  187,  240,  260, 

338,  368.  —  B2,  36,  199,  221, 

332,  333,  370.  392,  39i,  396, 

400,  461.  —  r,',  26,  43,  109, 

121,  237.  —  C-,  80. 
Koubba.  —  B',  171,  192.  —  B^, 

369,  .372,  474. 
Ksar-Kuoucii.  —  C^  283,  341. 

344. 
Ksouii.  —  C^,  6,  93,  129.   217, 

300. 


La  Galle. -B',  272.- B^  36, 
227,  323,  353,  48  i. 


Laghouat.  —  B2,  353.  —  C, 
274,  281  à  283.  —  C^  128, 
299,  300,  302  à  312,  327,  332, 
333,  333. 

La  Goulette.  —  B-,  226. 

Lalla-Maghma.  —  C,  304,  309, 
312,  314,  313,  317,  318,  346, 
347,  333,  36i,  368.  —  C^  31, 
58,  64,  163. 

Larba.  —  B2,  331.  —  C,  212. 
—  C\  299,  300,  313,  328,329, 
330. 

Le  Figuier.  —  B',  220,  273, 
276,  288,  290,  291,  378,  379, 
392.—  B2,  12,  14,  16,77,483, 
486.  —  C,  43. 

LicHANA.  —  C^  228,  231,  233, 
240. 

LoHA.  —  C,  132,  142. 

M 

Macta.  —  B',  282,  387,  391, 
400,  403,  404.  —  B^,  5,  8,  10, 
M.  22,  26,  31,  39,  40,  76,  79, 
189.  198,  48i. 

MvKi.MA.  —  B",  338.  —  B'-,  221, 
370.  —  G^  38. 

Mahox.  —  a,  75,  239,  271. 

Maison-Carrée.  —  A,  243.  — 
B',  26,  86,  96,  104,  107,  126, 
127,  173,  173  à  177,  179,  181, 
194.  263,  267.  —  B^  332,  369, 
474,  473.  —  G',  150. 

Mansoura.  —  iV-,  139  à  143, 
143  à  147,  149  à  131,  154,  155 
il  157,  139,  253  ù  238,  260  à 
262,  266,  267,  271,  273,  278. 

.Maroc.  —  B',  215,  271,  :{86.  — 
B-,  36,  37,  105,  107,  326,  331, 
3.32,  .373.  —  G',  48,  303,  320. 
326,  332,  367.  —  G-,  133. 

Marseille.  —  A, .73,  91,  263.  — 
B^  79,  192,  343. 

Mascara.  —  B',  151,  215  à  217. 
225,  274,  278,  294,  303,  305, 
26. 


404 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE, 


313.  33o.  357,  3o!),  3liJ,  367, 
369,  37:2,  376.  —  B^,  \2,  14, 
27  à  31,  3a  à  37,  39,  H,  77, 
305,  317,  318,  353,  354,  384, 
390,  417,  418. —  C«,  9,  10,  33 
à  38.  44  à  47,  56,  57,  59,  60, 
67,  09,  82,  83,  80  à  89,  94,  9C, 
98,  100,  131  à  133,  137,  138. 
141,  145,  173,  175,  176,  208, 
235.  —  C^,  68,  71,  93,  94. 
Matifou  (cap).  —  A,  223.  — 15-, 

113. 
Maz.\fr.\n.  —  B'.  93.  —  B2,  00. 
Mazagran.  —  B>,  283,  305,  .386. 
—  B^  35,  77,  198,  313,  405  à 
407,  409,  412. 
Mazoùna.  —  C,  173. 
MCHOUNÈCHE.  —  C',  266. 
Médéa.  —  A,  243.  —  B',  23,  46 
à  52,  61  à  68,  74  à  76,  108  à 
111,   114,  115,   170,  215,  216, 
335,  342,  358,  359,  307  à  371, 
373.  —  B2,  5,  36,  62,  60  à  68, 
107,  108,  215,  305,  307,  319, 
390,  418,  4.37,  440  à  451,  454, 
455,  458,  404  à  471,  473,  477, 

482.  —  C,  8,  9,  11  à  14,  17, 
70  à  73  94,  120,122,  123,  149, 
176.  —  C-,  70. 

Medjaxa.—  B2,  .337,  362,  412, 

483.  —  C,  243.  —  C2,  305. 
Meujeher.  —  C,  49,  50,  53,  54, 

50,  59. 

Medzerga.  —  B-,  484. 

Melilla.  —  C2,  108,  110.  l\-2. 
156. 

Meouixez.  —  B-,  107. 

Mers-el-Kebir.  —  A,  55,  257, 
200  —  B',  73,  70,  79,  148  à 
151,  282,  291,  292,  310,  3.57, 
377,  393,  395,  402.  —  B^,  5, 
13,  15,  374.  —  C,  319,  338. 

Metidja.  —  A,  187,  223,  240, 
270.  •-  B',  10,  24,  25,  27,  28, 
40.  50,  77,  92.  102,  105,  125, 
136,  169,  177,  238,  242,  209, 


318,  3.35,  368,  375.—  B^,  182, 
■  198,  215,  216,  218,  221,  222, 
303,  306,  332,  334,  370,  375, 
382,  384,  387,  421,  427, '441, 
455,  460,  473.  —  G',  11,  26, 
41,  HO,  117,  120,  121,  123, 
146,  150,  158,  159,  108.  —  C^, 
79,  81. 

Metlili.  —  G-,  329,  331,  334. 

MiLA.  —  B^,  322,  339  à  311, 
344,  359,  302,  370,  377.  —  G^, 

268,  269. 

MiLiAXA.  —  B',  50,  54,  170,  215, 
216,  358,  359,  367  à  369,  373. 
—  B2,  5,  6,  8,  9,  36,  107,  181, 
215,  ^22i,  222,  305,  333,  390, 
418,  442  à  445,  449,  453,  455, 
462,  473,  477  à  483.  —  C',  8, 
9,  11,  12,  16  à  21,  70,71,  118 
à  120,  122,  124,  127,  128, 
167,  169,  176,  178,  J79,  220, 
2i[. 

Mina.  —  B^,  59.  —  G',  54,  56, 
58,  83,  98,  100,  114,  116,  138, 
143,  144,  153,  158,  175.— G^, 
71,  76. 

MissERGHiXE.  —  B',  224,  277, 
292,  293,  310,  377.  —  B^  11, 
405,  407,  409,  485. 

Mjez-Ahmar.  —  B-,  134,  163, 
172,  181,  228  à  230,  246,  2o2, 

269,  294,  295,  301,  323. 
Mléta.  —  B',  288,  294,  370.  — 

B^  42. 
MoGADOR.  —  G',  349,  350,  365. 
Moghar-Fouka.ni.    —    G-,    128, 

218. 
Moghar-Tahtani.    —    C-,    128, 

218. 

MOSTAGANEM.    —     B',     150,    152, 

215,  224,  281  à  288,  300,  302, 
307,  311,  357,  359,  365,  381, 
386.  —  B2,  26,  32,  34,  35,  77, 
111,  198,  21»,  372.  —  G',  10, 
30,  32,  46  à  50,  52  à  57,  68, 
69,   80,  88,   89,   93,  94,   114, 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE. 


405 


139,  166,  173,  176,  204.  —  C^ 

71. 
MouiLA.  —  C,  324,    327,   341, 

342. 
MOULEY-I.SMAEL.  —  B',  383,  386, 

387.  —  B2,  11,  15,  16. 
MouLouï.\.  —  C2,  1,  2,  88,  161, 

168,  170. 
Moui5AÏ.\.  —  B',  28,  39,  41,  337, 

367.  —  B\  7,  9,  454.  —  G', 

119. 
Msir.A.  —  C,  243,  244. 
MsiUDA.  —  C2,  37,  60,  63. 
Mu.stapha-Pacha.  —  B',  81,  107, 

d30,  132,  263,  474. 

MZAU   ET  MZABITES.    —    B",    352. 

—  G2,  299,  311,  327  à  329. 
Mz.VïA.  —  B",  2i8.  —  C'-.  2J2. 

N 

Nador.  —   B",  06,    369.   —  B-, 

432,  451. 
Nahr-Oua.'^sel.  —  C,  123,  135, 

138,  214.  —  G-,  78,  79. 
Nar.\.  —  c?-,  239  à  261. 
Nei;h.meïa.  —  B3,  228,  301. 
NEDno.MA.  —  C,  101.  —  C^  58, 

63. 
Ne.me.\cha.  —  C,    250.  —   G-, 

101,  104,  103,  263,  294,  295. 
Nemours.  —  G^,   99,  112,   165, 

178. 
Nezlioua.  —  G",    131,    171.  — 

G^  82. 
Ngaous.  —  G',  26i,  271. 


0 


Orax.  —  A.  236,  237,  266.  — 
B",  79,  92,  144,  145,  152,  13;;, 
213.  219  à  221,  274,  277,  292, 
300,  302,  303,  305,  307,  311, 
313,  332,  310,  3.56,  3.37,  .364, 
373.  .396.  — B^  10.  13.  .33,59, 
77,  181,  193,  198.  209.  210. 
213,  300,  311,  320,  372.  .37 'k 


483,  480.  —  C,  9  à  11,  29, 
52.  68,   69,   8.3,   93,   94,    100, 
114,  129. —  G2,  68. 
Orléansville.  —  C,  20i,  210. 

—  Gâ,  15  à  19. 

Olamri.  —  Bi,  369.  —  B^,  446. 

Ouaren-se.ms.  —  G',  152,  133, 
133,  137,  158,  165,  166,  173, 
181,  182,  184,  186,  204,  203, 
210,  233.  —  G2,  18  à  20,  25, 
43,  46,  78,  93,  96,  209,  374. 

Ol'are.xsexis  (grand  pic). —  G', 
13k  181.  196. 

OuARGLA.  —  C-,  299,  .329  à  332, 
334,  333. 

OuDJDA.  —  G',  31,  139,  302,  303, 
310,  312,  313  à  318,  323,  327, 
.328,  .333,  333,  361. 

Oled-Akmimine.  —  B-,  138,143. 

OUED-BOIKTOUXE.     —     B-,    378, 

379. 
OuED-BouTANE.  —  B".  4i3,  479. 

—  G',  18,  22,  23. 
Oleî^-Brioja.   —    A,    137,   139, 

140,  146,  147,  133,  158. 
OuEn-DEURDElR.     —     G',     125, 

149,  152,  loi. 
OiEn-DjER.  —  B',  201.—  B-',  8, 

221,  422,  423,  413.—  G',  119, 

169. 
Oued-Djioidlïa.  —  G',  153. 
Oued-el-Abi).  —  G',  65,  203. 
OuE0-Ei.-Ai.LEG.—  \y-,  369,  .387, 

.396.  .397,  399,  403.— G",  178. 
OuED-FoDDA.  —  B',  386.  -  B», 

333. -G',  107,  llo,  147,153, 

151,  155,  181. 
OuED-GnAZIiK.  —  B-.  70,  71. 
Oued-Kerir  (près  IMida).  —  B', 

33.  —  B-,  333.  39 i.   393.  397. 

403. 
Ol'eii-Kkiiir    (KabYlio).    —   G-, 


()i:eii-Kerm  \.  —  \,  103  à  167, 
lO'.l,  173.  177.  178.  181.  251. 
—  151.  10.  21,  92.  131.  182. 


406 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE. 


Oued-Khadra.  —  B2,  199,  303, 

304,  307,  381. 
Oued-Maoussa.  —  C',o8. 
OuED-RiGH.    —    C-,    33i,    335, 

337,  338,  37.D. 
OuED-Riou.— C,  142,  144,  153, 

155,  158,  203.  209.  —  C^,  73. 
OuED-RouixA.  —  C,  152,   154, 

181. 
Oueo-Sahel.  —  B'-,  3,39.  —  C, 

-151.  _C2,  137,212,213,261, 

262,  268,  341,  342,  349,  351, 

360. 
Oued-Sly.  —  C,  153. 
Oued-Zeïtoux.  —  B2,  304,  305, 

307. 
Ooed-Zexati.  —  B-,  1.35,  247, 

255. 
Ouexnougha.  —  C-.  25,  128. 
Ol'izert.  —  C-,  69. 
OuLAÇA.  —  B2,  51.  —  C,  240. 
Ouled-Attia.  —  B',  270.  —  B^, 

122. 
Ouled-bol-Aziz.  —  C4-,  25. 
Ouled-Brahim.  —  C  206  à  208. 
■    —  C2,  5. 
Ouled-Djolxès.  —  C-,   14,   15, 

19,  45. 
Ooi.ed-Fayet.  —  C,  26. 
Ouled-Kheuf.  —  C,  136,  141, 

143. —  C2.  69,  72,  78,  92. 
Ouled-Naïl.—  c,    212,    259, 

274,  376.  —  C^ll,  86,  87,90, 

92,  208,  2.34,  299,   300,   312, 

328,  330. 
Ouled-Radjeta.  —  B^,  122. 
Oi'LED-RiA.  —  c,   153.  —  C^, 

21  à  23,  25. 
OuLEn-Sini-CHEiKii.  —  C,  309. 

—  C2,  10,  !)0.  93,  9i,  300,  304, 
328. 
OULED-SOI.TAXE.  —  C,  264,  269 

à  272. 
Ouled-Yava.  —  C^  101  à  105. 
OUSSERK.  —  C,  188,  190. 
OuzRA.  — B?,67,466.—  C,  123. 


Palma.  —  A,  105,  108,  114,  150, 

162. 
Philippeville.  —  B2,  338,  339, 

359,    361,    372,    375,  376.    — 

—   C,  246.  —   C^  222,  268, 

269. 

PORT-AUX-POILES.  —  B',  282. 

Port-Vexdres.  —  B-,  13,  79. 


R 


Rachgoux.  —  B',  401.  —  B2, 12, 

50  à  53,  58,  69,  78,  197. 
Ras-el-Aïx.  —  RI,  148,  220. 
Ras-el-Akba.  —  B^  135,    163, 

172,  173,  180,  247,  255. 
Rassauta.  —  A,  243.  —  B',  194, 

237,  267. 
Rassoul.  —  C2,  9,  129. 
Regaïa.  —  B^  220. 
Relizaxe.  —  C-,  47. 
RiF.  —  B2,  51,   105.  —  C2,   2, 

153,  155,  156. 
RiGHA.  —  B',  109.  —  C,  123. 
Rio-Salado.  —  B2,  198,  485.  — 

C,  91. 
RouMMEL.  —  B-,  140  à  142,  144, 

150,  1.52,  154,  155,  158,  257, 

261,271,  290.  —  C2,  213. 
Rusicada.  —  B2,  323,  338. 


Safsaf.  —  B^  45,  85,  91. 

Sahara.  —  B',  368.  —  B^,  347 
à  349,  418.  —  C,  51,  212.  — 
C2,  9,  217,  327. 

Sahel  d'Algeu.  —  A,  170.  — 
B',  24,  27.  3.38.  —  B^,  303, 
.370,  387.  388,  424,  441,  460, 
461,  473.— C,  12.  26. 

S.UDA.  —  B^  373,  418. —  C,  8, 
60,  62  à  65,  133,  304,  305,  310, 


INDEX   GÉOGRAPHIQUE, 


407 


330.  —  C2,  8,  28,  69,  73,  129. 
Sbéa.  —  C,  133,  180.  —  C^  3, 

17,  20. 
Sdama.  —  C,  8.3,  98,  138,  1  iO, 

143. 
Seba  Chiourk.  —  B-,  90. 
Sebaou.  —  B^,   3.54,   418,   475. 

—  C,  150,  loi,  171.  —  C^ 
127,  128. 

Sebaou  (oued).  —  B^,  307,  335. 

—  C,  294,  373.  —  C-,   213, 
221,  341,  342,  349,  351,  357. 

Sebdou.  —  C,  8,  GO,  93,   301, 

330.  —  C2,  8.  28,  68. 
Sebkiia.  —  B',  219,  292,  376.  — 

B2,  12,  198. 
Sersou.  —   C,    125,   135,    J36, 

138,  141,  142,  187,  189,  213. 
Sétif.  — B2,  147,  337,  339,  341, 

358,  362,  363,  376  à  378,  380, 

412,   484.  —  C,   11,  243.  — 

C2,  100,  137. 
Seybouse.  —  B',  209,  214,  2i6, 

271,  273.  -  B^  126,  133,  134, 

163,  172,  173,  181,  246,  248, 

249. 

SlDI-ABD-EL-IvAnEK.    —    B",   443, 

453.  —  C,  23. 
Sidi-Ali-Tamjihet.   —   B-,  432, 

434. 
Sini-AnziNE.    —    15',    126.    130, 

132,  133. 
Sidi-bel-Abbès.  —  G',  232,  235, 

330.  —  G2,  4,  7,  68,  70,  71. 
Sim-BEL-IlACEi,.  —  C,  56,  114, 

138. 
SiDi-BiiAiiiM.  —  V/-,  59  à  63,  67, 

68,  87,  97,  177. 
SiDi-nAiio.  —  C,  47,  88. 
Sidi-Fkiuiuch.    —    A,    42,    11.!, 

116,   117,  123,  149,  150,    1.37, 

162,  171,  172,  181  à  183,  206. 
Sim-HAïn.  —  B',  58  à   60,  69, 

182,  \8ï,  186,  242. 
SiDi-KiiAi,EP.  —  A,  163  à   175, 

177,  196,  200. 


Sidi-Lekhal.  —  C,  174,  175. 
Sidi-Mabrouk.  —  B-,  139,  146, 

159,  236,  260. 
SiDi-MciD.  —  B2,  140,  147,  233, 

256,  290. 
Sidi-Okba.  —  C,  264,   272.  — 

—  C\  243,  249. 
Sidi-Raghed.  —  C,  183. 
Sidi-Tamtam.   —  B2,   135,  170, 

247,  233,  411. 
Sidi-Yacoub.  —  B-,  74  à  76,  79, 

9i-,  189.  —  C.  90. 
Sidi-Yaya.  —  C,  236. 
Sini-YÉKLEF.  —  A,  165. 
Sidi-Youcef.  —  C,  233,  233. 
SiG.  —  B',  219,  310,   381,  383, 

383,  387.  —  B2,  11,   16  à  20, 

26,  35,59,  198,  483.  —  G',  60. 
SiKAK.  —  B2,  91  à  93,  95,   96, 

189,  192,  206,  311  à  .313,  424, 

452.   —  C,    2,    30,   92,    102, 

202. 
Skikda.  —  W-,  .323,  338. 
Smela.  —  Voir  Douaih. 
Smendou.  —  B^  337,  339.  —  G', 

11.  —  G2,  222. 
Somma.  —  B^  137,  162,  255. 
SouF.  —  c-,  245,  219,   334,  336 

à  338. 
SouiiAr.iA.  —  C-,  36,  57,'  58. 
Souk-Am.  —  H',  181.  182,  184. 
Souk-Ej,-AnBA  (Djendel).  —  B-, 

446,  432,  454. 
Souk-el-Arba  (Kabylie).  —  C*, 

301,  362,  .367  à  369. 
Soi!k-i;l-Miïou.  —  C,  49,  53. 
Soumata.  —  B',  28,  39,  41,  42, 

43,  2i6,  337,  367.  —  lî*,  7,  9, 

13 'f.  —  G',  26,  119. 
Sta(iiik[.i.  —  A,  113,  124,  i'.M, 

147,  148,  151,  152,  15i  il  1.36, 

158,  161,   162,   161,   165,  167, 

170  il  173,176,181  il  183,206. 

_  |{i,  89.  —  GS  39. 
SriTTEX.  —  G*,  9,  27,  93,  97. 
SioitA.  —  113.  ,323,  337,  338,375. 


i08 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE. 


Tadjemout.  —  B-,  3ol,  3o3.  — 
C,  276,  279,  281,  282. 

Tafna.  —  B',  401.  —  B2,  12, 
35,  50  à  52,  58,  69,  72,  74,  76, 
79,  90  à  92,  94,  107,  198,  202, 
214,  222,  223.  225,  298,  301, 
303,  306,  309,  311,  315,  317, 
319,  331,  334,  353,  384,  388, 
456.  —  C,  2,  90,  lOJ,  102, 
240,  309,  321,  326,  330.  —  C^, 
.50,  68. 

T.\FRA0UA.  —  B2,  418.  —  Cl,  92. 

Taghemaret.  —  C,  65,  205. 

Tagcuxe.  —  C,  136,  142,  188  à 
191,  198,  200,  276.  —  C^.  74, 
78,  180. 

Takdemt.  —  B2,  318,  321,  348, 
351,  334,  372,  383,  418.—  G', 
8,  10,  29,  32  à  35,  38,  40,  44, 
60,63,  131,132,  134,143,170, 
176,  222. 

Taxger.  —  Bi,  73,  74,  216.  — 
B^  12,  373.  —  C,  338,  343, 
347  à  349,  332,  367.  —  C^ 
107. 

Taourga.  —  C,  296. 

Taza.  —  B2,  373,  418.  —  C,  8,. 
29,  40,  43,  60,  63,  70,  125. 

ÏEBEssA.  —  C,  250,  231..—  C-, 
101. 

Tei.l.  —  B\  347,  3.30,  418.  — 
C,  8,  51,  00,  83,  135,  138, 
142,  163,  176,  181,  188,  200, 
275.  —  C-,  27,  76,  78,  92. 

Temda.  —  C^,  77,  78. 

Temzoura.  —  B',  29 i,  297. 

Tex-Sai.met.  —  B2,  408,  409. 

Te.nès.  —  C,  50,  119,  158,  139, 
176,  177,  180,  181,  183,  196, 
201.  —  C2,  15  à  17. 

Tema  de  Mouzaïa.  —  B',  39, 
44,  50,  53,  65,  75,  100,  111, 
115,  120,  133. —  B3,  7,  36,  65, 


66,  77,  428,  429,  436,  440,  449, 
432,  453,  470  à  472,  477,  482, 
489.  —  C,  1.3,  119,  123. 

Temet-el-Had.  —  C,  123,  149, 
170,  177,  179,  181.  —  C-,  72. 
75,  76,  79. 

Tessala.  —  ]i-,  la. 

TiARET.  —  C,  135,  138,  176. 
177,  179,  181,  184,  186,  190, 
201,  203,  214.  —  C^,  28,  69. 
71,  72,  75,  76. 

TiouTE.  —  G2,  128,  217. 

TiTTERi.  —  B',  358,  361,  362.— 
B2,  6,  36,  213,  216,  390,  403, 
484.  —  C,  11,  27,  123,  126, 
127,  129,  lie,  149,  138,  177. 

—  G-,  72,  84,  85,  92. 
TiXER.u.N.  —  B',  171.  —  B\  369. 
TizA  (col  de).  —  B',  99,  100. 
Tizi  (col  de).  —  B-,  361,  363. 
Tizi-Ouzou.  —  G-,  277,  351,  352, 

359,  367. 

Tliclate.  —  B',  273,  293,  379, 
383,  393.  —  B2,  16. 

Tlemcen.  —  B',  73,  9i,  130, 
215,  216,  224,  278,  311,  333, 
357,  363,  366,  369,  374,  376, 
386,  394.  —  B2,  12,  32,  35  à 
37,  39,  43,  43  à  47,  30  à  3i, 
56,  38,  83.  88  à  92,  96,  191  à 
193,  193,  196,  199,  20.3,  213, 
214,  305,  312,  373,  390,   418. 

—  G',  91  à  94,  100,  102,  175. 

—  G-,  70,  97,  98. 
ToLGA.  —  G',  272. 
Torre-Ghica,  —  A,  42,  55, 117, 

122. 
ToRRicH.  —  G',  138,  141. 
Tougourte.  —  G^  301,  331,  334, 

3.36,  337,  375. 
Toui.ov.  —  A,    43,  68,  78,  93, 

91,  90.  —  B',  252.  —  G^  186. 
Trara.  —  G',  90,  101,  316.  — 

G-,  50,  51,  50,  70,  106. 
Tripoli.  —  A,  109,  257. 
Tu.MS.    —    A,    89.   —    B",  32. 


373.  —  B2, 
31^8. 


INDEX    GÉOGRAPHIQUE 

226,  3i'3,  320 


i09 


Yakoubia.  —  C,  64,  84,  138, 
143,  20n,  232,  233,  236.  —  C^, 
93. 


Zaatcha.  —  C-,  227  à  257. 
Zab  et  Ziban.  —  B',  173.  —  B^, 
335,  3.53,  4)8.  —  C,  233,  263 


à  263.  —  C-,  226,  228  à  230. 

234,  305. 
Zaccar.  —  B2,  443.  —  C,  18. 
Z.^TiMA.  —  C,  153,  167. 
Zedoudj-Azara.  —  B',    13,   46, 

66,  111,  115,  369,  437,  452. 
Zerdeza.  —  C,  247,  252,  253. 
ZouAGHA.  —  G^  213,  214,  2-2'2, 

262. 
ZouAouA.  —  A,  271.  —  B^,  363. 

—  C^  221,  224,  225,  261,  268, 

289,  350. 

ZOUILANE.  C,   137. 


PALIS.  TYrocr,APiiiE  ije  £.  ri,ON,  .-vounniT  lt  c'"",  hue  gaiwncièue,  8. 


DT  Rousset,    Camille  Félix  i-îichel 
294-  La  conouete  de  l'Algérie 

R6  t. 2 

t. 2 


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